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Full text of "Journal de Physique, de Chimie et d'Histoire Naturelle"

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ter en Médecine de la Faculté de Paris, Professeur de Zoologie, d'Ana- | 
tomie et de Physiologie comparées, à la Faculté des Sciences! et à l'Ecole 

normale ; ex-Suppléant de M. Cuvier au Jardin du Roi etau Collége dé France, 
Membre de Ja Société, Philomatique, Membre de la Société Wernérienne- 
Edimbourg et de la Société d'Histoire naturelle de Dublin, etc. 


JUILLET an 1822. 


TOME XCV. 


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À PARIS, 


, B ACHELIER, Gendre Courcier, Successeur de 
e Ve Courcrer , Libraire, quai des Augustins, n° 55. 


TABLE 
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Mémoire sur la Décoloration et le Blanchîment des Sirops et Sucres; par 


M. C. Pajot des Charmes, Page 5 
Mémoire géologique sur l'Allemagne; par A. Boué (Suite), Eu 
Description d'un animal nouveau qui appartient à la classe des Echino- 

dermes ; par L. Rolando, 49 


Extrait d'un Mémoire intitulé : de l'Influence du mouvement sur les direc- 
tions spéciales qu'affectent certaines parties des végétaux , lu à l'Aca- 
démie royale des Sciences , le 29 juillet 1822, par M. CAR 2 5g 

Tableau météorologique ; 62 

Recherches de quelques minéraux trouvés dans la terre neo nou- 
vellement découverte (Nouvelle Shetland du Sud); par M. Thomas 
Stewart Trail], 64 

Recherches anatomiques sur quelques conduits particuliers et très remar- 
quables , appartenant aux organes de la génération femelle de quelques 


animaux ; par M. H. Gartner, 66 
Lettre à M. Ampère, Membre de l'Institut de France , etc. ; 68 
Note sur l’analogue du Peigne des oiseaux dans l'œil des reptiles et des 

poissons ; par M. H. M. D. de Blainville, 72 


Errata , zhid.. 


JOURNAL 
. DE PHYSIQUE. 


JOURNAL 
DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE, 
D'HISTOIRE NATURELLE 


ET DES ARTS, 


AV EC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
Par M. H.-M. DUCROTAY pe BLAINVILLE, 


Docteur en Médecine de la Faculté de Paris, Professeur de Zoologie, d'Ana- 
tomie et de Physiologie comparées, à la Faculté des Sciences et à l'Ecole 
normale ; ex-Suppléant de M. Cuvier au Jardin du Roi etau Collége de France, 
Membre de la Société Philomatique, Membre de la Société Wernérienna 
d'Edimbourg et de la Société d'Histoire naturelle de Dublin, etc, 


JUILLET 4n 1822. 


TOME XCY. 


A PARIS, 


Chez BACHELIER, Gendre CovurciEer, Successeur de 
Mx Ve Courcrer, Libraire , quai des Augustins, n° 55. 


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JOURNAL 
DE PHYSIQUE, 
DÆ CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELEE. 


JUILLET an 1822. 


MÉMOIRE 


Sur la Décoloration ou le Blanchiment des Sirops et 
| Sucres; 


Par M. C. PAJOT DES CHARMES. 


E, décoloration des sirops et sucres présente un problème dont 
la solution intéresse singulièrement les sucreries et les raffineries. 
Ayant eu occasion de n'en occuper sousle rapport des rafline- 
ries, je vais faire connaitre les différens moyens qui m'ont réussi, 
Néanmoins, avant d'entrer dans les détails des procédés que j'ai 
suivis, je pense qu'il convient de donner une idée sommaire de 
ceux usités dans ces établissemens, pour éclaircir les sirops, puis- 
que ce sont ces procédés que j'ai eu principalement pour but de 
remplacer, 
Tome XCV. JUILLET an 1822, 1 


et 


LS 


6 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CAIMIE, 
Méthode générale de clarification des sirops dans les raffinertes. 


La méthode aujourd'hui en usage dans la plupart de nos raf- 
fineries pour produire le sirop connu sous le nom de clairce, des- 
tiné à être cuit, consiste à dissoudre à une chaleur au-dessous de 
80 degrés Réaumur, nne quantité donnée d’un sucre quelconque, 
soit brut, soit terré, soit de l’un et l’autre, mélangé dans des propor- 
tions convenables, selon la qualité du sucre en pain ou marchand 
que l’on veut obtenir, dans moitié enviro#du poids total desdits 
sucres, ou en eau pure, ou en eau de lavage des écumes, ou en un 
mélange de ces deux eaux , en ayant égard , pour cglte dernière, à 
la quantité de sucre qu’elle peut déjà tenir en dissolution ; à y ajou- 
ter uné dose déterminée d'albumine ou de sang de bœuf et de char- 
bon végétal ou animal, ou seulement de ce dernier ; à enlever les 
écumes qui s'élèvent à la surface du sirop; puis à verser le lout 
sur un filtre disposé en conséquence. 

La liqueur filtrée, qui alors prend le nom de clairce, et doit 
marquer au pèse-sirop de Baumé de 28 à 32 degrés, a acquis 
ordinairement, d’après les sucres employés, une couleur brunàtre, 
rougeàtre ou fortement ambrée, mais claire et transparente ; c’est 
dans cet état qu’elle est conduite dans la chaudière à cuire, afin 
d'y recevoir, à l'aide d’une chaleur vive poussée jusqu'au bouillon, 
Ja concentration nécessaire pour l’umener le plus promptement 
possible au degré 43 environ du même pèse-sirop. Ce degré est 
celui qu’exige la formation des cristaux saccharins par suite du 
refroidissement de la liqueur sirupeuse versée à cet effet , en temps 
opportun, dans les formes. Celles-ci débouchées pour l'ordinaire 
vingt-quatre heures après qu’elles ont été emplies, laissent écou- 
ler le sirop incristallisé, nommé sirop vert ou sirop couvert, selon 
qu’il sort d’un sucre terré ou non. Toutefois ces divers cirops 
sont toujours très colorés, et d’une nuance d'autant plus foncée, 
que pour les priver entièrement du sucre cristallisable qu'ils pou- 
Yaient contenir, il a fallu leur faire subir plus de cuissons parti- 
culières , en telle sorte que lorsqu'ils en sont pour ainsi dire Lotale- 
ment dépouillés, l’'eau-mère qu'ils présentent n’est plus qu'une 
substance noirâtre, gluante ou visqueuse et incristallisable, connue 
dans le commerce sous la dénominalion de mélasse. : 

Passons maintenant à l’emploide mes décolorans, qui sontle char- 
bon et Vacide muriatique oxigéné, où le chlore. Je vais successi- 
yement communiquer les procédés auxquels ils ont donné lieu, 


-— 


ET D'HISTOIRE. NATURELLE. £ 7 


élant appliqués, soit isolément, soit concurremment au blanchi- 
ment des sirops et sucres, 


Emploi du charbon. 


. On peut se servir du charbon végétal ou de celui animal ,’ou de 

J'un et l’autre mêlés en diverses proporlions ; je ne parlerai que 
du charbon animal, vu qu'employé seul, il est préférable. Je le 
considérerai toutefois employé à chaud:et à froid, non-seulement 
sur du sirop provenant de sucre brut de belle qualité, mais en- 
core sur du sucre terre de qualité inférieure, ou qui n’a recu 
qu’une terre ; les expériences sous l’un et l’autre rapport m'ayant 
paru les plus importantes, elles ont dù dès-lors fixer plus particu- 
lièrement mon attention. 


Première expérience faite à chaud sur du sirop de sucre brut , basse 
qualité. 


Tous les sucres bruts et terrés contenant des matières inso- 
lubles et fortement colorées, dont la quantité, qui s'élève souvent 
jusqu’à 6 kil. par quintal métrique de sucre, nuit à plusieurs égards 
à la décoloration du sirop , il devient très à propos de les en sépa- 
rer par voie de filtration , aussitôt la fonte du sucre. Par celte pre- 
mière expérience, on procédera ainsi qu'il suit : Prenez 50 kil. de 
sucre brut de basse qualité mélangé ou non ; dissolvez les dans un 
égal poids soit d’eau pure, soit de celle qui a servi au lavage, soit 
enfin de l’une et de l’autre, chauffée dans une chaudière ou bas- 
sine à ce destinée, à la température de 50 à 60° R. ; la dissolution 
élant complète , versez-la sur un filtre prêt à la recevoir. 

Cette première opération terminée , sur ce sirop filtré et re- 
versé dans la même bassine ou toute autre, mettez 5 kil. de 
charbon animalibroyé le plus fin possible ; mélez-le, à l’aide d’une 
spatule de bois, avec le sirop, en telle sorte qu'il n'en surnage 
que peu ou point ; faites ensuite chauffer la liqueur jusqu'à fré- 
missement ; cessez alors le feu, et versez aussitôt le tout sur un 
filtre préparé à cet effet ; retirez le sirop filtré de son réservoir, 
pour le porter dans la même chaudière ou dans toute autre à ce 
réservée; ajoulez-y 4 kil. de charbon animal , chauffez et remuez 
de même que la première fois, puis versez ce mélange sur ua 
nouveau filtre; la liqueur passée , remontéz-la dans la même chau- 
dière nelloyée à l'avance, ou dans une troisième disposée pour 


8 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, 
cela; ajoutez à ce sirop 3 Kil. du même charbon animal, agitez'et 
chauffez la liqueur et le charbon comme ci-devant, puis reuvoyez- 
les sur un nouveau filtre; le sirop passé, repompez-le pour le 
conduire dans la mêmé bassine où toute autre à ce destinée; 
ajoutez-y 2 kil..et demi de charbon animal, chauffez et remuez 
comme il a été prescrit, puis faites arriver le sirop mélé à son 
charbon sur un nouveau filtre. Reprenez ce sirop filtré, versez-le 
dans lamême bassine ou dans toute autre disposée pour ce sérvice ; 
ajoutez-y 1 kil. et demi de charbon animal, chauflez et agitez le 
mélange, ainsi qu'il a été recommandé, jusqu'à frémisséement , 
puis renvoyez le tout sur un cinquième filtre. Ce filtrage fini, de 
sirop se présente alors avec une couleur égale à celle de l’eau, ‘et 
marque au pèse-sirop de 30 à 32°. : 

Il suit de ce procédé exécuté à l’aide dé la chaleur, ainsi qu'on 
vient de le voir, qu'il faut, ; 

1°. Un filtrage de la dissolution du sucre, afin d'en séparer les 
substances insolubles. / 

2°. Cinq.passages de cette dissolution au charbon animal. , 

3°. Seize kil. de charbon broyé très fin, par 50 kil. de sucre 
dissous, pour procurer à son sirop, qui est toujours de couleur plas 
ou moins intense , et non transparent, la clarté et la transparence 
de l’eau pure. 


Deuxième expérience faite à chaud sur du sirop de sucre terre 
de basse qualité, lequel n'a recu qu'une terre. 


Le procédé décrit ci-dessus étant appliqué au sucre de pareille 
qualité et nuance, qui n’a recu qu’une terre, devient lrès avan- 
tageux, puisque trois passages au Charbon animal suflisent pour 
procurer à 50 kil. de ce dernier sucre fondu et filtré, ainsi qu'il a 
été dit, par rapport aux matières insolubles, le même degré de 
force, la même blancheur et clarté obtenus avec 5 kil, de charbon 
par la dissolution du sucre brut, avec cette différence néanmoins, 
dans l'expérience dont il s’agit, que pour de premier des trois 
charbons , on emploie seulement 5 kil. , pour le deuxième 4 kil. 
et pour le troisième 3 kil. ; au total, 12 kil. 

Je m'abstiendrai d'entrer dans le détail des traitemens divers par 
cette méthode, c’est-à-dire par l'emploi du charbon animal seul , 
appliqué aux autres sucres bruts et terrés. On ressent de réste 
que le nombre des passages et les doses de celte substance déco- 
lorante doivent être proportionnés aux qualités de lun ôù de 


- ET D'HISTOIRE NATURELLE. 9 


l’autre sucre, dont la couleur de leur dissolution est d'autant moins 
intense, et par conséquent plus facile à éclaircir, que la qua- 
lité du sucre brut, par exemple, approche davantage de Ja qualité 
du sucre terré à une terre, et que celle de ce dernier est plus 
voisine de celle propre au sucre raffiné, soit brut ordinaire, soit 
de première qualité. | 

Après avoir rendu comple des moyens que j'ai pratiqués pour 
décolorer promptement les sirops de sucre brut et terré par 
l'emploi du charbon et de Ja chaleur, je vais donner connaissance 
des résultats analogues que j'ai obtenus en traitant, avec le même 
décolorant et à froid, les mêmes sirops. 
Première expérience faite à froid sur des sirops de sucre brat et 

de basse qualite. 


Sur 50 kil. de sucre brut de basse qualité, fondu dans un égal 
poids d’eau ordinaire, à la température de l'atmosphère, j'ai mis 
le cinquième de ce poids en charbon animal pilé très fin. Je l'ai 
remué en tous sens dans la dissolution du sucre, pendant 10 mi- 
nutes; après 10 minutes de repos, j'ai renouvelé une seconde 
fois , pendant le même espace de temps, et la même agitation et 
le même repos ; après ce dernier, tout le mélange a élé versé dans 
un filtre. La liqueur qui en est sortie a été mêlée avec le septième 
‘du poids du sucre, en charbon animal; le remuement et le repos 
ayant eu lieu deux fois de suite, ainsi qu'il a élé prescrit lors du 
premier passage au charbon, le sirop a été versé comme dessus 
dans un nouveau filtre. Sur le produit de ce second filtrage, il a 
été versé un dixième du poids du sucre, en charbon animal; deux 
agilations et deux repos, chacun de dix minutes, ont été donnés. 
Une quatrième dose de charbon, égale à celle précédente ou à 
la troisième, a été ajoutée au sirop sorti du troisième filtre; enfin 
une cinquième dose pareille, du même décolorant, a été versée 
sur ce sirop provenant du quatrième filtre. Après une agitation 
et un repos répétés deux fois à la suite Fun de l’autre, pendant 
dix minutes, le sirop appartenant au cinquième filtrage était de 
Ja même couleur et de la même transparence que l'eau pure. 

Le premier procédé exécuté sans feu demande, ainsi que 
l'explique le détail ci-dessus, cinq passages au charbon et 52 kil. 
de cette substance, c'est-à-dire pour ce quila concerne, le double 
de ce qu’exige la décoloration de la même espèce de sucre brut, 
lorsqu'elle est faite à l’aide de la chaleur. 


Tome XCF. JUILLET an 1822. ; 2 


10 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Deuxième expérience faite à froid sur du sirop de sucre terré, de 
basse qualité, lequel n’a reçu qu'une terre. 


A 5o kil. de ce sucre dissous comme celui de l'expérience pré- 
cédente, c’est-à-dire à froid, il a été ajouté le cinquième du poids 
du sucre, en charbon animal; la même durée de l'agitation et du 
repos prescrits ci-dessus a eu lieu deux fois successives, avant 
de filtrer cette dissolution ; au produit de ce premier filtrage a été 
mélé un dixième du poids du sucre, en charbon qui, de même 
que celui précédent, a été agité et reposé deux fois chacune, 
pendant dix minutes avant de procéder au deuxième filtrage; un 
troisième passage au charbon, à la même dose d’un dixième, et 
un même nombre d’agitations et de repos ont été opérés avec le 
sirop sorti du deuxième filtrage ; le sirop provenant de ce troi- 
sième passage au charbon, après son troisième filtrage, s’est 
montré aussi clair et aussi transparent que l’eau pure. 

De cette expérience il résulte que pour 5o kil. d'un sucre 
terré qui lui a été soumis, il a fallu trois passages au charbon , et 
de cette dernière matière, 20 kil. pour l'entière décoloration de ce 
sucre, 

On vient de voir le résultat des traitemens faits à froid sur des 
sucres bruts et terrés de basse qualité. Celui offert par les deux 
expériences qui suivent a rapport aux sucres de l’une et l’autre 
espèce considérée comme de moyenne qualité. 


Première expérience faite à froid, à la température de l'atmosphère, 
sur du sucre brut regardé comme étant de moyenne qualité. 


Sur 50 kil. de ce sucre fondu comme le précédent, c’est-à-dire 
sans feu, il a été versé le cinquième du poids du sucre, en char- 
bon animal. Ce mélange a été agité pendant dix minutes et 
reposé ensuile le même espace de temps. À celte opération en a 
succédé une semblable, et de-suite un premier filtrage a eu lieu ; 
au sirop qui en est sorli ont élé ajoutés 8 kil de charbon; la 
même agilafion et le même repos du sirop ont été donnés deux 
fois; un deuxième fillrage a été donné aussitôt après. Une 
deuxième addition de 8 kil. de charbon a été faite à la liqueur 
provenant du deuxième filtrage; deux remuemens el deux repos 
semblables à ceux précédens ont été opérés; puis on a procédé 
au troisième filtrage. La liqueur qui est sortie avait la blancheur 
et la transparence de l'eau. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. II 


Trois passages au charbon et 26 kil. de cette substance ont 
sufli à l'entière décoloration de ce sucre. 


Deuxième expérience faile à froid sur du sirop de sucre de moyenne 
qualité, et qui a recu deux terres. 


On a versé 10 kil, de charbon animal sur 50 kil. du sucre ci- 
dessus fondu à froid; on a remué et laissé reposer deux fois de 
suite la dissolution , ainsi que dans les expériences qui ont pré- 
cédé , puis on a filtré. À la liqueur filtrée on a ajouté 6 kil. de 
charbon; on a remué et jaissé reposer, comme dessus, deux fois 
conséculives; on à fillré ensuite ce nouveau mélange; le sirop qui 


en est provenu s'est montré tout-à-fait décoloré, il avait la trans- 
parence de l’eau, 


Filtres à colonnes. 


Ayant remarque que par le procédé ordinaire de nos raflineries 
il restait dans leurs décolorans, dans leurs filtres et dans les di- 
verses écumes, le quart environ du sucre dissous; que par le pro- 
cédé ci-dessus, à chaud, il en restait à peu près le tiers, etenfin, 
par celui à froid, près de la moiïlié; que, d’autre part, la plura- 
lité des filtrages d'un mème sirop, nécessaires d’après mes pro- 
cédés, exigeait, soit qu'on opérät à chaud, soit qu’on opérät à 
froid, une grande perle de temps qu’il était essentiel de dimi- 
nuer, je me suis occupé des moyens de remédier à ce double 
inconvénient, par la disposition spéciale que j'ai donnée à mes 
filtres, que j'ai superposés les uns aux autres, en forme de co- 


lonnes. Du reste, ils fonctionnent à l’aide de la chaleur ou sans 
chaleur. 


Filtres à colonnes avec chaleur. 


Au lieu de placer mes filtres sur une ligne horizontale, à côté 
les uns des autres, je les ai établis en forme de colonnes, c’est- 
a-dire, sur une ligne verticale, et par conséquent les uns placés 
au-dessus des autres, en telle sorte que le sirop qui arrive coloré 
et sans transparence sur le filtre dépuratoire de ses matières in- 
solubles, passe immédiatement sur le premier filtre à charbon, 
et de celui-ci successivement sur les autres, jusqu’au dernier, le 
le plus près du réservoir, où il renvoie le sirop devenu clair et 
transparent comme de l’eau pure. 


2.. 


12 JOURNAL DE PIYSIQUE, DE CHIMIE, 


L'économie du temps qui résulte de cette disposition est con-- 
sidérable ; elle équivaut aux six huitièmes de celui qu’emportait le 
filtrage renouvelé de la même liqueur et opéré sur une ligne 
horizontale. 

A celle économie du temps, j'en joins une aulre non moins 
importante, celle du combustible, puisqu'il ne faut plus qu'une 
seule chauffe du foyer, si l'on procède par la chaleur , et que pour 
le soutien de celle-ci dans l'intérieur de la colonne ou du tambour 
qui renferme les filires, on peut y placer un poële ou y diriger 
un luyau qui l’assimile à une étuve. 


Filtres à colonnes sans chaleur. 


Comme il ne peut être indifférent d'économiser et la chauffe de 
J’étuve ou de la colonne qui renferme les filtres, quel qu’en soit 
le nombre, et celle unique de la fonte du sucre , pour en obte- 
nir le sirop destiné à être filtré, j'ai cherché à remplacer l’une 
et l’autre par un procédé particulier. 

Pour procurer au sirop une perméabilité équivalente, autant 
que possible, à celle produite par la chaleur, j'ai fait usage de grès 
blanc ou de silice fine et blanche bien lavée dans un baquet, 
jusqu’à ce que l’eau sortit comme elle y était entrée ; j'ai mélangé 
cette silice au charbon dans le rapport de deux à trois fois le 
poids de ce dernier, Ce rapport peut être modifié à volonté,/se- 
Jon qu’il paraît utile de modérer oa d’accélérer le filtrage. 

D'autre part, afin de suppléer à la propriété que donne la cha- 
leur à une moindre quantité de charbon, d'agir avec plus d'effet sur. 
la substance colorante du sirop, j'ai dù augmenter la surface de 
celle décolorante , c’est-à-dire la quantité.en poids du charbon. 

La réunion de ces deux moyens a produit non-seulement une 
diminution dans les filtrages , ainsi que les expériences ci-dessus 
faites à froid le démontrent , mais encore un plus prompt dévis- 
quement du sirop. 

Attendu que le placement du mélange de charbon et de silice 
demande un cerlain soin, je vais décrire la manière dont je J'ai 
opéré, tant en ce qui concerne le premier et le dernier filtre 
surlout qui sont servis de la même manière et quelquefois le 
second, que pour ceux intermédiaires que, dans certains cas, on 
peut disposer différeniment. 

Pour le premier et le dernier filtre j'étendais sur la toile qui ve- 
couvrait le tricot ou le drap, le charbon mêlé à l'avance avec 


ËT D'HISTOIRE NATURELLE. 15 


deux ou trois fois son poids de silice blanche lavée et, seulement 
humide; les pourtours du filtre étaient garnis de ce mélange à la 
hauteur de plusieurs pouces, en Lelle sorte qu'ils formaient avec le 
fond ainsi couvert une espèce de caisse recouverte d’une toile 
plus claire que celle de dessous; c’est dans celte sorte de caisse 
qu'était reçu le sirop bon à être filtré. 

A l'égard des filtres intermédiaires, comme ils recoivent moins 
de décolorant que le premier, au lieu de méler la silice avec le 
charbon, jela placaissur le tricot même, el après en avoir élevésur 
le pourtour du filtre une hauteur de plusieurs pouces, je placais 
une toile claire et par dessus Ja quantité de charbon relative à la 
position du filtre. Sur la couche de charbon que cette quantité pro- 
duisait, j étendais une toile deslinée à recevoir le sirop. 

L'une et l'autre manière de garnir les filtres m'ont paru éga- 
lement bien réussir ; toute autre analogue, sans doute, pourrait aussi 
être suivie d'un bon succès. L'essentiel , à ce que j'ai remarqué, c’est 
que, dans lun et l’autre cas, ces couches soient réparties le plus 
également, et qu’elles forment, au moyen des bordures relevées 
sur le pourtour des filtres de plusieurs pouces, une espèce de 
bassin propre à recevoir le sirop. 

Il suit en outre de la disposition des toiles que les mélanges 
sont rendus plus faciles à être enlevés , et que la silice placée dans 
les filtres intermédiaires , dessous la toile qui contient le charbon, 
peut-êlre àtée sans mélange de ce dernier, et replacée une autre 
fois, sielle y est jugée propre. 

Je dois faire observer, 1°. que le dévisquement des sirops s’ope- 
rant dans le premier et le deuxième filtre , pour le sucre de belle 
qualité, on pourra se dispenser de mêler en une aussi grande 
quantité que celle qui a été indiquée, la silice au charbon, en ce 
qui concerne les filtres intermédiaires, pour les sucres au-dessus 
de la moyenne qualité. | 

2°. Que la silice doit être imbue seulement de l’eau qu'y laisse 
son lavage et qui s’y trouve naturellement rester après la décanta- 
tion ; elle suflit pour pouvoir la plaquer sur le bord des filtres et 
former la bordure du bassin qui doit recevoir le sirop. Il n’est 
pas nécessaire que cette bordure ait plus d’un pouce d'épaisseur 
vers la partie qui se lie à la couche étendue sur le fond, ni 
qu’elle ait plus de hauteur, quant au premier filtre seulement, que 
celle nécessaire élreconnue pour contenir la totalité du sirop des- 
tiné à être filtré. A l'égard des autres filtres , un pouce d’élévation 
donné à la bordure dont il s’agit est suffisant, puisqu'elle ne doit 


14 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


recevoir que l’égoutdufiltresupérieur, égoutqu'il transmet presque 
aussitôt au filtre qui lui est inférieur. 

3°. Que le lavage des filtres disposés par colonnes sera non 
moins facile el promptque le filtrage des sirops; d’un côté, quel que 
soit leur nombre, ils seront lavés tous à la fois, et de l’autre, la 
concentration des eaux s’opérera au fur el à mesure de leur des- 
cente dans le réservoir particulier qui leur sera destiné. 

4°. Qu'en ce qui concerne la réduction de ces eaux pour atteindre 
le degré convenable pour former à elles seules une clairce , ainsi 
qu'il pourrait y avoir lieu de lemps à'autre, j'indiquerai plus bas 
un moyen économique à cet égard. 

5°. Quant aux pelites eaux resultantes du lavage desdits filtres, 
des écumes, elc., jusqu'à épuisement , elles devront servir natu- 
rellement de premières eaux pour les premiers lavages suivans, 
et au besoin, pour la fonte des sucres. 

6°. Que la manière de filtrer à froid , par des filtres disposés en 
colonnes , non-seulement est avantageuse sous le rapport de l’éco- 
nomie du combustible, mais aussi sous celui de l’économie du 
temps, puisque, d'une part, on est dispensé de remuer ou agiter 
le charbon dans le sirop, et que de l’autre, la perméabilité que 
procure la dispersion de la silice dans le.charbon mettant le sirop 
en contact avec plus de parties charbonneuses , le sirop en recoit 
ainsi un plus grand et un plus prompt effet. Le moindre tassement 
du charbon sur lui-même, lorsqu'il est mêlé avec la silice, don- 
nant en outre plus de moyens d'écoulement au sirop, il s'ensuit 
que son passage au travers le filtre est d'autant accéléré, 

La réunion des avantages que présente le nouveau mode de fil- 
tration me semble devoir contribuer à son adoplion, et par préfé- 
rénce même, sur ceux annoncés depuis peu, savoir: 1°: celui de 
la multiplication des surfaces par la multiplicité des plis des draps 
et des toiles mèmes des filtres formant une série de zigzags al- 
ternatifs montans el descendans; 2°. celui par la pression atmo- 
sphérique déterminée par le vide qu’opère une pompe pneuma- 
tique. 

J'oubliais de dire que la petite portion d’eau que retientla silice au 
sorlir de son lavage, contribuant à la diminution du degré du sirop 
qui traverse le mélange de cette substance avec le charbon, il 
conviendrait, si l'humidité que nous avons annoncée être néces- 
saire pour le lavage de la silice sèche ou de.son mélange au char-, 
bon était trop considérable, soit par négligence de l'ouvrier, soit 
autrement, 1°, de faire sécher cette silice à l’étuve ; 2°. de l’hu- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 15 


mecter simplement, autant qu'il faut, pour le service auquel elle 
est destinée, et uniquement au moment du besoin , avec du sirop 
de pareille force à celui qui doit être filtré, si mieux on ne pré- 
fere de l’arroser lout bonnement avec une partie du sirop prêt à 
être filtré. Ce sirop, au surplus, ne tardera pas à rentrer dans la 
ea puisqu'il sera enlevé par le prochain lavage des 
filtres. 


Pression des charbons et autres malières à leur sortie des filtres. 


Afin qu'il reste moins de sirop dans les matières au travers 
desquelles ils sont filtrés, lorsque l’on dégage celles-ci des filtres, 
il-est bon de les soamettre à l'action d’une bonne presse, telle que 
celle à levier ou celle hydraulique encore mieux. Leur lavage 
en sera d’aulant moinslong.Toutefois,comme la pression peultrou- 
bler la liqueur par suite des substances fines qu’elle entraine , il 
convient de meltre celte même liqueur sur un filtre ordinaire; au 
moyen de cette précaution, on doit être assuré qu'il y a très 
peu de sirop à extraire pour les lavages des écumes , etc. 


Filtrage des sirops préalablement à leur décoloration. 


J'ai recommandé de filtrer tous les sirops provenant de sucres 
bruts ou de sucres terrés, après leur dissolution, non-seulement 
parce que les parties étrangères et insolnbles qu'ils contiennent 
contribuent à en troubler Ja transparence par leur suspension dans 
la liqueur, mais encore parce que ces substances nuisent à la 
prompte décoloralion des sirops,, et consomment en outre mal à 
propos, soit du charbon, soit du chlore, soit l’un el l’autre de ces 
deux réactifs, lorsqu'on les fait agir concurremment. Il convient 
dès-lors, sous ces divers rapports , d'en purger les sirops, Il est 
vrai que celle opération préliminaire exige un certain temps; 
mais on est bien dédommagé de cette perte par l’économie sur 
les décolorans et l'énergie de leur action sur les sirops qui lui sont 
soumis, el par suite sur Ja célérité de leur blanchiment , enfie 
par une plus grande facilité dans le terrage, et l’écoulement de 
sirops \erls où Couverts, beaucoup moins visqueux et d’ine 
teinte bien moins foncée. Il n’est pas jusqu'aux mélasses qui ne 
se ressentent de celle filtration; elles sont bien moins glutineuses, et 
leur couleur moïns intense se prète davantage à la décolora- 
tion. Il en est de même des sirops verts el couverts, si on les des- 
tine à êlre blanchis. 


16 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Dissolution du sucre. 


On a remarqué que j'insislais pour que cette dissolution, après 
la décoloration , marquât autant que possible de 28 à 32°, afin 
qu'arrivant ainsi concentrée dans la chaudière à cuire, elle y 
parvint plutôt au degré 42 à 43 qu’exige la cristallisation. Cepen- 
dant il a été prescrit de dissoudre le sucre avec égal poids d’eau, 
et ce mélange ne donne guère que de 25 à 26°. Si le degré n’était 
renforcé par la suite des opérations, on serait retardé lors de la 
cuisson, etla durée trop longue de celle-ci pourrait nuire à la quan- 
tité du sucre, à sa qualité, et par conséquent au sirop dont le pain 
aurait à se purger. Mais cetinconvénient n’est pas à craindre, lorsque 
le traitement de la décoloration s'effectue à l’aide de la chaleur, cha- 
cun des passages de la liqueur sur le charbon continuant à ren- 
forcer le degré, il se trouve qu’au dernier qu'elle subit, elle a acquis 
le degré voulu pour être transmise dans la chaudière à cuire avec 
les avantages qui en découlent. 

Le traitement à froid ne donnant pas lieu à une angmentation 
des degrés du sirop, on peut dès le principe la porter à 30 ét 
32°, puisque le mélange du charbon avec la silice, en contribuant 
à la perméabilité du sirop, en facilite aussi le dévisquement. Mais 
alors pour atteindre 32° de concentration, la proportion du sucre 
à celle de l’eau doit être d'environ 2 parties d’eau sur 3 parties 
de sucre brut moyenne qualité, 


Emploi du chlore. 


J'ai annoncé, comme second moyen de décolorer les sirops, 
l'emploi du chlore, ou autrement de l'acide muriatique oxigéné ; 
je vais d’abord faire connaitre les résultats qu'il m'a présentés 
sous la forme de gaz , qui est celle qui lui est naturelle. 


Chlore sous la forme de gaz. 


Le chlore sous la forme de gaz peut être appliqué de deux ma- 
nières, soit sur le sucre dans son état naturel ou en grain, soit dans 
son état liquide ou de dissolution : elles ont chacune leurs avan- 
tages parliculiers. 


Application du chlore gazeux au sucre liquide. 


L'entrepreneur qui voudra en faire usage, aura un avantage à 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 17 


l'introduire au fur et à mesure de sa distillation dans les dissolu- 
tions de ces sucres filtrees à l’avance et versées ensuile au besoin 
dans le tonneau pneumatique qui recevra le même gaz. Son inté- 
rieur garni de cuvettes, d'un moulinet, etc., comme pour la fabri- 
cation du chlore liquide, en facilitant son absorption, accélère 
d'autant l’action de ce réactif sur le sirop qui lui est soumis. 

Cette action est telle qu’on obtient directement et à volonté le 
ton de couleur que l’on désire, jusque et compris celui de l'eau 
pure, sans aucune opération intermédiaire. Le sirop arrivé à la 
couleur recherchée, il faut seulement et de suite avoir l'attention 
de la fixer en filtrant la liqueur 1°. sur la craie, afin de lui enlever 
son acide muriatique ou hydrochlorique; 2°. sur le charbon ani- 
mal. Sans la première précaulion, l'acide muriatique, dégagé de 
l'oxigène avec lequel il se trouvait combiné, ne larderait pas à 
réagir sur le sirop, et à lui faire prendre une couleur plus ou 
moins foncée qu’on ne pourrait pas détruire el qui gälerait entiè- 
rement le sirop: les deux mesures qui viennent d’être recom- 
mandées, et qu’au besoin on renouvelle promp'ement étant exécu- 
tées le sirop après son filtrage, qui a lieu de suite, est passé aussitôt 
à la cuisson. 

L'avantage qui résulte de celte méthode se rattache 1°. à la 
faculté d’avoir des sirops constamment de la même pesanteur spé- 
cifique; 2°. d'obtenir un gaz qui exerce son action avec d'autant 
plus de promptitude qu’il est doué de toute l'énergie qui lui est 
propre ; 3°. d’en diriger sur le sirop toule la quantité nécessaire 
pour le décolorer dans un seul temps ; 4°. de n’exiger qu’une opé- 
ralion directe avec ce décolorant. 


Application du chlore gazeux au sucre en grain. 


L'action du chlore, sous la forme élastique ou de gaz, est non 
moins remarquable lorsqu'elle s'exerce sur le sucre en grain, 
Dans ce cas, il convient que le sucre soit disséminé sur des plan- 
chers ou de forts canevas de crin tendus, et disposés par étages 
autour d’une chambre dans laquelle seront dirigées par plusieurs 
communicalions, selon l'importance des travaux, les extrémités 
des cornues ou autres vases distillatoires d'où le gaz est dégagé. 
Afin de hâter le blanchiment du sucre exposé à son action, il 
convient d’en renouveler les surfaces en les remuant soit'avec 
une sorte de balai ou de rateau, que l’on fait mouvoir à l’aide de 
la partie de son manche qui déborde le mur ou la cloison de 
l’atelieroù le gaz est recu. Par suite des essais que j'ai faits de ce 


Tome XCIF. JUILLET an 1822. 3 


18 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIÉ 


moyen, j'airemarqué qu’une couche de suére eh grain peut être dé- 
colorée très promplement ; mais il fat 1°. qu’elle n'ait pas plus de 5 à 
4 lignes d'épaisseur, afin que le gaz exercant son action en des- 
sus et en dessous du crin ou du tissu à jour (inaltaquable par le 
gaz) qui supporte le sucre, én ait beaucoup plus tôt pénétré le 
centre; 2°. que Ce sucre soil incessamment, où mêlé avec de la 
chaux , ou de lacraie enpoudre, afin d’arrèter la réaction de l'acide 
murialique dont l’oxigène s’est séparé, puis plus tard dissous et fil- 
tré, ou dissous de suile, après avoir été mélangé avec de la craïe 
et filtré, ou simplement dissous et filtré sur de la craie. Al estalors, 
ainsi qu'il a déjà été dit plus haut, passé sur le charbon animal, * 
et de là à la cuisson. 

Si la décoloration n’est pas portée à son maximum, on peut $e 
dispenser du secours de la chaux ou de la craie; le simple filtrage 
. sur le charbon animal est suffisant pour arrêter l’action de l'acide 
murialique, qui se porte aussitôt sur le phosphate que contient le 
charbon , ou sur la cendre qui peut s’y trouver mélée. 

L'avantage de cette manière d'opérer serait la décoloration 
d'une grande masse de sucre en grain, avec d'autant plus de célé- 
rilé, que le gaz s’exercerait directement et sans intermède. 

Un autre résultat qui aurait un grand mérite s’il était bien 
constalé, c’est la propriété qu’aurait le chlore, sous sa forme de 
gaz, de blanchir immédiatement le sucre en pain coloré, tel 
qu'est celui nommé vergeoise. J'ai vu avec plaisir, d’après quelques 
essais que j'ai tentés par pure Curiosité, que la couche exté- 
rieure élait promplement décolorée où blanchie à la profondeur 
de plusieurs lignes et conservait sa nouvelle couleur. S'il en était 
ainsi pour le sucre en grain, ce que cerlaines expériences semblent 
m’annoncer, alors il serait possible ou de mettre ce sucre en casson- 
made, ou d’en former de suite et à volonté des pains par compres- 
sion. Je me propose de donner suite à ces diverses épreuves. 


Chlore sous forme liquide. 


Le traitement du sucre, soit en grain, soil en sirop, par l’ap- 
plication du chlore sous la forme de gaz, étant connu , il convient 
aussi de faire connaitre celui auquel il se prête sous la forme li- 
quide, c’est-à-dire lorsqu'il est dissous dans l’eau. Son action 
décolorante va en conséquence.être examinée dans son exercice 
sur les sucres brutset terrés. Auparavant il est bon de prévenir qu'il 
y a deux moyens d'appliquer celagent, c'est-à-dire avant ou après 
un premier passage au charbon. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 19 


Première application du chlore liquide. 


Si l’on commence la décoloration des sirops par l'application du 
chlore liquide, c’est-à-dire dissous dans l’eau, tel que la distilla- 
tion le renvoie dans le tonneau pneumatique pour y être com- 
biné avec l’eau selon lés proportions connues , il faut alors à une 
quantité donnée de sirop provenant de sucre brut de basse qualité, 
portant le degré prescrit ,et filtré pour le purger de ses substances 
indissolubles , puis versé dans un tonneau en bois blanc par pré- 
férencé à tout autre, ajouter dans ce même vaisseau, entre Je 
quart et le cinquième du volume du sirop, du chlore liquide 
indiqué ci-dessus ; on bouche de suite la bonde du tonneau, que 
lon remué aussilôt en tous sens pour agiler convenablement les 
deux liqueurs et les forcer ainsi à se combiner ensemble intime- 
ment. Cette combinaison, que l’on reconnait lorsqu’en enlevant 
le bondon, et portant le nez sur la bonde, l'odeur particulière au 
chlore ne s’y fait pas sentir, n’exige que quelqués minutes. Cette 
liqueur est alors amenée dans une bassine où l’on a eu soin 
auparavant de mettre le charbon convenu, dans le cas où l’on 
décolorerait à froid : tout au contraire, lorsque l’on opère à 
chaud, le charbon est versé sur le chlore. On agite et on laisse 
reposer, comme il a élé recommandé, le mélange, puis on le 
passe sur le filtre: la liqueur sortie du filtre est remise une 
deuxième fois dans le tonneau destiné à recevoir le chlore; on ÿ 
verse unsixième du volume de la liqueur filtrée eton meilebondon. 
Les deux liquides ainsi renfermés, le tonneau est agité fortement sur 
lui-même, comme précédemment, jusqu'a ce que l’odeur ne se 
fasse plus sentir , ou soit entièrement absorbée. L’absorption re- 
connue, celte nouvelle combinaison des deux liqueurs èst versée 
dans une bassine où elle est agitée et reposée, comme il à été 
déjà dit, après que la nouvelle dose de charbon animal affectée 
à ce deuxième passage y a élé ajoutée; puis on passe le tout sur 
un nouveau filtre: la liqueur qui en provient est renversée une 
troisième fois dans le tonneau, où doit être ajouté du chlore liquide 
à la dose du dixième du volume du sirop filtré. On bouche le 
tonneau et on procède à un troisième ballottage des deux liquides, 
jusqu'a ce que l'absence de l'odeur propre au chlore indique 
qu'il s’est combiné avec le sirop. L’absorption opérée, le mélange 
ést reporté dans la bassine; on y verse une troisième dose de 
charbon. Après son mélange par l'agitation avec le sirop rémué et 
reposé selon qu’il a élé indiqué, on jette le tout sur un troisième 


s. 


20 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


filtre ; et à sa sortie, ce sirop, devenu clair et transparent comme 
de l’eau, est bon à passer dans la chaudière à cuire. 


Deuxième application du chlore liquide. 


On vient de voir quel doit être le traitement des sucres bruts 
de basse qualité, en commencant par l'application du chlore liquide, 
ou dissous dans l’eau; je vais donner connaissance de la manière 
dont on doit procéder, en commençant par l'emploi du charbon 
animal. Ce décolorant versé, à la dose prescrite, dans une bas- 
sine, soit avant, soit après le versement du sirop préalablement 
filtré par rapport aux substances hétérogènes et insolubles dont il 
est toujours allié, et selon que l’on travaille à chaud ou à froid, 
on agile le mélange de même qu'il a été expliqué, puis on passe 
le tout sur un filtre. Le sirop qui en est sorti est mis dans le lon- 
neau à recevoir le chlore : c’est alors que celui-ci y est versé à 
la dose du quart du volume obtenu ; l'agitation est donnée ensuite, 
comme à l'ordinaire, au tonneau qui renferme le mélange des 
deux substances, puis celui-ci est jelé sur un filtre nouveau. 
À ce deuxième filtrage succède un deuxième mélange du sirop 
filtré avec le chlore liquide, dans la proportion d’un dixième du 
volume du sirop. Leballottage du tonneau qui contient ce mélange 
étant terminé, celui-ci est jelé sur un troisième filtre, d’où Ÿ 
sirop sort avec la clarté et la transparence désirables pour être 
passé à la chaudière de cuisson. ) 

Il est, pour ainsi dire, inutile d'annoncer que l'un et l’autre pro- 
cédé peuvent être appliqués aux sucres terrés de basse qualité ou 
qui n’ont reçu qu'une terre ; le seul changement, dans le premier 
cas, serait la suppression du troisième chlore, et, dans le second 
cas, une diminulion dans les doses de chlore et dans celles du 
charbon. 

Pour abréger, lorsqu'on commence une ronde, ou que les eaux 
de lavage sont employées, sur le chlore préalablement versé dans 
le tonneau on jelte le sucre destiné à être fondu, on bouche 
le tonneau, puis on l’agite pour aider à la dissolution du sucre 
et à l'effet du chlore. Cette opération terminée, on procède au 
mélange avec le charbon , puis on filtre, etc. k 

Je ferai observer 1°. que la décoloration des sirops par le 
chlore liquide a lieu soit à chaud , soit à froid, en suivant Ce qui 
a été recommandé pour l’uu ou l’autre procédé; l'économie du 
temps ou celle du combustible devant servir de guide pour ce qui 


en concerne l'emploi; à up 
2. Qu'il est possible, en mettant à profit les localités , lors de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 21 


J'établissement des chaudières de cuisson et aulres, ainsi que 
de celles des éluves indispensables, de faire {des dispositions 
très économiques sous le rapport des combustibles, pour rame- 
ner à leurs premiers degrés des sirops qui auraient pu en perdre 
par des additions de chlore ; 

5°. Qu'un entrepreneur qui ne consulle que son intérêt dans 
l'obtention de telle ou telle nuance de sirop, est toujours le 
maitre de modifier en plus ou en moins, soit la série des opé- 
rations indiquées, soit les doses appliquées à chacun des mé- 
langes ; 

4°. Que l’économie du temps, si essentielle en fabrique, m'a 
suggéré pour le mélange du chlore liquide et dusirop, et aussi pour 
le filtrage et le mélange au charbon qui appartiennent à ce mode de 
blanchir les sirops, un moyen qui aura pour celui-ci, sous le rapport 
du temps, un avantage analogue à celui que présentent les diverses 
dispositions que j'ai fait connaître, en ce qui concerne la méthode 
de blanchir les sirops avec le charbon seul, soit à chaud, soit 
à froid ; il sera consigné dans un Mémoire qui doit être pu- 
blié incessamment. 


Combinaison du chlore avec des bases. ‘ 


Après avoir mis sur la voie de tirer parti du chlore, et dans son 
élat élastique et dans son état liquide, il pouvait paraitre con- 
venable de faire connaitre l'emploi dont seraient susceptibles ses 
combinaisons avec des bases alcalines ou terreuses , telles que la 
potasse , la soude, la chaux, elc., appliquées au blanchiment des 
sirops ; mais le peu d'avantages qu’elles présentent nous invite à 
garder le silence à leur égard. Nous dirons seulement que l’entre- 
preneur qui serait tenté d'en faire usage, séduit d’abord par la 
célérité de leur action décolorante, serait promptement désabusé 
par la couleur plus ou moins intense qui se reproduit bientôt 
après sa disparilion ou son alténualion. Pour surmonter celte 
contrariélé, il faut non moins d'habilelé que de sagacité: d’ail- 
leurs en supposant que la difficulté du traitement dont il s’agit 
püt êlre facilement vaincue, le peu d'économie qu’il présente 
sous le rapport des matières qui paraissent y êlre propres, et 
sous celui de la multiplicité de la main-d'œuvre, de la perte du 
temps, elc., suflirait pour rebuter les personnes qui auraient 
été tentées d'en faire l'essai. 

Comme la moindre partie de l’acide muriatique oxigéné est 
libre, et qu’au contraire la plus grande est combinée, il s'ensuit 
que, pour dégager celle-ci, il faudrait avoir recours à une sub- 


* 


22 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


stance dont l’aflinité avec la base serait supérieure à celle du 
chlore ; de là résultent nécessairement un surcroît de dépense et 
une perle inutile, soit du temps nécessaire pour la conversion du 
chlore gazeux en chlore liquide, soit de celui employé primitive- 
ment pour la formation de ces combinaisons particulieres , dont 
l'usage ne serait au reste susceptible d’être excusable que dans 
le cas où , ne faisant pas soi-même son chlore, on serait obligé de 
le tirer de loin, et par conséquent d’en diminuer le prix du port 
et de l'achat. 


Blanchiment des sirops verts et couverts. 


Ce qui a été dit sur les différens moyens de blanchir les sirops 
provenant de la dissolution des sucres, convient pareillement, 
comme il est facile de s’en rendre raison, à la décoloration des 
autres sirops Connus dans les raflineries sous les noms de sirops 
verts et couverts. On entend par sirops verts, ceux qui décou- 
lent des formes dans lesquelles a été versé le produit des cuites 
destinées à donner des pains blancs proprement dits. 

Les sirops couverts sont ceux qui égouttent de ces mêmes pains 
ou de tous autres de diverses qualités inférieures, soumis au 
terrage qui succèdent, dans la fabrication dépendante de ce qu’on 
appelle une ronde, c’est-à-dire jusqu'a épuisement d’une partie 
de sucre d'un poids quelconque, aux pains de première cuis- 
son, désignés plus particulièrement sous le nom de 2, 3 ou 
4 cassons. 

Il est encore quelques autres espèces de sirops, lels que ceux 
provenant des lunps, des bätardes, des vergeoises fondues, etc. 
Commeils ne sont en définitive que des mélanges des sirops vertset 
couverts dans de certaines proportions, selon la sorte de sucre 
que l’on a intention de fabriquer, je n’ai pas cru devoir les consi- 
dérer séparément. 

L'application des diverses méthodes qui ont été décrites, aux 
sirops dénommés ci-dessus, dépendra de l'intensité de leurs cou- 
leurs, dont la nuance les range naturellement ou dans la classe 
des sucres bruts ou dans celle des sucres terrés. On sait d'avance 
que ces substances, traitées d'une manière convenable, doivent 
procurer des sucres, non-seulement de plus belle qualité que 
ceux qui en sont retirés d’après les procédés ordinaires, puis 
qu'on est, en quelque sorte, le maître de les assimiler, par la 
couleur, à ceux connus sous le nom de cassons , mais encore que 
leurs produits, de même que ceux de première cuite, ne peuvent 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 23 


manquer d'être plus considérables, loutes choses égales d'ail- 
leurs, attendu:que le grain est moins usé ou altéré par le feu , et 
dès-lors est moins exposé à faire partie de la matière sucrée in- 
cristallisable que l’on nomme mélasse. 


Traitement des melasses. 


Ces substances incristallisables sont amences pareïllement au 
ton de blancheur propre à les faire rechercher pour des emplois 
auxquels jusqu'ici le commerce ne pouvait les appliquer , si on a 
le soin de les traiter suivant des principes analogues à ceux qui 
ont été détaillés pour opérer la décoloration des sirops de sucre 
proprement dits, ou sous forme granulée. 

Une attention particulière est Surlout recommandée, c'esi de 
faire descendre ces substances du degré 44 à 45 du pèse-sirop de 
Baumé, sous lequel elles se montrent pour l'ordinaire dans le 
commerce, à celui de 28 à 32°, afin de pouvoir lés filtrer. Arrivées 
à ce point, elles seront soumises à l’action de l’un ou de l’autre des 
deux agens décolorans dont nous avons parlé, soit isolément, soit 
concurremment, el sous les diverses proportions relatives à leur 
nuance. Dans la supposition qu’il n’y aurait eu de blanchis, dans 
le cours de la ronde, que les sirops de dissolution du sucre en 
grains, toujours sera-t-il certain que non-seulement la mélasse 
produite sera moins colorée que celle obtenue d’après les procé- 
dés usités, mais encore que leur traitement sera plus prompt et 
plus facile ; à plus forte raison le deviendra-t-il si, dans la suc- 
cession des opéralions que comporte l’épuisement ou le travail gé- 
néral d’une partie du sucre, on s’est atlaché à décolorer lesdits 
sirops en Lout ou parlie, au fur et à mesure que chaque sorte est 
recueillie. 

Dans la liste qui pourrait être dressée des différentes substances 
auxquelles serait convenable par mixtion, l’émploi des mélasses 
ainsi blanchies, on doit comprendre le lait et toutes autres bois- 
sons non colorées, les sirops pharmaceutiques, ceux d’agré- 
ment, elc.; plusieurs pales de confiseurs, telles que la päte de 
guimauve , elc., comme aussi les pains d'épices et tous les autres 
objets qui se rattachent à cette fabrication, qui désormais pourrait 
profitèr de la couleur nouvelle donnée à la mélasse, et dont les 
produits seraient mis dans la consommalion sous un aspect plus 
attrayant. L'industrie, au surplus, en s’'emparant de cette nouvelle 
production , lui aura bientôt trouvé de nombreux écoulemens. 


24 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Decoloration des vesous ou sucres extraits des cannes et autres 
plantes sucrées. 


Pour peu qu’on fasse attention à ce qui se passe dans l’action 
des deux agens qui ont été indiqués comme décolorant les sirops 
de sucre, on ne doit pas tarder à reconnaitre que leur propriété 
blanchissante est tout-à-fait applicable aux vesous ou sucres ex- 
traits des diverses plantes sucrées naturellement, telles quela canne, 
la betterave, ou des substances dans lesquelles l’art a développé 
une matière sucrée, par exemple, dans la pomme de terre ou sa 
fécule, le miel, etc. I ne s’agitque de les régler d’après les principes 
établis pour les différens cas désignés. En considérant leur adop- 
tion dans les sucreries mêmes, combien grand serait l'intérêt qui 
ressortirait de leur exploitation soumise désormais à une industrie 
dont les produits, soit comme sucre, soit comme sirop, soit 
comme mélasse , auraient acquis une supériorité à laquelle il leur 
eùl été impossible d'atteindre sans l'introduction des procédés 
dont les principaux élémens viennent d’être détaillés. 


Emploi du charbon animal déphosphate. 


La plus grande propriété décolorante reconnue dans le char- 
bon animal comparée à celle du charbon végétal paraissant être 
envisagée par plusieurs chimistes et raflineurs comme due à la 
portion de phosphate calcaire qu'il contient, j'ai essayé de l'en 
priver, en le combinant avec l’acide muriatique ordinaire , afin 
d’en reconnaître ensuite la vertu ; le charbon ainsi dépouillé a été 
bien lavé, séché à l’étuve, puis mélangé à froid avec du sirop. 
Après avoir été filtré, j'ai remarqué que non-seulement ce sirop 
avait élé moins décoloré qu'avec pareille dose du même charbon 
animal non déphosphaté ou naturel, mais encore qu'il faisait moins 
corps avec le charbon ainsi privé de son phosphate, et de plus 
sortait du filtre moins dégraissé, c’est-à-dire plus visqueux, que 
lorsqu'il est traité avec le même charbon animal dans son état 
naturel. 

En réfléchissant sur le plus grand effet que produit sur l’altération 
de la couleur des sirops le contact de ces derniers avec le char- 
bon animal, comparés avec pareille dose de charbon de bois et 
de sirop, on remarque qu’à l'instant du versement du sirop sur 
le charbon animal, ou peu après ce versement, il se manifeste 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. : 25 


une espèce d'écume blanchätre à la surface de la liqueur, écume 
que l’on ne distingue pas lorsque le charbon végétal est en con- 
tacl avec le sirop. Cette écume ne serait-elle pas due à la réac- 
tion d’une partie acide contenue dans la liqueur sirupeuse, sur 
le phosphate renfermé dans le charbon animal, et qui s'empare de 
£elle partie acide qui, visquant plus ou moins le sirop , selon qu’elle 
est plus ou moins abondante, empêche d'autant la vertu décolo- 
rante du charbon végétal de s'exercer sur le sirop avec lequel 
on l’allie? 

Cette propriété du charbon animal est, au surplus, très remar- 
quable lorsqu'un sirop qui vient d’être traité par le chlore gazeux 
ou liquide est versé sur du charbon animal. En considérant les sirops 
provenant des dissolutions des sucres bruts qui nous arrivent, 
pour ainsi dire, tous dans un état de fermentalion plus ou moins 
sensible, j'ai dû raisonner à leur égard par analogie: celle-ci est 
très souvent fortifiée par l’altération quelquefois très sensible 
qu’éprouvent les sirops trop long-temps déposés dans les réser- 
voirs, soit par la chaleur de l'atmosphère, soit par celle de la 
salle où sont établis les filtres, soit enfin par les coups de feu 
qu'ils recoivent dans les bassines, lors de leur décoloration. 


Emploi du charbon végétal ordinaire seul. 


Voulant vérifier la puissance décolorante de ce charbon em- 
ployé seul, j'en ai versé une quantité égale à celle du charbon 
animal naturel sur un sirop égal en couleur et en degré , comme 
aussi en qualité. Sa mixtion avec celui-ci et de plus son filtrage 
ont eu lieu à froid, de même que dans l'essai comparatif avec le 
charbon animal déphosphaté. La liqueur filirée a présenté lemème 
ton de couleur que celle obtenue de l'emploi du charbon ani- 
mal déphosphaté. Ce fait ne confirmerait-il pas mon assertion sur 
la préférence qui est accordée au charbon animal naturel ? 

J'ajouterai que le charbon végétal à l'inconvénient de se mal 
mêler avec le sirop. Malgré l'agitation, la surface du sirop reste 
couverte, en partie, de la poudre naturellement légère de ce pro- 
duit, qui, sous ce rapport, diffère essentiellement du charbon 
animal, lequel ne tarde pas à se précipiter dans le sirop auquel 
on le mélange, à raison de la pesanteur particulière que lui pro- 
cure le phosphate qui est une de ses parties constituantes. 


Tome XCIV. JUILLET an 1822. 4 


26 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Emploi du charbon animal usé ou tel qu'il sort des filtres. 


Ce charbon estreconnu très propre à aider la végétation, à raison 
de la partie de phosphate qu’il contient; sous ce rapport, il devient 
un engrais analogue aux poudrettes, aux urates et aulres produits 
animaux ,elc., lequel est d'autant plus à préférer, que l’expé- 
rience de l'emploi des räpures de cornes ou d'os qui est considéré 
comme l’un des meilleurs engrais, lui est favorable. On sait en 
effet que depuis long-temps l'usage de ces dernières matières est 
adopté parmi les agriculteurs de plusieurs départemens, notam- 
ment de ceux du Cantal et du Puy-de-Dôme , surtout dans les en- 
virons de la fabrique de Thiers, dontles débris râpés sortant de ses 
nombreuses coulelleriesamanches d'os, sontsemés sur les terresdes 
environs. C’est donc dans l'intérêt des fabricans de sucres raflinés 
et des autres personnes qui emploient le charbon animal, qu'il est 
convenable d'annoncer que le charbon animal usé ou tel qu’il 
sort des filtres après son service comme décolorant, commence 
à étre recherché aux approches de Paris, comme très ayan- 
tageux à la plantation ou au semis des bois. Cette espèce de 
terreau, dont les vertus fertilisantes doivent s'étendre à plusieurs 
années, si l’on en juge par la longue durée de la vertu des rà- 
pures d’os, de cornes, elc., vaut dans ce moment 6 fr. le tom- 
bereau, charge d’un cheval. Déjà même il est exporté jusqu’à 
sept lieues de la capitale; il n’est pas douteux que plus on en 
éprouvera la bonne action, plus on sera empressé d'en faire et 
même d’en agrandir l’usage au profit de l'Agriculture. Cette sub- 
stance acqnérant ainsi une valeur susceptible de compenser, jus- 

u’à un certain point, le prix de son achat, nul doute que mes- 
sieurs les rafineurs, au lieu de s’en débarrasser comme matière 
importune , en seront plus soïgneux, et lui altacheront le prix 
dont elle est susceptible et que ne tardera pas à lui donner le 
concours des cultivateurs éclairés et jaloux des prognes du pre- 
mier des Arts , chacun dans la partie qui le touche de plus près. 
C'est, je crois, ici l'occasion d'annoncer aux personnes qui font 
amas d'ossemens, quelle qu’en soit la destination, que M.Burette, 
mécanicien, rue des Vinaigriers, près celle Grange-aux-Belles, est 
inventeur d’une machine très simple pour en opérer le räpage. 


É ET D'HISTOIRE NATURELLE. 27 


Charbon de mélasse. 


J'ai désiré de connaître le rapport du poids de la mélasse 
ordinaire avec son charbon; j'ai mis en conséquence 10 onces 
de cette substance indiquant au pèse-sirop de Baumé une concen- 
tration de 45°, dans un creuset luté, et ai tenu celui-ci rouge 
jusqu’à ce que la malière qu’il contenait füt toute convertie en 
charbon. Le produit de ce dernier a été de 3 onces 2 gros. 
De cette expérience. il résulterait que la mélasse au degré ci- 
dessus, donne, par sa combustion entière, environ le tiers de son 

oids ou 32 + pour 100. Ce charbon est remarquable par son 
goût d'amertume, son noir foncé et aussi par son brillant ou 
ra aspect qu'il partage avec le charbon du sucre propre- 
ment dit. 


Revivification des charbons. 


Désirant de m'assurer si le charbon animal, après avoir été 
dépouillé des substances qu'il aurait absorbées lors de son mé- 
lange avec le sirop, pouvait de nouveau être employé comme ma- 
tière décolorante, j'en ai mis une quantité donnée, bien lavée 
à l'avance et séchée à l’étuve , dans un creuset couvert, qui a été 
placé dans un feu de charbon de bois, où il est resté rouge assez 
long-temps pour l’échappement des gaz ou autres matières absor- 
bées lors de son emploi dans son état naturel. ÿ 

Ayant fait usage de ce charbou ainsi passé au feu, et dans les 
mêmes proporlions que pareil charbon naturel, je n'ai remarqué 
aucune différence avec ce dernier pour sa vertu décolorante; le 
sirop filtré avait la même nuance de couleur que celle obtenue 
du même sirop mélé avéc le charbon animal qui n’aurait recu 
aucune préparalion, c’est-à-dire dans son état naturel. 

La perte éprouvée par ce charbon ainsi calciné au rouge, et 
sans contact avec l'air ambiant, a été d'environ les deux seplièmes 
de son poids mis dans le creuset. 

Je n’ai point fait cette expérience avec le charbon de bois or- 
dinaire ; mais il me semble, et tout donne lieu de le croire, que 
l'on obtiendrait aussi parfaitement sa révivificalion, et que par 
conséquent il deviendrait, après cette opération, d’un service 
égal à celui qu’il aurait rendu avant de la subir. 


Evaporation des sirops par la seule action du soleil. 


Dix onces de sirop à 30° provenant d’une dissolution faite à 


2e 


28 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


froid de partie égale de sucre brut de Saint-Domingue, deuxième 
qualité, et d’eau ordinaire, ont été blanchies d’après le procédé 
de trois mixtions de chlore liquide et de deux passages au charbon; 
lesdites mixlions , ainsi que les filtrations faites aussi à froid, 
marquant 30° de concentration , ayant la transparence et la cou- 
leur de l’eau pure , ont été soumises à la chaleur du soleil mar- 
quant sur le thermomètre de Réaumur 25° à l'ombre, et 30° 
même thermomètre au lieu de l’exposition de la capsule de porce- 
laine blanche qui contenait le sirop évaporé. 

Après six heures d’exposilion à la chaleur directe du soleil, 
c’est-à-dire de 30° R., le sirop ayant annoncé 42° au pèse-sirop de 
Baumé , a été retiré, puis placé dans un lieu frais, où il a donné 
une cristallisation de sucre candi laissant un sirop connu en 
chimie sous le nom d'eau-mere, et dans les raflineries sous celui 
de sirop vert, d'une couleur très légèrement ambrée, qui marquait 
40° de concentration. 

Le produit des huit onces de sirop brut employé à cette ex- 
périence, a été, pour cette première cristallisation, en sucre candi, 
de 4 onces 5 gros, ce qui présenterait un rapport de plus de 
57 $ par quintal. 


ÆEvaporation des sirops par la réflexion du calorique des fourneaux. 


La même quantité de pareil sucre a été dissoute à froid ou à la 
température de l'atmosphère indiquée à l'ombre de 25° R., ainsi 
que dans l'expérience précédente, avec une égale quantité d’eau 
ordinaire: ladite dissolution, marquant 30° au pèse-sirop de 
Baumé, a été exposée, dans une bassine de cuivre étamée, 
très plate, à l’action de la chaleur d’un feu de charbon de bois 
allumé sur un côté de la bassine, défendue par un relai entre deux, 
et dont le calorique était attiré au côté opposé par une cheminée 
pratiquée à cet effet, relenu et réverbéré dans son passage 
par les paroïs de la voûte du fourneau construit en briques réfrac- 
taires , sous laquelle se trouvait placée la bassine; après avoir pen- 
dant cinq heures subi l’effet de cette réflexion du calorique, la 
liqueur qu’elle contenait a été retirée marquant 42° de concen- 
tration. La bassine placée ensuite dans un lieu frais, des cris- 
taux de sucre candi ont été déposés à très peu près dans la 
même proportion que celle présentée par l'expérience faite au 
soleil; toutefois les cristaux avaient une nuance de couleur très 
légèrement moins blanche que celle du candi provenu de l'essai 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 29 


du sirop exposé au soleil. Cette faible couleur n'aurait , il est très 
probable, pas eu lieu si le sirop avait pu être défendu de la 
fumée du charbon, dont le cours a pu être égaré par un tirage 
pas assez régulier et que ne pourraient manquer de déterminer, 
d'une manière convenable, des expériences dirigées dans ce 
but. 

Cette deuxième épreuve, en confirmant la première, non-seu- 
lement constate que la méthode de décolorer les sirops, ou de les 
blanchir au ton de l’eau pure, est beaucoup plus productive que 
celle usilée; mais encore qu’on peut suppléer à la chaleur forcée 
qu'éprouvent les sirops oules clairces cuites avec ébullition, l’appli- 
cation douce et calme du calorique réfléchi à l'instar de celui même 
du soleil , à l’aide d’une construction particulière de fourneaux, 
construction qui, par son effet, tend d’une part à remplacer l’éva- 
poration par le vide, et de l’autre économise l’appareil de la pompe 
pneumalique destiné à le produire, 

On sent d'avance que pour que celle application nouvelle de la 
chaleur soit utile autant qu'il est possible, non-seulement les 
chaudières qui versent le sirop cuit dans le rafraichissoir devront 
être disposées ainsi que je viens. d'en donner l'idée, mais encore 
les chaudières préparatoires qui devront élever ainsi et successi- 
vementlesdegrés de la clairce, afin que cette dernière ouautrement 
celle de la cuisson ne soit chargée de renforcer le sirop qui lui 
parvient de la chaudière préparande qui l'approche le plus, seu- 
ementde 2 à 5° qui lui manquent, pour être versé dans le rafraichis- 
soir. Nous présumons, à ce sujet, que lrois ou quatre chaudières 
préparandes, dont la plus éloignée recevrait la clairce à 30°, seraient 
suflisantes. Cette clairce, après avoir élé concentrée de plus en 
plus par son transyasement successif d’une chaudière dans l’autre, 
passerait enfin dans la dernière, autrement dans la chaudière de 
cuisson, où elle atteindrait promptement 45 ou 44° nécessaires au 
grenage du sucre. Le service ou la vidange des chaudières prépa- 
raloires pourrait se faire ou par siphon ou par chanteplure de 
métal, Qu aussi par transvasement subit et total, selon que 
l'avantage de l’un ou de l’autre mode serait reconnu par l’expé- 
rience, le seul maitre à consulter dans une opéralion de celte 
importance. 

Les chaudières disposées d’ailleursavecconvenance,etennombre 
proportionné pour unegrande fabrication journalière, on doitpenser 
que leurs services seraient des plus satisfaisans, surtout si, à l'action 
du calorique distribué comme nous venons de le conseiller, on 


30 JOURNAL DE PINYSIQUE, DE CHIMIE 


ajoulait des moyens mécaniques pour agiler ou ventiler les sirops, 
de manière à en accélérer l’évaporation. 

Une chaudière à cuire, qui contient en clairce de quoi fournir à 
15 ou 16pains de 10liv.chaque ne demandant ordinairement pour la 
cuisson de cette même clairce que 25 à 50 minutes, il serait possible 
de disposer les fourneaux destinés au nouveau mode de concentra- 
tion proposé ci-dessus, pour les chaudières préparandes, appro- 
priées, par leurs formes, leurs dimensions et aussi par desmoyens 
mécaniques, en telle sorte que l’on obtint, dans l'espace de 
25 minutes, le produit que donne une chaudière ordinaire à 
cuire, d’après les procédés en usage. On conçoit pareillement 
que la concentration des eaux de lavage pourrait s’opérer d’après 
les mêmes principes. 

Plus tard, par un Mémoire supplémentaire, je tâcherai de faire 
connaître, à l’aide de dessins, non-seulement la manière de réa- 
liser, avec tous les avantages qui s'y rattachent, la méthode 
particulière que je viens d'indiquer, et que je regarde comme 
susceptible de remplacer l'évaporation par le vide à l’aide de 
la machine pneumatique, mais encore les formes les plus conve- 
nables à donner aux filtres en colonnes , envisagés dans leur service 
sous le rapport-des deux décolorans, dont traite ce Mémoire ; 
j'aurai soin en outre de présenter le plan d’une raflinerie dispo- 
sée pour une grande exploitation, d’après les nouveaux moyens 
qui viennent d'être exposés. En attendant, j'ai pensé que les ré- 
Sullats de mes essais sur une partie aussi intéressante que celle 
du blanchiment des sirops et sucres, pourraient n'être pas trouvés 
indifférens par les entrepreneurs de nos raflineries, et leur sug- 
gérer en outre des perfectionnemens fruils de leur expérience dans 
une industrie qui leur est familière. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 51 


SUITE 


DU MEMOIRE GÉOLOGIQUE 
SUR I’ALLEMAGNE ; 
à Par A. BOUL. 


Grès rouGr. Il est reconnu maintenant par les géologues les 
plus éminens que le grès rouge proprement dit naît principale- 
ment d'un dépôt des débris du porphyre et qu'il doit sa couleur 
rouge aux parties ferrugineuses de ce dernier ; c’est ce qui se voit 
bien dans la vallée de Thorandt, etc., et c’est ce qui prouve suf- 
fisamment l’époque ancienne de ces éruptions porphyriques. 

D'un autre côté, 1l est reconnu que le dépôt houiller fait une 
partie essentielle du grès rouge, malgré qu'il fasse en quelque 
sorte une masse assez séparée des gres rouges et quil ne s'y 
trouve pas toujours placé de la mème manière ou entre les mêmes 
assises. 

En Allemagne, le grès est le plus souvent en totalité au-dessus 
du dépôt charbonneux, comme près de Halle, de Zurckau et de 
Thorandt, ainsi que dans le Thüringerwald, même en Silésie et 
peut-être en Moravie; mais cependant dans quelques-unes de 
ces localités, l’on voit déjà, parmi les parties supérieures des grès 
houillers, quelques lits semblables ou du moins assez semblables 
à ceux du grès rouge. 

En Ecosse, le grès rouge alterne quelquefois avec le terrain houil- 
ler ; peut-être est-ce aussi le cas, quelquefois en Bohéme et en 
Angleterre, en Irlande et en Belgique : le terrain houiller est lié 
intimement dans sa partie inférieure et allerne méme en partie avec 
les dépôts intermédiaires les plus récens ou le dépôt de calcaire à 
encrines , et n'offre guère dans sa parlie supérieure de roches sem- 
blables au todiliésende allemand. 

Enfin, il y a des contrées où l'on n’a pas pu jusqu'ici recon- 
maître l'existence du grès houiller et grès rouge, comme sur le 
versant seplentlrional des Alpes. sé 

Toutes ces anomalies s'expliquent facilement en admettant 


32 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

l'arrivée irrégulière des porphyres, comme j'ai tâché le defaire voir. 
Ainsi dans toutes les localités où le grès rouge ou le todtliégende 
des Allemands est sur le terrain houiller, on trouve que les por 
phyres n'ont paru qu'après la formation ou presque tout à la fin de 
la formation du dépôt houiller ; en conséquence leurs débris n’ont 
pu s’accumuler qu’au-dessus de ce dernier. 

Dans les contrées où il y a alternations des dépôts houillers et de 
grès rouges, les porphyres ontparu un peu plus tôt, et dans celles où 
Le véritable todiliégende ou le grès rouge par excéllence existe pas, 
c’est qu’on n’y voit point le terrain houiller traversé et recouvert 
de ces immenses amas porphyriques ; il n'y a tout au plus cà et la 
que quelques masses trappéennes peu considérables. 


. Néanmoins, en Angleterre et en Irlande, il paraît que le grand 
dépôt porphyrique ne manque pas; mais il a paru pendant 
la formation du sol intermédiaire, ou, en d’autres termes, 
dans ces contrées, les agens volcaniques ont produit de très fortes 
éruptions; déjà, danse sol intermédiaire, ils se sont ainsi épuisés 
et n’ont pu élever, en conséquence, à travers le terrain houiller, 
que peu de masses ignées. 

Enfin, dans les Alpes, sur le versant septentrional, il n'y a pas 
de porphyres', et par conséquent, pas non plus de véritables grès 
rouges ou de todiliégende , tandis que sur le versant méridional, il 
J a abondance de porphyre et abondance de grès rouge et même de 
grès bigarré ; mais ceci ne prouve pas qu'il n'existe pas sur la côte 
nord des Alpes un dépôt qui ait pu se déposer à peu près à la 
même époque et sous des circonstances analogues à celles qui 
ont accompagné le dépôt de grès rouge. 

En effet, ony voit, à la place des agglomérats rouges à débris 
porphyriques, des variétés de roches agrégées ressemblant plutôt 
aux grauwackes ou aux grès houillers qu'a toute autre roche. Ce sont 
là ces roches qui forment non-seulement les avant-postes des 
Alpes, depuis Vienne jusqu’au lac de Constance, mais encore qui 
sont abondantes dans les Corpathes et en Toscane, et ce n’est qu’en 
Suisse, près de Glaris, que l’on y apercoit des agglomérats assez 
généralement rougeàtres, quelquefois à débris porphyriques, qui 
proviennent probablement des porphyres des pays de Baden, 
ou de Darmstadt, ou de la rive gauche du Rhin. 

Ce ne sont pas toutes les anomalies apparentes que présente 
l’époque du dépôt du grès rouge houiller. Dans le nord de l’Alle- 
magne , tout le monde sait que le grès rouge ou le todiliégende 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 53 


est recouvert par le premier calcaire secondaire, ou le zechstein; 
ce calcaire n’y forme jamais des assises fort puissantes, de manière 
que plus d’un géologue allemand a été tenté de ne regarder ce 
dépôt que comme subordonné à un grand terrain de grès ronge 
s'étendant depuis le commencement du todtliesende jusqu’à la fin 
du dépôt du grès bigarré. D'un autre côlé, ce zechstein se lie au 
todtliegende ou au grès rouge , par une couche mince d’un agglo- 
mérat grossier à ciment marneux blanchätre, qui renferme quel- 
quefois des fossiles des minerais de la partie inférieure du pre- 
mier calcaire secondaire; c’est le sveissliesende des Allemands. 
Cela se voit à Wettin, à Eisleben, à Ollendorf. 

Le peu de puissance du dépôt du zechstein s'explique encore 
assez naturellement par l'arrivée des porphyres au milieu du terrain 
houiller; car toute la croûte stratifiée et évidemment neptunienne 
du globe consiste en alternations de calcaire et de roches arénacées, 
et l’on observe que plus ces derniers dépôts dominent, moins les 
calcaires ont d’étendue et même d'épaisseur. Ainsi, dans les ter- 
rains de transition, les couches calcaires sont extrémement minces, 
ou n’ont formé que cà et là, dans des localités favorables, des 
amas; tandis que le calcaire du Jura et la craie, qui sont les for- 
mations les moins mélangées de dépôts arénacés, alteignent une 
étendue et une épaisseur fort considérables. Il s'ensuit que, 
dans ce cas, la destruction des porphyres et l'accumulation de 
leurs débris à une certaine distance n'ont laissé à la formation du 
calcaire qu'un fort court espace de temps; et non contens d’avoir 
accumulé, fort peu de temps après leur apparition, leurs plus 
gros débris sur le terrain houiller, les porphyres n’ont presque 
pas discontinué de fournir des matériaux pour la production 
des grès rouges. Aussi érouve-t-on, dans tous les pays voisins 
des porphyres, de grandes accumulations de grès bigarré, par 
exemple, entre le Hartz, l'Erzgebirge et le Thuringerwald et en 
Hesse, etc. 

Sur le versant nord des Alpes, dans certaines parties des Car- 
pathes septentrionales et des Apennins , la succession des grès 
et des calcaires anciens d'Allemagne n’a pas lieu de la même 
manière, parce que nous y avons déja indiqué le manque de por- 
phyre; eton y trouve le todiliegende, le weissliegende, le zechstein 
et inéme peut-élre quelques parties inférieures du grès bigarré réunis 
presque en un seul terrain. 

Dans ces endroits, on passe du schiste argileux et des roches 
quartzo-talqueuses de transition aux grauwackes; entre ces roches 


Tome XCIV. JUILLET an 1822. 5 


34 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


sont intercalées de puissantes couches de calcaire intermédiaire ; 
compacle, noirätre, grisätre, ou rougeätre, ou blanchätre, 
traversé de petits filons spathiques et renfermant quelques amas 
siliceux et rarement des débris de nautile (Schneeberg, près 
Vienne), des ammonites, des entroques, des peclinites, et, sui- 
vant M. Prévost, des belemnites. Ces restes organiques sont répar- 
tis, surtout dans certains lits, comme cela se voit près de Hirten= 
berg en Autriche. 

Les grauwackes grossieres ou fines et micacées commencent 
peu à peu à prédominer ; les calcaires intermédiaires diminuent 
en fréquence et en épaisseur; des argiles schisteuses se mélent 
aux grauwackes, el ces dernières roches s'approchent plus du grès, 
en empalant davantage de grains de quartz et en présentant 
beaucoup moins de ciment argileux. Puis les lits d’anthracite, ou de 
mauvaise houille friable où pulvérulente, viennent s’intercaler 
dans ces dépôts qui commencent à renfermer fréquemment des 
débris de végétaux carbonisés ou réduits en houille. Enfin, ces 
roches alternent, d’un autre côté, avec des roches plus ou moins 
minces d’un calcaire compacte noirätre ou brunâtre, plus ou moins 
marneux et schisteux, ressemblant à plusieurs variétés du calcaire 
zechstein du nord de l'Allemagne; et il paraît en même temps des 
argiles schisteuses à impressions de plantes monocotylédones 
marécageuses , des marnes argileuses à rognons de marne ferru- 
gineuse, et les grès sont en général à ciment de marne et empâtent 
des débris plus ou moins gros de quartz , de calcaire et de schistes 
intermédiaires; quelquefois ils deviennent fort quartzeux et sont 
exploités pour pierre de pavé. | 

Rarement, comme près de Piesting, on observe des amas cal- 
caires dans les variétés fort grossières de ces grès qui ressemblent 
alors assez à ces agglomérats particuliérs, grisätres ou verdètres, 
qui recouvrent plusieurs houillères du nord de l'Allemagne; ces 
calcaires sont noirâtres, marneux, plus ou moins arénacés et 
renferment de petites bivalves fort singulières, à coquille cal- 
cinée blanche et des impressions de trigonies. Ces derniers fos- 
siles sont-ils suffisans pour faire croire que ce calcaire appartient 
à un autre dépôt simplement superposé au calcaire de transition, 
et pourrait-on , d’après cela, le classer dans le calcaire jurasique ? 
Telle est la série de couches superposées que présentent en par- 
ticulier les montagnes de l'Autriche au pi de Vienne. On y voit 
un passage insensible des grauwackes aux grès houillers et au 
zechstein, elon ne peut guère établir, dans ces montagnes, que 


ET D'HISTOTRE NATURELLE. 35 


des groupes plus ou moins mal limités, d'autant plus que les 
roches calcaires et arénacées anciennes paraissent ressortir çà et 
R sous les dépôts plus modernes. 

Cette réunion ‘de déux terrains secondaires devient encore 
dans cet endroit fort intéressante, parce qu'on peut suivre 
ces roches en deca du Danube ; elles y forment d’abord un grand 
amas au nord de Kornenburg, puis on les retrouve près de Meissau, 
et, après une interruption courle occasionnée par des dépôts ter- 
tiaires, l’on revoit le-terrain houiller véritable de la Bohème et 
du nord de l'Allemagne arriver jusqu’à Znaim. Ce dernier dépôt, 
recouvert de grès rouge grossier et de craie chloritée, occupe 
un espace assez grand entre Ladsevon , Tribau et Policzka; mais 
plus au sud, il ne remplit plus qu'une cavité étroite le long de la 
Schwarza, et il se trouve resserré entre le gneiss du Bohmerwald- 
gebirge et le terrain de transition de Moravie; enfin, au sud de 
Brünn, il continue de même à former une bande très mince d'Osla- 
wan à Zmaim , enlre les mêmes roches primitives et la siénite in- 
termédiaire. 

Si nous nous transportons en France, ou plus exactement dans 
les pays à l’ouest du Rhin, nous y retrouvons le terrain houiller 
gisant sur des agglomérats rougeätres appartenant aux grau- 
wackes; des porphyres traversant ce premier terrain et le recou- 
vrant quelquefois, et le premier calcaire secondaire ou le zechstein 
intercalé, comme dans les Alpes, dans les dépôts charbonneux. 
C’est ce qui m’a paru évident lors de ma dernière visite dans le 
Palatinat: les calcaires marneux, noirätres, quelquefois assez 
feuilletés -et accompagnés de marnes argileuses feuilletées; en un 
mot, des variélés des assises inférieures du zechstein allemand, 
fort bien caractérisées, se trouvent dans une grande parlie de 
l'étendue de ce terrain (a Obermoschel, à Vandel, etc.) inter- 
calés entre des grès houillers, qui quelquefois même renferment, 
comme le weissliegende d’Eisleben et de Chessy, de petits nids 
de carbonate de cuivre. 

D'ailleurs cette idée, est nullement neuve, et l’on a déjà été 
frappé plusieurs fois des impressions de poissons qui accompagnent 
rarement ces mines de mercure; et elle explique clairement pour- 
quoi il n’existe pas de formation indépendante de zechstein dans 
la partie nord-ouest de la France, où se rencontrent cependant 
tous les autres terrains de l'Allemagne. 

Dans le sud de la France, l’on sait au contraire que le premier 
calcaire secondaire constitue un dépôt séparé au-dessus des grès 


Eos 


56 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


rouges et houillers des environs de Figeac, et qu'il y présente les 
variélés connues de zechstein, d’asche, de rauchwacke, etc. 

Les grès houillers ne nous occuperont plus qu'un moment ; en 
Allemagne, ils sont accompagnés partout d'espèces de pou- 
dingues particuliers ; quelquefois on y voit plusieurs lits de marne, 
comme près de Plauen, et ils renferment des lits d’argiles schis- 
teuses à coquilles bivalves, appelées, par M. de. Schlotheim, 
mytilus carhonarius, comme cela se voita Wellin en Bohème, 
dans l'Erzgebirge, en Silésie , et dans les houillères du Palatinat 
(Obermoschel). 

Le combustible qu'ils renferment offre toutes les variétés de 
houille grasse et sèche énumérées par Voigt, dans sa classifica- 
tion des produits charbonneux : tels sont le schieferkohl ou le 
plate coal des Anglais, le blattercoal, le kennelcoal et le russkoh£, 
ou la houle fuligineuse ou le charbon minéral. Néanmoins, il faut 
observer que le Élatterkohl de M. Voigt n'est pas la variété de 
houille ainsi nommée par les géologues saxons; car d'apres les 
localités du gissement de ce combustible , cela ne peut être qu'un 
lignile particulier du grès bigarré ou du quadersandstein.| 

La houille appelée en Angleterre piciforme, et qui se rapproche 
assez du jayet, se trouve aussi en Allemagne et n’est qu'une va- 
riété ou des portions de la houille grasse schisteuse. 

Le mélange de la houille avec des parties terreuses produit 
ensuite la houille grossière, grookohl des Allemands, le lettenkohl 
de Voigt et le kohlenschiefer ou le schiste bitumineux. 

De l’anthracite se rencontre aussi cà et là dans le terrain houiller, 
surtout près des masses porphyriques, et on en connait de petits 
amas ainsi que du graphite assez pur dans une couche de grès ver- 
dûtre fin , du grès rouge de Halle, à Gielichenstein ; dans le Pa- 
latinat, M. le baron de Roepert en a découvert aussi dans un tuf 
basaltique, près de Kusel. 

Les impressions végétales particulières aux houillères se trou- 
vent surtout admirablement conservées dans les argiles schisteuses 
de la Silésie et de Wettin , et dans les argiles marneuses blanches, 
jaunätres, propres aux houillères de la Bohême. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 37 


CONCLUSION. 


La À area t du grès rouge est donc bien strictement définie 
dans le cas où il y a des dépôts porphyriques dans son voisinage, 
par la formation houillère proprement dite ; surmontée ou associée 
avec le grès rouge proprement dit, ou le todtliegende des Alle- 
mands, c’est-à-dire avec un grès généralement rougeâtre, composé 
principalement de fragmens porphyriques et sans restes d’étres 
Marins, 

Dans le cas où les porphyres ne sont pas présens ow ont 
pas été produits , cette formation est remplacée par des dépôts plus 
ou moins considérables de roches arénacées particulières ; surtout 
composées de débris de quartz , de schiste siliceux et de roches de 
transition; ces dernières renferment alors souvent des débris de 
végétaux et méme des lits de houille ou d'anthracite. Le véritable 
grès rouge manque alors totalement et n'est remplacé que par des 
gres quartzeux grossiers. 

On peut ajouter que, dans ce dernier cas, ces roches renferment 
des couches d’un calcaire qui paraîtrait appartenir au premier 
calcaire secondaire ou être son équivalent: néanmoins on ne 
doit donner ce caractère que comme fort accessoire, car on 
connaît aussi çà et la quelques amas d’un calcaire compacte co- 
loré par du fer , dans le véritable grès ronge d'Allemagne, comme 
dans le Mansfeld et en Ecosse; cependant ces derniers calcaires 
diffèrent, par leur nature, de ceux dont il est question. 

Mais une autre erreur plus grave, dans laquelle ce caractère 
pourrait conduire, ce serait de faire confondre le grès rouge véri- 
table avec le grès ronge des Anglais, alternant avec le calcaire à 
encrines : or, il est de fait que ce dernier dépôt, soit en Angle- 
terre, soit en Belgique, forme les assises les plus supérieures de 
la grauwacke et qu'il se retrouve dans cette posilion en Alle- 
magne. 

En Angleterre, comme en Belgique, en Bohème et en Ecosse, 
certains poudingues, quelquefois rougeätres, font partie des grau- 
wackes, et, dans les deux premiers pays, des assises de calcaire 
de transition alternent avec des grès quartzeux plus ou moins 
grossiers, des argiles schisteuses, el même de petits lits de mau- 
vaise houille ou d’anthracite; enfin, en Angleterre, des roches 
trappéennes accompagnent encore ce dépôt surmonté de véri- 
table terrain houiller et d’un grès grossier qui est en quelque 


38 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


sorle l'équivalent du grès rouge ou du todiliegende des Alle- 
mands. 

Or, il est impossible de confondre ja plupart de ces masses 
avec celles de la grande formation de grès rouge, si ce ne sont les 
argiles schisteuses et quelques lits de grès sans fossiles. En effet, 
les grès quartzeux et plus ou moins cimentés, blanchâtres , gri- 
sätres où même rougetres, qui contiennent des encrines, des 
térébratules, des productus, etc., ne se retrouvent nullement 
dans le terrain de grès rouge d'Allemagne, mais dans les assises 
supérieures souvent quarlzeuses des grauwackes du Hartz et de. 
l'Eiffel, de manière qu'on peut presque dire que chaque couche 
arénacée du grès rouge des Anglais et de la Belgique, ou de leur 
mountain limestone, se revoit en Allemagne dans un terrain évi- 
demment de transition. 

Il en est de même pour les couches de calcaire à encrines et 
les masses lrappéennes : les mêmes calcaires avec les mèmes pé- 
trifications, et les mêmes trapps avec les mêmes accidens, se voient 
en Angleterre, dans le terrain inférieur de la formation houillère, 
et en Allemagne dans la grauwacke supportant la grande forma- 
tion de grès rouge. Ainsi, par exemple, le calcaire à encrines, 
avec la poix minérale, se voit à Staufenburger forst au Hartz. 

D'un autre côté, celte espèce de liaison qui semble exister 
entre cette dernière formalion et celle de la grauwacke, ne peut 
pas autoriser à inclure le véritable grès rouge et houiller dans le 
sol intermédiaire, car, sans cela , on serait forcé, vu la nature 
des choses et par ce qui précède, de porter la limite de son do- 
maine tout de suite jusqu'à la fin du grès bigarré. 

Il ne faut donc pas perdre de vue que nos divisions, presque 
toutes artificielles,me sont faitesque pour rendre plus facilel’examen 
des produits variés auxquels la nature est arrivée souvent simple- 
ment par des gradations insensibles. 


PREMIER CALCAIRE SECONDAIRE. Le premier calcaire secondaire 
nous offre un des exemples les plus frappans qu'il ne faut pas, 
en Géologie, urer des conclusions générales de faits fort particuliers 
et locaux. En effet, aucune formation n’a peut-êtreété plus soigneu- 
sement étudiée danscertaines parties de l'Allemagne, quecelle dont 
nous nous occupons; on en a décrit les moindres couches et les 
moindres accidens, et néanmoins c’est un des terrains qu'il a été 
jusqu’icile plus difficile de reconnaître dans d’autres contrées ou dans 
d’autres empires. Il est arrivé, par la nature même des choses, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 39 


que ces descriptions minutieuses, quiont été si utiles aux mineurs 
de quelques portions de l'Allemagne, ont induit les géologues 
dans une foule d'erreurs ou bien les ont jetés dans un vague dont 
ils n’ont pu se tirer. 

Les roches de ce dépôt présentant, comme tous les calcaires, 
des variétés nombreuses, l’on a supposé avoir retrouvé la forma- 
ton lorsqu'on a cru reconnaitre, dans une montagne on uue 
chaine ; une couche ou des montagnes offrant exactement une 
de ces variétés, et surtout lorsque les masses voisines ne s’oppo= 
Saient pas directement à ce rapprochement. Ainsi, on s’est ima- 
giné, pendant assez long-temps, qu’une partie des chaines cal- 
caires des Alpes étaientcomposées d’une formation analogue à ce 
calcaire secondaire, et on avait même cru pouvoir donner à ce 
dernier le nom général de calcaire alpin ; tandis qu’il est main- 
tenant reconnu que le véritable premier calcaire secondaire 
n’occupe dans les Alpes qu’une place presque insignifiante à côté 
des grands dépôts semblables, intermédiaires, de différens âges. 
Ce nom de calcaire alpin est donc absurde. 

En considérant la nature de ce calcaire d'une manière générale, 
on peut dire que c’est un dépôt rarement d’une épaisseur fort 
considérable; qu'il alterne assez soûvent avec des roches aréna- 
cées , et qu'il offre un calcaire compacte toujours plus ou moins 
marneux, et assez fréquemment magnésien, dont les couleurs 
sont le gris, le brun, le jaune et le noirätre. Le calcaire qui lui 
ressemblerait le plus, parmi les dépôts calcaires connus, se- 
rait le calcaire à gryphites, ou le lias, ou la partie la plus infé- 
rieure du calcaire jurasique. : 

Les pétrifications qui caractérisent ce dépôt sont d'abord des 
impressions de poissons marins, et des débris de reptiles qui se 
trouvent en Allemagne, surtout dans ses assises tout-à-fait infé- 
rieures. 

Quant auxautres fossiles, ils participentégalement de la nature de 
ceux des terrains intermédiaires ; ainsi, on retrouve dans ce calcaire 
des trilobites (77. bituminosus, problematicus, etc.) et des pro- 
ductus (Sow.), que nous avons cités dans le calcaire intermédiaire, 
mais qui ne se revoient pas dans les calcaires secondaires suivans. 
D'un autre côté, dans le premier calcaire secondaire, l’on voit 
paraître, pour la première fois, les Gryphites (Gr. aculeatus , 
speluncarius et Cymbium varSchloth) qui paraissent manquer dans 
le sol intermédiaire et abonder dans certains terrains secondaires; 
néanmoins, le gryphites aculeatus et peut-être d’autres espèces: 

, à 


es 


40 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
paraissent-ils être propres au calcaire dont nous nous occu- 
pons. { 

Les autres fossiles les plus nombreux appartiennent à deux 
genres, les térébratules et les encrines ou pentacrines, qui sont 
des restes d’êtres dont plusieurs espèces ont eu. la facilité ou 
la faculté de survivre à presque toutes les plus grandes révolu- 
tions du globe. 


Parmi les encrines, l'espèce ramosus de Schlotheim parait 
surlout abonder en Allemagne; et parmi les térébratules, ce 
savant cite l’alatus, le cristatus, le Pecten , le lacunosus , le pelor- 
gonatus , le sufflatus , etc. 

Enfin, on y observe presque partout des impressions ressem- 
blant à celles des flustres ; on y a vu aussi des bivalves des genres 
mytilus et telline de Linné : rarement des univalves turbinées, 
voisines des trochus, s’y présentent à Glucksbrunn ; et on cite, 
comme des rarelés des assises inférieures, des fossiles ressem- 
blant à des grainés on des fruits de végétanx, comme, par 
exemple, à IImenau , et même des impressions représentant 
assez bien celles d'un insecte, comme à Glucksbrunn et en 
Hesse. 


Après l’'énumération de ces caractères généraux du premier 
calcaire secondaire , nous allons en décrire les variétés, en suivant 
sa distribution en Allemagne. 


- Dans le Mansfeld, autour du Hartz, à Riegelsdorf en Hesse et 
mème près de Biber dans le Hanau, l'on a distingué, depuis 
long-temps dans ce calcaire, différentes variétés ou assises. Ainsi, 
on ya remarqué, dans les assises inférieures , des marnes bitumi- 
neuses schisteuses, noirätres, quelquefois cuivreuses (kupfersche- 
fer); au-dessus on a décrit des calcaires assez compactes, bru- 
uâlres, noirâtres ou grisàtres, d'une nature plus ou moins mar- 
neuse et d’une décomposition plus ou moins facile (zechstein). 
Une variété de ce calcaire marneux est fort terreuse et porte le 
nom d’asche, Outre ces variétés, l’on y à distingué des lits du cal- 
caire fétide brunâtre ou noirâtre (stinkstein) , des calcaires bré- 
chiformes ou des espèces de brèches calcaires, noirâtres ou 
jaunes-gristres (rauchivacke), el cà et la on y a vu des calcaires 
présentant une structure oolitique particulière et des calcaires 
poreux avec des druses de chaux carbonatée (hohlenkalk). Dans 
les autres parties de l'Allemagne où ce calcaire secondaire se 
rencontre, il présente assez souvent des caractères un peu difie- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 41 


rens; mais il est du reste loujours superposé, comme ailleurs, au 
grès rouge et ne forme que des assises de très peu d’épaisseur. 


Dans le royaume de Saxe, et en particulier dans l’Altenburg, 
aux environs de Géra, le dépôt présente surtout des calcaires 
compactes fétides, brunätres ( Teitz, Géra), ou bien des calcaires 
jaunes-grisätres, plus ou moins celluleux ou poreux, dont plu- 
Sieurs variétés ont un aspect oolitique ou bréchiforme singulier, 
comme s'ils n'étaient qu'un agrégat de fragmens calcaires et de 
débris de corps marins. 


Les gryphites, les productus et les flustres y abondent. Par la 
décomposition, ce calcaire devient une argile qui est exploitée 
pour en faire des briques. 


Plus à l’ouest, dans le Schwarzburg, l’on voit ces calcaires 
devenir jaunes ou prendre une teinte pâle, jaune-blanchätre et 
admettre dans leur composition beaucoup de magnésie. Les 
zechsteins du Hartz sont devenus des calcaires magnésiens plus 
ou moins compactes ou poreux; les schistes marneux ne sont 
plus que des schistes magnésiens, les asches ou marnes faible- 
ment agrégées , des marnes magnésiennes, jaunätres el grises- 
jaunûtres. Les parties oolitiques du zechstein du nord de l’Alle- 
magne se retrouvent aussi la, comme par exemple près de 
Neustadt et de Kamsdorf; mais ici, au lieu d’être composées, 
comme celles du calcaire jurasique, de couches lestacées con- 
centriques , ces oolites offrent dans chaque globule une struc- 
ture fibreuse étoilée, parfaitement semblable à celle du calcaire 
magnésien botryoide de Sunderland en apisieres dont les 
cavités se retrouvent aussi çà et là dans le calcaire allemand. 


Cette ressemblance ou plutôt l'identité de ce dépôt avec celui 
du calcaire magnésien d'Angleterre est si évidente, qu’on croi- 
rail par exemple au mont de Rohmen, entre Posenek et Neu- 
stadt, être au mont Humblelon, près de Sunderland: c’est 
exactement le même calcaire gris, blanchâtre , en partie friable 
et fort coquiller; il forme ici, comme là, les assises supérieures 
du dépôt, et il offre dans les deux localités les mèmes pro- 
ductus, les mêmes flustres et les mêmes univalves. 


La rauchwacke du Hartz se relrouve aussi dans celte contrée; 
mais elle s’y présente avec quelques caractères différens: ainsi, 
près de Lamsdorf, c’est une brèche calcaire avec des infiltrations 
spathiques ressemblant alors à certaines brèches des environs de 
Bristol en Angleterre, ou une roche avec des infiltrations sili- 


Tome XCV, JUILLET an 1822. 6 


42 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ceuses et assez analogue au calcaire siliceux d'eau douce de Cham- 
pigny, près de Paris. 

En remontant plus au nord, l’on irouve, à l'extrémité septen- 
trionale du Thuringerwald, le grès rouge recouvert de lambeaux 
(près de Berka, etc.) de calcaire fétide et de calcaire poreux.et 
mème de calcaire assez schisteux qui rappelle davantage et qu’on 
a pris jusqu'ici, en Allemagne, pour le type du dépôt dont nous 
nous occupons (1). LYS 

Mais une fois qu’on se porte de nouveau au midi et sur le-côté 
occidental du Thuringerwald, l'on ne voit plus guère de ces 
variétés, mais d'autres qui n'existent presque pas dans le nord de 
l'Allemagne. A lest de Schmalkalden, à Kleinsteinbrucke, près 
de Schnellbach , vers d'Asbach , à Weïtenbrunn, le premier cal- 
‘Caire secondaire est compacte, brunâtre ou jaunätre, et plus ou 
moins rempli de fer spathique et traversé de petits filons de cette 
substance et de chaux carbonatce. Il alimente les forges de 
Schmalkalden et constitue l’esenkalk des géologues allemands. 

Encore plus au sud, près de Glucksbrunn et Liebenstein, l’on 
trouve encore, Comme parties supérieures du dépôt, une autre 
variété remarquable de calcaire; il a un aspect grisätre, plus ou 
moins lerreux, à peu près comme l'asche, mais il a un toucher 
plus rude, de là son nom de rauherkalk. W renferme beaucoup 
de débris organiques qui ont l'air quelquefois de n’être que les 
restes de grands ressifs d'êtres marins et il renferme acciden- 
tellement, à cause de sa nature particulière , un grand nombre 
de cavernes, d'où lui est venu aussi le nom de hohlerkalk , 
nom absurde, puisque plusieurs autres formations calcaires offrent 
des cavernes, et puisqu'il a été donné quelquefois aussi à des 
portions de muschelkalk et de calcaire jurasique. 

Quelques petits lambeaux de ce dépôt se retrouvent ‘encore 
plus au sud-est, le long de Thuringerwald, par exemple près 
de Sonnenberg, de Neuhaus et de Brock ; mais au-delà il disparaît 
sous des formations plus modernes, el ne reparaît que: dans les 
Alpes, de la manière dont nous l'avons déjà exposé. ) 

On me dispensera de l’énumération des minéraux disséminés 
dans ce calcaire ; je dirai seulement que rarement, comme près 
de Schlettau, le zechstein montre, en contenant de peliles 


(1) Voyez la carte géognostique du duché de Saxe-Weimar, publiée par 
M. Sartorius. 


ET D'HISTOIRE, NATURELLE. 43 
portions de houille, qu'il y avaitencore, à cette époque, quelques 
malières propres à la combustion de ce combustible. 

Quant aux minerais renfermés dans la partie inférieure de ce 
dépot du nord de l’Allemagne, je ferai remarquer qu'ils n'y 
existent que quand il y a des porphyres ou des roches trap- 
péennes dans leur voisinage. 

Naturellement ces dépôts métallifères étant en espèces d’amas et 
offrant surtout des substances que la voie aqueuse est reconnue 
pouvoir produire , ce sont des produits nepluniens; mais vu la 
mort souvent violente des poissons enfouis dans ces schistes cui- 
vreux,et vu l’absence de ces minerais lorsque le porphyre n’existe 
pas, je demanderäi s’il ne serait pas possible de faire dériver ces 
minerais indirectement et d'une manière ou d’une autre des por- 
phyres. 

J'avoue que cette idée ne m’élonne point, depuis que j'aiapercu 
dans le Palatinat la liaison intime qui existe entre les filons et les 
petits filuns mercuriels des grès et des porphyres et les masses 
porphyriques elles-mèmes. Il y a là des roches neptuniennes assez 
évidemment et fortement endurcies et travaillées de mille ma- 
nières bizarres par les agens ignés, qui ont produit au milieu 
d’elles les jets, les coulées et les filons de porphyre ou de trapp. 


Grès sicARRÉ. Le premier calcaire secondaire est recouvert 
par le second dépôt arénacé secondaire , qu’on nomme communé- 
ment en Allemagne gres bigarré, à cause de la diversité des 
couleurs de ses différens lits, 

Ce grès est en général plus fin que le premier grès secondaire; 
ñéanmoins il renferme, surlout dans ses parties inférieures , des 
couches grossières et de véritables agslomérats composés princi- 
palement de cailloux de quartz; ce fail se voit en Saxe et sert à 
rattacher au grès bigarré plusieurs masses arénacées grossières 
du Spessart et des Vosges. Le quartz et le mica sont les parties 

rincipales de cette roche; très rarement on y a vu, comme à 

ersenburg, des débris de carniole (1). Le ciment dece grès est 
aussi, comme celui du grès rouge, une espèce d'argile ferrugi- 
neuse rougeàlre; mais il est souvent moins abondant que dans ce 
dernier, de manière qu’en général le grès bigarré présente une 
texture plus lâche que le grès rouge et les grains de quartz y sont 


(1) Observation de M. Dietrich de Halle. 


44 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

plus isolés. Quant à l’origine du ciment, il parait clair qu'il est 
venu de la décomposition et de la destruction des porphyres et 
des granites ; et en effet, on ne voit dans la mature de grandes éten- 
dues de grès bigarré que dans le voisinage de grands amas de sem- 
blables masses. C’est ce qui se voitentre le Thüringerwald, l'Erzge- 
birge et le Hartz en Hesse, dans la Franconie et dans la partie 
occidentale de la France, au nord de Béfort. D'un autre côté, le 
versant nord des Alpes n'offrant pas de porphyre; le grès bigarré, 
s’il y existe, offrira d'autres couleurs. Ce grès renferme assez 
souvent, et surtout dans certaines localités, des rognons ou des 
nœuds de parties argileuses fines; ce sont là ce que les Allemands 
appellent {hongallen. 

Cette variété de grès est fréquente dans la chaine du Spessart; 
par exemple près de Bessenbach. 

Dans certaines assises assez inférieures et dans certaines loca- 
lités, le grès est fort micacé et schisteux; il se laisse alors enle- 
ver quelquefois en grandes plaques , dont on se sert pour paver 
les trottoirs et les vestibules. Cet avantage se rencontre dans plu- 
sieurs des grès des monts Sollinger. 

Le grès alterne avec des marnes et des argiles schisteuses, et ses 
couleurs variént, quoique la teinte rougeätre soit la plus com- 
mune ; ainsi les grès sont souvent dans quelques assises grisätres 
ou blanchätres, comme près de Halle et de Peitz, ou bien ils 
sont alternativement blanchâtres, rougeàtres el jaunätres, comme 
dans les Vosges et près de Homburg, ou enfin ces différentes 
teintes sont mélangées ensemble. 

Dans ses parties supérieures , il devient extrêmement marneux , 
et l'on n'a plus à la fin que de grandes masses de marnes grises, 
vertes, rougeälres ou brunätres, comme cela se voit près de 
Detmold, de Coburg, au lac Salé, près d'Eisleben, à Gernerode, 
et en général dans toute la Westphalie, où les parties supérieures 
sont fort développées ou fort bien conservées. 

Les marnes vertes sont colorées ordinairement par du nickel 
el rarement par de l'oxyde de chrôme et les autres le sont par de 
Voxyde ou de l'hydrate de fer. 5 

Elles alternent avec des grès qui, vers la partie tout-à-fait su- 
périeure, deviennent quelquefois des grès siliceux , fort compactes, 
ressemblant, d'un côté, à certaines roches quarlzeuses de transi- 
tion, et de l’autre, au grès des paveurs de Paris; aussi sont-ce 
d'excellentes pierres à paver. De toute l'Allemagne, la Westpha- 
lie en offre le plus abondamment, comme près de Lemgo, de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 45 


: Detmold, de Bosingfeld, ete. Dans ces endroits, le quartz a non- 
seulement consolidé ces grès, mais encore produit çà et la de 
pelits groupes de cristaux de quartz hyalin, qui forment dans les 
marnes, avec des infiltrations calcaires, des rognons quelquefois 
fort beaux (vallée de la Béga). A Nürnberg, a Bamberg, à Co- 
burg , et en général dans Ja Bavière septentrionale, la partie tout- 
à-fait supérieure des marnes est occupée par un grès assez gros- 
sier et à grains de quartz; il est faiblement aimanté et contient 
des grains de feldspath et des écailles de mica; ce grès parait 
néanmoins offrir de bonnes pierres à bälir. 

Il repose sur une argile schisteuse alternant avec du grès argi- 
leux et est recouvert d'un lit de marne appelé Aeuper dans le 
pays, et au-dessus vient le muschelkalk, comme cela se voit aux 
monts Eckensberg, Buchberg , etc. Quelquefois ces marnes pas- 

. sent à de véritables calcaires ; ainsi l’on voit des lits de calcaire 
compacte, verdatre, à Kringe. 

La chaux carbonatée s’y rencontre, en général, assez fréquem- 
ment, soit en rognons ou en pelits filons, soit surtout mélangée 
à quelques portions de marnes, ce qui leur donne une surface 
bosselce, comme cela se voit dans plusieurs endroits de la Thu- 
ringe. Rarement on y observe, comme près de Stutigardt, des 
crislaux de chaux carbonatée inverse assez semblables à ceux du 
grès lertiaire de Fontainebleau. | 

Le fer hydraté y produit, dans quelques endroits, comme 
près du lac salé de Langenbogen, des rognons et des géodes, et 
même on voil, dans cette localité, quelques lits ou amas 
alongés de minerai de fer rouge globuliforme et dont l'apparence 
extérieure est oolitique. 

Rarement on y remarque un peu de fer oligiste écailleux, dis- 
séminé et tapissant de petites fentes, comme à Pyrmont, où il y 
a aussi, dans les grès, de petits filons de baryte sulfatée. 

Le fer sulfuré est fort abondant dans certaines localités des 
marnes du grès bigarré, en particulier dans la partie orientale 
de la Westphalie; 11 s'y trouve souvent sous la forme du fer sul- 
faré triglyphe double, comme, par exemple, dans la vallée de la 
Bégs surface extérieure, ou tout le cristal est le plus souvent 
changé en fer hydraté. La fréquence de ce minerai est l’origine 
des nombreuses sources ferrugineuses et acidules de la Westpha- 
lie. (Voyez Haussmann.) 

Enfin, dans plusieurs endroits, comme dans le Coburg et près 
de Gotha, des fentes se trouvent remplies d’une matiere onc- 


46 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tueuse, brunâtre, qui ressemble à une argile; c'est ce que les 
Allemands appellent bergseife (savon de montagne), et il parai- 
trait que cette substance est surtout composée d’alumine et d’eau; 
peut-être n'est-ce qu’un produit très récent dérivé des ar- 
giles. | 

Les restes organiques trouvés dans celte formation, se ré- 
duisent à quelques débris très rares d'os d'animaux probablement 
marins (Pyrmont), à quelques fragmens de poissons (nageoire de 
poisson dans un grès des marnes de Coburg), à quelques moules 
fort rares de bivalves, et à quelques impressions dispersées de 
plantes monocotylédones, en fort mauvais état (Pyrmont, Det- 
mold). J’ai vu chez M. de Schlothein, dans un grès siliceux, 
des grains ayant quelque ressemblance de forme avec des-graines. 
Néanmoins les débris de végétaux ont été quelquefois en assez 
grande abondance pour pouvoir imprégner légèrement certains 

rès de houille, et pour produire rarement cà et la quelques 
fllets d'un combustible qu'on ne peut appeler hourlle qu’en éten- 
dant ce terme à quelques variétés de jayet. 

Avant de passer à des terrains secondaires plus récens, je crois 
devoir rappeler que c'est du grès bigarré, et en particulier de ses 
assises marneuses, en général supérieures, que sortent la plupart 
des nombreuses sources salées de l'Allemagne; néanmoins on n’a 
pas encore trouvé de grand dépôt salifère dans toute l'Allemagne 


proprement dite, tandis qu’en France et en Angleterre le sel en 
roche abonde. 


« Gypses. D'un autre.côlé, le gypse qui accompagne à l'ordinaire 
le sel, est fort abondamment répandu dans:les parties supérieures 
du grès bigarré de l'Allemagne; je ne citerai comme exemple 
que les. localités de Rodach dans le Coburg, de Stedtfeld dans 
l'Eisenack, et celles d’Ilsenburg et Wernigerode au Hartz. Ces 
gypses compactes , fibreux ou spathiques, gisent en grands amas 
dans Îles marnes et contribuent puissamment à donner au grès 
bigarré cette surface bosselée si particulière, qui fait que quel- 
quefois on dirait voir le muschelkalk au-dessous de cette roche, 
tandis que le contraire a lieu. “ 

La distinction de ce dépôt de gypse d'avec celui que l’on sait 
se trouver cà etlà en contactavec le grès rouge et le zechstein est 
difficile à faire; néanmoins l'abondance des marnes du gypse du 
grès bigarré, la fréquence du gypse fibreux dans ce dépôt, et, de 
l'autre côté, la présence du calcaire fétide avec le gypse plus 


ET D'HISTOIRE, NATURELLE, 47 


ancien, sont des caractères qui peuvent bien guider danstcertaines 
circonstances en Allemagne; mais dans les Alpes où.iil parait 
exister des gypses de transition, il m'a semblé qu'il était presque 
impossible de décider à quel dépôt appartenaient des.gypses nôn 
recouverls, comme ceux qui sont placés sur le. terrain intermé- 
diaire ou tout au plus de grès rouge de Heiligencreutz et de 
Schotiwien, près de Vienne. 


Une aulre question délicate qui se rattache à celle des gypses, 
c’est de savoir s’il y a peut-être un troisième dépôt salifére se- 
condaire et s'il serait possible, par conséquent, qu'il y eût ‘aussi 
un dépôt salifère secondaire, différent de celui du grès bigarré. 
Quoiqu'on connaisse bien dejà de petites parties gypseuses dans 
certaines lassises du calcaire jurasique, néanmoins cette opinion 
paraît, jusqu’à -présent, être peu fondée, car les anomalies du 
dépôt salifere:de la Pologne et du comitat de Marmarosh, ces 
lignites, rarementchanges en sel, et ces coquillages marins qui 
s'y rencontrent, ne sont probablement qu’un accident qui n’a pas 
eu lieu dans les autres contrées salifères connues jusqu'ici. 


D'après cela, on comprend quelle difliculté il ÿ a pour clas- 
sifier ces dépôts de gypses, qui ressortent au milieu du terrain 
tertiaire et d'alluvion du nord de l'Allemagne, comme au Gip- 
sberg, près de Luneburg, au Segeberg dans le Holstein, à Spe- 
renberg; près de Nossen et au sud de Berlin ; néanmoins les 
caractères de ces gypses ne sont nullement ceux du gypse ter- 
tiaire, mais bien plutôt ceux du premier gypse secondaire. Il est 
possible que le gypse de Durschel, près de Troppau, appartienne 


CS 


aussi à ce dernier dépôt. 


On peut avancer que presque toutes les formations stratifiées 
sont liées entre elles par des passages ou des alternations de leurs 
roches respectives; mais celte espèce de liaison n’a pas lieu par- 
tout également : au contraire, ces passages ou bien ces alterna- 
tions ne sont bien sensibles que dans quelques localités, surtout 
quand il s’agit des terrains secondaires. En effet, les alternations 
du gneiss et du mica-schiste, celles de la grauwacke et des roches 
intermédiaires plus anciennes. et même celles des calcaires de 
transition avec les roches arénacées. qui avoisinent leurs grandes 
masses, sont généralement répandues, tandis que le grès rouge 
n’est pas loujours lié au terrain de grauwacke: ainsi ce n’est que 
dans la Belgique et les îles britanniques que les parties infé- 
rieures du terrain houiller alternent avec un dépôt intermé- 


48 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


diaire , le calcaire à encrines, landis qu’en Allemagne ce terrain 
se lie plutôt à la grauwacke par des passages. 

D'un autre côté, le calcaire secondaire paraît se lier aussi en 
Allemagne avec le grès rouge, par une espèce de passage, tandis 
que dans les Alpes il alterne de plus avec ce dépôt; mais en 
Allemagne le gres bigarré ne lui paraîl jamais lié, tandis qu’en 
Angleterre on cite des alternations des parties inférieures du grès 
bigarré avec les assises supérieures du calcaire magnésien ou pre- 
mier Calcaire secondaire anglais. 

Le grès bigarré, au contraire, se trouve, en Allemagne; souvent 
uni par des alternances ou des passages au second calcaire secon- 
daire ou au muschelkalk des Allemands; ainsi l’on voit, dans 
plusieurs endroits, autour du Hartz, comme près du lac salé, à 
Artern, à Rothenburg , à Barnburg et Salze, les portions tout- 
a-fait supérieures des marnes du grès bigarré admettre entre 
leurs lits trois ou quatre couches minces de calcaire compacte, 
grisâtre , blanc, ou d’un calcaire oolitique particulier ; ressemblant 
bien plus aux oolites (Roggenstein) du premier calcaire secon- 
daire qu'aux oolites du Jura. A Barnburg , une de ces couches 
calcaires renferme du silex pyromaque et un des lits de marnes 
intercalées entre ces calcaires du gypse. 

On connaît à présent que le même fait a lieu, cà et la, dans 
l'ouest de la France, le long des Vosges, comme à Vic; mais en 
Angleterre on ne voit rien de semblable , probablement parce 

ue la formation du muschelkalk n’a pas pu s'élever aussi haut 
de ce côté du vaste bassin compris entre les Vosges et les Ar- 
dennes , d’un côté et de l’autre, entre la bande intermédiaire qui 
s'étend depuis Nantes et Angers jusqu’en Ecosse. 

Dans la partie sud-ouest de l'Allemagne, ces alternances n'ont 
pas lieu ; mais un passage s'établit entre le grès bigarré et le mus- 
chelkalk , au moyen de rognons calcaires contenus dans le grès 
à grains de feldspath, que nous avons signalé dans les parties les 
plus supérieures du grès bigarré de ces contrées. De plus, ca et la, 
les parties inférieures du muschelkalk empâtent beaucoup de dé- 
bris quartzeux et forment une espèce de calcaire arénacé ou de 
grès à ciment de calcaire qui passe insensiblement au calcaire pur; 
c’est ce qu’on voit bien près de Coburg au Bachberg, du L'angen- 
berg, etc. Se 

| (La suite à un prochain numéro.) 


= 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, ' 49 


DESCRIPTION 


D'UN ANIMAL NOUVEAU 


Qui appartient à la Classe des EcæiNopermrs; 


Par L. ROLANDO, 


Professeur d' Anatomie. 
Il 
(Lu à la Séance du 24 janvier 1822, de l’Académie royale des Sciences de Turin } 


Prusreurs années se sont écoulées depuis que j'ai promis de 
donner la description de quelques animaux lout-à-fait singuliers que 
j'avais découverts dans les mers de Sardaigne ; île très riche en 
toute sorte de productions naturelles. Le doute qu'il püt exis- 
ter une description de ces animaux qui ne füt pas à ma connais- 
sance a été la seule cause d’un si long retard. Maintenant encou- 
ragé par mon savant collègue et ami, le professeur Bonelli, qui tout 
nouvellement a recu de Gênes quelques-uns de ces animaux , que 
je me proposais de faire connaître, je vais donner la figure et la 
description d'un des plus curieux, avec les détails anatomiques, 
dont je crois pouvoir garantir l'exactitude, ayant pu soumettre à 
la dissection plusieurs individus en très bon état, et presque vi- 
vans, Ce qui ne pourrait se faire sur ceux conservés même pour 
peu de jours dans l’esprit de vin. J 

Je me trouvais au mois de mai 1816 sur les côtes de la petite 
île dite de l’AÆsirara , occupé de la recherche des mollusques et 
des annelides , qui se trouvent dans les eaux de la mer à peu 
de profondeur , lorsque dans un endroit où l’eau était bien claire, 
et dont le fond était d'une pierre très lisse, je vis une espèce de 
cordon assez long , de couleur verte, qui avait quelque ressem- 
blance avec certaines espèces d'algues, ou de fucus, ou autre 
plante de celte nature, et qui se relirait brusquement et dispa- 
raissait presque entièrement. Je n’ai pas lardé à en trouver d'autres, 


Tome XCY. JUILLET an 1822. 7 


5a JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

qui, touchés légèrement, se retiraient de même; de manière que je 
ue savais pas si c'était une plante très sensible ou un animal 
d'une nature bien singulière. Mes doutes n'ont pas été mieux 
éclaircis, lorsque je me suis emparé d’un de ces cordons, qui, 
comme je le dirai plus bas, était la queue de l'animal. Par là je 
me suis assuré que C’élait une substance animale, sans toutefois 
pouvoir décider à quelle espèce elle pouvait appartenir. Après 
avoir redoublé mes recherches, je réussis enfin, en soulevant 
une très grosse pierre, à saisir un de ces animaux tout-à-fait en- 
tier, el je pus m'assurer que ce cordon, si contractile, n’en était 
que la queue. 

Cet animal ressemble exactement à un boudin, c’est-à-dire, que 
son corps, long de trois à quatre pouces, est cylindrique, oblong, 
et présente une bouche ronde, petite et très simple à son extré- 
milé antérieure, tandis que de la postérieure se prolonge une 
queue de huit à dix pouces, divisée en deux cordons plus minces, 
plus membraneux, et comme festonnés à leur bord intérieur. 

Tout le corps de cet animal est très contractile, principalement 
la queue qui peut se retirer ou se raccourcir, de manière à être 
réduile à un ou deux pouces de longueur. À cause de la très 
grande contraclibilité du sac, qui forme le corps de l'animal, et 
qui renferme les viscères, celui-ci tantôt se rétrécit en différens 
endroils et présente deux, trois ou quatre bosses; tantôt il s’a- 
longe de manière à prendre la figure d’un gros ver de terre ou 
d'une sangsue. La queue, en se prolongcant de l’extrémité posté- 
rieure , forme un pli long d’un demi-pouce; c'est au commence- 
ment de celui-ci que l'anus est pour ainsi dire caché, ayant à son 
côte une autre ouverlure qui conduit à un organe particulier, que 
je crois être destiné à la génération. 

Tout le corps de lanimal est d’un beau vert, et ce n’est 
qu'avec difliculié qu'on y distingue des lignes transversales, qui 
pourraient le faire croire une annelide; c’est enfin, en obser- 
vant avec bien de l'attention, qu'on découvre de pelils points 
un peu relevés qui pourraient être des glandes mucipares, puis- 
qu’une assez grande quantité de mucus verdätre s'exhale conti- 
nuellement de tout le corps de l’animal. La quantité de cette hu- 
meur verdaätre qui suinte de sa peau est si grande, que ayant mis 
quelques-uns de cesanimaux pêle-méle avec des mollusques etdes 
annelides dans une pinte d'esprit de vin, ceux-là ont suffi pour 
donner une couleur vert-foncée, non-seulement à la liqueur spi- 
rilueuse, mais à tous les autres animaux y contenus, qui en 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 51 


conséquence ont été défigurés. Ayant observé sept à huit de ces 
animaux en pleine vie, j'ai remarqué qu'ils nagent à peu près 
comme les sangsues , maisils changent bien plus souvent de forme. 
C’est pourquoi ils se cachent dans de petits trous creusés dans 
les pierres, et quoiqu'ils étendent en dehors leur longue queue, 
il est impossible de les en tirer, parce qu'ils enflent leur corps, 
et la queue se détache sans que l'animal paraisse en souffrir. Ce 
qui a fait que la première fois que j'ai vu de cesanimaux, ne pouvant 
saisir que celte parlie, j'ai été bien embarrassé pour reconnaitre ce 
qu’elle pouvait être. 

J'ai remarqué que quand cet animal est tranquille il étend 
sa queue; mais il m'a été impossible de vérifier quel usage il 
peut faire d’une partie si remarquable. Rien n’annonce qu'elle 
puisse lui servir à la respiration et faire les fonctions de branchies, 
qui préséntent tant de formes bizarres dans les animaux des 
classes voisines. Je ne vois pas non plus que ce soil un organe 
qui puisse servir à tendre des piéges à d’autres animaux plus 
pelits, pour en faire sa nourriture, parce qu'ayant examiné les 
substances contenues dans les boyaux, j'ai lieu de croire que 


celte sépèce de ver se nourrit de végétaux qui croissent au fond 
de la mer. 


: ORGANISATION. 


Afin de mettre de l'ordre dans la description des organes de 
cet animal , je commencerai à parler du système vasculuire , 
puis du système nerveux, ensuite de l'appareil ‘alimentaire, et en 
dernier lieu des tégumens. 


SYSTÈME VASCULAIRE. 


Les organes principaux du système vasculaire ou de la circu- 
lation sont deux vaisseaux qui , entièrement attachés à l'enveloppe 
dermo-musculaire (c’'est-a-dire à la face interne de la couche mus- 
culaire et des tégumens }), se prolongent de la bouche à l'anus, 
offrant toujours à peu pres le mème calibre et se montrant à peine 
un peu plus petils vers la première. De ces deux vaisseaux, l’un 
doit étre une artère et l’autre une veine; mais, faute de diffé- 
rences bien prononcées, il m'a élé impossible de les distinguer. 
J'ai même observé qu’il est plus facile de les voir dans les ani- 
maux conservés quelque temps dans l'eau de-vie que dans ceux 
qui sont morts depuis peu. 


7 


52 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


De cette artère et de cette veine sortent une infinité de vais- 
seaux extrêmement déliés qui vont en grand nombre s'insérer 
dans les intestins, et probablement dans le vaisseau qui longe 
une portion du tube alimentaire, comme je le dirai tout à l'heure. 
Ces petits vaisseaux forment un lacis, un tissu filamenteux d’une 
finesse extraordinaire, et vont aussi en grand nombre se perdre 
dans l'enveloppe dermo-musculaire. Un autre vaisseau plus petit 
que ladite artere et que la veine , mais qu’on distingue aisément, 
parce qu'il se trouve sur un fond bien différent, longe une grande 
partie du tube alimentaire. Près de l'anus il communique avec un 
des susdits vaisseaux, passe ensuite sur le rectum et s'étend sur 
plus de la moitié des boyaux. Il s’amincit ensuite et finit par dis- 
p rallre sur la portion des inteslius qui se trouve plus pres de la 
bouche. 

Cormme je l'ai déja remarqué, il recoit un très grand nombre 
de ces vaisseaux extrêmement déliés qui viennent de l’artère et 
de la veine. Sur les parois intérieures du sac, on décou- 
vre aussi des réseaux vasculaires très fins, comme on en 
voit dans tous les autres animaux. Il est bon d'observer que celte 
disposition du système vasculaire a beaucoup de rapport avec 
celle des holothuries, des oursins , des siponcles, animaux que 
j'ai disséqués avec toule la patience qu’exigent de pareilles re- 
cherches. 

J'ai remarqué plus haut que je ne croyais pas que la queue 
avec ses longues dépendances püt faire les fonctions d'organe 
respiratoire. En effet, ayant coupé cette partie à un animal vi- 
vant, il n'en parut point inquiété , et vécut plus de vingt-quatre 
heures. J’ai eu lieu d'observer que ces animaux exigent une eau 
bien pure, car lorsque j'en conservais dans l’eau, avec de petits 
poissons, des mollusques ou des annelides, j'ai vu que c’étaient 
ceux-là qui souflraient davantage , et que je trouvais morts bien 
avant les autres, si l’eau n’était pas changée. 

Il me paraît que-la combinaison de l'oxygène avec le fluide 
nourricier , qui lient lieu de sang, se fait chez ces animaux à 
Ja surface de la peau, où comme je l'ai remarqué, on observe des 
réseaux vasculaires lrès fins, etoù aboutissent un très grandnombre 
de ces vaisseaux irès déliés qui sortent de l'artère et de la 
veine, 


Qt 
CN 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


SYSTÈME NERVEUX. 


Tous ceux qui cullivent la Zootomie sont au fait des grandes 
difficultés qu’on trouve dans la recherche du système nerveux 
des animaux les plus simples. En conséquence, il pourrait se 
faire que ce que je vais dire à cet égard ait besoin d'être rectifié. 
C’est pour celle raison que parlant du système nerveux, il est 
nécessaire que je considère en même temps, l'appareil de la 
locomotion qui, dans cet animal, se réduit à deux couches de 
fibres musculaires très fines étendues sur les tégumens. 

C’est entre les deux vaisseaux, que j'ai décrits les premiers, que 
j'ai vu un cordon très mince, d’une substance transparente et 
gélatineuse, queje crois être un filament nerveux. Celui-ci s’étend 
de la bouche à l'anus. Je n’ai point observé de ganglions ou de 
renflemens, ni près de la bouche, ni le long du cordon (qui 
peut-être se prolonge dans la queue, quoiqu'il m'ait été impos- 
sible de l'y découvrir). Ce qui peut faire croire que ce cordon 
est une espèce de moelle épinière, c’est qu'il a le plus grand rap- 
port avec celle du sipunculus nudus, et que les fibres musculaires 
sont beaucoup plus épaisses aux deux côlés de la ligne qui par- 
court non-seulement celui-ci, mais encore l’artère et la veine. En 
effet, le sac formé par les tégumens et les fibres musculaires, est 
beaucoup plus mince du côté opposé, puisque celles-ci y sont 
à peine visibles, et que c’est dans cet endroil qu’elles se déchirent 
plus facilement après la mort des animaux. 

Les fibres musculaires se divisent en deux couches, l’une ex- 
terne et l’autre interne. Les fibres extérieures qui se trouvent en 
contact avec les tégumens sont longitudinales, et transversales; 
les intérieures touchent les viscères. D'après cette disposi- 
tion très simple, ilest facile de se rendre raison des mouvemens 
singuliers qu’exécutent ces animaux. On conçoit aussi qu’ils peu- 
ent aisément se rétrécir dans toules les parties de leur corps, 
par le moyen des fibres transversales, et se raccourcir à laide des 
fibres longitudinales. Au moyen de ces mêmes couches muscu- 
laires, ils peuvent en outre exécuter plusieurs mouvemens com- 

posés. Cepeudant, en réfléchissant que des mouvemens de cette 
.balure ne peuvent pas avoir lieu sans nerfs, il parait ‘que des 
_nerfs très minces et invisibles, à cause de leur finesse, (doivent 
sortir dudit cordon, se distribuer à toutes ces fibres musculaires, 
et par conséquent à celles de la queue aussi, qui paraissent éncore 


54 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE; 


douées d’une plus grande contractilité. Ayant déjà remarqué 
qu’il existe une grande analogie entre ces animaux et les siponcles, 
je puis aussi par analogie conclure que des nerfs très déliés, que 
J'ai très bien vus dans ceux-ci, doivent existér dans cette nouvelle 
espèce. 

J’ajouterai que je n'ai pu découvrir dans ces animaux aucun 
organe de la vue, ni de l’ouïe; ainsi ils paraissent n'avoir d’autres 
sens que ceux du goût et du tact. Ce dernier doit être bien actif 
dans les appendices de la queue, 


APPAREIL ALIMENTAIRE. 


Le canal alimentaire est un tube très long, gros comme une 
petite plume de corbeau, entortillé en différentes manières. Avec 
un peu d'attention on le voit se séparer en deux paquets, dont l'an 
communique avec la bouche, et l'autre conduit à l’anus; tandis 
qu'ils communiquent entre eux par une-portion d’inteslins qui 
s'étend de l’extrémité postérieure vers l’antérieure. 

Ce long intestin est formé d’une tunique très mince, quoique 
probablement elle soit composée de plusd’une mémbrane. Il poar- 
rait se faire qu'il y existätun péritoine, qu'on découvre aisément 
dans les holothuries et dans les oursins. Extérieurementon n’y dé- 
couvre presque aucune différence, si cé n’est dans la couleur. Ge 
n'est, comme j'ai dit ci-dessus, que dans la portion qui conduit 
à l'anus qu’on trouve le vaisseau longitudinal qui disparait dans 
l'autre. 

La bouche lest très simple, exactement ronde et très contrac- 
tile. Elle est renforcée par quelques fibres musculaires. Autour 
de Panus:il:y a des petits faisceaux musculaires qui sont disposés 
tout autour en forme de rayons. Dans lé canal alimentaire s’ou- 
vrent près de la bouche deux conduits excréteurs qui appartiennent 
à deux glandes rougeñtres, oblongués , placées à côté de la por- 
tion de ce tube qui pourrait s'appeler œsophage. Ces conduits se 
ramifient comme celui du pancréas de l'homme, et les rameaux 
sontierminés par de petits grains assez semblables aux grains d'un 
sable très fin. On peut regarder ces petits grains comme des folli- 
-cules Sécrétoires. Ils ne sont pas liés ensemble par du tissu cellu- 
laïre, de manière que mis dans l'eau ilsise séparent, et la glande 
ressemble a une grappe de raisin. 

Au milieu des'intestins on découvre une vessie formée d'une 
membrane très-mince. Elle est remplie d'une eau qui sérait très 


ET D'HISTOIRE NATURELLÉ. 55) 
limpide, si elle n’était pas un peu troublée par la présence d’une 
grande quantité de petits corpuscules blanchätres. Cette vessie, 
qui s'étend au-dela des deux tiers de l’animal , se rétrécit posté- 
rieurement en un conduit qui s'ouvre séparément tout près 
de l'anus dans ledit pli ou fissure, qu’on trouve à la racine de la 
queue. A l'endroit où le conduit s'épanche pour former la vessie, 
il se détache un pédicule plus mince, qui est terminé par des 
filamens très courts, ce qui lui donne l’aspect tantôt d’un pinceau, 
tantôt d’une fleur semiflosculeuse. J'ai trouvé quelquefois ladite 
vessie vide et aflaissée , et le pinceau plus petit. Une diflérence 
aussi remarquable m'a fait croire que ces organes sont destinés à 
Ja génération, et que les atomes blanchâtres sont des œufs : alors 
ces animaux seraient des hermaphrodites. 


TÉGUMENS. 


._ Les tégumens de ces animaux sont parfaitement unis, et s’é- 

tendent sur tout le corps et la queue. Comme je l'ai déjà dit, on 
y voit des lignes transversales, et avec beaucoup d'attention on y 
découvre de petits tubercules. Il est presque impossible de les 
détacher des couches musculaires déjà décrites, qui doublent leur 
face intérieure. Extérieurement ils sont enduits d’un mucus ver- 
dâtre , qui paraît être continuellement exhalé par ces petits tuber- 
cules , qu’on peut regarder comme des RE muqueux. 


RÉFLEXIONS. 


La description et les détails anatomiques que j'ai donnés de 
cet animal singulier mettent hors de doute qu’il n'a pas été dé- 
crit jusqu’à présent, et qu'on peut le regarder comme absolu- 
ment inconnu aux naluralistes. On peut aussi conclure qu'il 
n’est pas facile de lui assigner sa véritable place dans l'échelle 
des êtres organisés. 

Au premier aspect, surtout si l’on a égard à sa grande mobi- 
lité, on pourrait le prendre pour une annelide, et le placer très 
près de la sangsue ; mais la disposition des vaisseaux, la structure 
singulière de son canal alimentaire, l'absence de quelques or- 
ganes, el surtout des anneaux, sont autant de raisons pour ne 
point le comprendre dans celte classe , et pour le reléguer dans les 
classes inférieures. M'étant beaucoup occupé de la structure des 
Echinodermes proprement dits, je puis assurer qu'il s'éloigne de 


56 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ceux-ci par sa forme ainsi que par son organisation inlté- 
rieure. Mais comme M. Cuvier , dans son règne animal, vient 
d'établir un second ordre d'Echinodermes, sous lequel il com- 
prend ses molpadies et ses miniades , ainsi que les priapules de 
Lamarck et les siponcles, il parait que sa véritable place est à côté 
de ceux-ci, quoiqu’au premier abord on puisse s’apercevoir qu’il 
s'éloigne tellement de tous qu’on ne doit pas hésiter d’en faire un 
genre particulier. 

Pour les mêmes raisons, on peut dire qu’il n’a rien de commun 
avec le priapulus caudatus de Lamarck, puisque cet auteur, et 
principalement M. Cuvier, d’après Muller, donnent à celui-ci 
des dents à la bouche, un seul intestin qui de la bouche va 
droit à l'anus, et un système musculaire semblable à celui des 
holothuries. 

Maintenant s'agissant de donner un nom à l'animal que j'ai 
décrit, je me propose de suivre l'exemple de plusieurs naturalistes 
qui ont appelé les espèces nouvellement découvertes du nom de. 
quelque homme célebre, et j'ai choisi, à cet effet, celui d'un 
savant de notre pays, dont les travaux, en même temps qu'ils 
répandent le goût pour l’histoire naturelle, reculent les limites 
de la science. C'est du nom de notre collègue le professeur Bo- 
nelli, que je déduirai la désignation générique de cet animal, et 
que j'appellerai Bonellie. D'après ce que j'ai dit plus haut, son 
Caractère générique pourrait être le suivant ; 


Bonellia, 


Corpus oblongum summopere con- 
tractile, cauda longa in duas lacinias 
divisa prædilum. Os simplicissimum 
ad anticum extremum positum. 


