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Full text of "Journal des savants"

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JOURN 
DES   SAVANS. 


JANVIER      l8li 


A  PARIS, 

Dft,  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 


BUREAt^  DU  JOURNAL  DES  SAVANS. 
Monseigneur  le  GARDE  DES  SCEAUX ,  Présidem. 


r  M",  Daci 
1/  de  l'aca 
TAI.  le  Bar 
I  académ 
...'    M_   nn<;^ 


fiC  Daccer  ,  de  rinïiitnt  royal  de  France,  lecréiaîn;  perpétuel 
'académie  des  in!cripiioi|>  et  belles-letires. 

SiLVESTBE  UE  SxcY,  del'lnstiiut  royal  de  France, 
lémie  des  inscripiions  et  belles-ktirei. 
M.  GosSEl-LlN,  de  I  In^tiiui  royal  de  France,  académie  des  ins- 
cripiions ei  bel  les- lettres. 

.  CuviEB  ,  conseiller  d'état,  de  l'Institut  royal  de  France, 
secrétaire  (gerpé^jel  deracadémie  d^i  sciences,  et  membre  de 
l'académie  française. 
'  M.  DAUNOU.derinstiiui  royal  deFrance.académiedes  inscrip- 
tions eibelles-lf  lires,  éditeur  du  Journal  et  secrétaire  du  bureau. 
M.  TESSlER.del'Jnsiiiut  royal  de  France,  académie  des  sciences. 
M.  QuATREMÈRE  DE  QuiNCV,  de  l'Institut  royal  de  France, 
secrétaire  perpétuel  de  l'académie  des  beaux-arts ,  et  membre  de 
celle  des  inscriptions  et  belles-lettres. 
M.  BlOT,  de  l'Institut  royal  de  France,  académie  des  sciences. 
M.   Vanderboubg,  de  l'Institut  royal  de  France,  académie  des 

inscriptions  ei  helles-ietires. 
M._  RayWOUARD,  de  rinsiiiul  royal  de  France,  secrétaire  per- 
'ipjtuel  de  l'académie  rrançatse,et  membre  de  l'académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres. 
i*   HAPJILjlflCHETTL_d_  ^. 
dès  insciiptions  et  belles-lettre 
M.  ChézV,  de  l'insiilur  royal  de  Fran. 

tions  ei  beIK-s-letIrcs. 
M.  V.  Cousin,  maître  de  conférences 
M.  Letronne,  de  l'Insii 

inscriptions  et  belles-lettre.. 
kl.  DuLONG,  professeur  de  physique  et  de  chimie  à  l'École 

loyale  d'Alfort. 
M,  Abel-Rémusat,  de  rinsiitut  royal  de  France,  académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres. 


académie  des  Jnscrip- 

conférences  à  l'École  normale. 
:ul  royal   de   France  ,  académie  dei 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an, 
et  de  4°  f""-  par  la  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne  chez  MM.  Treunel  et 
Wûrt^,  à  Paris ,  rue  Je  Bourbon ,  n.'  17 ;  h  Strasbourg,  rue  lUi  Serruriers,  ex  h 
Londret,  rt.' jo  Sebo-Square.  Il  faut  aiTranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Tout  ce  ejui  peut  concenter  les  annonces  a  htse'rer  Jans  ce  journal, 
lettres,  avis,  mémoires-,' livres  nouveaux.  &c.  doit  être  adressé . 
FRANC  DE  FORT ,  OU  bureau  du  Journal  des  Savans,  à  Paris,  ruç 
de  Ménil-montant,  n."  zi. 


'  I  • 


4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Macartney  a  ^té  roccasion.  ou  dont  elle  a  fourni  Fa  matière,  sans 
offrir  en  eux-mêmes  rien  de  bien  neuf  ou  de  bien  important,  ont 
appelé  l'attention  des  savans  anglais  sur  la  littérature  de  cet  empire  ; 
et  Ton  doit  quelque  reconnoissanc*  à  MM.  Barrow ,  Andersen,  Hiîttner, 
si  leurs  relations  ont  pu  contribuer  à  nous  valoir  les  estimables  pro- 
ductions de  MM,  Staunton,  Morrison ,  Miine,  et  de  quelques  autres. 

L'ambassade  de  lord  Amherst  s'annonçoit  sous  des  auspices  encore 
plui  favorables  pour  les  sciences.  Sur  la  liste  des  personnes  qui  la  com- 
posoient,  se  trouvoient  les  noms  de  plusieurs  de  ceux  dont  Tambassade 
de  lord  Macartney  avoit,  pour  ainsi  dire,  décidé  la  vocation.  Sir  George 
Staunton  étoit  second  membre  du  comité  de  légation  :  M.  Mahning , 
depuis  fong-iemps  livré  à  l'étude  de  la  langue  chinoise;  M.  Davis,  connu 
par  quelques  essais  dans  ce  genre  de  littérature  ;  et  M.  Morrison ,  que  le 
commencement  de  ses  importans  travaux  a  déjà  placé  au  rang  des  philo- 
logues les  plus  recommandables ,  étoient  tous  trois  attachés  comm* 
interprètes  ï  Tambassade.  D'un  autre  côté ,  la  présence  d'un  médecin 
versé  dans  les  sciences  naturelles ,  et  particulièrement  dans  la  botanique , 
de  M.  Clarke  Abel,  sembloil  assurer  ^  cette  expédition  un  avantage 
qui  avoit  manqué  à  toutes  les  précédentes ,  sans  exception  :  tout  portoit 
à  croire  qu'une  occasion  si  rare  alloit  être  complètement  mise  à  profit. 
Des  hommesdé^  si  éclairés  ne  pouvoient  manquer  d'apprendre  beaucoup 
en  traversant  la  Chine ,  pour  peu  qu'on  leur  en  laissât  le  temps  et  les 
moyens.  Non-seulement  le  succès  des  négociations ,  mais  une  abondante 
moisson  d'observations  dans  tous  les  genres',  dévoient  être  les  fruits 
^uoe  réunion  si  précieuse  de  lumières  et  de  talens  divers.  £n  examinant 
îea  quatre  ouvrages  qui  ont  déjà  paru  sur  les  opérations  de  l'ambassade , 
OÔus  anron*  ï  aire  ressortir  les  causes  qui  Tont  fait  échouer  dans  son 
ab[et  politique,  et  ont,  par  une  suite   nécessaire,  considérablement 


JANVIER  1819. 
ou  du  moins  officiel,  des  opérations  diplomatiques,  et  des  débsts  qui 
survinrent,  presque  à  chaque  pas  de  cette  délicate  cl  pénihie  négociation. 
Depuis  plusieurs  années,  la  faciorerie  anglaise  de  Canton éioii  en  butte 
à  ces  persécutions  sourdes,  à  ces  tracasseries  de  détail,  inévitables  daiis 
une  ville  où  le  gouvernement  croit  faire  grâce  aux  Européens  en  leur 
permettani  d'y  séjourner,  et  où  ils  sont  toui-à-Ia-fois  repoussés  par  les 
préjugés,  et  appelés  par  les  voeux  des  habiians,  chtz  lesquels  l'ainour 
du  gain  l'emporle  à  peine  sur  la  haine  et  le  mépris  pour  tout  ce  qui  est 
étranger.  Perpétuellement  obligés  d'acheter  des  mandarins  un  appui 
précaire,  n'obtenant  d'eux  qu'une  protection  passagère,  ne  jouissant 
d'aucun  privilège  qui  ne  puisse  être  révoqué  à  chaque  mutation,  le» 
conmerçans  anglais,  dominateurs  dans  le  reste  de  l'Asie,  sont  ici  soumis 
k  une  gène  et  contraints  à  des  ménagemens  auxquels,  ils  ont  peine  k 
s'accoutumer.  Plus  d'une  fois  des  rixes  ont  été  la  suite  des  tentatives  faites 
par  des  capitaines  ou  d'autres  officiers,  pour  appliquer  en  Chine  les 
procédés  qui  leur  réussissent  avec  les  peuples  de  l'Hindoustan.  Dans  ces 
occasions,  les  Anglais  ont  ordinairement  un  avantage  momentané;  mais 
la  force  d'inertie  employée  par  le  gouvernement  chinois  et  (e  besoin  de 
commercer  les  ramènent  bientôt  à  des  moyens  plus  doux,  il  n'est  pas  aussi 
facile  qu'on  pourroit  le  croire  défaire  la  loi  à  une  nation  comme  les 
Chinois.  L'emploi  de  la  force  pourroit  avoir  de  graves  conséquences  ;  el 

il  faut  bien   que  cela  soit,   jHiî^qu'on   ne   l'a  paEenonrf   lenté. 

Le  désir  de  faire  cesser  cet  étal  de  choses,  et  d'obtenir  pour  le 
commerce  une  liberté  suffisante  et  des  conditions  stables,  a  été  le  motif 
de  la  nouvelle  ambassade,  comme  de  presque  toutes  les  autres  négociations 
précédetnment  entreprises  par  les  Européens.  Cette  mesure  tût  jugée 
nécessaire  par  la  cour  des  directeurs,  et  le  prince  régent  fut  supplié 
de  choisir  une  personne  d'un  rang  élevé  pour  la  mettre  à  exécution.  Le 
choix  du  -gouvernement  tomba  sur  lord  Amherst;  et,  pour  concilier 
l'éclat  qu'on  vouloil  donner  à  l'ambassade  avec  lès  intérêts  de  la  com- 
pagnie en  faveur  de  laquelle  elle  étoit  entreprise ,  on  réiolut  d'adjoindre 
à  l'ambassadeur,  M.  Elphinstone,  chef  de  la  factorerie  de  Canton,  o« 
sir  George  Slaunton  ,  deux  personnes  accoutumées  depuis  long-temps  à 
traiter  avec  les  Chinois:  ce  fiil  pareillement  à  Canton  qu'on  se  réserva 
de  prendre  les  interprètes  et  les  autres  agens  dont  les  coiuioissances 
locales  dévoient  être  de  la  plus  grande  utilité  dans  les  affaires  qu'on  se 
proposoil  de  traiter. 

L'ambassadeurs'embarqua,  le  8  février  1  81 6, sur  (e  vaisseau  t' Ahtste, 
Capitaine  sir  Murray  Maxwell;  deux  autres  vaisseaux,  la  Lyre,  sous  le 
comniaiideiiient  du  capitaine  Hall,  et  U  Général  Hcwitt,  furent  chargés 


«  JOURNAL  DES  SAVANS, 

des  présens  et  du  gros  bagage.  L'expédition  toucha  au  Brésil,  au  cap  de 
Bonne>£spérance ,  à  Java,  et,It!  lo  juillet,  elle  arriva  aux  îlesLeinma, 
près  de  Macao ,  où  la  joignirent  celles  des  personnes  établies  à  Cantoti 
qui  dévoient  en  faire  partie.  On  annonça  officiellement  au  vice-roi  de 
Canton  l'arrivée  de  l'ambassade ,  et  son  départ  pour  la  mer  Jaune  :  on 
xeçut  redit  de  l'empereur  qui  inarquoit  sa  satisfaction  de  la  venue  des 
ambassadeurs,  et  contenoit  ses  ordres  pour  la  réception  qu'on  devoit 
leur  faire.  Les  vaisseaux  levèrent  l'ancre  le  i  j  ,  et  parvinrent  à  la  fin  du 
mois  k  Tembouchure  du  Pe-ho ,  dans  le  golfe  du  Pe-tchi-li.  Deux 
mandarins  nommés  Tckang  et  y»,  designés  pour  accompagner  l'ambas- 
:sadç,  arrivèrent  immédiatement  après.  Les  Anglais  débarquèrent  le  9 
août  ;  ils  se  rendirent  à  Thian-tsin,  où  ils  furent  reçus  par  un  grand ,  nommé 
Sou-liig-yi.  Les  conférences  commencèrent  en  cet  endroit,  et  conti- 
nuèrent à  mesure  qu'on  avança  dans  k  province  de  Pe-tchi-li,  et  après 
fvTÎvée  des  Anglais  dam  la  ville  de  Thoung-tcheou ,  où  de  nouveaux 
officiers  de  l'empereur  vinrent  trouver  les  ambassadeurs  ;  ce  fut  de  cette 
.viljo  que  lord  Amherst  fut  conduit  à  Peking,  puis  à  la  maison  de 
plaisance  dc  l'empereur,  nommée  Youan-ming-yoïian ,  où  devoit  avoir  lieu 
l'audience  solennelle. 

J'ai  tracé  rapidement  cet  itinéraire ,  pour  ne  pas  interrompre ,  dans  la 
nuto  de  cet  article,  ce  que  j'aurai  à  dire  des  opérations  de  l'ambassade. 
Un  très-petit  nombre- d'nbiwvnnnn^  faitp^dans  une  marche  a^sez  rapide 
pourront  trouver  place  ailleurs  :  ici ,  je  Cf  ois  devoir  profiter  de  l'occasion 
qui  se  présente,  pour  faire  ressordr^dansle  réci;^de  ces  négociations» 
Ici  traits  qui  caractérisent  la  nation  chinoise ,  et  qui  sont  propres  à  donner 
«ne  Idée  de  son  esprit.  Je  ne  m'interdirai  même  pas  un  petit  nombre  de 
remarques  additionnelles ,  si  elles  peuvent  concourir  au  même  but  et  ne 
pâsAtreinutilesunjourà  des  agens  diplomatiques, dans  leurs  rapporuavec 
teuple  siu  lequel  on  a'  déjà  tant  écrit,  et  qui  est  encore  si  mal  connu. 


JANVIER   1819.  7 

opposent  également.  Un  ambassadeur  qui  vient  à  la  cour,  n'y  est  con* 
sidéré  que  comme  un  envoyé  chargé  d'offrir  au  JÎ/j  du  ciel  les  respects 
de  son  maître,  et  de  lui  présenter  un  tribut.  Le  temps  de  son  séjour, 
le  nombre  d'audiences  qu'il  peut  obtenir  ,  les  ofiiners  auxquett  il  doit 
s'adresser,  tout  est  déterminé  par  des  réglemens  qu'il  ne  sauroil  éluder; 
il  ne  peut  dépasser  la  limite  qui  lui  est  assignée,  ni  parler  d'affaires 
k  leinjiereur  ou  à  ses  ministres.  Tel  est  l'usage  antique  auquel  les 
Chinois  demeurent  invïolablement  attachés.  Les  ambassadeurs  qui  ont 
espéré  qu'on  y  dérogeroit  en  leur  faveur,  connoissoieni  bien  mal 
l'esprit  de  la  nation  chinoise,  son  asservissement  aux  anciennes  cou^ 
tûmes,  et  sur-tout  son  orgueil  intéressé  au  maintien  de  tout  ce  qui 
semble  attester  la  suprématie  qu'elle  affecte  à  l'égard  de  toutes  les 
autres  nations. 

Les  collègues  de  lord  Amherst  étoient  trop  instruits  pour  ignorer  ces 
prétentions  chinoises;  ils  entréreni  en  Chine,  partagés  enire  le  désir 
d'en  éluder  l'efTet,  et  la  crainte  de  faire  échouer  la  mission  importante 
qui  leur  étoil  confiée,  Soutenir  l'honneur  national,  sans  trop  heurter 
les  préjugés  du  peuple  avec  lequel  on  aà  iraîier,  est,  en  pareil  cas,  un 
devoir  aussi  délicat  qu'indispensable:  il  falloil  sur-tout,  dans  cette  cir- 
constance, ne  ]ias  exposer  l'ambassade  à  se  voir  fermer  les  portes  de  la 
Chine.  L'envoyé  d'une  autre  puissance  européenne  disoit,  dans  une  cir- 
constance analogue:  .-fvcf  in  //eu  Jt  J'iplvumic ,  nous  ferons  ce  que  nous 
youiirons  de  ces  Chinois  (1}.  Si  les  négociateurs  anglais  pariageoient 
d'abord  celte  idée  ,  ils  durent  la  perdre  îi  la  suite  des  nombreuses  confé- 
rences qu'ils  eurent  avec  les  mandarins  de  Canton  et  de  Peking,  et 
que  JVl.  EHis  rapporte  avec  les  plus  grands  détails. 

