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JOURN
DES SAVANS.
JANVIER l8li
A PARIS,
Dft, L'IMPRIMERIE ROYALE.
BUREAt^ DU JOURNAL DES SAVANS.
Monseigneur le GARDE DES SCEAUX , Présidem.
r M", Daci
1/ de l'aca
TAI. le Bar
I académ
...' M_ nn<;^
fiC Daccer , de rinïiitnt royal de France, lecréiaîn; perpétuel
'académie des in!cripiioi|> et belles-letires.
SiLVESTBE UE SxcY, del'lnstiiut royal de France,
lémie des inscripiions et belles-ktirei.
M. GosSEl-LlN, de I In^tiiui royal de France, académie des ins-
cripiions ei bel les- lettres.
. CuviEB , conseiller d'état, de l'Institut royal de France,
secrétaire (gerpé^jel deracadémie d^i sciences, et membre de
l'académie française.
' M. DAUNOU.derinstiiui royal deFrance.académiedes inscrip-
tions eibelles-lf lires, éditeur du Journal et secrétaire du bureau.
M. TESSlER.del'Jnsiiiut royal de France, académie des sciences.
M. QuATREMÈRE DE QuiNCV, de l'Institut royal de France,
secrétaire perpétuel de l'académie des beaux-arts , et membre de
celle des inscriptions et belles-lettres.
M. BlOT, de l'Institut royal de France, académie des sciences.
M. Vanderboubg, de l'Institut royal de France, académie des
inscriptions ei helles-ietires.
M._ RayWOUARD, de rinsiiiul royal de France, secrétaire per-
'ipjtuel de l'académie rrançatse,et membre de l'académie des ins-
criptions et belles-lettres.
i* HAPJILjlflCHETTL_d_ ^.
dès insciiptions et belles-lettre
M. ChézV, de l'insiilur royal de Fran.
tions ei beIK-s-letIrcs.
M. V. Cousin, maître de conférences
M. Letronne, de l'Insii
inscriptions et belles-lettre..
kl. DuLONG, professeur de physique et de chimie à l'École
loyale d'Alfort.
M, Abel-Rémusat, de rinsiitut royal de France, académie des
inscriptions et belles-lettres.
académie des Jnscrip-
conférences à l'École normale.
:ul royal de France , académie dei
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FRANC DE FORT , OU bureau du Journal des Savans, à Paris, ruç
de Ménil-montant, n." zi.
' I •
4 JOURNAL DES SAVANS,
Macartney a ^té roccasion. ou dont elle a fourni Fa matière, sans
offrir en eux-mêmes rien de bien neuf ou de bien important, ont
appelé l'attention des savans anglais sur la littérature de cet empire ;
et Ton doit quelque reconnoissanc* à MM. Barrow , Andersen, Hiîttner,
si leurs relations ont pu contribuer à nous valoir les estimables pro-
ductions de MM, Staunton, Morrison , Miine, et de quelques autres.
L'ambassade de lord Amherst s'annonçoit sous des auspices encore
plui favorables pour les sciences. Sur la liste des personnes qui la com-
posoient, se trouvoient les noms de plusieurs de ceux dont Tambassade
de lord Macartney avoit, pour ainsi dire, décidé la vocation. Sir George
Staunton étoit second membre du comité de légation : M. Mahning ,
depuis fong-iemps livré à l'étude de la langue chinoise; M. Davis, connu
par quelques essais dans ce genre de littérature ; et M. Morrison , que le
commencement de ses importans travaux a déjà placé au rang des philo-
logues les plus recommandables , étoient tous trois attachés comm*
interprètes ï Tambassade. D'un autre côté , la présence d'un médecin
versé dans les sciences naturelles , et particulièrement dans la botanique ,
de M. Clarke Abel, sembloil assurer ^ cette expédition un avantage
qui avoit manqué à toutes les précédentes , sans exception : tout portoit
à croire qu'une occasion si rare alloit être complètement mise à profit.
Des hommesdé^ si éclairés ne pouvoient manquer d'apprendre beaucoup
en traversant la Chine , pour peu qu'on leur en laissât le temps et les
moyens. Non-seulement le succès des négociations , mais une abondante
moisson d'observations dans tous les genres', dévoient être les fruits
^uoe réunion si précieuse de lumières et de talens divers. £n examinant
îea quatre ouvrages qui ont déjà paru sur les opérations de l'ambassade ,
OÔus anron* ï aire ressortir les causes qui Tont fait échouer dans son
ab[et politique, et ont, par une suite nécessaire, considérablement
JANVIER 1819.
ou du moins officiel, des opérations diplomatiques, et des débsts qui
survinrent, presque à chaque pas de cette délicate cl pénihie négociation.
Depuis plusieurs années, la faciorerie anglaise de Canton éioii en butte
à ces persécutions sourdes, à ces tracasseries de détail, inévitables daiis
une ville où le gouvernement croit faire grâce aux Européens en leur
permettani d'y séjourner, et où ils sont toui-à-Ia-fois repoussés par les
préjugés, et appelés par les voeux des habiians, chtz lesquels l'ainour
du gain l'emporle à peine sur la haine et le mépris pour tout ce qui est
étranger. Perpétuellement obligés d'acheter des mandarins un appui
précaire, n'obtenant d'eux qu'une protection passagère, ne jouissant
d'aucun privilège qui ne puisse être révoqué à chaque mutation, le»
conmerçans anglais, dominateurs dans le reste de l'Asie, sont ici soumis
k une gène et contraints à des ménagemens auxquels, ils ont peine k
s'accoutumer. Plus d'une fois des rixes ont été la suite des tentatives faites
par des capitaines ou d'autres officiers, pour appliquer en Chine les
procédés qui leur réussissent avec les peuples de l'Hindoustan. Dans ces
occasions, les Anglais ont ordinairement un avantage momentané; mais
la force d'inertie employée par le gouvernement chinois et (e besoin de
commercer les ramènent bientôt à des moyens plus doux, il n'est pas aussi
facile qu'on pourroit le croire défaire la loi à une nation comme les
Chinois. L'emploi de la force pourroit avoir de graves conséquences ; el
il faut bien que cela soit, jHiî^qu'on ne l'a paEenonrf lenté.
Le désir de faire cesser cet étal de choses, et d'obtenir pour le
commerce une liberté suffisante et des conditions stables, a été le motif
de la nouvelle ambassade, comme de presque toutes les autres négociations
précédetnment entreprises par les Européens. Cette mesure tût jugée
nécessaire par la cour des directeurs, et le prince régent fut supplié
de choisir une personne d'un rang élevé pour la mettre à exécution. Le
choix du -gouvernement tomba sur lord Amherst; et, pour concilier
l'éclat qu'on vouloil donner à l'ambassade avec lès intérêts de la com-
pagnie en faveur de laquelle elle étoit entreprise , on réiolut d'adjoindre
à l'ambassadeur, M. Elphinstone, chef de la factorerie de Canton, o«
sir George Slaunton , deux personnes accoutumées depuis long-temps à
traiter avec les Chinois: ce fiil pareillement à Canton qu'on se réserva
de prendre les interprètes et les autres agens dont les coiuioissances
locales dévoient être de la plus grande utilité dans les affaires qu'on se
proposoil de traiter.
L'ambassadeurs'embarqua, le 8 février 1 81 6, sur (e vaisseau t' Ahtste,
Capitaine sir Murray Maxwell; deux autres vaisseaux, la Lyre, sous le
comniaiideiiient du capitaine Hall, et U Général Hcwitt, furent chargés
« JOURNAL DES SAVANS,
des présens et du gros bagage. L'expédition toucha au Brésil, au cap de
Bonne>£spérance , à Java, et,It! lo juillet, elle arriva aux îlesLeinma,
près de Macao , où la joignirent celles des personnes établies à Cantoti
qui dévoient en faire partie. On annonça officiellement au vice-roi de
Canton l'arrivée de l'ambassade , et son départ pour la mer Jaune : on
xeçut redit de l'empereur qui inarquoit sa satisfaction de la venue des
ambassadeurs, et contenoit ses ordres pour la réception qu'on devoit
leur faire. Les vaisseaux levèrent l'ancre le i j , et parvinrent à la fin du
mois k Tembouchure du Pe-ho , dans le golfe du Pe-tchi-li. Deux
mandarins nommés Tckang et y», designés pour accompagner l'ambas-
:sadç, arrivèrent immédiatement après. Les Anglais débarquèrent le 9
août ; ils se rendirent à Thian-tsin, où ils furent reçus par un grand , nommé
Sou-liig-yi. Les conférences commencèrent en cet endroit, et conti-
nuèrent à mesure qu'on avança dans k province de Pe-tchi-li, et après
fvTÎvée des Anglais dam la ville de Thoung-tcheou , où de nouveaux
officiers de l'empereur vinrent trouver les ambassadeurs ; ce fut de cette
.viljo que lord Amherst fut conduit à Peking, puis à la maison de
plaisance dc l'empereur, nommée Youan-ming-yoïian , où devoit avoir lieu
l'audience solennelle.
J'ai tracé rapidement cet itinéraire , pour ne pas interrompre , dans la
nuto de cet article, ce que j'aurai à dire des opérations de l'ambassade.
Un très-petit nombre- d'nbiwvnnnn^ faitp^dans une marche a^sez rapide
pourront trouver place ailleurs : ici , je Cf ois devoir profiter de l'occasion
qui se présente, pour faire ressordr^dansle réci;^de ces négociations»
Ici traits qui caractérisent la nation chinoise , et qui sont propres à donner
«ne Idée de son esprit. Je ne m'interdirai même pas un petit nombre de
remarques additionnelles , si elles peuvent concourir au même but et ne
pâsAtreinutilesunjourà des agens diplomatiques, dans leurs rapporuavec
teuple siu lequel on a' déjà tant écrit, et qui est encore si mal connu.
JANVIER 1819. 7
opposent également. Un ambassadeur qui vient à la cour, n'y est con*
sidéré que comme un envoyé chargé d'offrir au JÎ/j du ciel les respects
de son maître, et de lui présenter un tribut. Le temps de son séjour,
le nombre d'audiences qu'il peut obtenir , les ofiiners auxquett il doit
s'adresser, tout est déterminé par des réglemens qu'il ne sauroil éluder;
il ne peut dépasser la limite qui lui est assignée, ni parler d'affaires
k leinjiereur ou à ses ministres. Tel est l'usage antique auquel les
Chinois demeurent invïolablement attachés. Les ambassadeurs qui ont
espéré qu'on y dérogeroit en leur faveur, connoissoieni bien mal
l'esprit de la nation chinoise, son asservissement aux anciennes cou^
tûmes, et sur-tout son orgueil intéressé au maintien de tout ce qui
semble attester la suprématie qu'elle affecte à l'égard de toutes les
autres nations.
Les collègues de lord Amherst étoient trop instruits pour ignorer ces
prétentions chinoises; ils entréreni en Chine, partagés enire le désir
d'en éluder l'efTet, et la crainte de faire échouer la mission importante
qui leur étoil confiée, Soutenir l'honneur national, sans trop heurter
les préjugés du peuple avec lequel on aà iraîier, est, en pareil cas, un
devoir aussi délicat qu'indispensable: il falloil sur-tout, dans cette cir-
constance, ne ]ias exposer l'ambassade à se voir fermer les portes de la
Chine. L'envoyé d'une autre puissance européenne disoit, dans une cir-
constance analogue: .-fvcf in //eu Jt J'iplvumic , nous ferons ce que nous
youiirons de ces Chinois (1}. Si les négociateurs anglais pariageoient
d'abord celte idée , ils durent la perdre îi la suite des nombreuses confé-
rences qu'ils eurent avec les mandarins de Canton et de Peking, et
que JVl. EHis rapporte avec les plus grands détails.
Le premier et le plus impoi tant sujet de discussion fut celte cérémonie
qu'on nomme kheou-theou . et qui consiste à s'agenouiller trois fois,
et à frapper fa terre du front trois fois à chaque agenouillement. On
saine de CL'tle manière non-seulement l'einpereur lui-même, mais son
trône, \a tablette qui le représente , les présens qu'il envoie, et même
les mets qu'il fait quelquefcis, par une grâce spéciale, prendre sur sa
table et porter aux ambassadeurs. Les Européens ont toujours répugné
beaucoup à cette cérémonie, qu'ils sont disposés à trouver avilissante.
Il n'est pas sur pourtant que les Chinois y voient un acte de soumission :
c'est seulement , dans kur idée , une salutation qu'il est ridicule de refuser
à l'empereur, quand on est venu de si loin pour avoir l'honneur de lui
rendre hommage. C'est d'ailleurs un usage si ancien, si généralement
[1} Die Rusiische GesandïthaTt tiach China imlflhr 180J. /A;tj;a i/.
iLi-
s JOURNAL DES SAVANS,
observé 9 non-seulement par les sujets immédiats de Fempereuri mais
par tous les envoyés, et même par les princes étrangers, quand ils
viennent à la cour, que les Chinois ne sont pas moins surpris de la
répugnance qu'on témoigne à s'acquitter de ce devoir, que nous ne le
serions,! en Europe, devoir un ambassadeur qui refuseroît, dans une
' audience solennelle, de se conformer aux règfes les plus indispensables
de la bienséance.
Parmi les personnes qui composoient Fambassade, M. Ellis pensoft
qu'il étoit peu convenable de sacrifier les importans objets de la négo*
dation au désir prétendu de maintenir sa dignité dans un pareil
point d'étiquette, sur-tout si Ton considéroit qu'une vaine dispute de
cérémonial pouvoit empêcher l'ambassade d'être admise, comme cela
étoit arrivé au comte Golowkin. Shr George Staunton, au contraire, et
les autres personnes attachées à la compagnie At% Indes, et dont
Fopinion devoit nécessairement avoir le plus grand poids , regardoient
la condescendance sur ce point essentiel, comme un acte de foiblesse
qui pouvoit avoir les plus fâcheuses conséquences pour les intérêts du
commerce anglais à Canton. Le parti de la résistance fût donc jugé le
meilleur ; et, en conséquence , on disputa avec les commissaires envoyés
tu-devant de l'ambassade , à son débarquement sur le Pe-ho , avec ceux
4e Thian-tsin , avec les officiers députés à Thoung-tcheou pour s'en-
tendre avec les ambassadeurs. On disputa tant qu'on crut pouvoir
obtenir quelque relâchement dans la sévérité des usages chinois : on offrit
ensuite diffêrens moyens de conciliation. Lord Amherst craignoit sur-
tout que, s'il se décidoit à faire la cérémonie , les Chinois n'en conclussent
que le roi d'Angleterre se reconnoissoit vassal de Fempereur. Pour
éviter cet inconvénient, il demanda qu'un grand d'un rang égal au sien
fh les neuf battemens de tête devant le portrait du prince régent, ou
bien, que l'empereur déclarât par un édit solennel que tout ambassadeur
diinois qui viendroit en Angleterre , fèroit la cérémonie devant
S. M. B. Ces deux propositions furent repou^sées avec la même force ,
quoiqu'assurément la dernière ne tirât pas à conséquence pour \^%
Chinois. A travers les réponses des mandarins , que M. Ellis rapporte
d'une manière un peu obscure , on démêle sans peine le véritable motif
du refus des officiers chinois. « De même qu'il n'y a qu'un soleil, s'écria l'un
»> d'entre ^ux avec force, il n'y a aussi qu'un seul Ta-hoang-ti [empereur
»> suprême] ; il est fe souverain universel , et tous fui doivent hoipmage. »
Quelques autres dirent que le roi d'Angleterre , s'il étoit en personne ^
b place de son ambassadeur, devroit pratiquer la cérémonie ; d'autres,
nvpris (Tuae rév^tancç ^ extraordin^aire aiix ordre; de le^ir maitrç e^
JANVIER 1819. "9
■ux iois du royilume céleste, firent entendre aux envoyés que le roi
d'Angleterre lui-même poiirroîl se trouver mal de cette affaire.
Une troisièiiie proposition de lord Amherst sembla d'abord propre
à terminer ces difficultés; il offrît de mettre trois fois un genou en terre
devant l'empereur, et de s'incliner neuf fois, de manière k satisfaire en
apparence à la rigueur de l'usage, sans néanmoins compromettre la dignit<^
de son souverain, et sans renoncer h l'honorable dispense accordée par
Kkian-louiig aux ambassadeurs anglais dans la personne de lord A\a-
cartney. Ce dernier fait, avancé avec confiance par les négociateurs
anglais , devint un nouveau sujet de dispute. Les mandarins nièrent
avec force qu'on eilt accordé au lord une exeiiiplion si contraire aux lois
de l'empire; ils citèrent les gazettes officielles et les édîts qui expri-
noient précisément le contraire, et appelèrent en témoignage sir
George Staunton lui-même, qui avoit assisté à l'audience de lord
Wacartney: mais sir George, craignant les effets d'une réponse catégo-
xique, s'excusa sur sa grande jeunesse au moment de cette réception.
Enfin l'empereur lui-même fit sortir un édit dans lequel il déclaroit se
souvenir très- exactement d'avoir vu de ses propres yeux lord Ma-
carlney pratiquer le kheou-theou devant son père. Après une telle décla-
ration, la vêtité du fait devenoit la considération (a moins importante;
car comment supposer que l'empereur pût recourir au mensonge, ou
comment oser lui dire qu'il se tronipoît !
L'examen de cette question n'est pas sans quelque importance, à
cause dss inductions qu'en pourroient tirer les nations européennes danj
leurs rapports ultérieurs avec la cour de Peking. Toutes les personnes
■ qui composoient l'ambassade de 179}. affirment que lord Macartney
B été dispensé des cérémonies du kheou-theou ; et il est certain qa'en
toute autre matière cette simple assertion, de la part de personnes si
respectables et si dignes de foi, ne devroit pas permettre le })Ius léger
doute. Je n'opposerai à ce tétnoignage unanime, ni les insinuations
d'Anderson, répétées et malignement interprétées tout récemment par
un pamphlétaire anglais (1), ni même le témoignage peu désintéressé
des mandarins chinois. Toutefois celui de l'empereur me paroît mériter
quelque considération : d'ailleurs, l'interprète russe Vladykin, qui étoit
(l, Dtlicau Inqiiiry intù tlie Embusùt! U
roin the preinises. On peut juger de la virui
njurieuse que l'auteur anonyme a adoptée :
Improbiis ixtremos curril mercator aii Indos,
Pauperirm fugitni , mulcùm vtipiildtidus in at
Tartarea.
na, and a UgitUnate conclusion
de ce pamphiei par l'épigraphe
»o JOURNAL DES SAVANS,
à PeLÎBg Ml moment d« la réception du lord Macutney, d'autres
personnes encoFe qui ont pu avoir de ce fait une connoisiance touis
particulière, s'accordent à rapporter des circonstances bien contraires
BU récit des Anglais, Le comte Golowkin , ambassadeur de Russie , ayant
vouhi se prévaloir de l'exemption accordée au lord Macartney, on lui
assura très-positivement que cette exemption n'avoit jamais eu lieu.
Enjfin, indépendamment de tous ces témoignages, on aurou peine k
concevoir le motif qui eût fait enfreindre ainsi, sans nécessité, le plus
sacré des rites de la cour. L'histoire chinoise ne contribue pas peu k
Bâre douter de cette possibilité.
Vers Tan 713, des ambassadeurs du khalife Waiïd vinrent offrir ua
tribut à l'empereur Hioaan tsoung. Ils demandèrent k être dispensés du
prosternement dans l'audience qu'ils dévoient obtenir. Ils furent ds
suite mis en jugement devant un tribunal ; et la sentence du président
déclara qu'ils étoîeni dignes de mon , pour avoir commis contre letusaget
une ^le irrémissible: néanmoins fiiouan-tseung voulut bien leur tiitre
grâce (i). Il vint ensuite de nouveaux ambassadeurs, qui représentèrent
que , dans leur pays , on ne se prosternoît que devant Dieu , tl jamaii
devant les rois. On leur fit une sévère réprimande, et iti je jtTosternirent,
En 798,1e khalife Haroun envoya trois ambassadeurs, ii/nn-z^j'â, Ou-ki,
et Cha-pe; ils fii^nt tous trois la cérémonie, et le premier ministre les
combla de l.irgesses. Il faut remarquer qu'ïl cette époque les Chiiioii
connoissoient fort bien l'immense puissance des Arabes, iju'ifs aroient
des démêlés avec eux dans le Tibet et dans le Mawarennahar , et que
Tempereur Taï-tsoung avott même à son service un corps auxiliairo
d'Arabes qui l'aidèrent à reprendre ses deux capitales sur les rebelles. '
Ce que les Anglais avoient particulièrement à coeur, c'étoit de bien
persuader aux Chinois que la puissance britannique ne pouvoit être mise
- même pied que les tials tributaires voisins de la Chin
JANVIER 1819.
un petit chef (Tune peuplade sauvage, qui défendoit »on îndépendsnce
dans une très-petite portion de l'iie d'H»ï-iian , au milieu des bois et des
montagnes. II eût pu être utile aux ambassadeurs de savoir précisément
comment on parle , non pas des Houng mao [ tètes rouges ] ou ing-kî-tl
[ English ] (car les Chinois n'ont pas une idée assez nette de leur
puissance pour faire une grande attention à ce qui (es concerne ) . mais
des Russes, ces fbrmidalileis voisins dont les frontières touchent iiix
leurs l'espace de soixante-dix degrés en longitude, et que (es Chinois
ont tant de moyens de bien connoître et tant d'intérêt à ménager. « I^
» tribut des Russes , dit le Tai-thsingi-tlioiing-tchi , vient de Kia-khc-toit
» [Kiiikhta]; on passe le long du pays des Kalkas, on entre par lagorg«
» de Tchâng-kia pour arriver à Peking ( 1 }. •> Veut-on voir comment i(ï
présenient dans leur histoire ces fumeuses négociations dont on a
tant parié en Europe, et qui ont servi k fixer les limites des deux
empires : « La vingt-quatrième année khang-hi, on donna ordre au
» général Sa-pou-sou et aux autres comniaudans du fleuve du Dragore
« noir [le fleuve Amour] de rassembler des troupes et d'assiéger Yaksa :
M la soumission se fil attendre plusieurs jours. La vingt-cinquième année,
» le Tckha k&n khan de ce royaume ou roi blanc [l'empereur de Russie]
n envoya des ambassadeurs pour i/fmûnt/fr/jtin/nn efe sa faute [ su tsou't],
" Ces envoyés représentèrent que les hal)ilans des frontières de leur
»* royaume inférieur [ Hia-koueJ éloKwt des hommes querelleurs et mutinsi
" mais qu'à l'avenir on les coniiendroit sévèrement. Us supplièrent (2)
» l'empereur de vouloir bien faire lever le siège de Yn-khr-sa, et deman-
» dèrent en outre qu'on déterminât les frontières. Un décret le permit
■» [chao-iu-tchi].n II n'y a, comme on voit, rien de surprenant dans ces pa-'
rofes de Khang-hi , rapportées par M. Morrison (j) : Depiiir quarante-
neuf ant (jue '}€ suis sur le trône, /'ni écrasé les rebelles , conquis l'île /le
Formose, et soumis 1rs Russes, [ Kiang O-lo sse ]. li y a dans l'hospi-
talité même que les Chinois se piquent d'exercer envers les étrangers ,
quelque chose qui ne peut qu'liumiher ceux-ci, en satisfaisant leur
[iropre vanité. La loi a réglé ce qu'on doit donner à un ambassadeur
russe par jour: un mouton, une tasse de vin, une boîte de thé d'uti
kin ou d'une livre, une cruche de lait, parce que les Russes ont
coutume d'en prendre avec le thé; deux onces de beurre, deux
poissuns, une hvre de chouic salés, quatre onces de misoan o^
(i) Taithine, i ihoung uhi, 1. CCCLV, p. ^^-ié.
(2) L'expression chinoise e*t^A;> httéralenicnt mtnditr.
(]] View of Cliina,;'.^.
la JOURNAL DÏS SAVONS,
soya (i), quatre onces de vinaigre, une once de sel, et dflix
Soucoupes d'huile à brûler pour les lampes de nuit. On donne les
mêmes vivres à sa suite, mais par une grâce spéciale de l'empereuri
on sert tous les neuf jours, à l'ambassadeur seul, un dîner de quatre
services à la chinoise, et dix. tasses de thé préparé à [a manière des
Mandchous [z). N'oublions pas que ces sortes de grâces, les présens
qu'on fait aux ambassadeurs, ceux qu'on attend des princes qui les
envoient, les démarches qu'ils doivent faire, les moindres circons-
tances de leur réception , ont des noms particuliers en chinois ; que
ces noms marquent toujours le rapport du sujet à son maître , du
vassal k son souverain, et qu'il faudroit refaire la langue, si Ton
Touioit prévenir ces équivoques diplomatiques dont ies conséquences
tacites sont rechercfiées par les uns avec plus de soin que les autres
n'en mettent à les éviter.
L'ambassade anglaise y eût renoncé sans doute ; elle pafoissoit
même disposée à céder sur le point essentiel du kheou-thtou ; et cette
condescendaiice , quoique tardive, eût peut-être influé favorablement
sur sa réception, sans un malentendu qui rompit sans retour les négo-
daiiont^ Lord Amherst étott à peine arrivé à la maison de plaisance
de fempereur, près de Peking, quand un ordre lui fut apporté pour
qu'il eût à se rendre sur-le-champ devant Tempereur, avec son fils et
k'S commissaires de la légation. Surpris de cette précipitation, encore
indécis sur le parti qu'il avoit à prendre, l'ambassadeur allégua la (aligne
d'un voyage de nuit , et le défaut de temps pour se préparer à
Faudience qu'on lui accordoit. Celte excuse fut mal rendue à Tem-
pereur, ou mal reçue de ce prince, que ia longue dispute au sujet
du cérémonial avoit indisposé contre les Anglais. Ceux-ci furent de
suite ramenés au village de Hài-tian, et, deux heures après, on vint
leur annoncer que l'empereur, irrité des re&s de l'ambassadeur, avoit
I
JANVIER 1819. ij
Quelques lignes extraites d'un édit de l'empereur, adressé au vice-
roi de Canton, le 6 septembre 1816, feront connoEire, niiçuz que
tout ce que nous pourrions dire, l'impression que les Chinois prirent,
et que, sans doute, ils conserveront, de la conduie des Anglais dans
cette circonstance : «Les ambassadeurs anglais, dit Kiakhing, à leur
» arrivée i Thian-lsin, n'ont pas observé les lois de la politesse: à
» Thowng-icheou , h quatre lieues de Peking , ils ténioignérent qu'ils
» étoieni prêts à se prosterner ei à s'agenouiller conforméinenl aux
"règles de la bienséance de ce pays, — Comme nous étions sur le
» point de nous rendre à la salle pour y recevoir l'ambassade, le
" premier et le second ambassadeurs, mjus ijrciexte (Tune indisposition,
» refusèrent de paroître. £n conséquence, nous rendîmes un décret
» pour les fiiire retourner sans délai ; mais nous avons réfléchi que , si
» l'ambassadeur éioit blâmable pour n'axoir pas observé les lois de fa
«politesse, c'étoit une chose peu convenalile et contraire à la
w maxime qui ordonne de montrer de la bonté à nos inféiieurs, que
» de témoigner du mépris k un souverain qui, d'une distance immense
" et à travers plusieurs mers, avoit envoyé nous offrir un tribut. E[i
n conséquence, parmi les présens dudit roi, nous avons choisi quelques
» bagatelles des plus insignifiantes, quatre caries, deux portraits
a» (celui du roi et de la reine d'Angleterre) et quatre-vingt-quinze gra-
» vures, et , pour lui faire plaisir, nous les avons acceptées : en retour ,
«> nous avons fait présent audit roi d'un sceptre en pierre de iu, d'un
n collier d'agate, de deux paires de grandes bourses et de quatre
y paires de petites. Nous avons ordonné aux ajnbassadeurs de
» recevoir ces préseiis et de s'en retourner dans leur pays. De cette
M manière nous avons mis k exécution la maxime de Confucius,
a donnc^ beaucoup, recevc-^pcu.n
Dans une autre déclaration, fempereur s'exprime avec moins de mc-
dération.u Le royaume du milieu, dit-il, a la su)irémaiie dans l'univers
T» entier. Comment endurer une conduite injurieuie , une arrogance
n pareille à celle de ces ambassadeurs \ J'ai laissé tomber l'ordre de les
«chasser et de les renvoyer dans Itur pays, sans punir le crime
w énorme qu'ils ont comjnis. » Celte dernière phrase rappelle la clémence
de Hiouan-tsoung , pardonnant aux ambassadeurs du khalife; elle fait
voir que les Chinois n'ont pas changé de maxime, et qu'il* ont
toujours la même manière de voir îi l'égard des étrangers.
L'indulgence de l'empereur ne s'étendit pas aux mïindnrins qui
avoient été chargés de recevoir les ambassadeurs, et de fes disposer
aux démarches qu'on attendoit d'eux, eu les instruisant des usages du
i4 JOURNAL DES SAVANS,
royaume du milieu. Sou-ling-ye, qui avoît amené Tambassade à Pekîng^
fut destitué de sa charge de président du tribunal des ouvrages publics »
de l'emploi de générai d'armée, et de fa décoration de la plume de
paon : fes Juges l'avoient condamné à être destitué entièrement et
féduit au cinquième rang dans la hiérarchie des mandarins; l'empereur,
par une faveur spéciale, le mit au troisième, lui laissa la surintendance
dts thés et autres provÎMons, et des jardins de Youan-ming, avec la
promesse, s'il se conduit bien, de le rétablir dans huit ans : mais il
fiiut observer qu'il étoit âgé de soixante-dix. Ho-chi-tal , par l'entremise
duquel l'excuse de lord Amhersj fut portée à l'empereur, perdit la
casaque jaune et les émofumens attachés au titre de koung, et ne
conserva ce titre même que par un efFet de la bonté de Kia-khîng.
Mtu-kï'tang-yt ^ Fun des mandarins venus à Thoung-tcheou, fut, à
raison de son âge et de l'incapacité dont il avoit fait preuve , com-
plètement destitué; et Kouang-hoi ^ le premier des trois commissaires
chinois chargés d'accompagner l'ambassade, fût réduit à la charge de
secrétaire du huitième rang, pour l'exercer dans le pays des Mandchous.
Cette sévérité de l'empereur envers tous les officiers chinois qui
prirent part aux affaires des ambassadeurs, n'est pas de nature à
aplanir, en faveur de ceux qui pourroîent suivre leurs traces, les
difficultés qui se multiplient dans le cours de négociations déjà si
épineuses et si ^tigames pour une personne accoutumée aux procédés
réguliers de la diplomatie européenne.
Les Anglais, partis de Peking à la fin d'août, furent reconduits, au
travers des provinces deChan-toung, de Kiang-sou, de'An-hoeï, de
Kiang-si et de Kouang-toung, jusqu'à Canton, où ils arrivèrent le
I*' janvier 1817. J'abrège, par la raison que j'ai déjà dite, le récit de
leur voyage; mais il est à propos de remarquer que, loin qu'ils eussent
à se plaindre des mandarins, comme le pouvoit fiiire craindre l'indi-
gnation de l'empereur , les ordres furent donnés par-tout pour qu'ifs
fussent traités avec des égards et une pofitesse auxquefs ifs ne dé-
voient guère s'attendre après ce qui s'étoit passé. A Canton , ifs trou-
vèrent que fe vice-roi avoit reçu un décret qui lui enjoignoit de
donner un repas à l'ambassadeur et de le congédier promptement
en lui faisant une réprimande sur la conduite qu'il avoit tenue, et
â laquelle seule, dans cette pièce, on attribuoit le mauvais succès
de l'ambassade. L'entrevue prescrite eut lieu; mais, comme on peut
croire, elle fût assez fi-oide. Le repas ne consista qu'en une collation
de fruits, et, malgré la contrainte que s'iniposoît le vice-roi, il n'étoit
pas difficile de démêler les sentimens que lui inspiroit une conduite
JANVIER J819. "M~
dans laquelle il ne voyoit que Imsoulenable arrogance de quelques
barbares envers fe plus grand souverain de l'univers (i). Ce sont (es
propres expressions de M. Ellis.
On ne nie Mâiliera pas , j'espère , d'avoir consaaé quelques pages
à l'analyse d'un ouvrage qui en contient plus de cinq cents, et qui
roule presque en entitir sur les opérations de l'ambassade, par rapport
à son objet politique. Le but évidemment utile qu'on a eu en publiant
ce compte rendu , méritoit, je crois , qu'on en fît connoîire la substance.
Ainsi qu'on peut le croire , un volume qui est rempli de discussions sur
le point d'honneur et fétiquette, et où l'on ne louche qu'en passant
à des objets d'un intérêt général, n'offre pas une lecture fort agréable.
Le style de l'auteur se sent parfois de l'embarras des situations qu'il
avoii à peindre: peut-être M. Ellis eût-il été plus clair, s'il l'eût voulu.
On dit qu'un diplomate exercé, partant pour une ambassade en
Chine, s'éloît muni de l'ouvrage intitulé l'Ambassadeur, où il comptoit
trouver d'excellentes règles de conduite. A l'avenir , on pourra, en
pareil cas, consulter avec plus de fruit un livre où l'on trouve l'ex-
posé de ce qu'on doit faire et de ce qu'il faut éviter pour réussir à la
cour de Peking.
L'auteur a joint à son volume un appendice qui contient (es pièces
officielles publiées lors de la réception de l'ambassade et après son
départ de Peking. On regrette de ne pas trouver dans le nombre la
lettre de l'empereur au prince régent,' laquelfe fut remise i l'am-
bassadeur par le vice-roi de Canton. Elle éioit écrite en chinois, en
mandchou et en latin, et conçue, à l'ordinaire, dans le siyle d'un
ordre: mais,îi cela près, elle étoit, suivant M. Ellrs. beaucoup moins
arrogante qu'on ne s'y étoit attendu, et n'offroii réellement rien de
plus choquant que celle de Khian-loung en 179!. Si cela est, on
ne voit pas pourquoi la traduction n'en a pas été rendue publique.
Outre les pièces officielles, on a mis à la tin du volume un itinéraire
de l'ambassade de l'embouchure du Pe-ho à Peking, et de Peking à
Canton; une carte de cette route, le portrait de lord Amherst,
et quelques vues gravées et coloriées, suivant l'usage qui prévaut en
Angleterre pour les relations de voyages et les autres ouvrages
du même genre.
J, P. ABEL-RÉMU3AT.
(i) ... A corduct, which he muti hâve con^idcred thc iinwarrantable arr
{aDceof Barbarians lowardi die gr^tca sovercign of the univerie, p. 4.12.
h.
itf JOURNAL DES SAVANS.
Correspondance inédite de l'abbé Ferdinand Galiani
avec M."' d' Epinay ,le baron ^ Holbach, &c.; édition imprimée
sur le manuscrit autographe de l'auteur, revue et accompagnée
de notes par M. *** , membre de plusieurs académies ; précédée
dune notice sur la vie elles ouvrages de l'auteur par Ginguené,
arec des notes par M. Saifi, et du dialogue de Galiani sur
les femmes. Paris, imprimerie de Belin , librairie Je Treuttel
et "Wiirtz, 1818, 2 vol. in-S.", civ, 548 et 5 ip pages.
Galiani est trop connu par ses Dialogues sur le commerce desblés,
publiés à Paris en 1770, pour que sa correspondance n'excite pas la
curiosité des hommes de lettres. Voltaire disoii de ces dialogues, que
Platon et Molière seinbloieiit s'être réunis pour les composer {1). Il
était difficile, en effet, de répandre sur un tel sujet, sinon plus de lu-
mière, au moins plus d'intérêt et de gaîté : aucun Italien n'avoit écrit
en fiançais avec tant de grâce ; et c'est un phénomène qui ne s'est pas
renouvelé. L'ouvrage n'a eu cependant encore qu'une seule édition en
France: mais il a été réimprimé à Milan dans la collection des écono-
mistes italiens [2), où se trouvent aussi cinq livres sur la monnoie,
composés en langue italienne par Galiani dès 17JO, et un traité de la
conservation des grains, qu'il a rédigé dans la même langue, mais dont
le fond lui avoit été fourni par Intieri.
Un dialogue français de Galiani sur les femmes , déjà inséré dans
certains recueils ( j), vient d'être reproduit avec sa correspondance. Ceux
qui ont parlé de cet opuscule , en ont loué Foriginalité piquante ; mais*
quelqu'ingénieux que puissent sembler les paradoxesqui le remplissent,
nous ne croyons pas qu'une production si légère puisse rien ajouter
JANVIER 1819. 17
dès 176s , dans la Gazette littéraire, que rédïgeoient alors l'abbé Arnaud
et M. Suard ; et l'on y a remarqué des conjectures qui sont au moins
neuves et spirituelles ( 1 ), Galiani a composé ou esquissé plusieurs autres
ouvrages, dont la plupart sont restés manuscrits, probablement même
fbri incomplets ou seulejiienl projetés. II en entretient quelquefois
M."" d'Épinay ; et ce sont à peu près là les ariicles les plus insiructHs
de cette correspondance, du moins après ceux qui concernent le com-
merce des blés , et qui développent ou éclairci^seni certaines opinions
énoncées dans les Dialogues.
Galiani a séjourné à Paris depuis 1759 jusqu'en 1769 , et passé
presque tout le reste de sa vie à Naples, où il mourut, à 59 ans, en 1787.
Fort peu de temps après sa mort , sa vie fui écrite enilalien par M. Dio-
dati , et il en parut , dans le Journal de Paris (2] , un extrait rédigé par
Mercier de Saint- Léger. Une notice plus riche de faits et d'observations
est due i M. Ginguené , et vient de passer , de la Biographie ujiiverseile,
dans les préliminaires de l'édition originale de la correspondance de
Galiani. Elle y est suivie de vingt-quatre notes composées par M. Salfi,
Napolitain très-instruit , et puisées h-la-fois dans l'ouvrage de Diodati ,
dans les lettre» de Gnmm et de M."" d'Épinay, dans plusieurs recueils
italiens et français, et dans les souvenirs du rédacteur. Ce nouveau tra-
vail , ajouté k celui de M. Ginguené et à la correspondance même de
Galiani, achève de faire coiinoître si tojnplctemeni la vie de ce dernier,
qu'il ne resie k peu près rien d'imporlani à recueillir dans le volume
de Diodati, dont on nous annonce néanmoins une traduction française,
Possesseur des lettres autographes de Galiani , M, Ginguené avoit
quelquefois songé à les mettre au jour ; et, quoiqu'il hésitât à les en
trouver dignes , il auruit proliabîement risqué cette publication, s'il eût
assez vécu pour voir paroître les Mémoires de M."'* d'Épinay. Le suc-
cès qu'ont obtenu deux éditions [5) des Mémoires de cette dame, a déter-
mine à publier les lettres de son correspondant napolitain ; et l'on s'est
même tellement hâté de les livrer au public , qu'une édition faite sur de
simples copies très-fautives (4) a devancé d'environ quinze jours celle
que nous annonçons ici , et qui , donnée d'après les originaux , est hicon-
lestablement plus correcte { j ) , en même temps qu'elle est enrichie de
(1) Voyez, sur la neuvième ode du premier livre et sur la vingt-septième
du Troisième, un extrait des explications de Caiiani, pag. Ivij cl Iviij despréli-
minairei de ses Lettres; édition de Trcuttel et Wiirtz. — {2) lA avril 1789,
(î) 11 en a paru une troisième depuis la piiblicaiion des lettres de Galiani,
(4) Palis, Dentu, 1818, 2 vol, l'n-^.', xxj, 382 .t 366 page».
(5) t'O)*^ Journal des Savans, septembre 1818, page. 569.
%
i8 JOURNAL DES SAVANS,
notes plus instructives et de meilleurs iiréliininairts. L'autre, il le faut
avouer, contient quelques pièces ncc. ssoires que M. Gîngueiié n'avoit
p.is réunie» à sa collection ; savofr , uq petit nombre de lettres d". Galiani
à Voltaire , à d'Altmbert , à Thomas , à Rayiial , il Mannoiilel , à
M."' du Bocage. Nous ne prétendons point e:i conclure qu'il convienne
d'acquérir ïi-b-fuis les deux éditions ; car ce qu'il nous reste h dire du
fond même de cette correspondance , motiveroit assez mal un semblabis
conseil. .
Si l'on a rendu quelque service en la publiant , ce n'est point assu-
rément k la mémoire de Galiani; carils'y peint lui-même sous des cou-
leursfort peu honorables; égoïste à-Ia-fois par caractère et parsyslèn^ç;
qui, avfec sésamis, avec ses proches, dans tous les détails de ses reUtionï
sàcialês, ne'peut jamais envisager que son intérêt personnel le pl^; H~
■ Ptct et le plus grossier; qut raconte gaîment la mort de son ftèn, al
lie s'afflige que des embarras qu'elle lui cause ; qui s'écrie , du fond diC son
ame : peste soit du prochain ! il n'y a pas de prochain ; qui ne croit rf'n , de
rien, en rien, sur rien, n'a point d'opLiioiis de peur d'avoir une conscience,
et de toiqber , non dans quelque erreur , ce n'est point là ce qui le touche ,
iTfais dans les liens de quelque règle ou de quelque habitude morale ; qui
se moque de si propre doctrine économique et de -ceux qui la trouvent
profonde, tandf^ qu'e//e est creuse, dii-îl, et qu'i/ n'y a rien dessous ; qui
néanmoins s'irrîie jusqu'à la fureur contre ceux qui la contredisent, ks
accalmie d'injures et de calomnies , les dénonce comme des séditieux , et
se plaint sérieusement qu'on ne les ait pas envoyés au For-l'Evêqucou
h la Bastîtie; qui, portant luj-mèmi; au-deik de toute limite la licence
des idées et quelquefois des expressions , recommande la plus dur.e into-
lérance ; et , chargé k Naples de la censure des pièces de théâirei com-
mence par interdire la représenlatiop du Tartuffe; qui se v.uile enfin
I
JAliJVlER 1819; 19
prfe des ininisires contre îon débiteur. Ses lettres sont remplies de
beaucoup d'autres plaintes , mais qui prouvent seuieiiieiil combitn il
mériloit peu qu'on prît lii peine de l'ohligT, Jntnais il n'est satisfait
des services qu'on veut bien iiii rendre ; et il iie sait fiiire , au lieu de"
remerchnens, que des réprimandes anicres et hautaines. Rien n'égale
l'idée qu'il avoit conçue de son importance personnelle, du rang qu'il
occupoit dans le monde et dans la république des lettres. On le pla-
ceroit trop au dessous de celui qu'il mérite, si l'on n'avoit égard qu'à
sa vanité puérile. !I s'installe , sans aucune façon, à côté de Monies-
quieu et de Voltaire , et parle avec dédain de plusieurs autres hommes
célèbres dont il est probable que la réputation surpassera toujours de
beaucoup la sienne.
Parmi les jugemens littéraires épars dans cet(e correspondance , il
eh est qui supposent à* un assez haut degré le talent d'observer , ei la
connoissance de la thé'irie générale des beaux drVs. Nous indiquerons
pariiailièreinent une suite de lettres écrites en ] 77 j , et qui concernent
)>lusieurs pièces de notre théâtre que représentoient alors à Naptes
des acteurs français. Galiani, en rendant compie et des impressions
qu'il reçoit et de celles qu'éprouvent ses conipatrioies moins cultivés
que lui, jette des regards pénéirans sur les ouvrages mêmes et en
apprécie avec finesse les beautés et les' défauts; Ses critiques sont'oi^dî-
nairemenl assez justes, qicind il n'est |>oiiit égaré par les paradoxes
qui lui tenoient lieu de iiior^le. Si l'on f;li^oît lanalyse de ses réflexions
sur Alzire, on verroit qu'elles se réduisent à trouver mauvais que tous
les personnages de cette tragédie soient ou deviennent vertueux : les
passions et les attentats qu'elles provoquent, ne suffisent point h Galianr;
il n'est pleinement intéressé que par le speciacie des vices; et c'est alors
qu'en effet il se montre un connoisseur très-écl;iiré.
llavoîlfait une étude >pécialede i'artdraniniique;carll en parle souvent,
nidniè en traitant d'autres sujets : par exemple, dans un morceau sur la
curiosité, dont il adjnire lui-même la profondeur , et que nous citerons,
d'après lui, comme l'un des plus remarquables que ces deux volumes
puissent offrir. « La curiosité est une passion , ou, si vous vouftz , une
>) sensation qui ne s'excite en nous que lorsque nous nous sentons dans
» une parfaite sécurité ; voilà l'origine de tous les spectacles, Coih-
n mentez par assurer des places aux spectateurs , ensuîle exposez S leurs
» yeux une grande catastrophe ; tout le monde court et s'occupe. Cela
» conduit à une autre idée vraie : c'est que mieux le spectateur est placé ,
plus le risque qu'il voit est grand , plus il s'in'ércsse au spectacle ; et
ceci est la clef de tout le secret de l'art tragique , comtque , &c. II
i
^9
JOURNAL DES SAVANS,
nfâut présenter des gens dnns la position la plus embarrassante à des
» speciatetirs qui jouÎ!>sent d'une grande tranquillité. II est si vrai qu'il
» faut commencer par mettre bien à leur aise les spectateurs, f Vf/ que,
» s'il pieuvoit dans les loges , si le soleil donnoit sur l'amphiihéàire , le
» spectacle seroit abandonné, .. Voilà pourquoi il faut, dans tout poème
» dramatique, que la versification soit heureuse, le langage naturel, la
» diction pure. Tout mauvais vers, obscur, entortillé , est un vent coulis
» dans tine loge. Il fait souffrir le spectateur , et alors le plaisir de la
» curiosité cesse lout-à-fâii. . . Ainsi b curiosité est une suite constante
» de l'oisiveté , du repos , de ia sûreté. Voili pourquoi Paris est la
i> capitale de la curiosité; Lisbonne, Naples, Constantinople, en ont
M moins ou presque point. Les animaux n'en ont pas même l'idée... Si
» les bétes donnent quelque signe qui nous paroît de ia curiosité, c'est
» répouvante qu'elles prennent , et rien autre chose. On peut épou-
» vanter les bétes, on ne sauroit les rendre curieuses. Si la curiosité est
M impossible aux bétes , Thomine curieux est donc plus homme qu'un
» autre homme. . . Le peuple le plus curieux a donc plus d'hommes
» qu'un autre peuple. »
Les lecteurs de cette correspondance y distingueront aussi des ré-
flexions plus ou moins originales sur le fatalisme , sur les religions et Tin-
crédulité, sur fambilion et l'ennui, sur les tesiamens, sur l'éducation , sur
Cicéron , Louis XIV , et d'autres personnages célèbres. Presque paMout
les pensées de l'auteur tiennent à son caractère et à fidée générale qu'il"
s'est formée de la condition humaine et de la vie sociale. C'est ainsi qu'il
pense que l'éducation consiste à ilagitr et amputer Us talens naturels ,
pour donner place aux devoirs sociaux , qui , selon lui , se réduisent à
deux points , supporter l'injustice et souffrir l'ennui. On prévoit assez qu'il
doit trouver trop de morale dans les écrits de Cicéron , et trop peu de .
machiavélisme dans s.t conduite politique. La question qu'on aurott sans
*
JANVr
à son opinion ; mais , avec M."" d'Epinay , i( donne une plus lihre car-
rière à ses idées , et lais-e trop \ oir qu'elles reposent principalement sur
une hypothèse dont il éioit fort engoué t et qu'il exprimoit en ces termes:
Tout It syrllme actuel Ht tous Its Etats du mondr tst fondé sar une ancienne
violence qu'on a faite et soutenue contrt les possesseurs Jis seuls vrais biens.
Enfin, pour ne rien ouMitr de ce que ces deux volumes, en général
si fiiiiles , ptuvent receler de tant soit ['eu instructif, nous indiqueront
encore la réponse aux questions proposées par M, de Sartines , sur les
nionts-de- piété. La première de ces demandes étoît de savoir quel est le
bien ,quel est le mal que causent ces établiasemens, el lequel prédominer
Galiani ne veut répondre k cette question qu'après avoir traité toutes les
autres ; et c'est à la suite d'un exposé fort précis d'un grand nombre de
détails , qu'il termine ainsi son mémoire ; « II y a du bien et du mal,
» comme dans toutes les choses humaines. Le calculer en général est
"Une entreprise au-dessus des forces de l'entendement humain, et il
« n'y auroit qu'un économiste h tète échauffée qui s'avi-eroit de donner
» une décision sur cela. Le calculer au méndien de Paris , c'est possiljle ;
» mais c'est toujours l'ouvrage de quelques mois , et l'affaire d'un vo-
» îume in-8.' , imprimé chez un honnête imprimeur, s'il y en avoit. Je ne
ï> refuserois pas de le composi-r, lanc je Jjrûle de plaire à l'illustre ma-
» gistrat qui m'honore de sa correspondance, si j'en :ivoîs le temps. J'ai,
» en attendant , l'orgueil de croire qu if lui suffira que je dise mon avis ,
» et qu'un ou plusieurs monts-de piété seroient , dans les circonstances
» actuelles, fort utiles à Paris. »
Quoiqu'en général le ton de cette correspondance soit naturel, animé,
facile; quoiqu'on soit frappé quelquefois de la vivacité el même de la
nouveauté dei expressions, le style en est, à tous égards, extrêmement
inférieur îi celui des Dialogues sur le commerce des blés ; soit que ces dia-
logues aient été beaucoup plus retouchés par les amis de Galiani qu'il
ne le fîiit entendre dans une lettre h M"". d'Epinay; soit que l'auteur ait
perdu , en vivant à Najiles , le rare talent d'écrire en français , qu'il avoil
acquis à Paris.
Un avaniage que pourroit avoir la publication de ces lettres, seroit
d'avertir les hommes qui ont une réputation littéraire , de ne rien laisser
dans les leurs qui puisse un iour la flétrir. Galijui toutefois prévoyoït
qu'après sa mort on imprimeroil les siennes , et n'en avoil pas plus la
volonté ou le pouvoir de s'y montrer homme de bien. A la vérité, il
conçoit de vives alannes lorsqu'il apprend qu'elles ont pu tomber sous
les yeux de Garampi. nonce en Pologiie, ci se plaiiit amèrement de«
périls auxquels on l'expose, si, par ces comipunications imprudentes.
i
?2 JOURNAL DES SAVANS,
la cour de Rome vient à connoîire toutes fes libertés qu'if se donne.
Mais, aux yeux^de la postérité, il na^pire qu'à passer pour un homme
de beaucoup d'esprit; et le jugement quelle portera de ses moeurs et
de son caractère» lur importe si j)eu, qu'en disant avec franchise tout
ce que nous en pensons , nous n'avons fait qu'user du droit que nous
laissoit son insouciance.
DAUNOU.
Histoire du passage des Alpes par An ni bal, dans
• " laquelle on détermine d'une manière précise la mute de ce
général, depuis Carthagène juscju'au Tésin, d'après la narra-
tion de Polybe , comparée aux recherches faites sur les lieux ;
suivie d'un examen critique de l'opinion de Tite-^Live et de
• celle de quelques auteurs modernes ; par i. A. Deluc fils, avec
une carte. Genève, chez Paschond. in-S.^ de 3 18 pages.
Quand on fait attention à tous les obstacles qu'Annîbal devoit ren-
contrer dans son expédition en Italie , on ne peut s'empêcher de la
regarder comme une des entreprises les plus extraordinaires , les plus
audacieuses, qu'un général ait jamais tentées. Le passage du Rhône et
sur^tout celui des Alpes , les deux circonstances les plus mémorables
de cette expédition, ont sur-tout excité l'attention des militaires et des
érudits; elles ont été le sujet d'une multitude de dissertations: après
beaucoup de discussions et de recherches , on n'est parvenu à s'accorder
que sur un très-petit nombre de points; mais, relativement à la partie
des Alpes qu'Annibal a dû traverser, les avis sont demeurés partagés
jusqu'ici ; chacun a cru avoir de bonnes raisons pour ne se pas rendre à
l'opinion des autres.
La cause d'une telle disidence dans une question qui semble devoir
être résolue à la simple inspection d'une carte , tient au peu d'accord
qu'on a cru trouver entre le lexte de Polybe et celui de TiteLive,
les deux seuls historiens auxquels nous devions des détails sur ce point
curieux d'histoire; et, à vrai dire, la discussion de leurs textes présente
db graves difficultés. Quelques critiques, pour simplifier la quesfion,
o*»t pris le parti de choisir l'un des deux témoignages en négligeant
Tâutre. Les uns ont préféré Polybe , comme plus véridiqne et mieux
instruit des localités , puisqu'il avoît exprès passé les Alpes (i) , pour
(1) Polyb. lu, 4B,fin, éd. Sclmnigh.
ê
i
I
JANVIER 1819. îj
(econnoîire la route d'Amiiljal : il en est d'autres , au contraire, qui
ont mieux aimé suivre rhîstoritn latin ; ils se sunt fondés sur ce que
les Afpes étoieni mieux connues de son temps que du temps de Po-
iy'ie ; ils ont préiendu que s'il s'tst écarté du récit de ce dernier, c'est
quif a eu de bonnes raisons pour le faire.
Ce choix plus ou moins ariiitraiie entre les deux autorités principales,
et les difficultés que présentent d'ailleurs Jes textes de PoiyJje et de
Titi-Live, même en les prenant isolément, ont donné naissance à deux
opiiiioDt principales: ceux qui ont suivi exclusivement Tiie-Lîve, ou
qui ont cherché h concilier les deux historiens, fnnt passer Annibal par
le mont Genèvre ; ceux qui abandormeat loui-ii-iail 'Tite-Live, placent
plus au nord le lieu du passage.
La première opinion, mise en avant par Folard, est la plus géné-
ralement adoptée ; c'est en efi'et celle qui explique le plus de diffi-
cultés. Néaniuoins les critiques qui l'adoptent ne sont pas d'accord sur
la route qui a conduit Annibal des bords du Rhône au mont Genèvre.
Parmi ceux qui font passer Annihnl an nord de celte ironiagne, il en
est qui conduisent ce capitaine jusqu'à l'entrée du V;i!ais et lui font
franchir le grand Saint- Bernard ; d'autres ont voulu prouver que le mont
Ccnia est le lieu du passage; endn le général écossais Alelville, en
*77i > crut avoir découvert que le passage s'étoît effeciué par le petit
Saint-Bernard : c'est celte dernière opinion que M. Deluc fils a em-
brassée, après avoir parcouru plusieurs jioiats des Alpes, dans l'inten-
tion de s'éclairer à ce sujet.
Cette ojïinion est certainement fort plausible ; et M. Deluc fils a réitiw
avec habileté tous les albumens qui pouvoîent servira l'étayer : mais elle
est bien loin de satisfaire <i des conditions indispensables, don 1 il neparoît
pas avoir senti toute la nécessité. Le principal inconvtnient qu'elle pré-
sente, c'est de mettre ceux qui l'adoptent dans l'obliginidn de rejeter
entièrement le témoignage de Tite-Live. Par ce moyen , on se débarrasse
d'une difficulté considérable, celle d'accorder ensemble les deux histo-
riens ; on élude ainsi les objections les plus fortes , ce qui est plus facile
que d'y répondre : mais une pareille méthode de procéder est arbitraire.
Tite-Live, en historien qui vise h l'elTet, mêle h son rédi. Il est vraî> une
circonstance évidemment fabuleuse, l'emploi du l'eu et du vinaigre:
toutefois il est douteux que cette fable soit de son invention, comme
on s'est plu à le répéter; c'est probablement une de ces traditions popu-
laires qui durent leur oiigine h l'étonnement dini la marche merveilleuse
d'Annîiial avoit frappé tous les esprits : Polybe , en effet , reproche aux
historiens d'Annibal , d'accueillir de ces traditions mensongères pour
«4 JOURNAL DES SAVANS,
reildre leur narration plus attachante et plus dramatique ( i ). Appîen Ittî-
méme ne dédaigne pas de rapporter cette fable (2) : il n'est donc pas
surprenant que Tite*Live fait insérée dans son histoire. Mais on n'est
pas en droit d'en conclure que cet auteur a bouleversé h dessein la géo-
graphie des contrées traversées par Annibal : or on ne peut le soupr
çcniier de lavoir fait par ignorance , la Gaule étant trop bien connue des
Romains dans le premier siècle avant noire ère. Son témoignage mérite
donc évidemment beaucotlp d'attention ; et c'est ne pas se conformer
aux règles d'une saine critique, que de commencer par fe mettre tout-
à-fàit de côté.
' D'après ce premier exposé , il est clair que M. Deluc fils n'a pas
pris la marche qui devoit le conduire à la vérité ; aussi n'a-t-il pu réussir
à expliquer complètement Polybe lui-même, et cela {>ar la raison que
Polybe et Tite-Live sont nécessaires à l'explication fun de l'autre. C'est
ce que nous allons prouver en examinant l'opinion de M. Deluc fils,
ou plutôt du général Melville. Nous Verrons que, dans Tite Live , il
n'y a pas un seul mot à changer pour faire coïncider son texte avec celui
de Polybe : nous entreprenons cette discussion, parce qu'il nous parait
que plusieurs passages des deux historiens ont été généralement mal
compris.
M. Deluc donne d'abord quelques considérations sur les différens
passages des Alpes; et il commence par hire une inadvertance assez sin«
gulière , qui influe sur toui le reste de sa dissertation, ce Polybe , au
y> rapport de Strabon ( c'est M. Deluc qui parle ) , disoit qu'il y avoit de
» son temps quatre chemins pour passer en Italie : 1 / par la Ligurie, près
*» de la mer Tyrrhéniénne, passant par Gènes, Savone , Monaco , Nice ;
» 2.* par le pays des Taurini , passant par la vallée d'Exilles, le mont
» Genèvre, Briançon ; 3.** par le pays des Salassi ou le val d'Aoste,
*> traversant le petit Saint-Bernard; 4-'* par les Grisons^/?, /j>/» II s'agit
maintenant de savoir lequel de ces quatre chemins AnnibalSivoit choisi ;
or c'est ce que Polybe a le soin de nous apprendre, dans ce même texte
que M. Deluc a cité, mais dont il a oublié de rapporter la circonstance
la plus importante. Le voici traduit littéralement par M. Coray : « Po-
9 fybe nomme quatre passages [des Alpes ]; l'un, par la Ligurie, près
n de la mer Tyrrhéniénne ; unautre,^^/ est celui par lequel Annibal passa,
9 et qui traverse le pays des Taurini (%t'm w J^ TajoeAtm^ if ÀpfiCac
» JKf^df r ) ; un troisième , qui passe par le pays des Salassi ; et un
(i) Polyb. m, 47^ /. 6. — - (2) Appian. de BiUo AnnibaL /.^^ éd. Schweigk»
JB-
Janvier i3ig
celui des Rhai't ( i ). » Ainsi
t louie apparence, n'est que i<
»» qaairîènte,
phie, qui, se
toîre (a) , dit fomielieineju qu'AiiniLal a passé par le jiays cies Tatirini,
c'est-à-dire, par le mont Genèvre, comme M. Deluc le reconnoît. Con-
cevroit-on inainleunnl que , dans le corps de l'histoire , il se fût contre-
dit au point de conduire Ajiniliafpar le petit Saint- Bernard î On ne dira
point que les mois, ^ui est celui par lequel Anniiûl passa , ioin une
addition de Sirabon. D'abord , ce seroit une supposition purement
gratuite, attendu que, dans tout ce qui procède et ce qui suit, cet
auteur ne fait que rapporter les opinions et les propres paroles de Po-
lybe : ensuite on ne gagiieroit rien par cette supposition ; car cette
addition même auroit dû être prise dans Polylie , que Sirabon suit sanJ
restriction pour tout ce qui concerne les Alpes. D'aiileurS, cette circons-
tance est toutà fait t-n harmonie avec ce que Polybe raconte plus bas ;
savoir, que les Taariai furent les premiers peuples qu'Aatiibal rencontra
i, la descente des Alpes (}). Enlin, selon Tite-Live, l'hisiorien Cincîut
Alimentus altestoit avoir entendu dire à Annibai lui-même qu'il avoît
perdu trente-six mille hommes depuis le passage du Rbùne jusqu'à son
arrivée sur le territoire des Taurini , la première nation qu'on trouve eJl
descendant dans l'Iialie (4.) ■ Certes , si M. Deluc eût fait atiention au pas-
sage de Polybe qu'il a cité sans avoir remarqué ce que ce passnge offri
de caractéristique et de décisif, ÎI auroit , dès l'aljord, abandonné l'opinion
dg général Melville , comme insoutenable en bonne criiique; et il
auroit été plus disposé à l'indulgence à l'égard de Tiie-Lïvé , qui , en
conduisant Annibai par Je mont Genèvre, est d'accord avec le témo»'
gnage si formel de Polybe.
Mais il faut suivre Al. Deluc dans le développement de son opinion,
et montrer que les deux historiens s'accordent sur tous les points prin*
cipaux.
On ne conserve plu» de doute depuis long-temps sur le lieu où An-
nibai a passé le Rhône ; on convient que c'est un peu au-dessus de
Roquemaure, à neuf ou dix mille toises au nord d'Avigjion.
Après le passage du Rhône, « Annibai , dit Peiyhe, marcha le long
mât ce fieuvt , en s'éloignant delà mer; il s'avant^oit \ peu prés veri
ï> l'est (î), dans l'intérieur de l'Europe (6) Après une marche de
(i) Slrab. JV^^.iej.fi/. CflJ- — Trad.frnn^. t. II, p. lo^ — (2) Schweigh.
ad Pol^b. I!b. xxxsv,!. VIII, p. ios- — (î) Polyb. /y/, tfo, /. ,?, —
(4) ni. Liv, XXI ,jS. — (î) Il faut je souvenir ici que Polybe faisoii couler le
Khône du N. E. au S. O, n£^( wV ;(w>mwi«V Swf t ^'^> *7 1 S- ^J- —
(6)Poljb. Il 1,4./, S- /■
i
h joufti^ÀL ritS saVans,
M|(taatre jours consécutif' (t^ (lepuisfè fieu du passage, 'AnhibaT arrîvi
» à ce'qu'on appelle VIU, pays peuplé et fertile en blé : il doit son nom
» [dVIe J â ee que le Rhône, d'itne part (tS |m» ^ ï ^eAréf), l'Isaras,
» de l'autre { tj A à isXpAï ] , coulant le long de chacun de ses
m côtés , lui donnent, p'ai; lAir réunion, une forme ,[ triangat!Ùre,]\ dont
> Je'wmmèt eistV feûf confluent (2]. II a' en effet de h ressemblance ^ par
n sa'fbnne et sa grandeur,, avec le /)r/r;r d'ÉgypIe, excepté que, dans ce
,a»dérnfei', c'est la mer dui forme le" côté compris entre les [deux}
"branches |/ïu Nil J ; tartes que, ce soiit des montagnes très-difficH«s
»â traverser, et, pour ainsi, dire, presque inaccessibles, qui déter-
» minent un des côtés de l'iEë.. »
Voilà le premier texte de Polybe sur lequel on s'est partagé d'opi-
qjon : les uns ont prétendu ^e la rivière dont parle ici Polybe est la
Saohe , et que JV/f est Tespace compris çntre fa Saône et le Rhône ; des
éditeurs , et Casaubon ii leur tête, ont même eu la témérité de porter
ÂPttesè.et Arar dans, les.fexies de PoIyBeet de Ttte-Live; d'autres> tels
que Folard, Cluverius, Maïuîajors, &c., y ont reconnu l'Isère. Cette
opmipn est de toute certitude. En effet; TemboHchare de cette rivière
e^t'à environ cinquaiite-sixmilleçiiiq cents toises de l'endroit oiiAnnîbala
p^sé le Rhône; cet intervalle' a été parcouru en quatre jours consécutifs i
c'est quatorze mille cent toises oti envîroncinq lieues et demie par jour ;
,pîioportÎ9a moyenne qui convient parfaitement et à la promptitude,
avec laquèfle Amiibal yoûlbit, s'éloigner des Romains , et en même
temps .à l'obligation où il étôit de traîner tous ses bagages. En outre ,
Polybe coinpte quatorze cents stades depuis le passage du Rhône jusqu'à
ta montée des Alpes (j) ; dans un autre endroit, tl dit qu'Annibal-a,
j^arcouru huit cents stadei dï^pub î'f/^ dont il s'agit et la montée des
JANVIER 1819.
Alpes (1) : c'est donc six cenis sudei depuis le passage jusqu'à la rr-
vière, ou 75 milles romains, sur le pied de !iuil siades |iour un mille :
or, 75 milles romains font envirmii cinquaiiie-sept mille loises; c'est»»
h très-peu près, la mesure de ciiiquanie-six njille cînq cenis toises que
la'carte donne entre remboucbiire de Tlsére et ie lieu où Aiinibal a,
passé le Rhône (2).
Ji est donc hors de doute, d'après ces rapproch€tnensq[ueM.Deluc fait
habifement ressortir, que l'Isère l>ornoit \'!/e dont parle Polybe. Nous
ajouterons il cela que le nom n'en est pas !i beaucoup près aussi altéré
qu'oiise l'imagine. Les variaales donnent tb Jt ïKfil'Aï.Tj J^SKOPAS,
et enfin , dans quatre manuscrits , t» Jli 2KA Paï : d'apiès te'; dillérente»
leçons, la phrase seroit inrorrecie ; il manquerait devant le nom de ce
fleuve, l'arlitle qui est devant « VaJkrit. Aussi Holslenius a*-t-il fait
voir avec sagacité que lkÀpaï ou ckapac est tout simplement un
mot mai lu ; c'est fa même chose que ô icAPAC (î) : et M. Schweig-
hsCuser, en recevant cette leçon dans le lexte de son excellente édition >
s'est montré , comme à son ordinaire , tidèle aux règles de la oitique
la plus rigoureiue.
Quant il ce que Polybe appelle /"ife, habitue, dii-il, par les AIIo-
hroges,onne peut trouver un canton qui ressemble mieux £1 la description
de cet historien, que la presqu'île comprise entre l'Isère au sud et au sud-
est, le Rhône i roueitct.iunord:elleaen eftet beaucoup de ressemblance
avec un de/tti, dont le soinfuçt, comme le dit Polybe, est au confluent
du Rhône et de flsère'; et le côté oriental est formé par la chaîne es-
carpée où sont placés le chemin des Echelles et la gnnde Chartreusa,
Cette île est donc Vinsula AUabrdgum. Quoiqu'elle soit moins éten^ve
que le âclta d Egypte , sa grandeur autorise cependant l'espèce de com-
paraison que Polybe en fait avec le delta.
Jusqu'ici Polybe n'offre aucune difficwlté ; et Tîie-Live est d'accord
avec lui ; Postera die , dit ce dernier , projcctus (al. provectus) ûdversâ
ripa Jîkedani , miditciranra Calilm pttîl :. non quia mrior ad Alpts
yiàcsset, sed quantum à mari rrcfîsisset, minus obvium fort RomMnum crc-
(0 ?<'\^h.iii,p. /. /, — (2)Irf. lii.is. i- 8-
(2) L'auicur J'unedissettaiion inst-fce dans \ei Annalmdts faits iT'c. iniiirairet
(juillet 1818, p. 196), compte 32 lieues du paisage du Rhôneà l'iscre, ci trouve
en conséquence le ehim n irop long pour quatre jeurs. J'ignore de qnelle cane
il l'est servi : celle lie Cassini donne ^6,}0O torses au plus, ou 32 | lieu» de 20
an degré.
(î) M n'y a rien de si commun <jue le changement de O en C[S% et réci^ ,
proquemcnt: atpsi
li l'on l:
■nt dans le.
scrits Sr pour or.
■S« JOUHNAt DES SAVANS,
Jttu : tam qt» , priusquam in Italiam vtMttmfortt, non erat in antmo m'mai
tonstrere. Quanis castris ad insalam ptrvtnit : ibi Isardr Rhodanus'qwi
«mnes divtrsis tx Alpibas dtcurrentes, agri aliquantùm (al. atiquaniilintt),
amplexl , confiuunt in unum ; mediis campîs insula nomtn inditum {i), &fi'
On retrouve ici tout Polybe. i.* Aniiîbal remonte fe long du Rhâne.
tdvtrsa ripai 2.° il airiveànieenquatre jours démarche, quartis easnit ;■
}." cette île est formée par la réunion du Rhône avec une autre rivière
dont le nom varie dans les manuscrits. On y ^pervmilibi Ara, ou ihiqut
Arar, ou ibi Arar,oa enfin Bisarar: de la [comparaison de ces leçons
avec la dernière , il sort évidemment ibi Isarar ou Isara, qui est h
leçon véritable. La seule difficulté consiste dans les mots a^i atîquantàm
qui sembleraient indiquer un canton plus petit que Tîle des Allobroges :
cependant, à la rigueur, Tite-Iive a fort bien pu désigner par cettb
expression vague un terrain de quinze lieues en tant sens.
- Ainsi donc , t^squ'ici, les deux historiens s'accordent entre eux > on
plutdl Tite-Live ne fait que traduire et extraire Polybe.
C'est ï partir de Hle des Allobroges que commencent les grandet
difficultés de la question. On a vu qu'Annibal l'étoit hité de s'avancer
dans les terres pouv. éviter les Romains , dans la crainte de s'aflbiblir
t'A se laissoit atteindre , et s'il étoit forcé de livrer combat ou d'escar-
nu>ucher.« Aussi, dit Polybe» le consul Publius, étant arrivé au lieu du
» passage trois fours après le départ des Carthaginois , fut frappé cf une
» uirprîse extrême de ce qu'Annibal eût osé prendre cette route poiir~
» pefter en Italie (i].... Il se retira en touie hâte à ses vaisseaux
» embarqua ses troupes et fit voile pourfltalie, afin de gagner les enrie-
M mis de vîtesseM^ et de se trouver avant eux au pied des Alpes { )]. »
Annibal , parvenu sur le bord de l'Isère , se trouvoit hors de ctainte ,
parce que ses coureurs fut avoient appris l'embarquement des Romains. Il
JANVIER 1819. "' 2^
commencer à remonter le cours des rivières qui rfescendoient des Alpes.
M. Deluc ^iHi lui fait prendre une autre route. Selon lui , Annibal
traverse risére, remonte le Rhône jusqu'à Vienne, puis quitte ce fleuve,
fe rejoint à Saint-Genis , ie suit jusqu'à Yenne , d'où il tourne au sud
le toijg du lac du Bourget, pour rejoindre l'Isère ï Montmeiilan. Voilà
certes un détour bien ^frange : car pourquoi Annibal auroit-M fait un si
/ong chemin, quand ri pouvait arrivera Montmeiilan en suivant l'Isère î
Rien ne l'en empêchoit, puisque les Allobroges , loin de contrarier alors
sa marche , lui fournirent des vivres , des munitions et des vêtemens.
M. Deluc, ayant conduit Annibal jusqu'à Montmeiilan, n'a plus au-
cune peine à prouver qu'il a passé par le petit Saint-Bernard, puisqu'orr
ne sauroit prendre une autre roule, à moins de traverser l'Isère. L'au-
jeur trouve a^ec la même Tacilité les moyens d'appliquer à cette mon-
tagne les diverses circonstances mentionnées dans le texte de Polybe ;
comme cet historien s'est attaché à décrire les opérations militaires ,
plutôt qu'à peindre les lieux , les difTérens traits qu'il a marqués, sont
si vagues, qu'il n'y a pas un seul col des {Alpes auquel ils ne puissent
convenir : aussi les critiques , selon l'opinion qu'ils avoient embrassée,
les ont-ils retrouvés au mont Genèvre , au mont Cenis , au petit et au
grand Saint-Bernard, II y a toutefois une coïncidence découverte par le
général Melville , et que M. Deluc regarde comme décisive : ce général
reconnoît dans le passage du Saint-Bernard un endroit appelé In Roche
blanche ; or , Polybe dit qu'Annibal passa la nuit dans le voisinage d'un
certain Itucppetron, mot qui signifie pierrt blanche : donc le lieu du pas-
sage d' Annibal est déterminé de la manière la plus précise [p. 1 \2 ].
Assurément il n'existe pas de passage des Alpes où l'on ne trouvât quelque
nclie blanche, puisqu'il y a du gypse blanchâtre sur tous les cols de la
chaîne. Mais d'ailleurs il est fâcheux pour celte découverte du général
Melville , que, dans Polybe , le mot Muwm/tf;* , qui revient plusieurs fois ,
soit pris comme le f.tsrnvrfo. des autres auteurs (i) pour Mm Xi'Sof, et
ne signifie rien autre chose que roche nue , escarpée ; c'est ce qui est
prouvés ur-toui par un passage du livre X (a),
Ce n'est pas par de telles raisons qu'on peut se flatter d'éclaircirdé-
6nitivemenC un point d'histoire. Mais il y en a de positives auxquelles
nous ne voyons pas comment l'auieur pourroîl répondre. Sans parler
du passage si formel que M. Deluc a ni!;ligé, nous demanderions
8, S}! adJemoA. Sic. ni, is,ft 'i' We^eJ.
'iVitf»i*rùt, mois ^ui ic lisent plu* haut.
(1) Schweïgh. ad Polyb.
(2) Po\yh.x,so,S'y
Mire, Ai -*' --
30 JOURNAL pE3/$AVANS,
commeot Annibal , s'il & descendu le p«tit Saîat-Bernard , ^ pu trouver fes
Taurini au pied des Alpes qu'il venoit de' franchir { i ) , qo^fid il est cons-
tant que ces peuples habiioient au sud de la Doria Ripuaria ; en sortf
qu'Aiûiibal n'aurpit dû rencoiïtrer que le^SaiafsU Eti secotîd Keii /An»
iribal, selon Poiybe , Tite-Live et Appien (^j , à k (iesoente desAlpps,
a pris la ville de Turin après un siège de troî& jours.'M; DeIuc»rfcpH
conduit Annibal par le val d'Aosie» est obligé de hu faire traverser h
fforia BaUea, pouç 'aller aa sudcheKher Turin i nrnis commet croire
qn' Annibal te seroit ainsi amusé à rebrousser dieimn, pour ctonsurtier
trois jours devant une ville qu'il, n'ïvoit nul besoin .de |»endre , au lieu
de se hâter d'arriver au Té'sin , avlnt que les. Romains vinssent lui en
disputer le passage 1 ... , •
. Voilà des.difficultés véritables. Ces deux circonstitdces prouvent i/ua
réplique que Folybe , dans le cours de son Histoit¥ > comme dans iq
passage ;d9 sa géographie cité, par Strabon. a fsr('preR4i!e:au général
çarihaginois le chemin du mont Geftèvré.,Mais;il *st hétessaire de re-
prendre'Ia, route de ce général à partir de l'Isère,' qtle M> Deluc tui'«
fait traverser. ; •.
I Ceci çst un pôini très-imporlant, d'où dépend l'intelligeiice de tout«
la marche d'Annibal. Si M: Deluc eût examiné avec l'attention ccmve-
nable le texte de.pQlybe , il y txaph vu <)u'Ai)hibal n'a poirtt passé l'I tèref
et qu'il n'a point remonté lé Hhôné :au-deià de l'embouchure de.icetlt
rivière. En effet .rhistotrencKtqu'Aiinibfll arriva à l'Ut, *v<'^ wTw.et
non pas qu'ily entra .-.qUelqûes Jignes' après", il dit encore tck »* i^imtanç,
étant çnivé à tiie , et non pas « f inffy^rtiAnt , étant intté dans l'Ut.
Tite- Live dit de ntéme , ad intulam ptrvenii. N i l'im ni l'autre historien
ne,dit qu'Aniybal entra dans l'île. Qu'en faut-il conclure! Que'iegros
de l'armée carthaginoise demeura sur la rive gauche de Tlsère , et que
le secours accordé [}at Aniiibàl à l'an des deux frères , chefs dei Aiïo-
JANVIER 1819. jf
«Annibal, dit Polybe , marcha pendant dix jours h long du flein't ,
» l'espace de huit cents sudes , et atteignit la montée des Alpes [ 1 ). » Les
mots le long, du feuve ne s'accordent pas avec la route qu'a choisie
M. Deluc; car, dans son idée , Annibal a quitté leRhône à Vienne,
et 3 traversé In plaine du Dauplijné , dans l'espace de quinze iieues ; ce
qui feît ta moitié des huit cents stades : tandis que Poiybe dit formel-
lement qu'Annibal a suivi li firuve. Ce qui a égaré M. Deluc, c'est
qu'il a cru que oti£jÎ iw mJîafMi' devoit s'entendre du Rhône, parce que,
dans d'outrés passages, on retrouve ces mots appliqués en èfïèt S cette
rivière. Mais , dans ces passages , les mots m^ tI» mîîa^K suivent immé-
diatemejit le nom du Rhône, en sorte qu'il n'y a point de doute à cet
égard; au lieu qu'ici le nom du fleuve qui précède immédiatement est
celui d'/saraj : le nom du Rhône n'est point répété dans l'intervalle;
il est donc naturel d'appliquer à l'Isère les mots m^ -nr mjauéy. C'est
ainsi qu'un examen attentif du texte de Polybe concourt, avec l'ensemble
, de tous les genres de probabilités , pour établir qu'Annibal a suivi la rive
gauche de l'Isère,
Nous allons voir que c'est le seul moyen d'expliquer le texte de Tite-
Live, que M. Deluc a mis tout-^-feit de côté : on trouve dans ce texte
quelques faits géographiques que Polyfcw a passés sous silence. A l'é-
poque oùTile-Lrve a écrit, la géographie de la Gaule éioit bien connue;
on avoit dressé des caries où les distances et la disposition des lieux
étoient marquées : ainsi il n'est pas probable que l'historien latin ait pu
faire de si lourdes bévues qu'on le suppose, dans ce qu'il ajoute au récit
de Polybe. II dit : Sedatis eertam'in'ibus Altahrogum , cùm jam Alpes petertt,
non rtcià rrgiont tttr instilnit, sed ad lœvam in Tticasiinos fcxit ; inde
pcr txtremam oram Vocontiorum ûgri te/endit in Tricorioj ; Aaad usquam
impfditâ yiâ , pTius(juam ad Drutntiam fitimin ptrvtnit. D'après ce texte,
I .° Annibal n'a pas pris le plus court pour gagner les Alpes; a," il s'esi
détourné à gauche [ par rapport h l'historien] vers les Tricastins ; 3.° il
a côtoyé le pays des Voconliens , traversé celui des Tricoiiens, et est
ar ivé sur le bord de la Diirance,
Maintenant, suivons le texte de Polybe, co;^me si nous h'.^v^ons pas
celui de Tile-Uve.
Annibal, arrivé sur le bord de flsère, march» dix jours le long de
(1) Afr/fat 4' w r.fi*ifi.n ■fixa. ■mftvÇtiç HAPA' TO'N nOTAMO'NtJf «VlrtMWKf
«ÀVç, nploLTs n( fffiit ■laf'XKinK IfaCthit. Poljrb. /ll,jo, /, /, Le géa;.Tal Fré-
déric-Guillaitme, (lui n'eniend point «tatiJ» ^'î*^*mi', veut lire mtcjtiî «tV^S, â
parûrèa Rhône (Hist. ' *'■' " ' "
Polybe avBJt voulu eïpr
,Us c,imp.Jgries d'Annibal, t. l, p. jS. 'lHUn, <8iz). Si
cette idi;e,îl auroîi dilïiTO î^xA-ni tîv a»'!t^M*> -dimT.
■
ji JOURNAL DES SAVANS,
■e fleuve jusquli la montie des Alpes. Annibal était trop habile JMW
ne pas éviter, autant qu'il étoîtpossiblet le passage des rivières. Parvenu
au confluent de Flsère avec le Drac ( qui , dit-on , avoit alon tieu un peu au-
dessus deGreooble, près de Gière ), la ligne directe, iur rrctâ rtfftnf, eftt
été de traverser le Drac et de suivre le cours de la Rotnanche , ou bien de
continuer k suivre l'Isère par la vallée de Gra^vaudan , ce qui l'auroit
conduit au petit Saint* Bernard, ou par l'Arc au mont Cénis. Mais , dit
Tîte-Live, il ne prit point la ligne directe» non iter rectâ nglont iiutiraiti
il tourna sur b gauche [par rapport à l'historien] : ainsi il ne tnverst
ni l'Isère, ni le Drac» torrent eztrétnement large et impétueux à son
embouchure; H remonta ce torrent, que sa largeur dut lui faire prendre
pour la même rivière que l'Isère. Il le suivit jusqu'au dixième jour, dans
l'espace de huit cents tudes , à compter du point oii il avoit trouvé file
des AlJobroges : cette mesure équivaut à loo milles romains, ^esl4-dire,
i 76,000 tois6s environ ; prise le long de Tlsère et du Drac, elle porte
il Saint-Bonnet, à Tenlrée-du département des Hautes-Alpes.
Jusque-U, dit Polybe, Parmée s'étoit trouvée en pbine : alors
elle commença i gravir les Alpes. Pour entendre ceci , il faut se rap-
peler que Polybe ([} , de même que Strahon (2), étendolt les Alpes
Jusque Marseille , et donnoit ainsi ce nom i toute la contrée monta-
gneuse qui, à partir (le la chaîne principale, se prolonge dans les dé-
partemens de flsère , desBastes-AIpes et du Var: ainsi, dans leurs idées,
tes Alpes commençoietH où finissoit la plaine. Or, à partir de Romans,
la. route se fait jusque fentrée du département des Hautes-Alpes , soit
en plaine , soit dans des vallées peu profondes et toujours assez larges.
A la Iiauteur de Corps, il entra dans la plaine ou vallée de Champs;
arrivé vers Saint-Bonnet, il quitta la rive du Drac, et prit au sud-est la
route par la montagne : h commence la montée des Alpes. Après avoir
franchi la crête qui sépare le bassin du Drac de celui de la Durance , il
I
JANVIER 1819. "■ Tî
qu'il est clair quÂnnibal, en remoniant le Drac, aprisîi droite, et non pas
à gauche. Cela est si évident, qu'au lieu de taxer Tiie-Live d'ignorance
ou d'absurdité, on auroitdù sentir que cet historien, en disant ^fjr/r ad
iavam , parle relaiivement k sa position en Italie ; ce qui est assez ordi-
naire aux auteurs anciens. C'est ainsi que Quinte Curce, décrivant la
routed'AIexandrelelong du Tigre avec une carte sous les yeux, place ce
fleuve à gauche et les monts Gordyiœï ù droite ( i ] , quoique, relativement
à Alexandre , ce fût tout le contraire. La seconde difficulté tient au mot
in Trkasûms ; en effet , les Trrcastins , dont le chef-lieu étoit à Saint-
Pau llrois-Châteaux, ont été reculés fort loin au sud, et resserrés entre
les Segalaum , au nord , et les Vocorrtii, k l'est et au nord-est. Nous obser-
verons toutefois que la situation relative de ces peuples nous est donnée
par des géographes de temps postérieurs; et qu'au temps de Tiie Live,
ou même de l'expédition d'Annibal, les 7>/V<ijr/«/pouvoient s'être étendus
davantage vers le nord et dominer les Sfgalnuni; en sorte que l'historien
iiitin a fort bien pu prolonger leur territoire jusqu'à l'Isère- II est d'ailleurs
i remarquer que Tite-Live , dans une autre partie de son histoire , racon-
tant l'expédition de Bellovèse en Italie, qu'il conduit , comme Annibal,
par ie mont Genè\re (Taurino sa/tu },dii que ce chef gaulois traversa le
pays des Trkaninl f2];el comme Bel!o\ése partoit de la région moyenne
de la France au-dessus de Lyon, il n'a pu passer le Rhône au-dessous de
cette ville : ainsi Tile-Live lui fait suivre le même chemin qu'à Annibal ,
c'est à-dire, le cours de l'Isère etduDrac. On reconnoît donc beaucoup de
consistance dans les idées de cet historien, relativement à la position des
Tncastini; et l'on ne peut ainsi douter que leur territoire, au moins dans
son opinion, ne s'étendît jusque sur les bords de ces deux rivières. Voilà ,
nous le pensons, l'explication naturelle de ce passage de Tite-Live, qui
est la principale cause de la diversité des opinions sur la route d'Annibal.
En arrivant sur le bord de la Duraiice, Annibal fut ol>ligé de passer
cette rivière un peu au-dessus d'Fimbrun, parce que la rouie-suît la rive
gauche ; de la passer une seconde fois au-dessous de Briançon, et une
troisième au-dessus. Polybe ne fait pas mention de ces circonstances ,
parce que la Durance , h cette hauteur , n'est qu'un torrent fort peu large
sur lequel les ponts ne dévoient point manquer ; c'est sans doute pour
(1) Qnint. Curt. /r, /o, /, 8. Mais l'espression dtr Quinte-Curce a encore
iiioiii; de neticlé que celle de 1 iie-Live.
{2.) Tit, Liv, CjV' f' (Beilovesus), quodta gtrit popiilis abundjbai , Bhu-
TÎgri, ArvernoSj Seiones, Hediws , Amb.inos , Carnu:rs , Aulerccs exàvit , pra-
focius in Tricaiiinos venir. Alpes inde oppaUx trr.nl. . . ipsi Taurino saliu
i iiy tas Alpet Iran jcenderunt.
^ JOURNAL DES SAVANS,
la m joie raison qu'il n'a pas non plus pailé du passage des deux Dvria^
de l'autre côté des Alpes. Tiie-iive, au contraire, dit qu'Amiibal fut
obligé de passer la Durance ; mais il se livre en cet endroit à quelques
exagérations , en faisant de la Durance une peinture qui ne convieiu
qu'à ce qu'est cette rivière un peu au-dessus de Cavaillon.
A partir de Briançon , Aimilial se trouva sur la montée du mont Gv^
nèvre ; à la descente , il suivit la vallée d'Oulx , traversa plusieurs fois
la Doria, au-dessous d'Exilles et de Suze, entra dans le territoire des
Taurini, passa sur l'emplacement de Rivoli , et se trouva sous les murs
de Turin. Les Taurini s'étant re&sés à l'alliance qu'il sollicitoii, il en-
veloppa Turin, leur ville principale, et la prit après un siège de trois
jours. Cet événement achève de prouver, comme il a déjà éiédit, que
le mont Genèvre fut le lieu du passage : Turin , placé au confluent de la
Doria et du Po,opposoit aux Carthaginois une barrière qu'il fàlloitren-
verser pour pasa^ outre. La prise de cette ville étoit donc nécessaire ;
dans rhypoûièst de M. Deluc , elle est inexplicable,
II reste une dernière considération à iàire valoir , celle des mesures :
elles coïncident parfaitement. Polybe dit que , depuis la montée des
.Alpes jusqu'à l'endroit oii , après avoir franchi ces 'Ui.'>ntagnes , on entre
.dans les plaines du Pô , on compte douze cents stades (i) qui valent i jo
milles romains. Pour ceux qui descendent de la vallée de Suze, la plaine
ne commence réellement qu'à Rivoli, dont la position est un peu au-
dessus de la station appelée, dans l'Itinéraire, Fines. L'Itinéraire .d'An*
lonindonne de /Ïn/J à fiïp/fffBOT [Gap], \)ar Segus h [Suze], Bnganth
[Briançon], Rame, Eb-oîîunum [Embrun] , Caturi^as [Chorges], i j }
milles romains ; de là , jusqu'à Saiut-Bonnet , à travers la montagne , la
carte de Cassini donne 6 lieues ou 1 8 milles, lesquels, additionnés avec
les 1 ) } milles depuis Fmts, font à très- peu près les 150 milles ou douze
cents stades de Polybe.
JANVIER 1819. 3S
Nous pensons que M. Deiuc doit cesser de regarder comme impos-
sible la conciliaiîon de Polybe avec Tiie-Llve.
Ce savant termine son ouvrage par un morceau intilulé : Gt l'effi
des torrens sur les rochers, suivi de quelques réflexions sur les pass/igf^'l
étroits des rivùres dans les chaînes des moniftgnes. Son objet est d'éiablf^
que la forme et la largeur des vallées et des passages étroits ont été*'!
fort peu modifiées par l'action des eaux courantes ; qu'ainsi la dispo-"
silion des montagnes et des vallées, le lit des torrens et des rivières ,''1
sont antérieurs à l'existence même des eaux courantes , et tiennent au j
dessein de la Providence, qui a voulu qu'il y eût sur la terre des rivières^
et des torrens. ''
Il a paru tout récemment une dissertation ayant pour titre ; Disstr^
ration sur le passage des rivières et dis montagnes , et particiili'/Tetnent sur tt^
passage du Rkêne et des Alpes par Annibal , Ù'c, ; jiar M. le comte de'
F. d'U.,//!-^.'
L'auteur attaque l'opinion de M. Deluc : il prend contre ce savant la'
défense deTîle-Live; et afin de concilier l'hislorien laiin avec Polybe, if
s'eflbrce de prouver, d'après ces deux auteurs, qu'Annibal n'a point
remonié le lojig du Rhône après le passage de ce fleuve. Il y a dans cette
dissertation une idée toute nouvelle { 1 ] ; mais elle est inadmissible.
On a vu que la difficulté du texte de Tite-Live consiste en ce que,
selon cet historien, Annibal n'arriva chez les IVicastini qu'après avoir
dépassé l'île des Ailoliroges , et que ce général tourna sur la gauche
pour arriver chez les premiers.
Pour expliquer ce fait , l'auteur a imaginé que Vile des Allohrogés
devoil être nécessairement au sud de Saint-Paul- trois- Châteaux ; et if
h reconnott dans une petite île de deux lieues de large sur trois un quart
de long, formée près d'Orange par la rivière d'Aîgues ou Eygues , qui,
à environ trois lieues de son eniliouchure dans le Rhône, se partage
en deux i>ras, dont le principal se )■ lie au-dessous d'Orange, et le plus
foible, qui n'est qu'une rigole que les enfans franchissent d'un saut,
se jette un peu au-dessus de Roquemaure, précisément visîi-visde l'en-
droit où Annibal a passé le Rlione,
Pourquiconque jettera les yeux sur la carte, cette opinion parorirS àei
plus étranges, s'il se souvient, i." qu'Annibal a remonié le Rhône
[adverse ripa) pendant quatre \o'ars consécutifs , avant de rencontrer l'île
des Allobroges ; 2.° que depuis le pas-age du Rhône jusqu'à cette ile,
(1) Elle avoit été indi(]iiée par l'auteur dans son ouvrage intitulé A"ii,/uirés
et Mcnumetts du dcpanement de Yaiiduse , é^c, par M. de" Fortia J'Urban;
Paris, iSoS^etdans un article des Annales encyclopédiques, juilit;! iSiS.
~W~ JOURNAL DES SAVANS,
PolyFje compte six cents stades, ou 7 j milles romains, ou 2 j lieues : tandis
que , dans l'opinion de M. le C. de F. d'U. , ce général se seroit trouvé
n'avoirk faire qu'une lieue environ, fn remontant U Rhône, pour Ti:ncon.uer
celle île. Ajouterons-nous combien il seroit singulier de voir les deux
frères chefs des Allobroges, peuple dont le territoire étoit à vingt-cinq .
lieuesde là, traverser avec leurs armées le pays des Se^atauni , des Tri-
castini, deiVoconlii , pour venir se disputer la couronne (\!wtçTOî ëia.3ihuot
Binafociaf J dans une peiite île qui apparienoit aux Cavares!
l\ y auroît bien d'autres arguniens à faire; mais c'en est assez pour,
montrer que cette opinion sur la position de l'île des Allobrogesne peut
soutenir le plus léger examen. M. le C. de F. d'U. fait celte objectiott
contre l'opinion incontestable qui place l'/Zr des Ailobroges entre le
Rhône et l'Isère , que l'espace compris entre ces deux rivières n'est point
une î/e dans l'acception rigoureuse du mot. Qui en doute! M;iis Polyje
dit précisément que ce n'est point une i/e ; car if a le soin de prévenir
qu'un des côtés est formé p.nr une chaîne dé montagnes. Ce n'est certes
pas la première fois que le nom di/e est employé abusivement: si l'on
vouloii en rapporter des exemples, on en auroit beaucoup à citer depuis
Péloponnèse jusqu'à Ile de hrance , ( ancien gouvernement ). Quant au
nom que la rivière porte dans Tîte-Live, il choisit, entre toutes les
variantes, celle qui donne pervenil Bisarar, sans songer que, comme
le mot ibl est nécessaire dans la phrase , Bisarar n'est autre chose que ïbi
Jstirar, deux mots réunis en un seul par un ignare copiste. Au reste,
selon M. le comte de F. d'U., Eisaras est pour Bkarus , mot composé
du latin bis et du celtique car, embouchure; éiymologie sur le jnérite
de laquelle nous n'avons gatdc de prononcer.
Le même auteur oppose encore à l'opinion de ceux qui conduisent
Annibal jusqu'à l'Isère, et à plus forte raison à ceux qui le conduisent au
delà, le grand détour qu'ils font faire à Annibal. Cela est vrai : mais ce
détour n'est-il pas prouvé par les textes de Polybe et de Tite-Live, qui
nous disent qu'Annibalcherchoità fuir les Romains, en sorte qu'il ne s'est
rabattu sur la route des Alpes qu'après avoir appris le départ et l'embar-
quement de l'ennemi: D'ailleurs, sans ce détour, comment retrouver les
£00 stades ou 7 y milles romains que Polybe cojupte entre le passage du
Rhône et l'ile des Ailobroges; puis les 800 stades entre cette île et fa
montée des Alpes; enfin les 1200 stades pour le passage de ces mon-
tagnes jusqu'à l'entrée des pla^ines du Pô ! Au reste , toutes ces difficultés
n'ont point embarrassé l'auteur de la dissertation , car il n'a pas cru néces-
saire de les résoudre.
LETRONNE.
"\
*1
JANVIER 1819. *- TtJ
A SECOND JOVRNEY THROUGH PERSIA , ArAIENIA AND
AsiA MINOR, &c., hetwecii the years iSlo and 1S16 .wUh
an account of the proceedings of tke embassy of Sir Gore
Ouseley ; hy James Morier, esq. ■ — ■ Second Voyage à travers
la Perse, l'Arménie et l'Asie mineure , fait entre les années
iSio et 1816, avec un récit des opérations de l'ambassade de
Sir Core Ouseley ; par M. Jacques Morier, âu/fr. Londres,
1818, 435 pages in-^." , avec caries, planches et gravures
en bois.
M. Jacques Morier avoit déjà publié, en 1812, larelation d'un voyage
par lui fait en Perse dnns tes années i 809 et 1810 ( 1 ) , avec le caractère
de secrétaire de Icg.ilioii, \ la suite de sir Harford Jones, ambassadeur
de S. M. le roi d'Angleterre à la cour de Téhéran. Celte mission avo;!
pour oljjei de dél.icher le roi de Perse, de son alliance avec le goiiVM-
nemeni français , et d'obtenir le renvoi de l'ambassade frar«iiii.-. Sir
Harford Joues obiini un succès complet , autant peut-être par ia négli-
gence du gûuvernemeni français , qui sembloit ignorer par qi«.-(s moyens
on établit ei on maintient son crédit auprès des princes de l'Asie, que
par les largesses de la cour d'Angleterre, les lalens du négociateur, et
sa longue expérience des nations et des gouvernemens de l'Orient. La
relation de M. Morier contenoit h marche de l'ambassade depuis fe
port de Uonibay jusqu'à son débarquement \ Bouschire ou Abou-Sthehr,
de là à Schiraz , puis à Ispalian, et de celle dernière ville à Téhéran,
résidence du roi de Perse Fath-AIi-Schah ; enfin , la roule de M. Morier ,
en compagnie de l'ambassadeur de Perse Mirza Abou'Ihasan , de Té-
héran, par Kazvîn, Sulianièh , Mianèh, Tauriz , Khuï , Bayazid, Ar-
zroujn , Kara-bissar, Niksar , Tocat, Amasia, Tosia , Boli et Ismid,
à Constantinople. Aux détails relatifs à la marche de l'ambassade et
\ sa réception d.ans les principales villes où elle dut passer ou séjourner ,
aux observations variées sur les mœurs, la religion , l'agriculture et le
gouvernement de la Perse, et sur l'état aciuel de ce royaume, com-
paré avec ce qu'il étoit lorsqu'il fut visité et décrit par Chardin ; enfin ,
(1) A Journey ihroiigli Persia , Armenia and Asia minnr, 10 ;Constanti-
nople, in the years ibo8 and 1809; in whicii is tncluded some atcouin of ihe
proceedings oÇ-HisMajesty'snitssion under îir Harford Jones Bart. K. C. 10 ihc
couriof ihe kingof Persia; hy James Morier, csq., His Majesiy's secretary of
embaiiy 10 ihe court of Fertu. London, itiii, iti-f>'
}8 JOURNAL DES SAVANS,
à une esquisse de l'histoire de ce pays depuis la mort de Thainas Kouli-
Khan jusqu'au règne de Faih-Ali-Sch:ih , ei du caractère de ce mo-
narque , de ses enfans et de ses principaux miniitres , se trouvoient
jointes des descriptions curieuses de divers nionumens anciens de la
dynasiie des Sassanides. Lorsque M. Morier rédigeoit son journal , il
ii'avoil point connoissance, à ce qu'il paroît, de ce qui avoii éié écrit
en France, à la fin du siècle dernier , sur divers inonuniens et sur les
médailles de cette dynastie : mais , quand il publia sa relation , ïi com-
para le résultat de ses propres découvertes avec les opinions émises
par l'auteur des Mémoires sur diverses antiquités de la Perse , et il tira
de celte comparaison la conclusion que , si parmi les nombreux monu-
juens de la dynastie des Sassanides , les uns représentent , comme l'a
pensé l'auteur de ces Mémoires, ie triomphe d'Ardeschir, filsdeBabec,
sur Ardevan, le dernier monarque persan de la dynastie des Arsacides,
il en est d'autres qui , incontestablement , sont relatifs aux victoires de
Sapor, fils d"Ardeschir , sur les Romains , et à son triomphe sur i'em-
perWr Valérien. Toutes les personnes qui prendront la peine de lire
ce qu'a écrit li-dessus M. Morier , et de le comparer avec les nionu-
mens , partageront sans doute son opinion, et nous saisissons avec plaisir
l'occasion de lui rendre cette justice. Nous devons ajouter que la dé-
couverte des ruines et des monumens de l'ancieinie ville de Schapour,
celle de quelques autres ruines observées sur la roule d'ispuhan à Té-
héran , et enfin la description des restes de la ville de Reï, assurent
à la première relation de M. Morier un mérite incontestable.
Au surplus, celle première relation est appréciée depuis long- temps;
et si nous en avons dit un mot ici , c'est sur-tout parce que , dans celle
que nous annonçons, l'auteur, afin d'éviter toute réj^étition inutile, s'est
contenté de renvoyer à sa précédente publication , toutes les fois que
son second voyage et une nouvelle inspection des lieux qu'il avoit déjà
visités et décrits , ne lui ont pas fijurni , ou de nouvelles observations , ou
une occasion de rectifier quelques- unes de ses précédentes descriptions.
Le second voyage de M. Morier n'est pas moins curieux que le
premier ; il nous paroît même ofTrir un plus grand intérêt , soit par le
grand nomlire des routes |iarcourues, soit par la variété des observa-
lions de l'auteur. Nous ne pouvons en donner qu'une esquisse bien im-
parfeite ; mais elle suHira pour justifier le jugement que nous venons
d'en porter.
M. Morier a voit accompagné , de Téhéran h. Londres, Mirza Abou'lha-
san, ambassadL-ur de Perse îi la cour d'Angleterre. Cet envoyé avoit
qiûtté Constaniiuople au comuiençemenide septeinJj/e i Sot) , et s'étoil .
:k» J^
JANVIER i3rr
ÎP
*inbarqué sur un bâtiment anglais. Après un séjour de neuf mois dans
la capitale de la Grande Bretagne, il sedisj>osoît,aumois de juillet 1810,
i retourner en Perse ; et comme la cour d'Angleterre devoil envoyer
une nouvelle ambassade au roi dePerse, il fut arrêté que les deux ambas-
sadeurs se rendroient en^eniMe à leur destination. Sir Gore Ouseley,
ainbasfadeur extraordinaire de S. M. Britannique, devoit être accom-
pagné de son épouse et d'un enfant ; parmi les personnes qui comj)o-
soient l'ambassade , se trouvoient son frère , sJr "William Ouseley , déjà
connu par plusieurs ouvrages relatifs îi l'Orient, et particulièremeni à
fhiitoire, aux antiquités et à la littérature du royaume de Per^e , et
Al. Jacques Morier, Ce dernier avoii le titre de secrétaire d'ambassade :
sir William Ouseley accompagnoit son frère en qualité de secrétaire
particulier : fa jirésence de M,"" Ouseley entraînoii nécessairement celle
de quelques femmes de service ; ce qui offre une circonstance assez
extraordinaire dans une mission de celte nature. L'ambassadeur persan
avoit une suite de huit personnes en tout.
Embarqués le 1 8 juillet , les voyageurs arrivèrent en onre jours de
traversée â Madère : l'ambassadeur persan ne voulut point y mettre pied
fa terre. Le i ." août , le convoi leva l'ancre , on passa la ligne le a 8 ,
et ie II septembre on prit terre à Rio Janeiro. Au grand éionnenicnt
de Mirza Abou'Ihasan et de sa suite, les premiers Persans peut être qui
eussent jamais vu l'Amérique , le nouveau monde ne leur parut pasdifTérer
essentiellement de l'ancien. Les deux ambassadeurs séjournèrent une
quinzaine de jours dans la capitale du Brésil, et y reçurent un accueil dis-
tingué du prince régent. Le 26 septembre , ils se remirent en mer , et
ce ne fut que le 2. 1 décembre suivant , qu'ils jetèrent l'ancre h la pointe
de Galles , dans l'ile de Ceylan. Le 22, ils tirent voile pour Cochin,
où ils débarquèrent le a8. Dès le lendemain, ils remirent 5 la voile, et,
le 1 1 janvier 181 1 , ils entrèrent dans le port de Bombay. Embarqués
de nouveau le 30 janvier, ils jelèrent enfin l'autre devant Bouschire
fc I." mars. L'ajubassadeur persan débarqua le j mars, à l'heure
jugiîe la |)lus hei-reuse par l'astrologue de la ville ; l'ambassade anglaise
n'effectua son débarquement que le j . Toutefois le gouverneur de Bou-
schire n'attendit point le débarquement pour offrir son hommage à
l'ambassadeur anglais ; ÎI se bâta de lui rendre visite îi bord. Sir Gore
Ouseley l'introduisit dans la chambre qu'occupoii l'ambassadrice , avec
laquelle se trouvoient une jeune dame et deux femmes de chambre.
Apiès un moment de surprime . il demanda tout bas à Mirza Aijou'lhasaii
si c'éioient ik toutes les femmes de son excellence.
.L'ambassadeur anglais ne devoit point quiuer Bouscfaîre et se mettre
■
J
I
4o JOURNAL DES SAVANS,
en route pour Schiraz, que le prince royal, gouverneur de la province
de Fars, dont Schiraz est la capitale , ne lui eût envoyé un mihmandar.
Cet officier, comme Fobserve M. Morier, est d'une absolue nécessité
dans un pays où il n'y a ni auberges, ni sûreté sur fes routes pour les
étrangers. Le mihmandar agît en même temps comme commissaire de
son gouvernement, comme garde et comme guide des voyageurs. Non-
seulement il répond des dangers auxquels pourroient se trouver exposés
ceux dont la conduite lui est confiée, il doit aussi pourvoir à tous leurs
besoins et à ceux de leui suite et des animaux employés à leur service ;
il impose sur tous les lieux qui se trouvent sur sa route, les fournitures
de tout genre nécessaires à l'approvisionnement des hôtes du prince , et
ces réquisitions sont d'ordinaire pour le mihmandar une source de gros
bénéfices : aussi de semblables commissions sont-elles fort recherchées.
En Perse, où l'étiquette est la partie la plus essentielle de la politique ,
le choix d'un mihmandar ne sauroit être regardé comme un objet de
peu d'intérêt. L'importance du personnage auquel ces fonctions sont
confiées , fait connoître de quel degré de considération jouit dans l'esprit
du prince Thôte qu'il va recevoir.
Le prince, gouverneur de Schiraz , avoit désigné pour foire les fonc-
tions de mihmandar auprès de sir GoreOuseley, son favori, Mohammed
Zéki-Khan; mais, cet officier tardant à arriver, l'ambassadeur, auquel le
séjour de Bouschire devenoît insupportable, se détermina à quitter son
campement, situé auprès de cette ville, et à partir pour Schiraz le
27 mars , après avoir r equis le gouverneur de Bouschire de l'accompagner.
L'ambassade , qui marchoit à petites journées à cause de l'excessive cha-
leur, rencontra enfin le mihmandar à un lieu nommé Barajd)oun. Cet
officier s'excusa du retard involontaire qu'il avoit apporté à se rendre
auprès de l'ambassadeur, et prit la conduite de l'ambassade ; le gouver-
neur de Bouschire prit en même temps congé de sir Gore Ouseley , et
itn retourna dans sa résidence.
L'ambassade atteignit Schiraz le 7 avril; elle ne quitta cette ville que le
10 juillet. Ce long séjour, quoique très-opposé au désir de l'ambassa-
deur, ne fut pas perdu pour les voyageurs. Diverses personnes de l'am-
bassade se partagèrent les contrées qui pouvoient offrir quelques objets
de recherches aux amateurs de l'antiquité ; et plusieurs excursions furent
exécutées par Tordre de l'ambassadeur. Son frère, sir W. Ouseley, alfa
^ Fasa, l'ancienne Pasagardx, et de là à Darabgherd. M. Robert Gor-
don , depuis ministre plénipotentiaire de S. M. Britannique près la cour
de Vienne , entreprit un voyage périlleux à Schouster , pour examiner
les vxi\\^% de Suses. Le ma;or Sione, officier d'artillerie, mort en Perse
^
é
I
JANVIER jStp. Al
i (a fleur de Page, alla visiter les ruines de Schapour, et y fit quelques
nouvelles découvertes; entfe autres, une statue renversée, la seule connue
jusqu'à ce jour en Perse , et que l'on peut voir dans le Voyage de
M. Johnson, Pour M. Morieri il retourna à Persépolis , ses fonctions
ne lui permetiant pas de s'éloigner beaucoup de l'ambassadeur : il ne
désespéroît pas de découvrir quelques restes d'antiquités encore in-
coïinucs, soit dans les ruines mêmes de ces anciens monumens, soit
dans les lieux circonvoisins. Les recherches de M. Moritr ne produi ■
sireni pas de grands résultats. Le plus important tst la découverte de
trois assez longues inscriptions en caractères sassanides, c'esi-k-dtre ,
pareils à ceux de Nakschj-Housiam , de Kinnanschah et des médailliS
des Sassanides. Ces inscriptions sont gravées sur le roc, à l'entrée d'une
excavation artificielle, pratiquée dans la pente roide d'une montagne
qui est située au nord-est entre Nakschi-RousCain et Persépolis. M. Mo-
lier n'a pu copier qu'une portion de l'une de ces trois inscriptions; ii
avoue lui-même que sa copie est très-impnrfaîie,etque l'éloignemeni eila
hauteur du lieu où l'inscription se trouve gravée , ne lui perineitoient pas
d'en prendre une copie très-exacte. On ne suuroit donc se flatter de tirer
aucun parti de ce fragment d'inscription; mais on peut espérer que la
découverte de ce monument bien constatée engagera quelque autre voya-
geur à aller visiter de nouveau ces lieux, et à se pourvoir des échelles et
autres instrumens néceSiaires pour en prendre une copie j)lus complète
et plus soignée. Quand on se rappelle qu'à Nakschi-Rousiam chaque
inscription est en trois langues , et que l'une de ces trois langues est
la langue grecque, on se demande jiresque involontairement si la même
chose n'auroit pas lieu ici.
Al. Morier ne fait point connoître le résultat des excursions faites par
les autres personnes de l'ainljassade. Ceux qu'a pu obtenir sir William
Ouseley, feront sans doute partie de la relation de son voyage , qui est
attendue avec impatience.
Le ij juin, l'ambassadrice mît au monde une fille. Cette circons-
tance fournil k M, Morier l'occasion de faire connoîire les divers usages
pratiqués chez les Persans à la naissance d'un enfant, et les préjugés
qui rendirent très - diflicile de trouver une nourrice pour la fille de
M."" Ouseley,
Cependant un nouveau mihmandar avoit été nommé par le roi poirr
aller prendre l'ambassade à Schiraz et la conduire S Téhéran, et déjà il
étoil arrivé i Schiraz. C'éloit Mirza Zéki, personnage qui jouissoit
d'une grande faveur auprès du roi. et qui exerçoii les fonctions i-'e
muslofi Jy~* ou secrétaire d'éiat. Sous la conduite de ce nouveau guide.
4* JOURNAL DES SAVANS,
r^mbassade quitta Schiraz le t o juillet ; sa marche et ses divers campe-
mens ou stations sont décrits avec soin par M. Morier.
Le A j juillec , elle arriva k Ispahan. Je ne dirai rien ici de TétiqueEte
observée par les Persans, soit pour les visites réciproques de l'ambas-
sadeur et des autorités focales , soit pour l'entrée solennelle de Tambas-
sade , les audiences de cérémonie , les festins et les fêtes données par le»
gouverneurs des villes principales. Ne voulant point interrompre le récit
de la marche de l'ambassade , j'omets tous ces détails , sauf ï y revenir
par la suite, si l'espace me le permet ; car je ne les regarde point comme
dépourvus d'intérêt, attendu qu'ils sont propres à faire connoiire l'état
actuel de la civilisation en Perse.
L'état présent d'Ispahan , cette ancienne capitale de la monarchie des
Séféwis, que nous nommons mal-îi-propos Sofîs, comparé avec la des-
cription que nous en a laissée Chardin, sutïîroit seul pour donner une
idée des révolutions politiques et des scènes de sang dont la Perse a été
le théâtre depuis l'extinction de cette dynastie. Presque toutes les prin-
cipales villes de la Perse ont otfert k JVl. Morier un taljleau à peu près
semblable.
Le séjour de l'ambassade à Ispahan se prolongea jusqu'au 1 4 octobre.
Elle avoit dû attendre, avant de se mettre en route pour Téhéran,
l'époque à laquelle le roi quitte Sultanièh , sa résidence d'été, pour
rentrer dans la capitale, Le séjour d'Ispahan, ville dont le climat est
regardé par les Persans comme le plus sain de tout le royaume , fût
cependant très-fôcheux pour l'ambassade ; presque toutes les personnes
qui la composoient , Européens ou Indiens , furent at(.iquées, en août
et en septembre, de fièvres, qui n'épargnèrent pas non plus les habiians.
M. Morier assure que ces maladies, dues à l'inconstance de la tempéra-
ture, sont généralement fréquentes à Ispahan, quoi qu'en disent les
JANVIER 1819. fj
des nouons utiles, relativemem soit aux contrées, soît aux habitans.
On avoii jugé qu'il éloit d'une grande importance pour les iiiiéréts
politiques qui avoient donné lieu à l'envoi d'un ambassadeur i la cour
de Perse , que te miniilre eût une entrevue persormelle avec le prince
royal Ahbas Mirza , gouverneur de Tauriz , dont toutes les vues ont
pour objet l'introduction en Perse des connoissances scientifiques et pra-
tiques, du système militaire et de la tactique des Européens. En consé-
quence, l'ambassadeur n'eut pas plutôt terminé lesafTairesqui avoient exigé
sa préseiice dans la capitale du royaume, qu'il se remit en voyage vers la fin
de mai 1812, et dirigea sa marclie vers Tauriz. Il arriva le i,"juin à
Caz vin, d'où, continuant sa route, en passant par A[)har,Zengan et Mianèh,
il arriva en quelques jours il Taurrz. Il y trouva un officier russe que
lui envoyoit le général Rtischeff, commandant en chef des armées russes
en Géorgie. Cet officier étoit porteur de lettres par lesquelles le général
înstruisoil sir Gore Ouseley du désir qu'avoit le gouvernement russe
d'entrer en négociation avec la Perse, sous la médiation de la Grande
Bretagne. Après qu'on eut demandé et obtenu les renseignemens né-
cessaires sur la nature des pouvoirs donnés au génêtal Rtischeff, ce qui
entraîna d'assez longs délais , il fut arrêté que le prince roy.iI et le géné-
ral russe auroient une entrevue sur la frontière des deux étals. En consé-
quence , sir Gore Ouseley quitta Tauriz le 7 septemiire pour aller rejoindre
le prince royal , qui étoit campé à quelques lieues de la ville , et qui devoit
se rendre à Afc-Tappèh pour y attendre le général Rtischeff. Le 1 7 du même
mois , après dix jours de route dans une contrée jusqu'ici presque incon-
nue , l'ambassadeur arriva à Ak-Tappèh , où étoit campé le prince royal.
Ak-Tappèh est situé à une distance h peu prèségaledel'Araxeetde la mer
Caspienne , sur les frontières de la province de Karadagh , au jg.* degré de
latitude et 4ti-' degré jo' de longitude du méridien de Greenwich.
Le 22 du même mois , un général russe arriva au camp ; il étoit chargé
de concerter d'avance le cérémonial qui seroit observé dans l'entrevue
du prince et du commandant en clief. Le commandant consenioit à
traverser l'Araxe , et à faire encore un werst de l'autre côté du fleuve ;
mais le prince éloit décidé à ne pas faire un pas pour s'avancer plus
loin que le lieu où il étoit campé . et disoit se conformer en cela aux
ordres exprès qu'il avoit reçus du roi son père. Il eût été plus aisé de
faire un traité de paix, que de régler l'étiquette de l'entrevue projetée:
il fallut donc y renoncer, et il fût convenu que chacune des deux par-
ties enverrait un plénipotentiaire k Asiandous , sur les bords de l'Araxe.
Mirza Abou'Ikasem , vizir du prince royal, fut nommé plénipoteniiaJie
pour les Persans, et M. Morierfut envoyé au camp du général RtischetF
i
a
JOURNAL DES SAVANS,
pour conférer avec lui , et revenir à Asljiidous avec le plénipotentiaire
russe.
M. Morier partit donc le 4 ociobre-, et vint ie 5 à Asl<indous. Le
m^nie jour il traversa TArnxe , et entra sur le territoire russe. II se rendit
auprès du général Riiscbeff, passa deux jours auprès de lui, et revint
accompagné du plénipoienliaire russe, le général AkwerdofF. Les Persans,
qui avoient remporté peu de temps auparavant un léger avantage sur
les Russes , étoient peu disposés à se relâcher de leurs prétentions : aussi
l'entrevue des deux plénipoientiiiires ne produisit-elle aucun résultat ;
et ils se séparèrent, après s'être réciproquement dénoncé la reprise des
hostilités au bout d'uncertain nombre de jours. Le i 1 ociobre, M. Morier
revint au camp du prince royal , et, trois jours après, sir Core Ouseley
leva le camp tt reprit la route de Téhéran, tandis que le prince mar>
choit vers Maranlou, lieu situé h trois parasanges environ de i'Araxe,
pour y recommencer ses o))érations contre les Russes.
Le ip octobre, l'ambassade campa prèsd'Ardebil; et le 20 novembre,
elle arriva à Téhéran , après trente-neuf jours de marche depuis Ak-
Tappèh. Avant d'être rentré dans celte capitale, l'ambassadeur avoît
déjà reçu la nouvelle de la défaite totale des Persans par les Russes *
défaite qui avoit eu lieu le 31 octobre près d'Aslandous.
Au printemps de l'année suivante 1813, les affaires entre la Russie
et la Perse n'étant point encore arrangées , il parut nécessaire, pour
fcciliter les relations de l'apnbassadeur avec la cour de Perse, que sir
Gore Ouseley passât l'été à Hamadan , tandis que le roi seroit établi,
suivant son usage , à Sulianièh. Des ordre» furent donnés en consé-
quence au gouverneur de Hamadan , afin qu'il préparât des logemens
convenables à l'ambassade. Un mihmandar fut nommé pour conduire
l'ambassadeur , qui se mit en route le 26 mai , et arriva , après quatre
JANVIER 1819.
En exprimant ici le regret que noire voyngeur n';iit pas copî^ ces inscrip-
tions, je n'eniends iiullemtnt lui en fnjre un reproche; je partage, au
contraire, tout-â-fait son opinion sur l'iujusiice de ces reprothes adressés
trop souvent aux voyageurs , k ceux inéines qui ont fait le plus pour
la science de l'antiquilé et pour le progrès des connoissances géogra-
phiques et eihnogra{)hiques , par des étiidiis qui ne sont jamais sortis
de leur cabinet , et n'ont couru aucun danger ni enduré aucune pri-
vation pour étendre le domaine delerudilioii ou d^s sciences. Au reste,
un semblable reproche seroit bien mal adressé à M. Morier, qui, dans
ce voyage même, nous a fdh tonnoître des restes précieux d'antiquités
jusque-ih ignorés , ou a donné des dessins plus exacts de plusieurs de
ceux qui étoient déjà connus. Notre voyageur ne doute point que Ha-
niadait ne soit l'ancienne Ecbatane. Aux raisons qu'il en donne on peut
en ajouter une irès-forte, c'est que le nom même de Hainadan, qui
a pu être prononcé autrefois Khmalan ou K^hmadan , ne difiere pas
essentiellement de celui à^Eebatuni." Nous y fûmes, dit notre voyageur,
33 accables de inédailles des Arsacides et des Sassanides, qui se trouvent
» en grande quantité i Hainadan et dans un village qui n'en est distant
M que de trois parasange»; nous y recueillîmes aussi beaucoup de cor-
" nalines gravées. Une pierre cylindrique , couverte de figures et de
"Caractères persépolitains , nous tomba entre les mains, et l'on nous
>' apporta diiTcrentes médailles des Séleucides , dent aucune cependant
a> n'étoil remarquable, ni par sa rareté, ni pir une belle conservation,
» En un mot, nous trcu/àmes que la ville de Hainadan présentoit à un
» antiquaire plus d'ob/Lts de recherches qu'aucune autre de^i villes de
» la Perse par nous visitées : et il est irès-probable que (es fouilles que
» l'on ) feroit, particulièrement dans l'empiiicemtni regardé comme celui
» dt l'ancien palais des rois, meneroieniS d'importantes découvertes.»
Le 16 juin, des nouvelles arrivées de Géorgie déterminèrent sir
Gore Ouseiey à se rendre s.irts délai auprès du roi, il Sultanîèh. Là il
fut résolu que, pour faciliter k-s communications avec les autoriiés russes
de la Géorgie , coinnuinicaiions que rendoîent indispensables de nou-
velles négociations ouvertes tntre la Perse et la Russie sous la média-
tion des Anglais , l'ambassadeur se tran^porteroil à Tauriz , tandis que
le roi, au lieu de passer l'été à Sultanieh , iroit avec toute son armée
camper, pour le reste de la saison, à Ojan. On se mît donc en marche,
et l'ambassade arriva le 9 juillet à Tauriz, et, le 23 du même mois, le
roi établit son camp à Ojan , lieu situé aux deux tiers du chemin de
Mianèh à Tauriz , et à trente milles environ au sud-est de cette dernière
ville. En arrivant il Tauriz , les Anglais y Irouvèrent le voyageur Brown,
A6 JOURNAL DES SAVANS,
qui de h se rendit à Ojan, et périt quefques jours après, victime de son
imprudence, ayant été volé. et massacré par des brigands. Bientôt il fut
convenu que la Russie et fa Perse enverroient des plénipotentiaires au
Deu nommé Gulistan , dans la province de Karabagh. Le général en
chef Rtischeff , gouverneur de la Géorgie , fut chargé des intérêts
de la Russie ; ceux de la Perse furent confiés à Mirza Abou Ihasan-
Khan (il avoii reçu du roi de Perse le titre de Khan) , auparavant ambas-
sadeur en Angleterre ; et les deux plénipotentiaires ne tardèrent pas
à se rendre au lieu des conférences. On avoit cru que les négociations
seroient de peu de durée; mais , comme elles traînoient en longueur,
l'ambassade anglaise quitta Tauriz le 20 octobre, pour revenir à Téhéran,
par la route de Méragha. Elle atteignit Méragha en sept jours de marche,
et le 23 novembre elle entra dans Téhéran : peu de temps après , le
roi lui-même arriva dans la capitale, porteur des préliminaires de paix
signés des plénipotentiaires. Un ambassadeur persan devoii être envoyé
à Pétersbourgpour la conclusion d'un traité définitif; Mirza Abou'lhasan-
Khan fut chargé de cette mis^To^ extraordinaire , et le roi témoigna
le désir que, poui hâter et faciliter le succès des négociations, l'ambas-
sadeur anglais retournât en Angleterre par la Russie. Sir Gore Ouseley
acquiesça à cette proposition. Pour la facilité des transports^ et des four-
nitures , il fut arrêté que l'ambassadeur anglais parriroit le premier ;
ce qui fut exécuté. iMirza Abou'lhasan-Khaa le suivit deux mois après.
M. Morier,qui devoit rester en Perse comme chargé d'affaires après
le départ de l'ambassadeur , eut ordre de l'accompagner jusqu'aux fron-
tières des deux empires. Le 18 mai 1814, les Anglais arrivèrent à
Tauriz ; ils en repartirent le 26, se dirigèrent par Khoï, vers Abbas-
abad, où ils traversèrent l'Araxe ; puis, passant par Nakhdjivan , Hok,
Naraschin , Ardascht ( lieu qui rapelle le nom d'Artaxata , et offre les
ruines d'une grande ville) , Erivan , Etchmiatzin et quelques autres
fieux , ils atteignirent , le i 8 juin 1 8 1 4 9 la frontière russe , formée par
une petite rivière, d'où ils continuèrent leur route jusqu'au lieu nommé
Kara-Klissèh : ils y arrivèrent le 2 1 juin.
M. Morier en partit le 2} pour retourner en Perse; il campa d'a-
bord dans les pâturages d'Abéran, où il demeura près d'un mois , en
attendant le retour de la suite de l'ambassade qui avoit accompagné
sir Gore Ouseley jusqu'à Tefîis. Le 2 1 juillet , après leur arrivée , il
partit pour Tauriz. Cette fois il passa l'Araxe à Djerdjer, et se rendit
à Tauriz , en suivant depuis ce fleuve une route différente de celle qu'il
avoit déjà parcourue , et retourna de Tauriz à Téhéran. M. Morier
ifoit été joint en route par M. Ellis, qui étoit chargé par la cour de
JANVIER 1819. 47
Loncfres d'une misbion parncuiière auprès du roi de Perse , et venoit
de Constantiiiople. Bientôt nprès leur arrivée il Tétiéran , MM. EHis
et Moiier conclurent un traité dtfiniiif avec le gouvernement persan.
Au nioii de décembre suivant, M. Ellis partit pour l'Angleterre, accom-
pagné de M. Welloct , alors secrétaire d'ambassade.
En T 8 1 ï , des troubles survenus dans le Khorasan ayant déterminé
le roi à passer l'été dans celte province, if fut arrêté que l'ambassade
anglaise habiteroit pendant le même temps Damavend , place située
entre Téhéran et le Khorasan. Elle quitta en conséquence la capitale
le I 8 juin , pour se rendre à sa nouvelle résidence. Le roi étant campé
à Sawer, près d'Astérabad, invita la légation anglaise k se transporter
à son camp. C'étoit une occasion favorable de voir une contrée peu
connue des Européens. Parti en conséquence de Damavend le 22 juillet,
M. Morier se rendit par Bagh-schah , Firouz-coh, Asséran , Foulad-
mahaleh , Tcheschmèh-ali et Towèh , au camp Iroyal, d'où il fit une
excursion à Asiérabad. De retour au camp, il en repartit le 29, prit
une route diffërenle de la première, passa par Damégan, Bakhschabad,
le lieu nommé Touderwar , formé de trois villages réunis , puis vint
rejoindre la première route à Towèh , et arriva à Damavend le 9 août.
Le 17 septembre, M. Wellock.quidevott remplacer M. Morier, arriva
SDamavend: il n'y avoit que soixante joursqu'ilavoitqtiitté l'Angleterre.
L'ambassadeur se rendit de suiie k Téhéran , pour y attendre le retour
du roi. Peu de jours après son entrée dans la capitale , le roi donna
une audience solennelle k l'ambassade , dans laquelle il reçut la ratî-
ficaliondu traité, une lettre du prince régent, et ies lettres de récréanco
de M. Morier.
Enfin, le 6 octobre, M. Morier quitta Téhéran ; il arriva le 2.6 k
Tauriz,en repartit le premier novembre, passa 1 Araxe â Djerdjer.a'riva
le 7 à Etchmialzin , le 1 1 à Kars , le i4 î» Arz-roum , et continua
de là sa marche pour Constaniinople, où il arriva le ij décembre 1 81 j,
après avoir suivi la route déjà décrite dans son premier Voyage.
Parl'esquisserapideque je viens de tracer de la relation de M. Morier,
on voit qu'elle renferme les résultais de ciiiq années de voyages et
d'observations , et le fruit d'un grand nombre d'excursions faites en
diverses contrées de 1.1 Perse. Cette relation étant rédigée toute entière
30US la forme d'un iournal , les observations qui appartiennent à un
même objet, au lieu d'être réunies et groupées, s'il est permis de parler
ainsi, sont dispersées, presque au hasard. Rassemblées sous un certain
nombre de classes principales , elles acquerroieni peut-être plus d'u-
tilité et d'importance ; mais aussi elles auroient perdu ce caractère d'im-
4« JOURNAL DES SAVANS,
partialité et cToriginaltté qu'elles doivent aux premières impressions qui
les ont fait naître , et l'on pourroit craindre qu'elles n'eussent été altérées
par des études de cabinet. Ce n'est point que l'auteur soit un homme,
sans érudition ; le contraire paroît à chaque instant : mais, en le lisant,
on reste convaincu que sa mémoire lui a fourni , sur les lieux mêmes*
les souvenirs de l'antiquité qu'il a comparé* avec les objets dont la vue
les lui rappeloit > et qu'aucun esprit de système n'a influé sur la manière
dont il a envi>:agé les lieux , les hommes et les choses. Nous ferons
connoître dans un second extrait quelques-unes des observations de diffé-
rente nature que contient cette intéressante relation.
SILVESTRE DE SACY.
Jeanne d'Arc ou la France sauvée, poème en douje
chants; par Pierre DuméiiH. Paris, chez Cordier, impri-
meur-libraire, rue et maison des Mathurins-Saint-Jacques,
n.° lo; in-8.'' , 1818.
Parmi les différens sujets d'épopée que peut offrir l'histoire mo-
derne , celui de Jeanne d'Arc, délivrant la France du joug des étrangers,
est sans contredît l'un des plus heureux. Le caractère et les exploits
de l'héroï.ie suffiroient presque au merveilleux épique. Jeanne d'Arc,
diversement maltraitée par les mauvais vers de Chapelain et par les
bons vers de Voltaire, indignement outragée par Shakespeare , mérite
de trouver des vengeurs parmi les poètes français.
M. Pierre Duménil, qui avoit précédeinnient publié un poème in-
titulé Oreste , dont il est fait mention dans le Kajiport sur les prix
décennaux, se présente aujourd'hui dans la carrière. Je ne crois point
JP JOURNAL DES SAVANS,
Teb sont (es délails de l'action , et les principaux moyens employés
pu- J'autenr.
On a pu s'apercevoir déjà qoe ce poème comprend trop d'événe-
inens secondaires; les assauts, les escalades, les sièges, les combats,
reviennfui presque il chaque chant. Les poètes modernes doivent éviter
avec soin les longs détails militaires, qui ont jxiur nous bien moins
d'intérêt qu'ils n'en avoient pour les anciens , parce que , depuis le
dttngement des armes, qui a tant influé sur le sort des combats, ce
n'est plas de la foKe et de la bravoure individuelle de chaque com-
battant que peut dépendre la victoire. Je ne doute pas que Tauteur
n'ait senti lui-même la monotonie des fréquentes descriptions, lorsqu'il
a Vbulu parler historiquement de l'attaque de dHTérens forts , et lorsque i
aprts la délivrance d'Orléans, il a eu à décrire les sièges de Clerfeau ,
de Meun, de fieaugenci.
Les épisodes que l'auteur a placés dans son poème, tels que celof
du jeune Guitry, qui , dans l'espoir de mériter la main de son amante ,
se hasarde imprudemment, et, dans une autre circonstance, répare
son erreur , ne sont pas assez attachans ; ils manquent de cette origi-
nalité qui fait le principal mérite de ces sortes de détails.
Quant à ce que j'aurois à dire sur le merveilleux employé par le poète,
qu'on me permette de renvoyer au Jonrnal de mars t8i8. J'ajouterai
que l'auteur n'auroit pas dû peut-être fiiire tenir de longs discours à
l'Eternel, et auroit dû marquer, cbns fe cours dé son poème, d'une
manière plus expresse, l'action toujours présente, toujours toute-
puissante, de l'être des êttes. L'emploi des anges rivaux, c'est-k-dire ,
de l'ange qui protège la France et de celui qui protège l'Angleterre,
ne produit aucun effet remarquable. Les démons agissent en faveur
des Anglais contre les nnges; mais cette lutte permet-elle quelque
JANVIER ïStp. ji
D'arffeurî les angfs et les démons paroissent , agissent trop souvent,
et, j'oiC le dire, sans nécessité,
Ntc Drus imersil, nhi d'ignus v'mdict nodut
Jncideric. ( HoR. An pott.)
Le personnage de Jeanne d'Arc, tel que le présentent l'histoire et fa
tradiiion,|est as cz beau, assez mystérieux, assez inerveiNeux, pour rendre,
l'intervention des anges moins nécessaire et moins fréquente dans un
poèmu' qui lui est consacré , que dans tout autre poème chrétien.
Les passages que j'ai cités auront donne une idée du style du
poème; on y trouve des vers heureux et des passages bien écrits:
mais le style manque, en général, de celle élégance et de cette noblesse
qui sont si nécessaires à l'épopée, de ce talent poétique
Qui dit sans s'avilir les plus petites choses.
C'est dans l'épopée sur-tout que la beauté du style peut suppléer
beaucoup d'autres beautés, tandis que d'autres beautés ne pourroient
fa suppléer.
On rencontre dans le poème de Jeanne d'Arc beaucoup trop de
vers semblables à ceux-ci:
Deux fois mille guerriers conintaudés par Villars. . , .
S'avance de Patay vers SuUî sur la Loire. . . .
Inspecter tous les corps et passer la revue. . . .
Les vivres stipulét par l'accord favorable. . . .
Elle dit; les Français s'arrêieut, tournent bride. .. .
Vient éiablir sa cour au château de Sepiteaux. . . .
Le temple vénérable ouvre ses trois portaux . . .
Etsurie maltrc-auiel
Placer avec respect ce dépôt solennel.
Je citerai pour dernier exemple l'expression d'oiNTE du seigneur
que l'auteur a employée très-souvent pour désigner Jeanne d'Arc. On
lit dans l'invocation:
Viens inspirer mes chants;viens iii'aider en ce jour
De i'oiNTE du Seigneur à célébrer l'ouvrage.
P.irmi les diUcrens traits de ce poème qui méritent d'être distingués,
findiquE rai , comme une invention heureuse, la délivrance que ITitemel
accorde des âmes îles Français qui, morts en défendant leur patrie eï
leur roi, subissoient encore les épreuves douloureuses du purgatoire.
Cette fiction religieuse mérite des éloges ; elle convient parhiiiement b
l'épopée moderne. Exécutée avec talent, elle présenieroit un genre de
Î2 JOURNAL DES SAV^ANS,'
•fceaurf' nouvelle. C'est encore une btlle conception que l'inspiration
'-prophétique qui saisit Jeanne d'Arc au moment où, la cérémonie du
sacré étant terminée, elle voifsa projire mission entièrement accomplie.
Cette manière de finir le poème, en rattachant à son action les
év^nemens futurs qui intéressent la gloire de la France , est mi heureux
complément.
Mais il ne suffit pas d'avoir des conceptions intéressantes et poétiques;
il faut les animer par l'élégance continue et la noblesse du style, par
la vivacité et l'heureux choix de l'expression , par l'harmonie des vers.
Pour donner une idée favorable du talent de l'auteur, je rapporterai
les passages suivans , qui décrivent la célébration de la me»se à laquelle
l'armée entière assiste au milieu de la campagne :
Le pontife, incliné sur iet sacréi azymes,
Prononce lentemeni les mots mystéiieox:
C'en est fait ; l'homme-dieu descend du haut des cieux,
£t d'un pain <]ui n'est plus la vulgaire apparence
Dant un espace étroit renferme l'Être immense.
O prodige d'amour! à la voix d'un mortel
Le Verbe ainsi descend de ion trône éternel.
Soudain devant son Dieu le prêtre s'humilie,
Et, tenant dans sa main la vénérable hostie,
Il la montre aui regards de tous les asiistani;
Des trompettes alors les accens édatans
Font retentir les airs de fanfares pieuses. . . .
Les guerriers à genoux ont présenté leur* armes. . . .
Le peuple contre terre au loin s'est prosterne;
De l'auguste Éliel le front tombe incliné.
Et ses anges trenitlans à Tomlirc de leui
JANVIER l8t9". ij
Le pocle a consacré nffiif ch:ints il la délivrance d'Orléans, et un seul à,
décrire la bat.iille de Patay et le couroiiiieinciU du roi. Je leniuiierai
cet extrait en traduisant un passaj^e remarquable de l'tpoptc anglaise ;
c'est celui où Jeanne d'Arc prononce rorni>on fiuiéljre des Français
morts en combattant jiour la délivrance d'Orltans.
" G/oJre h ceux qui , en vengeant la taïue de leur patrie , succoinLeni
ji noblement dans un chnrnp de haiailli: ! il ne s'agit pas ici de pleurer
» de braves guerriers, de dignes compagnons , ni de consoler, par des
n paroles vaines ou déplacées que dicteroil la compassion ou h piiié,
» ces nombreux amis qui les chérissoient. Réservons notre pi lié pour
ï> ceux qui succombent en combattant sous les bannières de loppression;
» ils en ont besoin. Puisse le dieu de paix et d'amour élre iniséricor-
» dieux envers ces hommes sanguinaires qui sont venus pour désoler
» la France, et qui vouloient nous forcer â ramjîer en esclaves devant
n le marche-pied d'un tyran! Qu'il leur accorde sa miséricorde, ainsi
"qu'à leurs épouses et à leurs malheureux enfans orphelins qui,
"privés des soins paternels, jettent en vain des cris en demandant du
» pain. Guerriers infortunés, enrôlés par force, ou déterminés parle
» besoin à taire ce trafic de Itur sang; plus infortunés encore, si c'est
» leur seule volonté qui les a amenés; car ils paroissent maintenant
» devant le irône éternel, qui les juge comme meurtriers mercenaires.
» Mais nos camarades combattoient pour la liberté ; ce n'est ni la violence
» ni la séduciion qui les ont appelés à cette guerre sainte ; leurs parens
» les envoyoieiit en levant au ciel leurs yeux brillans de douces larmes;
" ils leur disoient de s'arjner, et de sauver de l'épée des biigands leur
» vieillesse respectable. Les épouses recevoient les derniers embrasse-
» mens de leurs époux, et elles les prioîent de penser, pendant la
» bataille, qu'il> combaitoîent pour elles et pour leurs enfans : ainsi
"leur \aleur éioit excitée par les plus chers sentimens. Ils partirent,
« ils comballirent, ils furejil vainqueurs. Uajis les siècles à venir, les
" habiiam d'Orltans amèneront en ce lieu consacré leurs jeunes enfins,
» et leur raconteront les hauts faits de nos braves amis; le saint exemple
" leur en'ieignera à chérir la patrie; et si l'oppression menaçoit encore de
«répandre tes flots désolwteura. ils sauroient. comme ces braves,
" s'opposer au torrent furieux. Français '. ne pleurons pas sur nos cojn-
wpagnons; ils ont combattu vaillamment pour la bonne cause; et
» l'hlernel, qui veut que la paix règne sur la terre, les recompense de
» leur dévouemenr : nous survivons pour honorer leur mémoire, pour
» venger leur mort sur les hordes étrangères , &c. &c. »
RAYNOUARD.
î4 JOURNAL DES SAVANS,
Observations sur la folie ou sur Us déran^emens des
fonctions morales et hUellectaeVes de l'homme; par M. G.
SpurzheJm , M. D. ; avec deux planches. Paris, chez
Treuttel et Wiirtz, libraires, rue de Bourbon, n." 17; à
Strasbourg et à Londres, même maison de commerce;
1818 , un vol. in-H." de 34© pages.
Dans une introduction, M. Spurzheitn se plaint de ce qu'oa ne
s'est pas assez occupé de l'èxamea. des aliénations mentales , de ce
que , dans les écoles publiques , on ne répand pas plus d'instrocdon
sur un objet qui intéresse autant i'homaniié, et de ce qu'on
n'applique pas au traitement des aliénés les considérations générales
que fournit la pathologie. Des faits pourraient répondre k cet
plaintes, dictées sans doute par le désir d'être utile à une classe
très-malheureuse; car jamais on ne se livra davantage k fétude de
ce genre de maladie. II est certain qu'on enseigne aux élèves en
médecine ce qu'on sait sur ses causes et sur la tnanière de ia traiter ;
on ne néglige pas d'avoir égard à la constitution pardculière det
individus , à leur iôrce , à leur foiblesse , k leur tempérament , &c.
La nécessité de réunir les insensés dans des maisons disposées à cet
•fièt, à cause des inconviniens qu'il y auroit à les laisser au milieu
de la société, ne permet, il est vrai, qu'à an petit nombre de
médecins , de les bien observer et de leur donner des soins; mais il
ne s'ensuit pas que les autres soient indUT<irens au sort de ces infor-
tunés, «t qu'ils ne puissent au besoin donner des conseils salutaires,
tels que les circonstances l'exigent. II existe en France plusieurt él»<
blisseniens où l'art de guérir , de coocert arec la phiiantropie, met en
JANVIER 1819.
» pa^ distinguer cette aberration , ou qui n'a pas l'influence de [i
» volonté sur les actions de ce sentiment; ou , en d'autres termes,
» la folie est l'état d'un homme qui est inc3pal)ie de distinguer les
ï> dérangemens de ses opérations mentales ou qui agit irrésistibfe-
» ment, » Celte définition paraît longue , compliquée , et ne rend pas
bien l'idée de Ja folie.
Les symptômes de (a folie sont décrits par M. Spurzheim, d'après
ses observations personnelles et celles de MM. Pinel , Hasiam, Rush
et quelques autres qu'il ne manque pas de citer. Ces symptômes sont
nombreux ; ils se modifient dans chaque individu et sont souvent
complexes.
On a fait à l'égard de la folie ce qu'on a fait h l'égard d'autres
maladies: on a établi des divisions, qui ne sont autre chose que des
distinctions de symptômes. L'auteur ici rapporte sajis les admettre,
voulant s'en tenir à celle qui, Mandée sur les cauAes , doit être la
base du traitement.
La folie est héréditaire , M. Spurzheîm le croit ; beaucoup de
faits l'attestent: MM. Davisse, Hasiam , Pinel, Esquirol, &i:, sont
de cet avis. Elle a lieu plutôt entre vingt et soixante ans qu'au-
paravant ou qu'après ; l'auteur dit qu'elle affecte plus d'individus
entre vingt et trente ans en France qu'en Angleterre : tout ce qui
dérange, excite ou affoîblit l'organisation, sur-tout le système nerveux,^
peut l'occasionner. Elle a des accès et des rémissions : on voit des
folies quotidiennes; on en voit de tierces, de quartes, de mensuelles,
d'annuelles, et d'autres dont les accès ne reviennent qu'après
plusieurs années avec des intermîssions tantôt régulières, tantôt
îrrégulières. Suivant M. Spurzheim, la cause pro<.li:iine de la folie
réside dans le cerveau. QuelquL-s pajjes de son livre sont consacrées
à réfuter des propositions de M. Foderé, auteur d'un Traité du
délire , qui fait consister la folie dans l'aberration de la vitalité du sang,
opinion difficile ii coiiiprendre, et, par conséquent, à r.do]-)ler; il y
auroit tout autant de[ raison de dire qu'elle consiste dans f.'iLerration
de la vitalité de la lymphe ou du fluide nerveux.
On fait deux obfections bien fortes contre le système de M.
Spurzheim , qui lui est- commun avec son ami M. Gall : ces
anatomisies prétendent que les difTérentcs parties du système nerveux
et du cerveau sont indépendantes l'une de l'autre en structure
et en fonctinns, se communiquant toutefois entre elles; et que
les 'manifèstatioiis de chiique faculté primitive de l'ame dépendent
d'une partie céréiirale particulière : cela posé, la cause de la folie
î^ JOURNAL DES SAVANS,
çsi dans le cerveau, dont quelques fonctions se trouvent alors plus
ou moins dérangées. On leur répond que, dans les dissections anato-
iniques d'un grand nombre de cerveaux d'aliénés morts, on ne dé-
couvre rien qui ne soit dans ceux des hommes enlevés par d'autres
maladies que la folie; que de grandes portions du cerveau ont é^
détruites, sans que l'entendement en ait été altéré.
On a dit que MM. Cad et Spurzheiin assuroient qu'on pou-
voit , par la forme extérieure de la léte , annoncer qu'un homme
éloit ou n'étoit pas prédisposé à la folie t M. Spurzheim dément
Fassenton comme n'étant contenue dans aucun de leurs* écrits , et
contraire à leurs principes quant au cerveau; seulement ils croient pou-
voir prédire qu'un crâne trop petit donne une grande disposition à
ridiotisme.
Au reste , dans l'écnt que nous faisons connoître, M. Spurzheim ne
développe pas toute sa physiologie; il se borne h en appliquer quelques
principes à l'explication d'un grand nombre de faits pathologiques,
relatifs à la folie ; il n'oublie pas de parler de Tidiotisme , soit accidente] ,
soit naturel, tel que le crétinisme, parce que ces états ont des rap-
ports avec la folie.
Certains tempéramens, poursuit M. Spurzheim, sont plus suscep-
tibles de fa fblie que les autres ; le genre de vie , les occupations , y
influentbeaucoup. L'Angleterre, d'après Fauteur, en fournit des exemples:
par-tout les femmes y sont plus sujettes que les hommes, étant ex-
posées k plusieurs des causes qui la produisent.
L'espèce de suicide qui est l'effet d'une décision momentanée et
d'affections violentes, est regardée par M. Spurzheim comme une
maladie, comme une fblie qu'il pense qu'on préviendroit peut-être avec
plus d'attentions.
JANVIER 1819
a publié M. Pin
= (.)
posiiives , iT faut lire ce qu'a publié M. Finel , et sur-tout uiï mémoirt
»iu'il a coniriiuniqué à l'académie des sciences.
Quoiqu'on ait depuis quelque temps pris plus d'iniérét au sort des
aliénés, cependant il subsiste des élaWissemens où l'on se condi.it fc
leur égard d'une manière qui révolte Thumanité. M. Spurzheim en
a visité jiJuiienrs, dont 1/ donne des descriptions affligeantes. Pour
rendre ces hommes moins malheureux et mettre à portée d'en guérir
un plus grand nombre , il indique les conditions que doit avoir, suivant
lui , une maison destinée ii recevoir et à traiter des fous. Deux planches,
accompagnées de l'explication , en donnent les plans: l'une est pourun
hospice de finis en traitement, et l'autre pour le^ convalescens. Ces
plans , réunissant une situation salubre , un vaste terrain , des distrilvuiions
appropriées, des moyens de régler l'air, la lumière, la température,
la propreté , l'occupation et la répression , peuvent être de quelque
Utilité.
L'ouvrage de M. Spurzheim est terminé par le traitement médical.
M. Pinel dît que ce traitement est peu utile; assertion que blâme M.
Spurzheim, prétendant qu'elle ne peut èlre excusée que parce que le
traitement médical n'est pas encore connu , ou parce que la cause de I»
folie n'est pas regardée comme physique. Il voudroit qu'on réformât
eniiéreiiient celui qu'on emploie, et qu'au lieu de faire la médecine
routinière des symptômes, on établit une méthode fondée sur les-
causes qui donnent lieu aux aliénations. Mais on dira : Qui peut les
hien connoîire, distinguer les principales, quand il y en a de complexes,
et saisir le moment où il convient de les attaquer! Il fàudroit, pour
ainsi dire, un médecin pour étudier chaque malade.
Quoi qu'il en soit, on peut tirer dei av.intnges de ce que propose
M. Spurzheim pour le traitement des différentes espèces de folies.
Il s'attache d'abord à l'idiotisirie et ù in démence curaiiles; car il
déclare qu'il y en a d'incurables: puis il p.iiîe h la véritable folie, qui
I organisation c
raie de plus d'une manière; il spécifie les cas
où l't'spoir de giiérison nesauroit êlre conçu, et ceux où elle doit être
entreprise. Je ne crois pas devoir le suivre dans l'énumérali on des re-
itièdes et dans leur application : il me suffira de dire que son livre peut
concourir, ainsi que plusieurs autres,^ l'avancement de l'art de guérîf
les aliénations mentales.
TESSIER.
i
(t) Tiûié medico-philoiophiquetur l'alicnaiioD mentale.
JOURNAL DES SA VANS,
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
L'acad£mie des beaux-ans a élu M. Poyet pour succciieur de fen M. Bon-
nard. dans la leciion d'archiiecrure. — L'acadirmie vient de perdre M. Gon-
douîn , membre de la même section.
M. Mrti{;c2 .1 communiqué à l'académie des inscripiions et bel les -le mes un
mémoire qui lend à montrer qu'il eji au moins fort douteux que Virgile ait
lu en présence d'Auguste et d'Octavie le sixième livre de l'Enéide. Aucun des
nombreux historiens de celte époqiit ne parle de cette lecture. Il en est
question pour la première fois dans une vie de Virgile, composée, au iV.*
siècle, par Tiberius Claudius Donatus (autre que le célèbre grammairien du
même nom). Cette vie est un tissu de contes amurdei ; celui-ci du moins n'y
Cit.donné que pour une tradition vague, jtrtwr. Mais Servius, an V * «iécle ,
l'j répété comme un fait bien établi , constat. M. JViongez oppose an récit
de ces dt-ux auteurs un témoignage plus ancien, et, à tous égards, ploa
rejpecEahIe, celui de Sén.èque, qui, dans son Traité de. la consolation , adressé
a' ivlarcia, dit qu'Ociavie , tant qu'elle survécut à Marcellns, ne snaffrit jamaii.
qu'on prononçât devant elle le nom de ce prince, ne voulut ni regarder ses
images, ni écouter les vrr^ composés pour célébrer sa mémoire. JVuUam ima^
g'-rm fila cur'isshni volait, nullain s'ibi fieri de Ulo mentionfm Carmina
€ '.irandte Alanelli ineinori^ coir.posha , aliosijut siudiorum honons rejtcit. Les
r.Miliats de ce mémoire doivent entrer dans les articles d'Octavie et de Mar-
celfns qui feront partie de l'iconographijf romaine',commencée par M* Visconii,
et que M. Mongez est chargé de continuer,
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Afé/anges d'origines éiymologiqufs et de questions grantinaïUalei { origine de la
particule 0», ile^ noiiii de la rue Aux Fers, de la me du Fouarre &t., du nom
espagnol et italien des cartes à jouer. . . . exposition d'un nouveau système de
conjugaisons, &c.) ; par M. Eloi Johanncau. Paris, imprimerie de l'onhman,
) brairitrs d'Alexandre Johanncau, de Bechet, de Fillet; et chez l'auteur . rue
JANVIER 1819. If
Tht'Jire compht àe Jean-Galbert de Cauipistron , suivi de ses opuîculei, avec
des remarques, par M. Le Pan ; î vol. in-S.' et in-12 , «jui paroiironi le 1 <; janvier
rSii), le ij février ei le ij mats. Prix de souscription, 4 fr. clnaque vol. in-S.',-
3tV.,;n-/2.
Théâtre lie M. Jos. Chènier. Paris, Baudouin frères et Foulon, 1818, j vol.
in~8.' ,• le î.= eitiniituiô Tluàtrt postbumt : eyx loui 83 feuilles unquan, et le
ponraii de l'auieur. Priit, 20 fr., ei en pap. vcl., 40 fr. {voy. Journal de*
Savans, novembre 1818, pag. 701).
Le Tour de faveur, corné Aie en un acte, en vers, représentée sur ie tlifStre
Favartleaj novembre, iStc, Paris, imprimerie de Piassan, librairie deLadvocai,
IB18, in-S.' lî feuilles.
Bclisaire, tragédie en cinq actes et en vers, par M. E. Jouy, membre de l'In.-
titui. Paris , imprimerie de Pierre Didot aîné; chei Corrcard, Eyiiiery,
Piller. 1818; 8 feuilles: 3 fr. 50 cent.
Bilisa'tre, par iMarmontel; traduit en laiin par deux professeurs de l'Univcr-
lité.avec le texte français en regard. Pari», Delalain, 1818, in-n. 13 Icuillea
«t demie.
Les cinquante séances du fianri, ou tes Aventures d'Elareth et d'Aboiizéid de
Seroudjé; par Abou-Mohammed Eicassem Elbariri (en arabe); publiées par
M. Caussin de Perceval, membre de l'institui. Paris, imprimerie de Eberhart;
chei rédiieiir, au collège de FranccichetTreuilelei Wiirtz,Ueburefrerea,&c.
1818, rn-^.', 32 feuilles: 1 s fr.
Voyage en Allemagne, dans le Tyrol et en Italie, pendant les années i8o4, 'Soj
ei i8o6;traduii ei imiié de l'allemand de M."" de Hecke,par M."' de Moi>
wlicu. Paris, imprimerie de d'Hauiel. librairie d'Arihus Bertrand, 1818. 4
■vo\.in-S.', 76 feuilles 1/8. 20 fr. {vo/. Journal des Savans, février 1817, pag.
lJS-i22,etjuin 1818. pag. 369-571 ).
Voyage bisioriqiie en fgy^/e, pendant les campagnes des généraui Bonaparte,
Kleber etMenou, par Dominique di Pieiro, Versailles, imprimerie de Jacob;
Paris, chezl'Huillier, 1818, i/i-^.', 21 feuilles ei demie, et une carte d'Egypte.
Vit de Jeanne d'Arc , MtnomT,\ée la PucAle d'Orléans, par H. Le Maire.
Pari*, imprimerie de Bilin, librairie de Le Prieur, 1818; in-/2, 10 feuilles et 4
planches: 2 fr. {vnye^ , sur les Histoires de Jeanne d'Arc, par MM. Berryat-
Saini-Prix et Le Brun des Charmettcs, Journal des Savans, novembre 1817,
pag. 687-694).
Examen critique de l'ouvrage posthume de AI."' de Slael, ayant pour tiire,
Co"sidériitions SUT les principaux événeiiieiis 1!. ht révolution française,- ^sr M.
J.Ch. Baiileul. Paris, imprimerie de Bailleul aîné. 1818 , 5.' cl 6." cahlerf,
in-f.', qui complètent l'ouvrage. Prix drs six cahiers, 12 fr.
Précis d'une colUetion de inédailks antiques , contenant la defcripiion de
«■ellet qwi n'ont pas encore élé publiées, ou qui sont peu connues; par L.
Keynier (auteur des ouvrages iniiiulés, de l'i^gypif sous la domination des
Ramai ns i — de l'Ecoi^omie pulVqut et rurale des Celtes). Oenève et Paris,
Paichoud, i8j8; 148 pages et J plancher lithographiées. Celte collection de
médailles est 3 vendre à Lausane. lin en publiant le catalogue, M. Re)nier '
décrit celles qui n'éioient pas encore bien conn>ies. Ce volume contient aussi, .
•urplusieurs médailles déjà décrites, des observations eiiiiaues dont le bji ist
d'indijutr en peu de mois les motifs pour lesquels laûieur « a préléri
i
t
So JOURNAL PES 5AVANS,
:»; certaines opinions à d'autres ^quelquefois plus généralement adoptées.»
Observations (de M. Germain Garnier) en réponse aux Considératxoq»
générales ( de M. Letronne ) sur l'évaluation des monnaies grecques et romaines
et sur la valeur de l'or et de l'argent avant la découverte de l'Amérique.
Paris, veuve Agasse, 1818, //i-if.% viij et 78 pages.
Aîémoires sur des ouvrages de sculpture du Parthinon et de quelques autres'
édifices de l'Acropole à Athènes, et sur une épigramme grecque en 1 honneur
dés Athéniens morts devant Fotidée, par E. Q. Visconti. Paris, imprimerie
de Firmin Didot, iibrairiie de P. Duikrc, quai Voltaire, n.* 19, 1818, î/i-^/,
\iij et 153 pages;} fr. 75 cent., et parla poste, 4 fr. -2.5 cent. (Le gouvernement
anglais, qui possède ces monumens, tn fait exécuter des plâtres, destinés à
enrichir les principaux musées de IXurope, particulièrement ceux de Paris
et de Saini-Péiersbourg.)
Observations sur divers objets d'utilité publique (principalement Sur les
Canaux); par M. le ba on Blein, maréchal- de^ca mp , ex-inspecteur général du
gl^nie. Paris, Loitip de baint-vj4:rmain, 1818, in''S,% 14* P^jg*
Histoire de l'astronomie du moyen âge; par M. Delambre, membre de Tlns-
liiut. Paris, M.*"*" Courcier, 1818, in-^f.* , 91 feuilles et 17 planches. L'autetir
appelle moyen âge de l'astronomie un intervalle de cinq à huit cents ans écouléi
depuis les premiers travaux des Arabes jusqu'à ceux de Copernic , premier fon-
dateur de l'astronomie moderne. Les Arabes ont entièrement changé le calcul
astronomique, par Tiniroduciion des sinus, des sinus verses, des tan^i»entcs et des
sécantes; Viète a complété leur système trigoiiométrique. Les Arabes ont per-
fectionné les mouvemens du soleil, qu'ils ont observés avec plus de soin et
de meilleurs instrumens; ils se sont appliqués à mieux déterminer les temps de
leurs observations; du reste, ils ont adopté toutes les théories des Grecs, sans
le moindre changement. On en doit dire autant des Persans et des Tartares.
Pendant 1800 ans on s'étoit borné à faire au catalogue d 'étoiles d'Hipparque
quelques corrections légères; Ulug-beig en donna un tout nouveau. 1 ous li«
astronomes de cette époque étoieni astrologues autant qu'astronomes; i!»
appliquèrent leur trigonométrie à la division du ciel en douze maisons, et à
toutes les opérations de l'astrologie. L'auteur a renfern^ toutes leurs méthodts
dans des formules plus générales ei plus faciles. Ces doctrines mensongères et
surannées ne peuvent plus intéresser que par ce qu'elles avoient de géomé-
trique. Avant l'invention des horloges, la gnomonîque étoit une partie intét>
grante de Tasironomie; les Arabes en firent une étude particulière, en cor-
servant tourefois la théorie des Grecs. Cette théorie fut entièrement changée
»ar les astronomes ciu xiv.* siècle; mais ces auteurs ne démontrent rien, et
leurs pratiques sont souvent inintelligibles. Pour les éclaircir et les démontrer,
M. Delanibre a renfermé toute cette partie de la science en une soixantaine de
formules qui contiennent tout ce qu on trouve dans les livres de gnomonique,
et des méthodes entièrement neuves. Le discours préliminaire présente le tableau
des progrès de l'astronomie durant cet âge : on y trouve aussi des remarquet
nouvelles sur les Indien; et les Égyptiens, sur les zodiaques d'Esné et de
Dendérah , sur les levers et les couchers , et sur les moyens de vJrifitr, soit par
les globes, soit parle calcul, tout ce qui reste de cette ancienne astronomie
.^ui n'employoit ni le calcul ni aucun instrument. L'Histoire de l'astronooMC
'«KNieine est sous presse; elle commence à Copernic.
le
JANVIER 1819. Ci
Théorie ^11 paysage, eu Cousidéraiions générales sor les beauits de la iiaiure
^uc l'art peut imitiT, ei sur IC! moyen* <[u'il <loit employer pour ré^mît dans
celle iniiiation ; par J. B. de Penhes. Paris, Le Normani.rue de Seine, a,* 8,
CI quai Conii, n." 5, 1818, 'm-S.-,xv'] et joô pag, Ptix j t>.
Choix lie tableaux et statuts des plus célèbres musées et cabinets cuangert,
ou Keciiejl de gravures au irait, d'après les t.ibleaan des grandi maîtres ^e
toufes les écoles, et les motiumens de sculpture ancienne et moderne les plus
remarquables, conservés dans les musées cfrangers; avet des notices historiques
et cririques , par une société d'ariisiej et d'aniaieurs ; ouvrage tlassiijue,
deuiné a serur de suite aux Annales du nioîée de France, publiées par L. P.
Landon; iz volumes tn-^.', qui paroiiront en \ingi-quatre livraisons, dont
chacune comprendra j6 planches et environ 80 pag's de lexie. La première
livraison sera publiée le i ) janvier i8ii),ei les autres suivront régulièrement
de trois en trois moii. On souscrit, jusqu'au i." avril, chez MM. Treuitel et
WiiriT, à Paris, à Strasbourg et â Londrrs, à raison de 9 fr. par livrabon;
9 fr. 75 cent, parla p05ie.
Cours complet dt physiohgtt , ouvrage posthume de J. C, M. C. de Grimaiid,
professeur de médecine à Montpellier. Paris, imprimerie de l'airis, librairie
deMéquignon-Marvis, 1818, 2 -.ol. i/r-i'.', 60 ieuillrs et demie.
Elétnens de médecine pratique de Cullen , traduits de l'anglais par Bosquillon;
nouvelle édiiion, revue par A. J. de Lens. Paris, imprimerie de Celloi,
librairie de Méquignon-Marvis , 1818 ; 3 vol. in-S.'. 8û feuilles et demie;
lB.fr.
Exposition de la doctrine médicale de P. J. Barlliez, et Mi
par Jacques * ' ■
cher Gabon
Lordat. JMo
, 1818, i;i-8.', 30 feuilles eldeiT
Essai sur l'hyJrocéphalite ou l'bydrop'isie
par J. L. Brachet. Lyon, Boursy ; et Paris
■ de J. Martel le jeune. Pari
: 5 fr. 50 cent.
d,s
C'aLon, iBii
■icules du cerveau,-
■ ~ 12 feuilles
et demie.
Codex medicitmentarius , sivePharmacopoea g'IIIca, jussii Rcgts optimi et ex
raandato summirerum iniernarum re(;nî adminisiri, edilui à faculiate medica
parisienii. Parisiis, Hacquart, iïii8, in-4.' , 406 pag.
Almanach des James pour l'année iSig, Paris , imprimerie de M. Pierre
Didot l'aîné, libr^irio de MM. Trruitel et WiirU; petit in-i6, ortié d'un
frontiîjiiee et de 8 gtamres exécutées pur M. Bein, élève de M. Forsell, Le
volume contient des pièces de ver; de mesdames de Genlis ei Dufresnoy^
de MM. la Cliabeaussiére, Vigée, Mollcvaut, Mille voye ,<S.c.; des morceaux
en prose, par mesda.iies de Staël, Krudener, Sinions-Candeille, &c. Le prix
varie depuis 5 fr. jusqu'à 30 fr., selon la condition du papier et de la reliure.
La Bvussole politiijue, administrative et littéraire : le premier caliicr a paru
le I J décembre; Ji pages in-S.' Pria 7 S cent. — pour on volume d'environ jcjq
pages, 6fr ; pour i vol. 11 fr, j pour 4 vol. zo. fr. — On s'abonne au biirca»
de la Boussole, à Paris, place Uauphiue, 11." 12.
ANGLETERRE.
Specimtn lar^d and small of tlu lypo^raphy and paper ofth< lUW édition oj
<Si
JOURNAL DES 3AVANS,
the Dtipkin andvarioTiim clastks, by A. J. Valpy; wtth alîst ofihe (notent sub-
icribcrs; alïo prospect uj of ihe Stephens'Greek Thésaurus, chç classical jour-
hal,&c. , i8r8, in-S.' Ce Spécimen, tant en grand qu'en petit papier, ccnsisie
dans les lo premiers vers des Géorgiques Ai Virgile, avec interpréiaiion, va-
ii«niet et notes. Le nombre des souscripteurs est déjà de plus de trois ceni». -
( li'ov. Journal des Savans , mai i8i8, pig. 310. )
A taiicgrAphical Account , J^c.; Aperçu des principaux ouvrages conCemanr
la topographie de l'Angleterre; par Will. Upcott. Londres, Tavlor, iti|8,
3 vol. grand in-S,', avec fig. tires à deux cent ciniuanie exemplaires seule*
nient: 4 ''v. st. 4 ^l^-
Apiuuresque Tour ofltaly; Voyage piitorescjuc en Italie, pour servir d'éclair^
cissemens aux relationi de Misson , AdHiion , Euiiacc et Forsyth , d'après dei
dessins pris sur les lieux en i8j6 et 1817, p.ir Jaiues Hackeviîl. Londies,
Murray, 1818, gr. (n^/jfig. gravées parCotAe, Vy-i, Landseer, &c.: première
et deuxième livraisons. Le prix de chaque livraison , composée de 6 planches et,
d'un texte explicatif, est de iz sh. en p?(it pap.i de 18 sb. en gr. pap.;
de 30 sh. en pap. des Indes.
Narrative ofaioumeyin the tnttrior of China , and of a voyage to and ftoni^
that country , in the years 18 16 and 1817, coniaining an accouni of the most
interesiing transactions of lord Amhersi's embassy to the court of Pékin, and
observations on ihe (ouniries, &c. ; by CISrte Abel , nliief médical offïcer
and naturalist of the embassy ; illustrated by maps and other engravings.
London, t8i3, rn-i?.", xvj, ^zo pag. 11 sera rendu compte de cet ouvrage dans'
l'uD de nos prochains cahiers.
Travels rhrough the l/nitfif Staut ofAmeriai, in the yean 1806 — 181 1 ,
and travels ihrough various parts ofBriiain , Ircland and Canada; by J. Mc-
iish. Philadeiphia and London, 1818, XXHi , 639 pag. (ig.
Traifiiciiort anglaite des Comîdératiom sur la révolution fiançais*, par M."" de
Suel. Londres, Baldwin , [tji8, ) vol. in-S.': 1 liv. sterl. 16 sh.
Fourrremh Anniversaty oflht briiith and foreign Bitle-tociety. London, 181 8,
4 pag. in-/.' ( Discours prononcés, le 6 mai 181K, dans une assemblée det
membres de la Société biblique. )
JANVIER 1819.
«J
^hrifs Je Vlljade et dt l'Odyssée sont en entier de U
ï-an^ais). Berlin, Na.it, ili 18 , in-i*.', 1 txA.
PuMii Syri in'mii Sii'irni'nx , limileique aliae é pot'iis anliqu
i8i8.,-„.^,"; 6 francs.
■ Ahraham, d
riq'.ie en 5 i
par C, F. Franceson ( en
lecis. Lipsiz,
Vienne, Wailishai
'5; par C, KanncgÎMcr, Prenzinw ,
n j acieî ; par 1 h, Hel! , repré-
ne. Leipsick, Hanknoch , i»i8,
un atie; par M. Ploe/. Munich,
le romanTiiiie en 5 actes, tmiié
iinj;er. Siilzbach , Scidel.lSiB,
— Aurait, fiilc de.lephïé, tragédie e
Bi'gocïy, 1818, in-S.' — Zcé, iratêdit
ïcntée surk-5 ihé,itres de Dresde et ..le V
ia.jz. — La Fohh nia Proie, cmiedre e
Lentner, iSt8. In-S.' — L'Horoscope , A\
de IV.-pagnol de CaidiTon ; par C. A. iVlei
in-8.' — ( en allemand).
Peisedurch Italien ifc. ; Voyages en Italie et en Sicile; par A. G. Kepha-
lides. Leipsick, Fleischer, i8i&,i vol. gr. in-S.' avec j planches.
Journal von Brasilien , &C, ; Joumul du Jjrésil , ou Noiices et niclanges sor
Je Brésil, recueillis par M. G. C. d'EschweÊe. Weimar, Lureai. d'induîirit,
1818, gr, in-8.' 1." cahier. —On annonce la publication prochaine d'un
Voyage dans le Brésil en 181S, r6 ei 17, par le prince Ma>iniilien Wied-
Neiiwied , 4 vol. in-4.' avec caries et ligures, qui parottront à Francfort-sur-
ft-Mein , chez le libraire Broenner.
Cesiûltung ifc.i Histoire H siaiisri'/ue de l'Europe depuis 1492 jusqu'au
congrès de Vienne; par le ptof. Hasse. Alienbourg, Brockhaus, lii^, in-S.",
lonie I.", qui s'éiend jusqu'à 17S9, et qui est accompagné d'une cane.—
On vient de publier une 3.' édiiion de THistoife des états de rLyrope et d?
leurs colonies, depuis la découverie des deux Indes jusqu'à nos jours, pai
M. L. Heeren. Gotiingue. Rocwer, 2 vol. gr. in~S.'
Der DeuUchen Leb^n iXc, t Aiimoirts sur les mceurs , les uiages , les sciences
et les ans des Allemands durant U uioytii âge ; par J. G. Busching. Breslau,
Korn, 1B18, in-S.- fig. tome 1."
Bfitraege i^c. j Mêinolrts authentiques pour servir à l'histoire du règne de
Frédéric fj j pai A. F. Busching, i.' édit. Leipsick , Heinrichi, 1818, gr. iVA'
Aus tneinein Lebeu iXc.j Alemoiresde ma vie , par M, de Goethe ; i.' édit. ,
3.' vol.Ti.bing,ic,Coiia, iSiS; tn-P.'
Uhr die hey A'ose.le ifc. ; Mhnoire sur Id triple inscription trouvée A JRosette ,
lu à l'académie royale de Munich ; par M. Schlichtegroll, Munich, 1818 ,
(«-^ • fig.
Moral Pliilosophie ifc-, Systhne de philosophie tiicrale ,- par le prof. Eschen-
niayer, 1 ubingue, Coua ,1818, gr. in-S.-
Essiiis philosophiques sur l'homme , ses principaux rapports CI sa destinée,
fondes sur l'cJip.'tiencË et ta raison, suivis d'ubservatloas sur It: beau; par
Jacob L. H. Halle, 1818, iVJ-." ( en français).
UANEiMARCK. Edda Sxmundime, sîveanliqiiioris.Carniina mytbico-his-
iorica,'1e Voltungis, budliinj^is et Villun^is -vel Ginkundis, ei rébus gesiii Da-
poruni , Succorum, &c,; ex codice. Bibh.ce^ix- Hnujii.-nsii , cuni interpreia-
lione laiina , variis iecttoitibus, iiaiis,.gIcuîarto et iudicibut. Hauniic, Popp,
1818,3 part. i;i-4*.
L
1
«4 JOURNAL DES SAVANS. . :"\^
Gulïtlùngenses Leges regîs Magqî, legii m reformatons, seu Jdf commune
norvegicuni, islandicè, latine et oanicé. Haunix, Gyidendali 1818 , gr»iii'4«*
avec 4 planches.
Chine, Sin î-tchao-chou ; le Nouveau Testament traduit en chinois, La basC
de cette version est un évangéliaire qui paroît avoir été rédigé par un cnînoil
converti à la foi catholique. M Hodgson, se trouvant à Canton eti 1737 ^\
1738, en fit faire une copie qu'il donna à sir Hans Sloane» et qui a passe
ail niuscum britannique ( voy. Ign. Kagleri Notiiiœ bibiîorum , éd. sjlterm, ?*^^}^ i*
de M.Morrison que cet évangt^liaire a été complète tt
CVt par les soins
ibiié en huit volun
notre //i-^/ et à notre
publié en huit volumes à la chinoise , sous deux forrats qu'on peut comparée
à notre in-^,* et à notre //1-/2. — On a suivi , pour cette impression , les procédt».
chinois qui ont semblé offrir plus d'économie et plus de facilité pour arriver
à la correction.
Chin chi chou i pen yan i tchhou ; Traduction des Psaumes en chinois» Un
petit volume à la chinoise de 177 pages , format i/i-/^^ imprimé comme l^
précédents et pareillement dû au zélé de M. Morrîson.
Yeou hio thsian kiai wen tha y petit Catéchisme protestant pour les enfanSg
par demandes et par réponses. Un petit volume trcs-oicn imprimé en caractère»
ciinois y publié par un chrétien nommé Po'*ài , ou le Chtititabli* (C*e$t peut»
ctre le surnom adopcé paf M» Morrison. )
Nota. Onp^uts^ndresseràtaUbmiriedeMM. Trcuttelrr Wiirtz, à Paris,
me. de Bourbmfy n,»i^; à Strasfowi^, rue des Serruriers; et à Itondres, n,* JQ,
Soho'Square , pour se procurer les divers ouvrages annoncés dans le Jourtwdcf
SfSOMMs^ Itfamî agnanihifi Us lettres et le prix présumé def ouvrages.
. ' . . I . ., . I— J.
TABLE,
Journal di la derniirft ambassade anglaise à la Chine, par H. Ellis»
( Article de M. Abel-Rémusat. ) Pag, 3 ^
Correspondance de Vahhé Ferdinand Caliatti ( Article de M.
Daunou. ) i6« .
Histoire du passaee des Alpes par Annibal, par M, Deluc fils,
( Article de M, Letronne. ) 22 •
Second Voyage à travers la Perse ^ l* Arménie, ifc; par M. Jacq.
Morier, (Article de M. Silvestre de Sacy. ) • • 36, '
Jeanne d'Arc, poème de Af . DuméniL ( Article de Af. Raynouard. ). • 4^ •
Observations sur la fi>Ue , par JA, Spur^heim, ( ArtécU de M.
Tessier. ) « 54 •
ii(oHvtUes littéraires •••••• 58.
FIN DE LA TABLE.
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Journal
DES SAYANS.
FEVRIER ibip.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1819.
JLe prix de rabonnement au Journal des Snvans est de 36 francs par an,
et de 40 fr. par la poste, hors de Paris. On s'abonne chez MM. Treuttel et
Wijrt^, ij Paris j rue de Bourbon, n." 77; à Strasbourg, rue des Serruriers, et à
Londres, n." jo Soho-Squarc. II feu t affranchir les lettres et l'argent.
Tout ce qui peut concerner les annonces à Insérer dans ce journal,
lettres , avis , me'nwires , livres nouveaucc, &c. doit être adressé,
FRANC DE PORT , au bureau du Journal des Savanss à Paris, rue
de Mcnil-montant, n.* 22,
I ^
I i^'^ai ■
JOURNAL
DES SAVANS.
FÉVRIER l8l(
Vues sun l'usseicnement delà philosophie; avec cette
épigraphe , Rcclè sapere, Paris, 1818, /«■^.''
V^UOIQUE ce petit ouvrage ne contienne que des vues sur l'cnscignc-
mitit rie lu philosophie , le succès niéiitti qu'il a obtenu, et les change-
mens graves qu'i! propose dans l'éiat actuel de renseignement, nous
ont engagés à l'examiner avec un soin particulier. Ce sont les résulrats
de cet examen que nous présentons ici avec la franchise et l'indépendance
dont l'auteur use lui-même trés-targement à l'égard de ses devanciers.
Noiii commencerons par exposer ia conchision de tout l'ouvrage;
69
JOURNAL DES SAVANS,
savoir, qu'on ne sauroit mieux faire, dans l'état présent des chses, ^at
de prendre pour hase de l'enseignement philosophique . dans toutes les écoles
de France, la doctrine de l'école écossaise, et principalement les écrits
du D.' Reid ( pag. 4'}- Nous signalons celle conclusion, afin de
frapper d'abord l'attenrion du lecteur, et de l'appeler sur la suite des
misonnemens que l'auteur a dû, ce semble, employer pour arriver
à cette conséquence, qu'il faut provisoirement adopter dans toutes
nos écoles «ne doctrine dont, il y a six ou sept ans, personne en
Fraiice ne soupçonnoii l'exisience, et qui, même aujourd'hui, n'est
pas connue de. ]>lus de deux <
professeurs de la capitale.
Pour établir celte conséquence, qui pourra paroîire étrange, ir
iaudroit prouver d'aliord que la liiéorie écossaise est supérieure aux
théories actuellement enseignées en France: il faudroit prouver ensuite
qu'elle l'emporte sur toutes les doctrines étrangères, contemporaines
et antérieures, antiques et modernes; car, comme la langue anglaise
n est guère plus familière aux professeurs français que la langue
allemande, et comme elle doit l'être beaucoup moins que les langues
latine et grecque, il n'y a que ia supériorité incontestable du mérite
p il îlosop bique qui puisse déterminer en faveur de la doctrine -de l'école
d'Edimbourg. Enfin il faudroit développer celte doctrine et la bien
mettre en lumière pour que chacun connoisse ce qu'on lui propose
d'adopter.
Or la vérité nous force de déclarer que nous n'avons 'rien trouvé
qui ressemblittà une discussion sérieuse dans la notice plus bibliogra-
phique que critique, où des arrêts aussi courts que sévères sacrifient
tous les systèmes connus au système de Reid, proscrivent en quelques .
lignes la philosophie de Séguy et celle de Lyon comme trop scholasti-
ques et trop peu substantielles ; Locke et Condiilac, comme superficiels
et incomplets; ei la philosophie allemande, comme inintelligible. Nous
regrettons sur-iout que la philosophie écossaise y soit présentée avec
si peu d'étendue, qu'il soit impossible de s'en former une idée nette,
et de prononcer sur son mérite absolu et relatif. Ne pouvant donc
contester ou admettre raiionnellement une proposition avancée sans
preuves, nous nous contenterons de la considérer dans son résultat
pratique, et d'examiner les suites du conseil que l'auteur donne à
j'auloriié compétente, d'adopter provisoirement dans toutes les écoles
françaises la philosophie écossaise comme philosophie ofiîcielie.
Nous le prions de vouloir bien faire attention que , s'il propose à
l'autorité d'adopter le système de Reid, il lui reconnoît conséquemment
le droit général d'adopter tel ou tel système ; de sorte que , si l'autotiié
I
FÉVRIER i8i().
préféroîtun système contraire à celui de l'ameur, elle nuroit également
le droit de l'imposer îi tous les professeurs et i l'auteur lui-même,
en vertu de son conseil , en dépit de sa phiiosopliie.
ii dit (pag. 44), en proposant un abrégé de Reid pour base
commune de l'enseignement philosophique en France ; Ctt abrégé
pourrait ttrt fait par chaque professeur. Ceci laissoll au moins unecertaine
latitude et des licences d'abréviation qui n'éioient pas très-effrayantes;
mais il ajoute (png. 4^), que , si l'on ne croyoit pas devoir /aissi r à chaque
professeur le soin de rédiger ses leçons en prenant peur hase la doctrine de
Jieid, on pourrait l'adopter provisoirement. Sans entrer dans l'examen
des ouvrages que l'auteur propose à raulorîié, il suffit de constater
seulement qu'il lui reconnoît le droit d'imposer aux professeurs quelque
chose de plus contraignant encore que l'abréviation d'un livre étranger.
Ce n'est pas tout : non content d'introduire la philosophie écossaise
dans tous les collèges royaux et communaux, c'est-à-dire, dans toutes
les écoles où l'on enseigne un peu plus qu'à lire et à écrire, l'auteur,
craignant sans doute que quelque intelligence n'échappe k sa philoso-
phie, propose une mesure par laquelle désornmis art ne piit prendre
aucune inscription aux écolis de droit et de médtcinc, ni être admis à l'école
royale polytechnique et aux écoles spéciales , sans prouver qu'on a fait son
Co^ de philosophie dans un collège royal. •
Or comme, selon la proposition précédente de l'auteur, on ne peut
enseigner dans les collèges royaux que la philosophie de l'école
d'Edimbourg, voilà bien, en dernière analyse, et par une suite démesures
étroitement liées, toute la jeunesse française devenue subitement
écossaise à la voix de l'autorité. Mais comment l'auteur ne voit-il pas
qu'un autre coup de la méine baguette peut la rendre tout aussi subite-
ment allemande ou américaine, latine ou grecque! Encore si l'autorité
étoit inamovible, si elle étoit immonelle, on pourroit se résigner une
fois pour toutes. Il y a dans l'esprit humain une certaine paresse qui
s'arrange assez bien de la servitude , pourvu qu'elle soit uniforme et cons-
lantejmais, comme l'autorité peut changer tous les jours, lui accorder
le droit de faire les doctrines des écoles, n'est-ce p!is constituer les
écoles en révolution permanente , et placer l'anarchie dans le pouvoirl
Les conséquences d'un tel état de choses sont si déplorables, qu'il faut
en détourner les yeux et prier l'auteur de vouloir bien sonder lui-même
l'abîme où l'a conduit le goût mal entendu de l'uniformité dans les
doctrines enseignées.
Effrayés de ces conséquences , cil'rayés sur-tout des alarmes d'un
grand nombre de professeurs troublés dans la sécurité de leur avenir et
LJ
70 JOURNAL DES SAVANS,
de leur enseignement, par la subite apparition d*un livre d'autant plus
inquiétant, quil est fait avec plus de soin, et qu'il a reçu du public
un accueil plus favorable, nous avons cherché quel peut être le premier
principe d'une si déplorable théorie : nous avons cru le trouver dans
cette proposition, jetée avec une apparente négligence dans les pre-»
mières lignes de fouvrage que nous examinons : Autre chose est la
forme de renseignement philosophique, autre chose est sa matière. Peut--
être, dit l'auteur, est-ce pour n avoir pas d'abord suffisamment discuté
ce dernier point 9 c'est-à-dire , la nature de la philosophie^ sa définition ,
et les idées fondamentales qui la constituent, qu'on n'a pu encore s'ac-
corder sur le reste. Nous convenons qu'aussiiot qu'on est d'accord sur te
premier point, sur la matière de la philosophie, i^wr sa naturt, sa division
et les idies fondamentales qui la constituent, ce qui. est très -facile,
comme chacun sait, e: comme il parolt bien par l'histoire de la phi-
losophie depuis Pythagore jusqu'à nos jours 3 tout est fini, tout est
arrêté , c'est-à-dire qu'il ne reste plus qu'à cojnmander d'un côté , et
de l'autre à obéir. Tant qu'on voudra toucher à la matière même de
la philosoplîie , comme parle l'auteur, on rencontrera par-tout des
écueils inévitables. La meilleure mesure à prendre est peut-être de
n'en prendre aucune : c'est là le secret de toutes les difficultés de ce
genre. Honorez les maîtres, respectez leur liberté en lui tn^|kt
certaines limites; encourngez leurs eflorts ; récompensez leur zere,
et il se formera de bons maîtres, des professeurs distingués. Mais,
où ne sera pas la liberté, n'ey)érez pas faire germer le talent. Il
n'y a que la médiocrîié qui puisse venir et prosjjtrer dans la ser-
vitude.
Il nous en a coûté, sans doute, pour nous, exprimer -ainsi sur un
ouvrage où Ton ne peut d'ailleurs méconnoîire un véritable mérite; mais le
devoir le plus rigoureux, comme professeur et comme ami de la science,
nous y forçoit. L'auteur connoît trop bien les seniimens d'esume que
nous lui portons, pour se méprendre sur l'intention qui nous a dicté
cet article. Nous devons être d'autant moins suspects à sts yeux, qu'ami
déclaré de la pliilosophie écossaise, si nous combattons aujourd'hui
l'idée de la transporter brusquement dans toutes les écoles fiançaises,
il doit être évident que nous sacrifions notre opinion personnelle, et
peut-être notre vœu le plus cher au re.spcct de la liberté dautrùî.
D'ailleurs , s'il faut que les doctrines nouvelles qui prétendent à la
victoire, puissent se produire, il n'est pas bon qu'elles obtiennent
si prompiement les honneurs du triomphe; il faut qu'elles soient et
long-temps et sévèrement contredites. Si ce ^ont des chimères, il es«
FÉVRIER 1819.^ 7«
juste qu'on les dissipe: si la vérité est pour elles , qu'elles ne redouteitt
pas le combat ; il fera éclater leur force.
V? COUSIN.
A SECOND JOU^NEY THROUGH PeRSIA , ArMENIA AND
As/ A MINOR , &c. , between the years 1810 and 1816, with
ûti account of the proceedings of the embassy of Sir Gore
Ouseley ; by James Morier, esq. — Second Voyage à travers
la Perse, l'Arménie et l'Asie mineure , fait entre les années
1810 et 18169 avec un récit des opérations de l'ambassade de
Sir Gore Ouseley ; par M. Jacques Morier, écuyer.hoïxdxts^
1 8 1 8 , ^"^o pages in-^.^ , avec cartes, planches et gravures.
SECOND EXTRAIT. ^
J'ai déjà insinué, dans le compte que j'ai rendu des excursions de
M. Morier en diverses parties des états du roi de Perse, que Fun des carac-
tères frappans des Persans, c'est im attachement minutieux aux plus
petits détails de l'étiquette. Leur extrême susceptibilité à cet égard se
montre particulièrement dans la cérémonie qu'ils appellent istikbal ,
jUft;wl , et qui consiste à sortir d'une ville pour aller au-devant du roi ,
d'un prince, d'un gouverneur, d'un ambassadeur, et à le ramener comme
en triomphe dans le lieu où il vient faire sa résidence. Ce n'est point ici ,
comme on pourroit le croire, l'effet de la curiosité: c'est un devoir de
politesse et d'hospitalité, auquel il n'est point permis de manquer. Sui-
vant le rang de la personne que l'on doit recevoir, le gouverneur vient
lui-même au-devant d'elle à une distance déterminée , ou bien il se con-
tente de députer quelqu'un de ses officiers. La population toute entière
d'une ville vient ainsi recevoir l'hôte qui l'honore de sa présence, et lt$
flatteries les plus exagérées, en cette circonstance comme dans toutes les
autres, accompagnent ces marques d'honneur. Sans ces ridicules com-
plimens, prodigués sans utilité comme sans mesure, la cérémonie de
ïistiktal présenteroît Timage agréable d'une ville entière se réjouissant
d'introduire dans ses murs Pétranger de distinction que des intérêts poli-
tiques amènent dans une terre éloignée. Les Persans attachent une telle
importance à cette réception solennelle , que Mirza Abou'lhasan, ambas-
sadeur du roi de Perse, lors de son arrivée à Londres , ne pouvoit dissi-
muler sa surprise et son mécontentement de ne rien voir de semblable
XOURNl
i-VANS,
pratiqué à son égara. En vain lui répétoit-on que ce n'étoil point Tusagc
en Angleterre , et qu'il ne devoît voir fù aucune marque de mépris ou de
négligence envers une personne de son rang: son déplaisir éioit tel, qu'il
exigea constamment que les glaces de sa voilure demeurassent fermées,
II ne pouvoiiconcev^,disoit-il,une telle entrée, qui lui paroîssoit res-
sembler beaucoup plus à l'introduction d'une balle de inarciiandises, quTS
la réception de l'envoyé d'un souveraîji. C'est sur-tout lorsque ïe roi de
Perse se rend îi la capitale, que tous les rangs de la société sont mis en
mouvement pour honorer son entrée. M, Morier décrit en détail une de J
ces cérémonies. Je ne re en arquerai qu'une seule circonstance de Vislikl^al, \
dont il est fait mention plusieurs fois dans le Voyage de Al. Morier, Elfe J
consiste à jeter des vases de verre, pleins de sucre, sous les pjeds du cheval \
que monte la personne qui est l'objet de la fête. Aux yeux des Persans» J
fouler aux pieds le sucre est , dit notre voyageur, un symbole de pro*- 1
périié. Je soupçonne que cet usage est très-moderne, et je ne me rap- I
pelle pas que les écrivains les plus célclires de la Perse y fassent allu- I
sion.Lors de l'entrée du roi k Téhéran, décrite pnr M. Morier, on pré- j
senta plusieurs fois à ce prince des jattes remplies de sucre candi , dont il \
eut soin de faire offrir de gros morceaux aux personnes de l'ambassade j
C'est sur-Ioutà l'égard du monarque que s'exerce la flatterie des
Persans. On peut dire que les courtisans sucent cette disposition vile
avec le lait : M. Morier en cile un exemple remarquable, Mohamed
Rakhim-khan, fils du vizir du prince royal gouverneur de la province de
Fars, n'étoil, pour ainsi dire, qu'un enfant lorsqu'il fut introduit pour la
première fois chez le roi ; il parut si timide , qu'il osoii k peine avancer.
Ce n'étoil toutefois qu'une timidité affettée; car, le roi lui ayant dit
avec bonté de s'enhardir et d'approcher plus près de lui, il répondit en
bégayant : »' Je supplie Votre Majesié de ne pas m'ordonner d'ap-
» prdcher davantage. Je succombe, je brûle. » On peut deviner, d'après
cela, quel fat rélonnemenl de Mirza Abou'Ihasan, lorsqu'adniis dans
le caliinet du roi d'Angleterre, il vit ce prince prendre lui-même de sa
main la lettre du roi de Perse. Déjà il ne pouvoit comprendre qu'on
n'eût pas exigé de lui qu'il ôtàt ses souliers avant d'entrer chez le roi;
mais, en revanche, il avoii éprouvé la plus sensible douleur de n'avoir été
admis chez ce prince que plusieurs jours après son arrivée. Ce retard,
qu'il prenoit pour une insulte, lui tiroit les larjnes des yeux, et il ne
doutoit point, disoit-il, que cela ne dût lui coûter la tète à son retour
auprès de son maître.
Les Persans, au surplus, ne mettent pas \ leurs excessives flatteries
autant d'impori.mce qu'on pourroïi le croire; ils savent les appréciera
FÉVRTER 1819. . 7\
leur juste valeur, et ne prétendent pas sans douie qu'on les prenne
potiri'e!tprt.-s'ionexartedeleurssentimens, M. Morier se troUMjit i-résenl
lorsque le premier ministre donnoit les instructions à un envoyé chargé
d'allt-r recevoir, à son arrivée, un officier russe. Ce qifc le miiiis're
lui recomnjancfoit sur-toui, c'éioil de ne point lui épargner la flatterie.
Se retournnnt alors vers M. Morier, il lui dit: « Vous savez que c'est
» une those indtspensal.le ; r'isch khindisek haukoun'im , rJjÇ i/J'Àik ^jLij ,
>» c'est-i dire, ajoute M. Moritr, de rire à sa barbe, ou, en d'autres
» termes, de lui donner une Lourde. » Je crois pourtant que M. Morier
a tort de rendre ainsi le inot j^i»-* lt^j H"' ^*'' '' ^^^ vrai, composé
des mots risch, ir~>j> b.irtf, et khine/isch , ^fo^i^t faction dt rire, mais
qui a dans l'usage la signification As fiattmt, adulation jatte par dts
vuts d'm'irêt [1).
Les Persans ne sont pas tnoins excessifs dans leur colère et les in-
jures qu'ils prodigUL-nt quand ils se croient offensés , que dans leurs flat-
teries ei leurs insipiJçs Loinplîmens. Le keithoda ou syndic d'un village
refusoii de placer des gardes autour du camp de l'amljassade anglaise,
malgré les instances réitérées du rnibmandar, qui faisoit valoir les ordres
du prince royal, gouverneur de l'Aderbidjan. Le keikiiotia ie rejetoit
sur la défense que lui en avoit fiiite le gouverneur de Koï, qui vouloir
se venger de l'ambassadeur. «J'ai, diaoit le inibnmndar, te firmaii du
»> prince; si je le posciis sur un roc, le roc en éprouveroît une telle
M frayeur, qu'il se fonderoii en eau. Qui oseroit dire rien au contraire!
>» — Le gouverneur, répordoil l'autre, a donné des ordres contraires.
» — Eh Litn ! reprit le mlhtnandar, le gou^ erneur a mangé de la m....
n golf khord , Jyi -j^— : » et à ce!a il ajouta tout ce que la colère peut
iuggérerhun Ptrsan furieux, d'épiibèies injurieuses pour le gouverneur
et toute ia famille, son père, sa mère, sa femrne, ses filles, &c. Quelques
volets de coups de bâion dtsuiituées au kelkhoda et à l'un des gens du
gouverneur firmi plus d'effet que toutes les remontrances , et tout
rentra dans l'ordre.
J'ai ciié à dessein ce passage, parce que Chardin nous apprend que
le juge sur son tribunal , et tes ministres du roi entre eux , se servent de
rinjurt- grossière que l'un vient de lire : îl a été nial-à-propos corrigé par
son plus récent éditeur, qui a substitué au mot )>erï.in g^k , nj^i , que
(i) LMiertïici doni le sert M. Aîoriersoni to hugli at his heard, or, in oilur
werds , '9 liumbiig hiin. IJ paroit (]ne le traJucicur Irançaii du Vryagt? de
M. ftlorier a pris le moi a 1 .lais huinbu^ pour un mot ptrsan ; car il a rcnJu
ainsi ce pas?.ige r « Vous savez qu'il «t indispentablt- de se moquer de quçl.
«qu'un a ta barbe, ou,en d'autrts terme;, dt le /jiifn^ii£. n# l . ' '
74 JOURNAL DES SAYANS,
Chardin z écrit gau, le mot SinhegouiÀ, 1>^ (i). M, Morier remarque i
coin me Chardin, que cette expression est d'un usage très ordinaire
parmi . Les Persans y pour dire que quelqu'un commet une ipéj^rise» et
elle a sans dou4e perdu par- là une partie. de ce qu'elle a de'ckoqiiaht
pour des étrangers» Je ne saurois- adopter Topinios dé M. Morier« qur
la rapproche de ces mors qu'on lit au chapitre xvifl du quatrième livre
des RoïSy et que Rabsacès adresse aux envoyés du roi :£zét:hias ; par
lesquels il avoit été prié de leur paries en une bingue qui ne f&t point
emendue du peu}>le qui.couyroic les' murailles de Jérusaleiti, assiégée
pan les Assyriens : jyu/nçuiJ iLi domjnum tuwn et ad te. mhit nte^dominuS
meus, utioquerer sermones hcs ^ et mn pàtiiis ad ylros.qtù sérient super mu*
tum , ut comedant stercora sua ft /fiétxnt.uiwam sùam. vûb'tscum ! Il est évi-
dent quil s'agit ici des extrémités auxquelles* pouvoient être réduits lef
habitans d'une viiJe assiégée.
Que les Persaos , par une suite de leur vanité et de leur^ inclination
au mensonge, exagèrent les avantages remportés par leurs 'troupes t
comme M. Morier en a été témoin» je ne sais frop quelle nation, même
çn, Europe, auroit le droit de s'en étonner; mais ce qui est sihgulieri
c'est une sorte de ix)nhomie à en faire l'aveu* Un jour le grand
vizir dictoit, en présence de sir Gore Ouseiey , une lettre au gouver-
neur de M.izendéran , pour. lui notifie^ un avantage remporté par les
troupes persanes sur les j^usses. Le secrétaire, s'adressant au miniscite^
lui demanda à quel nombre il failoit |x»rter les ennemis qui avoientpérî
dans cette rencontre. Le vizir, lui répondit avec le plus grand sang froidt
« Mettez queie corps ennemi étoit fort de dfx mille hommes^ que deux:
» mille ont. été tués, et qiienous avons- fari mille prisonniers. » Pùis^
se tournant vers raini;assadeur, il lui dit : <ic Comme cette lettre dpjt.
» alleiv très-Iuiafflousaugmenrons les. .quantités en proportion» » <
La manière àoj^t oiy traite», à* 1% coun de Perse ,• les affaires les plui
sérieuses ,. fait un centra**!^ vraiment singitiiér avec le- degré d'impofr
tance que les Persans en place attachent aux détails de l'étiquette*
On ne sait ce que c'est.quç de .discuter, en secret les conditions d'un
traité; les affaires les pl^S; délicates sont en quelque sorte publiques |
et Ton ne semble pasi même. se. douter que le secret si^ît bon* à queltjué
chose. En. outre 9 la plus légère catise*suffitif>our'interfcMnpre' ûnè.coliA
férence qui a pour objet de grands intérêts. Pendant les né^çiations
du. traité entre la Perse el l'Ahgleterr^j FàtljrAlî-Schuh âvoît^qurtlé
\ ' ' ■ ■ • . • • •
-i • I I ■ • ••■f ■ I • ■* ■ -1 .!■ ■ V*'
(i) Voyage d« «b«v. .Cha(din^«i, dt.J^ui/t,- liit, uni. IIJ, p. ^tz, <r,f«m:
»•
FEVRIER ief9- 7j
Téhéran pour une partie de chassie, et avoit témoigné le desîr de H-ouver
à son retour le traité conclu. Les plénipotentiaires étoient assemblés, et
Ton allqit signer; et sceller Je traitée, lorsqu'un homme , ouvrant la porte
^e iappartementi entre in crmM <cmujdfh, o^y (c'est à dire, bonne
» nouvelle) ! le roi est près* de la ville, et sera rendu dans son palaîf
V dajns une heure* >» L'gmin-eddaula, ou second ministre» se lève aussr-^
làty et y s'adressantà Mirza Schéfi, premier ministre, il s'écrie tout hors
4^ lui : ce Le roi sera arrivé avant que nous nous soyons rendus ati
^ palais ; Mirza Sci^éft > partons ; pour Famour de Dieu ^ point de délai. >»
A.çes iT^otSy l'ainba^deui anglais y reprenant ses papiers, dit aux pléni^
(iotenti^irçs persans cpi'jl n'eotendoit ^point. être joué de la sorte, et
que, les choses se passant ainsi, îl ne seroit plus question de traité.
es Voua ne voudriez pas, -sans doute, reprit le second ministre, que
^ nous payassions de notre vie en cette circonstance. — Il vous en arrî*
iP Vjera, lui fépondic sir Ouseley^^ ce qu'il pourra; maïs soyez assurés
» \me \p .oe; siMârlfai pas^qu'oo inb.mataquë à ce point.; -r-^£hbien4 dit
3P Mii[{a âfih^fil ayeç: lje;(ugo^p>. de , fang*fipid v ailes ,. Àtnin-^ddaufa*^
» mpi|» Je vais. ligner le.jLrailjé, et deims^n -matin }e:mQUrrai. ?> L'ahiinv
eddaula se hâta, de remettre, son cachet au grand vizir, et courut pré-
cipits^n^ment au palais* C'est ainsi que le traité fut signé et scellé, k
grand vizir-fàidant çn cette .occurrence I^s fonctions de son collègue.
L ainin;ed<}^ula^ homme sans naissi^nce.et sans instruction., s'é.toît .élevé
de la profession de marchand à la seconde place du royauffie par son
tafent ppur auginçntei- |es. reye^vis au motTarque. Son . ignorance, d'ail-
leurs n'est pas snn3 danger pojur lui; mais, qi^ai;d elle l'expo^ à la colère
4u prince i il sait se la faire pardonrif^ par de grands sacrifices d'argent ,
moyeii très -puissant sur l'esprit du.ro^, comme le prouvent quelques
anecdotes rapportées par Mf Morier*;. ., .
Tm^tcs; les. Turcs aus,si leur rendent |a pareille. Yasin-Zadèh, ministre
du,jgfand ^e^i^ur ,, tésjdant à Téhéran,, )ie.ppuvoit ^Jasser de se rë-
jpa||ç|r^e çn, pl^ia^es jè^ çn doléappes auprjès des Anglais ^ur son éloigne-
joienj; ^e Constant inpple £t sa.risidençe en Pers^, qui.étoit pour lui un
vérita()le bannisfen^ent. , L'eau lui, paroisspîC mauvaise ^ {e; paioi grossier,
ie ctiuiH désagfjéoble ; en un. mot il soupiroit après son rappel, et ,1e
7tf JOURNAL DES SAVANS,
de TEurope. Un tartare ou courrier turc , que les Anglais rencontrèrent
sur la route de Schiraz à Ispahan, interrogé comment il trouvoit ie»
Persans, saisit le collet de son habit, et le secouant, il s'écria: ce Que
» Dieu les extermine! menteurs, voleurs» bélîtres: j'ai perdu la tète de
M ma pipe; ils m*ont volé mes pistolets. Dieu suit loué de ce que je
» vous ai enfin rencontrés! n M. Morier observe, dan^ le signe d*îndî«
gnation de ce Turc qui secoua son vêtement , un ancien usage des peuples
de l'Asie, dont les Actes des apôtres nous offrent un exemple dans
Faction de S. Paul qui, indigné de l'obstination des Jui& de Corihthe
et de leurs blasphèmes , secoua ses habits et leur dit : <c Que votre Anf^
» retombe sur votre tête, j'en suis innocent; et je vais désormais vers
» les Gentils { Acf. ch, jS, v. 6 )
Parmi les supplices et les châtimensusités'<hez les Persans, la baston*^
nade est, comme Ton sait, Fun des plus ordinaires. Malheur \ celui
qui , pendant Texécution , hasarde quelque> excuses ; if reçoit sur là
Louche des coups d'un soulier dont les talons sont fèrrésc Un d^-ii plus
affreux supplices est celui qu'on exprime par les mots (j3|^4iLs , Sihiklk
ktrdin [fentlre ] , et qui consiste il séparer avec une épée le corps en
deux dans .va longutur, en commençant entre les jambes et finissani
au-dessus des épaules. Ce pourroit être le mt>me supplice qui, en arabe,
est nommé tci^sit, ii^y^si cependant ce dernier ne. consiste, pa»,
comme je lai supposé ailleurs, h couper le corps en deux dans sa lar*
geur. { Chrestom. nr, tcm. JI, p, ifp }.
Une grande partie de li Perst est, j comme Ton sah , habitée par âsk
tri^U5noma des, connut s sous le nom générique iCItats: M. Morier écrit
Eelaut; xM. Malcolm , Etlliat;x:X M. Macdonald Kinneir, ////.//. Dans les
Mémoires d' Xbdulkerim [ the Alemoirs oj Kojeh AbJufkurrtem] pobfiei
par M. Gladwin , ce nom est écrit, en caractères persans, «^i^l; c'est»
à ce qu'il paroit, le pluriel du mot turc If, JL{l,qui se prend commu-
nément dans le cens de pays^ conirée. M. Ktnntir trouve peu de différence
eatre ces tribus nomades de h Pcr^e et les tribus indépendantes des
Turcomans de l'Asie mineure [Joumey throuak Afin minor, Armenia,
&c., p. j8 )• Entre ces tribus d'origine turque, M^ Mafcofm en<fis-
rïiigue sept qui favorisèrent rétablissement de la dynastie des Séftwis,
au commencement du x/ siècle de l'hégire , et reçurent en corné*
quence diverses marques de distinction, entre autres le droit de porter un
.bonnet rouge ; ce qi i leur fit donner le nom ou sobriquet de Ki-^jfbasché
fj^j Jji". De ces sept tril)us étoit celle des Kndjars, k la^fuelle appartient
la famille qui occupe aujourd'hui le trône de Perse. Chaque tribu prin-
cipale ou i/, J^U se divise» suivant M. Makolra, en Ttmràs, èj^J ( iU
FÉVRIER r8l9- ' 7f
Htsiwy ofPersiûp tom. 1 , p. ja2 ,. note ) , ou plutôt Tinha, U^\ Vk
Ilats parlent la langue tnique » et sont i^dmfnés , à cause de cela, Turt^
letan, ^^Lj iàjS ( Nùtice Aisioriçue delà Perjf, sur'Afï Rousseau'). Qe»
tribus paroissent .avob .conservé fayersion* des Turci^ ppuf les^chréiiem,
M. Morîer s'écantfapproché dfun <ie leurs campemeiç / îRit- safaé defiif-
jiire ordinaire hiiupec ,ogUou , JiàJ iÀjj^ ^filsdt chien f par ^ eniânt qiii
pouYoit à peine parier* C'est sans doute à la viénomad» de ce» tribuâ ,
qui se retirent dans les montagnes ou descendent dans: la plaine» suimmt
les cliangemens de la température , qu'est due la division généralement
ftçue dans toute la Perse y de cpntrées chaudes ^tcontréesfreidis, lje% pre^-
JDÎères soiu appelées en \ye^^a C hermsir ,, ^.^^^^JT yeonirie chaùde^et en
turc Airrrii/tf i ^ ^ JL&s ^ r^j/J^Jvrr.^Aivfr ; et les demièràs: sont iibmméesen
persan Strdsir, Jx^jj^» contrét^frmJe, et en t\xfc\yeyllak,^^\, r'ésidetwe
i'étéyhli. Malcolm s'est étendu a>sez au long sur Us coutumes par^
ûculiéres de ces tribus, que le traducteur français du premier Vcy^age
de M. Morier a transformées en. jE/rz/Mé*/.
Il JÎe faut pas con&nd»e avec les Ilats (es fiakhtieris \ brave tribu
de montagnards qui habitent les parties léli^vées. du-Lonristan, mais
qui se trouvent aussi dans les Kischlaks et it^ Yeyloks qui s'étendent
depuis le Kirinan jusqu'à Cazéroun , et depuis Kom -fusqu à Schouster,
Ces Bakhtîaris» la terreur de leurs voisins, ont des coutumes qui
^mbleut les distinguer des Persans ; et , suivant certaines traditions ,
ils tireroient leur origine de Rpuni, c'est-à-dire de la Turquie. Leur
langage , qui abonde en mots de l'ancien persan et semble s'approcher
du zend « est contraire à cette tradition. Ils font partie des tribus
nommées Lour-icban, qIjj jJ» parce quVIIes parient la langue du Lou-
riitan (Notice historique sur la Perse ^ par M. Rousseau ). Leur nom »
dit M. Morier, a tant d'affinité avec celui de la Bactriane , que cette
coïncidence rappelle la colonie grecque qu'Alexandre établit dans cette
contrée, et qui, suivant de Guignes, a été entraînée de là vers l'occident
par les Tartares. Déjà Fraser avoitdit, dans la Vie de Nadir-Scfcah, que
les fiakhtiaris ou Bactriens prennent leur nom de Bakhtir ou Bactria
lieu d'où ils tirent leur origine ( the History of Nadir-Schak, p. 157);
mais cette étymoiogie est tout-à-fait inadmissible. Les Bakhtiaris pren-
nent sans doute leur nom de leur auteur vrai ou prétendu , qui aura
porté le nom de Sakktiar ; ce nom , irés-commun cliez les Persans ,
signifie ai/né de /a fortune, heureux, fortuné, La soumission des Bakhr
tiaris à Nadir-Schah et leufs fréquentes révoltes occupent une place
considtrable dans l'histoire de ce conquérant. William Jones, tra-
ducteur de l'historien persan de Nadir, MéhédiKhan, a pris îe nom dm
^-9 JOU^KALîDESlSAYANS,
I);&btiari pour'célû d'une -contrée, et ïpb5«rv'é,-quoique (fune maniiw
■tTcs>inc©HTj.lète, que. le pst^s. appelé BaA/ui^râiatdeto'a- pas étie coii-
^ndu'.^ftvec; la. BdctrianedeJ^àndflbs.tMéhédi Khûi.appeUe^ce p»ys le
.SiuiitU'annab payi ia nibnajgnes' de& BaAhîMr/Sjj-jiai: ^ifbbÀjjtM^ •Cette
trr^Ujl^into dûiic .^esndeEf tdivisiaris' ùoniitiéed . : il'ipae dé^ir/iagi ■ Poutre
iî^4ri^nVm^,ice^kÀT<lire>jepi piedi>et ^uiire pld4i i ctct^qii^ tiie sôa origine
(foitrAit que îr^isiippritnc^ Chacune de ces deux grandes <]i«isibt>9ieit
subdivisée enj cfiâîrentes bianchesiappeJées X//*-. ' ,>^'' "> - ■■■■■'• -S
i^LdCS Bakhtiasii habitent, dans le Lourist8n,i.deilviilages ^ vingt ou
ttt^tei maisons, lÂtaés dans Jes recoins des iiionta]^iiés-.dont'raa;és,eH
le pJM»^ffiu(e; quelques-uns vivent dans des soucerrainf^i JIs se vaMent
.d'exeratrlïospiiaitBé envers les étrangers.^ câi»ii)&lès,tcibufcccTsntes;
nwist'à eçL.troirie les, Persans , ils h'adiriettent point dans JèurirepaîreiB
uo .étranger, et ils ne se font aucun scrupule de détrousser iés voyageurs.
I^eun liaisons entre lés membres d'une même tribu sont trè»-étruites:
its sont extrêmement attachés à ieurs khans, et épouseiit Ieur>cause
avec chaielir; cê.^i n'empêche pas qu'entra eux ils ne isoient eMces-
«iirement qiMttUeurs ,. et qu'il n'y -ait souvent dans léui% réunions du sang
f^pandu. Leur ioumissioA au roi de Perse est fort équivoque, et ce
prinoe tient toujours quelques-unes de leurs ^juilles comme des ouges,
dans des villages séparés, aux environs de Téhéran.
Eh'pasEantau nord-£st de la Perse, nous trouvons les Turcomans,
autre nâtioii homade, dont les principales tribus, .les YémouU et les
^il/ani-.fonhant une population de huit à dix mille âmilfes, habitent
Ja fiontière du royaume , et ne sont soujnis que de nom an roi de
. Perie. Vn présent annuel de quelques chevaux est ^ peu près le seul
tribut qu'ils lui payent , et la seule marque de leur dépendance. Ces .
tribus sont divisées en campemens nommés oùah, qui se composent
Jenviron vingt on trente tentes; au-delà de ce territoire occupé par cet
' FÉVRIER iÔro. -^' ' • 70
sont connus sous le nom ^On-baschl, ;^l^ <j[jî>,ou dîxamîc'fs, se réu-'
rtisken| pour délîbéreV,'^t tb'utle r^sjte s'en tiérit i leurs- clé'cwions. Les"
Risch'Séfds iït iont lii lès p(us riches ni 'fe^J'pTus' |iuîssnhs'tfùn obaht
on 'fes' choisît parmi CèUx 'qui*p'-îti le'^ïis'frék^^éVièrtci*. Lfs" Tùrcomaris
ont cependant uiie sôrfe ' de théf isjfîirf fuef *(j(iiF lie doiiifné' que pnr la
fce de la pauvreté et par u rie sorte de'tôîérancei il réNÎ^'à Bokhara,
on lui donne le tîire de ICiialifè. BtgdjaA-t père du prince actuef
force
er
celui dé saint; mais .! âifoihiîssei'nènt cfé sôii pouvpir fe rameija bientôt k
reprendre son premier persomiajèfe. Ses révétaus toiisîstent Vairon y en
— .^ui» iiiuu^x rcunicb ei guiuees par^un cn.r naniie^ pyurruiçrui rçii«
veier les fn/^^'fohs des hâtions scy triques, ;èt côhqi^érir la Périè.
^ht j5èrSéVf^hans , côuragelix , fiViélék ' fës ûm'î^ux aîtr^/ ttf^câpibtrf
d^ s\ipi).ôr(er' toute sorte de' privations,' ?<l-delîi &k i(cJurce^e^'l\)rf
peut;imagîner:'' * •;.' ' *. '• ' * i in .». ^n;...: ^ .. le* :-r
Les lecteurs qui Voudront fconrfoîtré pîùk ^K d^aîf fa sft&àtîori actuelle
du royaume de Perse, devronf^sur-tôû'i arrêter leur attention* sur tes
descrinf'^*^^ '''^"''*'^*' '^'*''^^ "*"'^' w^ff^o!iuw.^'c»>L'?»;k«b i»-*^mI^m'w •c^i%t.r\\«%r%
Téhérai
Astéi ^ ,
fect'ures' d'Jspahan ; cfe Caschair, dé IHàit/ïd^n \ t» •tfWcrîjitiôn '«ÎU''fac
de Méi^ïgha ou d:tJrm-u, èïii'rté'iliulfîiude d'autres détails/ rfé'Wi*»
genre que je né puis même indicfuer' dans un entrait. ' Leîi recherches
a an tiqunés, quoique " — ' — u— ..,-x...-..j-.-j
dépourvues d'intérêt
ge^re., ^ohf .un» des principaux orn<
ciToriî» ausM >ages que persevtrans, nuts par le prince royai addos.
Mirza'; ppur "iMxô&vM^ jiârm ! lés troujJeS ' pèrsiarrtiç> * I4 dfsbipllni*'eur6^
péenjhëî 'et prour p^c(6urer à ^ patrie les %Taiïtâ|^s qUe les nations pïui
8o JOURNAL DES SAVANS,
civilisées doivent à la culture des sciences. Le préjugé lui opposoit»
à chaque pas qu'il vouloit faire pour arriver à son but |. des obstacles
qu'on auroit pu regarder comme insurmontables ; et cependant il a su
en triompher > assez du moins pour que F Européen transporté dans U
province frontière qu'il gouverne > se croie parfois dans un camp russe.
Ses manières polies et engageantes n'ont sans doute pas peu contribué
à ses succès. II n'est jamais plus flatié que quand il reçoit la visite de
quelques Européen^ , et il puise avec soin » dans leur conversation i tout,
ce qui peut accroître $es çonnoissances ,. on fiiciliter Texécution de ses
projets» qui» malgré les succès qu'il a déjà obtenus» ne sont, pour ainsi
dire» qu!|ébauçhés. Ce qui est encore plus digne d'estime » c'est que ce
prince fait tout ce qui est en lui pour introduire dans son gouvernement
un mode if administration fondé sur les i[ègles de la justice, et cette
partie de ses plans de réforme n'est pas celle à laquelle il trouve le
moins de difficultés. Il est i craindre que» lorsque le trône sera vacant»
les bonnej^ qualités du prince Abbas Mirza et ses efforts pour la dvi*
iisfition de sa patrie, au lieu de lui frayer le chemin à la souveraineté».
i)e ^ient au:ant de motifs de l'en exclure.
Je n'sffouterai plus qu'un mot relatif à M. Henri Martyn, missionnaire
anglais » auteur d'une traduction persane du Nouveau Testament» qui
a f ré^imi^imée J^^C;)lcutta et à Pétersbourg, et dont il a été rendu,
compte, d^fis ce, journal. M. Morier nous apprend que M» Martyn »
^^ninf ^on séjour à ^chiraz, après avoir eu de fréquentes disputa avçc
divers mollahs relativement à la religion, composa un petit traité; pour
répondre à leurs objections contre la religion chrétienne» et réfuter
leurs argumeqs en ^veur du mahométisme. ,Ce traité se répandit en di-
verses parties^du royaume » et j^S^rvint jusqu'à la cour du roi. Un docteur
qui résjdoità ,Hamadaii et passoit pour le plus habile controversiste du
royaume, fi^t chargé d*y lî^pondre; ce qu*il fit après un délai de piui
d^un an » maié avec si peu de su^ès , que les Persans eux-mêmes roii*
gissoient de la futijRté de ses tfrgumens. On envoya d*abqrd cette
réponse k l'aiphas^adeur anglais : puis on la retira» en annonçant
qu'on en préparoit une autre. Cette autre réponse s'est Ait attendre
en vain* M, Morier » depuis son retour en Angleterre » a appris que
le traité de M. Martyn avoit été envoyé à Bagdad pour être remis
entre les mains d'un mollah très-célèbre » dans l'espoir qu'il seroit plus
heureux dan» sa réfutation que le docteur de Hamadan.
Je termine ici cet article , que j'aurois pu aisément faire- beaucoup
plus long» en annonçant qu'il vient de paroître ohez Gide » libraire
^ Parii> une traduction française du second Voyage de M. Morier» en
FÉVRIER iSïp. 8i
2 Volumes ith S/ Un côup-d'œîl jeté très- rapidement sur cette tra-
duction ne suffit pas sans doute pour en porter un jugement détaillé :
je ne crains pas, toutefois de dire qu'elle est remplie de contre-rsens ei
faite avec une grande négligence; j'ajoute que, privée des planches et.
des cartes de l'original, elle perd par^-Ih beaucoup de son intérêt, et
qu'il eût été à souhaiter que les mots persans , représentés avec grand
soin dans le texte de M, Morier, n'eussent pas été trop souvent dé-
figurés dans la traduction. En général , on ne réfléchit pas assez que,
pour entreprendre de traduire des ouvrages de ce genre, il ne suffit pas
d'entendre passablement la langue de l'original; il faut encore coiuioître
les pays et Içs Choses qui sont le sujet de l'ouvrage.
SILVESTRE DE SACY.
An iNduinY into the symhoUcal hwguage of ancicnt art and
mythology , by R, P. Knight. London, printed by A. J.
Valpy , 1 8 1 8 . — Recherches sur le langage symbolique de
fart primitif ^t de la mythologie ancienne , par R. P. Knight.
Londres, imprimé chez A. J. Valpy, i8i8. •
. U^ avis de l'auteur, placé au-devant de ce livre, nous apprend qu'il
est destiné à servir d'introduction au second volume des Monumens
choisis de la sculpture antique que publie la société des DUettantL On peut
donc considérer cette publication anticipée, comme inspirée par le désir
de consulter l'opinion des savans sur des idées nouvelles, et non encore
suffisamment arrêtées {>our être admises dans cette magnifique collec-
tion. Ce motif, et l'intérêt qui s'attache si naturellement à toutes les
productions de M. Knight, nous invitent à lui soumettre les observations
que nous a suggérées la lecture de son ouvrage, avant même que le
jugement d'aucun critique ait pu influer sur le nôtre , et avec tous les
'égards qui sont dus à la réputation de cet ingénieux antiquaire.
Le titre du livre fait assez pressentir l'importance et la difficulté des
matières qui y sont traitées, pour que nous soyons dispensés d'insister
sur cet article, qui seroit, dans tout autre cas, un préliminaire indis-
pensable. Le grand nombre des figures symboliques qui sont repré-
sentées sur les monumens de l'antiquité , excite depuis long-temps la
curiosité des modernes , qui ont cru , non sans quelque raison , y retrouver
le système entier des idées religieuses des Grecs» et, par une déduction
naturelle » remoitrer i à Faide de ces connoissances , jusqu'au berceau
8: JOURNAL DES SAVANS,
môme des religions de l'ancien monde. Parmi ces monumens, il neii
est point qui offrent auiani d'intérêt que les inonnoies de ces peuples ,
puisque, frappées sous la direction de leurs magistrats et généralement
aux époques les plus éclairées et les plus Horissanles de leur hisloire,
empreinies de types évidemment relanfsà leurs instituiinns civiles ou'
religieuses, elles portent tous les caractères de l'authenticité la plus
certaine et de '".intiqulté la plus respectable. C'est donc i l'explication
de ces monumens, la plupart de ia conservation la plus parfaite, que
s'est principalement attaché le savoir des antiquaires, de ceux du moins
qui, dans une investigation aussi difficile, ont préféré les faits aux
conjectures, et mis l'autorité au-dessus de l'imagination. C'est aussi
ce qu'a voulu faire M. Knight; et, quel que soit le succès de ses idées ,
on ne peut qu'applaudir à ce chois, qui dénote un si excellent esprit de
critique. II faut convenir encore que personne |ilus que lui ne sembloit
■ appelé à réussir dans une pareille entreprise. Orné de vastes connois-
sances archéologiques et possesseur d'un des plus beaux cabinets de
l'Europe, il réunit îi lui seul tous les moyens que d'autres antiquaires,
moins heureux et moins habiles, n'ont pu employer qu'isolément.
Malheureusement ce double avantage devient quelquefois inutile >
lorsqu'on apporte à l'élude des monumens des idées conçues d'avance
et des préventions toutes formées : car alors plus on est doué d'esprit
et de sagacité, et plus on est sujet h s'égarer dans le riant domaine de
l'imagination et à se livrer k l'attrarf des conceptions originales.
- L'opinion que M. Kjiighi a développée dans son livre, est que tous
les symboles disséminés sur les monnoies de cette foule de villes
grecques se rapportent à leur ancien système rehgieux, système qu'il
^roit être le même que la foi orp/iique, c'est-îi-dire, celle qui étoit
enseignée dans les mystères. Il prétend que l'idée d'un pouvoir universel
et supri^me, agissant sur la matière privée d'intelligence et de mouve-
ment, et lui imj)rimani par degrés toutes les formes qu'elle a revêtues
■ aux yeux de l'homme , faîsoit le fond de cette doctrine secrète et le
' principal sujet des monumens, qui en étoient ainsi une espèce de com-
mentaire public. Il ajoute que les symboles accessoires qui paroissent sur
ces monumens, n'étoient que les divers attributs de ce pouvoir suprême,
présentés sous le voile de l'allégorie, ou , pour me servir des termes de
l'auteur, que les images sensililes e/fs émanations de a pouvoir. II montre
eifin, par une comparaison des monumens et des idées religieuses des
divers peuples de l'antiquité, Egyptiens, Persans, Indiens, ou même
Celtes et Scandinaves, avec les types des monnoies et des mythes de la
Grèce, l'élioiie relation et l'origine commune qui exisloîent dans les
..J
FÉVRIER 18.19. 8j
systèmes des uns et des autres. Ces vues sont certainement neuves k
quelques égards > et souvent ingénieuses. Les développeniens qu'elles
ont suggérés k Tauteur, éciairci^sent quelquefois très-heureusement des
points obscurs de l'histoire héroïque; et le grand nombre de monumeps
qu'il y passe successivement en revue , donnent lieu k des rapprochemeni
très-piquans et fournissent des analogies très-frappantes. Mais» $'il
m'est permis de le dire , un plus grand nombre encore de monumens
répugnent k ce système d'allégories mystiques ; et c'est ce que fe tâcherai
de prouver par l'examen des ; détails , après avoir développé quelques
considérations générales.
Les dogmes dont les types des monnoies grecques étoient, suivant
M. Knight, autant d'images symboliques» s'éloignoîent des idées de fi|
religion populafre, puisque c'étoient les dogmes mêmes qu'on .enseîgnoit
dans fes mystères , et dont fa révélation tardive fbrmûit le dernier degré
de l'initiation : or cette proposition fondamentale dans le système de
M* Knight me parpît de cous points inadmissible. Est-il croyable» en
effet, que des symboles aussi sacrés que ceux dont on faisoit usaig^
dans la célébration des mystères » et dont inintelligence n'étoit accordée
quk un petit nonibre d'adeptes longuement et religieusement éprouvés »
aient été livrés k la curiosité publique sur des monnoies destinées k
fiiciliter les opérations du commerce! Une application aussi profane
des oljjets les plus respectés peut-elle se concilier avec l'opinion quQ
nous ont lai&sée les anciens sur le profond secret qui enveloppent
cette partie du culte hellénique , sur les suites terribles qu'entraînoit la
moindre indiscrétion commise par les initiés l Enfin est-il possible
que cette foule de symboles, qui ofFroient, selon M. Knight > l'ensemble
des idées rhéologiques développées dacs les mystères » aient été » pendant
taut de siècles, ex|>osés aux regards de tant d'hommes intéressés k les
connoître, principalement dans les temps voisins de la naissance du
christianisme» et que néanmoins une ombre impénétrable ait continué
de couvrir l'emploi mystérieux de ces signes devenus si communs»
et d'une intelligence si facile aux yeux de M. Knight !
Dira-t-il» comme eflfèctîvement il s'attache k le montrer dans son
livre , que les allusions mystiques qu'il découvre k chaque instant sur les
médailles^ sdrit conformes aux traditions poétiques concernant l'origine
et les diverses attributions des dieux du paganisme ! Mais celte opinion
même est sujette jt^ de nombreuses difficultés. Si le cuite public des Grecs
n'étoit que la foi des mys^tères aUégorisée, d'où vient que ces mystères
se seraient enveloppés de téaèbres si profondes et de formel si redou-
ifdxIeSyiarKtis que» par «me. autre inconséquence» les signes sensibles
L 2
84 JOURNAL DES SAVANS,
qui en contenoient toute la doctrine, auroient été abandonnés aux
usages les plus vulgaires! Comment, en second lieu, les écrivains de
l'antiquité, même ceux qui étoient initiés, auroient-ils parlé de la
théologie ç^iseîgnée dans les mystères , comme essentiellement diffi^nie
de celle qui fàisoit la base des croyances populaires, si Tune et Tautre
n'eussent été dans te fond qu'une seule et même religion, uniquement
modifiée dans les signes extérieurs et sensibles , ainsi que te prétend
M. Knight ! II faut donc de deux choses lune : ou que ce savant
convieiuie que les symboles gravés sur les médailles ne sont point les
signes allégoriques employés dans les mystères , et alors tout son
système s'écroule ; ou bien , s'il persiste à soutenir que ces symboles
ont véritablement un sens mystique , il doit en chercher la preuve ailleurs
que dans les traditions et les rites de la religion populaire; qui, je le
répète, ne pou voit avoir rien de commun avec les dogmes secrets
des mystères.
Si les symboles employés sur les monnoies se rapportent à la doctrine
religieuse, cet usage a dû commencer avec la naissance même des
mystères , et les premiers monumens de l'art ont dû en offrir la première
application : telle est aussi la pensée de M. Knight. Cependant, de
son aveu même, il n'existe aucune trace de culte symlK>lîque dans les
ouvrages de Fart décrits par Homère, qui, k quelque époque qu'on
place sa naissance, vécut certainement dans un siècle postérieure celui
où furent établis les mystères d*£leusis et de Sainothrace. Les signes
empreints sur les plus anciennes monnoies, dont Fâge, quel qu'il soit,
est également bien plus récent que celui d'Homère, ne dénotent, au
jugement de tous les antiquaires , que les essais informes d'un art encore
en enfance; et ce n'est que plus tard, dans les siècles qui précèdent et
qui suivent immédiatement celui d'Alexandre , qu'on commence à y
apercevoir cette variété de types, dont M. Knight essaie de rapporter
quelques-uns aux anciennes idées théologiques enseignées dans les
mystères : ce n'est donc qu'à Taide de monumens très-modemes , qu'il
établit ce système d'une antiquité qui va se perdre dans la nuit des iges;
et j'avoue qu'une pareille méthode d'argumenter ne me paroit ni assez
solide dans ses élémens , ni assez rigoureuse dans ses déductions.
II y a plus : les traditions à l'aide desquelles M. Knight cherche à
expliquer les monumens de l'art, et dont il appuie son système d'allé-
gories mystiques, sont toutes également d'un âge trop récent pour
mériter la confiance qu'il leur attribue. Il règne, en effet, dans- l'en-
semble dé ces traditions concernant l'histoire et la mythologie des
Giecsy une diversité d'esprit qui dénote celle de leuï origine, une
FÉVRÎÈÂ 1819. ' ' 8;
JifTéreiice de CJ^;lctère qui manifeste celle des temps ou elles furent
mises en circulaiion. Les unes sont évîdemmeni d'un siècle oîi les
Grecs rapportoient tout à leur histoire héroïque; les autres, d'un leinps
où le même peuple, avide d'idées nouvelles, cherchoit exclusivemeut
l'explicalion de ses anciens mythes dans de; allégories métaphysiques.
Mais ce dernier système , qui est certainement le plus moderne de tous ,
et dont /a naissance touche au berceau de la philoso]5hie pliitonicienne
de l'école d'Alexandrie , est toutefois le seul dans lequel M. Knïght
pui>e les exemples, les autorités et les images dont il a besoin pour
appuyer sa théorie. C'est toujours d'après les idées de quelques-uns de
ces métaphysiciens modernes, qu'il interprète les anciennes images
Symboliques des Grecs; c'est dans les écrits d'un Sextus Empiricus,
d'un Achille Taiius, d'un Phurnulus, d'«n Clément d'Alexandrie, oi(
même de PIntarque , qui étoit imbu des opinions des nouveaux Plato-
niciens ei qui avoit été élevé à leur école, que M. Knight va chercher
des argumens favorables à son système : encore le traité de Plutarque
dont M. Knight se sert le plus fréquemment pour autoriser ses rappro-
chemens mystiques entre la mythologie égyptienne et celle des Grecs ,
est- il celui qui a pour litre, J'Ifîs et d'Oiiris ; et Pon sait que les plu«
hal>iles critiques ont depuis long-temps élevé des doutes sur l'authenticité
de ce morceau. M. Knight cite toujours avec une égale confiance les
Hymnes Orphiques : et toujours les iJéfs orphiques , telles qu'il les puise
à cette Source, se trouvent conformes à ses propres idées. Il n'y a rien
de surprenant à cela : mais ce qui me semble tout-à-fàit inadmissible,
c'est que les idées de l'antique Orphée se soient conservées pures de
tour mélange étranger au système de ce poète, dans les compositions
récentes auxquelles on a donné son nom ; c'est que son texte , qui a
été si souvent et si complètement rajeuni , n'ait perdu , à travers toutes
Ces transforma lion s successives, et par suite des modifications sans
■ doute aussi considérables qu'ont subies les opinions religieuses des
Grecs, aucun des traits primitifs , aucune des conceptions originales
qui caraciérisoient l'esprit de cet ancien instituteur des mystères. Est- il
croyable que les vers d'Orphée, personnage d'ailleurs si problématique et
dont l'existence est entourée de tant de fables , aient été respectés parcelle
fcule de rhapsodes qui se disputoient les ouvrages des anciens poètes,
au point de n'offrir aucune interpolation , de n'être au moins' défigurés
[ par aucune expression moderne! Comment concilier une opinion si
invraisemblable en elle-même avec le jugement si contraire que
M. Knight porte des poésies d'Homère, auteur presque aussi ancien, et
probablement aussi respectable aux yeux des Grecs, et dont à tout
i
*6 JOURNAL DES SAVANS,
mcinent le témoigiiiige est rejeté par le même critique » comme
suspect d altération et chargé d^idées étrangères, dans les endroits où
le texte de ce poète contrarie le système de M, Knigbt ! Ce n'est pas
que je prétende à mon tour que les' vçrs d*Hbmère ne renferment
aucune interpolation : bien au contraire , je peiise qu'il doit s'y en
trouver beaucoup ; et les anciens scholiastes qui en ont indiqué un assez
grand nombre, et les critiques modernes qui en ont découvert de
nouvelles, sont sans doute encore bien loin d'avoir rétabli le texte
d'Homère dans toute son intégrité primitive. JVlais ce que je crois permis
d'avouer , c'çst qu'il ne suffit pas que des vers de ce poète offrent une
assertion contraire aux suppositions de M. Knight, pour qu'on doive
décider, comme il le fait , que ces vers sont nécessairement interpolés;
ou, du moins, je pense que, pour autoriser une conséquence aussi
rigoureuse , ii fàudroit donner des raisons ; et le plus souvent M. Knight
se dispense d'en alléguer aucune.
Indépendamment du peu d'autorité que me semblent ofTrir des témoi-
gnages si modernes pour interpréter des symboles qu'on suppose d'une si
haute antiquité, je trouve encore que ces perpétuels rapprochemcns
entre l'ancien système thcologique des Égyptiens et celui des Grecs
sont, considérés en eux-mêmes, plus ingénieux que solides; je pense
que le génie essentiellement divers de ces deux peuples s'oppose à Tidée
seule d'un semblable parallèle. La hiérarchie des Égyptiens avoit circons-
crit toutes leurs idées religieuses daiis un cercle qu'il leur étoit ira-
possible de franchir ; et leurs prêtres, qui ne disposoient pas avec une
autorité moins aI>soIue dts opinions morales de ce peuple que de ses,
intérêts politiques, avoîent su imprimer en quelque sorte à toutes les
parties de sa croyance le même caractère de fixité et d'immutabilité
[u'aux monuraens de son culte. Il n en fut jamais de même dans la
~lrèce , où la licence des opinions religieuses fut portée au plus haut
degré par le défaut absolu de cette hiérarchie si puissante et si res-
pectée ; où chaque ville, et , pour ainsi dire , chaque individu, pou voit , an
gré de ses affections particulières , et suivant une foule de circonstances-
locales et d*accidens imprévus , ajouter aux objets du culte public ; où,
les noms et les attributs de chaque divinité changeoient souvent d'une
bourgade à l'autre ; où toutes les superstitions étoient tour-à tour admises*
et repoussées de proche en proche , sans qu'il y eût jamais rien de fixe.
dans l'esprit de ce peuple, conduit par ses poètes bien plus que par ses
prêtres, et plus esclave de son imagination que de sa croyance; sans
qu'il y eût, dis- je, rien de fixe que sa haine pour toute espèce de joug
et de domination. A la vérité, Ton doit présumer qi^ les idées religieuses
FÉVRIER 1819- ' 87
enseignées dans les mystères nettoient point sujettes à toutes ces mo-
difications qù'éprouYoit k chaque instant et dans chaque lieu la religion
populaire; mais, comme c'est uniquement dans les idées. et les signes
employés par celle-ci, que M. Knight a jm chercher les éfémens d'ua
parallèle suivi avec les symboles dé TF-gypte, il en résulte toujours
fimpossibifité absolue, du * moins h mes yeux, de ramener la théologie^
hellénique à un système uniforme, sur le modèle de celle des Egyptiens,
quand nous trouvons , d'un côté , la licence la plus extrême, et de l'autre ,
la fixité la plus imperturbable dans les maximes et les opinions religieuses.
Enfin, et c'est la dernière considération qu'il me reste & exposer
contre le système beaucoup trop exclusif de M: Knight 2 en inferpnétant
tous les symboles qu'ofltent les moi^noies grecques par des allégories
religieuses dont le sens restera toujours plus ou moins problématique,
M. Knight se prive d'une source abondante d'explications tout-à-Ia-fbis
plus simples, moins arbitraires , et certainement plus plausibles ; ce sont
celles qui se tirent de circonstances locales, ou devénemcns particuliers
concernant les villes auxquelles ces monunlens appartiennent. Les
exemj)les en sont si nombreux et si familiers aux antiquaires , que je
n'aurois ici que Tembarras du choix, si^je ne devois, par égard même
pour les vastes connoissances archéologiques de M. Knight, me bor::er'
aux faits les plus incontestables. Les types d'un grand nombre de villes
ont constamment rapport aux productions particulières de son^sol,
comme ï/pi des médailles de Métaponte , et le silphium de celles de
Cyrène ; ou bien , aux monumens singuliers qu'elles ont possédés ,
comme le labyrinthe et les jardins d'Alcinous sur les monnoies de
Cnosse en Crète, et de l'île de Corcyre ; ou bien^ncqre, \l des
phénomènes de la nature qui se remarquoient dans leur voisinage, tels
que le nymphœum représenté sur les médailles d*Apollonie d'Épire, et
le Méandre figuré sur celles des Magnètes de l'Asie mineure; ou
enfin , à des usages particuliers , comme le bouclier béotien et le
bouclier macédonien , types invariables de toutes les mohnoies de la
Béotie et de la Macédoine. Dans une foule d'autres cas, le type des
monnoies offre une allusion plus ou moins directe au nom même de la
ville qui les fit frapper : ainsi la tête du lion sur les médailles de
Léoniium , le coq sur celles d'Himère , la feuille d'ache sur celles de
Sélinonte , le dieu Pan sur celles de Pantîcapée , la harpa sur- celles
^Arpi, en sont des preuves incontestables ; et souvent même ces allusions
consistent en des espèces de jeux de mots , comme le montre, entre autres
exemples, une médaille de file de Gyaros, qui a pour type ce même
histrument , la harpa p par allusion au mot >v«Ao;, qui signifie creux ^ et ,
85 JOURNAL DES SAVANS,
par extension, courba. Il ii"est point douteux que, d.ins tous ces cas, et
dans un bien plus grand nomfjre d'autres semblables , les types des
monnoies n'aient été pris de circonstances locales , et non point empruntés
h des allégories religieuses. Et que seroii-ce si l'on vouioit récapituler
les types qui ont évidemment rapjiort aux événemens et aux personnages
mythologiques dont le souvenir intéressoit l'histoire et flatioit la vanité
de chaque peuple, ou bien au culte particulier de chaque ville , ou bien
encore aux nionuniens de l'art et aux objets d'industrie qui y jouissoieni
de quelque célébrité! C'est par de telles explications que l'on a rendu
compte de la plus grande partie des symboles gravés sur les monnoies
grecques; et, sans parler des autres motifs que j'ai précédemment
développés, II me semble que ce sysièiiie, si c'en est là un, présente
infiniment plus de proliabililé et mérite plus de confiance que les
ingénieuses mais arbitraires suppositions de M. Knight , qui , d'ailleurs,
n'expliquent qu'un nombre très-borné de monumens. C'est ce qui
paroîtra plus évident encore par l'examen de quelques détails de sa
théorie, que je réserve pour un second article.
RAOUL-ROCHETTE.
Discouns sur la manière H'npprendrc les langues vivantes, et
particulicrement l'italienne et l'espagnole; suivi d'un Traite' sur
les difficuhe's de la lecture des poètes de ces deux nations; par
A. Anaya. Londres, chez Boosey et fils, Broad-street,
1818, in-12.
Le titre de cet ouvrage indique deux parties distinctes: l'auteur an-
nonce, i.° une méthode générale d'enseignement des langues vivantes
et l'application de celte méthode à la langue italienne et à la langue
espagnole ; 2.° un traité sur les difficultés qu'on rencontre dans la lecture
des poètes italiens et des poêles espagnols.
La première partie de l'ouvrage ne m'a point paru répondre \
l'annonce de l'auteur; elle ne contient que des principes généraux
exposés dans la plupart des grammaires. M. Anaya s'occupe du soin
de faciliter l'étude des deux langues ; mais il ne s'élève point à des
théories qui puissent être utiles li la grajiimatre générale et à l'enseigne-
ment des langues vivantes. Pour faire connoître la manière de l'auleurt
je rapporterai ce qu'il dit au sujet des accens.
. p On appelle accent tonique ou prosodique ce repos et celte élévation
FEVRIER 1819. 89
» de la voix qui se font entendre sur une des syllabes dont le mot est
*> composé , qu'on nomme syll/ibe longue , parce qu'elle est égale ,
"quanta la qunniitt, t'està-dire, au temps qu'if faut employer pour
" la prononcer, à deux syllabes brèves ou non accentuées
" L'accent change non-seulemejit la prononciation, mais encore fa
" signification du mot. Prenons, par exemple, le mot italien SEGUITO
>^ et le mot espagnol PUBLICO.
» Sfguirâ, avec Taccent sur la dernière syllabe, signifie // suivit.
" Seguîto, avec l'accent sur la pénultième, est le participe suivi.
" Stguito, avec l'accent sur l'antépénultième, veut dire la suite.
* Pal'licô signifie // publia.
» Pul/lico signifie je publie.
« Pùblico, substantif, veut dire /f;»uiAV,i>
Ces observations donnent une heureuse idée de l'uliliié de l'accent
prosodique dans (es langues qui peuvent i'employer avec une telle
variété.
En parlant de l'élocuiion , M. Anaya est tombé dans une erreur grave ;
il a supposé que Félocution est l'art de lire à haute voix de la prose ou
des vers. Le mot élocution n'a poini chez nous une telle signification ;
ce mot indique la partie de la rbélorique qui a pour objet le choix e:
farrangement des mots , et il se prend communément pour la manière
dont on s'exprime.