Bonellia viridis. 


B. Corpore æquali, lævi: cauda 
longa complanata lacinits membrana- 
ceis margine Interno obscuriori, un- 
dulato, lobato. Habitat in littoribus 
Sardimiæ et Genuæ. 


Bonellie, 


« Corps oblong, cylindrique, très 
»contractile, bouche très simple à 
« l'extrémité antérieure. A la posté- 
» rieure, queue bifide. » 


Bonellie vert. 


« Corps très lisse, queue longue a- 
» platie, divisée en deux cordons ayec 
» e bord intérieur plus foncé, mem- 
» braneux, ondulé et festonné, Habite 
» les côtes de la Sardaigne etde Genes.» 


Peu de temps après que j'avais trouvé le Bonellie vert, un pè- 
cheur m'apporta un animal qui avait avec celui-ci bien des rap- 
ports ; mais comme il était conservé dans l'esprit de vin, et que Je 


ET D'HISTOIRE. NATURELLE. 57 


n'avais jamais pu avoir que ce seul exemplaire, je.ne puis. rien 
dire sur son état M à parce que, comme on sait, Ces ani- 
maux si. tendres, changent beaucoup en les conservant dans des 
liqueurs spiritueuses, Ainsi n'étant proposé de garder cet animal , 
je me suis borné à ne faire qu’une petite ouverture pour voir si 
les viscères différaient beaucoup de ceux, du Bonellie vert, et 
j'ai observé que les intestins étaient un peu plus gros, mais en- 
tortillés à peu près de la même manière; les parois du sac parais- 
saient un peu plus épais et plus fermes. D'après l’assertion du pé- 
cheur , la couleur n'avait, pas beaucoup changé, elle était 
seulement un peu plus éclaircie :par l’action de la liqueur spiri- 
tueuse. 

Il avait trouvé cet animal dans ses filets sur les côtes de 
la Sardaigne, à peu de distance d'Alghero. Je définis cet 
animal: | 


Bonellia fuliginosa. Bonellie brunätre. 


B. Corpore fusiformi tuberculato. & Corps fusiforme parsemé de tres 
Cauda et lacinis teretibus apicibus  » petits tubercules, queue ronde, ainsi 
subglobosis. Habitat in littoribus Sar+ . » que les deux, cordons, qui sont ter- 
diniæ!: » minés par un globule charnu. Habite 

» les côtes de la Sardaigne: » 


EXPLICATION DES FIGURES: 


- Fig. 1. Représente un Bonellie vertde grandeur naturelle des- 
siné d’après un des plus gros que j'aie vus. À son extrémité an- 
térieure on yoitla bouche sous la forme d’un trou rond, tres 
simple. Son corps est rétréci en trois endroits. 


a. Vessie qui sortide la fissure, (2) quise trouve à la racine de 
la queue où se cache l’anus. Ladite vessie.est celle que je 
regarde comme organe de la génération, ‘et qui était remplie 
de corpuscules blanchätres qui pourraient étre des œufs. Je 
crois que celle vessie est sortie duventre à cause des contrac- 
tions trop fortes du sac: 


Fig, 5. Bonellie brunätre , fusiforme. 
a Bouche située à l'extrémité antérieure: 
b Anus un peu éloigné de la queue. à 
c Membrane:qui. s'étend d’un cordon à l'autre, Ceux-ci 
sont terminés par un tubercule globuleux. 


Tome XCF. JUILLET an 1822. 8 


58 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE; 


Fig. 4. Un Bonellie vert. Ouvert pour mettre en vue les vis- 
cères et grossi. 

a Espèce de glande salivaire qui avec son conduit s’ouvre 
dans l’œsophage. 

b La même glande du*côté opposé, dans laquelle les fol- 
licules sont séparées pour faire voir que les petits 
grains avec leur conduite ont la forme d’une grappe 
de raisin. 

c Bouche très simple, ouverte. 

d Œsophage très peu différent du tube alimentaire. 

e Boyau ou tube alimentaire. à 

e' Paquet des intestins qui lient à l'œsophage, et la: por- 
on intermédiaire. 

e* Portion de l'intestin qui de la partie postérieure se di- 
rige vers l’antérieure, et se continue avec le paquet 
des intestins qui vont à l'anus. 

e* Paquet des boyaux qui vont à l’anus. 

f Fibres ou fascicules musculaires disposées en rayons 
autour de l'anus. 

g Vaisseau qui longe l'intestin. 

h Les deux vaisseaux longitudinaux. On peut considérer 
l’un comme une artère, et l’autre comme une veine. 

ii Vaisseaux extrêmement déliés qui forment un /acis, ou 
tissu très-fin. En examinant avec altention, on voit 
pourtant que ces vaisseaux vont s'implanter en partie 
dans les parois de l'enveloppe, ou du sac dermo- 
musculaire, el en partie dans les instestins. Il est très 
difficile de dessiner exactement ces tissus vasculaires 
dans lesquels pourtant les vaisseaux sont parallèles. 

C’est entre les deux vaisseaux qu’on découvre le 
cordon gélatineux qui doit être considéré comme un 
filament nerveux, ou comme la moëlle épiniere. 

%k Vessie oblongue, à paroïs très minces avec son con- 
duit qui s'ouvre à côté de l'anus et que je crois être 
un organe de la génération. Elle était phée et entre- 
Jlacée avec les intestins. Ici elle est tirée de la cavité 
pour laisser voir les autres viscères. 

L Organe sous forme de pinceau, ou de fleur sémifloscu- 
leuse, qui sort entre la vésicule, et son conduit. 

m Queue coupée pour mieux faire voir le pli ou fissure, 
qu’on découvre à cet endroit. 


Fialleb TP2D 


DE 


“ 


Journal de Plupst 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 59 


nnParoïs du sac dermo-musculaire, qui contient les viscères. 
Ces parois sont formées extérieurement par les tégu- 
mens , et intérieurement par deux couches de fibres 
musculaires longitudinales et transversales. 

Fig. 5. Représente la vésicule avec son pinceau que je crois 
appartenir aux organes de la génération, parce que 
dans quelques individus je les ai observés beaucoup 
plus petits, et ainsi flétris. 


EXTRAIT 


D'un Mémoire intitulé: de l’ Influence du mouvement sur 
les directions spéciales qu’affectent certaines parties 
des végélaux , lu à l'Académie royale des Sciences, le 


29 juillet 1822; 
Par M. DUTROCHLT ; 
Correspondant de l'Institut: 


Ox connait les expériences de MM. Hunter et Knight sur la 
direction que prennent la plumule et la radicule des graines en 
germination , lorsqu'on les soumet à un mouvement de rotation 
non interrompu. Hunter a vu qu'une graine de haricot placée au 
centre d’un baril plein de terre et que l’eau faisait mouvoir sur 
son axe horizontal , dirigeait sa radicule selon l'axe de ce baril. 
M. Knight a expérimenté que des graines placées à la circonfé- 
rence d’une roue verticale et animée d'un mouvement de rota- 
tion rapide, dirigeaient leur radicule vers la circonférence, et 
leur plumule vers le centre. Si la roue était horizontale, les radi- 
cules affectaient une direction moyenne entre la ligne verticale et 
la ligne horizontale , en se dirigeant vers la circonférence, les 
plumules affectaient une direction moyenne analogue, en se diri- 
geant vers le centre. M. Dutrochet a répété et vérifié les expé- 
riences précédentes ; ayant ensuite poussé plus loin ce genre de 
recherches, il est arrivé aux résultats suivans : 

Lorsque les graines sont placées à la circonférence d’une roue 


8, 


60 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


verticale qui tourne avec une cérltaine rapidité, les radicules se 
dirigent constamment vers la circonférence et les plumules vers 
le centre. 18, 

Lorsque la rotation ‘est fort lente et qu'il n’y a plus de force 
centrifuge appréciable, la radicule et la plumule se dirigent 
selon la tangente, la première se porte er avant où dans la di- 
rection du mouvement ; la seconde se porte er arrière ou dans 
la direction opposée à celle du mouvement. i 

Lorsque les graines sont placées à la circonférence d’une roue 
horizontale qui tourne avec beaucoup de rapidité , la-radicule-et 
la plumule se dirigent dans une horizontalité parfaite, la première 
vers la Circonférence et la seconde vers le centre. Plus la rapidité 
de la rotation diminue, plus ces parties tendent à reprendre leurs 
directions naturelles vers la terre et vers le ciel. 

Lorsque les graines sont placées au centre d'une roue verti- 
cale dont l'axe possède une inclinaison, mème fort légère, la 
radicule et la plumule se dirigent parallèlement à cet axe, la 
prémière se porte vers la partie déclive de l'axe et la seconde 
vers la partie ascendante de ce même axe. 

Lorsque l'axe est parfaitement horizontal , la radicule et la plu- 
mule se dirigent selon la tangente du très-pétit cercle que décrit la 
graine en lournant sur elle-même. Alors, comme dans une des 
expériences précédentes, la radicule se porte’ ez avant et la plu- 
mule en arrière. 

.. Si pendant qu’une graine tourne sur elle-même, l'axe étant 
parfaitement horizontal, on fait éprouver à celte graine de pe- 
tites secousses multipliées et toujours dans le même sens, la radi- 
cule se dirige dans le sens du mouvement de secousse; la plaomule, 
au contraire, se dirige dans le sens opposé à celui de ce mouve- 

ment de secousse. On peut, par ce moyeu, diriger à volonté la 
plumule et la radicule. 

Il résulte de tous ces faits, que la radicule se dirige constam- 
ment dans le sens du mouvement ou de la tendance dont elle 
subit l'influence, et que la plumule se dirige constamment dans 
le sens diamétralement opposé à celui du mouvement ou de la 
tendance dont elle subit l'influence. 

Ainsi, il.y a chez la radicule obéissance à la cause extérieure 
qui l'influence; il y a au contraire chez la plumule réaction 
contre la cause extérieure qui l’influence. Aïnsi, la radicule «et 
la plumule ont une manière diamétralement opposée de sentir 
l'influence de celte cause extérieure, puisqu'elles ont une maniere 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 6: 


diamétralement opposée d'agir à l’occasion de son influence. 
M. Dutrochet regarde ce phénomène comme tout-à-fait analogue 
à ce que l’on nomme, en Physique, polarisation. On peut dire, en 
effet, qu’an corps offre le phénomène de la polarisation , lorsque 
deux de ses parties dont la situation est diamétralement opposée, 
possèdent des propriétés opposées. Or, c’est ce qui a lieu par rap- 
port à la radicule et à la plumule des embryons séminaux. On 
en peut dire autant des feuilles des végétaux dont les deux faces 
opposées sont polarisées en sens inverse l’une de l’autre. M. Du- 
trochet s’est assuré de la vérité de ce dernier fait, en soumettant 
dés tiges munies de feuilles à une rotation continuelle. Les feuilles 
tournèrent leur face supérieure vers le centre de la rotation, et 
par conséquent leur face inférieure se trouva tournée vers la cir- 
conférence. Ainsi, la face supérieure des feuilles est polarisée 
comme la plumule, tandis que la face inférieure est polarisée 
comme la radicule. 

Le résultat général de ces observations est que la d'rection de 
la radicule vers le centre de la terre et celle de la plumule vers 
le ciel proviennent de ce que le pôle obéissant de la plantule, 
c’est-à-dire la radicule , obéit à la tendance de la gravitation, et 
de ce que le pôle réagissant de la plantule, c’est-à-dire la plumule, 
réagit contre cette même tendance. 

La direction de la face supérieure des feuilles et celle des 
tiges en général vers la lumière, provient de ce que ces parties 
étant le siége du pôle réagissant, se dirigent, par cela même, 
dans le sens opposé à celui du mouvement de la lumière. La face 
inférieure des feuilles, comme la radicule du guy, fuit la lumière, 
c’est-à-dire que ces parties se dirigent dans le sens même du 


mouvement de la lumière, parce qu’elles sont le siége du pôle 
obéissant, 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES! 


ÿ Dans le mois de Juin 1822. 


À 9 HEURES MATIN. A MIDI. À 3 HEURES SOIR. | A 9 HEURES SOIR. THERMOMÈTRE. 


Barom. | Therm. 
à o. extérieur. 


Barom.| Therm. 
ào. extérieur. 


Barom.| Therm. Barom. | Therm. 
ho. |extérieur, à o. ‘extérieur! 


‘SHaoï 


Hygr.f Maxim. | Minim. 


761,40|+17,50| 99 L 52,26l 416,75 
760,81|+21,00| gb |+95,00 416,50 
759,82|+24,00| 81 |H-27,4c+17,00 
759,01|+24,65| 90 |+532,00|+17,75 
758,00|+24,80| 85 1431,10|+19,60 
756,97|+24,25| 80 |+29,50|+ 19,25 
756,78|H-24,10| 89 |+29,00|+18,25 
753,27|+4-26,40| 71 |+29,85| 18,25 
754,89|+24,00| 82 |H99,2b| 18,25 
756,69|+19,60| 97 14-33,75|+18,60 
757,26|+19,50| 98 1429,50|+17,75È 
758,39 + 20,25] 76 ÎH-26,25|+16,5cÀ| 
757,60|-20,00| 69 |+-25,75|+14,50 
749,711+-25,00| 81 |H29,75|+15,0cl 
749,86|+19,50| 87 |H25,25| 418,508 
754,44|+17,90| 92 |+22,50/+15,oc]| 
760,98|+16,25| 80 |+20,75|+12,75 
756,69 +19,50| 74 Ht22,10|L11,75 
752,67|+17,50| 96 [25,90 412,75 
757,37 +17,00 à 23,75) +14 75 
959,17lH-19,00! 79 |+22,25|+19,95 
58,co|+20,75| g2 |+06,75| 4 14,75 


— |__| | | —— | ——| —— 


1]762,58|+27,25, 68 |761,63|+30,c0| 70 |760,46[4-30,50| 65 
2]761,44H-22,00| 76 |761,43/-24,co| 81 |760,74+24.90| 75 
8]760,571+23,25| 73 |760,45|+26,251 75 |760,04|+26,75| 74 
41760,05|4-25,85| 72 |759,88|430,25| 71 [759,06|+30,85| 71 
Db|758,65/428,75| 69 1758,51|+4-30,5c| 63 |757,31|4+51,10| 59 
| 6/757,87|+25,25| 71 |757,39 +27,85, 73 |750,48|429,5c| 66 
71757,68|423,75| 75 1957,35l+ 028,25) 65 |756,64|+29,00| 63 
À 4755,971+26,75| 75 |755,161L09,50| 69 [754,22 +29,75| 65 
1 9[753,711+25,10| 67 1753,54]4-28,50! 77 [756,76 29,25] 69 
bic|754,24|+27,25| 72 |953,94|430,25| 71 |754,82|+25,50| 79 
{11l758,14/+22,50| 80 |757,94|+27,6c| 75 |756,841+28,2b| 71 
12/757,80|+21,10| 92 1957,57|+25,50| 74 |757,22|4-26,25| 73 
113/759,57/+21,00| 71 |950,10|+24,60| 70 |758,47| 425,55] 68 
141755,50| 424,50) b1 |254,50|+98,00| 66 |752,65|+98,10| 64 
151749,641422,00| 81 1750,25|+23,50| 77 |749,1114 25,25] 76 
H16//52,54/422,25| 73 1755,50|+17,00| 85 |725,24]4-22,50| 97 
117/759,0416,85k87 1759,64]4-20,85| 74 |759,69|1-20,75| 70 
{161760,86/+18,60| 72 |759,86|+21,00| 70 758 60 +22,10| 67 
N1c1753,78|4-21,49| 74 |755,27|+24,50| 70 |752,13424,90| 68 
Nocl754,481+18,75, 80 |754,96|+23,75| 68 |755,55|+22,50| 66 
R211759,55|+19,00| 75 Î759,63/+21,50| 71 [759,05|+22,25| 70 
Éaol758,34/4+21,60| 78 1758,33|+25,75| 71 |758,00| +6,25 


h971757,92427,40| 70 Î757,81|+29,10| 71 |757,73|-25,75| 80 |759,27H18,50| 87 |H-29,10| L16,50 
8241760,30|-22,50| 67 1759,97|+25,75| 70 1759,5414+24,00 760,371+18,25| 89 24,00 14,50 
d25|761,02|+22,10| 75 |760,80|+24,00| 69 |759,9b|+24,10 760,16|+21,00! 82 [+25,10|+15,00 


64 |756,97 +91 ,50l 82 |+29,50|+16,00 
67 |761,71|+18,5c| 84 |H29,60|+15,10 
65 |759,26/418,40| 79 |+23,75|+13,00 
83 {760,38|/+15,00| 8g |+21,50|+15,co 
62 rer gi H22,00|+12,75 


h261758,581425,75] 70 Î758,0g|1-27,50| 67 |757,01|+428,50 
#271758,57|+20,50| 85 |759,17|+21,60| 74 |759,12|+92,60 
281769,961+22,95| 63 |761,68|+25,10| 64 |760,72|+25,75 
É29/758,16|+21,50 758,841+19,60| 82 [759,38 +17,50 
FRANS 76 l759,00|+21,90| 68 |757,73|422,00 


NT 728,28|+-25,32) 74 [757,9514-28,73| 74 |[757,501+28,711 69 1757,761+4-25,03| 87 p-29,91| 18,02 
i| 21756,09|+20,88| 77 1755.94|[+25,58| 73 [755,31|+24,60| 70 1755,50|+ 19,24] 84 8+25,15| 14,97 
| 3/759,5°|+ 22,29 73 759,28,4+23,68| 7: |758,80 +25,57| 71 759,24|+ 18,84] 85 +24,63|+14,49 
757,871 22,85) 75 f757,72-+25,431 72 |957,1414 26,29] 70 |757,50/-20,57| 85 À E26,43/ 15,49 


Et 
CN 


[ep] 
NI 


8 30 
31 


a 


RÉCAPITULATION. 
st Plus grande élévation... ...... 762""06 le 28 
mt de { Moindre élévation... se 49""11 le 14 
: Plus grand degré de chaleur.... +-33°75 le 10 
That { Moindre degré de chaleur... +11, 75 le 18 
Nombre de jours beaux...... 26 
de couverts ........ 2 
On a changé d'hygromètre le 3 mai de pluie... 206 15 
à 8" du matin. HE VENT en nes ele 30 


de brouillard..... de 


de gelée....... Den ono) 

de neige... ...... o 

de gréle ougrésil.... 2 | 
de tonnerre..... BPM) | [ 


Lire — + || 


29] ©,06 o,06 


1/31 
1} 56,50 33,90 
2| 63,15 58,15 
_3 _00, 26. 00,21 
"99,91 


_fQuan TITÉ ne PLUIE 


æ tombée 

G le! 
sur le haut 

É dans de l'Obser- 

+ | la Cour. yvatoire. 

Gr mille mille 

1] 22,00 19,50 

2 

3 

4 

5 

6 

7 

8 


92,26 | 


Jours-dont le vent a soufflé du 


Thermomètre des caves- {ie 


N e eux. 


Coûyert. 
eau ciel: 
Nuageux... 


-O: Idem. 


Moyennes du 1°*au 11. 
Moyennes du 11 au 21. 
Moyennes du21 au 30, 


“Moyennes du mois. 


LE MATIN. 


Idem, tonnerre. 
Nuageux, brouillard. 


Term. brouill. 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS, 


(Es Baromèle est it réduit d q la température de z zéro.) 


ÉTAT DU CIEL. 


A MIDI. 


Gros nuages-blancs, 


m, pluie à 4. [Nuageux. 
Po Beau ciel. 
Légers nuages à l'hor. [Nuageux. 
Idem. Idèm. 
Nuageux. Petits nuages à l'horiz. 
Idem. Beau ciel. 
Beau ciel Idem. 
Nuag., forte av:, tonn.|Nuageux. 
Nuageux Idem. , tonnerre. 
Pluie fine. Nuageux. 
Nuageux, brouillard. |  Jdem.. 
Beau ciel. Beau ciel. 
Légers nuages. Nuageux. 
Pluie. Très | nuageux, 
Nuageux, Pluie. 
Pluie. Nuageux. 
Beau ciel. Nuages à l'horizon. 
Nuages à l'horizon. |Nuageux. 
: Pluie abondante. Très nuageux. 
N.-E. Nuageux. Nuageux. 


Quelques éclaircis. 
Couvert, pluie à 167, 
Très nuageux. 
Idem. 
Idem. 
Couvert, 
Nuageux. 
Petite pluie. 
Nuag., pluie à 1*, 


Phases la Lune. 


P.L.]le 4à 8132" 
D'Q.le12à 4:24 s. 


RÉCAPITULATION. 


5: 12°,099- f 


NÉE A 
NE... al 19 
| EEE oo PERMRE 
Se Difasce EVE 
CRI TOR ESC o 
SAONE 3 
OR Rise 11 
INÉDIT ES 
51129097 | 


centigrades. 


LE SOIR, 


— 


Pluie abond., tonn. 
Petits nuages à l'horiz.! 
Idem. 
Lég. nuag., bro. à l’ho.: 
Nuageux, écl. de chal.! 
Idem. 
Idem. 
Idem. 
Nuageux. 
Pluie, grèle à 4? 
Pluie, tonnerre. 
Très nuageux. 
Beau ciel. 
Pluie, écläirs, tonn. 
Idem. 
Pluie, tonn., grèle. 
Beau ciel. 
Idem. 
Pluie, tonn. 
Beau ciel. 
Légères vapeurs. 
Nuageux Pluie à 2ht 
Nuageux. 
em 
* Idem. 
Idem. 
» Idem. 
Très beau ciel: 
Couvert. 
Très nuageux. 


.IIN.L.le1oà 6/41"m. 
P.Q.le26à 7/38 m. 


G2 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE; 


7 


RECHERCHES 


De quelques minéraux trouvés dans la terre antarctique, 
nouvellement découverte. ( Nouvelle Shetland du 
Sud ); 


Par M. THOMAS STEWART TRAILL. 


Le retour de quelques-uns de nos vaisseaux envoyés pour se 
procurer des veaux marins sur les côtes de la terre antarctique 
récemment découverte, a mis à ma disposition les substances 
minérales suivantes, qui sont d'un grand intérêt, en ce qu’elles 
tendent à jeter quelque lumière sur la Géologie de cette région 
affreuse et désolée. 


1. T'rap roc. C’est, dans quelques échantillons, une terre verte 
amygdaloïde, contenant des grains distincts de hornblende. Ce 
minéral ressemble grandement à la roche où l’on trouve surtout 
les zoolites des îles Farroé. Dans un échantillon que j'ai devant 
moi, il semble passer au basalte; et quand il est traversé par des 
veines de quartz et de calcédoine, il devient enlièrement dur, 
résistant à la lame du couteau; il montre une couleur noirâtre et 
une cassure conchoïdale; il est parfaitement semblable à la roche 
de Portrash en Irlande; où l’on trouve des ammonites. Jai exa- 
miné cette dernière roche, il y a environ deux as, el j'ai trouve 
que c'était un lit entre deux couches de terre verte commune, 
avec laquelle, en quelques endroits, elle est intimement mêlée. 


2. Apophyllite en beaux cristaux. Ge sont des prismes rectan- 
gulaires, avec des angles solides ; tronqués ou remplacés par des 
plans triangulaires. Parmi les plus grands cristaux de mon échan- 
tillon ; il y en a qui ont plus de trois dixièmes de pouce de long 
et deux dixièmes de large. L’échantillon forme un groupe sur 
des rhombes de spath calcaire et présente une ressemblance si 
frappante avec un échantillon d’apophyllite de Farroé , que l'œil 
ne saurait découvrir de différence entre eux. L'apophyllite de 
New-South-Shetland (nouvelle Shetland du sud) s'exfolie aisé- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 65 


ment à la flamme d’une chandelle ordinaire; elle se met en pièces 
-dans l'acide nitrique (quoique non lout-à-fait aussi promptement 
qu'un échantillon de Ferroë ) et à la fin, elle forme une gelée, 
Le lustre perlé est confiné aux plans terminaux des cristaux, 
tandis que le lustre des faces ou côtés est vitreux. Ces carac- 
tères sont suflisans pour distinguer l’apophyllite de quelques 
cristatux de stilbite, cristaux que j'ai trouvés adhérens à la masse. 
Quoique mon échantillon ne soit accompagné d'aucune matrice, 
le trapp est probablement la roche dans laquelle on rencontre ce 
minéral. é 

5. Suilbite. Quelques cristaux de celte substance sont mêlés 
avec l’apophyllite et conséquemment poussent, parmi les cristaux 
de quartz, dans des cavités dites druses. 

4. Druses contenant principalement des cristaux de quartz avec 
un petit nombre de cristaux d'apophyllite et de zéolite acciden- 
tellement entremélés. Ces druses sont remarquables pour leur 
parfaite ressemblance avec des druses qu’on trouve dans l’'amyg- 
daloïde de Ferroé. La cavité a d’abord une mince lisière de 
calcédoine qui n’a pas plus du dixième d’un pouce d'épaisseur, 
mais qui est uniformément répandue sur la surface irrégulière de 
la cavité de la matrice; ensuite on voit une couche d’une sub- 
stance opaque, blanche comme la neige, dure et cassante ; elle 
raye aisément le vérre; elle est infusible à la flamme du chalu- 
meau el inattaquable par l'acide nitrique. Elle passe par des 
nuances imperceplibles et se transforme en pyramides de quartz 
transparent. En comparant cet échantillon avec un morceau 
apporté de Ferroé, par le major Petersen, et un autre de Kiose 
Syssel en Irlande, la ressemblance de leur structure fut telle 

u’ils auraient pu passer pour des fragmens du même échan- 
üllon. 

5. Calcédoine en petites veines et en druses. 

G. Spath calcaire, à la fois en masse et en cristaux rhombes 
qui paraissent avoir tapissé les cavités dans la roche de trapp 
(trap roc). : 

7. Pyrites de fer disséminées en petits grains dans le dernier. 

Si, à ces minéraux bien constatés, nous ajoutons le charbon de 
terre qu’on rencontre en quantité considérable dans la partie du 
New-South-Shetland, d’où mes échantillons ont été apportés, 
nous devons considérer celle région, comme appartenant à une 
formation de trapps secondaires ou siratiformes , et nous ne pou- 


Tome XCF. JUILLET an 1822. 9 


66 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, 


vons nous empêcher de remarquer la forte ressemblance entre 
ces traits géologiques de la nouvelle terre antarctique et ceux 
des coutrées qui sont dans le voisinage du pôle arctique. - 
L'existence des ossemens bien conservés de plusieurs célacés 
el de veaux marins, sur le sommet des montagnes de la nouvelle 
Shetland du sud, est pleinement confirmée. Je possède le crane 
d’un’animal appartenant à la clase des mammalia, \rouvé au som- 
met d’une montagne considérable de ce pays. Ce crâne, d’après 


une inspection faite à la hâte, paraît avoir apparlenu à une 
grande espèce de veau marin. 


RECHERCHES ANATOMIQUES 


Sur quelques conduits particuliers et très remarquables 


appartenant aux organes de la générauon femelle de 
quelques animaux ; 


Par M. H. GARTNER, 


Docteur en Médecine à Copenhague. 


Ex examinant l'utérus de différens animaux , M. Gartner a ob- 
servé dans la truie et la vache deux conduits qui, par leur gran- 
deur et leur structure, sont très remarquables et méritent toute 
l'attention du naturaliste. Ces conduits commencent dans le vagin 
et s'étendent de chaque côté tout le long des cornes de l'utérus. 
La partie vaginale commence près de l'uretère, où l’on trouve de 
chaque côté une ouverture semi-lunaire qui mène dans un canal 
qui, en faisant une petite courbure, entre dans l’épaisseur de la 
paroi vésicale du vagin. Caché dans celle paroi , il s’avance vers 
l'utérus. Dans la truie, ce canal est bientôt entouré d’une masse 
de petites glandes qui par des conduits très nombreux aboutissent 
dans ce canal; ces glandes entourent la plus grande partie du 
canal, tant qu'il parcourt la partie moyenne du vagin; peu 
à peu elles diminuent en nombre et le canal se rétrécit, 1l devient 
trés mince. Comme un fil très fin, il s’avance vers l'utérus: 
arrivé à cel organe, il en traverse une petite partie, puisil s’en- 


ET D'INISTOIRE NATURELLE. 67 


gage dans le ligamentum latum et accompagne les cornes de 
l'utérus , de chaque côté, presque jusqu'aux trompes de fallope , où 
il disparaît , en devenant très fin, ou en se divisant en plusieurs 
branches. 

Dans la vache, les orifices de la partie vaginale sont très grands; 
le canal même est très dilaté , et se trouve plus à la surface interne 
de la paroi vésicale du vagin, où il est très facile de le trouver. 
Il n’est pas entouré de glandes distinctes, comme dans la truie, 
mais on en observe par-ci et par-là qui s’y annexent. Il se rétrécit 
vers la partie antérieure ou supérieure du vagin, entre dans la 
substance du col de l’utéras où la partie utérine du canal com 
mence, Cetle partie commence ou en faisant plusieurs replis 
en forme d’une spirale, ou en formant plusieurs cellules qui 
communiquent de différentes manières. Ayant dépassé le col de 
l'utérus, il reparaît sur la surface inférieure ou antérieure de cet 
organe, puis il le quitte et se plonge entre les lames du ligamen- 
tum latum. 1 Court parallèlement avec la corne de chaque côté, 
et semble l’origine des tubes fallopiens 

Ces conduits ou canaux sont formés par plusieurs luniques et 
recouvrent un assez grand nombre de vaisseaux sanguins. La 
partie utérine est entourée d’une membrane assez forte, dont 
l'épaisseur est encore plus considérable au commencement de 
cette partie, c’est-à-dire au col de l’utérus. 

Ces conduits sont très constans et ne manquent jamais dans les 
animaux indiqués; mais ils sont sujets à plusieurs variations 
qui semblent dépendre de l’âge de l'animal, mais surlout du 
temps où l'animal est en rut et des différentes époques de la 
gestation. C’est alors qu'on trouve la partie vaginale, surtout 
chez la vache, remplie d’une liqueur jaunätre, visqueuse et 
épaisse. Les replis ou circonvolulions que la partie utérine forme 
au col de lutérus, sont plus grands, le canal est plus dilaté. 
Chez la truie, ces dilatations se trouvent en différens endroits, et 
entre ces dilatalions , le canal est quelquefois très rétréci et réuni. 
En d’autres endroits, on trouve une série de petits renflemens 
formant un chapelet ou plusieurs hydatides. Ces variations ne 
sont pas de la même manière de chaque côté. 

Dans un animal très jeune on peut injecter tout le canal avec le 
mercure ; chez l'adulte, le passage par la partie qui entre dans 
la substance du col de l'utérus est quelquefois imperviable. 

M. Gartner s'occupe à poursuivre ses recherches dans les autres 
animaux. 


9:. 


68 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Nota. Ces conduits très curieux n’ont été observés par au- 
cun des anatomistes modernes qui se sont occupés de l'examen 
anatomique des organes de la génération , et cependant ces con- 
duits ont déjà été découverts par Malpighi qui nous en donne la 
description dans une lettre adressée à Jacques Sponius. M. Gart- 
ner, en les découvrant de nouveau et en ayant donné une descrip- 
tion exacte , suivis de dessins très bien exécutés , a dirigé l'attention 
des naturalistes sur ces parties qui semblent jouer un rôle assez 
important, peut être, ou au moment de la conception ou pendant 
la gestation. 

Éa société des sciences de Copenhague à qui il a-présenté son: 
Mémoire , l'a encouragé à poursuive ses recherches et l’a honoré 
d’une médaille. 


LETTRE 


A M. Aurère, Membre de l’Institut de France, etc. 


. J'ai l'honneur de vous adresser le Mémoire (1) contenant la des- 
cription des expériences électro-magnéliques que j'ai faites à l'aide 
d'appareils électo-motcurs simples, et qui confirment la théorie 
électro-magnétique que vous avez découverte et démontrée par 
vos belles expériences. Il est accompagné d’une boïte contenant 
quelques appareils flottans, et entre autres une hélice qui res- 
semble parfaitement à une boussole ordinaire, par la direction 
spontanée dans le méridien magnétique , sa polarilé et tous les 
phénomènes qu'elle présente sous l'influence du barreau aimanté. 
J'ai dû la plier pour l'emballer, mais il sera facile de la redresser 
avec une pelite pince, en sorte que son axe soit parallèle aux 
plaques métalliques. ; 

‘ Au mois d'août dernier, j'avais envoyé ce Mémoire au Rédac- 
teur des Annales générales des Sciences physiques à Bruxelles ; 
mais ce journal ayant cessé de paraitre, il ne fut pas imprimé. Il 
m'a été rendu au mpis de novembre, ,et depuis ce temps, j'ai 
répélé toutes les expériences qu'il contient, el j'en ai fait beaucoup 
d'autres qui n'y sont pas décrites, pour confirmer les explications 
que je donne des mouvemens variés produits par l'action du bar- 


———————————_——— 


(1) Ce Mémoire a été publié dans le tome précédent. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 69 


reau sur mes différentes boussoles simples et sur les hélices que 
j'ai été conduit, sans y penser ,à en explorer tous les mouveémens 
que le barreau produit, présenté dans toutes les positions pos- 
sibles, et les expliquer par les seules lois d'attraction et de ré- 
pulsion des courans. La lâche n’était pas facile; vous jugerez 
jusqu'à quel point j'y ai réussi. 

Le dernier paragraphe n'est pas complet, il y manque une 
douzaine de feuilles que j'aurai l'honneur de vous faire parvenir 
dans peu. 

Je puis vous garantir l’exactitude des expériences, je ne crois 
pas m'être trompé; mais je réclame, Monsieur, votre indul- 
gence pour le style el la rédaction, vous vous apercevez que je 
ne suis pas francais. La description des expériences de positions 
et de mouvemens si variés présentait des difficultés: pour me 
rendre intelligible, j'ai dû me rapporter aux points cardinaux 
magnétiques, quoique les effets soient les mêmes dans des posi- 
tions différentes. J'ai dù employer l’ancienne manière de désigner 
les pôles du barreau. 

Je regrette beaucoup que je ne puisse avoir l'honneur de répéter 
ces expériences devant vous; elles exigent des attentions minu- 
tieuses , mais j'en ai à présent l'habitude. 

L'action du barreau produit des mouvemens qui ne sont sou- 
vent que trop considérables; au reste, cette action ct si constante 
et si égale pendant des heures, que je pense que mes expériences 
pourraient fournir des résultats propres à confirmer les lois ma- 
thématiques. J'ai résolu la difficulté qu’on objectait contre votre 
loi des courans, dont j'ai eu l'honneur de vous parler dans ma 
première lettre : je serai charmé de savoir ce que vous en 
pensez. 

Je puis maintenant rendre raison de tous les phénomènes nés 
de l’action mutuelle de deux boussoles. Il y en a que je n'avais 
jamais observés et que mes expériences sur les hélices m'ont fait 
connaitre. 

_ J'ai observé, l'été dernier, un phénomène qui mérite attention. 
Au commencement, je n’employais dans mes expériences que du 
{il de laiton (on n’en trouve pas d'autre dans le commerce ); en 
approchant le barreau très près d'une hélice, la répulsion changea 
en attraction. Je fus long-temps à chercher la cause de ce fait 
contraire à la loi des courans. Je cru d’abord que le barreau avait 
changé de pôle par une chute; mais cela n’était pas. Je soupcon- 
nai alors la présence du fer dans la soie dont l'axe de l'hélice était 


70 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE» 


enveloppé. Mais les hélices en fil d'argent ne présentant pas le 
mème phénomène , je commencai à soupconner du fer dans le 
fil de laiton; mes soupcons furent confirmés par l'expérience 
suivante : je placai l'hélice sur un bouchon flottant sur l’eau , et 
je lui présentai le barreau ; elle fut très fortement attirée. A pré- 
sent, comment concevoir que l’action du barreau détermine un 
magnétisme contrairé à celui causé par les courans électro-vol- 
taïques ? et pourquoi cela n’arrive-t1l pas aussi dans l'argent ou 
dans le cuivre, aussi bien que dans le fer (1)? Depuis ce temps, 
j'ai le dessein de remplacer le fil de cuivre ou d'argent, par le 
fil de fer, pour observer la différence des phénomènes résultant 
de l’action du barrean. 
Je vous prie, Monsieur , elc. 
VANDERHEYDEN, Professeur à 
l'Université de Licge. 


(1) On ne voit pas quelle difficulté il peut y avoir à cet égard, 
les courans électriques que j'admets autour des particules du fer 
et dé l'acier, et probablement de tous les corps, se trouvant si- 
tués dans toutes sortes de directions, leur action au dehors est 
nulle, parce qu'il y en a nécessairement autant qui altirent qu'il 
y en a qui rwoussent une pelile portion de courant électrique 
situé au dehors ; ceux de l'argent, du cuivre, ne pouvant être 
déplacés par aucune cause, résteront comme ils étaient et par 
conséquent n’agiront pas quand le corps où ils se trouvent sera 
parcouru par un courant électrique. Ce Corps n’agira donc qu’er 
verlu dé ce dernier courant; si le conducteur est un fil de fer ou 
d'acier, les courans des particules qui se trouvent dans l’axe du 
fil ne pourront avoir aucune tendauce à changer de direction, 
parce quele courant du fil se compose d’une multitude de courans 
situés symétriquement relativement à cés particules, et qui ten- 
dent , par conséquent, deux à deux, à agir sur elles en sens con- 
traives avec des forces égales. Les courans des particules du fil 
qui sont entre son axe el sa surface, téndront, par l’action des 
courans éxcités dans ce fil par la pilé, à prendre des directions | 
détérminées ét telles que leurs plans passant par l'axe du fil, 
soient dirigés du côté où ils sont le plus près de cet axe, dans 
le sens des courans produits par la pile; mais il est aisé de voir 
qu'après qu'ils auront pris celte situation , leur action au dehors 
se détruira encore mutuellement, précisément comme il arrive 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. TI 


aux courans des particules d’un anneau d’acier dans l’expérience 
de MM. Gay-Lussac et Velter. On sait qu’on n’aperçoit dans 
cel anneau aucun signe de magnétisme, tant qu'il est entier, par 
Ja même raison que dans le cas dont je viens de parler, et cepen- 
dant les courans de ses particules ont tellement pris des direc- 
tions déterminées , que dès qu’on le brise, ses fragmens attirent 
très fortement le fer doux. Soit donc que l'électricité de la pile 
parcourt un fil de fer ou un fil de métal non magnétique, tous les 
effets seront nécessairement exactement les mêmes, tant qu'on 
n'en approchera pas un aimant; mais auprès d'un barreau aimanté 
les courans des particules du fil de fer seront dirigés par l’action 
de ce barreau, comme ils doivent l'être pour agir au dehors, sans 
qu'il en puisse résulter aucun effet daus la manière dont l’électri- 
cité de la pile est transmise par le fil qui ne peut en devenir ni 
meilleur, ni moins bon conducteur ; l’action qu'il exercera sera 
donc égale à la somme des deux actions qui résulleraient séparé- 
ment de ces deux causes, mais les courans qui existent probable. 
ment autour des particules du conducteur d'un métal non magné- 
tique, n'étant point susceptibles d’être déplacées par l’action du 
barreau, il agira en vertu du courant de la pile, seulement comme 
il agissait loin du barreau. Si l'on considère maintenant un fil de 
laiton qui contienne du fer, comme celui dont parle M. Vander- 
heyden , il faudra dire des particules de fer qui se trouvent dans 
ce fil, ce que nous venons de dire de toutes les particules d'un 
fil de fer , et il deviendra évident que l'effet observé par cet ha- 
bile physicien est une suite nécessaire de la manière dont M. Am- 
père a expliqué les phénomènes magnétiques , et qu’il en résulte, 
en général, que quand il existe dans un corps des causes capables, 
si elles y existaient séparément, de déterminer dans ce corps des 
attractions ou des répulsions dépendantes de la distribution ou du 
mouvement de l'électricité, elles produiront , quand elles agiront 
simultanément, un effet total égal à la somme des effets que cha- 
cune produirait.en agissant seule, saus que l’intensité de ces effets 
puisse être sensiblement modifiée par la réunion dans le même 
corps des causes auxquelles ils sont dus. 


72 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, €lC. 


NOTE 


Sur l'analogue du Peigne des oiseaux dans l'œil des reptiles et des 
poissons ; par M. H. M. D. pe BLain vices. 


IL ‘m'avait toujours paru singulier que l'organe auquel on .donne le nom de 
peigne jou de bourse dans l'œil des oiseaux n'existât ‘absolument que dans cette 
classe d'animaux. J’ignore si quelque auteur m'a prévenu à ce sujet; mais dans 
Je cours de cette année, j'ai observé dans un assez grand nombre d'espèces de 
reptiles du sous-ordre des sauriens, un organe qui me paraît l’analogue de ce 
peigne. C’est un petit corps noir, conique, contenu dans l'humeur vitrée et qui 
de la r'tine se dirige vers le cristallin dont il'reste cependant toujours assez 
éloigné 

Dans plusieurs poissons.osseux, abdominaux, thoraciques et jugulaires , j'ai 

_aussi remarqué l'analogue du peigne des oiseaux, mais avec une autre forme et 
une autre disposition. Quoiqu'il provienne réellement des bords du nerf optique 
“entré dans l'œil obliquement et sous la forme de membrane qu'il avait avant, le 
peigne semble naître de la face postérieure de l'iris à la partie inférieurede l'œil. 
Îl se dirige ensuite obliquement de bas en haut et de dehors en dedans , vers la 
capsule du cristallin à laquelle il s'attache. J'ai aussi quelquefois rencontré une 
autre espèce de ligament assez analogue à la partie supérieure etinterne de l'œil. 


ERRAT'A pour le Mémoire sur la Décoloration des Sirops. 


Page 2, Art. Emploi du charbon, belle qualité, Zisez basse qualité 
3, 7° ligne, par cette première expérience , lisez pour cette 
4, 7° alinéa, 3° ligne, on ressent de reste, lisez on pressent 
b, $° alinéa, le premier procédé, lisez ce premier 
E 7, Art. Filtres à colonnes, lisez en colonnes 
Tdem en filtres à colonnes avec chaleur, /isez filtres en colonnes 
Idem dernier alinéa ire ligne , j'enjoins , lisez s’enjoint 
8, 1% art. filtres en colonnes ayec chaleur ; Zsez filtres en colonnes 
, 8° alinéa, 2° ligne, belle qualité , lisez basse qualité 
19, 3° alinéa, 1'° ligne, le nouveau mode, lisez ce nouveau mode 
Idem, dernier alinéa, 5° ligne, par le lavage de la silice sèche ou par son 
mélange , lisez pour le placage de la silice seule ou pour son mélange 
11, 1° alinéa, 9° ligne, ils sont filtrési} lisez il est filtré 
Idem , dernier alinéa, 2° ligne ,marquât autant, lisez indiquât autant 
12, dernier alinéa, 3° ligne, de ces sucres, lisez de ses sucres 
15, ayant dernière ligne , remué ma, lisez remué et 
20, 1° article, ou sucres, lisez ou sucs 
Idem , 1°" alinéa, 4° ligne , ou sucres, lisez ou sucs 
25, 1*’alinéa, 5° ligne, avec ébullition l'application, lisez avec ébulli- 
tion par l'application. 
QT 
De l'Imprimerie de HUZARD-COURCIER,, rue du Jardinet, n° 12, 


ANNONCES. 


OUVRAGES NOUVEAUX. 


Traité de Minéralogie, par M. l'Abbé Haïüy. Deuxième édition, revue, 
corrigée et considérablement augmentée par l’Auteur. Tome second avec un 
atlas de 45 planches. Prix, 15 fr. 


Le tome premier, avec 32 planches, est en vente. Prix, 3o fr. 


Mémoire sur j Astronomie nautique, dans lequel 1°. on discute plusieurs 
méthodes pour avoir l'heure et la latitude du vaisseau ; 2°, on arrive, par des 
considérations géométriques , à des formules très simples pour ealculer l’in- 
fluence des erreurs d'observations sur les résultats conclus; 3°. enfin, on ex- 
plique la formation et l'usage de quatre Tables nouvelles et très commodes, 
pour avoir les erreurs des résultats, et pour juger aussi des circonstances les 
plus favorables ; par M. Mazure Duhamel, conservateur de l'Observatoire de la 
Marine et de l'Ecole de navigation de Toulon. 


Un vol. in-4° avec planches , 1822. Prix, 7 fr, 5o c., et 8 fr. Bo c. franc de 
port. ù 


Essai sur les propriétés de la nouvelle Cissoïde, et sur les rapports de cette 
courbe, tant avec la Cissoïde de Dioclès qu'avec un grand nombre d'autres 
courbes ; par MM. Rallier. 


Un vol.in-8°, 1822. Prix, 5 fr. 5o c., et 6 fr. 5o c. franc de-port. 


Connaissance des Tems et des Mouvemens célestes, à l'usage des Astronomes 
et des Navigateurs, pour l'an 1825 ; par le Bureau des Longitudes de France. 


Un vol. in-8°. Prix, avec les Additions , 6 fr. 
Sans les Additions, 4 fr. 


Annuaire pour l'an 1823, présenté au Roi par le Bureau des Longitudes 
de France. 

Un vol in-18. Prix, 1 fr., et 1 fr. 3o c. franc de port. 

Traité élémentaire des Probabilités ; par S. F.Lacroix. Seconde édition, reyne 
etaugmentée. 

Un vol. in-8°, 1822. Prix, 5 fr., et 6fr: 25 c. 


Élémens de Géométrie à l’usage de l'Ecole centrale des Quatre 
S. F. Lacroix. Dougième édition, revue et corrigée. 


Un vol. in-8°, 1822: Prix, 4 fr., et 5 fr. franc de port. 


Nations; par 


ER EE TERRE ERP PES TE 


Essais de Géométrie sur les Plans et les Surfaces courbes, ou Elémens de Géo- 
métrie descriptive; par S. F. Lacroix. Cinquième édition, revue et corrigée. 
Un vol. in-8° avec fig. 1822. Prix, 3fr., et 3 fr. 95 c. 


Ces Ouvrages se vendent à Paris, chez Bachelier, gendre Courcier , suc- 


Le de M°° veuve Courcier, Libraire pour les Sciences, quai des Augustins, 
n° 92. < 


Annals of Philosophy , par M. THOMSON , 1822. 


Janvier. Sur les phénomènes magnétiques produits par l'électricité, par H. 
P gnetiq P P P 


Davy. — Sur un nouvel anémomètre, parle col. Beaufoy. — Explication chi- 
mique de la toile d’araignée. — Sur le renouvellement perpétuel des baux. — 


Tables de température et sur les causes de la capacité calorifique, la chaleur la= 
‘tente, etc., par J. Herapath. — Réponse à M. X., par M. J. Hérapath. — 


Sur quelques restes fossiles trouvés dans une carrière , près Bath, par M. Woods. 


—Sur le gaz oléfiant. — Observations sur le Mémoire de M. Murray, sur la dé- 


composition des sels métalliques par l’aimant.—Sur les propriétés du péroxide 
d'hydrogène, par M: Thénard.— Observations astronomiques, par le col. Beau- 
Foy. — La position moyenne de 46 étoiles de Greenwich, par J. South. — 
Observation sur l’histoire du cuivre natif du lac Supérieur, parfM. Schoolcraft 
et J. Taylor. — Analyses de Livres. — Voyages dû, D' Davy à Ceylan. — 
Séances de la Société royale. —Comète , Vérification des chambres. — Law 
pyres. — Nouvelle analyse des pierres météoriques. 


Février. Analyse de la mine.de cuivre varié , par R Phillips:—Observations : 


météorologiques faites à Crumpsall.— Journal météorologique à Bushey-Heat, 
par le col. Beaufoy.— Sur. la. communication du. magnétisme.au. fer; par 
M. Powell. — Sur la sépération du fer des autres métaux, par S. F. W. Hers- 
chel, — Tableau météorologique pour 1821, par M. Stockton. — Analyse de 
deux minéraux de Finlande, par. M. de Bonsdorff. — Démonstration d'une 
proposition, par M. James Adam.— Essai historique sur l’élec:ro-magnétisme. 
— Réponse à M. B. M. par J. Murray. — Sur le cadmium, par le D' Clarke. 
— Sur une imperfection de la vision, par le D' Whitlock Nicholl. — Ana- 
lyses de Livres, — Séances des Sociétés savantez. — Correspondances, — 
Préparation de la Quinine. — Analyse comparative de la nourriture et 
des excrémens d’un rossignol; Analyse du thé noir et vert; Explosion de 
chlorine et a’hydrogène , sulfate très;carbonaté de plomb. —:Nouyeau minéral 
d’Aachen. — Sur l’ergot de l'ornithorhinque. — Tableau météorologique. 


DEPOT 2 


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JOURNAL | 
DE PHYSIQUE, . 
DE CHIMIE, 


D'HISTOIRE NATURELLE | 


PE'DÉSCLRES, 
AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
Par M. H.-M. DUCROTAY pe BLAINVILLE, 


Docteur en Médecine de la Faculté de Paris, Professeur de Zoologie, d’Ana- 
tomie et de Physiologie comparées, à la Faculté des Sciences et à l'Ecole 
normale; pre de M. Cuvier au Jardin du Roi etau Collége de France, 


Membre de la Société Philomatique, Membre de la Société Wernérienne 
d'Edimbourg et de la Société d'Histoire naturelle de Dublin, etc. 


AOÛT 1x 1822. 


TOME XCY. 


A PARIS, 


Chez BACHELIER, Gendre Courcier, Successeur de | 
Mr VE Courerer, Libraire , quai des Augustins, n° 55, 


TABLE 
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


| 
Mémoire sur les Animaux des régions arctiques ; par M. Scoresby, Page 75 


Mémoire géologique sur l'Allemagne; par A. Boué (Suite), 88 | 
Note sur je changement de la couleur bleue ‘des fleurs de la Chicorée sau- 
vage, en couleur blanche ; par M. G. Pajot Descharmes, 119 

Histoire naturelle des Crustacés fossiles sur les rapports zoologiques et 
géologiques (Extrait par M. H. D. de Blainville. ), 116 

Note sur la structuré et l’analogue de la plaque dorso-céphalique des, 
Rémoras-ou Echénéis ; par M. H. D. de Blainville, 132 


Observations sur la Flore Agenaise, ou Description méthodique des 
Plantes observées dans le dépantement de Lot-et-Garonne, et dans quel- 
ques parties des départemens voisins; de M. de Saint-Amans; par 
M. Lamouroux, 134 


Second Rapport analytique sur quelques espèces de Micas; par M. 4. 
Peschier, de Genève, 


13 

Notice sur les Brèches osseuses de l’île de Corse; par M. Bourdet, de la 7 

Nièvre, 143 
Note sur l'Ours polaire; par M. Scoresby , 145 
Notice sur le genre Bambusa ; par Charles Kunth, 148 
Histoire de la chute d'une ancienne Atrolithe dont il n’a pas été fait men- 

tion dans les plus nouveaux catalogues qu’en ont publiés les Savans, pré- 

cédée d’une Digression sur l'origine de ce phénomène; par le chanoine 

Angelo Bellani, 15a 
Méthode pour conserver les Oursins, les Etoiles de mer et les Crustacés ; 

par M. le colonel Mathieu, 155 
Note sur l'Ergot-de l'Ornifhorhinque, 156 
Sur un moyen d'éclairer le Cadran-des Horloges:publiques avec le gaz, 157 
Tableau météorologiqne, 158 
Sur le moyen depréparer une Huïle propre à être employée pour les Ou- 

vrages d'Horlogerie et autres machines délicates, 160 
Sur un Tricarbonate de Plomb sulfaté, ibid. 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 
= DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


AOÛT an 1822. 


MÉMOIRE 


Sur les Animaux des régions arctiques ; 


Par M. SCORESBY. 


Lis observations que renferme ce Mémoire ont été extraites ou 
littéralement traduites de l'excellent ouvrage que M. le capitaine 
W. Scoresby le jeune , membre de la Société royale d'Edimbourg, 
a publié, en 1820 , sous le titre de Æistoure des Régions arctiques 
avec l'Histoire et la description de la péche de la Baleine. Deux 
vol. in-8° ornés de 24 planches. Quinze ans .de navigation dans 
les mers arctiques, dans le but de Ja pêche des différens animaux 
quà donnent de l'huile, ont fourni à M. Scoresby un grandnombre 
de faits curieux et surtout pour l’histoire naturelle des Cétacés , 
par lesquels nous allons commencer. (R.) 


Tome ÀCY. AOUT an 1822. 10 


74 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


BALEINE FRANCGHE (B. mysticetus.) Fig. 1 et 2. 


C'est l'espèce la plus commune dans les mers du Nord, celle 
qui fournit la plus grande quantité d'huile, el comme c’est aussi la 
moins active, la plus leute dans ses mouvemens et la plus timide, 
elle est, en général, la plus aisée à prendre. 

La grandeur de cette espèce de baleine a été exagérée par l'avi- 
dité que l'espèce humaine a toujours eue à recevoir tout ce qu'il 
y a de plus merveilleux; les assertions, à ce sujet, viennent des 
plus anciens voyageurs; el comme à présent la taille à laquelle 
elle parvient est beaucoup moindre, on en a conclu qu'elle n'y 
arrive plus, parce qu’on ne lui en donne plus le temps, par la 
poursuite destructive qu’on en fait; ainsi quelques auteurs parlent 
de baleines qui avaient 80 à 100 pieds de longueur , et en suppo- 
sant qu’elles atteindraïent toute leur longueur, on pourrait en 
voir de 150 à 200 pieds. Il y a même des auteurs qui ne craignent 
pas de parler de 900 pieds. 

Des trois cent vingt-deux que M. Scoreshby a vues, il n’en a pas 
trouvé une qui dépassät 60 pieds. La plus grande même n’en 
avait que 58. Cependant un individu, pris il y a vingt ans, près 
du Spitzherg , et dont les fanons étaient de 15 pieds, devait avoir 
70 pieds de longueur. Sir Ch. Giesecke a rapporté qu’un individu 
tué en 1815 à Godhavet avait 67 pieds. M. Scoresby n'en con- 
clut pas moins que la longueur commune de la baleine franche 
est de Go pieds. 

11 discute ensuite la question de savoir si de nos jours la baleine 
est réellement plus petite qu’elle n’était anciennement, comme on 
le pense communément, et il montre, par un grand nombre de 
preuves historiques, qu’il n’en est rien, et que cet animal n’a pas 
d minué sous le rapport de la grandeur. 

En supposant 60 pieds anglais pour la longueur de la baleine 
franche, sa circonférence est de 30 ou 40 pieds ;le corps est un peu 
plus gros derrière les nageoires , ou au milieu de l’espace compris 
entre les deux extrémités; il diminue ensuîte graduellement et 
devient conique en avant comme en arrière. La forme est générale- 
mentcylindrique depuisle coujasqu’aenviron ro pieds de la queue; 
au-delà elle devient à peu près quadrangulaire, le plus grand 
côté étant en dessus, et elle se relève un peu jusqu’au milieu de 
la queue. La tête est à peu prés triangulaire ; sa partie inférieure, 
dont les bords arqués sont formés par les os des mächoires, est 
plate et a 16 à 20 pieds de longueur sur 10 ou 12 d'épaisseur. Les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 7D 


levres qui ont 15 à 20 pieds de longueur sur 5 à 6 de hauteur, et qui 
forment la cavité de la bouche , sont attachées à la mâchoire d'en 
bas et s'élèvent des os mandibulaires sous un angle d'environ 80°; 
elles présentent, quand on les regarde de face, la forme de la 
lettre U. La mächoire supérieure, y compris le crâne, est cour- 
bée en bas à son extrémité, de manière à fermer le front et la 
partie supérieure de la cavité de la bouche, et elle est cachée sur 
les côtés en écaille par les lèvres. 

Lorsque la bouche est ouverte, elle offre une cavité aussi 
grande qu’une chambre de Gou 8 pieds de largeur, 10 à 12 de hau- 
teur et 15 à 16 de longueur. 

Les nageoires, au nombre de deux, sont placées entre un 
tiers et deux cinquièmes de la longueur totale, depuis le bout du 
museau et à environ 2 pieds de l'angle de la bouche. Elles ont 
7 à 9 pieds de longueur, et 4 ou 5 de largeur. La partie qui les 
attache au tronc est un peu elliptique et à environ 2 pieds de dia- 
mètre. Le côté qui frappe l’eau est presque plat. L’articulation 
étant complètement sphérique, il en résulte que les nageoires 
peuvent se mouvoir dans toutes les directions ; mais à cause de 
Ja tension de la chair et de la peau en-dessous, elle ne peut pas 
être élevée au-delà de la position horizontale. Aïnsi l’histoire 
rapportée par quelques naturalistes, que la baleine supporte son 
pelit sur sa nageoire, pour le mettre sur son dos, est entière- 
ment erronée. Ces nageoires, après la mort, sont toujours dures 
et roides; mais il est probable, d’après leur structure intérieure, 
qu’à l'état vivant, elles sont susceptibles d’une grande flexibilité. 
La baleine n’a pas de nageoire dorsale. 

La queue dont la surface est d'au moins 80 ou 100 pieds car- 
rés , est un instrument formidable de mouvement et de défense 
Sa longueur n’est que de 5 à 6 pieds; mais sa largeur est de :8, 
24 où 26 pieds; sa position est horizontale; elle est plate et semi- 
lunaire , échancrée dans le milieu; les deux lobes sent un pen 
pointus et un peu recourbés en arrière. Ses mouvemens sont 
rapides et généraux; sa force est immense. 

Les yeux sont situés sur les côtés de la tête, environ + pied 
obliquement au-dessus et derrière l'angle de la bouche. La peti- 
tesse du bulbe est remarquable par rapport avec la grandeur de 
J’animal; en effet, il n’est qu'un peu plus gros que celui d'un 
bœuf. 

La baleine n’a-pas d'oreilles extérieures; et l’on ne peut trouver 
aucun orifice pour l'admission des sons, même quand la peau 
est enlevée. 


10. 


76 ; JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Sur la partie la plus élevée de la tête, à environ 6 pieds de 
l'extrémité antérieure des mächoires, sont situés les évens; ils 
consistent en deux ouvertures longitudinales de 6 ou 8 pouces de 
long. Ce sont les véritables narines de la baleine. Une vapeur 
humide, mêlée de mucus, sort de ces orifices, lorsque l’ani- 
mal respire; mais elle n’est pas accompagnée d’eau, à moins 
qu’une expiration de la poitrine ne soit faite au-dessous de sa 
surface. 

La bouche contient, au lieu de dents, deux rangées très 
longues de fanons qui sont suspendus de chaque côté de 
la mâchoire d'en haut; les séries .sont en général courhées 
longitudinalement, quoiqu’elles soient quelquefois droites, et 
elles donnent une forme arquée au palais. Elles sont immédia- 
tement couvertes par les lèvres attachées à la mächoire inférieure ; 
et elles circonscrivent la langue entre leur extrémité inférieure. 
Chaque série de fanons consiste en trois cents lames ; les plus 
longues sont presqu'au milieu, d'où elles diminuent graduelle- 
ment, au point de devenir presqu'à rien à chaque. extrémité. 
Les plus grandes ont 15 pieds ; mais le terme moyen est de 10 
ou 11 pieds, et 15 pieds est une longueur assez rare. Leur plus 
grande largeur qui est 10 ou 12 pouces est à la gencive. Les 
James qui composent chaque rangée côlé par côté,sontséparéesentre 
elles de deux tiers de pouces, l'épaisseur de la lame comprise, et 
elles ressemblent à une faulx. Le bord intérieur est couvert d’un 
rang de poils, tandis que l'extérieur de chaque lame, excepté 
quelques-unes à chaque extrémité de la série ; est courbé et adou- 
ci, de manière à présenter une surface lisse aux lèvres. Dans 
quelques baleines, on trouve sur un des côtés et sur le bord de 
l'autre, un trou singulier, dans plusieurs des lames du milieu 
et à des intervalles réguliers de 6 à 7 pouces. Cette irrégularité 
he pourrait-elle pas, comme les rides dans les cornes d’un bœuf 
(ox), auxquelles elles ressemblent, donner quelques indices de 
l’âge de la baleine ? Si cela est ainsi, deux fois le nombre de pieds 
mesurés sur les plus longues lames des fanons dans la tête d’une 
baleine qui n’est pas encore arrivée à lout son accroissement, 
représenterait le nombre des années de son äge. Dans les jeunes 
individus appelés suckers, les fanons n’ont que quelques poucesde 
longueur ; lorsqu'ils ont 6 pieds ou plus, la baleine est dite de 
taille. Leur couleur est d’un noir brunätre ou bleuätre. Dans quelques 
individus, ils sont rayés longitudinalement de blanc ; lorsqu'ils 
sont nouvellement poussés leur surface montre une plus belle cou- 
leur. Une grande baleine fournit quelquefois un tonneau et 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. Gi 


demi de fanons. Si la plus grande lame de la série, que les An- 
glais nomment sample blade, pèse 7 livres, toute la série est 
estimée peser un tonneau; et ainsi en proportion. Les fanons 
sont insérés dans l’os des mächoires, dans une espèce de goullière 
(rabbit). Toutes les lames d'une série sont réunies entre elles par 
la gencive, dans laquelle leur extrémité est implantée. La sub- 
stance de la gencive est blanche, fibreuse, tendre et insipide. Elle 
se laisse couper comme du fromage. Elle a l'apparence de l'inté- 
rieur de l’amande d’une noix de coco. 

La langue occupe une grande partie de la cavité de la bouche, 
el tout l’espace formé par la ligne arquée des fanons. Elle n'est 
pas extensible ou exsertile, étant attachée, depuis sa racine jusqu'a 
la pointe, à la graisse qui s'étend entre les os des mandibules. 

Une petite barbe consistant en un petit nombre de poils courts, 
épars et blancs, surmonte l'extrémité antérieure des deux mà- 
choires. 

Le gosier est extrêmement étroit. 

L'organe mâle est un corps cylindrique énorme, flexible, et 
qui est caché dans un sillon longitudinal, dont l'ouverture exté- 
rieure a 2 ou 5 pieds de long. Ce membre, sur l'animal mort, a 
8 ou 10 pieds de longueur, et environ 6 pouces de diamètre à sa 
racine ; il se Lermine en pointe à son extrémité, el il est traversé 
dans loute sa longueur par le canal de l’urètre. 

La femelle n’a que deux mamelons pour la nourriture de son 
baleineau. Ils sont situés sous l’abdomen, un de chaque côté de 
Ja vulve et distans entre eux de 2 pieds. Ils ne sont pas sus- 
cepübles d'être prolongés au-delà d’un petit nombre de pouces, 
Dans l'animal mort, on les trouve toujours rétractés. 

Le lait de la baleine ressemble, en apparence, à celui des qua- 
drupèdes; on dit qu’il est abondant, exquis (ich), et d'une 
odeur agréable. 

L’anus est à environ 6 pouces derrière l’orifice de la vulve. 
Mais dans le mâle, il est beaucoup plus éloigné de l'organe de 
la génération. 

La couleur de la baleine franche est d’un noir velouté, grise 
composé de taches d’un brun noirâtre, sur un fond blanc), et 
blanche, avec une teinte de jaune. Le dos et surtout la mâchoire 
supérieure, el une partie de l’inférieure, ainsi que les nageoires 
et la queue, sont noires. La langue, la partie antérieure de la 
mächoire inférieure et les lèvres quelquefois un peu de la mà- 
choire supérieure à son extrémité, el une portion du ventre, sont 
blancs. Le globe de l'œil, la jonction de la queue avec le corps, 


76 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la partie axillaire des nageoires , etc. sont de couleur grise. J'ai vu 
des baleines qui étaient partout piardes. Les individus les plus 
ägés sont ceux qui ont plus de gris et de blanc. Les individus 
au-dessous de la taille ordinaire, sont aussi d’un gris bleuätre, et 
les suckers d'un bleu pâle ou d’un gris bleuûtre. 

La peau du corps est légèrement sillonnée, comme dans cer- 
tain papier grossier ; sur la queue et les nageoires et elle est plus 
lisse. L’épiderme ou cette partie de la peau, qui s’en va en lam- 
beaux , après qu’elle a été un peu desséchée par l'air, ou parti- 
culièrement par la gelée, est de l'épaisseur du parchemin. Le 
réseau muqueux, dans les adultes, a trois quarts de pouce d’épais- 
seur sur la plus grande partie du corps. Dans les suckers, il a 
presque 2 pouces; mais à la partie inférieure des nageoires, à la 
face interne des lèvres, et sur la surface de la langue, il est beaucoup 
plus mince. Cette partie des tégumens est en général de la même 
couleur, quelleque soit son épaisseur. Les fibres qui la composent 
sont perpendiculaires à la peau. Au-dessous de cette partie est la 
véritable peau, qui est blanche et rude. Comme elle commence 
peu à peu à être imprégnée d'huile, et qu’elle passe insensi- 
blement à cet état, on ne peut assigner son épaisseur réelle. La 
partie la plus cortpacte peut avoir un quart de pouce environ. 

Immédiatement au-dessous du derme, est la graisse ou le 
tissu adipeux qui enveloppe tout le corps de l’animal, ainsi que 
les nageoires et la queue. Sa couleur est d’un blanc jaunätre, 
jaune ou rouge. Dans les très jeunes animaux, elle est toujours 
d'un blanc jaunâtre. Dans les vieux, sa couleur ressemble quel- 
quefois à celle de la chair du saumon. Elle surnage sur l'eau; son 
épaisseur, autour du corps, est de 8, 10 ou 20 pouces, ce qui 
varie suivant les parties du corps et suivant les individus. Les 
lèvres ne sont composées que de ce lissu, et chacune peut donner 
un à deux tonneaux d'huile pure. La langue est entièrement com- 
posée d'une espèce de graisse molle, qui donne moins d'huile 
que celle du corps; dans son centre et à sa racine, la graisse 
est entremélée de fibres musculaires. La mâchoire inférieure, st 
ce n’est les os, est aussi entièrement formée de graisse et la su- 
périeure en a aussi une couche considérable. Les nageoires ne 
sont que des os, des tendons et de la graisse. La queue a aussi 
une couche fort épaisse de celle-ci. L'huile paraît être contenue 
dans les petites cellules du tissu adipeux , formées par une forte 
combinaison de fibres tendineuses réticulées. Ces fibres, en se 
condensant à la surface, semblent former la substance du derme. 
On chasse l'huile par la chaleur; et elle sort d'elle-même en 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 79 


grande quantité, à travers les fissures, lorsque la putréfaction 
vient à s'emparer du tissu adipeux. Cette partie et les fanons sont 
les seules que les pêcheurs recherchent. La chair, les os, excepté 
quelquefois les os mandibulaires, sont entièrement rejetés. La 
graisse , dans son état frais, n’a aucune odeur désagréable. 

Le tonneau d'huile est de 322 gallons de vin; il pèse, à la tem- 
pérature de Go° Fabr., 1933 liv. 12 onc. 4 gr., avoir du poids. 

Quatre tonneaux de graisse par mesure, donnent, en général, 
trois tonneaux d'huile. Les suceurs en contiennent une bien plus 
petile portion. On a pris des baleines qui ont rapporté presque 
30 tonneaux d'huile pure, et celles qui en donnent 20 sont assez 
rares. La. quantité d'huile que donne une baleine s’apprécie, 
en général, assez bien par la longueur du plus grand fanon. 
La quantité moyenne est exprimée dans la table suivante : 


Longueur du fanon en pied........ 1 l2 13 


Huile par tonneau.,.,.......,.,,... 


Quoique celle estimation moyenne se rapproche beaucoup de 
la vérité, on trouve cependant quelquefois des exceptions. Ainsi, 
une baleine de 2 pieds et demi de fanon a donné près de 10 ton- 
neaux d'huile, tandis qu’une autre de 12 pieds n’en a donné 
que 9; mais ces exemples sont fort rares. 


Une forte baleine de Go pieds de long, pèse 70 tonneaux, le 
tissu graisseux en pèse environ 30; les os de la tête, les fanons, 
les nageoires et la queue , 8 ou 18; la carcasse, 30 ou 52. 


La chair des jeunes baleines est de couleur rouge; et quand 
elle est débarrassée de la graisse, grillée et assaisonnée avec dn 
sel et du poivre, elle fournit une nourriture assez semblable à 
celle du bœuf; mais celle d’une vieille baleine est presque noire et 
excessivement dure. Une couche immense de muscles qui entoure 
le corps, est employée entièrement pour les mouvemens de la 
queue; celle-ci est principalement composée de deux couches 
réticulées de fibres tendineuses , formant un tissu très serré, et 
contenant une très pelite quantité d'huile. Dans lacouchedu centre, 
les fibres vont dans toutes les directions; mais dans les deux autres 
quiembrassent celle-ciet qui sont plus minces, les fibres sont dis- 


80 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
posées d’une manière régulière. Cette substance est surlout em- 
ployée, en Hollande, pour fabriquer la colle forte. 

Beaucoup des os de la baleine sont très poreux, et ils con- 
tiennent une grande quantité d'huile. Les os mandibulaires , qui 
ont 20 à 25 pieds de longueur, sont souvent conservés, à cause 
de la grande quantité d'huile qui en sort, quand on les transporte 
dans un climat chaud. Lorsqu'ils sont purgés d'huile, ils nagent 
sur l’eau. La surface externe des os les plus poreux est d’un 
tissu compacte et serré. Les côtes sont presque entièrement 
solides; mais les os du crâne sont presque aussi celluleux que 
les mandibules. Le nombre des côtes, d’après sir Charles Gie- 
secké, est de 30 de chaque côté. Les os des nageoires sont ana- 
logues, dans la proportion et dans le nombre, avec ceux des 
doigts de la main de l'homme; l'extrémité postérieure de la 
baleine est une véritable nageoire, la colonne vertébrale se pro- 
longeant dans son milieu presque jusqu’à son bord. 

On a peu de facilité pour examiner la structure interne de la 
baleine ; aussi tout ce que l’on sait de son anatomie est déduit par 
analogie de celle des autres cétacés. 

La baleine parait avoir l’ouie dure; en effet, un bruit dans 
l'air, comme celui que produit une personne en criant, ne paraît 
pas en être entendu , à la distance seulement de la longueur d’un 
vaisseau ; mais une très petite éclaboussure dans l’eau, pendant 
un temps calme, excite son attention et l’inquiète. 

Le sens de la vue paraît être, chez elle, tres bon. Ainsi des 
baleines se voyent les unes les autres, pendant un temps calme, 
et au-dessous de la surface de l’eau , à une distance étonnante ; 
mais quand c’est à la surface, la baleine ne voit pas aussi 
loin. ù 
Elle n'a pas de voix; mais en expirant ou en soufflant elle 
fait un bruit tres fort. La vapeur qu’elle décharge est poussée 
a la hauteur de quelques mètres, et paraît à quelque distance, 
comme une bouffée de fumée. Lorsque l'animal a été blesse, 
cette humeur est ensanglantée, elaux approches dela mort, ilrejette 
quelquefois des colonnes de sang pur. La colonne du soufile est 
plus forte, plus dense et plus bruyante, lorsque les baleines sont 
dans un état d'alarme, ou qu’elles paraissent à la surface de l’eau, 
après avoir été long-temps au-dessous. Elles respirent en soufllant 
environ quatre ou cinq fois par minute. 

La baleine étant d’une pesanteur spécifique moindre que le 
milieu dans lequel elle nage, elle peut rester à la surface de la 
mer ; le sommet de la tête où sont les évens et la partie supé- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 8: 


rieure du dos hors de l’eau, sans aucun effort musculaire et sans 
mouvement. Mais pour descendre, elle a besoin d’en faire. La 
proportion de la partie du corps de la baleine qui paraît au-des- 
sus de l’eau, lorsque l’animal est vivant ou qu’il vient d'être tué, 
n’est pas probablement au-dessus d’un vingtième de la masse to- 
tale, Mais un jour après la mort, lorsque la putréfaction com- 
mence, la baleine acquiert un énorme volume, et un tiers au 
moins de la carcasse paraît au-dessus de l’eau, et quelquefois tout 
le corps est rompu par la force des gaz qui se produisent dans 
son intérieur. 

C’est principalement au moyen de la queue, que la baleine 
s'avance dans l’eau. La plus grande vitesse est produite par des 
chocs puissans contre l’eau, alternativement en haut et en bas; 
* mais on pense qu’elle-exécute un mouvement plus lent et plus 
élégant, en frappant l’eau latéralement et obliquement en arrière, 
de la même manière qu’une barque qui est forcée d'aller avec 
une seule rame située à l'arrière. Les nageoires sont en général 
étendues dans une position horizontale ; leur principal usage pa- 
rait être d’équilibrer l'animal ; aussi quand le moment arrive ou 
la vie s'éteint, le corps tourne sur un des côlés ou même tout- 
à-fait sur le dos. IL parait aussi qu’elles servent pour porter le 
petit, à tourner et à donner une direction à l'impulsion fournie 
par la queue. 

La baleine étant aussi colossale, aussi inactive, en un mot, si 
grossière, on pourrait s’imaginer que ous ses mouvemens devraient 
être lents, et que ses puissans efforts ne devraient pas produire une 
grande célérité. Mais c’est réellement le contraire. Une baleine 
étendue, sans mouvement, à la surface de la mer, peut, en 5 ou 
6 secondes et moins, se trouver hors de la portée de l’homme 
son ennemi. Sa vitesse en longueur à la surface, perpendicu- 
laire ou oblique en profondeur, est la même. J'ai observé une 
baleine plongeant, apres avoir été harponnée, à la profondeur 
de 400 brasses , avec une vitesse moyenne de 6 ou 8 milles par 
heure. Cependant la vitesse ordinaire de la natation d'une ba- 
leine, même quand elle passe d’une situation à une autre, sur- 
passe rarement quatre milles par heure; mais quand elle est inquié- 
tée par la vue d’un ennemi quelconque, ou alarmée par le choc d'un 
harpon, sa plus grande’ vélocité peut-être évaluée à 8 ou 9 milles 
par heure; el encore nous avons trouvé que cette extrême vitesse 
ne peut se continuer que pendant un petit nombre de minutes, 
après cela elle se reläche d'au moins moitié. Toujours est-il que 


Tome XCF. AOÛT an 1822. 11 


82 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pendant l’espace de plusieurs minutes ; la baleine est capable de 
nager horizontalement dans l'eau avec la vitesse au moins d'un 
vaisseau fin voilier et avec toutes ses voiles, et en montant avec 
une si grande rapidité, qu’elle peut sauter entièrement hors de 
l'ésu. Elle exécute ce mouvement quelquefois, à ce qu’il paraît, 
par amusement et à l'admiration de l'observateur qui s’en trouve 
à quelque distance; il n’en est pas de même pour les pécheurs 
sans expérience, Ssurtoui lorsque, malgré cela, ils recoivent 
l'ordre du harponneur trop hardi, de pousser en avant pour atta- 
quer; quelquefois la baleine se place dans une position verticale, 
la tête en bas et élevant sa queue dans l'air, elle bat l'eau avec 
une énorme violence. Dans ces deux derniers cas, l’eau de la 
er est réduite en écume, l'air est rempli de vapeurs ; le bruit 
qui en résulte, par un temps calme, est entendu à une grande 
distance, et les vagues concentriques qui sont formées par les 
chocs de l'eau, se communiquent tout au tour à une grande 
distance. Quelquefois la baleine secoue sa terrible queue dans 
l'air et la fait claquer comme un fouet; le bruit en retentit à la di- 
stance de 2 ou 3 milles. 

Lorsqu'elle se retire de la surface, elle lève d’abord la tête; 
puis plongeant au-dessous des eaux, elle élève son dos comme 
un segment dé Sphère, soulève sa queue hors de l’eau et disparait. 

Dans l'état ordinaire, la baleine reste à la surface pour respirer 
environ deux minutes, rarement davantage ; pendant ce temps, 
elle soufle huit ou neuf fois, et descend ensuite pendant un in- 
tervalle ordinairement de 5 ou 10 minutes; mais quelquefois de 

- 15 ou 20, quand elle mange. La profondeur à laquelle elle des- 
cend ordinairement , n’est pas connue et est fort difiicile à décider; 
mais quand elle est harponnée et qu’elle se débat, la quantité de 
corde qu’elle entraîne hors de la barque, dans une direction per- 
pendicalaire, peut donner une bonne mesure de la profondeur 
qu'elle peut atteindre. D'après cette règle, on S'est assuré que la 
baleine peut descendre à la profondeur d’un mille d'Angleterre ; 
et avec une telle vitesse, qu'il est arrivé des occasions dans les- 
quelles des baleines ont été enlevées avec la corde qui leur était 
attachée, d’une profondeur de 7 à 800 brasses, et l'on a trouvé 
qu'elles s'étaient brisé la mâchoire inférieure et même le crane, 
par le choc énorme contre le fond. Quelques personnes pensent 
que ces animaux peuvent rester sous un champ de glace ou au fond 
de la mer, dans les basses eaux, lorsqu'elles ne sont pas troublées, 
pendant plusieurs heures de suite. On les rencontre quelquefois 
endormies dans un temps calme et au milieu des glaces. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 83 


La nourriture des baleines consiste en différentes espèces d'ac- 
tinies, de clios, de sèches, de méduses, de crustacés et de 
coquillages : ou du moins, on voit toujours ces genres d'animaux 
dans les endroits où l’on trouve une troupe de baleines station- 
naires et cherchant leur nourriture. Cependant toutes les fois que 
nous avons eu l’occasion d'ouvrir, après la mort, les estomacs 
des baleines que nous avons prises, nous n'avons jamais trouvé 
d'autres substances que des crevettes. J'ai trouvé la même 
espèce de crustacés dans la bouche d’une baleine qu’on venait de 
iuer. 

Lorsque la baleine mange, elle nage avec une incroyable vélo- 
cité au-dessous de la surface de la mer, avec ses mächoires en- 
tièrement ouvertes. Des flots d’eau entrent par conséquent dans 
sa bouche spacieuse, et avec elle une immense quantité d'ani- 
maux aquatiques; ces petits animaux sont embarrassés et retenus 
par les fanons, qui, par leur disposition fort serrée et les poils 
qui garnisseut leur bord interne, ne permettent pas au plus petit 
corps de pouvoir échapper. 

Il ne me semble pas qu’il y ait assez de différences dans la 
forme des nombreuses baleines franches qu’on trouve dans les 
mers polaires, pour pouvoir y établir plusieurs espèces ; car celles 
qui se remarquent dans la proportion de ces animaux, suffiraient 
à peive pour les faire considérer comme des variétés. Dans quel- 
ques individus , la tête forme la quatorzième partie de la longueur 
totale; tandis que dans d’autres, elle n’en fait que la treizième ; 
dans quelques-uns la circonférence est la dix-septième partie de 
Ja longueur, et dans d’autres, moins que la seizième , ou un peu 
plus que la moitié. s 

On a souvent observé les rapports des sexes vers la fin de l'été; 
et comme on voit les femelles avec leur petit qui les suit com- 
munement, au printemps, on presume qu’elles mettent bas en 
février où mars et que le temps de la gestation est d'environ neuf 
ou dix mois. À la fin d'avril 1811, on prit un baleineau qui avait 
encore le cordon ombilical. La baleine ne fait qu’un petit à la 
fois ; aussi voit-on très rarement deux pelils avec unc seule fe- 
melle. On assure que le petit. au moment où il vient de sortir, 
à au moins 10 el peut-être même 14 pieds de longueur. I] reste 
sous la protection de la mère, probablement pendant un an et 
plus, époque à laquelle le développement de ses fanons lui per- 
met de se procurer de la nourriture. En supposant que les hoches 
des fanons soient un indice exact de l’âge des baleines, il est 
extrémement probable qu’elle atteint sa grandeur appelée size, 
0 


84 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


c'est-à-dire six pieds de fanons, en 12 ans et qu'elle atteint sa 
taille entière à l’âge de 20 ou 25 ans. Les baleines, sans aucun 
doute, vivent fort long-temps. Les signes d’un grand âge sont 
dans l'accroissement de la couleur grise de la peau et dans un 
changement en une teinte jaunâtre des parties blanches autour 
de la tête, dans la diminution de la quantité d'huile donnée 
par un cerlain poids de tissu graisseux; dans l’augmentalion 
de la dureté de ce tissu et de l'épaisseur et la force des fibres 
ligamenteuses dont il est composé en partie. 


L’affection maternelle de la baleine, si stupide sous d’autres 
rapports, est vraiment élonnante et intéressante. Le baleineau 3 
étant insensible aux dangers, est aisément harponné; alors le 
tendre attachement de la mère est assez manifeste pour la mettre 
souvent à la portée des pêcheurs. Ainsi, quoiqu’un baleineau 
soit d'une petite valeur, puisque rarement il produit au-dessus 
d’un tonneau d'huile et qu’il en donne souvent moins ; on le har- 
ponne quelquefois comme un piége pour la mère. Dans ce cas, 
elle le joint à la surface de la mer, toutes les fois qu'il y vient 
pour respirer; elle l’encourage à nager plus loin; elle aide sa 
fuite, en le prenant sous ses nageoires el rarement elle le quitte 
avant qu'il soit mort. Il est alors très dangereux de l'approcher; 
mais elle présente de fréquentes occasions pour l’attaquer ; elle 
oublie entiérement sa propre sûreté, pour ne s'occuper qu’à sauver 
son pelit; elle s’avance au milieu de ses ennemis; et elle reste 
même volontairement avec lui, après les nombreuses attaques des 
pécheurs, pour Ja harponner elle-même. Au mois de juin 1817, 
un de mes harponneurs frappa un baleineau , dans l'espérance de 
prendre la mère; celle-ci fut en effet bientôt serrée de près par le 
canot; mais saisissant son petit, elle entraîna hors du canot envi- 
ron une centaine de brasses de corde avec une force et une 
vitesse remarquables ; elle revint à la surface ; elle frappait çà et 
Ja avec furie ; fréquemment elle s'arrêtait court, ou changeait 
soudainement sa direction; elle donnait ainsi tous les indices d’une 
agonie imminente. Pendant un temps fort long , elle continua à 
agir de même, quoique vivement poursuivie par les canots. Ins- 
pirée par le courage et la résolution de sauver son petit, elle 
semblait ne pas faire attention au danger qui l’entourait; enfin, 
un des canots s'en approcha assez pour lui lancer un harpon ; il 
la frappa, mais il ne s’attacha pas. Un second fut lancé, il ne 
pénétlra pas davantage; mais un troisième réussit. La baleine 
n'essaya pas de s'échapper et elle permit aux autres canots d’ap- 


procher ; en sorte qu’au bout de quelques minutes, trois autres 
harpons furent accrochés; une heure après , elle fut tuée. 

C’est réellement quelque chose d’extrèmement pénible, dans la 
mort d’une baleine, que de voir un aussi grand degré d’affec- 
tion pour son petit, ce qui ferait honneur à l'intelligence supé- 
rieure de l’espèce humaine ; aussi le but de l’entreprise, la valeur 
de la proie, et la joie de la capture ne peuvent cependant suflire 
pour éteindre tout sentiment de compassion. 

Les baleines, quoiqu’on les trouve souvent réunies en grand 
nombre, peuvent à peine passer pour des animaux qui vivent en 
troupe ; en effet, on les trouve le plus généralement solitaires, 
ou par paires, si ce n’est lorsqu'elles sont attirées au même en- 
droit par l'abondance de la nourriture, ou par une position 
choisie de la glace. 

Il paraîl que le sexe mäle l'emporte en nombre sur le sexe 
femelle. Sur 124 baleines qui ont été prises dans l’espace de huit 
ans, près du Spitzherg, par les bâtimens que je commandais, 
70 élaient mâles et 54 femelles; ce qui est dans la proportion de 
5 à 4 à peu près. : 

La baleine franche se trouve plus abondamment dans les mers 
glaciales du Groenland, du détroit de Davis, dans les baies de Baffin 
et d'Hudson, dans la mer au N.-O. du détroit de Bebring et sur 
quelques rivages du nord de PAsie et probablement aussi de l'A- 
mérique. On ne l’a jamais vue daus l'Océan germanique et rare- 
ment à 200 lieues des côtes britanniques; mais elle vient pério- 
diquement et en nombre considérable le long des côtes d'Afrique 
et de l'Amérique méridionale. Elle est attaquée dans ces pays, 
par les pêcheurs anglais et américains, ainsi que par les habilans 
des côtes qu’elle fréquente. Je n’oscrais assurer que celte baleine 
soit certainement de la même espèce que la baleine franche du 
Spitzherg et du Groenland; mais c’est certainement une baleine 
franche. Une différence frappante, qui est peut-être l'effet du 
climat, consiste en ce que l’espèce des pays méridionaux est sou- 
vent couverte de bernackes (Zepas diadema, eic.), tandis que 
celle des mers du nord n’est jamais couverte d'aucune espece 
de coquillages. 

Il serait digne de remarque, qu'un animal comme la ba- 
leine, qui est si timide‘, qu'un oïiscau, en se reposant sur 
son dos, suffit quelquefois pour la mettre dans une grande 
agitation et dans une grande terreur, fût entièrement sans 
ennemis. Mais, outre l'homme, qui est sans aucun doute, 
son plus redoutable, la baleine est exposée aux allaques des 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 86 


6 SOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

requins, du trasher et du narwhal, de la scie et de l'épée de 
la mer. Quant au narwhal, je suis persuadé que cela n’est pas 
vrai; car loin que ce soit son ennemi, on le trouve souvent avec 
la baleine dans la plus grande harmouie, et les pècheurs le dé- 
sirent beaucoup dans les mers du Groenland, le narwbal étant 
regardé par eux comme l’avant-coureur de la baleine. Pour 
la scie et le trasher (si cet animal existe), il est possible que ce 
soient des ennemis de la baleine, quoique je n'aie jamais eu l'oc- 
casion de voir leurs combats; il est plus certain que le requin 
doive étre regardé comme l’ennemi de la baleine, quoiqu'il ne 
soit peut-être pas bien formidable. Les baleines fuient en effet les 
mers où il abonde et l’on voit souvent, par des lacérations de 
Ja queue des baleines, qu'elles ont été mordues par cet aui- 
mal. Une baleine vivante peut en être en effet tourmentee ; 
quoiqu'il soit difficile de supposer qu'elle puisse en être vaincue; 
mais une baleine morte est une proie facile et fournit un repas 
magnifique à cet animal insatiable. 

Ja baleine, à cause de sa masse et de la variété de ses pro- 
duits, est d'une grande importance pour le commerce et pour 
l'économie domestique des nations sauvages ; son huile et ses 
fanons sont d’un emploi fréquent dans les arts et dans les manu- 
factures. Nous ne croyons pas avoir besoin d’entrer ici dans de 
nombreux détails, nous nous bornerons à quelques observa- 
tons. 

Quoique pour le palais délicat d'un Européen moderne, la 
chair de la baleine soit regardée comme une nourriture repous- 
sante, cependant plusieurs des habitans des rivages septentrio- 
naux de l'Europe, d'Asie et d'Amérique, ainsi que ceux des 
côtes de la baie d'Hudson et du détroit de Davis, la regardent 
comme un article important de subsistance choisie. Les Esqui- 
maux mangent la chair et la graisse de la baleine, et en boivent 
l'huile avec avidité. Quelques tribus, qui ne sont pas familiari- 
sées avec les liqueurs spiritueuses , emportent dans leurs excur- 
siotis maritimes des vessies pleines de cette huile, et ils en usent 
dans les mêmes circonstances et avec le même avantage que nos 
matelots font d’un petit coup d'eau-de-vie. Ils mangent aussi la 
peau crue de la ‘baleine , les adultes comme les enfans ; aussi il 
n’est pas rare de voir Les femmes, lorsqu'elles visitent les bätimens 
baleiniers,enlever des morceaux de peau et surtout de celle à laquelle 
il adhère encore un peu de graisse et la donner aux enfans 
qu’elles portent sur leur dos ; et ceux-ci semblent la sucer avec 
délices. La çcouenne graisseuse, quand elle à été marinée et 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 87 


cuite, est, dit-on, fort mangeable. La queue, quand elle à été 
bouillie et frite, fait, dit-on, un manger qui n’est pas sans saveur 
et qui même est agréable. Quant à la chair des jeunes, je sais, par 
expérience , que c'est une nourriture qui n'est pas indifiérente. 

Non-seulement il est certain que la chair de baleine sert au- 
jourd'hui de nourriture aux nations sauvages, mais il est égale- 
ment hors de doute que dans les 12°, 13°, 14° et. 15° siècles, elle 
en servait aussi aux Hollandais, aux Flamands, aux Francais, aux 
Espagnols et très probablement aux Anglais. M. S. B. Noei, 
dans un Traité sur la Pêche de la baleine , nous apprend que 
dans le 13° siecle environ, la chair, et particulièrement la langue 
des baleines se vendait dans les marchés de Bayonne, de Libourne 
et Beariz , et qu’elle élait estimée comme un morceau délicat, 
qu’on ne servait que sur les meilleurs tables ; et même aussi tard 
que dans le 15° siècle, 1l pense, d’après l'autorité de Charles 
Étienne, que la principale nourriture des pauvres pendant le ca- 
rême, dans plusieurs parties de la France, consistait en chair et 
en graisse de baleine. 

Outre cet emploi de la chair de baleine, les autres parties de 
l'animal sont employées à d’autres usages par les Indiens et les 
Esquimaux des contrées septentrionales et elles leur sont extre- 
mementutiles. Quelques membranes de l'abdomen sont employées 
pour des articles de vêétemens, et le péritoine spécialement, étant 
mince et transparent, sert de vitres aux fenêtres de leurs cabanes; 
les os sont convertis en harpons et en lances pour attaquer les 
phoques ou les oiseaux de mer; ils sont aussi employés pour 
former leurs tentes : les nerfs sont divisés en filamenset sont em- 
ployés comme du fil, pour joindre les différentes pièces de leurs 
barques, ou de leurs vêtemens; ils cousent même avec beaucoup 
de goût et de netteté les différens articles qui composent ces 
derniers. Les fanons et d'autres produits de la baleine si importans 
dans les marchés d'Europe, ont aussi leurs usages parmi les sau- 
vages. 

La température du sang de la baleine a été trouvée, dans un 
individu tué récemment, de 102° Fahr. 

(La suite dans un de nos Cahiers prochains.) 


s 


58 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
2 1 


SUITE 
DU MÉMOIRE GÉOLOGIQUE 
SUR L’'ALLEMAGNE ; 


Par À. BOUÉ. 


SECOND CALCAIRE SECONDAIRE. Le second calcaire secondaire 
‘ou le muschelkalk des Allemands est le dépôt calcaire d’Alle- 
magne ; qui paraît varier le moins dans sa composition et s’offre 
presque partout de la même manière ; d’après cette grande uni- 
formité de caractères, et l'étendue de celte formation, il sers- 
blerait fort étonnant qu'un si petit nombre de géologues étrangers 
en aient une idée claire ou qu'ils ne l’aient pas pu reconnaitre 
dans leurs patries. Mais l'explication de ce faitest tout-à-fait simple 
en Angleterre, le dépôt n’existant pas, on s’est tourmenté inulile- 
ment pour l'y reconnaitre. En France et en Suisse, ce calcaire 
étant peu répandu comparativement au calcaire jurasique, on a 
cru jusqu’à ce jour, que le muschelkalk français n’était qu’une 
parte de ce dernier, tandis que dans le nord de l'Allemagne, où 
le muschelkalk occupe, comparativement à l'étendue respective 
des deux contrées, presque autant de place que le calcaire jura 
sique en France, on 4 cru que les dépôts jurasiques très circon- 
scrits de l'Allemagne septentrionale n’élaient que des accidens de 
la grande formation du muschelkalk. { 

Üne conséquence naturelle de celte premiére erreur, a été de 
méconnaître dans le sud-ouest de l’Allemagne, la véritable place 
du calcaire jurasique, et ainsi les auteurs anglais et francais se 
irompant sur l'ordre véritable des formations de ces deux dépôts 
calcaires secondaires , ont probablement empêché qu’on ne recon- 
nüt plus généralement la formation du muschelkalk dans d’autres 
pays: Eu 
La superposition des dépôts les uns sur les autres, étant la seule 
base fondamentale de la same Géologie, je commencerai à citer 
quelques-unes des localités où l’on voit le rruschelkalk reposer 


\ 


sur le grès bigarré. Les citations pourraient être très nombreuses, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 89 


va que la plupart des grandes rivières du nord et du nord-ouest 
de l'Allemagne, ont creusé leurs lits dans le grès bigarré, à tra 
vers le muschelkalk. Il arrive quelquefois que ce creusement a cu 
lieu dans une convexité du grès inférieur, comme près de Got- 
tüingue et de Coburg. La surface du grès bigarré est souvent bos- 
selée et l’on voit alors fréquemment le muschelkalkstein mouler 
ses couches sur ces inégalités, comme près de Detmold en West- 
phalie, pres de Stedfeld, près d'Eisenach, à Fachdorf, le long de 
la Werra, entre Hoheneïche et Fatterode en Hesse ; tandis qu’ail- 
leurs les couches calcaires reposent horizontalement sur une sur- 
face assez plane, comme près de Herrenhausen , près de Pyrmont, 
entre Meimengen et Hildburghausen, entre Eislenben et Nord- 
hausen , et enfin en France, la bande de muschelkalk qui entoure 
toutes les Vosges, à l'exception de la partie septentrionale, re- 
pose de même sur des plans plus ou moins irréguliers de grès 
bigarré ou de marnes bigarrées et de gypse, comme près de Bish- 
mosheim , pres de Trèves, etc. 

Le muschelkalk forme, dans le nord et l’ouest de l'Allemagne, 
un dépôt de plusieurs centaines de pieds d'épaisseur, tandis 
que le zechstein ou le premier calcaire secondaire n’y a jamais 
qu'un petit nombre de toises d'épaisseur, de manière qu’il aurait 
été, il me semble, bien plus raisonnable de vouloir retrouver 
partout le muschelkalk que le zechstein; mais ce dernier avait été 
plus minutieusement décrit et était plus ancien , il a donc fallu 
à toute force, le revoir dans tous les pays. 

Ce calcaire est, en général, toujours fort bien stratifié, en 
lits assez minces, etil donne extrèmement rarement d’assez grands 
blocs pour qu'on ait pu essayer de s’en servir, comme d’une 
espèce de marbre. Ces couches sont horizontales ou contournées; 
elles paraïssent, en général, contribuer beaucoup à la forme des 
montagnes de ce calcaire ; ainsi quelquefois on voit les sommets 
arrondis de ce dépôt ou ses plateaux provenir, les premiers des 
convexiltés des contournemens des couches (Stedtfeld, Detimold), 
et les seconds de leur horizontalité. Ces montagnes sont d’ailleurs 
à pente souvent assez rapide, elles présentent cà et là le long des 
rivières , des escarpemens quelquefois assez considérables. comme 
près de Fachdorf, dans le Mémungen; mais ces roches escarpées 
se distinguent essentiellement de ceux des cimes jurasiques , et 
un observateur exact ne peut les confondre avec les précipices 
fendillés et crenelés de ces derniers.Il y a quelquefois des cavernes, 
comme dans le Mémungen, près de Kloster-Fesser. Ce cal- 
caire est communément compacte et grisätre et d’un aspect 


Tome XCY. AOÛT an 1822. 12 


99 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


cristallin particulier, qui ne se retrouve guère que dans quelques 
lits du calcaire jurasique; cà et là, il est rendu sublamellaire au 
moyen de débris fossiles spathiques, comme certains calcaires 
intermédiaires. 

C’est le premier dépôt secondaire , qui présente en Allemagne, 
non-seulement des restes de récifs élevés par des êtres marins et 
des couches de débris charriés de zoophytes et de mollusques, * 
mais encore de vérilables bancs, où paraissent avoir vécu des 
animaux de cette dernière classe d'êtres, ce qui semble indiquer, 
pendant sa formation, une succession de repos et d'agitation 
ayant lieu sur de grandes étendues. 

Les cogillages y sont pétrifiés ou en moules; leur pétrifica- 
tion est à l’ordinaire calcaire et rarement siliceuse, comme, par 
exemple quelquefois, près de Saarbruck. Les bancs coquillers se 
rencontrent presque partout; néanmoins on peut citer ceux du 
mont Heimberg, près de Gættingue, celui des environs de Wal- 
terhausen et de Pyrmont; ils offrent des débris innombrables 
d’encrines (en. vulgaris et liliformis) et d’un genre de zoophytes 
voisins des Isis; ces dernières pétrifications ont quelquefois été 
prises pour des accidens de retrait. 

Les coquillages multiloculaires de ce dépôt sont principale- 
ment des genres ammonites ( am. nodosus, capricornus, dorsuosus, 
amaltheus , etc. Schl.) et nautile (NW. bidorsatus, Schloth.). Parmi 
les bivalves, on y voit surtout des mytiles ( AZ. eduliformis, so- 
cialis, incertus, costatus), des chamés et des peignes. Des téré- 
bratules (2. fragilis et communis) y forment de véritables bancs. 
Les autres bivalves des genres linnéens, Mya, Tellina, Donox, 
Vénus, Arca, y sont beaucoup plus rares. 

Parmi les univalves, celles des genres buccinum , turbo et 
trochus sont les plus communs ; néanmoins, ces coquillages se 
trouvent assez isolés; et ce n’est que çà et là que l’on voit des 
bancs ou amas de coquilles voisines des cérithes, comme au 
Budenberg, près de Neustadt, dans le Hanôvre, etc. 

Plusieurs autres genres d'univalves, se rencontrent encore 
rarement dans ce dépôt; mais il est à remarquer que la plupart 
n’ont encore été trouvés que près de Weymar, de Phangelstad, 
de Tonna, de Jena, etc., c'est-à-dire, au milieu de la grande 
vallée située entre le Hartz, le Thuringewald et l’'Erzgebirge ; 
comme si l’agitalion moins grande et la profondeur plus considé- 
rable des eaux avaient favorisé la conservation des fossiles dans 
cet endroit plus que sur les hords du bassin. 

C’est là que M. Schlothein cite des dentales ( D. lœvis et tor- 
quatus ), les hélices de Linnée (orientinus), des nérites (M. spi- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 91 


ralu et paganus), des patelles (discoideus et mitratus); c’est la que 
se trouvent son lepas avirostris, son solen mytloïdes , ses tellina- 
anceps et minulus, son craniolites schroteri et son curieux bilu- 
bulites irregularis. 

La montagne de Hecniberg, près de Gættingue, et les envi- 
rons de Hildesheim, doivent peut-être leur richesse en fossiles, en 
partie à une cause semblable; on y retrouve du moins plusieurs 
rarelés analogues. 

Enfin, on a observé encore çà et là dans ce calcaire des dé- 
bris des poissons, surtout des écailles et des restes d'animaux, 
marins peut-être de genres voisins des lamantins; ce sont, en géné- 
ral des fragmens d’os maxillaires, d’os longs de côtes et de ver- 
tèbres. J'y ai vu des restes organiques ayant quelque ressem- 
blance de forme avec des conferves. 

Enfin, on y a remarqué aussi quelquefois des pétrifications qui 
appartiennent plutôt aux dépôts supérieurs, telles que l’astéria 
ophiurus (Teutleben), qui reparaît dans le quadersandstein et le 
bélemnite poxillosus, Schl. (Gættingue et Werkershausen) et 
l’échinites pustulosus (Eckorsleben). Mais il faut remarquer que 
ces fossiles se trouvent infiniment rarement dans les assises tout- 
a-fait supérieures du dépôt et qu’on n’en doit pas tenir compte, 

uand on veut donner la liste des fossiles caractéristiques du mus- 
chelkalk d'Allemagne et de France. 

Les encrines, les térébratules, les ammonites, les débris d'Isis ? 
quelques bivalves et univalves n’en restent pas moins les fossiles 
principaux et imporlans. 

Après celte esquisse des caractères généraux et des fossiles du 
second calcaire secondaire , nous allons passer en revue ses prin- 
cipales variétés ou couches subordonnées. 

D'abord , le calcaire passe quelquefois à la marne, surtout dans 
ses assises supérieures et se décompose aussi en marne: il est çà 
et là fort compacte et presque sans fossiles, et ailleurs il est ex- 
trêmement coquiller, de manière que même il arrive rarement 
qu’il a l’air d’un aggrégat de débris marins , et ressemble alors un 
peu à certains calcaires du Jura et du zechstein; cet accident se 
présente, par exemple, près de Frankenbausen. Une structure 
oohtique assez particulière se rencontre dans les assises infé- 
rieures de quelques localités, par exemple à Bensdorf, Schorbé, 
près d'Ecinberg, et en général, sur les confins du Hanôvre et des 
petites principautés de Westphalie, de Buckaburg, etc. 

Rarement , on en trouve des petites masses grenues ; plus sou- 
vent on y observe des lits plus ou moins cellulaires et à cavités 


"12.. 


92 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


angulaires, à peu près comme celles de certains calcaires magne- 
siens de l'Angleterre ; ces calcaires-la sont jaunâtres, peut-être 
magnésiens et traversés de petits filons calcaires ( Pyrmont, 
Werkershausen, les Vosges). 

Enfin , il y a des lits calcaires noirâtres ; brunâtres, colorés par 
du fer hydraté et rouge-brunätre. 

Les variétés ne paraissent pas être distribuées sans un certain 
ordre dans le dépôt ; ainsi, on trouve toujours les variétés ooli- 
tiques dans les parties inférieures et surtout dans les localités où 
les marnes du grès bigarré n’alternent pas avec des espèces 
d’oolites ; au-dessus de ces calcaires viennent surtout des calcaires 
compactes à fossiles épars et des lits de calcaires remplis de débris 
d'Isis ? puis des calcaires où les térébratules abondent surtout et 
qui quelquefois sont légèrement noirâtres, variélé qui se retrouve 
avec peu de coquilles parmi les assises les plus inférieures (le 
Buckeberg). 

Les lits jaunâtres celluleux sont parmi les parties supérieures et 
dans les environs de Pyrmont, ils sont recouverts de calcaires 
compactes, dont les couches supérieures empâtent des pelits 
cristaux de quartz hyalin prismé. Cà et là on observe aussi dans 
ce même calcaire des petites masses de plomb sulfuré, en appa- 
rence roulées ? et quelquefois accompagnées de druses de quartz 
cristallisé (Heinberg, Pyrmont). 

Des petits filons calcaires se voyent souvent dans le muschelkalk 
ainsi que de légères infiltrations siliceuses, néanmoins ces der- 
nières sont rares en Allemagne et ce n’est que parmi les assises 
inférieures du calcaire qu’on aperçoit ca et là quelques rognons 
de silex corné, jaunàtre ougrisälre, comme au Hohcnhagen, près 
de Gættingue, au Langenberg, près Goburg et près de Gotha. 
Cet accident se revoil aussi sur le versant occidental de la chaine 
des Vosges, où ces silex, plus ou moins mélangés de calcaire, y 
forment des espèces de lits plus ou moins continus, comme près 
de Bishmosheim. 

La description que nous venons de donner s'applique à la bande 
de muschelkalk, qui entoure les Vosges, à la chaîne étroite de 
muschelkalk qui s'étend de Warburg par Bielefeld jusque dans 
l'Osnabruck, au plateau de muschelkalk au nord et à l’ouest du 
Hartz, à celui de la Hesse et du grand bassin de la Saxe et de la 
Thuringe et au grand plateau qui s'étend depuis Hanau jusque 
près de Stuttgard, et que M. Keferstein a classé sans aucune raison 
dans le zechstein. Mais sur le côté oriental du grand bassin, dont 
cette dernière masse recouvre le bord occidental et septentrional 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 95 


$e trouve un autre calcaire, qui est l’équivalent du muschelkalk, 
ou en d’autres lermes, sur le versant occidental du Thuriuger- 
wald, le muschelkalk change ca et la essentiellement de carac- 
tères, à peu près comme le premier calcaire secondaire des bords 
du même bassin. 

Ce changement singulier est important à observer, puisqu'il 
peut donner la clef pour reconnaitre l'existence de ce dépôt 
dans d’autres contrées ; il a lieu surtout dans le pays de Coburg. 
Au nord de cette ville, le muschelkalk forme un grand plateau 
qui s’étend vers Meinungen et vers Neustatdi ; les monts Langen- 
berg, à côté de Coburg, sont encore composés de véritable 
muschelkalk, avec quelques rognons siliceux dans leurs parties 
inférieures; mais au sud-ouest, on ne voit plus à côté du calcaire 
jurasique que des dépôts d’un calcaire éminemment magnésien , 
compacte, d’une couleur blanchätre ou grise-blanchätre. 1] ren- 
ferme des petits filons de chaux carbonatée magnésifère et des 
rognons fort irréguliers, et des filets de quartz jaspé, et d'une 
espèce de silex corné ou mème de calcédoine grossière, rougeätre, 
grisätre et blanchätre. Les pétrifications ordinaires y ont tout-à- 
fait disparu et les retraits subséquens du dépôt ont été évidem- 
ment fort considérables. 

Ce calcaire, qui se lie comme nous l'avons dit, avec le grès 
bigarré par un calcaire arenacé, forme la cime du mont Ecker- 
sberg, du Buchberg et des monts à l’est du château de Coburg. 
On le revoit près de Bohrbach, de Rogen, de Lutzelbuch, et 
à Neuhofer-Muble, d’où il s'étend jusque vers Banz , en recou- 
vrant çà et la le grès bigarré. A l’est de Coburg, il forme un 
petit plateau depuis Oslau jusque vers le Mahnberpg, il reparait 
près d’Ecinberg et plus au sud-est une espèce de crête très 
étroite de ce calcaire, court le long de petits plateaux de véri- 
table muschelkalk, et à la fin, on voit celte vraie digue de 
quelques pieds d'épaisseur, aboutir contre ce dernier calcaire, 
près de Kipfendorf, tandis que le véritable muschelkalk , après 
avoir formé quatre petits plateaux entre Coburg et Gestungs- 
hausen {le premier à l’est de Rohsbach, le second à l’est de 
Kipfendorf, le troisième à l’est de Fechheïm et le quatrième au 
nord de Gestungshausen), vient aussi à disparaître pour ne se 
remontrer qu’au nord et aux environs de Baireuth. 

En un mot, on voit incontestablement là, non-seulement un 
dépôt de muschelkalk se prolonger le long de la chaîne jurasique 
de celte partie de l'Allemagne , mais encore le muschelkalk placé 
sur les bords d’un bassin qui paraît avoir tellement influé sur la 


94 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nature de ce calcaire , que dès qu'on descend dans le bassin, lou 
n’y voit plus que du calcaire magnésien sans fossiles. Près de 
Kipfendorf, les couches de grès bigarré, au pied du Mabnberg, 
inclinent hors du bassin au S.-E., et dans le bassin, elles plongent 
si fortement au NN.-E. qu’elles deviennent presque verticales. 
Sur la première partie de ces couches repose un plateau de mus- 
chelkalk véritable, dont la largeur est déjà rétrécie, à quelques 
toises, de 2 à 500 toises, qu'il avait plus au nord à Manchenroth 
et à côté, à quelques pieds de distance, se trouve un dépôt de cal- 
caire magnésien lié avec le grès bigarré. 

D'après les caractères et les anomalies de ce dépôt, il est pos- 
sible qu’on retrouve ce calcaire dans beaucoup de localités où l’on 
ne l'avait pas cité jusqu'ici. Ce qui paraît certain, c’est que le 
long du Bohmervaldgebirge, il se termine au plateau des envi- 
rons de Baireuth et que de l’autre côté du bassin, il se prolonge 
avec des interruptions le long de la chaîne jurasique jusqu’en 
Suisse, où il occupe encore assez de place près de Bâle, et y 
constitue le rauchgrauer kalstein de M. Mérian (1). Il se lie ensuite 
près de Béfort à la bande étroite qu’il forme au pied oriental des 
Vosges, depuis là jusque vers Alzeÿ, tandis que le long du 
versant occidental, d’après les observations combinées de M. de 
Beaumont, M. Schmitz et les miennes, ce calcaire s’étend de Lure 
à Vauvillers , Bourbon-les-Bains, Ligneville, Sarrebourg, et 
forme un grand plateau au-dessus du grès bigarré, entre Ros- 
bacb, Waldfishbach et Forbach. Il remonte même plus haut au 
nord par Longeville et Trèves, et se lient toujours entre le grès 
bigarré et la formation jurasique. 

Dans le reste de la France, je n’ai des soupcons de son exis- 
tence que dans les environs de Vitteaux, de Rouvray et de Cussy- 
les-Forges, ete. Peut-être existe-t-il aussi au sud de Nevers, et le 
calcaire à côté d'Aubenas en Vivarais, en présente quelques-uns 
des caractères, et se distingue bien du calcaire à gryphites, qui se 
trouve plus à l’est de cette ville. Dans l’ouest de la France, il 
parait manquer totalement comme en Angleterre; mais au pied 
des Pyrénées, il se montre çà et là lié au grès bigarré; ainsi dans 
le département des Landes, au pied du Porci d’Arzet, dans la 
commune de Saint-Pandelon, la partie supérieure des marnes 
bigarrées à gypse et à sources salées, renferme deux couches de 
muschelkalk en partie à structure oolitique particulière, et on en 


(1) Voyez Beytrage zur Geognosie, 1851. 


! 

ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 95 
revoil aussi au-dessus des mêmes marnes, sur le pied des mon- 
tagnes du Conserans. 

D'un autre côté, il est possible que ce calcaire se retrouve 
même dans les Alpes, en particulier dans celles du Salzburg, 
car on y connaît certains calcaires blanchâtres et grisätres , grenus 
ou compactes, à térébratules ou peignes, qui par leur position 
pourraient bien être un jour reconnus pour du muschelkalk. Sur 
le versant méridional des Alpes, M. l'abbé Maraschini a quelques 
soupcons de son existence sous le calcaire jurasique du Vérouais, 
et en Hongrie, certains calcaires magnésiens, comme ceux des 
environs de Bude, pourraient bien, par leur position et leur 
nature , en être tôt ou tard rapprochés. 


TrorsiÈme érès secoNDAIRE. Le second calcaire secondaire 
est surmonté en Allemagne d’un troisième dépôt arénacé , nommé, 
par les Allemands, quadersandstein. Ce dépôt est aussi peu connu 
par les géologues étrangers que celui du muschelkalk, ils n'ont 
pas Su, jusqu'a présent, lui assigner sa place véritable parmi les for- 
mations secondaires et surtout ils n'ont pas cru le reconnaitre 
dans leur patrie ou lui ont comparé des dépôts tout-à-fait différens, 
comme , par exemple, le grès de Fontainebleau. 

L'obscurité qui enveloppe cette formation, dépend encore de 
ce qu’elle est extrèmement peu répandue dans les pays étrangers: 
à l'Allemagne , el ceci nous montre de nouveau qu'en Géologie, 
pour pouvoir reconnaitre un terrain dans un pays quelconque, 
il faut avoir éludié ce dépôt dans la contrée où il est le plus déve- 
Joppé et le plus complet, et l’on comprend que ce principe 
trouve surtout son application pour les formations secondaires 
récentes, qui sont bien plus que les autres des dépôts de grands 
bassins ou de grandes sinuosités plus ou moins séparées les unes 
des autres. 

Ainsi, s'il n'y arien d'étonnant qu’un Francais, qui n’a pas 
étudié le quadersandstein en Allemagne , ne le reconnaisse pas 
en France, où il est fort peu abondant; d’un autre côté, on ne 
doit pas être surpris qu'un Allemand, qui n’a pas visité les ter- 
rains terliaires bien développés du nord de la France, se trouve 
fort embarrassé, pour classer certains dépôts épars dans sa patrie. 
Par les mêmes raisons, en Europe, les dépôts de muschelkalk et 
de zechstein, comme formation indépendante, doivent être 
étudiés en Allemagne, tandis que le calcaire jurasique et la 
craie doivent être vus en Suisse, en France et Angleterre et non 
pas dans le nord de l'Allemagne, les dépôts trachytiques en Hon- 


96 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


grie et non pas sur les bords du Rhin , les volcans éteints et les 
lambeaux d'anciennes coulées basaltiques en Auvergne et en 
Vivarais et non pas dans l'Eiffel, à Eger ou dans le Mittelge- 
birge, les cônes basaltiques hutténiens en Hesse et en Thuringe 
et non pas en Bohème, les roches trappéennes du grès rouge en 
Ecosse et dans le Palatinat et non pas à Noyant ou à Figeac en 
France, etc. 

Quant aux géologues qui n’ont pas la faculté de visiter tous 
ces lieux classiques, c'est leur devoir de croire implicitement 
aux descriptions données des terrains qui leur sont inconnus, 
quand plusieurs géologues recommandables s'accordent sur ce 
point; or, c’estce qu'on a souvent négligéet ce qu’on néglige encore 
quelquefois de faire. Les Allemands auraient-ils fait si long-temps 
les songes creux sur les basaltes, s'ils avaient cru les Dolomieu, 
les Faujas et d'autres géolcgues estimés? Il en est aujourd’hui 
iaversement à peu près deanème, pour les dépôts du quadersand- 
stein et du muschelkalk, tous les géologues allemands recon- 
naissent et décrivent ces dépôts fort exactement, et malgré cela, 
des géologues étrangers, croyant déjà avoir assez vu , restent dans 
le doute sur l'existence de dépôts tout aussi importans que le 
grès rouge, le calcaire de transition, etc. qu'ils admettent, parce 
qu'ils se sont assurés de leur existence. 

Le quadersandstein où troisième dépôt arénacé secondaire 
repose sur de véritable muschelkalk, entre Hildesheim et Dic- 
kholzen, près de Helmstadt, à la chapelle de Lindach, entre 
Wipfeld et Lindach, nou loin de Scheveinfurt sur le Mein, à 
Stegerwald , près de Hassfurt et on est arrivé sur le muschel- 
kalk en creusant un puits dans le quadersandstein du jardin 
Nesselhof, près de Gotha. Dans les environs de Coburg, on voit 
quelquefois la variété magnésienne du muschelkalk s'enfoncer 
sous le quadersandstein, comme près de Oferfullbach. En West- 
phalie, l’on voit les couches de la bande même de muschelkalk 
qui s'étend deSteinhem, par Bielefeld , jasque vers Hilter, incliner 
au nord, et les marnes jurasiques alternaut avec le quadersand- 
stein, reposer dessus, en ayant la même inclinaison. Enfin, près 
de Pyrmont, on voit mème ces alternations marneuses et aréna- 
cées se lier au muschelkalk en alternant avec deux ou trois couches 
d'un calcaire compacte , grisätre, identique, avec certains mus- 
chelkalk, mais sans restes organiques. Üne pareille alternation 
se voit au pied du Bierberg, près de Lude, au sud de Pyrmont; 
le calcaire y est accompagne de petits amas de marne fortement 
imprégnée de fer hydraté jaune. Il arrive naturellement cà et la, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 97 

Le que le quadersandstein est superposé au grès bigarré ; c’est ce 
qui a lieu, par exemple, près de Opferbaum, entre Scheveinfort 
et Wurtzburg , où il paraît reposer immédiatement sur le gypse 
des marnes bigarrées. La même chose arrive au nord du Hartz et 

! - surtout le long de la pente occidentale de la chaîne jurasique de 
Ja Bavière septentrionale où l’on passe, par exemple, au sud de 
Nurnberg , sans intermédiaire du grès bigarré au quadersand- 
stein. Cependant il est bien plus facile de l'en distinguer que de 
séparer le grès rouge du grès bigarré dépourvu de marnes. 

En Bohème, où le quadersandstein recouvre souvent le terrain 
bouiller ou le grès rouge, par exemple près de Brandies, elc., et 
daus l’Erzgebirge (Gruntenburg, Niéder , Schona) et sur les bords 
de l'Ebe, sur les limites de l'Autriche et de la Saxe, où il repose 
sur du gneiss, on ne peut le confondre avec aucun autre dépot. 

Le quadersandstein peut être décrit comme un grès plus ou 
moins grossier, généralement assez fin (1), composé de petits 
grains arrondis de quartz et mélangés çà et là d’écailles de mica 
argenté, qui y sont quelquefois distribuées en espèces de feuillets 
parallèles et interrompus, 

Le ciment de ce grès est argileux ou argiloferrugineux; en 
général, son aggrégation est plus faible que celles des autres grès, 
et ce grès se rapproche ainsi beaucoup des alluvions modernes ; 
néanmoins, dans plusieurs cas, il a été endurci, comme les 
grès tertiaires, par un suc Calcaire, ou plus rarement par de la 
silice. 

Dans le premier cas, cette roche ressemble étonnamment au 
grès marin supérieur de Fontainebleau , comme au schevelben- 
wald et à la cime du Kotersberg, près de Pyrmont; on y voit 
mème quelquefois, comme à Fontainebleau, des cristaux de 
chaux carbonatée inverse, par exemple à Blankenburg. Le quartz 
y forme ca et là des petites veines. 

Il arrive assez souvent qu’il y a des parties de ce grès qui sont 
décomposées en sable blanc ou jaunâtre, comme au pied du 
mont Bomberg à Pyrmont et au Kontersberg, où ce sable res- 
semble assez à celui du grès ferrugineux (ironsand) des Anglais. 
Ces sables produisent, dans d'autres localités, un sol mouvant 
fort étendu, comme entre Blankenburg et Haïberstadt, et sur- 
tout dans la partie nord-est de la Bohème. C'est le seul grès 


(1) Voyez les exactes descriptions qu'en a données le savant M. Haussmann, 
Norddeutsche Beitrage ; ete., p. 68, et Driburger Taschenbuch, 1816. 


Tome X CF. AOÛT an 1822. 13 


5e 


98 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


secondaire, avec le grès vert, qui donne des sables analogues à 
ceux des déserts d'Afrique et d'Asie; on peut done soupconner 
que ces derniers proviennent en partie de la destruction de ces 
dépôts ou de l’un d’eux, ou bien que ce sont en lout ou en partie 
des sables tertiaires. 

Les couleurs du quadersandstein sont le blanc, le jaune-blan- 
châtre, le jaunâtre, le brunâtre et rarement une teinte rosätre; 
les premières variétés abondent dans tout le nord de la Bohème, 
Ja Saxe et au nord du Hartz, tandis que les jaunâtres et brunâtres se 
rencontrent surlôut autour de Ja chaîne jurasique du sud-ouest 
de l’Allemagne ; ees dernières ne fournissent pas d’aussi bonnes 
pierres de construction que les autres. 

Les lits subordonnés de ce dépôt sont fort peu nombreux; dans 
les assises inférieures on observe souvent des lits grossiers où les 
cailloux de quarlz se trouvent associés, surtout avec des morceaux 
de schiste siliceux et lydien; c’est ce qu’on voit près de Visÿ non 
loin de Metz et dans l'Erzgebirge, par exemple à Kisibel, etc. 
Dans cette dernière chaine, il arrive, près de Freyberg, que ces 
lits renferment un grand nombre de morcéaux de quartz grenu, 
blanc, identique, avec la gangue quartzeuse de plusieurs filons 
métallifères du gneiss : n'est-il donc pas bien étonnant qu'au lieu 
d'une explication si naturelle, il y ait des géologues qui y aient 
voulu voir des dépôts chimiques ? 

Quelquefois on observe aussi dans le quadersandstein des lits 
légerement marneux , cet accident se voit dans le grès de Pirna, 
de Gotha et de Silésie. Dans les assises supérieures, on observe 
assez souvent une épaisseur de quelques pieds ou quelques toises 
occupée par des alternations de grès jaunâtre plus ou moins fer- 
rugineux, avec des argiles et même des marnes argileuses grises, 
grises-bleutres , grises-verdätres et même rougeätres semblables 
aux dépôts analogues du terrain tertiaire, comme près d'Ober- 
fulbach dans le Coburg, et à Vigy près de Metz. Les lits d’ar- 
gile sont quelquefois employés avec grand avantage pour la poterie, 
comme à Kipfendorf (Coburg), mais rarement ces lits sont assez 
épais pour qu'on puisse les exploiter comme ceux de l'argile 
plastique. Néanmoins, il arrive quelquefois qu'on peut être em- 
barrassé de décider si un tel dépôt appartient à l’une ou à l’autre 
de ces formations, surtout quand les marnes du quadersandstein 
présentent ces ondulations des couches tertiaires, qu’elles sont à 
la surface du terrain et dans le voisinage de véritables depôts 
d’agile plastique. ; 

De plus, ces lits argileux viennent quelquefois à renfermer des 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 99 


petits amas de lignites, car les débris végétaux ne sont nullement 
étrangers à ce quadersandstein et lui sont au contraire éminem- 
ment propres, en servaut ainsi à le distinguer des deux autres 
grès secondaires plus anciens. 

Ces débris de végétaux sont des bois ou des débris de plantes 
moncotylédons ; les premiers sont changés en grès ou infiltrés de 
silice, ou bien ils offrent des variétés de charbon minéral et de 
lignite. Ces restes végétaux abondent surtout dans certains lits et 
donnent alors à ces grès un aspect tout particulier, comme cela 
se voit à Kipfendorf et à Blumenroth dans le Coburg , et à Vigy 
pres de Metz. Quelquefois les grès en sont teints en grisätres ou 
renferment de petits filets de lignites, comme près de Quedlin- 
burg et de Pirna. 

I y a même des is de lignite exploités dans ce grès, par 
exemple, dans le Coburg, à l'est de Spittelstein et le long de la 
pente occidentale de la chaîne jurasique du sud-ouest de l’Alle- 
magne. 

C’est surtout en Westphalie où ces dépôts de combustible ont 
eu lieu le plus abondamment, et ils ont été exploités avec profit 
dans le Buckeburg. Dans cette partie de l'Allemagne, comme 
uous Je verrons plus bas, le quadersandstein est lié aux marnes 
inférieures du calcaire jurasique; on y voit une grande partie de 
l'espace entre Osnabruck, Bielefeld, Vlotho et Buckeburg, occupé 
par des alternations de marnes et de grès. Ces grès sont quelque- 
fois identiques avec ceux du quadersandstein, comme par 
exemple la couche assez grossière el traversée de filets de chaux 
carbonatée concrétionnée fibreuse, qui est exploitée à la porta 
Westphalica ( défilé du Weser, près de Minden) et le gres de 
Hall, dans le Bielefeld. 

Néanmoins , la plupart sont des grès plus ou moins compactes, 
grisätres, gris-violàtres , gris-verdètres et brunâtres, endurcis par 
des marnes ou des infiltrations ferrugineuses, comme cela se voit 
près de Herford et dans les lambeaux de ce terrain qui se trouvent 
au sud et à l’ouest de Pyrmont, près de Luntorf, Rudsick, Falken- 
hagen, ect, ; quelques-uns renferment des petites masses de marne 
et ressemblent de loin au grès houiller. 

Ces grès a lignite renfermant assez de pyrites et alternant avec 
des argiles schisteuses et des marnes surtout coquillères dans les 
assises supérieures , ne peuvent pas être confondus avec les grès 
houillers ; d'abord , parce que le combustible n’est toujours qu'un 
bois bitumineux, un charbon minéral pyriteux ou bien un jayet 
(variété de pechkohle des Allemands) qui semble passer rare- 


18% 


“ s 


100 JOURNAL DÊË PHYSIQUE, DE CHIMIE ; 
ment à certaines variétés de houille piciforme. ( Minden, Buc- 
keburg) (1). | 

Ensuite, l'abondance des fossiles marins, des marnes et des 
argiles schisteuses, la fréquence des marnes , la nature des grès, 
le pelit nombre de couches houillères et le manque presque 
tolal de ces bouleversemens de couches qui s’observent dans le 
terrain houiller proprement dit, sont encore des caractères bien 
suflisans pour distinguer ce dépôt de tout autre. 

Gelte alternation des grès et des parties inférieures du calcaire 
jurasique, n’est pas seulement restreinte à la Westphalie, mais 
on en revoit encore des traces dans le Coburg, où à Blumenroth 
on observe, entre le véritable quandersaudstein et la partie infe- 
ricure coquillère du calcaire jurasique deux lits d'un même grès 
gris, compacte, alternant avec des marnes. Plus au sud, des faits 
semblables se représentent encore plus distinctement sous le cal- 
caire à gryphites de la Bavière septentrionale et de Wurtemberg. 
Des nids de fer sulfure s’y retrouvent aussi çà et là, comme pres 
de Bohrbach dans le Coburg. ï 

Les fossiles du quadersandstein sont assez abondans; nous y 
avons déjà cité des bois siliceux ou bitumineux et des impressions 
de plantes moncotylédons ; les bois siliceux sont surtout abon- 
dans dans le Coburg et y sont quelquelois colorés en vert par le 
nickel, Les impressions de bois et de morceaux de plantes y sont 
fréquentes; quelquefois ces végétaux ont disparu elont laissé des 
irous vides (Gittersen, Goburg ); leur position est horizontale ou 
inclinée. 

Ces impressions ne m'ont jamais présenté ces figures singu- 
lières qui caractérisent les végétaux enfouis du terrain houiller ; 
au contraire, soit les bois, soit les plantes m'ont paru avoir 
beaucoup plus d’analogie avec la végétation actuelle européenne 
que les mêmes fossiles de la formation charboneuse. 

Les impressions de plantes bien conservées y sont très rares, 
probablement à cause du manque de ces argiles houillères fines 
et de la différence de l'origine du dépôt ; néanmoins on peut y 
obsèrver des impressions de plantes ayant quelques rapports 
avec des roseaux (Luntorf, près Pyrmont)}), des feuilles bien 
distinctes, ressemblant de loin à celles du nuisetier et dn noyer, 
comme au mont Heidelberg , près de Blankenberg et à Wolfen- 


buttel. 
DE RESORTS 
* 
(1) Voyez Wurzer, : der Schwefelquellen zu Nendorf, 1815. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 101 


J'ai même vu, dans le superbe cabinet de: M. le baron de 
Schlotheim , des impressions de végétaux voisins des paliniers 
(palmacites annulatus, canaliculatus et obsoletus, Sthl., ete. ), et 
mème des plantes voisines des fougères ou de la division des 
lycopodiolithes de M. Shlothein ( Z. cæspitosus.) (Gotha.) 

Eufin , le même savant y cite des carpolithes. 

Les restes d'animaux marins y sont passablement abondans, 
surtout dans certaines localités et certains hts;:mais ce ne sont, 
en général, que des moules, el rarement ce sont des pétrifica- 
tious siliceuses ou calcédoniques, comme près de Blankenbury 
_au Platenberg.) 

Les pétrifications de ce genre les plus fréquentes, paraissent 
être les peignes (p. punctatus, radiatus , longicollis anomalus , 
Schloth); ils existent, surtout, dans quelques lits du quadersand- 
stein de Silésie et de Pirna. Dans cette deruière localité, on y 
voit aussi des Vénus , des huilres (os trea labiatus Kuorr ), et des 
mytiles. 

Au nord du Hartz, on y connait depuis long-temps le zurbi- 
nites obvolutus, Schl. et regensbergensis j.Knorr., pres de Blan- 
kenburg , ainsi que dans le Halberstadt où il est associé rarement 
avec l’ostæa crista galli, Des volutes et des bulles y sont citées 
dans les environs de Halberstadt, des myes (71. musculoïdes , 
Schl.):y'existent dans le mont Seebére, à Gotha. Le rare asteria 
lumbricalis ; Sch]., se trouve dans certains lits des assises presque 
supérieures du quadersandstein du Coburg (Gossenberg ); ce 
banc renferme aussi des bivalves indéterminables. 2 

Le grès de Hildeshein contient quelquefois des térébratules 
(t. 'acutus, Schl.) et entre Stoffenheim et Teilhosen en Bavière ; 
J'ai vu, dans les grès grossiers ferrugineux, immédiatement au- 
dessous du calcaire à gryphites jurasiques, une grande abondance 
du gryphites arcuata et de belemnite. 

Enfin on y cite encore, comme des rarelés, des échinites et 
des pinnites (p. diluvianus) à Pirna, ainsi que des débris d’en- 
crines; néanmoins ces derniers sont quelquefois fort abondans 
dans quelques lits tout-à-fait supérieurs, et sont mélangés de 
bivalves (mytilus?), comme dans le Staffelsberg, près de Staffel- 
stein et à Blumenroth dans le Coburg. 

Certaines curieuses proéminences de ce grès pourraient-elles 
ençore rarement y faire soupconner l'existence de débris d'écre- 
visse ? J 

Non content de se distinguer par la nature de ses roches et 
ses fossiles, ce dépôt forme très souvent des montagnes d'une 


Q 


102 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


forme très souvent des montagnes d'une forme tout-à-fait particu- 
lière, en conséquence de sa décomposition où de sa cimenlation 
irrégulière. Ainsi, lorsque ce dépôt n'est pas recouvert du cal- 
caire jurasique, comme dansla Bavière, ou bien de craie, il présente 
des suites de crètes crenelées, bosselées et avec des découpuresar- 
rondies tout-à-fait bizarres: telle est, par exemple, le mur du 
Diable ou la Taufelbmauer , entre Blankenburg et Halberstadt , et 
les sommités crenelées le long de l'Elbe, entre Pirna et Petschen. 

Lorsque ce dépôt a été rt détruit et qu’il n’en reste que 
quelques lambeaux, on le voit aussi former alors de simples mu- 
railles, comme à Goslar ou des blocs singulièrement découpés, 
comme le Hackstein, près de Hirchberg, en Bohême, etc. 

Quant à ses vallées, elles sont profondes, à pentes très rapides 
et presque à pic, du moins quand le dépôt a été considérable, 
comme entre T'anneberg et Bohmish , Kamnitz et près de Oschitz 
en Bohème, ou bien ce sont des vallées fort évasées , dont le fond 
est occupé par des formations plus anciennes et dont les cimes 
bizarres ou en pointes obtuses , sont seulement couvertes de grès, 
comme dans plusieurs localités du nord-est de la Bohème et de la 
Bavière septentrionale. Après avoir décrit cette formation aussi 
exactement qu'il m'a été possible, l'on me permettra de passer en 
revue ses localités connues. 

Depuis long temps on a décrit ce dépôt en Bohème, et l'on 
sait qu'il y recouvre le terrain houiller et de grès rouge, et qu'il 
y est cà et là caché sous quelques toises de grès vert et de_craie 
chloritée où de planerkalk. 1] commence à paraître, dans ce pays, 
sur les frontières de la Silésie, à la Heuscheuer et à une éléva- 
tion de 2893 pieds au-dessus de la mer. I s'étend de la dans 
iout le nord de la Bohème et sa limite au sud ne doit certaine- 
ment pas être reculée plus loin que Eypel, Arnau, Jung Bunzlau- 
melnik. En decà de l’Elbe, il reparait encore cà et là, comme 
près de Raudnitz, de Prague, de Bandeïs , etc.; quelques lam- 
beaux s’en revoient plus au sud dans les sables de Konigingratz, 
et même peut-être jusqu’en Moravie. 

Après avoir été recouvert par des basaltes et resserré entre les 
basaltes de la partie orientale du Mittelgebirge et le terrain pri- 
milif et de grès rouge du Riesengebirge, le quadersandstein 
s'étend des deux côtés de l’Elbe jusque vers Pirna, en remontant 
le long de quelques vallées de l'Erzgebirge, où on en découvre 
quelquefois des lambeaux. De l’autre côte, il s'étend en Lusace 
et se revoit en decà de la masse granitique, près d'Ullersdorf et 
dans un grand nombre de localités de la Silésie, 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 107 


. Dans la grande vallée, entre l'Erzgebirge, le Thuringenvald et 
le Hartz, on ne le connaît que près de Gotha au nord du Seeberg, 
à Boxstedt et près de Waltershausen, tandis qu’au nord du Hartz, 
il abonde près de Helmstadt et forme une muraille presque con- 
tinue, depuis Quedlinburg jusqu'à Wernigerod ; de là il ne se 
montre plus qu'en monts isolés, jusqu'a Hildesheim , parce qu'il 
y est recouvert de beaucoup de dépôts crétacés, comme à Gorlar, 
a Salzhetfurth, à Hildesheim. 

Il se retrouve en lambeaux dans la partie supérieure de Ja 
vallée de la Leine, par exemple, près de Guttersen, elc.; puis 
on ne l’observe plus qu’en Westphalie, où nous avons déjà indi- 
qué l’espace considérable qu'il y occupe avec les marnes jura- 
siques. Depuis là, on ne le revoit plus à l’ouest, excepté près 
d’Aix-la-Chapelle, où il en existe peut-être un lambeau assez bien 
caractérisé par la roche et ses débris végétaux. 