Le  premier  et  le  plus  impoi  tant  sujet  de  discussion  fut  celte  cérémonie 
qu'on  nomme  kheou-theou .  et  qui  consiste  à  s'agenouiller  trois  fois, 
et  à  frapper  fa  terre  du  front  trois  fois  à  chaque  agenouillement.  On 
saine  de  CL'tle  manière  non-seulement  l'einpereur  lui-même,  mais  son 
trône,  \a  tablette  qui  le  représente ,  les  présens  qu'il  envoie,  et  même 
les  mets  qu'il  fait  quelquefcis,  par  une  grâce  spéciale,  prendre  sur  sa 
table  et  porter  aux  ambassadeurs.  Les  Européens  ont  toujours  répugné 
beaucoup  à  cette  cérémonie,  qu'ils  sont  disposés  à  trouver  avilissante. 
Il  n'est  pas  sur  pourtant  que  les  Chinois  y  voient  un  acte  de  soumission  : 
c'est  seulement ,  dans  kur  idée ,  une  salutation  qu'il  est  ridicule  de  refuser 
à  l'empereur,  quand  on  est  venu  de  si  loin  pour  avoir  l'honneur  de  lui 
rendre  hommage.   C'est  d'ailleurs  un  usage  si  ancien,  si  généralement 

[1}  Die  Rusiische  GesandïthaTt  tiach  China  imlflhr  180J. /A;tj;a   i/. 


iLi- 


s  JOURNAL  DES  SAVANS, 

observé  9  non-seulement  par  les  sujets  immédiats  de  Fempereuri  mais 
par  tous  les  envoyés,  et  même  par  les  princes  étrangers,  quand  ils 
viennent  à  la  cour,  que  les  Chinois  ne  sont  pas  moins  surpris  de  la 
répugnance  qu'on  témoigne  à  s'acquitter  de  ce  devoir,  que  nous  ne  le 
serions,! en  Europe,  devoir  un  ambassadeur  qui  refuseroît,  dans  une 
'  audience  solennelle,  de  se  conformer  aux  règfes  les  plus  indispensables 
de  la  bienséance. 

Parmi  les  personnes  qui  composoient  Fambassade,  M.  Ellis  pensoft 
qu'il  étoit  peu  convenable  de  sacrifier  les  importans  objets  de  la  négo* 
dation  au   désir   prétendu   de  maintenir  sa  dignité    dans    un  pareil 
point  d'étiquette,  sur-tout  si  Ton  considéroit  qu'une  vaine  dispute  de 
cérémonial  pouvoit  empêcher  l'ambassade  d'être  admise,  comme  cela 
étoit  arrivé  au  comte  Golowkin.  Shr  George  Staunton,  au  contraire,  et 
les  autres  personnes  attachées  à  la  compagnie   At%  Indes,  et  dont 
Fopinion  devoit  nécessairement  avoir  le  plus  grand  poids ,  regardoient 
la  condescendance  sur  ce  point  essentiel,  comme  un  acte  de  foiblesse 
qui  pouvoit  avoir  les  plus  fâcheuses  conséquences  pour  les  intérêts  du 
commerce  anglais  à  Canton.  Le  parti  de  la  résistance  fût  donc  jugé  le 
meilleur  ;  et,  en  conséquence ,  on  disputa  avec  les  commissaires  envoyés 
tu-devant  de  l'ambassade ,  à  son  débarquement  sur  le  Pe-ho ,  avec  ceux 
4e  Thian-tsin ,  avec  les  officiers  députés  à  Thoung-tcheou  pour  s'en- 
tendre avec  les   ambassadeurs.   On  disputa  tant  qu'on  crut  pouvoir 
obtenir  quelque  relâchement  dans  la  sévérité  des  usages  chinois  :  on  offrit 
ensuite  diffêrens  moyens  de  conciliation.  Lord  Amherst  craignoit  sur- 
tout que,  s'il  se  décidoit  à  faire  la  cérémonie ,  les  Chinois  n'en  conclussent 
que  le  roi  d'Angleterre  se  reconnoissoit  vassal  de  Fempereur.  Pour 
éviter  cet  inconvénient,  il  demanda  qu'un  grand  d'un  rang  égal  au  sien 
fh  les  neuf  battemens  de  tête  devant  le  portrait  du  prince  régent,  ou 
bien,  que  l'empereur  déclarât  par  un  édit  solennel  que  tout  ambassadeur 
diinois    qui    viendroit  en    Angleterre  ,   fèroit  la  cérémonie   devant 
S.  M.  B.  Ces  deux  propositions  furent  repou^sées  avec  la  même  force , 
quoiqu'assurément  la  dernière  ne  tirât  pas  à  conséquence  pour  \^% 
Chinois.  A  travers  les  réponses  des  mandarins ,  que  M.  Ellis  rapporte 
d'une  manière  un  peu  obscure ,  on  démêle  sans  peine  le  véritable  motif 
du  refus  des  officiers  chinois.  «  De  même  qu'il  n'y  a  qu'un  soleil,  s'écria  l'un 
»>  d'entre  ^ux  avec  force,  il  n'y  a  aussi  qu'un  seul  Ta-hoang-ti  [empereur 
»>  suprême]  ;  il  est  fe  souverain  universel ,  et  tous  fui  doivent  hoipmage.  » 
Quelques  autres  dirent  que  le  roi  d'Angleterre ,  s'il  étoit  en  personne  ^ 
b  place  de  son  ambassadeur,  devroit  pratiquer  la  cérémonie  ;  d'autres, 

nvpris  (Tuae  rév^tancç  ^  extraordin^aire  aiix  ordre;  de  le^ir  maitrç  e^ 


JANVIER   1819.  "9 

■ux  iois  du  royilume  céleste,  firent  entendre  aux  envoyés  que  le  roi 
d'Angleterre  lui-même  poiirroîl  se  trouver  mal  de  cette  affaire. 

Une  troisièiiie  proposition  de  lord  Amherst  sembla  d'abord  propre 
à  terminer  ces  difficultés;  il  offrît  de  mettre  trois  fois  un  genou  en  terre 
devant  l'empereur,  et  de  s'incliner  neuf  fois,  de  manière  k  satisfaire  en 
apparence  à  la  rigueur  de  l'usage,  sans  néanmoins  compromettre  la  dignit<^ 
de  son  souverain,  et  sans  renoncer  h  l'honorable  dispense  accordée  par 
Kkian-louiig  aux  ambassadeurs  anglais  dans  la  personne  de  lord  A\a- 
cartney.  Ce  dernier  fait,  avancé  avec  confiance  par  les  négociateurs 
anglais  ,  devint  un  nouveau  sujet  de  dispute.  Les  mandarins  nièrent 
avec  force  qu'on  eilt  accordé  au  lord  une  exeiiiplion  si  contraire  aux  lois 
de  l'empire;  ils  citèrent  les  gazettes  officielles  et  les  édîts  qui  expri- 
noient  précisément  le  contraire,  et  appelèrent  en  témoignage  sir 
George  Staunton  lui-même,  qui  avoit  assisté  à  l'audience  de  lord 
Wacartney:  mais  sir  George,  craignant  les  effets  d'une  réponse catégo- 
xique,  s'excusa  sur  sa  grande  jeunesse  au  moment  de  cette  réception. 
Enfin  l'empereur  lui-même  fit  sortir  un  édit  dans  lequel  il  déclaroit  se 
souvenir  très- exactement  d'avoir  vu  de  ses  propres  yeux  lord  Ma- 
carlney  pratiquer  le  kheou-theou  devant  son  père.  Après  une  telle  décla- 
ration, la  vêtité  du  fait  devenoit  la  considération  (a  moins  importante; 
car  comment  supposer  que  l'empereur  pût  recourir  au  mensonge,  ou 
comment  oser  lui  dire  qu'il  se  tronipoît  ! 

L'examen  de  cette  question  n'est  pas  sans  quelque  importance,  à 
cause  dss  inductions  qu'en  pourroient  tirer  les  nations  européennes  danj 
leurs  rapports  ultérieurs  avec  la  cour  de  Peking.  Toutes  les  personnes 
■  qui  composoient  l'ambassade  de  179}.  affirment  que  lord  Macartney 
B  été  dispensé  des  cérémonies  du  kheou-theou  ;  et  il  est  certain  qa'en 
toute  autre  matière  cette  simple  assertion,  de  la  part  de  personnes  si 
respectables  et  si  dignes  de  foi,  ne  devroit  pas  permettre  le  })Ius  léger 
doute.  Je  n'opposerai  à  ce  tétnoignage  unanime,  ni  les  insinuations 
d'Anderson,  répétées  et  malignement  interprétées  tout  récemment  par 
un  pamphlétaire  anglais  (1),  ni  même  le  témoignage  peu  désintéressé 
des  mandarins  chinois.  Toutefois  celui  de  l'empereur  me  paroît  mériter 
quelque  considération  :  d'ailleurs,  l'interprète  russe  Vladykin,  qui  étoit 


(l,  Dtlicau  Inqiiiry  intù  tlie  Embusùt!  U 
roin  the  preinises.  On  peut  juger  de  la  virui 
njurieuse  que  l'auteur  anonyme  a  adoptée  : 

Improbiis  ixtremos  curril  mercator  aii  Indos, 
Pauperirm  fugitni ,  mulcùm  vtipiildtidus  in  at 
Tartarea. 


na,  and  a  UgitUnate  conclusion 
de  ce  pamphiei  par  l'épigraphe 


»o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

à  PeLÎBg  Ml  moment  d«  la  réception  du  lord  Macutney,  d'autres 
personnes  encoFe  qui  ont  pu  avoir  de  ce  fait  une  connoisiance  touis 
particulière,  s'accordent  à  rapporter  des  circonstances  bien  contraires 
BU  récit  des  Anglais,  Le  comte  Golowkin ,  ambassadeur  de  Russie ,  ayant 
vouhi  se  prévaloir  de  l'exemption  accordée  au  lord  Macartney,  on  lui 
assura  très-positivement  que  cette  exemption  n'avoit  jamais  eu  lieu. 
Enjfin,  indépendamment  de  tous  ces  témoignages,  on  aurou  peine  k 
concevoir  le  motif  qui  eût  fait  enfreindre  ainsi,  sans  nécessité,  le  plus 
sacré  des  rites  de  la  cour.  L'histoire  chinoise  ne  contribue  pas  peu  k 
Bâre  douter  de  cette  possibilité. 

Vers  Tan  713,  des  ambassadeurs  du  khalife  Waiïd  vinrent  offrir  ua 
tribut  à  l'empereur  Hioaan  tsoung.  Ils  demandèrent  k  être  dispensés  du 
prosternement  dans  l'audience  qu'ils  dévoient  obtenir.  Ils  furent  ds 
suite  mis  en  jugement  devant  un  tribunal  ;  et  la  sentence  du  président 
déclara  qu'ils  étoîeni  dignes  de  mon ,  pour  avoir  commis  contre  letusaget 
une  ^le  irrémissible:  néanmoins  fiiouan-tseung  voulut  bien  leur  tiitre 
grâce  (i).  Il  vint  ensuite  de  nouveaux  ambassadeurs,  qui  représentèrent 
que ,  dans  leur  pays ,  on  ne  se  prosternoît  que  devant  Dieu ,  tl  jamaii 
devant  les  rois.  On  leur  fit  une  sévère  réprimande,  et  iti  je  jtTosternirent, 
En  798,1e  khalife  Haroun  envoya  trois  ambassadeurs, ii/nn-z^j'â,  Ou-ki, 
et  Cha-pe;  ils  fii^nt  tous  trois  la  cérémonie,  et  le  premier  ministre  les 
combla  de  l.irgesses.  Il  faut  remarquer  qu'ïl  cette  époque  les  Chiiioii 
connoissoient  fort  bien  l'immense  puissance  des  Arabes, iju'ifs  aroient 
des  démêlés  avec  eux  dans  le  Tibet  et  dans  le  Mawarennahar ,  et  que 
Tempereur  Taï-tsoung  avott  même  à  son  service  un  corps  auxiliairo 
d'Arabes  qui  l'aidèrent  à  reprendre  ses  deux  capitales  sur  les  rebelles.    ' 

Ce  que  les  Anglais  avoient  particulièrement  à  coeur,  c'étoit  de  bien 
persuader  aux  Chinois  que  la  puissance  britannique  ne  pouvoit  être  mise 
-  même  pied  que  les  tials  tributaires  voisins  de  la  Chin 


JANVIER    1819. 

un  petit  chef  (Tune  peuplade  sauvage,  qui  défendoit  »on  îndépendsnce 
dans  une  très-petite  portion  de  l'iie  d'H»ï-iian ,  au  milieu  des  bois  et  des 
montagnes.  II  eût  pu  être  utile  aux  ambassadeurs  de  savoir  précisément 
comment  on  parle ,  non  pas  des  Houng  mao  [  tètes  rouges  ]  ou  ing-kî-tl 
[  English  ]  (car  les  Chinois  n'ont  pas  une  idée  assez  nette  de  leur 
puissance  pour  faire  une  grande  attention  à  ce  qui  (es  concerne  ) .  mais 
des  Russes,  ces  fbrmidalileis  voisins  dont  les  frontières  touchent  iiix 
leurs  l'espace  de  soixante-dix  degrés  en  longitude,  et  que  (es  Chinois 
ont  tant  de  moyens  de  bien  connoître  et  tant  d'intérêt  à  ménager.  «  I^ 
»  tribut  des  Russes ,  dit  le  Tai-thsingi-tlioiing-tchi ,  vient  de  Kia-khc-toit 
»  [Kiiikhta];  on  passe  le  long  du  pays  des  Kalkas,  on  entre  par  lagorg« 
»  de  Tchâng-kia  pour  arriver  à  Peking  (  1 }.  •>  Veut-on  voir  comment  i(ï 
présenient  dans  leur  histoire  ces  fumeuses  négociations  dont  on  a 
tant  parié  en  Europe,  et  qui  ont  servi  k  fixer  les  limites  des  deux 
empires  :  «  La  vingt-quatrième  année  khang-hi,  on  donna  ordre  au 
»  général  Sa-pou-sou  et  aux  autres  comniaudans  du  fleuve  du  Dragore 
«  noir  [le  fleuve  Amour]  de  rassembler  des  troupes  et  d'assiéger  Yaksa  : 
M  la  soumission  se  fil  attendre  plusieurs  jours.  La  vingt-cinquième  année, 
»  le  Tckha  k&n  khan  de  ce  royaume  ou  roi  blanc  [l'empereur  de  Russie] 
n  envoya  des  ambassadeurs  pour  i/fmûnt/fr/jtin/nn  efe  sa  faute  [  su  tsou't], 
"  Ces  envoyés  représentèrent  que  les  hal)ilans  des  frontières  de  leur 
»*  royaume  inférieur  [ Hia-koueJ  éloKwt  des  hommes  querelleurs  et  mutinsi 
"  mais  qu'à  l'avenir  on  les  coniiendroit  sévèrement.  Us  supplièrent  (2) 
»  l'empereur  de  vouloir  bien  faire  lever  le  siège  de  Yn-khr-sa,  et  deman- 
»  dèrent  en  outre  qu'on  déterminât  les  frontières.  Un  décret  le  permit 
■»  [chao-iu-tchi].n  II  n'y  a,  comme  on  voit,  rien  de  surprenant  dans  ces  pa-' 
rofes  de  Khang-hi ,  rapportées  par  M.  Morrison  (j)  :  Depiiir  quarante- 
neuf  ant  (jue  '}€  suis  sur  le  trône,  /'ni  écrasé  les  rebelles ,  conquis  l'île  /le 
Formose,  et  soumis  1rs  Russes,  [ Kiang  O-lo  sse ].  li  y  a  dans  l'hospi- 
talité même  que  les  Chinois  se  piquent  d'exercer  envers  les  étrangers  , 
quelque  chose  qui  ne  peut  qu'liumiher  ceux-ci,  en  satisfaisant  leur 
[iropre  vanité.  La  loi  a  réglé  ce  qu'on  doit  donner  à  un  ambassadeur 
russe  par  jour:  un  mouton,  une  tasse  de  vin,  une  boîte  de  thé  d'uti 
kin  ou  d'une  livre,  une  cruche  de  lait,  parce  que  les  Russes  ont 
coutume  d'en  prendre  avec  le  thé;  deux  onces  de  beurre,  deux 
poissuns,    une    hvre   de    chouic   salés,   quatre  onces    de    misoan    o^ 

(i)  Taithine,  i  ihoung  uhi,  1.  CCCLV,  p.  ^^-ié. 