Je ne releverois pas cette erreiu" de M. Anaya , si son ouvrage
n'étoit écrit en langue fi-ançaise,
La seconde partie de l'ouvrage de M. Anaya mérite l'attention des
philologues, et elle ne peut qu'être très-utile aux personnes qui étudient
les poètes italiens et les poètes espagnols.
M. Anaya pense que les principales difficultés qu'on rencontre dans
la lecture des poètes italiens, proviennent, 1 ." de ce qu'il y a des mots ,
des locutions, des images dont l'usage est admis seulement dans les
vers ; 2.^ des licences que les poètes prennent d'altérer les mots, soit en
les alongeant , soit en les raccourcissant de quelque lettre ou de quelque
syllabe, soit en substituant une lettre à une autre; 3.° des transpositions
des mots , toutes les fois qu'ils ne sont pas arrangés suivant l'ordre dans
lequel ils se présentent à notre esprit.
Il prétend que l'analogie qui existe entre la langue espagnole et la
langue italienne, donne à la poésie des deux nations la plus grande
ressemblance. Les Espagnols emploient les mêmes espèces de vers,
ont la même prosodie, font le même usage des transpositions que les
Italiens. C'est à Ii faveur de ces rapports que Garcilasso, Herrefa ci
i
» JOURiNÀL BZSS'ÂV'AHS,
amre9«aitiin)léPéfnrque4vectintde siicci9:iiHii M. AHtMficoinknt
que les poètes espagnol n'usent pas d'autant die licences <{ae fes po^es
iiafiens; et d'ailleurs la poésie espagnole a des caractères particuliers,
soit dans l'emploi des mètres qui composent las décimas, las SEGUI-
OlLLAS, LOS HOMANCBS, soit dans Pemploi de la rime nommée asso-
mntei rime qui conitste dans Tunifôrmité correspondante- des deux
dernières voyelles du mot , quoique les consonnes qui les séparent soient
dîâ%rentes: ainsi rtmêu rime avec ^^nrtd > cause de fo et de Ta qui
se trourent dans le» deux mots , et de même pour les antres voyelles.
AjMés.ces observations , Tauteur traite en détail des (Cfficultés qu'offre
la poésie italienne; et, pour les expliquer, iI.rédBit les licences de cette
poéûe à des principes généraux, et.ensuite il en compose lin tableau
détaillé ; enfin ii termine cette partie de son travail par un recueil alpha-
bétique de tous les mots italiens consacrés & la poésie qu'il assure ne pas .
ie ttmxrtt dans les dictionnaires de la bngue.
Je m'arrêterai un insunt sur ces deux objets. Ljctncts dts pMttr
ttë/FtiÊ$t Je crois nécessaire de faire, ici une remarque que Tauteur auroit
peat-étre dû ne pas omettre; c'est que la plupart des Ifcenees indiquées
efcfessées dans son ouvrage n'ont été employées que par les plus anciens
poètes t tels que Dante, Pétrarque, &c.; un poète moderne seroît
yUttti; s'il osoit s'en servir.
II y a* dit M. Anaya, iss mots auxquels les poètes ont coutume
^iHoaut qiiefque'Iettreou quelque syllabe; ainsi Dante a employé />£
pour TU:.
Tutd cantavan : Btntdttta tue 1 Toui chantoicnt : B^nie (oi
■NtlU figlit é'Adamo. \ Parmi [«s filles d'Adam.
M*^ ilauroitd&afoulcr que cet licences âont employées parles poètes,
seulement lorsqu'ils en ont besoin pour rimeii Les Italiens , et sur-toul
FÉVRIER r8i p. r><
Roman et ancien italien, ' j
Avem ,
Avta ,
Avria,
Avrran ,
Em, ]
Sem-, )
So,
Foro,
Séria 9
Serîan ,
Fora,
Foran ,
Je me borne à ces exemples choisis dans les verbes auxiliaires Ètr^ et
AVOIR. On se .convaincra que cet ancien idiome italien appartient. à« la
langue romane t en jetant les yeux sur les tables qui offrent (e3 coofu-
gaisons des verbes de cette langue dans la Grammaire que f etn 41 public.
Le recueil des mots consacrés à la poiésie italienne , et qui a^ 3ie
trouvent pas dans les dictionnaires , contient quatre à cinq cents mots
dont plusieurs sont entièrement romans.
nlien modemié
Rémjfoif.
Abbramo,
AifOtti*
A^éVa,
Àvoft.
Avrebbe»
Aaroit.
Avrcbbero,
htMittit.
Siamo ,
Spiittnciç
Sonô,
Sotit.
Furono ,
Purent.
Sarebbe ,
Scroh.
Sarebbero >
5eiV>tent«
Sarebbe,
Fût.
Sarebbiôi'o,
Pal^eht.
Roman et amien
italien.
Italien moderne^
*
I^ZfA^A
Ancoi,
Oggî,
Au|oarâ*Eui«
Cre,
Credo,
Je crois.
Don,
•
Doode,
D'où-*
E$u,
Qoesta ,
Orteil.
Fé,
Fecc,
nfit.
Laur,
Lauro,anoro,
Laurier.
Trei,
tre.
Trou.
u.
Dovc,
Où , &c. éic.
M. Anaya explique en détail les elfipses qii*empioienf soiiveBi il
langue italienne et la lai^gue espagnole ; et il &it remaïqeer que ruM
et l'autre omettent souvent farticfe qui ordinairement précède le subt?
tantif , et que les pronoms penonnels sont souvent sous*entendus devait
les verbes.
Ces licences grammatiddes sont TefFet des rapports intimes de ces
langues avec la langue IatineL« doot^ elles sont dérivées, avec les mo-
difications introduites par fidiome roman. Les rapports immédiats de
ce dernier idiome avec la langue btme> et plusieurs autres plus iiijpor-
X a
\
J* JOURNAL DES SAVANS,
tans, ont été in<£qués et déincHitrés dans ma Grammaire romane ; je me
borne à observer que Tune et f'autre forme a long-temps existé dans
la langue française, parce qu'elle a eu la même origine que la langue
italienne et la langue espagnole.
Dans la cinquième règle qu'il donne pour l'explication des ellipses,
M. Anayadit:Œ Vn verbe, régi par deux ou plusieurs substantifs,
M suppose Fellipse de ce verbe devant le second et le troisième subs-
» tantifs, s'il y en a plus de deux. Cette expression , amon e la natura
» m'inspira, est abrégée de celle-d, emort m'insfira e la natura
w m'hupira. »
Je ne crois pas que cet exemple soit heureusement choisi \ on peut
supposer Tellipse d'un verbe qui a précédé , mais non l'ellipse d'un veiiie
qui suit. Pour expliquer cette licence grammaticale, on doit préférer
Topinion des grammairiens qui regardent les divers substantif sujets
d'un même verbe comme ne Hïrmant qu'un tout, qu'un objet en masse
et commun qui permet de s'affranchir de la règle des pluriels. Cette
fônne est notamment dans toutes les langues dérivées de la langue latine,
qui s'en servoit très-fréquemment.
~M. Anaya regarde aussi comme elliptique Femploi des mfinitifs,
quand ils riennent la place d'un substantif, et il suppose que, dans
Titalien l'andare et dans l'espagnol tl cantar , les mots atto di , acto
A, sont «çus-eniendus.
Cette assertion me paroît une erreur : les langues dérivées de la latine
ont adopté et conservé l'usage d'employer substantivement les infi-
nitif} et ^s infinitifs latins employés au présent ne permettent pas
d'imaginer une ellipse qui auroît exigé un autre temps que lé présent:
comment M. Anaya trouveroit-il une ellipse à cette sentence , SCIRE
TVUM n'ihU est nisi it scire hoc sciât alterî
L'ouvrage de M. Anaya présente souvent des idées justes et utiles;
FÉVRIER 1819. PJ
Histoire des révolutions de Norwége^ suivie du Tableau
de l'état actuel de ce pays et de ses rapports avec la Suède;
par J. P. G. Catteau-Calleville , membre de l'académie de
Stockholm , &c. Paris , Pillèt , 1818, 2 vol. in-S.'' , v; , 375
et 4 1 <5 pages , avec une carte.
a
Les destinées des Norwégîens se sont si souvent confondues avec
celles des Suédois , et sur-tout des Danois , qu'il est difficile de les raconter
séparément. Snorro toutefois a composé , au xiii.* siècle, une chronique
des rois de Norwége ( j ) ; au commencement du xvili.% un grand corps
d*annales norwégiennes , jusqu'à Tannée i 397, a été publié par Ther-
mod Torfictts (2) ; d'autres écrivains ont traité le même sujet en langue
danoise (3}: mais nous n'avions, dans notre langue, aucune histoire
particulière de ce peuple; et l'ouvrage français où on la pouvoit le mieux
étudier, étoit encore l'Histoire du Danemarck de JVIailet. Il y avoit
donc lieu d'offrir aux lecteurs français un travail plus complet et plus
spécial, où Fhistoire norwégienne se présentât toute entière , et dégagée,
autant que la nature des &its peut le permettre, des récits qui con*
cernent les pays voisins; où fussent méthodiquement recueillis tous les
résultats véritablement hbtoriques fournis par les anciens monumens,
par les relations originales et par les recherches des écrivains modernes.
Personne en France n'étoit mieux préparé à cette entreprise que l'auteur
du Tableau de la Suède, du Tableau de la mer Baltique, de FHistom
de Christine* et de quelques autres ouvrages qui tous anrtoncent une
connoissahce profonde des antiquitési'des langues et de la littérature
du Nord. M. Catteau-Gallêville a visité les contrées dont il écrit l'his-
toire; il a examiné, comparé les mémoires originaux, les livres, les
traditions populaires , les opinions* des habitans les plus instruits. On a
donc droit de s'attendre à ne trouver, dans les deux volumes qu'il vient'
de publier , que des détails puisés aux sources les plus pures 00 \e% plus
dignes de confiance. *iv ...
Comme toutes les annales , celles de la Norwége conimencent par
des traditions fabuleuses, mais dont llnfluence est historique , et qu'il est
. • ; 1 •
(1) Historia regum Norwegict camscripfa à Snotrone, Sturlœfilio, islandicè',
danicè et latini. Haoniie, 1777 , 2 vo}. in^/. . .
. (2) Thermodi Torfœi Historié rerum Norwfgîçarum ( usaut ad ann. fjp^ J*
Haunix, '717» 4 vol. in-foLLt nom isfandaîs de Th. Torfiùs est Th rmodur
TorfasoD:*on l'appelle aussi, dans le Nord, Thormod Torvesen,
(3J Histoire de Norwége, par Gerhard Schoening , &c.
94 JOURKAL DES $AVANS,
indispensable de connoître , si Ton veut remonter aux origines des ins-
titutions et des mœurs nationales. Mallet et d'autres écrivains ont tracé
des tableaux plus ou moins étendus de la mythologie Scandinave :
M. Catteau-Calleville en donne une idée sommaire et précise» en se
bornant aux détails qui tiennent spécialement à Thistoire des Norwégiens.
C'est d'après ce qu*il a vu et observé lui-même» qu'il décrit la contrée
qu'ils habitent, partie la plus montagneuse de la prèsqu^fe du Nord» et
théâtre des phénomènes naturels les plus propres à modifier les habi-
tudes et les aflfections des hommes. Les familles qui s'y trouvoient établies
aux premiers siècles de Fère vulgaire ^étoient, dit l'auteur» affiliées aux
peuples germaniques» et en particulier à ceux qui ont reçu la déao*
miiiation de gothiques. Leur caractère mâle» hardi , entreprenant, s'étoH
renforcé sous un ciel rigoureux, au milieu des rochers» des ne^es et de|
glaces éternelles » des avalanches » des torrens et des précipices, (jenc
langue» dialecte teutonique» avoit acquis plus d'énergie. Tout ic% dit»
posoit à ptéfèitr la pèche et la chasse à Tagriculture : leur penchant l<
plus commun étoit d'affixmter les dangers de la mer pour s'enrichir» on
pour se signaler par la force et le courage. A cette première époque»
tous les Scandinaves vivoient» distribués en peuplades » sur les côtes on
dans les vallées» et gouvernés par des cheB» conformément aux lois
ou aux résolutions émanées d'assemblées populaires. Leur histoire sa
compose de leurs entreprises contre des nations voismes» et des guença
qu'ils se Aisoient entre eux quand ils n'alloîent pas porter aiUaiyt
l'épouvante. Ces luttes et ces révolutions n'ont laissé que des sottvtnin
incomplets et confus ; mais à la fin elles amenèrent la distinctioQ dn
trois états de Danemarck» de Suède et de Norwége.
Quoique cette distinction se soit établie dès le viil/ sièclet le
premier nom réellement historique » que nous présentent k% fàstei do
la Norwége» est celui d'Harald V\ dont le règne commença vfn fU|
863. Ce prince confia le gouvemensent des provinces ou canton^di^
son royiittne à des Ueutenans appelés Jar/s ( i } ou comtes» qui (evoiea(
des tributs» en retenoient une partie» obtenoient, comme fiefs, df%
domaines tombés par la guerre au pouvoir de Ja couronne 9 et s'ongâ--
geoient à ébumîr cbs hommes armés : ils étoient assistés par les Hirtis
ou barons, qui avoîeat des obligations et des prérogadves du même
gmtm. Il y eut ainsi, en Norwége» comme idUetirs» des vassaux et des
arrière- vassaux; et ce fut le premier germe du système fbodzl piopreilwt
dit» ce qui devint» dit Paùteur» fun de$ degrés de I>icheIIe que les hisâliir
(I) Eirli.
FÉVRIER 1819. ij^
" lions {^ofitiqaes avoient à parcouH/ en Europe , degré'peui-être néces-
» saire à[ des monarchies naîssanlcs qui se fortîfîoh^t par là guerre , et
» ne pouvoient avoir aucune idée des principes administratifs que ftît
» connoître insensiblement le progrès de Findustrie et des lumières.» Du
i*este, on eut en Suède et en Norwége le bonheur d'éviter les principaux
abus de ce système. Les fiefs n'y furent jamais considérés comme
hértditaires, et fa servitude de la glèbe ne s*y est point introduite; sans
doute parce qu'il étoit difficile de soumettre k un régime humiliant et
oppressif des hommes disséminés sur une vaste étendue de pays» et
accoutumés à résister énergiquement aux rigueurs mêmes de la nature,
«c La liberté » continue Fauteur t est un ressort indispensable » lorsque le
» travail ne peut réussir que par des combinaisons variées ; et la propriété
>» devient précieuse en raison des obstacles qu'il faut surmonter pour
» l'acquérir. «
Le règne d'Harald est l'époque de plusieurs de ces expéditions mé-
morables qui donnent une place aux hommes du Nord dans les annales
de fa pfupart dès peujifes européens. Fort souvent ces armées barbares ,
qui s'élançorent de la Scandinavie sur des contrées plus méridionales ,
se composoient à- fa- fois de Danois , de Suédois et de Norwégiens.
Néanmoins, c'étoient principalement des Danois qui envahfssoient des
parties de fa Grande-Bretagne et de l'Affemagne : fes conquérans de fa
Rlissie partirent de la Suède; et fa Norwége avoit vu naître ceux qui se
fêtèrent sur dès provinces françaises. M. Catteaii-Callevilfe rejette comme,
peu naturefféSy c'est-à-dire «comme peu concifiabfes avec Phistoire
positive, fes conjectures, dateurs iilgénieuses, qui tendent à chercher
f'origine et fe nom des Russes dans une peuplade antique voisine du
Pafus Mâcotis : l'opinion qu'il préfère , et qui est , dît-il, celle de fa plupart
à^s savans du Nord , consiste à dire que fes Wiarègues qui , sous fà
conduire de Ki:rîcl , entrèrent dans fa Moscovîe, venoient de. fa partie
de fa Suède où est le canton dé Rosfagen , qu'on les distinguoit dès
autres Suédois par le surnom de Russes, et que leur origine étoît
purement Scandinave. Mais fes conquérans dont M. Catteau-Caffevilfe
va suivre de pfus près tous fes pas et observer fes procès , sont fes
Norwégfehs , qui, peu après Fan 880 , profitant de.fâ fôîblé^se des succes-
seurs de Charlemaghe, parvinrent k s'étabjUr dans Tiuie des pfûs beftes
régions de fa France. Rûff, Raoul, ou R.olfon, feur chef, n'étoir point
Danois, comme Font cru plusieurs écrivains dû moyen âge et des siccfès
modernes: fes monumens historiques conservés en Norwége montrent
qu'il étoit né dans f'un des camons les pins septentrionaux de cette
contrée. Après avoir établi ce point et retracé lés exploits de Rollon^
9^ JOURNAL DES SAVANS,
l'auteur , pour adiever le tableau des ezoïriions méridionales cntrefirises
par des Norwégieos, anticipe sur Tordre des temps, et nous pfînl ces
guerriers scajidinaves, transportés successivement dans les deux Siciles <
en Palestine, en Grèce, cueillant des lauriers dans In pairie des MHiiades
et des Thémistoçles , et récitant des hymnes scaldiques sur le tombeau de
Tjrrtée et de Pindare.
De là pourtant l'historien nous ramène aux climats hyperboréens et
aux dernières années du IX.* siècle : il reprend l'histoire d'Haratd. Mais
bientôt des expéditions iiorurégiennes dans les îles Feroé et en Islande
exigent des descriptions nouvelles, de nouveaux éclaircissemens sur la
géographie, les mœurs, la religion et fa littérature du Nord. On a
quelquefois représenté la poésie scaldique comme une imitation de celle
^emînnesingers,des trouvères et des troubadours: M. Catteau-Calleville
la croit née à une époqae beaucoup plus ancienne , dès le temps où les
Scandinaves commencèrent ces excursions belliqueuses qui les rendirent
si formidables. Il s'est appliqué ^ nous les Bâie connoître, en saisissant^
dans tout le cours de son ouvrage, les occasions de. citer des chants
éuerriers ou funèbres. Les traducdons en prose qu'il nous en donne , ne
manquent assurément ni de précision ni d'élégance : mais , à notre avis »
elles prouvent que, pour conserver de foriginalité, ces poésies ont
besoin, comme bien d'autres, des couleurs propres ji leur idiome
naturel et du prestige de la versification. Une traduction non versifiée
les réduit à des idées justes et nobles , mais devenues si communes dans
toutes les littératures, qu'il ne nous est plus possible d'en être vivement
frappés. En voici , au surplus , quelques iffcmples :
«Le vautour vole vers moi du fond des noires forêts; Taigle le suit:
» cet avide vautour se nourrira de mon sang ; ce grand aigle aura mon
» corps pour pâture. — Les arrêts du ciel s'accomplissent toujours ; le
a soleil éclaire maintenant Tillustre monanpie ( i ] : s'il meurt, il laissera un
. FÉVRIER 1819. 97
* pures du Jourdain. J*ai appris que le roi de Norwége s'est emparé
» vaillamment de.Ia vifle de Sidon ; le souvenir en est récent. Des coups
» terribles ont été portés dans ïe combat ; la forteresse s'est écroulée
a>.sous son bras redoutable ; les soldats ont-été couverts de sang; les
» épées en ont été teintes, et [a victoire est restée à l'intrépide héros. »
, Malgré son z&le à recueillir tout ce qui peut caractériser honorablement
les Norwégiens et en général les peuples du Nord , M. Catteau-Calleville
ne prend jamais le ton de l'enthousiasme, et s'abstient de toute apparence
d'exagération ; il a même négligé de rappeler le magnifique hommage
rendu à la Scandinavie par Tauteur de l'Esprit des lois (i). Du reste »
Montesquieu ne parle que des plus anciennes incursions des Scandinaves t
de celles qui ont précédé le vu/ siècle de l'ère vulgaire. Il n'est pas
certain qu'au moyen âge ils aient contribué aux progrès de la liberté
dans les pays qu'ils continuoient d'envahir. Nous croyons du moins
qu'il y auroit lieu d'examiner plus rigoureusement et plus en détail quelle
a été , depuis le milieu du ix."" siècle, l'influence de ces invasions sur les
institutions politiques des divers états de l'Europe. Quoique M. Catteau*
Calleville ne pose pas même cette question 1 son ouvrage présente ou
indique un grand nombre des ùdts et des rapprochemens qui serviroient
à la résoudre.
Jusqu'ici nous n'avons guère parlé que du premier livre de cette
histoire : c'est le plus riche en descriptions et en observations générales.
Les suivans ont un autre genre d'intérêt , celui qui résulte du nombrtt
et de l'éclat des événemens, de la liaison et de la rapidité des récits^
L'auteur est parvenu à resserrer en moins de 330 pages le tablea^^des
révolutions du royaume de Norwége, depuis la mort d'Harald I.^ en
933 jusqu'à la réunion des trois royaumes par le traité de Cahnar en
• 397; et néanmoins aucun point de ce tableau ne reste obscur ni
décoloré: au contraire, des re^narques critiques , des observations judi-
cieuses, éclairent la narration , et, loin de l'interrompre, l'animent et la
(i) « Je ne sais si le fameux Rudbeck , qui, dans son Atlantique, a tant loué
»!a Scandinavie, a parlé de cette grande prérogative qui doit mettre les nations
»qui Thabitent, au-dessus de tous les peuples du monde; c'est qu'elles ont été
» la -source de la liberté de l'Europe. . . . LeGoth Jornandès a appelé le nord
» de l'Europe la fabrique du genre humain : je l'appellerai plutôt la fabrique des
» instrumens qui brisent les fers forgés au midi. C'est là que se forment ces
» nations vaillantes qui sortent de leurs pays ,pour détruire les tyrans et lei
>» esclaves, et apprendre aux hommes que la nature les ayant faits égaux, la
» raison n'a pu les rendre dépendaas que pour leur bonheur. » {^Esprit des lois,
lh% xyii, C.5.)
N
9» JOURNAL DES SAVANS,
complèlent. Nous n'entreprenons pas de suivre le fil d'un si grand
nombre de faits: il nous sufiîra d'appeler sur quelques article's l'aitention
des lecteurs.
On assuré que , sous le règne d'OIaùs I." , deux Norwégrens , Gun-
Biorn, et Eric, dit U Reux . pénétrèrent dans le Groenland et descen-
diient jusqu'au cap Farewell. On ajoute qu'en l'année rooo, ou looi ,
ce inénie Biorn, ou un autre Bioni, atteignit une terre qui fut appelée
Windliind, parce qu'un Allemand , qui éloil du voyage , y trouva un fruit
seniMable au raisin. On place le pays dont il s'agit au 55." degré de
latitude boréale, ou même au 49-'i de telTe sorte qu'il correspondroit
h. une partie du Labrador, ou \ l'île de Terre-Neuve. On en conclut
qu'avant le Xll.' siècle des Européens vrsiièrpnt l'Amérique septenfrîo-
nale, et l'on raconte qu'Eric, évéque du Groenland, se rendit en 1 lîi
au Windiand pour y porter la foi chrétienne. Nous aurions désiré con-
noître d'une manière [trécije l'opinion de M. Catteau-Callevilfe sur des
fcrts d'une si haute importance: il en parle si sommairement, que nous
ignorons si la découverte du Vîndland lui paroît aussi avérée qu'elle
fa semblé k plusieurs savans du Nord(i). D'une pan, il dit, dans sa
préface, que, dh le xi.' s'itclt. les Nom^cgUns pousstrtnt Itiir naviga-
tion jusqu'aux plages du nouveau inonde: de l'autre, quand il arrive à
cette éi)oque , il s'exprime avec beaucoup phis de réserve, et même
avec quelque ambiguiié. « L'opinion générale, dit- il, Jifff'que le Wind-
*> land étoit situé dans le nord de fAmérique, et que les Norwégiens
«Connurent le nouveau monde dès le xi.' siècle. Quelques savans
» ont souiena que la même cote avoit été fréquentée auparavant par les
» Iriandiiis. Quoiqu'il en soit de f«ff découverte, sur laquelle, d'un côté,
»» le goût du merveilleux, de l'aulre, des conjectures piu satisfaisantes
» ont répandu de l'obscurité, le Windiand fut, quelque temps après,
ïj perdu de vue. &c. n S'agit-il de la découverte attribuée aux Norwé-
giens , ou seulement de celle dont on fait honneur aux Irlandais! Est-
ce pour soutenir ou pour nier la réalité de ces voyages, qu'on a pror
posé des conjectures peu satisfaisantes! Ceux qui révoquent en doute
ces diverses expéditions , disent qu'il n'en subsiste en Amérique aucunç
tradition , aucun vestige; qu'on n'y a pas retrouvé la moindre trace des
. effets qu'avoit dû produire la misiion de 1 121. Toutefois M. Banon (2)
(1) ToHœus, Suhm, P. H. Egiçen , Ac.
(2} Uar» un volume in-8.' , publié en 1788 sous ce titre: Ohervations on
terne parts uf nauiral l'isroty , ta ivhuh is prefixed an account ùfstvtml remar-
I^He vestiges of an ancient âge in J\i,rih- America.
FEVRIER rSip. 99
a cru voir, sur les rives de l'Ohio, des restes de fortifications, qui sont,
selon lui, des monuinens d'une ancienne invasion des Scandinaves; et
ceux qui sont, comme lui, persuadés de la vérité de cette descente au
Windland, se fondent sur les anciens textes i: landais qui la racontent (i),
et particulièrement sur l'autorité du chroniqueur Snorro. Peut-être cette
question n'a-t-el/e pas encore été éclaircle autant qu'elle mériteroit de
fétre.
Nous devons avouer que les développemwis d'une discussion cri-
liqne seroienl déplacés dans une histoire proprement dite, telle que celle
que M. Catieau-Calleville vient de publier ; mais nous voyons du moins
que, sur d'autres matières, il prend soin d'indiquer les recherches
quil a faites, et d'en exposer les résultats positifs. Il saisit les occa-
sions de rectifier les récits de ses prédécesseurs. C'est ainsi, par
exemple, qu'il venge la mémoire de Sverrer, prince trop défavorable-
ment jugé par Guillaume de Neubridge, d'après les rapports de l'arche-
vêque de Droniheim, Sverrer, qui mourut roi de Norwége en i 202,
avoil résisté aux entreprises du clergé : les écrivains ecclésiastiques l'ont
représenté sous les couleurs les plus odieuses ; mais il a obtenu dans
Son pays une réputation honorable, que M. Catteau-Calleville croit
plus méritée. Plusieurs de ses successeurs ont pris dans leurs actes
publics le litre de descendant du grand Sverrer. On (ui attribue un ou-
vrage en langue Scandinave, intitulé le /Miroir des rois: il est plus pro-
bable que ce livre a été composé par un Islandais; peut-être Sverrer
en avoit-il suggéré l'idée. C'est un recueil de maximes et de conseils
à l'usage des hommes d'état, des ecclésiastiques et des laboureurs. Sous
le règne du même prince, Théodrik, moine norwégien, rédigea en laiîn
une histoire des premiers rois de Norwége , extraite de chroniques
islandaises. On conserve une monnaie qui porte l'effigie de Sverrer , eï
qui passe pour la plus ancienne que l'on connoisse d'un roi de Norwége.
Notre historien distingue aussi, parmi les princes qui ont gouverné
ce pays, Haquin IV, qui, à cause de son règne de plus de quarante ans «
a été surnommé le vieux ,. quoiqu'il ne fût pas encore sexagénaire,
lorsqu'il mourut en 1 aÔj. L'auteur regrette de voirdisparoitre trop tôt
« un prince occupé du bonheur et de la gloire de son pays. La Norwége
» parvint , pendant le règne de Haquin , au plus haut degré de considé-
» ration et de grandeur : la marine éioJt dans le meilleur état , les places
» fortes pouvoient braver les attaques de l'ennemi. Encouragés par les
(t) Ils -ont été rassemblés par Je
isîandicix. hm%i. 1643, 2vol. in-f,'.
nas Arngiim dam son Spécimen hittorii
&.Ç.
loo JOURNAL DES SAVANS,
» communîcalîons qu'établissoient les Aflemands , cTun côté, et les An-
)) glais, de l'autre y les habitans cominençoient à sentir l'importance de
» l'industrie. Le goût du roi pour les arts qui augmentent les Jouissances
3> de la vie, atiiroit dans les villes un grand nombre d'ouvriers étrangers.
» Les Norwégiens , qui n'avoient long-temps parcouru le monde que
» pour guerroyer, entreprirent des voyages pour s'instruire. Ainsi que
» les Danois et les Suédois, ils se rendirent aux universités de Cologney
^ de Paris, et rapportèrent dans leur pays des connoissances utiles. »
•Les relations que Haquin IV entretenoit en divers pays, introduisifent
dans le sien les productions littéraires du midi et de Foccident de
l'Europe , mais sur-tout les romans de chevalerie. Le Niebtlungen des
Allemands fut rapporté par un prêtre de Drontheim , que le roi avoît
employé dans plusieurs négociations. Ce roman intéressa vivement les
Scandinaves: ils le traduisirent; et les Islandais, qui avoient toujours
montré du goût pour les fictions merveilleuses , cultivèrent ardemment
ce nouveau genre, dont peut-être quelques-uns de leurs anciens livres
portoient déjà plus ou moins le caractère. Telle fiit, depuis lexill/
siècle , l'origine d'une multitude de productions islandaises , qui portentf
comme les livres historiques des époques antérieures, le nom de Saga 9
mais qui en diffèrent à tel point , qu'on ne sauroit , dit M. Catteau-
Calleville , les prendre pour guides en histoire , sinon en ce qui
concerne les moeurs^ les usages, et un petit nombre de ftits attestés ou
indiqués par d'autres monumens. A partir du milieu du Xfv.*-' siècle, ce
ne sont plus que des contes fastidieux , aussi dénués d'intérêt que de vérité.
Il y auroit plus à recueillir dans certaines chroniques ou généalogies
rédigées par des Islandais des mêmes siècles, quoiqu'elles soient d'âne
extrême aridité.
Le titre de révolutions n'est que trop applicable à Thistoire de fa
Norwége durant le moyen âge , puisqu'on y voit ce pays tantôt
gouverné par ses propres princes, tantôt partagé entre des comtes
norwégiens et les rois de Danemarck et de Suède , tantôt réuni à Ton 011
è Tautre de ces deux royaumes, souvent en guerre avec ses voisins,
plus souvent déchiré par des troubles intérieurs, ravagé par la grande
peste de 1 ^48, et, à travers tant de calamités, {'éclairant néanmoins
et se civilisant par degrés; contractant des habitudes plus douces, sans
presque rien perdre de l'énergie de ses vertus antiques. La cinquième
partie de Fouvrage de M. Catteau-Calleville se termine en i $97,
époque de la réunion trop mal garantie des trois royaumes ; et la sixième»
^n 1523, quand la. Suède recouvre son indépendance. L'intérêt de ces
deux livres tient sur tout à trois personnages âmeux» Marguerite»
FÉVRIER 1819. 101
Chrisiiern II et Gustave Wasa. L'auteur n'a rien négligé de ce qui
peut les faire apprécier avec justesse: le tableau qu'il a tracé de la
tyrannie de Christiern, est d'autant plus instructif, qu'il en a écarté les.
détails exagérés t>u controuvés qu'y ajoutent Messenius y et , d'après
lui, PufFendorf et Vertot. L'union de Calmar avoit duré au-delà d'un
siècle, non sans de fréquentes interruptions. Après Marguerite , pas un
seul monarque n'avoit su concentrer tant d'intérêts. Les fautes de
Christiern et les talens de Gustave mirent fin à ce pacte politique , .qui
avoit amené des troubles , provoqué des guerres , retardé le progrès de
la prospérité commune, mais aussi favorisé des entreprises» multiplié les
communications y et donné, en Europe , aux peuples du Nord une plus
grande importance politique.
La Suède fut donc en 1 523 détachée pour toujours du Danemarck»
auquel la Norwége resta unie jusqu'en 1 8 1 4« Par l'effet de cette union ,
l'histoire particulière de la Nonvége se réduit « pendant ces trois derniers
siècles, à un si petit nombre de faits, que M. Catteau-Cailevilie les a
tous compris dans le septième livre de son histoire ; encore y a-t-il ùit
entrer le récit des dernières campagnes et de la mort du roi de Su^de
Charles XII, en rectifiant quelques erreurs échappées aux historiens de
ce pririce (i). En général, les Norwégiens ont été moins agités durant
cette dernière période, et ils ont profité de ce repos pour agrandir leur
industrie et cultiver les sciences et les arts. Ils ont perfectionné
l'exploitation des mines et des bois, étendu leur commerce, fort aug-
menté le nombre de leurs navires marchands : leur agriculture même
auroit fait d'assez grands progrès , si le Danemarck n'avoit long-temps
exercé le monopole des grains. Plusieurs d'entre eux se sont distingués
dans la carrière des lettres, par exemple, Holberg parmi les poètes,
Gunnerus parmi les naturalistes. Une société des sciences s'établit à
Droniheim ; une autre société et de grandes écoles furent fondées à
Christiania. La Norwége , à la fin du xviii.* siècle, payoit des contri-
butions équivalentes à cinq ou six millions de francs, et fournissoit
environ trente mille soldats. Elle comptoit 750,000 habitans en 1769,^
plus de 900 ,000 en 1 80 1 , et l'on a lieu de présumer qu'elle en a plus
d'un million aujourd'hui ; car les recensemens restent toujours au-dessous
(1) Plusieurs détails de Thistoire de Charles XII ne sont devenus publics
que depuis quarante ans. M. Catteau-Calleville ajoute que les mémoires parti-
culiers qu'il a eu occasion de consulter en Suéde, en disent encore davantage.
Si Voltaire avoit pu connoitre ces détails , il auroit rendu cr plus compictc e(
»plus exacte son histoire ^d'aUleurs si intéressante ^ du héros suédois.»
ÏNS
du Trar, et les états de population insérés dans quelques relations ré-
centes, particulièrement dans le Voyage de M. de Buch ( i ) > "^ *o"' P^*
complets. Ce qui mérite le plus d'être îci observé, c'est l'excédant
considérable des naissances sur les décès. En '799, le nombre des
naissances a été de 28, 54°) et celui des morts seulement de iS,)^,
entre lesquels on remarquoii 208 personnes âgées de plus de 90 ans (2).
Le huitième livre de l'ouvrage de M. Catteau-CalleviUe est un exposé
I de ce tjui s'est passé en Norwége depuis le commencement de l'année
i8t4|usqu'au mois de mai 1818. Cette dernière partie contient prin-
'■■ cipalement les conventions . traités, constitutions et autres actes publics
I qui ont réuni la Norwége à la Suède, et réglé, dans fun et l'autre
état, l'exercice du pouvoir. L'auteur, qui, dans tout le cours des sept
[livres précédens, a donné une attention particulière aux institutions
' politiques, est persuadé que les Norwégiens sont arrivés aujourd'hui
[ su terme où tendoient les efforts et les progrès de leurs ancêtres. Il voit
I dans leurs lois actuelles, et dans leur union avec les Suédois, des
I garanties de ta tranquillité des deux peuples et des gages de leurs progrès
l fiiturs. « Les monts scandîjiaves s'abaissent, dit-il en finissant, la main
» fraternelle passe d'un royaume ii l'autre , et les raSnes de Haraid et de
■> Gustave Wasa se rencontrent pour applaudir au bonheur ei à la
• gloire de la Scandinavie. »
DAUNOU.
Codex medicamentarws . sive Pharmacopœa gallica, jujsa
Eegis optimi et ex mandalo summi rerum iniernarum regni
admiiiistri . editus À Facuhate meJica Piirisieiisi , aimo 1818.
Parisiis, apud Hacquari, typographum curias legatorum ,
via Gît-le-Cœur , n." 8; m-^' de 405 pages.
La faculté de médecine de Paris publie, sous le titre de Codex
medicamentarius , un nouveau formulaire de médicamens. L'ancien,
dont la dernière édition est de 17; 8, se trouvoit épuisé: la chimie
{1} Voye^Ae compte qui a été rendu de ce Voyage dans le Journal des
Savans, novembre 1816, pag. ni-148.
(2) Chnstian-Jacque; Drakemberg, né en Norwége en 1624» y mourut en
1770, âgé de t46 ans. Il s'cioii marié à iij ani, et conserva toutes ses force*
juiqu'aux derniers moniens de sa vie.
Février 1819. loj
«voit pcffeciionné ses analyses, étendu ses découvertes ei changé sa
nomenclature; la médecine avoil acquis ])lusieurs remèdes inconnus k
nos prédécesseurs : il falloit donc refaite un livre qui est loui-à-Ia-fors
destiné aux piiarmaciens pour régler !a composition des remèdes, aux
médecins poiu déterminer leurs prescri|>iions, et aux malades pour lei
mettre à l'abri de l'erreur et de l'incertitude. Le Gouvernement a demandé
cet ouvrage à la faculté , qui en a ch;irgé une commission , composte do
lept de ses membres, savoir, MM. Leroux, Deyeuv, Vauqutlin, Ri-
chard , de Jussieu , Percy et HaUé , auxquels ont été réunis MM. Henry ,
Bouillon- Lagrange ei Vallée, et à la mcri de ce dernier, M. Clieradam,
lous Iiommes instruits et capaLtIcs de I^ien coopérer à uii travail aussi
intéressant. MM. Bourdet, Guilbert, Ducbatel et Baruel, y ont aussi
concouru. M. HalIé, si connu par ses lumières, par son jugement
sain et par sa précision, a été le rédacteur général.
Lorsque le nouveau Codtx fut terminé , Sa Majesté en ordonna
l'impression, en spécifiant le titre qu'il devoit porter [il.
L'intention des auteurs a été de décrire les préparations pharma-
ceutiques avec une telle exactitude, qu'on pût éire assuré qu'étant
exécutées selon la méthode prescrite, il en résulteroit des mcdicamens
par-lout, autant qu'ilest possible, parfaitement semblables.
Voici l'ordre établi dans l'ouvrage, ainsi qu'il est exposé dans la
préface et développé dans un tableau méthodique, misa la suite de
cette préface sous le titre , Ordo totius operis.
Les auteurs commencent par une matière médicale, qui est une liste
très-nombreuse de médicamens, tels que la nature nous les ofTre, ou
qu'on les trouve dans le commerce; médicamens tirés des mijiéraux,
des végétaux et des animaux. Plusieurs articles de cette liste, sur-tout
parmi les substances fournies par le commerce , sont accompagnés
d'une explication des signes propres h en faire apprécier les qualités , et «t
les faire distinguer des substances ou semblables à quelques égards, ou
altérées ou falsifiées , avec lesquelles il est possible de les confondre.
Après cette matière médicale vient un chapitre [c'est le iv.') qui
traite des poids et mesures et de tout ce qui peut servir h établir dans les
formules du Codex les proportions justes, objet très-essentiel et bien
placé entre l'exposé des substances naturelle» et les préparations pharmar
ceuiiques. Les mesures adoptées sont exprimées en nombres propor-
tionnels, qui indiquent d'une manière générale les rapports des médi-
camens entre eux et avec la composition entière dont ils font partie»
(1) Urdoonance du Roi du 8 aoûi 1811S.
I
lD-4
JOURNAL DES SAVANS,
rapporls constans, sous quelque dénoininaiiori qu'on exprime Tes poids
absolus de chacun, soil parmi nous, soit dans les pays étrangers. Pour
en spécifier i'usage, on a ajoulé des tables qui rapportent les poids
anciennement usiiés et les poids nouveaux h ces nomljres proporlionnels.
Dans un di^uxième article, il s'agit des densités et des degrés corres-
pondans de l'aréomètre vulgaire , tant pour les liquides plus pesans , que
pour ceux qui sont moins pesans que l'eau. Ces rapporls entre les
densités et les degrés de l'aréomèire sont exposés dans des taliIes, ou
sont sur-tout rappelées les évaluations les plus importantes dans la
pratique. Dans le cours du formulaire, on voit que nulle part on n'a
négligé le degré auquel on prend ou l'alcool, ou les acides, ou les
dissolutions salines les plus importantes et les plus usitées. Un troisième
article traite des degrés de chaleur et du thermomètre : on y indique les
températures sous lesquelles se passent les principaux phénomènes
pharmaceutiques et chimiques ei doivent être faites les principales
opérations de pharmacie. Enfin un quatrième et dernier article contient
iévaluation expérimentale , en poids , des différentes manières de doses ,
par gouttes, cuillerées, verrées, jjoignées , pincées ou en nomhre.
Chacune de ces mesures est appliquée aux différsnies sortes de médî-
cainens, dont les proportions réelles varient le plus sous les déno-
minations communes. Ainsi les auteurs, autant qu'il a été en eux, ont
présenté tous les élémens d'une précision rigoureuse, pour les pres-
criptions, même journalières, que les médecins peuvent faire selon les
différentes occasions qui les exigent dans la pratique.
Enfin le formulaire, qui fiiit la partie essentielle de l'ouvrage, est
divisé en dix sections, ordonnées selon la nature des préparations phar-
maceutiques et des opérations qu'elles exigent; les auteurs commencent
par les opérations préparatoires, faisant succéder celles qui résultent de
procédés, d'analyses ou de combinaisons de plus en plus compliquées,
traitant ensuite celles qui ne paroissent consister que dans de simples
mélanges, et terminant par les médicamens destinés spécialement à un
usage externe et à des Iraiiemens chirurgicaux.
Ces dix sections, indiquées par des titres généraux, contiennent des
subdivisions dans lesquelles se rangent tous les genres de préparations
que les pharmaciens doive»! exécuter.
Parmi ces préparations , il en est dont le résultat est un médicament
simple, et d'autres où plusieurs substances réunies forment un médica-
ment composé: parmi ceux-ci, il en est qui ne sont présentés que comme
des exemples propres i indiquer la manière d'exécuter les préparations
dfs médecines, en choisissant parmi les plus uùtées celles <jui exig9<it
FÉVRIER 1819. 105
des précautions particulières ; c'est à ces sortes de médîcamens qu'on
a donné le nom de m/igistraux. On a nommé officinaux les médica-.
mens composés qui doivent être tout prêts dans les pharmacies, dont
la formule est fixée par le dispensaire , et qui doivent être toujours pré-
parés conformément à cette formule. Les anciens formulaires en con- '
tiennent beaucoup qui étoient formés par la réunion d'un grand nombre de
substances : dans ce nombre, le nouveau dispensaire n'a conservé que
ceux que Ton demande journellement, et dont il seroit dangereux de n'a-
voir pas fixé invariablement la préparation. Les exemples s'en trouvent
spécialement parmi les ^2/roo/^2/'j', les teintures, les sirops, les electuaires,
les bols, èic. : mais par- tout on a eu soin d'indiquer les substances essen-
tiel/ement actives , et de les énoncer dans le titre de fa formule avant Je
nom qu'elfes portent vulgairement ; d'en déterminer les rapports de quan-
tité avec hs autres médicamens et avec la masse totale, et souvent de
aéterminer la dose à laquelle on administre le plus communément ces
remèdes ; quelle est la quantité absolue de substance efficace con-
tenue dans cette dose, en sorte que le médecin soit toujours sûr de la
quantité de matière qu'if fait prendre, dans quefque proportion qu'if pres-
crive un médicament efficace. De cette manière encore on peut réduire
à une plus grande simplicité et à feurs élémens essentiels les médicamens
les plus composés : on a même poussé la recherche jusqu'à faire , outre
cela, une analyse chimique du plus composé des electuaires, de la thé-
riaqucy en la traitant comme on feroit une substance simple fournie par
fa nature, et dont on voudroit connoître les élémens.
Mais fesoin fe plus scrupuleux a par-tout été apporté dans la compo-
sition des médicamens chimiques, pour en déterminer la séritable nature
d'après les connoissances modernes ; et Ton a joint même à leurs noms
chimiques tes plus généralement adoptés, les dernières dénominations
qui leur ont été données , quand elles ne sont plus susceptibles d'aucun
doute et d'aucune incertitude. On remarque le soin qu'on a apporté h.
cette recherche , à l'article de r acétate d'ammoniaque et de l'esprit Aftn-
derery dont l'analyse rigoureuse a été présentée pour fixer la valeur pré-
cise d'un médicament important , et dont la préparation étoit sujette à
beaucoup d'inégalités et d'inexactitudes. Les compositions chimiques sont
terminées par des exemples d'eaux minérales artificielles , propres à rem-
placer les eaux naturelles les plus employées parmi nous, dont l'analyse
est la mieux connue et la plus facile à imiter.
Ces substances, ou les préparations introduites de nos jours parmi fes
médicamens utiles, même postérieurement à la confection du Codex y ont
été, ou inscrites à leur rang, dans les sections où elles doivent être com-
o
io6 JOURNAL DES SAVANS,
prises , ou placées dans un appendice qui forme un supplément desîmé à
faire connoître celles que l'époque de leur découverte n*a pas permis d'in-
sérer dans le corps de l'ouvrage.
Enfin on a constamment inscrit k la suite des préparations qui donnent
des médicamens dont l'abus seroit dangereux, la recoin manda tîon dé
ne les livrer en aucune proportion sans une ordonnance signée d'un mé-
decin connu , et convenablement détaillée.
Les auteurs ont porté la délicatesse et le scrupule jusqu'à insérer à la
suite de \ errata une note dans laquelle ils n'hésitent pas à avouer les
imperfections qu'ils ont remarquées dans leur travail , et à inviter les
hommes instruits et expérimentés à communiquer leurs observations ,
pour les aider à le perfectionner dans une autre édition.
Je pense qu'un ouvrage fait avec tant de soin , tant de méthode et
tant de précision , sur un objet de la plus grande utilité , ne peut que faire
infiniment d'honneur au rédacteur et à ses coopérateurs.
II se prépare une traduction française de cet ouvrage.
TESSIER.
'JOURNEY THROUGH AsiA MINOR^ ArMENIA AND KOORDIS^
TAN , in thcyears i8ij and i8i^, with remarks on the marches
of Alexander and retreat ofthe ten thousand, é^c; c'est-à-dîre ;
Voyage dans l'Asie mineure, l'Arménie et le KourMstan , fait
dans les années i8ij et i8i^ , avec des remarques sur les marches
d'Alexandre et sur la retraite des Dix-mille ; par John Mac-
donald Kinneir, capitaine au service de la compagnie des Indes ,
major de place du fort Saint-George , &c. Londres , 1 8 1 8 ,
in-8.^ dt 6i6 pages, avec une carte.
Dans un numéro de ce journal, à l'occasion d'un itinéraire dans l'Asie
mineure, nous avons fait sentir de quelle utilité seroient pour les progrès
de la géographie , quelques itinéraires exacts des principales routes de
cette contrée si intéressante, rédigés par des voyageurs amis de la vérité ,
plus occupés d'ajouter réellement à nos connoissances que de faire dés
phrases inutiles sur des lieux que leurs prédécesseurs ont suffisamment
décrits. (Journal d'avril i8tj, p. ^jp*)
C'est ce genre d'utilité que présente l'ouvrage que nous- annonçons.
FEVRIER 1819. 107
L'auteur, placé dans une circonstance particulière, a pu traverser l'Asie
mineure en plusieurs sens et recueillir une multitude de faits nouveaux ;
il nous présente ses voyages sous la forme d'un simple itinéraire
qui, dans un volume peu considérable, rassemble plus de données géo-
graphiques nouvelles que n'en renferment une bonne partie des voyages
en Asie mineure publiés jusqu'ici: travail d'autant plus précieux, que,
d'après les d^gers qu'a rencontrés l'auteur et les fatigues qu'il a essuyées,
il est vraisemblable que de long-temps on ne verra point de voyageurs
assez hardis pour marcher sur ses traces.
Dans une courte introduction , M. Macdonald Kimieir expose l'oc-
casion et fe but de son voyage. Parti de Harwich au commencement
de 1 8 1 3 , il étoit arrivé à Gothembourg, en Suède , pour se rendre à
Constantinople par la Russie. Ce n'étoit pas la route la plus courte , mais
c'étoit alors la plus sûre, >ou plutôt c'étoit la seule route de terre qu'on pût
prendre. A cette époque , on parloit beaucoup en Angleterre de certaine
expédition dans l'Inde, projetée par le chef du gouvernement français.
M» Macdonald Kinneir quitta l'Angleterre dans l'unique hitention de
visiter tous (es pays à travers lesquels, une armée européenne devoit pas-
ser pour se rendre aux Indes ; en conséquence de ce plan, if se propo-
soii, après avoir visité l'Asie mineure et la Perse, de parcourir les pays
?u nord-est de cette contrée, et les vastes plaines qui s'étendent -au
nord deFOxus jusqu'aux limites de l'empire Russe.
Cependant Farmée française , victime de Timprévoyance et de Ten-
téteraent'de son chef, avoit péri en grande partie dans les déserts de
la Russie : aussi M. Macdonald Kinneir put-ii se rendre directement
à Dresde ; et bien qu'il dût penser dès -lors que cet événement désas-
treux ajournoit indéfiniment lexpédition aux Indes, il n'en poursuivît
pas moins Fexécution de son projet, et continua sa route pour Cons-
tantinople, où il arriva vers la fin dç juin 1 8 1 j.
Après un séjour de plusieurs mois, M. Macdonald Kinneir partit
de Constandnople pour commencer ses excursions dans l'Asie mineure ,
accompagné d'un Tartare , et muni d'un firman qui lui donnoit le droit
d'avoir huit chevaux à chaque poste, ce Les postes , dans l'empire ot-
»toman, dit notre voyageur, sont entretenues par le gouvernement;
«c'est-à-dire qu'une certaine portion de terrain, ou, en beaucoup
«d'endroits, une somme d'argent est accordée pour cet objet dans le
» printemps de chaque année. Les postes de différentes villes situées sur
y> les grandes routes sont louées à celui qui en offre le meilleur prix ,
j> lequel se règle d'après le nombre des chevaux : sur une roule très-
» fréquentée , il y a des maîtres de ppste qui entretiennent jusqu'à
O 2
iû8 JOURNAL DES SAVANS,
™ cent chevaux ; ces chevaux sont en géiit-ral petits et fnligués , les
"postes étant fort longues et les chemins mauvais . sans compter que
ï> les Tartares ne ménagent pas ieur monture. Ces Tartares sont
» les messagers publics; on les appelle ainsi, parce que c'éioîl ori-
» ginairement des Tartares qui suivoîent cette profession : mainte-.'
n nant tout le monde indistinctement peut l'embrasser; et le meilleur'
» Tartare dt l'ambassade anglaise est un renégat suédois qui sait mal
» le turc. Ces hommes ont le droit d'exiger gralit des maîtres de
s» poste des chevaux et des vivies , excepté quand ils voyagent pour
» leur compte et transportent des marchandises d'un lieu h un autre.
» Quand il arrive que les chevaux ne peuvent plus les porter, ils leur
M coupent la queue , quelquefois les oreilles , et les abandonnejit
i' dans les bois : ils prennent ensuite d'autorité les chevaux du pre-
» mier voyageur qu'ils rencontrent. Les Tartares font à cheval des ,
» courses d'une longueur étonnante ; îf en est qui vont de Constan-
» tinople à Bagdad en neuf ou dix jours; on raconte même qu'un
« Tartare ayant fait cette route en sept jours, eut la tète tranchée en
» arrrèani à Constantinople , parce que , disoit-on , il n'avoit pu aller si
» vîte sans tuer beaucoup de chevaux. C'est â force de liqueur et d'o-
ïï pium qu'ils se rendent insensibles à la fatigue: on les rencontre
» fréquemment courant au grand galop les yeux fermés. Tous les
» pachas en entretiennent un certain nombre : quelques-uns en ont
» jusqu'à cent. »
De Constantinople, M. Macdonald Kinneir se rendit à Angora, en
passant par Cehsa, l'ancienne Lybissa, qui renfermoil jadis les cendres
d'Annibai; par Niconiédie et Nicée, dont notre voyageur donne la
description; Eski-Sher, l'ancienne ZJur^/iPttm , célèbre par ses bains
chauds; Syed-Guz, l'ancienne Prymntsia, selon l'auteur , ce qui est fort
douteux: c'est non loin de là qu» dévoient être situées les villes cé-
lèbres de Pessinunte et de Gordlum. M. Macdonald Kinneir fit quelques
enquêtes auprès des habitans pour savoir s'il n'existeroit pas des ruines
dans les environs; on lui répondit que, comme toute la surface du
pays est couverte de vestiges de villes détruites, il étoit impossible de
distinguer les ruines qui appai tenaient à telle ou telle ville. Ceci montre
qu'un Européen qui auroit la facilité de séjourner quelque temps dans
te pays, ne pourroit manquer d'y faire des découvertes très -intéres-
santes, Toute cette contrée est fertile; mais la culture y est peu perfec-
tionnée, et notre voyageur fait h ce sujet les réflexions suivantes qui
s'appliquent â toute i'Asie mineure. " On ne prend nul soin pour ainé-
w liorcr les terres ; ce qui n'est point étonnant y quand on songe que le
À
FÉVRIER 1819. 109
» fermier est exposé à se voir chassé au premier moment, ou pillé et
»> arbitrairement surtaxé en raison de l'augmentation du produit de ses
» terres. II n'est pas rare que le pacha , à la vue d'une belle et mcht
» récolte , fasse saisir le grain encore sur pied , l'achète à bas prix et
»Ie revende au plus offrant. Ce système, si destructif de l'industrie,
» tient à la politique inconsidérée de la Porte , qui change continuelle-
» ment les gouverneurs des provinces, de peur qu'un long séjour dans
» le même pays^e leur fournisse les moyens de s'y rendre indépendans :
» aussi le pacha , obligé de satisi^ire l'avarice des ministres du sultan 9
» et cherchant d'ailleurs à se créer une existence indépendante pour le
» temps où il aura cessé d'être gouverneur, s'inquiète fort peu des în-
» térêts du fermier, et ne s'occupe qu'à amasser de l'argent. Nous avons
» observé que les cantons soumis à des pacbas indépendans sont cons-
»tamment les plus riches, les mieux peuplés, et, à tous égards, les
» plus florissans : la raison en est simple; ces chefs trouvent leur intérêt
» à encourager les cultivateurs, parce qu'ils voient continuellement la
» population de leurs états s'augmenter d'une multitude d'émigrans qui
» abandonnent les pays soumis immédiatement aux officiers de la Porte.
» La prospérité des provinces de l'Asie mineure est de cette manière
» toujours flottante , selon les actions et les dispositions de leurs chefs ;
» tantôt elles sont bien peuplées et bien cultivées , tantôt abandonnées
» et incultes. Des villages entiers émîgrent d'un district à l'autre sans.
» beaucoup d'embarras ou de dépenses, parce que leurs maisons sont
» d'une construction simple et facile; leur ameublement est d'ailleurs
» si peu de chose , qu'ils le transportent fecilément siu- le dos de leurs
» bœufs, qui leur fournissent du lait pendant la route, et trouvent par-
» tout une abondante pâture. »
Avant d'arriver à Angora, M. Kinneîr rencontra un khan deTurco-
mans qui lui firent subir quelques avanies , malgré son firman. Angora
[ancienne Ancyre] renferme encore quelques restes d'antiquités. Notre
voyageur fut obligé de se passer de la pennission du pacha pour les visiter.
Ce gouverneur lui avoit refusé cette permission, par la raison, disoit-if,
qu^un Anglais ne pouvoit avoir dautrt objet, en visitant Angora, que de
rassembler les informations nécessaires aux infidèles pour faire la conquête
du pays.
Au reste , le voyageur anglais semble avoir voulu justifier les craintes
exagérées de ce pacha, par la nature de quelques-unes de %^% observa-
tions; et entre autres, par celle-ci : « La conquête de cette partie de
» l'Asie mineure (la partie méridionale) pourroit être effectuée avec une
»poigîiée d'hommes, et être conservée très- facilement, malgré tous les
» efToris de ta Porte. Les différens pachas demeurent à de grandes
» dislances les uns des autres; mais, quand même ils vit:ndroient à se
n réunir , ils seroîent incapables de tenir tête à une armée régulière, parce
» que le pays est appauvri et dépeuplé , que leur artillerie ne vaut rien ,
» et qu'à vrai dire, ils n'ont aucun moyen pour équiper une armée. Le
» climat est doux et passe pour sain : le sol produit en abondance du
»blé; le pays est découvert et tr'fs-bien disposé pour des meuvcmens de
» cavalerie, &c, » (p. 222, 223.)
Les ruines d'Ancyre sont encore assez considérables; une des portes
de la ville moderne et ses murailles sont bâties avec des débris antiques.
On voit les restes d'un temple situé sur une éminenceet d'un amphithéâtre
fort dégradé : un monument mieux conservé est le temple d'Auguste,
où se trouve la fameuse inscription dite d'Ancyre, que M, Kinneir
employa plus de sept jours à copier, ignorant qu'elle fût déjà publiée. 11
cite comme un reste d'antiquité remarquable, une colonne de marbre
de cinquante pieds de haut, cannelée hori^onlatement [fluted horîzon-
tally] , couronnée d'un cliaptteau corinthien, et élevée sur un piédestal
de dix pieds.
La chèvre d'Angora ne se trouve point par-tout dans ce pachalik : elle
-ji'habite qu'à l'ouest de l'Halys ; si on la transporte au-delà de ce fleuve,
«on poil perd promptement sa finesse. Le territoire au sud-est d'Angora,
presque jusqu'à Jconium, est parcouru par des hordes de Turcomans qui
ne paient aucun tribut à la Porte, mais sont soumis, dit-on, à un chef
nommé Aiahomei Btg,mi.\ réside dans un village entre Ouscat et Angora.
Us habitent sous des tentes ou plutôt des huttes, ayant la forme d'une
cloche , de dix pieds de diamètre , et facilement iransportables : leurs ri-
chesses consistent dans leurs chevaux, leurs bœufs, leurs moutons, &c.
On dit qu'ils peuvent mettre trente milfe hommes en campagne. II
teroit bien diffîcile de les soumettre, parce qu'ils sont excelleus cavaliers,
et changent de demeure avec une célérité extraordinaire 1 d'ailleurs,
adonnés à la vie nomade, ils ne voudroieni jamais s'astreindre à demeurer
dans des habitations permanentes.
A quelque distance d'Angora, M. Macdonald Kinneir traversa le
fleuve Halys, à présejit Kî-^iI-Ermak : le pays n'est habité que par des
Iribus errantes, qui fabriquent des étoffes de laine et des tapis.
Ouscat, où notre voyageur arriva, étoit alors la résidence de Chap-
wan-Oglou, le chef le plus puissant de l'Asie mineure, et, sous tous les
rapports, indépendant de la Porte ottomane, qui, jalouse de son autorité,
s'cloit en vain efforcée de s'en défaire. Duué de grands talens et d'un
esprit éclairé, il réussit à tout ce qu'il entreprit, et parvint en peu
FÉVRIER 1819. iiï
d'années à se rendre indépendant et h accroître ses ressources, en en-
courageant l'agriculture et en évitant avec soin ces mesures oppressives '
qui ont porté fa désolation dans les provinces asiatiques de k Turquie.
H fut respecté de ses ennemis , adoré de ses sujets : ceux-ci , qui com-
paroient le bonheur et la sécurité dont ils jouissoient avec la condition
de leurs voisins , étoient toujours préparés Ji le soutenir jusqu'à la dernière
extrémité ; aussi sa domînaiion s'étoic agrandie de jour en jour, et s'éten-
doii en I S 1 4 1 à Touest . jusqu'à i'Haiys et même au-delà ; au liord-ouesl, ■
elle embrassoit les districts de Tosia, Zeli , et la grande et riche ville
de Tocat -. k Test, elle étoit hornée par les pachalilcs de Malatia, dé
Césarée; au sud, par la Méditerranée. Les revenus de Chapwan-
Oglou, qui consistoient presque uniquement dans une taxe sur fej
grains, montoient, année commune, à 90,000 bourses (4i>ooo,ooo
piastres ) , dont 20,000 [ 10,000,000 piastres), disoit-on , étoient
employées à corrompre les ministres du grand seigneur. On dil qu'il
pouvoir, dans un mois ou six semaines, mettre sur pied une armée de
40.000 hommes. Chapwan-Oglou reçut le voyageur anglais avec poli-
tesse et dignité ; lui fit beaucoup de questions sur les affaires d'Europe :
il demanda à voir un portrait de l'empereur Alexandre qu'on lui avoit dî^
être en possession de ce voyagenrjet, ce qui prouve l'excessive vanité et ^
f ignorance des Turcs, c'est qu'il prélendit que /'empereur émtfils d'un
pac/ia turc fait prisonnier dans Us guerres de Russie, et dont l'impératriti
étoit devenue amoureuse.
La route d'Ouscat à Kaisarîeh ne présenta rien de remarquable : cciti !
dernière ville est située dans un vallon , entre deux collines détachées dii |
mont Argish / Argœus mons ] , à peu de distance de l'ancienne Cttsareà' "'
ûu Afa^aca, capitale de la Cappadoce, où l'on trouve encore quelques
ruines grecques et romaines. La plaine est arrosée par le Kara-sou [Rivière
notre j , Fanden Mêlas: elle est dominée par le mont Argish , qui s'élève
comme un pic à une très-grande hauteur : les gens du pays convinrent que,
malgré une foule de tentatives, personne n'avoit jamais pu en atteindre
le sommet. M. Macdonald Kinneir, en octobre, vît la moitié de son
sommet couvert de neiges, et les gens du pays lui dirent que ces neiges sont
perpétuelles ; ce que Sirabon rapporte également du mont Argœus'[ 1 ) ;
et , comme la limite des neiges perpétuelles à 4-° de latitude est de 1 6 j o
toises' [2) , on peut admettre qu'à 58°, latitude du mont Argish, cette
limite n'est pas au dessous de 1700 toises [ 3 300 mètres ] : ainsi le
(j) Slrab. xii,p. ;jS.
(2) Humboldi, d:' gcografh. distribut, plaiil
i
' lia
JOURNAL DtS SAVANS,
sommet de cette montagne est nécessairement plus élevé encore. Slrabon
nous dit que , du haut de l'Ârg{Eus , on voyoil , dans un temps clair , le
Puiii-Euxin etjla Méditerranée ; or, l'arc de la plus petite distance est
de 66' de grand cercle entre r^r^(F«J et la Méditerranée; de uSo' entre
ÏArgŒus et le Ponl-Etixîn.
Pour un point tievé de i 800 toises, l'horizon s'étend à i' 49' ' î"i
en comptant 0,08 pour le coefficient de la réfraction : ainsi, du haut de
YArgceus, en lui supposant cette élévation, on pourroit certainement voir
jusqu'^ ij lieues dans la Méditerranée, si les regards n'étoient point
arrêtés par la chaîne du Taurtis qui borne nu nord la Cilicie. Mais, pour
qu'on aperçût la mer Noire, il l^udroit que la montagne eût environ
30C0 toises [5850 mètres] , c'est-à-dire qu'elle fût de 600 toises plus
élevte que le Mont-Blanc. Au reste le capitaine Beaufort a signalé sur
plusieurs points de la côte de Caramanie , des montagnes , dans l'inté-
rieur du pays, couvertes de neige , au mois d'août, jusqu'au tiers de leur
. batneur( 1); ce qui suppose une élévation de a4oo* 2500 toises, et plus
encore. Tous ces faits attestent que la chaîne du Taurus est en général
plus haute qu'on ne l'imaginoit, qu'elle surpasse souvent les Pyrénées,
el qu'en certains points elle n'est pas de beaucoup inférieure à la chaîne
des Alpes.
A partir de Kaisarieh. la route, se dirigeant d'abord k l'ouest, ensuite au
8iid , conduisit M. Macdonald Kînneir à Enja-sou , ville qui paroît être l'an-
cienne Castabala ; puis à Kara-Hissar, probablement la Cyh'istta de Stra-
I ton;kNour, l'ancienne Nora, oùEumènes soutint un siège contre Anli-
gone (2); i Nidgeh, l'ancienne Cadyna, résidence d'un pacha ; enfin à
Ketch-Hissar, que M. Macdonald Kînneir croit éire sur l'emplacement
de Tyane , ap]'elée Dana par Xénophon. Cette opinion est fondée
sur la grande quantité de ruines grecques et romaines qu'on trouve en cet
endroit, et sa situation entre Kaisarieh el les portes de CiJicie rend cette
opinion certaine. Après avoir franchi les portes de Cilicie, M, Macdonald
Kimieir arrive à Tarsous, l'ancienne Tarse, située sur le Cydnus , dans
|a plaine de Cilicie. Xénophon compte 2î parasanges de Tyane ou
Xiana jusqu'à Tarse; ce qui concorde très-bien avec les 75 milles que
ritiiiéraire de Jérusalem donne entre ces deux points. M. Kînneir, qui
croit que cette distance est prise à partir des montagnes, la trouve
beaucoup trop longue, et ne sait comment expliquer celte diBîcuIté;
mais elle tient uniquement à ce qu'il n'a pas saisi la pensée de l'auteur
(1) Beaufort's Karamama, p. ^^.
(2) Plutarch. in Euimn. /. 6.
FÉVRIER 1819. iij
grec, que le major Rennelf a très-bien expliquée dans son Systcmc géo-
gr fihujue d'Hérodote et dans ses Eclaircisstmens sur la route dts Dix*
mi/le,
M. Kinneîr, pendant son séjour h Tarse, auroit bien voulu visiter
les ruines de Soles, dAnchidfe et de Séleucie ; mais ie mutselim qui
coininandoit pour Chapwan-Og/ou , lui représenta cette excursion comme
dangereuse, à cause des bandits qui infestoient la côte, et ne voulut
point lui permettre de tenter l'aventure, parce qu'il craignoit d'être
oMigé de répondre des accidens à Chapwan-Oglou. Le voyageur fut
donc forcé de continuer sa route pour Adana, la ville la plus considé-
rable de la Cflicie aj)rès Tarse. A Mcssis f yVIopçuestiaJ, ville habitée
par des Turcoinans qui paient tribut aux pachas d'Adana et font le
métier de brigands, il auroit été immanquablement pillé, si faga n'avoît
pas été responsable au pacha de tous les accidens qui pouvoient leur
arriver. Un peu plus loin, est la ville de Pias, que M. Kinneir croit
être l'ancienne Issus, Nous ne suivrons pas le voyageur dans la des-
cription qu'il fait d'Antioche , de Suédia [ Séleucie ] et de Latakieh
[Laodicée], parce que les détails en sont généralement connus.
Après im séjour de trois semaines à Latakieh, où il avoit été retenu
par une indisposition, M. Kinneir s'embarqua pour Famagouste dans
l'ile de Chypre; de Famagouste, il se rendit à Larnaca, et traversa Tile
entre Larnaca et Cerina, où il prit un bateau qui ïe conduisit de nou-
veau sur la côte de Cilicie k Anamour [ Anemurîum ]. Arrivé à Kelendrî
/ Celenderis ], il vouioit se rendre à Selefkeh pour voir les ruines de
Séleucie; mais il ne trouva personne qui voulût l'y accompagner, à
cause des brigands : il se disposa donc à traverser une seconde fois
l'Asie mineure par la route &Iconium et d'Ofium-Kara-Hissar. Le seul
lieu remarquable qu'on rencontre avant d'arriver à Iconium , est Cara-
man , ville autrefois résidence d'une branche des Seidjoucides qui ,
sous le titre de begs ou sultans de Caramanie, régnèrent pendant })[us
d'un siècle sur la plus grande partie de la Cilicie et de la Cappadoce :
elle [)aroît avoir été bâtie avec les ruines de Laranda,
La ville moderne deKonieh doit un aspect imposant au grand nombre
de ses mosquées et d'autres bâtimtns pui;lîcs; mais Tiniérieurest fort loin
d'y répondre : ces édifices tombent en ruine, et les maisons conyistent
en un mélange de petites huttes bâties en briques séchées au soleil, et
de mibérables chaumières couvertes de roseaux. Une des portes de la
ville est ornée d un magnifique bns-relicf d'environ neuf pieds de long, et
contenant dix figures, dont le siyle et l'exécution surpassent, dit M. Kin-
neir, tout ce que j'ai vu dans iues voyages. D'après ce qu'il en dit, on
p
ii4 JOURNAL DES SAVANS,
voit que c'est un ouvrage du temps des Romains : il en est de même
{Tune statue colossale d'Hercule.
A Iconium, M. Kinneir se retrouva encore une fois sur la route des
Diz-milfe : il y traversa Ladîk, ancienne Lûodicea combusta, qui conserve
très-peu de restes d'antiquités; Eifgoun, qui coirespond assez bien
au Tyriaum de Xénophon ; Ak-sher, qui pourrait être le Thymbrlam du
même ai)teur. Depuis Antiochia ad Pisiiiiam , le reste de la route jus-
qu'à Constantinople par Ak'Hissar et Kutaiah est assez connu par
d'autres voyageurs pour que nous ne nous y arrêtions pas. M. Kinneir
traversa le défilé du mont Olympe le 4 mars; ce passage étoit fort diffi-
cile, k cause de la grande quantité de neige qui couvrait la route. Cinq
villages situés sur ce défilé, des deux côtés de la montée, sont exempts
de toute espèce de tribut ; mais les habitans sont tenus de servir de guides
aux voyageurs, et responsables des accidens qui peuvent leur arriver.
Une circonstance digne de remarque , c'est que , comme les moines du
grand Saint-Bernard , ils ont une espèce de chiens de chasse qui dé-
couvrent à la [liste les voyageurs égarés dans les neiges.
Le 3j) avril i S 1 4 1 M. M. Kinneir repartit de Constantinople pour
traverser l'Asie mineure une troisième fois , dans une nouvelle direction.
Nicomédie , la première ville remarquable qu'il rencontra après Gebsa,
dont il a déjà été question, ne conserve aucun reste de l'amphithéâtre,
de l'aqueduc et du temple qui y existoient au temps de Pline. De U , jus-
qu'à Costamboul, Castamouni dans laPa|>hlagonie, la route n'offre rien
de fort remarquable , à en juger du moins par la relation de M. M. Kin-
neir. A peu de distance il l'est de Cosiamboul, on trouve le bourg de
Tasch-Koprou, que le voyageur anglais soupçonne être l'ancienne Pom-
fiiopolis ; c'est et; qui a été mis hors de doute, il y a déjà quelques
années, par un consul français, feu M. Fourcade, qui découvrit même
t du sénat et du peuple de Pen
FÉVRIER 1819. Tiy
pelopoHs : i[ a développé sa découverte dans un mémoire particulier ( i ) ;
et les détails curieux que renferme ce mémoire, auquel nous renvoyons ,
nous dispensent de nous étendre davantage à ce sujet : nous nous conten-
terons d'observer que fa carte n'est point ici d'accord avec le texte ; car
elle place Pompéiopolis à Vizir-Koprou. Au reste, ce n'est pas le seul
point où fa carte et fe texte diffèrent : fes contradictions sont nombreuses
et souvent clioquantes ; céfa tient sans doute à fa grande précipitation
avec faquelfe M. Arrowsmith fa fait dessiner et graver. C'est du moins
ainsi qu'on peut expfiquer l'énorme quantité de fautes d'orthograpfie
qui fa défigurent, sur-tout dans fes noms anciens*
Au-defà de Tasch-Koprou , on traverse l'Hafys , ou Kizif-Ermak , qui
sépare fa Paphfagonîe du Pont ; ensuite on arrive à Samsoun , l'an-
cienne Amisus, vîffe habitée excfusivement par des Turcs, au nombre
de deux mîffe environ. Sur fe bord de fa mer, M. Kinneir a vu des
ruines de très-anciennes constructions; c'est ainsi qu'if les qualifie:
nous ne doutons point que ce ne soient fes ruines en constructions
péfasgiques ou cyctopéennes que M. Fourcade y a vues , sefon une note
manuscrite remise à M. Petit-Radef. La route d* Amisus k Trébisonde
suit fe rivage de fa mer : on trouve d'abord sur fa rive droite du JekiC
Ermak (ancien Iris) fa petite viffe de Charshumba, qui représente
probablement fa viffe de AîagnopoUs , sefon M. Kinneir. Mais cette opi-
nion ne sauroit être admise : Eupatoria, fondée par Mithrîdate-Eupator,
rétabfie par Pompée , et nommée en conséquence Magnopolïs (2) , étoit
située, dit Strabon, au confluent de f'/w et du Lycus (3) , conséquem-
inEHBOTAHKAOI MAS H BOTAH KAI
« AHMOSTHMEMri O AHM02 TH2 MH
TPOnOAEHOAlPaE TPOnOA nA^AArûN
ANEEHOAN ANE0HKAN
AIAnHIirXHI. AFAGHI TTXHI.
C'est-à-dire, Y dm Khâu/Zlof TaJ^iiitOMov vtov TaMituv eiyç^vojuuieuflct
Le mot «iy^ o/Mouf^loL pour Ayçsufofjuiawiit se trouve également dans l'inscription
de M. Fourcade: ainsi ce n'est point une faute de M. M. Kinneir. fl en est
de même de Ycù devant <W/m«c. hts inscriptions grecques de l'intérieur de l'Asie
mineure sont remplies de fautes grossières, qui prouvent que la langue s'y
étoit de bonne heure fort corrompue.
(i) fnséré dans les Annales des voyages, t. XIV, p. 30 et suiv.
(2) Du surnom de Magnus.
(3) Strab. Xii,p,^i6,
p a
ii6
JOURNAL DES SAVANS»
ment beaucoup plus au sud, d'après fa carte même de M. Ktnneir. Une
circorsiance qui marque assez bien les moeurs du pays et la tyrannie sous
laquelle il gémit, est rapportée par l'auteur, et nous croyons devoir la
reproduire, «Lehakim, ou gouverneurdece canton, appeléy<7nrA/i, nous
» donna un billet de logement pour une mqison grecque de la ville , dont
y> le maître étoit absent ; il envoya un de ses gens avec nous pour prendre
M possession : mais nous lTappâme.s à la porte pendant plus d'une heure,
«avant qu'on \int nous ouvrir; enfin parut une vieille femme qui
» fui si épouvsniée i notre vue, qu'elle ne put dire un mot: elle nous
»> crut une troupe dt Turcs qui vendent piller la maison de son maître.
» FMe avoil ddru.é IVbrme, et en peu de temps fe voisinage fut sens
»des^u^ dejMiuN, on ne put les apaiser que quand mon domestique
» leurt l'i dit, d:M\^ leur langue, que nous érions dn Anglais qui deinan-
» dii n à j'aascr une seule iu:ii , et qui paierions double pour tout ce
«qu'on ^oddrnit non» donner. L'orage ces?a tout-^-coup ; nous fûmes
»a(.<ueilii> :iiti. cnipii-sneiticnt , ins;alléï dijns la meilleure chambre de
*> l;i m.iisun: l'on tint nous olfriren a!)ondunce des fleurs, dev fruits,
» des poisscus, et nous fûmes l'objet de beaucoup d'attentions et de
*> pofitesses. » -
Après Charshumba , on rencontre un village appelé Terme , situé
sur une rivière de même nom, qui pourroii bien être le Thtrmoàon; ce
village ne doit pas être en ccnséquencc fort éloigné de Thénjscyre.
Unieh, qui semble être \<E.nue de Ptolémée, est un petit port assez
florissant, dans une situation charmante: Orda est un petit village de
pêcheurs, non loin de l'ancienne Cofyora, où les Dix-mille s'embar-
quèrent pour Sinope; un peu nu del:i, snnt les ruines de la ville de
Polrmonium. Enfin on arrive à Keresoun, Or sus , lillf située sur un
roc élevé; on y voit encore des restes des murailles anciennes : elfe
uînées, dont cinq cents habllées par les
FÉVRIER 1819. 117
Ern. Frïd. Car. Rosenmuller, tlieoL doct et IL on. inAcad.
' Ups. prof, ord., Insîitutiones ad fundamenta Ungua arabica;
accedunt sententia et narrationes arabica nnà cum glossario
arabico-latino, Lipsiie, 18 18; viij et 44^ pages gr. in-8.^
M. Rosenmuller avoît publié à Leipsick, en 1799, en allemand,
sous le tirre de Arabisches Elementar und Lese-Buch , des Élémens de
grammaire arahe, avec un choix de textes en prose et en vers, et uu
vocabulaire. Sollicité par le libraire éditeur de ce livre d en donner une
nouvelle édition, il a pensé qu il se rendroit plus utile à la jeunesse qui
veut étudier la langue arabe , en en composant une nouvelle gram-*
m:irre, écrite en latin, dans laquelle, tout en profitant de celle que
Taureur de cet article a publiée à Paris en 1 8 1 o , il prendroit cependant
pour base celle d'Erpenius, et s'tfforceroit de tenir un juste milieu entre
l'excessive briéveié de cette dernière et la longueur de celle de Paris.
M. Rosenmuller a cru aus.si devoir joindre à ces Elémens une chresio-
mathie et un vocaî)ul;n*re; mais, au lieiî que, dans sa précédente publica-
tion, il avoii inséré beaucoup de morceaux de poésie, parce que ce
n'est, disoit-il, que par la poésie d'une naiion qu'on peut se faire une
jusîe idév^- de son génie particulier , de sa manière de penser et de ses
mœurs, il a picf re cette fois de cou,its sentences et quelques anecdotes
écrites d'un s^ylc simj>k' et facile à entendre. Il a emprunté ces textes de
la Collection des smiences d'Ali, tils d'Abou-Taleb, publiée à Oxford
en î8o6 avec la traduction latine de Corn. Van Waenen, et d'un
recueil de prose et de vers . imprimé à Calcutta en i 8 i i , sous le litre
de ,^^f oj£=>c^ ^]^JJ U? ^1 *^, et dont l'auteur est un Arabe très-
instruit, nomm<!- Schtïkh Ahmed ben iMohammcd Scharwani, et attaché
au célclre collège des langues orientales du fort William. Enfin M. Ro-
sennmllera joint à ces textes une traduction latine et un glossaire.
On ne peut qu'approuver le parti qu'a pris M. RosenmulK-r en cette
occasion. Ses premiers Eftmens, écrits en allemaiîd, étoient et trop
courts e* sur-fout trop inexacts. Les textes qui les accompngnoiefit,
péchaient très fréc^uemment contre les règles de la grammaire, et
supposoient peu de connoissance du vrai système grammatical de la
langue arabe. Dans sa nouvelle Gratumaire, toute la partie de la syntaxe,
ain.^i qi:ele chapitre X, intitulé i^aiion^s di litterurum ^^À natura et
pirmut itione , ou, pour mieux dire. If s trois quans au m >;ns .1 * I ouvrîu^e,
ne sont g ère cju'une trad.iction aîuégte de la Grnmiuairj de Paris
1 8 1 o. 5i l'on en excepte la terminologie grammaticale et les paradigmes
n8 JOURNAL DES SA VANS,
(communs d'ailleurs à tous fes livres ilémentaîres ] , on ne sait trop
en quoi la Grammaire d'Erpenîus a servi de base à celle-ci. Quelques
observations de très-peu d'importance ont été empruntées de la Gram-
maire de M. Aryda , publiée à Vietine en 1 8 i } ( Institut'tonts gramma-
t'ica arahica , auctore Antonio Aryda). La Grammaire de Paris est encore
loin d'être par&ite : depuis sa publication , l'auteur a recueilli un grand
nombre d'observations propres à l'améliorer , particulièrement en ce qui
concerne le système des temps et l'usage de certaines prépositions; et,
comme il les communique |ournellement dans ses cours \ ses auditeurs ,
on pourroit imaginer que M. Rosenmulfer en auroic profité. Loin de là ,
il a copié jusqu'à quelques erreurs typographiques dans le tableau qui
représente Falphabet arabe, où les valeurs numériques des lettres ^ sad ,
é aln etLifa ont été confondues, et où, au lieu des nombres 70, 80
et jo , il faut rétablir les nombres 90 , 70 et 80. Dans quelques circons-
tances, il a ou trop généralisé ce qui n'est qu'une exception, ou mal com-
pris certaines règles. Ainsi il suppose qufe le mot ôil perd toujours son
é/tf, quand il est précédé de la particule préfixe <_>, quoique l'auteur
qu'il suivoit eût remarqué que cette suppression n'a lieu <^ue dans la
seule formule jç^^yi ij?-J\ *»l p^. La traduction des exemples n'est pas
toujours exempte de fautes. Ainsi cet exemple {p. npj kdUt i^jLf; Oij^
âuxi lequel je rétablis la construction analogique, intervertie , je ne
sais pourquoi , par M. KosenmiîIIer, est traduit ainsi, incrssi cum duabas
putllis régis, tandis qu'il falloit traduire , transivi propt duas puellas , ou
plutôt ancillulas régis. Une faute encore plus grave, c'est que , dans la
chrestomathie (p. $86), la particule de restriction L^l , qui signifie
tantummodo, est rendue plusieurs fois de suite par profectà, contre Tobier-
vtiion faite par fauteur lui-même ('/>, 2^6). Dans le glossaire, cette
même particule est rendue seulement par utigue , quod, equidem : son sens
FÉVRIER 1819. 119
d'Allemagne; et la langue dans laquelle celleL-ci est écrite, la rendra
encore d'une utilité plus générale.
Parmi les morceaux dom se compose la chrestomathie , il en est un
dont M. Rosenmuller a très-peu saisi le sens. Ce morceau est tiré du
Q^\ iéj. Au lieu de relever ici les fautes du traducteur , je traduirai
moi-même cette anecdote en français; ce qui diminuera la sécheresse de
cet articfe.
ce Le khalife Abd-almélic, fils de Merwan, prêchant un jour dans la
» mosquée dé Côufii , un homme de la Emilie de Samaân se leva, et 9
3> lui adressant la parole 9 lui dit: Prince des croyans, arrêtez ; rendez
» d'abord justice à cet homme qui est avec moi; après cela vous pré*
» cherez. De quoi s'agît-il ! (ui demanda le khalife. Le musulman reprit:
» On a dit à cet homme : Il n'y a qu'un tel qui puisse vous faire restî-
» tuer y par Abdalméhc, ce qui vous a été enlevé injustement. ( 11 est
» donc venu me trouver , et ) je vous lai amené , afin de voir les effets de
30 cette justice que vous nous promettiez , avant que vous vous fussiez
» al^andonné k ces injustes exactions. Après beaucoup de paroles qui
3> eurent lieu entre ce musulman et le khalife, l'homme qui étoit venu
» pour réclamer, dit au prince: Prince descroyans, vous autres vous nous
» donnez des préceptes , et vous ne les mettez point en pratique ; vous
35 nous défendez certaines choses f et vous ne vous en abstenez point;
» vous nous donnez de Lons avis, et vous n'y conformez point votre
» conduite. Devons-nous prendre pour exemple- la manière dont vous-
» même vous agis>ez, ou obéir aux précepies que vos bouches nous
>3doniientî Peut être d'rez-vous: Obéissez h nos ordres , et recevez
«docilement nos conseils* Mais celui là peut il donner de sincères
» conseil^ à autrui, qui se trompe lui-même! Si vous nous dites , Prenez
» la d;îg(rsse par tout où vous la trouvez, et recevez les avis de quelque
3> part qu ils vous viennent; nous \ous demanderons dans quelle vue
yy nous vous avons confié les rênes de notre gouvernement et nous
i> vous avons permis d'exercer une autorité souveraine sur notre vie et
» nos possession^. Ne savez-vous pas qu'il y a parmi nous des hommes
» qui pos^^èdent mieux que vous les div*-rs dialectes ( que nous j)arlons),
net qui sont capables d'exprimer leurs avis avec plus d'éloquence î Si
w vous ne vous sentez pas capable d'exercer, avec la justice convenable,
» la ciigniié d'imam, laissez-la, ne la retenez pas ( à la lettre, laisse:^'la
^ aller ,tt j'tlii'i les i ou ri oh s qui la tiennent , allusion à un animal de service
3> qu'on attache pour qu'il ne quitte pa^ le lieu où on la mi^ h j)aîire),
» et alors ceux à qui l'imamat appartient, que vous avez poursuivis les
» armes à la main dans nos provinces > et dont vous avez renversé la
JOURNAL DES SAVANS,
ï» fortune dans toutes les vallées cju'iU h^bitoient, se hâteront de s'tn
» ressaisir (il s'agit ici des descendnns d'Ali, légitimes héritiers du
M pontificat ) ; car, par dieu, s'il reste enire vos mains jusqu'à la fin du
» temps et l'expiration du terme des choses , les droits de Dieu et ceux
» de ses serviteurs ( c'fSt-à'Clire des hommes ) s'évanouiront et seront
» réduits à rien. Comment cela! iui demanda le khalife. Parce que,
"reprit cet homme, quand quelqu'un vous adresse la parole pour
» réclamer son droit, il n'éprouve que des rebuts ; et s'il se tait, il est
M victime de l'injustice. On n'écoute point celui qui se plaint, on ne
» réforme point la violence qu'il éprouve, et celui qui l'a vexé injus-
« lement n'est point réprimé. Mais un Leu t'aiiend, prince, toi et les
i> sujets; un lieu où les montagnes se fondront, oii l'on ne tiendra
» plus aucun compte de ta royauté, où toute ta gnindf-ur disparottra >
» où ceux sur l'assistance desquels lu comptes frustreront Ion altentei
» et où celui qui te jugera exercera une justice impartiale. A ces mois,
» Abd-almélic tomba sur le visage , fondant en latines; pui^ il dit à cet
n homme : Que deniandes-iu ! Ion intendant à Samawa , lui répondit-il ,
y> m'a fait tort : pour lui, (a nuit s'étoule dans les jeux, et le jniu-dans
«les frivolités; son regard n'est que fierté. Le khalife écrivît h I in-
a> tendant , pour lui ordonner de restituer k cet hoinine ce dunt il l'avoit
» injustement dépouillé ; puis ensuiteil lui ôta son emploi. "
Je transcrirai encore une autre anecdote, pour avoir l'occasion de
rétablir le texte que M. Rosenmuller a altéré en voulant sans doute
le corriger.
« Un avare fut surpris par un homme qui lui demanda rho')>iialiié.
» L'avare, qui avoit devant lui du pain et du miel, se hâta d'enlever (e
»> pain. 11 vouloit aussi ôter le miel ; mais il s'imagina que son hôte ne
» mangeroit pasdu miel sans pain. Il lui dit donc: Seriez-vous homme
» h manger du miel sans pain t Oui-dà , répondit l'étranger, qui se mit
w i manger du miel, cuillerée à cuillerée. Mon hoie, lui dit l'avare,
M cela brûle le coeur. Il est vrai . dit l'autre , mais c'est voire cœur. »
M. Rosenmuller a traduit : Pluctat rili mel sine pant coinedmï Le
mol tjjj' ne signifie pas placent libi , mais bien , viditur-ne libi. Lnsuite
au lieu de j.m;. urit , que porte le texte imprimé à Calcutta , il a mis
^j^^ ce qu'il traduit ainsi, eomprimit ; et dans son glossaire il a mis le
verbe jj3t, conslrinxn , piessii . compressk. Cette correction n'est pas
seulement inutile, eilîest une interpol:itîon.
En finissant, je remarquerai que les caractères arabes de cette gram-
tnaire sont les mêmes que AL Birnsiein de Beplin a employés dans
l'édition du poème de Safy-eddi]i, dont j'ai rendu compte dans ce
FÉVRIER 1819. 121
tournai (cahier de juin tSij, p. 3^6-^61). Je répète îcî que la forme du -•
sad y est tellement altérée, que, dans certains mots, il fiiut deviner ce
qu'on doit lire. Qu'on cherche datis le dictionnaire ^>-a3- j-»lj— <,>a.L»,
on croira voir ^ .« jXj _ ^^^sJ^. Ce défaut est si choquant , qu'il faut
absolument le réformer, si l'on ne veut pas décréditer ce caractère,
d'ailleurs assez bien gravé. Un autre défaut , mais qui tient sans d#ute
ou à la fontt , ou au tirage , ou à la matière employée , c'est qu'une
multitude de lettres ne résistent pas à Feffort de la presse, et perdent
leur partie inférieure ; ce qui défigure totalement-I'impression : ce défaut
se fait sur-tout remarquer dans le plus gros des deux corps d'arabe
de Berlin.
SILVESTRE DE SACY.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE, ET SOCIÉTÉS LITTÉRAIRES.
Le 31 décembre 1818, ont eu lieu les funérailles de M. Jacques Gondoîn,
membre de l'académie royale des beaux-arts. M. Quatremère de Quincy a
prononcé un discours , dont nous transcrirons ici quelques lignes, ce Depuis long-
» temps M. Gondoin avoit lu son nom inscrit sur la liste des plus célèbres arcbi-
r> tectes. Déjà la postérité étoit arrivée pour lui; déjà le bel édifice de l'École de
s> médecine l'avoit placé, non-seulement à la tête des architectes de son siècle,
»mar5 parmi les martres classiques des siècles passés. L'École de médecine, qnî
a» aurolt suffi à la gloire de M. Gondoin , sera encore , n'en doutons point, une
1» matière inépuisable pour son éloge. Au mérite qu'il eut de faire revivre dans
3» ce beau monument et le goût de l'antiquité, et la pureté des ordonnances, et
»la noblesse des plans, et l'entente judicieuse de toutes les convenances, le
3» temps a déjà ajouté l'avantage des divers parallèles qui seuls peuvent fixer
^ les rangs entre les artistes , et proclamer les véritables supériorités. Que n'au-
» rions-nous donc pas à vous dire, Messieurs, s'il nous étoit donné ici de vous
» occuper des talens de M. Gondoin, des intérêts de l'art, et de ceux de sa
» gloire! Mais ce peu de paroles que nous devons à la douleur de sa perte , ne
» nous permet que des regrets sur tout ce que nous perdons de qualités -morales ,
»de venus et de bons exemples, en perdant ce vénérable doyen de notre
-» académie, dont nous aimions tant à écouter les avis , à contempler les traits^
» et auquel nous nous plaisions à présager la plus longue existence. »
M. Morellet, membre de l'académie française^ est décédé le 12 janvier
1819; il étoit âgé de 92 ans. MM. Campenon et Laya, ont prononcé, à ses
funérailles , des discours dont on va lire des extraits.
Ai» Campenon. « Quelque préparés que nous fussions, par Tordre naturel des
» choses humaines , à la perte que nous venons de faire, elle n'en est pas moins
M ua des coopt les plus sensibles qui pussent frapper l'académie. En entrant
Q
y
inciens d'er
S SAVANS,
nous y trouvèreni M. Vtbbi
ne généraiion ijui es( déjà presque entière-
le con^idéroicnl nvec une sorte de rtspecr,
ire âge tjue leur solrdiié, liur durée même,
dislruction ; et c'est autour de sa Tombe
e trouveni aujourd'hui réuiùtparle scniiment d'une
»ctinimone douk-nr. Dan» une des plus longues carrières (juM soit donné à
a l'homme de parcourir, M. Morrllet s'est consiamment fait remarquer par un
Il caractère de franchise ei de protitè qui nous perinei de le ciicr en exemple
■■aux écrivains de toutes les époqoes et de tous les pays. ... Il appliquoii cette
» mfnie probité aux lettres, C'est fe même seniiment qui le portoii à défendre
M 1rs droit* de la raifon ou les principes du^oût, looteslestfois qu'il les «royott
" auaqués , quel qre fiii le succès du livre ou le talent de l'écrivain qu'il te
u proposoii de réfuter. Cette inienlion at manifeste dans quelques-unes de sei
» productions littéraires. On la retrouve aussi dans plusieurs écrits qu'il com-
uposa iur des matières d'adniinisiiation , de commerce et d'économie poli-
>i ti'iue; travaux longs ej pénible», mais d'aiirant plus estimables, que l'écrivatn
»> n'y est guère soutenu que par l'espoir d'être utile , que le succès en est lou-
» jours sans éclat , « que le lecteur le mieux disposé n'y trouve communément
» à louer que le courage a»i les entreprend ei la patience qui les achève. Presque
I) Ici ccriit de M. Morellet prouvent que le bien public fut la passion de
■ ?a vie; et s'il y néglige souvent . et comme a dessein, les artifices du langage et
» les ressources de son imagination , c'est qu'il sentoit que sa force la plus lûrc
»étoiidans une raison puit tante; c'est qu il n'éprouvoit, c'est qu'il ne vouloii
>j exercer aucune séduction. Persuader etoiison unique but, et souvent aussi
»ce fut là son I>onheur et son triomphe. Il y a quatre ans que sa vie fut
:ée par un accident trés-grnve, qui finit par le condamner à une sorte
"d'immobilité incurable. Ce malheur n'altéra point sa sérénité habituelle; ses
t mêmes n'en turent point interrompus. Mais quand la vieillesse, qui
«jusque-là sembloit l'avoir oublié, l'eut enfin frappe de ses plus désolans
» Héaux , (piand sa vue presque éieinie lui eut interdit tout usage de ses livres
«chéris, ouand la voix du sang et de l'amiliè cessa de se faire entendre à son
eille (levenue insensible, alors une amère tristesse s'empara de son amc.
n Pour lui c'étoit là mourir; car sa rètignaiion fut complète dés qu'il n'eut plus
» à perdre que la vie. »
M, Layd. •<■ Nous perdons , en la. personne de notre vénérable doyen , l'ui»
» de nos amis les plus dévoués, l'un de nos guides les plus éclairés et les plus
itsiîrs. En lui s'éioit retirée toute l'expérience de ce XVlll.' siècle, qui, comme
» tout ce qui jette un grand éclat, a ses admirateurs et ses détraÂeurs. M. Mo-
arellet en étoit, au milieu de nous, la vivante image: il avoit vécu avec toutes
» les grandes renommées de ce siècle , s'étoit nourri de leur esprit qu'il rappeloit
n dans ses entretiens comme dans ses ouvrages , s'étoit rempli de leurs principes
n qu'il professa avec la retenue d'un sage qui s'arrête où l'abus commence, et ne
»se permet d'excès que dans les sentimens généreux. Les seules fautes qu'on
«ait quelquefois à reprendre dans ces mouvemens. exaltés, sont celles nui sont
Vcommites dans un entraînement trop rapide vers un but d'ulillte et de
jndeurron s'eii mépris au choix des moyens, sans s'être trompé dans la fin
iiuc Von pounuivoit. Les esprits les plus chagrins et les plus sévères n'auroient
1
FÉVRIER 1&19. . I2Î
«i remarquer, dans toute la vie de M.MorelIet, que quelques-unes peut-être
»de ces respectables erreurs.. . .Ses jours ont éié nombreux; c'est dire que ses.
» travaux sont innombrables , nul n'ayant connu mieux, que lui remploi du
ai temps, nul n'ayant plus que lui senti le besoin, l'irrésistible besoin de
» l'étude, n
La classe des sciences morales, historiques et philologiques de l'académie de
Turin décernera, dans sa séance publique du mois de juin i8r9, une médaille
d'or de 30 sequins au meilleur mémoire (en langue italienne) sur le mérite
trai^qne d'Aliieri : le concours n'est ouvert que jusqu'au 3 mars.
La société des sciences de Harlem a décerné à M. Ritter, de Mayence,
itMecin du duc de Nassau, le prix dont le sujet avoit été proposé en ces
termes : Quelles sont les causes des maladies contagieuses qui régnent le plus
sauvent dans tes villes assiégées /
La société dts sciences de Varsovie décernera une médaille d'or de la valeur
de 100 ducats au meilleur éloge historique du général Kosciusko. Les mémoires,
écrits en polonais, latin, italien, français, anglais ou allemand, seront adressés
à M. Edouard de Czarneki, secrétaire de la société : ils seront reçus jusqu'au
20 avril 1820.
L'académie de Pétersbourg adjugeia, en 1820, un prix de 100 ducats au
meilleur mémoire sur la composition et le mélange dts alcalis et des terres donc
l'analyse n'a pas encore été fiite d'une manière satisfaisante. Les mémoires, écrits
en langue russe, française, latine ou allemande, doivent être adressés^ avant le
1.*' janvier 1820, au secrétaire perpétuel de l'académie.
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
•
Cours pratique d* instruction élémentaire, applicable à toute méthode d'en-
seignement individuel ou collectif, et spécialement à la méthode d'enseigne-
ment mutuel, à l'usage de l'école polymatnique, de toutes les écoles primaires de
France, et sur-tout des étrangers qui désirent apprendre méthodiquement la
Prononciation et forthogtapi^e de la langue française; par P. R. F. Bùtet de la
arthe. Paris, imprimerie de Everart; chez Al. Eymery, 1819, iw-^.* de 22 feuill.
Dictionnairt universel de la langue française , avec le latin et les étymologies;
ntanuel de grammaire, d'orthographe et de néologie; extrait comparatif, con-
cordance et supplément de tous les dictionnaires; par P. C. N. Boiste, ancien
avocat : cinquième édition, corrigée et augmentée de 560 p^g^'* Paris, impr.
de Fain, chez Verdière, 1819, /V/-A* oblong de 110 feuillfs; i8fr.
Nouveaux Synonymes français à l'usage des jeunes demoiselles; par M."* Faure,
directrice d'une école d'enseignement mutuel. Paris , imprim. de M.™*^ Huzard »
chez Eymery et L. Colas, 1819, '^*'^# ^H ^^ 34? P^g^^* Prix, 3 fr.; et franc de
port, 3 fr. 75 cent. L'auteur a profité des travaux de Roubaud , de Beauzée, de
d'Alembert'et sur-tout de Girard. Cependant ce volume ne consiste point en
simples extraits des livres déjà publiés sur cette matière importante. M."^ Faure
y a lointdes observations qui lur^oni propres, et un assez grand nombre de traits
d'histoire, de citations et de réflexions morales, qui doivent graver dans les
esprits l'explication des mots. Son travail étant particulièrement destiné aux
personnes de son sexe, elle s'est arrêtée de préférence aux mots qui expriment
Q *
iM JOURNAL DES SAVANS.
Ifs idées et les sentimens qui ont le .plus d'influence sur leur conduite , et par
conséquent sur leur bonheur.
Abrégé du Lycée ou Cours de littérature ancienne et moderne de M, de la
Harpe f'^T un ancien membre de la congrégation de TOratoire. Avrgnont
imprimerie et librairie de F. Seguin ainé^ 1819» -2 vol. in^ti, ensemble de
27 feuilles.
Leçons françaises de littérature et de morale , ou Recueil en prose et envers
des plus beaux morceaux de notre langue dans la littérature des deux derniers
siècles; ouvrage classique à l'usage de tous les étabiissemens d'instruction pu-,
bircs et particuliers de l'un et de l'autre sexe; par MM. Noël et de la Place;
huitième édition, 1819. Paris, imprimerie et librairie de le Normant^ x\q!^
in-SJ' , ensemble de 80 feuilles. Prix, 12 fr.
Botanicon libros quatuor è carminé gallico viri clarissimi J?. J?. Castel in
latinos versus transtulit Lud. Rohard , rhetoricae professor in schola regia
militari Flexiensi. Andegavi, Mame; Parisiis, Andin, 18.19, ^^''^ ^^ 4 feuilles.
Le Belle^e délia poesia italiana, tratte dai più celebri poeti italiani, accom-
pagnate d'un trattato délia poesia italiana, da Vergani: nuova edizione, con
moite aggiunte e correzioni di P. Piranesi. Paris, imprimerie de Kougeron»
chez Th. Barrois fîls^ 1819, //1-/2 de 14 feuilles. Prix» 3 fr.
Tesoro del Pamaso espahol, ô Poesias selectas desde el tiempo de Joan de
Mena hasta el (in de sigioXVlli; recogidas y ordînadas por D. Manuel Josef
Quintana. Perpignan ^ imprimerie et librairie d*AIzine, 4 ^^ i/i-/^ de
46 feuilles.
Le Géant Adamastor, traduction du Canioëns, par J. E. Boucharlat, in-tS
d'un 8.^ de feuille ( pour être joint à la Mort d*Abel, parle même auteur).
Paris , impr. de P. Didot aîné.
Obras complétas de Filinto Elysio, tomo'VI y tomo VII (poésies diverses en
langue portugaise). Paris» impr. de Bobée, 18 19, 2 vol. inrS.*, ensemble
61 feuilles.
Œuvres de Molière, ^yec un commentaire , un discours préliminaire et nne
vie de Molière par M. Auger', de Tacadémie française , tom. I et II. Parll p
impr. de F. Didot ; chez Desoër, 1819^ ^ ^^'' '"-*•** S3 Quilles.
(Cuvres de Ducis. Paris, impr. de P. Didot aîné; chez Nepveu, 18 19, 6 voL
in-iS, 4t feuilles, figures de Girodet et Desenne. Prix, 16 fr.
Astyanax, tragédie en cinq actes et en vers, par M. Richerolles d'Avaloa»
représentée au théâtre français le 20 mars 1789; in-S.* de 5 feuilles; impr. de
Lecoq^ à Auxerre. — Ajax furieux, tragédie en 3 actes et en vers^du même
auteur. Auxerre , impr. de Lecoq , in-S.* de 4 feuilles 1/4.
Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres , par une société^
de gens de lettres , seconde édit., tome I ( A — Aut. ). Paris, impr. de BrasseuB*
aîné; chez Babault, auteur et propriétaire, rue des Barres-Saint-Paul , n«*9»
1819,1/1- A*
• \*t% trois romans dont les titres suivent, traduits de l'anglais par M*"* de
Montolieu, paroitront incessamment chezArthus Bertrand : ^mâ^«/^ ou Mé-
Hervey née Bclfort, 4
Persuasion et Regrets, pac
Famille Windhaiç»
FEVRIER 1819. i%%
Florence Macarthy, histoire irlandaise , ps^r lady Morgan ; traduite de Tanglais-
et précédée d'une notice historique sur lady Morgan parle traducteur; ornée
du portrait de l'auteur. 4 vol. in-ti, ensemble de 37 feuilles. Paris , chez
NicoIIe. Prix, 10 fir. .50 cent,
Œuvres complètes du chancelier d'Aguesseau ; nouvelle, édition , augmentée de
pièces échappées aux premiers éditeius et d'un discours préliminaire par M. Par*
dessus: tomes I et II, 2 vol. in-S.' , ensemble de 76 feuilles. Versailles, impr»
de Jacob; Paris, chez Pantin et NicoUe. Prix, 12 fr. pour les souscripteurs; 14
£r. pour les non-souscripteurs.
. (tuvres complètes de Ch. RoUin ; nouvelle édition , 11.^ livraison; Histoire
ancienne, tomes I et II. Paris, P. Didot aîné, chez Corez, 2 vol. in^tz,
ensemble de 48 feuilles. Prix 6 fr. 50 cent.
Voyagea Tripoli, ou Relation d'un séjour de dix années en Afrique; tra-
duit de Tanglais sur la seconde édition , par J. Mac-Carthy, 2 vol. in-^/, 50
feuilles. Paris, imprimerie de Fain, chez Mongie aîné. Prix, 15 fr.
Histoire des empereurs romains , depuis Auguste jusqu'à Constantin; par
Crevier, tome I. Paris, imprimerie de Didot jeune, chez Ledoux et Tenré,
ia-S.* de 48 feuilles. Prix, o fr. pour les souscripteurs; 7 fr. 50 cent, pour les
non-souscripteurs. Cette édition fait suite à celle des CEuvres de Rollin en 18
vol. i/i-A*, publiée par les mêmes libraires. *
Le libraire Desray va publier incessamment une nouvelle édition, format
in'8.% de V Histoire de 'France par Vily, Villaret et Gamier, Déjà un grand
nombre des portraits qui doivent l'orner sont achevés , et M. le professeur Dufau p
chargé de la continuation, vient de terminer le règne de Charles IX. Le prix du.
volume broché sera de 6 fr.
Coup'd'œil sur l^ unité d* origine des trois branches Mérovingienne , Carlienne et
Capétienne (par lechev. Alex. Drules de ChampagnoUes). Vire, chez Adam^
l'/i-^/, 4 feuilles et demie.
Histoire de Charlemagne , roi de France et empereur d'occident au reqoa->
vellement de l'Empire, précédée d'un précis historiaue sur les Gaules; par
M. P. Granié. Paris, imprimerie d'Égron; chez Gide, in-S.* de 30 feuilles*
Prix, 7 fr.
Histoire de l'insurrection des esclaves dans le nord de Saint-Domingue; par
Ant. Métras. Paris, imprimerie de Rougeron, libratrteide ScherfF, Rcy et Gravici^
et Delaunay; et à Genève, chez Manget et Cherbuliez, 1818, in-S,'*, viij et
100 pages. Prix, 2 fr. 50 cent. C'est le l.*' livre d'un ouvrage qui doit en con-
tenir sept. L'auteur a puisé les matériaux de cette histoire dans des pièces au-
thentiques, dans des rapports officiels, dans un grand nombre d'écrits divers^
et dans les témoignages particuliers les plus dignes de confiance. « J'ai mis,
» dit-il, principalement mon attention à suivre la vérité à travers les haines,
» les vengeances , les factions diverses et les intérêts opposés. »
Histoire de la guerre d'Espagne et de Portugal pendant les annnées 1807 *
181 3 ; plus la campagne de i8i4 dans le midi de la France; par M. Alph. de
Beauchamp; ornée de la carte du théâtre de la guerre d'Espagne et de Portugal»
Paris, imprimerie de Chanson; chez G. Mathiot, 1819,2 vol. /n-i'/, 50 feuilles
un quart. Prix , 1 2 fr.
Histoire de la guerre soutenue par les Français en Allemagne ^^ en 1813 , avec
un atlas militaire, par le général GoiL de Vaudoncourt. Paris.,, imprimerie de
SÀVANS,
de 38 feuilles, avec na arias pcii
Clô; chez Barrois Falné, 1 Bio , un vol- i,
tn-fol. contenant llcartes. Prix, 25 fr.
Choix de rapports , opinions et Sscouri prononcés à lu tribunr nationale , depui»
17S9 jusqu'à ce jour; recueillis dans un ordre chronologique et historique:
tome 111, années t-jqo et 1701. Paris, imprimerie de Cosson; chez Eynienr,
1819, in-S.' de 28 feuilles et demie.
L'Europe aprls U congrès d'Aix-la-Chapelle, faisant suite au Congrès de
Vienne, parM.de Pradi. Parii, chez Bechei aine , in-*.', 1819, Prix , 6 fr.
y/e de Jacquts U , roi d'An^leten-e ,ii'apr(:s lei mémoires cltîis de sa propre
main, àj laquelle on a joint les conseils du roi à «on fils, &c. Paris, impr.de
Celloc; chei Arthus Bertrand, iSiçj, 4 vol. in- S.' 102 feuilles: 24 fr.
Alonumtns anciens er modernes Je l'îndoustan , en I JO planches, d'après
Daniell , Sec. , précédés d'un discours sur la religion , la législation et les nii«un
des Indous; par M. Langlès, membre de t'Insiiiut; la gravure dirigée par
M. Boudeville : XIV.' livraison. Paris, inipr. de P. Didoi, 1819, petit in-fol. de
6 feuillti et 6 planches. Prix, ijfr.
Les Monumens de la France classés chronologiquement et considérés souï
le rapport des faits historiques et de l'étude des ans; par le comte Alex, de
Laborde, membre de l'Institue vu t.' livraison. Paris , intpr. de P. Didot; chez
Joubett, 1819, (n-/o/., une feuille de texte et 6 planches. Prix, t8 fr., en papier
vcltn, 30 fr.;fig. avant la lettre. JO fr.
Histoire de l'Art par les moimmens, depuis sa décadence , au IX.* siècle,
^squ'à son renouvellement au XVI.', pour servir de suite à l'Histoire de l'ait
chez les anciens; par M. Seroux d'Agincourt; XX.' livrais. Paris, impr. de P.
DidotichezTreuttelet Wiircz, l'&i'j, in-foL 28 feuilles: 30 fr.
Histoire des Dieux, Demi-dieux ec des Héros adorés dans Rome et dans U
Grèce; par J. Fr. Lepitrej nouvelle édition. Besançon, impr. de Cabuchet;
4 Paris, chez Mcolle, 1819, in-,z de 8 feuilles.
Histoire littéraire de l'Italie, par P. J. Ginguené, tomes Vil , Vlll et IX,
tOj feuilles. Paris, imprim. de Boucher, de le Normant et de Dentu, chez
J. G. Michaud, 1819; j vol. in-S.' Prix, 18 fr. Le tome IX ei dernier de cet
Ouvrage est terminé par une tab'e alphabétique.
Recherches sur les ùièliotliè/ues anciennes et modernes, jusqu'à la fondation
de la bibliothèque Mazarine, et sur les causes qui ont favorise l'accroissement
fuccesiif du nombre des livre;; par Louis-Charles-François Petit-Kadel,
niembre de l'Institut, &c. Paris, impr, de Chanson; chez Rey et Gravier, 1819,
ip-S.', 29 feuilles, 3 planches. Pti» , 8 fr. Nous rendrons compte de cet ouvrage
flans l'un de pos prochains cahiers.
Catalogue de la èiblioihèi/ut d'un amateur ( M. Ant. Aug. Renouard ), avec
3ej notes bibliagTaphi<|ues, criiiques et littéraires, Paris , impr. de Ctapeltt;
chez Ant. Aug. Kenouard, 1819, 4 vol. îa-S.', 94 feuilles, papier superfin
•ariné. Prix, 33 fr.
Conjectures sur les livres qui passeront à la postérité , par Ant. Métrai. Paris,
impT. de M."" Hérissant le Doux; chez Corréard. 1819, in-S-', Ji pages;
extraites des Annales encyclopédiques. Prix 1 fr. L'auteur se propose de publier
un ouvrage où il développera les idées présentées dans cette introduction. H
distingue quatre espèces de livres : ceux nui périssent dans le siècle même où
ils sont nés ; ceux qui ne survivent point à la natwn qui les a produits ; ceux qui
FEVRIER 1819, 127
•c répandent chez les nations étrangères , et ceux qui doivent passer à la posté •
rite, et subir encore le choix des diff'érens âges de l'avenir. M. Méiral établi
vingt-trois régies générales pour apprécier Us rapports d'un livre avec la postérité.
Il parott croire qnc la destinée des livres dépend uniquement de leur mérite»
et ne tenir aucun compte des circonstances ou causes étrangères qui en ont fait
vivre quelques-uns et mourir plusieurs : H abêtit sua fata Ubelli» D'ailleurs, cet
essai se lit avec intérêt et contient des observations judicieuses,
Elétnens de philosophie , par F. J. H. Genty, professeur de maihématiques et
de philosophie , livre l.*', Logique. Paris, impr. d'£gron, chez Labitte, 1819,
f/i-A* de 8 feuilles. Prix , 3 fr.
DeVéquilibrt du pouvoir en Europe ; traduit de l'anglais de M. Gould Francis
Seciiie, par W. Paris, impr. de Fain, chez Maradan, 1819, in-8.' de 2j
feuilles trois quarts. Prix, 6 fr.
Des pouvoirs et des ohli^tiotts des jurys, par sir Richard Phillips; traduit de
Fanglais par M. Comte, raris, imprimerie de Fain, au Bureau du Censeur
européen et chez Brissot-Thivar» , 1619, in-8.' , cxxxvj et 334 pages. Prix, 6fr.
Le discQurs préliminaire du traducteur offre une suite d'observations sur l'admi-
nistration de la justice et sur l'institution du jury. L'ouvrage est divisé en neuf
chapitres, qui expliquent plusieurs détails des procédures criminelles qui se pra-
tiquent en Angleterre; particulièrement la formation, la convocation et les fonc-
tions unt du jury d'accusation que du jury de jugement. Le volume est termiaé
f»ar quatre appendices: i .^ régies pour les jurés; 2.^ des libelles et de la loi sur
es libelles; 3. • affaire de W. Peen et de W. Meaden cft 1670; 4.' affaire du
doyen de Saint-Asaph en 1773.
La Charte, la Liste civile et les Majorats, par ^. le comte Lanjuinais, pair
de France. Paris, impr. et librairie de Baudouin ; 1." et2.« éditions, 1819, /n-A*
Eloee de sir Samuel Romilly , prononcé à l'Athénée royal de Paris, le 26
décembre 1818, par M. Benjamin Constant. Paris, imprimerie de Chanson;
chez Bechet, i/i.^.% 78 pag. Prix, 2 fr.
Dictionnaire universel portatif du Commerce, par M. Léopold. Paris, imprim.
et librairie de Pillet aine, in^S/ de 53 feuilles. Prix pour les souscripteurs ^
10 fr.; pour les non-souscripteurs, 12 fr.
Dictionnaire des sciences naturelles, fB,r plusieurs professeurs du Jardin du Roi,
tome XI (Col-Cris), tome XII (Crit-Daz). Paris, imprimerie et librairie
de le Normant, 1819, 2 vol. in^S/, 74 feuilles, plus les viil.« et IX.* cahiers
de planches. Prix de chaque vol., 8 fr.; de chaque cahier de planches, j fr.
Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, II.* année, IV.* cahier. Paris,
imprimerie de Belin, in-^.' , 30 feuilles, outre les planches. Prix, 1 j fr.
Œuvres complètes de Buffon, mises en ordre par M. le comte de Lacépéde,
tomeXII et dernier, fn-j.% 38 feuilles, plus un cahier de planches^ Paris, impr.
de Doublet; chez Rapet et compagnie. Prix, pour les non-souscripteurs, 15 fr.
Histoire naturelle des mammifères, avec des figures originales, enluminées,
dessinées d'après nature sur des individus vivans; par MM. Geoffroy-Saint-
Hilaire et Frédéric Cuvier; publiée par M. de Lasteyrie. Cet ouvrage paroitra
chaque mois par livraison de 6 planches accompsgnées de textes. Prix de chaque
livraison en noir, 6 fr. ; coloriée, 12 fr.
Essai historique sur les services et la travaux scientifiques de Gaspard Mmtfjt,
par Ch. Dupin, élève |de Monge ei membre de l'Institut. Pariî, impr, de Fain,
ch« Bachelier, 1819, in-S.', 2oftuilIes. Prin, 4 fr. jo cent.
Cours d'ngrkullure pratique , par une société de lavans , et rédigé par M. Rou-
gier de la Bergerie ; tome I." , n." 1 ( janvier 1819)- Paris , impr. d'Egron ;
thei Audot, in-S,' de 6 feuilles et demie. Prix de la souscription annuelle
( 12 cahiers), 20 fr.
Etémens de l'art vétérinairt ; traita de la conformation entérieure du chevaf,
de sa beauté et de ses défauts ; par Bourgelat, 7.° édition. Parii, impr. et libr.
»Jeiyi.""Huzafd, 1819, in-8.-. 36 feuilles; 6 fr.
Élémens de pathologie générale et de vhysiolope patlielogique ; par L. Carlliot.
Pails, impr. de Crapelct, chez Cailk et Ravier, 2 vol. in-8.', 6z feuilles.
Prix, II tr.
Traité des grandes opérations mi/iMi'rw, par le général Jotnini; nouvelle édi-
tion qui paraîtra chci Magimcl , par livraison de j vol. in-lf.' L'ouvrage aura
dix-neuf volnmei; les six derniers contiendront l'histoire critique et militaire
des guerres de l'empire français de 1801 à 181;. 11 y aura de plus un allas de 2;
cartel. Prix de chaque livraison, 40 fr-
Nota, On peut s'adresser à la librairie de Ai M. Trcuttel « Wiîrtz, à Paris,
rue de Boutboii, n~'ij i h Strasbourg, rue des Serruriers; et à Londres, n.' jo ,
Saho-Si/uare, j tur se procurer les divers ouvrages annoncés dans le JournaCdts
Sava/is. Il faut aff- ,'\cliir les lettres et le prix présutné des ouvrages.
TABLE.
' Vues sur l'enseignement de la philosophie. { Article de Af, Cousin. ).. Pag.
Second Voyage à travers la Perse, l'Arménie, ifc; par M. Jacq.
Marier. (Second article de M. isilveitre deSacy. ]
Recherches sur le lan^ge symbolique de l'art primitif et de la mytho-
logie ancieme, par R. P. Knigkt. [AnicledeAf. Raoul-Rochette.).
Discours sur la manière d'apprendre les langues vivantes, ifc. par
A. Anaya. (/^rtyV/^rf^A/.Kaynouard. )
Histoire des révolutions de Nonyé^e , par J. P. G. Caneau-Calleville.
( Article de M. Daunou. )
Codex medicamentarius , editus nficultate medica Parisiensi. [Article
dé M. Tesiier. )
Voyage dans l'Asie mineure, l'Arménie et le K ourdi stan , par John
Afacdonald Kinneir. ( Article de Al, Letronne. )
Jnslitutiones ad fundamenta lingu^r arabica! , auctore Ern. Frid. Car.
RosemnuUer. {Article de Ai. Silvestrc de Sacy. )
/fouvelles littéraires
FIN DE LA TABLE.
La planche ci-jointe appanient au cahier de janvier : elle doit ttie pUcçeen
rsgard de U page 2X
JOURNA^
DES SAVANS.
MARS l8ip.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1819.
i
Le prix de rabonnemem au Journal de! Savans est de j6 francs par an,
et de 40 fr- par la poste, hors de Pat». On s'abonne chez M.M. Treund tt
^(P'urf^, n Paris, me de Bourbon , n.' ij ; h Stnishourg, rue des Serruriers, et à
Londres, tt.'jo Sofw-Squate. II fa.ut affranchir les lettres et Targeni.
Tout ce qui peut concerner les annonces ù itise'rer dans ce journal,
lettres , avis , mémoires , livres nouveaux, &c. doit être adressé ,
FRANC DEPORT , ûu hureou du Joumol des Savans, à Paris, rue
de Ménil-raonfant, n," 22.
JOURNAL
DES SAVANS.
MARS l8l(
The History of British India , ly James Mill, es^.,
in three volumes. — L'Histoire des Indes anglaises, par
J. Mill, écuyer;en trois volumes. Londres, 1817, 3 vol,
in-^."
J_('auteur de cet ouvrage , dans le cours des lectures et des recherches
auxquelles il se livroit pour acquérir une coniioissance solide et appro-
fondie de l'histoire d'Angleterre, des liabitaiis, des intérêts , du gouver-
nement , des lois et de la politique de sa patrie , s'est vu arrêté par une
multitude de difîîcullés , lorsqu'il a été amené , par la suite de ses études ,
à ce qui concerne les établissemens anglais dans l'Inde. Ce n'est assuré-
ment point le défaut de matériaux qui l'a arrêté ; c'est beaucoup plutôt
la niasse énorme de documens de tout genre qu'il falloit consulter et
R 2
À
13^ JOURNAL DES SAVANS,
apprécier , pour en tirer des résultats positifs et dignes de confiance. Ce
qu'if regrettoit, c'étoit que personne n'eût entrepris, pour cette partie de
l'histoire de la Grande-Uretagae , ce qui a été pFus ou moins heureuse-
ment exécuté pour les autres , et qu'il n'existât point une histoire critique
de la compagnie des Indes orientafes, depuis son origine jusqu'à l'époque
la plus réce'ife du vaste empire dont elle a jeté les fondeinens dans cette
partie de l'Asie. Faute d'un tel guide, M. Mill devoit ou renoncer à
acquérir une connoissance précise de cette partie de l'histoire d'Angle-
terre , ou l'étudier lui-même immédiatement dans ses sources , sans se
laisser rebuter ni par le grand nombre des matériaux, ni par le travail
long et pénible auquel il étoit indispensable de se livrer pour les com-
parer, déterminer le degré de confiance dû à chacun d'eux , en un mot
pour découvrir la vérité au milieu d'une multitude de rapports dififérens
et souvent contradictoires, presque toujours écrits sous l'influence de
quelques intérêts particuliers ou de Fesprit de parti.' Mais, en se sou-
mettant à un travail de ce genre, il étoit naturel que M. MilI conçût le
projet d'épargner aux autres la peine qu'il prenoit lui même, et de remé-
dier au défaut qu'il sentoit si vivement, en procurant à sa patrie et à
l'Europe une histoire complète des établissemens anglais dans l'Inde.
C'est ce qui a donné lieu à la composition et à la publication de Fouvrage
que nous annonçons.
Jusqu'ici nous n'avons -fait qu'analyser une partie de la préface de
l'auteur. Nous devons ajouter que M. Mill répond ensuite aux reproches
qu'on pourroit lui faire d'avoir osé entreprendre un ouvrage de ce genre,
sans avoir acquis aucune connoissance personnelle de l'Inde par des
voyages dans ce pays, et sans une étude préliminaire des langues qui y
sont en usage. Il prouve très-bien que ces deux conditions ne sont point
nécessaires pour écrire une histoire des établissemens anglais dans cette
contrée , et que Ton ne sauroit même raisonnablement se flatter d'obtenir
un semblable ouvrage d'aucun des Européens que le service de la coiih-
pagnie ou des intérêts mercantiles obligent à passer une partie plus ou
moins longue de leur vie dans l'Inde.
Sans contester ce que dit M. Mill des motifs qui Font engagé à
entreprendre l'histoire des Indes anglaises, et du défaut absolu d'un
ouvrage dans lequel, avant celui qu'il publie, on pût puiser une
connoissance exacte et approfondie de cet important objet, nous croyons
pouvoir observer qu'il existoit du moins une bonne esquisse d'un sem-
blable travail dans l'écrit de M. Robert Grant, publié à Lonlres en
1813, sous le titre de , A sketch ofthe history oj thc East-India Company ^
front itsfrst formation, io thc passing oftht regulating act ofijjj; wïth a
MARS 1819. 135
summary view ofthe changes which havc taken place, since that period ^ in
the internai administration of British India, Le mérite particuli^ de cet
ouvrage est d'avoir réuni dans un volume de peu d'étendue Thistoire de
près de deux siècles d'entreprises hardies r de lutte contre une multitude
d'obstacles de tout genre, de succès et de revers; d'avoir soumis k un
examen franc et loyal les opinions si divergentes auxquelles les intérêts
de la compagnie ont donné lieu à presque toutes les époques de son
existence; d'avoir discuté et apprécié , sinon avec une entière impartialité y
du moins avec une entière bonne foi, les reproches et les imputations
graves dont l'administration de cette même compagnie ou la conduite
de ses agens ont été l'objet; enfin d'avoir mis le lecteur à portée de
former lui-même son jugement sur toutes les importantes questions de
théorie commerciale, de politique et d'administration, auxquelles donne
lieu l'histoire de cette compagnie. Il faut avouer toutefois que les événe-
mens n'y sont qu'esquissés, et que, pour en acquérir une connoissance
plus détaillée , il faut recourir aux ouvrages que M. Grant a pris pour
guides , etqu'il ne manque jamais d'indiquer.
M. Mill, en donnant à son ouvrage une étendue dix fois plus grande,
a eu un but tout différent. Il a voulu que ses lecteurs fussent dispensés
de recourir à aucun des livres et des documens imprimés ou manuscrits
dont il s'est lui-même servi. Nous allons faire connoître les divisions de
son travail , et le contenu de chacune d'elles.
L'ouvrage de M. Mill est divisé en six livres: les trois premiers livres
occupent le premier volume ; le second volume comprend les quatrième
et cinquième livres, et le sixième forme à lui seul le troisième volume.
Le premier livre a pour objet le commencement des communications
de la Grande-Bretagne avec l'Inde, et les diverses circonstances qui ont
accompagné ou occasionné les progrès de ces rapports commerciaux ,
jusqu'à l'époque où la compagnie des Indes reçut une existence solide
et établie sur dçs bases durables , par l'acte de la sixième année de la
reine Anne.
I
Ce n'est, à proprement parler, que de l'année 1708 que le privilège
de la compagnie des Indes peut être considéré Comme définitivement et
solidement établi, par la reunion des deux compagnies rivales; l'an-
cienne, connue sous le nom de Compagnie de Londres y et la nouvelle,
désignée sous celui de Compagnie anglaise, et dont l'origine remontoit
à l'année 1682. Cette réunion, réciproquement consentie par un com-
promis fait entre la reine et les deux compagnies le 22 juillet 1702,
fut régularisée par un acte du parlement, en date de l'année 1708.
Toutes les contestations qui pouvoient encore subsister entre les deux
\
134 JOURNAL DES SAVANS,
associations , désormais fondues en une seule sous le nom de The unîted
Company of merc liants of England, trading to tht East-Indïes , furent
soumises à farbitrage du lord trésorier Godolphin, qui les décida» par
une sentence arbitrale, le 29 septembre 1708.
Le projet de se rendre indépendante, dans flnde, des princes naturels
du pays , et d'y acquérir des domaines et une souveraineté , paroit avoir
été conçu dès Tannée 1689 par l'ancienne compagnie. Ce projet lui fut
inspiré par sir Josiah Child, grand admirateur des principes adoptés par
les Hollandais dans Fadministration de leur commerce étranger, et elle
ne tarda pas à en commencer l'exécution, en acquérant du rajah de
Gingi, sur la côte de Coromandel, le local d'un nouvel établissement,
celui de Tegnapatam. Ce rajah , assiégé dans sa capitale par les armées
du Mogol , céda cette place en toute propriété aux Anglais : après la
défaite totale du rajah, cette cession fut confirmée parle général d'Au*
rengzeb. Les Anglais s'empressèrent de fortifier cet établissement,
auquel ils donnèrent le nom de Fort Saint- David.
Le livre second est consacré en entier aux Hindous, et l'auteur y
traite successivement de leur chronologie , de leur histoire , de leur dis-
tribution en diverses castes , de la forme de leur gouvernement , de leurs
lois, de leurs contributions ou taxes publiques, de leur religion, de leiu:9
coutumes , de leurs arts , et de leur littérature.
Les Mahométans, dominateurs d'une grande partie de l'Inde, sont le
sujet du troisième chapitre. M. Mill donne l'histoire de leurs premières
conquêtes dans l'Inde , et des diverses dynasties musulmanes qui y ont
dominé jusqu'à la fin de la famille des Grands-Mpgols descendons de
Tamerlan. Dans le dernier chapitre du second livre, M. Mill offre des
réflexions générales sur l'origine et les diverses époques de la civilisation
chez les Hindous. Il termine aussi le troisième livre par un parallèle de
l'état de la civilisation chez les Mahométans, conquérans de Flnde»
et chez les naturels du pays. Je m'arrête un moment sur cç dernier
objet.
Pour se rendre un compte plus juste du degré où étoit parvenue en
général la civilisation respective chez les Hindous et les Mahométans $
au moment où ces derniers soumirent l'Inde à leur domination, notre
auteur compare les deux nations sous huit points de vue particuliers:
I ."^ la classification ou distribution en diverses classes ou castes; 2."* la
forme du gouvernement; 3."* la législation; 4**" les taxes publiques ou
contributions ; j .** la religion ; 6.** les coutumes ; 7.** les arts ; 8.* la litté-
rature. Il n'est aucun de ces points de vue , sans en excepter même le
dernier I sous lequel M. «Mill ne donne l'avantage aux Mahométans.
MARS 1819. 135
Pour prouver leur supériorité en ce qui concerne la forme du gouver-
nement, il cite un grand nombre de fragmens des Instituts politiques et
militaires de Tamerlan, ouvrage dont l'authenticité n'est pas rigoureu-
sement démontrée. Les prolégomènes historiques d'Ebn-Khaldoim ,
écrivain contemporain de. Tamerlan, si M. Mill avoit pu en faire usage,
lui auroient fourni une autorité incontestable et bien autrement puissante?
en faveur de son opinion. En ce qui concerne la littérature, M. Mil! ne
voit guère que les mathématiques et (a poésie dans lesquelles on puisse
raisonnablement essayer de faire pencher fa balance en fiiveurdes Hin-^
dous. Quant aux mathématiques toutefois , il n'accorde aux Hindous que
l'antériorité sur les Mahométans; pour la poésie, il s'exprime ainsi: « Il
y> me suffit de dire ici qufe les personnes mêmes qui , comme William
» Jones, réclament de nous le plus haut degré d'admiration pour la poésie
y> des Hindous, conviennent cependant que celle des Persans lui est
j» supérieure. Comparez le plus grand poème épique des Hindous , le
» Mahabharata , avec le plus giand poème épique des Persans , le Sdiah*»
» namèh : les écarts de la nature et de la vraisemblance vous paroîiront,
» dans le Schah-namèh , moins sauvages et moins extravagans ; les incî-
yy dens moins déraisonnables , les fictions plus ingénieuses ; enfin tout
>> vous offrira un plus haut degré de mérite chez le poète persan que
» chez Fauteur indien. » Une circonstance qui ajoute à la justesse de ce
rapprochement, observe M. MilI, c'est que le Schah-namèh fut écrit
précisément au sein des Mahométans, conquérans d'une portion consi-
dérable de l'Inde.
Nous sommes assez portés à partager les opinions de M. Mill établies
dans ce chapitre, qui est un des pfus intéressans de l'ouvrage; nous
n'osons pas cependant porter un jugement sur le dernier article de ce
para|Ue. Peut-être à cet égard la question est-elle trop complexe er
exigéraR-elIe des distinctions.
Quoique les deux livres dont nous venons de donner une idée, ne
puissent être considérés tout-à-fait comme un hurs-d'œuvre dans un
ouvrage où des nations européennes, et sur-tout les Anglais, sont sans
cesse en rapport avec les naturels de l'Inde et leurs conquérans musul-
mans, et où Ton rencontre à chaque pas des faits qui ne peuvent être
justement appréciés par quiconque ne connoîr pas à fond les hnbirans
de ces contrées, leur manière de \ivre, leurs opinions et leurs préjugés,
cependant il semble que M. Mill auroit pu su|.poser qne ses lecteurs
puiseroient ces connoissances dans quelqu'un ûes nombreux ouvrages
desquels il les a- lui-même empruntées. Nous ne serions pas surpris que,
parmi ceux qui liront l'Histoire des Indes anglaises, il s'en trouvât beau-
136 JOURNAL DES SAVANS,
coup qui crussent deyoîr passer ces deux livres, qui occupent ensemble
environ 550 pages.
Au quatrième livre* l'auteur reprend l'histoire des Indes anglaises au
point où il Tavoit laissée à la fin du premier livre , c'est-à-dire, à Tannée
1708 , et il la conduit jusqu'aux changemens opérés dans la constitution
de la compagnie, par l'acte de la treizième année du roi George III,
ou de 1773.
La période de temps contenue dans ce quatrième livre peut, je
crois, être considérée comme la plus importante dans l'histoire de la com-
pagnie des Indes. La guerre entre les Français et les Anglais, dans
laquelle les premiers s'emparèrent de Madras , et qui fut terminée , en
1 749 , par le traité d'Aix-la-Chapelle ; celle qui eut pour objet la suc-
cession à la nababie du Carnate , dans laquelle les Français et les Anglais
intervinrent comme auxiliaires des compétiteurs rivaux, et dont i'issue
fut la prise de Pondichéry et l'entière expulsion des Français de la
principauté de Carnate; fattaque et la prise de Calcutta par Suradj-
eddaula , soubahdar du Bengale ; la victoire décisive remportée sur lui
par les Anglais, qui le détrônèrent et mirent à sa place Mir Jaffier; la
déposition de ce nabab par les intrigues des Anglais qui Favoient placé
sur le trône , et la nomination de Mir Casim , qui éprouva peu après
le même sort , se vengea par les plus atroces barbaries , et fut remplacé
par le nabab précédemment détrôné, Mir Jaffier; les opérations mili-
taires et les conquêtes de lord Clive; sa seconde administration, dont
l'efTet fut d'assurer à la compagnie la diwanie, c'est-à-dire, à peu de
chose près, la souveraineté effective des trois provinces de Bengale,'
Behar et Orissa ; les guerres et les négociations entre la compagnie ,
rhéritîer du trône des Mogols , les nababs d'Oude et d'AIIahabad ;
Facquisition des Circars du Nord dans le Décan ; la guerre entœ les
Anglais et Haïder-AIi ; enfin les difficultés intérieures qui n^fft fa
division entre lesagens supérieurs de la compagnie, les abus de pouvoir
et le monopole exercés par les employés , et les plaintes multipliées qui
provoquèrent l'attention du parlement et amenèrent Facte de 1773 :
tout cela réuni présente un tableau du plus grand intérêt, trop souvent,
il est vrai, affligeant pour l'humanité, mais relevé aussi par des actes de
courage et d'un noble dévouement , et par de grands caractères qui se
signalent dans la carrière de la politique ou dans celle de Fadministra-
tion.
Ce qui donne à cette partie de Fhistoire un nouvel intérêt pour les
lecteurs , c'est qu'ils sont en quelque sorte appelés à juger eux-mêmes
tnlfe les divers partis entre lesquels se divisent les principaux admini$-»
MARS 1819. 137
'trâteurs de la compagnie, entre cette même compagnie et ses détrac-
teurs , enfin entre la nation anglaise et cette association de marchands,
devenue souveraine d'un vaste empire et humiliée dans la métropole en
proportion de l'orgueil et de la fierté avec laquelle elle commandoît
aux nababs, aux rajahs et aux successeurs d^Acbar et d'Aurengzeb,
réduits désormais à une ombre de pouvoir.
. Je ne saurois m'empécher de remarquer que, sous Tannée 1770,
M. Mill dit à peine un mot de cette affreuse famine qui moissonna plus
d'un tiers des habitans du Bengaie , et qui a été Foccasion de graves
inculpations contre les administrateurs de cette province et les agens
de la compagnie. Ce n*est pas que je pense que l*histoire impartiale
puisse adopter les couleurs exagérées que f intérêt particulier et l'esprit
de parti ont données aux effets de ce terrible fléau , en s'en emparant
comme d'une arme puissante pour rendre odieuse à l'humanité Fadmi-
nistration de la compagnie. Toutefois il me semble que M. Miil auroît
dû suivre Fexemple de M. Robert Grant, et mettre ses lecteurs à
portée de prononcer sur ces imputations. Sa réticence à cet égard
pourroit leur donner une force qu'elles perdent quand on les examine
de près.
Le cinquième fivre contient les événemens des onze années qui se
sont écoulées entre l'acte de la treizième année de George III, qui
avoit apporté de grands changeînens dans la constitution de la com-
pagnie et ses rapports avec le gouvernemej^t,et celui de l'année 17841
appelé communément l'acte de M. Pin, Toute cette période de temps
est remplie par l'administration de M. Hastings.
Les formes nouvelles admises dans Fadministration de la compagnie^
par suite du bill présenté par M. Pitt, et adopté le 1 3 août 1784, ont
été le sujet de vives contestations. La principale innovation introduite
par cet acte fut Fétablissement d'un conseil de commissaires pour lés
affaires de FInde , connu sous le nom de Board ofcontroul, et dont les
fonctions sont de surveiller et de contrôler la conduite de la compagnie
dans l'exercice de ses droits et de son administration politique. La légis-
lature déclara expressément, par cet acte, son intention de régler les
affaires de la compagnie des Indes orientales et des possessions anglaises
dans FInde. Un des articles de ce même acte recommande à la com-»
pagnie de rechercher la vérité des plaintes de tyrannie et d'oppression
portées contjre son administration par divers rajahs ou tenanciers de
l'Inde; de réformer les abus qui y avoient donné lieu, au cas qu'ils
existassent effectivement ; enfin d'établir, pour la perception des revenus
fonciers , à l'avenir 9 des règles fi^es 1 fondées siu: les principes de la
s
138 JOURN AL DES SAVANS,
modération et de h justice , et conformes aux lois et à la cônsthutiofi
de l'Inde.
On ne peut se dissimuler que Pacte de 1784 supposoit assez évident»
ment la vérité d'une partie des plaintes Heyées de tontes parts contre Fad-
ministration de ia compagnie , son ambition et son esprit de oonquètet
enfin la tyrannie et la rapacité <ie ses agens. II n'est pas moins impossible
de disconvenir que jamais Tesprit de conquête et d'agrandissement n'a
été phis actif, et n'a plus dirigé toutes ies opérations de la compagnie^
jque depuis Pacte de 1784» et que cette augmentadon d*influenoe poli-
tique , de pouvoir et de domaines , a obtenu l'expresse sancdon de h
législature et du conseil des contrôleurs. On peut voir au surplus^
dans l'ouvrage de M. Mill , qui paroit être moins favorable que
*M. Rol^rt Grant à l'acte de 1784» les objections dont ses dispositions
Sont susceptibles. L'expérience d'ailleurs doit avoir aujourd'hui lixé sur
ces mesures l'opinion des hommes d'état imparthux.
Enfin le sixième livre , qui, comme nous l'avons déjà dit, ferme à
lui seul le troisième volume et occupe plus de 700 pages, conduit^
rhistoire des établissemens anglais dans flnde jusqu'à l'année 180;
inclusivement. Les deux premiers chapitres de ce livre , presque unique
•ment consacrés au procès du gouverneur général Hastings , remplissent
seuls 170 pages. Les chapitres iiJ,iv, v et vi contiennent le récit
àe tout ce qui appartient à la première administration de lord Com*
wallis, successeur de M. Hastings. Dans le chapitre vil, on trouvf
d'abord le détail des débats qui eurent lieu dans: ie parlement , iôra du
renouvellement des privilèges de la compagnie, en i79)..Le reste de
ce chapitre contient l'histoire de ladminlstrarion de sir John Shore,
depuis lord Teignmouth. A la retraite 4e lord Teignmouth en 1797,
Jord Corn wallis avoit été nommé une seconde fois gouverneur gtnéhif ;
mais il refusa cette mission, et on lui donna pour successeur le comte
de Mornington, marquis de Vellesley. Ce gouverneur général , doitt
fadministration remplit presque tout le re^te de ce vohime et dura
jusqu'en 1805, fut remplacé par le lord marquis Cornwallis, nommé*
^ur la troisième fbb à cette importante dignité. Le nouveau gouvAr*
Steur général, pour réparer le mauvab état des finances de la com«
pagnie, épuisée par des guerres sans cesse renaissantes , ne s'occupa que
des moyens de faire la paix avec les princes de l'Inde les plus iiuissans»
«t de réduire ainsi les annemens et les dépenses. Son projet donna lira
à quelques remontrances de la part du général en chef; mais il ne put
en avoir connoissance. Au surplus» sa mort, arrivée en octobre de la
laéme année 1 8<o; ^ ne changea rien pour le moment au plan qu'il
MARS 18I9. i«9
avoir conçu, et qui fut suivi par sir Barlow, lequel prit par intérim.
les fonctions de gouverneur général.
Je n'entreprendrai point de donner une analyse des événeraen»
racontés dans les deux derniers livres de cette histoire, et qui se sont
passés pendant les vingt-six dernières années du xviii/ siècle et les
cinq premières du XIX.' Quand je me bornerois h traduire les titres des
chapitres, je serois encore plus long que ne le comporte l'étendue d'un
article de journal. Je crois avoir donné une idée suffisante de l'ouvrage
de M. Mill , et je pense qu'en généra! il remplit parfaitement le but
que l'auteur s'esi proposé.
A la tête du premier volume est une carte de la partie orientale du
Toyaume de Perse, de l'Afghanistan et du pays nommé autrefois Bac-
triana; une carte de Flnde se trouve au commencement du second
volume. L'ouvrage est terminé par une bonne table des matières.
SILVESTRE DE SACY.
I
Obser va tions sur la Phrénologie , oa la connaissance Je
l'homme moral et intellectuel , fondée sur les fonctions du système
nerveux : par G. Spurzheim, M. D., avec frontispice et
six planches ; tn-S." de 372 pages. A Paris , chez Treuttel
et Wiirtz, libraires, rue de Bourbon, 11.° 17, à Strasbourg
et à Londres, même maison de commerce: 18 18.
Nous avons fait connoître, il y a peu de temps, un ouvrage da
M. Spurzheim sur la folie, qu'il considéroit sous les rapports patholo-
giques ; aujourd'hui nous en présentons un , purement physiologique , du
même auteur. Il a espéré, sans doute, en l'entreprenant, qu'il éclairciroit
mieux qu'on n'a fait jusqu'ici l'influence du système nerveux sur les
fonctions dépendantes du cerveau \ tâche d'autant plus difficile , qu'il
s'agit d'un organe qui, par saconiexture et la disposition de ses parties,
ne laisse pas pénétrer le secret de sa formation;
M. Spurzheim attribue le peu deprogrèsqu'onafaîlsdans laconnois-
sance du système nerveux k plusieurs causes, dont les principales sont
le respect pour les anciennes opinions, l'aversion pour les idées nou-
velles, la tendance à convertir en système des aperçus isolés , la répu-
gnance qu'on a eue et qu'on a encore dans quelques pays à permettre
l'ouverture des cadavres, le mauvais procédé qu'il croit qu'on a employé
J
JOURNAL DES SAVANS,
jusqu'ici dans fa disseciion du cerveau. II s'en prend aussi aux méiapliysi-
ciens, qui dictèrent des loiâ aux anaiomistesetaux physiologistes, au lieu
de leur demander des preuves positives pour appuyer leurs assertions.
II donne l'historique des travaux que M. Gall cl lui ont faits sur
i'anatoniie et la physiologie du cerveau, et sur fart deconnoilre, par des
signes extérieurs, l'homme moral et intellectuel. M. Gall a commencé
à observer dès le temps où il éioît au collège. II remarquoit que ceux de
ses camarades qui avoient le plus de mémoire -avoieni les yeux saillans ; tl
imagina qu'il |x>urroit de la même manière reconnoiire les autres
£icultés intellectuelles. Ce fut là l'origine de son système : it ne se
borna pas à des moyens physiognomoniques; il voulut y joindre des
dissections anatomiques. M. Spiirzheim , après avoir suivi fes cours de
M. Gall , se réunit à lui pour l'aider dans ses recherclies, h l'époque où
celui-ci éloitoccupij de l'exercice de la médecine ; en sorie que le système
connu jous (e nom de M. Gall paroîiroit appartenir à l'un et à l'autre.
Jusqu'ici nous avons rendu quelques-unes des idées que l'auleur a
consignées dans son introduction. Passons au corps de l'ouvrage. Il est
divisé en huit sections : dans la première , il est question de la sensibilité)
premier phénomène du sysième nerveux ; la seconde traite des relations
que fes facultés appelées par l'auteur ri^tciivcs et inlelleciuelles peuvent
avoir avec les tempéramens, avec les viscères ou avec le cerveau en
I général ; la troisième, de la nécessité de diviser les (acuités et les organes
', lespeclifs ; la quatrième , des procédés de physiologie pour déterminer les
£)nclions des parties cérébrales; la cinquième, de la trânologie ou
I connoissance du crâne; la sixième, des facultés primitives de i'ame et de
leurs organes; la sepiièjne, des modes d'action des f:iculiés;el ia hui-
tième , des comfjinaisons et de l'influence mutuelle des facultés.
Nous ne croyons pas devoir entrer dans les détails des matières traitées
«ous tous ces differens titres , p:irce que ce sont des dissertations relatives
' aux diverses opinions des phystologia tes e! même de plusieurs méta-
■ physiciens. Nous dirons seulement qutique chose de ce que contiennent
I les quatrième, cinquième et sixième sections, les plus imporlanles de
Ftoutes. Dans la quatrième, l'auteur prétend qu'on s'est trompé lorsqu'on
[■ cru pouvoir déttrminer les fonctions du cerveau par l'inspeciion aiiali>
bmique et en coupant l'une après l'autre les parties de cet organe. Il est
{"wai que rarement la structure indique une foiKlion. quoique l'une puisse
être en rapport avec l'autre: il cite à cette occasion M. Cuvier.qui dit
expressément [ i ) que l'instinct n'a aucune marque visible dans la tonfor*
(i) Le Règne animal, distribué d'après son organisaiion. Paris, iSt;, (,I,p.54.
MARS 1819. i4i
nation de lanimal, et il conclut que Tanatomie comparée n'a nullement
avancé la physiologie du cerveau. D'ailleurs des expériences sur de»
animau^c vivans ne donneroient aucun renseignement certain , parce qu'on
les meitroit, par les blessures, horsd'éiat de manifester les facultés de$ .
organes. M. Gall, qui d'abord a cru , comme il est dit plus haut, trouver
un signe extérieur pour la mémoire, a suivi pendant quelque temps h:
route ordinaire des physiognomonistes, et l'a abandonnée ^ parce que {e
succès ne couronnoit pas ses tentatives, pour adopter le simple ei^ipi* .
isme. Après avoir étudié les différens caractères et goûts naturels des .
hommes, il a comparé leurs actions avec leur organisation cérébrale: «
d'après cela il a admis un organe de musique, un autre des arts méca-
niques, de fa poésie, de la ruse, de lorgueil, du courage, de la relir.
gion , ÔLC. La répédMpn des faites et l'analpgie trouvée sur un grand ■
nombre d*individus la autorisé à penser que telle fonction dépendoit,.
probablement de telle partie du cerveau. Il ne s'en est pas tenu là : il a ras-
semblé en collection un grand nombre de bustes et de têtes de personnes .
remarquables par des qualités connues; il les a examinées, comparées,
réunies ; il a fait également des recherches physiologiques et anatomiques
sur les animaux ; enfin il est allé jusqu'à tirer parti de. la mimique qu .
langage naturel, persuadé que chaque sentiment intérieur se manifeste
extérieurement par des signes qui lui sont propres.
M. Spurzheim considère, dans la d^Kiième section , ce qu'il faut
connoître du crâne pour étudier la phy^bgie du cerveau. Il n'y a pas
de doute que, jusqu'à la naissance, celui-ci n'ait imprimé sa forme au .
crâne : mais, depuis la naissance jusqu'à l'âge mdry la tète s'agrandit, le
ceneau se développe, le front s'élargir. Le contraire a lieu dans la
vieillesse, dont la forme du crâne est toujours une suite de celle du.
cerveau ; il a reconnu à sa sur&ce des protubérances distinctes de celles
qui servent d'attache aux muscles. L'auteur croit qu'on peut juger du .
développement du cerveau parla forme et le V'iunie de la tête, chose*
quelquefois difficile et d'autres fois imj>ossiLIe, Il indique des circons-,
tances par lesquelles il prouve ces assertions.
M. Spurzheim, dans la sixième section, éialjlitune division nouvelle
des facultés de l'ame : il en admet de deux ordres, les unes aff:ctives et
les autres intellectuelles , qu'il -subdivise en pluviei.fb ;.;enre>, \^< genres
en espèces , et les espèces en modifications, comme tcut ?t.'-' bo'aii: ;fcs et
autres dassîficateurs. Dans le premier genre du j)remier ordre, iJ place
les pcrtchans , dont les esp'^ces sont l'attachement, I amour dt l'i nîîfat/c n ,
le courage , lenvie de détryiie , 6tc. On ne voit })as pourquoi , :\u [icu de
s*ett tenir aiuc expressions reçues^ il a voulu faire une uumenciature.quî
Ui JOURNAL DES SAVANS,
paroîc extraordinaire et nullement convenable: par exemple, il appelle
l'amour de Thabitation habitatinti; Tenvie de détruire , Jeseructhiié &c.
^Dans le deuxième genre du même ordre sont les sentimens: savoir,
Famour-propre , l'amour de l'approbation , la circonspection , la bienveil-
lance , la vénération , la persévérance » &c. Il donne à chacun de ces
pènchans et sentimens un organe dans le cerveau, lequel organe répond
à une partie qu'il désigne à l'extérieur du crâne » non pas qu'il croie
qn^on doive porter principalement son attention sur les protubérances
isolées de la tète , mais comme indices du plus ou moins de développe-
ment des parties cérébrales.
Pour donner une idée de la diffêrence des tètes , Fauteur a placé à la
fin de son livre six planches , dont la première représente des crânes d'un
Caraïbe, d'un habitant de la NouveiIe-»ZéIande, dl|^ montagnard écos-
sais, et d'un Chinois , c'est-à-dire , d'hommes de nations très-diffèrentes »
comme on en voit au cabinet d'histoire naturelle de Paris : les dnq
autres offirent les linéamens , en forme de bustes , dliommes célèbres
pour la plupart, et ayant des têtes dont Fexpression paroissoit analogue
à'Ieurs caractères ou à leurs genres d'occupations. Je citerai particulier
rement celles de Bacon , de Duguesclin , de Thémistocle, du chancelier
de FHôpitaly du Tasse , de Van-Dyck , de Rubens, Van-Swieten, &c. Au
fix>ntispice sont tracées ks circonscriptions et chiflfres indiquant sur trois
têtes des places qui correspodj^t à des parties du cerveau.
L'ouvrage de M. Spurzhei^contient des faits et des obsenrations en
assez grand nombre pour que lui et M. Gall se crussent autorisés à
établir un système de physiologie partielle : mais ce système , comme
beaucoup d'autres, est susceptible d'être attaqué par de fortes objecdons.
pour qu'il en fôt à l'abri, il fàudroit que l'accord prétendu entre les
pu-ties du cerveau ,. certaines protubérances du crâne, et les afiêctions et
actions qui sont supposées en dériver, fût démontré jusqu'à Févnlence.
Qui a vu une fois développer un cerveau , est convaincu qu'on ne peut
tirer que des conjectures sur la part qu'il a aux fonctions nerveuses.
Cependant le travail des auteurs n'est pas sans mérite pour Favanceraent
de l'anatomie du cerveau : on leur a l'obligation de connoître mieux
qu'auparavant les détails de cet organe.
TESSIER.
JOURNEY THROUGH AsiA MINOR , ArMENIA AND
KooRDiSTAN, &c. ; cest-à-dîre. Voyage dans F Asie
mineure, t Arménie, Je Kouniistan , exécute pendant les années
MARS 1819. 145
j8ï^ et iRtjf., &€.; pat John Macdonald IKInneir, érc
Londres» 181 8.
SECOND ARTICLE,
Nous avons larssé M. Macdomfd Kûmerr et .son compagnon dé
voyage, M. Chavaisse, à Trébisohde; i/s'en paittrem le. 5 |uin 1814.
Leur route jusqu'à Erzeroum ne présente qne des détails géographique^
peu susceptibles d'analyse.
EfEeroutn, capitale d'un des plus grands et des plus importam
pachalfks de Tempire turc, est située dans une belle plainç, à peu de
distance, au sud, de i'Elijak , une des branches de FEuphrate. M. Mao»
dona/df Kînneir fait ici les réflexions suivantes : ce Dans le cas où quelque
» puissance européenne entreprendroit une invasion en Perse ou daiis
» rinde, il n'y auroit aucun point, à l'est de Constantinople, pins fàvo*
«> ral'Ie (pi'Eirzeroum à servir de lieu de rassemblement pour de grandes
to forces. Les chevaux et les bestiaux y sont en abondance et à bon
» compte; le fourrage se trouve par-tout au printemps et en été; etit
^ est fiicife de mss^nbler des provinces voisines une quantité considé*
•> râble de bié. Les routes sont excellentes en ces deux saisons, et trè^-.
«> propres au transport de Tardllerie, dans les parties basses de la contrée»
»ou l'on fait grand usage de charrettes.» Ce passage, rapproché de
celui que nous avons déjîi cité ( 1 ) , montre que le voyageur anglais ne
néglige point, dans ses observations, la partie qui causoit tant d'inquiér
lude au pacha d'Angora.
Au reste, le but principal de ce voyage à travers PArménie étoit, selon
M. Kinneir, de retrouver la route qu'avoient parcourue les Dix-mille; et
comme il'.n'y a guère que deux chemins à prendre pour traverser le
Kourdistan, fun par Paufo et Diarbekir, l'autre par Betlîs et Sert, il
choisit le dernier comme celui que les Grecs avoient le plus probable^
ment suivi.
' A peii de distance d'Erzeroum, les voyageurs traversèrent l'Araxe
près de sa source, dans une contrée fort montagneuse, où le froid étoft
assez intense, quoiqu'on fût au milieu de juin : il gelôit fort toutes les-
nuits, et, après le lever du soleil, le thermomètre de Farenheit marquoit
encore 36* ( 1* | de Réaumur ). Ce fait rappelle que, selon PIu-
tarque, lors de l'expédition de Lucullus en Arménie (2) , vers l'équinoxe
d'automne, le pays étoit déjà couvert de neige, et les rivières gelées.
(i) Journal de février, p. /o(f.
(2) PiutaicL in Lueullo, S» 3^
.44
Apre
JOURNAL DES SAVANS,
• franchi le Tegdag,
î a Khinîs ou 'Gin
, que
„ ^ ' arrive a
M. d'Anville a pris avec beaucoup de raison pour le Gymnias de Xé-
nophon (i ) i la posilion que lui donne -M. Macdonald Kinneir, corc irde
très-bien avec celle circonsrance ; savoir, que les Grecs, à panir de
■Gymnias, atieignirent en cinq jours la montagne de ThechfS, d'où ils
aperçureju la nier pour la première fois. L'opinion de d'Anville est i
;cei égard bien préférable îi celle du major Rennell, qui place Gymnias
trop au nord à Comasou [x). Au-delà, s'élève la nioniagne dite Scpodn
:7</jj, une des plus é!e\ées de l'Arménie; sa forme conique donne lieu
de penser que c'est un pic volcanique: d'ailleurs on trouve épars dans
le pays beaucoup de minéraux qui, dit-on, ont été rejetés par cetls
•montagne. Elle sépare le lac de Van du petit lac de Narzouk, que
AL Kinneir croit être VArcthusa des anciens; ce qui est peu probable,
attendu que ce lac donne issue à une peiîie rivière qui va se jeler dans
Je Morad, bras orienial de l'Euphrate, ou plutôt le véritable Euphraie,
selon les Arméniens [3J; tandis que YArethusa étoit traversée par le
Tigre. Au reste , la géographie ancienne de ces lacs est fort incertaine (4) ■
Nos voyageurs côtoyèrent la rive occidentale du lac de Van , l'Arsitsa
palus des anciens ; ils recueillirent sur les lieux quelques renseignemens
qui modifient beaucoup le gisement} la forme el la grandeur que nos
cartes donnent à ce lac.
Ce fut un peu avant le lac de Narzouk que nos voyageurs trouvèrent,
pour la première fois, un khan de Kourdes errans, où ils furent reçus
avec cordialité. Le chef demanda nu Tartare ce que c'étoii que celte
Angleterre où on lui avoit dit qu'il se faisoit de beau drap et d'excellens
pislofets; l'autre répondit gravement et sans hésiter que c'étoii un lieu
qui avoit plus de deux cents heures de tour, eniierement rempli d'éme-
taudes, de rubis , de toute sorte de m.irchandises précieuses. Ce récif
excita la surprise ei l'admiration du chef kourde , mais il ne douta pas un
moment de la véracité du Tartare.
Tout le pays, hérissé de moniagnes~escarpées, et dégarni de bois, a tm
aspect désolé et sauvage , k l'exception de quelques parues ptu étendues ,
assez bien boisées. 11 est possédé par plusieurs cbÉr> kourdes qui résident
dans des châteaux foris , comme les seigneurs du temps de la féodalité.
Avant d'arriver à Betlis, les voyageurs manquèrent d'être pillés par
(ij Xcnoph. Allai- IV, c. y. Le mot T<gA,ie ou monl de Teg rappelle le
Thtches d« Grecs.
(2) Rcnnell'j Illustrations ofHhl. oftlie txped. ffCyrui, p. ijg.
(î) Saint-Manin, Mimoirts sur l'Arménie .t. J ,p. ^6 , jo.
(4} Traduction française de Sirabon, t. IV , 1" ••^n. p. J2;r, n. t.
MARS 1819! i4î
un parti deLesg/ii: le chef kourde résidant h Bellis, qui avoit fait la
guerre en Egypte et en Syrie, lors de Pexpédîtion française > accueiHit
fort bien les voyageurs. «Les Kourdes, dit M. Kinneîr, aiment les
>> armes plus qu'aucun peuple que j*aie jamais rencontré; ils tiennent
5> beaucoup à la beauté de leurs chevaux. Lorsqu'un chef kourde entre
en campagne , son équipement diffère peu de celui dés chevaliers au
moyen âge : sa poitrine est défendue par un corselet d'acier damasquiné
>> d'or et d'argent; un petit bouclier de bois, garni de clous de cuivre
» très-rapprochés*, est suspendu à son épaule gauche , lorsqu'il n'a pas;
» besoin de s'en servir; sa lance est portée par son page ou écuyer à
» cheval ; sa carabine est en bandoulière; à sa ceinture sont des pistolets
« et un poignard : un léger cimeterre pend à son côté : à droite de fa
» selle est attaché un étui contenant trois dards, chacun de deux pieds
>5 et demi de long ; et à gauche, une masse , la plus terrible de ses armes.
» Les Kourdes sont sans foi, et ont si peu de respect pour la vérité,
» qu'ils mentent sans nulle nécessité et sur les choses les plus indiffe-
» rentes : ils sont jaloux des étrangers , pleins de patriotisme , et singu-
» fièrement attachés à feur pays. Ifs ne sont pas aussi 1 igoureux que fes
» Turcs sur Farticfe des femmes: efles peuvent aller par- tout à visage
» découvert et approcher des hommes. »
Betfis, fa capitafe du Kourdistan , est située au milieu des montagnes
de Hatterash, sur fes bords de deux petites rivières, afiîuens du Tigre.
Elle est fort ancienne, et fes Kourdes assurent qu'elle fut fondée, peu
d'années après fe défuge , par un des fifs de Noé. Les maisons, très-biea
bâties en pierres' de tailfe , ressembfent toutes à de petites forteresses:
les fenêtres ont fe plus souvent la forme ogive, comme dans l'architecture
gothique. Cette vilfe est soumise, pour fa forme, au bey qu'envoie fe
pacha de iMousch ; mais , dans fa réalité , elfe ne dépend que du khan des
Kourdes, descendant et représentant d'une longue suite de seigneurs
féodaux. Il paroît , depuis quelques années, être devenu sujet de ta
Porte , à laquelle if paie un tribut.
«Depuis fe fac de Nazouk, dit M. Kinneir (qui ne perd jarhaîs de
3> vue fa possibilité d'une invasion étrangère), les routes sont bonnes
» pour fe passage des canons , des fourgons , et en général pour tput
» équipage ; mais seufement en été et en automne : car, pendant Thiver,
» tout fe pays est ensevefî sous fa neige, dont fa fonte, au printemps',^
» produit un si grand nombre de torrens, que fes communications sont
55 interrompues ou extrêmement difficiles. Je regarde comme une chose
5> impraticabfe de faire fa guerre en quefque partie que ce -soit de
» l'Arménie occidentafe pendant quatre ou peut-être cinq mois de
T
i4<S JOURNAL DES SAVANS,
» Tannée : aussi je n'ai jamais pu songer à la retraite des Dix-miDe à
M travers les montagnes escarpées du Kourdistan , $ans éprouver un
» sentiment de surprise et d'admiration. La marche (fune année dans
»un tel pays, au cœiir de fhiver, presque sans vivres, avec un ennemi
a» derrière soi et sur les devants , est hora de parallèle avec toute autre
» expédition que ce puisse être. »
Sert, dit M. Kinneir, est Fancienne Tigranoctrta : c'est une opinion
assez générale, mais qui n'en est pas mieux fondée (i). Les voya-
geurs» sur l'avis de f'aga, furent obligés de changer de chemin : ils
auroient voulu continuer de marcher au sud, et de siiivre , autant que
possible , la route des Dix-mille ; mais , comme le pays étoit infesté de
brigands , ifs durent tourner à l'ouest , vers Diarbekir ou jVlerdin,
A quatre milles de Sert, coûte fe Kabour, fleuve qui ne peut être
que le Ccntrites de Xénophon , ainsi que d'Anville l'avoit soupçonné ;
îe cours en est fort différent de celui qu'a tracé le major Rennell. Après
avoir passé le Tigre , guéable en cet endroit , les voyageurs cô-
toyèrent le mont Masius , dont les flancs sont couverts de vignobles ,
et arrivèrent à Merdin : là cessèrent les craintes et les inquiétudes aux-
quelles ils avoient été continuellement en proie en traversantle pays des
Kourdes , et presque depuis Erzeroum, toujours sur le point Jêtre volés
ou assassinés par les brigands , et même par les gardes qu'on leur donnoit
pour escorte.
La ville de Merdin , située au sommet d'un roc élevé , domine sur une
vaste plaine de la Mésopotamie , jadis couverte de villes et dhabiuitionSi
maintenant déserte et abandonnée aux Arabes errans, qui plantent leurs
camps au milieu des ruines des cités. Les habitans de celte ville sont un
mélange de Turcs, d'Arabes, de Chaldéens, de Nestoriens, de Catho-
liques, d'Arméniens, de Juifs et de Jacobites : il y a aussi environ cent
familles de Guèbres ou adorateurs du feu, qui tiennent leurs mystères fort
MARS 1819. 147
comptoîent se rendre directement à Mosul; maïs la crainte d'être pillés
par les Jézidis de Sinjar leur fit faire un détour.
ce Les Jézidis sont une secte particulière également ennemie de»
» Mahométans et des. Turcs. Ceux de Sinjar forment une société ou état
3> qui monte à deux millions d'ames , et qui avoii , à cette époque , soumis
» toute la contrée adjacente. Ils habitent dans des vilfages , ou plutôt
)> dans des cavernes souterraines j creusées sur les flancs de la montagne
» de Sinjar , qui coupe la Mésopotamie au sud-est de Merdin. C'est îk
» qu'ils furent obligés de se réfugier jadis pour fuir les persécutions des
» Mahotnétans. Leur territoire est assez fertile pour qu ils puissent se
» passer des denrées du dehors. »
Afin d'éviter ces redoutables sectaires, la petite caravane dont nos
voyageurs faisoient partie , se dirigea sur Dje:(irah Ul Omar, ville située
dans une île du Tigre, et qu'on croit être la Bejabde des anciens. Mais
ce long détour ne leur réussit guère; car à peine furent-ils entrés dans
cette ville, qu'on les mit en prison, par l'ordre du bey, dans une petite
chambre de huit pieds carrés et sans fenêtres. Le soir, le bey leur fit dire
qu'ils eussent à donner deux mille piastres, sans quoi ils seroient mis tous
à mort : les deux Anglais en payèrent à eux seuls la moitié : la liberté leur
fut rendue ; et ifs purent continuer leur mute sur la rive gauche du Tigre,
bordée d'une chaîne de montagnes appelée Juda dag par les Turcs. Les
habitans prétendent qu'au sommet d'un pic très-élevé, on voit les restes
de l'arche de Noé. A partir de Mosul , les voyageurs descendirent le
Tigre jusqu'à Bassora ; mais, en route, M. Chavasse, le compagnon de
voyage de M. Kinneir, succomba sous les atteintes d'une maladie grave
que les £ttigues et la grande chaleur avoient empirée.
A Bassora se termine fitinéraire de M. Macdonald Kinneir; it
s*y embarqua pour Bombay. Pendant son séjour dans cette ville, il
recueillit de la bouche de M. Colquhoun, qui avoit fait une longue
résidence à Bassora , quelques renseignemens curieux sur le cheval arabe ,
et sur le dattier, « dont il y a, dit-il , quarante-quatre espèces ( 1 ) diffé-
X» rentes, distinguées chacune en arabe par im nom particulier... Le dattier
3» est sujet à être attaqué d'un ver appelé ledna, qui détruit l'arbre en
3» pénétrant dans les branches et en détniisant la moelle : on y remécfie
a» en versant dans le trou creusé par le ver une dissolution de sel marin,
a» A Bassora, cet insecte attaque l'arbre même; mais dans FYémen, et
y> particulièrement dans les environs de la Mecque et de Médine , il
» détruit une grande quantité de fruits, et est extirpé par un singulier
( 1} L'ezpressionisfj9?ci9 ac doit se prendre sans doute que dans le sens de variHés,
T a
i48
JOURNAL DES SAVANS,
M moyen : on se procure un nid de grandes fourmis noires, qui ne
» manquent jamais de dévorer le ver; et ceux qui n'ont point sur leur
» terrain , de ces fuuraiis , peuvent en acheter de gens qui les conservent
» à ce dessein. . . .Cet arl^re admirable n'est pas utile seulement par le
a» fruil excellent qu'on en tire :-des spathes on distille une eau très-odori-
» fêrante , reconnue pour cordiale par les Arabes ; on mange la fleur du
w mâle , crue ou cuite. Le chou du palmier femelle est fort estimé : celui
M du mâle se mange également, mais il est quelquefois amer. Les
» branches servent iréveniail; le bois sert à la bâtisse et est excellent
» pour le chauffage ; enfin ies noyaux eux- mêmes , tenus dans l'eau pen-
M dant quatre ou cinq jours, forment une nourriture très-succulente pour
3> les bestiaux, &c. » J'observe qu'on lire le même parti des noyaux
âe dattes sur la côte d'Afrique, selon M. Desfonlaines { i }. Strabon,
parlant du palmier de la Babylonîe, dît également; « Macérés dans Teau ,
» ces noyaux servent à nourrir les bœufs et les moutons qu'on veut en-
iï graisser (2) ; on prétend même qu'il existe une chanson persane, dans
» laquelle les propriétés utiles du palmier sont portées au nombre de
M 360 ; » circonstance qu'on retrouve également dans Pluiarque [3).
Nous n'avons pu extraire de cet itinéraire que la partie narrative , dcDit
nous avonsfait ressortir les résultats principaux. Les détails géographiques
étoieni peu itisceptiLles d'analyse, et nous avons dû n'en choisir qu'un
petit nombre, bien que ce soit, sans contredit ^k partie la plus inté-
ressante et la plus utile de l'ouvrage : il est rédigé sous forme de journal ,
ce qui eh rend la lecture fort sèche ; mais on en est dédoinmagé par l'im-
jwrtance des renseignemens qu'il fournit. Sous le rapport de la géo-
graphie, il offre de grands secours pour dresser , de l'Asie mineure, une
carte infiniment plus exacte et plus complète que ce qu'on possédoit
jusqu'ici , parce que l'auteur indique avec un soin extrême tous les rumbs
de la route dans ses différens détours, et en même temps donne la
MARS 1819. i4p
Merdin, Coslamboul, Angora, Iconium , Césarée, Ouscat dont la
latitude n'étoit point connue, Adana, Ofium Kara-Hissar.
Un travail également intéressant est une description très-détaillée du
cours du Tigre depuis Mosul jusqu'à Bagdad, dans laquelle sont indiqués
les détours du fleuve avec leur orientement et leur longueur estimée
par le temps employé à les parcourir, et le gisement de toutes les
ruines qui existent sur les deiflc rives du fleuve.
A la fin de l'itinéraire , se trouvent deux morceaux : Tun , sur la possi-
bilité d'une invasion dans l'Inde par terre, composé avant la chute de
Napoléon Buonaparte , et dont nous aurions peu de chose à dir«; l'autre»
sur la retraite des Dix-mille depuis Cunaxa. Il paroît que M, Kinneir^
ayant de publier son ouvrage , n'a point eu connoissance de celui du
major Rennell; du moins il ne le cite nulle part. Il pense que les Grecs ^
à partir de Cunaxa, ne se dirigèrent point au midi : c'est aussi l'opinion
que nous avons éiriise (i),. d'après plusieurs critiques, en combattant
à cet égard celle du major Rennell^ qui met Sitaçe beaucoup trop au
sud. Notre voyageur pense que la Larissa de Xénophon est la même
que Ninive, vis-à-vis de Mosul ; mais, pour faire concorder les distances»
M. Kijmeir est obligé de supposer que les Grecs ont marche beaucoup
trop loin du Tigre , et ont' passé le Zabatus à dix ou douze lieues de
son embouchure. En plaçant Larissa zassi haut, il reporte Mespyla
au nord de Mosul ; tandis que jusqu'à présent ce lieu avoit été placé*
au sud. Le major Rennell le confond avec Mosul; mais nous avon;^.
montré que cette opinion est diflicile à soutenir (2}. .
M, Kinneir retrouve, comme le major Rennell (j.),' dans ItZ^aku,
L)ag, la chaîne de montagnes qui arrêta les Dix-mille et les força d'abau-
dpnner le cours du Tigre. Le fleuve Centrites, qu'ils passèrent dans
les montagnes des Carduques, lui semble être le Kaj^çur, au-dessus
de Sert; ce que d'Anville avoit déjà deviné. Le reste, de la route des
Dix-mille, à travers l'Arménie, et du Pont jusqu'à Trcbisonde, est
tracé avec beaucoup de vraisemblance. Cet,te route diffère en })lusieurs
points de ctlle qu'a indiquée le major Rennell; et souvent le voyageur
a rencontré plus juste que le géographe : du moins paroit-il plus prèS:
de la vérité.
^ L'ouvrage est terminé- par ua ^/T^^/y.V/V contenant, i.° vingt-six ins-
criptions recueillies en dilférens lieux. Il est impossible d'imaginer.
jusqu'à quel point elles sont estropiées. Celle que j'ai donnée dans le
(i) Cahier de. janvier 1818, p. 13 (2) JùiU. 1^. i4«
(3) RenncU'j Illustrât, ifc. p. ij2 suiv.
ijo JOURNAL DES SAVANS,
premier article, est la plus intelligible de toutes; dans fes aolics, on
parvient à saisir une ligne ou deux, el le reste échappe, tant les Biutes
sont grossières et nombreuses. Trois ou quatre inscriptions latines ne
scmt pas plus claires que les autres; elles oflrent p£Ie>méle des carac-
tères latins et grecs; c'est un grimoire indéchiffi-able : -on regrette d'au-
tant plus que M. Kinneir ait été k cet égard aussi peu exercé, qu% en
juger par quelques mots de ces înscripGons , il en est d'intéressantes ;
telle doit être ftnscription n," *io. 2.° Les calculs astronomiques sur
lesquels s<Hit établies les latitudes des villes dont on a donné ci-dessus
les noms. )." L'indication dé taillée du cours du Tigre , de Mosul à Bagdad.
4>'' La position en longitude et en latitude de huit îles sur la côte mé-
ridionale du golfe persique , vues du vaisseau /e favori, le 1 3 et le'
14 Juillet I B 1 6 ; morceau curieux et important.
Outre les trois rouies dont nous avons présenté Tanalyse, Yapptadix
contietil deux itinéraires à travers l'Asie mineure. L'un, dressé par
M. Bruce, donne la route entré Alep et Césarée ou Mazaca par la
Commagène et la Cataonie ; et de Césarée à Angora , par la Morimène ,
au sud ^Ouscat; route peu fréquentée et très-mal connue. Cet itiné-
raire, 011 toutes fes distances sont marquées en heures de route, contient
plusieurs faits géographiques tntéressans: dans un endroit, M. Bmce
dit qu'UI fiostan est sur le Kizil Ennak ou Hûlys. Si le fait est vrai (et
pourquoi ne le seroit-il pas!}, toutes les cartes de FAsie mineure, el
notamment celle du major Rennell , seroient soumises à de grands dian--
gemens dans cette partie; il ftudroit prolonger jusque-là le bras méri-
dional de XHalys, vers l'orieni; et encore ici d'Anvillese trouveroit plus
près de ta vérité que ceux qui sont venus après lui. En outre , Topinion
générale parmi les géographes sur l'identité d'UI Bostan avec ComanA
de Cappadoce, ne })OiJrroit plus subsister; car Comana, au témoignage
'e Slrabon (1 ) et de Pline f 1) . étoit sur le Sans, fleuve c
MARS iSip* 151
Afe/as esileKzm-^uz qui coule dans la plaine de Césarée , comme le dit
positivement M. Kinneir; ce qui n'empêctie pas que la carte n'exprime
tout le contraire, le Mêlas s'y trouvant un affluent de YHalys ; c'est
un des plus frappans exemples de la négligence avec laquelle cette carte
a été dressée, comme nous l'avons déjà dit. Sivas, l'ancienne Sébaste»
e^t arrosée par le bras septentrional du Kizil Ermak, ou Halys^ selon
M. Kinneir.; &it sur lequel , encore une fois , la carte n'est point d'accord
avec le texte. D'AnvîIte, dans sa carte de FÂsie mineure, avoit deviné
juste, selon son usage; il place également Sébaste sur un bras de YMalys,
auquel il donne à très-peu près la direction qu'il doit avoir d'après
M. Kinneir. Tocat, l'ancienne Berisja, la ville la plus commerçante de
Fintérieûr de l'Asie mineure, renferme soixante mille âmes : à dix-^huit
heures plus loin, on trouve Amasîa, ou Amasée, patrie de Stral^on.
<( Cette ville, dit M. Kiimeir, est située sur les deux rives de Y Iris ou
»Iekil Ermak, dans une vallée étroite» entre des montagnes élevées
» et escarpées, sur une desquelles on a construit un château-fort. Ce
» rocher est fameux par quelques sculptures ( 1 ) extraordinaires , qu'on
» suppose être des restés des tombeaux de deux rois de Pont. On
3> dit que la population de cette ville monte à trente-cinq mille âmes.
^) Le pays produit une grande quantité d'excellente soie. »> Le reste de
l'itinéraire n'offre rien de remarquable.
Ces deux derniers itinéraires» joints aux trois autres, composent un
total de cinq routes différentes à travers l'Asie mineure ; le tout ensemble*
contient une masse considérable de renseignemens précieux , qui ré**
pandent un jour nouveau sur la géographie de l'Asie mineure : aussi
est-il juste de convenir que , parmi tou^ les ouvrages qui ont paru jusqu'ici
sur cette contrée , on ne sauroit en trouver un qu'on puisse comparer à
celui de M. Macdonald Kinneir sous le rapport de l'utilité scientifique^
LETRONNE.
mm
FuNDGRUBEN DES Orients , hearheiîet durch eine Gesellschaft
von Debhûhern. — Mines de ï Orient , exploitées par une société
d'amateurs , sous les auspices de M. le comte Wenceslas
(i) Cahier de février^ ;;. //y.
# .
iî2 JOURNAL DES SAVANS,
Riewuyky: tome VI, i/' cahier. Vienne, 1818 , in-fol.
contenant : Mysterium Baphometi revelatum [i),.à'c. Disser-
tation de M. Hammer.
Depuis la proscription des chevaliers du Temple et l'abolition de
Tordre, il s'étoît écoulé cinq cents ans, lorsque les accusations, les
témoignages , les jugemens , ont été soumis à la révision de l'IiisEoire.
La publication des procédures, leur fjiscussion, le rapprochement des
diverses circonstances qui précédèrent ou préparèrent cette grande et
'célèbre injustice, ont suffi. La renommée de l'ordre et la mémoire des
dievaliers ont été réhabilitées dans Topinion des personnes impattiales.
Aujourd'hui uii nouvel accusateur se présente, et,' laissant à f'écart
îes imputations que fes persécuteurs contemporains avoient imaginées,
il dénonce d'autres crimes; malgré Tintervaile de cinq siècles, il se
vante d'offrir des preuves matérielles. «II n'est pas besoin de paroles,
■n-àix M. Hammer, quand les pierres déposent ; les monumens tiennent
» lieu de témoins. »
- Quels sont donc ces monumens ignorés ou négligés par les premiers
accusateurs de l'ordre du Temple! Comment avoient-il> échappé aux
perquisitions de la haine et de l'envie, ï la sagacité des inquisiteurs!
Pourquoi les divers apostats , qui , par ambition ou par crainte , déposèrent
contre l'ordre, n'indiquèrent -ils pas les monumens qui alors dévoient
être et plus frappans et plus nombreux , et dont l'existence auroît
Justifié leur honteuse désertion î Et, quand les églises et les maisons
des Templiers furent occupées par des successeurs qui avoîent tant
d'intérêt à faire pardonner la sévérité de la spoliation, comment aucun
de ces successeurs ne s'aperçut-il de ces monumens, qui, selon
M. Hammer , proclament encore aujourd'hui Tapostasie des Templiers t
MARS 1819. 15}
Voici rexposîiîon , l'analyse et le résumé du système de M. Hamm :r
« On trouve, dans la procédure prise contre l'ordre du Temple, que
» les chevaliers adoroient urîe idole en forme de bafomet, in Jigurdm
» BAPHOMETi, En décomposant ce mot, on a bafo et meti. Bat^i, en
»grec, signifie teinture» et par extension baptême ; fm-noç signifie de
» l'esprit: le BAFOMET des Templiers étoitdonc fe baptême de Tesprir,
» le baptême gnostique, qui ne se fkisoit point par FéSu de la rédemp-
9»tion, mais qui étoit une lustration spirituelle par le feu: BAFOMET
yy signifie donc Tillumination de l'esprit.
3> Comme les Gnostiques avoîent fourni aux Templiers les idées et
» les images bafométiques , K- nom de metjç, METIS, a dû être vénéré
y> chez les Templiers : aussi, dit M. Hammer, je fournirai des preuves
» de cette circonstance décisive.
» Les Gnostiques étoient accusés de vices in^mes : le METIS étoit
» représenté sous des formes symbohques , principalement sous celle
3> des serpeiis, et d'une croix tronquée en forme de Tau, T (1). »
M. Hammer entre, sur ces symboles, dans des détails que lajangue
française n'a pas le privilège de pouvoir reproduire comme d'autres
langues :
Le latin dans ses mots brave l'honnêteté,
« Les Gnostiques, ajoute-t-il, n'empfoyoient pas toujours Fe mot
» METE dans leurs monumens; ils se servoient aussi du mot GNOSIS^
» qui est synonyme, et on le retrouve chez les Templiers. »
Développant ces diverses accusations , M. Hammer soutient qu'il
est prouvé par la procédure, que les Templiers adoroient des figures
bafométiques, et il produit des niédailles qui ofirent ces figures préten-
dues, et sur-tout quelques médailles où l'on trouve le M ETE avec la
croix tronquée , et d'autres qui représentent un temj)Ie avec la légende
SANCTissiMA QUiNOSïS . c'est-à dire , GNOSIS. Il indique aussi des
vase.> gnostiques, des calices; et, en les attribuant aux Templiers, il
avance que le roman du SAINT Gra AL, ou sainte Coupe , est un roman
symbolique qui cache et prouve à-Ia-fois l'apostasie, la doctrine gnos-
tique dès Templiers. Enfin il croit reconnoitre dans les églises qui ont
jadis appartenu ou qu'il prétend avoir appartenu aux Tein^^liers, des
figures bafométiques, des symboles gnostiques et ophîtiques.
A ces points principaux il ajoute quelques circonstances partî-
(i) M. Hammer dit, page 6) : Criix cuni jnami benedicente sic fi^. rata, ut
mantis superiorem vartem crucis contegar , ac -ta soluininodo T ( lignuni vitœ et
icientio! , idest, phallus et clavis gnoseosj appareat,
y
iî4 JOURNAL DES SAVANS,
culières qu'il rattache à son système , et dont | aurai occasion de parler-
Dés son entrée en matière» M. Hammer rassemble des inscriptions
grecques, arabes et latines, par lesquelles il croit prouver qu'une secte
dans rOrient employoit le mot de M£T£ dans le sens S esprit; il fait à
ce sujet une grande dépense d'érudition : mais , comme rien ne désigne
dj près ni de loin les Templiers» et qu'au contraire on ne peut pa»
trouver un rapport quelconque dans le nombre SEPT, qu'on lit sur
quelques inscriptions relatives à cette secte , avec celui des premiers
fondateurs de l'ordre du Temple, qui étoient NEUF , je ne m'arrêterai
pas sur ce point. Les vingt-quatre inscriptions qu'il rapproche ont été
publiées en différens temps, en di^Férens lieux et par divers savans, et
arcun d eux n a jamais pensé qu'elles eussent quelque rapport direct
ni indirect aux Templiers.
J*abaiidonne donc ces préliminaires > et je m'attache d'abord au mot
de BAFOMET.
Il est vrai que, dans la procédure prise contre Tordre du Temple, les
chevaliers étoient accusés d'adorer une idole in figuram Bafojv^TI :
cette accusation vague et ridicule parut si absurde, que les inquisiteurs
n'cTcigèreni point à cet égard les aveux des chevaliers qu'ils iàisoient
tortuier. C'est cependant ce mot de Baphometi qui donne lieu au
système d'accusation produit à pré^ent par M. Hammer.
Dans Tappendice joint à mon ouvrage intitulé , Afonumens histùriquis
relatifs à la condamnation des chevaliers du Temple et h l'alfoUtion de leur
ordre, j'avois parlé des figures bafométiques (i), et dit, au sujet de ce
mot BafomjlTI , qu'il fàlloit lentendre de Mahomets ; que l'un
des témoins qui en parle prétendoit qu'on avoit exigé de lui qu'il
prononçât Y alla, mot des Sarrasins, disoît-il , qui signifie Dieu.
J avois ajouté que Tun des témoins entendus à Florence avoit avancé
qu'en lui montrant l'idole, on lui avoit dit : Ecce Deus vtstir et vester
Ma au M ET.
Je n avois pas cru nécessaire de prouver cette identité de noms par
les autorités des écrivains de Tépoque; mais Tassertion de M. Hamnfer
m'en fait à présent une obligation. Voici quelques-unes des nombreuses
preuves que je pcurrois accumuler.
Raimundus de Agiles (a), parlant des Mahomé tans, dit : In ecciesiis
autem magnis BAFUMARlASfacitbant (});.... habebant et monticulum...
• ^—^^^^
(1) M. Nicolaï avoit précédemment expliqué le mot de Bafomet à peu
près dans le menu- sens que le fait aujourd'hui iVI. Hammer.
(2) Dans la coilcciion de Bongars, iniituiée Cesta Dei per Francos,
(3) Pag. 171.
MARS 1819. 15 ï
uhi duœ erant BàfvmarijE. On voit que Bafumaria signifie église
du culte de Mahomet, mosquée; aussi Du Cange, au mot Bafumaria 9
s'explique ainsi : Templum Mahumeto dicatum.
Dans une pièce cTun Templier troubadour, on lit le mot de BafO'*
MARIA dans le même sens :
Enansfara Bafomaria j Auparavant fera temple à Mahomet
Del mostier de sancta Maria, \ Du monastère de sainte Marie.
Le Chevalier du Temple: Ira e dolor.
Mahomet est, dans la même pièce, appelé Bafomet.
£ Bafomet obra de son poder^ \ Et Mahomet opère de son pouvoir*
( Id. ibid. )
Et dans Raimundus de Agiles il est nommé Bahumet... qui est de génère
Bahumet (i).... anathemati^antes Bahumet (2). Au reste rien de
plus ordinaire que le changement de Tm en B, et de I'h en F (3).
Cette explication incontestable du mot de Bafomet détruit la base
du système de M. Hammer : cependant il ne sera pas inutile de démontrer
qu'il n'a pas été plus heureux dans le choix de ses preuves que dans la
combinaison de son système.
J'examinerai d'abord les monumens où se trouvent les mots mets,
GNOSIS. On Ht ces mots, dit M. Hammer, sur des médailles qui
servoient aux Templiers : il en a fait graver cent. Qui ne croiroit ren-
contrer dans le nombre quelques indices en faveur de son système.!
Bien loin de là, M. Hammer est forcé d'avouer qu'il n'a pas une
entière confiance dans ces sortes de témoignages.
Je m^attache aux principales médailles ; car je ne puis me résoudre à
réfuter sérieusement M. Hamtçer» lorsque les formes des dents de cer-
taines clefs qui sont figurées sur des monnoies , lui paroissent indiquer
Fm ou Te de mete ou d'autres lettres qu'il emploie à soutenir ses
conjectures. J'attaque d'aijord son explication de la médaille Sp."", dans
laquelle il prétend avoir la preuve de sa double assertion, c'est-à-dire ,
le mot METE et la croix tronquée.
On h'i autour de cette médaille ou monnoie me te es is. M. Hammer
n'explique pas ce M£TEESlS;mais il prétend que ce mot n'a pas besoin
d'explication : il ne dit rien du revers , où Ton voit une tête qui porte une
couronne et un reste de légende lES.
" r^ ^
(i) Pag. 164. — (2) Pag. i6î.
(3) M. le baron Silvesire de Sacy avoit réfuté l'explication du Bafomet
donnée par M. Hammer; il avoit prouvé que ce mot n'éioit que le nom de
de Mahomet. Ko/, le Magasin encyclopédique, 1810, r. Vi,P't59'
V 2
iji5 JOURNAL DES SATANS,
Cette moniioie a élé puMiée par Seeliincft r ( i ) , qui n'y a rieji vu de
mystique, de syinijolique, El comment, dans des iiiéd.iîlles c,ù l'on voit
une cruix tronquée ou du moins paroi^vant tflle, Ji tnuie de la superpo-
sition de [3 main qui couvre le haut de l;i croix, M. H:immer a t-il pu
reconnoîlre un emlilème gnosiîqiie, le prétendu Tau my^iiqiie. uit
signe impudic[ue des Ophianiles! M, Hammer n'ignore pas que dans
la collection de Seeliinder, cette médaille se trouve auprès de celles ci;
i." méd;iiHe avec la niéine croix tronquée, à l'autre côié de l.iquelle on
Jic EcFrBERTUs ABCHIEPb; 2." une où on lit Livniburhc, et du
côté qui ortie la croix tronquée, BerNHARDUS; j." une qui, d'un
côlé. a celte même croix , et, de l'autre, un simple N ; 4-" enfin trois
anciens sreaux qui présentent la iTiême croix paroissant tronquée par ia
super jHjsiiion de la main , avec des légendes qui indi'^uent les églises , Jes
cou^en^, le* princes auxquels ces sceaux nppartenoient.
Est-ce en détachant ainsi un monument des autres qui l'expliquent,
qu'on doit le produire comme h preuve d'une accusation aussi grave l
Je dois prier ici de deux monutnensquî, selon M. Hammer, présen-
loîeni dans les églises dt^s Templiers le Tau mystique.
Dans régn>e de Peiesdorf, qu'il prétend a: oirapparteiiu aux Tem-
pliers , et qui n'a aucune sculpture , on voit dans le chceur deux grandes
pitrres placées en forme de T, celle du dessous perpendiculaire, et
celle du dessus couchée transversalement. M. Hammtr ne dit pas si ces
deux pierres sont saillantes : il est très-vraiseniMaMe qu'elles le sont , et
que, la pierre transversale portant quelque Iiuste , celle du de'.sous
n'avoit i-ié placée perpendiculairement que pour la soutenir et fa ren-
rorcer.ît cause du poids.
L'église de Wuf lendorf. que M. Hammer conjecture aus^^î avoir appar-
tenu aux Templiers, oll're, dit-il, sur un mur extérieur, la figure d'un
Templier qui , d'une maiii , tient ou un ramenu ou une épée flaniiioyante ,
et de l'aure le Tau, T; c'est-à-dire , un l>3ton en firme de IÎafomet.
Celte figure est gravée planthe 1 11 , n.° 1 î : rien n'indique que ce
ïoit un Templier, ni l'halil, ni la cmîx; c'est un homme qui tient dnns
«ne main un petit ariire ou un rameau, et qui ajipuie l'autre sur un
bâton, demi le haut est en furnie du haut d'une liéquille.
Que M. Hammer renonce donc à Voir. ïur des médailles el sur des
monumens qu'il attribue^ux Templiers, le metE ni le T*u des Gnos-
tiques. l^s nié^^ts et les innnutnens qu'il cite ne prouvent rien à cet
fi) Nicplai Sect^ndcrs 10 Schrificn vod Ueuischen wùmzcn miitterer
Zf ilcn &c. Hannovtt, 174}, ('/j-^.'
M.ARS 1819- 1J7
égard; et, quand même il s'y trouveroit quelque indice gnostîque,
pourquoi les imputer aux Templiers , auxquels ces médailles et ces
monumens sont entièrement étrangers î
J'en rîens aux monnoies que M. Hammer prétend porter ce mot de
guinosis ou gnusis.
Dans la monnoie 80.*, selon M. Hammer, se trouve le temple de
Jérusalem avec quatre tours; et l'inscription oiïre + S. S. SlMOONlUGA;
mais, en lisant à rebours, et en commençant, non par Ta final»
mais pa» le o couché , que M. Hammer n'a pas hésité à prendre pour
un Q , tandis que les savans qui ont cité ces sortes de médailles y out
vu un D, il lit, SSTA QUiNOOMis, quoiqu'il n'y ait aucun T dans
l'inscription; et, en considérant Tm comme un sigma renversé, on a
QUJNOOSIS, et changeant qui tn g et ne faisant qu'un o des deux,
on a gnosis ; ce qui signifie et révèle le secret des Templiers gnostiques.
Qu'on ne m*nccuse point de ne pas bien énoncer lexplication de
M. Hammer; car je lui fais grâce d'kutres changemens.
Qu'est-ce que cette monnoie î Pour la lire à rebours, M. Hammer
comiuence à ia pénultième lettre, et il laisse l'A, après lequel est une
+ qui sépare le commencement de l'inscription de sa fin; H ajoute un
T, et suj)pose une lettre grecque mêlée dans l'inscription latine , ce qu'il
est permis de croire sans exemple, puisque M. Hammer n'en rapporte
pas, lui qui ne manque pas d'appeler les exemples de très-loin, toutes
les fois que la matière le permet; et enfin, après ces changemens, ii
n'a pas son mot de GNOSIS, il faut encore en faire d'autres.
Et pourquoi a-t-il vu dans cette inscription ce qui n'y est pas, et
n'a-t-il pas voulu voir ce qui y estî On lit SS. Simon Juda; dans
la médaille 99/, on lit de même S. SiMO V£L JuDA; dans la 93.%
S. Sjmon Juda, &c. &c.
RiavL de plus commun , dans le moyen âge , que les monnoies qui
portent d'un côté les noms de saints. Nous avons en France S. Mar-
TI^US, sur les monnoies de Tours;. S. Maiolus, sur les monnoies
de Souvigni, ôlq. ; tandis que, de l'autre cô-é^ on lit le nom de la ville
ou du prince , &c. &c. Deux des monnoies où , au lieu des noms de
S. SiMON et de S. Jude, M. Hammer veut lire sainte Gnostique,
offrent aussi le nom d'OTTO, d'OTTO Marchjo. Cette circonstance
axfroit em!)arrassé toute autre personne que M. Hammer ; mais il décide
que cet Otton, ce marquis Otton, étoit un Gnostîque protecteur des
Templiers, initié à leuY doctrine secrète.
Seelânder n'a vu, dans toutes ces monnoies, que S. SlMON etS. JuDE ;
il a cru que cet Otton pouvoit être Otton II, marquis de Brandebourg,
,j8 JOURNAL DES SAVANS,
qui a vécu vers Fan isoo; et si Topinion de Seelânder ne suffisoit pas
k AL Hainmer pour adopter cette explication simple, naturelle» évi-
dente, il auroit trouvé dans Otto Sperlingius (i) l'indication d'une
jiai-eille monnoîe avec finscrîptîon de S. Simon et S. Judas. Les téies
des deux saints sont rapprochées sous une même couronne. A. Mellen
jugeoit que c^tte monnoie avoit été frap{>ée à Goslar, et Sperlingius
adoptoit cette opinion.
Je passe aux coupes mystiques, &c.: )'ai démontré qu'il n'est pas
raisonnable de présenter les précédens monumens comme des preuves de
la doctrine gnostique des Templiers; il ne me sera pas difficile de faire
re/eier Jes preuves que M. Hammer prétend tirer des coupes qu'il
suppose avoir servi aux mystères gnostiques.
D'abord il recherche dans la plus haute antiquité l'existence de ces
coupes mystiques. Si des sectes païennes ou même chrétiennes se sont
livrées à des orgies religieuses, si des coupes ont servi à ces orgies, que
peut-on en conclure contre les Templiers ! Ces coupes ne les concernent
pas plus que le mete, le GNOSis , le Tau.
Après des recherches sur les coupes des anciens , M. Hammer eii
vient plus directement aux Templiers; il prétend que, dans Féglise des
Templiers à Schoengrabern , six coupes , rapprochées les unes des autres ,
paroissent indiquer six communautés de Templiers. Comme ces coupes
n'ont pas été gravées, il n'est pas possible de former un jugement,
d'autant que M. Hainmer n'énonce pas qu'elles présentent des emblèmes
gnostiques ou prétendus tels.
Passant des coupes mystiques et gnostiques aux calices du culte
chrétien , M. Hammer a fiiit graver six calices que, dans File de Malte ,
on a trouvés sculptés sur des tombeaux; mais ces calices n'ont aucun
rapport direct ni indirect avec les Templiers , ni avec aucune secte anti-
religieuse.
Quand même des calices auroient été sailptés sur les tombeaux des
Templiers prêtres, quand l'identité seroit attestée et bien reconnue»
fiiudroit-il en conclure, comme le fiiit M. Hammer, que ces calices ,
signes , emblèmes chrétiens , désignoient les coupes mystiques , bachiques ,
gnostiques des païens ou des sectaires ! Non sans doute : M. Hammer
avoit besoin de détourner l'attention par un grand appareil d'érudition
(i) Nummitm cum înscripiione S. Simon et S. Judai , ira uih^r tiuœ fades sub
^tna corcna i/.v,«j istos sanctos refirent; aujue existimat Goslantnsis qfficwjp hos
nummcs esse, ijuod etiam mihi placer. ( Oitonis Sperlingii.... De nummorum
Uractearcrum et CaYorum,iZc. Lubecx, 1700, /w-^.', pag. 75. )
MARS 1819. 1)9
lur les coupes et les calices , pour en venir au Saint GhaAL, et pouvoir
<Jire que les romans qui en parlent sont l'histoire emblématique, (e
lyinijole de l'ardre tlu Temple.
Flusieurs romans de chevalerie parlent du S. Graal, où delà sainte
Coupe qui avoir servi à Jésus-Christ lors de la cérémonie de fa cène
avec ses disctj>les.
Le principal est intitulé : « L'Histoire du saint greaal, qui est
» le premier livre dt? In Tadle ronde, lequel traicte de plusieurs malières
" récréatives ; enseiiiiile la queste dudict sainct greaal faicie par Lancelot,
•» Galaad, lioors ei Pr'rceval,qui est le dernier livre de laTaljle ronde. i>
Ce roman a été imprimé en 1 ; 1 6 ( 1 ),
Dans les romans de LancelOt du Lac [2) et de Perceval le
Gallois (j) , il est des aventures ûÙ figure le S. Graal. 11 en est aussi
parlé dans des romans écrits en vieux allemand que M, I lammer ne cire
pas, et notamment dans le roman de'I'lTUREL, où se trouve, selon
M. Hammer, et d'après les corrections ou changemens qu'il propose,
Fe mot METTE. Le S. Graal est désigné par le mol VESSEL dans le romati
de la Mort d'Arthur l\c. &c.
Il seroît bien extraordinaire que des romans entrepris par dififérens
auteurs ei en divers temps, et fiiisant partie ou suiie d'autres romans,
eussent été conçus et exécutés dans un esprit allégorique pour désigner
une doctrine secrète et irréligieuse , qu'il n'est pas pei mis de soupçonner
d'après l'ensemble de la composition , et moins encore d'après les détails
particuliers.
Les chevaliers promettoient lîdélité à Dieu et aux belles; ils s'ar-
moient, combatioieni pour la religion et pour les dames. S'étonnera- t-ou
que Ton ait regardé la recherche- du S. Graal ou de la sainte Coupe
comme un exploit digne de la chevalerie 1
Les règles de la critique exigeoient que M, Hammer indiquât quand
et par qui ont été composés les romans qui parlent du S. Graal. En
coniioissant l'époque et les auteurs, il eût été plus aisé d'établir une
opinion sur la doctrine secrète, sur les allégories dont parle M. Hammer.
Les passages qu'il rapporte sont bien loin de prouver un système
(1) On lit ffol, /xx.vii;^.-" Contme srre Robert de Berron qui cette histoire
•• translara de laiin en François ; « ^fil. cxj) ; ■■ Le compte ici ne devise mie où
l' ils le portèrent, ne messire Robert de Boiroii n'en fait mie ici mentiorî ; »
(fol. cxvj : <■ Messire Pierre de Bosron a translaté cesic hystoire du latin en
«prose Françoise. »
(2) Edition dei5î3,/uA tom. Il « IJI.
{3) édition de ijîo.jt'/.
JOURNAL DES SAVANS,
contraire aux dogme» de» tliréliens, soit qu'on les ejcamine séparément,
soit qii'cii les rapprodie de l'ensemble de chaque romnn. Comment
M. Hamnier a-t-iJ jju taxer d'impiété, d'irréligion, l'esprit dans lequel
ont éw toiiiposé* des ouvrages où Ign trouve par-tout des détails tels
que cfux-ci!
D.ins (e roman duSAlNCT Creaal, Notre Seigneur visite Joseph
d'Artmîlhie , emprisonné pour l'avoir descendu de la croix , et lui donne
ie Hanap ffol. y ) ; lui ordonne de se faire baptiser et de prêcher la loi
de Dieu (fol, vu) ). Le baptême, la messe, la communion, les prières
pour les morts, le signe de la croix, les cérémonies du culte chrétien,
ies mir;itles, l'intervention des anges, ne laissent aucun doute sur l'esprit
qui a présidé h cet ouvrage. On voit que , pour approcher du S. Graal ,
c'est-i-dire, pour partidper à l'eucharistie, tl faut en être digne. \2x\,
personnage ayant voulu voir de près le S. Graal, en devient aveugle
(fol. XXXV ) , mais est ensuite guéri miraculeusement. Jo'seph d'Arimathie
ayant établi la table du S. Graal, une place resioit vide et représentoit
celle où s'étoit assis Jésus-Christ. Un jour un personnage désira s'y
asseoir; on lui dit qu'if devoii être très-pur. « Ne te siez mye ici, si tu
» n'es tel que lu dois estre ; car tu t'en repentiras , et saiches que ce lieu
» n'est mye pour les pescheurs , ains est la signifiante du lieu où Jhesu-
ntiriïtse assisi le jour delà Cène.» Il insista-, mais à peine assis, il
fat attaqué par des mains enflammées qui l'eniporièrent (fol, à'i'})-
Galaad . Perceval et Boors et dix autres chevaliers arrivent au château
de Corbcnic... « Ung escler qui se boula pariny (c palays en telle sorte
*>que les gens de seans cuiderent estre brusiés et ars. . . . Puis soubdai-
» nemeni vint une voix qui leur dist: ceulx qui ne sont dignes d'estre
nassys k la table de Jhesucrist, se s'en voysent, car taniost seront repeuz
3> les vrays cliev.iliers de viande celestielle. . . . Celluy qui n'a esté
» conipaignon dt la queste du sarnct Greaal s'en voyse d'ici. »
Après arrive le S. Graul; l'évéque Joseph dit la messe, montre l'hostie
en laquelle les assîsians croient voir que le pain avoit pris forme
d'homnie. . . Ensuite le Sauveur lui-même donne la coimnunion à
Galaad et îl ses compagnons.
Dans les rumajis de LanCELOT du Lac et de PERCEVAL LE
Gallois, c'est toujuursavec vénération que les auteurset les person-
nages parlent du 5. Graal. I^ncelot. arrivé il Corbenic, attaqué de folie,
recotvre sa rai>on parla venu du S. Graal. « Et devant le sainct vaisseau
» seoit d'ung vieil homme revestu comme prestre, et sembloît qu'il
» fiist au sacrement de l'auiel, et quant il deust inonstrer COitPUS
» OOUlM , &c. ( Lancelot, tom. lll.fol, cxij. )
MARS 1819. 161
» Lors commença ses prières , et disi : Or voy je bien les grans mer-
» veilles du sainct Graal ; si te prie, mon Dieu, que je trespasse de ce siècle
» et que mon ame voise en paradis.... Le preudhomme qui estoit revestu
^ en semblance d'évesque, print le corpus domini et le bailla à Galaadp
» et il le receut en moult grant dévotion {ibid. tom. III, fol. cxv ). »
On me pardonnera ces citations; elles étoient nécessaires pour
détruire de fond en comble le système de M. Hammer. Que les divers
chevaliers qui cherchoient le S. Graal fussent des Templiers ou des gueiv
riers, qu'importe \ Si c*étoient des Templiers, ces romans déposeroient
en &veur de leur doctrine religieuse.
M. Hammer a cru tirer im grand parti du passage suivant: ce Comme
M le S. Graal vint à Tramelot le jour de la Pentecôte.» II fôt remarquer
que la fête du S. Graal n'étoit pas célébrée au jour de la Féte-Djeu,
mais à celui de la Pentecôte. Si par cette coupe, dit-il, on avoit dû
entendre, ainsi que quelques-uns Font supposé, le calice du Seigneur.»
la fète eût été célébrée , ou au jour de la Fête-Dieu, ou au Jeudi-Saint,
et non au jour de la Pentecôte, que les Gnostiques regardoient comfne
très-saint, comme le jour du Saint-Esprit, lequel étoit pour les Gnos-
tiques SOPHi A , et pour les Templiers mete.
Je répondrai à M. Hammer, i.* que le roi Arms tenoit sa cpur
plénière aux grandes fêtes de Tannée , et qu'ainsi il n'est pas surprenant
que le S. Graal soit arrivé à la Pentecôte ; 2.** que Tauteur du roman ne
pouvoit choisir le jour de la fête de Dieu, qui n'étoit pas instituée. du
temps du roi Artus; 3.** que, n'ayant été instituée qu'en 1264 par
Urbain IV, Fauteur, qui a très* vraisemblablement écrit avant cette
époque , n'a pas pu en parler.
M. Hammer corrige, dans le roman de TIturel, le mot KEFFÇ
TAVELN que porte Fimprimé , en mette taveln.
Je ne vois pas ce que son système gagneroit à cette correction : il n^
pourroit plus être' question ici du METE , metis grec ; mais il s'agiroît
sans doute du mete anglo-saxon , qui signifie CIBUS , ESCA. La traduo-
tion anglo-saxonne du Nouveau Testament rend ciBUS par mete. On
y lit : Min kfœrc ys mete.
Mea caro est cibus.
II me reste à discuter l'article de l'accusation de M. Hammer relatif
aux sculptures trouvées dans les églises des Templiers ou qu'il dit ayoir
appartenu aux Templiers, et à examiner quelques points particuliers; ce
que je ferai dans un prochain numéro.
RAYNOUARD.
i^i JOURNAL PES SA VANS»
RBCtiEKKBS SVR LES BisuoTHÈdOES anciennes et modernes,
jus^'à ta Jbndation de la. Bibfioéè^ue Maiarine, et sur les
causes ^tii ont fàvorhi T accroissement succès^ du nombre des
livres; par M. Louia Ch. Fr. Petit-Iladcl. membre de i'/ns-
tàUU (Académie royale des iascriptiùas et UUes-lettres ) , admi-
m^ateur perpétuel de la Biél/etÂê^e Maiarine. Paris ,
Imprimerie de Chanson, librairie de Rey et Gravier, quai
des Augustins , n.** 5 5 , 1 8 1 jr ^ *u-S/ » 44^ P^gcs, avec les
ponraits de Mazarin, Colben, Kaudé, Hooke, et deux
plans des galeries de la Bibiiotbèquea Mzarine. Prix 8 fr.
M. Petit-Radel n'avoit d'abord entEepds qu'une notice faistoiique
sûr rétabliuement confié & ses soiae : mais ses legards se sont bientôt
portés sur tous tes dépâu dki même genre, tant anciens que modenjei;
et , ce qui n'arrive pas toujpurs, en i^;riindi»sam ton travail, il l'a cenda
beaucoup plus udie. On ne manqmût pas d'ouvrées plus ou moios
ikutnictifs sur la fondatîoa, la duràe, la destfucdon des bîbliotfièques
de tous les pays et de tous les âges. Le P. Jacob, le GaHois, Lomeier
lur-tout (i), et les historiens pardoiliers deceruùns étabtîs&emens, ont
» traité et presque épuisé cette matière : mais , en général, ih ont trop
peu redierdié en quoi consi&toient la richesse réeUe et rutiMté iramé-
atate de ces dégôLs; il quel point ils étoient accessibles, quels livies
its contenoient, quels secours ils o&oieot au développement cfes talens.»
au progrès des connoîssances. L'attention de M. Fetit-Radel s'est prin-
cipalement dirigée sur ces points importans ; et c'est ce qui distinguera
^S6n ouvrage de tous ceux mii portent \ peu près le même titre.
Dans une première section, il jette un coup-d'oeil rapide sur les
MARS iStg. i^j
et de Rome, de celle inénie d'Alexandrie, sur laquelEe J. Frétf. Gro-
novJus , Kuster et Bonanry ont publié des dissertalions savantes ( i ], Ce
que M. Petil-Radels'altaclie il montrer, c'est qu'AHsiole, Caton, Denys
d'Halicarnasse, Sirabon , Pline, Plutarque, ont eu besoin d'un très-
grand nombre de livres pour composer les leurs: ii trouYc même, dans
les épilhèies historiques et géographiques emjloyées par Virgile et
par Silius Italicus, la preuve d'une érudition puisée auic sources les pfos
reculées. Un fait encore plus certain, c'est que les premiers écrivains
ecclésiastiques, Jusiin, Théophile d'Anlioche, Tatien, Clément d'A-
lexandrie, Origène, Eusèbe, avoient à leur disposition touies les produc-
tions littéraires des âges précédens, celles qui nous sont restées et
plusieurs de celles dont nous regrettons la perle. S. Augustin en cite
aussi un grand nombre dans sa Citî de Dieu, et il nous apprend ail-
leurs qu'il existoît une bibliothèque à Hippone. Le pape Hilaire en
fonda une à Saint-Jean de Latran : celle qu'Isidore de Pelure enttetenoi(
dans son monastère, éloit riche en auteurs profanes, si nous en jugeons
par les citations dont il a rempli ses propres épîtres. Il seroii difficile
de remonter à Torigine des coliections du même genre formées dans les
Gaules : mais Sidoine Apollinaire, qui, lui-même, avoii sans doute ras-
semblé beaucoup de livres classiques, puisqu'il en fait un fréquent
usage, parle avec éloge des bibliothèques particulières de quelques-
uns de ses contemporains, tels que Loup , professeur h Pcrigueux}
Rurice, évéque de Limoges; Philagre, qui enseignoit les belles-lettres;
et sur-tout le préfet Tonance Ferréol. La bibliothèque de ce préfet,
poétiquement comparée par Sidoine- à celle d'Akxandrie , éloit divisée
en trots parties; l'une pour les femmes, fauire pour les savans, et fa
troisième pour le commun des lecteurs. M. Petit-Radel extrait des
ouvrages de Cassiodore et d'Isidore de Séville les noms des auteurs
grecs et latins connus, au VI.' et au VU.' siècles, chez les Goths et
chez les Espagnols. Mais déjà quelques anciens auteurs commencent
à disparoîlre : Strabon, par exemple, cité par Cassiodore, ne Test plus
par Isidore, qui nomme Ptolémée et copie Sojin. Plusieurs autres
lumières antiques s'éteignent ou s'éclipsent au viii.'siècle, où pour-
tant M. Peiit-Radel retrouve encore, au sein de la barbarie, des
vestiges d'instruction et des restes de collections littéraires.
La seconde section est intitulée ; Aperça dfs anciermes hibltothiqurs
de France, entre le IX.' et te Xlîi! siècles, c'est-à-dire, entre les années
(i) Antiq. Gracar. tom. VIII. -
et bcUes-lettres , lom. X.
■ Mémoire} de FAcadémie dei [nscriptioni
\
i6i JOURNAL DES SAVANS,
800 et 1 201. En 8i4> la bibliothèque de Pontivi ne contenoitque
deux cents volumes; et cependant fauteur Findique comme la plus
considérable ^ui puisse être citée au moyen âge. Ce qui est incontestable,
c'est que les livres et les études s'éioient réfugiés dans les monastères :
là, des collections, d'abord bien modiques, mais conservées avec un
soin religieux, se sont successivement enrichies de nouvelles copies des
anciens ouvrages, d'essais divers de traductions, et de productions nou-
velles, soit en langue latine, soit en langues vulgaires. Pour nous
donner une idée de la composition des bibliothèques de cet âge,
M. Petit-Radel conthiue de recueillir des renseignemens de tout genre ,
témoignages des historiens co;itemporains , catalogue; complets ou
partiels, citations répandues dans les écrits de Lx>up, abbé de Ferrières;
de Raban-Maur, abbé de Fulde ; de Fréculphe, évéque de Lisieux ;
de Gerbert ou Silvestre II, de Jean de Salisbury^ de Pierre le Chantre et
de Pierre de Blois. Photius seul nous a laissé des extraits de plus de deux
cents auteurs; mais M. Petit-Radel ne s'occupe particulièrement que
des livres alors connus dans la Gaule : ce sont ceux-là qu'il nomme ou
qu'il désigne. II fait remarquer, par exemple, que Quintiiien étoit lu en
France au ix.' siècle, et que Martianus Capella a commencé de s'y
introduire au x.*; il croit aussi qu'on y possédoit, non-seulement FHis-
tpire des Goths par Jornandès , mais ce qu'avoifnt écrit sur ce même
peuple Dion Cassius et Ablavius. Parmi les faits de cette nature qui
sont ici rassemblés, les uns sont immédiatement donnés par les ihonu-
tnens ; il a faXlxx une grande sagacité pour apercevoir et rapprocher les
autres. On regrettera peut-être que fauteur ait joint quelquefois aux
résultats de ses propres recherches certains détails inexacts, empruntés
de recueils qui méritoieni peu sa confiance. II dit, par exemple, que
Jean de Salisbury étoit frère utérin du pape Adrien IV, et, sans
transcrire aucun texte, il renvoie, comme on l'avoit fait avant lui, au
chapitre 4^ du livre m du Métalogue. Or, dans ce chapitre , Jean de
Salisbury, parlant en effet d'Adrien IV, s'exprime en ces termes : Cùm
aiim matrem habent, et fratrem uterinum me quhm illos arctiori diligebat
affectu; c'est-à-dire : Quoiqu'il eût une mère et un frère utérin, il avoîl
pour moi une amitié plus intime que pour eux-mêmes. Ces paroles»
loin d'attester que Jean fût le frère d'Adrien, disent précisément tout
fe contraire. Mais on a détaché de ce texte les mots cùm haberet
{Adiisinus) fratrem uterinum me, et rapporté fort mal à propos le dernier
aux deux prccédens. Nous avons déjà relevé ailleurs (1) cette méprise,
(1) Hist. littér. de la France, tom, XII 1, pag. 2Sjf,
MARS 1819. 1^5
née, comme tant d'autres, d'une citation incomplète. Du reste, ce
détail ne tient aucunement au fond du sujet que traite M. Petit-Radel ;
et c'est pour cela qu'il a négligé de le vérifier.
L'histoire des bibliothèques de France est continuée , dans la troisième
section, depuis le commencement du xiii.* siècle jusqu'au milieu dii
XV.^ S. Louis en établit une à la Sainte- Chapelle , et la rendit accessible
aux savans, aux professeurs, auxétudians même: elle le fut sur-tout à
Vincent de Beauvais ; et l'on auroit lieu de croire qu'elle étoit extrême-
ment riche, si i'on pouvoit supposer qu'elle contînt tous les livres cités»
extraits , copiés par cet auteur dans ies quatre parties de sa compilation
encyclopédique. Mais Vincent aVoit visité plusieurs autres dépôts de
manuscrits, particulièrement celui de Saint-Martin de Tournay. Quoiqu'il
en soit, fa bibliothèque de S. Louis est en France, peut-être même en
Europe, le premier exemple d'une bibliothèque publique : mais ce n'est
pourtant pas le germe de la Bibliothèque royale ; car S. Louis , par son
testament , décomposa cette collection modique , en la distribuant entre
les Franciscains, l'abbaye de Royaumont et les Jacobins tant de Paris
que de Compiègne. On ne découvre aucun dépôt semblable sous
Pfiilippe III, et il n'est pas certain que celui qu'avoit commencé, Phi-
lippe IV se soit conservé après sa mort. Du reste , les autres princes chré-
tiens n'en possédoient encore aucun dont l'histoire fasse mention. C'étoit
toujours dans les monastères que s'entretenoient et s'enrichissoient des
bibliothèques proprement dites. M. Petit-Radel, si le plan de son ouvrage
avoit admis des détails sur ces établissemens , auroit pu distinguer ceuxque
formèrent les Dominicains et les Franciscains qui venoient d'être institués.
Ils étoient , de tous les religieux de cette époque , ceux qui sentoient fe
mieux le prix des richesses littéraires et qui les recueiiloient avec le plus
d'ardeur. Les Dominicains de Toulouse se construisirent une librairie
qu'ils ouvroient aux autres ecclésiastiques de cette ville, tant réguliers que
séculiers. Les soins à prendre pour l'entretien et l'augmentation de ces
dépôts sont prescrits dans les actes des chapitres que les religieux de cet
ordre tinrent à Paris en 1^39» à Toulouse en 1258. Toutefois les
monastères plus anciens possédoient aussi beaucoup de livres, soit acquis
de leurs propres fonds, soit transcrits par les religieux, soit enfrn légués
par des prélats ou d'autres personnes. Ces legs, dont fe xni.* siècle oflfre
un grand nombre d'exemples, prouvent que beaucoup d'hommes lettrés
avoieiit des bibliothèques particulières. Le Nécrologe de Sainte-Gene-
viève indique en détail les bibles, les psautiers, les ouvrages théolo-»
giques, les traités de médecine, et spécialement ceux d'Avicenne , donnés
à cette abbaye, dans le cours de ce siècle^ par l'abbé Odon^ par des
i66 JOURNAL DES SAVANS,
chanoines réguliera et par cfautres bienfaiteurs. On aperçoit dès cel
mêmes temps l'origine de la bibliothèque de faSoffaoïme: le P. Echard
a publié une notice des legs qui» avant i }oi , avoient successivement
contribué à la former. Le catalogue des mille volumes qui la compo-
soient , fut rédigé en 1 29 z. On a conservé celui que, trois ou quatre ans
auparavant t les religieux du Val des écoliers avoient fait de ieurs propres
fivres , dont le nombre étoit de trois cents.
Au XI v/ siècle , Charles V plaça dans une tour du Louvre une biblio-
thèque dont le catalogue y rédigé en 1373 par Gilles Maiiet, présente
oeuf cents articles. La plupart des faits relatifs à cet établissement sont
exposés dans une dissertation de Boivin ( i ) , dans les histoires de la ville
de Paris » dans un Essai historique sur la Bibliothèque du Roi , publié en
1782 (2). M. Petit-Radel fait observer qu'à l'exception d'un Tite-Live,
d'un*Valère*Maxiine, d'un Lucain» d'un Boèce, des versions latines
d'Euclide et de FAlmageste de Ptoiémée , tous les articles du catalogue
de 137} sont des ouvrages composés ou traduits en langue vulgaire.
Cette remarque a pour but de montrer à*Ia-fbis les progrès de cette
langue , et le soin qu'on prenoit d'offrir des moyens directs d'instruction
aux personnes qui ne savoient pas les langues anciennes. Maïs les
hommes véritablement instruits continuoient d'attacher un grand prix
aux livres classiques , grecs et latins. Pétrarque les fàisoit rechercher en
France, en Angleterre , en Italie , en Grèce : ses écrits prouvent qu'il en
tvoit lu un grand nombre ; et parmi les auteurs qu'il cite, on rencontra
Censorin , qui » depuis Cassiodore, n'avoit reparu nulle part.
Dans le cours du xv.* siècle , Ambroise le Camaldale^NkcIi» Aurispa
et lePogge, ont découvert des manuscrits précieux, et remis en lumière
quelques-uns des trésors de l'antiquité. Toutefois M. Petit*R«deI pense
q[u'on a exagéré les services rendus par le Pogge. Il est vrai que ce
Ottérateur a retrouvé Asconius Pedianus, Silhis Italicus , Vaierius Flaccus»
Ammien-Marcellin , les trois grammairiens Caper, Eutychioset Probus}
mais si l'on veut ajouter à cette liste les noms de Lucrèce, de Maniliusi
de Frontin , de Noimius Marcellus et de Quintilien , il convient d'observer
en même temps que le premier de ces auteurs avoit été cité par Raban*
Maur au JX."" siècle, le second par Gerbert au x.*, le troisième et le
quatrième par Jean de Salisbury et Pierre de Blois. A Tégard de Quiit-
Ulien , M. Petit-Radel, après avoir rappelé que ce rhéteur étoit connn da
Loup de Ferrières vers Tan 8 ; o , dit qu'il se retrouvoit quatre cents ani^
{1) Académie des inscriptions et bellec-Iettres 1 tom, /.
(a) Par M. le Prince. A Paris, petit ia-iz.
MARS 1819. 167
pfus tard entre les mains de Vincent de Beauvais. II pouvoit ajouter avec
Bayle (i), que» plus tard encore, Pétrarque avoit eu sous les yeux une
copie des Institutions oratoires » mais informe et incomplète* Tels^toient,
à ce qu'il semble, tous les manuscrits de Quintilien dont on se servoit
en Italie. Le seul mérite du Pogge fut d'en découvrir un meifleiiVi
enseveli dans Tabbaye de Saint-Gai, sous la poussière, au fond d'une
sorte de cachot o& Ton n'eût pas même voulu jeter des condamnés à
mort (2j« Du restée il existoit plusieurs autres bons manuscrits de>
Quintilien qui se retrouvent aujourd'hui dans les bibliothèques d'Oxford,
de Cologne , de Berne et de Paris.
Entre les découvertes du même genre dont parle ici M. Petit-Radel,
nous ne nous arrêterons plus qu'à celle de l'ouvrage de Strabon. « II
9» n'avoit jamais été quesdon , dit-il , en France ni en Italie , de cet auteur ;
» car toute la géographie du moyen âge étoit uniquement fondée sur
» celle de Ptolémée. Strabon demeuroit iiftonnu depuis Jornandès , qui
» le cftoit au y 1/ siècle chez les Goths , et qui se l'étoit Étalement procuré,
» à raison dp la proximité des rapports de ce peuple avec la Grèce, oii
» cet auteur n'avoit plus été cité depuis Suidas au ri/ siccU encore , si ce
» n'est par Eustathe de Thessalonique au xil/» L'époque de Suidas
n'est pas trèsr&dle à déterminer ; mais on a coutume de le placer au x/
ou même au XIL.' siècle, et M. Petit-Radel n'indique pas les moti& qui
le déterminent à le croire beaucoup plus ancien. Au surplus , ceci ne
touche point à la question qu'il examine , savoir par qui Strabon a été
retrouvé ou apporté en Italie. II prouve qu'il conviendroit d'attribuer
cette découverte à Cyriaque d'Ancône bien plutôt qu'à Aurispa : mai^ il
a reconnu depuis la publicadon de son livre, que c'étoit François Philelphe
qui rendit aux études géographiques cet éminent service (3).
La troisième section de son ouvrage se termine par quelques détails
sur la bibliothèque du Vatican, et par un tableau chronologique des
incendies qui ont consumé vingt-cinq bibliothèques précieuses, depuis
celle d'\Iexandrie jusqu'à celle de Saint-Gerraain-des-Prés.
Void le titre de la quatrième section : Aperça de l' accroissement des
livres aux xv! et XV l! siècles^ depuis la découverte de l'imprimerie ; son
(l) Dictionn* art. QuintUien. n. C*
(1) Lettre ds Pogge, publiée par Mucatori, Script. Ital U XX, p, 160; —
par mabjUon, Mus, liai A J,p. ut,
(3) Dans use lettre écrite en 1428 ou 14^9, Fr. Philelphe s'exprime en ces
termes :ytfi!foj(iibrof) nonnuUos per primas exB/^antîo Venetorum naves opperior,
Hi autem sunt Pbtinus, jElianus, .... Strabo geographus , <fc, lib. XXII ^
epist. 3^^ cd. Laur. Alehus. ( Note communiquée par M, Pctit-RadeI.J
i68 JOURNAL DES SAVANS,
application en France à l* instruction la plus générale ; effets qu^ elle produisit
dans les prix comparés des livres manuscrits et imprimés. L'auteur avoue
que Pie II, dont le pontificat coïncide avec les premiers essais de
rimprimerie , ne favorisa point du tout le progrès de ce nouvel art , et ne
prit d'ailleurs aucun soin de la bibliothèque du Vatican » ne sachant
trop , disoit-il , si les collections de livres sont plus utiles que nuisibles
aux affaires humaines ( i ) : opinion qui peut sembler étrange dans lun
des esprits les plus cultivés du xv/ siècle , mais qui depuis s'est
quelquefois reproduite , quoique , en général , elle ait été de plus en plus
abandonnée ou désavouée par les souverains et par les hommes d'état,
à mesure que les lumières publiques se sont propagées et agrandies. Mais^
cette quatrième section est sur-tout remplie de tableaux fort métho-
diques et fort instructifs, qui font connoître les villes de l'Europe où Tart
typographique s'est introduit avant 1 4/4 \ I^^ villes de France où il a
été pratiqué de i ^70 à 1 f 00 ; le nombre des éditions et même des
exemplaires qu il a pu répandre , soit dans les cinquante dernières années
du xv/ siècle, soit dans les trente-six premières du xvi.*; quelques-uns
des ouvrages dont il a multiplié les copies; enfin, d'une part, les
différens prix que les manuscrits coûtoient , depuis le règne de S. Louis
jusqu'à celui de Louis XI ; de l'autre, les prix des livres îftiprimés durant
le premier siècle de l'ère typographique. Ici , comme on voit , les détails
se pressent , et nous ne pourrons nous arrêter qu au très-petit nombre de
ceux sur lesquels il nous est resté des doutes.
Al. Petit-Radel ne s'étant occupé que des éditions de livres classiques,
on ne rencontre ici dans la liste des villes où l'imprimerie s'est établie
avant i474 9 ni Bamberg, dont on a des éditions datées de 1^61 et
1462 (2) ; ni Cologne, qui en fournit aussi de très-anciennes^ une entre
autres datée de 1 466 et décrite dans le Catalogue du lôrd Spencer (3) ; ni
Bâle et Nuremberg, oùl'on impriinoiteni47oet peut-être auparavant (4) •
ce Paris commence, dit M. Petit-Radel, entre i470 et i472f psu:îa
publication de Thistorien Florus. » Florus est en effet l'un des premiers
auteurs classiques imprimés dans la maison de la Sorbonne ; fnais on a Eeu
(i) jCn, Siivii Cosmographia, c. 72.
(2) Notice d'un livre imprimé à Bamberg, par Camus, 1799» '''•^••/ et
tome II des Mémoires de la classe de littérature et beaux -arts de nnstitut,
(3) Chrj'sost. super Ps. 50. Coloniœ , Ulrîc Zeii^ 1^66, in-^.* Voy. p. 190
du tom. 1 de la B'ibli, Spenceriana^ oradescript. catalogue d^c, London, tSt^, in-S^
(4) Bible imprimée à Bâle ( 1460 à 1465 ), voy. Braun , Notifia de libris Ù'c,
Fascic. I , pag, jj et j^. — Fr. de Retza, Ôomestorium vitiorum, Norimtergœ,
i^yo , in -fuL
MARS. 1819. 1^9
de considérer comme fa première de toutes les éditiohs faites en ce lieu,
celle des ^pitres de Gasparin Barîxzi , qui est terminée par ces vers
adressés à la ville de Paris :
. • • • Primos ecce libres quos hœc industrta finxît
Francorwn in terris, œdîbus atque tuis.
Alichaë/, Udalricus Afartinusque magistri ?
Mos nnpresserunt acfacient altos.
Nous écartons plusieurs observations du même genre» pour en sou-
mettre une plus importante à l'examen de M.Petit-Radel ( i ]. Elle a pour
objet le calcul^ des éditions et des exemplaires sortis des presses du
xv/ siècle. *.
A la tète du cinquième tome des Gloses de Nicolas de Lyra sur I&
Bible , imprimé à Rome en 1 4/2 , on lit une épître dédicatoire à Sixte IV»
dans laquelle Jean d'André , évèque d'AIerja , rend compte » au nom^
des imprimeurs Sweynheym et Pannartz , de tous leurs travaux précé-
dens , en indiquant le nombre d'exemplaires qu'ils ont publiés de chaque
ouvrage. Ce nombre est ordinairement de deux cent soixante-quinze;
quatre fois il s'élève à trois cents, six fois à cinq cent cinquante, deux
fois à huit cent vingt-cinq, et deux fois à onze cents. M^Petit-Radel en
déduit un terme moyen qu'il fixe à quatre cent trente-cinq; et, multi-
pliant par ce nombre celui des éditions antérieures à 1 501 , lequel est
de quatorze mille sept cent cinquante dans le catalogue de Panzer, jl
conclut qu'on avoit imprimé avant la fin du xv/ siècle cinq millions
cent cinquante-trois mille volumes ou exemplaires.
Le tableau qui sert de base à ce calcul , a été , si nous ne nous trom-
pons nousrmèmes^ fort mal compris par les bibliographes qui l'ont cité-
Avant 1472, Sweynheym et Pannartz avoient déjà imprimé deux fois
Virgile : le tableau ne distingue pas ces deux éditions ; il les réunit en un
seul article , et compte en somme cinq cent cinquante exeipplaires , c'est-
à-dire y deux fois deux cent sobcante-quinze : P, VirgUii operum omnium
voluniina quingenta quinquaginta. Il cumule pareillement \ts trois éditions*
de l^ctance données en 14^; , i4^8 et i470 , pour en former le total
huit cent vingt-cinq, dont deux cent soixante-quinze est le tiers ; Lactantii
Firmiani Jnstitutionum &c. volumina octingenta viginti quinque. Il n'y a non
plus , pour les oeuvres de S. Jérôme , qu'une seule ligne conçue en ces
termes : D. Hieronymî enîstolaVum et libellorum volumina mille et centum»
Or ces oeuvres, publiées deux fois par ces mêmes imprimeurs, étoientf
dans chacune des deux éditions, divisées en deux volumes que les sous-
( I ) lia bien voulu adopter cette observation , dans les additions qu'il a jointet
f son ouvrage*
T
»70
JOURNAL DES SAVANS,
criptionsdisiinguoieiil expressément: Explicit primum volamtn, Explicil
stsundum volumtn. Voilà comrnent !e total des voluines de S. Jérôme
s'iJève à onze cent ou quatre fois deux cent soixante-quinze. A l'excep-
tion de quatre articles, doiu Je premier est le Dcn^ius pro puerufis , eiqai
ont été tirés à trois cents, (e nombre deux cent soixante-quinze se
retrouve par-tout, si l'on divise, comme nous croyons qu'il convient de
le faire, cliaqiie total exprimé dans ce tableau sommaire, par le nombre
des éditions, ou par celui des volumes, ou k-Ia fois, quand il y a lieu, .
par l'un et par l'autre de ces nombres. Loin doncqu'il y ait lieu de prendre
ici pour terme moyen quatre cent ireniecinq, le nonUire trois cents
n'est lui-même qu'un maximum assez rare, et deux cent soixante-quinze
est le taux ordinaire.
On sent que cette réduction , appliquée aux quatorze rhille sept cent
cinquante éditions du xv.' siècle, diminueroit de plus d'un tiers le total
de cinq millions cent cinquante- trois mille exemplaires auquel M. Petit-
Radel arrive : mais il nous paroît fort probable qu'après i472 les
tirages se seront souvent élevés au-delà de deux cent soixante-quinze
ou même de trois cents. D'un autre côté, il s'en faut que le nombre
de quatorze mille sept cent cinquante éditions soit d'une exactitude
rigoureuse. Les bibliographes continueront long-temps de trouver des
additions et des retranchemens à faire au catalogue de Fanzer, quoiqu'il
soit le fruit des soins les plus laborieux et d'une patience extrême. Si
^Ton voiiloil s'en tenir à un minimum incontestable, on pourroit dire
que l'imprimerie, avant i joi , avoit exécuté plus de treize mille édi-
tions, et répandu en Europe plus de quatre millions de volumes. De
ces treize mille éditions, il en est environ huit mills dont la Biblio-
thèque du Roi possède des exemplaires, et ce sont en général les plus
importantes. Quoîqu'en un d^gré fort inférieur, les bibliothèques de
Sainie-Ceneviève et de Mazarin peuvent passer pour riches en anciennes
,et rares productions de fart typographique.
Après l'an ijoc, les irrages sont devenus plus considérables; on
lit même , dans une lettre d'Érasme [ i ) , que l'édition de ses Colloques ,
donnét p-nr Simon de Colines en i ^26 , avoil été portée h vingt quatre
mille exemplaires. En rappelant un fait si extraordinaire, et qu'Erasme
ne rapporte que sur ia loi d'autrur, ut aiunt, M. Petit-Radel ne prend
néanmoins pour terme moyen que le nombre mille; ce qui donne,
durant les frenie-six premières années du xvl.'siètle, dix- sept millions
sept cent soixante-dik-neuf mille exemplaires, le nombre des éditions
(i) Epiti, loji Brasmi Op. td, J70/, '. ///,
MARS 1819. 171
étant ou paroissani être de dix^sept mille sept cent soi&nte-dix-neuf.
•Pour montrer 'Tomment , au xv.* siècle, Tart typographique con-
tribuoit à l'instruction générale, l'auteur indique , parmi les livres qui
s'imprimoient alors, ceux qui étoient composés ou traduits en langue
vulgaire. II n'entreprend pas l'énumération des anciens auteurs grecs et
latins, dont les textes Âirenl publiés dans les mêmes temps; cette
énumération auroit compris presque tous fes classiques latins : mais
l'imprimerie, avant 1 5 00 , n'a voit pas , à beaucoup près , avancé au mèirife
point la puBlication delà littérature grecque. II n'avoit été imprimé
nî texte ni version dTAnacréon , d'Eschyle, de Sophocle, d'Athénée,
d'Archimède et de plusieurs autres; la presse n'avoit répandu que des
traductions de Platon, d'EucIrde, de Démosthène, non pins que des
historiens et des géographes de la même langue. Le texte de quatre
tragédies d'Euripide avoit été publié; d'antres écrivains grecs, Homère,
Hésiode, Ésope, Isocrate, Aristophane, Théocrite, Lucien, avoient
paru en grec et en latin : mais les éditions de tetirs textes étoient bien
moins noml^reuses que celles des versions.
Le prix des livres, dernier objet des recherches de M. Petit-Radel,
présente d'assez grandes difficultés; d'abord parce que les faits qtii doivent
servir de base aux calculs sont d'autant moins nombreux, qu'il s'agit
d'époques plus reculées ; ensuite parce Qu'à toute époque il y a eu de
très>sensibles inégalités entre les matières, les formes, et par conséquent
entre les valeurs des livres. En 1251, l'église de Batisbonne racheta
les cinq cents volumes de sa bibliodièque au prix de soixante-sept marcs
d'or; ce qui établit le prix moyen de chaque volume à cent soixante-^
seize francs, valeur d'alors, représentant cinq ceat quatre-vingt-trois
fcancs de notre numéraire actuel. En recueillant les prix marqués en
JZ^z à la suite de chaque article du catalogue de la bibliothèque de
h Sorbonne , le terme moyen ne peut s'évaluer qu'à cent quarante-huit,
fi'ancs d'aujounfhui. M. Petit-Radel , en exposant ces deux fiiiis, re*
marque, sur le second, ce que cette bibliothèque (de la Sorbonne) devoir
» être composée, en grande partie, de livres de théologie et de droit,
» et que les maisons 4'études jouissoient du privilège de la taxe que
» l'Université fixoit pour modérer le prix de chaque ouvrage en faveur
« des étudians. » Nous croyons qu'en recherchant', ;dans Thistoire litté-
raire du XI II.* siècle, d'autres données du même genre, on en pourroit
conclure que le prix moyen d'un livre proprement dît, tenant le milieu
entre les simplfes opuscules ou manuels et* les volumes surchargés
de peinture et d'ornemens', pouvoit équivaloir au prix des choses qui
côûteroient aujourd'hui quatre à cinq cents francs. Ge résultat, qui
T 2
17^ JOURNAL DES SAVANS,
ne s'éfoîgneljbit pas beaucoup de celui que M. PetitRadel paroît
adopter y rendroit sensible le bienfait de l'art tyftegraphique , qui a
presque réduit ce prix au centième, tout au moins au cinquantième.
Les quatie sections dont nous venons de rendre compte, ne rem-
plissent qu un peu plus de la moitié du volume que publie M. Petit-
Radel ; le surplus consiste en une notice^ historique sur la bibliothèque
Mazarine; notice divisée en elle-même en deux sections: Tune intitulée,
Mifablissement en France des bibliothèques publiques; discussion sur la
fondation de la première; récit des vicissitudes qu'elle éprouva dis son
origine: et l'autre. Etat de la bibliotbique Afa^arine depuis sa translation
jusqu'à nos jours B
Naudé, en i644t ne comptoit en Europe que trois bibliothèques
réellement publiques : la Bodiéienneà Oxford, l'Angélique à Rome, et
l'Ambrosienne à Milan; les autres, ajoute-t-il, « n'estant si communes,
3» ouvertes à chacun et de facile accès comme les trois précédentes. » La
bibliothèque de Saint-Victor ne s'ouvrit au public qu'en 1 6 5 2 » et celle
du Roi beaucoup plus tard; c'est du moins ce que M. Petit- Radel croit
su$samment attesté par les almanachs royaux: celui «de 1737 ^^^ '^
premier qui annonce que les livres imprimés seront mis à la disposition
des lecteurs à des jours fixes et à des heures marquées; celui de 17^0
dit que les travaux préparatoires ne permettent pas encore d'y
recevoir le public. Quelle a donc été^u France la première bibliothèque
ouverte à tous les lecteurs ! Celle de Mazarin , répond M. Petit-Radel ;
car elle avoit commencé de l'être en 1 648 1 ou même dès i64s« L'intérêt
que fauteur prend à rendre ce résultat sensible, se communique an
tableau des faits qu^ tendent à le justifier. Toutes les pièces qu'il die
sont curieuses: la plus digne d'attention est un excellent écrit de Nau(^,
intitulé : Advis à nosseigneurs du parlement sur la vente de la bibliothèque
de M. le cardinal Majarin. Le parlement , en effet , après avoir» en 1 <î49.».
laissé cette bibliothèque sous la garde de Naudé, eiiordonea h vente
en 1 65 1 , ajoutant « (jue sur la bibliothèque et les meubles du cardinal
»qui seront vendus, il seroit, par préférence , pris la somme décent
3> cinquante mille francs, laquelle seroit donnée à celui ou ceux qui
» présenteroient ledit cardinal à justice, mort'ou vif. » L'honorable
réclamation de Naudé, traduite autrefois et imprimée en Allemagne |
est ici transcrite sur une copie faite dans le temps même. On commença
toutefois la vente de cette collection, dès- lors riche de quarante miUe
volumes. M. Petit-Radel ne néglige aucune des indications qui peuvent
portera croire que les articles réellement vendus, au nombre de seize
jniile seulement ; furent eu partie acquis par Naudé % par dwtres amis
!>■■!
MARS 1819. • 173
du cardinal, et durent se retrouver parmi les trente- sept mille huit cent
quatre-vingts volumes qui composoient la biblîothèquç Mazarine en
1688, époque de sa translation dans son local actuel. Elle avoit jus-
qu'alors occupé une portion de celui que remplit aujourd'hui la Biblio-
thèque du Roi.