Dans le sud-ouest de l'Allemagne, il commence à se montrer 
cà et R le long du Mein, près de Schweinfurt et au sud de 
Coburg; puis de là il s'étend le long des deux pentes de la chaine 
jurasique de celle contrée ; d’un côlé il va jusque vers Ambers, 
et de l’autre jusque dans le Wurtemberg, où il alterne avec le 
calcaire à gryphiles. Cette bande est plus ou moins large, suivant 
que le grès est plus où moins recouvert de calcaire jurasique ou 
plus ou moins conservé au-dessus du grès bigarré ; entre Roth, 
Weissenburg et Nuremberg, il y en a des étendues considé- 
rables. 

Eu France, je n’en connais jusqu’à présent que dans la partie 
orientale et méridionale de cet empire; d’abord il en existe un 
grand dépôt, suivant M. de Buch, au nord de Luxembourg, 
entre cette ville, Feliz et Alfdorf; il y en trois petits dépôts à 
l'est de Metz, l'un entre Vigy et Saint-Hubert, un second au 
nord de Bertoncourt et un troisième au sud de Ketange. Il est à 
remarquer que toutes ces portions sont situées dans des ramifi- 
cations de la grande vallée de la Moselle, sur le bord occidental 
de laquelle on en retrouve aussi çà et la des variétés ferrug:i- 
neuses el même exploitées, comme minerai de fer hydraté, comme 
par exemple à Hayonge. 

Plus au sud, je n’en connais que quelques indices! près de Vic 
et dans les environs de Vitteaux. Quelques fragmens on été trou- 
vés par M. de la Jonquère, au milieu du calcaire à gryphite de 
Mézières et d’autres variétés coquillères ont été découvertes par 
M. de Beaumont, non loin de Buxweïler avec le même terrain. 

Dans le Jura, les marnes, quelquefois légèrement sablonneuses, 


‘ 


104 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


remplacent le quadersandstein et alternent avec les marnes infé- 
rieures jurasiques; il parail même, d'apres M. Merian, que, dans 
le canton de Bâle, ces marnes contiennent des amas de gypse, ce 
qui amènerait à reconnaitre un troisième grand dépôt de'gypse 
secondaire. 

Dans les Pyrénées, le quadersandstein forme des assises fort 
considérables sous toute la bande de calcaire jurasique qui loge 
leur pied septentrional; il y présente loujours les mêmes grès quart- 
zeux, plus ou moins marneux micacés ou feuilletés. Ils renferment 
des débris d'êtres marins et des restes de végétaux, et ils alternent 
avec les parties inférieures du calcaire jurasique, et contiennent, 
comme ces derniers calcaires, des traces de lignites. Je me con- 
tenterai de citer pour exemple, les quadersandsteins au nord de 
Navarreins et ceux de Saint-Paul et de Nalzen, dans le pays de 
Foix. 

Le long de la pente septentrionale des Alpes, ce terrain ne 
paraît exister qu'au pied des Alpes de la Souabe et peut-être de 
Ja Bavière; ce qui est certain , c’est que les grès des environs de 
Saint-Galles à griphytes spiratus et plusieurs autres coquilles par- 
ticulières, ont bien l'air d’appartenir à cette formation, à moins 
qu'ils ne fassent partie du grès vert qui est le seul grès qu'on 
puisse quelquefois confondre avec le quadersandstein. D'un autre 
côté, la liaison que nous avons vu exister entre les marnes infé- 
rieures jurasiques et les grès quelquefois charbonneux de notre 
dépôt, nous portent à penser qu’il se pourrait que plusieurs des 


dépôts de combustibles ou de lignites, surtout à coquilles marines, : 


indiqués au pied des Alpes de Souabe, appartinssent à ce genre 
de formation. Il se pourrait même qu'on y réunit un jour ces 
amas de combustibles le long des Alpes, entre la France et le 
Piémont , comme J'amas d'Entreverner, ceux des environs de 
Grenoble, etc. 


CaLccaiRE JURASIQUE. Tous les géologues parlent du calcaire 
du Jura; tous trouvent à le classer dans la série des formations 
qui leur sont connues, et cependant il n'y en a qu'un petit 
nombre qui connaissent véritablement ce dépôt. Parmi les géo- 
logues allemands, dont j'ai eu le plaisir de faire la connaissance, 
les seuls qui aient uve idée claire de la position du troisième 
calcaire secondaire, sont MM. de Buch, Haussmann, Germar, 
Keferstein , de Roepert et de Schlotheim. Ce dernier a jugé, par 
les seules pétrifications du Jura, qu’il était impossible de réunir 
le calcaire jurasique avec le muschelkalk ou le zechstein. 


f 
bi 


K ns : 


ET D HISTOIRE NATURELHE: 105 


Ce que je viens de dire n’est point un reproche, mais m'est 
qu'un fait intéressant à citer pour l’histoire de la classification de 
ce dépôt, et dépend du cercle restreint dans lequel tant de sa- 
vans allemands estimables sont obligés de rester toute leur vie ; 
sitous avaiént pu voir le Jura, tous le connaitraient. 

Dans le nord de l'Allemagne, le calcaire jurasique ne peut 
presque pas être reconnu, si on ne l’a pas bien étudié dans le 
sud-ouest de l'Allemagne et surtout en France et en Angleterre. 

Dans le sud-ouest de l'Allemagne, on le voit distinctement 
reposer sur le quadersandstein el former un grand plateau au-dessus 
de ces grès; les places où celte superposition se voit, sont trop 
nombreuses pour les citer toutes; on le voit à Blumenroth, à 
Haffeistein , elc., et quelquefois nous avons dit que les marnes 
jurasiques alternaient avec des lits supérieurs de quadersand- 
stein. 

Le troisième calcaire secondaire presente, comme on'sait, en 
Suisse, en France et en Angleterre, trois assises principales ; 
savoir, les martes jurasiques inférieures ou le calcaire à gry- 
phites qui est le Zias des Anglais et le calcaire bleu ou la pierre 
bise des Francais , les assises oolitiques et compactes et les assises 
supérieures fort riches en fossiles, qui forment le calcaire à poly- 
piers dela Normandie. 

La chaïne du Jura, qui continue en Allemagne, s'étend par 
le Wurtemberg et la Bavière jusqu'à Staffslstein sur les bords du 
Mein et arrive même au moyen de ses marnes inférieures jusqu'à 
2 lieues au sud de Coburg, près de Fechheim et du Blu- 
manroth. 

Dans ce prolongemént du Jura, l'on.ne retrouve complète- 
ment les membres de ce dépôt qu'au sud de Gunzenhausen et 
de Roth; plus au nord, le calcaire à griphites disparait presque 
entièrement , ou du moins, on n'observe plus les gryphites, et les 
oolites ferrugineuses du Jura ne se revoient déja guère plus au- 
dela des frontières du Wurtemberg ou du moins du cercle bava- 
rois, au-dessus du Danube. Tout lerréste de la chaine est composée 
de marnes grisälres, de calcaire compacte ou légèrement ooli- 
tique, ou de calcaire rempli de fossiles. 

Le calcaire a gryphutes ‘est une marne calcaire fortement en- 
durcie , qui est grise, bleuâtre, brunätre ou noirâtre ; quelque- 
fois il est mêlé de sable dans le voisinage du quadersandstein. On 
y observe des gryphites arquées, des bélemnites, des huîtres, des 
donax, des tellines, des peignes , comme près de Kleinfeld et de 


Tome XCF. AOÛT an 1822. 14 


106 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Teilhofen. Quelques lits renferment aussi quelques débris d’en- 
crines. 

La marne calcaire, qui paraît occuper, à l'extrémité septentrio- 
nale de la chaine jurasique, la place de ce membre de la forma- 
tion, est aussi grisälre, à petits points uoiràtres, peut-être de fer 
bydraté (1); les bélemnites y sont abondantes immédiatement 
au-dessus du troisième grès secondaire , il est pétri de tellines et 
forme un banc de quelques pieds d'épaisseur, qui s'étend au 
loin et dans le pays on lui donne le nom de graue musehelbanck. 

Au-dessus de ces marnes, qui ne s’aperçcoivent pas loujours 
bien le long des pentes de la chaive, viennent d'autres calcaires 
plus ou moins marneux blanchätres et grisätres qui renferment 
surtout beaucoup d'ammonites, de térébratules et de bélemnites, 
aiusi que quelques spalangues que nous voyons figurer pour la 
première fois comme caractéristiques d’un dépôt calcaire. 

Ensuite l’on trouve cà et là des calcaires jaunes-brunätres clairs, 
qui présentent une grande quantité de points brillans et de poro- 
sités tapissées de cristaux de chaux carbonatée; ce sont des marnes 
infillrées de calcaire spathique : ces roches se décomposent d'une 
manière fort irrégulière et produisent des petites cavernes et des 
blocs bizarres épars. 

Par dessus ces calcaires spathiques viennent des calcaires com- 
pictes, jaunätres-blancs, puis de grandes assises de calcaire gri- 
sètre ou gris blanchätre, qui est plus ou moins marneux et com- 
pacte et qui alterne avec des lits d’oolites, souvent distincts. Les 
ammonites et les autres fossiles jurasiques y abondent plus ou 
moins el sûivant les localités. 

Telle est la constitution des montagnes près de Staffelstein , et 
en général, de celles qui s'étendent de là jusque vers Pappen- 
heim, et Eichstadt,,si ce n’est que ca et là, il y a des localités 
fort coquillères, des espèces de grands rescifs de coraux ou de 
madrépores démentelés, comme près d'Altdorf. 

A Solenhofen et à Eichstadt, on voit reposer sur les lits presque 
horizontaux et toujours bien stratifiés des roches précédentes, 
le dépôt si fameux des excellentes pierres lithographiques ou des 
calcaires à écrevisses et à poissons. 

Ces calcaires compactes et fort schisteux, comme on le sait, 
n’occupeunt pas un très grand espace dans les deux localités citées ; 
ils y forment la sommilé d'une partie d'une petite chaîne et 


(1) Ces parties ont quelquefois l'air de débris d’écailles de poissons: 


ET DHISTOIRE NATURELLE. 107 


reposent à Solenhofen sur des calcaires jaunâlres fort cariés et à 
druses spathiques. 

Tontes les assises de ce dépôt ne sont pas également bonnes 
pour la lithographie et toutesne sont pas non plus également four- 
nies de fossiles. Les plus communs de ces derniers paraissent 
être des êtres marins fort obscurs, tels que des animaux ressem- 
blant x des vers et à diffèrens zoophytes, on même à des algues ; 
souvent ces restes ne sont plus visibles que par une légère teinte 
rougeâlre ou jaunätre qu'ils ont laissée sur la pierre. 

Après les restes des deux espèces de l'animal volant d'Eich- 
stadt, les impressions de poissons et de monitor sont les plus 
rares de ce dépôt, car les différentes espèces de squilles et d’écre- 
visses décrites par MM. de Schlotheim et Desmarets, y sont assez 
fréquentes , surtout Jes petites espèces et les polyphèmes, à la place 
desquels on ne trouve quelquelois plus qu'une masse spathique 
qu'on néglige souvent de regarder. 

Les tellines problématique, solénoïde et cardissiforme de 
M. de Schlotheim y sont aussi assez abondantes et la première de 
ces tellines nr’est retombée sous les mains, pres de Staffelstein , au 
sommet des montagnes jurasiques. J'ai aussi vu à Solenhofen, 
uue bivalve qui pourrait être du genre mye. 

On y trouve aussi des astéries, des ophiures, Schl., et j'ai vu 
dans la collection publique de Wurtzhurg, des petrifications 
d'Eichstadt, qui ressemblaient, suivant un zoologue, aux espèces 
suivantes : Zsis dichotoma isis ? ochracea , isis ? nobilis, gorgonia 
verticillata, gorgonia ?tuberosa, antipathes homomalla, aleyonia tu- 
berosum et incrustans, spongia dichotoma , lanuginosa, pertusa , et 
lycopodium, flustra papypracea, fucus rudis. 

Il y a aussi, dans cette collection, deux impressions qu'on 
compare l’une à un scorpion et l'autre à un bupreste ; et chez M. de 
Schlotheim, j'y ai vu une impression semblable à celle d’un 
ceramby x. 

Pour achever de décrire le calcaire jurasique du nord de la Ba- 
viere, il faut ajouter qu'il y a quelques rognons siliceux dans 
quelques localités, et que les pétrifications y sont spaihiques, 
siliceuses , ferrugineuses où pyriteuses, ou bien ce ne sont que. 
des moules calcaires. s' 

Les fossiles siliceux s’y rencontrent surtout près de Heydenheim 
et sont changés en silex corné. 

Les huitres et les bucardes n'y sont pas généralement répandues 
et les zoophytes, tels que les madrépores, les fungites et les 
alcyons sont surtout accumulés dans certames localités, comme 


/ 


14, 


108 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


entre Bamberg et Nurenberg, où l'on a aussi rencontré près 
d'Altdorf des restes de poissons. Les cavernes de Muggendorf 
sont Lrop connues pour que j'en parle. 

Dans le nord de l'Allemagne, le calcaire jurasique n'offre nulle 
part plusieurs des assises réunies que nous venons de décrire 
dans le sud; d'abord au sud du Hartz, on n’a que des soupcons 
sur son existence, depuis ce qu'a dit M. Germer des monts Ohn- 
sebirge, entre Duderstadt et Bleicherode, qu'on a pris jusqu'à 
présent toujours pour du muschelkalk (1). 

Mais au nord, il existe certainement du calcaire jurasique, 
comme il n'avait pas échappé au savant que je viens de nommer; 
il est silué en montagnes, dans la vallée entre le Hartz et le 
plateau de Muschelkalk du sud de la Basse-Saxe, ou bien il forme 
ca et la, avec ses marnes, des lambeaux qui reposent sur des 
pentes ou des cimes du Muschelkalk. De là vient qu’on a attribué 
à celte dernière formation plusieurs fossiles propres au calcaire 
jurasique; il parait que cela a lieu dans les environs du Heimberg, 
à Reimbrunuen et ailleurs. 

Près de Goslar, l'on voit s'élever la première colline véritable- 
ment jurasique, elle porte le nom Sulmerberg ; elle a environ 
5oo pieds de haut, et.sa cime présente bien ces escarpemens en 
forme de tours crenelées propres au Jura. 

Cette montagne est entourée, à l’ouest; d’un amas de craie 
reposant sur du quadersandstein ; au nord-ouest, près d’une série 
de collines du Muschelkalk, et à l’est de dépôts d'alluvions recou- 
vrant probablement des lits crétacés. Elle consiste en couches, 
inclinant à l'est sous environ 50°. Dans le bas, elle offre un cal- 
caire compacte, bien jauvätre, qui est rempli de débris d'en 
crines fort pelits et qui rappelle certaines variétés de calcaire des 
Faucilles près de Gex. Au-dessus de ce calcaire, en est un autre de 
même couleur, qui renferme des cailloux de quartz, des rognons 
de marne ferrugineuse et des petits globules de fer hydraté 
(Bohnerz), minerai qu'on ne voil jamais ainsi dans le muschel- 
kalk. : 

Cette roche est pélrie de débris de madrépores et de piquans 
d’oursins, et est traversée de petits filons caleaires. 

Est-ce que l'argile à ammouiles et à rognons de fer sulfuré , 
que M. Hausmann indique près de Goslar, appartiendrait encore 
au calcaire jurasique? 


Rest) = CRE Ta 
ns 


Qi) Voyez Leonhard Taschenbuch , 1822. 


» 


ET DHISTOIRE NATURELLE. 109 


A l’est de Hildesheim, s'étend sur une lieue de largeur, une 
colline alongée, composée des-assises oolitiques jurasiques, à 
l'ouest de laquelle s'élèvent des coteaux moins hauts de craie ; 
au sud, elle est séparée par un vallon rempli d’alluvions, d'une 
crête, de quadersandstein , reposant sur une fbande de muschel- 
kalk qui, elle-même, recouvre le grès bigarré de Dickhol- 
zen, etc. Les couches du quadersandstein inclinent au nord et 
plongent, par leur prolongement sous le calcaire jnrasique; les 
assises "ont la même inclinaison. A Hildesheim, ce grès se rap- 
proche davantage de ce calcaire, de manière que la ville est 
située sur la limite des deux formalions, aussi a-t-on trouvé dans 
les fossés de la partie sud de cette cite, des argiles schisteuses 
avec dés ammoniles, des mytiles, des huîtres, des bélemnites et 
du bois pétrifié, qui dénotent clairement les marnes inférieures 
jurasiques. La colline oolitique, appelée le Galgenbers, consiste, 
dans de bas, en calcaire compacte, en partie oolitique, et le reste 
offre des alternalions de calcaire oolitique plus où moins grossier, 
jaunâtre où blanchätre , avec des calcaires compactes, brunatres 
et rougeàlres, el des calcaires plus ou moins pétris d'huitres, de 
térébratules et d'univalves , peut-être de turbos. 


Près de la cime de la montagne, se trouve surtout le calcaire 
oolitique, blanc , tachant; et sur la pente occidentale, paraissent 
saivre encore quelques couches, telles que du calcaire compacte, 
à grains Lrès fins, un calcaire marneux, jaunâlre, une marne 
ferrugineuse, jaunâtre, renfermant du fer hydraté globuliforme 
(Bohnerz), et une marne crétacée blanchâtre. 


En un mot, ona le plaisir de revoir en petit les oolites de la 
Normandie et de l'Angleterre, isolés au milieu d'autres terrains 
plus anciens et plus récens. 


En Westphalie, celte parlie du troisième calcaire secondaire 
manque enliérement, mais les assises marneuses y Sont extrême- 
ment développées et occupentun pays montueux des deux côtés 
du Weser, jusque vers Osnabruck et Buckeburg et remontent 
même dans les vallons près de Pyrmont, où les marnes gissent 
sur le grès bigarré, comme à Falkenhagen dans le Silberbach, 
à Puntorf et à Erzen , entre Hamelin et Pyrmont. 


Dans ces dernières localités, on y voit de superbes alternations 
d'argile schisteuse, plus ou moins bilumineuseet coquillère, avec 
des grès grisälres ou brunätres, compactes; les argiles y ren- 
ferment des rognons de marne ferrugineuse , quelquefois traversés 
de petits filons calcaires et ressemblant aux boules de fer carbo- 


310 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


naté. On y voit aussi quelquefois du fer sulfuré et rarement de 
petits filets de cuivre carbonaté, comme à Luntorf, où ces marues 
gissent immédiatement sur le muschelkalk ; on y trouve des mor- 
ceaux de lignites et des lits remplis soit de grandes ammonites 
ou de petits planulites (sous-espèce d’ammonite) dont il ne reste 
que le moule, soit de rognons de marne endurcie renfermant un 
grand nombre de petites donax ? D’autres lits présentent beau- 
coup d'impressions de différentes bivalves, en particulier de 
peignes, de morceaux d'encrines ou de pentacrinites, d’échinites, 
el de rognons remplis de moules d'énoceramus concentricus. Les 
pétrifications semblent augmenter dans les assises supérieures. 

Non loin de ce lambeau jurasique, j'ai observé dessus des 
marnes du grès bigarré, des portions deïces mêmes roches, et 
au Kotersherg , la cime de quadersandstein, à impressions végé- 
tales, repose sur deux lits minces, d’un singulier calcaire com- 
pacte, blanchâtre, un peu cellulaire, qui renferme des débris de 
coquilles bivalves, noirätres, encore parfailement conservés. Je 
suis Lenté de regarder celte couche, comme un calcaire jurasique, 
alternant avec le quadersandstein , puisque nous allons voir que 
c'est un cas fréquent dans cette contrée ; néanmoins, il se pour- 
rait que ce fàt une variété du muschelkalk, dont le peu d'épais- 
seur dépendrait peut-être de l'élévation accidentelle de ce point du 
grès bigarré. 

Il existe des marnes argileuses, coquillères semblables, à 
Erzen, entre Hameln et Pyrmont, et M. Hausmann a cité des 
dépôts de fer hydraté compacte, recouverts de marnes à gryphites, 
à Kalefeld et Usler dans le Solling. 

Le long de la vallée du IFeser, depuis Herford à Minden, l'on 
n'a qu'une suite d’alternations de marne, d'argile schisteuse et de 
grès; près de la Porta Westphalica et dans les montagnes qui 
hordent la plaine, depuis Buckeburg jusque près d'Osnabruck, 
le calcaire commence davantage à dominer, et les couches 
incliuent toujours au nord-nord-est. 

On voit, par exemple, à la Porta Westphalica, des marnes 
calcaires micacées , brunâtres , alterner avec des marnes noirâtres 
assez schisteuses, renfermant des rognons et des lits de marne 
ferrugineuse endurcie. 

Puis au-dessus, viennent des calcaires noirâtres marneux et des 
calcaires marneux avec beaucoup d’impressions de cardium, des 
marnes calcaires, des calcaires brunätres à bélemnites et à car- 
dium, des marnes calcaires mélangées de grains de quartz et ayec 
des rognons marneux et des filets calcaires. 


nr T 


ET DHISTOIRE NATURELLE. 11j 


Ensuite des argiles marneuses noiràtres, scisleuses et une 
couche de Go pieds d'épaisseur d'un grès à grains de quartz assez 
grossiers , qui est aciment calcaire, surtout dans le haut; c’est une 
excellente pierre à bâtir, jaune-blanchätre. 

Elle est recouverte par uve argile marneuse , avec du fer hy- 
draté, globuliforme , et par une épaisseur de marne noi- 
râtre, plus ou moins HT ensuile l’on y observe des marnes 
calcaires compactes, des argiles marneuses micacées, foncées, des 
calcaires compactes bleuitres, des calcaires noirätres à ammo- 
nites , des calcaires marneux feuilletés , gris-bleuâtre foncé, et 
enfin des calcaires compactes bleuâtres, avec deshuîtres et d’autres 
bivalves , alternant avec des argiles schisteuses coquillères, sur 
lesquelles reposent les marnes coquillères et les Louilles ou les 
lignites exploitées au sud de Minden. 

Dans tout le reste de l'Allemagne, je ne connais pas de calcaire 
jurasique, si ce n’est quelques dépôts entre Bile et Breisach et en 
Moravie, près de Nicolsburg, où ce calcaire forme un petit 
groupe de montagnes élevées de 700 pieds d’élévation, entre 
Polau , Steinabrano , Nicolsburg, et Unter-Wisternitz et Ober- 
wisternitz. Il se revoit dans cinq points au sud-ouest, en parti= 
culier, près de Ottenthal, Falkenstein et Drasenhof. Le calcaire 
y est compacte, blanc-jaunàtre ou bien jaunâtre, traversé de 
petits filons spathiques et ressembiant au premier abord au calcaire 
de transition. Il renferme des lits composés entièrement de petits 
rhomboïdes de chaux carbonatée, qui se décomposent en sable; 
ca et là il est passablement marneux; les conches en sont assez 
fortement inclinées à l’est, et elles sont tantôt extrêmement peu 
coquillères et quelquefois elles renferment beaucoup de bivalves, 
des cardium, des térébratules , des échinites et quelquefois par 
l'abondance des débris organiques, ce calcaire a l’air de devenir 
oolitique. 

Les montagnes qu’il forme sont escarpées ou bizarrement 
terminées, comme celles du Jura; elles ont environ 2 à {00 pieds 
de haut, et sont entourées de calcaires fort coquillers, avec les- 
quels leurs roches sont probablement liées, comme nous le dirons 
plus bas; enfin, elles sont aussi en partie recouvertes d’argiles et 
de sables coquillers tertiaires. 

Le calcaire jurasique ne parait guère exister sur le versant sep- 
tentrional.des Alpes, si ce n'est en Souabe, près de la Suisse, 
et au-devant des Alpes en Hongrie, suivant M. Beudant, mais 
sur le versant méridional des Alpes, ce calcaire abonde et forme 
presqu'une bande continue au-devant des calcaires plus anciens. 


2 


112 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Enfin, en France, il occupe près d'un tiers de l’etendue de cet 
empire, en entourant d'une ceinture le sol primordial de l'Au- 
vergne, du Limousin et de la Lozère et il s’étend du nord de la 
France en Angleterre. 

D'après cette distribution du calcaire jurasique, il n'est pas 
étonnant que d'un côté, le géologue francais ait voulu trouver, 
dans son calcaire par excellence, le muschelkalk, tandis que le 
géologue allemand à cherché et cherche encore cette dernière 
formation étendue de l'Allemagne, dans le calcaire à gryphites 
jurasique de France (1), calcaire que ses gryphites avait fait 
prendre pendant long-temps, par des géologues francais, pour 
du zechstein. 

(La suite à un prochain numéro.) 


NOTE 


Sur le changement de la couleur bleue des fleurs de la 
Chicorée sauvage (Cicorium sylvestre), en couleur 
blanche ; 


Par M. C. PAJOT DESCHARMES. 


J'icnores si le changement de couleur bleue en celle blanche, 
qu'éprouvent les fleurs de chicorée sauvage, pendant leur courte 
apparition, a été observée; dans le cas contraire, je vais faire 
connaitre, à ce sujet, le résullat de mon examen. 

La chicorée sauvage est connue des botanistes pour être l'une 
des plantes qui, par l'heure du lever et coucher, ou de l'ouverture 
ou la fermeture de leurs fleurs, a des heures pour ainsi dire 
déterminées selon les climats, concourent à former ce quele célèbre 
Linné appelait son horloge végétale. 

Sous le climat de Paris, la fleur de cette plante que chaque jour 
voit périr et remplacer par une nouvelle fleur, pendant le temps 
de sa floraison qui dure ordinairement plusieurs semaines, com- 


(a) Voyez Keferstein. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 113 


mence à se dégager de son calice, à se dérouler ou à se dévelop- 
per de 3 à 4 heures du matn, etelle est fermée de 11 heures du 
matin à 7 heures du soir, suivant qu’elle est plus ou moins exposée 
à l'influence de la température et aux variations de l’atmosphère, 

En observant la marche de la nature à l’occasion du double 
mouvement (l'ouverture et la fermeture) de cette fleur, la déco- 
Joration successive qu'elle subit dans l'intervalle, a fixé spéciale- 
ment mon attention. Voici ce que j'ai remarqué se passer géné- 
ralement dans Jes circonstances particulières d’un temps calme , 
venteux où humide. 

Dans un temps calme, lorsque le soleil se montre et que la 
température s’élève de 18 à 25° R., c’est aux environs de 5 heures 
et demie à 6 heures et demie que la fleur prend son entier épa- 
nouissement, en formant une surface radiée horizontale autour 
de son disque; si alors elle est vivement frappée des rayons du 
soleil, la couleur bleue barbeau qu’elle avait lorsqu'elle était ren- 
fermée dans son calice, et qui, en s’altérant graduellement par 
suite de la plus grande impression qu'elle recoit de la lumiere 
et du calorique, est devenue bleue-céleste pâle, ne tarde pas à 
s’affaiblir encore, en prenant une nuance légèrement violacée, 
puis celle blanche qui se montre d’abord sur les faces internes des 
demi-fleurons, à partir de leur sommet crénelé, ensuite sur celles 
externes, lorsque ces fleurs conimençent à se replier, ce qui ar- 
rive sur les 8 heures et demie à peu près. Toutefois celte 
teinte ne se fait remarquer que sur la partie qui dépasse ce calice; 
celle qui s’y trouve enchässée étant, jusqu'à un certain point, à 
l'abri du contact des agens extérieurs, continue à paraître sous 
sa couleur primitive, mais nn peu aflaiblie ; lorsqu’enfin tous ces 
demi-fleurons, par leurrapprochement lesuns desautres, présentent 
uneespèce declocherenversée, on ne voit plus que la seulecouleur 
blanche qui prend le ton de blanc de crême, se salit de plus en 
plus, au fur et a mesure que le faisceau des demi-fleurons se re- 
plie sur lui-même, et jusqu'au point de devenir d’un fauve léger, 
couleur qu’il conserve tant que le fleuron est humide ét n’est pas 
encore tout-à-fait flétri, mais qui disparaît et prend le fauve foncé 
ou rousseätre lorsqu'il est à peu près desséché ; ce qui au surplus 
n’a lieu que le lendemain. Il est à noter que le repliment des fleu- 
rons s'effectue avec une telle force qu'ils se tournent sur eux- 
mêmes en forme de pas de vis, c’est pour l'ordinaire de 10 à 11 
heures que leur formation devient complète. 

Lorsque le temps est venteux, et la température de 15 à 18, 


Tome XCY. AOÛT an 1622. 15 


2 


114 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMÏYE 


la fleur n'est développée totalement que sur les 8 heures; la cou- 
leur violette-päle-jaunätre seule se soutient long-temps, et en s’af- 
faiblissant d'une manière insensible jusqu’à celle blanche qui ne 
parait bien décidée qu'aux environs de 1 à 2 heures, époque de 
la fermeture complète du faisceau formé par la convergence des 
demi-fleurons. 

Si le temps est humide ou pluvieux, si le thermomètre n’in- 
dique en outre que de 12 à 15° de chaleur , l'épanouissement 
total de la fleur n’a lieu que de 10 à 11 heures. Sa couleur est 
bleu-céleste foncée ; on remarque seulement qu’elle commence 
à violacer dans la partie du demi-fleuron qui approche du tube. 
Cette couleur gagne insensiblement jusqu’à sa partie supérieure, 
mais elle n’est reconnaissable sur toute la face interne, que vers 
une heure. Ce n’est qu’à 2 heures etdemieque commence le redres- 
sement des demi-fleurons, c’est alors que s’opère le passage de la 
couleur violette à celle blanche sur leurs faces extérieures et que 
celle-ci se montre de proche en proche jusqu'aux faces intérieures 
qui restent plus ou moins violettes, tant que la fermeture n’est pas 
entière. A 5 heures et demie les faisceaux qu'offrent les demi-fleu- 
rons repliés paraissent blancs au dehors ainsi qu'au dedans. A 
5 heures, plusieurs faisceaux sont vissés sur eux-mêmes, c'est-à- 
dire ceux moins serrés entre eux el plus secs. Quant à ceux qui, 
plus rassemblés et moins aérés, ont conservé plus long-temps 
une cerlaine fraîcheur , ils se réunissent sans blanchir complète- 
ment, ou autrement ils offrent des veines bleuâtres, violettes et 
blanches. A sept heures, les faisceaux commencent en général à 
se visser et sont presque tous plus ou moins blancs. Le lende- 
main, ceux qui n’ont pas blanchis en entier, ne sont devenus 
blancs qu'imparfaitement, restent constamment dans la même 
nuance qu’ils avaient la veille; quelque forte que soit la tempé- 
rature, les couleurs bleues ou violettes ne se dégradent plus, 
elles augmentent même en intensité, par un effet de dessiccation 
du tissu des fleurs. 

A ces diverses observations, qui sans doute peuvent se rappor- 
ter à d’autres fleurs ou d’autres plantes , j'ajouterai 1°. que dès le 
moment que la fleur de chicorée sauvage se décolore ou passe de 
la teinte bleu-céleste , à celle violacée päle, ou à celle blanche, 
son élasticité se détruit par l’exsudation de ses sucs dontelle paraît 
alors avoir exubérance. 

»°. Que les fleurs exposées à l'ombre, conservent plus long- 
temps leur couleur bleue, ou éprouvent moins promplement 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 115 


l’altération susceptible de leur faire réfléchir la couleur violette 
et celle blanche. 

3°. Que plus les tiges sont resserrées entre elles, moins vite 
les fleurs qu’elles portent se décolorent et se flétrissent; c’est tout 
le contraire , lorsque les tiges sont dégagées ou isolées, Rien alors 
ne paraît s'opposer à l’action immédiate des principaux agens dé- 
colorant la lumière et le calorique. 

J'ai voulu savoir comment se comportaient ces fleurs exposées 
à l’action du gaz acide muriatique oxigéné ou du chlore. La cou- 
leur bleue-barbeau n’a pas tardé à être remplacée par celle rouge 
violacée, à laquelle a succédé celle blanche, ton de créme, puis celle 
roussätre. La destruction de l’élasticité des demi-fleurons, s’est 
fait remarquer , et leur repliment ou plutôt leur contraction a été 
telle que leur longueur a diminué de près de moitié. 

La couleur verte du calice a été changée, celle bleue dont le 
concours est nécessaire pour, avec celle jaune, composer le vert, 
ayant disparu , le calice s’est montré seulement sous la couleur 
jaune, dont la nuance avec celle bleue proportionnelle et relauüve, 
avait donné la couleur verte qui lui était particulière avant d’avoir 
subi cette altération. 

Il résulte de cette expérience , à laquelle quelques minutes ont 
sufli, la plus grande analogie avec le travail de la nature; s’il y 
a différence, elle ne paraît provenir que de ce que la nature, maï- 
tresse de son temps, agit avec la lenteur qui lui est propre, et qui 
la distingue dans toutes ses œuvres; l’art, au contraire, s'exerce 
presque toujours brusquement et avec l'énergie qu’il doit en gé- 
néral à l’impatience de l’homme pressé de jouir, 


19% 


116 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


HISTOIRE NATURELLE 


DES CRUSTACÉS FOSSILES 


SUR LES RAPPORTS ZOOLOGIQUES ET GÉOLOGIQUES ; 


SAVOIR : 


Les TRILOPBITES, par Alex. Broncnrirr, Membre de l'Aca- 
démie royale des Sciences, etc. ; 


Les CRUSTACÉS proprement dits, par M. Axs.-G4ArrTan 
Drswarers, Professeur de Zoologie à l'Ecole vétérinaire 


d’Alfort, etc.; 


Avec onze Planches litographiées. 


(Extrait par M. H. D.de BLAINVILLE:) 


LA première partie de cet Ouvrage est, comme l'indique le 
titre, de M. Brongniart, et la seconde de M. Désmarels; mais 
toutes deux sont conçues el exécutées sur le même plan, avec 
cette différence que celle-ci pourra réellement être plus utile à 
Ja Zoologie qu'a la Géologie, au contraire de celle-là, comme nous 
le verrons par la suite de celte analyse. 

Le but plus ou moins évident qui me parait avoir dirigé le 
premier de ces auteurs, celui qu'il exprime depuis long-temps 
dans ses cours, dans ses écrits et dans ses conversations parti- 
culières sur la Géognosie, et qu’il a clairement énoncé dans sa 
nouvelle édition de la Description géologique des environs de 
Paris, c'est que les caractères d'époque de formation lirés de l’ana- 
logie des corps organisés, doit être regardé comme de première 
valeur en Géognosie, et comme devant l'emporter sur toutes les 
autres différences, quelque grandes qu’elles paraissent ; en sorte 
que lorsque dans deux terrains éloignés les roches sont de nature 
différente , tandis que Îles débris organiques sont analogues, on 
doit les regarder comme de même époque de formation, lorsque 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 117 


d'ailleurs aucun fait de superposition ne s’y oppose évidemment. 
D'après ce principe, dont M. Brongniart connait mieux qu'un 
autre toute la portée, il est évident que l'étude des corps orga- 
nisés fossiles devient plus utile au géologue que la nature, la 
structure et même jusqu’à un certain point la hauteur des terrains, 
le creusement des vallées, et même que l’inclinaison des couches 
et la stratification contrastante. Il ne m'appartient pas de juger en 
pareille matière, et surtout après une asserlion aussi posilive 
d'un homme qui a fait de ces questions sa principale étude ; 
mais il me semble que cela doit bien chauger la marche de l’es- 
prit dans les recherches géologiques. Quoi qu'il en soit, il parait 
que les géologues admettent assez généralement ce principe, 
puisque jamais ils n’ont fail une aussi grande attention, ils n’ont 
étudié si minutieusement les restes fossiles que les règnes végétal 
et animal ont laissés enfouis dans les couches de la terre. De toutes 
paris, chaque partie des vastes compilations de Woodward, 
de Langius , de Knor, etc. est reprise en sous-œuvre ; mais en 
caractérisant minutieusement ces corps organisés, ils font en outre 
la plus grande attention à leur position géognostique. C’esl pour 
eux un corps adventif entrant dans la composition des roches, 
et qui devient plus important que ceux qui la forment. 

Il en est résulté une sorte de science bätarde qui est un 
moyen puissant pour la géognosie; ce n’est réellement pas de la 
Zoologie, puisqu'on ne sait souvent pas ce que c’est que tel ou tel 
corps organisé, à quelle partie du corps il a pu appartenir, et 
encore moins à quel animal; et cependant on en fait un genre 
auquel on rapporte des espèces, on leur donne des noms pour 
les désigner commodément. Ce n’est pas non plus de la Géogno- 
sie, puisque l'étude de la roche qui les contient est presque un 
point accessoire; c’est unmoyen emprunté, dérivé de la première 
et appliqué à la seconde. 

Uu assez grand nombre de personnes, qui ne sont que géo- 
logues, ne considèrent rigoureusement l’élude des corps organisés 
fossiles que sous ce point de vue, et réellement leurs ouvrages 
méritent à peine d'être connus des zoologistes. Il n’en est pas de 
même de l’histoire des crustacés fossiles. Les auteurs des deux 
parties qui la composent, étant à la fois zoologistes et géologues, 
ont pu traiter leur sujet sous les deux rapports. 

Le travail de M. Brongniart est borné aux trilobites. Le Mémoire 
qui lui a donné naissance a été lu à l'Académie des Sciences de 
Paris , il y a déjà plusieurs années (le 23 octobre 1815); mais il a 
élé notablement augmenté par les matériaux qui lui sont arrivés 


118 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de toutes parts et surtout par le beau Mémoire de M. Wahlen- 
berg, dont nous avons donné un long extrait dans ce Journal. 

il est divisé en trois parlies ou articles disposés dans l’ordre 
suivant: Le premier lraite des caractères des trilobites, de la 
détermination des genres et description des espèces ; le second 
des rapports des trilobites avec les animaux Connus; enfin, [4 
troisième du gissement de trilobites. 

Nous oserons commencer par blämer cet ordre; il nous semble, 
en effet, qu'après une description exacte des trilobites , il eùt été 
préférable de passer de suile à la comparaison de ces empreintes 
avec les animaux connus; parce qu’alors les dénominations assi- 
gnées aux différentes parties qu'on y remarque, auraient été 
plus justes, plus certaines, et par conséquent les caractères qui sé 
tirent de la différence de ces parlies auraient élé plus rigoureux 
et plus aisés à exprimer. 

Nous ferons donc ce petit renversement dans nolre analyse. 

On donne assez généralement aujourd'hui le nom de trilobites 
à des empreintes ou à des contre-moules (1) laissées par des corps 
organisés animaux, et observées pour la première fois, il y a près de 
deux cents ans, près de Dubley en Angleterre, mais qui ont été 
retrouvées depuis dans un grand nombre de localités et toujours 
dans des terrains de sédiment de très ancienne formation. 

Le nom de #rilobite vient de ce que le dos de Panimal est 
partagé longitudinalement en troïs bandes, une moyenne et deux 
latérales par deux sillons étendus d’une- extréraité du corps à 
l'autre. d’où il est aisé de voir combien il est mauvais(2); il est 
mème ficheux que M. Brongniart l'ait préféré à celui d’entomo- 
lithe créé par Linné, et que Wahlenberg a conservé. 

Jusqu'à M. Brongniart et à l’auteur que nous venons de citer, 
on ne s’en élail un peu occupé que pour savoir de quelle espèce 
d'animal connu devait être rapproché celui qui a laissé ces 
empreintes; mais personne n’avait songé à voir si les diflérences 
de forme qu'on observe dans les trilobites ne concorderaient pas 
avec des différences dans le gissement. L'importance de leur 
étude n’a donc été bien sentie que par l’auteur du Mémoire que 
nous analysons , el alors il a fallu les étudier d’une manière beau- 
coup plus minulieuse. 


a —— 


(1) M. Brongniart ne me paraît pas avoir traité cette question; que sont les 
traces laissées par les trilobites ? 

(2) Klein l’a appliqué beaucoup mieux en le donnant aux espèces de térébra- 
tules dont chaque valve est divisée en trois lobes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 110 


C'est ce qu'a fait M. Brongniart ; le premier paragraphe de son 
ouvrage est employé à une description générale et détaillée des 
trilobites , dans laquelle il nous semble avoir commis une légère 
erreur. Il admet bien, avec juste raison, que le corps plus ou 
moins ovalaire de ces animaux était divisé en trois parties prin- 
cipales, comme celui de la plupart des animaux arliculés; mais 
en regardant celle que Walch a nommée la tête, comme composée 
de la tête et du thorax, il a été forcé de faire un abdomen et un 
post-abdomen du reste des articulations, combinaison que je ne 
connais dans aucun animal articulé, tandis qu’en regardant ce 
qu'il nomme abdomen comme le véritable thorax, son post- 
abdomen devient le véritable abdomen ; on trouve une analogie 
avec ce qui existe dans presque tout ce lype d'animaux , quand ils 
ne sont pas vermiformes , et surtout dans les branchiopodes avec 
lesquels il est évident que les trilobites ont les plus grands rap- 
ports, de l’aveu même de M. Brongniart. Ce qui l’a conduit à 
penser autrement, ce sont sans doute les traces des quatre ou 
cinq articulations de la partie médiane du bouclier ; mais ce sont 
précisément les indices des articles de la tête et peut-être dunombre 
des appendices masticateurs ; la place des yeux conduit en outre 
à l’idée de Walch. 

Peut-être que M. Brongniart aurait été forcé de l’admettre, s’il 
avait de suite établi sa comparaison avec les autres animaux, 
au lieu de la renvoyer après sa description des genres et des 
espèces. 

Les auteurs ont considérablement varié sur le rapprochement 
des trilobites des animaux actuellement vivans, et si quelques- 
uns sont arivés à établir leurs rapports d’une manière à peu près 
certaine. Ils ne l’ont pas fait avec principe , de manière à ce qu'il 
y a encore aujourd'hui même quelque vacillation. 

Les uns en ont fait des coquilles à trois lobes, opinion qui a eu 
bien peu de valeur, comme on le pense bien. 

D'autres les ont considérés comme voisins des oscabrions, à 
cause de la forme de certaines espèces et surtout de celle que 
M. Brongniart nomme asaphe cornigère, parce qu’en effet son 
thorax n'a que huit articulations, comme les oscabrions n’ont que 
huit valves seriales sur le dos. La plus forte présomption en faveur 
de cette opinion serait sans doute qu’elle a été renouvelée der- 
nièrement par M. Latreille; mais il faut l'avouer franchement, 
et sans craindre que cela puisse nuire à la réputation de ce célèbre 
zoologiste ; rien cependant ne paraît militer pour elle, et tout 
au contraire nous semble devoir la faire rejeter. 


120 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les auteurs qui ont pensé, comme Walhc, que les trilobites 
ont des rapports avec quelques cimothadés, se sont bien davan- 
tage rapprochés de la vérite. 

Mais l'opinion la plus vraisemblable et en effet la plus géné- 
ralement admise, est celle que nous devons à la perspicacité de 
Linné, c'est-à-dire que ce sont des animaux voisins des monocles 
el en général, des branchiopodes. Aussi est-ce la manière de 
voir qu'adoptent M. Walhenberg et M. Brongniart. Il nous semble 
cependant qu'il ne l’a pas encore appuyé sur des preuves aussi 
claires, aussi irréfragables que s’il l'eût fait sur le nombre et la 
disposition des anneaux des différentes parties du corps, qui sont 
toujours fixes dans les animaux articulés, comme je crois l'avoir 
montré le premier; en général, cependant, les argumens qu'il a 
puisés dans ses propres observations ou dans Brunnich, sont 
excellens; ceux qu'il a empruntés de M. Audouin ne nous 
paraissent pas de la même valeur, ni aussi clairs, quoique éta- 
blis sur un échafaudage en apparence plus imposant. Quoi qu’il 
en soit, M. Brongniart a bien vu, avec Brurninich, que la divi- 
sion longitudinale du corps en trois bandes, était due à l’exis- 
tence d'appendices évidemment branchiaux dans les ogygies , 
mais qui lui ressemblent moins dans les autres genres, parce 
qu’ils sont protégés par la pièce de la racine de ces appendices. 
En effet, pour se faire une idée de ces animaux, il suflira d’obser- 
ver un branchiopode stagnal, et l’on verra que son corps est 
également divisé longitudinalement en trois bandes par deux sil- 
lons qui séparent les anneaux de leurs appendices. Le monoculus 
apus est absolument dans le même cas ; mais chez lui le bouclier 
de la tête acquiert assez d’étendue pour recouvrir tout le thorax 
et une partie de l'abdomen. On remarquera aussi dans les ani- 
maux vivans que je cite, que la série des anneaux du corps est 
divisée en tèle, en thorax et en abdomen, absolument comme 
dans les trilobites. 1] n’est même peut-être pas de classe d'ento- 
mozoaires qui offre, sous ce rapport, plus de combinaisons diffé- 
rentes ; au point que si l’on voulait être bien rigoureux, il y 
aurait presque autant de genres que d'espèces d'entomostracés. 
Il n’est donc pas étonnant que M. Brongniart ait trouvé à établir 
plusieurs coupes génériques dans les empreintes fossiles confon- 
dues sous la dénomination de trilobites , et quoiqu'il ÿ ait souvent 
des passages de l’une à l’autre, comme M. Brongniart se plaît 
lui-même à le reconnaître , il a cependant pu découvrir assez de 
différences générales pour les caractériser, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 121 


Ces genres sont au nombre de qualire ou de cinq, en plaçant 
dans cette famille l’agnoste qui ne lui appartient réellement 
pas. 

Le premier porte le nom de calymène; il a pour caractères le 
corps contraclile en sphère presque hémi-cylindrique ; le bouclier 
portant plusieurs tubercules ou plis, et deux tubercules oculi- 
formes réticulés ; l'abdomen et le post-ahdomen à bords entiers, 
l'abdomen divisé en douze ou quatorze articles; point de queue. 

Ce genre renferme quatre espèces. 


1°. Le C. pe Brumensacn , Calym. Blumenbachii. 


C. clypeo rotundato, tuberculis sex in fronte; oculis in genis 
eminrentissimis ; corpore tuberculato. 


Celle espèce est la plus anciennement connue; on l’atrouvéeprin- 
cipalement à Dudley dans le Worcesterschire. M. Brongniart en 
cite de la province de l'Ohio et du canton de Genessée, dans 
l'état de New-York, dans l'Amérique septentrionale. 


2°. Le C. ne Trisraw, C. Tristani. 


C. clypeo fornicato, genis inflatis , oculis exsertis , rugis tribus 
in fronte lateralibus obliquis , rotundis ; corpore scabro. 

Ce calymène paraît avoir été susceptible d'arriver à des dimen- 
sions très grandes; M. Brongniart cite un individu qui devait avoir 
12 centimètres de long. On a trouvé cette espèce à la Hunandière, 
près de Nantes , dans des roches de schiste argileux grisätre ou 
jaunâtre, et dans beaucoup de lieux des environs de Valogne et 
de Cherbourg , dans un phyllade pailleté. 


3°. Le C. varioLuaIRE , C. variolaris. 


C. clypeo rotundato, lobis inflatis valdè tuberculatis , angulis 
exlerno-posticis in mucrone productis. 


11 paraît que celle espèce a été trouvée, comme la première, à 


Dudley. 


4°. Le C. mACROPnTALME, C, macrophtalma. 
C. clypeo anticè caudäque postice attennatis, oculis magnis exsertis. 


Des trois échantillons que M. Brongniart a vus de ce calymène, 


Tome XCF. AOÛT an 1822. 16 


122 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


deux viennent des Etats-Unis, l’autre de la Hunandière ; il donne 
en outre la figure d’un individu trouvé en Shropshire en Angle- 
terre. | 

Le second genre est désigné par la dénomination d'Asapme 

Ses caractères sont: corps assez large et plat ; lobe moyen, 
saillant et 1rès distinct ; flancs ou lobes latéraux ayant chacun le 
double de la largeur du lobe moyen; expansions sub-membra- 
neuses dépassant les arcs des lobes latéraux ; bouclier demi-cir- 
culaire, portant deux tubercules oculiformes réticulés; abdomen 
divisé en huit ou douze articles. 

Ce genre, de l’aveu mènre de M. Brongniart, fait le passage 
des calymènes aux ogygies, il est peu tranché; il a cependant un 
caractère qui lui semble particulier , c'est que les anneaux de 
l'abdomen (post-abdomen, Brongn.) étaient sans doute recou- 
verts par un large bouclier, comme ceux de la tête, car on trouve 
sur les empreintes la trace de ce bouclier. 

Les espèces que M. Brongniart range dans celle division, 
sont : 


1°. L’A. CORNIGÈRE, À. cornigerus. 


A. clypeo rotundato, convexo, lævi; oculis magnis subpeduncu- 
latis, abdominis articulis octo ; caudä magn&, articulis vix 
conspicuis. L 


Cette espèce n’a élé trouvée, d’une manière certaine, qu'à 
Koschelewa, près de Saint-Pétershbourg, dans un calcaire com- 
pacte , gris de cendre, que M. Brongniart regarde comme appar- 
tenant à la formation calcaire inférieure à la craie, et dans les 
environs de Revel, près de Memel, dans un calcaire que M. Schlo- 
theim rapporte au terrain de transition. 


2°. L’A. de pe Bucu, 4. Debuchu. 


À. corpore ovato, anticè obtuso; pars caudæ , membranacea ad 
marginem longitudinaliter striata. 


Cet asaphe, qui varie beaucoup de grandeur, paraît être com- 
mun dans un psammite calcaire compacte, noir, assez dur et 
micacé, du pays de Galles. M. Brongniart en cite aussi une queue 
dans un schiste noir micacé, de transition d'Eger en Nor- 
wège. 


7 10 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 123 


5°. L’A. DE Hausmann, 4. Hausmanni. 


A. caud& rotundatä; cute coriaceâ tuberculis minimis , spinulis 
teclä. 


Cette espèce n’est établie que sur une queue de trilobite trou- 
vée däns un calcaire homogène, compacte, uoirâtre, dont on 
ignore l'origine. M. Bronguiart attribue à la même espèce deux 
parties postérieures contenues dans un calcaire très compacte, 
probablement de transition , et qui vient des environs de 
Prague. 


4. L’A. cAUDIGÈRE, À. caudatus. 


A. clypeo anticè subrotundato , posticè valdè emarginato, angulo 
externo in mucronem producto; oculis exsertis, conicis, truni- 
catis , distinctè reticulatis ; postabdomine in caudam membra- 
naceam aculam exlenso. 


Cette espèce qui se trouve, à ce qu'il paraît, communément 
à Dudley en Angleterre, offre, d’une manière manifeste, des yeux 
complètement reticulés, comme ceux des limules. 

M. Brongniart n’ose regarder , comme appartenant à la même 
espèce, l'empreinte décrite par M. Wahlenberg, sous le nom 
d'entomostracites caudatus, et qui se trouve en Suède. Il pense 
même, quoiqu'il ne la connaisse que par la figure de l'observateur 
suédois, qu’elle doit former une espèce distincte qu’il nomme 
l'A. MUCRONÉ; mais cela nous semble bien hardi: les figures de 
M. Wahlenberg étant trop loin de l'exactitude nécessaire pour 
qu’on y puisse reconnaîlre des différences aussi minutieuses. 


5°. L’A. LARGE QUEUE, À. laticauda. 


À, clypeo truncato, oculis ad latus capitis ; capite valdè convexo ; 
caud& -suborbiculari, limbo latissimo, planissimo , integer- 
Timo. 


M. Brongniart ne connaît celte espèce que d’après M. Wah- 
lenberg, et celui-ci n’en décrit et figure que les deux parties 
extrêmes, et encore ne peut-il assurer qu'elles aient appartenu 
au même animal. Elle se trouve dans le calcaire blanc de l'Os- 
mundberg en Dalicarlie. 

Le troisième genre de véritables trilobites est appelé, par 
M. Brongniart, ocxc1#; il renferme des espèces peu nombreuses 


16. 


1 
24 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qui ont été observées depuis long-temps dans les ardoises d’An- 
gers, et comme elles diffèrent, au premier aspect, beaucoup des 
autres trilobites , il convient que ce sont elles qui lui ont donné 
la première idée de son travail. 

Dans ce genre, le corps très déprimé, est en ellipse alongé , et 
non contractile en sphère; le bouclier est bordé par un sillon 
peu profond, longitudinal, partant de son extrémité antérieure, 
el il a ses angles latéraux prolongés en pointe; il n’y a pas d’autres 
tubercules que les oculiformes; ceux-ci sont peu saillans, 
non-réticulés ; les lobes latéraux sont peu saillans, et il y a huit 
articulations à l'abdomen. 

Jusqu'ici on n'avait pas trouvé d'empreintes de l'animal com- 
plet de cette espèce de trilobite, quoique les empreintes incom- 
plètes soient si communes. M. Brongniart en décrit et figure une 
de l'espèce qu’il a dédiée à Guettard ; il n’en distingue que 

eux. 


1°. L'O. pe Gurrrarv, O. Guettardi. 


O. corpore depresso ovato , utrinque acuminato ; clypeo anticè sub- 


bifido, postice in duobus mucronibus corporis ferè longitudine 
elongato. 


C’est l'espèce que l’on rencontre si fréquemment dans les 
schistes ardoises d'Angers , mais très rarement complète. 


2°. L'O. pe DesmareTs, O. Desmaretii. 


O. corpore depresso, ovato, anticè obtuso ; clypeo angulis posticis 
in duobus mucronibus brevibus desinente. 


Elle se trouve avec la précédente. En est-elle distincte ? c’est 
ce qu'il est bien dificile de décider. En supposant en effet que 
le corps de ces animaux était aussi mou que celui des monocles 
et des branchiopodes , on concoit que, lorsqu'il a été saisi par le 
dépôt des matières terreuses au fond des lacs habités par ces 
animaux , ils pouvaient être dans toutes les positions possibles, 
et dans un tres grand nombre de degrés différens de contraction. 
Lorsque ensuite, par la déposition des molécules, et surtout du 
mica, la roche, en se consolidant, a pris la structure schisteuse, 
il s’est trouvé que les fissures ont traversé les traces da corps 
dans différens sens, et l'on n’a pu avoir d'empreintes complètes 

e lorsque le trilobite, en mourant, s’est étendu tout-à-fait hori- 

nlalement et dans la direction du dépôt. C’est à cela que me 


Û 
f. 


Lu 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 125 
semblent dues les différences considérables qui existent entre les 
empreintes de trilobites d'Angers et peut-être celles sur lesquelles 
M. Brongniart établit son ogygie de Desmarets, sont-elles dues 
a celle cause ? 

Le genre paradoxide a été établi par M. Brongniart pour les 
espèces de trilobiles qui ont des rapports avec l’enthomolithes 
paradoxus de Linné, et qui paraissent être extrêmement com- 
munes en Suède. Les caractères que M. Brongniart assigne à ce 
genre , sont les suivans : 

Corps déprimé , non contractile ; les flancs beaucoup plus 
larges que le lobe moyen; bouclier presque demi-circulaire ; 
trois rides obliques sur le lobe moyen; point de tubercules 
oculiformes; abdomen à douze articulations, avec les flancs 
abdominaux et post-abdominaux plus ou moins prolongés hors 
de la membrane qui les soutient. 

M. Brongniart n’a vu qu’une seule empreinte d'une seule es- 
pèce de ce genre, toutes les autres sont établies d’après M. Wal- 
henberg. Il les range en deux sections, d’après la forme du cha- 
peron. 


Dans la première, dont le bord du chaperon est à peu prèsen 
arc de cercle, sont: 
1°. Le P.ne Tessin, P. T'essini. 
Entomostracites paradoxissimus, Wabl. 


P. Cœcus; capite semilunari, munito cornibus validis retrorsum 
exeuntibus ; fronte turbinato, annulato ; caudä spinis trunci 
postremis triplo breviore , Wahl. 


Cette espèce ne s’est encore trouvée qu’en Westrogothie, dans 


les couches d’empélile alumineux et toujours à une grande pro- 
fondeur. 


2°. Le P. spinureux , P. spinulosus. 


E. spinulosus, Wabl., n°11; Æ. paradoxus, Linn.; P. cæcus ; 
clypeo semilunari, postice truncato , angulis externis in spinä 
porrectis ; abdomine duodecim articulis , post abdomine sexde- 
cim; costis in spinis retrorsum flexis desinentibus. 


D'Andrarum en Scanie. 
3°. Le P.scarAnoïnE, P. scaraboïdes, Entom. scaraboïdes, WWalh., 


Caractérisée et fisurée entièrement d’après l’auteur suédois. 
$ 


+ 
126 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Dans la seconde section, dans laquelle le bord antérieur du 
chaperon est en ligne droite et comme tronqué, M. Brongniart 
place : 


4°. Le P. cisseux, P. gibbosus; Entom. gibbosus Wahlenb. 


5, Le P. racrnié, P. laciniatus; Entom, laciniatus, Wahl. 


Deux espèces qui se trouvent, l’une dans une ampélite des 
mines d'Andrarum en Scanie, et l'autre dans un schiste argileux 
blanc, supérieur du Moserberg en Westrogothie. 

Au reste, comme M. Bronguiart ne les décrit et ne les figure que 
d'après le Mémoire de M. Wablenberg, nous renvoyons, pour 
plus de détails, au travail de celui-ci, inséré dans le Journal de 
Physique, tome XCIV. 

Nous en ferons de même pour les entom. granulalus et punc- 
tatus du même auteur, et que M. Brongniart regarde comme des 
espèces de genre incertain. + 

Quant à l’entomostracites pisiformis de Wablenberg, M. Bron- 
gniart en fait un genre distinct qu'il nomme #gnoslus, et qu'il 
range dans la famille des trilobites, parce que, dit-il, le corps est 
divisé en trois lobes longitudinaux, Caractère particulier à cette 
famille; mais en convenant cependant que ce corps organisé 
s'éloigne, par sa structure, de lout ce qu'on connait, soil vivant, 
soit fossile, On ne sait même, dit-il plus loin, à quelle classe des 
règnes organiques on doit le rapporter. 

On trouve, comme nos lécteurs ont pu le voir dans le Mémoire 
de M. Walhenberg, cilé plus haut, ce petit corps qui varie en dimen- 
sion depuis la grosseur d'un grain de moutarde jusqu’à celle d'un 
pois, dans les bancs calcaires de tous les terrains d'ampélite de la 
Suède, et ils sont quelquefois si nombreux qu'ils donnent à la 
pierre calcaire l'apparence d'une aolüthe. 

Peut-être doit-on regretter que M.Brongniart n'ait pas toujours 
tiré ses caractères des empreintes elles-mêmes, et que quelquefois 
ils le soient de l'animal qui les a laissées, parce que cela est 
d'abord moins certain et surtout moins visible. 

Avant de passer à l’analysé de la troisième parlie du travail de 
M. Brongniart, ou de celle qui a rapport au gissement des trilo- 
bites, nous ferons l’observalion que sa classification a quelques 
rapports avec celle de M. Wahlenberg qui partage ses entomos- 
tracites en deux sections, ceux qui ont des yeux et ceux qui n’en 
ont pas; les genres calymène, asaphe, sont dans le premier cas ; 
les ogygies el les paradoxides, et même l'aguoste, sont dans le 


ET D’IHISTOIRE NATURELLE. La 1270 


second; en sorte que les deux savans qui ignoraient réciproque- 
ment le travail l’un de l’autre, se sont rencontrés dans la partie 
essentielle. Ils se sont ensuite éloignés dans les détails, l'un sui- 
vant l'exemple de son illustre compatriole, a cru qu'il était inu- 
tile d'établir des divisions génériques dans des animaux dont on 
ne connait. que fort incompletement les empreintes et qui semblent 
en effet passer les uns aux autres d’une manière presque insen- 
sible ; l’autre, au contraire, guidé par des considérations géolo- 
Far plus peut-être que zoologiques, a essayé ici une application 

e ses principes, en formant des genres distincts, dénommés 
plutôt que caractérisés d’une manière nette el tranchée. C’est donc 
la dernière partie de son travail qui permettra de juger définiti- 
vement de l'utilité de cette distinetion. 

M. Brongniart a consacré à son article sur le gissement des tri- 
Jobites qui est l'objet principal de son travail, une bonne partie 
de son Mémoire. Avant lui on admettait généralement que les 
trilobites sont pour ainsi dire caractéristiques de ce qu’on nomme 
en Géologie les terrains de transition, depuis leur première appa- 
rition, entremélés encore avec les roches primordiales cristalli- 
sées, jusqu’à leur cessation, également fort peu tranchée dans 
les premières couches de roches de sédiment. Les recherches dé- 
taillées de ces empreintes l’ont conduit au même résultat, et 
l'ont confirmé d’une manière indubitable. Une espèce cependant, 
J'asaphe cornigère, parait déjà d'une manière manifeste hors de 
ces lerrains. 

Mais la question est de savoir si chacun des genres et même 
des espèces que M. Brongniart a cru devoir établir parmi les 
trilobites , peut servir à caractériser chaque membre des terrains 
de transition. 

M. Bronguiart n’a pas eu de peine pour prouver la première 
assertion; et pour cela il lui a suffi de reprendre successivement 
les localités différentes où l’on a trouvé des trilobites. 

Les espèces qu’il a nommées ogygies, n’ont encore été trouvées 
que dans les ardoises d'Angers; peut-être y a-t-il quelques traces 
du calymène de Tristan : mais le calÿmène de Blumenbach ne s’y 
trouve jamais. 

Il paraît probable que le calymène de Tristan se trouve aussi 
dans un schiste argileux de transition qui souvent alterne avec 
de l'ardoise dans le Hartz. 

C'est en effet dans une roche qui lui paraît avoir la plus grande 
analogie avee les psammites schistoïdes du Hartz, que le caly- 
mène de Tristan a été découvert à la Hunandière, près de Nantes. 


+ 128 TOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Il se trouve également dans beaucoup de parties du Cotentin, 
dans un phyllade païlleté qui alterne avec les granites, formant 
un terrain que M. Brongniart a le premier regardé comme de 
transition. 

Deux roches d’une texture compacte qui alternent aussi dans 
les terrains primordiaux avec les roches cristallisées , c’est-à-dire 
les cornéennes et le calcaire de transition, contiennent souvent 
des empreintes de trilobites : c’est ce que l'on voit en Norwège et 
en Angleterre, et surtout en Suède. L/’asaphe de De Buch se trouve 
dans une cornéenne trapp et dans un psammite schistoïde d’Eger. 

Mais en Suède, les espèces que l’on rencontre le plus com- 
munément, appartiennent au genre paradoxide. C’est le plus sou- 
vent dans des couches de schiste alumineux, entremèlées de cal- 
caire fétide, qu’on les trouve dans l'ile d'Oëland, dans les hautes 
montagnes de la Westrogothie qui bordent le lac Werter, dansles 
environs d’'Andrarum en Scanie.: 

M. Brongniart ne cite aucune espèce de ce genre qui proviendrait 
d'une autre localité ; et il est digne de remarque que ces espèces 
de trilobites sont souvent accompagnées d’autres fossiles, comme 
des ammonites, des orthocératites , des échinites, etc. 

Une autre observation remarquable qui a été faite par M. Wah- 
lenberg, et qui se trouve dans la manière de voir de M. Bron- 
gniart, c’est que les deux familles que le premier a établies parmi 
les trilobites, paraissent avoir un gissement géognostique different; 
les espèces qu’il regarde comme ayant été aveugles, se trouvent 
uniquement dans le schiste alumineux qui alterne avec le cal- 
Caire fétide, et l’on ne trouve avec elles qu'une pelite espèce d’am- 
monile ; celles au contraire qui ont des yeux se trouvent dans le 
calcaire et le schiste supérieur ; elles sont accompagnées de beau- 
coup d’autres fossiles. 

M. Bronguüiart croit pouvoir étendre cette observation aux es- 
pèces de trilobites de France , d'Angleterre et de Russie , non pas 
qu'il y en ait jamais qui soient complètement dépourvus d'yeux ; 
mais ces organes deviennent de plus en plus apparens depuis les 
ogygies jusqu'aux calymènes. î 

En Angleterre, on trouve l’asaphe de De Buch dans un terrain de 
transition non équivoque; dans deux endroits du pays de Galles 
méridional ; savoir à Landriudiod-Wells, au milieu d'un psam- 
mite schistoide grossier qui alterne avec le psammite de transi- 
tion ou la grauwacke; et à Llandile, dans des couches de calcaire 
noirâtre mi-compacle, peu micacé, passant au psammite calcaire 
et subordonné au psammite de trausition. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 129 


Ces couches, qui contiennent les trilobites accompagnées de 
beaucoup d’autres corps organisés, entre autres de madrépores, 
d’une espèce particulière de térébratule, d’orthocératite et d'évom- 
phales paraissent d’après les travaux de M. Buckland, reposer sur 
une roche schistense, que M. Brongniart regarde comme analogue 
à celle d'Angers et être au-dessous en allant de bas en haut, 
d'un calcaire de‘transition, de couches de psammite rougeàlre 
(Vienne, grès rouge), d’un calcaire noirâtre, calcaire métalli- 
fère (moutain limestone ), que M. Buckland compare au calcaire 
de Namur, et auquel il rapporte celui du Derbyshire, d’un psam- 
mile quarizeux à grains très grossiers et enfin du terrain houiller, 

Les trilobites célèbres de Dudley, que M. Brongniart désigne 
sous les noms de calymène de Blumenbach et V'asaphe caudigère 
sont renfermées dans un calcaire qui est placé immédiatement au- 
dessous d’une série considérable de couches appartenant au ter-: 
rain houiller. 

D'après ce que dit M. Buckland, le psammite quartzeux, le 
calcaire métallifère et le psammite rougeûtre manqueraient et 
alers ce calcaire des trilobites est un calcaire de transition plus 
ancien que le mountain limestone et que c'est le même qui se trouve 
en plusieurs endroits, en couches subordonnées dans la partie la 
plus récente de la formation de grauwacke, et que quant à son 
âge, il diffère très peu de celui de la formation des ardoises 
d'Angers. È R 

Malgré cette assertion d’un géologue aussi célèbre et d’un ob- 
servateur aussi judicieux que M. Buckland , M. Brongniart con- 
teste ce rapprochement, parce qu’il lui semble que le calcaire de 
Dudley, qui contient les trilobites citées a un aspect tout différent 
de celui qui renferme des trilobites aussitrès différens; et ici, 
par une sorte de cercle vicieux, à ce qu'il nous semble, voulant 
prouver son principe que les formations différentes sont caracté- 
risées par des fossiles difiérens; quand on pourrait objecter que 
des formations semblables contiennent des fossiles de différente 
sorte, il soutient que les premières ne peuvent être identiques, 
parce que les fossiles ne le sont pas. 

Poursuivant ensuite l'étude du gissement des trilobites , il passe 
légèrement sur les gites qui sont trop incomplètement connus, 
pour qu'on puisse en tirer rien pour ou contre sa thèse; mais 
M. Brongniart s’arrèle un peu sur la roche qui contient l’asaphe 
cornigère ; elle lui semble beaucoup plus récente que celle qui 
renferme les autres espèces , autant du moins qu’il peut en juger, 
d’après un seul échantillon. Il fait voir aussi combien il serait in- 


Tome XCF. AOÛT an 1822. 17 


150 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


téressant de déterminer plus rigoureusement qu'on ne l’a fait les 
espèces de trilobites que M. Schlotheim a désignées sous les noms 
de trilobites bituminosus, tentaculatus, problematicus, parce qu’elles 
se trouvent dans des formations beaucoup plus nouvelles, dans 
le muschelkalk des Allemands et dans le calcaire caverneux qui 
parait n'être qu’un membre du calcaire du Jura. 

L'Amérique septentrionale, dont la structure géognostique plus 
simple, moins bouleversée, ne tardera pas à offrir beaucoup d’ob- 
servalions à l'appui des principes, a déjà apporté quelques faits 
propres à résoudre le problème que s’est proposé M. Brongniart. 
Quoiqu'ils soient peu nombreux, et peul-êlre assez incomplets, il 
lui semble que les trilobites voisins des asaphes et des calymènes 
se trouvent dans les roches calcaires el que ceux qui appartien- 
nent aux ogygies se rencontrent dans les schistes argileux non-cal- 
caires, comme on le voit, dit-il, généralement en Europe. 

Enfin, employant déjà le moyen géognostique qu'il vient 
presque de créer, M. Brongniart fait voir que, lorsqu'on connaïtra 
un peu mieux les trilobites dont Knorr a donné des figures mal- 
heureusement trop incorrectes, pour se décider et qui ont élé 
faites d’après des empreintes trouvées dans des roches éparses, sur 
le versant septentrional de la Baltique, on aura, dans leur iden- 
lité avec les espèces de tel ou tel genre établi, des élémens néces- 
saires pour décider la question intéressante, d'où viennent les 
blocs de roches de toute nature qui sont épars sur le terrain 
sablonneux ou d’attérissement compris depuis les montagnes de la 
Saxe et de la Silésie, jusqu’à la mer Baltique, d'après ce qu'il en 
peul juger, sur des restes et des figures incomplets, M. Brongniart 
pense que c’est avec la calymène de Tristan et avec les asaphes 
qui appartiennent aux lerrains de transilion , que ces restes ont 
le plus de rapports. Si l'hypothèse proposée dans ces derniers 
temps pour l'explication de ce singulier phénomène , et qui con- 
siste à faire descendre ces roches des montagnes scandinaves, 
traverser la mer Baltique et remonter plus ou moins haut, sur 
son versant septentrional , eût été vraie , il nous semble que ce 
seraient plulôt des paradoxides si communs en Suède, que des 
calymènes que l’on devraït trouver dans ces roches. 

M. Brongniart termine son Mémoire par des considérations 
générales sur la famille des trilobites , à l'époque à laquelle elle 
existait, et qui ne sont qu’une déduction de la manière de voir à 
laquelle les faits, tels qu'il a pu les observer, Font conduit. La 
conclusion la plus remarquable est à peu près celle de M. Wha- 
lemberg, que les esnèces les p'us éloignées de ressembler aux 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 151 


animaux actuellementexistans,sontles plus anciennes, ou contenues 
dansles roches de plusgrande ancienneté, ce quilui parait confirmer 
celte loi à laquelle M. G. Cuvier est arrivé de son côté , que les 
animaux fossiles diffèrent d'autant plus des êtres qui vivent actuel- 
lement, qu'ils sont enveloppés dans des couches plus anciennes du 
globe. 

C'est ce qu’on pouvait déduire, ajoute M. Brongniart, presque 
à priori, en comparant les surfaces que notre globe a dû avoir 
successivement et qu'indiquent ses divers groupes de couches, 
aux différens climats qui partagent sa surface actuelle , et qui ont 
leurs productions propres; et cependant le tableau général des 
espèces tel que M. Brongniart le donne, n’est pas tout-à-fait en 
rapport avec celte conclusion, puisque les calymènes qui ont des 
yeux, et même un asaphe dont, en général, l'organisation paraît 
plus avancée, y sont placés avant les ogygies et les paradoxides, 
pour reparaître ensuite après des asaphes. 

Quoi qu’il en soit de cette contradiction , peut-être apparente, 
nous terminerons celle analyse par ce tableau qui ne comprend 


qe les espèces à peu près certaines, et dont le gissement est 
élerminé avec precision. 


I. TERRAINS DE TRANSITION SCHISTOIDES. 
( Regardés assez généralement comme les plus anciens.) 


Calymène de Tristan.... France (Bretagne, Cotentin.) 
— macrophtalme. France,(Cotentin), Amériquesept., 
(Albanie.) 
Asaphe ? large queue... Suede. 
Ogygie de Guettard...... France, (Angers.) 
— de Desmarest ... idem. 
Paradoxide de Tessin.... Suède, 
Et tous les paradoxides. 


— 


II. TERRAINS DE TRANSITION CALCAIRES. 
Calcaires noirâtres sublamellaires. 
Asaphe de Debuch...... Suède, Angleterre, (paysdeGalles.) 
——— de Hausmann.... Bohème (Prague.) 
Agaoste piriforme....... Suède. 


17 


132 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


IT. TERRAINS DE TRANSITION ? 


Calcaire gris de fumée ou are RE compacte fin avec téré- 
ratules. 


Calymène de Blumenbach. Angleterre, (Dudley), Amér. sept., 
(Thiami, Genessée). 
Asaphe caudigère ....... Angleterre (Dudley.) 
IV. TERRAINS DE SÉDIMENT INFÉRIEURS: 


Calcaire ‘gris de cendre ou jaunâtre, compacte, quelquefois avec 
des grains verts chloriteux. 


Asaphe cornigère... Russie, (Koschelewa, près St-Pétersbourg.) 


Nous nous occuperons de l’analyse du travail de M. Desmarest 
dans un de nos cahiers prochains. 


NOTE 


Sur la structure et l’analogue de la plaque dorso-céphalique 
des Rémoras ou Echénéis ; 


Par M. H. D. pe BLAINVILLE. 


Les ichthyologistes systématiques, en parlant de ce genre 
singulier de poissons, se bornent ordinairement à donner pour 
l'un de ses caractères les plus tranchés, l'existence d’une plaque 
céphalique, au moyen de laquelle ces animaux peuvent adhérer 
aux corps sous-marins, mais sans s'occuper beaucoup de la struc- 
ture de cet organe, encore moins de son anälogue dans l'orga- 
nisation générale des poissons. M. Schneider avait cependant dit 
quelque chose de l'anatomie, dans ses notes jointes au système 
ichthyologique de Bloch. M. de Blainville, dans une série de 
travaux dont le but est de ramener les anomalies aux lypés dont 
elles dérivent , a été conduit à aller plus loin; et il est arrivé à eon- 
clure que cette plaque n’est que la partie antérieure de la nageoire 
dorsale, singulièrement déformée. Pour prouver celte opinion, 


Août 1822 


Journal de Phyrique 


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ET: D'HISTOIRE NATURELLE. 133 


il fait voir d'abord que les rayons de la nageoire dorsale des 
poissons, quand ils sont mous et complexes, sont réellement 
formés de deux parties similaires, réunies plus ou moins forte- 
ment dans la ligne médiane, et articulées sur une pièce infe- 
rieure, simple, médiane, qui s'enfonce dans la ligne dorsale 
entre les faisceaux musculaires qui meuvent la colonne verté- 
brale. C’est sur les côtés de celte pièce ou support, que s’atta- 
chent à droite et à gauche les petits muscles qui, se terminant du 
côté externe de la base du rayon , en avant et en arrière, lé meu- 
vent dans un sens ou dans l’autre, mais surtout dans le premier. 
Aualysant ensuite la plaque des Echénéis, M. de Blainville montre 

ue Sa composition est réellement la nrème que celle de la nageoïre 
dasale en général. Les supports forment loujours une série de 
pièces médianes triangulaires , dirigées très obliquement d'avant 
en arrière ; le sommet en arrière et en bas, la base en hauteten 
avant. Celle-ci est divisée en deux tubercules latéraux sur les- 
quels s’arlicule, comme de coutume, un rayon de la nageoire; 
mais au lieu que les deux parties latérales et similaires de chacun 
de ses rayons soient réunies et collées l’une contre l’autre , et éle- 
vées plus ou moins verticalement pour former une crête, elles 
sont au contraire divisées jusqu’à la base, et déjetées à angle 
droit horizontalement et transversalement en dehors ; et comme 
elles sont retenues dans celle position par la peau qui passe d’un 
demi-rayoñ à l’autre, il en résulte une grande plaque ovale et 
partagée par la ligne dorsale en deux parties latérales bien symé- 
triques et relevées d'autant de côtes qu'il y a de rayons à la na- 
geoire. Cette plaque, un peu enfoncée dans son centre, est en 
outre bordée dans toute sa circonférence par un bourrelet cutané 
assez épais. Chaque demi-rayon ainsi engagé sous la peau et ap- 
liqué sur les muscles de la colonne vertebrale, n’est mobile qu’à 
ses extrémités, qui font l'office du: pivot. Son bord supérieur et 
postérieur, ou libre, est un peu concave et armé de plusieurs 
rangées de petits crochets recourbés en arrière; l’autre bord, 
qui est antérieur el engagé, est au Contraire un peu convexe, et 
il donne naissance à une large apophyse squammeuse qui est 
presque horizontale, et qui se porte en arrière, imbriquée par 
le demi-rayon suivant; c’est à elle que s’insèrent les muscles prin- 
cipaux qui doivent mouvoir ces espèces de petites planchettes sur 
leur axe. 4 

Ces muscles sont de deux sortes: les uns appartiennent réel- 
lement à la nageoire modifiée ; ils naissent en effet des parties 
latérales des-supperts ;et se terminent par de petits tendons dis- 


134 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tincts à l'articulation de chaque demi-rayon, en avant ou en ar- 
rière, suivant qu'ils doivent le faire tourner en avant ou en 
arrière. Les autres muscles sont beaucoup plus considérables, 
puisqu'ils occupent tout le bord inférieur de chaque demi-rayon; 
ils forment aussi deux faisceaux, mais le plus considérable est 
celui dont les muscles composans se portent d'avant en arrière, 
pour s'attacher à toute l'apophyse squammeuse. Ces muscles ver- 
tébraux, devenus peaussiers, ont une disposition assez analogue 
à ce qui existe dans le crocodile, pour les plaques osseuses de son 
dos. 

D'après cette anatomie de la plaque dorso-céphalique des 
Echénéis, on voit que ces animaux peuvent adhérer de deux 
manières aux Corps sous-marins : 1°. par une sorte de succion, 
en déprimant leur plaque tout entière, le bord charnu restant 


seul en contact; 2°. par adhérence immédiate, au moyen des petits 
crochets des planchelles. 


OBSERVATIONS 


SUR LA FLORE AGENAISE, 


Ou Description méthodique des Plantes observées dans 
le département de Lot-et-Garonne, et dans quelques 


parties des départemens voisins ; de M. de Saint- 
Amans ; 


Par M. LAMOUROUX, 


Professeur d'Histoire naturelle à Caen. 


À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère! 


Ce vers du philosophe de Ferney peint le sentiment que l'on 
éprouve, lorsqu'on revient dans sa patrie après un long exil, 
lorsque l'on rencontre des objets qui vous ont frappé dans votre 
enfance, quand on lit la description ou l'histoire du lieu qui 
vous a vu naître; ainsi l’on ne doit pas être étonné que j'aie 
ressenti les plus vives sensations, en lisant la Flore agenaise ; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 135 


chaque plante me rappelait quelque site de nos vallées si fraiches, 
si riantes , si pittoresques, quelque localité de nos plaines si 
riches et si fertiles; je suivais l’auteur sur les montagnes des 
bords du Lot, dans les bois de pin et de chène-liéger, et dans 
les immenses bruyères des Landes. Mille souvenirs de mes pre- 
mières années, les plaisirs de cette heureuse époque de mon 
existence, se relracaient à chaque instant à mon imaginalion : 
c'était un vaste panorama qui se déroulait sous mes yeux et dont 
le tableau me représentait, tour à tour, les événemens des cinq 
premiers lustres de ma vie, les amis, les parens dont je suis 
séparé, et ceux que J'ai perdus. Je me croyais encore dans cette 
petite ville chantée par Bachaumont et Chapelle, dans cette vallée 
dont la fertilité a excité l’adfniration d'Arthur-Young, le plus 
célèbre des agriculteurs de l'Angleterre, et qu'il regarde avec 
raison comme la plus belle de toute la France. La Flore age- 
naise ne féra pas éprouver les mêmes sensations à tous les bota- 
nistes : la plupart n’y verront qu'un ouvrage riche de faits et 
d'observations, fruit de plus de vingtans d’études et de recherches, 
dans lequel l’auteur a développé de vastes connaissances, et au- 
quel ont contribué des amateurs zélés ; mais ces amateurs étaient 
ses élèves, et c’est à leur maître qu’ils doivent leur amour pour 
la plus aimable des sciences. Parmi ces amis des plantes, M. de 
Saint-Amans se plaît à citer M. Itier, docteur en médecine, à 
la Sauvetat de Savères; de Godailh, ex-député au Corps-Légis- 
latif, oflicier de la Légion-d'Honneur, conseiller de préfecture ; 
Fauché, chevalier de la Légion-d'Honneur, ex-pharmacien en 
chef des armées ; Chaubard , avocat; Graulhié, Dumoulin, Louis 
de Brondeau, propriétaires; il reconnait avoir les plus grandes 
obligations à M. Chaubard qui a traité en entier les familles des 
mousses, des lichens, elc., ainsi qu'a M. Dumoulin qui lui a 
procuré les plantes du bord du Lot. Ils sont tous mes compa- 
triotes, mes condisciples, mes amis, tous ont contribué à la 
Flore agenaise; tous l’ont enrichie de leurs observations, de 
leurs découvertes; mais sans M. de Saint-Amans, ces notions pré- 
cieuses auraient été perdues pour la science ; il les a recueillies, 
il les a coordonnées, il les a soumises à une critique imparliale 
et savante; et lorsqu'elles ont été rédigées avec cette élégance 
de style que les littérateurs ont applaudie dans ses voyages dans 
les Pyrénées et dans les Landes, il en a fait hommage à la Société 
d Agriculture, Sciences et Arts d'Agen, qui se glorifie de compter 
parmi ses fondateurs, notre célèbre compatriote M. le comte 
de Lacépède, l'ami et condisciple de mon père. Celle société, 


136 JOURNAL DE PHYSIQUE, DFE CHIMIE 


riche des dons d'un conseil-général éclairé, décida, à l’unani- 
mité, que la Flore agenaise serait imprimée à ses frais. Dans la 
patrie des Palissy, des Scaliger, des Romas, des Lacépède, des 
Bory-Saint-Vincent, l'on ne peut étre indifférent aux progrès des 
sciences naturelles. 

La Flore agenaise renferme la description de plus de deux : 
mille espèces, dispersées dans 550 genres environ ; 35 espèces pha- 
nérogames sont nouvelles; les plus remarquables sont figurées 
dans un fascicule de 12 planches lithographiées qui accompagne 
la Flore, sous le nom de Bouquet du département de Lot-et-Ga- 
ronne. 

Aucune Flore française, si ce n’est celle de MM. de Lamarck 
et Decandolle, ne renferme une Cryplogamie aussi nombreuse ; 
elle se compose d'environ 700 espèces; et celte quantité pour- 
rait être facilement augmentée. 

La description de chaque plante est accompagnée de quelques 
synonymes choisis pour faciliter la connaissance des espèces et 
des variétés, et pour servir de garantie auprès des botanistes 
qui désireraient les étudier dans les auteurs cités. 

Les lettres C et R seules, ou jusqu’à trois fois redoublées, 
averlissent du plus ou du moins de rareté de la plante dans le lieu 
où elle a été trouvée, ou dans sa station qui diffère quelquefois de 
J'habitation. 

Les propriétés les plus remarquables des végétaux, Soit dans 
la Médecine , soit dans les Arts, y sont indiquées , ainsi que les 
insectes indigènes dans le département de Lot-et-Garonne, qui 
se nourrissent de ces végélaux. 

Beaucoup d'espèces ont donné lieu à des observations critiques 
du plus grand intérêt pour la science, et qui mettent cette Flore 
au premier raûg, parmi celles dont la France s’honore. 

L'ouvrage renferme une exposition méthodique des genres, 
ainsi qu'une préface dans laquelle l’auteur a développé les prin- 
cipes qu'il a suivis. . 

Enfin, après avoir plaisanté avec autant d'esprit que d'amabilité 
sur certaines dénominations et sur le ridicule des noms nouveaux 
‘que l’on propose chaque jour, sous le vain prétexte de rendre la 
science plus méthodique, il termine en disant: « S'il nous est 
» échappé des observations ou des citations qui paraissent étran- 
» gères à l'objet de cet ouvrage, si quelques plaisanteries sont 
x tombées de notre plume, nous prions le botaniste sévère de 
» nous les pardonner. Les premières jettent quelque variété dans 
» une rédaction nécessairement monotone; les secondes absc- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 137 
» lument sans conséquence, ne peuvent blesser l’amour-propre 
» le plus délicat.» 

Ces sentimens si bien exprimés, et la juste admiration de l’au- 
teur pour Linné, doivent faire excuser ce qu’un amour-propre 
trop susceptible pourrait blâmer, et l'emploi du sysième sexuel 
dans loute son intégrité, au lieu de la méthode naturelle. 


SECOND RAPPORT ANALYTIQUE 
SUR QUELQUES ESPÈCES DE MICAS; 
Par M. J. PESCHIER, de Genève. 


Jr fis connaître, l’année dernière, le résultat de mes premières 
recherches sur trois espèces de Micas (Journal de Physique, 
1. XCIIL, pag. 241); la découverte de l'acide fluorique et celle du 
titave , parmi leurs principes constiluans, étaient deux motifs 
trop puissans pour abandonner celte étude et ne pas chercher à 
éclairer le minéralogiste sur la véritable nature de ces pierres. 

Je viens donc remplir l'engagement que j'avais en quelque 
sorte contracté, en donnant l'analyse de sept autres espèces; et 
pour lever les doutes qui pourraient être portés sur la vérité des 
faits , je ferai précéder ce rapport de la marche suivie générale- 
ment dans mes opéralions. 

Je dirai d’abord que je n’ai soumis à ces recherches que des 
micas exempts de toule substance étrangère; que pour leur faire 
éprouver l’action dela chaleur plus vive et plus uniforme, j'ai multi- 
plié leurs surfaces , en séparant les lames aussi minces que possible; 
que dans le but d’y reconnaître l'acide fluorique , je les ai exposés 
pendant une heure sur les charbons ardens, dans un tube de verre 
fermé à l’une de ses extrémités, après avoir fixé à l’ouverture des 
bandes de papier bleu de tournesol; que, le tube refroidi, j'ai jugé 
de la présence de l’acide par son action sur le verre et le papier 
et la perte de la transparence des lames et en ai estimé la quan- 
tité, Coujointement à celle de l’eau qui s'était volatilisée en même 
temps , par la perte en poids éprouvée ; mais comme le verre ne 
peut supporter une chaleur aussi forte que celle qu'il est nécessaire 
d'appliquer souvent pour dégager complètement l’eau qui sy 
trouve combinée, j'ai fait supporter en outre à ces mêmes lames 

Tome XCV. AOÛT an 1822. 18 


138 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


une chaleur très vive, dans un creuset de platine, et réuni à la 
première la perte qui pouvait avoir eu lieu. k 

J'ai fait réduire ensuite le résidu à l'état d’une poudre impal- 
pable, dans laquelle une forte loupe ne laissait rien distinguer; 
puis j'ai entrelenu celle poudre en fusion pendant deux heures, 
mêle avec six fois son poids de sous-carbonale de potasse, ou 
le double de potasse; j'ai dissous le produit dans l’eau, jeté ce 
liquide a sur un filtre, lavé soigneusement et fait sécher le résidu 
imsoluble b. 

Après avoir réuni , saturé, concentré les layages a, et recueilli 
la petite quantité de précipité qui s’y forme quelquefois, et qui 
pour l'ordinaire est un oxide de titane hydraté alcalin , je les ai 
rendus légèrement alcalins, j'y ai jeté de l’infusion de noix de 
galles et ai toujours obtenu un précipité volumineux de gallate 
de titane (1) qui était mis à part, après l'avoir lavé et séché. L’ex- 
périence m'a fait aussi reconnaitre qu'il était encore indispensable 
d'évaporer ces mêmes liquides à siccité, d'en faire rougir le pro- 
duit jusqu’à destruction des parties charbonneuses , et d’en dis- 
soudre la masse dans l’eau, pour en séparer la petite quantité de 
tilane qui s’y trouvait encore enveloppée. 

J'ai traité le résidu insoluble 2 par l'acide hydrochlorique; à 
l'aide de l'ébullition , j'en ai séparé les substances dissoules par 
les moyens habituels, ayec l'observation constante (vu la pro- 
priété du titane de former des sels triples et de se dissoudre dans 
les alcalis), d'ajouter de l’infusion de noix de galles, non-seule- 
ment dans les liquides dont j'avais retiré les précipités formés 
par l’ammoniaque, le carbonate ou le sous-carbonate de potasse, 
mais aussi dans la solution de potasse employée à la séparation 
du fer et de l'alumine, après la précipitation de celte dernière ; 
ayant préalablement eu soin, comme je l'ai indiqué, de les con- 
centrer et de les rendre légèrement alcalins, précaution par le 
moyen de laquelle j'ai toujours obtenu des gallates de titane de 
liquides , où l’on n’aurait pas supposé devoir trouver aucune sub- 
stance; lesquels réunis au précédent, calcinés et entretenus au 
rouge le temps convenable pour en détruire le charbon et faire 
passer le métal à l’état d’oxide, m'ont donné des produits blancs, 
mais qui n'étaient pas purs : Car j'observerai que, quels que soient le 
nombre et la nature des lavages faits sur les gallates, une cer- 
tainè quantité de potasse y prédomine loujours ; ce qui moutre 
évidemment et ce que des recherches sur le titane feront sous 
peu plus amplement connaitre, que infusion de noix de galles 
occasionne, dans les dissolutions d'hydrochlorate de titane avet 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 139 


excès de base alcaline, la réunion dé deux combinaisons diffé- 
rentes qui sé précipitent ensemble, dont l’une est composée de 
tannin, d'acide gallique et de titane, et l’autre , ainsi que l’expé- 
rience me l’a confirmé, d'acide titaneux et de potasse en excès; 
combinaison qui, quoiqüe très soluble, possède dans certains 
cas la propriété de résister fortement aux lavages ; d’où il résulte 
que l'acide tilaneux, perdant son éau de combinaison pendant la 
calcination des gallates , passant à l’état de peroxide et devenant 
insoluble, cesse de rester combiné avec la potasse qui devient 
par là facilement emportée par les lavages. 

Cette observation montre encore que si la réduction employée 
une fois par Klaproth (et dont j'avais cru ci-devant pouvoir faire 
usage), pour amener le produit de la fusion du titane avec la 
potasse à l’état de protoxide pur, eùt pu reposer sur une base 
constante, elle devait, par la même raison, être appliquée à 
ceux fournis par la calcination des gallates; mais l’expérience 
prouvant le contraire, les lavages de ces derniers produits offrent 
le plus sùr moyen pour les avoir purs. 

Je préviendrai encore que, quoique l'infasion de noix de galles 
n'ait pas d'action sur les sels de manganèse, cependant lorsque ce 
métal ne se rencontre qu’en petite quantité en dissolution avec le 
titane , il est loujours emporté par celui-ci dans ia précipitation, 
et qu'il rend, dans ce cas là, le péroxide grisätre. L’alumine 
pouvant aussi entrainer un peu de silice, il est convenable de le 
dissoudre pour s’en assurer. 


Lorsqu’à la suite d’une première opération, le plus souvent 
même d’une seconde, j'ai reconnu une perte qui pouvait élre 
attribuée à la présence d’un alcali, J'ai repris le travail avec le 
carbonate de baryte, et l'ai employé, autant que possible, à la 
confirmation des premiers résultats. 


Passant aux caractères des micas qui font le sujet de ce rap- 
port, je ne ferai pas mention du mica blanc de Sibérie à grandes 
lames et à lames arrondies, n1 de celui de Massassuchet, à reflet 
rosé et du lamellaire, dit communément, or des chats, parce 
qu'ils se trouvent décrits dans tous les ouvrages de Miné- 
ralogie. 

Je dirai seulement que le mica noir du Saint-Gothard, dont 
il est question, se présente en masses friables, formées d'une 
agglomération de petites lames noires, très brillantes, de la gros- 
seur de celles de l'or des chats, et sans aucun mélange de sub- 
stances étrangères. Son analyse ayant offert une mullitude de 


18. 


140 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


difficultés que la nature des principes reconnus, fait aisément 
concevoir , j'indiquerai brièvement les procédés suivis. 

Sa pesanteur spécifique est de 2,995 ; 100 grains fondus avec 
le sous-carbonate de potasse ont donné un produit violet noir 
foncé , dont la dissolution dans l’eau filtrée et abandonnée quel- 
ques jours en repos, n’a fourni que 2 grains et demi de manga- 
nése; saturée avec l'acide hydrochlorique, cette dissolution 
resta claire et déposa, par la concentration, un précipité bru- 
nätre qui prit une teinte gris-bleuâtre, en séchant à l’air, passa 
au brun à une chaleur modérée, devint blanc en le faisant rou- 
gir, et fut reconnu être du péroxide de titane (1). L’ayant en- 
suite supersaturée par le sous-carbonate de potasse, il s’y déposa 
du manganèse, puis traitée par l’infusion de noix de galles, 
elle fournit un gallate de titane, el donna encore une petite quan- 
té de ce métal dans le lavage du produit de la fusion, de son 
évaporalion à siccité. 

Le résidu resté insoluble dans le lavage du produit dela fusion 
par le sous-carbonate de potasse, soumis à l’action de l'acide 
hydrochlorique, fournit un liquide jaunaälre dont la viscosité 
indiqua la présence du titane; ce liquide, traité successivement 
par l’ammoniaque , le sous-carbonate de potasse et l’infusion de 
noix de galles, donna, par le premier de ces réactifs, un pré- 
cipité brun gélatineux, composé de fer et de titane; par le 
second, un de manganèse, et par le troisième, un gallate de 
Ulane. 

Ayant jugé le premier de ces précipités devoir, d’après son 
apparence, contenir du fer et de l’alumine, je l’exposai à l’ac- 
tion d'une solution de potasse, mais je vis bientôt que j'étais dans 
l'erreur et que n’étant composé que de fer et de titane, leur sépa- 
ration serait très difhicile, car j'avais reconnu, dans d’autres 
recherches, que le produit des lavages de l’évaporation à siccité 
de leurs hydrochlorates, que la précipitation du titane par l’oxa- 
late d’ammoniac et l’action du gaz hydrogène sulfuré , qui étaient 
les procédés généralement indiqués, comme propres à l’opérer , 
ne répondaient pas à leur but, il ne me restait donc à faire usage 


(1) Ces changemens , que je n’ai vus qu'une fois, pourraient-ils établir que 
la teinte bleue, qui est indiquée dans quelques ouvrages appartenir au pro- 
toxide de titane, serait pRer celle de l’hydrate ; que celle du protoxide serait 
brune et celle du péroxide blanche, car le passage de la blanche à la brune eut 
lieu au +709 R. et celui de la brune à la blanche, à une chaleur rouge très 
vlve. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 141 


que de l'hydrocyanate de potasse, où à éprouver la sublimation 
du fer par l’hydrochlorate d’ammoniaque recommandée par 
Klaproth. 

La teinte brune foncée du précipité me faisant craindre que 
le fer qui en constituait la majeure partie, n’emportät du 
litane en le traitant par l’hydrocyanate, je me servis de la subli- 
mation et découvris que le titane se sublimait aussi; ce procédé 
se trouvait donc défectueux sous le rapport de Ja fixité supposée à 
ce mélal; mais poursuivant cependant mon opération, je reconnus 
qu'il offrait par la suite un moyen sùûr de séparation, le fer etant 
précipité seul par l’ammoniaque de la dissolution dans l’eau du pro- 
duit de la sublimation et le titane pouvant l'être après l'infusion 
de noix de galles. 

Mais voici les particularités que m'offrit celte opération. 

Je fis dissoudre le précipité dans l'acide hydrochlorique, éva- 
porer la dissolution à peu près à siccité, et après y avoir mêlé 
5 onces d'hydrochlorate d'ammoniaque, et achevé le dessèchement, 
je procédai à la sublimation du produit. 

Le sel oblenu avait une forte teinte jaunâtre, une couche 
brune foncée en recouvrait la surface inférieure et une substance 
brune-noirätre occupait le fond du vase; ayant reconnu cette der- 
nière être un mélange de fer et de titane, je la mélai avec une 
nouvelle dose du sel ammoniacal, l’exposai de nouveau à la subli- 
mation et parvins à en obtenir complètement la sublimation, en 
répélant cette opération plusieurs fois. Ces produits furent dis- 
sous dans l’eau, traités par l’ammoniaque et le fer ; ainsi séparé, je 
précipitai le tilane par l'infusion de noix de galles. 

J’obtins de cette suite d'opérations, 26,50 de fer ct 4,50 de 
péroxide de titane pur; je dois avouer que le procédé fut long, 
pénible et dispendieux, et que je reconnus plus tard que celui 
par l’hydrocyanate de potasse aurait fourni un résultat plus 
prompt et tout aussi exact; mais l'expérience est un grand 
maitre. j 

Le mica de la vallée de Bienen en Valais, est sous la forme 
de grandes lames claires transparentes. 

Celui dit or des chats , qui se présente par bancs en divers en- 
droits de la Lorraine , et n’est répandu dans le commerce, qu'après 
avoir été brisé sous des meules, se trouve communément plus ou 
moins mêlé de petits fragmens quartzeux ; n'ayant pu me le pro- 
curer dans son état naturel, je l’en aï privé artistement autant 


que possible et ai cherché à l'amener au plus grand degré de 
purete. 


242 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Maintenant, si l’on jette les yeux sur le tableau ci-joint, auquel 
se trouvent réunis les résultats des trois précédentes analyses, on 
ne peut se refuser à admettre, comme principes essentiels consti- 
tuans des micas ; la silice, l’alumine, le fer, le titane et la potasse 
ou la soude ; deux espèces seulement, sont privées de ces der- 
niers, mais l'un d’entre eux, particulièrement le mica noir du 
Saint-Gothard , diffère tellement des autres sous le rapport et la 
proportion de ses principes, que je ne peux m'empêcher de pro- 
poser qu'il soit soustrait de cette famille, et qu’il lui soit donné 
une dénomination particulière; laissant toute fois aux savans 
minéralogistes, dont le siècle s’honore, à décider la question, 
et réclamant surtout l'indulsence des chimistes sur les irrégula- 
rilés que pourrait leur offrir ce travail. 


Tableau analytique de quelques espèces de Micas. 


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MICAS MICAS 
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MICAS deSibérie! Men 

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Magnésie ....…. ...l 0 95/0 »fo »lo »]o »fo »|o »|o »| 0300 » 
Péroxide de fer......,..... 416 » 7 59 711 8 75/14 26! 2 70/26 50] 3 25] 29 »|42 » 
Péroxide de titane.......... o 101 111 So|r3 »la7 »f 5 20/25 4ojar 30, 14, » | 3 25 
o »Ù 6 50 7 25] 4 »l o »|o »fua »| 5 25] 5 a5 
7 5oko 85l o »f 1 70) 8 »j 0 »lo »] 1 550 » 
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ET D'HISTOIRE NATURELLE. 143 


NOTICE 


Sur les Brèches osseuses de Pile de Corse; 


Par M. BOURDET , de la Nièvre, 
Géologue-V’oyageur, etc. 


LA découverte de ces brèches en 1807, est due à M. Ram- 
passe , aucien officier d'infanterie légère corse, qui en donna une 
relation dans les Annales du Muséum d'Histoire naturelle (1). 

Lorsque j'habitais celte île, en 1816 (2), je n'avais aucune 
connaissance de ces brèches, ni des travaux de M. Cuvier sur 
ces phénomènes géologiques. Ce n’est que. mon got d’obser- 
vation qui me les fit apercevoir; ellessontsituées à quelque distance 
de Bastia, à une demi-lieue de la mer et à environ 500 toises au- 
dessus de son niveau. Le banc qui les renferme est escarpé et situé 
obliquement du sud à l'ouest; c’est un calcaire compacte. 

La roche est d'un fond bleuitre entremêlé de blanc ; on recon- 
naît qu’il y fut exploité une carrière, principalement dans une 
partie qui n'offre plus qu’une épaisseur de 3 à 4 pieds, et, dont 
celle qui est intacte, en a environ 50; d’où j'ai jugé, ainsi que 
M. Rampasse, que la hauteur commune de cette roche, pouvait 
être de 25 pieds dans sa Jongeur. 

L’étendue totale de ce banc, qui est entrecoupé en quelques 
points, depuis sa base jusqu’au sommet, par de la terre rouge- 
brunätre , très dure, etenchässée, pour ainsi dire, dans la roche, 
peut avoir 40 loises. Sur ce banc, semble dessinée, dans toute 
sa hauteur, une sorte de colonne irrégulière, dont le fond est 
d'un rouge-brunätre; plus loin, on voit trois autres petits bancs 
qui n'ont que 2 à 3 pieds d'élévation. 

Ce banc, de forme circulaire, est un montlicuie silué au milien 
d'une futaie d'oliviers, sur l’arête d’une colline étroite, et repose 


a 


(G) Tome X, p. 163. 
(2) J'étais attaché à l'état-major de cette division. 


144 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


sur un lit de 2 pieds d'épaisseur, de terre rouge-brunätre; la 
base est une terre végétale noirâtre. 

Examinant ce massif, qui me parut un composé homogène de 
pelits corps empätés dans une terre rouge, d’une dureté assez 
considérable, je reconnus que ces corps étaient de nature cal- 
caire compacte, la plus grande partie à grain fin et serré, qu’ils 
se dissolvaient entièrement dans l'acide nitrique, et laissaient un 
reudu argileux. Ces corps sont anguleux ou arrondis, leur gros- 
seur varie depuis celle d’une grosse noix jusqu’à celle d’un grain 
de m.llet , ils passent dans leur couleur da gris-blanc, au gris- 
bleuâtre, au noirâtre , au noir, au brun-rougeàtre clair ; la masse 
est lardée d’ossemens alongés, arrondis Se leur longueur , 
dénuée d’une grande partie du tissu spongieux, et paraissait avoir 
appartenu à des quadrupèdes. On y remarque aussi, mais rare- 
ment, des portions de coquilles qui m'ont paru être du genre 
hélice. 

M. Cuvier (1), n’a reconnu dans les échantillons envoyés par 
M. Rampasse, que des os à peu près dela grandeur de ceux du 
lapin, du cochon d'Inde, du rat et du lièvre sans queue de 
Sibérie (lagomys) ; en général, que des os d'animaux de la classe 
des rongeurs, qui n’apparliennent pas à des espèces connues 
dans le pays, el même une tête complète d’un genre dont les 
espèces n’ont été observées qu’en Sibérie. Mais il ne s’en est pas 
rencontré de semblables à ceux que je vais décrire et qui font le 
sujet de cette Notice. 

En examinant la masse qui contient ces brèches, et en cher- 
chant dans les morceaux détachés, quelques-uns parmi eux frap- 
pèrent mes regards; je les emportaï, et les placai dans ma col- 
lection avec les autres, ayant bien eu soin d'y indiquer la localité. 
En 1821, m'occupant de la détermination des os qu’elles con- 
tiennent , je fus surpris d’en trouver dans ceux de cette île beau- 
coup plus gros que ceux cités par M. Cuvier. Afin de mieux 
reconnaitre le calcaire qui les empâte, j'en fis scier et polir un 
bloc en deux (2); il était composé de fragmens anguleux et roulés 
de calcaire compacte de différentes couleurs et grosseurs, et en- 
tremélés d'os trop mutilés pour offrir des caractères distinctifs ; 
cependant un d'eux, par sa grosseur et par sa conservalion , allira 


(1) Cuvier, Recherches sur les ossemens fossiles (brèches osseuses), p. 20, 
pl. 2, tom. IV, prem. édit. 
(2) J'ai fait hommage de ce morceau au Musée de Genève. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 145 


mon allention. Je le débarrassai du calcaire qui l’entourait, elil 
m'offrit la tére inférieure du fémur d'un ruminant voisin du daim 
ou de l'antilope, à peu près semblable à celui figuré dans Cu- 
vier (1), qui vient des brèches de Gibraltar. Ce qui me fait 
croire qu'il appartient à un ruminant , c’est la longueur de son 

iamèlre antéro-postérieur , et celle de son côté interne qui est 
plus long que l’autre, et que l'extrémité antérieure de ce côté ne 
fait point sailllie en dehors de l'os. À 

Parmiles autres échantillons dema collection, il s’enesttrouveun 
qui m'a offert une portion de mâchoire qui ressemble beaucoup à 
celle de notre lapin sauvage de France, et qui est semblable à celle 
trouvée dans les roches de Cette, et figurée dans l'ouvrage cité plus 
haut (2). nt 

Les autres morceaux que je possède, présentent une quantité 
d'os indéterminables, mais assez gros cependant pour montrer 
qu'ils le sont plus que ceux qui avaient été trouvés jusqu'a ce 
jour dans cette localité , ce qui assimile les brèches osseuses de 
l'ile de Corse à celles de Gibraltar, de Cette, de Nice, d'An- 
tibes, etc. , etc., tant par la grosseur des os qu'elles contiennent, 
que par la composition de la roche. 


NOTE 
SUR L'OURS POLAIRE; 


Par M. SCORESBY. 


LA taille ordinaire de cet animal est de 4 à 5 pieds de hauteur, 
sur 7 ou 8 pieds de longueur et presque autant de circonférence; 
mais on en trouve quelquefois de beaucoup plus grands : Barents, 
eu 1596, en tua un dont la peau avait 12 pieds et un autre 13. 
Son poids est en général de60o livres ou d’un demi-tonneau: il est 
couvert de longs poils d’un blanc-jaunätre, et il est particulière- 
ment velu vers le côté interne des jambes. Ses pattes ont 7 pouces 


(1) Cuvier, Recherches sur les ossemens fossiles (brèches osseuses), t. IV, 
pl.I, 6g.2,p.7, prem. édit. 
(2) Id, pl. IF, Gg. 13, p. 13. 


Tome XCF. AOÛT an 1822. 19 


146 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


au plus de largeur ; ses ongles 2 pouces de long; ses dents canines, 
en ne Complant pas la portion comprise dans les mächoires, ont 
environ 18 lignes de long. La force des mâchoires est telle qu’il 
est connu qu'ils peuvent couper en deux une lance, quoique faite 
de fer, de 6 lignes de diamètre. 


C’est un animal formidable, et parmi les quadrupèdes, le sou- 
verain des contrées septentrionales; il est puissant et courageux ; 
sauvage et plein de sagacité; en apparence grossier, mais très 
actif; ses sens sont extrêmement aigus, et spécialement sa vue et 
son odorat. Comme il traverse de grandes. étendues de glace, il 
monte sur les éminences, et regarde tout autour pour choisir 
une proie, en élevant la tête et prenant le vent, il perçoit l'odeur 
d'une charogne de baleine à une distance immense. Une pièce 
de (kreng) lard? jeté dans le feu, l’attire à un bâtiment à la distance 
d'un mille. Le kreng de la baleine, quoique détestable pour 
l'odorat de l’homme, est pour lui un véritable banquet. Les 
phoques lui servent de nourriture habituelle; mais la grande 
vigilance de ceux-ci, fait penser qu'il doit être souvent plusieurs 
semaines sans manger. Il est aussi bien sur la glace que sur la 
terre ; on en a vu à 200 milles du rivage ; il peut nager avec la 
vitesse de 5 milles à l'heure, et faire ainsi plusieurs lieues sans 
inconvénient ; il plonge aussi à une grande profondeur. 


Cet ours se trouve dans le Spitzherg, dans la Nouvelle-Zemble, 
au Groërland; sur la côte est de ce dernier pays, on en a vu 
sur la glace, en si grande quantité, qu'ils ressemblaient à un 
troupeau de moutons. 

On peut le prendre dans l’eau sans trop de difficulté; mais il 
est extrêmement hasardeux de l’attaquer sur la glace. Quand on 
le poursuit, il se relourne toujours contre ses ennemis. Lors- 
qu'on l’a atteintavec la lance, il l’arrache et la saisit avec sa 
gueule et la brise en deux ou trois morceaux dans ses mains ; 
s'il a été atteint d’une balle, à moins que ce ne soit à la tête ou 
au cœur ou à l'épaule, il est enragé plutôt qu'abattu, et cela 
augmente sa hardiesse contre ses ennemis. Lorsqu'il est parvenu 
à une certaine distance et qu'il est certain d'échapper, on l’a vu 
se retirer dans quelque abri et, comme s’il connaissait l'effet styp- 
tique du froid , appliquer avec ses pattes de la neige sur sa bles- 
sure. à 

Malgré son courage, il fuit cependant devant l’homme, à 
moins qu'il ne soil poussé à bout par la faim. Sa démarche or- 
dinaire est lente et hardie ; mais qnand il est poussé par le danger 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 147 
ou la faim , il prend le galop, et sur la glace, il peut aisément 
devancer un homme quelconque. 

Il se nourrit du kreng ou des carcasses de baleines, dans l’état 
où elles ont été abandonhées par les pêcheurs; de phoques, 
d'oiseaux, de renards et de cerfs, quand il peut les surprendre; 
d'œufs et en général, de toute substance animale qui tombe en son 
pouvoir. 

La chair de l'ours blanc est fort brune, savoureuse et sentant 
celle du jambon; un chirurgien y fut trompé, au point de croire 
que c'était du beff-steak. 

Le foie, comme l'a observé M. Scoresby, est nuisible et délé- 
ière, tandis que la chair et le foie des phoques dont il se nour- 
rit sont substantiels et fort bons. Des malelots qui en avaient 
mangé par inadvertance, ont été presque toujours malades; 
quelques-uns en sont morts, et sur les autres les effels ont été de 
faire peler la peau. 

Les ours polaires, quoiqu'il soit bien connu qu'ils se mangent 
l'un l’autre, sont extrèmement affectionnés pour leurs petits. La 
femelle, qui en a ordinairement deux à chaque portée, les défend 
avec un zèle et veille autour d'eux avec une telle activité, que 
souvent elle succombe à son attachement maternel. Parmi plu- 
sieurs faits de sagacité de la femelle d'ours, M. Scoresby en rap- 
porte un qui lui a été raconté par une personne digne de foi 
et bien informée el qui l’a suivi dans plusieurs voyages, comme 
chirurgien, 

Une ourse, avec deux petits sous sa protection, était poursuivie 
sur un champ de glace, par un parti armé de matelots. D'abord 
elle semblait solliciter ses petits à häter leur marche, en courant 
au-devant d'eux, en tournant autour et en manifestant par un gesle 
et par une voix particulière, son anxiété pour leurs progres; 
mais voyant que ses poursuivans gagnaient sur eux, elle les 
traîna (caried) ou les poussa (pütched), Van et l'autre alter- 
nalivement en arrière, jusqu'à ce qu’elle les eût fait échapper. En 
les jetant devant elle, on dit que ces petits animaux placaient 
eux-mêmes leurs pattes de travers, pour recevoir l'impulsion ; 
et lorsqu'ils étaient jetés quelques toises en avant , ils se mettaient 
à courrir, jusqu'a ce qu'elie les eût atteints; alors ils se dis- 
posaient eux-mêmes de la même maniere, pour une seconde 
manœuvre semblable. 


19. 


148 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


NOTICE 
SUR LE GENRE BAMBUSA ; 


Par Cuarres KUNTH. 


Rerzius (Obs. bot., V, p. 24) fut le premier qui reconnut que 
l_Arundo bambos de Linné devait former un genre particulier. Il 
le désigna sous le nom de Bambos, que Schreber changea en 
celui de Bambusa. Le caractère exposé par Schreber , dans son 
Genera, publié en 1789, ne laisse, quant à la précision, presque 
rien à désirer, et à la même époque, M. de Jussieu constitua avec 
une graminée arborescente de l'ile Bourbon, le calumet des 
hauts, son genre ÂVastus. On n'a qu'a comparer les caractères 
génériques donnés par ces deux botanistes, pour se convaincre 
qu'ils avaient sous les yeux deux plantes tout-à-fait différentes : 
le genre bambusa de Schreber présente des épillets à plusieurs 
fleurs, dont les inférieures hermaphrodites, les supérieures males. 
Chaque fleur consiste en un ovaire surmonté d’un style bifide, 
de six étamines, de trois écailles hypogines et de deux paillettes, 
dont l’inférieure enveloppe d’abord la fleur, dans la suite le fruit. 
A la base des épillets on observe plusieurs écailles semblables 
aux glumes des autres graminées, mais plus nombreuses. Dans 
le nastus, au contraire, l’épillet est composé d'un grand nombré 
de glumes, dont seulement la terminale renferme une fleur nue, 
c'est-à-dire, trois écailles nectarines, six élamines, un style à 
trois divisions profondes et point de paillettes. Cette structure 
présente quelque analogie avec celle de certaines espèces de 
schoenus. On trouve en outre à la base de la glume qui enveloppe 
la fleur, un pédicelle couché dans le sillon dorsal de cette même 
glume et portant à son extrémilé une pelle fleur stérile. Malgré 
ces différences bien sensibles, plusieurs botanistes ont réuni le 
nastus au bambusa, ils ont même confondu, sous le nom de bam- 
busa arundinacea , e nastus de M. Jussieu et la plante de Rheede 
et de Rumphius que Linné désigna sous le nom d'arundo bambos. 
Palissot de Beauvois, en conservant les deux noms, mais en les 
appliquant mal à propos à d’autres plantes, a encore augmenté 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 149 


Ja confusion. Le caractère et la figure du genre bambusa qu'il a 
donné dans son Agrostographie ne répondent pas bien à:la descrip- 
tion de Schreber; son nastus, formé avec une nouvelle espèce de 
bambusa (le bambusa T'houarsit, Nob.), qui lui a été communiquée 
par M. Aubert du Petit-Thouars, doit être supprimé; et le nom 
de nastus préféré, comme plus ancien , à celui de stemmatosper- 
mm , qui désigne chez lui le même genre. 


MM. de Humboldt et Bonpland ont fait connaître dans les 
plantes équinoxiales, deux autres graminées arborescentes de 
PAmérique méridionale, sous le nom de bambusa guadua, et 
bambusa latifolia. J'ai partagé d'abord (dans les Nova genera et 
spec., pl., tom. [.) leur opinion, en les rapportant également au 
genre bambusa ; mais depuis , j'ai reconnu qu'ils présentent des 
différences propres à la formation d’un genre distinct, quoique 
très voisin du genre bambusa. 

Le guadua (c'est le nom générique sous lequel j'ai réuni les 
deux espèces de MM. de Humboldt et Bonpland), a un style pro- 
fondément trifide; dans le bambusa, au contraire, il est, d’après 
le témoignage de Retzius, de Schreber et de Roxburg, seule- 
ment bifide. Le bambusa. a les fleurs inférieures hermaphrodites, 
tandis que dans le guadua, celles-ci occupent la partie supé- 
rieure de l’épillet. Nous sommes encore dans la nécessité de 
former du bambusa baccifera de Roxburg , un genre particulier, 
auquel nous conservons le nom de beesha, sous lequel il a été 
décrit par Rheede, dans son magnifique Æortus malabaricus. Le 
gros fruit charnu et quelques différences dans la structure des 
parties florales suffisent sans doute pour autoriser celle sépa- 
ration. 

Le chusquea, graminée grimpante .de l'Amérique équinoxiale, 
ne fut placée par moi, que provisoirement, dans le genre nastus, 
dont il diffère par le nombre des étamines et des stigmates. Je 
propose maintenant d'en former un genre à part. Le chusquea 
renferme deux espèces, le nastus chusque des Nova genera et spe- 
cies plantarum Americæ æquinoctialis et Yarundo quila de Poiret, 
très-différent de la plante de Molina. 11 me reste à exposer les 
caractères de ces cinq genres et à y rapporter les diverses es- 
pèces connues. 


120 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


1. Nasrus, Juss. (stemmatospermum , Beau.) 


Spiculæ oblongæ, compressæ, unifloræ. Glumæ crebræ , dis- 
tiche imbricatæ, superior florem involvens bermaphrodilum; 
reliquæ vacuæ. Flosculus sterilis pedicellatus ad basim glumce 
superioris inque ejus sulco dorsali reconditus. Paleæ nullæ, Squa- 
mie hypogynæ tres. Stamina sex. Stylus profunde tripartitus. 
Stigmata plumosa. Fructus ? 

Culmi arborei, ad nodos ramosi; ramis verticillatis, apice flo- 
riferis. Spiculæ paniculatæ. Patria, Ins. Afric. 

Nastus borbonica, (Bambusa alpina , Bory. — Stemmalosper- 
mum verlicillalum, Peauv, ) 


2. Bamsusa, Schreb., Roxb. 


Spiculæ oblongæ, compressæ, distichæ, plurifloræ. Flores 
1—53 inferiores hermaphroditi, 2—3 superiores masculi. Glumæ 
complures; infimæ minulæ; superiores paleis exterioribus (infe- 
rioribus) simillimæ. Paleæ duæ; superior (interior) marginibus 
inflexis florem includens. Squamæ hypogynæ tres. Stamina sex. 
Stylus elongatus, bifidus ex Schreb., Retz. et Roxb. (bi et trifidus 
in specie nova a celeb. Aubert du Petit-Thouars mecum com- 
muuicata. Sligmala plumosa. Caryopsis paleis inclusa. 

Culmi cæspitosi, allissimi, nodosi, e nodis ramos emittentes 
ramosissimos; ramis Junioribus pungentibus. Spiculæ verticillato- 
spicatæ ; spicis paniculatis. — Patria, India orient. et.? Madagas- 
caria. 

Bambusa arundinacea Roxb. (Illy Reed. Mal.,1, p. 25, t. XVI? 
Arundo bambos, Linn.?) 

Bambusa stricta, Roxb. 

Bambusa ‘Lhouarsii, species nova, a Cel. Aubert da Petit- 
Thouars e Madagascaria allata ibique, ipso teste, forsan haud in- 
digeua. Celeb. Beauvois hanc plantam pro Nasti specie sumsit et 
figuravit. ( 4grost., L XXV , f. 5.) 


3. GuaApuA, 


Spiculæ cylindraceæ , maltifloræ ; floribus distichis, nonnullis 
inferioribus masculis vel unipaleaceiïs neutris. Glumæ duæ. Paleæ 
duæ; inferior concava; superior bicarinata, florem includens. 
Squamæ hypogynæ tres. Slamina sex. Stylus profunde triparti- 
lus. Stigmala plumosa. Caryopsis paleis inclusa. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 151 


Culmi arborei, ramosi, ramis junioribus pungentibus. Folia 
plana , brevissime petiolata. Spiculæ spicatæ vel fasciculatæ, — 
Patria, America merid. 

Bambusa guadua et latifolia. Æumb. et Ponpl. 


4. Bees , Rheed. 


Spiculæ 3, 4 plurifloræ, distichæ; glumæ inferiores vacuæ vel 
florem masculum includentes, paleæ duæ, inæquales ; inferior 
(exterior) glumis simillima. Squamæ.... Stamina sex. Stylus unus. 
Stigmata tria, villosa. Pericarpium maximum, carnosum, ovatum, 
acuminalum , semen includens. 

Culmi arborei, mermes.Spicæ e nodis fasciculatim erumpentes. 
Spathæ spiculas involucrantes.— Patria, Ind. orient. 

Bambusa baccifera, Roxb. (Beesha, Æheed. Mal. , V, p.110, 
t. LX.) 


5. Crusquea. 


Spiculæ lanceolato-cylindraceæ, unifloræ. Glumæ complures, 
disuche imbricatæ, superior florem hermaphroditum involvens. 
Squamæ bypogynæ duæ (?). Stamina tria. Stylus bipartitus. Fruc- 
tus.….... 

Gramen altissimum, per truncos arborem ascendens, ramo- 
sum; ramis fasciculatis. Folia brevissime petiolata. Paniculæ ter- 
minales, ramosæ. 

Nastus chusque, Nov. gen. et spec. 

Arundo quila Poir. (nec Molinæ quæ spiculas habet tri- 
floras.) 


12 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


HISTOIRE 


De la chute d’un ancien Aérolithe dont il n’a pas été 
fait mention dans les plus nouveaux catalogues qu’en 
ont publié les Savans, précédée d’une disgression sur 
l'origine de ce phénomène ; par le chanoine AxGeLo 
BELLANT; 


Extrait del Giornale di Fisica di Pavia Bin. I, 1822; 
Par Eu A De. 


L'auTEur examine d’abord, dans son Mémoire, les diverses 
hypothèses imaginées pour expliquer l’origine des aérolithes, 
leurs rapports avec les étoiles tombantes et les aurores bo- 
réales, etc. Pensant, comme tant d’autres physiciens, que l’étude 
el la comparaison des phénomènes du même genre, pouvaient nous 
éclairer sur leur origine et leur cause, il a, comme les Chladni, 
les Fleuriau , les Izarn , les Pictet, les Razoumowski, les Re- 
musat, elc., compulsé les vieilles chroniques, fouillé dans les 
anciens musées et publié les observations qui lui ont paru avoir 
quelque analogie avec les aérolithes. 

Dès 1805, il fit connaitre ses premières recherches dans les 
Annales de Chimie de Brugnatelli, t. XXII. En 1809, il aug- 
menla le Catalogue des aérolithes connus, dans le Journal de 
Physique de Pavie. Quelques anciens musées, dit-il aujourd'hui 
dans le nouvel écrit que je traduis du même recueil, nous ont 
fourni depuis divers Mémoires sur le même sujet, et, ce qui est 
bien plos important, nous ont conservé pendant plus d'un siècle 
des pièces authentiques et originales, parfaitement identiques 
avec les aérolithes tombés de nos jours. 

Sans parler de celles recueillies dans le musée de Vienne et 
ailleurs , déjà citées dans le Journal de Physique de M. de Blain- 
ville, de février et avril 1821, de deux autres très remarquables 
du musée Moscardi à Vérone, décrites dans un recueil d'O- 
puscules intéressans, imprimé à Milan, etc. j'ai retrouvé dans un 
autre musée, dit M. Bellani, en partie conservé dans la Biblio- 


ET D HISTOIRE NATURELLE. 155 


thèque Ambroïisienne de Milan, la description d’un singulier 
aérolithe que je n’ai jamais vu rapportée dans nos nouveaux 
catalogues. J'avoue , ajoute-Lil, que plusieurs faits de ce genre, 
facontés par nos aïeux, ne sont pas appuyés de cette saine cri- 
tique qui devrait accompagner toujours les recherches d'histoire 
nalurelle, que plusieurs pierres, dites tombées du ciel, ou attri- 
buces à la Bidre. ne sont autre chose que des bélemuites où 
des petites pierres laillées; mais l’histoire que je me propose de 
raconter, me semble porter avéc elle toutes les preuves d'authen- 
ticilé que l’on peut désirer dans ces sortes de cas. 

Vers le milieu du 17* siècle, le musée Settalien était renommé 
à Milan. Il existe trois éditions de sa description faites dans un 
très court intervalle de temps. La première, écrite en lalin , en 
1664 , était intitulée: Museum settalianum Pauli Mariæ Terzagi 
descriptum , Dertonæ. La deuxième, en italien, parut deux ans 
après ; et la troisième, qui n’est qu’une réimpression de celle-ci, 
fut publiée à Tortone, en 1677, sous le titre de Museo 0 Galeria 
adunata del sapere e dallo studio del signor canonico Manfredo 
Settala nobile Milanese : descritto in italiano da P. F. Scarabellr. 
Le célèbre Seltala vivait encore et avait quatre-vingts ans, ainsi 
que c’est nolé sur son portrait qui est en tête de cette dernière 
édition, 

On lit au chapitre XVIIL de ce livre, continue M. Bellani, 
« il paraît évidemment démontré que la foudre doit être attribuée 
à une substance solide et pierreuse, et non à une exhalaïson d’une 
malière quelconque, d’après une pierre lancée des nuages qui frappa 
de mort subite un père franciscain de Sainte-Marie de la Paix à 
Milan, et qui est exposée à la curiosité du publie dans notre 
Musée. Afin que personne ne puisse en douter, je vais raconter 
les circonstances de cet évènement: 

 » Les autres moines du couvent de Sainte-Marie accoururent 
auprès de celui qui venait d’être foudroyé , autant pour satisfaire 
leur curiosité que par les sentimens de pilié qu'il leur inspirait, 
et parmi eux se trouvait aussi le chanoine Manfredo Settala. Îls 
examinaïént tous altentivement ce cadavre, afin de rechercher les 
effets les plus cachés du coup qui l'avait frappé, et ils recon- 
nurent d’abord que c'était sur l’une des cuisses , où ils apercurent 
une plaie noircie, soit par la gangrène , soit par l'action du feu. 
Poussés par leur curiosité, ils agrandirent la plaie pour en exami- 
ner l'intérieur et ils virent qu'elle pénétrait jusque dans l'os, et 
ne furent pas peu surpris de trouver au fond de cette blessure 


Tome XCV. AOÛT an 1822. 20 


154 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


une piere arrondie qui l'avait faite et avait causé la mort de ce 
moine d'une manière aussi affreuse qu'inaltendue. 

» Cette pierre pesait un quart d'once, les bords étaient aigus, 
elle ressemblait à un de ces deniers d'argent qui circulent à Milan, 
sous le nom de Philippe. Elle n’était cependant pas parfaitement 
ronde ; d’un côté, elle présentait un angle un peu obtus. Sa cou- 
leur variait tellement que d'une part c'était celle d'une brique, 
el que de l’autre elle paraissait couverte d'une croûte ferrugi- 
neuse, mince et luisante. Elle était en tout conforme à la descrip- 
tion qu’en fit le célèbre Ulisse Aldrovande. On la rompit au 
milieu, et il s’en exhala une odeur insupportable de soufre. » 

Il s’agit, dans cette relation, : ainsi que l’observe M. Bellani, 
de la chute d’un aérolithe à une époque peu éloignée de nous, 
au milieu d’une des villes les plus peuplées et les plus éclairées , 
dans l'enceinte d’un cloître où tant de sages religieux en furent 
les Lémoins, ainsi que beaucoup de citoyens recommandables, 
accourus sur le récit de ce prodige, entre lequels se trouvait le 
savant naluraliste Seltala, qui, devenu dès-lors possesseur de 
celte pierre, la placa parmi les rares productions que renfermait 
son célèbre musée, toujours ouvert aux curieux de tous les 
pays. 

Ce n’est point ici une pierre ramassée dans une cour ou déter- 
rée d’un champ après l'apparition d'un bolide, à la suite de quel- 
ques coups de tonnerre que bien des personnes supposaient, même 
dans ce temps, accompagnés d'une sorte de pierre. Il est con- 
staté que celle-ci fat extraite de Ja cuisse d’un homme tué par sa 
chute (1), quelque inconcevable que soit un effet aussi extraor- 
dinaire et aussi prompt, c'est une pierre enfin qui avait tous les 
caractères particuliers que l’on reconnait dans les aérolithes et 
qui différait essentiellement de toutes les autres substances pier- 
reuses; il ne peut donc y avoir aucun doute sur son authenticité. 


(1) M: Abel Remusat, en traitant des aérolithes de la Chine ( Annales de 
Chimie, t. X}), dit que quoiqu'il en soit tombé fréquemment au milieu de 
pays habités, on ne citedans la Chine, ni en Europe , aucun exemple d'homme 
qui eût été frappé, Le cas que nous venons de rapporter est donc le seul connu 
jusqu'à présent. : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 155 


Re 


MÉTHODE 


Pour conserver les Oursins , les Etoiles de mer et les 
Crustacés ; 


Par M. le Colonel MATHIEU (1). 


Ces animaux radiaires présentent de grandes difficultés pour les 
dessécher, de manière à enlever tous les principes destructeurs 
qu’ils contiennent. Les oursins surtout sont le tourment des ama- 
teurs; lorsqu’au bout d’un an ou deux, on est parvenu à dessécher 
la partie mucilagineuse ou membraneuse qui sert d’articulation 
aux baguettes, on croit être arrivé au terme de n’avoir plus rien 
à craindre de leur séparation avec le squelette; mais s’il arrive 
quelque orage violent ou des pluies de durée, l'humidité ramollit 
le ligament et tout tombe. J'ai beaucoup cherché pour remédier à 
ce grand inconvénient. J'ai cru qu'il fallait changer la nature de 
la substance mucilagineuse. J’ai cherché à la tanner en employant 
plusieurs des moyens usilés pour rendre imperméables les 
cuirs. Celui qui m'a réussi le mieux a été l’eau de chaux étendue. 
J'ai préparé par ce moyen les astéries les plus délicates-et les 
crabes. Chez ces animaux, la partie musculaire qui se trouve dans 
les pattes, quelque petite quantité {qu'il y en ait, éprouve par la 
grande chaleur une iransformation en corps gras, huileux et 
probablement acide ; car la partie crelacée des pattes tombe en 
poussière imbibée d’une substance grasse qui lui donne un aspect 
tout différent du naturel. Pour préparer les oursins, je vide leug 


I 


(1) M. le colonel Mathieu , pendant un long séjour à l'Ile-de-France, a re- 
cueilli et observé avec beaucoup de soin les animaux de différentes classes qui 
vivent ou qui abondent sur les côtes de cette île, si riche en productions marines. 
Le bel état de conservation des crustacés , oursins , étoiles de mer dont il a en- 
richi la collection du Muséum au Jardin du Roi, prouve que son procédé est 
efficace et par conséquent-bon à connaitre. Il serait heureux qu'il püt aussi pu- 
blier les observations qu'it a faites sur l’histoire naturelle des animaux qu'il a 
recueillis ; la position extrémement favorable dans laquelle il s’est trouvé si long- 
temps, leur donnerait une yaleur que ne peuvent presque jamais avoir celles des 
simples voyageurs. (R.) 

20, 


156 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


intérieur, en poussant en dedans la mâchoire ou la faisant sortir 
en masse. Puis l'animal plein de vie, lorsqueje l'ai tel, est mis dans 
de l’eau de chaux de manièreà y plonger; jel’y laisse 12 heures, puis 
je le retire et le mets à l'ombre ; lorsqu'il est bien sec, je le remets 
encore pendant 2 heures dans la mème eau , je le laisse sécher à 
l'ombre en soutenant avec du coton les baguettes, pour qu'elles 
prennent la position naturelle. Ensuite je mets la mächoire à sa 
place. 

Les étoiles, je les mets de suite vivantes dans l’eau de chaux et 
je suis la méme marche que pour les oursins. Je vide celles 
qui sont charnues, il ÿ en a de très délicates que l'on ne peut 
mettre dans l’eau de de que quand elles sont mortes; l'eau 
douce, dans quelques éspècés, leur fait éprouver une telle irri- 
tation qu'elles tombent en mille morceaux. Toutes ces articulations 
se délachent par la contraction. 

Pour les crustacés, j'enlève , l'animal encore vivant, le test que 
je lave à l’eau douce et le mets sécher à l'ombre. Je vide le crabe 
en enlevant tout ce que je puis, lant dans le corps que dans les 
pattes ét les pinces; je les mets 5 à 6 heures ou plus dans l'eau de 
Chaux, puisles metssécher à l'ombre, mais au sec ; je les remets deux 
fois dans l’eau de chaux, lorsqu'ils sont secs. Quand ils n'ont plus 
que peu d'odeur, je remets letest et conserve mon crabe à l'ombre. 
Les couleurs perdent peu de leur éclat et de leur naturel. 


Sur l’Ergot de l’Ornithorhynque. 


Dans une note publiée dans le Journal de Physique et dans le 
Bulletin par la Société philomatique, sur la structure de cet ergot 
singulierdont le tarse de l’oruithorhynqueest armé, jé pensais avoir 
mis hors de doute, que cet organe est percé à son extrémité et 
bien plus que l'os, que la partie cornée revêt, l’est lui-même dans 
toute sa longueur, et qu'il parait contenir un appareil venimeux. 
C'était là un point important à vérifier. Je ne crois cependant 
pas qu’il l'ait encore été. Un observateur anglais nia même, il y a 
un an ou deux, que l’ergot de l’ornithorhynque fût percé; mais un 
autre observateur de la même nation, s’est de nouveau assuré du 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 157 


fait, comme le prouve la notice suivante insérée dans le Journal 
philosophique d'Édimbourg. Le Dr. Trail deLiverpool , a eu der- 
nièrement l'occasion d'observer la peau de deux ornithorhynques, 
à la Nouvelle-Galles, l’un mäle et l’autre femelle. Les ergots dumile 
étaient remarquables par leur force et leur acuité. La perforation 
qui les termine est si extrêmement fine, qu'il n’est pas étonnant 
qu’elle ait échappé aux premiers naturalistes qui ont vu ces ani- 
maux. Le canal dans lequel elle s'ouvre, ne peut permettre l'intro- 


duction d'un crin de cheval; mai bien celle d'un cheveu de 
l’homme. 


Surun moyen d'éclairer le Cadran des Horloges publiques avec le gas. 