(2)   L'expression  chinoise  e*t^A;>  httéralenicnt  mtnditr. 

(]]  View  of  Cliina,;'.^. 


la  JOURNAL  DÏS  SAVONS, 

soya  (i),  quatre  onces  de  vinaigre,  une  once  de  sel,  et  dflix 
Soucoupes  d'huile  à  brûler  pour  les  lampes  de  nuit.  On  donne  les 
mêmes  vivres  à  sa  suite,  mais  par  une  grâce  spéciale  de  l'empereuri 
on  sert  tous  les  neuf  jours,  à  l'ambassadeur  seul,  un  dîner  de  quatre 
services  à  la  chinoise,  et  dix.  tasses  de  thé  préparé  à  [a  manière  des 
Mandchous  [z).  N'oublions  pas  que  ces  sortes  de  grâces,  les  présens 
qu'on  fait  aux  ambassadeurs,  ceux  qu'on  attend  des  princes  qui  les 
envoient,  les  démarches  qu'ils  doivent  faire,  les  moindres  circons- 
tances de  leur  réception ,  ont  des  noms  particuliers  en  chinois  ;  que 
ces  noms  marquent  toujours  le  rapport  du  sujet  à  son  maître ,  du 
vassal  k  son  souverain,  et  qu'il  faudroit  refaire  la  langue,  si  Ton 
Touioit  prévenir  ces  équivoques  diplomatiques  dont  ies  conséquences 
tacites  sont  rechercfiées  par  les  uns  avec  plus  de  soin  que  les  autres 
n'en  mettent  à  les  éviter. 

L'ambassade  anglaise  y  eût  renoncé  sans  doute  ;  elle  pafoissoit 
même  disposée  à  céder  sur  le  point  essentiel  du  kheou-thtou  ;  et  cette 
condescendaiice  ,  quoique  tardive,  eût  peut-être  influé  favorablement 
sur  sa  réception,  sans  un  malentendu  qui  rompit  sans  retour  les  négo- 
daiiont^  Lord  Amherst  étott  à  peine  arrivé  à  la  maison  de  plaisance 
de  fempereur,  près  de  Peking,  quand  un  ordre  lui  fut  apporté  pour 
qu'il  eût  à  se  rendre  sur-le-champ  devant  Tempereur,  avec  son  fils  et 
k'S  commissaires  de  la  légation.  Surpris  de  cette  précipitation,  encore 
indécis  sur  le  parti  qu'il  avoit  à  prendre,  l'ambassadeur  allégua  la  (aligne 
d'un  voyage  de  nuit ,  et  le  défaut  de  temps  pour  se  préparer  à 
Faudience  qu'on  lui  accordoit.  Celte  excuse  fut  mal  rendue  à  Tem- 
pereur,  ou  mal  reçue  de  ce  prince,  que  ia  longue  dispute  au  sujet 
du  cérémonial  avoit  indisposé  contre  les  Anglais.  Ceux-ci  furent  de 
suite  ramenés  au  village  de  Hài-tian,  et,  deux  heures  après,  on  vint 
leur  annoncer  que  l'empereur,  irrité  des  re&s  de  l'ambassadeur,  avoit 


I 


JANVIER    1819.  ij 

Quelques  lignes  extraites  d'un  édit  de  l'empereur,  adressé  au  vice- 
roi  de  Canton,  le  6  septembre  1816,  feront  connoEire,  niiçuz  que 
tout  ce  que  nous  pourrions  dire,  l'impression  que  les  Chinois  prirent, 
et  que,  sans  doute,  ils  conserveront,  de  la  conduie  des  Anglais  dans 
cette  circonstance  :  «Les  ambassadeurs  anglais,  dit  Kiakhing,  à  leur 
»  arrivée  i  Thian-lsin,  n'ont  pas  observé  les  lois  de  la  politesse:  à 
»  Thowng-icheou  ,  h  quatre  lieues  de  Peking  ,  ils  ténioignérent  qu'ils 
»  étoieni  prêts  à  se  prosterner  ei  à  s'agenouiller  conforméinenl  aux 
"règles  de  la  bienséance  de  ce  pays,  —  Comme  nous  étions  sur  le 
»  point  de  nous  rendre  à  la  salle  pour  y  recevoir  l'ambassade,  le 
"  premier  et  le  second  ambassadeurs,  mjus  ijrciexte  (Tune  indisposition, 
»  refusèrent  de  paroître.  £n  conséquence,  nous  rendîmes  un  décret 
»  pour  les  fiiire  retourner  sans  délai  ;  mais  nous  avons  réfléchi  que ,  si 
»  l'ambassadeur  éioit  blâmable  pour  n'axoir  pas  observé  les  lois  de  fa 
«politesse,  c'étoit  une  chose  peu  convenalile  et  contraire  à  la 
w  maxime  qui  ordonne  de  montrer  de  la  bonté  à  nos  inféiieurs,  que 
»  de  témoigner  du  mépris  k  un  souverain  qui,  d'une  distance  immense 
"  et  à  travers  plusieurs  mers,  avoit  envoyé  nous  offrir  un  tribut.  E[i 
n  conséquence,  parmi  les  présens  dudit  roi,  nous  avons  choisi  quelques 
»  bagatelles  des  plus  insignifiantes,  quatre  caries,  deux  portraits 
a»  (celui  du  roi  et  de  la  reine  d'Angleterre)  et  quatre-vingt-quinze  gra- 
»  vures,  et ,  pour  lui  faire  plaisir,  nous  les  avons  acceptées  :  en  retour  , 
«>  nous  avons  fait  présent  audit  roi  d'un  sceptre  en  pierre  de  iu,  d'un 
n  collier  d'agate,  de  deux  paires  de  grandes  bourses  et  de  quatre 
y  paires  de  petites.  Nous  avons  ordonné  aux  ajnbassadeurs  de 
»  recevoir  ces  préseiis  et  de  s'en  retourner  dans  leur  pays.  De  cette 
M  manière  nous  avons  mis  k  exécution  la  maxime  de  Confucius, 
a  donnc^  beaucoup,  recevc-^pcu.n 

Dans  une  autre  déclaration,  fempereur  s'exprime  avec  moins  de  mc- 
dération.u  Le  royaume  du  milieu,  dit-il,  a  la  su)irémaiie  dans  l'univers 
T»  entier.  Comment  endurer  une  conduite  injurieuie ,  une  arrogance 
n  pareille  à  celle  de  ces  ambassadeurs  \  J'ai  laissé  tomber  l'ordre  de  les 
«chasser  et  de  les  renvoyer  dans  Itur  pays,  sans  punir  le  crime 
w  énorme  qu'ils  ont  comjnis.  »  Celte  dernière  phrase  rappelle  la  clémence 
de  Hiouan-tsoung ,  pardonnant  aux  ambassadeurs  du  khalife;  elle  fait 
voir  que  les  Chinois  n'ont  pas  changé  de  maxime,  et  qu'il*  ont 
toujours  la  même  manière  de  voir  îi  l'égard  des  étrangers. 

L'indulgence  de  l'empereur  ne  s'étendit  pas  aux  mïindnrins  qui 
avoient  été  chargés  de  recevoir  les  ambassadeurs,  et  de  fes  disposer 
aux  démarches  qu'on  attendoit  d'eux,  eu  les  instruisant  des  usages  du 


i4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

royaume  du  milieu.  Sou-ling-ye,  qui  avoît  amené  Tambassade  à  Pekîng^ 
fut  destitué  de  sa  charge  de  président  du  tribunal  des  ouvrages  publics  » 
de  l'emploi  de  générai  d'armée,  et  de  fa  décoration  de  la  plume  de 
paon  :  fes  Juges  l'avoient  condamné  à  être  destitué  entièrement  et 
féduit  au  cinquième  rang  dans  la  hiérarchie  des  mandarins;  l'empereur, 
par  une  faveur  spéciale,  le  mit  au  troisième,  lui  laissa  la  surintendance 
dts  thés  et  autres  provÎMons,  et  des  jardins  de  Youan-ming,  avec  la 
promesse,  s'il  se  conduit  bien,  de  le  rétablir  dans  huit  ans  :  mais  il 
fiiut  observer  qu'il  étoit  âgé  de  soixante-dix.  Ho-chi-tal ,  par  l'entremise 
duquel  l'excuse  de  lord  Amhersj  fut  portée  à  l'empereur,  perdit  la 
casaque  jaune  et  les  émofumens  attachés  au  titre  de  koung,  et  ne 
conserva  ce  titre  même  que  par  un  efFet  de  la  bonté  de  Kia-khîng. 
Mtu-kï'tang-yt ^  Fun  des  mandarins  venus  à  Thoung-tcheou,  fut,  à 
raison  de  son  âge  et  de  l'incapacité  dont  il  avoit  fait  preuve ,  com- 
plètement destitué;  et  Kouang-hoi ^  le  premier  des  trois  commissaires 
chinois  chargés  d'accompagner  l'ambassade,  fût  réduit  à  la  charge  de 
secrétaire  du  huitième  rang,  pour  l'exercer  dans  le  pays  des  Mandchous. 
Cette  sévérité  de  l'empereur  envers  tous  les  officiers  chinois  qui 
prirent  part  aux  affaires  des  ambassadeurs,  n'est  pas  de  nature  à 
aplanir,  en  faveur  de  ceux  qui  pourroîent  suivre  leurs  traces,  les 
difficultés  qui  se  multiplient  dans  le  cours  de  négociations  déjà  si 
épineuses  et  si  ^tigames  pour  une  personne  accoutumée  aux  procédés 
réguliers  de  la  diplomatie  européenne. 

Les  Anglais,  partis  de  Peking  à  la  fin  d'août,  furent  reconduits,  au 
travers  des  provinces  deChan-toung,  de  Kiang-sou,  de'An-hoeï,  de 
Kiang-si  et  de  Kouang-toung,  jusqu'à  Canton,  où  ils  arrivèrent  le 
I*'  janvier  1817.  J'abrège,  par  la  raison  que  j'ai  déjà  dite,  le  récit  de 
leur  voyage;  mais  il  est  à  propos  de  remarquer  que,  loin  qu'ils  eussent 
à  se  plaindre  des  mandarins,  comme  le  pouvoit  fiiire  craindre  l'indi- 
gnation de  l'empereur ,  les  ordres  furent  donnés  par-tout  pour  qu'ifs 
fussent  traités  avec  des  égards  et  une  pofitesse  auxquefs  ifs  ne  dé- 
voient guère  s'attendre  après  ce  qui  s'étoit  passé.  A  Canton ,  ifs  trou- 
vèrent que  fe  vice-roi  avoit  reçu  un  décret  qui  lui  enjoignoit  de 
donner  un  repas  à  l'ambassadeur  et  de  le  congédier  promptement 
en  lui  faisant  une  réprimande  sur  la  conduite  qu'il  avoit  tenue,  et 
â  laquelle  seule,  dans  cette  pièce,  on  attribuoit  le  mauvais  succès 
de  l'ambassade.  L'entrevue  prescrite  eut  lieu;  mais,  comme  on  peut 
croire,  elle  fût  assez  fi-oide.  Le  repas  ne  consista  qu'en  une  collation 
de  fruits,  et,  malgré  la  contrainte  que  s'iniposoît  le  vice-roi,  il  n'étoit 
pas  difficile  de  démêler  les  sentimens  que  lui  inspiroit  une  conduite 


JANVIER    J819.  "M~ 

dans  laquelle  il  ne  voyoit  que  Imsoulenable  arrogance  de  quelques 
barbares  envers  fe  plus  grand  souverain  de  l'univers  (i).  Ce  sont  (es 
propres  expressions  de   M.   Ellis. 

On  ne  nie  Mâiliera  pas ,  j'espère ,  d'avoir  consaaé  quelques  pages 
à  l'analyse  d'un  ouvrage  qui  en  contient  plus  de  cinq  cents,  et  qui 
roule  presque  en  entitir  sur  les  opérations  de  l'ambassade,  par  rapport 
à  son  objet  politique.  Le  but  évidemment  utile  qu'on  a  eu  en  publiant 
ce  compte  rendu ,  méritoit,  je  crois ,  qu'on  en  fît  connoîire  la  substance. 
Ainsi  qu'on  peut  le  croire ,  un  volume  qui  est  rempli  de  discussions  sur 
le  point  d'honneur  et  fétiquette,  et  où  l'on  ne  louche  qu'en  passant 
à  des  objets  d'un  intérêt  général,  n'offre  pas  une  lecture  fort  agréable. 
Le  style  de  l'auteur  se  sent  parfois  de  l'embarras  des  situations  qu'il 
avoii  à  peindre:  peut-être  M.  Ellis  eût-il  été  plus  clair,  s'il  l'eût  voulu. 
On  dit  qu'un  diplomate  exercé,  partant  pour  une  ambassade  en 
Chine,  s'éloît  muni  de  l'ouvrage  intitulé  l'Ambassadeur,  où  il  comptoit 
trouver  d'excellentes  règles  de  conduite.  A  l'avenir ,  on  pourra,  en 
pareil  cas,  consulter  avec  plus  de  fruit  un  livre  où  l'on  trouve  l'ex- 
posé de  ce  qu'on  doit  faire  et  de  ce  qu'il  faut  éviter  pour  réussir  à  la 
cour  de  Peking. 

L'auteur  a  joint  à  son  volume  un  appendice  qui  contient  (es  pièces 
officielles  publiées  lors  de  la  réception  de  l'ambassade  et  après  son 
départ  de  Peking.  On  regrette  de  ne  pas  trouver  dans  le  nombre  la 
lettre  de  l'empereur  au  prince  régent,'  laquelfe  fut  remise  i  l'am- 
bassadeur par  le  vice-roi  de  Canton.  Elle  éioit  écrite  en  chinois,  en 
mandchou  et  en  latin,  et  conçue,  à  l'ordinaire,  dans  le  siyle  d'un 
ordre:  mais,îi  cela  près,  elle  étoit,  suivant  M.  Ellrs.  beaucoup  moins 
arrogante  qu'on  ne  s'y  étoit  attendu,  et  n'offroii  réellement  rien  de 
plus  choquant  que  celle  de  Khian-loung  en  179!.  Si  cela  est,  on 
ne  voit  pas  pourquoi  la  traduction  n'en  a  pas  été  rendue  publique. 
Outre  les  pièces  officielles,  on  a  mis  à  la  tin  du  volume  un  itinéraire 
de  l'ambassade  de  l'embouchure  du  Pe-ho  à  Peking,  et  de  Peking  à 
Canton;  une  carte  de  cette  route,  le  portrait  de  lord  Amherst, 
et  quelques  vues  gravées  et  coloriées,  suivant  l'usage  qui  prévaut  en 
Angleterre  pour  les  relations  de  voyages  et  les  autres  ouvrages 
du  même  genre. 