Conformément au testament du cardinal , en date du 6 mars 1661 ,
SSL bibliothèque fut consacrée i la commodité et t la satisfrction des gens
de lettres; et, en vertu d'un contrat passé , le i4 av/if 1688, entre les
.exécuteurs testamentaires* et la Sorbonne, elle demeura sous la direction
de cette mai^n. Elle étoit en conséquence administrée, en 1791 , par
le docteur Luce-Joseph Hoofce, connu par un ouvrage latin de théologie
polémique, et p^r l'apprdbation qu'il avoit donnée auparavant à /a
&meuse thèse de Fabbé de Pràdes. ^
Llifstoire de cet établissement est complétée par fie très-intéfessans
détails sur le globe terrestre de Louis XVI qui s'y trouve déposé , et par
une description du local qui, selon Tauteur, est devenu trop resserré',
depuis que Flnstitut a été installé dans le même palais. Les dernières
pages de cette notice semblent touche%à des détails d'administration
publique qu'il ne nous appartient pas d'examiner. Ce qui est à notre
connaissance, c'est que, durant les dernières années du xviii/ siècle,
le zèle et les lumières de feu M. Le Blond ont considérablement accru et
presque doublé les richesses de la bibliothèque Mazarine, alors confiée
à ses soins. Un autre bonheur pour elle est d'être aujourd'hui administrée
par un savant et laborieux académicien qui, dans l'ouvrage dont nous
achevons fanalyse, vient d'ajouter de nouvelles preuves à toutes celles
qu'il avoit déjà données de son amour ardent pour les lettres, de sa
judicieuse sagacité , et de ses vastes connoissances«
Parmi les utiles appendices qui terminent ce volume, nous n'indr-
querons qu'un tableau des bibliothèques publiques ou accessibles qui
sont aujourd'hui établies , aunonibre de près de trois cent^, tant à Paris
que dans les départemens, et qui contiennent, si les renseignemeiis
commum'qués à M. Petit-Radel sont bien exacts, trois millions trois
cent quarante-cinq mille deux cent quatre-vingt-sept volumes. Lors-
qu'on songe, non-seulement au nombre et à la nchesse de ces établis-*
semens , mais au bon ordre qui y règne , au zèle éclairé de ceux qui les
administrent , à Fardente et studieuse activité de ceux qui les fréquentent,
on a peine à mesurer l'étendue des progrès- auxquels la véritable et
saine instruaion est appelée dairs toutes les parties du royaume.
DAUNOU.
<7.i
JOURNAL DEfîS-AVANS,
Nouvelles Lettres édifiantes des Missions de
hi Chine et des Indes orientales. Paris , Leclerc , i 8 l 8 ,
tomes 1 et II.
Le titre de l'ouvrage que nous annonçons rappelle une collection
chère S tous les amis des lettres, et que, depuis long -temps, on regretioit
de voir interrompue. Ce recueil, dont la rédaction est due aux soins
successifs des PP'. Verjus, Patouillet et Duhalde, a été plusieurs fois
j-éiniprimé sous différentes formes et avec quelques additions, notam-
ment dans l'édition qui en a été faite à Toulouse en iSio. Mais,
depuis l'époque de la suppression des Jésuites, on a cessé d'imprimer
périodiquement les lettres venues des missions; et les personnes qui
prenoient intérêt au progrès de ces utiles entrepnses, n'ont pu eti être
informées que par des relations isolées qui ont été publiées k de longs
iniervalies et se sont succédé sans régularité. II a paru des votimies
séparés de ces relations, désignés comme pouvant se/vir de suite aux
Lettres édifiantes, h Paris, en^iyS^, 1787 et 17S9 ; k Liège, en 1794;
à Londres, en 1797 et i 800; à Rome, en 1 806 ; à Lyon, en 1808.
La difficulté de les réunir fera sans doute accueillir avec plaisir une
collection où l'on se propose de les rassembler toutes , et de disposer
par ordre chronologique les pièces Relatives aux missions étrangères^
depuis 1767 jusqu'il présent.
L'ancien recueil portoit le titre de Lettres édifiantts et .crtriraifj : le
nouveau est seulement intitulé Lettns édifiantes ; et cette dHTérence, qui
ï'oltserve dans les deux fronii-pices, est justifiée par le contenu des
deux ouvrages. Je ne place point ici cette remarque par un vain esprit
de critique, ni pour en faire la matière d'un reproche aux personnes
fespectables auxquelles on en doit la publication; Inais peut-être,
tvant de finir cet article, aurai-je occasion de répéter cette observation ,
et d'y joiîidre quelques réflexions que je ne crois pas sans impor-
tance.
La préface qu'on a mise à fa tête du premier volume, oiïre un
exposé rapide de la fmdarion , des progrès , de la décadence, de i'éint
KCtuef ainsi que des "besoins de cinq missions de la Chine, du Tonkin
occidental, de la Cocliinchine» de Siam, et des Mahbares. L'intro-
duction qui vient apr^Sidonne^ avec plus de détails, J'histoire parti-
culière des missions de la Chine, d'où* sont venues les lettres et les
relations qui forment les deux premiers volumes, ainsi que celles qui
doivent remplir encore quelques uns des volumes sutvans. Nous ne
J
MARS 1819. 175
dterons , dans les faits qui y sont rappelés , que ceux qui ont rapport
à ces derniers temps, et dont on n*a pas encqre eu connoissance par les
relations imprimées. La mission du Sse^tckhouan comprend, outre la
province* de ce nom, les deux provinces voisines; ie Yun-nan et le
Kouei-tcheou. La première des trois renfermoit, dit-on, en 1770, dix
à*douze mille chrétiens; en 1792/ on en comptoit vingt-cinq mille; en
1 801 , plus de quarante mille; et en 1 809 , cinquante-deux mille. Leur
nombre s'étoit encore accru jusqu'à la fin de 18 14» où commença fa
persécution qui coûta la vie à M. DuJfTresse, évéque de Tabraca et
vicaire apostolique. Dans le Yun-nan» on ne portoit le nombre des
chrétiens, en 1809, qu'à deux niiile cinq cents, et dans le Koueï-'
tcheou , à quinze cent soixante-dix-huit. Tout le reste de la Chine est
partagé en trois évéchës titulaires, Peking, Macao et Nanking. Il y a
dans ie premier environ quarante mille chrétiens ; on en compte trente-'
trois mille dans celui de Nanking; quant à l'évéché de Macao , dont dé-
pendent les deux provinces de Kouang-si et de Kouang-toung , il ne s^
trouve qu'environ sept mille Chinois convertis à la fei catholique. Le
Fou-kian, le Chen-si, le Kan-sou et le Chan-si réunis en contiennent,
dit-on , soixante mille. On voit , par ce calcul, qu'il y auroit, suivant les
missionnaires, près de deux cent mille chrétiens à la Chine. Ou nous
nous trompons fort, ou ce résultat est assez éloigné des idées qu'on se
fait d'ordinaire de l'état de décadence et de la ruine presque totale du
christianisme. dans cet empire.
Un autre fait non moins contraire k cette opinion , que nous croyons
assez généralement répandue , est ce qu'on observe dans un tableau des
catéchumènes formés annuellement, et des adultes et enfàns baptisés
dans les seules provinces du Sse-tcfahouan , du Yun-nan et du Kouei-'
tcheou, depuis i7<Î7 jusqu'en 1 8 1 3. Le nombre des uns et des autres
va généralement croissant jusqu'en 1809, et décroît à peine dans les
quatre années suivantes 9 au point que les catéchumènes formés en
1767*, au nombi;p de quarante-deux, se trouvent, dans cette année
i 809, portés à trois mille cent quatre-vingt-cinq. Les enfans desmfidèles
baptisés en 1771, tfétoiént qu^au nombre de soixante-dîx-sept; en
1 8 1 3 , ils se sont élevés à trente-six mille quatre cent soixante-dix. Et
comme la période de temps qu'embrasse ce tableau , n'est pas celle eu
l'on peut naturellement supposer un accroissement proportionné dans
le nombre des missionnaires, dans les secours qui leur ont été accordés,
e^ dans les facilités qu'ils ont obtenues pour la prédication, on a ji^ine
h imaginer comment les succès ont pu augmenter en raison inverse des'
ressources;. et comment il s'est formé taQt de nouveaux chrétiens dans
■ É«.d
JOURNAL DESSAVANS,
des circonslances qui auroieni pu faite craindre l'emière destruction des
anciennes chréiieniét.
Il esi naturel de chercher l'explication de cette incohérence apparente,
dans la nature et l'espèce des conversions; mais peut-être doit-on avouer
que celle explicaiion n'est jias eniiérement sattifàisante. A mesure' que>
pir l'etiy de diverses circonstances, le nombre des missionnaires venue
d'Europe a diminuO, on a laLhé de les remplacer par des prêtres chinois,
dont on a toujours considéré la formanon comme un des plus sûrs moyens
de faworijer les progrès du christianisme. Celles des fonctions des
linîssionnatres qui n'oxigeni pas absolument le concours de personnes
Uvétues du sacerdoce, sont remplies avec zèle par les caiùdiuménes les
plus instruits; et les femmes mêmes sont utilement employées, parce
quelles peuvent plus faciieinent pénétrer dans fes maisons des in^dèles
ei y contt-rer, à la déruljée, le Ijaptéme aux enfans malades, en feignent
de leur administrer des remèdes. On ne peut dissimuler que ce ne soit
sur le nombre des chrétiens de celle espèce que porte en particulier
l'augmentation dont nous avons patié, el qui, sous ce rapport, n'est pas
très-difficile k concevoir.
Cette nécessité oîi se irouveni les missionnaires de faire participer les
naturels du pays îi la propagation du christianisme, n'est pas une des
parties de leur conduite qui contribuent le moins à indisposer contre
eux le gouvernement chinois et sus agens. C'est une chose dont les lettrés
sont bien informés, que les Banifj d'Occidint, comme ils appellent les
missionnaires, n'ont d'autre objet, en venant à la Chine, que d'y prêcher
leur religion; et, quoique (es lois de l'état et les édits des empereurs le leur
défendent sévèrement, on n'est j»oint surpris de les trouver souvent eu
faute. Mais on ne sauroit souffrir, disent les magistrats dans leurs déclara-
tions, de voir ces hommes venus d'Europe mettre en usage toute sorte
de moyens pour séduire les esprits peu éclairés , les détourner de la bonne
¥oie, leur faire embrasser une loi étrangère, et les obliger b renoncer aui
usages et aux cérémonies qui sont comme la base du bqn ordre et le fon-
«Jement de l'empire. Ce qui , peut-être , excite encore à un |>Jus haut degré
l'indignation et la déliaiKe des Chinois' c'est la pension de quatre cent
cJmjuante-cinq livresque la Propagajide envoie aux missionnaires, tant
européens que chinois. Ces derniers leur paraissent, au moyen de cette
pension , de vériinbles espions , ou des agens d'une puissance étratJgère ,
lïoni il» redoutent i'infiueiice, faute d'être en éiat d'en apprécier les vues.
On ne sauruit donc èlre surpris de ce que les lnagi^trals chinois, oe
pouvant concevoir los véritables motifs qui font agir les chrétiens, eï
ipur prêtant les intentions les plus coupables, les traitent, quand ils les
MARS 1819- . 177
surprennent en flagrant délit y comme des criminels d'état, convaincus
non*seuIement d*une désobéissance formelle aux décrets des empereurs »
aux lois de Tempire, aux préceptes des saints de i antiquité et aux leçons
des philosophciSi mais ^tement soupçonnés de machinations et de
manoeuvres cootie fa sû^reté de TÉtat. C'est sous ce point de vue qu il
faut envîsBger les persécutions auxquelles iis sont perpétuellement ex- .
posés a §t qui se renouvellent» tantôt dans une province» tantôt dans une
autre, e| quelquefoisi dans tout l'empire. Cette manière de voir nexcuse
pas, mais elle explique les rigueurs et les cruautés exercées contre les
missionnaires, dont plusieurs ont été tout récemment victimes de leur
zèle. Les circonstances de leur arrestation» l'instruction de leur procès,
les emprîsonnemens et les châtimens corporels auxquels ils sont ordinai-
rement condamnés» étant les effets d'une loi constante» offrent peu de
variété. Les deux volumes que nous avons sous les yeux ne sont remplis
que du rédt de ces souf&ances> qu'un lecteur qui prend intérêt à leurs
peines se lasse plutôt de lire » que ces hommes courageux ne se lassent de
les endurer.
Effectivement» en parcourant les relations écrites par M. Gfeyo , par
M. Pottier, évéque d'Agathopolis , par M. de Saint-Martin, on ne
trouve, aux noms près, qu'une répétition d'aventures presque semblables ;
les mêmes &tigues sont toujours soutenues avec le même courage;
les missionnaires dénoncés aux magistrats sont souvent réduits à se cacher
dans les maisons des chrétiens» ou même à errer dans les lieux les moins
habités. Quand on les arrête, on les conduit devant le tribunal du
mandarin» ou , comme ils ont coutume de s'exprimer » devant le prétoire;
on leur ordonne de renoncer à leur religion « et leur refus est toujours
puni de% mêmes peines qui consistent» pour les magiciens» chefs de
secte et prédicateurs de fausses doctrines » dans une bastonnade qui se
* donne avec de longs morceaux de bambou de deux pouces de diamètre»
fendus dans leur longueur ; en soufflets appliqués sur les joues avec un
instrument composé de deux semelle:» de cuir de boeuf cousues à une
extrémité, et détachées dans le reste de leur étendue; et dans une
sorte de' question qu'on donne en serrant les chevilles des pieds dans une
machine faite de. trois planches d'un bois dur qu'on nomme kia-kouen.
Le choix de ces différens supplices est à peu près subordonné au caprice
des mandarins, qui n'en usent pas tous avec la même rigueur ; mais,
depuis long-temps » il ne s'est guère passé d'année où les missionnaires
n'aient été exposés k des tourmens de ce genre : aussi n'ont- ils guère eu
le temps de faire des observations scientifiques ou des recherches
littéraires ; et il y auroit de la cruauté à leur en faire un reproche : on
z
i7«
JOURNAL DES SAVANS,
peut dire même que, quoique les morceaux qui composent le noureau
recueil soient , pour la plupart, d'un intérêt moins général que ceux qui
font partie des anciennes lettres édifiantes , il y a lieu d'être étonné de ce
qu'il s'y tronve encore tant de particularités curieuses et d'observatioiîs
bien iïutes , qui annoncent ce que les mêmes hommes auroient pu Aire
s'ils avoient été placés dans d'autres circonstances.
II y a , par exemple , plusieurs remarques utiles sur les moeurs dans (t
lettre d'un ancien missionnaire qui, après avoir passé les plus belles
années de sa vie dans la province du Fou-kian, est revenu consacrer
une vieillesse vénérable à l'administration de ces mêmes missions, qu'il
avoit servies par son zélé et édifiées par ses exemples. Dans la contrée
qu'habitoit M. de Chaumont , les Chinois n'élèvent ordinairement qu'une
ou deux filles; ils noient les autres, au moment même de leur naissance,
dans un seau d'eau qui est placé à dessein prés du lit de la mère. Cest
un motif de pitié assez singulier qui les y engage, afin qu'elles n'aient
pas le temps de sentir les misères de la vie, et aussi par 1^ crainte qu'ils
ont eux-mêmes de s'attacher trop tendrement à ces filles ; car , une fois
qu'ils ont commencé i en élever une, ils sont on ne peut plus sensibles
au moindre mal qui lui arrive. Une jeune femme , qui étoit nourrice des
enfàns d'une unifie chrétienne, montroii d'heureuses dispositions pour
le christianisme, et néaninoins elle n'osoit se résoudre à recevoir le
baptême: elle dissimula long-temps le motif qui Fen ditoumoit; mais
enfin elle avoua au missionnaire qu'elle étoit retenue par la crainte
qu'elle avoit, qu'étant devenue chrétienne, elle ne pl^l plus faire mourir
les filles qu'elle mettroit au monde.
On croit assez communément que le célibat est regardé , k la Chine ,
comme un déshonneur; qu'un célibataire y est sans considération, et
qu'une fille qui ne se marie pas est un pesant &rdeau pour une fimille.
MARS 1819. 179
la foi détermine les honneurs à rendre aux filles et aux veuves qui
passent leur vie dans le célibat. On leur accorde des titres posthumes;
on élève pour elles de ces arcs de triomphe en bois qui sei vent à pro-
longer pendant quelques, années le souvenir des belles actions et
l'autorité des bons exemples. Il y a toujours dans les biographies
chinoises I lesquelles, comme on sait, sont classées méthodiquement ,
un chapitre pour les thoung-niu ou vierges célèbres , et un autre pour les
tching'Uei ou veuves fidèles ; ces chapitres sont quelquefois assez consi-
dérables : mais cependant il faut avouer qu'en général il y a trop d'avan-
tages pour hs Chinois à laisser une postérité , que leurs préjugés sur les
honneurs qu'ils peuvent attendre de leurs enfàns après leur mort sont
trop puissans , pour que le célibat soit jamais chez eux Fétat d'un grand
nombre de personnes.
Un autre morceau qui rompt un peu l'uniformité du récit des mis-
sionnaires, est la traduction d'un écrit chinois affiché à Macao le 1 j
mai 1785 , et contenant les arrêts rendus par le tribunal des causes
criminelles de Péking contre les missionnaires et les chrétiens , et
approuvés par Fempereur. Dans une pièce de ce genre , on voit à dé-
couvert les opinions des Chinois et les préjugés qui les animent contre
Its chrétiens, ce Ceux qui suivent la religion du Seigneur du ciel , y
est-il dit, reconnoissent un souverain pontife qui est chargé du gouver-
nement de toute la religion ; au-dessous de lui sont des archevêques ,
et après ceux-ci des évéques , et , en dernier lieu , les pères spirituels.
Tous ceux qui professent cette religion , ont pour règle de faire absti-
nence une fois tous les sept jours ; ils honorent et révèrent la croix et
les médailles ; ils exhortent les hommes à la vertu ; ils récitent les prières
en langue européenne; on donne à tous ceux qui observent cette re-
ligion, des rosaires, des images, des calendriers, &c. S'il s'en trouve parmi
eux qui gardent le célibat dès l'enfance , et qui sachent la langue et
les lettres européennes, ils peuvent être admis à aider les prédicateurs
de la religion. On leur envoie alors une permission du souverain pontife,
pour être fiûts prêtres; ensuite on leur envoie tous les ans 8 y piastres..;.
Tous ceux qui se trouvent dans les provinces > et qu'on appelle chin-fou
[pères spirituels], et qui sont honorés par les chrétiens, comme s'ils
étoient des officiers ou magistrats, doivent être punis grièvement et
d'une manière proportionnée à leurs crimes. Quant aux gens ignorans
qui se sont laissé séduire par l'appât dçs richesses , de l'argent ou des
secours qu'ils espéroient recevoir des prédicateurs, nous jugeons qu'ils
doivent être condamnés à Fexil dans le pays de Ili, où ils seront donnés
pour esclaves aux mandarix^s qui y résidant ; et si quelquesims de ces
z 2
i8o JOURNAL DES SA VANS,
inal&itenrs ont reçu de Fargent des prédicateurs , leurs maisons et leurs
biens doivent leur être ôtés et confisqués. » Après avoir rapporté quelques
dispositions relatives au châtiment de cétiz qui ont amené ou intro*
duit en Chine les prédicateurs de la religion , et de ceux qui ont reçu
cette même religion de leurs parens et ancêtres , on ajoute : Toutes ces
doses sont déterminées conformément aux lois; on doit tes respecter et les
mettre en pratique { i ).
Si Ton fait réflexion à Fétat où se trouve un missionnaire que son zèle
conduit à la Chine, qui se trouve transporté loin de sa patrie, de sa
famille, de ses amis, dans un empire où tout est nouveau pour lui,
les personnes et les choses , les lois et les usages, la langue et les mœurs ,
au milieu d'hommes qui lui sont étrangers, qui méconnoissent ses in-
tentions , qui interprètent mal ses actions , qui nourrissent contre lui une
injuste défiance ; on concevra que , dans cet état d'isolement, il ne peut
guère chercher d'appui que dans le sentiment qui le lui a fait embrasser
vofontairement et avec connoissance de cause ; qu'il est bien excusable, s*il
est quelquefois tenté de s'exagérer à lui-même la seule idée qui puisse
le soutenir dans ses souffrances. On ne doit donc pas être surpris de voir
aux missionnaires un certain tour d'esprit qui se fàisoit déjà remarquer
dans l'ancienne collection de leurs lettres, mais qui ne peut manquer
de frap}>er encore davantage dans la nouvelle. On se rendra compte ,
sans avoir recours à d'odieuses suppositions, de cette propension
qu'ils laissent voir à expUquer par des moyens surnaturels les tvé-
nemens qui arrivent, soit à eux , soit à leurs néophytes, (h ce$ con-
versions inespérées dont leurs récits sont remplis , de ces gUérisoils
miraculeuses, de ces changemens soudams et inexpKcables dans h
conduite de leurs persécuteurs. On leur pardonnera de croire souvent
que la providence , dont le secours leur est si nécessaire, agit en Chine
par d'autres voies que celles que nous observons en Eufx^. L'idée
que nous nous formons du caractère des hommes qui se consacrent à
ia prédication de l'évangile, permet sans doute de ne pas leur aécordfer
à tous des lumières également étendues ; mais elle s'oppose à ce qu'on
puisse, en aucun cas, suspecter leur candeur et leur droiture, qualités
(i) Sir George Stannton, auquel on est redevable de la publication de l'ou-
vrage le dIus propre peut-être à faire juçer l'administration des Mandchous (}e
veux parler du code pénal de ces peuples), a inséré, dans l'appendice de cet
estimable ouvrage, deux édits impériaux concernant ia propagation du chris-
tianisme en Chine, donnés en i8oj. Ces deux pièces, qui sont fort curieuset,
seront sans doute réimprimées dans la suite de la collection des Lettres édifiantes,
quand on sera parvenu à Tépoque à laquelle elles se rapportent.
MARS 1819.
sans lesquelles ii est impossible de concevoi
iSi
m.
leur courage el leur
persévérance dans une carrière où la inaligniié la plus ingénieuse ne
sBuroit imaginer qu'ils soient guidés par le plus pelit intérêt humain.
On ne peut douter que la suite de celte collection , qui comprendra
les lettres venues du Tontting , de la Cochinthine et de Siam , ne doive
contenir des morceaux trè^-imporians sur ces pays, que l'on connoît
encore si peu, et sur lesquels l'ancienne collection ne renferme que des
fragmens de peu d'étendue, et, s'il faut le dire, d'une valeur médiocre.
La mission du Tonking, par exemple, a joui pendant quelque temps
d'une tranquillité dont les effets ne se feront pas seulement sentir par les
progrès du christianisme. Un missionnaire qui habile actuellement k
Paris, a acquis une connoissance assez approfondie du tonkinois, pour
que les travaux dont on lui sera redevable puissent offrir le plus haut
degré d'intérêt. On a, en général, des idées assez fausses sur cet idiome,
ainsi que sur ceux des nations voisines; on les regarde comme des
dialectes du chinois , el l'on pense que les caractères de ces derniers ,
lus par tous les peuples du midi de la Chine, ainsi que par ceux du
Japon , conformément à la prononciation de chacun d'eux, sont cepen-
dant interprétés par-tout de la même manière; de sorte, dit- on, que les
Chinois, les Tonkinois, les Cochinchinois, les Japonais, s'entendent
par écrit, sans pouvoir converser entre eux. Cette assertion, ainsi
présentée d'une manière absolue, est très-inexacte. La connoissance des
caractères chinois est assez généralement répandue, pour que certains
livres, ceux de Confucius, par exemple, soient entendus des lettrés de
ces différens pays: mais cela n'empêche pas que les livres ordinaires
n'offrent de grandes différences, soit par rapport à la constniciion et k
Ja phraséologie, soit pour les caractères, dont on altère fréquemment
le sens en prenant pour particules certains signes qui ont une signifi-
cation propre en chinois, ou en faisant le changement inverse. Il y a
aussi , dans chaque contrée , des caractères particuliers qu'on entremêle au
discours, et qui, dans le Tonking, par exemple, sont ordinairement
formés de deux parties , l'une qui indique le sens , l'autre qui marque le
son que le caractère doit avoir en tonkinois. La grammaire de ce dernier
idiome semble ofîrir aussi des pa ri iciila rites curieuses, sur lesquelles on
peut espérer des éclaircissemens dans les prochains volumes des lettres
édifiantes. La chronologie annamitique est encore fort peu connue; et
l'on doit souhaiter qu'elle soit éclaîrcie d'après les livres du pays, et non,
comme a vainement tenté de le faire le P. Gaubil, d'après les ouvrages
chinois, qui sont à cet égard très-insufïisans. Le traité des sectes reli-
gieuses chez les Tonkinois, par le P. Adrien de Sainte-Thècle, ouvrage
i82 JOURNAL DES SAVANS,
très- important qui est resté en manuscrit , mériteroft certainement de
trouver une place dans les Lettres édifiantes, puisqu'il est également
intéressant pour ia religion et pour Fhistoire philosophique des peuples
asiatiques. Enfin les royaumes de l'Inde ultérieure » moins fi^quemment
visités, moins bien décrits que la Chine, et dont nous avons moins dé
livres, doivent devenir le sujet de recherches historiques de toute espèce ,
que peut-être on ne peut plus attendre des missionnaires de la Chine
en aussi grand nombre qu'autrefois, parce qu'eux-mêmes nous ont
fourni les moyens de pousser plus loin celles qu'ils avoient entreprises.
Quoi qu'il en soit , on ne peut que savoir gré aux éditeurs d'avoir pris
le parti de rendre publiques les rehtions qu'ils possèdent , et souhaiter
que la collection commencée continue , et devienne chaque jour plus
intéressante : c'est ce qui ne sauroit manquer d'arriver, si les missionnaires
qui sont dès à présent partis pour h Chine , et ceux qui doivent les
suivre, marchent sur les traces de leurs prédécesseurs. On ne peut se
dissimuler que, dans cet empire, un des moyens les plus efficaces pour fat
propagation du christianisme ne soit d'entourer les missionnaires de
cette espèce déconsidération que peuvent seules leur mériter, auprès (fes
lettrés, une connoissance approfondie de la langue, des caractères, ainsi
que des doctrines qui sont enseignées dans les livres classiques , et des
faits de fhistoire chinoise , ou bien encore ces notions d'astronomie et de
mathématiques à l'aide desquelles ils obtinrent une si haute faveur au
temps de Khang-hi. Ce n'est que de cette manière qu'un certain nombre
<f entre eux peuvent être admis à la cour, et acquérir, avec des chai^ges
honorables , les moyens d'être utiles à leurs frères des provinces et de
protéger les chrétiens. L'étude de ia langue de Confudus , et par consé*
quent celle des sciences chiE\oises, n'est plus heureusement hérissée des
mêmes difficultés qu'autrefois , et Ton ne sauroit trop recommander aux
jeunes ecclésiastiques qui se destineront à cette mission jadis si floris-
sante f de se livrer à cette étude avant leur départ d'Europe. D'un autre
ctôé, les savans ne peuvent que désirer aidemment d'avoir, comme
autrefois , à la Chine , dans la personne des mbsionnaires , des corres-
pondans aussi éclairés que bien placés pour recueillir toute sorte de
rcnseignemens utiles et authentiques. C'est donc fiure à-la-fbis des
vœux pour les progrès de la religion et pour ceux des sdences et des
lettres , que de souhaiter de voir ia mission de la Chine produire encore
desGaubil, des Prémare et des Parennin.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
MARS 1819. 183
PHiLOSOPHïE ÀNATOMiQUB. Des orgûnes respiratoires sous le
rapport de la détermination et de l'identité de leurs pièces
osseuses , avec figures de cent seiie nouvelles préparations
d'anatomie ; par M. le chevalier Geoffroy de Saint-Hilaire ,
membre de ï académie royale des sciences, professeur-administra--
teurdu Muséum d'histoire naturelle au Jardin du Roi, professeur
de loologie et de physiologie à l'École normale; de l Institut
d! Egypte, des açadenûes de Madrid, de Munich, de Gœttîngue,
de Moscou , de Harlem , de Wéteravie à H an au, de Mayence,
de Marseille , de Bordeaux , de Boulogne , &c. , et maire dt '
Chailly près Coulommiers.
Cujusvis hominis est errare. ( CiC. 5 Verr, }
Un vol. in-8.^ de près de 600 pages» lequel se trouve à
Paris, chez Méquîgnon-Marvîs, rue de TÉcole de Médecine,
n,** 3 ; Fr. Plée, place du Panthéon, n.*" ^^ et le suisse
du Jardin du Roi, rue de Seine; à Strasbourg, dans la
librairie de Levraut; et à (.ondres, dans celle de Treuttel
et Wurtz. Prix de ïin-8.^ et de Tatlas, 10 fr. , et de f/V/-^/
18 francs.
■
L'ouvrage que nous nous proposons de faire connohre, est la
réunion de plusieurs mémoires que M. Geoffroy de Saint -Hilaire a
lus à Tacadémie des sciences.
Dans un discours préliminaire, il expose les principes qui ont éclairé
sa marche et servi de base à sa théorie. Nous entrerons dans quelques
détails relativement à ces principes : c'est le moyen d'indiquer ie champ
que l'auteur a parcouru , et celui qu'il se dispose à parcourir.
Jusqu'à nos jours, la zoologie, branche importante des sciences natu-^
relies , n'avoit admis qu'un petit nombre de lois générales , d'après
des hïxs dont fanalogie ne laissoit rien ou laissoit peu de chose au
doute et à Tincertitude : elle ne s'arrétoit pas là; mais, poursuivant ses
recherches ^ elle en attendoit de nouveUes observations , dont elie espéroit
profiter , conduite sage dans une science âvorable aux hypothèses et
dont les erreurs étoient aussi séduisantes que .fiiciles. M. Geoffi-oy ,
livré à l'enseignemem de la zoologie , ne devoit pas se borner à
l'étude simple des vérités connues ; ce qui auroit pu lui suffire pour
f instruction 4e ses élèves : mais il jie. tcouvoit entraîné par goût , par
i84, JOURNAL JDES.SAyANS,
zèle, et par les drcons tances, à des tr$tyaux «u^pmiques qui lui pro.-
jnettoient la possibilité d'accroître le domaine qu'il cultivoit. Sa place
de professeur au Muséum d'hiypire na^turelle. lui ofTroit des facilités
dbïit îf sentoit bien qu'il tireroit parti. II voulut dépasser, le point où
loH étoit panrenu. m
Déjà, à faide des inductions, on avoit été conduit à réunir tous les r
animaux pourvus d'une charpente osseuse, c'est-à-<iire , d'un squelette,
sous le nom de vertébrés ^ et , en conséquence de leurs difi^ntes orga-
nisations, à établir la subordination de leucs caractères et à les dasser
les uns à Tégard des autres d'une manière, méthodique. On avoit vu
une entière analogie entre la main de TBomme , le pied du cheval ,
Taile de l'oiseau , la nageoire pectorale du poisson , &c. De ces fidts
et de plusieurs autres, on avoit conjecturé que, dans la créatioQ de tous
les vertébrés , la native avoit suivi un plan général , dont elle n'avoit
fait que modifier quelques points pour différender les espèce^, et même
qu'elle ne passoit d'une forme à une autre, dans le même organe que
par des gradations insensibles. Cette conjecture ouvigit.à Tesprii; une
carrière étendue.
L'auteur est parti de ce point pour suivre des recherches ostéolo-
giques. La simple comparaison des osf dans ta vue dm déterminer leurs
ressemblances de formes ou de rapports entre eux » ne. suffisoit.pas
seule pour le conduire où il desiroit arriver. Avec elle , il n'aurqtt pu
avancer que quelques pas de plus. Cette simple comparaison ne pouvoit
Ii^ faire découvrir une ressemblance entière entre h plus grande partie
djçs pièces qui composent le squelette des poissons , par exemple , et celkf
dont est composé le squelette des mammifères : ces pièces mènes
n'avoient pas eu de nom ; en sorte que ces animaux vertébrés , que ,
d'un côté 9 l'on supposoit être sur le même plan, d'un ancre côté éloient
formés de parties essentiellement difTérei^tes , coatradtcdon- que
M. Geoffroy attribue k finfluence de l'anatomie humaiat sur ranaiomiç
comparée.
Précédemment toutes les recherches aitatomiques se rattachoîent
à celle du corps de fhomme , devenu le vrai type aucjiiel Toiganisation
de tous les animaux fut comparée poiur en caractériser et nommer les
différentes parties; mais on n'en eut plus besoin dans la suite, quand
les détails furent classés avec méthode , chaque orgamstdon pouvant
^tre envisagée dittfle manière absolue. ...^
Ces idées portèrent M. Geoffroy b ne plus chercher seulement • ili
ressemblance dans l'identité des formes et des rapports des os entre-eux,
mais encore et sur- tout dans l'identité de leurs rapports -avec les autres
MARS i8l^« ft^
^sternes d*organes. Ainsi , considérant Fostéologie sous ce point db
vue , il établit que, toutes les fois que deux organes s<mt dans la même
position, dans les mimes relations et dans les mimes dépendances, ib sont
semblables. C'est son pltÉtipe 9 qu'il appelle de connexions ^ et qui sert
de base à sa théorie des (iyaloffies. Adoptant cette manière de raisonner*
if vit les parties variables des am'maux qu'il nomme abdominales,, trans»
portées à l'extrémité antérieure de la cofonne vertébrale chez lei
poissons, à l'extrémité opposée chez les oiseaux, dans une situation ÉÊ0
intermédiaire chez .les mammifères , tandis que, chez les reptiles, elfes
participent à l'un et à l'autre système d'organisation. II put alors ^ ea
quelque sorte , expliquer toutes les anomalies que ces quatre groupes
d'animaux présentent, quand on fes compare lun à l'autre , et il posséda
le moyen de résoudre fe problème qu'il s'étoic proposé, de ramener l'or^
ganisation des animaux vertébrés a un type uniforme^
Après ces considérations, puisées dans le discours préliminaire et
dans l'introduction , considérations propres k fixer l'attention des zoo*
logistes , nous allons rendre compte des cinq mémoires qui ont pour
objet les os de la poitrine.
Le premier traite, du couvercle des branchies dans les poissons ^
employé jusqu'ici sous les noms d'opercule, iinteropercule y de pré-oper^
cule et de subopercule, et des quatre os correspondans du 'conduit au*i*
ditif dans les animaux à respiration aérienne, nommés étrier, enclume^
lenticulaire et marteau.
Suivant lui , la couverture des branchies est analogue à la chafnt
des os appelés osselets de l' oreille, et les ouvertures des branchies ré*
pondent au méat auditif. Les entrées diffôrent en grandeur; mais, pour
être très-larges dans les poissons et fort étroites dans les autres anr«
maux vertébrés , on n'en sauroit conclure , dXi l'auteur , qu'une simple
varbtion du plus au moins. Cette différence paroh plus imposante que
réelle, puimi'on arrive au même point en pénétrant {usqu'au fond
delà chambre auditive, et qu'on voit cette chambre se terminer làoii»
au moyen de quelques pièces osseuses , elle fait partie de la boîte
cérébrale. Dans l'homme et dans les animaux qui ont le même mode
de respiration, les quatre osselets de foreille n avoient été connus et
appréciés que dans le minimum de développement de ces parties ; chez
les poissons , au contraire, ils sont portés au plus haut degré de déve«
loppement. Dans tous les vertébrés, cesosseletsont une fonction qui ne
varie jamais; c'est de s'élever ou de s'abaisser au-devant de l'arrière-
cellule qui contient le nerf auditif , c'est-à-dire, dy fiivoriser ou d'em-
pêcher ia perception du son , Dans les poissons > outre cette simple
Aa
JOURNAL DES SAVANS,
fonoiion qu'ils exercent comme les autres vertélrés , quand, écartant
leur tubéroslté articulaire et tenninale , ils découvrent le fond du conduit
auditif, ils acquièrent, à raison du volume considérable où ils par-
viennent, de nouvelles fondions relatives à la respiration, comme de
servir de bouclier aux branchies, d'opérer, par des inouvemens alter-
natifs d'élévation et d'abaissement, l'expiration et l'inspiration, en quoi
consiste la respiration.
Il s'agit , dans le second mémoire, des os extérieurs , de l'appareil
respiratoire ou des os du sternum. Y a-t-il dans les pois:>ons un coffre
ihorachique qu'on puisse ramener à celui des animaux qui ont de
véritables poumons! et ces poissons ont-ils une charpente osseuse,
identique, qui fasse partie de la poitrine et qui en gouverne également
ïe mécanisme! M. Geoffroy se fait ces questions, et il pense que,
pour y répondre, il falloii principalement qu'il s'attachât aux consi-
dérations du milieu dans lequel les poissons étoient appelés à vivre,
et de la structure de ces animaux.
« L'air, dit-il, retenu entre les molécules de l'eau, étoit sans ressort
» pour aller gonfler les poumons d'animaux inunergés dans le bassin
» des mers ; c'est alors que le poumon, qui, échappé delà cavité où,
w dans les autres vertéhrés , tl est profondément renfermé, va se placer
» au sein de cet élément, dans la nécessité où il est de se les appro-
» prier ( les molécules d'air 1 et de les disputer li l'eau.
» Mais toutefois celte influence du milieu où vivent les poissons,
nie déplacement de leur organe respiratoire, et cette altération des
ï> formes qu'on a jugée assez grande pour avoir substitué le nom de
» branchies h celui de poumons, que porte ailleurs le même organe,
" ne sont pas des faits qui passent la mesure, ni des iransfortnaiions
" dont il devient impossible de suivre la trace. »
De cette explication l'auteur passe à la définition du sternum, à sa
structure, à l'énumération de ses parties complètes et ûicomplètes,
à leurs fonctions simples ou complexes, communes ou particulières,
respectives ou isolées ; il distingue le sternum dans l'homme, dans les
mammifères, dans les oiseaux, dans les reptiles, dans les poissons
osseux , et il termine ce mémoire par le corollaire suivant : « Quels que
» soient ces sternum et quelque surprenantes qu'en paroissent les mé-
» lamorphoses , if n'est pas difficile d'en démêler les diversités , d'aper-
» cevoirqu'elles se convertissent les unes dans les autres, d'en embrasser
» tous les points communs , et de les ramener h une seule mesure , h
» des fonctions identiques, et enfin à un seul et même type. »
Les os antérieurs de la poitrine sont examinés dans le troisième
MARS 1819. 187
mémoire , et considérés dans les mammifères, dans les oiseaux , dans ki
poissons, dans rhomnie : sous quelques formes qu'ifs se présentent , ces
os ne sont autre chose que l-os hyoïde > ses annexes et dépendances ,
qu'une fine anatomie découvre. M. Geoffroy détermine les fonctions
de chacune de ces parties, comme il a fait à Tégard des os du sternum.
Le quatrième mémoire est le plus étendu ;'tt a seul deux cents pages.
Pour continuer l'espèce d'assimilation entre les organes qui doivent
servir de soutènement ii la poitrine des poissons, et ces mêmes parties
dans les autres animaux vertébrés , il éprouvoit de grandes difficultés
qui dévoient l'embarrasser; car il n'y a ni larynx, ni trachée-artère, ni.
bronches , dans l'organe respiratoire des poissons. Ce mémoire est rempli
d observations. L'auteur tire de tout l'ensemble plusieurs conséquences»
et particulièrement celles-ci , 1 .* que d'un noyau commun il sort à-
la-fois deux systèmes d'organes respiratoires , applicables aux deux
modes de respiration dans Fair et dans l'eau; 2.* que ces deux systèmes
ne peuvent coexister qu'autant que l'un prédomine sur Fautre^ etque^
par suite de cette prédominance , les germes de l'un se développent
aux dépens de ceux de l'autre , quelquefois jusqu'à foire rétrograder une
organisation déjà produite et à la réduire à zéro d'existence , &c. &c.
Enfin , dans le cinquième mémoire se complètent les recherches
Sur les parties osseuses de l'organe respiratoire. M. Geoffroy termine
son ouvrage par l'exposé et les rapprochemens des os de l'épaule dans
les différens vertébrés , et l'usage de la clavicule , dont il détermine la
principale fohction.
L'auteur a voulu accompagner son livre d'une collection de dix
planches qui en facilitent l'intelligence. Il avoit senti que, sans cela, à
moins d'être un véritable anatomiste , on auroit eu de la peine à saisir
plusieurs descriptions d'os et d'autres explications.
Le travail de M. Geoffroy nous a paru digne d'occuper une place
distinguée parmi ceux des naturalistes, et sur-tout des zoologistes. Il lui a
fallu faire beaucoup de recherches anatomiques pour parvenir aux
résultats qu'il a obtenus.
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L'académie fian^aise a élu M. Lémontey , en remplacement de feu
M. Morellct.
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présidence de M. le cpinic de la Tour-Satnt-lgest. Cambrai , impr. de Hâtez ,
iBiS.in-i',', 13 feuille» î quarts.
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phiques du XIX.' siècle; rédigé par une jociéié de géographes français; ll,^
cahier, impr. de Ballard, in-S.', dey feuilles.
Alwanacli des musri { itilo). Paris, impr. de P. Didot, chez Lefuel, /«-/i ,
J3 feuilles. Pri;<,afr.50cent.
Alinanach de l'imprimerii ti de la librairie pour 1819, impr. de Baudouin ;
chezEymery,in-/3, 7 feuilles et demie.
Alinanach du commerce de Paris ^ts dêpartiineiig , ifc, parj. Delatynna;
koniinué et mij dans un nteillenr ordre par J. Botiiit; XX1I.<= année. Paris,
impr. de Smith, 1819, rn-^." Priï, 12.fr.
Annuaire de laSociété pliilantropique pour 1 81p. Paris, chez M."" Huzard, «
«bez M. Baron, commissaire de la société, rue des Petits- Augnstins, n." 20,
7n-8.' , 1 80 pages. Prix { au profit des pauvres ) 2 fr. 50 cent, et avec j figure*
Irihographiées, 4 fr. Ce volume contient des notices sur la société phrlan-
Iropique, sur les hôpitaux, hospices, secours à domicile, écoles de cliarrié,
Associations de bienfaisance, caisses d'épargnes, lociélés de prévoyance et
de secours mutuels, &c,
Dicùonnairt universel delà langue fiançaise, avec le latin et les étymologies;
manuel degrammaire, d'onhographe et de néologie, &c.; par Boiste. Paris, 1819,
impr. de Fain, chez Verdière, 2 vol, in- ^.' obi. formant 1750 pages. Cette
cinquième édition d'un dictionnaire que l'académie franijaise a placé au
nombre des ou\ rages qu'elle consulte pour la rédaction du sien, est augmentée
de ; 60 pages, et contient, comme les précédentes, outre le vocabulaire français,
un dictionriaire des synonymes et des difliculiés de la langue française, des
rimes, des homonymes, des paronyrnes, un traité des Iropes, de la ponctuation,
de la versilicaiion française, un essai sur l'usage des lettres capitales, une table
des conjugaisons des verbes , des observations sur la prononciation , un vocabu-
laire de mythologie, des personnes remarqiiabl<»a, de géographie, enfin un
tableau de la grammaire française. Toutes les parties de cet utile manuel sont
ftdlxéci avec une extrême précision.
Eloge de Rvlliiii parM. Grignon Guînebaud. Orléans, /n-^,', 2 feuilles et
dciuîc. — Hiscvurs sur la yitei les ouvrages de Rellin,- par Aug. de Rivaiol.
\
"KlkRS 1819* 1S9
Pari«, Htiprîmerîe et librairie d'Égron, /n-^/ de 5 fenîller. Prix . i fr. 50 cet)S^
Art poétique d'Horace, traduit ( en vers français) par Henri Terrasson, avec
îe texte et des remarques. Paris ,^ Durey, iti-iS àe y^pag. Pr. i fr., et par U
poste, I fr. 25 cent. L'auteur, déjà connu par des imitations d'Eschyle en vers
français et par une traduction, aussi en vers, de l'Enfer du Dante, annonce^
par souscription, une traduction, avec le texte en regard, de la Jérusalem déli-
vrée du Tasse. Cet ouvrage formera deux volumes /n-A» Le prix sera de 12 fr.
pour les souscrfpteurs,xIe i j pour les autres personnes. On souscrit à Marseille»
chez Camoin frères ; et à Paris, chez Pillet aîné et chez Durey.
Os Lusiadas, poema epico de Luis de Camoens; nova ediçaô correcta •
dada a luz conforme a de 1817 , in-éfifi, por dom José Maria de Souza Botelho*
Paris , impr. de Firm. Didot , in-S»' de 34 feuilles avec portrait. Prix, 10 fr,
Fénelon , ou les Vertus chrétiennes, poème en trois chants, précédé diunc
notice sur Fénelon, &c., //i-j.' de 5 feuilles trois quarts. PàriS| impr. de Patru^
chez l'auteur, AI, Paccard, rue neuve du Luxembourg.
Fables nouvelles; par M. Verdie. Bordeaux , Cavazza , in-S/* de 8 feuilles
et demie. >
La FilU et honneur , comédie en jacteseten vers;parM. Alex. Duval, membre
de l'Institut. Paris, impr. de Firm. Didot, chez Barba, in-S." de 8 feuilles: 3 fr.
Essais de Montaigne, précédés de l'Eloge de Montaigne par M. Jay. Paris »
impr. de Fain, 9 vol. in-tS de 82 feuilles un quart. Prix, 1 1 fr.25 cent.
(Euvres de Biaise Pascal, nouvelle édition, Paris, impr.de Crapelet; chet
Lefebvre, 5 vol . in-8,^ de 162 feuilles trois quarts. Prix, 32 fr.
Œuvres complètes de Marmontel en 18 vol. i/7-/2. Cette nouvelle édition
paroîtra, chez Amable Costes, par livraisons de 2 vol. ( la première est de^à eA
vente). Le prix de l'ouvrage, pour les souscripteurs, sera de 54 fr.
Voyages de F, Le Vaillant dans l'intérieur de l'Afrique par le cap de Bonne^
Espérance, Ù*c» Paris, impr. de Didot jeune, chezDesray, 5 vol. /n-i*,%avec dei
planches. Prix, 45 fr.
Pensées de Platon sur la religion, la merale et la politique; recueillies et
traduites par M. Jos. Vict. Le Clerc , professeur de rhétorique au collège royal de
Charlemagne. Paris, 1819, /V;^<?.*
Essai sur l'organisation du jury de jugement et sur Finstruction criminelle ; par
M. Oudart. Paris, impr. de Patris, chez Delaunay , in-S." de 15 feuilles.
De la théorie de l'Univers: lettres y relatives, publiées par J. A. F. Alltx.
Paris, impr. dcGueffier, chez Plancher, i/z-i?." de 4 feuilles. Prix, i fr. 50 cent.
Elémens de géométrie à l'usage de l'école centrale des quatre nations; par S.
F. Lacroix , onzième édition. Paris , impr. de M.*"*^ CotHrcier, in-S," de 16 feuilles
et demie. Prix, 4 fr*
Traité de géodésie, par L. Puissant , deuxième édition^ impr. de M.™*^ Courcier^
2 vol. in'4.'' ensemble de 102 feuilles.
De l'Industrie française , par M. Chaptal , membre de l'Institut, Paris, impr.
de Crapelet, chez A. Renouard, 2 vol. in-S,^^ 50 feuilles. Prix, 12 fr.
Choix de tableaux et statues des plus célèbres musées et cabinets étrangers.
Recueil de gravures au trait, d'après les tableaux des grands maîtres de toutes
les écoles, et les monumens de sculpture ancienne et moderne les plus remar-
quables sous le rapport de l'art, cçnservés dans les divers musées étrangers et
les plus célèbres coliections particulières, av€c des notices historiques et cri-
I90
JOURNAL DES SAVANS,
tiques; par une sociéié d'artisies rt d'amateurs: ouvrage classique, destino à
servir de suite et de com pli: ment aux Annîiles du musée de Fiance, par C. P.
Landun. = Ce[ ouvrage, pour lequel on soustril chezTrcuitel el Wiirii., formera
doiiie vol. j'rt-^.' , ou ^4 "^'■'''5''"^*''^ î^ plinthes chacune. La première vient
deparoiire, et se lait remarquer pur la beauté desgravures. Le prix en est de ^fr.
On souscrit, chez M. César Garderon, rue Momorgiiell, n." 96, et chez
M. Valade, imprimeur, rue Co(]nillitre, n." iy , pour un ouvrage intilulc:
AnraUs de hi musique , ou Almanach mu ù cal pour l'an i8ig , à l'usage des
amateurs. — Contenant les répertoires de la musique française et étrangire,
publiés en 1 9 1 7 et i H 1 8 ; — le? journaux de music]ue , fr3n(;aîs et étrangers ; —
une liste générale, renfermant le nom et la demeure des marchand» de musi<iiiej
musicienset compoiiienrsde Paris, avec le titre de leurs ouvrngeF rangés chrono-
logkliiement; — la nécrologie des musicienî de tous les pays, avoc le titre de leuri
ouvrages rangés austi chronologiquement; — une bibliographie de la musique;
— deséphémérides musicales; — une Une des inveniioiu relatives à la musique,
— l'école royale de musique et de déclamation ;■ — les tcoles el cl.isfes parti-
culières; — les théâtres lyriques, avec te prix des places aux bur.aux el celui de
location; — les soirées et matinées musicales; — les gravures qui on'ifappo'"' à
\a. musique et aux artistes, &t. &c. — dédié à M.mc veuve Nicolo. — Première
année, 1 vol. hi-12. Prix de la souscription , 4 fr.
Traité élémentaire de matrire mAlicule, par Barbier; tome L" Paris, impr. dé
Ccllot, librairie de Méquignon-Marvis, 1819, in-S.° , 40 feuilles: ij fr.
Notice historique et bibliograjfhîque des journaux et ou<;Tages périodiques publiés
(en France) en 181 Ë. Paris, impr. de Patris, librairie de Brissot-Thi.ars, 1819,
in-SS-r 54 pages. Cette notice fait connoitre les journaux politiques et llitérairei
qui paroissent en France, et particulièrement à Paris; les auienrs qui les ont
rédigés nu qui les rédigent encore; l'objet et le but de chacune de ces collec-
tions i l'époque où elle a commencé , &c.
ITALIE.
L'abbé Luigi de Angelis , bibliothécaire à Sienne , va publier trois volume:
in-S.' d'additions et observations faites en divers temps sur les marges des dilî'é-
renies éditions du Vocabolario lieUa Crusca, par plusieurs hommes de lettres,
Le prix sera de ij cent, par feuille.
I quaito litri délie Elégie Ù'c. ; les Élégies de Properce traduites en vers italiens
et accompagnées de variantes et de uotes; par M. Visraara: tomei. Milan, chez
Fernrio, 1 8 1 B , /n-i'.'
Opère scelle iÙTc. i Œuvres choisies de V. A Ifieri ,- Xome% l el H. Mihn , Fus! ,
1818,2 vol. in-S.'^Viia di Vittorio Alfievi ifa Vie de V.Alfitri d'Asti.
écrite par lui-mém?, &c. Milan, t8i8,m-i'.'
Poésie e Prose: Poésies et (Euvres en prose de D. J. Marttnoni dt Como ,
avec une notice sur sa vie et ses écrits par le professiur Luigi Catenazzi.
Como.Osiinelli, 181K. in-8.'
fiacccba de' viaggi fc; Rectuil des voyages les plus intéressans , entrepris
Hans les différentes parties du monde, parterre ei par mer, après ceux de
Cooke, en 4^ vol. in-S.' avec cartes. Les trois premiers volumes de ceiiff
collection viennent de puroiire à Milan chez le libraire Sonzogno. Le prix de
chaque volume est de î fr.
MARS 1819. 191
Viaggio in Eghto ifc, ; Voyage de Nie, Frescobaldi en Egypte et en Terres
Sûinte/Rome , de Romanis, 1818, in- 8." Prix 4 paoli.
ISfuovi frammenti dei fasti consolari capitolini. Le premier volume de cet
ouvrage, publié par M. B. Borghesî, a paru chez Maspero, à Milan , /n-4/
Les Considérations de JVL^' de StaA sur les principaux héneinens de la révolution
française, traduites. en italien, paroîtront incessamment chez le libraire Glaucô
Masi, à Livourne, et formeront 4 vol. in-S," , qui se vendront 24 paoli.
Le libraire Molini, de Florence, annonce une nouvelle édition du Museo
PiO'Clementino d'Ennio Quirino Visconti, laquelle sera dirigée par l'abbé G.
B. Zenoni. *
Vita del cav, Giambattista Dodonij suivi d*un catalogue chronologique de
toutes les éditions publiées par lui, Parme, 2 vol. petit //z-^.' — Manuale i^c*;
Manuel typographique , par le même. Parme, 1818^2 vol. petit in-foL
Storia délia filosofia ifc; Histoire de la philosophie grecque, par Sacchi;
tome L Pa vie, Capelli , 1 8 1 8 , in-iJ, Prix , 2 tr.
Origine i^c»; sur l Origine des chiffres romains; par de Mattheis. Rome»
Bourlié, 1818, in-i..'
Afemorie iT'c: Mémoires delà société dts sciences de Modene; tome XVIII,
partie mathématique. Modènc, 1818,1^-4.*
Nuovl Commentari ifc* ; Nouveaux Mémoires de médecine et de chirurgie j
publiés par V. J. Brera, C. Ruggeri et F. Caldanî; premier semestre de îan
i8i8.Padoue, in-S.'
Saggio d(l istituto i7c, ; Mémoires de Vinstitut clinique romain de médecine
externe pour les années tStô et iSij^s'ç^r le D/ Giuseppe Sisco. Rome, de
Romanis, 1818, in-éf.' Prix, 5 fr.
Giornale arcadico di science , lettere ed arti. Journal entrepris à Rome chez le
libraire de Romanis. Il en paroîtra chaque mois un cahier d'environ dix feuilles,
de huit au moins, in-8,^ Le prix de l'abonnement annuel est de cinq écui
romains, et de six hors de Rome. On peut souscrire, à Paris, chez MM. Rey
et Gravier.
ANGLETERRE.
Christabelie , ifc; Christabelle , on la Demoiselle de Rouen, roman fondé sur
des faits; par M.*"*^ Hanway. Londres, Longman, 1818,4 vol. in-ii: 1 liv. 4 «h.
A Journ^ ifc; Voyage sur les cotes du comté de Kent. Londres, Baldwin,
1818, in-o.^ , avec une carte: 9 sh.
A geographical description Ù'c; Description géograjhique et statistique di
^Ecosse; par J. Pîayfair. Edimbourg, 181 1^, 2 vol. gr. in-S,'
An Autumn iT'c»; Un Automne sur le Rhin, ou Essai sur la société, les
fcènes pittoresques &c. de quelques-uns des étais de l'Allemagne situés sur les
bords du Rhin. Londju, 1818, in'8.% avec une carte.
An Account' i^c. ; Welation historique des découvertes et voyages faits en Asie;
par Hugh Murray. Cet ouvrage, qui formera trois volumes in-S,\ avec cartes
tt planches, paroîtra incessamment à Edimbourg.
Journal of travels ifc; Journal de voyages faits dans les Etats- Unis , Ù^c»
pendant Vannée 18 ly ; par John Palmer. Londres, Sherwood, 1818, gr. in-8.*
On the nature i^c. ; Observations sur là nature et le traitement du Tétanos et de
l' Hydrophobie, suivies dé quelques remarques sur la classification naturelle des
maladies en général; par R..Rcid. Londres, Longman, 1818, //i-<y/ Pr. ysh. 6d.
yfiuar, a Bedouetn
London, lUip. '"-S.
JOURNAL DES SAVANS.
insUted fromthe arable, by Terrkk Hamilton.
ALLEMAGNE.
Waerterbuch iXc-i Dictionnaire grée tt allemand; par C. F. Rass. Gœttingue,
Vanden Hoeck, iMiS, 2 vol. gr- '"•*'°- 3 l^^-
Vtrsuck einer lehreC''c.i Essai d'une tliéarit de la tangue latine. Munich,
Ficisthmann,3 fl. 30 kr.
Woerrerbuck ifc. ; Dictionnaire étymologique de la langue fiançaise; par J.
■ %. Machci. Vienne, Wallishaustr, l8i«, i vol. gr. in-iV
Saminlung 4^c.; Fecueîl de passages d'auteurs français du Xtl.' sIècU, avec
«n vocabulaire dti anciem mou qui manquent dans les dictionnaires français;
car S, Schmidt. Berlin , Nicolai ,1818, in-S.' : 16 gr.
AMÉRIQUE. Une lettre de M. W. Donnison, insérée dans les journaux
, américains, donne la description d'un fort en pierre, qui se trouve au confluent
, des deux bras méridionaux de la Duct dans le Tennessee, li couvre une sur-
face de 32 acres. Ses murs irés-épats, hauis d'environ dix pieds, soutenoicnt
I Jadis une lourde charpente dont on voit encore quelques i^ebris. Des ancien*
ouvrages militaires qu'on remarque dans celte partie de l'Amérique, c'est le
Mul qui ne soit pas de terre , et dont la construction semble avoir exigé l'usag»
' du marteau et autres outils en fer.
Nota. Ou peut s'adresser à la librairie de MM. Treu ttel rt Wiirti, à Paris,
' rue de Bourbon, n.'iy ; à Strasbourg, rue des Serruriers; et à Londres , n.' jo,
L Soho-Square, pour se procurer les divers ouvrages annoncés dans le Journal des
Savons. Il faut affranchir les lettres et le prix présumé des ouvrages.
TABLE.
f'iitsnm des Indes anglaises j par J. AJill. ( Article de M. Silvesire
ï de Sacjr. ) Pag.
, Observations sur la Phrénologie , par G. Spur^heirn. {Artîclede M,
L Tessier. )
r Voyage dans l'Asie mineure, l'Arménie et le Kourdistan , par M. John
Aiacdonald Kinneir. {Second article de At, Letronne. )
|. J^ines de l'Orient, exploitées par une sociéiéd'amateurs, sous les auspices
de M. le comte Wenceslas R^wushy. { A rticle de M. R avno u ard. ) . .
( Rechercbes sur les bibltothiques anciennes et modcrr.es ,i^. ; par M,
f Pelii-Radel. { Article de M. Daunou. )
I _ffouveltes Lettres édifiantes des Agissions de la Chine et des Indes orien-
f taies. {Article de M . Abel-Rcmusai, ).
Philosophie anaiomique , par M. Geoffroy Saint-Hilaire. {Article de
AI. fessier. ).........
flfouveltes lioéraires
riN DE. LA TABLE.
131.-
139.
142.
151.
162.
174.
183.
i87<
JOURNAL
DES SAVANS.
AVRIL 1819.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
%
Le prix de l'abonnement au Journal dei Savans est de 36 francs par an,
et de 40 fr. par la poste, hors dt Paris. On s'abonne chez MM. Treuttet rt
Wurt^, à Paris, rutdt Bourbon-, tt.' t^; à Strasbourg, rue des Serruriers, nà
Londres, n.'jo Sako-Squart. Il fiiat affrancbir les lettres et l'argent.
Tout ce qm peM nncehifr ks annonces à Insérer Âans cejournal,
lettres , -avis , mémoires , Uvres nouveaux, &c. doit être adressé,
FSANC DE PORT , OU httreau du Journal des Savans, à Paris, rue
de Ménil-tnontant, n.* 22.
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JOURNAL
DES SAVANS.
AVRIL 1819.
i
Leçons de philosophie, ou Essai sur les facultés Je l'ame ,
par M. Laromiguière , professeur Je p/iilosop/iie a la faculté
des lettres de l'Académie de Paris, Paris, chez Brunot-
Labbe : tome I.'' , 1 8 [ 5 ; tome II , 1818; in-S."
PREMIER EXTRAIT.
Il y a deux manières de considérer un ouvrage philosophique : soit
en lui-même et par son seul rapport avec la vérilé.qui ne change point;
soit relativement et par son rapport avec les ouvrages qui l'oni précédé,
et l'influence probable qu'il doit exercer sur les ouvrages qui le suivront.
C'esl sous ce dernier point de vue que les Leçons deiM. Laromiguière
nous ont particulièrement frappûsi et que nous nous proposons d'en
Bb 2
L
'J
1^6 JOURNAL DES SAVANS,
rendre compte. Sans nqus interdire de les jugef en elles-mêmes, nous
tâcherons sur-tout de' [es faire connoître, c'est-à-^re, de montrer leur
place dans le progrès de Tesprit philosophique parmi nous.
Depuis un siècle & peu près , que la métaphysique de Locke, sur
lés-ailes brillantes et légères de l'imagination de^oltaîre, traversa le
détroit et s'introduisit en France , elle y a régné sans contradiction et
avec une autorité dont il n'y a pas <f exemple dans fhistoire entière de
la philosophie. C'est un fait merreilleul , mais incontestable, que, depuis
Condillac, il n'a paru parmi nous aucun ouvrage philosophique con-
ttiire & sa doctrine , qui ait produit quelque impression sur le public.
Condillac régnoit donc en paix ; et sa domination , prolongée jusqu'à
nos jours à travers des changemens de toute espèce, paroissoit \ Tabri
de tout danger et poursuivoii son paisible cours. Les discussions avoient
cessé : les disciples n'avoietit plus qu'à développer les paroles du
maître; h philosophie sembloit adievée. Cependant les choses en sont
\enues insensiblement à ce point, qu'il paroît tout-à-coup un ouvrage où
l'auteur abandonne et combat même le système établi, sans choquer le
public. Que dts-je! le public, jusqu'alors si prévenu en faveur de Con-
dillac, accueille son adversaire^ et, ne paroît pas même éloigné d'em-
brasser la nouvelle direction.. Ceci propveroit deux choses : i ." qu'une
révolution philosophique se fait sourdement dans quelques esprits ;
a..' que cette révolution est déjà préparée dans l'opinion publique : or
nous ne craignons pas d'avancer qu'une telle révolution, si elle n'est
point une chimère , est un des <^ts les plus imj>onans de l'époque
actuelle.
Mais ie (aU est-il bien réel ! L'esprit humain a-t-il ressaisi parmi nous
le droit d'examen! et M. Laromiguière , jadis si zélé, si scrupuleux
disciple de Condillac, a-t-il vraiment abandonné sa doctrine! C'est ce
AVRIL iSip. 197
que cela seul est fécond qui est animé de Fesprit du siècle, qui se lie à ses
besoins» à ses vœux, Il sa tendance. S'il n'y avoit aucun rapport entre
Condilfac et M. Laromiguière, quand même M. Laromiguière auroit pour
lui la raison, il n'auroit pas pour lui le public, qui veut bien marcher,
mais non pias courir; qui veut bien permettre qu'on améliore ses^idées,
mais non pas qu'on les détruise brusquement : jamais le même individu
n'a complètement changé. La société ne change complètement que par les
changemens partiels et progressifs des diverses générations. Si fa rupture
de M. Laromiguière avec Condillac eût été violente, on pourroit accuser
la passion ou le caprice , et ne voir là qu'un phénomène superfidel et
passager; mais les changemens insensibles préparent les révolutions
durables. Enfin, si l'auteur n'avoit pas été un disciple de Condillac et ne
s'en raontroit pas toujours le plus ardent admirateur, il eût manqué S
Condillac d'être abandonné et attaqué par un des siens : or, être attaqué
n'est qu'un accident ordinaire, même à un système vainqueur; trouver
des résistances est un accident inévitable pour un système nouveau qui se
développe et qui marche à la victoire; gagner peu de terrain est l'effet
de toute résistance opiniâtre, et n'est encore qu'un phénomène peu
inquiétant : mais en perdre, reculer quand on a été si loin; tomber j ne
fût-ce que d'une ligne, quand on- est parvenu au faîte, ce sont là des
présages tout autrement sinistres: en fait de système atissi, une chute
est une riiine; reculer, c'est être vaincu; perdre, c'est déjà périr.
Ce qui caractérise l'ouvrage de M. Laiomiguière , comme ce qui en
&it l'importance, est donc précisément ce mélange, ou, pour ainsi dire,
cette lutte de deux esprits opposés, de deux systèmes contraires; lutte
d'autant plus intéressante que l'auteur n'en a pas le secret, d'autant plus
grave qu'elle est plus naïve. C'est le spectacle de cette lutte que nous
voulons donner au public ; elfe est par-tout dans le livre de M. Laro-
miguière; elle est dans chaque gmnde division, dans chaque chapitre,
dans chaque alinéa, dans chaque phrase : tant une situation est profonde
lorsqu'elle est vraie !
L'ouvrage de M. Laromiguière est la collection des leçons qu'il donna
à la faculté des lettres de l'académie de Paris , pendant les années 1 8 1 1 ,
1812 et 181 3. Les succès du professeur fiirent étonnans, ceux de
l'écrivain y répondront; tel est l'effet d'un enseignement et d'un style
qui conduisent toujours le lecteur ou l'auditeur de ce qu'il sait mieux
à ce qu'il sait moins ou à ce qu'il ignore tout-à-fait*
Ces leçons se présentent sous Je titre d'Essai sur les facultés de rame.
Au fond, cet essai comprend toute la métaphysique ; car l'auteur, consi-
dérant les facultés et*dans leur nature et dans leurs produits, c'est-à-dire ,
AVRIL 1819. 199
)> les ramenant à un principe commun à leur origine, cette méthode
» s'appelle rfun seul mot analyse. C'est Tanalysè , dit M. Laromiguière ,
» qui , ramenant à Funité les idées les plus diverses qu*etfe même nous a
» données , fait produire à la foiblesse les effets de la force ; c'est l'analysé
a» qui 9 sans cesse, ajoute à l'intelligence, ou plutôt Tintelligence est son
» ouvrage , et la méthoSe est trouvée. »
La méthode est trouvée! C'est ce qu'il s'agît d'examiner mûrement,
en cherchant k se défendre de l'enthousiasme qui peut bien saisir le poète
en présence d'une grande image, d'une inspiration sublime, et même
le métaphysicien le plus méthodique, à l'instant où il croit apercevoir
une idée féconde ; mais qu'il ne &ut pas commencer par partager, Iors<-
qu'on veut savoir Vil est bien ou mal fondé, si réellement la méthode est
trouvée. Or, elle ne l'est pas; ou, si elle se trouve dans la description
qu'en vient de donner M. Laromiguière , elle s'y trouve si bien enve-
loppée sous des élétnens étrangers , qu'on a peine à l'y reconnoître. En
eflèt, pour systématiser une science, c'est-à-dire, pour ramener une suite
de phénomènes à leur principe , à un phénomène élémentaire qui en-
gendre successivement tous les autres, ir6ut saisir leurs rapports, le
rapport de génération qui les lie; et pour cela, il est clair qu'il faut com-
mencer par examiner ces différens phénomènes séparément. Cette
opération, c'est l'observation. Or l'observation peut bien conduire à
Tunité, mais quelquefois aussi elle n'y conduit pas; elle y conduit, si
elle la trouve; elle la trouve, si l'unité existe: si l'unité n'existe pas,
l'observation aura beau Ja chercher, elle ne la trouvera pas; elle nV
conduit donc pas nécessairement : observer est donc une chose, unir et
systématiser en est une autre; ces deux opérations ne se rencontrent donc
que fortuitement, extérieurement , pour ainsi dire , par l'effet de Fidentité
qui peut se rencontrer dans les choses observables. Alors nous ne
ramenons pas les phénomènes à l'unité ; mais nous voyons Ftmité dans
les phénomènes, parce que les phénomènes sont identiques. Si l'unité est
une création de l'esprit, c'est une chimère; si c'est une réalité, c'est un
fiit, un fait d'observation» comme tout autre fait , comme la diversité ou
la ressemblance. L'observation, si elle est exacte, le trouve même sans
le chercher; de telle sorte qu'il n'y auroit pas même dans la méthode
deux opérations , l'opération qui observe et celle qui unit et systématise ,
mais une seule opération, savoir, l'observation, laquelle trouve ou ne
trouve pas Funité. Dans ce cas, la méthode consisteroit uniquement
dans l'observation ; et dans ce cas encore, si l'on veut donner un nom
grec à l'observation, à la méthode, qui n'est pas plus grecque que
française et qui appartient à la raison universelle, on peut lui donner le
100 JOURNAL DES SAVANS,
nom S analyse , cette expression marquant lopération de Fesprit qui
divise, qui décompose, c'est-à-dire* qui tend à Tobservation ; car on
n'observe y on n'observe bien qu'en décomposant : la langue grecque
oppose Y analyse à la synthèse, comme la langue française oppose fa décom-
position^ la composition. Toutefois» les définitions de mots étant libres,
sauf Finconvénient de confondre les idées par Ifl confusion du langage
convenu , on peut, si l'on veut , appeler analyse la réunion de ropération
intellectuelle qui décompose et de celle qui compose , de l'analyse et de
la synthèse, comme les Grecs l'entendoient , et comme jusqu'ici fenten-
doit tout le monde: on peut encore, si on le veut, appeler méthode
en général ces deux opérations , qui , au fond , constituent deux méthodes ^
et qui jusqu'ici passoient pour deux méthodes. Les Êûts sont tout, les
mots ne sont rien: qu'on fasse des mots ce qu'on voudra; mais que les
faits restent intacts, ainsi que leurs caractères. Quelque dénoim'nation
que Ion emploie, toujours est-il, i."" qu'unir et systématiser n'est pas
décomposer et observer; que ces deux faits , sans s'exclure, ne se suivent
pas nécessairement dans l'esprit ; 2.*" que, pour atteindre à la vérité »
l'observation est incomparablement plus utile que la recherche de
l'unité; et que, par conséquent, dans Tidée générale de méthode, la
décomposition, en fait et en droit, précède la composition. Or Con-
dillac et M. Laromiguière font tout le contraire. Sans proscrire Tobser-
vation, ils insistent plutôt sur la composition, siu* l'unité nécessaire à
tout système. Pour ne point parler de CondlIIac, les passages de M, La-
romiguière que nous avons cités plus haut, sont décisifs. La tendance
il l'unité est telle dans les Leçons de philosophie, qu'indépendamment
de tous les passages où le professeur la recommande , et où il la suit
explicitement , il reste encore je ne sais quel esprit général qui y aspire
sans cesse, qui se produit dans les mots comme les idées, remplit et
anime le livre tout entier. Or, qui ne voit que cette tendance il l'unité,
cette sup>ériorité accordée à T^sprit de système sur Tesprii d'observation,
doit être funeste et mortelle à la vraie science, qui- doit reposer sur les
faits ! Que diroit^on d'un chimiste qui, dans des leçons sur la méthode,
la réduiroit quasi à la recherche de l'unité, à la recherche d'un élément
■unique, simple, indécomposable, dont tous les autres ne fussent que
des formes, dont la chimie entière ne fût que le développement pro-
gressif ! Un tel chimiste ne rappelleroit-il pas le temps de Paracefse,
plutôt que le temps de Lavoisier! Celui-lù, à coup sûr, ne trouveroit
pas la classification des corps simples; car où il y a unité, il n'y a pas
lieu à classification : il ne trouveroit pas un élé)nent nouveau; car deux
élémens simples, et tout élément est simple ou supposé tel, deux
AVRIL 1819. 201
élémens engendreroîent, selon lui, deux sciences tout-à-fait opposées.
Que diroît-on du physiologiste qui recommanderoit de chercher avant
tout la fonction organique élémentaire, qui voudroit voir, à tout prix,
toutes les forces dans une seule ! Que diroit-on du médecin dont la
méthode médicale consisteront à réduire toutes les maladies à une seule t
la goutte à la fièvre ou la fièvre à la goutte î Que diroit-on du phy-
sicien qui, au lieu d'ajouter la géométrie à l'expérience, pré tendroit, à
priori, construire la nature avec un x ou un y! N'est-il pas visible qu'aus-
skôt que l'esprit humain s'écarte de l'expérience, il s'écarte de la ligne
droite de la science !
Ne seroit-on donc pas fondé à dire à Condillac et à son école :
i."* Sans prétendre que vous rejetez l'expérience, certainement vous
insistez plus sur l'unité et l'esprit de système; dès-là votre méthode,
sans être absolument vicieuse et exclusive , contient déjà un germe fu-
neste que l'application développera nécessairement.
zJ" Quand même il seroit vrai que, dans l'application , vous n'eussiez
pas failli, le mérite en seroit à vous, non pas à votre méthode; et notre
remarque subsisteroit toujours.
3/ Quoi qu'il en soit de notre remarque, si elle pèche, assurément
ce n*est pas par une excessive témérité , et ce n'est pas à vous d'accuser
vos adversaires d'être des esprits ambitieux et chimériques. En effet , quelle
ambition que celle de voir tout en un, et même de ne vouloir rien voir
autrement! car non-seulement l'unité est pour vous un résultat, mais c'est
une loi, c'est un précepte, une méthode. Quand donc vous rencontrez
sous votre plume les noms de philosophes étrangers ou de philosophes
anciens, les noms de Platon ou de Pythagore, des Alexandrins ou de
certains scholastiques, de Leibnitz ou de Spinosa, et d'autres modernes
plus récens dont la gloire est l'orgueil de grandes nations contempo-
raines', de grâce , moquez-vous moins de leurs prétentions , car les vôtres
ne sont pas petites. Ces jaux sages , ces illuminés, comme vous \^^
appelez , on ne sait pourquoi , peuvent-ils avoir été plus loin que vous I
car, encore une fois, qu'y a-t-il au-dessus et au-delà de l'unité !
4*'' De plus, cette unité que vous cherchez , nous la souhaitons aussi;
sans doute l'homme ne |>eut se reposer que dans l'unité : Tunité est la fin
dernière de la science; mais nous croyons que Fobservation en est la
condition, et, tout en>cherchant la fin de la science, nous nous pénétrons
sur-tout du besoin d'accomplir ses conditions. Voyez donc qui, de vous
ou de nous, se conforment le mieux à l'esprit des temps modernes , le-
quel n'est autre chose que la crainte de l'hypothèse , et la prédominance ,
quelquefois même excessive, de Fobservation sur la spéculation.
ce
202 JOURNAL DES SAVANS,
Sans «ppliquer à M. Laroniiguière ces paroles pacifiques que nous
n'adressons ici qu'au chef fiii-m*me , à Condillac , nous ne pouvons nous
einpâcher de regrttrer que M. Laromiguière, qui, sur d'autres points,
aE>andonne Condilfnc, l'air, sur cefui-lh, si scrupuleusement suivi. Sa rné-
thode est celle de Condillac; elfe en a tous les inconvéniet» ; eHe en
a aussi tous les avantages, parmi lesquels 11 faut mettre au premier rang
le talent de Texposiiion et du style. Si toutes les idées sont réductibles
à- l'unité , si Punité est la loi' de la pensée humaine , l'analogie est la loi
du langage; aussi l'anfifogie esi-eRe le caractère éminent du style de
Condillac et de M. Laroniiguière. De là ce stylé heureux dont le
secret consiste à aller sans cesse du connu à rinconnu,'et k répandre
ainsi sur toutes les matières la lumière et l'agrément : do lîi cetiti
élégance continue dont Condillac a transmis , avec sa méthode générale*
rhabitude systématique à son heureux imitateur , qui , par un trayait plus
profond encore , une étude plus assidue , semble y avoir ajouté plus de
force et plus de charme. Comme le système de M. Lapomigui^ n'est
qu'une génération progressive d'idées, sa langue n'est qu'une traduction
harmonieuse. L'habile écrivain voUs conduit, tous promène, pour amsi
dîre, d'une formel F^tre, d'une expression k une expression, avec
un art aussr profond et aussi subtil que l'habifc dialecticien vous fait
passer d'un principe plus on moins prouvé , mais enfin étabfi et convenu ,
à''une conséquence immédiate qui elle-même engendre- une conséquence
nouvelle, d'où sort une suite de nouveHes conséquence» toutes liées
intimement fune à Fautre; préparées et ménagées par des liannontes
et des gradations qui , en sie'tléveloppànt successivement sous vos yeux %
vous channent sans trop vous surprernfre , et vous éclairent sans vous
éblouir. Malheureusement lé talent d'exposition , qui se préïe aussi bien
il Ferreur qu'à la vérité , ne prouve rien pour ou coiitre un système.
Mnis comment, dtra-t-on, se fàit-il que M. Laromiguière diffère.
. ' .AVKIL 1819. ioj
Desçrizioné degù Staterî antichî , illuitrati con le
medûglie , fer Dpmenico Sestiiiii &c. &c. &c« Finenze»
MDCCCXVii* — Description des Statèrts antiques , expliqués
au moyen des médailles ^ par Dominique Sestini , &c. &c. &c; '
Florence, 18 17.
L'auteur de cet ouvrage , M. Séstlni, est I un q!^s hommes qui, d;uis
les derniers temps ^ ont fait faire le plus de progrès à (a science numis-
matique. Ses nombreux voyages Tout mis à portée de vérifier, sur les
lieûx.mèmes, rpriginedïule roule de nîohuinens qu'on avoit jusqu'à lu^
pu r^fégués dans la classe des moimoîes incertaines, ou af^cté^. de
fausses âttriWiîons. Les dfveils cafc(înéts d^uropef qu*il/a puhfiésj ont
enritlii d'un pfus grand nombre «ncofé de d&oiîr^ef tés précieuses fa
géographie et fhi^tçnre numismatiques. Alafs'parrhi ces travaux si litlfes
la scietice, Fun des premiers rangs sans ^ute est aà à Touvrajge que
nous annonçons, et dont Fobjet est de faire conhofirê une classe entière
de monumens que le pfus judicieux cruîc^ûe du dertiier siècle , le docte'
Eckhel, traitoit encore d'imaginaires (i). ..
Pkisieurs autéuri anciens âvoîènt cependant' Tait iTieniion d'une
monnoîe d'or et d'une monnoie d'argent appelées l'aue et fautre staùres.
Je vais réunir ici, le pfus brièvement qu'il ni^ sera possible, les diven^
textes qui ont rapport à celte monnoie, tant à cause de ITmporlance
qu'ils ont dans la question traitée par M. Sestini , que parce qîie ce $âvan^
me paroît avoir néglige te secours qu'il pouvoit tirer de quelques-un^ de
ces T témoignages ; et | ose croire que fa discussion à faqûetfè ifs pourront
donner lieu, ne sera point sans intérêt pour nos îecteurs.
. Julius Potlux, daps un chapitre de son Onomasticon , où if passe en
revue fès diverses espèçeade monnoies qui avoient cours {^finapaieinent
chez les Grecs (2), pa^e, d'abord du staière considéré toiiime poids ^
et, en second fieu, du stâtère monnoie; fes expressions dont il se sert,
et fe« \tïs d'Aristophane et d'Eu|X)Iis, qu'if cite à f'appuî dé cette dis-
tinction, ne permettent^ point de douter que le statère ne fût effec-
tivement une monnoie réelle, et d'un' usage commun: Es» <A a^ vofUTiJia,
Suidas, dans- deux articles qui , se suivent immédiatement, interprète
r
(il ^çVixA^Doctrin. aumr tom. /y Prolegotn.
(2) Onomastiç» lib, ix , sfgm. y^ et sqq^ i ,
Ce 2
ao4 JOURN:A.L DES SAVANS,
le mot X-mif par ceux-ci, -n ùc ^n tâiufjM, et •ntfâyttor yt/ur/t» ^
qui, outre l'existence du statère monnoib, constMent de plus l'asage qui
s'en iàisoit dans les deux métaux. En efl^t , fe second d«s passages que
je viens de citer, renfèmie utie iàute évidente, rwgtijmM, eairé, au lieu
fie Tvtfâ.xê"' > ou "nrgâJ^xf**» monnoie-tétradraclime , suivant Tobser-
vation qui en a été faite par M. Letronne (i ). L'auteur d'un Mémoire
sur la valoir des monnoies de compte a préféré toutefois fa première feçon
de Suidas, qu'il interprète en latin par Jii/iVui (2); maison me permettra
d'observer ici que la correction ^e M> Letronne, plus conforme â la
paléographie que celle qu'avoietit proposée Hostus (3), Saumaise,
Scaliger et les commentateurs d^ésychius (4] > est encore justifiée par
les lexiques de Photius el de Cyrille, qui portent textuellement, le
premier, les paroles que voici, l7*n^' ^Ca(fr pïafl^ vnç n it^M'n A
"^OOCf*" '^ 'mfiJf»xj''*> ^'^>*'i '• et lé second , celles-ci , £wn{, inf«-
Jfa.Xf''' ^"® faute à geu prés semblable à cefle qu'ofTroit le texte de
Suidas, a de même été corrigée dans celui d'Hésychius; on y lisoit,
Ziwvj, -jiJefy^mfifiet , que Sauroaise et d'autres commentateurs onE
remplacée par liloiJ^^Ja*''- <I*a}oute qu'indépendamment de ces diverses
autorités , la valeur assignée par les anciens au s'tatére d'argent confirme
la correction faite au texte de Suidas ; et c'est ce qu'il ne me sera pas-
difficile de montrer.
' Les témoignages que j'ai cités , en interprétant le mot staûre par
celui de tttradraehme , prouvent .indubitablement que la pièce désignée
pirle premier de ces noms équivaloit.i quatre drachmes d'argent:
é'i^x aussi ce qui résulte des textes combinés d'Hésychius, de Suidas,
tfe f^oflux, de S. Èpiphane, de Jule-Africain (j). EcUiel avoît précé-
demment établi le même fait : Ârgenteus sthter idem aim tetraàrachme
kahitus, drachmatvm scilket quatuor; et il s'éioit servi , pour le prouver^
lia tétnoignage formel de Héron d'Alexandrie : O A ïK-n^ Jf-aj^/Mt {•'
AVRIt 1819. loî
confondent le stalère avec la six-millième partie du laltnl atiique, c'est-
à-dire , avec la drachme : mais je doute que ce téitioiguage unique puisse
être mis sur la même ligne et inspirer la même confiante que ceux des
différens auteurs que j'ai cités, ei qui semblent avoir exprimé l'opinion
unanime de l'antiquité; c'est un point sur lequel j'ose appeler l'aiteiiiion
de M. Leironne, qui a rapporté ces deux évaluations différentes sans se
prononcer entre elles. Mais un autre point sur lequel je me trouve
parfaitement d'accord avec lui, c'est qu'on ne rencontre, dans toute
l'antirjuité , aucune trace de l'existence d'un stalère d'argent de la valeur
de deux dtnchmes et quatre oboles, que l'auteur du Mémoire sur la
valeur des inonnoiis de compte assure avoir (té jabriquécs en une grande
abondance [ 1). Bien loin de là, les témoignages de l'antiquité déposent
contre Texistence d'une pareille pièce, et contre l'usage qu'en fait l'auteur
de ce mémoire-, lorsqu'il dit que soixame-quinje de ces statères formoicnc
un compte de deux mines. Je me contenterai d'opposer à cette assertion
celle de Héron d'Alexandrie, qui déclare qu'une mine se composoit de
vinji-cinjf statères , h  /juâ sawe^f ti'wm »j Tiu-n ï^e* : ce qui retient
toujours ^ la valeur de quatre drachmes pour chaque siaiêre d'argent.
Maïs \e stalère dont les anciens ont fait le plus souvent mention, est le
statèredoT, ni^^urâ yifua^aàe Suidas, lequel, suivant PoIIux (2), avoit
le poids de deux drachmes attiques ; Ô cfi ;s''™* w^Ç ^o t';t* =')'"/t/^î
ar}i^(. C'est encore un point sur lequel les auteurs sont unanimement
d'accord. Sa valeur, celle au moins du statère attique, ne paroit pas
moins solidement déterminée. Harpocration, qui, comme PoKux,
l'assimile, sous ce rapport, au darique d'or, ajoute (j) que le darique
valoit vingt drachmes attiques d'argent, de sorte que cinq dariques, et
par conséquent cinq statères, équivaloient à une mine d'argent; voici ce
passage entier: "Eiat ntv yfum'i stfrâptt o<" ^oftiui- r.iltxm Si i tu nuflo 01^
*^ 0 ifivnt -mif^ We AtJiwÎî itafiu^o^tct Aiyeuai Ji vyi( Jo»a«&«H T*r
Ai^nxÀc àfjug^ç d)i(t;yu(ç uxaaj, Wî t»( otipti i(y«»jùf S\j\'itâni f*yiy àfiy/eicv.
Hésychius, au mot ;ftu»^{, confirme ce résultat, qui n'offre ni difîicutié
ni incertitude. Cependant Pollux, dans un autre endroit que celui
que j'ai précédemment cité, dit que le statirc d'or équivaloit a la mine ,
6 Â ^>JTii wrâg fivàs iiivctTt (4) : assertion qui, interprétée soit de la
valeur, soit du poids du statère, paroît également fautive, et qu'il vaut
mieux abandonner lout-à-fàil, que d'y chercher, comme les divers
comnieniaieurs de Pollux, des explications qui ne sauroient se concilier
(r) Mémoire cité, ;7.7j, — (2) Poiliiji, Onomasik. Hè. jy^S-7S-
(3} Harpotraiioo,i'D«ûaf«ïw/, — (4)l'ollu]i, Omonast. Hh IX,SS7-
icô JOURNAL DES SAVANS.
m avec fcs textes des andem , ni av«'c Jeun propres inotiuntetu.
Le sntère <for, du poids de <ieux dcaclimes d'argenti représ«H*oit
donc h laleur de TÎngtdeces pièces, ou de detuc dradunes d'or ; double
ascrûon qui me paraît ^afemeot JndHL)itablc> Ct d'où résulte l'identité
de poids de la drachme d'or et de la drachine d'argent, lorsque le rapport
ée ces mètanx éioît de dix à un , comme l'a très-tHen vtt M. Letronne ( i ]•
Mais un point qtte ce savaot s'a point examiné., et dont )e dois
pailer, parcequ'il toaclie directement la question que |e traite en ce
mootenitC^estla valeur du itatitt d'or. tef)e.qti'eU«»^déteriainée par
fauteur du Mémoire mr la valear dis monnaies ile eompu. Je trouve dans
ce Mémoire que k chrysos, ipii élok laplus pttilt tSpèft en or fa] , vahit
émx Jnuhmts d'or, etf quelques lignes-plus bas, que /r JfaÀ» t/'orva/o/f
doue chrysos, m quart drachmes d'ar^ ou quarante drachmes d'argent { j).
'Il fésnlteroif de ces deux assertions si positives , dieux ckoses : l'une , que
le chiysosétoit la moitié du statère; la seconde, que le stature d'or avoit
tme valeur double de celle quekii attribuent les autieurs grecs. Or, <^est
ce qui ne me paroit iroUeinem prouvé dans le mémpîre même où- ces
opinions sont consignées.
Quant à ce qui regarde Ib première, ridentiiédb chrysos el dik statère ,
dsnt l'auteur du mémoire &it (fcux pièces difierente», et doubles l'imo
ée l'antre; cette identité,, dïs-je, est clairement énoncée 'por Pollux :
Bl fNf Jfftnt t/nNc, «tfivmimidmf l shi*^- m A iwr*^ innw, w mnwc à
JUpmf [i^)ttiest-'irààrt,jiniuditestkrysoj, ou d'or , on teks-tnttnds*aùrt i
mm'asï vous dites statire, oh n'tmtend pas toufouis dlai d'çr, ouït chrysos.
Ce passage n'a certainemenr pas besoin de commentaire ; et ceux d'Ilar-
pDcntion et d'Hésytdiins, le dernier desquels est cité par l'auteur du
Mémoire à l'appui de aon opinion , n'of&ent pas. plus de difficultés
fktiyement it la valeur' du chrysos, ou statère d'or, cjue celui-ci de
PoUmé-, relativement i femploi de cette déuominatioa. Or, qu'il y ait
AVRIL 1819. 207
d*or elfe-même. Quant à ce qu'assure encore Fauteur du Mémoire (1) ^
qu'il y eut un ancien stathe, égal au talent d*or asiatique, et de la valeur
de trente drachmes d'argent, et (2) que ce nom de talent d'or ne s^ applique
qui l'ancien chrysos de trois drachmes d'or , ce sonf de nouvelles pro-
positions aussi contraires aux documens historiques, qu'elfes sont coi>-
tradictoires avec ceffes qui ont été précédemment avancées : car if résulté
précisément des deux dernières f'identité du statère d'or et du chrysos i
dont Fauteur a feît d'abord deux monnoies différentes dans fe rapport
d'un à deux.
Je supprime quefques autres observations qui s'écarteroîent de Fdbjet
principal de cet article; mais j'ajouterai, pour compféteret confmtier
tout-à-la-Ybis ce que j'ai dit précédemment du poids et de fa vïifeor des
statères d'or, que \t% monnoies d'or de Phifîppe, d'Afexandre ec dies.
rois de Perse, ces dernières appefées du nom général de ddtiques , et
foutes ensembfe comprises sbus la dénomination commune de sfatcrei
cTor, ainsi que fe déclare positivement Polfux , a(f[ 0/ (àv ùdfHXûi ittA-*
A«ir7o çoLTUfiÇyOÎ A OiXi^mmiot y oi  AM^ùLfJ^nct ^ ^vtnî W7tc orTfç {i)i
que toutes ces pièce», dis- je, pèsent deux drachmes attiques dargertt,
et en vatoient par conséquent vingt ; résultat attesté par Eckhef (4) >
confirmé par notre propre expérience, et qui montre encore une fois le
parfait accord des témoignages et des monumens de Fantiquiié.
If y avoit plusieurs espèces de statères, ou pfutôt on appfrquôit,
suivant les temps et tes focalités , drfféremes dénominations k h méitte
monnoie. Ainsi, outre les statères que je viens de nommer, fes auteufs
parlent de statères craséens, phocaites , corinthiens, cy\ic(niens, c'est-à-
dire, frappés par Croesus, on à Phocie, à Corinthe, à Cynique, Sans
doute aussi fe poids et fa valeur de ces pièces éprouvoient, sous ces
diverses dénominations, quelques variations , selon fes différens système^
monétaires suivis dans tous ce^ états. Les seules divisions du stàtère
qui nous soient connues Jime manière authentique , sonlt Tes demi-chrysos ,
ou demi-stateres , mentionnés dans Pollux (5) , et le tétras fatere , monnote
d'or, fa pfus forte sans doute qui ait eu cours dan^ Fanriquité, et dont
fa fabrication paroît avoir été pro|)re à fa république de Cyrène , cf apfè^
le témoignage d'Arfstote [6). H faut y ajouter encofe cfes pièces en
assez* grand ndmbre que nous possédons actnefleftrenf, et qui pafoissent
avoir été des quarts de statère , quoique , diaprés les variations de
. É
(i) Mémoire précédemment cité, 27. /(f. — (2) Là mfrme,/).77. — (jjPoHtjx,
Onomasric. i'ib. fX, f. ^p. — (4) Ecknel, Doctnn. vum. ProlegârrW ctfp. ÏX,p. xlj,
— (5) Follux , loco supra laudaté» — ifi)'f(ifin, ilfiïtifn.
aof JOURNAL DES SAVANS,
poids qu'on y recoiinoît, il soit difficile d'assigner avec précision le
rapport exact de ces pièces avec le statère dont elles sont une division.
II existe aufsi , dans les cabinets , des monnoies d'or d'Alexandre le
Grand» et en assez grand nombre , qui pèsent quatre drachmes , et
qui équivaudroieut ainsi ï un double statère. C'est aussi une pièce de la
inième valeur que M. Sestini croit reconnoître dans les monnoies de
grand module qu'il attribue i Phocée, à Cyzique, à Lampsaque, et à
plusieurs autres villes {le fAsie mineure. Mats, indépendamment du
silence que les auteurs gardent sur ce point, il me semble que cette
opinion est sujette à d'autres difficultés; et voici sur quoi je me fonde.
Les dariques et les scatères attiques étoient génétalemeni d'un métal
tris-pur : c'est un iâit^testé, et que confirment les inonuinens de cette
nature que le temps a laissé parvenir jusqu'à nous. Au contraire, les
statères frappés <bns fes divers états de l'Asie mineure, paroissent avoir
été fabriqués de cet or connu des Romains sous le nom tteUctrum, et
presque blanc, à cause de la quantité d'argent dont il est naturellement
allié ;. je dis naturelleiiiem,^ parce que Tes différences de titre que la
balance hydrostatique fait découvrir dans diverses pièces d'un poids et
d'une valeur identique^ prouvent que les Grecs ignoroient la quantité
de cet alliage, et par coiuéquent qu'il n'éloit point artificiel : c'est un
point que M. Leironne se propose de développer. C'est de ce métal que
sont faites la plupart des monnoies à présent assez communes dans les
cabinets, qui, de quelque incertitude que soit encore couverte forigine
de chacune d'elles, appartiennent certainement en totalité à TAsie
mineure. C'est k ce métal qu'a rapport l'expression de wju$et jfumr dont
se sert Hésychius, en parlant des statères pbocaïtes (i) ; et les monnoies
que M. Sestini restitue à Cynique avec infîninient de vraisemblance,
comme je le dirai tout-à-I'heure, sont imbriquées du même métal. Cela
posé , le témoignage de Démosthéne , dont on essaieroit vainement
AVRIL- 1819. 209
Wemeni le disiatère asiatique, il en faut, de toute nécessité, conclure que
le simple siatère, quoiqu'inférieur en poids au dariqiie, vafoît néanmoins
huit drachmes de plus : conséquence qui me paroît d'autant plus inad-
missible, que lalliage considérable dont ces monnoies sont affectées,
s'opposoit 'encore à ce qu'elles eussent dans le commerce une valeur
proportionnelle avec leur poids (i). Il faut donc, ce me semble,
reconnoître, au contraire, que la monnoie cyzicénienne appelée statcre
par les.anciens , et la seule de ce nom dont ils aient parlé , étoit un simple
siatère, d'un poids ^périeur au darique, et d'une valeur également plus
forte de huit drachmes, laquelle compensoît par la quantité du métal
celle de l'alliage qui entroit dans sa fabrication , du moins dans l'opinion
des Grecs, qui, ne pouvant, d'après l'imperfection de leurs procédés
métallurgiques, faire le départ des deux métaux, ne pouvoient pas
davantage fixer cette compensation avec exactitude.
Ainsi se détruit l'opinion de M. Sestini, opinion que, du reste, il n'a
cherché à érayer d'aucune autorité, suivant laquelle la plus forte monnoie
d'or que nous possédions de Cyzique et d'autres villes grecques de l'Asie,
est un double statère; ainsi se trouve encore, à ce qu'il me semble, ré-
futée à-la-fois par les témoignages et par les monumens la double sup-
position que fait l'auteur du mémoire sur les monnoies de compte précé-
demment cité, de l'existence de deux différens statères cyzicènes, savoir,
le cyzicène simple, du même poids que le darique et le chrysos, et un-
autre cyzicène, du poids de soixante-trois grains, et de la valeur de trente
drachmes ; deux suppositions qui , dépourvues également d'^torités ,
du moins à ma connoissance , sont encore contredites l'une et l'autre par
la seule pièce existante de nos jours , à laquelle puisse s'appliquer la
qualification de statère cyzicène.
Tels sont les principaux points que j'ai cru devoir éclaircir, avant de
m'occuper de la classification des statères que propose M. Sestinr,
d'autant plus que ces notions, assez importantes en elles-mêmes, et qui
senibloient ,êlre un préliminaire indispensable de son ouvrage, n'y'
occupent cependant aucune place. Il est vrai que ce savant numismatiste
n'a point considéré les monumens qu'il publie, sous le point de vue
monétaire, mais uniquement sous le rapport de la science qu'il cultive
avec tant de succès. Toutefois j'ose croire que ces deux manières
d'envisager les médailles sont plus intimement liées et plus nécessaires
à l'intelligence l'une de l'autre qu'on ne le pense communément; et
(i) Le poids du métal employé dans les cyzicènes, comparé à celui de l'eau
distillée, flotte entre 151O87, ec 1 i^jyô; celui des dariques est de 18,50.
->io JOURNAL DES SAVANS,
d'ailleurs, il y a dans l'ouvrage de M. Sestîni telle assertion qui, relative
au premier de ces rapports, prouve qu'il s'en est assez occupé pour
qu'ii semble nécessaire de le contredire toutes les fois que son opinion
ne paroît pas sufTi&amment autorisée. C'est ainsi qu'en commençant la
description des statères d'or de Cy^que par celle des stalères d'argent
delà même ville, il dit {1} qu'il faWoU sept de ces pièces pour faire la
valeur de la première, ou six seulement, si ces statères d'argent équi-
valoient à plus de quatre drachmes et demie attiques: seite dti quali
( telradramini ) facevano le iiatere d'an di Ci^ico , oppurt sei , se questi si
trovavûnù équivalent} à più di quattro dramme t me^^o aitieke. Or , da ces
deux suppositions, la première est la seule qui soit admissible; car elle
s'accorde avec la proportion de 7, j 8 à 1 , qui dut exister entre l'argent
et l'or de Cyzique, d'après le poids de la drachme attique et la valeur du
statère cyzicène : quant k la seconde, elle est tout-k-fait contredite par
les monumens. Les cinq statères d'argent que possède le cabinet du Roi,
Sont inférieurs en poids aux tétradrachmes attiques de la seconde
époque (a) , et bien phis à ceux de la première. Ils ne sont pas davantage
Ml rapport de poids avec les statères d'or de la même ville ; d'oii il
résuite encore cette conséquence, que n'a point non plus soupçonnée ou
du moins indiquée iVl. Sesiini, c'est que les statères de Cyzique, et
probablement d'autres villes de l'Asie mineure dont il nous reste des
monumens, appartenoient à .un système monétaire différent de celui
de FAttique.
Ce quf complique encore , indépendamment de toutes les causes que
(■ai précédemment exposées, la question de la vraie évaluation de ces
inonnoies, c'est In difficulté d'assigner le pays auquel appartient chacune
d'elles. Tel éioit bien, il est vrai, l'objet du livre de M. Sestini, et je
dois convenir que cet objet a été souvent rempli : mais je dois dire égale-
AVRIL 1819. :*ii
beauté du travail, Tépoque où les ans florissoient avec le plus d'écfat
dans la Grèce et dans ses colonies asiatiques. Ce caractère leiir est
commun à toutes, au point que, malgré les divers symbofes qui les
distinguent, on seroit tenté de fes regarder comme ia production d'un
même artiste et comme sorties du même coin. La diversité de ces
symboles ne seroit pas d'ailleurs une preuve invincible que les monnoîes
qui nous Its représentent, appartiennent à difFérenles villes: ne sait-on
pas quelle prodigieuse variété de types se remarque souvent sur les
médailles d'une même ville î Le carré ci-eux , qui se voit presque tou-
jours au revers de ces médailles, soit profondément imprimé, soit légè-
rement tracé par quatre lignes qui se coupent à angles droits , n*est pas
toujours non plus un signe indubitable d'antiquité. Ce caractère a pu
être conservé dans des temps assez modernes, pour ne rien ôter au crédit
dont jouissoîent ces monnoies parmi les difféi^ens peuples qui les eiri-
ployoient aux opérations du change et du commerce : c'est ainsi , pour
n'en citer qu'un seul exemple bien familier aux antiquaires, que le style
des monnoies d'Athènes conservoil encore, après le siècle de Périclès,
quelque chose de la sécheresse et de la roideur qui caractérisoit l'ancien
style de ces monnoies primitives. I-e seul point qui me semble mis hors
de doute dans la classification des statères d or, c'est que tous ces mcv-
numens appartiennent à l'Asie mineure. La difficulté commence, quand
on veut leur appliquer une attribution plus particulière, parce que cette
attribution ne peut avoir quelque certitude que lorsque les descriptions
des anciens concourent avec la figure des monumens pour désigner une
ville plutôt qu'une autre, ou lorsque le nom d'un peuple atteste les mon-
noies qui lui sont propres, ou enfin lorsqu'un symbole tout-à-^t local
et particulier remplace cette dernière sorte de désignation ; trois carac-
tères qui se trouvent rarement réunis sur les médailles dont l'origine est
le plus indubitable, et qui ne se montrent pas toujours, même isolé-
ment, sur celles dont nous parlons ici.
Nous appliquerons, dans un second article, ces idées ^nérales à
l'ouvrage de M. Sestini, ou ^utôt nous proposeftns, avec tous les
égards dus à la réputation de cet habile antiquaire, et avec la défiance que
nous devons avoir nous-mêmes de nos propres lumières , des doutes qui
puissent conduire à de nouveaux éclaircissemens sur cette partie si neuve
et si intéressante de la science numismatique.
RAOUL-ROCHETTE.
Dd 2
312 JOURNAL DES SAVANS,
I^ovvM Testamentum D, N. Jesu Chrïsti , oh fréquentes
omnium interpretum kaîlucinationes , nunc demum ex codice
AlexanJrino , aShibitis 'etiam compluribus manuscriplis , varian-
tibusque lectionibus edilîs , summA jixie ac cura latine redditum : -
omnibus sacris anctoribas gracis , sacris criticis, ghssariis , et
instructiofibus per iotnm Graciam ecchsiasticis vins , diligen-
iissimè consuhis; interprète LeopoiJo Sebastiani Romano,
sacrarum missionum in Persia quondam prafecto. Londîni ,
1817; xviij et 34ï pag- //'-<?•"
Ce n'est point sans dessein que nous avons transcrit en entier (e
long titre de cette nouvelle version laiine du Nouveau Testament.
II indique les droits que l'auteur croît avoir acquis i la confiance des
Jecteurs, en proportion des travaux et des soins auxquels il s'est soumis
pour ne rien négliger de ce qui pouvoit le conduire à l'intelligence
:plus parfiute des livres saiiits qu'il voufoit traduire. Sa préface même
-ne nous apprend rien de plus à cet égard; il nous avertit seulement
que si, non content des secours que lui ofîroienc les manuscrits du texte,
les éditions critiques, tes ouvrages des saints pères, les commentateurs
et les glossaires, îi a encore consulté les hommes les plus instruits
qu'il a rencontrés dans toute la Grèce, c'a été non pour apprendre d'eux
quelque chose , mais pour connoîire l'ancienne tradition conservée parmi
eux sur certains passages. II se félicita en conséquence de n'avoir rien
omis de ce qui pouvoit contribuera la per^ction de son travail : Jgitur,
dit-il, ^uicquid humanis viribus effici poterat, non emisi ; sed vero amne
studium , omntm operam ad hanc susceptam durant prtvinciam omnibus
AVRIL 1819. ai3
Testament, il ajoute : Qua qu'idem omnla in causa fueru?it cur dtceptl
interprètes à sacrorum scriptorum mente aberrarint ; mprimis parum
emunctœ naris int^rpres Vu^gatà , qui et vitioso subinde codice , etmodicâ
ipse Circumspcctione usus, sed verborum tenacissimtis nimisque religiosus ^
non parvam , prœsertim in Epistolis S. Pnuli , obscuritatem effecit, et aliter
atque Apostolu r s^pe dicit: nihilominus Vulgatnprœ cœteris intcrpretutionibus
laudanda, Laudandn! )am audio dici:Quî! Tarn vitiosa , tôt erroribus
scatens ,tot barbarismis ac solœcismis referta, ettamen laudanda l V tique t
per Dcum immortalem , laudanda , pvopter maximam jidclitateni suam.
Nonne laudabilior est inscitia Jidelis , quant scientia fraudulenta !
Avant d'examiner jusqu'à quel point la nouvelle traduction du P. Sé-
bastian i répond à Topinion que lui-même en a conçue, je dois fài^e
connoître fe principal objet de sa préface, c'est-à-dire , fe P. Sebastianl
lui-même et ses aventures. Je n'irai point chercher dans quelques voyages
modernes ou dans des mémoires inédits , des anecdotes qu'il pourroit
désavouer; je me bornerai à abréger son propre récit.
L'auteur, pensant qu'on pourroit se demander pourquoi sa traduction
étoit imprimée à Londres, et par quelles circonstances lui-même, prêtre
catholique et missionnaire du saint siège, se trouvoit dans cette capitale
de l'Angleterre, n'a pas cru pouvoir se disj^enser de satisfiiire la curiosité
dts lecteurs par un récit des événemens doni l'ench^îneinent l'a conduit
dans ce pays étranger.
* Le P. Sebasiiani étoit à Rome, oîi il venoît de donner une édition
de Lycophron , lorsqu'il fut nommé, en 180}, préfet des missions en
Perse. Il parut peu après pour Constantinople, où il étoitdéja allé quatre
fois, et se rendit par l'Asie mineure à Bagdad, après avoir visité Pal-
myre et Baaibec; de là il fit route pour Ispahan, où il devoit résider.
Arrivé à Ispahan , son premier soin fut d'apprendre la langue persane. .
Comme les Persans aiment à disputer sur toute sorte de sciences ,
et particulièrement sur les matières théologiques, notre missionnaire
se trouva bientôt engagé dans de nombreuses discussions, tant de vive
voix que par écrit, non sans que sa vie fût exposée à de grands dangers.
Le fruit qu'il en recqjîillit fut que sa réputation se répandit en peu de
temps par toute la Perse, que le roi conçut pour lui une estime route
particulière, et accorda, à sa considération, plusieurs rescrits en faveur
des chrétiens et de leurs églises.
Sur ces entrefaites , les projets ambitieux de Buonaparte lui firent
concevoir le désir d'envoyer un ambassadeur en Perse , et M. J. R. ***,
consul de France à Bagdad, fut chargé de disposer U cour de Téhéran
en faveur de ce projet. Lie résident. anglais à Bagdad, Harford Jones
»r4
JOURNAL DES SAVANS,
Rvant eu vent de cette négociation, écrivît au P. Sebaslianî, en le
conjurant de ne rien négliger pour découvrir ce qui se passoit. Le mis-
sionnaire y réussît aisémeiK ; et on le croira sans peine^i l'on se rappelle
que lie secret des négociations diplomatiques est une chose tout-à-fàit
inconnue à la cour de Perse. Cependant , l'agent français envoyé à
Téhéran étant venu à mourir peu de temps après son arrivée en cette
ville, le roi de Perse demanda au missionnaire et des renseignemens
sur et Buonaparte, et son avis sur l'alliance proposée. On devine i>ien
que le P. Sebastiani, qui d'ailleurs profëssoit beaucoup d'inclination
pour les Anglais, dissuada le roi, autant qu'il pat, d'une semblable
alliance.
Toutefois le chef du gouvernement français' ne se rebuta point :
M. J. *** fût envoyé en Perse; il gagna l'esprit du roi par de ma-
gnifiques promesses , et un traité flit conclu h Sultanièh. Le mission-
naire parvint il s'en procurer une copie; et, après le départ de l'agent
français, il remontra si vivement , dit-il , au rot et à ses ministres la
fausseté des promesses de Buonaparte, et des espérances dont il avoit
flatté le roi de Perse , que ce prince écrivit en France pour se dégager ,
par des prétextes controuvés , des engagemens qu'il avoit si légèrement
contractés.
, Le consul français de Bagdad fut instruit des menées du ftiission-
naire : des lettres de lui furent interceptées par la perfidie d'un Arménien
appelé Zadour, le même sans doute que nous avons vu à Paris
«n iSiâ; an nommé Antoine Conti fut chargé de les apporter à
Paris, et le résultat de tout cela fiit que l'ambassadeur Gardanne. iors
de >a mission en Perse , fiit chargé de demander l'expulsion du P. Se-
bastiani. Fath~Ali-Schah ne s'y prêta qu'avec peine : cependant l'am-
bassadeur obtint de Mirza Schéfi, premier ministre , un ordre dont notre
AVRIL 1819. aij
de Perse, qui étoit chargé de le conduire hors du royaume, lui affirma
sur fAIcoran qu'il avoit ordre de le tuer ; et s'il lui sauva la vie , ce ne
fut que par un sentiment de reconnoissance pour quelque service que
le missionnafre lui avoit précédemment rendu , et en se faisant bien
payer ce ménagement.
Jusqu'ici Ion a peu vu k missionnaire évangélique dans la con-
duite du^P. Sebastiani. Arrivé à Calcutta , il se livra à des occupa-
tions plus analogues à son ministère. A» la demande de M. David
Brown , chef du collège du fort William, il consentit à livrer à l'im^
pression la traduction persane qu'il avoit faite du Nouveau Testa-
ment : l'édition en étoit déjà au» Actes des apôtres, quand un incendie
consuma le manuscrit et toute la typographie. Obligé de traduire de
nouveau la partie qui avoit été ainsi détruite , notre missionnaire,
peu content de son premier travail , eut le courage de faire une novt^
velle traduction de tout le Nouveau. Testament, plus élégamment écrite
que la première : Quant (novam interpretationem), dit-il , eo labore ac
studio pcïfecî , ut ipsorum Persarum juJicio non dubitcm assettre , tcrsiorl
stylo persice conscribi non posse , pravia dissertatione de christiana re/i-
gionis vcritûte , detjue sacrarum lîtterarum sinceritate, quas Mohamme^
dani à judais et christianis yitiatas credunt.
Le gouverneur général de l'Inde, lord Minto, sur le point de quitter
cet important gouvernement , signifia au P. Sebastiani que le moment
étoit venu de sortir de ce pijrs et de retourner en Perse pour y re-i
prendre l'exercice de ses fonctions de missionnaii'e , et qu*un bâtiment'
étoit prêt pour l'y reconduire. Le P. Sebastiani n'a pas jugé à popos
de dire quel étoit le motif de lord Minto pour en agir ainsi envers
lui : ifse contente d'exposer ceux qu'il avoit de ne pas déférer à cette
invitation. Ego, dit- il, qui tanta ejus cura que lendtrct , cognovi , re-
scripsi, &c. On est tenté de penser qu'il ne se seroit pas attiré cet ordre ^
s'il se fût borné aux fonctions de missionnaire. Quoi qu'if en soit , il.
s'embarqua, et, après avoir parcouru tout l'océan indien, il regagna
le golfe Persique, et, remontant le Tigre, se rendit de nouveau à
Bagdad.
Là il éprouva de nouvelles tracasseries de la part de M.R^'^^d , agent
français, qu'il ne ménage point , et il reçut des lettres du préfet de la Pio-
pagande, son Ém. le cardinal Litta , qui lui signifioit sa- destitution,
Les motifs étoient, dit-il, qu'il avoit abandonné le gouvernement de
I église et des chrétiens confiés à ses soins, et que, de son propre mou-
vement, il avoit parcouru les royaumes de flnde, et étoit entré sans
Jijission dans la -vigni^ ^'autrui.. A ceUfi occasion , ajoùte-t-il , fe me
ii6 JOURNAL DES SAVANS,
mppeHe ce que me dit un jour, dans les déserts de TAraLîe» fe prince
des Wahhabites, en présence de j^Iusîeurs de ses gens : « Médecin
» dépourvu de sens , la liberté nVst qu'un vain mot en ce monde :
» les noms de justice et d équité ne sont que des moyen*s de tromper
3>ies hommes. De même que, parmi les animaux sans raison, le pfus
3j i'ort dévore le plus foiMe ; de même aussi, parmi les hunrmins , le
» grand opprime le petit, tt^utis les fois que Foccasion sVn présente;
» et rien n*est à meilleur marché sur la terre que la chair humaine. »
l< est assez extraordinaire de voir un missionnaire appliquer cette ter-
rible apostrophe à la conduite de ses su{'>érieurs ecclésiastiques. Quoi
qu'il en soit , le P. Sebastiani se rendk de suite, sous la conduite d'un
Tariare, h Constantinoj^le : de lîi il adressa i la congrégation de la Pro-
pagande sa )nsiification. Par une lettre du lo pùn 1815 , fe même
cardinal Litta lui (ordonna de se transporter à Rome, où l'onétoit dis-
posé h l'entendre avec bonté et à lui rendre justice. Il ne perdit point
de temps pour se rendre à Gènes, et delà à Rome. Après un séjour
de cinq mois dans cette capitale, sans avoir obtenu, <fit-i!, qu*on s*oc-
cupât de son affaire, il se détermina à passer en Angleterre. II alla
d'abord h Malte et de là h Londres, où il obtint, à ç^ qu'il paroît, à là
recommandation du comité des directeurs de la compagnie des Indes,
quelques secours du gouvernement.
Ici se termine le récit contenu dans la préface, qui est datée des
ides de juin 1817. Nous ajouterons qu^n 1818 le P. Sebastiani a
quitté l'Angleterre , pour retourner à Rome. ^
Nous ne nous permettrons aucune réflexion sur ce récit ; mais il est
dans la préface une sorte d'épisode, relativement aux sociétés bibliques,
que nous ne pouvons passer totalement sous silence. Le P. Sebas*
tiani avoue que, pendant son séjour à Calcutta,, if avoit conçu une
opinion très-avantageuse de ces sociétés et de leurs efibrts pour la pro-
pagation des saintes Ecritures ; qu'il conservoit encore la même opinion
à Constantinople en 1815; mais que son séjour à Londres l'a désa-
busé : SeJ hic , Londint , uhi est prœcipua hujus societatis sedes ac te-
gimen , lue, inquam , cjus animum perspectum et cognitum expérimenta
hahuï ; qui, candide fateor atque etiam prqfiteor , non est rectus omnino»
Hac enim societas Londinensis interpretationem à catholico homint bonâ
fide confectam , etiam perfectissimam , nullo modo prorsus admittit. Lors-
qu'on se rappelle que, plus haut, notre missionnaire, parlant de sa traduc-
tion , avoit dit , editionem meis sumptibus suscepi, on est bien tenté de
soupçonner que la Société biblique, qui d'ailleurs a fait imprimer beau-
coup de traductions faites par des caiholiqueç , s'ejt refuse à fidre Ici
AVRIL iQl'p. Z17
frais de Fédition du Nouveau Testament du P. Sébastian! , çt que inde
ira* Toutefois j si notre missionnaire se bornoit à témoigner lâ crainte
que les éditions publiées par la Société ne fussent altérées aux dépens de
la foi catholique, et qu'il dit, Timeo Danaos et donaferentes , quelqu'in-
juste que fût son soupçon , on pourrcwt le lui pardonner. Mais quand
il accuse la Société d'avoir pour but de propager, non la lumière , mais
les ténèbres, et de n'être propre qu'à multiplier de \A\xs en plus les
hérésies et à corrompre les moeurs, il est indubitablement emporté par
cette passion qui aveugle les plus clairvoyans. Quand il cite> comme
des exemples d\x danger qu'il y a à mettre entre les mains du commun
des hommes , le récit des crimes des filles de Lath , de l'adultère de
Bethsabée, du libertinage de Judas, on pourroit se contenter de te
renvoyer au chapitre ix du iv/ livre de l'Imitation de Jésus- Christ,
et lui demander s'il faut aussi ôter aux chrétiens le Nouveau Testament,
parce qu'on y lit que Jésus -Christ ne voulut point contribuer à la con-
damnation d'une femme adultère, et accueillit avec charité les pubii-
cains et les femmes de mauvaise vie ; ou parce qu'il présenta comme
un modèle de prudence l'économe infidèle : on pourroit encore lui
demander pourquoi lui-même il a eu la témérité de publier une nou-
velle version du Nouveau Testament sans notes ni commentaires;
enfin on auroit le droit de le renvoyer à ces paroles de l'auteur de
rimitation , qui disoit : Curiositas nostra sœpe nos impedit in lectione
Scripturarum , xùm volumus intelligere et discutere , ubi simpUciter esset
transeundum ( livre I , chapitre VI ). Au reste , si nous nous permettons
ces réflexions, c'est uniquement parce que les expressions du P. Sebas-*
tiani sont tout-à-fiiit hors de mesure , et propres à donner aux commu-
nions dissidentes unt idée^fauss^ des règles que suit en cette matière
réglise catholique.
Mais il est temps de passer à Texamen de la traduction du P. Seba$*
tiani. Nous l'envisagerons sous le rapport de la fidélité , et ensuite sous
celui du style.
On a vu que le P. Sebastiani, dans le titre même de son ouvrage,
annonce avoir suivi de préférence, dans sa traduction, quoique noa
exclusivement, le texte du manuscrit alexandrin, ex codice alexandrinog
adhibitis etiam compluribus manuscriptis, variûntibusque lecthnibus editis,
summâfde ac cura latine redditum. Jjq ne m'arrêterai point ici à fiiire
connoitre le manuscrit alexandrin, ni à discuter aucune des questions
relatives à l'âge , à l'origine , aux caractères distinctifs et au mérite de
ce célèbre manuscrit. On possède aujourd'hui une magnific[ue édition
du Nouveau Testament d'après ce manuscrit; et comme cette édidon
Ee
ai8 JOURNAL DES SAVANS,
est en quelque sorte un fàc similt de l'original » chacun peut se fbimer ,
en connoissance de cause, une opinion sur les principales questioiis
auxquelles il donne lieu : on peut aussi consulter, entre un grand
nombre de critiques, la pré&ce mise par Ch. G. Woide i h tète de
cette édition, et que M. Gottlieb Leberecht Spohn a fait réimprimer
avec des observations très- judicieuses et la collection des variantes du
même manuscrit, à Leipsick, en 1788, sous ce titre: Car. Gotkofr.
Woidii Notitia ccdicis alexandrini, cum variis e/us iectianitus omnitus.
Je n'examinerai donc point si les leçons du manuscrit alexandrin
méritent la préférence sur celles du texte communément reçu ou des
autres manuscrits , mais }e rechercherai s'il est vrai que le P. Sébastian!
les ait suivies ; et pour cela je m'attacherai, non aux passages où le manus-
crit alexandrin offre des leçons sus{>ectes d'erreur, mais à ceux ou les
leçons qu'il fournit ne présentent ni difficulté , ni motif de soupçon.
Ainsi je ne ferai point remarquer que notre traducteur a tout-à-fait
abandonné ce manuscrit au v. 25 du ch. iv des Actes des Apôtres,
où on lit , 0 TV 9ni7^c ifuif ijm. mtVfJiA'nç ijin si/d^mç àmuUl ^tmÂç^H iîmr>
parce que ce texte , quoique facile à corriger ,offie des traces dlnterpola-
tion ; et dans cet autre passage { i Cor. ch. XV, v. jij , ei virm fùf tt^tfui'
t^oifuOoL^ où Treti^K Â iMayiiici(a:Stj parce que la leçon primitive du manuscrit
est incertaine : mais je demanderai pourquoi , dans les passages suivans ,
le P. Seba^tiani s'éloigne constamment du manuscrit qu'il dit avoir pris
pour guide. Xfiii d'être plus court , je me contenterai de mettre en regard
le texte du manuscrit alexandrin , et la version du missionnaire.
KfiaicLç « 0iï. {Rom. IIj J'J
•V7I t'fltr ÇûiytÊf/jLkV , vçt^vjM^a., (i Cor.
VI Ji, S.)
jMMÇ* (l Cor, Xll, 22.)
(Ilid.jij
^amjuaj^, àyi-mif î) A^ V^, ilif ûîft-
xS/Mq. (IhuLxiH,3.)
ttn yrdmçKa^ofynJtinmn, (Ibid. 8.)
ïl^Ç Tiff ùlu/hfÀMf 'mç ALKXnmaç ^n-
Tirn Trct oC^fnTiutiTi. (Ibid. XIV j i2.J | ['ra «feianiiiiTi ].
Pro die îrm et pate&ctfonîs [ texa-
' hv^tâç'\)usti')udicu Del*
Nam neque « edimns , excellimus ^
neque si non edimus, wfirions etfodimus.
Vos rgitur estis corpus Christ! , efusque
membra singulatini [ôà/u«e^uc]*
Ambitt igitur utiliora [x^m^ita] dona.
Et si traderem corpus meum vt cre^
marer [ ïta xavV ra^uc^ ] , cano autem
caritatCj nihil mihi prodest.
Sive cognitio rerum destruetur [y^umt
AdeccUsiœ utilitateni studete excttttïïc
AVRIL 1819.
SLl^
AmtcoUvyliv ï^if yxieswf t^. ( l Cor,
XIV, 26.)
Ai yufeunâç v/uuif ôr niiç ônuLKtmaiÇ
myei'mtnu • i y^ ihlpimitu^ euiituç KO^Sif ,
ctMf» ^ 1;^ J»r. {i Cor, xy,jp.J
( Ibid, 4p,J
tin Ji ^AiA/aOa, \2n> fSc t^uifr
inj>])pv/4âvinçif Xsm/MvS [twt] tuhuf n»-
^fàtimf iv [ttai n]/4â7ç ml^f/Mf. ( 11
Cor. 1,6,)
Jiiïïi, (Ibid.it.)
XeAfi. (ibid. IJ, to.)
Habet pitegrinam linguam! habet
velationemJ
Aiulieres vestrœ siUant in êccltsiis:
non tnim permissum est eis loqui iti iiliij
std subjectœ esse debent, jicut et lex diciu
Alia est caro ptcorum , alia piscium, et
alia aviunu
Etsicutgestavimus imagmem terrespris,
gestabimus [^o^o9/am] quoque imaginem
calestis,
Oportet enim hoc corpus corruption!»
obnoxium indui incorruptibilitate ,, hoc
est, istud morta^ corpus indui immorr
talitate,
Igitur, sive affligimur, est pro vestra
consolât ione et salute , quœ efficitur per
KilJuAA c^nij) 7ni\ vfuuif 7mç0MXnne»ç Tii[c • tolerantiam eorumdem cruciatuum quos et
nos patimur : sive consolatione^erigimur ,
est. pro vestra consolatione et salute»
Unà-adjuvantibus et vùbis orationepro
nobis,
Etenim ego si quid condonavi, eut con~
donavi , propter veescondonavi gerensper^
sonam Christi.
JVefilii Israël cculos^efigerent inspUn'
dorent [f iV W TtX^c] quod erat-abolendunu
m, tj.)
D'après ces exemples, auxquels il m>ût été âcile d'en ajouter
beaucoup d'autres, on voit que le P. Sebaitiani a , généralement parlant,
abandonné le manuscrit alexandrin, lors même qu'il sembloit mériter
la préférence, et qu'il avoît en sa faveur l'autorité de la Vulgate. S'il dit,
pour s'excuser, que ce texte grec luiâ paru, comme k quelques critiques^
interpolé d'après la version italique, ce que je suis loin d'admettre, on
aura droit de lui demander pourquoi donc i( a annoncé qu'il avoit pris
pour principal guide un texte altéré.
Si le P. Sebastiani a si peu conformé sa version au texte du manuscrit
alexandrin, qu'il sembloit devoir suivre de préférence, on sera moins
étonné qu'il n'ait pas ^t usage des observations critiques des commea-^
se 2
aso JOURNAL DES SAVANS.
tateurs , !ors tnéme qu'elfei parbisseqt le mieux fondées en raison. Pour
en doAner un seul exempte, nous fêtons observer que, dans l'Évangile
de S. Jean (ckap, XIV, v.i), if traduit affirmativeroent^/n adibuspatris
mti mutkt mansitmfs sunt; aiio^tûn dixijsem votis s Eoparatum vobis locum;
'luidh-que l'on obtient un sens bien plus satisfaisant, et qui présente une
suite d'idées bien mieux liées , en traduisant inlerrogativement : Aliequin,
num dixîsstm vobis : Vad^paratum vobis locum ! ce qui n'exige qu'un chan-
gement dans la ponctuation. Quelques commentateurs adoptent aussi un
pareil changement dans la seconde épltte aux Coiinifaiens (shap. xi, v. 4),
et entendent comme une interrogation ce pauage : Si iw ^ • •p;t;ftt?ec
«Ma» innZ» KMfûan or m lutifu^atur y M mwifi» iTt^fr \a^i*m * m iX«Cm»
i iv«f}*Mof i-n(fr i m ^Ji^t^àtt w^c ùm^fiàÊi ce qui n'est pas sans vrai-
semblance : toutefois nous ne faisons pas un rejn^he au P. Scbastiant de
n'avoir pas adopté i<j kur con|ecture.
Le P. Sebastiani s'est fait une règle de réunir par un irait d'union
plusieurs mots latins quand ils correspondent à un seul mot grec, comme
on a pu. l'observer dans quelques-uns des exemples que j'ai cités: il a
aussi fait imprimer en caractères italiques les mots qu'il a ajoatés pour
mieux déterminer le sens des endroits obscurs. II a évité dans sa traducï
tion les mots usités dans la Vulgate et ckns la liturgie , qui ne sont pas
d'une latinité pure : par-fà son style a quelquefois une sorte d'afièctadoik
AinM, par exemple, se refusant à employer le mot glorificart pour
A^âÇtir , il y a substitué partout l'expression composée gloria agictre, qui
n'est guère plus latine; et je doute qu'un Latin eût bien compris ces
mots (Ev. Jean. XVLS, 10) , Sed omnia mta tua sunt, e( tua mea, atqat
in fis g/oriâ afftctus sum ; et ceux-ci , £^0 le gloriâ afftci super terram.
Pour rendre plus littéralement les mots grecs « Iim^mh lîmac f fi^f
m.f^tnivaj j^ ^tnmf &c. , il a dit; Gloriam Deî immortaits muiavtrunt in
s sustinentes haminem corruptihilem , et volucres &c. ( Rom. l , 2 j } .
AVRIL 1819.
c¥ TntûfjuLTt kytif. En ajoutant quant ei facio, le traducteur développe la
figure employée dans l'original, que» sans cela, on saisiroit difficilement;
sur- tout lorsque le mot si expressif jfe^wp^wKTtt est rendu d'une manière
bien fbible par obiens-sacrum-munus . N'auroit-îl pas mieux valu dire
sacerdotium evangelii exercens! Ailleurs, en se tenant trop près du texte,
le traducteur est resté plus obscur que Foriginal. Comprend-on bien ce
que veut dire ceci : Scienus igîtur timonm Domini, persuadcmus hominibus,
Deo autem jam manifesti sumus; £t spero etiam in conscientiis vestris mani"
festos nos esse ( il Cor. V, 11 ) î et n'est-ce pas une sorte de contresens
de rendre it^^ÛTFHç msBo(jup y^zï persuade mus hominibus , quand il est certain»
pîfr la comparaison de divers passages, que tfuBu signifie sou\ent gratiam
alicujus sibi conciliare! Le P. Sebastiani lui-même Ta entendu ainsi dans
ce passage : ifii ^ if^mTmçmiim^ » tdit eiorj modà enim gratiam hominum
concilio, an Dei! ( Galat. 1 , 10.)
Je ne pousserai pas plus loin ces observations ; elles ont pour but , non
de nuire au succès de l'ouvrage du P. Sebastiani, mais de lui assigner la
place à laquelle il me paroit avoir droit parmi les traductions du Notiveau
Testament. On doit savoir gré à ce missionnaire du travail qu'ii a entre-
pris et terminé au milieu d'une vie extrêmement agitée ; mais , en le consul-
tant souvent avec fruit , on se .réservera le droit de n'être pas toujours de
son opinion, et d'exercer envers lui, comme envers les autres critiques
anciens et modernes, ce précepte de la sagesse même : lldéfTa J^xâfdÂÇm*
70 n§:Kùf j(sP7f;^7i* ^Sià mit-nç Aéhuç mvmfi im^ôt» ( 1 Thessal. V^ 20. )
SILVESTRE DE SACY.
FuNDGRUBEN DES Orients , hearbeitât durch eine GeseUschafi
von Liebhabern, — Mines de ï Orient , exploitées par une société
d'amateurs , sous les auspices de M. le comte Wenceslas^
Riewusky; tome VI, i.*' cahier. Vienne, 18 18, in-foL
contenant : • Mysterium Baphometi revelatum , seu Fratres
militia Templi , (juâ Gnostici et quidem Ophiniani àpostasia ,
• idolodulia et impuritatis convicti per ipsa eorum m 0 nu m en ta :
Dissertation de M. Hammer.
SECOND EXTRAIT.
J'examine à présent et je discute les preuves que fournissent ,
selon M. Hammer > les sculptures , les nionumens qu'on voit encore
»i2 JOURNAL DES SAVANS,
aa^ounThni dans des égGses qui ont appartenu à l'ordre du Temple.
On me permettra quelques réflexions préuminatres.
Dans les igHses du moyen ige, on trouve des sculptures , des mo-
ntunens qu'il nous est difficile cTexpliquer, soit il cause des idées mo-
nlie> ou religieuses que Tes artistes de l'époque ezprimoient sous des
formes peu convenables, soit à cause des'aÂégories pieuses dont ta
tradition n'est pas venue jusqu'à nous. Les relieis des diapiteaux de
Saint-Germain-des-Prés ont embarrassé les antiquaires; et si'M. Hammer
les avoit trouvés dans les égfises'des Templiers , il ifauroit pas manqué
dé les citer à l'appui de son système. Je crois devoii' rapporter les
expressions d'un écrivain qui a eu & parler des reliefs de ces cha-
piteaux :
« D'après le sendment de dom Ruinart , il paroît certain que les relief
» de ces chapiteaux, sur lesquels on îemarque beaucoup de figures
» monstrueuses , représentent la vie de S. Rémi, qui a converti les
» Français et les a tirés de ia puissance du démon; aussi voit-on souvent
-aa répété sur ces monumens l'évéque Rémi aux prises avec les monstres
M qu'il combat: c'est le démon qu'on a peint sous la' figure de ces
natnmauz extraordinaires; c'est FArimane des Perses, le Typhon des
«Egyptiens, le grand dragon céleste qui se déploie à la saison des
wpommei; enfin c'est le Satan des chrédens (i). »
Les Templiers posSédoient dans les diverses parties de la chrétienté
plusieurs mille églises , et c'est seulement dans les sculptures de sept
églises que se trouve consigné leur système irréligieux !
D'ailleurs, pour expliquer un système mystique, pour prononcer
qu'il s'agit d'allégorîes coupables, de symboles irréligieux, suffit-il qu'on
nous présente quelques figures détachées '. C'est fememble du tableau
qui peut révéler le sens cadij.
Et f
AVRIL l8ip. 223
J'avois préparé des explications qui sans doute n'auroient pas été
rejetées par les personnes impartiales ; et je fbndois mes raîsonnemens
sur l'analogie de ces monumens trouvés dans cette prétendue église
des Templiers, avec les monumens qu'on voit encore dans les autres
églises du moyen âge : mais je me suis aperçu que M. Hammer n'a
fourni aucime preuve du fait que l'église de Schoengrabem^t. appar-
tenu aux Templiers.
L'égfise de Schoengrabem , dit-il y est sur la route qui Conduit de
Vienne dans la Moravie occidentale , non loin de Dietrichsdorf et de
Litzendorfy où l'histoire atteste qu'étoient les principales habitations des
Templiers.
Voilà donc le raisonnement de M. Hammer! Schoengrabem n'est
pas loin de deux principales habitations des Templiers; donc i'églist
de Schoengrabem appartenoit aux Templiers.
Pour fonder cette conjecture, il a suffi à M* Hammer de trouver
dans l'ouvrage de M. Munter , relatif aux statuts des Templiers , qu'ils
âvoient une maison à Dietrichsdorf et une à Litzendorf. M. Munter
n'en a pas tiré la conséquence que. l'église de Schoengrabem leur appar«*
tenoit ; mais M. Hammer a cru pouvoir prendre sur lui de l'assurer.
Cependant il étoit facile de faire à ce sujet le^ vérifications conve*
nables. M. Muntei*cite l'auteurde l'Histoire apologétique des Templiers;
er celui-ci, Touvrage intitulé Austria ex archivis Mellicen--
SJBUS ILLUSTRAT A. M. Hammer, en ouvrant cette collection , pu-
bliée par Philibert Hueber, Lipsïœ , 1722, fol., auroit trouvé que cet
auteur, qui indique Dietrichsdorf et Litzendorf conime sedes Tem^
PLARIORUM (1), parle ensuite de Schoengrabem (2) sans l'indiquer
comme sedes Templariorvm ; et il est à remarquer que, la seconde
fois qu'il parle d'une maison des Templiers, il dit : Hîc quoQUE sedem
TtmplarïoTum &c.
Ce n'est donc que sur une sfmple conjecture , et sur une conjecture
évidemment feusse, que M. Hammer avance que l'église de Schoengra-
bem a appartenu aux Templiers , tandis qu'elle ne leur a jamais
appartenu.
Cette église a ofïêrt à M. Hammer le plus grand nombre des mo-
numens gnostiques, ophiiiques, &c. S'il fournit lui-même la preuve
(1) DiETRiCHESDORFF,,,, îfiodo Dieterstorff trans inontein AîtînardU Hic
loci olim villa stitit et sedes Tempiariorum,/?. 24/.
LiZENDORFF opvidum cum Castro pervetusîo in montem Afiinardi,„$. H)c
quoque sedem Templarionimyâ/wf tradunt, p. 277.
(2) SCHOENGRABERN Oppidum trans mon ton A΀inardi„„,^. 274»
a>4
JOURNAL DES SA VANS,
que ces sortes de monumens existent dans des églises autres que cellee
des Templiers , n'est-il pas évident, par cette seule circonstance , que
ce ne sont pas des figures gnostîques ni optûtiques , ov que M. Hatnmer
doit imputer au culte du moyen âge les crimes d'irréligion dofit il
icoise les Templiers l
£t, pour ne parler que des figures du n,* i ( planche m ) . qui re-
présentent la chute du premier homme , et qu'on trouve , avec la diffë-
r«ice wffy des accessoires, dans un très-grand nombre d'églises,
M. Hammer rapporte lui-même la preuve qu'elles existent à Milan dans
un sarcophage du iv/ siècle qui est dans la ûdté4ral(e de Milan,
laquelle assurément n'a pas appartenu aux Templiers. M, Hammer
a eu soin de faire graver ces figures sous le n." 4 de la même planche ,
et cependant il les appelle gnostîques, quoique placées dans fégUse ca-
thédrale de Milan (i]- .
, 2.* Eglise de Wultendosf. M. Hammer prétend encore que cette
église apparcenoit jadis aux Templiers. Quelles sont ses preuveï ! Quel '
historien, quelle chronique Tassure ! M. Hammer n'en cite point; mais
il soutient que l'église a appartenu il l'Ordre , parce que . d'une part ,
on y trouve des figures gnostiques, et que, d'autre part , en 1 79 2 , on
y déterra, dans un souterrain ignoré , des idoles qui avoient double tête.
Les ouvriers crurent que ces idoles étoient des ouvrages de Penfer ; par
la description de ces idoles , ajoute M. Hammer , il est évident qu'elles
n!étoient autre chose que le Bafomet. Quant aux figures qu'on voit
dans Téglise, il en cite, trois. J'en ai déjk expliqué une 12), n." 1$
[ planche ui ). Le n." \6 ofii-e im homme assis sur la peau d'un lion
immolé et tirant sa queue renversée. Le j4.' représente un chien.
Je ne m'arrête que sur un seul point de l'explicatioR de M. Hammer t
le chien lui paroît un, symbole ophitique ; mais coiiinie, dans la dé-
nonciation portée contre les Templiers , on les avoi.t accusés d'avoir
AVRIL 1819. -^
Voici les propres pcirolc! de M. Hammcr :
" Oui, clit-il, per ce ihdt dont il est fait mention dans le procès
» de; TeiTipHers, je pense qu'il faut entendre un fA;Vn, attendu que,
"dans les figures que je cite, on ne voit nulle part un chai, mais
» par-tout un chien." Sub CATO de tjuo in Templariorum proccssu mtntio
jit, CANEAf idio inuUigtndum tsse credimus , quia nidlibi catus std
ubique canls confpicirur.
Cependant il propose un moyen pour concilier les différentes opinions :
« Si quelqu'un pense que cet animal, que nos monumens présentent par-
»> toul comme un chien, est cependant un chat, je ne m'oppose point
» à celte idée (i). »
Telles sont les formes de rarsonnemeiit de M. Hammer ; «Une
>' église ofire de prétendues figures gnosiiques, bafométiques, ophi-
» tiques : donc elle a appartenu aux Templiers. » Ou bien ; « Une église
» a appartenu aux Templiers : donc ces figures sont des symboles bafô-
»> méiiques , gnosiiques, &c. »
J.° Je ne parlerai pas de l'êgHte de Berchtolsdorf ou Pe~
TESDOUf ;rkn ne prouve qu'elle ait appartenu aux Templiers; M. Ham-
mer la leur attribue , à cause de deux pierres placées en forme le Tdu .
dont j'ai parlé dans le premier extrait, mars, page 1 jô,
4.° Eglise d'AiTEMBURG. Sur la porte de cette église bh voit un
vieillard portant barbe et couvert d'un niante:iu; il impose les mains sur
un enfant ; lange est de i'auire côté, tenantun voile suspendu. M. Hammer
trouve dans ces figures un symbole gnostiquè i et ce symbole lui permet
cfassurer que l'église a appartenu aux Templiérsi.
î." Eglise de Saint-Martin .^sni fe district de Miiraa. M. Ham-
mer déclare qu'il n"a pu faire graver les f.gures.
6.° Église de Prague. Selon M. Hammer, les historiens attestent
que le roi Venceslas I." fit bâtir celte église avec un monastère dans
le milieu du xill.' siècle, sous l'invocation de S. Vencesîaî. En i 3 1 1 ,
après l'abolition de l'ordre des Templiers , dît^il , le roi Jean donna
l'égiise et le monastère aux hospitaliers; ensuite c-'le fiit achetée par
les Dominicains, et vendue en 17*12 , après la siipprestiondes moines (2).
Si c'est le roi Venceslas qui a fait construire la maison de Prague ,
( t) Si quh hoc animal, quod uhïque canh esse viàtlur, catum potiùs esse per-
hibeac, non pugnabimus , p. 72,
{2) /Edes Prageiisis (cuin crtnobio ) ad nomeii sancû Venceslai , à res,e primo
hujus tiominii circa aiiiiiim 12^ xàifican incepia, et circa annum i2^j absoluia
fuit.
..a»« JOUnNAl, DES SAVANS,
comment s'y irouveroii-U des symboles irn!:figieux ! Qui auroit donné
l'ordre de les y placer ;
M. Hammer a fait graver des figures qui étoient peintes sur dos
vfiraux. Ces figures offrent des ressemblances avec quelques-unes des
nombreuses médailles ou monnoies qu'il ailribue aux Templiers. On
^voii une croix tronqui-e jiar la superposition de la main : j'ai précé-
demment rtfuté M. Hammer sur ce point, qu'il croyait très-important ;
il est plusieurs figures qui d'une mnin tiennent une épée et de l'autre
une croix. On en trouve de pareilles sur les monnaies publiées , soit par
Seelânder, soit dans les recueils- qui contiennent les médailles du moyen
5ge (i). Toutes ces diverses peintures sont loin de présenter des formes
,j>a«icujiètes, et encore moins des emblèmes irréligieux, des symboles
gnosliques : aussi je m'abstiens d'entrer à cet égard dans aucun détail.
Enfin, depuis que le dernier propriétaire a fait l'acquisition du mo-
nastère, on y a trouvé, dit M. Hammer, vingt-quatre symboles de
Franc-maçonnerie ; ces symboles, peints sur le mur, étoient cachés parmi
enduit de chaux qui aujoiH'd'Iiui est tombé, ou a éié rAclé , de sorte qu'ils
sont entièrement yîsibles. Qui ayoit fait placer ces symboles î -Esl-Ce
le roi \'enceslas ou k-s Templiers, si jamais ik ont possédé ce coBVeiU,
ou les Hospitaliers , qui, en i 3 i i , en ont été possesseurs , ou les Do-
minicains, ou enfin le dernier acquéreur!
M. Hammer, qui, dans le cours de son ouvrage, a &ouvent attaqué
les fraiics-maçons , saisît cei^e occasion de les comparer auif Templiers.
Il nous apprend que, spn^ ilre initié dans loj niystètes maçonuiquei ,
il en est très-instruit ; dans le icmps de l'expédition d'Egypte, il logea
dans une maison que des FraiVlù:? vpient habibé^; il y iroura des
papiers qui lui révélèrent le secret ; mais il pense que les francs-maçons
et leur doCirine ont précédé les Ten>plfers. Je me borne sur ce point à
indiquer ropiiiion de M. Hammer. ; ' '
7° €:glht4'EGnA. M. HatHiuer affirme fltie l'égHîe d'Égra aippal-
,tenoil jadis aux Templiers , qu'ensuite elle a servi i l'exercice simultané
-du culte caiholique et du culle proieslant. 11 prétend que les ornerneiis
■ de quelques chapiteaux des colonnes qui •'■e trouvent ■tlms une égliSe
' souterraine , présentent des symboles gnosu'ques* ophitiqufs : mais, ces
symboles sont aussi insiguifian» que tous ceux dont j'ai eu il parler,
■puisqu'on en trouve de pareils dans d'autres églises de l'époque. Quoi!
[* -parce (p'un chapiteau offrira des figares brestres , les corps d'"oii homme
(1), Noummeni dans le Uecutil dw médailles de DancmarcL. Copenhagua ,
791 .M "-" i'a'iii.
i
AVRIL 1819. 2Z7
et d'une femme en ^tat de nudité, cp sera Ih un symbole gnostiquet
Parce qu'on / voit denit têtes rapprochées , ce sera un symbole bafO-
métique! &c. &c.
Telles îoii! les preuves tjue M'. Hammei* a rassemblées dans s^t
églises, pour fondor un système d'aCcusalîon contre les Templiers; et'
cependani il ne prouve pas qu'ils [es aient possédées, et sur-tout que ce'
soient eux qui les aient fait construire.
M. Hammer cite ensuite les églises d'Erfurt: i[ avoue que celle des
Tenlptiers n'offre aucun monument ; maïs îf prétend qtie plusieuri églises
de cette ville offrent des monumensde franc-mnçonnerie ; et quoique,
dii-i(, tes monunietis ns puissent servir de témoignage contre lesTem-
pliers , ils doivent servir comme monumens maçonniques qui concor-
dent avec des figures de l'égiise de Sdioengrahern.
Je crois avoir prouvé que Féglise de cette ville n'a point appartenu
lux Templiers ; mais, si elle leur avort appartenu, la circonstance que
les mêmes figures se trouvent dans les églises d'Erflirt qui ne leur ont
pas appartenu, ne démontreroil-eHe pas que ces figures n'avoîeill rien de
contraire à la religion, puisqu'on les retrouve dans les églises de l'é-
poque! Comment le désir de faire des rapprochemens a-t-il pu égarer
M. Hammer au point de fournir lui-même de pareils argumens contre
son système î
C'est ainsi que, sans avoir vu l'octogone de Montmorillon, sans avoir
vérifié si l'église oh ce monument se trouve, a été bâtie par les Tem-
pliers, il n'hésite pas à déclarer gnosiîques, ophitiqiies, deux des figures
qoi ornent ce monument. De toutes (es personnes qui l'ont vu, ou qui
ont voulu l'expliquer , il d'en est aucune qui n'ait déclaré que ces figures
sont d'une époque très- antérieure à l'existence de l'ordre du Temple,
et il n'en est aucune qui ait dit qu'elle avoit été possédée par les Tem-
pliers.
Sans parler de Dom Martin et de Montfâucon , qui ont jugé que ces
ligures étoient des monumens des Druides , c'est-h-dire, d'une époque
très-reculée, M. Millîn a dit : « L'octogone de Montmorillon
" a tous les caractères des anciennes églises du xt.' siècle : je crois que
«c'est vers ce temps qu'il a été bâit (1).»
L'abbé Lebeuf , en parlant de ces figures , s'exprime en ces termes :
"En les examinant avec attention, on n'a pas de peine de s'aperee--
» voir qu'elles sont beaucoup plus ancieimes que l'église, qui est de la
» fin du XI,' siècle , ou du commencement du Xll.' (2) »
(i) Voyage dans les départcmens du midi de
(2) Histoire de racademie des inscriptions et
i France, t.ïV,p-7i7'
lelies-Iettres, t. XXV, p.
2ii JOURNAL DES SAVANS,
Un auteur qui a consacré une dissertation (i ) à l'explication de ce
monument, déclare que la sculpture ne paroissoït pas très-ancienne,
et qu'on ne poilvoît fa faire remonter au-delà du ïx.' ou X.' siècle.
Enfin , un écrivain qui a parlé de cet octogone , après le précèdent ►
1 encore assuré que " les figures de Montmorillon sont encore beau-
M coup plus anciennes que l'église où on les voit maintenant (a). »
Voilà donc les Templiers justifiés, quand même ils auroient possédé
i'église de Monmiorillou ; mais t'oni-tls possédée '. M. l'abbé Lebeuf dit
expressément que «il n'a pas eu de peine à reconnoiire dans ce pré-
» tendu temple un ancien hôpital destiné pour les pèlerins qui alloient .
» dans la Palestine, ou qui en revenoient (3]. Cet hôpital fut donné
» dans la suite aux Augustins réformés. »
Pourfairejugerde l'extrême facilité avec laquelle M. Hammer adopte
toutes les conjectures qui peuvent fiatter son système, je rapporterai
un passage de l'épilogue de sa dissertation.
En 175)2, dii-il, on avoit déterré à Wultendorf des idoles à double
lête , 6ic. , on les brisa ; deux figures en bois, que les ouvriers prirent
pour des figuces de saints, ne furent pas détruites ; je les ai vues; elles
sont irès-grossières : l'une représente un chevalier ;u-mé, couvert d'un
manleau; l'autre représente une femme: le chevalier est un Templier, la
femme est le METE ; et il ne donne pas cette assertion pour une simple
conjecture, mais il assure qu'il en a la certitude : NON dubito.
Je me borne à ces objervations ; elles font sufîisamment connoître
l'ouvrage de M. Hammer, qui seniira peut-être qu'il n'auroit pas dû
céder aussi facilement au désir d'éialer un nouveau système de dénon-
ciation contre l'ordre et les chevaliers du Temple, Leur terrible et cè-
fèbre catastro|)be impose l'obligation d'être très-circonspect et très-
sévère dans le choix des moyens qu'on se permet pour leur ejilever la
juste pitié que la postériîé n'a pas refusée .'1 leur sort.
M, Hammer 3 senii qu'il éioit étrange de former, après cinq siècles ,
contre les Templiers, une accusation toute ditFérenle de celle qui servit
de prétexte aux poursuites des oppresseurs contemporains : aussi a-t il
avnncé que le pape, par b genre de sentence qui fut prononcée contre
les Templiers, avoit voulu dérober la connoissance de leurs véritables
crimes , mais que quand les archives de Rome paroîirojit, comme tout
(1) Précis d'nn mémoire sur l'octogruie de Montmorillon, par E. M. Sïauve.
Utrecht, iKoî.
■ (2) Mémoires ile iacadémie celtique, toin, III ,v. ij.
(3) Histoire de l'aLadémii: des inscriptions ei belles-kitres, loc. de.
AVRIL iffiç, aay
paraît uii jour, on y trouvera les preuves de ces crimes qu'il dénonce
aujourd'hui; et cela, pour M. Haiiimer, ce n'est pas conjecture, mais
certitude; il dit encore : NON dubito.
Eh Lien 1 les archives de Rome ont paru ; c'est sur tes pièces qu'elles
ont fournies que j'ai comiiosé mes Alcnumcns historiques relatijs à la
condamnation des chevaliers du Temple. J'ai donné , à la fin de cet
ouvrage, l'indication et la notice des pièces inédites qui y sont citées.
Parmi ces pièces , ii y en a vingt-neuf qui sont dans les archives du
Vatican , et dont j'ai jjris moi-même copie. Les unes sont tirées des
ARCHIVES SECRÈTES; ce Sont les lettres consignées duns des registres ,
ou des pièces réunies dans le dépôt appelé Instrumenta miscellanea;
et les autres sont des pièces détachées qui portent leurs numéros : je
déclare donc à M. Hammer qu'il n'a rien à espérer des archives du
Vatican.
M, Hammer a commencé sa dissertation par' ces mots : « Je ne
» me dissimule pas quelle haine , quels périls le titre de mon accusation
M doit attirer sur moi, sur-tout dans ces temps où des hommes très-
M savans et très-éloquens ont pris la défense de l'ordre ; mais ces consi-
" déraiions ne m'empêcheront pas de révéler le mystère du BAFOMEt. »
J'ose croire que M. Hammer n'a d'autre péril à redouter que le
malheur d'avoir compromis gratuitement sa réputation littéraire , en
dénonçant, sur de simples et de vaines conjectures, un ordre respec-
table et malheureux. Quant à la haine qu'if redoute de la part des
hommes sav.-ins et éloquens, je suis loin de me ranger parmi eux; mais,
en mon particulier, je remercie sincèrement M. Hammer de ce qu'iï
m'a fourni une nouvelle occasion de venger la mémoire des chevalier»
du Temple.
IRAYNOUARD.
HisToiBE DE LASTFONOMiE ANCIENNE, pur AI. Delambrc,
chevalier de Sami-Aîkhel et de la Lésion d'honneur , secré-
taire perpétuel de l'académie royale des scietices pour les matlié-
mutiques , &c. Trois volumes in-^.' , avec figures. A Paris,
ciiez M."'' veuve Gourcier, iinprimeiir-libraire pour les
sciences; 1817.
SECOND EXTRA I T.
Dans le premier article que nous avons déjà donné sur cet important
SjO
JOURNAL DES S"ÂVANS.
ouvrage, nous avons suivi Tauieur à travers les premiers âges de l'asiro-
noinie, que l'on pourroit appeler les lemps héroïrjues de celle science,
parce que les fiiils qui s'y rapportent ne se irouvent pas encore rassemblas
el fixés dans des ouvrages écritSf mais sont seulement atteslés et transmis
par des traditions, comme (es exploits des premiers héros de faiitiquité.
Or , si , pour de simples événemens , tels que ceux qui peuvent composer '
la vie d'un homme, les traditions seules donnent presque toujours lien
à de grandes incerlitudes, combien n'en dôivenl-eKes pas produire
davantage, lorsqu'elles portent sur des détails abstraits, dont l'exactitude,
et une exactitude numérique, est le caractère es!!entiel, le seul même qui
puisse leur donner quelque prix! Aussi, en discutant tout ce que Iw
traditions ont accordé de connoissances astronomiques aux anciens'
peuples de l'Egypte et de la Chaldée, M. Delambre n'y a rien trouvé
d'assez précis pour p04voîr être, je ne dis pas employé au perfection-
nement de nos tables actuelles, mais seulement comparé à leurs indica-
tions; et, voyant ce défaut absolu d'exactitude se reproduire toujours,
non-seulement dans les résultats transmis, mais encore dans le mode
même suivant lequel on prétend qu'ils ont été déterminés et énoncés par
leurs auteurs, il est arrivée en faire l'application aux observations mêmes:
il en a conclu qu'à ces époques reculées, il n'y avoit ni instrumens ni
méthodes de calcul précises ; qu'ainsi l'astronomie n'exisioit point comme
sdence, et qu'elle se réduisoit aux seuls résultats que pouvoit faire
reconnoître l'inspection du ciei, aidée du temps . et suivie dans le dessein
de découvrir les périodes de retonrdes mêmes phénomènes. M. Delambre
trouve tme confirmation frappante de cette opinion dans le peu de
connoissances astronomiques que renferment les premiers ouvrages des
Grecs ; et le vague ou l'inexattilude des résultats de ce genre, coimus , à
cette époque , même k un Aristarque et à un Euclide, lui semble donner
une mesure décisive de l'état de l'astronomie au temps de ces grandi
hommes et dans les siècles qui les avoient précédés.
Mais enfin il arrive k Hîpparque : ici il voit naître fastronomie rigou-
reuse. Je dis qu'il la voit naître; car non-seulement elle lui semble
commencer avec Hipparque, mais il en observe le développement
progressif dans la série même des travaux de cet habile astronome. Un
de ses premiers ouvrages , au moins de ceux dont la conooissance nous
est parvenue, est un commentaire sur le poème d'Aratus. Aratus avoit
mis en vers luie description du ciel dont les élémens étoient tirés de; deux
ouvrages d'Eudoxe, ami de Pklon, lesquels sont aujourd'hui perdus.
Hipparque examine les détails de cette description, en discute l'exac-
titude, en indique les erreurs, et, ce qui est plus important pour nous,
^—^
I.
AVRIL i8i^. iji
ïes rectifie d'après ses propres observalions. Cet examen a donc première-
ment l'avantage de montrer avec une nouvelle évidence quel étoîl
jusqu'alors i "état imparfait des connoissiinces astronomiques, puisque des
erreurs aussi palpables que celles du poème d'Ai-aiiis étoient généra-
lement adoptées; il montre ensuite que les méiliodes d'observation
rigoureuses étoient encore inconnues, puisque [es marins et les astro-
nomes n'avoient ni aperçu ni rectifié ces erreurs ; enfin il prouve qu'Hii>
parque possédoit déjà ces méthodes, et par conséquent les avoit créées,
puisqu'il corrige les indications d'Araïus toutes les fois qu'elles sont
inexactes, et qu'il le fait en y substituant des résultats précis qui n'ont
pu s'obtenir que par des mesures rigoureuses, ou par des déductions
irigonomé triques. M. Delambre s'est attaché avec un soin extrême, on
pourroit dire avec une prédilection particulière, à ressaisir ces premiers
yesiiges du génie d'Hi])parque. Il recherche dans la nature des résultats
qu'il donne, et dans les termes mêmes par lesquels il les exprime, tous
les indices qui peuvent faire juger l'état de ses connoissances et les
méthodes qu'il employoît. Ainsi, d'après une correction qu'Hipparque
introduit dans la position de l'étoile du Dragon, M. Del^r.ibre ftic
remarquer qu'il devoit dès-lors observer des déclinaisons et de^ îistances
polaires; ce qu'au reste Timocharis , astronome d'Alexandrie, avoit
fait environ cent cinquante ans auparavant, quoique d'une manière
probablement plus imparfaite. Les indications d'Hipparque vont déjà,
pour les distances polaires, jusqu'aux cinquièmes parties de degrés, c'est-
à-dire , >L 12'. Ses ascensions droites ne présentent plus que des incer-
titudes de i" 7 à i" ~; c'est environ cinq mille fois plus que n'en
admettent nos observations modernes : mais c'étoit déjà un grand
perfectionnement, comparativement à ce qui avoit précédé. Des expres-
sions employées dans un autre passage. M, Delambre fait habilemenr
ressonir la preuve qu'à l'époque où if composa ce commentaire,
Hipparque n'avoit pas encore fiiit la découverte du mouvement de
précession : car tous ses calculs sontfaîts dans l'hypothèse de l'Immo-
bilité des étoiles par rapport à l'équateur et à l'écliptique, tandis que,
depuis Eudoxe , c'est-à-dire pendant environ deux siètles, les décli-
naisons et les ascensions droites dévoient être devenues fort ditTérenles.
Un autre passage , qui renferme des indications trés-précises des deux
points de l'écliptique qui passent au méridipn et 'a l'horizon en même
temps que la tête de la grande Ourse, sous la latitude de ^j°, est
signalé par M. Dela;nbre comme fournissant une très-forte probabilité,
qu'à' cette époque Hipparque possédoit la trigonométrie sphérique,
uoiqti'à la rigueur il eût pu prendre ces réductions sur un globe
ajï JOURNAL DES SAVANS,
c^Ii-s:e. Mais ce qui seniMe décider la question, comme M. DelamLre
le remarque encore, cVit qu'en revenant sur des rcsullats du même
genre, dans le second livre de son cojnmcnlaire , Hipparque dit, en termes
formels, qu'il a dimontré gèométriquiineiil ces méthodes dans son trûiié
des Icvtrs el des couchers des asires; et il ajoute qu'il y a démontré
la solution des triangles sphiricjuts qui servent à trouver le point orient de
l'êcîiptique pour cliaque instant. Ce (railt- est malheureusement perdu;
mais l'assertion reste, et, jointe aux autres applications de même espèce
que nous avons déjà rapportées, elle suffît, à ce que nous croyons,
pour autoriser la conclusion tirée par M. Delamlire, que la découverte
de la trigonométrie sphérique est due à Hipparque, au moins chez les
Grecs.
M. DelambVe continue d'anatyser ainsi tout le reste du commentaire,
cherchant toujours à discerner les traces des connoissances précises,
des méthodes et des instrumens. Nous ne le suivrons pas dans les détails
de celte discussion , qui exige une connorssance du ciel parfaite et cons-
tamment présente; nous insisterons seulement sur deux résultats géné-
raux qui se déduisent de son travail.
Le premier est la comparaison du ciel décrit par Hipparque, avec
l'aspect qu'il nous présente aujourd'hui. Aucune constellaiion n'a changé
de forme, aucune étoile assez brillante pour avoir été alors remarquée
n'est détruite, et toutes celles qui sont aujourd'hui visibles existoient
alors. Les apparitions et les disparitions de quelques-uns de ces asires,
observées depuis par les astronomes, sont donc des phénomènes indivi-
duels, et qui n'intéressent point la stabilité générale du système céleste.
Il est malheureux que les anciens n'aient pas pu, avec la vue simple,
constater aussi l'état des néljuleuses que nous apercevons aujourd'hui
dans le ciel avec nos lunettes. Quelles données positives auroii fournies
ce genre d'observations , pour décider (a réalité de ces variations rapides
qu'un illustre astronome y a récemment supposées 1
L'autre résultat sur lequel nous insisterons, est la valeur moyenne
de la précession que M. Delambre a tirée de toutes les positions indiquées
par Hipparque : les suppositions !es plus vraisemblables lui donnent pour
cette valeur environ jo" par année, ce qui s'accorde avec les résultats tirés
de nos observations actuelles. Cependant, à la rigueur, le mouvement
de précession n'est pas uniforme, et ses variations, quoique fort petites,
sont de nature k devenir sensibles sur un si grahd intervalle de temps ; mais
l'incertitude des observations d'Hipparque, et celle mêine de l'époque
précise à laquelle elles ont été faites, absorbent les effets délicats de
«s variations, qu'il eût été si curieux de pouvoir ainsi consiater. On
AVRIL 1819. 235
suppose communément qu'Hipparque observoî* vers 128 ans avant
Fère chrétienne; cela fait jusqu'à nous i5>4-7 années. Mais à quelle
année précisément se rapportent les positions qu'il a indiquées dans
son commentaire! On l'ignore : comme il est un de ses premiers ou-
vrages, on peut le supposer écrit vers l'an i48 ; M. Delambre adopte
138 comme une moyenne arithmétique; mais Halley et Fréret rap-
portent ce travail d'Hipparque à l'année 1 62 : la diffèrence est de
quatorze ans, ce qui ftit 700" sur la précessîon, à raison de jo"par
année; et ces 700", divisées par 1947 ans, donnent pour cette seule
cause une incertitude de 7^^^ de seconde sur la précession aniipelle.
Ajoutons- y maintenant l'effet des erreurs possibles que comportent les
positions mêmes, effet qui ne peut guère être moins considérable; îl
en résultera , dans la valeur de la précession annuelle , une incertitude
totale au moins de •—• de seconde, en admettant, comme nous l'avons
fait, toutes les suppositions les plus favorables. Or, une seule observa-
tion de Bradiey , faite il y a soixante-dix ans , et comparée à une de nos
observations actuelles, donnera certainement une incertitude vingt fois
moindre : on peut concevoir, d'après cet exemple, pourquoi les astro-
nomes actuels établissent presque toujours leurs tables uniquement sur
des observations modernes ; c'est qu'ils y trouvent à-Ia-fois une grande
exactitude, des dates précises et des limites d'erreur qui peuvent tou-
jours être aperçues par la discussion des méthodes et des instrumens.
Les recherches les plus importantes d'Hipparque et ses plus mémo-
rables découvertes nous ont été transmises par Ptolémée, qui les a
consignées dans son Almageste , en les confirmant par ses observations
propres , ou , comme beaucoup de ^rsonnes le supposent , en feignant
ie plus souvent de les confirmer. Il semble donc que ce seroit ici le
lieu de parler de cet immense ouvrage , de ce système fameux qui a
exercé sur les siècles suivans une influence si forte et si prolongée. Mais ,
comme M. Delambre a réuni à l'extrait de l'AImageste un grand nombre
de recherches curieuses et savantes qui forment un traité complet de
fastronomie des Grecs , auquel il a consacré un volume , nous donne-
rons il cette partie de son ouvrage un intérêt proportionné à son im-
portance; et, conformément à la marche qu'il a tracée lui-même, nous
continuerons à le suivre dans l'examen tfautres ouvrages d'une moins
longue haleine, où il recherche avec un soin égal tout ce qui peut
intéresser l'astronomie.
C'est ainsi qu'il analyse Y Introduction aux phénomènes célestes, com*
posée par Gemînus, que l'on suppose avoir vécu du temps de Cjcéron,
environ soixante-dix ans avant Fère chrétienne. M, Delambre y 6ît
L /■ . ^ r:
234 JOURNAL DES SAVANS,
remarquer des notion^ustes sur les longues nuits des contrées boréales ;
notions que Pythéas est dit avoir rapportées de ses voyages. Il fait re-
marquer encore comment, selon Geminus, les Grecs ont successive-
ment perfectionné par des observations les périodes à l'aide desquelles
ils s'efforcèrent d'accorder les mouvemens du soleil avec ceux de la lune;
de sorte que, suivant cette assertion, en elle-inénie fort vraisemblable ,
ils n'auroient, non plus que les Egyptiens, rien dû ni même eu besoin
de rien devoir aux anciennes et obscures traditions de la Chaldée, M. De-
lambre reconnoît , dans l'ouvrage de Geminus , des idées justes sur les
éclipvs de soleil et de lune ; ce qui , au reste, ne doit point surprendre,
puisqu'Hipparque avoit déjà donné la théorie mathématique de ces phéno-
mènes , comme on le voit dans i'Almageste de Ptoléniée : il y trouve
aussi ia première mention de l'instrument employé aujourd'hui sous le
nom àUquatorial , pour suivre les astres dans leur mouvement diurne sur
leur parallèle; Geminus le propose, sous le nom de dioptn , comme
im moyen de vérifier la circuhrité de ce mouvement et ses diverses
propriétés géométriques. \Jn des chapitres de l'ouvrage de Geminus
est devenu célèbre parmi les savans et les astronomes; c'est celui dans
lequel il rapporte les tentatives faîtes /J^r/fj anciens mathématiciens , ce
Sont ses termes, pour trouver une période de temps qui accordât les
mouvemens de la lune et du soleil, c'est-à-dire, après laquelle la lune
revînt à une même position à i'égard de ses nœuds, de son périgée et
du soleil , ce qui ramène aussi les mêmes éclipses. Cette période, com-
posée de 19756 jours, est ce que Geminus appelle IV.vf//^'«f, ou période
dégagée de fractions , parce qu'en e^et on l'obtient en triplant la période
de 658;', 32, ou de 223 mois lunaires, après laquelle l'accord dont il
s'agit a lieu. IM, Laplace et d'autres savans ont regardé cette rfénomination
JCancieni niathéaiaTic'uns comme désignant les astronomes chaldéens,
qui , selon eux , aurotenl connu la période de 6 } 8 j jours , ou i 8 années
de î^s' \ et II jours, à laquelle ils auroient donné le nom de saros.
M. Delambre n'admet pas cette conclusion comme démontrée. Sen tenant
à la lettre du texte de Geminus, il croit qu'il faut entendre par ancirns
mathmaticiens les premiers astronomes grecs qui s'occupèrent à re-
chercher de pareilles périodes ; par exemple, Eucteinon et Philippe >'
qui trouvèrent celle de 1 5 ans , ou Cah'ppe , qui trouva celle de 76.
Quelque opinion qu'on adopte dans cette question, il paroît du moins
bien évident, par les expressions de Geminus même, qtie ces longues
périodes se cherchoient et s'obrenoient en multipliant les périodes plus
courtes par des facteurs tels, que les fractions qui les accompagnoient
disparussent ; ce qui montre à-la- fois comment elles ont pu être inexactes
AVRIL 1819- 23J
dans leur valeur absolue , et comment elles ont pu être déduites de
' séries d'observplions beaucoup moins prolongées que ne le supposeroit
leur énoncé numérique.
V Après Geminus , M. Delambre analyse de même les écrits de tous
les autres auteurs grecs et fatîns dont les ouvrages ont le rapport, même
le plus indirect, ou le plus accidentel , à l'astronomie. S'il n'y trouve plus
de ces données précises, de ces résultats numériques qui constituent
Fessence même et le résultat définitif de la science , il y cherche du
moins , et il y trouve toujours , des indications qui en fixent l'histoire , ou
qui en éclaircissent le langage.
De là il passe à un examen d'une importance bien plus grande ; c'est
celui de l'astronomie des Chinois. Réunis en corps de nadon depuis une
époque qui sje perd dans la nuit des siècles; soumis depuis lors à des
lois fixes^, à des institutions immuables, et à des institutions et des lois
qui prescrivoient l'étude ou plutôt le culte de l'astronomie , comme
une partie des cérémonies religieuses; formant un peuple laborieux,
industrieux» et dont le nombre, quoiqu'au-dessous de ce qu'on l'avoit
d'abord pu croire, comprend encore le quart au moins de toute la race
humaine, Ie:s Chinois semblent devoir nous offrir un trésor d'astronomie
inestimable, dont les richesses, accumulées avec les âges, fixeront du
moins, à (a feveur de leur antiquité , tous les éléraens astronomiques sur
lesquels il peut nous rester encore quelque incertitude , et nous four-
niront la confirmation la plus certaine, comme la plus évidente , de tout
ce que la théorie moderne nous indique sur l'effet séculaire de toutes les
pçrtiu'bations. C'est avec ces espérances que M. Delambre entre dans
l'examen de leurs travaux.
Toutes les méthodes et les principaux résultats de l'astronomie
chinoise nous ont été transmis avec autant de soin que de détails dans
des ouvrages composés 1 à la Chine même, par de savans missionnaires»
auxquels un long séjour dans ce pays, l'habitude de la langue et des
usages» la nature même de leurs fonctions dans le tribunal des mathéma-
tiques, et avec tout cela des connoissances très-étendues en astronomie 3
ont pu donner la facilité de connoître et de recueillir tout ce qui pouvoit
avoir de l'intérêt. M. Delambre suit, à l'égard de leurs écrits, la marche
qu'il a déjà appliquée à ceux des astronomes grecs ; il les analyse suc-
cessivement, cherchant à en tirer des méthodes ou des résultats précis:
mais cet examen est loin de le conduire à l'opinion favorable, que d'autres
savans^ ont conçue de l'astronomie chîrioisel Nous trouvons d'abord »
dit M. Delambre , une suite d'éclipsés de soleil observées presque sans
intefruptioA pendant 38; 8 anaées^ et consignées dans les annales de la
Gg z
2^6
JOURNAL DES SAVANS,
nation: touies, \i nous en croyons les auteurs chinois, ont dû èire
caFcuIées et figurées d'avance; l'observation de leurs phases a dû être
ftiie avec le plus grand soin. Cependant ces mêmes annales, qui en ont
conservé les dates, gardent le silence lé plus absolu sur toutes les autres
pariicularités qui les ont accompagnées. Les Chaldéens au moins indi-
- quoient la grandeur de I éclipse, Ia|)arlie du disque où elleavoit lieu, et
ils marquoieni les époques du commencement et de la fin. Ici, dans les
éclipses anciennes, on ne trouve aucun détail de ce genre. Ce seroient
pourtant ces détails qui pourroient donner les preuves certaines de l'exis-
tence d'une science astronomique : car , pour prédire les éclipses de soleil
1 d'une manière sûre , pour les calculer et les figurer d'avance , il faut con-
■noJire non-seulemeni les mouveniens moyens du soleil et de la lune, ce
qui peut assez aisément s'obtenir par quelques comparaisons d'éclipsés et
de solstices observés à des époques éloignées; mais, ce qui est une chose
beaucoup plus délicate, il faut connoître les inégalités de ces mouvemens
I qui en modifient la régularité primitive, et les parallaxes qui changent
l'aspect sous lequel ils se présentent à nous. Or, comment accorderoît-on
k ces connoissances aux Chinois des temps antiques, si elles ont manqué k
' ceux des époques bien plus modernes, comme M. Delambre en découvre
une multitude d'indications! L'incendie général des livres qui eut lieu
' deux cent vingt-un ans avant l'ère chrétienne, par ordre de l'empereur
jTsin-chi-hoang, suffit-il pour expliquer cette ignorance des temps
[ postérieurs, quand on sait que les ouvrages les plus importans ont été
^ retrouvés, ou ont pu être rétablis par la tradition orale, et, sur-tout, si
fait attention que des méthodes scientifiques, depuis long- temps
répandues et appliquées, ne peuvent pas se perdre absolument avec les
I livres qui les contiennent, puisque l'idée seule des phénomènes et de leurs
} lois générales, demeurée dans la mémoire de quelques astronomes, auroit
iuffi pour retrouver toutes les méthodes et reconstruire toutes les tables
en peu d'années ! Mais , en refusant aux anciens Chinois des méthodes et
des théories, M, Delambre leur accorde ce qu'if a également reconnu
chez les Chaldéens et les Egyptiens , et ce qui lui paroît avoir caractérisé
par-tout la première enfance de la science ; je veux dire des notions
astronomiques telles que les peut donner l'aspect du ciel observé
pendant de longues suites d'années. Ainsi iî parohra non douteux que ,
plus de deux mille ans avant notre ère, l'observation des phénomènes
célestes consiiiuoit k la Chine une partie imponante des cérémonies
religieuses : dès-lors, comme Ta judicieusement remarqué un savant
célèbre , on observoii les ombres méridiennes du gnomon aux solstices ,
«t le passage dej astres au méridien ; on mesBfoJt le temps par des
1
AVRIL 1819. 237
clepsydres, et Ton déterminoit la position de la lune par rapport aux
étoiles dans les éclipses , ce qui donnoit les positions sidérales du soleil
et des solstices. Par la rftinion de ces moyens , on avoit reconnu que la
durée de Tannée astronomique ou solaire étoit d'environ 365^ ^î; elle
commençoit au solstice d'hiver: Tannée civile étoit lunaire; et pour la
ramener à Tannée astronomique , on faisoit usage de la période de dix-
neuf années solaires, correspondantes à deux cent trente-cinq lunaisons,
période que Méton, plus de seize siècles après, introduisit dans le
calendrier des Grecs. Les anciens Chinois avoient , au lieu du siècle , yn
cycle de soixante ans , et , au lieu de la semaine , un cycle de sept
jours; mais ce petit cycle de sept fours, en usage dans tout TOrient,
leur étoit inconnu dans les temps les plus reculés. Ceci nous paroît
indiquer, avec beaucoup de vraisemblance, que les résultats auxquels
les Chinois étoient alors parvenus, feur étoîent propres; car, s'ils les
eussent reçus d'ailleurs, comme quelques savans Font supposé, et
comme M. Delambre même paroît quelquefois porté à le croire, ils
auroient sans doute reçu et adopté également cette petite période de
sept jours, d'un usage si commode et si universellement répandu. Ce
caractère d'individuah'té se montre encore dans plusieurs autres usages
qu'on ne trouve point ailleurs: par exemple, dans Temploi de Tarith-
métique tînaire , et dans cette division singulière de la circonférence, qui
fut toujours, à la Chine, subordonnée à la longueur de Tannée, de ma-
nière que le sofeil décrivît exactement un degré par jour, ce qui întro-
duisoit dans les résultats une complication et une incertitude inutiles ;
tandis que, par une autre particularité non moins remarquable, mars
toute contraire, les divisions des degrés, des jours, des poids, et de
toutes les mesures linéaires, étoient décimales, ce qui offre le caractère
de la plus parfaite simplicité.
C'est vers le commencement de Tère chrétienne que Ton voit paroître,
chez les Chinois, des traces de théories véritables: toutefois, comme le
fait remarquer M. Defambre, ils semblent n'avoir connu le mouvement
de précession que quatre cents ans après cette époque, environ cinq
cent cinquante ans après Hipparque ; circonstance qui annonce incon-
testablement une astronomie peu avancée. En. 1 73 , on trAive des ombres
de gnomon observées avec soin à Loyang, avant et après fe solsiîce, à.
des époques à peu près éqaidistantes ; ce qui permettoît de fixer Tinstant
du solstice, par interpolaiion, avec beaucoup pfus d'exactitude que p'en
auroit pu donner Tobservation immédiate de Tombre solsticiafe. Mais c'est
seulement en 461 que Ton voit cette méthode d'interpolation décidément
employée par un habile astronome nommé Tsou-tchong, quf, en Tâppli-
ijt JOURNAL DES SAVANS,
quant aux observations de 173, et à des observations nouvelles qu'il
avoit faites lui-même à Nanting, en déduisît une durée de l'année tro-
pique égale à 3^s'i 243S2, valeur plus exacte tyie celles des Grecs, des
Arabes inéme, et à peu près identique avec celle de Copernic.
Après Tsou-tchong, l'astronomie des Chinois fait des progrès peu
icmarquables jusque vers le milieu du xill.' siècle, que parut Cocheou-
lias, le plus habile de leurs observateurs. Cocheou-kJng introduisit dans
les instrumens et dans les méthodes une exactitude ignorée avant lui.
II se servit encore d'un gnomon; mais, au lieu de lui donner huit pieds
dcT hauteur, comme on Tavoit pratiqué jusqu'alors, il fui en dqnna
quarante ; en outre , au lieu d*ot),server Fombre du sommet du style , ce
mii, outre la nécessité de tenir compte du diamètre du soleil, est une
méthode très-incertaine, à cause de la pénombre qui rend Timage de la
pointe très-vague, il imagina de terminer son gnomon par une plaque
opaque, et d'observer l'image circulaire du soleil, transmise à travers
un très-peiit trou d'aiguille, percé dans cette plaque. En ajoutant à ce
perfectionnement remarquable toutes les autres précautions qui pou-
voienl rendre les déterminations plus précises , et ayant soin de les faire
correspondre les unes aux autres de part et d'autre du solstice, suivant
fa méthode de Tsou-tchong, Cocheou-king parvint à des résultats pfus
exacts que ne Tavoîent été ceux de tous ses prédécesseurs , et que ne
le furent depuis ceux de Tycho même. I[ obtînt une nouvelle valeur
de Tannée , exactement égale ï notre année grégorienne : il iîxa , à quelques
minutes près, la position du sobtice d'hiver par rapport aux étoiles,
en 1280; ce qui est une détermination d'une précision surprenante, et
qui suppose des moyens très-perfectiontiés de mesurer le temps. Aussi,
par une destinée commune à tout ce- qui approche de la perfection
dans les sciences comme dans les lettres, les observations de Cocheou-
AVRIL iSiçr. 2}9
^gard aux erreurs que comportent sans doute ces oBservations , et à lâ.
distance de deux mille neuf cents ans qui lés sépare de nous. C'est
ainsi que Térudition peut donner à Fastronomie des secours de la plus
haute importance > en ramenant pour elle , du fond des siècles » les phé-
nomènes passés, et les lui présentant comme une épreuve décisive
pour les applications futures de ces théories. Sans doute > et le témoi-
gnage des missionnaires en fait foi, tes antimites chinoises renferment
encore bien des richesses. Toutes les observations de Cocheou-king
seul ne sont pas épuisées : combien ne se'roit-il pas précieux d'en obtenir
une communication complète , et combien ne doit-on pas regretter que
cette communication , proposée par le P. Gaubil. aux savans d'Europi)
pendant son long séjour à la Chine, n'ait pas été accueillie alors avec
tout l'intérêt et toute la reconnoissance qu'elle méritoit ! Nous oson^
dire qu'elle le seroit autrement aujourd'hui , où Fastronomie perfectionnée
sent qu'elle ne peut plus attendre de vérification que du développement
antérieur des phénomènes expliqués par ses théories. Quelque opinioa
que l'on puisse s'être formée sur le mérite absolu des observations aur
ciennes f et sur la marche plus ou moins tortueuse que f esprit d* invenr.
tion a suivie chez les diffèrens peuples , tout le monde s'empressera
d'accueillir et d'employer ce qu'une critique éclairée pourra ' retrouver
d'assez précis pour pouvoir être assujettira des calculs numériques ; et ç^
ne seroit pas avoir saisi le véritable esprit des discussions élevées par.
M. Delambre, ni rendre jusdce à ses rares lumières, que de lui sup-^
poser d'autres sentimens. ;
Nous ne pouvons terminer ce résumé de l'astronomie chinoise sapt
réfléchir sur la singulière destmée d'un peuple qui, jouissant, depuis
une immense suite de siècles , des avantages de l'état social et d*un
gouvernement fixe , n'a cependant pu faire que des progrès excessive*:
ment lents et bornés dans toutes les branches des connoissances hur:
maines. Ne seroit-ce pas Ik l'effet d'une immutabilité prématurée dan&
les institutions et les mœurs, qui auroit fixé trop tôt et trop fortement
des qualités dont le germe pouvoit se développer encore , tandis qu'ail-^
leurs, et près de nous, une immutabilité d'institutions^ devenue presque:
aussi grande , mais par le seul sentiment de la conservation et de futilité:
publique, se trouve coexister avec une industrie et une activité qur j£€$t
surpassée par aucune nation du monde l
BIOT.
.. j
a4o JOURNAL DES SAVANS,
De l'Industrie française , far M, U Comte Chaptal ,
ancien Ministre de t intérieur, membre de ï académie royale des
sciences de l'Institut, grand officier de la Légion d honneur ,
chevalier de tordre royal de Saint-Michel, &c. &c. &c. z vol.
in-S." A Paris, chez Antoine-Augustin Renouard, rue
Saint-André-des-Arts , n." 55 , année i8ip.
PREMIER VOLUME.
Un ouvrage qui traite de l'industrie d'un peuple, de sa prospérité,
de ^s ressources, et qui tend à donner au génie actif des hommes qui
le composent une direction conforme aux circonstances où ils se
trouvent, ne sauroit manquer d'être accueilli par les nationaux et par les
étrangers. Tel est celui que nous nous proposons de ^ire connoître.
Quoiqu'on ait lotig-iemps appliqué le mot în^uimV spécialement aux
travaux des arts , M. Chaptal a cru devoir lui donner plus d'extension, et
comprendre sous la même dénomination le commerce et Tagriculture,
parce que , s'il ^ut de l'intelligence pour produire, il en faut aussi pour
placer les productions.
Son plan est ûmpfe et haie à saisir : il consiste , en traitant chacune
de ces trois branches, à dire ce^e nous étions et ce que nous sommes*
à calculer nos pertes en commerce et à apprécier nos progrès en agri-
culture et en fabrications ; k comparer ce que nous obtenons de nos cul-
tures et de nos manufactures avec ce que les étrangers tirent des leurs;
k connoître enfin le goût et les besoins de tous les pays pour y adapter
nos produits.
Dans un discours préliminaire, Tauteur trace les progrès de Findustrie
AVRIL 1819. 241
» sous une température très-variée , et dont la population est à-Ia-fois
» nombreuse, active, courageuse, éclairée. Son existence est assurée par
» I étonnante variété des productions du sol ; l'industrie nécessaire à ses
» besoins trouve dans son sein tout ce qui peut alimenter ses travaux ;
5> une population de trente millions d'individus suffit à une très-grande
» consommation de produits agricoles et industriels ; l'échange des
» denrées du midi contre celles du nord établit une circulation avan-
» tageuse; et, de toutes les nations, c'est encore celle qui, réduite à ses
» propres ressources, éprouveroit le moins de privations. »
Pour faire un ouvrage du genre de celui de M. Chaptal, il a fallu
réunir divers matériaux , les choisir et savoir les mettre en œuvre. II a
puisé en partie, dans les notes de la balance du commerce tenues au
ministère de l'intérieur, ce qui concernoit nos relations avec les nations
étrangères. Pour apprécier le produit de nos récoltes, il a consulté»
et il le dit, celles des statistiques faites, et, à défaut des autres, les
autorités locales, les sociétés d'agriculture et les particuliers instnnts;
l'administration des contributions indirectes lui a communiqué les
résultats de ses opérations relatives à la quantité de vin, de cidre, de
bierre fabriqués en France; par la direction générale des forêts, il a pu
être informé des bois qui existent; à l'aide des mercuriales des princi-
paux marchés, il est parvenu à avoir, par approximation, le tableau
des récoltes et le prix moyen de chaque denrée ; se confiant enfin aux
travaux du cadastre, exécuté sur plusieurs points, il a cru pouvoir s'en
servir pour estimer le capital de l'agriculture et apprécier la richesse
territoriale..
Quant à celle qui est le produit des manufactures, M. Chaptal avoit
également des ressources pour s'en assurer. Par les tableaux des douanes,
il a connu nos importations et exportations; par des hommes qui ne
pouvoient l'ignorer, les prix de fabrication; par l'administration des
mines , ce qu'on obtient de celles qui sont exploitées. Il a eu à sa
disposition les mémoires présentés au Gouvernement par les chambres
de commerce et de manufactures. Par-dessus tout cela, il a puisé les
meilleurs et les plus grands renseignemens dans ses propres lumières ,
ayant vécu pendant quarante ans dans les ateliers et au milieu des
artistes , ayant créé des établissemens importans : ayant eu, lorsqu'il étoit
ministre de l'intérieur, dans ses attributions, l'administration générale
du commerce, de l'agriculture et de l'industrie manufacturière.
D'après cet exposé, l'ouvrage de M. Chaptal paroîtroit naturellement
devoir être divisé en trois parties; cependant il l'est en quatre, parce que,
voulant faire con^ioître des principes propres à diriger le Gouvernement
Hh
a4a JOURN'Ait DES SA^VANS,
dans fadmmistration île findustrie, H âvok asser de qiror ai' fonver
une- quatrième. Chacune de ces parties est dnniée par chapitres.
Dans h pKniire, il ttaire da cotnmenre de h France- anc. toutes'
Ie»nauens.tte {''Europe, les écHeHesda Levant erdeBarbans, fAménqus'
se{>fentrionaIe, les Ihdes- orientaibs. Pour bien* jtsger ce qa^étoit: 1»
a>rtiineroede la France, M. Ghap'taia senti cpi'rt' ne deveît ciiotïtr ni
les temps dësastreux où la guerre: ferme la plupart des débouché»
à; k con&emmatioa, ni ceux de crisesi poIitîqHet', qaî établissent la
défiance, menacent les propri£tés:et pandysent: Finduêtrie. Hs'estuni-
cpfcttent attaché aux années 17&71 178^, 17^^; pendant fcsquefles
la France a pu développer tôt» ses moyens: et ètabUz des relationr
commerciales arec tons les peuples; On éprouve de vrais regrets en
voyMit ta diffôrenee qui marque cet deux épt>qaes i iKureuseinent notre
industrie agricole et manufacturière s'est acarue, l'aisance dé nos-
campagnes a. augmenté la contommatiofl, !e commerce- iniérieur a>
gagné. En -passant en revue fes nations: avec lesquelles nous étions en
nqipdrtv Mv Gfaaptal désigne les objets que noos' tirions de dieS'.efles et
celiz que notis leur doimions, par quantités: ets quaiités. H- a- dressé des
tableatix. d6s diverses exportations, et importations,, et parwmé les^
résultats des dalculr. de réflexions er d'observation! judicieoses. NouS'
noits bornerons à' en citer deox exemples.
t-." A l'occasion d'une gninde différence, ï notre désavantage, du-
amunerce que iàisoit la France aveclesdeux-Siciles-, M. Chaptal obserr»
qua noiis ne piibiom dans les greniers de la Sicile qi» dans' les temps
où le besoin le commandoit; que les soies et les laines que ces-pajrs nou-
fbumiâoient, alimentoietit nos fàbriqms, où elfes aoqséKoieiit une
valeur triple, et que Irars huiles étonnt utiles àr nos sa-vonneries : il
s'ensuit qu'on ne doit pas calculer numériquement nos imporiations et
ÀVRiaL 1819. x4i
porter 4cs présent aux souverains , faire goûter ses productions «t
établir des Khtions ; en un mot, ii ne pensott, il n'agissoit que pour
son commerc!é et son industrie. La France ne pouvoit aspirer à cette
suprématie ; mais , di t M • Chaptal , ce à côté de cette puissance colossale 9
» on peut trouver encore une pface honor^abfe, et la France y a des droits
3> incontestables ; l'étendue de son territoire, la variété de ses productiotis
9» et l'amélioration de son industrie, lui font même un devoir d'y
» prétendre. »
Un tableau général de notre commerce termine la première partie;
il comprend les boissons -et comestibles , les matières premières des
fabriques 9 les bétes de somme , les métaux en nature, les produits fk*
briqués- ou» manufacturés, les drogues médicinales et celles employées
aux fabriques , et (es matières d'or et d'argent. La somme des impor-
tations excède de beaucoup celle des exportations, en sorte que les ré-
sultats paroissënt défavorables il la balance du commerce : cette difl%-
rence cesse , ou plutôt la balance est en faveur de notre nation , si IV)n
considère, i.^que, dans le calcul des importations, ies productions de
nos colonies tPAsie , d'Aftque et d'Amérique , y entrent pour deux cent
quarante millions , tandis que les exportations pour ces colonies ae
s'éfevoient qn^ quatre-vingt-dix millions; a.' que, parmi les ofc^eis
importés, on a fait figurer les monnoies étrangères et les lingots tfor
et #aigem pour plus de soixante millions.
La seconde partie est consacrée à l'exposé des progrès de l'agricul-
ture depius 1789 : il faut convenir qu'avant cette époque elle en avait
déjà fait de grands, dus particulièrement aux écrits et sur- tout aux expé-
riences de Duhamel , de Malesherbes et de plusieurs autres propriétaires
cultivateurs. La marche de l'amélioration est devenue plus rapide, lorsque
Fagriculture a été délivrée d'une partie de ses entraves , lorsque les terres
ont pu être divisées. Cet état de choses a inspiré le désir et a donné la
facîKté de tirer du sol le plus de productions possible; les petites cul-
tures se sont multipliées : on sait de combien elles différent des grandes,
non moins nécessaires cependant dans un état qui n'est pas 5eulement
agricole; car les petits cultivateurs consomment presque tout ce qu'ils
récoltent ; ce n'est que dans les grandes qu'on a des excédons, qui servent
à alimenter les ouvriers fabricans, les années, et les habitans des villes.
La doctrine des assolemens n'a pas peu contribué à perfectionner notre
agrieulture; cette doctrine, née dans la Flandre française et dans la
Belgique , accréditée ensuite en Angleterre , ne s'est propgée dans
rimériet»r du royaume que depuis quelque temps. Pour avoir des
rotations. plus variées, moins rapprochées, on a combiné et alterné,
Hh 2
m JOURNAL DES SAVANS,
avec les céréales, diverses plantes à fourrages et ï racines, ayant égard
au climat et à la. nature du terrain. Que ceux qui ont connu, il y a
viogt-cinq ou trente ans, les plaines de la Beauce, de la Brie, de la
Picardie, &c.,.les parcourent dans la saison des récoltes ; ils verrofit
les étonnans changefnens qu'y a opéré» une culture mieux entendue .et
phis productive. - •-.
.. On a. tant éprouvé de .bitn de fa potdme de terre, qu'elle s'est ré-
pandue dans toutes les parties de la France. On doit à cette précieuse
plante la diminution des mauvais e0èttde^ladiiette de i8>7.'Iiy a long-
temps que les babitans de l'est et du Qord s'en hourrissoîent plusieUl-s
mois de Taimée. De bons esprits l'ont importée dans fouest et le sud ;
. de proche en proche elle a fini par gagner les contrées les plus reculées
du royaume. L'examen plus attentif qu'on a fait de Qos jours de sa végé-
tation et de ses parties constituantes, a mis en état d'indiquer les divers
usages auxquels elle pouvoit servir. C'est un viai don du ciel, qui
sera désormais parmi nous un préservatif contre la ftmine.
Si la pomme de terre a accru nos moyens de subsistance, fintroduc-
tion des mérinos, qui ne date que de trente ans, a enrichi nos manufâc-'
tures d'une production plus importante que la soie. Sans les fautes com-
mises lâutes que M. Chaptal ne déguise pas , notre agriculture foumirott
assez de laines fines pour les besoins de nos fabriques.
Il nous reste encore beaucoup à faire, dit avec raison M. ClupuI:
généraliser les bonnes méthodes , conquérir de nouveaux genres de
prospérité , élever plus de bestiaux , former plus de prairies , mieux
assoler les terres ; voilà des principes qui ne sont pas assez répandus et
dont if faut poursuivre l'adoption. ■
Deux sortes de plantes paroissent à M. Chaptal mériter une atten-
tion particulière; savoir, la betterave et le pastel; la première pouvant
uilivéedans le nord, et l'autre daiiii le midi. Par l'une, nous serons
AVRIL 1819. 24j
volaiHes de toute espèce , et à celle de leurs œufs , tout est calculé.
Un des chapitres qui présentent le plus d'intérêt , est le troisième de la
deuxième partie. M. Chaptal y donne l'aperçu de la richesse territoriale
de la France, dont la population est de vingt-neuf millions trois cent
^ângi-sept mille trois cent quatre-vingt-huit individus, d'après les derniers
recensemens. La superficie, non compris la Corse, est de cinquante-
deux millions d'hectares : quarante-cinq millions quatre cent quarante-
-cinq mille produisent plus ou moins; six millions cinq cent cinquante-
cinq mille ne produisent rien ou très-peu. De l'état détaillé que M . Chaptal
donne , il résulte que la moitié du sol productif est en terres labourables,
un huitième en bois , un quinzième en pâtures , un quinzième en prés »
un vingt-deuxième en vignes, un treizième en terres vagues, landes
et bruyères, qui, pour Faccroissement de la population, fournissent un
moyen de colonisation intérieure , suivant nous , préférable à celles
qu'on pourroit tenter dans les pays lointains. Quel est le produit moyen
des terres î quel est le capital de l'agriculture! quelle est l'évaluation du
produit brut l quelle est celle du produit net î C'est par la solution de
ces questions que M. Chaptal pouvoit parvenir à établir la véritable
richesse de notre sol. Suivant lui, en France le revenu moyen d'un
hectare est d'environ vingt-huit francs, et le produit général, d'après
-cette base, seroit d'un milliard quatre cent quatre-vingt-six millions
deux cent quarante-quatre mille six cent cinquante-trois francs. Le
capital de l'agriculture monte à trente-sfept milliards cinq cent vingt-deux
millions soixante-deux mille quatre cent soixante-seize francs; l'évalua-
tion du produit brut, à quatre milliards six cent soixante-dix-huit millions
sept cent huit mille huit cent quatre-vingt-cinq francs; ei celle du
produit net, défalcation des frais de tout genre, à un milliard trois cent
quarante-quatre millions sept cent trois mille trois cent soixante-dix
francs, qu'il regarde comme imposables. D'après ces résultats, il conclut
M que , si rimpôt.territorial étoit convenablement réparti , il ne formerort
» pas le cinquième du revenu de la France ; tandis que , dans l'état
37 actuel, il en absorbe le tiers dans quelques départemens, et à peine
yy le huitième dans d'autres. »
Si les données d'après lesquelles M. le comte Chaptal a établi ses
calculs, sont certaines, comme il y a lieu de le croire, ses résultats ne
sauroient être contestés : or il s'est appuyé sur des opérations du cadastre,
sur plusieurs statistiques de départemens, sur des putorités administra-
tives et locales , sur des recherches faites par ordre du ministre des fi-
nances, quant aux ventes des biens ruraux : en réunissant les sommes
totales fournies par chacune de ces quatre manières d'estimer^ il n'a
a46 JOURNAL DES SAVANS,
dû compter et en effet il n'a compté que sur le terme moyen. Nous ne
doutons pas qu'il ne se soit assuré auparavant si les opérations du cadastre
étoient exactes» si les statistiques étoient bien fiiites, s'il n'y a pas eu
d'exagération dans les rapports des autorités , si enfin le travail demandé
par le ministre des finances avoit été confié à des commissaires attentifs.
Nous n attendrons pas l'extrait du deuxième volume pour dire qu'il
y a peu d'ouvrages qui présentent plus d'intérêt que celui de M. Chaptal»
Îl cause de {^importance des objets qu'il traite, de la manière dont ik
sont traités , et des réflexions profondes qu'on y trouve répandues au
milieu de beaucoup de faits.
TESSIER.
Sc/R LES AÉROLITH ES DE LA ChINE.
Les Chinois ont observé de tout temps ce phénomène ectraor-
.dînaire» qui n'a commencé que depuis peu d'années )i fixer» d'une
manière régulière» Fattention des Européens» et quif dans un court
espace de temps » a déjà tant exercé le scepticisme des savans , et a fiit
éclore un si grand nombre d'hypothèses. La chute des pierres météo-
riques ne pouvoit manquer d'étonner des hommes ignorans et supers-
titieux» accoutumés à chercher dans le ciel les causes et les types des
événemens du monde sublunaire, et à considérer les phases des corps
célestes» les comètes» les nuages mêmes » comme des piésages de la pane
ou de la guerre » de la vie ou de la mort des souverams , de la ^fiSiidté des
peuples» ou des calamités qui les accablent. Mais» quelque puéril ^que
soit le motif qui a guidé les observateurs» leurs observations n'en sont
pas moins bonnes à examiner ; et les circonstances avec lesquelles ils
décrivent la chute des aéroiithes, m'ont semblé mériter d'être npprodiées
de celles qui ont précédé» accompagné ou suivi ie même phénomène
dans nos climats. Je placerai ici un résumé de ce que les livres des
Chinois et des Japonais m'ont présenté de plus intéressant sur cette
matière.
Le nom le plus ordinaire par lequel on désigne les pierres atmos*
phériques , est celui de singjun tchhing chi , étoiles tombantes et changées
en pierres. On les classe» parmi les météores, avec les ioui sing, desU
à-dire» avec les étoiles tombantes et les globes de feu : il faut remarqua*
que le mot de sing est plus générique que celui d' étoile, et qu*il désigne
aussi les planètes et les comètes ; de sorte qu'on seroit tenté de croîite
que la plus récente des hypothèses par lesquelles on a essayé dTexpKqu^r
^ AVRIL 1819. xk'j
la chutef des aérolkhes, auroit été la piemière idée qui se seroit présentée
aux astronomes chinois. Au reste , il y a un auteur qui a rejeté cette
opinion comme une erreur grossière. « Depuis Fantiquité jusque nos
» joursT) ditril, on ne sauroit compter le nombre de ces étoiles qui sont
y*^ tombées sur la terre ;«t cependant on ne s'aperçoit pas que le nombre
»des corps lumineux qui sont suspendus dans le ciel, ait diminué le
>» moins du monde. Dira*t'on qu'à mesure qu'il en tombe , il s'en
>» reproduit de nouveaux, et que la génération des étoiles est comme
» celle Aqs hommes î m Un autre auteur remarque que le nom Sitoïlts
tombantts changées in pierre vient uniquement de ce que ces corps
paroissent aux yeux comme des étoiles ; mais croire que des pierres sont
des étoiles est , suivant lui > une grande erreur.
Suivant le premier des deux écrivains que je viens de citer, les étoHes
iomtanies ont rarement plus d'un uhhi et un thsun [o"*,4ï9 environ]
de long. Mais il est fait mention , dans l'histoire , d'aérolithes beaucoup
plus considérables. Le rocher qui est à la source du fleuve Jaune , sur la
rive septentrionale de l'AItan , et que les Mongols nomment khadasou-
tsilao [ rocher du pôle ] , passe dans la tradition pour avoir été une
étoile tombée. Il a plus de quatre tchang [environ 1 5 mètres ] de haut;
il est absolument isolé et debout au milieu d'une plaine. C'est sans doute
une masse de fer nacîf à ajouter à celles de Krasnoyar, d'Otumpa, da
Mexique, &c.
Quelquefois les étoiles tombantes n'ont été annoncées par aucun signe
particulier. Le ciel étant serein , sans nuages, soit de )our , soit de nuit,
on est surpris tout-à-coup par un bruit semblable à celui du tonnerre, et
qui se fait entendre à plusieurs centaines de // [ou dixaines de lieues] , er
qui accompagne la chute d:un nombre de pierres plus ou moins
considérable. Le plus souvent pourtant on a observé des globes de*
feu qui parcouroient le ciel dans différentes directions, et avec un
mouvement plus ou moins rapide. Si le phénomène a lieu pendant la
nuit, on observe que la lumière qui en part éclaire le ciel et la terre, et*
produit une clarté égale à celle du jour. Au moment où le globe éclate ,
on entend un fiacas pareil à celui d'une maison qui s'écroule, ou au
mugissement d'un bgsuf. Le bruit que font les pierres en tombant , es.t
comparé au bruissement des ailes des oies sauvages. Il tombe une seule
pierre, ou deux, ou un plus grand nombre : quelquefois elles tombent
comme une pluie; elles sont brûlantes au moment de leur chute, et de
couleur noiiàtre; mais quelquefois elles sont assez légères. A Tendroit
où étoit d'abord le globe, on aperçoit une lueur d'une certaine étendue,
qu'où a coutume de sompareràua serpent, et qui subsiste plus ou moins
lii
JOURNAL DES SAVANS,
long-temps ; le ciel est plus pâle en cet endroit , ou d'autres foU il est de
couleur rouge tirant sur le jaune, ou verdâtre* comme des touiïès de
bambou. 11' est tombé des aérolithes au milieu des champs, dans^les
camps, dans les villes, dans la capitale ; on a remaïqué que les animaux
en étôient elTrayés. Une pierre , ou , pour parler comme ies Chinois , une
é^Ie~ étant tombée dans le camp de Kao-tsou (en ji6), tous les
ânes qui y étoient se mirent à braire. Sous Chi-tsoung des Tckeou
p^ostérieurs., une pierre tomba avec un grand brfiit près de la capitale;
les chevaux et les boeufs s'enfuirent sans qu'on pût les retenir : on crut
dans la ville que c'étoit un bniit de tambours , et les umbours du palais
y répondirent. Au reste, quoique les aérolilhes soient fréquemment
tombées au milieu des lieux habités, on ne cite, non plus qu'en Europe,
aucun exemple d'hommes qui en aient été atteints. -
■ J'ai formé, d'stprèi Af a- touan-/in , un catalogue des pierres toinMes
en Chine, en conservant avec soin les particularités qu'on a observées
au moment de leur chute. M. Deguignes fils, dans une espèce de table
chronologique , que vraisemblablement il n'a pas rédigée lui-même ,
mats qu'il a insérée dans le premier volume de son Voyage à Peking,
a fait mention de neuf phénomènes de cette espèce , tous observés avant
l'époque de l'ère chrétienne. On a regretté que ce travail n'ait pas été
poussé plus loin , et que les auteurs chinois ne soient pas entrés dans de
plus grands détails sur les chutes d'aéroliihes dont ils font mention ( i ) :
les Chinois nous offrent cependant des récits assez circonstanciés ; mais
l'extrait qu'on en avoit fait étoit trop incomplet et trop sommaire. Le
catalogue de Afa-touan-lin a}oute une soixantaine de faits semblables à
ceux dont_nous avions connoissance , et il s'arréteà Tannée ioo4: j'ai
cherché ailleurs de quoi suppléer à la suite de cette série chronologique.
Je ne citerai en ce moment que quelques exemples pris parmi ceux qui
sont les plus réceas , ou qui offrent les circonstances les plus remar-
AVRIL 1819. ï4?
redressée comme un serpent , et de la longueur d'un tchang [ etivrron
î", 8]; elle dura Jusqu'au soir, et s'éieignit alors. — La douzième
annte ( en 8 1 7 ) , à la neuvième lune , le jour ki-hai , sur les tro!"s heures
ou quatre heures après minuit , il parut une étoile coulante vers le milieu
du ciel; sa tête étoit comme un seau, et sa queue comme une barque
de deux cents hou de port; elle avoit plus de dix tchang f j3 mètres]
de longueur , ei fâisoit du bruit comme une troupe d'oies qui s'envolent ;
elle produisoit une lumière semblable îi celle des torches qui servent
dans les illiiininaiions. Elle paisa au-dessous de la lune, en s'avan<^ant
toujours vers l'occident : tout d'un coup on entendit un grand bruit, et,
au moment le globe tomlia à terre, un fracas trois fois plus fort que celui
d'une maison qui s'écroule. Quoiqu'il ne soit pas toujours fait mention
d'aéroliihes, k la suite des explosions des bolides; il est assez vraisem-
blable que les uns et les autres doivent être rapportés à (a même cause :
les Chinois ont donc été fondés k ranger ces phénomènes dans une même
classe.
La deuxième année thian-yeou [ poj ], k la troisième lune, au four
t'tchtou , vers minuit, i! parut une grande étoile dans le milieu du fir-
mament ; elle étoit de la grosseur de cinq boisseaux ; elle coula du côté
du nord-ouest , Tespace d'environ dht tchang; puis elle s'arrêta. Il y avoit
au-dessus une multitude de petites éloîtes qui formoient comme une
flamme de couleur rouge ou orangée , de la longueur de cinq tchang
au moins , et prolongée comme un serpent. Toutes ces petites étoiles
se mûuvoient vers le sud-est ; elles tombèrent ensuite sous la forme
d'une pluie , et peu après le globe s'éteignit. II resta ensuite une vapeur
d'un bleu blanchâtre tirant sur le vert, qui occupoit le milieu du ciel:
cette couleur alla en s'obscurcissant , el disparut.
Dans les années Wan-Ii de la dynastie des Ming(en ij3(î),k la
douzième lune , le vingt-cinquième jour, k Chun-khing-fou , de la pro-
vince du Sse - tchhouan , il n'y avoit ni vent ni nuages ; le tonnerre
gronda subitement, et il tomba six pierres globuleuses, dont l'une pe-
.soit huit livres , une autre quinze livres , une troisième dix-sept livres :
les plus petites ne pesoient qu'une livre; et la plus petite de toutes ,
dix onces seulejnent.
Sous le règne de Ten - rsdung , roi de Corée , ^i répond k fa
deuxième année ihian-yeou [ 905 ],'Sfomba k Hacing-lhe { en Corée)
des pierres qui imitèrent le bruîi du tonnerre. Les officiers du lieu ayant
envoyé ces pierres à la cour, le président des rites dit, dans une sup-
plique adressée au roi , que, du temps des Thes'm [il auroit pu dire, dès
!e temps des Tf^ffftfJ, itéloit tombé des étoiles;et que, sous les dynasties
K
2J0 JOURNAL DES SAVANS,
dL-s 7>/« et des Thang. ei dans les temps posiérieurs , le même événc-
mciil avoir eu lieu de leinps à auire , de sorte que c'éloil une chose
ordinaire, ei mm pas un prodige qui annonçât , ni des malheurs, ni
des évenemens heuieux; de sorte qu'on avoit tori de s'en étonner. Tous
Jes auteurs qui ont parlé de ce jihénomène, ne s'ex|)rimenl [«s d'une
manière aussi raisonnable, et nous allons voir quelques-unes des fables
auxquelles la chute des pierres atmosphériques a donné lieu.
On appelle hachis dt foudre, lissoirs, maruaux , coins, vrilliS , annraux.
prr/es de Jotidre , ou, pour mieux dire, du dieu du tonnerre, certaines
pierres de couleur noirâtre ou violette, qui, à ce qu'on prétend, tom-
teni avec le tonnerre, et dont la forme approche un peu de celle des
objets dont on leur donne le nom. Les marteaux pèseni quelquefois plu-
sieurs livres. Il y a des coins de la longueur d'un ichhi , ou d'un pied
thinois. Tous ces objets ressemljjenl à de Tacier ou à du fer. On raconte
il ce sujet des histoires merveilleuses, que l'auteur même dont je les ex-
trais, traite de contes ridicules. II en donne ensuiie une exj'b'cation qui
•ne l'est guère moins; car elle est fondée sur les principes fantastiques
de la physique chinoise. Ce qu'il dit de plus judicieux , est que ces pré-
tendus outils du dieu du tonnerre sont de la même nature que les étoiles
tombantes ; m&M il va trop loin quand il avance que les uns et Jes autres
^rfoivent être considérés comme les traces de phénomènes analogues aux
^pluies de fiierres, d'or, de millet et de riz, de poil , de -'ang, &c. , dont
lil est question dans les chroniques. On lit dans l'histoire du Jajion , que
\ù sixième année siowa , du règne de Nin-Mio Teji- O [ 8 j 9 j , le vingt-
neuvième jour de la huîiième lune , il y eut dans un lieu à l'occident de
la ville de Thian-tchhouan , où il n'existoît aucun fragment de pierre,
riu tonnerre et de la pluie pendant dix jours. Le temps étant redevenu
Mrein , on vil à terre des pierres semblables à des pointes de flèche et
ltj)t:des hachettes, les unes blanches, les autres rouges. — On trouve un
1 wite exemple d'observations semblables, faîtes dans deux autres villes
l|lu Japon , mais que l'on eut occasion de nnouveler pendant trois années
L^dltsécutives, soiisie règne de Kouoto-Ten-O, dans les années ntnva,
t'esl-li-dire, en S85 , 886 et 887.
i L'aufeur japonais qui me fournit ces détails, prétend que la chute
ts pierres de foudre est beaucoup plus commune dans les pays du nord ,
. «qu'elle est au contraire .isscz rare au Japon ; et il cite , en preuve de ce
qu'il avance, un orage des plus terribles, qui eut lieu au-dessus de la
capitale , le vingtième jour de la sixième lune , en 1 7 1 o. Le tonnerre
tomba dans un grand nombre d'eudroits , et détniistt plusieurs centaines
de maison»; et cependant on ne trouva pas «ne seule de ces prétendues
AVRIL 18(9. afjT
bâches, ni de ces coins du dieu de la foudre. Sa preuve, comme on voie,
n'en est pas une; et il n'en reste pas moins três-vniisemBiabie que les frag-
mens de suLstances minérales auxquels l'ignorance a donné ces noms
ridicules, sont, d'après le récit des auteurs les mieux instruits, des pierres
atmospliérîques de la même nature que les étoHn lombaiius : cela ét;int,
le tonnerre, auquel on en attribue la formation, sera ce même bruit qui
accompagne presque toujours l'explosion des bolides et la cliule des
aéroliihes. Une autre conclusion plus remarquable à tirer du récit des
écrivains chinois et japonais , c'est que, dans le plus grand nombre
des cas, le licou-sing, ou le globe igné, qui produit les pierres tom-
bantes, a été observé avant la chute, et semble en avoir été la cause
immédiate. Cette observation est d'accord avec l'opinion qu'en ont k
présent les hommes les plus instruits ; mais ; comme elle a été révoquée
en doute, le témoignage des Chiiiois qui la fortifie, peut n'être pas en-
tièrement superflu.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
NOUVELLES LITTERAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
Le hnidi 21 mars , l'acadctHic des sciences a ti
annuelle; M. Viiuquelin y a rempli Its fonctions de prés
des secrétaires perpànets, a lu une notice historique s
de M- Périer; M. Fourier, un mémoire sur les théor
maiiques de la chaleur; M. Biot, un exposé des
1 sa séance publique
îni.M.i?f/,îm/.«,l*o,i
la vie et les ouvrages
, physiques et mathé-
ivaux continués pour
déterminer la figure de la terre, et des résultais de» observations du pendule,
faites l'année dernière aux îles SheiUnd ; M. Latre'iUe, un mémoire concernant
les insectes peints ou sculpiéi sur les montimens d'Egypte.
L'académie avoit proposé, dans la séance publitjue du 17 mars 1817, pour
sujet, d'un prix de physique, i," De désrrm'iner , par dts expér'tencet précises , tous
les rffU de la diffraction des rayons tumimux directs et réfléchis , lorsqu'ils pussent
séparément ou simultanément pr^s des extrémités d'un ou de plusieurs corps d'une
étendue soil limitée soit indéfinie , en ay an 1 égard aux intervalles de ces corps, ainsi
^u'à la distance du foyer lumineux d'où les rayons émanent ; 3..° de conclure de ces
txpériences, par des inductions maîliémathiues , les tnouvemens des rayons dans leu
passage près des corp:
Elle
i décerné le prix au mémoire enregistré sous le
, ayant pour épigraphe: JVatura simplex et fœcunda. L'auteur est
M- Fresnel,
Feu M, Alhumbebt ayant légué une rente annuelle de trois cents francs
pour être employée aux progrés des sciences et des arts, le Koi a autorisé les
académies des sciences et des btaux-aris à distribuer aliernativement chaque
année un prix de cette valeur. L'académie des sciences a arrêté qu'elle consa-
creroit ce prix à des travaux particuliers propre» à remplir des lacunes dant
li 2.
I
JOURNAL DES SAVANS,
l'estintaiion dctaillce de ses produils; la description drs cours d'eaux, el de
leur usage dans une portion noiablc du lerriioîre de la France; le tableau de
i'induEt'ie de la capiiale, reclicrdie importanle qui se compose d'une niuliimdl
dclémeoj divers très - difficiles à raïsembicr; le plan iopographii]ue d'une ]
grande ville joini à des mémoires assez itendus sur la population, le conv*.i
nitrrce, la navigation ei les éiablissirmeRî mariliims; les descriptions stati»» 1
liqu» des départemens ou des annuaires rt-di^és d'après les instructions gén^ j
raies qui ont été publiées en Francç , et que le ministre de l'intérieur a renon-
velêes ; l'iudicaiion d« substances qui tbrment la nourriture des habitans dé) j
campagnes dans plusieurs déparieniens, ei le tableau des proportions selon 1
lescmclles ces mêmes substances sont employées comme alimens; une suite ]
d'ooservations sur Us transports etTectués par terre, qui serve à comparer l'îni- I
portance respective des communication» ; l'état des richesses minéralogiqu» 4
de la France, celui de la navigaiion intérieure; enfin divers mémoires de cte I
etnre ayant un objet spécial exactement délini et relatif à l'économie publique, J
On regardcroit comnii: préférables ceux de ces mémoires qui, à conditioâi J
a une grande partie du territoire ou à des branch«l€
du commerce, ceux qui dorneroient la cou- "
:lélerminé, et coniiendroient sur-tout la plut \
suliats Homériques et positifs. Les r
lurs, doivent être adressés au secréiaiiat de *
remis avant le i."' jnnvier 1820. Ils peuvent porter
non peut être écrit dans un billet c.icheté joini
ivrages imprimés, il suffit qu'ils aient été publias
8ig , et qu'ils soient parvenus à l'académie avant
l'expiration du délai indiqué. Le prix consiste en une médaille d'or équivalente
à la somme de cinq cim trente francs. — il sera décerné dans la séance pu-
blique du mois de mais 1820.
On a distribué deux cahiers in-^.' , Tun de 70 pages, l'autre de' JO, conte-
nant l'analyse des travaux de l'académie pendant l'année 1S18. Cette analyse
est rédigée par M. Delambre, pour la partie mathématique; par M. Cuvier,
pour la partie physique.
La partie mathématique fait connoilre les Mémoires de M. Laplace
sur la rotation de la terre; sur l'inHuence de la grande inégalité de Jupiur et
de Saturne dans le mouvement des corps du jystéme solaire; sur la loi de la ,
pesanteur, en supposant le spiiéroïde terrestre homogène et de même densité
3 ne la mer; — de M. Poisson sur la précession des équinoxes; sur la libration
c la lune; — de M. Pointât sur l'application de l algèbre à la théorie dei
nombres; — <Ie M. Cfli/cAy sur l'intégration d'une classe particulière d'équa-
tions différentielles; sur l'intégration des équations aux différences partielles
du premier ordre à un nombre quelconque de variables; — de M. Fountr sur
lei vibrations des surfaces élastiques. =; Ouvrages imprimés : Exercices de calcul
intégral, construction des Tables elliptiques, par M. Legnidre. — Histoire de
l'asironoraiedu moyenâge.parM./Je/irinAyet viy. Journ. dcsSavans, janv. iB'O,
pag. Oo). — Notice sur les opérations en trepriies pour déterminer la figure de la
terre, par iVl, hiai. — Mémoire sur les inondations souterraines auxquelles sont
exposés plusieurs quartiers de Pans, par M. Girard. — Mémoire du même sur
la topographie ci le relief du soi de Paris. — Mémoires sur la marine el let
égales, s'appitqi
importantes de l'agriculture <
noifsance complète d'un obji
grande quantité pofjiMe de
manuscrits , destinés au coi
rinsiitut,yî-"'/''ej de port, et rt
ie nom de l'auteur, ou ce 1
au mémoire. Quant aux onv
datis le courant de l'année i
'ÂVlXTL' l'Biç;'.'"'" aîî
ponis CI chaussées, par M. Dapin. — Essai hisiorique sur lus services et les
travaux stieniiliqiies de Gasp. IVIonge, par M, Dtipin. — Des marais Poniins,
par M. rfc Prony. =^ Rapports sur lesouvrages, les essais , les machines, &c, qui
ont été soumis à l'examen de l'académie.
Partie PHYSIQUL, i." Chimie. Deux nouvelles substances, l'une mé-
tallique ei alcaline, l'autre méiallir|iie ci acidifîable , ont éiê découvertes : U
première, par M. Arfvedson, qui l'a nommée Lithion ; l'autre, par M. Ber-
^eliui , qui lui a donné îc nom de SELENIUM, — Mïmoircs de M. Vauqutlin
sur le cyanogène et l'hvdrocyanique; — de M. T/ienard sur plusieurs acides
qui peuvent admettre des proportions d'oxîgéne bien supérieures à celles que'
ion regardoii jusqu'à présent comme constituant leur état le plus oxigéné; —
de MM. Chtv'iUot et EJouard sur les caméléons minéraux ; — de M. Laugier
sur le cobalt et le nickel; — de M. Houiou-la-Billardiire , sur un acide nouveau
auquel il donne le nom de pYRO-MUCIque ; .:— de M. Chei'reul sur les corps
gras; — de MM. PelUtîer ei CaveiUou sur la cochenille. :zr 2." Météorologie,
Mémoires de M. de Humboldi sur les phénomènes atmosphériques de la Zone
lorride; — de M. Alorcau de Jonnh, sur le coup de v.ent qui a causé tfiut de
dégâts aux Antilles , le i 1 septctiibre dernier. -^ 3.= Minéralogie et Géologie.
Rtcherthesde.M. Beuhvii sur les crisiaux. — Analyse d'une pierre qui abonde
dans un ravin du Moni-d'Or en Auvergne, par M. Cordler. — Mémoire de
M. Paiissot dtBenuvoh sur un phénomène géologique obsirvé dans le comté de
ÏTowan , province de la Caroline du Nord : au milieu d'une colline d'un sable
très-fin , entremêlé de petites pierres de quartz et de nombreuses parcelles de,
mica «rgenté, se trouve une veine de pierres disposées si régulièrement, que les
habiians lui doi
tendu que c'étoit 110 \
quelque
que les i
une époque reculée, 'par
r naturel ,
ritable mur , construit . , . , . .
■uple aujourd'hui inconnu. — Mémoire de M. More.iu de Joniiis-
sur l'un des monts de la Martinique ; et description géologique de la
Guadeloupe , par le même. ^ 4-° Botanique. Description du IJatiiçr et du
Persia d'Egypte, par M. Del'iU; — du Palmier de Nipa , qui croît spon-
tanément dans l'Archipel des Indes, par M. Houtoii dr la BilUirdiire ; — de
l'Arbre de la vache , par M. de HumbaUt , qui continue de pidilier avec
M. Bonpland'l'ouvrage intitulé: Nova gênera j>lûntarum squinoclialjum, ==
jl" Zoologii. Description de nouvelles espèces de cétncécs, par M. dé tacrpide;
d'après deî peintureî rapport éesvju Japon par feu M. Tilslng. — Cooside'ranonï-
mr i'Orang-Outnn et sur le Tapir de Sumatra-, par M. Cuvier,-ittT le Gecko
des Anrilles, par M. Moreau de Joiwh. — 6,° Aniîomie et Physiologie. Phi--
lôsopliie anatomique, par M. Geoffroy-Salnt-Hilaire ( vyri Journal des Savans ,
mars i8i(),*pag, 183-187). — Recherches sur la respiration des grenouilles, par
Al. Edwardi. = 7." Médecine et Chirurgie. Mémoires de M. Porta! surda
membrane pupillaire et sur l'ancvrisme; — de M. Percy sur le méricisme,.
indisposition qui consiste à faire revenir à ia bouche les alimens à den»i digérés;
— de M, Laennec sur l'art d'explorer lei msladies du thorax au moyen- de
l'auscultation ; — de Mi Chrétien, médecin de Montpellier, sur l'emploi de l'or
en médecine; — de M. Gorijret sur les ventouses; — de M Niclierand sar-
one opération exécutée par lui, en enlevant une partie des côtes et delà plèvre ;
— de M. Roux sur la cataracte guérie soit par l'extraction du cristallin, soit
par le déplacement ou abaissement de cette lentille, ^ 8." Économie rurale.
%
- •
zi6 JOURNAL DES SAVANS.
ObiervaUom de M. Yvart sur l'ctat de ragnculiuredan» lestnvironi du Mont-
d'Ol CI du Puy-de-Dônic-
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Tableau hibîiogmph'hjue Aii ouvrage» en lout genre qui ont paru en France
fendant l'année l8iS, contenant, i." une table alphabétiqne des ouvrage»;
i.» une lable alpliabéii(]iie des auteurs; 3.° une table systématique, par M. fle«-
chot , in-8." de 1 80 pages, à joindre ai! Journal de l'imprimerie cl de ]a librairie,
I «digé par M. fieuchoi et imprimé thez M. Pilletaîné.
l Comwtiiiairt sur l'esprit des lois de Montcsquie'u ; édition conforme à celle qut
I '< été publiée à Liège en lyi;. Paris, inipr. de Fain, chez Delaunay, in-S.* —
M. Desiutr-Tracy.pairde France ei membre de l'Institut, est l'auteur de ce com-
mentaire, et se propose d'en publier bientôt lui-même une édition plus cerrecte.
MM, TrcuHel et Wiîrtz vîenneni de mettre en vente le onzième volume
iii Archives des découvents ei des inventions nouvelles faites dans les sciences,
' les arts et les manufactures, tant en Fiance que dans les pays étrangen, pen-
dant l'année 1818, avec l'indication siicciocie dfs principaux produits de l'in-
dustrie française, des noiitcs sur les prii proposés ou décem« par différentes
lociétés littéraires fur l'encouragement des sciences et des ans; et la lisie des
brevets d'invcmion, &c.; un fort ■volume in-8.' Prix, 7 fr. , et 8 fr. jo cent, franc de
Sort, Ce nouveau volume offre prés de 400 articles relatifs à tous genresde sciences,
e beau*-arts et d'ans industriels. L'ouvrage patoît régulièrement au commen-
cement de chaque année, depuis iSoH, et forme un téperroire indispensable à
^us ceux (]ui s intéressent aux progrès des connoissances utiles a la société.
Nota. On peut s'aJresser A la librairie de AJAf. Treuttel f( Wiirtz, à Parit ,
' file ite Botirton, n.'iy ; à Strasbourg, rue des Serruriers; et à Londres, ».'?»,
Soho-Square , pour se procurer les divers ouvrages annoncés dans le Journal d^
Savons. Il faut affranchir les lettres et U prix présuma des ouvrages.
TABLE.
Y Levons de philosophie , par Jii . Laroiiilguiêre. (Articlede AI. Cousin.) . Pag. 195.
' i^escrf^iont degii Stateri antuhi , per Domenieo Seitini. {Article de
M. Raoul-Hocheuc. ) 20} .
' Hovum Ttstamentuin D. N.Jeru Christi, interprète Leapoldo Sebas-
iiani Hoinano, { Article de M. Silvcsire deiiacy.) iu.
Aîinis de l' Orient, exploitées par une société d'amateurs, sous tes auspicts
de Al. U comte Wenceslas /l^avuslty. {Second article de AI. Kay-
nouard, ) , zil .
Histoire de l'astronomie ancienne, ptr M, OeLimbre, ( Second artkU
de A!. Biot. ) liÇ.
De l'industrie française , par AI, U comte Chaptal [Article de Al,
^ Tessier. ) , 340,
Sur les Aèrotitlies de U Chine, {AriicU dtAt. Abel-Rémusat.)^. .. . a^o.
Piouvtlla littird'tres '. ., . iji .
tlN DELA TABLK.
JOURNAL
DES SAVANS.
MAI l8lp.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALR
1819.
.0 loi I ;. î:
Le prix de l'abonnement au Jonrnfl' des Savans est de 36 francs par an,
et de 4.° f^- p3r la poste, hors de, Paris. Ûli s'abonne chez MM. Treuntl et
Wùrr^, à Paris, me de Bourboni, n.' ly s à Strasbourg, rue des Serruriers, et à
Londres, n.'jo Soho-Square. 11 faut affiranchir les lettre* et l'argent.
Toul ce qiaptutcoatatMr Us ûmionces à insérer daes cejoarnal,
lettres , ''i^ts , mémaireé , livres nouveaux, &ç. doit être adressé ,
FRANC DB PffXT , au hurtûu du Jowmal des Satatts, à Paris, rue
de Ménil-mon<ant, n.^ 22.
JOURNAL
DES SAVANS.
MAI l8l
9-
Ka Ba ma nia , or a brief Description of tlw scul/i Asïn miiior. &c. ;
c'est-à-dire , Ciiriimnnie , ou courte Description tie la côte
me'ridiotiidc de l'Asie mineure et lies restes d'auliijuitcs qui s'y
trouvent , avec des pions, des vues et une. carte, recueillis
durant le relevé de celte côte exécuté conformément aux ordres
dis commissaires de l'aminmté , dans les anné^j iSji et 1S12,
par Francis Beaufort, membre- de la société royale, capitaine du
vaisseau le Frederihteen. Londres, iB 17 ,iit-8.* àip 300 pages.
J^E nom de Caramanie est ordinaire ment apiîiiqué par les Européens
à ce pays monlagneux qui forme la côte niçridioiiale de l'Aiie nimewre;
mais cette dénoiniiialion est inconnue aux.-ii.ij'jiians. Un royaume-'de ce
i^o JOURNAL DE3 SAVANS,.
nom a existé jadis, comprenant les anciennes provinces de h Lyde^
de fa Pamphylie et les deux Ciiicies, avec des portions de la Quie
et de fa Phr)'gîe : mais, après avoir lutté pendant deux siècles contre
ia puissance des Turcs , if fut enfin renversé par Bajazet II ; et la ville
intérieure de Caraman {1} est fe seul vesdge subsistant du nom de c»
grand eut.
Ce pays , maintenant désoté par tous fes fléaux qui résultent du
des|)otisme et de l'anarchie» mais jadis florissnnt» et peuplé de villes et
de colonies céfèbres, appcloit depuis long- temps les recherches des
Européens : ia grandeur des souvenirs qu il rappelle » fa cejliladé de
découvrir une multitude de ruines et de monumens antiques, étoiert ua
attrait puissant qui fes auroit amenés plutôt sur cette côte , si les difficultés
et fes périls d*un pareil voyage n'étoient pas de nature à efirayer les plus
intrépides; aussi étoit-elle demeurée presque inconnue, à Texceptionde
quelques points à f*ouest et de fa partie orientafe, pfacée sur fa route de
Constat! tinople à Aiep. Le conseil de l'amirauté anglaise, voufant remplir
cette lacune géographique , chargea fe capitaine Beaufort de lever cette
côte* et de déterminer avec soin tout ce qui pouvoit intéresser la navi-
gation : les résultats en ont été consignés dans une suite de^cartes
maintenant publiées, dont celle qui accompagne Fouvrage que nous-
annonçons est une réduction fidèle.
Quoique principalement ou plutôt uniquement occupé de son travadf
topographique et hydrographique, le capitaine Beaufort ne pouvoit
manquer de recueillir sur les lieux un grand nombre d'observations
curieuses et neuves, de dessiner quelques monumens inconnus» de
copier des inscriptions : l'ouvrage dont nous allons rendre compte
contient les principaux résultats des observations de cet habile officier j.
et comme cet ouvrage est réellement fe premier qui ofire à FEuiOpe
savante des notions positives sur la côte de l'Asie mineure entre Rhodes
et Issus , il importe d'en présenter au fecteur une anafyse raisonnée qui
fasse ressordr tous fes faits curieux et nouveaux qu'if ajoute à la science.
C'est fe but que nous af tons tâcher d'atteindre.
L'auteur commence, sans préambufe, par fa description du Yedy
Boroun, en grec hepia cavi ou fes sept caps, masse de montagnes fort'
élevées; c'est l'ancien Cragus de Lycie, cette montagne a huit sommets^
comme f'appelfe Strabon (2). Un peu au nord, s'éfève une autre mon*
tagne escarpée ( YAnti-Cragus) , dont fa hauteur est de 6000 pieds anglais
(1) Vùyei\e Journal de Février 1 81 9, p* 113.
(2) Stralxbn; jcjy^p.éâj, D.
/
MAI 1819. 261
(= 1 828 mètres ), c*est-à'^re, presque égafe à celle du Cantat. Le cap
avancé, formé par le CVv^x, séparoit la Lycie de la Carie; et c'est ce
cap que, selon nous, désigne Denys lé Periégète , en deux endroits, par
le nom de lUmfaiîp «u^et, cap Pataritn (i). II avoit pris son nom de
Patarap riHè située de Tautre côté du Xanthus, au pied de cette
moatagife ou Ton en voit encore les ruines dans un lieu inhabité. Cette
fîlfe^ que son temple d'ApoIfon rendoit autrefois célèbre, fut réparée'
par Ptolémée Philadelphe, qui lui donna le nom d^Arsinôë dt Lycie {2%
Ses ruines consistent en un théâtre dont le diamètre extérieur est de
2oa pieds anglais [60 mètres 9 ] : H a trente-quatre rangs de sièges en
marbre 9 dont im périt nombre seulement a été endommagé : la conser-
tarion paiiaite du proscenium distingue ce monument dé tous ceux du
nème genre. Une longue inscription placée à rentrée orientale annonce
qull a été b&ù par Q. Velius Titianus, sous le quatrième consulat^
cTAntonin Pie. On voit encore à Patata une multitude de tombeaux»
dé- temples, d'autels, de fragmens de sculpture , mutilés et bouleversés ;
d'inscriptions grecques et latines : le capitaine Beaufort dit qu'il en a
copié un très-grand nombre. La seule qu'il ait consignée dans son ou«
vrage donne envie de connoître les autres : c'est Tépitaphe , en quatre
jôlfs vers élégiaques, d'un certain Dionysius, architecte (3). Les murs
de la ' ville embrassent un grand espace de terrain : une des portes
subsiste encore en assez bon état; elle paroh de construction romaine ^
et on lit sur la frise, HAPAPEnN TH5; MHTPonoAEm: tôt AYKinN
feNOTZ O ÀHM02 , ce qui nous apprend que Patara étoit la métropole
de la nation des Lyciens. D'après Strabon et Tite - Live , Patara
(j) Dionys. Perieg. v. izy, joj. — (2) Strab. xv , p. 666, A.
II- faut la lire de cette manière:
'H ^Mm ïlùL'nipiûf yi fAk xaCint Kfetnl,
T/MùW Ait âfJLmKownç' î^ Ji Ksioç ^ eut m!ç
C'est-à-dire : « La terre étrangère de Patara
3^ me possède, moi Dionysius, habile dans
3> tous les arts de Minerve , natif de Tmolas
vaux beaux vignobles. Le vaste toit donc
»j'ai recouvert POrfti/m des Pataréens^ m'ai-
» sure dans leur mémoire un glorieux sou<^
ji> venir, m
(}) Voici- comme la donne
'e capitaine Beaufort:
lAPIKAeHNAIHC
HANTONAIONrciON
BPrnN
HHUMHnATAPnNrHME
AABOrCAKPATEI
'ï'AdûAOTAn AMHE A OENTO C
EXOMKAEOCKAIEN
A.XOIC
r2^£ZX2M£rAAHN
AM«I0AAnNOPOOHN.
z6z JOURNAL DES SAVANS,
avoil jadis un port; mais il est maimenant tout-ï-fait comblé par les
sables.
A l'e&t de Pûtara, s'ouvre une baie ptofbn<le qui correspond assez
exactement au port Phaaicus dç Tite-IJve : on Tappelle maintenant U
|}aie de Callamaki. Un peu à l'est» on voU une petite île absolument
itériie, appelée CasuUon}^o , uoqi corrompu At Castel-Ho^îo; tWa
renferme une ville et un port de mime nom , défendus pa^ deux châteaux
armés de petits canons en si mauvais eut, qu'ils ne peuvent guère .être
redoutables que pour ceux qui les tirent. Cette i^ est sa/is doute la.
>*fc^/jrt des anciens, appelée aussi CfjrAM? ( i }.
Castellorizo forme le côté occidental d'un golfe cpii jenferme deim
ports d'une assez grande étendue , Sérédo et Vatky, dont Iç.premier est
excellent*, on y trouve des toDibeaux, des catacombes creu>ées dans .!&
roc: auport Vaihy, des ruines assez considérables, telles quç celles d'un-
théâtre à trente-six rangs de sièges , mais d'une moins bellç construction-
que celui de Patara , annoncent l'existence d'une ville andque ; on y voib
Cfi outre des tombeaux composas de deux chambres l'unersur l'autre.:
Comme les gens du pays donnent le noin SAntiphilo à la partie, dib
port contîguë à ces ruines , il n'est pas douteux que ce ne soib
VJjiiipicl/uj de Ptolémée et de Strabon : ce dernier paroîf avoir eu. tort
dfi le placer dans l'intérieur des terres (2). Toute cette côte, depuis.
P^tam , est bordée de montagnes k pic qui empédientles courans d'eau .
de'seforniert aussi les torrens cessent avec les plufej; et, entre avril.et
novembre, les habîtans n'ont d'autre ressource que leurs citernes. .
Après avoir rangé la côte aride et dangereuse au devant de laquelle
est située l'île de Kakava, qui patoît éire la Dolichisie de Ptolémée, on
trouve l'embouchure de ïAndraki, courant saumâtre qui baigne des
ruines assez remarquables : on distingue sur le rivage celles d*u
M'AI 18^9.
^ntre les années 11901 138 (1). Il est divisé en sept compartimeds,
doifi chacun n une porte sur la (àçade. On remarque avec surprise , en
plusieurs endroits, des fragmens de sculplnres antiques encastrés dani
la maçonnerie, et provenant d'édifices plus anciens , dont les Romains se
sont servis comme de matériaux.
Le nom A'Àndraki, que porte ce torrent, provient sans doiilo
SAndnaet, lieu mentionné par Pioléméé {a], tt qui, selon Appien (j),
éloîi le port de Myra. Les ruines de cette ville célèLre sont un peu dans
l'intérieur des terres, au pied d'une montagne haute de l\^GO pieds
[1218 mètres 7 j ou de 1 00 mètres de plus que le Vésuve. Le temps
ne permit pas au capitaine Beaufori de les visiter; mais il nous apprend
tpie M. CocVrell, savant architecte anglais, qui (es a vues et dessinées
l'année d'ensuite, y a trouvé un théâtre presque intact, et un j;rand
nombre de morceaux de sculpture et d'architecture d'un style excellent.
Les habitans sont des Turcs jaloux et plus grossiers qu'à l'ordinaire.
Tandis qu'il exaniinoit des statues, M. Cockrell entendit un homme du
peuple s'écrier : « Puisque les infidèles sont atiirés ici par ces figures
» impies, cela ne durera pas long-temps f quand ce chien sera parit,
" fe les détruirai. «Tout près de Myra, sont d'autres ruines, qui doivent
être celles de Vimyra. Les habitans dirent au capitaine lîeaufort qu'i
tjuaire heures de là, dans l'intérieur des terres, il y avoit des ruines
considérables, des colonnes, des sculptures, des inscriptions.
C'est très-près à l'est que s'avance dans la mer le cap KhiUdonla
[Sacrum Ptomontorium] , en avant duquel sont situées les îles Chelidonlce,
point célèbre dans la géographie ancienne. Ces îles sont au riombre de
ciilq, dont deuï s'élèvent de 4 ou }oo pieds au-dessus de la mer ; les
trois autres sont petites et escarpées : Scylax n'en mentîojine que
deux (4) ; Strabon, de même que Denys le Périégète (î) , ji'en compte
que trois à-peu-près de mêjne grandeur. Comme le capitaine Beautort a
remarqué dans ces îles une sorte de caractère volcanique, il ne seroii pas
impossible qu'un tremblement de terre, depuis les temps anciens,' eût
formé cinq îles des trois qui existoient alors.
Un phénomène très- remarquable observé sur cette côte par le capi-
taine Beaufort, c'est celui d'un courant constant de l'est à l'ouest, dont
il parle en ces termes : <* Ce courant est très-sensible près du rivage, où
» sa vîiesse est quelquefois de trois milles k l'heure , entre le cap Adrat-
(i) Eckhel, Doctr, nummôr. VI, p. ^/j) sq. — (2} Piolem. Gea^rsp/i. v, j'
p. t2i. — {3) Btli. ci: IV, S- Sz, ScftH'eisli. — ii) Scylac. Periplp. ^^ -
(5) Dionys. Perieg, v. p;.
i6i
JOURNAL DES SAVANS,
» chan et l'île opposée. La confîguraiton de la côte peut sans doute ea
» rendre compte : car on conçoit que la niasse considérable d'eau
» inierceptée dans le golfe d'Adafia , se précipite avec violence vers
y> l'ouesi > le long du cap Khélidonia. La cause , les progrès et le terme
M d*un tel courant, sont un sujet intéressant de rechçrcl^es futures : pour
M tracer la liaison de ce phénomène avec le volume d'eau qui entre par
» le détroit de Gibraltar, avec celui qui arrive par (e détrdt des Darda^
» nelles, et les elfets du Nil et de toutes les autres rivières du fond de la
» Méditerranée , il faudra une longue suite d'observations correspon-
» dantes sur les deux côtes de cette mer. Les contre>couraiu , ou ceux
» qui retournent à l'est sous la surface de la iner, sont également fort
» remarquables : en quelques parties de l'Archipel , il y en a de si forts ,
» qu'ils empêchent de gouverner le bâtiment; et, par exemple, en
« lâchant la sonde, lorsque la mer étoit calme et transparente, et en
» attachant au cordeau, de trois pieds en trois pieds, des lanières de drap
*>de diverses couleurs, nous les voyions quelquefois se diriger vers
» presque tous \es points du compas.,» Cette observation sur les doubles
courans nous paroît digne di beaucoup d'attention.