MM. John et Robert Hart de Glasgow ont imaginé un appareil 
très ingénieux pour éclairer avec le gaz, le cadran de l'horloge 
de l'église du Trône, de celle du bureau de la poste de cette ville. 
Cet appareil consiste en une lampe d’Argand, placée à quelques 
pieds du haut du cadran, et qui est renfermée dans une lanterne 
presque hémisphérique, et dont le devant est fermé par une glace. 
Ja parlie postérieure forme un réflecteur parabolique; le ca- 
dran recoit non-seulement les rayons directs, mais encore un 
cône de rayons réfléchis, en sorte qu'il est assez complètement 
éclairé pour qu'on puisse voir les heures et leurs subdivisions 
presque aussi distinctement qu’a la même distance pendant le jour. 
Pour masquer la forme arrondie de la lanterne, son dos est disposé 
en forme d’aigle déployé, sur lequel sont placées les armes de la 
ville, le tout soigneusement exécuté et doré. Le tuyau à gaz etla 
lanterne se meuvent, de manière à ce que celle-ci puisse être 
amenée jusqu’au clocher, pour être neltoyée, quand elle en a be- 
soin. Le gaz est d'abord brüle par le moyen d’un tube percé de 
manière , que lorsque le gaz sortant par les trous qui sont à une 
extrémité est allumé, il l’est aussi dans les trous qui se continuent, 
et alors le gaz dans l'intérieur de la lanterne est enflammé comme 
par une amorce de poudre à canon sèche. De cette manière la 
lunière peut ètre communiquée soit de la rue, soit du clocher. 
L'effet du cadran, ainsi éclairé , est à la fois gai, agréable et ulile. 
Par un artifice bien simple, l'horloge lâche une petite détente, 
un peu semblable au réveil des horloges de hois : cette détente 


ferme le robinet du gaz, et la lumière est éteinte au même ins- 
tant. (Edim. Phis. Journ.) 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


Dans le mois de Juillet 1822. 


Î 
Burou. 


à o. 


5 72 :760,42 Fa] 65 


755,64 
757177 
751,62 
754,18 


+25,25| 
421,25 
+41,50) 
758,11|+14:79 
761,61|+20,00 
3|+17,50 
+24,10 
3|4-23,09 
ll 101746,95|+-29,35 
| 15/753,97| 417,10 
fl141757,65|119,25 
É15/794,6714-18,50 
16//59,19/H-19,40 
12/7514) 22,00 
181751,55/+24,00! 
Al 191746,69|+21,00 
| 20[748,78 21,75 
E1211750,21 +22,00 
8122) 254,05|+19,25 
231754,83;+29,7D 
h1241750,95/ 24,50 
É1251753,55 +21,50 
h126/755,24|L24,25 
N|271754,01 420,00 
h|26/750,54/+18,60) 
41 29/748,94|+ 16,25 
R|301743,55 420,59 
K| 51/754,26 17,10 


797,721 420,5 


ŒN OUR DJD — 


1 


Therm. ‘H 


extérieur, 


fre Therm, 


à 0. fexteicur. 


22,4 
+-25,2. 
+27,5: 
+25 5c 
+25,75, 
+19,40 
+-20,60 
+-25,50 
+-26,30 
+25,75 
+#19,10 
+19,50 
+-51,25 
20,10 
749,89| 423,00 
791,02|+24,90 
750,45|+26,25 
746,76|+292,95 
748,58|-22,40 
749,76|+23,40 
724,49|+21,55 
755,74|4-25,55 
751,26|+25,75 
753,12|+23,00 
758,44 425,00 
753,79|+25 10 
749.501 +25,73 
ÿ747:Ë4) + 20,25 
17AR,58| 405,25 
:794,111#90,00 


8 757,54 

1797,22 
757,05 
750,89 
) |754,08 
3 758,52 
761,61 
760,27 
755,24 
754,60 
745,91 
754,62 
797.27 
753,33 


99 
79 
72 
77 |727,3b 


67 
67 


=H23,77| 70 [756.45! 


' 


À 3 HEURES SGIR. 


Barom. | Fherm, 


ho. [extericur. 


700,47|+421,85 
723,55|+24,00 
797,16|+24,75 
7535,8g|+29,10 
751,10|+25,10 
753,61|4-24,95 
758,78|419,90 
761,80|+21,75 
259,36|+-26,00 
751,51|#25,25 
792,92] +22,B0 
746,92|+17,50) 
755,06|-19,25 
755,21 |+-22,50 
759,30|+21,75 
743,37|+23,75 
750,87|4-23,00 
748.73|+-27,00 
746,7714-24,50 
748,00|+-22,4c 
749,31|+24,10 
724,89|+22,25 
752,94|4-23,40 
750,92|+26,75 
752,92|+22,60 
751,82|+4923,10| 6 
753,23|+24,50 
749,c 8| 424,00 
745,172 ro) 
748,42, 418,50! 7 
753,58 +19,40 73 


| Barom. 


| 


+24,12| 67 [757,02 


A 9 HEURES SOIR. 


Therm. 
extéricur. 


à o. 


760,q8|4-15,35 
754,50o|+17,00 
758,20|+18,75 
753,g91|+-292,40 
752,22|+19,00 
724,55] + 17.75] 95 
760,44/+10,b0 
761,64 +17,00 
758,65|+-19,50 
755,12|+19,79 
749,61|420,0c 
748,33|+ 19,25 
756,52 14,75| : 
756,444 10,79 
751,81|+18,50 
750,79|+16,25 
751,05|+19,00 
748,01 + 19,29 
747,58|+ 10,25] 
743,80 +16,50 
7bo,00|+-17,00 
756,02] + 16,50] 
751,93/+- 15,25 
752,18|+20,50 
753,12 417,50 
751,621+-16,25| 
752,91|+418,c0 
750,20| +17 79 
749,38|+17,90 
750,55/+ 14,49 
753,93 412,75! ( 
+18,30| 1 


Hygr. 


5 [29,55 414,1 


20,75] 9,29 
Ÿ+-24.00+ 15,26 


THERMOMÈTRE. 


Maxim, | Minim. 


+-22,oc|+19,608 
+24,00| + 10,50 
—+25,25|+13,00 
29,10 414,00 
+20,50| 416,75 
+-25,25| 15,00 
19,90] 13,10 
+21,75|+ 9 90 
—+-26,00| 119,75 
+26,25| + 14,79 
29,79] +16,79 


+24,10| 415,22 
+22,25| 4 15,50) 
+-29,50| +19.c0 
+-26,79 + 16,60) 
+-23,00| +16,79 
+-25,00| 415,29 
+-25,10|4-13 50 
+24 Co|+16,29 
+#22,50|+ 15,29 
+ 23,254 14,10 


417,25) 88 {423,40 +1 4,30 
16,94] 89 [+24,02|+ 14,35 


17,50! 85 |24,011+13,97 


+22,42| 50 |750,99 
22/75) 70,51 :97 


+23,0g| 72 [753,53 


2 


z 
9 


701,69|+20,64| 76 1751,34/+20,52| 71 ]750,78 
752 20|+400,61| 77 |751,82,4923,90| 71 175,21 


753,85 +-20,5g DAS 753,51| 03,10 71 ÿ752,81 


d 
Ù RÉCAPITULATION. 
| \ : Plus grande élévation. ....,... 61""64 le 8 
$ Baromètre... .). { Moindre élévation....,....... Trans le 30 
: A Plus grand degré de chaleur.... ag°10 le 
Thfruometres { Moindre dr de chaleur..... + à. 25 le f 
Nombre de jours beaux...... 20 
de couverts ........ 11 
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de brouillard. ...... 3 | 
de gelée... ROODAe © 
de neige..,........ o 
de grél: ougrésil.... o 
4 


de tonnerre........,. 


Dar TÉ ve PLUIE 


A MIDI. 


LE SOIR, 


| | ———_ —__— À ——_—_—_—_— À? ——_—_—_—_—_—_———— ee | —— | ——— 


4 tombée 
5 sur le haut 
7 dans He GARU 
# | Ja Cour. de Qbeer- 
mille mille 
1 
2 
| 3 
4 
5! 
6] 4,70 | 4,35 
7 
8 
gl] 0,35 0,25 
10 
11] 3,00 ,96 
12] 2,60 2,20 
13 
14 
15 
16 
17 
18| 10,00 9,80 
19, 4,90 | #,60 
20| 2,92 2,60 
21| 0,40 0,40 
22 
23 
25! £ 
a6] a,10 2,00 
2 
8 1,90 | 1,50 
4,50 4,10 
33) 4,05 4,09 
31] 5,80 5,70 
19 5,05 4,60 
2| 23,42 22,16 
3] 18,75 _1770 
[7e 144,45 


Thermomètre des caves 


VENTS. 
LE MATIN. 

O. Nuageux. 
0.-S.-0 Idem, brouill. 
0. Nuageux. 
0. Idem. 
S. fort. Couvert, pluieà gà. 
5.-0. Nuageux. 
N. Pluie fine. 
N.-0. Très nuageux. 
0. Idem. 
O. Nuageux. 
S.-O. Très nuageux. 
0. Pluie. 
N.-O. fort. | Très nuageux. 
O. Nuageux. 
E. Beau ciel. 
S.-0. Couvert. 
S.-O. Idem , pluie à 10h. 
S. Nuageux, lég. brouil. 
s.-O. Pluie. 
S.-S.-0. Nuageux. 
S.-S.-O. fo.jfdem, , pluie à 11#. 
S.-0. Couvert. 
S.-O. Nuageux, brouillard. 
S.-O. Nuageux. 
S.-O. Très nuageux. 
S.-O. Idem. 
S.-0. Nuageux. 
S. O. fort. |Pluie. 
S. fort. Idem. 
S.-O. Très nuageux. 
S.-O.fort. [Nuageux. 


Moyennes du 1°°au 11. 
Moyennes du 11 au 21. 
Moyennes du 21 au 31. 


Moyennes du mois. 


Très nuageux. 
Nuageux. 
Idem. 
Idem. 
Idem. 
Idem. 
Couvert. 
Nuageux. 
Très nuageux. 
Nuageux. 


Quelques gout. d'eau. 


Pluie et tonnerres. 
Nuageux. 

Idem. 

Légères vapeurs. 
Couvert. 
Quelques éclaircis. 
Nuageux. 

Idem. 

Idem, pluie à 11 
Pluie par intervalle. 
Couvert. 

Quelques éclaircis, 

Idem. 

Couvert. 
Nuageux. 

Très nuageux. 
[Quelques éclaircis. 
luie fine. : 

rs nuageux. 
Idem... pluie à 2}, 


La 


Phases de la Lune. 


Pile 4à ti 4m 


___|D.Q.les1à 11116" 5 


RÉCAPITULATION. 


INT ee iaie cree e 1 

INR a cer ce o 

BREL 55 3 suis L 

Jours dont le vent a soufflé du ee : i Le 3 5 
SE DMÉEAE ee 14 

(US EE SERA MT 8 

NEO ete 2 


cle 155, me9oo7 
l le 16, 


[Couvert. 


12°/099 } centigrades. 


Légers nuages. 
Très nuageux. 
Nuageux. 
Couvert. 
Beau ciel. 
Pluie, éclairs, tonn. 
Quelques éclaircis. 
Couvert, 
Quelques goutt, d’eau. 
Nuageux. 1 
Couvert. 
Pluie par intervalle. 
Beau ciel. 
Idem. 
Nuageux. 
Idem , pluie à 41. 
Nuageux. 
Pluie, éclairs, tonn. 
Nuag. “fort. avers. à 5/., 
11. forte av. à 241. | 
Nuageux. 
Quelques éclaircies. | 
Couvert. | 


Idem. 
Nuageux. 
Pluie et tonn. 
Nuageux, couy. à 1 0#.| 
Nuageux. | 
Plute par intervalle. : 
Idem et tonn. 


IIN.L.le18à of11's. 
IP. Q. le 25à 10156's, 


160 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc. 


Sur le moyen de préparer une Huile propre à étre:employee 
pour les Ouvrages d Horlogerie et autres machines délicates. 


L'nuire la meilleure pour diminuer le frottement dans les 
machines délicates, doit être entièrement dépourvue de loute 
espèce d'acide , de macilage, et être capable d’endurer un froid 
intense sans se congeler. L’huile, en un mot, doit étre de pure 
élaïne sans aucune trace de stéarine. 

Or il n’est en aucune manière difficile d'extraire l’élaïne de 
toutes les huiles fines et même des graisses, par le procédé de 
M. Chevreul, qui consiste à traiter l’huile dans un matras avec 
sept ou huit fois son poids d’alchool, presque bouillant; décantant 
le liquide, etl’exposant au froid. La stéarine se sépare sous la forme 
d'un précipité crystallisé, On fait alors évaporer la dissolution 
alchoolique jusqu'au cinquième de son volume, et l'on obtient 
l'élaine, qui doit être incolore, insipide, presque sans odeur, sans 
action sur l’infusion de tournesol , et ayant la consistance de l'huile 
d'olive blanche et difficilement coagulable. 


Sur un Tricarbonate de Plomb sulfate. 


Un magnifique échantillon de plomb carbonaté fat rapporté il 
y a quelque temps de Leadhills, par Alexandre Trving, qui en 
l'analysant , trouva que c’était un carbonate sulfaté. En examinant 
ces cristaux; M. Brewster a vu que ce n’était autre chose que le 
tricarbonate sulfaté de M. Brooke. Ce sant des rhomboïdes aigus, 
d'une dimension considérable, avee un clivage perpendiculaire 
à l’axe du rhomboïde. Leur couleur est vive et d'un vert de sève 
(sap-gren), En examinant leur structure optique, M. Breuwster 
a trouvé qu'ils ont deux axes de double réfraction, dont le prin- 
cipal coïncide avec l’axe du rhomboïde. Ce tricarbonate sulfaté 
cependant , ne peut avoir pour forme primilive un rhombhoïde 
aigu; il appartient plulôt au système prismatique de Mohs. 
(Edimb, Phis. Journ.) 


De l’Imprimerie de HUZARD-COURCIER, rue du Jardinet, n° 12. 


É _— L HEaTE EE 


ANNONCES. 


OUVRAGES NOUVEAUX. 


Traité des propriétés projectives des Figures; Ouvrage utile à tous ceux qui 
s'occupent des Applications à la Géométrie descriptive et d'Opérations géomé- 
triques sur le terrain; par J. V. Poncelet, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, 
capitaine au Corps royal du Génie, Membre de la Société des Sciences, Lettres 
et Arts de Metz. 


Un vol. in-4° avec figures , 1822. Prix, 16 fr., et 19fr. franc de port, 


Théorie de l'action du Charbon animal: 1°. sur les matières communes; 
2°. dans son application au raffinage du Sucre; présenté au concours ouvert 
ar la Société de Pharmacie de Paris; par Payen, manufacturier. 


Brochure in-8° , 1829. Prix, 1 fr. 25 c., et 1 fr. 5o c. franc de port. 


Cours de Mäâthématiques à l'usage de la Marine et de l’Artillerie ; par Bezout ; 
troisième partie, contenant l’Algèbre et l’Application de l’Algèbre à la Géo- 
métrie, avec des Notes explicatives ; par A. A. L. Reynaud; Ouvrage adopté 
par l'Université royale. 

Un vol. in-8&, fig., 1822. Prix, 6 fr. , et 8 fr. franc de port. 


Les Notes de M. Reynaud surl'Algèbre de Bezout ; formant un Traité com- 
plet, se vendent séparément, 


Un vol. in-8°, fig. , 1822.Prix, 4 fr., et 5 fr. franc de port. 


Méthode générale pour obtenir le résultat moyen d’une série d'Observations 
astronomiques faites avec le Cercle répétiteur de Borda ; par L. Puissant , Che- 
valier des Ordres royaux de Saint-Louis et de la Légion-d'Honneur, Officier 
supérieur au Corps royal des Ingénieurs-Géographes , etc. 


Un vol. in-4°, 1822. Prix, 6 fr. 5oc., et 7 fr. franc de port. 


Traité complet de Mécanique appliquée aux Arts, contenant l'Exposition 
méthodique des Théories et des Expériences les plus utiles, etc.; par, J. A, 
Borgnis. 

Neuf gros vol. in-4°.avec 249:planches. Prix, 189, fr. 

Chaque volume se vend séparément, savoir : 


De la composition des Machines , contenant la Classification, la Description 
et l'Examen comparatif des organes mécaniques. Volume de plus de 450 pages, 
avec tableaux synoptiques et 43 planches donnant les fisures de plus de 1200 
Il Lrganes de machines , 1818. Prix, 25 fr. 


enr 


Du Mouvement des Fardeaux, contenant la, Description et l’Examen des 
Machines les plus convenables pour transporter.et élever toute espèce de far- 
deaux, Volume in-4° de 334 pages et 20 planches gravées , 1818: Prix, 16 fr. 


. Des Machines que l’on emploie dans les Constructions diverses , ou Descrip- 
tion des Machines dont on fait usäge dans les quatre genres d'Architecture 
civile , hydraulique , militaire et navale. Volumie in-4° de 336 pages, avec 26 
planches, 1818. Prix, 20 fr. 


Des Machines hydrauliques, ou Machines employées pour élever l’eau né- 
cessaire aux besoins de Ja vie, aux usages de l'Agriculture, aux épuisemens 
temporaires et,aux épuisemens dans les mines. Vol. in-4° avec 27 planches, 
1819. Prix , 20 fr. 


Des Machines d'Agriculture, contenant la Description des Instrumens et 
Machines aratoires , des Machines employées à récolter les produits du sol et à 
leur donner les préparations premières ; des Moulins et des Mécanismes qui 
servent à épurer le blé et à bluter les farines , et'enfin , des pressoirs, des cy- 
lindres , des pilons et autres Machines employées à l'extraction des huiles et 
du vin , etc. Vol. in-4° avec 28 planches, 1819. Prix, 21 fr. 


Des Machines employées dans diverses fabrications; conténant la Deserip- 
tion des Machines en usage daus les grosses forges et dans les ateliers de Métal- 
lurgie, dans les papeteries, dans les tanneries, etc. Vol. in:4° avec 29 planches , 
1819. Prix, 21 fr. 


Des Machines qui servent à confectionner les étoffes , contenant la manière 
de préparer les matières filamenteuses , animales-on végétales , l'examen compa- 
ratif des moyens mécaniques employés dans’ les flatures; la Description des 
métiers avec leurs accessoires, pour toutes sortes d'étoffes, depuis les plus simples 
jusqu'aux plus figurées ; enfin, la manière de donner aux étoffes les derniers, 
apprêts avant d’être livrées au commerce. Vol. in-4° avec 44 planches, 1820. 
Prix , 50 fr. ? ; 


Des Machines qui imitent ou facilitent les fonctions vitales des corps animés ; 
euivi d'un Appendice sur les Machines théâtrales anciennes et sur les Procédés 
en usage dans les théâtres modernes, pour effectuer les changemens à vue, les 
vols directs et obliques et autres effets. Vol. in-4° avec 27 vlanches. Prix, 21 fr. 


Théorie de la Mécanique usuelle ou Introduction à l'étude de la Mécanique 
appliquée ‘aux Arts, contenant les Principes de Statique, de Dynamique, 
d'Hydrostatique et d'Hydrodynamique, applicables aux Arts industriels, Ja 
Théorie des moteurs, deseffets utiles des machines, des organes mécaniques 
intermédiaires et l'équilibre des supports. Vol. in-49, 1820. Prix, 15 fr. 


Ces Ouvrages se vendent à Paris, Chez Bachelier, gendre Courcier, suc- 
cesseur de M° veuve Courcier , Libraire pour les Sciences, quai des Augustins, 


n° 55. 


JOURNAL 
DE PHYSIQUE, 

DE CHIMIE, | 
D'HISTOIRE NATURELLE 
ET DES ARTS; 


AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
Par M. H.-M. DUCROTAY La BLAIN VILLE, 


: Docteur en Médecine de la Faculté de Paris, Professeur de Zoologie, d'Ana- 
tomie et de Physiologie comparées, à la Faculté des Sciences et à l'Ecole 
normale; ex-Suppléant de M. Cuvier au Jardin du Roi etau Collége de France, 
Membre de la Société Philomatique, Membre de la Société Wernérienne 
d'Edimbourg et de la Société d'Histoire naturelle de Dublin, etc. 


SEPTEMBRE an 1822. 


TOME XCWV. 


A PARIS, 


Chez BACHELIER, Gendre Courcier, Successeur de 
M VE Courcrer, Libraire , quai des Augustins, n° 55, 


| 


PRE RER ES 


hs ne 


7 


” 4 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Observations sur l'Ostéogénie; par M. H. Dutrochet, Page 161 
Mémoire géologique sur l'Allemagne; par A. Boué (Suite), 173 
Note sur la Pratique nuisible de tailler, rogner et couper la corne de la 

Fourchette des Chevaux ; par M. Bracy-Clarke, 201 
Mémoire sur les Animaux des régions arctiques; par M. Scoresby (Suite), 204 
Tableau météorologique , 210 
Examen du Sang et de son action dans les divers phénomènes de la vie; par 

J. L. Prevost , et J. A. Dumas , 212 
Sur la Poudre à Tirer; par C.J. Brianchon, 221 
Notice sur plusieurs espèces nouvelles de Poissons; par: M. Marion de 


Procé, 235 
Note sur un moyen imaginé par le D' Wollaston pour rendre visible 
l'existence de la magnésie dans une dissolution , 240 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


SEPTEMBRE an 1822. 


OBSERVATIONS 
SUR L’OSTÉOGÉNIE; 


Par M. H DUTROCHET, 


Correspondant de l'Institut de France, etc. (1), 


” [Us développement des êtres organisés se présente à l’observa- 
tion sous deux aspects différens : tantôt on observe le dévelop- 
pement de parties nouvelles, tantôt on voit des parties toutes 
formées augmenter de volume et de masse par un développement 
intérieur. Les animaux nous offrent ces deux modes ou plutôt ces 
deux variétés du développement. Dans les premiers temps de 
leur existence, ils s’accroissent par le développement de parties 


(x) Ce Mémoire a remporté le prix fondé par M. Alhumbert , et décerné par 
l'Académie royale des Sciences, dans saséance du 8 avril 1822, 


Tome XCV. SEPTEMBRE an 1822. 21 


La 


162 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nouvelles ; lorsque ce mode de développement a complété leur 
ètre, ils n'éprouvent plus-que le développement de totalité. Ainsi, 
il y a deux phases bien distinctes dans le développement des ani- 
maux : dans la première, les parties prennent la forme et l’organi- 
sation qu'elles doivent posséder, c'est le développement forma- 
teur; dans la seconde, les parties, complètement douées de leur 
forme extérieure et de leur organisation intérieure , augmentent 
simplement de masse, c’est le développement augmentateur. L'étude 
du développement formateur est encore neuve en Physiologie. 
L'organogénie est une science presque tout entière à créer ; chez 
les animaux on n’a guère observé d’une manière exacle que la 
formation des os, encore les observations faites sur cette ma- 
tière laissent-elles beaucoup à désirer. 

Les recherches de MM. Serre et Béclard , sur l'ostéogénie, 
ont appelé l'attention des physiologistes sur celte partie si obs- 
cure de la science des corps vivans. Mais ces ‘deux savans n'ont 
pas saisi les phénomènes de l'origine des os dans toute leur 
étendue; ils ont cherché à déterminer le nombre des pièces os- 
seuses dont les os sont primilivement composés, en observant le 
nombre et la position de leurs points d’ossification ; mais avant 
que ces points d'ossificalion se manifestent à l'observation, il 
existe des phénomènes d’ostéogénie extrêmement remarquables. 
Les os existent à l’état gélatineux avant de devenir solides par 
l'addition du phosphate calcaire; c’est dans cet état primitif qu’il 
faut les observer , si l’on veut acquerir des notions exactes sur les 
phénomènes de leur formation. La connaissance dunombre et dela 
position des points d’ossification est importante sans doute, mais 
elle n'apprend point le mode d’origine des. os, puisqu'il est vrai 
que ceux-ci préexistent sous l’état gélatineux au dépôt du phos- 
phate calcaire dans leur tissu. L’antériorité de la solidification des 
os ne prouve point du tout l’antériorité de leur existence. La nature 
vivaule, par une sorte de prévision, solidifie les premicres les 
parlies osseuses, dont l'usage est le plus précoce ou le plus 
important; aussi trouve-t-on à cet égard des différences singu- 
lières, non-seulement entre les différens animaux, mais même 
entre les parties analogues d'un même animal. On ne peut donc 
guère élablir de lois générales sur celte matière, car il est pos- 
sible de puiser dans l'observation des preuves confirmatives des 
opinions les plus opposées; j'ai donc cra devoir donner à mes 
observations une direction différente. L'apparition des points 
d'ossification ne m'a paru qu’un phénomène secondaire ; je me 
Suis spécialement atlaché aux phénomènes primitifs, à eeux que 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 155 


présente la formation des os sous l'état gélatineux. Ce sont ces 
phénomènes que j'entreprends d'exposer ici; mais avant d'entrer 
dans leur exposition, je dois offrir quelques considérations préli- 
. minaires. 

Toutes les parties du corps animal qui deviennent solides 
par l'addition du phosphate calcaire ne sont pas des os, à pro- 
prement parler, car on ne doit donner ce nom qu'aux organes 
originairement destinés par la nature à former la charpente solide 
du corps. Ne serait-ce pas, par exemple, abuser des mots que de 
donner le nom d’os aux ligamens, aux tendons ou aux artères, 
lorsque ces organes acquièrent de la solidité et de la dureté par 
le dépôt de phosphate calcaire dans leur tissu ? Il est donc indis- 
pensable de désigner ces parties, que leur solidité assimile aux 
os, par un nom particulier, afin d'éviter les idées fausses qui 
naissent trop souvent de l’abus des mots. Je diviserai donc les 
parties rendues solides par le phosphate calcaire en deux classes, 
1°. les os proprement dits ; 2°. les osteides (1). L'observation 
prouve qu'il y a des osteïdes qui font constamment partie du sys- 
(ème osseux dans son élat de perfection, et des osteïdes acciden- 
tels ; ces derniers sont morbides ou séniles , il n’entre point dans 
mon plan de m'en occuper. 

Les os se forment par une véritable végétation ; si ce phéno- 
rnène n’a pas encore été aperçu, C’est qu'il s'opère avant que ces 
organes soient assez développés pour être faciles à observer. Cette 
végétation n’est point apercevable chez les animaux à sang chaud, 
mais on la voit chez les reptiles , et notamment chez la larve de la 
salamandre aquatique; et chez les tétards des batraciens. C'est 
seulement sur ces animaux que j'ai fait les observations d’ostéo- 
génie que je vais exposer. 

Les os que l’on aperçoit les premiers d'une manière distincte 
chez la larve de la salamandre aquatique, sont les corps des ver- 
tèbres ; ils se présentent sous la forme représentée par la figure 1, 
chacun d’eux est compose de deux petits cônes creux el tronqués 
bb, opposés par leur sommet; ils ressembent en cela aux corps 
des vertèbres des poissons. Je donne à ces os le nom générique 
d'os dicônes {2); nous aurons occasion de les observer ailleurs. La 
moelle épinière, dépourvue de toute enveloppe osseuse, est située 
à la partie postérieure de la colonne vétébrale, uniquement for- 


(») Mot dérivé par contraction de esse , os et de dos, forme ou figure. 
{2) Mot dérivé de dis, deux fois, et de xares , cône. 


21. 


\ 


164 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mée par la série longitudinale des os dicônes dont je viens de par- 
ler. L’aorte est située à sa parlie antérieure. 

Si l'on suit les progrès de l'accroissement de ces petits os di- 
cônes, on voit qu'ils s’alongent de chaque côté par une véritable 
végétation de leurs deux orles opposés, et qu'en même lemps ces 
orles s’évasent; bientôt on voit naître sur leur corps des végé- 
tations osseuses qui diffèrent dans les diverses régions de la co- 
lonne vertébrale. Nous allons les étudier d’abord dans la région 
caudale, bien que ce soit dans cette région qu'elles sont le plus 
tardives à se developper. 

On voit paraîlre sur chaque os dicône ou corps de vertèbre deux 
petits bourgeons osseux & (fig. 2); ils s'accroissent par un déve- 
loppement végétatif, dont le siége paraît être principalement dans 
les pointes qui les terminent. Les liges osseuses qui en émanent 
se courbent en arc sur la moelle épinière , comme ou le voit dans 
la figure 5, où la vertèbre est vue d'avant en arrière : 4 cavité de 
l'os dicône ; bb productions osseuses qui enveloppent la moelle 
épinière , laquelle est située dans leur intervalle c. Ces produc- 
tions osseuses , comme on le voit, naissent sur deux points de la 
partie latérale et postérieure; de l'os dicône : plus tard, on voit 
naître, sur la partie antérieure et médiane de ces mêmesos, deux 
nouvelles productions dd (fig. 4), lesquelles tendent à envelop- 
per l'artère située dans leur mtervalle; plus tard encore; on voit 
que les productions osseuses qui enveloppent la moelle épinière 
se joignent et forment, en se soudant l’une à l’autre, un canal 
complet à cette dernière, comme on le voit dans la figure 6. Ces 
productions osseuses, qui à leur naissance étaient cylindriques , 
n’ont point tarde à s’aplatir et à former ainsi une lame osseuse 
qui végète par ses bords. La figure 5 représente, vue de côté, la 
même vertébre que l'on voit d'avant en arrière dans Ja figure 4. 
Telle ést la génération des lames des vertèbres; avant que leur 
réunion soit complète, on voil naître les apophyses transversesrr, 
dont les bourgeons producteurs ne sortent point de l'os dicône, 
mais bien de la partie externe des lames des vertèbres. 

Les vertèbres dorsales et lombaires diffèrent des! vertèbres 
caudales en cela qu’elles n’ont point d’apophyses épineuses anté- 
rieures ét qu'elles possèdent deux apophyses, transverses fort 
courtes de chaque côté. Ces apophyses 1: sont situées sur ces lames 
bb de la vertèbre (fig. 7); elles sont articulées avec les deux 
branches d'une côte fourchue, branches qui, dans le principe, 
paraissent former deux côtes de chaque côté ; l’une est fort lon- 
gue-xelalivement à l'autre ; qui ne s'étend que de l'apophyse à la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 165 


bifurcation. Je n’ai point vu l'isolement parfait de ces deux côtes ; 
elles sont, dans l’origine , réunies à l'endroit de la bifurcation par 
un faible ligament qui s’ossifie bientôt. 1] parait que ce sont ces 
deux côtes que l’on trouve isolées chez plusieurs poissons. Quoi 
qu'il en soit, il est certain que c’est de cette disposition que dé- 
rive la double articulation des côtes de la salamandre adulte. 

Les os dicônes vertébraux de la larve de la salamandre aqua- 
tique sont creux; leur centre, qui n’est point osseux, offre une 
cavilé tubaleuse ou plutôt doublement conique. Peu à peu le pro- 
grès de l’ossification obstrue ce canal central dans son milieu, 
c'est-à-dire à l’endroit où les deux évasemens coniques de ce 
canal sont réunis par leur sommet : l'os dicône vertébral n’offre 
plus alors que deux cavités cyathiformes isolées qui contiennent 
une substance gélatino-cartilagineuse. Ces os ressemblent en cela, 
comme par leur forme générale, aux corps des vertèbres des 
poissons. Vers l’époque de la métamorphose, on voit s’ossifier 
une production végéto-carlilagineuse qui sort de la cavité cya- 
thiforme antérieure de chaque os dicône vertébral. Cette produc- 
lion. osseuse arrondie, est une véritable tête articulaire qui 
pévètre dans l'intérieur de la cavité cyathiforme postérieure de l'os 
dicône situé au-dessus, et avec lequel elle s'articule: Cette tête 
articulaire, ajoutée ainsi après coup à la partie antérieure de 
chaque corps de vertèbre, est une véritable épiphyse semblable 
en tous points aux épiphyses articulaires des os des membres, 
ainsi que nous le verrons plus bas. La figure 8 représente une 
vertèbre dorsale de la salamandre adulte , vue par sa partie anté- 
rieure. 4 os dicône ou corps de la vertèbre, à tête articulaire, 
c cavilé articulaire. 

Le développement des vertébres est un peu plus facile à ob- 
server chez les tétards des batraciens qu'il ne l’est chez la larve 
de la salamandre aquatique ; aussi suis-je parvenu à voir, chez les 
télards , la formation des os dicônes vertébraux, formation que 
J'on n'aperçoit point du lout chez les salamandres. Le têtard qui 
se prête avec le moins de difficulté aux observations de ce genre 
est celui de Ja grenouille des arbres:( rana arborea ). La peau et 
les parties molles de ce tétard ont fort peu de consistance, il est 
par conséquent très facile à disséquer , surtout dans l'eau. 

La colonne vertébrale du têtard est, dans le principe, un cordon 
gélatinenx d'une seule pièce; on n’y remarque aucune trace de 
division; non-seulementl n'y a point d'os séparés, mais il n'y a 
point d'os du tout. Ce cordon gélatineux est revêtu par une gaine 
fibreuse d'une seule pièce. Derrière lui est située la moelle épi- 


166 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nière. Lorsque le tétard a acquis environ l’âge d’un mois, on 
commence à apercevoir de petites productions ou tiges coniques 
qui naissent de distance en distance et de chaque côté sur le cor- 
don gelalineux. Ces pelites tiges sont les premiers rudimens de 
l'enveloppe osseuse de la moelle épinière. La figure 9 représente 
la coupe transversale du cordon gélalineux dans l’un des endroits 
où il offre les deux tiges coniques dont il vient d’être question, 
a coupe transversale du cordon gélatineux; bd tiges gélatineuses 
et coniques qui, par léur développement, tendent à envelopper 
la moelle épinière située dans leur intervalle c. Quelque temps 
après les deux tiges gélalineuses 2b se bifurquent à leur extrémité, 
comme on le voit dans la figure 10. Plus tard, les deux branches 
internes courbées l'une vers l’autre, comme on le voit dans la 
figure 11, se soudent par leurs extrémités au point c, et forment 
ainsi une enveloppe, ou plutôt un cercle complet autour de la 
moclle épinière. Les deux branches externes dd forment ce que 
l'on appelle les apophyses transverses. 

Dans les observations qui viennent d’être exposées, il n’est 
point encore question de pièces osseuses. Tout est gélatineux 
dans les organes qui sont l’objet actuel de notre étude. A ce sujet, 
il est une cause d'erreur contre laquelle je dois prémunir les ob- 
servaleurs. En enlevant la peau qui recouvre le dos du tétard, 
on trouve une malière crayeuse assez abondante qu’on pourrait 
prendre pour une substance osseuse encore fort molle; mais il 
n’en est rien. Celle malière crayeuse qui est, je pense, du phos- 
phate de chaux, est déposée dans le tissu cellulaire qui environne 
la colonne vertébrale encore gélatineuse. Elle se trouve là, à ce 
que je pense, pour êlre absorbée par les organes gélatineux 
dont il vient d’être question, et pour servir ainsi à la formation 
des os auxquels ces organes doivent donner naissance. Ce fait 
n’est pas le seul qui me fasse penser que les organes, ou leurs 
élémens organiques, se nourrissent par l'absorption qu’ils exercent 
sur les matières que les vaisseaux déposent auprès d'eux. Mais 
revenons à l'objet de notre étude: ce n’est guère qu'après l’âge 
de deux mois que l’on commence à apercevoir chez le têtard de 
la grenouille des arbres un commencement d'ossification dans 
la colonne vertébrale. En observant à cette époque les tiges 
gélatineuses dont nous avous vu l'origine, on voit que les 
branches externes dd (fig. 12) se changent, en se solidifiant, en 
deux os dicônes ayant une épiphyse gélatineuse à chacune de 
leurs extrémités. Chacun de ces os dicônes est articulé avec 
l'extrémité supérieure de la tige b et avec l'extrémité inférieure 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 167 


de la branche interne g. Celte dernière et la tige ? deviennent 
aussi, en se solidifiant , des os tubuleux distincts qui ne sont joints 
que*par le moyen deleurs épiphyses; la tige à n’est plus continue 
avec le cordon gélatineux a, comme cela avait lieu dans le prin- 
cipe ; elle est articulée avec lui et s’en sépare avec beaucoup de 
facilité. Ainsi la tige bifurquée qui était d’une seule pièce dans 
le principe et sous l’état gélatineux se change en trois os dislincts 
en devenant osseuse. La tige Det les deux branches gd devien- 
nent chacune en leur particulier des centres d’ossification. Un 
phénomène analogue s’observe dans le cordon gélatineux a& du- 
quel les tiges b sont émanées. 

A l’époque que je viens d'indiquer, c'est-à-dire, lorsque la 
üge à et ses deux branches commencent à devenir osseuses, on 
commence aussi à apercevoir deux points d'ossification dans le 
cordon gélatineux & vis-à-vis de chacun des endroits où sont 
placées les tiges 4b. Ces deux points d’ossification deviennent de 
petils arcs osseux 22 qui se réunissent sur la ligne médiane posté- 
rieure du cordon gélalineux au point o et qui se soudent dans 
cet endroit ; en sorte qu’un seul arc osseux résulte de leur réu- 
nion. Plus tard, deux nouveaux arcs osseux ram (fig. 15) se ma- 
nifestent dans le cordon gélatineux a; ces deux nouveaux arcs 
osseux, par le progrès de leur accroissement, viennent se réunir 
et se souder l’un à l’autre sur la ligne médiane antérieure du 
cordon gélatineux au point s; l’autre extrémité de chacun de 
ces arcs osseux antérieurs se réunil el se soude aux deux extrémités 
de l’arc osseux postérienr £, lequel, comme nous venonsdele voir, 
a élé formé précédemment par la réunion de deux pelits arcs. Il 
résulte de la réunion de ces quatre pièces un anneau osseux qui, 
s’évasant un peu par ses deux bords opposés, devient un petit os 
dicône qui est le corps de la vertèbre du têtard. Cette formation 
des os dicônes vertébraux s'opère immédiatement au-dessous du 
sac ou tube fibreux qui, comme je l'ai dit plus haut enveloppe 
complètement le cordon gélatineux dans lintérieur duquel 
naissent ces os dicônes. Les diverses portions de ce tube qui 
correspondent à ces os deviennent leur périoste; les portions de 
ce tube qui correspondent aux intervalles de ces os deviennent, 
à ce que Je pense, les ligamens fibreux qui les unissent. Vers le 
temps où l’on observe la formation complete de l'os dicône ver- 
tébral, on voit lapophyse transverse d (fig. 15 ) se souder avec 
les pièces osseuses g et D; cette dernière se soude aussi à l'os 
icône ou corps de vertèbre sur lequel elle est fixée; ainsi ces 
diverses pièces osseuses isolées dans leur origine, ne font plus 


168 JOURNAL DE PUYSIQUE, DE CHIMIE 


un peu avant la métamorphose qu’un organe osseux continu dans. 
toutes ses parties. Vers la même époque, on voit naître sug la 
branche g deux petites proéminences cc que l'on voit complete- 
ment développées dans la figure 14 qui représente une vertébre 
de grenouille adulte vue par derrière. Ces proéminences osseuses 
bb, cc sont de véritables apophyses transverses, les unes anté- 
rieures et les autres postérieures; les appendices osseux 44, que 
l'on considère ordinairement comme des apophyses transverses, 
sont de véritables côtes. z est l'os dicône vertébral ou corps de la 
vertebre ; d l’apophyse épineuse; o le canal vertébral. Je viens de 
dire que l’on doit considérer comme de véritables côtes les longs 
appendices vertébraux que l’on considère ordinairement comme 
des apophyses transverses chez les batraciens. En effet}, ces 
appendices osseux ont la forme aplalie des côtes ; et dans l'ori- 
gine, ils sont articulés avec la vertèbre à laquelle ils se soudent 
de bonne heure. Cette articulation primitive suflit pour prouver 
que ce ne sont point des apophyses lransverses, mais bien des 
côtes rudimentaires. Ce fait coïncide avec les observations de 
MM. Serre et Béclard qui ont fait voir que les apophyses trans- 
verses des vertèbres cervicales et lombaires de l’homme sont 
véritablement des côtes rudimentaires et soudées aux vertèbres. 
Il résulte de ces observations qu'il n’y a point originairement 
d'os dans la colonne vertébrale des batraciens ; elle est d’une 
seule pièce et complètement gélatineuse dans le principe; la 
queue du têtard conserve même cette organisation jusqu’à l'époque 
de la métamorphose, époque à laquelle elle est entièrement ab- 
sorbée. Les corps des vertébres se forment dans ce cordon géla: 
tineux, de distance en distance et à la suite les uns des autres; 
alors seulement la colonne vertébrale se trouve composée de 
pièces articulées les unes vers les autres. Ainsi la formation 
des os est un phénomène tout-à-fait distinct de celui de la pro- 
duction des tiges gélatineuses ; ces dernières naissent el s’accrois- 
sent par une véritable végétation : les os se forment ensuite dans 
leur intérieur et dans leurs diverses parties. Chaque rameau en- 
gendre, dans son intérieur, un os particulier, et les tiges elles- 
mêmes, quand elles ont une certaine longueur , engendrent dans 
leur intérieur un certain nombre d’os placés à la suite les uns des 
autres. Ces os sont tous tubuleux dans le principe et leur forme 
est dicône. Cela est évident pour les corps des vertèbres et ne 
l'est pas moins pour les côtes qui dans la suite perdent cette 
forme, et deviennent des os aplatis. La formation des os dicônes 
xertébraux s'opère par la conjugaison de quatre pièces, ce qui 


+ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 169 


confirme la loi de perforation établie par M. Serre ; la loi de syme- 
trie de ce physiologiste se trouve également confirmée par ces 
observations, puisqu'il est certain que les quatre pièces séparées 
qui forment les corps des vertèbres des batraciens ont deux de 
leurs points de réunion sur la ligne médiane ; mais le physiolo- 
giste que je viens de citer, me semble s'être trop hâté de genéra- 
liser les résultats qu’il avait obtenus de quelques observations par- 
ticulières, en affirmant que lossification marche toujours des 
parties latérales vers Ja ligne moyenne. Chez les grenouilles les 
côtes deviennent osseuses avant le corps des vertèbres ; mais chez 
les salamandres, lescorps des vertèbres sont osseux avantles côtes ; 
ainsi, il n’y a point de généralités à établir sur l'antériorité de 
l'ossification des diverses parties; mais on peut établir, comme 
“un fait général , que les tiges gélatineuses dont l'existence précède 
celle des côtes osseuses et celle de l'enveloppe osseuse de la 
moelle épinière; que ces tiges gélatineuses, dis-je, tirent leur 
origine végélative du cordon gélatineux qui occupe la ligne 
moyenne et qui doit donner naissance dans son intérieur à la série 
des os dicônes vertébraux. Celles de ces branches gélatineuses 
qui sont dirigées en arrière, enveloppent la moelle épinière, et, 
s’élant jointes à leurs analogues du côté opposé, se soudent sur la 
ligne médiane postérieure; celles de ces branches gélatineuses qui 
sont dirigées en avant, donnent naissance aux côles. 

Les os des membres, chez les larves de salamaudre et chez les 
têlards, sont tous des os dicônes, qui ne différent véritablement 
des os dicônes vertébraux que par leur plus grande longueur; ils 
sont composés de même de deux cônes tronqués opposés par 
leur sommet. Les deux extrémités de ces os offrent de même des 
cavités cyathiformes : il n’y a point d'épiphyses; par conséquent 
ces os dicônes ne sont point arliculés ; ils sont même quelquefois 
assez éloignés les uns des autres. L’accroissement qui a son siége 
dans les orbes qu'offrent les deux extrémités de ces os, les rap- 
proche pen à peu les uns des autres. C’est alors qu’on voit pa- 
raitre les épiphyses qui, chez le têtard, naissent de la manière 
que je vais exposer. 

Si l’on observe avec soin le femur du têtard, quelque temps 
avant la métamorphose, on voit sortir des deux cavités cyathi- 
formes de cet os dicône, deux productions gélatineuses el arron- 

. dies; bc (fig. 15) ce sont les épiphyses naissantes. L’épiphyse 
inférieure € se partage en deux lobes qui sont les deux condyles 
da fémur. Je crois que la formation de ces deux condyles est due 


Tome X CF. SEPTEMBRE an 1822. 22 


170 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


à ce que l’épiphyse e molle et gélatineuse se moule dans les deux 
cavités cyathiformes du tibia d et du péroné f qui sont des os 
dicônes égaux en grosseur, et qui ne développent leurs épiphyses 
que postérieurement à l'apparition de celles du fémur. Ce qu'il 
y a de certain, c'est que les épiphyses réunies du libia et du 
péroné viennent se mouler en creux sur les deux condyles du 
fémur ; ces épiphyses sortent de même de l'intérieur des os 
dicônes auquels elles appartiennent. La figure 16 représente cette 
disposition : 4 fémur ; d tibia; c condyles du fémur; 2 épiphyses 
réunies du tibia et du péroné, 4 épiphyses inférieures de ces 
mêmes os qui sortent de même de leurs cavités cyathiformes ; 
b tête du fémur. L'épiphyse qui forme cette dernière et qui pré- 
cédemment (fig. 15) ne formait qu’une petile tête contenue dans 
la cavité cyathiforme supérieure, déborde acluellement cette 
cavité et enveloppe l'extrémité de l'os comme le chapeau d’un 
champignon naissant enveloppe son pédicule. 


Ces observalions nous apprennent que les épiphyses sortent 
de l'intérieur des cavités cyathiformes qui sont situées aux deux 
extrémités des os dicônes. Nous avons déjà eu occasion d'observer 
ce fait dans la formation de la tête articulaire des vertèbres de la 
salamandre. Nous avons vu que cette têle, 2 (fig. 8) est formée par 
l'ossification d’une production gélatino-cartilagineuse qui sort de 
l’intérieur de la cavité cyathiforme antérieure de chaque os dicône 
vertébral, production que l’on trouve de même dans les vertèbres 
des poissons, chez lesquels elle ne s’ossifie jamais. La formation 
des têtes articulaires, ou épiphyses des os dicônes des membres 
s'opère par un mécanisme exactement semblable. Ainsi, toute 
articulation est adyentive jusqu’à un certain point, sa forme est 
déterminée par la manière dont se rencontrent les épiphyses à 
leur naissance. Toutefois, ce rapport des épiphyses des os est 
sujet à des lois invariables chez tous les individus d’une même 
espèce; il est naturel, en effet, que chez eux les mêmes causes 
amènent les mêmes effets. 


Les os du tarse et du carpe s’éloignent ordinairement beau- 
coup par leur forme, des autres os des membres. Je pense 
cependant qu'ils sont, comme eux, des os dicônes ; mais ils u’ont 
pas éprouvé le même développement ; ils sont , en quelque sorte, 
avortés. Ce qui me le fait croire, c’est que les deux os du tarse 
et du carpe sont des os dicônes bien caractérisés chez les têtards. 
Pour ce qui est de la rotule, il est évident que c’est un osteide, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 171 


comme le sont les autres os sésamoïdes ; c’est une portion de 
tendon ossifiée. 11 en est de même, à mon avis, des apophyses 
des os des membres. Ces apophyses n'existent point dans Je prin- 
cipe, le trochanter du fémur, par exemple, n'existe point sur 
l'os dicône fémoral de la larve de salamandre, bien qu'il soit 
très marqué sur le fémur de l'animal adulte, Je pense que ces 
éminences osseuses sont des adjonctions faites à l'os par l’ossifi- 
cation d’une portion du tendon qui s'implante dans cet endroit. 
M. Serre a observé que ces apophyses formaient dans l'origine 
des noyaux osseux séparés de l'os; cela vient à l’appui de mon 
opinion. 

T'ous les autres os des membres, c’est-à-dire, les os du méla- 
tarse et du métacarpe et les os des doigts sont tous des os dicônes 
bien caractérisés chez les grenouilles et chez les salamandres ; 
ils sont placés à la suite les uns des autres, comme le sont les 
os dicônes vertébraux ; leurs épiphyses sortent de même de lin- 
térieur de leurs cavités cyathiformes. 


Les grenouilles n’ont que deux os à leur bassin; ce sont deux 
iléon qui sont articulés chacun avec une côle. Ces iléon sont, 
dans le principe, des os tubuleux et dicônes imparfaits; l’un 
d'eux est représenté par la figure 17; à iléon tubuleux, & épi- 
physe inférieure dont l'ossification commence par un petit arc de 
cercle; d cavité cotyloïde; g épiphyse supérieure articulée avec 
uné côté. Les épiphyses inférieures des deux iléon n'offrent d'a- 
bord aucune adhérence mutuelle, mais bientôt elles se joignent 
et se soudent l’une à l’autre par leur face opposée à celle où se 
trouve la cavité cotyloïde. Après la métimorphose, les iléon 
perdent tout-à-fait leur forme tubuleuse et deviennent desos plats. 
Nous avons déjà observé le même phénomène par rapport aux 
côtes. Il en est de même de l'omoplate qui est un os dicône ac- 
compagné d’une épiphyse fort large et aplatie, comme on peut 
le voir par la figure 18 qui représente lomoplate d’une jeune 
grenouille. à os dicône; b large épiphyse aplatie qui reste tou- 
jours cartilagineuse; € portion de la cavité glénoïde. Ces obser- 
valions nous apprennent que les os plats sont, comme tous les 
autres, dés os tubuléux et dicônes dans le principe. C’est par 
un mode de développement particulier qu’ils perdent cette forme 
originelle. Toutefois je n’étends point celte assertion aux os 
du crâne Sur lesquels je n’ai point fait d'observations qui méritent 


22. 


172 JOURNAL DE PHYSIQUÉ, DE CHIMIE ü 


d'être rapportées. Pour ce qui est des os du sternum , ils paraissent 
être, chez la grenouille, des os dicônes aplatis (1). 

Les pattes et la queue des salamandres se reproduisent, comme 
on le sait, après leur amputation. Si l’on observe cette reproduc- 
tion sur de jeunes larves qui sont transparentes, on n’apercoit au 
microscope aucune trace d'os dans les parties qui se reproduisent; 
il n’y a d’abord dans leur centre qu’un organe gélatineux évidem- 
ment sans divisions. Les os ne tardent point à se former dans 
ces organes gélatineux , et ce qu’il n’a été possible d’apercevoir 
touchant celte formation n'a convaincu qu’elle s'opère, comme 
celle des os dicônes vertébraux du têlard, c'est-à-dire, que des 
os isolés naissent à la suite les uns des autres dans les diverses 
parties d’une lige gélatineuse continue dans toutes ses parties. 
Comme cette tige gélalineuse est enveloppée par une gaine 
fibreuse qui est la continuation du périoste, il en résulte que la 
reproduction des os commence par une végétation da périoste qui 
contient une substance gélalineuse dans son intérieur; c’est un 
premier phénomène tout-à-fait distinct du second, qui consiste 
dans la formation d'os séparés dans les diverses parties de cette 
tige, ou de cette végétation fibro-gélatineuse qui est d’une seule 
pièce. 

Les salamandres reproduisent leurs pattes et leur queue autant 
de fois qu’on les coupe; non-seulement elles reproduisent leurs 
pattes, lorsqu’on les extirpe entièrement, mais elles reproduisent 
toutes les fractions de ces membres qu’on leur enlève. Ce phéno- 
mène, observé seulement à l'extérieur, a quelque chose de mer- 
veilleux, et je dirai presque d'accablant pour l'imagination. On 
ne pouvait l'expliquer qu’en supposant que ces animaux possèdent 
un nombre indéfini de germes de pattes et de germes de toutes 
les fractions possibles de pattes qui n’attendent que l’occasion 
de se développer. Cette hypothèse révolte la raison. Les observa- 
tions que je viens de rapporter, mettent à même d’envisager ce 
phénomène sous son véritable point de vue. Ces observations nous 
apprennent que les os des parties reproduites, ne préexistent 
point tout formés à l’état de germes, mais qu'ils se forment 
dans l’intérieur d’une tige engendrée par une extension végéta- 
tive du périoste qui contient une substance gélatineuse dans son 


(1) Chez le tamanoir (myrmecophaga jubata, L.), le sternum est composé 
de dix os dicônes bien caractérisés et munis d'épiphyses fort minces à chacune 
de leurs extrémités ; ils sont placés les uns à la suite des autres, comme sort 
les os dicônes de la colonne vertébrale et ceux des doigts. 


K& 


L] = 
Journal 72477772 SHénlembre 1822. 


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LA 
Poltier dec 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 173 


intérieur. Il est probable que les autres organes dont se compo- 
sent les membres reproduits ne préexistent pas plus que les os 
a l’état de germes, mais qu'ils sont comme eux formés après 
coup. Ainsi, la reproduction des membres des salamandres ne 
consisterait que dans le développement végétatif d’une tige à 
forme déterminée ; les organes dont se composent ces membres, 
se formeraient dans l’intérieur de ces tiges, postérieurement à 
leur développement. Cette explication, toutefois , est loin de 
détruire tout ce que le phénomène en question a de merveilleux, 
car il reste à déterminer qu’elle est la cause de la formation de 
ces organes loujours semblables à eux-mêmes. Celte question, 
au reste, rentre dans celle de la génération; car il n’y a pas de 
doute que la cause qui reproduit les paltes des salamandres ne 
soit la même que celle qui les produit primitivement dans l'em- 


bryon. 


SUITE 


DU MÉMOIRE GÉOLOGIQUE 


SUR L’ALLEMAGNE ; 
Par A. BOUL. 


GRÈS VERT, CRAIE CHLORITÉE ET CRAIE. En Angleterre et en 
France, le calcaire du Jura est séparé de la craie par un dépôt, 
plus ou moins considérable, de grès vert et de craie chloritée. Cette 
dernière craie est une marne crayeuse, plus ou moins endurcie et 
empâtant de pelites parties verdätres, et plus ou moins de grains 
ou de cailloux de quartz ou de roches siliceuses, comme autour de 
Saumur, de Dax et de Coudure. Lorsque ses débris arénacés 
viennent à étreabondans il se forme des grès marneux, et à la fin 
de vérilables grès quartzeux grossiers. Les grès renferment alors 
souvent des points verts ou noirälres el forment les véritables grès 
verts des Anglais, qu’on voit par exemple dans le Miane. 

D'autres grès ou. sables sont imprégnés de fer hydraté brunätre 
où jaunâtre, et forment alors le sable ferrugineux (Ironsand) 
d'Angleterre. Ces dernières variétés se voient bien daas la bande 


174 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

de grès vert et de craïe chloritée qui s’étend depuis Rochefort 
jusque vers Angoulême, Périgueux et Sarlat, et nulle part le dépôt 
n’est mieux caractérisé, savoir, par les minerais de fer hydraté 
disséminés el exploités cà et là, par les concrétions calcédoniques, 
par les fossiles marins ( Olive à Sarlat) par les lignites ou les bois 
siliceux ( Ile d'Aix, Sarlat) par les restes de plantes marines, 
(He d'Aix ) et enfin par une résine fossile jaunätre, presque sans 
acide succinique. ( Ile d'Aix, Bastènes près de Dax.) 

Lorsque ces grès, ou plutôt lorsque ces sables sont agglutinés 
fortement par un suc siliceux ou calcaire, et qu'ils sontexeimpts de 
parties verdätres, ils ressemblent au grès des paveurs de Paris, 
encore beaucoup plus que le quadersandstein; c’est le cas pour 
certains grès du Mans et de la Flèche. 

Ces débris arénacés, en général situés vous la craie chloritée, 
paraissent d'autant plus abondans, que ces dépôts sont plus rap- 
prochés des districts intermédiaires ou primitifs. 

Au-dessus de la craie chloritée, on observe dans le dépôt 
crétacé, deux grandes assises plus ou moins distinctes, savoir la 
craie marneuse ou grossière, (craie tufau de M. Brongniart ), et la 
craie proprement dite. La première qui estla plus inférieure, présente 
le plus de variétés dans sa composition, et peut souvent tromper 
le séologue par sa nature marneuse, compacte ou coquillère. Ces 
dernières variétés peuvent bien être observées dans la bande de 
craie grossière qui s'étend de la Saintonge septentrionale jusque 
dans le nord du département du Lot et Garonne. Les calcaires 
blancs compactes, non tachans, y montrent évidemment qu'ils 
sont le produit de coquillages brisés et accumulés ensemble par 
une force, qui n’a laissé subsister surlout que ces curieux fossiles 
nommés Caprine ( d'Orbigny ), Sphérulites ( Lam.) et Ichtiosar- 
colites. 
Ces trois grandes assises de la craie bien marquées dans les 
pays, que nous venons de nommer, ne $e retrouvent pas également 
en Allemagne, les deux divisions inférieures paraissent seules 
y exister ou du moins ce n’est que très rarement qu'on y voit de 
la craie pure; de là vient que les géologues allemands n'ayant pas 
une idée claire du dépôt crétacé, n’ont pas su reconnaitre cette 
formation, qûüand elle avait un aspect marneux. 

La craie des bords de la Manche se prolonge , comme l’on sait, 
in Belgique et s’y montre çà et là en lambeaux le long du terrain 
schisteux intermédiaire depuis Lille jusque vers Aix -La-Chapelle, 
mais déjà on y observe surtout les assises inférieures de ce dépôt, 
comme par exemple à Maëstricht et ailleurs. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 175 


Recouvertle ensuite de formations plus récentes, elle ne reparait 
qu’en Westphalie, et y constitue sous la forme de la craie chloritée 
verdâtre une bande de quelques lieues de large, s'étendant d'Unna 
par Soist jusque vers (Geseke et Lichtenau. 

Là, après une interruption, causée par les alluvions dela Lippe, 
elle reparaît près de Dornhagen et de Paderborn et forme au pied 
des montagnes du second calcaire secondaire ou du muschelkalk, 
une suile de petits coteaux qui s'étendent par Schlangen, Hans- 
tenbeck, Augustdorf, Brackivede, Disson, jusqu’au delà de Hilter 
dans l'Osnabruck. Ce sont les assises de la craie grossière, qui 
dominent dans ce dépôt, dont la plus grande épaisseur est dans le 
fond de cette espèce de grand golfe de Paderborn; savoir, entre 
cette dernière ville et Kleinenberg, où l'aspect du pays reporte 
le voyagenr en Picardie. 

Au nord des montagnes secondaires de la Westphalie, je n’en 
ai vu que des débris, mais dans le Hanovre on revoit les mêmes 
assises grossières au mont Linden près de Hanovre, à la porte de 
de la ville de Luneburg ; et dans la grande bruyère hanovrienne, 
les ondulations du terrain semblent indiquer que ce dépôt n’est 
pas fort loin de la surface. Même près de Hambourg, Les débris 
de ce terrain sont cà et là abondans. 

Plus à l’est on voit d’assez grands lambeaux de craie grossière 
près de Grasdorf, etsurtout entre ce village et celui de Unterelbe 
et de Salzgitter, il y a une suite de collines de celte craie, qui 
portent le nom de Ælber Berge ; tandis qu'a Trène on voit la craie 
chloritée fortement arénacée, ou autrement le véritable grès vert 
des Anglais. Il en existe aussi à Lackelnholz entre Wolfenbüttel 
et Brunswicket à Burgdorf, entre cette première ville et Goslar. 


Près de Goslar, le mont Ocker, à la porte orientale de la ville, 
offre les deux assises inférieures de la craie, superposées au qua- 
dersandstein. 

Entre Goslar et Isemberg, il y en a des petites éminences sur 
les bords de la Nirue avant Quenburg et à Lochten; à Isemburg 
même, on voit des dépôts de grès vert à l’est de cette ville à la 
sortie du boisnommé Xlosterholz; leur position sur le grès bigarré 
fait qu’on peut facilement ne pas les observer. 

J'en aï aussi vu près de Volksen, de Halberstadtet entre cette ville 
et Blankenburg, a Westerhausen, ainsi qu'entre Quedlinburg et 
Ditforth où un petit plateau de craie grossière recouvre le qua- 
dersandstein. 

Dans le reste du nord de l'Allemagne je n’en connais qu'a 
Prentzlow sur le lac Uncker dans le Brandenburg et daus l’extré- 


176 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mité orientale de l'ile de Ruggen. Néanmoins plusieurs contrées 
de celte grande étendue de pays plat et surtout celles où les bois 
äbondent, comme près de Sloëa et de Postdam, décèlent assez par 
la forme des collines et les débris abondans de craie, que ce dépôt 
n’est que faiblement recouvert de terrains tertiaires. 

Dans la partie occidentale de FAllemagne, je ne sache pas qu'il 
y ‘ait de dépôt crétacé; M. Schlotheim cite, il est vrai, plusieurs 
fois un banc coquiller crétacé, dans le Coburg, qu'il appelle 
graue Muschelbank. Le faitest qu'il existe bien un banc coquiller 
jurasique, dont nous avons parlé, mais mes recherches dans ce 
pays m'ont fait soupconner qu'il y avait erreur de localité et que 
celte craie chloritée si riche en pétrifications venait probablement 
du midi de la Bavière. 

Dans la partie centrale de l'Allemagne, la craie est fort étendue 
et y est connue depuis long-lemps sous le nom bizarre de 
Planerkalk. La craie chloritée et le grès vert y dominent princi- 
palement comme nous le verrons plus bas; jamais on n'y voit de 
craie proprement dite. 

Ce dépôt commence à se montrer en lambeaux épars, d’abord 
près de Mabhlès à l'est de Meissen au fond d’une espece de sinuo- 
sité granilique, puis à l’ouest de Dresde depuis Plauen jusque 
près de Strehlal, même au delà, au pied des montagnes siénitiques. 
A Colditz,il y en a sur le porphyre. Au sud de Pirna on en revoit 
des portions près de Zchist, et cà et la le quadersandstein en sup- 
porte quelques petits amas. 

En Bohème 1l en existe entre Toplitz et Bileü, et la craie gros- 
sière s’élend en dépôt assez considérable depuis les environs de 
Laun, jusqu'à Lobositz et Grabern, en supportant ca et là des 
cônes basalliques, comme près de Leitmeritz. | 

Plus au sud ce dépôt parait avoir recouvert autrefois tout le 
terrain de grès rouge et houiller, qui occupe peu près tout 
l'espace compris entre deux lignes tirées, l’une de Hohenmouth 
à Prague, à Beraun et à Duckau, et l'autre d'Eypel, à Laun et à 
Saatz, ainsi l'on retrouve à tout moment des petits amas de craie 
chloritée où de craie grossière, de quelques toises d'épaisseur, 
au-dessus des plateaux arénacés anciens, comme par exemple, au 
sud de Laun, près de Bischof Teinitz, à Schlan, à Knowis, à 
Brandies, à Czerhut, à Schroclers et à Gleük, près de Prague, près 
de Raudnitz, de Luschetz, le long de l'Elbe entre Gostorf et 
Melnik et Rzepin, près de Jung Bunzlau, pres de Starawota et 
près de Kolin et de Sbiflau, où le dépôt recouvre le gneis. 

Sur les confins de la Bohème et de la Moravie, ce terrain est 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 129 


encore plus abondant et quelquefois moins morcelé, ainsi on en 
voit des collines s'étendre du sud au nord près de Chaudin, de 
Chrast, de Chraustowitz ; et tout le plateau de grès rouge, entre 
Hohenmauth, Makow , Zwittau et Bohemish Tribau est recouvert 
de quelques toises ou de collines de craie chloritée ou marneuse. 
Le fond des vallées y est occupé par des grès rouges recouverts 
-d'argile plastique, et la cime des montagnes est couronnée de 
craie, comme cela se voit bien à l’ouest de Landseron au haut 
d'une montagne élevée de grès rouge et autour de Zwillau. 

Au nord de Tribaulacraie forme, à côlé des mêmes terrains et 
de lambeaux de quadersandstein, une suite de collines de plusieurs 
centaines de pieds d’élévation qui courent environ de l’est à 
l’ouest et se mettent probablement en communication avec le 
plateau crétacé, dont nous venons de parler. 

Enfin on en revoil encore jusque pres de Brisau au-dessus des 
schistes intermédiaires. Près de Lissitz le grès rouge supporte 
quelques collines de craie chloritée et delà jusqu’à Blansko on en 
observe çà et là de très petits lambeaugdans la vallée de Zwittowka, 
à Raiïtz, à Blansko et le dernier d’entr’eux se trouve dans le fond 
d’une sinuosité de ce vallon à Olomuczan. 

On voit évidemment que Ja craie a rempli le bassin de la Bohème, 
jusque dans ses moindres sinuosités, mais elle n’a pas passé les 
montagnes qui le bordaient, car si elle existe dans le bassin de 
la Moravie, de l'Autriche et de la Hongrie, ce sera sous une 
forme anomale, qui aura empêché jusqu'ici de la reconnaitre. 

D'un autre côté le mème dépôt de grès vert et de craie chloritée 
et grossière de la Bohème, abonde en Lusace et en Silésie et s'y 
montre de la mème manière en lambeaux épars, sur des formations 
plus anciennes, comme à l’ouest de Lawnberg et Lauben, etc. 
On sait qu’en Pologne elle abonde conjointement avec des dépôts 
calcaires terliaires et des calcaires qui, dit-on, sont jurasiques. 

Dans le grand bassin de la Souabe et de la Bavière, compris 
entre la chaine jurasique au nord du Danube et les Alpes, il 
paraît qu’il existe des marnes crétacées assez semblables à celles 
de Bohème , au pied des Alpes el même que cà et là ily a de la 
craie chloritée distincte, comme près de Berg ou Bergen, au sud 
de Munich et même peut-être près de Gastein. 

Après celle esquisse de la distribution générale de la craie en 
Allemagne, nous allons exposer les caractères de ce dépôt. 

Les roches toujours stratifiées de cette formation, sont pour la 
craie chloritée, de véritables craies marneuses chloritées, comme 
celles de France et d'Angleterre, comme près de Kolin en 


Tome X CF. SEPTEMBRE an 1822. 23 


130 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Bohème, d'Ilsemburg au Hartz ou de Bergen en Bavière; ou-bien, 
ce sont des roches plus arénacées, des grès verts blanchätres 
ou gris, comme près de Trène au Hartz près de Pirna, et à 
Bulweis près de Jung Bunslau ; ou bien ce sont des calcaires plus 
ou moins endurcis, dont les débris arénacés sont très fins et dont 
la décomposition est fort inégale, comme près de Lissitz en 
Moravie; ou enfin ce sont, comme dans la plus grande partie de la 
Bohème, des marnes calcaires blanchâtres, blanches jaunätrés ou 
grisätres, avec des taches et des veines d’un gris plus foncé ; elles 
sont quelquefois dépourvues de ces petiles parties verdätres et 
souvent assez mélangées de paillettes de mica, ce qui donne à ces 
roches une certaine structure feuilletée. 

Rarement on voit en Allemagne ce dépôt offrir des calcaires 
blancs plus ou moins poreux et composés de fragmens de coquil- 
lages, comme la craie grossière du nord de la Saintonge. Des 
exemples de pareille craie se voyent près de Planian en Bohème 
et au nord de Czernahova en, Moravie. 

Ces roches ne m'ont jamais offert de silex, mais j'en ai lrrouvé 
une variété qui était toute pénétrée de silice et était changée en 
une masse grossière d'un silex corné (Hornstein ), c’est la masse 
isolée d'Olomuczan en Moravie. 

La craie chloritée passe à la craie marneuse ou grossière, 
comme cela se voit à Goslar et dans plusieurs points de la Bohème. 
La craie grossière est blanche, souvent assez endurcie et non 
tachante, elle est rarement grise noirätre et même noirälre 
commeprès de Klenienberg en Westphalie, où elle ressemble alors 
à un calcaire compacte. 

Les silex pyromaques et cornés, y sont fort peu abondans, il y 
en a par exemple dans cette dernière variété décrite, ainsi que dans 
la craie de Goslar et surtout dans celles de Quedlinburg, qui est 
la plus tacharite de toutes. ; 

Les dépôts subordonnés à la craie se réduisent à quelques fs 
d'argile et à quelques dépôts ferrugineux, qui $e trouvent à sa 
partie tout-à-faitinférieure. Les argiles ressemblent étonnamment 
quelquefois aux argiles plastiques, ce sont des marnes verdäires 
ou jaunes verdätres, qui renferment même des pelites portions 
de lignites comme cela se voit en Moravie, près de Allstadt et près 
d'Obora où se trouve de la résine fossile semblable à celle de l’ile 
d'Aix. De là vient d'un côté qu’on a méconnu ces dépôts, et 
qu'on les a rapprochés des terrains tertiaires et de l'autre qu’on a 
confondu quelquefois une couche de grès vert, superposé à des 
lignites, avec le quadersandstein. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 179 


Les dépôts ferrugineux y sont rarement considérables et exploi- 
tables, ainsi l’on voit à Goslar au mont Ocker la surface fortement 
sillonnée du Quadersandstein , recouverte par une marne ferrugi- 
neuse brunâtre , renfermant des amas de craie chloritée, puis un 
lit de craie chloritée suivie d’une marne très pénétrée de beauconp 
de fer hydraté el recouverte de craie grossière; mais dans trois 
localités de Moravie le fer s'y est déposé bien plus abondamment; 
deux de ces localités se trouvent au milieu du calcaire de transi- 
tion près d'Olomuczan et de Ruditz et la troisième sur du gneiss à 
Salbäuka. 

Dans les premiers enduits, le dépôt occupe des cavités peu 
profondes dans le calcaire, il repose sur une espèce de grès et 
d'argile brunâtre fort douce au toucher, et il est recouvert d'une 
argile, d’un lit de sable et de la craie chloritée silicense. 

Le fer lui mème est du fer hydraté rougeàtre et brunûtre géo- 
dique, massif, réniforme, pulvérulent etrarement àstructure globu- 
liforme ; il est mélangé d'argile rougeätre très fortement imprégnée 
de fer et l'exploitation se fait au moyen de puits et de galeries (1). 

Il paraît que ce dépôt n’est pas le seul en Allemagne, car d'après 
M. Schmitz de Munich, l'amas de fer hydraté cellulaire de Berg, 
au sud de Munich, pourrait bien avoir la même position. Il de- 
vient même assez probable que certains amas ferrugineux des 
environs du Hartz, doivent être rangés dans celte catégorie. 

Les fossiles de la craie d'Allemagne ne sont pas très variés ; 
néanmoins, on y trouve plusieurs de ceux qui caractérisent ce 
dépôt dans d'autres pays. Ces fossiles ne sont pas également ré- 
pandus, surlout dans les assises de la craie chloritée; ainsi 
les collines de craie de Tribau ne contiennent presque point de 
fossiles, tandis que ca et la, dans le même voisinage, on y 
rencontre des amas de madrépores et de zoophytes d'une con- 
servation admirable. 

Les genres, et surloul les espèces, varient aussi, quelquefois 
d'une localité à une autre. 

Les fossiles y sont en moule ou plus fréquemment pétrifiés en 
spath calcaire ou en silex et rarement en pyrite ou en fer hydraté, 
et c'est presque le premier dépôt ancien, où se rencontrent déjà 
quelquefois des coquillages simplement calcinés. 

Dans la craie chloritée et grossière de la Bohème, on observe 


(1) C'est M. Teubner, savant aussi modeste qu'estimable:, qui dirige ces 
travaux et qui m'a fait connaître sur les, lieux ce. dépôt. 


23.. 


180 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


surtout des bivalves du genre mytiloïdes, dont quelques-unes 
appartiennent au mytiloides labiatus , qui atteint une grandeur 
fort considérable. Ce genre de fossile se trouve dans tout le nord 
de la Bohème avec des débris de ce qu'on appelle des pinnites 
et qui pourraient quelquefois appartenir au genre catulus Brong. ; 
il y a aussi des plagiostomes et d’autres bivalves. J'y ai aussi vu, 
près de Colin, des univalves turbinées, près de Prague et de 
Tribau , des débris de zoophytes, en particulier de madrépores; 
enfin, en Moravie, à Olomuczan, on voit des débris de piquans 
d'oursins el des impressions et des moules d’ammonites. 


Il est à observer que les térébratules sont extrêmement rares 
dans ce dépôt de craie inférieure de la Bohême, et qu'on y a 
découvert des écrevisses à Bushtitod , à 3 lieues de Prague. 

Près de Dresde, on voit au contraire dans les marnes chlori- 
tées, une grande abondance de térébratules, surlout de deux 
espèces, dont l’une est peut-être la terebratula octoplicata? Brogn. 
Elles sont associées avec une grande quantité de plagiostoma spi- 
nosa, Brong., et rarement avec des dents de squale , des piquans 
d'oursins et des moules elliptiques de serpules ou d’ammo- 
niles. 


Au nord du Hartz, les spatangues, les térébratules, les pla- 
giostomes et les impressions de zoophytes sont assez abondans 
dans la craie grossière de Quedlinburg, et dans celle de Goslar 
et d'Unter-Elbe. On y voit de plus, le catulus Lamarki, Brogn., 
et la terebratula conturnix? Brong. 


Dans le Paderbon, la même craie renferme une abondance pro- 
digieuse de mytiloïdes labiatus, Brong., de toutes les grandeurs 
et des spatangues, dont les plus communs sont le spatangus co- 
ranguinum. À y a aussi quelques trigonies. 


TerRAINS TERTIAIRES. Maintenant qu'on convait la position 
des terrains tertiaires, Von peut prédire d'avance, avec assez de 
sûreté, que dans telle ou telle contrée, il doit exister de pareils 
dépôts; ainsi, tout ce que nous connaissons de la situation pu- 
rement géographique et de la nature du sol des plaines du nord 
de l'Allemagne, de celles de la Russie, de la Valachie, des steppes 
ou déserts de la Russie asiatique , des bords {du Gange inferieur, 
des plaines du Misissipi et des bords maritimes des Etats-Unis 
et même de cerlaines contrées de l'Afrique, nous conduisent à 
y soupconner des dépôts tertiaires, même fort abondans; or, 
c'est ce que l'observation a déjà prouvé en parte, par exemple 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. , 181 


pour les bords du Gange et certains stéppes asiatiques , et c’est 
ce que les plaines d'Allemagne ‘ont confimé pleinement. 

Dans le nord de la France et en Angleterre, les dépôts tertiaires 
gisent presque entièrement dans des bassins crétacés, bien cir- 
conscrits, ces formations y présentent différens étages bien dis- 
tincts et faciles à reconnaître; mais dans le nord de l’Allemagne, 
celte régularité et ces alternations diverses ne sont plus si évi- 
dentes et l’on se trouve jelé au milieu d’un bassin immense 
rempli surtout d’argiles , de sables et de cailloux. 

D'après ce genre de dépôt, il est tout naturel que les géo- 
logues stationnaires de l'Allemagne , n’aient pas pu y reconnaître 
un terrain tertiaire ; ils ont bien décrit les lambeaux de ce ter- 
rain qui les avoisinaient , mais ils ont laissé à d’autres de déci- 
der si c’élaient des alluvions modernes ou plus anciennes. Enfin, 
ce n'est que lorsque la masse de faits semblables a été assez 
grande qu'on a pu les réunir en un tout et c’est ce que paraît 
avoir fait le premier , M. Keferstein, à qui la science est certai- 
nement redevable, pour le zèle avec lequel il cultive la Géo- 
logie, zèle qui est peut-être la cause de quelques-unes de ses 
erreurs. 

La partie centrale de l’Europe, dont nous nous occupons, 
renferme cinq grands bassins principaux, savoir : celui du nord 
de l'Allemagne, celui de la Bohëéme, celui des bords du Run , 
celui de la Suisse et de la Bavière et celui de l'Autriche et de 
la Hongrie. 

Aucun de ees bassins n’est identique avec ceux de France et 
d'Angleterre, mais chacun à quelques points de ressemblance 
avec €es derniers et si le bassin tertiaire du midi de la France 
ou du pied des Pyrénées, sert à lier les dépôts de ce genre 
du nord de la France avec ceux d'Autriche et de Hongrie, 
d'un autre côlé, ces derniers sont les dépôts intermédiaires qui 
servent à rallacker le bassin tertiaire du nord de l'Allemagne à 
ceux d'Angleterre et de France. 

A Fépoque de la formation de ces bassins, il parait évident, 
que la mer n'avait plus un niveau aussi élevé que celui qu’elle 
avait probablement auparavant, ou du moins ce n’élait que dans 
des bassins plus petits et situés plus avant dans le pays, que l’eau 
atteignait un niveau assez élevé. Aussi voit-on au bord de ces 
bassins , comme actuellement le long de la mer , les rochers per- 
cés quelquefois de trous de pholades, ce qui marque assez bien 
la hauteur des eaux de ce temps-là. Ce fait a lieu par exemple 
près de Vienne, le long des montagnes de calcaire de transition 


182 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


à Huttenberg , près de Bruck, etc., et dans le nord de l'Alle- 
magne, dans quelques calcaires et quelques grès secondaires. 


Bassin pu NorD DE L'AccemAcNe. Le grand bassin du nord 
de l'Allemagne, dont celui de Londres ne paraît être qu'une 
pelite sinuosité, est le plus grand de tous. Ses limites méridio- 
nales sont les terrains crélacés de la Belgique et de la West- 
phalie et une ligne ondulée qui passerait par Rheine, Hanôvre, 
Wolfenbuttel, Oebisfelde, Magdeburg, Gothen, Halle, Mersen- 
burg , Zeitz, Grenia, Grossenhayn , Buntzlau, Strehlen, Niesse, 
Loslau, Prauska et de là il s'étend au loin en Pologne et en 
Russie. 

Au nord, le bassin est limité par les mers du nord et la 
Baltique, les collines de craie du Holstein, du nord du Jutland 
et des îles Danoises , et les calcaires intermédiaires de la Liva- 
die; mais ses limites naturelles s’étendaient probablement encore 
bien plus au nord; ainsi de l’autre côté de la mer Baltique, il 
semble probable que les dépôts sablonneux et argileux du sud 
de la Suède, par exemple, entre les lacs Wattern et Wenern, 
ne doivent être regardées que comme des dépendances de ce 
bassin ou tout au plus comme des petits bassins adjacens et ayant 
communiqué une fois ou une autre avec le bassin principal, 
comme nous voyons que c’est le cas en petit pour les étangs ou 
les lagunes des bords de plusieurs mers. 

Dans la mer du nord, la place occupée par ce bassin devait 
ou doit être considérable, ou du moins la grande quantité de 
bancs de sable qui se trouvent entre le Jutland et l'ouverture 
du bassin de craie d'Angleterre, pourraient bien n'être pas 
entièrement des dépôts d'’alluvions plus modernes. 

Au sud, sur la limite méridionale de ce bassin, l’on observe 
six grandes sinuosités qui sont les places des anciennes baies. Co- 
logne est dans le fond de la première, Paderborn dans le fond 
de la seconde, ensuite les dépôts de muschelkalk, de quadersand- 
stein et de craie forment une suite de petites sinuosités jusqu'aux 
hauteurs d'Alvensleben, où l’onvoit les formations intermédiaires 
et secondaires du Hartz, inclinant au nord, reparaître avec une 
inclinaison au sud. 

Une quatrième sinuosité fort irrégulière se trouve aux envi- 
rons de Léipzig, une autre le long de l'Elbe et une sixième ex- 
trêmement profonde, remonte en Silesie avec l'Oder. 

En outre, les dépôts tertiaires de ce bassin ont trouvé moÿen 
de nénétrer fort avant au milieu des terrains plus anciens, au 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 183 


moyen des vallées et de leurs ramifications; ainsi l’on voit qu'ils 
s'étendent d’abord le long du Weser jusque vers Eschershau- 
sen et Holzminden, tandis que de l’autre côté, ils couvrent une 
pärtie des alternations du quadersandstein et des marnes jurasiques 
dés deux côtés de la rivière de Werra qui se rend dans le Weser. 
C’est encore par le Weser que ces depôts argileux, sablonneux 
el calcaires ont pénétré dans la Hesse, où les bords de la Fulda 
en offrent souvent, tandis qu’au moyen de la vallée de la Werra, 
ils sont arrivés dans les environs du Meisnér et même jusqu'au 
Rhingebirge , près de Tonna, etc. 

Le long de la Lecne, ils sont parvenus jusqu’autour de Hil- 
desheim , d’Alfeld et même jusque dans les environs de Gœæt- 
ungue. ‘ 

Au moyen de la Borde, ils ont comblé des concavités de craie 
et de muschelkalk ou de quadersanslein, et par la Saale et l'Un- 
strutt, les dépôts tertiaires de Léipzig et de Halle ont été mis en 
communicalion avec ceux des bords de l'Unstautt, près de Ar- 
tem, Sommerda et de Langensalza, 

En suivant les vallées et les vallons appartenant à l'Elstér, à la 
Mulde et à l’Elbe, l’on en rencontre cà et là des lambeaux, même 
sur les pentes de l’Erzgebirge. 

Je ne veux point decider ici la grande question, si ces der- 
niers dépôts étaient tous unis une fois au grand terrain tertiaire 
de l'Allemagne, j'ajouterai seulement que cela parait, au con- 
traire, peu probable pour plusieurs d’entre eux, qui ont plutôt 
l'air de matières accumulées dans un bassin fermé, qui ensuite 
s’est mis, au moyen de rivières, en communicalion avec de 
plus grands dépôts produits à peu près à la même époque et de 
la même manière. 

Dans d’autres cas, il est possible que cetle union ait existé et 
qu’on soit en droit de supposer de grandes destructions ; néan- 
moins on ne peut guére généraliser celte idée, car l’edu aurait 
joui d’une faculté toute particulière d’enléver jusqu'aux moindrés 
traces de dépôts tertiaires, dans les points intermédiaires entré le 
grand bassin et le petit bassin dans l'intérieur du pays; n'est-il 
pas plus simple de se figurer, sur le rivage de ces bassins, des 
étangs ou des lagunes plus ou moins séparées du bassin principal, 
dans lesquelles des matières auraïent été se déposer ? 

Les formations tertiaires du nord de l'Allémagne , reposent ra- 
rement visiblement sur la craie , ellés recouvrent bien plus sou- 
vent les térräins plus anciens, comme le quadersandstein,; en 
Westphalie, le muschelkalk au bord du Weser, le grès bigarré 


184 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


près de Halle, la grauwacke et les schistes intermédiaires près de 
Wilsdny et de Grunmitzschau , le granite en Lusace, etc. Elles 
entourent aussi des ilots de ces formations, comme ceux de craie 
que nous avons cités à Prenizion, ceux de muschelkalk, près de 
Ruclersdorfet de Kletzke, celui de grès bigarré, près de Klepzig, 
ceux de granite, près de Senfienberg, celui de gipse, près de 
Zossen, et ceux de porphyre à l’est de Léipzig. 

La masse principale de ces dépôts sont des sables quartzeux 
blancs-grisätres et jaunâtres, des sables grossiers à gros blocs de 
roches primitives, des marnes grises, noiràtres, jaunâtres , elc. , 
et des argiles verdâtres , jaunâtres, brunâtres, rougeätres et noi- 
ratres. î 

La grande difficulté est de classer ces produits, souvent si 
semblables, et offrant si peu de coupes naturelles assez grandes, 
pour qu’on puisse voir d’un coup d'œil leur superposition les uns 
sur les autres. : 


Néanmoins, on observe, dans les dépôts des petits bassins, que 
les argiles, qui sont dans les assises inférieures, contiennent sou- 
vent des lignites et des coquilles d’eau douce (Halle), et qu'ils 
sont recouverts de petits dépôts de sable, quelquefois à parti- 
cules verdâtres et à coquilles marines de genres analogues à 
celles qui caractérisent le calcaire grossier de Paris, où l'argile 
bleue de Londres. On trouve donc qu'il y a quelque probabi- 
lité à supposer les argiles à lignites, comme les parties infe- 
rieures du dépôt et certains sables quelquefois coquillers , comme 
représentant le calcaire grossier , d'autant plus que dans quelques 
localités, rares il est vrai, on retrouve le véritable caleaire gros- 
sier de France. 


Il ne reste donc plus alors qu’à classer les sables qui renfer- 
ment tant de blocs et les blocs primitifs eux-mêmes, qui sont à 
la superficie du terrain ; or, ici On manque entièrement de carac- 
tères pour les rapprocher des assises supérieures arénacées pari- 
siennes, malgré qu’il y ait cependant quelques probabilités que 
quelques-uns, du moins, de ces dépôts arénacés appartiennent 
aux sables marins supérieurs ; mais il n’y a ici ni formation de 
gipse indépendante, ni coquilles fossiles dans les sables. 


Placer les portions variées de ce vaste dépôt sous les trois di- 
visions d'argile plastique ou à lignites, de calcaire grossier et de 
sable marin supérieur, ce serait un travail presque impossible , 
je vais simplement indiquer quelques localités de chacun de ces 
dénôts en les décrivant. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 177 


ARGILE PLASTIQUE. L'argile plastique a ses couleurs ordinaires 
grises, bleuâtres, rougeälres, elc., comme cela se voit au 
Meissner, en Hesse, près de Lemgo et au sud de Berlin, la 
couleur noirâtre s’y rencontre souvent au milieu des plaines de 
l'Allemagne, où cette argile produit des fonds marécageux ou 
des prairies fertiles au milieu des déserts de sable , comme près 
de Zossen, etc. 

Souvent l'argile est marneuse où Pon voit des alternations d’ar- 
gile plastique etde marnes, qu’on pourrait souvent prendre,surtout 
sur les pentes de l'Erzgebirge, pour des alluvions fort récentes. 

Cés argiles alternent fréquemment avec des sables plus ou 
moins grossiers, comme cela se voit, par exemple, près de 
Tonnenburg, sur le Weser, où les cailloux quartzeux ou sili- 
ceux sont assez gros et mélangés avec des pelits blocs d’autres 
roches. Les sables sont blancs, jaunätres ou grisätres, comme 
à Zfeherben, dans la vallée de la Bega , et sont identiques avec 
ceux de l'argile plastique parisienne. 

Ca et là, ces dépôts arénacés sont agglutinés par un suc sili- 
ceux et forment des grès siliceux, quelquefois semblables à ceux 
des paveurs de Paris, et alors d'un aspect généralement plus 
compacte que ceux du quadersandstein, comme, par exemple, 
près de Halle, à Steinerems en Saxe, à Wilhemshohe (Cassel) 
et au-dessous du basalte du Meissner où le grès est à ciment cal- 
caire. En Hesse, il se rencontre encore çà et là et a été appelé 
quelquefois trapsantstein, parce qu'il se trouve sous les masses 
de basaltes, tandis que d’autres fois certains grès fortement ci- 
mentés des marnes du grès bigarré, paraissent avoir aussi reçu 
celte épithète, à cause de leur situation sous le basalte. 

Quelquefois ce grès renferme des morceaux de silex, comme 
. près de Dolau, et accidentellement non loin de masses porphy- 

riques, il empâte des cristaux de quartz, comme à Corbeda, 
prés de Merseburg. 

Les autres dépôts subordonnés de ce terrain sont surtout des 
amas d’argiles alunifères produites par la décomposition des 
pyriles, comme près de Friesdorf, sur le Rhin, et des amas de 
lignites. 

Ces derniers sont des bois bitumineux, comme à Tonnenburg, 
ou bien des lignites terreux, comme à Zcherben, près de Halle, 
ou des lignites jayels, mélangés de bois bitumineux et d’une 
espèce d’anthracite quelquefois irrégulièrement prismatique , 
comme au Meissner et en Hesse, ou enfin, presque toutes ces 
variétés se trouvent réunies, comme dans les environs de Cologne 


Tome XCV, SEPTEMBRE an 1822. 24 


158 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qui présentent aussi ces schistes bitumineux si feuilletés que 
M. Cordier a nommés dusodiles. 

Ces amas de végétaux ne paraissent pas être unis ensemble, 
mais ils ont l'air plutôt d’avoir été déposés, çà et là séparément 
en un ou plusieurs lits, suivant le plus ou moins de matériaux 
charriés et leur place est presque toujours dans des bassins dans 
l'intérieur du pays montueux, comme à Artern, à Tonn et à 
Kaltennordheim ou dans des petites sinuosites sur le bord de la 
grande pleine d'Allemagne , comme à Zittau en Lusace, à Baut- 
zen, etc.; du moins, c'est surtout dans ces lieux, que ces dépôts 
sont exploitables. 

Les endroits où de semblables couches se rencontrent, sont 
extrémemeut nombreux dans le bassin, dont nous nous occupons 
et servent assez bien à indiquer à peu près la place qu'y occupe 
l'argile plastique, si toutefois nous sommes en droit d'admettre 
que tous ces lignites lui appartiennent, ce qui est très diflicile à 
décider. 

Sur le Rhin, on connait d'abord le grand dépôt des environs 
de Bruhl , de Kerpen , de Leghenich, de Bonn (1); on la suit 
plus haut, en remontant le Rhin à Erpel, Mungendorf, Neu- 
wied et Emmendorf, près d'Ehrenbreiïtstein, où il repose sur du 
schiste argileux, tand® que sur la rive gauche du Rhin, il y en 
a aussi au pied des Siebengebirge. 

Plus au nord , près de Dusseldorf, les sables sont trop épais, 
pour qu'on puisse en apercevoir des traces; il en est de même 
dans beaucoup de points de la Westphalie; néanmoins, certains 
terrains noirâtres et marécageux en décelent peut-être, surtout 
entre Munster et Nienburg. 

Dans la vallée du Weser, on en voit des couches près de 
Munden Honter, Carlshatte et Tonnenburg, où l’on en exploite. 
Il y en a encore des traces dans les monts Solling. En Hesse, il y 
en a abondamment au Meissner, au Hahichtswald , au pied du 
Hirschberg, etc. Dans le Vogelsgebirge, il y en a près de Brauers- 
chwend, à Angerbach et Maar. Dans le Rhingebirge, à Kalten- 
nesrdheim, à Éichenreith et à Glucksbrunn , etc.; et près d'Eise- 
nach, à Kirschenhofen, et près de Niedernhof, des sables 
accompagnent de semblables amas. Au nord du Hartz, on en 
connaît près de Duderode, de Westerhof, de Helmstedt. Près 
de Halle, il y en a plusieurs couches puissantes près de Zcherben, 


(1) Voyez Keferstein über die basalié gebilde des westliken deutschlunds. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 179 


de Mertendorf, de Stedten, d'Helbra, de Dolau, de Langen- 
bogen , de Scharpplau 

On en décrit près d’Artern, de Nordhausen, d'Einheim, de 
Riestadtet, de Lotheim. 

Il en existe beaucoup de traces dans le Brandebourg, où Fon 
voit surtout des alunières exploitées dans les environs de Torgau 
et de Franenwald , près de Francfort-sur-l'Oder. Il y en a aussi 
dans le Mecklembourg, près de Domitz, et l'on connait celles 
qui existent le long de la côte de la mer Baltique entre Dantzig 
et Kæœnisherg. 

En Lusace, on en indique de grands dépôts, près de Wehrau, 
de Zittau, de Lukau, de Bautzen , de Muska, à Schloblau, près 
de Cotditz , où les lignites sontaccompagnées d'argile alumineuse; 
enfin, à Durben et Schwemmsas. 

En Silésie, 1] n’en manque pas non plus; à Kamnig et Tschas- 
chdorf, par exemple, il y a des liguites vitriolites. 

Plusieurs de ces amas ligneux ont bien l'air d’avoir été accu- 
mulés dans des bassins qui se sont écoulés, comme par exemple, 
près de Nebra et d’Artern, près de Beïdersée, non loin de Halle 
et près de Zittau en, Lusace, Dans cette dernière localité, 
M. Kühn, professeur à Feyberg, n’a communiqué que sur le 
côté ocidental du bassin, il y avait une épaisseur de 150 pieds 
de couches de lignites, alternant avec argiles, et qu'a l'issue du 
bassin, l'épaisseur n’y était plus que de 40 pieds et les bois ÿ 
avaient bien l'air d’avoir été accumulés violemment. 

L’épaisseur ordinaire des couches de lignites varie de quelques 
pouces, à plusieurs pieds, et rarement à plusieurs toises, elles 
offrent quelquefois, ainsi que les roches arénacées et sablonneuses 
qui les accompagneut, des accidens analogues d’affaissemens, de 
renflemens, de glissemens qu’on retrouve dans le terrain houiller 
proprement dit. 

Un accident des lignites est de donner quelquefois origine à 
des sources de pétrole, comme près Wiese, Sehnde, Hanningseu 
et à Edemissen dans Je Zelle. 

Les argiles plastiques renferment aussi quelquefois, outre des 
pyrrites, des cristaux groupés de gypse , ou même des lits de gypse 
terreux blanc , surtout lorsque le lignite est terreux , comme par 
exemple à Zcherben et ailleurs. 

Les autres minéraux distribués dans ce dépôt, sont des pelits 
rognons d'aluminite , qui paraissent provenir de la décomposi- 
tion du fer sulfuré, dont ils conservent quelquefois encore la 
forme, comme cela se voit près de Halle et probablement dans 


42. 


180 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


plusieurs autres localités où cette substance n'aura pas été re- 
marquée. 

Le soufre natif, massif ou pulvérulent , et probablement aussi 
un résultat de décomposition ancienne, se rencontre rarement 
dans leslignites d’Artern et de Soudershausen, c’est aussi là qu’on 
y a vu le mellite. ; 

Enfin, on y voit du Retinasphalte et du succin, les jocalités de 
ce dernier sont connues; c’est en Prusse où il abonde le plus ; on 
en a même retiré des lignites, sur lesquels une partie de Berlin 
est bâtie. 

Les fossiles de ce dépôt sont assez varlés dans les endroits où 
il y a des lignites où des argiles alumineuses; mais les sables ne 
renferment guère de fossiles, si ce n’est ceux qui sont tout-à-fait 
supérieurs et qui remplacent alors, en partie, les sables des 
assises inférieures du calcaire grossier francais. 

Les bois qui constituent les lignites, ont souvent assez de rap- 
ports avec plusieurs de nos bois européens, ils gisent horizon- 
talement ou d’une manière plus ou moins inclinée, et sont accom- 
pagnés d'impressions de feuilles ressemblant, à Kaltennordhein , 
à celles du saule , et en Hesse, à celles du noyer, du frêne, du 
platane, du bouleau , du chène et du pin. 

Les bois sont réduits en charbon minéral, en bois bitumineux, 
en jayet ou en pyrite et rarement en bois siliceux. 

On a trouvé souvent des fruits et des graines mcontestables , 
M. Schlotheim en cite quatre espèces (T'onne et Kaltennordheim, 
Meissner , Erpel), et même on en a observé renfermés dans de 
l'ambre. Rarement et dans quelques localités, on y a vu des 
empreintes de poissons, comme, par exemple, dans les schistes 
feuilletés des environs de Bonn el même on en a un exemple, 
dit-on, au Meissner. 

Des insectes de genres fort divers (au moins 14 en nombre) y 
sont connus depuis lorg-temps dans l’'ambre; rarement on voit 
aussi ces animaux conservés dans des lignites; ainsi, j'ai vu, ca 
et la, dans le lignite de Tonnenburg sur le Weser, des coléop- 
tères reconnaissables, dont M. le docteur Menecke, de Pyrmont, 
zoologue expérimenté, conserve des échantillons. Je ne sais pas 
si je m’avance trop, en disant que ces insectes sont surtout des 

enres de ceux qui habitent les eaux , qui volligent sur l’eau ou 
qui sont dans les bois. M. Schlotheim y cite des os d'oiseaux à 
Tonne. 

Les coquillages d'eau douce, telles que des bivalves, n'y sont 

pas rares, comme près de Halle et de Tonne, dans cette der. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 18r 


nière localité et à Kaltennordheim, on voit des planorbes et 
des lymnées, dans un lit bitumineux, sous le lignite, et ce 
combustible lui-même est recouvert d’une marne terreuse, avec 
des bivalves, des grosses paludines ( Ferrussac), H. viviparoïdes 
(Schloth), des nérites (neritites fluviatilis, Schloth}, et des mela- 
nies? (muricites carbonarius ,| Schloth.) 

_ Cette présence de coquilles d'eau douce n'avait pas échappé à 
l'illuetre géologue M. Voigt, et déjà, dès 1799, il citait l’argile 
plastique comme un dépôt d'eau douce. 

L'argile à lignite est employée dans une foule d’endroits, pour 
la poterie et pour faire des tuiles, et l’on peut observer, après 
tout ce que nous venons de dire, que ce terrain se trouve prin- 
cipalement le long de la rive méridionale du grand bassin, dont 
nous nous occupons , et sur les bords de la Baltique, tandis qu’ail- 
leurs, des sables et des blocs nous cachent peut-être son im- 
mense étendue. 


CarcarRe GRossIER. Ça et là les sables qui recouvrent les argiles 
à lignites, sont coquillers, comme près de Halle et dans le Mag- 
deburg, près d'Egeln, d'Osterweddingen et de Welsleben. Ces 
sables sont alors à parties verdâtres. 

J'y ai reconnu, dans la belle collection de M. le conseiller des 
mines Dietrich à Halle, les genres suivans de fossiles: calyp- 
trœa, venus, voluta, murex, cerithium, turritella, bulla, natica, 
dentalium, pectunculus, crassatella, mya, venericardia, mactra ? 
spondylus , corbula , ostrea , ainsi que des lunulites et des madré- 
pores; de manière qu’il ne reste aucun doule que ce ne soient 
des sables identiques avec ceux des parties inférieures du calcaire 
grossier. 

On voit encore çà et la des sables assez semblables, coquillers, 
auxquels on a peu fait attention jusqu'ici, c’est ainsi qu'on en 
connait près de Wehrau en Lusace, et à Kluss, près de Hars- 
leben, dans le Halbérstadt. ; à 

Il paraïtrait que ce dépôt comprend aussi une marne noirâtre 
avec des turritelles et des natices, qui forme une couche près de 
Barstadi, de Weitersleben et de Thale, au nord du Hartz. 

Plus au nord , dans le Mecklenburg, près de Stemberg, des 
marnes semblables renferment un grand nombre de belles pétri- 
fications tertiaires, surtout des genres fusus, natica, pyrule, 
cerithium, delphinula, trochus, cardium, et quelques-unes 
ont encore leur éclat nacré. On n’est pas encore sûr en Alle- 
magne , si les morceaux qu'on en possède, se trouvent là en 


182 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


place ou n'y sont que des roches dérivées des, îles baltiques qui 
presentent de semblables dépôts. 

Près de Hildesheim, à Dickholzen, des marnes argileuses jau- 
nätres, Sont recouvertes d’un sable argileux jaune et d’une couche 
calcaire de quelques pieds, qui est mélangée de sable ou plutôt 
il se lrouve là une marne calcaire jaunätre plus ou moins en- 
durcie par un suc calcaire et à petites parties verdàtres. Elle y 
occupe un espace d’une vingtaine de loises sur la pente d’un 
coleau et y renferme surtout des petits peignes, des échinites, 
des madrépores, des dents de squale et des balanes. 


Près d'Alsfeld, au Sieben Bergen, il y a un dépôt semblable, et 
entre Imersen et Gitlersen, au nord-ouest de Dronsfeld , on en 
counait aussi un pelit lambeau; la marne y est jaunàtre, sablon- 
veuse dans sa partie inférieure, et renferme des pectoncules , des 
turrilelles , des patelles et des solens. 

Près de Cassel, à Wilhelmshole, dans le parc, il y a aussi 
une petite quantité de ces miarnes, à peu près avec les mêmes 
coquillages. 

Dans la vallée de Bega, entre Hunfeld et Lemgo, près du 
cabaret Imresige, l'on voit au-dessus d’une argile plastique 
grisätre , qui forme le fond de la vallée, et au-dessus des sables 
quartzeux blancs et jaunes, un petit dépôt de calcaire qui a en- 
viron 200 pieds de longueur et une épaisseur probablement peu 
considérable, tout le pays d'alentour étant composé de grès 
bigarré: Ce calcaire est sablonneux dans le bas et à parties ver- 
dûtres , il est plus ou moins consolidé, et cà et là, il montre des 
petits filons calcaires, il renferme des bancs sablonneux pétris de 
pectoncules, et çà et là, il laisse voir des turritelles calcinées 
ou en moule, des petits peignes , de petites huitres, et rarement 
des nucleoles, des natices et des calyptrées. Il y a aussi quelques 
débris de madrépores et peut-être des vénus. 


Il représente, en un mot, parfaitement les assises inférieures 
du calcaire grossier parisien, dont les assises supérieures n'existent 
nullement dans le nord de l'Allemagne; n'est-il pas plusraisonnable, 
je le demande, de supposer que tous ces petits dépôts se sont 
formés dans des localités favorisées, que d'y voir des restes d’une 
formation fort étendue, et maintenant presque totalement de- 
truite. ‘ 

En Westphalie, je ne connais pas d’autres amas de calcaire 
grossier, mais en decà du Rhin, M. de la Jonkaire paraît avoir 
observé les mêmes sables coquillers et calcaires, et même les 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 1835. 


mêmes fossiles parmi les plaines sablonneuses de Maëestricht , 
d'Aix-la-Chapelle, de Bruxelles, d'Anvers et de Bruges, 


Saëces supérieurs. Les sables et les sables a blocs, ainsi que 
les blocs primitifs et intermédiaires qui forment le reste des grandes 
plaines d'Allemagne et qui recouvrent même souvent les dépôts 
précédens, sont sans fossiles qui leur soient propres. Ce carac- 
tère pourrait servir utilement à les distinguer des sables de l'ar- 
gile plastique, si teux-ci en contenaient toujours , mais comme 
ce n'est pas le cas, il est impossible souvent de dire dans quel 
sable on se trouve. 

Certains sables et certains amas de cailloux renferment beau- 
cuup de débris siliceux de la craie et même beaucoup de fos- 
siles de la craie, comme les sables de Leipzig, de Potsdam, du 
Holstein , ete. 

D’autres abondent en petits blocs de roches de granite, de 
roches amphiboliques et silicenses ou bien en granite, en gneiss 
eu en porphyre qu'on retrouve, suivant les géologues allemands, 
dans les groupes de montagnes au sud du bassin, landis que 
d’autres blocs de gneiss, de roches amphiboliques, de siénites et 
de calcaire de transition à orthocéalites , portant des caractères 
étrangers aux roches de l'Allemagne et semblables à ceux des 
roches de la Scandinavie. Ces derniers blocs surtout, abondans 
en mille variétés de gneiss, sont quelquefois énormes, et gisent 
surtout épars sur le terrain, comme si un torrent venu du nord, 
avait eu le pouvoir de les porter jusqu'a une certaine distance de 
leur lieu natal, qu'il n’eùt plus pu les supporter en continuant 
son cours, et qu'il s’en füt débarrassé petit à petit, en déposant 
d’abord les plus gros , et ensuite ceux de moindre grosseur, de 
menière que ces derniers se sont trouvés quelquefois transportés à 
des distances énormes dans la plaine, et même jusque dans des 
sinuosités méridionales du bassin. 

Ces blocs ne sont pas également répartis, les lieux où ils abon- 
dent le plus, soft les bords de l'Oder, surtout vers Francfort, 
cerlaines parties du Mecklenbourg et de la grande bruyère du 
Hanôvre. 

Est-on en droit de réunir tous ces dépôts sous une seule divi- 
sion, ou même peul-on les comparer, en partie du moins, aux 
sables tertiaires marins supérieurs de là France ? 


MAnNEs ET TUFS CALCAIRES D'EAU DOUCE. Je ne connais. 
dans le nord de l'Allemagne , aucun terrain identique avec celui: 


184 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


du terrain tertiaire supérieur d'eau douce, si ce n’est pres de 
Sternberg, dans le Meckclenbourg , où il doit exister des lam- 
beaux ou des débris de calcaire d’eau douce à lymnées et à pla- 
norbes, mais il y a dans cette contrée un grand nombre de dépôts 
qui sont peut-être encore plus récens que les terrains tertiaires 
français, ce sont des amas épars de terrain d’eau douce, ren- 
fermant des débris de grands mammifères de genres et d'espèces 
éteintes sur le globe, ou du moins d’espèces qui ne vivent plus 
dans l'Allemagne. 

Ces fossiles sont souvent accompagnés de coquilles lacustres , 
fluviatiles et terrestres, de genres et d'espèces existantes encore, 
plus ou moins fréquemment, dans le même pays. 

Ces dépôts sont formés de marnes argileuses ou de tufs cal- 
caires plus ou moius consolidés. Les marnes peuvent être faci- 
lement confondues avec celles de l'argile plastique, quand il n'y 
a pas de fossiles ; quelquefois elles sont sablonneuses. Je ne sais 
si c’est à de semblables dépôts qu'on doit attribuer les os d'élé- 
phans et de tapirs trouvés près de Herzherg et dans le comté de 
Hohnstein. 

Du reste, ces dépôts sont si morcelés et si difficiles à étudier, 
qu'on n'aura pas de long-temps des idées claires sur leur nature; 
mais il n’en est pas de même des masses plus ou moins étendues 
de tufs calcaires qui se trouvent surtout dans le fond des vallées 
de muschelkalk, ou au moins près de grandes masses calcaires, 
tandis que les marnes d’eau douce sont surtout sur les bords des 

randes rivières. 

Ces tufs calcaires sont composés d’un calcaire plus ou moins 
compacte et caverneux , de couleur brunätre, jaunätre ou noi- 
râtre, il renferme souvent des coquilles d'eau douce calcinées, 
des genres planorbe, lymnée , paludine , succinée, physe ; je n'y 
ai pas vu de bivalves; mais des coquilles terrestres des genres 
hélice et clausilie, comme à Pyrmost, des débris de végétaux 
aquatiques, des graines de plantes de ce genre et des impressions 
de feuilles s'y. voient assez fréquemment, comme à Wolitz, près 
de Jéna, à Pyrmont, etc.; quelques-unes ressemblent à celles du 
saule, du frêne , du platane , etc. 

Des ossemens de grands et petits mammifères et même d’oi- 
seaux y ont élé reconnus; ainsi, on a trouvé des os de rhinocé- 
ros à Pyrmont; on connait la grande abondance d'os de petits 
rongeurs que renferme le tuf calcaire de Robschitz dans Île 


Trebitschthal, les os d’éléphant, près Ober-Wellmar;et de 
Thiede, etc. 


EY D'HISTOIRE NATURELLE. 193 


La position de ces dépôts, fort locaux, est quelquefois assez 
problématique; mais, d’autres fois, on les voit au-dessus de fonds 
tourbeux, comme cela paraît être le cas à Pyrmont, gissement 
qui semblerait bien les éloigner des terrains d’eau douce tertiaires 
supérieurs de la France, qui sont d’ailleurs d’une nature com- 
pacte et particulière , nullement comparable à celle de ces amas 
tufacés. . 

Il n’est pas improbable que dans quelques lieux, des sources 
soient surtout la cause de cette formation. 

Aux localités déjà citées, je puis encore ajouter qu’on en voit 
près de Gættingue, de Dollstadt, de Jéna, de Weimar, de Géra, 
de Longensalza et du Meissner, etc. 

Dans quelques vallées de muschelkalk, l’on observe encore 
quelquefois sur la pente des montagnes des agglomérats de 
morceaux angulaires de calcaire agglutinés plus ou moins for- 
tement, par de la chaux carbonatée concrétionnée, comme par 
exemple sur le pied du Muhlenberg à Pyrmont ; l’âge de ces dé- 
pôts m'est inconnu, quoiqu’ils puissent être fort récens. 


Bassin pe LA Bonëme. Dans le grand bassin de la Bohéme, les 
dépôts terliaires sont fort abondans et se présentent à peu près 
de même que dans le nord de l'Allemagne, à l'exception que 
les sables, les cailloux n’y sont pas en si grande quantité, et que 
les blocs énormes et les sables supérieurs y manquent totale- 
ment, 


ARGILE PLASTIQUE. L’argile plastique y forme avec des couches 
abondantes de lignites un dépôt très puissant, le long du pied de 
l'Erzegebirge, depuis Culm jusque vers Komptan et Priesen et 
sa limite méridionale est formée par les basaltes du Mittelgebirge 
et par une ligne se prolongeant à peu près de Wolepschitz jus- 
qu'à l'Eger. se 

Au moyen de cette rivière, le dépôt remonte encore plus à 
l'ouest, et s'étend en assez grande quantité de Schlackenwarth 
à Carlsbad et à Falkenaw, sur le bord septentrional de l’Eger. 

Dans les autres parties de la Bohème, il est trop épars pour 
qu’on puisse l’y indiquer partout; il repose cà et là sur lacraie, le 
quadersandsiein ou le grès rouge, comme près de Laun, à 
Bischof Tecnitz, à Krowis, à Telshowitz, à Bukow, à Leitmeritz, 
à l’ouest de Chrudin, près de Laudscron, etc. 

Il s'étend jusqu'en Moravie, où on le retrouve, par exemple, 
près de Tribau , de Boskowitz, de Lissitz, de Czernahora, etc. 


Tome XCV. SEPTEMBRE an 1822. 25 


194 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Il n'est même pas impossible que le bassin d'eau douce dans 
lequel s'est fait ce dépôt, ait eu quelque communication avec 
le bassin de la Moravie et de l'Autriche; du moins, ce n’est 
que dans la Moravie septentrionale, où nous trouvons quelque- 
fois les parties supérieures du dépôt argileux, pétries de coquil- 
lages marins, analogues à ceux qui caractérisent le calcaire 
grossier. Néanmoins, il est aussi possible qu'il n’y ait pas eu de 
communication et que le bassin de la Moravie méridionale se soit 
prolongé jusqu’à ces localités coquillères. 

Les argiles plastiques présentent, comme ailleurs, des argiles 
grisätres, rougeätres, brunätres, jaunätres et noirätres, ou bien 
des marnes, et elles servent, dans toute la Bohème, à faire des 
tuiles et de la poterie grossière. 

Les argiles noirâtres sont souvent alunifères, comme près de 
Chendin et elles remplacent fréquemment, dans le centre de la 
Bohème, les lignites qui sont accumulés dans le nord. 

Quelques couches sablonneuses assez grossières , se rencontrent 
dans ce dépôt, surtout au pied de l’Erzgebirge et de l’Eulenge- 
birge, ces grès ou ces poudingues sont quelquefois assez forte- 
ment cimentés, comme près de Carlsfed, de Talhowitz. Rare- 
ment surloul ils sont composés de morceaux de silex corné et d’un 
sable quartzeux, lié par un ciment siliceux, comme près d’Olo- 
muczhan en Moravie , où celte roche siluée au-dessus de la craie 
chloritée siliceuse, ressemble au puddingstone du Hertfordshire 
et aux cailloux de Rennes. 

Ailleurs, les débris renfermés sont feldspathiques et quarlzeux, 
comme le long de quelques montagnes du nord de la Moravie 
et du sud-est de la Bohême et rarement ces grès renferment des 
cristaux de quartz, comme près des porphyres de Tœæplitz, 
dont ces derniers dérivent. 

Les linites sont de différentes espèces el sont accompagnés de 
nids de fer sulfuré, de cristaux de gipse, el plus rarement desucein. 

L'aluminite et l'alun natif avec ammoniaque , s’y rencontrent 
quelquefois dans le nord de la Bohème (Schermitsch.) 

RE RE qu'on y trouve sont surtout des restes de végé- 
taux, des troncs d'arbres inconnus et des impressions très nom- 
breuses de feuilles ressemblant à celles du saule, du tilleul, du 
sureau, elc. ; les argiles de Bilin et de Tœplitz, en sont souvent 
pétries. Plus rarement on y voit des coquillages bivalves d'eau 
douce (savoir des anodontes), et même à ce qu'il paraît, des 
impressions d'insectes aqualiques. 

Les lignites de Ja Bohème s’enflamment spontanément, très 


! ET D'HISTOIRE NATURELLF, 195 


facilement et pourtant l’on voit de grands dépôts pseudovolca- 
niques dans différens états d'altération ou d'endurcissement, sur- 
tout à Carlsbad , entre Bilin et T'œplitz, et au nord de Laun et de 
Lelmeritz. 

Je n'ai pas besoin de rappeler ici les belles porcellonètes et 
les beaux fers oxidés, bacillaires, qui ont été ainsi produits, mais 
je crois que c'est le cas de dire que le plus grand nombre des 
dépôts pseudovolcaniques dépend d'amas de lignites et non pas 
de couches de véritable houille. Ces derniers en produisent aussi 
quelquefoïs, mais ce cas est plus rare que le précédent, et encore 
moins souvent les schistes à anthracite ou à ampelite ont changé 
semblablement en porcellonètes ou en tripolis $s schistes inter- 
médiaires , comme cela a lieu , par exemple, suivant MM.Régley 
et Andre, à Poliguy , près de Rennes, et même peut-être près 
de Menat en Auvergne. 


Carcarre crossier. Le calcaire grossier ou les sables coquillers 
n'existent pas au-dessus de l'argile plastique de Bohème; je n'y con- 
nais des marnes coquillères jaunâtres, qu'en Moravie, par exemple 
à Dirnowitz , où l’on voit des fossiles des genres suivans : ovula, 
Solarium , conus, trochus, turritella, pyrula , murex, rostellaria, 
voluta, strombus, natica, cancellaria, dentalium pectunculus, 
Cardium, pecten, lucina, crassatella, ostrea, siliquaria et des 
madrépores. 


Mannes D'EAU pouce. Des marnes d’eau douce fort réceutes 
ne manquent pas çà el la en Bohème, le long des rivières, par 
exemple, près de Czerhut, etc. , et il n’y aurait que le petit dé- 
pôt de polierschiefer du Trippelberg, pres de Bilin, qui pourrait 
rappeler une formation d’eau douce tertiaire , surtout, puisqu'on 
y a trouvé une impression d’un cyprin, et qu’on voit à Kosteblat 
un dépôt semblable associé avec du quartz résinite; néanmoins, 
il n’y aurait pas d’impossibilité qu’il fit partie du dépôt d’argile 
plastique , à moins que sa posilion assez élevée ne s’y opposit. 

Bassin pu Rain. Le grand bassin du Rhin est limité à l’ouest 
par le grès rouge et le gres houiller du Palatinat , et le grès bigarré 
et la bande de muschelkalk des Vosges et sur l’autre rive du 
Rhin, par les terrains de siénite et de porphyre du Darm- 
stad et les muschelkalk , les grès EU à et le terrain primi- 
tif du pays de Bade, tandis qu’au nord, il est borné par les mon- 
tagnes schisteuses intermédiaires des bords du Rhin et au sud par 
la chaine jurasique. Le Rhin a percé ces deux dernières chaînes. 


25.. 


166 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les formations de ce bassin se rapprochent déjà infiniment plus 
de celles des bassins tertiaires de la France. 


ARGILE FLASTIQUE. L'argile plastique ÿ occupe une place fort 
considérable, surtout au moyen de ses sables et de ses marnes, 
comme sur les deux rives du Rhin, au nord de Heidelberg et 
entre Francfort, Moersfelden et Seligenstadt , où les gneiss et les 
autres roches anciennes sont cachés sous des sables blancs ou 
jaunâtres. 

Les cailloux ou blocs qu’on y rencontre, dérivent des roches 
du voisinage; ce sont des grès bigarrés, du gneiïss, etc, 

Les marnes nf manquent pas non plus, et conjointement avec 
les argiles, elles ont trouvé moyen de remonter fort loin à l’est, 
le long du Mein; ainsi j'en ai vu des dépôts considérables près de 
Ochsenfurth, et même au-delà, sur les pentes et les cimes du 
muschelkalk ou du grès bigarré ; néanmoins quelques-uns de ces 
dépôts m'ont paru avoir plutôt l'air d'être des marnes récentes 
d’eau douce. 

D'un autre côté, elles remontent sur les pentes du Vogelsge- 
birge et ailleurs. 

Les amas de lgnites sont assez abondans dans ces argiles, 
surtout dans la partie septentrionale et occidentale du bassin, 
comme dans la Wettéravie, près de Ossenheim, de Kronau et 
de Hochheim, ainsi que dans les environs de Heinau, de Bu- 
chanthal, de Bergen, de Giessen, de Turckheim et même près de 
Basle à Anweil. 

Ils y offrent à peu près les mêmes accidens qu'ailleurs, et sont 
recouverts çà et là (Steinheim), par du basalte, comme dans le 
Mittelgebirge. 

On y a vu, de plus, des rognons de quarts résinite brunätre et 
jaunâtre, près de Steinheim. 


Carcarme crossier. Au-dessus de ces alternations de sables et 
d'argiles se trouvent des dépôts considérables de calcaire grossier 
proprement dit , qui offre néanmoins des variélés qui s’éloignent 
assez de celles des environs de Paris. 

Ce dépôt est surtout bien marqué dans la partie septentrionale 
du bassin, au nord de Heidelberg et de Turkheim, il existe 
néanmoins plus bas en lambeaux fort épars. 

De Turkheim, il s'étend vers Albsheim, Alzey et Genzingen 
el forme des collines dans tout l’espace entre Alzey, Woellstein, 
3ingen et le Rhin. Sur la rive opposée, on en voit, d'après 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 197 


M. Schmitz, des lambeaux entre Heidelberg et Weinheim, et 
ensuite ce calcaire conslitue des séries de côteaux au sud du 
Mein jusqu'au-delà de Biber et de Neu Issemburg, et au nord 
jusque vers Hochstadt, Bergen, Homburg et Wisbaden. 

Ce calcaire stratifié est, en général, un calcaire plus ou moins 
marneux, ou d'une compacité particulière, il est blanc, jaunâtre et 
jaune-brunätre; il alterne, dans sa partie inférieure avec des lits 
de marne jaunâtre et d'argile, comme près d'Offenbach, et il 
repose évidemment sur les sables et les marnes de l'argile plastique, 
comme cela se voit entre Offenbach, Biber etàa Turckheim. 

Ses assises inférieures présentent quelquefois, comme dans 
ces dernières localités, des calcaires blancs ou blancs-jaunätres, 
assez lachans et ayant quelque rapport, d'un côté avec la craie et 
de l’autre avec certaines oolites jurasiques. En effet, on y croirait 
observer, au premier aspect, des morceaux ovoides empätés dans 
une base, comme dans les oolites; mais souvent ceci n’est qu’une 
déception produite par une innombrable quantité de petites uni- 
valves, changées en calcaire, ou bien ce sont des débris mécon- 
naissables d'êtres marins, tels que des morceaux de coraux, des 
madrépores, des bivalves, etc., qui sont aussi changés en cal- 
caire et empälés dans la roche et qui quelquefois constituent 
même enlièrement celte dernière. 

Les fossiles de ce calcaire sont très variés et ne sont pas 
également distribués ; ainsi dans les parties inférieures, il y a un 
mélange évident de coquillages d’eau douce et de coquillages 
marins , exactement comme cela arrive en Champagne, comme 
à Epernay, au contact du calcaire grossier et de l'argile plas- 
tique. 

Il y a dans ces assises, surlout, des espèces de mytiles mélées 
avec des petites paludines, et ces dernières forment quelquefois, 
presqu’à elles seules des espèces de bancs marneux. J'ai cru y 
observer aussi de semblables bancs des cyrènes ; cà et là, dans 
les bancs mélangés se montrent quelques cérithes, quelques 
pectoncules et quelques autres coquillages marins. Ainsi, on 
voit, comme près d'Offenbach, un lit de calcaire compacte 
jaunâtre, avec des moules et des cérithes recouvert de marne 
calcaire, d'argile noirâtre et de marne sablonneuse , jaunätre et 
grisätre, puis un calcaire compacte, jauvätre ou bleuâtre, à palu- 
dines et à moules, ensuite des argiles et des marnes et enfin un 
lit de calcaire compacte à cérithes, à natices et à moules recou- 
vert d’un lit d'argile et de marne avec des pectoncules et d’autres 


bivalves. 


195 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les cériles calcinées abondent, surtout dans des assises supé- 
rieures, comme près de Bergen, où ce calcaire est alors quel- 
quefois identique avec celui de Paris, mais en général, ce sont 
les assises inférieures qui dominent près de Mayence et de 
Francfort. 

Près d’Alzey, à Laubenheim, à Weinheim, on y rencontreencore 
d’autres coquillages marins des genres patella, cyprea, bulla, 
conus, murex, buccinum, trochus , turritella , nerita, mya, arca, 
ostrea et serpula. 


Carcarre D'EAU Douce. Les dépôts précédens ne sont pas re- 
couverts, si ce n’est par des marnes d’alluvion fort modernes ; 
mais ca et la, dans la partie méridionale du bassin, l'on connaît 
des dépôts d'eau douce analogues à ceux du bassin de Paris ; 
ainsi, près de Bushweïler , on retrouve, selon M. de Beaumont, 
au-dessus du calcaire à gryphites, un petit bassin de calcaire d’eau 
douce à planorbes, lymnées et hélices , et l’on connaît les osse- 
mens de mammifères qu'on y a déterrés. 

Plus bas au nord de PBäle, M. Mérian a fait connaître des dé- 
pôts semblables en Allemagne, près de Weil, de Haltingen, 
d'Oellingen et de Thameringen; ainsi que près de Binzen, à Egrin- 
gen et au Kilchberg. Delà ils s'étendent en Suisse, en remontant 
les vallées qui se rendent dans le Rhin; ainsi il en existe à Beur- 
weil, à Diegen et à Stummel, : k 

Les pélrilications qu’on y trouve sont toujours les mêmes, à 
Kilchberg, M{Mérian y cite seulement de plus des grandes bi- 
valves d’eau douce. 


Manwes n'EeAu pouce. Des marnes d'eau douce peut-être plus 
récentes et des tufs calcaires à ossemens de grands mammifères $ 
se rencontrent dans la vallée latérale du Necker , surtout près de 
Kronstadt dans le Wurtemberg. Net 

Les deux autres immenses bassins du sud de l'empire germanique 
offrent. quelques difficultés qui ne peuvent être résolues encore 
qu'en partie, par leur comparaison avec les bassins tertiaires déjà 
connus et décrits. 

L'un de ces bassins, que nous nommerons le bassin oriental, 
s'étend entre les Alpes, la chaîne jurasique et le Bohmerwaldge- 
depuis le fort de l'Ecluse et le mont Sion en Savoie, 
jusque près de Linz en Autriche, tandis que le bassin occidental 
est limité au nord par le Bohmerwaldgebirge oriental, les mon- 
taones de la Moravie septentrionale, el les Carpathes septentrio- 
“2 


birge , 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 199 


naux ; à l'est, se trouvent Jes montagnes qui séparent la Hongrie 
de la Transylvanie, et au sud, la chaine des Alpes qui s'élend de 
la Slavonie en Bosnie. Le Danube entre dans ce bassin à Crems 
et s’en échappe à la porte de fer. 

Ce bassin est divisé assez naturellement en deux, au moyen 
de la chaîne granitique et de calcaire intermédiaire au nord de 
Presbourg, et les moutagnes calcaires du Leïthgebirge, qui s'é- 
* tendent de cette dernière ville à Adenburg. Ce premier bassin 
est assez régulièrement elliptique, tandis que le second offre une 
grande quantité de sinuosités profondes qui suivent le cours des 
grandes rivières, comme, par exemple, la rivière de Neitra , le 
Gran, la Theiss, la Drave, la Sau , etc. 


Bassin DE LA Bavière ET DE LA Suisse. Le grand bassin orien- 
tal a été encore peu étudié, l’on sait bien que les agglomérats ou 
les nagelfluhs, les marnes et les cailloux-roulés y abondent; 
mais il me semble qu’on a trop fait attention à ces masses aréna- 
cées pour négliger les autres couches moins générales , qui pour- 
raient servir peut-être à classer ces différens dépôts d'une ma- 
nière conforme à nos connaissances actuelles. 

Ce qui parait certain, c’est qu'il y a en Bavière et dans le 
Salzburg, un dépôt d'argile plastique extrémement considérable, 
qui consiste en argiles, quelquefois à lignites, en sables et en 
cailloux dérivés principalement des montagnes de granite et de 
gneiss du Bohmerwaldgebirge ; M. Keferstein a, d’après le savant 
M. Schmitz, indiqué sur sa carte à peu près l'étendue de ce 
dépôt. 

Plus à l’ouest, le reste du bassin offre en Bavière el en Souabe 
surtout, des sables et des cailloux dérivés des montagnes cal- 
caires alpines et au-delà en Suisse, s'élèvent ces amas de cailloux, 
de sables et de marnes qui ne sont si énormes qu’à cause de la 
hauteur et de la masse de la chaîne des Alpes de ce pays. 

Une grande partie de ces matières d’alluvion, de ces molasses, 
de ces nagelfluhs et de ces marnes y occupent évidemment la 
place de as plastique, puisque toutes ces mêmes roches, à 
l'exception des gros nagelfluhs supérieurs se tronvent placés 
entre la craie et le calcaire grossier dans le grand bassin ter- 
tiaire du pied septentrional des Pyrénées, comme cela se voit 
bien le long de la Dordogne , depuis Blaye jusqu'à Libourne. 

De plus, on voit ca et là dans ce dépôt, comme ailleurs, des 
amas de lignites avec des planorbes, des lymnées et d’autres débris 
d'êtres vivans dans l’eau douce (près de Lausanne, de Zurich, etc.) 


200 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


On y rencontre même des masses de calcaires grossiers à cé- 
rithes et des sables coquillers, quelquefois chlorités, comme dans 
quelques points du nord de la Suisse (près de Soleure, etc.) Enfin, 
il y a des dépôts locaux d’eau douce (Locle, aux ponts) et une 
grande abondance de tufs calcaires et de marnes à coquillages 
d’eau douce. 

Dans la partie orientale du bassin, ces derniers terrains semble- 
raientaussi exister; on y cite de plus des dépôts tertiaires d’eau douce 
(Ulm), mais je n’y connais pas encore de véritable calcaire gros- 
sier, quoiqu'il y existe çà et la des argiles sablonneux , à coquilles 
marines. 

Ne paraitrait-il pas probable, d’après cela, quele grand bassin 
tertiaire de la Suisse et de la Bavière, contient outre les formations 
de l'argile plastique et du calcaire grossier, le calcaire d’eau 
douce inférieur, des dépôts sablonneux supérieurs el quelques 
dépôts calcaires d’eau douce fort modernes ? 


Bassin pe L'AUTRICHE ET DE LA Honcrir. Le grand bassin 
oriental de la Hongrie et de l'Autriche parait maintenant bien 
mieux connu que le précédent, d’après les beaux travaux de 
MM. Beudant et Prevost et les observations que j'ai pu y faire. 
Les résultats auxquels nous sommes tous les trois arrivés, chacun 
isolément, sont si parfaitement conformes, que nous n’avons cer- 
tainement pas commis d'erreurs ni les uns ni les autres; la seule 
différence qui existe entre nous, c'est que j'ai pu étudier les 
assises les plus inférieures du bassin , davantage que ces Messieurs, 
de manière que je complète, à cet égard, ce qu'ils n'avaient pu 

u’ébaucher. La grande difficulté des dépôts de ce bassin est d'a- 
bord leur morcellement accidentel et ensuite la classification de 
leurs assises inférieures. 

L'on y voit les argiles à lignites surmontées d'argiles coquil- 
lères marines, reposer sur un calcaire coquiller marin et un 
agglomérat particulier à ciment calcaire, et ce dernier dépôt 
s'appuie à son tour contre des roches intermédiaires ou des cal- 
caires et des grès secondaires fort anciens. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 201 


NOTE 


Sur la Pratique nuisible de tailler, rogner et couper la 
corne de la Fourchette des Chevaux ; 


Par M. BRACY-CLARKE, 


Chirurgien-V'étérinaire , Membre de la Société linnéenne de 
Londres. 


CETTE manie, presque générale, est si pernicieuse, qu’elle ferait 
presque croire qu'il y a malveillance de la part de ceux qui 
l'ont, si l’on ne savait pas qu'il y a plutôt ou ignorance ou in- 
souciance. 

Les suiles en sont, l’état de sensibilité douloureuse où les 
pieds des chevaux sont réduits, l’incapacité de ces animaux à rem- 
plir les services qu’on attend d'eux et leur destruction prématu- 
rée. Les mauvais effets de ce procédé nous paraissent si évidens, 
que cela nous a engagé à rédiger aussi succinctement que pos- 
sible l'avis suivant, dans lequel nous exposons, par le raisonne- 
ment le plus clair, la fausseté des principes allégués en sa faveur, 
afin d'empêcher qu’on ne pèche plus par ignorance. Espérons 
donc qu’un public éclairé et bien disposé accueillera ces informa- 
tions. En passant de la bouche des maîtres à leurs employés , et 
surtout en servant à l'instruction de leurs apprentis, elles feront 
mettre de côté une marche aussi funeste. 

Voici un exposé assez clair des raisons dont les partisans de 
celle pratique se servent pour l’appuyer, et de ce qu'on peut y 
répondre. 

Le prétexte principal et Île plus ordinaire dont on s’autorise 
pour couper la corne de la fourchette , est que sa croissance ayant 
lieu comme dans les autres parties du pied, et venant à couvrir de 
son volume tout le pied, elle deviendrait trop grosse pour le pied 
lui-même si l'on ne s'y opposait. 

Réponse. L’accroissement de la corne dans cette partie, soumis 
a un examen plus rigoureux, apprendra que cette corne n’acquiert 
qu'un certain degré d'épaisseur ; les bornes en sont fixées admi- 


Tome XCF. SEPTEMBRE an 1822. 26 


202 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


rablement bien par les soins d'une Providence toute pleine de 
sagesse. En effet, quand elle a atteint ce degré naturel d'épaisseur, 
elle perd sa faculté d'adhésion et forme une poussière farineuse 
qui disparait en laissant la fourchette dans toute sa beauté. S'il en 
étail autrement , tout cheval à l’état de nature se trouverait estro- 
pié par celle excroissance. 

De là il ne peut plus rester le plus léger motif pour craindre 
que celle corne n'outre-passe le pied, et ces grosses taillades 
qu'on fait pour y porter remède deviennent non-seulement inu- 
tiles , mais dangereuses, puisqu'elles rendent le reste de la corne 
trop mince et sujet à s'éclater. Puisqu’on peut observer que la 
sole s’exfolie aussi dans le même genre que la fourchette, dès 
qu'elle a atteint ses limites, il est moins surprenant que la fourchette 
se range à la même loi. Par conséquent il est prouvé à l'évidence 
qu'en enlevant celte défense naturelle dans l'épaisseur de la corne, 
l’on prive réellement l'animal d’une protection essentielle. La 
corne ainsi amincie fait que la partie en question est plus sensible 
et douloureuse , et qu’elle est trop faible pour supporter le poids 
lorsqu'elle pose fortement sur la terre, comme cela arrive souvent, 
surtout dans les chemins difficiles. 

Le froissement lui occasionne de l’échauffement et de l’inflamma- 
tion; sa force et sa résistance naturelles disparaissent; elle se 
dessèche, s’endurcit, se contracte, éclate, puis présente des 
fentes où la boue et l'humidité pénètrent. Elle parvient enfin 
au dernier état de corruption et de dépérissement. 

On justifie l’usage dont nous avons parlé par un second pré- 
texte, celui d'enlever les lambeaux; celui-ci est plus plausible 
que le premier. Renvoyons-le toutefois à l'épreuve, et en appro- 
fondissant d’où proviennent ces lambeaux, nous éclaircirons ce 
point. 

Il est apparent à la vue que la fourchette , dans son état d'in 
tégrité, a une surface extérieure lisse et sans lambeaux au mo- 
ment où on commence la ferrure ; mais lorsque son enveloppe 
extérieure naturelle, dont la substance est plus dure que la corne 
intérieure , est enlevée, celte dernière, qui est plus molle et 
plus humectée de fluide, se dessèche, surtout dans la belle saison, 
et se fend. Les extrémités de ses fentes ou déchirures se sou- 
lèvent et constituent ce qu'on appelle des lambeaux. On doit 
avouer pourlant que des causes naturelles peuvent donner lieu 
a ces rugosilés où lambeaux, quoique ce soit à la coupure qu’on 
doit les attribuer le plus fréquemment et généralement. Pour les 
faire disparaître , on fait une incision plus profonde que la déchi- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 203 


ture, jusqu’à ce qu'à la fin on.est allé si avant dans le vif, que 
la fourchette est absolument dépouillée de sa corne. A force de 
se sécher elle diminue, devient dure, cassante, douloureuse; son 
peu d’épaisseur la rend trop délicate pour soutenir le choc des 
corps durs sur la route, tels que cailloux ou autres; elle est 
ainsi une source lamentable de souffrances et de dangers dans 
l'usage auquel l’animal est destiné. 