J,  P.  ABEL-RÉMU3AT. 


(i)    ...  A  corduct,  which  he  muti  hâve  con^idcred  thc  iinwarrantable  arr 
{aDceof  Barbarians  lowardi  die  gr^tca  sovercign  of  the  univerie,  p.  4.12. 


h. 


itf  JOURNAL  DES  SAVANS. 

Correspondance  inédite  de  l'abbé  Ferdinand  Galiani 
avec  M."'  d' Epinay  ,le  baron  ^ Holbach,  &c.;  édition  imprimée 
sur  le  manuscrit  autographe  de  l'auteur,  revue  et  accompagnée 
de  notes  par  M.  *** ,  membre  de  plusieurs  académies  ;  précédée 
dune  notice  sur  la  vie  elles  ouvrages  de  l'auteur  par  Ginguené, 
arec  des  notes  par  M.  Saifi,  et  du  dialogue  de  Galiani  sur 
les  femmes.  Paris,  imprimerie  de  Belin ,  librairie  Je  Treuttel 
et  "Wiirtz,  1818,  2  vol.  in-S.",  civ,  548  et  5  ip  pages. 

Galiani  est  trop  connu  par  ses  Dialogues  sur  le  commerce  desblés, 
publiés  à  Paris  en  1770,  pour  que  sa  correspondance  n'excite  pas  la 
curiosité  des  hommes  de  lettres.  Voltaire  disoii  de  ces  dialogues,  que 
Platon  et  Molière  seinbloieiit  s'être  réunis  pour  les  composer  {1).  Il 
était  difficile,  en  effet,  de  répandre  sur  un  tel  sujet,  sinon  plus  de  lu- 
mière, au  moins  plus  d'intérêt  et  de  gaîté  :  aucun  Italien  n'avoit  écrit 
en  fiançais  avec  tant  de  grâce  ;  et  c'est  un  phénomène  qui  ne  s'est  pas 
renouvelé.  L'ouvrage  n'a  eu  cependant  encore  qu'une  seule  édition  en 
France:  mais  il  a  été  réimprimé  à  Milan  dans  la  collection  des  écono- 
mistes italiens  [2),  où  se  trouvent  aussi  cinq  livres  sur  la  monnoie, 
composés  en  langue  italienne  par  Galiani  dès  17JO,  et  un  traité  de  la 
conservation  des  grains,  qu'il  a  rédigé  dans  la  même  langue,  mais  dont 
le  fond  lui  avoit  été  fourni  par  Intieri. 

Un  dialogue  français  de  Galiani  sur  les  femmes  ,  déjà  inséré  dans 
certains  recueils  (  j),  vient  d'être  reproduit  avec  sa  correspondance.  Ceux 
qui  ont  parlé  de  cet  opuscule ,  en  ont  loué  Foriginalité  piquante  ;  mais* 
quelqu'ingénieux  que  puissent  sembler  les  paradoxesqui  le  remplissent, 
nous  ne  croyons  pas  qu'une  production  si  légère  puisse  rien  ajouter 


JANVIER    1819.  17 

dès  176s  ,  dans  la  Gazette  littéraire,  que  rédïgeoient  alors  l'abbé  Arnaud 
et  M.  Suard  ;  et  l'on  y  a  remarqué  des  conjectures  qui  sont  au  moins 
neuves  et  spirituelles  (  1  ),  Galiani  a  composé  ou  esquissé  plusieurs  autres 
ouvrages,  dont  la  plupart  sont  restés  manuscrits,  probablement  même 
fbri  incomplets  ou  seulejiienl  projetés.  II  en  entretient  quelquefois 
M.""  d'Épinay  ;  et  ce  sont  à  peu  près  là  les  ariicles  les  plus  insiructHs 
de  cette  correspondance,  du  moins  après  ceux  qui  concernent  le  com- 
merce des  blés ,  et  qui  développent  ou  éclairci^seni  certaines  opinions 
énoncées  dans  les  Dialogues. 

Galiani  a  séjourné  à  Paris  depuis  1759  jusqu'en  1769  ,  et  passé 
presque  tout  le  reste  de  sa  vie  à  Naples,  où  il  mourut,  à  59  ans,  en  1787. 
Fort  peu  de  temps  après  sa  mort ,  sa  vie  fui  écrite  enilalien  par  M.  Dio- 
dati ,  et  il  en  parut ,  dans  le  Journal  de  Paris  (2] ,  un  extrait  rédigé  par 
Mercier  de  Saint- Léger.  Une  notice  plus  riche  de  faits  et  d'observations 
est  due  i  M.  Ginguené ,  et  vient  de  passer ,  de  la  Biographie  ujiiverseile, 
dans  les  préliminaires  de  l'édition  originale  de  la  correspondance  de 
Galiani.  Elle  y  est  suivie  de  vingt-quatre  notes  composées  par  M.  Salfi, 
Napolitain  très-instruit ,  et  puisées  h-la-fois  dans  l'ouvrage  de  Diodati , 
dans  les  lettre»  de  Gnmm  et  de  M.""  d'Épinay,  dans  plusieurs  recueils 
italiens  et  français,  et  dans  les  souvenirs  du  rédacteur.  Ce  nouveau  tra- 
vail ,  ajouté  k  celui  de  M.  Ginguené  et  à  la  correspondance  même  de 
Galiani,  achève  de  faire  coiinoître  si  tojnplctemeni  la  vie  de  ce  dernier, 
qu'il  ne  resie  k  peu  près  rien  d'imporlani  à  recueillir  dans  le  volume 
de  Diodati,  dont  on  nous  annonce  néanmoins  une  traduction  française, 
Possesseur  des  lettres  autographes  de  Galiani ,  M,  Ginguené  avoit 
quelquefois  songé  à  les  mettre  au  jour  ;  et,  quoiqu'il  hésitât  à  les  en 
trouver  dignes ,  il  auruit  proliabîement  risqué  cette  publication,  s'il  eût 
assez  vécu  pour  voir  paroître  les  Mémoires  de  M."'*  d'Épinay.  Le  suc- 
cès qu'ont  obtenu  deux  éditions  [5)  des  Mémoires  de  cette  dame,  a  déter- 
mine à  publier  les  lettres  de  son  correspondant  napolitain  ;  et  l'on  s'est 
même  tellement  hâté  de  les  livrer  au  public ,  qu'une  édition  faite  sur  de 
simples  copies  très-fautives  (4)  a  devancé  d'environ  quinze  jours  celle 
que  nous  annonçons  ici ,  et  qui ,  donnée  d'après  les  originaux ,  est  hicon- 
lestablement  plus  correcte  { j  ) ,  en  même  temps  qu'elle  est  enrichie  de 

(1)  Voyez,  sur  la  neuvième  ode  du  premier  livre  et  sur  la  vingt-septième 
du  Troisième,  un  extrait  des  explications  de  Caiiani,  pag.  Ivij  cl  Iviij  despréli- 
minairei  de  ses  Lettres;  édition  de  Trcuttel  et  Wiirtz. —  {2)   lA  avril  1789, 

(î)  11  en  a  paru  une  troisième  depuis  la  piiblicaiion  des  lettres  de  Galiani, 

(4)  Palis,  Dentu,  1818,  2  vol,  l'n-^.',  xxj,  382  .t  366  page». 

(5)  t'O)*^  Journal  des  Savans,  septembre  1818, page.  569. 


% 


i8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

notes  plus  instructives  et  de  meilleurs  iiréliininairts.  L'autre,  il  le  faut 
avouer,  contient  quelques  pièces  ncc. ssoires  que  M.  Gîngueiié  n'avoit 
p.is  réunie»  à  sa  collection  ;  savofr ,  uq  petit  nombre  de  lettres  d".  Galiani 
à  Voltaire  ,  à  d'Altmbert  ,  à  Thomas  ,  à  Rayiial ,  il  Mannoiilel ,  à 
M."'  du  Bocage.  Nous  ne  prétendons  point  e:i  conclure  qu'il  convienne 
d'acquérir  ïi-b-fuis  les  deux  éditions  ;  car  ce  qu'il  nous  reste  h  dire  du 
fond  même  de  cette  correspondance ,  motiveroit  assez  mal  un  semblabis 
conseil.  . 

Si  l'on  a  rendu  quelque  service  en  la  publiant ,  ce  n'est  point  assu- 
rément k  la  mémoire  de  Galiani;  carils'y  peint  lui-même  sous  des  cou- 
leursfort  peu  honorables;  égoïste  à-Ia-fois  par  caractère  et  parsyslèn^ç; 
qui,  avfec  sésamis,  avec  ses  proches,  dans  tous  les  détails  de  ses  reUtionï 
sàcialês,  ne'peut  jamais  envisager  que  son  intérêt  personnel  le  pl^;  H~ 
■  Ptct  et  le  plus  grossier;  qut  raconte  gaîment  la  mort  de  son  ftèn,  al 
lie  s'afflige  que  des  embarras  qu'elle  lui  cause  ;  qui  s'écrie ,  du  fond  diC  son 
ame  :  peste  soit  du  prochain  !  il  n'y  a  pas  de  prochain  ;  qui  ne  croit  rf'n ,  de 
rien,  en  rien,  sur  rien,  n'a  point  d'opLiioiis  de  peur  d'avoir  une  conscience, 
et  de  toiqber ,  non  dans  quelque  erreur ,  ce  n'est  point  là  ce  qui  le  touche , 
iTfais  dans  les  liens  de  quelque  règle  ou  de  quelque  habitude  morale  ;  qui 
se  moque  de  si  propre  doctrine  économique  et  de -ceux  qui  la  trouvent 
profonde,  tandf^  qu'e//e  est  creuse,  dii-îl,  et  qu'i/  n'y  a  rien  dessous  ;  qui 
néanmoins  s'irrîie  jusqu'à  la  fureur  contre  ceux  qui  la  contredisent,  ks 
accalmie  d'injures  et  de  calomnies ,  les  dénonce  comme  des  séditieux ,  et 
se  plaint  sérieusement  qu'on  ne  les  ait  pas  envoyés  au  For-l'Evêqucou 
h  la  Bastîtie;  qui,  portant  luj-mèmi;  au-deik  de  toute  limite  la  licence 
des  idées  et  quelquefois  des  expressions ,  recommande  la  plus  dur.e  into- 
lérance ;  et ,  chargé  k  Naples  de  la  censure  des  pièces  de  théâirei  com- 
mence par  interdire  la  représenlatiop  du  Tartuffe;  qui  se  v.uile  enfin 


I 


JAliJVlER   1819;  19 

prfe  des  ininisires  contre  îon  débiteur.  Ses  lettres  sont  remplies  de 
beaucoup  d'autres  plaintes  ,  mais  qui  prouvent  seuieiiieiil  combitn  il 
mériloit  peu  qu'on  prît  lii  peine  de  l'ohligT,  Jntnais  il  n'est  satisfait 
des  services  qu'on  veut  bien  iiii  rendre  ;  et  il  iie  sait  fiiire ,  au  lieu  de" 
remerchnens,  que  des  réprimandes  anicres  et  hautaines.  Rien  n'égale 
l'idée  qu'il  avoit  conçue  de  son  importance  personnelle,  du  rang  qu'il 
occupoit  dans  le  monde  et  dans  la  république  des  lettres.  On  le  pla- 
ceroit  trop  au  dessous  de  celui  qu'il  mérite,  si  l'on  n'avoit  égard  qu'à 
sa  vanité  puérile.  !I  s'installe  ,  sans  aucune  façon,  à  côté  de  Monies- 
quieu  et  de  Voltaire ,  et  parle  avec  dédain  de  plusieurs  autres  hommes 
célèbres  dont  il  est  probable  que  la  réputation  surpassera  toujours  de 
beaucoup  la  sienne. 

Parmi  les  jugemens  littéraires  épars  dans  cet(e  correspondance ,  il 
eh  est  qui  supposent  à*  un  assez  haut  degré  le  talent  d'observer ,  ei  la 
connoissance  de  la  thé'irie  générale  des  beaux  drVs.  Nous  indiquerons 
pariiailièreinent  une  suite  de  lettres  écrites  en  ]  77  j ,  et  qui  concernent 
)>lusieurs  pièces  de  notre  théâtre  que  représentoient  alors  à  Naptes 
des  acteurs  français.  Galiani,  en  rendant  compie  et  des  impressions 
qu'il  reçoit  et  de  celles  qu'éprouvent  ses  conipatrioies  moins  cultivés 
que  lui,  jette  des  regards  pénéirans  sur  les  ouvrages  mêmes  et  en 
apprécie  avec  finesse  les  beautés  et  les' défauts;  Ses  critiques  sont'oi^dî- 
nairemenl  assez  justes,  qicind  il  n'est  |>oiiit  égaré  par  les  paradoxes 
qui  lui  tenoient  lieu  de  iiior^le.  Si  l'on  f;li^oît  lanalyse  de  ses  réflexions 
sur  Alzire,  on  verroit  qu'elles  se  réduisent  à  trouver  mauvais  que  tous 
les  personnages  de  cette  tragédie  soient  ou  deviennent  vertueux  :  les 
passions  et  les  attentats  qu'elles  provoquent,  ne  suffisent  point  h  Galianr; 
il  n'est  pleinement  intéressé  que  par  le  speciacie  des  vices;  et  c'est  alors 
qu'en  effet  il  se  montre  un  connoisseur  très-écl;iiré. 

llavoîlfait  une  étude  >pécialede  i'artdraniniique;carll en  parle  souvent, 
nidniè  en  traitant  d'autres  sujets  :  par  exemple,  dans  un  morceau  sur  la 
curiosité,  dont  il  adjnire  lui-même  la  profondeur  ,  et  que  nous  citerons, 
d'après  lui,  comme  l'un  des  plus  remarquables  que  ces  deux  volumes 
puissent  offrir.  «  La  curiosité  est  une  passion  ,  ou,  si  vous  vouftz ,  une 
>)  sensation  qui  ne  s'excite  en  nous  que  lorsque  nous  nous  sentons  dans 
»  une  parfaite  sécurité  ;  voilà  l'origine  de  tous  les  spectacles,  Coih- 
n  mentez  par  assurer  des  places  aux  spectateurs ,  ensuîle  exposez  S  leurs 
»  yeux  une  grande  catastrophe  ;  tout  le  monde  court  et  s'occupe.  Cela 
»  conduit  à  une  autre  idée  vraie  :  c'est  que  mieux  le  spectateur  est  placé  , 

plus  le  risque  qu'il  voit  est  grand ,  plus  il  s'in'ércsse  au  spectacle  ;  et 

ceci  est  la  clef  de  tout  le  secret  de  l'art  tragique ,  comtque ,  &c.  II 


i 


^9 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


nfâut  présenter  des  gens  dnns  la  position  la  plus  embarrassante  à  des 
»  speciatetirs  qui  jouÎ!>sent  d'une  grande  tranquillité.  II  est  si  vrai  qu'il 
»  faut  commencer  par  mettre  bien  à  leur  aise  les  spectateurs,  f  Vf/ que, 
»  s'il  pieuvoit  dans  les  loges  ,  si  le  soleil  donnoit  sur  l'amphiihéàire ,  le 
»  spectacle  seroit  abandonné, ..  Voilà  pourquoi  il  faut,  dans  tout  poème 
»  dramatique,  que  la  versification  soit  heureuse,  le  langage  naturel,  la 
»  diction  pure.  Tout  mauvais  vers,  obscur,  entortillé ,  est  un  vent  coulis 
»  dans  tine  loge.  Il  fait  souffrir  le  spectateur ,  et  alors  le  plaisir  de  la 
»  curiosité  cesse  lout-à-fâii. . .  Ainsi  b  curiosité  est  une  suite  constante 
»  de  l'oisiveté  ,  du  repos ,  de  ia  sûreté.  Voili  pourquoi  Paris  est  la 
i>  capitale  de  la  curiosité;  Lisbonne,  Naples,  Constantinople,  en  ont 
M  moins  ou  presque  point.  Les  animaux  n'en  ont  pas  même  l'idée...  Si 
»  les  bétes  donnent  quelque  signe  qui  nous  paroît  de  ia  curiosité,  c'est 
»  répouvante  qu'elles  prennent ,  et  rien  autre  chose.  On  peut  épou- 
»  vanter  les  bétes,  on  ne  sauroit  les  rendre  curieuses.  Si  la  curiosité  est 
M  impossible  aux  bétes ,  Thomine  curieux  est  donc  plus  homme  qu'un 
»  autre  homme. . .  Le  peuple  le  plus  curieux  a  donc  plus  d'hommes 
»  qu'un  autre  peuple.  » 