Au-delï du cap Khéfidonîa est I9 petite île. stérile de Grambousa, la
C''Ombttsa de Strabon : on y trouve un peiit courant d'excellente eau qui
jaiflii d'une source assez abondante. Cette île, observe M. Beaufbrt, est
si peu étendue et si escarpée, qu'il ne peut s'y recueillir nulle part une
quantité d'eau assez considérable pour former ce courant ; et il conjecture
avec vraisemblance que la source en est sur quelque mbntagne de h
côte, d'où Teau est amenée par un conduit naturel qui passe sous Je
détroit, dont la profondeur est d'environ 170 pieds [ J7 mètres 8 j. Ce
serait un phénomène Eout-à-fai't analogue à celui des sources d'eau douce
qu'on voit bouillonner à (a surface de la mer : telles sont, la source qui
aillit dans le pori de Syracuse, vis-&-vis de la foiiiaine Aréihuse. si l'oi
MAI 1819. 26J
le petk port inhabité appeFé Génawse., pvds un village nommé Deliktash *
dont le nom signifie roch>r percé: on y trouve des ruines considérables»
et, entre autres, celles d'un temple dont la porte a 15 pieds [4 mètres 5 ]
de haut, d'un théâtre, et un nombre prodigieux de tombeaux et d'ins-
criptions. Parmi ces inscriptions, il en est où se lit le nom S Olympus :
elles attestent^uffisaitiment que jces ruines appartiennent à Olympus de
Lyde. Cette ville, prise (1) et presque détruite (2) par Servilîus
Isauricus, déchut considérablement, et n'existoit plus comme ville au
temps de Pline (3). Une inscription trouvée par le capitaine Beaufort,
porte : A l'empeirur Marc Aurtk Aotonin, Auguste, Arménia^ue, Par-»
thique , Germanique, le sénat et le peuple d' Olympus. Elle prouve
gu'Ofympus avoît été rétablie entre les règnes de Titus et d'Antonin,
ce qui explique pourquoi Ptolémée la compte comme ville dans sa:
Géogrpphie , rédigée vers l'an i j o. L'inscription est curieuse encore sous
un autre rapport : l'existence S Olympus vers 1 4o à i jo étant prouvée,»
il devient bien difficile d'expliquer comment cette ville n'est point
comprise, dans le Synecdéme d*HiérocIès , parmi les villes de Lycîe,
à coté de Phaséiis, dont elle n'étoit qu'à trois lieues. On est conduit
de cette manière à rétablir avec certitude le nom S Olympus, caché sous
un nom corrompu paijies copistes de cet ouvrage : on y lit , à l'article
de la province de Lycîe (4), ♦ASYAHS, OAYAnox (msv Bandur.) : le
premier nom est 4» A2HAI2 , comme la vu Wesseling ( 5 ) ; le second , dont
cet habile critique ne dit rien, est évidemment OAYNnox (6). Il étoit
d'autant plus singulier de ne point retrouver la ville d'Olympus dans un
monument rédigé entre les années 4 ro et 4 S o (7) , que les notices ecclé-
siastiques font de cette ville le siège d'un évéché, sous Fempereur
Léon, en 457 (S) : l'inscription explique et concilie tout. Tout près de là ,
sur la côte, on voit une flamme volcanique, ou pyrée, sortir de terre,
dans l'angle intérieur d'une muraille qui paroît avoir formé une enceinte
quadrangulaire , renfermant sans doute un hieron ou lieu sacré. Cette
flamme ne produit pas une chaleur très-intense : les plantes et le gazon
■ ■ ^
(i) Cic. Verrin. i, /. 2/; Eutrop. VI, J» — (2) Fiorus, m, 6.
(3) Plin. V , 2jr, p, x/j, j, — (4) Synecd. Hierocl. imer Jtiner, veter.p, 684^
(5) ^ASTAHS, par l'iotacisme, et par la ressemblance du A et du A, équi-
vaut à«A2HAI2.
(6) Remarquez que, dans toutes les inscriptions A* Olympus, selon l'observation
précise du capitaine Beaufort, le nom est écrit OATNnOS OATNHHNnN :
or, entre OATAnOS et OATNIIOS, il n'y a que la différence provenant de la
confusion commune de A pour A et de A pour N (âf. Boisson, in Inscr. Actiac,
pQSt L, Hohu èpist. p. ^47. — (7) Wesseling. Prœfat, ad Hieroci p. 622,
(9) Lt Qyxkn , Oriens Christian. J , p. fi;^0
i66 JOURNAL DES SAVANS,
ne paroissent pas souffrir beaucoup ; car on n'en tlécvuvre aucun effet
à quelques pieds de l'ouverture. Il nous semble que celte description
convient par^tement k ce que Sénèque rapporte du canton Hfphastion
eu I^cte , lequel ne peut é'ire que cdùi où le phénomène existe encore.
In Lycia tegh mtissima est, Htpkasfion incola vacant, perfiretum pluri'
tùs hcis Solum, quod sine uUo nascentium damno ignis inaoxius circuit t
lata ita^ae regto est, tt htriida nilflammis ffdurmtibus &e. ( r ). Ces fèhx
sont k environ trois lieues «a sud de l'ancièmie Pkasélh: On ne peut
donc douter que ce ne soient les mêmes que Ciésias place près de
'Pkasilis, dans la montagne (a). Toute cette contrée a été travaillée
par les volcans,
A cinq milles au nord d'Olympus, il y a quelques ties inhabitées',
appelées par les Grecs et les Turcs les trois Iles, peut-être les Cyprice
de Pline [3). Vis-à-vis s'élév'e fa grande montagne de Taktala, haute
de 7800 pieds anglais. [234^ mètres], au pied de laquelle sont les
ruines de Phasilis, dont le capitaine Beaufbrt donne un joli plan : cette
viUe occupe une presqu'île , jnnte au continent par un isthme assez bas ,
dont une partie est occupée par un marais qui étoit autrefois un lac ,
dont farle Strabon. On distingue encore très-bien l'emplacement de
■es trois ports. Les ruines sont, considérables soties consistent en un
aqueduc de construction romaine; en un théâtre d'une époque plus
ancienne, dont le diamètre est de 1 ;o pieds anglais [4; mètres 9]; en
une avenue de 4oo pieds-«nglais [ lai mètres 87} dé long sur 30
['9 mètres 1 ] de large, garnie de sièges en marbre des deux côtés, «t
qui sembleroit avoir été On stade; mais la mesure de 121" 8 est trop
courte. On trouve en outre beaucoup de sarcophages tous ouverts, ï
l'exception d'un seul, que le capitaine fieaufort fît ouvrir, mais où il ne
trouva qu'un squelette. II copia un grand nombre d'inscriptions grecques
MAI 1819. x6j
«> afin qu'on pût après nous les retrouver intactes. » II serolt à désirer
que tous les voyageurs eussent imité ce procédé.
Après avoir fait une observation astronomique dans une petite île , a^
pied du mont Climax, le capitaine Beaufo>t quitta la station pour
examiner quelques points de la côte de Carie, dont son ouvrage contient
une carte, embrassant aussi la pointe est de Tîle de Cqs, avec des plan$
des vifles de Cos, d*HaIicarnasse et de Cnide. Le plan de cette dernière
est assez détaillé. Pçu de villes offrent des vestiges plus imposans d'unn
antique magnificence ; mais le capitaine Beaufbrt ne put les examiner
en détail. Au reste, le plan s'accorde fort bien avec le texte de Strabon,
On retrouve les deux ports dont parle cet auteur i Tîle , en face , jointe
au continent, a environ 4500 pieds anglais de tour ; selon Strabon, elle
avoît sept stades [ 1 276 mètres] , qui font ^zoo pieds anglais. Halicar-
nasse, k présent Bodroun, conserve des vestiges d'un tfiéâtre, tx
beaucoup de débris d'antiquités ; mais il est impossible d'apercevoir la
moindre trace du fameux mausolée. M. Beaufort soupçonne qu'il étoit
placé sur la hauteur qu'occupe le château de Bodroun ; il se fonde sur
ce que les murailles de ce cl^teau contiennent de nombreux fragmens
de sculptures antiques , parmi lesquels on distingue des processions
fiinèbres qui ont pu faire, partie de la décoration du monument. Cette
opinion est contraire au texte de Vitruve , qui place le mausolée au bas
de la citadelle , et non loin du port ( i ).
Au printemps de i 8 1 2 , le capitaine Beaufort reprit^ le cours de ses
opérations sur la côte de Caramanie, à partir du point ou il lesavoit
laissées, c'est-à-dire, du mont Climax. Cette montagne est séparée de
la mer, comme le disent les anciens, par une berge étroite, que les
flots recouvrent lorsque les vents du nord soufflent avec violence.
On sait qu'Alexandre, qui s'étoit engagé dans ce passage, eut peine
à s'en tirer: son armée eut dé l'eau jusqu'à la ceinture (2). C'est ui\peu
plus loin, dans» le fond du golfe, qu'est située la ville d'Adalia, ou
Satalieh , qui s'élève m amphithéâtre : là population n'excède pas huit
mille âmes , dont les aeux tiers Mahométans ; le reste est Grec. « Ces
» Grecs, dit 4e capitaine Beaufort, ne parlent d'autre langue que le
^> turc , et même leurs prières sont traduites dans cette langue ; toutefois
» les papas récitent en grec la partie principale de la liturgie; mais le
5» plus grand nombre n'y comprend rien. A Philadelphie, Chandier a
i> observé un fait analogue (3). On en trouve d'autres exemples dans
(1) Vitnjv. Archit, ji, 8, J. it, ed, Schtmd. — (2) Stiab. XIV, p. 666. De
* Plutarch. in AUxandr, J, 77, — (3) Chandier, Voyage dans l'Asie mineure, ifc.
' tom. Il, p, i 60»
lI a
atffl JOURNAL t)ES SAVANS,
y quelqoes parties de rintérieur, où la population. grecque est très-fotlile,
M par rapport à celle des Turcs. Un fait contraire et plus singulier encore
» existe à Scaia-Nova» port de mer considérable près d'£phèse; peu de
» Tares y parfent leur Rtngue couramment; mime le» aghas et lés
«jinissarrea s'expriment ' et conversent en grec, «et se font très-mal
3> entendre k nos interprètes turcs. » AdaKa contient quelques restes d'an-
tiquité, et, antre autres, quatre colonnes d'ordre corinihten , enclavées
dans les murs de la ville. Sur la frise se lit une inscription très-fruste qui
fixe la date du monument au règne d'Adrien. L'opinipn de d'Anville, qui
mttAHatitt sur remplacement d'O/^'d, est partagée par le capitaine Beau-
Ibrt, bien que h ressemblance des noms ait conduit plusieurs géographes
à y voir l'ancienne Anafea. La seule difficulté consiste à retrouver ie fleuve
Catarrhactes , qui, selon Strabon, se précipîtoit avec fracas dans la mer,
du haut d'une roche; car, auprès d'Adalia, on n« trouve que plusieurs
petites rivières qui vont se rendre sans bruit k la mer : mois peut-être
que ces rivières étoient, jadis, réunies en un seul courant , dont l'embour
chure a été changée. « L'eau de ces courans, dit k cette occasion le
» capitaine Beaufort, est si fortement iinj^gnée de particules calcaires,
«qu'elle ne peut servir de boisson aux hommes ni aux animaux. Près de
» quelques moulins, nous observâmes de gros morceaux de stalactites et
wdes pétrifications. Maintenant la large et haute plaine qui s'étend à
M l'est de la ville se termine en liilaises escarpées )e long delà côte : ces
» Glaises ont loo pieds de haut, et surplombent sur la mer, comme si
M l'eau des courans avoit continuellement coulé par dessus, et déposé
» sans cesse de nouveaux sédiincns. Il n'est don^pas ïmpossiMe que
» cette accumulation graduelle ait arrêté le cours du Catarrhactes, qui
» fomïoit jadis ime belle cascade, et l'ait forcé de se diviser en plusieurs
» canaux. »
Les ruines iSAitaha sont Ji cinq milles à l'est, dans fendroit appelé
MAI 1815). 2^9
3» gieusement changé depuis les temps anciens. Pomponius Mêla et
» Srrabon nous représentent le Cestreus et VEurymidon comme navigables;
^ quant à YEurymidon , on sait que Cimon remporta une victoire navale
» dans cette rivière. » Que ces deux rivières aient été jadis navigables
jusqu'à la distance de 60 stades [ 3 lieues ] , comme le dit Strabon, cela
n'a rien d'étcmnant » ce nous semble, d'après le volume d'eiii'et la largeur
que Je capitaine Beatufort leur a trouvés; d'ailleurs, il les a remontés lui-
même; et, quant à la bataille de TEurymédon, il n'est pas dit qu'elle se
loit donnée dans l'Eurymédon même : Thucydide se sert des expressions»
\7r Bifv(4âJhrn r«u;fc*;^i«t j(5^ m^OfjMXia ( 1 ) , ce qui doit s'entendre du voisi-
nage de l'Eurymédon; dans Plutarque, il y a «1^ w EùfviûJhvni (2) , ce
qui seroit encore plus positif; les mots \ç EÙfvfJtiJhila, Iffii^etf de Xéno-
phon (3) et de Diodore de Sicile (4) , et ceux de ad Eurymtdontem fiuvium
ûppulsâ classe de Tite-Live ( 5 ) , ou bien apud Eurymeduntem de Pomf>o-
nius Mêla (6) , n'ont sans doute pas d'autre sens. Ainsi » il n'est point néces-
saire de supposer tantdechangemenssur cette côte depuis les temps anciens,
A partir. du mont CUmaXi la côte cesse d'être escarpée; elle forme
une plage en quelques endroits marécageux. Aundelà de FEurymédon,
se trouve un amas considérable de ruines appelées Esky Adalia, ou la
TÎeilIe Attulea: depuis long-temps d'Anville avoit deviné qu'en cet
endroit devoit avoir été située fa célèbre ville de Sidé, opinion généra-
lement adoptée (7), confirmée par un voyageur moderne (8) , et mise
hors de doute par le capitaine Beaufort, qui y a trouvé une foule
d'inscriptions portant le nom de 21A.H et 2:iûhtai. Elle occupe une
péninsule basse. La ville proprement dite, sans les faubourgs, avoit
j 300 yards [ 1 1 88 mètres] de long : elle étoit entourée de murs; ceux
du côté de la mer ont été bâjtis peu solidement; mais, du côté de terre»
ils étoient extrêmement forts : leur hauteur est de }8 pieds [ 1 1 mètres 5 ] ;
ils avoient deux galeries intérieures, et éxoient pourvus de meurtrières, et
flanqués de tours de 200 pieds en 200 pieds [ 60 mètres 9 en 60
mètres 9]. On retrouve les restes des principales portes, de VAi^ora ou
place publique y d'un temple, d'un portique, d'un aqueduc; mais c^
qu'il y a de plus remarquable, c'est le théâtre, le plus grand, le mieux
conservé qui existe dans toute l'Asie mineure : le capitaine Beaufort en
(i) Thncyd. /, J. 00 : de même dans Pausanîas, X , c. /j.
(2) Phitarch. in Cimon, J. /2. — (3) Xcnoiph. Helleiu IV, S,S'30'
(4) Diod. Sic. XIV , J. 99. — (5) Th. Liv. XX XVI i , S' 2^. — (6) Pomp.
Mcla , / ^ 74 , 2. — (7) Gossellin sur Strabon ,t,IV, 2/ pan. p.J^j. — (8) Journal
des Savans, avril 1817 ,p. 248.
■ 70 JOURNAL DES SAVANS,
a donné un plan détaillé. Ce théâtre a !a forme d'un fer \ chevaT, étant
un segment de cercle de deux cent vingt degrés: son diamèire-extérieur
, a 4°? pieds anglais [ 124 Vnéires 6 ]; celui dé Varea, tîj pièdi
[ }8 mètres 1 ; la hauteur perpeiidiculaire , depoij la. Surface de rartiî
jusqu'au dernùr rang de sièges , esit de 79 pieds [ %4 niètres 1 ; il coniîeni
quarame-nfflP^ rangs de sièges, vingt-six en bas, et viifgt-trois au-
dessus du dlajoma ou large plate-ftrme, avec une galerie de communi-î
cation qui règne tout auto\ir. Les sièges sont de jparbre bfanc et
admirablement travaillés; ils ont 16 pouces -y de profondeur et J2 -j dé
large: on trouve qu'il devoir contenir i 3,370 personnes assises à l'aisci
et I 5,240 un peu pressées. Ce théâtre est dans un état paHîiit de con*
servalion : peu de sièges ont été dérangés ; les escaliers même sont eri
bon état. Il doit son intégrité à ce qu'il n'y a point de villes dans les
environs.
Un peu au-deft de SUé, on rencontre l'embouchure d'une rivière
appelée Mdnaygat, qui est le MUas de Strabon ; puis le cap Kara-
boumou, où sont des restes de murailles; puis un au^re ctp, oiiTon
trouve beaucoup de ruines d'édifices antiques, et quelques restes delà
construction dits'cyclopécnne : cet emplacement pourroît iépondre âil
lieu nommé par Strabon Ptolemais, le jeul qu'il place entrt fe fleuve
et les limites de la Ciiicie.
Ces lirnites étoient marquées par le rocher et le fort de Coracts'ium,
maintenant Alaya , séparés du continent pr un isthme sablonneux : c'est
un lieu fort misérable, mais dans une position très-pittoresque. Une
excursion autour de la montagne de Coracts'ium fît découvrir des vestiges
cfantïquitès, et) entre autres , des restes de coiutructionscyclopéennes. A
deux milles au nord-ouest, sont les ruines d'une ancienne ville entourée
de murs dont la plupart sont cyclopéens ; on y trouve aussi beaucoup
d'inscriptions grecques. Le capitaine Beaufbrt croit que c'est Zdfrfrj,dont
MAI 1819. 271
maïs le premier nom ne tarda pas à reparokre« puisque Ptolémée (1) »
Basite de Séleucie (i)f Hieroclès (3), le Chroniçgn Paschale (4), les
Chroniques ecclésiastiques, se taisent sur le nom de Trajanopolis ^ et.
n'appellent cette ville que i5r7/n(?;2/r, capitale du cznion Sélentis , nom
conservé presque sans altération dans Silinty. II y existe beaucoup
d'inscriptions, tant latines que grecques ; une» entre autres , sur laquelle «e
lit le mot 2EAIN0TN (pour XiXirovi^»!'), Notre voyageur pense qu'un
des édifices dont on voit l^s ruines à $élinty , pourroit bien avoir été le
tombeau de Trajan. Les autres antiquités consistent dans un théâtre, des
bains , un long aqueduc soutenu sur des arcades.
Dans. un second article, nous achèverons l'analyse de ce Voyage ^ si
intéressant sous le double rapport de la géographie et de l'histoire.
LETRONNE.
De l'Industrie française , par M. le Comte Ch'aptal ,
ancien Ministre de l'intérieur, membre de l'académie royale des
sciences de ï Institut , grand oficier de la Légion d'honneur,
chevalier de l'ordre royal de Saint-Michel , &c. &c. &c. 2 voî.
in-S/ A Paris,, chez Antoine-Augustin Renouard, rue
Saint-André-des-Arcs , n."* 55; année i8ip.
SECOND VOLUME.
On a pu voir; dans notre précédent extrait, à quel point Fagricultm^
française avoit fait des progrès; ceux de l'industrie manufacturière ont
aussi été considérables. M. Chaptal croit cependant que l'avantage reste
à la première, et il en donne des raisons qui paroissent très-plausibles.
Il y a lieu de croire qu'elle ne s'arrêtera pas où elle est parvenue , et que,
continuant sa marche rapide, elle atteindra le but qu'elle doit avoir en vue,
celui d#ccroître nos productions territoriales autant qu*il sera possible.
On n'obtient presque rien dans les arts sans des moyens mécaniques
ou chimiques ; de là, leur division en deux classes , adoptée par M. Chaptaf,
qui en fait l'objet de la troisième partie de son ouvrage.
Ily à trente-ans , la filature du coton par mécanique n'étoit pas pratiquée
• ' ■ . ~
(1) Ptolem. Ceogr. v. 8,p, 12$» — '(2) Basil. Seleuc. in Vita S, ThecL p, 2^1,
2p2, cité par Wesseiing, ad HieracL p. ^op. — (3) Syneccfem. p^yog, — (4) Chro-
mcon paschale, p, 2jjj C. Le texte est corrompu : £9 StAimn 7f %éh4 rit
^KtvnuLç^ lisez KiA^KMCf.
37»
JOURNAL DES SAVANS,
en France, encore moins celle du chanvre et du lin. Les cotons qu'on
emplo^oit dans nos Criques étoient fîlés au rouet ou k ta main dans les
campagnes, et sur-tout dans les pays de montagnes , oiiles ouvriers
coûtent peu : une grande partie des Bis étoit importée de Suisse , d'Angle-
terre et des échelles du Levant. E>epuis cette époque, il s'est fermé
beaucoup d'éiabfissemens où'Ies mécaniques les plus parfaites, dites
mull^jen/iys et continues, ont été introduites; ils fournissent à tous nos
besoins, si l'on en excepte une petite quantité de fil très-fin, qui vient en
fraude et qui alimente nos belles &briques de Tarare et de Saint-
Quentin.
' Celte multiplication des madiines pour filer le coton et en fabriquer
des tissus en Europe, a fait chapger de nature le commerce de l'Inde,
d'où Ton împortoit toutes ,ces toiles. Pour occuper les bras qui y
étoient employés , le gouvernement anglais les a appliqués ii la culture
de la canne à sucre et à d'autres objets que fbumissoient les iles d'Amé-
rique. La suppression de là traite des noiii, qu'à la- vérité- f humanité
commandoit et auroit tôt ou tard obtenue , et qui a été pressée par la
poUtique profonde et prévoyante d'une nation 'puissante , &c(litêia
beaucoup le moyen de propager celte industrie dans l'fnde.
On éprouva en France beaucoup de contrariétés, qui auroient dA
anéantir les efforts qu'on faisoit pour introduire parmi nous ces filatures ;
et u Ton ne p^tft , dit M. ChapuI , qu'être fr^pé d'étônnemept iQrs-
» qu'au milieu de tous ces obstacles multipliés, on a vu cette industrie
» s'établir, s'étendre et se perfectionner. Il faut convenir que ce n'est pas
» l!i un des moindres prodiges ; il honore autant Ip -caractère français
V que les victoires qui ont illustré nos armées ; il le venge de cette
«réputation de légèreté .dont on a essayé de le noircir à diverses
<* époques. II seroit difficile de trouver une nation qui , dans des drcons-
' ■ MAI r8r<j. 27Ï
employés ; aujourd'hui que le travail est décuplé par les machines , Péien-
due de l'industrie d'un pays est en raison de leur nombre , et non de la
population.
On a craint et l'on craint encore, dans quelques pays, que l'emploi des
machines n'enlève le travail à une grande partie des ouvriers de fabrique.
« La même chose est arrivée, dit M. Chapial, lorsqu'on a découvert fa
j» chimie et l'imprimerie. » Il pense , et les gens qui réfléchissent
pensent comme lui, «que les machines, en diminuant le prix de la main-
» d'oeuvre, font baisser celui du produit, et que la consomtnation aug-
» mente par le bas prix dans une progresiion plus forte que celle de fa
» diminution des bras : d'ailleurs, en augmentant les produits, on donne
M lieu à un plus grand nombre de travaux de détail, qui exigent de la
» main-d'œuvre et emploient plus de bras qu'on ne pourroit le faire par
XI une fabrication sans mécaniques , qui seroit forcément moins étendue.
» := If n'est pas au pouvoir d'une nation qui veut avoir une industrie
» manufacturière , de ne pas adopter les machines dont on se sert ailleurs :
*> elle ne pourroit ni faire aussi bien , ni vendre au même prix , et , dès-
» lors , elle perdroit sa fabrication ; c'est donc aujourd'hui un devoir de
ïî les employer, et l'avantage reste à celui qui a les meilleures. » Nous
somihes loin d'en avoir cette profusion qu'on en voit en Angleterre;
mais nous en avons moins besoin, parce que la main de l'ouvrier chez
, nous est moins chère , et parce que les Anglais , ayant du charbon
' de terre en atwndance et à bon marché , peuvent employer plus de
pompes à feu.
La chimie, plus tardivement appliquée aux arts que la mécanique, a
singulièrement amélioré notre industrie. M. Chaptal étoit bien celui qui
pouvoit le mieux faire connoître quelle influence elle a eue sur la pros-
périté de nos fabriques, s'étant livré à cette science dans l'intention de
ia servir. Après avoir rendu une sorte d'hommage à l'école polytech-
nique , cette belle institution créée au milieu des tourmentes de la
révolution, elle qui a fourni et qui fournit tous les jours des hommes
supérieurs pour tous les services publics , elle que les étrangers, économes
de louanges envers nous, ont admirée et que plusieurs copient; après
avoir aussi fait un éloge mérité de la société d'encouragement , orgaJiisée
pendant son ministère, et dans laquelle se trouvent réunis des hommes
instruits et des artistes habiles, qui examinent les inventions nouvelles,
donnent de bons conseils et accordent des encouragemens, à l'aide des
fonds qu'ils puisent dans leur propre bienfaisance; il passe en revue les
différens arts avec assez de rapidité pour ne pas fatiguer le lecteur, et
cependant d'une manière assez étendue pour leur conserver tout leur
M m
•74
JOURNAL DES JAVANS,
intérêt; il fait sentir ce que les arts ontgigTtépai* eHe\«til]Ffronve qiié
lés sciences, loin d'être dédaignées'dansiin^Éuf ^neiauroierit y^tte'trop
accueillies, quand elles sont dirigées vers l'utilîté commune. L'àiiteur
pàrta^ ce qu'il doit dire de fitifluence des arts chimi^es,'ëh 'tK)is
classes , d'après les troh règnes de fa nature qui ont fourni fés ' ttMdères
premières. Nous ne le suivrons pas dans f exposé qu'il fait dfe FéUt
actuel'de notre indostrie maiiuftcturière;il'ti4ite chaque bb|et dansntt
article séparé, comme il a fait préoédemnienf à Tégarddu cotiimerce et
de Tagnculture, et il tire les conséquences qikev6ici:
. «Les produits de-l'industrie manufacturière représehtént viieWeur
3» CoAitnerciale de i ,820, 1 02,409 'fi*.
» Cette valeur se tomposfe, t.* d'environ 4^16 millions en matièm
^premières indigènes;
j» 2.' De I 86 millions en matières premières exotiques;
M 3.* De 844 millions de main-d'teavre ;
» i.' De i^ millions de dépenses générales, telles qiAisé d'outils.
» réparation , chaufl^ge , éclairage ; intérêt dfc la première inisé de fonds
» pour constructions, achftts de métiers, &e.
» ;." De i8a,00'$,2ii fr. pour bénéfices du fiBrijcant.
n Ed retranchant du produit total 4 < ^ millions que Tindustrie manu-
»&cturière emprunte i PagricUlture en matières premières, il restera
» i,4o4f 102,409 francs, qui r^résentent les frais de fabrication de
.» tout genre, la main-dTAcuvre, la videur des matières ittiportées et
w les bénéfices du manufacturier. »
11 s'agit, dans la quatrième et dernière partie, definfluence du gouver-
.nementsurriadustrie: oa n'a pas de peine à croire qu'il en à beaucoup;
mais eh quoi elle consiste , c'est ce que M. Chaptal développe. Tous les
gouvememens sont maintenant persuadés que l'agricultuiie, le commerce
et les arts, sont fa force et ta richesse d'une nation : mws rtlane suffit
MAI i8[0.
ifS
bornerifaciliierlesapprovisionnemensjà garantir la propriélé, k ouvrir
dés débouchés et à laisser la plus grande liberté. Presque tous les cha~
pitres de l'ouvrage de M. Chapial servent de développement à ces
principes généraux.
Inutilement le gouvernement prolégeroit les fabriques par des lois de
surveillance plutôt que par des lois de contrainte, si ceux qui en sont
propriétaires ne se conduisoieni pas de manière à pouvoir réussir. La
première chose, celle qui est la plus importante , et sur laquelle M. Chap-
ial insiste, est la bonne foi. On a toujours dit qu'elle étoit i'ame du
commerce: elle doit se trouver encore pius parmi (es manufacturiers:
s'ils trompoient les étrangers, ils ne nuiroieot pas seulement à eux-
mêmes, mais feroient tort k toute leur nation. On en a eu plusieurs
exemples dans nos relations avec les Américains et les Levantins. Autre-
fois le Gâtinois vendoit h l'Allemagne beaucoup de safran ; mais l'expor-
tation a diminué , parce que , dans les envois, on a mêlé des étamines aur
pistils, pour augmenter le poids. La cotifiance une fois perdue revient
difficilement.
Le fabricant , s'il veut avoir des succès , doit se conformer au goût et
aux besoins de tous les peuples et aux prix comparés des objets de
consommation, maintenir sa fabrication au niveau des connoissances
acquises, diriger tous ses efforts vers (es moyens d'améliorer et de
perfectionner ses produits, apporter de l'économie dans ses travaux,
simplilier ses procédés , choisir les emplacemens convenables et les pays
oîi se rencontrent le bas prix de la main-d'œuvre, la facilité d'avoir dés
combustibles, de faire des appro vision nemens et de débiter ses marchan-
dises; il làut sur-tout, et M. Chapial a bien raison de le recommander, ,
qu'il n'ait pas la manie des constructions , capable d'enlever des capitaux
et de ruiner des établissemens, souvent à peine formés, quelquefois
même avant qu'ils aient donné des produits. Un genre de luxe seul est
permis, c'est celui des améliorations; ajoutez à cela la bonne adminis-
tration et la police des ateliers.
En lisant le chapitre sur les traités da commerce , on voit qu'ils ne
sont nécessaires que quand deux nations ont besoin de se lier pourdw
échanges de denrées que l'une d'elles ne pourroit se procurer autrement^
Le plus ordiniireinent ces traités ont montré de grands inconvéniens :
d'abord ils provoquent des représailles de la part des autres nations qui
ne participent pas aux inémes-avantagtWï St-i'on stipule la concurrence
dans sa consommation entre les produits de son industrie et ceux d'une
autre industrie plus parfaite, on appelle la défaveur sur les siens, on
décourage l'entrepreneur .oniicrifie la richesse de la main-d'œuvre , et l'on
Mm 1
37* JOURNAL DES SA VANS,
te consuiue tributaire de m rivale. Les cbsngeinens ^i arrrroil dans rin-
diuirie» font naître de nouTeauz intér6ti , qui s<»vent ne peuvent «'allier
avec let condition* du traité; souvent Tune des parties, s'apercevant
qu'elle est lésée, clierdie il éluder Texécution; de &, des querelles,
une rupture, la guerre. Un traité entre deux puissances inégales est
iiB asservissement pour la plus foible. Lorsqu'un traité repose sur le
commerce des prodoits de findustrie d'un pays contre les producrions ,
territoriales d'un autre, dès-lors il y a lésion pour ce dernier, parce que
Iff premier s'est déjii approprié une main-d'œuvre qui quadruple la valeur
des objets donnés -par lui; il a donc dé^ enrichi sa population : il en
résulte que les traités ont toujours été favorables aux nations mami-
facmriéresi &c.
Dans un chapitre, M. Chaptal fut des obsemtïont également judi-
cieuses sur les régfemens de fabrication , dont il fiût connoftre les grands
inconvéniens : dans un autre, il rapporte sur le même sujet les opinions
des manufacturiers; la partie édaliée d'entre 'eux n'en voudroit pas:
d'autres chapitres sont consacrés & ce qui concerne Tapprentissage, te
compagnonage, les maîtrises, les corponâotu; par-tôut il proscrit les
gènes , il se montre ennemi de ce qui peut étouffer et arrêter le calcul,
l'émulation et le perfectionnement. Quant i la police des ateliers et à la
iégblatîon de findustrie, il n'y trouve rien & clianger; elles ont été
établies depuis peu et arec sagesse. II y a sans doute des cas ob le
gouvemementdoitdonnerauconsommateurdes garanties pour quelques
produits d%iduitrie; M. Chaptal spécifie ces cas t par exemple, lorsqu'il
a'agit du titre de l'or et de Fargent, de la solidité d'une teinture &&»
parce qu'on pourroit impunément et &cilemenl tromper le consomma-
teur, qui ne peut s'y coimoître.
L'ouvrage enfin est terminé par des articles très-importans, que la
longueur donnée à cet extrait ne nous permet pas de développer, savoir ,
MAI 1815;
Histoire littéraire d'Italie, pnr P. L. Ginguené, «fc.j j
l'Institut royal de France, Paris , chez Michaud , 1819.
tomes VH, VIIÏ et IX, 3 vol. in-8 ." , \'ù] , 620, 526 et '
500 pag. Prix, 2 1 fr.
Un cours de Iitiéra.tiJre italienne, commencé h l'Aihénée de I*àrîs,' <
en 1802, a donné naissance h cet ouvrage, doiil les six
. I
premiers VO'
lûmes ont paru en 1811, 1812 et 1 8 1 j. L'Histoire Hitéraire, depuis
•'époque où Bacon en marquoit ia place encore vide dans le tal.leau
les connoissances humaines, a été le sujet d'un grand nomljre de livres '
jui différent entre eux par {a dislributioii et le tlioix des matières, au- '
tant que par les formes du style. Quelquefois, après des considérations
générales sur l'éiat et Je progrès des lettres en chaque siétle, on s'eti '
astreint, pour les détails, pour les notices particulières, h l'ordre pure- '
ment chronologique ; tous les écrivains qu'on avoit h faire connoître ont
été réunis , quel que fût leur genre , dans une seule et même sçrie , selon *
les dates connues ou présumées de leurs travaux. Souvent, au contraire,
ceux d'un même siècle ou d'une même période ont été immédiatement
divisés en plusieurs classes , sous les titres de théologie , jurispru-
dence, médecine, sciences et belles-lettres : c'est la méthode qu'à
l'exemple deTiraboschi,a sui\ie M. Gin ;;uené. Mais Tiraboschi. malgré
l'étendue de son histoire, n'y fait entrer ordinairement aucune analyse,
aucun examen des productions dont il indique les auteurs. S'il trans-
crit les jugemens qu'on en a portés, s'il y joint même le sien propre,
il laisse le soin d'en chercher les motifs dans la lecture des ouvrages , et
ne commence point à les lire avec nous. Cette tâche est celle que
M. Ginguené s'est principalement imposée : en resserrant les détails
biographiques qui occupent tant d'espace dans les volumes de Tira-
boschi, il a fait sur-tout l'histoire des productions littéraires, fe
tableau des essais, des écarts, des chefs-d'œuvre de tous les talens; il
a suivi ou recherché les traces des lumières qu'ils ont répandues, des
erreurs qu'ils ont propagées, de l'influence qu'ils ont eue sur les habi-
tudes sociales, II falloit, pour recueillir de telles observations, et pour
les rendre sensibles, un écrivain exercé par de longues études, dont
l'esprit fût étendu, le goût pur, le style élégant, flexible et précis.
Car il ne s'agissoit plus d'un simple rapprochement de faits, de rela-
tions et de témoignages , d'un travail enfin que la science ou la patience
est toujours sûre de finir, quand elle y procède avec méthode : il fâlloil
>>enser> sentir, ^elguefoi» peindie, toujourj exprimer, pénétrer dans
az8 JOURNAL DES SAVANS,
la substance même d'une riche littérature* et donner à tes innales Tem-
pretnie de son génie.
M. Ginguené, dans tes trois premieri volumes, avoit conduit fHis-
toiie littéraire de Tltalie. jusqu'à la fin du xr.' sièclç. En comm^Ktpt
le tome IV , il avoit divisé en trois parties le tableau du si^e de Léon X :
i." poésie, a." étude des sciences et des langues anciennes, 3.' prose
italienne, philosophie, histoire» nouvelles, &c. Deur seuls genres de
poésie, répopée et les poèmes dramatiques, ont suffi pour remplir et le
tome IV et les deux luirans. On s'attendrait à trouver daru le VII.* This-
toire;des autres genres poétiques; mais fauteur annonce, dès les pre-
mières pages de ce volume, qu'il a modifié son plan et jugé à propos de
placer plusieurs articles de la seconde partie et de la troisième avant ceux
de la première, qui lui restoient & traiter. Nous oserions ne point partager
loa avis sur ce point ; cette transposition ne nous semble offiir aucun
avantage, et nous croyons qu'en général il y a peu de profit à inler-
Wtir f ordre naturel des parties «ruti grand ouvrage, «c En m'occupant
7» plus long-iemps de fictions» <£t M. Ginguené j de, jeux de Tîmagina-
» tion, et def purs amusemens de fcspiit, j'autoriserais & croire que,
nilins ce grand ciague ctntu l'iulîe n'eut-^ie des poètes; et quand je
M voudrais enfin reporter Tattention sur des objets plus sérieux^ je la
«trouvcroia prévenue et distraite. L'esprit du lecteur auroît peine à
M revenir de ce rêve trop prolongé k des réalités moins bnUantes. » Un
incoftvénient peul--étTe plus- réel que celui dont l'auteiir s'est alarmé,
dt de terminer une à mémorable histoire.par un long chapitre sur des
soitnets depuis long-temps oubliés. Quoi qu'il en soit, on a dA, en
publiant ces trois volumes , se conformer \ la dernière disposition que
M. Ginguené avoit donnée aux chapitres qui la cnnpose^t: mais nous
nous permettrons de suivre, daJas le compte que nous en devons rendre,
l'ordre que qous aurions prifêfé, et npus commencerons par le tome IX ,
IvfAI 1819.
279
'niîers qu'il fait connoîire. Le second peut nous intéresser d'autant plus,
qu'if a été composé en Fnince, où l'auteur vivoii exité, et qu'il con-
tient deux cents beaux vers sur François I." et sur son royaume. Ce-
'pendant on seroit tenté de cioîre que ce poème est peu connu en
France, lorsqu'on voit Saint-Lambcit, Fosseï et Delille, en des discours
préliminaires sur la poésie géorgîque, parler d'Hésiode, de Virgile, de
Rapîn, de Vanière, même de l'Arninte et du Paslor fido, qui tiennent
fort peu k ce genre, et ne faire aucune mention de la Colthayone de
rAIaiiianni. «Cela est surprenant, dît iM. Ginguené; disons mèine que,
» lorsqu'il s'agit d'un des meilleurs ouvrages de la poésie moderne , écrit
» dans uiie langue dont personne ne conteste la Iieauté, que tout le
" monde regarde comme facile, que Ijien des gens se dispensent d'ap-
» prendre parce qu'ils prétendent la savoir, cela est un peu honteux, n
'Ce qui caractérise ce poème d'Alamanni, et ceux de Bernardino Baldi
sur la navigation, de Muzio sur l'art des vers, du Scandianese eid'Erasmo
da Valvasona sur la chasse, de Paolo del Rosso sur la physique, &c.,
^'est qu'ils sont réellement didactiques, qu'ils offrent des tissus de pré-
ceptes et de notions précises ; que les épisodes n'y éclipsent pas le sujet ,
et que les auteurs ne se bornent point à intituler du nom d'un art ou d'une
science un amas incohérentdedescriptionseide récits disparates. M. Gin-
guené s'est presque abstenu de toute application critique de cette obser-
vation : mais on voit bien qu'il sentoit qu'adinellre un prétendu genre
descriptif, c'est dénaturer ou éteindre le genre didactique proprement dit.
Parmi les satires italiennes du genre sérieux, M. Ginguené distingue
celles de l'Arioste, de l'AJamanni et d'ErcoIe lientivoglîo. II ne néglige
rien de ce qui en peut faire sentir l'originalité ; mais il nous semble qu'à
l'exception de quelques morceaux de l'Arioste, on ne sauroit retrouver
dans aucune de ces satires, ni l'énergie de Juvénal, ni l'ingénieuse
malice d'Horace, ni l'heureux mélange de ces deux caractères, tel
qu'on l'aperçoit dans Boileau et dans quelques satiriques français plus
modernes. La prééminence que les Italiens auroient ici à revendiquer
n'est pas fort glorieuse; ils ont inventé la satire burlesque, et y ont
conservé une supériorité qu'on ne doit ni leur contester ni leur envier.
Ceux qui les ont voulu imiter en ce genre, l'ont à jamais désho-
noré parmi nous, en ajoutant à la trivialité des idées la grossièreté des
expressions, tandis qu'en Italie, ainsi que M. Ginguené n'a point
manqué de l'observer, la bouffonnerie des pensées se concilie avec
l'harmonie du rhyihme, la pureté du langage et les grâces du style. Ce
genre, créé au xv.* siècle par le Burchiello, fut cultivé au xvi.* par
lé Bemi, Giovanni Mauro, Giovanni deila Casa , Varchi, Firenzuola,
2to JOURNAL D£S SAVANS,
Grazzini dît le Lasca, l'Arélm» Simeoni et Caporali. En France « dît
M. Ginguené, une des meilleures sauve-gardes pour la décence est da
f avoir rendue de bon goût. Nous croyons , en elfet , qu'un des signes
du progrès que la dviOsation a fait parmi nous, c'est que ces poésieS)
dont la licence sembloit si piquante aux Italiens du xvi.* siècle, ne
nous paroissent plus que âstidieuses. S'il y aToit,une exception k faire , ce
seroît en&veur de Caporali , qui t'est eiforcé d'appliquer à des sujets moînr
ignobles les formes de la poésie burlesque. Tl a ^lu ï M. Ginguené
beaucoup d'an et de soin pour ne rien extraire de toutes ces satires qui
fîiit indigne de la gravité d'une histoire littéraire, et pour donner cepen-
dant une idée ^te et complète tfun genre si capricieux, en caracté-
riser les différentes espèces, en indiquer les écarts, en montrer Fin-
fluence. On trouve ici, comme dans les autres chapitres, d'excellentes
notices biographiques ; car l'auteur ne néglige pas cette partie de son
travail, quoiqu'il choisisse les détails, et n'admette que ceux qui inté-
ressent parce qu'ils instruisent.
Le texte de M. Ginguené finit avec le premier article du chapitre
suivant: cet article concerne le cardinal Hembo, considéré comme poète
lyrique et chef de Técole des pétratquisies. Tout le reste du volume
appartient k IVI. Salfi, littérateur italien, déjà connu par d'autres essais
data notre langue. On est sûr de retrouver dans cette continuation autant
de faits , autant de recherches que dans Touvrage même. Mais la mianière
d'observer , de sentir et de piger , ne se transmet point ; elle est propre k
chacun , à moins qu'elle ne le soit ï personne ; et en disant que M. Salfî
n'emprunte pas celle de M. Ginguené, c'est un éloge , et non une cri-
tique , que nous croyons kin de l'un et de Fautre. S'il étoit vrai que
M. Salfi eût attaché à certaines productions de la littérature de son pays,
plus d'importance qu'elfes n'en auroient eu aux yeux de l'auteur qu'il
continue, cette erreur seroft encore honorable, et pourroit d'ailleurs
MAI r8it).
ail , les idées et le style de M. Salfi. Voici <
l'ii dit
eux-mêmes le travail,
des sonnets de Guidiccioni.
« Guidiccioni, malgré sa vénération pour Pétrarque, n'emprunte pas
a» toujours de lui les sujets de ses poésies , et donne , autant qu'il jieul , à
» son style, une couleur qui lui est propre. Les pétrarquistes de son
M temps regardoient comme indispensable de chanter l'objet, soit réel,
» soit imaginaire, de leurs amours platoniques. Guidiccioni paya ce tribut
M aux lois de son école, et sa muse chanta ses malheurs personnels. Mars,
» encore plus touché de fa triste position de l'Italie pillée et déchirée par
» l'étranger, il obtint de sa muse des larmes plus honorables sur les
» calamités de sa patrie. Tantôt il fait invoquer, par le Tibre désolé,
n François-Marie de la Rovère, pour qu'il vienne délivrer Rome, cette
» nourrice des héros , du vil joug de ses assassins , qui n'épargnent tii [es
» trésors des temples ni le sang plus sacré des innocens. Tantôt il entend
» les accens plaintifs de cette reine des nations ; et, pleurant avec elle sa
» gloire et son empire depuis long-temps déchus , il admire encore , dans
M son esclavage, les restes de sa majesté. II voudroit aussi réveiller l'Italie
nda pesant et long sommeil qui la rend plus stupide qu'esclave; il
» l'exhorte à contempler ses blessures, à regretter la liberté dont on l'a
» dépouillée; et, lui rappelant la condition de ses oppresseurs, qui jadis
» ornoient ses triomphes, il finit par lui dire que l'unique et véritable
» cause de leii;- puissance et de sa misère n'est que sa propre volonté,
» L'importance du sujet oblige le poète à donner à son style un ton de
«gravité et de force qui en devient (e caractère dominant, et qu'on
» retrouve jusque dans ses poésies erotiques, aJors même qu'il trace
» des images délicates ou légères .... Ses tours et ses expressions conser-
» vent ordinairement de la noblesse; quelquefois on y voudroit moins
» d'efforts et plus de clarté. >i
En distinguant les différentes sectes de poètes lyriques et les caractères
de leur poésie , M. Salfî n'a point négligé les formes particulières de
leur versification. Il raconte, par exemple, comment Brocardo et
Tolomei, renouvelant un projet conçu par Léon Alberiî au xv,^ siècle,
essayèrent de soumettre la poésie italienne aux lois de la versification
latine. Urocardo publia des règles et des exemples de cette espèce de
vers, promettant de les appuyer sur des principes de philosophie et de
musique. Cependant, on eut beau composer des vers italiens hexa-
mètres, pentamètres et d'autres mesures pareilles, cette théorie n'a
jamais pu s'accréditer, et M. Salfi est persuadé qu'il n'en faut concevoir
aucun regret. 11 félicite la poésie italienne d'avoir coiiservé l'harmonie
qui lui est propre, celle que le génie même de la langue avoit révélée
m
aS2 JOURNAL DÉS SA VANS.
bu Danie et à Pétrarque. Selon lui , c^éloît égarer les talens des poètes
modernes, que de les entraîner dans des routes antiques qui n'étoient
^XHAt tracées pour eux. On a Mt, en France , des tentatives semblables
qui n'ont pas mieux réssst. En Italie, d'autres versHkuteurs essayèrent
tertaiAes fonoes rfaylhmiquea ptul analogue au caractère de leur langue ;
ils firent dès vers de iteize, quaioise, seize, dix-huit sylPabes, de j^us
IfHigs encore; mais ce n'itoit jamais que la réunion de deux vers ordi-
naires. Celui de dix-huit syHabes , qai a été employé par 'Bafdi, en com-
prend nn de- sept et un de onze. Ainsi tout ce procédé n'aboutis^t qu%
écrire sor une même ligne deux vers tr^s^stincts et séparés par un
repos ; invention ridicule , dit M. Salfi, puisque c'est & l'oreilki et non
pas aux yeux , qu'il appartient de ^>ger de le mesure des yen.
l liste , un peu loi^ue , de ces poètes lyriques se termine su moins
par un nom. célèbre : le Tasse, s'il n'avoit un titre \ une gloire nnmor-
telle, pourroit mériter par ses cenr^oni, et même par ses sonnets, une
réputation tH-illante. Ses poésies lyriques conservent, dans les extraits et
fes traductions qu'en dcaine M. SiNï, on trés-liaut degré d'intérêt, et
ijne fupériorhé décidée sur toutes celles de ses contemporains. La cfis-
tance du génie au talent est ici fort sensible. Le Tasse avoit hétité de son
père Bernardo l'harmonie du vers et la noblesse du style; il y ajouta,
dit notre auteur , la vivacité des images et la chaleur des sentiniens.
Bernardo , dans des poésies plus pastorales que Ijiîques, n'étoit guère
qu'un pétrarqniste un peu moins servile que bien d'autres : Torquato
n'est d'aucune école, pas même peut-être, quoi qu'en dise M. Saffî, de
celle de Piiidare. Mais il est vrai qu'au lieu de ce maintien si posé que
Pétrarque conserve toujours, lors même que le sentiment Tanime et
l'embrase , le Tasse, libre dans sa rharche , hardi dans sa course , s'élève par
élans , et parcourt , sinon sans péril , du moins sans fi^yeur, tout le champ
[ue lui ouvre sa vaste imagination. C'est vériiablement une ode que le
MAI 1819. xis
nombreux, fes succès sont fort rares. Quoique les sujets de ces poésies
soient très-divers , puisqu'il y en a de religieux et d'erotiques , un obscur
et froid mysticisme règne presque également par-tout ; et l'art se montra
trop à découvert , pour laisser apercevoir aucune trace d'une véritable et
profonde sensibilité. Au surplus, on réduiroit^ d'assez minces recueils
toutes ces productions iyriques des poètes italiens de Tim et de l'autre
sexe, si Ton en retranchoit les formules devenues triviales, comme les
cheveux d'or, les cous d'albâtre, les yeux étincelans, les cœurs enflam-
més , et les astres et l'Aurore , et Zéphyre , tous les lieux communs enfin de
la mythologie erotique. Les vrais poètes sont ceux qui savent substituer
ou niéler au nK)ins à ce verbiage l'expression vivje de quelque sentiment
ou de quelque pensée originale; et c'est un mérite qu'on ne peut guère
attribuer, parmi les lyriques italiens, qu'à Pétrarque, à Guidiccioni,
quelquefois à Costanzo, et presque toujours au Tasse.
L'extrême utilité du volume dont nous venons de rendre compte, est
d'indiquer les poèmes qui ont conservé un grand intérêt , et d'offrir une
analyse instructive de ceux dont la lecture ne seroit plus d'aucun profit»
Dans un second extrait , nous ferons connoître les tomes VII et VIII , qui
traitent de la prose italienne du XVI/ siècle.
DAUNOU.
"pv^i^^^app
}A 43 U Lu. Les cinquante séances du Hariri^
en arabe , ou les Aventures d*Elhareth et à'Abouieid de Seroudje,
par Abou Mohammed £icassem Elharîri de Basra ; publiées
par M. Caussin de Percevai, chevalier de la Légion d' hon-
neur, &c. Paris, 181S/ 253 pages in-S.^ (i).
En rendant compte, en 181 1, dans le Magasin encyclopédique ,
des deux premiers cahiers du tome I des Mines de l'Orient ( Afag.
tncycL ann. i8ji, tom. I^p.iii), nous annonçâmes que nous nous
proposions de donner une édition complète du texte des Mékamat , ou
(i) Ce volume se vend chez l'éditeur^ au Collège royal de France, place
Cambrai , et chez M. Eberhart, imprimeur-libraire, rue du Foin-Saint Jacques ,
n.** 1 2; MM. Debure frères, libraires du Roi, rue Serpente , n.** 7 ; MM. Treuttel
et Wiirtz, libraires, rue de Bourbon, n.** 17, et aussi à Strasbourg, rue des
Serruriers, et à Londres, 30 Soho-square; M. Voland le jeune, libraire, guaî
des Augustins, n«^ 17 bis.
Nn 2
2.H
JOURNAL DES SAVANS,
Séances de Hariri , avec des gloses- arabes , et que nous ne tarderions pas
- à nous en 'occuper ; et M. Schnurrer ne manqua pas de Ëtire mention de
celte annonce à la iîn de.sa Bibliothtca arabica, qui parut la même année.
En effet, nous mîmes la main à ToeuTre dès l'année iSi); et l'impri-
merie royale, autorisée par le Gouvernement à se charger de t' exécu-
tion de cette édition, se mit en devoir de disposer une fonte des trois
divers corps de caractères arabes des Médicis , que nous desirions em-
ployer à cet ouvrage,, et qui sont ceux dont on a fait usage dans les
éditions des Quatre Evangiles, Rome, ijpi; Ats 0£uvres médicales
d'Avicenne, Rome, ijpj, et des Élémens d^udide, Rome, ijfj^'
Par suite des événemens politiques de 1 8 1 4 et 1 8 1 ; , et d'une multi-
tude de circonstances imprévues , la fbnie des caractères , souvent inter>
rompue, n'-est point encore entièrement terminée. Pendant ces délais,
en grande parité involontaires de notre part, une édition du texte de
Hariri, qui avoit été commencée à Catcutia dès 1809, et dont nous
n'avions aucune, connoissance , fût terminée en trois volumes in-tf' Le
premier porte la date de 1 809 ; le second , celle de 1 8 1 1 ; le troisième,
qui contient un dictionnaire arabe-persan , destiné à l'intelligence des
Mékamati est daté de i8i4> Lorsque -nous eûmes connoissance de cette
édition, nous pensâmes que Tintention de Féditeur étoit d'y joindre un
commentaire, et nous n'avons été détrompés que lorsque nous eûmes
réussi avec beaucoup de peine à nous procurer ce troisième volume.
Nous reprimes alors le projet que nous avions presque abandonné , et
nous nous disposions à en presser Texécution, lorsque nous apprimes
qu'une seconde édition du texte venoit d'être feite à Paris. C'est celte
édition que nous annonçons aujourd'hui.
Pour peu qu'on ait quelque connoissance de la littérature arabe, on
sait ce que c'est que les Afékamat ou Séances de Hariri, en quoi con-
siste le mérite de cet ouvrage, combien est grande là réputation dont
MAI l8lp. 285
dans des traductions. II seroit donc superflu d'entrer ici dans aucun
détail par rapport à tout cela ; nous dirons seulement que M, Caussin
promet une traduction française de tout Touvrage.
Maintenant, la seule tâche que nous aurions à remplir, ce seroit d'exa-
miner l'édition que nous annonçons , sous le point de vue de la critique du
texte, et de la correction de l'impression. Nous ne pourrions entrer dans
que/que détail sur ces deux objets, sans multiplier les citations et re-
buter la plupart des lecteurs. Nous nous contenterons donc de dire que,
quoique l'éditeur, en ne mettant que rarement les voyelles, ait évité
une des plus abondantes sources de fautes typographiques, son édition
cependant n'est pas exempte de ce genre de fautes; on y remarque aussi
en quelques endroits des erreurs de syntaxe, dont plusieurs, au surplus,
doivent peut-être être mises sur le compte de l'imprimeur : on les eût
évitées en se conformant à l'édition de Calcutta. En- suivant cette même
édition , on auroit aussi échappé à un autre genre d'erreurs , je veux
parler de celles qui concernent la prosodie et la séparation des vers en
hémistiches. Ce point est le seul auquel nous nous attacherons, parce
que cet objet a été trop négligé par nos meilleurs orientalistes^ et que
nous n'y avons pas donné nous-mêmes précédemment assez d'attention.
li suffit cependant, pour en apprécier l'importance, de fiûre réflexion \
que c est un des plus sûrs et des plus féconds moyens de critique aux-
quels un éditeur puisse avoir recours. On nous permettra de justifier
notre critique par quelques exemples.
Séance VI, p. 2j. II y a ici une ode de quatorze vers, de la mesure'
nommée JASÔl ; l'éditeur a mal divisé les deux hémistiches des vers 3 ,
f , 1 1 et 13.
làid, p. 2(1', Une pièce dfe cinq vers seulement présente plusieurs
fautes graves : ces vers sont de la mesure nommée cj>jlji>ilf« Le premier
hémistiche du premier vers se termine par le mot *j>dt, qui devoit être
écrit ainsi, et non pas «ujaII, puisqu'il faut qu'il rime avec A^j^lt, dernier
mot du second hémistiche. Dans le troisième vers , ^^^ doit être pro-
noncé ^»4a5 , sous peine de ne pouvoir trouver la mesure, et il étoit du
devoir de l'éditeur de l'indiquer. Le quatrième vers est écrit ainsi :
Mais pourquoi Féditeur a-t-il fait une césure au mifîeu du mot cjtj-Jf,
césure qui détruit entièrement la mesure du vers! II falloit, pour qu'on
pût le scander, écrire:
tU JOURNAL DES SAVANS.
Sénnce Vil, p. 27. II y a ici une pièce do 1 3 ver» qull ftlloit ou n«
point séparer va, deux bémUtidtei, ou séparsr régwKèKinent. Cette pi^s
^&t de la mesure appelée ^j^t , et chaque vMs se compose de qiMtre
idmèctpmdéei [Jim^vlr&ntjTLBV^en i-, 4, 7 «t 8 sont mât <£vttte:dans
ces qwtre veii, h demïere syflafae des mots ulj^M'—jUdt— jlzk^^jUat
appartient au second hémistrcfae ; H fiilloît donc indiquer fa division dis
Ces mots, commtfvn a intfiqué au dciuraème vers celle du mot ^J^'.
■ La Séance vitl ofire encore des exemples Frappans du même défaut,
p. jtn ^t. Voici 'trois vers dont les Iiémistt<:ites sont ainsi divisés par
fédireurf ' .
L^jiJ^j oui-" li-*ù*
Ii&(loit,pourqu'on.pûl scander ce» T»s. qui sont de U mesure nommée
.>.j4|I , (es diviser tout autrement , et fîxw- la prononciation de plusieurs
mois ea celte «Mnfdrai
Uj;Uu J^\ uu^ i>u-
_4J i^jV ïjr^l ^jût
Dans les deux petites pièces. dVni ces vers sont ^rès, il y a encore bien
de$ cfioses à corriger, si l'on veut les Kander.
On sent qu'il nous seroit facile de multiplier les exemples de pareilles
inexactitudes', quidoîvent se reproduire par-tout dans ce volume, comme
dans presque tout ce qu'on a publié (usqu'id. Comme notre intention
t bien moin» de relever une néeligence trop ordinaire , et que nous
MAI 1819. 287
des Fables de liokman, et les trois premiers chapitres de FAIcoran. Nous
ignorons pourquoi aucun de ces trois ouvrages n'a de frontispice. Cela
nous a engagés à indiquer en note les divers libraires chez lesquels
on peut.se procurer cette édition de Hariri. Nous ne pouvonsf pas dire
que les caractères arabes qui y ont servi soient beaux et dignes de riva-
liser avec ceux de Savary ou des Médicis; mais cela n'empêche pas quâ
nous ne soyons convaincus que M. Caussin a rendu un grand service
à la littérature orientale, en mettant à la portée de tout le monde url
nouveau moyen de publier des textes arabes. On doit aussi lui savoir
gré d'avoir offert aux étudians la facilité de s'exercer sur un auteur qu'oii
pouvoit regarder comme inédit, attendu ie haut prix de l'édition de
Calcutta , et l'extrême difficulté qu'on éprouve à se procurer en Europe
les livres imprimés dans l'Inde.
L'édition des Séances de Hariri , donnée par M. Caussin, nous avoit
d'abord paru un motif suffisant poui- renoncer tout-à-fait au projet d'en
donner une nouvelle; mais des réflexions faites avec plus de sang froid,
et les désirs de divers amateurs de la littérature arabe, nous ont &it
changer d'avis. Notre édition, qui sera accompagnée d'un choix dé
scholies arabes, et où le text^ sera imprimé en entier avec les voyelles,
offrira aux étudians plusieurs objets cfuttlité réunis. Nous espérons eh
commencer l'impression dans quatre mois.
SILVESTRE DE SACY.
Lettres inédites de Henri H , Diane de Poitiers , Marie
Stuûrt , François, roi dauphin , adressées au connétable Anne
de Montmorency.... ; ou Correspondance secrète de la cour sous
Henri II , avec estampe et fâc si mi le de l'écriture des prin-
cipaux personnages ; d'après un manuscrit inédit de la Biblio-
thèque du Roi; par M. J. B. Gaii , chevalier &c., lecteur
et professeur royal de l'académie des inscriptions et belles-lettres ;
conservateur des manuscrits grecs et latins de la Bibliothèque
du Roi, &c. &c. Paris, chw Ch. Gail neveu, au Collège
royal; Treuttel et Wiim, ï8i8, in-S.'
Parmi les documens recherchés et consultés par les personnes qui
font une étude particulière de l'hislorre moderne, il en est peu d'aussi
intéressans que les lettres particulières des personnages qui ont figuré sur
, a88 JOURNAL DES SAVANS.
la scène politique. Dans .quelques lignes Iracéei avec Fabandon du
sentiment, et avec la confiance de l'intimîié, un prince, un grand
faomme d'état, un guerrier .iâmeux, se montrent parfois à la postérité
.$ous le vrai point de vue qui permet de les juger impardalement.
On doit donc encourager la publication des correspondances inédites
dont I^s détails peuvent ou édairdr les événemens historiques, ou révéler
les moti^ politiques » ou même seulement donner une idée juste du .
caractère des personnages célèbres.
- I^e reci^il que publie M. Gail est de ce genre. Il contient trente-sis
lettres originales.
Le connétable de Montmorenci avoit été-fait prisonnier à la bataille
de Saint: Quentin le lo août i^f7;il n'obtint sa liberté qu'en ijj?.
C'est pendant qu'il étoit prisonnier, que lui furent adressées trente-cinq
de .ces lettres ; la trente-siicième est de lui.
Plusieurs des lettres adressées au connétable (i) sont de Henri II:
on y trouve avec plaisir l'expression d'un attachement sincère; et M. Gail
a eu raison d'opposer au jugement sévère d'un de nos historiens, les
témo^nages de sensibilité qu'on remarque dans cette correspondance.
Le connétable ayant obtenu sur sa parole la permission de se rendre
auprès du Roi qui étoit au cainp d'Arras , ce prince l'accueillit avec bonté
et distinction ; il daigna partager avec cet illustre sujet et sa chambre et
son lit. On n'est pas surpris de cette marque de bienveillance familière,
en lisant les lettres de Henri II au connétable.
Celui-ci fut délivré , lorsqu'on traiioit la paix de CateaifCambresis ,
en > J 59, moyennant deux cent mille écus. M. Gail trouve la somme
exorbitante ; mais il est permis de croire que le prix de la rançon fût
réduit de moitié, puisqu'il devoit l'être ainsi, dans le cas oii la paix
seroit conclue.
Je regrette que réditeur n'ait pas eu l'Idée de classer tes lettres de
MAI 1819. 289
ail manuscrit qu'il publie. Une note de ce manuscrit attribue à. Mar-
guerite de Valois , fille de Henri II , et depuis épouse de Henri I V , la
lettre n,' 26, signée Marguerite de France. M. Gail n'auroit sans
doute pas eu égard à cette indication y s'il avoit comparé la date de- la
naissance de Marguerite de Valois, née le i4 mai 1552, avec lépoque
de la prison du connétable en 1 5 57 et 1 5 58 : il n'est guère probable
que cette lettre ait été adressée au connétable prisonnier par une prin-
cesse âgée seulement de cinq à six ans.
Ce qui ajoute à l'intérêt qu'offre la publication de ce recueil, c'est que
l'éditeur a eu soin d'y joindre des fac-simiU de chaque écriture : il a
donné d'abord le texte tel que i'ofTre le manuscrit , qui n'a ni points , ni
virgules , ni accens , et où souvent les lettres et les mots sont tantôt
confondus , tantôt séparés mal à propos ; ensuite il a présenté le texte en
ordre et tel qu'il doit être lu. Si, en quelques endroits, M. Gail a inséré
des notes et des explications grammaticales , on sent bien qu'il n'a point
prétendu ajouter à nos connoissances philologiques , mais qu'il a voulu
se rendre utife à cette nombreuse classe de lecteurs qui, n'étant aucur
nement familiarisés avec les expressions anciennes et inusitées, ont
besoin qu'on leur donne Fexptication des moindres difficultés.
Parmi hs remarques grammaticales que M. Gail a eu soin de placer
à la suite de quelques lettres, il a observé que déjà les règles relatives
aux participes du passif étoient suivies. On lit en effet dans le maaus-
crit, lettres que vous m'ave:^ escriptES. Il n'est pas étonnant qu'alors les
perspnnes de la cour connussent et suivissent cette règle de notre
grammaire qui fait accorder le participe du passif, joint à l'auxiliaire
avoir ^ avec le régime direct qui précède; Marot Tavoit proclamée en
vers qui méritent qu'on les répète ; il dit à ses disciples :
Enfans, oyez une leçon.
Nostre langue a ceste façon ;
La chanson fut bien ordonnée
Qui dit : m^amour vous ai DONNÉE,
II faut dire en ternies parfaits:
Dieu en ce monde nous a FAlTSé
Faut dire en paroles parfaites :
Dieu en ce monde les a FAITES»
Et ne faut point dire en efiet :
Dieu en ce monde les a FAIT ^
Ne nous a fait pareillement.
Mais nous a faits tout rondement. {Mkkot yépig. LXXIX. )
Ce que j'ai dit de ce recueil en donnera $ans doute une idée assez
00
ipo JOURNAL DES SAVANS,
avantageuse pour le faire rechercher, soit comme contenant quelques
inonumens qui appartiennent à notre histoire, toit comme oifiant à la
curiosité des lecteurs des circonstances remarquables et des détails inté-
ressaiu qui concernent des personnages distingués de fépoque.
RAYNOUARD,
Descbîzionè pEGLi Staterj ANTiCHi , iîlustraâ coa le
nudûglie ,. per Domenico Sestini, &c. &c. &c. Firenze,
MDCCCwn. —~ Description des Statères antiques » expliqués
au moyen des médailles, par Dominique Sestinl , &c. &c. &c.
Florence, 1817.
SECOND ET DERNIER ARTICLE.
Les statères que M. Sesiînf attribue à la seule ville de />^(7r/r, sont
au nombre de cinquante-six, de divers modules, depuis le double statère,
dont Texistence ne me paroit pas suffisamment prouvée, comme je Tai
montré dans farticle précédent , jusqu'au quart de statère , dont le poids
est à-peu-près de 48 grains, ainsi que dans ceux de Cy^tqut, de Samos,
de Chios., Un nombre si considérable de i^ionnoîes d'or pour un seul
peuple, et pour un peuple encore dont on ne connoit pas jusqu'à ce jour
de monnoies d'argent bien certaines [ i ) , est de nature à exciter quelque
défiance. L'incertitude augmente, quand on remarque que, dans cette
variété de types qui ont pu convenir à des villes différentes , tels que la
tète A\x griffon, symbofe assez ordinaire sur les médailles AeSmyfne, et
encore plus commun sur celles de Téos; la tète de lion, symbole fe plus
accoutumé des médailles de Cynique; la tète de bélier, que fauteur lui-
U'avaif souvent altéré par le temps, qu'on ne puisse quelquefois y voir
urt poisson d'un autre genre, et, par conséquent, un motif d'attribution
différente. Les seufs statères pkocdites qui me paroissent offrir tous les
signes de la certitude, sont ceux où le phoque, bien dessiné, est accom-
pagné de la lettre initiale 4> ; comme dans la médaille du numéro i , où
la forme antique de cette lettre ressemble à celle qu'on voit sur les
médailles delà Pbocide, métropole de Phocée: mais j'avoue que, dans
le plus grand nombre des monnoies qui suivent, je ne trouve guère
que su/ets de doute et d'incertitude , malgré les*rapprochemehs ingénieux
et les analogies très-souvent heureuses que Fauteur a produits à l'appui
de ses conjectures.
Il règne moins d'incertitude dans les attributions des statères de
Cy:^ique, que M. Sestini a recueillis au nombre de quarante cinq , et qui
se reconnoissent à des signes tout -à-la- fois plus frappans et plus
nombreux. D'abord, ainsi que le remarque M. Sestini, Suidas nous en a
donné la des<^ription ( i ) : j'observerai toutefois que la description de
Suidas, une tête de femme, d'un côté, et, de l'autre, une tête de lion^ ne
convient qu'aux statères d'argent, sur lesquels se retrouve effectivement
ce double type, tandis qu'il ne paroît sur aucun des statères d'or de la
même ville qui sont parvenus jusqu'à nous. C'étoit même là la raison
polfr laquelle le docte Eckhel nioit l'existence des statères d'or de
Cy:^ique (2). Mais ce motif étoit insuffisant, comme Ta très-bien prouvé
M. Sestini par un assez grand nombre de monumens irrécusables.
J'ajoute encore, relativement à ces statères d'argent , que M. Sestini a
publiés au nombre de dix , et tirés de différens cabinets, que la collection
du Roi en possède trois nouveaux avec des symboles inédits, dont je
joins ici en note la description , ainsi que celle d'un statère d*or de la
même collection, qui a échappé à l'attention ou à la mémoire de
M. Sestini (3).
(1) Suidas, vor^Ku^iiMroi Smlii^ot^.
(2-) Eckhel , Doctrîn, num, prolegom, tom. I ,p, ^, et tom, II ,p» 4J/.
(3) Le premier de ces statères est décrit dans le catalogue de M. Mionnet , sous
le n.*» 8y , tom. II , p. 528 ; c'est le plus ancien de tous ceux de même module
que possède la collection du Roi. — Le second offre, d'un côté, la tête coiffée
et couronnée d'épis, avec la légende SATEIPA^ au revers, la tête du lion, au-
dessous de laquelle est le thon, et, derrière, un caducée; légende : KTZI.
Le cabinet du Roi a récemment acquis un statére d'élecirum, dont le type,
entièrement inédit, peut se rapporter, comme les précédens, à Cyzique, à cause
du thon , symbole accoutumé de cette ville; en voici la description : Enfant assis,
le corps vu de face, la tête de profil; il est appuyé de la main gauche par terre,
et, de la droite, il tient un thon suspendu par la queue; au revers^ aire carrée
en creux, divisée en quatre parties informes,
00 X
2^3
JOURNAL DES SAVANS,
' La tête du lion et le thn, poisson de iner. forment un double
'Caraaère auquel il est presque impossible de ne point reconnoître h»
sutères ey^itines , suivtout lorsqu'ils sont réunis ■ comme dans le plus
grand nombre des monnoies publiées par M. Sestini : mais, lorsque le
tkoa s'y trouve seul, en symbole acceflsoire, je ne sais si, comme le
pense cet auteur, -00 doit nécessaiteinent les attribuer à Cy^^tt
D'autres villes, et particulièrement Z^w/rj-u^uf, qui étoil voisine de
celle-là, offrent le même symbole; et ce qui augmente encore Ja
difficulté de distinguer les monnoies de ces deux villes, c'est que, sur
celles de Lampsaque, ce symbole accompagne quelquefois une tite de
Neptune, tatvdis que fa t£te du même dieu, sans ce symbole, paroît sur
des médailles attribuées \ Cjyqkei or, l'auteur ntf nous indique aucune
raison de ces diverses attributions , qui peuvent sembler au moins arbï-
traires. Dans d'autres cas, comme lorsqu'il rapporte b Cynique une
médaille ayant pour type une vache qui aliaitt un veau, sans aucun des
symboles accessoires qui caractérisent Cy(ique, il me paroît qu'il ne
prouve point assez pourquoi ce type, particulier aux colonies de Corcyre,
et irCàrystt d'Eubie, a pu être aussi affecté h une ville de la Prepontidt.
Parmi les sratéres attribués ii Cy^'que, le plus remarquable sans doute
est celui qui ofiîe , à côté d'une tête de lion , des caractères que M. Ses-
lini nomme antiques, et qui ne sont peut-être que barbares, doM il
compose le mot kiztkb, pour ktzikh. Cette légende, dont je ne
prétends pas id contester la certitude, puîsqu'rile a toujours été lue aiilsi
par d'habiles numismatistes, et notamment par M. Cousinéry , étoit du
moins assez extraordinaire pour que Fauteur s'attacbât ici à la confirmer
par un plus grand nombre d'exemples, et sur-tout b justifier la termi-
naison KTZIKH, au lieu de KTZIK02, qui est la leçon invariable de tous
les textes de l'antiquité. Du reste, j'avoue que je n'oserois pas employer
cette médaille comme monument paiéographique, et II me [laroriroit
MAI 1819. 2p3
t<mt-à-Ia fois el une conjecture de ce savant antiquaire » et un fait que
l'avois moi-même établi. Sur une médaille du cabinet de M. Ailier (i),
et trouvée apparemment sur le sol de Cynique , M. Sestini voit, au revers
d*un carré creux » un centaure, les genoux ployis, agitant un( tranche, ou
un tronc d* arbre déraciné. Ce type, tliessalien d'origiiie» est rapporté à-
Cyi^que, à cause du thon, symbole accoutumé de cette vilie, qui se re- .
marque au-dessous du centaure; et» malgré ce caractère, M. Se^^tini hésite
encore à reconnoître ici une monnoie de Cyjique, i moins, ajoute-t-i[,
^e de supposer l'établissement en ce pays d'une colonU de Thessaliens
Pélasges [x). Cette supposition doit se changer en certitude, d'après
tous les témoignages que j'ai rassemblés ailleurs , pour prouver que la
première fondation de Cynique fut l'ouvrage d'une colonie de Pélasges
nommés Dotions, et partis de là TJiessalie, vers l'époque et par suite de
Taggrandissement de$ princes Hellènes dans cette dernière contrée (3}.
Les statères de Lampsaque, dont M. Sestini donne ensuite la des*
cription , ne sont nominativement cités par aucun écrivain de l'antiquité. -
Mais aux motifs de probabilité tirés de l'opulence et du commerce de
cette ville, colonie Aà Phocée , l'auteur ajoute une raison décisive ; c'est
que le cheval marin ailé, type ordinaire des monnoies connues de Lamp-
saque, se trouve sur la plupart de ces monnoies d'or. Je n'hésite donc
pas à reconnoître, comme il le &it lui-même, que ces médailles appar*
tiennent à Lampsaque, et il ne satvoit rester d'incertitude qu'à l'égard de
celles qui n'of&ent pas ce caractère distinctif. Mais me sera-t-il permis
de relever quelques inexactitudes dans la description de quelques-unes de
ces monnoies! L'auteur voit un bouclier slu revers d'une médaille d'or qui
présejite, sur la fece, Hercule à genoux étouffant les deux serpens. Cette
médaille, qui est dans le cabinet du Roi, n'offre réellement qu'un. ^ivir,
à la place du prétendu bouclier, et M. Sestini n'a pu se méprendre de
cette sorte, que parce qu'il a accordé plus de confiance à une empreinte
qu'à la description de Pellerin (4). Ce même type d'Hercule rep«iroft
encore sur une autre médaille attribuée ici à Lampsaque, quoiqu'elle
n'offre pas le symbole accoutumé du cheval ailé. Mais ce n'est pas cette
difficulté qui m'arrête. Le type, d'une rare élégance, représente à côté
d'Hercule étouffant les deux serpens, un autre enfant, d'un âge en
apparence plus tendre, appuyé d'une main sur la terre, et de lautre
(1) Voy, M ion net, Description ifc, tom, II , p. ^zj , n." y^, et planches, tah.
XLlli,fig, ^. — (2) Sestini, degli Stareri antichi, /?. jS, — (3) Histoire critique
de IVtabli.s. des colon, grecq. tom, I , p. ?2ô'j2^. — (4) Pellerin, Recueil II ,
tab. XLlx , fig, 22,
■ 2p4-
JOURNAL DES SAVANS,
faisant un geste qui semblé indiquer la fi^yeilf. M. S«sttni prétend
reconnoître dans ce second en6nt, Bacekut, compagnon d'Hercule; et
H ne peut guère avoir <fautn motif pour cet» opitiion assez bizarre ,
que le desir de trôtivér un-typ^ rt^uf en nunlisAtàtitjuei Mais n'e3t-îl pas
^us naturel et -plus vratsemblible de ydir td, cdmmé dans le récit
d'ApelMope f i ) et de I^^rite (a) , les dieax fils d'Alcnténe, dont le
plus jeune» >Ipbiclus« tômoigne par sa Aayeuf qall est Je 61$ d'un
mèrtel! ■ ' ■•
Les Bialèteï'quei ^ns une seconde dhr&ioil de son liVrt, M. Sestini
|>asi« successivèrtwnt en reviie^ sont attribuis par cet habile antiquaire
Îk.-Pmtum, à Pergamt, à Abydos, à AtexditdHa Troas, à Mityline, à
C/aiomitiet, à Colophont ti Erytbrti^ k Lé^das, k Sihyrnt, % TVftr, à
CUtios, enfin k Samos. Si toutes ces attributions ètolent également
certaines , la géographie numismatique sertit enrichie par-là d'un grand ■
nombre de découvertes précieuses; ihaist en accordant même qu'il y
ait encore de Tincertitudé à l'égard de quelques-unes , il en re»tê toujours
usez pour faire infiniment d'honneur i la sagacité de M. Sestini, et de
profit à la science. Je prendrai la liberté d'exposer mes doutes relati*
ventent k quelques-unes de ces médailles. Les stitètes attribués à
Po-game me semblent donner lieu à des difficultés que n*a pas suffisam--
ment résolues M. Sestini. Ce savaiit Toit an ^vers ane tête barbue et
couverte éapîleus, dans laquelle il reconnoît celle du héros Pergame;
et il cite k fappui une niédaille du cabinet de Pellerin « tHx !a niéme tète '
lui parbtt être celle d'Hercule, couverte de la dépouille du lion, ou
plutôt celle de Thésée fondateur de Smyme. Toutes ces suppositions
sont passablement arbitraires , et la peau de lion ou de taureau qu'aperçoit
ici M. Sestini, ne me paroît que la chevelure du personnage, ainsi que
j'ai pu m'en convaincre à Tinspection d'une autre médalHe. semblable et
mieux conservée ( \\. Il y a beaucoup moins d'incerliiude ret^iivernent k
MAI l8lp% ' :225
fréquent 6ur les revers des médaille^ autonomeç de Pergame décrites dai^s
l'ouvrage d'Eckhe I ( i ) .
Je n oseroîs pas assurer que les statères attribués k Abydos par
M. Sestini, appartiennent véritaBlement à cette ville. Le masque » qu'il
décrit ainji , Persona modçsto oh (a) , offre un caractère tout différent de
celui qu'offrent unanimement les autres monnoies de la même ville ,
Persona exsntà Hnguâ et serpentibus horrens. D'ailleurs, ce dernier type
jitt caractérise point tejlement Abydos, qi^'on ne le retrouve absolument
semblable sur les médailles de Niapolls en Macédoine, et sur-toqt de
parium, cité voisine ^Abydos : enfin , M, Sestini lui-même attribue (3)
^ C/aiomhies upe médaille offrant le même type, au revers d'un sanglier
ailé, symbole connu et indubitable des Clazoméniens. Quel est donc le
^igne particulier auquel l'auteur distingue des monnoies qu'on seroit si
tenté dç confondre^ d'après l'idléntîté des types et la similitude dp
travail î
Les statères de Mitylène, au nortibre de dou^e, me paroissent enSore
sujets à plus d'incertitude. Le principal motif de cette attribution eàt
ï analogie des types (4); mais ces types n'ciflFrent, sur les premières
monnoies, qu'une tête de femme ou de Muse; au revers, une lyre; et
Mir les autres, Apollon, Bacchus et Diane Ten quoi donc, oserai- je lie
demander à fauteur , ces typ^s., communs à tant de villes grecques cfp
la même contrée , peuvent-ils caractériser spécialement celle de AiityPene!
A la vérité M. Sestini &it de cette tête de Muse , une tête deSappho; et,
quoique cette opinion ne repose elle-même sur aucun fondement solide,
il seroit peut-être insuffisant, pour la réfuter, de remarquer que la tête
de Sappho , que M. Visconti a admise dans soti Iconographie grecque (j),,
d'après des monumens bien autrement authentiques, présente un carai^*-
tère très-diff^érent de celui que l'on attribue ici à cette femme célèbre.
Mais une considération qui semblera peut-être d'un plus grand poids^
c'est que I^s portraits des personnages illustres n'ont commencé à être
admis sur la monnoie des villes grecques, qu'à une époque assez récente,
en comparaison de l'antiquité à laquelle appartiennent généralement les
monnoies d'or décrites par M. Sestini, et en particulier celles dont je
parle ici, et qui ont toutes, au revers, la trace du carré creux assez
profondément imprimé.
Cette considération s'applique avec plus de fgrce encore à une médaille
(i) Eckel, DoctTin» num, torn. II, p, ^âj, — (2) Stateri antichi , p. 71,
— (3) Ibidem, p. 8j. — (4) Ibidem, p. 75 et «qq. — (5) Iconograph. grecq.
tom. ],p» 69-73,
Ip6
JOURNAL DES SA VANS,
(for, que M. Sesdni attribue (t} k fa ville de Smyrtu. et sur [aqueiïe il
prétend reconnoître les traits d'Homère dans ulie t£te barbue et dïa-
démée. Cette conjecture me paroît très-hasardée, et voici quelles sont
mes raisons. D'abord, Fauteur voit une tète d'EscuIape dans une autre
tète absolument semblable ,' autant que nous pouvons en juger d'après la
description et le dessin de ces deux médailles: or, par quel motif
M. Sesttni reconnoît-il Homère ^ où il voit aussi Esculape l £n second
lieu, Strabon, qui parle d'tme monnoîe frappée par les Smyrnéens en
rhonneur et avec le portrait d'Homère, et nommée en conséquence
in0Jin«r Aomm^Kf, assure qu'elle ètoit de bronze [2]-, et, effectivement.
il existe en ce métal des médailles avec an portrait que les plus doctes
antiquaires, 'Eckhel (j) et M. Visconti (4), ont, sans hésiter, attribué &
Homère : Strabon auroit-il donc négligé d'en indiquer d'or , s'il y en
eût eu de frappées dans ce métal ! Enlîn, quoique M. Sestïni nous assure
quf ces monnoies d'or prouvent que les Smyrnéens avoient, dès les
plus anciens temps, rendu cet honneur au prince des poètes, il est
infiniment pliis proliable qu'ils ne le firent pas , d'après Tusage universel
de fantiquiié , qui ne permettoit point de représenter sur les monnoies des
personnages humains, usage attesté par tous les monumens, et auquel
je ne crois pas que les médailles puissent fournir une seule exception;
car les fondateurs de colonies, déîBés par la reconnoissance de ces villes,
ti'étoient plus considérés comme mortels. D'autres témoignages histo-
liques viennent à Fappui de cette opinion. Les honneurs rendus à
Hcmère par les villes qui se glorifioient d'avoir été son berceau, sont
tous d'une date beaucoup plus récente queTâge présumé de ces médailles;
car le temple dont parlent Strabon (;} et Cicéron (6), fiit fondé par
PtoIéméePhiIopator,au témoignage d'Élien(7),
J'aurois bien d'autres observations à faire sur l'ouvrage de M. Sestini ;
MAI 1819. 297
qu'on accuse ^i légèrement de précipitalion ei d'erreur. Ce progrès de la
science nuinismatique, dû enjiartie uiix nombreuses découvertes de
M. Cousinéry, vient d'êire achevé par la publication du travail de
Jrt. Sesiinf, qui, p:ir des rapprocheiiieiis presque toujours ingénieux,
lors même qu'ils ne sont pas exacts, par des conjectures nées de l'hal)!-
ludedevoiret de comparer (es monumens.a déterminé les lieux où furent
frappés beaucoup de ces nionumeiis, qu'on avoit jusqu'ici relégués k
l'écart parmi les monnoies incertaines des c3bi;ie[s. Que s'il en reste
encore sur l'origine desquels on doive conserver des doutes, de nou
velles découvertes , des recherches plus approfondies , feront sans doute
cesser bientôt ces incertitudes, et rempliront cette lacune de lagéo-
grapliie numismatique. M. Sesiini est certainement plus capable que
personne de perfectionner ainsi lui-même son premier trnvail ; mais il est
i souhaiter que, dans cette carrière noiivelie ouverte an zélé des anti-
quaires, il trouve de nombreux concurrms. Enfin, quand bien mèiue,
par l'efFei de ces travaux dirigés tous vers un même bui, les premières
recherciies se trouveroient insuffisantes sur quelques points, il y aura
toujours eu du mouvement dans la science: et ici, comme en beaucoup
d'autres choses, le mouvement est préférable à l'inaction.
RAOUL-ROCHETTE.
Stobîa della Scultufa dci! suo risorgimerito in Ittilin siiio al
secohxLf ,per servire M continuciiione <iU? opère di Wnickel-
mann e di d'Agincourt : volume terzo. In Venezia, netla
tjpografia Pîcotti. 1818. — ou Histoire de la Sculpture
depuis sa refhiissdfice en Iteilie jusqu'au XïX.' siècle , pour
servir de continuation aux ouvrages de Winckelmaiin et de
d'Agincourt; par M. Cicognara.
SECOND EXTRAIT.
Chaque chapitre de l'ouvrage dont nous continuons ici de rendre
compte, est, comme on l'a déjà dit, et comme il faut le redire, un ou-
vrage qui ponrroit, sans cesser d'être en accord avec celui qui le pré-
cède et celui qui le suit, faire un volume à part; e mous croyons que
si celte histoire irouvoil un traducteur en français, la meilleure manière
de la reproduire , seroit de l'imprimer en autant de tomes que l'ouvrage
rp
298 JOURNAL DES SAVANS,
contient de chapitres. Cette diviM'on par tomes seroit &forabIe k M
lecture; car» aujourd'hui, qui est-ce qui lit en in-folio !
Nous aurions de beaucoup excédé les bornes de l'espace qui qoub est
accordé dans ce journal, si nous avions voulu donner à Textrail de dtfUpM
chapitre de THistoire de la sculpture, letendue que chacun eûc exigée»
pour être apprécié dans son ensemble et dasis ses détaib. Nous ftUons
tâcher de faire connoître sommairement le sujet et la niatière du cha-
pitre IV9 dans le tome III et dernier de Touvrage.
Le chapitre m a conduit THistoire de la sculpture jusqu'à Tépocpie
où Bernin, resté sans rival, peu|>Ia fltalie de ses ouvrages et rEurc^fw
de ses élèves , qui répandirent par-tout le goût de leur niaitre. Le
chapitre iv contient d abord Fhistorique de cette école à Roiaetoii Toii
vit briller avec quelque éclat Ercole Ferrata, élève en partie d'Aigardit
en partie de Bernini. Notre auteur fait observer ici que la sculpture de
bâtiment, oii cet artiste acquit de la réputation t porte assez natmelle-
mem à une exécution prompte, liardie et ennemie du précieux qu'exige
la vérité imitative. L'observation a quelque justesse; mais il est yusCe
d observer aussi que ia sculpture d'ornement et de bâtiment est toufoun
subordonnée au style et au genre d exécution de l'architecture; que leâ
monumens d*un goût sage et sévère ont toujours été ornés de sculptures
finies et d'une exécution précieuse ; et que ce fut au style déjà corrompu
de larchiiecture dans le XV Ji/ .siècle, que la sculpture dut en grande
partie , par le besoin de s'y coordonner, les abus de cette manière , qui»
des ouvrages de bâtiment, s'introduisit alors dans tous les ouvrages du
ciseau.
Telle fut celle de Afelchior Cnffa, de Joseph Manuolî , auquel
Hernin , sur le déclin de sa vie, confia l'exécution de la statue de la
Charité, dans son tombeau du pape Alexandre VI, à Saint-Pierre. Ce
Mazzuola enchérit encore sur la manière désordonnée de draper de son
maître. Sa statue de S. Philippe, à Saint-Jean de Latran, offre des dra-
peries dont les plis semblent des" éclats de rocher. Florence, Rome et
Malte ne comptent que trop de ses ouvrages.
Quelques autres élèves de Btrrnin firent preuve d'un goût moins-
déréglé dans quelques entreprises assez importantes. Un des plus connus
fat Antoine Raggi ( nommé le Lombard) , qui sculpta une des quatre
figures colossales de la célèbre fontaine de Piana JVavona. Le genre
de décoration peu sévère que ce siècle appliqua à la composition des
fontaines, et qui peut-être y convient jusqu'à un certain point, con-
tribue sans doute à faire juger avec moins de rigueur la manière d'An-
toine Raggi y qui, du reste, fit voir, dans les parues nues de cet ouvrage ,
MAI !8lp. *(}9
un style large et un dassia grandiose. Home possède beiuconp d'ouvrages
Àe ce sculpteur, entre nuu^es un des anges fortnaat la décoration, cfu
pont Saint Ange.
Les écrivains de lu vie de Bernm n'admettent de sculpteurs distingué^
dans ce siècle que ceux qui furent ses élèves. Us con^itent , comme sortis
de sou école, Giuliano Fjnelli, qui aida son maître dans l'exécution â<
son groupe d'Ajîonon et Daphné.et desaS-'^Bibiana; — Andréa Bolgîi
auteur d'une des quatre statues colussale» placées dons les grandes
niches des piliers de la coupole de Saint-Pierre ;—r-A><ï«<rfJfo Ba'tiUa, qui
sciLlpta la tigiire du Nil à I) fônuiiie de Pîa^^a Nawna: — Jacobo
FaiiceIJi, colbboraieur de son maître d.ins le ntéme mnoumeni; — La»*
zaro Morelli, qui, biéu qu'il ait tiié élève de François Flamruem^, fut
«inployé par Bernin d^us rexécutioii du mausolée d'Alexandre VU;
— Maitia de Rossî, qui accon)i>,igna soo maître dans son voyage en
France, et dont le reorreau (e plus connu est le tombeau du pape Clé-
ment X dans Saiut-Pierra , quoique les principales figures soient de
diverses mains.
11 faut toutefois faire honneur a cette époque de quelques scuFpteurs
iirangers à l'école de Bernin. A lettr tête se distingue Fnvtctscq Aiochi .
auteur de la S." Véronique, doiU l'attitude et les draperies volantes
donnèrent (ieu ^ la plaisanterie célél^re dirigée alors contre Bernin , qui
venoit de t^iuîner et d'orner les niches et (es tribunes des quatre piliers
de b coupole de Saint-Pierre i car h cette époque venoit aussi de se ma-
nifester une lésarde dans la construction de cçtie coupole; et comme
Bernin criliquoit le moiiVeiiieni de ces draperies vclanies dans un local
clos, on lui ïépoi^dic que le vent qui agiloit ces plis venoit de la fente
de la coupole, dont un attribuoit la cauïe \ l'affaiblissement causé dans
les piliers pr les vides qu on supposoit et qu'on suppose encore avoir
été produite par Bernin. Rien toutefois de moins motivé que la critique
de Bertiin, «t de plus injuste que la riposte. Dans un lieu fermé, il est
toujours libre à l'artiste de faire voler des draperies, lorsque (e sujet de
la tîgure se rapporte .'i un lieu autre que celui de la statue. Quant au
reproche fait à Bernin, il n'a nul rondement, puisque ces vides déniches
et de tribunes tiennent \ la construction primitive, et que le travail
nouveau eut pouf principal objet de renforcer, par des revêiisicmens
de marbre, la construction des niches, et de diminuer la profondeur
des tribunes.
Le défaut de critique historique , dans cette partie de fart du XVIl/
siècle , a fait prendre pour des élèves de iJernin tous ceux dont le goflt
eut du rapport avec le sien ; ainsi l'on est porté à attribuer ï son école
?«•
JOURH*l^^ï5*AVANS,
tooacs les ujanes da pow SiitH-Ange. Deux de m otwtige. ^t pttr
^(ilo Nxidîa , Itfévtt de deux pekitm , André ^dii et Carlo Mint» .
HMit eflcctitviBeni dans le goût tcnhu^ue ; c'«t qœ ce goût repose
prindpafenienf inr fatw* (Su traniiporteT d^ns h sculpture les efiètj , Ws
itgèretéi « loéme les aj>rk«% dr^ pcînires d'alors , et riea ne detotï
plas rcunnbler i la sairpror? de Bemin, que la manièfe et le styfc
de Carie Miraiie. appliqués à des si^iiues.
En pauanitoin silence bn assez grand nom I>re de noms plus ou moins
obKun, nou» zrrïrons, avec noire .lufeur, à Camiifo Rosconi . Milanais
de nation , «i qui éiodra S Rome soas Ercoîe Fenata. Rnsconi foi le
gnod homme deson ë^i>oque, qui éioii le commencement dniviil."
siècle. C'est une chose renwrquaiile que cet engouement de chaque
génération pour les talens de son temps, et celle vanité qui fait croire
qu'en venant les uns après les autres, les hommes vont de mieux en
mieDK, et de plu* fort en plus fort. Alors on se croyoit arrivé à looie ta
^riêclion de fan. Rusconi ( disr>ir~o:i ) réimit fa nrrtttion fl la majalé
des unâryit à l'tx'presshn et au c/iarme des mo férues. Combien ce)\i^emvni
neparoft'ii pas ridicule aujourd'hui, et que dira-t-on dans un atècle de
beaucoup de fugemens de notre temps î
Pour élre juste , et en séparant , comme cela se don souvent , le talent
qtu appartient à l'artiste , du goûi qu'il reçoit de fopinion régnante, il
faut avouer qu'avec de meilleurs principes , Rusconi se seroît élevé à un
irês-haul degré, ce que prouvent deux ai^ges par lut -cuipiés au desstts*
(Tune pone latérale de la chapelle de S. Ignace au Jcsus, et qui
sont sa plus belle production. On (e trouve inférieur à lui-même da'ns
ton mausolée du pape Grégoire Xlll, â Saint-Pierre, malgré la pré-
fcrence assez injuste qu'il ohlinl sur les modèles de Prosper Bresciaiio,
comme en font foi tes dessins qu'en a conservés lîonanni, Ruiconi , ou
du moins son goAt , triomphe dans la basilique de Saint-Jean de Latran.
Cefut une belle entreprise pour ia sculpture, que celle de ces douze
statues colossales en marbre des apôtres , dont Clément XI orna la nef
de cette grande basilique , et ce fut on beau sujet de concours et d'ému-
lation entre les hommes d'alors. Les artistes cjui y eurent part fiircni
Éiienne Alonot, qui fit S. Pierre et S. Paul i /r Gros, qui sculpta S. Tho-
mas et S. Banhelemi ; Joseph Al.a'^uoU, auteur du S. Philippe ; François
Moratti, quisculpia S. Simon ; Laurent Otto/il, il qui fut confiée la figure
de S. Thadée; Aigelo iîej// , auquel on donne assez volontiers le prix dans
!a figure de S. Jacques le Mineur, et Rusconi, qm eut dans son Im l'exé-
cution de S. Jacques le Majeur, de S. André, de S. Jean çt de S. Ma.thietF.
Ce fût dans ces figures que Rusconi dévtIo]>pa avec le pins de har-
MAI 1819. 301
diesse ce style <!e draperies larges, qui n'apparlieiuieiu ni par le cosiume,
iii par le genre d'éloffes, & aucune mode ,it sucun tyractère d'habil-
' lement, siyle plus que -grandiose, ei bon poiir^des décoraiions peinres
et à voir de loin. De cette époque daie, et dans le fait, et dans la
manière de s'exprimer, l'habitude non plus d"habiller, inais de draper
les statues. Les personnages ainsi ajustés ne pourroient quelquefois poini
faire un pas , sans que leur ajustement les abandonnSt.
TeJle est, à peu de chose près, la manière des draperies de toutes les
figures de Saint- Jean de Latran , et de celle d'Angelo Rùssi , qui obtint
alors une gmnde réputation. H est certain que la coniposiiîon de.son
Si Jacques le Mineur est une des meilleures qu'il y ait dans cette collec-
tion. Il possédoit une grande habileté de ciseau, ce dont témoigne, dans
la léie de son apûtre, la manière hardie dont sont touchés la barbe et les
cheveux. Cette dextérité d'instrument brille encore au plus haut point
dans le bas-relief de son tombeau d'Alexandre VU à Sarnt-Pierre, dont le
genre, soit de sujets, soit d'ajustement et de costume, le plus ingrat
qu'on puisse iniagiper, le plus opposé qu'il y ait aux moyens naturels de
la sculjiiure, est toutefois relevé par une assez grande vérité de portrait
dans les têtes, et par une finesse d'outil, qui en a fait long-temps un
prodige et un modèle classique. Car des moules de ce bas-relief en ont
répandu par-tout des copies qui, jusqu'à la moitié du dernier siècle,
étotent proposés Ji l'imitation dt-s élevas.
C'est toujours par la perfetiion mécanique que finissent les arts
d'iniilaiion, lorsque le sentiment original du vrai et du beau s'est épuisé ;
et c'est ainsi que l'on vit en quelque sorte finir la sculpture à Rome dans
Ja première moitié du xviri.' siècle. Angelo Kossi et tous les sculpteurs
de Saint-Jean de Latran fermèrent, si l'on ]ieut dire, la carrière de
l'invention, en portant l'exécution mécanique au plus haut point
d'habileté.
C'est h que s'arrête aussi notre historien, qui, pour ftire marcher de
front les autres parties de son histoire dans les diverses contrées de
l'Ilalie, va nous faire voyager à Naples, où il remarque qu'un grand
■nombre de monumens n'étalèrent que le vain luxe de la matière et d'une
exécution sans goût : aussi ces monumens n'ont pu fiiîre vivre l«i noms
de Cosimo Fansaga, auteur des obélisques consacrés ù S. Dominique et
ît S. Janvier; d'Andréa Falcone, de LorenzoVaccaro, de Matteo Boni-
glieri, tous élèves i la seconde génération de Bernin, et qui n'eurenl'qite
le ridicule de ses défauts sans eii avoir l'esprit.
La Toscane se reposoit depuis long- temps, dit notre auteur, sous les
lauriers dont les grands artistes du XVI.' siècle l'avoient ombragée; le
^i JOURNAi DE
Myte bizarre qui dominoit alors par-tout , trouvoit à FForeiKe trop dp
préservatifs dans les grands ouvrages dont cette vilie est remplie , et sur-
tout darji les modè^Ies de ce goût sévère et grandiose qui fut le caractère
de iecolc florenlioe. Jean Caccim, Antonio Novetli, R&phael Curradi,
ornèrent le paiais Pilii et les jiirdins de lioljoli d'ouvrages sans doute
inférieurs b ceux du siècle pr<ïcédent , mais ^ans lesquels toutefois on
retrouve leur tradition. Ceux qui alors portèreot le plus l'empreinte carac-
téristique du siècle, appartiennent à lecolede Jean-Baptiste, de Vincent
ict de Jules Fogginî. Le premier eui une lielle occasion de montrer son
.lali^ntdans ïa magnifique chapelle de Corsîni al Carminé, ou il repté-
xola en Las-relief l'enlèvenieni de S. André par les anges. Ce n'vsl
.plus la lînesse et la, naïveté du Gbiberti, le beau style de Lucca délia
«Robbia; mars il y a dans lOBs les bits-reliefs de cette chapelle une grande
habiletéde travail du marbre et un goitt fort moelleux dans la maaiére
de traiter fa ciiair. On peut se former lldce du talent des autres Foggini,
surnommés Ju/tj et Vincfit, en voyant le mausolée (le Galilée dans
l'église de Sainte-Croix, monument bien propre k faire apprécier l'éuf
ile médiocrité de l'école dont on parle, jtuisquales principaux sculpteurs
cPslors y travaillèrent. Le nombre des artistes qui marquèrent ï cette
époqae, ftxi considérable; mai-, ils ont tous passé sans gloire, et leurs
noms ne se retrouvent que dans les archives oubliées de ce temps, d'où
M. Cicognata a lait sortirteux «Je Kortini, de Ticciati. de Piamonttni.
de Philippo VaUe, d'Andreozzi, deScIdani, qui pourtant se tit lionneur
I ^bns l'art des mcd.iilles el de l'orfevrcrle.
II faut dire îi-^>eu prèi la mènie chose des sculpteurs qui, dans ce siècle,
f Aravaillèreni h Bologne, en Loiiibardie, et dans ie Piémont. Une foule
[A noms remplit les pages de notre hîstcrien; mais ces noms ne se
I ntlacheni h aucun ouvrage dont la postérité ail gardé la mémoire.
M. Cicognara s'étend avec un peu plus de complaisance sur le*
I «Culpleurs vénitiens qui occupèrent la période qu'il parcourt; mats il ne
[ Jes juge pas avec moins de sévérilé, et, d'après lui, on peut observer
(qu'à Venise, comme dans les autres parties de l'Italie, le xvir.' sièdei
^ur les arts du dessin , fut ce qu'on a vu être en France , qu<int à la
( itlérature, le xvill.' siècle à l'égard du xvil.' Il y eut beaucoup plus
■de vanité que de véritable orgueil ; la recherche de la nouveauté nuisit
il celle du vrsi; quelques hommes de talent, plus que de génie; la
[ Jtsrdiesse de la main, substituée ii celle de la pensée; de la perfection
I dans toutes les opér.iiions mécaniques de l'art, une présomption désoi^
oniiée, le mépris de ce qui éioit ancien , entîii Tépuisement de ce
r UrifiQ^e viialdesariï comme d>î la société , et dont J'elTti ou,Ie syijiftôm.e
MAI 1819. joj
^t de aubordSonmr fe sentiment an raisonnement » et le règne des idées
monrles à celui des sensations matériel les.
QUATREMÈRE DE QUINCY.
PâfNTUJfES ANTIQUES DE VaSES GRECS b de la*CoHectJ09 de
sir John Coghill Bart, publiées par Jaihes MiUingen , de la
société des antiquaires de Londres, et de l'académie arcAoù*
logique de Rome (i).
■ - «
Cette collecdon précieuse aroît été fermée par M. de Lalô, trésorier
particulier de la feue reine de Naples ; elle fut achetée !i sa oiort par
M. le chevalier de Rossi/et elle appartient. aujourdlitti ^ M. le chevalier
Coghill. L'éditeur, M. Millingen, savant antiquaire de Londres, a dé^
publié, en 1 8 1 3 , un semblable Recueil de jointures de vases grecs, pré^
cédé d'une introduction remplie de recherches et d*obsejrvations curieuses^
Il avoit préludé à ce grand travail, en i8r2, par un HecueU fréçievac
de médailles grecques inédites. •
L'ouvrage qu'il publie aujourd'hui, renferme, dans T introduction ,âe»
notions positives sur la &brication des vases grecs de terre cuite : efle»
sont en grande partb renfermées dans trois lettres de M» de Rossf ,
celui qui a cédé sa collection à M. Coghilf»
On cherche encore l'emplacement qu'occupoient de très-grandes
villes anciennes ; et deux ou trois mille vases de terre cqi te, fabriqués,
pour le plus grand nombre, quatre et cinq siècles avant Fère vulgaire^,
font l'ornement de nos cabinets. Leur matière sèche et argileuse, les
excavations dans lesquelles ils étoient renfermés, leur ont assuré une
durée pour ainsi dire éternelle; tandis que, si Ton excepte Hercufanum
et Pompeii, Foxidation causée par l'humidité de la terre a détruit par-
tout.presque tous les vases de bronze.
Depuis un sièc4e et demi , on a formé des collections de vases grecs
peints; on a'cherché à deviner les procédés employés par les potiers;
mais le temps seul nous les a révélés. Il fallpit en posséder un très-
(i) Grand //i-yô/zo^ avec j 2 planches, sur papier vélin. Rome, rSi8;'chev
MM. Deburcy libraires ^ rue Serpente. Prix, 120 fr. — On trouve chez les
mêmes libraires, et du même auteur, les Peintures antîques^et inédites de vase*
grecs, grand in folio, avec 63 planches, papier vélîn. Rome, 1813. Prix, 136 fr.
>^ £t Recueil de quelques médailles grecques inédites, Rome ^ 1 Ui Xy ïn^é^*
3o4 JOURNAL DES SAVANS,
grand nombre, en trouver dans ce noni(>re qui présentassent des vestfges
des premiers travaux ; avoir des yeux assez exercés pour les reconnoître
et pour fes décrire : c est ce que Ton n a pu faire que depuis quelques
années.
On choisi>soit d*ahord une argile dans laquelle la cuisson devoit dé-
velopper la couleur désirée, rouge, noire ou jaune. A défaut de cette
argile, on intreduisoit, dans celle qu'on étoit forcé d'employer, des ocres
[oxides de fer] qui dévoient produire cette couleur. Le vase fermé ainsi
étoit placé dans le four, où une première cui>son lui donnoit assez de
dureté pour que les couleurs fluides ne pussent pas s'y imbiber. Des
mains du potier, ces vases passoient dans celles du peintre, comme oa
le pratique pour les pprcelaines. Le peintre traçoit sur ces vases, avec
des lignes ponctuées, Tovale de la tête, les traits du nu que dévoient
couvrir les vétemens, et cela avec une pointe de métal ; quelquefois
même la ligne d'ébauche étoit de couleur, mais d'une couleur dîfleren te
de celle du fond : ensuite il dessinoit autour de cet ovale et des autres
lignes ponctuées, avec le pinceau, une large ligne noire qui exprimoit
les traits arrêtés. Cette ébauche et ce premier travail se voient encore
sur deux vases de cette collection ; mnii les couleurs les cachent pour
l'ordinaire. Celles ci étoient couchées h plat, sans dégradation. On re-
garde comme les plus anciens les vases d*une seule couleur, de celle de
Fargile dont ils éK)ient faits. Bientôt on les peignit en noir; d'où vint
le nom A/Ct^fç, que donne Mésychius aux vases placés dans les tombeaux »
et les pauvres en conservèrent l'usage , tandis que les riches employoient
ceux qui étoient ornés (le figures. Les vases les plus communs sont
encore recherchés, h. cause de la beauté de leur galbe et de la grâce
de l'ove qui en forme la panse.
Les vases ornés de figures peintes sont ceux auxquels on attache le
plus grand prix. Quoique l'on sache que , dans l'antiquité , on aimoit à
imiter les formes et le style du dessin dts vases, des meubles des premiers
temps, on s'accorde cependant à regarder comme les plus anciens ceux
dont le fond est jaune , couleur de buis , et les animaux qui y sont peints,
plus souvent que des personnages , d'un rouge de brique. Al. Dodwelf
en a trouvé plusieurs dans des tombeaux auprès de Corinthe; les ins-
criptions ptrintes sur quelques-uns annoncent la plus haute antiquité.
Les vases du second âge [ s'il est permis de s'exprimer ainsi) ont le
fond jaune ou blanc , et les figures noires ; leurs inscriptions pour fa
plupart ne ]>euv6iit se lire; le dessin est incorrect ; les* figures manquent
^ mouvement et d'expression; les sujets représentés sont souvent
inexplicables , parce que ces vases sont antérieurs au quatrième siècle.
MAT iSip. joj
époque à laquelle Zeuxis créa et fit adopter géiiérafeineni des modes
conslans pour peindre les dieux et les héros. On tioit que la seconde
sorte de vases est celle que l'on a le plus imitée dans les siècles suivans,
par amour pour l'archaïsme.
Le fond des" vases de la troisième sorte est noir; les figures sont
jaunes ou rouges : ce sont les plus communs.
On trouve quelquefois , sur les vases grecs, du bleu, du vert, du
rouge de carmin , et même de la dorure. La couleur blanche étoit ajoutée
sur la peinture dans fes accessoires, ainsi que les inscriptions; de lïi vient
qu'elles ont été souvent enlevées en partie par les frottenien?. Un oxida
de plomb, la céruse, fonnoit en partie la couleur blanche.
\Jne seconde cuisson fiicoil les couleurs sur les vases , et leur donnoil
ce vernis luisant qui distingue les plus précieux. Quant aux vases
coninnuts, on donnoit le vernis k tout le fond, avant la cuisson, qui
alors neloil pas suivie d'une seconde.
Les ornemens seuls paroîssent avoir été faits avec des poncifs, ou
avec des cartons découpés. Quant aux figures, c'éioient ordinairement
des copies, et non des originaux de l'invention du peintre des vases.
M. de Rosst croit pouvoir le conclure de ce que l'on ne trouve point de
peinture dans laquelle il se soit repris, c'est-à-dire, où il se soit éloigné
des lignes ponctuées, ou même où II ait changé quelque attitude.
Tels sont fes détails mécaniques de la fabrication et de la jieinture:
■c'étoit l'objet le moins connu.
On a porté des jugemens très-différens sur les peintres des vases grecs
de terre cuite, ou plutôt sur les dessinateurs ; car on doit réserver le nom
de peintres h ceux qui créent leurs sujets, qui ne font pas des copies.
Si l'on examine la variété, ielégance des draperies, fa befiutc des
figures , la justesse des proportions , on conviendra que ces dessinateurs
avoient quelque mérite, sur-tout si l'on considère que les figures tracées
sur la convexité des vases et dans la concavité des patères ( soucoupes )
ont cette dégradation qu'exige la perspective, pour qu'elles ne paroissent
pas difformes : cela est si vrai, que^ si l'on calque une de ces figures , et
qu'on déploie le calque sur un plan uni, elle aura l'air de pencher en
arrière, de tomber; c'est la science du peintre de plafonds. D'un autre
eôté, les extrémités de ces belles figures ( les mains et les pieds) sont
dessinées avec autant de négligence que l'on en irouve dans les peintures
des peuples sauvages. Les dessinateurs des vases n'éioient donc pas des
peintres proprement dits: c'éioient des copistes médiocres ;ei les pein-
tures des vases grecs ne sont pas des originaux ; ce sont des copies de
tableaux, de bas-reliefs, ou de statues quiavoient acquis de la célébrité.
jo(î JOURNAL DES SAVANS,
Comment ces desunateurs pouvoient-ifaûre un recueil d'études de
ces beaux ouvrages ! Quelles Mibstancss einployûienc-ils pour tenir lied
de nos diveKes espèces de crayons, de no» papiers de chiffons ^ de nos
papiers tmnsparens : Il est probable aussi que notre manière de calquer
Jeur.éioittiiconOue; manière avec kqùt-He leS plusfoibles artïHes tracent
des copies fidèles: par quel procédé la remplaçoîentils! lli ^soient
vraiseinbiablemeilt de& croquis , des tableaux qu'ils vduloîent imiter , ou
des stuvmrt rapides de cx»ix qu'Us avcâedt vm dwi leurs .Koy^ges pitto-
reiques. De là vient que, dsnsli^s peinures des.vaws^ fes parties piincir-
fttles sont bien exécutées , et que les exirétnilés sont fort incorrectes*
Ayant seulement con6é celle-ci à leur mémoire, t{s se .trouvoîenf
incapables de les raidre avec fîdéitté. Al,: de Roni. dont fe reproduit ict
ia pensée» la, ^fortifie par un etemple £iipf»fK. Vm poiî»ï d'Urbino.
jMitrie de Rapftaél, ornoient leurs âïences- de sujets dessinés par ce
grand maître et par ses élèves : on les reconnoîtà la noblesse, à l'esprit
de l'Mventfoniniaisquerexéculioaestloitiid'y répondre! Au reste, il
n'éteit pvs nécessaire que les dessinateurs se rendissent sur les lieux ov
st troUTOient lis ponumens des arts qu'ils vouloieot copier ; ils pouvpient
les fîiire modeler tu aigile, et faire transporter ces copies dans leurs
ateliers.'.
Malgré les imperfêctionsque présentent les peintures des vasçs grecs,
leur .étude [doit être .fort avantageuse ii nos artistes: ils trouveront à
former leur goût dans la noblesse , la simplicité des compositions ; dans
la grâce, la force et la justesse d'explfession des attitudes. C'est-Ià que
l'on titouve les véritables modèles des (ilis des draperies, non-seulement
.dans les ligures en repos , tels que les présentent les statues , mais encore
dans les ligures qui sont en mouvement, objet difficile à fixer sous les
MAI 1819. Î07
ttes orncmens qui accompagnent les figures, méandres .fleurs, festons &c. ,
qui sont les niéines, ei lout aussi éiégans. Au reste, on voit fe plus
souvent sur les vases appelés sici/ienf, des bacchanales, c'esi-à-dire, des
mascarades, des orgies, des caricaiures, auxquelles convenoit parfai-
tement ce genre de peinture, que l'on affecta proIjabLment de conserver
pour cet objet par esprri de religion. Les monnoies d' Alhènes présentent
un semblable exemple d'afTeciaiion d'archaïsme,
Puiique j'ai parlé des fêtes de Bacchus, on attend que je parle aussi
de ses mystères et des initiations ; parce qu'il s'est établi , depuis Passeri
et Monttaucon, une opinion qui attribue tous les vases peints aiiic
initiés, qu'ils accompagnoient dans les tojnbeaux. M. Miibngen l'a com-
battue victorieusement. D'abord elle n'est fondée sur l'autorité d'aucun
auteur ancien. Lorsqu'on découvre une suite de tombeaux , tous contien-
nent des vases plus ou moins précieux ; assurera-t-on que tous les morts
dont les restes reposent dans ces tombeaux, ont éié initiés aux mystères
de Bacchus ; Que dire de ceux des enfans, qui ne ]touvoient avoir été
admis aux initiations , et qui renferment aussi des vases î
Pour quelle raison plaçoit-nn des vases dans les tombeaux , ou auprès
des tombeaux! Les Grecs brûfoient ou enlerroient les morts indifle-
remment; ce qui est prouvé jïar les vases renfermant des ossemens et
des cendres, placés dans quelques tombeaux , qui sont entourés d'autres
tombeaux dans lesquels les morts sont étendus sur des feuilles. Les
pi^emiers tombeaux présentent des fragmens de vases , qui ont été brisés
lorsqu'on les a jetés sur le bûcher; fragmens recueillis avec les cendres,
et sur lesquels on reconnoit les traces du feu. Les vases improprement
appelés lacrymâtoirts , qui se trouvent dans les tombeaux, et les urnes
des Romains, ont la même origine. On enterroit les armes avec les
guerriers , ies instrumens de toilette avec les femmes ; avec les uns et les
autres, les vases qui avoieni été de prix; qui avoient contenu le vin,
l'huile. le lait, les parfums répandus sur les corps, l'eau lustrale qui
servoii aux purifications, la portion des repas funèbres consacrée aux
morts &c. Quelques-uns pfaçoîent avec soin ces vases dans les tom-
beaux; d'autres les brisoient en les y jetant: de là viennent tant de
débris de vases que les restaurateurs rassemblent avec art, en remplissant
les vuides avec d'autres tessons qu'ils peignent adroitement. (Des acides
étendus sur cesrrjifinrs, décèlent la fraude.}
Mon dessein n'est point de retracer l'histoire de la découverte des
vases grecs peints, soit à Corinihe, du temps de Jules-César, soit dans
ï'Êtrurie et la Campanie, à la renaissance des lettres , parce que cfts déiails
sont consignés dans un grand nombre d'ouvrages; ni de rapporter les
Qq 2
n
3o« JOURNAL DES SAVANS,
explications des peintures, des inscriptions, que Lanzi a judidensenieirt
restituées pour la plupart aux fables grecques: je me borne aux détails
mécaniques. Ce])endant je ne puis passer sous silence l'explication qu'a
donnée M. Akerblad de Tinscription souvent répétée HOIIATS KAACX&»
dans laquelle Mazzochi, Miilin, &c. , ont cru hre, le M HrfaSks. Ce
savant lit tout simplement, HO FIAIS KAA02 [o thuç j»^h]» U bel
enfant.
Après avoir donné de justes éloges aux deux Recueils de tases gncr
peints de M. Millingen , qui a puisé les premières notions de la sdenctt
de (antiquité à Paris, dans le Cabinet des antiques du Roî et dansceluî
de Tabbaye de Sainte-Geneviève, et qui a fait imprimer ses ouvragés à
Rome, je dois parier de ceux qui ont été publiés en France fKir M. Dur
bois de Alaisonneuve. Le premier a paru en deux volumes, grand /n^/i^,
avec les explications de feu Millin, sous le titre de Peintures- de vastf»
Le public a reçu cet ouvrage avec beaucoup d'intérêt. II enaccordem
sans doute aussi au nouveau recueil que publie le*mème éditeur, sous ce
titre: Introduction a V étude des vases antiques d* argile peints t if c* Les
trois livraisons qui ont paru, seront suivies de cinq autres, dont la
dernière ne contiendra que le texte raisonné de Fintroduction , avec
quelques pl:in( lies de formes de vases et de tombeaux. La souscription
(-5t ouverte chez Fauteur, cloître Saint-Benoit, n."" 16;. et chez Treuttel^
libraire, ru? du Bourbon, n." 17.
MONGEZ.
Propos ta M nlaine correiioni ed aggiunte al Vocabulûria delfw
Crusca. Milano, clair imp. regia stamperia, 18 17 et i8i8v
2 tom. — Proposition de tjnelques correctiotts et additions^
au Vocabulaire de la Crusca, &c.
PREMIER EXTRAIT,
Un décret, rendu en i8r4, chargea facadémie de la Crusca de
préparer une nouvelle édition de son célèbre Dictionnaire. L'Institut
joyal de Milan proposa à Tacadémie de Florence de concourir à cet
utile travail. Il paroît que l'offre ne fut pas acceptée, et que Faca-
démie de la Crusca désira corriger seule un ouvrage auquel son nom
est glorieusement attaché depuis deux siècles. M. Monti , que ses grandes
connoissances et %t% talens distingués ont appelé à siéger et dans
. MAI 1.819. J09
^académie de la Crusca» et dans Tlnstitut royal de Milnn, adresse pu-'
bliquement à ses confrères de Florence les observations qu*il leur eût
sans doute confiées en particulier , si VofftQ de l'Institut n'avoit pas été
rejetée. Cette circonstance aura été utile aux lettres, puisqu'elle est fa
cause ou l'occasion de l'écrit dont j'ai à rendre compte.
Cet onrrage» dont il paroit deux parties, est d*un intérêt plus grand
que le titre ne semble l'annoncer. On auroit pu croire que l'auteur
n'avoit d'autre but que de proposer quelques corrections et quelques
additions au Vocabulaire de la Crusca; mais il s'élève avec succès aux
hautes théories de la science, de même qu'il descend heureusement jus-
qu'aux moindres détails d'exécution.
Ces deux parties, publiées en 1 8 1 7 et en 1818, renferment entre
autres, u^un discours de M. Monti sur les imperfections du Vocabu*
laire de l'académie de la Crusca; 2.* un examen de plusieurs mots de
ce Vocabulaire , depuis la lettre A jusqu'à la lettre F exclusivement ;
3.** une dissertation sur les écrivains du Trecento (T , par M.. le
comte Jules Perticari, gendre de M. Monti, et qui, par rériidiiion,
l'esprit et le goût qu'il a développés dans cet ouvrage, s'est montré digne
d'appartenir à la famille de l'illustre poète italien.
Je commence par l'analyse et l'examen de la dissertation de M. le comte
Perticari, parce qu'elle est une introduction au travail de M. Monti.
Déplorant les vices qui se sont introduits dans la langue italienne,
M. le comte Perticari applaudit au projet des littérateurs qui cherchent à
la rétablir dans sa pureté primitive, en accordant aux auteurs duTRECENTO
toute l'autorité qu'ils méritent ; toutefois il craint qu'une admiration
et une imitation serviles ne produisent que l'appauvri^ssemem de la
langue; il se porte donc médiateur entre la licence des novateurs, qui
l'altèrent par leurs prétendues créations, et la superstition des puristes,
qui ne veulent accepter pour règles que les exemples de ces anciens.
11 examine quels ouvrages on doit considérer comme modèles : il de-
mande s'il faut imiter toujours et par-tout les auteurs du Trecento ; s'ils
ont droit de faire autorité , même dans les parties qu'ils n'ont ni traitées,
ni pu Jraiter; il recherche quels défauts peuvent être mêlés à leurs
bonnes qualités, et en quel nombre; enfin, s'il y a lieu de déférer aveu-
glément à l'opinion de ceux qui prétendent qu'on doit écrire seulement
dans la langue du Trecento, user seulement des mots qu'elle a
employés, et même que, pour parler des choses nouvellement trouvées,
(i) J'avertis que, pdr cette expression, les iittéraieurs italiens e.uenJeut le
Siècle q^ui a commencé en 1301, et qui a fini en 14.00.
jio JOURNAL DES SAVANS,
il est indispensable de recourir aux mots de Tépoque où elles nVtolent
pas connues; et il se pro[x>se de fixer ies limites convenables q[ui doivent
circonscrire Tiniitaiion des auteurs du Trecento.
Dans la question relative à cette imitation des anciens auteurs itiUens »
personne n'avait encore recherché avec un soin particulier quelle «voit
été l'opinion des trois grands martres, Dante, Bocace et Pétrarque: ce
préalable étoit pourtant nécessaire; et si ces pères du langage ont
eux-mêmes reconnu Timperfèciion du style de leur temps» doît-on
aujourd'hui le croire parfait î M. le comte Perticari prouvé que, dTaprès
Dante, on n'auroit pas dà accepter comme autorité littéraire » lèi
exemples tirés du Trésor de Brunetto, du Pataffio du même auteur»
des vers et des lettres de Guittone d'Arezzo, et encore moins les
exemples puisés dans les traités, les vies, les légendes, les contes, lei
nouvelles , les* receuils de miracles &c. &c. de l'époque ; et ,^ entrant
dans des détails pour justifier Topinion de Dante, il examine en critique
les ouvrages de Guittone d'Arezzo , de Brunetto, de Jacopone de Todî,
et il s'appuie à ce sujet du témoignage de François Sachettî. Ce qu'il ^t
de la langue populaire, sur laquelle Dante a beaucoup écrit, te conduit
\ rechercher l'origine de la langue vulgaire italienne.
Il n'a pas le dtssein de renouveler la dispute touchant Forigine de la
langue italienne, qu'AIciat, Philelphe, Pogge, Ménage, Cittadini»
MafTei et autres savans, ont cru avoir existé en grande partie parmi ie
bas peuple de Rome , dès l'époque où l'on y a parlé le ladn. Là langue
des habitans de la campagne différoit de celle des habitans de la ville,
et M. le comte Perticari rapelle plusieurs des exemples que ces auteurs
avoîent cités pour appuyer leurs opinions; M, Ciampi les avoit ras-
semblés dans une dissertation dont j'ai rendu compte dans ce journal
( juin 1818, p. î 2 5 ) , et j'y renvoie les personnes qui deshreroienf
connoître en détail les autorités , les raisonnemens et les réfiitationJ.
Mais il est un point de la dissertation de M, le comte Perticari, sur
lequel H est indispensable de s'arrêter. Pour prouver Texistence et Fusagè
de la langue italienne au ix.' siècle, M. <e comte Perticari se fonde sur
un passage de Pierre Damiani, Cet auteur, dit-il, rapporte qu'un
Français, qui se trouvoit à Rome dans le ix.' siècle, y parloit la langue
vulgaire d'une manière qui n'offensoit point l'urbanité romaine. Ce
passage important, et qui a paru décisif à Muratori et à M. lé comté
Perticari , mérite d'être examiné avec attention , soit cpiant à l'époque
où il a été écrit, soit quant au sens que Pierre Damiani y a attaché.
Pierre D^niani naquit à Ravenne en 1006, et il mourut en J07a;
c'est dans la seconde moitié du XI / siède, et non dans le IX.*, qull»
MAI 1-819. '3*^
^crit ce passage, qiie je rapporte plus au long que ne Font fah Murafori
et M. le comte Perticari :
Hod'ùque ctrù in Romana urbefrater advivit , oitus de summiî proceribus
GalUarum, cujus nom en taceo. . . . Quodam modo s'icut Tullius loquîtur,
ut Virgilius poetatur, tuba yehemens in ecclesia. . . . scolasticè dîspu-
tans, (juasi dacripta libri verba percurrit ; VULGARITER loquens;^ rcrnianU
urbanitatis. ngulam non offmdit ( i ).
n me semble qu'il n'y a pas deux manières d'expliquer ce passage ;
îl paroît ne désigner que la langue latine. ScOLASTicè disputons,
c'est-à-dire , « faisant un discours d apparat , il parloit avec une teife
» facilité, avec une telle élégance, qu'il sembloit lire unlivre^ » VULGÂ'
RI TER loquens, c'est-à-dire , « faisant la conversation , tenant des discouA
» familiers , il ne blessoit point l'urbanité, la politesse romaine, t Ce
cafactère d'urbanité, de politesse, peut convenir par^itement à In langue
latine qu'oa parloit à la cour papale dans île Xi/ siècle; mais il ne pour*-
foit jamais être appliqué à la langue italienne vulgaire, dont aucun mor
nument n'atteste l'usage à cette époque ; et s'il est un ]>ays de l'Italie où
la langue vulgaire se soit vraisemblablement établie plus tard qu'ailleurs ,
c'est sans doute à Rome, parce que la cour a dû conserver plus long«-
temps lusage de parler latin. .
Si pourtant on persiste à appliquer ce vulgàriter à la langue
vulgaire italienne, il faut du moins reconnoître qu'il ne concerne que
la fin du XI.* siècle. J'ai déjà eu occasion de dire, et je répète avec
plaisir, que je ne serois nullement surpris que' l'on trouvât quelques
monujnens de la langue vulgaire italienne d'une époque beaucoup plus^
ancienne que celle des monumens connus jusqu'à présent. Je le désire
vivement, et moi-même je n'ai épargné ni recherches ni soins pour en
découvrir; mais tous \ts raisonnemens , toutes les inductions quon
rassemble, ne sauroient fournir des conjectures satisfaisantes, et encore
moins suppléer aux preuves matérielles que devroient fournir les
monumensr
L'idée de Fexistence et de fusage.de la langue italienne dans le ix.^
siècle a séduit M. le comte Perticari, au point qu'il a avancé que les
Italiens ont fourni aux troubadours les mots qui se trouvent à-la-fois dans
leurs poésies et dans le langage populaire des Italiens. Il se propose,
dit-il , d'édaircir cette question neuve et délicate , en comparant les
chroniques inédites italiennes et les dialectes actuels des peuples méri-
dionaux de l'Italie, avec les ouvrages des troubadours. Je désire viveiiient
mmr
(i) Pétri Damiani Opuscula, XLV., cap. Vli<
Jiï JOURNAL DES SAVANS,
qu'un littérateur tel que M. le comte Perticari, traite cette question,
ayant moi-même fait à ce sujet des recherches qui paroltroni dans la
collection que je publie sous le titre de Choix des poéiits oriffnales des
Troubadours.
Une assertion que 7e trouve dans la dissenaiion de M. ' le comte
Periicari, et que j'adopte sans restriction, en me servant de ses expres-
sions mêmes , c'est que fa langue latine fut Tateule, et la langue romano
Ja mère de tous les idiomes de l'Europe latine.
Cette digression sur la laiigue italienne le ramène à Dante, et, d'après
' le témoignage de Villani , il prétend que le grand poète rejeta tous les
tlialectes de l'Italie , sans excepter le dialecte florentin , pour former une
langue dioisie dans tous ces dialectes : on ne doit donc pas afiêcter l'imi-
tation des ouvrages composés entièrement dans ridiome florentin , sien-
nois ou pisan , lorsque ce dialecte s'écarte du langage général déjà re-
connu comme règle par les auteurs qui, dans toute l'étendue de l'Italie,
ont écrit sur les lettres, les arts et les sciences , et qu'honorent du titre
de classiques et les Italiens et les nattons étrangères. II reproche à
■B. Davanzati d'avoir ignoré ces opinions de Dante, et d'avoir, quand
il a traduit Tacite en vulgaire florentin , travesti par des formes populaires
la plus noble des histoires. Il n'admet pas comme modèles les divers
ouvrages qui apparlienneut \ ce dialecte florentin , et où sont consignés
Ms idiolismes. A ce sujet , il entre dans un long détail des mots barbares
du TreCENTO , déjà condamnés par Dante : leur rapprochement semble
ajouter encore & leur barbarie , et présente une langue \ part. Passant au^
détails relatifs aux conjugaisons adoptées par divers auteurs du Trecento,
«t sans vouloir renouveler les attaques des Muzî et des Trissin , il affirme
« croit prouver que l'on trouve, dans les dialectes de la Toscane, des
formes qui sont étrangères à la grammaire italienne (1).
MAI 1819. 313
de Fauteur me paroit trop sévère : toutes les langues ont plus ou moins
d*homonymes, et, lorsqu'un mot a acquis Fautorîté convenable pour servir
à un double emploi » sans floute un écrivain qui veut écrire avec élé-
gance évite de s'en servir avec la double acception dans la même phrase
ou dans des phrases trop rapprochées , mais il n'appartient pas aux j>hî-
lologues de condamner une acception plutôt que Fautre : cette doctrine
littéraire^ appliquée aux diverses langues, leur ôteroit des ressources
et des richesses, sans ajoutera leur perfection.
II passe •ensuite aux causes qui , dans le Trecento, causèrent fa
corruption des mots , et il en trouve quatre : i .** défigurer les mots
étrangers qu'on transportoit dans la langue ; 2."* raccourcir les mots pour
la seule coijimodité; 3.'' y ajouter inutilement des lettres selon les dia!-
lectes ; 4-'' ne pas bien distinguer les terminaisons.
II ne faut donc pas s'étonner de ce que Dante jugeoit la langue de
«on temps encore très-imparfaite : M. le comte Perticari rassemble
beaucoup de passages de Fillustre poète, qui ne permettent pas de. douter
de cette opinion.
Buoinmattei a prétendu qu'il étoit difficile , qu'il étoit même impos-
sible de soumettre à des règles la langue générale en Italie , tandis qu'il
^toit aisé de perfectionner une langue particulière, c'est-à-dire, la langue
toscane, pour en faire la langue générale. M. le comte Perticari s'at-
tache à combattre cette assertion; et il cite les exemples de la langue
grecque et de la langue latine, qui furent soumises aux mêmes règles
et dans les diffêrens pays et dans les différens temps ; il indique de
même plusieurs de nos langues modernes.
II me semble qpeu les exemples invoqués ne réfutent pas victorieu*
sèment Fopinion de Buommattei , puisque , dans la Grèce et daiis lem-
pire romain , la langue a été générale , universelle , non* par le résultat
d'un travail, d'un perfectionnement qui, des dialectes de plusieurs pays»
a formé cette langue générale ; mais parce que la langue d'Athènes et
celle de Rome ont été adoptées dans les différens lieux et dans les diffè-
rens temps par les divers peuples qui les ont parlées ; et Buommattei ,
se prévalant de ce que lïdiome toscan est reconnu pour le plus parfait
des idiomes italiens, pense qu'il est plus facile de le perfectionner, afin
que tous les peuples de FÏtalie Fadoptent , que de former un idiome
commun, général, en puisant dans chacun des idiomes ce qu'il ofîriroit
de plus parfait.
M. Perticari rapporte ensuite les opinions de Bocace et de Pétrarque
à Fégaïd des écrivains du Trecento , dans lesquels ils ont reconnu
Rr
3i4 JOURNAL DES SAVANS,
de grandes imperfections ; il y joint l'opinion de Bembo, qui a reproduit
fa leur; et, de toutes ces autorités, se déduit la juste conséquence qu*îl
ne suffît pas qu'un auteur soit de cette époque pour qu'il ait droit d'être
rangé parmi les classiques.
Afors M. le comte Pertîcari examine comment il ftut étudier et
imiter la langue des auteurs du Trecento; car, de ses observations et
de ses opinions précédentes , il est loin de conclure que cette étude et
cette imitation ne soient très-convenables : il les recommande comme
utiles , nécessaires et même indispensables ; mais il veut » il exige du
discernement; car la langue change 5ans cesse, les mots se détournent
de leur signification primitive. Dante lui - même assuroit que si Ton
examinait les révolutions survenues depuis cinquante ans dans la langue,
on se convaincroit que divers mots avoient péri, que d'antres s'étoient
introduits et que plusieurs avoient subi des changemens : il a été hcile
ù M. le comte Perticari de justitier par des exemples nombreux cette
assertion de Dante.
Il observe judicieusement que souvent les livres imprimés dTaprès
les anciens manuscrits contiennent des erreurs commises par les
copistes, et il prouve que les écrits des auteurs du Trecento
ofl^ent beaucoup de fautes de cette nature : il seroit donc dangereux
de prendre ces mots altérés pour des règles de style. Les développe-
mens que M. le comte Perticari donne à cette partie de son travail sont
très-convaincans.
Si d*abord il a indiqué dans plusieurs auteurs du TRECENTO les mots
qui dévoient être rejeiés de la langue générale, commune, il indique
ensuite les mots qui doivent Icnrichir, en les secherchant dans ces
mêmes auteurs, h. Taide d'une critique sage et d'un goût exercé. Il exa-
mine sous ce rapport Guittone d'Arezzo, Villani le vieux, Cavaicanti»
les vies des Pères, l'ancienne traduction des décades de Tire*Live, dans
laquelle, obser\'e-t-iI, on doit faire attention que l'auteur, qui ignoroic
le latin, a travaillé , non sur l'original , mais sur une traduction proven*
çale ; et il cite de même plusieurs autres auteurs de Tépoque.
Après avoir ainsi Ciit connoître ce qu'on peut recueillir d'utile dans
des ouvrages qui ne sont pas dignes dune grande estime, il penscqu'on
doit se garder avec soin d'imiter les défauts des ouvrages qui ont le plus
mérité et obtenu l'estime générale; et, à ce sujet, il discute divers
passages de Dante, de Pétrarque et d'autres écrivains justement re-
nommés.
II avertit ensuite du darc;er de tomber dans Je style bas en cherchant
MAI 1819. jij
le style naturel , cfétre sec en voulant être simple , de devenir affecté en
visant à être gracieux.
Mais il regarde comme une erreur très -dangereuse Fopinion qu'on
ne doit écrire que dans la langue du Trecento : il ne lui est pas diffi-
cile de prouver que ce seroit nuire aux plus heureux déveioppemens
et de Tesprit et du langage, et que, si le progrès des lumières exige
la création ou Temploi de nouvelles expressions , elles deviennent noo-^
seulement utiles, mais absolument nécessaires. II fait observer que les
académiciens de la Crusca ont reconnu , la sagesse de cette maxime »
lorsqu'ils ont emprunté des exemptes aux auteurs qui n'apparteiioient.
pas au Trecento. £n effet, ii ne s'agit pas dn dictionnaire d'une langiier
morte» mais decelui d'une langue vivante, dont il faut suivre les mou-> 4l|
vemens, les variations et les progi^s. N'adopter que les termes d'une
époque déterminée, ce seroit renouveler les sectes des sophistes; et riea
ne peut dispenser les aicadémiciens de la Crusca d'enrichir leur voca-
bulaire des termes des sciences et des arts, dont les auteurs du Trecento
n'ont pu parler. Ainsi , en étudiant principalement la langue dans les trois
classiques deTce siècle, i( ne faut pas négliger les classiques dont les
ouvrages ont postérieurehient illustré la littérature italienne : M. le
comte Perticari en nomme plusieurs, tels que l'Ârioste, Davifa, le
Tasse, Caro, Machiavel, Poli tien ,Sannazar, &c. &c. Et préféreroit-on à
de telsjécrivains, quelques auteurs obscurs et ignorés, qui n'ont d'autre
mérite que d'avoir écrit dans cette époque! Qu'on cherche dans les
ouvrages du Trecento la naïveté, le naturel, la simplicité; et dans
ceux des temps postérieurs, l'éclat, l'abondance , l'élévation, et la gravité
des phild^ophes et des grands littérateurs. C'est ainsi que l'étude des uns
et des autres peur conduire à la perfection de l'art d'écrire.
M* le comte Perticari termine son ouvrage en disant que, placé entré
deux factions littéraires, il pense que, si Dante a dit de la langue italienne
qu'elle se montre dans chaque cité de Fltalie et ne s'arrête dans aucune^
on peut dire, en appliquant cette observation aux diverses époques , qu'elle
se montre dans touis les temps , depuis le Trecento jusqu'au temp^
présent, et qu'elle ne s'arrête dans aucun ; mais qu'ainsi qu'à l'égard des
lieux , elle se trouve dans la Toscane plus particulièrement que dans les
autres pays de Fltalie, de même , à l'égard des siècles , elle se trouve daiis
ie Trecento plus particulièrement que dans les autres siècles.
• RAYNOUARD.
Rr 2
31(5 JOURNAL DES SAVANS,
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
Lis qnairc académies qui composent Tlnstitut, ont tenu leur séance publique
annuelle le samcdi.24 «ivril 1819, jour anniversaire de la rentrée du Roi dans
son royaume. Après ie discours d'ouverture, prononcé par M. B ER VI C, prési-
dent, M. QuATRiMiRL Dh QuiNCY, secrétaire perpétuel de racadémie
royale des htaux-art- , a lu une dissertation sur l*cl'jet principal des beaux^^rts ttr
le véritable but de V\ î'u.n'cn , morceau extrait d'une théorie générale de rîmi-
tarion ; A!. Lacr! ïtli.i; le jeune, de l'académie française, un morceau
1^ intitulé Ttillt'iiu de Lt Grcce au temps d' Alexandre ( extrait d'un ouvrage qui a
pour titre, Etudes histori.^ues et p/tiiûsophiques); M. WalckENAER, de
Tacac'é.uie des innTipiions et belles-lettres, l'extrait d*un mémoire sur les
it'fn'wiires de Tripoli à Touduuctvu ; iM. DuiMN, de Tacadémie des sciences,
unr d!s*tTtation ayant pour titre, de l'Influence des sciences sur V humanité des
peupi s de l' Europe; et M. Raynouard, secrétaire perpétuel de Tacadémie
française, une oae intitulée Camoëns,
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Trvscr des origines et Dictionnaire !*rammatical raisonne de la langue française ,
parChariesPougenSfde 1* Institut de France, j/7mi/ifn. Paris, imprimerie royale;
chez Treuttel et Wuriz , in-^S ; pages, i-xix, préface et additions; — 1^280,
Trésor des origines de la languv ira m^ ai se ; — ^^^ 1 -3 34 » Abrégé du trésor des ori-
gines de la langue française; — 335'44*1> Dictionnaire grammatical delà langue
française et table alphabétique. Nous rendrons compte de cet ou vragc dans 1 un
de nos prochains cahiers.
Fait Dictionnaire de la langue française, suivant* l'orthographe de I*aca-
demie &c., par Hocquart. Paris, imprimerie de Boucher, chez baintin, iitjz
de 7 feuilles onze seizièmes. Prix , 4 fr«
Dictionnaire français de la langue oratoire et poétique , suivi d'un vocabulaire
de tous les mots qui appartiennent au langage vulgaire, par J. Planche. Paris»
chez Gide; in-S,\ 57 feuilles; tome I." ( A-E) : 1 1 fr. 40 cent. L'ouvrage doit
avoir 3 volumes.
Œuvres de Molière, avec des réflexions sur chacune de ses pièces ; précWéea
d'un discours sur les mœurs du xvii/ siècle, et de la vie de Moficre,par M. Pe-
tiiot. Cette édition , stéréotypée d'après le procédé d'Herhan et ornée de \o es-
tampes, formera six volumes in-S.* , qui parottront incessamment chez Gide fib.
Le prix de la souscription est de 36 francs.
Deux pièces inédites de J. B. P, de Molière ( la Jalousie du Barbouillé et le
Médecin volant). Paris, impr. de Fain, chez Desoër, in-^.*^ de 4f<^uiIIes xxo\%
quarts. Prix, i fr. 50 cent.
La Panfypocrisiade, omIc Spectacle infernal du XVI.^ siècle, comédie épique.
MAI 1819. 317
par Népomucènc L. Lemercier, membre de l'Institut. Paris, impr. et librairie de
Fîrmin Didot, in-S/ de 4" 6 pages.
Carte générale et élémentaire de V Allemagne, conformément à l'acte- du
congrès de Vienne du 9 juin 181 5 ; comprenant en entier l'empire d'Autriche,
la Confédération germanique, le royaume de Prusse , le royaume des Pays-Bas,
et le royaume de Pologne; par Brion de la Tour. Celte carte, gravée par
MM. Perrier et B. Tardieu, se recommande non-seulement par son exactitude
et sa netteté, mais encore par de petites notes indiquant la population des villes
et les objets d'histoire naturelle et d'industrie propres à chaque province*
A Paris, chez Treuttel et Wiirtz.
Voyage dans l'Asie mineure, l'Arménie et le Kourdistan , dans les années f 8 1 }
et 1814, suivi ^^ remarques sur les marches d'Alexandre et la retraite des Dix-
mille, par Macdonald Kinneir; traduit de l'anglais, par Perrin , avec une grande
carte. Paris , imprimerie de Smith, chez Gide fils, 2 vol. in-S,'^ Prix, 14 francs.
( Voyez Journal des Savans, février et mars 1819, pag. 106 et 142).
Voyage de l'Inde en Angleterre par la Perse, la Géorgie, la Russie, la Pologne^
et la Prusse, fait en 1 8 1 7 par le lieutenant-colonel Johnson ; traduit de ranglais.
Paris, chez Gide, 2 vol. in-S.'^, plus 20 planches. Prix, 24 fr.
Tableau historique de la France, ou Histoire de la géographie, des productions
naturelles, des traditions orales, des traditions écrites de la France; par
G. Graulhié. Ces tableaux, imprimés in-S»' , chez Plassan, sur papier fin colley
formeront huit livraisons qui se succéderont très-rapidement. Le prix de chaque
livraison est de 6 fr. On souscrit, à Paris, chez l'éditeur, rue aes Mathurins-
Saint-Jacques, n.^ 14 > chez Arthus Bertrand et chez Foulon.
Œuvres posthumes de Rulhihe, de l'académie française. Paris, imprimerie de
Cellot, chez Ménard tft Desenne, 4 vol. inS.', contenant l'Histoire de l'anar-
chie de Pologne, conformément à la première édition donnée en 1807. On *
Elacé, parmi les préliminaires de celle-ci, la discussion qui a eu lieu sur cette
istoire, au sein de l'une des classes de l'Institut, en 18 10; savoir, Textraîc
d'un rapport fait par M. Daunou sur le concours au prix d'histoire; les discours
de MM. Dupont de Nemours, Lévesque, Delisle de Sales, de Rayncval» contre
l'ouvrage de Ruihiére, et une réponse à ces discours par M. Daunou.
Histoire de Cromwell, d'après les mémoires du temps et les recueils parle-
mentaires, par M. Villemain. Paris, Maradan, 2vol. in- 8.* de 54 feuilles. II
sera rendu compte de cet ouvrage dans l'un de nos prochains cahiers.
Des quatre concordats de M, Pradt, ou Observations sur un passage de cet
ouvrage, par Michel Berr. Paris, chez Plancher, m- ^.^ de deux feuilles et demie.
Description des médailles antiques, grecques et romaines, avec le degré de leur
rareté et leur estimation ; par T. E. Mionnet, premier employa au cabinet des
antiques de la Bibliothèque du Roi. Supplément, tome I^'VftfeU» imprimerie
de Testu, chez Debure frères et chez l'auteur, 18 19, in-S.* xy) et 471 pages,
avec onze planches. Dans l'un de nos prochains cahiers , il sera rendu compte de
cet ouvrage et des deux suivans.
Recherches critiques sur l'âge et l'origine des traductions latines d'Aristote, et
furies commentaires grecs ou arabes employés par les docteurs scholastiques;
ouvrage de feu M. Jourdain , couronné par Tacadémie des inscriptions et
3.8
JOURNAL DES SAVANS,
belles -fettrei. Paris, Impr. de îlougeTon,chez Famin, ht'S.' Àe 33 feuijiet.
Prix, 6 francs.
Deux Lettres & mylord comte d'Aberdeen sur l'authenticité d« intcriptioni de
Fourmont; par M. Raoul-Kochette, membre de flnititut. Paris, Debure,
'm-4,' de 18 feuilles et 4 planches.
Vues sur l'itiseignement dt la philosophie ,^ii ce Maager; seconde édition >
revue et augmentée, Paris, imprimerie de Crapelet, chez Détervîlle, in-8.' Aa
52 pages, (Voyez notre cahier de février dernier, pages 67-71.) La proposition
de l'autenr, relativement à la philosophie de Keid, est conçue en ces termes:
«En attendant que li méditation des écrits de ce grand homme (Descaites),
» de ceux ie Pascal , de Fillitstre évniue de Meaux et de quelques autres phi-
aloRiphes, ait fait éclort en France de bons élémens de philosophie, je pense
» qu'-on ne sauroit mieuk faire que de prendre pour base la doctrine de l'école
» écossaise, et principalement les écrits au AocveviRtid, où une méthode exacte
» et circonspecte est réunte k la clarté. »
Discours sur cent question ; Qu'est-cequeîa philosophie ! prononcé le J octobre
1818 ptnir l'tmvenure du coun de philosophie de la acuité de* tertres de
'l'académie deParitiparF.ThDTOt. Paris, impr. et librairie de Firmin Didot,
fn-^.' de 4^ P^S^-
Les Ftmtnts, leur coadttiwi M leur influeRcc dam Tordre social chez le^
diâ~érens peu pies ancicos et modcrnei', par le vicomte de Ségur. Par», impr, de
Rongeran^.3 voUin-/a,cnxmble de 3; feuillci : 9' fr.
Etsai sur les garanties ïndiviétielUs qtu réclame l'état actuel des sociétés, par
M, Daunou, membre de l'Instkut. Paris, iraprimerie de Plassan, librairie de
Foulon, 1819, in-S.' Prix, 4 fr.
Constitutions tk la nation francise, avec un estât ^de traité hisiori<{ue et
fïliiique sur la charte, et un recueil- Je pièces corrélatives; par M. L^njuinais,
aris, impr. et librairie de Baudooin, in-8.* de 32 feuilles et'demie. Prix, 7 fr.
Lfrfaux litre de ce volume porte: ConstitUlionsdttoaslapeupUs.—'KoyiMm.tiK,
France: tomel."
Observations sur l'ordonnance royale du 14. mars tSif , relative à l'organisation
nouvelle donnée i L'école de droit dé Paris, et à l'établissement des chaires de
drottdeUnaiurect des gens, de droit public, d'économie politique et d'histoire
jhilotophiqui ■■■ i..^ ^„i™ T..
MAI l8l^ 3fj
-^Rapport fait par le même auteur à la société royale et centrale d^agriculture,
sur les expériences relatives à la charrue de M. Guillaume. Paris, impr.de
M."»*^ Huzard, in-S," d'une feuille. — Rapport du même à la société royale et
centrale d'agriculture, sur l'établissement rural de M, Dewal de Baronville, et
sur les résultats avantageux obtenus par son nouveau mode d'assolement. Paris,
impr. de M."»* Huzard > in-S.* d'une feuille.
Mémoire sur les moyens d' encourager les découvertes utiles, par J. J. C. Farcof;
«ouvrage posthume puplié par le fils de l'auteur. Paris, imprimerie de Doublet,
in-^* de trois feuilles. Prix, i fr.
Abnanach royal pour Tan 1819, présenté à Sa Majesté par Testu. Paris ,
Testu,//i-A*^ 59 feuilles.
PAYS-BAS.
Commentaire sur la loi relative à la publication , aux effets et à Vapplicatiofi
des lois en général, et sur la loi relative a la jouissance et a la privation des droits
civils, ifc.f par P. A. Quinet, jurisconsulte. Bruxelles, chez de Mat, impri-
meur-libraire, et à Paris , chez Treuitel et Wurtz, i/î-^.* de près de 600 pages.
Prix, 7 fr. 50 cent.
Principes élémentaires de chimie philosophique , zvec des applications géné-
rales de la doctrine des proportions déterminées; par J. B. Van Mons. Bruxelles,
chez de Mat, imprimeur-libraire, fVi-/2 de 390 pages. Prix, 4 fr. JO cent.
M. de Pommereul vient de .publier, à la Haye, le premier volume de ^
traduction de l'Essai sur l'histoire de l'agriculture, parMilizia.
. ALLEMAGNE.
Animadversiones philologicœ in Sophoclem; au et. H. Hupfeld. Marbourg,
Krieger, 1818, i/i-/// 6 gr.
» Observatipnum criticarum^t grammaticarum in Quinti Smymœi Post-Homerica,
particula prima ; auctore Fr. Spizner. Wittemberg, Rabner, in^8,* , 18 18.
Observationum in Propertii carmina spécimen ; auctore C. F. A. Nobbe*
Leipsick, Weigel, 1818, un vol. gr. in-S." : 6 gr.
Ariost, Ù'c; le Roland Furieux d*Arioste , traduit en allemand par Ql*
Strekfuss; tome L", Halle, Hemmerde, 1818, //i-^.*; i rxd.
Dichtungen ifc»; Fictions mythologiques et chants des Scandinaves ; traduits
ile L'islandais, et accompagnés de notes, par F. Maier. Leipsick, CAoboich,
1818, //7-^.*; I rxd. 12 gr.
Uber Ausmessung ifc» ; Mémoire sur la mesure du Pont^Euxin , du Bos-'
phore ,ifc.; par Fr. Kruse. Breslau, 18 18, 16 pages in^S.*
Handbuch ifc; Aîanuel complet de la géographie actuelle de l'empire d^Au^
triche; fdiT M. de Liechtenstein. Vienne, Bauer, 1818,3 "^^l* g*"* inS.^ : 15 fl.
30 kr.
Handbuch is^c. ; Manuel géographique et statistique de la Silésie et du comté .
de Glati; par Fischer; .tome 1. Breslau, Hobenfer, 1818, in-6W' i rxd. 12 gr.
JVanderungen ifc; mes Excursions dans une partie septentrionale de l'AlU"
magne; par P. Scheitlin. Giesen , Miillcr, 181 8 , 2 vol. /VA" Prix, 3 fl.
Bcmerkungen Ù*c»; Observations faites pendant un voyage par la Thuringe, la
320 JOURNAL DES SAVANS.
Franconie, la Suisse , l'Italie, le Tyroiet la Bavière,- par F. Meyer; tome I.*'
Berlin, Nicolai, ii>i S, .■/.-<^/; 2 rxd. 4 g'*.
Darsrrllurgen , c'^c, ; Tal Lan , (h s pays prussiens sur le Rhin et la Moselle /
par Ad. Siarck. Duislv ur^. , Baedker, 1818,2 \o\, gr. inS." Prix, 2 fl. 4S ^*
Ddrstelluii^en ^7*0,: Tableau historique et tcpogr.:phique de l'Melvéiie , soys la.
domination des Romains ; par Maller, 2/ éHir. Berne, 1818, 2 vol. in-S.* : 3 rxd.
Reise dure h En gland, Jt'c. ; Voyage en Angleterre, le pays de Galles et V Ecosse^
fait en 1816 par Spiker; tome i.^' Leip^ick, Goeschen , 18 18: 1 rxd. i6gr. r
Aloritv von ,Kor^rbue's , rcise nach Persien, mit der russich \aiserlichen
gcsandsschatft im Jahrc 18 17. Voydi^e en Perse y en compagnie de l'ambassadic
russe, fait en Tannée 1817, par Aioritz de Kotzebue. Weimar, 1819, i/i-A*
Versuch ifc. ; Essai sur les inscriptions cunéiformes de Persêpolis ^ par le D.'
Fr. iMiinter. Copenhague, Bonnier, j8i8, gx.in-S," Prix, i rid.
ANGLETERRE. Kalila and Dimna, or the Fables of Bidpai , translated
from the Arabie ; by ihe rev. Wyndani Knatchbuil^ A. M. Oxford » iSiç, in^S»*
Nota. On peut s'adresser à la librairie de M AI, Treuttel et Wiirtz, h Paris,
rue de Bourbon^ n.^iy ; à Strasbourg, rue des Serruriers; et à Lpndres, n,^ jo,
Soho-Square , pour se procurer les divers ouvrages annoncés dans le Journaldes
Savans, Il faut affranchir les lettres et le prix présumé des ouvrages.
TABLE.
Caramanle , ou courte Description de l'Asie mineure, Ù'c.^par Francis
Beaufort. ( Article de Al, Letronne. ) Pag. 259,
De rindustrie française , par AI. le comte CliaptaL (Second Article
de AI, "fessier. ) ^7' •
Histoire littéraire d'Italie, par P, L, Ginguené. (Article de AI.
Daunou. ) 2,^^ m
Les cinquante séances du Marin, en arabe , publiées par M. Caussin
de Perceval. ( Article de M, Silvestre de Sacy. ) .283 •
Lettres inédites de Huiri II , l'^'c, , par AI. J. B. Gait. (Article de
At, Ray noiiard. ) ^87 •
Descri^ione dtgli Stateri antichi , per Domenico Sestini, (Second
article de Al, Raoul-Rothette. ) 290.
Tome troisième de l'Histoire de la sculpture en Italie, par Al» Cicognara,
( Second article de AL Quairemère de Quincy. ) 297^
Peintures antiques devases u^recs ,publ'iées par James Alillingen. (Article
de AI, Mongcz. ) 303 .
Proposition de quelques additions et corrections au Vocabulaire de la
Crusca, i^e. ( Article de AI, Raynouard. ) 308,
/V itrelUs littéraires 3 16»
FIN VE LA TABLE.
*
JOURNAL
DES SAVANS.
JUIN IO19.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1 8 1 p.
%
Le prix de rabonnement au Journal des Savant est de j6 (nures par an ^
et de 40 fr. par la poste , hors de Paris. On s'abonne chez MM. Trmtîd et
Wûrt^, à Paris, rue de Bourbon^, fi.' /// à Strasbourg, rue des Semmen, et à
Londres, n.* jo Soho-Square. 11 fiÉut affimnditr les lettres et rarg^ot*
Tout ce qm peut concerner les ûnnonces à insérer dans cejoumaf,
lettres , avis , mémoires , livres nouveaux , &c. doit être Ttdressé,
FRANC DE POifT, OU bureau du Journal des Sarans, à Paris, rue
de Ménil-montant, n/
J
JOURNAL
DES SAVANS.
JUIN l8l
9-
Pensées de Platon sur la tvii^ou , In morale, léi politique ,
recueillies et traduites par M. Joseph- Vîctar Leclerc, pro-
fesseur de rhétorique mi collège royal de Chorlemagne ; avec
cette e'pjgraphe : Audianius Platonem , quasi quemdam deurti
philosophorum ( Cicer. Nat. Deor. U , 12'). Paris, chez
Del^ain, rue des Mathurins-Saijit-Jacques, n.° 5 , i8ip,
1 vol. in-S." de 458 pages. Prix, 6 fr. 50 cent, avec le
texte grec; sans le lexie, 4 &•
1 OUT le inonde parle de Platon , mais peu de gens le connoissent ; on
l'adinire généralement sur parole, à l'exception d'un petit nombre d'élus
qui, familiarisés avec son idiome, 011^ étudié quelques- uns de m:s écrite,
5S 2
324 JOURNAL DES SAVANS,
soit pour y puiser une connoissance plus pariàiie de la langue qu'if a si
admiraljltfment écrite» soit pour tâcher de pénétrer dans les.piofendeurs^
mystérieuses de ses méditations. Or, qui ne peut le lire- dansTorigînaf,
n'en sauroit prendre qu une idée bien imparfaite dans les traductoons de
Grou et de Dacier , qui n'ofTrent qu'un &quelette desséché i au Ueu Jua
corps plein de force et de vie.
Toutefois, il faut bien en convenir, rien de plus difficile qu'une
traduction complète des Œuvres de Platon ; rien de plus difficile sur- tout
que d'en faire une qui trouve des lecteurs. A moins de se livrer à une
étude particulière et approfondie des doctrines philosophiques» comment
supporter sans fatigue la lecture entière de plusieurs des plus importans
écrits de Platon! Celui qui, étranger aux discussions psychologiques, ne
cherche, en lisant ce philosophe, que i écrivain éloquent', Je moraliste
profond, au/oit beaucoup de peine h buivre dans une traduction, f&t-elle
excellente, ces longs raisonnemens dont la chaîne est si difficile à
saisir, et qui, dans Toriginal même, ne sont, pour beaucoup de gens,
que des extravagances revêtues d'un style admntible. Mais, dans tous
ces ouvrages, il y a des tirades magnifiques et du plus haut intérêt, des
morceaux dune éloquence ravissante, où Tame et le génie de Platon
sont empreints tout entiers ; et il nest personne, même parmi les initiés
aux mystères de sa philosophie, qui ne soit channé de pouvoir /es
retrouver sans peine , détachés (ÊÊ cadre qui les entoure.
C'est donc une idée fort heureuse que celle d'extraûre de tous Ies>
écrits de Platon ces pages que S. Justin croyoit inspirées. Déjà Ton
posséduit piubiturs chrcstomathUs de Platon (i), mais elles offieiU
mciiiu des morceaux entiers que des pensées détachées: c'est le con-
traire dans le recueil^iue nous annonçons; ce qui le distingue des ou-
vrages du mémtr genre. D'ailleurs il présente un autre genre de mérite».
celui d*une traduction fort remarquable, ainsi que nos lecteurs pourront
en juçer bientôt eux mêmes par quelques citations.
L'auteur est Al. Victor Leclerc, jeune professeur aussi habile que'zélé
et la orieux . d(['jà connu pnr quelques écrits (2) comme excellent
littérateur, latiniste très-habile, et he'léniste distingué. Cj^ dernier
ouvrage ne peut qu'ajouter encore à la considération dont il jouit.
(1) r.ntrc autres, Chrest^mathia Platoniana, grœcè et latine, Turic- 17 $6*
(auctore F. C hrist. Aluller). ,
(2) L'nc Chnsto athie grecque; — un Eloge de Montaigne; — nn petit
poème Rrec, intitule l.ysîs; — une édition du Pervigilium Veneris; — uit fiirt
non discours latin, &.c.
JUIN 1819. 325
Son recueil se compose de vingt-sept morceaux, qull a eu le bon
esprit de ne point présenter sans ordre , comme Tabbé d*01ivet Tavok.
fiiit pour les Pensées deCicéron; il les a rangés dans trois divisions:
Religion, Morale^ Politique. La première contient, la Formation du monde
(Timée) ; les deux Mondes ou les Idées 'Républ. VU ) ; les Dieux (Lois, x\i
Her r Arménien, ou l'autre Vie ( Républ. x) ; /^ Vertu, le Crimes l' Avenir
(Gorgias) ; le Génie de Jivm /^ (Théagès) ile Poet^e (Ion).: Dans laseconde,
on trouve , les Devoirs de l'homme (Lois, iv, v) ; la Ê^tté filiale (Lois, xi) ;
FAme et les Passions ( Républ. ix) ; la Sagesse, ^la Volupté ( Philêbe } \
i' Anneau de Gygts (Républ. il ) ; Alcibiade, Socrate*[ Républ. yi ) ; U
Serment ( Lois, xu ); le Philosophe (Théétète). Enfin U troisiènie
renferme , le Hègne des Génies ( Lois, IV ) ; les Hommes de Promé/kée( Pro-
tagoras ) ; Athènes au siècle de Platon ( Lettre Vil ) ; la Démocratie et le
Despotisme [Républ. Y lll) ; Portrait du tyran [Républ. ix) ; Plaion aux
Syracusains (Lettre YUl)\ le Chef de l'éducation (Lois, vi, vu);;
Homère ( Républ. ni] \ de la Censure dramatique ( Lois , vu ) ; Puni tient
des sacrilèges, des traîtres, des parricides (Lois, ix) ; Cause mystérieuse
de la décadence des états ( Républ. VlU ) ; l'Atlantide (Timée )..
D'après cette indication, les personnes qui connoissent un peu le
philosophe grec, voient déjà qu'elles trouveront dans ce recueil Ie$ moi^
ceaux qui les ont le plus frappées en le lisant ; elles voient également qu'if
a eu le soin de ne les choisir que parmi les écrits dont l'authenticité est
généralement reconnue: il faut peut-être excepter le Théager, que de$.
critiques fort judicieux pe croient pas de Pbton ; encore personne n'en
est-il bien sûr. Ce n'est pas que M. Leclerc ne puisse éprouver .sous ot
rapport quelques dbicanes de la part de certains critiques d'outre Rhin>.
tels que le savant mais un peu tranchant M, Ast, qui conteste fàuthenr^
ticité de l'Apologie, du Cxi ton» de TEutyphron, des deux. Alcibiade^
de l'Ion , des deux Hippias , du Ménéxène, du- traité ààs, Lois , &c. Tqute-^
fois, avant d'adopter des décisions si hardies et si sévères , il est peut-
être bon d attendre qu'il nous arrive d'Athènes quelques mémoires 'im^
temps. ;.•'-'
L'édition du texte nous a paru correae et f^fte avec beaucoup de-
soin ;. en la comparant avec quelques-unes des dernières éditons faites
en Allemagne, nous avons cru voir que M. Lecferc donne en général
la préférence aux éditions anciennes, mais, en même temp$, que cette-
préférence;[ne lui a pas fait conserver des leçons donr il résulte un sens.
évidemment mauvais. Nous aurions bien, à ce sujet, quelques obses-*
vations à lui faire; mais, comme elles ne portent que sur des vétilles
grauunaiicaies A nous les passerons sous silence*.
jatf JOURNAL DES SAVANS,
Les notes dont il a accompagné sa traduct-on , ne sont point pKilo-
fogiques ; elles portent en général sur des points d*histoire ou de philo-
sophie, et contiennent principalement des rapprochemens de quelques-
vies des pensées morales ou philosophiques de Platon avec celles
tf autres écrivains, et entre autres de nos classiques; elles sont fé^gées
avec beaucoup de précision et de netteté. L'auteur y déploie une érudition
variée, un goût très-sûr, une littérature étendue; et Ton voit bien, à la
peine qu'il a prise Êb consulter les principaux platonicienst Pràdus,
lamblique, Porphyre, &c., qu'il n'auroit tenu qu'à lui de' les fiâre plus
amples et plus profondes. Son ouvrage est précédé de la Vie de Haton «
traduite de Diogène de Laérte ; traduction fort bien fiiite , d'une alfure
très- libre, et cependant fidèle. Les vers répandus avec profusion dank
cette vie , selon l'usage de Diogène de Laérte , y sont traduits en vèirk
élégans et faciles , qui prouvent que M. Leclerc manie très-bien la langue
poétique. II n'a pas cru devoir donner cette Yie toute entière ; il en ft
fetranché quelques détails peu intéressans, et Fexposé incomplet de
ia philosophie platonicienne qui la termine : je ne pense pas que per-
sonne s'en plaigne et lui en fasse un reproche.
Venons maintenant à la traduction , partie prindpafe de son travaif •
Avant de dire notre avis h cet égard, qu'il nous soit permis de rapporter
le commencement du premier morceau , dont le sujet -est h création de
l'univers ; ce morceau admirable est extrait du Hmée, un des écrits
de Platon les plus difficiles à entendse, et qui n'a pas été traduit en
français , depuis 1 5 8 r . <c L'Eternel créa le monde ; et , quand cette image
» des êtres intelligibles eut commencé & vivre et il se mouvoirt Dieu,
» content de son ouvrage , voulut le rendre plus semblable encore an
9> modèle , et lui donner quelque chose de cette nature impérissable.
» Mais , comme la création ne pouvoit ressembler en tout à Fidée éser*
3»nelie, il fit une image mobile de Fétemité; et, gardant pour fnf jà
9» durée indivisible, il nous en donna Pemblème divisible que nous appcs
allons /e temps, le temps, créé avec te ciel, dont la narssanee fie tout-
» &-coup sortir du néant les jours, tes nuits, les mois et les années, ces
19 parties fugitives de la vie mortelle. Nous avons tort de dire, en parlant
» de l'éternelle essence, elle fut, ELLE sera; ces formes du temps ne
» conviennent {ms à Féternité: elle est, voilh son attribut. Notre passé
9> et notre avenir sont deux mouvemens : or l'immuable fie peut être de
9> la veille ni du lendemain ; on ne peut dire qu'il fut , ni qu'il sera ; fes
>» accidens des créatures sensibles ne sont pas faits pour lui , et des rns-
»> tans qui se calculent ne sont qu'un vain simulacre de ce qui est ton-
» jours.... Le temps naquit avec le ciel pour finir avec kii, 8% doivent
JUIN iSl^. 317
» finir: il n'est donc qu'une ressemblance imparfaite d« la durée; car
wcelle-ci est ieteniité même; et l'éierniié, qui n'a point commencé^
»» ne finira jamais. " H n'est aucun de noi lecteurs qui ne sente loul c*
que cetie traduction offre à-la-fois d'éiégance et de majesté; ei s'ils la
comparenï avec le texte , ils verront qu'elie en reproduit non-seuJeiiient
les pensées, mais encore le caractère.
Un mérite égal brille dans la traduction de cet autre passage, extrait
du morceau sur la piété filiale . où se montre toute entière l'am^ noble,
religieuse et sensible de Piaton,... « Un père, une mère, un aïeul, donr
nie fils nourrit ia vieillesse auprès de son foyer, seront pour lui un
» plus riche trésor que les images mêmes des dieux , pourvu qu'il ^>.
x> précie le bien dont il est dépositaire. Que doit-il ^ire pour en étrâ
î> digne! Rappelez-vous de terriMes exemples. (SAipe, outragé par ses
nfils, invoque sur eux la colère céleste;, les dieux l'entendent et
i) l'exaucent.... Phœnix est maudit par Ainynlor , Hippolyie par ThéJtée:
» leur histoire et tant d'auires vous apprennent que le ciel écoute les
» imprécaiions des pères contre leurs enfans ; car la justice a voulu qu'ils
» n'eussent pas de plus redoutable ennemi qu'un père irrité. Mais qu'on
»> ne s'imagine pas que la divinité, toujours attentive, ne serve un père
» et une mère que dans leur courroux. Lorsqu'un fils les honore et les
» remplit de joie; lorsque, dans l'impatience de leurs vceux, ils ne cessent
» d'exiger du ciel son bonheur, ne croirons-nous pas aussi qu'ils sont
ï> alors écoutés et bientôt satisfaits! Les dieux ne seroient-ils plus les
» seuls dispensateurs des biens ! Connoissons-nous si mal ia Providence £
» Non, il n'est point de monument sacré qu'elle regarde avec plus d«
» complaisance parmi nous, qu'un vieux père, un aïeul vénérable, une
» mère courbée par les ans ; elle accueille coinjne de» offrandes lea
» respects dont un fiis les environne; elle le prouve en exauçant leura
» vœux. Quel avantage, en effet, ces trésors de fa Emilie n'ont-ils pas
*> sur les statues des immortel» '. En vain vous chargf z de guirlandes un
» marbre inanimé; il n'a pas de voix, comme un père et une mère,
» pour implorer les dieux. Ah 1 profiiez de celte richesse, protectrice plus
3» sûre que toutes leurs images ^//ûg. ijj, jjifj.»
Ces deux citations sont prises au hasard : le reste de la traduction
offre le même degré de mérile. Ce que les connoisseurs y disiinguerant
lur-tout, c'est la rare intelligence avec laquelle l'auteur saii-it l'enchaîne-
ment des idées et le reproduit en français; ce qui suppose une connois-
sance irès-grnnde de la langue grecque, jointe à un rare talent d'écrire»
L'auteur s'atiathe plus Ji saisir la pensée de Platon dans son ensemble,
qu'à la rendre dans tous ses détails; et il est à remarquer que souvent
1
î»8
JOURNAL DES SAVANS,
il reproduit cette penste avec une 6déGté qu'on ne soapçonneroit pas
d'abord, et qu'on n'aperçoîtqu'en creusant bçaucoup [e sens de roriginal.
L'exemple de M. Leclerc prouve que cette méthode, applicable prin-
cipalAnent k des écnvaii^s tels que les orateurs et les philosophes, peut.
ïlim des mams habiles , être compatible avec une assez grande hdilîié;
cependant |e dois avouer qu'elfe entraîne des inconvéniens , toutes les
Ibis qu'il se présente, dans foriginal, une notion positive, exprimée
irec netteté, précision, et avec un dioîx de termes en quelque sorte
techniques, dont il importe de saisir et de rendre le sens exact, sous
peine de manquer celui de la pensée elle-même. Dans ces cas , il arfive
ordinairement qu'une certaine redierche de l'élégance et de l'harmonie
fiirce M. Leclerc à négliger des nuances importantes , dont l'expresùon
embarnsseroit ou alongeroît sa phrase ; alors sa traduction devient
couvent vague* et manque de clarté ou même d'exactitude. Ainsi,
par exemple, dans le magnifique discours de fÉternel aux dieux, ou-
vrages de sa volonté , on lit : Kouf paroisse^ nés your mourir (p. i a } , au
lîpu de tt parée que vous ttts nés , vous n'itts point immortels ( i ) ; ce qui
est bien pitis fort et plus caractéristique. Dans le morceau nir FAtfan'
lide (p. 319] , au lieu de. En Egyptt, dans la province de Delta, oà
le Nil se divise à son emhitchure, vous trouve^ le nome saltiqne; il faut
traduire : En Egypte, dans le Delta formé par le Nil, qui, se séparant au
tommtt [du triangle ] , l'enveloppe de ses hras, vous trouve^ &'c, (ï). Enfin ,
disent les prêtres de Saïs, nous ne eraignons pas que les plaies inondent
VÉgypte, où l'eau ne vient que du Nil, et ne descend jamais du ciel dans
nas plaines {p. 32}). Cette traduction efîâce une idée importante; le
sens est : Nous ne craignons pas que les pluies inondent l'Egypte, où l'eau
ne descend jamais du citl, mais s'élève du sein de la terre pour arroser nos
plaines (j). Il est évident qu'ici lei prêtres de Saïs reproduisem cette
opinion af^cienne chez les Egyptiens, que les crues du Nil provenoient
JUIN 1819. 319
montagnes <Poù soreoît le Nil entre Syène et Eléphantîne ( i ) , et dont
cet historien a bien su se moquer, quoi qu'en aient dit Aristide (2) et
Strabon (3). On voit par-là que les prêtres de Saïsne manquoient pas
de s'amuser aux dépens des étrangers, en leur répétant les mêmes contes,
pour se dispenser sans doute de leur révéler des choses plus importantes.
Au reste, les fautes de ce genre, que M. Leclerc auroit éicilement
évitées en se tenant en général un peu plus près du texte, sont fort
légères et très-rares : il suffit de lui en indiquer Fexistence et la nature;
on peut être certain qu'il saura bien les voir et les fiiire disparoxtre pour
«ne seconde édition.
^ Nous bornerons en conséquence nos remarques à trois phrases du
Timée, que Marsile Fîcin a rendues d'une manière tort obscure, et
dont M. Leclerc- nous semble avoir manqué le sens; elles sont néan-
moins fort importantes pour la connoissance des idées de Platon sur
le système du monde, et c'est ce qui nous force à nous y arrêter. L'une
de Ces phrases est d'autant plus remarquable, qu'elle n'a été comprise
ni par Aristote, ni par Dîogène de Laêrte.
£n parlant de la formation de l'univers, Platon dit, dans la traduction
de M. Leclerc ^/7. ti) : ce Dieu donna aux dieux des étoiles un corps
» de feu pciu- les rendre plus éclatans et plus beaux ; la forme circu-
» laire, pour qu'ils fussent semblables à l'univers même; le sentiment de
» Tordre et du bien , pour que ce peuple de génies , dont la lumière cou-
»> ronne le monde, entretînt l'harmonie dans les cieux. Il leur assigna aussi
» deux mouvemens: Cun qui les fait tourner sur eux-mêmes, dans une infn'
55 iigabU' persévérance : l'autre qui les attire par l'impulsion irrésistible de
n^ la cause première (4).» D'après cette traduction, il sembleroit que
Platon non-seulement a connu la rotation des planètes, mais même a
eu l'idée de ^attraction universelle; et ici M. Leclerc, entraîné peut-
être par le désir bien légitime de trouver dans son auteur favori des
notions exacres sur l'arrangement du monde, me semble avoir dénaturé
pensée exprimée par ce philosophe dans des termes assez obscurs , il
est vrai, mais dont le sens toutefois n'est point douteux. Bien qu'à la
la rigueur on ne puisse nier absolument, parce qu'il n'y a de preuves
ni pour ni contre, que ceux des anciens, tels que Nicétas ( ou Hicétas ) ,
Ecphante et Héraclide» qui se sont élevés jusqu'à l'idée de la rotation
m ' ' ' t » » .1 I ■■ Il I II. I II I ■■ il»
(1) Herodot.
XVII, V. 818, ^^
%fuiA *deÀ *fVeumSr
Tt
}jo JOURNAL DES SAVANS,
de la terre, ont pu supposer aussi par analogie la rotation des planètes i
il n'en est pas moins cerrain qu'en cet endroit Platon a parlé de toute
autre chose. II dit plus haut, et il répète à plusieurs reprises, que ce^
deux niouveincns des planètes, dont run est oblique, s'exéciUent simuir
tanément dans un sens contrahe I*un à fautre, et sont tpus deux d^
translation ( JiÀ to aixH nA-m tÙ, ^NANTIA i^ nPOi'ENAI }. II s'agit
donc ici du double mouvement planétaire, dans le système, des appa-
rences ; et l'on voit , comme l'a très-bien prouvé Proclus ( i ) * que Platon
a voulu désigner, i J* le mouvement diurnf qui entraine tout Twerc^s dans
une direction constante de l'orient à Tpccident; 2." le mouycmentfroprt^
contraire au premier, inverse par rapport à loidre des signes, et qui
fait rétrograder les planètes chaque jour dans le zodiaque. Ce sont les
deux mouvemens de V homogène et de ïlutérogine dont parle Tiinée de
Locres (2), qui ont fourni Sk Platon tout ce passage; on nesauroît donc
lui donner un autre sens que celui-ci ; ce Dieu assigna deux mouveinena
» aux planètes: l'un [propre] les entraine invariablement dans la raènie
» route, autour du même centre; l'autre [diurne] les porte en avant»
» dominés }>ar l'impulsion toujours constante et uniforme qui fait tourner
» Funivcrs. ».
La phrase qui suit est également remarquable : Platon^r expose les
mouvemens des iixes et des planètes. « Ainsi parurent ces dieujc ( tra«
» duction de M. Leclerc ) , fidèles à la loi qui les rend presqjue station*
» naires, tandis que les génies des planètes, nés avant euKi: se pro*
» mènent dans l'immensité (3). »
Cette traduction est vague et inexacte. Je traduis iittcn^eipent :
c< Dans le même motif furent créées les étoiles fixes, êtres animés
» et divins ; comme tels , ils se meuvent sans cesse dans une direction
» constante et uniforme, tandis que les autres [les planètes] rétrogradent
» en suivant fa route errante qui vient d'être décrite.» Ainsi P/aton
oppose clairement le mouvement simple des fixes au mouvement dautU
des planètes , toujours dans le système des apprences, c'est-à-dire, de
Yimmobiliti absolue de la terre.
Or ces deux phrases suffisent pour fixer invariablement le sens de
cette troisième , qui vient immédiatement après; et c*est la plus diffi-
(i) Proclus m Timeum^p. m: ri àM^euS -nl^itwnlv Ki/iOo/r drafk^fâuu^ rf
7/ ^^i' Oî». «irir ) «TH w. — (2) Tim. Locr. de anima. Si, J. f. — (j) *Js| Sr
4i Tnc alvtu yiynt O0K a-^tuni 4V ojçpatr fia, dila ortBtj zei IkÀ %ûiwL. k %fur^
JUIN 1819. 35f
c)Ie (i);a La terre seule ( traduction de M. Lederc ), notre mère oouv
» mune , qui , par son mouvement de rotation autour de l'axe du monde,
»> produit incessamment les fours et les nuits» naquit fa première dét
» créatures célestes {2). » Les anciens citent ce passage de deux manières ;
les uns lisent î^Ao/u^ynr, les autres f/AnfUrtfr. M. Lecferc a adopté k
dernière leçon, qui est celle des manuscrits, appuyée par Aristote et
Diogène de Laérie; l'interprétation qu'il lui donne semUe d'autaAC
moins contestable , qu'il a pour kii de bien graves autorités. Aristote Ta
entendue de même, car il donne an mot «îXv/Lftirif le sens de MiPH/Aiun (3)«;
Diogène de Laérte est du même avis (4); enfin Cicéron, qui a traduit
le passage dans le sens de immobilité du globe, atteste ailleurs que
d'autres y voient, mais obscurément, l'hypothèse de Nicétas sur la roiatioii
de la terre : Atque hoc etiam Platonem in Timmo dicert quidam arbitrantnr,
^ed pauli ^kscuriks (j).
- A toutes ces autorités, il y en a une plus forte à opposer; c'est celle
de Platon lui-même. Quand on rapproche les trois passages qui nous
occupent, et d'autres encore épars dans le Timée, on acquiert la
conviction qu'Aristote et Diogène de Laérte ont donné un faux sens au
mot t/Xv^Vif, qui prête ici à l'équivoque, pouvant être pris indiflTé-
remment au moyen et au passif. Ils ont adopté le sens du moyen,
parce qu'ils ne se sont pas attachés à suivre la chaîne àss idées cosmo*-
logiqaes consignées dans ce dialogue; autrement ^ ils auroient va qu'il
est impossible d'admettre ici la rotaiion de la ittït^ sans être forcé de
convenir en même temps que tout ce que dit à ce sujet Platon dans le
Ti'mée, n''est qu'un tissu d'absurdités palpables: car ce philosophe,
comme on vient de le voir , reconnu?! le double mouvemens [ diurne et
propre ] dû soleil et des planètes , et la révolution diurne de ia sphère
étoilée. Or ces deux notions sont évidemment incompatibles avec Tidée
de la rotation de la terre. II est donc inoontesuble que, dans cet endroit
du Timée , comme dans tous ses autres écrits (6) , Platon a cru la terns
^ — ■ ■ - _ ^ ■■--.--.--.. - — - — . 1— ji^
( i) Corsînr in Plutarch.vldc.philos. p. XXIV. — (2) rîïr Si , "S^rfr fxif if^um^^tr ,
ïfAOTME'KHN HEPr ToV AI A* HArfrtfl HO'aON TETAME'NON .^t/xiwA
ôrnf ii^^mi yiyn\ passage que Ctceron a traduit ainsi : Jam verb terram, akricem
nostram, aujt trajecto axe susttnetur , drei noctisque effèctricern, tamdemque cnstà--
dem , antiquissimam ccrporùm voluît esse eorum quœ intra Ctflum fig/feteiHttf.
Le moi susnnttur moncre que Cicéron a lu iMo/4<niy et non tiMfèifnf: -*•
(3) Arrstot. de Calo , tî, ij, p. 6^, B.-lI, i4> p- ^3> ^' ^ ' (4) 1*^8-
taert. itt, j. 8j. — {^) Ciccr. Quirsthn. academ. tl, f. /p. — (6) Plâtw.
Phœdon.p.' 108. D. ibi Wyttenb.p. 2fi€.^De Ugibus, Vît, p. 8^3, D s êj^,
D ,€d..Francf»ifc.
Tt X
33^ JOURNAL DES SAVANS,
immobile au centre du monde : c'est ainsi que Proclus a entendu le
passage (i), et il connoissoit bien toute fa doctrine dç Platon; aussi
reprend* ii Aristote de lavoir entendu d'une autre manière* et Ton ne
sauroit être trop surpris en effet qu'un homme tel qu'Aristote ait hiî
une niépribe si forte, et pourtant si évidente. Le mot tiAMyiani [ma'] ^
donc un sens passif; au lieu de signifier /a terre se roulant, c'est-à-dire i
tcurnant sur son axe, il signifie étant enroulée .Q^esx-ik'àm ^ aggloatéréi (2)
circulairement autour de son axe : c'est une métaphore prise de h laine ou
du lin enroulé autour du fuseau de la quenouille; littéralement, ciratmr
voluta , c'est-à- dires circumglobata trajecto per universum axes carTaxie
du monde ( 0 itixoç Jiù. ^mvnç jvmfiifç ) est l'axe de la terre prolongé
des deux côtés. Ainsi Platon parle de la forme ronde de la terre» et non
de son mouvement en rond, comme l'a cru Aristote; c'est l'idée exprimée
en d*autres termes dans le Phédon : £s?v ôr ^^ «^r{i mei^tpiic «m (3}»
Le passage de Platon, ce que n'ont point remarqué les anciens , est
visiblement copié de Timée de Locres, qui dit : te La ttrrè» placée au
» centre du monde , foyer des dieux , est la limite de la nuit et du |our ;
» elle produit les levers et les couchers par la séparation des àori^ûns • • • i
» Elle est le plus ancien des corps que renferme l'univers (4)» » Ce
p<issage sert de commentaire k celui de Platon que nous traduirons ainsif
malgré Aristote et Diogène de Laérte: «< La terre» notre mère com*
» mune, enroulée autour de l'axe du monde, productrice et conseif
3> vatrice de la nuit et du jour, fut créée la première entre tous les corps
» que renferme l'univers. » ....
Baiily dit quelque part : o If seroit bien intéressant de savoir ce qii'uii
» homme de génie , comme Platon , pensoit sur une aussi grandèr
» question que le mouvement de la terre (5). » Il nous semble qu'on ne
doit point conserver de doute à ce sujet. Il est certain que, dans tous les
écrits qui nous restent de lui, Platon admet l'immobilité absolue de Jt'
terre, et Proclus le reconnoît formellement (6). Théophraste, cité par
Plutarque, dit que, sur la ^n de ses jours, Platon se repentit d'avoir, daiH
(i) Proclus in Thnœum^v, zSm , l. 2j et lin, antepen. Oviu fUfifyym$uDm, mr
WAer uaI lif al^ofcL, aai rUi mki in (lis. rtfnf ) ovn^fjiinf ySu Proclvi a lu M^mf.
(2) Ce qui seroit, à proprement parler, le sens de la leçon ÎMo/om^cVst-àHdire,
•i7uxAf«0gufiii« «fecMAivi^erii: mais, comme l'a reniarqué Hemsterhuîs ^orf Tinuei
Lexicon ,p. 6^ sq.) , les deux mots «\»t9B^ et TMCiSB^ se rapprochent au fimd l'un
de l'autre par leur signification ; en eifet, les deux idées a agglomération tx dm»
roulanent autour d'un centre ne sont séparées que par une nuance qui, dans la
seconde, indique la forme avec plus de précision. — (3) Phcrdon. L L ^^
(4) lim. Locr. ta, J. /. — (j) Bailly, ^/Iron. anc. éclairer VII i. S* /• —
(6) Proclus, i/i Tim* i L
JUIN 1819. 3}}
ses écrits , placé la terre au centre du monde , et qu'il adopta Thypothè^
du mouvement de translation (i). Ce fait me paroît d'autant plus
remarquable , que je le trouve en harmonie avec un autre raconté par des
historiens que cite Diogène de Laêrte. Ils rapportent que Platon écrivit
en Sicile à Dion de lui acheter de Phiiolaiis trois livres pythagoriques
pour cent mines (2] ; et il est vraisemblable que ce fut la lecture de ces
livres qui le fit changer de sentiment ; ce philosophe» ajoutent les mêmes
historiens > pouvoit faire cotte dépense» ayant reçu quatre-vingts talens dé
Denys. II n'est pas question de savoir si Platon avoit réellement reçu cette
somme; il suffit d'être sûrque, dans l'opinion de ces historiens , l'achat des
livres de Phiiolaiis est postérieur au troisième voyage de Platon en Sicile*,
le seul qui ait pu prêter quelque aliment à la calomnie > et faire naître le
soupçon qu'il avoit accepté les présens au moyen desquels Denys essayort
d'écarter ses sollicitations actives pour le retour de Dion (3} : et, comme
Dion, expulsé de Sicile, f>endant le séjour de Platon à Syracuse, lôrs
du second voyage , n'y rentra qu'en 3 j 7 pour délivrer sa patrie , on
voit que Platon n'a pu écrire en Sicile à Dion qu'après cette époque ; coi^
séqueînment , que l'envoi des livres de Phiiolaiis n'a donc pu être effectué
qu'entre les années 357 et 3 54 avant notre ère (4)- Platon étoit né en
4^9 ; il s'ensuit qu'il avoit alors de soixante-douze à soixante-quinze ans;
et l'on peut croire qu'à cet âge avancé il avoit composé à-peu*près tous
les ouvrages qui nou^ restent de lui : ce qui confirme le témoignage de
Théophraste, et explique en même temps pourquoi les écrits de Platon
ne contiennent aucune trace de fhypothèse philolaïque.
Peut-être les lecteurs me sauront-ils gré de terminer cet article par
une dernière citation extraite du morceau très-remarquable j/ir /^ V/zir^^
€ratie et U despotisme; ils y trouveront les résultats d'une expérience
consommée que Platon avoit puisée dans l'étude approfondie des gou*
vernemens de la Grèce.
<i C'est presque toujours du gouvernement populaire que se forme le
39 despotisme. ... La démocratie, trop jalouse de ce qu'elle nomme son
» bien suprême, en devient la victime ; elle succombe sous la liberté . • ;-;
» l'amour de l'indépendance , indifférent pour tout ce qui ne flatte pas
»son délire, bouleverse la nation, et la jette dans les bras d'un tyran':
» voyons comment le tyran s'élève.
To Dès qu'une fois un état devenu démocratique , brûlant de cette soif
(i) Theophr. apud Plutarch, Quœstion, Platon, t. X , p, i8j, — (2) Diogen.
Laërt. iii/S'7Ss VIII, /. «#.—(3) Platon. EpîstoL vii,p* iz8j, A»éd.Ffaiufr
— (4) B^thélemy , Voyage du jeune Anach, notes du chap, Jty,
334 JOURNAL DES SAVANS,
» de liberté , a trouvé dans ses magistrats des échaosons naprudeas qui
» lui ont versé toute pure fa liqueur fatale dont H s'est enhné ; alors» s'ils
9» ne sont pas toujours foibles» s'ils n'offrent pas au peuple la liberté à
» pleine coupe, le peuple les accuse et les châtie comme des tnitres qui
j> aspirent k le gouverner .... £st-il possible qu'une telle république
»ne se précipite pas dans toutes les fuiies de rindépendance! Je vois
») déjà l'intérieur des familles en proie à cette insolente égalité • • • • Déjà
» le |>ère s'accoutume à regarder son fils comme son égal; le fibf i ne
» plus l'honorer 9 ni le craindre , pour dire, Je suis fibre. •« .Voilà le
a» précepteur qui flatte son disciple ; le disciple qui méprise son gon*
5> verneur et son maître . • . . £h ! bien , de ce gouvernement si beau , si
» lier, naîtra le tyran. Les fléaux qui ont renversé la constitution oligar*
3> chique, multipliés et accrus par la licence de Fétat populaire > lai
» préparent l'esclavage; car tout excès amène volonlien Fexoès om*
» traire. ... Il est donc naturel qu'après la démocratiet vienne le
» despotisme ; après l'abus de l'indépendance, l'excès de la servitude. • .
3> Les premiers jours , le tyran accueille d*un sourire et dW tir gracient
•> les moindres citoyens » leur promet à chacun et à tous le p4«s hti
a> avenir, distribue les terres à ses favoris et an peuple^ et prend le
«> masque d'un père affectueux. Mais, à peine quitte des guerres exlé-
» rieures, soit par des traités , soit par des victoires, e/lnyé du repos qui
» le menace, il Êiit germer des guerres nouvelles, pour qtfon ait besofti
a» de lui; c'est encore un prétexte d'augmenter les impôts, «finqi^h
a> nation, appauvrie, occupée chaque matin des imiyens deTivre tê
«» jour, n'entreprenne rien contre son maître. • • La gufeiw est donc
j» toujours nécessaire au tjrran, et la haine inséparable de «on iloiii«o >-
M» Victor Leclerc ne craint pas d'avouer cpt'il aconsacié iniilafiilées
à son ouvrage : cette sage lenteur, fort peu de mode aujouidliiii, est la
marque d'un esprit éclairé, qui se défie <r autant ph» de loi-^mène ifjfU
connoît et apprécie mieux K'S difficnités ; if en sera léotmipensé,* je
-le pense, par le succès de sa tnuinction : je ne balance pas à cnm
^ue l'estime publique ne tardera pas à la placera càft de ctUe des
JExtraits de Pline, qui jouit parmi nous d'ime répvMÎoa bien méritée.
Si la tâche que ie%i imposée M. Leclerc n'est pas tt>ut44àit aasâ lonigue,
il est juste de convenir qu'elle étoit beaucoup plus dificife; d'ailleurs il
ne tient qu*à lui de donner plus d'extension à son travail^ soa racoeil,
ttf qu'il est, fournit aux jeunes rhétoriciens une série d'excellentes
versions, où les leçons d'une morale sublime sont parées des charipes d'un
style ravissant; il suffit même déjà, pour donner une haute icKe^PiUoit
9UX personnes qui ne connoisâent point encoira le dîacipb db fotfîate.
,'.■ JUIN 1519. ' J3J \
parce qu'on y trouve les plus beaux morceaiit <fe ses «ttvres. Mais ce
recueil est foin de contenir tout ce que Platon oflfre de beau. Dan^Ié
cadre des trois divisions que M. Lecierc a si fudicieusement établies , il
peut facilement intercaler un 'égal nombre de fragmens très-intéressans
qui serviroient 2i lier les autres en|re eux , et à former un corps mofaijt
incomplet et mieux ordonné ; on pourroit ainsi posséder Tensembfe de^
idées principafes qu'un des plus beaux génies de Fantiqtiité s'étoit
faites sur ces grands et inépuisables objets des méditations de tous les
hommes pensans, la religton, la morale et la politique.
LETRONNE.
Histoire littéraire d Italie , par M. Gînguené, tome»
VII, VIII» IX et dernier. Paris, chez MJchaud, 1819 #
SECOND EXTRAIT.
Nous avons rendu compte de celui de ces trois volumes qui achève
l'histoire des poètes italiens du xvi/' siècle; les deux autres, savohfle VJL*
et le VIII/, sont consacrés à la prose: mais ce n'est pas seulement à b
prose italienne; M. Ginguené et son estimable conthiuateur n'ont pu
se dispenser de faire connoftre plusieurs ouvrages composés en latin ,
et même quelques auteurs qui n'ont écrit qu'en cette ancienne langue;
En effet , l'histoire littéraire d'Italie ne se réduit pas à l'histoire de iâ
littérature italienne; elle doit embrasser tous les travaux qui ont exercé
l'esprit humain dans cette contrée, tracer le tableau des progrès qu*y ont
faits tous les genres d'études, théologie, jurisprudence, grammahe et
rhétorique, sdences mathématiques et physiques, sciences morales et
politiques, y compris sur- tout l'histoire. Telle est la distribution des
matières dans ces deux volumes. M. Ginguené n'a compris dans le pian
de cet ouvrage ni les arts du dessin , ni la musique , à laquelle il a
consacré d'autres travaux. C'est en fort peu de lignes, et seulement par
occasion, qu'il parle de la musique dans le sixième volume; de la peinture,
de la sculpture et de Farcbîtecture dans le quatrième.
Avant de retracer fhistoire particulière des études théofogiques^
M. Gi]!^;«ené jette un coup-dTœfl sur l'état général de toutes les études^
ruais ce qu^il adit, dai» ses trois' premiers volumes, des écofes^etd^
universités italiennes jusqu'à Kan 1 joo , ne lui laisse guère icrà observé?
qu'un seuiÊik bien iaporiaiitç c^eist fétabli^semeiit de lar société dès
5j6 JOURNAL DES SAVANS,
Jésuites; principale cause, selon lui, cTune révolution dans rensei-
gnement public, qui, jusqu*alors, confié en très-grande partie à des
professeurs séculiers, fut depuis envahi de plus en plus par des congré-
gations ecclésiastiques. Une discussion historique des progrès et des
effets de cette révolution auroit été fort longue, et, k notre avist
d'autant plus déplacée en cet endroit, quils ne se sont développés» soit
en Italie, soit ailleurs, qu'après la fin du xvi/ siècle. Les travaux théo-
logiques dont M. Ginguené nous présente le tableau, pourroient se
diviser en quatre classes : ceux dont le concile de Trente fut le principal
foyer ; ceux qui , hors de fenceinte et de l'influence de cette assemblée »
nvnnr même sa convocation, eurent le même but que les siens, savoir,
Tcxiirpation des hérésies nouvelles; ceux qui , au contraire, tendoient aies
propager ; ceux enfin qui se dégngeoient plus ou moins de ces contro*
verses, en se dirigeant d*une manière spéciale ou versiacridque sacrée»
ou vers rhistoire de l'église, ou vers la jurisprudence canonique. Ces
détails sont si nombreux, si compliqués, et d'ailleurs si délicats, qu'il a
fallu beaucoup d'art pour les resserrer en un court espace , et en donner
toutefois des notions claires et suffisantes à la plupart des lecteurs.
L'article du droit civil pourra sembler beaucoup plus incomplet; car il
ne contient guère qu'une seule notice intéressante et instructive : c'est
celle qui concerne Alciat , dont les études se sont étendues, comme on
sait, au-delà de la jurisprudence. Tiraboschi, dans le chapitre qu'il a
consacré à l'histoire de cette même science durant le xvi.* siècle» s'étoit
aussi borné à rassembler des détails biographiques qui ne jettent à peu
près aucune lumière sur l'état des écoles, ni du barreau» ni de la
législation , sur le contact ou le mélange du droit canon et du droit dvï»
en un mot sur ce que les annales de la jurisprudence peuvent avoir de
réel et de distinct de la vie des jurisconsultes,
M. Ginguené suit de meilleurs guides quand il parcourt Fhislolie des
sciences physiques et mathématiques : il profite de tous les ouvnges'qui
ont eu pour objet spécial d'exposer avec précision les progrès et ks
écarts de chacun de ces genres d'études; il extrait de tous ces rédts oe
qui appartient à l'époque et au pays dont il s'occupe; il y joint quelque*
fois les détails littéraires que ses propres connoîssances lui fournissent t
et toujours les grâces de son style élégant, simple et clair t ainsi» quand
il nous parledeMatthiole,de Prosper Alpin, de Césalpinvd'AIdrovande»
ou de Fallope, d'Eustache, de f abrizio d'Acquapendente» ou bien de
Tartaglia,de Maurolico,&c., il raconte moins leurs aventurnjiue kun
études, leurs tentatives, ou leurs découvertes; il Ait conmrftre fobjet»
|a direction et le$ résuluts de leyrs travaux. Ce chapitre est Ètmaaé piC
JUIN 1819. 337
des notices relatives à rarchitecture civile et militaire. Ceci semble
contredire ce que nous avons dit de romîssion des arts du dessin : mais ce
n'est pas comme artistes que M. Ginguené considère ici Serlio , Barozzi
;tfa Vignola et Palladio, c'est seulement comme auteurs; et' de tous feurs
édifices, leurs livres sont les seuls sur lesquels il jette quelques regard^;.
Dans le chapitre suivant, il rassemble sous le titre d'études littérâ^il^s
celles qui ont pour objets la grammaire , les langues andennes et les
antiquités. Parmi les philologues dont il retrace et caractérise les travaux ,
nous ne citerons que Béroalde le jeune, Romolo Âmaseo, Vettori,
Calepin |, Marc Musurus, Sante-Pagnini , Ângelo Canini , Onofrio
Panvini, Erizzo, Enea Vico, Fulvio Orsini , Alessandro d'Âlessaadri ,
etSfgonio. Ces noms rappellent assez de traductions, de commentaires^
de lexiques et de recherches savantes, pour qu'on puisse juger de
l'étendue et de la richesse de la matière que traite ici M. Ginguené. De
peur d'en afTbiblir Fintérét, il se garde bien de l'exagérer: il n'omet rien
pourtant de ce qui peut en faire sentir tout le prix et en montrer l'impor-
tance. ccUii siècle> dit-il, dont la richesse littéraire se borneroit à ce
>} genre de travaux, seroit fort pauvre; pour un siècle où surabondent
3> les trésors de l'imagination et du génie, c'est une richesse de plus. »
Des considérations sur le progrès et l'influence de l'art typographique
amènent une histoire abrégée de la famille des Aides; c*est un sujet
qui a été traité plus au long par M. Renouard, mais qui s'agrandit,
encore plus qu'il ne se limite, quand il prend place dans l'histoire
générale d'une littérature. De Fimprimerie des Aides, M. Ginguené passe
à quelques autres établissemens du même genre, de là aux bibliothèques
particulières et publiques^ puis à ces sociétés littéraires qui s'élevoient
de toutes parts dans les villes d'Italie, et dont on prendroit une idée
trop peu favorable, si l'on n'en jugeoit que par leur multitude, ou par
la bizarrerie de leurs noms et de quelques-uns de leurs usages. On voit
que M. Ginguené s'arrête avec complaisance à l'histoire de ces aca-
démies, persuadé {qu'elles ont eu une grande part aux progrès de la
grammaire italienne et à ceux de Fart d'écrire. Il n'a pu manquer de
distinguer par des hommages particuliers l'académie délia Crusca, à
laquelle il étoit lui-même associé, mais qui, avant l'an 1600, n'avoit
encore ni publié ni peut-être commencé le dictionnaire qui a tant
honoré son nom : « Code d'une autorité irréfragable , dit M. Ginguené,
x> barrière forte et solide contre laquelle se sont heureusement brisés
» tous les ejffbrts du néologisme ; modèle enfin si parfait de ce que dort
n être un ouvrage de cette nature , qu'il a fallu que toutes les nations
» lettrées qui ont voulu avoir des dictionnaires de leur propre langue,
vv
3>8 JOURNAL DES SAVANS,
» se rtîgl.issem sur celui de luCfU»i8, ou se coiidninnasseni elles- mênice
u h une évidente et peu hotioraljle inrérionté. »
Les progrès de la langue i::;Iieniie excitèrcni , en Italie tndme, une
jalousie qui leraUeroit fort clr:iiige, s'il n'en exiiioii d'auires exemples»
Romolo Aniaseo prononça devant Chiirles-Quint er Clément VII des
harangues où il soutint qiie la langue latine devoît régner seule et
reléguer l'ilfllitnne dans, les imutiques, lesmarcliés et les villages. Celio
Calcagiiini demandoil que l'idiome italien fût banni du monde entier;
et c'éloii à peu près le veeu de Pieiro Angeiio da Qarg.T , de Barlolommeo
Ricci , de Sigonius et dij plusieurs autres : comme si les langues
anciennes avoicnt à perdre quelque partie de Itur gloire en servant h
pertectionner celles dont elles sont à-la-fuis les sources les plus pures
et les modèles nétessaires ! comme si c'étoit |)érir que de reWvre, et
comme s'il y avoitquilque moyen de mieux recommander l'étude de I»
littérature antique, que d'y puiser les élémens, le goût, les formes des
littératures modernes 1 Quoiqu'il en soit, la Lingue italienne devint l'obiet
particulier de divers ouvrages de Niccolo Liliurnîo, du Bemijo, du
Varchi , d'un grand nombre de grammairiens et de liitéraieuts. M. Gïii-
guené avoit un sentiment Inp vif du caractère et des beautés de cette
langue pour ne pas donner aux traités et aux disseriations qui la con-
cernent toute l'attention qu'ils, peuvent mériii-T. Mais il est obligé
d'avouer que l'art de I cloqueisce étoit moins avancé que la science du
langage; et il n'a pas de grands tlogts à donner nia la tîhéiorique de
Cavalcanii ni aux coraposiiions oratoires du même temps.
Nous oserons ajouter que la carrière philosophique n'est pas non plus
celle où les Italiens du xvi/ •^iêcie ont le plus brillé : assurément il y a
fort loin de Mazzont, de Teîesio, de Cardan et de Giordano Bruno, il
Bacon, à Descartes, h Locte et à Maiebranche. Du reste, la philo-
sophie italienne est ici divisée en deux espèces : la scholastique, qui se
partage ede-méme en deuxsetle», la platonicienne et raris!otélicienne;«
lindépendai:te,qui se coin pose à l'aventure d'opinions plm bizarres qu'ori-
ginales. On distînguoit parmi les péripaiéiiciens , Achillini, Pomponace
et Cremonini; parmi les disciples de Platon, MaioNizzoli. Jean-François
Pic de la Mirandole et Francesco Patrizzi. L'article de Mazzoni.qui
ouvre la liste des syncrétisles ou indépendans , est rédigé par M. Salfi, et
suivi d'une digiessîon de M. Ginguené sur,Raimond Luile.que cette
classe de philosophes auroil pu reconnoîire pour chef, s'il n'eût été de
sa nature même de n'en point avoir. L'ouvrage se continue par une
jH'tice de M. Salfi sur Telesio, notice dont M. Ginguené s'étoil contenté
d'indiquer la place : mais tout le reste du tome VII est de M. Ginguerîè
JUIN 1819. 33^
lui-même 9 et contient le tableau de la vie et de fa philosophie de Cardan
et de Giordano Bruno; Fanalyse de ce qu'ont écrit sur divers points cte
morale Alexandre Piccolomrni et Francesco son frère , du livre de
Castiglione ayant pour titre le Courtisan, enfin des dialogues moniluc
du Speroni et du Tasse : ces derniers articles rendent à l'ouvrage tout
l'intérér qu'il s'exposoit à perdre en reproduisant des rêveries méta-
physiques, dont l'obscurité demeure impénétrable quand on veut en
parler succinctement , et dont l'insignifiance devient accablante lorsqu'on
entreprend de les expliquer.
• Le tome VIII commence par un chapitre sur la poliiique, divisé en
trois sections ï la première est une notice sur la vie de Machiavel; h
seconde 9 un examen de ses ouvrages; et la troisième, un exposé des
travaux du même genre entrepris par d'autres écrivains. La vie de
Machiavel est le véritable commentaire de ses livres; et fusqu'icr ce
commentaire étoit resté fort incomplet. On se bonioit k dire que la
république de Florence, dont il étoit le secrétaire, l'avoit chargé de
diverses missions politiques à la cour de France, à la cour de Ronde,
auprès du duc de Valentinois, auprès de l'empereur, au camp de Pise.
M. Ginguené le suit d'année en année dans toutes ces légations : cette
vie devient ainsi une partie essentielle de l'histoire de Florence, et tient
même à celle des états qui avoient alors des relations avec cette
république. Presque tous les détails en sont extraits des correspondances
politiques de Machiavel, qui jettent d'ailleurs un grand jour sur son
caractère et sur ses intentions : malheureusement ce jour lui est peu
favorable, et ne nous éclaire que trop sur le véritable sens dans leqaef
doit être pris son Traité du prince, si diversement jugé. L'une des pièces
les plus décisives, aux yeux de M. Ginguené, est une* lettre de Ma^
chiavel qui étoit restée inconnue en Italie jusqu'en 1810, et qui est
ici publiée pour la première fois en France. On y voit que , pour sof tif
d'une position voi.sine de la misère, et pour rentrer en grâce avec les
Médicis , Machiavel prend la résolution de dédier à l'un d'eux ce fiuneuit
Traité, persuadé qu'il ne peut manquer d'être agréable et utile à un
prince, et sur-tout à un nouveau prince. Dans la seconde sectioni
M. Ginguené analyse ce même Traité, le compare tant aux Discours dtf
l'auteur sur Tite Live qu'aux livres de Platon, d'Aristote et de Cicéron
sur la république et sur les lois : si ces parallèles ne tournent point k
l'avantage des qualités morales de Machiavel, ils peuvent au nîmif
inspirer une haute idée de sa sagacité, de ses lumières et de Tétuitei^if
avok &ite des institutions anriqnes et modernes. Se^ autres ouvrages f er
sur^tottt son HîHoiredë Florence riiiérilffat de» éloge» qdVmn'eVt pas
vv 2
34o
JOURNAL DES SAVANS,
aussi obIi{;é de rps'reîndre. La iroisièmE' section est de M, Salfi : ce so:;t
les écriis de Glaiiiiotli, de Coniarini , de Foglieiia , de Paruia , d'Am-
mirato,de Botero, qui en fournissent la matière. Le continuateur étant
forcé de convenir que la répiitaiîon de ces écrivains politiques, trop infé-
rieurs à Machiavel, a suct'omlié el presque disparu aux regards de la
postérilé, nous nous dispenserons de rien extraire des extraits qu'on
donne ici de leurs «uvres.
Paul Jove ei Guichardin sont les deux seuls historiens sur le'iquels
M. Cinguené ait laisse des notices historiques et des obser/aiionscri-
tiques. M. Salfi, après y avoirjoint un article sur Adriani, nous rend compte
deshisloires particulières de Florence parNardr, Segni, Varchi, Bruto,
Atninirato; de Venise, par Bemlio et Paruta;de Gènes, parBonfidiq
et Fogirelta. Ne pouvant suivre M. Salfi dans ces détails, nous ne ssurîonï
mieux faire que d'emprunter le résumé qu'il en offre lui-mônie, el par '
lequel nos lecteurs pourront juger du caractère de ses idées et de son
Style, et Tous ces historiens ont plus ou moins le droit de figurer dans
w le tableau de la littérature italienne du xvJ." fiècle; leurs ouvrages
» sont les monuinens des progrès que le genre historique a^'oit faits en
» Italie, quand il commençoil H peine â rfnnîlre dans les autres conlréts
» du monde littéraire. Mars, iorsqu'en rendant cette justice à tous iei
^écrivains italiens qui, dans le cours du xvi.' siècle, ont consacré leurs
» veilles et leurs laîens t fliisloire, on veut reconnoître les caractères
» particuliers qui peuvent distinguer les Floreniins des Vénitiens, les
»> uns et les autres de tous leurs voisins, il est difficile de ne pas décerner
>> la palme aux historiens de Florence, si l'on considère i-la-fois leur
» nombre , l'élégance et la pureté de leur style , leur sagacité quand ils
w recherchent les faits, leur impartialité quand ils en exposent les causes,
» les circonstances et les résultats. .. . Les historiens de Venise se
» montrent plus dévoués à leur république ; ils écrivent pour la défendre
» et pour en relever la gloire : mais, patriciens et gouvernans, pour la
» plupart, ils ont peut-être une connoissance plus profonde des affaires
«publiques, et l'on s'iiperçoit en les lisant qu'ils ont recueilli de plus
» près les leçons de l'expérience. Entraînés d'ailleurs par leur position
» géographique h des rtlaiions plus habituelles, à des communications
«plus fréquentes avec les puissances limitrophes, les Vénitiens ont
» moins manqué d'occasions d'acquérir la science des négocialions ; le-Jr
» politique extérieure a plus de profondeur et d'étendue. Dans les autres
«annales italiennes, il ftiut bien que le talent historique s'afToiblisse h
» mesure que Ici regards et les études des écrivains se resserrent dans le
«cercle étroit d'une province, d'une ville, d'ime fàmiUe, d'un ptr-
JUIN 1819- 34i
^'Scnnage ; ii mesure aussi qu'un despotisme pfus concentre pèse
» plus mimédiatement sur les pensées et sur Tart d'écrire. Toutefois le
^ goût des études et des compositions historiques s'^étoit propagé dans
3> f Italie entière; et soit qu'on examine les traités publiés en cette
» contrée sur la manière de lire et d'écrire l'histoire, soit que Ton
» considère combien d'Italiens, tels qu'£miff , Vergilio, Maflfei, ont été
^i appelés a rédiger des annales étrangères , on conviendra que» dans le
» genre qui vient de nous occuper, Tlialie avoit, au xvi/ siècle, une
» prééminence qu'elle croit avoir conservée dans les siècles sui vans et que
» plusieurs étrangers impartiaux ou bienveillans oAt continué de loi
>' attribuer. » .
Une note, à fappui de ces dernières lignes, cite les noms de Bodin,
de Montaigne, de Bolyngbroke et de Blair. Les témoignages de Mon-
taigile et de Bodin , qui vivoient au xvi/ siècle , ne sauroient servir à
prouver que , dans les siècles suivans^ les historiens italiens aient continué
d'être préfères à ceux des autres pays. L'Italie sans doute a produit encore,
après 1600, des historiens recommandables , tels que Davila, Benti-
voglio, Giannone; mais qu'ils n'aient eu de rivaux ni en France ni sur^
tout en Angleterre, c'est ce qui ne nous paroît pas aussi convenu que
M. Salfi le suppose.
li remarque avec raison que les Italiens ont essayé les premiers de
tracer quelques esquisses d'histoire littéraire. Cependant Bacon, à la fin
du XVI. * siècle, disoit que ce genre n'existoit point encore; et il nous
seroit difficile en effet d'en apercevoir même le germe dans la plupart
des catalogues et autres compilations bibliographiques ou critiques que
M. Salfî s'efforce de tirer de l'oubli. Nous avons peine à croire, quoi qu'en
ait dit M. Denina , que Montesquieu ait eu la moindre connofssance
d'un bien déplorable opuscule d'Ortenzio Landî, intitulé Sferia de' lau-
rati ( I ) , et qu'il y ait puisé Tidée de quelques-unes de ses lettres pei^
sanes (2} , savoir , de celles qui contiennent la description critique d'une
bibliothèque. L'esprit de rivalité nationale peut seul porter à ^ire de si
étranges rapprochemens. Entre tous les auteurs itah'ens de prétendues
histoires littéraires, dont M. Salfi nous entretient ici, nous ne distin-
guerions guère que Doni et Possevin comme dignes de quelque
souvenir. Encore les recueils du premier sont-ils devenus k- peu- près
inutiles; et fon a extrait aussi de la Bibliothèque choisie de Possevin et
de son Apparat sacré presque tout ce qu'ils renfermoient d'indicatioBt
exactes et de détails instructifs.
(i) AptuhtemûdemijVtnmê,\^^o,in'S.'' — (2) CXXXIII-CXXXVI»
34i JOURNAL DES SAVANS,
Les ncuvelles , ou contes en pro^^c , ny nnt souventun fonda htstoriquet
M. Salfi a cru pouvoir placer ces fictions k fa suite des livres d'histoire.
Quoi qu'il en soit de cette dispo:^iiion , ce genre de littérature, iniroduit
en Italie par Bocace au xiv/ siècle, continué au XV.* par Sennini,
Sabadino, Masuccio, n*a pu être négligé k Tépoque où tous les autres
ont été le plus cultivés ; muis il nVst pas celui qui a fût a(or> le plus de
progrès ou jeté le plus d'éclat. Machiavel la plus enrichi par son unique
nouvelle dt Belphégor, qucMorlini, Mariconda, &c. , par de longues
séries de contes. Les essais de Firenzuola et d*AIa:nanni en ce même
genre n'ont pas été non plus très-heureux. L*invention quelquefois et
presc]iie toujours la décence manquent k tel point dans les nouvelles de
Grazzini dit /e Lasca, que nous n oserions dire, avec M. Saiti, que /a
putctc et réUsrance du stjUy dtdommagent du reste. Straparole na fait que
traduire, paraphraser, reproduire les contes de ses prédécesseurs; mais
sa coin))iiation a eu '.m succès que n*ont point obtenu les productions
plus originales de lu plupart des conteurs de son temps. Une notirelfe
de Parabosco paroii k M. Salfi avoir des rapports avec le Tartuffe de
Molière : k notre avis, celte observation ne deviendroît plausible qu'en
Rappliquant seulement k la 3/ scène de facte 1 11 de ce ché^ocuvre; et
encore ce seroit bien plutôt k Bocace ( 1 ] que Molière enauroit emprunté
quelques traits. Des notices qui composent ce dernier chapitre de
M. Salfi, la plus étendue et la plus in5tructive est celle qui concerne
Uandello, de qui Ton a deux cent quatorze nouvelles, dont chacune est
précédée d'une dédicace. C'est un recueil de matériaux ou Ton a beaucoup
puisé , et dont le prix consiste principalement dans l'usage qu'on en- a
fait et qu'on peut en faire encore.
Ajouter au moins un volume k THistoire littéraire d'Italie de M, Gîn-
guené pouvoit sembler une entreprise hnsardeu«e, également difficile à
un Français et k un Italien : nous avons h féliciter M. Solfi de la manière
dont il l'a exécutée. Il a bien mérité et de sa patrie, et de.. lettres, er lie
l'auteur dont il a continué l'ouvrage. Cette histoire est aujourd'hui
complète fusqu'k Tan 1600; et M. Ginguené n'osoit plus se promettre
de la conduire [)ius loin, depuis quil avoit mesuré Télendae des
recherches et des soins que lui prescrivoient sa critique exigeante et son
goût sévère. C'est une lâche toujours laborieuse que celle qui peut
dégénérer k chaque instant en une compilation facile. On feroît une
histoire des lettres en Italie durant le xvii.'' siècle» en tniduisaÂt ou en
abrégeant les deux derniers volumes de Tiraboschi ; mais il est prabàtAe
(1) I^ecawer.giorn, in , nov. VIII.
JUIN iGir;. 343
que cette traduction ne réussiroit pas plus en France que n'a réassi
celfé de l'ouvrage d'Andrès, dont le seul tome I/" a paru en i8oj*
L*ouvrage de M. Ginguené a obtenu au contraire un très-grand succès:
il est probable qu'on ne tardera point k en entreprendre une seconde
édition.
DAUNOU.
Codex NasaejEus ^ JLiber Ad a mi appellatus , syriacè
tratjscriptus , loco vocûlium , ubi viceèu Htterarum gutturalium
prasîiîerint , his substitutis , hitiuèrjue redditus , à Matth%
Norberg , SS. Theol. doc t. Hng. orient, et gracœ ling. pro^
Jes5ore,&c. Londîni Goihorum; tom. I, 1815, -^-^o pag.
///-^/; tom.II, 18 16, 320 pag.;toiTi. III, 18 i(J, 320 pag.
Lexidion Codicis Nasarm,cui Liber Adami nomen , edidit Matth.
Norberg, &c. Lond. Goth., 18 16, 274 pag. in-^.^
O/iomasticon Codicis Nasarai , cui Liber Adami nomen , edidit
Matth. Norberg, dTc. Lond. Goth. , 1 8 1 7 , \6j^ pag. ///-^.*
Il y a maintenant plus de quarante ans que M. Norberg, Suédois,
étant venu à Paris, copia, à la Bibliothèque du Roi, le manuscrit sabéen
dont nous annonçons aujourd'hui l'édition. Il écrivoît de Milan, ie f.**
mars 1 '}^j^ , à M. Gjirwell , biblîoiiiécaire du roi de Suède à Stockholm ,
que c'étoit sur l'indication de M. de Vîlloison qu'il avoit découvert à
Paris, dans la Bibliothèque du'Roi, les manuscrits sabéens, qui étoient
totalement inconnus au garde de la bibiiofhèque. Dès le j août 1778,
• il avoit annoncé de Paris, au même M. Gjôrweil, celte découverte.
Nous croyons qu'il n'avoit pas fallu beaucoup de peine pour découvrir,
parmi les manuscrits du Roi, les livres sabéens, remarquables la plupart
par leur format et par leur reliure en toile grise, et dont M. Foiirmont
Faîne avoit parlé dans un mémoire lu en 1736 à l'académie royale des
inscriptions et belles-lettres. Ce qui étoit plus difficile, c'étoit de lire ces
livres écrits dans un caractère dont Melchisedech Thévenot, Kaempfër,
Hyde et Niebuhr avoient, il est vrai, publié des spécimen y mais insttP>
fisans pour déchiffrer couramment une écriture danS laquelle plttsieais
lettres diffèrent peu les unes des autres. M. Norberg, dans la lettre dci
I .*"' mars 1 '^'/c) , annonçoîl qu'il lui en avoit beaucoup coûté pour
vaincre cette difficulté , et qu'il avoit d'abord désespéré d'y réussir.
344 JOURNAL DES SAVANS,
S'il falloit en croire un prêtre chaldccn , nommé Beknam, mort il y a
quelques années, et auquel M. Norberg a dû divers renseignemens sur
\ts^ mœurs t-t les U);iges de TOrient, ce même prêtre chaldéen lui auroit
été fort utile pour vaincre les difficultés que lui présenioit la lecUtfe des
livres sabéens : mais nous sommes portés à croire que M. Norberg n*a
connu le prêtre lîthnam que lors du second voyage qu*i! fit à Paris en
1781, après son retour du Levant ; car il en parleipour la première fois
dans une leiire du 22 décembre de cette année. Or, dès l'année 1780,
M. Norberg avuit lu, à la société royale de Gottingue, un mémoire
iniituié de Rdiglonc et Llngua Sabaorum, qui fut imprimé dans le troi-
sième volume des Mémoires de cette société 1 et dont il fut tiré aussi
des exemplaires à part.
Long-temps avaiu M. Norberg , les livres des Sabéens avoient attiré
fatteniiou de |>Iusicurs missionnaires ou voyageurs européens, tels que
le P. Ange de Saint-Joseph et MM. Huntington et Otter; et, par leurs
boins, la bibliothèque de Colbert, celle du Roi, la bibliothèque Bodieyenne
à Oxford, avoient été enrichies de quelques manuscrits appartenant à
cette secte. Mais personne, parmi les savans, ne s*étoit occupé plus
sérieusenitrnt de ces livres que le célèbre docteur de Sorbonne, Louis
Picques. Ce savant, qui a lais.^é au public si peu de fruits de ses études
orientales, avoit co|)ié ou fiit copier, pour son usage, tous les liyres
sabéens, et avoit essayé en plusieurs endroits une traduction interlinéaire.
Ces manuscrits, qui faisoient partie du legs fait par le docteur Picques
h la maison des Dominicains de la rue Saint- Honoré, et qui sont aujour*
d'hui déposés à la Bibliothèque du Roi , n ont pas été connus de
M. Norberg.
Avant de parler du travail de ce savant, il convient de faire connoître
le peuple auquel appartiennent les livres dont il s*agit ici. Beaucoup de
voyageurs qui, avant M. Norberg, avoient parlé de ce peuple, ou , si Ton
veut , de cette secte , connue sous les noms de Sabéens i Cki'i:tieus de Saint-
Jean ou AKenddites , avoient placé tous ses établrssemens aux environs
duSchat-elarab, c'est-à-dire, du fleuve fonné de la réunion du Tigre et de
l'Euphrate, et principalement à Bassora^Howéiia» Koma» Schouster, ^'c.
Melchisedech Thévenot a donné, dans sa Collection de voyages» une
carte de ces contrées , intitulée , Vera Ddineatio civiiaiis Bassora ; nrr-
non Jluvhrum, insulamm^ oppidorum, pagorum et terraium in quitus
passim habitant fafiiiliœ Sabaorum sive Alendaiorum^ qui vu/gà vacantur
Christiani Sancti Joannis. Les noms des liçux ne sont gravés sur la cane
qu en arabe; mais au bas de la carte, non pas toutefois sur tous les
excmplaire^, se trouve la nomenclature des lieux en latin, avec Tindicatiot^
JUIN 1819. 34?
du ncMnbre dei familles de cette secte que renferme chacun de ces lieux.
Elle est intitulée : Nomïna locorum arabica, latînis charactmbus expressa,
et numerusfamiliarum Christianorum Sancti Johannis, Cette carte, suivant
le témoignage du P. Ange de Saint-Joseph , dans son Ca^ophylacîum
lingnœ persicœ , au mot Sabaitiy avoit été publiée k Rome antérieurement
à Thévenot, par les soins des missionnaires carmes. Le même mission-
naire désigne 2l\xsû HoweiT^a, ttjj^ i Eassora, oj^aj, et Schouster, jX^mJi,
pour leiirs principaux établissemens; et avant lui le P. Ignace de Jésus
avoît donné l'énuméralion des principaux lieux du pachaTik de fiassora
et de celui de Bagdad 9 où cette nation, dont il portoit la population à
vingt ou vingt-cinq mille familles, avoit ses établissemens ( Narratio
orîginis rîtuum et errorum Christianorum Sattcti Joannis. Romœ, t(fj2 ).
M. Norberg au contraire a fait connoître une peuplade qui , d'après son
récit, appartiendroit à la même secte, et auroit ses établissemens dans
la Syrie. Les détails qu'il donne sur cette peuplade, lui ont été fournis
par un ecclésiastique maronite d'AIep, nommé Gcrmano Conti, qu'il
trouva à Constantinople. Ce Maronite , qui avoit beaucoup voyagé en
Italie et en France, résidoit alors dans la capitale de Tempire ottoman^
comme chargé des affaires du patriarche d'Antioche. Suivant ce récit,
dans le territoire de Latakièh ou Laodicée , en un lieu ou aux environs
d'un lieu nommé Elmerkab (c'est le Marknb d'Abou'Ifeda, et le
Alargdth des historiens occidentaux des croisades ) , à une journée de
marche environ à l'est du morit Liban, on trouve une nation qui se
donne à elle-même le nom de Galiléens, Leur population totale est
d'environ treize à quatorze mille personnes; ils sont dispersés dans
divers villages^ et paient à la Porte un tribut, dont une moitié est perçue
par le pacha d'AIep, et l'autre moitié par celui de Tripoli de Syrie. Il y
a à peu près cent cinquante ans, disoit Germano Conti, qu'ils ont quitté
la Galilée pour venir s'établir dans ce pays , et on les nomme Galiléins,
de la contrée qu'ils habitoient précédemment : on les appelle aussi
Najariens, Aucun nom ne leur convient moins que celui de Chrétiens*
Ils assurent que la religion qu'jls professent est la même que professoît
S. Jean-Baptiste. Aux jours de leurs fêtes, qui sont les mêmes que celles
des Chrétiens, ils s'habillent de peaux de chameau , couchent sur des
peaux de chameau, et mangent de la chair de chameau, du miel et des
sauterelles. Je me contente de ces traits principaux, parce que je ne
purs ici m'étendre davantage; mais je ne saurois m'empêcher de faire
observer que ces mêmes traits sont tout-à-fait différens de ce que les
voyageurs précédons nous avoient raconté des Chrétiens de Saint-Jean.
M. Norberg, et avec lui |e célèbre Michaélis, et le savant M. ^glch»
3^6 JOURNAL DES SAVANS,
dont je parlerai plus bas , ont cru écarter suffisamment cette difficulté,
en supposant que les Chréiiens de Saint-Jean pouvoient être partagés en
}>Iusieurs sectes, et que ceux qui avoient habité long-temps la Galilée»
et étoicnt venus, il y a deux siècles, s'établir dans les environs de
Latakièh , avoient mieux conservé la doctrine et les pratiques primitives
de leur religion. Plusieurs savans ont pensé que les prétendus Naza-
réens de Germano Conti n*étoient que des Nosaïriens ou Nosairis,
secte impie née dnns le mahométisme, et qui a conservé la doctrine des
Karmates : et cette opinion a été défendue avec beaucoup d'érudition
par M. Paulus, dans le recueil intitulé Afemorabilien , tom. III » p. 91 et
suiv. Alors il n'y auroit de vrai, dans tout le récit de Germano Conti»
que le nom de Nazaréens, et ce nom même ne seroit qu'une altération
de celui de Nosnïris. Et il faut avouer qu'on est bien tenté de mettre
tout le récit de Germano Conti au nombre des fables dont les Orientaux
sont si prodigues quand ils trouvent créance auprès des Européens, et
de s'en tenir aux relations deKaempfer, Ignace de Jésus » Philippe de
la Sainte-Trinité, Ange de Saint- Joseph , Thévenot, &;c. On poiuroit
fortifier cette opinion de diverses raisons assez puissantes. On pourroit,
par exemple, demander si, il y a deux siècles, le nom de Galilée étoit
vulgairement en usage dnns In Syrie, en sorte que cette peuplade eût pu
prendre de Ih celui de Gaiiléens. Germano Conti assure que les fivres dés
Galiléens ou Nazaréens avoient tous péri pendant la guerre qu^Is eurent
à soutenir dans la Galilée, et quf se termina par Fémigradon de toute la
nation et son établissement dans les environs de Latakièh; mais que
quelques-uns dentre eux qui les savoient par coeur» les rétablirent de
mémoire. Ce fait bien extraordinaire pourroit fournir une nouvelle
rnison de douter. On en trouveroit une autre non moins forte dans les
causes auxquelles le Maronite attribue la guerre qui occasionna cette
émigration, et dont il seroit bien étonnant qu'aucun missionnaire»
aucun consuJ, aucun voyageur, n'eût fait mention dans le temps, puis-
qu'elle auroit dû n;oir lieu entre le commencement et le milieu du
XVI 1/ siècle, époque à laquelle les relations du Levant sont en grand
nombre. Mais, sans m'arrêier plus long- temps sur Texamcn de cette
question, je dois convenir qu'elle n'est presque dTaucohe importance
quand il s'agit des livres sabéens que nous possédons, puisqu'ils viennent
tous des contrées situées aux environs du golfe Persîque, et appar-
tiennent, par une conséquence nécessaire, aux Sabéens ou Cbrériens de
Saint-Jean de ces mêmes contrées/M. Tychisen de Gottingue a publié»
dans les Reytrœge ^ur Philosophie und GîschUhtc derReliffon und Sltimtekre
de M. Stxudiin ( tom. II ; Lubeck, i y^j ) , un extrait de la notice qu©
JUIN 1819. }47
iVois faite, pour la Bibliothèque du Roi, des manuscrits sabéens qu'elle
possède. Celle notice prouve ce que je viens d'avancer. Il en est de
même des manuscrits de ce genre que possède la bibliothèque Bod-
leyenne, qui paroissent avoir été achetés à Bassora, et de ceux qui se
trouvoient parmi les livres du cardinal Borgia. J'ai reçu moi-même de
Bassora , il y a quelques années , des alphabets sabéens , quelques listes
de mots écrits en caractères sabéens avec la prononciation en caractères*
persans, et une très-longue bande de papier, servant d'amulette, écrite
en langue et en caractères des Sabéens.
Le nom même des Sabéens doit aussi nous arrêter un instant. II est
fréquemment ait mention des Sabéens, jlajL» , dans les écrivains arabes ;
mais ce nom paroît avoir chez eux une signification très- étendue. II
semble même, par le traité de Schahrisf ani , intitulé jÂÎtj JJUt c^U^s»,
qu'ifs comprennent sous cette dénomination toutes les religions autres que
le judaïsme, Iç christianisme et le magisme , et qj^Is divisent les Sabéens
en deux classes principales : la première contient lés sectes qui révèrent
les génies qui président aux astres et aux mouvemens de l'univers;
la seconde , celles qui adorent des images et des êtres sensibles. Il est
fait mention des Sabéens en trois endroits de l'Alcoran : dans les deux
premiers, if est dit que tous ceux qui auront cru en Dieu et à la résurrec-
tion auront part à la vie future , soit qu'ils aient été Musulmans, Juifi,
Chrétiens ou Sabitns ( sur. 2 , v. 62, et sur. J , v. 78 , édit. de Marracci ) ;•
dans le troisième ( sur. 22, v. 17) , on lit qu'au jour de la résurrection
Dieu établira une distinction ( ou jugerù, car le mot Juaij est susceptible
de l'un et de l'autre sens ) entre les Musulmans, les Juii^, lés Sabéens»
les Chrétiens , les Mages et les Polythéistes. Se fondant sur les deux
premiers passages, les seuls auxquels il ait fait attention, M. "W^alcb^
dans une dissertation dont je parferai tout- à-I'heure, a cru pouvoir en
conclure que pur Satéens il falloit nécessairement entendre des adorateurs
d'un seul Dieu : Quœ si vera sunt, dit-il , Sabœorum nomcn gehtes suptrstU
tiosas sîgntficare non poUst; sed de Us capi oportct qui, perinde ac Judài et
Christian} , Deum unum verumque colunt, et judicium futurum expectanty
morumque honestafem sectantur. Ce raisonnement acquiert une nouvelle
force par le troisième passage, où les Sabéens ainsi que les Mages sont
textuellement distingués des Polythéistes. Toutefois on ne sauroit, ce me
semble, affirmer que Mahomet a voulu parler des Chrétiens de Saint Jean,
et qu'il n'a pas eu plutôt en vue les sectateurs de cette sorte de religion
naturelle, assez analogue au magisme, qui offi'e ses hommages et adresse
ses prières aux génies qui président aux corps célestes et à l'ordre^e
l'univers. Je crois qu'Abraham Echellensis est tombé dans une erreur
XX a
jiS JOURiMAL DES SAVANS,
assez grave en confondant ces Sal>écns, qui tirent leur noni,dft-ffy de
Sabl, fis d'Edvis, ^;^,j:i^ ^ J.L, ( i ) , et qui , suivant Beïdhawi, tiennent
le milieu entre les Ciirétit ns et les Mages « avec les Chrétiens de Saint-Jean
( Eutych. \indkiit, |). 327 et suiv. ) , et en appliquant à ces derniers tout
ce que divers auteurs arabes disent deN premiers. Michaëlis, au contraire,
me pareil avoir distingué avec beaucoup de raison ces deux accepiions
du mol sabien j»L., et non pas, comme il écrit, vjjy» (Orient, undexegetm
Billiotli. pjrt, XV , n/ 2^j, p, JJiJ.
Mais il me semble qu*on a suppose ce qu'il falloit examiner avant tout ,
je veux dire , que les Chrétiens de Saini-Jcan portent eflfeciivement le nom
de Sabiens. Je sais qu Abraham £ch<.'llen.sis, qui paroît en avoir connu
quelques-uns à Rome (Paulus, Afemorahil, i,lll,p, jj), assure qu'ils se
donnent h eux-mùmcs quatre noms, savoir^j^L» Sabécns , ^j^\^ Chal^
diins , mI^o^o ALindaius et v<îS4ï «jUj ( lis. c5j^ ) Chrétiens de
Saint- Jean [Eutych, vîndic, p. 328 ).Je sais aussi que le P. Ange de Saint-
Joseph, dans son Ga^ophyl, ling. pers,, les nomme q^L»; mais il a
soin d*observer que ce nom étoit donné autrefois par les Arabes à tous
les gentils , et qu'ils se nomment Alandaites : puis il ajoute qu'ils ont pris
aussi le nom de Chrétiens , pour avoir droit à la tolérance que FAIcoran
accorde aux Chrétiens, et ceLi du temps du khalife Mamoun. Si ion fait
attention que ce nom de Sabtvns ne se trouve jamais écrit qu*en lettres
arabes, et que jamais il ne leur est donné dans leurs propres livres, on
sera, je crois , enclin à penser qu*il leur a été donné par les Musulmans ,
parceque,n Liant ni Chrétiens, ni Juifs, ni adorateurs du feu, ni idolâtres,
cetoit le seul des noms employés dans TAIcoran (sur, 22] sous lequel
on pouvoit les comprendre, et qu'ils ont dû se conformer eux-mêmes à
un u>age qui k-ur assuroii la liberté de vivre et d'exercer les pratiques
de leur rehgion sous IVmpire des Musulmans. Le P. Philippe de ia
Sainte-Trinité dit positivement : /// Arabia Felici eique adjacente Persîde,
sunt quidam populi qui se invicem vu/go vccant Mendaï, ab Arabibus
vocantur SoLbi ( Itinerar, orient, lib. Vi , c. 7, p. 272 ). Le missionnaire
Ignace de Jésus dit : Modo vcro, à divcrsis nationibus, dhersiî vocantur
nominil'us. Arabes et Perso: vocant ipsos Sabbi. Ipsî inter se, et etiam in suis
tibris, vocantur Mendaï, mcnon aiiquando Mendaï laia, /. r. discipulus
seu sectator Joannis Baptista:. Nos rcio ipsos vocamus vuigè Christianos
Sancti-Jonnnis (Notitia &c. p. 12). Il avoit dit plus haut que quelques
(i) h. h.iliristiini tire leur nom de « j^y t nom d'action du verbe- Lw qui
veut dire se détounier, ci il dit qu'ils ont été nommés ainsi parce qu'ils se sont
écaitcs de la vraie conuoissance de Dieu et de ia voie des prophètes.
JUIN 1819. 349:
Eliropéens les appeloîent Chaldécns et Syriens, Kacmpfèr, qui a proposé
diverses conjectures sur l'origine de ce nom , dit que les Arabes ont
coutume d'appeler (juajL* tous ceux qui ne professent pas leur religion,
et que sans doute c'est Mahomet qui le premier a donné aux Chrétiens de
Saint Jean le nom de Sabéins» II ajoute: Ipsïs Sabus domesticum , quo se
ûppe liant, nomen est AMENDAI IJAHI , l. e., discipuli Joannis ,puta Bap-
t'istœ. . . . adeoque se non modo AMENDAI Ijahi , /. e. se hol ares Joannis ,
sed et j^ ^ô^Bendeh Haï , L e. créa titras Viventis, scilicet Dei, esse
gloriantur [Amœn. E^ot. fascic. II, p. 437 et 438 ). On a cru que
Kacmpfèr avoit confondu Yahya >j>— , Jean, avec hayê Vf^ui* vie; mais
cela est faux , puisque les PP.- Ignace de Jésus et Ange de Saint- Joseph
disent la même chose, et qu'elle est confirmée par de nouveaux renseîgne-
mens dont je parferai plus loin. Je n'ignore pas que M. Norberg, suivant
que nous l'apprenons de Michaélis ( Orient, und exeg. i?/^/., part, XVII,
n.' 26 1 , p. 43 ) , a conjecturé que le nom de Sabéens, q^L» , appliqué
aux Chrétiens de Saint- Jean, venoit , par une corruption très-com-
mune à cette nation, qui permute ou supprime les lettres gutturales, de
la racine ^^-^), qui veut dire baptiser; mais, à l'appui d'une semblable
conjecture, il auroit fallu prouver que les Chrétiens de Saint-Jean se
donnent eux-mêmes ce nom dans leurs livres. Jusqu'à ce qu'on ait fîiit
cette preuve, je me crois autorisé à soutenir que ce n'est qu'abusivement
que les Chrétiens de Saint-Jean sont désignés par les Arabes, \t$ Persans
et les Européens , sous le nom de Sabéens,
M. Norberg ayant lu à la société royale de Gottingue, en 1780,
le mémoire dont j'ai parlé au commencement de cet article , et ce mé-
moire ayant été publié avec les extraits des livres sabéens qui l'accom-
pagnoient, l'attention de divers sa vans se dirigea v^rs cette branche de
la littérature orientale. En l'année 1781 , un membre de cette même
société, M. Chr. J. Franç./W^alch , y lut un mémoire intitulé Observationes
de Sabais, dont le but est d'établir l'identité de cette secte avec celle
de certains disciples de S. Jean, dont il est question dans le Nouveau
Testament et dans quelques écrivains ecclésiastiques , et qui sont
nommés Baptistes ou Hémérobaptistes . En 1792 parurent, dans le
troisième volume des Memorabilien de M. Paulus , un extrait de ce
qu'Abraham EchelFensis avoit dit des Sabéens dans son Eutychius vindi--
catus , avec quelques réflexions critiques par M. P. J. Bruns, et un
mémoire de M. Paulus lui-même sur les Nosiris ou Nosairis de Syrie,
mémoire dans lequel il recherche les rapports * vrais ou supposés , qui
peuvent exister entre ces sectaires et les Chrétiens de Saint-Jean. A ce
îfj JOURNAL DES SAVANS,
nuMioire sJot joints quelques passages extraits d'un livre de cette dernière
8e».w. Cinq ans après , en 1797» M. Tli. Chr. Tychseo.de Goliingue,
ii:ïinpri>iier, dans les tomes II et III des Btytrage ^ur Philos, und Gesch.
f/.r Reilg. uiiJ Sittenltkrt de M, Stxudiiii , un mémoire sur les livres de>
Chrétiens de Saint-Jean. II joignit à ce morceau divers fragmens que je
lui ivois envoyés , tirés des manuscrits de la lîibliothéque du Roi , et la
copie de ceux qu'avoient 6iic graver Hytle et Thévenot , avec des essais
de traduction. En 1799 1 M. Lorsbacli publia, dans le cinquième et der-
nier volume du même recueil , quelques nouveaux fragmens des livres
sabéens, tirés des manusctits d: Huotington , avec une traduction, et
des notes ; et , dons ce même volume , M. Tychsen fît imprimer diverses
additions et corrections ï son précédent mémoire : c'étoit en partie le
fruit de notre correspondance sur cet objet; il fîtconnoître.à cetteocca'
sion, les manuscrits sabéens du cardinal Borgia, dont je lui avois donné
de courtes indications. Enfin iVl. Lorsbach , dans le premier numéro
d'un reaieii qui n*a point eu de suite, et qui étoit intitulé Muséum fur
bibliithe und oritntalhche Llthratur, donna en 1 807 un morceau inti-
tulé Neut BeyUttgt, ^ur Ktnntniss und Erlauttrung der heiligen B'ûchir
dtr Zt^ier oder S.' Johann'is jungtr. C'est un choix de sentences morales
extraites d'un manuscrit de Huncington; elles sont accompagnées d'une
traduction et de note». Le même savant s'occupoit il préparer pour l'im-
pression quelques autres fragmens de ces mêmes livres , il y a quelques
atuiées, lorsque la mort l'enleva. Par sa profonde connoissance de la
langue syriaque, sa patience dans les recherdie*ret sa saine critique,
îl étoit plus propre que personne à faire faire quelques pas à cette
branche de la littérature orientale.