La boue et l'humidité, ainsi que nous l'avons dit, ne font qu'ac- 
célérer le dépérissement et la destruction des parties intérieures. 
Autant vaudrait-il donc proposer de couper les pelottes que les 
chiens ont sous leurs pieds, avant de les mener à la chasse , que 
de découvrir ainsi la fourchette d’un cheval , au moment d’entre- 
prendre un voyage avec lui. 

Quelques maréchaux pensent qu'on ne peut trop couper cet 
organe; d’autres, plus intelligens, trouvent qu'il ne faudrait y 
procéder qu'avec modération; mais après tout, l’auteur de cet 
avis s’est convaincu, par un examen scrupuleux et des recherches 
profondes, que cet organe singulier n’a pas besoin d’être coupé. 
En conséquence, d’après ses propres suggestions, il existe nombre 
de vieux chevaux dont la fourchette n’a jamais été coupée; elles 
sonl les fourchettes les plus belles, les mieux constituées et les 
plus fortes qu'on ait jamais vues. Dans ce cas, la cavité de l’ar- 
rête-fourchette (1) prend une forme en losange d’une grande 
beauté el reste très-forte. La comparaison ou analogie entre la 
fourchette et les pelottes des pieds des chiens et les coussinets 
de ceux de l’éléphant, est aussi juste que correcte; ces derniers 
ont autant besoin d'être coupés que les premiers, c’est-à-dire point 
du tout. 

Il y a plus, un fait singulier s’est venu présenter dernièrement 
a l’auteur , et lui a occasionné quelque surprise, c’est que si 
l'on coupe une lame très épaisse de la fourchette, elle ne se 
renouvelle qu'imparfaitement. Le tort qu'on commet donc par 
cette coupure ne peut pas s'exprimer. 

Un autre motif qui a paru induire à couper celte partie, est sa 
consistance molle, qui, ressemblant à celle du cuir ou d’un fro- 
mage dur , semble inviter le couteau. On peut aussi y joindre une 
expression impropre, ou manière de parler insignifiante des 
cochers , peu au fait de l’économie de cette partie, qui, lors- 


(1) La portion de corne conique qui se trouve au milieu de la base de Ja 
fourchette et qui sert à maintenir ses deux branches. 


26. 


204 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qu'ils s'adressent aux maréchaux, leur recommandent de bien 
parer le pied, phrase très commune et qui a la même influence 
pernicieuse. Le mot bien s'applique de cette facon aussi aisément 
aux mauvais qu'aux bons procédés. En le faisant servir ainsi hors 
de propos et contre toute raison , il en résulte un mal si grand, 
que tout bon opérateur, au moins celui qui a à cœur la prospérité 
de son art et le bon état des chevaux, doit se tenir sur ses gardes. 
Les cochers devraient s’en remettre , pour celte parlie qui n'entre 


pas dans leurs fonctions, à.ceux qui la connaissent et la com- 
prennent mieux qu'eux. 


MÉMOIRE 


Sur les Animaux des régions arctiques ; 


Par M. SCORESBY. 


(SUITE). 


SUR LA BALEINE GIBBAR. 
Balænoptera gibbar (Lacépède) ; Bal. physalis (Lin.) 


C'ssr l'espèce la plus longue de toute la tribu des cétacés , 
el probablement, le plus immense de tous les êtres créés. 

Llle diffère de la baleine franche, parce que sa forme est 
moins cylindrique et que son corps est plus alongé et plus 
mince ; ses fanons sont plus courts ; elle produit moins de graisse 
et d’huile ; sa-couleur est d’une teinte plus bleue; ses nageoires 
sont moins nombreuses ; elle souflle avec moins de force et d’une 
manière moins bruyante ; elle est au contraire plus vive, plus 
active dans ses mouvemens; aussi est-elle plus hardie. 

La longueur du gibbar est d'environ 100 pieds, sa plus grande 
circonférence élant de 30 ou 55. Son corps n’est pas cylin- 
drique ; mais il est considérablement comprimé sur les côtés et 
anguleux sur le dos. Aussi une coupe transversale près des na- 
yeoires serai! ovale et vers la queue ce serait un rhombe. La plus 
longue lame des fanons est de 4 pieds. Elle ne fournit que 10 à 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 205 


12 tonnes de pannicule graisseux; sa couleur est d’un noir- 
bleuätre pàle ou d’un gris-bleuätre foncé, en quoi elle ressemble au 
baleineau de Ja baleine franche. Outre les nageoires peclorales , 
il y a une petite protubérance cornée ou une nageoire immobile 
et sans rayons, à l'extrémité du dos. Son souflle est extrèmement 
violent, au point que par un temps calme, on peut l’entendre à 
la distance d'environ un mille. Elle nage avec beaucoup de vi- 
tesse, et dans la plus grande elle fait environ 12 milles à l'heure; 
ce n’est en aucune manière un animal limide; elle ne parait ce- 
pendant ni méchante ni vindicative. Lorsqu'elle est poursuivie 
par les canots, elle ne manifeste pas beaucoup de crainte ; elle 
n’essaie pas de les surpasser à la course; mais elle cherche à les 
éviter, en faisant beaucoup de détours, ou en changeant conti- 
puellement de direction. Si elle est harponnée ou au moins bles- 
sée, elle se livre alors à toute son énergie, et elle s'échappe avec 
la plus grande vélocité; mais elle montre peu de disposition à se 
relourner contre ses ennemis, et à repousser leur allaque en 
engageant le combat. Quand elle est à quelque distance, les pé- 
cheurs se trompent quelquefois et la prennent pour la baleine 
franche, quoique son facies el ses mouvemens soient si différens. 
Elle reste rarement en repos à la surface de l’eau; mais ordinai- 
rement elle a un mouvement de translation de 4 à 5 milles par 
heure ; et quand elle plonge , elle montre très rarement sa queue 
dans l'air, ce qui est l'habitude de la baleine franche. 

La grande vélocité et l’activité du gibbar, la rendent dangereuse 
et dificile à attaquer; ce qui, joint à la petite quantité de mau- 
vaise huile qu’elle fournit, fait que les pêcheurs y font assez peu 
d'attention. Lorsqu’elle est harponnée, elle entraîme souvent le 
canot avec une vitesse si grande, qu'il est possible qu'il soit im- 
médiatement transporté hors de la porlée de tout secours, même 
hors de la vue des autres canots et du vaisseau: d’où il suit que le 
harponneur est dans la nécessité de couper la corde’et de sacri- 
fier ainsi sa prise, à sa sûreté et à celle de ses camarades. J'ai fait 
plusieurs eflorts pour prendre un de ces formidables animaux. 
Dans l’année 1818, j'ordonnai une chasse générale contre cette 
espèce, et je parai au danger en séparant mon équipage du navire, 
en donnant un rendez-vous sur le rivage peu éloigné et en me 
préparant contre la perte de beaucoup de corde, en la divisant 
à 200 brasses du harpon et en fixant une bouée à son extrémité. 
Ceci préparé , deux de ces baleines furent atteintes ; la première 
se plongea avec tant d'impétuosité, que la corde fut rompne par 
la résistance de la bouée, au moment où elle fut entraînée dans 


206 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


l’eau, et l’autre fut délivrée au bout d’une minute} par la division 
de la corde, occasionnée, à ce que je suppose, par son frotte- 
ment contre la nageoire dorsale. Toutes deux s’échappèrent: Un 
autre individu fut harponné par un de mes harponneurs inexpé- 
rimenté, qui l'avait pris pour une baleine franche, Elle plongea 
obliquement avec lant de vitesse, que 480 brasses de cordes furent 
tirées du canot en une minute environ. Elle fut encore perdue 
par la rupture de la corde. 

Les observations uliérieures que je vais rapporter sur cette es- 
pèce, ont élé tirées d'entretiens avec différentes personnes qui 
ont eu l’occasion de l’observer après la mort. 

Longueur d’un gibbar trouvé mort dans le détroit de Davis, 
105 pieds; plus grande circonférence, environ 38 pieds. Tête 
petile, comparativement avec celle de la baleine commune; na- 
geoires longues et étroites ; queue de 12 pieds de large environ 
et fort bien faite ; fanons de 4 pieds de longueur, épais, hérissés 
et étroits; pannicule graisseux de 6 ou 8 pouces d'épaisseur, de 
mauvaise qualité; couleur d’un noir-bleuâtre sur le dos, et d’un 
gris-bleuàtre sous le ventre; peau lisse, excepté vers les côtés 
du thorax, où il y a des sillons ou des rugosités longitudinales. 

On trouve cette espèce en grand nombre dans les mers arc- 
ques, et principalement sur les bords des glaces entre l’île 
Chérie et la Nouvelle Zemble, ainsi qu'auprès de celle de Jean 
Mayen. Des personnes allant à Archangel l'ont souvent prise pour 
la baleine ordinaire. On la voit rarement au milieu des glaces, et 
il semble que la baleine franche la fuie, au point que les pêcheurs 
la voient paraître à regret. Elle habite plus généralement les ré- 
gions du Spitzherg, dans les parallèles du 70 au 76° ; mais dans 
les mois de juin, Juillet et d'août, lorsque la mer est ordinaire- 
ment ouverte, elle s’avance le long des terres, au nord-ouest, jus- 
qu’au 80 degré de latitude. Un individu, probablement de cette 
espèce, et qui avait 101 pieds de longueur, s'est échoué sur 
le banc du Humber, vers le milieu de septembre en 1750. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 207 


SUR LA BALEINE ROQUAL. 


Balænoptera roqual (Lacépède); Balæna musculus (Lin.) 


Cette espèce de baleine se rencontre fréquemment sur les côtes 
d'Écosse, d'Irlande, de Norwège , etc. et l'on dit qu’elle se nour- 
rit principalement de harengs; par beaucoup de caractères, le 
roqual ressemble au gibbar, quoiqu'il y ait cependant une diffé- 
rence essentielle entre eux; celui-là étant plus court, ayant la 
iète plus grande ainsi que la bouche , enfin, la mächoire infé- 
rieure plus arrondie que le gibbar. Plusieurs individus apparte- 
nant probablement à cette espèce s’échouèrent ou furent tués sur 
différens points de la côte des royaumes unis de l'Angleterre, Un 
individu de 52 pieds de longueur échoua près d'Exemouth, le 
19 juin 1752; un autre de près de 70 pieds de longueur fut 
poussé par la tempête sur la côte de Cornouailles, le 18 juin 1 : 
Trois autres furent tués sur la côte nord-ouest de l’Irlande, dans 
l'année 1762 et deux autres en 1763; un ou deux autres ont été 
tués dans la Tamise; enfin, un individu fut retenu et tué dans 
la baie de Bulta en Shetland, dans l'hiver de 1817 à 1818, et j'en 
ai vu quelques restes. Il avait 82 pieds de longueur; les os de 
la mächoire inférieure en avaient 21; au lieu de poils, au bord 
interne et à la pointe des fanons, il ÿ avait un rang de fibres ou 
de soies; ils étaient, en général, plus durs, plus roides et plus 
cornés que ceux de la baleine commune. Cet individu ne pro- 
duisit qu'environ cinq tonneaux d'huile de la qualité la plus infé- 
rieure et dont partie était visqueuse et mauvaise. Il ne rapporta, 
toutes dépenses comprisés, que 60 livres sterlings. Il avait, du 
reste, la nageoire dorsale et les sillons de la poitrine, comme de 
coutume. 

Dans sa manière de soufller, de nager, et en général, dans 
ous ses mouvemens, comme dans son apparence dans l’eau, la 
baleine roqual ressemble beaucoup au gibbar, duquel, lorsqu'il 
est vivant, on ne le distingue qu'avec peine. 


208 JOURNAL DE PHYSIQUE, DÉ CHIMIE 


SUR LA BALEINE JUBARTE. 
Balænoptera jubartes (Lacépède); Balæna boops (Lin.) 


Longueur, environ 46 pieds; plus grande circonférence du 
corps, 20 pieds à peu près; prolubérance dorsale ou nageoire 
d'environ 2 pieds 6 pouces de hauteur; nageoires pectorales de 
4 à 5 pieds de longueur, à peine de 1 pied de large extérieure- 
ment; la queue d'environ 3 pieds d'épaisseur sur 10 de large; 
fanons au nombre d’environ 500 de chaque côté, le plus long 
n'ayant que 18 pouces à peu prés ; la mächoire inférieure de 
15 pieds de longueur, ou un liers de la longueur totale de l’ani- 
mal; deux douzaines de sillons longitudinaux sous la poitrine; 
deux évents extérieurs ; le pannicule graisseux sur le corps, de 
2 à 3 pouces d'épaisseur et entièrement nul sous les sillons. 

Mon ami, M. P. Neill d'Edimbourg , a donné, dans le pre- 
mier volume des Mémoires de la Société Wernérienne, la des- 
cription d’une baleine qui, pour la dimension au moins, parait 
correspondre à celle de la jubarte; elle s’échoua sur le banc de 
Forth, près d’Alloa; mais elle était très mutilée, lorsque M. Neil 
eut la possibilité de l’observer. 1l la regarde comme une baleine 
à bec. D'après l'excellent Mémoire dont la description ci-dessus 
a été extraite, et qui diffère beaucoup de ce que nous allons voir 
dans la baleine à bec, particulièrement dans ses dimensions plus 
grandes et dans une plus grande proportion de la tête, dans la 
longueur totale , il me parait qu’elle appartient à la jubarte ou 
qu’elle doit former une espèce nouvelle. D'après l'inexactitude 
des esquisses de presque toutes les espèces de baleines données 
jusqu'ici, les naturalistes sont plutôt induits en erreur qu’aidés par 
elles, pour la détermination des espèces de ce genre, el par con- 
séquent , elles ne peuvent y servir en aucune maniére. 


SUR LA BALEINE A BEC. 


Balænoptera acutirostrata (Lacépède) ; Balæna rostrata (Lin.) 


C'est la dernière et la plus petite des espèces de véritable 
haleine dont j'aie connaissance. Je donne, dans la planche ci- 
jointe, une figure exacte de cet animal, d'après un dessin ori- 
ginal, accompagné de mesure, fait par James Watson , d'Orke- 
ney, et dont je dois la communicalion à amitié du D' Traill, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 200 
de Liverpool. L'individu d'après lequel ce dessin a été fait, fut 
tué dans la baie de Scalpa, le 14 novembre 1808. Sa longueur 
était de 17 pieds 6 pouces, sa circonférence de 20. Longueur 
du bout du museau à la nageoïire dorsale, 12 pieds-6 pouces ; 
du même point à la nageoire pectorale, 5 pieds, à l'œil, 3 pieds 
6 pouces, et aux évents, 3 pieds. Les mageoires pectorales 
avaient 2 pieds de long sur 7 pouces de large; la nageoire dor- 
sale, 15 pouces de long sur 9 pouces de haut; la queue 15 pouces 
de long sur 4 pieds 6 pouces de large. Le plus grand fanon 
avait environ 6 pouces. La couleur du dos était, noire et celle du 
ventre d’un blanc luisant; les sillons des plis, d’après M. Traill 
qui vit cette baleine dans la baie de Scalpa , avaient une sorte de 
Couleur de chair. 

On dit que cette espèce habite principalement les mers de Nor- 
wège, et qu'elle parvient à la longueur de 25 pieds. Un individu 
de celte espèce fut tué au pied du Spitzherg, dans l’année 1815, 
et je possède quelques-uns de ses fanons. Ils sont minces, fibreux, 
d’une couleur blanc-jaunàtre et demi-transparent, comme de la 
corne de lanterne; ils sont courbés comme un scymeter et frangés 
de poils blancs sur le côté convexe et à la pointe ; les plus longs 
ont o pouces, sur 2 pouces 6 lignes dans la plus grande largeur. 


La figure de cette espèce se trouve sous le n° 2 de la planche 
jointe au Cahier précédent. 


(La suite a un prochain numéro.) 


Tome XACF. SEPTEMBRE an 1822. 27 


OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES FAITES 


Therm. 
extérieur, 


Barom. 
à o. 


11756,52|+17,75 
2]759,49 17,75 
31758,72|+4-18,79 


A MIDI. 


Barom. 
à o. 


Therm. 
extérieur. 


7D2,74|4-22,75 
5 |752,55/H20,00 
757,81|20,25 
760,45, +25,10 
756,27|427,00 


21,29 
ë 291,35 
| 171763,96 20,00 

à 491,89 
+24,50 
+-25,00 


+4-25,40 
314-20,60 
21,10 
+18,10 


21758,12|+421,72 
| 31753,97|+20,09 
7 1755,65[4-20,48 


74 
ne 81 


758,66/+22,75 
754,36|+22,25 
793,94|+24,90 
755,19| 424,75 
757,64|+25,60 
756,08|+26,25 
75,27 |4-22,50 


750,63| 420,50 
754,06| 29,25 


2 À756,74 416,25 


Hygr. 


70 
68 


A 3 HEURES SOIR. 


Barom.| Therm. | 


ào. |extérieur. 


755,57|+-20,55| 68 
753,15|+18,00| 78 
757,68|+4-20,55| 58 
751,80|+4-19,00| 78 
752,85|+21,40| 67 
757,44|+21,00| 63 
759:74H-24,50| 64 
754,87|+27,25| 58 
755,55|+29,50| 68 
752,58/-24,00| 70 
753,19] +24,90| 67 
723,4b|+-25,25| 71 
757,00|+24,10| 65 
753,62|+26,70| 64 
755,29|+22,50| 61 
760,15|+29,89 
762,40|+23,9c 
760,15| 426,00 
757:7514-27,85 
756,80|+30,10 
756,11|+25,00 
755,80 28,00 
755,59|+25,90 
753,151 +25,40 
753,15] 420,75 
751,59 19,00 
750,46[ 17,00 
749:72|+22,25| 81 
720,49 +-20,50| 66 
(753,91 22,4) ü4 
753,27 +18,75| 88 | 


> 
D! 


66 
67 
62 
60 
78 
69 
71 
65 
67 


82 


gi a 


Dans le mois d'Août 1822. 


A 9 HEURES-SOIR. ÎTHERMOMÉTLRE. 


Barom. | ‘Therm. 
à o. {extérieur, 


754,57 +14,50 


758,89|+16,25 
759,42|+18,25 
753,52|+20,25 
758,70|+17,00 
755,97|+17,50 
755,25| 418,25 
754,72] +18,50 
7b8,07|+19,50 
751,99|+22,50 
758,64 ) 
761,53 
763,09 
759,94 
757,82 
757,00 24,00 
755,45] 22,25 


754,781 421,50 


756,49 
792,22 


? 18,79 
753,38 


16,25 


750,98 415,50 
748,80| 416,50 
753,01|+13,75 
754,05 416,00 


Hygr. 


756,364 15,50 


IT 2 D CE EP 7 EE MEET 2 DPI TEE ES ET RE" d'OSRRE ; 


A 9 HEURES MATIN. 


Maxim. | Minim. 


be 60120 
+20,60 
20,50 
25,90 
21,40 
22,75] Li1,50 
424,50 
H-27,50|.4 15,10 
+ 29,7 
+24 00 
25,35 
25,25 
24,10 
27,00 
29,85 
292,85 
+24,60 
+ 26,10 
27,82 
30,25 
29,00 
28,00 
-[H25,10|+16,25 
+25,40| 413,40} 
+01,75[413,79 
+-21,75|+4-12,40 
+17,50|+-12,00 


15,00 
+17,25k 
+19,00 


77 
85 


+2c,5o|+13,7 
+22,40|+ 10,40 
19,00 + 13,50) 


76. 755,52|4-21,9q 754,901+21,83| 67 755,41 16,27 22,85 412,71 
76 |757,72|-+24,87| 69 |757,09|+25,40| 65 [757,60 +20,10| 84 +25,62l415,40 
81 |755,50 +21,8q| 74 752,96|+22,08| 74 753.51|+17,02 89 |+22,96|+ 14,09 
78 755,58[ 22,85 69 1754,95l+23,11 69 1755,51l+17,79) 87 |H-23,8114-14,0 
RÉCAPITULATION. 
à Plus grande élévation......... 763""06 le 17 
Parque Er { Moindre élévation............ 748""80 le 28 
- : Plus grand degré de chaleur.... +-30°25 le 20 
Thermomètre. . { Moindre degré de chaleur..... +10,40 le 3 
Nombre de jours beaux...... 15 
de couverts ........ 8 
de pluie. .......... 16 
Event eee 2191 
de brouillard..,.... 9 
de gelée........ FO) 
de neige........... (e 
de grêle ougrésil.... 0 
de tonnerre......... 2 


+-18,00 


+022,25| +1,75) 


RIQUANTITÉ DE PLUIE 


tombée 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS, 


- (Le Baromètre est réduit à la température de zéro.) 


ÉTAT DU CIEL. 


PUIPVENTS. 
re sur le hant 
AT Ep LE MATIN. A MIDI. LE SOIR, 
Nuageux. Très nuageux. Pluie à 10#2. 
Idem , , pluie à 6*:. |Nuageux. Nuag., pluie à 2. 
Nuageux. Idem. Nuageux. 
Couvert. Couvert. 
: Très nuageux. Beau ciel. 
N.-E. Couvert. Idem. 
k Nuageux. Idem. 
1,40 1,66 . Idem, lég. brouill. | /dem. Couvert, éclairs. 
; Idem, pluie! dans lan.| /dem. Nuageux. 
O.-S.-O. |Très nuageux. Couvert. Idem. 
1675 ,75 1O.-S.-0. |Couv., brouill. Très nuageux. Pluie. 
O0. Couvert, pluie à g'. |Couvert. Nuageux. 
O. Nuageux. Nuageux. Couvert. 
S.-S.-E, Idem, brouillard. Idem. Très beau ciel, 
0,20 0,20 10. Couvert, pluie à 541. | Idem. Couvert. 
0. Couvert. * [Quelques éclaircis. Beau ciel. 
0. Nuageux. Idem. 
O. Beau ciel, brouill.  l'lrès beau ciel. Idem. 
E. Lég. nuag., brouill. |Légers nuages. Idem. 
E. Légers nuages à l'hor. Idem. Idem. 
0,4° °,40 E. Nuageux, brouillard. lPJuie et tonn, à 11* |Petite pluie. 
S.-0. Idem. Nuageux. Nuageux. 
O. Couvert. Très nuageux. Idem. 
O. Nuageux, brouill.  |Couvert. Couvert, 
8,90 8,70 |O. Pluie. Nuageux. 1dem. 
O. Nuageux. Idem , pluie à 11°. [Nuageux. 
1,55 1,20 À. Couvert. Pluie fine. Idem. 
2,38 2,05 ÎS.-E. Nuageux, brouillard.|Couvert. Pluie par intervalle. 
1,50 1,40 5. O. fort. |Couvert. Idem. Pluie à 6* et tonn. 
1,75 1,48 !S.-0. Nuageux. Très nuageux. Pluie. 
0,80 0,70 [s:-o. Idem. Pluie fine. [Nuageux. 
5,45 5,11 Moyennes du 1° au 11. Phases de la Lune. 
2] 1,95 1,95 | Moyennes du 11 au 21. P.L.le 3à o* 3'm.[[N.L.le 16à 11275, 
_5| 17,28 | 15,95 | Moyennes du 21 au 51. D.Q:lesoà 4'10m.|P.Q.le24à 45. 
24,68 22,99 | Moyennes du mois. | 


RÉCAPITULATION. 


Néaiasabesss na 

NF tisser 1 

He asus sas a 

Jours dont le vent a soufflé du Fee R 
SO Rene 6 

OS RSATEe 16 

LORS Sete o 


le 1°, 12°,099 


Thermomètre des caves { le 16, 12° 0 } centigrades. 


212 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


EXAMEN 


Du Sang et de son action dans les divers phénomènes 
de la vie; 


Par J. L. PREVOST, M. D sr J. A. DUMAS, Élève en Phar- 


macie, Membres de la Société de Physique et d'Histoire natu- 
relle de Genève. 


( Lu à la Société , le 15 novembre 1821) (1). 


Dans un Mémoire précédent (2) et dans quelques écrits 
non encore publiés, nous avons considéré les principaux carac- 
tères physiques et chimiques que possède , à l’état de santé, le 
sang de divers animaux. Notre manière de voir sur ce fluide, 
l'espèce d'influence que nous avons cru pouvoir lui attribuer, lui: 
donnent à nos yeux une importance qui le rendra toujours le 
principal objet de nos recherches. C’est en lui que réside peut- 
être tout le secret de la vie animale, et e’est par conséquent 
dans son étude approfondie que nous espérons trouver le moyen: 
de soulever le voile qui nous en dérobe la connaissance. 

Parmi les causes qui peuvent influer sur les proportions ou la 
nature des principes consliluans du sang, il est quelques acci- 
dens pathologiques auxquels nous avons dû donner de suite une 
attention particulière, En effet, lorsque toutes les facuités vitales 
jouissent de leur plénitude, la marche du sang dans les divers 
organes, donne lieu à des phénomènes dont nous pouvons à 
peine soupconner la nature. Les appareils sécréteurs qu'il tra- 
verse ont toujours excilé la curiosité des physiologistes ; et presque 
tous ceux d’entre eux qui ont considéré la vie d’une manière gé- 


(1) Nous avons en portefeuille, sans avoir pu encore lui donner place dans 
ce Journal , un Mémoire lu par les mêmes auteurs, à la Société de Physique et 
d'Histoire naturelle , le 28 août de cette année, sur l'analyse de l'urine de gre- 
nouilles. On verra, lorsqu'il sera publié, queces chimistes sont d'accord, dans 
les résultats principaux, avec ceux qu'a ôbteous M. John Davy dans un travail 
analogue qui a paru dans le cahier de septembre des Annales de Chimie, (R). 

(2) Journal de Physique, t: XCIV , p. 194. 


ECTORT MAC 


D EET 


Pr 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 213 


nérale, ont hasardé des opinions hypothétiques à ce sujet. H était 
difficile de faire cesser le vague des idées reçues, et de le rempla- 
cer par des faits positifs. 

Car il semble, au premier abord, qu'on ne peut apprécier avec 


.quelque certitude ce qui se passe dans un appareil sécrétoire, si 


Jon ne parvient à soumettre à l'analyse le sang qui s'y transporte, 
celui qui en sort, enfin le liquide sécrété lui-même. Et la moindre 
réflexion prouve sans réplique qu'on se flalterait envain d’obte- 
nir de semblables données. Mais il est dans quelques cas un 
moyen légiüme d'éluder cette difficulté, et nous allons en peu de 
mots l'exposer ici. 

Le sang qui se rend à un appareil sécrétoire y arrive dans un 
certain état, éprouve en le traversant une influence quelconque, 
et rentre dans le torrent circulatoire, où il se mêle avec la masse 
entière du liquide sanguin, Mais si par un moyen , quel qu'il fût, 
l'organe sécréteur élait privé de son influence, le fluide qui le 
traverserait n’éprouverait pas plus d’altération dans son caractère 
spécifique que s’il avait passé dans un appareil de vaisseaux capil- 
laires simples. Chaque aliquote de celui-ci porterait donc dans la 
masse en circulation un changement, d'abord entièrement inap- 
préciable; mais au bout de quelque 1emps une foule de chocs de 
même nature ayant eu lieu, lon pourrait présumer, avec quelque 
raison , que le sang ressemblerait en lout ou en partie à la frac- 
tion qui se rend dans l'état ordinaire à l'organe sécréteur. On 
pourrait alors aisément le soumettre à l'analyse et comparer 
avec avantage sa composilion à celle du même liquide dans l’état 
normal. 

Au premier abord, il semble difficile de neutraliser l'action d'un 
organe sécréteur; et, quelle que soitla marche que l'on adopte, elle 
paraîtra toujours susceplible de critique. L’ablation de l'organe 
met fin à toutes les objections, et remplit parfaitement les condi- 
tions supposées ci-dessus. 1] est question dans ce Mémoire des 
résullats que nous a fourni le sang des animaux sur lesquels on 
avait pratiqué la section des reins. Lorsque Haller écrivit sa 
Physiologie, Vésale était encore le seul expérimentateur qui l'eût 
essayée; et, chose singulière, c’est que ce célèbre anatomiste opéra 
d’une maniere assez incorrecte pour avoir élé forcé d’avouer qu'il 
n'avait pas su distinguer les symptômes propres à l’absence de 
orsnes de ceux conséquens à l'opération. Depuis lors M. Riche. 
rand semble être le seul physiologiste qui s’en soit occupé. Il cite 


dans ses Elémens quelques tentalives dont vous allons présenter 
un léger aperçu. 


214 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Il examine d’abord les effets produits par la ligature des ure- 
tères ; el il trouve que la sécrétion de l'urine se continue, que ces 
canaux s’engorgent ainsi que le rein, et qu’il survient bientôt 
une affection générale à laquelle il donne le nom de févre uri- 
reuse, dont la conséquence nécessaire est la mort au bout de 
quelques jours. Mais celte opération laisse douter si l’urine a été 
formée , puis réabsorbée , ou si le rein n’a rempli ses fonctions 
que d’une manière partielle. Il passe ensuite à l’ablation des reins, 
qui lui fournit quelques résultats singuliers. Si l’on n’en enlève 
qu'un, l’animal n’est pas affecté; mais dès que ces deux organes 
viennent à manquer à la fois, il entre évidemment sous une 
influence pathologique qui se termine au bout de quelques jours 
d'une manière fatale. La vésicule biliaire se montre toujours 
gorgée dans les cadavres, et celte sécrétion semble, d’après 
M. Richerand , remplacer dans ce cas l’action des reins. 

Ceci posé, nous avons dù chercher à obtenir par nous-mêmes 
une vérification convenable des faits avancés par cet estimable 
auteur, et nous avons observé les symptômes qui se dévelop- 
paient à la suite de cette opération, avec un soin particulier dont 
nos résultats feront mieux sentir toute la nécessité. Des raisons 
particulières ne nous permettent pas de détailler ici ces diverses 
expériences, et nous nous contenterons d'en offrir les conclusions 
générales. Nous avons opéré sur des chiens, des chats et des 
lapins. Ces derniers ne supportent pas l'opération à beaucoup 
près aussi bien que les deux autres espèces; et nous avons eu 
plus de peine à obtenir un sujet propre à une investigation régu- 
lière. M. Richerand avait déjà fait la même observation. 

D'ailleurs , l'opération par elle-même n'offre réellement aucune 
difficulté. On choisit un individu maigre, et l’on pratique dans 
les tégumens de la cavité abdominale une incision, qui, partant 
du tiers interne de la dernière côte et SAGE EE lignes au-des- 
sous d'elle, s'étend plus ou moins, selon la grandeur de l'animal, 
le long du bord interne du muscle carré lombaire. L'on introduit 
l'index de la main gauche dans la plaie, prenant garde de ne 
pas percer le péritoine. L'on détache doucement le rein de ses 
adhérences , et on l'amène au dehors au moyen d’un crochet ou 
d’une pince à errines. On le sépare du corps, après avoir lié ses 
vaisseaux avec soin. Quelques points de suture remeltent les 
muscles divisés en contact et préviennent tout danger de hernie. 
On procède de la même manière pour la peau. 

Lorsqu'on veut observer les phénomènes Éphar dre qui 
suivent l’ablation des reins, il est mieux d'enlever d’abord le 


tintin LT CAR «4 LL Lo. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 215 


rein droit, à cause de ses connexions avec le foie, et de laisser 
un intervalle de quinze jours entre cette opération et la suivante. 
La première, si elle a été bien faite, n’altère en rien la sante 
de l'animal, quel qu'il soit, carnassier ou herbivore. Au bout 
de trois jours la plaie se cicatrise, et aucun symptôme facheux 
ne se manifeste. Lorsque l'animal a perdu le second rein, il n’est 
guère affecté avant le troisième! jour. Pendant cet intervalle, la 
plaie s’est fermée; il a repris sa gaîlé, son activité ; il mange 
bien, boit peu, dort comme à l'ordinaire; sa température, sa 
respiration , son pouls n’ont pas varié d’une manière bien déci- 
dée. Mais au bout de ce temps des déjections brunes, abon- 
dantes et très liquides, ainsi que des vomissemens de même 
nature, annoncent le trouble survenu dans la constitution. Des 
exacerbations fébriles font monter la chaleur à 45° centig. tandis 
que dans d’autres momens elle descend jusqu’à 33°. Le pouls 
devient petit, dur et rapide; le nombre de ses pulsations s’élève 
quelquefois à deux cents par minute. La respiration est fréquente, 
courte, oppressée dans les derniers périodes. Enfin, tous les 
symptômes mentionnés s’aggravent, la foiblesse augmente, et 
l'animal meurt , du cinquième au neuvième jour. Si l’on extrait 
les deux reins à la fois, l’inflammation qui en résulte abrège cet 
espace de temps, et le sujet ne va guère qu'au quatrième ou cin- 
quième jour. 

L'examen cadavérique nous offre comme phénomènes con- 
stans : N 

1°. L’effusion d’un séram clair et limpide dans les ventricules 
du cerveau. La quantité s’en élève quelquefois à une once, dans 
un chien de moyenne taille. 

2°. Les poumons semblent un peu plus denses que dans l’état 
de santé ; les bronches contiennent beaucoup de mucus. 

3°. Le foie paraît plus ou moins enflammeé, la vésicule bihiaire 
est remplie d’une bile verdätre ou brun foncé. 

4°. Les insteslins contiennent des matières fécales, abondantes, 
liquides , de même couleur que la bile. 

5°. La vessie urinaire est fortement contractée. 

A ces symptômes qui nous paraissent être les seuls que l’abla- 
tion des reins produise réellement , se joignent ceux que l'opéra- 
tion entraîne, en raison du désordre occasionné dans Îes parois 
de l'abdomen. Le plus souvent ils sont locaux et ne s’écartent 
pas de la partie offensée ; mais dans quelques cas et surtout lors- 
qu’on n’a pu se garaulir d’une hernie, le mésentère manifeste une 
inflammation assez vive qui précipite la mort de l'animal. Dans 


‘216 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les carnivores, dont le canal intestinal peu volumineux ne rem- 
plit pas entièrement la cavité abdominale; cet accident est assez 
facile à éviter, mais dans les herbivores il est plus rare qu'on 
termine l'opération sans hernie. C’est à cause de cette conforma- 
tion que nous avons éprouvé quelque peine à nous procurer un 
lapin convenablement opéré. 

L’urine des trois animaux que nous avons employés, renferme 
une quantité d’urée considérable; elle est aussi chargée de quel- 
ques sels, dont les plus remarquables sont des sulfates , des phos- 
phates et des hydrochlorates alcakins. Les deux premiers de ces 
acides ne se montrent pas dans le sang ordinaire, et ont fait pré- 
sumer à M. Berzélius que le rein était un organe oxidant où s’opé- 
rait la combustion du soufre et du phosphore, qu'il considérait 
comme élémens de falbumine. 

Au moyen de ces diverses données, et en réfléchissant qu’un 
chien de taille médiocre sécrète en état de santé un gros, et 
plus, d’urée dans les vingt-quatre heures, nous avons concu 
l'espoir de décider la question relative aux fonctions du rein, 
par l'examen du sang d’un animal néphrotomisé. A cet effet, 
nous avons pratiqué celte opération sur les espèces précitées, et 
nous avons saigné les individus, lorsque leur état faible et lan- 
guissant, nous à fait présumer qu'ils n'avaient que peu de temps 
a vivre encore. Nous avons examiné leur sang avec atten- 
tion. 

Nous avons vu d'abord qu'il était plus streux que celui des 
mêmes animaux à l'état ordinaire, et que le sérum lui-mème ren- 
fermait une proportion d’eau plus considérable. On devait s'y 
attendre en $e rappelant que la transpiration cutanée est nulle 
chez ces animaux et qu’elle ne peut par conséquent rétablir l'équi- 
libre que l’annihilation des reins vient de détruire. Le sérum ét 
le caillot desseéchés, comme à l'ordinaire, ont été traités à l’eau 
bouillante jusqu'a ce que ce véhicule ait cessé d’avoir sur eux une 
action sensible. Les lavages évaporés ont été repris par l'alcool 
qui a dissous la matière désignée sous le nom de substance mu- 
coso-extractive par M. le professeur Marcet, l’un dés premiers 
qui l’aient bien distinguée. M. Berzélius a établi depuis, avec 
raison, qu'on devait considérer ce produit comme un mélange 
de lactate de soude et d'une matière animale particulière. Dés 
trailemens parfaitement semblables ayant eu lieu sur du sans 
sain, nous avons Vu que celui des animaux opérés fournissait un 
résidu alcoolique deux fois plus considérable. H était, dans les 
deux cas, de couleur brune soluble à l’eau et à l'alcool, attirant 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 217 


vivement l'humidité de l'air, précipitant l’acétate et le nitrate 
de plomb; mais celui que fourmissait le sang des animaux néphro- 
tomisés se concrélait en masse blanche et cristalline par l'acide 
. mitrique. L'eau redissolvait presque entièrement ce dernier pro- 

duit, et la dissolution aqueuse saturée au moyen d’un peu de 
carbonate de soude, puis évaporée, fournissait un résidu salin 
duquel l'alcool séparait de nouveau la matière animale qui repa= 
raissait avec ses propriélés primitives. Ces divers signes nous 
dénotaient la présence d’une matière animale susceptible de com- 
binaison avec l’oxide de plomb, d'une quantité d’urée considé- 
rable et d’ane proportion assez forle de lactate de soude. Lorsqu'on 
détruisait les matérianx combustibles par l’action de la cha- 
leur, ce dernier laissait beaucoup de carbonate de soude pour 
résidu. 

Ceci bien concu, nous n’avons pas eu beaucoup de peine à 
imaginer un procédé propre à purifier notre urée. Nous transfor- 
mons en nitrale le résidu des traitemens alcooliques, et nous 
laissons ce composé sur du papier sans colle pendant quelques 
heures. On sépare ainsi tout le lactate de soude qui attire l’hu- 
midité atmosphérique et s’imbibe entièrement ; en redissolvant le 
nitrate dans l’eau, celle-ci laisse un petit résidu qui parait être 
une combinaison de l'acide nitrique avec la matière animale pré- 
cipitable par le plomb. L’évaporation du liquide reproduit en- 
suile le. nitrite d'urée en paillettes nacrées parfaitement blanches. 
IL est facile, par les moyens connus, d’en extraire l’urée pure et 
crislallisée. 

Dans toute autre circonstance nous aurions pu nous borner à 
ces signes pour affirmer la présence de l’uréé; maïs les consé- 
quences de cette asserlion sont tellement importantes qu'il était 
de notre devoir de porter la probabilité chimique aussi loin que 
possible. 

Nous avons donc mêlé quelques grains de notre urée supposée 
pure, avec de l’oxide de cuivre, et nous avons procédé à la com- 
bustioncommeà l'ordinaire, en faisant passer les gaz sur une couche 
de tournure decuivre rougie. À prèsen avoirrecueilli 60 centimètres 
cubes environ , on a recu les dernières portions dans deux tubes 
étroits et gradués ; 100 parties du gaz ont laïssé dans le premier, 
48 d’azote pur, et dans le second 51 idem : ce qui indique le rap- 
port de 1 à 1 entre l'acide carbonique et l'azote. 

0,069 de la même substance ont fourni 46 centim. cub. de 
gaz total à o°, et sous la pression de 0,76; ce qui d’après le rap- 
port précédent, indique 253 centim. cub. azote, et 25 centim. cube 


Tome XCF. SEPTEMBRE an 1822. 28 


218 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
acide carbonique, d’où l’on déduit 0,02914 pour le poids de l’a- 
zote, et 0,01258 pour le carbone renfermé Lu 0,06900 de cette 
uree. 

Le résidu de cette dernière combustion soumis à l'examen dans 
un appareil particulier, que l’un de nous ne tardera pas à faire 
conuaitre, nous a fourni les données convenables pour appré- 
€ier le poids de l’oxigène et celui de l'hydrogène. 

Voici nos résultats : 


29,14 azote, ou 42,23 azote, 
12,58 carbone, 18,23 carbone, 
6,82 hydrogène, 9,89 hydrogène, 
20,46 oxigène, 29,65 oxigène. 


69,00 urée du sang de chien, 100,00 id. 


L'analyse de l’urée extraite de l'urine a fourni les résultats sui- 
vans à M. Bérard, savant professeur de Chimie à Montpellier. 


43,4 azote, 

19,4 carbone, 
10,8 hydrogène; 
26,4 oxigène.. 

100 urée de l'urine. 


La différence se confond avec les erreurs possibles dans des: 
analyses de ce genre , et nous croyons qu'il est permis de con- 
clure que l’urée du sang est identique avec celle de l’urine: 

Nous n'avons pas élé aussi heureux dans la recherche des acides 
phosphorique et sulfurique. H est vrai que jusqu’à présent nous 
n’y avons donné qu’une altention fort secondaire. “#5 

D'importans corollaires Ste AS se laissent déduire de 
l'existence de l’urée dans le sang in épendamment de l’action des 
reins. Nous croyons pouvoir affirmer la réalité de ce fait, que 
nous prions de séparer soigneusement des conséquences que nous 
allons essayer d’en tirer, et sur lesquelles nous avouons qu'il est 
bien possible de se faire illusion. RATTERE 

Le rein paraît n'être qu’une surface éliminalrice analogue à la 
peau, comme l'avait déjà cru le D' Rollo (On diabetes, p. 308), 
et nous ignorons encore où se forment l’urée et les divers com- 
posans de l'urine. Si quelque chose pouvait nous ürer de cette 
obscurité, nous avons lieu de penser que c'esl lexamen des urines 
dans des cas pathologiques bien décidés. En effet , tous les chi- 
mistes savent que l'urine des malades affligés d'hépatite chronique, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 219 


contient peu ou point d’urée, ce qui semblerait prouver que les 
fonctions du foie sont nécessaires à sa formation. 

Il en est de même des autres substances qui s’évacuent par 
l’intermède des reins. Rien ne peut nous éclairer sur le véritable 
siége de leur création, et nous resterons dans la même igno- 
rauce tant que nous manquerons d'analyses comparatives du 
sang et des sécrélions, sous diverses circonstances, et surtout 
lorsque ces dernières sont manifestement altérées en quantité et 
en qualité. : 

Dans cette nouvelle carrière que nous venons d'ouvrir, la pa- 
thologie trouvera, nous n’en doutons pas, la solution de plusieurs 
points difficiles. Ce n’est pas ici le lieu d'entrer dans de longs 
développemens, et si nous nous restreignons à quelques cas par- 
tüiculiers, nous osons espérer que personne ne voudra nous ac- 
cuser de n’avoir pas saisi la question dans toute sa généralité. 

Le siége véritable du diabétès a été le sujet de beaucoup de 
discussions savantes qui ont cependant laissé la question indé- 
cise. Quelques médecins à la tête desquels se trouve le D' Rollo, 
ont cru que l’action morbide existait dans le canal digestif. D'autres, 
non moins dignes de confiance et de foi, pensent au contraireavec 
les D Henry, Ferriar, etc., que l’état irrégulier du rein est la 
première cause des symptômes. Ils se basent principalement sur 
ce que l'urée est une formation du rein et qu’elle est remplacée 
par la matière sucrée ou insipide , ainsi que sur l'absence de celle- 
ci dans le sang, d'après les expériences du D° Wollaston qu'ils 
opposent à celles des chimistes qui croient en avoir aperçu. La 
première de ces raisons lombe d’elle-même!, et quelquesréflexions 
vont nous donner une idée exacte de la seconde. En effet, quel- 
ques expériences qui seront détaillées plus tard, nous portent à 
penser , 1°. que l’urée est éliminée par le rein à mesure qu’elle se 
forme; 2°. que lorsque cet organe est enlevé, le sang la retienten 
entier, Or, si nous admettons qu'il en est de même de la matière 
sucrée, nous pourrons concevoir sans difficulté que dans les cas 
où lerein fonctionne bién , tout le sucre disparait du sang; et que 
dans ceux où celui-ci joue son rôle d’une manière partielle, on en 
trouvera encore des quantités sensibles dans ce liquide. On ne 
peut se flalter de le rencontrer en masse bien notable, tant que 
l'action du rein n’a pas été détruite. Ces diverses considérations 
nous semblent établir qu’il en est du sucre des diabétiques comme 
de l'urée , et nous avons quelque lieu de penser que ce principe 
exerce une action diurétique dont les principaux symptômes du 
diabétès pourraient être déduits. D'ailleurs cette supposition eon- 


28. 


220 JOURNAL DE PHYSIQUE;.DE CHIMIE 


firme pleinement le mode de traitement en usage, et nous ex- 
plique assez bien les bons eflets d’une nourriture azotée; mais 
elle permet aussi d'espérer que de nouvelles recherches pour- 
ront amener des résultats intéressans sur le choix des alimens et 
sur le point de vue qui doit diriger la médication. 

Nous trouvons encore ici des éclaircissemens sur quelques 
phénomènes de la goutte qui confirment entièrement la décou- 
verte elle-même. La présence des calculs de lithate de soude 
dans les articulations , aurait déja dù faire penser que ce principe 
existait dans le sang. Nous savons d'ailleurs que la sécré- 
lion urinaire se charge d’une forte portion d'acide lithique, 
lorsque le paroxisme se manifeste sur les reins, et que les arti- 
culations vivement affectées sont les seules qui renferment les - 
concrélions du lithate alcalin. Si l'analyse nous prouvait qu'au 
commencement de l'attaque , le sang contient plus d'acide lithique 
qu’il n’est possible au rein d’en séparer, nous verrions dans le 
trouble général qui est le début du paroxisme, le résultat de cette 
action morbide du sang, et dans le point affecté un siége mo- 
mentané de sécrétion. 

La plupart des maladies calculeuses, soit celles du rein, qui 
sont dues ordinairement au dépôt d’acide lithique , soit celles 
de la vessie qui sont très variées, recevront des améliorations dans 
leur traitement, lorsqu'on aura bien établi l'état particulier du 
sang qui les occasionne. 

L'hydropisie générale, l'hématurie et beaucoup d’autres affec- 
lions , puiseront un nouveau jour dans ce point de vue particu- 
lier. Les caractères de l'urine acquerront un intérêt très puissant, 
en ce qu'ils serviront à désigner l’état de la masse du sang et le 
genre d’altération auquel ce fluide important se trouve soumis. 
L'expérience a déjà fait connaître beaucoup de faits; elle en 
mettra en évidence un bien plus grand nombre lorsque l’atten- 
tion des observateurs sera dirigée sur ce point. Qui doutera, par 
exemple, que l'acide purpurique ne joue un grand rôle dans les 
fièvres, paisqu'on le voit le plus souvent se déposer de l'urine des 
malades qui en sont atteints ? 

Les opinions de Ruisch sur le rein se trouvent donc lout-à- fait 
confirmées, mais il est très probable que cet organe est le seul 
qui fonctionne de cette manière. L'expérience décidera cette 
question relativement à chacun d'eux en particulier. 

Les personnes qui auront lu nos précédens Mémoires avec 
attention el connaissance de cause, s’apercevront facilement que 
celui-ci n’est qu'une application, suggérée par nos observalions 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 221 


microscopiques. Nous osons espérer que nos publications pro- 
chaines acheveront de démontrer l'importance et l'intérêt de ce 
genre de recherches, en même temps qu’elles réconcilieront les 
véritables savans avec l'emploi bien entendu d’un instrument qui 
permet d'apprécier les caractères physiques d'une foule d'objets 
intéressans, que leur petitesse dérobe à notre vue. 


N. B. Les physiologisies qui seront curieux de s'assurer, par 
eux-mêmes , de la vérité des faits énonçés dans ce Mémoire, 
n'éprouveront pas beaucoup de difficultés. Cinq onces de sang d’un 
chien qui a vécu sans rein pendant deux jours seulement four- 
nissent plus de 20 grains d'urée; et 2 onces du sang d’un chat, 
dans les mêmes circonstances, en donnent plus de 10 grains. Ces 
quantités sont parfaitement appréciables par les chimistes les 
moins expérimentés. Nous ne leur conseillons pas de s’es- 
sayer sur des lapins, parce qu'ils résistent moins bien à l'opéra- 
tion. 


SUR LA POUDRE A TIRER; 


Par C. J. BRIANCHON, 


Capitaine d'Artillerie. 


Les poudres diversement dosées différent par le degré d’in- 
flammabilité, par la faculté de céder ou de résister plus ou moins 
aux causes d’avarie, par les variétés d'effet balistique qu'elles 
manifestent quand on les éprouve à petites charges, etc. 


La poudre est une mixtion homogène susceptible de s’enflam- 
mer, sans le concours de l'air, par l'application brusque d’une 
température propre à fondre le nitre; alors, les principes réa- 
gissent entre eux chimiquement, dégagent une énorme quantité 
de calorique, et donnent lieu à des produits qui sont tous 

azéifiables. Concevant donc le phénomène dans son état. 
É plus général, on voit que le dosage doit se régler par les pro- 
portions fixes qui révissent toute combinaison chimique, faute de: 
quoi une partie des matières serait inerte. 

Nous considérons ici la poudre grénée, dans l’état le plus 


LL 


222 $ JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


favorable à la détonnation vive. On sait que le genre d’altération 
qu'éprouve une mixlion au feu , et conséquemment la nature des 
produits, dépendent beaucoup de la manière d'appliquer la cha- 
leur. 

Mis en quantité suffisante, le rôle du charbon est de s'emparer 
de tout l’oxigène du nitre, pour former soit de l’oxide, soit de 
l'acide carbonique. Nous verrons tout à l'heure comment une 
proportion de soufre, introduite dans le mélange, favorise émi- 
nemment celte fonction du carbone. 

Le soufre, qui suit le charbon dans l’ordre des affinités pour 
l'oxigène , a une telle avidité pour le potassium qu'il l’enlève en 
pue partie à la potasse, quand on le fond avec celle-ci (1); 

I. Berzélius ajoute que, moyennant la présence du soufre, :l 
ne faut qu’une très-faible chaleur pour réduire, par l'hydrogène 
ou le carbone , la potasse en potassium. 

Le charbon en usage contient naturellement une quantité 
d'hydrogène qui s'y trouve fixé et qui rehausse les propriélés 
qu'il apporte dans Ja poudre; cette quantité exerce une légère 
influence sur le dosage, mais, pour le moment, nous n’en tien- 
drons point compte, pas plus que de quelques autres petites cir- 
constances accidentelles sur lesquelles nous reviendrons. 

Nous voyons déjà que, dans l'inflammation de la poudre, la- 
potasse, sollicitée par deux affinités, cède d’une part son oxigène 
au charbon, et, de l’autre, son métal au soufre dosé. Le sulfure 
de potassium résultant est un corps susceptible de se volatiliser 
par la chaleur, sans décomposition; il apparaît dans le tir sous 
la forme de nuages blanchätres, et constituent la fumée de la 
poudre. Cette vapeur, dont la neutralité est une qualité précieuse, 
se convertit bientôt en sulfate de potasse aux dépends de l’oxi- 
gène atmosphérique. 

Une des conditions essentielles étant de composer le mélange 
à telle fin qu'il résiste le mieux possible aux causes d'avarie, et, 
des trois matières, le charbon étant celle qui nuit le plus 
à la conservation de la poudre, le premier dosage à calculer 
est celui où le salpêtre se trouve associé, selon les proportions 
fixes, avec le plus petit poids de charbon. Or, le plus haut degré 
d'oxigénation de ce combustible simple est l’état d’acide carbonique, 
lequel contient 2 atomes d’oxigène; on peul donc, avec 3 atomes 


(1) Voyez les Mémoires de MM. Vauquelin et Berzélius sur les sulfures 
alcalins, Annales de Chimie et de Physique, t. VI et XX. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 223 


seulement de carbone , s'emparer des 6 atomes d’oxigène que 
renferme le nitre. 

De plus, la poudre de guerre étant sujette , dans les transports, 
à recevoir l'impression de la chaleur solaire , qui pourrait vapo- 
riser une portion du soufre (1), ou mème le ramollir, on doit 
aussi mesurer la dose de celui-ci, dont l'excès aurait d’ailleurs, 
pour les petites charges, l'inconvénient grave d’amortir l'effet 
dynamique. Si donc nous admettons que la paire d’atomes soit le 
moindre degré de sulfuration que puisse recevoir le potassium, 
comme en ce moment, nous n'avons en vue que d'impri- 
mer à la poudre la faculté de résister le mieux possible aux 
causes d’avarie , nous ne ferons entrer dans notre dosage 
qu’un seul atome de soufre pour neutraliser l’atome de potas- 
sium que renferme le nitre. On verra bientôt que cette quantité 
de soufre est suflisante pour faciliter la granulation et pour assu— 
rer la consistance du grain , et que le dosage ainsi réglé est pré- 
cisément celui que l'expérience a consacré. 

Pour appliquer ceci, consultons la table des équivalens. Le 
D° Thomson, dans son Système de Chimie (2), ayant cru pou- 
voir simplifier les poids atomiques, je m'en tiendrai à ses 
nombres. 


Le poids de Fatome d’oxigène étant... 1 
l'atome d’azote pèse..... 1,75 
de potassium... 
——— de carbone...... 0,75 
de:soufre...….,.. 2 


L’acide nitrique pèse donc 6,75, la potasse 6, et le nitre 
NE +6— 12,75; et le dosage que nous venons de spécifier est 
tel : 

1: atome de nitre.... 12,75......75 


3 atomes de carbone.. 2,25......15,24 
1 atome desoufre.... 2.........11,76. 


17. 100. 
Or, cette proportion est exactement celle qu’on suivait au mou 
lin d’Essonne en 1697 (3), d'après: l'expérience des siècles qui 
avait appris que la poudre ainsi composée, sans trop s'écarter 


(1) Selon Kirwan, le soufre s'évapore à 76 ou 77° centigrades. 

(2) M Riffault, ex-régisseur-général des poudres et salpêtres, a lraduit et 
publié cet ouvrage en français: Paris , 1818. 

(3) Mémoires d’Artillerie de Surirey de Saint-Remy, t. II, p. 110. 


224 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


du maximum d'action balistique, a le précieux avantage d’offrir le 
moins de prise aux causes ordinaires d’avarie, et conserve sa force 
mieux et plus long-lemps que toute autre. Depuis, on s’est quel- 
quefois écarté de ce dosage fondamental; maïs, enfin, après 
beaucoup d’alternatives et d'essais, on y est revenu; et, d’après 
un règlement qui date de 1808 , la composition actuelle de notre 
poudre de guerre est fixée comme il suit: 


INA SRE RTC EPS 
Ghayhon "A 
S OUITEr- RS 0 UNIL 


rÜ 


100. 


Si, au lieu de baser le calcul sur les poids atomiques donnés 
par le D' Thomson, on adopte les tables de M. Berzélius, le dosage 
fondamental devient: 


INiiter eee 00700 
Charonne Cr 04 
DOUTE seb ee EAU, 


100. 


résultat qui ne diffère pas sensiblement du précédent. 


Les produits de la détonnation de cette poudre, formée d’un 
atome de nitre, trois de charbon et un de soufre, sont : 


3 atomes d’acide carbonique..... 8,25......48,53 


1Halome d'aZOIe-Rr recente eee 10,50 
1 atome de sulfure de potassium. 7......... 41,17. 
by: 100. 


Ainsi, les gaz permanens donnés par 100 grammes de celte 
poudre, dont on a troublé l'équilibre par l'application d’une cha- 
leur brusque, consistent en 48,53 d'acide carbonique et 10,50 
d'azote. Cette masse de fluides aériformes tend, sous la pression 
barométrique ordinaire, à occuper un certain volume dont la 
grandeur dépend de la température du foyer d’explosion, tempé- 
rature qui est uniquement fomentée par la seule action chimique. 
Voyons d'abord quelle serait, par aperçu , la mesure de ce vo- 
lume à 0° du thermomètre, et, dans ce dessein, admeltons que 
: litre de notre poudre pèse 900 grammes , ce qui est à peu près 
le terme moyen de la densité des poudres granulées. Puisque, 
d'expérience faite, à ce degré, 1 litre de gaz acide carbonique 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 225 
pèse 1#°,074r, et un litre de gaz azote, 1‘,2590; l'espace occupé 
par les 48,55 d'acide carbonique sera 

48,53 
1,9741 
ou environ 24 litres; et l’espace occupé par les 10‘,30 d'azote 
sera, 
10,30 
1,25g0 
ou à peu près 8 litres, qui forment le tiers de l’autre. Et 
comme les 100 grammes de poudre qui ont produit ces deux 
gaz représentent + de litre, on voit que 1 litre de poudre don- 
nera 9 (24 + 8) = 288 litres de gaz permanens mesurés à la tem- 
pérature 0°, sous la pression barométrique 0",76. 

Hauksbée, Robins et Saluces qui ont cherché , par des expé- 
riences directes, à mesurer ce volume des gaz permanens, ramenés 
à la température ordinaire, l'ont trouvé, l’un de 232, l’autre de 
244, et le troisième de 266. Notre calcul nous donne 288. Ces 
différences peuvent tenir, soit à la difficulté mème de ce genre 
d'expériences, soit à la diversité des dosages. La grosseur et la 
compacité des grains sont encore une chose à noter, puisqu'elles 
influent beaucoup sur la densité que notre calcul attribue à la 
poudre. 

La température du foyer d’explosion dépend non-seulement 
de la quantité de calorique émis, mais, encore, du temps plus 
ou moins court qu’il met à se dégager, de sa vitesse. Elle est 
d’ailleurs considérablement influencée par la masse même de la 
poudre qu’on enflamme. Un dosage étant donné, et les charges 
variant de poids, il faudrait pouvoir mesurer la chaleur de la 
détonnation pour conclure, dans chaque cas, l’élasticité des gaz 
produits, ou la mesure des volumes qu'ils tendraient à occuper, 
dans le premier instant, pour se mettre en équilibre avec la pres- 
sion atmosphérique. Pour le tir ordinaire du canon, Robins 
suppose que cette tempéralure est simplement celle du fer chaufté 
à blanc, ce qui répond à peu près. à 800 du thermomètre cen- 
tigrade; et comme il a trouvé, par une expérience fort ingé- 
nieuse , qu'une masse d'air, passant de la température ordinaire 
à celle du fer chauffé à blanc, quadruple environ son volume (1) 


(1) Nouveaux Principes d’Artillerie de Benjamin Robins, page 159 de la 
traduction française qu’en a publiée, en 1771, M. Dupuy, professeur aux écoles 
royales d'artillerie. 

On peut vérifier comme il suit le résultat trouvé par Robins : soit une masse 


Tome XCV. SEPTEMBRE an 1822. 29 


226 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


en conservant la même élasticité 0",76, il en conclu que les gaz 
permanens de la poudre enflammée tendent alors à occuper près 
de mille fois le volume de la charge. 

Nous devons ajouter que le sulfure de potassium, qui est le 
troisième produit de la poudre enflammée, prendra aussi , pour 
se volaliliser, une quantité du calorique émis, laquelle sera, 
comme pour les deux premiers, proportionnelle à sa capacité de 
chaleur; alors il exercera aussi les fonctions de fluide impulsif 
propre à se dilater dans le même rapport qui a été déterminé 
pour les gaz et pour les vapeurs. Comme on n’a point encore 
cherché la densité de la vapeur de ce sulfure , nous ne pouvons 
exprimer son rôle dans le calcul que par une hypothèse ; nous 
supposerons donc que celte masse de vapeur, qui forme plus 
des ? du poids de la charge , puisse porter jusqu’à {00 les 288 vo- 
James occupés à la température o° par les seuls gaz permanens 
que fournit un volume de poudre granulée. Et comme la plupart 
des auteurs s'accordent à AREA PA os de Robins comme 
fort au-dessous de la vérité, et pensent que, dans le tir ordinaire 
des pièces d'artillerie , la détonnation manifeste une température 
bien supérieure à celle du fer chauffé à blanc, lequel marque en 
cet élat 800° environ, nous imaginerons, dans la seule vue d'of- 
frir un exemple où cette théorie soit appliquée, que, indépen- 
damment de la quantité de calorique qui a pu être nécessaire 
pour constituer les gaz à 0°, le foyer se trouve élevé à 2400° du 
thermomètre centigrade , point qui est un peu supérieur à celui 
où le bronze se fond. A ce degré, dont le métal du canon aurait 
une part que nous négligeons ici, la loi de dilatation étant 
supposée applicable, le volume 400 serait porté à 

9400* 


400 (à +) 


ou 4000. C'est-à-dire que, dans le premier instant, le ressort des 
fluides impulsifs qui chassent le boulet, équivaudrait à 4 mille 


de gaz occupant un espace v à o° du thermomètre et à 0”,76 de pression baro- 
métrique ; si on veut connaître à quelle température t il faut la porter pour 
qu'elle quadruple son volume sans cesser de faire équilibre à cette pression, on 
n'a, d'après la loi de M. Gay-Lussac sur la dilatation des gaz, qu’à résoudre 
l'équation 


t _ 
(+ 2662? —=4y , 


laquelle donne 
D 18002 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 227 


atmosphères; en d’autres lermes, la charge, passant de l'état so- 
lide à l’état gazeux, tendrait à porter son volume de 1 à 4000 pour 
se réduire à l’élasticité 0”,76. 

Lorsqu'on enflamme une pincée de bonne poudre de guerre, 
mise sur du papier très blanc, elle se dissipe en entier sans 
que celui-ci perde rien de son éclat, Ce fail bien connu dé- 
montre 1°. que les trois atomes de charbon sont complète- 
ment dissous par l’oxigène du nitre, et, parlant, qu'aucune 
portion de soufre n’a pu être acidifiée ; 2°, que le sulfure de potas- 
sium est parfaitement volatil. 

__ La mème poudre qui, à l'air libre, et sur une surface plane, 
brüle sans laisser aucune trace de résidu, se comporte autrement 
dans les armes à feu; les circonstances ont changé; la charge 
étant logée dans un tube, l’intérieur de celui-ci se trouve tou- 
jours plus ou moins sali et encrassé après le coup; on explique 
très bien cette différence : le boulet, chassé par l’inflanimalion de 
la poudre, étant sorti de la pièce, l’effusion des gaz impulsifs, qui 
s’'échappent du tube, se prolonge durant quelques instans très 
courls ; leur ressort se débande jusqu’à ce qu'il soit en équilibre 
avec l’élasticité de la colonne atmosphérique ; à ce moment, 
l’âme du canonse trouveremplieseulement de vapeurs de sulfure de 
potassium qui est, des trois produits, le moins gazéiliable, le 
plus lourd, le moins agile; c’est cette masse de. vapeurs équili- 
branle qui va forcer la suie qu’on trouve dans l’arme après le tir ; 
en effet, la température du foyer baïssant rapidement par l’action 
de l'air ambiant qui soutire le calorique du métal ; l'élasticité de 
celte vapeur diminue d’autant, son volume se contracte; elle se 
cantonne vers le fond; l'air entre alors par la bouche, et avance 
à mesure que le gaz vaporeux se retire. Bienlôl arrive une époque 
où le réfroidissement est tel que le sulfure ne peut plus exister 
à l’état gazeux, par quoi il se condense successivement, et se 
dépose à l’état solide, constituant ainsi la crasse noirâtre des 
armes à feu (1). Ce résidu est avide et de l'humidité et de l’oxi- 
gène atmosphérique. 


(1) La diversité des combinaisons atomiques qui peuvent exister entre le 
soufre et le potassium explique le peu d'accord qu’on remarque dans les au- 
teurs qui ont prononcé sur les caractères physiques et notamment sur la couleur 
de ce composé binaire. Quelques chimistes le présentent comme ayant l'aspect 
gris foncé; d’autres le disent jaune, rougeâtre, rouge vineux, rouge brun. 
Toujours est-il que, condensé dans l'âme de la pièce , et n’ayant que sa surface 
qui soit au contact de l'air, il s’encroûtera de sulfate de potasse , lequel englo- 
bera les particules de poussier qui auraient pu se soustraire à la combustion. 


29. 


228 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Cette masse de vapeurs équilibränte est d'autant moindre que 
le foyer d'explosion a manifesté un plus haut degré de chaleur, 
la capacité de l'âme demeurant constante. Or, comme ce degré 
tient, non-seulement au dosage, mais encore à la parfaite homo- 
généité et à la bonne fabrication du mélange, notamment pour 
les petites armes, on voit que, pour un dosage donné, la poudre 
encrassera d'autant moins le tube qu’elle sera fabriquée avec plus 
de soin. 

Nous aurions pu ajouter que, à mesure que la vapeur de sul- 
fure est refoulée par l’air , elle trouve une issue par la lumière du 
canon et s'échappe en parlie par ce canal, ce qui tend à diminuer 
lencrassement de la pièce. 

L'épaisseur du métal augmentant de la bouche à la culasse, 
celte dernière partie est celle qui se refroïdit le plus tard, circon- 
stance qui influe sur les effets qui suivent le tir. L’amorce ayant 
pris feu, la charge s’enflamme, le coup part, et l’effusion de gaz 
a lieu , tant par la bouche que par la lumière du canon, jusqu’à ce 
que l’élasticité de la vapeur de sulfure restante soit en équilibre 
avec la pression barométrique; tout ceci s’exécute avec une vitesse 
prodigieuse à laquelle succède une sorte de stagnation qui dure 
quelques instans bien marqués; après ce repos, dont on peut 
mesurer l'intervalle, un jet de fumée s’élance tout à coup de la 
lumière et persiste plas ou moins long-temps. Cet effet, qui peut 
surprendre d’abord, s'explique naturellement par les considéra- 
tions exposées plus haut. 


La poudre de mine s'employant en grandes masses, circonstance 
qui atténue considérablement l'influence que le dosage et la fabri- 
cation plus ou moins soignée peuvent exercer sur l'effet dyna- 
mique, et se trouvant, par la nature même du service auquel 
elle estaffectée, plus souvent aux prises avec l’humidité, on a pu, 
d’après ces considérations, et par un motif légitime d'économie, 
ajouter un nouvel atome de soufre. Mais, comme cette substance 
ne joue pas dans la poudre le rôle de combustible, au moins dans 
Pidée commune qu'on attache à ce mot, el qu'ainsi, au-delà du 
simple atome qui est rigoureusement nécessaire pour salurer le 
potassium , elle doit amortir l'énergie de la mixtion, fait qui d'ail- 
leurs est un principe d'expérience consacré dans l’art de l’artifi- 
cier, on a dù corriger un peu ce défaut en introduisant un qua- 
trième atome de charbon, vu que, d’après ce nous avons exposé 
plus haut, les fonctions de ce combustible sont d'aviver la com- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 229 


position, toutes les fois au moins qu’on n’en met pas au-delà de 


6 atomes contre 1 de nitre. Traduisant cette proportion en nombres, 
il vient : 


1 atome denitre...... 12,75.......64,56 


ZFatomes de chapbone Mae 22. 10810 
2"atome de soufre -... 2 4......0.:20,29 
19,75. 100. 


Tel est, en effet, le dosage de la poudre de mine en France. 
Le réglement prescrit : 


Nitre.1. os ur 65 
Charbon: 22... 10 
DOUIRE Sie « soie 20 


Les produits de la réaction chimique sont : 


2 atomes d'acide carbonique..... 5,50......27,85 
2 atomes d’oxide carbonique..... 3,50......17,72 
1 atome d’azole.......... PR RTE O0 
1 atome de bisulfuredepotassium. 9.........45,57 

19,75. 100. 


On ne tient point, dans l’usage de cette poudre, ni à ce que la 
fumée soit neutre, ni à ce qu’elle encrasse le moins possible les 
parois qui recèlent la charge. Ces deux conditions, si importantes 
pour la poudre de guerre, seraient ici superflues. 

La poudre de mine, ainsi composée, a donné à l'épreuve , au 
mortier d'ordonnance, et à la charge de 92 grammes, une por- 
tée de 256 mètres (1). Mais dans le fusil, dont le tir ordinaire 
s’exécule à la charge de 12 à 13 grammes, l’eflet balistique 
comparé serait très inférieur à celui de la poudre de guerre, 
vu qu’alors disparaîtrait l'influence que la masse exerce sur la 
température du foyer d’explosion, ce qui permettrait à l’excès de 
soufre de manifester sa propriété amorlissante. A joutons que, dans 
le tir des petites armes, la quantité de calorique enlevée au foyer 
par le métal du canon est une fraction considérable de la somme 
de chaleur émise par la réaction chimique, ce qui peut ralentir 
l'essor des fluides impulsifs. 


A ——_—————————— —— —————————— ——————  ———_—__— #4 —_—_— 


(1) Art de fabriquer la Poudre, par MM. Bottée et Riffanlt, p. 298. 


250 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Maintenant, si, toujours guidé par des vues d'économie, et 
négligeant les deux conditions relatives et à la nature de la famée 
et a l’encrassement des parois qui recèlent la charge, on veut, en 
conservant 2 atomes de soufre, aviver la composition précédente 
pour la rendre moins impropre au tir des petites armes, on ajou- 
tera un nouvel atome de charbon, ce qui donnera ce troisième 
dosage : 


1 atome de nitre....,. 12,75...,.....62,20 


5 atomes de charbon. . . 3,75.....:..168,29 
2 atomes de soufre... 4...........10,51 


Cette proportion est celle qu'on suit en France pour fabriquer 
la poudre de traite, destinée au commerce extérieur ; la composi- 
lion est ainsi réglée : 


INitre. ASS PANNE LOUER 
Gharhon 4 rite 
Sourire a0) 


Et Comme la quantité de charbon qu’elle renferme pourrait 
nuire à sa conservation, en donnant prise aux frottemens et à 
l'humidité, on a cherché à corriger ce défaut par le Ussage, 
d'autant que l'aspect lustré que cette opération donne au grain 
est fort recherché des commercans. 


On a plusieurs fois essayé de substituer le nitrate de soude au 
salpètre, dans la composition de la poudre, mais ces tentatives 
n’ont point eu de succès ; elles n’ont donné que des poudres de 
qualité inférieure (1). Ce sel à base de soude, quoique plus 
riche en oxigène que le même poids de salpêtre, apporterait 
dans la poudre plusieurs défauts graves : d’une part, il est moins 
fusible que le nitrate de potasse, circonstance qui diminuerait 
l'inflammabilité et attiédirait la détonnation ; de l’autre, il s'humecte 
à l'air, et finit même, avec le temps, par y tomber en déliques- 
cence complète. 


(1 Poyez le Dictionnaire de Chimie de l'Encyclopédie , article Nitrate de 
soude ; le Dictionnaire de Chimie de Klaproth ; l'Art de fabriquer la Poudre, 
par MM. Bottée et Riffault, p, 527. 


ET D'HISPOIRE NATURELLE. 231 


L'atome de sodium pesant 3, et, conséquemment, Île nitrate 
de soude 10,75, une poudre fabriquée avec ce sel, sous la con- 
dition qu'il soit associé avec les moindres équivalens en charbon 
eten soufre, comme l’est le salpêtre dans la poudre de guerre, 


devrait se doser ainsi: \ 
1 atome de nitrale de soude.... 10,75.....71,67 
3alomesde. Charbon. 2.40. 220.1. -10)00 
1 AtOMEITeMSONTrE us che LAN ee -210, 40 
15. 100. 


Alors on a, pour les produits de la détonnation , évalués en 
poids, 


3 atomes d'acide carbonique. ..  8,25.....55,00 

1 atome d'azote." Lutte. 2370 227,07 

1 atome de sulfure de sodium... 5..... - 35,35 
15. 100. 


Quoique ce mélange granulé, comparé poids pour poids avec 
notre poudre de guerre, .soit propre à donner une plus grande 
masse de gaz permanens , il ne s'ensuit pas qu'il doive impri- 
mer plus de vitesse au boulet, car l'effet projectile dépend beau- 
coup et de la quantité de chaleur émise par la réaction chimique, 
et de la promptitude avec laquelle cette émission a lieu. Plusieurs 
faits indiquent que le soufre n’a pas pour le sodium une aussi 
grande affinité que pour le potassium, et que le sulfure de so- 
dium est moins volatilisable, en sorte que la haute température du 
foyer pourrait le décomposer en partie. 


Nous avons vu que, dans les poudres à tirer, le soufre ne 
remplit pas les fonctions de combustible, n’enlève au nitre aucune 
portion d’oxigène ; tout ce dernier est pour le charbon. Il serait 
étonnant, en effet, qu'il fallüt deux combustibles; n'est-il pas 
naturel de penser que celui qui marche le premier dans l’ordre 
des affinités pour l’oxigène n'en laissera point à l’autre, si celui- 
ci a en présence un corps dont il soit tres avide, et qui est ici le 
potassium ? 

Le rôle du soufre, dans la poudre, est de provoquer la prompte 
réduction de la potasse ; et, ainsi, lorsqu'on le dose au minimum, 
l'inflammabilité, aussi bien que la vitesse et l’énergie de la déton- 


", 


252 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nation, s'en trouvent augmentées. C’est à cette moindre propor- 
tion de soufre que sont dus et l'accroissement eflicace des pro- 
duits gazeux et la supériorité que manifeste dans le tir au fusil 
notre poudre de guerre comparée soit à celles qui ont deux 
atomes de soufre, soit à celles qui n’en contiennent point du 
tout (1). Il est vrai que, par l'influence des masses, ces dernières 
remontent presque au degré d'énergie balistique de l’autre, quand 
on tire à grandes charges, comme dans le canon de siése, et ce 
fait intéresse beaucoup l’art militaire : une place forte, dépourvue 
de provisions de soufre , et mise, pour sa défense , dans la néces- 
sité de fabriquer de la poudre, trouverait de grandes ressources 
dans le simple mélange de nitre et de charbon. Hors delà, cette 
poudre nitro-charbonneuse est inadmissible; elle encrasse énor- 
mément la pièce, et dégage une fumée caustique; enfin, elle 
s'égrène, s’imbibe d'humidité et s’avarie promptement. 

Quant au mélange de nitre et de soufre, en quelque propor- 
tion qu’on le fasse, il ne donne point une poudre qui soit propre 
au lir de nos armes à feu. 

Les chlorates ou les iodates, qu’on substituerait aux nitrates 
dans la fabrication des poudres, changeraient beaucoup les consi- 
dérations : mêlés avec un seul combustible, soufre ou charbon, 
ils donnent une poudre très vive, notamment lorsque le sel est 
à base de potasse ou de soude, et, quand on détermine le jeu des afli- 
nités chimiques, soit par la chaleur, soit par le choc, la détonnation 
est plus forte que celle de la poudre à tirer (2); cependant chacun 
de ces deux sels, comparé poids pour poids au nitre, est moins riche 
en oxigène que ce dernier ; d’où vient donc la différence des effets ? 
Le voici: l'azote n'étant que peu ou point susceptible de s’unir aux 
métaux, les nitrates jouissent d’un équilibre beaucoup moins 
instable que celui qui subsiste dans les deux autres genres de sels; 
dans ceux-ci, le chlore ou l’iode sont aptes à se combiner très 
énergiquement avec le métal de la base; delà vient qu’en intro- 
duisant une force de plus dans l’un ou l’autre de ces deux der- 


(1) Ces considérations vérifient théoriquement les résultats obtenus par 
M. Proust qui a fait sur la poudre un grand nombre d'expériences formant le 
travail le plus complet que nous ayons en ce genre. Ce chimiste célèbre a pu- 
blié neuf Mémoires sur ce sujet; ils sont insérés dans les tomes LXX, 
LXXII, LXXII, LXXIV et LXX VI de ce Journal. 

(2) La poudre de guerre qui n’est pas altérée par l'humidité détonne très 
bien par la percussion : mettez-en quelques grains sur une enclume, et frap- 
vez-les vivement d'un coup de marteau, il se produira une explosion aigué, 
L'expérience pourrait manquer si on employait un trop petit marteau. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 253 


niers systèmes, c’est-à-dire, en meltant le chlorate ou l'iodate en 
contact avec un seul combustible avide de leur oxigène, l’équi- 
libre est promptement rompu lorsqu'on provoque l'action chi- 
mique par le choc ou par la chaleur. Et comme l'énergie dilania- 
trice des produits gazeux tient beaucoup moins à leur masse et 
à leur nature qu’à la quantité de calorique dégagé, et surtout à 
la vitesse de celui-ci, on concoit bien comment le soufre, par 
exemple , mélé seul avec une proportion de chlorate ou d’iodate, 
donne une poudre très alerte à la détonnation. 

Cherchons d’abord quel poids de soufre il faut associer au 
chlorate de potasse pour que l'équilibre du mélange , rendu ho- 
mogène, soit le plus instable, c’est-à-dire, pour que l'explosion 
soit la plus forte possible, ait le maximum d'effet dilaniateur. De 
toutes les combinaisons cngues du soufre avec l’oxigène, l'acide 
sulfureux est la seule qui pisse supporter sans décomposition la 
haute température que manifeste le phénomène; tel sera donc le 
gaz permanent produit; et comme il renferme 2 atomes d’oxigène, 
tandis que le chlorate en contient 6, on voit que le dosage 
cherché sera : 


1 atome de chlorate de potasse... 15,5 
3 atomes desoufre..........:...., 6 


21,5. 


proportion qui se rapproche des résultats de l'expérience; les 
auteurs prescrivent : 


Chlorate de potasse.... 3 parties , 
SODILe Ce ee Car all 


On a, pour les produits de la détonnation, 


3 atomes d'acide sulfureux... ... HA 
1 atome de chlorure de potassium.. 0,5 
EE 


Le même raisonnement s’appliquerait à tout autre chlorate ou 
iodate susceptible de détonner avec le soufre; il faudra constam- 
ment 3 atomes de celui-ci, vu que dans ces deux genres de sels, 
comme dans les nitrates, la quantité d’oxigène de l’oxide est à la 
quantité d'oxigène de l'acide, comme 1 est à 5. Donnons deux 
autres exemples de ces dosages de poudres sans charbon: puisque, 
d’après le D° Thomson, les atomes de chlore, d’iode et d’argent 
pèsent, respectivement, 4,5; 15,625 et 13,75; le chlorate d'argent 


Tome XCFV. SEPTEMBRE an 1822. 30 


234 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pèsera 24,25 et l'iodate de potasse 26,625; partant, ce sont là les 
proportions de ces deux sels qui fulminent le mieux avec G par- 
tes en poids de sonfre. 

Comparant ces diverses poudres avec celle qui est formée de 
nitre, de soufre et de charbon , et mettant en parallèle et les 
effets mécaniques et les produits chimiques des détonnations, on 
est frappé d’une idée qu'ont émise plusieurs auteurs, notamment 
l'illustre Lavoisier : c’est que le calorique dégagé pourrait bien 
être par lui-même l'agent balistique, en raison de sa quantité et 
de sa vitesse, les substances gazéifiables n’étant là que des modé- 
raleurs qui serviraient à distribuer dans un temps fini l'énergie 
de mouvement née subitement de l'essor du calorique. L’inter- 
médiaire de ces coussins gazeux, qui transmettent progressive- 
ment la force, aurait une grande ence et sur la vitesse du 
projectile et sur l'épaisseur et la longüeur à donner au canon. On 
pourrait dire que, de toutes les mixtions détonnantes connues , 
la poudre à tirer en usage est celle qui, dans son inflammation, 
jouit de cette élasticité graduée dans les limites les plus conve- 
nables à l'emploi des armes à feu; son effet dynamique, comparé 
a l’impétuosité des poudres chloratées, est véritablement un 
ressort doux. 

En suivant cette idée, on explique très bien une observation 
faite et par Lavoisier et par M. Proust : l'expérience leur a fait 
connaître que parmi les poudres formées de diverses doses de 
nitre, de soufre et de charbon, les plus riches en produits gazeux 
ne sont pas loujours les plus énergiques à l’éprouvette. Nous 
examinerons ceci plus loin, et nous rechercherons alors quelle 
influence les capacités de chaleur y pourraient apporter. Il nous 
reste d’ailleurs à traiter plusieurs questions et à parler de 
quelques autres dosages qui ont été ou qui sont encore accrédités. 


Vincennes , le 26 décembre 1822. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 235 


x 


NOTICE 


Sur plusieurs espèces nouvelles de Poissons; 
Par M. MARION DE PROCÉ, D.M.P., 
Membre-Correspondant de la Société Philomatique. 


Daxs un voyage de France à Manille , fait pendant les années 
1819 et 1820, M. le D' Marion s'est occupé d'observations sur 
presque toutes les parties de la Zoologie. Il avait recueilli un 
grand nombre d'animaux qu'il se proposait d'étudier avec plus 
de soin en Europe; mais la révolle qui eut lieu à Manille, peu 
de temps avant son départ, l’a privé de cet avantage; ses collec- 
tions ayant été en très grande partie détruites. Le Mémoire qu’il 
a lu à la Société a pour base ce qu’il a pu en sauver par un hasard 
heureux, ou des dessins faits sur les lieux avec beaucoup de soin. 
Nous nous bornerons à donner la phrase caractéristique de chaqua 
espèce. 

SQuALE INDIEN (Squalus indicus | Mar.) 


Cinq larges ouvertures des branchies; point d’évent; dents 
longues , aiguës; dos gris; corps arrondi; fusiforme; une fossette 
A hettus de l'extrémité du dos, une autre au-dessous ; une carène 

pinniforme sur les côtés de la queue; la nageoire caudale semi- 
lunaire ; le lobe supérieur à peine plus long que l’autre. 

S. aperturis branchialibus quinque maximis ad latera et partem 
inferiorem colli; dentibus elongatis, acutisque ; dorso griseo ; cor- 
pore rotundato , fusiformi; fossul& supra et infra extremum dorsi 

Jinem ; carinä pinniformi ad latera caudæ ; caudä lunat& ; lobo su- 
periore VIX majore. { 

Il habite les mers de l’Archipel de l’{nde. Il a évidemment plu- 
pie rapports avec le squale nez dont il est cependant bien 

istinct. 


Terropon DE Manizce, ( T'etr. Manilensis, Mar. ) 


Huit ou dix rayures longitudinales, étroites et verdätres. 
30... 


AZ 


236 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
T. octo decemve fasciis longitudinalibus angustis, et subviri- 


dibus. 
P.15.D.6.A.9.C.0. 
Très répandu dans la baie de Manille. Sa longueur n'excède 
point 4 ou 5 pouces. 5 


TETRODON NOIR ET VERT, ( Z'eer. nigroviridis, Mar.) 


Corps lisse; dos d’un vert brillant, orné, ainsi que les flancs, 
de taches noires et rondes. 

T. corpore levi; dorso viridi splendente , maculis rotundis sicut 
ad latera. 


P:18.D.12.A\:10.C.8. 


. Un seul individu , observé dans une mare d’eau douce sur la 
côte N.-E. de Sumatra, avait environ 2 pouces et demi de long. 


TETRODON compRiMÉ, ( T'etr. compressus , Mar.) 


Tête et corps comprimés; de couleur fauve, ornée de lignes 
sinueuses plus foncées ; une tache brune, ocellée, de chaque côté 
de la base de la nageoire dorsale. 

T'. capite corporeque compressis ; fulous supra, et per totam su- 
perficiem lineis fuscis et sinuosis ornatus ; maculä rotundä ad latera 
pinnæ dorsi principi. 3 

P.15.D.10.A.0.C.8. 


On le pêche dans la baie de Manille. Sa longueur est de 2 à 3 
pouces environ. 


BauISTE ARRONDI, ( Balistes rotundatus, Mar. ) 


Trois rayons à la première dorsale; écailles tricuspidées , égales ; 
queue sans armure ; couleur brune parsemée de quelques taches 
noiratres. 

B. pinnä dorsi anteriore triradiatä ; squamis tricuspidatis con- 
sunilibus , caudä inermi ; colore fusco; maculis nigricantibus. 


P.14.D.5.26.A.21.C.12. 
De la baie de Manille. 


BALISTE PONCTUÉ , ( Bal. punctatus , Mar.) 


Deux rayons à la première dorsale; peau grenue ; couleur verte, 
tachetée de points olivätres. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 337 
Ï Q A Q . « : A . A « 
B. pinnä dorsi anteriore biradiatä ; cuti granulosä; colore vires- 
cente olivaceo maculatä. 


P.11.D.2.51.A.30.C.12. 


Cette très petite espèce se trouve dans les mers de l’Archipel 
de l'Inde. 


Barisre mansRé, ( Bal, marmoratus, Mar.) 


Un seul rayon à la première dorsale; écailles épineuses; cou- 
leur brune marbrée. 

B. Pinnä dorsali anteriore uniradiatä; squamis uncinatis ; rufus 
marmoralusque. 


P.rr.D;:1.28.A :26.C. 16. 
Il habite les mers de l'Inde, 


Barisre cris, (Bal. cinereus , Mar. ) 


Un seul rayon à la première dorsale; dos grisätre ; flancs et 
ventre blancs, traversés de bandes longitudinales grises. 

B. pinnä dorsali anteriore uniradiatä; cuti granulosä; dorso ci- 
nereo; lateribus abdomineque albiis, cinereis longitrorsüm picus. 


Pre 26 rare 


Se trouve dans les mers de l'Inde, aux approches de Pulo- 
condore. 


Bauisre onxÉ, (Bal. ornatus , Mar. ) 


Un seul rayon lisse à la première dorsale; lisse, fanve, avec 
des bandes et des taches bleues disposées longitudinalement. 

B. Pinn& capitis uniradiatä levique; levigatus, fulous ; fascus et 
maculis cæruleis longitrorsäm ornatus. 

Cette espèce, remarquable par la beauté de ses couleurs, se 
trouve dans le détroit de Dampier , au sud de l'ile Waggion. 


SaURUS DÉPRIMÉ , (Saurus depressus | Mar.) 


Tête et corps déprimés; dents mobiles, à la manière de eelles 
des squales ; opercules écailleux; ligne latérale fortement caré- 
née de chaque côté de la queue. 

S. capite corporeque depressis; dentibus mobilibus , ferè modo 
squalorum; operculis squamosis; lineä laterali valde carinatä ad 
utrumque caudæ latus. 


Br.12.P.14.V.9.D.13.A.11.C.18. 


258 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Sa longueur n'excède pas 7 à 8 pouces. On le pêche en grande 
abondance à Manille, où sa chair est estimée, 


Srennopryx-BLEU , (Stern. cyanea ; Mar.) 


Corps très comprimé; dos bleu; flancs argentés; abdomen 
tranchant et festonné. 

S. valdè compressus ; dorso cæruleo ; lateribus argentatis ; sterno 
encarporum ad instar inciso. 

Un seul individu, péché'en vue de l'ile Bouroo dans l'Archipel 
de l'Inde , avait à peine deux pouces de long. 


Sariwe DE Manizce, ( Clupea Manilensis, Mar.) 


Bouche peu fendue; dos bleuâtre ; abdomen et flancs argentés, 
C. ore parum aperto ; dorso cæruleo ; abdomine et lateribus ar- 
2entalis. 


Br. 12.P.11.V.8.D.20.A.14.C.16. 
Très répandue dans la baie de Manille, cette espèce fournit une 
nourriture abondante et de bon goût. 


GomiE roux, (Gobius rufus , Mar.) 


Couleur brune; opercule prolongé en arrière ; écailles rhom- 
boïdales , flexibles ; nageoires tachetées de brun. 
) s 
G. fuscus; operculo elongato; squamis rhomboiïdalibus flexibilibus. 
Br. 5.P.:7.V.12.D.6.11:A.10.C. 14. 
Sa longueur est d'environ 3 pouces. Il habite la baie de Ma- 
nille. 
Lagre PerLÉ , ( Labrus baccatus, Mar.) 
Corps nuancé de vert et de rose; quatre ou cinq taches nacrées, 
placées longitudinalement au-dessous de la ligne latérale. 


L. corpore viridi roseo ; quatuor vel quinque maculis argentalis 
longitrorsum et infra lineam lateralem. 


Li 1 9 2 
128 15.V.5.D.5. A. CG. 16. 


Les couleurs de cette espèce sont très brillantes ; on la pêche 
daus la baie de Manille. 


* ET D'HISTOIRE NATURELLE. 239 


DENTÉ ALONGE , (Dentex elongatus , Mar.) 


Corps alongé , yeux grands , dos bleu, flancs blanchätres , ar- 
gentés. 


D. corpore elongato; oculis magnis; dorso cæruleo; lateribus 
albido argentis. 


Br. BHO VE D. AS Cure. 
19 10 


Il habite la baie de Manille. 


HorocenTre zèBRE, ( Alolocentrus sebra , Mar.) 


Ecailles petites et arrondies ; couleur violâtre ; cinq bandes 
transversales noirâtres ; nageoires lachetées. 


1. squamis parvulis rotundatis; colore violaceo ; quinque fascris 
Juscis transversis ; pinnis maculatis. 


Br RaiBiV D 2 ET Che 
7 26 11 
I] habite la baie de Manille. 


ToEnNIANOTE NAIN, (T'ænianotes minutus , Mar.) 


Brun avec des taches et des marbrures noirâtres sur le corps et 
les nageoires. 


T. rufus; maoulis et lineis angulatis nigricantibus per totum 
corpus pinnasque. 


FPE 
Br. 5.P.10.V.5 .D. A SC 14 


Très répandu dans la baie de Manille, ce petit poisson ne 
dépasse pas une longueur de 2 à 5 pouces. 


Arocon De Maniie , ( Mullus Manilensis , Mar.) 


Imberbe; 7 rayons épitieux à la prémièré nageoire dorsale ; 
mächoires égales. 


M. imberbis ; septem radiis spinosis ad primam pinnam dorsi ; 
maxillis æqualibus. 


Br, 7.P.14. Vi. D.7.. A .2.C.18. 


On le trouve dans la baie de Manille. 


240 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, €lC. 


CaRANx ARMÉ, (Caranx scutatus, Mar.) 


Jaune doré; écailles très petites et arrondies; 30 à 35 écussons 
à la ligne latérale. 


C. luteo-auratus ; squamis minimis et rotundatis ; 30 aut 55 scutis 
ad lineam lateralem. 


Br. 5.P.20.V.6.D.8.21.A.2.—.C.20. 
Il habite la baie de Manille. 


SiDJAN OVALE, (Æmphacanthus ovatus, Mar.) 


Tête, dos et flancs de couleur violacée avec quelques petites 
taches blanches argentées ; dessous du corps blanchätre. 

S. capite, dorso et lateribus violaceis , argenteo punctatis ; ab- 
domine albido. 


Br.5.P.16.V.—.D..A.TCu17. 
2: 
Il habite la baie de Manille. 


NOTE 


Sur un Moyen imaginé par le D' Worraston , pour rendre visible 
l'existence de la Magnésie dans une dissolution. 


CE moyen consiste à tracer des lignes avec un tube dans la dis- 
solution claire de la magnésie, par un mélange de carbonate et de 
phosphate d'ammoniaque placé sur une feuille de verre. On peut, 
par exemple, y écrire le mot magnésie ; et si cette substance est 
réellement dans la substance claire, on lit ce mot en caractères 
blancs, très prononcés, tandis que rien ne paraît, s’il n'existe point 
de magnésie. Le D' Wollaston attribue cet effet au dégagement 
de la chaleur qui a lieu par le frottement du verre sur la plaque. 


— 


De l’Imprimerie de HUZARD-COURCIER , rue du Jardinet, n° 12, 


ANNONCES. 


OUVRAGES NOUVEAUX. 


Traité de Minéralogie ; par M. l'abbé Hauy. Quatre vol. in-8° et atlas, 1829, 
Prix, pour Paris, 60 fr. 

Les trois premiers volumes sont en vente. 

Le tome quatrième est sous presse pour paraître à la fin de février ou dans 
les premiers jours de mars. 


Application de Géométrie et de Mécanique, à la Marine et aux Ponts et 
Chaussées ; par Ch. Dupin, Membre de l'Institut, Un vol. in-4°, 1822, avec 
17 planches. Prix, 15 fr. 


Cet Ouvrage fait suite aux Développemens de Géométrie, avec des Applica- 
tions à la stabilité des vaisseaux, au déblais et remblais, au défilement, à l'op- 
tique, etc., du même Auteur. Un vol. in-4° avec planches. Prix, 15 fr. 


Traité des Propriétés projectives des Figures; par Poncelet, ancien élève de 
l'Ecole Polytechnique , capitaine au corps royal du Génie. Un vol. in-4° , 1822. 
Prix, 16 fr. 


Traité élémentaire de Construction appliqué à l'Architecture civile; par J. A. 
Borgnis; contenant les principes qui doivent diriger 1°. le choix et la prépara- 
tion des matériaux; 2°. la configuration et les proportions des parties qui consti- 
tuentiles édifices en général ; 3°. l'exécution des plans déjà fixés ; suivi de nom- 
breuses applications puisées dans les plus célèbres monumens antiques et mo- 
dernes , etc. Un gros vol. in-4°, 1823, avec atlas de 30 planches gravées par 
Adam. Prix, 36 fr. 


Description du Canal de jonction de la Meuse au Rhin; par M. Hageau, 
inspecteur des Ponts et Chaussées. Un vol. in-4#°, 1819, grand papier et atlas 
de 21 planches sur une demi-feuille grand-aigle. Prix, 70 fr. 


Traité des Savons solides, ou Manuel du Sayonnier et du Parfumeur, conte- 
pant les matières propres à la fabrication des Savons du commerce , etc.; par 
Grabriel Decroos. Un vol, in-8°, 1821, avec fig. Prix, 8 fr. 


Ces Ouvrages se vendent à Paris, chez Bachelier, gendre Courciér, suc- 
cesseur de M°° veuve Courcier , Libraire pour les Sciences, quai des Augustins, 
n°55. - 


Sous Presse chez le méme Libraire 
Traité de Mécanique céleste ; par M. le marquis de Laplace. Tome V® in-4°. 


Géométrie analytique ; par M. Biot. Sixième édition. Un vol. in-8°, pour 
paraître à la fin de Février 1823. 


+ 


» x de 

De l'Organisation des Animaux, 4 Principes d’Anatomie comparée; par 
M. H. Ducrotay de Blainville, D. M. P., professeur de la Faculté des 
Sciences , etc. ' # 

Cet ouvrage est le développement d'une partie du Cours d’Anatomie et de Phy- 
siologie comparées, envisagées comme servant de bäse à la Zoologie, qu 
M. de Blainville fait depuis‘près de dix ans à la Faculté des Sciences de Paris ét 
dont le plan a été conçu pour l’enseignement de l'école normale. Il sera composé 
de quatre forts volumes in-8°, de 5 a 600 pages chacun. 

Le premier volume, qui paraîtra dans le courant du mois de décembre 1822, 
traite de l'enveloppe extérieure comme servant à limiter l’animal dans l'espace, 
à lui donner une-forme, et comme lui faisant apercevoir les corps ‘extérieursiau 
moyen des organes des sens. ? 

Le second est consacré à la description de l’appareïl de la locomotion, ou de 
la modification d’une partie de l'enveloppe extérieure susceptible de se contrac- 
ter à la volonté de l'animal. 11 paraîtra au commencement de l'été de l’année 
1693. ; 

Dans le troisième, l’auteur envisageant l'enveloppe externe, ou extéro-in- 
terne , comme agissant sur les corps extérieurs pour les absorber à l’état liquide | 
ou aériforme, donne la description de l’appareilde la nutrition, c'est-à-dire desor- 
ganes de la digestion, de la respiration,\de la circulation, et des fluides employés 
à Ja composition de l'animal. à - 

Enfin le quatrième ést divisé en deux parties : la première Contient la considé- 
ration de l'enveloppe externe ou extéro-interne dans ses fonctions d'exhalation 
ou de décomposition , et par conséquent la description des-appareiïls de la dépu- 
ration urinaire , de la génération et du produit de la génération ; la seconde sera 
entièrement remplie par l'examen descriptif de l'appareil d'incitation intérieure 
ou du système nerveux. : ’ 

. Ces deux derniers volumes paraïîtront, sans faute, l'un à la fin de 1895, et 
l'autre au milieu de 1824. 

Quoiqne l'ordre suivi dans cet ouvrage soit entièrement physiologique, l'au- 
teur n’a pas moins cru devoir en séparer, autant que cela se pouvait sans nuire à 
l'intelligence des matières, la Physiologie, dont ilse propose detraiter spécialement 
dans un volume à part. 

Chaque volume seraaccompagné d'un petit nombre deplanches combinées de 
manière à rendre plus claire la marche analytique ou synthétique de l'auteur; 
mais le désir de faire paraître ce premier volume des Principes d'Anatomie 
comparée pour la rentrée des cours de l’année scolaire de 1822 à 1893,a forcé 
l'éditeur de remettre la distribution des planches qui devaientsy être jointes, à 
l'époque prochaine où le second volume sera mis en vente. , 


‘ Le prix de chaque volume, imprimé avec soin sur papier des Vosges, sera de 

fr. 50 c. pour les personnes quis’engageront à retirer l'ouvrage entier avant Ja 
publication du tome LV. Il sera augmenté de 1 fr. pour les personnes non inscrites 
passé cette époque. 


+ 
« 


JOURNAL 
DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE, 


D'HISTOIRE NATURELLE 
ETD.E.S.- AR TS : 


| AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE: 


Par M. H.-M. DUCROTAY nr BLAIN VILLE, 


Docteur en Médecine de la Faculté de Paris, Professeur de, Zoologie, d’Ana- 
tomie et de Physiologie comparées, à la Faculté des Sciences et à l'Ecole 
normale ; ex-Suppléant de M. Cuvier au Jardin du Rôi etau Collége de France, 
Membre de la Société Philomatique, Membre de la Société Den 
d'Edimbourg et de la Société d'Histoire naturelle de Dublin; etc: 


OCTOBRE an 1822. 


TOME XCV. 


A PARIS, 


Chez BACHELIER, Gendre Courcrer, Successeur de 
M VE Courcrer, Libraire, quai des Augustins, n° 55. 


TABLE 
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Mémoire sur quelques nouveaux Crustacés observés dans la mer de Nice ; 

par M. Risso, Page 241 
Exposé méthodique des Phénomènes électro-dynamiques et des lois dé ces 

Phénomènes, 248 
Lettre à M. Alexandre Brongniart, sur le gissement des couches calcaires 

à empreintes de Poissons et sur les dolomies de la Franconie; par 

M. Léopold de Buch, 258 
Mémoire sur les Animaux des régions arctiques; par M. Scoresby (Suite), 267 
Mémoire géologique sur l'Allemagne; par A. Boué (Fin), 275 
Aperçu géognostique sut le bassin gipseux d'Aix, département des Bouches: 

du-Rhône; par M. Bertrand-Geslin (Extrait), 304 
Observations sur la Température des Mines en Cornouailles; par M. P. 


Moyle , 807 
Note sur la double réfraction du verre coniprimé ; par M. A. Fresnel, 314 
Tableau météorologique, 318 
Note sur une grappe de raisin développée sans aucune trace de feuilles, au 

milieu d'un tronc de vigne, 320 


Errata, ibid. 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


OCTOBRE an 1822. 


MEMOIRE 


Sur quelques nouveaux Crustacés observés dans la mer 
de Nice ; 


Par M. RISSO. 


GENRE. 
THIA. TATA. 


Cuv., Règn. anim., 3—10. 
T'. de Blainville. T, Blainvillir. 


T.. testa globosa, glaberrima, virescente, punctulata, oculis rubris k 
mantibus brevioribus crassis. 


FE: tèt est globuleux, très glabre, luisant, d'un vert feuille 
morte, finement pointillé, marqué en dessus de quelques légères 
impressions. Le front est avancé, faiblement sinué au milieu. 
L'’œil est vif, petit, d’un rouge hyacinthe; les antennes fort sub- 
iles, les latérales fort longues , les pinces fort courtes, renflées, 


Tome XCF. OCTOBRE an 1822. 31 


242 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


terminées par des dents blanchätres, un peu flexibles ; les pattes 
minces , aplalies, crochues. 

La femelle a le ventre couvert d’une large pièce a sommet 
arrondi. Long. 0010, larg. 0008. Séjour, régions des algues; ap- 
parition, février, mars. 

Ce genre, établi par M. Leach, aux dépens des cancers de Linné, 
est compris dans la quatrième section des décapodes de M. Cuvier; 
il paraît servir d’anneau entre les pinnothères et les leucosies. 
L'espèce que je viens de décrire rappellera le service que l'étude 
des crustacés doit au savant naturaliste de Paris à qui je l'ai dé- 
diée. De tous les décapodes vivans sur nos rivages, celle espèce 
est une de celles qui joint à de petites dimensions le plus de 
vivacité. 

LEUCOSIE. LEUCOSTA. 
Cuv., 3—20. Lam., 5—231. 


I. Leach. L. Leachii, 


L. testa globosa, lutescente, fusca, scabra, anticè pauld bidentata, 
latere bispinosa, posticè inæqualiter quadridentata. 


Cette belle espèce a le têt globuleux, couvert de petites protu- 
bérances qui le rendent äpre et rude au toucher. Il est coloré de 
brun clair, mélé de jaunàtre. Le front est terminé au milieu par 
deux petits prolongemens coniques ; les côtés latéraux sont armés 
de deux pointes aiguës, la partie postérieure est garnie de quatre 
pointes obtuses, inégales, les deux du milieu rapprochées, les anté- 
rieurs distantes etécartées. L’abdomen est d’un gris terne ; les pinces 
sont longues, subtiles, granulées, terminées par de longues 
dents minces; les paltes sont courtes, lisses, a crochets aigus. 
Long. 0014; larg. oo12. Séjour, régions des algues. Apparition, 
avril. 

Les ouvrages des entomologistes n’ont fait mention, jusqu’à ce 
jour, que d’une seule espèce de leucosie vivant dans la Médi- 
terranée; la mer de Nice venant de m'en offrir une nouvelle qui 
diffère essentiellement de celle connue sous le nom de Z. noyau, 
je la dédie au célebre conservateur du Muséum britannique, 
comme une marque distinguée due aux travaux que cet habile 
naturaliste a publiés sur les crustacés. 


ET 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 245 
GEBIOS. GEBIOS. 
Leach. 
G. de Davis. G. Davianus. 


G. corpore oblongo, margaritaceo ; rostro subconico , breviore, 
glaberrimo ; chelis secundo pari elongatis majoribus. 


Ce gébios a le corps alongé, mince, d’un blanc nacré, luisant: 
son corcelet est uni, renflé, terminé par un petit rostre subco- 
nique, glabre; l'œil est petit, noir, situé sur de gros pédicules; 
les antennes antérieures sont courtes, les extérieures beaucoup 
plus longues, les palpes sont longs et ciliés. La première paire 
de pattes courte, la seconde plus grande, toutes les deux termi- 
nées par de longues pinces courbées, dont une à peine ébau- 
chée , la droite de la seconde paire beaucoup plus grosse et plus 
longue; toutes les autres paires de pattes sont petites, aplaties, 
garnies de poils à leur sommet; la queue est longue, composée 
de six segmens glabres; les écailes caudales sont arrondies et 
ciliées. Long. 0018, larg. 0004. Séjour, régions madréporiques. 
Apparition, juin. 

Dans mon Histoire naturelle des Crustacés des environs de 
Nice, imprimée en 1813, que les circonstances du temps ont 
fait paraitre à mon insu trois années après , j'avais décrit un crus- 
tacé de nos bords, fort particulier, qui présentait assez de carac- 
ières pour être placé, en attendant, dans le genre thalassine établi 
par M. Latreille. Des recherches ultérieures m'en ayant fait rencon- 
rer une nouvelle espèce, je les décrivis toutes les deux, et dans un 
travail rédigé en 1816, pour une société savante, j'en constituai 
un nouveau genre sous le nom de gebios. Eloigné de toute com- 
municalion scientifique, j'ai été bien aise, quand dans le Règne 
animal de M. Cuvier, j'ai vu que le savant naturaliste Leach avait 
eu la mème idée, et qu'il avait constitué le genre gebia sur le 
cancer stellatus de Montaigu , décrit dans les Transactions de la 
Société linnéenne de Londres. 


244 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


NEBALIE. NEBALIA. 
Cuv., 5—39. Lam., 5—107. 
N. Ventrue. N. Ventricosa. 
N. corpore oblongo, diaphano ; rostro porrecto, abdomine ovato, 
rotundato. 


On reconnaît cette nébalie à son corps oblong, diaphane; sa 
tète prolongée en forme de bec aigu; l'œil noir, assez gros, rap- 
proché; les antennes intérieures, courtes, soyeuses; les exte- 
rieures longues, géniculées vers leur milieu, filiformes au sommet ; 
le corcelet lisse, comme divisé en trois anneaux sous chacun 
desquels est implanté une paire de pattes ; le ventre est gros, 
ovale, arrondi, garni d’une paire de pattes vers le milieu des 
côtés latéraux et d’une autre paire située vers la conmmissure de 
l'abdomen et de la queue; ces dix pates sont peu divisées; la 
queue est étroite, alongée, composée de cinq segmens , garnie 
en dessous des lames nataloires et terminée par lrois appendices 
dilatés. 

La femelle a son ventre plein de petits œufs jaunes transpa- 
rens. Long. 0008 ; larg. 0005. Séjour , sur les branchies du physis 
tinca. Apparition , mars, septembre. 

Quoique je ne connaisse point le cancer bipes d'Othon Fabri- 
cius, ni le monoculus rostratus de Montaigu, sur lesquels on a 
fondé le genre nebalie, il me parait que ce petit crustacé de la 
Méditerranée réunit presque tous les caractères que les natura- 
listes de Paris assignent à ce genre et qu’il doit y être compris. 
Ces animaux vivent en famille dans les interstices des tufs madré- 
poriques qui se forment journellement dans nos grandes profon- 
deurs; ils sont fort agiles et s’attachent quelquefois sur les bran- 
chies du physis tinca qui fréquentent ces mêmes régions. 


PHROSINE. PHROSINA. 


Deux antennes à peine apparentes; yeux sessiles; tête prolon- 
gée sur le devant en forme de museau; mandibules palpigères; 
corps oblong, un peu arqué, sub-arrondi sur les côtés, à seg- 
mens crustacés transverses dix pattes monodactyles, dissem- 
blables , le dernier article falciforme, aigu au sommet. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 245 
P. en croissant. P. semilunata. 


Corpore oblongo, lutescente, ruberrimo ; :capite cornuto ;, oculis 
INLILLNUS. 


Cette phrosime a le corps oblong, renflé antérieurement, 
teinté de jaune ; plus mince postérieurement et coloré de rouge 
pourpre; la tête est grosse, arrondie en dessus, armée de 
deux pointes coniques qui forment au milieu comme une espèce 
de croissant ; le front est tronqué , sinué; le museau pointu , per- 
pendiculaire, garni à son-extrémité de mandibules palpigères , 
avec de petits palpes sélacés qui entourent l'ouverture de la 
bouche; l’œil est petit, sphérique , noir, orné en dessus de deux 
taches oblongues placées obliquement de chaque côté. Le corce- 
let est divisé en cinq anneaux arrondis, glabres, luisans, à 
peine séparés par des lignes transversales dont l’antérieure et la 
postérieure sont arquées; les pattes sont monodactyles,, à cinq 
articles aplatis; la première paire courte, mince, crochue, et 
la seconde un peu moins longue que la troisième, ont leur avant 
dernier article armé d’aiguillons; toutes les trois sont implantées 
et correspondent chacune à la base des trois premiers anneaux; 
la quatrième paire de pattes est fort grande, à articulation infé- 
rieure, large, longue, ovalaire; les deux qui viennent ensuite 
sont triangulaires, garnies sur leurs angles latéraux d’une pointe; 
la quatrième articulation est ovale, hérissée sur une des faces de 
quatre aiguillons disposés en forme de dents de peigne, la der- 
nière disposée en longue pointe subtile, aiguë, courbée , sem- 
blable à une faux; la cinquième paire de pattes un peu plus 
courte est égale à la précédente. La queue, peu convexe, est 
composée de cinq segmens subquadrangulaires, aigus en dessous, 
le dernier terminé au milieu par une petite pointe. Les écailles 
caudales sont oblongues, ciliées; la plaque intermédiaire courte, 
aplatie, au sommet arrondi. 

La femelle est garnie de cinq rangs d'appendices alongés, 
ciliés, plus longs que ceux du mäle. Ses œufs sont transparens. 

- Long. 0020; larg. 0007. Séjour , profondeurs sabldfineuses. Ap- 
parilion, avril. 
P. gros œil. P. Macrophtalma. 
P. corpore oblongo , rubro violaceo , capite hyalino, inermi; oculis 
MARINS. 
.… Elle diffère de la précédente par son corps oblong, d'un rouge 
violet, renflé antérieurement, aminci vers la queue. Sa tête est 


246 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


transparente, lisse, unie; le front est arrondi; le museau aigu, 
perpendiculaire, avec des mandibules palpigères et de très petits 
palpes situés autour de la bouche. L'œil est très gros, ovalaire, 
noir; le corselet divisé en cinq anneaux, à peine séparés par de 
légers sinus transverses, droits; les pattes sont monodactyles , à 
cinq articles sub-arrondis, le dernier aigu ; chaque paire de pattes 
est insérée à la base de chaque anneau. La queue, peu convexe, 
esl composée de cinq segmens, subquadrangulaires, aigus à leur 
extrémité inférieure, le dernier arrondi. Les écailles caudales 
sont oblongues, la plaque intermédiaire sub-arrondie. 

La femelle est pleine de très petits œufs globuleux en juillet. 
Long. oo1o ; larg. 0003. Séjour, sur le pyrosome élégant. Appa- 
riion, février , juillet 

Ces crustacés doivent être placés dans l’ordre des amphipodes, 
établi par M. Latreille ; les caractères qu'ils présentent n'ayant rien 
de commun avec ceux qui composent les genres recus de cette 
famille, j'en constitue un nouveau sous le nom de Phrosine. Ces 
animaux doivent être placés à côté des phronimes dont ils 
présentent plusieurs traits de conformation et même quelque 
analogie dans leurs habitudes; il semble même, en examinant ces 
deux genres , que la nature s’est servie du même moule pour les 
façonner, et n’a fait ensuile que modifier leurs organes , suivant 
le rôle qu’il impose à chacun de jouer dans les abimes des mers. 
Les phrosines diffèrent des phronimes par leur tête moins 
grosse, le corps plus ferme, les pieds sans serres, et la queue 
avec des appendices ovalaires: on ne pourra pas les confondre 
avec le genre talitre, parce qu'ils n’ont que deux antennes à peine 
apparentes, sans articles sur leur dernière pièce, et les pieds 
dissemblables. Ils présentent comme les atyles de M. Leach (que 
les naturalistes de Paris ont compris parmi les talitres), le devant 
de la tête prolongé en forme de bec; mais ils en diffèrent par le 
nombre des antennes, la forme et la grosseur du corps, la dis- 
position et l'inégalité de leurs pattes. Les phrosines n’ont aucune 
arme offensive dans leurs organes du mouvement, si ce n’est cette 
longue pofte courbe, en forme de faux qui termine leurs 
pattes. Leur tête se courbe perpendiculairement'sur la poitrine 
en long museau , ce qui lui donne un peu l'aspect de celle d’un 
quadrupède de la famille des plantigrades ; leur queue qu'ils 
courbent a volonté sous le corcelet, rejetée avec force en ar- 
rière, chasse la colonne d’eau qui les entoure , et par ce moyen, 
ils traversent avec assez de vitesse l’espace qu'ils veulent parcou- 
rir. Ces animaux paraissent avoir des mœurs et des habitudes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 247 


paisibles et tranquilles ; la fin du printemps est l'époque de leurs 
amours. L'espèce à qui j'ai imposé le nom de phrosine en crois- 
sant, c’est par rapport à son front qui est orné de deux pro- 
longemens solides qui présentent celte forme. Le nom de 2r0s 
œil que j'ai donné à la seconde, indique assez la grandeur ex- 
traordinaire de ces organes daus un animal d'une aussi petite di- 
mension. Les phrosines sont peu communes sur nos côles. 


ALPHÉE. ALPHEUS. 


Cuv., 3—36. 
A. Poinulle. A. Punctulatus. 


A. albo livido, rubro, fusco, punctulato; rostro supra decemdentato, 
infra unidentato. 


Le corps de celte espèce est d’un blanc livide, traversé sur le 
dos et les flancs de bandes, rouge-brun, formées par une réu- 
nion de petits points. Le rostre est court, à dix dents en dessus, 
une dent en dessous, traversé à sa base d’un sillon profond. L'œil 
est gros ; les antennes intérieures très courtes, de la longueur des 
pièces latérales qui sont ovales, oblongues, les extérieures sont 
très longues, d’un blanc mat. Les deux premieres paires de pattes 
assez longues, les autres arrondies, L’abdomen composé de trois 
segmens arrondis et de trois aulres carénés ; les écailles caudales 
sont d’un bleu violet, la plaque intermédiaire terminée par sept 
pointes. 

La femelle porte des œufs incolores en été. Long. 0120 , larg. 
0025. Séjour, régions sablonneuses. Apparition, août, sep- 
tembre. 


A. écrit. A. scriplus. 


A. elongata alba ruberrimo punctato, rostro supra decemdentato 
infra tridentato. 


Il diffère du précédent, par son corps alongé, d’un blanc mat, 
parsemé de points rouges; par son corselet muni de deux aiguil- 
lons de chaque côté, pointillé de rouge; par son rostre à dix 
dents aiguës en dessus, trois dents en dessous; par sa première 
paire de paltes courtes et la seconde très épaisse, annelée de 
jaune et de violet; par son abdomen, traversé en dessus par trois 
bandes de points rouges, dont celui du milieu forme la lettre V ; 
par ses écailles caudales, oblongues, tachetées de rouge et sa plaque 
intermédiaire terminée par deux pointes. 


% 


248 JOURNAL DE PUYSIQUE, DE CHAIMIE 


La femelle a le ventre orné, de chaque côté, de traits en 
forme de lettres, ses œufs sont blanchätres, peu nombreux. 
Long. 0050, larg. 0005. Séjour , rochers du rivage. Apparition, 
avril, mai. 

Les deux alphées que je viens de décrire, présentent assez de 
différences pour être distinguées des espèces connues. Leur chair 
est fort bonne, on les mange frites sur tous les bords de la 
Méditerranée boréale. 


EXPOSE MÉTHODIQUE 


Des Phénomènes électro-dynamiques et des lois de ces 
Phénomènes. 


L'onpre dans lequel les différens faits qui se rattachent à une 
même branche de la physique se présentent à ceux qui les dé- 
couvrent, dépendant le plus souvent de circonstances fortaites , 
il est rare que cet ordre soit celui qui convient à l'exposition 
méthodique de ces faits. Cette observation s'applique particu- 
lièrement aux nouvelles propriétés (1) des conducteurs voltaiques 
découvertes par MM. Œrsted, Arago, Ampère, Faraday, etc. : 
la masse des faits qu'ils ont observées, et de ceux qu'on peut y 
rapporter, et qui sont dus à d’autres physiciens, est aujourd’hui 
assez considérable pour qu’on puisse les présenter dans l'ordre 
qui résulte naturellement de leur dépendance mutuelle ; c'est ce 
que nous nous proposons de faire dans cet article. 


1. Le premier de ces faits, dans l’ordre naturel, nous paraît 
être celui que M. Ampère a annoncé, le 24 juin 1822, à l'Académie 
des Sciences comme résultant de ses formules, et qui n’a été vé- 
rifié par l'expérience qu’au mois de septembre suivant; c’est la 


(1) On sait que M. Œrsted a reconnu le premier l'action directrice des 
conducteurs voltaïques sur les aimans ; M. Faraday, l’action révolutive tou- 
jours dans le même sens qui a lieu entre un conducteur etun aimant; M. Arago, 
la propriété qu'ont ces mêmes conducteurs de rendre magnétiques le fer et l'acier; 
et M. Ampère, tout ce qui est relatif à leur action mutuelle et à celle qui est 
exercée sur eux par le globe terrestre, ainsi que la rotation d'un aimant ou d’un 
fil conducteur autour de son axe. 


Le 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 249 


répulsion mutuelle de toutes les parties d’un courant électrique 
rectiligne. Cette propriété semble être, dans les courans élec- 
tiques, la source de toutes les autres; elle lie les phénomènes 
qu'ils présentent à ceux qui sont produits par la machineélectrique 
ordinaire, et spécialement à la répulsion qu'on observe, dans l’ex- 
périence du moulinet électrique, entre les pointes de cet instru- 
ment et l'air où se répand l'électricité qui sort de ces pointes (1). 

IL. Si dans ce premier fait on considère deux portions contiguës 
du courant électrique, entre lesquelles il y ait répulsion , comme 
les deux côtés d’un angle de 2006, on conçoit qu’en faisant tourner 
les côtés de cet angle autour de son sommet, le courant élec- 
trique parcourt l’un des côlés en s’approchant du sommet, 
et l’autre en s’en éloignant. On observe dans cette situation 
que la même répulsion a lieu entre les deux côtés de l'angle, 
en sorte qne l’un d'eux étant mobile, il tourne autour du somimet 
en s’éloignant de l’autre. Ce second fait prouve que la répulsion, 
dont il est ici question, s'exerce à distance; et non pas seulement 
entre les particules contiguës du courant électrique. L'action entre 
deux portions infiniment petites de deux courans est toujours di- 
rigée suivant la ligne qui les joint (2). 

IT. Le même effet a lieu lorsque les deux portions de courant 
électrique, qui agissent l’une sur l’autre, sont dans des plans diffé- 
rens, pourvu que l’un des courans aille toujours en s'approchant 
et l'autre en s’éloignant de la perpendiculaire commune qui mesure 
la plus courte distance de leurs directions. 


IV. Il a encore lieu quand l'angle formé par ces directions se 
réduit à zéro , c’est-à-dire, quand les courans parcourent en sens 
contraire deux lignes parallèles (3) 

V. Quand on change la direction d’un de ces courans dans les 
expériences précédentes, la répulsion se change en une attraction 
égale , en sorte que deux courans s’attirent, quand ils parcourent, 


——————_—_— 


(1) Pag. 285, 317, 318 et 320 du Recueil d'Observations électro-dynamiques , 
par M. Ampère, À Paris, chez Crochard, libraire , rue du Cloïître-Saint-Benoît , 
26: 

(2) Pag 80. L'instrument avec lequel M. Ampère a observé pour la prenrière 
fois l'action mutuelle de deux fils conducteurs formant un angle quelconque, 
est décrit pag. 23; cette action est déjà indiquée pag. 20, et elle est expliquée 
pages 160, 161, 279 et 280. 

(8) Pag. 16, 17 et 18. 


Tome AC. OCTOBRE an 1822. 32 


250 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


soit les deux côtés d’un angle plan ou gauche (1), en s’approchant 
ou en s’éloignant tous deux du sommet ou de la perpendiculaire 
commune , soit deux lignes paralleles en allant dans le même 
sens (2). 

VI. Il est presque inutile de remarquer que si l’on changeait 
à la fois la direction des deux courans, leur action resterait lamème 
qu'auparavant. 


VIL Si l’on substitue à une portion rectiigne du cireuit vol- 
taique, une portion pliée ou conlournée d'une manière quel- 
conque , et dont les sinuosités s’éloignent très peu de la direction 
de celle qu’elle remplace, l’action exercée sur un conducteur 
mobile rectiligne sera toujours la même ; d’où il suit que l’action 
d’une petite portion de courant électrique sur une autre, est égale 
à la somme des actions qu’exerceraient sur celte dernière les trois 
projections de la première sur trois plans coordonnés (3). 


VIII. I est aisé de conclure de ces faits que , lorsqu'un con- 
ducteur rectiligne indéfini agit sur une petite portion d'un con- 
ducteur mobile, dont la direction est perpendiculaire à la sienne, 
la résultante de toutes les actions exercées par les petites portions 
du conducteur indéfini, lui est parallèle et dirigée vers le côté qui 
communique avec l'extrémité positive de la pile, dans le cas où 
le courant du conducteur mobile va en s’approchant du conduc- 
teur indéfini, et vers le côté où la communication a lieu avec 
l'extrémité négative de la pile, quand le même courant va en 
s’en éloignant (4). C’est ce qui rend raison des différens phéno- 
mènes produits par celte action, suivant que le conducteur mo- 
bile est assujéti à tourner autour d’un axe parallèle on perpen- 
diculaire à sa direction ; et de ce que, dans ce dernier cas, il en 
résulte dans le conducteur mobile un mouvement de rotation 
continu toujours dans le même sens, lorsque le conducteur rec- 


(1) Nous appelons ici angle gauche par opposition à l'angle plan, celui qui 
est formé par deux droites qui ne se rencontrent pas, en prenant le mot gauche 
dans le sens qu’on lui donne en géométrie lorsqu'on divise le genre des surfaces 
réglées en ses trois espèces, le plan, les surfaces développables et les surfaces 
gauches. 

(2) Pag. 16, 17, 18, 23, 80, 2c8 , 209, 800, 801 et 302. 

(3) Pag. 78. L'appareil qui a servi à faire cette expérience avec toute l’exac- 
ttude possible , est décrit pages 89 et go, et avec plus de détails, pages 216 et 
Su1v. 


no) Pag. 160, 161, note de la page 240, et, avec plus de détail, pag. 280 et 
281. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 251 


tiligne indéfini est hors de la surface du cylindre droit, qui a pour 
base le cercle décrit par le conducteur mobile (1). 


IX. On voit avec la même facilité pourquoi un conducteur 
circulaire, en imprimant toujours le même mouvement de rota- 
tion continu au conducteur mobile perpendiculaire à son axe, 
peut aussi l’imprimer au conducteur mobile parallèle à cet axe, 
mais seulement quand le centre du conducteur circulaire se trouve 
au dedans de la surface cylindrique décrite par ce dernier con- 
ducteur , ainsi que le montre l'expérience (2). 

X. La dernière conséquence qui résulte des mêmes considéra- 
tions, est l’action du conducteur indéfini, pour amener le conduc- 
teur mobile dans une situation où il lui est parallele, et ou les 
deux courans sont dirigés dans le même sens, lorsque la perpen- 
diculaire commune aux directions des deux conducteurs passe par 
le milieu du conducteur mobile , et que celui-ci peut tourner 
librement autour de cette perpendiculaire (3). 


XI. Lorsque la portion mobile du circuit voltaïque a ses deux 
extrémités dans l'axe autour duquel elle peut tourner, ellen’éprouve 
aucune action révolutive de la part d'un courant qui parcourt, 
dans un plan perpendiculaire à cet axe, un arc de cercle dont le 
centre est sur ce mème axe (4). En combinant ce fait avec celui 
qui a été décrit (art. VIT), on ne parvient à ce résultat qu’en nom- 
mant £et # les intensités de deux courans électriques; ds et ds' les 
longueurs de deux de leurs portions infiniment petites, r la dis- 
tance de ces deux portions, À un nombre cowstant dont d’autres 
expériences, comme on le verra plus bas, montrent que la valeur 
est — ! ; et en représentant par dr la différentielle de r relative 
à ds ,et par d'r la différentielle de r relative à ds’, l’action mutuelle 
des deux portions infiniment petites, action qui s'exerce suivant 
la ligne qui les joint, est exprimée par 

— ir d(r* d'r) 
ou 


— ir d'(r* dr) (5). 


Si l'on décompose cette force suivant trois droites perpendicu- 


(1) Pag. 284 et 322, et pour la description des expériences, pag. 286-291. 
(2) Pag. 238, 239, 240, 323 et 524. 

(3) Pag. 20 et 23. 

(4) Pag. 311, 312 et 313. 

(b) Pag. 313, 314 et 315. 


32. 


252 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
laires entre elles, dont une soit parallèle, par exemple, à ds', la 
force qui en résullera suivant cette dernière droite , sera repré- 
sentce par 

te ny : 

3 ds’ d(i* cos* B), 
ou plutôt par 
cos? 8 

LA 


TNA ra 7 LR RE à 
5 ü ds' d » puisque f=—;, 


en nommant @ l'angle compris entre les directions des deux 


forces (1). 

XII. Un circuit métallique, continu et isole, placé très près 
d’un autre circuit parcouru par un courant électrique très intense, 
est attiré ou repoussé par un aimant, comme s’il s’y produisait un 
faible courant électrique, par l'influence de l’autre circuit (2). 

XIIL. Les courans produits dans l’intérieur de la pile, par l’ac- 
tion électro-motrice de ses élémens, et ceux qui traversent de l’eau 
acidulée faisant partie du circuit voltaïque, agissent précisément 
comme les courans électriques des fils conducteurs (3). 


XIV. Le globe terrestre agit, dans tous les cas, comme 
s’il s’y trouvait des courans électriques allant de l’est à l'ouest, 
dans des directions dont la moyenne füt ce qu’on appelle l’équa- 
teur magnétique; en sorte qu’il suflil d'examiner ce qui doit résul- 
ter de courans électriques disposés comme nous venons de le 
dire, pour prévoir les effets qu'il produit, en attirant, repoussant, 
ou faisant tourner toujours dans le mème sens des conducteurs 
mobiles (4). F 

XV. On reconnait que le mouvement d’une portion de circuit 
voltaïique est produit par l’action de la terre, et non par celle 
d’une autre partie du même circuit, parce qu’alors ce mouvement 
a lieu en sens contraire, quand on renverse les communicalions 
du circuit avec les extrémités de la pile; tandis que, comme nous 
l'avons vu (art. VI), le même changement n’en produit aucun 
dans l’action mutuelle des diverses parties du circuit (5). 


(1) Pag. 316. v ‘à 

(2) Pag. 285, 286, 321 et 322. 

(3) Pag. 11,204, 205, 245, 244 ,et plas complétement, quant à l’action des 
courans de la pile, dans le tome XVIII des Annales de Physique et de 
Chimie, pag. 315 et suiv. 24 e , 

(4) Pag. 63 et 111 ;et pour les détails des expériences , pag. 35, 43,44, 45 
46, 47, 241, 263 et suiv. x 

(5) Note de la page 209, et pag. 244. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 253 


XVI. On imite tous les effets produits par le globe terrestre 
sur les conducteurs, au moyen d'une lame de cuivre roulée en 
hélice, dont une portion revient par l'axe de cette hélice, pour 
que le courant de celte portion neutralise l'effet des projections 
parallèles à l’axe des spires de l'hélice. 


XVII. L’extrémité de celte hélice, qui est placée relativement 
aux courans de ces spires, comme le pôle austral de la terre l’est 
par rapport aux courans dirigés de l’est à l’ouest dans notre globe, 
agit comme ce pôle, et l'autre extrémité de la même hélice, agit 
comme le pôle boréal de la terre. De là, les noms de pôle austral 
et pôle boréal donnés aux deux extrémités de l’hélice. 


X VIIL. I! suit des lois de l’action mutuelle des conducteurs 
voltaïques, et de la formule par laquelle M. Ampère a représenté 
celte action, que deux hélices doivent se repousser par les pôles 
de même nom, et s’attirer par les pôles de noms contraires ; qu'une 
hélice doit être dirigée par un conducteur rectiligne indéfini, placé 
vis-à-vis de son milieu, de manière que son axe forme un angle 
droit avec la direction du conducteur, et que son pôle austral soit 
à gauche du courant qui le parcourt ; que dans celte situation il 
attire l'hélice , et qu'il la repousse lorsque son pôle austral est à 
droite du même courant; pourvu que, dans ces deux cas, la droite 
qui mesure Ja plus courte distance du conducteur rectiligne et dé 
l'axe de l’hélice, rencontre cet axe entre ses deux extrémités ; 
qu'une portion horizontale du circuit voltaique mobile autour 
d'un axe vertical, tend à tourner autour de lui, toujours dans le 
même sens, par l’action d’une hélice dont une des deux extrémi- 
tés se lrouve dans cet axe à une petite distance de la portion mo- 
bile, quelle que soit d’ailleurs la position verticale, horizontale ou 
inclince de l'axe de l'hélice ; que le pôle austral d’une hélice mobile 
autour d'un axe vertical, doit être dirigé du côté du nord par 
l'action des courans terrestres, et le pôle boréal du côté du midi; 
et que si la même hélice est mobile autour d'un axe horizontal 
perpendiculaire au méridien magnétique, elle doit s'incliner en 
portant son pôle austral vers la terre ‘Toutes ces conséquences 
de la théorie sont confirmées par l'expérience (1). 


XIX. Lorsqu'on place un barreau d'acier dans une hélice que 
parcourt le courant électrique, on observe que les phénomènes 


(1) Paz. 79, 8o , avec plus de détail et la description de l'instrument, pag. 116, 
117, et, ponr ce qui est relatif au mouvement de rotatien continue , pag. 133, 


134, 238 , 239 et 240. 


254 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


présentés par l'hélice augmentent en intensité dans la partie où 
se trouve ce barreau, mais restent les mêmes à tous autres égards, 
et que quand on le retire de l'hélice il en conserve toutes les 
propriétés (1), qu'il peut ensuite, comme l’hélice, communiquer 
a d'autres barreaux, en sorte qu’en appliquant aux extrémités du 
barreau les noms de pôle austral et de pôle boréal des extrémités 
correspondantes de l’hélice, deux barreaux ainsi préparés, se re- 
poussent par les pôles de même nom, et s’attirent par les pôles de 
noms contraires ; qu'un de ces barreaux est dirigé par un conducteur 
rectiligne indélni , placé vis-à-vis de son milieu, de manière que 
son axe forme un angle droit avec la direction de ce conducteur, 
et que son pôle austral soit à gauche du courant qui le parcourt (2); 
que dans celte situation le conducteur indéfini attire le barreau 
et qu'il le repousse lorsque son pôle austral est à droite du même 
courant (3), pourvu que dans cette situation la droite qui mesure 
la plus courte distance du conducteur rectiligne et de l'axe du 
barreau rencontre cet axe entre les deux points auxquels on a 
donné le nom de pôles (4) ; qu'une portion horizontale du circuit 
voltaïque, mobile autour d'un axe vertical, tend à tourner autour 
de lui, toujours dans le même sens, par l’action d’un barreau 
dont un des pôles se trouve dans cet axe à une petite distance de 
la portion mobile, quel que soit d’ailleurs l'angle formé par l'axe 
vertical autour duquel elle est assujétie à tourner, et par la droite 
qui joint les deux pôles de ce barreau (5); que son pôle austral 
est dirigé au nord par l’action des courans terrestres, et son pôle 
boréal au midi, quand il est mobile autour d’un axe vertical; et 
qu'il s'incline comme l’hélice, quand il l’est autour d’un axe hori- 
zoutal perpendiculaire au méridien magnétique : la plupart de 
ces faits étaient connus depuis long-temps, mais on ne soupcon- 
nait pas alors ceux qui dépendent de l’action du conducteur vol- 
taïque, on sail que celte action a été découverte par M. Ersted, 
et le mouvement de rotation continue par M. Faraday. 


XX. Un courant électrique rectiligne placé auprès d’un bar- 
reau d'acier communique à ce barreau les mêmes propriétés, mais 
son action, pour produire cet effet, est, toutes choses égales 
d'ailleurs , beaucoup plus faible que celle de l’hélice. 


(1) Pag. 76 et 77, et, pour l'explication de ce fait, pag. 181 et 182. 
(2) Pag. 49, Bo et Bi. 

(3) Pag. 51, 52 et 54. 

(4) Pag. 49. 

(5) Pag. 126-131, 141, 242 et 243. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 255 


XXI. Le globe terrestre agit encore à cet égard précisément 
comme s'il y existait des courans électriques disposés comme 
uous l'avons dit (art. XIV). Ces courans, car il est bien difhicile, 
d’après l’ensemble des faits, de douter de leur existence, com- 
muniquent ces propriétés, d’après les mêmes lois que les courans 
excités par la pile de Volta ou une machine électrique ordinaire, 
à un barreau d'acier soumis à leur action dans une situation 
convenable, ainsi qu’on l’a observé depuis long-temps ; ils les 
communiquent encore, de même que l’hélice, aux minerais de 
fer renfermés dans le sein de la terre, c'est dans les roches ferrugi- 
neuses qu'on les a d’abord observées, l’action qu’elles exercent a 
été pendant long-tempsl’uniquemoyen deles donner aux barreaux 
de fer et d'acier, et cette action se joigrant à celle des courans géné- 
raux du globe terrestre, explique pourquoi l’action totale qui en 
résulte varie en direction et en intensité, d’une mauière irrégulière, 
dans les différens lieux, et dans un même lieu à différentes époques. 


XXII. Un barreau d'acier qui présente les propriétés dont nous 
venons de parler est ce qu’on appelle un aimant; tous les phé- 
nomènes produits par les morceaux d’acier qui en sont doués, se 
ramènent immédiatement aux lois de l’action mutuelle des cou- 
rans voltaiques , lorsque l’on suppose, autour des particules des 
aimans, des courans électriques dans des plans qui, vers le milieu 
de ces aimans, sont comme ceux des courans des hélices, per- 
pendiculaires à l'axe, mais qui s’inclinent, pour les particules 


‘situées hors de cet axe, d'autant plus qu’elles sont plus éloignées 
de son milieu (x). 