Les  lecteurs  de  cette  correspondance  y  distingueront  aussi  des  ré- 
flexions plus  ou  moins  originales  sur  le  fatalisme ,  sur  les  religions  et  Tin- 
crédulité,  sur  fambilion  et  l'ennui,  sur  les  tesiamens,  sur  l'éducation ,  sur 
Cicéron ,  Louis  XIV ,  et  d'autres  personnages  célèbres.  Presque  paMout 
les  pensées  de  l'auteur  tiennent  à  son  caractère  et  à  fidée  générale  qu'il" 
s'est  formée  de  la  condition  humaine  et  de  la  vie  sociale.  C'est  ainsi  qu'il 
pense  que  l'éducation  consiste  à  ilagitr  et  amputer  Us  talens  naturels , 
pour  donner  place  aux  devoirs  sociaux ,  qui ,  selon  lui ,  se  réduisent  à 
deux  points ,  supporter  l'injustice  et  souffrir  l'ennui.  On  prévoit  assez  qu'il 
doit  trouver  trop  de  morale  dans  les  écrits  de  Cicéron ,  et  trop  peu  de . 
machiavélisme  dans  s.t  conduite  politique.  La  question  qu'on  aurott  sans 


* 


JANVr 

à  son  opinion  ;  mais ,  avec  M.""  d'Epinay ,  i(  donne  une  plus  lihre  car- 
rière à  ses  idées ,  et  lais-e  trop  \  oir  qu'elles  reposent  principalement  sur 
une  hypothèse  dont  il  éioit  fort  engoué  t  et  qu'il  exprimoit  en  ces  termes: 
Tout  It  syrllme  actuel  Ht  tous  Its  Etats  du  mondr  tst  fondé  sar  une  ancienne 
violence  qu'on  a  faite  et  soutenue  contrt  les  possesseurs  Jis  seuls  vrais  biens. 

Enfin,  pour  ne  rien  ouMitr  de  ce  que  ces  deux  volumes,  en  général 
si  fiiiiles ,  ptuvent  receler  de  tant  soit  ['eu  instructif,  nous  indiqueront 
encore  la  réponse  aux  questions  proposées  par  M,  de  Sartines ,  sur  les 
nionts-de-  piété.  La  première  de  ces  demandes  étoît  de  savoir  quel  est  le 
bien  ,quel  est  le  mal  que  causent  ces  établiasemens,  el  lequel  prédominer 
Galiani  ne  veut  répondre  k  cette  question  qu'après  avoir  traité  toutes  les 
autres  ;  et  c'est  à  la  suite  d'un  exposé  fort  précis  d'un  grand  nombre  de 
détails ,  qu'il  termine  ainsi  son  mémoire  ;  «  II  y  a  du  bien  et  du  mal, 
»  comme  dans  toutes  les  choses  humaines.  Le  calculer  en  général  est 
"Une  entreprise  au-dessus  des  forces  de  l'entendement  humain,  et  il 
«  n'y  auroit  qu'un  économiste  h  tète  échauffée  qui  s'avi-eroit  de  donner 
»  une  décision  sur  cela.  Le  calculer  au  méndien  de  Paris ,  c'est  possiljle  ; 
»  mais  c'est  toujours  l'ouvrage  de  quelques  mois ,  et  l'affaire  d'un  vo- 
»  îume  in-8.' ,  imprimé  chez  un  honnête  imprimeur,  s'il  y  en  avoit.  Je  ne 
ï>  refuserois  pas  de  le  composi-r,  lanc  je  Jjrûle  de  plaire  à  l'illustre  ma- 
»  gistrat  qui  m'honore  de  sa  correspondance,  si  j'en  :ivoîs  le  temps.  J'ai, 
»  en  attendant ,  l'orgueil  de  croire  qu  if  lui  suffira  que  je  dise  mon  avis , 
»  et  qu'un  ou  plusieurs  monts-de  piété  seroient ,  dans  les  circonstances 
»  actuelles,  fort  utiles  à  Paris.  » 

Quoiqu'en  général  le  ton  de  cette  correspondance  soit  naturel,  animé, 
facile;  quoiqu'on  soit  frappé  quelquefois  de  la  vivacité  el  même  de  la 
nouveauté  dei  expressions,  le  style  en  est,  à  tous  égards,  extrêmement 
inférieur  îi  celui  des  Dialogues  sur  le  commerce  des  blés  ;  soit  que  ces  dia- 
logues aient  été  beaucoup  plus  retouchés  par  les  amis  de  Galiani  qu'il 
ne  le  fîiit  entendre  dans  une  lettre  h  M"".  d'Epinay;  soit  que  l'auteur  ait 
perdu ,  en  vivant  à  Najiles ,  le  rare  talent  d'écrire  en  français ,  qu'il  avoil 
acquis  à  Paris. 

Un  avaniage  que  pourroit  avoir  la  publication  de  ces  lettres,  seroit 
d'avertir  les  hommes  qui  ont  une  réputation  littéraire ,  de  ne  rien  laisser 
dans  les  leurs  qui  puisse  un  iour  la  flétrir.  Galijui  toutefois  prévoyoït 
qu'après  sa  mort  on  imprimeroil  les  siennes ,  et  n'en  avoil  pas  plus  la 
volonté  ou  le  pouvoir  de  s'y  montrer  homme  de  bien.  A  la  vérité,  il 
conçoit  de  vives  alannes  lorsqu'il  apprend  qu'elles  ont  pu  tomber  sous 
les  yeux  de  Garampi.  nonce  en  Pologiie,  ci  se  plaiiit  amèrement  de« 
périls  auxquels  on  l'expose,  si,  par  ces  comipunications  imprudentes. 


i 


?2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

la  cour  de  Rome  vient  à  connoîire  toutes  fes  libertés  qu'if  se  donne. 
Mais,  aux  yeux^de  la  postérité,  il  na^pire  qu'à  passer  pour  un  homme 
de  beaucoup  d'esprit;  et  le  jugement  quelle  portera  de  ses  moeurs  et 
de  son  caractère»  lur  importe  si  j)eu,  qu'en  disant  avec  franchise  tout 
ce  que  nous  en  pensons ,  nous  n'avons  fait  qu'user  du  droit  que  nous 
laissoit  son  insouciance. 

DAUNOU. 


Histoire  du  passage  des  Alpes  par  An  ni  bal,  dans 
•  "  laquelle  on  détermine  d'une  manière  précise  la  mute  de  ce 
général,  depuis  Carthagène  juscju'au  Tésin,  d'après  la  narra- 
tion de  Polybe ,  comparée  aux  recherches  faites  sur  les  lieux  ; 
suivie  d'un  examen  critique  de  l'opinion  de  Tite-^Live  et  de 
•  celle  de  quelques  auteurs  modernes  ;  par  i.  A.  Deluc  fils,  avec 
une  carte.  Genève,  chez  Paschond.  in-S.^  de  3  18  pages. 

Quand  on  fait  attention  à  tous  les  obstacles  qu'Annîbal  devoit  ren- 
contrer dans  son  expédition  en  Italie ,  on  ne  peut  s'empêcher  de  la 
regarder  comme  une  des  entreprises  les  plus  extraordinaires ,  les  plus 
audacieuses,  qu'un  général  ait  jamais  tentées.  Le  passage  du  Rhône  et 
sur^tout  celui  des  Alpes ,  les  deux  circonstances  les  plus  mémorables 
de  cette  expédition,  ont  sur-tout  excité  l'attention  des  militaires  et  des 
érudits;  elles  ont  été  le  sujet  d'une  multitude  de  dissertations:  après 
beaucoup  de  discussions  et  de  recherches ,  on  n'est  parvenu  à  s'accorder 
que  sur  un  très-petit  nombre  de  points;  mais,  relativement  à  la  partie 
des  Alpes  qu'Annibal  a  dû  traverser,  les  avis  sont  demeurés  partagés 
jusqu'ici  ;  chacun  a  cru  avoir  de  bonnes  raisons  pour  ne  se  pas  rendre  à 
l'opinion  des  autres. 

La  cause  d'une  telle  disidence  dans  une  question  qui  semble  devoir 
être  résolue  à  la  simple  inspection  d'une  carte ,  tient  au  peu  d'accord 
qu'on  a  cru  trouver  entre  le  lexte  de  Polybe  et  celui  de  TiteLive, 
les  deux  seuls  historiens  auxquels  nous  devions  des  détails  sur  ce  point 
curieux  d'histoire;  et,  à  vrai  dire,  la  discussion  de  leurs  textes  présente 
db  graves  difficultés.  Quelques  critiques,  pour  simplifier  la  quesfion, 
o*»t  pris  le  parti  de  choisir  l'un  des  deux  témoignages  en  négligeant 
Tâutre.  Les  uns  ont  préféré  Polybe ,  comme  plus  véridiqne  et  mieux 
instruit  des  localités ,  puisqu'il  avoît  exprès  passé  les  Alpes   (i) ,  pour 


(1)  Polyb.  lu,  4B,fin,  éd.  Sclmnigh. 


ê 
i 


I 


JANVIER    1819.  îj 

(econnoîire  la  route  d'Amiiljal  :  il  en  est  d'autres  ,  au  contraire,  qui 
ont  mieux  aimé  suivre  rhîstoritn  latin  ;  ils  se  sunt  fondés  sur  ce  que 
les  Afpes  étoieni  mieux  connues  de  son  temps  que  du  temps  de  Po- 
iy'ie  ;  ils  ont  préiendu  que  s'il  s'tst  écarté  du  récit  de  ce  dernier,  c'est 
quif  a  eu  de  bonnes  raisons  pour  le  faire. 

Ce  choix  plus  ou  moins  ariiitraiie  entre  les  deux  autorités  principales, 
et  les  difficultés  que  présentent  d'ailleurs  Jes  textes  de  PoiyJje  et  de 
Titi-Live,  même  en  les  prenant  isolément,  ont  donné  naissance  à  deux 
opiiiioDt  principales:  ceux  qui  ont  suivi  exclusivement  Tiie-Lîve,  ou 
qui  ont  cherché  h  concilier  les  deux  historiens,  fnnt  passer  Annibal  par 
le  mont  Genèvre  ;  ceux  qui  abandormeat  loui-ii-iail  'Tite-Live,  placent 
plus  au  nord  le  lieu  du  passage. 

La  première  opinion,  mise  en  avant  par  Folard,  est  la  plus  géné- 
ralement adoptée  ;  c'est  en  efi'et  celle  qui  explique  le  plus  de  diffi- 
cultés. Néaniuoins  les  critiques  qui  l'adoptent  ne  sont  pas  d'accord  sur 
la  route  qui  a  conduit  Annibal  des  bords  du  Rhône  au  mont  Genèvre. 
Parmi  ceux  qui  font  passer  Annihnl  an  nord  de  celte  ironiagne,  il  en 
est  qui  conduisent  ce  capitaine  jusqu'à  l'entrée  du  V;i!ais  et  lui  font 
franchir  le  grand  Saint- Bernard  ;  d'autres  ont  voulu  prouver  que  le  mont 
Ccnia  est  le  lieu  du  passage;  endn  le  général  écossais  Alelville,  en 
*77i  >  crut  avoir  découvert  que  le  passage  s'étoît  effeciué  par  le  petit 
Saint-Bernard  :  c'est  celte  dernière  opinion  que  M.  Deluc  fils  a  em- 
brassée, après  avoir  parcouru  plusieurs  jioiats  des  Alpes,  dans  l'inten- 
tion de  s'éclairer  à  ce  sujet. 

Cette  ojïinion  est  certainement  fort  plausible  ;  et  M.  Deluc  fils  a  réitiw 
avec  habileté  tous  les  albumens  qui  pouvoîent  servira  l'étayer  :  mais  elle 
est  bien  loin  de  satisfaire  <i  des  conditions  indispensables,  don  1  il  neparoît 
pas  avoir  senti  toute  la  nécessité.  Le  principal  inconvtnient  qu'elle  pré- 
sente, c'est  de  mettre  ceux  qui  l'adoptent  dans  l'obliginidn  de  rejeter 
entièrement  le  témoignage  de  Tite-Live.  Par  ce  moyen ,  on  se  débarrasse 
d'une  difficulté  considérable,  celle  d'accorder  ensemble  les  deux  histo- 
riens ;  on  élude  ainsi  les  objections  les  plus  fortes ,  ce  qui  est  plus  facile 
que  d'y  répondre  :  mais  une  pareille  méthode  de  procéder  est  arbitraire. 
Tite-Live,  en  historien  qui  vise  h  l'elTet,  mêle  h  son  rédi.  Il  est  vraî>  une 
circonstance  évidemment  fabuleuse,  l'emploi  du  l'eu  et  du  vinaigre: 
toutefois  il  est  douteux  que  cette  fable  soit  de  son  invention,  comme 
on  s'est  plu  à  le  répéter;  c'est  probablement  une  de  ces  traditions  popu- 
laires qui  durent  leur  oiigine  h  l'étonnement  dini  la  marche  merveilleuse 
d'Annîiial  avoit  frappé  tous  les  esprits  :  Polybe ,  en  effet ,  reproche  aux 
historiens   d'Annibal  ,  d'accueillir  de  ces  traditions  mensongères  pour 


«4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

reildre  leur  narration  plus  attachante  et  plus  dramatique  (  i  ).  Appîen  Ittî- 
méme  ne  dédaigne  pas  de  rapporter  cette  fable  (2)  :  il  n'est  donc  pas 
surprenant  que  Tite*Live  fait  insérée  dans  son  histoire.  Mais  on  n'est 
pas  en  droit  d'en  conclure  que  cet  auteur  a  bouleversé  h  dessein  la  géo- 
graphie des  contrées  traversées  par  Annibal  :  or  on  ne  peut  le  soupr 
çcniier  de  lavoir  fait  par  ignorance ,  la  Gaule  étant  trop  bien  connue  des 
Romains  dans  le  premier  siècle  avant  noire  ère.  Son  témoignage  mérite 
donc  évidemment  beaucotlp  d'attention  ;  et  c'est  ne  pas  se  conformer 
aux  règles  d'une  saine  critique,  que  de  commencer  par  fe  mettre  tout- 
à-fàit  de  côté. 

'  D'après  ce  premier  exposé  ,  il  est  clair  que  M.  Deluc  fils  n'a  pas 
pris  la  marche  qui  devoit  le  conduire  à  la  vérité  ;  aussi  n'a-t-il  pu  réussir 
à  expliquer  complètement  Polybe  lui-même,  et  cela  {>ar  la  raison  que 
Polybe  et  Tite-Live  sont  nécessaires  à  l'explication  fun  de  l'autre.  C'est 
ce  que  nous  allons  prouver  en  examinant  l'opinion  de  M.  Deluc  fils, 
ou  plutôt  du  général  Melville.  Nous  Verrons  que,  dans  Tite  Live  ,  il 
n'y  a  pas  un  seul  mot  à  changer  pour  faire  coïncider  son  texte  avec  celui 
de  Polybe  :  nous  entreprenons  cette  discussion,  parce  qu'il  nous  parait 
que  plusieurs  passages  des  deux  historiens  ont  été  généralement  mal 
compris. 