Telle est, je crois, la revue exacte de ce qui a été publié en ce
genre, depuis le premier mémoire de M. Norberg jusqu'à l'année 1816,
où a paru le premier volume de l'ouvrage que nous nous proposons de
JUIN iSrp. jji
^> ici , Monsieur , que ce même scheikh paroi t désirer de passer en
» France pour y acquérir de nouvelles connoissances On pour-
5» roit tirer, à Paris, d'un tel personnage, de grandes lumières sur l'o-
» rigine , les difTérentes révolutions et Tétat actuel de la nation des
» Sabéens , si curieuse , et si peu connue en Europe. »
Nous adressâmes , au mois de juillet 1811, de nouvelles demandes
sur le même objet à M. Raymond , nommé vice-consul à Bassora. La
réponse qu'il nous envoya, sous la date du 1 9 décembre 1812, mérite
d'être connue , parce qu'elle jette du jour sur plusieurs particularités
intéressantes.
«Monsieur, le désir de me procurer les renseignemens que vous
» m'avez demandés sur les Sabéens par votre lettre du 1 1 juillet 1811,
yy m'a fait rejeter jusqu'à ce jour la communication des. recherches que
» mon silenée vous porte peut-être à croire que j'ai négligées ; maïs fe
yy scheikh et les mollahs les mieux instruits de cette secte sont à Koma.
» On me fait espérer que sous peu , maintenant que la saison des fièvres
» est passée , ils doivent retourner à la ville. J^aurai alors le plaisir dé
>3 vous faire part des renseignemens que j'aurai obtenus. En attendant,
3> je me fais un devoir de vous transmettre ceux que j'ai déjà recueillis
» sur ces misérables Chrétiens de Saint-Jean
3> Réduits au nombre de quatre à cinq mille, les Sabéens sont opprimés
» par les Turcs et les Persans, et vivent dans la misère et rabaissement.
>3 Ils ont plusieurs scheikhs , qu'ils appellent aussi mollahs, II y en a un
33 pour marier les filles vierges, un pour celles qui ne le sont pas ( fe
y* premier ne voulant pas se charger de cette cérémonie, y attachant une
yy espèce de déshonneur ) , et un autre pour remarier les veuves » ( fe
P. Ignace de ^Jésus avoit déjà fait connoître cet usage singulier ) ;
ce mais depuis quelque temps ce dernier est mort ; et personne n'ayant
->•> été nommé à sa place, il arrive par fois que, fatiguées de leur viduhé,
» quelques-unes de ces femmes se font Musulninnes , afin de se pro-
y> curer un mari.
» Les Sabéens ne parlent ni n'entendent le syriaque, Jquoiqu'il y ait
» dans leur dialecte plusieurs mots de cet idiome. La langue qu'ils
» parlent est la langue écrite, celle de leurs livres. Ce sont leurs mdl-
» lahs qui apprennent à lire aux ènfans. Ils n'ont aucune fraductrorr dte
» leur SiJra Adam en arabe, ni en turc, ni en persan. Ils ji'ont pas
>> non plus de vocabulaire, excepté l'alphabet, qui se trouve ))lacé< au
» commencement du livre précité. J'ai montré de leur écriture à un
yy Syrien , il n'a pu la lire ; et je leur ai présenté un livre en syriaque^
« ils n'y ont rien compris.
5J2 JOURNAL DES SAVANS,
» Les Sjléens se marient entre eux, et ne souffrent pas que leurs
» iilles chL.ihi^sent des maris hors de leur secte. Ils soutiennent^ qu'ils sont
» les vériinMcs Syriens, qu'ils s'appellent Atendài, Afcnddi iala, et non
» Mi'ml.ili ou Galilcens ( i ). On peut assister à leurs baptêmes et à leurs
>" sicriîîces , moyennant quelque paiement fait à leur scheikh. Ils ne font
« plus de jK'Ierinage au Jourdain. Les Turcs traitent Ae gaour et d'inri^ ,
^j J-Joj, tous ceux qui ne sont pas de Irur religion; ils (les Sabéens)
>v ne >ont jxis mieux traités. Au contraire, tant les Turcs que les Persans
» leur font essuyer toute sorte de mauvais iraitemens » afin d*en avoir
» quelque argent, ou de les forcer «i embrasser (a foi de Mahomet.
-o J*ai Thonneur de vous adresser une feuille remplie de mots sabéens,
» traduits en persan et en arabe. Vous y trouverez falphabet» une
» série de nombres, et la formule que vous m'avez transmise. » ( C'écoit
celle-ci, qu'on trouve d'ordinaire au commencement de'Ieurs livres:
'V»«^ol^e$^OLd V*ciS^ «*^ iv*i^*). « Quoiqu'elle sort écrite en
» sabéen et en arabe, ;e m'empresse de vous l'écrire de la manière qu*il
3» m'a semblé qu'on la pronoiiçoit. Dans fe dessein^ de vous en donner
» une idée plus exacte, je prends la liberté de me servir des signes qui
3> marquent les longues et les brèves, de préférence aux accens, qui ne
» me paroissent pas être si propres à cet usage. Bêchëmiïon id hàH ràbhi
» kâdmâi' nôcrâî mên âlcml id cnoûrà yâtln ed ilàH càliôn ïvâidfg Ù'c.
» Dans blchùmaiôn, IV est toui-à-fait mpet ; c'est comme si ronécrivoit bèck
j> ;/7j/o/7«Jaurois joint ici le sens de cette formule ; mais » la traduction , que
y> vous en donnez diflérant un peu de celle que le Sabéen que j*ai con*
^> suite en donne en turc ou en arabe, j'attendrai Farrivée de quelque
» scheikh, de crainte de me tromper.» ( Le P. Ignace de Jésus, qui a
donné la prononciation de cette même formule, qui est, dit-il, celle du
baptême, la traduit ainsi: /// nomïne ipsius Domini , prlmi» no¥issimi, tx
mundo paradisi, altiorh omni altitudlne , omnium creatoris* (Notit. p. 2.6. )
ce Voilà , Monsieur , les renseignemens que j'ai recueillis sur lesSabéens :
3^ au retour de quelque mollah plus capable de me donner tous les dé-
» tails que vous pouvez souhaiter sur cette secte, je tacherai de les ol>-
(i) J'nvois dit dans ma lettre: cdl faut observer qu'ils se nomment Mendài
et Galiléetis.» Le premier mot aura été mal transcric par la personne qui a mis
au net ma lettre, dont j'ai gardé la minute. C'étoit sur l'autorité de Uermano
Conti que j'avois supposé qu'ils se noninioient Gi^LliUtns^
JUIN 1819. 3yj
» tenir et de me mettre îi même de répondre avec précision aux diverses
5ï questions que vous vous proposez de me faire. »
Je dois observer que le Sal;éen qui a copié en caractères sabéens la
formule que j'avois écrite en caractères arabes, y a ajouté plusieurs
mots , et que ce qu'il a écrit est précisémeni la formule par laquelle
commence le fragment que Hyde a fait graver , et celui de Melchî-
sédech Thévenot. Les mots qu'il a ajoutés, sont ceux-ci : \)/^ ^s
h- :iJ^ loi^ \ Vi»AO iv:^lo Ii^'^jêlo- \>^»m Uodto
II est vraisemblable qu'il cntendoit bien peu ce qu'il écrivoit : car H a
mal divisé les mots, et il a traduit ainsi le tout en arabe ; j* *»f ffa j
J^j ^jif Juu ^ j;jL fju 'é^\j JlJ Juj- ojI iàjjxj ebU^ iCÎ^Alt
cjj^iilf (jo^ (j^ÂîJL Je ne traduis point ce texte arabe, qui ne présente
aucune difficulté, mais qui a bien peu de rapport avec le texte sabéen.
II suffit de diie que celui qui a écrit cela, a séparé le premier mot
^aOM^âo Quad en trois, aD - u^^O - yOOi » et qu'il a traduit la première
partie par paj, !n nominct la seconde par *»î , Dci , et la troisième par
j-^ , ipse; puis , qu'il a rendu les mots \^^m ^^ rltœ par o^J^j misericors.
La prononciation indiquée par M. Raymond confirme et étend ce
qu'on savoir h cet égard : elle prouve que la particule qui remplace le
génitif doit être prononcée di ou ed , et non pas v/.
Je ne sais si l'on me pardonnera de m'être en apparence si fort écarté
de l'ouvrage dont j'ai à rendre compte. Je dis en apparence ; cai", sans
cet exposé, on n'auroit pas entendu ce que j'aurai à dire par la suite.
D'ailleurs j'ai cru essentiel de faire connoitre le fruit de quelques re-
cherches qui étoient demeurées depuis sept ans dans mon porte-feuille »
et qui pourroient être perdues si je n'avois profité de cette occasion
pour les publier. Dans un second et peut-être dans un troisième article 1
\q tâcherai de donner une analyse des quatre volumes de M. Norberg.
SILVESTRE DE SACY.
L Alfa B ET européen appliqué aux langues asiatiques ,
ouvrage élémentaire utile h tout voyageur en Asie; par C. F.
Volney, Paris, Fîrmîn Didot, i8ip; un vol. xn-8.'' de
yy
354 JOURNAL DES SAVANS,
xviij-224 pages, avec sept tableaux ou feuilletons litho-
graphies ou imprimés à l'imprimerie royale.
La transcription des noms propres et des mots orientaux dans nos
caractères , est un moyen indispensable au maître comme à Tétu^ant,
au grammairien, au philologue, k Thistorien ; mais, si cette transcrip-
tion n'est pas assujettie à des règles constantes, il en résulte beaucoup
d'embarras, de difficultés et de confusion. Par son irrégularité, elle peut
arrêter les progrès des commençans ; par la forme bizarre qu'elle fait
prendre aux mots des langues de l'Asie, elle a peut-être contribué
quelquefois à éloigner les es])rits superficiels de l'étude des langues
orientales.
L'essai d'un .système de transcription que M. de Volney publia, il y a
quelques années, sous le titre de Simplifïcathn des Langues orientales^
méritoit donc, sous plus d'un rapport, fatiention des gens de lettres.
C'est ce même système que l'auteur reproduit dans l'ouvrage que nous
annonçons, en y ajourant de nouveaux développemens , et en s'effbr-
çant de répondre «ux. <!'!tcrî'>ns qu'il a prévues.
Pour appJTîjUc r I a[|)lri! er < uropécn aux langues de TAsie, H faudroit
deux choses : l'une, qiif Ks sig-ies dont il se compose eussent une
valeur invariable dans toutes les I;m<i;ues de l'Europe ; Fautre, qu'if ren-
fermât les éqûivalens de tous les sons qui existent dans les idiomes
orientaux. Mais , ces deux conditions étant également impossibles à rem-
plir, dans l'état actuel de notre alphabet, M. de Volney a pensé qu'il
devoit s'occuj)er successivement des obstacles qui résultent de cette
double impossibilité. De là la division naturelle de son travail en deux
parties, dont l'une offre l'examen des lettres ou des signes écrits des-
tinés à représenter les sons élémentaires de nos langues d'Europe, et
dont l'autre contient l'exposé des moyens imaginés par fauteur pour
suppléer à ce qui nous manque , et rendre avec des signes pris parmi
nos lettres les sons particuliers k l'arabe ; car c'est k cette langue que
M. de Volney s'est attaché dans cet ouvrage, parce qu'ayant eu dans
le pays l'occasion d'en saisir les articulations par luî-mème, il s*est cru
plus en état de les exprimer exactement. Au reste, il eût pu tout aussi
bien appliquer ses principes au turc , à l'arinénien , k l'éthiopien , au
grec, au persan, et aux autres langues qu'il a, dit-il , entendu parler à
Alep : mais il a pensé que l'intelligence d'un idiome éioît indispensable
pour une opération aussi délicate ; et il avertît qu'en disant qu'il a entendu
ces divers idiomes, il n'a pas eu l'idée d'insinuer qu'il les comprenoit.
« Je sais, dit M. de Volney, qu'avec quelque adresse en ce genre, et
. »
JUIN 1819. îjî
)> sachant seulement écrire des alphabets et lire des mots, on peut
>> agrandir sa taille naturelle ; mais, en toute chose 9 je préfère de posséder
» moins, pour cultiver et défendre mieux. »
La première des deux parties dont son ouvrage est composé, ou
l'examen critique de l'alphabet européen, n'a pas, comme la seconde
partie, un intérêt spécial et nécessairement concentré dans un petit
nombre de lecteurs. Elle offre , au contraire , la discussion d'un grand
nombre de questions délicates, relatives à notre orthographe et à notre
prononciation. Dans la nécessité d'abréger cette analyse , je m'attacherai
donc de préférence à cette première partie ; et je citerai quelques-unes
des observations fines et judicieuses par lesquelles l'auteur a su rajeunir
un des sujets les plus souvent traités qui soient dans le domaine des
belles-lettres.
11 seroit assez singulier qu'on dût placer au nombre de ces observa*
tions neuves , comme l'auteur est disposé à le croire , les définitions qu'il
propose pour les voyelles et pour les consonnes. Celles dont on se
contente dans les grammaires ordinaires, ne sont guère propres, en
effet, à satibfeire les personnes qui font attention à la valeur des termes.
<c Ici, dit M. de Volney , se présente un cas singulier, et qui cependant
30 est commun à d'autres branches de nos connoissances. Dès le bas âge^
:» on nous a inculqué l'usage mécanique des mots voyelle et consonne^
y> Maintenant, si nous voulons nous rendre un compte clair du sens de
i> ces mots et de l'objet qu'ils représentent, nous sommes étonnés d'y
:>î trouver de la difficulté. Par un autre cas bizarre , il arrive que nos maîtres
3>ne sont guère plus habiles : car, en remontant jusqu'aux Latins, je
3> n'ai pas trouvé de grammairien qui ait donné de définition claire et
>:> complète de la voyelle et de la consonne, &c. 3> L'auteur ajoute qu'il
a parcouru les auteurs compilés par Putschius, feuilleté les grammai^
riens français depuis Jacques Dubois, les anglais depuis J, Wallis,
et les plus connus chez les Allemands , les Italiens , les Espagnols ;
et avant de donner lui-même ses définitions , il critique celles des
autres auteurs, et conclut en disant que chez eux rien n'est défini, et
qu'ils ne se sont pas compris eux-mêmes. Peut-être trouvera-t-on cette
décision un peu sévère, si l'on se rappelle seulement les notions données
par Court de Gebelin (i) , Harris (2) et M. de Tracy, lesquelles re-
posent au fond sur les mêmes idées que les définitions de M. de Volney.
Mais l'ingénieux auteur n'a sans doute pas eu intention de comprendre
(i) Hist. nat. de la parole, édit, de M. le comte Lanjuinais, p. 83 et suiv.
(2) Hermès, //V. JJl , c» z, trai.de Al. Thuroî,p. ^i^
Yy 2
3îtf JOURNAL DES SAVANS,
dans le même jugement Jes définitions de M. de Sacy, lesquelles ont,
à ce qu'il nous paroît , beaucoup d'analogie avec les siennes propres.
Elles se trouveRt dans la Grammaire arabe [ i ), ouvrage que M. de Volney
cite souvent, qu'il contredit quelquefois, mais dont il parle toujours
avec t'estime que cette excellente production doit inspirer à tous les
savans. -
Après s'èire occupé des voyelles et des consonnes en général , Tauteur
explique en particulier le mécanisme qui produit les dilTérens sons ,
tant vocaux qu'articulés. Ce ne seroît peut-être pas une tâche indigne
d'un physiologiste , que de faire usage des ressources d'une anatomie dé -
licate pour rendre un compte exact et détnillé du jeu des muscles et de
la situation des parties de forgane vocal nécessaire^ i la formation de
chacun des élémens du langage : ce seroii là véritablement l'histoire
naturelle de la parole. On doit savoir gré k M. de Volney de ne pas
s'être laissé décourager, comme l'auteur d'un élégant traité de physio-
logie , par la crainte de fournir une nouvelle scène au Bourgeois gtntil-
komme : les détails dans lesquels il est entré ï cet égard ne prouvent pas
seulement un rare talent d'observation , appliqué & des phénomènes
três-subtils; ils sont propres à mettre sur la voie pour expliquer ma'é-
riellement et par des moyens purement mécaniques les altérations du
langage. La connaissance exacte de ces altérations forme la base la plus
solide de'Ia science étymologique. Les philologues qui se sont tant sei^
vis et qui ont quelquefois tant abusé de ce moyen d'explication , se
bornent ordinairement à dire que telle lettre se prend pour telle autre,
parce qu'elle appartient au même organe : mais M. de Volney ne s'arrête
pas à ce vague énoncé ; il observe l'analogie qui existe entre les mouve-
mens des organes propres à produire certaines consonnes, et il en tire
des règles de permutation , aussi claires qu'incontestables. Pour en citer
I exemple, la consonne sinn^le k el \:\ consonne composée t(k ne
JUIN 1819. 357
est comprise daiis l'ancienne dénomination de gutturale , la secoride esc
une espèce de sifflante précédée d'une dentale ; l'analogie n'est pas
frappante, et pourtant rien n'est plus commun que la substitution de
l'une de ces consonnes à l'autre. M. de Volney explique cette substi-
tution en faisant remarquer que leur différence ne provient que d'un
peu pfus ou un peu moins daplaiisstment de la langue et de serre-
ment des dents; ce qu'il est, au reste, plus aisé de sentir soi-même,
que d'exprimer par écrit. Dès-lors on voit comment le latin canis , ou
le picard kieriy ont produit le français f^/V/7 ; on conçoit comment le
nom de Daces ou Dakioi a pu, comme Je croit l'auteur, former le nom
de Deutsch ; on ne doute plus que le latin quatuor ne vienne du samskrit
tchatour, &c. ; et si l'on ajoute à cette analyse , que le degré de dilatation
du tuhe vocal nécessaire pour chaque voyelle dispose plus facilement
à de certains mouvemens et rend plus facile l'articulation de telle con-^
sonne que celle de telle autre consonne, on s'expliquera ceîte irrégula-
rité qui frappe dans le syllabaire de toutes les nations de l'Europe, et
qui fait qu'on dit en français ga^ je , )i , go, gu , <Scc. On reconnoîtra que
les changemens attribués à l'euphonie sont moins souvent encore des
sacrifices à la délicatesse de l'oreille, que des effets de l'imperfection de
l'organe de la parole; on aura la clef des anomalies de certains verbes
latins; et, en s'apercevani que ces apparentes irrégularité> sont, le plus
souvent, des applications exacres des règles auxquelles elles semblent
faire exception , on les rapprochera plus sûrement de leur type oriental.
On sent le parti que l'auteur lui-même eût pu tirer de ces observations»
s'il ne se fût pas presque par-tout borné à de simples indications, dont
il laisse à d'autres le soin de développer les conséquences.
Je ne voudrois pas assurer qu'une autre observation de l'auteur ,
quoique non moins subtile, fût aussi bien fondée ; et je ne sais d'ail-
leurs si elfe n'a pas déjà été proposée par d'autres 11 y a une différence
notable dans la manière dont certains peupKs prononcent toutes les
voyelles : chez les Italiens, par exemple, elles ont un son plus clair,
parce que la bouche, plus ouverte, laisse p^^serplus lif)rement le son
qui , de la gorge, vient frapper l'oreille avec éclat; tandis que, chez les
Anglais, les lèvres, moins écartées, retiennent une partie du son
entre la langue et l'arrière-bouche , où il devient plu*> sourd et plus
obtus. c< La cause de cette différence nationale ne seroii-elle pus, dit
35 M. de Volney , que l'habitant de l'Italie , vivant sous un chl tem-
>>péré, même chaud, a ^.ris l'habituce de respirer largement un air
53 frais et pur, tandis que la race anglô- saxonne, ayant toujours vécu
-» sous un ciel humide et froid , a dû craindre de humer un air dé>a-
î}8 JOURNAL DES SAVANS,
wgréaMe, nuisible sur-tout aux dents, et prendre, par conséquent».
» Thabiiude de prononcer du fond de fa bouche en serrant les dents!»
Je ne prétends pas révoquer en di>ute la solidité de cette théorie ; un
effet physique s'explique naturellement par une cause physique : mais ,
pour la rendre incontestable , il faudroit montrer la même différence
entre deux dialectes d une même langue , et non pas entre deux idiomes
radicalement ditfèrens. Il faudroit de plus qu'on ne trouvât pas, dans
le Nord , de langue où les voyelles fussent prononcées d'une manière
ouverte , comme en italien ; ou, dans les contrées méridionales, d*idiome
où elles fussent étouffèes et muettes , comme en anglais. Or cette
preuve négative seroit peut-être difficile à administrer.
C'est en parcourant avec ce rare talent d'analyse les divers idiomes de
l'Europe y que Fauteur parvient à réunir tous les sons simples qui y sont
employés; c'est celte réunion qu'il nomme l'A/faùet européen, formé
de dix-neuf voyelles et de trente-deux consonnes. Ce n'est encore qu'un
alphabet spécial, et dans lequel on trouveroit beaucoup de lacunes, si
l'on vouloit s'en servir pour exprimer les mots des langues des autres
parties du inonde. M. de Volney , qui a démontré Timperfèction de
l'alphabet russe, si peu judicieusement choisi par Pailas pour un voca-
bulaire universel (i), tâche de s'avancer par degrés, et de procéder du
connu h l'inconnu. Hiittner avoit entrepris autrefois de rédiger un af»
phabet général, qui contînt les sons usités dans toutes les langues du
inonde : mais ce plan étoît trop vaste ; et Hiittner commençoit ainsi
par où , tout au plus, il seroit possible de finir. Domergue, d'un autre
coté , avoit dressé un tableau de tous les sons de la langue fi^nçaise, eti
écartant les différences d'orthographe, dont il ne faut ici tenir aucun
compte. Mais la bizarrerie des signes qu'il avoit inventés pour repré-
benter ces sons , a pu faire tort à ses o!)servations , qui ne manquoient
parfois ni de justesse, ni de solidité. M. de Volney ne s'occupe pas
encore des signes ; il veut seulement que , muni de la connoissance de
toutes les voyelles et consonnes de lÉurope , on s'en fasse un instru-
ment sûr et commode pour apprécier et classer les prononciations de
r-\sie. Telle est la conclusion de sa première partie, ou de son troisième
chapitre ; et voilà comment il arrive à la seconde, dont l'analyse sera né-
cessairement plus courte , par la raison même qu'il y auroit trop à dire ,
si Ion vouloit tout faire connoître et tout discuter.
(i) Dans un Rapport fait à l'académie celtique %vLt les Vocabulaires comprit
ilt's Liii^t^cs i/e toute lu terre; rapport qui contient beaucoup de notions inte-
Kssanios, et qui suppose plus de lumières que la compilation très-impar&itc qui
}<o JOURNAL DES SAVANS,
Si-.i vnn: \i\\ , i! r/y a pas deux mille ans que les historiens el les géographes
coiv.piuiiiit cjns rilîcrie , Il alie et les Giuifes, plus de huitcents j>euple5
pjr.'nnî CCS idioiîicâ divers : aujoiînrîiv.i , trois langues seulement, et trois
I.in£;ues îrt's a!:a!jgucs entre tlij<, divise n: les halifans de ces pay?. Mais
les lii.>tor;e::s dont paile M. de \'oIney , outre qu'ils ne disent pas prcci-
^énic:it ce (ju'il leur fiiit dire, auroicnt pu iacilement être dupes des
aj)i)arcnces. 0:i sait que les anciens manquoient des moyens que nous
avons pour I.i coruj):irnison des langues, et qu'ils étoîcnt sujets à s'en
laisser inM>' >. r j :ir des fîiîrv! renées extérieures. Tout porte à croire quîi
\ :i deux nïiiL' ans un nomi:re de langues à-peu-près égal à ce que
nous voyons nujouidh'ji partageoit fFun^pe occidentale» et il n'y
a':r».'it peut-être pas I esoin de très-savanies discussions pour le prouver.
Il n'est p^as non |;lu> nécessaire d'avoir la vue très-longue pour reconnoître
que, les peuples orientaux tiennent comme nous k leurs habitudes, et
que }^our les amener tous îi en changer et h se faire aux noires, il
f.ii;(i;i)ît plus de siècfei d'efTorls dirigOs vers le même but que l'expi-
r!ei:ce du pa>sé ne permet d'en supposer.
Mais, en proposant cesdi.uies à l'auteur, nous n'en partageons pas
moins avec lui l'opinion qre les études orientales gagneroîent beaucoup
h la facilité el à la régularité des transcriptions : nous croyons seulement
qu'il s'exagère un peu les difficultés que les caractères orientaux offrent
;iux commençans. Du reste , ce seroit un grand avantage que de pouvoir,
dans l'usage habituel, substituer h ces caractères, qui manquent dans
presque toutes les imprimeries , et qui sont inconnus il la plupart dés
lecteurs, ceux de f Alphabet européen, qui nexigeroient pas d'étude
prépaïaioire; de telle sorte qu'on pût toujours récrire correctement les
noms propres et les mots orientaux avec les lettres originales, et les
jircnor.ctr à la >;iti:ficiion des naturels. II faudroît encore que les diffé-
rentes îiations de» l'Europe convinssent d'une règle uniforme et cons-
tante, et enfin , si cela éfoit possible, qu'on pût éviter ces combinaisons
insolites qui rebutent les per>onnes étrangères h ces études; car il n'est
pas très-néccs>aire de rappeler aux lecteurs, parla peine qu'ils ont à
prononcer les mots des langues orientales, celle qu'on a eue soi-même
à les apprendre. Les vrais <avans consentiroient sans doute à sacrifier
ces singularités orthographiques que d'autres semblent rechercher , sûrs
de n'en être que plus facilement et plus généralement lus.
Mais la difficulté repose toujours dans ces sons que les Orientaux ont
de jilus que les Européens , et qu'un ne sait comment exprimer avec nos
lettres. En France, deux méthodes sont principalement usitées : Tune,
qui s'est formée peu à peu par l'usrge, est celle que, suivant Fauteur,
JUIN 1819. y6t
M. de Sacjr a modestement adoptée, ce L'autre est, d*après ses exprès-
» sions^que nous transcrivons fidèlement, une méthode que M. Langiès
» a publiée comme cAose nouvelle , inventée par lui » selon les expressioiis
» de sa n%te qui sert de préambule au tome V des Notices des manuscrits
» orientaux. »
M. de Volney s'arrête peu à discuter le mérite de la première méthode*
quïf qualifie de routine. Le vice capital qu'elle ofTre à ses yeux, c'est
que plusieurs lettres européennes y sont combinées pour exprimer
/es sons nouveaux. Il adopte dans toute sa rigueur le principe df
M. Jones : « II est de vérité algébrique , dit-il , qu'un son étranger \ une
» J«mgue ne peut y être figuré que par un signe nouveau et conveur
» tionnel. 99 Si Ton admet cette assertion, il faudra bien convenir que I^t
#nétbode suivie par la plupart des auteurs est fautive : mais il y auroîf
bien quelques légers doutes à élever sur cette condition qui sembtf
indispensable à l'auteur; et ces doutes se fordfieroient peut-être e^
examinant ce qu'il a lui-même imaginé pour y satisfaire.
Quant à Fautre méthode , quoique M. de Volney en revendique fe$
fcases et lolme Fidée première , il en critique avec force tous les
^procédés. IJ r^ette qu'on ait déparé le magnifque ouvrage de la Desr
^ription de F£igypte par une orthographe sans regte et sans goût, et dont,
^efon fui , tous les amis des arts ont droit d'être choqués. D ailleurs il se
laint qu'on ait passé sous silence son travail , et que , trois ou quatre ans
près, pendant son séjour aux Etats-Unis, on ait affirmé que personne
'avolt encore cherché a établir un système de correspondance entre les mots
rabes es les nôtres. Sans entrer dans ce démêlé, il est difficile de ne pas
jpartager Fopinion de l'auteur sur le doublement des lettres européennes |
^t en particulier des h , qui reparoît presque à chaque syllabe. Un auteur,
-^u petit nombre de ceux qui ont adopté cette méthode, prétend qu'on
.(>eut \o\t sans frémir le mot mossahhhhihh (1) ; on cite encore les mots
^ahhhhahhahou et mqsahhhhahhdton, que riaventeur de la méthode ne
'voudroit sans doute pas écrire lui-même de cette manière. D'autres
groopemens de lettres qui ne sont pas plus heureux, empêcheront pro-
bablement ce système orthographique cfêtre jamais d'un usage général.
Mais celui que propose M. de Volney obtiendra-t-il plus de faveur!
D'après le principe auquel il demeure attaché, il ne lui reste qu'à repré-
senter les sons nouveaux avec de nouvelles lettres. Il les choisit, il'est
vrai, parmi celles qui sont déjà familières à certaines nations de l'Europe.;
(1) Voyage de l'Inde à Chyras, traduit de l'anglais de Scott-Waring, par
M. M. — Préface du traducteur, p. xvj.
3«2 JOURNAL DES SAVANS,
et par la précaution qu'il a prise de dresser l'alphabet européen , il a
moins d'additions h hùct moins de signes nouveaux k introduire : mais
pourtant, dans les vingt-neuf lettres de son alphabet arabe-européen, il
y en a une dizaine qui ont des signes nouveaux ; ce sont des lettres
romaines , qu'il distingue par des différences de convention , des t avec
cédille, des^barrés, des A avec des traits diacritiques: et, s'il nous est
permis de dire franchement notre pensée, ces additions nous semblent
fiire précisément le même effet que les lettres groupées de la méibode
TUÎgiire ; ce sont aussi des lignes groupés , à la vérité , les un* au-dessous
'des autres, et non les tms à côté des autres. Dans le.fbnd, jck, pour
quelcpi'un qui s'y est habitué, ne sont pas trois lettres, mais une lettre
triple, ùgae d'un son unique. L'auteur s'est encore vu contraint
Jltdmettre dans Talphabet romain des lettres italiques, Je m et le % ^^'
Grecs. II résulte de tous ces mélanges un effet qui semble au premier
coup-d'ceil aussi étrange que le doublement des h. Néanmoins, et ceci
n'est pas un médiocre avantage, comme on a choisi pour ces lettres
nouvelles leurs analogues dans nos alphabets, on peut encore , en
négligeant les signes diacritiques, articuler les mots arabes presque aussi
fialement que si l'on n'avoit employé que les caractères vulgaires.
Qu'on en juge par les deux premières lignes de l'Oraison dominicafe :
a^N-na èl/a^ fi tl samattzt
"latqaddas esm-ak; titi maikut-ak, &c.
La différence qu'on peut observer dans la manière de représenter les
voyelles, tantôt par des italiques et tantôt par des lettres romaines, tient
It une théorie que l'auteur expose dans une cinquantaine de pages , et
dont nous n'essaierons pa:i même de donner fe sommaire. La matière
dont il s'agit, Rit elle moins étrangère \ noî études, demanderoît, pour
être éclaîrcie, des développeinens qui excéderoient les bornes que nous
JUIN 1819. i6i
L'extrait que nous venons de donner d'un in-octavo peu épais ^ dépasse
sans doute les limites que nous aurions voulu nous imposer; mais il est
des ouvrages dont on ne doit pas juger par le volume, et des écrivains
qui ont Tart de laisser à réfléchir à leurs fecteurs, en accumulant beaucoup
d'idées neuves ert un petit espace. Quant au jugement à porter d*un
procédé si peu conforme à nos habitudes , nous craignons qu*il ne sort
renfermé dans ce passage de Fauteur , que nous citerons pour donner
une idée de sa manière, et qui est d'autant plus remarqual>le que
l'ouvrage est dédié à la société asiatique de Calcutta : « — Les inno*
» vations ne sont jamais le fruit des lumières ou de la sagesse des cor-
» porations/mais, au contraire, celui de la hardiesse des individus > qui,
» libres dans leur marche, donnent l'essor à leur imagination, et Vojiit
» à la découverte en tirailleurs. Leurs rapports au ébrps de. ràmiée
» donnent matière à délibération. Elle seroit prompte dans le militaire»
» elle est plus longue chez les gens de robe: toute innovation court
ï> risque d'y causer \m schisme , d'y être une hérésie ; et ce n'est qu'avec le
» temps, qu'entraînée par une minorité croissante, l'inerte majorité,
» moins par conviction que par imitation, entre et défile dans le sentier
» de la vérité. »
Nous dirions , si nous ne craignions * qu'un pareil jugement ne fÛt
déplacé dans, notre bouche, que tout ce qu'on peut dire de cette phrase
s'appliqueroit assez bien au style de l'auteur dans cet ouvrage. Un goût
sévère n'en sera pas toujours entièrement satisfait ; mais il n!en est pas
moins, presque par- tout, élégant et clair, plein d'énergie et de vivacité.
On trouve à la fin du volume un tableau lithographie représentant
Talphabet arabe avec les équivalens selon le système de Fauteur , et deux
pièces qui y ont rapport ; Fune est le procès- verbal d'une commission
qui fut réunie au Dépôt général de la guerre , en i S02 , pour examiner
le procédé k suivre dans la transcription des noms arabes de fa grande
carte d'Egypte. C'est pour cette entreprise que M. de Volney auroît
souhaité voir employer la méthode régulière dont il étoit inventeur; et
les discussions qiii eurent lieu à ce sujet ne peuvent que paroitre inté-
ressantes, quaiid on sait que cette commission, présidée par M. de Sacy»
ayant pour secrétaire M. Lacroix, comptoît parmi ses membres des
hommes tels que MM. Mon'ge et Bertholet. L'aulre pièce, qui est moins
considérable , est un extrait du rapport de Chénier sur l'opuscule inti-
tulé SimpI if cation des langues orientales. *
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
zz 1
\H
JOURNAL DES SAVANS,
PsoposTA Ji ahune correiioni ed ag^tunte al Voaihohirio t/e//ii
Crusca. Milano.dair imp. regia staïuperJa, i 8 17 et i 8 i &,
2 tniii. — Proposition Je quelques corrections et additions
au V'ocûbultiire de h Crusca, &c.
SECO.ND EXTRAIT.
Dans un discours préliminaire, adressé en forme de [élire au mar^iis
Jean-Jacques Trivulce, M. Monti indique et développe les défauts et
les erreurs qu'il a cru remarquer dans le Dictionnaire de la Crwsca; il
propose ensuite les moyens qu'il juge convenaitles , afin de le corriger
utilement ei de lui assurer l'autorité nécessaire pour être le régulateur de
la langue commune de l'Italie : je ferai l'analyse de cette partie importante
du travail de M. Moniî.
Dans le lonie suivant , il examine en détail plusieurs articles du Dio
ironnaire , et il présente plus souvent des corrections que des additions.
Je me bornerai àciterquelques passages qui, sans doute, donneront une
idée sufîîsante des autres.
Voici les principaux reproches que M. Monti fait au Vocabulaire do
la Crusca.
La plupart des mots de sciences et d'ans y manquent, et le petit
nombre de ceux qui y sont est mal expliqué.
On y rencontre beaucoup de mots parasites, hors d'usage, indé-
cens,&c.
H y a des erreurs considérables dans [es définiitons.
Le sens propre et le sens figuré sont souvent confondus.
On y voit des mots que les académiciens ont avoué n'avoir pas bien
compris ; il y en a d'autres qui ont été déligurés par les auteurs &c. , plu-
sieurs dont on n'a pas donné ia juste valeur, et enfin quelques-uns
qui ont reçu «ne inlerprélalion contraire au véritable sens. Il s'en trouve
même auxquels on a attribué deux sens absolument difFereiis, quoique
les citations indiquent les mêmes passages. Dans le choix des exemples»
une grande quantité ont été mal à propos allégués, parce qu'ils ont été
mai compris.
Ces motifs nombreux, dit M. Monti, font demandera grands cris,
dans loulf l'Italie , fa réforme du Vocabulaire de ia Crusca.
M. Monti craint que l'académie ne pense à remplir les lacunes de son
Dictionnaire, en prenant des exemples dans les vitux auteurs, en adop-
tant ces mots roviillés que les préctdens académ ciens avoient eu la
sagesse de rejeter du trésor vivant de la langue ; il iâit sentir que cette
JUIN 48:19.- ; ,• 3^1
ppéfi^rencepour les anciens nuiroitâu perfectiomiemieut du Dfctionqair^^
puisqu'ils n'ont pu parler des sciences et des arU qu'on ne connoissoU
pas de leur temps : d'ailleurs, chaque jour de nouvelles métaphores sont
créées, le sens figuré s'étend davantage , et de nouvelles idées ont besoiâ
de mots qui les expriment spécialement ; on ne peut dope pas imposée
des limites à une langue, et encore moins la réduire aux mots des temps
passés. Ici se présente la question rebtive aux -auteurs qu'on dojt
regarder comme classiques : M. Monti expose les mêmes opiuiqns que
f ai précédemment rapportées en rendant compte de la dissertation dé
M. le comte Perdcari, et il ajoute que, pour être véritablement cla^*
siques , les auteurs doivent avoir écrit, non dans la langue d'un seul pays^
mois dans bt langue qui est commune à toute l'Italie , c'est-à^-dire , celle ^es
livres, celle des écoles, celle de la conversation des personnes instruites.
Le droit de pronpncer exclusivementsur ce point important serait» sekui
M. Monti , dangereusement confié à J'académie de la Crusca ; il cité
beaucoup de livres qu'elle avoit admis comme classiques et qui nis lui
paroissent pas mériter ce titre.
Quant aux écrivains qui ne sont pas réputés classiques, M. Montr
pense que l'on peut du moins emprunter d'eux les expressions élémejv*
taires, les termes propres des sciences et des ans, et compléter ainsi ^
vocabulaire , qui doit être la tabie représentative de tout Je savoir d'ttpe
nation.
M. Monti se plaint de ce que les académiciens de la Crusca put
inséré ou conservé des mots qui blessent la pudeur; et il le ditd^os {çs
mêmes termes dont s'étoit servi Boileau contre Régnier^ et qu'ii cau^w
ensuiie par cette heureuse périphrase : , .
Heureux si ses écrits, cri^ints du chaste lecteur; . ^'
Ne se scntoient des lieux que fréquentoit l'auteur !
Il reproche vivement aux auteurs du Dictionnaire d'y avoir admis lef
expressions du jargon burlesque , les mots d'argot , Ja langue ^ff
convenCcion des voleurs et des sbires; d'avoir recueilli ainsi des. termes
qui n'ont jamais appartenu ni dû appartenir à la langue. Si quelçjulun
objecte à M. Monti que le Pataâio &it partie de l'ancienne laiigue
italienne , il repond vivement et trop énergiquement peut-être ? Afentirà
pcr la go la ;thif la iuona merci de Dio , questo diabolico favellare no fa
mai JTALJANO,e se si vuole fiorentjno , lo sia.
La langue d'une nation, dit M. Monti , c'est la totalité des mots dont
elle se sert pour expri»ier ses idées. La valeur attachée à ces raot^^^
être la même pour toute celte nation. La langue ne ser^ pas^ coipmui^ç^
si elle n'obtient rassen(iinçnt;gf§fiérQlîelJe ue^era ^'un i4iotiMe . f^rti-
j(î*^^^^^OURNAL DES SAVANS,
cutîer, uti faiigage municipal. Lei tdiolismes , les manières de parler
(jui ne sont pas propres ï (a nation entière, ne doivent guère trouver
place dans un dictioiinnire , et n'y être admis qu'avec choix : mais les
académiciens de la Crusca les ont recherdiès avec un tel empressement,
que beaucoup de mots qu'ils donnent comme appartenant à la langue
géntralc italienne , ne sont entendus que dans la Toscane ; « c'est peu
que d'avoir adopté les tdiotismes de la langue toscane, ils ont adopté
quelquefois ceut des aulrcs pays.
M. Monti ajoute que le Dictionnaire est plein de proverbes quj n'oni
cours qu'îi Florence ou dan* la Toscane, et qui sont d'une obscurité
impénétrable pour le reste de Tlialie.
La principale cause de l'imper Tcction de ce Dictionnaire, c'est que les
premiers académiciens qui y travaillèrent, ne voulurent le composer
qu'avec les exemples tirés des ouvrages des trois fameux classiques, et
qu'au défaut de ces exemples, on s'obstina b n'en chercher que dans
les écrits du Trecïnto imprimés ou manuscrits;chronîques, légendes,
lettres, rituels, romans, forniules de recettes, inventaires de sacris-
lîes, &c. Ac.,toul parut bon, moyennant la date du TrECENTO. Quand
tes anciens manquoient, on avoit retours aux moderne» ; et , panni les
écrivains étranger* à la Toscane, Bemtio et PArioste eurent seuls
Thonneur d'être considérés comme classiques; le premier, parce qu'if
avcit pris la défense de l'idiome florentin, et le second, parce que les
académiciens lui avoient accordé la préférence sur le Tasse: mais celte
faveur fiit restreinte , et l'on ne choisit des exemples que dans l'Orlando
et dans les saiires de l'Arioste ; ses comédies et ses autres poésies
furent exclues. Le Tasse fut admis plus tard comme classique, et quand
il Tétott depuis fong-lemps pour toute Fltalte ; mais on continua de
rejeter des expressions nécessaires qui éloienl employées et adoptées
par les auteurs italiens, sous prétexte que ces auteurs n'étoient pas
Toscans; on repv^ussa des synonymes qui, tirés du grec ou du laiîn ,
eussent rendu la langue plus élégante ; on exclut des mots par cela
seul que les Florentins ne pouvoieni pas s'en arroger la propriété.
AxMOSrERA n'entra point dans le Dictionnaire, qui avoil An) A.
On avoir Bibliotecario, et l'on n'adopta point BibliotecA;
Apogeo, Perigeo;
SE5SAGONO , SeTTAGONO , OtTACONO ,&C.
Il manque les expressionsderiLOLOGiA , ceologia , idraulica,
0lNAMlCA,BOTANlCA,&c. &c. El pourquoi; Parw qu'on ne les ren-
contre pas dans les écrivains toscans d'une certaine époque.
On refusa de choisir des exemples dans de« auteurs tels qu'Annîbal
i
i
JUIN 1819. 367
Caro , Trissmo, Castelvètro^Tassoni) et autres au$si distingués ; on rejeta
même les Œuvres morales du Tasse.
Aussi , dès la première édition , on dit que le Vocabulaire de la Crusca
n'étoit point un dictionnaire italien , mais ua dictionnaire florentin.
M. Monti conclut ainsi : ce II faut que le dictionnaire de fa langue,
» qui doit être un lien pour toutes les nations qui composent fltaiie,
» soit celui de la langue commune ; de manière qu'un seul peuple n'aie
a» pas le droit d'y introduire exclusivement ses propres expressions. »
£t il établit diverses maximes comme principes de la matière; en
voici les principales :. ce Une nation qui a diffi^rens gouvernemens «t
3> difTérens dialectes, a besoin d'un langage commun, qui ne peut être
» qu'un langage écrit , soumis aux lois d'une grammaire commune. Le
» vocabulaire , dépositaire de la langue grammaticale, ne peut ni ne
» doit faire grâce aux caprices des dialectes particuliers, ni ad^ttre des
» expressions, des façons de parler qui, non comprises ou non admises
» par la majorité de la nation , appartiennent seulement à une province.
» Un vocabulaire national est un recueil de tous les mots dont une
» nation se sert régulièrement et que tous entendent de la même manière.
i> Ce n'est pas un vocabulaire parfait, que celui qui rejette un grand
» nombre de mots auxquels la nation entière, d'après l'autorité de graves
yy écrivains, et d'après l'usage et la raison, a donné son plein assen-
» timent, ou qui , au lieu'de mots adoptés par tous^ recueille une infinité
>> d'expressions et de locutions populaires uniquement propres à un seul
}> district, lesquelles n'ont ni cours ni valeur dans le reste de la nation,
y» Afin qu'un dictionnaire soit national , afin qu'il approche de la per-
» fection autant que cela est possible , il faut que d'habiles gens de
» lettres, pris dans tout le corps de la nation , concourent à la rédacôon.
3> Le dialecte toscan participe plus abondamment que tout autre, de
3> cette langue commune et illustre qui, comme esprit universel, pénètre
» et anime tous les dialectes particuliers dé fltalie; inzis participer xCest
39 pas constituer j ni participer ahoudamment n'est pas avoir tout. Que les
y> Toscans soient la tête, et les autres les bras; mais que Fesprit général
yy qui dirigera ce travail soit un , celui de la nation et non celui d'une
» partie de la nation. Il est beau sans doute de pouvoir dire, Je suis
3> Toscan; mais il est plus beau, et beaucoup plus beau de pouvoir
3> dire, Je suis Italien. » ,
M. Monti expose ensuite quelque^ idées pour la rédaction de ce
Vocabulaire général.
ce La raison parle au propre , la passion parle au figuré. La définidon
a» ne doit donc s'attacher qu'au sens propre : le figuré doit y être joiot
3«8 JOURNAL DES SAVANS,
» comme dépendance do premier ; mais il faut le bien expliquer , pncé
M que le mot, passant d'un sens a Tautre, n*est plus le même. Le anoC
» acquiert une valeur nouvelle, if exige donc une nouvelle explication;
>> et il ne suffit pas de marquer en tète des exemples que c'est une
» métaphore, il fuut indiquer ({uelie est cette métaphore. Ce priiidpe
>^ incontestable révèle et condamne un des défaut» principaux ec oootî-
•> naels du VoLa:)ulaire de la Crusca. Un défaut plus grand et non moins
» ordinaire, c est de définir le mot moins d*nprès sa valeur générale que
i> d*après la valeur accidentelle que lui donne l'exemple rapporté; on
» explique bien moins le mot qu'on n'explique iexemple. Un lexico<<
» graphe ne devroii jamais, dans les detiniiions, employer ni créer des
» expressions nouvelles; il est Thistorien et non le réformateur de la
» langue. Les académiciens de la Crusca ont ce|>endant em]>loyé pour
» les débilitions , et même avec succès, des mots nouveaux, qu'ils nonC
» pas insérés à leur rang dans le Dictionnaire. »
M. Monti traite ensuite de iortliographe, et il pense rue l'on ne doit
pas donner aujourd'hui l'orthographe du Trecento, mais celle que
l'usage a consacrée.
L'étymologie est un point encore plus important» et M. Monti le
traite avec détail et succès: Tacndéinie de la Crusca rapporte seulement
le mot italien avec le mot latin ou grec ; M. Monti pense que du moins il
eût fallu suivre la même méthode pour les mots allemands et espagnols ,
et sur-tout pour les expressions provençales, mais en rejetant du Dic-
tionnaire celtes qui, s'étant introduites dans la langue italienne, ne
méritent plus d'en faire partie. Quant aux étymologies, il pense qu*un
dictionnaire exact doit contenir le petit nombre de celles qui sont claires
et sûres; il faut donc bien connoTtre le mot primitif pour bien apprécier
h valeur de tous ceux qui en composent la famille.
M. Monti a trouvé que parfois les citations des exemples ne sont pas
faites avec exactitude; ce qui a induit l'académie, ou h expliquer des
mots qui ne sont pa> dnns la langue, ou à leur donner un sem tout
contraire au sens véritable : il se plaint aussi du choix même des
exemples ; il desireroii que Ton ne donnât pas la préiShrence aux plus
anciens, mais aux plus clairs, aux meilleurs. Quant aux vieux mots,
îl pense qu'au lieu de les reproduireavec affectation dans le Diciionnaîrc,
il faudroit en composer un glos^^aire séparé avec une courte explication,
sans citations, et diviser ain>i la langue italienne en langue morte et en
langue vivante.
Il termine ce discours préliminaire par Tassurance de son estime, de
sa vénération pour le Vocabulaire de la C:rusca : Vii en a relevé les
JUIN iSip- 3<f>
Mcliââuts > il en apprécie les avantages^ et il ne fait qu'indiquer les moyens
de le perfectionner ; il veut sur-tout guérir les personnes qui , par su-
rperstition littéraire/ n'osent se servir d'un mot qui n'est pas dans ce
Vocabulaire, ou n'osent l'employer dans une acception qui n'y est point
indiquée; il veut, non renverser, mais affermir ce Vocabulaire.
L'analyse que j'ai présentée du discours préliminaire aura fait sentir
futilitîéy Jïmportance et le talent que réunit le travail de M. Monti ;
je ne crois pas quil ait beaucoup de confiance dnns son projet de
convocation d'un synode grammatical pour composer le Dictionnaire
universel italien. II seroit bien difficile de s'accorder sur la nomination
des membres de ce congrès littéraire; mais il seroit bien plus difficile
encoreqa'ils s'accordassent entre eux : aussi M. Monti n'a pas attendu
lés séances de .ce tribunal pour proposer des corrections et des addirions
au Vocabulaire de la Crusca. Il me reste à donner une idée de cette
partie de son ouvrage
M. Monti y ayant à présenter une suite de questions et de discussions
grammaticales, emploie beaucoup d'art et beaucoup d'esprit à varier (es
formes sous lesquelles il expose ses critiques philologiques : tantôt il a
recours à des dialogues , tantôt il intercale des lettres , et par ce moyen
if jette une sorte d'agrément sur un sujet qui n'en paroissoit guère
susceptible. Quand il examine divers mots du Dictionnaire, il a occasion
d'appliquer spécialement les observations générales qu'il a faites, les
maximes qu'il a établies précédemment.
Au mot ABBACARE il dit avec raison : « C'est une ftute grave que de
» fiiire des définitions avec des expressions figurées au lieu d'expressions
» propres; définissant avec des expressions figurées, il fàudroit donner
»une autre explication de ces expressions, et ainsi successivement,
>3 jusqu'à ce que l'on arrivât aux expressions propres, m
Le mot ACCORARE fournit à M. Monti le sujet d'autres observations :
il prétend que l'académie donne à ce mot un sens contraire à celui que
présente le passage de Dante qui est cité en exemple. L'académie
explique ACCORARE par encourager, tandis qu'elle auroit dû l'expliquer
par décourager, 6 ter le cœur.
Se mala signoria
Chesempre ACCUORA i popoli suggetti. {DknT'EyParad.c. VJIJ.)
M. Monti cite des passages de Dante où il se sert d'iNCUORARK
pour encourager. '.\
J'ajouterai aux: raisons données par M. ^ontique, dans Fanciennc
Aaa
370 JOURNAL DÉS SAVANS,
langue fiançai»* le mot àcorer signifie «tmrrAn-, ^»f- Utaar (i), tttr
la vie.
Au mot BARÀTTEIiiA. Pddi^éHll» diti dtttidit àafutttàns « ad mm
BARATTIBRÉ^ elle AltditfifarttdtlU hlittÎMa: M.Monti confliinhe
avec raison cette liianièft d'ejtpfiquei- Un itlOi par Fiutre, sans en
définir 4ucun ; il prétend que c'est envoyer d'HéixKle à Pilate.
Aux mots K FILO et basterna, M. Monti reprodieau Vocabulaift
des erreurs encore moins excusables.
A FlLO, selon l'académie, signifie ta dniturt, et cette défection a été
5{te & cause de l'expression de ces vers de l'Arioste :
E qnindî A filo alla dritia rivicra
Cacciano il l^no.e fan parer che voli. (ORLANDO^r. ^^. )
Selon M. Monii, filo est un village situé aux confins du Ferraroit,
et , en lisant les vers de l'Arioste qui précèdent et qui suivent ceux qui
viennent d'être cités , on voit évidemment qu'il s'agit de ce village.
£tBASTEBNA, que l'académie définit, espèce dt char tu A litière,
pour expliquer l'exemple suivant :
Una Kbiaita BASTBRNA allor diicew,
E paisir lopni il ghiaccio la DanDja
Per guBiiare c dlsfare il mio paue. {DlTTAMONDO,r. /jfr.27.)
n'est) d'après l'opinion de M. Monti, qu'un adjectif; il s'agit d'une
nation norniHée les Ba^terAes.
Quoique M. Monti ait précédemntent donné l'assurance de soh
estime , dvsa vénération pour le Vocabulaire de la Crusca , il saisit avec
entpressemlent de tellet occasions de s'égayer aux dépens de l'académie,
et on peut dire que castigai ridtnéo.
Je pourrois raj^rter plusieurs autres passages de la critique de
M. Monti: tantôt il accuse l'académie de n'avoir pas donné l'indicaticMi
JUIN l8l^; 371
dans V errata de la précédente ; d'avoir altéré les exemples en les repor-
tant. Tousies détails que faurois pu rassembler à ce sujet auroient prouvé
les connoissances , la sagacité et sur-tout la coiu'ageuse patience que
M. Monti a mises dans son travail ; et combien ce travail peut devenir
utile y si r académie de la Crusca accorde à M. Monti le prix le plus
honorable auquel il puisse aspirer, celui de profiter des observations
qu'il a faites dans l'intérêt de la gloire liuéraire de l'Italie, dont fatii-
demie de la Crusca a droit de revendiquer une si belle part.
£t qu'on ne s'imagine pas que , d'après ces nombreuses et presque
toujours utiles critiques de M. Monti, on ne doive conserver pour le
Dictionnaire de la Crusca toute l'esdme qu'on lui a accordée jusqu'À
ce jour. Si quelque chose prouve combien il l'avoit acquise justement »
c'est qu'un écrivain aussi exercé, aussi ardent, aussi infatigable, que
M. Monti, en appliquant ses critiques générales à chaque mot du Dk-
tionnaire, n'ait trouvé à blâmer qu'environ deux cents mots , ou accep-
tions de mots, delà lettre A jusqu'à F exclusivement. On pense bien
que les articles qui n'ont pas été attaqués sont regardés comme bons par
J'illustieet savant critique.
RAYNOUARD.
Discours sur cette question : Qu'est-ce que la Bliîlosophîe ?
prononce', le y décembre 1818 , pour l'ouverture du Cours de
philosophie de la Faculté des lettres de l'Académie de Paris ;
par F. Thurot , professeur au Collège royal de France et à la
Faculté des lettres. Paris, de rimprimerie de Firmin Dîdoti
i8ip.
Attentifs à rechercher par-tout et à signaler dans ce journal tout
ce qui déc-dle d'une manière ou d'une autre le progrès caché, mais jréel»
de Fesprit philosophique parmi nous, nous croirions manquer à cette
tâche, si nous passions sous silence l'excellent discours par lequel
M. Thurot a ouvert, cette année, son cours public de philosophie,
et qu'il vient de publier tout récemment. Ce discours ne contient, il
est vrai, que des réflexions et des divisions très-générales; mais fespixt
qui y règne nous a paru le recommander singulièrement à l'att^ticinii^
à l'estime des amis de la philosophie.
S'il est vrai que l'enseignement en général, et sur-'tout renseignement
normal I doit è^'l-enseignement de la méthode, et si le premier devoir
Aaa 2
372 JOURNAL DES SAVANS,
de Fa méthode esl de reconnoître et de déterminer la nature du. su jet
sur lequel elle s'exerce, la première leçon dun |>rofesseur aùSM habile
que M. Thurot devoir avoir pour objet spécial celte question première :
Qu'est- ce que la philosophie l
«Là philosophie, se n: pond à lui-même M. Thurot, est Fêtudede
5> la nature humaine: or celte élude repose sur des faits; comme Fétude ".
yy de tomes les autres parties de la nature ne consiste qu'en dès sériés-;
» plus ou moins étendues de faits soigneusement observés ," et donl^
3> 1 ordre et la succession ont été constatés par des expériences nom-
3> breu>es et diverses, qui nous mettent à même de prévoir, dans bien*
3> dtrs cas , avec certitude , ce qui doit suivre de telles ou telles circons-
» lancx-s données ou connues, circonstances qui ne sont elles-mêmes»
» que des faits de la réalité desquels nous sommes assurés, soit'immé- «
yy diatemeni, soit d'une manière indirecte. »
Pour justitier ces définitions ou ces propositions contre les objec--
tions ordinaires tirées de la géométrie et de la haute métaphysique» le;
judicieux professeur remarque que les définitions mathématiques sont^
elles-mêmes fondées sur des faits ou de notre senisibilité ou de notrel
constitution intellectuelle; et que, si les {impositions métaphysiques ne
som point également ou des faits înitlicctuels ou des déductions de
fiits, ce Jie sont que des com!)inaisons cliiméiiqnes ; et il conclut de
tous les développeiueiis dans lesquels il entre à cet égard, «que la
35 science de reniendenient n'est et ne peut être qu'une science défaits;
» et que ces faits ne sont et ne peuvent être autre chose que ceux qu'on
j> a désignés anciennement chez les Grecs, et qu'on désigne encore
» aujourd'hui chez nous, le plus communément, par le nomdW/r/. »
et Voici donc, dit M. Thurot , un point important que l'on peut
>> regarder comme incontestablement établi: la sciencAont nous allons
w nous occuper n'est pas autre chose qu'une science de faits, comme les
» autres sciences naturelles dont elle fait ])artie , ou, si l'on veut, aux-
» quelles elle sert, pour ainsi dire, de fondeir.ent et de base. Ces fkit^
» sont ceux dont nous avons incessamment la conscience. »
La philosophie ainsi réduite à Fexamen dej. faits de conscience, il ne
s'agit plus que d'établir ses divisions principales, c'est-à-dire, les diflfe-
rens ordres de faiis intellectuels. Ces ordres, ce> classes, sont nos facultés ;.
car autant il y a de classes de faits, autant il y a nécessairement de'causes
qui les produisent, c'est-à-dire, de facultés dkerses; et, à ce sujet, le
professeur se livre à des développemens si sages et si lumineux; qu'il
nous est impossible de ne pas regretter que, niêmedans les limites i^éces-
^lireinent étroites d'uu discours d'ouverture ^ il n'ait pas décrit, ou' même
>. ■».
JUIN 1819. î
simplement énoncé quelles sont les diverses facultés ou les faits principaux
dont se compose, selon lui , Tintelligence de l'homme. Nous le regrettons "
d'autant plus, que, tout en passant sous silence les autres facultés hil- '
niaines, M. Thurotne peut s'empêcher de s'arrêter sur une faculté , spé- '
ciale seion lui, à laquelle il paroît attacher une importance, sinon exclu-
sive, du moins très-considérable. Cette faculté , c'est la parole. Sans doute •
le traducteur de l'Hermès, l'habile helléniste, ne pouvçit se dispenser '
d'accorder une place importanie à la grammaire dans ses leçons de phi-
losophie; mais nous ciaignons , il faut l'avouer, que les habitudes de son *
esprit nç l'aient poussé trop loin lorsqu'il dit que c'est h la parole que
nous devons tout ce qu'on appelle abstractions, conceptions, notions
( Discours, page 22 )^ La théorie de M. Thurot rappelle celle d*urt '
écrivain célèbre qui a prétendu que l'homme ne pense que parce qu'il '
parle ; théorie que toute la profondeur et la force d'esprit de son auteur •
n'ont pu couvrir encore, à nos yeux, d'aucune apparence de solidité. •
Nous sommes forcésde l'avouer, cette théorie ne nous paroît re[>oser
que sur l'ignorance complète du fait même qui constitue l'humaniré,
savoir, la volonté libre. Le respect que nous portons à MM . de Bonald et
Thurot , ne nous permet pas d'exposer ici trop légèrement notre opinion.
L'homme est essentiellement une force libre : là est le titre de sa di- •
gnilé, l'origine ou du moins la condition de toutes ses connoissances.
Il y a de faction dans toute connoissance , et toute action est essen-
tiellement libre; le reste n'est point de faction, mais du mouvement:
notre vraie puissance est notre volonté. Si f homme ne vouloît pas, il ne
pourroit rien, il ne pourroit que ce que peut l'animal, c'est-à-dîre que
la forcé universelle de la nature, à l'aide de circonstances extérieures et
de ressorts internes, détermineroit.en lui des impressions et des mou-
verhens purement organiques. Parmi ces mçuvemens, il faut compter
le langage primitif, tout signe involontaire et irréfléchi. Quand ces
signes irréfléchis et involontaires seroient aussi riches qu'ils le sont peu ;
quand l'imagination systématique leur préteroit le caractère dont ils sont
absolument dépourvus, si parfaits qu'on les suppose; considérés isolé-
ment et en eux-mêmes, ils ne pourroient jamais servir de moyen de
rappel ou de communication à la pensée; iîs ne seroient même jamais
des signes; ils seroient exactement comme s'ils n'étoient pas, si,
comme on le dit ordinairement avec assez de justesse, l'homme n'avoit
quelque pensée à leur donnera slj^nifier, ou plutôt, ce qui est tout
autrement décisif, s'il n'avoit le pouvoir de se les approprier et de les
apercevoir : car tout ce qui est inaperçu est insignifiant et nul. Or, la
condidca essentielle, de toutç aperception esr l'action intérieure^ cette
3-4
JOURNAL DES SAVANS,
action personnelle et fondamencaie que les tchohstiques appeloient la
forme substantielle de l'existence. Ce n'est pas Taperception qui nous
constitue; c'est bien plutôt nous qui constituons raperception. Où man'
queroit l'action intérieure, dé&illeroit Taperception, et il n'y auroît rien
pour nous. En vain Tanimal en nous pouiseroit des cris, ezécotert^
mille mouTemenst ne sachant nen, parce qu'il ne le saurait pas; ne
se sachant pas, parce qu'if n'aurait jamais agi ni voulu, il ne saurait
famais ni que lui, ni. Il plus forte raison, qu'un autre que lui, eût exécuté
un mouvement extérieur, encore moins qu'il eût voulu l'exécuter» et
que ce mouvement réfléchit un sentiment , une idée. Ce n'est donc pas
la puissance de la parole et du signe, considérés en eux-mêmes, qui
produit les miracles qui nous accablent aujourd'hui, et dans Féclat des-
quels le signe et ia parole cachent leur origine. Car, ôlez Tactivité hu-
maine, et cette puissance mystérieuse se réduit à rien. Laissez l'activité,
aucontraire; laissez-lui apercevcûr ces cris, ces gestes, qui, tant qu'ils
lut sont étrangers, sont insignifians en eux-mêmes. Elle les aperçoit;
bientôt elle va les répéter lilûement , et par Ik se les approprier , les rendre
significatifs pour elle, qui les comprend parce qu'elle les produit, qui
les produit parce qu'elle les répète librement ; car toute répétition vo-
lontaire est une véritable production. Voilà les signes inventés ; l'acti-
vité n'a plus qu'k les perfectionner, à les modifier, i les varier, k les
unir, à en faire à la longue , pour fa pensée , cea moyens de rappel , de
communication , ou même de production ultérieure , si actifs et ai puis-
sans, puisqu'ils sont dépositaires de toute l'activité et de toute la puis-
sance de l'intelligence volontaire et libre, dont ils sont ï-Ia-fois les effets
et les instrumens. Les signes, la parole, ne sont donc rien eneux-mémes;
ils ne sont que ce que la volonté les fait être; et, en ceci comme en
beaucoup d'autres choses, il est dur d'entendre par-tout célébrer les
gfièts, quand la cause est ou négligée, ou méconnue, ou repoussée. Qui
JUIN 1819, Î75
appelle la logique; elle n'est point, aux yeux de M, Thurot, un re-
cueil de règles stériles, anificielles. La logique est encore pour lui une'
science d'observation. L'homme a des convictions , des certitudes ; ces
convictions, ces certitudes, reposent sur des fondemens naturels, sur
rauto|k|kde certaines facultés que l'homme possède, ou dé certaine»
lois qtm reconnoît. Déterminer quelles sont ces facultés et quelles
sont ces lois, c'est rechercher les fondemens essentiels de la certitude
et de la croyance : voilà la logique , ou du moins une de ses parties.
Mais l'homme n'a pas toujours des certitudes: il n'a souvent que des
probabilités. Mesurer ces probal^ilités , assigner leur portée et leur base,
voilà encore une fonction de la logique: il n'y a rien là d'artificiel et
d'arbitraire; tout est fourni par la constitution même de l'homme. On
voit par- là quel esprit domine dans l'écrit dont nous rendons compte^
et dans l'ensemble des leçonr que M. Thurot donne de])uis plusieurs
années à la faculté des lettres de l'académie de Paris : c'est l'esprît
expérimental , esprit énergique et fécond, qui a imprimé en si peu de
temps un mouvement si vaste à tant de sciences jusque-là si peu avan-
cées, et qui communiqueroit à la métaphysique elle-même l'élan des
sciences naturelles , si les métaphysiciehs , essayant enfin de la circons-
pection et de la sagesse, veulent bien reconnoître décidément que te
sujet dont ils s'occupent ne peut être connu , comme tous hs objets de
ïa nature , que par une observation constante et habilement dirigée.
L'ouvrage de M. Thurot est par-tout empreint de cette sage tendance
scientifique; et les ingénieux développemens , lés sentimens élevés et
les vues morales que Fauteur mêle sans affectadon à l'exposition de ses
principes métaphysiques , sont une preuve de plus que la nature hu-
maine , en restant dans ses vraies limites , contient assez de richesses
réelles pour n'avoir pas besoin d'en emprunter à des théories ambi-
tieuses et vaines,
V. COUSIN.
Voyage fait en 18 ij et î8i^ dans les pays entre Meuse et Rhin,
suivi de notes ; avec une carte géagraphiqire.
Mermmsse juvabit,
A Paris, chez Alexis, rue Mazarine, n.'' 30, et à Aix-Ia-
Chapellè, chez Laruelle .fils, libraire, 1818: un volume
in-8.^ de 378 pages.
Wn yoyagedans fAjife ou FAfiique ofFriroit de Fintérôt, sans doute,
37^ JOURNAL DES SAVANS,
et excîceroit la curiosité, parce qu'on espéreroit y apprendre des choses
inconnues. L'homme a un si grand désir de savoir, qu'il çst en quelque
sorte à Tafï&t de tout ce qui paroit de nouvelles publications en ce genre.
L'auteur qui nous présente des détails sur un pays voisin du n6tre, ne
doit pas s'attendre à un semblable accueil : cependant son ouvij|ffe peut
n'être pas sans mérite , s'il décrit des contrées remarquables par^^s pro-
ductions et par l'industrie de ses habitai». Tel est celui dont nous allons
rendre compte, qui traite du pays situé entre Rhin et Meuse. Ce pays
comprend un espace assez étendu , borné au sud par Liège et Bonn , et
au nord, par Wesel et Niniègue; les deux fleuves allant dans cette
direction jusqu'à une grande dislance , pour se jeter ensuite sur la gauche ,
c'est-à-dire vers Fouest, avant de se réunir. Cet espace formoit précé-
demment le département de la Roer,qui, par lui singulier rapproche-
ment, avoic une population de sept cent mille âmes, et sept cent mtU»
hectares de terre.
L'nuieur n'a point é^1bli de division pour son livre; mais il a choisi la
tnanièri:; de raconter par lettres, vbulant conduire son lecteur successive-
ment dnns chacun des principaux lieux qu'il visite. Nous ne sommes point
dans l'intention de le suivre p<i»>à pas; seulement nous dirons quelque
chose des principaux objets sur lesquels il a le plus insisté.
« Le climat, dit l'auteur, est tempéré, mais iiumide; les trois quarts
» de la contrée sont en plaines ; la partie montueuse descend des coteaux
» appelés Fanges (ou Effangts], jusqu'à Aix-la-Gapelle ; les Fanges,
«que Jufes-César appeloit /'d/Wcj- [eneflet, ils sont mouillés et maré-
»C3geiix, quoiqu'élevés), sont une continuation des Axdennes, et n'ont
»que jjo toises [700 mètres ou environ] au-dessus du niveau de la
» mer.
» LaRoer,à laquelle les suintemens des Fanges donnent naissance,
» se jette , après un cours de trente lieues , dans la Meuse à Ruriemonde.
JUIN 1819.' 377
de distance d'Eschweiler , sans parler du moiif, qiie sans doute il ne con-
noissoit pas ; c'éloil afin d'accoutumer fes fabriques du pays à se servir des
. faines de nos mérinos français , pfuiôt que de n'employer que des laines
saxonnes. Cet établissement, auquel j'ai eu quelque part, a été, comme
beaucoup d'autres, détruit par les troupes étrangères. Les propriélaires
de la contrée y ont gagné du goût pour ce genre d'amélioration.
Les !■ anges, dont il vient d'être question , sont la partie la plus mau-
vaise du déparlement ; le sul n'est qu'une lande marécageuse , qui repose
sur un fond argileux; il procure aux habilans, pour leur chauflàge, uno
tourbe qui ne leur coûte rien. Les manufactures elles-mêmes tirent un
grand parti de ce combustible; mars ils le payent bien cher, puisque
c'est aux dépens de la salubrité du pays. Toute l'année , il y règne des
brouillards au lever et au coucher du soleil ; en hiv,er , les neiges s'y en-
tassent. Les chemins y sont difficiles, i cause des marécages et des troui
qu'y font les fi^uilles de tourbe; nombre d'infortunés y ont péri. Conçoit-
on que là il se soit formé une ville ( Montjoie ) de trois mille cinq cent»
âmes, et qu'on y compte cinquante-neuf manufactures de drap et de
Casimir , dont les produits, confondus quelquefois avec ceux des ver-
reries, vont en France, en Italie, en Espagne, en Pologne, en Turquie,
en Russie, en Afrique et dans le nouveau Monde! C'est vraisemblable-
ment à cause de la qualité de l'eau de la Roer. Des avis ont été ouvert*
pour dessécher ce triste pays , qui peut avoir dix lieues de longueur sur
deux de largeur; mais les liabitans auroient eu de la peine h y consentir,
par cela seul qu'ils trouvent leur cliaulTage et quelques malheureux pâtis
pour les besdaux.
De Monijoie , l'auteur s'est porté à Dureji , jolie ville de trois mille
âmes sur la Roer, i quatre lieues deJuliers, à sept de Cologne et à huit
d'Aix-la-Chapelle ; elle est environnée de fabriques et d'usines. Depuis
sa réunion à la France, ses manufactures de drap avoient augmenté
du double, et, malgré l'introduction des mécaniques, seize mille
ouvriers y étoient employés. L'auteur remarque que les désastres causés
par fes guerres dans ce pays, n'y ont pas laissé plus de traces qu'un
riolent orage.
Deux lettres sont consacrées à fa ville de Cologne , remarquable par
son ancienneté , ses montunens et sa positron. £Ile est placée sur la rive
gauche et au bord du Rhin , à six lieues au dessous de Bonn. L'auteur en
donne une notice historique que , sans doute, il a puisée dans ses archives ,
ou dans quelque écrit. Composée de huit mille maisons et ayant trois
milles de circuit , el!e ne compte que quarante cinq nulle habilans ; dans
son euceinie il y a des jardins , des vergers, et des vignes même , qui ne
Bbb
37^
JOURNAL DES SAVANS,
Jaiîsetil paï que de donner beaucoup de vin. C'est le dernier endroit où,
en allant au nord , on en récolle ; mais ce vin n'a pas à beaucoup près
la qualité de celui de la rive droite de ce fleuve , du côlé de Mayence.
Lncatliédraleesi un beau morceau d'architecture, qui seioit une merveille,
ti les travaux et perfection tiemeii5 projetés eussent éle achevés. Les
vitraux de celle église sont peints avec une grande pureté de dessin el
de coloris : c'est une des choses qui nous ont le plus frappés dans un des
voyages que nous avons faits h Cologne.
L'auteur, de celle dernière ville, cojiduit son lecteur Scelle de Briihl,
bîeii biiie, ayant une population de quatre mille aines; on y vient de
Cologne en parties de pfaisir; le canton y produit du vin médiocre, maïs
f^eaucoup de grains; de là aux champs et aux environs de lolblac, si
célèbre dans l'histoirç de France depuis la bataille que gagna Clovis ; au
canton de Juliers , qui est de la piui grande fertilité , et à Crevelt , ville
remplie de m.inufnctures intéressantes, et où il y a une activité indus-
trieuse. Parvenu i Neuss, il s'attache à faire connoifre les travaux faîls,
sous (es Français, pour joindre le Rhin à la Meuse, Ce canal, d'une
belje conception , a s J, ' 2f> mètres de longueur sur 60 mètres de largeur .
totale , ayant 2 mètres 60 centimètres de profondeur d'tau.
Lorsqu'il s'agit de la ville de Clèves, avant de parler de son histoire,
rfe son château, de son parc, de ses promenades, l'auieur rappelle un
triste événement, dont les effets nous sont d'autant plus connus, que nous
avons été chargés de les constater ; c'est un débordement du Rhin qui ,
au milieu de l'hiver, étant surchargé de glaces, romi)it quelques-unes
de ses digues. Des villages entiers furent emportés ; beaucoup d'habilans
et de bestiaux y périrent. Les hommes , montés sur des arbres, fatigués
par un vent impétueux et ne pouvant plus se reiejiir aux branches, parce
que leurs mains se geloient, toniboient dans l'eau et disparoissoîent.
Au milieu de ces malheurs, une lille de dix-sept aru, forte et courageuse
( Jeanne Selius ) , après aviir sauvé sa mère inârme, ne put résister
aux cris d'une mère et de i^es enfans , qui demandoieni le même secours.
Malgré Iç danger presque cer'ain iiu(,uel elle allait s'exposer, malgré
les efforts qu'on fit pour l'en détourner, elle se précipita de nouveau
dans les flots, et disparut au grand regret de ceux qui admiroient sa
généreuse action. Un monument lui 3 été élevé auprès du lieu où elle
a perdu la vie.
Le Voyage dont nous venons de donner une foible esquisse, est
terminé par une récapitulation du produit de l'agriculture et de l'industrie
des pays qui en sont. l'objet ; voici comment l'auteur s'exprime dans
une récapitula lion de l'iiidustrie du pays : « Ccmbitn d'ouvriers
I
JUIN l8l^ 57>
» travaillent dan^ les vingt-sept exploitations de houiflâ sèche et bitu-
9 mineuse , dans celles de la terre d'ombre et dans tomes les tourbières !^
^j Ici Ion tire annueUemeri(t cent quatre-vingt mille' quintaujtf niétriquetfi
3^ d'excelfent fer , et on l'expfofte dans vingt établisfemenÉr ; là on extrait ^
30 on bocarde, on fond le plomb du Bléyberg , doixit le gisement fest uii»
y» des plus riches de l'Europe ; ailleurs huit mille individus attachent id'
>» calamine à la terre , ou s'en servent .dans le» fabriquer de laiton de*
» Stolberg. Figurez-vous tous ceux qu'occupeilt les pierres <ie taîHe,.Ies»
» pavés, Ies<:haux, Icsurdoises, la faïence, les potertes, les briques et
» les tuiles. Si je parlois de la richesse minérale relative, ou de celle des
3» produits qui, pour devenir marchandises, exigent ie concours de^-
35 mines et des usines, combien d'établissemens ftudroit-il passer en
w revue î. Le pays entre Rhin et Meuse a dix mille ouvriers' da^s trois
» cent trente-quatre fabriques qui emploient des matières du règne
» minéral. Au premier rang il faut placer les aiguilles d'Aix-la-Chapelle
» et de Borcetie , qui rivalisent avec celles d'Angleterre ; les épingles à
M tête coulée, le sel ammoniac, le bleu de Prusse, lacéruse',.la coupo'
» rose , et tant d'autres qu'il seroit trop long d'énumérer.
3> Lerègne végétal fournit la matière première à treize cent quatre-
-vingt-quatre manufactures où sont dix-sept mille* ouvriers. On doit
3> distinguer dans cette classe les beaux tissus, toiles de lin et nappagj^s.
3> damassés, les tissus de coton variés dans leurs couleurs et adaptés aur
» goût des consommateurs, les papeteries,- les dentelles, -les essais*
>> d'indigo indigène , les fabriques de sucre de betterave, celles où les'
^> plantes oléagineuses donnent l'huile pour les besoins des manufacturo^
^> et de l'économie journalière , de nombreuses savonneries , une^grande
x> quantité de distilleries de grains et de pommes de terre > les brasseries
» multipliées qui suppléent au manque de vighoblès.
3> Aix-la-Chapelle, Borcette, Montjoîe, Roétgen, Ingenbroich, Stol-
» berg, Cornely-Munster, Duren, Heinsberg, Crevelt, Orsoy, Lobbe-
» rich, Cologne, Clèyes , &c. , façonnent des draps et des casimirs d'uno
» finesse extrême, qui s'écoulent dans les deux mondes, et qui occupent
x> quarante mille ouvriers ; il en est beaucoup dans les chapelleries.
>^ Il règne une grande activité dans les ateliers du dépôt de mendicité
» et des maisons de charité publique.
» Depuis cinq ans, trois cents fàbricans de la rive droite du Rhin sont
» venus s'établir dans la Roer; leur indublrie se porte particulièrement
3> sur les toiles peintes , lés lacets et rubans de fil , la taillanderie et
)> quincaillerie, et les filatures de laine et coton dont le nombre s'est
» accru rapidement, n
Bbb a
38a JOURNAL DES SA VANS,
Non content d'avoir traité des points historiques dans le cours dts
lettres » l'auteur en traite encore et plus au long dans des notes , qu'il si
rejetées à la fin du volume et qu'on lit avec p aisir.
Ce Voyage doit présenter de Tîntérét à ceux qui font cas des arts et
des pays où ils sont en pleine activité. S'il se inéie quelques regrets k
la perte d'une contrée devenue aussi florissante , on a au moins fa conso-
lation d'avoir contribué à sa prospérité : une nation civilisée et généreuse
ne peut avoir une autre pensée.
TESSIER.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SOCIÉTÉS LITTÉRAIRES.
La société des amis des «cicncfç, des lettres, de ragrîcultnre et des arts ^
établie a Aix, département des Bouches-du-Khûne^ a publié ie programme
•uivant :
«c 1. Prix de physique. La société, désirant favoriser les fabriques de soude
et d*acide sulfurione, et concourir n remplir les vues bienfaisantes du Couver*
nenient , en cherchant à concilier avec ces deux i)ranches de l'industrie fran-
çaise rintiret de l'agriculture et la salubrité de l'air, propose un prix de la
valeur de trois cents francs » qui sera décerné, dans sa séance publique du mois
de mai 1820, à l'auteur du meilleur mémoire destiné à résoudre la question
suivante :
» Peut-on remédier aux inconvéniens résultant des vapeurs on gaz corrosifs
et délétères qui s'exhalent de ces fabriques , dans l'acte de ia décompositîoa du
soufre et du muriare (hydro-chlorate) de soude ou sel marin, par iesagens
dont on se sert! Le peut-on, soit en op'rant dans des vaisseaux clos, lOÎC
autrement, de manière que ces émnnaiions soient parfaitement coërcées ou
neutralisées, et ne puissent, en aucun temps, ni incommoder les propriétaires
et habitans \oisins de ces fabriques, ni leur c«iuser aucun dommage! Les
personnes qui voudront répondre à cette question, seront tenues de détailler les
expériences sur les(|uelles sera fondée leur réponse, et de décrire exactement les
appareils et les matériaux qu'elle; auront employés dans leurs recherches.
» II. Prix de littîrature. La société propose l'élosfe de Vauvenargues .
mai 1820. Les mémoires pour les deux concours ci-dessus seront reçus jusqu'au
31 ma^s i8ao inclusivement, terme de rigueur.
, . ipte
tances et du succès des épreuves qu'il aura faites du pl&tre [ sulfate de chaus}i
JUIN 1819. 4S1
fomme engrais. La contenance des terres qui y seront Houmtees , doit être an
moins de vingt-cinq ares ( environ une carterée, ancienne mesure d'Aîx J, tant
en prairies qu en terres labourables. Les mémoires seront reçus jusqu'au 3 1 man
1820 inclusivement 9 terme de rigueurT — Un prix de^a même valeur sera
décerné, à la même époque, ou plus tard, si les circonstances Texigent, à
l'agriculteur qui aura planté ou greflTé avec succès le plus grand nombre d'a-
mandiers, des espèces ou variétés connues pour être les moins sensibles aiui
gelées du printemps , qui, presque chaque année, détruisent ou diminuent dos
récoltes d amandes.
^ » Le nombre des plants d*amandier des espèces ou variétés privilégiées, pour
être admis au concours , ne doit pas être au-dessous de deux mille ; et le prix
ne sera délivré qu'après qu'il aura été vérifié par des commissaires de la société»
que ces nouveaux plants, ayant fleuri beaucoup plus tard que la généralité de
ceux de l'espèce commune existant dans le voisinage et à la même ex^sitîon^
ont été mis par-là hors de l'atteinte des frimas du printemps. La société différera
d'un ou deux ans de décerner le prix, si les arbres d'une pépinière faite pour
participer au concours ne se trouvoient pas encore en âge de fleurir à l'époque
fixée ci-dessus. — La somme de deux cents francs, ou une médaille d'or de la
même valeur, sera décernée au propriétaire- agriculteur qui, à l'époque du 31
mars 1821 , aura cultivé avec le plus d'étendue et de succès la garance [Rubia
tinctorumj j dans le territoire d'Aix, où cette plante si importante pour la
teinture n'est pas, à beaucoup près, aussi propagée qu'elle mérite dp l'être.
Lts concurrens auront soin de justifier légalement de l'exacte vérité des détails
du compte qu'ils rendront de leurs opérations et des succès qu'ils auront obtenus.
Leurs mémoires et certificats seront reçus jusqu'au 31 mars 1821 , terme de
rigueur.
» Pour être admis aux concours, les divers mémoires et certificats doivent
être adressés, francs de port, au secrétaire perpétuel de la société académique»
à Aix, département des Bouches-du-Rhônc, à qui ils devront être parvenus i
l'époque nxe du 31 mars de chaque année désignée pour terme des concoun.
Les membres résidans de la société sont seuls exclus des concours. Les con-
currens sont invités i joindre à leurs mémoires une épigraphe on devise, qu'ils
répéteront dans un billet cacheté, renfermant leurs nomt et leurs adresses»
lisiblement écrits. Ce billet ne sera ouvert que dans le cas où le mémoire auauef
il se trouvera attaché aura remporté le prix ou un accessit. Gibtlin, D.Al>»
secrétaire perpétuel, »
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Epjgrammes de AI, Val, Martial; traduction nouvelle et complète, par
feu E. T. Simon, ancien bibliothécaire du Tribunat, &c., avec le texte latin»
des notes et les meilleures imitations en vers français, depuis Cl. Mârot fusqu'à
nos jours; publiées par le général Simon, fils de l'auteur, et par M. Auguit.
Paris, chez Guitel: tome L«% iVA* Prix, 7 fr. 50 cent. L'ouvrage aura 3 voL
Les Animaux varlans ; poème épique, en 25 chants, de J. B. Casti ; traduit
librement de l'italien en vers français, par L. Mareschal. Paris, Brissot-l hivars»
imprimerie de Didot jeune ; 2 vol. in-S.' Prix, î.4 fr, — II cxistoit déjà uoe tia-^
3Sa JOURNAL DES SAVANS,
diiciion de ce p(9ème italien en prose française, par M. Pagaoel, imprifl!ré#
à Liège, en 1818, en 3 vol. //1-/2.
Camoins, ode par M. Kaynouard, avec la traduction de M. Francisco Ma-
nnel (dhfîlirurlilvsin ). Paris, imprimerie de Bobée, //.-y/ d'une feuille un qiiArf.
Choix à'i's jwsiis cri^i'uilcs des tn ubadours , par M. Kaynoiiard, membre de
rin«tiiiit, &<:.; lonus 11 ei III. (Le tome L^', publié en 1816, contient le»
preuves lii'.tori Trf> do Pancionnetc do la langue romane, les éléniens degrant"-
njnire romane, l^c.) Paris, impr er libr. de Pirmin Didot; trois forts volumes
in-Sj' — On a rondii compu* d premier vi^lumo do co recueil dans les cahier»
dn Journal des Savans do r.o\. mhrc 1816 or iv.iilot i^i"!". Nous nous proposons
de faire connoiîro lo> dcii\ dorniv.*»^^ dans Tui) de nos prochains cahiers. M. Ray-
nouard a placé, à la ii\c dw tomo 11, uno ilissortaiion sur les Cours d*aniour.
Fdl'Ls , p.2r A!, Ltjron de Suis.-, rr , Ù^c. ; troisième édition; imprimerie de'
Firmin Dulot, tlu/ A. on^,io, ///-/. 0 i.\6 |).it;os, a\ec une gravure.
SJIitji , îiiiijcdic 011 cinq ôctos, p.u l. 1 ii^ury Hcïiich ; ro présentée pour la pre-
mîôro lt»j> sur le prnnd th'.iiro do l" •■iii..ir.,\ , le 3 décembre i8ib. Bordeaux,
iniprim r'w dç I3^o$^ior, ///-,■»'/ de [ Lîiillo-.
Jran 0 d'Arc, tragédie, par .\1. li'Avri^ny. Paris, in-f*.*, 3 fr. Ce poème,
repiése-né avec succès au théâtre t'raniais, sera l'objet d'un article dans l'an dfe
no prochains cahiers.
D.-s Proverifs drjmdtiques , par M. Cîos^e, auteur de la comédie da MédRant,
paroliropt, au commontomcnt de juin, chez Ladv«*cat; ils formeront 2 vol.
iii'S/ , dont le prix sera de 10 fr. pour les souscripteurs, et de 12 fr. pour lès
non-<ouscri'.;tours.
Discours d'ouverture du cours d'histoire et de rnordle au Collège royal de France ,
prononce, le mardi 13 avril 1819, par AL Daunou, «kc. Paris » imprimerie de
Plassan, clie/. Foulon, in-S,^
AL Bobéo, imprimeur-libraire, rue de la Tabletterie, n.® 9» qui a acquis le»
ouvrages pnbiit's et inodit'i do AL Clavier, vient de publier le prospectus du troi-
sième volume du Pdusjnius, actuellement sous presse. Le prix de ce vol. sera
de 10 Ct. en papier ordinaire, et do 20 tV. en pauier vilin , pour les souscripteurs.
Le mémo libraire va pu!)lier incessamment pno nouvelle édition de VHistoire
des tiwps primitifs de la Grèce, pour laquelle on souscrit également chez lui« Le
prix des 2 vol. in-S/ sera de 13 fr. pour les souscripteurs.
J-listxire de il répulHque de Venise , par P. Daru, de Pacadémie française.
Paris, impr. et librairie de Firniin Didot;7 vol. ///-i^/^ ensemble de 287 feuilles,
plus 8 planches, Prix, 60 fr.
l iede Poii^'io Briicciolini , sccrétciire dos papes Boniface IX, Innocent VII,
Grégoire Xll, Alexandre V, Jean X\ III , Alartin V, Eugène IV, Nicolas V,
prieur des arts et chancelier ue la république de Florence, par W. Shepherd;
traduite de Tanglais, avec des notes du traducteur. Paris, Impr- de rîrmîn
Didoi, chez Verdière, in-S." de 436 page*. Prix, 6 fr. Cette traduction est de
M. de l'A. .à qui Ton doit celle des Antiquités romaines de M. Adam, dont
-^ ique par
qui aiiia 1 ^ vol. in-iz, paroltra chez Aug. De!al::in. Le prix de la souscrfplidii
est de Al Ijr.
JUIN 1819^ 383
J nfl Ut nce des sciences sur V humanité des peuples ; discours prononcé dans la
séance publique des quatre académies , le 24 avril 1819, par Ch. Dupir^ niea.ibre
de rjnstitut. Paris, inipr. et librairie de Firmin Didot, in-S," de 32 pages.
* Ensayo de una memoria sobre un nuevo metodo de med'ir las montanas por medio
dei termometro y el agua hirciendo : seguida de un apendice , &c.;por D. Fr,
José Caldas. Bordeaux, Lawalie jeune, /n-4.* de 5 feuilles et demie.
Cours de phytologie ou de botanique générale; par Aubert du Petit-Thouars,
les yeux de l'auteur, avec des corrections et des additions; urt vol. in-S.^ Vrït^
7 fr. , et, franc de port, 8 fr. 50 cent. A Paris, chez Pierre- Dufart, libraire,
auai Voltaire, n.® 19. Nous nous proposons de rendre compte de cet ouvrage
ans l'un de nos prochains cahiers.
Des maladies de la vessie et du conduit urinaire chez les personnes avancées
en âge; par le docteur Najiche ; seconde édition. Paris, impr. de Lotirn, chei
Colas et Gabon , in-12 de 1 2 feuilles.
Complément de la théorie des équations du premier degYé, conî«iant de nouvelles
formules pour résoudre ces équations, et une discussion géncrale,el aussi nouvelle,
et tous les cas singuliers qu'elles peuvent présenter; suivi d'un t-aité des diffé-
rences et de l'interpolation des séries, formant un supplément aux premiers élé-
mens d'algèbre; par P. Desnanot, censeur au collège royal de Nancy: un vof.
in'S° Prix, 4 fr. jo cent., et 5 fr. 50 cent, franc de port. A Paris, chez Volland
le jeune, libraire, quai des Augustins, n.* 17.
Le Christianisme de Montaigne, ou Pensées de ce grand homme sur la reli-
gion, par M. L.*** Paris, rmpr. et libr. de Demonville, i/ï-^/ de 600 pages.
Prix, 7 fr., et 9 fr. franc de port.
ITALIE.
Vita di Giacomo Sanna^aro, dT'c; Vie de J. Sanna^ar, poète napolitain.
Naples, 1818, in-S.^ ..•■., ^
Viaggio ifc; Voyage à Surinam, dans l'intérieur de la Guiane; traduit de
l'allemand de Stedman. Milan , impr. et, librairie de Stella, 4 v^'- iif-^-'j 3veç
planches.
Trattato ifc^; Traité de la liberté politique, par Battista Guarini. Venise^
imprimerie d'Andreola; 7>7-<9.^ de 120 pages.
Colle-^one ifc ; Œuvres complètes d'Akx, Volta, Florence, chez Piatti, troif
tomes en 5 vol. in-S,", avec planches.
Osservationi iXc. ; Observations météorologiques et nosclogiques , faites dafS \%
ville de Modène depuis 1787 jusqu'à 1814, publiées par Ani. Fontinià
Modène, 18 18, in-S."
Lettere familiari i7c. ; Lettres familières astronomiques du comte Giacomê
Filiasi. Veriise; Alvisopoli, in-S.", avec des planches.
ANGLETERRi;.
On the origtn ife. ; Dt l'origine et des vicissitudes de la littérature, des sciences
^des arts, et lear influence sur l'état actuel de la société; parW. Roécoe. Liver-
fooJ, 1818, brochure in-S,'
'yH
JOURNAL DES SAVANS.
■ Il
Essay ifc. / Estai sur différent ohjtls qui ont rapport au goût; par G. Sicwan
MacU-iritc. Londres, Longnian, in-S."
The Miaistnli'e.; U liarjeiie Cleu , ci aa(r«spoènic!; par Henri Sieb&îng,
Londres, Longnian; 1818, in-S.'
Tht Dream ofyouih ; It Songe dt lajeunetsi, poème. Londres, CadcU, in-B.*
The /Vi^l't, tTc. ,■ la Nuit, poème descriptil'. Londres, 1818, in-S.'
EUmtnts of mtdtcal logick, ifc; Élément de logique médicale, fondés fur
l'expérience ; par le D. Gilbert Blanc. Londres, Sherwood , iaS.'
Pologne. Ferite Vartaviemet, scu Vindicise liierarix et aliaqiiz vacani
»b acadenikis prslectionibus scribebat, mense augiisto anni 1818, Sebaitianiii
Ciampim. Varsayia;, lypi* scholanim piartim, i8i8, ;n-^,° de 72, pagei, A U
suite a'une dédicace, aare»sce à M. Sianiila^Foiockr, et de douze noces relalivei
i cette dédicace, on trouve, I.' des observations critique! sur les Iragmens de
Dcnyî d'Halicarnasse, publiés par M. Mai, et sur le compte que feu M. Visconii
a rendu de cette publication dans le Journal desSavans, juin liti?; — 2.* une
ditSL-nation crîiiquesur l'Itinéraire d'Alexandre le Grand, publié par le même
M. Mai (voyez journal des Savant, juillet 1818, aniclc de M. Letronnc); —
a." une rcponse aux observations de M. Raynouard , insérée* dans le Journal des
Savans, juin 1818, et relatives à la dissertation de M. Ciampi sur l'usage de la
langne italienne depuis le V,' siècle; — 4-'' uneeiplicatimi d'un passage de PI ne
l'ancien sur l'art de fondre le bronze au temps de Néron ; ce quatrième article
csien Italien, et tout ce qui précède, en laitn.
à Paris,
Nota. On peut t'adressera la librairie de M M . Treuttel « Wûrtz, 1
ruf de Bourbon, n.*i^ ; à Strasbourg , rue des Serruriers; ei à Londres, n.' jo,
Soho-Sijuare , pour se procurer les divers ouvragrs annoncés dans le Journal des
Savans. Il faut affranchir les lettres et le prix présumé des ouvrages.
TABLE.
Ptnties dt Plaiert sur la religion, la morale, la poUtiijue, recueillies
et traduites par AI. J. K Leclerc. {Article de M. Letronne. ). . . Pag. 323.
Histoire littéraire d'Italie, par M, dnguené. ( Second antdte de
M. Daunou.) 335.
Codex JVasareuj, liber Adami appelîatus , s^riaci transcrîptus , ifc,
à Matth. Norberg. { Article dt M. Silvestre de Sacy. } 343 .
L'Alfabel européen , appliauéaux langues asiatiques, par C. F. Volnty.
{ Ariicltdt /W. Abel-Rcmuiat. ) 353.
Proposition dt ijueljuts corrections et additions au Vocabulaire dt la
Cxusca, i^c. [Second aniclt de M. Raynouard.) 364*
Discours sur cette question : Qu'est-ce (juc la philosophie! /rononrf/e
y décembre 1818, par F. Tburot. (Article de M. Cousin.) 371,
Voyage fait en 181 jet 181 a. dans les pays entre Meuse et Rhin. (Article
rf. /ly.Tessier.) 37Î-
JVouvelUt littéraires , 3^°-
FIN DE LA TABLE.
JOURNAL
DES SAVAIS.
JUILLET l8ip.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE • . ,
1810.
BUREAU DU JOURNAL DES SA VANS.
Monseigneur le GARDE DES SCEAUX, Président.
M. Dacifr , de l'IoMitut foyaj de France, ircréiaite perpétuel
d^'académii' de» in icriptioni ci belles-letire».
M. W Baron SilVEstre DE SACY.de l'Jnstiiul royal de France,
acadcmie des inscripncns et belles-lettres.
M. CosSLLLIN, de I Iniiiiut royal de France, académie deiins-
icripcioni tt helieî-leitres.
M. CuviER , conseiller d'état, le l'Institut royal de France,
tecrét.-iire perpétuel de l'académie d» ïcîences, et membre de
l'acadérafe française.
f M. DAiPNou.del'lnstitut rnyal deFrance, académie des infcrip-
;ohi ei belles-lettres , édiieur du Journal et secrétaire du bureau.
ÎESSlEB.dc rinsritui royal de France, académie des sciences.
QuATREMÈRF. Dt QuiNCY, de l'Institut royal de France,
;crétajrc perpi-iuel de l'acadt'niie des beaui-arii , et membre de
elle des inscriptions et belles-lciires.
BioT, de l'institut royal de France, académie des sciences.
VANDERBOtJftG, de i'In^iitui royal de France, académie de*
inscriptions et bellis-letires.
M. Kaynou \Ra, de l'institut royal de France, seci
pétuel de l'académie française, et membre de l'acadcr
criptions et belles-lettres,
M. Kaoul-Rochette, de l'Institut toyal de France, académie
des inscriptions et bel les- lettre s.
M. CnitY, de l'insiiiut royal de France, académie des inscrip-
tions et belles-letires.
M. V. Cousin, mahre de conférences à l'École normale.
M. Letaonne, de l'Institut royal de France, académie dei
inscriptions et belles-lettres.
M. DuLONC , professeur de physique et d« diimie à l'École
royale d'Alfort,
M. A6EL-RiM[}SAT, de l'Institut royal de France, académie des
inscriptions et belles-letires.
M.
e per-
Le prix de Tabonnement au Journal des Savans en de 36 francs par an,
et de 40 fr. parla poste, hors de Paris. On s'abonne chez MM. Trfuiitl tt
VTùrt^, à Paru , rue df Bourbon , n.° 1? ; h Strasbourg, rue dts Serrurim, eiii
Ijtadrts, n.'jo Scho-S^uarf. il faut affranchir les lettres et l'argent.
Tout ce qui peut concerner les annonces à insérer dons ce journal,
lettres , dvis , mémoires , livres nouveaux, &c. doit être adressé ,
fRASC DE PORT , au bureau du Jounifii des •Sayuns^,^ Paris, rue
p iJllMéftl- montant . n.* 22.
JOURNAL
DES SAVANS.
JUILLET 1819.
Karamania. or a brief Description oj ihe south Coast o/Aslû
miiior, &c.: c'est à-dire, Caramanie , ou courte Description
de hi côte me'riMonalc de l'Asie mineure , &c. tivce des phi ris ,
des vues, une carte, &c. ; par Francis Beaufort. Loml/es,
1817, in-8.' de 300 pages.
SECOND ARTICLE.
No
N OUS avons taissé le capitaine Beaufort à l'ancienne Trajûnopofis ou
StlJnonle. En coniinuanl de s'avancer de f'ouesi k l'tst, on renconire
d'abord des ruines, placées au pied d'une montagne fort escarpée qui
doit èire le Cragus de Cilicie; cei ruines appartiennent prohablemenl ^
Ccc â
i
388 JOURNAL DES SAVANS,
Afitiochia ad Cragum. Tout près , sont deux petites îles que, d*après feur
pu!>itîon , je soupçonne être les Aconnrsiéc insulœ, situées , selon les acte»
de S. Barnnhas.un peu en i\\z\\iA\4nertturium (i). On arrive ensuite à
une petite rivière nommée Charadran, c'est le Ckaradràs de Strabon-;
enfin nu cap Anamour / Ahemurium promcntorium ] ^ le plus méridtoaiA
de l*Asie mineure: il est formé par une branche avancée. du TaufusjQui
y voit des ruines d*un aqueduc, de murailles, de réservoirs, de deux
tliéatres, dontTun, assez bien conservé, paroît avoir été recouvert d'an
toit. Une quantité considérable de tombeaux forment une espèce dé
Ntcropoiis, Ces tombeaux sont d*une construction unifbfmey et lie
difTerent que par les ornemfips et la grandeur: ce sont de pedlsédB%es
détachés les uns des autres, et divisés chacun en deux chambres ,- dont
lune, à l'intérieur, est subdivisée en cellules pour les corps ;.f autre
étoit sans doute deNtinée, soit à contenir les offrandes i soit à servir pour
des cérémonies funèbres : aucun ne porte d'inscription. Ces ruines
attestent l'existence d\ine ville considérable, qui ne peut être que
Ancmurium , dont parlent Scylax et Pline ; Strabon ji'en &it pas mention.
Ces: ainsi qu'il passe sous silence la ville de Sélinonte, bâtie sur les
bords (lu fleuve de même nom : ces oiiii>sions et d'autres encore nfc
font prcsumtr que ce géographe navoit point visité la côte méridionale
de la Cilicie. • * *
Le château moderne d' Anamour est situé tout près d'une rivière rapide »
de I jo pieds de large, qui pourroii être ï Atymagdus àe Ptolémée,^
deux millts de Ih, sur le sommet d'une colline, on voit les restes d'une
ville antique qui doit être la Alii^idos de Strabon. Une haute péninsule ,
couverte de ruines, peut répondre à YAfsinoe du même auteur. Enfîn^
nv;Mit d'arriver ^ Kirlindreh, on \oit une troisième ville , probablement
l'ancienne Alelania (a^
Kt:li drth, autrefois Ce/indcris, possède un j>ort assez petit» mai»
bi».n fermé, doii les couriers turcs s'embarquent pour Chypre : il s'y
trouve des ruines en petit nombre. En avant du cap Cavalière, un des
plus proéminens de la côte, sont des ruines antiques qui ]iaioissent
correspondre à la situation d*JHo/m/, Ce cap, formé dune sorte de
marbre blanc, s'élève à la haut^r de 6 ou 700 |âeds : ses couches, par-
tout horizontales X y sont infléchies et brisées de la manière la plus
(1) *'H\iù/iJLkf àf taT Koe^0iM (lis. Ko^nâofUf ) cVâ^fr 0 't^v^ti'nytfr «2Sr
Xxjavivoieu ^ Kjf iiAÇe/ttr cnf viket ÀvijuûveAût. Apud Bolland. Jun. t, //,p* ij^» cité
par Wt ssc'ing ad It'tnerar, p, y 08,
(2) irm Wf MtA<u*a (Strab. XIV , p. fyo)y lis. Mc\ar/«t, comme au livre
XVI, p. 760.
JUILLET 1819. ^^
extnbrdinaire ; elles attestent qu'il s'est opéré sur ce point un afTaissement
considérable : clest le Sarpedon promoniorium , célèbre , selon Strabon , par
.uA temple. et un oracle de Diane- Sarpédon'nnne ( 1 ).
Seleflfi^hr, l'ancienne Séleucie^est située à quelque distance de la
mer, sur les bords du fleuve Calycadnus , à présent Ghiak-soai, qui a
environ 1 80 pieds de largeur : on y trouve un pont antique de six
arches assez bien conservé , un (héâtré, des portiques, un temple con*
verti en église chrétienne, et plusieurs grandes' colonnes corinthiennes
de 4 pieds de diamètre. Près d'une carrière de marbre, qui paroi t avoir
fourni tcniSiLles matériaur des édifices de Ja ville, on voit un cimetière
frès-étenjdu, contenant; plusieurs sarcophages et des catacombes» avec
une multitucfô d'inscriptions, dont le capitaine Beaufort n'a rapporté
qu'une seule fort insignifiante. A peu de distance, il y a un réservoir de
1 j'o pîeds anglais [45 mètres 7] de long, sur 75 [22 mètres 8 j J de
large, et 5 s [ 10 mètres 66 ] de profondeur. Telles sont les ruines de
l'antique Séleucie , capitale de l'isaurie. La ville moderne n'est qu'un
assemblage de huttes en bois et en terre ; et la maison de Taga ne vaut
par beaucoup mieux. Sur une montagne à l'ouest de la vifle , s'élève une
ancienne citadelle de forme ovale, entourée dun double fossé, et d'un
mur bien bâti, flanqué de tours: sur la porte on lit une inscription
arménienne, rapportée par le capitaine Beaufort, mais si inexactement
copiée, que les peifbnnes versées dahs l'arménien auxquelles je l'ai
communiquée , n'ont pu la lire. Il est à désirer que les voyageurs puissent
à l'avenir 6îre quelques recherches le long du rivage ; ils y trouveroi.ent
sans doute les ruiiies du fameux temple d'Apollon Sarpédonien, qui,
selon Basile de Séleucie, occupoit une jetée ou une langue étroite silr le
bord de la mer (2). • • •
Au-delà de l'embouchure du Calycadnus , le rivage n'offre aucune
proéminence, et il est impossible de savoir ce que Strabon a prétendu
désigner par son second cap Anemurium,
Un lieu appelé dans le pays Pershendep contient des ruines fort
étendues d'une ville antique dérruite, des temples, des portiques, des
aqueducs, des tombenux; et cependant on chercheroit vainement dans
les anciens géographes une ville qui puisse correspondre à celle-ci.
Comment un lieu qui paroît avoir été si considérable, a-t-îl pu leur
échapper î^ C'est ce qu'on ne peut expliquer que dans le cas -où la^
(1) Cf, Raoul- Rochette, Hist, dt^s Colon, grecq, II , p. 142»
^ahûiHfiç xfhvïY, Basil, ^eleuc. in Vita S. Theclœ, /?. 2^^, D.
j9« JOURNAL DES SAVANS»
Ibndttioa de cette ville aeroît d'ope due frfni féceate-. Or, on lit nr
ta porte ôrienule une inscription de> pbu curieuaes, tfà expfîque la
difficulté. la Toid telle qu'élis a. été œpîée par le capitaine Bméaiti
.1. BniTHCE&C-tAlAcTaN&BCnpr^NHMait.
». OTAA8NTINlAHO*KAIOTA4BMTOC^irPATIAN0r
• 3. TnKATaMiûHATTOTCTaH
4. «A0TPANI0.COAAliaP0T'AT0CAPXaH
), THCICATPiaNBOAPJCIACTOHTOIIOlV
ti. KAIBPHMOMOHTAB'OtKiaatBntKO'làll
7. BICTOTTOTOCXHUirirArBNIKeitlAtaK
9. AnANTOBPrONKATÀCKETACA
Cette copie est tellement inexacte, qu'on ne uuroit tirer aucua MOS.
n &ut h lire aînu :
1, E« ne CmiIui^t *■" AtMMwr iftSr^
%. OùmXtmrutni ^.Oiâfumç i^ Tot^wS,.
|.' iSr mStuSur Aijtifm [l^,
{, -nf ttmu^mf (2] i^mfx/ty '"' '■"^
6< imrtfMfitf (j) arm, i^ »ïuim' ômtolar (4}.
7. uc «vn n jJI/M â}*)*!! «t 4^ iJimt (jj^
(l) Est le temper Augusti dei {nicrîptioni Utinn de Valentinîcn, Valeni ei
Ot«Hen.(MuTator.CDLXy,t), Quant axxx litrci de almw, ou m RamtMt,
9à Avj^w, donnéi i cet prîncet, voyez VHlDtson, Lettre nir l'inscripiion de
RoKlie (Magas. tncyclop. IX-' ann. t. ïl, p. iSj).
(z) 'ifoueMM ne peut avoir pour nominatif que loBvetM.- let denx MiiUethnii|un
connui soni liTimgyi el Imui^af. Mais comnie.à la ligne pénuliit-me, le capitaine
I
JUILLET 1819. 3j,
Ce qui veut dire : « Sovis le règnt de nos maîtres , Valeniinien , Valeni
» et Gratien, éternellemem Auguste». Floranîus, ('iHustre gouverneur
» de la province d'Isauie, a mis dans ietal où vous le voyez, et d'aprè»
» ses propres idées, un' litu ju^qu'alurs entièrement désert, ayant fait
" exécuter tous les travaux à ses frais. »
On voit par celle inNCription que la ville, dont le nom manque, a
dû être bâtie pendant (e régne simultané de Valeniinien, de Valens
et de Cr.ilitn; ce qui en fixe la date entre les années 367 et )7j de
J. C. Cette circonstance explique le sifence des auteurs (1), Je conjec-
ture que celte ville est la Ncapolis d'Isaurie, dont le nom se montre,
pour la première fois, dans le Syiiecdème d'HiérocIès (rédigé sous
Théodose 11 ) , où elle est donnée comme faisant partie de la province
d'Isaurte (2) ; et pour la seconde fois, sous le règne de Léon I, succes-
seur de Théodose 11 , dans un passage où Suidai rapporte qu'un fameux
coureur, nommé Indacus, qui vivoit squs ce prince, faisoit plus de
cl.tmin \ pied en un jour que d'autres avec des chevaux de relais : îl
alloii, dit-il, de Chéris h. Ailioche I prolialjleinent ad Cramtm) en un
jour; revenoit le lendemain à Ckrris, et le surlendemain se rendoit à
Aniioche: d'où il résulte qu'il ^isoit en deux jours je chemin d'Antioche
à Isaurie (j), située à i'exirémilé occidentale de l'Isaurie, jusqu'à Nea-
pol'is, qui, d'après cela, doit avoir été située à lexirémilé orientale de
la même province; or, telle est en effet la position de Pershendy.
Ainsi ce fameux coureur iraversoit l'Isaurie en deux jours. La rouie
d'Antioche i Isaurie à Pershendy, en comptant ^ pour les détours, esi
de j 4 lieues environ, ce qui fait 17k 18 lieues par jour ; c'est le che-
min que ce fameux marcheur fâisoit pendant trois jours de suite, et cette
proportion n'est ni trop forte ni trop fuihie. En combinant donc avec
l'inscription ces quatre circonstances , i .° (a distance de Ncapolis à An-
liothe , 2.° la position de Ntapol'is à rexirémiié orientale de l'Isaurie, ce
ipii est celle de Pershendy, j." le nom de Ntapolis, qui indique une
fondation récente, 4-' la mention si tardive de cène Necfoiis, on ne
tauroit douter que la ville nouvelle , ËMidée par Floranius, tous Valen*
tinien, Vaiens et Gratien, ne soit Neapolis d'hautir.
Tout près de cette ville antique, il y a deux châteaux en ruine et
inhabités, nomméf Korghof kiiltiUr; l'un sur la terre ferme, prés des
ruines d'une ville antique: l'autre situé dans une petite île tout près du
rivage: il s'y trouve quelques antiquités. Le premier a été îndubjia-
bltmeni un lieu très-fort, entouré de doubles murailles, doiu chacune
|i) Il est borde tfmar<^uc»(]ueioui« les inscriptions trouvées en ce lien sont
ia Bas-Empite. — \i) fiitretLSyntcdtin. p.;'io.^{i) Sui(ia»> iw«^jAiur. ' '
392 JOURNAL DES SAVANS,
est flanquée de tours , et de plus en < ironnée d*un fossé qui cèmmûnîqiie'
avec la mer par le moyen d'une excavation de 30 pieds de profondeur,
taillée dans le roc: une jetée, qui se prolonge dans la mer* est terminée
par un bâtiment antique ruinée qui peut avoir été un ta al. Les muraitles
de l'ancienne ville .sont encore assez I ien conservées iH)Ur qu'oii en
puis^e tracer Fenceinte : dt-s bains, des toml;eaux nom< reux, tout invite
les voyngeurs à visiter de nouveau ce lieu, que le capitaine Beaufôrt n*s
pu voir en détail. II y a fait néanm )ins une observation que nous devons
mentionner ici h cause de son importance : « Nous avons, dit-il, copié
» un grand nombre (i*ins'criptions en cet endroit; mais elles sont toutes
» sépulcrales, excepté une seule qui fait mention des bain.s de Dionysiu^
» Christianus. Une de ces inscription», précédée de la cmx grecqUï , a été
» trouvée sur un mau>olée construit en pierres irréguHeres^ dans le
» style cyclo|>éen ; circonstance qui . peut-être, montreroit que ce nfode
i> de bâtir n'e.>t point une preuve de très-grande antiquité, à moins que
» f imitation de l'antique ii*ait été d*usage en ce temps, comme il Test
» de nos fours. »
On doit regretter que le capitaine Beaufort ne nous air pas transmis
le dessin du mausolée; c.tr, si la construction est bien réellement cjch^
péenne, son observation est des plus curieuse:»: mais nous présumons que
ce qu^il a pris pour la construction cyclopéenne, n*est autre (hose que
Yincertum de Vitruve, tel qu'on le v(jit dans beaucoup de monumens
romains; on peut citer, entre autres, deux tombeaux qui se trouvent à 11
droite du chemin qui conduit d'Alexandria-Troas aux sources thermales,
à peu de distance des ruines de faqueduc d'Hérodes Atticus : ifs ont été
vus et dessinés par M. Dubois en janvier 1 8 ! { . Cet ii^erium ressenibfet
pour l'arrangement des pîerr. s , à la construction pélasgrqm ou cycle*
pitnne; mais il en diffère essentiellement par la petitesse des pierres et
par l'emploi du ciment.
Ce lieu répond, selon toute apparence, à Corycns. dont le nom
corrompu se retrouve encore distinctement dans Kotghous. C'étoit la patrie
d'Oppien (1); cette ville fut jadis célèbre par lantre Coryden, ou
(i) II est singulier que tons les biographes, et Jusqu'au dernier tradocteur
d*Oppien, persistent à dire que ce poc'te ttoît natit d*Anazarbe, sur la foi d*na
g
prîi
«adresse la pêche des anthias\st faite par ceux qui habitent mon heureuse
» patrie, au-delà du capSarpedon, soit la ville de Mercure , Corycée , célèbre
» par SCS vaiifcaux » soit nie d'Éleussa (p. lof-zog). n Corycic ci File dfEkmaba
[[rammairien inconnu , quand le poète Ini-mênie dit formellement oae Cmrycms,
a ville de Mercure, étoii sa patrie ( Oppian. C^neg. Ht, 8, tf). Ailleurs ils'ei-
prime ainsi , dans ce passage égalt* ment formel : « Lcoutez d*abord avec quelle
JUILLET 1819. ÎJ3
croissoit le meilleur safran ( 1 ) . Au reste ^ le voyageur anglais , qui n'a pu
s'arrêter en cet endroit, n'a obtenu aucun renseignement sur cet antre.
Une découverte plus précieuse et qui reste à faire , seroit celle de fi
fontaine de A^i^x, dont les eaux, selon Varron, jouissoient de la singulière
et heureuse propriété (fe donnera ceux qui en buvoient un esprit plus
fin et pfus subtil (2).
Tout fe rivage n'offre qu'une suite continuelle de ruines, depuis
Korghous. Les habitans donnent le nom SAyas à un assemblage de
misérables huttes , entourées des ruines d'une ville qui à occupé une
étendue considérable. Les phis remarquables sont celles d'un théâtre,
et d'un temple situé sur le penchant d'une colline ; les colonnes sont
d'ordre composite, cannelées, et d'environ 4 pieds de diamètre ;,près du
port, il y a un petit mausolée carré, surmonté d'un toit pyramidal à douze
faces, avec une inscription que personne n'a pu Jire. On admire sur- tout
les travaux entrepris pour la conduite et la conservation Ses eaux. Outre
beaucoup de réservoirs très-vastes, il y a trois aqueducs, dont deux
traversent un vallon, soutenus sur deux rangs d'arcades, et le troisième
a plus de six milles de long. Le capitaine Beaufbrt pense que c'est la
ville de Sebaste (3) , d'abord Tippelée'E/cussa , et que tes anciens , tels que
Strabonet Etienne de Byzance, nous représentent comme très-voisine
de Corycus. Eleussa étoît encore une île au temps rfOppîen ; mais déjà
elle étoît devenue une presqu'île lorsqii'Etienne de Byzatice écrivoit (4) :
maintenant elle forme de même une péninsule, réunie au continent par
un isthme fort bas.
A sept milles aindelà, on trouve une petite rivière, nommée par
les Turcs Lamas; ce nom rappelle très-bien celui de Lamus, rivière
qui séparoit, selon Strabon, les deux Cilides : là, en effet, I^ côte cesse
d'être estarpée , parce que les montagnes , s'éloignant du rivage , laissent
une plaine plus ou moins large entre elles et la mer. Sur les bords dte
cette rivière sont quelques .villages, dont les habitans offrirent k
l'équipage anglais un spectacle nouveau ; car nulle autre part il n'avoit
vu, dans l'empire ottoman, \ts femmes sans voile pêle-mêle avec les
hommes.
étoient à demi-lieue l'une de l'autre, et appartenoient au même territoire. Les
mou uWp Z«f «i^W AXftff, s'entendent de ce aue ces lieux étoient au-delà,
c'est-à-dire, à l'est du cap Sarpédon, par rapport a Oppien, qui écrivoit à Rome^
Il n'est pas douteux qu'Oppien ne sût mieux çue personne où il étoit né.
(1) Strab. XIV, p. 6/0, Z>/Pomp. Mel. i, ij, /j. — (2) Varro ap, PUn.
XXXI, 2, p. j4fS, 26. — (3) Wessel. ad HierocL p. 704. — (4) Steph. Byx.
Ddd
39À JOURNAL DES SAVANS,
Des colonnes élevée* et nombreuses, un théâtre placée mi-oàte*&nt
apercevoir de bien loin l'emplacement de Tandenne Soi! ou Pampiio-
polis. Le premier oblefqui se présente en abordant au rivage, estun très-
beau port artificiel ou bassin elliptique, entouré d'un quai coadnu, et
terminé par deux mâles ou jetées courbes de jo pieds <fépaisseur; elles
achèvent de lui donner la forme d'unJiippodrome dont le grand aze a $ 1 5
yards [47° mètres], et le petit 320 [201 mètres]. Ce quai est constnût
eng^is blocs de jiierre coquillière jaune, liée avçc du ciment et des
tenons en fèr : une portion des deux jetées est maintenant fort en-
dommagée, et la partie intérieure du port est encombrée de sable et
de décombres. A l'extrémité intérieure du port, commence un long
portîquç aligné avec ce port , bordé d'un double rang de deux cents
coioiiDes,et qui, traversant toute la ville dans une longueur de 490 y^fls
[44s mètres], va aboutir à (a porte du côté de terre: de cette porte,
une route pavée- se prolonge dans une direction semblable , jusqu'à un
pont sur une petite rivière. Cette colonnade étoit sans doute une avenue
couverte, dont l'asjiectdevoil être imposante! majestueux. Les colonnes
ne sont pas symétriques: les unes sont d'ordre corinthien, d'autres
d'ordre composite, inégales dans letirs dimensions; toutes d'un travail
peu soigné , et annonçant la décadence de fart. Le théâtre est presque
détruit ; il n'en reste que les fondations des murailles. La grande quantité
de tombeaux, de ruines de toute espèce, éparses dans les 'environs,
tout annonce que le pays étoit habité par une population nombreuse et
active. A six heures au nord de Soli, il y a des sources curieuses de
tHtume; probablement les mêmes quecelles dont Pline [1) et Vitruve (2]
ont fait mention.
Des ruines à Test de SoU paroissent appartenir à Tancienne ÀnchiaU ;
elles sont si voisines de la mer, que, selon toute apparence, les eatjx
ont empiété, depuis les temps anciens, sur ce terrain d'alluvion. Un
JUILLET 1819. J9Î
dont la destination est inconnue; et d'un autre très-remarquable, de
forme oblongue, ayant 70 pieds de haut, 1 5 d'épaisseur, 20 de long et
I o de large , construit en petites pierres rondes et liées avec du mortier
et aussi dures qu'un roc t il n'a tu portes ni fenêtres, mais seulement une
ouverture à chaque extrémité (i) ; if est possible que ce soit lé mausolée
de quelque grand personnage. Du reste, ces vayageurs n'ont pu
découvrir , danf cette ville , ni inscriptions , ni mdiiumens d'art. Cette
ville domine sur une riche et fertile plaine, arrosée par le Cydnus,
maintenant rivière de Tarsous, qui coule à très-peu de distance; c'est
une rivière d'environ 4o à 50 yards [ )6 à 45 mètres ] de large: ses eauir
sont froides sans doute, comme le disent les anciens, mais pas plus que
celles des autres rivières du pays formées par des torrens qui proviennent
de neiges fondues; et le voyageur Kinnehr (2), de même ^jue lei
officiers du capitaine Beaufort, sy baignèrent sans en éprouver aucim
pernicieux effet. Le Cydnùs ne pourroit plus recevoir maintenant des
galères, comme au temps de CIéopatre*(3) , attendu la barre qui obstrue
son embouchure. Le capitaine Beaufort n'a pu découvrir aucun vestige
du lac ou étang Rhegma, qui formoit jadis le port de Tarse.
* L'embouchure du Syhoun, ancien Sarus, n'est éloignée de celle du
Cydnus que de 270 pieds [82 mètres] ; elle est également embarrassée
par un'banc de sable. Il semble, au premier abord, peu probable que
deux grandes rivières coulent si près Tune de l'autre : aussi le capiliiine
Beaufort crut que la seconde n'étoit qu'une branche du Cydnus; ihais
il se convainquit que ce sont bien réellement deux rivières séparées.
Entre leurs embouchui^s s'avance un cap sablonneux , qui est certaine-
ment VAmn^des que Pomponius Mêla place entre le Cydnus et le Py-
ramus (4).
La côte , dans l'espace de neuf lieues , est basse et sablonneuse ; elle
termine une plaine déserte , entremêlée de dunes de sable et de lacs
marécageux ; l'un d'eux communique à la mer par un canal de trois quarts
de mille de long sur 200 pieds de large. Il est assez vraisemblable que
cette plaine est Y Aldus campus de Strabon. Elle est terminée par un cap
nommé à présent cap Karadask, rocher escarpé de 1 30 pieds [39 mètres
6] , qui forme le golfe d'Iskenderoun [ AJexandrette] avec le cap Hinzyr
en Syriç, l'ancien Rhossicus scopulus, dominé par le mont P'urius, dont
T-r-
(i) Macdon. Kinneir's Joumey, pag. rz8. — (2) Idem, ibid. pag. izi. — .
{3) Platarch. in Antênio, /, 2t. — (4) Pomp. Mcla, i, ij, /. ^ II est à
remarquer que Strabon oublie cfe même de faire mention de rendbouchare da
Sarus , entre le Cydnus et k Pyramus.
Ddd %
jjtf JOURNAL DES SAVANS,
h hauteur perpendiculaire est de plus- de {400 pieds anglais [ 1 646"] •
Sur fe revers du xap Karadasli, on trouve ipielques ruines antiques qi^i
ne peuvent, selon nous, appartenir qu'à la ville de Magarsa ou Magar-
sum, dont le nom désignoit également-uo cap Irès-élevï, au témoignage
détienne de Byzance. C'est aussi ce que reconnoh le capitaine Beau-
fort; mats il veut en même temps que remboucbure du Pyramus et la'
ville de Malios aient été jadis \ l'ouest de ce cap, et c'en ce dont nous
ne saurions demeurer d'accord , puîiqu'il résulte d'un passage fbrmef
d'Arrien que Mtgarsum étoit sur la roule de Tarse il Malles [ i ) ; ainsi
Malios étoit à Test et non pas à Fouesi de Megarsum et du cap Karadash.
D'une autre part, de l'endroit où fe capitaine Beaufort place Fembou-
chure du Pyramus jusqali Stli ou Pomptiopoltt , il n'y a que 4oo stades
olympiques, et Strabon en compte joo (2). II est donc certain que
Feinbouchure du Pyramus doit être cherchée plus loin : maïs comme,
d'après les textes anciens, Mrgarsuin ou Karadnsh étoit fort prés k-la-
fois de Malios (3) et du Pyraitttts (4) , et d'ailleurs, comme l'oracle,
qui avoit prédit que les attérissemens du Pyramus s'étendroient un jour
jusqu'à l'île de Chypre (j), montre que l'embouchure du fleuve -étoit
tournée vers le midi , on peut croire que ce fleuve se rendoit ancienne-
ment à la mer, ^'endroit où se voient encore de's lagunes, un peu au-
delà du cap Karndash ; et ce qui nous confinne dans cette opinion , c'est
que de là à Jo// on complejus te Joo stades olympiques, distance qui sé-
paroit, selon Strabon, Soli de l'embouchure du Pyramus. Il n'en résulte
pas moins fjue cette embouchure a changé depuis les temps anciens; elle
est maintenant à ta milles plus loin, précisément en ^e d'Ayas. Le
changement du coun de ce fleuve s'explique par la grande jjuantité de
sable et de terre qu'il charrie, et dont se forme, à son embouchure,
un terrain d'aJIuvion qui s'agrandit de joiven jour, en allongeant la baie
toute la côte , jusqifà Alexandrette ; maïs un accident tragique le fck^
d'abandonner la station et de se I>omer à fa position d'Ayas* Nous en
rapporterons le récit comme un exemple des dangers imprévus qm
attendent le voyageur dans cette terre inhospitalière.
c< Le 20 juin , nous étions occupés à embarquer dans le bateau àos^
» instrumens déposés sur le bord d'une petite anse à Fouest d'Ayas , «t
'> nous nous disposions h retourner à bord , lorsque nous aperçûmes
» une troupe de Turc^armés qui s'avançoient vers* nous. Comme les
>3 Turcs portent toujours des armes , nous crûmes qu'ils s'approchoietit
» par curiosité. Lorsqu'ils furent plus près , nous vîmes un vieux derviche
>> qui les haranguoit : ses gestes dfénergumène , le mot infidèle^ et d'autres
» qualifications injurieuses que nous entendions, ne nous permirent pas
» de douter long-temps de leurs intentions hostiles. Notre interprète
"»' é toit absent; et ma petite provision d'expfessions amicalesrfut bientôt
» épuisée sans aucun fruit. Abandonner sur-le-champ la place, étoit le
>^ parti le plus sûr; et comme le bateau se trouvoit prêt, nous nous
» retirâmes en bon ordre. Les^ Turcs se précipitèrent sur nos pas, excités
» par le vieux ânatique; ils commencèrent k nous coucher en joue
» avçc leurs mousquets. Le bateau n'étoit pas encore sorti de l'anse; et
» s'ils avoient réussi à en atteindre le point extrême , notre retraite auroit
» été coupée : il étoit temps d'arrêter leur marche. La vue inattendue de
>> mon fusil de chasse produisit d'abord cet eflfet; mais comme ils contr-
>:> nuoient de s'avancer, je lâchai le coup : aussitôt ils firent halte; la
» plupart d'entre eux se. jetèrent à terre; le vieux derviche s'enfint à
» toutes jambes^ Leur frayeur nous avoit donné le temps de doubler ta
» pointe, et déjà nous avions débarrassé le 'bateau du milieu des roches,
» lorsqu'un de ces bandits , plus résolu que les autres , s'avança sur tel
» rocher du rivage , et m'ajusta. La balle m'entra dans Faîne , et , prenant
» une route oblique , elle brisa le grand trochanter. Si le reste avoit suivi
» cet exemple, c'en étoit ait de nous ; mais heureusement ils avoient été
}3 si efi^-ayés de mon coup de fusil , que nous fûmes hors de portée ihrarie
y> qu'ils se fussent' relevés de terre. La pinasse étoit assez près de nous
x> pour voir nos signaux; nous la hélâmes : elle s'approcha du rivage 1
3» montée de quatre-vingt-dix hommes , et elle put recueillir nos officiers
3> dispersés sur la côte , dont un seul périt malheureusement. Une cor-
» resp>ondance s'entama sur cette affiure avec Fagha d'Iskenderoun :
a> il dépêcha immédiatement un courrier au pacha d'Adana, dont dépend
» le district d'Ayas , et m'assura en son nom que les coupables séroiene
» punis. 3> •
Le capitaine Beaufbrt^ biesié dangereusement » ^andoima h station :
39» JOURNAL DES SAVANS,
ainsi il ne put lever le golfe d'Alexandrette ; ce qui est d*iutant pins
& regretter 5 que les circonstances ont également empêché le capi*
taine Gautier d'en joindre la reconnoissance à son beau travail sur les
points les. plus importans de fa Méditerranée. Le capitaine Beaufort
partit pour Malte , où des soins réitérés le mirent hors de péril ; mais » peu
capable de continuer des opérations commencées avec tant de zèle et si
malheureusement interrompues au moment oii elles alloient être ter^
minées 5 if reçut Tordre d*accompagner un con^i en Angleterre, où il
arriva avant la fin de l'année.
LETRONNE.
Anciennes Poésies françaises, .tirées du manuscrit 22jj de
la Bibliothèque Harleyenne au Aiusee britannique. London ,
from the Sliakspeare press , 1 8 1 8 , //i-^.'
Lorsque Guillaume le Conquérant eut subjugué FAn^eterre, sa
politique habile employa divers moyens pour assurer la domination
française. L'un des plus remarquables» ce fut d'imposer aux vaincus
l'obligation de se ser\'ir de l'idiome des vainqueurs. II publia en cet
idiome les lois d'après lesquelles les magistrats prononçoient sur la vie ,
la liberté et la fortune de ses sujets, et quelquefois il punit les grands
qui, par dédain ou par négligence, n'étudioient pas la langue française,
devenue la langue de la cour, du gouvernement et des tribunaux.
Ce fut seulement Edouard III qui en abolit l'usage au barreau et
dans les actes publics.
Il avoit été composé plusieurs ouvrages de littérature, dont quelques-
uns ont été conserves. M. l'abbé de la Rue a fait connoître divers poètes
anglo-normands dont les poésies françaises subsistent encore en mamis-
crit au Musée britannique.
L'un des manuscrits de cette fameuse bibliothèque, n/ 22; 3 , contient
un grand nombre de pièces écrites en français : les unes, en prose, sont
presque toutes des traductions de la Bible; les autres , en vers, offinent
une grande variété de sujets.
Parmi les ouvrages en ^^^ïî, , M. Francis Cohen , qui s'occupe avec
beaucoup de succès de l'étude des antiquités et des idiomes du mcy/en
âge, a choisi et. fait imprimer, à trente exemplaires seulement, quatre
pièces, dont deux me paroissent mériter qu'on les fasse connoître parti-
culièrement I parce qu'elles ont rapport \ des faits historiques 1 et que
JUII^LET l8l9- 599
les auteurs qui ont écrit Thistoire tfAngleterre les ont ignorées ou
négligées. ^
Ces quatre pièces sont , i .'' une complainte touchant les oppressions
que comineitoient les irïbunBjax appelés Jusfices de THAYLL-B ASTON ;
^«^^ un fabliau intitulé , jLE JONGLEUR DE ËLT ET LE Roi d'Angle-
terre ; 3.^ le Dit de LA GAGEURE; 4-** LE ChANT SUR LA MORT DE
SVmon DE jyiONTFORT, comte deLeycesten •
Je ne parlerai pas du Dit de LA Gageure; cette*pièce n'offre d*autre
nnérétque celui qu'on trouve à étudier les mœurs et les compositions
très-iibres d une époque où les auteurs ne connoissoient pas ou croyoient
mutile d'employer l'art de voiler agréablement les images ctles expressions
licencieuses.
Le fabliau du Jongleur et du Roi contient près de quatre cents
vers , et il donne une idée assez juste de la sorte d'esprit qu'dh employoft
alors dans les cours pour.briller par ia gaîté et par ia plaisanterie.
Le ménestrel arrive devant le roi > qui lui fait sans cesse des questions 1
sur lesquelles ce ménestrel s'explique de manière qu'il élude sans ce^se
de donner une réponse précise 1 et oblige ainsi le roi à lui adresser des
questions nouvelles.
Le Roi, — Vendra tu ton roncyn a moy !
Le Jongleur, — Sîre, plus voionters que ne le dorroy (i)* (i) donncroh.
Le Roi, — ;- Pur combien le vendras tu! •
Le Jofigleur, — Pur taunt com il serra vendu*
Le Roi. — E pur combien le vendras !
L€ Jongleur, — Pur taunt corné tu me dorras (2). (2) donneras.
Li Roi, — E pur combien le averoy (3) ! (3) rauroîs-Jé !
Z>yoif^iir«— Pur taunt corne )e receveroy. .„ - ji .. .
Ce genre d'esprit paroîtra aujourd'hui très- peu digne d'entrer dans la
conversation d'un prince. ^
Plus loin le ménestrel se plaint de ceque Ton est toujours critiqué» de
quelque manière qu'on soit ou qu'on agisse. •-» , .
Sî j'ay longe nées (1) asque croku (2) (i) nez (2) orocbu*
Tost dirroot : Cesc un besfu.
Si j'ai cort nées tôt en desus,
Um dirrat (3} : C'est un camus. (3) çn dira.
Si j'ai barbe long pendaunt :
Est cesti chèvre ou pcbinaunt!
Et si je n'ai barbe : Par seint Michel^
Cesti n'est miemadie» mes femmeL J
JOURNAL D£S SA
Le roi demande comment il pourra lui-même échapper au blSine;
le jongleur répond :
Ne devez trop encrueler (i) (i) être sévère.
Ne irop esire simple ver* ta genc,
Mes vusportermeenemenT (i) : (2] modérénicnt.
Car vosnieysmes savez bien
• Qt nuit trop valt rien:
Qy par mesure tote ryen fra (j), (j) fera.
Ja prudhonitne ne ly blâmera,
Par mesure meeneiiicnt
Corne est escrit apertment
E le latyn est cnsi :
Aledium uniiert beau.
A l'égard des deux pièces historiques, je suivrai l'ordre des te^ips.
Le chant sur la mort de Simon de Monifort, comte de Leytester,
fut composé après la bataille d'Evesham , donnée le 4 aoCii 1 26 î . sous
le règne de Henti HI. Le comte de Leycester étoit fils du fameux comte
de Montfort dont le nom rappelle l'une des malheuieuses époques de
l'histoire de France. Le comte de Leycesier, établi en Angleterre, avoit
épousé la sœur de Henri 111. En 1 ifS, les barons mécontens se liguèrent
pour obtenir la réforme du gouvernement. Le comte de Leycesier étoit
à la têle dji parti qui força le roi à souscrire ie traité appelé Statuts et
Expédidils d'Oxjort (1). Le roi ayant ensuite refusé de l'exécuter, les
barons firent la guerre; il perdit la bataille de Lewes ; et il tomba, ainsi
Que son frère Richard et son fils Edouard, au pouvoir des barons, qui
établirent un nouveau système de gouvernement, et le firent approuver
par le roi, par son fils et par le parlement en taô^. Le comte de
Leycesier étoit toujours le chef du parti des barons: mais, la division
s'étani mise dans ce parti, le prince Edouard s'échappa; il rassembla
une armée ; il gagna , le 4 août 1 26 ; , la bataille d'Evesham , où périrent
le comte de Leycester et son fils Henri,
A l'octasion de la mort du comte de Leycester , fiit composé le chant
dont le refrain est:
Ore est ocys
La ffur de pris
Qui tant savoii de guerre,
Ly cuens Mountfort;
Miintenaai «t tuf celui qui ftoit
le premier en mérite, le comie de
Momfori, qui étoit si habile dans
("art des Combats. Li terre pieu-
(1) Ce traité fut aussi appelé la MISE d'Onfort. Dan» l'ancien français, MISE
figntfioit arbitrage, convention.
^
JUILLET 1819. 46t
Sa date ntén | rtra fang-timpi son tripâs cruel.
Mok en pion h terre. |
L'auteur s*atlendrit sur Finfortune des barons qui ont péri en roulant
sauver l'Angleterre ; il compare le comte ife Montfbrt à l'archevêque de
Cantorbery» Thomas Becquet :
Mais le comte de Montfort, par
Si mort» a conquis la victoire; il a
fini sa vie comme le martyr de
Caiitorbéry. Le pieux TTiomas ne
vouloit pas ijue la sainte église
pérît j et le comte aussi se dévoua
et mourut pour la foi. Maintenant
<st tué &c.
Mes, par sa mort.
Le cuens Mountfort
Conqufst la victoriei
Corne ly martyr
De Caanterbyr
Finist sa vie.
Ne voleîst pas
Li bon Thomas
Que perist seinte église ;
Ly cuens auxi
Se combat!
E momst sauntz feyntise.
Ore est oCys &c.
Ces vers feront juger et de Tesprit dans lequel ce chant fût composé^
et du mérite du style, qui est remarquable, soit à raison du temps, soit
à raison du lieu.
La complainte contre les cruautés des tribunaux du Tr atll-baston
fut composée sous le règne d'Edouard, tils et successeur d'Henri IIL
Edouard, ayant prétendu que la justice se rendoit avec trop de
lenteur, de négligence et de partialité, établit, de son autorité privée,
des juges extraordinaires qui expédioient très-rapidement lès affaires
criminelles : ces juges parcoururent les provinces. On n'a pas réussi
encore à expliquer d'une manière satisfaisante l'expression de TraylLp
BASTON, qui servit à désigner l^'ur tribunal. Les travaux de ces corn*
missions donnèrent souvent lieu à des plaintes plus ou moins fondées.
La pièce qui dénonce les injustices de ces juges, est de trente- trois
stances; toutes sont de quatre vers, hors une qui en a six; les vers de
chaque stance sont sur les mêmes rimes. L'auteur se plaint de l'établisse-
ment de ceite commission:
Ce sunt les articles de Trayile^bastoun.
Salve le roy raeîsmes ,dc Dieu cil ( 1 ) malcsoun (2) , ( 1 ) ait. {2) malédiction.
Qea de primes (3) graunta(4 tiel commissionn ; ( ) ie premier. (J autorisa.
Qar en ascuns (j) des pgintz n'csi mie resoun. ( j ) aucun.
Eee
4«> JOURNAL DE3 SAVANS.
I^ iw dutt bt finéti pobr ichti^icr ànx poanuitei ^ l> cona^uion} «
c^iefubDttdtt-il,
. ÉafUmSn», ta Saeoe9p.eu GfiKOjn^ Mvrmi
MctOKiiciuMipointclicviHancc(a)ftTeï . (a^feiMMiu»
TMraoaMBpiaiinlM.aK]>n(3}parirflhoinepIcfe. (3)1^11. '
II dtqgoe Martin et'KnorilIeoomine jugetéqqîiablei, «%igiiriielet
Bittbu-coainw fuget cmeli.
•SUtHMitctwcî M tonjioQvotr, ajonte-t-il,
Je leur ipicndray le gtn (1) de TftATLirBASTOVM» (1) jea.
, ' E kar bnaeroy (1) Tef chloce le cropona (3], (2) briNieift b) cronpioD.
lakùet Iei)ambn,ceienci(4) monD. (4)Mn>it.
11 dit que cette commiuion sen came que les fiigitift deviendront
leun; il invite & venir le trouver.
AI vcn bob de Bel-regaid, la n'y 1 nul ploy.
Cclaf me pan iilver qne est le filz Marie ;
Car}e ne iiu coupable, en dfle(i}iu par envie;
Qf en cciEÎ (u me miit. Dieu lur maldie {x)t
Le (îecle ett it variani , ions eit qe **•%€ (3).
Vtàd h derniire sunce :
Cett Tjm (i) fut fet al boit detouz un lorer^
ttchaunic merle, niuinole, ecyre(a) Toperver;
' EkiIi ettoit en pirchemia pnr mont rcmenbrer^
E gdte en faxat chemjrn qe un le doit trover.
Je crois devoir avenir de quelques drconslances: le volume i_
contient ces quatre pièces n'a auciu titre , aucun froniispice ; le nom de
(i)cii4 en Ingénient,
(a) mandine.
(3) l'y confie.
(1) chant.
(3) plane dans l'air.
JUILLET 1819. 4oj
Stohia DELIA ScvLTURA daï jtto rhorgîmetito in ItaHa shio al
secolo XIX , per servire tii continuayone aile opère di Winckel-
mann e di d'/4giricourt ; volume terzo. In Vcnezia, nella
tipografia Picotti , 1818. — ou Histoire de la Sculpture
depuis sa renaissatue en Italie jusqu'au )iix.' siècle, pour
servir de continuation aux ouvrages de V^inckelmann et de
d'Agincourt ; par M. Cîcognara : tome troisième, in-fol.
TROISIÈME ET DERNIER EXTRAIT.
Ce qui nous reste à parcourir de cette volamîneuse histoire, exigeroil
sans doute un espace bien plus éiendu que celui dans lequel nous
sommes contraints de nous resserrer. A mesure, en effet, que l'histoire
de la sculpture moderne s'approche de nous et de notre temps , l'intérêt
qu'elle inspire à la criiiquf , et celui que le lecteur y apporte, semblent
devoir s'accroître. Toutefois, entre les sujets que traite l'historien dans
cette dernière partie de son ouvrage, il en est qui sont si connus des
Français, que leur curiosité n'y trouvera guère d'autre plaisir que celui
de comparer les jugemens d'un étranger avec les noires. II en est d'autres
sur lesquels malheureusement la critique de l'art n'a pu s'exercer
que d'après des souvenirs ou des dessins toujours peu satisfaisans , des
inonuinens que la révolution française a détruits; je parle des statues
équestres en bronze que l'espace d'un siècle avoît vues se multiplier par
touw la France, et qu'un instant a fait disparoîlre. Il y a enfin une troi-
sième classe d'objets dont notre auteur n'a abordé la critique qu'avec
beaucoup de réserve, et sur lesquels nous garderons encore plus de
circonspection; car, en arrivant jusqu'au xix.' siècle, il a dîi parler
des ouvrnges ou d'artistes récens, ou d'artistes vivans, sur lesquels la
postérité, seul tribunal compétent, n'a pas pu encore prononcer sob
jugement. ^
Celte triple considération , que le lecteur saura bien apprécier, nous
permettra de restreindre l'extrait qui nous reste à faire dans des termes
assez étroits, sans manquer cependant à la fidélilé de l'analyse.
Le chapitre vdu VI.' livre, où s'esi arrêté notre précédent exlrail, est
consacréà l'histoire de la sculpture française sous le siècle de LouisXiV.
Avant cetie époque, l'Italie avoit été , si l'on peut dire, en communauté
avec fa France, dans tous les travaux d'art qui illustrèrent les règnes de
nos Rois, depuis François ï."' A Fontainebleau, au Louvre, dans
les tombeaux de Saint-Denis, dans les statues équestres de Henri IV et
Eee 1
loi JOURNAL DES SAVÀNS,
de Loilis XIII, des artistes italiens non -seulement partagèffent la gUnit
de ces ouvrages , mais semblèrent se Tètre appropriée. L'impulsion que
Louis le Grand donna à son siècle rendit enfin inutiles les ressources de
rétranger. Tous les gens rfari virent naître des talens, auxquels peut-
être il ne manqua que Tinfluence d'un goût plus pur; car si Fltalie
n'envoyoit plus d'artistes en France, le style des écoles de Bemin, de
Cortone et de Boromini» n*avoit pu manquer de s*y répandre. Toujours
une nation dominante dicte son goût à ses voisins ; et dans Fempire des
arts, comme dans celui des opinions et des usages, on reçoit sans le
savoir TimpuLion d'autrui , tant les hommes ont de peine à marcher
seuls, tant ils ont besoin d'être dirigés et gouvernés.
Cette vérité, dont notre auteur a multiplié les preuves dans tout le
cours de son histoire, cette considération qui nous explique pourquoi
il y a si peu de ta! ens originaux , auroient dû émousser les traits de. sa
censure coiure Lebrun et contre ce qu'il appelle la tyrannie de ce peintre
célèbre. Cette prétendue tyrannie, dont on a fait trop de brait, ne fut
autre chose que ce pouvoir moral qu'exerce un homme supérieur sur
tout ce qui lui est inférieur. Il est à remarquer qu'on n*a connu aucune
époque, que Ton ne connoît aucun genre, depuis les plus importans }tas-
qu'aux plus légers, où le commun des hommes ne subisse le joug d'une
semblable influence* Sans doute il eût été h désirer que le Poussin ou
le Sueur, contemporains de Lebrun , se fussent trouvés dans la position
de ce dernier; mais lun mourut jeune, et l'autre, retiré en Italie, sembla»
lorsqu'il fut appelé en France , y être un étranger. Lebrun , avec an
génie fécond et toutes les qualités qui donnent du succès dans le monde i
obtint la faveur du Roi et celle de la cour; tout contribua à lui donner
la suprématie.
Faut-il donc s'étonner que les sculpteurs se soient conformés ansn
alors au goût du peintre dominateur ! et notre historien ne nous a*t-il
pas prouvé précédemment que le même abus de pouvoir fut exercé en
Italie par la peinture sur la sculpture, et quejcet abus date peat-étie do
la renaissance des arts !
Notre historien , en reconnoissant que le siècle de Louis XTV offre
une des principales époques dans l'histoire de l'esprit humûn, par Fex-
traordinaire réunion de grands hommes qui rendront ce règne à famais
célèbre , penche k croire que le génie littéraire alors l'emporta sur celui
des arts. On lui fera volontiers cette concession : mais , au lieu d'expli-
quer cette différence par des causes d'un ordre subalterne, il mexmble
qu'il vaut mieux l'attribuer à Pétonnante supériorité oii s*étoient élevés
les arts en Italie pendant le siècle précédent, à finflueiice toujours active
JUILLET 1819. 4oi
de ce pays sur le reste de l'Europe , au déclin déjà fort sensible de cM
arts, et k la révoluiion du goût qui s'y étoit opérée. Lorsque l'école
française s'éleva et prît son rang sous Louis XIV, il ne lui avoit pas été
donné de trouver dans ses antécédens un caractère original et qui
appartînt en propre à (a nation : elle dut prendre ses modèles en
Italie, ei les hommes alors en vogue étoient Pierre de Cortone et
Bernini, et alors, plus que jamais, les peintres, en ce pays, donnoieni
. ieur style et dictoient aux sculpteurs leur goût de dessin et de compo-
sition.
Pareille ihose arriva en France, où toutefois on doit dire que le
goût et le style de Lebrun produisirent des effets moins déréglés sur les
sculpteurs; car il y a encore loin du style desGirardon, des Lepautre, des
Coysevox et autres contemporains, à celui des sculpteurs italiens dont
nous avons précédemment fait connoîire les travers et l'extravagance.
Ici l'auteur se livre à une discussion assez importante sur l'eflet, les
avantages et les inconvéïiiens des académies fondées par les gouverne-
Hiens, et qui, sous le point de vue d'éiablissemens publics, doivent en
quelque sorte leur naissance à Louis XIV ; car c'est k l'instar de la France
qu'il s'en est formé depuis dans la plupart des Etats de l'Europe. Nous
accorderons volontiers que ces établissemens sont, comme tous les
corps, beaucoup plus propres à conserver qu'à créer, que dès-lors ils
conviennent mieux ii la culture de ces connoissances qui veulent des
dépôts où chacun apporte son tribut, et veulent encore qu'une marche
régulière et des principes certains règlent l'observation et la critique.
Nous avouerons qu'en général l'exercice des beaux-arts veut plus
d'indépendance, que l'originalité court risque d'être arrêtée et le génie
comprimé par la présence trop immédiate des leçons, des exemples,
des influences d'un grand corps. Toutes ces choses ont été ré(>étées cent
fois, et toujours on y a répondu que si, dans l'état actuel des peuples
modernes, on ne pouvoit espérer de voir les arts prendre cet essor in-
dépendant qui fût peut-être autrefois une des causes de leur prospé-
rité , fes gouverneinens , qui ne sauroient reproduire ces causes créatrices ,
ne doivent pas pour cela s'abstenir des soins qui toujours dépendent
d'eux , et qui consistent à conserver et entretenir un feu que la négligence
laisseroit bientôt éteindre.
Notre auteur, frappé aussi de la nécessité de donner aux arts, dans
l'état de choses actuel, des encouragemens que les gouverneinens sont
seuls en état de fournir, et supputant les sommes que chaque pays
dépense en fondations d'académies, paiemens d'écoles, salaires de
professeurs, pensions, &c., se demande s'il ne vaudroit pas mieux, en se
I
4otf JOURNAL DES SAYANS,
contentantcTofinraux élèves les premiers moyens (finstractioni employer
ces sommes en travaux , de manière à produire des ouvrages au profil
des artistes, au lieu de produire des artistes au détriment des ouvrages*
C*est à peu près k ce résumé que nous réduirons la proposition , donc
l'auteur lui-même a senti le danger; car ii ne tarde pas k craindre que si'
à ces fondations permanentes, et qui font toujours un bien personnel,
on substituoit de ces secours éventuels qui dépendroient des dispositions
variable» des hommes et des temps, Ton ne perdit tout d*un côté sans
rien gagner de fautre , comme on a vu cet effet être la suite de plu
d'une sorte d'innovation.
Au reste, Fauteur s*est peut-^tre trop h&té de voir dans les fimdaiioot
d'académies d'art sous Louis XIV , les inconvéniens qui ionc attachés à
ces établissemens; car ils navoient pas eu le temps de produire parmi
les premiers maîtres qui les composèrent , cette sorte d'nniibnnilé de
manière et de style que Ton découvre dans leurs ouvrages, et que d*autres
causes d'un ordre plus élevé peuvent expliquer.
Nous ne saurions souscrire non plus à cette critique des oostumei «C
des ajustemens du siècle de Louis XIV, à laquelle Tautenr a oonsiaé
quelques pages de son ouvrage. En aucun temps moderne, Teaipiie de
la mode ou des habillemens d'usage n'eut moins d'action sur Je génie des^
artistes , sur les entreprises de l'art , et sur le goût du public L'amour
du grand, qui caractérisa le siècle de I^uis XIV, permit à tous les arts
ce genre de transposition poétique qui , en idéalisant les sujeu et \&
personnages» autorise Fartiste à les revêtir des fermes, des apparences
et des costumes, soit de la fiible, soit de l'allégorie, soit des peuples
antiques. La peinture usa pleinement de ces privilèges; et si la sculpture
crut, dans les représentations allégoriques du grand Roi, accéder à
quelques transactions , en réunissant le genre que comporte le portrait avec
celui que réclame l'idéal , on ne sauroit trop l'en blâmer. Il reste encore
assez de ces exemples, malgré les destructions révolutionnaires, pour
montrer qu'il y a plus dégoût et de raison dans ces associations de style,
lorsqu'il s'agit de Timage d'un personnage connu de COUC fe monde*
sous certains accessoires devenus inséparables de tt resacmblanœ ,
qu'il n'y en auroit peut-être k le tendre tout^-^t étranger à son pqra
par une copie trop rigoureuse du costume grec ou romain. Il a manqué
à notre historien de voir les statues de bronze de la place Vendèmt, de
l'Hôtelde-viile et celle de la place des Victoires, pour saisir cette nuancr
de goût qui hii auroit épargné des fugemena trop traochans. Les
costumes de ce siècle furent, sans comparaison, à U coiflurp prés, phis
favorables à l'imitation , que ceux du siècle suivant et dn atat. Et,
JUILLET 1819. 407
quant à la coiffure du temps , dont l'anipieur a pu , dans le langage de la
plaisanterie des générations suivantes, fournir k la censure du goût de
Louii XIV pour la pompe et la magniticence un emblème satirique,
nous croyons que l'historien a pris celte plaisanterie beaucoup plus
au sérieux que la chose en elle-même et son sujet ne le coinportoienf.
Nous ne dissimulerons pas qu'il règne dans tes ouvrages du siècle de
Louis XIV une sorte de grandeur de parade, quelque chose qui sent
l'enflure dulhéâtre, et qu'il se peut que, loue cela se trouvant en harmonie
avec (es costumes et les manières du temps, on ne puisse ijnaginer une
connexion en ce genre entre les mœurs et les arts. IMais notre historien
est obligé lui-même d'avouer qu'un pareil goût régnoit alors en Italie;
et comme il accuse la France d'avoir influé alors par ses modes sur les
moeurs des Italiens, nous sommes fort portés à croire qu'une cause phis
générale produisit cet effet sur les deux nations, et cette cause, entre
plusieurs autres , lient h la mobilité de goiit des arts modernes , qui ne
surent trouver dans des institutions politiques ou religieuses assez
puissantes ce principe de fixité qui perpétue d'âge en âge des types et
des formes consacrées,
S'il lalloît encore indiquer une cause plus sensible et plus positive de
ce goût pour l'ampieiir en sculpture, pour le iarge et le théâtral, et ce
que l'Italien a appelé le grûndiosr, j'irois la chercher dans la vaste et
prodigieuse entieprise de la basilique de Saint-Pierre, qui reçut alors son
achèvement; dans ce temple, qui, sortant des limites connues de tous
les édifices antiques et modernes, sembla forcer tous les arts d'exagérer
leurs moyens, d'enfler, si l'on peut dire, leur voix, et dont les pro-
portions démesurées inspirèrent à tous les artistes une ambition aussi
sans mesure , persuadèrent qu'un style sage et pur y seroit devenu maigre
et froid, et fit traiter tous les ouvrages employés k l'embellissement de ce
colosse d'architecture , dans le goCit de ceux qui , destinés k la décoration
et au ihéAtre, ne doivent jamais être vus que de loin.
Qui ne voit, en effet, le contre-coup de cet exemple dans presque
tout ce qu'enfanta le rè£;iie de Louis XIV en fait d'arts du dessin '.
M. Cicognara distingue avec raison parmi les sculpteurs de cette
époque, comme fidèles encore au goût de l'ancienne école d'Italie, Simun
Guillain et Jacques Sarrasin. Le premier fut auteur de ce monument
situé jadis au bout du Pont- au- Change, et dans lequel, au-dessous des
statues en bronze de Louis XIII, d'Anne d'Autriihe et de Louis XtV
encore enfant, existoii un bas- relief orné de trophées et de figures cap-
tives dont la composition et l'exécution sont du plus beau style et du
plus grand caractère de dessin. Jacques Sarrasin, celui qui sculpla l»î
4o8
JOURNAL DES SAVANS,
caryatides du pavillon de la cour du Louvre. -a montré austij par son
mausolée d'Henri de Bourbon , prince de Condé , placé autr^bis dans
Téglisedes grands Jésuites» et sur-tout par de charmapi ba^-rdiefi en
bronze qui lâisoient partie de cette co^iposition, que ton goftt s'étoit
formé sur celui du xvi.* siècle.
L'auteur cite encore comme appartenant moîni & ce goût d'école
qu'on attribue peut-être, avec un peu trop de prévention, k LebniOt
tes frères Anguier, qui travaillèrent aux. sculptures de b porte ^int-
Denif, sous fa direaion de François filondel; Pierre. Legros et Jacques.
Théodon.dont les principaux ouvrages (dé)à cités) sont à Rome. Le
premier y passa sa vie presque toute entière; et. le grand nombre da
iporpeaux dont il a rempli ritalie, pii il occupa le premio* rang, prouve
qi^k cette époque la France ne fit que suivre Timpulsion générale i
donnée précédemment par les mutres italiens eux-mêmes.
' En replaçant dans l'ordre chronologique, que Tauteur a négligé de
suivre , les plus célèbres sculpteurs du siècle de Louis XIV, nous aurions
dû citer, avant Legros, Pierre Puget, élève fie lui-même en sculpiurs
(car on ne cite aucun sculpteur connu qui lui ait donné des leçons),
mais qui, attiré de bonne heure en Italie, reçut celles de Corlone en
peinture et s'en appropria la manière. Puget fut it-la-fbis peintre,
sculpteur et architecte ; mais M. Cicognara remarque avec raison qu^
le peintre domine dans toutes ses compositions. Ses deux groupes Içs
plus célèbres paroissent avoir été exécutés d'après une esquisse en
dessin. Leurs compositions n'ont qu'un aspect heureux , et Ton diroit
que l'artiste auroit voulu que le spectaieur ne les regardât que d'un seul
côté, comme on est forcé de le iâire en peinture. Les jugemens que
notre critique porte des ouvrages du Puget, sont, sous un rapport, très-
fondés en raison , et personne ne justifiera Texcessive hardiesse et
JUILLET iSrp; 409
les défauts accidentels des ouvrages du Puget, mais qui font l'essence
même de sa manière; car cet artiste semble avoir affecté de se régler,
en sculpture, moins encore sur le style de Cortone, que sur celui de
Rufaens, dont on sait qu'aucun peintre n'a jamais pu môme imiter les
défauts, parce qu'ils tiennent à un sentiment original et indépendant de
toute régie. Toutefois il faut dire que le Puget , rioué du même sentiment
en sculpture que Hubens en peinture, a porté dans ses ouvrages liinî-
tation de la souplesse des chairs, des accidens de ia peau, des détails
minutieux d'un vnii individuel, à un tel degré , que ses marbres doivent
se compter dans le petit nombre de ceux qui semblent cesser d'être de la
matière inanimée, et qui ont reçu le privilège de la vie et du mouvement.
Or, ce mérite, la critique doit le reconnoltre; et ce qu'on doit en dire, c'est
qu'il fiiut admirer le Puget, en même temps qu'il faut défendre de l'imiter.
Girardon , son contemporain , ne sauroit être accusé de ce genre de
mérite, et M. Cicognara nous paroît avoir assez bien jugé le talent de
ce célèbre statuaire. Noble, mais froid , subordonné au goût alors domi-
nant, mais toutefois plus sage que celui qui régnoit en Italie , dessinateur
correct , mais d'un style lourd etsans caractère, cet artiste fut chargé des
plus grandes et des plus belles entreprises de son siècle. Ses bains
d'Apollon h Versailles, son mausolée du cardinal de Richelieu et la
statue équestre en bronze de Louis XIV îi la place Vendôme, sont les
monumens sur lesquels se fonde sur-tout sa réputation ; et c'est aussi
d'après ces monumens qu'on peut lui refuser ce mérite de l'originalité
qui ajoute tant de prix aux ouvrages et leur fait pardonner tant de
défauts. Le njorceau où Girardon, selon M, Cicognara, a peut-être
mis, pour l'œil de l'artiste, le plus de savoir et de talent, est son groupe
de l'enlèvement de Proserpine à Versailles, quoiqu'il ait pu être
inspiré dans cette heureuse composition par l'enlèvement de la Sabine,
morceau célèbre ïi Florence de Jean de Boulogne.
En considérant les travaux de sculpture qui, vers la fin du XVI 1/ siècle,
et encore au commencement du xviii.', occupèrent le ciseau des
sculpteurs français, et quelle que soit la valeur relative de ces ouvrages
jugés en parallèle avec ceux des âges précédens en Italie , il n'eji faut
pas moins reconnoîire que l'école française s'empara alors du sceptre de
l'art , et que , soit pour le nombre, soit pour l'importance des morceaux ,
soit pour l'habiteié, l'Italie n'eut plus rien k opposer à la France. Peut-
être notre historien passe-t-il trop légèrement sur les ouvrages de
plusieurs sculpteurs , dont le style fut sajis doute un peu affecté du goût
que In peinture avoit fait passer dans la sculpture, mais qui méritoient
une mention plus détaillée.
Fff
De ce
JOURNAL DES SAVANS,
est Coysevox ■ chef d'école > auteur dé très-grands et
jcstimibles ouvnget, tels que la stalue du Faune oa du Flûteur sur ia
lernsse des Tuileries , inorceaB d'un caractère de dessin ferme et
yiai» d'ujje expicsiioa heui<euse* eKpiine belle exécuiioQ; lek que kt
4euz grou^ies dé dievaux ailés avec Mercure et la. Renommée* qiù
içnnineol d'uiw manière si heureuse les deux lerrtsws du même jaçdin*
et dont la composition, aïnït que Texécution, annoncent -une rare
hjlbileté ; auteur encore de la statue équestre en bronte de Louia XIV
cbni la ville de Reims ; et pourtant notre lûstorien fui accorde k peine
pt>îs lignes de mention dans son ouvrage.
Nous citerons encore comme digne iTun peu plus d'altenuon, le
féjèbre Lepnutre : le jardin des Tuileries possède deux groupes de
(«stjulpteur; celui d'Enétfetd'Anchiseï dont lestyle { un en conviendra)
n'arrive pas à la hauteur que comportoit le sujet, mais dans lequel
Tarliste a &it preuve de beaucoup de savoir, d'étude et de vérité
imitative.'Le groupe qui Ait pendant !i ïelui d'Ënée, passe également
pour être en entier roUvra|;ede Lepautie, quoiqu'il' soit reconnu qu'il
iîit commencé parThéodonà Rome: toutefois Lepautre se l'est appro-
prié par le grand talent d'exécution qu'il y a développé ; et certes on
peut affirmer que ce groupe, un des plus beaux de la sculpture mo-
flerne , et qui contraste par la beauté de son style et de son caractère
livecie goût régnant alors en Italie, méritoit de trouver dans l'histoire
de la sculpture française une place remarquable; et nous voyons avec
étonnementque M. Cicognara a omis d'en parler.
Ilauroil, ce me semble, également convenui en décrivant, d'après de
mauvaises gravures, le monument détruit de Louis XIV i la place
des Victoires, ouvrage de Deqardins, de consacrer plus d'une ligne à la
piention des quatre statues en bronze de douze pieds de proportion qui
JUILLET 1819. 4n
feurs auteurs; If y a des temps de disette où les moindres talens se font
aisément distinguer; ii en est d'autres où la trop grande abondance
étouffe les réputations. Telle fut l'époque dont il s'agit; et nous avouerons
que l'embarras, {K>urun historien sur*tout étranger à la France» doit
être de recueillir » dans cette .foule d ouvrages» ceux dont le choix est
destiné à former la collection classique d'un pays.
Van-CIève , par exemple , par son groupe de fleuves aux Tuileries , mért*
toit d'être tiré de cette foule. Les frères Nicolas et Guillaume Coustoa »
dont l'aîné fut élève de Coysevox, marquèrent la fin du xvii/ iiède
par des ouvrages qui, loin de dégénérer > soutinrent avec éclat l'hon^
neur du ciseau français. Guillaume Coostou, élève de son frère et ie
dernier de ce siècle , en ferma glorieusement l'école par des travaux ^i,
sous le rapport de l'habileté et de la hardiesse > sont fort loin d'avoir écà
surpassés et même égalés depuis. M. Cicognara, parlant des deux groupes
appelés /es chevaux de Marly , aujourd'hui placés à l'entrée des Champs^
Elysées à Paris, avoue qu'à cette époque il ne fut rien fait qu'on puisse
mettre au-dessus de ces ouvrages, et il convient encore que ces chevaux,
sont de beaucoup préférables à ceux que le Bernin avoit exécutés tant
à Rome qu'à Paris. Nous pensons aussi, comme lui, que quelques admi<'
rateurs ont outré la louange, en disant : Qu* est-ce, en comparaison, que
les chevaux si vantés de Monte Cavallo! Ce n'est pas la première fois
qu'on a &it de ces parallèles, sans s'inquiéter s'il pouvoit y. avoir lieu à
rapprochement entre les deux points de la comparaison. Les chevaux dé
Monte Cavallo n'ayant peut-être jamais été destinés, dans l'origine, k
former un groupe, ii est certain que l'avantage, sous le rapport du
groupe, est à ceux de Coustou/Le reste du parallèle tient à des élémens
qu'on étoit alors fort loin de connoître.
L'histoire de la sculpture française, au xvilf.' siècle , offre f image de
ces fleuves qui diminuent à mesure que se tarissent les sources qui ve^
lioient grossir leur cours. Remarquons aussi que , pendant les trois quarts
de ce siècle, Tltalie n'a pas un seul nom, pas un seul ouvrage à citer en
sculpture; et notre historien nous paroît avoir omis d'indiquer d'unfe
manière assez précise les causes de cette étonnante stérilité. La France
toutefois, dans cette période , dut peut-être à ses institutions académiques
d'avoir conservé la culture et l'amour d'un art qui , plus que tout autre^
demande des faveurf^)articulîères , lorsque les causes naturelles et gé-
nérales cessent de l'alimenter. Dès que les gouvernemens forment k
Jeurs frais des élèves, ils leur doivent ensuite d'employer ltwc% uien^
et ces ressources ne manquèrent point en France dans le cours dti
jcvi 11.^ siècle.
Fff 2*
4i2 JOURNAL DES SA VANS.
II y a des temps où il se fait dei artistes, parce qu'il y a des ouvrages;
en d'autres temps, on commande des ouvrages, parce qu'en s des artistes.
Cest ainsi qu'on vit fHôiel-de-vifle de Paris, instruit du talent de Bou-
chardon, entreprendre exprès la fontaine de Grenelle pour avoir ua
oumgc de ce statuaire, qui soutint, dans le siècle de Louis XV , rboa-
neor de la France en sculpture. Ainsi, lorsque le manque d'occasion!
de aire îles stanies en marbre parut devoir porter un notable préjudice
k cet art, Louis XVI, à son avènement au trône, mit au nombre des
cncouràgemens dont.il sentit la nécessité, ces commandes de statues
des grands hommes de la Fiance ; idée qui honora son règne, et &t
nn utile aliment pour l'art de sculpter. .
Il est certain que la sculpture en marbre ne fêta plusqa'une&iblchieur
sons le règne de l^uis XV ; mais c'est dans les grandes entreprises de
Ibnte que l'on pourroit trouver de quoi remplir (>:>pèce de lacune qui
a'olfre ici à rhistorien. La seule collection de^ siaEues de nos Rois , tant
équestres que pédestres, en bronze, en y ajoutant celles que nos artistes
ont été appelés à fondre dans divers royaumes de l'Europe , fëroit un des
plus intéressans chapitres de l'histoire de- la sculpture française, surtout
au XVII k* siècle.
Nous avouerons que M, Cïcognara n'a point tout-à-tiit négligé cet
important article. Mallieureusement il na plus trouvé en France ces
nombreux et grands ouvrages dont s'enorgueillissoient les villes de
Bordeaux, de Lyon, de Rennes, de Reims, de Besançon,» sur-tout h
capitale, qui possédoit les plus riches productions de ce genre. Ce n'est
que sur de foibles renseignemens et d'après d'insignifiantes gravures,
qu'U a pu parler, soit de Ja plupart de ces morceaux qui ezistoient en
France , soit de ceux qui existent dans d'autres pays.
C'est sans doute à ce manque de notions positives quil faut attribuer
le parti qu'a pris l'auteur de mêler et de confondre cette partie de
JUILLET 18151. 413
livre en quatre chapitres assez courts » et sur lesquels nous ne nous
appesantirons pas.
Le premier traite de Tétat de Tltalie vers cette dernière époque, et
il contient les développemens d*un certain nombre de causes communes
à toute r£urope , et qui expliquent Tétat de langueur des arts du dessin
dans les trois quarts du xviii/ siècle. Le même ctiapitre indique par
quel nouveau concours de causes» d'efforts et de circonstances, tout.se
réunit en Italie pour ramener les esprits à i*étude de Tantiquité, et
opérer la révolution entière du goût qui n'attendoit qu'un grand exemple
pour s'étendre à la sculpture*
Le second chapitre présente l'état de cet art k Rome avant fépoque
où parut le premier ouvrage de Canova , et il résulte de ce tableau q^e
Rome n'avoit alors- d'autres sculpteurs que des marbriers ou des restim^
rateurs d'antiques.
Le troisième chapitre est entièrement destiné à l'énumération et à la
description des ouvrages de Canova ; et ce que ce chapitre a de parti*
culier, c'est qu'en le lisant, c'est- à-dire, en parcourant pendant un espace
de trente ans la série des travaux d'un seul homme, on croit avoir pas^é
en revue le cours d'un siècle et lès ouvrages de plusieurs générations
d'artistes. L'antiquité a souvent réuni sur un seul les travaux de plusieurs |
il est probable qu'un sort contraire est réservé à Canova, et que la
postérité divisera entre plusieurs les innombrables productions de cet
artiste, qui na toutefois ni famille, ni école, ni élèves, et dont personne
ne pourra se vanter d'avoir partagé les travaux et les succès.
I^ quatrième et dernier chapitre a pour objet de présenter une courte
récapitulation de toute cette histoire. Rien n'est sans doute plus agréable
que de trouver, après une aussi longue lecture, comme lorsqu'on a
terminé un grand voyage > une sorte de mémorial qui retrace en abrégé
les sujets qu'on a parcourus. Mais l'extrait que nous ferions de ce char
pitre, qui n'est lui-même qu'un extrait de l'ouvrage, finiroit par n'avoir
aucun intérêt, et, au lieu d'être un point de repos., seroit peut-être»
pour nos lecteurs , une continuation de fatigue.
QUATREMÈRE DE QUINCY.
The Indo-Chinese Gleaner, contiiining extracts of thé
occashnal correspondence oj those missiotumes in the East , who
labour undn the direction of the missionary Soàety; togeiher
4i4 JOURNAL DES SAVANS,
whh misceUiineous notices relative to the philosophy, mythology ,
literiiture and history ofthe Indo-Chinese nations : drawn chiefiy
from tlie native languages. Publîshed quarierly, Malacca;
11.^* I, 2, 3 et 4. May and August 1817, February and,
May 1 8 1 8 , ///-<?/
Quoique ce ne soit pas en général Tusage de rendre compte dans-
ce journal des recueils et des autres publications qui , par leur apparition
périodique, se recoinmandenc suffisamment d'eux-mêmes à l'attentron
des lecteurs , celui que nous annonçons, première production sortie d'une
imprimerie qu'on vient d'établir à Malaca, et destinée à servir de moyen
de communication aux missionnaires protestans qui sont répandus dans
les contrées environnantes* nous a paru mériter une exception. Nous
avons [)ensé qu'on verroit avec quelque intérêt la substance de ce qu on
lit de ])rus curieux dans les deux premières années d'une collection qui
sera vraisemblablement toujours très-rnre en Europe» puisqu'elle prend
naissance dans la partie la plus reculée des Indes, dans des contrées qui
sont, pour ainsi dire, par rapport au siège desétablissemens britanniques
dans i'IIindoustan, ce que ceux-ci sont h la mère-patrie*
Le révérend M. Milne, de la société des missionnaires de Londres,
déjà connu par la traduction d'un ouvrage chinois qui a été annoncée
dans le Journal des Savans d\)Ctol)re 1818, paroît avoir été conduit de
Canton , où il habitoit précédemment, h Malaca, où if réside b présent,-
par une suite des tracasseries que les officiers chinob ont dni éprouver
aux Anglais depuis i'aml}assnde de lord Amberst. Muni d*une fin*
primerie qui possède une fonte de caractères chinois et une autre de
iypes nrahes, ila eu la pensée de faire servir les uns et les autres îi la
puMication d'un recueil, qui doit contenir, i." des nouvelles des
mi>sjons, consistant en lettres des missionnaires ses confrères, rapportées
en entier ou par extrait; 2,** des mélanges sur la littérature, la philo-
sophie et l'histoire des différentes nations au milieu desquelles tra-.
vaillent les missionnaires; 3 /'des traductions d'ouvrages écrits dans les
langues de c^s nations. La première partie est nécessairement celle à
laquelle on a consacrée le plus d'étendue; mais on nous pardonnera d'en
user autrement dans notre extrait et d'insister davantage sur ce qui doit
être d'un intérêt plus général en Europe. Toutefois, il y a dans les nocH
velles mém^s qui sont relatives aux progrès des missions, des faits
que nous ne pouvons passer entièrement sous silence.
Le révérend xVl. Crook, prêt îi partir avec sa famille dtt port Sydney
JUILLET 1819- 4«5
pour Otahiti, écrivoil à M. Morrison, en 1816, que ses confrères^
déjà établis dans les îles de la Société attendoient son arrivée avec
impatience (i). Plusieurs centaines d'Otahi tiens s'étoi^-nt convertis, et
avoient jeté leurs idoles ; le^s magiciens renonçoient à leur art et
brûloient ieurs instrumens de sorcellerie. Les chefs détruisoient leurs
moraïs [cimetières] et leurs autels. Beaucoup d'entre eux adoptoient
l'usage du bois pour faire cuire leurs aiimens ; ce qu'on peut regarder
comme un perfectionnement dans l'économie domestique des insulaires.
La mission venoit de (sire une perte cruelle dans la personne de
M. Scott, qui savoit à fond la langue du pays et étoît en état de prêcher
en otahitien. Suivant des nouvelles plus récentes , la mission d'Eimed
n etoit pas dans un état moins prospère. Trois cent soixante-d«iis
personnes s'étoient ^it inscrire pour le baptême, et six cent soixante
étudians fréquentoient les écoles. Quelques che^ idolâtres avoient formé
le projet d'exterminer tous ceux qui avoient renoncé au paganisme,
dans un massacre général qui^devoit avoir lieu la nuit du 7 juillet 1 8 17 ;
mais leur plan avoit heureusement été déjoué. Les directeurs de la
Société des missionnaires s'occupoient d'introduire dans ces îks la canne
à sucre, le coton et le chanvre, dans la vue de favoriser les |>rogrès
de la civilisation et le développement de Tesprit commercial chez le»
natifs.
On trouve dans le Glaneur plusieurs articles datés de Canton , et
signés Amlcus; ces articles doivent très- vraisemblablement être attribuit
à M. Morrison. Les plus curieux* sont des extraits de la gazette de
Peiing, dont il seroit peut*être à désirer qu'on pût recevoir en Europe
un exemplaire, ne fût-ce que pour être informé à temps des événement
qui ont lieu dans les provinces de l'empire chinois, et qui semblent y
faire présager une révoludon prochaine. La situation de M. Morrisbii
ne paroît pas avoir été améliorée par le voyage de l'ambassade anglaise.
L'esprit persécuteur du gouvernement chinois n'a pas cessé de contrarier
ses ç/lbrts, et de s'opppser de plus en plus à ce que^re misfionnaipe
puisse rien fiûre de public et d'avoué pour la cause de l'évangile. II a
néanmoins continué sa traduction de l'Ancien Testament, et publié divers
autres ouvrages dont on a rendu compte dans ce journal (2) ; mais un
. (i) On trouve des détails curieux sur la mission des fies de la Société, d^^
un opuscule rm a pour titre: Narrative of the mission at Orahette, &c. Mndfr-
iaken by the missionary Society of London, in the year iy^6. C'est un petit vo-
lume ih't2, qui a paru à Londres en 1818.
. (2) Yoye:^ les cahiers de piia et août 1817, février «t novembre ^18*
ii6 JOURNAL DES SAVANS,
édil très^sévère du gouvenMur a forci plusienn dei natuMs qu'il em-
ployoit & se tenir cachet. On sait fjue It loi dilènd aux Chinoû d'enseigner
Jeur langue aux étrangers, et d'«cejcer, lana une autorisation expresse»
Jes Jonctions de maître de .langue, cFtnterprète ou de traducteur.
Les progrès du christîaniBnie ne paroissent pas être considérables en
Qiine. Quelques habitans de Canton ou de Macao » la plupart employés
dans la fiutorerie anglaise, semblent avoir seuls profité des instructions
de* missionnaires. En général , le plus grand obitacle qui s'oppose i It
conversion des Chinois, c'est leur indifférence pour tout ce qui a
rapport k la religion. Ils se fêroient volontiers chrétiens sous la concfilion
de rester Bouddhistes ou adorateurs des esprits. Le Christ n'est pour la
plupart d'entre eux qu'un esprit de plus k honorer; leurs myAoIogues
ont adopté , en les défigurant , les traditions qui leur viennent des
missionnaires catholiques, et M. Morrison rapporte ainsi une notice sur
Ye-sou [ Jésus] tirée d'un ouvrage mythologique chinois, et dans
laquelle sa naissance miraculeuse, ses voyages dans le pays appelé lu-
te-ya [Jud^a] h 97000 li [9700 lieues ] de la Chine, la trahison de
lu-ta-ste [ Judas ] , et les autres chconstances de la vie dç Jésus-Christ
sont présentées avec des couleurs si étranges, qu'elles semblent appartenir
& une divinité d'origine asiatique. L'auteur anglais lui-inéme a peine à les
teconnoître , et examine si ce récit a pu venir aux Chinois des Jésuites
DU des Nestoriens. En se décidant avec raison pour les premiers , il nous
parott très-mal fondé !i . révoquer en ifoute l'entrée des derniers il la
Chine, il y a plus de dix siècles. Le monument de 5i-an-lbu, dont
Tautorité est incontestable, suffit pour rendre toute discussion superflue
k cet égard.
L'ouvrage mythologique dont M. Morrison a tiré ce morceau
«ngulier, a été composé par un médecin, et publié soiu le règne de
JUILLET iSip. 417
p<^Iation du pays. A propos d'une lettre écrite de Canton, dans
laquelle il est parlé de quarante-deux personnes décapitées dans cette
ville dans l'espace de quatre jours , l'éditeur remarque que (e nombre dei
criminels ipisàmort dans la seule province de Canton s'élève par an à ua
millier, et que même, selon le calcul d'un Chinois instruit, il n'y en a
pas moins de cent par mois. On a négligé de nous apprendre si cette
effrayante multiplication de la peine capitale ne devoil pas être eh
partie attribuée aux troubles qui agitent l'empire, et aux moyens de
rigueur que le gouvernement s'est cru forcé d'employer pour les
réprimer.
L'une des causes de ces troubles est la formation des sociétés secrètes»
dont le nombre augmente chaque jour à la Chine, malgré tout ce qu'on
fait pour les détruire. Un des parens de l'empereur s'y est trouvé
compromis en 1 8 1 7 , et a été puni par la dégradation de son rang. Les
noms de quelques-unes de ces sociétés sont insignifians ou dérisoires,
comme les Jaçuettes blanches, les barbes rouges, les épées courtes, éft.:
d'autres sont emblématiques et annoncent les vues des membres de
l'association; telles sont la société de /a grande ascension , celle de /a gloire,
celle de l'union des trois principes, c'est-à dire, du ciel, de la terre et de
l'homme. A l'époque où écrivoit le correspondant de M. Milne, cette
dernière é toit encore fort répandue à Canton, et le nouveau vice- roi
avoit sévi contre les sociétaires, qui venoient d'être arrêtés au nombre de
deux à trois mille. La cérémonie de l'initiation à cette secte a lieu la
nuit. On découpe avec du papier la figure de l'empereur régnant, et
l'on exige du récipiendaire qu'il mette cette image en pièces. C'est là
une des pratiques qui ont le plus contribué à exciter Tanimadversion et la
sévérité du gouvernement. On ne redoute pas moins la secte du Nénu-
far blanc, association déjà ancienne, sur laquelle on trouve des détails
dans l'ouvrage du P. le Gobien (i). Il y en a une nouvelle qu'on
nomme Thsing-tchha men-Kiao, ou la secte du Thé, parce que ceu^ qui
la suivent font à leurs divinités des libations de thé. Un décret de
l'empereur a ordonné de rechercher les partisans de cette dernière; et
l'examen de leur doctrine, qui a été fait en conséquence de ce décret,
prouve que c'est une altération de celle des Bouddhistes. Ils honorent
les cieux, la terre, le soleil, la lune, le feu, l'eau, leurs ancêtres, et les
trois Bouddha, c'est-à-dire, Amita, dont le règne est passé, Chakia, qui
a créé le monde actuel, et Aîi-le, dont le règne est encore à venir. Le
premier et le i j de chaque mois, ils brûlent de l'encens en Fhonneur des
(i) Hist. de i'Édît de l'empereur de la Chine.
u««
JOURNAL DES SAVANS,
dieux, et de Vnag , leur ibndateurr qu'ils supposent admis sn nombre
des immortels. Leurs pratiques ont été iùg^s coupables : Vang-yoi»^
taï, leur chef actuel, a ité condamné à être mis en pi^i; ses {wrenà
çnt ;éié on banni», oq, réduits en esdavage; leurs bien» ont été
confisqués, &Ç. Le correspqndutt de Canton dit auuî qnelqiws rribts
sifr les, J^lM-kin l arracheurs dk. liiKlons ] , c'est-knlire , sur les finrillea
{uîves de KhaÏTibungî.'inals cette notice très-cèwte et très-insuffisante
n'ajoute rien aux docufmens fournis par le P. Gonni, etquiontétft
lUB en oBOvre et qommeutés par le P. Brotier , de Murr et Mt de Stcj»
Les aùtres^nowKlles venues de la Chine concourent h nous montier
réott actuel À ce |4qrs sous un point de vue peu ' favorable. Parmi tes
fauteurs de la conspiration de 1H13', il s'est trouvé deux parens de
f empereur, qui ont été coadamnés à mort cà 1817; leurs femmes,
leurs enfàns et leurs petits-en&ns ont été privés de la ceinture faune,
marque disiinctive des personnes de la-linulfe impériale. Soung-ta-}tn,
gnnd de première classe et premier ministre , connu eor Europe par ses
liaisons avec lord Macartney, a été, sur de vains' prétextes , dépouillé
de les tlignîiés et envoyé en Tartarie avec un grade inlerieur. Une
févolte s'est manifestée dans le Yun-nan : îe nouveau gouverneur de
Canton a reçu ordre de marcher contre les rebelles , qu'on nomme /ifeî
[singes révoltés]. Il y a eu aus« des troubles dans (a partie méridtonaie do
Eou-^n, et le trésorier de cette province, craignant d'être soumis à
' Hii procès criminel, s'est pendu lui-même Rîpn n'est phis commun que
les suicides en pareil cas, et beaucoup d'officiers d'un rang supérieur
ont pris dans ces derniers temps ce parti désespéré. On- a éprouvé
une disette rigoureuse daiu le Cban-toung et le Pe^tchi-li, et une
inondation dans le voJMiiage de Canton. Dans la partie occidentale du
Sse-tchhouan , sur les frontières du Tibet, un tremblement de terrea
renversé plus de sept cents maisons , et fait périr sous les ruines plus de
-^JUILLET 1819. 4fj
sur letqitds les éditeurs du Glaneur promettent et donnent efTecti veinent
des renseîgnemens. L'article relatif à la Corée est court et de peu d'impor-
tance. Les vues du capitaine Gordon sur la possibilité tf ouvrir des relations
avec les Japonais méritent plus d'attention. Il résulteroit des informations
recueillies par cet officier 9 que l'entrée du Japon ne secoit pas aussi sé-
vèrement interdite aux étrangers qu'on a coutume de le croire. Une
personne qui avoit fait deux voyages de Batavia à Nangasaki , en 1 8 1 3 et
1 8 1 4 9 sur le vaisseau anglais la Charlotte , portant pavillon hollandais »
rac<$nta au capitaine Gordon que les interprètes de Nangasaki, lesquels
parloient anglais très-couramment, servoient volontiers d'intermédiaires
au commerce des étrangers avec les habitans» et s'employoient sans
difficulté pour .procurer aux uns dès livres anglais, aux autres des livres
japonais, et en général toute sorte de marchandises. Sans les céré-
monies excessives et les dépenses très-considérables qu'entraînoient les
visites, les Européens auroient pu acheter eux-mêmes des Japonais tout
ce qui leur eût convenu. En quittant Nangasaki , le vaisseau toucha par
hasarda plusieurs villages.de la côte, où les Anglais reçurent un bon
accueil des habiians, qui étoient en grand nombre, très-pauvres, et ac-
compagnés de beaucoup d'enfàns* Les hommes donnoient aux Anglais
le nom d' Américains ; ce qui sembleroit indiquer des rapports quel-
conques entretenus avec ces derniers. Feu le D.' Aînslie visita le Japon
sur le vaisseau la Charlotte, et c'est d'après ses papiers que le gouver-
neur RafHes a dressé un coiurt mémoire, présenté à la société littéraiie
de Batavia, dans les Mémoires de laquelle il doit occuper une place. I^
résultat que le capitaine Gordon croit pouvoir tirer des différens ren-
seîgnemens qu'il s'est procurés , esl qu'on devroit essayer, à défaut de
missionnaires, de déposer sur quelques points des côtes du Japon , au
moyen des nombreuses tribus de pêcheurs qui les fréquentent , des
exeinplaires des livres de la Bible ou d'autres ouvrages pieux, et qu'on
pourroit tenter aussi de s'approcher des frontières de cet empire, non
par la Corée, dont l'accès est aussi exactement fermé que celui du Japon
même, mais par les îles l-ieou-Khieou , Yeso, la presqu'île Sakhaliyan et
les îles Kouriles, en y formant des établissemens de missionnaires , pour
s'approcher successivement des provinces centrales de l'empire.
Je terminerai cet extrait en disant quelques mots de l'établissement
de Malaca, qui forme comme une succursale de celui de Macao, et où
se préparent ceux des travaux des missionnaires qui ne peuvent, à cause
de la soupçonneuse intolérance du gouvernement chinois , recevoir le^r
exécution dans le voisinage des frontières. M. Milne, à qui Ton en doit
la fi>rmation, y a, comme je l'ai déjà dit, fondé une imprimerie anglaise ,
Ggg 2
*ïo JOURNAL DES SAVANS,
'munie de types inba et dunoîi* Mxffà a dé^ produit, ontie le recneil
même que noui analysons-, nne réimpression du Nduvean Tetlunent da
~M. Morriwp,uiw4di(foa de r£Mai de Bogue; ettpiekpws auim ou-
trages. On oonstniît èetueRemeat k Mahca un bâtiiBom pour leaicBles,
-fîmprimerie, la. bibliothèque', et h demeufe.dss penonnn amcWo k
' f éiabKsiemenL Le j^ombr* de ccifes-ci, indipendanment des ouvriers ,
charponlicrt et couvreun, est déj4 de plus de vingt, taiu i^ipRnienrs.
que mlkes d'école, tiaducteun. On avoit défit ni trrîrer «t Ton ancn-
dott eùcoie de i^^îhreauz missicmnaires qui viennent soulager M. Milne
d'une panfe deifèôlrik dont if a été tf abord settl chargé. Il y avoh srazan»*
dix écuâiani aux écoles chinoises, et les ordres sévères donnés par le
gouvernement de Canton avoient engagé plosieun Chinois k se retirer k
MaTaca. Ona, dès les premiers temps, songé k procurer aux tmdiKteurs
f indispensable secours d'une bibliothèque, dans laquelle ontd'abord été
réunis quelques manuscrits en malais, m siamois et dans <fautres idiomes
orientaux. Le zèle des amis de la société a enrichi cette bibliothèque
naissante cTun certain nombre d'ouvrages dont on donne la liste* On y
-remartjue plus de trois cenu volumes chinois, le Nouveau Testament
en cingafoîs, plusieurs ouvrages rares sur la langue Tagala. imprimés
-aux Philippines, et divers autres livres de littérature et de religion.
On voit qu'il ne re. tera bjeniât rien k désirer pour que la mission de
' Malaca mérite d'être comptée au nombre de ces établissf-mens qui se
- multiplient chaque iour dans l'Asie . et qui ne peuvent manquer d'amener
k la longue des changemens notables dans les mœurs, les opinions et
la civilisation de* cette partie du monde.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
I. Précis d'une collection de médaiues antiques.
JUILLET 1819. 4^1
ouvrages , qui est^galement consacré , en grande partie du moins t aux
monumens de ç^tte contrée» offre un catalogue bien plus ample, et
n'est pourtant qu'un supplément à la Description générale des médailles
du cabinet du Roi, publiée par l'auteur, M. Mionnet. Le seul rappro-
chement de ces deux écrits suffit donc déjà pour constater un fait
intéressant, c'est le. progrès rapide de la science numismadque, qu'un
très-petit nombre d'années a suffi pour enrichir de tant de monurnens
nouveaux et propres par conséquent à jeter un nouvel éclat sur cette
branche importante de l'archéologie.
Quelques-unes des médailles dont M. Reynier donne ici la descrip-
tion , étoient déjà connues par le Catalogue de M. Avellino : mais un
plus grand nombre, et c'est de celles-là seulement que je parlerai, étoit
encore inédit; et cette publication a d'autant plus de prix à mes yeux»
que l'utile ouvrage que je citois tout-à-l'heure, de M. Âvellino, s'est
vu interrompu après quelques livraisons. Toutefois les descriptions de
M. Reynier semblent peu propres, par leur extrême brièveté, à satis-
faire entièrement la curiosité d'un antiquaire, que l'absence du monu-
ment original rend avide des moindres détails. Peut-être est-il permis
de reprocher à l'auteur d'avoir trop exclusivement recherché le mérite
d'une concision rigoureuse; et peut-être aussi l'opinion même que nous
avons de ses connoissances, en adoucissant ce reproche, rend-elle nos
regrets plus vifs encore et plus légitimes. Quelquefois cependant
M. Reynier ajoute à la description de sts médailles, des éclaircissement
curieux et des considérations nouvelles. Il propose des attributions di&
férentes, il relève des interprétations erronées; et, en m'attachant à cette
partie de son livre, la seule qui soit susceptible de critique, je crois
trouver moi-même matière à quelques observations unies.
M. Reynier propose une attribution nouvelle pour les médailles dt
Phistulis, sur l'origine desquelles les avis ont été jusqu'à ce jour si par»
tagés parmi les antiquaires. M. Sestini, dont l'opinion est d'un si grand
poids dans ces matières, pense que ces médailles appartiennent à une
ville de la Campanie, nommée Phistuvia ou Phistevia , quoique la géo-
graphie ancienne ne nous fasse connoitre aucune ville de ce nom dans
cette contrée ; et si cette objection ne paroît pas suffisante pour détruire la
conjec'ure de M. Sestini, il faut convenir aussi que cette conjecture.,
destituée de preuves, n*en doit pas sembler plus soiîHe. Aussi M. Reynier,
d'après le principe assez généralement admis, que la patrie d'une médaille^ % )
(i) Je me sers ici de Texpression même qu'emploient M. Rrynier et la plupart
des antiquaires, et j'avoue que toute autre expression rendroit difficilement la
ncme idée.
422 JOURNAL DES SAVAN5,
doit tire cherchée dans les (ieux oùon fi trouve le pl^f conimunéQieiiti
croit'il devoir attribuer ceHes-ci k une ville de Fanden Samniam, ville
également ignorée , ou du moins omise par tous les géographes, mai» en
ftveiir de laquelle il allègue avec plus de vraisemblance tes monumens
mêmes de' ce pays et une certaine ressemblance de imbrique. Toutefois
ces detUE aigumens he sauraient, k mon avis , décider seuls une question
auisi emfcanissée. Le lieu oîi Ton trouve une médaille, ne peut rien
conclure en faveur de sa véritable patrie, qu'à défaut de toute autre in-
dication; car il est évident que les tipératîons du commerce* ou mille
autres accidens , ont pu transporter cette monnoie du lieu où elle a été
frappée , dans un lieu fort éloigné de celui-lb . Les analogies de ^brique ,
sur lesquelles les yeux les plus exercés se trompent si souvent, et qiiel-
quelûis aussi s'abusent si volontairement , n'offrent pas un moyen plus
sûr de fixer la vraie origine des monumens ; et l'analogie de nom entre
Phistulîi et Pastum , qui avoit décidé Mazzoccht et beaucoup d'autres
antiquaires ï attriliuer les médailles qui portent la première de ces déno-
minatioru à la même ville qui plus tard a porté la seconde , étoit un
argument tout ansi probable que les deux autres ensemble. Mais cet
argument même a acquis pournous une force nouvelle, & l'inspection
d'une médaille publiée par M. Micali { i ) , décrite-dans le Supplérpent de
M. Mionnet (a), et qui existe dans la collection de M. Gossellin,
laquelle o^re, au revers des lettres noZEi, initiales indubitables de
'Posidonia, des caractères grecs fort anciens, qui équivalent k ceux-ci,
♦lis , initiales du nom de Phislulij. Or il me semble prouvé , autant
du moins que cela peut l'être, que cette ancienne légende grecque •iiï ,
employée, au lieu de la légende ordinaire en caractères osques, au
revers d'une médaille certaine de Posidonia, atteste, par la réunion
des deux dénominaiions ancienne et nouvelle , l'identité des deux villes { j).
JUILLET 1819, 4*3
luj-méme reconnoître rinsuffisance. Maïs, dans Thypothèse » déjà rendue
si/iaiseinblable, que PAistu/is, Posidenia et Pœstum, sont les noms
<i'une même ville successivement habitée par les Osques, les Grecs et
les Latins y les caractères grecs de ia médaille de M. Gossellin et de
celle de M. Reynieri qui appartiennent au second âge, ou plutôt à la
seconde population de. cette ville, s*expliquent si naturellement, qu'if
me semble au moins inutile de recourir à une autre interprétation. C'est
donc un point qui me paroît démontré contre lavis de M. R^ynier,
mais en partie par ses propres monumens, que les médailles de PklstuUs
doivent être restituées à Posidônia ou Pœstum,
M. Reynier a fait graver (1) une médaille de Luceria^ qui ofire an
type neuf et remarquable : c'est, d'un côté , une tête de femme, 4ont il
est difficile d'assigner le vrai caractère, d'après l'imperfection de la
gravure qui la représente;. de l'autre, un croissant, surmonté des lettres
LOVCERi. Ce, type, dont le sens n'a encore été soupçonné par
personne, peut être, à ce qu'il me semble, facilement expliqué par ft
rapprochement d'une autre médaille de la même ville que j'ai publiée (2),
et qui offre, au res^rs d'une tête de Minerve casquée, une espèce de
roue à huit rayons, entre chacun desquels sont disposées les sept lettres
du nom de LOVCERl. J*aî dit une espèce de roue, pour me conformer à
l'opinion d'Eckhel ()) et de tous les antiquaires. Mais il me paroît
maintenant évident que ce qu'ils désignent ainsi est un astre , et cfxt^
tantôt par ce symbole de la lumière, tantôt par celui du croissant, quia
la mémesigniiicatijn, la ville de Luceria, faisoit allusion à son propre
nom, et au mot latin de /ux , lucis, qui en fôrmoit la racine. Ces sortes
d'allusions ou de jeux de mots sont trèsfréquens sur la monnoie des
peuples grecs, et j'en ai moi*même, dans un des précédens cahiers de
ce journal, rapporté des exemples incontestables (4)- S*il en failoit une
preuve nouvelle, j'en trouverois une tout-à-fait analogue au cas dont il
s'agit ici. Quelques médailles de la famille I.Mcreii a offrent y d'un côté,
la tête rad>ée du soleil, de l'autre, un croissant, deux types presque
absolument sembla^ les h ceux des momioies de Luceria, et qui présentent
pareillement une allusion au même mot de lux , racine de LUCretia
aussi bien que de LUCeria, Telle étoit du moins l'opinion du docte
et judicieux Eckhtl, que je crois à présent confirmée par ma propre
observation: Addo fuisse ptaterea signa tum solem et lunam, quod hœc
(i) Planche II, n. 28. — (2} Lettres à myiord Aberdeen sur l'authenticité
des inscriptions de Fourmont, / voU in 4.**, che? Debure. — (3) £ckhel , Z)(?rrrmr
mum* um, 1 ,p, i^^z. — (4) Voy. le cahier de février> p. 87.
Ali JOURNAL DES SAVANS,
slJtra uhtTÏorem pra aliis lucem dlffundunt , quo adludi puto ad nomtn
Lucretii (i ). Au reste, l'usage de ces symboles, dans les lemps auxquels
appartiennent les monumens que j'ai cités , me paroît avoir été détourné
de sa destination primitive. Il faut sans doute t^n chercher le véritable
sens dans l'Orient, source de tout langage symbolique. Un grand nombre
de pierres gravées persanes offrent , à côté du sphinit ou du lion ailé ,
les mêmes signes , l'astre et le croissant, figurés comme sur les monnoies
grecques tt romaines dont j'ai parlé : or un pareil accord entre des
monumens si dissemblables du reste ne peut certainement être l'ou-
vrage du hasard. Mais ce rapprochement, fécond en graves consé-
quentes, exigeroit trop d'espace pour être développé, et je dois me
contenter de l'avoir indiqué ici (2).
M. Reytiier a décrit plusieurs inédailles samnïtes, appartenant au
lemps de la guerre sociale, et qui confirment ou détruisent sur quelques
points l'opinion qu'avoient conçue de ces monumens les plus docies
antiquaires. L'une de ces [nédailles, unique jusqu'à ce jour, offre, d'un
côlé, en caractères latins, le mot itaLIa, signe de l'alliance des
peuples italiens conjurés contre Rome, et, de l'autre, en caractères
osqitts, les initiales connues c. paai>i du nom du général qui commandoir
celte ligue. L'emploi simultané sur un même monument, des caractères
des deux nations rivales, est au moins irês-remarquable, et prouve
de plus qu'Eckhel a eu tort de regarder comme étrangères b la ligue
samnîie les médailles offrant le mot ITAUA , sur le seul motif que ce
mot apparienoit à la langue dts Romains (j). Ajoutons ici une autre
observation qui lui a échappé sur l'emploi du double A dnns le nom
PAAPI, pour représenter l'A long du mot papivs, emploi qui, avec les
autres exeinplts du même genre que fournissent les langues étrusque,
latine, et k-s autres diakctes de l'ancien idiome grec, concourt à prouver
une vérité que je crois avoir établie ailleurs (4)- M. Reynier décrit
encore une médaille samnite, également unique par le mêlai, qui est II
(I) EcUiH, Oper.laud.tom. V.p.2jg.
(a) Les originaux Ac cts pitrrtf sont pour la plupart entre ks niaiDs de
M.Lajard, de Marseille, lequel, avec beaucoup de soins et de dépenses, en adéji
formé une collection , la plus riche et la plus nombreuse en ce genre qui existe
dans toute l'Europe. Je ne crois pas trahir la confiance de ce jeune savant, et
encore moins les espérances qu'on doit former sur son zèle, en annonçant ici
le* travaux auxquels il se livre poiir re>plicaiit>n de ces monuinens , jusqu'à ce
jour preM^ue inconnus des aniiquairrs.ei qui doîveni former une branche nou-
velle de l'archéologie.
(î)i:ckhcl,i)ûc,rin. «UM, to;/r./,/>./o^.— (4)LettreiiM.Aberdccn,j>.j^-j;.
■ JUILLET iBl^: iii
bionze : toutes les autres connues jusqu'à ce Jour îont d'argent. Jl
conjecture de là que cette médaille avait été destinée à former le noyau
d'une médaille fourrée. Mais, outre que le volume de cette monnoie
s'oppose, de l'aveu même de l'auteur, à l'idée qu'elle ait pu servir à
cette espèce de fraude, l'absence de la légende au revers contrarie
fortement celte supposition, et îf est plus naturel d'admettre l'existence
d'une monnoîede bronze parmi les peuples de la guerre sociale, opinion
que d'autres monumens des mêmes peuples rendent d'ailleurs Irès-
probaljle. Avant de quitter celte région , j'ajouterai que deux médailles
de M. Reynier confirment une conjecture d'Eckhel et détruisent une
attribution du savant P. Lanzi. Celui-ci avoit cru pouvoir donner h un
peuple samnite, nommé /'m/W dans Tile-Live, une monnoie de bronze
dont la légende osque , ENTPEI , sembloit offrir quelque altération ( i ) ;
et Eckhel, tout en admettant cette supposition, avoit exprimé l'idée
qu'un monument mieux conservé pourroit un jour conduire à une attri-
bution plus sûre : numus aliquando mugis inCeger doctb'tt (2). Ce doute
du judicieux antiquaire est changé en certitude par la légende des deux
médailles de M. Reynier, qui offrent, en caractères orques rétrogrades,
le mot FRENTREI, noiti samnite du peuple connu des Romains sous
celui de frentani (j).
M. Reynier est sorti une seule fois des bornes de l'extrême concision
\ laquelle il s'est assujetti; et cela, pour déterminer d'une manière au
moins nouvelle la pairie des monnoîes avec l'inscription TPINE, en
anciens caractères grecs rétrogrades. Les antiquaires, en les attribuante
une ville de l'ApuJie , nommée Hyria , n'ont pu ni dissimuler ni
résoudre les graves difficultés qui s'élevoient contre cette opinion; et le
docte Eckhel ne la rapporte lui-même qu'à défaut d'une meilleure
attribution (4)- Depuis, M, AveiJino en a proposé une fort ingé-
nieuse (5) ; il pense que ces médailles appartiennent à la ville de
Surrentum, que les Grecs nommoient ÏÏPAION et ITPION. Mais,
outre qu'il faudroit admettre que les Grecs d'Italie représeni oient
quelquefois le 2 par une aspiration, ce qui ne seroit pas absolument
invraisemblable, ilresteroit encore à prouver qu'un Irait tiré au-dessus
de TK de quelques médailles à'Yrina, et qui manque sur un plus grand
nombre, est le signe de cette aspiiatlon. Une autre objection que
propose M. Reynier, c'est que Surrentum neparoîtpas avoir joui de
(1) Saggio di l'mgua etrusca , ifc, mm. H,p. 602. — {2) Eckliel, Optr.làud. ■
tom. I , p. ng. — (j) M. Mionnet en t'ait aussi l'observaiion , p. 22^ de ion
J'u;7;/nnfnr, — (4) Eckhel, Optr. laud.i.l.p. /fi — (j) Ital.Num. t,l,p. lOj.
Hhh
i26 JOURNAL DES SA VANS.
fautùBomie, et , par conséquen t , du droit do. battre moiuioie ; et il ajoute
k cette observation, que les Pittatini, dans le territoire desqueb «Ile
étoit située, fiappèrent probablement leun monnoies tn leur nom
cx)ilecttf. Jl appuie cette fXHijecture svr.uoe mécUiHe uiwpic du ca^bioet
de Milan. Maisi tout en approuvaiu cet argument » l'obserreiai k son*
tour que la Mgende de cette médaille est défigurée du» la dtttioa
qu'en ^t M. Reynier, et qu'elle doit être lue ainsi que Ta rapportés
M. Mfonnet ( i ). Quant à l'opinion propre de M. Reynier sur la véiî-
table patrie des médailles attribuées à Hyria , il pense qu'elles appar-
tiennent k N»la, et qu'elles sont antérieures k l'éfKxpie ob cette ville
fût ainsi nommée. Les raisonnemens- qu'il ftil k, f appui de cette attri-
bution, décèlent sans doute un homme exercé par l'babitude de voir et
de comparer les monumens : mais une grave difficulté contre cette
opinion , et qu'il n'a pas même indiquée > c'est que l«s plus anciennes
' médailles de Nola paroissent d'une fabrique pour le moins aussi vieille
que les plus anciennes à!Yrinà. Nous croyons donc que le doute proposé
''par EcÛiel, et dans lequel se retranche encoreM. Mionnet (a], est le
.seul parti qu'il convienne de prendre, fusqn'k ce qu'un plus gtand
nombre de monumens permette de démêler la vraie légen^ du
milieu de tant de leçons diverses ou contradictoires.
Les conjectures de M. Reynter sont quelquefois plus heureuses, et j'en
citerai ici deux exemples qui me paroissent mériter d'être indiqués aux an-
tiquaires. M. Sestini a publié, dans le tome III de sei Nouvelles Lettres nu-
mismatiques ()}, une médaille avec la légende tl&PinOAON, qu'EcUiel
avoït cm devoir laisser parmi les incertaines du cabinet de Vienne (4).
Ce savant a de plus suppléé et corrigé le mot ..itpnatan, écrit à la
saile delà légende, et il lit mONATAN. qu'il interprète par Pitanatet,
nom des habiians d'un déme de la I^conie , dont il suppose qu'tme
partie a pu émigrer et s'établir i Pcripolis , ville du lerriloire des Locriens
JUILLET \Bi^. -A^
et de fabrique avec celles de Tarente, appartient à cette dernière ville;
^t comme tout le monde sait que Tarente étoit une colonie facédé-
mbnienne ( i) , il paroît, en effet , très-naturel et très-vraisemblable que
ies habitans de cette viîle aient conservé sur leurs monumens le nom et
ie souvenir des Pi fanâtes -de la Laconie, qui les avoi^t sans douté
accompagnés en Italie, et peut-être avoient formé k Tarente un quartier
ou faubourg particulier désigné sur cette médaille par le nom de
IIEPinoAAN,a peu près comme le mot d* Epwo les, forttïé sur le même
modèle» désignoit un quartier de la ville de Syracuses (2). La secondé
restitution que propose M. Reynier, et celle-là est tout-à-faît certaine',
a pour objet ies médailles avec Finscription AZETIN, ou AZETINÛM*,
que la plupart des antiquaires, etnommémént Pellerin (5) et Eckhef (4}-i
attribuoient à un déme de l'Attique. L'expérience qui fit reconrioître que
toutes ces médailles venoient de fltalie, avoit déjà rectifi;é Topinion sait
ce point et fait soupçonner qu'elles appartenoîent à la Grande-Grèce (5),
Ce soupçon a été entièrement confirmé par la découverte qu'a faite
M, Reynier d'une de ces médailles, ayant pour type le pétoncle, type
presque exclusivement réservé aux médailles de Tarente, et bien mieut
encore par l'existence d'un peuple de l'ancienne Calabre , région où se
trouvent la plupart de ces monumens , lequel peuple , nommé dans
Pline [6] yEgetini, par une très-légère altération , est bien certainement
celui auquel ces monnoies appartiennent. Voilà encore une preuve à
ajouter à tant d'autres faits du même genre qui n'ont pm être contestés
que par l'ignorance ou la mauvaise foi , du secours qu'offrent les monu^
mens numismatiques pour épurer les sources de l'histoire et de là
géographie anciennes (7).
< ■ I ■ I ■ I I I ■■ ■ H 'l ■ !■ ■ Il I I 1-^— — .»
(i) J'ai rassemblé tous les témoignages relatifs à cette célèbre émigration,
dans mon Histoire critique de VitabCissement des colonies grecques, tom, III ^
ft 2/j ei suiv, — (2) Diodor. Sicul. Biblioth, lib, XIV , /. 18, — (3) Recueil I,
p. 148. L'auteur avoit cependant reconnu i'errpur du P. Frœlich, qui le premier
proposa cette attribution. — (4) Eckhel, Doctrin, num, tom. Il , y, 222, —
(ç) Mîonnet, Explication des planches, totii. IX, p, yS, — (6) Plin. Hist. nat.
lit. ni ,c, tt.
(7) Un savant, que je ne nommerai pas, et à qui l'étude des antiquités égyp-
tiennes a valu une réputation trés-honorable, ne paroît pas espérer de grandes
lumières de l'étude des antiquités grecqiies et romaines; et ce qu'il remarque en
passant de l'état actuel de la numismatique, prouve que les meilleurs esprits ont
peine i se défendre des préventions même les plus injustes , et qu'il faut êtM
fort réservé à parler de ce qu'on ne /est pas donné la j)eme d'étudier. Nous pro«
filerons ici nous-mêmes de cette le^on qu'il nous donne, et nous avouerons
que, si l'étude des médailles peut devenir féconde en découvertes historiques^
on ne doit pas désespérer non jAus d'entendre les hiérogl/phés de l'Egypte.
Hhh X
42S JOURNAL DES SAYANS,
J'aurois encore k 6tre, sur le livre de hL Reynier , bien d'autres obser-
vtrions que je supprime, pour pouvoir dire quelques mots de celui dé
■M. Mionnet, avant de terminer cet article, Lç Sapplémint, dont
M. Mionnet ne publie encore que le premier voluine (■•]* com|irend
.dei médailles^ de l'Eipagne, de la Gaule, de fltaBe et de la âcilB.
TDutetnesontpasinédites;etcominent, en effet, dansle^tii nombre
tf années écoulées depuis la publication de sa Dcteriptiam, pourroit-on se
flittff d'av<Hr acquis, sur cette, pordon de TEuropCf un si prodigienx
«wnde momimcni eotidrement nouveaux! M. Mionnet a complété le
catalogue déjà si avancé des médailles grecques du cabinet du Roi, ct#
en y joignant les objets les plus remarquables et les plus uilhentiques
des caibîoels étrangers et même des collections particulières, il a produit
ia description la plus ample, la plus méthodique et la plus utile aux
progrés si étendus de nos jours de la science numisniaitque. Il y a réduit
à Tapplication le système de la doctrine cTEcUiel, immortel ouvrage
dont tons les élémens se trouvent maintenant rassemblés dans le livre
deM.'Mionnet; et un grand nombre même de monumensqui avoient
éduppé k la connoîuance d'Eckhel, ou que h science a recouvrés
depuis sa mort, rangés selon son système, interprétés d'après ses
prindpes, viennent ainsi à fappui de cette doctrine, comme pour
déposer «i âveur de Texactitude de sa méthode, et, en quelque sorte,
«rendre hommage à la merveilleuse sagacité de cet illustre antiquaire.
Plus du tiers des médailles décrites dans le volume de M. Mionnet sont
nouvelles ; et il est rare que , pour les faire entrer dam le système d'Eckhel,
fauteur ait été obligé d'y rien déranger : presque toutes sont venues,
comme d'elles-mêmes, prendre la place qui leur étoît marquée tfavance.
Les descriptions de M. Mionnet , courtes , précises , exactes , suivies de
l'indication des sources où il a puisé, suffisent pour mettre fantïquaire
déj^ inslruit sur la voie des monumens, et sool un excelleni guide pour
JUILLET 1819. . 4*9
C. M. FrjEHNI! , Rostochiensis , de Academia imperialis
scientiarum Petropolitana Museo numario Muslemico , Proïush
prior, qud, dum confiai ûccurata descriptîo , ejus copia et pra-
stantia obiter contuenda proponitur; particula prima : Academia
edi jussit. Petropoli, typis Acad. imp. scient, iSiÇ,
53 pag- in-4^\
•
Avant cTentreprendre la publication de la Description complète ide
la collection des médailles musulmanes que possède ï^£?Aémi^ impé-
riale des sciences de Pétersbourg / M. Frachiijdont n^ous avoj^s <^|à
fait connoître plusieurs travaux du même genre, s'étoit jH'oposé de pu-
blier un Coup-d'œil de cette riche collection. Ce Coup-d'œii devoit ^tît
divisé en deux parties» et la première, Prolusio prior , subdivisée en trois
portions. C'est la première de ces trois ^^xhAismon^ 9 particula prima ,q}xï^
paru dans le cours de Tannée 1 8 1 8 , et dont nous allons rendre un compte
sommaire. Nous aurions attendu , pour faire connoître celle-ci aux leor
leurs du Journal des Savans» la publication des deux autres subdivisions
de cette première partie» si M. Frxhn n'eût annoncé lui-même» en teffr
minant celle que nous ayons sous les yeux» que ce travail préliminaire
n'auroit point de suite. Le vrai motif qui le lui avoit fait entreprendre»
étoit la crainte de ne pouvoir pas publier la Description complète » qui
lui avoit déjà coûté beaucoup de temps et de travail, La /lomination de
M. Ouvarojâf à la présidence de l'académie impériale des sciences de
Pétersboiu'g ayant relevé ses espérances et ranimé son coiuage » il a pris
de nouveau» sous les auspices de ce zélé promoteur des lettres» et par-
ticulièrement des lettres orientales » l'engagement de Eure jouir le public»
le plutôt possible» de ce grand travail » qui doit» sans aucun doute ^
laisser bien loin derrière lui tout ce qui jusqu'ici a été fait en ce genre.
Nous avons cm» par ce motifs devoir rendre un compte succinct de ce
petit volume.
M. Frxhn ne craint point d'assurer que le cabinet de Facadémie impé-
riale surpasse infiniment tous ceux que divers orientalistes ont fait con-
noître jusqu'à ce jour, soit par îe nombre des médailles musulmanes
qu'il renferme, soit parle prix, la rareté et les résultats chronologiques
et historiques d'un grand nombre de ces médailles. Celles dont il a eu
connoissance jusqu'au moment de celte publication, montent à 18,2^7,^
et il paroît que ce n'est pas encore la totalité de la collection. Dans cette
immense collection» il y a, comme on le- pense bien, beaucoup dé
doublet» ^ et M» fndm ea «voit déjà reconnu 1 4 ><74»'Ce qui n'empêche
43e
JOURNAL DES SAVANS,
point que, mèfiie après cette dé&lcatîon, Tàssertioa de M. Fnehn ne
conserve toute ton exactitude. ,
Notre auteur divise cette collection en quinze claues : il subtfiTÏse Ja
premîèrQ classe en deux parties; et de ces deux parties, lapremièie se
partage encore en deux branches. Noos transcrirons ià ce tableau.
Classis i, Num'i Ckalifarm» , A ) Umaj/àdartm ,%) Damascenorum ,
h ) Hispanicorum •' B ] Abbasidarum, — Cl. IL JVumi Emiranm
Soffarldamm. — CL lU. NuMi Emirorum Samanldarum. — Cl. IV. Numi
Sultûnanim SeMteginidantm. — Cf. V. Namt Cianoram Dschudsck'tda-
nm Jttt Ckanontm Ordtm auna. — Cl. VI. JVami Crrai-ckammm sru
Ckanorum Krimete. — Cl. VII. Numi Ckdmrum ffulagaidarum. —
Cl. VIII. Numi Ciamrum Dtehelaîridaram jtu Ifthanidanim. —
Cl, IX. Numi Ckanorum Dschdghataidantm , Tîmurlaigi et 7*imitridarum.
— Cl. X. Numi Sultmarum Patanorum in Dthli. — Cl. XI. Numi
Timuridantm in India. — Cl. XII. Numi -Ckanorum UsMicerum Bo~
tkarim. — Cl. XIIL Numi Sultanorum Osmanidarum, -~- Cl. XIV. Numi
Seàaàtnm Ptrsia. — Cl, XV. Numi htetrtî.
Iln'est question i dans le vt^ume que nous annonçons , que des quatre
}H«mfères duie?.
Les monnoies des IhaHiès Ommtades , du cabinet dont il s'agit , ne sont
qv^au nombre de huit : fa plus ancienne est de Pan 51'j dé Thégire i à cette
époque , il y avoit dé^ dix-neuf ans qu'Abdelmélic avoit introduit parmi
les musulmans fusage d'une monnoie particulière.
En traitant des monnoies des Abbasides , M. Fnthrt examine quel
peut être le sens de certains sigles ou lettres isolées qu'on observe sur
plusieurs de ces médailles et sur beaucoup d'antres. Entre ces sigfes, il
en est deux d'un usage plus fréquent : c'est ^ ou ^^ , et ^i* ou ^ ^. Je
douie que M. Frxhn ait eu connoissance de deux passages du Kamous
JUILLET i9içi 431-
il n'auroit pas manqué de les expliquer. Makrizi n'en dit rien non plus
dans son Traité des monnoies musulmanes. .
^ , M^ Fr^hn propose diverses conjectures sur tous ces* sigles en général.
If suppose, I ."^ qii'ilspeuvent désigner les noms des graveurs monétaires;
2.*" que peut-être ils marquent ie signe du zodiaque dans lequel se
trpuvoit le soleii lorsque le coin a été gravé; 3.'' qu'ils sont destinés à
indiquer le mois auquel la ^brication a eu lieu. M. Frsehn regrette de
n'avoir pas eu sous les yeux, en traitant cette question , le petit ouvrage
persan publié par Greaves, sous le titre de Anonymus Persa, de siglis
Arabum et Persarum asironomicts, Ge qu'il y auroit vu, c'est que les
sigles des planètea sont la detnière lettre de leur nom en arabe, pêt '
exemple^ u pour jç.j^, Mars; ^ pour ^j»mj^yJui)Uer,êLC. ; que les signes '
du zodiaque sont indiqués par une lettre dont la valeur numérique *
répond à l'ordre qu'ils occupent dans le zodiaque , en commençant par
le Taureau, t [ i ] ; les Gémeaux, <-» [ ^] * • • » '® Sagittaire ^ c5 [ * ^] > '^*
Poissims, L [ 1 1 ]• Le Bélier seul a pour sigle ^ première lettre de son
nom Jl^. Des trois conjectures de M. Frachn , ia première nous paroîc
la plus vraisemblable, et Its exemples de pareilles abréviations sont
très-ordinaires. Toutefois nous doutons qu'elle doive s'appliquer à tous *
les sigles monétaires des musulmans, et sur*tout.aux deux dont nous
avons parlé, ^ et *m. Si l'on avoit sous les yeux un tableau de tous les';
sigles monétaires observés jusqu'ici sur les monnoies musulmanes , on *
pourroit former des conjectures moins hasardées, et la description du *
cabinet de l'académie de Pétersbourg contribuera peut*étre à jetor
quelque jour sur cette matière. <
Les médailles de la dynastie des Samanides sont en très*grand nombre
dans la collection de cette académie, et en général dans les cabinets da
nord de TEurope. M. Fraehn , d'accord avec M. Adler , attribue l'abon-
dance de ces médailles , tant de celles qu'on a découvertes que de celles
qu'on découvre encore tous Its jours sur les rivages de la Prusse, de la
Poméranie, de la Suède, &c., à la route qu'avoit prise dans le dixième
siècle le commerce de l'Inde. Le cabinet de l'académie de Pétersbourg
offre une quantité considérable de monnoies d'argent des Samanides
( une seule est d'or, il ne s'en trouve aucune de bronze ) ; elles forment
une suite non interrompue depuis l'an de l'hégire 28 1 [ 894 de J. C.]
jusqu'à l'an 319. Beaucoup de ces médailles donnent lieu à de graves
difficultés historiques et chronologiques, dont il convient de dùrft
quelques mots.
Déjà, en rendant compte, il y a plusieurs années, dans le Magasni
eac^qlppédîqttet d'une dis8«xtation sur div«n)es moxwoies arabes des
4j* JOURNAL DES SAVÀNS,
Ssminides et des Botlfdes on princes de la dynastie de Bôuyah os
Bowaih, disserlBiion écrite en inbe par M. Frshn, et par lui publiée k
Casan , i'avojs eu l'occasioti de Jâire remarquer que la datif de-ptàiieurs
de ces monnoies ne concorddtt pas avec Thistoire, reîadrÂneat aa
règne des Uuiifes dont le nom se trou4n»t associé à ceux des princes
^î avoient Ait &apj>er ces monnoies. J'avois cra cependant pouvoir
rendre raison de ces anomrfies par les faits qne me fbumistoiem les
historiens : mais des anomalies du même geiwe se reproduisent ici
si fréquemment, qu'il paroît indispensable de recourir k une solution
plus générale. M. Frshn conjecture que les monétaires des Saniantdes, -
soit par négligence» toit par économie, ont souvent employé, pour
ftapper les deux fiices d'une monnoie , des types de deux époques
cSfi!^rentes;d'oii if est ré&ufiéque lieaucoup de pièces -pwrtent le nom d'un
kbalife ou d'un émir dont la mort est antérieure de plusieurs années & la
date de leur fabrication. Ainsi , pouren donner un exemple , une monnoie
de l'année jo; offre an revers les noms du -khalife Moaafi et du prince
Samanide Ismaél, morts l'un et l'autre dés Tannée 29 f. C'est ainsi que
noua avons vu , au commencement du régne de Louis XVI , autoriser
par lettres patentes la fabrication de pièces d'argent de six sous k
reffigie'deLouisXV,et au millésime de 1771 ou 1772. Les exemples
produits par M. Frxhn donnent beaucoup de vraisemblance k cette
confecture. Cependant elle est encore insuffisante pour lever toutes fes
difficuliés , pareequ'il s'offre par fois des discordances entre les divers
caractères chronologiques exprimés sur une même ^ce. Seroit-il im-
possible que l'on eût quelquefois ^t usage d'un coin suranné , en en
akérant seulement la date!
Ces anomalies diminuent assurément beaucoup le mérite de ces*
monumens numismatiques , qui sont d'ordinwre d'un si grand poids pour
la throiiolotrie : touiefois Jl est important de les signaler, de les mettre
I
JUILLET iSrp
d'Ahmed, et au millésime de ^oi : c'est préciiéinent en cette année }oi"
sefon le témoignage de Mirthond, que l'éinir Lhak, que son frèr»
Isma^[ avoit tiré de prison, après lui avoir pardonné une pr
révolte, profita de la mort du mâme Ismaél pour se rendre indépendant'!
çt disputer le trône à Nasr , son neveu. Sa révolte fut bientôt étouflce'). 4
il fut pris et renfermé pour le reste de ses jours.
Ttlle est encore une monnoîe sur laquelle on lii le nom de Laifa\
btn-Noman yl^ ^j> j^, giinérai d'un prince AlîdeduTabaristan, notninél
Kasim , successeur d'Atrousch ou Hasan , fils d'Ali. Ces princes Alîdet 1
portoieni le titre de dài, ^fi , qui répond à peu près à celui de mission-
naire, et teur histoire nous est encore peu connue. Cette pièce, frap
\ Nischabour, en 309, est un monument authentique de leurs c
quêtes, et elle donne même lieu de penser, comme l'observe fort h
M. Frxhn, que Laïla ben-Nonian aspiroit à l'indépendance et avtd
secoué le joug de son maîjre; puisque son nom se trouve seul ;
celle monnoie, et qu'on n'y lit point celui de Kasim.
On lit sur celte même monnoie , dont les car.Tcières sont coufîques ,
une légende circulaire que M. Fraelm a Lien déchiiTrée, à un seul mot
près, /« rriT«Jcr/ifn</ii, dit-il, hac postrtma épigraphe, liçei charactcrihus
cufcis arciissimè iiihaserim , vertor lamtn ut in capitndo (jus semu omnibus
satisjacturus sim. In Korano frustra quœsivi kaiic stmentiam , nec ex eo
pttitam esse arliilror. Gaitdel/o si quis unde deprouHa sit edocutrii. Je puis
assurer que cette légende est empruntée de l'Alcoran; elle s'y trouve,
surate 10, v, jj de l'édition de Marracti, et 36 de celle de Hinckel
mann. Je vais la transcrire : ^_y\ VI jjj^ V ^vô yt ^1 ^^jl Jl ^ j^ ^1
Qjaf ■^' ij^^S3 l> ijiNgj yt. Marracci l'a rendue ainsi : An tr^o qui
dirigit ad veritatim , jusiius est ut habeat stclatores ; an qui non diri^il nist
Jirig'itur! Qiiid est ergo vobis quamobiem iia judicetis ! Ces paroles sont
adressées aux polythéistes qui, au lien de se sounieiire à la parole de
Dieu, écoutent de faux docteurs qui les trompent, et auxquels cependant
ils accordent la préférence; elles convenoient donc pjrfiiiiement dans la
bouche des Alides, qui regardoient tous les anrres musulmans comme
des déserteurs de la vraie religion et des schismaiiques.
Une monnoîe très-intéressanie de Mahmoud YL-min-eddauîat,
successeur de Sebectéghin , et auteur de la grande puissance de la
dynastie des Gaznévides, termine cet ouvrage,
Outre les diffiLuItés chronologiques dont j'ai parlé, les médailles
dont M. Frehn donne la notice , présentent encore diver-; problèmes à
résoudre, sur lesquels je ne me suis point arrêté. Le plus difficile de tous
est celui qu'offre une moitié de médaille dargenc qui paroît appartenir
1
iji JOURNAL DES SAVANS.
au khalife Mamoun, mais dont la date, a été enlevéei ^ deux lettres
près qui paroîsseiit fiiie partie du mot quatre, ^j), ou quarante
tX)<^j[. Cette médaille a dû porter le nom d'un successeur désigné att
Uialifàt ; et l'on voit que ce prince , dont le nom nie se trouve pas sur la
moitié conservée, avoit pour père un personnage nommé Mi. Le nom
de Mamoun Iui-m£me ne se lit qu'en partie sur cette tnoitié de médùUè ;
et cependant, si M. Fixbnl't Ûen copiée ^.commç on nesauroit guère
en douter, il est à peu près iinpouible d'y substituer aucun autre nom.
L'histoire toute&is 9e nous, indique aucun prince fils d'un personnage
nommé A/i , qui ait pu être déùgai par Mamoun pour son successeur.
Jl seroït presque téméraire de conjecturer, dans le silence des historiens ■
qu'après la mort iA/i Ridka, cet Alide, que Mamoun avoit eu Timprur
dence de désigner pour son successeur , ce qui pensa lui coûter le tràne ,
ce même prince eût encore transfère les droiu au kbalifàt il Mohammed,
iîls d'Ali Ridha. Et d'ailleurs sur la médaille, après J» ^, on lit encore
I ^ ; ce qui ne peut se concilier avec la généalogie des imams, puisque
Ali Ridha étoît fils de Fimam Mousa ^j». Il est fâcheux qu'une
médaille aussi curieuse ne soit pas entière. 11 seroit important toutefois
.que M. Frzhn fît graver ce fragment.
Terminons ici cette notice, en exprimant le vœu de voir bientôt se
.réaliser les promesses de M, Frachn, promesses garanties non moins
par son activité et par son goût pour les lettres orientales, que par
l'intérêt que leur porte fillustre président de l'académie impériale^
SILVESTRE DE SÀCY.
De Poëseos dramatiCj€ génère hispanico^ prasert'm de
Petro Ciilderone de Iq Barca ,priHcipe dramaticorum, Dissertatio
JUILLET 1819. 4îT
Ceqiii a causé, ce qui prolonge les disputes entre les partisans du
|- genre romantique el ceux du genre clussique, c'en que les premiers
I ne se sont pas encore accordés à ras^emliler , à réunir leurs opinions
r en corps de doctrine, en doniiaiiCune définition claire et précise du
[ nouveau système, en indiquant les principes ei les lois qui le gou-
ternent, ainsi que les limites qui doivent le circonscrire. Depuis
Mm. de Scfclegel frères, qui les premiers, à ce qu'on croit commune-
> ment, ont hasardé le mot ROMANTIQUE pour désigner ce genre
f particulier, jusqu'à M. Heiberg, qui a pul^lié la dissertation dont j'ai
I à rendre compte, il n'a été présenté encore aucune théorie qui ait été
[ adoptée par tous les partisans du genre ; et l'ouvrage de M. Heiberg
le prouve évidemment.
'■ Il me semble qu'on n'a pas assez distingué, d'une part, les moeurs,
fcs opinions, les sentimens qui conslitueiil et caractérisent plus parti-
' culièrement la littérature romantique; et, d'autre pan, les formes à la
feveur desquelles on croit développer avec p(us dt; succès (e tableau de
ces mceurs , la variété de ces opinions, l'expression de ces seniimens.
Quant au fond, on ne peut disconvenir que l'influence de la religioa
chrétienne et celle des mœurs et des préjugés chevaleresques n'aient
^porté dans fes fillératures modernes diverses modifies lions essentielles,
et qu'alors ces littératures n'aient reçu k plusieurs égards un caractèrfl
particulier inconnu dans la littérature classique , dont la mythologie
riante et allégorique ne pouvoit s'ad.ipter avec succès à l'expression des
Mntiinens et des opinions qui furent le résultat d'une révolution reli-
gieuse et morale.
Que ce caractère particulier soit nommé Tomantitjue, ou qu'on lui
doTne toute autre dénomination , si le genre auquel il appartient plus
spécialement diiî&re du genre classique en quelques poiiits, du moins
Tun n'exclut pas l'autre , et ils ne sont pas incompatibles.
Quant à la forme, les partisans du genre romantique ont prétendu
qu'il ne devoit pas être astreint aux règles du genre classique, ni être
soumis aux unités exigées par nos poétiques, aux convenances sévères
qu'un goût long-temps exercé a établies parmi nous , et qui ne per-
mettent pas de mêler le sérieux avec le bouffon , les personnages des
rai^s les plus élevés avec ceux des dernières classes de la société , &c.
Qu'il soit pennis de le dire à quelques-uns des partisans du genre
romantique, aux littérateurs qui le considèrent comme un genre à part,
ee ne sont pas les formes qui constituent ou peuvent constituer ce genre
mais bien les moeurs, les o]
ipinions,
les sentimens, en tant qu'on jr
treHye Teiqiression du nouvel éiat de la société. S'il sufHsoit d'ignorer
^J«
JOURNAL ÙÉS SAVANS,
ou de né^Bfgef lek i^;fes aS&aén u gedvf cbuf^neV tfr pièce* def
pAiplïs qui «nt b moins callhé' Ja tinûatura appartiMi^oimt tpéà^
> i|-«ilât3de'doiltèqiiélfeTéritdri«sbMatCs<pen«rà>M'tm>^
dÉifîièËès f ii»«aftt fiû ohMrréfsio rtgbi» ■hpai<tt'|É>nii Mwét
lUtdnintUQiiejE'y'eii idu teniirfn^i]iéins-iiîns"fet~tn^£dlndH'
cbiiiqbe* gnci- tWÊÔt coati^m^on qw IçtidrMiwt oh elici ««erbnt
bbïertieiVfwifaffonioMjjttÀM* égales aux bèwtie dei fièçn
Ai' dU»Tafei«KfiKS , irilcs qutf'fï^eûcte, ZA«» pc.t «ppardenneiit
■ ^ le fond au genmrronundqne, et par U Ginui an' dasâîqiie ; taodit
que divers ouvrages célèbres dans les littéiatoies modomes- apfsr-
tiennentau'genie classique par' le fond et au romantiqiie par la fbnne.
- M. Heiberg , dans sa Dissertation sur Calderon de la Barca , né
donne, aina qa'on le verra par les divers détails que je citerai .aucune
idée précise du genre romantique: mais* en examinant les productions
decepoètcranomnij, 'ilyreconhbîtéRiinanineat ce genre, quf3 'réduit:
éhfia au s^mbolisnie.
Après avoir dit que; h romance , dont le gol^t étoit devenu général eh
Espagne, rendit la poésie des Espagnols romantique, indigène, popu-
laire, nationale, M. Heiberg observe qu'oidinairemeni chaque diame
ite'Calderon contient au moins une romance qui est au commencement
du drame, après fa piotase, ou au milieu da dnme. Il a|q)ell&
cette romance initiale, et il pense que cette forme, qui décèle Ton-
gine du drame espagnol, lie le drame t la romance, le constitue popiï>
hure, «t On doit, ditil ingénument, pardonner -Tennni que -cause par-
» fois cette romance à un lecteur qui n'est pas Espagnol; Si la romance
» initiale étoit placée avant la protase, elle offiîroit tme grande
JUILLET 1819^ 437
^ h littérature espagnole, on est surpris du phénomène» on croit entrer
» dans un nionde nouveau : quoique la division en trois journées ne soit
» pas très-importante , il est vrai cependant qu'elle répond à la protase ,
y» à l'épitase et à la catastrophe. )> Il a senti que Ton pouvoit opposer
que la coupe des pièces en cinq actes permet des développemens utiles ,
gradués, qu'exclut Je resserrement en trois, et il a cru prévenir Tobjec-
tion en rapportant Fopinion de L. Tieckius» qui a pensé que la coupe
en trois actes est préférable , parce qu'elle contient la trinité cachée
avec art (i). Après cette raison bizarre et inconvenante, il ajoute plus
judicieusement que, les drames espagnols offranjt beaucoup (Tincidens,
de vicissitudes, d'événemens, il importe de sépaner, le moins fréquem-
ipent qu'il est possible, par les actes, le plaisir qu*excite la progression
rapide et continue de l'intérêt.
Dans le chapitre m , M. Heiberg traite de la versification de Calâe-
ron:.je ne m'arrêterai point sur ce qu'il dit à ce sujet, parce qu'il
Ji'indique pas assez nettement ce que Calderon peut avoir inventé ou
perfectionné; mais j'invite les personnes qui s'occupent spécialement
de la littérature espagnole à lire ce chapitre avec attention: seulement
je contesterai à l'auteur la conséquence qu'il tire des rapports des formes
poétiques de plusieurs passages des pièces de Calderon avec les formes
poétiques de la romance, pour en conclure que ces pièces sont ro-
mantiques ; c'est le même abus de mots que j'ai déjà eu occasion de
faire remarquer.
J'aurois kfiâre de semblables observations sur le chi^itre ly, qui
traite de Yessen^e lyrique liu drame ; et je passe à la manière dont
M. Heiberg prétend justifier le style romantique de Calderon :
<c Cette variété dans les formes de la poésie et de la versification
» fournit au poète la facilité de prendre tous les tons ; Calderon n'é-
» pargneni l'or , ni l'argent, ni. le soleil , ni la lune; le ciel même est
Ȉ sa disposition; la foudre, les nuages, l'aurore, les perles, les dia-
3» mans, les fçntaines, la rosée, les fleurs, les oiseaux, les étoiles, il
yy rassemble , il confond toute fa nature : chez lui un jardin est une mer
» de fleurs, et la mer un jardin d*écumes ; les fleurs deviennent les étoiles
» de la terre, et les étoiles sont les fleurs du ciel. Sans doute, continue
»M. Heiberg, il se trouvera des personnes qui condamneront tout ce
» luxe poétique , et qui le relégueront parmi les ampullas et sesquipe^
yy dalia verta ;m2ds ce seroit injustement. La poésie a besoin d'un lan-
(i) Potîùsprœferenda est, quatenùs, utverbis utar Ludovici Tiechii, trinitatem
eomplectitur ariifiâoâè occuUam ( p> .1 4 )*
éjr-
JOURNAL ITES SAVANS,
»0ige peédqpie; phu die toodic kfidéti, phù f«zp*tnian d(A ^
wélever: . . . L'une, feiprit du (bagne ds Qddooa sost riJofcBm» et
Mlicéieitea,.qiia, nk»orDenMasext£iieiii»oiîoi«itMM».ffM«uim|,
irfepoèaianeKiDhpIaieiihimiânlé.» y -;^-
fii piiriiii rtt [■ iTiwrhiii rfm [lî^rii rfa riliîiwnn. til Tfrïïinfi'ilÉinn
que le nceod est implîqiié me beniç^up fut; ce %M a 4iê««'dB 'mxl
mmièrei : i.* pir det mojreni Miiitiiifa, tels- qn* llBtérwnliiM de*'
pcnooiugts oéicins, ott le* nniMKriii qu'i^ftenrl^ ezpfcfts et le»'
■cddeiu de b chenterie; a/ parilfiïaujens n)mifdB;'teb que Hit-
trigHrdHpenondBga,lecoun «tUnituiedH ériioemeM; et itwjoau
ivec niienque les penonnes qui ne oonnoisseu pu ce gesrc de mérite
de Calderon, ne peuwt m fi^imer itiâine idtfe défircqui fègnt-duu
ses pièces.
Phrini les pMoes de caractère , il dte partiadièrement .
Là. Dbvocioh de la cruz> /a Di¥§tim.4k. tMtmx, énme rbli-
OtBUZ;
Lk Vida, es svehq , fa Vif esr » nngr', Anne isArAniTSiQVS ;
PAAA VKNCHR A AHOR,'OUSRERTENCERLE|.^MrrMM«»vr«jmicr,
ilfata tkaihêr i it yamcrr, (frarae pstcologique ;
AxOftv HONOR T PoDXR , Amow, Httmtur tt Pouttir ; drame
MORAL.
J« doute qae cet «rfawificilioofr systématiques prejieséet par M. Hef-
berg soient approuvées par les littérateurs, et que» si efiies fétoient» tl
ets. résRltir sacon avantage JMiir ràrt dramatique. Je ferai juger de
l^zdtatiDn avec laquelle il |oge son auteur, en- traduisant ce passage :
« La pièce intitulée DevoGion dE -la crue est, «ans aucun doute,
» dé ce petit nombre des drames ks plus parfaits qui aient jamais été
» écriu par un auteur. Ce drame est si élevé, si sublime, qufil paroît'
' JUILLET 1819. 4ji>
qulisi ils ont toujours une grande force morale, «f II n*ést sorte de
»> frs^chise, de loyauté, de puretér, que le poète ne leur prête libéra^
» leinent. Uaniant de Çalderon est toujours guidé par deux sentimens,
?• J'Wmour et l'honneur; e( souvent U s'y joint celui dç la fbi chrétienne.
» N'exécuter rien , oe former aucun projet qui puisse inéme le plus iàdî-
M reclement nuire à l'honneur » à la réputation de sa maîtresse» est un
a» principe inviolable. L'amant est assez heureux > quand il se croit aimé.
» La moindre jouissance est /pour lui le bonheur ; sa plus grande
» volupté» c'est un entretien nocturne avec sa belle : rien de plus
» innocent que ces colloques. L'imagination espagnole est si chaste ,
.y> que , bien que f amant parle en style oriental des cheveux, des yeux ,
» de la bouche, des dents, des mains de sa belle, il ne dit jamais rien
» des bras, des pieds, et, à plus forte raison, du cou ni du sein. 3p
M. Heiberg observe que cette chasteté de langage poétique, soit
•qu'elle ait été l'eâTet des mœurs des Goths, soit qu'elle provienne d'une
autre cause, est l'un des caractères qui rapprochent les pièces de Çalderon
de la poésie populaire, puisque ce caractère se trouve dans les anciennes
romances.