XXIIL L’aimantation d’un barreau par le courant électrique, 
soil d’une hélice , soit d’un conducteur rectiligne transversal, est 
une suile nécessaire de ce que les courans électriques, dont tout 
semble prouver l’existance autour des particules des métaux magné- 
tiques (2), sont dirigés par ce courant, précisément comme il 
dirige, d'après l'expérience et les lois générales de l’action élec- 
tro-dynamique, une portion mobile de conducteur voltaique 
formant un circuit presque fermé, et de ce que l’action mutuelle 
des courans des particules d’un même aimant, tend à incliner 


sur son axe les plans de ces courans de la manière que nous 
venons d'indiquer (3). 


(1) Pag. 257, 258, et notes dés pages 299 et 300. 
(2) Pag. 171 et 172. 
(5) Pag. 257, 1°’ alinéa. 


= 


256 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


XXIV. Cette inclinaison des plans des courans que tout sem- 
ble devoir faire admettre autour des particules des aimans, 
explique la différence que M. Faraday a remarquée entre 
la manière d'agir des aimans et des hélices et qui consiste 
en ce que les pôles proprement dits d’un aimant, ne sont pas 
situés exactement à ses extrémités, au lieu que les points qui 
présententles mêmes propriétés dans une hélice , sont précisément 
à ses extrémités, conformément aux calculs déduits (1) de la for- 
mule de l’article XI. La même inclinaison rend aussi raison, de 
la manière la plus simple, de toutes les circonstances de l’aiman- 
tation d’un morceau d'acier par un aimant, qui se trouvent rame- 
nées, de cette manière, au fail indiqué précédemment, de l'aiman- 
tation par le courant électrique d'un fil conducteur (2). 


XXV. Il semble d'abord, puisqu'on rend raison de tous les phié- 
nomènes que présentent les aimans, en les considérant comme des 
assemblages de courans électriques disposés comme nous venons 
de le dire, qu’on pourrait également expliquer les phénomènes 
produits par les conducteurs voltaïques, en les considérant comme 
des assemblages de pelits aimans situés transversalement à leur 
axe; mais il n’en est pas ainsi, parce que d’après la loi générale de 
l’action mutuelle de ces conducteurs, plusieurs des phénomènes 
qu'ils présentent ne peuvent avoir lieu que quand ils ne forment 
pas de circuits fermés ; tel est entre autres , le mouvement de ro- 
tation continu toujours dans le même sens : en sorte que de quel- 
que manière qu’on explique les propriétés des aimans , qui agissent 
toujours comme des assemblages de circuits voltaïques complète- 
ment fermés, ce mouvement et les phénomènes analogues ne peu- 
vent jamais être produits par des aimans, de quelque manière qu’on 
les dispose (3). 


XXVI. Lorsqu'on a ainsi ramené l’action des aimans aux lois 
générales de celle des conducteurs voltaiques, on peut en déduire 
différens phénomènes dont nous n'avons pas encore parlé et qui 
ont lieu lorsqu'on fait agir l’un sur l'autre un conducteur voltaique 
et un aimant, tels que la révolution d’un aimant autour d'un 
conducteur, la rotation d’an de ces corps sur son axe par l’action 


(1) Pag. 257, 2° alinéa. 
(2) Pag. 258. 
(3) Pag. 205, 206, et note des pag. 297, 298. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 257 


de l’autre, celle qu'un aimant produit dans le mercure que tra- 
verse le courant électrique, les divers mouvemens d’un conduc- 
teur annulaire flottant, et toutes les autres conséquences de ce 
genre que l'expérience confirme (1). 

XX VII. C’est aussi alors qu'on peut appliquer la formule de 
l'article XI, aux phénomènes que présentent l’action mutuelle 
d’un conducteur voltaïque et d’un aimant, et celle de deux ai- 
mans, en calculant les effets que doivent produire, d'après celte 
formule , les courans électriques disposés autour des particules 
des aimans, comme il a été dit plus haut. Ce nouveau progrès 
d’une branche si intéressante de la physique est dù à M. Sa- 
vary (2), la comparaison des résultats qu'il a déduits de cette 
formule avec ceux des expériences de MM. Gay - Lussac et 
Welter, Biot, Savart et Pouillet, ne peut laisser aucun doute 
sur son exactitude; elle démontre en même temps de la ma- 
uière la plus complète que l’exposant indéterminé # qui entre 
dans la formule dont nous parlons, esten effet égal à — +, comme 
l'avait annoncé M. Ampère, sans pouvoir en donner, à l’époque 
où il a publié cette formule , une démonstration qui ne laissät rien 
à désirer (3). 

XX VIIL. L’exposant de la puissance de la distance de deux por- 
tions infiniment petites de courans électriques, à laquelle leur 
action mutelle est réciproquement proportionnelle, lorsque cette 
distance varie sans qu'il y ait aucun changement dans les angles 
qui déterminent leur position respective, étant égal à 1— 24 (4), 
il suit de cette détermination de la valeur de Æ que la loi d'apres 
laquelle l’action électro-dynamique dépend de la distance, loi que. 
M. lemarquis de Laplace avait déduite des expériences par lesquelles 
M. Biot, a déterminé la durée des oscillations que fait un aimant 
autour de la situation qu’un conducteur voltaique tend à lui don- 
ner, s’élend généralement à tous les effets produits par cette action 
dans les diverses circonstances où ils ont été observés avec assez 
de précision pour pouvoir être calculés. 


(1) Pag. 131, 132,177, 178, 201, 202 et pag. 245, 250 et 958. 

(2) Avant que M. Savary eût publié les résultats de ses calculs, M. de Mont- 
ferand , professeur de Physique au Collége ruyal de Versailles, avait obtenu, 
de son côté, plusieurs de ces résultats et quelques autres qui lui sont propres. 

(8) Pag. 315 , 1° alinéa. 

(4) Pag. 315, 2° alinéa. 


Tome XCF. OCTOBRE an 1822. 33 


258 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


LETTRE. | 


À M. Alex. BroxcniarT, Membre de l’Institut, sur le 
gissement des couches calcaires à empreintes de poissons 
et sur les dolomies de la Franconie ; 


Par M. Lrororp De BUCH. 


M. Cuvrer, dans son célèbre Ouvrage, qui fixe ure époque 
pour l’étude de la Géologie , se plaint de ce qu’on ignore presque 
entièrement les relations de gissemens des schistes calcaires à 
empreintes de poissons et lithographiques des environs de Pappen- 
heim. En effet, il n'existe point de description de ces grandes: 
carrières, qui soit proportionnée à nos progrès en Géologie. Per- 
meltez-moi donc, Monsieur, de vous faire part du peu que j'en: 
sais. Vous qui savez si bien saisir le caractère des formations, et qui. 
avez par conséquent-une si grande facilité à les bien déterminer, 
vous n’aurez point de peine à assigner leur vraie placeàcesschistes, 
d’après une suile de faits imparfails, mais certains, qu'on vous 
présente. 

C’est la chaîne des montagnes du Jura qui renferme ces pierres 
remarquables, car vous savez que cette chaine traverse toute 
l'Allemagne sans interruption, depuis Schafhouse où elle se 
sépare des chaînes de la Suisse, jusque sur les bords du Mein, dans 
les environs de Cobourg. Les cartes géologiques que M. Kefer- 
stein a publiées, représentent ce cours, sinon avec exactitude, 
du moins de manière à pouvoir en prendre une idée générale. 

Ces montagnes forment , dans toute leur étendue, une espèce 
de digue; elles s'élèvent brusquement, .s’étendent.en plateau et 
descendent presque aussi clairement de l’autre côté, de manière 
qu’il devient assez aisé de déterminer leurs limites. La nature des 
roches qui les composent, les sépare autant des autres forma- 
tions calcaires de l'Allemagne, Il est singulier combien on est 
frappé de la grande blancheur de tout ce qui appartient à cette 
chaine. Les autres montagnes calcaires sont loin de présenter ce 
même phénomène; et certes, c’est un caractère géologique qui 
mérite attention ; les couches calcaires inférieures, souvent Lres 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 259 


foncées en couleur, doivent, à ce qu’il paraît, celle couleur à la 
malière animale des coquilles qu’elles renferment; car elle brûle 
ou lentement par l'influence de l’atmosphère, ou rapidement quand 
on exposela pierre à unelempérature élevée;et celle-ci devientalors 
blanche. Beaucoup de ces pierres très foncées contiennent même 
celte matière en si grande abondance, qu’elles exhalent une odeur 
fétide et bitumineuse assez forte, et qu’on en pourrait retirer 
des gouttes d'huile animale. 

Les pierres calcaires de la chaîne du Jura n’en contiennent 
point, quoiqu’elles ne manquent nullement d'empreintes de co- 
quilles. Il en faut excepter quelques marnes et les oolithes bleues 
qui brülent et se décomposent , mais qui ne peuvent point influer 
sur l'aspect général de ces montagnes. Où cette matière colorante 
est-elle donc restée? Serait-ce peut-être que les coquilles des 
couches inférieures ont été ensevelies, lorsqu'elles étaient en 
pleine-vie, tandis que celles des couches du Jura ne contenaient 
plus l'animal, lorsqu’elles sont venues former ces couches ? 

La composition de ces montagnes s’observe très facilement, 
quand on {es traverse du nord vers le sud, surtout dans le pays 
d’Aichstedt, où les schistes à empreintes se trouvent particulie- 
rement placés. Le profil ci-joint en donnera une idée assez claire. 
Le pied, jusque près des deux tiers de la première élévation, 
est composé d’un grès brun ou gris, à grain extrêmement fin, 
d’une formation des plus récentes, supérieure même à celle du 
grès bigarré et assez voisine de celle du quadersandstein. C'est 
ainsi qu'on l’observe sur la grande route de Weïissembourg à 
Aichstedt. Vient ensuite la pierre calcaire blanche compacte, 
écailleuse, en couches d’un à deux pieds de hauteur. Elle contient 
presque partout les ammonites à côtes étroites et serrées (ammo- 
nites planulites de Schlotheim), qui ne se trouvent point dans les 
couches calcaires de couleur foncée, mais qui ne manquent jamais 
dans les couches du Jura, depuis Bäle jusqu'a Cobourg. Ces 
couches forment un grand plateau de plusieurs lieues d’élendue; 
puis elles sont remplacées par une dolomie très curieuse et très 
remarquable, dont on voit par-ci par-la des petits rochers sur la 
plaine, mais point en tête de couches, comme auparavant. Peu 
après commencent les schistes à empreintes, à couches extrême- 
ment minces, si on peut les nommer ainsi; car souvent elles 
n’ont pas un pouce d'épaisseur. Poursuivant vers la ville d'Aich- 
stedt , on se trouve tout à coup sur le bord de la vallée escarpée 
de lAltmühl, qui, comme un canal, traverse toute la chaine 
calcaire. Quoiqu’a peine de 2v0 pieds de profondeur , on y 


33. 


260 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


descend avec difficulté, et les routes n'y ont pu être menées que 
par de longs détours dans des vallées latérales. Arrivé au fond, 
on relrouve la même série de couches qu'on observe sur la route, 
depuis les hauteurs du Weissembourg. De grandes et belles car- 
rières s’exploitent dans le bas, au-dessous du chäleau d'Aichstedt, 
nommé filibaldsburg. On eu retire des blocs d’une grandeur 
colossale, tels que peu d’autres carrières de l’Allemagne sont en 
élat de les fournir. Vous voyez donc que ces couches doivent 
avoir une épaisseur considérable. En effet, elle surpasse souvent 
6, 8, à 10 pieds et peut être plus encore. La pierre calcaire même 
blanche-grisätre , est entièrement sans éclat, très uniforme dans 
sa texture; sa cassure est écailleuse à écailles très minces. Ce 
calcaire ne forme point de rochers dans la vallée, et s'élève à 
peine jusqu'a 30 ou 40 pieds de hauteur. 

La dolomie lui succède; tout à coup la vallée se trouve encais- 
sée de rochers de cette substance, souvent tout-à-fait perpendicu- 
laire et inaccessible, et toujours dans les formes les plus frap- 
pautes et les plus bizarres. Partout on croit voir des vieux châteaux, 
des obélisques, des tours; d'autre fois, l’aspect rappelle les 
formes des terrains basaltiques, tels que les châteaux de Kipfen- 
berg et d'Arnsberg; pas une apparence de stratification ou de 
lignes horizontales quelconques, tout est séparé verticalement et 
des masses immenses s’avancent dans la vallée comme des bastions. 
Dès qu’on s’est élevé à la hauteur de ces rochers, on y relrouve 
les couches minces des schistes calcaires à empreintes de poissons ; 
et celles-ci continuent pendant une, deux ou trois lieues avec la 
plus grande régularité possible. Près du village de Nassenfels, on 
les perd de nouveau, la dolomie reparait el continue jusque sur 
les bords du Danube, près de Neubourg. : 

Vous voyez donc que la position de ces schistes est extrème- 
ment déterminée ; ils forment constamment les couches supé- 
rieures des montagnes et sont séparés des couches calcaires com- 
pactes, par une masse considérable de dolomie nou stralifiée. 

Cette relation de gissement est partoul la même; et si on veut 
visiter les célèbres et belles carrières de Solenhofen, il faut par 
conséquent s'élever de la vallée jusqu'à une hauteur considérable, 
c'est-à-dire jusqu’à la cime des montagnes mêmes. C’est pour cela 
que ces carrières frappent la vue à bien des lieues de distance. 
Ouvertes depuis des siècles pour fournir des pierres en tables à 
toute l'Europe et à une parle de l'Asie même; ces excavalions 
paraissent de loin les-travaux d'une immense forteresse qui cou- 
ronne les plus grandes hauteurs du pays. Remarquez donc que 


À 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 26% 


ces schistes n’occupent point de bassin, comme les collines cal- 
caires à coquilles fluviatiles ; mais que leur stralificalion s'accorde 
parfaitementavec celles des couches calcaires de la dolomie qui est 
au-dessous. Elles sont de même restreintes à l’espace qu'occupent 
ces dernières couches; elles finissent plutôt; mais jamais vous ne 
les verrez dépasser les montagnes calcaires et se placer immédia- 
tement sur les grès d’un côté ou d’un autre.On hésitera donc peu à 
regarder toute celte série de couches, comme d'une mème for- 
mation, et on ne sera point tenté-de séparer et de rejeter les 
couches supérieures et mférieures dans des formations absolu- 
ment différentes. 

Mais on ne peut voir sans surprise combien contrastent les pro- 
ductions qu’elles renferment. Pas une seule des coquilles, si fré- 
quentes dans le bas, ne se retrouve dans le haat, ni une seule des 
empreintes curieuses des couches supérieures dans celles du fond. 
Quand on examine les débris des carrières de la Wilibaldsburg, 
on y trouve en abondance et l’ammonite planutile et les tére- 
bratules lisses etles pectinites, chamites et beaucoup d’autres restes 
de bivalves brisées ; mais jamais onn’y a vu une seule empreinte 
de poisson , ni celle d’un crabe ou d'un autre insecte. 

Vous savez combien elles sont fréquentes dans les couches 
supérieures, surtout dans les environs-de la ville d’Aichstedt. Les 
carrières de Winterszell et de Pietenfeld, pourraient en fournir 
en abondance et de plus belles que celles de Solenhofen, si.elles 
étaient exploitées, On y voit aussi, il est vrai, de très petites am- 
monites peu reconnaissables, qu’on dit correspondre à lammonite 
planulites; elles n’excèdent jamais la grandeur d’un écu, et sont 
extrêmement minces , tandis que celles des couches inférieures 
surpassent ordinairement en diamètre 4 à.5 pouces. Je crois donc 
qu'il faudrait les comparer plus attentivement; je doute mème 
qu'a Solenhofen on en ai vu: enoifpihbonrc s 

Aucune autre coquille des couches inférieures. ne s'y est ren- 
contrée; on pourrait même assurer que les coquilles en général 
sont lout-à-fait élrangères au schiste-supérieur ; si, par une anomalie 
bien singulière, on n’y trouvait précisémentune des bivalvesles plus 
remarquables et qu'on n'a pas encore observée dans d’autres 
couches que celles à empreintes de poissons. C'est, le. tellhinites 
problematicus et solenoïdes !de M. de Schlotheim;-dont-M. :Par- 
kinson a donné les figures et la description: dans son célèbre où- 
vrage. Ces coquilles font le désespoir des ouvriers de Sclenhofen , 
parce que, de grosseur considérable, elles gâtent la surface lisse 
des meilleures pierres en apparence. Elles sé trouvent Constam— 
ment ouvertes, les deux moitiés symétriquement l’une'à côté di 


-262 JOURNAL DE PHYSIQUE ,'DE CHIMIE 


l'autre, et ordinairement elles sont si peu adhérentes à la pierre; 
qu’elles s’en séparent au plus léger coup et qu’on peut replacer à 
son aise les deux coquilles l’une sur l’autre. Vous savez que de 
quelque manière qu’on s’y prenne, elles ne ferment pas, mais 
laissent un très grand vide entre elles. 

Pourles crabes ensevelis dans ces couches, la variété en est 
grande , mais leurs espèces ont été peu examinées jusqu'ici et on 
doit attendre , avec impatience, le travail que M. de Schlottheim 
a promis la-dessus et dont il s'occupe (1). 

Les Curiales sont encore particulières à ces schistes et.elles n’y 
sont pas rares. Mais il faut croire que les libellules (libellulæ) 
sont extrêmement rares, parce qu'aucun auteur n’en a encore 
parlé, pas même M. de Schlottheim , dont la belle collection 
contient pourtant presque tout ce qui se trouve dans ces carrières. 
Le peu d'exemplaires qui existent de ces empreintes sont de la 
plus grande beauté; les nervures des ailes s’y voient si bien expri- 
mées, que je ne doute nullement qu'elles ne puissent suflire pour en 
déterminer les espèces. M. le -chanoine Halledel, à Aichstedt, 
en possède une en position assise, les ailes repliées ; l'Acadé- 
mie de Munich en conserve deux autres avec les ailes étendues. 
C’est encore dans ces mêmes schistes qu’on a trouvé les lézards 
ailés (lacerta gigantea) décrits par M. Sæmmering. 

Si donc le gissement rapproche les schistes lithographiques de 
la formation du Jura, les productions pourraient faire penser, au 
contraire, qu'elles appartiennent à une formation plus récente, 
analogue, du moins, à celle du Monte-Bolca. En effet, les schistes 
à poissons de celle dernière montagne, sont également les couches 
supérieures des collines calcaires des environs, et rien n’an- 
nonce qu’elles remplissent ou qu’elles aient jamais rempli un 
bassin. Mais elles contiennent, avec les productions de lamer , une 
grande quantité de productions terrestres, des feuilles et des plantes 
tout-à-fait analogues à celles de nos jours, qui manquent aux 
schistes d’Aichstedt, et qu'on n’a pas lieu d'y attendre, vu que 
toutes les autres empreintes ne correspondent point aux formes 
telles qu’elles existent encore actuellement. Je craoirais donc 
volontiers que ces dernières couches sont d’une formation anté- 
rieure à celle des schistes du Monte-Bolca, et qu'on ne pourra 
point les ranger parmi celles du calcaire grossier. C’est vous, 
Monsieur, qui deciderez la-dessus. 


a ——— 


(1) M. Desmarest, dans l’ouvrage sur les crustacés fossiles , fait en com- 
mun.avec M. Brongniart, et publié en 1822, a décrit et figuré plusieurs de ces 
29 B SI : : 
crustaces. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 263 


Permellez que je revienne à la Dolomie , parce qu'elle a jus- 
qu'ici trop peu excité la curiosité des naturalistes, quoiqu'elle. 
joue peut-être un rôle des plus importans en Géologie. La dolo- 
mie n’est pas une pierre calcaire magnésifère, aussi peu qu'un. 
béril est un quarz glucinifère, ou qu'un pyroxène est. une am- 
phibole magnésifere. Quoique personne n'en doute, depuis la: 
découverte de M. Wollaston de la différence des rhomboëdres 
du spath calcaire et de la dolomie, on se sert pourtant trop sou- 
vent d'expressions qui écartent de Ja vérité et le lecteur et l’au- 
teur même. Quand on dit qu’une pierre calcaire se charge plus 
ou moins de magnésie, on fait croire que cette dernière sub- 
slance y joue un rôle, comme ferait l’oxide de fer ou l'argile, 
qui n’y sont que mélés. La dolomie peut ètre mélée avec de la 
pierre calcaire; mais elle-même contiendra-une proportion déter- 
minée de magnésie qui ne change point. Cette dolomie est lou- 
jours grenue, d'un grain très fin, dans les montagnes de Aich- 
stedt. Mais celte texture grenue a quelque chose de particulier, 
qui. frappe la vue au premier coup d'œil. On remarque bientôt que 
c'est plutôt la texture grenue du sucre que celle du marbre salin. 
Dans.la première les petits cristaux, dont la masse se compose, 
ne se touchent que dans peu de points et. laissent entre: eux des 
vides très visibles à l'œil. Dans le marbre il n’y a point de ces 
vides; chaque grain se combine exactement avec celui qui le 
touche , et on ne les distingnerait point du tout, si leurs axes 
n'offraient pas-une direction différente; ce qui fait que la lumière 
se réfléchit de l'un ou de l’autre de ces grains, sous des incidences 
différentes; leur mode d’agrégalion.est donc tout-à-fait différent. 

Ces dolomies contiennent encore constamment, outre ces pe- 
uts vides, des trous plus ou moins grands, à angles aigus, garnis 
de cristaux du rhomboëdre primitif. Ce phénomène a frappe éga- 
lement et Dolomieu (Journal de Physique, t. XXXIX, p. 3), et 
M. Gillet-Laumont (Journal de Physique, t. XL, p. 97), et 
Smithson-Tennant (Phil. Transact., 1799, p. 305); «et en effet, 
il mérite la plus grande attention. On a remarqué, depuis long- 
temps que parmi tant, de cristallisations différentes da spath cal- 
caire, la forme primitive est la plus rare, tellement même, qu'on 
commence à douter si elle s'est réellement trouvée quelque part. 
Les dolomies, au-contraire, ne présentent.pas d'autres formes. IL. 
devient donc facile de:les reconnaitre; ce qui, sans ce petit: 
moyen, serail souvent assez diflicile; car une masse, en appa-- 
*ence compacle;iquise lermine en.rhomboëdre primitif n'appar- 
iendra cerlainement pas aux pierres calcaires, mais elle sera une: 
dolomie, On peut aisément s'assurer que ce rhomboëdre est: 


264 JOURNAT DE PHYSIQUE, DE CNIMIIE 


vérilablement le primitif, par le parallélisme des petites fissures 
des cristaux avec les faces terminales, comparaison pour laquelle 
l'œil est ordinairement extrémement exercé; on s’y trompera 
rarement. 

Ce qui surprend presque autant que cette lexture grenue, c’est 
le manque total de pétrifications dans ces dolomies. Je n’en ai 
jamais vu dans les rochers qui bordent la vallée de l'Altmülh, et 
j'aurais cru ce phénomène général, si je n’en avais enfin observé 
dans les carrières de Abach, sur le Danube, près de Ratis- 
bonne. Mais encore alors, ces formes sont si peu reconnaissables 
et si défigurées par les rhomboëdres qui en tapissent les parois, 
qu'on les croirait plutôt altérées qu’enveloppées dans la masse. 
Elles ressemblent à peu près, pour ce qui concerne leur état de 
conservation , aux restes organiques dans un grès à gros grain. 

Je ne vous parlerai point des autres caractères distincüfs de la 
dolomie, de sa pesanteur, de sa dureté, de sa couleur toujours 
tirant sur le jaune ou même d’un jaune isabelle très foncé, tout 
ceci esttrès connu, mais j'ajouterai quelques remarques sur 
son étendue dans cette partie de l'Allemagne, etc. 

Quand on traverse la chaîne du Jura en Souabe où on la 
nomme Rauhe Alb, entre les villes de Ulm et de Stutigart, on 
n'y voit plus, sur les couches calcaires, ni dolomies, ni schistes 
calcaires. 

Ceux-ci ne commencent qu'après une espèce d’étranglement de 
celte chaine entre Donawerth et Nordlingen , où elle n’a effective- 
ment que deux lieues de largeur. C’est surtout dans les environs 
de Manheim que ces schistes se montrent, et de suite, au-des- 
sous d'eux, les dolomies; comme si l’une dépendait de l’autre 
elles continuent par tout le pays d’Aichstedt jusqu’entre les 
villes de Berlingries et Kellheim. Alors les schistes se perdent, 
et il se fait un changement bien curieux et bien singulier dans 
l'apparence extérieure de la dolomie. Au lieu de se présenter en 
roches escarpées, le long des vallées, comme on l'avait vuejusqu’ici; 
elle forme, plus vers le nord, des éminences isolées. On aperçoit 
des rochers coupés à pic de hauteur considérable , séparés par de 
grandes crevasses qui les traversent depuis le haut jusqu’au pied. 
On croit voir de Join les ruines immenses de vieux châteaux ou 
des forteresses de montagnes; mais souvent ceséminences bizarres 
se multiplient à un tel point, qu'on se voit entouré de près d'une 
centaine de ces buttes, placées et dispersées: sur le plateau uni- 
forme et peu enfoncé des couches calcairés. Elles se terminent 
toujours abruptement , sans se toucher ni s'étendre ni se perdre 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 265 


dans la plaine par des pentes douces ; on n’y monte que par des cre- 
vasses, et encore avec peine, elun grand nombre d’entre elles sont 
tout-à-fait inaccessibles. Tels sont les monticules de 2 à 300 pieds 
de hauteur sur le plateau entre Pegnitz et Herspruck, près de 
Nurenberg. Tels sont ceux qu’on voit sur les hauteurs de Erlangen, 
à Streitberg, à Velden, Muggendorf,Gailenreuth ; la dolomie y reste 
constamment de même nalure; elle est toujours jaune et grenue, 
brillante au soleil , et les petits rhomboëdres dont elle se com- 
pose ne se touchent que dans quelques points. Leur agréga- 
tion se détruit donc assez facilement et la masse se décompose 
en sable ; de la vient que le pied de ces rochers singuliers est 
constamment entouré de ce sable qu’on croirait un véritable sable 
quartzeux, si un examen plus attentif ne découvrait que chaque 
grain en esl un rhomboëdre parfait. Arrivé aux rochers de 
dolomie que ce sable indique , on y voit que les crevasses s’élar- 
gissent en grottes et cavernes spacieuses , el traversent la mon- 
tagne dans les directions les plus variées. Ce sont les cavernes 
à ossemens d'ours, si connues, de Muggendorf et de Gaiïlenreuth. 
Elles s’enfoncent profondément dans la montagne et y descendent 
souvent, mais on ne les a pas encore vues entrer dans les couches 
calcaires. Il faut par conséquent s’élever beaucoup au-dessus du 
fond des vallées avant qu'on les rencontre. 

Comme la dolomie qui les renferme ne fait voir aucune 
apparence de stratificalion, pas plus que celle des vallées de 
Aichstedt, il n’est pas possible de s'assurer si la direction de ces 
grottes est parallèle aux couches, ou si elle les traverse; mais 
on serait bien tenté de croire que la cause de ce manque de stra- 
tification et celle des séparations verticales | constantes dans ces 
rochers, est aussi celle qui a produit les grottes; car rien de 
semblable ne s’observe dans les couches calcaires. Vous voyez 
donc que c’est à tort que bien des naturalistes croient que les 
grotles à ossemens d'ours se trouvent dans des montagnes cal- 
caires; c’est toujours dans la dolomie; et il faut le répéter, la do- 
lomie n’est pas une piérre calcaire; la texture, les formes, le 
gissement prouvent combien de différence la nature a mis entre 
ces deux roches. 

Je pense même que le phénomène des grottes pourrait 
être plus particulier à la dolomie qu’aux roches calcaires. Je 
vois du moins qu’une bonne partie des grottes d'Italie s’enfoncent 
également dans la première de ces roches. Telles sont les belles 
grottes desquelles sortent les superbes sources de l'Oliera , au- 
dessus de Bassano. Vous les connaissez; notre excellent et ai- 


Tome XCV. OCTOBRE an 1822. 34 


: 


266 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mable ami M. Parolini, vient de les rendre accessibles par des 
trayaux pleins de discernement et de goût. Il a même fait placer 
une petite gondole sur un lac souterrain , vers lequel on estamené 
le long de l’Oliéra, dans son cours souterrain, et par ses soins, 
ce lac est peuplé des protées de la Carniole qui s’y trouvent par- 
faitement bien. 

C’est l'écoulement du vaste plateau de montagnes des serie 
commune. Vous savez que la cime de ces monlagnes est com- 
posée de la pierre calcaire blanche oolithique, à silex pyroma- 
ques, qui conlient une immense quantilé de pétrifications. Vers 
le bas de la vallée, ces couches minces se perdent, et la dolomie 
forme le reste du penchant escarpé de la vallée, d’un côté et de 
l’autre. Elle est très bien caractérisée dans la roche des grottes de 
l'Oliéra ; partout on y voit les cristallisations, les druses de spath 
perlé, et tout est tellement grenu, que des surfaces fraiches ex- 
posées au soleil, brillent sur toute leur étendue. Je ne sais si les 
grotles de la Carniole sont aussi dans la dolomie, mais je le 
croirais de la plupart de celles du Derbyshire , car M. Tennant a 
très bien décrit cette roche dans ce pays ; il remarque qu’à Mat- 
lock l’un des côtés de la vallée étroite est composé de pierre cal- 
caire, tandis que l’autre l’est de dolomie , phénomène qui dépend 
peut-être de la présence ou de l’absence du toadstone dans leur 
voisinage. M. Tennant observe encore que la dolomie , quoiqu’elle 
ne’ soit pas lout-à-fait privée de pétrifications , en contient extré- 
mement rarement , tandis que les couches calcaires en sont toutes 
remplies , et 1l dit expressément qu’elle est entièrement composée 
de rhomboëdres de la forme primitive. 

Vous voyez donc que cette dolomie conserve son caractère 
particulier dans des formations tout-à-fait différentes, c'est ce 
qui fait désirer qu'on multiplie ces recherches sur cette roche 
curieuse. Celles de la vallée de Fassa semblent prouver avec 
évidence que la magnésie a traversé et changé les couches calcaires 
long-temps après leur formation , pour en former les masses im- 
menses de dolomies qu'on voit dans cette vallée intéressante. 


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ET D'HISTOIRE NATURELLE. 267 


MÉMOIRE 


Sur les Animaux des régions arctiques ; 


Par M. SCORESBY. 


(SUITE). 
SUR LE NARWHAÏI, . 


Monodon monoceros. (Linné). 


M. pe Lac*rèpe fait mention de trois espèces de narwhal ; je 
n’en ai vu qu'une, et peut-être les autres espèces sont-elles en- 
tièrement imaginaires, Car cet animal varie en apparence. 

Lorsque le narwhal a pris tout son accroissement, il a de 15 
à 16 pieds de longueur, la défense exceptée, et en circonférence 
8 à o pieds dans la partie la plus large, à 2 pieds derrière les na- 
geoires, où il est le plus épais. 

La forme de la tête, jointe à la partie du corps qui est avant les 
nageoires, est parabolique ; presque cylindrique au milieu du 
corps, au-delà, il devient conique à 2 ou 3 pieds de la queue, 
après quoi commence une crète, l’une sur le dos, l’autre sous le 
ventre, en sorte que la coupe, qui aurait été d’abord une ellipse, 
devient rhomboïdale à la jonction de la queue. A la distance de 
15 à 14 pouces de la queue, le diamètre perpendiculaire est d’en- 
viron 12 pouces, et le diamètre transverse de 7. Les crètes dor- 
sale et ventrale se prolongent dans la moitié au moins de la lon- 
gueur de la queue; et les bords de celle-ci se prolongent aussi 
le long du corps , de manière à forner de chaque côté une sorte 
de carêne, du moins en arrière. Après une petite élévation, à 
l'endroit des évents, la ligne dorsale forme une courbe régu- 
lière; le ventre s’accroit ou semble s'élargir près de lombilic 
(vent), et former une bosse évidente environ 2 pieds avant les 
organes de la génération. Depuis le cou ,.3 ou 4 pieds en arrière, 
le dos est plutôt déprimé et paraît plat. 

La tête est environ le septième de la longueur totale; elle est 


34. 


… 


266 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHTMIE 


petite, obtuse, arrondie et de forme parabolique. La bouche est 
petite, et n’est pas capable d’une grande ouverture; les yeux, dont 
le plus grand diamètre est seulement d’un pouce, sont placés dans 
la même ligne que l'ouverture de la bouche et à environ 13 pouces 
du bout du museau. L’évent qui est directement au-dessus des 
yeux, est une simple ouverture de forme circulaire d'environ 
3 pouces 6 lignes de diamètre ou de largeur, etde r pouce 6 lignes 
de rayon ou de longueur. Les nageoires qui ont 12 à 14 pouces 
de longueur sur 6 ou 8 de largeur, sont placées à un cinquième 
de la longueur totale. La queue a environ 15 à 20 pouces de 
longueur sur 3 ou 4 pieds de largeur; il n’y a pas de nageoire 
dorsale ; mais à sa place il y a une crête irrégulière graisseuse, 
tranchante, de 2 pouces de hauteur, et s'étendant 2 pieds et 
demi le long du dos, presqu’au milieu de l’espace compris entre 
les deux etrémités. Le bord de celte crête est généralement 
rugueux et déchiré, ce qui provient sans doute du frottement 
contre la glace. 

La couleur ordinaire du jeune narwhal est d’un gris noirâtre 
sur le dos, varié par un grand nombre de taches plus} foncées, 
pénétrant les unes dans Îles autres, et formant une surface d'un 
noir obscur; sur les flancs, les taches plus pâles et moins serrées 
sont sur un fond blanc ‘et enfin elles disparaissent environ vers 
le milieu du ventre. Dans les vieux individus, le fonds est entière- 
ment blanc ou d’un blanc jaunälre, avec des taches d’un gris 
foncé ou noirätre de différens degrés d'intensité. Ces taches sont 
de forme arrondie ou oblongue; sur le dos où leur diamètre 
surpasse rarement 2 pouces, elles sont plus foncées et plus con- 
fondues , mais encore séparées entre elles par des intervalles d’un 
blanc pur. Sur les flancs, les taches sont plus faibles, plus petites et 
moins serrées. Sous le ventre, elles deviennent exirèmement 
faibles et rares et dans une étendue considérable on n’en peut 
apercevoir. À la partie supérieure du cou, justement derrière 
lévent, est souvent un paquet de taches d’un brun noir sans in- 
tervalle blanc. Les parties externes des nageoires sont aussigénéra- 
lement noires sur les bords, mais grisätres vers le milieu. Lapartie 
supérieure de la queue est également noire vers les bords; mais 
elle est grise dans le milieu, avec des stries curvilignes noires 
sur un fond blanc, formant une figure semi-circulaire sur chaque 
tobe. Lesparties inférieures des nageoires et de la queue sont sem- 
blables aux supérieures, elles sont seulement moins colorées , 
le milieu des nageoires étant blanc et celui de la queue d’un gris 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 269 


päle. La couleur des très jeunes est entièrement d’un gris bleuàtre 
ou de couleur d’ardoise. 

Les tégumens sont semblables à ceux de la baleine ; ils sont 
seulement plus minces; l'épiderme est de l'épaisseur d’une feuille 
de papier ; le réseau muqueux de # à # de pouce, et la peau 
elle-même est mince, mais forte et compacte sur le côté exté- 
rieur de l'animal. 

Une longue défense proéminente, dont quelques narwhals 
sont pourvus, a été considérée comme une corne par les pêcheurs, 
d’où le nom d’unicorne qu’on a donné à cet animal. Cette défense 
se trouve sur le côté gauche de la tête et elle atteint quelquefois 
une longueur de 9 à 10 pieds ; Edge dit 14 ou 15, dans sa descrip- 
tion du Groenland. Elle sort de la partie inférieure de la mâchoire 
d'en haut, se dirige en avant et un peu en bas et est parallèle 
au palais. Elle est striée en spirale de la droite à la gauche; 
elle est entièrement droite, et elle se termine par une pointe 
émoussée. Sa couleur est d’un blanc jaunätre et elle est formée 
d’une espèce d'ivoire compacte; elle est ordinairement creuse 
depuis sa base jusqu’à quelques pouces de la pointe. Une défense 
de 5 pieds qui est une longueur moyenne, à environ 2 pouces 
6 lignes de diamètre à sa base, 1 pouce 9 lignes au milieu, et 4 
à 5 lignes à 1 pouce de sa pointe. Dans une défense de cette di- 
mension , 1l y a 5 ou 6 tours de spirale s’étendant de la base à 6 
ou 7 pouces de la pointe. Cette dernière partie est lisse, luisante 
et blanche ; tandis que la partie striée est ordinairement grise et 
sale. 

Outre cette défense extérieure, qui est particulière au mäle, 
il y en a une autre au côté droit de la tête, d'environ 9 pouces 
de longueur et cachée dans le crâne. Dans les femelles, comme 
dans les jeunes mäles, dans lesquelles les dents ne paraissent pas 
exlérieurement, on lrouve presque toujours les rudimens des 
deux défenses dans la mächoire d’en haut; elles sont solides 
partout et sont enfoncées en arrière dans la substance du crâne, 
dans environ 6 pouces de sa partie la plus proéminente ; elles ont 
7 à 8 pouces de longueur dans les mâles conime dans les femelles. 
Dans les pemiers, elle sont lissés, coniques et terminées à la 
racine par une troncature oblique ; dans celles-ci, la surface est 
extrêmement rugueuse, el elles finissent à la base par une large 
houppe irrégulière, placée sur un côté, qui donne à la déénse la 
forme de pistolets de poche. Nous avons pris deux ou trois individus 
mäles qui avaient deux défenses extérieures fort grandes ; mais 
c'est une circonstance fort rare. Je n’ai jamais vu une défense 
complète, seulement du côté droit; quoique je ne pense pas que 


270 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


cela soit impossible et toutes celles qui n'avaient pas de perfora- 
tion au centre, pourraient bien être des défenses du côté droit. 
M. Everard Home, dans son examen de la défense du narwhal 
(Philosoph. Trans., 1813) , a trouvé dans une qui lui paraissait 
solide, une cavité tubuleuse dans le milieu de la plus grande 
partie de la longueur , la pointe et la racine étant les seules par- 
ties solides. 

Tous les individus mäles de narwhal , que j'ai vu tuer à dif- 
férentes reprises, excepté un, avaient une défense de 3 à 6 pieds 
de longueur, sortant du côté gauche de la tête, et dont 8 pouces 
environ élaient enfoncés dans le crâne. La perforation, dans 
toutes, s’étendait de la base jusqu’à 10 ou 12 pouces de la pointe. 

Les usages de cette défense sont douteux. Elle ne peut leur être 
essentielle pour se procurer la nourriture, puisque beaucoup 
d’entr'eux se la procurent très bien sans cela ; elle ne sert peut- 
être pas davantage à leur défense, à moins que de penser que les 
femelles et les jeunes mäles ne fussent exposés au pouvoir de 
lenrs ennemis, sans moyens de résistance, tandis que les mâles 
seraient en possession d’une arme admirable pour leur protection. 
Le docteur Barclay , auquel j'ai communiqué cette observation, 
pense que la défense est principalement, si ce n’est entièrement, 
une dislinction sexuelle , semblable à celles que l’on trouve parmi 
d’autres animaux. Quoiqu’elle ne soit pas essentielle à l'existence 
de l'animal, elle peut être cependant employée par occasion. De 
ce que l’extrémilé est toujours lisse et nelle, tandis que le reste 
est rude et sale, et surtout de ce qu’on a trouvé de ces défenses 
cassées , avec les angles de la fracture, en partie usés et arrondis, 
il n’est pas improbable qu’elle puisse être employée à percer la 
glace pour faciliter la respiration , sans être dans la nécessité 
d'aller chercher des lieux découverts. Il est impossible , à ce qu'il 
me semble, qu'elle puisse être employée, comme quelques au- 
teurs l'ont dit , à arracher la nourriture du fond de la mer; 
ces aniinaux se trouvant plus ordinairement dans les mers pro- 
fondes, où il leur serait impossible de vivre sous l'immense 
pression de la colonne d'eau qui est au-dessus du fond. 

Le corps est enveloppé par une couche de graisse épaisse de 
2 ou 5 pouces, et se montant quelquefois à la moitié d’un ton- 
peau : elle fournit une grande proportion d’ane huile excellente. 
Le crane du narwhal, comme celui des marsouins, des dauphins, 
du beluga, elc., est concave en dessus, et forme en avant une 
forte protubérance aplatie, cunéiforme sur le front, qui pro- 
duit une sorte d'alvéole pour la défense. Sur cette protubérance, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 274 


il y a une couche de graisse dé 10 ou 12 povces de longueur, 
sur 8 ou 9 de hauteur. C’est cette graisse qui donne à la tête sa 
forme arrondie, et par sa quantité plus ou moins grande, il en 
résulte une différence considérable dans la forme et la saillie du 
front. En conséquence, ce qu’on a appelé l'angle facial, serait 
de moins de 60° dans quelques individus, et de 90° dans 
d’autres. 

L’évent communique avec une grande eavilé ou vessie à air 
double située immédiatement sous la peau; et elle est en rapport 
avec les cavités nasales du crâne, dont les ouvertures sont par- 
tagées par une cloison osseuse. 

J'ai trouvé une grande quantité de vers dans une substance 
graisseuse placée autour de l'oreille interne du narwbal ; ils avaient 
environ 1 pouce de long, leur forme était déliée , conique aux 
deux extrémités, mais un peu plus pointus à l’une qu’à l’autre. Ils 
étaient transparens ; en dedans, on voyait une apparence de canal ; 
eu dehors était une crète brunätre qui se prolongeait dans la lon- 
gueur du corps. 

La colonne vertébrale du narwhal a 12 pieds de longueur ; les 
vertèbres cervicales sont au nombre de 7; il y a 12 vertebres 
dorsales et 35 vertèbres lombaires et coccygiennes ; il y en a 54 
en tout, dont 12 entrent dans la composition de la queue et 
s'étendent dans son intérieur , jusqu’à un pouce de son extrémité. 
La moelle épinière parait régner sous les apophyses épineuses , 
depuis la tête jusqu’à la {0° vertèbre; mais elle ne pénètre pas 
dans la 41°. Les apophyses épineuses diminuent en longueur jus- 
qu’à la 15° vertèbre lombaire; elles sont à peine perceptibles à 
Ja 10°. Les apophyses abdominales grandes antérieurement, sur le 
côte de la colonne opposé aux apophyses épineuses, attachées 
à deux verlebres voisines, commencent entre la 50° et la 31°, 
et se terminent entre la 42° et la 45° vertèbre. Les côtes qui sont 
au nombre de 12 de chaque côté, 6 vraies et 6 fausses, sont grèles 
pour la grandeur de l’animal. Le sternum est de la forme d’un 
cœur, dont la partie la plus étroite serait en avant. Deux des 
fausses côtes, de chaque côté , sont jointes par des cartilages à la 
sixième côte vraie ; les autres sont Jibres. 

La principale nourriture du narwhal consiste en mollusques. 
En effet, dans les estomacs de beaucoup d'individus que j'ai ob- 
servés, jai trouvé un grand nombre de sèches à moitié dé- 
composées. 

Le narwhal est un animal vif, actif, inoffensif; 1l nage avec 
beaucoup de vitesse. Lorsqu'il respire à la surface , il reste sou- 


» 


272 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


vent immobile pendant plusieurs minutes, le dos et Ja tête seuls 
paraissant au-dessus de l'eau. Ces animaux vivent en petites troupes 
d'environ une demi-douzaine chaque et qui sont ordinairement 
composées d'individus du même sexe. 

Lorsque le narwhal est harponné, il plonge de la même ma- 
nière et presque avec la même vitesse que la baleine franche, 
mais non pas à la même profondeur; il descend généralement à 
la profondeur de 200 brasses , alors il revient à la surface et il se 
défait de la lance en peu de minutes. 

La seule bonne description du narwhal qui ait été publiée jus- 
qu’ici, est celle qui est contenue dans les Mémoires de la Société 
wernérienne, vol. 1, p. 131. Elle est du Dr Fleming qui a eu 
l'occasion de voir un petit individu de cette espèce, qui avait 
échoué sur le rivage d’une des îles Schettland en 1808. 

Les divisions suivantes sont prises d’après un individu mâle, 
tué près du Spitzhberg, dans l’année 1817, 


Longueur totale, la défense exceptée.....  15P#% 5r°- 


Du hautdu museau a l'œil..." Tr 1 

ANS MA COIPEE LUS M NT 

à la crète dorsale.... 6 

aumombnileere ee ONU) 

Circonférence à 4°: du bout du museau... 3 5 
aux yeux'et à l'évent.:. 1005900 8 

en avant des nageoires. ... 7 5 

en avant de la crète dorsale. 8 5 

aunombnil {gent}... Lr0ul 45: 6 
Défense, longueur externe. ............ 5 ot 
dimension à la base... ..n: ..+ not 
Event, long. 14,larg................ VOX HG 
Quete long r4 men ERNEST 
Nageoire, long. 13° , larg.............. 0 : 


Le cœur pesait 11 livres; le sang une heure et demie après la 
mort, avait une température de 97°. 


SUR LE BELUGA. 
Deiphinapterus Beluga (Lacépède); Delph. leucas (Linn.). 


Le beluga ne ressemble pas mal au narwhal pour la forme géné- 
rale; mais il est plus épais vers le milieu du corps, proportionnelle- 
ment à sa longueur. L’extrémité antérieure étant parabolique, et 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 279 


la tête petite , obtuse et ronde, cela lui donne une forte ressem- 
blance avec le narwhal. Sa longueur égale celle de cet animal; 
et d’après M. de Lacépède, elle est de 5 à 6 mètres. Les deux 
mächoires sont pourvues de denis. Il n’a pas de nageoire dorsale ; 
sa peau est lisse, sa couleur blanche; j'en ai cependant vu quel- 
ques individus qui étaient d’une couleur jaune, approchant de 
l'orange. 

On prit un mâle de cette espèce dans le détroit de Forth, dans 
le mois de juin 1815 ; sa longueur était de 13 pieds 4 pouces, et 
sa plus grande circonférence de près de 9 pieds. M. P. Neïll lut, 
à son sujet, un Mémoire sur les circonstances de sa prise et ses 
caractères extérieurs, devant la Société wernérienne, le 7 dé- 
cembre 1816, et le D' Barclay donna le même jour quelques 
détails sur son anatomie. Un très beau dessin de ce même animal 
fut fait par M. Syme, peintre de la Société wernérienne el au- 
teur des Illustrations sur la nomenclature des couleurs de Werner. 
Le professeur Jameson a bien voulu me permettre d’en tirer une 
copie que je donne ici. 

Le beluga vit, en général , en troupes ou familles de 5 à 10 in- 
dividus. Ils sont très abondans dans la baie d'Hudson, dans le 
détroit de Davis et dans plusieurs endroits de la côte septentrio- 
nale de l’Europe, de l'Asie, où se trouvent de grandes rivières. 
On les prend, à cause de l'huile qu’ils donnent, avec des harpons 
ou dans de très forts filets; dans ce dernier cas, le filet est étendu 
a travers le courant, pour empécher qu'ils nes’échappent hors de la 
rivière ; et lorsqu'on a ainsi mis obstacle à leur retour vers la mer, 
on les attaque avec la lance et l’on en tue ainsi quelquefois un très 
grand nombre. J’en ai souvent vu sur la côte du Spitzherg; mais 
jamais plus de 5 ou 4 à la fois. 


« 
SUR LE DAUPHIN CONDUCTEUR. 
D. deductor (Traill.) 


Cette espèce a été déjà le sujet de deux descriptions, l’une par 
M. P. Neill, dans son Voyage dans quelques-unes des Orcades, 
publié à Edimbourg, en 1806 ; et l’autre, par le D' Traill, dans 
le vol. XXII, p. 81 du Journal de Nicholson. Le Mémoire de ce 
dernier est accompagné d'un dessin fait par M. James Watson, 
sur la place, où 92 individus de la même espèce avaient échoué. 
Ce dessin, d’après l’exactitude bien connue de M. Watson, joint 
à l’opinion de différentes personnes qui ont vu l'animal , est, sans 
aucun doute, pour la forme générale, une exacte représentation. 


Tome XCY. OCTOBRE an 1822. 35 


274 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Je l'ai exactement copié, en faisant cependant une petite réduc- 
tion dans le diamètre ce que j'ai cru devoir faire , parce que le dia-- 
mètre comparatif de la figure ne correspondait pas exactement 
avec la mesure actuelle de l'animal. 

Les caractères suivans sont ceux qu'a donnés le D' Trail : 
corps épais, noir; une nageoire dorsale courte; nageoires peclo- 
rales longues et étroites ; tête obtuse; la mächoire supérieure 
courbée en avant; dents subconiques, étroites et un peu 
courbes. 

Cet animal atteint la longueur d’environ 24 pieds ; mais la lon- 
gueur moyenne des individus adultes est de 20 pieds, et leur 
plus grande circonférence de 10 ou 11 pieds. Les dimensions 
d’un individu mesuré par M. Watson, sont les suivantes : 


Longueur totale EE RER te mena ve AIO 
Plus grande circonférence................ 10 
Nageoire pectorale, portion externe, long... 3, 6 
largeur. tt OR 06 
Nageoire dorsale, hauteur.............. 1 3: 
JuBaune. eustenesn nets 11e id 


Queue, Hargeur Eesasbieinsats) 2 


Un autre individu avait 21 pieds et demi de longueur; un troi- 
sième 20 pieds et 11 pieds ét demi de circonférence. 

La peau est lisse et ressemble à de la soie huilée; la couleur 
est d'un noir bleuätre foncé sur le dos, et en général blanchätre 
sous le ventre. La graisse a 5 ou 4 pouces d'épaisseur. La tête 
est courte et ronde ; la mâchoire supérieure depasse un peu l’infé- 
rieure ; il n’y a qu’un seul évent extérieurement. Le nombre total 
des dents est de 22 à 24 dans chaque mächoire; elles ont environ 
9 lignes à 1 pouce 3 lignes de longueur. M. Watson a observé un 
individu qui avait 28 dents à la mächoire supérieure et 24 à l'in- 
férieure. Dans les individus âgés, il y a quelques dents qui man- 
quent, et dans les très jeunes, elles ne sont pas encore visibles. 
Lorsque la bouche est fermée, les dents des deux mächoïires s’en- 
grènent comme celles d'une trappe. La queue a environ 5 pieds 
de largeur et la nageoïre dorsale qui est cartilagineuse et immo- 
bile, a environ 15 pouces de hauteur. 

Cette espèce de dauphin paraît quelquefois en troupes considé- 
rables autour desiles Schetland et Feroë; tous les individus qui les 
composent suivent le chef, comme les moutons suivent le bélier ;. 
les habitans de ces iles connaissent cette habitude et s'en servent 
pour les prendre en plus graud nombre , en cherchant à pousser 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 275 


le chef dans une baie ; c’est à cause de cette habitude de suivre 
un chef, que cet animal est appelé cal/fing whale (leader) , que le 
D° Traill a traduit par celui de deductor. 

1 y a une ressemblance considérable entre cette espèce de 
dauphin et le grampus; mais en comparant allentivement leurs 
caractères, MM. Neill et Traill se sont assurés qu'ils diffèrent 
non moins que de toutes les aulres espèces de ce genre. 

Il paraît que cette espèce de dauphin a fait depuis long-temps le 
sujet de la poursuite des habitans de l’ile de Feroë. En 1664, ils 
en prirent, en deux endroits, environ un mille. En 1748, on en 
vit 40 dans Torbay, et on en tua un de 17 pieds de longueur. 
En 1799, 200 individus de 8 à 20 pieds s’échouèrent eux-mêmes 
à Taesta-Sound, dans une des îles Schetland; le 25 février 1805, 
197 individus de 6 à 20 pieds furent poussés sur la rive à Uyex- 
Sound , de l'ile de Unst; et le 19 mars de la même année, on en 
vit une troupe de 120 à la même place. En décembre 1806, 
92 individus de la même espèce et de 5 à 21 pieds de longueur 
échouërent dans la baie de Scalpa, Orkeney. On remarqua, pour 
ces trois dernières troupes, que les femelles nourrissaient leurs 
petits et continuèrent à le faire sur le rivage, tant que leur dura 
la vie. Dans l’hiver de 1809 à 1810, 1100 de ces dauphins appro- 
chèrent le rivage de Hvaléord en Islande, et furent tous pris. 
On en tua 150 dans l'hiver de 1814, à Balia-Sund en Schetland, 
et il paraît qu’il y a eu un grand nombre d'exemples semblables sur 
les côtes d'Angleterre et des autres îles du nord. 


FIN 


DU MÉMOIRE GÉOLOGIQUE 


SUR L’ALLEMAGNE ; 
Par A. BOUÉ. 


PoOUDINGUE A CIMENT CALCAIRE ET CALCAIRE JURASIQUE SUPÉ= 
RIEUR ? La position de ce calcaire marin et de cet aggrégat 
pourrait faire croire d’abord que ce serait un depôt de gres vert 
et de craie , mais plusieurs circonstances essentielles s’y opposent, 


+ 


276 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ainsi on n’y voit point les parties chloritées verdätres de la craie 
chloritée, l’on n’y retrouve point les fossiles caractéristiques de 
la craie, tel que les bélemnites, etc., et ces roches sont d’une na- 
ture toute particulière. 

D'un autre côté, ces mêmes caractères qui semblent les éloigner 
de la craie, les rapprochent essentiellement de certaines assises 
supérieures du calcaire jurasique de la Normandie (Caen) et de 
l'Angleterre. Certaines assises inférieures ont même un rapport 
frappant avec le coralrag des Anglais, qui est une des couches 
les plus supérieures de leur calcaire jurasique, etil se pourrait 
que d’autres couches répondissent aussi à certaines variétés en- 
core plus récentes de ce dépôt en Angleterre. Les calcaires, en 
France et en Angleterre, ne renferment pas à la vérité d'aussi 
puissantes couches arénacées, mais néanmoins il y en a des traces 
et il est possible que nos poudingues soient représentés là par le 
calcareous grit et le calcareous freestone des Anglais (1). 

Malgré que M. Beudant classe comme moi des calcaires sem- 
blables de Hongrie parmi les calcaires jurasiques , je ne veux pas 
cependant décider entièrement la question, du moins pour les 
calcaires du bassin autrichien, parce qu'il se pourrait, contre mon 
opinion, qu'il y en eût aussi quelques-uns, qui appartinssent plus 
ou moins à la craie, et surtout parce que l'existence de couches 
puissantes d’agglomérats dans le calcaire jurasique est encore un 
accident assez nouveau et contraire à l’idée de plusieurs géo- 
logues. 

Îl n’en reste pas moins un fait constant , c’est qu'un dépôt cal- 
caire coquiller et arénacé particulier se retrouve dans plusieurs 
contrées, comme nous le dirons, isolé sur les formations beau- 
coup plus anciennes, et qu’en Autriche et en Hongrie, il est placé 
sous les argiles plastiques à lignites et que son âge ne peut pas 
être reculé au-delà des assises supérieures du calcaire jura- 
sique. 

D'après cela l’on voit qu’il est nécessaire d'éviter de l'appeler 
nagelfluh (2), malgré la ressemblance apparente qu'il peut avoir 
avec certains agglomérats de la Suisse qu’on désigne à l'ordinaire 
sous ce nom, et dont une grande partie, du moins, appartient 
évidemment aux terrains tertiaires. 

Le calcaire et l’agglomérat ancien dont nous venons de parler 


(1) Voyez Outline ofthe Geology of England, par Conybeare et Philipps, 
p.186 


166. 
(2) Cest le nagelfluh de M. Preyost. Voyez le Journal de Physique de 1820. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 277 


forme une ceinture presque complète autour du bassin autri- 
chien; ainsi il constitue, du côté de l’est, toute la chaine du 
Leithagebirge, environ depuis Rhorau jusque vers Œdenburg, 
et est limité à peu près par les villages et les bourgs de Parndorf, 
de Breitenbrunn , de Dundelskirchen, d'Eisenstadt , de Morgre- 
ten, de Rust, de Kroïsbach, d'Œldenburg, de Wimpassing, de 
Loretto , d’Au de Hof, de Mannersdorf, de Somarein et de Bruck. 
La vallée d’Eisenstadt y produit une grande interruption par des 
dépôts d’alluvions, des marnes modernes et des dépôts tertiaires 
incontestables. 

Delà les agglomérats se prolongent par Zillendorf, vers Wien- 
Neustadt et même plus avant dans ce cul-de-sae de roches pri- 
milives et intermédiaires; car on en voit déjà au sud de Saubers- 
dorf, où ils occupent une partie de la plaine,-et s'étendent vers 
Fischau; puis, depuis là, ils sont de nouveau recouverts de leur 
calcaire propre et longent les pentes des montagnes de transition 
et de grès rouge, jusque vers Klosternburg. Il y en a même un 
Jlambeau au pied du Schneeberg. 

Gette bande plus ou moins épaisse, passe par Wollersdorf, 
derrière Hellas, Voselau, Baden, Gumpoldskirchen, Medling, 
Pelersdorf, Dornbach, derrière Nussdorf et le pied occidental du 
Léopolsberg. 

Au nord du Danube, l’on n’observe d’abord que des terrains 
plus récens ; néanmoins on voit des lambeaux de notre terrain 
sur le calcaire intermédiaire de Tefen, et plus au nord, le long 
des Carpathes , en particulier, non loin de Holitsch. En decà de 
la March, on en trouve abondamment à l’est de Walfersdorf, 
entre Prinzendorf, Neusiedel et Zistersdorf, à l’est et au nord 
de Poisdorf, entre ce bourg , Nicolsburg , Müillowitz et 
Feldsberg. 

Pres de Nicolsburg, ce dépôt recouvre les pentes du calcaire 
du Jura; et plus au nord on en voit encore quatre amas; l’un près 
d'Auertschitz, l’autre entre Nuslau et Lauczitz, un troisième, 
entre Oppatowitz et Maxdorf sur la rive gauche de la Schwarza, 
enfin ; un quatrième sur la pente du calcaire intermédiaire, près 
de Brun au Johannisberg. 

Il paraît qu'il y en a aussi plus à l'ouest, non loin des terrains 
de gneiss du Bohmerwaldgebirge, du moins en Autriche. 

En Hongrie, il est infiniment plus disséminé et peut-être 
il y a été infiniment plus démantelé; on en voit surtout, 
suivant M. Beudant, entre Fured et Aracs sur les bords du 
lac Balaton, près d'Obergalla, de Mor, etc. Dans le fond des grandes: 


278 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


sinuosités du bassin, j'en connais surtout en Styrie, près de 
Murek, à Sausaal, à Admont, à Wilde et en abondance à l’est 
d'Chfenhauzen. 

Dans le bassin autrichien , où j'ai principalement pu étudier ce 
dépôt, ses couches se sont moulées sur le fond qui les supporte; 
ainsi entre Vienne et Wien-Neustadt, elles inclinent au nord- 
est, parce que la pente des montagnes de transition et des grès 
houillers présente cette inclinaison, et vis-à-vis, dans le Leithage- 
birge, elles plongent vers le sud-ouest, parce qu’une crête de 
calcaire intermédiaire est cachée sous ces dépôts plus récens. La 
même inclinaison se revoit sur la pente des Carpathes et en 
Moravie, à Nicolsburg, l’on remarque une inclinaison au nord- 
est et plus au nord une inclinaison à l’est qui continue jusque dans 
l’amas du Johannisberg, gisant au-dessus du calcaire intermé- 
diaire des environs de Brunn. 


Les agglomérats et les calcaires de ces dépôts ne sont pas éga- 
lement répartis; ainsi le long de la chaîne de Wien-Neustadt 
jusque près de Vienne, des roches arénacées on des poudingues 
supportent les masses calcaires, tandis que dans le Leïthagebirge, 
il y a des alternations fréquentes d’agglomérats et de calcaires, 
surtout parmi les assises inférieures calcaires, et en Moravie, on 


ne voit pas de poudingues ou du moins ils sont recouverts par les 
calcaires. 


Ces derniers y forment des collines peu élevées ou de petites 
montagnes arrondies ayant environ 400 pieds de haut, comme à 
l'est de Solowitzet le Leithagebirge lui-même atieint une hau- 
teur à peu de chose près semblable. A en juger par les dépôts, 
l'eau du bassin qui a déposé ces calcaires aurait donc atteint une 
élévation d'environ 4 ou 500 pieds au-dessus du niveau des 
eaux du Danube. 


Pounincuess. Les poudingues ne sont pas partout composés des 
mêmes matériaux; le long de la chaîne «u sud de Vienne, ce 
sont, en général, des agglomérats de fragmens anguleux et ar- 
rondis de calcaire mélangés de quelques morceaux de grès inter- 
médiaire et houiller. La grosseur de ces morceaux varie depuis 
celle d’un pois à celle d’une tête, il y en a même qui ont 1 à 2 
pieds de diamètre; quelquefois les débris sont au contraire très 
petits et constituent alors des espèces de grès ou de molasse. 


Le ciment de ces agrégats est toujours calcaire ou spathique, 
et lorsque la pâte marneuse augmente, on voit ces roches passer 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 279 


à des véritables calcaires arénacés et enfin à des calcaires purs, 
comme par exemple près de Baden. 

Dans le Leithagebirge, les assises tont-à-fait inférieures, comme 
entre Mullendorf, Kleingenbach et Œdenburg, etc. offrent les 
mêmes variétés de poudingues, à l’exception que dans cette loca- 
lité, vu le voisinage du terrain schisteux primitif (entre Œden- 
burg et Wien-Neustadt), les cailloux de quartz , de gneiss et de 
micaschiste y sont assez fréquens. Dans les agrégats intercallés 
dans les calcaires, comme à Summarein, à Mandersdorf, à Rust, 
à Morgreten , ete., les mêmes débris abondent et l’on voit le cal- 
Caire passer insensiblement à ’agglomérat, ou ce dernier ne former 
que cà et là des lits très minces dans le calcaire. 

Dans les agolomérats, le long des Carpathes, on observe encore 
quelques débris granitiques. 

Les calcaires, qui reposent en général sur ces agrégats, pré- 
sentent différentes variétés fort remarquables qui se retrouvent, 
tantôt dans le calcaire jurasique supérieur et la craie et tantôt dans 
le calcaire grossier tertiaire. 

En gévéral, ces calcaires sont extrémement coquillers ou rem- 
plis de fossiles , de manière qu’on peut presque dire qu’ils ne sont 
qu'un agrégat de débris d'êtres marins, plus ou moins forte- 
ment cimentés ensemble et plus ou moins méconnaissables. 

Certains calcaires sont compactes, plus ou moins cellulaires et 
d’une couleur blanche, grisètre, brunätre ou jaunätre; on y aper- 
coit un grand nombre de débris de madrépores, d’alcyons, 
d’éponges, de coraux et de bivalves, comme près de Nicolsburg, 
de Porsdorf, de Prinzendorf , et en général en Moravie. 

D'autres sont assez compactes el ne laissent surtout apercevoir 
que des débris de coraux qui ressortent sur la roche par une cou- 
leur moins foncée, comme à Wollersdorf, Baden, Nusdorf, 
Poisdorf, ou bien ce sont des calcaires compactes, blanchätres, 
tout pétris de restes de peliles encrines, comme au Johan- 
nisberg. 

Cette dernière variété, que je n'ai vue que dans cette localité 
et qui est accompagnée de quelques amas ou de quelques lits 
ayant une certaine structure oolitique , pourrait bien étre la par- 
ue inférieure du dépôt et le lier au calcaire jurasique des environs 
de Nicolsburg. 

Dans quelques variétés, les débris de coraux, de zoophytes et 
de bivalves sont tellement brisés et agglulinés, qu'on n'a plus 
qu'un calcaire gris ou gris-bleuätre avec des petites parties moins 
foncées, comme à Kaisersteinbruch , dans le Leithagebirge. 


280 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


D’autres fois, certaines couches offrent encore des zoophytes 
parfaitement conservés et renfermant des écailles de mica ar- 
genté, comme par exemple, près de Somarein, où les serpules 
abondent. 

Rarement le calcaire devient entièrement compacte, jaune- 
brunâtre, et renferme beaucoup de débris zoophytiques qui y pro- 
duisent de grandes cavités vides ou tapissées de chaux carbonatée 
ou bien qui y sont très fortement empâtés, telles sont les parties 
inférieures du dépôt de Wollersdorf, qui ressemblent assez à 
certains calcaires du coralrag des Anglais. 


D'autres couches ne sont au contraire qu’un agrégat, surlout 
de coraux ; la roche est alors blanche ou jaunätre, et quelquefois 
même les coraux ont conservé une partie de leur couleur 
rouge, comme près de Wollersdorf et ailleurs à Loretto, à 
Poisdorf, etc. 


Mais souvent ces mêmes débris de coraux, de madrépores, 
de serpules, d’échinites , etc., ne sont que foiblement agglutinés 

ar un ciment cretacé blanc ou jaunâtre et tachant, comme à 
Hof, à Dundelskirchen et entre Œdenburg et le lac de Neusiedel. 

Il arrive aussi que ces restes marins sont lriturés en sable ex- 
trèmement fin, gris-jaunâtre ou gris - brunätre où blanchätre, 
comme à Loretto, où certains bancs fournissent, de même qu'à 
Wollersdorf, d'excellentes pierres de construction. 

Ces deux dernières variétés ressemblent, quelquefois, beaucoup 
à certaines couches du mont Saint Pierre à Maestricht; elles pour- 
raient faire croire que ce dépôt est de la craie ou du moins que 
peut-être ces dernières roches sont une formation différente du 
reste; mais les carrières de Wollersdorf offrent heureusement 
toutes ces variétés réunies avec celles qui ne ressemblent guère à 
la craie. D'ailleurs le calcaire de Caen, présente aussi des roches 
semblables à celles de Loretto. 


Enfin, j'en citerai encore deux autres variétés, l’une passable- 
ment poreuse, à cérithes et ayant assez l'aspect du calcaire grossier 
qu'on rencontre càet la près de Poisdorf, Prinzendorfet dansla par- 
tie septentrionale du Leïthagebirge et une autre variété blanchätre 
etjaunâtre, à pâle marneuse plutôt que calcaire et pétrie de num- 
mulites, comme à Loretto et à Wellersdorf. En Hongrie, ces 
roches sont quelquefois sablonneuses, comme à Liepze, Jablunka 
et entre Neudorf et Bitsche. 

La position générale de ces variétés paraît être à peu près la 
suivante ; les couches à encrines et celles ressemblant au coral- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 281 


rag , sont les assises inférieures, les variétés compactes à coraux 
et a débris zoophytiques brisés, forment les portions principales 
de la massé, puis viennent probablement les calcaires à cérithes, 
et les calcaires fins et cretacés, et enfin, les calcaires à num- 
mulites ; néanmoins, la position des calcaires fins et cretacés 
n'est pas aussi fixe que celle des autres, et il se peut qu'ils ne 
forment que des accidens cà et là dans le terrain. 

Les fossiles de ce terrain sont presque toujours pétrifiés, les 
coquillages sont le plus souvent seulement des moules, rare- 
ment il y en a qui soient conservés presque intacts , ce qui a lieu 
surtout pour les huîtres et quelques peignes. 

Dans le poudingue, il n'existe guère de pétrifications, du 
moins elles y sont presque toujours brisées ; néanmoins on y 
voit des grandes huîtres et des morceaux de ces coquillages ,-par 
exemple , près de Baden. 

Dans les calcaires, on remarque surtout, dans les parties infé- 
rieures des alcyons, des éponges , des serpules, des clypéastres, 
des cones, des coquilles turbinées et des bivalves, telles que des 

_myes, elc., dans les autres assises, les pectoncules , les peignes , 
les huitres, les cones, les bulles , les cérithes, etc. dominent 
davantage. Les pectoncules et surtout les huitres y forment de 
véritables bancs, tandis que les autres coquillages n’y sont qu'é- 
pars ; les huîtres sont de plusieurs espèces et quelquefois énormes. 
Rarement , comme à Loretto, les coquillages bivalves n’ont laissé 
que des cavités à moitié remplies d'une marne calcaire noirätre, 
mélangée de chaux carbonatée cristallisée. 

Les peignes sont quelquefois, comme nous l'avons dit, par- 
faitement conservés, et atteignent cà'ët la, comme à Prinzendorf, 
près d’un pied de diamètre. 

Beaucoup d'autres fossiles s'y voyent encore, telles que des 
bivalves et des univalves plus ou moins difficiles à déterminer, par 
exemple des Trochus. 

Des cellepores accompagnés de petites huîtres, de clypéastres 
abondent dans les dépôts crétacés et les débris de coraux empätent 
souvent des dents de squale, 

Ca et la, on y a rencontré des débris d'animaux voisins des 
lamantins, comme à Loretto et près de Holitsch où on a décou- 
vert les os entiers d’une patte de ces animaux, et même on conserve 
dans le cabinet impérial de Vienne des dents d’un animal am 
phibie ou même terrestre ? empâtés dans ce calcaire. 

Enfin, M. Jordis de Vienne y cite des débris de poissons et 
d'écrevisses , près de Kroisbach, dans le Leithagebirge. 

Tome XCFV, OCTOBRE an 1822. 36 


282 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Cet intéressant dépôt ne se trouve pas seulement en Autriche 
et en Hongrie, mais il se revoit encore en plusieurs points de 
la Bavière, au sud du Danube, par exemple, près d'Ingolstadt et 
à Mabrig. Dans la première localité se présentent surtout les va- 
riélés compactes à coraux, à zoophytes, et à Malrig, il y a des 
colonnes jurasiques composées de rhomboëdres de chaux carbona- 
tée, comme près de Nicolsbure. 

D'après le savant M. André de Brunn, il existe en assez grande 
quantité sur les bords du lac Onéga en Russie. 

Nous l'avons déjà cité en Angleterre ; en France, on ne le voit 
pas seulement en Normandie , mais encore dans le département 
de la Loire-[nférieure où il forme au moins sept lambeaux su- 
perposés sur le gneiss ou les schistes appelés avec raison ou à 
tort primitifs. Ces espèces de bassins calcaires sont plus ou moins 
circonscrits ; le plus grand est au nord de Chambon, il y offre des 
calcaires tout-à-fait semblables à beaucoup de ceux de l'Autriche 
et ils abondent de même en pectoncules, en huïtres, en téré- 
bratules lisses, en cérithes, en madrépores et en alcyons. Les 
autres dépôls, moins étendus , se trouvent à Machecoul, à Disi- 
merie en Lorons, à Tridelat, près d'Herbrag, à la Freudière, 
commune de la Cherrolière. 

Enfin, M. André de Paris a découvert encore ces calcaires 
entre Chartres el Orgères; près de Pontpean, à deux lieues de 
Rennes, ils y sont souvent faiblement agglutinés, comme ceux 
de Dundelskirchen ; ils y offrent aussi des pectoncules, des bi- 
valves , des cérithes et des nummulites etils gisent sur le terrain 
intermédiaire. sis 

Au-dessus de la formation précédente, reposent les dépôts in- 
conteslablement tertiaires, qui sont également étendus dans 
l'Autriche et la Hongrie. M. Beudant ayant publié des observa- 
tionsétendues sur ce dernier pays, et moi-même n’ayantpu qu’exa- 
miner çà et là les dépôts tertiaires de ce bassin, je n’en dirai que 
très peu de chose. 


ARGILE PLASTIQUE. L’argile plastique recouvre l’agglomérat et 
les calcaires précédens , c’est ce dont on peut s'assurer près de 
Prinzendorf, et c’est ce qui résulte assez évidemment de sa posi- 
tion dans le bassin au sud de Vienne et des assises d’argile mica- 
cée, qui recouvrent l'argile à lignites. En effet, l'argile 'micacée 
cache ce terrain dans plusieurs localités, comme par exemple, 
près de Baden, et d'un autre côté, il couronne le calcaire co- 
quiller de Leithagebirge dans plusieurs endroits; on devrait 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 283 


donc trouver dans la plaine ce dernier calcaire entre l'argile plas- 
tique et l'argile micacée, si-réellement c'était la position de la pre- 
mère de ces formations. Mais, au contraire, ce cas ne se présente 
Jamais, el on voit des amas d'argile à lignites placés le long des 
deux bandes calcaires du bassin de Vienne, de telle manière que 
l'inclinaison des couches calcaires rend mathématiquementimpos- 
sible leur superposition sur l'argile plastique. 


C'est un bassin de calcaire intermédiaire et de grès rouge très 
profond, garni d’un dépôt de calcaire et de poudingues plus ré- 
cens, dans lequel sont venus se déposer les alluvions tertiaires 3, 
dont la première oecupe naturellement la partie la plus inférieure. 
Néanmoins, il n’est pas à dire que l'argile micacée cache dans 
tout le bassin des dépôts d'argile à lignites, puisqu'on sait que ces 
amas de végétaux ne sont à l'ordinaire que par paquets çà et là; 
mails ce que je crois bien établi » C’est que presque partout, sous 
l'argile micacée, on trouverait, en creusant, des argiles plastiques 
ou des sables de cette formation. 


C'est d’après ce principe, qu’on a, dans lusieurs localités à 
: EL : ) pus } c £ 
Vienne, à Bruck, à Baden, creusé des puits très profonds, à 
travers l'argile micacée et les sables » Pour arriver à l'argile qu’on 


savait êlre impénétrable à l'eau et fournir des sources abon- 
dantes. 


La formation de l'arpile à lignites se rencontre dans un assez 
grand nombre de localités du bassin de Vienne, par exemple à 
Neufeld, à Potsching , à Kitzing, à Wandorf, à Saint-Martin na 
Nappersdorf, au pied du Schneeberg, à Mayershof, à Saint- 
Polten, près de Gaunersdorf, de Prinzendorf, de Nicolsburg ; dans 
les plaines ensanglantées au sud d'Austerlitz, près de Nicolstz, et 
en général une grande partie de la Moravie, entre la Taye, la 
Zwittauwka, la Hanna et la March, en parait être formée, si on 
€n exceple tout près le groupe de montagnes de grauwacke, qui 
s'étend de Kostelan, au-dessous de Kremsir, jusqu’au-delà de 
Kostelan, à Bohuslayitz, les amas indiqués de calcaire secondaire 
et les marnes d'eau douce que nous y cilerons. 


Il y en a autour de Ungarish-Brod et de Banow, et il y en a 
même des lambeaux qui remontent par la vallée de Ja March jus- 
qu'à Neu'Fitschein. Un Hongrie, M. Beudant en indique dans 
plusieurs localités, entre Freystadt et Neitra, à Frauenmarkt, 
près de Gran, de Saint-Kerest et de Saint-André, à Domos, à 
Magy-Maroth, à Bank, dans les montagnes de Cserhat, à Peter- 
vasor , près d'Erlau , à Miskolez. Dans le Banat, il y en a à Boso- 


36.. 


284 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


vitz, à Domanyÿ, au nord d'Oravicza, à Kolnik, en Transylvanie, 
près de Korlsburg et Kronstadt, et en Slavonie et en Croätie, on 
en connaît déja plusieurs grands dépôts. à 

Les roches de l’argile plastique se composent, comme ailleurs, 
d'argile plastique, de marnes argileuses et sablonneuses de diffé- 
rentes couleurs, de sable et de grès divers et d’amas de lignites. 

Les lignites n’y sont qu’un accident, et l’on voit ainsi de grands 
espaces où les grès et les marnes abondent, et où les lignites ne 
sont guère remplacées que par des argiles noirâtres, quelquefois 
alunifères, comme par exemple, près de Néra, Wieslitz, de Mat- 
zen, de Prinzendorf, et surtout dans la partie septentrionale du 
bassin de la Moravie, où tout le pays entre Nikolschitz, Auspitz, 
Czeitsch, Gaya, Strilek, la vallée de Wischau, Kremsis et Aus- 
terlitz, et Boschowitz est presque entièrement composé d’alter- 
nances de marne et de grès marneux ou d'espèce de molasse. 

Ces grès sont composés de grains de quartz et à petits points 
noirâtres ou jaunâtres; ils sont jaunätres ou grisätres et ils alternent 
en lits minces et quelquefois contournés avec des marnes et des 
sables marneux , empâtant des rognons de marne endurcie. Cela 
se voit bien entre Austerlitz et Neu-Hwiezdslitz, à Snowidek, 
au nord de Goya, etc. 

Néanmoins, il faut dire que la position de ces dépôts tout-à- 
fait sans coquilles , n’est pas claire par rapport aux masses d’ar- 
gile plastique noirätre ‘qu’on aperçoil au milieu de ce terrain, 
comme à Neu-Hwiezdliiz , à New-Schitz, à Bubitz, à Nikolis- 
chitz, près de Divak et de Klobouk ; car on voit seulement que 
l'argile plastique occupe le fond des vallées, ou bien elle a l'air de 
s’enfoncer dessous des roches précédentes. | 

C’est encore à l'argile plastique que je crois devoir attribuer 
certaines molasses grisätres , et Certains agglomérals qui reposent 
sur l’ancien poudingue de Hellas, ainsi que les roches arénacées 
au pied des calcaires coquillers de Wollersdorf. 

Les lignites présentent différentes variétés, elles offrent quel- 
quefois de très bons jayets, comme au Brennberg, près d'Œden- 
burg et près de Mayershof, où ces dépôts de végétaux alternent 
fort irrégulièrement avec des lits de grès, de marne et de sable et 
présentent plusieurs des accidens des couches houillères anciennes. 

Au Brennberg, la masse de lignite a environ 14 toises d’épais- 
seur et une étendue de 106 toises;, elle repose sur des schistes 
primitifs; les couches de lignites ont environ de 6 à 10 pieds 
d'épaisseur. Lies marnes y renferment des impressions de plantes 
monocotylédones et des feuilles d'arbres. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 285 


Dans les dépôts semblables de Saint-Polten et de Mayersdorf, 
on a observé des couches d’argile bitumineuse, pétries de pla- 
norbes, de lymnées et d’une espèce de coquille turbinée, voisine 
des cérithes. On y cite aussi du succin ; des lignites se trouvent 
encore dans la plupart des lieux où j'ai cité l'argile plastique; 
c’est un de ses meilleurs caractères, et ca et là les pyrites qu'ils 
renferment y ont produit par la décomposition des embrasemens 
spontanés, 

L'argile plastique est recouverte d'an dépôt fort épais d'argile 
ou plutôt de marne argileuse d’une couleur surtout bleuätre et 
grisätre et souvent micacée; c’est ce qui forme le T'egel des Autri- 
chiens et qui mêlé à l'argile plastique ou seul, leur fournit de 
bonnes tuiles, etc. 

Ce dépôt s'étend fort au loin dans la plaine au sud de Vienne, 
entre Solenau et Alt-Inzersdorf, Waltersdorf et Bruck. On en 
voit près de Vienne, à Wering , elc. 

Au nord du Danube, on en observe abondamment à Matzon, 
surtout le long de la March, à Gaya près de Schardit, près de 
Bisentz, etc. 

En Hongrie, on retrouve le mème dépôt, par exemple, près 
d'Œdenburg, à l’ouest et à l’est de la ville, et j'en ai vu des 
échantillons venant de Rodebry et d’Agram en Croatie et de 
Slavonie. 


Cette argile et ces marnes de diverses teintes jaunâtres, ver- 
dâtres et grisätres, gisent souvent sur les calcaires coquillers du 
Leithagebirge, comme » Kersersteinbruch, à Mannersdorf, entre 
Bruck et Breitenbrunn; ces roches alternent d’abord en lits assez 
minces et à la fin l'argile gris-bleuâtre prédomine. 

L'épaisseur du dépôt est fort considérable, car on y a percé à 
Bruck un puits qui a 19 loises, et à Vienne, à 52 toises de profon- 
deur , on étaitencore dans le mème dépôt. Il renferme des rognons 
de gypse terreux et de gypse cristallisé en rosettes, comme à 
Baden, à Kaisersteinbruch. On a vu de la strontiane sulfatée 
amorphe à Baden et à Radeboy en Croatie, et il y a des amas con- 
sidérables de soufre amorphe en Slavonie, qui sont même ex- 
ploités. i 

Les fossiles de cette formation sont entièrement marins et des 
genres suivans : Conus, cypræa, ovula, terebellum, voluta , bucei- 
num, harpa, cancellaria, cassis strombus , rostellaria, murex, 
Jusus, pyrula, cerithium, trochus , solarium tornatella , turritella , 


286 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


natica, dentalium, siliquaria, mytilus ? (1), pectunculus, nucula, 
cardium , lucina ; venus, crassatella, ostrea, pecten. I ÿ a aussi des 
madrépores. 

Dans certains endroits, comme dans les environs de Baden, 
toutes ces coquilles abondent , à l’exception des mytilus? qui se 
trouvent surtout à Œdenburg et à Gaya, landis que des melanop- 
sides les accompagnent surtout à Bisentz et peut-être à Gaya. 

Au-dessus de ce dépôt, sont des alternations d'argile (lehm), 
ou plutôt de marnes argileuses, de sable et de cailloux surmontés de 
bancs calcaires coquillers qui alternent aussi souvent avec les sables. 

Les argiles n’y forment jamais de couches puissantes et sont 
jaunätres, grisätres et blanchätres; les sables sont composés sur- 
tout de quartz et d’écailles de mica et quelquefois imprégnés 
d'un peu de fer hydraté, comme à Waring et les cailloux qui ÿ 
sont mélangés où qui y forment des lits irréguliers sont des 
fragmens de quartz, de calcaire intermédiaire et secondaire, de 
grauwacke et d’autres roches du voisinage. 


SABLES ET CALCAIRES COQUILLERS MARINS. Les marnes plus ou 
moins sablonneuses , sont cà et là endurcies et forment alors des 
calcaires jaunâtres ou grisätres ou blanchâtres, qui ressemblent 
beaucoup aux calcaires grossiers de Paris, et renferment sou- 
vent du sable ou des cailloux dans leurs assises inférieures. 

Les fossiles de ce dépôt sont des êtres marins et d’eau douce, et 
ce mélange a surtout lieu dans les parties inférieures sablonneuses 
du terrain , ainsi l’on voit alterner, près de Hellas et de Maustrenk, 
des bancs sablonneux presque entièrement composés de vénus ou 
d’autres lits composés de cérithes, d'ovules, etc.; tandis qu'en 
Moravie des bancs de mélanopsides (M. Dufourit var. et Bouci de 
M. de Férussac) se trouvent au milieu des sables à cérithes, à 
l'ouest de Shraditz et même dans le calcaire grossier lui-même, 
on y voit empätés des coquillages fluviatiles , ou même peut-être 
terrestres, comme à Œdenberg, où il y a des hélices. 

Les principales pétrifications que j'ai observées dans les sables 
sont, outre les mélanopsides , des vénus, des cardium , des cé- 
rithes, des olives, des buccins, des harpes, des turbo , des tro- 
chus et des tellines, et dans les calcaires, on y voit encore des 


turritelles , des solens, des serpules, des trochus, des millio- 
lites, etc. 


(1) Les bivalves que je désigne ainsi provisoirement, paraîtraient former un 
genre nouveau de la famille des moules, on en retrouve peut-être dans le bas- 
sin tertiaire au sud-ouest de la France. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 287 


Les localités de ces dépôts sont assez nombreuses, car ils re- 
couvrent une grande partie de l'argile micacée, surtout avec leurs 
sables, comme entre Divack et Bisentz, près de Poisdorf, de 
Wulfersdorf, de Gaunersdorf, de Pyrowart; en général, ils forment 
ces hauteurs qui s'étendent de Matzen à Wolkersdorf, à Hasel- 
bach, à Slokerau et au-delà à l’ouest, tandis qu’à l’est leurs sables 
coquillers recouvrent les pentes des Carpathes depuis Tahben à 
Malatzka et plus au nord. 

Au sud de Vienne ils forment une bande depuis Nusdorf jus- 
qu’au delà de Hellassur les pentes du calcaire coquiller plusancien ; 
ils constituent une grande partie des hauteurs du Wienerberg et 
des collines au sud de Schwachat et de Fischament. 

Il y'a même assez de probabilités que certains grands amas ou 
certaines plaines de cailloux, telles que le dépôt de débris du 
cul-de-sac de Wien-Neustadt, du pays plat entre Brunn et 
Nicolsburg, appartiennent à ce dépôt, car on observe ces cailloux 
inférieurs aux marnes d’eau douce fort récentes, dont nous parle-. 
rons plus bas, et les matières charriées par le Danube, sont d’une 
nature toute différente; on voit évidemment que ce sont des résul- 
tals de la destruction des montagnes de la partie méridionale ou 
septentrionale du bassin autrichien. 

Néanmoins, il se peut que ces alluvions soient postérieures aux 
masses calcaires dont nous allons parler. Les calcaires ne s’y ren- 
contrent guère en grande masse que çà et là le long des Alpes, 
comme près de Wering , à la Tuskenschanze, à Meidling, entre 
Meidling et Bude, à Hellas, près de Nusdorf, etc. 

A Meidling , l’on voit bien distinctement le calcaire à cérithes 
et à fragmens roulés, alterner deux fois avec des argiles marneuses 
dans ses assises inférieures, et à Waring, on voit au-dessous de 
l'argile micacée des alternations de sable ferrugineux à bivalves, 
avec des marnes argileuses jaunälres et au-dessus des bancs de 
calcaire à cardium renfermés en partie dans les sables. Dans les 
collines à l'est de Vienne et à Vienne même dans le faubourg 
de la Landstrasse, les sables et les cailloux sont extrémement 
abondans et les marnes y renferment rarement des rognons d'ar- 
senic sulfuré amorphe. 


Cette Substance parait avoir encore ce gisement à Tajeva en 
Hongrie et en Slavonie. 

En Æongrie, ce dépôt sablonneux et calcaire est fort abondant 
et même les calcaires y sont plus développés, comme l’on pourra 
le voir par l'ouvrage de M. Beudant. Je me contenterai de citer 
ici les sables et les calcaires grossiers de Gran, ceux de Bude et 


’ 
288 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la grande bande de sables micacés, blanchätres et de calcaire 
grossier , qui occupe une étendue considérable entre Œdenburg, 
Wolfs, Gunz, Derecske et Nyek. Il y recouvre le terrain de 
gneiss et en isole des portions, comme près de Kalnhof. 

Dans les assises inférieures, le calcaire y est surtout eu rognons 
irréguliers, au milieu du sable, comme les masses du calcaire 
grossier chlorité de Paris, et dans les assises supérieures , il est 
souvent pétri de miliolites, comme celui de Paris, et présente, 
en général, tous les petits accidens de ce dernier dépôt. 

Cette formation tertiaire argileuse dans le bas, et sablonneuse 
et calcaire dans le haut, se distingue éminemment, comme on le 
voit, des calcaires coquillers du Leiïthagebirge et des autres dé- 
crits plus haut; leur nature n’est pas la même, leurs fossiles sont 
totalement différens et ils sont le plus souvent simplement coloriés 
ici, ce qui n'arrive pas dans l’autre dépôt, tandis que les fossiles 
des argiles micacées sont à peu près les mêmes que ceux des 
sables et des calcaires supérieurs, et que les coquillages d’eau 
douce, des lignites et surtout des sables n’y sont qu’un accident. 
Néanmoins , il est possible que les premiers fossiles indiquent une 
formation particulière, mais quant aux coquilles d’eau douce des 
sables, on voit évidemment qu'elles ont été charriées là, comme 
beaucoup de coquilles marines qui ont été roulées par les eaux ou 
brisées. 


CarcaiRE p'eau pouce. Une formation d'eau. douce semblable 
a une de celles ou même à celles d’eau douce supérieure de 
Paris, se voit dans le bassin hongrois, je ne l'ai étudiée que pres 
d'Ofen, où elle recouvre un amas calcaire en partie siliceux, qui 
a l'apparence d’une brèche et qui serait peut-être une espèce de 
craie chloritée siliceuse. 

Le dépôt d'eau douce s’y présente sous des aspects assez dif- 
férens, c’est tantôt un calcaire compacte blanchätre, assez sem- 
blable au calcaire d’eau douce du nord et du midi de la France, 
et tantôt un tuf calcaire jaunätre ou blanchâtre, à cavités cylin- 
driques, torlueüses , en un mot, une roche ressemblant à certains 
tufs calcaires du nord de l'Allemagne: Des débris ou des impres- 
sions de végétaux, des planorbes, des lymnées et quelques autres 
coquillages s'y laissent souvent apercevoir. 

En Autriche, il n'existe pas de dépôt de calcaire d'eau douce 
tertiaire si prononcé, mais on n'y voit que des lambeaux de tuf 
calcaire presque toujours semblables à ceux du nord de l'Alle- 
magne ou de quelques parties de l'Auvergne. 


ge 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 289 


Ce sont des roches brunâtres , jaunälres, blanchätres ou rare- 
ment noirâtres, fort poreuses et remplies de planorbes , de lym- 
nées, d'hélices, de succinées, de maillots, de clausilies , etc. 

Elles forment surtout des lambeaux autour de Bude, au pied 
des montagnes de transition, dans les coteaux couverts de vi- 
gnobles, et ne s'élèvent pas à la même hauteur que le calcaire 
d’eau douce de Bude. 

Si l’on était tenté d'admettre ce tuf parmi les terrains d’eau 
douce supérieurs du terrain tertiaire, je crois que je serais en 
droit de revendiquer la même ancienneté pour certains tufs cal- 
caires d'Allemagne, qui reposent cependant sur des tourbes, 
comme, par exemple, le dépôt de Pyrmont. 

J'ai encore examiné entre ces terrains d’eau douce un dépôt 
fort circonscrit d’eau douce qui se trouve à Nicolschitz, eu 
Moravie, indication que je dois à l’obligeance de MM. Ulram et 
André de Brunn. 

Sur largile micacée, l’on voit reposer dans le fond d’un vallon 
ou plutôt d’un cul-de-sac ouvert au nord un dépôt ayant environ 
30 pieds d'épaisseur, et qui s'élève au-dessus du fond de la vallée, 
à 70 ou 100 pieds de hauteur, comme l’indiquent certains lam- 
beaux qu’on en voit gisant en boucliers sur l'argile. 

Les couches de ce dépôt inclinent en général au sud-est; 
néanmoins l’argile ayant présenté des inégalités, l’inclinaison 
varie un peu çà et là, surtout presqu’au milieu du vallon, où 
l'on voit des deux côtés d’une proéminence argileuse des incli- 
naisons au sud-est et au nord-ouest, et même sous un angle très- 
grand. 

L'argile micacée est très caractérisée par des rognons et des 
cristaux de gypse et des marnes grises et jaunätres; elle paraît y re- 
poser sur une argile plastique jaunâtre, grisätre et noirâtre; c’est 
au-dessus de ces assises argileuses que l’on voit des marnes feuil- 
letées noirâtres et brunâtres avec quelques impressions végétales 
en apparence de roseaux, et de conferves ou de chara; cà et là 
y a de petits feuillets de lignite très peu caractérisés, et quelques 
lits de quartz résinite brunâtre. 

Au-dessus viennent des marnes calcaires blanches-grisâtres, 
plus ou moins endurcies, quelquefois traversées de petits filons 
et d’autres calcaires ; ensuite, l’on voit une succession de marnes 
schisteuses grises, de marnes calcaires brunâtres, quelquefois im- 
prégnées de silice où empâtant des noyaux siliceux ressemblant 
au ménilite gris-jaunâtre de Saint-Ouen. Puis viennent des marnes 
très feuilletées, brunätres, voisines des dusodiles de M. Cordier, 


Tome XCY. OCTOBRE an 1822. 37 


2G0 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CITIMIE 


et renfermant des lits de quartz résinite feuilleté, brunâtre, noi- 
rätre ; des schistes noirâtres bilumineux, et des calcaires mar- 
neux assez compactes el peu feuilletés, succèdent à ces roches et 
renferment un grand nombre d'insectes coléoptères et hymé- 
noptères, ou de débris d'insectes, qui y sont surtout abondans 
dans certains lits. Le quartz résinite, voisin du ménilite, en ren- 
ferme rarement; j'y ai vu en particulier une mouche. 

Les marnesbrunäâtres très feuilletées, et offrant surtout des pattes, 
des antennes et des parties cornées d'insectes, recouvrent le tout 
et ne sont elles-mêmes recouvertes par aucun dépôt. 

Deux petits ruisseaux se sont creusé un lit dans ce terrain, 
qui a environ un quart d'heure de long et cinq à six minutes de 
large. : 

C'est évidemment un terrain assez analogue à celui de Croatie, 
qui renferme aussi des marnes avec des impressions de poissons 
et d'insectes, qui m'ont paru avoir quelque ressemblance avec des 
sauterelles; c’est encore un terrain assez semblable à celui d'Œnin- 
gen; sa classification est difficile, néanmoins il est assez probable 
qu’il appartient à un dépôt supérieur aux argiles micacées, ou 
même trouvera-t-on le moyen de les rattacher à l'argile plastique, 
qui présente déjà tant de fossiles curieux d’eau douce, et quel- 
quefois des quarlz résinites. 

Le ménilile et la marne schisteuse nommée Æ'eebivchiefer par 
les Allemands cités dans te comitat de Zemplin en Hongrie, indi- 
queraient-ils un dépôt analogue ? 

D'autres dépôts d’eau douce infiniment plus abondans se ren- 
contrent en Autriche, en Moravie et en Hongrie, surtout le long 
des rivières, et fort au-dessus de leur niveau actuel. 


Mannes D'EAU DOUCE RÉCENTES. Ces masses n’offrent en gé- 
néral que des marnes argileuses où se trouvent empätés, en plus 
ou moins grande quantité, des coquillages d'eau douce et des 
ossemens de mammifères, en parlie inconnus maintenant dans 
la contrée. 

Ces marnes sont grises, ou verdätres, Ou jaunâtres , el souvent 
mélangées de sable , et rarement faiblement stratifiées. Souvent 
elles renferment des blocs des roches du voisinage; ainsi, dans Ja 
vallée: de la March, on voit.des morceaux de grauwacke, de 
calcaire, et, dans la vallée du Danube , des granites, des gneis 
des roches intermédiaires, etc. ; 

Lies coquillages calcinés qu'on y rencontresont surlout des coquil- 
lagesterréstres, tels que des hélices, des clausilies, des maillots, etc. ; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 297 


il y a cependant aussi quelquefois des coquillages fluviatiles ou 
Jacustres. Les restes de mammifères , épars dans ces roches, sont 
des ossemens d’éléphans, et d'autres animaux d'espèces inconnues 
à présent à la surface du globe, ou du moins en Autriche. 


Les localités principales de ces marnes, dans le bassin d'Au- 
triche, sont les bords de la March, du Davube, de la Zwittawka 
et de la Taja; ainsi, on en voit de grandes masses d’une trentaine 
de pieds de hauteur, pétries de blocs et de coquillages , au-dessus 
de Husdorf, et il y en a des étendues immenses, surtout au nord 
du Danube, sur une ligne passant par Matzen, Wokersdorf et 
Crems ; près de cette dernière localité, les ossemens y sont assez 
fréquens. 

Le long de la Zwittawka, il y en a un dépôt fort intéressant, 
qui recouvre les pentes du plateau de calcaire coquiller probléma- 
tique de Selowitz; la.marne est séparée du calcaire par des argiles 
micacées coquillères, et elle renferme des débris de ces deux ter- 
rains, de manière que les maillots, les clausilies, s’y trouvent asso- 
ciées, non-seulement avec les cérithes, les cardium, les dentales 
de l'argile micacée, mais encore avec les échinites et les pecton- 
cules du calcaire. De semblables mélanges accidentels se revoyent 
encore ailleurs, mais nulle part je n'ai vu si bien la cause im- 
médiate. 

En Hongrie, ces mêmes dépôls se retrouvent au bord de 
presque toutes les grandes rivieres, comme à Neudorf, sur le 
Danube, sur le Theiss, près de Presbourg, etc. 


A-t-on déjà les moyens de fixer l'âge de semblables dépôts? ces 
fossiles de mammifères peuvent-ils nous apprendre dans quel rap- 
port d'âge ils se trouvent avec le calcaire tertiaire d'eau douce 
le plus supérieur? pourrait-on dire que ce dernier est un dépôt 
de bassins assez étendus, et existant avant la formation des plus 
basses vallées, tandis que les marnes en question auraient été 
formées pendant le creusement de ces mêmes cavités? Ce qui 
paraît être certain, c’est que les eaux ont du être hors du dépôt 
de ces marnes, à un niveau infiniment plus élevé que celui qu’elles 
peuvent atteindre dans leur plus grande crue; ainsi, à Nusdorf, le 
dépôt s'élève bien à 60 pieds (si ce n’est plus) , au-dessus du niveau 
des eaux du Danube. 

Les ossemens de mammifères trouvés dans ces marnes étant 
les mêmes en parlie que ceux gisant dans des fentes du calcaire 
intermédiaire ou coquiller secondaire, il est possible que le rem- 
plissage de ces fentes soit de la même époque que ce dépôt. 


37. 


’ 


292 JOURNAL DE PHYSIQUE, D£ GHIMIE 


Dérôrs 16NÉs RÉCENS. Les amas ignés d’une date assez récente 
sont fort abondamment distribués en Allemagne. Ils peuvent s’y 
diviser en dépôts ignés produits par des volcans brülans à l'air, 
et en dépôts semblables de volcans plus ou moins soumarins où 
brülans sous l’eau. 


Vorcans. La première classe de volcans éteints, analogues à ceux 
du Vivarais et de quelques-uns de ceux des environs de Clermont, 
n’est pas nombreuse en Allemagne; cependant on peut y citer des 
cratères accompagnés de scories très fraiches et quelquefois de 
petites coulées ou de basalte, comme sur les bords du Rhin, près 
d'Egar (au Kemmerberg), dans le Riesengebirge, à la Schnee- 
gnebe, et près de Hof, en Moravie, au milieu du terrain schis- 
teux intermédiaire. 


Tracuyres et sasAurres. La seconde classe peutse subdiviser en 
amas ignés produits en partie au-dessus de la surface des eaux, ou 
très près de leur surface, et en produits ignés évidemment soumarins. 

La première subdivision offre différens genres de dépôts vol- 
caniques : dans les uns, on observe des trachytes accompagnés 
quelquefois de cratères, de coulées basalliques plus ou moins 
nombreuses et morcelées, et de dépôts tufacés, surtout tra- 
chytiques. 

Dans les autres, l’on ne trouve pas de trachytes, mais des pho- 
nolites qui étaient associés aussi quelquefois avec les trachytes, 
semblent remplacer, dans ces derniers dépôts, ces roches 
particulières ; de plus, les produits basaltiques y sont beaucoup 
plus abondans , el ont été beaucoup plus travaillés par des infiltra- 
tions calcaires et zéolitiques, et les tufs ou agglomérats y sont infi- 
niment plus souvent basaltiques que feldspathiques. 

Des dépôts du premier genre existent surtout en Hongrie, où 
ils constituent les groupes de Schemnitz, de Tokey, de Matra, 
de Vihorlet et des montagnes au nord de Bude. On en retrouve 
encore un pelit amas à Tolsbach, en Styrie(1), et deux autres, 
lun près de Brisgaw, et l’autre près de Boren, sur le Rhin. 

Vu les beaux travaux de M. Beudant sur ces terrains, je ne 
ferai que confirmer sa division de ces dépôts, en amas de tra- 
chyte proprement dit, de porphyre trachytique, de porphyre 


Gi) Voyez le Mémoire de M. de Buch dans les Mémoires de l’Académie de 
Berlin, 1820. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 293 
émaillé à l’état de verre ou de ponce, de porphyre molaire et d’ag- 
glomérats trachytiques. 

J'ajouterai seulement que lesagglomérats trachytiques ou ponceux 
ne m'ont jamais offert de cristaux de feldspath qu’on aurait pu 
supposer déposés chimiquement par la voie aqueuse ; je me suis 
donné beaucoup de peine pour éclaircir ce soupçon, et partout 
je n'ai pu voir qu'une agglulinalion très forte des morceaux feld- 
spathiques, à cristaux de feldspath, avec une pâte de même nature 
et de même couleur; ainsi, la surface ramollie des fragmens se 
fond souvent avec la pâte, et peut tromper sur la nature des roches. 
C’est un fail tout-à-fait applicable à l'explication de certains agglo- 
mérats porphyriques du grès rouge, tandis que d’autres ont été 
peut-être formés plus instantanément lors de l'élévation de ces 
masses ignées anciennes. 

Les dépôts phonolitiques et basaltiques sont beaucoup plus fré- 
quens en Allemagne que les précédens, car c’est à celte subdi- 
vision de notre seconde classe de produits ignés qu’appartiennent 
la plupart des basaltes des montagnes de la Silésie, du Riesen- 
gebirge, de l'Erzgebirge , les masses principales du Mittelgebirge, 
du Rhingebirge, du Vogelgebirge, du Wasterwald , tandis que les 
autres basaltes de l’ouest de l'Allemagne se lient déjà aux grands 
systèmes trachytiques des bords du Rhin, à l’exception des roches 
ignées au nord de Constance. 

Ces dépôts, suivant leur position plus ou moins éloignée de la 
surface des eaux de l’époque où ils furent produits, offrent des 
cratères ou n’en présentent pas; ainsi, On en reconnaît plus ou 
moins distinctement dans le Rhingebirge (Pferdekopf, etc.) (1) 
et le Vogelsbirge, tandis qu’il n’y en a point de visible dans le 
Mittelgebirge ; néanmoins, des scories plus ou moins altérées y 
existent partout comme, par exemple, dans le Mittelgebirge , à 
Frietland, à Wolfsberg, dans le cercle de Pilsen et à Salesel. 

La distribution de ces dépôts n’est pas sans intérêt, car on les 
voil placés sans exception au pied ou sur des chaînes primitives ou 
intermédiaires, ou dans des bassins de terrains de transition, re- 
couverts de dépôts plus récens. 

Les phonolites de ces groupes ont été évidemment soulevés à la 
manière des trachytes , et se sont rarement épanchés fort loin de 
l'orifice dont ils sont sortis. La forme conique ou élancée de leurs 
montagnes el la nature de leurs roches sont à peu près les mêmes 
partout. 


(1) Voyez l'Ouvrage du grand zéologue M. Voigt, sur le pays de Fulda. 


. 294 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les phonolites à grands cristaux de feldspath, semblables à ceux 
des trachytes, mais non fendillés, se rencontrent, par exemple, 
au Milsenberg, dans le Rhingebirge; le pyroxène ou l’amphibole 
s'y associent quelquefois, comme dans le Mittelgebirge, près de 
Mileschau, de Klumpen et de Hirschberg. 

Des phonolites tachetés sont fréquens dans le Mittelgebirge; 
des taches grises s’y trouvent sur un fond verdätre, ou bien Îles 
taches sont verdàtres etile fond gris, quelquefois on y voit alors 
du mica , et la roche montre quelque tendance à passer au perlite, 
comme au rocher du château de Helsburg, dans le Coburg. 

Dans le Mittelgebirge, ces roches renferment rarement du 
sphène , comme à Kostenblat, et du rutile au Saltelberg. Près 
de Hirschberg, j'y ai vu des morceaux de craie chloritée et de 
marnes un peu endurcies; el près de Salesel, il y a des am- 
phigènes. 

Les basaltes sont en espèces de coulées plus où moins entassées 
les unes sur les autres; ces coulées sont surlout distinctes dans 
le Vogelgebirge. Ils forment aussi des cônes et des filons pro- 
duits d'un jet à la manière des trachyles, comme dans la partie 
orientale du Mittelgebirge et dans les environs des autres groupes 
cites. 

Dans ce dernier cas, les roches basaltiques sont quelquefois 
pétries de morceaux des terrains qu’elles ont eu à traverser dans 
leur soulèvement; et au contact des filons, on observe çà et la 
quelques roches arénacées, marneuses ou calcaires, un peu alté- 
rées , accidens qui sont déjà évidemment soumarins, et qui lient 
les basaltes à ceux dont nous allons parler. 

Les basaltes présentent partout les variétés ordinaires trop 
souvent décrites ; ainsi, des dolériles se voyent cà et la dans le 
Mittelgebirge; des basaltes granulaires semblables à ceux du mont 
Reden, en Auvergne, existent à Strauchhaun , dans le Rhinge- 
birge et dans le Mittelgebirge. Des basaltes semi-vitreux, sem-- 
blables à ceux du Langeac, en Auvergne, se présentent à Burg- 
hausen, dans le Vogelgebirge. 

il y a des basaltes à cristaux de mica à Boreslaw, en Bohème, 
d'autres à cristaux d'amphibole, à Rittersdorf, près d'Aussig et 
de Hatesby et au Hoheberg. 

Des basaltes feldspathiques renferment du mica et du pyroxène, 
comme à Mukoro. Du fer sulfuré existe dans le basalte de Pes- 
gaben, dans le cercle de Bunzlau. Des morceaux de grès y sont 
empätés à Wanova, pres d'Aussig, et des morceaux de granite 
porphirique, à Salesel. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 295 


En général, les basaltes , comme toutes les roches ignées, va- 
rient souvent un peu par leur nature ou leurs accidens dans diffé- 
rens groupes ou dans différentes localités du mème groupe ; ainsi, 

ar exemple, le péridot n’est pas également abondant partout 
7e le Mittelgebirge , et n’y est guère si accumulé que dans cer- 
tains baSaltes de la Hesse, où il forme, par exemple au Habichts- 
wald , des rognons nombreux mélangés de pyroxène.Ces boules, 
qui sont exactement celles de Saint-Pierre-le-Colombier, en Vi- 
varais , y semblent aussi quelquefois dériver de morceaux de sié- 
nite ou de roches amphiboliques empätées et fondues ,car on y voit 
même rarement encore des lames de feldspath. Voigt l'avait déjà 
soupconné en 1802. 

Ces basaltes, surtout lorsqu'ils sont scoriacés , ou plutôt les 
parties boursouflées de ces nappes basaltiques, maintenant mor- 
celées, sont infiltrées de chaux carbonatée , d’arragonite et de 
zéoliles, comme dans la partie orientale du Mittelgebirge, etc. 

Ces dernières substances m’y onl paru, comme en Ecosse, 
dérivées en partie d’infiltrations purement aqueuses, siliceuses 
ou Calcaires, qui auraient formé avec les parties constituantes 
de ces roches, ces produits secondaires; le mélange de chaux 
carbonatée et de fer qu'on voit souvent dans les basaltes de Ja 
Hesse et de Steinheim, montre clairement cette origine ; ces 
infiltrations calcaires y ont attaqué les petits mamelons ferru- 
gineux des boursoufllures des laves. 

La décomposition des basaltes y est quelquefois fort avancée, 
et ils passent même à l'argile, comme dans plusieurs points du 
Mittelgebirge. 

Enfin, leurs agglomérats sont très variés, et portent souvent 
des indices de remaniemens ou de décompositions fort longues, 
comme dans le même groupe, qui est peut-être celui dans lequel 
l'origine ignée de ces dépôts est la plus difficile à comprendre ou 
à saisir, quand on n’a pas vu d’autres amas de ce genre. 

C’est là la grande cause de l’opiniätreté de l’école de Freyberg à 
ne pas admettre l'origine ignée des basaltes ou du moins de la 
mettre quelquefois en doute. 

Parmi ces agglomérats et ces lufs , il y en a qui ressemblent à 
ceux des environs de Salers en Cantal, des cristaux de pyroxène 
y sont abondamment empätés , et y offrent la même forme; mais 
au Mittelgebirge, ces pyroxènes sont souvent décomposés en vert, 
comme ceux des roches trappéennes du grès rouge, comme près 
de Halaschar et de Lutoschitz ; ailleurs néanmoins ils sont intacts 
comme dans les tufs verdätres , entre Boreslaw et Lobositz. 


206 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Il y a des tufs cendrés gris avec des hauynes, près de Hauska. 
D'autres empätent des grenats pyropes et sont infiltrés de quartz 
résinile, comme à Gchof, près de Mérowitz. Enfin, il y a des 
tufs bolaires rougeätres et des espèces de wackes verdätres. 

Rarement les tufs renferment des débris de végétaux , comme 
un petit amas tufacé de la cime du Meissner. Tous les dépôts 
ignés précédens sont évidemment postérieurs à l'argile plastique, 
comme à Boreslaw, au Meissner, etc., ou du moins dans quel- 
ques-uns, à une grande partie de ce terrain, et leurs agglomérats 
sont à peu près du même âge ou environ de celui du calcaire 
grossier, ou même peut-être quelquefois encore plus récens, 
taudis que les volcans de la première classe sont d’une époque infi- 
niment plus rapprochée de nous. 


BasarTes soumarins. Les basaltes et les roches basaltiques 
évidemment volcaniques soumarines, qui forment la seconde sub- 
division de ma seconde classe, sont liés, comme on vient déjà de le 
voir, avec les basaltes précédens ; néanmoins il est souvent diffi- 
cile de dire s'ils sont antérieurs ou postérieurs à l'argile plastique, 
quoique je sois cependant porté plutôt à adopterla dernière opinion. 

Ces dépôts sont assez fréquens dans le nord de l'Allemagne, 
surtout dans le pays de Hanôvre, la Hesse électorale, le pays de 
Saxe Gotha(1). On en rencontre aussi dans la partie orientale et 
méridionale du Rhingebirge, dans le Wurtemberg, près d'Urach, 
dans l'extrémité orientale du Mittelgebirge et à Banow, en Mo- 
ravie. Peul-être qu'il y en a aussi a Netztenitz, dans le même 
pays. 

Ces basaltes sont toujours en cônes ou en filons , et ne forment 
pas de coulées , ou ne se répandent que tout au plus à très peu 
de distance de l’orifice, dont ils sont sortis, de manière qu’on 
pourrait quelquefois les regarder comme des portions de bouches 
ignées,' dont sont sortis certains basaltes en plateaux; néanmoins, 
cette idée ne paraît applicable qu’à un très petit nombre, comme 
par exemple à la Blaeu-Cuppe, mais d’autres caractères s'opposent 
à l'adoption de cette opinion. 

Il est de fait qu'ils sont assez différens des basaltes en plateaux, 
en nappes ou en Courans, el par conséquent, des cônes basal- 
tiques , qui sont le résultat de morcellement de coulées de lave. 


(2) Voyez les ouvrages excellens de M. Sertorius, die Basalte von Eïise- 
nach, etc. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 207 


Ges dérniers genres de cônes existent certainement aussi en Alle- 
magne, comme par exemple en Bohème, près de Leitméritz, 
Raudnitz, etc. La direction et la longueur même de certaines 
coulées au sud du Mittelgebirge, sont aussi clairement indiquées 
qu’en Auvergne par une suite de buttesbasaltiques, isolées toujours 
plus petites les unes que les autres, et reposant toutes sur des 
assises d'argile plastique et de craie chloritée, qui les rehausse 
considérablement, comme entre Laon et Raudnitz. 

Mais malheureusement l’origine d’un seuljet de cesautres cônes 
basaltiques est si évidente, dans quelques points du nord de l’Alle- 
magne , que des géologues allemands respectables croyent pouvoir 
généraliser cette espèce d’origine, et nient les cônes basalliques 
produits de l’autre manière; en un mot ils renouvellent l'erreur 
de M. Faujas de Saint-Fond, qui voyait un volcan dans chaque 
butte basaltique. La nature a plusieurs voies pour arriver au même 
résultat, voilà la vérité. 

Ces basaltes, lorsqu'ils forment des cônes plus ou moins élevées, 
présentent des masses compactes quelquefois divisées en prismes 
irréguliers et peu distincts, comme à la Stoffelskuppe , près d'Eise- 
nach et des parties scorifiées et boursoufilées qui sont surtout vers 
les parties supérieures, et sont fréquemment en grande partie in- 
filtrées de chaux carbonatée et de réolithes. 


Ces basaltes renferment le plus souvent des fragmens plus ou 
moins considérables de roches, qu’ils ont eu à traverser dans leur 
élévation du sein de la terre, et quelquefois la basalte contient des 
portions entières de couches, comme à la Stoffelskuppe et la Blaue- 
kuppe, près d’Eschwège, et plus souvent il se trouve pétri de 
morceaux de ces roches, qui sont le plus souvent altérées ou en- 
durcies comme à la Kupfergnebe, près d'Eisenach, au cône du 
Dosenberg, près de Worberg, au cône près de Gabel en Bo- 
hème, etc. 


Il est impossible de confondre ces fragmens avec ceux qu’empäte 
quelquefois la partie inférieure des coulées de laves, car ces der 
niers sont souvent arrondis, ou cesont des cailloux roulés, et ils 
ne sont jamais si abondans, et d'ailleurs la lave n’en offre nulle 
part dans toute sa masse. 


Ces morceaux empätés varient beaucoup dans leur nature; ce 
sont surtoul des portions de grès bigarré, comme autour d'Eise- 
nach et à la Blaue-kuppe, ou bien des morceaux de calcaire mar- 
neux ou de craie chloritée, comme près de Hirschberg, ou des 
marnes argileuses , comme au Disemberg, et près de Gabel et de 


Tome XCV, OCTOBRE an 1822. 38 


208 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Banow; enfin, au mont Humphreek, près de Bayle, en Bohème, 
il y a des cailloux de quartz. 

L'état de ces morceaux est aussi différent à l'ordinaire; ils ont 
subi une espèce d’endurcissement, et même quelquefois ils sont 
pénétrés d'une matière noirâtre, comme ceux des basalles de 
la Hesse occidentale et de la Bohème, où la grandeur des frag- 
mens varie depuis la grosseur d’un pois à celle d’une tête. Quel- 
quest ils sont divisés en espèces de prismes, comme les grès 

es fourneaux , comme, par exemple, près d'Eisenach. 

Dans d’autres localités, l’endurcissement est plus considérable; 
ainsi, dans certaines masses composées d’alternations de grès et 
d’argiles schisteuses, empâtés dans les basaltes de Banow et de la 
Blaue-kuppe; ces roches sont devenues très dures, et les argiles 
schisteuses ont pris un aspect compacte, jaspoïde , noirâtre , assez 
voisin de celui de certains schistes lydiens, ce sont en un mot des 
produits éminemment identiques avec ceux que j'ai décrits en 
Irlande et dans l'ile de Sky, sous du basalte. Je les ai nommés des 
produits feldspathiques (1), et, en cela, je ne me suis pas trompé, 
mais j'ai méconnu leur origine, que Hutton et M. Macculloch 
avaient découverte. 

Les altérations produites par des acides et des vapeurs ferru- 
gineuses s'observent surtout dans les morceaux de grès qui sont 
ainsi décolorés par des acides, el sont passés du rougeätre ou 
brunätre au jaunätre , comme si on les avait plongés dans l'acide 
muriatique ou nitrique, et les vapeurs ferrugineuses les ont fen- 
dillés, les ont imprégnés d’oxide de fer, et c’est ce qu’on voit 
bien dans la carrière sud-ouest de la Blaue-kuppe , où l’espèce 
de culot basaltique est mis à nu au milieu des grès bigarrés, et 
renferme de grands lambeaux de ces dépôts arénacés. La stratifi- 
calion de ces derniers est encore visible, mais elle ne s'accorde 
plus avec celle des roches environnantes; on voit évidemment 
que ce sont des fragmens soulevés avec le basalte en différens 
sens , ét ils offrent des bandes noirätres dures d'argile schisteuse 
endurcie, et de grès décolorés ou ferragineux. 

F arrive même que la chaleur du basalte a fritté les morceaux 
ou les a rendus vitreux où sémi-vitreux, comme cela se voit à 
la Kupfergnebe et sur la côte ouest de la Blaue-kuppe, où l’ar- 
gile schisteuse est ainsi changée en une variélé de verre. 

C’est ainsi qu'ont été aussi produites des masses d'argile cuite ou 


QG) Voyez mon Essai sur l'Ecosse, p. 246. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 209 


d'espèce de porcellanite appelée par M. Hausmann avec raison 
basalt jaspis, c’est-à-dire, jaspe basaltique. 

Ces morceaux sont violâtres et se rencontrent, par exemple, 
au Sasabuhl, près de Dransfeld, et à Hutberg, près dé Reichs- 
tadt et Gabel, en Bohème. 

Rarement on a l’occasion d'observer au moyen de carrières 
l'état des roches traversées, comme cela arrive à la Blauekuppe, 
près d’Eisenach, à la Plastérskuppe et Kupfergnebe, où des tra- 
vaux exécutés par l’ingénieux M. Sartorius, inspecteur des chaus- 
sées, ont mis le géologue à même de descendre quelquefois à 
60 pieds dans ces anciens cratères ou entonnoirs remplis de ba- 
salte (1). 

Les grès y sont fendillés en mille sens, leur stratification y 
est indistincte, ils sont blanchis, et jaunis ou durcis; à la Blaue- 
kuppe, ce fait est bien distinct, car on y voit le culot de basaite, 
accompagné d’une salbande de grès jaune, et plus loin le grès 
bigarré rouge intact. 

En général, ce petit cône de la Blauekuppe est une localité 
géologique admirable; on y voit le basalte s'élever non-seule- 
ment en colonne alongée du milieu du grès bigarré, maïs encore 
des ramifications de cette colonne, ressortir ca et la sur le côté 
du cône, et même s'arrêter au milieu du grès, comme si le basalte 
n'avait pas eu là assez de force pour s'élever hors des roches aré- 
pacées , comme à l'extrémité sud-ouest de la colline. Le basalte 
est là incontestablement dessus et dessous le grès bigarré. 

A Banow, en Moravie, un cône de HG Ute gris, à cristaux 
d'amphibole, et presque sans porosilés, ou à pores alongés de has 
en haut, renferme aussi des accidens fort intéressans ; car, sur le 
côté occidental, la roche est pétrie de morceaux d'argile endurcie, 
verdàtre , grisètre et noirâtre, et de grès endurci grisätre ; et, sur 
le côté oriental, elle a soulevé et fendu de diverses manières une 
assez grande masse des mêmes roches, qui sont altérées. 

Les cônes basaltiques sont accompagnées quelquefois d’amas 
tufacés, composés de morceaux de basalte, cimentés par une in- 
filtration calcaire, comme à la Plasterkaute et Kupfergnebe, pres 
d’Eisenach ; mais on y voit clairement que ces amas font masse 
avec le basalte, qu'ils s'enfoncent avec lui dans le grès bigarré, 
et que ce ne sont que des jets de lapilli, que la situation soumarine 
de ces volcans a obligé de sortir avec le basalte, et de rester dans 


(1) Voyez ses ouvrages, 


300 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
la même situation à peu près que ce dernier, c’est-à-dire, surtout 
vers un côle où un autre de l’entonnoir. 


Il faut donc bien se garder de confondre ces tufs avec ceux qui 
gisent en couches à côté des basaltes, et qui ont été déposés et 
remaniés par les eaux ; car la position des tuf$, dans ce cas, ne 
permet nullement cette explication. 


I est possible que certains amas porphyriques du grès rouge 
soient accompagnés d'amas tufacés semblables, qu'on confond 
maintenant encore avec les agglomérats feldspathiques , agrégés 
et déposés par les eaux. 


Frions nasarriques. Les filons basaltiques ne sont que des 
effets ignés du même genre, mais résullant d'une cause moins 
puissante; çà et là, aux environs des nappes et des cônes basal- 
tiques , des fentes ont été produites par des agens volcaniques, et 
des matières iguées les ont remplis par en bas; ce sont, en un 
mot, des espèces de soupiraux des volcans de ce temps là. 


Ces filons sont assez fréquens dans tous les terrains basaltiques 
cités, el ils y présentent à-peu-près les mêmes accidens que les 
colonnes basaltiques, et que les filons basaltiques écossais. Néan- 
moins , quelques-uns de ces derniers peuvent avoir été remplis 
par en baut, tandis qu’en Allemagne il w'ya guère de semblables 
filons, et, de plus, ils y sont plus isolés et moius nombreux. 

On cite cependant des filons de wacke avec des bois bitumi- 
neux el un peu de cuivre natif, et de chrysocolle à Rheinfreitenbach 
et à Firnaberg, où ces filons traversent des filons métallifres ; 
mais c’est un dépôt probablement réagrégé. 

Ils traversent presque toutes les formations de l'Allemagne; on 
en connait dans le gneis du Niklasberg et à Bilin; le micaschiste 
de Krobsedorf paraît en renfermer un, le granite en montre à 
Neinptsch, dans le comté de Brieg, le schiste intermédiaire à 
Firnaberg et à Rheinfreitenbach, le grès bigarré en laisse aper- 
cevoir pres d'Eisenach, le second calcaire secondaire en contient 
à Cassel, à Rodach, dans le Coburg et à Stedtfeld, près d'Eise- 


nach. 
Le quadersandstein en offre quelquefois dans la partie orientale 
de la Bohème, près de Hirschberg, de Wartenberg et de Hessel, 
H y en a dans le calcaire jurasique, près d'Urach , en Souabe, 
et dans le tuf basaltique de Boreslaw, en Bohème. 
Leur direction n’a rien de consant, et leur largeur est peu 
considérable, ordinairement de quelques pieds seulement ; leur 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 301 


cône est quelquefois ondulé ; et leur inclinaison varie ca el la dans 
le même filon, comme près de Cassel. 

Ces rochesoffrent souvent une division prismatique irrégulière, 
horizontale et perpendiculaire au filon. Elles se décomposent quel- 
quefois, comme en Ecosse, etforment des murailles accompagnées 
d’accumulations de débris, comme dans le Rhingebirge, et surtout 
près de Kassel, en Bohème, où une de ces murailles, de 16 pieds 
d'épaisseur, s’étend sur une longueur de deux lieues. Les roches 
qui les remplissent sont souvent à parties cristallines, plus dis- 
üunctes et mieux formées vers leur milieu, comme ceh se voit près 
de Stedtfeld. 

Ce sont des basaltes plus ou moins feldspathiques, assez fré- 
quemment des basaltes à cristaux de feldspath, qui se voyent 
rarement dans les nappes de basalte, comme à Stedifeld, à Hirsch- 
berg , à Cassel, etc. 

Rarement on rencontre avec le basalte des petits amas de ma- 
tières tufacées, grisätres ou blanchâtres, ayant l'air de cendres 
volcaniques grossières, et n’étant que les parties du basalte peu 
agglutinées , et dans une pâte terreuse, cet accident n’a pas l’air 
de provenir de la décomposition, et on l’observe dans le filon de 
Stedtfeld et dans celui de Rodach. 

Quelquefois, on y remarque des débris des roches traversées, 
comme à Cassel, où il y a du calcaire secondaire et même des 
morceaux d’une roche, qui ressemble à une variété de gneis de 
transition; ces derniers sont rarement légèrement frittés. 

Les roches avoisinantes ne sont guère altérées, comme à Cassel ; 
néanmoins, le quadersandstein est assez ferrugineux près du filon 
de Hirschberg, mais ce n’esl peut-être qu’un eflet d’uneinfiltration 
lente. 

Muni de ces observations sur les roches ignées d’une date ré- 
cente, et me rappelant ce qu’on connaît sur les roches trappéennes 
d'un âge bien plus ancien, il me semble qu'aucun genre de basalte 
ne jetle plus de jour sur certains amas de ces dernières roches que 
les cônes et les filons basaltiques soumarins. 

D'après cela, je-vais exposer toutes les différences qui paraissent 
distinguer les produits des volcans soumarins de ceux des volcans 
brulans à l’air. 

1°. La première distinction de ces deux dépôts est que les vol-. 
cans soumarins offrent plus souvent des petits cônes basaltiques, 
et surtout des filons remplis par en bas. 

2°. Quand ces volcans produisent des espèces de coulées, ces 
nappes n’ont souvent pas la longueur des coulées des volcans. 


302 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


brülans à l'air, et elles ont, d’un autre côté, souvent une largeur 
plus considérable que ces dernières. 

3°. Les volcans soumarins n’ont pas donné naissance à l’ordi- 
aire, à des montagnes aussi hautes que les volcans brülans à 
l'air , ou seulement à demi-soumarins, parce que les premiers ont 
eu plus de résistances à vaimcre que les autres. 

4. Les produits des volcans soumarins sont, en général, plus 
compactes que ceux des volcans, qui ont brulé à l'air, et, d'une 
autre part, les matières vitreuses ou ponceuses sont plus abon- 
dantes dansdes derniers. 

5°. Les matières basaltiques des premières sont souvent liées 
ivtimement avec des tufs basaltiques beaucoup plus fortement 
cimentés que ceux que produisent les autres volcans, et cette 
agglatinatôn si parfaite se trouve aussi dans les tufs qui accompa-- 
gnent simplement les basal!'_. des volcans soumarins , sous la 
forme dé dépôts séparés. 

6°. Les roches ignées soumarines sont souvent infilwées de 
substances variées zoohtiques, ou calcaires , ou siliceuses, ou 
aluwmineuses, qui manquent dans celles qui ont été formées à l'air, 
et les premières renferment aussi plus fréquemment les produits 
de sublimation volcanique, et même quelques produits volca- 
niques immédiats qui manquent dans les autres. 

7°. Les roches ignées soumarines enipâtent infiniment plus 
souvent que les autres des morceaux des masses, qu’elles ont 
traversées dans leur soulèvement. 

Enfin , les masses voisines des roches soulevées sont infiniment 
plus souvent et infiniment plus altérées , endurcies et dérangées 
de différentes manières dans les amas volcaniques soumarins que 
dans le voisinage des matières qui sont provenues de volcans brü- 
lans à l'air. 


Résumé. Avant de terminer ce long mémoire, ;è vais rap- 
peler les résultats généraux qu’il contient. J'ai täché d’abord d'y 
faire voir qu'il y a lieu de soupconner que les granites sont pos- 
térieurs aux roches schisteuses primitives, savoir, au gneis et 
au 7nica schiste. 

Sur ces roches seraient venus se former aux dépens ds terrains 
précédens, les formations de transition composées de roches 
quartzo-talqueuses ou micacées ; et de schiste argileux , et ensuite 
de grauwacke. 

Pendant ces dépôts , et surtout pendant le dernier, auraïent 
paru les siénites, et auraient été formés par la voie ignée des 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 303 
roches granitoides , diallagiques et porphyriques , et des rxhes 
trappéennes. 

Puis auraient commencé les dépôts secondaires , dont le pre- 
mier aurait élé un dépôt arenacé, variant suivant les localités, 
en partie charbonneux , et cà et là avec des coquillages , ressem- 
blant à certaines bivalves d’eau douce. 

Pendant celte formation, recouverte quelquefois de gres rouge, 
et même, dans quelques locaiités, pendant la formation du cal- 
caire, qui lui succède , auraient été produits par la voie ignée, 
de différentes manières, des porphyres, des traps et d’autres 
roches semblables , dont les débris, remaniés et réagrégés par 
les eaux , auraient formé des couches alternantes avec des dépôts 
arénacés. 

Après cela, les terrains secondaires offriraient, au-dessus du 
premier calcaire secondaire, un second dépôt arénacé, le grès 
bigarré, qui serait suivi de trois calcaires, le rruschelkalk , le 
calcaire jurasique et la craie. Ces terrains seraient séparés chacun 
par un dépôt arénacé, avec lequel ils se lient par des alternances, 
des passages. 

L£ troisième grès secondaire, ou le quadersandstein , séparerait 
les deux prerñiers calcaires et le grès vert serait entre la craie 
et le calcaire jurasique. 

Au - dessus de la craie se seraient accumulés, le long des 
hautes montagnes , 1 dans de grands bassins, des agglomérats 
puissans , accompagnés de marnes , laudis que, dans certaines 
plaines, les argiles et les marnes auraient été assez abondantes, 
et indiqueraient çà et là unc formation d’eau douce. 

Ce dépôt serait surmonté , suivant les localités, de calcaire gros- 
sier marin , et d'une ou plusieurs formations d'eau douce , ou bien de 
deux formations d’eau douce tertiaires séparées par une formation 
marine , et le tout serait recouvert d’alluvions très récentes. 

Les terrains tertiaires auraient donc, dans leur état de déve- 
loppement complet, trois formations d’eau douce et trois for- 
mations marines, Ou du moins il y aurait, outre ces dernièrés, 
des mélanges plus ou moins accidentels de coquillages marins, 
fluviatiles , lacustres et terrestres. 

Les terrains secondaires présenteraient quatre dépôls calcaires 
marins et quatre dépôts arénacés ; dans les plus anciens de ces dér- 
niers seraient peut-être des coquillages d’eau douce, ét lés huit 
membres de celte division seraient souvent réduits à sept, à six 
ou même à cinq; néanmoins , ces réductions ne peuvent pas êlre 
appelées si complètes que celles qui ont lieu quelquefois dans 


304 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les terrains tertiaires, où l’on n’a quelquefois que deux des mem- 
bres, ou même un seul d’entr’eux. 

Dans les terrains intermédiaires, les divisions géognostiques 
sont à peu près partout les mêmes, mais leur développement seul 
varie , d’une localité à une autre; et cette uniformité générale est 
encore plus surprenante dans les formations primitives, et en 
général aussi dans tous les dépôts d’origine iguée. 

P. $. Le filon porphyrique, à cristaux de pyroxène , décom- 
posé près de Bilin, est décidément un filon des terrains basal- 
tiques, et n'appartient nullement au dépôt porphyrique du grès 
rouge. 


APERÇU GÉOGNOSTIQUE 


Sur le bassin gipseux d'Aix, département des Bouches- 
du-Rhône ; 


Par M. BERTRAND-GESLIN. 
(EXTRAIT.) 


Le bassin gipseux d’Aix, situé à une demi-lieue au nord de 
cette ville, présente un plateau assez élevé qui s'étend de trois 
lieues en longueur du sud-est au nord-ouest, et d’une lieue et 
demie en largeur du nord-est au sud-ouest. 

Ce plateau est borné au sud par Aix et la plaine où coule l'Arc, 
à l’ouest par la chaîne des montagnes de Ventabren, au nord par 
la rivière de la Touloubre, et à l’est par l'abattement des mon- 
tagnes de Talouet. À pubs 

La surface de ce plateau, très-bien cultivée, s'incline vers le 
nord de quelques degrés. Du côté du sud, ses flancs déchirés 
présententdes escarpemens, couronnés de plusieurs bultes, dont 
la plus élevée est celle qui domine les plâtrières d'Aix. 

Le terrain tertiaire s'étend au-delà des limites que je lui as- 
siene du côté de l’ouest; il se trouve encore sur les bords de 
la Durance. : 1 Ac FA 

Les terrains qui ont servi de circonscription au bassin gipseux 
d'Aix, sont de nature différente. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 305 


Tn effet, les montagnes à l’est sont composées d’un calcaire 
alpin noir traversé de veines spathiques avec térébratules bélem- 
nites, en couches inclinées au nord de 45°, se dirigeant de l'est 
à l’ouest (torrent de la Mignarde ); tandis que celles à l’ouest sont 
d'un calcaire compacte fin du Jura ,avec corps organisés fossiles, 
en couches puissantes inclinées au sud de 25°, se dirigeant de l’est 
à l’ouest. 

Du côté du sud, le terrain tertiaire s'appuie sur des mouli- 
cules assez élevés de poudingues calcaires et polygéniques. 

Le poudingue calcaire repose sur le calcaire alpin (butte des 
moulins de Saint-Eutrope. ) 

Dans le voisinage des montagnes alpines, les cailloux roulés de 
calcaire alpin composent seuls le poudingue. Au fur et mesure 
qu'on s'éloigne de ces montagnes, les cailloux de calcaire du 
Jura et de roches primitives deviennent plus abondans, et les 
cailloux alpins finissent par disparaître. 

Au nord du bassin (la Calade), on ne revoit que le poudingue 
polygénique formant des mammelons. 

Cette formation de poudingues est recouverte par des psammites 
molasses , jaunes (Saint-Mitre), et rouges ( Bastide Meujean). 

Tels sont les divers terrains qui supportent et entourent le 
terrain tertiaire gypseux d'Aix. 

Ce terrain se compose, à partir de la molasse de plusieurs for- 
mations, en allant de bas en haut, savoir : 

1°. De marnes argileuses bleues , rouges, vertes, alternant in- 
férieurement avec la molasse, et supérieurement avec des marnes 
blanches calcaires, et des calcaires compactes communs. Ces 
marnes contiennent des cristaux de gypse, des coquilles bivaltes 
trausverses, indéterminables, ayant la forme des cithérées; des 
coquilles univalves turriculées qui paraissent être des cérithes ; 
enfin des hélices ? 