M.  Deluc  donne  d'abord  quelques  considérations  sur  les  différens 
passages  des  Alpes;  et  il  commence  par  hire  une  inadvertance  assez  sin« 
gulière  ,  qui  influe  sur  toui  le  reste  de  sa  dissertation,  ce  Polybe ,  au 
y>  rapport  de  Strabon  (  c'est  M.  Deluc  qui  parle  ) ,  disoit  qu'il  y  avoit  de 
»  son  temps  quatre  chemins  pour  passer  en  Italie  :  1  /  par  la  Ligurie,  près 
*»  de  la  mer  Tyrrhéniénne,  passant  par  Gènes,  Savone ,  Monaco ,  Nice  ; 
»  2.*  par  le  pays  des  Taurini ,  passant  par  la  vallée  d'Exilles,  le  mont 
»  Genèvre,  Briançon  ;  3.**  par  le  pays  des  Salassi  ou  le  val  d'Aoste, 
*>  traversant  le  petit  Saint-Bernard;  4-'*  par  les  Grisons^/?,  /j>/»  II  s'agit 
maintenant  de  savoir  lequel  de  ces  quatre  chemins  AnnibalSivoit  choisi  ; 
or  c'est  ce  que  Polybe  a  le  soin  de  nous  apprendre,  dans  ce  même  texte 
que  M.  Deluc  a  cité,  mais  dont  il  a  oublié  de  rapporter  la  circonstance 
la  plus  importante.  Le  voici  traduit  littéralement  par  M.  Coray  :  «  Po- 
9  fybe  nomme  quatre  passages  [des  Alpes  ];  l'un,  par  la  Ligurie,  près 
n  de  la  mer  Tyrrhéniénne  ;  unautre,^^/  est  celui  par  lequel  Annibal  passa, 
9  et  qui  traverse  le  pays  des  Taurini  (%t'm  w  J^  TajoeAtm^  if  ÀpfiCac 
»  JKf^df r  )  ;  un  troisième ,  qui  passe  par  le  pays  des  Salassi  ;  et  un 


(i)  Polyb.  m,  47^ /.  6.  — -  (2)  Appian.  de  BiUo  AnnibaL  /.^^  éd.  Schweigk» 


JB- 


Janvier  i3ig 


celui  des  Rhai't  (  i  ).  »  Ainsi 
t  louie  apparence,  n'est  que  i< 


»»  qaairîènte, 
phie,  qui,  se 

toîre  (a) ,  dit  fomielieineju  qu'AiiniLal  a  passé  par  le  jiays  cies  Tatirini, 
c'est-à-dire,  par  le  mont  Genèvre,  comme  M.  Deluc  le  reconnoît.  Con- 
cevroit-on  inainleunnl  que ,  dans  le  corps  de  l'histoire ,  il  se  fût  contre- 
dit au  point  de  conduire  Ajiniliafpar  le  petit  Saint- Bernard  î  On  ne  dira 
point  que  les  mois,  ^ui  est  celui  par  lequel  Anniiûl  passa ,  ioin  une 
addition  de  Sirabon.  D'abord  ,  ce  seroit  une  supposition  purement 
gratuite,  attendu  que,  dans  tout  ce  qui  procède  et  ce  qui  suit,  cet 
auteur  ne  fait  que  rapporter  les  opinions  et  les  propres  paroles  de  Po- 
lybe  :  ensuite  on  ne  gagiieroit  rien  par  cette  supposition  ;  car  cette 
addition  même  auroit  dû  être  prise  dans  Polylie ,  que  Sirabon  suit  sanJ 
restriction  pour  tout  ce  qui  concerne  les  Alpes.  D'aiileurS,  cette  circons- 
tance est  toutà  fait  t-n  harmonie  avec  ce  que  Polybe  raconte  plus  bas  ; 
savoir,  que  les  Taariai  furent  les  premiers  peuples  qu'Aatiibal  rencontra 
i,  la  descente  des  Alpes  (}).  Enlin,  selon  Tite-Live,  l'hisiorien  Cincîut 
Alimentus  altestoit  avoir  entendu  dire  à  Annibai  lui-même  qu'il  avoît 
perdu  trente-six  mille  hommes  depuis  le  passage  du  Rbùne  jusqu'à  son 
arrivée  sur  le  territoire  des  Taurini ,  la  première  nation  qu'on  trouve  eJl 
descendant  dans  l'Iialie  (4.)  ■  Certes ,  si  M.  Deluc  eût  fait  atiention  au  pas- 
sage de  Polybe  qu'il  a  cité  sans  avoir  remarqué  ce  que  ce  passnge  offri 
de  caractéristique  et  de  décisif,  ÎI  auroit ,  dès  l'aljord,  abandonné  l'opinion 
dg  général  Melville ,  comme  insoutenable  en  bonne  criiique;  et  il 
auroit  été  plus  disposé  à  l'indulgence  à  l'égard  de  Tiie-Lïvé ,  qui ,  en 
conduisant  Annibai  par  Je  mont  Genèvre,  est  d'accord  avec  le  témo»' 
gnage  si  formel  de  Polybe. 

Mais  il  faut  suivre  Al.  Deluc  dans  le  développement  de  son  opinion, 
et  montrer  que  les  deux  historiens  s'accordent  sur  tous  les  points  prin* 
cipaux. 

On  ne  conserve  plu»  de  doute  depuis  long-temps  sur  le  lieu  où  An- 
nibai a  passé  le  Rhône  ;  on  convient  que  c'est  un  peu  au-dessus  de 
Roquemaure,  à  neuf  ou  dix  mille  toises  au  nord  d'Avigjion. 

Après  le  passage  du  Rhône,  «  Annibai ,  dit  Peiyhe,  marcha  le  long 
mât  ce fieuvt ,  en  s'éloignant  delà  mer;  il  s'avant^oit  \  peu  prés  veri 
ï>  l'est  (î),  dans  l'intérieur   de  l'Europe  (6) Après  une  marche  de 

(i)  Slrab.  JV^^.iej.fi/.  CflJ-  —  Trad.frnn^.  t.  II,  p.  lo^  —  (2)  Schweigh. 
ad  Pol^b.  I!b.  xxxsv,!.  VIII,  p.  ios-  —  (î)  Polyb. /y/,  tfo, /.  ,?, — 
(4)  ni.  Liv,  XXI  ,jS.  —  (î)  Il  faut  je  souvenir  ici  que  Polybe  faisoii  couler  le 
Khône  du  N.  E.  au  S.  O,  n£^(  wV  ;(w>mwi«V  Swf  t  ^'^>  *7 1  S-  ^J-  — 
(6)Poljb.  Il  1,4./,  S-  /■ 


i 


h  joufti^ÀL  ritS  saVans, 

M|(taatre  jours  consécutif' (t^  (lepuisfè  fieu  du  passage, 'AnhibaT  arrîvi 
»  à  ce'qu'on  appelle  VIU,  pays  peuplé  et  fertile  en  blé  :  il  doit  son  nom 
»  [dVIe  J  â  ee  que  le  Rhône,  d'itne  part  (tS  |m»  ^  ï  ^eAréf),  l'Isaras, 
»  de  l'autre  {  tj  A  à  isXpAï  ] ,  coulant  le  long  de  chacun  de  ses 
m  côtés ,  lui  donnent,  p'ai;  lAir  réunion,  une  forme ,[  triangat!Ùre,]\  dont 
>  Je'wmmèt  eistV  feûf  confluent  (2].  II  a' en  effet  de  h  ressemblance ^  par 
n  sa'fbnne  et  sa  grandeur,,  avec  le /)r/r;r  d'ÉgypIe,  excepté  que,  dans  ce 
,a»dérnfei',  c'est  la  mer  dui  forme  le"  côté  compris  entre  les  [deux} 
"branches  |/ïu  Nil  J ;  tartes  que,  ce  soiit  des  montagnes  très-difficH«s 
»â  traverser,  et,  pour  ainsi, dire,  presque  inaccessibles,  qui  déter- 
»  minent  un  des  côtés  de  l'iEë..  » 

Voilà  le  premier  texte  de  Polybe  sur  lequel  on  s'est  partagé  d'opi- 
qjon  :  les  uns  ont  prétendu  ^e  la  rivière  dont  parle  ici  Polybe  est  la 
Saohe ,  et  que  JV/f  est  Tespace  compris  çntre  fa  Saône  et  le  Rhône  ;  des 
éditeurs  ,  et  Casaubon  ii  leur  tête,  ont  même  eu  la  témérité  de  porter 
ÂPttesè.et  Arar  dans,  les.fexies  de  PoIyBeet  de  Ttte-Live;  d'autres>  tels 
que  Folard,  Cluverius,  Maïuîajors,  &c.,  y  ont  reconnu  l'Isère.  Cette 
opmipn  est  de  toute  certitude.  En  effet;  TemboHchare  de  cette  rivière 
e^t'à  environ cinquaiite-sixmilleçiiiq cents  toises  de  l'endroit oiiAnnîbala 
p^sé  le  Rhône;  cet  intervalle'  a  été  parcouru  en  quatre  jours  consécutifs  i 
c'est  quatorze  mille  cent  toises  oti  envîroncinq  lieues  et  demie  par  jour  ; 

,pîioportÎ9a  moyenne  qui  convient  parfaitement  et  à  la  promptitude, 
avec  laquèfle  Amiibal  yoûlbit,  s'éloigner  des  Romains ,  et  en  même 
temps  .à  l'obligation  où  il  étôit  de  traîner  tous  ses  bagages.  En  outre , 
Polybe  coinpte  quatorze  cents  stades  depuis  le  passage  du  Rhône  jusqu'à 
ta  montée  des  Alpes  (j)  ;   dans  un  autre  endroit,  tl  dit  qu'Annibal-a, 

j^arcouru  huit  cents  stadei  dï^pub  î'f/^  dont  il  s'agit  et  la  montée  des 


JANVIER  1819. 
Alpes  (1)  :  c'est  donc  six  cenis  sudei  depuis  le  passage  jusqu'à  la  rr- 
vière,  ou  75  milles  romains,  sur  le  pied  de  !iuil  siades  |iour  un  mille  : 
or,  75  milles  romains  font  envirmii  cinquaiiie-sept  mille  loises;  c'est»» 
h  très-peu  près,  la  mesure  de  ciiiquanie-six  njille  cînq  cenis  toises  que 
la'carte  donne  entre  remboucbiire  de  Tlsére  et  ie  lieu  où  Aiinibal  a, 
passé  le  Rhône  (2). 

Ji  est  donc  hors  de  doute,  d'après  ces  rapproch€tnensq[ueM.Deluc  fait 
habifement  ressortir,  que  l'Isère  l>ornoit  \'!/e  dont  parle  Polybe.  Nous 
ajouterons  il  cela  que  le  nom  n'en  est  pas  !i  beaucoup  près  aussi  altéré 
qu'oiise  l'imagine.  Les  variaales  donnent  tb  Jt  ïKfil'Aï.Tj  J^SKOPAS, 
et  enfin ,  dans  quatre  manuscrits ,  t»  Jli  2KA  Paï  :  d'apiès  te';  dillérente» 
leçons,  la  phrase  seroit  inrorrecie  ;  il  manquerait  devant  le  nom  de  ce 
fleuve,  l'arlitle  qui  est  devant  «  VaJkrit.  Aussi  Holslenius  a*-t-il  fait 
voir  avec  sagacité  que  lkÀpaï  ou  ckapac  est  tout  simplement  un 
mot  mai  lu  ;  c'est  fa  même  chose  que  ô  icAPAC  (î)  :  et  M.  Schweig- 
hsCuser,  en  recevant  cette  leçon  dans  le  lexte  de  son  excellente  édition  > 
s'est  montré ,  comme  à  son  ordinaire  ,  tidèle  aux  règles  de  la  oitique 
la  plus  rigoureiue. 

Quant  il  ce  que  Polybe  appelle  /"ife,  habitue,  dii-il,  par  les  AIIo- 
hroges,onne  peut  trouver  un  canton  qui  ressemble  mieux  £1  la  description 
de  cet  historien,  que  la  presqu'île  comprise  entre  l'Isère  au  sud  et  au  sud- 
est,  le  Rhône i  roueitct.iunord:elleaen  eftet  beaucoup  de  ressemblance 
avec  un  de/tti,  dont  le  soinfuçt,  comme  le  dit  Polybe,  est  au  confluent 
du  Rhône  et  de  flsère';  et  le  côté  oriental  est  formé  par  la  chaîne  es- 
carpée où  sont  placés  le  chemin  des  Echelles  et  la  gnnde  Chartreusa, 
Cette  île  est  donc  Vinsula  AUabrdgum.  Quoiqu'elle  soit  moins  éten^ve 
que  le  âclta  d  Egypte ,  sa  grandeur  autorise  cependant  l'espèce  de  com- 
paraison que  Polybe  en  fait  avec  le  delta. 

Jusqu'ici  Polybe  n'offre  aucune  difficwlté  ;  et  Tîie-Live  est  d'accord 
avec  lui  ;  Postera  die  ,  dit  ce  dernier ,  projcctus  (al.  provectus)  ûdversâ 
ripa  Jîkedani ,  miditciranra  Calilm  pttîl  :.  non  quia  mrior  ad  Alpts 
yiàcsset,  sed  quantum  à  mari  rrcfîsisset,  minus  obvium  fort  RomMnum  crc- 

(0  ?<'\^h.iii,p.  /. /,  — (2)Irf.  lii.is.  i-  8- 

(2)  L'auicur  J'unedissettaiion  inst-fce  dans  \ei  Annalmdts faits  iT'c.  iniiirairet 
(juillet  1818,  p.  196),  compte  32  lieues  du  paisage  du  Rhôneà  l'iscre,  ci  trouve 
en  conséquence  le  ehim  n  irop  long  pour  quatre  jeurs.  J'ignore  de  qnelle  cane 
il  l'est  servi  :  celle  lie  Cassini  donne  ^6,}0O  torses  au  plus,  ou  32  |  lieu»  de  20 
an  degré. 

(î)  M  n'y  a  rien  de  si  commun  <jue  le  changement  de  O  en  C[S%  et  réci^   , 


proquemcnt:  atpsi 


li  l'on  l: 


■nt  dans  le. 


scrits  Sr  pour  or. 


■S«  JOUHNAt  DES  SAVANS, 

Jttu  :  tam  qt» , priusquam  in  Italiam  vtMttmfortt,  non erat  in  antmo  m'mai 
tonstrere.  Quanis  castris  ad  insalam  ptrvtnit  :  ibi  Isardr  Rhodanus'qwi 
«mnes divtrsis  tx  Alpibas  dtcurrentes,  agri aliquantùm  (al.  atiquaniilintt), 
amplexl ,  confiuunt  in  unum ; mediis campîs  insula  nomtn  inditum  {i),  &fi' 
On  retrouve  ici  tout  Polybe.  i.*  Aniiîbal  remonte  fe  long  du  Rhâne. 
tdvtrsa  ripai  2.° il  airiveànieenquatre  jours  démarche,  quartis easnit ;■ 
}."  cette  île  est  formée  par  la  réunion  du  Rhône  avec  une  autre  rivière 
dont  le  nom  varie  dans  les  manuscrits.  On  y  ^pervmilibi  Ara,  ou  ihiqut 
Arar,  ou  ibi  Arar,oa  enfin  Bisarar:  de  la  [comparaison  de  ces  leçons 
avec  la  dernière ,  il  sort  évidemment  ibi  Isarar  ou  Isara,  qui  est  h 
leçon  véritable.  La  seule  difficulté  consiste  dans  les  mots  a^i  atîquantàm 
qui  sembleraient  indiquer  un  canton  plus  petit  que  Tîle  des  Allobroges  : 
cependant,  à  la  rigueur,  Tite-Iive  a  fort  bien  pu  désigner  par  cettb 
expression  vague  un  terrain  de  quinze  lieues  en  tant  sens. 
-  Ainsi  donc  ,  t^squ'ici,  les  deux  historiens  s'accordent  entre  eux  >  on 
plutdl  Tite-Live  ne  fait  que  traduire  et  extraire  Polybe. 