L'honneur est si pur chez le noble Castillan, que la moindre
tache ne peut être assez tôt lavée par le sang. c< Dans les anciennes
3> romances et dans les récits romanesques de la chevalerie, ce qui
>» constitue le chevalier parfait, c'est, i.'' Fentière persuasion de la
33 nature divine du Rédempteur et l'excellence de la religion chrétienne ;
» 2.^ l'honneur sans tache; 3*"' l'amour qui joint le respect à Tentlipu-
>3 siasme ; 4*'' la force pour soutenir ces sentimens : il est évident que
3» le héros de Çalderon est celui de la chevalerie» celui de la poésie
3> nationale» »
De ces diverses observations et de quelques autres qui n'ajouteroiat
rien de plus à la conviction des lecteurs, M. Heiberg conclut que le
drame de Çalderon est le drame espagnol national ; ce qui permettroit
4e le considérer, comme romantique, parce que la romance constitue la
poésie nationale espagnole : mais il ajoute que ce poète of&e un caractère
romantique plus spécial^ en ce que ses drames sont symboliques. II
dit à ce sujet :
« Les Grecs ayant séparé le genre tragique et le genre comique ,
» l'un excluoit l'autre. Le genre romantique les admet .ensemble , les
» confond. D'abord on a donné le nom de tragj-comédie k un
Manulgame qui par lui-même n'^est pas un genre; le drame de
>»Calderoa» quoique nommé COMÉDIE, est aussi peu comédie que
» tragédie , et bien moins tragi-comédie. Ce poète a un but
44o JOURNAL DÈS SAVANS,
» plus nobîe que celui cfexciter le rire, b terreur ou b pitié. S Tart
«romantique éit <fauMnt plus pti^it qu'il est plus symbolique, et
» (Fautant plus pur qu'il emprunte raoins aux anciens , le drame de
» Caldnvn est le romantique îe plus parftit et le plus pur , parce qu'il
» n'est ni tragique, ni comique» ni tragicomiquei maisST]aouQUE.>*
M. Heiberg explique sa pensée entière dans ce passage, oli îf-fiarla
des suiets choisis par Calderon : « Ce poite en a inventé plasienrs ; il
» a tiré les' autres, soit de b mythologie, soit des fables du moyen ige,
M soit des vies des Saints, ou de l!hîstoire; mais b manière dont il
» les traite les lui rend entièrement propres. Dans les pièces histo-
nriques, il s'en faut de beaucoup qu'il conserve les caractères tels
n qu'ils sont dans l'histoire ; il n'envisage ses sujets qu% travers les
» préjugés politiques ou religieux de sa nation, et il n'est vraiment
M romantique que dans les pièces où. libre de toute entrave, s'aban-
» donnant i son génie, il représente la nature symbolique , et traite
w non l'histoire pure , mais l'idée humaine. >•
Les autres pièces du théâtre espagnol , mémecelles de Lopez de Vega,
n'ofirent point à M. Heiberg de caractère romantique ni symbolique;
aucun poète des autres nations ne peut lui être comparé sous «rapport.
Je me borne k citer cet arrétque M. Heiberg prononce contre les poètes
allemands qui auroïent b prétention d'être romantiques :
M En Allemagne, dit-il, le drame national a été créé par Hans
«Sachs, et il a fini avec lui. Cet auteur écrivit beaucoup de pièces, dont
«plusieurs sont véritablement romantiques, parce qu'elles sont sym-
wboliques; mais, n'ayant pas trouvé d'imitateurs, l'Allemagne n'a
» point de poésie dramatique nationale ni romantique. »
Croyant rendre plus sensible ce qu'il dit du voile symbolique k
travers lequel le poète doit montrer son sujet , Tauteur termine ainsi sa
dissertation :
1 "
JUILLET 1819. Ut
des traits ingénieux 9 des jugemens instructifs , dont on peut profiter ,
soit pour se faire une idée de la littérature dramatique espagnole en
général y soit pour apprécier Calderon de la Barca en particulier. L'autre
partie est systématique ; c'est celle où i auteur croit prouver l'existence
du symbolisme dans la littérature dramatique espagnole, et sur-tout dans
les pièces de Calderon. Cette partie ne m'a paru qu'un écart d'imagina-
tion , et dans son principe , et même dans l'application de ce principe
erroné aux ouvrages de Calderon.
RAYNOUARD.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
L'Académie française a tenu, le 17 juin, une séance publique pour la ré-
ception de M. Lemontey. On y a entendu le discours du récipiendaire, la
réponse de M. Campenon, qui présidoit cette assemblée^ et des stances sur la
vieillesse^ composées par feu M. Morellct.
M. Mongez a lu, à l'académie des belles-lettres, des Mémoires sur les trois
plus grands camées antiques qui soient connus: celui du Cabinet du Roi,
appelé Camée de la Sainte- Chapelle ; celui du cabinet de Vienne, numéroté i
dans le Recueil des pierres gravées de ce cabinet, par Eckhel; celui que Cuper
publia en 1683, sans indiquer la collection dont il faisoit partie. Cet trois
camées seront gravés dans i Iconographie romaine, La manière défectueuse dbnt
ils ont été dessinés jusqu'à ce jour, a rendu impossibles les véritaiblei explica-
tions. M. Mongez divise en trois scènes le camée de la Sainte-Chapelle : la
scène supérieure est l'apothéose d'Auguste; l'intermédiaire, le sacerdoce de ce
prince déifié, exercé par sa famille; nnférieure présente des captife orientaux
Cl occidentaux. Jules-César, voilé comme Saturne, le père des dieux , est placé
au
cet
enfin l'Univers personnifié, portant le costume oriental^ présente à Auguste le
globe, symbole du gouvernement. Tibère et sa mère Livie occupent le milieu
de la seconde scène; ils sont couronnés de laurier, comme prêtres d'Auguste.
Devant eux Germanicus, embrassé par son épouse Agrippîne, leur raconte
comment il a apaisé la révolte des légions de Germanie; auprès de lui est soa
fils Caligula, et plus loin Clio, muse de l'histoire. Derrière Tibère, est debout
son fib, Dnisus le jeune, dans l'attitude où il harangua les légions révoltées
dans la Pannonie; Poihymnie, muse de l'éloquence, que son geste fak recop-
nohre; et l'Arménie vaincue , maïs non captive. Presque tous ces personnages
étoient prêtres d'Auguste. L'mMeor a appuyé de preuves son opinion sm toutes
les parties de rexpUcatîon.
Kkfc
44a JOURNAL DES SAVANS,
Le second camée , volé chez des rciigîeuseï de Poxsiy pendant les guerres civiles
du xvi.'siécKe, est mieux dessiné que le premier; mais il a un tiers de moins
de hauteur. II ne présente que deux scènes, Tinférieurey composée aussi de
captifs, et la supérieure. Dans celle-ci parott Auguste déifié , portant le lituus
tt tenant le sceptre, comme Jupiter, dont l'aîgle est i ses pieds. Le capncorne,
placé an-dessus de sa tête, le tait reconnoftrt'. II est assis k côté de la déesse
Rome. Derrière eux sont la Terre, qui, conjointement avec Neptune, couronna
Auguste , et i'ahonclan c accompagnée de deux en fans. Devant Auguste et
Home, Tibère descend d'un char de iriomphe dont la Victoire condoît les
chevaux : c'est ainsi qu'il en descendt pour se jeter aux genoux de son pnei
avant de monter au Cnpitole, lorsque, l'an 12, il triompha des Pannoniens;
t'iomphe qui a voit été retardé de deux ans. A ses côtés marche Germanicui
en costume militaire, parce qu'il venoit de recevoir les ornemens triomphaux;
maïs il n'est pas à cheval, parce que c'étoit la première fois qu'Auguste les
lui accordoit.
La famille de Claude, c'est-à-dire, iui^ Messaline, son «pouse, Octavieet
Britannicus leurs enfans, sont placés dans un char traîné par deux centaures.
Ce troisième camée est plus large que les deux autres, mab H est moins haut,
et il n'a qu'une scène. 11 appartenoit, en 1808, à celui qui étoit a la tête du
gouvernement de la Hollande. Le dessin en est médiocre : on cniiioit que (a
composition auroit été tracée à Rome, et gravée dans la Grande-Bretagne ^
par l'ordre des prêtres desservant le temple de Claude, dont Tacite dit [Ann.
XIV , ^t] , DeUctique sacerdous , speae religtonis , Ofnnesfirtunat effundebanu
Quant aux centaures qui traînent le char, cette composition extraordinaire n'est
pas insolite : on voit sur une médaille de grand bronze Domîtien debout
dans un char traîné par deux de ces monstres bi formes ( Mus. Pis,pag. Xo).
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Œuvres comylètr^ de M.'"' h hnonnt de Siaèl, contenant un grand notnbfie
de morceaux in.- iits et des ;i(l(.!itinns importantes faites par l'auTeur à
quelqms-nns des r. «vraies qui ont paru de son vivant; édition puUtre par
\ç^ ^oins de M. le baron de Staël, son fils ; précédée d'une notice sur les
écrits et le caractère de M.**^ de Staël, par JV1.««^ Necker de Sanicure» ex
ornée d'un b.au portrait de Al.*"' de ^>taël, d'après Gérard. 18 volumes //i-iîf/^
qui parohront par livraisons de deux, trois ou quatre volumes, suivant fa
division des matières, à trois mois d'intervalle. La première livraison sera
publiée le i/' septembre J^iç, à Paris, chez 1 retittel et Wûrtx, libraires,
rue de Bourbrn, p.'* 17, et même maison de commerce, à Strasbo«rg,r«e des
Serruriers; à I ondre^ 30 Soho-Square. «cEln publiant l'ouvrage postfaume de
» M.*"' de Staël sur les principaux événemens de la révolution française, M. de
'>Srarî avo't pris l'engagement de donner au public une édition complète des
>><&.uvres de sa mère et de celles de M. Necker. Ces deux coUectîons «enî
» s'imprimer avec tous les soin* que mérite une semblable entreprise. On a cni
«devoir commencer par les <Ruvres de M.*"' de Staël: celles de M. Necker
«suivront de près et formeront le sujet d'un nouveau prospiOus. Les Ottvsagts
JUILLET 1819. Ui
■ de M.»" de Siaël qui «ni p«r« de son vivani, ait»i qoe son ouvrage poithurae
" sur la révolution irançaise, loni asïiz tonniis de toute l'Europe pour qu'il
- soit lupertfu d'en donner la liste el d'en retracer le mérite. Il sudira d'annoncer
»qiie l'édition complète que l'on prépare renfermera un grand nonibfc de
» morceaux inédits, et que d» addiiîous importantes faites par M.*"" de Siael
"elle-même à quelques-uns de ses ouvrages déjà publias leur donneront un
1» nouveau genre d'intérêt. Ainsi la réimproision de Delphine sera précédée de
» réflcKions sur le but moral de ce roman , et terminée par un nouveau dénoue-
Bmcnt qui éloit destiné à être Mibiiitaé à celui que l'on connoit déjà. Mvi
» écrits poliiiques inédits, oh publiés sans nom d'auteur, trouveront leur place
"dans là collection. Enfin les derniers voîumes se composeront de morceau»
" entièrement nouveau» pour le public ; cotre autres , de divers essais drama-
" tiques en prose et en vers, et de plusieurs fragniens d'un ouvrage intitulé D'ik
m Années iI'tMiî , que M."" de Statl se proposoit de faire paroîtrcà U stjitc de
« ses Considérationi sar la révoiaiiDa française, et qui devoit former les ménioires
n de l'auteur sur l'époque la plus importante de sa vie. On placent en tête di;
ula collection nne notice sur fesécrJ» et le caractère de M."" de Siaël, par
"M.""' Neckcr de Saussure, sa plus proche parente et son amie |a plus in-
niinie.» La collection des (Euvres de M.™" la baronne de Staël formera il
volumes in-S.'j elle sera imprimée avec soin sur beau papier, et distribuée par
livraisons de deux , trois ou quatre volumes, suivant la division des maiiêrei,
à trois mois d'intervalle de l'une à l'autre. La première livraison sera publiée
le J." septembre 1B19. Le prix de chaque volume est fixé à 6 fr. pour Paris,
et à 7 fr. jo cent., franc de port, pour les départemens. ]l en seia tiré un
Elit nombre d'exemplaires sur papier vétin supertin , dont le prix sera double.
■% personnes qui souscriront pour la totalité des (Euvres a\ant le 1." sep-
tembre 1619, ne paieront les volumes qu'à raison de S fr- snf papier ordinaire,
et de 10 fr. sur papier vélin superfin, pris à Paris, I tr. 25 cent, de plus, franc
de port, pour les di-patemens. La seule condition aiiacliée à la somcriptîon
est de ^ayer d'avance les trois derniers volumes, et de Kiirrr, m payant, les
autres livraisons à mesure qu'elles parotironi. La souscription sera irrévocable-
ment fermée le )i août 1^19. On souscrit à Paris, chez Treuitel et Wuris,
me de Bourbon . n." 17: et même maison de commerce, à Strasbourg, rue
des Strriiriers, et à Londres, Jo Soho-Square. Ou peut aussi souscrire dans
toutes les bonnes librairie; de la France et de l'étfanger.
Discours prononcés dans ta séance publiqiit tenue piir l' A carfémie française,
pour la réception de M. Lemoniey, le 17 juin 1819. Paris, impritneri« tl
librairie de FirniiaDidot, 28 pages i/i-f.*
Ludovico XVllI , optaio Galliarnm Reg'i , augusto lirterarum patrono , perito
velerum Judici ; latini scriptores classici. Douze pages in-^,' C est un poème
latin de M. N. E. Le Maire, éditeur d'une collection nouvelle des auteurs
classiques latins, C"s auteurs, conduits en France par Jules-Cèsar, l'un d'eus,
3ui jadis a conquis et décrit les Gaules, adressent au Roi des féliciiaiions et
e» hommages. Voici quelques-uns des vers que M. Le JVl aire met dans la bouclw
iTlorace :
Tu wlhim nunquam lolvenJo foedere Icgum
Coniiiuii . civcitjuc iquali jure beilu)
Libertalc jubcs («cum communiier uti .-
Kkk 2
1
444
JOURNAL DES SAVANS,
Tu paci musiiijue favei, libi ciirmina curx;
Dilecios ribi Virgilium Ljiit>s<}ue poctu
Bcipicies oculis , Augusliu ut olicr, amicii :
Namiibi fa eriim, necegei interprète, npstrii
Iniellccluriu advcrtcre caniibus aurcs.
Allo()aor Augustumi aec me tua fjllit imago.
Ce poétne, de iSi vcn, c^t suivi de vingt notes en prose laiine.
Épîlre en vert à Rollin , ai^cien recteur de l'Univeriité, sur les avantages de
l'enieignement mutuel; sujet proposé par l'acadéniie française; par A. d'£gviUy.
Paris, imprimerie de Boucher, ckez Perin; in-S.' d'une feuille. Piin, 50cenl.
Le Vampire , nauveWc traduite de l'anglais de lord Byron ; par H, Faber.
Parii, impr, de Dupont fils, chez Chaumerot jeune; in-S.' de 4 feuilles.
De la littérature du midi de l'Europe; par S. C. L. Simonde Siimondi:
Mconde édiiion, revue et corrigée. Paris, imprimerie deCrapelct; chezTreultel
tt Wiirtz, 4 vol. in-8.' Prix, 24 fr.
Œ.uvres choisies de Saint-Réal ( Conjiiraiion de Venise , Coniurarion de»
GracqueiiAfiaircsdeMaiiusec de Sylla, Épicharis, Navigation des Romains);
précédées d'une notice sur l'auteur (par M; Ch. Malo), et suivies d'une table.
Paris, imprimerie de P. Didoi aine, chezL. Janet, in-8.' , 30 feuilles ei demie :
J tr. 50 cent.
Mémoires historiques , politiques tt littéraires , sur le royaume de JVapUs;j>n
M. le comte Orioff , sénateur de l'empire de Kussie : ouvrage orné de deux
canes géographiques, publié, avec des notes et additions, par M. AmauryDnval,
membre de I iostîmi. Paris, imprimerie de Pirniin Didot; chez Chasseriau et
Hécari, au dépôt bibliographique, rue de Choiseul, n.° 3 : i forts vol. in-8.*
Prix , 1 S fr.
Histoire de Jeanne d'Albrtt , reine de Navarre ; y^t M."* VauvUIiers. Paris,
imprim. de Richomme; chez S. Janet ei F. Guitel: 3 vol. //i-*." de 87 feuilles,
ornés d'un portrait dejranne d'Albret. — Nous rendrons compte de cet ouvrage
dans l'un de nos prochains cahiers.
Histoire if Angleterre , depuis l'invasion de Jules-César, jusqu'à la révolution
de 168 8, par David Hume, et depuis cette époque jusqu'à 1760, par S molle tt;
traduite de l'anglais ; nouvelle édition , revue, corrigée et précédée d'un Essai
sur la vie et les écrits de David Hume, par M. Campenon, de l'académie
française; seize volumes in-S.'f imprimés par P. Didot l'ainé, et publiés par
Janet et Cotclle. Première livraison, deux volumes in-S.' Cette première
livraison, dont la publication a été retardée à cause de la notice sur David
Hume, qui se trouve en lête de l'ouvrage, est actuellement en vente; la seconde,
composée des tomes 111 et IV, paroîtra le 1." juillet prochain, et les autres
successivement de deux mois en deux mois, sans interruption. Le prix de
chaque livraison , pour les souscripteurs, est de 1 1 fr. papier fin d'Auvergne, 12
"" ' * ' et 22 fr. papier vélin satiné. La souscription restera
Il prochain. Après ce terme , le prix de la livraison sera,
en papier fin , de lifr. ; même papier satiné, ij fr.; et en papier vélin, 24 *"■■•
Tahlrau de t' administration intérieure de lu Grande-Bretagne , par M. le baron
de Vinckie, et Exposé de son système tle toiitribuiions , par M. Raumer;
fr. même papier saiii
ouverte jusqu'au I.*' i
JUILLET 1819. 44s
traduit de rallcmand. Paris» impr. d'Égron^ librairie de Gide; in-g,*, 17
leuillës et demie : j fr.
,Tr»is RèggiiM dt l'histoire .d^Angletem, précédés d'un Précis sur la mo-
narchie depuis la conquête, et s«lvis d*un Tableau abrégé de la constitution et
de l'administration anglaises;^, par Martial Sauquaire- Souligné. Paris, impr. dé
Faiïi , chez Brissot-Thivars; 2 vol. în-S," Prix, lo fr.
Exvlicatiun.de la date égyptienne d'une inscription grecque tracée sur le colosse
de Atemnon à Thèbes d'Eg^te ; par M. Champollion-Figeac. Paris, imprimerie
et librairie de Le Normant; in -S." de 48 pages, plus une planche.
Constitutions de la nation française y avec un Essai de traité historique et poli-
tique sur la charte, et un recueil de pièces corrélatives; par M. le comte Lan-
juinais, pair, de France et membre de l'institut. Tome II ( le 1." a été pubKé, il
y a quelques mois ). Paris , impr. et libr. de Baudouin, in-S.' de 36 feuilles : te
prix c{es deux volumes est de 1 4 fr»
Science du publiciste^ ou Traité des principes élémentaires du droit, considéré
dans ses principales divisions : ouvrage à 1 usage de tous les peuples et.de jtous
les temps; par M. Âlb. Fritot, avocat. Paris, impr. de Feugueray ; chez Arthus
Bertrand, in-S.* de 116 pages (cç n'est que la préface de Touvrage, dont le
premier volume paroitra incessamment ). Le prix de chaque volume sera de
5 fr, pour les souscripteurs, et de 6 fr. pour les non-souscripteurs.
Delà Répartition de la Contribution foncière ; par M. Sabatier , ancien admi-
nistrateur du département de la Seine. Paris, impr. de GueflSer, //i-^/ de 9
feuilles. Prix , 3 fr.
Observations sur un moyen donné par la loi, de réduire les impositions ; par
Armand Séguin, correspondant de i académie royale des sciences. Paris, impr.
de Gueffier, ciiez Delaunay , in- 8.'* de 36 pages.
Observations sur les comptes par exercice et sur les comptes de gestion; par Armand
Séguin. Paris ^ impr. de Guemer, chez Delaunay , i.^-^/ de 12 pages.
Essais sur la théorie des atmosphères, &C/ par feu le P. Lefranc, continués
et publiés par M. l'abbé Lefranc, et précédés d'une notice sur le Père Lefranc;
par un de ses élèves. Paris, impr, de Boucher: chez M.^* Courcier, in-S,* de
304 pages. Prix , 4 fr. et 5 fr. par la poste.
Nouveau Système de minéralogie , par J. J. Berzelius, membre de l'académie
des sciences de Stockholm; traduit du suédois sous les yeux de l'auteur. Paris,
impr. de Ceilot ; chez Méquignon-Marvis, /n-^.' de 20 feuilles. Prix, 4 fr.
Essai sur la théorie des proportions chimiques , et sur l'influence chimique de
l'électricité , par J. J. Berzelius; traduit du suédois sous les yeux de l'auteur,
et publié par lui-même. Paris, impr. de Ceilot ; chez Méquignon-Marvis, in- 8.*
de 16 feuilles 5 sixièmes. Prix, 4 fr.
Catalogue des Bolides et des Aérolithes observés à la Chine et dans les pays
voisins , tiré des ouvrages chinois ; par M. Abel-Rémusat. Paris , veuve Courcier,
1819, /Vi-^.* de 20 pages. Ce catalogue a été annoncé dans un article sur les
Aérolithes de la Chine , inséré dans notre numéro d'avril dernier. Il contierit
cent vingt-sept observations -d'aérolithes et de bolides détonans, faites depuis
r^n 687 avant J. C. jusqu'à nos jours, en Chine, au Japoii, en Corée et en
Tartarie.
as
JOURf^AL DtS SAVANS.
T^èixidiUitfuptdfiHh.iSa hrtén trait du menMiïier W bJlimem ; mivrsge
dans U-quel on ironve les plos simplti méthodes pour dessiner ci Tracer \tt
ateliers. \et courbes pU tes e.i à double cotirbvre. Paris, imprimerie et Irbnintr
de Pirtnin Didot , rn-*.' de i8rLuiltei, plut jé planihcs.
AtfMitacfidiiéoti Javdinitr ; par Mordant lMauiiay,&c. Paris, chez Aodôt,
in-ii de iooq pages. Prix, ? fr.
Traité de la Géçmérrie dftcriptivr, par L. L. Vallée, Paris , intpr. « libr. de
M."" Courcier, in-f.'de 47 feuilles, awc un allas de 60 planches. Prit, 20 ft.
Manuel du TrigonomirrejieTViPi de guide aux jeunes ingénieurs; par ft. I e-
ffvre, ingénieur-vérificateur du cadastre. Paris, impr. A libr, de M,"* Coarder.
w-È.' de I i feuilles, plus 2 pUnchei.
HistltiTt dt la navigation hiérieint, ft tfarticuTf^remrnt ât ceHt d'Ang/errrrr^
jusqu'en iSoj; iraduite At l'ouvrage anglais de PhiR^ps. par M, J. Cordiçr,
ingénieur en chefdii pont* ei chausiées; lonie I." Paris, imprimerie et libr. de
Flrmin Didot, in-S." de jB feuilles et demie.
Da âfgré de cfrtinidr de la inêdedm ; par P. 3, C. Cabanis, 5.* édition ; pré-
cédée de l'éloge de M. Cabaniî, par M. le chevalier Kicherand. Parts, imprim.
de Crapetet ; chez Caille et RaTier, in-8y de 11 feuilles. Prix. 3 fr.
Ctiifrs de ihédtcint légale, thémique et pratique, suivi des lois d'exemption du
service militaire poQr cause d'infirmités, &c., par S. Selloc; iroisîénie éditiotf,
revue et augmentée. Paris, ioipt. de Crapelct ; cheï MéquirAOït t'atné, père,
i«.S/ de 16 feuille».
Essai de phannacologie considérie d'une mattUre générale dans Kt rapport*
avec Us sciences ph/sica^himi^ues ,- par C. P. Martin , pharmacien. Paria, impr,
de Mignerei; cnezCrevot,(n-#,°de la feuilles.
Elémensde thennométrie médicale., par M, Bressy, médecin. Pari», i«ipr. H*
Migneret; chez GaSoii , in-^' de 4 feuilles. Prix r fr. 50 cent.
De libroTum Paralipomenon auctoriiate aiquefide hisioriea D'isputatî» J^
Georg. Dahler, in semin. proiesc. Argentorai. theologix ac sacr» exegeieos
profcnor. Argentorati, 1819, in-S.'
ITALIE.
Dîsserta^ione deW abbaie M. A. Lanci , su i versi di Nembrotto e di Pluto
delta dJvina commedia di liante, Roma, tHig, in-S.'
Elementi di filoiofia , ifc; Eiemtns de philosophie pour let écoles , par Mel-
chîor Gîoja, &c. Milan, 2 vol, in-S.'
Osservaiioni sul clima, ^c; Observations sur le climat, le lerritoirt et Us
taux de la Ligurie maritime. Gènes, 1H12, 2 vd. in-b.'
Sulla impravisia sbaccatura , ifc. ; Aléinoire sur l'éruption subite d'un jet con'
sidérable d eau thermale, dans la petite colline aux bains d'Albano; par Salvaior
Mandruzzato. Ttévise, 181S, in*^.*
ANGLETERRE.
Xalila and Dimna ,ire. ; Kalila et Dhnn/t, ou U
de l'arabe par Wyndham Knatchbull. Londres, li
Prix, ti ih.
1 FiWfs de Bidpay, t«ntuif«
19, chrt Longman, in-tf.'
JUILLET 1819. — ï^r
The cfttmUte Worki i^c, ; ouvres compila dt miscrii Hgnnah Mçre;
^ nouvelle Mttîon. Londres, Qaiiell, 1S19, l'i vol. petit in-8.' , contenani des
poi-'iies diverses, des drames sacrés, (tes iracédies, des essais sur l'éducation
aciiiflie des flammes; des canies, essais et rénexions sur les mœurs ei la religiop
du grand monde; des essais pour former le caractijre d'une jeune personne;
Gelebs, ou l'homme qui veut choisir une épouse ; livres de pieté ei d^ inprale
«hréiienne, caractère de S. Paul,<Stc,
Travfis in various corintries of the Easc , more pariicuUrly Pctsia; fay srr
William Ouseley, Knighr,LL. D- &c. vol. J. London, 1819, iV+.*
Travds in various countries ofEurapa, Asia anJ Afrka, hy Edward Daniel
6lark« , LL. D. Part the tbird ; Scandinavia; tectiofi the dm. London,
j.l8iy, ;/!-.#.•
' Journal of a Rovtf across hdia, ihrough Egypt to England, in the latterénd
■^ tt\e ycar 1817 and ihe beginning of ililÔ; by lieutenant-colonel Fiix-
TClarence. London. rttiç.Jn-^.'
A .*iictcliù'c. j Tableau de l'h'isioîre modrme , depuis la chute de l'einpire
d'Occident, en 476, jusqu'à la fi u de 1818; traduit au Irançaîs de A. Picquot.
Londres, 18 19, Whiriater, ;/.-;2.
TheHistory of France , JXc. ; tiislb'ire civile , m'âiliùrt , fcclésîûs ligue, Hltê-
raire « cfiHunereinle de la fiiinçe ; psi A!);ï. Hanken , ipn>e» 1 à J V. Londres ,
1*1,1,8, fhÉfCadell, (■/>-.?.•
Aleinonah ^c. t Mémoirtt fur tri événtmens Us plus mtjtertant qui onr ru
lieu dans la Grande-Bretagne, depuis 1638 jusqu'en 1684; par Robert Law.
Ëdtn»bourf , illi^.CDnstable, un vol. in-^..' Prix, i Uv. st. 16 sh.
Facis and Obsenations ifc, ; Faits et Observations servant à former une noti-
vellf théorie de la irrre ; par ya/ ■ i^r>i^hi. Edimbourg, 1819, Constable, in-S.'
Prix , 9 sh.
An Arrangf'aent i!tç. y Cla$?ifmtion des vlantff />rit(innigi'.es , d'aprçs Jep
dejtiTères rectifications du système .de Linpc, avec une iniroductioji Tscile à
rptude de la botanique; par VC. Wilher.jng. Lwdtes, 1819, Rivingion,^ vol.
%uin-8.', avec planches. Pris, i liv. st. lish.
Observations iXc. ,• Observations sur la jurisprudence rénale ei iftr la réfomia-
tion des criminels; par W. Roscoe. Londres, 1819, CaueJI, in-f.' PrU, 9 sh.
ALLEMAGNE.
Ceschichie Ù'c. ; Histoire de la litiérato
L. Wachler, tome L" Francfort, Hermann ,
Anfangsgrii/id* der h/hraîsclun sprache, zuni G-efarauclie bei Voriçsungen
vnn J. iVlfichior Harf mann ; zweiie a^^age- Marb.ourg, i4ti9 ia-C
naiipnale allemande ,■ par
-S.' Prij.za.
id:
Drawatiscfie Werke lù'c. j tEuvres dramatiques de M. L.de Hatigo, lome 1."
Beilin, 1818, DiJmmler, i/i-S.' Prix, 1 rid. 4 gf.
Feise nath Pemen , <ifc.; Voyage en Perse, fait avec fambassade russe en
<fl.i7; par M. de Kouebue. \Ceimar, gr. in-8.' , avec 9 planches. Ptî«, 3 ryd.
44«
JOURNAL DES SAVANS.
ir J. Neumann; lomc I,"
^^hr huçh der Pfiysih , ifc. ; Elétntm de Physique
Vienne, Gerod,;/.-^,- de î^opag. Prix, j H. jo kr.
Unurricht iXc. ; Traité dt chimie H de physhpie ttchnhuii , à l'usage de l'éco-
nomie domeitîque, des fabriques ei des niaoutâciures. Prague, iëi8, Vicde-
mann,4 vol. In-S."
De Philotoplûœ iiovte Plaioniœ origine, aiici. J. Fkhie. Berlin, MaareT»
gr.i/i-#.'Priï, logr.
Die Welt <iXc.j le Afonde contidéré comme volçnté et itfpariiion, en 4 livres;
par Schopi-nhauer. Li-rpsic, ibi8, lirockhaus.gr. in-.''','- l'i , q rxd.
Aphorismen i^c; Aphorismes sut la réunion dts deux kj^liset évangéliquei de
l'Allemagne, par G. Breischneider. Goiha, Pirihes, gr, m-^.-.- i r«d.
Syntsius, Ù'c; Synésius, ou Essai hiitorique ei philosophi .ue sur (e catholi-
cisme et le proiestaniisnie, et sur leurs rapports avec le gouvernement; par
C.Paahow. Lemgo. Aleyer, gr. in-S.': i rxd. Mgr.
Chriitentbum Ù'a Considérations ^c. sur le christianisme et les plus anciennes
religions de l'Orient; par J. A. L. Richter, Leip^ic , Voss , gr. in-S." ! a rxd, 8 gr.
Nota. On peut s'adresser à la librairiedeM M. Treuttele/ Wiîrtz, à Paris,
rue de Bourbon, n.'ij t à Strasbourg , rue des Serruriers; et à Londres, n.° ;o,
Sobo-SiiUiire , pour se procurer Us divers ouvrag-s unnoncés dans le Journal det
Savans. il faut affranchir les lettres et le prix présumé des ouvrages. •
TABLE.
Caramanie , au courte Description de la côte méridionale de l'Asie
mineure, iXc. {Article de M. LKlront\f:.) Pag. 187,
Anciennes poésies françaises. {Article de M. Kaynouard.) 398.
Tome troisième de l'Histoire de Li sculpture en Italie, par M. Ci-
cognara, { Troisième article de /W. Quatremêre de Quincy. ).. . . 4°î'
The Indo-Chinese Gleaner, containing extracis ofthe occasional cor-
respendence of those missionaries in the Easi, ifc. ( Article de M.
A bel- H cm usât. ) 413.
Précis d'une collection de médailles antiques, par L. Reynier; Descrip-
tions demédaillts antiques ,f;rtcques et romaines, par T. C. Mionnet,
( ArticU de M. Raoul-Rochcftif . ) 4».
C. M, Frerhnii, Rostoehiensis , de academiir imperialis seientiarum
Petropolitana: Museo numana Afuslemico, Prolusio prior , quà,
dam confiai accurata descriptio, ifc. ( Article de M. SilvcslTe de
Sacy.) 429-
Dissertation sur le genre de la poésie dramatique espagnole. { Article de
M. Raytiouard. ) 434-
Nouvelles littéraires - 44'-
FIN DE LA TABLE.
JOURNAL
DES SAVANS.
AOUT lOIi
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
l8lQ.
Le prix de l'aLonnenient an Journal des Savans est de j6 fianci par an,
ft de 40 fr. par la posie, hors de Pirii.'On s'abonne chez MM. Tnuttel rt
V^'ùrtx_, ^flParU, me de Bourbon , j».* rj; à Strushurg, rue dti Smurim, tlà
Londres, n.' jo Soho-Si^uart. 11 Ia«t affranchir Ifii leures et l'argent.
Tout ce (jui peut lOtiiCnier les annonces à insérer dans ce journal,
lettres , avis , mâiwires , livres nouvetiax . &c. doit être adressé ,
FRANC DE POBT, au bureau du Journal des Savnns, à Taris, me
de Ménil-montantin." 22.
l é^
JOURNAL
DES SAVANS.
AOÛT l8l
9-
Mission ffom Càpe-Coast-Castie to Ashantees , with a
stût'istiaiî accoiitu oj ihu kingdom , and geographical notices
oj otfier piuts ùj ihe interhr of Africa. — Mis.ùou envoyée , du
fort de Cape-Coiist , dans le pays des Ashaniées; avec une
description statisti/jue de ce royaume, et des notions géogra-
phiques sur l'intérieur de l'Afrique; pur T. Edouard Bowdich,
conducteur de la mission. Un volume grand in-^.' de j i 2
pages, avec figures. Londres, 1819.
PREMIER EXTRAIT.
l^A relation d'un nouveau voynge en Afrique, d'un voyage qiii a réussi,
ei-quj semble ouvrir une communication sûre et durable avec l'intérieur
de ce vaste continent, fusqu'ici fermé ;iiix Fiiropéens, ne peut man-
i
4j3 JOURNAL DES SAVANS,
quer d'exciter une vive curiosité : mus un intérêt d'un autre ordre vient
bientôt sabir la réflexion > quand, au lieu de ne voir, dan& l'isiue de cette
enireprife, -que le succès isolé d'un voyàgeurhasardeux, on considère
les niotïA politiques qui l'ont détennnléei et qu'on en découvre lea -
rapports avec le système général de colonisation et de cqinmerce suivi
aujourd'hui avec tant d'ardeur par l'Angleterre, système que Fétal actuel
de la population rend presque égalemebt nécessaire & toute rEurope i
jnaîs que* depuis long-temps, rAngfeterre seule a lu embrasser avec
persévérance, et qu'elle a pu étendre sans' Uinites comme suis obstacle»
à la faveur de la guerre maritime et )>endaat les orages du continent.
Nous avons pensé que quekples considérations préliminaires sur ce sujet,
•n disant mieux sentir le caractère marquant du voyage de M. Bovdich ,
pouEPoient ne pas paroîcrê superflues par elles-mêmes , sur-tout dans
notre pays , où le despoti-me militaire, et le malheureux état d'itole-
ment causé par la guerre , ont empêché pendant si long-temps la pro-
pagation d'un grand nombre d'idées et de vérité» utiles, qui sont devenues
générales et familières ailleurs.
La difiîculié d'acquérir une existence suffisamment heureuse dans
une société déjb Complètement arrangée, et l'espérance souvent trom-
peuse, mais toujours séduisante, d'obtenir une meilleure place dans un
monde nouveau, sont deux motifs qui, de tout temps, ont fait naître
le désir de l'étnigration et de la colonisation chez les nations déjà
nombreuses : mais l'état du commerce , des lumières , et sur-tout du gou-
vernement de la mère-patrie, ont dotmé à ce penchant naturel des
directions diverses et des résultats diflèrens. Lorsque les portions émî-
grantes de la population se sont séparées librement pour aller porter
l'agriculiure et les arts utiles dans un sol fertile , mats auparavant inculte ,
et qu'un gouvernement doux, ou même une indépendance complète,
lesbnt laissé jouir sans obstacle des avantagés de cette i
AOUT 1819. 4j3
ilans des pays déjà habités et cultivés , il y avoit , pour ceux qu^on y
traïuponoit , peu d'occasions , comme peu de penchant , à développer l'es-
prit d'économie et d'entreprise qui caractérise une colonie indépendante*
Sous ces divers rapports , elles paroissent avoir offert assez d'analogie
avec les étabiissemens modernes des Européens dans l'Inde ; de même
que les colonies carthaginoises , déterminées, moins par lexcès de la
population , que par le désir d'imposer des tributs et de s'approprier le
commerce^xclusif de certaines contrées, ne sont pas mal représentées
par les premières expéditions européeiuies sur les c6te$ d'Afrique et
dans le cominent américain* \.
Ces dernières expéditions, entreprises d'abord avec tant d'audace et
suivies depuis cinq siècles avec toute l'ardeur que la soif de for inspire,
ont été loin de réaliser les rêves brillans qu'elles avoient fait naître.
L'expérience a montré que les colonies qui fournissent l'or, l'argent et
les pierres précieuses , ne sont pas , à beaucoup près , les plus avantageuses
k la mère-patrie , dont elles ruinent lagriculture en attirant ses capitaux
et ses efïbrts vers le travail incertain des mines , en même temps qu'elles
gênent son commerce» ou même le rendent nul, par les entraves que ce
genre d'exploitation exige. Les colonies fondées sur la culture du sol
par des esclaves donnent des profits moins dangereux et plus durables;
car, lescfave produisant toujours plus qu'il ne consomme, l'exoédatic
devient le bénéfice assuré du maître. Mais, outre Timmoralité révoltante
de fonder ainsi les jouissances habituelles d'une portion du genre humais
sur la misère permanente d'une autre partie , ce système a encore contre
lui le désir immodéré des richesses ,' et des richesses rapides, qu'il excite
dans les âmes des colons ; car ce sentiment , les faisant toujours se regarder
comme passagers sur un sol qu'ils n'aspirent qu'à quitter pour rapporter
leur luxe en Europe , forme un obstacle insurmontable à ce que ce genre
de colonie puisse atteindre fétat permanent d'aisance et de bonheur
intérieur qui assureroit sa prospérité. L'exemple de l'Amérique anglaise
a désormais prouvé d'une manière assez frappante que le meilleur
système de colonisation est celui qui, offrant à la cukure uiv sol fertile,
inspire au colon le désir d'une aisance honorable, lui promet une
heureuse indépendance au milieu des terres qu'il aura lui-même
défrichées , f habitue ainsi par plaisir, autant que par nécessité, à une
vie simple» passée dans l'exercice de l'ordre, de Féconomie, des jouis-
sances domestiques , et l'attache à son nouveau séjour comme à une autre
patrie : et, pour que rien ne manquât à cette grande leçon donnée par
des événemens dont le souvenir est encore si proche, on a pu voir que
de pareils étabiissemens tienneat , l>ieo plus fortement qu'on ne seroit
iii JOURNAL DES SAVANS,
porté à le croire, à leur patrie "ancienne; qu'il làut toutes les iitcon-
séquences , toute la dureté du pouvoir arbitraire , pour les déterminer à
l'en séparer; et qu'enfin, lorsqu'ils s'en séparent, l'accruissement rapide
de richesses que l'indépendance leur procure, produit, dan» l'augmen-
tation des relations commerciales, un ample dédommagement h h
métropole, %-ers laqudle leurs habitudes, et Tavantage plus grand pour
eux dans la culture du sol que dans Findustrie manufacturière , les attirent
encore long-temps. Avant fa rupture de 1783, les colonies anglaises en
Amérique tiroient d'Angleterre, dans les araiéei les plus âvorables,
pour environ trois millions sterling d'objets manufacturés. Lorsqu'elles se
séparèrent, on crut, en Angleterre même , que l'époque de ce florissant
commerce étoit finie : néanmoins, trente ans après, vers 1813, Pex-
poriation annuelle s'étoit accrue jusqu'à onze et douze millions, et Ton
s'attendott îi la voir s'élever au moins jusqu'h quinze, c'est-à-dire, à
devenir quintuple de ce qu'elle étoit avant réjHique de l'indépendance.
Ce système de colonisation , le seul conforme aux règlfs de la morale
et de la justice , paraît être aussi celui qui convient le mieux aux besoins
acmels des vieilles sociétés eiiropéenues. L'accroissement de la pbpu-
ijiion, manifesté parla pauvreté, le malaise et l'agitation des peuples,
semble demander qu'on leur ouvre de nouveaux moyens de se procurer
les nécessités de la vie, et même, jusqu'à un certain point,- les
jouissances auxquelles ils se sont accoutumés. L'extension de l'industrie
et du commerce intérieur ne peut fournir, pour de si grands besoins,
que des ressources d'une instabilité dangereuse, ou même aujourd'hui
tout-à-fait idéales, s'il est vrai, comme le pensent des négocions et des
manufacturiers du premier ordre , que la production manufacturière de
l'Europe soit en ce moment supérieure non-seulement à sa consom-
mation propre , mais à celles de tous les marchés qui lui sont ouverts. On
AOUTn 1819. 455
naître dm elle pendant la guerre , et qui , après aVôir été alors alimentée
par une excessive consommation du capital national , ne trouve plus au-'
jourd'bui assez de travail dans ies besoins bornés de l'état de paix. C'est
pour cela» autant que pour satis^ire à son ambition, qu'elle se pi^ssef
de s'établir sur lés rochers de toutes les mefs et sur les terres encore
libres de tous ïe$ continens. Attentive à la nécessité qui s'avance , comme
un pilote habile présage la tempête, elle multiplie toutes les ressources
qui peuvent l'aider à la combattre; elle garde pour Ta venir les contrées
qui peuvent encore servir à la culture; et quand» par la force de la
ufbturé ou des événemens» elle ne peut» ou n^ose pas^ être agricofei
elle est conquérante. C'est ainsi que nous la voyons en même temps
pousser %çs établissemens dans rintérieur de l'Afrique par le cap dé
Boiine-Ëspérance » dont le climat salubre et tempéré lui réserve des
champs fertiles qu'elle ne veut pas cultiver encore (i)» tandis que
les années étendent dans Flnde un empire dont les dépenses annuelles
excèdent pour elle les révenus : c'est que, sans avoir les avantages mo*
raux des colonies agricoles et fixées» sans avoir aussi Tattrait que de
semblables colonies présentent comme nouvelle patrie, Flnde est ce-
pendant encore un moyen puissant d'exportation et de travail pouf
une ]x>rtion considérable de la population anglaise» qui trouve à s'y
employer activement et utilement dans les armes» la marine» Fadminis-
tration, le commerce; moyen d'autant meilleur qu'iJ s'étend à toutes
Its classes de fa société, dont il ne dégrade point le caractère indi-
viduel» et que»' sur un si grand nombre d'émigrans, il ne permet le
retour dans la terre patale qu'à ceux dont la fortune e:>t ordinaireiVient
le fruit de la bonne conduite et du talent. Il est vrai que ces avantages
attachés à l'empire de Fliide ne peinent se conserver qu'à Faide d'ûil
système continuel d'envahissement et de conquête; qu'étant établis par
domination sur Une population immense» il faut sans cesse combattre
aux frontières de Feinpire pour maintenir la paix dans I intérieur, dé
sorte que la politique et les armes y sont les deux seuls soutiens dii
pouvoir : n^ais ce sont là des inconvéniens inévitablement attachés à un
système d'établissement purement commercial- et militaire; et Ion est
encore heureux de reconnohre que, malgré les dures ^conséquences qu'un
ï
(i) An moment où nous imprimons cctarticle,r>ous voyons, parles journaux,
ue le gouvernement ««nglais vient de se déterminer à user de cette ressource.
<e parlen^enc a. accordé une somme destinée à donner aux cia.'%ses(|>auvre.s» que
le besoin pousse à l'cmTgraiion , de modiques secours pour favoriser leur trans7
port dans l'Afrfque australe, sans toutefois leur offrir des avantages suffisans
pour leur inspirer trop d'intérêt-i quitter la mére-patrie.
4f6 ' JOURNALIERS SAVANS.
tdtyttiniecntntMnécesiùicmempqar U popiUatioa jnfgèiw* féiat
de cette populitton, •«tu.le|^Tenieraentaemel de nods, «u moiiu
VD^fiieQrauK qu'iliif'éloît.jKiii Im ëeq>oics-iDUHan«s, 'wM-Jorct un»
qjyiSui^iiyBi'iiiyfaaîHitffwnrinwFihnii'n^^
; Xù jn^|BCiipni|B^pe9,qBf».niX JOHC^gOttKÉBtMMnt. ai^Iiâsi<w<
jonoi IVtt tfîiqpgrtadce |i ije> pOM^inoi^ u ébtgiiéei, oau dA-flibvrf^
iHf^ tetunfv iei ;<niei ven k pCMtbifiié^^itabliAeaMH qdtWK^Mm
iMCfi 1^ jABtigeiqc^.lenr prnàmité; Tdi' tout «ns que fion {«cm
^vmer (Uuc h partife «istnle de TAfiicpe^ sou le rappoA de Tagli-
pilbire, et Hir ses côtej occideDlifeti pour.Ie bommcfce/' Autsi qn*
de tentativM diversei.que d^effotuititiiéà lesAnglii» n'oiit-ijsimâitt
pour lier àts relations polîtiquei et commerddes avec ce itite conttnentl
Tandis que leur gouvernement, mettant à profit ratuidonbii ta guerre
avoit laissé letétablissemensdes autres pubunces de l'Europe , sVflYwçoïC
d'affermir et (Teindre les yidis sur Ies-c6tes ocddeatéiei, une-issoolation
de penonnes riches et éilairiées. entreprit «e^qiw.ron pouvoit an^kr la
déoHiTene de nnttêrieur de l'Afrique, en y. 6{tknt péaéùtri devers
c6tés, des vopgeurs instruits et hardis,, cfaargés tf examiner la nature da
pays, la situation ,et la force des peuples qui l'habitent, d'étudier leurs
moeurs , leur industrie , leur commerce , et de recueHItr tontes les notions
qui pouvoicat intéresser. la géographie, l'histoire , ou servir de base
aux spéculations.cominerciales. A cette époque ( i78S-t,bCafi«rie avoit
déjà été visitée par Sparmann» Paterson*. et suimoat ftar Le Vaillant,
qui en avoit décrit f-éut politique, les moeurs, -e^ qui, «'avançant avec
autant de hardiesse que de bonheur dans cet contins sauvages, y avoit
découvert des peuples dont le ndA même étott., avant lui, inconnu aux
L'Egypte, la Nubicj FAbyssinle, depuis plu;
AOUT 1819. ii?
autre côté Lucas , autre voyageur qui » ayant réskié long-temps à la cour
de Maroc, connoissoit parfaitement les manières et le langage det
Arabes. Lucas devoit aJler de Tripoli au Fezzan par le désert et revenir
par la. Gambie ou la côte de Guinée; mais il ne put aller plus loin que
de Tripoli à Mesurate. Deux ans après, en 1790, l'association envoya
le major Houghton pour pénétrer par la rivière de Gambie et traverser
le pays de Test à Touest. Houghton remonta en effet cette rivière jusqu'à*
une grande distance de son embouchure; mais» après avoir essuyé mille
traitemens barbares de la part de ces peuples sauvages, il mourut
misérablement. Le sort qu'il avoît éprouvé , n'empêcha pas le célébra
Mungo-Park de tenter la même entreprise : ce qull éprouva de dangers»
de malheurs et de misère, ne peut se concevoir que lorsqu'on a lu sa
narration ; ïmIs^ piu$ fortuné que son prédécesseur, il échappa, et rapporta
ainsi en Europe les premières notions authentiques sur l'intérieur du
continent africain. Mungo-Park s'étoit avancé jusqull près de quatre
cents lieues de la côte ; il avoit pénétré jusqu'au grand fleuve du Niger ,
dont il avoit trouvé le cours dirigé de Foyest à l'est : il avoit découvert
plusieurs des villes puissantes qui bordent les rives de cet autre Nil. La
perfidie soupçonneuse des Maures ne lui permit pas de s'avancer jusqu'à
Tombuctoo, de toutes ces villes la plus, célèbre, et qu'il auroit tant
souhaité d'atteindre. Contraint de revenir, il suivit à son retour le cours
de ce Niger qu'il avoit le premier reconnu; il chercha à recueillir des
renseignemeijs sur la position de sa source, de celle de la rivière du
Sénégal, et revint enfin aux établissemens anglais lorsqu'on n'espéroit
plus le revoir: mais, ce qui peut donner une idée de son incroyable
courage, tant de souffifances favoient si peu abattu^ qu'il résolut de
tenter une seconde fois ce périlleux voyage; il partit, mais ne revint
plus. M. Bowdich paroît avoir recueilli des renseignemena qui rendent
sa mon trop certaine. Suivant ces rapports, Mungo-Parik s'étoit avancé
sur le Niger jusqu'à la séparation de ce fleuve en deux branches , dont
Tune, coulant au nord-ouest, va passer près de Tombuctoo ; il avoit
même dépassé cet embranchement, et continué sa route en suivant tou*
jours la branche principale , qui dès*lors se dirige vers le sud-est: mais,
arrivé près de Boussa, le vaisseau qui le portoit s'avança vers des écueils
cachés; en vain des naturels, qui avoient vendu précédemment des
vivres au voyageur anglais, essayèrent de se précipiter après lui pour
Farrêter; le vaisseau toucha.^ L'infortuné Mungo-Park essaya de se
sauver à la nage; mais le courant l'entraîna avec une force irrésis-
tible, et il fut englouti dans les flots. II est malheureusement Bien
difficile de douter de la réalité de ce désastre^ raconté à VL Bowdidi
Mmm
4jl
JOURNAL DES SÀVANS,
pir des Maures qui se doitnotent pour en noir été les témoins ocUbire).
Tandis que Mungo-Parfc se défvoooit avec tant de courige ponr
Rconnotire la panie occidentale de rAfriqbe,«n simple parûcufier»
XL'IT.-Brôwnè, excité par- la curiosité et parle goût des ■loiiuiei.f
Attréprenoh seul » avec ses prbpres reasOBrces > de traversa- ce coiàtitKii^
dt feit i. Tûaett. Para d^Aîèzandiie le «4 iîvrier 1792* il'-jJénéti^
Jtutiu% Stwah; que Ton croit être fuidenne Oaûs d*Ammoii, et f
tecMïtat des minet que Ton a supposées éire cjsDek dti téinfile dé
JilpiMi*: ÀUBS Im obstacles que faû opposoient paMout les Arabes, et des
Maniftes -crûmes, causées par le dinut et laiâtigue, le forcèrent de
revcAir en Egypte yns avoir pu s'avancer plus loin de ce câté. L'année
Mi^te, fl entreprit sans succès (fri fer par U NiU>ie en Abyssinie ; mais ,
n'étant pu «iéctwagé par ces tentatives iofraCtneuses , if essaya «ncore
dé pénétrer dans {Intérieur par la route du Darfbur , en se Joignant à fa
Caravane dn Soudan. II aJIa en effet jusqu'au Oaifbur; mais if lui {iit
împossibfe de i^vancer davantage ; et ce ne fiit même que par une adresse
{4eine de présence d'esprit et de courage qb*i[ put penuader. a(ix
tnudOnds de fa caravane'de le ramener en ^ypte, A peine avoît-il
quitté ces entreprises hasardeuses, qu'il eut pour successeur un feune
Allemand nommé Htnumaa, envoyé par là société africairle. Homeman,
parti de Londres en 1797, sc-irouvoit à Alexandrie kn-s de ta prise de
cette viflé par Texpédition française; le général en chef Tui donna la
Gberté de continuer stHi voyage , et lui procura même tqys fes secours
par fesquels il pouvoil en faciliter le succès. Homeman partit du Caire
le j septembre 1799 avec la caravane du Fenan; il traversa le désert
de Libye, parvint i. Siwah, déjà visitée par Brovne, et, après soizante-
qoatonEe jours d'une marche pénible, arriva jusqn'i Mourzouk, capitale
du Fezzan. I( fît une courte excursion de Mouizouk à Tripoli , revint à
Mourzouk, et, le 16 avril 1800, il écriïît à la société africaine qu'il
AOUT, i^l^^ ..V. i%
fil gioétat, si Ton .cooaidire les gl^staches physkfties>^î, Vppi^a^ ^
est Afiîque^ aux progvài .çTun voy^euiN européea> et les ol^^des,
moraux bien plus grancis encore que fbnf: naître t à çbaque iqstafit,. soHfs
ses pas» ht barbarie des habican&> IeiM> fèrocè avidité,, leur jalou^
envieuse et leiu- superstiueuseméfiAQce, ^n^'étoanera peude voir.quuo,
si grand nomiïre de tentatives de ce g.enre'aiepi eu çonstatQOieiilune is3U^
malheureuse^ et f on sera peu porté à; leur en espérer i^e aiutre k l'aveiuf) |^
mène. la féunîon de ^îlusfeurs hommes, courageux ne suffit pas pQijix
surmonter des dangers paBeîts, Onri^e pejut malbe))i^usement plus doutej^
du sort fiineste^qo^botiêu b 0ia;QrFiMdî^4.i^>çaf!itaine CampIj»eIl-etJ^
médecin .Cowdry^ quieIt>gQuvernement anglais avoir eqvpy^^s dms J^jf^
teneur de TAfiique par lie. Sénégal ; et Pexpé^tion di|: <»|4tfi|riQ Ti)d^
par l'embouchure du Goiigp , quoîqij^ entreprise sur un plan bea^
plus iiaste>etnuiiiie deressofutresbiehpliisjpuissa^te&t n'aeu xwfi
jponr résultat que la mort de ce capitaine » des officiers envoyés sôus .fiâf
ordres et de tous les naturalistes volontaires engagés dans le voyjSjg^^
salis aucune découverte nouvelle sur la géographie de i'in^rieiuvyjOtt
même sur les moyens d'y pénétrer*
' £n comparant ces résultats: cpnstamnp^nt funestes avec le succès
complet qiie M. Bowdicti vient d'obtenir dans la mission dont, ncm
allons rendre compte , et qull a exécjutée sans préparatîfsi presmte sai^
frais» seulement avec l'assistance, de! deux officiers smglais et dé da»
soldats pns: parmi les naitnc^srde Cape-Cofat, à la ^Ide de la /com-
pagnie anglaise, on pensera .sans doute que le plan qtt'i(.a.suiyiV(!mi|
avoir eu <b» avantages propiiesi et aypir été f(^n^ sar d^a^itres princÎM^
que. ceux des voyageurs? qui font, précé^ S .c'est en eÏÏu ce que fptt
lèconnoîtra fibdleinéni:par,lfti^t>bj'i6^^.dej[,aye^ P^f^es^ ^^9^
jeune et heureux voyageur. . .
Le voyage de 'M. Bovdich fiii déterminé, par une occasion polidqûie.
Le principal- établissement des Anglais sur la. côte d'Or» appelé (Qa^^i-
Cûost-Castie:, avoit^ sonssa protection, une nation voisine, babj^aii^êjciéf
rivn de la meri et appelée: ItsFanjtia .':ai|; rpi puissant de fincErieur'ii
le roi des Afkanthr, ae trouvant oâfeosé p^ cette nation, ou peut-être
•ocrètement excité >pap qoeiqàer'piMSsance européenne rivale de TAngle*
terre siurxres c6tes, déclara (a guerre aux Fantées, envahît leur terrîj'
tccie, brAIa : leul-s villages , massacra leur peuple et les réduisit aii^
demièresrextuémicés; rétabifisemeat anglais lui-même fut bio^é.^t
cotmit les pbs grandsrryisquesr.mais, le même pouvoir^^trsmgér^ qm
àrbit probablement scodgci orage , ayant, é^ aaverte|}^f^ somn^'^'ci^ 1^
ampiaer^leroi des Asiaméfs!4WrêUr.ceisa^^ atta9ifu;s:ft c^nsenfit jl
Mmm %
^^
JOURfFAL DES SAVANS.
•BlW>WHlBM«!rti!CiwAaighB.<>tttMgtWWe<KCM^
nnê ambaïadr Wfcftidle » ^et' foit «n céafi* hcoudsiie fc un membrr
dàcoiàiH a> -b ôiaiiwgBiè ,• Mi Jrine«> fpmvcrneDr 4'Acmi. qna m»'.
Ige Bvlir ct4mioa^'iéiM»Ge «u Afi<K(iie tcmbloiâitfendre élé-
ment pH^^ k'Cét «npW. difficile. M.&tnn^* «{u'mi ir^Mitdcdrdi
n:<fiflufai^rhÀcbttduM«n AfHq|iie,(ÏMatticbé Krexpédtdoa comme
dlt^ dâ tedierdie* sdeotifiques. On y foipih nusi deux utres jeune*
iJaurcMniDe lùi'dooét' de i^tofudon aatinlque de'pmdeaoe : hin».
npamié M^ TMff/, était ànrargien; riutre, qommA. M. Hntekhtm»
cfelfrit'C^ éûUi comme réndeoti» l'on réusmioiiè. fermer unealHance.
Une troupe de Fantées-les Kcomptgnoit^ct deroît ieur servir de guide
JHsqu'k Commasiue, cipitile des Ashantéei. L'entieprise étoit ausû
importante que périlleuse; car, fusqu'alon, la méfiance des tiatureb
ftvoh été telle, que jamais un officier anglais n'avoit {ni seulement s'a-
^tà^xt dans Tintérieùr, hort de la vue du fert de Cape-Coost, sans
tàànt le Hique ifètre massacré presque in&ilfiblement.
tîlàfiSàaa qnituCape-Coasi-Castle le aa nril 1S17* et swii
i^bord la côte jusque Annabamoo , oit les Aurais ont aiùii un éta-.
j!ilissêtnei>.t niilitaîre. II làut Gré dans la relation même de M. Bowdich ,
les étounans détaih qu'il doruie sur la beauté du piyt> ainsi que sur fa
itnrce eita rïchcsie'de la végétation : un sol fertile, couvert d'ignames ,
dnluianat, (Faloès, nounit des palmiers^ des bananiers d'une proportion
dÉEâÀtesqité, entiefnèlés d*itbres k coton de plu de dent quarante pieds
de hauteur; mais, kcdté de' ces licbêsprétensdeJa nature, et malgré s«
pTXxligalité, ou plutôt k cause de cette prodigaittéméme, la pauvre race
Imniaine n'offie aux regards que superstition, pajesse et misère. Ce n
. AOUT i8i^. ; . 4«r*
tt duigfr de ces Asposîtions ; mais la fermeté inébcanlable de M. Bowdkh*
et cfe ses jeunes compagnons en momphèrent. Aux yeux de toute cette
tîoupe de sauvages insubordonnés, ils osèrent arraclieraux chefs des
Fantées leurs baguettes d'or f marque distinctive de leur dignité , et les
remirent dans des mains plus fidèles. Une punidon sévère, mais noa
cruelle, exercée «ur un des plus mutins, fit rentrer tout le reste dans le.
devoir, et la caravane continua sa route sans avoir désormais à vaincrt
d'autres^ obstacles que ceux que la nature physique présente dans cH
contrées sans communication. Cette jalousie des naturels de la côte
poiu* le trafic des marchandises d'Europe , est le premier danger que
doivent rencontrer tous les voyageurs qui veulent pénétrer dans rinté».
rieur du |>ays , et il ne cesse même jamais pour eux ; il les accompagne,
dans toute leur route : car des motifs de méfiance pareils existent entrent
les chefs desj^odques des différentes peupladei; et sur-tout ib existent
au plus haut degré chez les Maures , qui , répandus dans toutes les parties*
de i'Afiique, soM, de temps immémorial, en possession d'y transporteTi
et d'y vendre tous les objets manufacturés qui se tirent d'Europe ou du.
nord de f Afrique. £n lisant les relations du petit nombre de voyageiu^.
dont nous avons rapporté plus haut les tentatives, on s'aperçoit aisé^
ment que ce sentiment de jalousie et d'avarice commerciale a été la cause,
la plus puissante , comme la plus ordinaire , des difificultés qu'ils ont.
éprouvées ; et ce résultat inévitable , qui s'est reproduit pour l'expéditîoii,
de M. Bowdich à son entrée en Afrique, s'est encore fiiit sentir api^si
son arrivée à Commassie même.
La caravane arriva à cette capitale des Ashantées après huit journéet
de marche excessivement pétiibles. A son entrée ^ un flot de plt^s d^
cinq mille j>ersonnes, la plupart guerriers, Tacciieitlirent avec les 4^
monstratioris les plus tumultueuses et les plus bruyantes t mêlant à leuri
cris sauvages les bons efirayans de leur musique militaire» et des déchargeai
de mousqueterie, faites de si^près, que la fumée envetoppoit les yoya-!>
geurs; tout cela accompagné de gestes et de danses guerrières > dpç^
le mouvement alioit jusqu'à la frénésie. Après ^voir été retenus pttf
cette multitude pendant une demi heure , les voyageurs eurent enfin
la liberté d'avancer , entourés par des guerriers dont le nombre «
joint h la foule du peuple, rendoit leur marche aussi lente que si ellf
avoit eu lieu dans la rue la plus populeuse de la cité de Lx)ndreS(»
Sur la route, un spectacle inhumain, contemplé par le peuple avec
une attention stupide, arrêta forcément leurs regards pendant quelques
înstans : c'étoit un pauvre malheureux que Ion torturoit avant, de le
saerifiier. li aivoit les mains liées derrière le dos ; un couteau étoit passé à
ie^
JOURNAL DESSAVANS,
tisrendiacuné dé fe» joues* lujqueUecies lèvres itoiekit«ttadiéMiun«^
de ti^ oreilles, dtjk coBpfe , étoit portée devant lui comme en triomphe ;
Ttutre poodiit de la tète , encore attichée par un petit moroean <h-
pni; H avoh plusîeiin blétsares dans 4e do$, et on coébtaa-^lxM «a.'
fbncé dans ducBne dï ses^pnfes; i^éioit conduit pu-naeooidepBisée-
& tmers de ses narinei, tt que ténoient des bcurreaux ayant la tèt«
enf dfoppée. par <rimiiiensei bonnets oxm* k lôngt' poils. Les royageurs ,
Mttnt promptement .arradiés ï ce spectacle bonible, obtinrent enfia'
b Gberié d'aj^noctier du Oeu oJi fe roî étbit ptàcé. Quoique ce qu'ils,
avejenird^k vu-de population et d'armes eût fort élevé leur attente» ils
n^étoient nullement préparés au spectacle qui se développa tout-k-coup
k- leurs i^jgards. Une étendue de prés (fun mille en circonftrence ét(«t
flOUTerte d'une fbule aassi richement que singulièrement parée. Le
roi , ses tributaires , ses capitaines , paroiisoieni dans I eloignement, avec
une suite aussi nombreuse que variée, et séparée des Anglais par
une masse serrée -de guerriers, qui sembloient rendre leur approche
ilnpoesible. Les rayons du soleil brilloient de toutes pans sur une telle
-amlthucfe d'omemens d'or, que la vivacité de leur réflexion deveaoit
presque aussi insupportable que réioullànte chaleur de Pair. A Tarrivé*
des Anglais , plus de cent troupes de musiciens soimérent ensemble les
ftn&es de leurs chefs : les écbts bruyans d'un. nombre infini de cors ,
de tambours et d'instrumens de métal , ne cessoient de se faire entendre
|kar mterraiies que pour laisser succéder h leurs m&Ies accens les sons
pins doux de longues flûtes réellement harmonieuses ; tan<jis qu'on
yoynt de toutes parts s'agiter dans les airs une multitude de parasols de
9(Me de toutes couleurs, assez larges pour couvrir chacun plus de trente
personnes , et surmontés par des croissans, des pélicans, des éléphans ,des
armes et d'autres orttemens plaqués d'or. Sous ces abris étoient portés les
AOUT 1819. 4<j
la téie de jeunes enfîins. Des pipes d'or et d'argent britloîent detouiet
parts. Des têtes de loup et de bélier en or, de grandeur nattu^Ib^Y'
étoient suspendues aux poignées d'or des épées que fon portoit tn
grand nombre autour de chaque chef: fes gaines de ces épées étoîeiit
faites en peau de léopard ou avec une espèce de coquille à surface çha*
grinée; les lames ét<Ment plates, élargies à leurs extrémités en forme de
raquettes» et rquillées de sang. La richesse et la diversité des instrumeijs
militaires répondoient à cette magnificence. Au milieu de cette cour nQire»
les voyageurs furent tout-à-coup surpris de voir un certain nombre ^e
Maures non moins remarquables par leur présence même que par fedr
habillement: ils étoient dix -sept chefs, vêtus de {longs habits de satm
blanc richement brodés, avec des pantalons et des chemises de soie, tt
de grands turbans de mousseline blanche, garnis de pierres précieuse^;
leur suite portoit des turbans rouges et de longues chemises blanches ;
ceux d'unTrang inférieur avoient des Arbans bleus. Ils levèrent lentement
les yeux sur les Anglais^ quand ceux-ci passèrent devant le front de leiir
troupe , et les suivirent d'un regard malveillant.
Enfin ïe redoublement des fafifares et le resserrement des.ljgiYes
tnilitaires arinoncèrent aux voyageurs qu'ils approchoient du roj : défi
ils passoient entre les officiers de sa maison ; le chambellan , le graiÂi
cor de chasse d'or, le chef des messagers , celui des exécutions royales,
le chef du marché public, le gouverneur des sépultures royales, le dbfif
de la musique , étoient assis au milieu d'un cortège qui annonçoit leur
dignité et l'importance de leurs charges. Derrière le martre d'hôiel (litt^
ralement le cuisinier), on portoit un grand nombre de petites piécfs
de service de table, couvertes de peaux de léopard, et devant lui étoient
étalées un grand nombre de pièces massives d'argenterie, des aigulèrci,
des bowls à punch, des bouilloires, des cafetières, et un graîid vaie
aussi d'argent, garni de poignées pesantes, qui paroissoit destiné à br&lèr
des parfums; le tout sembloit de fabrique portugaise. L'exécutept^dle
la haute justice, homme d'une immense stature (personnage .essenn|I
dans touies les fêtes et toutes les représentations royales J, avpît sîif
la poitrine une petite hache d'or massif; devant lui on portoit le feîllot
de mort, taché de grumeaux de sang, et en partie couvert d'une couche
de graisse humaine. Les quatre interprètes du roi, aussi richement vêtus
qu'aucun des autres ohefs, se distinguoient par les verges d'or, signes
de leur office , que l'on portoii de toutes parts en foisceaux autour
•d'eux. Le chef de la trésorerie ajoutoît à sa magnifîceiice propje
*ccflle que lui donnoit la richesse de son maître. Les boîtes, les me-
4^res et les poids étoient d'or massif. Le nombre total des guerriers
i6i JOURNAL DES SAVANS,
qui parorent dans cette cérémonie , étoit de plus de trente rnîlle.
Cette description fiût usez connottce de quel intértt devoit être pour
les Anglais une ■Hhiicr avec le roi des Aslnntées : mais la même
poÇtique éningère qui avoit lécémment arnii ce roi contre eux» les
atlendoit k sa cour; et eOe tronvoit un puissant appui dans la jalouse
méfiance des Maures» qui, jusqu'alors , ayant joui d^ÎIle grande influence
politique i r^gieose et commerciale, sentoient bien oue ces avantages
leur seroieat, nécessairement enlevés par une alliance directe entre le roi
et les Anglais. Aussi tous les moyens que fa ruse la plus raffinée peut &ire
agir auprès d'un despote, tout cb que Peiprit de séduction et d'intrigue
pent imaginer de souplesse, enfin tout cet art des cours que rintérél
. développe aussi bien parmi les fêroces tuivans d'un roi sauvage que parmi
.les courtisaiu poih des princes d'Europe, fût mis en usage pour rompre
les desseins des envoyés anglais. On trouva le moyen de donner contre
eux des soupçons au roi , de Iiii représenter quelques circonstances de la
conduite du gouverneur de CapeXoast comme injurieuses pour sa per-
sonne ; enfin , de lui &ire regarder Tenvoi même des Anglais i sa cour
comme ua piège qui couvrott les plai perfides desseins. Lorsqu'on Peut
ainsi irrité au plus haut poiii.t contre eux, on les Jimena i son au£encet
poiu- s'entendre accabler des plus vih reproches et des menaces les plus
terribles. Le commandant d'Acre , chef de fa mission , surpris et troubla
au dernier point de cet accueil , ne sut que s'excuser sur l'innocence
de ses intentions personnelles, sans nîer rien de fa conduite du gou-
verneur géiiéral, dont ««pendant il tenoil sa mission, A demanda fa
permission de s'en retourner i Cape-Coast avec son escorte pour
êclairdr ces sujets de pfainte. Cette foiblesse étant naturellement prise
pour un aveu formel, le rot, enifammé de colère, le renvoya de sa
présence. Tout étoit perdu pour les Anglais , et leur vie même étoit en
grand péril, lorsque M. Bowdich et ses deux jeunes compagnons se
Août i8'!9- ' 4^5
iecrèdkdes Anglais; leur offre fiit acceptée, et ils s'empressèrent aussitôt
ée la mettre à exécution. Erf même temps , ifs écrivirent au gouverneur
générs^l pour lui exposer le parti qu'ils s*étoient crus obligés de prendre,
et , en se soumettant à sa justice , ils ajoutèrent ces nobles «paroles :
Toutefois, si, d*aprè$ votre réflexion et la connoissance plus approfondi^
que vous avez de l'état des choses , vous jugez que^ la demande du roi
des Ashantées ne peut pas s'accorder avec votre bonne foi et votre
honneur, l'histoire de notre pays a fortifié nos âmes par l'illustre exemple
de Vansittaart et de ses collègues, lorsque, se trouvant placés dans une
j>osition pareille à la nôtre, à une époque où le commerce anglais avec
l'Inde étoit dans ij^n état aussi précaire que Test aujourd'hui celui
d'Afrique, ils écrivirent "au consul de la compagnie cette dernière
demande, que nous répétons aujourd'hui pour nous-mêmes : «Ne mettez
» pas nos vies en balance avec l'honneur et les intérêts de notre patrie.»
Un cœur élçvé doit avoir un vif plaisir à exprimer des sentimens si
nobles; mais il faut une grande force d'ame, et une rare constance,
pour les éprouver encore en présence d'une mort certaine, et qui doit être
accorTfJ)agnée de tous les tourmens que peut inventer la plus ingénieuse
barbarie. Je n'ajouterai qu'un mot nécessaire pour faire complètement
juger un tel caractère: c'est que celui qui écrivoît cette dépêche, et qui
avoit eu l'audace de prendre un parti si hardi et si décisif, avoit vingt-
trois ans, et se trouvoit employé pour la pr^iière fois.
Un si haut dévoueinent ne pouvoit être qu approuvé; il*le fut. Les
tojTts apparens ou réels dont se plaignoit le roi des Ashantées, furent
expliqués ou réparés» et M. Bowdich reçut du gouverneur général
l'ordre de prendre le commandement de la mission qu'il avoit sauvée.
Son courage, sa noble franchise, ses belles qualités, et jusqu'à sa
jeunesse, lui concilièrent l'estime et l'amitié du roi, désarmèrent même
la jalousie des Maures , et amenèrent enfin la conclusion d'un traité de
commerce conçu dans les termes les plus avantageux pour les Anglais :
on le trouve rapporté dans l'ouvrage. La négociation ne fut pas toutefois
exempte de ces nuages qui, dans les cours d'Europe, s'indiquent par
des réserves et des froideurs pleines de politesse, mais qui, chez un
despote africain , s'expriment par des attaques publiques et par des
tentatives d'assassinat ; mais h longanimité indomptable du jeune négo-
ciateur, et les avantages mêmes qu'il sut prendre des obstacles injustes ou
perfides qu'on lui suscitoit, finirent par dissiper tous les orages. Un
commerce florissant, en pf^ine activité, et d'un avantage signalé pour sa
patrie, çst aujourd'hui le résultat de son dévouement et de ses efforts ;
mais le terme de $fi mission politique n'est pas celui des services qu'il a
Nnn
i£6 JOURNAL DES SAVANS.
rendus aux ictencei et anz lettrei. Admis dant TinAnAit d'darottfikamt
dont la puissancs est telle, qu'il peut lever une armée de deux cent
mille hommes, considéré comme la seconde personne do foyaumet
aimé du chef le plus disimgué des Maures , respecté de tons hs auires ,
on conçoit qu'il a pu recueillir, sur Ilntérieur de TASntfite, des ces-
asignemeHS qu'aucun voyageur isolé n'a en autant cfoccasion» d^obtenir^
et que Bruce même n'a pas pn se procurer k la cour d^AlqruinM.i tm^
éloignée , par sa situation et ses relalbos habituelles , des lieux et de*
.objets que la curiosité européenne a aujonrdliui le plus d*iatéfAt de
c^nnoltre dans le continent africain. L'examen des résultats obtenus k
cet égard par M. Bovdich fera (a matière d'un second article, où, en
parcourant les divisioni de son ouvrage, nous tÂctierons f indiquer ce
qu'il a rapporté de plus remarqu^le sur les mccurs des Ashanlées, leur
gouvernement, leur histoire , et la géographie intérieure de rAfriqne.
lîIOT.
HiSTOïKE DE LA RÉPUBUQUE DE Venise, par P. Daru , de
l'Académie française; 7 vol. in-8,' Paris, Firmin Djdot,
1815,.
En lisant cet ouvrag% important, où Tauteur nous donne rhistoire
complète d'une illustre république , depuis son origine jusqu'k la révo-
iulion qui, de nos jours, a renversé ses antiques institutions et son
^gouvernement, j'ai eu sans cesse présens à ma pensée lu beaux vers
-de Sannazar :
Viderai Badriacis,
AOUT 1819. 4^7
^ L'atuleor Vest ttowfé dans des cfrconstances oii il lui étoît pfus iitcifé
d^écrire avec une entière împartialiré les annales de cette république, en
'dévoilant sans inconvénient »v comnfie sans injustice, les ressorts d*un
gouvernement mystérieux, qui a été ^our-à-tour blâmé et admiré, mais
qui, du moins, a existé long-temps avec gloire. M. le comte Daru, de
qui Von avott k espérer, coinme écrivain et comnie homme d'état, utie
histoire où la sagesse, la sagacité et la profondeur des vues fussent
unies au talent de composer et à lart d'écrire, non-seulement a satisfait
à ces diverses conditions, mérite qui auroit suffi pour assurer son succès»
mais encore il a eu le moyen précieux de profiter des renseîgnemens
que pouvoient fournir les archives de Venise, autrefois secrètes; îl a
mis une patience et un zèle infatigables à faire des recherches dans
toutes les grandes bibliothèques, et son ouvrage présente des résultats,
contient des révélations qui le distingueroient encore, sous ce rapport,
de tous ceux qui ont été écrits en très-grand nombre , et par des VéW'-
tiens, et par des auteurs étrangers à la république.
En rendant compte de son ouvrage, je me propose de m'attacher
plus particulièrement à quelques points qui pourront sur- tout donner
«ne idée de l'esprit public et des institutions des Vénitiens.
Les Venètes, peuple de l'ancienne Italie, issus, selon les uns, des
Venettes de FArmorique , et, selon les autres , des Hennètes de la Paphla*
gonie, habîioîent les pays situés sur les bords de la mer Adriatique, entre
les Alpes juliennes et le fleuve du Pô. Lors des irruptions des Barbares
en! Italie, et principalement à l'époque de l'arrivée d'Aftila, l'an 45^ r
les Venètes se réfugièrent en diverses petites îles, formées par I^m-^
bouchure de ce fleuve : ils choisirent d'abord un gouvernement pôpu-^
hire; chacune de ces îles nommoit annuellement un tribun cJiargé de
l'administration et de la justice, et ces magistrats étoient coinptables
de leur gtltioii à l'assemblée générale. En 6^7, on crut nécessaire
d'établir un magistrat suprême sous le nom de Doge. Bientôt les doges
eurent l'amhkion de transmettre leur place à leurs fils, à leurs parens;
des factions s'élevèrent, des rivalités devinrent héréditaires. Pour assurer
le dogai à leur famille, ordinairement les chffs de l'Etat s'assocîoient ,
de leur vivant, un fils, un frère, Sic.
L'île de Rialte, entourée de plusieurs petites îles, étoît la plus consi-
dérable : le doge, Ange Participatio , les fit joindre les unes aux autres
par des ponrs, les environna d'une enceinte en 809, et ce fut alors
cjue la ville prit le nom de Venise. *
, Déjà cette république avoit eu à se défendre contre des attaques ex-
térieures. Pépin et Chariemagne avoient dirigé leurs armes contre elfe:
Nnn 2
4<ï8 JOURNAL DES SAVANS,
son commerce avoit prospéré; et, soit pv ambition, toit par nécessité»
elle avoit eolrepris ou soutenu direrses guerres, avec les peuples
voisins. En accroissant sa puîssaDce, Venise avoit accm les âuses
de dissensions civiles. Vers la fin du x.* sièfle, le dagaii Pitnft.Ur-
leolo I.", affligé de ces discordes, et entraîné par un seiufmeatipîntx,
s'échappa furtivemmt du palais et' vint dans une abbaye pri* fie Pef»
pignan, dit Fauteur, où il finit ses fours sous^'babit rabnastique^
L'historien s'arrête là. Je croiq qu^I ne sera pas inutile d'afouler/lea
détails siûvans : ce fût dans l'abbaye de Saine- Michel de Cossfl»,. ordre
de Saint-Betioît, que se retira te doge de Venise. On trbuve sa vie dans
les JCTA SS. ord.S. Btnedicti, sec. Vf p. ^^/..Il.eut à. résister souvent
aux tentations du malin esprit , qui l'excltoit & retourner dans sa patrie.
Un four il vint demander au supérieur le châtiment qu'il disoît avoir
mérité en ne résistant pas assez vivement. I^ biog'niphe atteste qu'après
sa mon, arrivée en 997, Pierre Urseolo fît des miracles.
Dominique Urseolo ayant formé une faction pour parvenir au dogat,
parce qu'il s'y croyoit appelé cojnine parent des doges précédens, ii fut
rendu une loi fbndaiiieniale qui interdisoit toute désignation d'un
successeur avant la mort du doge régnant. L'observation de cette loi
a ét6 l'une des principales causes de la stabilité du gouvernement de
Venise.
M. le comte Daru a consacré un livre eniier, |e XXXIX.*, il le décrire;
cette partie de son ouvrage ofire un rare mérite par les rapprochemens
heureux, par le démêlement des ressorts , par la démarcation des droits ,
par les vues profondes qu'on y remarque , et elle est d'ailleurs d'un grand
intérêt à raison de divers détails publié» pour la première fois.
Ce gouvernement étoit composé principalement, 1.* du grand
CONSEIL, devenu permanent; les membres transmettoient à leurs
iifans le droit d'y siéger; le. nom des familtes c
r/ /AOUT 1819. : \ A69
Le grand conseil hotnmoU directement ou îadirecteipenc à ces places;
à ces emploie. ;> î
A l'époque des Crçisades» les Vénitiens firent tourner.au profit àm
leur co/nmerce et de |^r pujssancie » ces iexf>édiMons .lointaines, ji<|utf
ruinèrent les autres nations* Aprè&Ia prise de Çonsts^lkiople > ii$reçurejU
leur part des dépouîltes dcfTempire d'Orient^ et ie.do^e ajouta à son
titre celui de seigneur du quart et dmi DE L'EMPlfiE ROMAIN n\
\i^ïi\h^ exerça alors u^e grande influence politique ; elle eut 1
soutenir de. nombreuses et longues guerres contre les .diverses pw&^
sances, soit voisines, soit éloignées ;: elle eiiyoya des çofoiiies, et surr
tout elle procIai>ia son droit de. t^avigation dans. Ifi iper ^dria tiqué i et
s'exposa ainsi à de constantes inîmiiié]Si> à . dps querelfes .sjufts..!QeMe
renaissantes. Les Vénitiens déJiI>^rèi:ent un înstaiit s'il ne convenoit f>as
de transférer le gouvetnement et :1a population toute eiiiière à Constaii^f
tinople; mais ce projet ne prévalut point. . . , .
Je ne suivrai pas l'auteur dans les détails historiques quji a rappitacfaés
avec art pour ne rien omettre des annales d'une république qui avoit^.
par ses possessions sur divers^ coptinens, par ses coloiiiçs» .et par son
immense commerce, des déi)^ê|ôs. souvent dangereux. j.. I • i 'i
Unç àt% belles époques de. l'histoire de Venise ,: .c'est sans contredit
celle de i 378 à i 38 1 : M, le comte Daru la nomme LA guerre de
CHIOZZA. Cette partie de son ouvrage remplit entiéreflient le X.* li^re.
La république, réduite aux dernières extrémités, jutta av;ec au/Mit ^è'
succès que d'énergie contre des/puissances et des initiions jalouses '^
qu'une ligue avoit réunies coptre.elle. Les péiiois étoient à U tèteidc^
cette ligue , et étoient animés des sentimens d!qnei rivalité implaç^lei^
n'aspiroit à rien moins qu'à^ 4(Éiruirç Venise. J*!»u|eur s'est éiç\é A ^
hauteur et à la npblesse du sujet. Ce fragment détaché d^ l'histoira
générale seroitencore ju avec le pjus vif intérêt, et suffirçitipour dcnjueiv
ridée la plus, avantageuse des talens de rhistoricjn, Je. regrette denA
pouvoir en citer quelques -pages, qui permettroient . Aine lecteurJ^
d'apprécier le mérite du style , Jaîf avec lequel l'auteur^ usé des formes
dramatiques , et la chaleur qu'il a mise à peindre les sentimens élevés »
le dévouement généreux des Yéniliens durant les revers de leur patrie
et en présence des périls imminens dont ils triomphèrent enfin.
Quelques traits feront juge; de Tesprit qui animoit alors .les
Vénitiens. ,
Victor Pisani, aprèsayqirr rendu, co;ii me général, les services les.
plu$ éclaians, fut puni duimalheur d'avoir perdu une ^axaille donnée
çqntre son avis; i|,fiit jeté dans jun' cachot, et déclaré ioçapable d'exercer
470 JOURKAL DES SAVANS,
«acnmi diaiigfe pndftit'dikjf atu. L'mnMii tMTiK* Venntf mlmè. O^c
le ihiiger extrême, on songe à Pisani; le. peuple deihands » K>erté;
m déom TêctoiéeilùméàtdtfaM k«eîg^r«i; il M'moniR:iiï Aerté
iti'reutiitMMnt. « Là i<épablktiie ni sm migitcrktsy f6^H^ ne ptutent
tkWQir nicnn, tort CAvm 'moi; tt que' toi» am ofdofliié éMh îme
*• oonséi^ence de vM tages ntaxiitiM^ ,vn elfet de votie pute douleur;
wfai-iubi mon anètson* mumitire tiAskiiënant 'fcndii k !a Itbmé, "JA
* dtHs Hmiemon-ezistenceà h patrie;... Qu0l)>lu> beaudédomnufBcment
M fiC|u*âù-}e attendre que- rbonnear cfu*- me Ait' b république en m*
Kt conlùnt M dilênse ! Ma vie lur appartient. »
Dans it m4m« tempiléi religieux TaHdei prirent let ftrmes; un
mtMhaAd peDelîer , BanfiéfeniiPanitaise charga de fa pay« cfe mille
«otdatt ou matelou ; l'apothicaire Marc Cicogna donna un navire ; de
Mmples aitisans entretinrent cent> dem cents hommes; d'autres &e
réunissoient pour fournir un navire et la soIde.de la dsourme, &c. Aussi ,
quand lu. patrie eut été heureusement défivrée, trente cbefi de famille,
anisens^ marctands, épiders, pelfetien, &e., fbrenl admis au grand
œnseif:. C^poh que le gtànd conseil eut été déclaré perinmeitt, ^t le
droit d'y siéger héréditaifs , il Ait rendu une loi qui interdit le commerce
aux nohies. Quand nn négociant devent»t doge, iï éicit obHgé de
Uquidarses-affàires de commerce dans l'année de l'élection.
-' Ia prise de Gonstancinople pus Mahomet M, {es diverses invasions
dé» Français en Italie y fa découverte du nouveau mohde, le passage
dlM' IM' Jrfdes orientales par le csp de Bbnne^Espérahce, eurent sur la
polMque- extérieure et sur le commerce des Vénitiens la plus grande
Mftiehce. Obligée, selon les circonsltnces, de changer d'amis et Jenne-
nùs pen*mt les expéditions de Charles VllI, de Louis XII et dcFran-
^IS' t.", Venise jouil enfin, de i j4o * ' S70i d'une paix non înter-
AOUT i8i9^ ' Ar^
h république ne fil plus ni perte , ni acquisition ; ni édiange , et elle évita
pastârieurement.de s'intéresser aux guerres qui eurent lieu pour la suc-
cession de Parme et de Toscane , et pour celle de l'empereur Charles Vf,
Les Vénitiens, prc^iaiit ainsi moins de part aux afl^ires des autre!
puissances 9 s'occupèrent davantage de leur propre gouvernement; Oa
'Vit alors une grande rivalité entre les divers pouvoirs, qui s'attaquèrent
raccessivement. Les ministres étoient attaqués par le sénat; le sénat /par
les quaranties; le conseil des dix et les inquisiteurs d'état, par le grand
conseil. C'étcMent là des symptômes qui annonçoient que la forme du
gouvernement tendoit à s'abéref. En. 1768, le sénat inquiéta le clergéi,
en fui reprochant sa tendance à ac^crohre sans cesse ses richesses, dorit
Je revenu annuel étoil presque ègàl à celui de l'Etat. •
C'est en de telles circonstances que la révolution française siirpift
les Vénitiens, engourdis par une paix qui duroit depuis plus de soixante
et dix ans.
M. Je comte Daru fait connoître les divers et nombreux incidens^qui
^précédèrent et amenèrent la catastrophe qui termina l'existence politique
de Venise. Cette partie de son ouvrage est entièrement neuve; eHe
ofFre des détails très-curieux, des circonstances très- piquantes : mais je
ne m'y arrête pas , p?rce que chacun en connoit les^événemens principaux
et leur résultat funeste.
Je pense que, pour mettre à portée d'apprécier le mérite de Toih-
•vrage, l'esprit dans lequel il a été composé, et les lumières qu'on peut
en acquérir, il est plus convenable dé présenter à pixX quelque^ ^misses
historiques : ainsi je parlerai notamment des rapports du gouvehiemem
vénitien avec la cour de Rome;; je donnerai une idée exacte du cbdfe
^es inquisiteurs d'état, que M. Daru publié poiir fe première foiS;^)%xa-
minerai le jugement qu'il porte de la conjuration de i6f 8, contrsidfo-
toirement aux assertions de l'abbé de Saînt-Rérf, et je terminerai p*
mon opinion sur les prîncîpaïes parties de ce grand et' intéressant ouvrigit
J'examine d^afbdrd la mamère i^marquable-dont le gouverneméht^Jfe
Venise se conduisit constamtnertt, quand fa<c<)ur'de Rowie rec6unit«k
armes^pirituélfes dans dei^irés qu'il jugedit-h'étreqùé temporelles. •
Lors de la quatrième croisade. Innocent ïll-^vôit expressémeitt
défendu aux croisés d'employer leurs armes contre les chrétiens; il etf t
la doufeiH* de voir fes Vênhiens et les barons français s'arrtter pour
-faire la conquête de Zafarfc cardinal légat qui étoit àlbrs à Venise*,
Vôpporsoit 9 cette exj^îlïdn t \t Vatican lança ses foudi«; lés'Véitf-
tJens. lèsi bw vèrenf . Lefs ^cl^isés français ,« qtfi àVdient ^éiÀ^yifS^ '^woèt Vëhf-
tiens^ demandèten^ImMlieMétot -et <)fctkMll«<àdfeà^
47^ JOURJAAS-.DîES SAVANS,
n'en fut p^s dq iipélTie, dïjs' Véiiitien^;:Ie -ftKwdx Françm.Dhn^O*
.vi«tI[ar4iv>n«g4iiMrc> qu'iUavoicnt à leiU' tét(fv0ppO5a tou}o«n!b fia*
.ferme' résitt^pce siut pràientions de Ja-cour^.dP .Rome, soiiûnt .qu'elle
■|MSIfné(|tf.f9UÎ<^4'«l»o[Qtio4^S femunilt ;. . ;,, -.->:.;>
: •^îà^iÉfinxtve' ffit ifign^ur de:Fertan;Hqi4f(t« la «écoun'des V<niti9lw
ftmr S;fBpirer deja principauté^ À r^poqute-de'Ia mort (de >oii.pére Azon
!d'£it. ^ J^rrarQÎi ie>doiinèren( au .pa)«e Qé^nent V^/qui avMt traïu-
portiàAwgnoale.iiége pontifical. Lei'Vimiîens.fûreat%icofn<AanïéSt
parM qq^If >*ppposoient k h dominaiiondu pape dafi^Ferrare; il défendit
' àitputeiiesnafiqns d'enireieuir aucun comiqgexçe aveceux; leurs' sujets
furent délié^du sçrment.de fidétité; je* Véi^tieni déclarés infâmes^
ïncapaUes d'e^çercer , même chez eux , aucunes onctions publiques , de
tester, d'hériter. Leurs enfâns , jusqu'^ la quatrième génération, furent
déclarés exclus de toutes dignités ecck'siastiques et séculières.
.Le» Vénitiens soutinrent la guerre contre le pape; un cardinal vînt les
cpintf»)itreetg)kgna.la.batailte. Les rois, les princes étrangers, secondèrei t
les fwtcursrjdi^pape.; par-tout les Vénitiens furent poursuivis, et sur- tout
dépowffés. Pierre Gr^wiigoétuit alorsdoge; il persista' jusqu'à sa mort
àbnyerles foudres de l'excommunication; il déjoua une. conjuration ; et
après sa mort , le pape , qui avoit d'abord refusé de recevoir les ambas-
.swJfurs. de; Y^jse , se laissa toucher par une seconde ambassade. .
Souf.Ie pontificat de Pie II> la nomination k Tévèché de Padoue
occasionna 'entn<l^ république et le pape un long différent j l'évèché
rcMa vacant pendant plusieurs années ; il fâjlutque févèque nommé par
Iepape.se déststâten feveur de celui que Venise avoit nqmmét
Sixte IV , voulant amener les Vénitiens à prendre |»irti avec lui dam
les querelles qui agifoient alors l'Ititlie, les menaça des censures ecclé-
AOUT 1819. 47S^
Le même pape Innocent Vlil ayant ordonné une levée de décimes
lur le cierge vénitien , le gouvernement défendit à tous les ecclésiastiques
de payer une imposition qui n'étoil pas perçue de fautorité de la
république. Le clergé vénitien encourut l'exconimunicalion par la crainte
quil eut d'offenser son gouverneiueni; alors le pape s'adressa k la
seigneurie, qui permit la levée des décimes.
A l'occasion des croisades , les papes avoienr défendu de porter des
armes et des munitions de guerre aux infidèles ; Clément V avoit étendu
la prohibition à tous les objets de commerce quelconques, el défendu
mêjne, sous peine d'excommunication, d'avoir aucune relation avec les
Mahoméians. Aux censures spirituelles il ajouta une amende égale k la.
valeur des marchandises. Le gouvernement vénitien ne s'arrêta point à
ces censures: mais, à l'article de la mort, les confesseurs refusoient
I absolution aux négocians qui avoient commercé avec les infidèles, et
il falloit que les malades tinssent compte à la chambre apostolique , des
amendes considérables qu'ils avoient encourues; ils signoienl des testa-
inens en faveur de l'église, au préjudice de leurs héritiers. Jean XXII
envoya des nonces pour recueillir ces successions, avec ordre d'excom-
munier les héritiers naturels qui ne se dessaisiroient pas : le gouver-
nement enjoignit aux nonces de sortir de Venise. Quelques esprits,
hardis pour le temps, soutinrent hautement que ce n'éloii pas un péché
que de trafiquer avec les infidèles: le pape déclara hérétiques ceux qui
professoient et ite opinion ; et il mourut sans avoir pu réussir à faire plier
les Vénitiens, ni même à les amener à un accommodement.
Les démêlés de la république avec Paul V sont trop connus pour qu'il
soit nécessaire d'en parler ici avec de grands détails. Qu'il suffise de
rappeler que ce pape, après avoir lancé les censures ecclésiastiques contre
les Vénitiens, notamment parce qu'ils avoient défendu de bâtir de
nouvelles églises et de nouveaux monastères, et qu'ils avoient prohibé
toute nouvelle aliénation dt biens en fàvçur des établissemens ecclésias-
tiques , fut, après un long temps et après avoir intéressé à sa querelle fa
plupart des cours de l'Europe , forcé de retirer ses censures. Le gouver-
nement de Venise, la population entière, montrèrent tint de fermeté dans
cette affaire, que le pape, ne pouvant pas même parvenir à leur faire
accepter une absolution, fut réduit à la petite satisfaction de se vanter
de l'avoir donnée : mais il eut le chagrin d'être désavoué publiquemenl
par la seigneurie.
Urbain VllI, piqué contre les Vénitiens, filôterdela salle du V.ilîcan
l'inscription qui rappeloit les services qu'ils avoient rendus ii Alexandre III.
La légation vénitienne quitta Rome, et les gouverneinens restèrent
Ooo
474 JOURNAL DES SAVANS,
brouHfés pend&nt dix ans; enfin Innocent Xfit rttabliri'iiiKnpiiltm.
Une telle condiîM iododcc les principes arrêtés, invarilUn* dent '
ne se départ jamiisun gouvernement qui . resptcte et «ei devotn et ■es-
droits; elle étonnerait darantaga, ti roD.necanaenwit'lat: MModl dn-
gottrernement de Venise, si -l'on nesaroitqae le moincb* niuiàMBi»^
le moindie doute , touchant la Boanièredonl ilaeconduiioit.,-soît à tégud-
des cttojrens , soit k Tégard des poissanoea étnuigèm, âoitpou arbi-
tnimnent et de -fa manière la plus sévère;, ainsi qu'on en tna? «la- pRorc '
irrécniable dans les sutuls des inquisitmiK d'étatw
■^ Lm ittitt dans tmpnekain eaiier,)
RAYNOUARD.
Cérémonies ositées au Japon rovn les mariages et les
FUNÉRAILLES, suiv'tes de tU'tûih sur la poudre Dosû, de la
préface d'un livre de Confoutzée sur la piété f Haie; le tout
traduit du japonais par feu M. Titsîngh, chef supérieur de
la compagnie hollandaise à Nangasah , et ambassadeur en
'Chine, Deux volumes in-8* , dont un renfermant \6
planches d'après des gravures et des dessins originaux
japonais. A Paris, chez Nepveu, i8ip.
Le titre quenous nnont de transcrire, promet une lecture intéres-
santé & ceux qui aiment à puiser dans des sources autfaentrques des
nouons exactes sur les mœurs et les institutions des peuples. Not»
n'aurions donc pas manqué d'ofïrir à nos lecteurs fanalyse de cet ou-
vrage, quand bien même d'autres motifs ne nous auraient pat imposé
AtrUT l^Sig. 475
•biiâaîse»îl s^étoit procuné cfes livres imprimés, des manuscrits, un
•grand nombre de dessins , de pians et de cartes. li avoit lui-même appris
:4iultnt,<Ie japonais qu^ en peut savoir sans connoître les caractères
•diinois; mais Je secours des interprètes lui avoir particulièrement été .
riiûle. Ces interprètes , assez versés pour là plupart dans rhrstoire de la
Giii^e eidtt Japon » entendoient aussi fort bien ie hollandais. Plusieurs
4>ersonnes' de Yjedo, de Miyako et d'Osaka, avec lesquelles M. Titsingtt
;entretenoft une correspondance régulière , possédoient aussi cette
Jangne, oet s'en secvoient pour exprimer dans leurs lettres ce qu'ils
vouloîent soustraire à la connoissance de leurs compatriotes. Des mé«-
decins hài>iles« Jes ponces de Tamba et de Satsouma, et diverses autres
.personnes distinguées par leurs connoissances ec par feur rang , étoieiit
<iu nombre des correspondans que M. Titsingh pouvoit consulter. Tels
étoient Its secours que ce zélé voyageur avoit à sa disposition ; voilà par
quels moyens il réussit à former une collection composée en partie de
livres et de mémoires originaux, et en partie de traductions rédigées
sous ses yeux par les interprètes japonais eux-mêmes, et qui, par con-
séquent, méritent une entière confiance.
Cette collection étoit déjà célèbre il y a vingt ans , puisque les Anglais
de4|alcutta en avoient, au rapport de Charpentier -Cossigny, offert
au possesseur deux lacks de roupies, ou environ cinq cent mille firancs»
M. Titsingh n avoit point accepté 4es offres si avantageuse^ , parce
qu'il avoit dès-lors le projet d'employer ses matériaux pour rédiger un
ouvrage qui devoit honorer sa patrie et servir les intérêts du commercé
holiaiidais. Les événemens survenus depuis cette époque avoient modifié
son plan et fait varier ses résolutions; et voilà pourquoi quelques-uns
de ses manuscrits se sont trouvés, if sa mort, éaits en hollandais»
d^autres en anglais, et plusieurs en français, langue que Fauteur sembfe
avoir eu l'intention d'adopter définitivement, depuis qu'il avoit choin
Paris pour y publier le fruit de ses longs travaux.
La mort étant venue surprendre M. Titsingh au milieu des soins qu'il
prenoit pour arranger ses manuscrits, les revoir et les mettre en état
d'être livrés à l'impression, on avqit lieu de craindre que le fruit de tant
de veilles ne fût perdu pour le public. Il -arrive trop souvent que de^
collections précieuses et des ouvrages importans, laissés dans un état
d'imperfection qui ne permet pas de les publier immédiatement, restent
enfouis ou sont dispersés, faute de trouver un rédacteur ou un éditeut
qui veuille ou qui puisse se substituer à fauteur : il y avoit particulière^
n^nt lieu d'appréhender que ce ne fût là le sort des ouvrages de
M. Titsingh. Nf^n-^seulemeot f psctrém^incorrectioa de iNin> stylé, «^iro-
ooo a
47tf JOURNAL DES SAVANS.
:Veiuiit de ce qu'il avoit éâh dans dei langues qui lui itoient peu (ktlâ-
lières, rendoit sa traduction souvent baibare, et quelquefois inintelli-
gible* et ne permettoit pas qu'on songeit à les publier tans un travaH
fleiMaction fwéalablei mais Fusagc de rorthognphe hollanijBse >ppB-.
■quée k la transcriprion des mots japonais., loi laotinss nombM^isn
laissées dans les textes» les erreors palpables qui tTOtem édii|^ in
interprètes, pouvoient rendra une publication conplèie impoissible, à
■xncâns qye ia traductions ne pumçnt Atre revues et compuées wnc k*
.originaax par une personne exercée à -la lecture du ddnoîsi et un pen
Amiliariséc avec le japonais.
Heureusement ces manuscrits, qui étoient sur le pomt d'être dis-
persés et de )>asser à l'étranger,. ont été aoqun par on libnirè français,
connu par d'utiles publications. Son projet est de les fïire imprimer
successivement ■ avec les gravures nécessaires , et de donner ainsi, sur
le Japon, une suite d'ouvrages qui satisferont la curiosité des Euro-
péens sur tous les points essentieb. Il est i désirer que M. Nepven soit
secondé dans cette entreprise , et qu'il y trouve les encouragemens et
les dédommageinens nécessaires : car, si et n'est pas une des spécula-
tions les plun lucratives qu'on puisse ^ire , c'est du moins une cies plus
Jwnorables dont notre librairie puisse s'occuper. 0
La géographie est une des sciences qui peuvent le plus g|gner il la
publication des manuscrits de M. Titsingh, ou des originaux qu'il a
rapportés du Japon. La magnifique carte de cet empire, dont on a
pûlé dans ce journal (i), la description des pays vtHsins, c^est>k-dire ,
de la Corée, de Yeso, des îles Lieou-khieou , et des i/et inkabitéts ,
dont on y a donné un extrait (a) ; deux autres cartes de Yeso de dix-
huti pouces sur quatorze, avec les noms traduits en hollandais; celle
de l'île Desima ; les plans détaillés de Yedo , de Miyako , d'Osaka et de
Nangnsaki; deux séries de vues prises le long de la route, enire ta
lïuin qui sert à en indiquer l'emproi. Ce que les Japonais peuvent nous
ipprendre sur ces maiières , est pluiôt un objet de curiosité que d'utilité,
■loins inléressant pour la médecine que pour la connoissance des mœurs
*t des opinions scientifiques des Orientaux, Je ne dirai rien non plus
de plusieurs dessins où sont représenlées les montagnes volcaniques en
éruption, dont il seroit utile, pour la géographie physique, de posséder
des descriptions exactes : mais je ne saurois passer eniièrenient sous
silence les dessins et les mémoires relatifs à la pêche de cétacés dont
plusieurs espèces ne sont peut-être pas suffisamment connues des natu-
ralistes; deux recueils de peiniures représentant des poissons, des crus-
tacés et des mollusques , figurés avec la plus grande exactitude ; divers
traités de hoianique avec des planches gravées en bois ou peintes avec
beaucoup de soin, et dans lesquelles il seroit aisé à un botaniste habile de
puiser les élémens d'une Flore japonaise plus complète et plus détaillée
que celle deThunberg; mais, par-dessus tout, un tecueil in-fo/h , con-
tenant soixante-dix-sepi plantes si bien des^tes, et peintes avec une
telle perfection, qu'aucun objet venu d'Asie ne peut, à notre avis,
donner une idée aussi favorable de l'état des arts dans cette partie du
monde (i).
C'esi en livres historiques que la collection de M. Tilsingh est plus
riche et plus précieuse ; le plus considérable sans doute est l'histoire
maimscrite du Japon, en quatre-vingts volumes, dont il a fait présent
à la Bibliothèque du Roi : mais il possédoit encore des tables chrono-
logiques et synoptiques de la succession des empereurs et des princes
de la Chine et du Japon, tables beaucoup plus parfaites que celle
qu'a donnée Deguignes ; l'almanach impérial et statistique de ce
dernier pays, dans lequel sont indiqués les charges de l'éiat, la hié-
rarchie administrative, et les revenus des principales maisons, depuis
les sommes les plus considérables, en descendant jusqu'à cçlle de dix
mille kobangs ou cent vingt mille francs inclusivement; le JVÎpon-o
Jdi itsi lan, ou les Annales des pontifes souverains nommés Dairis,
et celles de tout l'empire par conséquent. M. Tîtsîngh a traduit
cet ouvrage en hollandais et en français: l'histoire du Japon n'est
connue jusqu'à présent que par la petite chronique que Kxm ])fe
a donnée ; ainsi celle-ci remplira UJie lacune imporianie dans 1er
annales des peuples de l'Asie. Enfin l'histoire de la dynastie régnantes
(r) Un Traité de botanique, en sepi volumes, provenant de la même col-
!ec4T(in,et qni m'a éié cédé depuis la non de M. Titsirgh, contient envtroR
dt-ux cents plnnches irès-Lie n gravéts en hois, d'après des d«>inï fort uacts.
Cci ouvrage est, dans son geote, nnc sorte de chef-d'cwuvre. !
47»
JOURN^liL DIS)GVbyANS,
des Djogouns ou prin&i JécuUeBtJIu'ApoBi lirée de mitàwoÊiiat&tp
continuis jusqu'au ttmpinii k.-«QqngB«r1iolIuidûsiéfosmoh:âiB»«)K
pays, est peut-£tre un ouvrage pittmcjetpbuipiçiaiA; Onaùt qèSmÊ
Japon, commei^ia Gbina, iMia:IoriaikdateaDti|lBâa*«idit:aùilpiMlM>
hj pnfalîaaibn des' mésHiiseB adaiift-Và ai» udyéasiié, :ianl<!^:i«ftM
dynàctia. ecctspe la itrâoé. Wwvtablafadangeht dânccé leaikBUràbnpB
dfanecdon»^-(fa' tfaiia. cataclAittàques , puottra «sfianqié j^nat -ifte*
fuUké àimiapoa, et iMfis îserons àieiK ^uiAnaéà Àp» Itt Ja|>oiHia -«uii-
mimes-des éffénemenade ieurfiîstoire^rooderm.
- Enfin- Ics' mocors, 'les cérémonies et les cbshtaies sb d» ^peaplo
singulier, ont^ti pour M. Tiisingh follet de JaiMijoeBi^ de^iamarque»
curieuses, et ji>a' rassemblé «iir ces maitéres .pïasieun, mimciiei et un
très-gnuid honihre de déscins. Un Tojrageor'exaofetftttétHîf'éiQitik sur
■on tarrain;-at les renteîgnemepsde ce genre ontid'autaBt pAu de prir»
qu'il n'est pas au pouvoir, de l'érudition d'y suppléer enoéFenicnt. Je ne
Teux{»s <Ëre pourtant qi^lj^ At possible de tirer un tsbieau coniplec
M même assca étendu des usages et des imiitutions des Japonais , de
iaiinim mécaniques, de' leur économie domesâqueet des'procédés de
leur agriculture , du grand ouvrage encyclopédique que M. Tïtsïngh a
légué k la SiUôathéipe royale : mais on ne lauroit s'attendre à trouver
dans un recueil de ce genre un grand nombre d'ofa^ets de détail pour
lesquels il fant nécetsaifement'recounr aux traites spéciaux, ou mieux
encore aux observations des vc^ageurs, qui savent. mieux que.les naturels
sur quoi peut porter princîpalenieïit notre curiosité.
C'est préctsémcnt ce qui (tit k mérite du volume qu'on vientde
publier) et qui nous parott avoir f avantage d'être tout-i-Ia-iôis un
ouvrage original, édalrct et commenté par un observateur fudicieux. En
eflèt, dans la vue de s'instruire des cérémonies usitées au Japon dans les
rituiJ ,: sopt du nottftre des moins oaAsMiéréès' an Jafloni e^^ k )Uge# , pw^
les rûe$ minutieux qui sont prescrits pour leuiis maringesy dé teux ipé*
dqi vent èfre observés, quand il s'agkde. personnes cTunrang.dîstin^é^^
les Japonais peuvent passet pour k peupJe Je pli^ cérémonieux duj
npnde , et les Cbtnpis p si renommés soûs ce rapponi , .ne swKoient leur :
être comparés! Tout j «est prév^ay léglà»; décrit d^ayaace dans It^céfé^l
iT^onial; on dresse une liste ej^de des présens cpie l'époux dôiteniri^ft
aux pai:eQs de ia fiancéey et>dt)vcei|X:qui sont pxlv6yéi( en édmiig». f-^
l'époux^ à ses parens> et au 7b^//iMtr>:perKknb^gB' nécessaire. dan^ îles.,
f^iariagea desi. Cjiicois) et des Japonais/ jbe.aon^ire et l'espèce de.ce&r
présens sont détjerininésLpar.rusa^j; on.lea reçoit. avec. de grandes céré^i»
mpniesr^inémje chez les gens> du ^peupk^ et; onc eît donne des quittaïutfii^
qui rappellent les objets doat ils ^se- cjoinposesi^t* Il est, rei^arquabfe qttfe>tit
parmi ces objets ^u'on^^nveie à la nouvelle mariéetise couvent des litmi»
dQ poésie et de morale, et.le rituel même du mariage n'y est pas oubKék;
Lf|sJ[]ai>çaiIIes,et les noces se font. le même jour, et sans le conoMriif;
d'aucun prêt ce; ce qui méxke d!ètre nojié dan^ un pays- qui a* été ^
lo4ig- temps et qui est encore, en partie "soumis à un gouverner^^iM i
théocratjque* Le rit fondamental ^ da]ns' oeti^' occasion , consiste à &{ren
boire aux deux époux . plusieurs coupes de ^àkki ou de bière forte; et l
les principaux rôles», dansr cette cérémonie , sont remplis, pat deux ieunei?'»
filles qui fpnt les fonctions de paraiiymphes^;et.qui se nomment; Tune»;, »
papillon mâle, ttY2t\xue^ papillon fimûu^ii cau^et des figura dont les vasea**
qu'elles portent sont ornés. Les papillons» au Japbd>.âottt les emblèmes;)
de la fidélité conjugale • parf« qoft c^ insectes volent ^ii;Str.on t .toujours i
deux à deux. Les /règles minutieuses auxquelles soiU assujetties i^\
moindres acdons ^es deux époux et de Cewc qui .assistent à Ja n0€)eA.S
avec la description des objets' qui y servent». occupeiaX une centaiûe^d^I^
pages dans le volume que nous avpns sous.lea yeux » et sont te«nxiâé4ft<|
par un vocabulaire des mots japonais qui s'y rencontrent et de ceux? que; .
î'é/iquette veut qu'on empkde. 'dans ces ctrcpnstaoces. Ce .demies sedouos ..
est.d!autant plus nécessaire,,. que w.rauteur*ayant itou jours çpnserVé .dans j
sa traduction les termes de roriginal,.eIle est, en plusieurs; endroits > ,
ol>scure et presque imnteiligible. S'il y a des mats consacrés par l'usagft»
il y en a d'autres qui. sont proscrits, lels que ceux de prendre congés se \
Si'par&, changer^ inconspsiia, étc.Ce^. mots seroSent regardés comme de i'i
fiicheux présages pour l'union' qui se pnéparei^ et J-on s'attacbé k Ira '|
éviter dans tous iesacteiyda^s ksle/tres et lesibnnules quis'einpIcMilfi;
à l'occasion desumces. .:.r . .;: , .!.. .. ; i .
'gSi lesi 4lapiQiDaif;^:pDur::tout çcl5piia rapport aux Jtiariagi?s]| jtnéme- .
460
JOURN.AL DESSAVANS,
entre les lalioureunvics' aniiantet iis^inudiands» s'utreignent Ii dcf
idgies d*étiqueittet k du {Madquea aàui g^nantu qnc celles qui sont
dètûUiegdMOiim pnmièW'pai^ de ce volume, on doit Vuteiidre h
tnuver cequten i«iUtif1ainjftml^Ieft^<a4iB;etti;chcs eo^ k «a Ciré»
moiiôl non inobn rigoureux.- -Dans M^iceoQiriie les entctnmens;
ilr prennent aMeZ'gitténâlement'faiiCÛnob paifr-iDodtits, excepti
k'Nangatiikt, oii Ki''angei'iatîon»K-::piroi»ént iTur louffert dn
ôunaurce qne I«;habitti» de ceae-Jvflle'tnariânw-Am «a^avec fès
éuii^en. M* 7tisihgfa».dincvBtle ptrt»>de -K>n ouvrage, comme doit
H prediiire, a prit pour iiase un Avi* fapobaîs dont ildbnhe Ja traduc-
tieh, mais en.maïquanlt d'après ses propret observations, -les déro-
gadons qui se font porfbir mi céréraon^^ Quattd on oonnoît i'e^c
mélUKoUque et le caracièife sévère des. Japonais , «h peut croire que le '
deuil est rigoureusement observé diez eux i en le porte en blanc j et un
uaagé, qui semble dicté par la nature, y ioint Tabstinence de tcHis les
alimetu pris dans U- classe- dci- ètrek vivans. En cela, comme dans
piesque tpBt le, reste, les fiinérdUes des Japonais et les hommaget '
tfioanadvxLtaoni,C9mMt/llsiloitnteHC9nvivaHt, ont la plus grande
analogie avec ce qui le pratîqu» k la CfùM. Comme les Chinois, les
Japonais évitent, en parlant des morts, ceriaïnes expressions qui
dwqueroient la délicatesse des vivans, et ils poussent Teupliémisme à
cet égard plus loin que les anciens Romains enx-mémes. lis nomment
tm tombeau ttaMisi-koure , raoïKeau de terre ; pour &ire entendre
qu'un homme est malade v ib disent qu'if tstyaseumi, ^st-àdire, qu'il
est' retenu chez lui; et, en parlant des morts, ils les appellent nararou
[Us déplacés J. Le vocabulaire des funérailles n'est guère moins
étendu que celui des mariages. M- Titstngh avnt sans doute intention
de le donner ;mab on ne trouve à la place,-dans le volume nouvellement
ubiié, qu'une labié qu'on a mal-à-propos intitulée Table des noms
AOUT 1819. 48'
cette poudre par une lettre à M. Deguignes, qui a été insérée dan<?fe
Journal desSavans de décembre 1788, entre ici dans de nouveaux détails.
W cite une expérience dont il a été témoin, et dans laquelle le charige-
méht attribué à ïa poudre Dosia eut lieu en vingt minutes. M. Char-
pentîer-Cossigny,dontM. Titsinghavoit également provoqué l'attention
sur ce sujet, donne, dans son Voyage au Bengale, quelques détails sur la
poudre Dosia , .dont il devoit des échantillons au voyageur hollandais:
il a fait , pour en constater la nature chimique , des expériences qui n'ont
pas produit de grands résultats, çt , pour vérifier sa propiiété particulière
sur les cadavres y des tentatives qui, comme il l'avoue assez naïvement,
ne furent couronnées d'aucun succès. La nouvelle notice de M. Titsingh
iiiériteroit peu de nous arrêter, si,x>utre la tiescription de (a poudre
Dosja, elle ne contenoit des traditions très-curieuses sur les progrès du
bouddhisme au Japon. Kobûu-daïsi, qui y (Contribua puissamment,
naquît, en 774 > dans la province de Sanouki. Versé, dès ses plus jeunes
ans , dans la connoissance des livres chinois et japonais, il se sentoit
entraîné vers les doctrines de Chakia, et il saisit la première occasion
de l'étudier à fond. II embrassa l'état religieux à vingt ans, devint
bientôt après grand-prêtre, et accompagna un ambassadeur japonais,
qui vint en Chine, en 8o4* Ce fut alors qu'il se lia avec -un savant
religieux indien, nommé Asari, qui lui donna des instructions sur ce
qu'il avoit si grand désir de connoître , et lui fit même présent dés
{ivres qu'il avoit recueillis dans ses voyages. Un autre religieux , du nord
deFHindoustan, lui remit aussi un livre qu'il avoit traduit du samskrit»
avec plusieurs manuscrits sur des sujets relatifs à la religion. Koubo-
daïsi revint au Japon avec ces trésors^en Fan 806 , et se mit à prêcher sa
doctrine , en s'appuyant de miracfes qui convertirent jusqu*au Daïri \\x\^
même. Le chef de la religion nationale du Japon embrassa fa loi
indienne, et se fit même baptiser selon le rit de Chakia. Kobou, anitiié
par ce succès, publia divers ouvrages ascétiques , et, en poursuivant ses
propres méditations, il arriva à ce résultat, que les quatre grands fléaux
. de l'humanité étoient T enfer, la femme , V homme pervers, et la guerre.
II composa aussi un livre oii sont ex[X)sés les dix dogmes fondamen-
taux de la loi de Chakia. On ne peut compter le nombre des prodiges
qu'il opéra, ni celui des temples et des monastères qu'il fit bâtir. II
,mourut le vingt-unième jour du troisième mois de l'an 835, après avoir
obtenu du Daïri la création de trois chaires pour l'explication des livres
Be théologie. Sa mémoire est encore à présent l'objet de la vénération
des Japonais. Au mois de novembre 1785, on afficha sur le grand
.escalier du port de Nan^saki une ordonnance pour célébrer en son
ppp
iSi
JOURNAL DES SAVAN5,
honneur une grande fètt dans tout fempire. L'époque en étoit lbc£e
an vingt-unième jour dn troisième mois de rannèe suivante» h neuf
cent cinquantième depuis la mort de Kobou-dajri, en comptant à ia
manière des Japonais. *
Le dernier morceau de ce volume est h prélàce du livre de Pobéis-
sance fiOale, d'après Tédition japonaise : voici le motif qui a dicidi
M. Titsingh il 6ire cette traduction. Le livre de Tolièissancè filiale
«voit été perdu , comme les autres ouvrages de Confuchis , au temps de
rincentfie général des livres. A fépoqite de la restauration des lettres «
on en trouva deux copies diiférentes: l'une, en dix-huit diapitret, fût
jHibliée par les soins de Hokian-wang, et porte le nom de Texit itoMviau;
l'autre, qui a vingt-deux chapitres, fut retrouvée, selon la tradition
japonaise, dans les ruines de la maison de Confùdus.par Lbù-koung-
wang. On donna le notn Sancirn Textt à cette ôjpie, qui étoit en ks-
ttou, c'est-à-dire, en caractères de la plus haute antiquité. Le nouveaa
texte fut, adopté de préférence à- la Chine, et fit oublier Tautre, qui
ne s'y trouve plus de nos jours. Les Japonais, au contraire, ont con-
servé l'ancien texte, qu'ils croient bien préférable. Il y a entre les deux
textes des différences qui portent sur la division des chapitres , sur la
forme de plusieurs caractères, sur le sens de quelques passages: mais
on ne doit pas s'exagérer l'importance de ces variantes, qui ne changent
rien d'essentiel au livre de V obéissance filiale ; et l'on rie doit pas croire
sur^tout qu'elles puissent fournif des armes aux détracteurs de Tanti-
quité chinoise, lesquels voudroient faire considérer fincendie des livres
comme un événement qui auroit entièrement détruit les anciens nionu-
mens littéraires , dont on n'auroit ensuite retrouvé que des copies in-
formes et dépourvues d'authenticité. Nous avons feit avec soin la colla-
tion des deux textes du livre de Tobéissance filiale, et il nous paroît que
AOUT 1819. 48}
t consultées , probablement privées de notions exactes sur là littérature
et ménie sur la -langue chinoise, Font entraîné dans des erreurs très-
graves, et lui ont fait altérer les noms les plus connus. Je ne citerai
qu'un seul des contre-sens qui lui sont échappés. «cSous le règne de
a> l'empereur Zoo». cfît*î{, "^ut un certain 0*Joosi, lequel composa
j» une centaine de vers à la louange des sabres du Japon. » II y a dans
Tor^g^inal : ce Sous la dynastie des Soung, '£ou*yang-sieou composa det
» poésies, et cent volumes- sur k littérature.» '£ou-yang-sîeou est un
dès autéufs chinois fes plus célèbres du moyen âge : il a composé diveii
ouvrages très*estîmés sur Fhistoire et h littérature ; mais je ne sache pas
qu'il ait jamais loué les sabres du Japon. Espérons que , dans tes ou**
i^ges phis importans qui restent à publier, M. Titsingh, non moins
distingué par sa modestie que par son zèle , aura toujours exactement
suivi les interprètes japonais qui l'avoient aidé dans ses travaux , et n'aura
pas souvent accordé sa confiance à des critiques capables de lui laisser
passer de semblables erreurs*
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
Travels in various countries of THE East, more parti-
cularly Persia; a work wherein ihe author has described, as far
as his own observations extended, the state ofthose countries im
18 10 , 18 II and 18 12 , and has endeavoured to illusîrate many
sttbjects of antiquarian research , history, geography,phihlo^ and
miscetïaneQus littérature , with extracts front rare atid vûluable
oriental manuscripts ; by sir William Ouseley^ ksiight^ L, L.
D. &c^yQ\. I.**— Voyages en diverses contrées du Levant, et
plus particulièrement de la Perse; ouvrage dans lequel l'auteur
a décrit, autant que ses propres observations lui en ont fourni le
moyen , l'état de ces contrées dans les années 18 10 , 18 11 et 18 12 ,
et a tâché d'éclaircir divers objets de recherches archéologiques ,
d'histoire , de philosophie et de littérature mélangée , avec des
extraits de plusieurs manuscrits orientaux rares et de grand
prix ; par sir William Ousefey , chetalier, &c,; tome I.
Londres, i8ip, xv; et 455 pages in-^.^
Hqv% avons dû copier ce lilre en ehticr, maigre wn extrême
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JOURNAL DES SA VANS,
longueur, l'anteor déclarant dans sa préface qu^ son intention a été que
cet aperçu détaillé de son ouvrage fît connoître d'avance anx lecteurs
ce qu'ils y troureroîent et ce qu'ils ne dévoient point y dberdier. Ls
Compte que nous allons rendre de ce premier volume, &ia''VoU'' ^Be
M. Ouseley a effectivement tenu ce que pgïmet le titre de àt Vt^i^
Sir Gore Ouseley, fiére de fauteur, ayant été nommé pule roi
d'Angleterre ambassadeur extraordinaire et ministre pléntpbtcntian
près la cour de Perse, ilétoît naturel que tirV. Ousdey, qtil.depvis
lieaucoup d'années, avoit consacré ses- études à la langue et à la litlé-
rature persane, profitât de cette occasion pour visiter les contrées dont
rhistoireet les antiquités étoient l'objet iûbiuel de ses méditations. II
&t en efTcl attaché à l'ambaisade comme secrétaire particulier de tir
Gore Ouseley. Les mêmes bâtimens qui dévoient porter l'ambassade,
dévoient aussi reconduire l'ambassadeur persan Mirza Abou'Ihasan, qui,
après. un séjour de dix mois environ ï Londres, retournoit dans sa
patrie. Ayant déjà fait connoître les principaux détails du voyage des
deux ambassadeurs, en rendant compte, dans ce Journal, de la relation
de M. Mener, nous Classerons sous silence toute la partie descriptive
du voyage maritime de M. Ouseley, et il nous suffira de dire que le
premier volume que nous annonçons se termine i. l'arrivée de l'ambassade
à Schiraz. Au surplus , notre extrait de ce premier volume perdra peu k
cette réticence , l'intérêt de la relation de M. Ouseley étant essen-
tiellement différent de celui qui recommande le pltis ordinairement ce
genre d'ouvrages.
Ce volume est divisé en six chapitres ,' dont nqiis indiquerons
sommairement le sujet. Chapitre I, route d'Angleterre à Madère, Rio
Janeiro et Ceyian ; n , Route de Ceyian k la côte de Malabar et à Bom-
bay; III, Des Parsis ou Guèbres, adorateurs du feu; iv. Voyage de
AOUT iBi^. 48î
d'autres oTi}ets acceîsoires, sont iraiiés, soit dans le texte, soit dans les
notes (!e ce preinier chapitre. Ce que ces recherches offrent de plus
curieux, ce sont des citations d'un grand nombre d'écrivains orientaux,
toujours rapportées dans la langue originale , et traduites avec beaucoup
d'exaciitude. Nous avons cependant observé un passage ou l'auteur nous
paroîl s'être trompé d'une manière assez étrange.
M. Ouseley, rapportant, à l'occasion de l'île de Screndib ouCeylan et
de ses productions, un passage curieux du JVo^/iat alkoloub, ouvrage de
Hamd-allah Kazwini , fréquemment cilé sous le nom de Géographe
persan, consacre une longue note k la substance minérale nommée en
^^Tizn suiibadih ojly^, mot dont /es Arabes, suivant leur usage, ont
fiiit sunbaile.lj ou sunbaritg ^i\j^. Notre auteur, après avoir cilé ce qu'on
lit dans le Fnrhang Djehanguiri et dans le Burkan kat'i sur le sunbaiiik
ou émeri, ajoute : « Ces notions paroissent empruntées en partie de
» Hamd-aliah Kazwini, c|ui, dans la portion de son ouvrage relative à
» la minéralogie, décrit le sunbadcàj comme une pierre sablonneuse et
» rude dont les lapidaires font usage pour forer les pierres dures, qui,
y> réduite en poudre et ejrtployée ùfrottir hs barbes usées par l'âge, sert à
» les rétablir, et qui enfin, quand on s'en sert comme d'un dentifrice,
» nettoie les dents. » J'ai traduit littéralement les termes anglais qui
expriment la seconde propriété: w hen pulveri'^d and rubbed on btards ,
that kave decayed through âge, it serves to resiore thtm. Le texte porte :
(^-<»J cJjff 0-JL» (j^tj'.friJj ji oijiï» ^ , c'est-à-dire: « on le réduit
M en poudre , on l'applique sur les plaies invétérées , et il les guérit, a»
Cette propriété de la oiine de fer connue sous le nom d'émeri est
attestée par les médecins grecs , et tout le passage cje Hamd-allah semble
être emprunté de Dioscorîde , dont le texte toutefois paroît avoir besoin
de correction. ( Dioscor. de mtd. mal. lib. Y, cap. t6â. ) M. Ouseley a
été trompé par l'équivoque du mot li^.j, qui signifie également plaie
et barbe.
Le second chapitre du Voyage de M. Ouseley contient la route de
l'ambassade depuis Ceylan jusqu'à Bombay , son séjour dans celte dernière
ville , et la visite faite par le voyageur aux anciens monumens de Kénéri
dansl'Ilede Salsetie, et au temple souterrain d'Èléphania, ou de l'ile
nommte par les Indiens Ckarijiouri: le nom ^Eliphanta lui a été donné
par les Européens, parce que, près de l'endroit où l'on débarque, est
une énorme figure d'éléphanr en pierre. Ce chapitre ne nous a paru
offrir riun de nouveau , quant au texte de notre voyageur. Les noies
renferment, comme dans le chapitre précédent et dans les suivans,
48(f JOUflNAL DES SAVANS.
diverses redieidies tf Jjniditioii ; par exemple , sur lu amoun dç 3oseçit .
et ZouIeïUu* sWet qui a ét{ .iraîtj par un grand nombre de portes.
P«r«uui,wr rarbre^speiiiansMui^-|'opmion,amibi)^ï<dvef| Muples,
idqiitnsii^.M.iWdlBlityVcaa adte k une îdptfi, ust qu'tU«:nett pu
ei^ij^T^û^ .a^ievéft*. :*^ cojuifldreiu le» y^ux comn^e la parti* lapiut.
essentielle des figures, ifoet ib fiyit f^bjet de leoF •vénétaôaai sur
Çiisage de la/couIcur rQUgie «pp&piéQ d^une manière spéfdale aux objets'
dn ^te, dans Fantiquiié coniine dam {es temps modeines , et chez dti,
peuples trti-diven; fur les reports observés entre |es divinités de Vhffiv
et ceHes des Egyptiens et des Grecs; Fépot^e k laquelle peuvent appar-
tenir les monutnens ffEIéphanta; ie poème persan intitulé Bar^m-
namih , As. Quoiquf M» Ouseiey., çi) généraf, préseote pbudt lea
problèmes historiques ou philologiques qu'il ne les résout, nous avçns
pourtant remarqué quelques assenions, soit dans le texte de ce diapîtret,
' sQit dans les notes, que nous aurions peine à admettre. A l'occasion de
certaines chansons indiennes, dat^ iesquelfes * contre Fus^e des autres
naiionst in déciaratipns d'amour les pius passionnées sont mises dans la
boucbe.dex<^UKs'iUeset parellçtadressées ^ leurs amans, M. Ouseley
diique> bien que les écrivains musulmans fassent de fréquentes allusions
aux aventures de Joseph et de ia femme de Putjphar, cependant les
Pfiïans, soit' qu'ils éctiventen prose ou en vers, ne mettent jamais
d^nsia boudie des femmes aucune déclaration d'amour, m Ma mémoire*
» dit-i1, ne me rappelle aucun exejnpie du contraire parmi des milliers
» de sonnets persans que j'ai eu la patience de lire pendant tant
Ad'antrfes. » Quoique je sois certainement beaucoup moins familiarisé
avec Tes poètes' persans que M. Ouseley, l'opposerai & la généralité de
cette observation i'exempfe de Tehminèh, fille du roi de Sémengan,
qui va trouver durant la nuit Rostam , l*hôte de son père, et obtient de
AOUT 1819. 487
S¥ec tonte sorte de raison qu*on l'a nommé s>AJt qLJ» la langue du
wtystm. Sanl^ doute ce qu'il y a de plus choquant dans ces allégories ,
ne peut être toléré que dans des pays où la corruption des mœurs a ôté
k ces images ce qu'elles auroient ailleurs de révoltant ; mais il n'en faut
rien conclure contre le sens mystique qui leur est attribué. D'ailleurs »
il est bon d'observer que » dans d'autres pays musulmans, en Egypte,
par exemple, les chansons erotiques, par une sorte de décence, bien
extraordinaire sans doute, ne seroient pas tolérées en public, si Ton
employoit, en s'adressant à l'obfet de sa passion, des expressions du
genre féminin , x]uoiqu'iI y ait souvent une contradiction ridiculç entre
les pensées du poète et l'iisage qu'il &it du genre mascuIiÀ.
' A la fin de ce second chapitre , M. Ottselèy îàx mention des Parsis on
adorateurs du feu, établis dans f Inde, et particulièrement de ceux qui
habitent Bombay. II dit que d'autres voyageurs avoient déjà fait connohre
tout ce que ses recherches personnelles lui ont procuré de renseignemens
sur cette nation , et cependant il ne peut se dispenser de faire mention ,
dit-il, ce du modeste et très-intelligent Firouz, principal destour ou
35 prêtre des Parsis, et communément désigné par le titre de Afoulla,
a» quoique assez improprement, puisque cette dénomination arabe est
9? empruntée de ceux qui professent la religion la plus opposée à fi
» sienne et la plus ennemie de la doctrine et du culte des Parsis. V»
Je transcrirai ici ce que M. Ouseley ajoute , tant sur Firouz que sur uii
autre Parsi , et su ries Parsis en général :
ce Firouz a passé plusieurs années en Perse ; il m'a assuré qu'il seroft
» impossible de trouver dans cette contrée aucune personne capable de
9> déchiffrer les inscriptions persépolitaines. Je lui manifestai le désir dé
» voir le Bar^au-narnih , dont M. AiK|uetii du Perron parle comrtie d'ail
j> poème de plus de soixante mille distiques , ajoutant que l'exemplaire
» impar&it de cet ouvrage, apporté par lui en France, étoît unique en
» Europe. L'obligeant Parsi emprunta d'un ami un <fxemplaire éix
55 Bar:^ou-ndmèh pour me le communiquer , et satisfit ain i ma curiosité.
» Après en avoir lu diverses parties, j'ai reconnu que ce |X)èrrie, malgré
»la pureté du style, et Tintérêt dès histoires qu'il renferme, n'esè
39 cependant qu'une fbible imitation du JVAtfA-ff^w?^ de Firdausi , qù'H
>> n'égale que par sa longueur.
» J'ai été redevable à un autre Parsi nommé EJtlji» homme de
>> beaucoup d*esprit, de quelques volumes zends et p( hivîs , ^ui sotit
33 autant de spécimen des anciens dialectes de la Perse, qu'on e.îtènlï
» encore aujourd'hui. Fnouz et Edeiji étoient regardés comme fé^
» hommes les plus instruits de tons ôeux de' leur nation -qui sent 'établis
488 JOURNAL DES SAVANS,
» à Bombay : eux seuls , diM)i^on * étoient en iat de lire et (f expliquer
aces manuscritSt fantiqae langage de l'Iran étant preiqiiife totziemeni
?y oublié, el le persan ni(>deme mime étant tombé en déiuétude parmi
3> lés Pars» de Bombajr. Cependant , quoique les Partis aient emprunté
M beaucoup de dioseï dei natiicHit dans les pajrs desquelles ils trouvent
» une ^otection contre lespersécutioas des JVUhométans , ils conservent
P encore la religion des Perses leurs ancêtres.. Je ne recfaerdierai point
» ici s'ils la conservent dans toute sa pureté ; }e dirai seulement qu'ils
^ retiennent encore assez de son excellence f. pour qn'elle ait un àepé
» leinarquable d'influence sur leur conduite morale. Tout ce que nous
M en avons ouï dire sur le lieu , confirme ce qui a été rapporté par di vers
» voyageurs , de Factive indastiiet de Fliospittlité , de la philanthropie
» çt de la bienveillance générale des Partis , et n'a pu qu'augmenter
» ridée favorable que je m'élois déjà formée de leur religion ■ comme
M d'une doctrine qui non-seulement recommande, mais produit effec-
n tivement des habitudes vertueuses, et qui rend fu>nnètes les hommes
» et diastes ie% femmes qui en font profession. »
- C'est aux Psrsis , k leur religion et k leurs coutumes , qu'est consacré le
troisième chapitre de M. Ouseley , chapitre qu'on peutconsidérer comme
une sorte d'excursion ou de hors-d'ceuvre.
Mr Ouseley pense, comme le docteur Hyde,que les anciens Perses
n'adoroient que le vrai Dieu: c'étoit en son honneur que les prêtres
entretenoient le feu sur les autels. AujounThui même, soit en' Perse,
soit dans Flnde, les disciples de Zcroastre, en rendant au feu une sorte
de culte, n'ont point réellement d'autre objet de leur adoration que
Dieu seul. II accorde que la pureté de ce culte a pu être altérée à
diffêrentes époques f>ar des schismes, et souillée par des pratiques
hérétiques; mais ces altérations, suivant lui, ont été de peu de durée,
t été adoptées que dans quelques districts particuliers de ce
ATOUT jfijç. 4if
Kolré auteur explique ensuite.Ies noms de Behdin ^.0^9 et Afa^-
-ieiesnan (^Luj^j^y que sedonnenUes disciples de Zoroastre : le premier
signifie partisan de là religion excelUnte; le second, invocateur d^ Ormu^d.
Une observation de JVl. Ouseiey assez importante , si toutefpis elle se
trouve confirmée par. une lecture attentive d\x Schah-nameh et autres
ouvrages capables de ^e autorité , c'est que , toutes les fois qu'il s'agit
<Ie jSehonnagès antérieurs à la réforme de là religion par Zoroastre , au
lieu des épithètes behdin et ma-^mesnan, on se sert des mots Pakdik
^3 dlj , homme d'une religion pure, Khodapérest/I^ed-pérest ou Yeidân^
pérest cx^^ ljb<k — cki^ Ah'^o^^ ^Î^J:!» adorateur de Dieu. Ces
dénomtntitions sont constamment employées comme l'opposé de Bout--
pérest i::^^jj^ o^ 9 adorateur des images ou idoles ; ce qui démontre, suivant
Mi Ouseiey, que le dogme de l'unité de Dieu fut de tout temps un
point capital de la religion des Perses. Nous n'examinerons pas jusqu'À
quel point cette question peut être décidée par lautorité de Firdausi
qu'invoque M>. Ouseiey apurés "William Jones ; nous ne demanderons
pas non plus si, dans cette question, ii ne faudroit pas distinguer h
doctrine et les pratiques du culte pmblic, d'une doctrine plus spirituel]^
et plus relevée qui * avoit pu être conservée et transmise pendant
plusieurs siècles a des esprits supérieurs au vulgaire. Nous douons
qu'en examinant la chose avec impartialité, on ne trouvât pas un peu
d'exagération dans l'idée favorable que le docteur Hyde , et , après
!uî, M. Ouseiey , se sont faite de la religion des Parsis, >
On sait que les adorateurs du feu sont appelés par les Persan^ C*^^^''
y^i owGuevry jj^y mot qui peut-être n'es^t qu'une .corruption de
l'arabe Cafr jiLà», infidèle. M. Ouseiey dit, à l'occasion de cei^p
dénomination, qu'Origène , répondant à Gelse qui avoit fait une allusion
aux mystères de Mithra, emploie le mot Cabires comme synonyme ^e
Perses, quand il dit : « Que Celse sache que nos prophètes n'ont emprunté
» des Perses ou des Cabires rien de ce qu'ils disent. » ( Orig. contr, Celf.
lib, VI,) Je ne conçois pas sur quel fondement Thomas Hyde, que suit
ici notre voyageur, a supposé que les Cabires sont synonymes des-
/^^rjfj". Pourquoi le nom des Cabires ne seroit-îl pas pris ici dans sa
signification accoutumée! Je ne croîs guère plus fondée la supposition
de Hyde et d'Hadrien Reland, qui ont cru trouver quelque affinité entr,e
ie mot Guebr j^ et le mol hébreu -lan , qui signifie docteur ou ministre
de ta religion, et qui a passé dans la langue arabe. Hyde cite, il est vrai,
des auteurs juifi qui paroissent avoir entendu sous ce nom les Perses;
mais il est bien difficile de supposer que , pour les Orientaux, il y ait
quelque analogie entre nan et jx^n
Qqq
490 JOURNAL DZ6 S&VANS.
thitt ce Mto» duqpiaè , M. OvêAj a mutaMtJonjffaai^m'ibn
de tém«tga«g<t yma pntmr jfA divcnaf. époques- de ^fihùcointt v
panieriiiRMHtfMwk4]natstk4e*iiMMMUe>*lM«rMpia>Ai fiw <w
tljréM faftttuii HwéwwiilMi lefci«*v«^«^.ili!ii-j<e^»wi Mèdv
ywrtBOBde-Jp.ff.r p— Jfe TahgM^ufenVfnifiHilBiy.iiyiée.
fia ptifHlt-i*i ftnU «nbiis^tliÉle, M.ONtdbBFMad.io»Mi
"ye.'Wiffilun lone» «tméoMM» les. Kmctlffciidu:à.k£itirtiHe'iï«r
^teTMt frMÇsl>.'Aice«ujet, if ttaQJgne Je deurde «voir ûM. Aa-
Cpwtil, tpD Moit aimoncé que ton dessnn ^ébiit defiNincr un dictio»-
ntlre de loin les f««s des idiomessoid et ))^iri qai «an^dam le* livres
'ieadem et iMdmws des Panù, a «zécnté^e projet >«t slU dmsé^des
-gimmaires de ces langues. Je saisn cette occanon d'Instruire le public
qull ne Vest trouvé ta grammairei ni dictionnatres de ces iangues duos
iëa-pq>fevs'de -M. Anqnetil, et quefe tiens de Int-tnème qu'il n'avott
t exécuté h tmwl qu^il troit autrefois projeté rdativemeot à ces
iir,
Après la longue excorûon qui occupe 3e chapitre lll en entier,
fantenr reprend, dans le chapitre iv, Fordre des ^énemens, depuis
'fettditrquement de Tambassade^ Bombay, josqu'ï son débarquement à
'Boost^re. Ceqne ce chapitre ofïre de plus intéressant, ce sontqnelques
détails historiqaes et géographiques sur Hle d'Hpnnuz <t les autres {les
du gc^ Persique, ainsi que sur la ville tnaritiine de Siraf, qui Aiti
sous le règne des Abbasides , le centre du commerce des Arabes avec
Tlnâe et fa Chine. Les notes de ce chapitre contiennent, comme celles
'de tout Touvrage, un assez grand nombre de reciierches» de citations,
et d'observations philologiques intéressantes, sur-tout pour les personnes
AOUT 1819. 431
que des monnoies-, da pierres gravées et dej urnes sépulcrales'
Pendant le séjour de l'ambassade dans son camp, des nuées de sau~
lerelles couvrirent à plusieurs reprises les environs de Bomchire. On e"
distingue de deux espèces, l'une qu'il est permis de manger, l'autre
doni l'usage est regardé comme illiciie. M. Ouseley croit que le dom-
mage que ces sauterelles causèrent , fut compensé par l'abondante nour-
riture que leur chair fournil aux habîtans. Noire voyageur assure^h
avoir mangé, apprêtées de diverses manières, et ne les avoir pcmlt
trouvées désagréables au goût ; leur saveur lui a paru approcher de celle
du homard ou de la chevrette. On a souvent supposé que les aîtes des
sauterelles ofïroient certains mots écrits ; suivant quelques auteurs musul-
mans, oft y lit en arabe cette longue légende : « Nous sommes l'armée
» de Dieu : nous avons chacune quatre-vingt-dix-neuf oeufs; ei si nous
» en avions cent, nous détruirions le monde et tout ce qu'il contient. ■
M. Ouseley, accompagné de quelques autres personnes de l'aniba»-
sade, alla visiter les ruines deRischehr, ville qui paroît avoir été beaucoup
plus considérable que ne l'est aujourd'hui Bouschire. Si l'on en croyoit
une tradition locale, on ne pourroit pas douter que Rischehr n'ait été
autrefois une ville très- importante ; car on assure que plus de sept cents
familles de ses fiabitans étoienl occupées i tailler et à polir des corna-
lines et autres pierres dures, qu'on y apportoit de Cainboye, ville de
rinde. Il y a certainement quelque chose de vrai dans celte tradition,
puisque les ruines de Rischehr, et la plaine où elle étoic située, sont
SemÂs d'une immense quantité de fragmens de ces pierres.
D'après fe témoignage d'un écrivain persan , on a lieu de croire que
rinsalubrité.de Pair a beaucoup contribué à la dépopulation et à la ruine
de cette ville. Les Portugais y ont eu un établissement, et on leur
attribue la construction d'un fort dont il existe encore des ruines.
Le voisinage de Bouschire offre un assez grand nombi-e d'objeti
inléressans pour les amateurs de l'antiquité, telles que des voûtes sou-
terraines, ou chambres sépulcrales, où l'on Toit des inscriptions en
caractères totalement inconnus, des ruines de canaux et d'aqueducs,
des puits, des pierres gravées, des médailles, des fers de flèche, det
cylindres , des amulettes , des briques avec ou sans inscription , pareilles
ï celles des ruines de Babylone; enfin des vases remplis de graines de
mauve, et des urnes funéraires. Les premiers sont formés d'une argile
jfial cuite; les semences de mauve dont ils sont remplis, tomljeni en
Jïoussîèredès qu'elles éprouvent leconiact de l'air. On dit que les Guèhrei
ou adorateurs du ftu gardoîent religieusemeni ces semences sous leurs
Maisons, par une suite da respect qu'ils avcHem powr cette plante, qui
Qqq 2
J
4pi JOURN-AL DES SAVANS,
est une de ceHes dont les feuiUes et les fleu^ «^enl h mmi^i^v^at
et se tourneilt vers cet astre, etpotirjM|tttteb-4St-pa, F)4hig<ilniï-avort
une singulière vûiiéraiioii. M. Ouseley suppose que celle j^wique ptut
tenir i. l'usage que les Parsis fais<Heril, à un cerlaiii jour de raniiée»
d'une racine ou substance végétale nommée Rihmen ou Bahman,v\ qui
ilpit censée avoir quelqive rapport nvec l'ized Babnian : mais ce rapproche-
^|lt n'tii fondé que sur l'observation faiie par un écrivain arabe, qui
^^ue la feuille de ia plante nommée Baliman ressemble ù celle de l'es-
pace de mauve ou althaa appelée par les Arabes khoha?J (jijL^ ; et
nous devons avouer qu'un pareil fondejnent est bien insuffisant. Au
surplus, «r nous «eiid^e que^M.-OusAlcjrtHtTfei'Pffinier qiÂ.&.-&it coa-
âtÂpe la décottveKetie eeskT83«l oMptit «iR^^eaiéift^e* deniufpK.
' -Qtiflhtauz urnes.- fuhéraires ^t se irowttnt- çbps - le yoUinage de
Bouscbirev MM. M«Icoh«et Monfr. les ont 4éjà -ûit connoître ; mais-
noak-devons ^ M. Quselejr une dÀcrîption,plus détaillée 'de ces urnes
•It de ce-qu'eUes renfemièiU. Ob' geiue de décwveMes ezcitoit particu-
If^fipnent la curiosili de notre Vayl3geur„|{ ent r«nd i^^q en^estef inet :
•il Pendant 'plusieurs années consactéfsA'fÉiwd^dù ju^fiquités orien-
» .taies ^; j'ai donné une attention particultèire à-fout ceijiii t^oncerne les
MUlages des funérailles et les rites des sépuïtutjBS, Je suis .fort porté à
»lcrotre que, chez les Perses* des :âges qocions,. beaucoup de corps
»itoîent confiés à la terre tout entie» et-dans. ieuK éW ipaïu^el, que
» quelquefois même on. avoit recours a^z.emb^nifraens.pqur Içs pré-
M server de ladestruciiori.et oppçisêrvn p^iafjç ^ux-.riivages, du mips;
»quo>q):rïI soit hors de .doute que ks^ }lyl)dfy-laès^ô^i^^es ou Parsis, en
M abandonnant aux oiseaux' et aux béles les-corps^moru^ pour qu'ili
M les déchirent et en déirukent Foiganisatkin, ne £oni qu'imiter les usages
» de leurs ancêtres, qui, comme nous l'apprenons de divers écrivains
lfû$^Toi> un grâue et les. autres parties osseuses d'ua squelette. Ces
9^^%% ne soj^t^pas toutes exactement de fa même dimension 1 dans
IjiJaç, d'elfes., on a trpuvé les ossçmens d'un enfant joints k ceux d*un
.jKluIt^,çIe peute taille. Les îirnes parpissent avoir été euduftes întériéu-
rein eritî d'une substance bitumineusç; elfes rie portent extérieurement
aucune inscription. M» M^lcolip a^entehdu dire qu^ori trouve de sem-
blables urnes funéraires non- seulement aux environs deFoùscbire. mais
aussi dans. 4'autres contré^^ de. la^Perse : M. Ouseley , aa contraire»
affirme n'avoir jamais pu. obtenir s^cun renseignement sur une ^ém-
oïable découverte ^te aiifeùrs gué dans le vohinase de Bouscbfre..
fious.qroyons devoir copiei: ICI» du moins en partie, ce que m. Ouseley
dit au sujet de ces moaumens tunepres.. .
Apjès avoir &it observer. <jue ces urnes n'offrent, comme notis
Tavons, déj^ dit, ni inscription > ni aucun autre signé qui puisse mettre
sur fa voie pour Connoître Fépoque à. îaque fié elfes appartienne^^
ajoute: ce Eu aucun temps les Msihbmétans"' rifont , été dans l'usagé de
» ^enrçrmer ^ipsi W$ rejstes. des corps humains. jL^e^te pratique n est pas
» .moins incQpque aux adorateur s du' feu, qui, soit en Perse, soîl dàhi
» rinde , se contentant de rassembrér', ajîrès certafnes périodes dé
" temps ,.fevps$einens de leurs morts qui, jusque-là, étoient rest^ijlx-
•► et les faissoierit exposés aùxic'&ièni cltjâux ofsé^i de proie, Agalfiîas'»
» écrivain postérieur de peu à Proc6pé,'ait''ëncoré pfus expressément
» qu'ils ne-rfe^Jîértnetrcrieîit'hi ffëntert-èf-Ies morts, ni de les enfermer
* dans une boîte ou un coffre quelconque. Toutefois Fauteur persan ày\
» Lubb ahéwarikh , ou Afô^llt ê^^muttf; dans un passage qui a [été
* connu de d'Herbefot, mais n'a été exactement traduit ni par lui, ni
>» par 'GauIAîW, *^uf ^nous 'dë*c>rk «he tMducribii btîiie "de cé$ ' abr^
^^dlôstoim et di çhronpiogfè , .dit qit^e fes.tomhesytnc^OH s^utîunet^des
3* i^oist jfes; P^^sjie ^ aniéf jeureinent . «^ i|'|s|^pisnpe ,.- ^toi^nt^ de trois, sortes.
»Lesunsi ajoute- t-if, étoient inKumés dans des. cavernes 6\x dokhmek
«pratiquées dans des montagnes; d'autres étoient déposés dans les
3» interstices, des mon^aenes, et on les recouvroit de pierres, en sorte
» que leurs ^pultu^es fofinassent.un tertre; d autres enfin etoient putcé^
» d^s dçs.cruc^çs> et cçnseryés dans fa. terre. » M. Ouselëy feonvîent
.que cet é.crivam ne. parle 'qiié4es!tot^^ ifpense, et
f^e me sembfe ^veç raisoiij que'îe grand nombre diurnes filnérafrés
^^"^.im^^^^^ 4éra6htrc évidemirierit
ii>i
JOURÏ^AL &Éh'kkVk'SS,
que cet usage n'étoîi pas borné exclusivement aux corps des rois, La sîrti-
pficité extrême de ces urnes est encore une forte raison de penser que
ce genre de sépulture n'éloît pas un privilège réservé aux hommes
constituas en dignité ou d'une naissance illustre. HnHn notre voyageur
remarque qu'on a observé ce même genre de sépulture sur les rivet
escarpées du Tigre, près des ruines de l'ancienne Ctésiphon.
Dans le même chapitre, à l'occasion de la manière de vivre des ha-
liitans de Bouschire , que la mer fournît abondamment de poisson ,
S\. Ouseley donne queîques détails sur les requins et les cétacés du
golfe Persique, dont une espèce, connue sous le nom de wa/ JL, dé-
nomination qui rappelle le wfia/e des Anglais et le vahl des Allemands ,
semble avoir donné son nom à une île de ce golfe.
Quelques détails sur les bouffons ou hati des Persans, sur îèur»
lutteurs, sur leur musique et les instrumens en usage parmi eux, tels que
le kemantehih a^I/*, sorte de vioie; la musette, ndi anbanih «jUif jU;
le chalumeau , rai ^jU , ajoutent à l'intérêt de ce chapitre , qui se termine
par une notice des domestiques qui sont attachés au service des voya-
geurs, et une description des ustensiles dont chaque voyageur doit être
pourvu.
Nous réservons pour un second article Textraii du chapitre vi, qui,
■vec Vappeadix, occupe près de fa moitié du volume. Cette dernière
partie de fouvrage offrira encore plus d'intérêt que la première; cy ce
n'est, à proprement parler, qu'à partir du cinquième chapitt'e què Com>
mencç le voyage en Perse de M. Ouseley.
4m
'AdÎJTlRip.
.cwresponclem b ces trois ouvrages, ei dont chacune tomîenl enviroo
dnquante articles qui en sont extraits. Tous ces articles sont pris dans
ïes premières parties de chaque dictionnaire; savoir, dans celles qgi
concernent les lettres A, B, C. Ce sont des exemples par lesquels le public
peut juger de tout le travail qui lui est promis, en apprécier le fond et
les formes, l'esprit, la méthode et le style: ivicun prospeçim , aucurys
dissertation préliminaire , n'en auroit pu donner une idée plus précise pi
plus honorable. Aussi Fauteur a-t-il réduit à un très-petit nombre de pagçs
l'avenissement, où il rend compte du plan qu'il a conçu et des règles qu'jl
s'est prescrites. Il en dit assez néanmoins pour laisser voir qu'il n'a été
dirigé dans ses longues études que par un ardent amour de la vérité. II
avoue que l'examen approfondi des faits et des textes, des mots et det
idées qu'ils expriment, ne l'a souvent conduit qu'à de simples conjec-
tures; et l'unique droit qu'il réclame, après un si mûr et si laborieux
examen, est celui dâ ne rien assurer.
Nous ne nous arrêterons point k la seconde partie de cesptcîmen ; elle
n'occupe que cinquante-quatre pages , et n'est destinée qu'à reproduire
sommairement les notions exposées dans la première. On y voit comment
chaque article de V Abrégé du Trésor des Origines de [a /angue/rançaisf
résumera l'am'cle correspondant du Tre'sor même; comment les preuves
développées et les textes cités dans le grand ouvrage seront seulement
indiqués dans l'abrégé; comment néanmoins celui-ci doit en recueillir
et enchaîner tous les résultats. II est apparemment destiné aux lecteurs
qui , contens de prendre une idée de toutes les opinions proposées par
les étymologistes anciens et modernes, y compris l'auteur , ne voudront
pas suivre le fîJ des recherches et des discussions ; mais on conçoit qu'il
pourra servjrencore à rappeler en peu de mots , aux lecteurs plus instruits
ou plus studieux, toutes les notions relatives à l'origine de chaque mot
français, et qu'il posera du moins toutes les questions à résoudre pour
les déterminer.
L'origine d'un mot est purement naturelle, quand il y a onomatopée»
c'est-à-dire, reproduction de sons, ou bien encore quand ce mot semble
une image immédiate des formes, des caractères, des propriétés de
Fobjet qu'il représente : mais presque tous les mots français sont em-
pruntés d'idiomes plus anciens, du latin, du grec, du celiique, des
langues
septentrionales ou orientales ; et l'esprit de système , en celte
matière, consiste à faire dominer l'une de ces espèces d'origines sur
toutes les autres, à la considérer comme la plus ordinaire ei la seule
générale. M. Pougens, persuadé qu'aux époques où les voyages, le
commerce, les invasions, les transmigrations, les grandes crises de la
496
JOURNAL DES SAVANS.
nature , ont confondu ou rapproché les peuples » Ici idi(»ne« ont iA ttibSt
le même mélange, annonce qu'il ne sent m exclmsivtment orlentaléhe , td
partisan exclusif des oi;}ffnts'ïm$entrio!ialfS..t^Vr^ taét.a.fhyà(fie; dit-it,
»déà^^àès TÂtdâ' ^it6tK««s', une. étude' appr^ndie de Tldstoûre,
j1 aua&rc[û^' est Ipenâii i'fii^rit hiÀnain (feh détnéTer les pnMijiàut
•'fiitS à' ti^irns. ^T^iH dés'timps éi des ^les gai le pKsseht aUtout-
M du hffKXtH dès j^jifes ,' fhitiifaâe de comparer ï4usie,urs langues ,entrè
■» ^Ik,; enfiA Tanalogie ,ifi»ïi «q me déââtit'tc^MRt)» tfb ses duigqpiue»
N.Hïjceptions.: télS'Soni les nfoyens'^^e |-'ai cru 3èt6îr employer. >•
' Sur le'mbt ACHETER PauieuT commence par indiquer les drrerseï
manières dont il a été Jadis écrît: asketer, açattr, aciatèz, acàajtter,
aclitpt'tr, ackejier. Les anciennes orthogAiphes • peavepr mbttK sur la
Vote des étymofogies : un autre soin , qm tend au même but , est de
rapprodier du mot' dont on s^occupe, ceux des autres langues qui lui
ressemblent à-Ia-fois par leur composition syliabique et par leur signi-
fication; maïs le mot français acheter ou acattr ne se rapprodie ainsi que
du Tietuclnot italien r^rfiirf ou accacart, emplt^é par Jean Villani dans le
sens S^ 'mtnditr, ou emprunter, et du mot latin barbare accaptart, qui,
\eIon Cà^eneuve , signifioic primitivement et proprement se rtndre
vassal d'un seigneur. On a cru démêler. dans acceptare fa racine cap
OM^'èaput, etron a dit que IV(i/'/,<irii^//oua(Âa/>r,nedésignoit d'abonj
qùeI^,droît seigneurial qui se payoit à chaque mutation dé cap ou<fe
léte, mais qu'ensuite il a. exprimé, par extension, toute somme payée
jpour l'acquisition d'un objet'quelconque.
M, Pougeni s'arrête peu & Popinion de Vossius et de Barbazan, qui
font venîr.le verbe français aiheter de Tancieft verbe latin acceptare. M
nous semble que cette origine pouvoit mériter plus d'attention. Nous
trouvons dans Plaute, acceptare argentum, recevoir de Targent; dans
AOUT 1819, 4^]Pi\
tkèse qui donne à ce terme une origine septentrionsile. En effel/randen .
îdandaîs , fa langue, finnoise » l'anglo-saxonne ei les autres idiomes du
Nord, offrent les mQts kaupa, caupaa, kep$an,chauptun, et qui tous veulent-
dire acheter 9 échanger, négocier, et qui ont laissé , avec des significations >
à peu près semblables, haufen xlans la langue allemande, cheapen dans
Fanglaîse, kupiti dans ceHe des Russes, &c. On a rapproché ces mots dit/»
grec «^Ao^, marchand, 4u latin caupo^ caupona, cauponari: on à pensé .
qu'ils avôient pour racine commune, ou bien la syllabe ^^/^^ signifiant >
contenir, ouibien la particule copulative co unie par contraction avec le^
substantif II/9J, biens ou richesse; et en recourant d'ailleurs au mot grec -
wn-, fracture» scission, partage, au mot hébreu *ism [schikar ] , qui signifie c
également couper on vendre, on s'est, à ce qu'il nous semble, de plus»
en plus éloigné du mot fi'ançais acheter, dont il s'agissoit d*expliquer '
Forigine. Aussi M. Pougensse contente- t-il de recueillir ces observation! ,
accessoires : il s'en tient aux syllabes kepta , qui , plus ou moins modifiées , .
signifient acheter dans les anciens idiomes septentrionaux ; et cette
étymologie nous sembleroit en effet la plus probable, si l'on croyoit
devoir écarter de cette question le mot latin acceptare. De cet article
acheter, Fauteur nous renvoie à Farticfe cheptel , qui pourroit sans doutt
contribuer à éclaircir le premier, mais qui n'est point entré dans ce spt*
cimen.he cheptel e^tun bail de bestiaux dont le profit doit se partager, par .
chefs ou têtes de bétes , entre le bailleur et le preneur. Quelques au teurs, et
particulièrement du Cange, font dériver ce mot de chef ou caput; mais
d'autres le prennent pour une altération du mot celtique ou bas-breton
chatal, chapiai/,'q\û veut dire troupeau. L'exemple que nous venons de
mettre sous les yeux de nos lecteurs, est Fun des moins compliqués, et
néanmoins il peut déjà montrer combien les problèmes dont M* Pougens
s'est occupé étoient épineux en eux-mêmes ; combien peut-être ifs
fétoient devenus davantage encore par les rapprochemens qu'on avoir,
de toutes parts, accumulés pour les résoudre; mais combien aussi
Fauteur,* par cela même qu'il n'a mis presque aucune limite à ses
recherches, a senti la nécessité d'être extrêmement réservé dans ses
conclusions.
Parmi les discusions étymologiques, il en est plusieurs qui entraînent
Fexamende certaine points d'histoire; c'est ce qu'on reinarquera, dans ce
spécimen t aux articles Amazones , Assassin, Bachelier, Barde y Bohême ou
Bohémien, &c,t Fauteur y ex|x>se a^ec une clarté parfaite les opinions des
savans sur les faits que ces mots rappellent. L'éiymologie du mot bous^
sole pcuvoit se séparer davantage de la question relative au lieu et à l'époque
011 cet instrument fut invemé. Les Toscans disent bosspjci; lesVéï^ôens,
Rrr
4f9 JOURNAL DES SAVANS,
h»^!oi les Espagnols t bruxula;\ts AngFais, hfxti. riut*tl <
^est une altémion de i«v»«/p, peitte bourrer owft' (&niniuif 'de- j/iur«
quii en caitilki)) lignifie sarcihti ou lu)- dérirfrt ioit d« riuJien' /■/»>
tfou (faiguillei soit-du Istin tuxts, bwisj'Oit ca^-Ie ^nAnaiiSàit^iuth,
fyxit', boliet Quelque chohc qu'on ftué entn cci hypolbèict/dpiit h-
dtmièiv noui semblp, cMnme \ M^ Pougtms, de beaucoup (■ plus naftti^ -
relie, elles font toutes à peu près étiangdres & Hiittotft de fk •découverte.;
dcUboMuole. Cepeiiflu>t>vu FonportanCe de cette inTentiohi Pniiear-
acrukpropoi de placer ici nn exposé dei principales opinïMis sur une--
queiiion qiri, dit-il, n'a pas encore été décidée (Tune manière satisfai-
sante. II donne en efièt une analyse rapde et lamineiiie-de tout oe qui a-
été écrit sur ce sujet , depuis Pofydore Vigile jusqiA' M. Deuber, qui Fa •
traité en 1 8 1 8 dans une histoire. allemande de la navigation [i }. M; Pou-
gens conclut que les Chinois et les Arabes n'ont connu la boussole -
qu'après le Xlll.* siècle, et seulement parsuiie de leurs rapports avecles
Européens; que les Italiens et les Frartçais sont les seuls peuples deTEu-
repe.qui puissent se disputer Thonneur de cette découverte, et que h
bllance semble pencher en faveur des Français. Nous nous abstenons -
d'élever aucun doute sur ces conclusions, de peur de nous éloigner des
questions purement graminaitcafes qui ont été f objet essentiel des tra-
vaux de M. Pougens.
Son Dictionnaire ni:onné de la langue Irançaîse nous parott d'autant
plus digne de l'attention des hommes de lettres, qu'il tend à remplir une '
lacune dans notre iittétature. Il n'existe en effet aucun grand dicttonnaire-
dc noire langue qu'il nous soit permis de mettreen parallèle aveC'Ceuz
dont s'honorent les Italiens, les Espagnols, les Anglais et les Allemands.
L'inventaire d'une langue vivjuiie n'est complet, n'est instructif, qu'autant
qu'il fait connoître d'abord l'orthographe de chaque mot, sa prononciation.
AOUT I.819. i^
de tenrps» de personiies; enfin les règles de lemploi qu'il convient d'en
faire, s'il est suranné» s*il est nouveau, à quel style il appartient ; asnk'
ment il se construit avec les autres éicmens du discours , et quel usage
en ont fait' les bons écrivains. Telle est, autant que noiis en pouvons
fug€t par quelques exemples, Téti^ndue du pian que s'est tracé M. Pou*^
gens. II est vrai que les articles qu'il a Choisis pour en composer a^
spécimen , lui ont fourni fort peu d'occasions» soit de comparer entre eux
des mots vulgairement considérés comme synonymes, soit de résoudre
des questions de syntaxe, soit d'appliquer des principes généraux de
grammaire; mais nous, croyons que les lecteurs éclairés et attentifs, qui
xonfrofnteront son travail ^ ceux dn même g^enref donneront des élog^
à la clarté de ses définitions, à la pureté de son style et à fheureiàc
choix qu'il a fait d'exemples classiques. Il commence chaque article par
des notions étymologiques qu'il extrait de son Trésor, ou plutôt de
Y Abrégé Aq ce Trésor: ces notions, après avoir ainsi subi deux analyses,
semblent réduites à leurs plus simples termes, à leur plus étroit espace;
nous ignorons pourtant si les mots latins, grecs, orientaux et septea*
trionaux, dont elles sont encore ici parsemées, n*auroient pas le double
inconvénient d'accroître la dépense de l'impression de l'ouvrage, *et
d'effrayer, par l'aspect de tant de caractères étrangers, les lecteurs 'qui
ne chercheroientquê la connoisisfance immédiate des mots de leur px&ptt
langue.
On nom demandera saâs doute un exemple (H'après lequel oh puisse
porter un jugement sur nos propres observations : voici l'article CkBisir^
rions en retinancherons seulement la plupart des exemples : l'auteur en'dté
MdinairemeAi deta ou trois, ou même qilati^, à l'appui de cbacunfe de SM
défiiiitionfl en (fe ses réflexîbns ; c^est lin soin d<>nt ses lecteurs lui âoroift
gui, et auqtief nom né pouvons qu'applaudir; mais noifs devons évtttr
Rallonger notre êittrait par Urt trop grand nombre de transcriptions. '
w Choisir,"^. 8. [verbe actif]. On a écrit autrefois eoisiri ancien prb-
Mvençal, eàûsiir; lànguedtKJen , câusi; italien, ciausire; anglais,' h
^ chust, âtc. ... I. Selon Bôufcfelot, du mot éihœriiart, fréquentatif forgé
» du mot qnùtftrt. il. Selon Méiiilge, du latin colligert, étymologîe dénuée
» de vraisemblance. III. Selon E. Skinner, Fr. Junius, Jhre, M. A. W. dfe
» Schlegel , &c. ,du mœsogothique /itasan, choisir, .... du suiogothiqdb
>> kiâsa, .... mots q«H se rettx>uvent dans le persan goiy^f^»* ... et qui,
» selon Olaiis Rudbeck, Atlant., appartiennent à la langue punique. i>-
( Nous avons siipprimé les caractères septentrionaux et orientaux, et
même aussi quelques autres mots pris de ces deux classes de langues. }
« I.* Préférer, par ijin acte libre de sa volonté, et d'après un examen
Rrr 2
'joo JOURNAL DES SAVANS.
M comparatif, une personne , une chose» un objet quelconque , use
i» jouissance, une opinion. . . .
Mijrennr a dn vertnt qa*on ne -peut trop cMrir;
' Er{e k<A«înm*j si je poavoisf fouir. ( Hatriadt.^}
- »2,'// jr</i/ des personnes que Ton desâoe, que ronnMnmeàune
'» ftnction, à un emploi quekooqoe.
Le roi doH à Km fili eheuir dd goavencar. fC9HiàtU....J
a»i* CMs0- signifie auiâ chercber qy démêler dins la fbule ua in-
'v'cEndn, un ob\et quetcm^ue.
Pcnt-on dontcr de la providence , et que le cuon qui a chohi de loin M. de
Tnrenne cuire dix hommei qui étoient antour de loi, ne &t Aârgé de toute-
^temiié! (Shignf....)
3» Ck aisir s'emploie quelquefois absolument , sans régime :
Par foit c'est bien ckgit'ir de ne cEioisir pu. ( Atontaigne...,)
' Devine. >i tn peux, et choisit, si tu i'oKs. (ComtitU..,.)
M Le verbe' choiMtr est ordinairement suivi des prépositions entre,
^parmi.
Entre deux cTioMi pariàitement ^aln, il y a i opter, nudi il n'7 a pas à
du'uir. (Girard, ^yn.)
La dépuration que nom vtmei arriver ^loit presque tonte thoisit parmi les
plu ancienne! faniîlie* de la répnbiiqae. ( Vey, d'Anaeh..,.}
Le reste de Tarticle montre comment choisir se construit avec les
prépositions i et de, \vec un infinitif, &c. ; et quels seiu a le pvitdpe
ehoiti, &c.
Lorsqu'on sait que M. Poagens est, depuis Tige de vingt-trois ans,
totalement privé de la vue, on admire encore plus l'étendue de son
travail et l'activité de sa mémoire. On conçoit ï peine comment il a
pu rassembler et distribuer si heureusement tant de textes classiques
dans son Dîciionnaire gmnniaiical; lani de ^îts, de témoignages, et
. '• AOUT tBip. Y©''
Es f RIT, Origine et Progrès des Insti tu tions judiciaimms
des prindpaux^pays de l'Europe: par J. D. Meyer : tome 1/?^
in-8.^ , partie ancienne. La Haye , de rimprîmerie bel*-
gîque, au Spui, n,' 72; 1818. *
• ■ * . .
Par însiitutions fudiciaires', Fauteur entend f organisation de laju)^
tîce prise dans toute son étendue, et considérée dans ses rapports avéfc
le gouvernement; savoir» fa fbAne des tribunaux /Fétendue de leiu-ju^
ridicnon , leurs relations avec les autres autorités » &c.
«Pour connottre à' ibfld Forganisation de la justice d'un payi, il
s» faut savoir quels sont les juges ou tribunaux institués p^r fa loij quièl|e
» est leur compétence , quelle est la part que le peiipfe peut prèndf
n aux jugemens , jusqu*où va Finfluence du souverain , soit comme fégi^
» (ateur, soit comme chef suprême de Fadministration ; quelle étehâcij
a» de pouvoir est accordée à chaque juge pour faire exécuter ses arrêts^
» il faut savoir le mode de nomination de ces juges, leur plus ou mobii
» de dépendance, leur autorité; enfin il faut embrasser tout ce qui est
» nécessaire pour apprécier le génie qui a dicté les (ois ou les usani
» relatifs à la garantie des droits de chaque citoyen. » ^
C'est un sujet de controverse parmi les plus doctes légistes , que dé
savoir s'il est plus avantageux d'accepter un système de législation que
de suivre seulement des usages. Les uns invoquent la raison théorique ;
les autres, la raison pratique ou l'expérience des siècles. M. Meyer
▼oudroit qu'on tâchât de concilier les deux manières, et que le législateur
conformât le système de son code aux usages reçus , aux opinions établies»
L'auteur observe qUe toutes les parties de la législation ne sont pas
également intéressantes dans leurs résultats, et que les lois, anxquelfèi
le citoyen est libre de se soumettre ou non, ont une influencé bien
moins marquée : telles sont , dit-il , les lois civiles et criminelles.
Après les lois civiles, ce sont les lois pénales qui présentent le moins
d'intérêt ; elles ne concernent qu'un petit nombre d'individus qui ;
d'ailleurs, peuvent, par leur conduite, prévenir les cas où elles de^
vroient leur être appliquées. De toutes les dispositions législatives,
celles qui se rattachent le plus intimement à Fétat de la société, ce
sont les formes de la procédure soit civile, soit criminelle ; elles ont dés
rapports bi directs avec Forgaiiisation du gouvernement, qu'on pourrojt
deviner k peu près la constitution d'un état d'après la connoissance''dto
ses institutions judiciaires. Ilnest pas impossible sans doute' de fSdrJà
adopter par une nation des insiit^tioos étntogèfes; ma» il ftuciutr dS
beaucoup de ménagement, et les accopimoderrar de saget modtficatiops
aak mtàut et «nicinatitailona^lfltfoniflMt'n esï^^Â^i^Vân^nmc
ptutitB.smi'tta^ p(iiisWr<ll4p4#i'tla'l«àMlgCi,>«MIMt'<t«*enir
«S'il ea^n ginéial, dit r^tf^t ?WW>^ *ili!Plf ft»*f«e»
M inititutiois qui (Mit prit Tatioe dans -tons lea CttBis« ce i^ Jdnt en
)•long-terops,dfe%j|>a2«<^i^.|l^tWt fupiwÀamil^ :
j|»scnu^ (^jfffkl^P^rt (U»ÛM1titV>i<MiBm9{Ieraef,cl qtM»s»tf^l«at lecheAiin
ïijf^g^é.{^ Mt)(Vçs9^j()u» il c^rf;h«A dW 4^ GÙww «« |PKi|loC)rpe
gjPf)A&^ ,If^.I i^.^wers ptM^^ !fi«#94ww qé ont succMé à
^]|Sq^FHr^j;()^ia»<>(i4 f^ué four i^sj^^iipti. Lo pnwjv yoliWK dcaU fc
fm^jC9i]y>ff^V^^Pfpcréà f;*s «çehfirdws pear lêtqu^yiffii'amwirpraâie
d(^S découvertes hiitoaqucï ^t«6 ^sj^s i'&pm 4ês lois , «insi que d«
(i^q^ssanccs ^lyvologiques que lui ib^mi{ J'idiçmf Sfmxnd. Dans ce
nrenûer «olunie > il i'?gii d$ i» partie apci^tuie. Le vofaunf rniviut ofirin
iief i^titi|iiionf mp^Kiss des qpatf? Mif oni dé^ npnmAcfc
tftfin h t«qitiijièipe et df rw^f^ parV« i«n&nnBnt' l'af^Iicttioa ddl
l^^t^.fc^ft^t^j et ^^Q«r4 Ml wtf* 49 docttine des iauîtiifioiu ies
L'auteur annonce qu'if n'entre pas dans son plun d'examiner les lois
romaines qui n'ont éic adoptées que pour fe droic civil, ni Ie« lois du
droit c^jDoilf qui. n'a eu qu'une infitience secondaire stir la forme des
AOUT if 819. ^y
cifommlêgltitefiMlâ^eTtcott de celles qui ne Kéît9(1firii^^NirèM que cbHfi^
philologues; je pense poiut«int que, pour je très-grand 'nombre^ tfci^^
lecteurs; il dohPèire^ jM^rmis dé ftiré usage du tolisteii qèe faureur fui-
mkne donpe^en bêiP 'termes :
ccCeux ^des hNMurs qoînes'appliqdeht pÉifJe pfàfèirsà à* tette jpSHÏSr
» abstraite du moyen âge, pourront se dispenser de les eieaiiiinei'ànilH-^
>>*tivemem;' une lectuHBiUp^yfideire suffit p^ûi" riAtèingéticé' dek cf^
>'* pitres mivanf;»
Le iiVre^ deaxièiriè plpéseilte- le tUbfeM'^ Perdre judiciaire chez léi^^
anciens Geritîaîns et ches leur^ deseendanK , iàiï aVant, soir apr)^ fei'^
conquêtes^ faite» sur ffhîpirtfrromairt. ' ' ' : t îii: nt
Le^chapitiîBî il dé* ce «vre tontferit lé» détails relatïft 44a -màWèi^,*
d*administner:Ia justicedans llahdenn^ Gërmafnfe. Dahs^ lé Aajiitife hiy^
Fauteur traite de la juridi€iidnï)er$bnrtelle que les Germains coftrs^r^éift
sausies Romains > Vest-k^Ih-e , du privilège tf être jugés cTaprèrRBr^
propres lois, et non d'après celles des lieux où ils se trouvoient. La juHdié-
tion volontaire et la juridiction conténtieuse sont Tôbjet du chapitre îv.
Le v/ explique le genre de preuves que fournissoit TaccnsépoUrliï^
disculper, et sUT'-toutle secdilrs des témoins à décharge. Une circjbiii^'^
tance particulière aux insiiiutiom des anciens Gernlains, c'est le niàjféà
qo*avoit faccosé de se justifier en jurant lui-même, et en faisant af^pfiyer
son serment par les sermens d'un certain nombre d'hommes libres, q\^*6)S
zppeloitJURATaPBS, SACRAM£fiTAt&Si CÔLLAVDANtES, Pt/R^iJi^
tD/^jU*; Un citoyen n'étdk^admis à être^cbk/UhATEUR qu^autarit^j^P
avoit les* qualités nécessaires pour éltrt^|ugéw E>âft s le^^chapifrè Vf, l'^utéùr^
parle des JUGCMKNSDlDflU.'CMt'sans tfoùte faire dater c'ette triiti-,!
tmionde bien Ibin , qpe dVn indiqMr l^origfne dans f ancienne Gehiidi^îè','^
etavant rétablissement 'du christiaiit^me. M'. Meyer trouve dâiis "t^cllf
iiiitrturionfs judiciaire^,* il rftiUtoîf pas yfl^s^afcbmiohner à' de piirall^k/
conjectures; Le combat juditiâiréie^trobiet du chapitre Vu': îorîgîiie
en est incertaine; mais 'c«ffté instîtittidn 'tietSt* ati m'ènite'prfncîpë'qviW^
* i»\\*^.iti
jo4
JOURNALîPES SAVANS ,
depuis rétablicumtçt de b-ieligion chrétienne et cbwdjKptupIei cpi
«rrci quelque influence sur les tnstiti)tiofl*.^ididaîrf**'puteî rte'.
G«riD^|i^, rw^ur.eittqiio^<eeimtiiu^«tf^:d«wle»4î^<l&phy»( itiinr
■MimiÇfilKl!*J»quès.-, ;...,.,..... ,, ■■..-■.,.,■;, ^■.;'; ,- • .,.» '■ ■■ '-^ ■
t^ j^intirc,«s{ j(^l0.9|i,l«t;<nusei^4Mien|i p(vtée»îkI«mrF«isrniUie
générée, préside par le roi bu fecbefqnî préparoit lei tiwtuiSkidirigebit -
1^ -d^ffér^^njlV,^ en piqt^fçil f exéoçiaif. Quand^étcodue de TÉfat
nê.périTUtpIiisdf,j>orter toutes les ciuset4>ix cquicvs iit h tlatiotit il
fallut introduire lei plà CITA Ar/ffOXA,'^pfi^'itùeV autre choM .que
Fuss^mt^edi^ Çc^l^} présidée par IfrCO^ni^ou ^aâoqiilyj^eint'Riéra*
des^Z^,C/T-<'.dtcaptc>n:c'est jù seconde époque assignée par Paùteur.
Lafernie de ces jïlaf^^;, la procédure qu'on yobsenroit, les jugemens '
qfi'tmtf xeiiÊoit.vX.U mviière^Jesexécuier sont J^s sujets des diapitres
X, XI, XII et XIII.
.^.troisième époque est,. celle des scabiQi',des jugey.: les chapitres
Xiy. et ^V; Ufiiteiit de;.]^ procédure qui avoii lieu detant leun tribu-
naû^i etdesjagemei;uqui en énianoient. .{^ chapitre XVJI est relatifs
1^ juridiction sur les ser& et sur les :vassaux.
La i^odaliié, les jugemens parj^rs. sontlaquatrièmeépoque. Quand
loiicl^s' hommes libres furent devenus vassaux, oniK vit plus de plaids
réguliers , plus d'écbeirins : Içs comiçs et les seigneurs se .firent assister
P^ leurs vassaux, alors ass)>fettjs au double service des plaids et de la
guerre ;jJtr Ct'iîrf^crr /Af^r^iV^o, Lechapitre XIX traite des appels,
et M. Meyer soutient, coiitre.ropinion.de Montesquieu et celle de
Robertson , que Torigine des appels ne remonte qu'au capitulaire de
Cressy, en 9^6. Dés que l'auioriié d'un tribunal ne fût plus que la
AOUTiSïp* J^J
lors des assemblées générales; le secret df), la procédure» qui, d'ailleurs»
étant rédigée en latin, seroit restée, pour la plupart des parties, secrète
par le fait, si elle ne lavoit été de droit; et sur-tout ce fut alors <iue
l'administration de la justice cessa d'être gratuite.
On jugera sans doute par cette simple analyse de Pouvrage, qu'il offre,
dans les circonstances actuelles, un très-grand intérêt. Je pourrois faire
diverses observations; je me borne aux suivantes.
M. Meyer a cru devoir examiner l'état politique des Germains et des
autres peuples du Nord , pour préparer l'examen de leurs institutions
|udiciaires : mais , au lieu de présenter parallèlement , du moins d'époque
en époque, les rei^hercbes relativies.aux deux* objets, il en a fait deux
.parties absolument distinctes et séparées; de sorte qu'il n'a pu éviter des
redites» et qu il a été obligé de faire rétrograda le lecteur, quand il a eu
à parler des institutions judiciaires. Mes regrets paroîtront d'autant plus
fondés, que l'auteur convient que, chez les peuples d'origine germanique,
Ja conduite de la guerre , l'administration de la justice et le gouvernetnenl
étoient confiés aux mêmes fonctionnaires.
Dans le très -grand nombre de faits que l'auteur cite ou explique ,
j'ai cru reconnoître quelques erreurs. J'en relèverai une qui me pajoit
exiger une réfutation expresse et détaillée*
Dans le chapitre vill, page 344» il a dit: « H n'y avoit donc auciuie
?9 raison de soustraire à la connoissance de l'assemblée delà nation TOUS
» LES PROCÈS CIVILS qui pouvoient naître entre ses membres. »
Et, à l'appui de cette assertion , il cite le passage d'Aimoin, livre iv,
chapitre 29 , portant que ce fut JN publico francoruaî conyentu
que les fils du duc d'Aquitaine furent, fan 654» déclarés indignes de la
succession de leur père.
Ainsi , d'après M. Meyer, il faudroit regarder comme certain que,
sous la première race de nos rois , il n'existoit pas de cour royale avec la
privilège de juger les procès civils; cependant l'existence de ces cours,
leur composition, leurs formes de procéder, sont assez connues pour que
fauteur eût pu se garantir du paradoxe qu'il a tenté d'établir.
On conçoit que, lorsqu'il s'agissoit de l'héritage du duc d'Aquitaine,
l'assemblée entière de la nation étoit seule en droit de juger cette cause
politique; mais comment admettre qu'il étoit de sa compétence de
prononcer sur tous les procès civils î
Parmi le grand nombre d'autorités que je pourrois rapporter ici, je
choisis celles que fournit un seul règne.
Clotaire III , siégeant ASSISTÉ de référendaires et du comte
PU PALAIS pour eniendrc les causes dems^ et Us décider am justice ,
5S5 '
joï JOURNAL DES SAVANS,
écoute les puties , et pronorifc une sentence par laquelle H adjuge au
monastère de Sahib-Dcnb divers domaines qu'un évéqne déienoit ( i )
(an 6j8).
Le. même rot siégeant» ksttstt DX COMTES, de siNicHAtix et
DU COITTE DU PALAIS, «djugAi ta mwistt^ (fe Saint-Denls et à
fégGse de Reims on autre dttattine, possédé par le fils dn nuire ^u
palais, Etdût^d (a) (an tffp).
Enfin im Jiu;emeiit naia par fe même roi, fan 66 j i tn (kreta du
monàstèie ds Smt-Bénigne, porte qtfH k été xvada avec TASsiSrANCfa
DES iv^QUES , GRANDS feT AUTRES MINISTRES DU PALAIS , ET d'An-
DOBEL OU AkDOBALD, COMTE DU PALAIS, IotS^S Ce roi siégeoit
AD VNIVERSOKUM <^VSAS AUOJSNDAS JVSTOifffE JVDICIO
■TSRMIffASDASXl). '
II s'en faut de beaucoup que la formule de Marculfe,liv.l, cap. a;,
âvorise ropihion de M. Meyer, comme i! le prétend : il suffît de
comparer les e:q»essiDns de cette formule avec les jugemens que je
{apporte, pour se convaincre que ce n'étoit pas dans une assemblée
nationale que le roi jugéoit ces procès entre particuliers. Enfin les notes
que le savant Baluze, si versé dans nos antiquités, a faites sur cette
formule, ne permettoient pas d'élever des doutes sur Texistence des
cours royales à cette époque.
y'ixOoii pu présenter d'autres observations; je me borne à celles-ci :
loin de diminuer mon estime pour cet ouvrage important , elles ont été
diaées par le désir qu'il puisse recevoir toute la perfection dont le
sujet est susceptible, et qu'il est permis d'espérer du zèle et des talens
de Fauteur.
RAYNOUARD.
AOUT i8ip. 5P7
célébrées, et les diverses époques de Vannée auxquelles elles apparteno'ient ; dedis^
tînguerles rites particuliers à chacune de ces fêtes , et de déterminer spécialement c^n
qui faisaient partie des cérémonies mystiques. Le prix a été partagé entre le
mémoire n.* 3 , qui a pour épigraphe, O utinaml , et ie mémoire n.** 2., portant
pour épigraphe ces mots de M. Heyne ,£)e Baccho quantafabularumest congeries!
quanta varietas! L'ayteur du n.** 3 est M. Jean-Fran<^ois Gail, ancien élève
de l'école normale, docteur de la faculté des lettres de Paris, professeur
d'histoire et de géographie à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr; et l'auteuc
du n.*> 2 est M. KoLLE, bibliothécaire de la ville de Paris. Le mémoire enre-
gistré sous le n.^ 1 , et qui a pour épigraphe ces paroles de Synesius ^ *0 ^ ôv
dyvoioL çv^{€Ttff , a été jugé digne d'une mention honorable.
L'académie renouvelle l'annonce qu'elle fit, l'année dernière, du sujet du
prix qu'elle adjugera dans la séance publique du mois de juillet 1820. Elle avoit
proposé la question suivante: Examiner quel étoit, à l*époque de tavénementde
Saint Louis au trône , l'état du gouvernement et de la législation en France y et
montrer quels étoient, à la fin de son règne, les effets des institutions de ce prince.
Elle propose pour sujet d'un autre prix qu'elle adjugera dans la séance publique
du mois de juillet 1821, de comparer les monumens qui nous restent de l'ancien
empire de Perse et de la Chaldée, soit édifices , bas-reliefs , statues , soH inscriptions ^
amulettes , monnaies , pierres gravées , cylindres , Ù*c, , avec les doctrines et les allé"
gories religieuses contenues dans le Zend-Avesta et avec les renseignemens que nous
ont conservés les écrivains hébreux, grecs, latins et orientaux sur les opinions et les
usages des Perses et des Chaldéensj et les éclaircir, autant qu'il sera possible , les
uns par les autres.
(Chacun de ces prix sera une médaille d'or de la valeur «de 1500 francs. Les
ouvrages envoyés au concours devront être écrits en français ou en latin , et ne
seront reças que jusqu'au i.*^ avril de chaque année. Ce terme est de rigueur.
Ils devront être adressés, francs de port, au secrétariat de l'académie, avant le
terme prescrit, et porter chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans
un billet cacheté, joint au mémoire et contenant le nom de l'auteur. Les
concurrens sont prévenus que l'académie ne rendra aucun des ouvrages qui
auront été envoyés au concours ; mais les auteurs auront la liberté d'en faire
prendre des copies , s'ils en ont besoin.
Après ces annonces, M. Dacier, secrétaire perpétuel, a lu des notices sur la
vie et les ouvrages de MM. Clavier et'Choiseul-Gouffier ; M. Monge?, des
observations sur la lecture du sixième livre de l'Énéicfe de Virgile, faite oevanlt
Auguste et Octavie {voye^ Journal des Savans, janvier 18 19, page j8 );
M.IVaudet, un mémoire sur l'état des personnes en France sous la première race
de nos rojs; et M. Jomard, un parallèle entre, les antiquités de l'Inde et celles
de l'Egypte , fragment d'un Essai sur l'art en Egypte.
Il n'est pas resté assez de temps pour entendre deux autres morceaux intitulés,
l'un , Vues générales sur la poliorcetique des anciens ou l'attaque ou la défense des
places avant l'invention de la poudre, par M. Dureau de Lainalle; l'autre,
Notice sur la vie et les ouvrages de M, Mentelle, par M. Dacier.
L'académie des beaux-arts a perdu l'un de $ts membres, M. Duvivicr,
graveur, aux funérailles duquel M. Quatremère de Quincy a prononcé, le 12
juillet, le discours suivant : «Messieurs, en nous enlevant le respectable confrère
3>dont nous accompagnons ici les restes, la mort n'a fait, si l'on peut dire,
SSS 2
5e8
JOURNAL DES SAVANS»
s qu'achever son oavrage. Les effeu natureb (Tune grande long^vit^ , la cécité
«qui depuis long-tempj xveit comme téqnestré M. Duvivierda monde visible,
B de [onKues in&mité*, aggravées par tin accident déplorable , toat^ nous avott
» prépara i cène démise féparaiion. Et toatefbis ce coup , depnis sT long-temps
» prévu , ne perd rien de ce qu'il « de donlonreuz pour nous. Le dernier insuot
» de l'homme est comme le dénouement d'une longue action ; il semble offrir
M une sorte de récapitulation de sa vie; il.nons la concentre comme dans un seul
B^point, et, par le sentiment de la privation, nous ikit mieux apprécier ce que
«nous perdons. Vous éprouvez sans doute, Messieurs, ce sentiment pénible,
a en vous rappelant tout ce qn'avoit d'estimable M. Duvivier, tout ce qu'une
» longue eonnoissance des hommes, tout ce qu'un caractère heureux, un ccenr
adroit, une habitude de bienveillance générale, avoient mis d'agrément et
nd'aménïtédans son commerce. Ces qualités qui le distinguoient, lui firent des
»amisdetous les académiciens, qnt,i deux éjKMU es différentes, l'ipvriérent au
» milieu d'eux ; car M. Duvivîer fut deux fois élu membre de Tacadémie. Un
» talent distingué- dans la gravure en médailles lui avoit ouvert, il y a long-
n temps , les portes de l'académie royale de peinture et de sculpture , à une époque
M où les places dans ce corps célèbre n'étoient limitées que par le nombre de ceux
u qui étaient en état de les occuper. Aucun artiste alors ne pouvoit disputera
■a M. Duvivier la supériorité de talent en son genre. Nous avouerons que ce bel
uaTt,donion ne sauroit trop encourager les efforts, puisqu'il est peut-être le
» pins propre à perpétuer les traits des hommes célèbres et le souvenir de leurs
» eiploiu, avoit perdu un peu de l'éclat dont il avott brillé dans les deux siècles
«précéder!. Cet état de tranquillité intérieure qui offre peu d'événemens, qui
w ouvre peu de rouMs'aux passions ambitieuses , et dont on ne sent le bonheur
»qne lorsqu'il est passé, fui assez l'état de la France sous le règne de Louis XV.
» Ce siècle s'étoii déshabitué des monumens d'orgueil et de vanité : aussi la
» gravure en médailles se ressentit^dc la modération du prince. Cet art eut peu
u d'occupations, et M, Duvivier suffit pendant long-temps à l'exécution des
w mOHumens métalliques que réclamèrent les besoins de l'État. Passionné pour
nson art, M. .Duvivier se livroit sans réserve aux études qui en associent les
» productions à celles de la sculpture. S'il n'atteignit pas à ce savoir de dessin ,
» a cette beauté de style et de composition -dont les anciens nous ont laissé de
s si rares modèles, disons qu'il n'est guère donné aux hommes de remonter ce
t d'habitudes et iTopinioni qui forme le goût de chaque
AOUT 1819. 509
t
^ en y mêlant de fréquentes et judicieuses réflexions. La privation de la vi^e
» corporelle sembloit avoir donné chez lui pfus d'activité à cette vue intellec-
» tuelie, dont les jouissances intérieures charmèrent les ennuis de sa position et
» adoucirent long-temps les infirmités de sa vieillesse, m
LIVRAS NOUVEAUX.
FRANCE.
Nouveaux Dialogues anglais et fiançais, revus, corrigés et augmentés par
Aug. Noël. Boulogne-sur-mer, impr. de Le Roi-Berger; et à Paris, chez le
Tellier, 1819,1/1-/2, 6 feuilles et demî^.
The Misanthrope, c| comedy, translated from^olicre.- Boulogne-sur-mer,
impr. de Le Roi-Berger; et à Paris, chez le Tellier, 181 9, in-iz, 4 feuilles et demie*
L^ Officier enlevé, ou l'Enlèvement singulier, comédie en un acte et en prose,
mêlée de chants, par MI Alex. Du val, membre de l'Institut, musique de
M. Catel, membre ae l'Institut. Paris, impr. d'Éverat, chez Vente, 18 19; in-8^ ,
3 feuilles: i fr. 50 cent.
Épigrammes de M , Val. Afartial ; irsiducùon nouvelle et complète (en prose),
(par feu E. T. Simon, ancien bibliothécaire du Tribunal, &c. ; avec le texte
atin en regard ; des notes et les meilleures imitations en vers français, depuis
Cl. Marot jusqu'à nos jours: recueil publié par le général Simon, fils du tra-
ducteur, et P. R. Auguis. Paris, impr. de Richomme, librairie de Guitel,
181 9; tome second, in- S,", 35 feuilles 3/4. Prix de chaque volume, 7 francs
pour les non-souscripteurs.
Nicetœ Eugeniani Fabulam amatoriam et Constantini Manassis Fragmenta è
codicibus graecè edidit , latine vertit et notis illustra vit Jo. Fr. Boissonade. Parisiîs ,
typis Bobée, 1819,2 vol. in-iz , qui se trouvent chez MM. Trenttel et Wûrtz.
Le Curé de village, histoire véritable, écrite parChristian Simplicius, sacristain
de i'église d'Isaourens, et publiée par Alph. Mahul. Paris, chez Colas, roc
Dauphine, n.<» 32, et chez Delaunay, 18 19, //i-72^vj et 187 pages. Prix, 2fr.,et
2 fr. 50 cent, par la poste.
Bibliotheca classica latina, sive Collectio auctorum classicorum Iatinorum.=s
Première livraison , 3 vol, m^A* ensemble de 1 1 j feuilles. C'est le commencement
de la collection entreprise par M. N. E. Le Maire, annoncée dans le Journal
des Savans, mai 1818, pag. 317. Ces trois volumes sont, le premier de Jules^
César, qui en aura 4 ; le premier de Tacite, qui doit aussi en avoir 4 ; et le premier
de Virgile, d'après l'édition de Heyne, 6 volumes. Le Tacite, est accompagilé
de notes posthumes d'Oberlin; le César, de notes diverses et de celles de
MM. Le Maire et Achaintre, avec 2 cartes et deux planches. Le Virgile est
imprimé chez M. P. Didot; le César, chez M. Firmin Didot ; le Tacite , chez
M. C. L. F. Panckôucke. = Les trois articles se trouvent chez MM. Didot,
Renouard, Barrois, Panckôucke, Fournier, ôcc. Le prix de chaque volume est,
pour les souscripteurs, de 10 fr., et de 20 en papier vélin satiné. Les cartes du
César se paient à part 5 fr
Lettres inédites de Buffon , J, J. Rousseau , Voltaire , Piron , Lalande , Larcher
et autres, adressées à l'académie de Dijon; avec des notes, its fac simile , ôcc;
publiées par C. X. Girault. Dijon, imprimerie de Carrion; et à Paris, chez
Delaunay, ii\i)/in'8,\ 11 feuilles i/^^ outre ksfac simile.
De la nécessité de fixer et d'adopter un corps de doctrine pour la géographie et la
JIO
JOURNAL DES SAVANS,
statittiqae, avec an u*ai «yitémBttqne lor cet objet et det programmei ponrdec
cours mr cet deux scienccf , dam leur application à fart de lagaerTe;pat M.le
baron de F^uac, chef de bataillon , occ. Parii, impr. dcDemonviile,chez
Magimel et Arihiu fieroand, lBi9,ift-J.'^4op*S" S outre de* tableaux tynop-
uqnei qni présentent les dt vl^ioni et tobdiyiiions de cei sciences.
Li monde Maritimt , ou Tableaa géograpliiqne et historique de Carchipel
d'Orient, de la Polynésie et de i'A^MMîei eôntenani la description de toutes
les lies du grand Océan et da continent de la Nouvelle-Hollande; l'histoire de
tous les 'peuples qui les habitent, l'czpoiftîon de lean croyances, de leurs gou-
Tememcm, de leur agrfcaltnre, de \fxm arts, de leur tndmtrie, de lent com-
merce; la peinture de leurs raractéret, de leurs usages, de leurs oioenn, de leurs
-costumes ; avec -des vocabu||i^ comparés de lenn diSerens dialectes ; par C.
A. Valckenaer, membre de Tlnstitut. Paris, imprimerie de Firrain L>idot,
librairie de Nepveu, 1819, in-8,', ton. I et 11^ 4^ feuilles 1/8, outre deux
cartes et 3 7 gravures; l'ouvrage aura 6 volumes. Le prix. des deux premiers est
de 16 francs, et de 24 francs avec figures coloriées. ^ Le in^me ouvrage l'im-
prime aussi (fl-/^, et aura, dans ce format, 1^ volume}, dont les quatre premier*
ont déjà paru, et sont ensemble du même prix que les 2 premiers iit'S.'
Voyage à ConitantinopU , fait k l'occasion de l'ambassade de M. le comte
de ChoiseuI'Gouffier à la Porte ottomane,par un ancien aumônier de la marine
royale. Paris, .chez Franc, et Louis Janet, éditeurs, rue Saint-Jacques, n.^ 59,
itiQt'ut-iî.
voyage dans te pays d'Aschantle , o^i Relation de l'ambassade envoyée dans ce
royaume par les Anglais, avec des déiaili sur les mœurs, les lois et le gouver-
nement de ce pays, des notices géographiques sur d'autres contrées situées dans
Hatérieur de l'Afrique, et la traduction d'un manuscrit arabe, où se trouve
déoite la mort de Mungo-Park; parT. £. Bowdich; uaduit de l'anglais par
le traducteur du Voyage de MaxwelL Paris, imprimerie de Smith, librairie de
Gîde, 1819, in-^,', 3J feuilles et une carte: 8 fr. {Voyez ci-dessuj, p.^Ji-
456]Un premier article de M. Biot, sur le texte anglais de ce Voyage.)
Histoire du Bas-Empire , par Le Beau, contJnuéparAmeilhon, terminée par
i tableau des possessions de l'Empire o .. ^ ..- .
membre de l'Inilitui; 29 vol.
offerts pour 60 fr. aux personr
, par M. Barbie du Bocage,
\-i2, dont le prix sera de 78 fr.; mais qui sont
s qui souscriront, avant le 1." octobre prochai
AOUT 1819. • 511
Paris ancien, Paris moderne; rcIigion$, mœurs, caractères, usages de cette
ville , anecdotes curieuses et faits întéressans ', deuxième livraison : règne de
Philippe- Auguste. Paris, imprimerie de Patris, 18 19, f/i-^.% 11 feuilles , outre
les planches : 7 fr., et avec figures coloriées, 12 fir. Chez M. de Mauperché, rue
de rerpignan , n.* 9.
Abrégé des Annales du commerce dt mer d^Abbeville ; par M. Traullé (corres*
pondant de l'Institut). Abbeville, Boulanger* Vion , 1819, in-^^, SPP^g^'.
Recherches historiques sur la ville de Saumur, ses monnmens et ceux de son
arrondissement , par J. F. Bodin , receveur particulier du même arrondissement.
Saumur, Degouy, 2 vol. i/i-A% 445 ^^ 5'3 P^^> outre 1 1 planches gravées
d'après les dessins de l'auteur. Il n'existoit encore aucune histoire particulière de
Saumur. M. Bodin fait d'abord connoître les monumens celtiques et les anti»
3 uités romaines qui se trouvent autour de cette ville. II recherche ensuite les traces
e l'ancienne topomphie de ce canton , et les époques de la construction des
premières églises. II retrace les origines des abbayes de Saint-Florent, de Fontew
vrauld , d'Asnières , de Saint-Maur-sur-Loire, &c. ; après quoi il parcourt tout le
fil des annales civiles de Sa:umur, depuis le moyen âge jusqu'à la guerre de la
Vendée. L'auteur a puisé dans les mémoires manuscrits de M. Rangeard les
détails que ne fournissoient pas les histoires d'Anjou imprimées. Le cinquante-
deuxième et dernier chapitre est intitijé , Biographie saumuroise. C'est un dic-
tionnaire des personnages illustresque cette ville a produits. Le chapitre xxx avoit
été déjà consacré exclusivement à M."** Dacier : dans le cinquante-deuxième,
M. Bodin se borne à une remarque sur Tannée de la naissance de cette femme
célèbre. On la dit née en 165 1 ; mais un seul enfant de Tannegui Le Fèvre est'
inscrit, sous cette année, dans le registre des baptêmes, et c'est un fils nommé
Jacques : le seul acte de naissance applicable à M.*"^ Dacier seroit l'acte in*^
forme qui est conçu comme il suit (et avec les mêmes lacunes) :
Le dimanche 8.^ jour de mars 1 654 1 a été baptisé par M. de Beau-
jardin de Tannegui Le Fèvre, régent en l'académie et de
Son parrain, M. Parrau, étudiant en théologie; sa marraine, Théard,
femme de M. Moyse Amyràult, étudiant en théologie. ^ iV^n/rfz/rfj ^e^ Marie
Théard, Isaac Parrau, Beaujardin, pasteur.
M. Bodin s'est assuré que , dans le registre commencé en 1 625 et fini en 1667 ,
il n'y a pas d'autre acte de naissance pour Anne Le Fèbvre: quatre autres enfans
de son père y sont indiqués, tous quatre du sexe masculin, Daniel en i6jo,
Jacques en 1651 , Isaac en 1653, et Tannegui en 16 j8. Il n'y a peut-être rien i
conclure de là, si non que les registres de baptême étaient tenus avec beaucoup
de négligence, et que l'acte de naissance de M,*"* Dacier ne se retrouve pas.
Dictionnaire fiodal , ou Recherches et Anecdotes sur les dîmes et les droits
foôdaux , les justices ecclésiastiques et seigneuriales, les fiefs et les bénéfices, les
privilèges, les redevances et les hommages , &c.;par J. A. S. Collin de Plancy.
Paris, impr. de Fain, chez Foulon; 1819, 2 vol. in-S." , 44 feuilles.
Influence des sciences sur V humanité des peuples , discours prononcé dans la
séance publique des quatre académies de llnstitut, par M. Ch. Dupin. Parii,
Firmin Didot, 1819 , in'8»\ 29 pages.
Commentaire sur l Esprit des. lois de Montesquieu ; par M. le comte D.estutt-
Tracy, pair de France, me'mbrç de l'Institut; suivi d'observations inédites de
Condorcet sur le vingt-neuvième livre du même ouvrage, cl d'un mémoire sur
511
JOURNAi: DES SAVA-NS.
cette qncili on : QueU sont les moyens de fonder la rnorjU d'un peuple! Vaih,imyT.
de Firmiti Didoi, librairie de Uesoer, 1H19, in-S." , 3J tetiille): 6 fr. Une
iraduciion anglaise de ce commentaire avoit été publiée à Philadelphie en 181 ■>
Le ictte français a été imprimé à Liège en 1817, et à Paris, il y a peu de moij.
L'atiieur s'est déierminé à en donner lui-même une édition plus exacte,
Delà propriéti'y considérée dans sts rapports avec U-i droits politiques ( par M. R, ].
Paris, impr. de Porlhmann , 18*9, in-S." g-^i pages.
Compagnies d'assurances réciproques contre l'incendie, la grêle, l'épi^oatiff
réunies sous la direction de M. le baron de Scliroeder, quai Voltaire, n." I,
Paris, impr. de Baudouin, 1819, in-S.' , 39 pages.
Pians raisonnes de toutes les espèces de Jardins , par Gabriel Thouin , in-foliât
Il y aura diï livraisons, dont chacune (coulera 7 fr. jo cent., et 12 fr. jo 1
cent, avec figures coloriées. La première est accompagnée d'une rorire détaillée *
suriouiles genres de jardins, Paris, chez l'auteur, rue du Jardin du Roi, n."
chez. Treuttel ei Wiinz , &c.
L'Indicateur musical, français et étranger. Cette feuille paroît depuis le moh
de juin dernier, deuï fois par semaine. Chaque numéro est de quatre paget
in-S.' On y trouve l'indication de tous les morceaux et ouvrages de musique ,
I« nouvelle* observations relatives à cet art , des notices sur les compositeur!
eélèires, âcc. Prix, 6 fr. pour trois mois, en France; et 7 fr. , chez l'étranger. On
s'abonne chez i\l. Boschapère, rue Vivien ne, n." 19; et au magasin di.- musique
de M. Pacini, boulevart des Italiens, n.* 11.
Le IVouveau Testament en langue turque. Paris, impr. royale, aux frais de la
société biblique de Londres, 1819, in-S.'
Nota. Onpeat s'adresser à la librairie de M M . Treuttel « Wiiriz, à Paris ,
rue de Bourbon, n.'t^ ; h Strasbourg, rue des Serruriers; et à Londres, n.' je,
Soko-Sijuare, pour se procurer Ifs divers ouvrages annoncés dans le Journal drt
Savans, Il faut affranchir les lettres et le prix présumé des ouvrages.
TABLE.
Mission envoyée du fort de Cape-Coast dans lepays des Ashantées, iXc.
par T. Edouard Bowdich. (Article de M. lïioi. ) Pag. 451
Histoire de la République de Venise. par M. Daru. (Article de M.
Raynouard. ) 4*^^
Cérémonies usitées au Japon pour les mariages et les funérailles, suivies
dedétails SUT la poudre Dosia, Jfc. [ Arciclede M. Abel-Rémusat.) 474
Voyages en diverses contrées du Levant, et plus particulièrement de la
Perse;parsir W^iÙiam Ouseley.{ Article de M. Silvestre de Sacy.) 483
Trésor des Origines et Dictionnaire raisonné de la langue française ,
par M. Pougens. ( Article de M. Daunou.) 494
Esprit, origine et progrès des instieutions Judiciaires des principaux
pays de l'Europe , par J. D. Meyer. {Articlt de M.KAynoMata. ),. jof
Nouvelles liaéraires JOÛ
FIN DE LA TABLE,
Le prix de l'abonnemenl au Jcurnal des Savans «i de 36 francs par an,
et de 40 fr. par la poste, hors de Paris. On s'abonne chez MM- Treuittl rt
W'ùrri, à Paris, rue de Bourbon , n.' ly ; à Strasbourg, rue Ats Strruritrt, ex à
Londra ,n.° jo Soho- Square. W fa,ut affranchir les itiireset l'argent.
Tout ce qui peut conceruer hs ainioiices ù insérer davs ce journal,
lettres , avis , mémoires , /ivres nouveaux, &c. doit être adresse',
FRANC D£ PORT, ûu bureau du Journal des Snvans, à Paris, rue
de Ménii-montant, n." 2,1.
>l A
•.liriiAi'a
JOURNAL
DES SAVANS.
SEPTEMBRE l8l
Mission fpoaî Cape-Coast-Castle to Ashantees .with a . ,J
stafiiiicaî accouiit of ikat k'mgJom , and geographka} notices .
of.other paris of ihe interiGr of Africa. — Mission envoyée, dû i
fmt de' Cape-Coast , dans le pays de<s Ashaiitées ; awc ane-^
description staiistifjue de ce royaume, et des notions ge'ogra- '
pkiques sur /'intérieur de l'Afrique; par T. Edouard Bowdich,
conducteur de la mission. Un volume grand in-^." de 512-
pages, avec figures. Londres, i8itj.
SECONIÏ EXtRAJT.
PL LAfin dupremierextraît^enousayonsdQrtiiédeceitemtéressanic ,
relation , nous avons laissé l'auteur étâblî à la cour d'un roi puissant de
Tti a
itf
JOURNAL DES SAVANS,
l'iniérieur de l'Afrique, ayant conquis l'esrime de ce prince par fa noblesse
, de son caractère, et ayant su lui inspirer assez de confiance pour lui faire
conclure un traité d'ami lié et de commerce aussi lionoraliie qu'avantageux
pour les Anglais. Cet heureux résultat, et fes négociations mêmes qui
I J'avoieiit amené, plaçoieni M. Bowdîch dans une position trâs-favo-
rable pour acquérir sur les mœurs des Ashantées, sur la constitution
de ce peuple, ses lois, son histoire > ses relations politiques ou com-
merciales , des notions sûres et propres à jeter une lumière toute nouvelle
sur l'îiitérieur si peu connu de l'Afrique. Quoique les hommes qu'il
avoil sous les yeux fussent, en beaucoup de points, des barbares,
livrés aux superstitions les plus stupides comme les plus lèroces, ils ne
manquoieiit ni de sagacité, ni de connoissances positives sur tout ce
qui tenoit à rintérei de leur fortune ou de leur pouvoir; et ils éioient
en état de fournir sur ces objets d'aussi bons renseignemeiis qu'auroîenl
pu le faire les Européens les plus civilisés. A la première audience que
M. Bowdîch obtint du rot. laquelle euLlieu , selon i'usnge, en présente
des grands de sa cour, ci prince' lui demanda j ou plutôt lui fit demander
par ses ministres , d'où il veiioit et quel dessein l'avoJt amené dans son
royaume, JVl. Bowdith , coiniiie un autre Colom!>, se mit â décrire en
termes niagoifiqués' la puissance et la richesse de l'Angleterre, le nombre
et la valeut de ses iloldats^la perfection de ses ans, enfin la-muItitude
de ses vaisseaux couvrant toutes les mers et allant porier les produits
de son industrie dans toutes les parties du monde. Nous sommes , ajouta-
l-if, venus de notre patrie pour vous faite part de tous ces bienfaits ,
pensant que les répandre chez tous les peuples est le plus noble hom-
mage de recorrnoissance que nous puissions offrir au Dieu h qui notn
les devons. Ce motif, reprit le roi. ne sauroit être véritable. Je vois
bien que vous êtes fort supétieurs aux Ashantées pour l'industrie et les
arts; car, dans le fort de Cspe-Coast même, qui n'est qu'un petit éta-
blissement , vous avez beaucoup de cliooes que nous ne savons pas
fabriquer: jnais il existe ici, dans l'intérieNri.ui;i peuple, cel^i de Kong,
qui est aussi peu civilisé, comparativemuit à nous, que nous le sommes
comparativement <i vous-mêmes. JI ne sait ni fabriquer des ornemens
d'or, ni bâtir des habitations comii^odes, ni lîsser des vêtemens; cepen-
dant il n'est posfn seul de mes Ash:intées, même des plus pauvres, qui
voulût quitter sa maison pour l'unique but cf aller instruire le peupfe de
Kong: maintei ani comment voulez-vous tne faire croire que c'est seule-
ment pour un motif aussi ïrîvole' que vous avez quitté cette Angleterre
si belle et si, heureuse , que vous avez traversé une grande étendue de_
mers, entrepris par tene un voyage pénible et dangereux, renoncé k
i
SEPTEMBRE 1S19. jiy
coucher dans un lii, à jouir de toutes les douceurs de la vie, et qu'enfin
TOUS êtes venu vous mettre ici prisonnier dans mes mains, au hasard de
Vous faire couper la léie ! L'argument étoit, comme on voit, assez vtf.
Il fut réitéré le lendemain devant l'assemblée publique de tous les chefs
militaires; et, avant que M. Bowdich pût y répondre, un des ministres
maures se leva , s'approcha du roi, lui dit coût bas quelques paroles, après
quoi ce prince ajouta: El si tels sont aujourd'hui les desseins de votre
nation, pourquoi donc en avez-vous agi si différemmenl dans l'Inde! Le
jeune négociateur, sans s'étonner, allégua une différence dans les vues
actuelles du gouvernement , fit valoir la dissemblance des drconsiaiwei ,
la nécessité où l'on s'étoït trouvé de recourir i une défense légitime;
enfin il finit par persuader. Mais cette anecdote qu'il nous a racontée,
suffit, à ce qu'il nous semble, pour montrer que le roi des Ashantées
n'éloil pas si mal informé de ce qui se passoit hors de son royaume, et
qu'il devoir au moins être en élat de donner de bons renseignemens sur
ses plus proches voisins. M. Bowdich ne manqua pas de mettre à profit
une si belle occasion; et, dans ses entretiens journaliers , tant avec ce
prince qu'avec les chefs maures qui résident h sa cour, il eut toute la faci-
lité de recueillir sur la géographie , la politique et les mœurs de l'intérieur
de l'Afrique une multitude de notions aussi précieuses par la confiance
qu'elles méiiient qu'inléresianles par leur nouveauté.
D'après une tradition trop générale et trop récente pour pouvoir élre
révoquée en doute, il paroïtquele royaumeacluel des Ashaniées fut fondé,
vers le comniencenieni du XVIII.' siècle, par un parti de guerriers venus de
l'est, Le chef de ces guerriers , nommé Sai Tootoo, devint le roi du pays
conquis, et ses premiers ca|>itaines formèrent l'origine d'une aristocratie
militaire, dont le principal privilège, d'un prix immense dans ces moeurs
barbares, étoit d'être b l'abri de toute peine capitale. Mais un des suc-
cesseurs de ce prince, nommé Stii Cudjo , redoutant la trop grande
influerice des familles de ces premiers fondateurs, enleva leur rang à b
plupart d'entre elles, et le transporta à d'autres familles indigènes qui lui
étoient dévouées, de sorte qu'il affermit ainsi son pouvoir, ^n conservant
ce rouage essentiel dn gouvernement. Ces familles sacrées, aujourd'hui
au nombre de quatre , forment le second degré de l'auiorité. Le troisième
est i'assembléc des chefs n)ilit;iires. Le reste de la population est soldat,
ou esclave, ou vassal des grands , et se compose en irés-grande partie du
peuple primiiivËment sul>jugué : mais le gouvernement travaille sans
cesse à ellàcer celle différence et k faire disparoîlre la trace de ion origine
étrangère; chose d'autant plus facile, que, l'écriture n'étant pas connue
du peuple, et n'étant même pratiquée à la cour que par les conseillers
(.8
JOURNAL DSS SàVâNS.
il-n'«xisle pu da monumeiiB hiitoriqnei écritSi D^aprèi êtt évt-
Iu»tiMU qu'il. etXHt tritHnodéréei, M. Bovdidi porte h force militain
dcf Ashuitén k deax cent quatre mille bommei ; ce qu'iC considéré
cptiktne indiquant une pt^htion totale fienrirtm nn ^liIIbl^d%l^TiArl.
Cette eatiinatiea pourroit piroltre trop feible au pmnier coup^fedf f
mais il fàbt remarquer que, dans un pays ainsi gouverné, la ferèe miritalW
doit comprendre toiu les indtvidns-milet en eut de porter les armes; et»
«nmppostnt que leur Âge s^étendededijc-huit ans jusque quanntc^cinqt
ça. trotive eh efiàt que leur nombre doit ^re d'environ dfeoz ceiit mille
sur une population totale d'un milKon : c'est k peu près II popahition de
rÉeosse; mab M. Bowdicii croit que fev AJÂiantéCs s6nt tépurth sur
iwe^nduede territoire deux fois aussî'gTsnde. • *
■ Leur gouvernement, quoique despotique fttsqn'k lubarbarie dans \ti
détails, ^présente, dam les grandes affaires, le balancement de plusieurs
pouvoirs: le roi est le maître «ttsolu de fadministratîon intérieure; Ie«
familles sacrées ne peuvent y influer que par lesr crédit : mais elles
parùdpent de jclroit aux décisions qui intéressent fa politique eziérreure;
elles peuvent même alors arrêter les volontés du roi par un w». fbnHel.
La guerre seule se décide par le concours de trois pouvoirs , qui sont le
roi , \ki familles sacrées, et l'assemblée des c!ief« militaires.
En observant des formes aussi compliquées de gouvernement chez un
peirplË qui d!iilleurs diffère essentiellement de la race nègre par sa
physionomie, autant que par ses moeurs et son intelligence; en trouvant
cbes ce peuple la connoissance irès-perfèctidifiléé dé phlsiéurs arts, \eU
que le lissage, la broderie ^ la> poterie, le travail des ctiirs, celui des
métaux, forrevrerie et f architecture; en y reconnoîssant la- pratique de
plusieurs superstitions singulières et d'usages bizarres, étrangers aux
nègres, et méine inconnus aux, natÎMis environnantes] M. bovdich
t trouvé naturellement porté à imaginer que les Aihantées t
SEPTEMBRE 1819. ji?
les plus frappantes que M. Bowdich indique à l'appui de cette opinion ,
Cl elles seront d'autant moins déplacées , qu'elles auront en même temps
Favantage de faire connoître les traits les pïm caractérisiiqnes des mceurs
et du gouvernement des Ashanlées.
Déjà l'on a dû remarquer, dans ce qui précède, une similitude sin-
gulière entre le prénom de Sat ou Zû'i , donné au roi des Ashanlées , et
celui de Z/i que prenoient les premiers rois de l'Abyssinie ; or, d'après
les observations de M. Sait, il paroît que les Abyssins descendent aussi
d'une naiion d'Éthiopiens, auxquels se sont mêlées, dans la suite des
temps, des colonies venues d'Egypte (1). Une autre coutume commune
I ces deux peuples, c'est que le roi n'est jamais censé parler en public
par lui-même, mais par des minisires ou interprètes qui répètent ses
moindres observations. Chez les uns comme chez les auires, le roi ne
mange jamais en public; il vil retiré parmi ses esclaves et les officiers de
sa maison , ei c'est un crime capital de s'asseoir sur son siège, que l'on
renverse dès qu'il se lève. En Abyssinie, tout défaut corporel exclut du
trône. Chez les Ashanlées, la coutume autorise tout ce qui peut con-
tribuer à la beauté de la race régnante, jusque-h"! que les intrigues hs
plus multipliées sont permises aux femmes de la famille royale, même
, avec les hommes de fa plus basse condition , puurvu qu'ils soient beaux
et bien constitués. Une conséquence assez nalureile de celte coutume ,
c'est qu'ils attachent la légitimité à la seule descendance par les femmes;
ainsi au roi succèdent d'abord ses frères comme issus de la même mère ,
puis ies enfuis de ses sœurs. Une ressemblance plus marquée et plus
singulière encore, c'est que le roi des Ashantèes, comme celui de l'Abys-
sinie, entretient une troupe d'enfâns de grandes familles, attachés k s»
maison en qualité de pages, et qui sont élevés à voler avec adresse;
comme les jeunes Spartiates, Les Ashanlées, de même que les Abyssins,
ne combattent jamais la nuit, ni même après le coucher du soleil,
quelques avantages que les circonstances leur présentent ; chez les deujt
peuples également , le mariage n'est qu'un marché , qui s'annuile en ren-
dantfes sommes reçues; el la circoncision, quoique pratiquée quelque-
fois, n'y est point d'obligaiion. Ces aiwlogies, ei beaucoup d'aunes que
M. Bowdich a réunies dans un mémoire particulier qu'il a bien voulu
nous communiquer, semblent trop cnraciéristiques jiour être l'eflèt du
hasard; mais ce qui leur donne encore plus de poids , c'est que l'on trouve
aussi chez les Ashantées plusieurs usages toui-à-fait partils à ceux de
(1) L'existence des diverses ciuliiircs auribuéej ici aux Abysiiiis par
M. Bowdich est constatée par le* Voyages de Bruce et de M, Sait.
jao JOURNAL DES SAVANS,
rancieime Egypte. Ainsi Hérodote raconte que les Égyptiens mangent dans
les nies, mais que, pour les autres besoins de la nature, ifs se retirent
dans des. parties secrètes de leurs maisons. Cec'deuz coûtâmes se re-
trouvent aussi diez les Ashantées ; et, ce qniesi une particularité qiû ne
seirencontre chez aucune nation n^re, ib ont, sus divfeiî itÈgjtiàc
leurs maisons, des latrines entretenues avec une recherche de propreté
su^renante. Comme les anciens Égyptiens^ ils laissent croître leurs
cheveux et leur bvibe, pour témoigner leiir douleur : ils n'embaument
pas leurs morts,, mais ils les enfument pour les conjerrer. Le blanc
est chez eux la couleur sacrée, de même qu'il rëloit en Egypte. Leurs
prêtres sont yétus de blanc, ;et se blanchissent aussi tout le corps avec
de h chaux : on fait la même cérémonie aux accusés lorsqu'on !es
acquitte. Le roi et tous les grands portent des habits blancs, dans les
jours de rejiréseniauon. Chez les Ashantées, comme dans l'ancienne
Egypte, onentretieiudes crocodiles.sacrés, que les prêtres sontcfaaigés
de nourriravec des poulets blancs. On y reconiioît aussi cette coutume,
rapportée par Hérodote, que chaque famille s'abstient d'une espèce
particulière de viande; les unes, de mouton; d'autres, de chèvre;
d'autres , de bœuf; ce qui forme entre elles autant de castes tout-à-fait
distinctes, et désignées par ces noms-i&. Leur architecture légère ne
ressemble pas sans doute à celle des monumens de Thèbesi et leurs
palais de roseaux n'ont rien qui rappelle les pyramides ; mais ces grandes
masses elles-mêmes ne nous représentent pas davantage les humbles
habitaiions de l'ancien peuple égyptien. Toutefois les frêles demeures
des Ashantées ne sont pas entièrement dépourvues de caraaères histo-
riques; car, parmi les ornemens nombreux et recherchés qui les dé-
cotent , on retrouve fréquemment une figure assez distincte de l'ancien
ibis. N'y a-t-il pas quelque chose de frappant dans ces anciens vestiges»
tout effacés qu'Us sont en partie par la main du lempi
SEPTEMBRE 1819. î^^
pour lui donner plus de sécurité; enfin , lorsqu'oiT est parvenu II lui
inspirer assez de confiance pour venir à la cour» on Parrête» on lui pré-
sente ces témoins qu'if croyoit morts et qui semblent sortir du tombeau
pour le confondre. Dans son trouble, il est bientôt convaincu et mis k
mort, à moinsqu*iI ne rachète sa vie au prix de tous ses biens. En générai,
presque tous les crimes peuvent se racheter avec de Tor , et le roi hérîce
de 1 or de tousses sujets. L'État hérite aussi de tous les morceaux d'or qui
tombent par terre dans le marché pubfaç; personne, pas même leur
propriétaire « ne peut les ramasser, sous peine delà vie. Lorsqu'une forte
ptuié vient laver la place du marché , tout l'or qui se trouve rassemblé par
les eaux, est religieusement recouvert de terre, et laissé là comme un
dépôt sacré. La récolte de cet or, durant lè règne du Toi actuel, s'est &ite
deux fois , et chacune a donné environ soixante mille francs de notre môn^
noie. Ce produit, ainsi que l'or que l'on enterre avec les membres de fa*
famille royale, est considéré comme sacré, et on ne peut l'employer que
pour la défense de FÉtat, dans des circonstances extraordinaires. Par une
singulière fiction, qui indique une délicatesse dV>rgueil bien susceptible,
le roi est censé ne pas payer les services des grands officiers de sa cour? il
leur fait seulement délivrer la quantité d'or jugée nécessaire pour subvenir
à l'entretien de sa maison : mais cet or est pesé en poids du roi, qui est
d'un tiers plus fort que le poids ordinaire, de sf^He que la différence Bkit
le revenu de leur charge. Lorsque le roi veut élever un de ses capitaines,
en récompense de ses services, il lui prête gratuitement, pour deux ou
trois ans, une certaine quantité d'or, afin qu'il la fasse .valoir à intérêt, H!
qu'il puisse ainsi. se mettre en état de soutenir la nouvelle dignité qu'on
lui destine. S'il ne réussit pas à .s'enrichir avec ce secours, il est regardé
comme un homme sans talent. En effet , la chose n'est pas difficile ;
car le taux de Fintérêt légal est de trente- trois un tiers pour cent par
quarante jours , ou plus de cent pour cent pour quatre mois : c'esf sani
comparaison plus cher que n'étoit l'intérêt à Rome; car, lorsque Brutui
prêtoit aux alîiés de la république , il se contentoit de quarante- huit pour
cent par an. Dans un cas <:omme dans l'autre , cette usure effroyable est h
conséquence nécessaire du despotisme , qui concentre les capitaux dans
les mains du plus fort, et ne permet de sécurité dans la propriété qu'à
celui qui peut.iie défendre. De quelque nom qu'on les revête, les mêmes
causes produisent éternellement Its jnêmes effets. Toutefois il existe
chez les Ashantées des moyens de se soustraire à l'oppression quand
elle devient intolérable. Si un homme jure par la tête du roi qu'un autre
le tuera, cet autre est en effet obligé de le tuer , parce qu'tm tel serment
'^i .œiisé juivoquctr 1^ mort ,d« roi »'il n'est pas rempli ; mais, alors la
yvv
*
112 JOURNAL DES SAVANS,
Emilie du mort acquiert le droit de ^re un procès an meurtrier, qui
est obligé de payer un dédommagement considérable. Un esclave
mdtrailé par son maître peut de même échappera son pouvoir en se
donnant à an autre jnaltre qu'il oblige de le prendre , en invoquant sa
mort s'il ne le lait point ; et le |>rcmier propriéôire ne peut pas le rédvner
q>rès cette invocation. Le dernier des esclaves peut ainsi comiatHnettre
«bngereusement le chef le plus poissant, et même les pretnîers jlerson-
nagesda royaume, en jurant que le roi tuera ce chef oa cette penonne,
et il' en ooAle ensuite à ceux-ci beaucoup d'or pour se soustraire k fac-
complissement d'un pareil vœu. Ce sont Ib des espèces de garanties ler-
ribles,contre l'excès du pouvoir arbitraire : k la vérité , il en coûte souvent
la vie pour y recourir; mais le Nègre , babicué dés i'en&ice k voir la mort
et la torture même avec une profonde indiffèrence, ne regarde pas k ce
sacrifice, quand il a soif de se venger. Quelques-uns , pour échapper
aux malheon de l'oppression, vouent leur vie au roî, qui alors les nourrit
et les protège. lis vivent ainsi exempts de persécution et d'inquiétude:
mais il faut qu'ils meurent avec b prince : on les immole tous sur son
Oombeui.
On conçoit assez que la religion d'un pareil peuple doit être supersti-
tieuse et féroce; tels sont en effet ses caractères, lis croient un dieu et
une autre vie : mais , n'a^jnt point de dogmes positifs , ils accueillent et
pratiquent à-Ia-fois toutes les superstitions des Nègres et des Maures ;
sur-tout ils paient au poids de l'or certains amulettes semblables à de
petits grains de poterie diversement colorés , et auxquels ils supposent
un pouvoir absolu sur leur destinée. Ils assurent qu'ils les trouvent
enfouis dans la terre, et le prix qu'ils y attachent prouve qu'ils ne savent
pas se les procurer en abondance. On pourroitdonc croire) avec quelque
probabilité , que ces objets , analogues aux petites figures que l'on trouve
dans les catacombes égyptiennes, sont d'une fàbricaiion très-ancienne.
SEPTEMBRE 1819, »a|
l^rUQit M. Bowdicb Ta vu et Tassure» ii e$t afireuz» dis-je» de pemer
que rabolitîoii de la traite a augmenté sensiblement le nombre des vie*
times humaines ainsi sacrifiées; et > pour que rien ne manque aux mauH
qu*a dé|ji causés cet abominable commerce , ce nombre s'accroîtra proba^
blement encore à mesure que Tabolitîon de la traite deviendra plus réeUd
et plus générale, parce qu'après s'être habitués à faire des esclaves pour
nous les vendre» ii faut qu'ils les tuent pour s'en débarrasser» aujourd'imi
que nous n'en voulons plus.
C'est trop s'arrêter k décrire ces mpeurs féroces ; l'espace qui nous reste
suffira à peine pour indiquer les résultats de tout genre que notre voya*
geur a recudlJis. M. Bowdich a réuni dans son ouvrage le vocabulaire et
les noms de nombre d'environ trente langages inconnus avant luf ; il t de
plus, avec un travail considérable» analysé particulièrement ia philo-
sophie et la construction de deux de ces idiomes, et il y a découvert des
ressemblances très-curieu6es entre leurs tours, leur syntaxe et celles de
l'hébreu et du grec; il a noté plusieurs morceaux de la musique des
Ashantées et des auires nations de l'intérieur, sans essayer d'en déguiser
la simplicité par aucune altération. II y fait remarquer que le mode mineur
s'y rencontre plus fréquemment que le mode majeur, et qu'ils passent
aisément de l'un à l'autre dans le même air. M. Bowdich signale avec soiit
toutes les coutumes qui peuvent être caractéristiques. Ainsi ii remarque
que les Ashantées ne pèsent que l'or; les autres choses se vendent-à h
mesure ; par exemple » la poudre en gros par baril, en détail par charge
d'arme; le tabac, par rouleaux ou par bouts; le fer, par barres; le plomb,
par petits barreaux longs comme le doigt, &c. Leurs poids pour l'or sont
les suivans :
8 tokoos font une ackie , environ une piastre ou cinq francs-,
t6 ackies, un newe niéen,
j(j ■* un benda,
4o *■ un périguin. -,
L«ur année commence le i ." octobre ; ils^ ia partagent , par leurs
cérémomes rel^ieuses , en divisions de trois et de six semaines qui se
succèdent alternativement. Ils connoissent et emploient la semaine de
sept fours, comme toas les autres peuples; mais chaque famille place le
commencement de cette période à un four différent, où elle s'abstient de
travail. M, Bowdich a recueîHi beaucoup de détails intéressais sur
leurs maladies, ainsi que sur tes végétaux et les animaux les plus
remarquables de ces contrées; mais nous ne pouvons qu'indiquer îcice$
çhfçts, afin deriious réserver quelque pbce pour des résuluts <fui>
înt^r^t plus général encore.
yvv 2
Îi4 JOURNAL DES SAVANS,
Leteiidue de territoire que les Ashantées occupent , les relidou
nombreuses que leur richesse et lecir puissance leur donnent avec ies
nations qui les environnent» la résidence parmi eux d'un certain nombre
de Maures exercés au maniement des affaires , et dont Foffice même
exige une certaine instruction, le concours continuel des marchands
d'esclaves venant de Tintérieur, enfin une liaison ^miiière et amicale
avec tous les personnages influens du pays, et {ïntelligence du langage,
donnoient .'i Â1. Uowuich des facilitas singulières pour prendre des len-
seignemen? >ur la gé>>grn|}hie de ceire partie de TAftique qui s'étend
nu hud du Niger* et relativement à Inquelle on ^toit resté |usqu*akm
dpjis une isrnorance nl>>(>lne ' 1 1. Sjns doute des indications ainsi déduites
de relations orales ne doivent pas être comparées* |>our la cerutude,
avec les données positives que pourroit fournir un voyageur instruit
tiui nnroit été lui-même sur les lieux : mais , à défaut cfe ces
nicrc-s, le rassemblement des témoignages oraux peut être
fort urile; car, s'ils sont en grand nombre, indépendans les uns d»
autres, et discutés avec intelligence, ils peuvent conduire à de trèf-
fortes prof>abilités. Nous croyons que le lecteur attentif reconnoltrt
ces caractères dans les informations recueillies par M. Bowdich, et cbns
le journal de son compagnon de voyage, M. Hutchinson, qu*îl âwoh
laissé conm;e résident à Commassie , capitale des Ashantées ; nous
allons rapporter succinctement les résultats qu il a déduits de ces divers
renseignemens.
I.a |Temière et la plus importante concerne le cours du Niger. Tout
le mor.de >ait combien de conjectures ont été faites sur la directiba
de ce grand fleuve > dont les bords sont couverts de cités populeuses t et
dont les eaux fécondantes semblent donner la vie à tout Tintérieur du
continent africain. Les uns ont fait couler ce fleuve de Test k Fouest;
d'autres, dans une direction contraire: on Fa fait tantôt se perdre dans
une mer intérieure, tantôt se continuer jusqu'aux côtes orientales ou
occidentales, et verser ses eaux dans l'Atlantique ou dans rOcéan indien..
Enfin, lorsque Mungo-Park atteignit ce fleuve près de SegOt et se fiir
assuré par ses propres yeux quil couloit alors de Fouest à Test» on sup-
posa, et ce fut aussi l'opinion de ce célèbre voyageur, on supposa» cËfr-fe^
que, dans la suite de son cours, il se replioit sur lui-inéme, et que» re-
tournant vers les côtes occidentales, il formoit une des grandes rivières
qui se déchargent dans FAtlantique , telles que le Volta ou k
(i) Notre proc!iain cahier contiendra nne carte de cette centréfi dressée par
M. Bowdichiui-mCr.ie.
SEPTEMBRE 1819. 5IJ
Les renseîgnemens recueillis par M. Bowdich conlrediseni toutes ces
conjectures. D'abord, conformément à ce qu'a vu iVlungo-Park, ifs
représentent le Niger coulant de Test au hord-ouest, depuis Sego jus-
qu'au lac Dibberi ensuite, h Iii sortie de ce lac, comme Mungo-Park
Ta dit encore, mais seulement dVprès des témoignages, il se divise en
deux branches, dont l'une» suivant M. Bowdich, coulant au nord-ouest,
va passer près de Torabucioo, et Tautre, plus considérable, se dirigeant
au sud- ouest, continue le véritable Niger, qui prend alors le nom de
Quolla. Maintenant la première branche, après avoir remonté au nord-
ouest, un peu au-delà de Tombuctoo, se divise encore : une partie,
coulant droit au jiord, est appelée par les Maures Jolïba, c'est-à-dire,
grande eau, et Zak-mer par les Nègres; l'autre partie, coulant à l'ouest,
prend le nom de Gambaroo. Celle-ci, poursuivant toujours sa route dans
cette direction, va enfin se perdre dans un lac intérieur, que les naturels
décrivent comme volcanique , et qu'ils révèrent comme le réservoir des
eaux du déluge. Quant à la grande branche appelée Quolla, qui coule
d'abord au sudo-uest , celle-ci , infléchissant peu à peu sa route , se tourne
vers l'ouest même, donnant naissance, sur sa rive droite ; à un grand
nombre de rivières qui coulent au sud-ouest jusqu'à la mer, et enfin,
afix>iblie et presque épuisée par ces versemens nombreux , elle va rejoindre
le Nil au sud-ouest de Sennaar par une foible communication qui n'est
navigable que dans la saison des pluies. Ce dernier fait étoit si remar-
quable et si peu attendu', que M. Bowdich a mis tout en usage pour en
multiplier la probabilité. Il a non-seulement consulté de vive voix des
Maures qui avoient ftit plusieurs fois le voyage d'Egypte ; il s'est procuré
des cartes de route dessinées par eux ; il a comparé et opposé les récits de
tous ceux qui pouvoient iui fournir à cet égard quelques lumières : toutes
les indications ont été unanimes. On peut avoir d'autant plus de confiance
à son témoignage, que, dans d'autres ca^, il ne dissimule point les con-
tradictions qui se sont rencontrées entre ceux qu'il interrogeoit. C'est
ainsi qu'il avoue n'avoir pas pu obtenir de renseignemens précis sur la
source du Niger; et il'ne paroît pas non plus séduit par le désir d'an-
noncer des résultats extraordinaires; car, au contraire, il rappelle avec
empressement toutes les indications des écrivains antérieurs qui peuvent
avoir vu ou soupçonné les mêmes faits. C'est ainsi qu'en exposant ce
qu'il a appris sur l'existence et le cours du Gambaroo, il s'empresse de
fiiire remarquer que cette branche du Niger avoit déjà été indiquée sous
ce même npm par notre géographe Delille, dans la carte de l'Aflique
qu'il avoit construite pour Louis XV. Seulement Delille s'étoit trompé
en la supposant le prolongement unique du Nîg^f; dont elle n'est qu'une
5i6
JOURNAL DES SAVA.NS,
dérivation. C'est près des bords du Gaiiibaroo qu'est siluée la cité popu-
leuse de Houassa, centre de tout le commerce de i'inlérieur de l'Afrique,
ft qui, en étendue, en pouvoir et en richesses, le cède seuleinenl k
Bouniou. Houassa est aujourd'hui ce qu'étoii jadis Tombuctoo, main-
tenant sa tributaire. Cette dernière ville, dont la prospérité décroissoîl
déjà du temps de Léon l'Africain , qui représente les anciennes demeures
de ses habitans comme changées en de pauvres cabanes, n'est plus,
dit-on, aujourd'hui qu'un amas de chaumières nègres, où l'on reconnoit
à peine quelques vestiges de son ancienne splendeur.
Outre ces renseignemens iinportans sur la distribution des eaux dan»
rintérieurde l'Afrique, M. Bowdith a rassemblé une multitude de détails
positifs sur les contrées moins distantes des côies, et principalement sur
celles qu'il a pu parcourir lui-même. Ces observations donnent beaucoup
dénotions nouvelles, et en rectifient également un grand nombre qui
étoient fausses ou inexactes, parmi celles que l'on uvoit précédemment '
admises : ainsi M. Bowdich a. tracé pour la première fois le cours du i
grand fleuve du Voila, depuis son emboucluire jusqu'aux montagnes de
Hong, appelés A-lonls de la Lune par les géographes. Le Lagos, autre
grande rivière que l'on représentoit jusqu'ici comme se dirigeant au nord-
ouest, coule directement nord jusqu'à une distance inconnue. Les esclaves
venant de l'intérieur déclarent qu'ils sont amenés pendant plus d'un mois
le long de ses bords. On avoit considéré les Monts de la Lune comme
une chaîne continue d'où l'on faisoit descendre plusieurs rivières , tant au
sud qu'au nord; M. Bowdich a reconnu que ce sont des montagnes isolées,
et séparées les unes des autres par des intervalles suffisans pour donner
passage à de grandes rivières. Ainsi s'évanouit une des données sur
lesquelles la géographie physique s'appuyoîl avec le plus d'assurance
pour déterminer théoriquement le cours de ces fleuves et du Niger
même; ou plutôt, dans cette circonstance, comme dans beaucoup d'autres,
ce n'est pas (e principe théorique qui étoit fautif, c'est l'application que
l'on en faisoit. Non content de ces découvertes. M, Bowdich s'est
"transporté sur ces mêmes plages où avoit échoué l'expédition anglaise
récemment envoyée h grands frais pour remonter la rivière du Congo ,
que l'on supposoit à tort être le véritable Niger. Il a voulu essayer sur
cette côte ce que pouvoient les eU'oris bien dirigés d'un seul individu,
et les résultats de cette excursion sont rapportés dans son ouvrage. Il y
a trouvé encore de nouvelles confirmations des renseignemens qu'il avoit
recueillis chez les Ashantées sur la non-réalité du système qui faisoit du
Congo l'embouchure du Niger. H a exploré le cours de la large mais
courte rivière appelée , CaboM. Cette rivière se divise en dpux Ltanche»,
SEPTEMBRE 'i8 9. J27
i peu de distance de la cote; mais, en traversant une péninsule déserte
que ces branches comprennent, on trouve dans Tintérieur , à trois
journées de marche, une autre rivière considérable, appelée Ogoonwaiy
qui, dit-on, est aussi une dérivation de la branche du Niger appelée
Ç^/(?/Aj, et qui , après une longue course, se divise elle-même en deux
branches , dont une se réunit au Congo.