2°. De calcaire compacte commun qui acquiert plusieurs pieds 
de puissance. Ce calcaire est blanc, grisätre, plus ou moins com- 
pacte, avec tubulures sinueuses, divisé en bancs nombreux 
séparés par des marnes friables. Il contient des cérithes écrasés ? 
et a sa partie supérieure plusieurs lits de filons pyromaques noirs 
et blonds. 

5°. Formation gypseuse, divisée en trois masses séparées par 
des marnes calcaires jaunes et bleues, schisteuses. 

La première masse non exploitée, est composée de marnes 
calcaires jaunes, schisteuses avec bancs de gypse sélénite en cris- 


Tome XCF. OCTOBRE an 1822. 39 


306 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


taux lenticulaires et cunéiformes ; elle acquiert 8 à 10 pieds de 
puissance (montée d'Avignon.) 

La seconde masse est un gypse demi-compacte, jaune, souillé 
de marne, divisé en plusieurs bancs, dont les inférieurs con- 
tiennent quelques poissons et des silex cornés. Les poissons ne 
sont jamais dans le gypse, mais dans les marnes qui séparent ses 
bancs. 

Les marnes jaunes qui séparent la seconde mässe de la troi- 
sième renferment aussi des poissons et des coquilles bivalves qui 
ont la forme de cithérées, et dont les deux valves sont à plat à 
côlé l’une de l’autre. 

La troisième masse ne diffère de la seconde qu’en ce qu’elle 
contient une bien plus grande quantité de poissons fossiles, 
et de plus des végétaux monocotylédons et dicotylédons. 
Ces derniers (1), n'avaient pas encore été trouvés dans les: 
gypses tertiaires de France. Les débris de végétaux appartiennent 
plus particulièrement aux couches moyennes du gypse, et les 
poissons aux couches supérieures. 

La formation gypseuse, dans le bassin tertiaire d’Aïx, ne se 
montre et n’est exploitée que sur deux points, à la montée 
d'Avignon et aux moulins de la Lebe, près Eguilles. 

A la moutée d'Avignon , où sont les principales exploitations, 
Ja formation gypseuse offre les trois masses, tandis qu’à Eguilles 
iln’y en a que deux, il parait que c’est la premiere qui s’est 
réunie à la seconde. Dans cette dernière localité, le plâtre est 
souillé d’argile blanc, et la troisième masse renferme peu de 
poissons et de végétaux; lorsqu'ils s’y trouvent, ils sont à la partie 
inférieure de la masse. 

La puissance des masses varie dans ces deux points. A la mon- 
tée d'Avignon , la seconde masse a 6 pieds, tandis qu’a Eguilles 
elle n’a que 5 pieds 5 pouces ; la troisième, 5 pieds, et dans 
l'autre localité, elle acquiert 9 pieds. 

4. Formation de sable micacé jaune, calcaire , ayant à sa par 
lie inférieure des bancs de psammite micacé compacte, avec des 
feuilles dycotylédones (phyllites de M. Ad: Brongniart). 

5°. Formation de calcaire marneux coquiller. Cette formation 
qui acquiert 40 et quelques pieds de puissance, est composée de 
bancs de calcaire compacte, celluleux, plus où moins siliceux, 
avec des ramificalions et nodules de silex; elle contient des céz 


D] 


QG) M. Adolphe Brongniart les rapporte à son genre phyllites.. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 507 


“ithes en très bon état et très abondantes, voisines du cerithium 
tricinctum de Defr., des lymnées, des paludines, des planorbes, 
et alterne périodiquement , à plusieurs reprises, avec des marnes 
jaunes, blanches, vertes, avec cyclades, et les coquilles d’eau 
douces déjà citées. 

6°. Formation de calcaire siliceux. Ce calcaire compacte, cel- 
luleux, quelquefois très siliceux, renferme des nodules de silex 
rubannés, et beaucoup de coquilles d’eau douce, telles que lym- 
nées , paludines , planorbes , et hélice ; il ne recouvre pas entie- 
rement le calcaire marneux, et acquiert plus de puissance dans 
les lieux bas que sur les élévations. 

Toutes les formations que je viens de citer inclinent au nord de 
quelques degrés. Elles sont moins puissantes vers le bord du bas- 
sin que vers le centre ( carrières d'Aix). 

Quoique ces diverses formations ne soient pas aussi nettement 
tranchées que celles des environs de Paris, je crois cependant 
qu’on pourrait, en comparant le terrain tertiaire d'Aix avec celui 
de Paris, obtenir les rapprochemens suivans : 

1°. Les formations du poudingue, molasse et marnes argileuses 
représenteraient l'argile plastique. 

3°. La formalion gypseuse, celle de Paris. ; 

4°. Le sable micacé, le sable micacé sans coquilles de Mont. 
martlre. 

5°. Les calcaires marneux et siliceux réunis, le terrain d'eau 
douce supérieure. 


OBSERVATIONS 


Sur la Température des Mines en Cornouailles ; 


Par M. P. MOYLE. 


M. Fox ayant communiqué aux éditeurs des annales de Chimie 
et de Physique, de nouvelles déterminations sur la température 
de la terre à différentes profondeurs; elles ont été publiées dans ce 
Journal, ainsi qu'un extrait fait par M. Fourier, dans ses pro- 
fondes recherches géométriques sur la chaleur. 

Les observations de M. Fox ont été faites dans dix mines diffe- 


39. 


308 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


rentes de ce comté , depuis la profondeur de 10 brasses (fathom) 
à celle de 240 brasses , à chaque intervalle dé 10 brasses. D’après 
ces recherches, il paraît que la température de la térre s'accroît 
de celle de 50,18° Far., à ro brasses, à celle de 82,04 Far. , à la 
profondeur de 240 brasse , c’est-à-dire au fond de la mine Dol- 
coath. Ces déterminations de M. Fox, différant si complètement, 
de quelques observations que j'ai faites depuis quelques années 
sur la température des mines, cela m'a porté à les faire con- 
naître , et surtout parce que M. Fox veut inferer des siennes la 
grande augmentation de la température des parties internes de la 
terre, à mesure qu'on s'éloigne davantage de sa surface. Au fond 
de la mine de Dolcoath, à 240 brasses de profondeur, il sort 
d'un filon un jet d’eau dont la température constante est de 80,04° 
Far, Quelle preuve plus évidente peut-on donner, dit M. Fox, de 
la grande chaleur de l'intérieur du globe; certainement M. Fox 
ne veut pas de celte observation, conclure la chaleur supérieure 
des strates intérieures d’une manière générale ; il pourrait aussi 
bien tirer ses conclusions de la mesure de Ja température de la 
source d’eau bouillante d'Islande., qui porte sa colonne à la hau- 
teur de 90 pieds et qui a encore la chaleur de l’eau bouillante, 
quand elle est retombée à terre. I n'est pas nécessaire, en ce 
moment, de discuter l’origine de cette chaleur; mais je crains 
que M.Foxne puisse trouver la température de la terre aussi élevée 
à la même profondeur, et même à quelque distance de la 
source. 

J'ai pris la température de plusieurs mines différentes, à di- 
verses profondeurs, et dans les parties exploilces, j'ai généra- 
lement trouvé l'accroissement de température dans la même 
proportion que M. Fox; j'ai supposé queCela dépendait de 
la présence d’an grand nombre d'hommes répandus dans les 
différentes parties de la mine, montant quelquefois à plus de 
400, exislans tous à la fois et surtout au fond de la mine, 
ainsi que de la grande concentration et de la grande densité 
de l'air. Ces causes réunies, doivent cerlainement produire 
un grand effet, non-seulement en échauffant l’atmosphère 
dans un point; mais encore dans toutes les ramifications des 
galeries ét même dans lés parois à quelques pouces de profon- 
déür; ét quoique M. Fox ait fait ses observations, en plongeant 
la boule du thermomètre 6 où 7 pouces dans la roche elle- 

. même, il ne faut pasoubliér que l'atmosphère environnant a du pé- 
nétrer à cette profondeur, avant qu'il ait pu y placer l'instrument. 

Je vais mainténaänt donner un petit nombre de mës propres 
observations. 1] ne me semble pas, d'après l’essai de M. Fox, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 509 


qu'aucane partie d'une mine éloignée des travaux ait élé trouvée, 
où l’on puisse certainement attendre une moyenne, si elle existe 
quelque part. J’ai insisté la-dessus dans plusieurs occasions; un 
ou deux exemples pourront suflire pour convaincre le lecteur que 
M. Fox, ou bien a été conduit à de fausses conclusions ou n’a 
pas pris les températures d’une manière convenable. 

Il y a quelques années que dans Wheal unity (la même mine 
visitée par M. Fox) , l’une des galeries de la partie occidentale de 
la mine à la profondeur d'environ 150 brasses et qui n’avail pas été 
exploitée depuis plus de 12 mois, dans la partie la plus profonde et 
où il n’y a plus de courant, j'ai trouvé que la température était 
justement de 65°, tandis que dans la partie exploitée, elle était 
à la même profondeur de 74. 

Dans Wheal trumpet, mine d’étain , la partie la plus occiden- 
tale, à 75 br. de profondeur, n'avait pas été exploitée depuis 
38 mois.Cette galerie n'avait pas d’autrecommunication avec aucune 
autre partie de la mine, dans une distance de plus de 20 br. en lon- 
gueur. La température, pendant deux mois, fut toujours de 52°. 
Dans la partie exploitée, à 30 br. de distance, dans le même 
temps et à la même profondeur, elle était de 67°, celle de l’air 
extérieur n’élant que de 60°. À 86 br., dans la mine, l’eau qui 
sort de la veine était de 50°, tandis que l'air, au même endroit, 
avait 68°,70 de température. 

J'ai aussi fait des expériences dans plusieurs mines anciennes 
qui ont cessé d’être exploitées depuis nombre d'années. Dans 
l'Old trevenen, mine d'étain, à 14 br. de la surface, la tempéra- 
ture étail à 4° au-dessous de celle de l'atmosphère ; cela doit 
ètre probablement attribué au calme de l'air, et à ce qu'il ne peut 
pas être soumis à des changemens de tempéralure aussi prompts 
qu’à la surface de la terre. Une excavation dans cette mine étant 
remplie d’eau depuis le fond jusqu'au niveau plus haut men- 
tionné , cette eau était à 2°,5 plus bas que l'atmosphère à la sur- 
face, ce qui prouve clairement dans mon opinion que sile fond 
de la mine (environ 110 br.) avait été beaucoup plus chaud que 
Ja surface de la terre; sa chaleur, dans le cours de 8 années où la 
mine a cessé d'êlre exploitée, aurait été communiquée à cette 
eau en général, Surtoul ce creux étant toujours débordé et dans 
ce cas elle eût été indiquée par le thermomètre. 

Je pourrais ajouter beaucoup plus de faits pour prouver ce que 
j'ai avancé, mais je regarde ce que j'ai dit comme suflisant pour 
montrer que M. Fox paraît avoir fait ses expériences seulement 
däns les lieux où l'air était influencé par la présence des ouvriers. 
Je puis prouver aussi qu’un grand nombre de variations de tem- 


510 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


péralure d’une partie d’une mine, est causé par les différens cou- 
raus d'air qui, dans quelques endroits, sont presque nuls, tandis 
que dans d’autres, à quelques pieds de distance, ils sont si vio- 
lens, qu'une chandelle ne peut y rester allumée. ( Annals of Phi- 
losophy , avril. ) 


| 
Réponse de M. P. W. Fox à M. Moyle. 


En 1819, et dans les deux années suivantes, je fis plusieurs 
communications à la Société géologique de Cornouailles sur la 
température de plusieurs mines dans ce comté, sujet dont je m’oc- 
cupe depuis 1815 ; et plusieurs des résultats que j'ai publiés , ont 
été obtenus dans le cours de cette année. 

L'un de mes amis qui m'a aidé dans mes recherches, étant 
dans l'intention de faire un voyage en France, je lui communi- 
quai la substance de mon travail, dans l'intention d'obtenir quel- 
ques informations sur la température des mines dans ce pays, et 
par ce moyen, plusieurs des faits que je mentionnais ont été intro- 
duits dans les Annales de Chimie et de Physique. 

J'observe que M. Moyle, dans une lettre publiée dans les 
Annals of Philosophy, assure, ou que j'ai tiré de fausses con- 
clusions sur ce sujet , ou que les degrés de température n’ont pas 
été pris d’une manière convenable. 

Comme le second volume des Transactions de la Société géo- 
logique de Cornouailles , dans lequel mon travail doit être inséré, 
estmaintenant sous presse, je m'abstiendrai, en ce moment, d'entrer 
dans un grand détail des faits qu’il contient. Je ferai cependant l’ob- 
servation que mes conclusions ont été tirées, non-seulement de la 
température des filons, mais aussi de celle du terrain quilescontient, 
à une grande distance, el cela dans les parties de la mine qui n'étaient 
pas du tout affectées par les courans d'air, et où il n'y avait point 
ou peu d'ouvriers; et quoique je sois bien persuadé qu'un grand 
nombre de causes accidentelles et opposées dans leur effet, 
agissent dans les mines, de manière à rendre fort diflicile d'ob- 
tenir des nombres salisfaisans pour déterminer la véritable tem- 
pérature de la terre à d’égales profondeurs ; je pense, cependant, 
que l'on verra, par la publication de mon travail, qu'aucune des 
précautions convenables n'a élé négligée pour prévenir autant que 
possible l'influence de ces cfets. | + 

La température à différentes profondeurs et stations dans treize 
mines qui diffèrent de 540 à 1430 pieds de profondeur dont la 
moyenne est de plus de 800 pieds, a élé mesurée dans mes observa- 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 31 


ions; et il ne s’est pas trouvé une seule expérience dans laquelle 
la température n'ait pas été plus grande dans la partie la plus 
profonde de la mine que près de Ja surface; et dans le plus 
grand nombre des cas, elle s’est accrue en proportion avec la 
profondeur. Cette remarque s'applique, soit qu’on ait pris la tem- 
pérature de l'air, ou celle du sol solide, ou des courans d’eau qui 
sourdent dans la mine; bien plus, communément on n’emploie 
dans les galeries les plus basses des mines profondes, qu’un petit 
nombre d'ouvriers. 

Je pense que les faits suivans sufliront pour prouver que la 
chaleur, dans quelques mines au moins, doit être attribuée à 
d’autres causes qu’à la présence des ouvriers. Une occasion se 
présenta, il y a quelques temps, dans la mine de 7reskerby, qui 
a 840 pieds de profondeur, d'estimer la température après que 
les ouvriers en eurent été absens pendant deux jours suceessifs ; 
et on trouva qu’il n’y avait pas eu de diminution dans la chaleur; 
en effet, l’eau qui coule abondamment dans le fond de la mine et 
air continuèrent d’être à 76°. 

A la fin de la galerie la plus profonde de la mine de Dolcoath, 
à 230 br. ou 1380 pieds au-dessous de la surface du sol, on in- 
troduisit un thermomètre long de 4 pieds, à la profondeur de 
3 dans le sol, et il fut entouré de toutes parts par de la terre. 11 
resla dans celte situation pendant plus de 8 mois, et sans qu’au- 
cun ouvrier fut employé auprès de lui; il fut examiné souvent, 
et il montra une température constante de 75 à 75°}, excepté 
lorsque de l'eau, sortie par accident, atteignait à l'appareil, débor- 
dait les pompes et remplissait les galeries, ce qui n’arriva qu'une 
fois en plusieurs semaines. Immédiatement après que l'eau fut 
enlevée , on trouva que le mercure avait monté à 76 ou 77°; 
mais en peu de jours, il revint à son premier point 75°:, 

On observa aussi un accroissement de température dans les deux 
plus profondes galeries des united mines , 1140 et 1200 pieds au- 
dessous de la surface du sol, et qui fut également produit par 
une aflluence d’eau pendant un petit nombre de jours; dans la pre- 
mière, elle fut de 87,50°, et dans la seconde , 88°, ce qui est la 
température la plus élevée que j'aie jamais observée dans les mines 
de ce comité. 

Pour l’établissement des autres faits que j'ai recueillis, ainsi 
que pour la température des galeries transversales, je dois ren- 
voyer aux Transactions de la Société géologique de Cornouailles ; 
je dois cependant faire remarquer que la température de ces der- 
nières est, en général, de quelques degrés inférieure à celle- 


312 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


des galeries dans la direction des filons métalliques à la même 
profondeur , et cette petite différence ne doit point paraitre ex- 
traordinaire, lorsqu'on considère qu'indépeñdamment que celles- 
ci sont quelquefois exposées davantage à des causes étran- 
geres , les filons fournissent un passage plus aisé à l’eau et aux 
vapeurs que le terrain plus compacte dans lequel ils sont con- 
tenus. 

D'après mes recherches, je considère que la proportion de 
l'accroissement de la température peut être estimé de bonne 
foi à environ un degré pour 60 à 70 pieds de profondeur. 

M. P. Moyle dit qu’il a trouvé une température de 65° dans une 
galerie d’Auel-unity, à 150 br. de profondeur ; cette température 
étant d'environ 12° au-dessus de la température moyenne de nos 
climats, qu’on estime à 55° comme je l’ai fait (ce quiest, je pense, 
plutôt trop haut que trop. bas), elle se AE beaucoup d& 
la proportion d’accroïssement que nous venons de mentionner. 

Dans le cas de la mine d’étain Æuel-travern, il dit que la tem- 
pérature de l’eau était au-dessous de celle de l'atmosphère; mais 
comme il ne dit pas quelle elle était ni pour l’une ni pour l’autre,on 
ne peut, à ce qu'il me semble, tirer aucune conclusion de ce 
cas; et je ferai observer ici, que dans les mines tincrost et 
coock’s kitchen, qui avaient été pendant un long temps en partie 
remplies d’eau , j'ai aussictrouvé que la température augmentait 
considérablement en descendant, quoique dans une proportion 
moindre que dans les autres mines où celle circonstance ne 
s'était pas rencontrée; et je l’attribue à l'influence de l’évapora- 
tion, et à l'accumulation de l’eau plus froide à la surface. 

La mine d’étain Auel trumpet paraît présenter la seule excep- 
tion que M. P. Moyle ait spécifiée. Comme je n'ai pas visilé 
cette mine, je ne puis expliquer les circonstances de ce cas, et 
je ne sais pas si l’eau qu’il dit avoir une température de 51° était 
un courant abondant provenant du filon ou seulement de l’eau 
accumulée goutte à goutte des strates supérieures; si cependant 
c'est une exceplion, je ne vois pas que le courant d’eau froide 
d'Huel trompet soit un argument plus puissant pour un côté de 
la question, que le jet d’eau chaude d'Islande pour l’autre ( Æanals 
of Philosophy, mai). 


ot 
mt 
Qt 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 


Réplique de M. P. Moyle. 


Lorsque j'ai affirmé, dans l’article précédent, que M. Fox 
avait déduit des conclusions fausses à l'égard de la température 
desmines du comté de Cornouailles, mon idée était qu’il n’avait pas 
fait une attention suflisante dans le choix des places entièrement 
dégagées de toute cause douteuse ; maïs il nous assure qu’il a em- 
ployé les précautions convenables pour éviter tous ces effets. Je 
soubaïile qu'il en soit ainsi; car je suis pleinement convaincu, 
d’après les expériences que j'ai faites, que sans cela il serait im- 
possible d'approcher de la vérité; aussi j'espère sincèrement que 
M. Fox ne s’offensera nullement des remarques que j'ai pu faire en 
opposition avec les siennes , parce que je concois que ce n’est que 
par la réunion des faits observés par des individus différens, que 
la vérité peut être éclaircie. 

Je ferai remarquer maintenant qu'à moins de pouvoir choisir 
les endroits où les ouvriers n’ont pas d'accès, et où l’eau et l’air 
sont dans un état de repos, il est impossible d'atteindre la vérité. 
Il m'est survenu, il y a quelques jours, une occasion bien favo- 
rable.de m'assurer de cela dans la mine Wheal Trenowweth, 100 
brasses à l’est des mines de Crenver et d'Oatfield. On avait cessé 
d'y travailler depuis plus de 12 mois, à ce que je pense, ou au 
moins quant à la présence des mineurs. Les entrepreneurs des 
mines unies y Conservant encore une machine à puiser, travail- 
lant pour soulager la charge de leurs propres machines. 

Le lieu auquel l’eau est déchargée est à 32 brasses de la surface : 
En cet endroit, l’eau qui était prise à 100 brasses du Æheal 
Trenosveth, était à 54° ; elle augmentait graduellement de tem- 
pérature de cette place d’où nous descendions, jusqu’à la bouche 
de la pompe, où l’eau prise au fond était à 56°; 15 brasses au- 
dessous, les bords de l'excavation étaient à 54° ; une galerie à ce 
niveau el à 40 brasses à l’est de l’excavation , était à 53° seulement ; 
et 5 brasses au-dessous encore, ou à 52 brasses de la surface où 
était une seconde cilerne , la température de l’eau qu’elle conte- 
nait élait de 57° ; les parois dans le même temps étaient à 54°: et 
au fond à 66° brasses ou 396 pieds , l'eau qui sortait d’une petite 
crevasse, ainsi que les murs de l'excavation étaient encore à 54°. 
La température à la surface était avant notre descente à 62° et à 
notre retour à 64°. 

Il y a là une preuve positive qu’il n’y a pas d’accroissement de 


Tome XCF. OCTOBRE an 1822. 40 


a 
314 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


température pour 34 brasses, puisqu'elle était absolument la 
même au fond et au niveau dont il vient d’être parlé. 
L’accroissement de chaleur dans l’eau, dans la citerne et à 
l'ouverture de la pompe ne peut être attribué qu’au frottement 
de la machine, qui paraissait véritablement être très grand à ce 
moment. à 

Pour montrer l'influence d'un petit nombre de personnes sur 
Ja température de l'air d’une petite mine, je dirai que j'ai trouvé 
qu à notre relour (nous étions trois), cet air était plus chaud 
d'un degré qu'au moment de notre descente au point in- 
diqué. 
. Îlest possible que je me sois trompé en assurant que les couches 
intérieures de la terre ne sont pas, ex général, d’une température 
plus élevée que la moyenne de sa surface. Je ne pense pas que 
50° soient nullement trop haut pour cette moyenne et si nous 
pouvons trouver une seule observation faite au fond de nos mines 
profondes où la température ne soit pas au-dessus de la moyenne, 
je pense que la théorie de M. Fox devra être abandonnée. 

Plusieurs de mes expériences ont été faites il y a déjà plusieurs 
années el peut-être pas avec ce degré de soin qui serait nécessaire, 
Je me suis, à Cause de cela, absteuu de les faire connaître jus- 
qu'ici, mais on peut compter sur les précédentes. J’ai le projet 
de continuer ce genre de recherches et d'employer différens 
moyens, particulièrement en enfonçant un thermomètre mar- 
quant lui-même au fond de quelques-unes de nos mines les plus 
profondes, les plus anciennement exploitées et depuis long- 
temps abandonnées, et par conséquent remplies d’eau. Je pense 
que c’est le seul moyen d’avoir l'exactitude désirée. (Annals of 
Phylosophy.) 


NOTE 


Sur la double réfraction du verre comprimé ; 


Par M. À. FRESNEL. 


M. BRrewsTer a le premier reconnu qu’on pouvait donner au 
verre, en le comprimant, la propriété de colorer la lumière pola- 
risée ; et s'étant assuré, par une suile d'expériences importantes, 
que les phénomènes de coloration d’une plaque de verre compri- 


te ET D'HISTOIRE NATURELLE. 315 
mée ou dilatée suivant une seule direction étaient lout-à-fait sem- 
blables a ceux que présentent les lames cristallisées douées de la 
double réfraction, il n'hésita pas à avancer que la compression 
ou la dilatation du verre lui donnaient la structure des cristaux 
doublement réfringens. 

Supposer que le verre reçoit dans ce cas une structure cristal- 
line, même imparfaite, est, à mon avis, unehypothèse hasardée; 
il ne me paraît pas probable que les faces homologues des der- 
nières particules du verre, soient plus parallèles entre elles pendant 
la compression , qu’elles ne l’étaient avant; le seul changement ré- 
gulier qui soit bien certain c’est un plus grand rapprochement des 
molécules dans le sens de la compression que dans les directions 
perpendiculaires. 

Quant à l'existence de la double réfraction dans le verre com- 
primé, de très habiles physiciens n’avaient pas considéré les ex- 
périences de M. Brewster comme une preuve suflisante de la 
bifurcation de la lumière, et ils pensaient que le verre ainsi mo- 
difié pouvait offrir les phénomènes de polarisation des cristaux 
doublement réfringens, sans posséder pour cela toutes leursautres 
propriétés optiques. 

Dans l’hypothèse de la polarisation mobile, la double réfraction 
du verre comprimé n’est point une conséquence nécessaire des 
phénomènes de coloration qu'il présente , malgré leur parfaite res- 
semblance avec ceux d’une lame cristallisée ; tandis que lorsqu'on 
a admis que ceux-ci proviennent de l'influence mutuelle des 
rayons qui ont traversé la lame cristallisée avec des vitesses diffé- 
rentes, comme M. Young l’a indiqué le premier , il devient presque 
indispensable d'admettre aussi que les phénomènes de coloration 
du verre comprimé résultent pareillement d’une petite différence 
de marche entre les rayons lumineux qui le parcourent, c’est-à-dire, 
en un mot, qu'il jouit de la double réfraction. 

Quoique j'eusse adopté cette opinion depuis long-temps, ellene 
me paraissait pas tellement démontrée, qu'on düt négliger les véri- 
fications expérimentales qui pouvaient s'offrir; c’est ce qui m’enga- 
gea, en 1810, à m’assurer que la lumière parcourt effectivement le 
verre comprimé avec deux vitesses différentes , par les procédés si 
précis que fournit la diffraction et le principe des interférences. Je 
reconnus qu’effectivement la lumière parcourait la même plaque 
de verre avec plus ou moins de vitesse, selon que le faisceau in- 
cident était polarisé parallèlement ou perpendiculairement à l’axe 
de compression, etje mesurai même la différence pour divers de- 
grés de condensation et de dilatation du verre dans une plaque 


40., 


# 
316 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


courbée. J'avoue qu'après avoir fait ces expériences, il ne me resta 
plus aucun doute sur l'existence de la double réfraction dans le 
verre comprimé et la séparation angulaire de la lumière en deux 
faisceaux distincts, lorsqu'elle le pénètre sous une incidence obli- 
que ; car celte bifurcation est une conséquence mécanique néces- 
saire des deux vitesses de propagation de la lumière dans le même 
milieu , soit qu’on adopte la théorie des ondes ou celle de l’émis- 
sion. 

Néanmoins il m'a paru intéressant'de produire deux images 
avec le verre comprimé, pour compléter les preuves desa double 
réfraction, et la rendre sensible aux yeux des physiciens qui n’au- 
raient pas la même confiance dans les procédés d'interférences , ou 
qui n’adoptant aucune hypothèse sur les causes mécaniques de la 
réfraction, ne regarderaient pas la bifurcation de la lumière 
comme une suite indispensable de l'existence de ces deux vitesses. 
C'était une nouvelle occasion de prouver l'infaillibilité du principe 
des interférences et la justesse des conséquences que l’on en 
déduit. 

Comme la double réfraction du verre comprimé même jasqu’à 
éclater, est très faible, un seul prisme n'aurait donné qu’une di- 
vergence très peu sensible, lors même que son angle réfringent au- 
rait été très obtus; c’est pourquoi j'ai employé quatre prismes: 
l'angle réfringent de chacun deux est droit ; ils sont placés l’un 
à côté de l’autre, les angles réfringens tournés du même côté, et 
les bases opposées , appuyées sur un même plan et rapprochées 
les unes des autres de manière qu’elles se touchent par leurs arêtes 
longitudinales. C’est dans le sens de ces arêtes que les prismes sont 
comprimés entre deux mächoires de fer, à l’aide de quatre vis qui 
pressent une plaque d’acier recouverte d’une lame de bois el d’une 
feuille de carton ; les autres extrémités des prismes s'appuient contre 
une des mächoires de cette espèce d’étau, par l'intermédiaire aussi 
d’une feüille de carton et d’une lame de bois, afin que le verre soit 
pressé d’une manière plus égale et n’éclate pas aussi facilement: les 
vis ont leurs écrous et prennent leurs points d'appui dans l’autre 
mächoire de l’étau. 

Pour achromatiser ces quatre prismes et supprimer dans la 
marche de la lumière les déviations inutiles à l'expérience, j'ai 
placé entre eux trois prismes renversés , ayant également 00°, et 
aux extrémités de l'appareil, deux prismes de 45° seulement, de 
manière à recomposer un parallélépipède rectangle de verre, queles 
rayons traversent presque en ligne droite et perpendiculairement à 
ses deux faces extrêmes. Pour qu'ils puissent passer d'un prisme 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 317 


dans l’autre, les neuf prismes sont collés les uns aux autres avec de 
la térébenthine , dont le pouvoir réfringent est presque égal à celui 
du crown de Saint-Gobin, employé dans celte expérience; en 
sorte que la lumière est peu affaiblie par les réflexions partielles aux 
surfaces de passage. 

Les trois prismes de 90°, et les deux demi-prismes de 45°, qui 
servent à achromatiser les quatre prismes comprimés, sont un 
peu moins longs que ceux-ci, de manière à ne pouvoir éprouver 
aucune pression. On concoit que s'ils avaient été pressés comme les 
autres et au même degré, ils auraient détruit l'effet des premiers, 
puisque leurs angles sont tournés en sens contraire; tandis queles 
petites divergencesentre les faisceaux ordinaires et extraordinaires 
produites|par ceux-ci, s'ajoutent successivement les unes aux autres, 
parce que leurs angles réfringens sont tournés du même côté. 

L’axe de double réfraction du verre comprimé dans un seul sens, 
doit être la direction même de la compression, ainsi que 
M. Brewster l’a judicieusement observé. Or, dans un milieu à un 
seul axe, c’esl loujours perpendiculairement à cel axe que la diffé- 
rence de vitesse des rayons ordinaires et extraordinaires est la plus 
grande, el qu’on peut obtenir en conséquence les divergences les 
plus sensibles: voilà pourquoi j'ai pressé les prismes dans le sens 
de leurs arêtes longitudinales, perpendiculairement à la direction 
suivant laquelle la lumière les traverse. J’ai obtenu ainsi par une 
forte compression, des doubles images dont l’écartement était d’un 
millimètre et demi, à un mètre dedistance. 

On pourrait craindre que cette séparation de la lumière en deux 
faisceaux ne tint à quelques stries des verres; mais en changeant la 
position de l'œil, il est aisé de reconnaitre que ce n’est point un 
effet de ce genre: on voit, à la vérité, varier l’écartement des 
images, ce qui provient de ce que les prismes ne sont pas com- 
primés partout au même degré; mais pour un œil exercé, ces va- 
rialions ne sauraient se confondre avec les effets que présentent les 
stries. D'ailleurs, ce qui tranche toute difficulté, l’une des images 
est polarisée parallèlement à l’axe de compression et l’autre suivant 
uu plan perpendiculaire. (Bulletin par la Soc. Phil.) 


‘SHnog 


à o. 


11758,89|L17,00 
21761,60 M 
31759,03| 20,50 
4]760,94+19,00 
5]759,15|+29,85 
6[755,53|+24,00| 76 
71789,65| 119.10 
8[758,26|+18,90| 76 
9[758,73|+18,90 
1c|761,04| 414,90 

111758,69|+18,50| : 
19/757,99|+20,25 
1%|753,25|+18,60| 8 
14/760,51|+13,00 


15[756,75 
16|59,58 
17 798,37 


14 9 HEURES MATIN. 


Barom.| Therm. 


OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES FAITES 


AE Br. 
exlLérienr. 


+#15,00| : 
+17,40 
+ 19,25 


A MIDI. 


Barom. 
à o. 


Therm, 
extérieur. 


760,88|+22,00 
757,841 426,00 


754,681 126,75) 


760,06 


A 3 HEURES SOIR. 


Barom.| Therm. 


à o. [extérieur. 


760,46|+90,75 
757,91 +21,60 
760,38| 429,25 
76,24] 495,00 
753,40|+-27,50 
759,05| 20,75 
756,58|+ 923,40 
758,71| 90,00 
761,42| 19,50 
755,79| 495,10 
756,92| 493,60 
754,10| 494,10 
758,43| 419,10 
796,46 418,10 
758,92|+22,60 
756,81|24,00 


Barom. | Therm. 
à o. extérieur. 


760,12|+15,00 
758,87|+16,50 
760,90|+ 15,00 
755,54|+-17,85 
753,45| 418,60 
759,32|+15,10 
757:19| 417,00 
759,22[+16,25 
761,81|+14,00 
754,50-18,0 
755,13|+17,50 
758,20|+14,90 
757,65|+14,50 
757,76|+14,25 
759,41|+19,29 
756,41|+17,75 


A 9 HEURES SOIR. [THERMOMÈTRE. 


Dans le mois de Septembre 1822. 


ygr.) Maxim. | Minim. 


760,34 +16,79]|. 


Rae so 1,75 
+20,75| 10,50 


+-26,00|+ 13,25 
+27,75| 412,75 


+20,00|+14,90! 
+24,50[+ 7,50 
+-25,60|L 15,00 
+-24,00| 13,25 
19,104 9,50 

18,10] 112,00} 
22 ,60|+12,5 


181796,00 
19/756,93 
20]753, 17 
21]750,58 
291753,55 
251755,12 
24174490 
25|742,22 
26/746,42 
2717b6,58 
28/758,74 
29/755,52 
50 754,00 
31 


755,01|+93,50 
755,19l+18,90 
751,62] 17,85 
749,94 417,00 
752,95|+20,50 
782,11] 419,75 
741,811416,05 
742,84|4 18,75 
749,481 413,50 
757,78|+13,00 
759,45/+15,00 
755,51|+10,40 
751,42 16,78 75 


755,61/+17,00| 67 |93,50|+10,1 
754,29] +14,25 
751,55 414,25 
751,17|+4-12,50| 89 
754,731 415,25 98 | 
749,19|+418,25| 94 I+921,50|+-12,25 
749,25|+15,50| 99 |+17,090|+15,50k4 
74430 bia 75 95 +18,75|[+12,75 
755,20 + 9,60100 |+13,50|+ 9,50 
759,25|-+10,25| 89 |+15,00|+10,95 
759,53/+11,25| 85 |+15,00|+ 95° 
755,16|+10,75| 99 H12,oc|+ 8,90 
+1,70) 90 | 


+17,10 
15,60 
+19,50 
14,00 
+17,50 
18,10 
+6,50 
+5,25 
10,00 
+11,00| 
11,10 
+10,60l| 01 
+ 9,g0| 93 THEN 


+-24,40|+12,50 


88|+17,80 
12,10 
12,60 
15,75 
+12,00 


+ 14,75 


68 1758,68|+20,50 


79 7bo,5o —-16,75|+ 6,25 


68 [758,28|+-22,13| 67 |758,68 
2/757,10|+16,72| 81 |756,46|+20,71| 73 1755,88|+21,48| 70 |756,05|+716,18| 82 21,66 17,37 
51756,05 +13,40 g1 751,544 15,67 84 |751,22|+16,09! 83 751,78 + 19,88 94 +16,66 10,59) 

7 [756,05|+16,46| 84 755,671 15,56 75 755,184 19,87 73. 7D5,45|415,06| 87 }H-20,35|4-11,40 


RÉCAPITULATION. 


11759,28|+ 19,25] 80 |759,00|1-29,32 + 16,11] 89 fH-22,74112,55 


: s Plus grande élévation... ...... 761""81 le 10 
M à { Moindre élévation... ns” 740""05 Ie . 
: Plus grand degré de chaleur.... +27 75 le 6 
Thermomètre. . { Moirdre de de chaleur..... + 6,25 le 30 

Nombre de jours beaux...... 20 

de couverts ..,...... 10 

delpluies re. 10 

deventsisereercce 50 

de brouillard....... 10 

depelée "tre... o 

defnelges.,rortee o 

de grêle ougrésil.... o 


de tonnerre......... 2 


À L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS, 


(Le Baromètre est réduit à la température de zéro.) 


QUANTITÉ »e PLUIE 
n 


A tombée ÉTAT DU CIEL. 
ss Ad sur le baut VENTS. TES RE 
FR CN CARS LE MATIN. À MIDI. LE SOIR, 
PTT mille mille : ë 
1 N. Nuageux. Nuageux. Nuageux. 
a O. Beau ciel. Petits nuages blancs. |Beau ciel. 
3 O.-S.-0 Idem, brouillard. |Couvert. Nuageux. 
4 O. Nuageux. Très nuageux. Beau ciel, 
5 S.-S.-0 Idem, brouill. Nuageux. Idem. 
6 ë Idem. Légers nuages clairs. Idem. 
7 O. Idem. Nuageux. [Petits nuages à l'horiz. |f 
8 O.-S.-0.  [Nuageux, brouillard.|Légères vapeurs. Couv., qu. gout. d'eau. 
9 O. Quelques goutt, d’eau.|Couvert. Couvert. 18 
10 O.-N.-O. |Couvert. Quelques éclaircis. Beau ciel. 
11 S.-0. Beau ciel , brouill.  |Beau ciel. Idem, 
19 0. Nuageux. Nuageux. Pluie, éclairs et tonn. 
13! o,40 0,30 IN. Idem. Nuageux. Nuageux. 
14 E.-N.-E Ciel voilé. Idem. Idem. 
h5 S.-E. Couvert, tonn. à 10*, |Ciel troubl et nuag. |Couvert, 
16| o,05 0,05  [S.-S-E Couvert, brouillard. |Pluie fine. Idem. 
17 S.-S.-0 Nuageux, brouill. [Très nuageux. Beau ciel. 
18 N.-E. Beau ciel, lég. brouill.|Petits nuages blancs, Idem. 
19 E.-N.-E Nuageux. m. 4 Nuageux. 
20 - Très nuageux. Quelques éclaircis. Idem. 
21 5 Couvert. Couvert, Idem. 
22] 17,00 | 16,80 .-O. Pluie, brouillard. Idem. Pluie abond. et tonn. 
23] 0,30 0,30 .-0. Nuageux, brouillard.| dem. Couvert, éclairs. 
24] 11,30 | 10,40 Couvert. Nuageux. Pluie par intervalle. 
25 S.-O. Nuageux. Pluie continuelle.  |Très nuageux. 
26| 26,00 |22,00 IN. Pluie ayerse, Très nuageux. Pluie abondante. 
27 N. Pluie. Couvert. Petite pluie. 
a8 | N.-E. Couvert. Idem. Couvert. 
2g| 1,60 2,10 [N. Pluie fine. Très nuageux. Pluie par intervalle. 
30 | S.-E. Nuageux, brouillard. |Couvert. Couvert. 
31 
1 Moyennes du 1°°au 11. Phases de la Lune. Pr A 
2] 0,45 0,35 | Moyennes du 11 au 21. P.L.le 1à o!36's. |IN.L.le 15à 11*19/m 
L3| 66,20 _60,60 | Moyennes du 21 au 80. ___[D.Q.le 8à 9/30 m.|lP. Q.le23à 10/5g's. 7 
Î 66,65 60,95 | Moyennes du mois. IB. L. le 30 à 11430's. 


RÉCAPITULATION. 


Jours dont le vent a soufflé du 


le 16 


Thermomètre des caves { 


: le 17, 129,009 
12°,100 


} centigrades. 


320 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, etc. 


NOTE 


Sur une grappe de raisin développée sans aucune trace 
de feuilles au milieu d’un tronc de vigne. 


M. D'Howusres Firmas dans un des cahiers du tome précédent 
a rapporté l’observation curieuse d’un thyrse de lila, développé 
en sorlant de terre, comme s’il y avait été planté artificielle- 
ment. (1) L'observation que nous signalons a quelque analogie 
avec elle. Un pied de vigne assez considérable de près de trois 
pouces de diamètre sur au moins trois ou quatre pieds de hauteur 
avant ses ramifications, a poussé dans le milieu de son étendue 
une grappe de raisin assez forte, sans qu’il y eùt aucune trace de 
feuilles à son origine. Cette grappe a müri assez difficilement. Au 
mois d'octobre elle ne l’était pas encore : quoique cette année, en 
Normandie à quelques lieues de Dieppe, où ce fait a été observé 
le raisin ait müri complètement et de bonne heure. Il est vrai 
que toutes les branches de cette vigne avaient élé entièrement 
privées de leurs feuilles, par la voracité des rats, qui ont pullulé, 
ainsi que les mulots, d’une manière désolante, cette année en 
Normandie, comme dans tout le reste de la France , probablement 
a cause de la douceur de l'hiver. 


(1) Puisque nous avons l’occasion de citer ce fait, nous en profiterons pour 
dire que les termes de la lettre de M. d'Hombres ont rapport à l’époque 
d'ayril à laquelle il écrivait. (R.) 


ERRATA. 


Dans le cahier précédent, Mémoire sur l'Ostéogénie de M. Dutrochet, 
p- 165, ligne 17, au lieu de végéto-cartilagineuse, lisez gélatino-cartilagi- 
neuse, et pag. 169, lig. 32 , au lieu d’orbes, lisez orles. 


De l'Imprimerie de HUZARD-COURCIER , rue du Jardinet, n° 12, 


normand et de Moléon. 
Le prix de la Souscription pour douze numéros, ou 4 vol. avec 48 planches, 


——————— 


ANNONCES. 


OUVRAGES NOUVEAUX. 


Traité de Géométrie analytique; par M. Biot. Sixième édition. Un vol. 
in-8 , 1823. Prix, 6 fr. 5oc. 


Des Fonds publics en France et des Opérations de la Bourse de Paris; par 
Bresson fils. Vol. in-12 ; quatrième édition, 1821. Prix, 3 fr. 


Description des Travaux hydrauliques ; par de Cessart, inspecteur-général 
des Ponts et Chaussées. Deux vol. in-4°, Paris , 1896, cartonné. Prix, 84 fr. 


Système de l'Administration britannique en 1892; par Ch. Dupin, membre 
de l'Iostitut, ancien oflicier supérieur. Un vol. in-8°, Paris, 1823. Prix, 3fr. 
+ 


Aunales de l'Industrie nationale et étrangère, ou Mercure technologique, Re- 
cueil de Mémoires sur les Arts et Métiers, les Manufactures, le Commerce, 
l'Industrie, l'Agriculture, et renfermant la Description du Musée des Produits de 
l'industrie française exposés au Louvre en 1819; dédiées au Roi ; par MM. Le- 


est, franc de port, de 50 fr. pour Paris, 36 fr. pour les départemens, 42 fr, 
pour les pays étrangers. Le premier numéro a paru en janvier 1820. 


Méthode générale pour ordonner le résultat moyen d’une série &'Observa- 


tions astronomiques faites ayec le cercle répétiteur de Borda. Vol, in-4° , 1823. 
Prix, 6 fr. boc. 


Traïté élémentaire de Construction appliquée à l'Architecture civile, 
contenant les principes qui doivent diriger, 1°. le choix et la préparation des 
matériaux; 2°, la configuration et les proportions des parties qui constituent les 
édifices en général; 3°. l'exécution des plans déjà fixés; suiyi de nombreuses 
applications puisées dans les plus célèbres monumens antiqueset modernes, etc.; 
par J. A. Borgnis. Un gros vol. in-4°, 1823, avec atlas de 30 planches gra- 
vées par Adam. Prix, 36 fr. 

Elémens d’Algèbre , par Bourdon. Troisième édition , oonoidérablement aug- 

usée. Un fort vol. in-8°, 1823. Prix, 7 fr. 


Dictionnaire de Mécanique, contenant la définition et la description sommaire 
des objets les plus importans ou les plus usités qui se rapportent à cette 
Science ; avec l'énoncé de leurs propriétés essentielles, suivi d'indications qui 
facilitent la recherche des détails plus circonstanciés ; Ouvrage faisant suite au 
Tra: é complet de Mécanique appliquée aux Arts, en g vol. in-4° ; par Borgni.. 
Vol. in-4°, pour paraître fin de mars. 


Ces Ouvrages se vendent à Paris, chez Bachelier, gendre Courcier, suc- 
cesseur de M®° veuve Courcier , Libraire pour les Sciences, quai des Augustins, 
n° 55. 


& 


Sous Presse chez le méme Libraire 


Connaissance des T'ems pour 1826. 
Traité de Mécanique céleste ; par M. le marquis de Laplace. Tome V®, in-4°. 


_—— 


De l'Organisation des Animaux, ou Principes d'Anatomie comparée; par 
M.-H. M. Ducrotay de Blainville. 


En annonçant cet ouvrage, nous avons oublié de dire que l'Editeur est 
F. G. Levrault, imprimeur-libraire, à Paris, rue de M. le Prince, n. 31, et 
à Strasbourg, rue des Juifs, n° 35. 


Mémoire sur les T'errains de sédiment supérieurs calcaréo-trappéens du 
Vicentin, et sur quelques terrains d'Italie, de France, d'Allemagne, etc. qui 
peuvent se rapporter à la même époque; par Alexandre Brongniart , membre 
de l'Académie royale des Sciences, ingénieur en chef au Corps royaldes Mines, 
professeur de Minéralogie au Jardin du Roi, etc., etc. Un vol. in-4° de 86 pag,, 
avec 6 planches lithographiées. A Paris, chez F.G. Levrault. 

Pour faire sentir l'intérêt de ce nouvel ouvrage du géologue qui s’est occupé 
avec le plus de succès des terrains tertiaires ou de sédiment, il nous suffira de 
donner la Table des Matières. La première partie sur les terrains de sédiment 
supérieurs calcaréo-trappéens du Vicentin, contient, dans un premier article, 
la description du Val-Néra, du Val-Ronca , de Montecchio-Majore, de Monte- 
Viale, et enfin, du Monte-Bolca, localité si remarquable par la grande quan- 
tité de poissons fossiles qu’elle renferme. L'article II est consacré à la compa- 
raison de ces terrains entre eux et avec des terrains analogues du même canton, 
et à l'énumération des coquilles et zoophytes des terrains de sédimens supérieurs 
observés dans les lieux d’abord décrits; enfin, l’article III donne la détermina- 
tion de l’époque deformation à laquelle on peut rapporter ces terrains. La 
deuxième partie traite de quelques terrains qui offrent certaines particularités 
comparés avec les terrains de sédimens supérieurs des environs de Paris, 
comme la colline de Supergue, près Turin, quelques terrains des environs de 
Mayence, un terrain au pied des Pyrénées-Orientales, des couches à coquilles 
littorales de la montagne des Diablerets ; elle est enfin terminée par l'indice 
d’un terrain de sédiment supérieur sur les montagnes de Glaris , etc. La troi- 
sième et dernière partie est entièrement consacrée à la description de plusieurs 
des corps organisés fossiles qui sont renfermés dans les terrains de sédiment 
supérieurs décrits ou mentionnés dans les deux premières parties. 

Nous ajouterons que les planches sont dessinées et lithographiées ayec le plus 
grand soin, et sont une nouvelle preuve que le moyen de la lithographie, si supé= 
rieur à celui de la gravure sur cuivre, par la promptitude de son exécutio 


D É n et 
par son meilleur marché, l'égale presque en exactitude. : 


JOURNAL 
DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE, 


D'HISTOIRE NATURELLE À 


ET DES ARTS, 
AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
Par M. H.-M. DUCROTAY pe BLAINVILLE, 


| Docteur en Médecine de la Faculté de Paris, Professeur de Zoologie, d'Ana- 
tomie et de Physiologie comparées, à la Faculté des Sciences et à l'Ecole 
normale ; ex-Suppléant de M. Cuvier au Jardin du Roi etau Collége de France, 
Membre de la Société Philomatique, Membre de la Société Wernérienne 
d'Edimbourg et de la Société d’ Histoire naturelle de Dublin, etc. 


NOVEMBRE an 1822. 


TOME XCwV. 


A PARIS, ? 


| Chez BACHELIER, Gendre Courcier, Successeur de 
Mr VE Courcier, Libraire, quai des Augustins, n° 55. 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 
7 

Lettre de Jean Mile, professeur de Physiologie, à J. C. Skrodzki, pro- 
fesseur de Physique dans l’Université de Varsovie, écrite le 20 juin 1821, 
sur la grandeur apparente des objets, causée par la réfraction de- la 
lumière dans l'atmosphère, 321 

Quelques Observations fragmentaires concernant l’Ostéologie des organes 
du mouvement des Mammifères et des Oiseaux; par M. de Hauch, 330 

Essai sur le vol des Insectes ; par M. J. Chabrier (Fin), 342 

Mémoire sur les Lernées; par M. H. D, de Blamville, 372 

Mémoire sur les Animaux des régions arctiques; par M. Scoresby (Fin), 380 

Quelques Observations de Miss E. W****, sur les Animaux mollusques, 
extraites d’une lettre à M Defrance, 387 

Note sur l’ascension des nuages dans l’atmosphère, par M. A.Fresnel, 393 

Note sur la nature du fluide contenu dans l’allantoïde des Oiseaux ; par 
M. Jabobson, 

Tableau météorologique , 

Programme des Prix proposés à la Société d'Histoire naturelle de Paris 

pour l’année 1824, 398 


395 
396 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE, 


NOVEMBRE an 1822. 


LETTRE 


De Jrax MILE, Professeur de Physiologie, à J. C. 
SKRODZKI, Professeur de Physique dans l'Univer- 
sité de Varsovie, écrite le 20 juin 1821, sur la grandeur 
apparente des objets causée par la réfraction de la 
lumière dans l'atmosphère. 


Rzvenanr, il y a quelques jours du Jardin botanique, endroit le 
plus ordinaire de nos promenades, le lever de la pleine lune nous 
occasionna une discussion sur sa grandeur apparente auprès de 
l'horizon. Après avoir passé en revue, toutes les explications de 
ce phénomène si connu, nous convinmes de leur insuffisance. 
C’est alors que je vous ai proposé la mienne, qui est principale- 
ment fondée sur ce que la réfraction de la lumière qui nous arrive 
des corps situés hors de notre atmosphère , non-seulement fait 
apercevoir ces corps, dans un endroit différent de leur position 
réelle, mais change en même temps leur grandeur apparente. Ce 


Tome XCV. NOVEMBRE an 1822. 41 


322 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
dernier effet, qui n’a point attiré jusqu’à présent l'attention des 
physiciens, ressemble au premier, en ce qu'il est aussi d'autant 
plus considérable que les corps se trouvent plus près de l'horizon, 
ou ce qui est la même chose, qu'ils sont à une plus grande dis- 
tance du zénith. Cette explication vous'a paru convaincante et 
propre à faire concevoir le phénomène, de manière que vous avez 
cru que non-seulement il était couvenable, mais qu’il était encore 
nécessaire de la faire connaître au public. Encouragé par votre 
sentiment , j'ai réuni dans un exposé court et succinct, plusieurs 
théorèmes relatifs à ce sujet, lesquels s’enchaïnent les uns aux 
autres, et dont chacun se trouve prouvé mathématiquement et 
appuyé par l'expérience. Le dernier de ces théorèmes explique le 
phénomène en question. 

Si vous vouliez, mon respectable ami , démontrer l'incertitude 
des anciennes théories , et y jeter un plus grand jour, ces nouvelles 
idées en deviendraient plus claires et plus solides. 

C’est une opinion générale parmi les physiciens, que les rayons 
de lumière qui passent de l'air dans un milieu plus dense, ter- 
miné par des surfaces planes et parallèles , suivent en sortant de 
ce dernier, une direction parallèle à celle de leur incidence : la 
chose est certaine, mais on en déduit la conséquence que dans ce 
cas les objets sont vus sous le même angle, quesi les rayons n'a- 
vaienl parcouru qu'un seul milieu pour arriver à l'œil. Cette 
asserlion est fausse, comme on peut le prouver en démontrant 
la proposition suivante. 


Théorème 1. 


Un objet et l'œil étant situes dans l'air, si les rayons qui vont de 
l’un à l’autre traversent un milieu intermédiaire plus dense que 
l'air et terminé par des surfaces planes et parallèles, l'angle vi- 
suel deviendra plus grand. 


Démonstration (fig. I.) 


Les extrémités €, b, de l’objet cb envoient des rayons dans tous 
les sens, dont il n’entrera dans l'œil placé en a que ceux qui au- 
ront la direction ca, ba; donc l’œil placé en à devrait avoir l’objet 
sous l'angle cab, s'il n’y avait point entre eux de milieu réfrin- 
gent. S'il y a un milieu intermédiaire plus dense que l'air et dont 
les faces de, fg soient parallèles, le rayon ba se réfractera en 4, 
prenant la direction 4 pour s'approcher de la perpendiculaire, et 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 323 


se réfractera de nouveau en i, s’éloignant de la perpendiculaire, 
et suivant la direction #k; par conséquent, la direction du rayon 
émergent, sera la même que celle du rayon incident, et l'angle :&/ 
sera égal à l'angle bac; mais les deux rayons 1% /k dépasseront 
l'œil qui se trouve en 4 pour se réunir au-delà de ce point. Ils ne 
pourront, par couséquent, servir à faire voir l’objet à moins que 
l'œil ne se place en ; alors l’objet serait apercu sous l’angle z4/, 
qui est aussi plus grand que ckb, sous lequel l'œil verrait l’objet 
s’il n’y avait point de milieu intermédiaire. Mais si l'œil reste 
en a, il ne pourra point recevoir les rayons ca, ba qui après la 
réfraction se réuniront en k; il recevra à leur place d’autres 
rayons , émanés des points c et à, et dont la direction sera telle, 
qu'après la réfraction ils se réuniront en a. Tel sera le rayon bm 
qui d’après la loi de réfraction, prendra d’abord la direction #7, 
et ensuite la direction na pour entrer dans l'œil en a; donc l’angle 
de vision de l’objet bc étant nao, sera plus grand que s’il n’y avait 
point de milieu intermédiaire. 


Quelle que soit donc la position de l'œil, le milieu réfringent à 
surfaces planes et parallèles, doit augmenter la grandeur de 
l'objet. 

L'expérience vient à l'appui de cette vérité. En regardant à tra- 
vers un tel milieu , nous voyons les objets plus grands, mais pour 

ue cela soit sensible, il faut que le milieu ait une épaisseur con- 
sidérable. Celle d’un carreau de verre est évidemment insuffi- 
sante. Pour rendre ce phénomène sensible je me sers d’un tuyau en 
fer blanc de3 pouces de diamètre (fig. 2), et d’une aune de longueur. 
Les deux ouvertures de ce tuyau sont terminées par deux verres 
plans ordinaires. Ce tuyau étant placé horizontalement, et étant 
rempli d'esprit de vin à moitié jusqu’à 4c; si l’on regarde de ma- 
nière que la moitié supérieure de l’objet 4 soit apercue à travers 
l'air, et sa moilié inférieure à travers l'esprit de vin, on verra cette 
dernière beaucoup plus large qne la première, comme on le voit 
(f.e.). Le tuyau de cette longueur augmente les objets environ 
de moitié de leur grandeur, et il est visible que le degré d'aug- 
mentation, est en raison directe de l'épaisseur du milieu réfrin- 
gent; et par conséquent , il dépend de la longueur du tuyau. 


Théorème II. 


L'angle visuel ne sera point changé, lorsque les surfaces qui 
terminent le milieu réfringent, étant sphériques, leurs rayons 


4e. 


324 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


seront respeclivement égaux aux distances de l'œil à chacune 
d'elles. 
Démonstration (fig. 3.) 


L’oœil placé au point a se trouve au centre des courbes de, f&, et 
les rayons entrant perpendiculairement dans le milieu, et sortant 
dans la même direction , ne seront sujets à aucune déviation. Par 
conséquent, l’objet bc doit être vu sous le même angle, soit qu’il 
y aitun milieu réfringent ou qu’il n’y en ait pas. 

L'expérience confirme encore celle vérité , au moyen de l'ap- 
pareil abcd (fig. 4 ). C’est une boîte métallique dont les ouvertures 
sont fermées, par deux verres convexes d’un côté et concaves de 
l’autre, comme le seraient, par exemple, deux verres de montre. 
Il faut que ef soit le rayon de la surface sphérique du verre ab, etque 
eg soit celui de ed. Dans l'appareil dont je me suis servi, le rayon du 
premier verre est de pouces, celui du second est de 8 pouces , et 
par conséquent l'épaisseur de la boite de 3 pouces. Si au moyen de 
l'ouverture 2, on remplit cette boîte d'esprit de vin, jusqu’à la 
moilié fe , l'œil placé au pointe verra les objets également grands, 
soit qu'il regarde à travers la moitié supérieure qui contient l'air, 
ou à travers la moitié inférieure, laquelle est remplie d’esprit 
de vin. 

Théorème UI. 


L’angle visuel devient plus petit lorsque les surfaces qui termi- 
nent le milieu réfringent, étant sphériques, leurs rayons sont 
respectivement plus petits que les distances de l'œil à chacune 


d'elles. 
, Démonstration (fig. 5 ). 


Sans l'existence du milieu réfringent, l’œil place en a verrait les 
points 4e sous l’angle bac. Supposant ce milieu, le rayon ba se ré- 
fractera en d pour s'approcher de la perpendiculaire de, et prendra 
la direction df; au point f'il s’éloignera de la même perpendicu- 
laire, pour prendre la direction /g ; par conséquent, il ne rencon- 
trera point l'œil placé en a. Mais le rayon A qui, par suite de sa 
première réfraction, prendra la direction ki, et par suite de la 
seconde la direction za, entrera dans l’œil; et quand cela aura lieu 
de deux côtés, l’angle de vision ak sera plus petit que l'angle bac, 
et par conséquent l’objet sera diminué. 

L'appareil (fig. 4) sert pour confirmer cette vérité par l’expé- 
rience., Car si nous regardons un objet en plaçant notre œil plus 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 325 


loin de la boîte que le pointe, nous verrons à travers l'air Ja 
moilié supérieure de l’objet dans sa grandeur naturelle, et nous 
trouverons sa moilié inférieure qui est vue à travers l'esprit de 
vin considérablement diminuée. Cette diminution est en raison 
directe de la distance de l'œil à l'appareil. 


Théorème IV. 


L’angle visuel devient plus grand, lorsque les surfaces qui 
terminent le miliea réfringent étant sphériques, leurs rayons sont 
respectivement plus grands que les distances de l'œil à chacune 
d'elles. 


Démonstration (fig.6 ). 


Sans l'existence du milieu réfringent, l'œil placé en & verrait 
les points D, c sous l'angle bac. Mais dans notre hypothèse le rayon 
ba se réfractera en d pour s'approcher de la perpendiculaire de. et 
prendre la direction df; ensuite il se réfractera en prenant la di- 
rection f& et dépassera l'œil. Mais le rayon 2h qui prend d’abord 
la direction Ar et ensuite ia rencontrera l'œil; et par conséquent 
l'objet sera vu sous l’angle ak plus grand que bac. 

On prouve que le même phénomène a lieu, ,par l'expérience 
avec l'appareil ( fig. 4 ) ; car si nous placons l'œil plus près de l’ap- 
pareil que le centre e; on verra les objets dans leur grandeur na- 
turelle en les regardant par la partie supérieure qui est remplie 
d'air, et on verra leur grandeur augmentée en regardant par Ja 
partie inférieure remplie d'esprit de vin. Cette augmentation est 
en raison directe du rapprochement de l'œil vers l’appareil ; elle 
est par conséquent la plus grande lorsque l'œil se trouve tout près 
du verre ab. 

Scholie. 


Si le milieu dans lequel se trouve placé l'œil, est plus dense 
que le milieu intermédiaire, la réfraction donnera lieu aux phéno- 
mènes directement opposés à ceux que nous venons de dis- 
cuter. Ce cas est celui des corps placés au-delà de notre atmos- 
phère. 

Théorème V. 


Les surfaces du milieu réfringent étant sphériques et leurs 
rayons élant égaux aux distances de l'œil à chacune d'elles ; 
l'angle visuel ne sera point changé. 


326 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Démonstration (fig. 7.) , 


L'œil placé en a verrait Loujours les points à, c sous l’angle bac, 
car les rayons étant perpendiculaires à l’arc de n’éprouveront 
point de réfraction. 

Telle serait la position de l’œil s’il était placé dans le centre 
de l'atmosphère, et par conséquent dans celui de la terre, ce qui 
est physiquement impossible. C’est de là qu'on verrait les corps 
célestes de la même grandeur quelle que fût leur position. 


Théorème VI. 


Si la distance de l’œil est plus grande que le rayon des surfaces 
du milieu réfringent, l'angle visuel devient plus grand. 


Démonstration ( fig.8). 


Sans aucun milieu réfringent, l'œil verrait l’objet bc sous l’an- 
gle bac. En supposant l'existence d’un milieu moins dense, le 
rayon da après avoir été réfracté en d dépassera l'œil, mais sera 
remplacé par le rayon bf; et par conséquent , les points b, c se- 
ront aperçus sous un angle fag plus grand que bac. 

Ce serait le cas d’un œil placé de manière que le centre de la 
terre se trouvât, entre sa position et les corps célestes, ce qui est 
encore physiquement impossible. 


Théorème VII (fig.9). 


Si la distance de l'œil est plus petite que le rayon des sur- 
faces du milieu réfringent, l'angle visuel devient aussi plus petit. 


Démonstration. 


Sans l’existence d’un milieu intermédiaire l'angle visuel serait 
bac. Dans notre hypothèse, le rayon ba prend la direction df en 
s’approchant de la perpendiculaire de, et dépasse l'œil. Au con- 
traire, le rayon bg qui après sa réfraction prend la direction ga, 
entre dans l'œil ; et par conséquent, les points be sont vus sous 
un angle gah plus petit que l'angle bac. 

C’est la position de notre œil lorsque nous observons les corps 
célestes ; il en résulte qu’ils nous paraissent plus petits que s'il ny 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 527 


avait point d’atmosphère. Cette diminution doit être considérable, 
car l'œil situé à la surface de la terre, se trouve environ cent 
fois plus éloigné de son centre que des limites de l'atmosphère. 


ù Seholie. 


1! résulte des démonstrations ci-dessus, que les effets des ré- 
fractions des rayons dans un milieu plus dense, à leur entrée et 
à leur sortie (4h., IE, IV), sont contraires aux effets de cette même 
réfraction à l'entrée seulement (44. VI, VIT).Car, dans le premier cas, 
l'œil et l’objet étant dans un milieu moins dense, et le milieu plus 
dense étant intermédiaire, si la distance de l’œil aux surfaces ré- 
fringentes est plus grande que le rayon de ces mêmes surfaces, 
l'angle visuel devient plus petit ( 4h. IL, fig. 5 ), au contraire si la 
réfraction n’a lieu qu’une seule fois, la position de lœil étant la 
même, l'angle visuel devient plus grand (th. VI, fig. 8 ). De même, 
la réfraction ayant lieu deux fois, si la distance de l'œil est plus 
petite que le rayon des surfaces, l'angle visuel devient plus grand 
(th. IV, fig. 0 ), au lieu que dans le même cas, l’angle visuel devient 
plus petit si la réfraction n’a lieu qu’une seule fois (44. VIL, fig, 0). 
Cette différence, comme on le voit ( fig. 14), vient de ce que dans 
le premier cas, le rayon réfracté passe de deux côtés le rayon 
direct, au lieu que dans le second cas il ne passe que d’un côté. 
Il en résulte que l'agrandissement ou la diminution de l'angle 
visuel , dépendent du côté duquel il se trouve augmenté ; car, d’un 
côte c’est un véritable accroissement, el de l’autre c’est une di- 
minution. Il en résulte aussi que si l’œil se trouvait dans un milieu 
moins dense, et l’objet dans un milieu plus dense , le change- 
ment de l'angle serait inverse de celui que nous venons de con- 
sidérer, c'est-à-dire lorsque l'œil se trouvait dans un milieu plus 
dense que celui où était l'objet. Le changement de l'angle serait 
aussi dans cette hypothèse analogue à celui qui avait lieu lorsque 
l'œil et l’objet se trouvaient dans un milieu moins dense. Il est bien 
facile d'en faire la démonstration. D'ailleurs, on peut s’en con- 
vaincre à l’aide des appareils ( fig. 2 et 4) dans lesquels on voit 
s’agrandir, non-seulement les objets situés hors du verre ed, c’est- 
à-dire dans un milieu moins dense, mais aussi les objels situés 
dans l’eau, c’est-à-dire plongés dans un milieu plus dense, comme, 
par exemple, l’extrémité du tuyau , ce qu'on voit fig. e. 


528 SOURNAL DT PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Théorème VII. * 


Quoique les corps célestes observés de la surface de la 
terre doivent nous sembler plus petits par l’effet de la réfraction; 
cependant le degré de diminution de l’angle visuel dépend du 
plus ou moins grand éloignement de la limite du milieu réfrin- 
gent, c’est-à-dire de l'atmosphère. La diminution de l'angle visuel 
est d’aulant moins grande que celte limite est plus éloignée. 


Démonstration, (fig. 10.) 


Si la limite de l'atmosphère, au lieu d'être k, était de l'angle 
visuel ac, deviendrait fag, car les rayons bf, cg, en s’approchant 
des perpendiculaires fh, gh, se réuniraient au point a. Cette réu- 
nion n'aurait pas lieu si la linite de l’atmosphère était #k , car n’é- 
tant point réfractés aux points f, g, ils dépasseraient l'œil. 
L/’angle visuel se trouverait formé dans ce cas par d’autres rayons 
bl, cm, qui après avoir subi une réfraction dans l’atmosphère in- 
férieure &#, se réuniraient en a et formeraient l'angle Zam plus 
petit que l'angle fag qu'on avait dans le cas d'une limite de plus 
éloignée que la himite £k. Il en résulte que les corps célestes nous 
paratssent d'autant plus grands que la limite de l'atmosphère est 
plus éloignée. 

C’est dans ce cas que nous nous trouvons, lorsque nous obser- 
vons les corps célestes ; d’abord auprès de l’horizon et ensuite 
plus près de la verticale, car (/ig. 12) les limites de Patmo- 
sphère, dans le premier cas, sont plus éloignées que dans le 
second: 

Cephénomène peutencore être prouvé par l’expériencesuivante : 
on fermele tuyau abed (fig. 1 1), par un verre plan ab el on partage 
ce tuyau par une paroi intérieure ef (elle peut être en tôle comme 
le tuyau) qui n’atteint pas les extrémités du tuyau. On ferme les 
ouvertures eg, Af, par des verres plans demi-circulaires!, de 
manière qu'il n'y ait point de communication entre sa moitié fer- 
mée abgefh et lamoitié ouverte. gefhid. On a raréfié l'air dans 
la partie fermée du tuyau (en la-faisant communiquer à une mas 
chine pueumalique, au moyen: de l'ouverture Æ) et en obser- 
vant ensuite par l'ouverture cd un trait large fait sur le verre ab, 
sa largeur paraîtra plus petite quand on l'observera par la partie 
du tuyau fermée dont l'air est raréfié que quand on l'observera 
par la partie du tuyau ouverte. Dans cette expérience, les circon- 


£T D'HISTOIRE NATURELLE. 529 


siances sont tout-à-fait les mêmes que quand on observe les corps 
célestes d’abord auprès de l’horizon et ensuite près de la verticale. 
Le trait mn remplace ici les corps célestes, et l'œil qui regarde 
du point z et qui se trouve dans l’air, a les limites de l'atmosphère, 
d’abord plus près en hf et ensuite plus loin en eg. Il est évident 
que cet appareil doit être très long pour que l'effet soit sensible. 


La densité de l'atmosphère n’étant pas uniforme, mais dimi- 
nuant dans le rapport de la distance de la terre, il en ré- 
sulte que la propagation de la lumière ne se fait pas en ligne 
droite, mais en ligne courbe, ce qui ne dit rien contre la théorie 
que nous venons de présenter, et il serait superflu de le prouver. 
De même on ne peut pas considérer comme une objection que 
nous ne voyons exactement les astres à leur véritable place que 
lorsqu'ils sont au zénith, parce qu'avant qu'ils ne l’aient atteint, 
les rayons qui nous en viennent, pénétrant obliquement dans 
l'atmosphère , doivent toujours se dévier par la réfraction, car 
le changement de position n’influe pas sur celui de grandeur 
comme il est prouvé par les expériences faites avec le prisme. 


La densité inégale de l’atmosphère doit influer non-seule- 
ment sur la grandeur apparente des corps célestes, mais aussi 
sur celle des corps attachés à notre globe, selon que nous les 
voyons plus près de l’horizon ou plus près du zénith. Imaginons- 
nous , par exemple, une atmosphère «b, fig. 13, composée de 
plusieurs couches d'air, dont la densité va en diminuant, à mesure 
que leur distance de la terre augmente. Si l'œil situé en c, voit 
un objet quelconque, par exemple, un ballon à la même di- 
stance, mais d'abord près de l'horizon en e, puis au zénith en d, 
il est évident qu'il paraîtra plus grand dans le premier cas que 
dans le second, car la limite de la première couche qui est la plus 
dense, est bien plus rapprochée dans la direction verticale de 
que dans la direction horizontale ce. Il en résulte que les distances 
étant égales, un même objet doit paraître plus grand quand on 
le voit dans une direction verticale, que si on l’observait près de 
l'horizon. 

Ceci nous fait concevoir pourquoi, lorsque le ciel est cou- 
vert, les plus grands nuages paraissent s’accumuler auprès de l’ho- 
“rizon; pourquoi les nuages que le vent pousse vers le zénith 
paraissent diminuer de grandeur à mesure qu'ils s’en approchent; 
pourquoi lorsque le soleil est caché par des nuages, des rayons 
qui percent paraissent s’accumuler au point où se cache le soleil, 


Tome XCF. NOVEMBRE an 1822. 42 


5500 JOURNAL DE VER DE GHIMIE 


quoiqu'ils soient parallèles. L’explication du beau phénomène de 
l'aurore boréale (1), doit aussi éprouver un léger changement. 


QUELQUES 


OBSERVATIONS FRAGMENTAIRES 


Concernant l’Ostéologie des organes du mouvement des 
Mammifères et des Oiseaux; 


Par M. DE HAUCH. 


Ces observations n'étant pour la plupart qu’un extrait d’un plus 
grand ouvrage, elles auront nécessairement l'apparence fragmen- 
taire; j'ai cependant préféré cette méthode ici, où il ne s’agit pas 
tant de former une série de mes propres idées, que d’exposer 
quelques faits, dont je serais très heureux que des mains plus 
habiles pussent faire un usage convenable. 

Dans la classe des mammifères, on pourrait facilement déter- 
miner trois directions, dans lesquelles les organes du mouvement 
se développent, à mesure qu'ils servent au mouvement simple, 
ou que celui-ci se joint à la faculté de saisir et de toucher. Le 
mouvement simple se trouve, comme cela est bien connu, chez 
les cétacés et les herbivores; la faculié de saisir se développe 
dans l'ordre des carnassiers et dans les groupes qui s’en appro- 
chent. A cette faculté se joint le toucher dans les ordres des 
marsupiaux, des quadrumanes, et dans l'homme où les organes 
du mouvement ont acquis leur plus grande perfection, où ils 
sont devenus les organes de la sensibilité, et où ils servent à 
guider le jugement de l'âme, comme ils ont servi dans un élat 
plus bas à guider les pas de l'animal. La baleine nage, le cheval 
court, le lion déchire sa proie, le singe touche et sait tenir les 
objets entre les mains, l’homme palpe et ce sont les mêmes 
organes qui suffisent à ces quatre actions si différentes. 


(1) Journal des Savans, juin 1820. 


L 2 
ET PENSE AIRE 531 


Je crais avoir observé que la forme du sternum change à me- 
sure que le mouvement se développe dans une de ces directions 
différentes. Il était déjà connu que la différente espèce de mou- 
vement influe beaucoup sur la forme extérieure du sternum, 
temoin les chauves-souris, dont le sternum porte une arëête, 
comme celui des oiseaux; mais il restait encore à découvrir les 
règles générales de ce changement, c’est de ces règles que je 
tàcherai de donner ici une faible ébauche. 

En examinant le sternum des ordres dans lesquels les diverses 
modifications des organes du mouvement se développent le plus 
parfaitement, j'ai toujours trouvé le corps du sternum déprimé 
dans les principaux mammifères , où les extremités se bornent à 
appuyer seulement , ce que nous pouvons appeler un mouvement 
simple , soit que ce mouvement se fasse dans l'air, dans l’eau, ou 
sur la terre. 

Cette espèce de sternum à corps déprimé se développe de 

nouveau en deux directions. La première est celle où la partie 
du sternum qui s'approche le plus de la tête de l’animal est la 
plus large (1), et où la série des os quile composent se rétrécit 
en descendant vers le ventre; c’est la forme exclusive du sternum 
des cétacés , au moins je lai ainsi trouvé dans le squelette de la 
baleine, du dauphin et dans celui du cachalot. 

La seconde direction semble être tout-à-fait opposée à celle dont 
nous venons de parler. Ici la partie du sternum la plus voisine de 
la tête forme un manubrium comprimé et rétréci dans une 
direction contraire à celle du corps sternal; celui-ci est plus 
étroit vers la tête de l'animal, et s’élargit vers le ventre (2). Cette 
formation s'annonce le plus parfaitement dans l’ordre des rumi- 
nans; mais elle se retrouve aussi dans les autres groupes her- 
bivores. 

Dans les espèces herbivores où les doigts se développent en 
plus grand nombre, et où l'animal par son squelette serait déjà 
capable de saisir, si la peau plus épaisse, en enveloppant plus 
étroilement loutes les parties, ne l'en empéchait pas, le manus 
brium devient extrêmement saillant , le corps sternal se rétrécit 


() Je n'ose pas appeler cette partie manubrium , parce que j'ai quelque 
raison de croire que les cétacés manquent de cette partie du sternum. C’est celle 
qui s’est développée le plus, par rapport aux clavicules ; et qui en forme la base 
sternale, comme l’acromion en forme la base aux omoplates. 


(2) Ce n’est pas cependant le dernier, mais l’ayant-dernier des ossemens qui, 
en général , est le plus large. 


A2 


” 
552 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

beaucoup plus vers la tête, et seulement les ossemens les plus 
éloignés annoncent par leur largeur le voisinage des ruminans. 
C’est un sternum des ruminans, où la compression du manu- 
brium et des os antérieurs est plus prononcée, ou c’est un ster- 
num des carnassiers, où les parties postérieures n’ont pas encore 
tout-à-fait perdu le caractère de celui des herbivores. C’est ainsi 
que j'ai trouvé le sternum du cochon, du tapir, del’hippopotame, 
du rhinocéros, de l'éléphant, en général, de tous les pachydermes. 
C’est ainsi qu’est formé aussi le sternum de plusieurs édentés, 
où les doigts sont aussi séparés, et où la peau seulement gène leur 
mouvement réciproque. 

Les mammifères, dont les extrémités ne sont pas arrangées 
seulement pour la marche, mais’ aussi pour l’appréhension et 
pour le toucher ont le corps sternal comprimé, ou composé d’os 
cylindriques. 

Le sternum à corps comprimé se parlage encore par rapport 
au manubrium en deux groupes. Toute la série des ossemens 
sternaux , le corps et le manubrium peuvent être comprimés. Ici 
le manubrium se distingue seulement quelquefois par une plus 
grande compression , et ressemble à celui des pachydermes. C'est 
le type sternal tout-à-fait opposé à celui des cétacés ; là le sternum 
était entièrement déprimé; ici il est tout-à-fait comprimé. C’est 
à cette série qu’il faut rapporter tous les carnassiers, même ceux 
qui plongent dans l'eau pour se saisir de leur proie, comme la 
loutre, où qui y vivent presque toujours comme les phoques et la 
loutre de mer. En général, c’est la forme du sternum, commune 
aux animaux qui saisissent et retiennent leur proie avec les pieds, 
el aux genres voisins, où la nature commence à développer le 
squeleite pour cet usage, malgré que la peau en puisse encore 
empêcher ou comprimer pour ainsi dire l’organisation. Cette 
forme se trouve aussi joime à des clavicules développées, mais 
ici elle commence quelquefois à se rapprocher de celle des qua- 
drumanes, en ce que la tête du manubrium s’y dilate et forme 
deux ailes pour recevoir les clavicules , c’est le cas dans lequel se 
trouvent les chauves-souris, les roussettes , quelques rongeurs et 


quelques inseclivores (r). 


a ——————————…— —  —…—  ….-————.….— 


pan 


des hérissons et des rats; Daubenton l'a déjà 
M. Geoffroi de Saint Hilaire en parle aussi 
es et des céphalotes, Annales du Musée, 


(x) C’est le type du manubrium 
observé au squelette de l’écureuil ; 
dans sa Description des. rousett 


vol. XV, pag. 89; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 333 


Dans le second groupe, le corps sternal se montre encore com- 
primé, mais le manubrium se développe dans la direction con- 
traire, et forme une plaque déprimée, où les deux clavicules 
viennent s'appuyer. Cette condition du sternum est complète- 
ment opposée à celle des ruminans. Ici c’est le manubrium qui 
s’élargit; dans l’ordre des ruminans, c'était le corps; ici le corps 
du sternum est cylindrique; là cette forme était propre au manu- 
brium. L'espèce de steraum dont nous traitons ici ne se rencontre 
pas avant que le pouce des pieds de devant soit bien séparé des 
autres doigts, et qu’il soit en état de s'opposer à eux pour tenir les 
objets. On l’observe aussi dans les atèles et dans les ouistitis (1), 
qui, malgré qu’ils manquent de pouce en avant, sont trop rap- 
prochés de la grande série des quadrumanes, pour que nous 
puissions nous attendre à une autre conformation. 

Enfin on retrouve dans quelques singes, mais particulièrement 
dans l’homme, le corps mème du sternum un peu élargi. C’est 
une nouvelle nuance qu’on pourrait opposer à celle des pachy- 
dermes, où la grande compression du manubrium s'étend, même 
aux Oossemens du corps; ici c’est la dépression qui produit le 
mème effet dans un sens contraire. On voit donc que le sternum, 
dans sa plus grande perfection et après avoir parcouru toutes les 
formes commence à ressembler extérieurement à la première et à 
la plus imparfaite, à celle des cétacés. Dans l’homme, comme 
dans le cétacé, le sternum est déprimé et plus large vers la tête. 

Il est plus difficile de fixer des règles concernant le dévelop- 
pement des omoplates ; néanmoins, je crois en avoir observé deux 
types assez fortement prononcés, et assez différens, entre les- 
quels les autres semblent balancer, en s’approchant plus ou moins 
de l’une ou de l’autre extrémité, d’après la condition et la manière 
de vivre des animaux. 

Dans quelques ordres des mammifères, l’omoplate se montre: 
triangulaire , et la crête, en cotoyant le bord supérieur, ne laisse 
presque point d’espace à cette cavité connue par les anatomistes 
sous le nom de la fosse surépineuse ( fossa supra-spinata), qui par 
conséquent est tres pelite, ou qui manque tout-à-fait. Cette forme 
s'imprime le plus fortement possible aux omoplates des ruminans; 
il suffit d’un examen pour savoir si une omoplale appartient à 


(1) C’est sans doute par inadvertance que M. de Hauch dit que les ouistitis 
manquent de pouce aux membres antérieurs ; ils en ont un bien développé 
mais il est vrai, peu ou point opposable. (R.) 


534 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


un ruminant ou non (1). Celle forme, avec de légères différences, 
se retrouve dans le cheral et dans plusieurs pachydermes. Pour 
ne pas supprimer toul-à-fait les détails, j’ajouterai que la crête 
dans le cochon ordinaire et le cheval s'élève plus au milieu que 
celle du pécari à collier, qui, se portant dans une direction con- 
traire à celle des autres mammifères, atteint sa plus grande hau- 
teur près de la base de l’omoplate. Le pécari à collier a les 
omoplates plus étroites que le cochon ordinaire. Le lièvre et le 
cochon d'Inde les ont triangulaires, mais la crête s'approche plus 
du milieu. Ceux-ci sont encore , comme on le sait, herbivores ; 
mais le castor, et l’agouti, dont le régime est également herbi- 
vore ont les omoplates plus carrées et montrent ainsi une sorte 
d’anomalie. 

Il y a d’autres mammiferes où l’omoplate forme un carré et dans 
laquelle la crête présente une diagonale qui le partage en deux 
parties triangulaires et égales. C’est la forme exclusive de quelques 
petits groupes de carnassiers, savoir des plantigrades , de lhyène et 
des chats les plus féroces. Je l’ai observée seulement aux squelettes 
du lion, du tigre, du jaguar, dela panthère et du léopard. Dansle 
chat ordinaire, la base et le bord supérieur de l’omoplate sont 
beaucoup plus arrondis; les autres chats, les chiens et les martes 
forment le passage de la forme quarrée à la forme aux angles 
arrondis. Au reste, la crête de l'ours et de plusieurs plantigrades 
porte une petite apophyse recourbée comme celle des chats et de 
quelques loutres. L’omoplate de l'ours est encore garnie d'une 
seconde crêle plus basse et plus petite , à peu près comme celle de 
plusieurs édentés, seulement celle de l’ours est encore moins 
développée; d’autres plantigrades en montrent encore des vestiges, 
et en général, dans ces animaux, l'omoplate, développée tout-à- 
fait d'après le mème type, pourrait servir à prouver, sil était 
encore nécessaire, que les plantigrades forment un groupe distinct, 
non-seulement dans nos systèmes, mais qui est fondée dans la 
nature même. 

Enfin la plus grande partie des mammifères, les singes, les 
marsupiaux, la plupart des rongeurs , etc, en se balançant entre les 
deux extrêmes, sont pourvus d’omoplates plus ou moins triangu- 
laires, dont la crête s'approche plus ou moins du milieu. La crête 


(1) On peut dire la même chose des quatre formes du sternum dont je viens 
de parler, le sternum d’un singe.se distingue si complètement du sternum des 
carnassiers, et celui-ci du sternum d’un ruminant, ou d'un cétacé, que les pieds 
et les dents n’offrent pas des marques distinctives plus sûres. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 335 


des rongeurs se trouve presque toujours au milieu, celle des singes 
s'approche plus du bord supérieur, l’omoplate des chéiroptères 
est plus carrée et plus large, etc. 

J'ai cru retrouver dans les trois os qui composent le bassin 

uelques traces d’une analogie avec les règles que j'ai tàché de 
fe pour les os qui forment l'appui des extrémités antérieures ; 
ainsi J'ai trouvé les os des îles des ruminans triangulaires, ceux 
des carnassiers carrés; mais parce que les observations que j'ai 
eu l’occasion de faire jusqu'ici sont bien Join d'approcher de la 
certitude , je n’aurai pas le droit de poursuivre ici ces idées, et je 
me garderai bien de m’avancer davantage dans des lieux obscurs, 
où ma marche deviendrait nécessairement chancelante. 

La partie inférieure de l’humérus de plusieurs mammifères est 
perforée d’un canal oblique par lequel un nerf passe. M. Dauben- 
ton, M. Cuvier, etc., en ont fait mention dans plusieurs ani- 
maux; mais je ne crois pas que personne ait donné jusqu'ici 
l’évoumération un peu complète des animaux où cette singularité 
se trouve. On rencontre ce canal dans tous les édentés , excepté 
dans le squelette de l'aï; dans celui de l’unau on le voit au con- 
traire très bien; il se trouve aussi dans ceux de l’ornithorynque et 
de l’échidné. Tout le genre des phoques, tous les carnassiers 
dégitigrades, exceptés le chien et l’hyène, tous les carnassiers 
plantigrades , excepté l’ours, ont l’'humérus perforé de ce canal. 
La plupart des insectivores l’ont encore: on y trouve cependant 
de fortes anomalies. Il est assez visible dans le squelette des 
taupes, dans ceux du chrysochlore et du tenrec ; il semble man- 
quer à celui du hérisson ; cependant je Fai observé à un squelette 
appartenant à une espèce particulière de ce genre; la même ano- 
malie se retrouve parmi les musaraignes. Ce canal se retrouve 
encore dans le galéopithèque, malgré qu’il manque aux chéirop- 
tères. On le voit très rarement entre les rongeurs; les gerboises 
en sont pourvus cependant. Il se retrouve enfin dans l’ordre de 
marsupieux, dans les makis, dans quelques ouistitis et dans les 
callitrix (Geoffr.); mais jamais je ne l’ai observé sur aucun singe 
de l’ancien monde. Les cétacés, les pachydermes, les ruminans, 
en sont aussi privés ; ainsi malgré l'extrême anomalie avec laquelle 
il se développe et disparaît quelquefois dans les espèces du méme 
genre, on peut fixer comme règle que les mammifères les plus 
rapprochés de l’hcmme, et ceux qui en sont les plus éloignés, 
manquent toujours de ce canal. 

J'ajouterai encore quelques remarques par rapport aux doigts 
latéraux (digiti amoti) des ruminans, où je crois pouvoir prouver. 


- 836 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qu’il existe une série de développemens, qui forme une liaison 
entre les ruminans et les pachydermes. Le chameau, la giraffe, 
ne portent aucune trace de doigtslatéraux. Le bœuf ordinaire en a 
de petits rudimens composés d’une seule pièce osseuse et formant 
comme des ergots, sans être divisés par des articulations. Au 
bufile on en rencontre qui sont composés de deux pièces osseuses, 
articulées l’une sur l’autre et dont le mouvement est empèché 
seulement par la dureté de l’épiderme. Les cerfs enfin nous 
montrent de pelits doigts complets, composés de trois osselets. 
C’est aussi dans ce genre que le métacarpe commence à se déve- 
lopper. L’axis en montre déjà des rudimens très petits encore et 
très rapprochés du carpe; ils deviennent plus étroits en s’en 
éloïignant, et ils se terminent, sans se joindre, aux doigts laté- 
raux. Ces rudimens se retrouvent plus alongés au squelette du 
daim, sans qu’ils réussissent encore à se réunir aux petits doigts; 
mais aux pieds de devant du chevreuil, de l’élan et du rhenne, 
ils deviennent plus grands et plus alongés, ils sont placés plus en 
bas, ils s’élargissent en descendant et se réunissent enfin aux 
doigts latéraux. J’y ai observé même des os sésamoïdes (ossa sesa- 
moïdea) qui sont poussés vers le côlé extérieur de chaque doigt. 
La seule chose qui manque est donc la réunion du métacarpe avec 
le carpe, et c’est seulement en cela que les doigts latéraux du 
cochon différent de ceux du chevreuil; c’est donc le cochon qui 
lie cette série aux pachydermes (1), comme l’anoplotherium et le 
paleothérium y lient les solipèdes, et nous voyons ici une série 
sans interruplion, dans laquelle les doigts se développent; nous 
voyons des organes qui devancent beaucoup le moment de leur 
utilité, et ces doigts semblent plutôt être l'avertissement d’une 
activité que la nature prépare pour des ordres élévés, que de 
fournir à quelque besoin des individus où ils se trouvent dans 
leur état présent. 

A mesure que le nombre de doigts augmente et que leur mou- 
vement réciproque devient moins gêné, le mouvement cesse 
d’être le seul but auquel les extrémités tendent, et l’animal com- 
mence à s'élever à une activité plus parfaite, à des sensations plus 
délicates; c’est pourquoi il est bien digne de notre attention que 
les pieds de derrière des ruminans qui servent le plus à pousser 
l'animal en avant, qui contribuent le plus par conséquent au 


———_—pZ 


(:) Le pécari , particulièrement , ressemble aussi, sous beaucoup d’autres rap- 
ports , aux ruminans. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 337 


mouvement simple, manquent totalement des rudimens du mé- 
fatarse, quoique les pieds de devant soient pourvus de ceux du 
melacarpe. 

En général, c’est une règle que les extrémités postérieures de 
tous les mammifères qui jouissent de la faculté d’une course vite 
et facile, restent en arrière, ou par rapport au nombre, ou par 
rapport au développement des doigts, en cas que ceux-ci ne se 
développent pas également. 

Au reste, ce serail une répélition des observalions, exposées 
déja par d’autres, que de poursuivre ici le procédé de la nature et 
d'examiner comment les extrémités par le nombre de doigts, par 
leur mobilité croissante, secondée d’une peau plus divisée et 
plus délicate, et à l’aide enfin d’un pouce bien séparé et d’une 
plus grande réunion des nerfs, s'élèvent après avoir parcouru 
les degrés de lirritabilité à la sensibilité la plus parfaite. Qu'il me 
soit seulement permis d'ajouter, par rapport au séjour des ani- 
maux , les deux règles suivantes : 1°. Si les extrémités d’un mam- 
mifère plus ou moins aquatique se développent inégalement, il 
semble que la formation des pieds de derrière a plus de rapport 
au séjour aquatique de l'animal, et que les pieds de devant sont 
plus propres à appuyer le mouvement terrestre. C’est pourquoi 
les pieds de derrière du castor, de l’hydromys, de l’ondatra, du 
scalope , sont palmés et liés par une membrane, pendant que les 
pieds de devant en sont déjà débarrassés. Les pieds de derrière des 
phoques et de la loutre de mer contribuent le plus à la nage ; ceux 
de devant servent le plus à appuyer la marche. Les pieds de der- 
rière disparaissent même extérieurement dans l’ordre des cétacés ; 
ce qui donne à la partie postérieure la forme parfaite d'un pois- 
son, pendant que les pieds de devant, par rapport au moins au 
squelette, montrent le même type général que ceux des autres 
mammifères. 2°. Il est également hors de doute que les pieds de 
devant des mammifères, capables de s'élever dans Fair, sont plus 
formés pour le vol, pendant que les pieds de derrière servent plus 
à marcher ou à ramper sur la terre, poarvu que le développement 
des extrémitéssoit inégal. Ces deux règles ne se bornent pas aux 
mammifères, mais valent en général pour les animaux vertébrés, en- 
tre lesquelsil sera facileà chaäque naturaliste de trouver des exemples. 


Tome XCF. NOVEMBRE an 1822. 43 


[e)] 


558 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Quelques observations additionnelles regardant l'Ostéologie des 
extrémités des oiseaux. 


D'autres ont déjà si bien traité l'influence des côtes, du ster- 
num et de la fourchette dans le vol, qu'il y a peu de chose à 
ajouter; je me bornerai donc à une observalion par rapport à la 
formation du sternum des jeunes oiseaux et aux osselets qui le 
composent originairement. M. Geoffroi Saint-Hilaire, à qui l'His- 
toire naturelle doit plusieurs autres découvertes, croit avoir 
trouvé que le sternum des oiseaux est composé de sept petits os, 
et que l'os fondamental de celui-ci avec son arète forme toujours 
un seul os au milieu. Ce célèbre naturaliste a particulièrement 
examiné le sternum des gallinacés où ces osselets se trouvent en 
effet; mais je pense qu'il ne faut pas étendre celle règle à tous 
les ordres d'oiseaux. Je crois avoir trouvé au sternum d'une jeune 
autruche d'Amérique une autre combinaison et un autre rapport 
entre les parties osseuses et cartilagineuses. Les pelits os qui 
sont séparés dans les gallinacés et qui prennent les noms de pro- 
cessus latéraux, y semblent lout-à-fait manquer, au moins ils ne 
sont pas séparés du sternum ; je n’oserais aflirmer s'il y a une sépa- 
ralion entre le sternum et les processus coslaux, malgré que ie 
serais presque disposé à le croire; mais ce qui est bien certain, 
c'est que l'os fondamental du sternum même est partagé au mi- 
lieu, à l'endroit où l’arête des autres oiseaux se trouve, et qu'il y 
a un cartilage qui sépare le sternum en deux moitiés, de manière 
que la ligne intermédiaire forme une série de points auxquels 
l'ossification s'étend le plus tard. Je n’eserais cependant appuyer 
sur celte preuve puisée dans un groupe d'oiseaux qui présentent 
ailleurs tant d'anomalies, s’il n’y avait une autre série de la même 
classe, bien différente au reste du groupe des autruches, qui nous 
fait voir le mème procédé de l'ossificalion ; ce qui donne à celle-cx 
plutôt l'apparence d’une règle que d’une exception. Dans le cabi- 
net de M. Cuvier à Paris, j'ai eu l’occasion d'examiner une série 
de fétus de faucons, et J'y ai trouvé constamment que l’ossifi- 
calion commence aux deux extrémités supérieures du sternum, 
pendant que les processus costaux et le milieu forment encore un 
cartilage et que l’arête surtout reste cartilagineuse après que les 
parties sont déjà ossifiées. D’après ces observations il ÿ aurait donc 
au moins deux procédés differens que la nature suit par rapport à 
l'ossification du sternum, l’un est celui des gallinacés; l'autre 
celui dont nous venons de faire mention. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 359 


On 2 bien prouvé l'influence du développement du sternum et 
de la fourchette sur la perfection du vol, et on a fait un parallèle 
très intéressant de ces organes avec son aclivité; resle encore à 
connaître un peu mieux l'influence de l’avant-bras, de l'humérus 
et de l’omoplate; voilà l'idcé qui a donné naissance aux observa- 
tions, Certainement imparfaites encore , qui vont suivre. 


On pourrait fixer deux espèces d’omoplates parmi les oiseaux. 
La première embrasserait celles dont les bouts se montrent 
tronqués , arrondis ou carrés. Une grande partie des palmipèdes 
apparlient à celte série; savoir les canards, les harles, les plon- 
geons, les pingouins, les manchots, et même les petrels et 
les cormorans. Entre les échassiers, il faut y compter les au- 
truches, les foulques, les poules d’eau , et en général ceux dont le 
vol est plus lourd; cependant la même coupure de l’omoplate se 
retrouve chez les hérons et les cigognes. Enfin elle se retrouve 
sur l’omoplate de tous les gallinacés, excepté sur celle du pigeon. 
Les omoplates des dindons, des alectors, et surtout celle des 
manchots, sont extrêmement élargies. La formalion tronquée de 
ces os est donc bornée aux trois ordres où une autre espèce de mou- 
vement se développe souvent aux dépens de la facilité de se 
mouvoir dans l'air; elle est souvent jointe à un vol médiocre; 
presque jamais elle ne se trouve chez les oiseaux qui savent 
adroitement changer la direction de leur vol, excepté dans la 
première jeunesse, avant que la faculté de se mouvoir dans l'air 
se soit développée dans toute sa force. 


La seconde espèce d’omoplates est celle qui se termine en 
pointe avec des côtés obliques et de longueur inégale , de manière 
à ressembler à l'extrémité d’un sabre. Les oiseaux de proie, les 
passereaux, quelques grimpeurs (1), les pigeons, les fous, les 
mouetles, les hirondelles de mer, nous montrent cette forme. Il 
semble donc que celle-ci appartienne à la série des oïseaux qui 
ont une vie plus aérienne. I] y a peu d’exceptions dans cette règle, 
et pour les apprécier avec justesse, il faut se rappeler que la 
nalure, quand elle a commencé dans la classe des oiseaux à se 
développer dans une direction, continue celle-ci rigoureuse- 
ment, et qu'elle ne s’en éloigne que comme à regret, même dans 


(1) Les omoplates de torche-pot commun et de quelques pics ont le bout re- 
courbé et en forme de crochet. : 
43. 


S4o li: JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les genres où la manière de vivre et la condition extérieure sem- 
blaient promettre de plus grandes exceptions (1). 

Enfin on peut fixer deux séries parmi les oiseaux, en examinant 
le rapport de l’humérus avec l’avant-bras. La première est com- 
posée de ceux qui ont l’hamérus et l’avant-bras également longs , 
ou qui ont celui-là même plus long que celui ci. Nous trouvons, 
dans cette série, les canards, les harles, les plongeons, les pin- 
gouins, les manchots, les foulques, les räles, les gallinacés, en 
exceplant les pigeons, les autruches, surtout celles de l'ancien 
continent , c'est-a-dire presque tous les oiseaux qui ont l’extre- 
mité de l’amoplate carrée et qui volent plus difficilement ; cepen- 
dant il faut y ranger aussi les petrels et les albatrosses qui jouissent 
d’un vol facile. 

La seconde série embrasse les oiseaux où l’humérus , qu'il soit 
plus ou moins alongé, n’atteint jamais la longueur de l'avant- 
bras. C’est la série qui contient le plus grand nombre de genres; 
il faut y compter les oiseaux de proie, les passereanx, et entre 
ceux-ci surtout les martinets qui passent toute leur vie en l'air, 
les pigeons, plusieurs grimpeurs, la plupart des échassiers, les 
moueltes, les hirondelles de mer, et en général presque 1ous ceux 
dont les omoplates se terminent en pointe et qui volent le plus 
facilement. Plusieurs grimpeurs font cependant exception à cette 
règle, il est aussi remarquable que les hérons et les cormorans 
font partie de cette série, et que leurs avant-bras surpassent en 
longueur les humérus, nonobstant que leurs omoplates soient 
carrées. 

La nature s'efforce, dans les oiseaux comme dans les mammi- 
fères, de se développer d'un mouvement simple à un mouve- 
ment joint avec la faculté de saisir les objets, «et parce que les 
extrémités antérieures, moyennant leur couvertare de plumes 
et de leur développement borné à l'appui du vol, ne sont pas 
capables d'un tel perfectionnement; la nature fait l'essai d'y 
former non-seulement le bec duquel il ne nous appartient pas ici 
de parler, mais aussi les extrémilés postérieures; savoir, les 


(2) Les palmipèdes, par exemple, conservent beaucoup mieux l'apparence des 
oiseaux{que les cétacés celle de mammifères. L’extérieur de ceux-ci devient 
presque tout-à-fait celui des poissons , de manière que les naturalistes en ont 
été souvent trompés ; les oiseaux restent toujours-des oiseaux, même par rapport 
à l'extérieur, et l'œil le moins exercé ne peut pas seméprendre. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 343 
doigts et les tarses qui se développent en parallèle avec la manière 
de vivre des oiseaux. 

On sait que les tarses de plusieurs palmipèdes deviennent 
comprimés, et forment une espèce de rames pour fendre les 
vagues. Les cormorans, les grebes et les plongeons proprement 
dits sont les plus favorisés sous ce rapport; les guillemots, les 
* macareux, les harles, les pétrels ont les tarses moins élargis. La 
compression s’affaiblit et disparait peu à peu dans les nombreuses 
espèces de canards. Les hirondelles de mer, et, ce qui est bien 
étonnant; les totipalmes (Cuv.), exceptés les cormorans, ont les 
tarses plus ou moins arrondis, et ne montrent plus de trace de 
celte compression. 

Les échassiers (exceptés quelques foulques ) et les gallinacés 
dont les pieds sont plus faits pour la marche, ont des tarses arron- 
dis en arrière, el souvent un peu concaves en avant et en haut, 
comme dans la familles des autruches. 

Eufio, les aigles, les faucons, les hibous, les martirets, plusieurs 
grimpeurs , elc. qui prennent leur proie avec les doigts, ou qui 
s’'accrochent aux arbres et aux murailles, ont des tarses dans 
lesquels l'impression des tendons qui font fléchir les doigts devient 
bien visible, et qui sont, par conséquent, bien concaves en-ar- 
rière. Les tarses des perroquets dont les pieds deviennent de 
vérilables mains, sont ceux qui se montrent les plus concaves ; la 
poule sultane qui saisit la nourriture avec les pieds, à aussi des 
tarses concaves en arrière, pendant que les poules d'eau les ont 
arrondis, et que la morèle qui lie les échassiers aux palmipèdes, 
les ont même comprimés; ainsi les trois nuances de tarses se 
trouvent ici dans le même genre. 

Par rapportaux doigts, il faut ajouter que le pouce des oiseaux 
formés à la nage ou à la course , savoir celui des palmipèdes, des 
échassierset des gallinacés disparait, on qu'il seraccourcitsouvent, 
de manière qu'il n’eu reste que des rudimens. Eu général, il ne 
peut jamais se diriger en avant (1), le pouce des grimpeurs et des 
oiseaux de proie montre uue disposition contraire. 


(1) Les touracos et les musophages formeraient seulement des exceptions s’i] 
était certain qu'il fallüt les placer entre Îles gallinacés,, maïs c’est .ce qui est en- 
core bien problématique. 


342 JOURNAL DE PHYSIQUE, DFE CHIMIE 


ESSAI 
SUR LE VOL DES INSECTES (1); 


Par J. CHAPRIER, 
Ancien Officier supérieur. 


CHAPITRE IV. 
Des Bourdons. 


Les hyménoptères dont l'abdomen est pédiculé sont de tous les 
insectes que j'ai vus, ceux dont l’organisation des parties solides du 
tronc alifère m'a paru la plus compliquée. Ils sont peut-être les 
seuls où la portion supérieure des tégumens du prothorax, faite en 
forme de collier, prenne évidemment une part loute particulière et 
directe au vol; où le costal soit, pour ainsidire, flottant dans la cavité 
pectorale; où l’appendice basculaire forme une pièce à part, se dé- 
tachant facilement de celles qui lui sont contigués, entre lesquelles 
elle est placée comme un coin; et enfin, où la racine de l’aile soit 
couverte par une coquille spéciale et glabre. 

J'ai examiné dans l'ordre des hyménoptères plusieurs insectes 
dont l'abdomen est sessile, tels que des tenthrèdes,des cimbex , des 
sirex géans; et parmi ceux dont l’abdomen lient au thorax par un 
pédicule, j'ai vu des chrysis, des ichneumons , des sphex, des sco- 
lies, des chlorions, des guêpes, des xilocopes, elc.; mais je n’ai 
dessiné, avec tout le soin dont je suis capable, que le tronc alifère 
des bourdons. C’est lui que je vais décrire particulièrement et qui 
servira de type pour l'explication du vol des byménoptères ; il ne 
sera guère question du tronc de plusieurs autres insectes du même 
ordre que pour établir les principales différences. 

Dans les hyménoptères chez qui l'abdomen est pédiculé, celte 
partie est souvent ovoide et quelquefois comprimée latéralement. 


(1) Voyez, pour les chapitres précédens, t. XCIIT, p. 271 et 344. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 343 


Chez les bourdons le ventre est ordinairement plus large qu’épais, 
mais il esttoujours convexe en dessus, sans plis ni arrêts capables de 
gêner son ascension verlicale (1). 

La portion inférieure et antérieure du prothorax ( le plastron 
ou sternum ), à laquelle s’attachent en arrière et en bas les han- 
ches de la première paire de jambes, porte intérieurement deux 
branches osseuses, entrant dans le collier et formant ainsi des 
branches sternales où furculaires , s’attachant intimement aux par- 
Lies latérales du plastron qu’elles maintiennent fixément en posi- 
tion, et percées d'un trou à leur centre commun pour le passage 
de l’œsophage. 

Les troncs aliferes des bourdons et des guépes que j'ai vus sont 
sphéroïdiques, ceux des sphex sont ovoïdes ; le peu de souplesse 
de leurs tégumens a nécessité, jepense, davs la partie supérieure 
du tronc, leur division en plusieurs pièces transversales, ne te- 
nant les unes aux autres que par des ligamens et des membranes, 
mais pouvant , parce moyen, exécuter les mouvemens partiels 
qui leur sont imprimés , aussi facilement que dans les insectes à 
iégumens plus souples et plus élastiques, chez lesquels la plupart 
de ces pièces sont intimement liées entre elles (2). 


Les deux segmens alaires liennent fortement ensemble dans 
leurs parties sternales ; l’antérieur est très grand et porte les gran- 
des ailes ; il est presque rempli par les principaux muscles du vol 
communs aux deux pairesd'ailes, etoccupe, par cesmuscles s'im- 
plantent en arrière , presque tout l’intérieur du métathorax; celui- 
ci, dans les bourdons, et les abeilles, est court et entièrement 


(1) Les plis longitudinaux de la face inférieure du ventre, dans plusieurs es- 
pèces d'insectes, indépendamment de leurs autres usages, doivent retenir l'air 
lors de la descente de l'abdomen, et diminuer par là les elfets de la pesanteur 
dans cette partie. Quelques coléoptères et plusieurs hémiptères chez lesquels 
l'abdomen est large et plat, où la face supérieure de cette partie porte latérale 
ment des plis longitudinaux et où la face inférieure est plus ou moins convexe et 
tout-à-fait lisse, ne peuvent produire, par les vibrations ascendantes de leur 
abdomen et à cause de la résistance de Pair retenu par les plis de la face su- 

érieure , de force centrifuge considérable. C’est sans doute une des causes de 
Éperfection da vol de ces insectes. | 

(2) Je crois que dans tous les insectes ces pièces supérieures du tronc, y com- 
pris le costal, peuvent être considérées, jusqu’à un certain point, comme des 
vertèbres, vu que, comme ces dernières, par leur nature, leur disposition et 
Jeurs fonctions, elles multiplient la force du ressort dans la région dorsale dm 
thorax, 


344 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


couvert en dessus par le dorsum du principal segment et parson 
appendice basculaire (la bascule ); mais dans les sphex, quoique 
également occupé intérieurement par les muscles dorsaux du 
grand segmentalaire, il s'étend considérablement en arrière au-dela 
de la base des ailes inférieures ; ce qui, en augmentant la longueur 
des muscles dorsaux , augmente l'étendue de leur contraction et 
accroit par là leur puissance. 
La conque pectorale ou la partie inférieure du tronc alifère est 
presque sphérique; elle porte extérieurement de légères em- 
reintes correspondant à des nervures ou à des arêles internes qui 
la fortifient et entre lesquelles la courbure ordinaire des tégumens 
est susceptible d’être augmentée dans le vol (1): elle parait, seu- 
lement à l'extérieur, comme formée de deux portions, l’une an- 
térieure ou mésothorachique, et l’autre postérieure ou métatho- 
rachique. Ces portions sont intimement liées entre elles, surtout 
dans leur région sternale; chacune porte une paire de pattes et 
deux stigmates fort grands; ceux de la portion mésothorachique 
me paraissent être les organes spéciaux du bourdonnement. 
Cette portion mésothorachique s'articule en avant avec la pièce 
supérieure du prothorax ou le collier; ses flancs se terminent en 
haut et en avant par deux branches épaisses et fortes (les clavicules) 
sertant d’appuis aux grandes ailes et s’articulant avec elles par 
l'intermédiaire des petits osselets basilaires. Le haut des parties 
antérieures de ces clavicules ayant des rapports de fonctions avec 
les bras claviculaires des lépidoptères, se rapprochant de la ligne 
médiane du corps, viennent s’articuler derriere l’apophyse située 
à l'extrémité antérieure de la fossette latérale du dorsum. Ces ela- 
vicules sont fortifiées dans leurs portions supérieures par une du- 
plicature interne, d’où résulte une sorte de poche ou de sinus 
(sinus claviculaire ) renfermantdes muscles ou plutôt des ligamens 
élastiques dont l’action s'exerce sur les osselets delabase de l'aile, 


a —— 


1) Il est remarquable 1°. que chez presque tous les insectes, les côtés de la 
conque pectorale soient en dehors empreints de sillons plus ou moins appro— 
chant de la ligne verticale et se rapportant à des nervures internes, entre lesquels 
les tégumens sont bombés de manière à pouvoir , dans le vol, être aisément fle- 
chis d'avant en arrière, ou de ce dernier sens en avant et suivre par là les 
mouvemens de la partie dorsale de ces tégumens; 2°. et que cette faculté ang- 
mente de bas en haut; car il paraît que chez le plus grand nombre des insectes 
les parties sternales des deux segmens alaires sont non-seulement soudées en- 
semble, mais encore fortifiées en dedans , de façon à résister à tout effort, pro- 
venant des muscles. Chez les coléoptères , les plaques fulcrales sont susceptibles 
d'un léger mouvement en arrière , lors de l’abaissement des ailes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 545 


entre autres sur l’omoplate; derrière, elles sont affermies par un 
rebord considérable, fermant le sinus de ce côté et portant plu- 
sieurs petites cavités articulaires ; plus bas et en arrière ce rebord : 
se continue en forme d’arête, et se contourne en suivant le bord 
supérieur de la conque de manière à former la partie inférieure 
d'un creux latéral assez vaste, dans lequel s’articulent les osselets 
postérieurs de la base de l'aile et où ils se logent quand l’aile est 
repliée; cette arête, qui descend ensuite verticalement, termine 
en arrière la portion mésothorachique. La partie antérieure de la 
portion métathorachique, portant aussi en dedans des arêtes qui 
l’affermissent et ayant son bordsupérieur recourbé du côté interne 
sert d'appui aux petites ailes. 

Dans quelques guépes, l'entosternum se divise jusque dans ses 
-branches transversales en deux parties qui se joignent, dont l’une 
appartient à la portion mésothorachique de la conque et l’autre à la 
porlion métathorachique. Sa construction est différente dans les 
bourdons etles xilocopes que j'ai examinés; ici il est d’une seule 
pièce, fixé seulement à la portion mésothorachique etconsistant en 
une lame longitudinale et verticale surmontée d’une tablette assez 
large (plaque furculaire), concave en dessus, où elle donne insertion 
à un muscle longitudinal, unique et fort long, abaisseur de l'abdo- 
men. L’extrémité antérieure de cette plaque adhère à la conque pec- 
torale,un peu au-dessous du bord inférieur de l'ouverture du tronc 
dans laquelle s’articulent le plastron et leshanches de la première 
paire de jambes, et son extrémité postérieure se dirige en montant 
verslemilieu de la cavité pectorale où elle s’unit intimement, ainsi 
que la lame verticale, à une cloison transversale convexe en avant et 
concave en arrière. Les bords latéraux decette plaque sont libres, et 
plusieurs muscles des jambes mitoyennes s’y altachent. La cloison 
transversale est divisée, par la rencontre de la lame verticale, en 
deux parties égales quipeuventêtre considérées comme les branches 
de l’entosternum (branches fureulaires). (Ces branches sont très 
fortes dans les ichneumons.) Cette cloison étant plus élevée que 
l'extrémité contiguë de la plaque furculaire, est percée dans le 
milieu de la partie quisurpasse la plaque, d’un trou pourle passage 
du muscle longitudinal dont nous avons parlé ci-dessus. Ses ex- 
trémités se bifurquent et leurs rameaux correspondent aux arêtes 
intérieures qui forüfient la conque pectoraie. Le rameau antérieur 
est mince et très flexible, et tient à la conque par un ligament élas- 
tique. Le rameau postérieur plus ferme est soudé en bas avec la 
paroi convexe de la loge où est reçue la hanche mitoyenne, et 
son extrémité donne attache à un muscle qui s'insère à la demi- 


Tome XCY.,. NOVEMBRE an 1822. 44 


546 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIÉ 


ceinture. Ces muscles ou ligamens élastiques s’attachant ainsi aux 
extrémités des rameaux, s’insèrent ensuite aux parois intérnes des 
flancs de la conque pectorale qu'ils contribuent à rapprocher lors du 
resserrement du tronc. D’autres petits muscles qui étendent, relè- 
vent et replient les ailes inférieures sont logés entre ces rameaux. 

Les branches farculaires sont recouvertes en dessus par une 
espèce de plate-bande ou bord large et plat qui les déborde, les 
renforce et sert à l'insertion de plusieurs muscles; en arrière cette 
plate-bande donne attacheaux muscles qui meuvent l'abdomen de 
côté et en bas, et aux muscles des dernières pattes :en ayant cesont 
des muscles du prothorax qui s’y attachent. 

Par cette disposition la cavité pectorale est divisée en trois fosses 
grandes et profondes: les deux antérieures parfaitement semblables 
recoivent l'extrémité inférieure des muscles releveurs des aïles et 
coustricieurs du tronc (sternali-dorsaux) ; la troisième ou la pos- 
térieure est la plus grande; elle contient le costal et l'extrémité 
postérieure des muscles dorsaux qui s’attachent à ce costal. 

Dans les bourdons, frelons, sphex , scolies, etc., les muscles rele- 
veurs del’abdomen sontattachés à la partie postérieure et supérieure 
de la conque pectorale; ils sortent du tronc par une échancrure à 
bord saillant en arrière , siluée au-dessus de articulation de l’ab- 
domen avec ce même tronc pour s'insérer à un tubercule corres- 
pondant des tégumens del’abdomen. Ce tubercule très saillant dans 
les trois dernières espèces, entre en ginglyme dans l’échancrure du 
tronc dontnous venons de parler. Ces muscles, souvent très forts, 
peuvent, en même temps que le tronc se hausse dans l'abaissement 
des ailes, relever l'abdomen avec assez de vigueur pour lui pro- 
curer une force centrifdge ascendante capable de surmonter sa 
propre pesanteur. 

Les muscles qui meuvent l'abdomen de côté s’insèrent chez les 
scolies, frelons , sphex, à des tubercules latéraux de l’origine de ce 
même abdomen. Chacun sait que le ventre, dans les hyménoptères, 
contient des vésicules aériennes considérables ; étant susceptible de 
se raccourcir beaucoup, cette partie peut, par ce moyen, refou- 
ler de l'air dans les trachées du thorax. 

Le haut de la conque pectorale est couvert par le collier, parle 
dorsum antérieur, par la bascule et par le dorsum postérieur ou 
demi- ceinture. Toutes ces piècessont transversales; leurs fonctions 
de plusieurs sortes, sont très importantes; car,outre celle de fournir 
des points d'insertion aux principaux musclesdu vol, de les pré- 
server des atteintes extérieures, c’est encore parl'intermédiaire de 
plusieurs d’entre elles que les ailes se meuvent. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 347 


Le collier situé entre la tête et le tronc paraît être la partie 
supérieure du prothorax ; cependant n’étant point articulé avec le 
plastron ou portion inférieure du prothorax, etn’y tenantque par des 
membranes; de plus couvrant en arrière les stigmates thorachi- 
ques antérieurs, il doit être considéré comme une pièce particu- 
lière aux hyménoptères. Dans toutes les espèces, sa portion an- 
térieure et supérieure qui recoit la tête fait une saillie en avantetse 


rétrécit en forme de cou, La partie analogue chez les diptères est 
soudée avec le dorsum. 


Chez les bourdons le coilier forme un anneau complet et cons- 
titue à lui seul le bord de l'ouverture antérieure du thorax; la tête 
y tient par des membranes ligamenteuses très làches, et les mus- 
cles qui la relèvent s’y attachent. Il s'articule par sa partieinférieure 
avec le devant de la conque pectorale et s’y meut en ginglyme; sa 
moilié supérieure est ordinairement large et épaisse, mais moins à 
proportion que dans les chrysis, les sphex, etc. La partie supérieure 
de son bord postérieur se recourbe en bas pour s’articuler dans une 
rainure ou fossette trausversale, pratiquée sur le dessus du rebord 
antérieur du dorsum, où elle est retenue par des ligamens 
très Jâches qui lui permettent de s’y mouvoir librement. Ce même 
bord postérieur se lermine latéralement par deux saillies rondes et 
écailleuses que je nomme opercules, couvrant les deux stigmates vo- 


caux et le bord antérieur des clavicules ou appuis des graudes 
ailes. 


La moitié inférieure du collier est composée de deux branches 
qui se soudent en se réunissant et complètent l'anneau par en bas; 
leur largeur diminue considérablement en descendant, vu que leur 
bord postérieur est échancré pour s’ajuster sur la courbure anté- 
rieure que présente la conque pectorale à laquelle il est lié dans 
ioute son étendue par une membrane ligamenteuse assez lâche. 
C'est particulièrement à ces branches que s'attache, en avanteten 
* bas, la partie inférieure du prothorax par l'intermédiaire d’une 
membrane très lache. 

Cet anneau, à peu près rond, est naturellement inclinéen avant; 
mais il est susceptible de se redresser plus ou moins, en reculant 
et en se mouvant dans son articulation inférieure, décrivant ainsi, 
avec sa partie supérieure, un arc ascendant lors de l’abaissement 
des ailes et repoussanten même temps, d'avantenarrière enle faisant 
fléchir, le devant de la conque pectorale: il s'incline de nouveau en 


44e. 


348 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


avant en lracant un arc descendant, lors del'élévation de ces mêmes 
ailes; le tout par l'intermède du dorsam qui en est hausséetabaissé 
alternativement ; le collier contribuant ainsi à la dilatation et à Ja 
constriclion du tronc, ses fonctions dans le vol deviennent par là 
très importantes. ; 

Comme cette pièce se meut avec le dorsum, si la tête et les 
hanches des pattes antérieures, ou le plastron, y étaientarticulées par 
leurs parties solides, elles auraient été inutilement assujéties dans 
le vol à un mouvement oscillatoire et involontaire, incommode et 
méme contraire à l’action de voler; en conséquence elles ne tiennent 
au collier, comme nous l’avons déjà dit, que par des membranes 
ligamenteuses lâches, couvrant en même temps les muscles. 


Cependant je ne doute pas, d’après des observations auxquelles 
j'ai mis le plus grand soïn, que la tête et le prothorax ne soient 
mus en haut de la même manière que l'abdomen lors de l’abais- 
sement des ailes. 

Dans les chrysis, le collier consiste en un demi-anneau supérieur 
assez large, complétant en haut l'ouverture antérieure du tronc, 
s’unissant au dorsum par l'intermédiaire d’une forte membrane et 
couvrant en arrière les stigmates vocaux; elle s’articuleen bas par 
ses extrémités avec le devant de la conque pectorale et s’y ment 
en charnière dans le vol. 

Chez les ichneumons, les frelons, les scolies et lessphex, cette 
pièce forme un arceau comprenant au moins les trois quarts de la 
circonférence; ses parties latérales sont larges; elle s'articule en 
ginglyme avec le devant de la conque pectorale, couvre, en s’a- 
mincissant beaucoup , une portion durebord antérieur du dorsum, 
auquel elle ne tient que par une membrane ligamenteuse forte et 


très lèche. 

Le dorsum couvre la plus grande partie de la face supérieure 
du tronc alifère, excepté dans les genres sphex, scolies, etc. où il 
est moins vaste; il s'articule 1°. des deux côtés avecles ailes par l’in- 
termédiaire des apophyses humérales et des osseletsradicaux de la 
base des ailes; 2°. en avant avec le collier; 3°. du même côté et 
latéralement avec le bord supérieur et arrondi des opercules, par 
le moyen de deux larges apophyses (apophyses scapulaires); 
4°. derrière ces apophyses avec le haut de lapartie antérieure des 
clavicules thorachiques; 5°. et enfin en arrière et sur les côlés avec 
la bascule: sa forme est, le plus souvent, celle d’un écu d'armoi- 


ET D'HISTOIRE NATURÉLLE. 549 


ries; il est bombé assez uniformément et sa substance, quoique 
ferme, est néanmoins suflisamment élastique pour permettre une 
légère flexion à ses parties dans la contraction des muscles du 
vol; sa face concave à laquelle s’insèrent les extrémités supé- 
rieures des principaux muscles de ce mouvement progressif, 
porte toujours des nervures marginales qui ajoutent à la force des 
bords; elles ne manquent guère qu'au bord postérieur. 


Dans les bourdons, les xilocopes et les guêpes, sa ligne moyenne, 
et longitudinale est marquée, mais seulement dans les deux tiers 
antérieurs, en dehors par uu sillon très fin, et en dedans par une 
petite nervare correspondante qui se trouve ainsi entre les inser- 
tions supérieures des deux muscles dorsaux. On voit aussi exté- 
rieurement deux autres sillons plus petits, un de chaque côté du 
premier et qui lui sont parallèles. Le devant de la voûte du dorsum 
porte en outre, en dedans, deux fortes nervures, une de chaque 
côté de la lisÿne médiane, destinées évidemment, ainsi que les ner- 
vures désignées ci-dessus, à augmenter la résistance et la forcede 
ressort dans cette partie dela voûte qui setermine latéralement par 
les apophyses scapulaires. 


Le rebord antérieur du dorsum est courbe, et sa convexité re- 
garde obliquement en avant et en bas ; son milieu fait deplus dans 
le même sens une saillie interne plus ou moins élastique {rebord 
cervical), laquelle se recourbe en bas en forme de visière pour 
donner plus d’étendue aux attaches supérieures des muscles dor- 
saux, et favoriser ainsi l’action de ces muscles en diminuant l'o- 
bliquité de leur insertion. 


En dessus 1l règne, parallèlement aubordantérieuretextérieur, 
une rainure formée en arrière par ce bord même et en devant par 
uve nervure. Le repli en forme d’agrafe du bord postérieur du 
collier qui entre dans celte rainure, y ést attaché par un ligament 
d'une manière assez libre pour permettre aux deux pièces de s'y 
mouvoir en charnière avec facilité. Le bord postérieur du dorsum 
qui est convexe en arrière et arrondi , ne se recourbe pas en bas 
de manière à former un rebord; mais il s'articule librement dans 
une fosselle du bord supérieur et antérieur de la bascule. 


Les parties latérales de cette pièce qui regardenten bas el cons- 
tituent les apophyses humérales, figurent chacune un triangle cur- 
viligne. Ces parties auxquelles r’articulent les ailes et qui ne don- 
nent attache à aucun muscle, devant s’écarter l’une de l’autre en se 
haassant dans l'élévation du dorsuwm, par l'mtermédiaire des bras: 
de la bascule et des branches du costal et se rapprocher lors de: 


350 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


l'abaissement de ce même dorsum, sont à cet effet susceptibles 
d'un léger mouvement dans leur jonction avec le dorsum (1). 

La face externe du triangle que forme chacune de ses parties, 
est un peu concave etempreinte d'un enfoncement léger et courbe 
qui règne parallèlement au pli formé à la jonction de cette partie 
avec le dessus du dorsum; enfoncement dans le quel est recue, 
quand elle s'élève, la petite valve radicale qui couvre la base de 
l'aile supérieure. 

Le pli dont nous venons de parler est le côté supérieur et le 
plus grand du triangle; le second côté regarde en bas et un peu en 
avant; son bord se replie en dehors et en haut, et forme par ce 
moyen, dans toute sa longueur, une fossette dans laquelle s’arti- 
cule et se meut le côté interne de la petite valve radicale. Xe bord 
libre de la fossette, dentelé irrégulièrement, sert d'attache à des 
ligamens qui s’insèrent ensuite à la base de l’aile sur la portion 
radiale de l’humérus. Cette fossette-est bornée en avant par une 
apophyse saillanteen!'dehors, derrière laquelle s’articule la clavicule 
thorachique; eten arrière elle se termine par une autre apophyse 
également saïllante du même côté. Enfin le troisième et le plus 
petit côté du triangle regarde obliquement en arrière; sur sa face 
interne s'articule et se meut librement une lame écailleuse de la 
branche correspondante de la bascule, laquelle lame a la forme 
d’une languette. Ces deux côtés du trianglene se joignentpas mais 
ils se terminent assez près l’un de l’autre, chacun par un tubercule 
saillant en dehors, laissant entre eux un petitintervalle dans lequel 
est recue et se meut une longue apophyse du sigmoïde. Le tuber- 
cule antérieur , plus élevé et plus pointu, n’est autre chose que 
l'extrémité postérieure de la petite fossette; il contribue à borner 
le mouvement de l’aile en avant; le tubercule postérieur épais, 
large et mousse , descend un peu plus bas; c’est sur lui, à ce qu'il 
m'a semblé, que le sigmoïde se replie dans le repos de 
l'aile. 

Le dorsum, en reculant lors de la contraction des muscles dor- 
saux, repousse en même temps, d'avant en arrière en les faisant 
fléchir, les clavicules thorachiques, ce quiles écarie un peu l’une 
de l’autre et les fait rétrograder. Nous verrons bientôt qu'il re- 
pousse aussi la bascule en arrière dans la même circonstance. 


(1) Dans presque tous les insectes on voit aux côtés du dorsum du parties 
plus ou moins mobiles et articulées avec les ailes , auxquelles aucun muscle ne 
s'insére, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 551 


La bascule ou post-dorsum est l’analogue de la pièce que je 
nomme appendice basculaire dans les autres ordres d'insectes (par 
le mot post-dorsum je désigne surtout la partie dorsale de la bas- 
cule qui est ainsi distinguée des bras basculaires). 


La bascule est-très essentielle pour l'exécution du vol; par le 
moyen de ses bras elle tire les ailes en arrièredansleur abaisement 
et elève davantage leur partie postérieure que l’antérieure; dans 
l'élévation de ces mêmes ailes, au contraire, la bascule les porte 
en avant, et fait que leur bord antérieur monte plus haut que le 
postérieur. 


Cette pièce, étant simplement articulée avec les parties conti- 
guës auxquelles elle ne tient que par des ligamens, est surtout re- 
marquable dans les bourdons, les xilocopes, les guëpes, les sphex, 
les scolies, etc. C’est un double levier courbe qui, en élevanteten 
abaissant ses bras, abaisse et élève tour à tour les sigmoïdes etles 
autres osselets de la partie postérieure de la base de l’aile!, et par 
conséquent cette dernière. Cet office remarquable m’adéterminé à 
donner à cette pièce le nom qu’elle porte; elle est située transver- 
salement entre le dorsum et la demi-ceinture ,et articulée avec eux 
et les branches du costal ( celte dernière piece est ici interne): 
courbée en arc dans le sens transversal, la bascule fait, dans les 
bourdons et quelques abeïlles, une saillie en arrière; saillie quiest 
moins considérable dans les guëpes, et qui n'existe même pas du 
tout dans les xilocopes, les scolies, les sphex, ete. Ses bras, taillés 
en coin, semblent tendre sans cesse à s'échapper en glissant des 
pièces entre lesquelles ils sont situés; et l’extremité de chaque bras 
est pourvue de languettes internes qui sonttout-à-fail couvertes par 
les tégumens. 


Le côté coneave et les bras de la bascule regardent en bas et ua 
peu en avant dans le vol; la partie supéro-postérieure de celte 
pièce ou son post-dorsum , formant le bras de levier sur lequel agit 
le dorsum lorsqu'il recule, est quelquefois convexeen dehors dans 
le sens longitudinal, comme chez les bourdons; dans d’autres es- 
pèces elle est tout-a-fait droite dans le même sens et au niveau du 
reste des tégumens. La bascule, dans la partie qne nous venons de 
signaler, est aussi assez haute et fort épaisse, attendu qu’elle se 
double pour ainsi dire, en se repliant intérieurement sur elle 
même dans le sens transversal, de facon à laisser un espace vide 
entre sa paroi extérieure et sa duplicature interne. Cette grande 
force lui est nécessaire afin de résister aux efforts considérables 


352 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


des pièces qui agissent sur elle dans le vol; si elle cédait, le but 
de ces efforts pourrait ne pas être atteint; cependant ses rebords, 
libres en dedans et ne se joignant pas, font conjecturer, qu'étant 
pressés lors de l’abaissement des ailes ils peuvent être un peu rap- 
prochés , et ensuite éloignés quand les ailes s'élèvent. 

Le rebord postérieur porte une petite nervure circulaire ‘ou 
arrêt, au moyen de laquelle la bascule est retenue dans son articu- 
lation très libre avec la demi-ceinture; sur son bord antérieur 
règne une cannelure formée, du côté interne, par une espèce de 
petite nervure ou arrêt, et dans laquelle s'articule librement l’ex- 
trémité postérieure du dorsum , et enfin les deux bords antérieur 
et postérieur de ses bras s’amincissent de manière à former du 
côté interne des lames articulaires ou languettes; celle du bord 
antérieur s'articule et se meut sous le rebord latéral et triangulaire 
du dorsum; et celle du bord postérieur joue sur la face internede 
la palette de la demi-ceinture: par ce moyen la bascule, très bien 
retenue dans le lieu qu’elle occupe, peut recevoir un mouvement 
considérable sans danger de déplacement : elle est ainsi en état de 
pousser en dehors les côtés du dorsum et ceux de la demi-ceinture. 
C’est à l'extrémité intérieure, en forme de tenon des bras et dans 
une entaille externe, ques’articule librement l’apophyse inférieure 
ou la queue du sigmoïde. 

Du côté externe et près de l'extrémité de chaque bras est une 
forte arête longitudinale et courbe, très saillante en dehors, qui 
s’unit par des ligamens avec la base de l'aile, de manière à pouvoir 
tirer celte aile un peu en arrière ou à la pousser en avant de la 
même quantité. 

Le centre de mouvement de la bascule est dans l’articulation du 
post-dorsum avec la demi-ceinture; ainsi quand celle partie est 
poussée en arrière par le dorsum, son bord supérieur et antérieur 
décrit un are ascendant et rétrograde, et élève ainsi la partie 
postérieure du dorsum avec laquelle il est articulé ;en méme temps 
les bras basculaires dont le costal seconde l'élévation , tracent avec 
leurs extrémités , un arc aussi ascendant, enavant et en dehors, de 
manière à pouvoir diriger le mouvement de la partie interne de la 
base de l'aile; et lorsque la bascule est tirée en avant, les arcs et 
les fonctions s’opèrent en sens contraire. Les bras basculaires ont, 
en outre, chacun uncentre de mouvement particulier de glissement 
en avant eten arrière sur les bords arrondis des palettes de la 
demi-ceinture. 

Lorsque le tronc de l’insecte s’élance en haut , le bord antérieur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 553 


du post-dorsum étant poussé en arrière par le dorsum, l'angle 
irès obtus que le plan passant par les extrémités de cette dernière 
pièce fait avec la première, venant par là à diminuer, la partie 
postérieure du dorsum en est élevée; en même temps les extré- 
milés des bras basculaires se haussent et élèvent avec elles les 
parties internes des sigmoïdes et des autres osselets de la partie 
postérieure de la base de l'aile ; par conséquent, la partie de l'aile 
située en dehors de l'appui s'abaisse, surtout son bord antérieur, 
et elle est un peu retirée en arrière. Dans l'élévation des ailes, au 
contraire, la même partie du post-dorsum est tirée en avant parle 
dorsum , l’angle que les deux pièces font ensemble devient de plus 
en plus obtus, la partie postérieure-du dorsum s’abaisse et les ex- 
trémités des bras basculaires s’abaissent aussi en glissant sur les 
palettes de la demi-ceinlure, entraînant en bas et un peu en 
arrière les parties internes des osselets radicaux dont nous venons 
de parler, d’où s'ensuit l'élévation simultanée et le léger mouve- 
ment en avant de leurs parties externes et des ailes auxquelles 
tiennent ces parties externes. 

Je crois devoir faire remarquer de nouveau que, dans l’abais- 
sement des ailes, la partie antérieure de leurs bases descend da- 
vantage que la postérieure; et que, lorsque ces mêmes membres 
s'élèvent, c’est encore leur partie antérieure qui se hausse plus 
que la postérieure, le tout par l’intermède des bras bascu- 
laires. 

Il est bon de remarquer encore que le bras de levier par lequel 
le dorsum agit sur la bascule, étant plus court que les bras aux 
extrémités desquels s'exerce la principale résistance, le mouvement 
qui s'opère de ce dernier côlé et qu' se communique aux ailes en 
devient plus considérable : mais nous verrons bientôt que le mou- 
vement en haut et en dehors des bras basculaires est puissamment 
favorisé par celui des branches du costal dans le même 
sens. À 

Dans leur élévation et dans leur abaissement, les bras de la 
bascule communiquent aussi du mouvement aux petites ailes par 
J'intermède des osselets radicaux que des membranes ligamen- 
teuses lient à ces bras. 

L’extrémité intérieure de chaque bras, en avant de son articu- 
lation avec le sigmoïde, donne insertion à un muscle qui en bas 
s'attache aux parois de la conque pectorale. Un autre petit muscle, 
ou plutôt un ligament élastique, attaché en haut dans l’intérieur de 
la bascule, s’insère en bas par un tendon assez fort, au bord supé- 
rieur de la demi-ceinture : ces deux muscles et leurs semblables 


Tome XCF. NOVEMBRE an 1822. 45 


354 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


du côté opposé me paraissent avoir pour destination de contribuer 
à l’abaissement des bras de la bascule quand ils ont été élevés. 

Demi-ceinture.— Laportion métathorachique de la conque pec- 
torale est couronnée par une pièce demi-circulaire, qui n’est 
autre chose que le dorsum des petites aïles (oudu métathorax ). 
je l’ai nommée demi-ceïnlure à cause de sa forme, étroite dans sa 
portion postérieure ou moyenne; cette pièce s’élargitsurles côtés 
près de son articulation avec les petites ailes ; son bord inférieur 
recourbé en dedans et arrondi s'articule dans un petit canal cireu- 
laire formé par le rebord supérieur et postérieur de la portion mé- 
tathorachique de la conque; son bord supérieur, portant à son tour 
une cannelure, reçoit une arête circulaire du bord inférieur de la 
bascule avec laquelle il s'articule. Ses deux branches tournées obli- 
quement en bas dans le vol, se terminent chacune par une sorte de 
palette oblongue, arrondieen dessus et en avant, doublée en dedans 
par une continuation du derme écailleux, formant un sinus où s’in- 
sèrent des muscles auxiliaires des releveurs despetitesailes. L'un de 
ces muscles s'attache en bas sur le rameau postérieur de la branche 
correspondante de l’entosternum; en se contractant ces muscles 
abaissent et tirent en dedans le bord supérieur de la palette. 