C'est  ï  partir  de  Hle  des  Allobroges  que  commencent  les  grandet 
difficultés  de  la  question.  On  a  vu  qu'Annibal  l'étoit  hité  de  s'avancer 
dans  les  terres  pouv.  éviter  les  Romains ,  dans  la  crainte  de  s'aflbiblir 
t'A  se  laissoit  atteindre ,  et  s'il  étoit  forcé  de  livrer  combat  ou  d'escar- 
nu>ucher.«  Aussi,  dit  Polybe»  le  consul  Publius,  étant  arrivé  au  lieu  du 
»  passage  trois  fours  après  le  départ  des  Carthaginois ,  fut  frappé  cf une 
»  uirprîse  extrême  de  ce  qu'Annibal  eût  osé  prendre  cette  route  poiir~ 

»  pefter  en  Italie  (i]....  Il  se  retira  en  touie  hâte  à  ses  vaisseaux 

»  embarqua  ses  troupes  et  fit  voile  pourfltalie,  afin  de  gagner  les  enrie- 
M  mis  de  vîtesseM^  et  de  se  trouver  avant  eux  au  pied  des  Alpes  { )].  » 
Annibal ,  parvenu  sur  le  bord  de  l'Isère  ,  se  trouvoit  hors  de  ctainte , 
parce  que  ses  coureurs  fut  avoient  appris  l'embarquement  des  Romains.  Il 


JANVIER    1819.  "'  2^ 

commencer  à  remonter  le  cours  des  rivières  qui  rfescendoient  des  Alpes. 

M.  Deluc  ^iHi  lui  fait  prendre  une  autre  route.  Selon  lui ,  Annibal 
traverse  risére,  remonte  le  Rhône  jusqu'à  Vienne,  puis  quitte  ce  fleuve, 
fe  rejoint  à  Saint-Genis ,  ie  suit  jusqu'à  Yenne ,  d'où  il  tourne  au  sud 
le  toijg  du  lac  du  Bourget,  pour  rejoindre  l'Isère  ï  Montmeiilan.  Voilà 
certes  un  détour  bien  ^frange  :  car  pourquoi  Annibal  auroit-M  fait  un  si 
/ong  chemin,  quand  ri  pouvait  arrivera  Montmeiilan  en  suivant  l'Isère î 
Rien  ne  l'en  empêchoit,  puisque  les  Allobroges ,  loin  de  contrarier  alors 
sa  marche  ,  lui  fournirent  des  vivres ,  des  munitions  et  des  vêtemens. 

M.  Deluc,  ayant  conduit  Annibal  jusqu'à  Montmeiilan,  n'a  plus  au- 
cune peine  à  prouver  qu'il  a  passé  par  le  petit  Saint-Bernard,  puisqu'orr 
ne  sauroit  prendre  une  autre  roule,  à  moins  de  traverser  l'Isère.  L'au- 
jeur  trouve  a^ec  la  même  Tacilité  les  moyens  d'appliquer  à  cette  mon- 
tagne les  diverses  circonstances  mentionnées  dans  le  texte  de  Polybe  ; 
comme  cet  historien  s'est  attaché  à  décrire  les  opérations  militaires  , 
plutôt  qu'à  peindre  les  lieux ,  les  difTérens  traits  qu'il  a  marqués,  sont 
si  vagues,  qu'il  n'y  a  pas  un  seul  col  des  {Alpes  auquel  ils  ne  puissent 
convenir  :  aussi  les  critiques  ,  selon  l'opinion  qu'ils  avoient  embrassée, 
les  ont-ils  retrouvés  au  mont  Genèvre ,  au  mont  Cenis ,  au  petit  et  au 
grand  Saint-Bernard,  II  y  a  toutefois  une  coïncidence  découverte  par  le 
général  Melville ,  et  que  M.  Deluc  regarde  comme  décisive  :  ce  général 
reconnoît  dans  le  passage  du  Saint-Bernard  un  endroit  appelé  In  Roche 
blanche  ;  or ,  Polybe  dit  qu'Annibal  passa  la  nuit  dans  le  voisinage  d'un 
certain  Itucppetron,  mot  qui  signifie  pierrt  blanche  :  donc  le  lieu  du  pas- 
sage d' Annibal  est  déterminé  de  la  manière  la  plus  précise  [p.  1  \2  ]. 
Assurément  il  n'existe  pas  de  passage  des  Alpes  où  l'on  ne  trouvât  quelque 
nclie  blanche,  puisqu'il  y  a  du  gypse  blanchâtre  sur  tous  les  cols  de  la 
chaîne.  Mais  d'ailleurs  il  est  fâcheux  pour  celte  découverte  du  général 
Melville ,  que,  dans  Polybe ,  le  mot  Muwm/tf;* ,  qui  revient  plusieurs  fois , 
soit  pris  comme  le  f.tsrnvrfo.  des  autres  auteurs  (i)  pour  Mm  Xi'Sof,  et 
ne  signifie  rien  autre  chose  que  roche  nue ,  escarpée  ;  c'est  ce  qui  est 
prouvés  ur-toui  par  un  passage  du  livre  X  (a), 

Ce  n'est  pas  par  de  telles  raisons  qu'on  peut  se  flatter  d'éclaircirdé- 
6nitivemenC  un  point  d'histoire.  Mais  il  y  en  a  de  positives  auxquelles 
nous  ne  voyons  pas  comment  l'auieur  pourroîl  répondre.  Sans  parler 
du  passage  si  formel   que    M.   Deluc  a  ni!;ligé,  nous  demanderions 


8,  S}!  adJemoA.  Sic.  ni,  is,ft  'i'  We^eJ. 
'iVitf»i*rùt,  mois  ^ui  ic  lisent  plu*  haut. 


(1)  Schweïgh.  ad  Polyb. 

(2)  Po\yh.x,so,S'y 
Mire,  Ai  -*' -- 


30  JOURNAL  pE3/$AVANS, 

commeot  Annibal ,  s'il  &  descendu  le  p«tit  Saîat-Bernard ,  ^  pu  trouver  fes 
Taurini  au  pied  des  Alpes  qu'il  venoit  de'  franchir  { i  ) ,  qo^fid  il  est  cons- 
tant que  ces  peuples  habiioient  au  sud  de  la  Doria  Ripuaria  ;  en  sortf 
qu'Aiûiibal  n'aurpit  dû  rencoiïtrer  que  le^SaiafsU  Eti  secotîd  Keii /An» 
iribal,  selon  Poiybe ,  Tite-Live  et  Appien  (^j ,  à  k  (iesoente  desAlpps, 
a  pris  la  ville  de  Turin  après  un  siège  de  troî&  jours.'M;  DeIuc»rfcpH 
conduit  Annibal  par  le  val  d'Aosie»  est  obligé  de  hu  faire  traverser  h 
fforia  BaUea,  pouç 'aller  aa  sudcheKher  Turin  i  nrnis  commet  croire 
qn' Annibal  te  seroit  ainsi  amusé  à  rebrousser  dieimn,  pour  ctonsurtier 
trois  jours  devant  une  ville  qu'il,  n'ïvoit  nul  besoin  .de  |»endre ,  au  lieu 
de  se  hâter  d'arriver  au  Té'sin ,  avlnt  que  les.  Romains  vinssent  lui  en 
disputer  le  passage  1  ...  ,      • 

.  Voilà  des.difficultés  véritables.  Ces  deux circonstitdces prouvent  i/ua 
réplique  que  Folybe ,  dans  le  cours  de  son  Histoit¥  >  comme  dans  iq 
passage  ;d9  sa  géographie  cité,  par  Strabon.  a  fsr('preR4i!e:au  général 
çarihaginois  le  chemin  du  mont  Geftèvré.,Mais;il  *st  hétessaire  de  re- 
prendre'Ia,  route  de  ce  général  à  partir  de  l'Isère,' qtle  M>  Deluc  tui'« 
fait  traverser.  ;      •. 

I  Ceci  çst  un  pôini  très-imporlant,  d'où  dépend  l'intelligeiice  de  tout« 
la  marche  d'Annibal.  Si  M:  Deluc  eût  examiné  avec  l'attention  ccmve- 
nable  le  texte  de.pQlybe ,  il  y  txaph  vu  <)u'Ai)hibal  n'a  poirtt  passé  l'I tèref 
et  qu'il  n'a  point  remonté  lé  Hhôné  :au-deià  de  l'embouchure  de.icetlt 
rivière. En  effet .rhistotrencKtqu'Aiinibfll arriva  à  l'Ut,  *v<'^  wTw.et 
non  pas  qu'ily  entra  .-.qUelqûes  Jignes'  après",  il  dit  encore  tck  »*  i^imtanç, 
étant  çnivé  à  tiie ,  et  non  pas  «  f  inffy^rtiAnt ,  étant  intté  dans  l'Ut. 
Tite-  Live  dit  de  ntéme ,  ad  intulam  ptrvenii.  N  i  l'im  ni  l'autre  historien 
ne,dit  qu'Aniybal  entra  dans  l'île.  Qu'en  faut-il  conclure!  Que'iegros 
de  l'armée  carthaginoise  demeura  sur  la  rive  gauche  de  Tlsère ,  et  que 
le  secours  accordé  [}at  Aniiibàl  à  l'an  des  deux  frères ,  chefs  dei  Aiïo- 


JANVIER    1819.  jf 

«Annibal,  dit  Polybe  ,  marcha  pendant  dix  jours  h  long  du  flein't , 
»  l'espace  de  huit  cents  sudes ,  et  atteignit  la  montée  des  Alpes  [  1  ).  »  Les 
mots  le  long,  du  feuve  ne  s'accordent  pas  avec  la  route  qu'a  choisie 
M.  Deluc;  car,  dans  son  idée ,  Annibal  a  quitté  leRhône  à  Vienne, 
et  3  traversé  In  plaine  du  Dauplijné ,  dans  l'espace  de  quinze  iieues  ;  ce 
qui  feît  ta  moitié  des  huit  cents  stades  :  tandis  que  Poiybe  dit  formel- 
lement qu'Annibal  a  suivi  li firuve.  Ce  qui  a  égaré  M.  Deluc,  c'est 
qu'il  a  cru  que  oti£jÎ  iw  mJîafMi'  devoit  s'entendre  du  Rhône,  parce  que, 
dans  d'outrés  passages,  on  retrouve  ces  mots  appliqués  en  èfïèt  S  cette 
rivière.  Mais ,  dans  ces  passages ,  les  mots  m^  tI»  mîîa^K  suivent  immé- 
diatemejit  le  nom  du  Rhône,  en  sorte  qu'il  n'y  a  point  de  doute  à  cet 
égard;  au  lieu  qu'ici  le  nom  du  fleuve  qui  précède  immédiatement  est 
celui  d'/saraj  :  le  nom  du  Rhône  n'est  point  répété  dans  l'intervalle; 
il  est  donc  naturel  d'appliquer  à  l'Isère  les  mots  m^  -nr  mjauéy.  C'est 
ainsi  qu'un  examen  attentif  du  texte  de  Polybe  concourt,  avec  l'ensemble 
,  de  tous  les  genres  de  probabilités ,  pour  établir  qu'Annibal  a  suivi  la  rive 
gauche  de  l'Isère, 

Nous  allons  voir  que  c'est  le  seul  moyen  d'expliquer  le  texte  de  Tite- 
Live,  que  M.  Deluc  a  mis  tout-^-feit  de  côté  :  on  trouve  dans  ce  texte 
quelques  faits  géographiques  que  Polyfcw  a  passés  sous  silence.  A  l'é- 
poque oùTile-Lrve  a  écrit,  la  géographie  de  la  Gaule  éioit  bien  connue; 
on  avoit  dressé  des  caries  où  les  distances  et  la  disposition  des  lieux 
étoient  marquées  :  ainsi  il  n'est  pas  probable  que  l'historien  latin  ait  pu 
faire  de  si  lourdes  bévues  qu'on  le  suppose,  dans  ce  qu'il  ajoute  au  récit 
de  Polybe.  II  dit  :  Sedatis  eertam'in'ibus  Altahrogum ,  cùm  jam  Alpes petertt, 
non  rtcià  rrgiont  tttr  instilnit,  sed  ad  lœvam  in  Tticasiinos  fcxit  ;  inde 
pcr  txtremam  oram  Vocontiorum  ûgri  te/endit  in  Tricorioj  ;  Aaad  usquam 
impfditâ  yiâ ,  pTius(juam  ad  Drutntiam  fitimin  ptrvtnit.  D'après  ce  texte, 
I .°  Annibal  n'a  pas  pris  le  plus  court  pour  gagner  les  Alpes;  a,"  il  s'esi 
détourné  à  gauche  [  par  rapport  h  l'historien]  vers  les  Tricastins  ;  3.°  il 
a  côtoyé  le  pays  des  Voconliens ,  traversé  celui  des Tricoiiens,  et  est 
ar  ivé  sur  le  bord  de  la  Diirance, 

Maintenant,  suivons  le  texte  de  Polybe,  co;^me  si  nous h'.^v^ons  pas 
celui  de  Tile-Uve. 

Annibal,  arrivé  sur  le  bord  de  flsère,  march»  dix  jours  le  long  de 

(1)  Afr/fat  4' w  r.fi*ifi.n  ■fixa.  ■mftvÇtiç  HAPA'  TO'N  nOTAMO'NtJf  «VlrtMWKf 
«ÀVç,  nploLTs  n(  fffiit  ■laf'XKinK  IfaCthit.  Poljrb.  /ll,jo,  /,  /,  Le  géa;.Tal  Fré- 
déric-Guillaitme,  (lui  n'eniend  point  «tatiJ»  ^'î*^*mi',  veut  lire  mtcjtiî  «tV^S,  â 

parûrèa  Rhône  (Hist.    '  *'■'  "      '   " 

Polybe  avBJt  voulu  eïpr 


,Us  c,imp.Jgries  d'Annibal,  t.  l,  p.  jS.   'lHUn,  <8iz).  Si 
cette  idi;e,îl  auroîi  dilïiTO  î^xA-ni  tîv  a»'!t^M*>  -dimT. 


■ 


ji  JOURNAL  DES  SAVANS, 

■e  fleuve  jusquli  la  montie  des  Alpes.  Annibal  était  trop  habile JMW 
ne  pas  éviter,  autant  qu'il  étoîtpossiblet  le  passage  des  rivières.  Parvenu 
au  confluent  de  Flsère  avec  le  Drac  (  qui ,  dit-on ,  avoit  alon  tieu  un  peu  au- 
dessus  deGreooble,  près  de  Gière  ),  la  ligne  directe,  iur  rrctâ  rtfftnf,  eftt 
été  de  traverser  le  Drac  et  de  suivre  le  cours  de  la  Rotnanche ,  ou  bien  de 
continuer  k  suivre  l'Isère  par  la  vallée  de  Gra^vaudan ,  ce  qui  l'auroit 
conduit  au  petit  Saint* Bernard,  ou  par  l'Arc  au  mont  Cénis.  Mais ,  dit 
Tîte-Live,  il  ne  prit  point  la  ligne  directe»  non  iter  rectâ  nglont  iiutiraiti 
il  tourna  sur  b  gauche  [par  rapport  à  l'historien]  :  ainsi  il  ne  tnverst 
ni  l'Isère,  ni  le  Drac»  torrent  eztrétnement  large  et  impétueux  à  son 
embouchure;  H  remonta  ce  torrent,  que  sa  largeur  dut  lui  faire  prendre 
pour  la  même  rivière  que  l'Isère.  Il  le  suivit  jusqu'au  dixième  jour,  dans 
l'espace  de  huit  cents  tudes ,  à  compter  du  point  oii  il  avoit  trouvé  file 
des  AlJobroges  :  cette  mesure  équivaut  à  loo  milles  romains,  ^esl4-dire, 
i  76,000  tois6s  environ  ;  prise  le  long  de  Tlsère  et  du  Drac,  elle  porte 
il  Saint-Bonnet,  à  Tenlrée-du  département  des  Hautes-Alpes. 