Outre ces résultats de géographie générale, on trouve dans l'ouvrage
de M. Bowdich une foule de détails locaux du plus grand intérêt. Ainsi
le royaume opulent de Dagwmba, dont la renommée est parvenue juS'
ques aux côtes de la Méditerranée, se trouve être un des tributaires des
Ashantées et le Delphes de l'Afrique. Là, d'après des témoignages
unanimes, sont déposés un grand nombre de manuscrits que l'on
peur maintenant espérer de posséder un jour en Europe. Plusieurs
autres royaumes dont le nom et fexistence étoient précédemment tout-
à-fâit inconnus , ont été découverts par M. Bowdich, et leur position
relative a été indiquée par ses recherches. En un mot, il a rempli de noms
et d'intérêt ce grand espace vide qui existoit dans la géographie de
TAfrique depuis la côte de Guinée jusqu'au Niger, et dont on ignoroit
même s'il étoit désert ou habité. Nous ne pouvons mieux faire sentir le
prix de ces travaux qu*en rapportant ici l'éclatant suffrage dont les a
honorés le patriarche de la géographie. « Le travail de M. Bowdict^-dit
» le major Rennell , contient beaucoup de renseignemens géographiques
» importans et nouveaux sur la partie du globe jusqu'ici la moins connue ;
9> il offre des résultats auxquels on ne pouvoit nullement s'attendre.
19 L'existence de la rivière du Gambaroo est une découverte nouyelle qui
» mérite la plus grande attention. En général, les recherches rapportées
» par ce jeune voyageur présentent dans leur ensemble des preuves de
» véracité incontestables 1 et attestent dans leur auteur beaucoup de
» jugement et d'habileté. »
Un des chapitres les plus intéressans et les plus utiles de louvrage de
M. Bowdich, c'est celui où il expose les moyens de lier des relations de
commerce avec l'intérieur de l'Afrique par les établissemens de la côte de
Guinée , et surtout par l'intermédiaire des Ashantées. Tenir envers ces
peuples une conduite noble et juste, qui leur inspire du respect pour le
caractère européen ; répandre chez eux, par la seule voie de la persuasion
et de l'exemple, les sentimens d'équité, d'humanité, les idées de travail^
d'agriculture et de commerce qui conduisent à la civilisation; les détacber
ainsi naturellement et sans violencç de leurs superstitions cruelles, pour
les amener à une religion qui prescrit et inspire toutes les vertus sociales;
en £dre ainsi des êtres bons 1 laboneux et beureux ^ telles sont les voies que
528 JOURNAL DES SAVANS,
M. Bowdîch propose; tefs soin les rcsuhats qu'il regarde comme possibles
et même comme assurés en suivant ces indications. P-îsse son plan éut
adoptl' par ses compatriotes et par les autres nations européennes qui ont
des érablisscmens sur Tes côtes orientales de TAfrique! Alors la cîvîKsalîpn
et le honheur pourront enfin paroîire sur cette vaste partie du mondCtSl
long-temps en proie aux suj)er>tiiions, aux massacres, h PescIavagCti.
la l)ar!,r.iiv-. L'Europe doit ce l;ie!itaii h l'Afrique , en réparation des
maux que la traite a répandus dejniis trnis siècles sur cette terre infortunée.
Une des considérations sur leîquelles M. Bowdîch insiste le plus, et
avec raison, h ce qu'il me semble, c'est l'inutilité presque certaine de
tenter désormais de j éiiétrer dans l'intérieur de TAPrique par des entre-
prises isolées, qi.i, rencontrant h chaque pas des résistances, doivent
presf]Uc înévitablcmi.r.t finir aussi jnnlluurcusement que celles qui ont
été essayées déjà. Tous les intérêts, et :ou«i les préjugés des naturels se
rcuniy>ent contre ce genre de tcniaîives. Au !ieu d'essayer encore cette
v(îie hn<.i:dtrsf, M. Buwdich prv po>e de b'avanctfr graduellement dans
I intérieur par des li.jisor.s politiques, de traiter |Togresvivement avec les
puissances maîtiesjes du pays, et d'étaKIir chez elles des résidens accrè* '
dites, ayant de la prohité, de l'honneur, du caracière et de rinstrucixon.
Quels moyens en effet n'auront j)as dt-s hommes ainsi placés pour
recueillir paisiblement, rans obstacle et snns inspiier aucune {afousict
tous les renseignemcns utiles cjui peuvent fiiire connoître ces contrées à
l'Europe et amener un jour leur cîvilî.sation 1 Combien leur position nu
scra-t-elle pas préférable à celle de voyageurs isolés, exposés à la mal-
veillance, au soupçon, au pillage, et qui, s'ils échappent 9 comme
Mungo-Parka eu une fois le bonheur de le faire, ne devront ce hasard
qu'à l'indilTerence qu*aura excitée pour eux la profonde misère' dans
laquelle ils seront tombés! Dans ses vues nobles et généreuses , M, Bow-
dich demande que les résidens près des peuples d'Afrique deviennent
aussi les correspondans de l'Europe entière: il veut qu'ils soient chargés
de recueillir les renseignemens de tout genre qui leur seront demandés
par les savans de toutes les nations; et il espère, non sans vraisemb/anoet
qu'à l'aide de ce )>lan nous aurions dans deux ou trois années des
stations d'observateurs , |>lacées aussi loin que Tombuctoo même.
Un semblable projet n'a besoin que d'être énoncé pour avoir Fappra-
bation de tous les hommes éclairés de l'Europe. On peut aisément se
figurer tout ce que les sciences naturelleset l'étude de rantiquité devront
y g«''g»«?r de découvertes. La physique y pourra enfin obtenir aussi les
observations qui lui manquent pour compléter Its lois de la distribution
du magnétisme terrestre, dont, pour tout l'intérieur de TAfrî^e, oa
SEPTEMBRE iSrp. 529
n'a pas la moindre notion; elle y trouvera encore des données météoro-
logiques d'un intérêt extrême dans les observations de ces ouragans
subits dont M. Bowdich a été témoin, et qui changent instantanément
la direction des courans sur les côtes en mêiT)e temps qu'ils versent sur
la terré un déluge d'eau. On pourroit aussi , dans les établissemens de la
côte deGuinée, et à Cape*Coast même, mieux que par-tout ailleurs ,
répéter avec une grande utilité la détermination du pendule à secondes
et la mesure d'un arc du méridien; car cette partie de l'Afrique est à-Ia-
fois située presque sous l'équateur 9 et presque sur le prolongement du
grand arc du méridien qui va des iles Pityuses aux îles Shetland» et sur
lequel on a aussi mesuré la longueur du pendule à secondes et
celle des degrés y dans un grand nombre de stations. Une opération
correspondante faite en Afrique, eût-elle même une étendue beaucoup
moindre 9 compléteroit admirablement les opérations européennes, et
acheveroit de donner, avec la figure la plus exacte de la terre, la base
la plus parfaite de mesures que les hommes puissent adopter. Déjà
M. Bowdich a bien voulu prendre avec nous l'engagement de faire, à
son prochain voyage, l'expérience du pendule, plus simple, plus courte
et plus fiici/e que la mesure des degrés. Peut-être un jour aura-t-il les
moyens d'exécuter aussi cette dernière. Zèle, talent, courage, il a tout
ce qu'il faut pour réussir. Puisse-t-il, dans le reste d'une longue carrière,
surmonter toujours aussi heureusement que dans ce premier voyage , les
dangers de toute espèce que son dévouement aux connoissances hu-
maines lui fait affronter*
Pergt, . . .si quafata aspera yincas!
BIOT.
Vie de Poggio Bracciouni , secrétaire des papes Boniface IX,
Innocent VII , Grégoire XII , Alexandre V , Jean XXIII ,
Martin IV, Eugène IV , Nicolas V ; prieur des arts et chan-
celier de la république de Florence; par M. ^. Shepherd:
traduite de l'anglais , avec des notes du traducteur [M. de i'A..).
Paris , imprimerie de Fîrmin Dîdot , chez Verdières ^
iibraire, iSip, in-S.^, xvj et ^xo pages. Prix, 6 ïv.
La vie d'un écrivain qui a été secrétaire de huit papes et qui a
exercé des fonctions publiques à Florence, appartient à l'histoire ecclé*
XXX
J30
JOURNAL DES SAVANS,
siastiqa'e et drife presque ratant qo^i celle des lettres. Dans un siècle
aussi plein de grand» événemens et de vicissitudes 'politiques que l'a
été le XV.*, il est usez rare que les hommes distingués par la culture
de leur esprit ou par Tétendue de leurs conncHssances ne KÛent pat
jetés, au moins durant quelques années, dans ia carrière des afTaires
publiques, et que leur histoire se réduise au tableau ât leun maurs
privées et de leurs travaux solitaires. Plusieurs littéiateurs, contem-
porains de Poggio, ont paru avec encore plus d'éclat que lui sur la
icène polirique : mais les emplois diven dont il a été chargé. Font sou-
vent placé- au milieu des troubles ; il a vu de fort près les dissensions
que rappelle le nom de sihisme d*Occtdent , les conciles de Constance,
de Bâie et de Ferrare, la déposition de Jean XXIII, la fin tragique de
Jean Huss et de Jérôme de Prague , les démêlés et les tenutives de
réiinion entre les églises grecque et romaine, les révolutions de Flo-
rence et fa proscription de Cosme de Médîcis. Ces événemens mémo-
tables s'entremêlent nécessairement, daiu l'histoire de la vie du Ppgge,
i ses querelles littéraires , à ses relations avec les sarans grecs réfugiés
en Italie, au récit de ses voyages et de ses découvertes, enfin au tableau
de ses nombreux ouvrages, parmi lesquels on peut distinguer celui qui
est resté fatneux sous le titre de Facéties, et les huit livres , beaucoup
plus recommandables, qui contiennent les annales florentines depuis ■ Jjo
jusqu'en 1 4 5 ï . Quoique , sous ces dilTérens rap|M)rts , la vie de Poggto
pûl offrir beaucoup d'intérêt, on n'a pourtant songé k récrire qu'au
commencement du xvili.* siècle. Le premier essûliit un opuscule latin
composé par Tborschniid , et publié en 1713a Wittemberg ( 1 ) : deux
ans après, Recanati fît paroître à Venise un livre plus étendu sur le
même sujet, et rédigé aussi en langue latine [i). Sallengre, en 1717,
consacra au Pogge trois articles de ses Mémoires de littérature { j^ , en
profilant du travail de Recanati ei en y ajoutant des observations fort
SEPTEMBRE 1819. jj»
de la vie de Poggio y étoit suivi de quelques extraits de ses écrits.
Cette compilation y doift l'auteur est Jacques Lenfànt, de qui l'on a des
histuirei des conciles de Pise, de Constance et de Baie, fut critiquée
par Recanati ( i ) et par la Monnoie (2) ; Recanaii y releva ceot vingt-
neuf méprises , dont quelques-unes étoient fort grossières : cependant
elle a conservé long- temps des lecteurs, ii bien que M. Shepherd n'avoit
d abord songé qu'à la traduire en anglais ; mais il n'a point tardé à
reconnoître combien elle , est confuse, erronée, défectueuse, et il a
travaillé sur un tout autre plan.
L ouvrage de M. Shepherd, publié en Angletere en- 1802, n'étoit '
guère connu en France que par le soin que M. Gînguené avoit pris de
le citer plusieurs fois dans son Histoire littéraire de Tltalie. La traduc-
tion française que nous annonçons est due à l'homme de lettres qui, fan
dernier^ a donné celle des Antiquités romaines de M. Alex. Adam (3),
et elle nVst pas moins recommandable par une parfaite fidélité, par
la correction et IVIégance du style. Le traducteur y a joint des notes
qu'il a jejetées à la fin du volume, pour les distinguer de celles de l'au-
teur, qui sont plixb nombreuses, et en général plus courtes. Ces notes
du traducteur peuvent être considérées comme un très-utile supplément
à l'ouvrage; elles contiennent des détails historiques et des observations
littéraires qui avoient échappé à M. Shepherd; elles jettent plus de jour
sur certaines circonstances de la vie du Pogge, sur quelques-uns des-
événemens dont il fut témoin, sur ses relations avec des littérateurs cé-
lèbres, tels que Leonardo Bruni d'Arezzo, Beccatelli, Filelfe et Laurent
Valle. On y trouve aussi l'indication des contes dont Rabelais et fa
Fontaine ont puisé le fond dans le livre des Facéties.
Nous n'avons point sans doigte à rendre compte de Pouvrage de
M. Shepherd; le texte en est publié depuis dix-sept ans; et l'on a d'ail-
leurs une sorte d'analyse de tout ce volume dans l'Abrégé de la vie de
Poggio, qui occupe une vingtaine de pages du tome JII de l'Histoire
littéraire d'Italie de M. Ginguené. Nous devons seulement avertir que
les particoilarités et les remarques ajoutées par M. Ginguené se re-
trouvent dans les notes du traducteur de M. Shepherd; en sorte que,
de tout ce qu'on a écrit sur ce sujet, il ne reste rien d ^important que ne
reproduise le volume qui vient de paroître.
L'un des plus heureux essais littéraires de Poggio est une descrip-
( I ) Osserva^hni critiche ed apologctiche sopra II libro del sign. Jac, L enfant,
intirolato Po^^giTin^. Vener. Alhri^i , lyxt , in-S.®
(2) Remarques sur le Poggiana. Paris, r722, r/î-/2.
(3) Voy, Journal des Savans,niai i8i8L,pag. 3B2«-5.88.
XXX X
Î32
JOURNAL DES SAVANS,
lion des bains de Bade, contenue dans une lettre qu'il écrivoit k Nicolo
Nicoli en ijii6. Lenfânt n'en a donné qu'un extrait informe: on en
trouve id, pour la première fois, une version française, iiiganie et
complète (i). Il &uten dire autant de fèpître encore plus remarquable
ou le Pogge raconte à Léonard Arétin le procès et le supplice de Jér6me
de Prague (a). En votd quelques tntits> par lesquels nos lecteurs juge-
ront de la diction du traducteur : .... <c On peut considérer comme
M une preuve de la procCgieuse mémoire de Jcrôme, qu'après avoir
n été renfermé pendant trois cent quarante jours dans un sombre
«cachot, .... il ait pu citer tant d'écrivains' pour sa fustiBcation, et
M appuyer ses opinions par tant de passages des Pères de TÊglise. Sa
» voix étoit sonore , claire et douce ; son action parfaitement noble et
» très-propre i exprimer findignation , ou à produire une compassion
» qu'il ne réclainoit ni ne desiroit pourtant pas. . . . C'est un homme
» digne de l'immortalité : je ne le loue pas d'avoir enseigné des opinions
» contraires à la croyance de l'Église; mais j'admire son érudition f ses
» vastes connoJssances , sa fâdie éloquence et son habileté dans la
«réplique. Ensuite la terreur me saisit, quand je considère que In
» nature l'a comblé de dons si rares , seulement pour sa perte. . . .
» Arrivé au lieu de l'exécution , il se dépouilla iui-méme de ses habits,
M et s'agenouilla devant le poteau auquel il fut attaché avec ime diaine
wet des cordes mouillées. Lorsqu'on eut mis le feu, il entonna, d'une
» voix sonore, un hymne que la flamme et la fumée purent à peine
» interrompre. . . . Ainsi a péri un hoinme (Kgne d'admiration i tous
» égards, si l'on excepte ses erreurs en matière de foi : j'ai assisté i son
» supplice, et j'ai recueilli toutes les particularités de son procès. . . .
» J'ai employé mes loisirs à vous raconter au long cette histoire, parce
» qu'elle est d'un intérêt qui surpasse tous les traits héroïques qui nous
» ont été transmis p:ir les anciens; car Mutius lui-même ne vît i
SEPTEMBRE i8i9- Î3Î
» engager à vous exprimer à Favenir avec plus de circonspection sur
» de semblables matières. »
Leonardo d'Arezzo ne mît aucune réserve aux félicitations qu'il
adressa y en 14199 a son ami Poggio, qui venoit de retrouver plusieurs
livres classiques qui avoient depuis long-temps disparu > ou dont on ne
p<).ssédoii que des exemplaires mutilés. Nous avons eu occasion rfin-
dicjter ces découvertes, en parlant d'un ouvrage récent de M. Petit-
Radel (i). Ce savant pense qu'on a un peu exagéré les services rendus ,
en ce genre , par le Pogge ; ni M. Shepherd, ni son traducteur, ne
semblent partager cette opinion. Il est toutefois incontestable que les
littérateurs du XV.' siècle possédoîent au moins des copies défectueuses
de Quintilien , et Ton en retrouve la preuve jusque dans la lettre où
Léonard Arétin parle avec tant d'emphase de la nouvelle apparition de
ce classique; car il y déclare qu'il a depuis long-temps lu et admiré" la
moitié des Institutions oratoires. Mais, sur ce point, presque tout a été
dit, depuis long- temps, par Bayleet par Sallengre.
L'espoir de retrouver quelques autres restes de l'antique littérature
entraîna Poggio en Angleterre : il y fut abreuvé de dégoûts et dévoré
d'ennui. M. Shepherd ne dissimule pas que la Grande-Bretagne étoit
couverte encore des plus épaisses ténèbres, quand l'Italie farillolt déjà
'de tant de lumières; et, s'efforçant d'assigner la cause d'une barbarie si
persévérante^ iPcroît la trouver dans le régime féodal, qui enchaînoit
chaque habitant au lieu et au rang où il étoit né , et qui ne laissoit
aux seigneurs , fiers des privilèges que leur assuroit leur naissance , aucun
motif de cultiver leur esprit "par l'étude.
Peu après son retour d'Angleterre, le Pogge composa un dialogue sur
l'avarice, où des traits satiriques sont dirigés contre les moines , contre des
prédicateurs ambulans, contre d'autres ecclésiastiques. La censure est
plus amère encore dans un dialogue sur Thypocrisie , qu'on a écarté de la
collection de ses œuvres , mais qui a été inséré dans le recueil intitulé :
Fdscîculus rerum expetendarum etfugUndarum. Poggio fut distrait de ces
querelles par les périls que courut le pape Eugène IV , auquel il étoit
attaché: il partit de Rome pour aller rejoindre ce pontife à Florence,
tomba entre les mains d'une tcoupe soldée par le duc de Milan, fut retenu
prisonnier, et n'obtint sa liberté qu'en pnyant une forte rançon. A Flo^
rence, il trouva les Médicis abattus; Cosme, le bienfaiteur de son
enfance, venoit d'être banni de la république. C'est Tune des époquek
(i) Recherches sur les bibliothèques... Voy. Journal des Savans, mars
1819, pag. 162-173.
ni
JOURNAL DES SAVANS,
le> plu» bonorablec de U vie de Poggio : il on procbmer ion tMche-
tnent aux Niédiâ* , et l'expoter aux injures de Fiielfe , qui fc déchaÎAHt
avec fiireur contre eux et leun parriiani. Du reste, daïis cette guerre
politique et litlénire qui s'engagea entre FlIelfe et le Pogge, on doh
avouer que le premier obdnt T'avanuge du talent , et que le seuind nf
conserva pas iong-teinps celui de la modération. Le nom dinvtciii/es ne
convient que trop It cette partie des écrits du Pogge, comme i beaflp
coup d'autres productions du même temps : les exemples qu'en rite
M. Shepherd, ceux qu'y aioute son traducteur, sont d'une grossièreté
k laquelle ne descend plus aujourd'tiui Jt Jiiiijniiure polémique dans ses
ptui licencieux exc^s.
Des éplires écrites avec franchise ; des éloges funèbres , tributs uncires
de ramitié; des dialogues sur la noblesse, sur le malheur des princes, sur
Ivs vtcissîiudes de la fortune, continuent plus honoralilement le recueil
des écrite de Poggio. H entra dans Jes vues (le Nicolas V en traduisant
en latin Diodore de bicile et la Cyropédie du Xénophon. Mais on ignore
les circonstances particulières qui ont pu le déterminer ï composer, au
sein de la cour de Rome , son livre des Facéties. Lorsqu'il dit flans la
préface de ce recueil qu'il a voulu, en s'occupant d'un sujet frivole,
s'exercer & écrire ^tellement en langue iarine, on voit trop que ce n'est
1& qu'un vain prétexte ; il avoi t plus de soixante ans, if ne làisoit plus
d'apprentissage , tous ses écrits précédeiis étoreni en latin. Quoi qu'il en
soit , aucun obstacle n'arrêta la circulation ni des manuscrits , ni , depuis
i47' » de* nombreuses éditions d'un livre presque également rempli
d'obscénités et de traits satiriques ou irréligieux. Quelques savans y
recherchent des anecdotes relatives k des personnages célèbres du iiv.'
et du XV.* siècle: d'autres, voulant remonter aux sources de ces contes,
(es confrontent aux ancieiu fabliaux ; Le Grand d'Aussi a commencé ce
SEPTEMBRE 1819. 53Î
ipiscùpus factus es, a donné lieu à une étrange erreur de L^nfailty qui Fa
commentée en ces ternies : ^ On trouve ici une particularité assea curieuse
3» de la vie de Laurent Valle : c^est qu'ayant été ordonné é\ êque à Pavie,
^ avant fâge et sans dispense , it quitta de hii-mème la mitre. » Poggio
dit que Valla, ayant reçu malgré lui cette dignité , s'empressa de déposer
dès le jour même cette mitre blanche, monument de son ignominie. Sed
cùm tibi invito ta dignitas esset concessa . . . mltram albam eo quoacceperas
die, ... . deposuisii, qua ad hoc usque tempus suspensa pendit ad
dettstandam Scelerh nominlsque tul sempiternam Jamam.
Poggio mourut en i459 » îi '**g^ ^^ 79 î^ns, encore occupé de son
dernier et de son plus recommandable ouvrage, c'est-à-dire i de son
Histoire de Florence, qui fut achevée et traduite en italien par son fifsi
DAUNOtJ.
Essai philosophique sur les phéjs/oajènes de la vie,
par sir Th. Ch. Morgan, membre de la Société' royale des
médecins de Londres; traduit de l\wglais^ sous les yeux de
l'auteur , avec des corrections et des addiiions. Paris , P. Du-
fart, i8ip, in-S.^ de 476 pages.
Quoique la première place , dans les travaux relatif b la physiologie,
soit due et accordée aux ouvrages qui contiennent les fruits de l'obser-
vation et les résultats d'expériences nouvelles, on ne lit pas sans plaisir
les résumés et les iraiiés généraux, dont les auteurs, sans prétendre à
l'honneur d'agrandir le champ de la science, se contentent den mesurer
retendue : ces sortes de revues , où lesftits observés viennent se ranger
sous une classification méthodique, ont l'avantage de rappeler ce qui a
été fart et ce qui reste \ faire ; elles constatent Inexistence des lacunes ;
et les hypothèses mêmes et les systèmes qui en sont comme inséparables,
ont leur utilité : ils pi'ovoquent des travaux ultérieurs, impriment une
direction nouvelle aux recherches, et finissent presque toujours par
procurer l'acquisition de quelques vérités.
C est un résumé de ce genre qu'on trouve dans le volume que sir Th.
Morgan vient de faiiTe traduire en finançais sous ses yeux, après Tavoir
préalablement publié dans sa langue maternelle. C'est, dit-il lui*mém€,
une simple esquisse de la science, où Ion veut seulement en faire
connoître les traits essentiels. C'est la philosophie de ta physiologie^ et
non la science physiologique , que l'auteur a essayé de présenter à ses
îî« JOURNAL DES SAVANS,
lecteurs. Le titre qu'il a choisi donne assez à connoître sous fjuel point
de vue il t envisagé son sujet : Qu'est-ce que' forganisation ! En quoi,
consiste l'action vitale ! Comment peut-on la modifier ! Qpelles sont les
lois qui régissent les corps vivans! Voilà les principales questions qull
semble s'£tre proposées, et auxquelles ilcfierctie desréftonies dan* fétude
qu'on a faite avant lui des phénomènes de la vie, considérés dans leur
état habituel et dans leurs altérations, abandonnés k eux-mêmes, ou
réguiîéiement usujettis it des perturbations niélhodiques.
A la tête du volume sont placéec des remarques préliminaires dont
fobjct principal est de repousser ce préjugé si répandu et pourtant si
injuste, qui consiste à ne voir dans la physiologie qu'un roman, un
amas d'explications arbitraires et d'hypothèses plus ou moins ingénieuses*
un champ livré aux disputes des naturalistes. Ce préjugé est intimement
lié à une autre erreur encore plus répandue parmi les personnes étran-
géresà l'art de guérir, lesquelles ne cessent de répéter que la médecine
est une science entièrement conjecturale. II est aisé de ^re voir que
cette assertion, trop générale en ce qui concerne la théorie , est presque
entièrement âusse dans ce qui intéresse fa pratique médicale. C'est
en effet dire , en termes équivalens , que les lois de l'action vitale sont
encore, après tant d'expériences et d'observations, et malgré les travaux
de tant d'hommes supérieurs, absolument inaccessibles i nos recherches ;
que la marche des phénomènes vitaux nous est entièrement incoimue,
et que nous n'avons aucun moyen certain de l'entraver ou de la faciliter :
c'est là ce qui est évidemment Ëiux et même absurde. L'honneur de la
médecine est ici, comme ailleurs, étroitement lié à celui de la physio-
logie ; et, loin de reprocher à sir Morgan d'avoir embrassé la cause de
l'un et de l'autre avec trop de chaleur, on peut regretter qu'il ait négligé
bien des argumens qu'il eût été de son sujet de recueillir et de faire
valoir.
^„_. .^A_
SEPTEMBRE iSf^. U7
indîspentabfe dans celte circonstance, sir Morgan y joint uji autre
paradoxe qu'il est pareillement bien loin d'établir solidement. Suivant
lui , la différence entre ces deux classes (îenl 3vix formes seulement : or.
diuis les dernières espèces deires vivans, les formes sont si simples, qu'if
est difficile de tirer la ligne de démarcation d'une manière bien exacte.
Les matériaux élémentntres (c'est toujours sir Morgan qui parle) coas-
tiluent indifféreiiimeni des combinaisons organiques et inorganiques.
Enfin ,
quoique I auteur i
I que la formation des premières est ie
résultat d'affinités i/'une nature plus relevée que celles qui produisent les
dernières, il lui paroit très- probable que la théorie qui donne aux
mouvemens des corps organisés une cause difi'érente des lois générales de
la nature , et qui considère les phénomènes de la vie comme d'un autre
«Vrc que ceux de l'existence inanimée, n'est réellement pas fondée.
Je n'entreprendrai pas, dans un extrait de la nature de celui-ci, la
féfulation de ces énoncés, qui ne sont pas particuliers à l'auteur, et qui
tiennent h des considérations très-graves; je ferai seulement observer
que les affinités d'une nature plus relevie,f\ae sir Morgan attribue aux
corps organisés, sont une expres>ion vide de sens, si les phénomènes
delà vie ne sont pas d'un autre ordre que ceux des substances organiques;
je remarquerai aussi que les faits d'après lesquels seulement il est permis
déraisonner en pareille matière, sont presque tons en opposition avec
sa théorie. L'homme vivant, dont la température naturelle ne s'élève pas
dans un four chauffe i l'ccuf fêcondé qui résiste à la congélation , l'arbre
qui fond la neige amoncelée autour de son tronc, le s.nng qui remonte
dans les gros troncs veineux en surmoniant son propre poids; l'action
assimilairicede l'esiomac, qui arrête la fermentai ion putride des altmens
corrompus, et en produit une autre d'un genre entièrement opposé:
tous ces faits, que je me borne â indiquer, parce qu'ils sont familiers aux
physiologistes, et des milliers d'atriies qu'on pourroit citer, ne tiennent
pas seulement îi des diff'érences de formes ; ils sont inexplicables par les
lois générales de la nature inorganique. Il paroit certain qu'aucun mou-
vement n'a lieu dans les corps vivans qui puisse exclusivement s'expliquer
par les lois de fat traction, soit à distance, soit moléculaire; et l'on peut
dire même que les phénomènes véritablement caracté^i^ tiques de la
vitalité pennetiroient de considérer les corps organisés comme autant
décentres d'exception, où les lois générales sont momentanément sus-
pendues, ou du moins ne sont exécutées qu'avec des reslriçiions ^uj
constituent Ja vie, et sans lesquelles elle ne peutexûiler.
Il m'a paru d'autant plus nécessaire de protester contre cette manière
de soumettre de nouveau les fonctions vitales àdesexplitaiions purement
yyy
ns
JOURtÏAL DES SAVANS,
physiques et chimiques, qu'elle 5a montre souvent dans Fouvrage de
M. JVIorgsn, et que c'est 1^, ki )'ose ainsi parler, la tendance de »
phihsophit pAyiio/o^^ue. ' Pie -tuemple, il ne voit, dans Faction- des
absorbani du canal inteitlnaf^ -qJwte -jeu de tubes qui ont ie pouvoir de
cOhodec fa subsiameealtmeiMairéetde la rendre fluide. Cestpourtant Ik-
la tttoindrt^pArtitf de la fb(k:tlonà hquelfe ils sontdetnis; et la nutrition
scroit ftcîfekexptiquert si on poovoit la réduire i n'dtre qu'âne application
delà capillaritéi maïs l'assimilation ; qui entst le phénomène estentief, se
dérbbeit ces elplicationsmécaniques. Use solution de gélatine, qui n'a
bfruoirftfetre ni cortodée ni rendue fluide, y est soumise tout aussi bien
qn'int' Aiiceaa de fibrine', bu ^ne concrétion atbumineuse. La' R>ica
asstmîlarrice n'y est ni moins active ni moins indispensailtle'pour que.let-
molécules nutritives puissent erre admises sans inconvénient dans-
réconomie de l'éire vivant. C'«st d'ailleurs une acrjo» bien merveilleuse,
bien inexpircal.'le , bien supérieure aux théories empruntées de ta
mécanique et de la chimie , que celle au moyen de laquelle les maté-
riaux les plus hétérogènes, les sucs d'une ch.iir savoureuse, l'huile
essentielle des'plantes épicées qui ont crA sons les' trojiiques, l'alcool
d'un vin généreux, et tant d'autres ingrédiens divers, se trouvent en
moins de deint heures transformés en un diyle laiteux, fi^le et presque
inodore, toujours'identique à lui-même, quelle que soit son origine,
déji vivant, c'est-ll-dire,dé|!l soustrait aux affinités chimiquesordinaires,
et formant une {nrrie intrinsèque du corps organique qui- se Te»!
approprié.-
£n arrivant, dans le second chapitre, ï' h défltiition de cette condition
des corps qui les rend' susceptibles de vitalité, sir Morgan établit un
principe qui n'est, )e croîs, cnctire démenti par aucun Ait; «'est que le
concours d'un solide et d'un fluide semble par-tout nécessaire i la vie :
mais il y a une conséquêntrcde cette nécessité, qui, peut>étre, n'est {>as
SEPTEMRHE iSlp- 539
conséquences « et qui tendroU à &m considérer ieis Imiueurs conmie des
counuu de dissolutions aqueuses, ioeitesi dans .une économie où rien ne
faiu^ Fétre ou le devenir sans amener b désorganisation totale im
fiarûculière; cette idée lieiitli un système de S9Hdtsmc «xagéfé ou mal
entendu : sy $tèjne physiologique contraire à J expérience et .à i-analogie t
mais qui a acquis dans la médecine moderne une &veur exclusive» due
en grande partie- à" fabus que ]ss , humoristes ont long-temps âît du
système opposé. i * ^ ' - .,
Une ex|)érience , qui seroit très^contraire : à ces idées , serdit celle de
B. Marwood, que sir. Morgan cite avecrair:d*y ajouter ibi, et queinoii"
seu{eineot.|e .prendrai la lii^erté detéiroquer en dou<e#:mais <pie fe senpi|f
je l'avoue.^ disposé à croire absolument fausse^ Ceipbysiologisse anglais,
suivant- Mûtre auteur» déitiontimt la trandusioii du -sahgehmfant Us
veines id*un chien, et en les rèmplissaoc ensuite avec le sang d'unmoutoii.
Le chien > qui est un animal carnitoie ,^*se /portoit parfaitement bieri,
pendant que le sang-d'uaanfmal hqrbivore circidoit dans ses vetn4Sif#t
l'expérience ne lui frisotta soufFria aucune, autre peine que [la%igue et la
Couleur j]# la piqûre. Voilà ,tî'o9t feidirr^ un fait- incroyable 2 quand jl
seroit possible d^ vider entiàieiteilt les v«nes d*un actîiual pour, if s
i-emplir du sang. yeinlsuxâW autre ^irniiil, cotnment imaginer que .ee
sang étranger à Ja vie def l'individu .pourroj t , sans causer les plus grands
dérangetnens , parcourir une seule :feis le corde de la cirt:ubtion.,:}x>rler
sur je cœur ^ction siimulapie convenaUe » et participer , dans iesi résottnc
capjiUaires, au^ traYKair deJa nuÉlitbn & Le,« deux animaux soumis ànile
telle ot>ératÎ0A:sea(»entde Ja Même ei^ièce^ chi nién^e. age,'ipiaoés dans
dt^ .^ispQ»iti0fiS'-èiiiièien>e«t «jeitUaMea, qu'un, échange xùm iNnisque,
u/Ke'irévoHition aussi *>^iidaine i .antraineroient inévitablement la mot t
de.funiet de Jaucre. Ce n'est pa& iii jun de ces essais tfu'ofi %^btKitàÀ
répéter poiur iesapprécieh On Jiejdoit Jamais disputerdes fàils,. jnaia<m
peut lesnier; etcestJepactàqueia saiuecritiqueindiquoit àsir^Mocgan,
par rapport à la prétendue expérience de son.-ogimpairiote'Uarwoodi > '<^'
Dans la nécessité o& 0ous isomines^ki'ebrégen notre extrait, iious
passons sous silence, tons les détails neiitifstà Tatsalyse chimique des bu-
meurs et à Tanalyse méoaniqte des tissus :*dans»ces derniers ,sir-Morgap
a eu le bon esprit de prendre pour jguide noire illustre Bichat, le vjécî-
table fondateur de la physiologie phiiQaopiiique4 c'es t-ànlire, anatomique,
ou fondée sur^Finspection d^lrcaie^des'perties'et l'examea attentif 4^
leurs fonctions. Il seroit également difficiier et superflu de suivre iku-
teur dans l'exposition .d'une doetsiné qUi lui est commune. avec tous
les ^)bysiologisfees.. : Mais, uneiicte' qui . n'est . pas lHlssT^géfléràlem€nt
Yyy X
î4û JOURNAL DES SAVANS,
adinise> et qui , peui-être , n'est pas pour cela moins digne de l'être , esc
celle qiii est relative aux matériaux primitifs dont sont composés les
élémens organiques. Ces substances, que la chimie moderne considère
comme simples, jusqu'à ce qu'elfe en ait trouvé la composition; cêï
corps , auxquels on doit conserver (e nom d'élémens, tant qu'ils se refu*-
seront à l'analyse, l'azole, le phosphore, l'hydrogène et le soufre qui
i'y trouve combiné; tous ces matériaux, qui sont le plus souvent in- -
iroduiis par la nutrition dans le corps de l'animal, ne seroient-ils pa»
aussi, dans certains cas, le produit de l'action vitale, qui auroit Iz
j>ropriété de les former de toutes pièces par une synthèse dont lej
procédés nous sont inconnus ! Tel de ces éléiiiens se trouve accumulé
dans l'économie de certains animaux en si prande quantité, que ni
la nature des alimens dont il se nourrit , ni celle de l'air qu'il respire *
ne peuvent suffire pour l'expliquer. M. Vauquelin a découvert dan*
les excrémcns des oiseaux deux fois autant de phosphate de chnur
qu'il en existe dans les graines qui font leur nourriture exclusive.
Ce fait , qui peut s'ex|iliquer de différentes manières, n'est pas le seul
de ce genre qu'on pourroit citer. Le squelette seul des animaux herbi-
vores offre, dans la quantité du sel calcaire (lut le compose , un proiilèmc
difficile i résoudre. 1 e quartz , qui cristallise dans l'iniérieur de cert:iines
plantes monocotyiédooes, peut avoir été tiré de la terre où elle!
croissent, par l'entremise de leurs racines: mars le dissolvant qui por-
teroil ainsi la sihce dans les vaisseaux séveux, ne nous est pas connu; et
il est tout aussi facile d'imaginer qu'elle y a été formée par un acte d9
l'organisation végétale. I] y a là une chimie délicate, à laquelle nous
ne saurions atteindre dans l'état actuel de nos connoissances. Sir Mor-
gan a remarqué quelques phénomènes de cette espèce ; mais nous aurions
souhaité qu'il eût soutenu ces remarques par quelques expériences
comparatives que le sujet réclame, et que, depuis foiig-temps, nous
surions entreprises nous-mêmes, si nous n'avions été distraits par det
occupations d'un autre genre.
Le chapitre m traite de la combinaison des organes et des fonc-
tions de la vie organique, de la nutrition, de la circulation, de la res-
piration et de la stcretion. L'étude des phénomènes qui accompagnent
ces actions organiques, soît dans létal sain, soit dans les diverses con-
ditions pathologiques, entraîne Pexamen d'un assez grand nombre de
questions intéressantes. On remarque plus parliculiereirtent les pan-
graphes où sir Morgan recherche si le foie est un organe exclusive-
ment réservé h la sécrétion de la Life, ou si un viscère d'une dimen-
sion si considérable n'auroit pas, sur la circulation et sur la sanguiti-
SEPTEMBRE l8lg
!«•
carion, une influence qui reiidroit mieux raison de riiiiponaiice qu'il
paroît avoir dans l'économie; quel est t'usage de la rate; sî l'oxidalion
du sang dans les poumon» est l'unique source de la calorîcilé dans les
anim.-)ux k sang chaud. Beaucoup de ces questions reiient sans réponse;
etqueiquefois l'auteur, en rapportant celles qoi ont été proposées, mei
iles exposer tant d'impartialité, qu'il ne lient pask lui que son lecteur ne
soit , après l'avoir lu, un peu plus indécis qu'auparavant. Je remarquetai,
comme une singularité dans un essai pkilosojihiijue, que les fonctions
de la vie de rapport, dont la description termine ce troisième chapitre*
occupent comparativement moins d'espace que les autres , et ont donné
lieu à moins d'observations intéressantes. Il est vrai qu'un chapitre
entier est consacré plus Las à ce que l'auteur appelle les fhinom'tna
initllecluels, et qu'il se réserve d'y iraiter en détail toutes ces questions
difficiles , qui sont , pour ainsi dire , sur la limite ténébreuse qui sépare U
physiologie el la métaphysique.
Dans le chapitre IV se trouvent rasseniMés, sous le titre de fois de
t'iiftion vitaie, un assez giand nombre (i'objeis divers, el des considé-
rations qui s'appliquent, non plus aux fonctions particulières des or-
ganes , mais ï l'ensemble de l'économie. L'auteur exajnine ce qu'on doit
entendre en physiologie par sensation, el parce phénomène de réaction
qui en est la suite immédiate dans les corps vivans, et qu'on nomme
contracihn, à raison de la forme sous laquelle il se manifeste le plus
ordinairement. L'appétit, l'insiinct, Tbabitude, l'association, la sym-
pathie, la révulsion, sont autant de moditicaiions dont l'acte sensiiif
peut être aflêcté ou compliqué. Sir Morgan en parcourt successivement
les phases nombreuses; et, en traitant de la sympathie, il n'oublie pas
celle qui peut exister entre des individus distincts, ou, comme il le dit,
l'action de l'homme sur l'homme. A cette occasion, il se prononce avec
chaleur contre le magnétisme animal , qu'il traite de charlatancr'ie effronièt
tt ûbominabli. Des termes moins énergiques , et un jugement tout aut^i
sévère, mais plus ap(»rofondi, n'eussent peut-être pas été déplacés dans
une matière dont le charlatanisme ne pouvoit manquer de s'emparer,
mais qui n'en a pas moins exercé des hommes judicieux et supérieurs
à tout soupçon de fraude et d'imposture. On peut regretter aussi que
l'auteur n'ait pas, en sa qualité d'Anglais, cru devoir dire quelques
mots du perkinisme et des autres phénomènes analogues qui reulroieiit
si bien dans son sujet, et pouvoîent donner lieu à des ob^erv.itions
curieuses. La théorie du sommeil, des songes et de Ihibernaiion , ter-
mine ce chapitre, qu'on lira avec plaisir, à cause de la variété dec
iiiatiéres qui y sont traitées ou indiquées.
k_
1
i
lia JOURNAL DES SAVANS,
Le chaintre V n'inspire pss un intérêt imnndre : il roule sur Its fki-
nomintf intêlltctueit, sajex délicat, que, soûs oemins rapports, bien dw
personnes pourront désirer de ne voir traiter que par des pti^iologiiteS'
, vraiment dignes du nom de philosophes. Bekbcoup de {âsta^ épan
dans Fouvrage de sir Morgan préparent suffisammem k th 'doctrine
qu'il expose dans ce chapitre. Son idée dominante ést<qu*il etfste lUi
lien qui rattache les règnes organique et inorganiqiier <jk qui mène' k
supposer que ces deux classes de corps tirent leur origine de-la mém*
source. Le point d'union, dit-il, a }usqu'ici échappé It toutesJes ré^
cherches ; . . . m^s toutes les espèces d'analogies sont en faveur de l'opH
nion, qu'une loi universelle régit la nature entière, loi sous la puissance
de laquelle toutes dioses subsistent dans une mutuelle défietidnIce.:Otr
entend aisément ce que l'auteur veut dire; et les cons^'quences qu'on
peut tirer de ces principes, n'ont pas besoin d'être développées. La ré-
duction de l'action intellectuelle à des loi» semblables à celles qui gou-
vernent les autres phénomènes org3niques, fournit, suivant sir Moi^an,
une base positive et rnisonnalile pour les recherches morales et métaphy-
siques. II ajoute, & la vérité, & ces p^iroles un correctif, mais qui nous ]»rott
aussi tardif qu'insuffisant : « L'.idmîssïon de ce fait, dît-il, n'ï aucune
» sorte de rapport avec la doctrine de l'immortalicé de Tame , ou tout autre
wdogmefoiidé sur la foi, et indépendant de la raison.» NousfiiicitonS
de bonne foi l'auteur, s'il voit aussi clairement qu'il l'annorïte l'indé-
pendance de ces notions. Il est en cela plus heureux que fa plupart
des physiologistes qui ont voulu, comme lui, rapporter les effets les
plus éloignés k une cause unique, et ^ire de laperiséé une sonè de
digestion de cerveau. Nous voudrions le féliciter de même sur* les ex-
plications mécaniques qull propose des actes du jugement, dtf Tabsirac*
tion et des autres ojiérations actives de Pinielligence, qu'il qualifie de
SEPTEMBRE 1819. î4}
» dation à prendre une de ces directions plutôl que l'autre, est la
» nécessité où la inaciiine se trouve de réagir congrùtnent sur les iin*.
» pressions qu'elle reçoit. >> Ce qui nous manque sur-tout pour apprécier
ces définitions, c'est de pouvoir attacher un sens bien précis à ces mots
essentiels ^ principe Je comparaison , d* exclusion , de combinaison. Nous ne
pouvons nous déshabituer de'voir dans ces opérations une action llhie
et spontanée, qui est précisément ce que sir Morgan attaque avec plus
d'ardeur. II pense se tirer assez facilement des mouvemens instinctifs «
qu'il met entièrement sur le compte des réactions organiques. Quant
aux volontés déterminées, par là raison, «leur nature plus compliquée,
3) dit ily ouvre un champ plus vaste à la dispute, et l'on a élevé suf
^ cette base Tédilice fimtastique du libre arbitre, fortifié et retranché
^ de toutes les subtilités et ies sophismes de la métaphysique poIé-*.
5î mique. » L'auteur convient pourtant que, dans les volontés délibérées,
suivies de la conscience d'une fin, le procédé est moins simple que
dans les actions instinctives. L'action qui doit être produite, n'étant
pas d'une importance aussi immédiate pour l'économie, peut être in-
fluencée par d'autres causes présentes dans l'esprit, ou, pour parler plus
physiologiquement, par d autres stimulans agissant sur le tissu cérébral.
Leur valeur relative est appréciée, et Thcsitation est nécessaire pour
cet objet. Enfin la réaction est déterminée par le motif qui, avec toutes
ses associations , donne la plus forte impulsion au sensorium. L'exposé
de cette théorie est couronné par une citation d'Heivétius, l'un des phi*
losophesqui ont travaillé le plus activement à^ire passer la métaphy-
sique et la morale dans Iedomaiqe.de la physiologie. Je ne m'arrêterai
pas à combattre ces id^es, qui ont déjà beaucoup perdu de leur attrait,
et qui ne peuvent gujère manquer d*en perdre de phis en plus par les
progrès de la saine métaphysique ; mais, je dois dire, et c'est plutôt ui|
éloge qu'une critique que je crois açlre^er k sir Morgan, qu'elles sonf
peu dangereuses dans spnlivr^i.paAcé qu'il ne s'est pas occupé de les
environner de ce prestige de style ni de les présenter avec cette appa->
rente clarté qui seuls pourroient séduire des esprits superficiels.
Les passions, les.talens, les travaux de lesprit, ses perturbations,
sujets éminemment dignes de Tattenuon du philosophe, et pareillement
recomixiandés à celle du médecin, occupent long-temps l'auteur, et
donnent, lieu à beaucoup de remarques de. détail, dans lesquelles nous
regrettons de ne pourvoir le suivre: mais nous devons nous. hâter
d'arriver à son sixième .et .dernier chapitre , consacré à des considérations
sur la maladie et sur Ja sa^é, à des principes d'hygiène et de diétédque,
à des obseivations sur l'wiiosphère, les climats, et leur influence sur
^U JOURNAL DES SAVANS,
lu iffectiotu morbidei. L'extrême brièveté de celles de lei nmarqui
qui font plus particuliirement relatives à la médecine proprement dite ,
nous autorise i les passer entièrement sous silence. Le trait le plus remar-
quablede sa philosophie médicale eitsoneztrénwrépugntncehidmettie
ce qu'il appelle la prétendue vis mtdkatrix, et ce que, poor rfdnhe ft
question \ des termes plus préds , )c voudroti nommer la trwianni
naturelle des fonctions au rétablissement de réquilibie. Quoiqu'il soit
possible d'abuser de cette idée > comme de toutes f« vérités , et qiMÎqu
b médecine expeciante, poussée k Texcès.iit, daiti certains cia,cb'
graves înconvénieru , fe sois disposé k prendre' comme un éloge dei
médecins fiançais ce que fauteur semble dire dans une vue satirique,
que la vis medicatrix est Itfind it la midtciui pratique n Frmut. Il ajouM
que cette force supposée n'est pas comptée pour beaucoup en AngleteiT^
dans le tnîtement des maladies. Si cette manière de voir, qui n'est que
Tasserlion d'un particulier, éioit avouée par le corps des médecins du
Nord , elle expliqneroit le reproche d'inaction qu'ils adressent quelque-
fois à récole française moderne , à raison de son éloîgnement marqué
pour la polypbarmacie : mais , si les praticiens français demeurent par-
fcHS attachés au rôle d'observateurs , dans des occuions o& les médecins
étrangers épuisent les ressources de leurs riches pharmacopées, il estjuste
de dire que ce n'est pas tou|ours parce qu'ils comptent sur le concours
de la nature, mdns encore sur une force mystérieuse, dont ils savent très-
Inen ap|»^cterlapuissance. 11 ya beaucoup de mét&camens umples, et
un plus gnnd nombre de composés , dont le mode d'action n'a pu été
constaté par des expériences comparatives : il vaut souvent mieux t'tn
abstenir que de les accumuler \ tout hasard. Ceux qui agissent autrement ,
peuvent avoir quelquefois lieu de s'applaudir de leur bonheur. Mais , dans
It doctrine hippocraiique , qui domine généralement daris les ftculiés de
France, le rôte du médecin n'est pas, comme fe dit sir Mo^an, réduit
SEPTEMBRE iSip. f45
personne qui Fa rédigé étoît étrangère à Fétude de la médecine. II y est
resté plusieurs expressions anglaises , et d'autres inusitées dans la [angue
médicale. On ne doit pas dire en français un patient pour un malade;
cervelle ne s'emploie pas en anatomie pour cerveau, Viscus est un mot
latin qu'il eût fâliu traduire toujours par viscère; on dit vésicule et non
vessie du fel, &c Au reste, ces sortes de taches sont rares et en assez
petit nombre. En général, la multitude d'objets qui sont traités ou
indiqués dans ce volume » en rend la lecture intéressante et variée. \5x\
assez grand nombre de citations puisées dans les philosophes et les
poètes grecs, latins, français, anglais, montrent Fintention que Fauteur
paioît avoir eue d'accommoder la sévérité de son sujet au goût des gens
du mondl^, que, sans doute, il ne seroit pas fiché d'avoir pour lecteurs.
Ce genre de succès n'est pas le plus diffrcile ; mais aussi ce n'est pas
le plus flatteur que puisse obtenir un physiologiste.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
EusEBii Pamphiu Chronicorum Canonum ltbri duo.
Opus ex Hûicàuo codice à D. J. Zohrabo diligenter exprès-
sum et castigatum, Angélus. Maïus et Johannes Zohrabus
fiunc primum , conjunctis curis latinitûte donatum tiotisrjue illus-^
tratum , additis gracis reliqiiiis , ediderutit. Mediolani , regiis
typls, MDCÇCXVJU, I vol. ///--^/
FREMÏEH £?CTRMT.
Peu d'ouvrages ont exdté , avant de paroître, une attente aussi gé-
nérale et un intérêt aussi vif que celui que nous annonçons aujourd'hui
à nos lecteurs. La découverte d'une version arménienne de la Chronrque
d'Eusèbe, faite kune époque où cette chronique existoit encore dans
toute son intégrité, et d'après un original depuis si long- temps perdu
pour nous, promettoit de remplir une des plus grandes lacunies de
l'histoire ancienne. Ons'attendoit à y trouver, non-seulement le système'
complet de la chronologie d'Eusèbe, mais encore, ce qui avoit bien
plus d'importance et d'autorité , les témoignages originaux d'auteurs plus
anciens, que ce docte et laborieux écrivain auroit conservé^ en entier |'
comme on en avoit déjà des exemples dans sa Préparation évangêllque','
ouvrage rempli de tant d'érudition ecclésiastique et profane. On espéroit
enfin de voir sortir de. la nuit des temps ia longue succession de ces
antiques monarques de l'Orient, que le même voife jaloux qui en'
ZZK
,46' JOURNAL DES SAVANS,
dêfencJoii h vue à la curio^itc de leiirs sujets , semble avoir voulu dérober
aussi à celfe de ]K)S reclitrclies, ou du moins on se fiaitoit de connoitre
hs opii.ion'i des anciens eux-mêmes au sujet de ces dynasties fameuses f
sur Ie>ciueIIcs nous ne possédions guère que des témoignages isolés et
des sysième-i modernes.
Dès que celte importante découverte eut été annoncée j avec quelques
détnils propre> h en confirmer la certitude, dans la préface du Traité de
Pliilon, publié par M. Mai en 1816, nous nous empressâmes de com-
munivjiîtr cette nouvcife à nos lecteurs : i ) en y joignant le voeu quune
prompte publication de TPJJsèbc arménien fit jouir ie monde savant de
ce trésor si long-temps enfoui. Deux ans sont à peine écoulés depuis que
nous cxpriuiions ce vœu, et le voilà rempli; et il nous sera bien permis
d'obserxer ({ue cette curiosité si naturelle que nous témoignions alorSf
est ci>.;c ])ar les éditeurs d*£usèbe au nombre des motifs de rempres*
scmtr.t qu'ils ont mis h publier cet ouvrage (2). Si donc il résuitoit de
rexair.en auquel nous allons nou.s livrer, que plusieurs fautes, produites
j)ar ici empressement même et inséparables d*un premier travail , se sont
glissées dans ccIui-ci, il ne faudroit pas que cette conclusion fikt pris^
dans toute la rigueur accoutumée. Ici, plus que jamais sans doute,
rindiilgence e>t permise et même commandée à Tégard de quelques
incxactitu(!es, fruits de Thonorable impatience de communiquer pfus
prompremcnt au ])ublicune grande et importante d^'couverte; et tel est
le piix que nous attachons nous-mêmes h ce sentiment, que, satisfaits
de donner 11 nos lecteurs u»ie idée nette et précise de la Chronique
d'I u^'èlu', nous nous serions abstenus de joindre à cette analyse des
observations critiques, si, d*un autre coté, nous n*avions espéré dé'
contribuer par ces remarques au perfectionnement d*un ouvrage qui
doit fixer l'attention de tous les hommes éclairés de TEurope.
Avant de parler de la découverte du manuscrit arménien qui vient de
remplir cette lacuoe de nos coniioissances historiques, il ne sera sans
doute |in.s hor.s (!e propos de jtrter un coup-d œil sur la iitléraCure même
.\ laquelL* nous devons cet avantage , et sur les autres services qu'on peut
encore en attendre.
Quoique la renommée littéraire des Arméniens n'ait jamais été bien
brillante, et quelle ne paroisse pas dater d*une époque fort anciemie»
on peut assurer que ce peu|)le ne fut jamais non plus étranger à la culture
des lettres. 'Le Svncelfe comprend nominativement Ic^ Arméniens (3)
(1) V'pv. Jonrnal des Savan? , avril 1H17, pag. 2J0 et sniv. -^(a) Pr*xjat^
Ed'uor. pag. xiv, n. 2. — (}) Syncell. Clironogniph, p. ^o i HiifTiç yfdftfÊtcm iith
SÊPTÉMÉRE iSip. ii7
dans le pérît nombre des nations anciennes qui se distinguèrent par cette
étude. Elfe y devint sur-tout florissante dans le cinquième siècle de
notre ère ( i ) , époque où Moïse de Chorène et son condisciple Elisée
écrivirent rhftsroire defeur pays avec un talent et un succès qui font
encore aujourd'hui dé leurs ouvragés les plus beaux titres de la litté-
rature arménienne, er Tun desj)rincipaux objets de Félude des Européens
qui travaîffent sur l'histoire de l'Orient. A l'époque dont j'ai parlé, lés
connoîssances et les écrits des Grecs étoient en quelque sorte naturalisa
dans l'Arménie par des traductions littérales, et néanmoins élégantes.
La version grecque dçs Septante étoît transportée dans l'idiome de ce
peuplé avec une exactitude que nous pouvons maintenant mieux appré-
cier, depuis la belfe édition qu'en a donnée, en 1 805 , le D. Zohrab , le
mémeà qui nous devons la publication actuelle de la Chronique d'Eusèbe.
Lefs Pères de Péglise grecque étoient de même interprétés et étudiés en
Arménie avec un soin et un respect religieux qui en ont conser\'é dans
ce pays de nombreux fragmens , dont les originaux grecs sont depuis
long- temps perdus. La philosophie profane trouva également chez les
Arméniens de digrtes interprètes ; leurs sufTriages ont placé au premier
rang, dans cette étude importante, les travaux de David (2), qui à des
écrits originaux joignît des traductions fidèles des philosophes grecs ;
et, à l'appui de ces témoignages nationaux, nous pouvons citer nous-
mêmes l'exemplaire arménien des œuvres complètes de Philon , décou-
vertes, il y a quelques années, chez les Arméniens de là Pologne, par lé
même docteur Zohrab, et qui sont restées inédites (3). L'imagination,
qui brille généralement avec tant d'éclat dans les productions des peuples
de rOrient, ne paroît pas avoir non plus été refusée au génie des
Arméniens; et, quoique le parfum de ces plantes exotiques perdit
beaucoup sans doute à être transporté dans nos climats, il ne fàudroît
cependant pas dédaigner des acquisitions étrangères, qui pourroierit
rajeunir les formes un peu vieillies et varier les images un peu monotones
de notre poésie. La rhétorique, qui n'est trop souvent que fart
d'apprendre à faire médiocrement ce que l'instinct du génie a fiiit
produire de plus achevé parmi les hommes ; la rhétorique , dont les
règles serviles succèdent aux compositions originales, comme l'ombre
suit le corps, a, par une exception assez rare, fleuri parmi les Arméniens
(1) Vid. Samuel Anîens. i7</ cale, Euseb, ann, chr.^fir, — {2) Ces ouvragei
ont été imprimés. Voy» la préface de M. Mai au devant du Tr^iité de Philon,
Î. Ixxiv. -=- (3) Voy, au mime endroit la notice de ce précieux manuscrit de
^hiion,p.x-xv.
:^zz 2
548 JOURiNAL DES SAVANS.
en même leiiips que le taleni de leurs poètes, de leurs hbtoriens etifc
Jeurs orateurs; et ce même Moïse de Chorène, qui éleva chez sei
compatriotes le plus heau monument historique, leur a laisse un bel
ouvrage didactique, où tous les principes du goût sont appuyés sur des
exemples empruntés aux philosophes, aux poètes et aux historiens de h
Grèce ( i ) , exemples qui sont pour la plupart aussi précieux en eux-
mêmes qu'ils sont nouveaux pour nous. Mais c'est sur-tout par ses
historiens que la Hiiéraiure arménienne se recommande à Tétude «à
lestime do >avans de Tturope. Indêpenda:nment de ceux que faialeff
il en exise hcaiicouj) d'autres, quioiu tieuri ^ presque toutes les époqueSf
et dont Ii-N tnivi.uxserviroient i\ répandre une vive lumière sur ces nations
anciennes i tmi-dernes de rOricni, avtc lesquelles l'Arménie a entietaBtt
des r;'p| oits continuels de «^utrre et d'alliance , de religion 9 de coinmcice
et cic |c!i'i(]ue. Il n*est donc point douteux que Tétude delà iittératuc
ann^niv-nnc ne diit ))roduire des fruits précieux, sur-tout si elle s*attt-
rhuit à recouvicT et à tclaircir des interprétations anciennes et fidébs
d'ouvnigcs orijc:inaux, peidus ou mutiles, telles que celle delaChroiûqpie
d*i.u>èljc'; et il semlle qu'à une épocjue où Tesprit d'investigation» de
tout! s parts excité par des découvertes utiles* se porte h rechercher tous
les anciens monuiiitns et à remuer toutes les vieilles ruines» on pour-
roit, avec non moins de raison et de succès, fouiller dans les dépôts
de la littérature arménienne, et répandre de plus en plus rinielligenoe
d'une lanii;ue qui cDnxrve peut-être seule aujourd'hui les plusprédcux
déLris des conn(»i>sances historiques de l'antiquité.
Je ne nrarrcttrai pas plus long-temps à des observations piélî-
minaires, qui , souvent nécessaires pour appeler d'avance sur tmonnage
une attention proportionnée;! son mérite, auroient ici le défaut dTèlie
absolument inutiles. Dans un sujet >i abondant et si rempli de faits nenfi
et curieux, on sent que tcute rcflexîtn qui n'y auroit pas un rappoft
immédiat et direct, ne serviroit quù alonger un examen qui |iar Ittî-
mème exii;e un e>pace assez étendu. Je me bornerai donc k une analyse
sommaire et fidèle, dans t( utes ses p.'rri^s, de la traduction ladne qui
représente à no> yeux la verNion arménienne d'Eusèbe» en insistant
particulièrement sur le ])remier livre, dont la traducdon ladne de
S. Jérôme, si mutilée elle-même, ne nou:» avoit conservé qu'une fbible
(i) Ciel raitt dcMuï'cde Chonnen éic pui)llé pour la première fois à Venise,
en 179''», par le D.' Zohral) : (n y troi ve beaucoup de fra^meni d'auteiif» /criées
anjoiird hni perdus, et noiamr.en: une an^ilyse de la tragédie dtiPéIMesd*ï
ripide, doj.t il 11V51 resté qre quelijues \ers. Une fa^nne tradvction de cet
ouvrage arnunien scroii cenainenicnt un travail utile.
SEPTEMBRE 1819. j49
pQurtie. A mesure que j'avancerai dans cette analyse» j'indiquerai soigneu-
sement tous les "faits nouveaux dont la version actuelle enrichit nos
connoissances historiques ; et, après avoir ainsi réuni sous les yeux de
nos lecteurs les résultats positifs du travail d*£usèbe, j'essaierai, par
quelques observations , de leur faire connoitre la nature et apprécier le
mérite de cthii de ses éditeurs , en accordant toutefcùs à leur traduction,
ce qui est une supposition bien admissible sans doute , qu'elle reproduit
exactement la version de Tauteur arménien , dont je n'entends point la
langue et dont le texte est encore inédit (1).
La Chronique d'Eusèbe, qui forme, dans cette édition, un volume
il^^/de 396 pages, est précédée d'une préface des éditeurs, dans laquelle
ifs rendent compte eux-mêmes de la découverte et de l'état du manuscrit
original, aussi-bien que de laiiature du travail auquel ils se sont livrés
de concert pour le publier* Quant au premier point , la découverte du
manuscrit arménien faite h Constantinople , en 1792, par le docteur
^ohrab, les détails relatifs à ce point d'histoire bibliograplûque ont été
consignés, à peu près dans les mêmes termes, par M* Mai , dans la
préface de son Traité inédit de Phîlon (2) ; et il est inutile d'y revenir,
si ce n'e^t pour observer que le manuscrit d'après lequel ont été faites
les deux copies qui existent maintenant, Funeà Venise, l'autre à Milan,
ne se retrouve plus aujourd'hui à Constantinople , où il a été vu pour la
première fois. Quant au second point, qui intéresse plus particulièrement
les éditeurs, ce n'est qu'après avoir analysé leur travail dans toute son
étendue , que fe pourrai me permettre d'exprimer mon opinion à cet
égard. Mais je ne dois pas non plus négliger de remarquer avant tout la
difficulté d un pareil travail entre deux personnes, dont l'une, tout-ii-fkit
étrangère à l'intelligence de la langue arménienne; et l'autre, peu
£imiliarisée , à ce qu'il paroît, avec Fidiomedes Romains, ne pouvoient
se communiquer leurs pensées qu'au moyen d'une double interprétation,
et fixer que par des tâtonnemens lents et successifs le vrai sens d'un
auteur dont chacun d'eux pe saisissait, pour ainsi dire, que la moitié (3)^.
{ly Co texte a paru depuis la rédaction de cet extrait ^ avec une nouvelle
traduction latine; mais tout annonce que la supposition faîte ici n'avoir rien
de hasardé.
(a) />ijj/rr.j^r^^. part. n,pag, x^î}-xxîij.
(3) Je citerai ici le passage de ia préface de^ éditeurs dans lequel ils rendent
compte eux-mêmes de ia nature et de fa difficulté de iein* ifâvàîî: Et stathn
qu'idem in saUbras 4iffi£uhasum afaue in mulcas moUstias \in€urrijnui. PriirA
Ênim textum annemum pêr tôt sœcula manusque deductum mendis sœpè abundate
iogno/imus, Deinde , dm alter interpretaî'wnem faaret , altir lutine sçrihrtt, iwr-»
non cum grœcis reliqu'iU €t c^nhiao^jm yaitaH. Ç9i]firr^ ystiis ^uiffi» .dùc(rinis
HO JOURNAL DES SAVAMS.
Il est difficile d'assigner i MM, Zohrab et Mai la put qui leur revient
séparément dam ce travail vaste et pénible; et peut-être ne seiont-ila
pas plus d'accord entre eux, snrce potntt que le public. Si pourtant ii
est'permis de haaarder, d'âpre! oe premier aperçu, une cooftctnre mr
la nature de fcun obligatioiU'rteiprtiques, il semble que la prindjnlo
part dans la traducticHi d'Eâsèbe est due b M. Zohrab , qui, d'ailleurs,
revendique-en entier les noteS' et' observations répandues en assez giand
nombte an bas des ptges , et relatives à l'explication du texte arménienv
D'une autre part, je ne crois pas m'éloigner beaucoiifl de la vérité , eri
atiribuanibM. Mai toutle mérite de l'interprétation-Iaiine, la cofleciion
des fVagmens grecs de l'ouvrage original d'Eusèbe , qui «nsrent encore
aujourd'hui , soit dans les écrit* deJoièphe, duSyncelfe, de S. Qément
d'Alexandrie, soit dans la Préparation évangéliqae d'Eusébe lui-même*
soit dans les compilations faites autrefbisparScaliger, et dont fa source
étoil restée jusqu'à ce jour inconnue et l'autorité fort suspecte. Enfin
il paroit qu'on doit encore attribuer presque exclusivement à M. Mai les
noies et éclaircîsseinens historiques qui accomftagnent cetie traduction
d'Etuèbe. '
Le premier livre de la Chronique d'Eusébe. dont if nous étoil im-
possible de connoître fa forme dans la traduction de S. Jérôme , étoit
divisé en dia|Htres «fprécédé d'une préftce ou Eusèbe rendoit compte
du dessein , du plan et de fa difiiciilté de son ouvrage. Cette préface ,
dont nous voyons aujourd'hui que quelques fragmens avoient été
conservés par le Syncetle ( i ) , étoit déjà publiée par M. Mai dans fa
dissertation ptacée au devant de son Traité de Phifon [2] , et [a traduction
qu'il en donne aujourd'hui dff}^ trop peu de ta précédente pour mériter
qu'on s'y arrête. Le nombre des chftfMtres contenus dans fè premier livre
d'Eusèbe est de ^arûntt-kuit ; il étoit moindre de Jix dans le compte
SEPTEMBRE 1819- î^i
itfition, qui traitent de la chronologie d'Ailiènes, correspondent aa
chapitre xxil de l'annonce préliminaire de M. Mai. L'ouvrage d'Easèbe
se divise en deux portions presque absolument égales »dont la première,
qui s'arrête au XXIII/ chapitre exclusivement, renferme la chronologie
des Chaldéens, des Assyriens, des Mèdes, des Lydiens, des Perses, des
Hébreux et des Égyptiens, y compris les rois de la dynastie des
Ptolémées. La seconde partie, qui comprend les vingt-six derniers
chapitres , est toute consacrée k la chronologie des Grecs et des Romains,
jusqu'au temps de Jules-César. Cette division d'Eusèbe me fomnM
celle que je suivrai moi-même dans l'examen de sa Chronique, et je
réunirai dans ce premier article tout ce qui a rapport à la chronologie^
orientale. ' -
Le premier chapitre , qui traite du premier royaume chaldéen , €$t
évidemment défectueux daJis le texte arménien, quoique les éditeurs
n'y aient point remarqué de lacune. Il paroît avoir été tiré de Bérose,
oiji plutôt d'Alexandre Polyhisior, qui seul est cité , et dans le sommaire
et dans le cours de ce chapitre, aussi-bien que dans les sections sui-
vantes; ce qui atteste suffisamment quEusèbe n'avoit point sous les
yeux Fouvrage original de Bérose. Quoi qu'il en soit, la matière de ce
premier chapitre est en grande partie dans le Syncelle ( 1 ) , sauf quelques'
variantes dans les noms des princes qui composent, au nombre de éfix,
ia première dynastie babylonienne; et ces variantes proviennent sans-
doute uniquement de la différence des caractères employés par l'auteur^
arménien, pour rendre des noms dont la forme avoit dé;à été altérée*
par les Greps ; d'où il suit encore qu'on doit peu se flatter de recon-'
noftre la vraie.I^çon à travers toutes ces transformations successives. Ce
chapitre est terminé par une judicieuse réflexion d*Eusèbe sur Tévî--
dtxiie exagération des calculs par lesquels les auteurs chaldéens cher^
qhoient à reculer Fantiqjuité de Jeur nation. Cette réflexion a été omise
par le Syncelle.
Le second chapitre , jusqu'au sixième paragraphe inclusivement , est
dans le Syncelle (2}; il contient un abrégé de la cosmogonie chal-
déenne, d'après Bérose, ou plutôt, selon lobservation que j*ai faite
plus haut, d'après Alexandre Polyhistor. La version arménienne offre*
cependant quelques varian^tes curieuses ; elle donne Jeyx^ ceni quinze
myriades [2., \ 50,000 ] d* années d'antiquité aux traditions babyloniennes
que Bérose assure avoir consultées, et le texte grec ne portoit jque..
quin:^e myriades : im ItÎÏk ^tk \Bno julvca^J^v JSn^Tnvn meM^y^cic JSJ^^V^'
•"^^
(i) Syncell. Chronograph, p, i^ , j8, j»^. -^ (2) Idem,/^/^ p. zB , jo , 40,
fil JOURNAL DES SAVANS,
Il tnut donc ivideniinent fire, dans cet endroit du Syncellet ^twr
tnu ^ç fMtAiAu AIAKOzinN KAI k. r. A> Lm noms du Hgre et da
rEupfiraie sont représentés, dant la version arménienne, par ceux de
Dtglathiits et SAra^ann, qui ne se trouvent jusqu'ici, suivant la re-
maïquedes-éditeurs.que dans la Bible arménienne (i) : c'est aux savans
dans cette langue k nous apprendre si ces noms ont une origine plus
ancienne et plus respectable. Dans les trou derniers paragraphes de ce
cfaa|ntf«i lesquels sont nouveaux, Eusébe insiste fortement sur l'invrai-
iémbiance du nombre prodi^eux d'années que les auteurs chaldéena
alignent k-Texittence de cet empire; mais il s'attache sur-tout k faire
remarquer l'accord, effectivement très-remarquable, entre les tradirions
dialdéennes et hébraïques, sur le nombre de dix générations, (]ue let
iinM et les autres comptent depuis le premier homme jusqu'au
Bal^lonien Xisuthrus, le Noé des Hébreux. A la vérité , le nombre des
annéïs écoulées dans chacun de ces intervalle^ égauic ne se rapporte
pas , puisque les dix générations , évaluées k dtux mille ans dans la
Genèse, en comprennent plus de tjuaranu-treis myriades dans les annales
de la Clutldée ; mais cène diB'Orence , qui ne provient sans doute que de
la diflèrence des temps appelé» années par les deux peuples, est proba-
blement plus apparente que réelle. Touidôis je dois observer que ï'ac-
cord des dix générations ne se trouve que dans le système de Bérose ;
car, dans celui de l'historien Abydène, dont Eusèbe donne l'extrait
quelques chapitres plus bas ii), l'intervalle entre Ancdapkus [l'Amem-
psintu de Bérose ) et Xisuthrus, que Bérose remplit par un seul règne,
est occupé par le règne de plusieurs princes, qu' Abydène, ou plutôt
Eusèbe qui l'extrait, se contente d'indiquer d'une manière vague et gé-
nérale : fud'' %t aAAOI TB if^at KAI tiew^tt- Il n'est donc pas bien
sûr que la première dynastie babylonienne n'ait renfermé que dix génè-
, comme le prétend Eusèbe , d'après le léiiioignage du seul
SEPTEMBRE 1819. nJ
plus singulière, que U version Jaline, faire d'après l'arménien, porte au
même endroir, sànGVInemijuc mananlem; et ce que cette version et
ie bon sens autonsoicnt suffisamment, se liotive encore confirmé par
l'excelîent manuscrit du Synceile de la Biblioihèque du Roi (i) : mais
ce manuscrit et la version arménienne n'offrent aucun secours pour
rectifier le sens d'un autre passage du Synceile, que les éditeurs ont
essayé de corriger, et qui correspond à un endroit à peu près inintelli-
gible de la version arménienne, ou du moins de l'interprétation latine.
Voici le texte de celle-ci: Teinptts ali/juando fuit cùm un'ivirsus orbit
Untbrîs tt at}uis occtipabatur : trant^ue ibi el alla bellua , quorum queg'
dam ex se ipsîs orta erant , fgur'u tamen utebantur nascent'ium ex aati
viventibus. J'avoue que je ne saisis pas parfaitement le sens de ces
dernières paroles, lequel me paroît pourtant assez clair dans le texte
' grec (2) : c'est un passage sur lequel je crois devoir appeler dé nouveau
l'aiieniion des éditeurs.
Le chapitre m, consacré au récit du déluge universel arrivé sous
Xisuihrus , est tout entier dans fe Synceile , et tiré originairement
d'Alexandre Polyhistor (j). H n'offre donc rien de nouveau, si ce n'est
la leçon Otiarles, nom du neuvième roi babylonien , qu'il faut substituer
à celle SArdath , qui se trouve aujourd'hui dans le texte grec du Syn-
ceile. Je remarque encore, au commencement de ce chapitre, une
phrase de l'interprétation latine, qui n'offre pas un sens clairet raison-
nable , tandis que le passage grec qui y correspond ne renferme qu'une
faute légère et facile à corriger: Mandavisse ut libros omnes, primat
nimirum, médias (tnUimos, lerrie infossos, in Sofis urbe Sipûris ponerer.
On ne comprend pas bien ce que veut dire ici l'interprète l-itin par ces
livres premiers, moyens et derniers, tandis que le grec , et probaLlemenI
(1) L'exemplaire da Synceile de la Bîblioihèquc du Roi, dont je me suii
servi pour la collation de tous les pas âges cités par les cdiieurs d'Eusèbe, est
chargé de noies marginales de M. Parquois, lesquelles représentent les variante»
deîdeux manuscrits du Synceile que possède la même bibliothèque. Ces variâmes
renCernient presque toujours les meilleures leçons, et servent à rectifier une fouie
de passages altérés ou muiilé* dans l'édition de Goar: elles s'accordent fréqueni-
nieni aussi avec le sens 4uivî dans la version arménienne d'Eusèbe; ce qui prouve
i-la-fois et la fidélité de celle-ci, et l'enactitude de l'interprétation lat'ne.
[2) Voici la phrase grecqne , qui , à l'cïcepiion d'un seul mot . n'offre aucun*
difficulté •.TwAïf ^rtà ^énr à Sti m mwi'itc ^ uAip ^,'^âi n-rtiç (Ùk Tiy:WJV
t^ «Vlçwftf TOf iJliaf t;^rV ^oie^frÂoSoj. Au lieu de tiJiçuiît , que les éditeurs pro-
posent de changer en a,'7tçi/«f , c'est peut-être tixi^vHç ou ÀKi^om qu'il faudroit
lire. iU sjonient, aliijuiJ deesM grœcotfxtui. Lesrtianuscrits n'indiquent ici aucune
lacune, et la phrase me paroît complète. — (3) Syncell. Chrsncgr. p. jo et sqq.
Aaaa
554 JOURNAL DES SAVANS»
l'arménien , disent tout naturellement : // ordomû ii laissir pmr'éâtk
commencement, le milieu et lafn de toutes choses ( c^est-à-dhre de h
tion ) ) et de déposer ces monumens écrits dans la ville du
ifiÇaila \ leg, ifi^ûJla^ ^Twuf ôt inXi HXitt Zmik^k. - . .«
Le chapitre iv, toujours tiré d'Alexandre» se retrouve
le Syncelle ( i ) » mais avec moins d'étendue » et » à ce qu'il panrftf dR
titude qu'il n'en a ici, Ii ofire une énumération rapide des dîv
nations qui se sont succédé k Babyione i depuis le délngo jUfA
Sennachérib , contemporain d'Ézéchias. Ce nombre des rois^
dynastie assyrienne, médique, arabe, étoit composée» et
années qu'embrasse chacune de ces dynasties, sont indiqués
avec des différences assez notables pour mériter que ia critique f*(
de concilier son texte avec celui du Syncelle, Le y/ chapitre, e^
plus important, en ce qu'il est entièrement nouveau, et qu'il
Sennachérib et sur la fondation de Tarse attribuée k œ pn^m^j
détails iusqu'ici inconnus. Dans le deuxième paragraphe de
Eusèbe présente un rapprochement, non moins ^gpie de fini:
attention , entre les annales chaldéennes et les traditions
qui mettent un intervalle de quatre-vingt-huit années depuis
fusqu'à Nabuchodonosor , et depuis. Ézéchias, contem
de ces rois, jusqu'à Joachim, contemporain du second. Cet eoooi4 des
monumens suivis par Alexandre avec les témoignages de FÈcriliPR est
certainement très- remarquable; et ia conséquence génépnlp • qo^on m
peut tirer, c'est qu'il existoit dès cette époque, parmi les peïqiks d^
cette partie de l'Orient, des moyens de fixer les plus petits
chronologie avec une grande certitude. Dans le troisième et
paragraphe de ce chapitre , qui comprend la suite des rois assyriens
Sennachérib jusqu'à Cyrus, Eusèbe fait remarquer encore dTantiei tra&s
d*anak>gie entre le récit des Chaldéens, tel que nous Ta conserMda
même Alexandre , et celui des Hébreux , dont l'histoire fut <iéqiMUi|iiiH|f
mêlée , dans le cours de cette période , avec celle des Asq^riensé^ Aine^
pour toute cette époque, les témoignages de l'histoire ncrée ec -de
rhistoire profane se prêtent des lumières et une autorité ntutoeHes.
Dans les chapitres vi, vu , viii, ix et x, Eusèbe revient sur sis
pas , et offre , d'après Thistorien Abydène , le récit de la premi^ é/naÉàb
chaldéenne , celui du déluge , de la construction de Babyione » des
de Sennachérib etdeNabuchodonosor, qu'il avoit précédemment
SEPTEMBRE iBip. JJS
cTÂIexandre Polyhîstor. La matière de ces cinq chapitres n'offre donc
rien de neuf en soi-même; les témoignages de ces deux historiens»
quoique puisés à des sources différentes, ne s'éloignent que dans des
circonstances très-peu importantes , et ne renferment également que des
variantes assez légères. De plus, les divers textes d'Abydène qui se
trouvent ici dans la version arménienne, étoient déjà connus par des
citations d^Eusèbe iui-méme dans sa Préparation évangélîque, et du
Syncelle , qui en ont conservé l'original { i ) , à Fexception du premier
paragraphe du chapitre IX, relatif à l'expédition de Scnnachérib en
Cilicie/qui renfermç quelques notions nouvelles, et diffère, à certains
égards, du récit d'Alexandre Pofyhistor. Dans tous ces chapitres, Eusèbe»
et par conséquent l'interprète arménien, n'ajoute rien de nouveau à ce
que nous connoissions déjà, si ce n'est une réffëxion sur le parfait accord*
du récit d'Abydène avec celui de l'Écriture , touchant les principaux
événemens racontés dans la Genèse; et cet accord entre des témoignages
dont la nature , Fâge, la langue, diffèrent si essentiellement, paroîtra sans
doute aux yeux de nos lecteurs , comme à ceux d'Eusèbe , digne de la
plus sérieuse attention. La traduction latine de ces chapitres suit assez
fidèlement le texte grec qui l'accompagne, pour que cet accord forme
aussi une présomption favorable à l'exactitude de l'interprète arménien;
et c'est d'après cette présomption que je crois devoir relever ici en
note (2) quelques inexactitudes qui me semblent appartenir aux
éditeurs.
Le chapitre xi , consacré tout entier à Nabuchodonosor , est de même
(0 Cf. Syncell. Chronograph, p, j8 , 44, 2/f / Euseb. Prœpar. evang. ix,
t2, 14, 4i.
(2) Chapitre VU, p. 23 , cette phrase de la version latine. Très delnde dîes
moratus , denuo easdem mîuebat , correspond à celle-ci du texte grec , 'Ciç Ji rnot
i&rrnnf ivi^tv , qui offre un sens tout contraire, et qui signi6e évidemment: ubi
tertias, M est, tertio loco missas, aves reduces vidit. Ce contre-sens doit-il être
imputé à l'interprète arménien ! Chap. VIII , p» 24» les éditeurs donnent euipy^tft
étoit-il besoin du secours des manuscrits et du texte arménien , pour voir qu'il
falloit dire eiei^etfl Chap. x, p. 27, il faut lire incontestablement dans le texte
grec, >"*>f/ tSç Mctxu^W tf^>?f, au lieu 4^ A^X^ '"'' hLxju^rim df^ç^ et plus
Bas, au lieu de oti ûû(N ^^y^d^voç Ji tTfnv , qui ne fait aucun sens, je propose,
ùtçt ff«/V 99i>^fi^rof 7» •^' «Wk. Enfin , dans le même chapitre, p. 28 , cette
phrase delà version htine , IVabonedochus , nullo jure fretus , adregnisedem acce^
dere Jussus est, ne répond pas à celle-ci du texte grec, l^laScunfiJbyof >SmJinaiim
ficMMA, ^^anvûm 0/ iJùy et je ne puis me persuader que le traaucteur armé-
nien se soit trompé sur le sens si clair de ces derniers mots, qui signifient:
nullo affinitatis yinculo cum eo conjunctum. .
A aaa 2
M6
JOURNAL DES SAVANS,
lextuellement emprunté du premier livre de Josèpbe contre Apio)i(i)>.
Les observauons auxquelles ce chapitre peut donner lieu , ne peavent
donc porter que sur quelques endroits de la traduction latine i oii il me
semble que la édjtetirs ont suivi les mauvaises, leçons du t^te grec»
plutôt que le texte annéaten, que je dois supposer exacf. Ainsi . dans
cette phrase» oiiileilquesdondeNabupalassar,;tf«« ipsfper stjam ad
panas expeundas noa va/eret, mots qui correspondent i ces paroles de
Josèphe,.» J^tifMwêf mnif tn ujt«««fli7r, l'éditeur observe en note que
J'interprète arménien avoit lu sansdouteviwsnwr: mois j d'abord, wwwnr
n'est point grec; et, d'ailleurs, le sens de wuMSÂr est si clair et si
raisonnable, qu'il est au moins inuliled'en chercher ici un autre: il signifie
que Nabupalassar n'rteit plus alors d'âgt h supportir Us foHgfUs d'une
txpidltion hintaiat, et tej éioit sans dout? fe sens de rarménien. Plus
hxi, les éditeurs ont laissé subsister dans le texte de Josèphe des fautes
grossières , que leur seule traduction latine enseigne à rectifier : Tir n
>im{p;)*MW.MAir if ifX^t ^ hÎQir "i^tt^r mef^çttînuttt ç, àfa.ytiMÇ, A la
place de ces deux derniers mots , qui ne font aucun sens , les manuscrits
duSynceile [2)', lequel a copié aussi ce passage de Josèphe, et la version
arménienne fort bien entendue par les éditeurs , montrent qu'il &ui lire ,
•cma£7«i»aBfui'0c ji^ «rawfr/<«c> Quelques lignes au-dessous , les éditeurs
ont encore copié le texte de Josèphe, sans s'apercevoir qu'il n'a aucun
sens > et sans se rappeler qu'il est beaucoup plus correctement dans le
Syncelle: TpÂt A iSc Ï^m. Ttîrm» A -nuç jùr m. r. X- (3)» au lieu de
TfSt Ji m t^M wwr , nù( fût k. t> a> Je me borne à indiquer ces fautes »
que les éditeurs s'empresseront sans doute de &ire disparaître dans une
prochaine publication de leur travail; et, pour ne pas interrompre
l'analyse qui est ici le principal objet du mien , je rejetterai en note
quelques autres observations du même genre, toutes relatives au même
L-haptIre (<().
SEPTEMBRE iSiÇ. )$7
Les chapitres Xll et xiii , tirés, l'un , d'Abydène , et Tautre, du Canon
de Castor, traitent également de la chronologie des Assyriens, et se
retrouvent aussi , du moins quant à la substance, dans le Syncelle.
Quelques détails mythologiques sur la guerre des Titans sont à peu
près la seule chose nouvelle que le fragment de Castor ajoute à nos
connoissances , et je doute que Fhistoire ait beaucoup à profiter de cette
découverte. Mais le chapitre xiv, toujours relatif à la chronologie
assyrien^ie, est tiré du second livre de Diodore de Sicile , et peut donner
matière à beaucoup d^observations. On sait combien les opinions des
anciens et les systèmes des modernes varient sur la durée de Tempire
d*Assyrie, et ce n'est pas ici le lieu d'énumérer tant de sentimens contra-
dictoires. Le texte grec de Diodore ne compte, dans fétat ou il nous est
parvenu , que trente générations de Ninus , fondateur de cet empire , jusqu'à
Sardanapale: par \m étrange contre-temps, ce nombre de générations est
omis dans la version latine d'Eusèbe ; dirai- je par la faute de l'interprète
arménien, ou par celle des éditeurs actuels l Cependant Eusèbeaccordoit
certainement plus de trente générations à la durée totale de cet empire ,
puisque le Syncelle, qui en compte trente-six (i), s'autorise de ce
passage même d'Eusèbe, et que, quelques lignes plus bas , Eusèbe lui-
même, décrivant la chute de l'empire assyrien sous Sardanapale, le
nomme le trente-dnquiime de ces rois, à partir de Ninus. Eusèbe auroit-
il donc prêté à Diodore une opinion qui n'étoit point la sienne, ou
bien , ce qui me paroît infiniment plus probable , la leçon actuelle des
manuscrits de Diodore s'éloigne-t-eile de fa vraie leçon conservée dans
celui dont Eusèbe a fait usage \ Quoi qu'il en soit de cette question, qui
mérite d'être approfondie, la version arménienne sert à prouver, à l'appui
de notre seconde supposition , que le texte de Diodore a subi quelques
interpolations modernes. Ainsi la durée de trei:^e cents ans , que Ctésias»
suivi en cela par le plus grand nombre des chronographes anciens (aj,
attribuoit à la durée de l'empire assyrien, est portée dans tous les exem-
plaires de Diodore, qui le cite en cet endroit, à plus de treize cent
soixante ; et cette addition, que Wesseling avoit regardée comme
suspecte (3), est condamnée par la version arménienne.
Le chapitre XV offre encore l'extrait d'un système différent, celui de
cette nature, si je n'avois craint que mon article ne ressemblât à un errata;
mais j'en^ag** les éditeurs à soigner davantage cette partie importante de leur
travail, dans une seconde publication, s'il y a lieu.
(i) bynceli. Chrono^raph. y, j6S, D ; vid. annotât, Goar. — (2) Diod. Sic.
ilb. II j c. 21 et 28 ; Justin, lib, I , c, 2; Syncell. Chronogr. p, ^^g, C ; Agath*
p. 6j, C, — (3) Wes5cling ad Diodor\ J/V. loc. laudat. tom. II, p, 4J.Z, éd. BiponU
ÎS8 JOURNAL DES SAVANS,
Céphalion , concernant la même chronologie assyrienne : ce cbajntre est
tout entier dans le Syncelle ( i ] , dont le texte , souvent obicur et altéré ,
pourra être rectifié par le sens que présente l'interprète arménien ; c'est
ainsi que i'écUtion de Goar porte k tort, au commencement de la page
168, une tacune qui n'existe, ni dans le cours desidéesi ni dans fe texte
de FEusèbe arménien. Le paragraphe 6 de ce chapitre contient une liste
des tn'tttt-tix rois assyriens, qui se sont succédé suivant le système de
Céphalion, depuis Nïnus jusqu'à Sardanapale [2). Ce tableau est infi-
niment curieux , quoique fe nombre d'années et les noms des prïncfes
qui y sont portés diffèrent souvent 'du tableau qu'Eusèbe lui-même a
consigné dans le second livre de sa Chronique, et de la liste que Moïse
de Choréne a donnée des mêmes rois au livre I, chapitre xrill,de
son Histoire. Il y a là sans doute grande matièreJi des Ascussîons chrono-
logiques; d'autant plus que le texte àtménien paroît constamment de
la plus scrupuleuse fidélité. Les éditeurs n'en ont pas toujours pensé
aiiisi ; notamment sur cette phrase , At y£gea rege dîscessit Medta
Calchis, qui correspond si exactement à celle-ci du texte grec: Mti<At«
KoX^jif hit^e*«v \_leg. àri;^p»nr] h'i-^uç. Les éditeurs, tout en convenant
que fe texte arménien porte bien évidemment ./£^d, n'hésitent pas à
dire qu'il faut Hr^Aëta. Mais if n'y a rien du tout à changer ici, et l'auteur
arménien n'est nullement dans son tort. Le séjour de Médée auprès
d'Egée, roi d'Athènes, est trop connu et trop attesté par tous les
mythologues grecs ( 3 ) , pour qu'il &if le ici entendre autre chose que ce
que cet auteur a dû et voulu dire. Je ne quitterai pas ce chapitre sans
observer qu'if contient encore, $. 7, un catalogue des rois mèdes, au
nombre de huit, toujours d'après Céphalion. Cependant Moïse de
Chorène (4) et Diodore deSicile (j), d'après Ctésias, comptent nre/ de
ces rois, dont les noms varient également chez ces trois auteurs. La
somme même des années, z;6,qui résulte du texte de notre Chronique y
SEPTEMBRE 1819. 559
izns Fensemblei soit dans les détails. Le premier, reproduit presque tout
entier par le Syncelle ( i ), ne se compose guère que des extraits de la ver-
sion des Septante, comparée avec le texte hébreu de la Genèse et le ma-
nuscrit samaritain, et des livres saints, particulièrement de ï Exode et du
livre des Juges, Le second, quia pour objet de montrer la concordance
des traditions phéniciennes avec les traditions hébraïques, touchant la
fondation du temple , est. textuellement emprunté de Josèphe (2)»Le
troisième est le plus curieux ; il renferme un a|>erçu générai de la
chronologie des Hébreux avant et après la captivité de Babylone, telle
que la concevoit Eusèbe, qui ne s'est pas toujours donné la peine de
raisonner ainsi ses propres opinions et de lier ses connoissances à celles
des autres. Quelques fragmens de ce chapitre se retrouvent cependant^
soit dans les livres saints, soit dans S. Clément d'Alexandrie, dans le
Syncelle et les Extraits de Scaiiger. Mais on verr;^ encore ici plusieurs
observations neuves et importantes , notamment la distinction qu'établit
Eusèbe entre les deux espaces de soixante-dix années marquées , dans
deux systèmes différents, à la captivité de Babylone (3).
Les chapitres xix, xx, xxi, xxii, roulent entièrement sur la cbro*
noiogie égyptienne , et sont tirés de Diodore (4) 9 de Manéthon (5) , de
Josèphe (6) et de Porphyre (7), Quoique le fond de ces chapitres ne
soit pas tout-à-fàit neuf, ils serviront néanmoins à rectifier plusieurs
détails de cette chronologie si confuse, et dont je crains bien que
l'ensemble ne soit voué à une éternelle incertitude. Le texte arménien
borne à sei:(e mille ans , au lieu de dix-huit mille que porte le texte grec »
le cours entier de la domination des dieux et des héros : cette diminution,
quoique forte , ne suffit pas cependant pour corriger l'invraisemblance
de ce calcul. Un retranchement, bien plus considérable encore, d'une
myriade d'années, est obtenu par une seule leçon, le nom du roi
Mçeris ou Myris , qui, écrit en grec Mue^cu/bç par l'ignorance rfun
copiste > av oit si vainement tourmenté le docte Perizonius (8), et lui
avoit fait introduire dans la chronologie égyptienne une période de dix
mille ans, heureusement détruite aujourd'hui. Déjà Wesseling avoit
observé que deux manuscrits de Diodore portoient Moic/CeA>ç et Mue«.^ç,
et, malgré cette leçon et l'absurdité du calcul, il n'avoit pas osé tenter
la correction de ce passage (9) ; ses doutes seroient maintenant changés
^^■^— — i^— ^— ^— i»^— ^11^^— — ^i— — — ^— ^M^^— — — — ^M^— ■^M—— ■— il I ——————
(i) Syftceli. Chron.p» 8^, ç^ et alibi, — (2) Joseph, contr, Apion, lit, J,p, ty-i8.
— (3) P*g* 85 et 86 de la présente édition. — (4) Diodor. Sic. lib, t , c» i^.—
(5) Maneih. apud Syncell. Chronogr, p, /p et j/. — (6) Joseph. contr. Avion, lib, l,
p. tjf, t6. — (7) Apud Syncell, Chrono^raph, — (8) Perizon. Origin. AEgypt»
c. Mi, — (j) Wesscling. flrf Diodor» Sic. lij?» /,r, ^, tom» I^p^jSo, ed, Bipont.
j<5o JOURNAL DES S A VANS,
en certitude. Le c!iapitre XX, rempli ^extraits de Man^ri^A» _^
renferme pas des dïfkreiices moins notables , pour les nombies cfannéei
et de gtiiératiuns • avec le texte grec de ces mêmes extraits, tel mCU
pré>enté par le Syncelle ( i ■. L'auteur observe que les années employée
dans CCS calculs sont des années ou révolutions lunaires, c'est-it-di
des mois; et d'iiprès ce principe, il propose une réduction probable de
rantiquité égyptienne, suivant laquelle elle ne se trouveroit plus crue d
deux iriHlc deux cent six années, jusqu'au règne des rois mortefs. Mai i
combien de (îilVicuIrés est encore sujette cette antiquité, même abaissa
à ce i>oini , et que nous devons peu compter, pour soulever le Toffeoiir *
nous la cathe, sur des témoignages si incertains, si contradiccoiies
ccnfu;. y compris même ceux des hiéroglyphes ! '
Tel tsi Tapcrvu lidcfe et rapide des XXIT premiers chapitres de cette
Chèjn/ijue,t\\À ajoutent assurément liien peu de ^hoseànosconnofssan
en comparaison de ce qu'on croyoii pouvoir en attendre : heureusement'
la seconde partie nous offrira quelques dédommagemens, et reson' A*
monde savant ne sera pas eniicrtment déçu. Je terminerai cetartick m
deux observations que plusieurs de nos lecteurs ont pu fifre • c*est m
la plupart des témoignages originaux recueillis dans la CArûJr/fuJ d'Eu^bé
nous avoient été con^ervés par le Sjncelle, comme îliîoh ^seznatunl
de le présumer , et qu'ainsi fa question proposée il y a quelques années
par l'académie des l)elles-lettres , de rechercher les sources oîi le Svncelf
avoii puisé les éicmens de sa Chrono^r^phle, se trouve maintenant résolue
Ma seconde observation est que les Extraits grecs publiés par ScaKirerà
la suite de son édition d'Euscl}e ap])artiennenc bien léellement^ Jk
Chronique de cet ancien , puisqu'ils se trouvent exactement traduits par
l'interprète arménien. Ainsi les doutes qui planoient encore, maferé le
nom imposant de Scaliger, sur ces précieux débris de fa chronologie
ancienne, doivent être à présent dissipés; et ce résultat, fe plus impor-
tant peut-être de la publication actuelle de la Chrênimte d'Eosèbe
deviendra sur-tout sensible dans mon second article.
RAOULROCHETTE.
( I ) Sy n ccl I . Chron og rapli »p' JJ, jS,
'9-
j6.
[ 'HtSTOinE DE LA RÉPUBLIQUE DE Venise. par p. Daru , de
l'Académie française; 7 vol. in-S.' Paris, Firmin Didoi,
i8ip.
SECOND ARTICLE.
Sr l'on examine les institutions politiques de Venise et fesprit du
gouvernement , on admire avec effroi les moyens terribles qui ont
servi à fonder et à maintenir cette antique ajistocratie.
H exisioit à Venise un genre de noblesse particulier; cette ville
n'ayant pas été conquise, nul droit ne pouvoit dériver de la force;
n'ayant pas eu originairement de territoire , il n'avoît pu y être établi une
féodalité: mais les richesses amassées par le commerce, la considération
acquise dans l'exercice des grandes magistratures et dans les charges
importantes, avoient créé une noblesse à part de celle du reste de l'Eu-
rope. J'ai eu occasion de dire que, à la fin du xiil,' siècle, le doge,
Pierre Gradenigo, réussît à opérer une révolution qui concentroit et
perpétuoit le pouvoir dans les principales familles, que le grand conseil
fut déclaré permanent, et le droit d'y siéger héréditaire. Alors quelques-
uns des autres nobles furent appelés à, siéger dan'' le grand conseil, et
on laissa à ceux qui n'y entrèrent point l'espérance d'y parvenir à leur
■ tour. Marin Bocconio, ayant excité le peuple, tenta de renverser le
nouvel ordre des choses. La conjuration fût découverte ; Bocconio et ses
adhérens furent arrêtés, interrogés, condamnés et exécutés dans l'inter-
valle de quelques heures. A l'occasion d'une autre conjuration dirigée
par des nobles mécontens contre Gradenigo lui-même, le conseil des
Dix fût établi avec un pouvoir illimité. Cette autorité extraordinaire
devoit durer seulement deux mois; mais, de prorogation en proro-
gation, elle continua d'exister, et bientôt elle se tnèla d'administrer et
de gouverner.
A cette époque , pour ôier aux nobles le desîr ou fe prétexte de
conspirer , on admit dans le grand conseil toutes les anciennes familles
patriciennes qui n'avoient pas pris part à (a conjuration.
L'une des institutions îi laquelle Venise fut redevable de la tranquil-
lité publique, qu'elfe consolida sans cesse aux dépens de la sécurité
personnelle, ce fui l'institution des inquisiteurs d'état. M. Daru en
6xe l'époque à Tan ■4;4- Jusqu'à présent les historiens avoient ignoré
les attributions, les moyens et les formes de ce tribunal redoutable, od
n'avoient osé les révéler. La partie de l'ouvrage de M. Daru qui en
j6z
JOURNAL DES SAVANS,
traite est une vériialile conquête historique ; il est donc convenable d'en
parler avec quelque étendue.
Une délibération du grand conseil, prise le 1 6 juin i4s4> aurorfse
le conseil des Dix k choisir trois de ses membres pour exercer la
surveillance et. la justice répressive qui lui sont déléguées k lui-mftme,
La juridiction de ces trois membres s'étendra sur tous les individus
quelconques, nobles, ecclésiastiques ou sujets, sans en excepter les
membres du conseil des Dix; ils pourront infliger la peine de mort, soît
publique, soît secrète , pourvu que les voix des trois membres du tribunal
soient unanimes. Le tribunal a le droit de disposer des fonds de la caisse
du conseil des Dix, sans être tenu d'en rendre aucun compte; il
correspondra avec tous les recteurs, gouverneurs, généraux de terre et
de mer, et leur donjiera des ordres. 1! est autorisé îi faire ses propre»
réglemens ei !i les modifier selon les circonstances. Ces régleinens furent
écrits de fa main de l'un des inquisiteurs; ils restèrent inconnus même h ,]
leurs secrétaires: ii éloit défendu de les employer pour rédiger \ei ordres. ,
Ce tribunal monstrueux avoit donc une forme légale; il éloit permanent; j
ses membres éioient temporaires , leur pouvoir absolu, leuri formes J
arbitraires , leurs exécutions secrètes : un citoyen disparoissoit ; et si l'on '
pouvoit soupçonner que ce fût par l'ordre de l'inquisition , ses amis , sel
parens, trembloient de s'en informer. Si les inquisiteurs eux-mêmes
étoient affranchis de toute responsabilité, ils n'en éloient pas moins
justiciables de leur propre triliunal. Quand deux inquisiteurs vouloient ,
juger leur collègue , ils s'adjoîgnoient un supléant.
On voit par ses régleinens, publiés par M. le comte Daru, que ce
tribunal avoit des espions soudoyés dans toutes les classes, pour sur-
veiller constamment les magistrats, les citoyens, les ambassadeurs.
Toutes les machinations, toutes les perfidies de l'inquisition ci»ife sont
à découvert dans ce code. Par exemple, lorsque, parmi les patriciens
élus à des charges, quelqu'un n'a pas l'entière confiance des îiiquisiteurSf
on doit l'entourer de séducteurs, qui lui feront des propositions mysté-
rieuses contre le gouvernement; et si ce patricien ne vient pas sur-Je-
champ rendre compte de ces propositions, il sera inscrit sur le registre
des suspecis. Les ambassadeurs de Venise dans les cours étrangères
avoient avec les inquisiteurs une correspondance dans laquelle ils ^isolent
part de certaines découveries dont ils ne dévoient pas parler dans leurs
dépêches au sénat. L'artide xvi portent Qu.ind le tribunal aura jugé
» nécessaire la mort de qutiqu'un, l'exécution ne sera jamais jjublique :
s» le condamné sera noyé secrètement, la nuit, dans le canal Orfano. » .
L'art. XXii : «Tous les deux mois, le tribunal se fera apporter la boîte dii
SEPTEMBRE 1819. 563
"Courrier de Rome, et les lettres en seront ouvertes , pour prendre
« coiinois^aiice des correspondances que les pnpaliites pourroient avoir
i> avec celle cour. »Art. XXV: «Le tribunal autorisera les généraux
» commandans à Chypre ou en Candie , au cas qu'il y eût dans le pays
» quelque patricien ou quelque autre personnage influent, dont fa con-
» duile fît désirer qu'if ne restât pas en vie, à le faire périr secrète-
» nient, si, danï leur conscience, ils jugent cette mesure indispensable,
» et saufà en répondre devant Dieu. »
Cette manière de procéder, toute barbare qu'elle étoit, avoit du
inoins le prétexte de la sîirelé publique, de l'intérêt de l'État. Mais que
penser de l'article xxvi; If dit que si un ouvrier transporte en pays
étranger un art au détriment de la république, on mettra d'aljord ses
parens en prison ; et s'il ne revient pas , on prendra des mesures pour le
faire tuer où il se trouvera, et, après sa mort, ses parens seront mis en
liberté.
L'article XXXV est relanfaux nobles qui expriment leur opinion dans
(e sénat : " S'il se met à discuter sur i'autorîté du conseil des Dix et à lui
» vouloir porter atteinte , on le laissera parler sans l'interrompre ; ensuite
» il sera immédiatement arrêté; on lui fera son procès pour le Taire
31 juger conformément au délit ; et si l'on ne peut y parvenir par ce
» moyen, on le fera mettre k mort secrètement.
L'art. XXXIX: «X^ noble méconrent , qui parleroit mal du gouver-
ïï nement , sera appelé et averti deux fois d'être plus circonspect ; à la
» troisième , on lui défendra de se montrer de deux ans dans les conseils
ï> et dans les lieux publics: s'il n'obéit pas, s'il n'observe pas une retraite
» rigoureuse, ou si, après ces deux ans, il commet de nouvelles indis-
)> crétions , on le fera noyer comme incorrigible. »
Je terminerai ces citations par l'article XLVII : « Un banni pour crime
"d'état, qui voudra obtenir sa grâce, ne pourra l'obtenir que du
» tribunal et par des services rendus au tribunal, c'esi-à-dire, par des
» révélations sur des affaires d'état, ou par l'arrestation ou par la mort
••d'un autre criminel d'état. Alors les' inquisiteurs jugeront si le banni
» arrêté ou tué étoit d'une importance sujtérieure à telle du banni qui
» aura fait le meurtre ou l'arrestation. Si le mort étoit un personnage
«plus important, on pourra prononcer la grâce de celui qui aura
w apporté sa tèle, «
Ces citation) donneront une idée suffisante des autres nombreux
articles rédigés d'après le même esprit , et qui sont les corollaires des
principes établis par ce tribunal.
On peut juger du soin extrême avec lequel les Vénitiens gardoient
Bbbb 1
}6A JOURNAL DES SAVANS,
le secret des affaires d'état , pnr ce qui se pnssa au su;et de François BufTo,
dit Carmagnole, général de la république. Depuis huit mois le sénat
avoit décidé que ce chef de l'armée seroîi mis en accusation. Une nuit
entière avoii été consacrée k la délibération, quand il étoit lui-inème à
Venise ; trois cents sénateurs y avoient concouru, et cependant on lui
conserva le commandement , on le combla d'honneurs , jusqu'à ce que ,
quelques mois après, rappeléh Venise, il y fut arrêté, jugé, condamné
et exécuté sur la place Sainl-Marc.
Quand on connoît l'organisation secrète du gouvernement de Venise ,
on n'est plus surpris du mystère dans lequel sont restées quelques-unes
de ses opérations. C'est ce qui arriva sur-tout lors de la conjuration
de 1618.
Elle est principaleinent connue par Touvrage de Tabbé de Saint-
Réal, intitulé Conjuration de Venise. Selon cet auteur, le
marquis de Bedemar, ambassadeur d'Espagne à Venise plus entre-
prenant que le cabinet de Madrid , qui , depuis peu , avoit conclu la {laix
avec la république, osa , de concert avec le duc d'Ossone, vice-roi de
Naples, fonner une conjuration pour renverser fe gouvernement de
Venise, massacrer les nobles et s'emparer de la ville. La conjuraifon
fiil découverte; des exécutions nom!>reuses , soit secrètes , soit publiques,
annoncèrent la vengeance des Vénitiens : mais toutes ces punitions ne
tombèrent que sur des éirnngers, la plupart gens sans nom et sans aveu,
parmi lesquels on ne nomme ))oini d'Espagnols. Le marquis de Bedemar
se retira, sans que le gouvernement de Venise fît éclater contre l'Espagne
aucune plainte grave; et jamais ce gouvernement ne daigna expliquer,
ni à l'Europe ni ^ ses propres concitoyens, quelle avoit été la naiure de
cette conjuration , ni le genre du péril.
Les récits de l'abbé de Saint-Réal trouvèrent des contradicteurs; son
ouvrage fut traité de roman. En i7î6,M. Grosley publia une dissertation
dans laquelle il réussit assez à décréditer l'ouvmge de Saint-Réal ; mais
il ne réussit pas de même ti révéler quels avoient été le sujet , les moyens
et le but de cette conspiration, et sur-tout h expliquer d'une manière
satisifâis.inte la conduite mystérieuse du gouvernement de Venise, qui
avoii semblé indifférent à l'opinion que pouvoient prendre de ce terrible
événement et les cours étrangères et les Vénîlîens eux-mêmes. On
trouve dans Pcxposé de M. Grosley les faits suivans.
Le capucin père Joseph, qui depuis fut admis dans rintimiré du
cardinal de Richelieu, avoit eu l'ambition d'engager les puissances de
l'Europe à fermer une croisade contre les Tiucs; en 1Û17, le père
Joseph ctoît venu à Rome, avoit été accueilli par Paul V , îi qui if avoit
SEPTEMBRE 1819. 56J
communiqué son projet. On devoir employer le capitaine Normand,
Jacques Pierre, qui, sous le pavillon du vice-roi de Naples, avoJl ,
pendant quelque temps , exercé la piraterie contre les Turcs, et qui
avoii passé ensuite au service de fa république. Il falloil cependant tout
cacher aux Vénitiens à cause de leurs rapports d'amitié avec fa coiu-
ottomane; mais ils furent instruits. La révolte de quelques troupes
étrangères qui étoient dans les états de Ja république et à sa solde ,
donna lieu à des exécutions dans lesquelles furent compris le c:ipiiaiiie
Pierre et Château-Renault, agens du dite de Savoie, qui favorisoit les
vues du père Joseph; et le gouvernement vénitien fit passer à Cons-
tantinopfe les papiers du capitaine Pierre, où se trouvoient le plan et
ie détail des mesures relatives ii l'expédiiioii contre l'empire ottoman.
M. Grosley fut réfuté dans le journal de Verdun, août i/jû,
pag. I 1 7 : cette réfi^taiion est attribuée à M. Dreux du Radier, qui essaya
de justifier les assertions de l'abbé de Saini-Réal. M. Grosley répliqua,
et fit n'imprimer sa dissertation avec son ouvrage intitulé Ohervations
Sur l'Italie et sur les Italiens,
M. Je comte Daru, appliquant plus particulièrement à cette époque
de l'histoire de Venise cet esprit d'investigation, cette justesse de
critique, celte sévérilé d'examen qui distinguent son ouvrage, a
recherché et rapproché toutes les circonstances qui pouvoient jeter
plus ou moins de jour sur ce fameux événemenl; et, d'après le résultat
de ses recherches, il a j>^nsé qu'il n'avoit pas existé de conspiration
contre Venise, que le marquis de Bedemar n'avoit j.-imais formé ni
favorisé de projet hoslile contre la république, et que c'éioit le duc
cTOssone, vice-roi de Napics, qui, dans le dessein de s'emparer du
royauinL-de Naples, avec l'assenliment seciet et les secours mystérieux
de (a république de Venise, avoit entretenu avec le gouvernement
véniiien une intrigue cachée , de laquelle les acteurs subalternes avoient
d'abord été les dupes et ensuite les victimes, quand, le projet du vice-
roi n'ayant pu réussir, il avoit felJu traiter comme coupables d'une
conspiration, des agens destinés à devenir les auxiliaires du duc
d'Ossone.
Les détails dans lesquels le nouvel historien entre îi ce sujet, présentent
une suite , un enchaîne pwent de faits lumineux , d'heureux aperçus , de
raisonnc'iiens bien déduits, qu'il faut lire en entier pour se convaincre
que le nouveau système est celui qui doit être adopté; et si l'on peut
regretter le charnie romanesque de la fiction de l'ahbé dt- Saini-Réal,
on ne peut qu'appLiudir \\ l'utile ?évériié des recherches et des jugeinens
du nouvel historien , qui a renoncé aux E^rémeiis dont il eût à son tour
iS6 JOUHNAL DES SAVANS,
embelli sa narration, s'il ii'avoii respecté la maxime, M agis AMtCÀ
VERITAS.
L'histoire de la république de Venise est divisée en quarante livres :
i! en est plusieurs qui ont permis à l'auteur d'y développer mitaient
henucoup plus remarquable, parce que le sujet permetioit ou plus de
mouvement dans la disposition des feits , ou plus de formes dramatiques
dans les récits, ou plus de profondeur, de sagacité, dans les rcHexions,
dans les aperçus , ou enfin plus de recherches , plus d'investigation , pour
I éclaircissement des points douteux. Ainsi l'on dÎMinguera plus parti-
culièrement les livres IV et V , où l'auteur raconte la prise de Consian-
liiiople par les Croisés, et les suites de ce grand événement; le livre VI,
qui renferine un excellent morceau sur les gouvernemens d'Italie au xiv.*
siècle; le livre X, dont j'ai déjà eu occasion de louer la composition ,
intitulé Guerre de Chiozza ; le livre xix, relatif au conunerce et
à la marine des Vénitiens ; le livre xxiK, sur les démêlés de la république
avec Paul V ; le livre XXXI , qui explique la conjuration de t û i 8 ; le
livre XXXV, qui offre le tableau de la république & la fin du dernier
siècle; les livres xxxvi , xxxvij et xxxvill, qui comprennent l'époque
fatale depuis ie commencement de la révolution française jusqu'à la
dissolution de la république vénitienne; le livre XXXIX, qui décrit spé-
cialement son gouvernement; et enfin le hvreXL, consacré au tableau
des sciences, de la littérature et des arts chez les Vénitiens.
Par-tout on reconjioit avec satisfaction que l'auteur conserve, et dans
ses réflexions , et dans son style, celle gravité , cette franchise que le
sujet exige; qu'il parle d'après sa conscience et avec la plus entière
bonne foi , et qu'il n'a rien négligé pour éclairer l'une et rassurer l'autre.
Cinq volumes renferment I histoire proprement dite; et elle ne pa-
roîtra point écrite longuement, si l'on se souvient que l'Histoire de la
république par l'abbé Laugrer est en douze volumes, sans notes, sans
aucune indication de pièces justificadves , et qu'elle se termine en 1750,
c'est-à-dire, avant les événemens qui offrent le plus d'intérêt et exigehl
le plus de développemens dans l'ouvrage de M. le comte Daru.
Deux volumes contiennent des pièces justificatives et l'indication des
nombreux manuscrits que l'auteur a consultés. Les lecteurs qui n'ont
pas l'habitude des recherches littéraires, se feront difficilement une idée
de toutes celles qui ont été nécessaires pour la composition de ce vaste
ouvrage , qui sera le seul où l'on puisse désormais étudier complètement
l'histûire d'une république qui i>e laisse plus que d'illustres et terribles
souvenirs.
Enfin plusieurs cartes géographiques ou topographiques facilitent
SEPTEMBRE I819. ï^r
l'initlligence des récils, ei ajoutent un nouveau piix îi ce grand et beau
travail , qui , sous ))luÂieun rapports , mérite d'êlre placé dans ie nombre
des Lonntrs histoires dont peut s'honorer notre littérature.
RAYNOUARD.
Mémoires HiSToniQUES, politiques et UTTÉRAiRns sur
LE ROYAUME DE Naples , composés et dédiés à l'empenur
Alexandre par M. le comte Grégoire Orloff, sénateur de
l'empire de Russie; ouvrage orné de deux cartes géographiques,
publié, avec des notes et additions , par Ainaury Duval,
membre de l'Institut. Paris, imprimerie de Firinin Ditlot,
1819, a vol. in-S.' br. xvj , 474 « A9^ pages. Prix
ij fr. ; chez Chasseriau et Hécart, libraires, au Dépôt
bibliographique, rue de Choiseul , n." 3.
Le litre de Aïémoirts n'annonce quelquefois que îe tableau d'une
seule époque, ou bien qu'un recueil de morceaux ou particularités his-
toriques : c'est au contraire un ouvrage méthodique et complet sur le
royaume de Naples que publie M, le coinie Orloff. La première partie
est un abrégé de l'histoire de ce pays, depuis les temps les plus reculés
jusqu'à nos jours. I.>a seconde a pour olijet îes lois et les formes de gou-
vernement sous les Romains, sous les Barbares , sous plusieurs dynasties
successives, en un mot à toute époque , y compris les dix-sept premières
années du XIX." siècle. Dans la troisième, l'auteur se propose de ferre
connoîire l'état des lettres chez les Napolitains, dans les temps anciens,
au moyen âge, et dans les siècles modernes. Les deux volumes qui
viennent de paroître ne contiennent encore que la première de ces trois
parties ; mais le succès qu'elle obtient nous garantit la publication très-
prochaine des deux autres. L'éditeur, M. Amaury Duval, a passé lui-
même plusieurs années dans le royaume de Naples; il en a particulière-
ment étudié l'histoire, la littérature et les institutions poii[iques : ;es
propres observations, les notes et les renseignemens qu'il avoit recueillis ,
lui ont fourni la matière des additions qu'il a jointes à l'ouvrage de
M. Orloff, et qui remplissent plus de deux cents pages dans ces deux
premiers volumes. Elles y sont séparées du texte, n'en interrompent
jamais la lecture, et présenieiu des détails que le plan de rauteur n'ad-
niettoit ou n'einbrassoit pas.
",7^8 JOURNAL DES SAVANS,
Ce, n'est point toutefois un abrégé superficiel de Thisioire napofi'
Uiue qu'o rédigé M. OHoft : les ftils y som choisis avec di<icenieri)ent|
enchaînéi avec habileié; l'expuMtion en est toujours claire, intéressante i
el instructive. Dès le premiei' chapitre, où II s'agit de l'origine des peuples
qui, avant la doniiiiation des Romains, ont habité le territoire aujour*
d'hui appelé royaume de Napïes, on s'aperçoit que l'auteur sait puiser '
dans les sources de l'histoire, apprécier les traditions, el saisir de véri- i
tables résuiiatf. Parvenu & l'époque où cette partie de Mtafie tombl ,
sous le joug des Romains, il francliit plusieurs siècles et se transporte
à celui où elle fut envahie par des Barbares. Cet intervalle en effet n«
feurniroit point d'annales napolitaines proprement dites; on ne le rein-
pliroit que par des extraits de l'histoire de Rome. Le seul point impor-
tant seroit d'observer connneni le pays de Nnpiesétoit alors gouverné;
mais nous avons déji dit que l'auteur doit traiter ce sujet dans la seconde l
partie de son ouvrage. Peut-être n'y a-t-tl pas un très-grand avantage ï ^
séparer aitisi du récit des faits le tableau de l'administration ; car il semble '
que ces deux espèces de noiions historiques doivent s'éclairer récipro-
quement, et qu'elles demeurent incomplètes l'une sans l'autre; on en
pourra mieux juger quand oit aura sous les yeux la suite des Mémoires
de M. OrlofF. Nous n'entreprenons pas de le suivre à travers les révo-
lutions qui oiit placé successivement sur le trône de Napïes la dynastie
des Normands, celles des Suabes, des Angevins, des Arragonais, des
Autrichiens et des Bourbons : ses récits ne sont que rapides, notre ana-
lyse seroit aride et stérile. Donnons plutôt , par quelques citations , une
idée du style de l'ouvrage.
«Si la valeur unie à la prudence et le caractère au génie cm droit
w de commander aux hommes , Roger étoit encore plus digne du trône
» par ses hautes vertus que par sa naissance. . . Jetant les yeux autour
» de lui, il ne vit que des factions et des ambiiieuic, des lois injustes
n et des victimes. Ses états étoieni en proie au mal politique de son
» siècle , k cette anarchie féodale qui les consunioit , les dévoroil comme
*> tous les autres états de lEurope : les barons, tyrans subalternes
» et implacables, exerçoient, du haut des tours de leurs châteaux, un
«pouvoir presque sans bornes; mais, non contens d'opprimer leurs
» vassaux , ils fbrmoient souvent des ligues entre eux contre le chef
« suprême de la nation. Cette forme de gouvernement , ancienne-
»inent établie chez les peuples qui envaJiirent l'Italie, avoit {ivorisé
M le sjrstème d'usurpation des Normands; elle (ut une des causes
w de leur puissance progressive. Mais Roger s'aperçut bientôt qu'au
»» litre de fondateur d'un royaume il devoit luiir celui de législateur, ,
SEPTEMB^IE 1819. 5^9
» s'il vouloît obtenir une gloire durable ; et il se mit dès-îors à travailler
» sans relâche à un code de (ois. . . Flétris par le souffle de la barbarie^
» lès belles-lettres et les arts sembloient ne plus exister : ils reparurent
» sous un règne qui appeloit de toute part les lumières et préparoît la
» prospérité publique. Les moines du Mont-Cassîn , préférant alors à
» toute autre ambition celle d'être utiles, se distinguèrent par leurs
» travaux littéraires, se montrèrent jaloux de mériter l'estime de la nation
5>et Taffection du souverain. L'école de Salerne, déjà fondée à cette
53 époque, devint le dépôt des connoissances de l'antiquité dans la science
^> de rhygîène, et s'acquit de plus en plus de la célébrité, en recueillant
» les découvertes que les Arabes avoient Eûtes en médecine, &c. 9>
On voit que M. Orloff est déjà entraîné à parler de législation et
d'histoire littéraire, quoiqu'il ait réservé à ces deux objets la seconde et
la troisième partie de ses Mémoires. Mais une remarque qui se présente
plus immédiatement, c'est que rien dans sa diction ne laisse voir que
notre langue n'est point la sienne ; on le prendrait presque toujours pour
un écrivain français fort exercé : on ne reconnoît la plume d'un étranger
que dans un très-petit nombre de lignes; dans celles-ci, par exemple ;
ce Le sang de Conradin accusa toujours ses bourreaux : Charles , dont il
» éloit la plus précieuse des victimes qjûLil îmmoloît à sçn pouvoir
» naissant , ne balança point à /a sacrifier. »
Les observations critiques que nous aurions à faire sur le fond da
ces Mémoires , ne seroient pas non plus très-importantes ni très-nom*
breuses. Nous ignorons si , en parlant de Guillaume le Mauvais et de soin
fils Guillaume le Bon , qui lui succéda en 1 1 66 , M. Orloff n'a point
accordé trop de confiance aux épîthètes vulgaires attachées au nom de
ces deux princes. Le premier sans doute a mérité de graves reproches;
mais il y auroit lieu aexaminer si les écrivains ecclésiastiques ne les ont
pas exagérés. Guillaume , à qui le pape Adrien IV avoit suscité beaucoup
d'ennemis au dedans et au dehors des deux Sîciles , eut le malheur de
j^erdre presque tous ses états , et le tort de les réconquérir. Il en fot
quitte pour de longs embarras , pour un hommage au souverain pontife >
et ]X)ur ce surnom de Mauvais, qui lui est resté dans l'histoire. Par
antithèse, son successeur, qui construisit ou enrichit des églises, qui
soutint les croisés contre Saladin, et le pape Alexandre III contre
Frédéric Barberousse, fiit appelé Cuillaume le Bon; et nous devons
avouer qu'il avoit débuté par quelques actes de clémence qui pouvdient
justifier ce titre. Mais , lorsque M. OrloflF le représente comme un de
ces excellens princes que la Providence a formés tout exprès pour
réparer les crimes de leurs prédécesseurs , pour consoler les peuples et
cccc
570 JOURNAL DES SAVANS,
ies retirer de Toppresi^ion et de la misère, nous ne retrouvons pas dans
cette réflexion, ni dans les deux morceaux entre lesquels elle est placée,
la critique ferme et judicieuse qui règne dans tous les autres.
Ceux qui concernent les deux reines Jeanne, Mazanieflo, le duc de
Guise, nous paroisseni mériter des éloges. Plusieurs lecteurs tromreront
un intérêt |)Ius direct dans les derniers chapitres, qui comprennent les
événemens arri\és h Naples yn-ndant les trente dernières années qui
viennent de sïcouler. La difliculté du sujet ajoute un nouveau prix à
Il sagesse et h la modération de l'auteur qui a osé le traiter. L'éditeur
en prend occa^îon de fiiire sentir lutilité des histoires écrites par des
conîcmj)orains. A notre avis, la question n*est pas de savoir si elles sont
uiilcs; nous les croyons nécessaires: sans elles, on manqueroit de rela-
tions originales ; il n^n resteroit du moins que d*officieIles, et la postérité
ne retrouveroit pas les traces des impressions que les événemens ont
produites sur les divers esprits. Ce qui importe, à Tégard des histoires
contemporaines, c'est lexamen des devoirs à remplir par ceux qui se
dévouent au péril de les écrire, et des règles à suivre par quiconque
fob veut lire avec discerntrment , les étudier avec fruit. Peu de mémoires
av(âent moins à craindre que ceux de M. Orloff Tapplication de ces
rè<.'k-s sévères.
Les autres notes et additions de M. Amaury Duval font connoître les
auteurs, soit napoliiains, .«^oit étrangers, qui ont composé des histoires
de Naplt's ; les nuturs antiennes et modernes de ce pays, et, comme
nous lavons dit, plu>ieurs particularités qui n'avoient pas trouvé pface
dans Touvrage. On y distinguera un exposé de^ rétablissement des
Normands et du régime féodal dans Tltalie méridionale; dlntéressans
détails sur la mort de Conradin et sur les Vêpres siciliennes. Quelquefois
1 éditeur joint à ses propres réflexions celles de divers auteurs italiens et
français; en généraf , il n'omet rien de ce qui peut servir de compfémeot
aux Mémoires de M. OrIofi\et en faire unrtcueil aussi varié qu'insrructîfl
Les trei/e dernières additions de M. Amaury Duval sont relatives h
ce qui s est passé à Naples depuis :78s. C'est un recueil de (kits im--
portans ou curieux, dont la plupart ne sont pas généralement* connus » et
(|ui contrihueront à jeter quelque jour sur l'histoire des calamités de
notre âge. M. Duval avoue qu'il est à peu près impossible qu'il ne se
.soit pas glissé des erreurs, ou au moins des inexactitudes, dans ses récits
et dans ceux de M. Orloff: il >ait que, même en professant /a p/us
exacte im|)ariialité, on risque d'oflinser les personnages encore vivans
qui ont figuré en de si grandes catastrophes. A Texemple de fauteur
dont if publiait ks Mémoires , il $*t$t proposé d'être véridlqtie sans
SEPTEMBRE 1819. 57»
choquer aucun parti, sans blesser aucun intérêt et même aucune vanité.
Nous desirons qu'ils aient atteint y l'un et Tautre , im but si honorable et
si difficile.
Les deux cartes dont cet ouirrage est orné, représentent, Time Fancien
état, l'autre l'état actuel dii royaume de Naples. Les dessins en ^voient
été faits à Naples par Ml Peregni : M. Barbie du Bocage en a corrigé les
erreurs et surveillé la gravure. Ces cartes ne comprennent point h
Sicile, de laquelle il n'est question dans louvrage qu'aux époques où
Thistoire de cette rie se confond avec celle de Napies«
DAUNOU.
■ ' ' ' ■' j I f ff . ggg
NOUVELLES LITTÉRAIRES,
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
#
« L'Académie française a voie annoncé, l'année dernière, le sujet suivant du
» prix d'éloquence à décerner dans la séance publique annuelle qu'elle tiendra
^ en août 1 820 : Déterminer et comparer le genre d*iloquence et les qualités inorales
^» propres à l'orateur de la tribune et à l'orateur du barreau. — - Elle remet au con^*
» cours le sujet du prix de poésie à décerner dans la même séance : L^ Institution
x> du Jury en France. -— Les prix Consisteront chacun en use médaille d'or de la
» valeur de 1500 francs. — U n homme de lettres y qui n*a point voulu être nommé,
» ayant remisa l'académie une médaille de la valeur de 1200 francs pour un prix
•• de poésie sur les Avantages de l'enseignement mutuel, et ce prix n'ayant pas été
» remporté, l'académie remet ce sujet au concours» et elle décernera le prix à
^ la même séance. ^ — Un anonyme ayant remis à l'académie une médaille d'or
»de la valeur de 1500 francs pour un prix de poésie sur le Dévouetnent di
» Malesherbes , ce prix sera décerné dans la même séance de 1820. — Les ou*
»vrages envoyés au concours ne seront reçus que jusqu'au 15 mai 1 820* Ce
M terme est de rigueur. — Ik devront être adressés, firancs, de port> au seçf^é*
»tariat de lUnstitut ayant le terme prescrit, et porter chacun une épigraphe
ao ou devise qui sera répétée dans un oitlet joint à la pièce et contenant le nom
» de l'auteur , qui ne doit pas se faire connottre. Les concurrens sont prévenus
«que l'académie ne rendra aucun dés ouvrages qui auront été envoyés lu
.»> concours; mais les auteurs auront la liberté d'en faire prendre des copies,
» s'ils en ont besoin. -^ Le programme publié l'année dernière annonça que
3> l'académie décerneroit une médaille d'or de la valeur de 400 francs à l'auteur
»de l'ouvrage littéraire publié dans l'intervalle du i.*' janvier au 31 décembre
» 1 8 1 8 , qui seroit jugé le plus utile aux mœurs. Le prix n'ayant pas été décerné,
9> l'académie déclare que, dans sa séance annuelle de 1820, elle accordera un
» prix double, cQnsi$tant <n une médaille d'or de, la valeur de 8qo fi;ancs, àl'au-
»teur de l'ouvrage littéraire publié, en entier et pour la première fois , d.ans
» l'intervalle du i .«' janvier au 3 1 décembre 1 8 1 9 , oui aura été jM^é^fe plus. utile
vaux mœurs, — Dans la même séance, l'académie décernera, le prix pour réccijE6-
» penser un acte de vertu qui aura ^u lieu pen()ai^t. les trois apné^. antérieures
cccc z
Ï7» JOURNAL DES SAVANS,
• u t." juillet iSjo, d«nt le département de la Seine; — On ann loia
» d*adretier, avant le 15 )iiiUet 1820, 1 M. le tecr^ire perpétoel de l*«ca^
B demie, les preuves qui conttateront Tacte de vertn. — Enfin l'académie
V aanonce j[i)e le sujet de piû de poésie qu'elle proposera l'an prochain pour
»iSai,ien: La RtitaitTfftton dts tatra tt des oiU-mou* FranfoU I." t»
M. Raynourd, Kcrétaîre pop^locl, a lu ce pogramme à la snfle d'un
rapport snr let conconrs. M. Dam, qui préiidoît rauenibiée, a prononcé on
discoun sur le prix de vertu. M. Picard a lu, pour M. Michaud, un fraient
de l'Histoire des croisades, intitulé Ciqtthiti Je S. Loidt. Des owrccaox du
poème de Moïie, par AL Le Mercier, ont tcmîné la séance.
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Spetimtn da nouveaux armtim de laJimJtrit et de l'imprimene de P. Did»t
l'dtnét dédié à Jules Didot fils. Paris , chez P. Ùidol Tainé et Jules Dîdot
fils, 1819, grand in-f. 'pap.vél.: quarante feuillets, inipriniés seulement ^ur le
rectÔ!\e premier contient le Frontispice; le second, un avis; les trciiti'-huit
autres, des épreuves de différens caractères d'imprimerie, depuis celui que
M. Pidot nomme le quatre et demi ( quatre sixièmes et demi de ligne) jusqu'au
vingt et Uii (trois lignes trois sixièmes ]. Ce sont des pièces de vers , composées
.par M. P. Didot, qui remplissent ces trente-huit pages. J'aurais tieii pu , àit-il
au lecteur,
J'aunisbien pa.suiTaDi Tiusge,
A^pétaDtle même pau3ge ,
Ou le tronquant à tout propos,
A l'aide Je quinze ou vingt mots.
Composer une Toitt pige ,
A tc9 yeux ofinnt par étage , '
De mu caractères nouveaux ,
Peills, moyeru, plus ou moins gros,
IdC simple et complet assembli^.
M. Didot a voulu que le tpec'tmen de ses caractères fût en mîme temps un
recueil de quelques-unes de ses poésies : nous croyons que les lecteurs fui en
sauront gre; c'est le premier tableau de ce genre qui méritera d'è
'1 anroii assez C ' "
SEPTEMBRE 1ÛÎ9. J73
vacance* Paris, impr. de Firmin Didot^ chez Barroîs, Foulon, &c. ; 18199
i/i-^/^. XV et 16 j pa^es.
L Éloge de la Folie, par D, Erasme; traduction nouvelle , précédée d'une
notice sur sa vie. Paris, impr. d'Égron, chez Louis, in-ri de 10 feuilles. Prix,
i fr. yo cent.
MEAISSA, H I«HM£PI2 EAAHNIKH : l' Abeille, journal grec; publié par
S. Kondos. Paris, impr. de Bobée , 1819, m-^.'' Le premier cahier de ce recueil
coniient des articles sur les abeilles^ sur l'agriculture, sur l'éducation, sur
Thucydide. . • sur la littérature anglaise, &c.; vij et 1 12 pages. = On souscrit
à Paris, chez l'éditeur, rue de Buffauit, chez Baudouin frères, à raison de 3 fir.
yo cent, par cahier.
K A0O AIKH I2TOPIA HA AAIA TE KAI NEA : Histoire universelle ancienne et
mcderne , publiée par S. Kondos. Paris, impr. de Bobée, 18 19, in-S.*, iv et
152 pages. Ce premier volume . dédié à M. Capo d'istria, renferme des
prolégomènes, et un abrégé de l'histoire des Égyptiens. Prix de chaque cahier,
2 fr. yo cent; et pour les non-souscripteurs, 3 fr. yo cent.
Annales des Lagides, ou Chronologie des rois grecs d'Egypte successeurs
d'Altxandre-le-Grand , ouvrage couronné par racadcmic royale des inâcription'j
et belles-lettres de l'Institut de France au concours de Tannée MDCCCXVIII,
et accompagné de plusieurs tableaux chronologiques et de deux planches de
médailles; par M. Champollion-Figeac. Paris, chez le Normant, Fantin et
compagnie, H. Nicole , 1819; 2 vol. in-S,', de 960 pages. Prix, 15 francs, et
18 francs, port payé, parla poste. 1= II sera rendu compte , dans un prochain
cahier ,de cet ouvrage. L'auteur y a réuni beaucoup de notions importantes et
neuves sur les calendriers de l'aniiquiié, sur les ère$ et les* périodes civiles on
astronomiques , sur leur usage pour expliquer les dates des monumens. On y
peut puiser d'utiles renseignemens sur toute la chronologie ancienne', depuis
Alexandre jusqu'à Auguste'; les faits relatifs à l'Kgypte et aux Piolémres se
liant à presque tous les grands événemens qui" se passoient alors en Europe et
en Asie. Le suffrage de 1 Institut recommande ce travail à tous ceux qui cultivent
les sciences historiques.
Histoire de l'empire de Russie, par M. Karamsin ; traduite par MM. Saiî)t-
Thomas et Jauflfiret, tomes I et U. Paris, impr. de A. Belin, chez Trcuirel et
Wiirtz, 1819 > -^"vol in-S,", xlviij, 41 8 et 427 pages , avec une cane géographique.
Ces deux premiers volumes, dont nous renarons compte dans l'un de nos pro-
chains cahiers, conduisent ITîistoire de la Russie jusqu'à l'an 1 168. Prix, 12 fr.
Poliorcétiijue des anciens , o\x de l'attaque et de la défense des places avant
l'invention de la poudre , par M. Dureau de la Malle, membre de l'Institur.
Paris, impr. de Firmin Didot, 1819, in-S."', 33 feuilles et demie, et un atlas
in-^/ de 7 planches.
Alanutlde la liherté de la presse , ou Analyse des Jiscusions législatives sur les
trois lois relatives à la presse et aux journaux et écrits périodiques; précédé
d'un discours préliminaire, contenant un essai historique sur l'état de la presse
en France avant les lois actuelles. Paris , impr. ei librai. ie de Pillet^ Prix, 3 fr.
Pend IVamèh , ou le livre des Conseils de Ferid-Eddin Aîtar, traduit du
persan , et dédié à S. A. R. M.S' le Duc d'AngouIènie ; par M. le baron Silvestrc
de Sscy; avec des notes et ie texte. Paris, impr mcrie royale, 1819, i/i-A*
Résultat d'un ouvrage intitulé, Delà richesse territoriale du royaume de France ,
57i JOURNAL DES SAVANS,
par M. Lavoisieri suivis cl*un Essai d'arithmétique politique sur les premier!
l>esoiiis de rintérieiir de la France, par M. de fa Grange, ir-^/ Paris, i8l^;
chez M."' H>izard (née Vallat-la Chapelle), rue de .rEperon-Saint-Aiidre-
des-Arts , n.** 7. Prix, i fr. 50 cent.: et , franc de port, 1 fr. 7J cent.
Extrait de rAhf^ê de mcdccine vétérinaire pratiifue public en Italien j en
1813 , par J. B. Voipi ; préccile du compte qui a été rendu de cet ouvrage à
la SocTctc royale et centrale d'agriculture, en novembre 1818^ par Barthélémy.
Paris, impr. et iibraiiie di' M.""' Hu/ard, brochure in-S/' de 90 pages.
Traité de Pharmacie théorique it pratiijue ,^:iT J. J. Virey; nouvelle édition
entièremeni retondue. Paris, chez Rémont; 2 vol. ///-f.' de 71 feuilles. Prix,
I) francs.
Relation des événemens qui ont eu lieu à la faculté de droit de Paris, les 29
JMÎn, I ,^\ 2 et 3 juillet, par la commission des élèves de l'école de droit. Paris,
impr. de Baudouin, chez PIce, in-S, de 5 i pages.
Recherchi's st:r Ls Lrii^i.cs tr.rr.ircs , ou Mémoires sur ditFérens points de la
grammaire tt il».- la littérature des .Mandchous, des Mongols, des OuigouTS et
des 1 ibétains; }\ir M. Abol-Kémusat. Paris, imprimerie royale; deux volumes
f//-4/ de 64 feuilies chaque. — Le premier volume de cet ouvrage est entière-
ment imprimé et \a paraître incessamment : le second \olume, qui contiendra les
planches, sera mis scuis presse immédiatement après, et paroitraau commence-
ment de 1820.
rays
Foui
1819, pag. çci-)C6.
Annales des sciences physiques , par MM. Bory de Saint- Vincent, Drapiez et
Van Mons. Br.ixeiles, impr. de Vi^'eissenbruch. Ce nouveau jouinaty annonce
par un prospectus de 44 pages in-S,*, paroitra à la (în de chaque mon» â dater de
juillet , par cahiers de 8 feuilles et 4 planches. Prix , 50 fr. pour les 12 cahiers de
Tannée, 27 tr. pour six mois, 14 pour un trimestre. On souscrit il Bruxelles chtz
Weissenbrurh ; à Amsterdam, chez Van-Clef; à Paris et à Londres, chez
Masson, Bossange et compagnie.
ANGLETERRE.
Aîuntakhabat-i'hindi, or Solutions in Hindustani , with a verbal translation and
grammatical analysis ofsome part, for the use of students of that language; by
John bhakespear. Vol. 1, 1817; vol. II, 1818, in-S.* Londres.
A TraveÙer's Taies i^c.j Contes d'un voyageur du dernier sikle, par Miss
Espence. Londres, Longman , 1819,3 '^*^'' "»-'2.
A Tour through J iàfy, iTc, ; Voyage en Sicile, fait en 1 8 1 8 , par George Russel.
Londres , Sherwood ,1819, //i- J/, avec cartes et planches. Prix, 1 livre st. 1 sh.
Journey from /Moscou «t^t.; Voyage de AIoscou à Constantinople, dans les
années 1817 et 1818, par William Macmichael. Londres, Murray, 1819,
1/1-4.% avec planches.
Voyage ifship il*. ; Voyaqe du vaisseau de S. A/,, Rosamond, à New-Found*
land , et a la côte méridionale de Labrador, par le lieutenant Edward Chappfe.
Londres, 1819, in-F.^ avec planches.
Voyage cfdiscoviry , iTc,; Voyage de découverte , fait par ordre de Famirautt
• SEPTEMBRE 1819. î7J
dan« les vaisseaux Isabelle et Alexandre , pour rcconnoîire la baie de Baffin, et
s'assurer de la probabilité d*un passage au nord-ouest; par le capitaine John
Ross. Londres, Murray , vol. gr. iw-^/ Ce voyage , traduit en français, vient de
paroître chez Gide fils, in-S.* , de 18 feuillet et demie, plus une carte ei une
planche. Prix, 7 fr.
Modern Voyage ifc; Voyage et Navigation modernes (premier cahier).
Londres, 1 8 19, m-<îr.* Prix, 4 fr. jo cent.
Geoffroy s ( Lislet) Memoir and Notice ofa chart of Madagascar; Mémoire
et notice d'une carte de Madagascar , f^r Geoffroy ; gr. in-^.." , avec une carte.
Londres, Longman. Prix^ 26 fr.
History ofSeydSaid, ifc; Histoire de S^d Said, sultan de Mascat, suivie
d'un aperçu sur les pays et les peuples des bords du golfe Persique, principale-
ment les Wahabis; par le scheyk Mansur. Londres, Booth, gr. in-8,*, avec une
carte. Prix, 15 sh.
Vièw's cf Greece ; Vues de la Grèce; première livraison. Londres, lSi9>gt.
in-foL, y tableaux coloriés et leur texte. Prix, 70 fr.
The provincial A ntiquities (if c, ; Antiquités et Vues pittoresques des provinces de
V Ecosse, avec des notes explicatives; par W. Scott. Londres, première livraison,
/w--f .♦ Prix , 22 fr.
Wentwort's ( W.C, ) Description oj the colony ifc. ; Description de la colonie
de la Nouvelle-Galles dans la terre du Diemen. Londres, Murray, in-S,'^ Prix,
12 sh.
Francis Hamilton's Account of the kingdom of NeapeL Edimburgh, in'4/,
avec 8 gravures.
An History ofthe origin ifc» ; Histoire de l'origine et des progrès de la musique
théorique et pratique, par G» Jones. Londres, Longman, loi 9, in-^,*, planches.
Prix, J5 sh.
An Essay on bathing ifc* y Essai sur les bains chauds , froids et à vapeur ,
suivi d'observations pratiques sur les bains de mer et sur différentes maladies.
Londres, Souter, in-ji.
Transactions ofthe literary Society of Bombay. Londres , 1 8 1 8 , fw--f .*
The Kamoos, oi^he Océan ; an arabic dictionary, Ù'c»; Le Kamous , ou l'Océan,
dictionnaire arabe, par Medjd-eddîn Mohammed, fils de Yakoub, natif de
Firouzabad; publié par le scheïkh Ahmed, fils de Mohammed Ansari Yémoni
Schirwani, attaché au collège du fort William, en deux volumes. Vol. L" en
deux parties. Calcutta > 1817, in-^J
ALLEMAGNE.
Handbuch der syrischen Sprache ilfc. ; Elémens de la grammaire des langues
syriaque, chaldéenne et arabe; par le D. J. S. Vater. Leipsic, Vogel, //2-<$*.%
seconde édition, augmentée d'après la Grammaire arabe de M. Silvestre de Sacy.
Nonni Panopolitani Dionysiacorum libri XLVIII ; suis et aliorumconjecturis
emendavit et iflustravitP.Frider. Graefe,&c. ; vol. I libros i-XXiV compiectens.
Lipsiae, 1819, 7/2-^."
Die Nordischen Gaeste , Ù'c; les Hôtes du Nord , eu le p janvier de l'année
iSi^, poème en douze chants, par George de Gaal.
JOURNAL
DES SAVANS.
OCTOBRE l8lC).
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE
JOURNAL
DES SAVANS.
OCTOBRE 1819.
Travels /n vartous countries of THE East, more parti-
iularly Persia; &c.: hy sir William Ouseley, knight, L. L.
D. &c. vul. I. — Voyants m diverses contrées Ju Levant, et
plus piiriiculièreme/it Je la Perse; ouvrage Jans lequel l'auteur
a décrit , autant que ses propres observations lut en ont fourni le
moyen , l'état de ces contrées dans les années iSio , 1811 et 181:2. ,
et a taché d' éclalrcir divers objets de recherches archéologiques.,
d'histoire , de géographie , de philologie et de littérature m/-
laugée , avec des extraits de plusieurs manuscrits orientaux
rd^es et de grand prix : par sir^'iWiam Ouseiey , chevalier, é^c^;
tome I, Londres, i8ip» xvj et .(55 pages w-^.'
N,
SECOND EXTRAIT.
ous avons laissé l'atubassade anglaise, dont M. Ouseley fàisoit
Dddd 1
fH JOURNAL DES SAVANS,
partie, dans son camp près de Bousthrre. File en pariit pour se rendre
k Scbiraiï, U 37 mars 1811. Au milieu d'une iruupe nombreuse, oit
tes costumes eur^pcfiis étoicnt tonfcnduî avec ceux de l'Inde, de
l'Ara- îe el da In l'er-e, se irouvojent la lemnie et ta filie de l'umbas-
$adeur, sir Gore Olistrley. Elles voyageoient dans un palanquin que Ton ;
S'étoil procuré h Homiiay, d'où l'on avoit aussi amtné dciize roLusic(
Ihd'enspoiirle porter; deux filles de service les su ivoieiu dans un fiî(//jv^*
espèce de l)3l formé de deux sièges peiiis ei încoinniodes, suspeudut
des deux côtés d'un mitlct, et que recouvrent des châssis de canevas,
soutenus par de légers bâtis en bois. Le mot cadjava .jli est arabe.
Chardin, en suivant la prononciation arabe, a écrit ca^avat: son dernier ,
éditeur a eu tort de le corriger, et de substituer à fiig/,iva/ le mot ijachouat 1
•j— ij , qui signitie une coulTe ou petite corbeille de teuil'es de palinierj
dont les femmes se servent pour mettre des essences et du coton; ce qui
n'a assurément aucun rapport avec une liiiére. (Voyage {fu chev. Char-
din, édition de iSn , tome II , p. 2jj,) Thévenol écrit ce mol casckava.
( Voy. du Levant, tom. III, p. 321.) M. Ouseley a donnéla figure du
(ûdjava et celle d'une litière portée par deux mules, et nommée en
persan takht-rïvan ^'^j o-^^', c'est-à-dire, trône ou sit'ge ambulant,
dont M,"' Ouseley a fait usage dans la suite de son voyage.
On sait que les ambassadeurs étrangers sont, considérés en Perse
comme les hôtes du roi, et entretenus aux frais du gouvernement. Les
villages qui se trouvent sur leur passage ou dans le voisinage de leur
rou:e , doivent fournir, sur un ordre du mikmandûr chargé de ia con-
duite des ambassadeurs, des rations de toute nature. Ces fournitures
sont appelées , comme nous l'apprenons de AL Oustfey , sïoursSt
(jjLjjA— Le syndic du vll'age fait sur les ha!iiians la reparution des
fournitures demandées ; il tire ensuite du mihmjndar un reçu de la
somme k laquelle monleni les fournitures, et dont il doit lui élre tenu
compte sur le montant des contributions du vilJage, La p.iuvrelé des
paysans est lellt-',que souvent on n'obtient d'eux qu'à force de coups
.la portion pour laquelle ils doivent contribuer aux sioursêi ; on a vu, <i
•l'approche d'un mihmandar, des villages entiers abandonnés des haiiimn&,
qui se reiîroient plus loin avec leurs troupeaux. Souvent aussi le m'ih-
mandar, abusant de son droit, fait des demandes exorbitantes; puis il
vend aux paysans une modération sur le montant de se» pt^mières
demandes, et trouve di^érens prétextes pour fournir l'ambassadeur avec
une excessive parcimonie. D'après ces détails, on ne doit pas être sur-
pris que les ambassadeurs envoyés par le roi de Perse aux souverains
OCTOBRE 1819. j«i
de TEurope s*attendenr à être défrayés de tout par les cours auprès
desquelles ils sont accrédités.
M. Ouseley, en décrivant les lieux par lesquels a passé Tambassade,
joint toujours à son récit » autant qu'il iui est possible» une courte notice
sur leur situation, leur antiquité » et ce qu'ils peuvent ofTHr de remarquable.
Il a soin aussi de donner les noms de ijeux en caractères persans, ce
dont les orientalistes doivent lui savoir beaucoup de gré; enfin il rap-
porte les textes de divers écrivains persans qui peuvent jeter du jour
sur rhistoire et la topographie des villes ou i^ourgs de quelque impor*
tance. Ne pouvant le suivre dans ces détails, je ne m arrêterai que smt
un petit nombre de lieux.
Cazéroun » que l'ambassade atteignit le 2 avril 1 8 1 1 » a Tapparence
d'une grande ville, mais renferme beaucoup de ruines dans son eiiceinte :
sa population, réduite aujourd'hui à quatre ou cinq mille habitans, s'é-
levoit autrefois à cinquante ou soixante mille. Au reste , ceite dépopu-
lation, suite des révolutions et des guerres intestines, est communeà
toutes les grandes villes de la Perse. D'après divers ren-seignemtns j)ris sur
les lieux, M. Ouseley croit qu'il existe, aux environs deOnzéroun, des
restes d'un pyrée et d'autres anciens édifices. Cette ville a été construite,
ou plutôt, selon notre voyageur, restaurée par Cobad, roi sassanide.
Elle fut repeuplée, dit-on, aux dépens de la ville de Schapour, ville
cependant beaucoup mieux située, et qui ofFroii en abondance toutes
les commodités de la vie. Quelques écrivains attribuent sa restauration
à Sapor, fils d'Ardeschir, et second roi de la dynastie des Sassanîdes,
L'ancienne Schapour, qui doit sa fondation et son nom , suivant toute
apparence, au roi que nous venons de nommer, n'est éloignée de
Cazéroun que de quatre parasanges : elle est quelquefois appelée Bc'-
schapour jy^KjLi^ ou, par corruption, Beschavour jj^y et l'auteur du
No^hat alkoloub dit que c'est une contraction de son nom primitif
Benai Schapour, c'est-à-dire, vilfe construite par Sapor. Je croirois plu-
tôt que c'est une contraction de Beît Schapour, contraction qui a lieu
dans les dénominations syriaques de plusieurs villes de la Mésopotamie
et de la Chaldée, comme Bct-Abe, Ba-Hale, Ba-Garma, pour Beih^
Ab€,Beth'Hale, Beth-Garma. (Voye^^ Assemani, Biblioth, Or. Clément.
Vatic. tom, III. ) Les monumens de cette ville, dont Kacmpfèr avoit
annoncé Texisience, sont maintenant connus, du moins en partie, par
les deux relations de M. Morier, M. Ouseley les a vus aussi: mars fe
temps lui a manqué pour les copier et pour les décrire] et ce qu*}f en
dit est plus propre à exciter fa curiosité qu'à la satisfaire. Les fragmeos
de colonnes et de chapiteaux qu'il y a observés^ lui ont psUti être roà«
vrage d'artistes grecs ou roinaiiis. Des ruines à quelque dislance de la
ville, et qu'il ne put observer que de loin , excitèrent en lui un regret
d'autant plus vif de n'avoir pu en prendre une connoissance plus exacte,
qu'il conjectura que ce pouvoienl être les ruines d'un pyiée. Cette con-
jecture est d'autant |)Ius plausible, que noire voyjigeur apprit dans l:i
suite qu'une autre ruine, dont il avoir pris à la hâte une e«qui«te gros-
stère, écoit connue des hnlittans des environs sous le nom à'Sfrsfk
ghétffh la/'ijiit . temple du feu. On y voit u::e figure de pierre très-
grossîèrement sculptée, dans laquelle une personne de l'ambassade cnil
reconnoiire une télé de taureau. Cette circonstance est remarquable,
parce que, suivant une géograpiiie }'er>ane, fréqneiTtineni cïtce p»r
M. Ouseley, il y avoit dans ce mécne litu. au X.* siècle, un pyrée
nommé Ganusar j— jLi, c'est-à-dire, à tète de taureau.
Nous avons observé, en rendant compte du second Voyage (t^l
M, Morîer, que , suivant ce voyageur, quelques-unes des sculptures c(s I
Schapour représenienl le triomphe de Sapor sur l'empereur Valérien,-!
M. Ouseley partage cette opinion, et il fait voir que la prise de Valérioi I
et sa honteuse captivité n'ont |)oint été ignorées des historiens orientau*.
Les nionuinens sculptés de Scbapour et de ses envirojis occupent de J
vastes emplacemens , et offrent une très-grande quaniité de figures.
Plusieurs de ces tableaux, si je puis me servir de cette expression»
forment des parallélogrannnes de quarante pieds de long sur vingt pieds j
de haut. Le nombre de ces fnonumens , leur grandeur , la multitude d« ^
figures, font tomber les crayons de la main du voyageur, qui peut ft \
peine consacrer quelques heures à une igspection superficielle de tant da
choses curieuses; eipeut élre plus d'un Européen les visiiera-t-il encore,
comme M. Ouseley, avant qu'il s'en trouve un qui ait le courage ou le
temps de faire pour ces antiquités ce que Corneille le liruyn et Niebuhr j
ont fait pour celles de Tchthil-minar.
Une statue colossale de Saporful cherchée en vain dans les envirotit 1
par M. Ouseley, qui en connoissoîl l'existence par la mention qu'en ]
ont faite divers écrivains persans. Quelques semaines plus tard, elle fut j
découverte par une personne de j'ambasstide, le major Sione, comme |
je l'ai dit en rendant compte du Voyage de M. Morier. M. Ouseley I^ |
iait graver.
Notre voyageur ne pense pas qu'aucun des monumens qui ornent Iss ]
rufnes de Schapour, remonte à une époque plus recuite que celle du J
prince sassanide dont cette ville porte le nom ; touiefois, à l'on en croit I
le* historiens orif-niaux, Scliaix>ura pris la place d'une ville beaucoup I
OCTOBRE 1819. 5«3
pfus ancienne, nommée Dindila ou Dindiladar, et dont Torigine appai^
Hent au règne de Tahmouras, surnommé /^/v^f;?// [ vainqueur des Dives
ou mauvais génies] 9 c'est-à-dire» aux temps mythologiques de Tanderi
empire des Perses. On attribue à Alexandre la destruction de Diniiladar.
A l'occasion d'un campement des llïât ou tribus nomades » auprès
duquel Fambassade campa dans la plaine nommée Descht-i Arjen
(:j^jt 0^3, M. OuseFey entre dans quelques détails sur ces tribus. l{
observe d'abord que ce nom, que Ton écrit et prononce quelquefois
o^t ilât, mais plus ordinairement oULt iliât, vient de JjI il, tribu. Il
conjecture que ces races de nomades sont ce que , du temps d'Ebn*
Haulialy au x.^ siècle, on appeloit d:ievi >3, ou plutôt, comme on lie
dans rédition de ce géographe, donnée par M. Ouseley lui-même, ;[fM
^j. Ebn-Hauknl explique ce mot par l'arabe kabilch *La5 , tribu. C'est
apparemment par inadvertance que notre voyageur rapproche le mot
^m Mj du mot arabe ymmij ou plutôt d^immi ^3, qui signifie un in-
fidèle qui vit sous l'empire et la protection des Musulmans , moyennant
qu'il paie une capitation. D:(immî vient de *^3, protection, patronage,
et n'a rien de commun avec le mot persan ou curde ^cm, que Ton écrit
et prononce aussi , à ce que je crois, djem oxxjem ir. Je transcrirai ici ce
que M. Ouseley dît des lliât.
ce Parmi les tribus nommées Hiât, plusieurs sont très- considérables;
» et depuis la destruction de Reï et la décadence d'Ispahan, de SchiraS
39 et de toutes les autres grandes cités de Tempire, elles forment la
a» principale source de la population et la meilleure pépinière de soldats*
» Quelques-uns de leurs chefs sont si puissans, que fe roi les attache
3> à sa cour par des emplois honorables et lucratifs , ou les retient auprès
9 de lui comme des otages qui lui répondent de la fidélité et de la bonne
» conduite de leurs tribus respectives.
» Que ces peuples soient originairement Turcomans, Curdes ou
» Arabes, leur histoire foumiroit toujours un sujet intéressant de
» recherches : nous les trouvons aujourd'hui ce qu'ils étoîent il y a huit
73 cents an», séparés des Persans habitans des villes, et sans aucun
a> mélange avec eux; conservant leurs habitudes pastorales ^t nomades,
» et usant entre eux d'un langage différent de celui de la contrée, que
» toutefois la plupart d'entre eux entendent et parlent, lis semblent être
» une race d'hommes indépendans , braves et hospitaliers : du moins
» m'ont-ils souvent rafraîchi avec un laît délicieux; ils paroîssoient Yoffïlt
^> d'aussi bon cœur que j'avois de plaisir à l'accepter, durant l'excessive
as chaleur d^ joun d*été. Souvent des groupes de deux ou trois familles
iU
JOURNAL DES SAVANS.
M qui, sur le bord du chemin » prenoient ou prépsroimt leur repai , où
» IJien faisoieni route , les femmes porunt un enftnt, tandis que deux
» ou trois autres, entassés dans des paniers, itoîenf voitures sur un ine
nqu^Ie tniri chùsoît devant lui, m'ont rappelé nps.Iialiéfhiens, spr--
» tout quynd les femmes, comme ceh arrivoit quelquefoia, inontroîmt
M & découvert leur visage buané avec une hardiesse quiscnliloit tenir
M de l'impudence. Malgré cela, il ne faut pas supposer que c'est des
^ mât de la Perse qu'a entendu parier un écrivain de ce pays , quand il ,
3» a accusé les maris de faire un trafic honteux de leurs femmes : une
«telle imputation seroit sans fondement; aussi tomboit-clle sur une
30 race abjecte, toute différente, et ipii existe encore aujourJhui lous
n diverses dénominations, comme au temps de récrivaïn dont Reparle.
3>Cet écrivain se nommoic originairement VruckBte; mais, étant vertu
M en Europe , il y a plus de deux cents ans , avec uii ambassadeur persan,
w il renonça aux absurdités du mahométisme, embrassa en Espagne la
M religion chrétienne , et reçut au baptême le nom et le titre de Don
M Jaan de Pnsia, D'après un |>etil vocabulaire que j'ai dressé, et que
» je me propose de donner dans un autre chapitre die cet ouvrage, on
** pourra se former une idée du dialecte usité chez une tribu du nord,
nqui, sous divers points de vue relatifs au caractère ou aux formes
y extérieures , a plus de rapports que les autres avec noi bohémiens.
» Déjà d'autres voyageurs ont observé des traits de conformité entre cette
M race et les tribus nomades de TAsie. » M. Outeley cite en note le
passage auquel i[ fait allusion) et qui se trouve dans un ouvrage espagnol
fort rare, imprimé à Valladofid en 1604., et intitulé Relac'mnts de D<m
Juan dt PtTsia. L'auteur de la IJibliothèque des voyages paroît avoir cru
que cet écrivain éloit espagnol.
M. Ouseley , ayant eu occasion, pendant son voyage de Bouschire \
OCTOBRE 1819. î8î
rendu ^certains arbres qu'on appeWe JimA/il^i fa^c/ J^ià o^j^i t'e&rà-
dire, arbre excelleni.et auxquels on suspend, à litre de voeu ou d'ofirand^r
des lambeaux d'étoffe de toute espèce et de toute couleur. M. Ouseley
s'est assuré que cette opinion de sainteté, celle sorte de consécration,
ne lenoît nullement à l'espèce de ces arbres, k leur âge, à leur laille ou
à leur beauté, mais n'est due fort souvent qu'aune circonstance purement
accit'entelle, ou même tout-à-fait triviale. Ce genre de superstition, dont
on trouve des traces dans tous les pays, chez tous les peuples, er ï
toutes les époques de l'histoire, a été l'objet des recherches particulières
de M. Ouseley, Pour ne pas interrompre sa narration, il a renvoyé le
résuliat de ces recherchesà Vappendix , où il se trouve sous le n." y : on
le lira certainement avec beaucoup d'intérêt, quoique les faits recueillis
par le savant voyageur n'aient pas tous un rapport bien direct avec les
arl/rrs cxcdlens àeiVensni. Chardin a parlé, en plusieurs endroits de
son Voyage , de cette superstition , et il a cru qu'elle avoit toujours pour
objet des arbres remarquables par leur grosseur ou leur vieillesse:
Al. Ouseley prouve que ces deux conditions ne sont point nécessaires
pour élever un arbre au rang de dirakht-i fa^el ; W pense que ce titre
pourroit bien signifier arhe du génie, ou, habité par un gfnie. H rapporte
quelques anecdotes à ce sujet, et toute cette excursion peut être consi-
dérée comme une dissertation aussi instructive que curieuse.
L'ambassadeur anglais, avant d'entrer à Schimï, reçxit les visites et
• les complimens des personnages les plus distingués de la ville, qui
étoient venus au-devant de lui i)our se joindre à son cortège. A peu de
distance des murs de Schiraz, l'ambassade passa sur un terrain uni, qui
servoit encore, il n'y a pas très - long- tem ps , aux exercices du jeu
nommé uhoiigan (jii^ , ou paume à cheval. Ceci est l'objet d'une
nouvelle excursion, que M. Ouseley a aussi réservée pour \'appendix,
où il l'a placée sous le n." 6. Ce jeu, dont plusieurs voyageurs ont donné
la description , et auquel les écrivains et les poètes persans font sans^
cesse allusion, étoil autrefois l'amusement le plus ordinaire des princes,
et des grands. M, Ouseley , profitant des recherches de Du Cange , qui.
avoit remarqué le rapport frappant da niot français chicane [jeu de
paume à cheval] avec le grec barbare rfvtiwiî'di' el ■f^n'ia.ytfieto* , re-
connoît l'origine, tant du mot français que des mots grecs, dans [e.
persan tchoiigan, qui signifie proprement l'instrument ou bâton recourbé,
avec lequel on jette la balle. M. Ouseley a fàjt graver plusieurs dcrtes
instruniens de diverses formes, tirés de peintures qui ornent d'anciens
manuscrits : il a aussi fait graver, d'après un manuscrit des poésies do
Hatiz, la représentation de deux cavaliers qui jouent au jeu de la paume
Eeee
)8(î JOURNAL DES SAVANS.
à cheval ; enfin il a cité plusieurs écrivains persans qui comptent
nombre des talens de divers princes leur adresse k manier le tcingam.
Je me suis arrêté un peu sur ce sujet » pour avoir occasion de ém que
M. Etienne Quatremère, dans un mémoire lu à l'académie royale &s
inscriptions et belles-lettres» plus d un an avant la pubficadon du Vojfige
de M. Ouseley , avoit fiiit les mêmes rapprochemens et en avoit tiré les
mêmes résultats. II se propose de publier ce mémoire dans les Mines de
rOrienr.
Outre les deux morceaux sur le culte rendu il certains arbres et le \&ê
de la paume à cheval , dont î ai déjà parlé » Vappendix de ce premier
volume contient encore douze articles» les uns très-courts, les autres
plus ou moins longs, mais presque toujours intéressans» particalière-
ment pour les orientalistes. Je m'arrêterai seulement sur quelques-uns de
ces articles » qui peuvent donner lieu à de légères observations critiques.
Sous le n/ 2 y M. Ouseley donne une courte notice d'un ouvrage
persan intitulé .Idntlaa alsadéïn oumadjmaa albakrein ^^<>a«Jî ^^
i^j^JF ^y M. Langlès a publié» dans le tome II de sa Collection
portative de voyages , un fragment de cet ouvrage» sous le titre de V^yagt
de la Perse dans VInde pendant les années S^j, S^f» ^47 '' ^' ^'
Vhvgire jpar Abdoulrijaq. . • ., ex trait et traduit du ÀlatUaûSetadiln (fu
D'jtmaa Bahharein. Ceci a fait croire à M. Ouseley que le titre du
manuscrit de la Bibliothècjue du Roi i?/ 1 06, persan ^ diffëroit un peu de
celui que l'ouvrage porte dans le manuscrit qu'il possède : mais cette
conjecture est sans fondement, et le manuscrit du Roi porte très-
lisiblement, comme celui de M. Ouseley» oumadjmaa r tfji et non pas
ùudjemaa. D'Herbelot nomme l'auteur Abdalra^i^ah, et il n*est pes
douteux que ce ne soit ainsi que ce nom doit être prononcé. II suffiti
pour s'en convaincre, de faire attention que la seconde partie de ce nom
composé doit nécessairement être un des noms- de Dieu, puisque lai
première partie est le mot abd, qui veut dire serviteur. Alraij^ak, on, plot*
eupiioniquement , anajjak ^jlj-^l, signifie eelui qui accerie h setksU»
tance. C'est donc une faute d'écrire Abd-arri^ak ou Abdou'lri^q,
M. Ouseley observe que» dans son manuscrit, l'auteur se nomme
amplement Abd-arri^ak ben Ishak^ tandis que, suivant d'Herbelot et le
manuscrit consulté par M, Langlès, il s'appeloit bert Djéial-tddim
Ishak. Je puis assurer que dans le manuscrit il est nommé AU^éeme^ioA
ben-lskak ; mais Hadji Khalfale nomme Kimal-eddln Abi-ana^k. fils
de Djélal-eddin Ishak. Ces sortes d'observations semblent être de peu
d'importance , et cependant on ne sauroit trop les multiplieri puce qM
OCTOBRE 1819. J87
les erreurs sur cette maiière coniribuent beaucoup i obscurcir l'histoire
littéraire des Orientaux , déJLi si enibroiiillée par la multitude des notiii
et des surnoms que porte chaque individu , et par le grand nombre des
personnages k qui un même nom est commun. M. Ouseley olïserwe
enfin que ion apprend de d'Herbelot que M. Galland avoit entrepris
Une iraduciron de cet ouvrage persan. M. Langlès avoit &it ia même
observation , en publiant , en 1 S 1 S , un autre fragment de ce inéine livre
historique, sous le titre de Ambassaiks ridproquts d'un ro'i tics InJa ,
de la Perse , ù'c. , et d'un empereur de la Chine , traduhes du persan &t.
Dans sa préface, il disoit , en parlant de cette même histoire : « Elle est
" si estimée dans l'Orient, que M. Galland entreprit d'en donner une
»> traduction , qui est perdue. » Et après avoir rapporté dans une note les
propres paroles de M. Galland, qui assurott « que la traduction française
1» de cette histoire étoit en état de pouvoir être impriinée »> (Bons mou
des Orientaux, pag, 208, édition d Hollande ) , il ajoutoit : «D'après le
>• témoignage d'un savant tel que M. Galland, me blâmera-t-on de
» regretter la perte àa sa traduction ! J'aî été tenté d'en commencer une
*> autre ; . . . mais j'ai été retenu par l'espoir de voir paroître tôt ou tard
» la version de M. Galland. » On peut assurer aujourd'hui que la
traduction de M. Galland n'est point perdue : elle existe parmi les
manuscrits de la Bibliothèque du Roi , sous le n.° 10J18, et il y^ en a
deux copies. Dans l'une des deux, cependant, le morceau publié par
M. Langlès manque aujourd'hui , les cahiers où elle se trouvoit en ayant
été détachés. Au reste, la traduction de M. Galland n'est pas exempte de
contre-sens , et il seroit peu à souhaiter qu'on la publiât sans l'avpir revue
et corrigée avec soin.
Puisque j'ai eu occasion de parler de rintéressanle relation d'Abd-
arrazzak , et de la traduction ou plutôt de Fextrail que l'on nous en a
donné en français, je corrigerai ici une méprise du Iraducte&r, parce
qu'elle pourroit induire en erreur les personnes qui ne seroient pas à
même de consulter le texte. On sait que le souverain de Calécut, lorsque
les Portugais abordèrent dans l'Inde , et long-temps encore après, étoit
connu sous le titre de Samorin : ce n'est donc pas sans quelque éton-
nement qu'on lit dans la traduction du Voyage d'Abd-arrazzak, p. xxxix:
« On le nomme ( le roi de Kalikut ) ra-samory , c'est-à-dire, padichak
» [ roi ], M Le traducteur observe dans une note que c'est de ce mot que
nous avons fait Samorin. Le texte porte: tjjoji^ixj-*'— 'j IjcI eUjLj,
«on nomme le roi de ce \itu-\)iSamori ». Le monosyllabe ra, qui précède
le mot Samori, n'est que la particule qui, en persan, où les noms n'ont
Eeee 1 l
ï88 JOURNAL DES SAVANS,
point de cai, remplace les cas obliques. Galland n'a pas fut cette iâute
dans sa traduction manuscrite.
Je l«rai encore , relativement k cette rdation , une cAserration tmpo j<-
tante pour la géographie. Abd-arrazzak , ftisant l'énuméradon des pqrsqtti
commerçoient par mer arec Horinuz, dit, suivant la traduction, «qù'oh
» j vient du Bengale, de Ceyian, des villes de Zirbad» de Tanaiséry'i
»... de-Sokothorah, de Clièhemou, des lies de DivMi, de difiireiu
«afttoiude rAbyssînie , du payx desZinges [leZangiiebar]> des ports
» deSetchangor, deKelber, de Gudjérah [ le Guzanle], deCambûafri
» tiéki rivages de fArabie fusqii'b Aden et Djiddab. n ht texte porté:
.j-tjî.j to-*" ^l^MJ •*-*J«*j 0:^j *JIXj^j os* -ïjO*- 'j' ^^ f ■^J'J
jfiX^ 'L*j*yj jUûji, **-*, jL+ftU jLi U Jrf .jrfj j^U*j yj«*j
ojjl oJb yl/ . « Les habitans des contrées maritimes ( je lis jLj'^J J f -ïj* )
.«apportent dans ce pays tome sorte de choses rares et précieuses»
»des contins de la, Chine, du Bengale, de.CeyIan;. des villes de Zir-
» bad, -Tenasseiy, Socotora, Schéhernov; des îles Maldives; ainsi que
». des contrées du Malabar, de l'Abyssinie, du Zan^ebar, des ports.
» de Bidjanagar [Bisnagor], Kalbergah, Guzérat, ÇamboJLe; des eûtes
,3> de j|a péninsule des Arabes, jusqu'il Aden, Djidda et Yanboa. i> Le
itràducteur a cru que D'mh indiquoit Diu, et il n'a tenu, aucun compte
^e$ mois jU>J^ jLriJ b Jj.Pour moi, je restitue ici, d'après |e manus-
a^t ( la inention des contrées du Malabar; je vois dans Diyik-mahal,
'lés Maldives; je substitue, toujours sur l'autorité du textes Kalbtrgah,
yille dont l'auteur parle encore plus Ioi;i (p. xVix tt note 44. it (4 fra-
.Juct'ton), ^ Kelbtr, et Bisnagpr, vifle bien connue, kSetcAangpr; enfin
OCTOBRE 1819. j8(>
îl Tavoit déjà fait en plusieurs endroits de son Voyage, Un travail par*
tkrulîer sur cette mer, travail auquel il se propose de donner le titre de
Périple du golfe Persique. Par ce motif, nous nous dispenserons de rien
dire sur cette carte; nous observerons seulement qu*il s'y trouve un lieu
dont M. Ousefey écrk Je nomÀnJan (^fjJx, mais en hésitant, à cause
•de Tabsence des points diacritiques. Nous ne craignons point d'affirmer
qu*îF faut lire AÙaè c->tô^> lieu bien connu dans îa haute Egypte.
Lé rï.^ y contient quelques recherches sur l'histoire du café et du
tabac ^ je n*en parle ici que pour rappeler à M. Ouseley l'otivrage rfAbd-
alkader sur le oafi§,'dorit j'ai donné un long fragment daiis ma Chres-
tomaihie arabe,* et que notre voyageur, semble n'avoir pas' connu.
• M. Ouseley nous apprend que les Persans, grands amateurs du café
' et du tabac , disent en proverbe que « le café sans tabac est Coniirie
' »utk mets sans seL>i Bruce, dont la critique mérité peu de confiance,
■•• pk'étehdu que le^cafë tîroit îsort nom d'une province de l'Abysrfnie,
'*1Êppeléé Caffa. Cette opinion- ièst d'autant plus ridicule, que ce n'est nî
fa plante ni la baie qui porté ce nom^ et que les Arabes l'ont tlonné^à
•fa boisson préparée aveci cette fève, à cause qu'elle produit quelques-uns
des eflfeis^ attribués au vin, nommé aussi, en leur langue, kahwkïj^.
Il «^ bien extraordinaire' que le inotivel éditeur de Chardin 'âft dît
(tcm. Il, p, 280 ) «que le mol qanii h ne paroît pas tirer son origine
»de I» langue arabe, " puisqu'il ji'appartieiit k auctinè racine de cette
» langue. » Le contraire est un fait certain. Une 'opinion; bien étrange
• èsr Cdlé îd'ton voyàgfeUr anglais qui a conjecturé que le café pourrpit
bien être» fa sWcd iloii^ (îesLacédémonîens. '■ H •
' SôU& le n.** 1 1 ,M. Ousèiey ttaite^des aneièhs alphabets, dont un
tMcti^HS attribué à Ebn-Vahschîyyèh; a été pilKIîéà Londres en 1 800 ,
'*^gé. Je ciK>is avofrSùffisammentdélnbritré,' en en reiodanticbmpte dàrfs
^U Magasin encyclopédique, qu'il étôit Hial-à-prbpos attribué à Ebii-
Wahschiyyèh ; que des recueils du-m'êine genre sont très-comrçùris
'dfltis le Levant., et qu'ils ne- méricêni pas la moindrb confiaricè^ Je
n'ai iJats^ coniiOtssaîice qu'on; ait répondu' à -mes observaffonhs; 'et^;*ii'j*ôse
m'ei^rimer ainsi-, réhabilité daiis lapinJon dès^savahs W prétendii'ÎEbri-
■ Wahschîyyèh. • *' ■ " •--.......' ...... ... '.'->»:!: t
. ir'i?agît,dârîs lé n.^' 12-, rfes Sabéens '^crii Chfénens d^ *S^^^^
La ^«U[e<*hosé «que je remaH^eÂi, c'est que* Mf.Oiîîrféy' dité'itett^
* ùâkà6ct\ti Mémoires; écrit$* ifi ^bàii,' dnsKV'iMahblriétaii'mixhrné
OCTOBRE 1819. î9'
l'attennondei anliquaîre* etdes orîemalisles. !f assure, d'après le second
mémoire de M. J. Rich sur le» ruines de Babyfone, méinoiie qui n'est
paseiicore parvenu à rua connoîssance, que dans des fouilles faiies, il
n'y a pas loiig-teinps, dans la plaine de Maraihon, il a été trouvé un
cylindre baby Ionien, qui est mainienant en la possession de M. Fauvel, à
Athènes. Puisque ce genre de inonumens fixe aujourd'hui l'altention de
beaucoup d'antiquaires, on peut espérer que le sujet de prix proposé
tout récemineni par l'académie royale des inscriptions et bel les -lettres , ■
et qui a pour objet la comparaison des doctrines et des monuriiens de
l'ancienne l'erse, produira quelques ouvrages importons sur cette classe
d'antiquités, et peut-être de nouvelles conquêtes pour bi science atcbéo-
Jogique. Le Voyage de M. Ouseley sera consulté avec fruit par tous
ceux qui voudront traiter ce sujet.
Je dois, avant de finir, dire un mot de l'atlas joint & ce premier
volume. Les planches qu'il contient, au numbre de vingt-trois, ne soni
pas toutes d'un égal intérêt : aucune cependant n'est sans utilité; mais
on voudroit qu'il y eût plus d'ensemble et d'uniforriiité dans ce recueil,
et c'est peut-être la première fois que des planches de toute dimension
sont réunies, de la manière la plus bizarre, dans un allas d'un très-
grand format. Celte disposition n'est ni agréable aux yeux , ni commodei
pour le lecteur. La plupart de ces planches auroient été mieux placées'
dans le volume , à côté du texte ; et un petit nombre seulement auroienr ;
dû être réunies sous forme d'atlas : encore eût-il été facile de les réduire
toutes , à l'exception de la carte , au format in-4..'
L'extrait que nous avons donné du premier volume du Voyage de
M. Ouseley, en fera sans doute désirer vivement la suite. Nous avons
lieu de croire qu'elle ne se fera pas long-temps attendre,
SILVESTRE DE SACY.
Choix des Poésies onrctifAiES des Troubadours, par
M. Kaynouard , membre de l'Institut. Paris, Firmin Didot,
j8i6, 1817, i8j8, 3 vol. hi-S.' Tom. I, 31, 105 et
35' P^g- ïo""' II I cIaîv et 31(j pag- , avec 4 planches;
lom. JlF, 475 pag.
Nous avons déjà rendu compte ( 1 ) du tome I." de cette iinporlantt
(i) Journal de: Skvans, novembre 1S16, p.ig. t^S-i;,:; iiiillei 1817, pag.
400-405.
JSjî JOUR^^ ptS SAVANS,
collecjipni'.. î|, Ç9nli«nt,des preuy«$,.jiji;itD;iqiies'de rançieimeté de la .
langue foçnanét 4?^. recherches sur Tongine et la. fbmution de cette
I^gjlÇj avec les c-léinens de sa giariimaire avant J'ati looo; enfin une ,
gninniaire raîsonnée de la langue des troubadours. II réunit ainïi
igp4^ les noiions historiques et gramniaticaîes qui doivent servir*
fI3btfoâuction à la lecture des poésies recueillies dans les volumes suivans.
Qejtie pourroit désirer de plus qu'un dictionnaire des mots qui sont
pf9ff)8K à la langue de ces anciens poêles, ou qu'il est difficile de.
nOPlinpitre aujourd'hui dans la nôtre; et M. Rayiiouard se propose,
endUlèt, de lemuner sa collection par un glossaire particulièrement
- i..ije ^pntisp^ d)i tonie.II.ii^oncéqu'UçonâèDtjdres msieriÉatîoiissur.,
les troubadours (
idela
irs et sur les cours d'ànyiiiiç, ,'&c« ; IçJT'nipnuiTiéns de
IVgHe ^ron^njf j^jj^m"^ «s- poètes , _e,t dç^ ïccljerchéfi sur Tes'dîyérs 'çenrés '
dfi^«urs.p,ij,Y;ç;^gç^^i»^ t^jficu^il çhoisiiile J^i.poéjîes nê'civhmence
l^Ilemçntqv'avfiC U {oinjBjjU^À,rôais Jescç9.ndûi pr.^sente d^j^ I^^
<(exti:ùt,^Sséspar.geiire$,,etpr^cëdéVtynt de considjraâohs .générales
siirleu^jqdfieset^ujr leufs noceurs, que de moiiuhiensjplus anciens de
la langue dans laquelle ils ont écrit. Ce sont là de nouveaux prélî-
lainaires, (nais où déjà un irès-grand nodifjre de pièces en prose et sur-
tput en vers sont placées sous les yeux des lec leurs, et enlreipêlées aux;
n^herches.çl.au^C observations qyî.Ies é<;Iaj,rcissent. ' , , ,
., X-H dissertation intitulée D^s 'J'rou ta Jours, détermine le caractère de
leur litléraiure. Ce n'est point celle des Grecs et des Romains, quoi-
qu'ils paroissent.,en avoir connu quelques chefs-d'ocùvie; c'est une
liltératureoriginaie, qui «neuiprunte rien, dit M. Raynouard, aux leçons.
» ei aux exemples des anciens, mais qui a ses moyens indépendaijs et,
» distincts, ses foriues natives, ses coideiirs étrangères et Ibcàfés, son
OCTOBRE 1819. if$
éfotrqnes sur-tout, quand elfes sont dépouillées du prestige d'une
versification quelconque , laissent trop aisément apercevoir ce qu'il y a de
faux ou de trivial, de quintessencié ou d'insipide, dans fes idées, et dans
l'expression des senumens. Nous n'examinerons point avec quel succès
les poésies galantes des troubadours résistent à cette épreuve , ni de quel
coté resceroit 1 avantage, si on les comparoit aux productions antiques
de la même classe. Nous citerons, dans un autre genre, une pièce de
Garins le Brun, qui pourroit être intitulée : liaison et Folie.
« Raison me dit avec grâce et douceur que je mette de la sagesse
» dans ma conduite: Folie s'y oppose, assurant que, si je me fie trop à
» sa rivafe, je n'obtiendrai jamais aucun avantage. Raison m'a donné de%
«leçons teifes, qu'en les suivant, je puis me garder de dommage,
» d'erreur, de la passion du jeu, et de beaucoup de soucis : Folie m'ôte
» la réflexion, et me dit que, par trop de rudesse çnvers moi-même, je
*> ne dois pas captiver mes volontés; que, si je profite des occasions,
» je ne suis pas coupable. . . Raison me dh : Ne sois point avare, ne te
» tourmente point à amasser de grandes richesses ; ne prodigue pas en
^ dons indiscrets celles que tu possèdes. En effet , si je donnois tout ce
M qu'il me plàiroit, à quoi me serviroient enfin mes largesses! Folie
« vient à côté de moî, et me dît, en me tirant par le nez : Ami , peut-être
» demain tu mourras; et quand tu seras étendu dans le tombeau, de
» quoi te serviront tes richesses l Raison me dit tout bas et avec douceur
>»que je jouisse lentement et modérément; et Folie me dit: A quoi
«bon! Hâte-toi, jouis autant que tu le pourras; le terme fatal
» approche. »
Le mouvement de cette pièce, n'est pas sans eflêt ni sans grâce : peut-
être y voudroit-on, comme dans toutes les autres, plus d'originalité dan&
les détails , plus de profondeur dans les sentimens : le fonds n'en est pas
très- riche; mais elle peut donner une idée avantageuse de la naïveté
douce et quelquefois piquante qui règne dans les poésies romanes.
La dissertation de M. Raynouard sur les cours d'amour tend à prouver
qu'elles ont exercé une grande puissance d'opinion , au midi et nu nord
de la France, depuis le milieu du Xll.' siècle jusqu'après le xiv,* Millot
n'attachoit point à ces institutions une si haute importance; il n'avoii
presque rien trouvé qui les concernât dans les extraits de Sainie-Palaye.
Les . recherches sur les cours d'amour; publiées en 1787 par le
président Roland , n'aboutissent qu'à des résultats fort vagues. M. le
baron d'Arétin en a cherché de plus précis dans un ouvrage de Maîtrq
André-, chapelain de la cour de France vers i 170 ; et c'est principale**
ment sur.ce.inêroe quvrage qu'est fondé le système de ia dissertation d«
Ffff
îy4 JOURNAL DES SAVANS,
M. Rnynouard. Un fait indubiiable, et dont fes preuves subsistent dan»
le livre d'André le chapelain et dans plusieurs aulres rtionmnens, c'est
qu'il étoit d'usage de traiter et de décider des questions d'amour dans fei
cercles ou assemblées de dames: cV-loit l'un des passe-temps qur
occupoieni l'oisiveté des châteaux ; on y écoutoit les tensoiis ou contro-
verses des t/oiibadours , et les dames prononçoient des décisions
suprêmes , soit d'après les impressions qu'elles venoîent de recevoir , soit
Conformément à des maximes générales consignées dans de prétendus
codes amoureux, André , après avoir exposé l'origine romanesque de l'un
de ces codes, transcrit les trente et Un articles qui le composoient î
c'est un mélange informe de règles proprement dites et de simples obser-
vations de faits, telles que (art. i j ) Omn'is consatvit amans m coamantlt
aspectu paiiescere ; [ art. a ] ) Minus dormit tl ttUt qutm amoris cogiiatîê
vexât, ifc. Pour l'ordinaire,' les dames ne décidoient que des question»
abstraites ou de pure théorie: mais il y a des exemples de jugement
plus proprement dits, prononcés sur des faits déterminés et personnels ;
on pouvoit même s'amuser à imiter , jusqu'à un certain point , les
formes des tribunaux. La question la plus importante seroit de savoir
quels étoientles efTeisde ces jugemens; et c'est ce qui n'est guère éclairci
par les textes historiques : apparemment les condamné* demeuroient
exclus des sociétés que formoient leurs juges. Quant il fînfluence morale
de cette espèce d'institution , si tant est que ce nom d'institution soit
ici applicable, il fàudroit, pour l'apprécier, plus de faits et de té-
moignages qu'if n'a été possiljle d'en rassembler. Sous Charles VI, if
a existé une court amoureuse, où l'on distînguoit, selon un manuscrit de
la Bibliothèque du Roi, des auditeurs, des maîtres des requêtes, des
conseillers, des substituts du procureur général, &c. : mais aucune
femme n'y siégeoit, et nous manquons encore des renseignemens qui
nous seroient nécessaires pour nous former une idée précise de l'éta-
blissement singulier que ce maaiuscrit annonce.
£n recueillant les monumens de la langue romane antérieurs aux
troubadours, M. Raynouard se contente ici de transcrire les textes
des sermens de 842, dont il » parlé dans son premier volume, et sur
lesquels d'ailleurs M. de Mourcin a publié, en 1 8 1 j , des notes gram-
maticales et critiques. Le poème sur Boèce est probablement du K.*
siècle: l'abbé Lebeuf en avoit publié vingt-deux vers; il en subsiste
deux cent cinquante-sept dans le manuscrit unique et incomplet qui
provient de l'abbaye de Fleury ; M. Raynouard en donne deux copies»
accompagnées d'une traduction, de notes et d'un fae simile ; il n'a
liéglîgé aucun soin pour mettre pleineraent en lumière ce moaument
OCTOBRE 1819. J9$
de fa littérature du moyen âge. Suivent desfragmens en fangue romane,
recueillis dans des titres et actes du x/ et du xi/ siècles , et dont quelques-
uns avoient été imprimés parmi les Preuves de l'Histoire de Languedoc,
Les Vaudois ont laissé des poésies religieuses où la langue romane
présente quelques modifications légères ; le principal de ces poèmes
porte la date i 1 00 et le titre de Nobla Ltycjpn, Cette noble leçon est
une sorte d'abrégé de Fancien et du nouveau Testament, en quatl-e cent
quatre-vingts vers. II y règne une telle uniformité de style , qu'une citation
fort courte suffira pour faire connoître l'état du langage, de la versi-
fication et de la poésie à cette époque :
En aquel temp fb Abram, baron placzent a Dîo (i), ,
£ engendre un patharcha dont foron li Judio.
Nobla gent foroii aquilh en la temor de Dio;
En Egyps habiteron entro autra mala gent;
Lay foron apermu c costreic per lonc temp,
£ crideron al Strgnor, e el lor trasmes Moysent,
£ délivre son pobie e destruis i'aatra gent.
Per lo mar Ros passeron , com per bel eysuyt ;
Ma li enemic de lor, lical li perseguian, hi periron tuit.
On voit que l'art se réduit ici à quelques rimes, le poème à la plu^
simple expression des résultats de l'Histoire sacrée; et après avoir lu
plusieurs autres pièces du même ton et à peu près du même âge , on est
mieux préparé à reconnoitre les progrès que les troubadours ont fait
faire à la poésie. Les recherches de M. Raynouard sur \t% principaux-
genres qu'ils ont cultivés, n'ont point encore pour objet le mécanisme
de leur versification ; il en renvoie les détails & un autre volume de œ
recueil : il se borne en celui-ci à distribuer par classes leurs prdéuctionft
diverses. La plupart sont empreintes d'un caractère lyrique, dont oa
ne peut pas s'étonner, lorsqu'on sait que ces poètes étoient en même
temps musiciens. Leurs poésies lyriques s'annoncent par les titres de
(i) Voici la traduction littérale de M. Raynouard:
En ce temps fut Abraham, homme plaisant à Dieu,
Et engendra un patriarche, dont furent les Juifs.
Nob|e gent furent ceux-là en la crainte de Dieu;
En Egypte habitèrent entre autre méchante gent;
Là furent opprimés et contraints par long temps ,
Et crièrent au Seigneur, et il leur transmit Moïse,
Et délivra son peuple et détruisit l'autre gent.
Par la mer Rouge passèrent, comme par belle issde;
Mais Jes ennemis aeux, lesquels les pounui voient, y pérxreDt tous.
Ffff a
OCTOBRE l8lp* 59/
M. Raynouard prouvent que les troubadours avoient versifié un bien
plus grand nombre d'histoires fabuleuses. Nous devons faire obser\'er
que l'auteur n'attribue à ces poètes aucun es^ai de poésie dramatique.
Nostnfdamus, Crescimbeni , et, d'après eux, Fonlentlfe, ont considéré
comme une comédie VHeregia dels preyres [ITIérésiedes prêtres], de
Gaucelme ou Anselme Faidit, qiH mourut en 1 220 : mais Tiraboschi a
montré qu'en Italie même, il n'avoît paru aucun drame avant Tan 1 joo ; ,
et chez nous^Beauchamps» Millot, La Vailière, ont pensé qu'il ne sub-
sîstoit aucun vestige de compositions réellement théâtrales , entreprises
ou exécutées psu* les troubadours, avant l'année i 300. M. Raynouard
semble être delà même opinion, puisqu'il s'est abstenu de faire entrer
les drames dans la classification des principaux genres dans lesquels
les troubadours se sont exercés. C'est confondre les notions que
d'attribuer un caractère dramatique à de simples dialogues, ou à des
mélanges de récits et de discours.
Le tome III du recueil qui nous occupe contient des pièces erotiques
choisies dans les poésies de soixante troubadours (1) , depuis l'an 1090
jusque vers l'an 1260. Il n'y a plus ici que des textes purs et simples ,
sans traduction et sans notes. Alais quelques-uns de ces morceaux, en
général même les plus remarquables, sont traduits dans le tome II; et
d ailleurs M. Raynouard a dû croire ses lecteurs assez préparés à
l'intelligence de ces textes par tout ce qui a précédé, c'est-à-dire, par
une grammaire, par un grand nombre de versions littérales, par des
dissertations sur l'histoire des troubadours, sur l'esprit et les divers
genres de leur poésie. De plus, il se propose, comme nous T^voils dit^
d'y joindre un dictionnaire de la langue de ces poètes. Quelques
personnes peut-être desireroient en outre l'indication des manuscrits
d'où chaque pièce de ce troisième tome est tirée , et de courtes notices
historiques propres à faire connoître au moins les lieux et les temps où
*■ ' - -
(i) Le comte de Poitiers,. Gtraud le Roux, Rambaud d'Oranee, la com«
cesse de Die, Pierre Rogiers, Azaiais de Porcairague, Bernard de Ventadoui-^
Geoffroî Rudel, Guillaume de Cabestaing, Alphonse II ror d'Aragon, P. Rai-
mond de Toulouse, Guîll. de Beziers, Bcrtrarnd de Born, Foiques de Mar-
seille, Gavaudan le vieux, Pons de Capdueil, Guill. Adtmar, Arnauld de
Mareuil, Bérenger de Palasol , Adcnet, Rambtau de Vaqueiras , Peyrols,
Gauselm Faidit, Guill. de Saint-Didier, Giraud de Borncil, Pierre Vidal,
Claire d*Anduse, Perdigon , Elias de Barjols,Raîmond de Miravals, la dame
Casteloze, Marcabrus, Giraud de Calanson, Giraud de Salignac, Raîmond
Vidol, Deudes de Prades, Guill. Magret, Aimeri de Péguîlain , Elias Caireisj
Pierre Cardinal, Sordef, le Moine de Montaudon, Richar4 4e Barbesiea;^^
Girau4 Riquier^ &c. •
OCTOBRE 1819. 59
de (a foiblesse, ou» ce qui revient au même , de i*éxagération des sentimens.
L'art y demeure dans f enfance, et, à défaut de saillies originales»
nevite Tinsignifiance que par la bizarrerie. Jamais la littérature n'est
pfus avanc'ée que la langue; lalit que celle-ci n'est qu'un bégaiement
puéril, lautrè n'est qu'un lent apprentissage. N'espérons donc pas que
les troubadours puissent nous apprendre à penser, à sentir, ni par con^
séquentà exprimer; et ne cherchons nulle part des beautés qui soient
distinctes de celles de la littérature classique proprement dite. W n'y a pa»
deux théories de l'art d'écrire : cet art ne s'est rétabli chez les nations
niodernés que lorsqu'elles ont écarté les exemples et les traditions du
moyen âge, pour l'étudier dans les anciens modèles, non parce que ces
modèles étoient antiques, mais parce que leur beauté, leur système et
leurs règles sont celles de la nature même. II y a loin de la barbarie à la-
nature, et Tintervalle qui les- sépare a pour mesure tous les progrès de
la civilisation, tous les pas qu'un peuple a besoin de faire pour avoir dm
sages lois et une littérature classique.
DAUNOU.
Leçons de philosophie, ou Essai sur les facultés de l'ame;
par M. Laromiguière, professeur de philosophie à la faculté,
des lettres de l'Académie de Paris. Paris , chez Brunat^
Labbe : tome I.*^' , 1815; tome 11 , 1 8 1 8 ; in-8.^
SECOND EXTRAIT.
Pour saisir nettement les différences qui existent déjà et les reft«
semblances qui se trouvent encore entre le système de M. Laromîguièrv
et celui de Condillac, il &ut bien concevoir ce dernier système, et sur*
tout l'enchaînement du principe et des conséquences.
Le principe de Condillac est la sensibilité; il y voit l'intelligence toutv
entière. Toutes les facultés de l'homme ne lui paroissent que le dévelop-
pement varié d'une première sensation. A là première odeur (dit
Condillac, Traité des Sensations, i.'* part. ch. 2 ) , la capacité de sentir
est toute entière a l'impression qu'elle éprouve; voilà l'attention.
L'attention que nous donnons à un objet n'est, de* la part de ^VamCf que
la sensation que cet objet fait sur nous. { Logique, !.'• part. ch. 7. )
Une^ double attention s'appellera comparaison ; elle consiste dans deux
sensations qu'en éprouve comme si on les éprouvoit seules, et qui excluent
tçutes les autres, ( Log. même chap. )
Vn çbjet est ou absent ou présens : s'il est présent, l'attention est Im
JOURNAL DES SAVANS,
stnsaùon (^u'il fait actuel Icment sur noiiî ; s'il est absent, rattcnt'tonesi te
■souvenir de ia sensation qu'il afdhc. Voila la mimohe. (Log. même ch.J
Nous ne pouvons comparer deux ol'/els , ni éprouver les deux sensations
iju'ilsfont cxclushemcnl sur nous, qu'aussitôt nous n'apercevions qu'ails se
Tesscntblent ou çii'i/s dînèrent : or apercevoir des ressemblances et des diffé-
rences, c'est juger. Le jugement n'est donc encore que sensation. (Logique,
même chap. )
La rêjlexion n'est qu'une suite de 'jagemens qui se font par une Suite de
comparaisons. ( Log. même chap. )
La réjfexîon, lorsqu'elle porte sur des images, prend le nom (/'imagina-
tion. ( Log. même chap.)
Raisonner, c'est tirer un fagement d'un autre /ugement qui le renfermoit;
tl n'y a donc dans le raisonnement que des jugemens , et par conséquent des
sensations.
L'ensemble de toutes ces foculés se nomme entendement ; on ne saurait
s en faire une idée plus exacte, ( Log, ch. 7, )
En considérant nos sensations comme représeniaijves, nous venons
d'en voir sortir louies les facultés de l'enlendemeni: si nous les consi-
dçrons comme agréables ou dcsagrcables , nous en verrons sortir toutes
les facultés qu'on mpporie à la volonté.
La souffrance qui résulte de (a privation d'une chose dont la jouissance
éloii une habitude, est le besoin.
Le besoin a divers degrés : plus fi)îble , c'est le ir;ilaise; plus vif, îï
prend lenomd'iiiquiétudf. L'inquiétude croissante devient un tourment.
Le besoin dirige toutes les facullés sur son olijct : cette direction de
toutes les forces de nos facultés sur un seul objet, est le désir.
Le désir, tourné en habitude, est la passion,
Le désir, rendu plus énergi(|ue et plus fixe par IVspér,ince, le d, sir
absolu ( Traité des Sensations, t."' part. ch. j ), est h volonté. Telle est
l'acception propre du mot volonté; mais on lui donne souvent une
signification plus étendue, et on la prend souvent pour la réunion de
toutes les habitudes qui naissent des désirs et des passions.
En résumé, on appelle entendement la réunion de la sensation, de
l'atieniion, de la comparaison, de la mémoire, du jugement, de la
réflexion, de fimaginatinn et du rnisonnemerii ; on appelle volonté la
réunion de la sensation agréable ou désagréiible du beîoin , du malaise,
de l'inquiétude, du désir, de (a passion, de l'esptrance et du phénomène
spécial que l'espérance , jointe h la pnssîon , détermine. La pensée est la
réunion de toutes les faculiés qui se rapportent à l'edlindemeni et <l#
toute» celles qui se rapportent à la volonté.
Or, comme Féléhient gétiiérateurrfe fa volonté et de' f entendement
est fa sehssritoh Teprésenfktivcf du' àfTéctive ; réffémerït générateur de fa
pehsée est, en dernière anafyse, In sensaripn.
Tel est , seltfn Condillac , f e système des facuf rés de Tartie , système
qui devroit faire abandonner tous (es autres, si fa simplicité et (a clarté
étoient fès seules ou même tes plus importantes qualités que Ton exige
d'an système phifosophique. ce Mais,ob^êrve très-bien M. Laromigujère,
» si cette ciarté'étoît plus apparenté que réeile/si cette sihipiicité fais^olt
» -échapper* ée qu'il imf)ône te plus de retenir sbuîs tei yeux de rès)>Hi^,
s» si elfe/étoir f'oubfi de quelque condition nécessaire à la solution dà
» )>rob(ème, si fe principe-d^où part Condifhc ne contenoit pas tout ce
» qu'il en déduit, et si le fil des déductions se trbuvoit ronipu ptusîeùrs
» fois, alors , entre un système simple , fiicile , ingénieux, mais manquant
9» d exactitude, et un système plus approchant de fa vérité, fût-il préiétïté
» soUs des formes moins heureuses, H n'y auroit pas à balancer: C^rïa
» sim|>(icité est une chose relative à nous; au lieu qtté fa^ vérité est une
>» chose absolue^ indépendante de la faiblesse de notre esprit. •»
{ Tom. ly , ^/ leçon. )
Or, M. Laroinigoière, après un long examren,' prétend, et il établit,
selon nous, très-solidement, qu'il n'est point vrai que la sensation soit
Tunique élément de la pensée, de rçntehdement et de fa Vofonté. I!
croit qu'entre nos facultés et la sensation il y à un véritable abîme.
• Eneflet, poiir rie* parler d'àhotycjtit* de rentcrïâertiént, lés fatnîîés
qui. s*y rapportent ne peuvent venir de la sensation qu'autant que Fatten-
fioh elle-même en dériveroit. Or, dit M. Laromîguière, la sensation
est |>assive, Tattention est active; l'attention ne vient donc pas de la
sensaticm : le principe passif n'est pas la raison du principe actif; l'actjvité
et la passivité sont detix 'faits 'que Ton ne peut confondre.
Si l'attention ne dérive pas de la sensation, si elle est son principe 11
elle-mêhie," elle échoppée toute dcfîhîiTon. En cflèt, là -définition dTune
idée n'est possiblequ'autant qu'on-a une idée antérieure, de laquelle
dérive .celle qu'on se propose de définir: d'où il suit que Tidée fondamen-
tale d'une science ne petit jamais éire définie; car l'idée fondamentale
d'une science en est Fidée première, et par conséquent une idée qui n'en
a pas d'antérieure. L'activité ne se définira donc pas : elle ne se démoil-
trera pas non plus; car elle est un fîiit;et les faits n'empruntent pas leur
évidence de celle du niisotinement ; ils ont une évidence qui leur est
propre. Seulement M. Lai-omiguière en appelle au témoignage' des
langues : « Par-tout, dit-il, dn volt et l'on regarde ;on fniemf^t Ion écoute;
s» on setà et l'on JkMte /on pute et Ton savoure; on reçoit rimprèssioh
6<iz JÔURNAI* DË$ SAVANS.
,ntnécBnkiiie:<bs corps,'et on lei remue. Tout le 'geoM Imnuîii sait
.»dohc,etne peut pas ne i»s savoir, .qn^yttune difiirenee.eaue Toif
wet regarder, entre écouter et entendre ; il saitt u d'fniua ifrnieif que
.P aow soïnmes tani6t puufi et taot^ actifii que Fum ctt tom^k-toor
M passive et «ctïve. » (Tom, I"» ^ lefom^p. ju. ^ . . .
0r, >i cette diitinction est iôpdée* et nous b croyons jncpntestablc,
il ep résulte '^e le, ^stéme cn^er de reat^ndemcnt repose» «oj^erniéDe
ifnwî^fionsur la senutbormus s^r f^teotioni sv^HaçfivIiii AiXaauti
t^^'gûe la&çoltéde seotiri qoe Mj I «omyiièie ' prcyose d!ay-
'.fîitttapatiti Aftatir, poitr mieux marquer sa passivité , n'est çierpo-
. casion de l'exercice de faclivité intellectuelle » lui iburoit des «utétiaux *
maisne. la constitue .pis.
La même <Ilfl2reiice essentielle. étebUe entre bsensatîon et FattentioD,
relativement à rinultigence> M. IjaromrguiÂre la retrpuve entre le
malaise et l'inquiétude, entre ie l>esoia et le désir, relativemeni à la
volonté, l^ malaise est un sentiment «u une seosaûoit passive : fin-
^étnde est le passage du repqs à ractioo. « i*our qui tinqitiéiudt ftt
3» la même chose qiie îe malaise, ou une transformation du malaise,
-i^il lâudipit que le repos pAt se transformer en mouvement.»
Y Tour. /.",./.' leçon j p. 138.) L'inquiétude déterminée, portée sur un
objet parlicuIicE, c'est le désir \ le. désir , et non pas le liesoin , ptiénoméne
passif coram^Ie malaise, est donc le véritable pfiiicipe, ie ^indpe actif
,iles iàculcés de là volonté ; le malaise et.le besoin sont bien Toccvion
du désir, mais 'As n'en sont pas la raison; car la raison d'un fait ae. peut
être trouvée que dans un &it similaire ou analogue, et le désir et le
malaise sont entièrement dissemblables , selon M. Laromiguiére.
Ainsi, pour la volonté comme pour l'entendement , l'activité est le
vrai point de départ de toutes les facultés humaines, et la pensée, qu>
OCTOBRE lÔlp. ^oi
encore quelques légères différences dans Parrangeinent et dans fe langage »
il n'y en a point dans Tanalyse des faits et dans leur déduction. Or nous
pensons que M. Laromiguîère est plus heureux dans les diflFérences que
dans les ressemblances: d'accord avec lui lur les points qui lui appar*^
tiennent en propre, nous avouons franchement que nous nous en sépa-
rons entièrement pour la partie qui se rapproche davantage de Condillac»
Une exposition fidèle et détaillée de cette partie de la doctrine contenue
dans les Leçons de philosophie doit en précéder la critique : il fiiut montrer
comment le savant professeur analyse lesiàcultés de Fentendement et
de la volonté, comment il les enchaîne entre elles , afin de prouver que
son analyse n'est pas toujours exacte i et que la chaîne de ses déductiôiU
te rompt dans plusieurs endroits.
1^ système des acuités de Famé commence , selon M. Laromiguière /
non pat k la sensation, mais k l'attention, la première de nos facultés
actives. L'attention, dans son double développement, produit succès-
sivement toutes les fiicuhés, et telles dont se compbse Fentendement»
et celles dont se compose la volonté. Les facultés de Fentendement
sont diverses, mais on peut les réduire à trois*, d'aboi^, Fattention, h'
fiicuiié fondamentale ; puis la comparaison , puis enfin le raisonnement.
Dans ces trcns facultés rentrent toutes les autres facultés intellectuelhfS.
Le jugement est , ou la comparaison elle-même, ou un produit de la*
comparaison; la mémoire n'est encore qu'un produit de Fattention »
ou oequi reste d'une sensation qui nous a vivement afièctés ; la réflexion»*
se composant de raisonnemens , de comparaisons, et d'actes d'aï*
lention, n'est pas une faculté distincte de ces facultés; Frmagihation
n'est que la réflexion lorsqu'elle combine des images ; enfin Fentendement
est la réunion des trois fitcultés élémentaires et des autres f^cultél
composées qui leur servent de cortège: or la réunion de plusieurt
Acuités n'est pas une faculté réelle ; ce n'est qu'une faculté nominale»
un signe sans valeur propre et sans réalité. Il n y a de réel que les trolf'
Acuités élémentaires : je dis élémentaires, parce que , dans leur déytf-'
loppement) eftes engendrent d'autres Acuités ; mais, dans le vrai, 11
n'y a de Acuité élémentaire, selon M. Laromîguière , que Fattentioil.
En effet, la comparaison n'est que l'attention, l'attention double»
l'attention donnée h deux objets , de manière h discerner leurs rapports ;
sans attention , point de comparaison possible ; et sans comparaison , point
de raisonnement, car le raisonnement n'est qu'une double comparaison ;
il naît de la comparaison , conime la comparaison nait de FattentioA:*
{entendement est donc tout entier dans Fattenfion.
Quant 4 la volonté , son point de départ, ou sa Acuité élémentaire»
Cggg ^
6o4,
JOURNAL -DES SAVANS,
est le désir, comme railentKvi est le poîni de dépirt; h ftculté éH*
méiin^Tp de f entendement. I4 dpur eiigendie^* comme l'attentioii « deux
aiftreL&cuhéi) nipIus.ninipmtLia«oir»Ia préftrence et [a libeni. La
préRrenccvst au de«ir c^ quaJa comparaison eftt>Titiieatian -.et' b
JiberM est 11 h préférence ce que Ja raison, ctt.k Itoomparaitaii* Goi>n«
les fycultis éliinentaîres de l'eatendement élèvent ■sucoHÙremeDt.dea
^cultes. «econdaiies^qui intervienpeiit dans leur ezerdce* éé-aattaeieê
irqu$aUiii<£[ém^uaires,dc4r yplonié, savoir, l6 deiir,'4frpctf6reiK«
«l£|lîberti,jCL4^inpIiqtKmcttcceMi*ement de diveiim âcultte seonn
dairei auzquriies el^ei donnent naifa^oce { teliH que k re|wntir.flt la dtii-^
MfiltioD. Lç repentir naît k la suite de la préfiMcocc : il n*«nm pu ^d«
les facultés intetiectneljes de M. Laromîguiife,^uoiqu'irsoitune&cnliéi
selon CondiIJac.-Mais, selon M.-Ldroiniguière, fe repentir a|^>aEtîei1t à
la sensibilité ; ,|a délibération suit la préfèrence et précMe la fibcrti : aa
peut d'abord préf^p^r sans avoir :dÉlibéré; mais, « l'acte de prËfercnce a
été suixi^de JKifeapf,f.oané préisFe plw^dt; jiouvemLNU» délibéter; or
la pré^rçnce-iapr^s, i^Iiiiération, c'est la préférence libre, .'la liberté.
Désir, pré&rençe, fiberténVoUJi Us trois facufl^s réelfes;. leur réunion
est la volonté; mais, comme la réunion de pluûieurs fiiculiés n'est point
une, acuité réelle ,:ii^,yoio4)té n'est point une faculté propre, mais une
faculté nomipalç, un ^igne, ainsi que l'entendement, et rien de plus.
£n résumé', il y a donc six fâculiés réelles et deux facultés nominales ;
or ces deux ùjodiéf nominales, I-ei^tevideaMnt'M la VoI«nié> aeién-.
tiissent dans la pensée. La penseur i^uaion de Acpltés, n'est pas une
£iculté( ce n*«st pas mémç un,s^4 ceprésHiialif de ûcuilés; ce n'est
qu'un signe rcprésentaiif de signes, puisque la voloAié et fentende-
ment ■ dont la pensée est le signe, ne «ont pas des acuités réelles, mais
des signes ou apptllaiions çolleaives de faculté». Par ces expressions.
OCTOBRE 1819. tfoj
dément et h volonté , que de tirer toutes les facultés de Ja volonté , du
désir, lequel, selon Condillac et M* Laromiguière , esi la direction dt
toutes les facultés de l'entendement vers un objet dont on a besoin ! ( Tom. I/%
4^* leçon, p. io4< ) Tant que le besoin ne se mêle point à Faction de
nos facultés, ces facultés, savoir, Tattention, la comparaison , le raison-
nement, ne s'exercent pas moins: mais que le besoin intervienne, les
trois facultés se réunisst nt dans une direction commune ; voilà le désir.
Or, comme, sejon M. Laromiguière lui-même^ le besoin n'est pas une
faculté, mais un simple phénomène sensible, entièrement étranger à
r^ctîvité, il s'ensuit que l'activité, et les facultés qui en dérivent, restent
ce qu'elles sont, quand même le besoin n'intervient pas dans leur exer-
cice ; de sorte qu'essentiellement le désir n'est qu'un mode de l'activité ,
l'activité concentrée sur un objet dont il se trouve que la sensi-
bilité a besoin, circonstance tout à-&it accidentelle. Au fond, le désir
est donc l'activité elle-même; seulement l'activité ne s'exerceroit pas
comme elle le fait dans^le désir, si le besoin n'intervenoit, non comme
fondement et comme principe, mais comme une simple condition préa-
lable. L'activité, c'est-à-dire Tattention, est le vrai principe du désir, ^
puisqu'elle est le principe des facultés intellectuelles , dont le désir n'est
que la concentration. L'attention est donc le principe unique, non-seule-
ment de l'entendement , mais aussi de la volonté , et par conséquent de
la pensée toute entière, c'est-à-dire, de Thomme. Ceci achève le système
de M. Laromiguière : jusqu'ici ce système étoit double , maintenant
il est vraiment un ; le parallélisme se résout dans l'unité absolue.
Opposé d'ailleurs à Condillac, puisqu'il fonde toute sa doctrine sur:
l'attention, essentiellement distincte de la sensation, M. Laromiguière
s'en rapproche cependant, en ce qu'il tend également à ramener toutes
les facîdtés à lunité. L'unité de nos deux auteurs ne se ressemble guère ,
mais enfin <^est toujours de l'unité. Voilà une ressemblance dans l'ap-
plication, que nous avions signalée dans la méthode; et cette ressem- .
blance est fondamentale. Seulement il faut reconnoitre que Funité de.
M. Laromiguière est plus savante que celle de son devancier, et ses
combinaisons plus systématiques. Coadillac, en tirant de la sensation,
comme élément unique, toutes les faculiés humaines, se contente de
les séparer en deux classes, celles qui se rapportent à l'entendement et
celles qui se rapporle-nt à la volonté, et de inarquer dans chacune de ces
classes le mode successif de. leur développement. H les énumère toutes;
mais ni dans chaque classe il ne détermine quelles sont les facultés princi-
pales, ni dans les deux çlasse^ii ne montre le rapport plus ou moins intime
des fkciJtés correspondantes. Mais M. Laromiguière > en partant de.
tfotf JOURNAL DES SAVANS»
rittçndon comme élément unique, ne m contente pis d'engendrer n^
oessnonent toutes nos fàculléi intelIectueUetou morales ; il détennine atec
prédiion le nombre exact et le mode de génération progrestÎTe des di-
irenei Acuités élémenturei de diiqûe dàsse. Il n^ a que tiuiftcultéi
pouF dacune cfeUM. La volonté n'en contient JMS i^ui i|ue feaiendenieiit,
ni rentendenwni <pM la volonté; le rapport de génération qui unit ks
jàcullés de la première série, unît également toutes celles de la seconde.
Pw-MBcidniriié de nombn, par-tout identité de développement. La sim-
plîdié de CondHIac dtspaiott devant celIe-&; sa régularité est le chioa
devantrclfe de M. L«omiguièi«. En eflèt , quoi de plus simple et de plus
régulier qu'an tel système! Figurez-vous d'abord trois jàcultés, dont la
seconde sort fie la première , dont la troiiièm^tert de la seconde , exac-
tement de la même manière: voilll reotendement. Figurex-vous easiûte
trou nouvelles fiuulté) parallèles, dont la première sort des trois réunies,
comme h dernière de ces trois autres sorloit des deux piécédentes ; de
telle sorte que cette première làculié, savoir, le désir, dans ses deux
transformations progressives, produit - la préftrence, puis la liberté,
comme 09 avoit vu sortir de l'attention la comparaison, puis le raison-
nement : voïh la volonté. Volonté et «itendement, Toi& deux signes
distincts à-Ia-fbis et correspojidans , qui résument leurs facultés respec-
tives t et se résument elles-mêmes dans un signe plus générait ia pensée.
Ici les réalités et les signes , les idées individuelles et ks idées abstraites >
se prêtent un mutuel apppui, et présentent à l'ceil charmé i'ispect et le
jeu du plus heureux mécanisme. Je le demande, est-il un objet de la
nimre et de l'art qui se compose et se recompose , se démonte et se
remonte avec plus de souplesse et de gr&ce, et dont on suive les mou-
▼emens avec plus de l^ciliié, que l'homme de M. Laromiguière! £st-il
un édifice dont toutes les divisions, les compartimens et les dessins ,
Soient plus éËÇaleinenl, plus symélriquement ordonnés ; oii Tes moindres
OCTOBRE 1819* ^07
une au^si rigoureuse identité ! £n vérité » la nature a traité Thomnie
bien favomblement pour la métaphysique. II semble qu'elle Fait fait
ainsi tout exprès pour qu*on pût l'aiialyser et Texpliquer d'une manière
si simple et si nette à Fatteniion la plus superficielle, qu'en dépit d'elle,
elle ne pût pas ne pas le comprendre* Tant que la nature ne sera pas
plus grande , la science humaine ne sera pas bien difficile. Malheureuse*
ment, ou heureusement pour nous, il n'en est point ainsi; et quand fa
simplicité du système de M. Laromiguière ne nous défendroit pas elle*
même de ses propres séductions , un examen attentif et Texpérience nous
démontreroient que le système du savant professeur est purement arti-
ficiel, qu'il ne i^pond point aux chos^, qu'il réunit ce qu'il fàudroît
séparer, et quej sur plusieurs points importans» les fiuts dérangent sa
belle harmonie, son élégante et facile structure.
Nous examinerons d'abord fentendement et ses facultés, lesquelles,
selon M. Laromiguière, sont au nombre de trois; savoir, lattention,
la comparaison, le raisonnement.
Plus nous y réfléchissons , moins il nous est facile de comprendre
comment Fintelligence humaine se trouve renfermée toute entière dans
ces trois facultés. Il ne nous paroît pas vrai de dire que l'entendement
ne soit qu'un mot, un pur signe, et que la véritable réalité se trouve
dans l'attention, la comparaison et le raisonnement. Être attentif, est
sans doute une condition pour comprendre ; il faut comparer pour
pouvoir juger, et Fopération du raisonnement amène sous les yeux de
lesprit des vérités cac4)ées sous d'autres vérités : mais ces nouvelles
vérités, si c'est le raisonnement qui permet à l'esprit de les apercevoir-,
Ke n'est pas le raisonnement qui les aperçoit ; raisonner est une chose,
saisir et comprendre les vérités de raisonnement est une autre chose.
L'affirmation irrésistible , la compréhension vive et absolue que deux
idées se conviennent , est une opération tout autre que celle du rappro^
cheiiientde ces deux idées, que souvent on rapproche très* laborieuse-
ment, sans pouvoir en surprendre le rapport. L'att«ntion la plus ferme,
la plus soutenue, n'est pas non plus cette lumière qui nous révèle la^
vérité à la recherche de laquelle nous appliquons notre attention.
Au fond , l'attention n'est qu'un acte de volonté ; nul n'est attentif qui ne
veut l'être : mais ne comprend pas qui veut comprendre ; et l'attention ne
contient pas plus Tintelligence , que la sensibilité elle-même ne contient
Tattentioii. Ainsi, pour expliquer ma pensée par un exemple vulgaire,
avoir les yeux ouverts devant un livre de mathématiques, percevoir
l'impression des caractères, être affecté de toutes les sensations qui
sortent de l^ pré$enc.e de os livre > est luie condition, et même une
6o9 JOURNAL DES SAVANS,
condition préliminaire indispensable pour que l'esprit puisM découvrir lie
sens intellectuel et mithématique qui y est contenu. De plus* il eti
nécessaire que factivité volontaire > profondément distincte fie la sensî-
bîlité, s'ajoute belle, et se diri^ lui- les pages placées aouinotyeuxi
ilâut que l'atteimon i vigilante et sévère, écarte les sensati<As4lrrerMS,
les images, les idées, toutes les dîsiractionf qui peuTcnt s'interposer
entre iespritet le [ivre : aussitôt que i'œil cesse de voir et^oe l^ttentiQtt
défaille, fesprit t'arrête et cesse de comprendre. Sentir -et vouloir «ont
4onc nécessaires pour comprendre: mus, tout en hKOHnoîssint la nécéil-
tité de la deuxième condition comme de la première , il né faut pa< croire
f{ue la volonté suit autre cfiosequelacondition de l'intelligence, et qu'elle
.en soit le principe; ceseroit uneconfîision, trop ordiiuire-îl est vr:ii, mais
très- peu philosophique. Le ftit de la perception de la vérité se cache sous
les faits plus apparens de la sensation etde la volition , et se dérobe d'autant
plus facilement k la conscience, qu'illui est plus intime: mais cefiit n'est
pas moins réel ; il contient même la partie la plusélevée de la natufe hu-
maine. L'entendement est une faculté spéciale qui n'a son principe qu*en
elle-même, tout comme la volonté et la sensibilité. Juger du vrai ou du
faux, juger du bien ou du mal, sont des actes qui n'ont rien h. démêler
avec ceux du vouloir, hira qu'un être volontaire libre puisse seul les
porter. Je veux ou je ne veux pas , je donne mon attention ou je ne
la donne pas; ici, tout est en ma puissance , et rien n'arrive que ce qui
pie plah: mais il n'en est pas ainsi du jugement. Sans doute je puis juger
ou ne pas juger, en ce sens, que je puis Mils&ire ou ne pas satiifiire il
Ja condition fondamentale de tout jugement; savoir, Fatteilnon. Mais,
aussitôt que cette condition est accomplie, alors pareît un fsit diflférent
du premier, et dont les canctères sont tout-!i<fajt opposés : le premier
est libre, le second ne l'est pas. Ce second fait, indécothposable et
pie, est la perception de la vérité; perception irrésistible, à laquelle
OCTOBRE 1819. <fcf ,
constitue pus , on les aperçoit. Qui donc les aperçoit! Ce o*e$t aupim»
des facultés de fedtendement » seion M. Laromiguîè^e : ce n'est pas le
raisonnement, puisque ce n'est pas fa comparaison; ce n'est pas la
comparaison, puisque ce n'est pas l'attention ; ce n'est pas lattentiou,
puisque ce n'est pas (a volonté : encore unelfbis qu'est-ce donc! Quelque
chose qui a échappé à l'analyse de iVL Laromiguière et de bien d'autres
métaphysiciens; quelque chose qui diâfère autant ide la volonté qu'eUf
même diffère <Ie ia sensibilité , qui lient intimement à la pertonnaUté^
mais qui ^(tn distingue ;' qui gouverne l'homme, et que Thoii^mB s»
gouverne ■ 'pas ; pile faculté enfin à laquelle on peut donner tous Ui$
noms que Ton vobdhir pourvu qu'on/Ià conserve et qu'on la déoriite
fidèlement : l'intelffgence, la raison, l'esprit, l'entendement.
Si l'attention ne suffit pas pour expliquer l'entendement , il est fàcib
démontrer en peu de mots que le désir ne suffit* pas davantage pouv
expliquer fa volohéè , ^'et nous sommes forcés de teconnoicre dans li
seconde partie delà théorie des facultés de i'ame, d'aussi graves mal*^
entendus que dansi Isi première. Les facuhés de l'entendement, tel que
le conçoit et le décrit M. Laromiguièrie^, appartîent^eht plus à la vo^
lonté qu'à l'entendement, puisqu'elles reposent sur l'attention, kqueiie
est<arès-certaii>€nïem'une faculté volontaire. Grj chose extraordinaire,
quand l'attention; c'es^à•dfre, la volonté développée en comparaison et
en ranonneraent ,'se concentre sur un objet correspondant à nos. besoins i
M. La3x>miguière prétend qu'elle dëirieat le désir : la métainorph<9«
est impossible; aucune transformation ne ptut convertir l'attention
en-desfr, à<tt|otns que cette attention ne soit celle de Condillac» c'est-»
à-dirie,' involontaire et passive. -Dans ce cas, la transformation est
très*fàcile; rien n'est plus aisé que de conivertir le passif en passif:
mais Taitendon de M. ' Laromiguière est une faculté qui n'a rien de
passif, une force dont nous' disposons à notre gré, une pui5san£e
voiomaire. Or toimnenr convertir une forer,, une puissance, une fit-
culte 9 la volonté enfin, dans le désir, phénomène purement passif!
En présence de, tel ou tel ob;et correspondant à mes besoins, il ^e
produit en moi le phénomène du desii^: ce n'est pas moi qui le produis ;
il se manifeste par des mouveméns souvent jnéme piiysiques que la
sensibilité, i'orgnnisatioii et la finalité déterniinent. Il ne dépend pas de
moi de désirer ou de ne. pas désirer ce qui m^agrée ou me déplaît*
Je puis bien preiidre toutes les précautions nécessaires pour que le
désir ne s'élève pas dans mon aine ; je puis bien fuir toutes les occasions
qui fexciteroient : quand il est né, je puis bien le combattre ; car ma
volonté I qui est;distinctetltt desif , peut lui résister; mais t.qiland te 4^if
Hhhh
OCTOBRE 1819. 6ii
endroits > s*est frayé des seïitkra nouveaux. Ce ounctèrei que nom
avions annoncé dans un premTer articie» que nous venons de signaler
4ans fa théorie des fàciihés de.Tam^^ nous k retrouvons encore dans
fe système des idées , c*est-4 dira^ dans les produits des facultés de l'ame»
auxquels nous consacrerons un troisième et dernier article.
V. COUSIN.
Théorie ^tu pa y s âge -, ou Cmsidératwns générales sur les
héaùiés de la nature que Y art peut imiter, et sur les moyens
qu'il doit employer pour réussir dans cette imitation , paé
J. B. Deperthes. A Paris, chez LeNormant, libraire, rué
de Seine\ n.^ 8,1818, in-^S.^ de 300 pages.
L£ paysage , traité isolément comme un genre de peinture il part ,
ne paroît pas avoir occupé une place distincte dans l*exercice des art»
chez les anciens, avant le règne d* Auguste, époque où Ludius, selon
Pline , introduisit à Rome Tusage de décorer les intérieurs par des vue»
de scènes champêtres , qui étoient, ii la rigueur du mot, tel qu'oiï
Tentend aujourd'hui, des paysages. Les descriptions. que Pline fait des»
peintures de Ludius» ne faissent aucun doute «ur \^. réalité du^ genna
qu'il cultiva , et qui embrassoit aussi celui de la marine ; marititnas urbe»
pin gère instttttit. Au reste,' ilneftudroit pas^ entendre par les mots primas
rnstituit, que Ludius auroit été le premier qui eût imaginé de peindre desi
paysages. Ludius , d*après le sens évident de fa phrase entière de Fécrivain^:
avoit seulement été le premier à introduire {'usage du paysage à Romtf^
comme objet de décoration, sur les enduits des murs, des portiquca»:
des vestibules , et même des parties extérieures des bâtimeos. - }
Beaucoup de peintures antiques, qu'on appelle arabesques, nous font»
voir le pnysage employé dans les compartimens de ce genre d'orne-
ment, et le goût des compositions dé Ludius, telles que Pline les>
décrit, semble y avoir été reproduit et copié en petit.
Mais les Grecs, dans fe bel âge de leur peinture» avoient-ils hit un
genre à part du paysage! C'est une question à laquelle on ne peut
répondre que par conjecture. Qu'ils aient pratiqué en détail et imité:
partiellement tous les objets dont se compose le paysage, on ne sauroic
le révoquer en doute,- puisque tous ces objets , entroient oomme parties
nécessaires des ibnds de feurs tableaux , ou comme accessoires égale*
Hhhh a
OCTOBJIE 1819. 61}
beautés» soit dans la nature, soit dans l'application qu'en ont faite les
chefs-d'œuvre des grands maîtres.
M. Deperihes vient de concevoir ce projet , et il l'a exécuté avec
autant de goût que de méthode*
Ce n'est pas un traité élémentaire qu'il a eu l'intention de composer;
un ouvrage de ce genre» quelque méthodique qu'on le suppose, ne
pourroit jamais suppléer aux leçons du maître. II y a dans tous les arts
du dessin un enseignement pratique , dont les livres ne sauroient
transmettre lobjet, ni même indiquer l'esprit. Quiconque prétend
donner par. écrit des leçons et tracer des règles à l'artiste , doit le
supposer déjà avancé dans son art » et parvenu k ce degré où il peui
recevoir cet enseignement supérieur qui doit diriger son esprit et son
goût plus que sa main.
C'est à ce point que M. Deperthes .veut que soit parvenu Féfève
auquel il destine sa théorie.
Il l'a divisée en deux parties, et chacune est subdivisée en deux sujets
d'observations.
Dans la première partie , l'auteur fait faire à son élève deux cours
d'étude de paysage. Le premier se rapporte sur-tout à l'étude du ciel ,
qui ocaipe une pls^ce si importante, et joue, pour ainsi dire , le premier
rôle dans ce genre d'imitation,, puisque dans le tableau, comme dans
la nature, c'est du ciel que vient la lumière, et que cette lumière, qui
est lame de la peinture, éprouve et &it éprouver aux objets, ainsi qu'à
leurs efïèts, des variétés et des modifications sans nombre.
Mais ces variétés se réduisent à quatre principales, que désignent
les quatre parties du jour. C'est d'abord au lever du soleil que l'auteur
donne sa première leçon : il &ut l'y suivre pour bien sentir les difficultés
que ce montent du jour présente à l'imitateur ; ces difficultés ont leur
principe dans cette espèce de voile mystérieux dont la nature s'enveloppe
alors, voile dont le tissu, dit l'auteur, est assez transparent pour laisser
entrevoir tous ses charmes, et pas assez pour que Ton puisse distinguer
facilement les linéamens de tous ses traits. Cet instant du jour est celuj
qui convient sur*tout aux études de la perspective aérienne.
Le milieu du jour est le moment où l'étude de la nature présente le
moins de difficultés réelles; l'artiste doit en profiter pour saisir les objets -
tels qu'ils existent. Si effectivement chaque objet alors est visible sans
aucune altération , c'est alors aussi qu'il est plus facile de remarquer
d'abord les innombrables variétés de formes et de teintes répandues dans
toutes les productions, ensuite cette harmonie qui lie toutes les parties
entre elles, même les plus disparates. Cette magique union s'ocre par
•OCTOBRE tSip. 6ij
raisons. On sait que les arbres sont le princq)al ornement des paysages:
mais Tétude des arbres, comme celle du corps humain, a aussi son ana«-
tomie; et comme la sdeiKe des muscles ne sauroit s*iicquérir sur les corps
vivans , il faut de même étudier i arbre dans cette sorte d'état de mort
ov Tbiver semble le réduire, après l'avoir dépouillé du feuillage qui^
pour l'œil, lui donne la vie : car comment conroltre la forme des
grandes branches , et la véritable disposition des plus petits rameaux»
lorsque toutes ces parties coordonnées les unes aux autres sont re^
couvertes des vétemens dont la végétation les pare l II faut donc étu-
dier la structure de l'arbre dans la' seule saison de l'année oii l'œil
peut la saisir, depuis la naissance .du tronc jusqu'à la sommité des
branches les plus élevées. Cette étude d'hiver s'étend aussi à celle des
formes et des couleurs de l'écorce de chaque genre d'arbres ; et c'est
parnuie suite répétée d'observations recueillies dans cette saison , que le
paysagiste apprendra à distinguer et à rendre le caractère propre à la
constitution de chaque arbre, soît qu'il ait ses feuilles, soit qu'il en
soit dé]x>uiiJé.
Le printemps va rendre plus de charme à ses études et leur donner
plusd*étendue. Aux yeux du vulgaire, la verdure, qui pare les champs,
les coteaux^ les vergers, les prairies, n'offre, pour ainsi dire , qu'une seule
et même teinte. Ce quiparoît si agréabfe aux yeux dans la nature, seroît
pourtant d'un effet très-fâcheux, dans l'imitation; car rien ne déplaît
plus dans u^ paysage que l'abus des teintes vertes: aussi rien de plus
difficile queàe réussir à exprimer en peinture le charme du printemps. L'art
du paysagiste,, en étudiant ces teintes d'un vert tendre, est d'y découvrir
les variétés qu'elles renferment, et d'en faire ressortir les nuances.
L'é^é f|jrésçme au paysagiste la nature sous les traits, si l'on^peut
dire„ formés de l'âge viril. Chaque ob/et de l'imitation a acquis sa forme»
sa couleur déterminée, son développement et un aspect durable;'
cexte i^^on est- cfdie oii l'on doit mettre en pratique les leçons de
f hiver, dans la conformation des arbres; mais il faut en profiter aussi
pour l'étude d'une multitude de plantes , qui n'ont pris qu'alors leur
accroissejnent , qui ont acquis toute leur beauté, et qui doivent jouer
un rôle important sur les prefniers plans du tableau, dont elles sont
destinées à être en quelque sorte l'avant-scène. Le temps de l'été est
celui où la lumière la plus vive éclaire tous les objets circonscrits dans
l'horizon , où la chaleur produit le plus de ces phénomènes qui semblent
hors de la puissance de l'imitation*, des deux embrasés, des masses de
nuages qui recèlent la foudre, de ces vents impétueux qui font ployer
les fmréts et soulèvent des tourbillons de poussière. C'est dans cette
ioit en les ornant de monuinens empruiiiés aux arts de Pàntiquîté, sorT
en y reproduisant des allégories tour-&-tour ingénieuses ou louchaiifes/
Autant il a él^ fàdie de suivre la marche didactique de Tauteiir danrf
la première partie de son Traité, autant on auroit de peine, sur-tout dans
nnarticlede journal, à rendre compte d'une suite d'observations suggérées'
parla vue des chefs-d'œuvre des grands maîtres, observations dont il
avQUe lui-même, en plus d'un endroit, qu'on ne sauroit faire passCT la
valeur dans (e discours : tant les beautés qui s'adressent aux yeux , ont
de peinç à trouver des éqiiivalens qui les rendent sensibles k l'esprit !
Au fond, cette seconde partie n'est que l'application, démontrée par
les ouvrages , des études dont la première partie a fait sentir l'iinportanca
et prescrit l'ordre.
On sent combien le sujet de cette théorie pouvoit prêter aux descrip-
tions et aux abus de ce genre descriptif qui fatigue si prompiement, sur-
tout en prose. Il faut savoir grék l'auteur d'avoir su en éviter l'affectation
ei l'excès. L'ouvrage se recommande par une juste mesure de raison et
d'imagination, de goût et de sagesse, de préceptes mis en action, et
d'exemples soumis à la critique. Il sera agréable à ceux qui ne demandent
aux ans que du plaisir, utile h ceux qui veulent raisonner leurs jouis-
sances, profitable aux amateurs pour éclairer leur goût, nécessaire au*
artistes pour perfectionner leurs études, diriger leur Jugemenlei féconder
leur imaginaiiou.
QUATREMÉRE DE QUINCV.
Voyage en Perse, fait dans les années iSoy , 1808, i8o$ ,
en traversant la Natolie et la Mésopotamie , depuis Constan-
tinople jusqu'à l'extrémité du golfe Persique , et de là à
Iréwan ; suivi de détails sur les mœurs, les usages el h com-
p.'ercc dés Persans; sur la cour de Thèhran; d'une notice des
tribus de la Perse ; d'une autre des poids , mesures et monnoies
de ce royaume, et enfin de plusieurs itinéraires ; accompagné d' une
carte dressée par Lapïe. Paris , Denlu , 1 8 i p , a vol. iit-S.*
Le nombre des voyageurs européens qui ont visité la Pei^e depuis
!e temps de Chardin , est , dès k présent, assez considérable , et dei hom-
mages unanimes, rendus par des savans de toutes les nations à l'exacti-
tude de l'observateur français, prouvent que la reiation de ce dernier'
itii
6tt JOURNAL DES SAVANS,
tfH epçqn ;|UHlurcf(iui fo't&bleiii le plû« lidjïle. .comme le plus. CQfnpIet
tt«iita,ipi,:9W»d tut ifa t^rohjiww, nut i<U) <fttiigeM^w wwiw»
djil» h.y>Bee iDtfaicBm^t t'wVwWnwiw «■rMfntTfi.Bmtiitfm at&vl
lis ffcnfc^emeai les fAjÈ «m» «h» wmytt Iw-ply jwHrirnww
p(nv„e»'T(^|igeiir çompK Cbfv^. « Qw d« '^«gepni.ciHUve Pml
Teni .Qowipa de répéici ,4p DQt foirs » H ^ n^«xpilniMi ÎMi^afttnEQl
■axiiipgnuKl mépris pour PaatLocUt qw.i^étpitp««>k tonipmidR»
lift- voya^ar sini raériie. Oa dote* amni iwt^ iiutice à ses àmaden i
et c'est ce que Paul Lucas n*a pu toufonn (J>teno de. tttm tpi ont
nuiiché svr ses traces.
C*e«t dtHic la matière d'an préjugé iiivonble pour Fautew Ai non-
vew Voyagfr .en Pêne-, que de le Toir> dés h. piemiére^ W^ P"^
^Qiei Jvuîetnetu^.ton .eithm pour celui de ses prédéccaseum qoj .4 le
fhi* coosibué à nous- lâire connoitre la Perse. «Les portraits' tncét
ip p*r:tr Toyagcur du liéclb de Louis XIV « dh le voyi^eur nodjenie,
3»iont eocon lesserablms. . . . On ne peut, suivant. lui^ rien ajouter
»xn. temaïques de Oiardin sur les mtcun, le gouvomeiDent et les.
a* ans des Persans.» Si cela étoit rigoureusement yrù, la publication
de tant de nouveaux voyages «depuis celui de Chardin, .poWToilpatoltra
superflue»^ e^- Tauleur Jui-méme auroit sujçt de craindre, comme il le
dit, d'avoir tiit une entreprise téméraire, en donnant au public sa rela-
tion; mais c'est-Ià ponsser'trnpfeni'is'modestie. Il y a, et il y aun
long-temps^ncore , beaucoup à apprendre stir la Perse, même sur les
points qui orit été le mieux approfondis : c'est pour cela qu'il 6ut que
les travaux de détail, les descriptions psrttelles, les observations minu-
tieuses s«. multiplient et s'accumulent; et quoique la relation que nous
F«vint pli
TnHiites.à BenderAbb
OCTOBRE 1819. <5i?
P^iie après coup, offre le produit de recherches que l'auteur doit avoir
iMlreprises k son retour; et c'est presque tou)ours sur des considératioRs
'e ce genre que portent Ici remarques critiques que nous avons faites
ti lisant cet ouvrage, et dont nous nous bornerons à indiquer un petit
riiombre dans le cours de noire analyse.
Ce fût ie 8 septembre 1807 que l'auteur, à peine de retour d'un
jwyage sur la côte des Abkhas, partit de Consiantînople pour se rendre
à Bagdad, en traversant l'AnatoHe, le ipays de Rouni et le Kurdistan.
Après un mois et demi de séjour i) Bagdad, le voyageur en repartit
'Ur se rendre à .Hampdan, eh passant par Kirmanschsh, puis à Ispv
n et à Scbiraz; cette dernière vilfe fut pour lui un centre auquel U
rs fois , après diverses courses dans les contrées environ-
", Bender Bouschir^ J'ile d^Ormus, Yezd. Re-
'emi à Ispahan, Tauleur en partit pour visiter les villes septentck»-
Oales de la Perse, Thehran, Kaswin, Soultanièh, Tauriz, Nakhscbivaii
et Erivan. C'est dans cette dernière ville qu'il termine le îoumal dp
•on voyage, la i,^' mai 1809, On voit, par ce court extrait de son
itinéraire, quil a, dans l'espace de dix-huit mois, traversé les provinces
les plus remarquables de l'empire persan dans différentes directions»,
Visité un assez grand nombre de villes, et séjourné dans les plus c^
lèbres. Les occasions ne lui ont pas manqué pour faire de bonnes et
miles observations; et on lui doit la justice de dire qu'il n'a négligé
aucune de celles qui , étant relatives aux détails de la route, ou aux pro-
ductions du pays, ou aux objets de négoce, peuvent être de quelque
avantage pour le commerce et la géographie, ' ■
£ti général , l'auteur s'est attaché avec beaucoup de soin Jt marquer les
stations et les distances. Son journal offre ainsi jes noms d'un grand
nombre de villages, dont la suite non interrompue, dans les diffTérenies
routes qu'il a parcourues, n'est pas, pour la géographie de la Perse, une
«cquisiiion sans importance. Son atteniion à recueillir les particularités
de son itinéraire ne s'est démentie que dans un petit nombre de cas. Aft
«ommencenient de sa route, pourtant, il nous paroît avoir laissé échapper
une légère omission, que nous relèverons : en sortant de Mclitène, ce
ne sauroit être le Mourad-tchaï, mais TEuphrate lui-même, que I*
*oyageur a passé sur un bac , et qui peut avoir en cet endroit soixante-
dix mètres de largeur. Le premier nom est, comme le Remarque pJus
bas l'auteur, la branche venue de Bayazid, laquelle se joint à l'Euphrate
proprement dit, et en reçoit le nom avant d'arriver ^ Mêlilène. Notre
voyageur semble aussi avoir donné naissance k quelque confusion,
quand il compte au nombre des torrens qui arroseat la Mésop9taiDte,
liii a
OCTOBRE 1819. ' 621
appelé Talerwtn, situé à trois lieues de Merdin: ce noni\qu*iI.>n*expMque
pas, doit être ;iu ^j fjûi , et signifie colline des Arminiens,
.Si Tauteur a réporté à une époque qu'on peut juger trop reculée h
iibn^atfon de Diarbekir,^ il a, en revanche, donné une. origine trop
jnoderne à, ISissibin. Selon lui , elle fut bâtie au temps de Septime Sévère ,
ppur ^Tïèi^ les ravages des Parthes. Cette ville célèbre est certainement
plus ancienne^ que les Parthes» puisque Strabon,. dans un passage que
j'aû^ur.^Iui-méme cite quelques lignes plus t>as, dit que Nissibin fuit
^mmée par les Macédoniens .Antioche de' Mygdonie (1). J*îgnore ce
,^'9in doit entendre par ce que Tàuteur ajoute : qu'on ne sait ptrs d'uif^
^anihe certaine si ce furent les empereurs grecs qui y établirent une coloftit
macédonienne. 11 y a de même une apparence d'anachronisme» au moins
dans les teripes» dans ce qu'il dit de Torigine des Curdes, qu'il fait
«descendre des Parthes. Personne n'ignore que les Curdes sont pour le
^pins cont;;n]porains des Parthes » et que Xénophon parle d'eux sous ua
i)oif| qui diffère à peine de celui qti'ils ont conservé, jusqu'à présent (a).