Le bord antérieur et interne de chaque palette porte deux digi- 
tatious écailleuses, élastiques, unies entre elles par des membranes 
ligamenteuses, et s’articulant avec les extrémités inférieures et 
internes des osselets radicaux de la base de la petite aile (osselets 
qui tiennent aussi au rebord supérieur et interne de la conque pec- 
iorale servant d'appui à celte aile). La digitation inférieure se pro- 
longe en dedans en forme d’apophyse à laquelle s’insère un petit 
muscle attaché par son extrémité inférieure sur la branche cor- 
respondante de l’entosternum; il tire Paile en avant en contribuant à 
l'élever. Ces digitations de la palette composent le fond d’une 
cavité dans laquelle entre dans le repos les osselets radicaux de la 
petite aile. 

C’est sur le bord supérieur et courbe de cette palette et sur sa 
face renflée interne que se meut, comme autour d'un axe, alter- 
nalivement dehaut en bas et en avant, de bas enhautet en arrière, 
et du dedans en dehors, le bras correspondant de la bascule. 
Chez les xilocopes la convexité de ce bord est mieux marquée 
que chez les bourdons. ; De : 

Cette pièce se retrouve avec diverses modifications dans les 
hémipteres , les lépidoptères ét même dans les diptères. 

Toutes ces pièces solides que nous venons de décrire, compo- 
sant le coffre du thorax, sont immobiles lorsqué l’insecte ne vole 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 353 


pas; elles ne pourroïent même pas être mues sans imprimer de 
mouvement aux ailes. Cette circonstance est donc en faveur de 
l'opinion que j'ai déjà émise dans l'introduction de mon ouvrage, 
savoir, que l'abdomen est le principal instrument de la respiration ; 
lui seul , en effet, a la faculté de se mouvoir dans l’état de repos, 
et durant le vol c’est par lui surtout que l'air arrive dans le tronc 
alifère; car les stigmatesthorachiques neservent guère, selon moi, 
et d’après leur construction que j'ai déjà fait connaître, que d’is- 
sues à l’excédant de l'air intérieur (1). 

Il est bon de faire remarquer que la partie supérieure du thorax 
des bourdons est composée, comme nous venons de le voir, de 
quatre pièces qui se séparent facilement; savoir: le collier, le 
dorsum, la bascule et la demi-ceinture; mais que la région pecto- 
rale ne peut être divisée qu’en deux parties, qui sont le plastron 
ou le sternum du prothorax, et la conque pectorale. 


Des osselets. — Deux sont tout-à-fait intérieurs (le costal et le 
vecti-forme ) et sont communs aux deux paires d'ailes; trois autres 
tiennent autant de l’intérieur que de l'extérieur (l’équerre etles deux 
appendices costaux ). 

Parmi les osselets extérieurs de l’aile supérieure, deux compo- 
sent sa tige basilaire et quatre ou cinq autres forment sa racine. 
Tous ces osselets, hormis les intérieurs tiennent aux membranes 
circombasilaires. 


EE 


(1) La respiration dans le thorax des insectes qui volent est modifiée sur l’ex- 
térieur de cette partie composée de pièces dures et immobiles dans l’état de 
repos ; or on sait que chez tous les animaux l'air ambiant ne s’introduit sponta- 
nément dans une partie du corps, et ne peut en sortir qu'au moyen de la dilata- 
tion et de la constriction alternatives de cette partie. Chez les insectes l'abdomen 
seul se présente fréquemment dans cet état de dilatation et de constriction alter- 
natives, même lors du repos ; et dans la plupart des coléoptères, les stigmates 
nombreux de cette partie qui sont très apparens , se trouvent sur sa face supé- 
rieure , face molle et assez mobile qu'ils bopdent latéralement : tous sont placés 
au fond d’une légère dépression, tandis que les stigmates thorachiques sont or- 
dinaïirement situés sur une petite convexité , et ne paraissent devoir s'ouvrir que 
par ne impulsion venant de l'intérieur. 

Toutefois je ne veux pas dire que pendant le repos l'air qui est dans le thorax 
n'y soit pas renouvelé ; car lorsque l'abdomen se dilate ou sé resserre, on dé- 
couvre des mouyemens correspondans dans les parties purement membraneuses 
du thorax, telles que dans les membranes qui enyironnent la base des ailes, etc. 
Mais il est facile de voir qu’alors le gonflement et l’affaissement alternatifs de ces 
membranes sont dus principalement à l'introduction de l'air de l'abdomen dane 
le tronc alifère et à sa sortie de ce tronc, 

a. 


556 JOURNAL DE PHYSIQUE, ‘ DE CHIMIE 


Le costal des hyménoptères dont l'abdomen est pédiculé 
(ichneumons, chrysis, guëpes,. sphex, bourdons; abeilles, etc.), 
est entièrement renfermé dans la portion métathorachique de la 
conque pectorale dont il suit les contours, et d’où résulte sa forme 
représentant, vu en dessus, un éperon ou un U; du reste ses 
fonctions sont les mêmes que celles du costal des autres insectes; 
comme ce dernier , il donne attache sur sa face concave à l’ex- 
trémité postéro-inférieure des muscles dorsaux et contribue à la 
dilatation du tronc en écartant et en élevant les bras de la bascule 
avec lesquels il est articulé. Sur sa face convexe et postérieure 
s’insèrent plusieurs muscles, entre autres deux, qui ne sont peut- 
être que des ligamens élastiques, s’attachent à la paroï interne et 
postérieure de la conque pectorale. Je les crois destinés à retirer 
le costal en arrière et à lui faire reprendre sa convexilé ordinaire 
après la contraction des muscles dorsaux. Le costal se divise en 
corps et en branches ; le premier à beaucoup plus de hauteur que 
celles-ci. 

Dans les abeilles, les bourdons et même dans les frelons, le 
bord supérieur du corps est fort au-dessous de la demi-ceinture; 
il n’en est pas de même dans les scolies, les sphex, etc., où il 
monte au niveau du bord supérieur de cette dernière pièce. Ce 
bord supérieur du costal fait une saillie en dehors, il est libre et 
ne porte point de membrane qui l’attache en arrière, soit à. la 
demi- ceinture, soit à la bascule, comme dans les autres insectes 
où la partie supérieure du costal est à découvert. 

Le bord inférieur qui est aussi libre, est légèrement échancré 
pour le passage du tube intestinal. La partie du corps qui est au- 
dessous du bord supérieur étant un peu éloignée de la paroi méta- 
thorachique postérieure et interne de la conque laisse ainsi la place 
aux muscles qui meuvent l'abdomen et à d’autres dont il sera 
parlé ci-dessous. 

Les branches du costal, fort alongées dans plusieurs espèces de 
sphex, d’ichneumons, elc., s’articulent en haut parunelame mince, 
s’élevant de leur bord supérieur avec la partie inférieure de la face: 
interne des bras de la bascule où elles ont un léger mouvement de 
ginglyme, et en avant par leurs extrémités antérieures, d’abord 
avec la tête d’un osselet assez long figurant un levier, auquel j'ai 
donné le nom de vectiforme et ensuile avec les appendices costaux. 
Elles s'unissent aussi par des membranesligamenteuses aux osselets 
radicaux des grandes et des petites ailes. 

Lorsque les extrémités des branches du costal s’éloignent l’une 
de l’autre dans la contraction des muscles dorsaux , elles poussent. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 357 


en dehors les bras de la bascule, ceux-ci à leur tour écartent les 
côtés du dorsum, élargissent ainsi latéralement l'aire qu'embrasse 
le dorsum, et contribuent parlà à ladilatation du troncet à l’abais- 
sement des ailes. 


Les muscles dont il a été parlé plus haut sont 1°, les releveurs de 
l'abdomen placés entre le costal et les parois internes et latérales 
de la portion métathorachique de la conque ; chaque releveur est 
compose de trois portions; la première s’altache à la paroi de la 
conque, derrière et au-dessous de la racine de la petite aile; les 
deux autres portions situées plus bas descendent jusqu’à la partie 
sternale de la conque; toutes s’insèrent à l'abdomen au moyen 
d’un tendon commun, fort et assez long, sortant du tronc par une 
échancrure qui est au-dessus de l'articulation de l'abdomen. Les 
ichneumons ont ces muscles très forts et fixés au bord supérieur et 
postérieur de la conque. Les abaisseurs de l'abdomen s’attachent 
aux bords supérieurs et postérieurs des branches correspondantes 
de l’entosternum. 


2°. Les deux muscles ou ligamens élastiques ( costali-métatho- 
rachiques), courts et forts, attachés a la paroi interne et posté- 
rieure de la conque de chaque côté de la ligne médiane où ils se 
touchent, ets’insérant en avant, en montant et en s’écartant l’un de 
l’autre, sur la face convexe et postérieure du coslal, ils doivent 
contribuer à diminuer le diamètre longitudinal du tronc dans 
l’abaissement des ailes. Aine*, lorsque le costal est tiré en avant, 
ces muscles en se contractant entraînent dans le même sens les 
tégumens postérieurs de la conque dont ils diminuent la convexité, 
en écartant leurs parties latérales et en élevant leur bord posté- 
rieur el supérieur. Mais si ces parties r esont que desligamens élas- 
tiques, ce qui est probable, alors, dans l'élévation des ailes, ces 
ligamens doivent ramener le costal en arrière, lerelrécir etlui faire 
reprendre sa convexité. 


Le vectiforme considéré avee le muscle qui s'attache à son 
extrémité postérieure et perpendiculairement à sa direction, repré- 
sente un levier : c'est un osselet assez long, couché longitudi- 
nalement sur la face interne de la branche du costal au bout de 
laquelle il est articulé par son extrémité antérieure se recourbant 
à cet effet; toute sa tige est libre, le petit muscle qui s’insère à son 
extrémité postérieure est fixéen bas sur le rameau furculaire anté- 
rieur correspondant. Ce muscle est blanc et marche parallèlement 
à la face postérieure du sternali-dorsal à laquelle il semble coîté 
ainsi qu’au muscle dorsal; dans l'élévation de l’aile il doit par l'in- 


558 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


termédiaire du vectiforme, abaisser et même tirer en dedans et en 
arrière la branche du costal et ses adhérences. 

Les appendices costaux n'existent que chez les-hyménoptères 
dont l'abdomen est uni au tronc par un pédicule; eux seuls en 
effet en avaient besoin comme nous le verrons. Ils consistent en 
deux petites lames cornées, situées sur les côtés du tronc en avant 
et en dehors de la queue du sigmoïde; s'articulant dans les cavités 
du rebord postérieur et interne de la clavicule, eten arrière avec 
la branche correspondante du costal et avec le vectiforme. Elles 
sont parallèles entre elles, et placées horizontalement et longi- 
tudinalement l’une au dessus de l’autre. C’est particulièrementavec 
la lame inférieure que s'articule la branche correspondante du 
costal. 

Ces petites pièces ne sont pas tout-à-fait internes, puisqu'elles 
constituent le fond de la cavité extérieure, recevant dans le repos 
plusieurs osselets radicaux de l’aile supérieure; elles sont courbes 
et leur côté concave regarde en dehors; ce qui agrandit la cavité. 
La pièce supérieure porte en dedans un tubercule auquel s’insèra 
un muscle qui doit retirer l'une et l’autre pièce en bas et en 
dedans quand elles ont été élevées et poussées en dehors; il est 
ainsi le congénère du muscle du vectiforme. 

L'union des branches du costal et de la tête du vectiforme avec 
les appendices costaux s'opère au moyen de forts ligamens tenant 
encore à d’autres osselets de la base de l’aile. Lorsque les muscles 
dorsauxse contractent , les branches du costal s’élevant et s’écartant 
lune de l’autre, poussent en haut et en dehors les bras de la bas- 
cule auxquels elles sont articulées, et contribuent ainsi à élever les 
parties internes des bases des ailes ; le tout par lintermède de ces 
appendices costaux avec lesquels elles se meuvent comme la lame 
d’un couteau avec son manche; ce qui n'aurait pu se faire &i le 
costal s’était articulé immediatement avec les appuis des ailes. 


De l’'équerre. — Au-dessus de l'articulation des brauches du 
costal avec leurs appendices costaux estposéeen travers etattachée 
avec des ligamens un peu läches une petite pièce qui est en partie 
dans l'intérieur du tronc et en partie en dehors. Dansl’abaissement 
des ailes elle est presque tout entière hors du tronc, elle y rentre en 
partie lors de leur élévation : elle a la forme d’une équerre, et ses 
deux extrémités, tournées en bas, s’articulent l’une avec la queue 
du sigmoïde et l’autre avec l’extrémité inférieure de l'ongulaire. 
Lorsque les branches du costal et de la bascule s'élèvent, l’équerre 
monte avec elles, ainsi que les extrémités inférieures et internes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 359 


du sigmoïde et de l'ongulaire, d’où s'ensuit l’abaissement de la 
partie externe de ces osselets et de l'aile à laquelle ils sont arti- 
culés. 

Cette pièce, qui doit être considérée comme un appendice de 
l'ongulaire, se retrouve dans plusieurs autres ordres d'insectes, 
entre autres dans les lépidoptères et les diptères. 


Base de l'aile. — Nous allons maintenant faire connaître la base 
de l’aile et ses osselets extérieurs. 

La base de l'aile supérieure est formée exlérieurement de plu- 
sieurs pièces disposées sur deux rangées el toutes susceptibles de 
se mouvoir les unes sur les autres. La rangée la plus voisine du 
tronc a recu le nom de racine de l'aile et la seconde celui d’humé- 
rus Ou tige basilaire. La racine est composée de quatre ou cinq 
osselets (osselets radicaux ) servant d'intermédiaire entre le tronc 
et Vaile : le premier ou l’antérieur est nommé c/aviculaire à 
cause de sa position; le suivant omoplate; le troisième sig- 
moïde, et enfin le qualrième et dernier ongulaire ou terminal. 
Is sont unis entre eux par une membrane ligamenteuse épaisse ; 
s’articulent par leurs parties externes avec l’humérus, en dessous 
avec l'appui de l’aile et par leurs extrémités internes avec les osse- 
lets de l’intérieur du tronc. Leursmouvemens, quisecommuniquent 
tous à l'aile, sont ceux d’adduction et d’abduction, d'élévation et 
d’abaissement. 

Le claviculaire est allongé et courbe, sa convexité regarde en 
dedans; il s’articale suivant sa longueur , sur le sommet de la cla- 
vicule (ou appui de l'aile supérieure) à laquelle il est attaché 
librement par un fort ligament; il tient aussi par des ligamens 
très lâches à la portion radiale de l'humérus et à la valve radicale 
qui couvre la base de l'aile. Des tubercules qui bornent son mou- 
vement en dehors et en dedans sont reçus dans des cavités corres- 
pondantes de l'appui. Il offre sur sa partie libre et du côté interne 
une éminence où s’insère un long tendon commun à deux muscles 
(muscle biceps), attachés à la paroï interne du devant de la conque 
pectorale, près de sa jonction avec le collier. Lorsque cesmuscles 
se contractent, ils étendent l'aile et la tirent en avant par l’intermé- 
diaire du clavicuülaire. 

L’omoplaie, d'une substance dure et compacte, est formée de 
trois tubercules; le supérieurmonte au devant du sigmoïde auquel 
il tient avec force au moyen d'un rebord qui l’embrasse ; le second, 
en forme de pivot, entre dans un troù du côté postérieur de Ja 
clavicule où il se meut librement ; le muscle ou ligament élastique 


360 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


renfermé dans le sinus claviculaire s'insère à son extrémité; et 
enfin letroisième descend et vajoindre l'extrémité inférieure de l’on- 
gulaire à laquelle il est uni d’une manière lâche, ainsi qu’à l'équerre 
et à d’autres pièces internes , par le moyen d’un ligament commun 
que l’on peut appeler basilaire. Indépendamment des mouvemens 
communs avec le sigmoïde, l’omoplate en a encore de particu- 
liers. * 

Les petits muscles qui s'insèrent à l’extrémité de l’ongulaire et 
qui viennent des parois de la conque et d’une branche de l’entos- 
ternum, meuvent aussi l’omoplate. 

Le sigmoïde a la forme de la lettre S, à la base de laquelle une 
queue serait adaptée; le corps s'articule avec l’omoplate, en est 
forüifie, et par son intermédiaire s’unit à la clavicule. Le crochet 
supérieur et externe s'articule avec la portion radiale de la tige 
basilaire ; le crochet inférieur et interne avec l’apophysehumérale 
du dorsum; et finalement la queue s’articule en dehorsde l'extrémité 
du bras correspondant de la bascule. L’extrémité de celte même 
queue est unie par un ligament à la branche interne de l’équerre, et 
elle tient, par le ligament basilaire commun, aux branches du 
costalet à leurs appendices. Cet osselel nese trouve guère, du moins 
avec la forme et les adhérences que nous venons d'indiquer, que 
dans les hyménoptères; et comme aucun muscle ne s’yattache, ilne 
recoit ainsi de mouvement que celui qui lui est communiqué par 
les pièces avec lesquelles il s'articule. 

Enfin le dernier osselet radical est l’ongulaire ou le terminal. Sa 
forme et son mouvement ont du rapport avec la forme et le mou- 
vement des griffes des chats. On y remarque de petites éminences 
articulaires, ou propres à l'insertion des muscles et des ligamens ; 
il estarticulé avec la dernière nervure de l'aile ; son extrémité infé- 
rieure s’unit par des ligamens lâches en dehors avec l'appui de 
l'aile, et en dedans avec la branche externe de l’équerre et avec 
le tubercule inférieur de l’omoplate; en arrière il est cotoyé par 
une nervure rétractüive, adhérente aussi à la dernière nervure et à 
l'équerre, et qui doit contribuer à refermer l'aile. Plusieurs petits 
muscles, attachés aux parois latérales de la conque et à la branche 
correspondante de l’entosternum, et s’insérant à l'extrémité infé- 
rieure et interne de l’ongulaire et aux autres pièces qui s’y arli- 
culent, servent à plier l’aile en tirant ces osselels en bas et en les 
poussant sous J’aisselle. 

La tige basilaire (Y humérus) est formée de deux portions, l’une 
antérieure ou radiale et Vautre postérieure ou cubitale. Les condyles 
que portent ces portions limitent les mouyemens horizontaux d'ad- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE! 3Gr 


duction de l’aile proprement dite; le condyle cubital est surtout re- 
marquable par un petit tubercule entrant, lorsque l'aile est repliée, 
dans une petite cavité quiest à l’origine de la quatrième nervure.La 
tige basilaire, dans ces deux articulations radiale et alaire, n’a de 
mouvemens particuliers que ceux d’adduction et d'abduction; ses 
autresmouvemens s’exécutent conjointementavecles autres parties 
de la base de l'aile. ‘ 

L'aile supérieure s’articuleimmédiatement avec l'humérus; deux 
nervures accolées, la radiale et la cubitale, composent son bord 
antérieur ; un prolongement decettedernière pénètreentre les deux 
portions de la tige, etparaît susceptible de se fléchir et des’étendre 
tour à tour, lorsque l’aile s’ouvre et se referme. 

L’aile inférieure porte à sa base quatre et quelquefois cinq osse- 
lets radicaux, s’articulant en dehors avec le bord supérieur de Ja 
conque qui leur sert d'appui, et du côlé interne avec les digitations 
de la demi-ceinture: ilstiennentaussi par des ligamens à la branche 
correspondante du costal, L’osseletterminaldiffère peu de celui de 
l'aile supérieure. 

- On sait que chezleshymenoptères les ailes d’un même côté s’ac- 
crochent dans le vol; chez les bourdons et chez plusieurs autres 
insectes du même ordre, les ailes sont transparentes, de la nature 
de l’écaille, un peu villeuses etayant à leur extrémité etau bord pos- 
térieur quelques plis peu réguliers, parsemés en dessus de petites 
épines auxquelles de petits creux correspondent en dessous. Leur 
surface reste toujours au même état; il n’en est pas de mêèmechez 
les guèpes où ces organes se plissent dans le repos. Les xilocopes 
violettes ont aussi derrière la base de chaque aile inférieure un 
aileron quise replie en dessous dans le même cas. Les ailes des sco- 
dies, etc., sont glabres et diaphanes, ayant l'extrémité et toute 
la partie postérieure plissées très régulièrement. Les ailes des 
guèpes sont aussi à peu près glabres et terminées par de petits plis. 

Chez plusieurs espèces, l’espace qui sépare l’aile supérieure de 
l'aile inférieure pres de leurs bases, est occupé dans le vol par une 
membrane adhérente au côté postérieur de l'aile supérieure. Les 
élytres de quelques coléoptères, orthoptères et hémiptères offrent 
aussi en arrière un appendice membraneux propre à augmenter 
l'étendue de leur base. 


De la valve radicale couvrant la base de l'aile supérieure. — Elle 
est ordinairement glabre; dans les bourdons, abeilles, etc., sa 
forme est celle d’une coquille ovale de certains mollusques bi- 
valves; celle des frelons, des sphex est plus ronde; dans plusieurs 


Tome AC. NOVEMBRE an 1822. 46 


362 JOURNAËE DE PHYSIQUE, DE CHIMI1E 


chrysis elle couvre la base des deux ailes: convexe en dessus, 
concave en dessous, elle est articulée par un de ses bords dans la 
fossette du rebord latéral du dorsum, où elle est attachée par des 
ligamens qui, quoiqu'un peu lâches, sont très forts. La partie pos- 
térieure de son bord articulaire est assez libre ; mais la moitié an- 
térieure tient fortement dans la fossette, d'où on a de la peine à la 
dégager : cependant elle s’y meut très librement en charnière avec 
l'aile qui luiimprime ses propresmouvemens. Elle recouvre toutes 
les parties les plus délicates de la base de l'aile, particulièrement 
ses ligamens quisans elle seraient à nu : car cette base est organisée 
de manière à rendre nécessaire l'existence de la valve. Quoique 
élastique et assez souple cette valve est néanmoins très sohde. Je 
crois que, dans l'élévation de l'aile, son bord articulaire peut être 
tendue de manière à faire ressort et à renvoyer spontanément l'aile 
en bas et en arrière ; par Jà elle contribuerait aux mouvemens de 
Paile. Une membrane ligamenteuse élastique assez forte s'attache 
au bord dentelé de la fossette, au fond de la face concave de la 
valve un peu au-dessus de son bord articulaire, à la clavicule, au 
premier osselet radical et à la portion radiale de l’humérus, de ma- 
nière à former une poche où l'air intérieur et une portion de li- 
quide doivent pénétrer. Je pense que ces membranes sont tendues 
dans labaissement des ailes. 


Muscle du vol. — Les hyménoptères dont l’abdomenest attaché 
au tronc par un simple filet n’ont que quatre muscles principaux 
du vol pour leur quatre ailes; savoir : deux abaïsseurs(rruscles dor- 
saux) et deux releveurs ( sternali-dorsaux ). C’est du moins ce que 
j'arobserve dans les bourdons et lesabeilles.Je n’aï encore remarqué 
dans aucune autre espèce d'insectes une aussi grande simplicité. 
Ces muscles sont rougeâtres , et chacun esl composé de petits fais- 
ceaux de fibres serrés entr'eux et ayant tous à peu près la même 
direction. Les deux muscles dorsaux sont très forts, parfaitement 
semblables , se touchent par leurs faces internes et occupent la ré- 
gion moyenne et supérieure du tronc; leurs faces externes sont 
couvertes par les moitiés supérieures des deux releveurs, et leurs 
faces inférieures forment le haut du canal par où passe le tube ahi- 
mentaire. Ils sont fort inclinés en avant et s’attachent posté- 
rieurement à la face concave du costal jusqu’à l'articulation de ses 
branches avec les bras de la bascule ; enhaut'et en avant ils s’imsè- 
rent sur toute la face concave du tiers mitoyen du dorsum et à son 
rebord cervical ou prædorsum. Les fibres de la partie inférieure de 
tes muscles, s’attachant ainsi aux deux points le plus éloignés que 


(l 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 363 


présentent le costal et le dorsum , sont les plus longues et les plus 
Hibres , car dans leur contractionelles ne sont contenues, du côté 
d’en bas, que par le fluide nourricier et par lesvésicules aériennes 
alors gonflées, entourant lecanal alimentaire dans son trajet au tra- 
vers du thorax (1). Or, l'étendue de la contraction desfibres étant 
proportionnelle à leur longueur, et les fibres les plus longues des 
muscles qui nous occupent, agissant en outre sur les bras de le- 
vier les plus longs que puissent offrir les deux pièces auxquelles 
ilss’insèrent , peuvent rapprocher considérablement les extrémités 
de ces pièces et, en poussant et haussant particulièrement le dor- 
sum d’avant en arrière ,élever par Jà toute sa partie moyenne com- 
prise entre le tiers antérieur et le tiers postérieur. À l'égard des 
fibres les plus courtes et les moins libres, lesquelles sont pressées 
par la face intérieure de la bascule, et qui s’insèrent au bord supé- 
rieur du costaletà l'extrémité postérieure du dorsum, les deux points 
les plus rapprochés des deux pièces, elles recoivent de la gène où 
elles se trouvent un surcroît de force qui compense en partie leur 
peu delongueur. Ces considérations importantes entrent dans l’ex- 
plication du vol ; nous en avons déjà donné un exemple en traitant 
du vol des coléoptères. Il n’y a point de muscles costali-dorsaux 
proprement dits (2). 

Les bourdons, les abeilles et les frelons sont les seuls hyménop- 
tères dans lesquels j'aitrouvé queles deux muscles sternali-dorsaux , 
bien loin de pencher en avant ct en dehors et de figurer un V ea 
se joignant en bas comme chez la plupart des autres insectes, pen- 
chent plutôt en arrière et en dedans. En haut ils laissent entre eux 


les muscles dorsaux, et en bas la plaque furculaire et plusieurs 
muscles des pattes mitoyennes. 


Ils sont plats en haut dans le sens longitudinal à leurs insertions 
aux faces intérieures des deux tiers latéraux du dorsum, el presque 
ronds en bas: les portions de leurs fibres, attachées aux parties 
postérieures et latérales dudorsum, seportenten avantet forment en 


© —— ——— ——————— 


(1)S'iln’y a qu’une seule vésieule dans le thorax attachée au canal alimen- 
taire , ce.qui me parait assez difficile à décider , elle couvre bien certainement 
le dessus de l'intestin et ses côtés auxquels elle paraïîtrait adhérer. 

(2) En traitant des muscles du vol chez le hanneton dans le chap. Il, j'a 
considéré à tort les costali-dorsaux comme des auxiliaires des releveurs des 
ailes ; je suis maintenant bien convaincu que ces muscles sont au Éontraire de 


vrais congénères des dorsaux, et qu’ils participent à la dilatation du tronc ali- 
fère et à l’abaissement des ailes. 


46. 


364 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


en bas avec les portions antérieures, des faisceaux épais qui rem 
plissent les deux fosses antérieures de la conque pectorale. 

La parlie inférieure de ces muscles est couverte en avant, et en 
dehors, par les tégumens de la conque et par des vésicules 
aériennes. 

Dans les scolies et les sphex ces deux muscles sont au contraire 
fort inclinés en avant. 

Les petits muscles destinés spécialement à étendre et à replier 
les ailes sont assez nombreux; j'ai déjà indiqué le muscle bi- 
ceps qui s’insère au claviculaire et qui étend la grande aile, et la 
porte en avant dans son élévation. Ceux qui replient les ailes con- 
Jointement avec les nervures rétractives , sont placées au-dessous 
de la partie axillaire de ces ailes; il en a été question en parlant de 
l’omoplate, de l’ongulaire, etc. On a fait mention aussi des petits 
muscles sous-axillaires extenseurs et releveurs de la petite aile , en 
traitant de la subdivision des branches de l’ento-sternum et des 
digitations de la demi-ceinture. Tous ces muscles contribuent plus 
ou moins à élever l'aile; ceux qui la plient sont silués auxemêmes 


lieux, mais plus en dehors. | 


Duvol. — Nousallons voir 1°.que dans l’abaissement des ailes, 
la détente des ressorts des pièces de la région dorsale du tronc a 
lieu de bas en haut et en arrière; 2°. que, lors de l'élévation deces 
mêmes ailes, le débandement s'opère en bas et surlout en avant, 
5°, etenfin que l'air et le liquide intérieurs sont forcés, dans l’un 
et l’autre cas, de suivre les directions que nous venons d'indiquer 
pour la détente des pièces élastiques solides de la région dorsale du 
tronc. 

Au moment où les ailes vont s’abaisser l'abdomen est dilaté , les 
muscles dorsaux sont tiraillés par l'effet de l'éloignement des pieces 
auxquelles ils s’attachent , les côtés du tronc sont rapprochés, le 
dorsum es abaissé vers la partie sternale de la poitrine, la capacité 
du tronc en est diminuée, l'air qu'il renferme étant comprimé, 
une partie s’est portée dans les nervures des ailes avec une portionde 
liquide ; et enfin les tégamens etlesautres parties élastiques du tronc 
solides, ou ligamenteuses, se trouvant, ou plus éloignés ou plus rap- 
prochés entre eux que dans leur état de repos, sontbandés. Mais 
aussitôt que les muscles sternali-dorsaux qui ont produit ces effets 
cessent d'agir, toutes les pièces tendues se débandent à la fois; l'air 
refoulé dans les ailes rentre en partie dans le tronc ; le dorsum, 
auquel sont attachés les muscles du vol, se relire en arrière et 
s'élève brusquement en s’élargissant el en entraînant les parties in- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 365 


ternes des bases des ailes, de sorte queles externes sont abaissées 
et les ailes avec elles. Les côtés du tronc s’écartent , et ses parties 
antérieure et postérieure se rapprochent, étant tirées , la première 
en arrière el la seconde en avant; le tout secondé par l’action 
musculaire, par la dilatation du fluide aérien intérieur et par le 
nouvel air que l'abdomen, en se resserrant et en se relevant si- 
mulianément et tout à coup, introduit alors dans le thorax. 

Entrons dans plus de détails. Par la contraction des muscles dor- 
saux le costal esttiré en avant et en haut avec la portion postérieure 
de la conque pectorale à laquelle il tientau moyen des deux mus- 
cles ou ligamens élastiques costali-métathorachiques ; mais la plu- 
part de ces pièces étant articulées par leurs extrémités antérieures 
avec d’autres qui les empêchent plus ou moivs eflicacement d’a- 
vaucer , alors une-parlie de la force musculaire qui agit sur elles 
* est employée à diminuer leur convexité postérieure; d’ek s'ensuit 
l'écartement de leurs parties latérales et le haussement de ieurs 
bords supérieurs et des pièces superposées. La partieinférieure du 
costal étant très libre, et les fibres qui agissent sur elles élant aussi 
les plus libres et les plus longues desmuscles dorsaux, cette partie 
en estlirée en haut et en avant avec force; en sorte que les extré- 
mités des branches du costal, s'élevant et s’écartant l’une de l'autre, 
et en se mouvant dans leurs articulations avec leurs appendices, 
poussent en haut et eu dehors les bras dela bascule et les côtés du 
dorsum. Cette dernière pièce et le collierarticulés ensemble, sont 
au contraire poussés enarrière, en trainant avec eux le devant de 
Ja conque pectorale et les appuis des ailes ; et,attendu que le collier 
en se redressant décrit un arc ascendant et rétrograde autour de 
son articulation inférieure, les parties antérieures el supérieures 
des deux pièces en sont élevées. 

Le dorsum en reculant communique une partie de son mouve- 
ment à la bascule, en agissant principalement sur le post-dorsum, 
dont le haut seul va en arrière; car le bas, retenusur la demi-cein- 
ture, se meut en sens opposé avec le costal, ainsi que nous l'avons 
dit plus haut. Le post-dorsum se mouvant donc dans son articu- 
lation avec la demi-ceinture , hausse son bord antérieur et élève 
par là toute la partie postérieure du dorsum avec laquelle ce bord 
est articulé; les extrémités des bras basculaires s’éleyanten même 
temps, se portent en avant , en haut et en dehors, haussent les côtés 
du dorsum , et les éloignent l’un de l’autre avec les osselets de la 
base de l'aile, d'où résultent simultanément l’abaissement de cette 
aile et son mouvementen arrière, De plus, le post-dorsum, quoique 
capable d’une grande résistance, pressé fortement par le dorsum 


LL 


566 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


contre la demi-ceinture, cède peut-être un peu, se fléchit de haut 
en bas et se trouve ainsi bandé: ce faitest d'autant plus probable 
que dans les bourdons la courbure naturelle de cette partie de la 
bascule se prête à ce qu’il ait lieu, que sesrebords internessontlibres 
et laissent entre eux un espace qui n’est pas occupé, et enfin que 
c’est probablement et en partie par le moyen de la flexion du post- 
dorsum dans le sens quenous venons d'indiquer , que doit s'opérer 
l’écartement latéral desbrasbasculaires, lequel écartement se com- 
munique aux côtés da dorsum, aux branches de la demi-ceinture 
et par celles-ci aux paroïs latérales de la conque. 

Par tous ces faits les tégumens et les parties ligamenteuses du 
tronc se trouvant hors de leurs points d'équilibre, sont bandés de 
nouveau. Le tronc a son diamètre antéro-postérieur raccourci , el 
ses deux autres diamètres, le vertical et le transversal, augmen- 
tés ; d’où résultent l’agrandissement de sa capacité et la dilatation 
de l’air intérieur. C’est alors que l'abdomen, qui vibre en baut en 
se resserrant ou en se raccourcissant, fait entrer dans le thorax 
une partie de l'air qu’il recèle, et ce fluide, se trouvant ainsi très 
abondant dans le thorax, contribue à en dilater toutes les 
parties (1). 0 

Les bras de la bascule et les côtés du dorsum, en s’élevant et en 
s’écarltant, entraînent avec eux les parties internes des sigmoïdes, 
des ongulaires, etc.; ceux-ci arrêtés dans leurs articulations avec 
les appuis des ailes , tournent autour de ces articulations; leurs 
parties externes en sont abaissées et les aïles avec elles. 

La valve radicale, tenant au dorsam et par un ligament particulier 
au claviculaire et à la base de l'aile , est aussi abaïssée par la pro- 
jection en haut du dorsum; appuyant son bord externe sur la tige 


qe 


(1) Je crois avoir observé que chez les insectes où l'abdomen est sessile , les 
muscles releveurs de cette partie et les mouvemens qu'ils lui impriment sont 
beaucoup plus faibles que dans les insectes où le ventre tient au thorax parun 
pédicule plus ou moins marqué; en voici, selon mi, la raison : c'est que chez 
les premiers le dessus du ventre étant presque toujours attaché à la partie supé- 
rieure et postérieure du costal, ne reçoit dans le vol d'autre mouvement que 
celui qui lui est communiqué par le costal de la manière suivante : lorsque cette 
dernière pièce est tirée en avant par la contraction des muscles dorsaux, la par- 
tie du ventre qui y est fixée est aussi tirée subitement dans le même sens, en 
sorte que l'abdomen en est mu de bas en haut autour de son articulation avec 
la conque pectorale ; mais cette sorte de mouvement n’est jamais considérable; 
tandis que chez quelques hyménoptères et surtout chez les papillons, on l'ab- 
domen ne tenant nullement au costal est mu en haut par des muscles particu-, 
liers assez puissans , les mouvemens de cette partie ont beaucoup d'étendue. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 367 


basilaire en dehors de l'appui, elle contribue par là à pousser l'aile 
en bas. 

Mais l'air extérieur résistant à l'abaissement des ailes, c’est sur- 
tout le tronc qui s'élève au-dessus d’elles, en prenant son point d’ap- 
pui dans le fluide ambiant par l’intermèede de ces mêmes ailes. 
Ainsi, le tronc s’élevant, les ailessetrouventnaturellementabaissées 
et portées un peu en arrière. Cette ascension du tronc est produite 
par la force centrifuge qui résulte de la dilatation subite de toutes 
les parties du corps et de l'air qu'il renferme, suivant une pro- 
gression croissante de bas en haut: dilatation que nous avons fait 
connaitre en détail. 

Presque tout ce que nous venons de dire relativement à l'aile 
supérieure s'applique également à l'aile inférieure, qui est aussi 
élevée et abaïssée, de concert avec ses muscles propres, par les 
mêmes mouvemens du costal, de la bascule et du dorsum quimeu- 
vent la première, 

Les muscles sternali-dorsaux ayant été liraillés par l'élévation 
du dorsum, sont en mesure d'agir efficacement dans le mouvement 
suivant. Lors donc que les dorsaux proprement dits cessent leur 
action, le tronc du corps, soutenu par la force centrifuge ascen- 
dante qui l'anime encore, provenant de l'impulsion précédemment 
reçue et par la résistance de l'air à son mouvement rapide, esten 
élat de servir à son tour de point d'appui au mouvement par lequel 
les ailes vont être portées en haut et en avant. Toutes les pièces 
écartées ou élevées plus que dans leur état de repos se rapprochent 
ou descendent; au contraire, celles qui avaient été rapprochées s’é- 
loignent: par exemple le costal sollicité par sa force de ressort et 
par plusieurs petits muscles, se resserre en se portant en avant avec 
toutes les pièces qui le précèdent et celles quile suivent, tellesque 
les parties antérieures et latérales de la conque pectorale et la demi- 
ceinture. Le dorsum, le collier et la bascule sont aussi à la fois 
abaissés le plus possible , poussés en avant el tirés de dehors en 
dedans. Les parties internes des osselets radicaux étant abaissées en 
même temps el ramenées en dedans, il s’ensuit que leurs parties 
externes s’elèvent avec les aïles; mais les bras de la basculeen s’a- 
baïssant décrivent un petit arc rentrant et rétrograde , entraînant 
dans le même sens la partie interne de la base de l’aile, ce qui 
fait que cette aile en s'élevant se porte aussi en avant, aidée d'ail- 
leurs par les muscles biceps. La seule partie dutronc qui nebouge 
pas dans celte circonstance, étant celle qui est du côté du point 
d'appui extérieur, ou la sternale, autour de laquelle tous ces mouve- 
mens s’opèrent, les muscles sternali-dorsaux y prennent leurspoints: 


568 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


fixes, afin de seconder et d'accélérer l’action dela forcede ressort, 
en tirant, suivant la direction deleurs forces ,chaque pièce de haut 
en bas, d’arrière en avant et de dehors en dedans. 

Le mouvement rapide imprimé de la sorte àtoutesles parties du 
tronc les portant pour la plupart en dedans de leur position d’équi- 
libre, etseulement quelques-unes en dehors de cette position, elles 
sont encore bandées avec leurs ligamens ; le tronc est resserré, vu 
que deux de ses diamètres, le transversal et le vertical, sont de- 
venus plus courts , etque le seul antéro-postérieur s’est agrandi; sa 
pesanteur spécifique en est augmentée avec l'intensité de la force 
centrifuge, Sa capacité intérieure étant ainsi diminuée, l'air y est 
condensé et refoulé avec un peu de liquide dans les nervures des 
ailes , facilitant par là l'élévation de ces dernières. Or, de la rapidité 
de ce mouvement des ailes, s’opérant en même temps que l’abdo- 
men se dilate et que le tronc se porte en avant, il résulte en elle 
une force centrifuge ascendante assez intense pour diminuer ou 
arrêter la tendance du corps à descendre. La force qui resserre le 
thorax, quoique augmentant sa pesanteur spécifique, tourne donc 
encore au profit du vol en procurant aux ailes une élévation rapide 
et facile, par le refoulement dans leurs nervures de l'air et d'un 
liquide provenant de l’intérieur du tronc. 

Ainsi, comme chez les oiseaux, les ailes des hyménoptères s’a- 
baissent dans la dilatation du tronc, le resserrement de l'abdomen 
et dans le haussement de ces deux parties ; etelles s'élèvent lors de 
la constriction du thorax, de la dilatation du ventre et de la projec- 
tion de ces parties en avant. Le vol de ces insectes est donc en par- 
tie un état alternatif de tension et de relàächement de l'air intérieur 
et de toutes les parties solides et ligamenteuses du corps; mais le 
relàchement des partiessolides n’a lieu que dans le point d'équilibre 
ou de repos qui est toujours dépassé tant que le vol dure, soiten 
dedans de ce point soit en dehors (1). 


6 


(1) En général, d'après mes observations , quand les ailes des insectes s’abais- 
sent, une partie du liquide contenu dans leurs nervures et une partie de l'air 
refoulé dans les trachées de ces nervures, rentrent dans le tronc alifère par 
l'effet de la dilatation de ce tronc; ces ailes présentant en outre une grande 
surface à l’air, leur pesanteur spécifique en est considérablement diminuée. 
C'est le contraire quand elles s'élèvent; alors l'air et le liquide sont poussés 
dans leurs nervures par le resserrement du tronc, et la surface qui fend l'air 
étant étroite, leur pesanteur spécifique augmente ayec l'intensité de la force 
centrifuge. 

Les mêmes circonstances ont lieu à l'égard du tronc : quand il s'élève il est 
dilaté ; il se resserre et sa pesanteur spécifique augmente avec l'intensité de la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 369 


Il me reste à faire connaitre les différences que présentent plu- 
sieurs insectes de cet ordre dont l'abdomen est sessile. 

L'organisation, tant extérieure qu’intérieure, du tronc alifère 
des tenthrèdes et des urocères, ressemble un peu à celle du tronc 
des sphinx, des papillons et des friganes; car, de même que chezces 
derniers insectes , les deux segmens alaires sont distincts et ne sont 
uuis, soit dans leur région dorsale , soit dans la pectorale, que par 
des ligamens. 

Les tégumens des insectes de cette espèce que j'ai examinés sont 
en général flexibles; excepté dans les sirex géans où les tégumens 
du tronc alifère sont assez durs ; mais en revanche les articulations 

des diverses parties de ce tronc sont très peu serrées. 

Chez les tenthrèdes et les cimbex, le collier parait former un 
anneau complet fortement articulé avec le devantde la poitrine , et 
portant antérieurement et en hautune espèce de cou propre à cou- 


vrir les muscles releveurs de la tête et à leur donner inser- 
tion. 


Chez les sirex géans, le collier estfortlarge sur ses côtés d'avant 
en arrière, et étroit dans sa partie moyenne, mais il ne fait pas 
même un demi-anneau ; il doit la largeur et l'élévation de ces par- 
ties latérales à des sinus grands et profonds, dans lesquels s’insè- 
rent de petits musclessans lesremplir (1). Son ouverture antérieure 
est simple et n’a point en haut de bord saïllant en forme de cou, 
comme dans l’espèce précédente ; les muscles dela téten’y sont dé- 
fendus des atteintes extérieures que par une membrane ligamen- 
teuse épaisse el lâche ; ses opercules ne couvrent qu'imparfaitement 
les stigmates thorachiques antérieurs: il ne tient aux parties solides 
environnantes , le plastron , telles que le dorsum, les hanches anté- 
rieures , que par des membranes assez lâches ; seulement son union 
avec la conque pectorale est un peu plusserrée. La partiesupérieure 

de son bord postérieur se recourbeen arrière eten. bas, et s’unit par 


force centrifuge lorsqu'il se porte en avant. De plus le fluide nourricier n'étant 
point contenu par des vaisseaux particuliers et baignant de toutes parts les par- 
ties intérieures, ainsi que M. Cuvier l'a observé, il n’y a pas de doute que, 
dans la compression et la dilatation du tronc alifère, le liquide ne reçoive 
comme l'air des impulsions.qui le chassent soit en haut, soit en avant, etleren- 
dent par là utile À la progression dans, l'air. 

(1) Peut-être que ces sinus servent aussi à augmenter l'intensité du son dans 
le bourdonnement. Dans cette hypothèse ils peuvent avoir quelque analogie 


avec les vésicules sémi-écailleuses placées sur le prothorax des sphynx et des 
papillons. 


Tome XCF. NOVEMBRE an 1822. 47 


370 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


l'intermède d’une membrane ligamenteuse lâche 4 l’appendice anté- 
rieur du dorsum, consistant en une lame mince, écailleuse, de forme 
‘triangulaire, située au devant du dorsum, et soudée en dehorseten 
bas avec le rebord antérieur de cette dernière partie (ou le præ- 
dorsum). Quand le dorsum s’abaisse le rebord postérieur ducollier 
est bandé, puisqu'il est tiré en bas, ainsi que plusieurs autres parties 
articulaires adhérentes ; dans la circonstance opposée, ces partigs 
et le rebord postérienr du collier doivent donc se débander, et 
contribuer à élever le devant du dorsum et à dilater le tronc. Chez 
les tenthrèdes l’articulation du dorsum avec le collier est sem- 
blable. | 

On remarque au dorsum des enfoncemens symétriques corres-" 
pondant à des nervures internes. Dans les cimbex , le milieu de la 
face concave du dorsum est encore fortifié par des nervures longi- 
tudinales et obliques assez fortes ; elles sont surtout remarquables 
dans la moitié antérieure du dorsum, l’autre moitié devant être 
plus élastique. 

L'appendice basculaire ou post-dorsum, remplaçant la bascule, 
est soudé à la partie postérieure du dorsum, et s'articule par ses 
bras plus libres, avec l’osselet terminal de la base de chaque 
aile. 

Le métathorax s’unit d'une manière plus ou moins lâche avec le 
segment alaire antérieur. Le dorsam des ailes inférieures a beau- 
coup d’analogie avec celui des papillons. 

L'appui de l'aile est marqué en bas et en dehors par un sillon 
plus ou moins profond, fort incliné en avant, correspondant en 
dedans à une arête que je nomme fulcrale, vu qu’elle sert d'appui 
à l'aile. Quant à l’extrémité articulaire de cette arête elle diffère 
peu, par sa forme et par le mode d'articulation avec l'aile, de 
celle des sphinx, surtout dans les sirex géans. Comme chez les 
coléoptères , on remarque au devant de l’appui de la grande aile, 
une écaille axillaire susceptible d’être abaissée par un muscle très 
fort (le pectorali - axillaire ) situé en dehors du releveur de 
l'aile. 

Dans les sirex, la crête sternale qui a peu de hauteur s’étend jus- 
qu’au devant de la poitrine; derrière s’élève une tige furculaire 
dont les branches courtes servent d’attaches à plusieurs muscles ; 
à l'extrémité de chaque branche s’insère le tendon d’un muscle ou 
ligament élastique venant de l’arête fulcrale , pouvant servir à ré- 
trécir le tronc lorsqu'il a été trop élargi. Les branches furculaires 
du prothorax sont plus étendues; elles servent de points d’attache 
à plusieurs muscles, entre autres à ceux de la tête. 


“ET D'HISTOIRE NATURELLE. 371 


Le costal, conformé comme celui des sphinx, descend fort bas ; 
il est articulé latéralement à la conque pectorale, et uni en haut 
au post-dorsum par une membrane lâche qui est tendue dans la 
contraction des muscles dorsaux; le bord supérieur de cette pièce 
est vu de dehors, et l’inférieur est échancré pour le passage de 
l'intestin, des vésicules aériennes qui l’accompagnent et des autres 
vaisseaux. 

Les muscles dorsaux diffèrent peu de ceux desautres hyménop- 
tères; mais chaque aile a ses releveurs particuliers (sternali-dor- 
saux ) ; Ceux des pelites ailes se trouvent sur les côtés du métatho- 
rax. On voit de plus, au-dessous de la racine des ailes, d’autres 
. muscles dont les fibres s’insèrent en haut à des cupulesécailleuses ; 

je les crois destinés à étendre et à replier les ailes ; mais le plus an- 
térieur et le plus fort de ces muscles, le pectorali-axillaire , abais- 
sant l’écailleaxillaire , est évidemment destiné à porter rapidement 
l'aile en avant dans son élévation. 

Comme chez les papillons , on voit sur les côtés du tronc et en 
arrière, une longue apophyse descendante, tenant aux bras bascu- 
laires, et à laquelle s'attache un muscle ou ligament élastique qui 
en haut s'insère au dorsum, et qui me paraît destiné à relever ces 
bras lorsqu'ils ont été abaissés. 

Les ailes du sirex géant sont glabres, transparentes, de nature 
écailleuse ; l'extrémité et le pr postérieur de chaque aile portent 
des plis très fins et très règuliers. 

La valve radicale existe dans les tenthrèdes , cimbex, etc., mais 
elle est située tout-à-fait au devant de la racine de l'aile supérieure; 
elle me parait tenir un peu de cette espèce d’épaulette couvrant la 
base de l’aile antérieure des papillons. 

Dans les sirex géans on voit, à la vérité, au devant de la base 
de l’aile supérieure une écaille tenant au dorsum et engagée dans 
les membranes ligamenteuses de cette partie, vraisemblablement 
afin de les protéger; mais n’étant libre dans aucune de ses parties 
elle ne peut avoir tous les usages des valves radicales, 


47e 


MÉMOIRE 


SUR LES LERNÉES ( Lernœæa, Lis. ); 


Par M. H. D. pe BLAIN VILLE, 


Crs animaux, au premier aspect, semblent tellement bizarres» 
que les zoologistes sont encore fort peu d'accord sur la place qu'ils 
leur assiguent dans la série animale. Linnæus, qui le premier a 
établi le G. lernée , en faisait des animaux mollusques, quoique la 
définition qu’il donne de cette classe, ne lui convienne guère : c’est 
cependant ce qu'ont imilé successivement Bruguières, dans les Ta- 
bleaux de l'Encyclopédie méthodique, MM. Biumeubach, G. Cu- 
vier et de Lamarck, dans la première édition de leur ouvrage sur 
le règne animal, el tous les éditeurs et continuateurs de Linnæus. 
M. Bosc avait admis le même rapprochement, mais en faisant 
l'observation que, par leurs habitudes, les lernées se rapprochaient 
des vers intestinaux. M. Duméril, ne sachant probablement 

y'en faire, les a passées sous silence. En 1809, M. de Lamarck, 
dans la distribution générale des animaux qui fait partie de sa 
philosophie zoologique, fut le premier qui eut l’idée de rappro- 
cher les lernées des sangsues, des lombrics: en effet, il les placa 
dans son premier ordre des annelides. Plus tard, dans le Pro- 
drome de son cours, il crut devoir en former une classe distincte 
sous la dénomination d'épizoaires. M. Ocken, qui le premier a 
senti la nécessité de mettre un peu d'ordre dans ce groupe en Île 
partageant en plusieurs petits genres, et qui, en outre, a apefcu 
ses rapports avec les calyges, en fait cependant encore une fa- 
mille de sa classe des mollusques, et il la place entre celle qui 
renferme les térébratules et celle des balanes. Dès 1814, pendant 
mon voyage en Angleterre, j'étais arrivé presque aux mêmes ré- 
sultats que M.Ocken, c'est-à-dire, à l'établissement de plusieurs 
petites coupes génériques , Et aux MéMES rapprochemens avec les 
calyges et genres voisins; mais jen concluais que ces animaux 
devaient être rangés dans le type des entomozoaires ou animaux 
articulés, et non dans celui des malacozoaires, avec lesquels ils 
n’ont en effet aucune sorte de rapports. C'est ce que j'indiquai 


ET D'HISTOIRE NATURÉLLE. 373 


dans mon Prôdrome d’une nouvelle classification du règne ani- 
mal, publié en 1816, époque à laquelle j'étais bien loin de connaître 
le Traité de Zoologie de M.Ocken qui venait d'être publié. C'était 
dans ma manière de voir un groupe de vérs anomal; inter- 
médiaire aux hétéropodes et aux létradécapodes, mais devenu tel 
par une habitude constante de l'espèce, et peut-être même des in- 
dividus. Cependant M. de Lamarck, dans la mème année, pübliait 
la nouvelle édition de sés Animaux sans vertébres, où, sans cir- 
conscrire aussi rigoureusement la classé des épizoaires qu'il avait 
établie précédemment, il l'adopta cependant, comme l'indication 
provisoire d’une coupe existant daris la nature , et qui doit servir” 
à lier les vers etles insectes. D établit une petite section générique 
pour les espèces qui offrent des rüdimernis d’appendices, sous le 
nom d’entomode, mais il n’eul pas l’idée de rapprocher ces singu- 
liers animaux des calyges ; et cependant il range parmi les ento- 
modes la lernée pectorale dé Muller, qui en est si voisine. C’est ce 
qu'a justement senti M. G. Cuvier dans son Règne animal, du 
moins dans une note supplémentaire du dérnier volume dé son 
ouvrage publié en 1817. Aussi range-t-il les véritables lernées 
parmi les vers intestinaux cavilaires, pensant que les autres doi- 
vent aller dans celle des crustacés branchiopodes, Quoi qu'il en 
soit de ces différens rapprechernens, aucun des auteurs que nous 
venons de citer n’a cherché à résoudre la question par des recher- 
ches approfondies et en s’aidant de l'anatomie, aucun même n’a 
caractérisé les espèces. Je vais donner l'extrait de mon travail au 
point où il est parvenu en ce moment. 

Nous savons encore assez peu de chose sur Forganisation des 
lernées. Leur enveloppe extérieure, ordinairement d’un blanc jau- 
nâtre transparent, est aussi quelquefois d’un brun rougeéätre 
foncé. Elle est lé plus souvent mollé et flexible, én-dessous sur- 
tout: mais il arrive aussi quelquefois qu’elle soit dure , comme car- 
tilagineuse , dans différens points de son étenduë, et sürtout à la 
partie supérieure de la première division du corps. Lé corps des 
lernées , constamment bien symétriqué, mais du reste dé forme 
assez variable, quelquefois très alongé, d’autres fois large, ovale 
et aplati , est souvent divisé dans sa longueur, par un éirängleméent 
plus ou moins profond, en deux parties. L'une, antériéuré, plus 
petite, plus étroite, qai réunit la tête et le thorax, est quelquefois 
un peu subdivisée, de manièré que la tête soit aussi presque dis= 
tinete : c'est cette parlie qui offre les premières traces dés véri— 
tables appendices dont la bouche parait constamment armée , et 
même des rüudimens d'antennes L'autre partie du corps est l'ab- 


374 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


domen; presque toujours plus large que la première, sa forme 
varie également beaucoup: c’est celle dont la peau est la moins 
dure, la moins cornée; elle offre assez souvent des prolongemens 
appendiculaires, paires , placés de chaque côté, mais inarticulés 
ou immobiles, et quelquefois de simples incisures. Quelques es- 
pèces m'ont offert des traces d’yeux sessiles ou de stemmates ; plus 
souvent on trouve des indices d'antennes, même quelquefois sub- 
articulées. Quant aux appendices, dans toutes les espèces que j'ai 
pu examiner avec soin, j'ai trouvé que la bouche était constam- 
ment pourvue d'une paire de crochets mobiles convergens, quel- 
quefois de deux et même d’une sorte de lèvre inférieure. Pour 
les appendices véritables qui se joignent au thorax, ils sont géné- 
ralement peu nombreux. Dans les espèces que leur grandeur m'a 
permis de disséquer , j'ai trouvé que la couche musculaire qui 
double l’enveloppe extérieure, le plus ordinairement fort simple et 
composée de fibres longitudinales soyeuses,lsesubdivise en portions 
latérales pour les subappendices et les appendices. Le canal intes- 
tinal est complet, c’est-à-dire, étendu de la bouche à l’anus; il 
paraît même qu'il fait quelquefois des replis ou circonvolutions. La 
bouche , médiocre, siluée ordinairement à la partie inférieure du 
céphalo-thorax, est au milieu d’un espace dont la peau est molle; 
elle est constamment accompagnée, à droite et à gauche, d'un 
crochet court, aigu et corné; mais on ne le voit souvent qu’à une 
très forte loupe. Le canal intestinal se termine en arrière dans 
un tubercule ou mamelon plus ou moins saillant et médian. Je 
n'ai jamais pu disséquer le système circulatoire ; mais il est cer- 
tain qu'il existe, ou du moins les auteurs qui ont observé ces 
animaux vivans, en parlent d’une manière certaine. On ne peut 
cependant pas dire qu'il y ait d’autres organes de respiration que 
les subappendices de la peau. Les organes de la génération ne 
me sont peut-être pas connus complètement. On sait seulement 
que, dans toutes les espèces de ce groupe, il existe de chaque 
côté du tubercule anal une sorte de sac, de forme un peu 
variable , et qui est rempli par une infinité de corpuscules quel- 
quefois ronds, d’autres fois subanguleux et même discoïdes, 
qui sont indubitablement des œufs, comme nous l’apprend une 
observalion curieuse du docteur Surriray, du Hävre. D'après 
cette observation, ces animaux naissent sous une forme qu'ils 
perdent par la suile en avançant en âge; et cette forme est beau- 
coup plus parfaite, moins anomale que celle qu’ils acquièrent, 
en sorte que c’est une métamorphose en sens inverse de ce qui 
a lieu ordinairement. Nous ignorons du reste s’il existe des sexes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 375 


distincts dans ces animaux. La place que nous croyons devoir leur 
assigner dans la série porte à le croire, tandis que leur adhe- 
rence,parasile conduit à une opinion contraire. Tous les indivi- 
dus ne sont pas toujours pourvus des sacs ovifères. Cela tiendrait- 
il 3 ce que ce sont des individus mäles , ou à ce que ces organes 
élaient tombés par accident ? c’est ce que je n'oserais affirmer. 
Je ne puis non plus rien dire sur le système nerveux des lernées; 
mais il paraît qu'il doit exister, puisqu'il y a des muscles distincts, 
et sa place ne peut être ailleurs qu'a la partie inférieure du 
corps. 

Si l’organisation des lernées est encore si incomplètement con- 
nue, il en est à peu près de même de leurs mœurs, de leurs 
habitudes. Jusqu'ici on ne les a trouvés que sur des poissons de 
mer ou d’eau douce, quelquefois sur toules les parties du corps 
entre les écailles, ou autour des yeux; mais surtout au pli des 
nageoires, où la peau est plus fine, dans la bouche et la cavité 
branchiale. C’est dans cette partie du corps qu'on les rencontre 
plus fréquemment, et souvent plusieurs individus à la fois. Ces 
animaux s’enfoncent plus ou moins dans le tissu des parties, et 
quelquefois assez pour que l’on n’apercoive presque plus de 
l’animal autre chose que les filamens ovifères. Ils adhèrent soit 
par la bouche, aû moyen des crochets dont elle est pourvue, 
soit par quelque autre partie de leur corps, et souvent au point 
qu'il est plus aisé de les rompre que de les détacher, surlout 
lorsqu'il y a quelque renflement en forme d'arrêt de la partie 
antérieure du corps. D’après cela il est difficile de concevoir 
comment les animaux sortis des œufs sont fixés sur les poissons, 
à moins que d'admettre que dans leur jeune âge ils peuvent se 
mouvoir un peu: ce qu'il y a de certain, c’est que la même 
espèce n'appartient pas nécessairement à la même espèce de 
poisson. 

Passons maintenant à l'exposition des genres et des espèces que 
je crois pouvoir établir dans cette famille, en les disposant sui- 
vant la gradation de l'organisation et le plus de rapprochement 
des calyges. 


Genre LERNÉOCÈRE ; Lerneocera, By. 


Car. Corps plus ou moins alongé, renflé dans son milieu ou 
ventru, droit ou contourné, couvert d’une peau lisse et presque 
corné antérieurement ; terminé en avant, à la suite d’un long cou, 
par un renflement céphalique bien distinct, armé de trois cornes 
immobiles , branchues à l'extrémité, deux latérales et une supé- 


376 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


rieure. Trois petits yeux? lisses à la partie antérieure de la tête ; 
bouche inférieure en suçoir ; aucune trace d’appendices au 
corps. 


1°. La L. sRANcmIALE; L. branchialis, Linn., Gmel. : de la 
grosseur d’une plume d’oie; le corps courbé de manière que le 
ventre est inférieur; les sacs ovifères naissant bien avant l’extré- 
mité postérieure du corps et lrès entortillés. 

Cette espèce, dont la couleur est d’un blanc sale, quelque- 
fois d’un brun rougeätre, à cause du sang contenu dans l’esto- 
mac, se lrouve implantée dans les lames branchiales de plusieurs 
espèces de gades, el entre autres des gadus barbatus et æglefi- 
nus, à l’aide des cornes de sa tête. Cette implantation est quel- 
quefois si forte, que l’on ne peut enlever l'animal sans le 
mutiler. 

Les Groënlandais, dans la mer desquels elle est assez commune, 
la mangent volontiers. 

La L. cyccoprérine; L. cyclopterina, Mull. Cette espece, 
que je n'ai pas vue, paraît ne différer de la précédente qu’en 
ce que le cou filiforme se recourbe en haut, et qu'à l’extrémité 
du museau, en-dessus, il y a deux orifices tubuleux , courts et 
opposés. La queue est aussi plus grêle ; son extrémité n’est pas 
courbée; l'anus est transversal, et de chaque côté il y a deux 
lobes convexes. 

Elle se trouve, dit O. Fabricius, dans les branchies du cyclop- 
tère épineux, et une variélé plus petite, à ovaires verdätres, dans 
celles du cycloptère liparis. 


3°. La L. px Surriray ; L. Surrinaiis, Bx. Corps droit, subcy- 
lindrique, appoiati en arrière et surloul en avant, où il se joint, 
par une sorle de cou distinct, avec un rétrécissement postérieur 
du renflement céphalique; celui-ci armé de trois cornes simples ; 
la bouche inférieure, pourvue de trois espèces, de dents dispo- 
sées en triangle, et au milieu d’une sorte de bourrelet labial ; 
les ovaires cylindriques et tout-à-fait droits, naissant à peu de 
distance de l'extrémité postérieure. 

On doit la déconverte de cette espèce à M. le docteur Surriray, 
du Havre, qui a, eu la complaisance de m’en envoyer un individu 
trouvé sous la nagepire peclorale d’un petit poisson, qu’il ñe 
nomme pas, aveC des observations faites sur le vivant. Le viscère 
dorsal, de la forme de l’abdomen, se contractait fréquemment 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 377 


et par ondulations, et ces contractions se propageaient jusqu’à 
la tête. Au moment où l’animal fut détaché, ce viscère était 
rempli d'un liquide très rouge; mais le lendemain il ne contenait 
plus qu’un liquide grisätre , ballotté par les mêmes contractions. 
Les autres parties du ventre étaient rouges, de grises qu’elles 
étaient auparavant. L'animal n’exécuta plus aucun mouvement 
après qu’il fut détaché ; cependant l’organe dorsal continuait ses 
contractions vingt-cinq heures après la mort apparente. M. Sur- 
ryray, qui regarde cet organe comme un estomac, dit qu’en 
outre on voyait quelque apparence d’intestins sur les côtés. Les 
ovaires craquaient sous la pointe d’un instrument; mais il ne put 
y reconnaitre de traces de fœtus : ils n’étaient pas assez avancés. 


11 fut plus heureux dans un autre individu , trouvé dans l'œil 
et la cavité orbitaire de petits poissons dont il ne désigne pas 
l'espèce. Il trouva que les ovaires extérieurs ressemblaient à 
certaines antennes filiformes des crevettes, et qu’elles contenaient 
une série d’un grand nombre d'œufs rangés à la suite l’un de 
l’autre. En extrayant quelques-uns de ces fœtus qui lui parurent 
enveloppés par une membrane transparente, il y reconnut une 
espèce de monocles (ce sont ses termes ), ayant six palles très 
larges , et sur le dos trois taches noires, dont une longitudinale 
en avant et deux en arrière ; en sorte, ajoute-t-il, que ces fœtus 
ne ressemblent pas plus à leur mère que ceux du calyge alongé. 


4. Le L. pes cyprins ; L. cyprinacea, Linn., Faun. Suec., 
tab. 11, fig. 1. Corps subcylindrique, droit, pellucide, divisé par 
un étranglement en un abdomen claviforme avec trois tuber- 
cules dont un est plus grand, et en céphalo-thorax cylindrique 
dont l’extrémité est pourvue de trois espèces de cornes molles, 
chacune en forme de croissant. : 

Je n’ai vu de cette espèce, dont on doit la découverte à Lin- 
næus , que la figure qu’il en donne et qui a été copiée partout. 
Il ajoute que l'abdomen a à sa base une tunique blanche, formant 
comme une espèce de prépuce. Le céphalo-thorax est aussi cou- 
vert d’une tunique blanche. Comme Linnæus ne parle pas de sacs 
ovifères , il faut penser ou qu'ils étaient tombés, ou qu'ils n'étaient 
pas sortis et qu’ils étaient représentés par les tubercules accom- 
pagnant l'anus, ou enfin que c'était un individu mâle. 


Elle a été trouvée sur une espèce de cyprin (cyprinus ca- 
rassus ). 


Tome XCF. NOVEMBRE an 1822. 48 


578 JOURNAL DE PHYSIQUE, DÉ CHIMIE 

Genre LenwéorenNe; Lerneopenna, Bv., Penella, Oken. 

Corps alongé, cylindrique, subcartilagineux, terminé antérieu- 
rement par un renflement céphalique, circulaire , tronqué anté- 
rieurement , et garni dans sa circonférence d’un grand nombre 
de crochets? au milieu desquels est probablement la bouche; 
une paire de cornes courtes, obliques en arrière; postérieure- 
ment appoinli et pourvu de chaque côté de filets coniques creux, 
bien rangés elimitant les barbes d’une plume ; à la partie inférieure 
de leur racine sont deux filamens très fins et très alongés, servant 
probablement d’ovaires. 


1°, La L. pe Boccowr; Z. Bocconit, Pennatula', Lamartin. ,. 
Voyag. de Lapeyrouse , tom. IV , pl. 20; Cop., dans l'Encycl. 
méth., sous le nom de Lern. sétifère. Ce singulier’animal paraît 
avoir été décrit pour la première fois par Paul Boccone, dans les 
Trans. phil., n° 99, art. 111, et depuis dans un petit recueil de 
ses observations. Il l'avait observé sur l'épée de mer, poisson si 
commun dans les mers de Sicile, dans la chair duquel il se tient, 
dit-il, aussi ferme qu’une tarière dans un morceau de bois. Boc- 
cone en faisait une sorte de sangsue, car il le nomme hirudo 
sive acus cauda utrinque pennata. Depuis ce temps, il paraît que 
Lamartinière a observé la même espèce dans des mers fort 
éloignées , aux environs de Notka, implantée à plus d’un pouce 
et demi dans le corps d’un diodon. Voici la description qu'il en 
donne sous le nom de pennatula, que M. Ocken a contracté en 
celui de pennella. Le corps, de substance cartilagineuse , est 
cylindrique; la tête, bien distincte et plus large que le corps, est 
pourvue en arrière de deux petites cornes de même substance; 
elle est aplatie à son extrémité et couverte de petits mamelons, 
qui sont, dit-il, autant de sucoirs, ce qui n’est pas probable. 
L’extrémité postérieure du corps a la forme d’ane lame de plume ; 
les barbes , qui sont de la même substance que le reste du corps, 
servent de filets excréteurs : en effet, en pressant légèrement le 
corps de l’animal, la plupart lancent une liqueur très limpide.et 
fluide par filet; à leur base, c’est-à-dire , en avant.et sous le corps, 
sont deux grands filets cartilagineux qui n’existent pas dans tous 
les individus, et dont il ignore l'usage. P. Boccone dit qu'ils 
servent à l’animal pour se cramponner aux pierres et même sur 
le corps de l'animal auquel il s’attache, Je suppose plus volon- 
tiers ne ces organes sont analogues aux longs filamens du genre 
précédent, et l'observation de Lamartinière prouverait que les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 579 


‘sexes sont séparés. Il ajoute que l’on aperçoit bien la circulation 
dans cet animal. 

MM. de Chamisso et Lysenhardt , dans un Mémoire , inséré 
dans le tome X, part. II des Actes nouveaux de l’Académie des 
Curieux de la Nature, regardent l'animal observé par La Peyrouse, 
comme devant former une espèce distincte de celle de Boccone. 
Ils lui donnent le nom de pennella diodontis avec M.Oken. Ils font 
observer que la figure de La Peyrouse est grossière et ne donne 
que fort incomplètement l’idée de l’animal. Ils n’ont pas observé 
les tentacules que celui-ci a figurés autour de la bouche. MM. de 
Chamisso et Eysenhardt, ainsi que M. Eschocholz qui a trouvé 
cette lernéide dans les branchies d’un diodon mola pris dans la 
mer Pacifique septentrionale, pensent à peu près comme Boc- 
cone , qu’elle doit être mise parmi les annélides, et non avec les 
crustacés, Cette lernée avait la moitié de son corps enfoncée dans 
le poisson et sur la partie libre de la queue était attachée une 
anatile. 

Les mêmes observateurs rapportent aussi à celte espèce la 
L. exocæti décrite par Holten (Acta danica, Holmiæ , 1802), et 
que celui-ci regardait comme formant une espèce distincte, parce 
que la bouche n’est pas entourée de tentacules, et que les cirres 
cornés de la tête sont plus longs. 


2°. L. r1Ècue; L. sagitta, Ellis. Trans. phil., ann. 1763, t. 53, 
fig. 16. Corps filiforme, d'un pouce de long, à peu près cylin- 
drique, coriace, terminé antérieurement par la bouche et posté- 
rieurement par une double série de seize espèces de plumules 
presqueésales, r enflées et percées à leur extrémité. 

Cet animal, que je rapproche de la lernée de Lamartinière, 
sans être absolument certain que ce rapprochement soit juste a été 
trouvé implanté assez profondément dans la peau d’une espèce de 
lophie, dans les mers de la Chine. Linnæus en faisait une espèce 
de pennatule, sous le nom de pennatula sagitta, ce qu'ont imité 
Ellis, Solander, Esper et même M. de Lamarck. M. G. Cuvier 
pense qu'il doit être considéré comme appartenant au genre 
calyge, et qu’il tient en partie de ces animaux et en partie des ler- 
nées. Enfin tout récemment, M. Dekay dans le Journal des 
sciences américain, ayant eu l’occasion d'observer un individu 
trouvé adhérent à la peau du diodon pilosus de Mitchill, critique 
ces différentes manières de voir, et propose de regarder cet animal 
comme appartenant à l’ordre des polypes tubiferes , ce qui me 
semble bien hasardé. Quoi qu’il eu soit, car M. Dekay pense lui- 


Te 


380 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


même que ce rapprochement ne sera certain que lorsqu'on con- 
naitra l’organisation, nous en avons extrait les caracteres de 
l'espèce. Nous devons cependant ajouter que d’après la figure et 
la description que M. Dekay donne de cet animal, il est évident 
qu'il ne l’a pas observé tout entier , el que la partie antérieure est 
restée dans le poisson. Il dit en effet que la bouche était irrégulière 
et présentait un aspect granuleux, avec plusieurs petits trous, ce 
que sa figure fait encore mieux apercevoir. Il ajoute que toute la 
partie du corps hors de la peau du poisson était de couleur pour- 
pre, tandis que ce qui était intérieur avait une couleur blanche. 
Les tégumens étaient composés de deux membranes, l’extérieure 
pourpre, épaisse et coriace, l’intérieure päle et mince. Du reste 
il n’a pu apércevoir à l’intérieur ni estomac ni ovaires, mais seu- 
lement quelques fibres blanchâtres convergentes vers l'extrémité 
supérieure. 

La figure donnée par Ellis dans lés Transactions philosophiques 
me paraît appartenir à la même espèce que celle de M. Dekay. 

(La suite à un prochain numéro:) 


MÉMOIRE 


Sur les Animaux des régions arctiques.; 


Par M. SCORESBY. 


(SUITE). 


SUR LE. MORSF. 


LE morse: atteint la taille d’un bœuf. 

Ses dents canines sortent. de la mâchoire supérieure de la Jon- 
gueur de 10 à 12 pouces; elles se portent un peu en arrière et 
elles comprennent entre elles la pointe de la mâchoire inférieure ; 
elles sont un. peu courbées en arrière. Leur longueur totale, 
quand elles sont sorties du crâne, est. ordinairement de 15: à 
20 pouces et quelquefois presque de 30; leur poids est de 5 à 
10 livres chacune au plus. 

Le morse élant un animal lent et maladroit sur la terre, ses 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 387 


défenses lui semblent nécessaires pour se défendre contre l'ours 
et aussi pour l'aider à faire avancer son corps pesant sur la glace, 
quand l'accès au rivage est rendu difficile. 

Le morse qu'on trouve sur les côtes du Spitzherg, a 12 à 15 pieds 
de long sur 8 ou 10 de circonférence. Sa tête est courte, pelite 
et aplatie sur le front; la partie aplatie de la face est pourvue de 
fortes moustaches. Les narines sont à la partie supérieure du 
museau et il souflle ou respire comme une baleine. 

Les pieds de devant qui sont une espèce de main enveloppée 
sont situés aux deux septièmes de la longueur totale de l'animal, 
depuis le bout du museau. Ils ont 2 à 2 pieds 6 pouces de longueur; 
et comme ils sont extensibles, ils peuveut atteindre à la largeur de 
15 à 18 pouces. 

Les pieds de derrière qui forment une sorte de nageoïire cau- 
dale, s'étendent directement en arrière. La longueur de chacun 
d’eux est d'environ 2 pieds à 2 pieds 6 pouces et leur largeur, 
quand ils sont complètement étendus, est de 2 pieds un tiers à 
5 pieds; la terminaison de chaque doigt est marquée par un petit 
ongle. - 

La peau du morse, d'environ 1 pouce d'épaisseur, est cou- 
verte d’un poil court, d'un brun jaunätre. Le dessous des mains, 
dans les individus âgés, est revêtu par une espèce de plaque 
(carsing) rude, cornée, d’un quart de pouce d'épaisseur proba- 
blement produite par l’endurcissement de la peau , à la suite de 
l'usage qu’il fait de ses pieds pour gravir sur la glace et sur les 
rocs. 

Au-dessous de la peau est une couche de graisse qui, dans cer- 
taines saisons, est, dit-on, d'un produit considérable, mais je n’en 
ai pas vu qui ait donné de plus 20 ou 3ogallons d'huile. 

J'ai trouvé dans l'estomac du morse des crevettes, une espèce 
de sèche et des restes de jeunes phoques. 

Lorsque l'animal a la tête hors de l’eau, de manière à ce qu’on 
ne voie pas ses dents, il a dans quelques positions une certaine 
ressemblance avec la figure humaine, encore plus que les phoques ; 
au point que quelques personnes ont pu y être trompées et afir- 
mer qu’elles avoient vu une sirène ou mermaid. 

C’est un animal qui n’est pas sujet à la crainte; il regarde 
un canot passer comme un objet de curiosité. On le harponne 
quelquefois dans l'eau, mais ee n’est pas toujours sans danger 
que l’on s’en empare; comme ce sont des animaux qui vont en 
troupes, un individu attaqué est puissamment défendu par les 
autres En pareil cas, il leur arrive d’entourer le canot d’où le: 


‘582 __ JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


coup est parti et de le percer avec leurs défenses. On ne peut 
venir à bout de se défendre contre ces animaux irrités, qu’en 
leur jetant du sable de mer dans les yeux; on les aveugle mo- 
mentanément et on les disperse. 

Leur peau n’est bonne qu’à l’état de cuir vert, c’est-à-dire sans 
être tannée ; sans cela elle devient poreuse. 


SUR LES PHOQUES. 


C’est au printemps, qu’en général, ces animanx sont gras et 
donnent quelques gallons de graisse. 

La voix du jeune, lorsqu'il est en peine ou dans la détresse, 
et son cri plaintif, ressemblent à celui d’un enfant. 

Il paraît qu'ils entendent fort bien dans l’eau ; aussi la musique 
el surtout une personne qui sifile, les détermine à étendre le cou 
et à se rapprocher de la surface de l’eau. 

Le meilleur moyen de les tuer est de tirer quelques dragées 
dans les yeux; car quand c’est avec une balle, ils plongent et 
souvent ils sont perdus. 

Ils se nourrissent d'oiseaux, de crabes et de petits poissons. 

Ils ont la vie dure, au point qu'ils vivent souvent encore après 
avoir été écorchés. On les a vus encore essayer de nager dans cet 
état. 


SUR LES PETITS ANIMAUX MARINS. 


L'économie de ces petits animaux, comme cConsliluans la 
subsistance des plus grands animaux de la création, a été déjà 
mentionnée. La baleine commune se nourrit de méduses, de crus- 
tacés, d’actinies et de sèches, etc., et celles-ci probablement de 
méduses plus petites et d’animalcules. Les autres baleines et les 
dauphins se nourrissent principalement de harengs, et d’autres 
petits poissons. Ceux-ci subsistent de petits crustacés, de méduses 
et d’animalcules. La nourriture ordinaire des ours consiste en 
phoques,set les phoques se nourrissent de crustacés et de petits 
poissons et ceux-ci de plus petits animaux de la tribu, c’est-à- 
dire des méduses le plus petites et d'animalcules. Ainsi, le sou- 
tien des plas vastes animaux dépend des plus petits êtres, qui 
jusqu’en 1806, où je me suis occupé, pour la première fois, de 
l'examen de l’eau de mer, n'étaient pas encore connus pour exister 
dans les mers du nord. En sorte que nous trouvons une chaîne 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 383 


dépendante d'existence; l’un des plus petits chainons venant à 
être détruit , le tout périt nécessairement. 

Il ne sera pas sans intérêt de tracer l'histoire physiologique de 
la conservation de ces pelits animaux. Comme la tempéra- 
ture moyenne de l'atmosphère dans les mers du Spitzherg est 
toujours de 10 ou 12° au-dessous du point de congélation de l’eau 
de la mer, comme je l’ai montré, il est évident que où l’eau de la 
mer est stationnaire, elle doit, dans la suite des siècles , être 
gelée au fond et par conséquent avec elle, comme matière com- 
posante , tous les petits animaux, car ils n’ont pas l'instinct suffi- 
sant ou la puissance de locomotion suflisante pour se retirer dans 
des régions plus méridionales. Maintenant un semblable événe- 
ment est combattu par la constance d’un courant allant au sud- 
ouest et qui entraîne la glace jusqu’à un parallèle où elle peut 
être fondue, et occasionne ainsi une circulation d’eau provenant 
d’un-climat chaud, dans les régions glacées. Cette circulation a 
réellement lieu d’une manière admirable; car tandis que le courant 
superficiel produit son effet, en emportant une certaine quan- 
tité de glace, un courant inférieur partant du nord, agit aussi 
d’une manière bien importante en apportant de la LP NE aux 
mers des hautes latitudes , et empêche ainsi l'accamulation de Ja 
glace. Mais comment se fait-il, pourra-t-on demander, que lors- 
qu’un courant d’eau habité par les petites méduses, porte con- 
stamment au sud, que ces pelits animaux ne soient pas aussi 
entraînés ensemble dans les climats méridionaux? Cette question, 
s’il nous est permis d’arguer hypothétiquement, peut être résolue 
aisément. Nous trouvons que les animaux qui jouissent de la 
faculté locomotive , quoiqu'ils appartiennent aux degrés inférieurs 
de l’organisation , emploient généralement cette faculté, par une 
sorte d'instinct, pour mieux remplir le but pour lequel ils ont été 
appelés à l’existence. Maintenant, il ne sera pas trop contraire aux 
principes recus , de supposer que lorsque les petites méduses, ele. 
sont transportées jusqu’à un Certain point au sud, elles peuvent 
s’enfoncer dans l’eau, jusqu’à ce qu’elles remontent le courant 
inférieur, par lequel elles sont ensuite reportées-dans l’élément 
(ui leur est propre. Le fait d’une eau marine colorée en vert olive- 
et se maintenant dans une grande similitude dé position pendant: 
plusieurs années, tandis que la surface après celle de la glace est 
transporlée au Join par le courant et dissipée, est en faveur de 
celle conjecture. Ainsi, par un mécauisme magnifique, une - 
grande portion de la surface du globe est rendue habitable, tan- 
dis qu'autrement ce n'eùt été qu’une masse solide de glace ;. 


d 


É” 


584 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et par la chaleur des couches inférieures des mers polaires, 
elle est devenue congéniale à beaucoup de tribus d'animaux qui, 
sans cela, auraient encombré d’autres régions, et qui par la 
apportent des produits utiles pour la subsistance des hommes. 

Les petits animaux signalés dans les mers polaires sont parmi 
les insectes : 


1°. Gammarus arcticus, Leach. G. oculis sublunatis ; pedum 
pari tertio, secundo majori. 

Cette espèce se retourne dans tous les sens dans l’eau avec une 
vitesse tout-à-fait remarquable; elle nage aussi dans toutes les 
directions. Les deux paires de pieds postérieurs sont portés sur 
le dos, lorsque l’animal se trouve en contact par cet endroit avec 
un corps solide. Elle se trouve dans toutes les parties des mers 
du Spitzherg à la plus grande distance de la terre, et à la surface 
des eaux. 

Elle sert de nourriture aux balzines et aux oiseaux. 

2°. G.? Une autre petite espèce de cette famille, remarquable 
par la grandeur de ses yeux, a élé trouvée en grande quantité 
dans la bouche et l'estomac d’une baleine franche. 

3°. Cancer pulex, de Linné. 

4°. Cancer boreas, Phipps. Cette singulière espèce a été dé- 
crite et figurée par Phipps, dans son Voyage au pole nord. 

5°. Cancer ampulla, du même. 

G°. Cancer nugax , id. 

7°. Oniscus ceti, Larunda ceti (Leach). M. S. parle d’une es- 
pèce plus petite qu'il a quelquefois trouvée sur le corps du nar- 
wbal; mais il ne la décrit, nine la figure. 

8. Il faut aussi ranger dans ce groupe une très pelite espèce 
de néréide microscopique qui contribue à former l’eau de 
mer d’un vert olive. Elle est de la longueur d’un point à un 
dixième de pouce, son diamètre étant de -53. Le nombre de ses 
anneaux est de 20; la peau est irisée, comme celle de tous les 
animaux de celle famille. 

Dans la classe des vers, M. Scoresby cite des ascarides, des 
échinorhinques et des tænias trouvés dans différens animaux ; mais 
il n’en dit rien autre chose. 

Dans le type des mollusques, il a remarqué : 

1°. Une espèce inconnue de sèche trouvée en grande quantité 
dans les estomacs du narwhal, et qu'il suppose lui servir princi- 
-palement de nourriture. 

2°. Le clio borealis ; il se trouve en nombre immense dans 


Ya 


‘ET D'HISTOIRE NATURELLE. 385 


quelques localités près du Spitzherg ; mais on ne le trouve pas 
généralement partout dans les mers arctiques. En nageant , ce 
petit animal amène le sommet de ses nageoires presqu’au con- 
tact, d’abord d'un côté, puis de l’autre. 


3°. Clio helicina | petit animal couvert d’une jolie petite co- 
quille très délicate et semblable pour la forme à celle du nautile. 
Son diamètre est de % à 5 de pouce. On le trouve en quantité 
immense auprès de la côte du Spitzherg, mais pas à ce qu'il 
parait hors de la vue des terres. 

Mais ce sont surtout les méduses ou mieux les beroé qui sont ex- 
cessivement nombreuses dans les mers arctiques et qui sont la base 
de la nourriture médiale ou immédiate des animaux immenses 
qui s’y trouvent. Le nombre des espèces n’est pas considérable, 
mais Celui des individus de chacun est incalculable. 


En effet, en examinant au microscope une espèce d’eau de la 
mer d’un vert olive et qui paraît former un quart de la surface 
de la mer du Groenland , entre les parallèles du 74° au 80°, et 
être très recherchée par les baleines, M. S. s’apercut que sa colora- 
tion était due à une quantité immense de pelits corps sphériques, 
demi-transparens, qu'il regarde comme une espèce de méduse. 
Elle a un vingtième ou un trentième de pouce de diamètre ; 
sa surface est marquée de 12 faisceaux de taches de couleur 
brune. Les taches sont disposées par paires; quatre paires ou 
seize taclres alternativement forment un faisceau. Tout le reste du 
corps est lransparent. 


En calculant combien un pouce cubique de cette eau vert 
olive peut contenir de ces petites méduses auxquelles il sup- 
pose un quart de pouce, 1l trouve qu'il en contient 64; un 
pied cube, 110,592 ; une brasse cubique, 23,887,872; et un 
mille cubique, environ 23,888,000,000,000,000. Én supposant 
que celle eau verte ne s’élendait, en profondeur , qu'a 250 bras- 
ses, et en calculant combien de ces animalcules existaient seule- 
ment dans deux milles carrés, on ne pourra se faire une idée 
de leur nombre immense, qu’en calculant la longueur du 
temps qui serait nécessaire, avec un certain nombre de personnes, 
pour compter ce nombre. Admettant qu'une personne puisse 
compler un million dans 7 jours, ce qui est à peine possible, 
il faudrait que 80,000 personnes eussent commencé à la création 
du monde, pour compléter au moment actuel l’énumération des 
animalcules contenus dans cet espace. 


Mais outre cette petite espèce de méduses, il y en a beaucoup 
Tome XCF. NOVEMBRE an 1822. 49 


386 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d’autres qui sont d’une grandeur plus considérable et qui appar- 
tiennent au genre béroë ; telles sont : 

1°. Le béroë oblong, d’un blanc grisätre en dehors et rougeälre 
dans sa cavité ; il est divisé en huit segmens par autant de rangées 
de fibrilles tentaculaires très-fines et iridescentes, Il est extré- 
mement sensible. Il faut probablement rapporter à cette espèce 
celle qu'il décrit après elle et qui est presque sphérique, peut-être 
par contraction, 

2°. Le béroé à deux cavités qui ne diffère encore de la pre- 
mière, qu’en ce que son intérieur est partagé en deux cavités par 
un petit Canal. 

3°. Le béroé bonnet, Z. pilcus, dont la couleur est blanche 
avec une teinte de rouge, les huit rangs de fibriles tentaculaires 
d'un rouge foncé, ainsi que les deux longs tentacules qui le 
caractérisent. Un canal traverse les quatre cinquièmes de la lon- 
gueur de l'animal. 

4. Le béroé bourse, ainsi nommé, parce que son corps res- 
semble un peu à une bourse dont l'ouverture serait large et dont 
la surface extérieure serait divisée en huit parties, par autant de 
rangées de fibriles tentaculaires. Sa couleur est d’un cramoisi 
très pâle, avec deslignes pourpres ondées. Celte espèce est pres- 
que insensible et l’on ne juge de sa vie que par le mouvement des 
fibriles. Les morceaux de son corps coupé continuent de donner 
les mêmes signes de vie, pendant deux ou trois jours, jusqu’à la 
putréfaction. 

5°. Le béroé bouteille, fort voisin du précédent, et ce- 
pendant sensiblement distincte. Une grande et simple cavité avee 
une bouche transverse; les fibriles blanches et iridescentes. 

6°. Le béroé? orange. Cette singulière espèce n’a été vue qu’une 
fois ; elle a été trouvée au 65° 28/ de latitude. Son corps est con- 
vexe en dessus et concave en dessous ; sa longueur de trois pouces, 
sa largeur d’un pouce environ, son épaisseur d’un pouce neuflignes; 
à la faceinférieure d’une deses extrémités est unefente ououverture 
transverse. En fendant ce corps dont la couleur est d’un brillant 
orangé, on a trouvé un grand nombre de bandes transverses et 
trois cavités. Sa vie n’est pas tenace; car à peine étaitil hors de 
Veau, qu'il était mort, du moins en apparence. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 387 


QUELQUES 


OBSERVATIONS 


DE MISS E. W**#*, 


SUR LES ANIMAUX MOLLUSQUES, 


Extraites d'une lettre à M. Defrance, Avril 1822. 


Les observations sur les mollusques en général, et surtout sur 
les mollusques marins, sont encore si peu nombreuses dans les 
ouvrages qui se sont le plus occupés de ce sujet, l’histoire de ces 
animaux esl si incomplète, que nous ne saurions trop inviter les 
personnes, qui sont le plus à portée de les observer, de faire 
connaître aux naturalistes les faits qu’elles auront recueillis; quel- 
que isolés qu'ils soient, ils ne peuvent être sans intérêt, puis- 
qu’ils tendent à remplir une lacune considérable dans la Science, 
Les zoologistes sédentaires, les plus en état de comparer les êtres 
morts dans les collections, sont aussi souvent ceux qui peuvent 
le moins faire faire des progrès à l'Histoire naturelle proprement 
dite; mais, pour que des observations sur les mœurs des animaux 
soient réellement utiles, il faut que leur synonymie soït bien assu- 
rée, afin de ne pas attribuer à l’une ce qui appartient à l’autre. 
Or, c’est ce qui nous a paru caractériser les faits recueillis par 
mademoiselle E. W***; ellé connaäiît bien exactément les noms 
des animaux qu’elle a étudiés. Le zèle extrèmement remarquable 
qu’elle.met à celte étude ne sera pas perdu pour la Science, 
comme cela a eu lieu quelquefois pour des observateurs qui 
n’ont pas voulu 'réadre ä être systémaliques, comme l'abbé 
Dicquemare, Spallanzzani et plusieurs autres. (R.) 

Le turbo rudis, si commun sur nos côtes, est véritablement 
vivipare ou mieux ovovivipare; car il provient réellement d’un 
œuf, quoiqu'il sorte à l’état vivant. Je vous en envoie qui sont 


49- 


388 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


remplis d'une grande quantité d'œufs (1) et de petits. L'animal 
ne les rejette à l’extérieur que quelques-uns à la fois ; deux ou trois 
jours ensuite il en naît encore quelques-uns et ainsi jusqu’à la fin 
de la saison qui paraît être fort longue; car depuis le mois de 
janvier jusqu'à présent, 10 avril, j'ai trouvé des femelles dont 
loviducte était rempli. 

J'ai examiné le turbo littoreus depuis le mois de février, je ne 
l'ai pas trouvé ainsi chargé de petits. Serait-il seulement ovi- 
pare? car je ne pense pas que tous les turbos soient vivipares. 

J'ai trouvé aussi aux environs de Weimouth de petits animaux 
turbinés que j'ai fait voir à mes correspondans qui ne savent à 
quelle espèce les rapporter. Je soupconne fort que ce n’est autre 
chose qu’une variété du turbo rudis. J'ai beaucoup de raisons 
pour cela, et entre autres qu’ils sont également vivipares, el à la 
même époque que celui-ci. Les animaux sont parfaitement sem- 
blables. 

Sous le nom de turbo labiosus qui se trouve à l'embouchure 
des rivières, mademoiselle W*** envoie une espèce de rissoa. 


LA BULLE ACÈRE, Bulla akera (2). 


Cet animal qui se trouve dans les environs de Weimouth est 
très curieux. Quand il fait soleil, il approche de la surface de 
l'eau, où il parait se plaire. Quand on le touche, il retire entiè- 
rement sa lète dans la coquille, et l'animal a la forme d’une 
boule. Alors les ailes qui ressemblent à celles des cyprées enve- 
loppent presque toute la coquille, mais jamais éntièrement. 
Quand on le remet dans l’eau, les ailes abandonnent le dos de la 
coquille; la tête sort et s'étend à une grande distance de celle-là; 
alors elle est tout-à-fait à découvert ; les ailes sont remontées à sa 
base et elles sont devenues fort petites. 

L'’estomac contient dans son intérieur de petites pièces am 
nombre de huit, à ce queje crois, et de substance dure. 

J'ai quelque soupçon que cet animal est ovipare et que ses 


’ 


a ———— 


1) Nous avons vu en elfet la préparation desséchée envoyée par Miss W., 
ef il est impossible de douter de ce qu'elle avance. C'est un nouvel exemple: 
que cette disposition qui existe aussi dans certaines paludines et pas dans d’autres, 
ne peut servir à constituer une Coupe générique, | 

(2) J'ai vu plusieurs individus vivans de cette espèce à, Paris, où l’un 
de mes amis du Hâvre me les, a envoyés. Je donnerai dans la suite les_ohserva- 
tions qu’ils m'ont permis de faire. (R). 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 389 


œufs sont contenus dans une matière gélatineuse de forme ronde 


É # à 2 
et qui peut avoir deux à trois pouces de longueur. 


LA BULLE OUBLIE, Bulla aperta. 


La bouche ou plutôt les lèvres de cette espèce qui se trouve 
aussi à Weimouth est très contractile , fort rapprochée de l’esto- 
mac; elle est d’une matière différente dé l’animal. 

J'ai trouvé dans l’estomac d’un individu de cette espèce une 
mya inæquivalvis tout entière, et dans celui d’une bulla lignaria 
des dentales entières, la Ÿ’enus ovata et le mya inæquivalvis. 

La patella pellucida se fixe ordinairement sur les feuilles de 
fucus. Les patella parva et chinensis peuvent, à ce que je crois, 
se mouvoir , mais si peu qu'il ne paraît pas qu’elles jouissent réel- 
lement de la faculté locomotive. 

La patella cærulea habite au pied des fucus, où elle se fait un 
trou infiniment plus grand qu’il ne faut pour contenir l'animal. 

M. de Blainville (1) a eu raison de vous assurer que quelques 
espèces de patelles ont le sommet penché en avant du côté de la 
tête. Cela est certain pour la patella vulgata, cærulea ou levis, 
Parva ou virginea, ainsi que pour la p. græca ou reticulata; mais 
je ne crois pas qu'il en soit de même du p. hungarica. Je pense 
qu’elle est dans le cas des émarginules (p. fissura) qui ont la 
tête sous la fente et le sommet de la coquille courbé en arrière. 
Les émarginules se remuent très facilement; la p. hungarica ne 
doit pas pouvoir se déplacer; car elle est quelquefois extraor- 
dinairement irrégulière à sa base. 


L'ARCHE LACTÉE, Arca lactea. 


Le D: Turton a voulu que cet animal eût la possibilité de se 


(1) I y a long-temps que dans mes cours j'ai donné pour caractère distinctif 
des différens genres de patellides la position et la courbure du sommet; etleur 
forme symétrique ; ainsi dans les véritables patelles symétriques, il est toujours 
plusou moins antérieur, et quelquefois presque marginal ; il peut aussi être droit 
où recourbé ; dans les fisturelles , il est toujours également plus ou moins anté- 
rieur, percé ou non; dans les émarginales et dans les parmaphores, il est au 
contraire plus ou moins postérieur et plus ou moins recourbé. Dans les patelles 
non symétriques, le sommet est constamment dirigée en arrière et plus ou moins 
contourné ; ce qui se trouve conforme à ce que dit plus bas Melle W****, Pour 
juger de la position du sommet d’une patelloïde, il faut regarder à l'intérieur 
l'ouverture de l'impression en fer à cheval; elle est toujours du côté de la: 
tête. (R.} 


390 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


creuser des trous dans la pierre calcaire, comme plusieurs au- 
tres espèces d'animaux bivalves ; mais je crois qu'il s’est trompé : 
il se fourre dans des trous et s’y fixe par un byssus, mais il ne peut 
pas y creuser une cavité. On le trouve en effet quelquefois atta- 
ché ainsi à beaucoup d’autres substances, et entre autres à des 
pierres siliceuses. 


SUR LES ANOMIES 


Les espèces d’anomie n’ont pas été suffisamment étudiées, 
quoique fort communes sur nos côtes : elles se distinguent princi- 
palement par leur manière de s'attacher. L’4. ephippium se 
fixe sur un grand nombre de corps au moyen d’une espèce de 
cheville calcaire; mais l”4./aculeata que l’on trouve fréquemment 
sur les fucus ne le fait, je crois, que par un ligament. La valve 
supérieure est épineuse , et l’inférieure l’est quelquefois de même. 
On trouve souvent des valves d’anomie qui m'ont aucune trace 
d’épines; elles paraissent appartenir à l’4. squamata; peut-être 
sont-ce les jeunes de l’4. aculeata; elles se fixent en effet aussi 
par un ligament ou mieux par le muscle, tandis que les jeunes 
de l’4. ephippium s’attachent toujours par un osselet. 


SUR LES TARETS. 


Parmi les quatre valves de tarets que je vous envoie, il n’y en 
a qu'une seule qui ait les dents bien conservés; vous tronverez 
aussi de petits morceaux de boïs avec de jeunes tarets complets. 
Dans les plus petits, l'animal avec les quatre valves est conforme 
tout-à-fait comme dansiles grands. Quant au tube conchifère des 
jeunes, il est bien différent de celui des grands : ce n’est qu'un 
simple tube en forme de bouteille avec un orifice extraordinaire- 
ment petit pour l'extrémité antérieure de l'animal. Aussi les petits 
sont-ils vivipares, ce que je n’ai jamais remarqué dans les grands. 
Le tube conchifère de ceux-ci est très curieux à l'extrémité anté- 
rieure de l'animal. D’après la description qu’en donne M. de 
Lamarck, il paraît qu’il n'avait jamais vu un tube bien conservé, 
ni même de ces animaux jeunes. Le tube conchifère, quand il 
west pas cassé, est pourvu.à- son entrée de deux tubes qui se 
réunissent bientôt en un-seul; après quoi suivent des demi-con- 
caméralions. à è 

J'ai des valves de taret plus gs que celles que je vous ai 
envoyées. Elles sont indubitablement de nos côtes; car elles 
viennent d’un navire qui allait aux Grandes-Indes, il y à 17 ans, 


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vy ET D'HISTOIRE NATURELLE. 591 


LS 
et qui fit naufrage dans la baie de Weimouth. Or, dans de pays, 
l’on est extrêmement soigneux de détruire toute semence de 
taret dans les bälimens qu’on destine à faire de longs voyages, 
et par conséquent ceux qui s’y trouvent ne peuvent avoir été 
importés (1). 

Le pholadidea lescombiana de Turton est la même chose que 
la pholas striata, Mat. Montagu. 

Cette coquille curieuse n'avait encore été trouvée qu'a Torquay, 
dans le comté de Devon, dans une pierre de couleur rouge ; mais 
depuis un mois, je l'ai découverte dans les environs de Weimouth. 
La pierre qu’elle babite est de couleur brunätre. Peut-être se 
trouve-t-elle dans beaucoup d’autres endroits où la mer ne se 
retirant pas assez, on n’a pu encore la trouver (2). 

Quant aux autres pholades , je vais tächer de répondre de mon 
mieux à ce que vous me demandez; savoir si les pholades ou- 
vrent leurs coquilles. Les espèces suivantes , que je regarde en- 
core comme de véritables pholades, quoique le D’ Leach se fût 

roposé d’en faire autant de genres distincts, ne laissant comme 
telle que le pholas dactylus, c’est-à-dire, le ph. dactylus, parva , 
candida , et le pholadidea lescombiana peuvent l'ouvrir, mais très 
peu. LepA. dactylus est dépourvu deligament et de muscles trans- 
versaux ; mais il est pourvu d’un muscle très fort qui attache les 
deux valves en place de ligament et qui se continue au sommet 
de la coquille sous les trois valves accessoires. Celle espèce n’a 

e deux dents. 

Ce que je viens de dire du ligament et des muscles du ph. dac- 
tylus s'applique au ph. parva; mais elle n’a qu’une seule pièce 
accessoire placée sur le sommet. Elle ressemble parfaitement à 
celle qui se trouve au même lieu dans le pA. candida ; mais celle- 
ci n’a ni ligament, ni muscle transverse et celui qui est placé 
sous la valve accessoire est comme dans les précédentes ; elle en 
diffère en ce qu’outre la dent recourbée caractéristique du genre ; 
elle en a aupres d'elle une seconde sur une des valves correspon- 


(1) M. Defrance a eu la bonté de me donner un individu de cette belle es- 
pèce de taret ; elle est bien distincte du taret commun ; ses valyes sont extrê- 
mement épaisses, noires dans la plus grande partie de leur face externe et 
blanches sur leur bord qui est tranchant et aiguisé comme l'extrémité d’un 
tarrière (R). 

(2) M. le D’ Goodall dans le voyage qu’il a fait l’année dernière à Paris, 
nous a donné cette belle espèce de pholade ; il est évident qu'elle doit former 
un genre distinct intermédiaire aux gastrochènes et aux vraies pholades. (R.) 


A4 


” 


LY 
392 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


dante à un pli sur l’autre dent; ce pli qui donne attache à un 
petit muscle, peut être la continuation de celui du sommet. 

Dans la pholadidea, vous trouverez deux impressions muscu- 
laires, outre le muscle du sommet et deux petites dents courbes 
et une troisième dent comme dans le ph. candida avec une 
espèce de cavité et une sorte de ligament qui les unit. L'épi- 
derme de la pholadidea se continue tout autour de la coquille; elle 
est fermée partout, si ce n’est dans un endroit où se trouve un 
petit trou qui doit correspondre au pied de l'animal. 

Cet épiderme continu et fermé se trouve aussi dans la mya 
areuaria et dans la mactra lutraria, qui, par conséquent, ne peu- 
vent ouvrir leur coquille ou que très peu. 


SUR LES COQUILLES ENSABLÉES. 


Voici ce que je puis vous dire des mactra stultorum , truncata 
et du cardium tuberculatum , les trois seules espèces que je trouve 
ici. Quand la mer se retire assez et que le sable est très sec, ces 
trois animaux en sortent. Le card. tuberculatum a un pied bien 
fort qui lui donne la faculté de se mouvoir. Par ce moyen, il se 
tourne et se remue facilement. Si donc le hasard le mène dansun 
endroit où il y a un peu d’eau , le sable offre si peu de résistance, 
qu'il s'enfonce; mais pour l’ordinaire, il est obligé d'attendre 
jusqu'a la mer montante, pour y rentrer. Si la mer est grosse, 
il est rejeté sur la côte. 

Les mêmes observations s’appliquent aux mactres et à la venus 
gallina ou striatula. Je ne pense cependant pas que ces trois es- 
pèces aient la faculté de se mouvoir, leur pied n’est ni assez large 
ni assez fort pour cela. 


- SUR LES SOLENS. 


On trouve ici trois espèces de solen, le siliqua, l'ensis et le 
marginatus où vagina. L’ensis sort du sable; les autres ne viennent 
qu’à la surface et s'ils sortent par hasard, je suis persuadé que 
le marginatus n’a pas la possibilité d’y rentrer.rSon’ manteau est 
fermé le long de la coquille, ce qui n’a-pas lieu dans les deux 
autres espèces. Cependant je ne pense pas qu’elles puissent s’y 
enfoncer. S 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 395 


NOTE 


Sur l’ascension des nuages dans l'atmosphère ; 


Par M. A. FRESNEL. 


Parmi les causes qui doivent contribuer le plus efficacement 
à l'ascension des nuages dans l'atmosphère, il en est une à laquelle 
on parait avoir fait peu d'attention, etsans laquelle cependant il 
me semble impossible de donner une explication complete et satis- 
faisante du phénomène; elle a l'avantage d’être indépendante de Ja 
constitution des globules d’eau ou de vapeur vésiculaire qui com- 
posent le nuage, et d’être également applicable au cas oùil serait 
formé d’un assemblage de cristaux de neige extrêmement déhiés, 
comme cela peut avoir lieu pour les hautes régions de l’at- 
mosphère. È : l 
On sait que l’airet tous les autres gaz incolores laissent passer les 
rayons solaires et mème le calorique rayonnant sans s’échauffer 
sensiblement, et que, pour élever leur température, il faut le con- 
tact des corps solides ou liquides échauffés par ces mêmes rayons 
lumineux ou calorifiques. Cela posé, considérons le cas où un 
nuage serait formé de très petits globules d’eau ou de cristaux de 
neige excessivement déliés. On concoil d’abord qu'il résulte de 
l'extrème division de l’eau solide ou liquide du nuage un contact 
très multiplié de l'air avec cette eau, susceptible d’être échauffée 
par les rayons solaires et par les rayons lumineux et calorifiques 
ui lui viennent de la terre, et qu’en conséquence l’air compris 
Fer un du nuage, ou très voisin de sa Surface, sera plus 
chaud et plus dilaté que l’airenvironnant; il devra donc être plus 
léger: or il résulte également de notre hypothèse sur l'extrême di- 
vision de la matière du nuage, que les particules qui le composent 
peuvent être très rapprochées les unes des autres, ne laisser entre 
elles que de très petits intervalles, et néanmoins être encore elles- 
mêmes très fines relativement à ces intervalles ; ensorte que le poids 
total de l'eau contenue dans le nuage soit unepetite fraction du poids 
total de l'air qu'il comprend etassez petite pour que ladifférence de 
densité entre l'air du nuage et l'air environnant compense, et au- 


Tome XCF. NOVEMBRE an 1822. 50 


394 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CIFIMIE 


delà, l'augmentation de poids qui résulte de la présence de l’eau 
liquide ou solide. Lorsque le poids total de cette eau et de l'air 
compris dans le nuage sera moindre que le poids d’un volume égal 
de l'air environnant, le nuage s’élëvera jusqu’à ce qu'il parvienne à 
une région de l'atmosphère Ou il y aït égalité entre ces deux poids; 
alors il restera en équilibre. On voit que la hauteur à laquelle ce 
équilibre aura lieu, dépendra dela finesse des particules du nuage, 
et des intervalles qui les séparent. 

L’air chaud et dilaté compris dans ces intervalles, qui tend à s’é- 
lever, n’y étant pas renfermé hermétiquement, doit peu à peu sortir 
du nuage ; mais ce renouvellement de l’airintérieur ne peut s’effec- 
tuer qae d’unémanièretrès lente, à cause de la petitesse des inter- 
valles qui séparent les globules d'eau ; en sorte quela température 
du nuage reste toujours supérieure à celle de l'air environnant; 
d'ailleurs, ce courant ascensionnel, par le froitement qu’il exerce 
sur la multitude des surfaces des particules du nuage, tend lui- 
même à les soulever, et cela avec/d'autant plus d'énergie qu'il au- 
rail plus de vitesse. 

Pendant lanuit, lenuage est privé des rayons solaires et sa tem- 
pérature doit diminaer; mais il continue à recevoir les rayons ca- 
lorifiques envoyés par la surface du globe, et l’on conçoit que s'il 
a beaucoup d'épaisseur, sa température intérieure ne dimimuera 
que très lentement. D'ailleurs, l'expérience prouve directement 
quelles nuages ont encore pendant la nuit plus de chaleur quel'air 
qui les environne, puisqu'ils nous envoient plus de rayons calori- 
fiques. En supposant même que cette différence de tempéralaré 
soit beaucoup moindre la nuit que le jour, les nuages ne devront 
s'abaisser qu'avec une extrême lenteur après le coucher du soleil, 
vu l'immense étendue de leursuperficierelativement à leur poids, 
c’est une cause qui, sans concourir à leurélévation, contribuepuis- 
samment leur suspension ;'ensuite le retour du soleil lesramènera 
à leur hauteur de la veille, si des vents ou quelques autres phéno- 
mènes météorologiques n’ont pas changé les circonstances atmos- 
phériqueset les conditions d'équilibre. Tout ce qui peut augmen- 
ter ‘où diminuer la division des particules du nuage ou les petitsin- 
valles quiiles séparent, et les changemens qui surviennent dans la 
température de l'air environnant, doivent faire varier les conditions 
d'équilibre , et par conséquent la hauteur à laquelle le nuage peut 
s'élever. 11 est, sans doute, encore d'autres causes qui contribuent 
à l'élévation ‘et à la suspension des nuages dansl'atmosphière, telles 
que lesicourans ascensionnels dont M.Gay-Lussac vient de parler 
dans les Annales de Physique etde Chimie: je ne me suis pas pro- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 365! 


posé ici de passer en revue toutes ces causes et de les discuter, 
mais seulement d'indiquer celle qui me parait la plus influente. 
(Bulletin par la Soc. Phil, octobre.) 


NOTE 


Sur la nature du fluide contenu dans lallantoide des 
Oiseaux ; 


Par M. JACOBSON. 


EN continuant mes recherches sur l'évolution du système 
veineux , il fallait aussi que je m’occupasse de l’allantoïide. Le 
fluide contenu dans ce réservoir a été examiné premièrement 
par Dzondi, dans ses Supplementa ad anatomiam et physiologiam 
potissimum comparatam. Lipsiæ , 1806, puis par Dulong, Labil- 
lardière et Lassaigne. Tous ces chimistes sont d'accord pour 
regarder le fluide de cette poche comme analogue à l’urine. 
Mais l’urine du fœtus des mammifères ne contient aucune sub- 
stance qui lui serait lout-à-fait particulière, et qui pourrait évi- 
demment prouver que c’est de l’urine , de manière que l’on peut 
encore meltre en doute ce que ces savans assurent. En examinant 
le fluide contenu. dans lallantoïde des oiseaux , j'ai trouvé une 
preuve plus satisfaisante en faveur de cette opinion. Les reins 
se développent dans l'embryon des oiseaux, comme on sait, de 
très bonne heure, et ils sont en proportion avec le reste du corps, 
beaucoup plus grands que dans l'adulte. L’allantoïde apparait 
aussitôt que les reins sont formés dans le premier tiers de Vin- 
cubation: Elle contient un fluide clair et limpide; puis ce fluide 
devient plus jaunätre et visqueux ; il s’y forme des flocons et des 
concrétions blanchätres. Ce fluide contient de l'acide urique, 
et ces concrétions en sont presque entièrement formées. Voilà une 
analogie bien plus marquée avec l'urine de l'animal adulte, que 
celle que l'examen du fluide de l’allantoide des mammifères a 
offerts. La quantité de ces concrétions augmente beaucoup, vers 
la fin de l'incubation. La plus grande partie du fluide est absor- 
bée, et dans les derniers jours de celle-ci, on ne trouve dans 
l’allantoïde qu’un fluide visqueux et épais, contenant de l’albumine 
en grande quantité, et les concrétions provenant de acide urique. 
(Extrait d'une lettre au Rédacteur , en date du 10 août 1822.) 


50... 


OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES FAITES 


Dans le mois d'Octobre 1822. 


LE AE ER CRE EE VE CE PE GE CE 7 EC ETATS 


A 9 HEURES MATIN. l'A3 HEURES SOIR. | A 9 HEURES SOIR. ÎTHERMOMÈTRE. 


A MIDI. 


Barom. | Therm. : j 
Ye 0. lextérienr. T8" Maxim. | Minim. 


Barom.| Therm. 
ho. |extérieur. 


Barom. | Therm, 
à 0. extérieur. 


Barom.| Therm. 
ho. extérieur, 


Hygr. 


‘sSHnofg 


11748,04|+16,75| g1 
21753,15|+-14,75| 92 
81755,51|418,95| 88 
41752,95|+17,50| 98 
51753,40|+14,90| 48 
6[751,94|+12,25| 82 
71752,16|+15.75| 91 
8[753,21|417,00| 92 
9[756,49|+17,00| 96 
1c|758,57|+15,00| 86 
111764,37|+12,25| go 
19]757,35|[+12,25| 90 
15]750,36|+17,25| 88 
141744,36[4-13,00|100 
151757,06|4 8,25] 91 
161745,53/H-10,25| 89 
171756,94/H10,85| 97 
181747,82|+10,60) 94 
19/751,85+11,25 95 
20 755,48+12,75 


748,14 +18,10 
792,80| 420,00 
751,7414-23,00 


— 


89 1748,07|+19,90| 89 |751,0014,10| 99 PRIS 


751,96|+19,25| 87 |751,85415,75| 98 [420,00 +10,60 
751,72|+25,75| 78 |751,38|4+16,50| 98 |+23,0c|+14,co 
752,55| 21,25] 82 |753,11|+16,00| 98 |+24,00|+13,75 
750,94 Fi 83 1748,68|+13,75| 94 |+19,50|+ 13,50 
753,241415,75| 71 |754,69|+ 8,65| 92 |L15,55,+ 7,75 
753,30|+17,75| 85 1754,41|+14,50| 99 17,75 +10,00 
753,01|+19;10| 82 |755,80/+15,00| 99 21,904 14,40] 
753,40|+22,60| 78 |753,85|4-16,75 a +o2,6ol+11,50 
759,29|+16,75| 69 |761,02|+ 10,75] 89 lH17,75| 10,75 
765,56|416,60| 74 |762,g90|10,85| go =H16,60|1 8,00 
754,07|+20,85| 80 |752,21|+15,25| 97 |+20,85| + 

748,76|+16,00| 87 1748,57|+16,00| 96 |+18,50|+ 15,00 
791,68|+11,25| 89 |756,26|+ 7,25] 92 [414,25 4 

753,93| 412,25] 71 [751,204 8,00| gi 12,754 3,25 
743,86|+13,50| 88 |741,83/410,25| 99 415,50 + 7,50 
757,51|413,5:| go |740,97[+11,00| 99 |+13,50/+10,25 
750,63|+11,85| 71 [751,07 + 6,75] 95 ÎH12,00+ 5,75 
751,661415,85| 80 |752,80/+12,60| 94 [16,85 + 8,25 
752,50| 16,50! 82 |750,66|+17,10| 72 |750,04+415,75| 80 [17,10 
21{751,49l414,25| 95 l751,69| 16,40] 78 1751,19|+16,85| 92 |751,55|4+ 11,00! 95 416,40] ; 11,00 
29|753,57lH10,00| 97: l754,01|+13,50| 86 - +14,25| 80 |753,12+ 9,00! 95 H14,25|+ 8,50 


752,07/+16,251 85 
752,92|+01,90| 73 
754,82|+o1,5o| 83 
759,31|+16,60| 70 
78427| + 16,00! 74 
756,56 17,75 5 


744,42] + 19,50| 88 
735,84|+12,60| 99 
749,72|+19,00| 82 
751,29|+15,40| 84 


10,50 


Ce 
a 


23|750,12413,10| 94 748,54|4 17,59 89 |747,26|+18,50| 71 745,92+14,10 89 +18,50|+ 6,50 
24\744,16|+15,00| 82 1743,77|+17.75| 78 |745,661+18,1c| 77 744,231 415,29] 97 |H18,1c|+12,85 
25[747,551415,50| 03 1747,85|+16,25| 84 |748,52}+15,75| 85 AB OURE 9,60! 99 +16,25|+ 9,00 
745,28|+14,25| 88 |744,79 +19,00]| 99 Î+14,25|+ 8,00 
749,66 +15,75 8 750,14] 8,8c : 


26/747,84|+ 11,25] 96 747:78 15,90! q1 


271749,14/+11,00| 93 1749,84|+15,25| 87 +15,75|+ 6,50! 


co 
[le] 


28/752,29|+ 7,00l101 f7b2,g2l+19,95| 89 17b5,414+15,50| 78 756,80|+ 7,00] 98 [15,50 + 3,75 
29/759,174 8,25] 96 :753,10|+15,75] 89 !758,91 FMI 96 |759,54/+19,75h101 M+i4,00!+ 5,50 
30|759,25|+13,90/109 ,75%,65|+14,25| 96 |757,08|/+14,25) 92 755,59l+10,2b| 99 14,25 + 9,50 
3:11553,62|+ g,00| 93 t753,40l+16,00| 82 l752,811- 17,50! Bo 754,414 19,25! 95 17,50 + 7,0 


+ 14,17] 96 Î+-20,08 
10,87] 93 [415,59 
+10,90| 95 [415,52 


+19,56| 80 |753,53 
+-14,88| 79 [750,74 
+1b,44| 82 |751,59 


11,7 
+ 7,93 
+ 8,o1 


91.1752,97119,35| 82 [752,75 
93 [750,871 +14,46| 85 750,63 
94 1751,59 +14,98| 85 751,01 


11793,141415,72 
2/750,91| 11,87 
51751,65|#11,48 


751,90/ 33 02/94 fro,8il-016,26| 84 |751,461-+16,43| 80 [7518911 r,98l 95 7,06 9,55 
| RÉCAPITULATION. ME 
; à | Plus grande élévation. ........ 764""87 le 11 
RHGIÈRE ste { Moindre élévation. .....: MN. 78brr8/4lerar 


sl Plus grand degré de chaleur.... +-24°00 le 4 
TA { Moindre degré de chaleur... + 5,75 le 28 


Nombre de jours beaux...... 17 
de couverts ..,...... 14 
de pluie ........... 16 
deVentane res cesse 31 
de brouillard ....... 18 
de gelée ........... o 
de neige ........... © 
de gréle ou grésil.... 
de tonnerre......... L 
| 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS, 


(Le Baromètre est réduit à la température de zéro.) 


ET | f 
k Per ÉnSEnRe ÉTAT DU CIEL. fl 
se JA | sur le haut a QE 90 PC OGEQU(T GC | 
BE iaConr: | OR LE MATIN. A MIDI. LE SOIR, | 

1 145 do .—O. Brouill., pl.av. lejour.|Couv., pluie à 1". Ciel voilé. 

2 Nuageux, brouillard.|Couvert, Idem. 

3 ï Idem. Idem. Nuageux, 

41 13,35 | 12,60 À Pluie grêl., écl., tonn.| Zdem. Idem. 

5 o,45 0,30 ; Couvert, brouillard. : |[Nuageux. Idem , pluie à 11%, 

6 Nuageux. Idem. Nuageux. 

7| 0,85 0,40 : à Pluie fine. Pluie fine. Couvert. 

8 { Idem. Nuageux. Nuageux. 

9 Nuageux, brouillard.| dem. Quelques éclaircis. 

10 Couvert. Idem. Beau ciel. 

1 Couvert, lég. brouill. | dem. Nuageux. 

19 Nuageux, brouill. |Petits nuag., à l'horiz.| dem. 

13 .[Nuageux. Pluie par intervalle. |Pluie par intervalle. 
14 $ Pluie, abondante. Pluie. Nuageux. 

15 ; Nuageux, brouillard. [Très nuageux. Couvert. 

16| 1,40 0,80 5. Plute fine, brouill. Couvert, lég. brouill. |. dem. 
17| 4,45 3,45 |S.-E Idem. Pluie, brouillard. [Quelques gout. d'eau. 
18 oO Pluie fine. Couvert. Beau ciel. | 
19 S.-O. fort. Nuageux. Nuageux, Nuageux. | 
20 .-S.-0.f, [Ciel trouble et nuag. Fdem: Quelques éclaircis, 

21] 0,40 | 0,30 |S.-O. Nuageux, petite pluie | Idem. Très nuageux. 

2 S. Couvert, brouill. Idem. Beau ciel. 

23 S.-E. fort. Idem. Beau ciel. Nuageux. 

24) 5,55 3,78 |S.-S.E. Nuageux. |Gouv., q- gont. d'ean. Pluie. 

25 S. Idem, brouillard. Nuageux. Nuageux. 

26, 3,00 2,30, |S. Pluie, brouillard. Pluie fine. Pluie. 

27 / 1S.-0. Pluie fine, brouill. |Couvert. Nuageux. 

28 S. Beau ciel, brouill. [Nuageux Petits nuages à l'horiz. 
29| 1,10 0,50 S. Couvert, brouillard. |Couvert, brouillard. |?P/uie fine, brouillard. 
30 S. Pluie fine , brouill. . Idem, brouill. hum.|Beau ciel. | 
31 Is. Beau ciel, brouillard.INuageux. Nuageux. 

1! 16,10 14,20 Moyennes du 1°*au 11. Phases de la Lune. 

2] 11,45 9,25 | Moyennes du 11 au 21. P.Q.le 7à 3152's. |ID.Q.leo3à 5/57 m. 
_3| 10,05 | 6,88 | Moyennes du 21 au 51. N.L.le15à 1”42’m.|[P.L.le3o à g{50'm. 
| 37,60 30,53 | Moyennes du mois. 

RÉCAPITULATION. 


Eteees (o) 

Jours dont le vent a soufflé da 4 SR": "7" 
DO ose sion 7 

(0 PAT DONNE 2 

NO". see O0 


le re, 190,101 | 
le 16, 12°,102 


Thermomètre des caves { 


© PROGRAMME 


Des Prix proposés à la Société d'Histoire naturelle de Paris, 
pour l'année 1824. 


Us anonyme ayant adressé à la société d'histoire naturelle de 
Paris une somme de uit cents francs , destinée à fonder deux prix 
égaux dont il a indiqué les sujels, et qui devront être décernés, 
s'il ya lieu, en 1824; la Société, après avoir entendu le rapport 
de la commission qu’elle a chargé d’examiner celte proposition, a 
accepté la donation dont elle est l'objet, aux conditions mises 
par le donateur, et admis le programme des prix tel qu'il l'a 
rédigé. 

PREMIER SUJET DE PRIX. 

«Il sera donné, en avril 1824, une médaille d’or de la valeur 
» de quatre cents francs à l’auteur du meilleur Mémoire de Géolo- 
» gie organique sur une partie quelconque de la France. » 

On voit qu'il est nécessaire que ce soit un espace plus ou moins 
étendu, dont le terrain renferme des débris organiques animaux 
ou végétaux, et qu'on devra faire connaître, non- seulement les 
roches et minéraux qui le composent, leur ordre de superposi- 
lion, elc., mais encore donner la détermination précise et com- 
parée des débris organiques renfermés dans ses couches. 


SECOND SUJET DE PRIX. 


«Une médaille d’or dela valeur de quatre cents francs seraremise, 
» en avril 1824, à l’auteur du meilleur Mémoire sur le sujet suivant: 
» Déterminer, par l'examen des corps organisés fossiles et par 
» tous les moyens chimiques, les différences des houilles et des . 
» lignites, et celles des terrains houillers et des terrains de lignites, 
» en faisant connaitre avec précision les lieux d'où proviendront 
» les substances analysées ou décrites. » 

La société pense que les personnes qui voudraient diriger leurs 
recherches sur ce sujet, pourraient le considérer de la manière 
suivante : Le 

SIL. Sous le point de vue chimique. — Prendre , dans des ler- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 599 


rains bien généralement et bien évidemment reconnus, pour ter- 
rains de houille ancienne (1) ( c’est-à-dire, présentant la réunion 
de circonstances telles que celles-ci : d'être de la houille inférieure 
augrès bigarré, de la houille accompagnée de feuilles de fouge- 
res sans coquilles, de la houille grasse ou maigre, mais non à 
l’état d’anthracite, etc. ), des échantillons nombreux, provenant 
dela masse des couches exploitées, et les examiner chimique- 
ment pour en faire ressortir les caractères essentiels. 

Prendre dans les terrains bien généralement reconnus pour 
être des lignites (par l'existence de plusieurs circonstances, telles 
que la position au-dessus du calcaire du Jura ou de la craie; la 
présence de parties à structure Jigneuse, accompagnant la masse ; 
l'absence des feuilles de fougères ; la présence des feuilles d'arbres 
ou celle de quelques coquilles, ‘etc.), des échantillons nombreux, 
choisis surtout parmi ceux qui, par leur aspect extérieur, ressem- 
blent le plus à la houïlle. Les examiner chimiquement pour en 
faire ressortir la composition «et les caractèrés, par opposition 
avec ceux de la houille. 

On‘pourait examiner, dans le même but, des échantillons de 
houille ou de lignite moins bien caractérisés; mais si l’on se livre 
à ce travail ( ce qui n’est point de rigueur), il faudra soigneuse- 
ment distinguer ces analyses des précédentes. 

S 1. Sous le point de vue des corps organisés fossiles. — Choi- 
Sir, autant qu'il sera possible, les mêmes mines, soit de houille, 
soit delignite, qui auront fourni les échantillons examinés chimi- 
quement, pour donner une énuméralion raisonnée, avec des rap- 
prochemens aux corps organisés actuellement vivans : 

1°. Des genres de végétaux et de leurs principales espèces, ob- 
servés dans l’ensemble de ces mines, choisis dans chacun de ces 
terrains, pour en conclure quels sontiles genres etles espèces par- 
ticuliers à chacun d’eux, et ceux qui leur sont communs. 

2°. Des coquilles et autres débris animaux considérés sous les 
mêmes rapports. | 

On pourra se contenter de nommer , avec citalion critique de la 
description et de la figure, les espèces végétales et animales déjà 
observées par les naturalisies; mais on devra faire connaitre par 
des descriplions et des dessins, cellesqu'onjugera caractéristiques, 
et qui n’auront pas encore élé figurées. 

On voit que celte question est double, et qu’il est possible que 


(1) Comme les ‘houilles de Saint-Etienne , d'Anzain , de Newcastle, etc. 


400 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc: 


la même personne ne puisse pas en résoudre les deux parties. 
Dans le cas où il n’y aurait qu’une personne en nom, le prix total 
lui serait adjugé. Dans le cas où un Mémoire, renfermant les deux 
solutions, serait en nom collectif, le prix total serait adjugé aux 
auteurs du Mémoire, si la Société trouvait que les deux questions 
aient été également bien résolues. S'il n’y en avait qu’une des deux 
qui füt sastisfaisante, on n’adjugerait que la moitié du prix aux 
auteurs. 

Si l’une des deux questions seulement était traitée, mais qu’elle 
le fût convenablement et complètement, la Société adjugerait la 
moilié du prix à l’auteur de ce Mémoire , et l’autre moitié appar- 
tiendrait à l’auteur qui aurait également bien résolu la seconde 
question. 

En présentant ce sujet complexe, le fondateur du prix et la So- 
ciété ne se dissimulent pas qu'ils offrent une apparence de travail 
considérable ; cependant on doit remarquerique la partie chimique 
n’a pas l'étendue de détails qu’elle semble présenter, et qu’il n’est 
pas nécessaire de donner une analyse complète d’un grand 
nombre d'échantillons de houille et de lignite; mais qu'on doit 
trouver , s’il est possible, des caractères chimiques distinctifs de 
ces deux combustibles fossiles, ou prouver qu’il n’yen a aucun qui 
soit général. 

La deuxième partie exige beaucoup plus de travaux de détails : 
aussi la Société pense-t-elle, que si l’on entreprend seulement de 
la résoudre, il sera convenable d'étendre, autant qu’on le pourra, 
ce qui est relatif à la géologie, en faisant connaître si les débris 
organiques , renfermés dans les terrains de houille et de lignites, 
indiquent pour chacun deux des époques de formations diffé- 
rentes. 


Conditions générales.— Les membres honoraires de la Société 
d'histoire naturelle de Paris, parmi lesquels seront choisis les 
juges du concours, sont seuls exclus d’y prendre part. 

Les Mémoires, portant une épigraphe, ou devise, qui sera ré- 
pétée avec les noms, prénoms, qualités et demeures de l’auteur 
ou des auteurs, dans un billet cacheté joint au manuscrit écrit 
lisiblement en français ou en latin, seront adressés au secrétaire 
de la Société, rue d'Anjou-Dauphine, n° 6, avant le 1° janvier 
1824. 


—— 


De l'Imprimerie de HUZARD-COURCIER , rue du Jardinet, n° 19. 


ANNONCES. 


OUVRAGES NOUVEAUX. 


Dictionnaire de Mécanique appliquée aux Arts, contenant la définition et la 
description sommaire des objets les plus importans ou les plus usités qui 
se rapportent à cette Science; avec l'énoncé de leurs propriétés essentielles , 
suivi d'indications qui facilitent la recherche des détails plus circonstanciés : 
Ouvrage faisant suite au Traité complet de Mécanique appliquée aux Arts, 
eng vol. in-4° ; par Borgnis. Vols in-4°. Prix, 15 fr. , et franc de port par la 
poste, 15 fr. 


Traité de Mécanique céleste ; par M. le marquis de Laplace, Tome V®, con- 
tenant l'Histoire de l'Astronomie, livre XI°, in-4°. Prix, 5 fr. 


Le livre XII° paraîtra à la fin de mars, et sera de même prix que le précé- 
dent. 


Manuel de l’Ingénieur-Mécanicien , Constructeur de Machines à vapeur; par 
Olivier Evans , de Philadelphie; traduit de l'Anglais, par J. Doolitle, citoyen 
des Etats-Unis, membre de la Société d'Encouragement pout l’industrie natio- 
nale ; précédé d’une Notice sur l'Auteur, et suivi de Notes par le Traducteur. 
Un vol. in-8°, 1821, avec planches. Prix, 5 fr. 


Ces Ouvrages se vendent à Paris, chez Bachelier, gendre Courcier , suc- 
cesseur de M”° veuve Courcier , Libraire pour les Sciences, quai des Augustins, 
n° 55. ‘ 


Sous Presse chez le méme Libraire. 


. «Voyages dans la Grande-Bretagne ; entrepris relativement aux services pu- 
blics de la Guerre, de là Marine et des Ponts et Chaussées en 1816, 1817, 1818, 
1819, 1820 et 1821 ; présentant le Tableau des institutions et des établissemens 
qui se rapportent aux travaux civils des ports de commerce, des routes, des 
ponts et des eaux; par Charles Dupin, Membre de l'Institut. TROISIÈME PAR- 
TIE, Zravaux civils des Ponts et Chaussées , 2 vol in-4° et atlas in-fol. 


Problèmes et développemens sur les diverses branches des Mathématiques, 
par MM. Reynaud et Duhamel. Un vol. in-8e. 


Traité de Mécanique industrielle , ou Exposé de la Science de la Méca- 
nique déduite de l'expérience et de l'observation ; principalement à l'usage des 
Manwfacturiers et des Artistes; par Christian, directeur du Conservatoire 
royal des Are et Métiers à Paris. Tome II°, traitant des Machines à vapeur, etc., 
in-4° et atlas. 


Ce volume sera en vente vers le 30 avril. Le tome III: et dernier-sera immé- 
diatement mis sous presse pour être terminé ayant la fin de l’année. 


Elementi de Zoolopia, etc. , Elémens de Zoologie, par l'abbé Camille 


ï, professeur de Minéralogie et de Zoologie dans l’université ponti- 
Bologne. , 


Juvrage important et dans lequel la Zoologie est traitée avec les prin- 
Ls rt dans une étendue convenables , c'est-à-dire , ni trop resserrée, ni trop 
étendue, se continue avec beaucoup de succès. Le premier volume est en- | 
tièren:ënt consacré à l'exposition et à la discussion des: principes ; le second , 
qui est divisé en trois parties, ne traite que de la classe des Mammifères. Le 
troisième renferme l’histoire des Oiseaux ; il y en a déjà trois parties de pu- 
bliées. L'histoire des Passereaux n’est pas terminée. Ainsi, par la persévérante 
activité de M. Ranzani, l'Italie, cette terre classique de presque toutes/les 
connaissances humaines, possédera l’onvrage le plus complet qui existe sur 
la Zoologie, et qui est jusqu'ici parfaitement à la hauteur de l’état actuel de la 
science. Des figures bien faites donnent des exemples des groupes principaux 
et facilitent la mémoire. 


P 


Des Monstruosités humaines, ouvrage contenant une, classification des 
monstres; la description et la comparaison des principaux genres ; une his: 
toire raisonnée des phénomènes de la monstruosité et des faits primitifs qui 
la produisent; des ‘vues nouvelles touchant la nutrition du fœtus et d'antres 
circonstances de: son développement; et la détermination des diverses parties 
de l'organe sexuel, pour en démontrer l’unité de composition, non-seulement 
chez les monstres, où J’altération des formes rend cet organe méconnaissable , 
mais dans les deux sexes, et, de plus chez les oiseaux et chez les mammi- 
fères savec figures des détaiis anatomiques; par M. le chevalier Geoffroy- 
Saint-Hilaire, Membre dé l'Académie royale des Sciences, Professeur-Admi- 
nistrateur du Muséum d'Histoire naturelle au Jardin oï, et Professeur de 
Zoologie et de Physiologie à la Faculté des Sciences ; VInstitut d'Egypte , 
associé libre de l’Académie royale de Médecine , et de plusieurs autres Acadé- 
mieS nationales et étrangères: * 


” Oo 

Description géologique des Euvirons de Paris; par MM. G. ‘Cuvier et Alex. 
Brongniart. Nouvelle édition, dans laquelle on a inséré la description d'un grand 
nombre de lieux de l'Allemagne, de la Suisse et de l'Italie; etc. , qui présentent 
des terrains analogues à ceux du bassin de Paris ; par M. Alex. Ge Un 
vol. gr.in-4° de 428 pag. avec deux cartes et 16 planches représentant les coupes 
de ces terrains et beaucoup des coquilles fossiles qu'ils renferment, et une table 
alphabétique de tous les lieux décrits ou seulement cités. A Paris , chez G. Du- 
four et E. d'Ocagne, libraires, quai Voltaire , n° 15, età Amsterdam, chez 
les mêmes, 1822. ‘ 


Ce volume , qui fait partie &u grand ouvrage de M. G, Cuvier “sur les osse- 
mens fossiles, se vend à part et sera d'une grande utilité àla Géologie. 


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