Deux; autres villes de ces contrées ont encore été l'occasion de iégiiies
;inéprises : le nom de Diarrabiah, qui désigne une des quatre régions de
ia Mésopotamie (})» celle dont Nisibe est la capitale, s'est changé en
Mebbia; ce fut jadis» dit l'auteur» une colonie romaine» dont on \Q\t%
suivant lui» (es ruines au sud-^est du mont Sindjar» entre Nisibe ejt
^losoul : mais jamais il n'y eut de ville du nom de Rebbia parmi les
colonies romaines » et ce nom niême estévidçmraent corrompu. Kerkouk»
dans laquelle» sans motifs ^sulSisans » à notre avis» le voyageur veut voir
ie Çprcura de PtoIémée,^n'étoit pas autrefois» comme il le dit» la
^capitale du Sct^eherzour » car ' ce dernier nom désigne une ville du
Kurdistan. Je prendrai ailleurs un dernfer exemple des difficultés qu'on
peut faire à Fauteur sur ses recherches relatives à la géographie ancienne.
,On v.oit^ suivant lui» près du viftix Bas^ora» beaucoup de ruines
aocîennes qu'on çr9it appartenir à Fantique Teredon» * autrement la
Pattacopas d'Arrien: mais la . Pallacopas d' Arrien ëtoit un canal dérivé
de FEuphrate (4) > et non une ville» les ruines dont ii s'agit ne sauroienc
jdonc lui appartenir.
' , ' . ■ ■ ■■■''" ' ' . ■
(1) L» XVI j vbi suppd, — (2) Koflu^t. Vid. Expcd. Cyr. / iji, r. jy /. iv.
Ci i^et^ alibi, — T (j) p Herbelot, BibL Or. au moi Diarbekr. ^
mtiyif 4c isifgÊd itvfnfâif. Arr. de Eoip, Alex. A VU ,c. 21, ed, Gronoi). p, jo2, —
Ahiiea donne en- cet endroit ùdc description assez détaillée du canal nommé
J^jdlacÔMj. . , . . " .
iix
JOURNAL ÔÈS SAYÀNS,
Après toutes" ces observaiions, qui ne portent, ainsi que fe favois
annoncé, que sur des niinuiies géographiques , mais qu'il seroît aisé de
multiplier encore,!! y auroit de l'injustice il ne pas indiquer les punies
<e-1a relation qui offrent une véritable et solide instruction, « ou le
wyigtur Se montre observateur exact et attentif & rassembler des noiîortS
titiifls. Nous citerons plus particulièrement tes articles relatifs au cominerct
de Bagdad, de Bender Abbassi et de Bender. Bouschir L'aulcur a pris
witl de résumer dans un chapitre exprès ses observations siir cette
IRUière. On remarquera sur-tout ce qu'il dit du commerce d'importation
>^'aiieu de (a Boufch.irre et du pays des Kasaks en Perse, el dont les
•pftincipaux objets sont l'indigo, l'acier, la rimbarbe, le lazuliihe et (es
«çhils. L'indigo vient du Moullan, et 3e Djampôur, dans le pays des
Afghans , et il est transporté par Kandahar et Hér^t dans la partie de (a
Perse qui forme les états de FetK-Ali-Sébalj^ L'ricfer dbnt on bit .M
fimeux sabres de fx Pèfib, lie^yîeni pks/WniHR TtH(Ç4Et glielftfék
voya^rs, de certaines mines du KhOralian; 'iiiàU'itelt Hredé'-Iibot'*
tf<Â dnTaf^rte siuj h formé de ifi^ùei. lia VKab^i^>'>^ l^<>ii'e^
fauteiir . rient dit pays'des Usbeks et'de h pt^Tiilceâe Tàngiit : tiiaur fl
leroît plus exact de dire que cette tàdtie tnédidnafe est apportée dei
frontières de la Chine , au trarers de la Tartarie , car H riWtroft pas daàs
le paysdesUsbeks; et,quanlïta proriridé de Tingtiti dont la noiA
a pii se perpétuer par h traffiiioA chez fel géo'graplies et les commerçans
oiientatn, il y a près de six cents ans ,que. .cette dépbiniliaiion est
incbnntM dans tes* régiotis'olt elle aTohf^s nanikilfx. .''''-
La notice is^ détaille que Taut^af doiuie sbrle» KfaJs de
Kascfamire, métîte, sur-tout en ce tnomeht, de fixer Taneiùion des
lecteufs.S^ivantnotre voyageur, ces schab sont faits avec le potides
chèvres qu'on trouve dans le district de Lass Lasa , pays de Khotan%
— ~ . . . ^
OCTOBRE iSip. î
faciures, accompagne le propriétaire à la douane, et c'est sur une
estimation arbitraire et ordinairement ouiiée, que le percejJieur fixe
luî-niéine le nouveau droit àpayer. De cette manière, la fabricniion est
plus onéreuse qu'utileà ceux qui s'en occupent; et ces étoffes, qui font
la réputation du Kaschmire, et enrichissent les mains par lesquelles elles
passent pour arriver jusqu'en Europe, assurent à peine la subsistance des
tisserands qui les ont faites. On envoie les scbals par ballots de cent
cinquante, qu'on nomme btJri. Ces ballots sont portés de Kaschmire à
Peïschawer, le plus souvent à dos d'homme; car la route, qui a vingt
iournées de caravane, n'est presque nulle part accessible aux mulets
mêmes , à cause des moniagnes à pic , qu'il faut gravir avec des échelles ,
et des précipices, qu'on passe avec des ponts suspendus, A chaque siaiiou,
il y a un droit de péage qui n'est point fixe, de telle sorte qu'un sch:;!
rendu à Peïschawer a déjà payé quelquefois jusqu'à vingt roupies, ou
cinquante francs, seulement pour les droits. De Peïichawer on iraiisporie
les schalsà Kaboul, où ils sont assujettis à un droit de deux et denii
pour cent. lis passent ensuite à Tebès et à Mesch-hed, où ils paient le
même droit. A ces frais il faut encore ajouter le prix du transport tl
les autres droits de péage et de douane dans l'intérieur de la Perse»
les risques que les caravanes courent d'être pillées par les Kirgis et les
Turkomans, dont il faut acheter la protection, à raison de quatre roupies
par schal , les dangers que font aussi courir aux caravanes les troubles
qui agitent le pays des Afghans, enfin Je transport par la Géorgie et
la Russie, ou par Bagdad, Arz-roum et Consiantino)>Ie. On voie que
l'opération qui dispensera de tant de frais et de risques dans le comjnerce
des schals, offrira des avantages réels et immenses, et sera une véritable
conquête pour Tindusirie européenne. La race qu'on a introduite eti
France, en ces derniers temps, ne vient pas du 1 ibei, et peut n'élre
pas absolument identique k la race dont parle notre auteur dans cette
partie rie son ouvrage, et dont on va chercher la toison avec tant de
peine dans les montagnes qui sont au-delà du Kaschjnire : mais, si la
laine est égale en beauté, le but essentiel sera atteint, et les points
sur lesquels il pourra rester des doutes, seront uniquement du ressort
des géographes et des naturalistes.
Après ce résumé sur le commerce qu'on peut faire en Perse, on
trouve un chapitre consacré à la comparaison des mœurs des Per-
sans et de celles des Turcs, et trois autres chapitres d'un intérêt plus
réel encore, parce qu'ils sont exclusiveinent remplis de faits. L'un,
composé en gronde partie de détails communiqués à l'auteur par
M. jouannin^est un éiat des utbus militaires établies en Perse; l'autre
fiî4 JOURNAL DES SAVANS.
mite des poids , mesnret et moimoiei de ce payt. Le dernier est (ine
coIlecdoDdltinénîreii non-seuleniait de ceux ^ue rtuieur a pu dresfer
luHnéme en pirconrint la Perse, nuis tusu de pliuieon autres qu'il
ft rassemblés duis son Voyage, L'it^ dtt trihit mtfiiMhet est déjà
coana par quelques extraits (i) : on y trône ces trSitis (Jkttécs selon
ia langue qu'elles parlent, en- quatre divisions 00 70*^/, là hl^né
turque , la kurde, l'atâbe et la hure. La ptemière tHnsion contient trente*
IMuf tttbos principales i et unassea gnnd nombre de biaikfaes;<miiij
4iqne, autant qki'ti est possible, lelimle pfas hâhitoelide (a résidence
de diactuie d'elles, et le rfombre d'iodivîdus dont -elles se coinposau>
On a suivi la même métljode à f^ard deg dis tribus de la langue
knrde , des huit tribus de la langue anbe , et des seize principales tribus
de la langue laure. Cette liste, plus exacte et plus complète qu'aucune
de celles du même genre qu'on trouve dans les autres livres imprimés ,
qSre un talileau fort intéressant de la partie de la population de la Perse
qui a conservé un genre de vie nomade. C'est encore un morceau fort
important que la table des poids, des mesures et des monnoies, soit
de compte , soit réelles , en usage dans dilTi^renies provinces de la Perse ,
avec leur évaluation rapportée aux dénominations européennes. Les
règles et les usages relatifs au titre et au cours des monnoies sont
fob^t de ïeman^es d'une grande utilité.
Quant aux itinéraires, les uns offient, comme je Td'dit, le résumé
de la route suivie par Fauteur : tels sont ceux de Conitantinople k
Bagdad, de Bagdad h Kerman-schah, de Kerman-schah h Hamadan,&c.;
les distances sont évaluées en heures de chemin ou vafarstng, mesures
qui passent l'une et fautre, par approximation, pour vaToir une lieue
et demie de post^. Les autres , qui sont au nombre de trente^epl , con-
tiennent les mêmes évaluations, et donnent par conséquent la distance
d'un grand nombre de villes et de villages de la Perse, et même de
OCTOBRE 1819. 62s
tssez grande simplicité , et n'offre que dans un petit nombre de passages,
des traces de cette recherche dans les idées et dans le style qui a toujours
l'air de l'affectation , et qui est sur-tout déplacée dans des ouvrages de
cette nat^re. Par une autre dérogation k Fusage, l'auteur a rédigé.
une bonne table des matières contenues dans ses deux volumes ; sorte
d'accessoire qu'on néglige trop souvent de nos fours, quoiqu'il soit,
éminemment utile dans les livres où il y a tant de noms de lieux, xle
villes et de villages, de montagnes et de rivières.
En terminant cet extrait , nous croyons devoir apprendre à nos lecteurs
que fauteur, qui a gardé l'anonyme, est M. Adrien Dupré, Fune des
personnes qui ont été attachées à la légation du général de Gardane.
Plusieurs feuilles et journaux périodiques nous ont donné à cet égard
l'exemple de l'indiscrétion; mais nous risquerons d'en commettre une
nouvelle, en annonçant à nos lecteurs que M.Dppré s'occupe en ce
moment d'un second ouvl'age qui ne sauroit manquer d'être ^vorabie-
ment accueilli du public : c'est son Voyage a la côte des Abkhns, qui
contiendra sans doute des ren$eignemens intéressans sur une contrée
qui est encore fort peu connue.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
Note sur (iuekiues Épithètes descriptives de
Bouddha.
Qutf^UE ce soit en général une recherche assez futile que celle des
dénominations par lesquelles les Hindous désignent leurs divinités,
parce qu'on a souvent lieu de les croire arbitrairement forgées par les
poètes , il en est quelques-unes qui sont tellement consacrées par Fusage ,
qu'on y doit voir , non pas de simples ornemens du style , ou des moyens
de remplir les hémistiches , mais Fénoncé d'une opinion bien arrêtée
siu les attributs de l'être auquel on les applique. De cette nature sont
les épithètes descriptives de Bouddha , dont le nombre est très-consi-
dérable, mais qui , étant toutes prises dans les livres regardés comme
révélés, et faisant allusion , soit à des traits de la vie de ce personnage
mythologique, soit aux attributs qui servent aie caractériser, n'ont pu
changer depuis qu'elles ont été imaginées , et servent à le désigner, dans
les litanies, les invocations et les légendes, d'une manière fixe et inva-
riable. J'ai donné (1) une liste très-complète de. ces épithètes, puisée
' (ï) Mines de FOrient, f. IV, p. t8j-2or. — Voyez le Journal des Savans
de novembre i8i6,i?. /^j.
Kkkk
I
OCTOBRE l8!p. tfir '
témoignage est supérieur k celui des savans de ['Europe, et même à
celui des auteurs attachés au culte de Brahma, les seuls que les auteurs *
anglais ont consultés, lesquels, en pariant de Bouddha, auroient pu céder
aux préjugés de leur secte , ou corrompre invoionlairemcot les tradi-
tions que les premiers avoient le plus grand intérêt à garder intactes. Je
ne fais même cette remarque que pour mieux classer les autorités , et je
n'ai pas en vue d'éluder les témoignages des Brahmanes; car on n'en
a invoqué aucun dans cette question , et je ne crois pas qu'il en existe
qu'on eût pu invoquer. Mais les livres sacrés des Bouddhistes, attribué»
par eux au fondateur de leur religion, ont certaiiiemenc été composés ea
samskrit, et, suivant toute apparence, k une époque très-rapprochée de
celle où l'on a coutume de placer l'existence terrestre de Bouddha,
c'est-à-dire, au moins neuf siècles avant notre ère. Ces livres existent
eu origiÉiaux, dans lespays ou sa religion est devenue dominante: on
t'est attaché à les conserver avec un soin scrupuleux; et les version»
qu on en a laites k des époques que nous connoissons, en chinois , en
mongol ou en tibétain, rédigées avec celte tidùlité presque servile qui
caractérise Jes Orientaux, représentent si exactement les textes, qu'indé-
pendamment des noins et des mots samskrits qu'on y a laissé subsister,
on y reconnoît le génie indien, et jusqu'à la phraséologie primitive.
Nous possédons ici le résumé complet et bon nombre d'extraits de ces
ouvrages, qu'il est, j'ose le dire, indispensable de lire, avant de
hasarder une opinion sur un point quelconque de la doctrine des
Bouddhistes.
C'est dans ces livres qu'on trouve les différens noms donnés )i
Bouddha, rangés et distribués en sections : la première en contient
cinquante-huit, beaucoup plus, par conséquent, que l'Amarasinha.
Mais ces noms expriment presque tous les perfections morales et les
puissances de Bouddha, considéré comjne divinité: c'est Duvatideva,
le Dieu des Dieux; Dharmmasouâmi , l'honorable roi de la doctrine;
Makâtmâ, le grand saint; Narottamah, le plus élevé des hommes;
Coumsâgarah , la mer de vertus , &c. Il n'y a rien k tirer de ces déno» -
ininaiions pour l'objet qui nous occupe.
Mais les Bouddhistes ne se sont pas bornés k faire l'énurnération deJ
qualités morales par lesquelles leur principale divinité l'emporte sur
tous les autres êtres : ils ont aussi fait une description des qualités cor-
porelles qui la distinguèrent dans sa fonne humaine , et ils ont composé
une série de phrases d'où il est possible de tirer un portrait complet
de Bouddha, considéré comme être matériel et terrestre. Sous ce rap-
port, on lui assigne trente-deux qualités visibles { en mandchou, /-^V*^-^
Kkkk 2
OCTOBRE l8i9- ^^9
paripoûmotiamangah ( en mandchou y /^VrHO 0\H^ ^ Hï'\\y^i)i ^)u3i:m^
/■'■^'^d.-'-i'.'^ fouaiyekhe rasiwar wekhti gese sakhatiyan ). fi/ru est s^n^
deMife.ki dam le sens de rwir, comme dans ce vers d'Ovide :
Regnaque caruleis in sua portât equis (i).
Toutefois on pourroit aussi l'entendre de ces reflets azurés qu'on remarque
dans Its cheveux d'un noir foncé , mais qui ne se font pas voir dans Ia[
cbeveluredaineuse des Africains. Ses cheveux étoient en boucles arrondies»
pradaksçhinyayattâktcha (en mandchou, ^>^i^^*-9^ /^«^t-MP^ ^'".^''Otf;
chêurien idsiskhon founiyelihc)\ et voilà sans doute ce que, dans des.
figures de Bouddha exécutées par des artistes inhabiles, on aura pu
prendre poiu* des cheveux crépus : mais , comme si l'on eût songé ^
prévenir cette manière d'interpréter le mot boucles, on trouve une autre
épithète qui en fixe ie sens. Les cheveux de Bouddha n'étoient point
méiés ni crépus , apamloutitakechah ( en mandchou , Mji'^^'Q'^ \>^X^
> nii^jî;v,\^ oudchoui fiuniyekhe sirenekheko ). Enfin, ce qui est décisif,
if avoit le nez proéminent, tounganâsah (en mandchou, /^^or^^^^^^^^K.
êWTo den ) , expression qui seroit probablement bien rendue par celle
de fie^açui/in, mais qui, bien certainement, ne peut en aucune^ma*
nière s'appliquer au nez épaté des nègres de FAÂique. j
Je ne puis qu'en appeler au témoignage des personnes à qui la
langue samskrite est familière, pour l'exactitude de l'interprétation des
phrases samskrites que j'ai traduites, non pas immédiatetnent, maïs par
le moyen du chinois, du mongol et du mandchou. Je n'ai choisi que
celles qui m'ont paru les plus caractéristiques; mais, en parxrourant Ie(
autres dans la traduction que j'ai donnée de la partie du Uwre qui h$
condent (a) , on en pourra remarquer d'autres qu'il seroit presque aussi
difficile de concilier avec Tidée de W. Jones, et bien certainement on
n'en trouvera pas une seule qui la favorise^ Sans rien préjuger de la
question qu'on pourroit élever sur la réalité de lexistence historique du
personnage appelé Bimddha, il est bon de remarquer qu'on n'a admis
dans cette description du corps de ce personnage que des traits qiu
peuvent s'appliquer à un hoipine, sans aucune de ces fprmes bizaire^,
ni de ces qualités merveilleuses, dont les Hindous sont si prodigues dans
la représentation de leurs divinités.
Je ne voudrois pas tirer un grand avantage des nombreuses- légendes
où l'on fiiit jouer à Bouddha un rôle entièrement fabuleux , parce qu'il
n'est ^as aussi certain qu'on n'y ait admis arbitrairement aucuii traix
destiné à relever des perfections imaginaires, et qu'on pourroit supposer
(i) Fast. /. IV, V. ^6. — (2) Mines de l'Orient, l. IY,p. àSjr^j^Qo;
6io JOURNAL DES SAVANS, .
que U pureté des traditions indiennes se (eroit shérie par leur trimporr
k la CÛne oa en Tanarie. Il est ponitant digne de remarque qu'aucua
trait de CCS légendes n'a le inoindre rapporta h physionomie ^trangèi*
qu*onvoudr(»tattribuerliBouddiia»etqiiccedieu]r est bmionn repré-
senté lu contraire avec un degré de beauté égal & sa [Hiissapcew Quand.
Bouddha se fut incarné dans le sein de la belle Majra, fa ventre de
cettefèmme i»ivilégiée devint tout-k-eoup ccHnme un pur ortstal, an
traven duquel on voyoît Tenf^nt, beau comme une fleur, agmouglé et
appuyé surics deux mains (i). Pour ne pas repéter ce qu'on lit k ce
sujet dans ^vers ouvrages anglais, et dans le tome II des Mémtnres de
Palias, void quelques particularités tirées d'un livre mongol»' qui a
pour titre , J-*^***!"-'
m ) « * ^ * ^^^^ l4AJàâi& US U]^^^ ^^^^J^C
v><94>^A^ Khamouk Bomood-yin dourhiaa ounan arkkagl oloksatt oHtàiUi
[ les quatre vérités démontrées, dioisies dans la doctrine universelle].
Après que Chskia-mouni, on Bouddha, eut achevé le cours de ses
pénitences, plusieurs dieux [Tenggeri] descendirent du ciel pour
l'inviter à répandre sa doctrine. Il étoit alors entouré de ses cinq
disciples, Yattg-chi-godiniya, Dau/, JViangsea, Langka et Sangden. Ces
cinq personnages, conservant encore quelques doutes sur la véritable
nature de leur maître, se demandoient en&e eux s'il étoit bien réellement
un ^Ji-t*9P^ J-^-'^ Bourkkan kkoubilgan, c'est-à-dire, un dieu du
jHvmier ordre , et ils disoient : Si Goodam est devenu BourUuui, nous
devons suivi^e sa doctrine : mais s'il ne Test pas , pourquoi l'adorerions-
nous! Pendant qu'ils parloient ainsi» Godinya se sentit émouvoir inté-
rieurement, en voyant que la couleiu* du corps de Bouddha devenoit
tout-k-coup comme dorée , et qu'une auréole entouroit sa tête. Il ra*
connut alors la divinité du Bourkhan.
Dans la Vie de Bouddha, écrite en mongol sous le titre de Mdiù-
, on raconte que ce saint personnage, durant ie temps de
OCTOBRE 1819. «ji
, il devint si beau et s! fort , qu'il ressembloit h une enclume dorée cl bien
polie.
Selon le même oiiviage , quatre jeunes filles , qui étoient sœurs , ayant
entendu \anler la beauté de Souddha, eurent envie de le icduîre, et
^vinrent se présenter devant lui dans l'état fe plus favorable à leur dessein.
Le Bourkhan , les regardant d'un œil sévère , leur témoigna son indignation
"en faisant du biuita^ec ses doigts. Mais ces femmes s'étant hasardées
.& lui dire ; O Goodam, quel est le témoin menteur qui ose soutenir
'que tu es le saint par excellence! Goodam courroucé frappa la terre
de sa main , et s'écria : Voilà mon témoin! A l'instant on vit paroître
Oki-yin tangr'i , le génie de la terre, qui dit à haute voix : C'est moi qui
suis le témoin de la vérité. Les quatre sœurs se jetèrent alors aux pieds
de Goodam, et l'adorèrent en lui disant : Que l'adoration universelle
• te soit faite, visage pur et parfait , sagesse préférable à l'or, impénétrable
majesté, source de la religion des trois périodes de réieinilé! Pour
conserver la mémoire de cette conversion , oi» bâiit en cet endroit un
lempJe à la scJuciion Mûlmut,
Enfin, le même Mani-gombo dit qwe, dans sa jeunesse, Chakia-
mouniportoit le nom de Arf/a-c/iïdiSd. beauté étoit plus qu'humaine;
-et souvent, quand il cherchoît l'ombre des figuiers pour s'y reposer,
un peuple immense l'empèchoit de le faire, accourant de toutes parts
pour contempler les trente-deux lakchan et les quatre-vingts nairak,
c'est-à-dire, comme je l'ai expliqué plus haut, les cent douze qualités
visibles qui caraciérisoieni sa ligure terrestre.
On peut croire que, si je ne n'avois pas voulu me borner à réfuter
l'assertion de M. Jones seulement en ce qui concerne les traits de (a
race nègre attribués à Bouddha, il m'eût été facile d'accumuler un
grand nombre de preuves d'un autre genre pour faire voir que ce
personnage n'étoit pas, comire il l'a supposé, un Ethiopien venu
d'Afrique dans l'Hiiidoustan, et que, sa naissance une Ibis admise
comme un fait historique, toutes les traditions, sans exception,
s'accordent à la placer dans un des royaumes de l'Inde centrale : c'est
un fait établi par trop de témoignages , tous d'accord ensemble, quoi-
qu'indépendanslesuns des autres, pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter,
Mais , quand bien mémequelques statues de Bouddha auroient offert des
cheveux crépus, il y auroit Lien des manières de rendre compte de te
fait, et un savant anglais nous en fournit une qui n'est peut-être pas
la plus mauvaise. Dans une notice sur les Djainas, rédigée et traduite
à JVIadjeri par le brahmane Cavelly-Boria , d'après desdocumens lôurnis
par un prêtre de cette secte, on assure que les Afahâyralas , ou ascé-
OCTÔBltÉ 1819. ff3j
senibleroit être un essai prématuré > qui nedonneroit naissance qu*k des
hypothèses vagues, et ne sauroit avoir aucun résultat véritablement
historique.
IV. ABEL-RÉMÙSAT.
•■ I •■ •«.,.'. i ^ A ,,. i . , . . . 1 # (" • ■ I M : I . 1 •• » •■
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE Éf SOCIÉtÉS LITTÉRAIRES.
L*ACAoéMiE rovale des beaux-arts a tenu sa séance' pùbnque annuelle k
samedi a octobre 1 S 19; elle a été présidée par M. Bervîc. L'académie ayan(
décerné cette année deux grands prix de composition musicale» la séance s'ésc,
ouverte par l'exécution de la scène qui a mérité le premier grand prix ^ remporté,
Sr M. Halevt. Des notices historiques sur la vie et les ouvrages d;^
.Roland et de M« Méhtut'ont été lues par M. Qiiatremère de Quincy,
secrétaire perpétuel. M. Cartellier a lu un rapport sur les ^ouvrages des pen-.
sionnaires du Roi à l'académie de France k Rome. La distribution des grands
prix de peinture 9 de sculpture, d'architecture 9 de gravure en médaille, et de
composition musicale, a eu lieu 9 comme il suit : ^ .,
Grand Prix de peinture. Le sujet donné par T^LC^tm^ t%i .TVmîstock]
€hi7 Admke. « Thémistocle, pour se soustraire' à là h'âine des Athéniens, se.
» réfugia chez Admète, roi des Molossiens, et se fit suppliant dé ce roi. Ilpril'
ventre ses bras le fils du roi, encore enfant, et, se mettant à genoux prés, de.
» l'autel domestique , il se recommanda à la générosité dû roi ; ce 'qu'il fit par le]
» conseil de la rerne, qui lui indiqua ce moyen ^é supplication en usa^é et le
» plus puissant dans le pays. » { PLUTAfti^UE, Vk de ihantstocté.' ) Le premief;
grand^prîx a été remporté par M. ^Frapçob DUBOIS, de Paris^âgé de yihgt-
huit ans,^iéve de M. Regnault; et lé secpnd grand prix, par M. Chârles-
Pbiligpe OelariVière, natif de Paris, âgé de vingt ans et demi, élève de
M. Cirodet-Trioson.
, Grand Prix de sculptitrb. L'académie a donné pour sujet duconcourij, [
Énée tkssék\B. cuisse par une flèche lancée par une main incpnnue,et s'appûyanc |
debout sur sa lance; au milieu de ses amis, Achate et Mnostbéè gémissant j à
coté, soa fils Ascagne fondant en larmes. Le vieillard lapis > son médecin,'
essaie de retirer le fer de la plaie. Cependant Vénus, touchée des souffrance!
de son fils, est descendue du ciel, et mêle du dictame dans le vase où lapis,
a infusé d'autres simples. Le premier grand prix a été renîj)brté par- M. Abel
DlMiER, de Paris, âgé de vingt-cinq ans, eléve de M. Carréllier; le second'
gwnd prix , par M. Justin-Marie Lequien, de Paris, âgé de vingt-deux ans ,;
élève de M.Bosio,et le deuxième second grand prix, par M. Phîlippe-Jdsf»ph-'.
Henri Le Maire, natif de Valenciennes, âgé de vlnigt-un ans, élève " de '
M. Cartellier. L'académie a décerné une mention honorable et une médaille
d'argent à M. Maurice BEGUIN, de Paris, âgé de vinçt-cinq ans, élève de
M. Lemot. Tons ks concurrent ayant fait, à dtfférens degrés , grrjvt dt talent , d%
^U et de progrès, il a été arrité qu'il leur sefQtt donné à tous M' piniolgnage putlk
ée satisféutUn»
LUI
/ •
OCTOBRE 1819. 6}j
Couvrira de son ombre
Les tentes des chrétiens et les tours de Sion.
Le ciel prend pitié de raes larmes;
Herminie, après tant d'alarmes.
Va retrouver Tancrcde. ô généreux vainqueur!
Toi seul rendras le calme et la paix à mon cœur.
CANTABÏLE.
Long-temps , hélas ! gémir fut mon partage :
Des jours plus beaux vont renaître pour moî.
O du honneur douce et flatteuse image,
Console un ctsur qui s^ahandonne à toi.
Tout m'est ravi , patrie et diadème ;
Mais, siTancrède à mes vœux est rendu,
J'ouhlîrai tout : auprès de ce qu'on aime
Se souvient-on de ce qu'on a perdu !^
Long>temps, hélas! gémir fut mon partage:
Des jours plus beaux vont reciiùtre pour moi.'
' O du bonheur douce et flatteuse image ,
Console un cœur qui s'abandonne à toi. .
RÉCITATIF.
Mais, sur cette arène guerrière,
Queb débrb tout sanglans affligent mes regards !
Deux boucliers, des. cas<|i^$^, des poignards! ^ .-.■ \^
Un musulman, couché sur la poussière, ., ^ ^
Dans la nuit du tombeau parbit enveloppé.
Que vois- je î Afgant , que là mort a frapbé ! ' '
Quel sang a-t-il versé î Grands dieux ! je vous implore.
• Ce chrétfsn, quel est-il! Je frémis malgré moi.
Si Taacrèdc..^. Approchons Cher Tancrède, c'est toiî
Tu pé«s , et je vis encore î .
AGITATO.
'Il n>st*p!us Dieux cruels, -ete^vons satisfaits !• - •- *•- * .-• i ..
TancrècFc, 6 mon seul bien! je te perds pour jamais.
Le coup qui t'a frappé n'éteindra pas raâ namme;
Ton sort sera le mien ; mon ame suit ton ame; , •
Dans la tombe avec toi je ve,ux m'ensevelir.
Permets, ô mon amant, qu'Berminie éplorée
Dépose, en expirant, sur ta bouche adorée
El SCS derniers baisers et son dernier soupir« ' '
RÉCITATIF. .
oe peut-il \ sur son front, que mes f armes moadent,: ^ r ^
Un incarnaé fégcr succède à la pâleur. ,
Je ne m'abuse pas : ses ^upîrs me répondent; ' ' '.
J'ai senti pat pher son cœur.
Il vivra, des héros la gloire et le modèle! ■•-
£mployotis, pour sauver des jours si précieuX| ,f
Ces magiques secrets, ces mots mystérieux.
Qui rendent auli guerriers une vigueur nouvelle^
Tancrède me devra -ie jour! . ■.»^.
Doux, fï^ir ! rstvissantç, iyresse ! , .^ ,. .. ». -.», . »fv . . j H.
Fouira- t-il par 'trop de tendresse
lIII 2
OCTaBRE 1819. 6i7
scrîbendi genere^usl suntpetitis ostendatur, quid commodi aut ïncommodi habeat
dialogicèdisserendi ratio. CLASSE p*HISTOIR£ : Historiœ Saxonis graminatici
Danicœ accuratam solidamque crîsim instituera. Le prix , pour la meilleure
réponse à chacune de ces questions, est une médaille d'or de ia valeur de
cinauante ducats. Les mémoires devront être adressés au secrétaire de la société |
M. xi. C. Oersted, à Copenhague*
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Catalogue de la librairie grecque latine de H. NicoUe, rue de Seine > n.<* 12;
in-SJ" de 132 pages. Paris , impr. d*Eberhart» Prix, 2 ft.
progrès des écçles d^enseignement mutuel en France et dans l'étranger ; par
M. Jomard» Tun desi secrétaires de la société pour renseignement élémentaire;
brofJiure m-S.^ Paris, cha L. Colas ^ imprimeur-libraire.
Eloge de C. M. étVÈpk , fondateur de. rînstitution des sourds et muets;
discours qui a obtenu le prix proDosé par la société rovale académique des
sciences; par A. Bébian. Paris, Mcntu> 18 19, ia-*/ ae 56 pages, avec le
ponrait lithographie de l'abbé de l'Épée.
La JétusaUM délivrée, traduite en vers français par P. J. M. Baour-Lormian.
Paris, impr. de Didot le jeune; chez Delaunay ; 3 vol. in-S.'* avec figures. Prix»
24 fr. Cette traduction est précédée d'une Notice sur la vie et les ouvrages de
T, Tasso par M. Buchon, et accompagnée de notes par M. Trognon. = H
sera rendu compte de ces trois vob^mes dans l'un de nos prochains cahiers.
UHotsune, ode, suivie d'une élégie, d'autres vers et de queloues notes, par
Jean-Justin Aristippe ( de Gallta). Bordeaux, imprimerie de Louis Faye^ et
a Paris , chez Pille\ , &c. , 1 8 1 9 , in- 8}
L'Institution du Jury, éfïirt en vers à Montesquieu, par P. Lami. Paris,
impr. de Fain , librairie d*Aîmé Comte, itji9, i^'^*^
Proverbes dramatiques,, par Etienne, Grosse. Paris,, împr* de Faïn, chex
Ladvocat» 1819, 2 voL in^ù,", ensemble 53 feuilles et . deinie.
l^s dernières Lettres deJàcopû Oitâ';^ imprimées s«r les manuscrits autographes.
A Paris, chez.P. Fr. Delestre, rue Neuve de, Seine, n-* 79, w-*/ 1819. Prix,
^ fir. , et 6 &• par ta poste. ( Roman dans le genre de Werther. )
(Euvres complètes de Thçhias/ tome I.^', contenant une Nodç/e sur la vie de
l'auteur; l'^ssaî sur les éloges, avec des morceaux inédits; tes Éloges de Marc-
Auréle, du Dauphin, du comte de iSaxe, de Duguay-Trouin, de Sully, de
Daguesseau , de Descartes; l'Essai sur les fen^mes. Paris, Beli», i8io, in-fJ £i
feuilles 3/8, 8 fc *.
Biogravhi^ universelle ancienne et moderne, tomes' XXIII et XXlV
(LAA-LON). Paris , L. G. Mfchaud , 1819,2 vol. zV^.V ensenjjle 83
feuilles 1^4, avec un cahier de portraits.
Histoire de Samuel, fragment' d'tfn voyageur américain; traduit sur le-
manuscrit angiab, Paris, imprimerie de P. F. Dupont, 1819, chex Brissoi-
Thivars, in-S.^ , 13' j pages.
Leonis Oiacvnr Cahéns'ts Historia,. scriptorescue ah! ad res Byaaotioa» •
pertinentes: é BIbtiotheca fegia nunc pritnàm édiait, versk)ue latïna et n^ti»
WiTstravit Car. Bened. Hase. Parisits, typis regii», i&t9,»|;r. w-^i }6o pagev
Dans L'un de no^ prochaÎAs cabiecs^ dou;^ rendrons comité' dt ce volùïnéy
OCTOBRE 15.19. ^39
tâché de réunir la théorie à la pratique; par M. .Toullier, seconde édition.
Paris, Warée ; 4 vol. m-<?/ Prix, 24 h.
La Thémis constitutionnelle , ou les Fastes du barreau français et des facultés
de droit du royaume; par une société d'avocats et d'hommes de lettres. La
I crémière livraison paroxtra en novembre 1819. On souscrit chez Barrois l'aîné,
ibraire,rue de Seine, n> 10.
Une autre T/iémis, ou Bibliothèque cfu Jurisconsulte, ipar MM. Arnold, Cousin,
Blondeau, &c. , paroîtra chaque mois. Dix livraisons, formant deux vol. in-S," j
coûteront 24 fr. On souscrit rue Gît-le-Cœur, n.® 4*
Annales protestantes^ recueil spécialement consacré à la défense de la
religion réformée; par une société de protestans et de gens de lettres. 11 paroîtra
un cahier de 5 ou 6 feuilles par mois. Le prix de la souscription est de 20 fr. •
pour l'année. On souscrit chez Foulon et chez Treutiel et Wiiriz. — «Les
» Annales protestantes présenteront quelques réflexions sur l'état de riostruction
» publique, dans ses rapports avec l'éducation des jeunes protestans. Quelques^
» pages seront employées k décrire la situation et les progrès du nouvel ensei^ne-
» ment mutuel, et du nombre considérable d'écoles que les protestans ont
» fondées. La situation générale des églises protestantes de France sera exposée
»avec exactitude. Une revue littéraire et politique sera particulièrement
» consacrée aux questions législatives qui se rattachent à la liberté de con-f
3> science. »
Recueil de mémoires et Siuues pièces de prose et de vers qui ont été lus danS:.
fes séances de la société des. anus des sciences, des lettres, de l'agriculture et.
des ans. A Aîx, împr. et libr. d'Augustin Pontier, /n-<?.* 'de 460 pages. On y
distingue des mémoires de M." TÏe Satnt-Vincens sur quelques antiques dé-
couvertes auprès d'Aii en 18 17, et sur un marbre qui sert de banquette dans
le cloître de Saint-Sauveur etqyi porte une inscription du x.' ou Xl.^ siècle.
IValus, Carmen sanscritum j} Àlahabharato edidit, latine vertit et adnota-
tîonibus illustravit Fr^ncisçiis fiojMp. Londini> liii9 , i/2-^»''
Pend-namèli , ou le Livre des Conseils, de Férid-eddîn Attar; traduit et
puhliérjiar M.ic baiQp.«Sxivestrè-dtt:5aty; De'rîmpnnterie roj^alé, <:hez Debure
frères, libraires du Roi et de la Bibliothèque du Roi, rue Serpente, n.® 7^
1819, //!-<?.• 1 , j ■ . . ■
H an tsù sy y poù /supplément au Dictionnaire chinoîs-Iatin du P. Basile de
Glemona, publie en 1813 par M. Deguignes; composé et rédigé d'après un
grand nombre dé roatçriaux tirés des livres chinois, par M, Klaproth. Première
livraison, 160 pages graud inrfolio ; imprimé à l'imprimerie royale.
Nouvelles Lettres édifiantes ^kO^ Mission de la Chine et des Indes orientales ,^
^ toiveslll et IV. Paris , Le CJete, 2 voLiz/rAji. .(.Voyez l'extrait des deux. premiers
tomes; Journal des Savans, mars 181^, pag» 174-183.) v
ITALIE.
Le Jibraire Giusti, à Milan, annonce un.e traduction italienne deTHistotre
de la littérature d'Iulie par M. Qinguenéy, en 9 vol. in-i^. Le prix de la{
sousciyption est restreint a 3 fr. 5.0 cent, .pour les personnes qui auront souscrit
avant la fin dp T^jinée 1819V .. ' ■ . . . ' ' .\ . .v\
Ar.oali d'Itqtiq , da.Lodçy. ^u^aj Qri» Milano , in-S.'' Les dix;prcmfeTs volimies
dé cette nouvelle édition optjc^éj^ paru.. On trouve .dans le tooMiX*^^ ane Vi^ 4«^
Miiratori , par M. Francesco Reiua^. .L*9uvragp,auL embrasse l'histoire dltaiie^
6io JOURNAL DES SAVANS.
depuis le coninieneement de l'ère vulgaire jusqu'en i749> a «'^ «vu sue I«
nianuscriis de l'auieur.
OffTfdelcav. Caria Castont , conte drlla Torredl Rr^o/iico,fAtrhtocomasco,
raccolie e pubblicaie dal prof". Fr. Moclieui. Como, Ofiinelli , s vqJ. gr. in-S.' ,■
toniel , Notice sur la vie tl le» ^criis de l'auteur, et sei (Eu vres diverses en prose;
loniesU et JIl, Poisies; tomes IV et V, Voyagi-sen Angleterre, en Sicile et à
Mnlte.
ALLEMAGNE.
Torquato Tasso's Lehn ilfc. : Vit et caractère de T. Tasto , accompagne»
d'une liste détaillée des éditions de ses ouvrages; par F, A. Èberr. Leip^ic ,
Brockhaus, \n-8.' de 320 pages'. — C'est une traduction libre de la Vie du
Tasse, insérée dans l'Histoire littéraire d'Italie de M. Ginguené.
Analecta pàfinaium latlnorum sifculi decimi noni. C'est le titre d'un recueil
gueM. Frid. T. Friedemann et le libraire Zimmermann se proposent de publier
a Wittemberg, «qui coniiendra, non tous les vers latins qnt ont éié composés
en Allemagne et ailleurs depuis 1800, mais les plus dignes d'être lus, aux
Ùctu digniord vidtniur ; en sorte qu'il n'y aura qu'un seul volume in-S', aont
les dernières pages encore seront réservéesà des vers grecs de la même époque.
En cotiséquence, M. Friedetnann prie les amateurs de la poésie latine de lui
adresser leurs productions et celles dont ilsoni connoissdnce;ei M. Zimmïrmana J
avertit les personnes qui voudront acheter ce volume, qu'il fera la remise d'at
tiers du prix à celles qui souscriront avant le (."janvier prochain.
Nota. Oh ptul l'adretser i la librairie de MM. Trentfel« Wunz, à Pans ,
rue de Bourbon, n.»ij ; à Sirathourg, rue des Serrufien; et à Lortdres, n' jo^
Soho'Si/ii.ire, jiour se procurer les divers ouvragrs autionch dans le Journal da 1
Savant. H faut affranchir les lettres et le prix présumé des oui-rages.
TABLE.
Voyage en diverses contrées du Irvant , et plus particuliiremnit de la
Perse, par sir William Ousely, {Second article de M. Stlvesire
<J* Sacy. ) Pag. J79.
Choix de poésies onginales des troubadours, par M. Raynoitard.
{ Article de M, Uaunou.) J91,
Levons de philosophie, ou Essai sur les facultés de l'ame, par M,
I.aroiniguiire. (Second article de Al. Couiin. ) 599.
Théorie du passage, parJ. B. Depertlies. {Article de M. Quatremèrc
de Quincy. ) ÉI I ,
Voyaar en J'erse.fjit dans les années iSa^, iSoS, tSog. (Article de
M. Abel-Kéinusat. ) <S'7' ..
Noit >UT quelques épiihiies descriptives de Bouddha, [Article de M; '"l.
Abel-R^usat. ).. 61^. , ]
Ntuvtllti UaérMirtt ....,.> ^SSVjfl
FIN DE LA TABLE, ' ~ '
JOURNAL
DES SAVANS.
NOVEMBRE l8ip.
A PARIS,
PE L'IMPRIMERIE ROYALE.
Le prix de Ta bonne ment au Journal des Savans esl de 36 francs par an,
ei de 40 fr. par la poste, hors de Patis, Cn (.'abonne chw MM. TnuHel et
Wûrr^, à Parit, rue de Bovrbon , n.' 1^1 à Strasbourg, rue des Snruriersj ^\i
Londrts , n.' jo Soho-Sqiiare. Il faut alFranchir le» leiircs ei l'argent.
Tout ce ^ai peut concerner les annonces ii insérer Jaits ce journal,
lettres , avis , mémoires , livres nouveemx , &c. doit être adressé »
FSANC DE PORT , ûu bureau du Journal des Savans, à Paris, rue
de Ménil-montart, n." 22.
à^^.
JOURNAL
DES SAVANS.
NOVEMBRE I 8 i 9.
Excursion acronoaîkiue en Au vercne , pr'ttiàpalement aux
environs des Monts-â'Or et du Puy-de-Dôme, suivie de
recherches sur l'état et t importance des irrigations en France,
par J. A. Victor Yvart , ancien cultivateur, membre de l'Ins-
titut , professeur d'économie rurale à l'École vétérinaire d'Alfort ,
de la Société royale et centrale d'agriculture, de l'Académie
italienne, cl d'un grand nombre d'autres sociétés de sciences,
d'arts et de littérature, nationales et étrangères. A Paris, de
l'imprimerie royale, in-8' de 218 pages, année 1815.
Epigraphe : Dirigeons maintenant nos conquêtes sut notre
propre sol, et appliquons-les avant tout à l'agriculture.
J—i'attENTION qu'on a mise à l'examen des végétaux capnlifes de
servir il la subsistance des hoiniiit-s et des animaux ; le désir de procurt-r
Miiunjn 2.
NOVEMBRE 1819. (S4ï
montagnes volcaniques , et jirès de celui qu'on appelle le Puy-âc-Dôme,
i.Al. de Monilosier n'a pas choisi pour son élablisseinent le local le plUs
b&voriâé pour l'agriculiure , comme nous l'avons reconnu nou'-mémes en
• le visilant : il n'en aura que plus de mérite. s"i! parvient à Te rendre fer-
- tile et à donner aux habîians des exemples dont ils puissent jirofiler.
• M. Yvart a bien examiné le sol, dnns sa nature, dans sa piofondeur, et
dans les espèces de végétaux qu'il produit spontanément ; examen dont il
L devoit tirer des inductions. Les rapports du sol avec les montagnes envi-
[ ronnanies ne lui ont pas échappé ; les connoissances qu'il a acquises en
i~ parcourant les champs du propriétaire, l'ont mis en état de lui indiquer ce
Kqw'il avoir à faire. Plusieurs sortes de charrues lui avoient été envoyées,
,,et particulièrement celle qui porte le nom de Bric et celle de M. Cuti'
\ laume ; un concours entre Ces divers instrumens a prouvé la supériotilé,
■pour les défrithemens, de ceHe de M. Guillaume, qui a encore été per-
Actionnée par M. Mathieu de Dombale.
Profilant de son voyage i lïendane, M. Yvart s'est porté sur le pays
Dionlueux quU'environiie, et spécialement sur les Monts-d'Or,pour en
prendre une connoiisance exacte, sous le rapport de leur économie
rurale. L'inégalité des lieux et l'âpreté des climats ne permettant que
dans des places irès-circonscrites les cultures de plaines, il s'est attaché
à l'examen des prairies et des pacages, qui nourrissent et engraissent
MB grand nombre de bétes à cornes; îl a pris des notions étendues sur
les produits qu'on retiroit de ces animaux ; il donne des conseils relatifs
aux plantes qu'if croit qu'on pourroit cultiver avec quelque profit , et
t -qu'on n'y cultive pas.
'é, I Le troisième obfet que traite M. Yvart, n'est pas un des moins
ytntéressans, II comprend des observations sur les irrigations faites en
■France, en Italie, en Suisse, en Angleterre, et qui tendent k prouver
non-seulement l'importance de cette pratique, mais aussi la possibilité
de l'inirodiiire avec beaucoup d'avantage sur un très-grand nombre de
points de notre territoire : il cite avec raison parmi les canaux d'arrosage
ceux de Crapone, de Bni'gelin, de Crillon, qui portent les noms des
hommes auxquels on les doit : ces canaux ont converti d'anciens, déserts
en campagnes riantes et productives. On verra avec plaisir, dans la ci-
devant Provence, ériger le monument qui se préparc pour M. Crapone,
à Salon, lieu de sa naissance et de sa demeure. Nous ne suivrons pas
M. Yvart dans i'énumérationet la description qu'il fait de dîfTérens canaux
existans ; nous terminerons ceire notice en citant ce qu'il dit après avofr
conseillé les aitérissetnens : «On pourroit recuit r ii-s limites naturelles de ,
» la France , sans verser de sang, en repoussant la mer loin des «ôtes, par
(Ï4(i JOURNAL DES SAVANS.
» des travaux d'art, comme on Ta fait sivec succès en profitant des liissts
» et en fixant Us dunes. Que de grandes victoires à remporter ainsi sur
.p.\a naturel que de riches. conquêtes à obtenir, sans sortir de aaire
M territoire et sans avoir besoin de ravager celui de nos voisins ! ^ Le li«re
de M. Yvart doit intéresser les personnes qui s'occupent d^igrioiirurc;
elles y puiseront de bons conseils, dont les observations de cet habile
pro^sieur sont paiseinies.
TESSIER.
Codex Nasar^vs , Liber Adami appeilatvs , syriacè
transcriptus , hco vocalium , ubi vicem Ikterûrum gutturaliam
gerunt, liis substitutis, hthièqae redditus, à Matth. Norberg,
SS, Theol. doct. ling. orient, et grxcœ hng. professore, &c.
Londîni Gothorum ; tom. I, 1815 , 330 pag, in-^.' ;
tom. II, \%\6, 320 pag.; tom. 111, 18 16, 310 pag.
Lexidion Codkis Nasarai, eut Liber Adami nomen , edidit Matth.
Norberg, érc. Lond. Goth., 18 16, 174 P^S- i'^-f-"
Ommasticon Codicis Nasarat . cm Liber Adami nomen , edidit
Matth. Norberg, *^f. Lond. Goth., 18 17, 164 pag. i/;-^.'
SECOND EXTRAIT.
Avant d'entreprendre Pexamen du volumineux travail de M. Nor-
berg, je dois prévenir fes lecteurs que je désignerai indiflîremmeiit fa
secte ou , si l'on veut, ta nation à laquelle appartient le Livre d'Adam,
sous les noms de Nasaréens, Mandaïtes, Chrétiens de Saint-Jean, ou
NOVEMBRE 1819. 647
du christianisme , et qu'on n'étoît pas plus fondé à fes confondre avec
les Sabéens ou Sabîens dont FAfcoran fait mention, et dont fe rabl)în
Maimonide a parfé fort au long. II ajoute avec grande raison : Ex
Sabiorum nomine quù à Âfahumedanis appellantur , nihil efficl potestf
quum notum stt Arabes vocabulum hoc omnibus imponeresolcre ,qui àreliglone
quant ipsi profitntur, alieni sunt. [De rébus Christian, ante Constant,
magn. Commentarii , p. 44- ) Abraham Eccheflensis affirme, if est vrai
( Eutych, vindic, p. 328), qu'ils se nomment eux-rhêmes Nasara Yahya,
ce qui signifie Chrétiens de Jean-Baptiste ; mais je doute beaucoup de
Fexactitude de cette assertion. Ce qu'ily a de vrai^ c'est qu'ils sont
nommés dans feur propres livres JL*lo^ Naseurayi, ^n% tgxe Forigii.^
de cette dénomination nous sbit connue, et que les chrétiens y sont
A^«*^« Quant au nom de Mandaîtes ^ qu ifs
écrivent j^^^^ t^^ et prononcent Mandai, if vient de moflda |^x^ moi.
dans lequel ïalef I a pris la place du «ï/i^él^ LesChaidéensfécrivent }pM
pour ;riD. Ce mot signifie science 9 ïonmissànct.; g^-Mic, gnose. Aianddi
est donc l'équivalent exact de Cnostiques. Je^ne veux pasdirepour œf»
que les Chrétiens de, Saint-Jean soient iiné braftithe. )des ancien»
Gnostiques. Cette conséquence seroit du moitis piématurée. Quant k
Faltération du -mot manda, où la gutturale iiifjr jt disparu et le noun m
pris fa pface d'une radicale supprimée^ on observe Ja mèitie chose daii^
îechafdéen casno» ^ fieu: duquel on écrit. (^ijri^ftl ^^lëont, iès Talinudistes
ont fart ^ro» les ^ Syriens M^iloet ies SaWens it^Jlto. J'aurai encore:
occasion de'' faire observer fâ ressemblance de l'^dliôiife des Sabéenè
avec le chaldéen du Talmud (i)^ •. -.f
Les renseignemens donnés jusqu'ici par fes voyageurs , et fes tiiavaur
fahs par divers: sâvaiis, reiativement aux fritoustrits ^béens- quW
possède en £ur©pé> îie tioûs permettent 'poînt-erxroîe^e dé«^mîner
avec cerritude de cohibi«n de* livres se conîp'ôse la blbïibthêquë sacrée
des Chré tir ns de Saint^Jean. Ceux de ces livres que nous conrttoissonjiy
et dont ies noms ont été plus ou moins exactement indiques- dans lei
rekiijons, peuvent erre désignés sous les dénominatiorts de Livre d'Adam,
ÏJvn Je Jean- Baptiste ^ txJCht^lasteh ou Ri tue f. De ce»j,1froîs ouvrages^
■(, '
*s •-
(0 Dans le langage çhaldiéen âts Ta'raudisics , comme .d^ s cehii des
oàbéens^ oh 'dit hzT'H au.liçfu de «jpk» jPn dit ausii, en retraôchani la ^ui-r
*ibac, iitm ail lien de-jMij/k^-irt R-^»*iîwr jrtîjina- ' '' ^"
4^i
JOURNAL DES SAVANS,
le pumier est ie seul qu'ait copié M. Norberg; je (fis le seul qa'if ait
copié, parce qu'en parlant des autres manuscrits sabéens que possède la
Bibliothèque du Roi, il s'exprime ainsi { Cad. Nas. (om. 111 * p. ) 1 6 } :
auonun poustas ai cenctssa mikifuerU, ia illis ttiam traisftrcndis paitulam
mtifactrt, in vote est. C'est au surplus le seul que M. Norberg ait pubUé,
et par conséquent auiy le kuI dont nous devions nous occuper.
H existe ^ U Bîh^othéque du Hoi quatre manuscrits origin&ux du
ZJn]r^'/4</iijn» qu'il notera pas inutile de aire connohre sucdiKtement.
Xe les rangerai dans l'ordre de Uurs dates.
I.* Un manuscrit coté Codtx Colbenîaat lyif, reffue 3»<^ A,
acheté à Bassora par J. Fr. Lacivix fi(s, au mots de juillet 1^74; Û a
été «ficrif'enfuinée de l'hégire j|r<i&, de JvO i j^o,'
3.' Un manuscrit coté Cod. Çolfurt. jSi, repus jop B. dilé de l'an
io42 de l'hégire, 1632 de J. C,
)'.* Un manuscrit acfwté par Otter et portant le n.*~22 : fl est daté
de l'an de Iliégire 1091, de.J. C. léjo. Ce manuscrit ayant ét£ relié
<dq>uh peu , le nom ÏOtter et ie n.* 21 ont <Sspam , aiiist qu'une note
qu'on lisoit sur un ftuillet blanc: elfe étoit conçue en ces termes i « La
•> loi écrite d'Adam, C'est ainsi que Tont nommée plusieurs Sabéensdes
M moins ignoians que j'ai fait venir pour me dire de quu traitoit ce
«• grand (ivK. » Otter étoit k Bassora en i7}9.
4.° Un manuscrit qui n'est accompagné d'aucun renseignement , si
te n'est qu'en tête du premier feuillet de la seconde partie on lit ^oj) b.
U est daté de l'an 1 100 de l'hégin, 1688 de J.C.
La Bibliothèque du. Roi possédé encore' une copie deçà même livre
£ùte en 1683, pour Tusage du docteur Piques , d'après le manuscrit
}09 A, et çolJudonnée avec le manuscrit 309 B, ainsi qu'on fe voit
par une lettre de Piques qui est collée dans te volume intitulé Sidra
NOVEMBRE 1819. €49
!e mamiscm apporté parOlter, puisqu'il dit avoir remarqué te nom de
ce vuyugeiir sur un des manus<:rits sahéens de [3 Bihiioihèque du Roi
l De re/ir. et ling. Sabaurum Comment., ddns le troisième tome des
Mcjîiuires de la Sociéié royale de Gotlingue ).
J'ai dit que M. Norberg a pui'Iié les note» ajoutées par les copistes
des manuscrits joj A et ^op B : la traduction qu'il en donne, ne me
paroît pas exacte; mais je ne pourrois entrer dans une discussion à cet
égard , sans m'écarter du but que je me proj^iose it î. J'observerai seule-
ment qu'il » eu raison de lire io»Aao9 ÎNÛd ce que j'avois lu
^«JUof (fi3a3,etde traduire in mttiopûH (ou mieux m tirbe pri-
maria ) , au lieu que j'avoîs traHnit Jais la ville de Aîacram , c'esi-i-dlre,
à Aikef'mocarram. ( Voy-^ St:eudlm'!> B-ylragt ^ur Philos, und Cesch,
tom. Il , p. 2^j. ) On pourroit douter si Tan 1042, indiqué comme
la dale de la rranscrîpiioi) du maimsctit jog B , doit élre entendu de
l'ère de l'hégire; tuais la chose est mise har» de diuie par les derniers
mots detetie noie, que M. Norberg a rendus peu exactement, et qui
sigin'rient ; «Copié par moi dans la maison du chef de 1 académie,
*» Sandan, fils defiakhtiar, frère de I3all)oul ( à qui Dieu pardonne ses
» péchés ) , Ali pacha, fi(,i d'Afrasiab (que ses péchés ne lui soient
» point remis ], étant sulian [ ou gouverneur) deBassora. •• On trouvera
dans ie Voyage de Niebuhr (tom. Il, p. ij^ et iJJ }, des déiails
histoMCjues sur Afrasiab, A.Ii son lîls et Hose'in son petit-fils, qui ont
successivement possédé le gouvernement de Bassora. Ce voyngeur
obstrve que Pietro délia Vafle et Tavcrnier ont connu Ali et Hostïn.
H paroit , par le récit de Taveriner, que Bassora étoit gouvernée en 1 6 j i
parHose'ïn, petit-fils d'Afrasiab. Tavernicr écrit Epaslas hacha tX
Hussen baeka (Voyjge de Tavernier, fiv. Ii, chap. 8),
Tous les manuscrits du Livre d'Adam sont divisés en deux parties
fort distinctes: l'une, plus considérable, que je nomme h premiîre partie ;
l'autre, beaucoup plus courte, que j'appelle [j ifiOAf/r. Elles sont disposées
dans le volume de manière que, lorsqu'on tient l'une devant soi pour la
lire, l'autre se trouve renversée, la tète en bas : il résulte de cette
disposition, que chacune des deux parties commence avec le premier
feuillet du volume, suivant le sens dans lequel on le tient, et qu'elles se
rencontrent par leur fin dans le corps du volume. L;i première partis
octujw, dans l'édition de M, Norberg, les lomes I et II, et le tome Ilî
^ jusqu'à la page iij; la seconde commence à la pnge 12^, et va
Justju'ii la page 3 ' ( : mais, comme je le dirai plus loin , elle est incomplète.
J'ai comparé les quatre manuscrits de la Bibliothèque du Roi, quanti
Nnnn
NOVEMBRE 1819. 6$!
jours le mellfeur moyen qu'on puisse employer pour parvenir à Tîn-
telfigence du dialecte particulier des Chrétiens de Sarn^^Jean. Par
exemple, les mots que je viens d'indiquer doivent être entendus dans
le sens que les Juifs donnent aux mots ino seJtr, rticrt p^rasc/id , r\}eP^
drascha. Ainsi sidra , comme sedtr, signifiera traiîé ou recueil de prières ;
faraschata, comme parascka, section, mepum^ et drascha, sermon t
homélie. Abraham Écchellensis , et d'autres aprèii fui, ont donc eu
tort de traduire JUlM drascha par meditatio, en partant du sens que ce
mot a en syriaque, et M. Tychsen ne s'est pas moins trompé en
rapprochant le mot \)^^^g^\Q firaschata du syriaque (k'^jLm*^^ et le
rendant en conséquence par mirabilia. J'ajoute , pour confirmer Tob*
servaiîon générale que j'ai faite, que le mot sidra, qui signifie chez les
Juifs, en outre du sens que j'ai déjà indiqué, académie, colige, semble
aussi avoir la même acce])tion chez les Sabéens, comme il paroît par
une note que j'ai rapportée plus haut, et où Saadan, fils de Bakhtiar,
est appelé I Î^kaA» 4*5 ]*^y» ( Cod. Nas. tom. III , p* py), ce que fai
cru devoir traduire par chef de l'académie ; en langue àes Talmudistes,
cela s'exprîmeroit par mno «m. *
A cette occasion, je ferai aussi remanquer que les copistes sabéens , en
indiquant fa ville où ils ont fait leur copie, ne manquent pas d'ajouter
le nom du fleuve, de la rivière ou du canal sur lequel elîe est située,
précisément comme cela s'observe chez les Juifs dans les actes de ma-
riage, de divorce, &c. Ils expriment aussi, comme les Juifs, le mot
ville par mata ( fii^o • J'insiste fortement sur ce rapport intime du lan-
gage des Sabéens avec l'idiome des Juifs de la Chaldée , parce que
M. Norberg a un peu trop légèrement assuré le contraire, en disant:
Afea conjecturœ robur addit. . . . lingua eorum antiqua, qua, utpote syriaca
quhm chalddiae simUiarp commonstrat majores eorum indigenas fuisse ,
non Arameœ orieutalis, sed occidcntalis , et quidem, si p lacet, Galilceœ ,
ubi non chaldulii std syriace loqufbantu^, unde jam semetipsi non Sabœos
sed GalUceos appel tant. (De relig. et ling. Sabacor Comment, p. j.)
Une des premières questions qu'il est naturel de se faire, c'est à
quelle époque remontent les livres des Chrétiens de Saint-Jean , et par-
liculièremeilt le Livre d'Adam , dont il s'agit ici. Si l'on en croit Kaempfer
( Amœnit. exot. p. 44» )» ^^^ sectaires pensent que le Sidra ladam,
ou Livre d'Adam, a été envoyé de Dieu au premier homme par le
ministère de l'ange RasaêL Abraham Ecchellensis, qui paroît avoir eu
des notions un peu plus exactes de ce livre, dit {Eutych, yindic. p. 3-8 ) ,
Nnnn a
/
NOVEMBRE I819. ffjj
tidibilt tst. IpSà^ut ûrgumenti sut ratio mûgnce pratttta antiquitatts
^'^Jem facil. Cui tt Jidem subscriptœ quxdam liturgia addtint , videl'icct,
vemstissimis ex ckirogmphis tas dfsumlas fuisse. ( Cod, Nas. lom. I.
pref. p.),) M. Norberg, dans son premier Mémoire, fait mention
d'une persécution exercée contre les Sabéens et leurs livres, par un
pacha, cent cinquante ans auparavant, par conséquent vers 17JO: mais
je ne puis croire qu'il veuille parler ici de cette persécution , en disant ,
Supra cam ( œiatem) ejud in monurnfita Nasaro'orum savilum est, Ù't.,
puisque le manuscrit qu'il a eu sous les yeux est antcrieur à cette
époque. Il est plus vraisemblable qu'il a entendu parler des vexations
éprouvées par les prétendus Sabéens de la Galilée, suivant le récit du
Maronite Cermano Contl, vers le milieu du xvii,' siècle: mais j'aidéjh dit
que l'identité de ces prétendus Sabéens avec les Chrétiens de Saint-Jean ,
pour ne pas dire leur existence, est fort problématique. En tout cas, leurs
livres, pour être antérieurs à cette époque, ne pourroient être réputés
fort anciens. Quant i ces liturgies ajoutées à la fin des manuscrits ,
lUurgiœ qumdam subscripta, et qui doivent avoir été copiées sur de très-
anciens manuscrits, ce dont parle M. Norberg résulte de certaines
notes mises par les copistes h la fin de quelques pièces de ce recueil,
et qui indiquent, en remontant, les diverses transcriptions faites suc-
cessivement de ces mêmes pièces. )I y en a qui comptent ainsi, en
remontant, plus de vingt transcriptions successives, la première des-
quelles a été f;iite, ajoule-l-on, d'aprh d'anciens manuscrits, II resieroît
k savoir quelle confiance méritent ces notés.
Au lieu de se livrer ainsi i des conjectures pour établir fépoque à
laquelle le Livre d'Adam a élé composé , il vaut mieux consulter le livre
lui-même; et il est surprenant que M, Norberg, qui l'a traduit, aie
négligé les indications qu'il fournit.
l,a première partie du Livre d'Adam se compose de quarante-une
pièces séparées, les unes plus longues, les autres plus counes. Dans
plusieurs de ces pièces, et notamment dans les deux premières du
recueil, qui sont vraisemblablement les plus anciennes, si toutefois
elles ne sont pas toutes de la même date , il est fait mention de Noé ,
d'Abraham, de Moïse, de Salomon, de Jean-Bapiiste, de Jésus-Christ,
de la construction et de la ruine de Jérusalem , des chrétiens , qui y sont
même nommés Christiani , dei Manichéens, et enfin de Mahomet. On
trouve dans une autre, quoiqu'avec^beaucoupd'altéraiions, la succession
des rois de Perse de la dynastie des Sassanides, et la conquête de la
Perse par les Arabes. On y lit que les rois arabes succéderont aux rois
de Perse 1 et auront lè pouvoir pendant soixante -onze ans; ce qoi
6si JOURNAL PES SAVANS,
reporte cette pièce à la fiq environ du preinier liècle de Tbigire, dam /e
vifl.* sié<;le~de r^re chrét.i une. C«)>i^:es souf donc pptljÊriei^es au
' mahoinitisihe ; et u Ton a, égard i la j)j^Haile identité des idées, de /a
\ bfngôc et du iiyte, tpii.fe 6it.rémarquer d«fu tc^tf Je rccunli oa ngy^eia
presque coRtiqe dAii)on.tré 91e riea de (;« (pl^ll contient v'çu «njiidciir
& tietle époque,
Ilnesen pas. je ciois« {leaucqup plus, difficile dp,,tilfyiïwrIaxaison
pour Jaquelle fç recueil est connu jous le nom di ^t^Jadamt^ou
livre d'Adam. Je crois pouvoir tirer .cette dénonHaïa^oP-^B ce qafH y
est &£quenirnent question de la formatioa d'Adam, et de ws rappons
avec les bons et les mauvais génies. >
J'ai observé que sur la tolaiité des pièces qui composent |a preoùère
p3rtiedul4vred'Adam,ily ena treize, dam Pédition de iA. Norli^rg,
qui commencent par cette formule plus ou moins abrégée :
« Au JKtrn de la Vie .- . . . Que la santé , la pureté et !a rétnission des
M péchés soient accordées k moi, Adam-Zouhroun , fils de Scharat; à
» mpn père Yabjra-Bakhtiar , fils d*Anbar-Yasmin; à ma mère Scharat,
«fîlIed'Anhariàtyafèmme Moudalal . fille deSchantiti ma seconde
nfemme Samra, fille de Scharat; à met entàns, Adam, Bt-hram, -
» Sîmat-Ad^^ifZouhrounjSam etBayan, 6lsde Moudalaf; kmes frères,
» Mehatam, fils de Sdwrat; Ram« fils d'Anhar, etAdam-Youhanna,
. w fils d'Anbar-Yasmin. » On pourroit,au premier abord, être tenté de
conclure de t^tte formule si souvent répétée , et par laquelle commence
le recueil, que ce livre a été nommé Sidra ladam ou Uvre d'Adam,
parce qu'il est l^ouvfage d'Adam-Zouhreuo ; et je dois avouer que j'a^ois
d'abord penché pQur cette opinion: mais ce qui en démontre la fausseté,
c'est que le manq^crit joji B e$t le seul où se trouve le nom d'Adam-
Zouhroun. De semblables formules se lisent dans les autres manuscrits,
mais avec des noms différent, comme Behram, fils de Simat; Ram-
NOVEMBRE iSip^ 6$^
adressant îa parole à Adam , auteur du genre humain , et lui annonçant
les destinées de sa race, lui dit: « Hommes pa:[faîts et fidèles, voîcî '
» ce que je vous annonce. Après tous les prophètes, un prophète
» s'élèvera de [a terre; il viendra un quatrième prophète (le crois que
» les trois autres sont Abraham , Moïse er Jésus ) , et il régnera sur toutes
^^ fes nations. Par lui l'oppression se muhipfiera dans fe monde. Après
5> cette domination, fe monde sera dans le trouble. Après Mahomet,
» fi/s de Bezl>at, le quatrième { prophète ) , il n'y aura plus personne
» qui prophétise dans le monde, et la foi disparoîtra du monde (" Cbd^
y^ Nas. tom.It p. nj).yi Ailleurs on lit: w II sortira de fa ville de
» Jérusalem trois cents prophètes au nom du maître de la grandeur^
»( trois cents) magiciens ( f »f^tt>- Je traduis ainsi ce inot d'après
» l'arabe^ ma^e ) . . . Alors la ville de Jérusalem sera détruite; en sorte
» que les Juifs sortiront pour aller en exil et se disperseront en divers
» pays. Alors viendra Ahmed, filsdeBezbat, ie magicien; il prêchera
» une parole qui n'est point une parole ( c'est-à-dire une doctrine vaine
» et mensongère ) , et fe maf s'augmentera dans fe monde.» On voit que .
les mots prophète et niagicUn sont employés dans ces textes comme
synonymes (i). Au surpïus, quoique fauteur du Livre d'Adatn ne se
dise pas positivement inspiré, comme il fiiit souvent parler fes génies,
et qu'if raconte des choses fort éfevées au-dessus des connoissances de
Thomme, et de beaucoup antérieures à la création d'A(&m et même
à ceffe du monde, on ne sauroit douter qu'if ne se soit attribué fins-*
piration divine, ou qu'if n'ait du moins supposé qu'if puisoit sa doctriAe
dans des fivres révélés.
Dans fes pièces qui composent fa seconde partie dû Livre d^Adam,^
c'est presque toujours le Mann JliJiàD» c'est-à-dire, faine ou fa substance
spiritueife, venue par fordre de fa Vie suprême pour vivifier et animer
fe corps d'Adam, ert s'unissant à la matièfe fnerte et inanimée, quf
porte fn paroîe. M. Norberga rendu fe mot mana fe pfus souvent par
aon. Pour moi, fe conjecture que c'est fe mot arabe ^gKjut sens, que fes
hommes spiri^uefs opposent sans cesse iihifgure, Vextrieur, o^j^. If
signifie fe principe actif qui ne tombe pas sous fes- sens, et se prend
souvent pdur Dieu lui-même, fe seut être réeffement existant^ tout fe
reste n'étant que des apparences ilfusoires.
(i) Abraham , adora'eiir da soleil, sous \ç^ ^ova ik Adonai , Ka4ousch\id\ii\\
et El [Dieu], est aussi appelé prophète; et iVloïse, qui a donné aux Juifs lai'
foi sur le mont Sînaï, est novaxa^ prophète de l'tspr'u JLa*09} ju2kj, c'est-àf-
dire, du mauvais esprit et homme mçnicur. (Cod, Plus, tom, l ,p. 88.)
6f6 JOURNAL DES SAVANS,
L'alibi de' Longwnie, qui s'est occupé des livres det-Cbrfliens de
Saint- Jean , setuît , k ire qu'il parofi« attaché spédaletnent k cette
seconde piirtîe du Livre d'Adam. Voici ce qu'on lit k cet égard dans la
LongfitruMa : <*■ Les Chrétit-ns de Saini-Jein qui demeureilt k Buaora,
M et aux environs , sont de vrais IVlanicbéens ; leur nombre itoit autrefiûs
w beaucoup plus grand. J'avois traduit, sur un manuscrit cbaldéen et ■
» fort ancien, des visions, des prières et autres pièces de nligion^à
M Fusage dt^s JManirtiéens; j'avois, dis-je, traduit environ quatre-vingts
9» petits irticlen composant une litanie des attributs de l«jr gmvï Mmam,
» Tiionus Blampnin vouluii riniprimer dans un des volumes du Saint-
M Augustin : mai» je ne voulus pas le permettre , parce qu'il y avrat troit
wdimrens mots que je n'étuis pas assez sûr d'avoir entendus; or ce
3* chaldéen n'éioii pat pur, mai» au contraire mêlé de dialectes inconnus;
wet jectaignois d'avoir irop donné aux conjectures, et que quelqu'un
» ne prît pour certain ce qui ne Tétoit pas.» \ Longue, p. a4o. ) Je
ne veux point examiner ici les asseriions de Fsbl^ de Longuerue : (ouc
cequeje veux induire de ce passage, c'nt que les quatre-vingts petits
articles qu'il dit avoir traduits, étoieni induhiiaLIemt^nt tirés de la
deitiière partie du Sîdra Ltdam. En chuisisiiani ces morceaux de peu
d'étendue pour faire un essai d^ traduction de ces livres, il avoit montré
un juste discememenf ; car ils ptéi^entent moins de graves difficultés que
les morceaux qui composent la première partie : mais il faut avouer
aussi qu'ils offrent moins d'intérêt ïous le point de vue de la doctrine
et du système religieux de cette secte. Je dois k M. El. Quatremère
l'indication de ce passage important du Languemana,
Cette seconde partie du Livre d'Adam n'est pas complète dans
l'édition. Elle i* tmnine tx abrupto \tom. III, p. 27} ) au milieu d'une
phrase : Que facto , et cùm corpus JttiJum txeustissem , pomctâ dexurâ me
ptehtndit, et canalts aquœ . . . M. Norl>erg ajoute, r<rtfrâ daurir; ce
NOVEMBRE i8:l^i l lî>y
profe<fseur des langues orientales à Upsal, acopiéàà sa prière ^pariist
Enfin il conjecture» mais il ne ^faît que .coo)t€Xttrer« ,({ue ces fragment
appartiennent à la seconde partie du Sidra ladam. £c cependaiit il est
certain que la seconde partie de ce livre est complète dans nos quatii»
manuscrits , qu'il ne tenoit qu'à M* Norberg de ne pas s'arrêter aux mots
JLoo jUAAdio 9 ^t c anales aquce, qui terminent une page , et 'de côpie^
du moins quelques lignes qui restoieiit encore pour compléter la «pièce
commencée. Il se peut faire qu'une circonstance imprévue ait empêché^
dans le temps > M. Norberg de pousser pliïs loin sa copie ; mais alpr^
ildevoit en avertir le lecteur. La seule manière vraisemblable cTexpliqueil
une pareille méprise, c'est de supposer que M. Norbjçrg n'^ivoii p;^
conservé des notes exactes de cequ'il avoit fait k Pari?> et de l'état des
manuscrits dont il s'étoit servi I et que $a mémoire i au bout de quarante
ans , lui a mal représenté les choses.
Nous allons maintenant examiner comment il a Fempli les devoirs
d'éditeur et de traducteur. Pour faire comprendre nos observations à
cet égard, nous serons obligés de faire connoître d'abord le système
d'écriture des Sal^éens y et tQUtes I^s difficultés qui naissent de ce système,,
Les Iëcte^rs voudront bien npus pardonner ces digressions, quil ne
dépend pas de nous d'éviter. . . ' ' i '
La langue dans laquelle sont écrits les livres des Chrétiens de Saîntr.
Jean, est incontestablement un dialecte chaldaïque ou syriaque^ II ne
seroit pas exact de dire avec M. Raymond, précédemment cité, que les
Sabéens ne parlent ni n'entendent le syriaque , quoiqu'il y ait dans leiir
dialecte plusieurs mots de cet idiome, A!;raham Êcchellensîs a dit avtc.
bien plus de raison, en comparant la langue Syriaque» qu'il nomn*e
chaldaïque, avec celle que parlent les Sabéens iLinguà tametsi chalddic^
sitj habetXamen vocabula quœdam rtobis penitus ignota, quemaJmodum^t.
nostrorum dictionariorum et lexicorum antiquis autoribus { Eutych. vindic»>
p. jiS] ; seulement il auroit dû dire p/ura vocabula, auiieu de vocabula
quœdam, II h\xx ajouter que beaucoup de mots, communs aux deux
idiomes, paroissent avoir, dans celui des Sabéens, des acceptions*
inconnues aux Syriens et aux Chaldéens.
Le caractère dont les Sabéerts font usage, diffère essentiellement de
tous ceux dont se servent les autres nations qui parlent ou*pIutôt qui'
ont parlé autrefois la langue syriaque, et qui en conservent lusage dans
fa liturgie. II a cela de particulier, que toutes les voyelles y sont écrites,
et qu'elles se bornent au nombre de trois ; au lieu que, chez les autres
peuples qui parlent le syriaque, eUej jonï au. ^lombçe .4é cinq; dahl.
Oooô
tfjt JOURNAL DES SAVANS.
l'uMgele flat ordinaire, on I«s omet dani récriture» comme en hébreu
et «n arabe; enfin', lonqu'on les écrit « c'est &u moyen de points-vbyelfes
tra de figurai KM}outéet, qui ne prennent point place dani la lérie
des ietmik . ■ ' '
Outre cm caiactèrei ptrtictrfîén L k langue et i. Técritnre des Chi^
tiens de Saint-Jean, il est, dans fortliognf^ de ce dialecte, des lin-
guUrités qùi>n rendent trés-dïffidie la lecture etTîntenigence^
t;^ 'Q'nbii)ike les K^daïies àieUti comme les Hébreux^! lès Sfriens^
Tnigt-'deuz lettrés, ainsi qu'on le reconnoît évidemment par quatre
psaumes ou monceaux acrostiches quise trouvent dans le Sitk'a ladaHi,
dans Tusagé cependant ils n'en emploient que Tingt-ime, ne distinguant
Jamais ie hi du httk. Dans ces pièces acrostiches, ia figuiç du hetk,
qui, sans cette circonsranf e , nous seroit tout-k-f^tt inconnue, ressemble
&-peu-près k un 9 italique fortement incliné , 0(1 piut&t au sad arabe privé
de sa dernière partie «. Quand les caractères alphabétiques sont employés
comme signes dé la numératibn, c'est cette même figure qui indique le
nombre 8^
2." Ils confondent sans cesse les figures de Vahfti du aîn ( t ] , et
sans doiite'ils ne distinguent point ces lettres dans ht, prononciation.
Aussi aî-je remarqué que, daiu les notes mises par les copistes à l.i fin
Asi manuscrits, s'il se rencontre un nom propre arabe où ir doive y
avoir ;un ain, comme Saadan (jIja^, ib peignent à sa place, avant la
lettre sabéenne, un a arabe.
3 .' Fréquemment ils éiident tout-k-^it dans fécriture les gutturales
httk et àin ; ce qui défigure les mots et en rend la racine et fe sens
également problématiques. Ainsi ils écrivent OJ nou pour mbAJ ttouh ;
I mtichnhîa pour ^..-^■%« mttckahhia ; J^^f rakia pour
oi rakia'a: fV**^ houta pour iLo^ia be'outa. On a cru qu'ils
•NOVEMBRE iStX}. ' t^f
dérivés de rhébreii, s'écrit en plusieurs mois; comme y^;jol poui;
^cS^ *aof 'V /eur a dit; j-^*ft ■ pour JIa «»âJ Ua atigmtnté par lui.
6." JIs inlervenisseiu dans les mois l'ordre des lettres radicales ,
comme dans (V**o) ouhra pour JL*îot mirhiz , chemin; X'^t** yakia
poif Jl*i.M yf/tu. mois; l is^*> l'ff'f^ pour U.^*^ ^'$^^' P'^**'
7." Ils substituent les unes aux autres les lettres du même organe,
comme dans i^^ hdab pour ^â(o ketah, il a écrit; ^,^j*y legack
pour A^Vx^ lekath, il a rassembIé;'^^A.^^*«ij/pour''^Â^ keij!^
il a tué.
11 lâut avoir essayé soi-même de traduire les livres des Mandaïies,
pour se faire une idée des difficultés qui naissent de ces diverses causeSf
léunies souvent dans un seul mot.
Ces difficultés cependant, qu'on pourroit appeler matérielles, sont
peu de chose encore, comparées \ celles qui ont leur source dans les
choses mêmes dont traite la plus grande partie de ce livre. C'est un
sujet extrêmement obscur, qui se compose tout entier d'idées fantas-
tiques , de rêves d'une imagination en délire , d'actes et de raisonnemcns
attribués k une infinité d'êtres d'une nature étrange, et qui n'ont aucune
réalité; des détails de la plus absurde cosmogonie; de l'hisloire enfin
d'un monde imaginaire, peuplé par des milliers de génies, dont les
noms mêmes sont autant d'énigmes , presque toujours insolubles. Pour
tout dire en un mot, c'est un sujet sur lequel le raisonnement et le bon
sens n'ont aucune prise. C'est à peu près ainsi que l'a dépeint M. Nor-
berg, mais malheureusement dans un style presque aussi inintelligible
que celui des livres qui l'ont si long-tetnps et si péniblement occupé.
Après avoir parlé du dialecte corrompu des Sabéens et des obstacles
qu'il a rencontrés dans la nature même du langage, il s'exprime ainsi:
Ntqut minor , qua gentris dicenrti ohscuritas, Hlans compos'ilionc oraùo
tst , ut sua Tudis inJigcsraijue molts : ea^ue turgtscens. în quantum disso-
luta , jam supra, },im tnfra calum tt sidcra tendit ( Cod. Nas. tom. 1,
praf, p. iij). Puis voulant développer cette idée, il ajoute en note:
Ntc salis quàd voces dissimulatim aut simuluii quœrentem, consi/ii ambî-
guum , long} latèquf circumduxerunt. Ipsa etiain rcs fucosa et fallaces.
idea isiœ ptrsonata: qux vacuœ et inanes studium îndagantis, ut umha
manum prensarttis . facile effugerjnt. Easque , summa, ima petmtes , aut ta
miscentes, consequi , supra œmulantis invidiam scepiuS positum fuit.
Dans une entreprise aussi difficile et semée d'autant d'écueils, que
tievoit faire un éditeur, pour que sou travail inspirât la confiance, et
O 000 a
_-J_i.
NOVEMBRE 1819.
\ ^en^hiinnmcns , et en conscrjnence écrire |^ fi^N^ • H s'excui.e in5ine
' ( tom. III , p. ^ly ) de n'avoir pas toujours écrii ainsi. Ce n'est que dam
XOnomdsthonç^'A reconiioit qu'il a eu tort d'adopter celle dérivaiion et
de reiidre ce mol par incanluiores. Un des génies qui jouent le plus
grand rôle dans la myihologre des Chrétiens de Saint-Jean, c'est Hihit-
^^a, DuHîbil léclatant. Dam les manuscrits, ce nom est constamment
.écrit par un ké ou heth '^--* ■ -- ; cependant M. Norberg substitue
toujours un am au ht , et écrii"^,^^ sans aucune autorité : j'ose même
assurer que c'est k ton ; car ce nom est aussi celui d'un tils que les livres
des Sabéens donnent k Adam. De cet Hibil naquit Schilil , et de
Schiiil, Anouseli ( Coii, Nas. tom. II, p. 1 2j ). Or ces trois noms ne
I sont autres que ceux d'Abei, Selh et Énos, en hébreu Ssn - r» et trtiH.
' Le nom de Seth s'est changé en -Sdiilil , parce que les Sabéens y ont
ajouté la finale il ou el comme font les Juifs dans les noms des anges.
Quant aux anachronismes et à la confusion des faits, rien ne doit
surprendre de leur part.
Un autre inconvénient qui résulte de la licence prise par l'éditeur,
c'est que quelquefois il n a pas restitué une lettre gutturale omise par les
Sabéens , et qu'alors le lecteur est en quelque sorte prévenu contre cette
resiiiuiion. En suivant le système de restitution qu'il a adopté ailleurs,
■il auroit dû, je crois, écrire -«.«Jjo ei non t «JJa pour le nom du genre
nommé aussi Hibil-'^iya. 1! nomme certain's génies rebelles ^okm, en
Conservant Tonhographe des manuscrits liaiâ ; il est pourtant vrai-
semblable que ce nom vient de la racine ;&o et signitîe ou b^te
comme Kvp en chaldéen , ou torche, fiambiau ardent, comme trijo et
«"ï^s en la môme langue.
Quelquefois, en ne voulant pas s'écarter de son système, M. Norberg
a adopté une manière d'écrire défectueuse , quand celle des manuscrits
éloil régulière. Par exemple, ilécrit souvent '^o quand les manuscrits
^GxXtn\^^9 et super. Ujie chose plus singulière encore, c'est qu'on
trouve souvent dans son édïtion'^Sk pour'^bt, , tandis que jamais les
manuscrits ne présentent cette faute.
Je ne me dissimule |)ointqueM. Norberg, voulant joindre une traduc-
tion aux textes qu'il se proposoit de publier, se trouvoit dans la nécessité
de ramener chaque mot de l'original, altéré soit dans sa forme gram-
maticale, soit dans ses lettres radicales, aux formes régulières de la
langue syriaque, ou k des racines connues, soit du syriaque, soit de
l'hébreu , du thaldéen , de l'arabe ou même du persan ; et que , sans ca
NOVEMBRE 1819. 66^
e.ifiglnh infima, ohsirvavit ( ibid. p. 2ji ) \ Il est un assez grand nombre
de passages où l'obscu/ilé du sujei est encore augmentée par le style
péiiiLle du traducteur, tes constructions insolites, les fautes même
contre la langue qui luî sont échappées , telles quej?//f et ^w« au vocatif,
pourjî// etgeni; l'adjectif pronominal saifs employé au lieu du pronom
ejus; sarrago , constamment mis dans la traduction et dans le dictionnaire
pour sartago; cardia, pour corda ; fraudultnlïbus , ^ovj frauduUntls . &c.
Peut-être l'original, dans quelques endroits, est-il moins difficile à
entendre que la traduction. Quoi qu'il en soit, je crois pouvoir dire
qu'il est beaucoup de passages qu'on ne sauroit comprendre dans letat
actuel de nos connoîssances , et qu'il ne falloit pas essayer de traduire.
M. Norberg a joint à son travail un dictionnaire, Ltxidion Codicis
Nûsûrai. Tout ce que j'ai dit de l'édiiion du texte et de la traduction,
l'applique nécessairement au dictionnaire: il est d'ailleurs très- incomplet.
Assez souvent l'auteur y corrige lui-même sa traduction.
Un travail plus important, c'est le dictionnaire des noms propres,
OmmûsticQn Codkis Nasarai. Tel qu'il est, on peut s'en servir avtc
avantage; mais il seroit d'une utilité plus grande et plus réelle, si
beaucoup de noms propres n'y étoieni pas omis, et si l'auteur se {v,%
borné à rédiger une sorte de Concordance, ou se irouvasseiii réunis ou
du moins indiqués tous les passages de quelque importance, relatifs à
l'un ou l'autre de ces èires faiilastiques qui peuplent les mondes imagi-
naires des Chrétiens de Saint-Jean. Rien ne conduiroit plus sûrement
à la connoissance de la nature de ces personnages, de leurs attributs,
des divers noms sous lesquels chacun d'eux paroît, de lu-ups rapports
respeciifs, soit avec l'Être suprême ou la Vie personnifiée, soit avec
les autres génies de difiérens ordres, soit avec le monde matéiiel
et le genre humain. La connoissance de ces êtres mythologiques,
si l'on parvenoit à l'acquérir, seroit, je crois, comme la clef de ce
système, et un fil pour se conduire dans ce labyrinthe. Mais je ne vou-
drois pas chercher, comme M. Norberg l'a fait si souvent, l'expli-
cation de ces énigmes, ou les traits de ces tableaux, dans ce que
quelques écrivains juifs ou arabes ont écrit sur la doctrine des Sabéeiis,
adora Feurs des astres; car je crois avec Moiheim que ces Sabéens sont
toui-k-fait étrangers aux Mandaïtes.
Cet article est déjà si long, que je ne puis entrer dans une discu£-
sion détaillée de la traduction de M. Norberg. Je me bornerai donc !i
deux ou trois observations, qui serviront d'exemples de toutes celles
que l'on pourroit faire; et d'ailleurs ies personnes qui voudront en
prendre la peine, pourront comparer U traduction d'un fragment du
NOVEMBRE 1819. 66s
Chrétiens et des Gnostiques, que la même planète porte aussi, dans
les livres des Sabéens , d'autres noms qui paroissent signifier ^amme et
tia/eur, symboles sous lesquels les Chrétiens désignent aussi la troi-
sième persohne de la Trinité.
II est bon de dire, à cette occasion , que les Chrétiens de Saint-Jean
ont certainement emprunté beaucoup d'idées des Gnostiques et dea
Manichéens, quoiqu'ils soient ennemis déclarés et des Manichéens, et
du christianisme , auquel appartiennent plus ou moins toutes les sectes
des Gnostiques. C'est ce que le lecteur verra dans un troisième article ,
où j'essaierai de donner une idée de la doctrine des Chrétiens de Saint-
Jean d'après le Livre d'Adam.
SILVESTRE DE SACY.
Histoire de l Empire de Russie , par -Ai. Karamsin ,
traduite par MM. Saint-Thomas et Jaufîret. Paris, de
rimprimerie de Belin , 18 ip; tom. I et II, in-S.^ xlviîj,
4i8 et ^-^o pages, avec une carte. A Paris, à Strasbourg'
et à Londres , chez MM. Treuttel et Wurtz.
Une histoire de la Russie manquoit à la littérature russe, beaucoup
plus qu'à ia littérature française. Sans parler du premier coup-d'œif
que Voltaire a jeté sur cette matière , et de plusieurs autres essais qui
en ont fait au moins sentir l'importance, l'ouvrage de M. Lévesque
a pleinement satisfait ia curiosité qu'ils avoient excitée. Aussi les tra-
ducteurs de M. Karamsin s*empressent«ils, dès les premières pages de
leur préface, de rendre hommage à ce travail; et cette honorabfe im-
partialité semble donner plus de poids au magnifique éloge qu'ils font
ensuite de l'ouvrage étranger dont ils se sont occupés. A vrai dire, c'est
le soumettre à une épreuve assez redoutable que de commencer par
le combler de tant de louanges , et que d'oser faire ainsi , presque au
nom de l'auteur, des promesses. qu'il est difficile de remplir, qu'il seroit
impossible de surpasser. Mais ce qui doit prévenir en faveur de ces
deux volumes et de ceux qui les suivront, c'est qu'ils ont été traduits
sous les yeux de l'auteur, et que la fidélité de la version nous est
garantie par le soin qu'il a pris de s'en assurer lui-même, par les expli-
cations immédiates qu'il a données à ses interprètes, toutes les fois qu'ils
auroient pu se méprendre sur le sens des expressions relatives auj(
mœurs et aux lottes.
pppp
"novembre 1819. 676
i^s deux volumes qui viennent d'en êire publiés en français, se ler-
? binent à l'année 1 169, et nous laissent encore h plus de deux siècles
tàe distance de l'époque que l'auteur vient d'apjieler moyenne; \h ne
1 comprennent pas complètement les deux premières époques de M.Schlô-
\ «er. Nous devons observer toutefois que M. Lévesque avoit donné un
I ,peu -moins de développemens k cette matière, et que par conséquent
[ JI reste un certain nombre de notions nouvelles h recueillir dans ces
I premiers tomes de M. Karamsin.
On a depuis long-temps recherché l'origine des Husses : c'est l'objet
des deux premiers chapitres du nouvel ouvrage. Le point important,
en de pareilles questions, est de distinguer les anciens habitans d'un
' ipays d'avec ceux qui sont venus le conquérir, s'y établir, en modifier les
lois et les usages, en changer Je gouveniemenl et le nom. L'auteur île
-néglige rien de ce qui peut aider b démêler dans l'antiquité les divers
I peuples Scythes, Sarniates, Huns et Slaves, qui ont occupé et ravagé
fesi et le nord de rEuro|)e : mais il s'agit sur-iout de savoir qui étoient,
d'où venoient ces Varègues qui, en 862, devinrent, dit M. Karnmsin
d'après Nestor, <■ les premiers souverains de notre patrie, à laquelle ils
".donnèrent le nom de Russie. » C'étoîene , répond-il avec le même chro-
niqueur, des Scandinaves partis des extrémités de la nier Baltique.
Kurik est un nom normand : les annales des Francs parlent , sous l'année
850, d'un Rurik chef des Danois, d'un autre Rurik roi des Normands,
d'un troisième Rurik qu'elles appellent Normand pour toute qualifi-
cation. Luitprand dît que les Russes portoieni ce même nom de Aor-
ntûnds. Quanta celui de Vûrigucs , M. Karamsin le rapproche du nom
grec Be«o£>;ji«, du nom Scandinave Waritigar , que portoient, au XI.°
siècle, des Normands admis dans la gai'di^ des empereurs de Coiistan-
linople. li ajoute que vaire, vara , est un vieux mot gothique qui signifie
alliance , en sorte que Varègues n'auroit signifié originairement qu'al/îe's
ou compagnons. Peut-être ces étymologies ne sont-elles pas, en histoire,
d'une très-grande autorité; mais ici du moins elles s'accordent avec
des témoignages ou des indications positivement historiques. Pour dé-
terminer d'une manière plus précise celle des côtes de la mer Baltique
d'où les Varègues s'étoient élancés sur la Moscovie, l'auteur propose
plus de conjectures qu'il ne peut alléguer de textes : il en cite néan-
moins quelques-uns, par exemple, un passage fort connu des Annales
de Saint Berlin { monastère de Sithieu ou Saint-Omer } , qui sont ici im-
proprement appelées, par les traducteurs, Annales de Berlin.
Débarrassé de ces questions épineuses, l'auteur nous offre une
intéressante description du caractère physique et moral des Slaves en
ppjip 2
NOVEMBRE 1819. 669
» de la dviiisation. Jusqu'au règne d'Olga » les princes russes ne s'étoient
3» occupés que delà guerre; elle gouverna Tempire; et Sviatoslaf lui-
» même , dans un âge plus avancé , convaincu de toute la sagesse de
» sa mère, plein de confiance en sa prudence, lui abandonna Tadminis-
» tration intérieure'de TEtat, tandis que des guerres continuelles l'éfoi-
» gnoient de la capitale. . . Enfin, par son zèle pour le chrisuanisme,
» Olga, selon l'expression de Nestor, fut /'aurore et /'astre de sa/ut pour
» /a Russie. Elle servit d'exemple à Vladimir, et prépara le triomphe
» de la vraie religion dans notre patrie. y> Les lecteurs pourront juger par
ce morceau du ton- de l'ouvrage, du caractère judicieux des observations,
et de îa 'diction correcte et précise des traducteurs.
Vladimir conquit le trône par un crime ; il fit assassiner son frère
aîné Yaropolk: mais le christianisme amortit ou éteignit en lui beaucoup
de vices naturels , et son zèle religieux lui a mérité de grands hommages.
Nestor le comble d'éloges; M. Karamsin n'en est pas tout-à-fart aussi
prodigue. Il lui reproche d'avoir commis la plus grave des fautes
politiques, en partageant ses états entre ses douze fils, en divisant la
monarchie en apanages. D'ailleurs il ne veut pks examiner si Vladimir
se fit chrétien par. une conviction intime de la sainteté de la moralô
évangélique , ou bien, comme le pense un auteur arabe du xiii.*" siècle %
s'il n'y fut porté que par le désir ambitieux de devenir le parent et
l'allié des empereurs grecs. Toujours est-il vrai que ce prince, naguère
adorateur des idoles , qui , au sein des voluptés, savouroit le plaisir des
vengeances, qui trouvoit des charmes dans les ; horreurs de la guerre»
qai y pour com/f/e de scé/ératesse ( c^est rexpressîon de son nouvel histofîeft ) ,
avoit plongé ses mains dans le sang de son frère,, dévint, après saconver-
sion, si compatissant et si débonnaire , qu'il trembloit de répandre celui
des criminels et des ennemis de sa patrie.
Les extraits du droit russe ou du code d'YarosIaf , qui mourut en 1 o j 4 1
intéresseront vivement ceux qui^ étudient l'histoire du régime social «t
des garanties données aux personnes et aux propriétés. On y retrouve
les'épreuves judiciaires; mais on lit aussi , dans utrecopre de ce code;
un article portant que, dans tous les procès criminels, le demandeur
doit comparoître avec l'accusé devant douze citoyens assermentés, qui,
selon leur anie et conscience, doivent discuter, vérifier, déclarer les
faits, laissant aux juges le droit de déterminer et d'appliquer la peine.
'M. Karamsin a joint à ces extraits , de courtes explications et des.
réflexions judicieuses. Peut-être s'exagère-t-il un peu la sagesse de^
quelqueS'Unes-de ces lois; mais il est vrai qu'à bien des égards onJes
pourroit comparer à ces anciennes lois germaniques dont Montes-
NOVEMBRE iftlp. 671
'Si noug hasardons ces réflexions, c'est qu'à notre avis elles ne
sauroient affoiblir les hommages qui sont dus au travail de M. Karamsîn.
Nous ne croyons pas que celui de M. Lévesque ait rien^ à perdre de son
prix : mais le nouvel ouvrage éclaire déjà plus vivement, dans ces deux
premiers tomes , quelques points de fhistoire russe ; et il. y a lieu de
présumer que les volumes suivans seront encore plus riches d'aperçus
neufi et de résultats instructifs. Un plan méthodique , des récits rapides
et souvent animés , un ton simple et noble , un très-heureux enchaînement
de faits exactement vérifiés et d'observations judicieuses, sont , dans le
genre historique , les plus sûrs titres à l'estime publique ; et M. Karamsin
l^s a pleinement acquis. Les notes qui terminent chaque volume ,
attestent l'étendue des recherches auxquelles il s'est livré, ou, pour
employer ses expressions, les sacrifices qu'il a offerts a V authenticité.
Nous regrettons que les traducteurs aient retranché un grand nombre
de ces notes savantes ; et nous oserions presque les inviter à réparer ce
dommage, lorsqu'ils publieront la suite de leur traduction. Aujourd'hui
que tous les genres de connoissances prennent de plus en plus un grand
caractère d'exactitude et de précision, ceux qui étudient l'histoire , aiment
à se rapprocher de ses sources ; et comme , dans le cours de ces deux
premiers volumes, les récits de l'historien ne sont jamais justifiés par
aucune sorte d'indications ou de renvois, comme on n'y rencontre
d'autres citations que celles qui entrent dans le texte môme , et qui ne^
sauroient être assez nombreuses pour correspondre à tous les détails»
importans, c'est une raison de plus de laisser subsister, à la fin de
chaque tome , \es appuis que Fauteur lui-même a voulu donner à toutes
les parties de son édifice. Au surplus , le regret que nous venons , d'ex*
primer, est un éloge des notes qui ont été maintenues. Elles sont, en
général, d'un grand intérêt, malgré les iàute$ typographiques qui s'y
sont glissées (i). C'est à peu près la seule critique que nous aurions à.
fifre du travail des traducteurs , qui ont su conserver au style de l'ouvrage
une clarté parfaite , beaucoup d'élégance, de précision et de dignité.
Ils ont porté la fidélité jusqu'à donner à tous les princes , l'un après
Pautre , le titre de grand. C'est toujours le grand prince SIevoIod, le
grand prince Mstislaf, Rostislaf , &c. Rien n'avertit assez que celte
expression , qui prend dans notre langue un sens moral, n'est ici que
(i) Christomathed arabe de M. de Sacy, pour Chrestomathie. — Ber-
«JÉRON,pour Bergeron» — DeguiNES, pour Z>^^///^«. — Bandouri, pour
Banduri. — Schtritler, pour Stritter, &c. &c. — Le COMMENT, de Taca-
démie, pour les Mémoires de i'acad. ( de Pcterjbourg ) , &c. •
NOVEMBRE 1819, ..
ivxs de pfus à ajouter à ceux d'Attar; s'il étoit suivi dans la repu-,
bfique des lettres , iffcontribueroit à faire , de cet état où l'on est trop
souvent en guerre, Félat le plus paisible et le plus attrayant.
Après avoir appris en peu de mots au lecteur que , d'un côté , une
première traduction de cet ouvrage, fcite par lui dès l'année 1787, et
destinée à paroître dès-lors avec le texte , avoit été donnée simplement
en français et d'une manière peu exacte dans Us Mines de l' Orient, et
que, d'un autre côté, le texte seul avoit été donné à Londres d'une
manière très-fàutive, il dit 2 ce Depuis cette édition (Fédition de Londres),
» ayant eu occasion de comparer de nouveau ma traduction avec le
» texte, fy reconnus un grand nombre d'inexactitudes, quelques contre-
» sens assez graves , et, en général, une grande négligence. Je me
» résolus d'autant plus volontiers à la revoir toute entière sur le texte,
» que l'avois sous les yeux un assez grand nombre de manuscrits , et
>> qu'ayant acquis une connoissance plus approfondie de la langue per-
>> sane , je pouvois espérer de donner à ce travail une plus grande per-
» fection II étoit naturel que je désirasse faire tourner ce nouveau
» travail à l'utilité des personnes qui cultivent les lettres orientales; et,
» pour atteindre ce but, il convenoît de publier le texte avec la traduc-
>' tion : j'ai fait plus , et aux notes qui étoient nécessaires à l'intelligence
» de l'auteur, j'ai joint une assez grande quantité d'extraits des œuvres
)3 d'Attar, de Saadi, de Hafiz, de Djami, de Schahi et de Hosaïn Vaâz,.
» pour quie ce petit volume puisse être considéré comme une so(te '
» d'anthologie persane ; enfin. j'y ai ajouté la vie de Férid-eddin.Attar^
» tirée de l'histoire des poètes persans de Dauletschah Gazi Saniarkandii?
» et une pré&ce écrite en persan , pour laquelle je réclame Hncblgeçce
» des savans. On trouvera, immédiatement après cet avertissement, la
» traduction de ces deux pièces. »
Quant à l'indulgence des savans, que réclame M. de Sacy pourra
préface, nous concevons que cette pièce potirra surprendre le lecteiu:
français peu habitué aux figures orientales , et que son étonnement devra
être d'autant plus grand, que l'auteur se sera montré plus éminemment
Persan dans sa composition originale : mais , autant que nous en pouvons
juger par la connoissance de cette langue, dont nous avons constamment
feit nos délices, l'éloquent Mirkhond lui-même ne l'eût pas désavouée.
En effet, M. de Sacy , qui, par l'élégante préface arabe qu'il a placée
en tête de son Kalila et Dimna, a prouvé qu'il savoit aussi bien composer
dans ce riche idiome qu'en interpréter les productions. les plus difficiffs,
nous convainc de plus ici, par la préface persane dont il a embelli
l'ouvrage qui nous occuper que le génie de çettç. dernière tangue lui
Qqqq
NÔVEMBUE îÇf^. ^7ï
Kt niBmfné répandit un profond chagrin dans faine du scheïLh : son
* cœur, par un effet du délire où l'avoit jet^ l'odeur du musc sophisliqué
» des biens (einporefs, devint aussi froid que le camphre. 11 aiiandoiina
» sa boutique au pillage, et renonça entièrement aux affaires de ce
" monde . . , , II te relira dans le monastère du vénérable scheïkb Rocn-
» cddin Acaf, qui étoit alors Tun des chefs les plus di itingiiés de fordre
"des contemplatifs, ei étoil parvenu au plus parfait degré de la
" spiritualité. Sous sa conduite, Atiar changea dévie, et se livra aux
» exercices de la mortilication et à la pratique des œuvres de dévotion.
» Il passa quelques années parmi les derviches, disciples de ce saint
"homme; ensuite il fît le pèlerinage de la Mecque; et ayant fait
" connoissance avec un grand nombre d'hommes de Dieu, et passé
»» qiie/que temps à leur service, il consacra soixante-dix ans de sa vie
» à recueillir une multitude d'anecdotes de la vie des sofïs et des
» scheïfchs. Aucun des hommes qui ont appartenu à cet ordre, n'a
••ramassé auiant de traits historiques de ce genre que Férid-eddin;
» aucun aussi n'a pénétré plus profondément que lui dans le sens des
» expressions énigmaliques et des allégories mystiques, et n'a saisi avet-
» autant de perfection les pensées les plus sublimes et les plus subtiles
» de la doctrine spirituelle. "
Le nombre des ouvrages qu'il a composés sur ces matières, est très-
cons4dtrable ; il se monte à dix-sept : ils existent à la Hibliothèque du
Roi, réunis dans un seul manuscrit qui porte le titre de KouUyât ou
totalité des oeuvres d'Attar/ M. de Sacy en a donné la liste et les titres
en persan dans une des notes infiniment précieuses et destinées \
éclaircir quelques points fondamentaux de ia doctrine obscure dei
sofis, qui suivent la vie d'Attar: mais, comme il le dit fort bien à la fin
de son avertissement, il y a tout lieu de douter qu'^mcun autre qu'un
sofi puisse se résoudre & lire cet énorme recueil d'écrits mystiques ,
ou la même idée est sans cesse reproduite , et l'est sous des fonnes trop
peu variées pour soutenir ou réveiller l'attention.
Le Pend-namih , que ce savant a choisi , est h peu prés le seul qui soit
& la poriie de lecteurs peu initiés dans les mystères de la doctrine spi-
rituelle; encore n'est-il pas exempt de la tnonotonie propre au style
dAttar. Voici comment Dauletschah raconte les circonstances de la
mon de ce saint personnage.
«Le scheïkh Férid-eddin, dit-il, fut far: prisonnier par les Mogols ,
5» lors des troubles qu'occasionna l'invasion de Genghiz-khan, et périt
'M dans le massacre général. . . . Un Mogol, dit-on, voulant le tuer,
» un autre MogoMui dit : Laisse vivre ce vieillard; je te donnerai mille
Qqqq a
)»t]n ami de la vertu et derhumanité, et que les défauts du style
» n'empêchent pas qu'on ne puisse le lire avec agrément. »
Oui^ sans doute, on le lira avec agrément, mais ce sera grâces aux
notes et aux charmans morceaux que le traducteur a joints à cet ouvrage ;
car, quant au poème isolé, nous tenons toujours à rppinion que nous
avons émise au commencement de cet article, lui préférant de beaucoup
une seule kassideh de Saadi, ce moraliste tout- à "- fa - fois profond et
aimable , et si habile à &ire disparoitre la sécheresse de ses préceptes sous
hs fleurs de la plus riche poésie, ainsi qu'il le dit si bien , quoiqu'avec un
peu d'orgueil peut-être , en parlant de lui-même dans ces )oiis vers :
« La morale est un remède amer : il faut savoir l'adoucir comme un
» sirop parfumé qui trompe agréablement le palais ; et c'est ainsi que
a» Saadi a fart de masquer par Iç sucre l'amertume de la scain menée
>> qu'il présente à ses malades. 3»
L'ordre deis chapitres du Pend-nameh variant beaucoup dans les
manuscrits , leur division même n'étant pas uniforme , non plus que [eur
nombre ni leurs titres , le traducteur a cru ne devoir s'attacher pour rien
de tout cela à un manuscrit exclusivement à tous les autres , et consulter
plutôt le sens et Fensemble des idées que le nombre ou le mérite des
manuscrits ; et nous sommes par&itement de son avis , lorsqu'il dit que
cette méthode est à peu près la seule qu'on doive suivre quand on
publie des poèmes persans.
Dans l'édition de M. de Sacy , le nombre des chapitres, en général
fort courts, se monte à soixante-dix-neuf; nous ne nous y arrêterons
pas, aimant mieux nous occuper des nombreux morceaux ajoutés par le
traducteur, et parmi lesquels nous choisirons d'abord, dût-on nous
accuser d'un peu d'outrecuidance, ceux dont Tinterp^étation ne nous
paroît pas tout-à-&*t exacte. Cependant, si par hasard nous avions deux
ou trois fois raison dans cette affairé, ce ne seroit pas le cas de chanter
victoire comme le moucheron , car le lion resteroit encore bien plein
de vigueur ; et , en songeant à tous les passages difBciles que nous
n'eussions pas entendus sans son secours, ily auroit bien de quoi rabattre
de notre Orgueil. Voici toutefois, à nos risques et périls, les points sur
lesquels nous cherchons querelle à notre savaAt et redoutable adversaire.
D'abord, dans la note i."* du chapitre xii , intitulé des Cfiràcùrts qui
présagent le hnheur^ M. de Sacy cite ce quatrain, tiré du Gulistan de
NOVEMBRE 1819.- 679
ont causé quelque embarras; et il n'étoil sûrement pas cornent du sens
qu'il leur a donné, puisqu'il a ajoulé cette note : «Cette expression,
" *^ ijjI, paroh supposer qu'en prononçant ces mots on montre mie
» petite distance, comme du pouce au doigt indicateur; car cela signifie,
» il n'y a pas tant que cela. »
Excité par la difficulté que présentent ces vers , et peu satisfait de la
traduction et de la noie, j'ai ftil usage de toute mon intelligence pour
tâcher de rencontrer plus juste et de trouver mon maître en défaut:
Dieu veuille que mon orgueil ne soit pas puni ! "Voici donc comment
j'entends ce passage. D'abord o— -J *^ ^\, sefon moi, signifie tout ceci
n'est plus, c'esl-i-dire , le monde peut être détruit ( le présent mis pour le
futur, afin d'indiquer la rapidité). Ensuite par ces mots ^c^j b oJj j'en-
tends de la l'ivre (de l'ami) jusqu'à la bouche (de Taiméj.en sorte
que le sens complet sera : «Saisis au plus vite l'occasion; car, dans l'es-
" j>ace du temps nécessaire pour joindre ta lèvre aux lèvres de i'ol;iet
■ aimé, le monde peut cesser d'exister, « D'ailleurs je crois déjb avoir
vu quelque part ces mots *j»\jjI pris dans te sens à'ii^ivers; c'est au
moins une façon fort ordinaire aux Indiens de s'exprimer par deux mots
correspondans , sarvam état [ce tout] pour signifier l'univers.
Au sujet du mot juxj qui , aux significations de irouble, tapage, révo-
iution , fiéau publie , joint encore celle Sune jeune beauté qui, en excitant
IfS desiTi des amans, devient une source de disputes tt de rivalités, M. de
Sacy cite cette petite historiette infiniment joh'e, tirée du Bostan:
L^lj jl j_ «tVjJ ^ Ijjl >■
.UuU
^yj
tîj — ^ J— ï^ ji-j «J-^ tr^
" Avec quel plaisir j'ai entendu ces cinq distiques que chantoii , il y 3
«quelques jours, un homme d'esprit ! — Hier, d^^oit-il, je jouissois de
» tout le plaisir de la vie , en serrant dans mes bras une beauté ruvis-
» santé. Lorsque je vis sa tête appesantie par l'ivresre du sommeil, je
» lui dis ; O beauté, devant laquelle le c)'près paroîi ptiii ci hun»llf,
» écarte un moment le sommeil qui engourdît tes yeux, semblables au
* narcisse languissant; ris avec la douceur du rosier dont les fleurs se
NOVEMBRE iS^ç. 6«i
» possèdes, que quand m seras dans la terre, cinquante coudées au
» dessous du toit ds ta maison. »
Le second vers ne dit-iJ pas tout simplement, « que quand m auras
" fait un saut de cinquante coudées du haut de ton toit en bas » '.
Chapitre 71, note j. Malgré l'autorité d'un commentateur, dofit
s'appuie M. de Sncy pour donnera ces deux mois j/'.Jjj la signification
de ij,'U supîrii-ur, meilleur, prèfirable, je crois que, vu Tallusion que
fait le poète à la source de l'eau de i'iinjnortaliié, qui éloit cachée dans
de profondes ténèbres, ces mots doivent être rendus par enlever le voile
lie dessus, dévoiler, tîécouvrir ; gi, au lieu de traduire ce vers,
ij-T'.jjJ j-ii til jl y ù^ o^-*
delà manière dont Pafàît jM. deSacy, « Le mielquidislillede ta bouche,
" l'emporte sur la doud'ur de la fontaine dt Khcdkr » , j'almerois mieux
dire: « Ta bouche, qui renferme !e miel le plus pur, nous a ( en s'en-
» tr'ouvrant ) dévoilé la source d'où découle l'eau de l'immortalité. »
En terminant cette revue, nous ne ferons pas comme ceriaiiis crïiiques
qui ont soin de laisser entrevoir que, s'ils l'avoient voulu, leur péné-
traiion auroit pu découvrir encore mille et mille choses à reprendre,
mais qu'ils en font grâce à l'auteur. Quant h nous, nous avouerons bien
franchement qu'il nous a été impossible de trouver rien de plus h
reprocher au savant traducteur , et que , s'il y a de l'ingratitude à relever
ce que l'on croit être des fautes dans son maître, il ne nous a pas élé
possible de la pousser plus loin. Après tout, 'à quoi cela a-t-il abouti! ti
découvrir avec bien de la peine trois ou quatre passages traduits avec
quelque distraction peut-être, dans un si long ouvrage , où brille par-tout
le mérite le plus éminent , et dont , si Ton vouloit -ndiquer aux lecteurs
les morceaux iméressans, tifàudroît marquer toutes les pages. Si toute-
fois il s'en trouvoit parmi eux, nous ne dirons pas de trop paresseux,
mais malheureusement pour eux de trop occupés, pour pouvoir lire
l'ouvrage entier, nous leur indiquerions de préférence les morceaux sui-
vans , que nous avons choisis exprès de diflerens genres pour satisfaire
tous les goûts.
Le lecteur se comp!aît-ii aux recherches mystiques et épineuses, qu'il
lise les notes qui accompagnent la préface et fa vie d'Attar, et sur-tout
les extraits précieux que M. de Sacy a mis 1 la suite du cinquante-
deuxième chapitre , intitulé De la Conncissance de Dieu ; extraits tirés du
jAJI ^^i»^ [ Colloque des Oiseaux j , poème moral et mystique du même
auteur que Is Pendnamèh, mais d'une 'difficulté extrême , et qui n'exigeoit
rien moins, pour être compris eléclaircl, que toute la sagacité du savant
Rrrr
NOVEMBRE l8r
6i}
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J—J* (^fj f Lt* J-<l l^jjj (JUJ
» O (oi , qui as enlacé inon t
Ij
J-. -»■ >A alli) o>-JU>l fft->
dans le filet de tes boucles, te seul
' » nom de la chevelure bouclée est devenu un filet pour les cœurs.
M Oui , tous tes cœurs sont enchaînés dans les anneaux de ta chevelure :
» chacune de les boucles est un filet et des chaînes. O toi , dont les
M boucles me retiennent captif, c'est un honneur pour ton esclave
'» d'être asservi sous les chaînes de tes anneaux. Quel autre voile
» conviendroit mieux aux roses fraîches de ton teint, que celui de tes
i> boucles noires comme le musc! Les oiseaux fuient le Blei ; mais,
» chose étonnante! mon anie, qui ne connoît point le repos, se plaît
» dans les chaînes de ta chevelure. Tes boucles habitent une région
» pius haute que celle de la lune. Ah ï qu'il est élevé le lieu qu'occupe
» ta «.hevelure ! Pour Djâmi , pour ton esclave , c'est de la nuit obscure
» de tes boucles que se lève à tout instani Taurore de la félicité. »
Est-il rien de plus fort que cette pensée sur le destin :
Jjl J-i J^ J'-f'j' i>*[j* ** Jj'j o-iûl ^ c*— ftï-J ^-i*
« Le Destin aune main divisée en cinq doigts : U soumet infailliblement
» un homme à ses volontés; ii lui pose deux doigts sur les yeux, deui
» sur les oreilles; et, lui mettant le cinquième sur les lèvres, il luj dit:
3>Tais-toi. » (^'"y^lp'g- l'i-)
- Que de ])hilosophie dans ces réflexions sur l'inconstance de la
fortune !
ïi>— ftj 3'j^ t>*^ (j-**= j^ jv? <£» j*^' j^ iHJj Jj^' ■ f^'^^
« Quand le vent du printemps a-t-il ranimé le monde par son souffle,
M sans qu'à sa suite soient venues tes tristes influences de l'automne f
» Ne te flatte pai que ta Fortune , comme une tendre mère , te nourrisse*
» toujours sur son sein : Famour lui est parfaitement étranger.»»
(Voycipag. t62'j.) , -> !J.. ;> .-. .n,>a
Rrrr a
NOVEMBRE i8lg
(Sfij
le soleil de iiotit; iiicomparabfe fa Fontaine, conservera au moins parjui
no^ auires fabulistes la douce lueur du ver qui en fait le sujet !
1^'
« Peui-être as-m vu quelquefois, dans les verfjers et au pied des
"Collines, briller durant lu nuit un petit ver avec tout l'éclai d'une
» lympe. Quelqu'un lui dit un jour; Petit ver, flambeau de la nuit,
»> pourquoi ne viens-tu pas aussi durant le jour! Écoulez (a réponse
» liiinineu&e de cet insecte né de la terre, et qui participe de la i;»iure
» du feu. Le jour comme la nuit, dit-il, je n'ai point d'autre demeure
»que ces champs; maîi, en présence du soleil, je ne saurois éire
» aperçu. » ( Voye^ paj. 1 ^g r^o. )
Que de charmantes citations se présentent encore en foule sous
notre plume ! Mais les bornes de cet article ne nous permeitt-nt pas de
nous étendre davantage. D'ailleurs ce que nous avons dit de cet ouvrage
sera , nous l'espérons , suffisant pour éveiller la curiosité du lecteur, et
sur-ioui celle des jeunes élèves, qui trouveront enfin, dans cette
anthologie persane, à se reposer du CulUtan [ Rosarium ] , le seul par-
terre, a peu près, où ils aient eu jusqu'à présent la facilité de se promener
et dont les roses ne laissent pas d'éire un peu fanées. Le Guhsran sans
coniredit est un excellent livre; mais toujours du. . . . on sait ie conte.
il est presque superflu de parler de la beauté matérielle d'un livre
qui, par sa valeur intrinsèque, pourroit se passer de tout ornement
étranger: cependant un peu d'élég.ince ne nuit \^i au mérite; et, sans
parler de ia correction , qui y est admirable ( 1 ) , le luxe typographique a
été porté si loin dans cet ouvrage , que son exécution fait le plus grand
honneur aux presses de l'imprimerie royale.
(1) Voici 1« seules fautes d'impression que no
■ indrc au irés-petil nombre d'autres
iu« yayons remarqu
indiquée» dans l'eirt
l'on pourra joi
Page 140, ligne , _ , . _ .
id. 6; jj-*j, lisez (jï*J'
ao4, verf 6; ijj, liiez »,t^ (correction trèi-eiientieiJe J.
» '4î oi*Jj J-. 1»« u^-J JJ--
3'î>
, liiez
*^0**«
NOVEMBRE iBl^ 697
inspîreroit le beau Discours sur la calomnie, qui figure si honorablement
parmi sts autres titres littéraires» ils auroient renoncé à une accusation
qui enfin a tourné k la gloire de l'homme de lettres qu'ils persécutoient.
En lisant attentivement les poésies d'André Chénier, il est aisé de
reconnoître qu'il a visé à l'originalité , soit dans le choix des sujets et
dans la manière de les envisager , soit dans les formes du style et dans
Its expressions, soit enfin dans la versification.
J'examinerai ses poésies sous ces trois rapports* Quant aux sujets et
à la manière de les traiter, il avoit consigné ses principes dans le poème
intitulé l'Invention.
Il appelle inventeur dans les arts , l'homme
Qui peint ce que chacun peut sentir comme lui. . • •
Qui, par des nœuds certains, imprévus et nouveaux^
Unissant des objets qui paroissoient rivaux ,
Montre et fait adopter à la nature mère
Ce qu'elle n'a point fait, mais ce qu'elle a pu faire.
En parlant de Virgile et d'Homère , il s'écrie :
Quoi! faut-il, ne «'armant que de timides voiles,
N'avoir que ces giands noms pour nord et pour étoiles!
Et plus bas :
Changeons en notre miel leurs plus antiques fleurs;
Pour peindre notre idée, empruntons leurs couleurs;
Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques;
Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.
Après avoir indiqué Its moyens de réussir, il ajoute :
Qui que tu sois enfin, ô toi, jeune poète ^
Travaille; ose achever cette illustre conquête:
De preuves, de raisons qu*est-il encorbesoirtî
Travaille; un grand exemple est un puissant témoin :
Montre ce qu'on peut faire, en le faisant toi-même.
£t bientôt il anime ces préceptes par une comparaison très-poétique r
Aux antres de Paros le bloc étincelant
N'est, aux vulgaires yeux, qu'urne pierre insensible:
Mais le docte ciseau, dans son sein invisible,
Voit, suit, trouve la vie et l'ame en tous s^s traits.
Tout l'Olympe respire en ses détours secrets.
Là vivent de Vénus les beautés louveraines, . • # •
U &c«
NOVEMBRE l8ip. 68j
que Fode entière, connue depuis long-temps, est restée dans la mémoire
de toutes fes personnes qui aiment les bons vers.
Parmi fes élégies, il en est que Fauteur auroit sans doute retranchées
de son recueil, s'il Tavoît publié lui-même : mais, dans plusieurs, laû-
teur rend avec élégance et avec noblesse les sentimens vifs, doux ou
véhémens qui Tinspirenl; quelques-uns charment par l'abandon le plus
aimabfe. •
En tète de fidylle intitulée LA JEUNE Tarentine» Fauteur n*avoit
pas besoin décrire, E/égie dans U goût ancien; le lecteur instruit lauroif
dit lui-même.
Je pense que le genre où fauteur a montré un talent plus distingué ,
une véritable originalité, c'est celui de l'idylle. Aux sentimens tendres
ou pasMonnés qui le caractérisoient, aux formes dramatiques des anciens»
1 auteur a joint quelquefois, et avec le plus grand succès, des vues phi-
losophiques* Telle est sur-tout l'idylle intitulée LA Liberté, qu'il fau-
droit citer toute entière pour en faire apprécier le mérite. C'est un^
drame qui présente une morale profonde, qui peint le coeur humain à
grands traits, et qui sur- tout a l'avantage de laisser des impressions de
justice et de vérité.
Un chevrier heureux s'adresse k un berger dont Textérieur n'annonce
pas le bonheur, et l'invite à se rapprocher de lui, à jouir des beautés
de la nature et à guider son troupeau dans de frais pâturages.
Le Berger, Que m'importe! Est-ce à moi qu^appartîent ce troupeau !
Je suis esclave.
Le chevrier l'invite à calmer ses peines , à se consoler en jouant de fa
flûte et en écoutant le chant des oiseaux.
Le Berger, Non, garde tes présens. Les oiseaux des ténèbres,
La chouette et Torfraie, et leurs accens funèbres.
Voilà les seuls chanteurs que je veuille écouter;
Voilà quelles chansons je voudroîs imiter.
La flûte sous mes pieds seroit bientôt brisée.
Je hais tous les plaisirs : les fleurs et la rosée,
£t de vos rossignols les soupirs caressans,
Ilien ne plaie à mon cœur, rien ne flatte messeni.
Je suis esclave.
Le chevrier parle de liberté , de patrie.
Le Berger, Comme moi, je voudrois que tu fusses esclave.
Le Chevrier, Et moi, je te voudrois libre, heureux comme moi.
Le Berger,
Mon sort est de servir; il faut qu'il s'accomplisse:
Ssss
NOVEMBRE 1819. 691
Et les douces vertus, et les grâces décentes,
Les bras entrelacés , autour d'elle dansantES,
# VeiJIoient sur son sommeil* (EUgie XXX.)
D'au! ras fois il donne à des adjectif^ des régimes inaccoutum^-s; ainsi
il dit à la Fortune :
Qui sais, de ton palais, D'esclaves abondant,
De diamans, d'azur, d'émeraudes ardent,
Aux gouffres du Potose, aux antres de Golconde,
Tenir les rênes d'or qui gouvernent le monde. (Elégie xxvti.)
Cette faute, abondant D'esclaves, est d'autant plus désagréable, quelle
se trouve dans un passage dont le <ieTnier vots est irès4>eaa d'image et
de pensée. ...
Cette ambition d'augmenter nos ress4>UFce$ poétiques est très-
marquée dans les tentatives que Taulcur a hasardées pour varier les
formes de la versification ; il a souvent biisé la césure, cjes vers d'une
manière qui choque l'oreille e{ le goût. Sans doute il convient de tenter
des efforts jxnir corriger l'uniformité, la ja>onotonie de nos grands
vers; ce travail exige, un goftt sûr, une oreille exercée : mais, si ces
Jhardiesses, qui, dans \e% booâ ipoète$ ,. sont une exception heureuse, une
sage variélé, devienuent d*ins v.n novateur une habitude presque
constance, alors le rhythme e^t détruit, il n'y a plus d'harmonie, et, les
rimes cessant de se répondre dans leurs rapports accoutumés, Toreille ne
reconnoît plus la versification française.
Je dois avouer cependaut qu'il y a parfois de très -beaux effets
d'harmonie dans les compositions d'André Chénier, et qu'il les doit à
la coupe hardie et ^avanie de quelques vers; mais, dans cette partit
de l'art, encore plus que .dans les autres^ l'abus est. a coté de l'usage.
En veut-on des exemples frappans! J'en choisis deux dans la pîèire
intitulée le Jeu de paume.
Avant de rapporter les huit vers, je transcrirai les expressions de
l'auteur comme si elles avoîent été écrites en prose, et j'avertis que fe
premier et les deux derniers vers ne riment pas.
« La liberté, du génie et de l'art t'ouvre tous les tré.sors. Ta grâce,
5> auguste et fière, de nature et d'éternité fleurlL Tes pas sont grands.
» Ton front ceint de lumière*. touche les cieux. Ta flannne agite,
» éclaire, dompte les cœurs. La liberté, pour dissoudre en secret nos
« entraves pesantes, arme ton fraternel secours. >5
Je doute (fue dans ces phrases, dont je n'ai déplacé aucun mot,
loreille la plus exercée eût pu reconnôîtfe les vers sui vans :
La liberté, du gériie et de Part
Ssss 2
NOVEMBRE 1819. <^j
Me ronge; avec effort je respire, et je crois
Chaque fois respirer pour la dernière fois.
Je ne parierai pas: adieu; ce lit me blesse;.
Ce tapis qui me couvre accable ma foiblesse;
Tout me pèse et me lasse. Aide-moi; je me meurs:
Tourne-moi sur le flanc. Ah! j'expire : o douleurs!
Sa mère rinterroge encore , et le n^alade rinterrompt :
O coteaux d'Érymanthe! ô vallons! ô bocage!
O vent sonore et frais ^ qui troublois le feuillage >
Et faisois frémir Tonde , et sur leur jeune sein
Agitois les replis de leur robe de lin !
De légères beautés , troupe agile et dansante. . . .
Tu sais, tu sais, ma mère! Aux bords de rÉrynianthe^
Là, ni loups ravisseurs, pi serpens, ni poisons.
O visage divin ! ô fêtes ! ô chansons !
Des pas entrelacéis, des fleurs, une onde pure;
Aucun lieu n est si beau dans toute la nature.
Dieux! ces bras et ces fleurs, ces cheveux,. ces pieds nus
Si blancs, si dt^Iicats! je ne les verrai plus.
O portez, portez-moi sur les bords d'Érymanthe,
Que je la voie encor cette vierge charmante !
Oh! que je voie au loin la fumée à longs flots
S'élever de ce toit, au bord de cet enclos
Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse,
Sa voix, trop heureux père! enchante ta vieillesse.
Dieux! par dessus la haie élevée en remparts.
Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars,
Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée,
S'arrêter, et pleurer sa mère bien aimée.
Oh! que tes yeux sont doux! que ton visage est beau!
Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau I
Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles.
Dire, sur mon tombeau , « les Parques SONT CRUELLES!
Enfin il la nomme ; sa mère va la demander pour lui au vieillard , et.
rctouine:
Haletante, de loin: «Mon cher fiU,tu vivras!
o>Tu vivras 1 » Elle vient s'asseoir près de la couche;
Le vieillard la suivoit, le sourire à la bouche.
La jeune belle aussi, rouge, et le front baissé,
Vient^ jette sur le lit un coup-d'œil : l'insensé
NOVEMBRE 1819. Sçs
commode pour les Européens, parce qu'il n'exige pas la connoissance
de la langue parlée.
Mais, depuis cette époque , letude du chinois a pris en Europe un
nouvel essor, et est même devenue l'objet d'un enseignement public.
II ne s'est plus agi , comme autrefois , de ressasser des notions élé-
mentaires , ou de traiter , à l'aide de mémoires fournis par les mis-
sionnaires, quelques questions relatives h l'antiquité des Chinois, ou h
/a nature de leur écriture. C'est le savant auteur de l'Histoire des Huns
qu on a dû prendre pour modèle ; ce sont des extraits et des traduc-
tions des livres chinois qu'il a fallu faire, sans avoir, comme Fourmont
et Fréret, des Prémare et des Gaubil pour correspondans à la Chine.
Avec des moyens nouveaux qui manquoient à ces hommes habiles,
mais privé d'autres genres de secours qui étoient à leur disposition, on
a dû entreprendre une nouvelle série de recherches, approfondir la litté-
rature, examiner la langue elle-même sou^ de nouveaux points de
vue, étudier Fhistoire et la géographie dans de nouveaux détails, tt
aborder enfin les livres qui traitent des sciences et des arts. Bientôt on
a pu s'apercevoir de l'insuffisance des dictionnaires composés par les
missionnaires pour tous ces objets, et l'on a reconnu que celui du
P. Basile en particulier, excellent sans doute pour traduire à la
Chine, et avec le secours des maîtres du pays, quelques sermons du
latin en chinois, ou des fragmens d'ouvrages moraux du chinois en
latin, n'étoit pourtant qu'un vocabulaire très-imparfait, désormais
insuffisant pour les besoins des éludian«.
C'est cette vérité dont M. Klaproth a pu être plutôt et mieux
convaincu qu'un autre, qui lui a ff^it entreprendre la composition d'un
supplément dont il publie en ce moment la première livraison. Appelés,
en rendant compte de ce travail d'un savant étranger, à émettre en même
temps notre opinion sur celui d'un voyageur estimable, d'un compatriote
dont le nom , si honorable et si cher pour tous les amis des lettres et de la
saine érudition, a droit à des hommages plus particuliers de la part des
membres de l'académie des inscriptions, et des collaborateurs de ce jour-
nal, nous nous reprocherions de commencer l'exposé des imperfections
qu'on peut remarquer dans le Dictionnaire imprimé , et qui ont rendu la
publication d un supplément indispensable, sans avoir auparavant payé
un juste tribut d'éloges au zèle, h la patience et même à l'exactitude
dont l'éditeur a* fait preuve dans cette publication importante. L'impres-
sion d'un volume grand in-folio de plus de i 100 pages, avec un grand
nombre de caractères chinois et de numréros de renvoi, étoit sans doute
une entreprise pénible et labçiieuse. En l'achevant, M. Deguignes s'est
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NOVEMBRE 1819. h7
rétabli les noms de deux syllabes, omis par le P. Basile et par son
éditeur, et parmi lesquels il s'en trouve de très-célèbres, tels que ceux
de Sse-mn (i), He'/!an[2) , 'fTei-si, lu-wen, 'Eou-yangy et plusieurs
autres. On désigne ces noms de deux syllabes par les mots de
ifCÇ Yê fi^'^'^"g [ "oms doubles ] , et non pas TffXl Hift fi^^
sing^ comme on le lit à la page 30 du Supplément ; c'est là une inad-
vertance causée par i'analogîe des prononciations exprimées en lettres
latines.
Le nom de famille se place toujours le premier, et quelquefois
même, quand il s'agit de philosophes du premier rang ou d'écrivains
supérieurs, on n'y ajoute que le mot chi, qui signifie famille, et l'on
dit, par antonomase, Hiu-chï , la famille H\u, pour Hln-chin, nom du
premier et du plus illustre des lexicographes chinois; Tso-chi ^ pour
Tso-khieou wina. Cet usage a aussi lieu pour les femmes. Le ming,
nom propre, ou petit nom, est celui qu'on reçoit en naissant, qu'on se
donne en parlant de soi, par lequel le fils se désigne lui-même en
j^arlant à son père, le sujet en adressant la parole à son prince. La
politesse ne permet j)as d'employer le ming des personnes à qui l'on doit
du respect, et les lois défendent de prononcer ou d'écrire celui des
empereurs vivans. On cite à ce sujet un trait remarquable : l'empereur
contemporain de Louis XIV, auquel l'usage européen a donné le
nom de Khang-hi, avoit reçu en naissant le petit nom ou sobriquet de
Hicuan-ye ['^)y étincelle bleue ; dès ce moment les caractères hiouan [bleu]
ttye [étincelle] durent être évités dans l'écriture; et, pour les écrire
sans crime, il a fallu les tronquer dans tous les livres imprimés depuis
cet empereur : c^est ce qu'on a fait en leur ôtant un trait (4) , non-
seulement dans le caractère simple, mais encore dans tous les groupes
plus compliqués où ils entroienl en composition. L'usage s'en est
conservé jusqu'à présent, et, à chaque mutation de règne, le nombre
de ces caractères ainsi tronqués doit nécessairement augmenter. La
(1) Nom de famille de deux historiens célèbres, Sse-ma-tslan et Sse-raa-
kouang, et Aes princes de la puissante dynastie des Tsin»
(2) Famille tartare qui a fondé quelques principautés dansie nord de la Chine.
(3) .**. ^ (4)
m-k
Tttt
NOVEMBRE 1819. 699
2.* une médaille d'or de ioo francs à M. le chevalier Chaillou des Barres»
ancien prrfet, aiuenr du mémoire n.® 12, ayant pour épigraphe, Quand on
étudie ces matières de tonne foi, l'on ne doit jamais suivre servilement aucunes
traces ,- et ce n'est pas comme à un guide impérieux qu'il faut avoir recours aux idées
des autres, rtfais comme à un objet de comparaison utile après ses propres recherches
( Necker, Sur la législation et le commerce des grains ) ; 3.** une mention honorable
« M. Jean-Jacques Baude, de Valence, auteur du mémoire n." 6, ayant pour
épigraphe :
Ne , ckepoco io vi dia, da imputar sono ,
/a. Che quanta ioposso dar, tutto vi dono. ( Ariost. Or. Fur. cant, I, stan^. ^.)
Ccncours sur les moyens de préserver les murs de craie des atteintes du salpêtre.
l'-n décernant une mention honorable à M. Mande!, doyen du collège de
p.hrrmacie, &c, à Nancy, auteur du mémoire ayant pouf épigraphe, Fortiora
exTurhant debillora , la société s'est réservé l'expérience du procédé indiqué; et,
si (a pratique vient â Tappui de la théorie, il sera décerné. Tan prochain, à
1 auteur, une médaille de première classe. '
Concours sur la vaccine. !,• Une médaille d'encouragement à M.* Dufe\ix,
chfriirgT.n à Bor.y, qui, dans Tannée, a vacciné 445 sujets; z.^ une première
mention honorable à M. Delacroix, chirurgien à Châlons, qui en a vacciné
j~4i 3*** nne seconde mention honorable à M. Hubert, chirurgien à Somme-
i)'ippes, qui en a vacciné 262.
Concours de statistique, t.* Une médaille de première classe à M. Jolly,
chirurgien à Châlons, auteur de la statistique de cette ville; 2.*^ une médaille
d'encouragement à M. Remy, chirurgien à Châtillon-sur-Marne , auteur de la
statistique du canton de ChâiilloD-sar-Marne.
Enfin la société âvoit demandé un discours sur ce sujet: Les intérêts des
Français de toutes les classes sopt attachés au maintien de la Charte constitu-
tioum^île. Le prix, consistant en une médaille d'or de joo francs, a été adjugé à
M. Cyprien Aiiot, professeur au collège royal de Reims, auteur du mémoire
n.^ 6. Ce mémoire vient d'être imprimé à Châlons, chez Martin ; un vol. in-S.*
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
C\itdlogue des oljtts d'ant'quité et de curiosité qui ccmpcsoient le cabinet defu
Al. l'abhê Campion de Tersan , Ù*c, dont la vente publique aura lieu, le lundi
8 novembre 1819 et jours suivans,à TAbbaye-aux-Bois, rue de Sèvres, n.° 16.
Pari;, impr. de Nouzou, chez Silvestre, in-BJ' de 9 feuilles un quart. ( II se
trouve danscetic collection un grand nombre d'éditions du XV. 'sièdo, beaucoup
d'autres livres rares, et de curieux recueils d'opuscules difficiles à rassembler.)
Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M, Courtois. Paris, impr.
de M.'"* Hii/ard, chez Merlin, //7-*\* de 20 feuilles. Prix, 4 f»*- ( La vente de
cette biMiothèquè commencera le 3 janvier 1820. )
Bibliotheca classicalaiina , sive Collectio auctorum classiconim latînorum ,
cum notis et indicibus; deuxième livraison, imprimeries de P. Uidot et do
Panckouke, chez M. Laffitte, banquier, et chez M.Lemaire, éditeur, boulevart
italien, n^*» 1 1 , 2 vol. in-S.' (Ce sont les tomes 11 du Virgile et du l'acite. )
UOdyssie d'Homtre, traduite du grec par l'auteur d'une traduction de
Tttt 2
NOVEMBRE iSipt 7^1
Principes d'administration et d'économie politique des anciens peuples , appU<piéf
3nx peuples modernes, par Fr. Bilhon , ex-chef de bureau au minisrérc de*
iinancvs, &c. Paris, imprimerie d'Egron, chez Louis, z'/z-^." de 25 feuilles.
rri:< , 6 iV.
Science du publiciste , ou Traité des principes élémentaires du droit, consi-
<iér«" dans ses principales divisions; ouvrage a l'usage de tous les peuples et de
lous les temps, avec dçs notes {tom. I.*'); par Alb. Fritot, avocat. Paris,
iinprim. de Feugueray, chez Arthus-Bertrand , zVï-éi'/ de jcx) pages. Prix, 6 fr.
Discours qui a remporté le prix à la Société d'agriculture, commerce, sciences
et arts du département de la Alarne, en 18 19, sur ce sujet : « Démontrer qu€
» les iniércis dos Français de toutes les classes sont attachés au maintien de la
» Charte constitutionnelle» ; par M. Cyprien Anot, professeur au collège royal
de Reims. Châlons, chez Martin, imprimeur-libraire, //?-<?/ de 143 pages.
Traité théorique et pratique sur les lettres de change et autres effets de commerces
par M. A. Schiibé. Strasbourg, chez Trcuttel et WUrtz, i/i-^.*
Alémoîres de V Académie royale des sciences , Institut de France, année 1817J
tome II. Paris, imprimerie et librairie de Firmin Didot, //;-^/ de 6g.*) pages*
Ce volume contient l'Analyse des travaux de l'académie en i S 1 7 , par MM. lei
secrétaires perpétuels; des notices historiques sur MM. Rochon et Messîer,
par M. Deîambre; des Recherches sur la durée de la gestation cl de l'incu-
bation, par M. Tessier; un Mémoire de M. Biot sur les rotations que certaines
substances impriment aux axes de polarisation des rayons lumineux; des Obser-
vations de M. Girard sur la vallée d'Egypte; un Mémoire sur la figure de la
terre, par M. de la Place; un Mémoire sur le mouvement des fluides élas-
tifjues dans les tuyaux cylindriques, par M, Poisson; un Mémoire sur diverses
mesures, par M. de Prony; un Mémoire de M. La Billardiére sur le moyen
ei-iployé par les rainettes pour s'élever le long des corps lisses.
M. le marquis de la Place vient de publier une quatrième édition de sa
Théorie des probabilités. Paris, veuve Courtier, 1819, in-S,' : 4 fr.
AIcmoire sur l'importation en France des chèvres à duvet de Cachemire , par
M. Tcss>r. Paris, imprimerie ^t librairie de Ai."*^ Huzard, in-S,' de 2 feuilles.
Hennés classique ,]0\irnd\ philologiq^ue, principalement consacré à l'explica-
tion claire et méthodique de la valeur des mots, en latin, en grec et en français;
à l'examen et à la discussion des diffv'rentes leçons admises dans le texte des
auteurs anciens; à l'interprétation des passages les plus difficiles des auteurs
clas>i'}ucs, et contenant en même temps une annonce et une notice des livres
nouveaux relatifs aux langues anciennes et à la philologie en général. Le prix
de l'abonnement à YMemiès classique, dont une li\rai^on paroîtra chaque mois,
C5t de 30 francs pour Tannée. On souscrit chez Eg.on, imprimeur- libraire,
rue des Noyers.
Annales i'rajiçaises des arts , des sciences et des lettres, fûrant Siiite aux Annales
des bi'timens; par une société d'artistes et de gens de lettre;-: iroTsième année.
On s'abonne au bureau de> Anniîlcs, rue Saint-Martin, n.'^ îqc). Le prix de
Tabonnement, pour un an, est de 25 francs.
Annales du Abusée et de l* École moderne des beaux-arts , Ci.lnn de iStg ; par
Landon. Première et deuxième livraisons. L'ouvrage formc^ra dtux volumes.
Prix, 30 fr. On souscrit au bureau des ivnnalcs, quai deConti,n.° 15. Les deux
premières livraisons contiennent 24 gravures au trait, représentant un égal
NOVEMBRE 1819. 793
situer au-delà de Danube; par S. A, Biicliner. Rafisboiine^ '819, hi-S.' , avec
une cane et un plan dessinés sur pierre.
Fr, Crfut;^er Aleletemata ex disciplina antiqu'itat'is : pars tertia; commenrationei
^t i< njnuniarii in scriptores grxcos. Lipsix , Hahn , ///-^/
EjusJan Couimentationes Herodotect. -/tgyptiaca et Hellenica, par? prima-
Sub;iciuntur aJ calcem summaria, scholia, varixque loctioncs cod. Palatini.
Lipsix, Halin, 1819, în-SJ'
Beirrae^e ;^ur mun^liundt: i^c; Mémoires pour servir à la nutiiisinatique
malioméciiTie , ou Choix de nionnoies rares et peu connues du cabinet de
Ai. l'aisesscnir G. Sfluq,àPétershourg, dt-crites succinctement par C. M. Fraehru
Berlin, Kcinier, in-S/ , avec une carte licliographiée.
Platonis qux exstant Opéra. Acccduni Platogis quae fcruntur scripia. Ad
optimorum lîbrorum fideni recensuit, in latinum convertit, annotationibus
explanavit , indicenique rerum ac veil)oruni accuraiissimum adjecit Fr.
Alnius; tomns primus. Lipsiae, Wcidmann , in-8»^
Pjrocli Diadochi et Cly/npiodori Commemcrii in Platonis Alcihiadem priorem;
r.uiiç primùni edidit plurinmque codicuni manuscriptoruni varietaiem Joctionis
adji-ciu i'red. Crcurzer. Francfort, Broenncr, in-S.-'
D\e W ittCiUngskunde it^c»; La AJetéorolcgie considérée ddris ses principes ;
par lo D/ Schoen. Wurzbourg, Kanzc, in-^.* de 120 pages, avec une carte et
douzo tableaux lithographies.
Eiideititngifc, ; Introduction à la physiologie de l'organisme humain; par \t
D/ Hcmpel. Goitinguc , in-8,^ Prix , i rxd.
Nuiersuchungen i^c; Recherches sur les causes premières de la toux, sur /n
respimtion et le croup; par le D/ Krimer. Leipsic, Cnobloch, 1819, //i-<?/
de I J2 p'ïi^c's
GcscJiiclue iT'c, ; Histoire de la médecine de Russie ; par le D/ G. M. Richtcr,
1 lipsij , 1818 à- 1819, Hartmann , 3 vol. gr. i/2-4.*
- System thitrheilkunde ilXc. ; Système théorique et pratique de l*urt vétérinaire j
par le D/ D. Buich; tome I. Casscl, 1819, Krieger, gr. in-S^'*
ANGLETERRE.
Litîerary History à^c. ; Histoire littéraire du moyen âge ; rompviMiani i*étnt de»
scienct-s, depuis la fin du règne d'Auguste jusqu'à leur r».'nai5sance dans le XV.*
siècle; par J. B^rington. Londres, Mawman, //z-^." de 727 pa^'cs.
Deina oisân Mhicfhinn, air an cur amach airson maiih coir.heannta muinniir
n,îC£;oeitacb.d { iî5>u\elle édition de? poèmes d'Ossian, publiée par John \lac-
drcj^or Auirray, baronet). Dun-cidin [ I:.d imbourg], 1818, in-S.'' , 344 p-'gcs,
avec 'iFi.» :>r: ici. if en gnélic.
G.tc:ilu...t, Z"^c. ; Le Groenland , et lUirres poèmes; par J. iMontgoniery.
LoîM^îi-; , Lcnguian, ///-5'/ Prix, 10 sh.
Jsf jndir si^T'c. ; Iscandre ou le Héros de rLpirCj roman; par Arthus Spencer.
Londres, Newnian , 5 \o\, in-S.' Priv, 16 :.h.
L'ApeituiuinauLodra, giornaîe per le colic pcrsone delîa Ciran Brettagna
e d'italia, ///-^\' Le prix de chaque cahier de ce journal sera de x sh. Il paroitra
'chcTque mois.
The TourofAfrica, i^c; Voyage en Afrique, contenant une relation succincte
de tous les pays de cette partie du monde visites jusqu'ici par les Angl.iis^
JOURNAL
DES SAVANS.
DÉCEMBRE l8ip.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
r
JOURNAL
DES SAVANS.
DÉCEMBRE l8in.
Deux Lettres X Mylord Comte d'Abepdeen sur
l'ûutheiitU'ifé des Inscriptions de Fourmoiit; pur M. Raoul-
Roclieite, membre de l'Institut royal de France, Conservateur
du Ciibinet des méàmlles et tmttques de la BibVtùthhpie du
Roi, l'uii des Rédacteurs du Juunud des S.it'.ms , &c. Paris,
18 ip, imprimerie royale, yw--^." de i4o pages, avec figures.
M.
L« FouRMONT, membre de l'aradémie des inscriptions et helfes-
lectres. avoît été chargé par Louis XV de pnrcburîr la Grèce, afin dV
recueillir des inscriptions, des fragintiis d'anliquité, des manuscrirs. Cet
académicien employa trois anntes dans ce voy^ige, et revint chargé d'une
riche moisson de monumcns en tout genre. Sun retour fît une grande
vvvv 2
DÉCEMBRE 1819. 709
préjugé , car on peut ainsi nommer une opinion dont les motifs n'avoient
point été pesés mûrement, le préjugé, dis-|e, contre J iwaihenticité des
inscriptions de Fourmont commençoit à s'enraciner, lorsqu'un savant
helléniste anglais, M. Richard Payne Knight, à la fiii de son livre sur
lalphabet grec, attaqua en forme les inscriptions de Sparte et SAmycla,
qui sont les plus anciennes; il analysa et tâcha de faire re^sorlir les ca-
ractères de fiiusseté quil croyoit y avoir découverts. Comme, dans le
cours de ce livre, il ne s'étoit nulleriient servi des inscriptions de Four-
mont, il crut devoir exposer les motifs qu'il avoit eus de les négliger
entièrement.
Jusqu'à présent- les raisons de M. R. P. Knight étoient restées sans
réponse; Tautorité d'un savant aussi distingué n avoit pas peu contribué
à consolider l'opinion déjà établie; et les inscriptions de Fourmont, au
lieu d'enrichir le nombre des collections imprimées de ce genre, sont
restées jusqu^à présent enfouies dans les cartons de la Bibliothèque du
Roi.
Cependant, depuis un petit nombre d'années, l'opinion commençoit
à devenir plus favorable aux monumens de Fourmont; les lettres qui
avoient paru les plus étranges, les formes de langage qui avoient semblé
les plus suspectes, se retrouvèrent sur des vases grecs, des médailles ,
des marbres qu'on découvrit peu à peu. Les inscriptions que Fourmont
prenoit pour la copie des lois de Solon, se trouvèrent être des inscrip*
tions extrêmement curieuses sur l'administration intérieure d'Athènes,
et qui offrent les mêmes particularités de langage et d'orthographe
que \^% marbres de Choiseul, découverts depuis la mort de Fourmont;
leur authenticité ne pouvoit laisser le moindre doute. De même qu'on
avoit conclu d'un petit nombre de traits douteux la fausseté du tout,
on se trouva désormais assez disposé à croire à l'authenticité de la
plupart des inscriptions d'après l'authenticité incontestable de quelques*
unes, au point que Tacadémie de Berlin en fit prendre une copie exacte^
qu'elle conserve dans ses archives et qu'elle se propose de publier.
Cependant les difficultés élevées par M^ R. P. Knight n'étoient
point encore levées : beaucoup de personnes , tout en convenant de
l'authenticité d'un grand nombre de ces inscriptions, conservoient des
doutes sur les plus anciennes ; savoir, sur celles de Sparte ttSAmycla,
et persistoient à croire que les objections de M. R. P. Knight étoient
sans réplique. Lord Aberdeen , dans une lettre que M. Thomas Walpole
a insérée parmi ses mémoires relatifs à la Turquie, en a tout récemment
reproduit un certain nombre.
C'est à Foccasion de cette lettre que M* Raou^RQchette a cru deroir
^*
DÉCEMBRE iBrp. 711
très-forte si les faits qui l'appuient éroienl exacts, tombe d'elfe- même,
quand on examine le tableau des lettres qu'ofTient les inscriptions pu-
bliées par Fourmont, et que M. Kaoul-Rochette a fait graver à la fin
de son livre : ce tableau, qu'on trouve ci- joint, suffit pour montrer que
la différence des formes s'accorde assez bien, en général, avec celle
des temps.
i.** Les terminaisons aux cas obliques sontj dans ces inscriptions , Ici
mêmes que dans Pausan'ias. M. Raoul-Kochette répond d'abord que ,
quand cela sejoit, il n'en faudroit rien conclure; puis il montre, par
des exemples tirés de deux inscriptions d'époques différentes, que les
désinences sont loin d'être les mêmes.
3.** On trouve dans ces inscriptions toutes les formes barbares des lettres,
telles que le sigma C et r epsilon €, employées seulement sous les derniers
empereurs lomains, M. R. P. Knight est appuyé ici sur de graves au-
torités, Spanheim, Spon, Monfaucon , Corsini , Winckelmann , qui ont
tous soutenu cette opinion sur la forme du sigma et de X epsilon; mais
des monumens découverts depuis en démontrent la fiiusseté, et il est
singulier que M. R. P. Knight n'en ait point eu connoissance. On
retrouve en effet la forme de \ epsilon 6 sur des inscriptions antérieures
à Tan 282 avant J. C, et le sigma c sur des médailles de Crotone
et de Syris, qui sont peut-être du vil.* siècle avant J, C. , mais qui
ne sont certainement point postérieures au VI.*, et sur d'autres monu-
mens que M. Raoul Rochet te rassemble et rapproche avec beaucoup
de critique et d'érudition: il en termine l'énumération par un argument
en faveur de la bonne foi du prétendu faussaire. Lorsque Fourmont
rapporta ces inscriptions, l'opinion sur l'époque récente où cette forme
de Y epsilon et du sigma s'étoit introduite, étoit générale parmi les savans:
si donc il eût forgé ces inscriptions, il se fût bien gardé d'y introduire
des lettres qui, par leur forme, auroient ftit découvrir son imposture,
11 n'a pas craint de produire ces lettres: c'est qu'il copioit naïvement,
sans songer à tromper personne , et sans imaginer que le soupçon de
fraude pût l'atteindre.
4.** M. R. P. Knight prétend que Fourmont , « pour donner à quelques-
» unes de ses inscriptions un vernis d'authenticité , a été prendre sur des
» médailles de Gortyne une forme singulière de sigma S : mais malheu-
» reusement, dit-il, ce prétendu sigma est un iota; ce qui découvre àla-
ji fois l'imposture et l'ignorance de Fourmont. » L'auteur des Lettres à
lord Aberdeen s'élève encore victorieusement contre cette nouvelle im-
putation : il prouve que Fourmont n'a pas eu besoin de calquer son sigma
sur Viota des médailles de Gortyne ; que cette forme de sigma^st trouf e
DÉCEMBRE iSlp* 7'5
» adopta ce nom avec une altération bizarre , et donna ces mots or Al
» IKETEPKEPATEE2 pour l'inscription titulaire de la cliapelle diOgn:
3> mais depuis on a reconnu que ce nom est l'effet de la méprise d'un
» copiste, qui transforma deux mots, dont l'un est explicatif de l'autre,
>> en un seul nom ; en sorte qu'on lit aujourd'hui, dans le texte d*Hésy-
»»chius,'lx7t(/, xfotleiçy Afluuvytç, au lieu de iKTtvKfttlHç. » II s'ensuit que
Fourmont auroit^ forgé pour un temple imaginaire une inscription
puisée dans le texte corrompu d'un lexicographe.
Ce reproche est grave; et s'il étoît fondé, il suffiroit pour décréditer
tous les monumens de Fourmont. Il se compose de deux assertions ,
dont Tune n'est point combattue par M. Raoul-Rochette aussi victo-
rieusement que le reste ; ce qui tient en partie au peu de renseigne-
mens que les voyageurs ont recueillis sur les lieux. Reprenons les deux
imputations, eC examinons les l'une après l'autre: ce point en vaut la
peine , puisque c'est l'argument principal des antagonistes de Fourmont.
Lord Aberdeen vient à l'appui de la première, relative h la chapelle
d'Oga, dont M. R, P. Knight nie absolument l'existence; bien qu'il
ait parcouru tous les environs d'Amyc/a, ce voyageur assure que cet
ancien édifice a mal heureusement disparu, II est vrai qu'il ajoute en-
suite : Le véritable édifice ( qui n'est pas celui que Fourmont a décrit )
existe encore sous la forme d'une chapelle grecque moderne, dans laquelle
Fourmont , s'il a été lui-même réellement à Sparte , peut avoir vu les
marbres que j'y ai trouvés en iSoj. Mais il ne résulte de ce passage autre
chose., sinon qu'en admettant l'existence d'une chapelle d'Onga ou
d'Oga, ce ne peut être celle dont parle Fourmont, mais un petit édifice
dans le voisinage : ainsi Tédifice de Fourmont a disparu, ou tout au
moins les voyageurs n'ont encore pu le voir. M. Dodwell , dans son
intéressant Voyage, n'en dit pas un mot, en parlant SAmyclœ ( i ) : à la
vérité, il ne dit point qu'il ait fait des recherches à cet égard. M. Raoul-
Rocliette cite un passage qui ne me semble point aussi formel qu'il le
pense. M. Avramiotti, qui a publié en 1816 des observations critiques
sur le Voyage en Grèce de M. de Chateaubriand (2), reproche à cet
illustre écrivain d'avoir passé à Amycla sans voir cette chapelle diOga,
II s'exprime ainsi : ce Mais (M. de Chateaubriand) ne mérite aucune
» excuse pour n'avoir pas vu , à cinq cents pas du temple d'ApoIloa
(i) A classical and topogravhical Tour through Greece , toni. II, p. 4i2-4'4*
{1) Alcuni cenni crîtici del dottore Avramhtti sul Viaggio in Grecîa, che
compoae la prima parte deW Jtinerariû du Parigi à G'ierusalemmê. Padova, 1816,
pag. 31.
xxxx
DEC
7»r
(nveur de J'auire inscripiion : on est donc naiurellement porté à croire
que celle du lemple A'Onga doit être également autheniiqiie. De ce
que des circonstances particulières ont pu la faire disparoîlre , ce n'est
pas un motif suffisant pour la croire fausse. Mais, dira M. R. P.
Knighl, et la fausse leçon d'Hésychius : J'avouerai, pour ma part,
qu'il ne ine semble nullement proi^able que t'ounnont ait été cherclier
r lK7iujip«7ïïc d'Hésychius pour en forger ie mot IKETEPKEPATEEï :
car, s'il fàisoit tant que d'emjirunterun mol ii Hésychius, pourquoi le
déiiaturoil il à ce point! Dans la confiance où il étoît que la leçon
de cet auteur étoît bonne, et désignoit Lïen rcellemeni un nom des
Lacédémoniens, selon l'opinion de Meursius. que gagnoil-il à ne le
pas reproduire tel qu'il le lisoil dans Hésychiuiî 1[ me pnroît infiniment
plus probable qu'il a donné ce mot tomme il l'a lu, J admets donc
sans aucune difficulté, avec M. Raoul- Rochelle^ que Fourmont aura
fait, en le lisant, quelqu'une de ces mépri-es qui lui sont familières,
et qui d'ailleurs sont échap|iées h de plus ha!-iles que lui. Ce qui me le
persuade, c'est que ce même mot se retrouve avec quelque .-iltération
sur deuK monumens : car, dans un autre endroit, Fourmont dit qu'il
possède des inscriptions en bcusiropl édon, «où les magistrats Pythn
y> [riuâts*] sont nommés avtc les officiers des tribunaux d'alors. Un
"rond est au-dessous des noms des Pytk'ù , et sur ce rond sont les
» leiires IKTEOKPaT, abréviaiion de iKTEOKPATEEï, el au-dessous on
»» lit noiMElTOPEi ( I ) , ÔLC. « Ces deux derniers noms désignent évidem-
ment aussi de5 magistrats. Enfin on lit encore, sur une autre inscrip-
tion toul-à-fait analogue à celle qui nous occupe, IKTEOKPaTEEï ©EO
AnoAAONi [les Icléocraies au dieu Apollon] [2). Il est hors de doute
que les deux noms IKTEOKPATEEE et IKETEPKEPATEES sont identiques
et ne diflérent que par une légère variété d'ori hographe. Or, si Four-
mont a inventé l'un, il a nécessairement fnrgé l'autre: mais alors pour-
quoi ce ch^ingementï D'où vient cette diflTérence qu'il a lais&ée entre les
deux noms î Pourquoi ne les point écrire tous deux de la même manière I
Cela ne peut s'expliquer que dans une hypothèse; c'est que Fourmont
copîoii naïvement comme il (isoit; et s'il les a écrits difFéremment l'un
de l'autre , c'est qu'il k cru les lire ainsi. Ce rapprochement , que j'ajoute
aux argiimens de M. Raoul-Rocheite, et qui corrobore son opinion,
achève d'établir, avec un haut degré de prohaliilité, que Fourmont n'a
point tiré spn inscription d'Hésydiius. Maintenant, que signifie le mot
(1) Foiirnioni.clans les Alrm. dt l'Acad. tUa mxr. tcm. XV , p.^-tz.
(2) Banhtlemy, ibid. Km. XXilI , p. 40^
Xxxx 2
DECEMBRE 1819. 7,7
que les Péfasges sont venus en Italie après lesTyrrhénienj ( i ) , ou Forsqu il
montre, par des exemples 9 que leniploi de IW/Vr^?/! de forme triangulaire
se retrouve encore sur d'autres monumens que Tinscription d'Oga. Il
se livre à une autre discussion importante sur l'existence d'un alphabet
Pélasgique ; mais l'en parlerai dans un second article > et je passe à la fà*
meuse inscription HAmyclœ ^ contenant un catalogue de prétresses*
Cette inscription , que Barthélémy, Torremuzza, Eckhel et Lanzi ont
regardée comme authentique » est vivement attaquée par M. R. P,
Knfght. Un des caractères de fausseté qu'il y trouve est dans le titre
de ces prêtresses , MATEPE2 JCAI KOTPAI TOT AnOAAONOS, «titre,
» ajoute-t-il, pour lequel labbé Barthélémy n'a pu produire aucune auto-
w rite : d'Hancarville néanmoins a imaginé de rapprocher ce titre de celui
» de mercs et de filles du bon Dieu, en usage dans quelques couvens de
» religieuses en France (2) ; ce qui montre d où Fourmont a tiré ce
» titre ; car il n'a fait que traduire en grec un titre et des expressions
w qui lui étoient familières.» M, Raoul-Rochette répond, en joignant
aux deux autorités citées par Barthélémy (quoi qu'en dise M. R. p.
Knight) pour justifier ce titre, d'autres autorités tirées des monumens
grecs et latins, qui attestent que les ministres des dieux étoient fré-
quemment appelés voLVig , x«^ç^ li^ , et en latin , patcr, mater sacrth-
rum , fi lia.
Dans cette même inscription , M. R. P. Knight s'étonne de trouver
des particularités d'idiome tout-à-fait extraordinaires, telles que API2E.
TANAPOT, APIXETOMAXOT, pour API2TANAPOT, API2TOMAXOT: il
suppose que Fourmont a imaginé cette orthographe bizarre d'après les
systèmes qui fàisoient dériver le grec de Fhébreu. M. Raoul- Roche tte
observe que> sans aller cKercher si loin la source d'une imposture pré-
tendue, il eût été plus simple de se rappeler les exemples qui prouvent
que les Lacédémoniens inséroient souvent une voyelle entre deux con-
sonnes, soit par euphonie, soit poiir toute autre raison; tels que ^n^f-
i^A^iç pour Tntf^Kkn^iç^ dans le décret contre Timothée, usage qui
se retrouve même dans l'ancienne langue latine : ainsi casteris pour
cas tris, dans l'inscription A\xi\ieïV[ie\auceta, sinisterum, arbiterio, uragum,
poiu" aucta, sinistrum>, arbitrio, orcum, &c» dans Festus.
(i) Hv^nmfAM IIP£iT' , '£ni' H a^iai çvka IlthMyiv ( V. 347 ) : les mots
et fW ne se rapportent qu'à la position géographique des deux peuples; M. K.
P. Knight a cru qu'elles indinuent des époques: le contre-sens est palpable.
(2) Ce titre de mères et filles du bon Dieu a été imadné par M. R. P. Knîghl
lui-même, car il n'y en a nulle trace dans l'ouvrage ded HancarvilIe>où il assure
ravoir vu»
DÉCEMBRE 1815^. 719
Histoire de Jeanne dAlbret, Reine de Navarre, par
MJ^^ Vauvilliers. Paris, L. Janet et Guitel» 3 vol. in-S.^ }
tom. I, Ixx et 362 pages, avec un portrait de Jeanne
cI'AJbret j tom. II, 450 pag.; tom. HI, 4po pag^
£n rendant compte , il y a quefques mois ( i ) , des Essais historiquet
sur le Béam, de feu M. Faget de J^ure, nous regrettions de ne trouver
dans cet estimable ouvrage aucun détail sur la . yie et FadmintstratioB
de fa mère de Henri IV. Cette princesse, recommandabte par ses^
qualités personnelles, et à qui fa France a dû le meilleur et le plus
îlfus(re de ses rois, n'avoit pas encore eu d'historien. Les récits qui Is
concernent, épars dans les histoires générales et dans quelques mé^
moires particuliers, n'avoient été rassemblés nulle part. Ce que Muret
a écrit sur elfe , se réduit à deux bu trois pages fort peu instructives (2^^
De deux notices (j) sur Jeanne d'Aïbret, publiées peu après sa mort^
Tune est extrêmement succincte, l'autre n'est qu'une relation de sa
dernière maladie , avec son testament et les épitaphes composées en
son honneur. 11 est vrai que le P. Mira'sson , dans son Histoire des
troubles de Béarn, imprimée en 1768 , s'est un peu plus arrêté sur le
règne de Jeanne ; mais il n'a point entrepris d'offnr un tableau complet
de sa vie publique ni de sa vie privée : Tauteur n'avait en vue que les
dissensions en matières religieuses^. H restoit donc à faire une histoire
proprement dite de Jeanne rfAlbret; et c'est ce que M."* Vauvillier»-
a entrepris , et ce qu'elle a, comme on va le voir , exécuté avec beaucoup
de soin et de succès.
Plus d'une fois l'histoire d'une princesse écrite par une dame n'a été-
(1) Journal des Savans, novembre 1818, pag. 666, .
(2) Alarci Antonii Aluretî pro Antonio rege Navarraeî J canna îpsius uà3n
Oratio ad P'ium IV, habita Romœ postridie td. drc. annâ lySo. rag. yt-^J
Operum Mureii, tom. 1, edit. Ltrgd. Bat. r7B9, r/»-^.''— ^La bibliothèque his»»
ferique de la France, n.^* 25590, indique une ce Oraisen funèbre d'Antoine de
^Bourbon et Jeanne d'Albret, roi et roine de Navarre, prononcée à Rome au pape
î»,Pie IV, par M. Ant. Muret, en 1560, Paris, Le Megissier, //ï-<^.* » Ce titre
est extrêmement inexact : Antoine de Bourbon a vécu jusqu'en 1 561 , et Jeaniik
d'Aibret jusqu'en 1572'. Le discoun prononcé par Muret, en iy6o, n'est p<ï}n!t s
une oraison funèbre, mais une sorte d'apologie. • *
(3) Brief Discours de Jeanne d'Aibret, femme d'Antoine de Bourbon, roi
de Navarre, 1572, /w-^/ — Discours au long du Portement de la Roine de
Navarre, en sa maladie jusqu'à sa mort; dans le tome I des Mémoires sur le
règne de Charles JX. Middelbourg, 1578, //i-^.*
DÉCEMBRE iSip- 721
aux autres, à se montrer au-dessus des boni nies Lien moins par fe rang
que parle mériteet Thabileté. Comme Nicolas , tous ceux qui entouroieni
la princesse, Fentretenoient sans cesse de résolutions et d'actions cou-
rageuses, capables d'agrandir et de fortifier son ame; on lui enseignoit
de la vertu , d'abord ce qu'elle a d'aimable, ensuite ce qu'elfe a de difficile.
Mais, ajoute l'auteur, l'éducation de Jeanne se sentit de l'esprit du
siècle ; elfe suça avec le lait les principes de la nouvelle doctrine. II
est certain que Marguerite de Valois sa mère la fit élever , si^non ouverte-
ment dans la religion protestante, du moins suivant les maximes qui
y conduisent ; cette première direction a influé sur toute la destinée de
Jeanne d'Albret.
Elfe fut d'abord mariée, malgré elle, dès Page de treize ans, au duc
de Clèves, par ordre de François I/': Paul III cassa ce mariage, et, en
1 548) Jeanne épousa, sous d assez tristes auspices, Antoine de Bourbon.
Cette union deplaisoit à Marguerite de Valois , et ce fut l'un des chagrins ,
qui la conduisirent au tombeau. Un premier fils de Jeanne mourut en
très-bas âge; mais Henri IV naquit en i îjj, et son éducation devint
bientôt la principale occupation de sa mère. M."* Vauvilliers a vivement
senti l'importance de cette partie de son sujet; et quoique les détaits de
cette éducation se trouvent en plusieurs autres livres , ils se présentent
ici sous un aspect qui leqr dohne un intérêt particulier. Cependant le
progrès des dissensions religieuses, et la mésintelligence domestique qui
ne tarda point d'éclore entre Jeanne et son époux, amènent dans cette
histoire des fiiits à-la-fois plus éclatans et plus déplorables. Au milieu de
tant d'événemens que nous ne pouvons entreprendre de parcourir, nous
citerons , comme exemple du style de M.*** Vauvilliers et de Fesprit qui
règne dans son ouvrage, Farticle qui concerne les tentatives des Jésuites
pour s'établir dans le royaume de Navarre.
«< Ils étoient favorisés et appelés it Pamiers par Robert de Pellevé,
9» alors évèque de cette ville , homme dévoué aux Guises comme« il
» l'Espagne , et l'ennemi connu de la reine Jeanne. Pour mieux réussir
j> dans ses desseins, le prélat se déclaroit Fapôtre du savoir, en plaidoit
» la cause avec éclat: le savoir, disoit-il, répand une lumière égale*
» ment douce et salutaire ; il révèle à l'homme ses devoirs et ses droits ,
• s» prépare aux empires leur plus solide appui , assure le bonheur des
»» peuples. Mais personne, aucune institution n'est plus propre à le
y» propager, ni ^préparer les heureuses destinées des générations futures,
» que les Jésuites, vieux de savoir et d'expérience, d'un dévouement sans
» bornes, et d'une pureté de mœurs capable ^e rassurer les cœurs les
» plus scrupuleux. La ville de Pamiers et toute la province ne tarderoit
Tyyy
DÉCEMBRE IBÏ9. 71%
Monimoreiicy étoient désignés comme les premières victimes ; on avoit
Uriiommé l'un /e rraître chancelier, et i'aulre le mauvais riche. Des geiu
l^ostés dévoient, à une heure indiquée, ameuter hx populace; le parti
Jflfai ourdissoit ces trames , s'étoit donné ie nom dassocintiost fraternelle,
l'Une lettre de Claude de Lorraine à Dainville, qui fournit plusieurs de
k ces détails, étoit datée de 1 5 lï j : on a altéré cette date ; mais la fraude
I est visible, puisqu'il est question, dans la lettre, de la maladie de la reine
WCatherinede Médicis: or ce fut en 1565 que cette princesse tomba
k^iigereu sèment malade. D'ailleurs l'existence de ce projet est attestée par
' 5 lettres de Charles IX lui-même, écrites en 1565. Le com|)Iot fut
|f<îécouvert et déconcerté par Jeanne d'Albret, contre laquelle la cour de
Rome fit éclater son courroux en 1 564- Jeanne venoit d'essuyer de violens
I chagrins ; nprès avoir gémi de la conduite pusillanime , des déréglemens
t des injustices de son époux Antoine de Bourbon, après avoir été me-
' ! par lui d'une répudiation honteuse, elle venoit de Je voir mourir ti
Lpeine Sgé de quarante quatre ans, et seule, dans toute la France, elle
Lregrettoit ce foible et malheureux prince. Les troubles religieux, plus
ique jamais fomentés dans la Navarre et le Béarn , y prenoient un caractère
► «larmant. La cour de Rome saisit ce moment pour citer Jeanne devant
le Saint-Office. On a pluUeufi fois imprimé ce monîtoire (1) , et la
protestation du roi de France (2] , et le mémoire énergique et judicieux
qui fut composé à cette occasion par Baptiste du Mesnil ( jj. M."* Vau-
'villîers a inséré le texte latin et une version française du monitoire
parmi les pièces justificatives annexées à cette histoire. Victorieuse, par
safèrmeié.deces entreprises déjà ridicules et impuissantes au XVl.' siècle,
Jeanne eut ensuite à se défendre contre les parlemens de Bordeaux et de
Toolouse.quilui coniestoîent les pouvoirs qu'elle exerçoit dans ses états,
et que lui avoient trajismis ses ancêtres. Une conspiration se forma pour
s'emparer de sa personne et la livrer k l'inquisition ; les doutes quelque-
(i) Monitorium et ciiatio Officii tanetx inqu'ishionis contra illustr. et seref.
Jûhannain Albret'iam reginam IVavarra, Dan* les Mémoireide Condé, 1741.
in-^.', i3cc. — (j) ProieKition et remontrance du Roi de France au pape Pie IV
Jur !a citation et monitoire fait à Rome contre la Royne de Navarre; i 564.
in-S.': iniérce aussi dans les Mémoires de Condé. — {)) Mémoire dressé par
Baptiste Dami'snil, avoc.it du Roi au parlement de Paris, sur les procédures
faites à Rome contre la Royne de Navarre. . . pour cire communi-jné au pape
Pie IV; avec le mémoire paniculier du sieur dOisel, ambassadeur de S. M.,
et la proiestaiion et remontrances "dudit seigneur Koi sur ladite citation. Dan»
la Bihlioibéque du Droit français de Bouchel, pag. 549; — et chap. tv, n." ^7 ,
de» Preuves des libertés Je l'Église ealMcane.
Yyyy 2
<
MEMBRE iSip.
à la Rochelle, d'où elle ne comniuniquort avec Pau que fort diflÎLJk'inent.
Tout porle à croire que celle horrible résolution fiit dictée pnr la
vengeance au nouveau conseil municipal de Pau, composé d'hommes
qui venoient d'être proscrits eux-mêmes. Disons donc, avec le P. Mi-
rasson, que «s'il y eut des catholiques injustement mis à mort, ce fut
nà l'iniu de Jeanne et contre son intention,"
Jeanne et Colîgny ne voyoienl la guerre civile qu'avec horreur; ih
étoient disposés à tous (es sacrifices pour I éviter : mais le seul gage de
paix qu'ils auroient trouvé digne de confiajice, on s'obstinoit à le ieur re-
fuser; c'étoit le rappel du chancelier de l'Hùpiiai; la cour s'excusoit sur
la vieillesse de ce magistrat (il n'avoîtque soixanie-quaire ans); ce grand
âge, drsoit-elle, ne permettoit plus qu'îi souiinl le lourd fardeau de la
justice. Il éloit plus vrai que les courtisans crnignoicnt eux mêmes le
poids de ses vertus , et ne vouloieni pas d'un lel homme entre eux et
Charles IX. Un gage beaucoup moins sûr fut le mariage du jeune roi
de Navarre a\ ce la sœur du roi de France, Jeanne ne se fit point illusion
sur cette alliance , et ne céda qu'ajirés une longue résistance aux conseils
de ses amis et à l'empire des conjonciures. Le contrat éloit signé, et
les préparatifs de la noce fort avancés , lorsqu'elle mourut le 9 juin 1 J 72 ,
après trois jours de maladie, h l'âge de quar:inte-quaire ans. On sait à
quels soupçons donna lieu cette mort soudaine. M."' Vauvilliers paroît
n'avoir découvert aucun renseignement nouveau qui tende à les confirmer
ou à les dissiper. On Irouveroit même sur cet article un peu plus de
détails dans une note qui se lit à la suite.de (a Henriade et qui se rap-
, porle à ces vers du second chant;
Hymer {die Henri JVJ ,t{ai de noimaat fus lepreniier cignal.
Ton flambeau, que du ciel alluma ia colère,
Ëclairoii i mes yeux le irépa: de ma mère '.
Je ne )uis point injitsie,-et je ne prétends pat
A Médicis encore imputer îon irépai;
J'écarte de» scopijons peut-être iégiiimes,
Et je n'ai pa; besoin de lui chercher Aa crime*.
Les dernières pages de l'ouvrage de M."' Vauvilliers concernent (e
mariage de Henri IV et le massacre de la Saint-Barthelemi, qui l'a suivi
de si près ; mais ces deux articles sont fort suctincts , et servent seulement
à compléter en quelque sorte le dénoueineiii de cette histoire. On doit
des éloges à tout ce travail, à l'exactitude des récits, à la sagesse des
réflexions, à la morale pure et austère de l'auteur. Ce livre, desiiné k
l'instruction de la jeunesse, peut intéresser un l>ien plus grand nombre de
lecteurs. Le style a peu d'éclat , et quelquefois peut-être il n'a pas loute
l'élégance ni même toute la correction p ossible ; mail il n'est point sans
DÉCEMBRE 1819. 727
Firouzabadi devoil suppléer ce qui pouvoit manquer k ces deux ou-
vrages, el appuyer chacune de ses explicalioiis d'autorités et de cita-
tions. Le résultat de ce grand travail fut irniiulé le Lami ^iUt, ou plus
exaciement ^jUJI.
(•^^' lOii i.
.U! *jU1I
Juil «^t. M. Lumsden rap-
porte que le Lnmi lurrnoit soixante volumes, et ajoute que , si l'on t
croit la renommée, il existe encore dans la bibriothèquede l'un des princes
du Yémen. Nous sommes plus portés îi penser que Firouzabadi n'a
jamais achevé le dictionimire qu'il avoit entrepris sur ce vaste plan, pour
lequel il avoit ajuassé de nombreux matériaux, et auquel il avoit donné
le nom de Lâmi. Suivant Hadji-IChalfa, Firouzabadi ne termina que
les cinq premiers volumes de cet iinnieine dictionnaire; el lui-même,
dans sa préface, ne dit point, comme semble l'avoir cru M. Lumsden,
que cet ouvrage fbrmoit soixante volumes : il dit seulenieni qu'il l'avoit
évalué par conjecture îi soixante volumes, dont facquisition seroil
très-difficile à ceux qui voudroieni se le procurer; et qu'en consé-
quence on l'avoit prié de s'occuper d'abord d'un ouvrage plus a!)régé,
.U.XUI «-U-ajC J_iaj l^i_ tjOL- j *J^ ^ J-* oLjCUi IjiA 4>Jj* Jf ^IjUi
'■ J^i t
r'
M. Lumsden se contente de donner sur l'auieur du Kamous quelques
délaiis historiques, tirés de la Bibliothèque oiieniale. L'éditeur arabe
M. Ahmed bcn-Mohammed, qui a aussi misa la tète de cette édition
une courte pn face écrite en arabe, s'est un peu plus étendu sur la vie de
l'aïueur. Mais, pour ne point aloiigcr inutilement cette notice, nous
renverrons nos kcreiirs à l'article que nous avons consacré à Firouzabadi
(Med^d-eddin Abou-Taher Mohammed ben-Yakoub) dans le tome XIV
de la Biographie universelle, et nous nous contenterons de rappeler ici
que ce savant niuut ut en l'an de l'hégire 8 1 7 , le 20 du mois de schawai
[ 2 janvier t4iî], âgé de plus de quatre-vingts ans, dans la ville de
ZéLid, où il exerçoit depuis vingt ans les fondions de kadhi suprême.
L'tdireurdu Kamous, auquel la littérature arabe et le collège du
Fort William ont de si grandes obligations, ne pouvoit cnirepiendre
aucun travail plus digne de toute notre retonnuissance, cju'une tdiiion
de cet ouvrage. Il y a long-iemps que nous avions exprimé le désir de
voir les dictionnaires de Djawhén et de Firouzabadi rendus accessibles
h tous les atiiateurs des lettres orientales par la voie de l'i in pression ;
mais nous étions loin de nous flatter que ce vœu se réalisftt de noire
vivant. Non-stuleinent il est accomj'li, p;ir rapport du moins au plus
nécessaire de ces deux ouvrages , et l'on a vu paroilre presque en même
temps l'originiil du Kamous à Calcutta, et une traduction turque du
^
CEMBRE 1819. fi9
■iginaux ; Iroîs autres soni des imilations avouées de pièces franç3ises
isses; la sepiiênie enfin, quoique donnée pour originale par l'au-
teur, esr si, pleine d'emprunts évideiis, que nonshésitoiis àluî coït erver
ce caractère. Dans Je compte que nous avons à rendre de ces trois
volumes, nous commencerons par les pièces imitées, qui ne nous arrê-
teroni pas long-temps.
Nous n'avons en effet presque rien à dire de lisinha , drame en cinq
acteS) imité du russe; c'étoit le coup d'tssai de l'auteur original,
M. Kgin. Il eut beaucoup de succès en Russie: mais Cimiiation allemande
n'a pas encore été représentée, et M. Reinbeck conviL»! lui-même que
les deux reconnoissances qui s'y trouvent, rendent celle pièce plus
romanesque que romantique; observatioit qui, soîl dit en passant,
peut mettre sur (p voie pour faire enlrer ces deux mots dans un nouveau
dictionnaire de synonymes, en cas que l'académie française accorde le
droit de bourgeoisie au dernier.
La Créance, imiiation du Deuil de Hauieroche , n'a pas plus d'intérêt
pour nous. C'est une farte qui a réussi h Weimar et à Siuttgard; mais
i'auleur croit qu'elle a été sifflte à Vienne. Pour en juger équitablement ,
M. Reinbeck désire qu'on la compare non-seuiement avec l'origi: a!,
mais avec une ou deux autres imitations allemandes; nous croyons c^ue
nos lecteurs nous sauront gré de les dispenser de cet examen.
Le Virginien , ^comédie en trois actes, n'est pas non plus la seule
imitation qui ait paru en Allemagne de l'Habitant de la Guadeloupe de
feu Mercier, M. Reinbeck n'a pas fait de grande frais d'iinaginntion, en
transponani la scène de France en Russie, en sulistituant au financier
français un conseiller d'état russe, et en supposant que sa pauvre cousine
est la veuve d'un officier supérieur : mais il faut lui tenir compte d'un
ciiangement plus heureux. L'agent de change, dont le rôle est assez
insignifiant dans la pièce originale, est ici remplacé par un ancien valet-
de-chambre français du millionnaire, qui, aprèsavoirquiiiéen Amérique
le service de son maître, cherche, comme tant d'autres Français le
faisoient alors, à entrer en qualité d'înstimteur chez quelque grand
seigneur russe, M. Reinbeck nous dit que les abus de cetre vogue oîi
étoient alors les émigrés à Saint-Pétersbourg, et le dommage qui en
rifsultoit pour les Allemands , lui avoient suggéré l'idée de ce rôle. Nous
rendrons justice à son patriotisme , et , sans aucune espèce de rancune ,
nous avouerons qu'il a jeté par-là un peu de comique dans le drame
qu'il imitoit.
La pièce dont l'originalité nous paroît douteuse , a pour litre le
Billet ^e logement, comédie ea rroisactes. Une nouvelle de JVl. Langbein
zzzz
DÉCEMBRE l8ip. 731
personnages; et que des quatre actes qui restent 1 on pourroit, à
notre avis , en retrancher encore un.
Les deux Veuves , drame en cinq actes, est sans contredit le plus
larmoyant de la collection : on pourroit même appliquer à cet ouvrage
le jugement que Tauteur porte de Liiinka; car il n'est, à notre avis, ni
moins romanesque , ni plus romantique. Le titre qu il porte, n'est pas
tout-à-fait exact. On voit bien dans la pièce la veuve d'un prince ; mais
l'autre veuve n'est qu'une femme que ce prince a trompée par un faux-
mariage, et dont il a eu un fils. II seroit difficile d'expliquer comment
cette seconde veuve se trouve habiter chez un ramoneur son frère, très-
brave et très-honnête homme , qui enseigne son état au fils du prince ;
il suffira de dire que , dans l'exercice de ses fonctions , le ramoneur-
prince descend par la cheminée dans. la chambre de la princesse , et
qu'il y voit de l'or et des diamans oubliés sur une table , sans être tenté
d'y toucher. Mais , en revenant à la maison, il apprend que son oncle
vient d'être ruiné par une banqueroute. Dans le dessein de remédier à
sa détresse^ il retourne de nuit à la chambre du trésor , et il y est surpris
par la princesse au moment où il vient de surmonter la tentation un
peu pressante de voler l'or et les bijoux. La princesse, loin de prendre
quelque soupçon sur cette étrange visite,, conçoit l'admiration la plus
vive pour la retenue du jeune ramoneur; elle se charge de son sort;
veut connoître sesparens, et retrouve ainsi les traces de sa mère, que
tout le monde avçit perdue dé vue, mais dont le prince s'étoit souvenuén
ii^ourant. Je n'ai pas besoin d'ajouter que la princesse se charge du fils
e| de, la, mère , et que tout finit très? heureusement.
. Qn peut maintenant juger du genre d'intérêt de cette pièce. L'auteur,
qui a voulu y jeter di; comique^ l'a placé dans la boutique du maître
ramoneur. Peut-être ne doit-on pas s'étonner après cela que l'Allemagne ,
dégoûtée, 'dit M., Reinbeck, du comique larmoyant, n'ait voulu ni de
son larmoyant ni de son comique; Le théâtre de Bresistu est le seul où
cet ouvrage ait été reçu et représenté.
Nous avons gardé^ pour la dernière une. comédie, en cinq actes,
intitulée la Double Gageure^ ou bien II faut qu'il se fasse peindre , parce
que c'est l'ouvrage auquel M. Reinbeck nous paroît avoir attaché le
p^s d'importance. En effet ,,. cette pièce est toute d'invention, et la
comédie, en général,. est le genre que l'auteur voudroil sur-tout faire
flçurir en Allemagne, où ses compatriotes mêmes prétendent qu'il no
peut se naturaliser. On va voir si cet essai de M. Reinbeck est propre «i
démentir leur opinion.
M."** de Brand., jeune et très-:jblie veuve, vient d'hériter d'une grande
zzzz 2
DÉCEMBRE i8ig.
73Î
héritage. Pour ii t^ouhle gageure dont il est question dans !e litre, c'est
le docteur Flimmer qui t'avoit faite , en pariant avec' Schcenberg et avec
Bunau, caché encore sous son faux nom, que ni l'un ni l'autre n'épouse-
roient la veuve.
Tout ceci paroîtra encore plus bizarre lorsqu'on saura que le testa-
teur n'étoit pas un oncle ou quelque parent éloigné de (a veuve, mais
son propre père.
On nous demandera peut-être ï présent si du moins les détails de
celle pièce, les caractères, les situations, le dialogue, ne dédommagent
pas de la bizarrerie de l'intrigue et des invraisemblances dont elle est
pleine. Nous répondrons qu'en général, dans cet ouvrage et dans les
autres qui sont de l'invention de l'auieur, les détails sont souvent puérils
et toujours trop abondans;que les caractères n'ontrien d'origtnal, et sont
pour ainsi dire factices : j'entends par-)k que tous les personnages semblent
être, ncn de la création de la nature, mais de celle de ("auteur; ils
décèlent les combinaisons de i'espril qui calcule, et non la feriiliié du
génie qui produit. Quant au dialogue , il est quelquefois assez vif et assez
bien coupé; mais le plus souvent il se traîne avec lenteur, il ressemble
aux conversations qu'on est tous les jours h portée d'entendre; on n'y
remarque ni saillies ni traits. Les acteurs de Siuttgard se sont plaints
que, dans cette pièce en particulier, le dialogue ctoit /ourt/ ou dijîâle
( car le moi allem.ind schwer peut se prendre dans les deux acceptions ) ;
et leur jugement, qui paroît injuste k l'auteur, nous semble à nous assez
équitable. Ajoutez que , dans les drames , il règne une sensibilité gauche
qui va souient jusqu'à la niaiserie ; que jamais les comédies ne présentent
ce qu'on appelle du comique de situation; et vous trouverez assez simple
qu'aucune de ces pièces n'ait obtenu un succès général ea Allemagne,
malgré Itxtrême indulgence du public.
Mais aussi (et c'est une justice que nous aimons k rendre à noire
auteur] ce n'est pas du public qu'il se plaint; il a plutôt l'air de le
plaindre. A la suite de chacune de ces pièces, M. Reinbeck nous en
donne l'histoire très- circonstanciée, où il n'accuse jamais de leur
mauvaise fortune que les directeurs et les acteurs. Tantôt c'est la
direction de Breslau qui, au licu de jouer le Comte Rasowsky , le vend
au théâtre de Gisciz; laniôl ce sont les directeurs de Hambourg, de
Ereslau , de Francfort , qui lui renvoient , à ses frais , le manuscrit d'un
autre ouvrage; ailleurs , c'est la direction de Vienne qui lui fiit passer
des honoraires fort décens pour sa Double Gngeure , mais qui ne prend
pas la peine de la jouer: à Ureslau, au contraire, un de ses drames
■ produit beaucoup d'argent ï la caisse, sans qu'on daigne lui en faire
DÉCEMBRE 1819. 73J
biographie; et nous n'avons fait, pour ainsi dire, que copier ses propres
aveux , ce qui seul nous serviroil d'excuse.
Dans sa dissertatioi^ sur l'importance des théâtres pour r humanité i
M. Rëinbeck déplore Fignorance , la négligence de ceux qui sont chargés
du soin de les diriger ; il remonte aux principes qui doivent en assigner
le but , et il développe le plan qu'il croit le mieux combiné pour y
atteindre. Les théâtres doivent être, selon lui, Un supplément à l'édu-
cation publique. Sous ce rapport , ils sont , comme la justice même, une
dette des souverains envers leurs, sujets. M. Rëinbeck, en conséquence,
voudroit que , dans chaque État , des spectacles fussent établis aux frais
des gouvernemens , et que l'entrée en fût gratuite; il voudroit qu'aupune
ville vHtïï fût privée; et, forcé de reConnoître qu'il seroit difficile d'avoir
assez de troupes i^ien exerctes pour en fournir à toutes ces villes 'en
même temps , il proposeroit de faire voyager celles qu'on auroit formées
dans toutes les villes du même état. Il en résulteroit qu'elles n'auroient
point des spectacles toute l'année; mais quel mal y auroit- il de revenir
à la coutume des Grecs, chezr qui les représentations théâtrales n'avoient
lieu qu'à des époques solennelles , t«lles que les fêtes principales , ou
dans certaines occasions 1
Nous laisserons à nos lecteurs le soin d'apprécier la sagesse de ce plan ,
et sur- tout la possibilité de son exécution, pour dire deux mots du'
dernier morceau préliminaire de notre auteur, ou il traite de l'état
actuel des théâtres de l* Allemagne. II en est en général fort mécontent;
il trouve que l'art théâtral a dégénéré depuis Iffland, Schroeder et autres
acteurs célèbres : ilexamine le jeu des acteurs actuels dans tous les genres,
depuis la tragédie jusqu'à la farce; mais la haute comédie a sur- tout
fixé son attention , comme celui ou l'Allemagne est restée le plus en
arrière. M. Rëinbeck ne trouve qu'un moyen de guérir les acteurs de tous
leurs défauts , de les obliger à apprendre leur rôle, de les empêcher
d'y ajouter, comme ils font, mille sottises de leur cru; c'est d'écrire"
désormais les comédies en vers, et non en prose. Ce moyen, quoiqu'il
n€ réussisse pas toujours , nous paroît pourtant fort bien imaginé ; mais
jusqu'ici l'Allemagne nous semble fort peu disposée à en faire usage.
Toutefois nous joindrons nos voeux à ceux de iM. Rëinbeck pour cet
heureux changement. Nous lui proposerons même de tenter pour son
compte un essai dans ce genre : ce seroit un moyen de donner à son
dialogue plus de concision et de rapidité, de rendre son style plus
agréable, et de faire ainsi pardonner, ou même oublier j les déftuts de
ses intrigues par les charmes du style et de la. versification. Un bon
ouvrage du haut comique, agréablement versifié, auroit plus d'iafluence
•»
TÎviére Lo. M. Deguignes traduit ce passage à sa manière, et prétend
qu'il ne sauroit être question d'une vilie , mais d'un campement, parce
que l'on ne mit que cinq jours à l'achever. « Li,i-il possiLJe de se per-
"sujder, dii-il, qu'une ville, quelque petite qu'elle soîi, puisse élre
>» construiie avec tant de prom|»tiiude!» Mais le mot qu'il traduit par
ca/iij/, signitie araser un plan, tracer une (iiciinte sur le terrain [ eu
mandchou As*^© ) ; et c'est ce jilaii ou celte enceinte qui furent
tenninés en cinq jours, ce qui n'a rien d'invraisemblalile. Plus loin , ii se
refuse à croire que les CKiiiois aient connu la sphère à ujie huute
aniîquité, et le mot de kài-th'ian qu'on applique à cet instrument dans
ies livres anciens, lui parort signifier rm//f' d'astronomie. A la rigueur,
que le mot de f<ài-thian ait le sens de spk'cre ou de traité d'astronomie ,
cela paruît assez iiidiiférent pour l'état des connoissances des Chinois;
et l'on ne voit pas quelle conclusion on pourroit tirer de cette distinction :
TiMih Itu'i-thian pour trait/ d'ascranomie, ou , comme le veut M. Deguignes,
pour abrégé du ciel, seroit une expression contraire à toutes les règles
de fa langue, et l'acceplion ^abrégé qu'il attribue au mot de kài, n'est
fondée que sur une méprise du P. Basile, Plusieurs autres exemples du
même genre, cités dans ï Examen critique, sont destinés à faire voir
que si l'on veut, dans les questions d'antiquité, s'appuyer de la compo*
sition des caractères et raisonner d'après les élémens prîminfs dont ils
ont été formés, on doit les chercher dans les monumens qui se sont
conservés, ou dans les livres oîi les Chinois eux-mêmes en ont recueilli
les débris. H n'y a que ce moyen d'éviter une foule d'erreurs plus ou
moins graves, dans lesquelles on tombera nécessairement, toutes les
fois qu'on voudra rechercher les traditions anciennes dans les formes,
comparativement très-modernes, des caractères, ou discourir sur les
acceptions des mots d'après les vocabulaires très-imparfaits des Euro-
péens , sans «-courir aux traités et aux dictionnaires origîtiaux , où toutes
ces acceptions sont chronologiquement arrangées et discutées avec une
méthode et une profondeur adiuirables. Il y a à cet égard une dis-
tinction fondamentale , que nous indiquerons en répétant les termes
mêmes de l'Examen critique, et en ne supprimant que les développemens
qu'il seroit difficile d'analyser.
L'écriture chinoise a éprouvé , par l'effet du temps , deux sortes d'alté-
rations. La première n'a porté que sur rextérieur et la forme des
Jraits qui composent les caractères. Ces traits, d'abord figurés par des
inains inhabiles, et irrégulièrement sillonnés, représentoîent, suivant les
(Chinois, les traces des oiseaux sur le sable, ou la figure du têtard. Ifs
'devinrent ensuite plus régulier*, et successivement arrondis ou briséSf
Aaaaa
DÉCEMBRt ifirp. yjjf
ifihe des suppressions qui rendent plus sensibles el plus fâcheuses les
irnpcrfeciioiis de r<jrJgiiial. M. Klaproih a entrepris de rPiiiédier aux
Uneâ et aux autres, ei son travail ne sera pas moins utile à cetiic qui
;pounoienl posséder des cojjies manuscrites pius ou moins parfaites dtf
i)ici(onnaire du P. Basile, qu'aux personnes qui n'ont que ce même
Dictionnaire iinpriiRé par les soins de M, Deguignes.
Le principal désavantage qu'offre le Dictionniiire imprimé, si on le
compare aux manuscrits qui en sont l'originaf, provient de la manière
dont M. Deguignes a exécuté le renversement dans ['arrangement
-des caractères. Comme cet éditeur s'est atiaclié à suivre l'ordre d«
dictionnaires chinois imprimés , d'après lesquels Fourmont ivoit fait
calquer et graver ses types de bois , il en est résulté qu'il s'est vu dans
la nécessité d'omettre un grand nombre de variantes, c'est-îi-dire, de
manières différentes de représenter le même mot. On a souvent ré-
Jïété qu'un irait de plus ou de moins changeoit le sens d'un carac-
tère; qu'une requête oii se trouvoit un seul caractère ainsi altéré, ne
sauroit être mise sous les yeux de l'empereur, sans exposer son au-
teur k de sévères punitions. Celle assertion, prise dans sa généralité,
n'est qu'une grave erreur. Il y a en chinois des incorrections qui ne
sont pas admises par les gens instruits, et qui seroient aussi choquantes
pour un lettré, qu'une faute d'orthographe l'est en Europe aux yeux
des personnes qui savent leur langue : mais il en est d'autres, et ea
grand nombre, qui sont du bel usage, qu'il est ordinaire d'employer
au lieu du caractère exact, et qui sont» non des fautes, mais des iî-.
cences calligraphiques, que les plus grands fettrés et l'empereur lui-
même emploient de préférence en écrivant. On ne peut, si l'on ne
coimoit ces abréviations, ces caractères vulgaires, ces varianiis, lire
Un seul manuscrit, un seui acte public, un décret, une proclama-
tion, une instruction, un passe-port, une lettre, un traité, un billet
de visite: les romans, les poèmes, les préfaces, la plupart des |jvi:e5
imprimés sous la dernière dynasiie, sont remplis de ces caractères non
classiques, et présentent par conséquent des difficultés insurmontables
^ ceux qui n'auroient que le Dictionnaire imprimé , ou même que Ifis
dictionnaires classiques des Chinois, où beaucoup des formes les plus
vulgaires ne sont pas admises.
Les Chinois ont très-grand soin de distinguer ces diverses classes
de caractères qu'on n'emploie pas iiidffFéreminent, mais qui trouvent
place dans chaque sorte de composition, suivant le sujet ou la forma
adoptée par l'auteur. Il y en a onze principales, qu'on distingue avec
join par des noms particuliers, et dont on trouve pour fa premièra
Aaaaa i
. DÉCEMBRE 1819. 7^1
a fait suF>ir au texte du P. Basile de Glemona. De tous ces caractères
vulgaires» abrégés, corrompus ou synonymes» connus sous le nom de
variantes , et que les missionnaires plaçoient, dans leurs copies du Han
tseu si i, à côté du caractère principal, M. Deguignes n'a conservé que
le très-petit nombre de ceux qui se trouvoient parmi les types dessinés
par Fourmont; les autres , qu'il eût fallu faire graver , ont été supprimés.
II est aisé de sentir qu'il en doit résulter un grand embarras pour les
commençans, et même pour les personnes déjà versées dans la connois-
sance des caractères ; car les Chinois eux- mêmes , tout habitués qu'ils
sont dès l'enfance à ces m'anières d'écrire vulgaires et non classiques ,
ont souvent besoin de recourir à des labiés où elles sont expliquées ,
Cl qu'ils mettent à la têie de quelques-uns de leurs dictionnaires. C'est
dans ces livres que M. Klaproth a cherché les moyens de réparer cette
importante omis>ion. Outre beaucoup de mots qu'il a fait entrer dans
•son Supplément, en les caractérisant d*après les distinctions que |e
viens de rappeler, il nous donne dans cette livraison la table des
caractères vulgaires, qui en contient cent soixante-cinq; deux autres
tables de formçs anciennes, qui s'emploient, parmi les formes modernes,
dans les livres écrits avec une sorte d'affectation d'archaïsme ; elles en
contiennent en tout deux cent quarante-deux ; et deux autres encore,
contenant, l'une, des caractères qui se prennent habituellement les uns
pour les autres, et la seconde, des caractères analogues dans leur
forme, mais différant par lieur prononciation et leur signification, et
que, pour cette raison, il faut éviter très-soigneusement de: confondre
les uns avec les autres, si l'on ne veut s'exposer aux plus graves contre-
sens.
Le P. Basile avoit rédigé une autre table intitulée , Usus specialis
particules TK\ l'éditeur du Dictionnaire imprimé la désigne, dans son
introduction, en disant : J*ai mh . .. les carncferts que les Chinois
joigmnt avec le mot ta. Ces expressions ne font pas suffisamment en-
tendre ce que c'est que le mot ta. Ce verbe, qui signifie littéralement
frapper, est, dans l'usage ordinaire, une sorte de verbe auxiliaire, dont
on se sert pour former des idiotismes, ou façons de parler irrégulières
et difiitiles à analyser. Comme il y a beaucoup d'autres verbes du même
genre, aussi ou plus usités que le mot ta, on ne sait trop pourquoi le
' P. Basile l'a choisi pour donner une liste des expressions dans lesquelles
il entre en composition: mais enfin, puisqu'il a rédigé cette table, il
est bon qu'elle soit complète. M. Klaproth ajoute à celle qu'on trouve
dans le Dictionnaire imprime, soixante-un idiotismes formés avec fe
yitxhe ta. Il seroii à souhaiter qu'il complétât de même b table de ce#
DÉCEMBRE i8i
74 î
Ciles , parce que !a clef, qui est le seul moyen de les retrouver dans le
Diciioanaire , n'est pas, dans ces caractères, aisée à reconnoîlre, soit
que plusieurs radicaux s'y trouvent réunis, entre lesquels on seroit
emlarrassé de choisir, soil que la clef se trouve altérée dans sa forme
prrniiiive, placée d'une manière insolite, ou enchevêtrée, pour ainsi
dire, parmi des traits qui la rendent méconnoîssable. On ne sait comment
entendre ce que M. Deguignes avance au sujet de cette taliIe, qu'il
nomme descripiion ( i )• " Celle description, A'\i-\\, pluiêi utilt à celui qui
*> sail It chinois qu'à celui qui l'ignore, augmentant de beaucoup le
*> Dictionnaire, j'ai cru devoir la supprimer. . . » On ne peut concevoir
qu'un secours utile i ceux qui savent, soit superflu pour ceux qui
ajjprenneiit. Aussi la suppression de cette taljle ne sauroii être approuvée
de ceux qui n'ont pour tout moyen d'étude que le Diciionnaire imprimé.
C'est h, j'oie le dire, ei j'en ai acquis la conviciion, la difficulté qui met
ïe plus d'ulistacles aux premiers progrès des coinmençansi mais ils
doivei t damant moins en être rebutés , que les Chinois eux-mêmes n'en
sont pas ixeinpts, et n'ont, pour s'en garantir, que le secours de la
laljJe même que M. Deguignes a crue inutile, et que réiaLlii ici
M, Klaproih. On trouve des lablts de cette espèce ^ la tête des meilleurs
dictionnaires par clefs , tels que le J seu-'ivi'i , le Tcking-tscu-ihoufig,
et le dicrioiinaire de Khang hi. Les caractères difficiles y sont distribués
en sections . selon le nombre de traits qui les composent , avec des ren-
Voii aux clefs auxquelles ils appartiennent. Celle que M. Klaprolh en
a tirte, renferme ain.si plu^ de deux miijc caractères ; ei, son Supplément
ne conlîiU-il que ceiie addition capitale, il n'en seroit pas moins un
appendice absolumejii indispensable du Diciioimaire imprimé, dont
l'usage, sans celte table, est presque entièrement impossible aux étudions.
Mail le corps même du Supplément , qui conimctice à lu pag. 8 j , et
dont la livrais»;
I que r
s avons sous les yeux comient déii vingt- une
feuilles, ou quatre-» ingt-quaire pages imprimées, oITre bien d'autres
additions d'une ausM grande utilité; et l'on en doit d'autant plus de
reconnoissante h M. KLiproih , qu'il a fallu un travail assidu et prolongé
et une patience à toute épreuve pour les recueillir, et plus encore pour
leur donner la forme sou» laquelle il s'est vu tontraînt de les publier.
Les idiotismes el les mois composés de deux ou trois syllabes, qui for-
ment, cojnme on sait, la partie vraiment usuelLdela langue chinoise (2),
(i) Préfac",;', xbi). —(2) Voyez !a Diiseriaiion Utrùm Jin^u.j sinica sic
veri monçsyilatica , dans les Miius dt l'Orient, tara. 111, p. 279; et le Journal
dei Savans, août 1U17, p. 463, . . ■ ' ,
DÉCEMBRE 1819- 745
honneur à sa patience et à son zèle. Après avoir rapporté , comme les
missionnaires > fen fettres ordinaires, les phrases de deux» trois et. quelque-
fois dix ou quinze mots quil ajoute à un article du Dictionnaire, il met
entre parenthèses le renvoi en chiffres de chacun de ces mots, aux
caractères numérotés dans le Dictionnaire imprimé ; de sorte qu'un
étudiant qui troudra s'en donner la peine { et certainement cette peine ne
seroitpas perdue pour ses progrès), pourra faire Topéraiion inverse,
c'est-à-dire, chercher dans le Dictionnaire et écrire en chinois toutes les
phrases qui ont trouvé place dans le Supplément. Comme ce secours
manque dans le Dictionnaire imprimé, on est tenté de regretter qu'un
plus grand nombre de mots n*y ait pas été omis: le Supplément, en ce
cas, les eût offerts sous une forme plus favorable à l'exactitude et à fa
certitude de la traduction. Nous ne croyons pas qu'il y ait dans les pages
de ce Supplément prises l'une dans l'autre moins de quarante expressions
ajoutées ainsi avec les renvois à la série des treize mille trois cent seize
caractères du Dictionnaire imprimé. Si cette proportion s'observe dans
la suite de l'ouvrage, on peut calculer qu'il n'y aura pas moins de dir
mille expressions complexes ou phrases traduites, ajoutées par l'auteur
du Supplémeni au Han tseu si-i) sans compter les mots simples nou-
vellement recueillis, les explications corrigées, les variantes tt les formes
vulgaires rapportées , les synonymies et les nuances indiquées. Nous ne
pourrions , sans dépasser de beaucoup les bornes qui nous sont prescrites,
entrer dans les détails qui seroîent nécessaires pour ftire apprécier cet
immense travail : nous nous bornerons donc à présenter comme
exemple de la manière dont le Dictionnaire du P. Basile est complété
ou corrigé dans ce Supplément, l'article relatif au caractère ^dtM ^^i
( Dictionnaire imprimé, n."* 286 ), en rétablissant les caractères dans
les phrases, k l'aide des numéros de renvoi, suivant la méthode que
nous avons indiquée, ci-dessus (i).
Je dois, avant de terminer, dire un mot de l'orthographe, ou de la
manière d'exprimer les sons chinois avec les lettres de notre alphaF>et,
telle qu'on l'a adoptée dans les deux ouvrages. Le P. Basile avoit, dans
loriginal, suivi le système orthographique portugais avec quelques modi«
fications. C'étoit, au temps où il composa son Dictionnaire, la méthode
la plus usitée, même en France et en Allemagne. M. Deguignes,
(i) Cet article même est rapporté par M. Klaproth, dans na préface, comme
un exemple de la manière de procéder pour écrire en chinois Jts phrases qu'il
donne en lettres latines.
Bbbbb
DECEMBRE 1819. 747
Dictionnaire par clefs, pour faire paroîire , en un seul volume in-4' de
mille pages, un Dictionnaire alphabétique, qui verra le jour an toiii-
mencenieni de l'année prochaine. Voilà une nouveUe cause de rt-lard,
qui doit faire accueillir avec plus de plaisir le Suppltjiut'nt de M. Kla-
proih, dont l'impression peut élre terminée dans quei(]iies mois.
L'élégance typographique, et la correction, bien plus précieuse dans
un ouvrage de ce genre , soni des avantages qu'il esl presque superflu de
remarquer dans un livre sorti des presses de l'imprimerie roya[c._ A. la
vérité, des vues d'économie ont fait employer concurremment, tl
quelquefois dans la même page, des types diinois de grosseur inégale t
ie même motif, et Je désir de renfermer plus de matière en moins
de place , n'ont pas permis de conserver cette disposition typographique
qui ajoute encore plus à la masse qu'à la beauté du volume publié par
M. Deguignes. L'auieur du Supplément n'a pas cru non plus devoir
donner de suite à la très-incomplète et très-imilile traduction française
que l'éditeur avoit jointe au texte latin du P. Basile : mais ceux qui feront
usage de l'ouvrage de M. Klaproth, ne se plaindront pas que l'espace
ait été mieux mis à profit; et ces légères différences n'empêcheront pas
Ils deux volumes dêlre désormais inséparables; car on ne pourra
considérer comme complets Icsexemplairesdu Dictionnaire du P. Iksife
ou de M. Deguignes, qu'autant qu'on y aura joint l'indispensable
Supplément que nous venons de faire connoîlre.
Article du Supplément de AI. Klûproth , page p^ , servant à
eomple'ier et à rectifier f article [z^6) du Dictionnaire du
P. Basile.
(286) '\§}\ Tab. In cxpiic. lat. lin. 2 , pro /«/«m lege
lectum.
.-M-1
jîtj Taà kitig , rubor coêli vesperiiniis.
perruche verte].
kouiî tiiew. specîes psittacî [petite
^_ ^ ^ jSlJ ^ ToUiig taù sy ouay.
dicitLir de veteri uiuro jam jam casuro, vel de ebrio titubauter
gradiente.
Bbbbb a
DÉCEMBRE 1819. 74j ^
ici c'est Strabon qui parle , el non Polybe , Ce qui peut avoir trompa J
M. Letronne, c'est que M. Coiay, doni il emprunte la triiduclioii, a ]
transposé les deux membres de !a phrase grecque; au lieu de rraduîrc 1
littéraieiiient tomme je viens de le faiie , il traduit , « un aiiire ( passage) |
» qui est celui par lequel Annibal passa, et qui traverse le pays desj
» Taurinîens. » Par celte transposition , il semble que c'est Polybe qui
parle {1], taiidii que Sirabon a sa^s doute saisi cette occasion pour .
exprimer son opinion sur le lieu du pass-ige d'Annibal; opinion qui étolt I
erronée coinine celle de Tite-Live, son contemporain. Nous ne pouvons -J
pas avoir recours à Polybe pour nous éclairer, parce que le livre dans j
lequel il fafsoii l'énuméraiion des passages des Afpes connus de son (
temps, est du nombre de ceux qui sont mallieureusement perdus,
M. Letronne croit que les 800 stades, que l'armée marcha le long i
du fleuve, doivent se compter le long de l'Isère : mais il ne fait pai I
attention qu'ils faisoieni partie de la distance totale de i4oo stades J
comptée par Polybe If long du Jîhonr, depuis le passage de ce fleuve j
jusqu'il la montée des Alpes; en sorte qu'il est évident quecetoit encore j
du Rhône que vouloît parler Polybe. La distance totale parcourue par ]
l'ariiiée le long du fleuve se trouvort divisée en deux parties inégales [
par risère: l'une de 600 stades, et fautre de 800. Polybe n'avoit parlé j
de ITsère qu'une seule fois en la nommant par son nom , et cela occa-
sionnellement, tandis qu'il avoit désigné le Rhùiie quatorze fois aupa- ]
ravani par le mot /t Jlfuvf : par conséquent, la quinzième fois, c'étoît \
encore du Rliône qu'il s'agissoit, \
M. Letronne, en remontant la rive gauche de l'Isère et du Drac, et j
plaçant l'entrée dts Al|ies à Siiiuf-ffannei [^] , n'entre nulle part dans te I
territoire des Afiobroges. Cependant la distance de Hoo siades fut par- 1
courue dans leur pays , et ce furent enqore des Allobroges qui attaquèrent J
l'armée à l'entrée des Alpes. D'ailleurs pourquoi Annibal seroic-il sorti ]
de sa route jiour se mêler de la querelle des deux princes allobroges,
s'il n'avoit pas été obligé de traverser leur pays î II est vrai que M. Lé- '
tronne suppose quil n'y eut qu'un di'tûckemrnl envoyé k l'un des deux '
frères , et que le gros de r.irmée resta sur la rive gauche de l'Isère. Mail
sur quoi repose cette supposition ! PoJybe nous dit qu'Annibal se joignjt J
à l'aîné des deux iîéres; que celui-ci fournit & l'année des provisions» i
Cl) Xylander n'avoit pai fari cette transposition ; il traduit, prr Taurinotf
quo Annibal usiis; liv. IV, à la fin, p. 3 19, édition d'Amsierdani, 1707.
(2) Peiite ville sur la rive droite du L>rac, k dis- neuf lieues au fiid-est JH ;
Grenoble, et àquatie lieuei au nord de Gap. ii .., .
DÉCEMBRE l8iç
tH
ou de s'allier tous les peuples qui pouvoient recruter son armée. En
traitant avec une exirèuie sévérité les Tauriniens, qui n'avoient pas
voulu accepter son alliance , il vouloit répandre une telle terreur parmi
les peuples du nord de l'Italie, qu'ils viendroieni tous se rendre à dis-
crétion, el c'est en effet ce qui arriva. Le territoire des Tauriniens
s'étendoit sans doute au-deik de leur ville principale (i), et pouvoil
s'approiher de irès-prês de la route d'Ivrée k Milan, qui étoit la route
directe d'Annibal. Dans cette position , ils auroient pu facilement attaquer
son arriére-garde.
M.Letronneet le comte de Fortia d'Urban (2) s'efforcent de concilier
Tiie-Live avec Polybe: mais comment concilier la rouie de l'auteur latin
par le territoire des Vocont'ii et Tricerii , suivie du passage de la Durance
au-dessous d'Embrun, avec la marche de Polybe de 175 milles en re-
monlant le Rhône , la traversée par un pays de plaines et l'attaque des
Allobrogrs îi l'entrée des Alpes î Comment concilier le passage irès-
abaissé du mont Genèvre avec la neige conservée depuis l'Iiiver précédent
et avec fa peinture que les députés des Gaulois cisalpins faisoiont de la
hauteur extraordinaire des Alpes qu'Annibaî devoit traverser! Comment
expliquer l'innclion des Tauriniens k l'égard de l'armée carthaginoise,
iors de son arrivée au pied des Aipes , si cette armée, dans son état de
délahrement et dans le besoin absolu où elle étoit de se remettre pendant
quelques jours de ses fatigues, s'étoit trouvée alors sous les murs de
Turin, comme cela seroit arrivé si elle avoit traversé le mont Genèvre
et qu'elle eût été quatre jours à descendre depuis ce passage! Au lieu
qu'en descendant dans la vallée d'Aoste, l'armée eut tout le temps de
reposer sans être inquiétée.
Je crois avoir prouvé, soit ici, soit dans mon ouvrage, qu'il étoit im-
possible de concilier Polybe avec Tilc-Live, et que, pour tracer une
rouie qui s'accorde avec les distances , les jours de marche, les localités
et lesiiicidens, il falloit suivre Polybe avec le plus grand scrupule et
fermer Tiie-Live.
Je terminerai cette réponse par deux faits qui sont venus à ma
(1) La route d'Ivrée à MHjli passe à huit lieues de Turin. Annibal alloii
dans le pays des Insubres(le Milanais), dit Polybe.
(2) Dissertation sur le passage du Hliône et des Alpes par Annibal; Paris,
avril tSîQ. En examinant la route du comie, on trouve que l'arniée auroit
marché deu» lieues le long du Khône en quatre jours, et une lieue ei quart
en neuf jours, depuis Briançon jusqu'au sommet du mont Genèvre; cai, depuis
ce passage, la descente naturi.lk est par la vallée d'Oulx ci d'Exilles, comme
le penie aussi M. Letronne.
DÉCEMBRE 1819. 75Î
à quelque divinité du pays pour iui demandtr le succès de son passage
au travers des Alpes, qu'il étoit sur le point d'atteindre. Cette opinion
est encore appuyée par l'ancienne tradition du pays , mentionnée par
les académiciens, que la terre du Passage avoit retenu ce nom, du
passage de ce générai avec son armée , lorsqu'il (a menoit en Italie.
Le second fait que je vouloîs rapporter, est une inscription latine
que Luitprand , écrivain du x." siècle , avoit trouvée entière sur le roc de
Donax , entre Bard et Ivrée , 5 quelque distance du débouché de la
vallée d'Aosle en Italie. Cette inscription portoit , Transitus Annibalis.
M. Chrétien de Loges, qui cite ce fait dans ses Essais historiques
sur le grand Satnt-Btmard , publiés en 1789, regarde cette inscription
comme un monument /rcrnf/ du passage d'Annihai par cette montagne,
sans songer que le petit âaini-Bernnrd aboutit également dans la vallée
d'Aoste, et que ces deux routes se rencontrent à la cité d'Aoste, située
à plusieurs lieues au-dessus de Donax. Mars , comme j'ai prouvé que la
première route étoit inadmissible , l'inscription teste dans toute sa force
en faveur de la seconde.
Le premier des faits que je viens de rapporter, savoir, la découverte
du bouclier, nous montre par où Annibai est entié dans les Aljies, et le
second, par où il en est sorti; et le seul passage des hautes Alpes qui
se trouve entre ces deuK extrémités, est celui Am petit Saint- Bernard.
On peut voir dans mon ouvrage avec quelle exactitude toutes les
parties de cette dernière route s'accordent avec le récit de Polybe,le
seul auteur qui soit conséquent avec lui-même,
DELUC.
Observations sur la Lettre précédente.
Ceux de nos lecteurs qui auront lu cette lettre, en la comparant avec
l'article inséré dans notre cahier de janvier, ont pu s'assurer que l'au-
teur ne fait que reproduire les raisons développées dans son livre; qu'il
suit les mêmes voies , et persiste dans le système d'après lequel il a
composé cet ouvrage, de meure de côté la moitié des fiiits, afin de se
tirer plus facilement de ceux qui restent. Quant aux deux faits nouveaux
qu'il rapporte, et sur lesquels if paroît compter beaucoup, on verra
qu'ils sont comme non avenus, attendu que l'un des deux ne prouve rien
du tout, et que l'autre repose sur une erreur matérielle. Avant d'en
donner la démonstration, je dois examiner la défense de l'auteur, et re-
prendre une h une les objections contenues dans sa lettre.
La première difficulté que M. Deluc aborde, est celle qui résulte du
CCCCC
DÉCEM'BRE {St(y. 7ît
qu'on ne sauroit comprendre, elle lui aura lout-h-fail échappé. Dans les
deux cas, maînienant que son livre est f;iit et qu'elle lui esi opposée,
il doit chercher i en atténuer la force; or un intérêt aussi évident
n'est pas propre îi accrtdiier une sujiposition qui n'a point d'autre
cause que cet iniérél même.
Mais, quand cette supposition seroil fondée, quand II seroit certain
que la circonsiance du passage d'Annibal est une addition fiiite par Sira-
bon, qu'est ce cjue cela prouveroit encore! Itien , absolument rien : car
Strabon, qui n'a jamais vu les Alpes, qui n'a pu recueillir sur les lieux
de ces traditions vagues que les peuples aiment i entretenir, n'a dû
avoir k cet égard que 1rs notions puisées dans les auteurs qu'il avoll sous
les yeux. Or quels sont les auteurs qu'il ciie sur les Alpes î 11 n'y en a
qu'un seul ; et cet auteur, c'est Pofybe ; la géogra|ihîe de cet historien,
ou plutôt la partie de son hrstoire qui traite de la géographie , éloit donc
la source unique où il puisoii ce qu'il rapporte des Alpes, Si c'est lui
qui a ajouté la circonstance du passage d'Annibal, il n'a pu la prendre
que dans l'ouvrage de l'olybe , son unique guide ; car le moyen de croire
qu'il auroit prêté l'oretlle à un bruit populaire , si Polybe eût fait passer
Annibal par un autre chemin ! Ainsi donc, que la phrase soit de Polybe ,
comme on l'a cru jusqu'ici, qu'elle soit de Strabon, comme le veut
Al. Deluc , parce qu'il croit que cela peut l'arranger, elle n'en exprime
pas moins un fait qui appartient k Polybe, et il n'en résulte pas moins
que Polybe, aussi-bien que Tite-Live, a fait passer Annibal par le
mont Genèvre.
Venons aux autres objections; elles ont moins d'importance, mais
elles n'ont pas plus de fondement.
«M. Leironne, dit M. Deluc, croit que les 800 stades doivent se
» compter le long de l'Isère : mais il ne fait pas attention qu'ils fàisoient
npariiedes 1400 stades comptés par Polybele long du KhÔne, Jusqu'à
» la montée des Alpes. » Si M, Deluc avoit fiilt atteniion lui-même à la
phrase de Polybe à laquelle II renvoie, il y auroit vu que les 1 4oo stades
n'y sont pas comptés le long du fleuve, et que son opiulon Ji cet égard
tient à ce qu'il ne saisit pas le sens de l'original , qui du reste a été fort
mal entendu. Le texte porte : Â-ni  tÎj JimCa-mut n P»Jkr« TropiuefiiPoK ■'ota'
avnv 7M m-ntfiay 4if Infi -jài ■tn-ja.t , iuç 'B^ç "niv àcafoXxf Twi' AXwûiï ihv «(
i-n}^i<u, X'^"' TÎJfpùsiti (i). J'ai dit, dans mon article, que les moistîtêni
Tilç Mjât ont préienié beaucoup d'embarras ; ils servent même de preuve
à ceux qui, comme Vhilater, veulent faire passer Annibal par le
(1) Po\yb. 111, j^,^.
DECEMBRE 1819. 7jj
temps précieux , pendant lequel temps le consul romain passoit le Pô ( 1 )
Tout à (oisir, si Annibal, en descendant les Alpes, n'eût trouvé les
Taurins sur son passage, et si la ville de Turin, située au confluent du
Pô et de la Doria, ne lui eût opposé une barrière qu'il falloic nécessaîre-
ïnent renverser avant de passer ouire.
Au reste, M. Deluc, comme se défiant de la force de ses preuves et
de la solidité de ses objections , appelle à son secours deux faits qui lui
avoieni échappé en composant son livre.
En premier lieu, \in plat d'urgent, qualifié d'abord du nom de bouclitr
d Annibal , lui paroi t être une preuve démonstrative, parce qu'il fut dé-
couvert près d'un lieu appelé le Passage, non loin de la rouie où l'auteur
ïâit passer Annibal. Ce plat, ou ce bouclier, n'est à ses yeux rien moins
^qu'un bouclier voiif, âîdié par Annibal aux dh'initésdupays.
I On sait que «.ciiequalffïcaiitmda laudier d' Annibal ^^iX d'abord donnée
f i ce monument, sur une simple con|ecture des membres de l'académie
des inscriptions, conjecture à laquelle ils n'attachèrent aucune impor-
tance, comme on en juge par les expressions mêmes du rapport (a] ;
elle avoit pour unique appui le lion et le palmier qu'on y voit gravés,
types qui se retrouvent sur des médailles carthaginoises. Les antiquaires
's'accordent maintenant îi reconnoltre dans ces prétendus boucliers votifs,
sans portraits ni inscriptions, des plats, ou mieux des plateaux, qui,
Sous le nom depinakes , lances , d'tsci et tympana, ornotent les buiTets des
riches (î). Ils y faisoient graver des sujets souvent fort compliqués,
témoin le prétendu bouclier de Scipion. Sur celui dont il s'agit, on a
(Représenté un lion et un palmier, parce que telle a été la fantaisie de
fouvrier et du propriétaire. Du reste, il seroit constaté que ce plateau est
iin bouclier votif carthaginois, qu'un semblable monument, pouvant,
dans l'espace de deux milleans, avoirélé transporté li de fort loin, ne
prouveroit pas plus aux yeux de la critique, que les. médailles cartha-
ginoises trouvées, selon iVl. Bournt, sur le grand Saint-Bernard.
Quant au nom de Passade que porte le village près duquel fut trouvé
le plat d'argent , je ne pense pas que personne puisse faire aucun fond
sur un rapprochement pareil. Parque! étonnant h:i*ard un seul village
de France , situé en plaine et dont la position n'offre rieji de remarquable,
conserveroit-il dans sa dénomination , après deux mille ans , des vestiges
d'une expédition qui n'en a laissé aucun de ce genre sur toute la roule',
depuis Sagonte jusqu'à Cannes! Qui ne pensera que ce lieu, comme
{I) ?o\yh.ni. 6l,,.~{^)^ziAim
Aîonum. inédits , tom, J ,p. p^, jij.
Inscr. fsm.y.V, ;;.-/;.-(!) Miilin,
DECEMBRE 1.819. .. 7^^
cemens Arnulfus , quoniam per Verpnam non potuit, per Hannîbalis viam ,
quant Bardixm] dicunt et Mantem" Jovis, rcpcdare voluit (i); cToù Ton
voit que Luitprand ne dit autre chose, sinon que la route de Bard et du
Mont-Joux est celle qu'a faite, dit-on, le général carthaginois .-quant à
Tinscription Transitas Annibalis, Luitprand n'en parle point.
Comme je n'ai pu me procurer l'ouvrage de Chrétien de Loges ,
d'après lequel M. Deluc a cité Luitpiand, je ne puis découvrir l'origine
d'une aussi forte erreur. Je pense toutefois qu'il y a ici quelque cpnfusî,w,,
et qu'on a mêfé les noms de Luiiprândi et de Paul Jove. En effet, ce
dernier historien , en parlant des Alpes summœ du Saint-Bernard , dit, dan$
«a grande Histoire (2) : H as rupes ignibus ace toque Annibalem perfregisse
multi opinantur , — ut apud Barrum , ejus itineris pagum , perpetuo tanii
ducis gloriœ monumento, litterœ ipsis cautibus inscriptœ signijicant^; c'estrk-
dire, cr Beaucoup de personnes pensent que ce sont ces rochers qu'An-^
» nîbal a brisés par le feu et le vinaigre , ainsi que l'atteatent des lettre$'
» gravées près de Bard , sur les rocs mêmes , mociumer^t étertîçl dé Ta
» gloire d'un si grand capitaine. » C'est probablement de ce tçxte qu'on
a conclu l'existence de l'inscription Transitus Annibalis. Mais on voit
clairement que celle dont parle Jove ne peut être qu'une inscription faite
par quelque ignorant qui a cherché à lier ensemble la circonstance mer-
veilleuse du feu et du vinaigre prise dans Tite-Liye, avec la tradition du
passage d'Annibal par le grand Saint-Bernard , sans songer ou sans sa-
voir que ces deux données sont inconciliables, puisque Tite-Live fait
passer Annibal par le mont Genèvre. Je soupçonne , en conséquence ^
que celte inscription étoit assez moderne :- d'ailleurs , si, à Tépoque
de Paul Jove, où elle étoit encore si distincte, eïle avoît eu seulement
sept à huit siècles d'existence, il en seroit resté quelques traits, lorsque
Guichenon, environ un siècle après, recueillit les monumens d'anti-
quités qui existent dans les vallées des Alpes de Savoie et de Pi^- .
mont, et en particulier ceux de la vallée rfAoste , qu'il visita' dians
cette intention ; il ne cite que deux monumens antiques à l'article de
Donas , village où , selon M. Deluc, étoit la fameuse inscription. L'un
est une inscription qui n'a nul rapport avec Annibal ; l'autre , une colonne*
milliaire, marquée 4u chiffre xxxvili: mais Guichenon ne dit pas un
II résulte de tout cela que le second fait de M. Detuc peut êtreJ
' ■ J ■ ' \ . ■ ' '^ ' . . ^ '
(1) Luitprand! 0/j?. omnià,p, zo, — (2) P. Jovli Histor. Ub.'xv,p, ^^C
' Ddddd
DÉCEMBRE 1819. 7^5
H. Stephani normam expurgavit; prsmisso unicufque litterae philologlco
proœmio, etymologicis, grammaticis, criticisque notis locupletavh; vocabu«
larîum latirio-graecum^hortum graecarnm radicum^ necnda gnomologiam graeco-
latinam triplicis instar mantissae addidit Floridus Lécluse. Parb> impr. et
librairie de Delalain , in-S." de 7J feuilles.
Méthode raisonnée pour étudier la langue latine , rédigée sur un nouveau plan
et d'après les principes de nos meilleurs grammairiens; par P. J. A. Le Prince,'
f professeur élémentaireau collège royal de Versailles. Paris , Leblanc^ imprimeur-
ibraire, rue Saint-Germain -des-Prés , 1 8 1 9 , f/i-f/
. Dictionnaire universel de la langue française , dans lequel se trouvent , 1 .• tous
les mots consacrés par Tacadémie française; 2.* les mots et les locutions omis
dans son dictionnaire et employés par de bons auteurs ; 3,<» les diverses acceptions
de tous ces mots justifiées par des exemples empruntés aux meilleurs écrivains
des xvil.«, XVIII.* et xix.« siècles; avec l'éiymologie de chaque mot, et les.
termes techniques et scientifiques qui ont passé dans la langue usuelle; composé
et publié par M. Kaoul-Rochette, d'après des matériaux recueillis en grande
partie par M. Boîssonade. Le premier volume de cet ouvrage, dont il vient de
paroître un spécimen de 32 pages in-^fJ^ , sera mis en vente au mois de décembre
1820, et le second un an après. On souscrit chez H. Nîcolle, rue de Seine,
n.<* 12. Le prix des deux volumes sera de 36 francs pour les souscripteurs.
Nous nous proposons de faire connoftre plus particulièrement ce spécimen j qui
contient tous les premiers de l'ouvrage articles jusqu'au mot accepter*
Le tome III et dernier des Epigrammes de martial, traduites par feu E. T.
Simon, et publiées par son fils et M. Auguis, vient d'être mis en vente chez
Guitel. Le prix des 3 vol. est de 21 (r,
TABLE
Des articles contenus dans les dou^t cahiers du Journal des Savans,
publiés en i8ip. [ On n'a point compris dans cette table les simples
annonces bibliographiques qui ne sont accompagnées d'aucune notice.)
I. Littérature ORIENTALE. Codex Nasaraeus, Liber Adami appelfatus;
syriacè transcriptus, &c latinèque redditus à Math. Norberg. Londini
Cothorum, 3 vol. iif-^.*; deux articles de M, Silvestrede Saçy, juin, 343-3^4*
novembre, 646-66^.
Inscitutiones ad hindamenta lingus arabicas , auctore Ern. Frid. Car. Rosen*
muller. Lipsiae, 1818, in-S,* : article de M. Silvestre de Sacy, février, ii7-i2i,
The Kamoos or the Océan, an arabic Dîciionary. Calcutta, iSiy, in-fiL:
article de M. Silvestre de Sacy; décembre, 726-728.
Les cinquante Séances de Hariri, en arabe; publiées par M. Caussin de
Perceval. Paris, 1818, in-S.": article de M. Silvestre de Sacy; mai, 283-287.
Pend-Namèh, ou le Livre des conseils de Férid-eddin Attar, traduit ei
publié par M* Silvestre de Sacy, avec le texte persan et des notes. Paris ^
1819, irt-A*; article de M. Chézy; novembre, 672-686.
C. M. Frxhnii, Rostochiensis, de academiae imperiaiis scientîanim Petro*
politanae Maseo nummario Musiemico , Prehisio prior. Petropoli ^ 1818,
«-4/; article de M. Silvestre de Sacy; juillet, 429-434^ *^
Ddddd 2
DÉCEMBRE 1819. 765
Jeanne d*Arc, ou la France sauvée, poème en douze chants, par Pierre
Duménil. Paris, 1818, //!•#/; article de M. /?jy/ioi/tfr^ y janvier, 4^"J3*
Œuvres dramatiques de M. Reinbeck (en allemand), Heidelberg, 3 vof»
i/i-A" ; article de M. Vanderbourg; décembre, 728.
— Feris Varsavienses; scribeDat niense augusto anni 1818 Seb. Ciampius»
Varsa^œ, in-^,' ; juin, 384.
(Euvres complètes de M.°^ la baronne de Staël (prospectus des) ; juillet, 44^
«443-
2,** Histoire, Géographie et Voyages. — Chronologie. — Histoire ancienne
et moderne. — Antiquités. — Histoire littéraire et Bibliographie.
Carte générale et élémentaire de l'Allemagne, par Brion de la Tour;
■131,317.
Voyage fait en 1813 et 1814 dans les pays entre Meuse et Rhin. Paris,
în-^J: SLrùcledeM. Tessier; juin, 375-380.
Caramanie, ou courte description de l'Asie mineure, par Francis Beaufort. ,
Londres, 1817, //?-<5'.* / article de M. Lettonne ; mai, 259-271 ; juillet, 389-398.
Journey through Asia minor, Armenta and ICoordistan,in the years 1813 and
1814» by J. Macdonald Kinneir. London , 1818, in^S," : deu^ articles de
M. Z.frrp/in^y février, 1 06-1 17; mars, 142-15 i.
Travels in various countries of the Easi, by William Ouseley; tome I.*'
Londres, 1819, in-S»' : deux articles de M. Silvestrede Sacy ; août , 4^3*494;
octobre, 579-59I*
A second Journey through Persia, Armenia and Asia minor, between the
years 1810 and 1816, with an account ofthe proceedings of the embassy of
sir Gore Ouseley; by J. Morier. London, 1818, in-^,'; deux articles de
M. Silvestre de Sacy ; janvier , 37-48; février ,71-81.
Voyage en Perse fait dans les années 1807, 1808, 1809. Paris, 1819, 2 voL
in-SJ* : article de M. Abel-Rémusat ; octobre , 6 1 7-625.
Journal of the proceedings ofthe laie embassy to China, by Henry Ellis. '
London, 18 17, in-^/: article de M. Abel-Rémusat ; janvier, j-15.
Mission from Cape-Coast-Castle to Ashantees , by Edouard Bowdich. Lon- '
don, 1819, '"'4-*' deux articles de M. Biot; août, 45i-4^^> '^P^* 5'5'529*
— Annales des Lagides, ou Chronologie des rois grecs d'Egypte, su ccesjeuri
d'Alexandre le Grand , par M. Champollion-Figeac. Paris, 1819,2 voL in*8,*j
sep.embre, 573.
-Histoire du passage des Alpes par Annibal , dans laquelle on détermine d'une
manière précise la route de ce général depuis Carthagène jusaû'^u Tésin^.
d'après la narration de Polybe, &c. par M. Deluc. Genève, in-S»^ : article de
lyi. Letronnej janvier, 22-36.
Lettre de M. Deluc sur le même sujet ; décembre , 748-753.
Observations de M. Lettonne sur la lettre précédente; décembre, 753-762.
Histoire de la république de Venise, par M. Uaru. Paris, 4819, 7 vol. inrS»*:
deux articles de M. Raynouard; août, 466-474; septembre, 561-567.
Mémoires histQiiques, politiques et littéraires sur le royaume de Naples, par
M. Grégoire OrlofiT Paris, 1819, 2 vol. in-^." ; article de M. Daunou j sep-^
tembre, 567-571. . ^'^
Dissertation de M. de Hammer sur les Templiers ( dans les Mines de TOrieni):
deux articles de M* Raynouard; mars, 151-162; avril, 221-229.
DÉCEMBRE i8i
7 h
Diâcour! sur celte question : Qu'tst-ct ^ue la phîloso/'hii S prononcé le ;
décembre 181 8, par M. Thuroi. Paris, in-^."; an. de M. Couim; juin, 371-375.
Vues sur l'enseigiiemeni de la philosophie. Paris , 1 8 1 8 , in-fi.' : article ce
M. Couiin; l'cvricr, 67-71.
Leçons de philosophie, par M. Laromiguière. Paris, 1 vol. In-S.' : deux
ariîclesde M. Cousin; avril, 1 95-203 ; octobre, S99-61 1.
Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu, par M. Denuti-Tracy.
Paris, 1819, i"n-^.',- août, 511.
Esprit, origine et progrès des insiitutions pidiciaires des principaux pays de
l'Europe, par D. Meyer, tomei." La Haye, 1818, in-S.' : article de M. Ray-
tiouard; août, joi-joâ.
Des pouvoirs et des obligations du jury, par R. Phillips; traduit de l'anglais
par M, Comte. Paris, 1819, in-i".",* février , 127.
Histoire de l'astronomie du moyen âge, par M. Delambfe. Paris, 1818;
(>(-^.' ; deux articles de M.Biot,- janvier, 60-68; avril, 229-240.
Excursion agronomique en Auvergne, par M. Victor Yvart. Paris, 1819,
in-S,' : article de M. lestier,- novemnic, ^y-fui6.
i)e l'industrie française , par M. Chapial. Paris, 1819,1 vol. in-8.° : deux
articles de M, 7"«ji*r,- avril, 240-246; 0131,271-377.
Philosophie anaiomique, parM. Oeolïroy iaint-Hilaire. Paris, iii^,in-S.' :
article de M. Tesmr; mars. 175-183.
Esîaî philosophique sur les phénomènes cîe la vie, par Ch. Morgan. Paris,
1819, in-S.' : article de M. Abd-Riinusai j septembre, îîï-s4î>
Observations sur la folie ou sar les dérangeniens des fonctions morales et
intellectuelles de l'homme, par G. Spurzheim. Paris, 1818, in-8.': article de
M. Tnsltr: janvier, 54-57.
Observations sur la phrénologie, par G. Spurzheim, Paris , 1818, in-8.* t
article de M. Ttssier; mars, 139-142.
Codex medicamentarius. sive Pharmacopœa gallica faculiatis medicz Pari-
liensis, anno 1818. Parisiii, in-^.'; article de M. TVwier; fcvrrer, iC2-lo<S.
4.* j4r{s du dessin.
Notice des estampes exposées à la Bibliothèque du Roi. Paris, 1819, m- J,*;
octobre, 638.
Théorie du paysage, par M. Deperthes. Paris, 1819, in-8.': an. de M. Q«««
trtmire de Quinc^; octobre, 61 1-617.
Histoire de la sculpture, par M. Cicognar* (tome III ] ; deux artîctet de
M. Quatremire d* Quiiicj/ j mai, 201-290; juillet, 403-413.
/nsritui royal dt France; Académies et Sociétés lïtléraires.
Institut royal de France: séance publique des quaire académies; mai, 316.
Académie iVançaise; sa séance publique; distribution des prix; septembre,
J72. — Mon de M. Morellei; discours prononcé à ses funérailles, février,
111-123. Election de M. Lemoniey; mars, 187: sa réception; juillet, 44'-
Académie des inscriptions et belles-lctres : sa séance publique, et distribution
de prix ; aoili , 506. — M. Frrd. Aug. Wolf , élu associé étranger; MM. Cousin
nery , Pouqueville et Mai. élus correspondans; mars, T817. — Mémoire de
M. Mongei sur la question de savoir si Virgile a lu le VI.' livre de l'Enéide en
présence d'Auguste et d'Ociavic; janvier, jS. Mémoire du même sur les uoi)
plus grands camées antiques; juillet, 44i-
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