Jusque-U,  dit  Polybe,  Parmée  s'étoit  trouvée  en  pbine  :  alors 
elle  commença  i  gravir  les  Alpes.  Pour  entendre  ceci ,  il  faut  se  rap- 
peler que  Polybe  ([} ,  de  même  que  Strahon  (2),  étendolt  les  Alpes 
Jusque  Marseille ,  et  donnoit  ainsi  ce  nom  i  toute  la  contrée  monta- 
gneuse qui,  à  partir  (le  la  chaîne  principale,  se  prolonge  dans  les  dé- 
partemens  de  flsère ,  desBastes-AIpes  et  du  Var:  ainsi,  dans  leurs  idées, 
tes  Alpes  commençoietH  où  finissoit  la  plaine.  Or,  à  partir  de  Romans, 
la.  route  se  fait  jusque  fentrée  du  département  des  Hautes-Alpes ,  soit 
en  plaine ,  soit  dans  des  vallées  peu  profondes  et  toujours  assez  larges. 
A  la  Iiauteur  de  Corps,  il  entra  dans  la  plaine  ou  vallée  de  Champs; 
arrivé  vers  Saint-Bonnet,  il  quitta  la  rive  du  Drac,  et  prit  au  sud-est  la 
route  par  la  montagne  :  h  commence  la  montée  des  Alpes.  Après  avoir 
franchi  la  crête  qui  sépare  le  bassin  du  Drac  de  celui  de  la  Durance ,  il 


I 


JANVIER    1819.  "■  Tî 

qu'il  est  clair  quÂnnibal,  en remoniant  le  Drac,  aprisîi  droite,  et  non  pas 
à  gauche.  Cela  est  si  évident,  qu'au  lieu  de  taxer  Tiie-Live  d'ignorance 
ou  d'absurdité,  on  auroitdù  sentir  que  cet  historien,  en  disant ^fjr/r  ad 
iavam ,  parle  relaiivement  k  sa  position  en  Italie  ;  ce  qui  est  assez  ordi- 
naire aux  auteurs  anciens.  C'est  ainsi  que  Quinte  Curce,  décrivant  la 
routed'AIexandrelelong  du  Tigre  avec  une  carte  sous  les  yeux,  place  ce 
fleuve  à  gauche  et  les  monts  Gordyiœï  ù  droite  (  i  ] ,  quoique,  relativement 
à  Alexandre  ,  ce  fût  tout  le  contraire.  La  seconde  difficulté  tient  au  mot 
in  Trkasûms ;  en  effet  ,  les  Trrcastins ,  dont  le  chef-lieu  étoit  à  Saint- 
Pau  llrois-Châteaux,  ont  été  reculés  fort  loin  au  sud,  et  resserrés  entre 
les  Segalaum ,  au  nord ,  et  les  Vocorrtii,  k  l'est  et  au  nord-est.  Nous  obser- 
verons toutefois  que  la  situation  relative  de  ces  peuples  nous  est  donnée 
par  des  géographes  de  temps  postérieurs;  et  qu'au  temps  de  Tiie  Live, 
ou  même  de  l'expédition  d'Annibal,  les  7>/V<ijr/«/pouvoient  s'être  étendus 
davantage  vers  le  nord  et  dominer  les  Sfgalnuni;  en  sorte  que  l'historien 
iiitin  a  fort  bien  pu  prolonger  leur  territoire  jusqu'à  l'Isère-  II  est  d'ailleurs 
i  remarquer  que  Tite-Live ,  dans  une  autre  partie  de  son  histoire ,  racon- 
tant l'expédition  de  Bellovèse  en  Italie,  qu'il  conduit ,  comme  Annibal, 
par  ie  mont  Genè\re  (Taurino  sa/tu  },dii  que  ce  chef  gaulois  traversa  le 
pays  des  Trkaninl  f2];el  comme  Bel!o\ése  partoit  de  la  région  moyenne 
de  la  France  au-dessus  de  Lyon,  il  n'a  pu  passer  le  Rhône  au-dessous  de 
cette  ville  :  ainsi  Tile-Live  lui  fait  suivre  le  même  chemin  qu'à  Annibal , 
c'est  à-dire,  le  cours  de  l'Isère  etduDrac.  On  reconnoît  donc  beaucoup  de 
consistance  dans  les  idées  de  cet  historien,  relativement  à  la  position  des 
Tncastini;  et  l'on  ne  peut  ainsi  douter  que  leur  territoire,  au  moins  dans 
son  opinion,  ne  s'étendît  jusque  sur  les  bords  de  ces  deux  rivières.  Voilà , 
nous  le  pensons,  l'explication  naturelle  de  ce  passage  de  Tite-Live,  qui 
est  la  principale  cause  de  la  diversité  des  opinions  sur  la  route  d'Annibal. 
En  arrivant  sur  le  bord  de  la  Duraiice,  Annibal  fut  ol>ligé  de  passer 
cette  rivière  un  peu  au-dessus  d'Fimbrun,  parce  que  la  rouie-suît  la  rive 
gauche  ;  de  la  passer  une  seconde  fois  au-dessous  de  Briançon,  et  une 
troisième  au-dessus.  Polybe  ne  fait  pas  mention  de  ces  circonstances  , 
parce  que  la  Durance ,  h  cette  hauteur ,  n'est  qu'un  torrent  fort  peu  large 
sur  lequel  les  ponts  ne  dévoient  point  manquer  ;  c'est  sans  doute  pour 

(1)  Qnint.  Curt. /r, /o, /,  8.  Mais  l'espression  dtr  Quinte-Curce  a  encore 
iiioiii;  de  neticlé  que  celle  de  1  iie-Live. 

{2.)  Tit,  Liv,  CjV'  f'  (Beilovesus),  quodta  gtrit  popiilis  abundjbai ,  Bhu- 
TÎgri,  ArvernoSj  Seiones,  Hediws ,  Amb.inos ,  Carnu:rs ,  Aulerccs  exàvit ,  pra- 
focius  in  Tricaiiinos  venir.  Alpes  inde  oppaUx  trr.nl. . .  ipsi  Taurino  saliu 
i iiy tas  Alpet  Iran jcenderunt. 


^  JOURNAL  DES  SAVANS, 

la  m  joie  raison  qu'il  n'a  pas  non  plus  pailé  du  passage  des  deux  Dvria^ 
de  l'autre  côté  des  Alpes.  Tiie-iive,  au  contraire,  dit  qu'Amiibal  fut 
obligé  de  passer  la  Durance  ;  mais  il  se  livre  en  cet  endroit  à  quelques 
exagérations  ,  en  faisant  de  la  Durance  une  peinture  qui  ne  convieiu 
qu'à  ce  qu'est  cette  rivière  un  peu  au-dessus  de  Cavaillon. 

A  partir  de  Briançon ,  Aimilial  se  trouva  sur  la  montée  du  mont  Gv^ 
nèvre  ;  à  la  descente ,  il  suivit  la  vallée  d'Oulx  ,  traversa  plusieurs  fois 
la  Doria,  au-dessous  d'Exilles  et  de  Suze,  entra  dans  le  territoire  des 
Taurini,  passa  sur  l'emplacement  de  Rivoli ,  et  se  trouva  sous  les  murs 
de  Turin.  Les  Taurini  s'étant  re&sés  à  l'alliance  qu'il  sollicitoii,  il  en- 
veloppa Turin,  leur  ville  principale,  et  la  prit  après  un  siège  de  trois 
jours.  Cet  événement  achève  de  prouver,  comme  il  a  déjà  éiédit,  que 
le  mont  Genèvre  fut  le  lieu  du  passage  :  Turin , placé  au  confluent  de  la 
Doria  et  du  Po,opposoit  aux  Carthaginois  une  barrière  qu'il  fàlloitren- 
verser  pour  pasa^  outre.  La  prise  de  cette  ville  étoit  donc  nécessaire  ; 
dans  rhypoûièst  de  M.  Deluc  ,  elle  est  inexplicable, 

II  reste  une  dernière  considération  à  iàire  valoir ,  celle  des  mesures  : 
elles  coïncident  parfaitement.  Polybe  dit  que  ,  depuis  la  montée  des 
.Alpes  jusqu'à  l'endroit  oii ,  après  avoir  franchi  ces  'Ui.'>ntagnes ,  on  entre 
.dans  les  plaines  du  Pô ,  on  compte  douze  cents  stades  (i)  qui  valent  i  jo 
milles  romains.  Pour  ceux  qui  descendent  de  la  vallée  de  Suze,  la  plaine 
ne  commence  réellement  qu'à  Rivoli,  dont  la  position  est  un  peu  au- 
dessus  de  la  station  appelée,  dans  l'Itinéraire,  Fines.  L'Itinéraire  .d'An* 
lonindonne  de /Ïn/J  à  fiïp/fffBOT  [Gap],  \)ar  Segus h  [Suze],  Bnganth 
[Briançon],  Rame,  Eb-oîîunum  [Embrun] ,  Caturi^as  [Chorges],  i  j  } 
milles  romains  ;  de  là ,  jusqu'à  Saiut-Bonnet ,  à  travers  la  montagne ,  la 
carte  de  Cassini  donne  6  lieues  ou  1 8  milles,  lesquels,  additionnés  avec 
les  1  )  }  milles  depuis  Fmts,  font  à  très- peu  près  les  150  milles  ou  douze 
cents  stades  de  Polybe. 


JANVIER   1819.  3S 

Nous  pensons  que  M.  Deiuc  doit  cesser  de  regarder  comme  impos- 
sible la  conciliaiîon  de  Polybe  avec  Tiie-Llve. 

Ce  savant  termine  son  ouvrage  par  un  morceau  intilulé  :  Gt  l'effi 
des  torrens  sur  les  rochers,  suivi  de  quelques  réflexions  sur  les  pass/igf^'l 
étroits  des  rivùres  dans  les  chaînes  des  moniftgnes.  Son  objet  est  d'éiablf^ 
que  la  forme  et  la  largeur  des  vallées  et  des  passages  étroits  ont  été*'! 
fort  peu  modifiées  par  l'action  des  eaux  courantes  ;  qu'ainsi  la  dispo-" 
silion  des  montagnes  et  des  vallées,  le  lit  des  torrens  et  des  rivières ,''1 
sont  antérieurs  à  l'existence  même  des  eaux  courantes ,  et  tiennent  au  j 
dessein  de  la  Providence,  qui  a  voulu  qu'il  y  eût  sur  la  terre  des  rivières^ 
et  des  torrens.  '' 

Il  a  paru  tout  récemment  une  dissertation  ayant  pour  titre  ;  Disstr^ 
ration  sur  le  passage  des  rivières  et  dis  montagnes ,  et particiili'/Tetnent  sur  tt^ 
passage  du  Rkêne  et  des  Alpes  par  Annibal ,  Ù'c,  ;  jiar  M.  le  comte  de' 
F.  d'U.,//!-^.' 

L'auteur  attaque  l'opinion  de  M.  Deluc  :  il  prend  contre  ce  savant  la' 
défense  deTîle-Live;  et  afin  de  concilier  l'hislorien  laiin  avec  Polybe,  if 
s'eflbrce  de  prouver,  d'après  ces  deux  auteurs,  qu'Annibal  n'a  point 
remonié  le  lojig  du  Rhône  après  le  passage  de  ce  fleuve.  Il  y  a  dans  cette 
dissertation  une  idée  toute  nouvelle  { 1  ]  ;  mais  elle  est  inadmissible. 

On  a  vu  que  la  difficulté  du  texte  de  Tite-Live  consiste  en  ce  que, 
selon  cet  historien,  Annibal  n'arriva  chez  les  IVicastini  qu'après  avoir 
dépassé  l'île  des  Ailoliroges ,  et  que  ce  général  tourna  sur  la  gauche 
pour  arriver  chez   les  premiers. 

Pour  expliquer  ce  fait ,  l'auteur  a  imaginé  que  Vile  des  Allohrogés 
devoil  être  nécessairement  au  sud  de  Saint-Paul- trois- Châteaux  ;  et  if 
h  reconnott  dans  une  petite  île  de  deux  lieues  de  large  sur  trois  un  quart 
de  long,  formée  près  d'Orange  par  la  rivière  d'Aîgues  ou  Eygues ,  qui, 
à  environ  trois  lieues  de  son  eniliouchure  dans  le  Rhône,  se  partage 
en  deux  i>ras,  dont  le  principal  se  )■  lie  au-dessous  d'Orange, et  le  plus 
foible,  qui  n'est  qu'une  rigole  que  les  enfans  franchissent  d'un  saut, 
se  jette  un  peu  au-dessus  de  Roquemaure,  précisément  visîi-visde  l'en- 
droit où  Annibal  a  passé  le  Rlione, 

Pourquiconque  jettera  les  yeux  sur  la  carte, cette  opinion  parorirS  àei 
plus  étranges,  s'il  se  souvient,  i."  qu'Annibal  a  remonié  le  Rhône 
[adverse  ripa)  pendant  quatre  \o'ars  consécutifs  ,  avant  de  rencontrer  l'île 
des  Allobroges  ;  2.°  que  depuis  le  pas-age  du  Rhône  jusqu'à  cette  ile, 

(1)  Elle  avoit  été  indi(]iiée  par  l'auteur  dans  son  ouvrage  intitulé  A"ii,/uirés 
et  Mcnumetts  du  dcpanement  de  Yaiiduse ,  é^c,  par  M.  de"  Fortia  J'Urban; 
Paris,  iSoS^etdans  un  article  des  Annales  encyclopédiques,  juilit;!  iSiS. 


~W~  JOURNAL  DES  SAVANS, 

PolyFje  compte  six  cents  stades,  ou  7  j  milles  romains,  ou  2  j  lieues  :  tandis 
que ,  dans  l'opinion  de  M.  le  C.  de  F.  d'U. ,  ce  général  se  seroit  trouvé 
n'avoirk faire  qu'une  lieue  environ, fn  remontant U  Rhône,  pour  Ti:ncon.uer 
celle  île.  Ajouterons-nous  combien  il  seroit  singulier  de  voir  les  deux 
frères  chefs  des  Allobroges,  peuple  dont  le  territoire  étoit  à  vingt-cinq . 
lieuesde  là,  traverser  avec  leurs  armées  le  pays  des  Se^atauni ,  des  Tri- 
castini,  deiVoconlii ,  pour  venir  se  disputer  la  couronne  (\!wtçTOî  ëia.3ihuot 
Binafociaf  J  dans  une  peiite  île  qui  apparienoit  aux  Cavares! 

l\  y  auroît  bien  d'autres  arguniens  à  faire;  mais  c'en  est  assez  pour, 
montrer  que  cette  opinion  sur  la  position  de  l'île  des  Allobrogesne  peut 
soutenir  le  plus  léger  examen.  M.  le  C.  de  F.  d'U.  fait  celte  objectiott 
contre  l'opinion  incontestable  qui  place  l'/Zr  des  Ailobroges  entre  le 
Rhône  et  l'Isère ,  que  l'espace  compris  entre  ces  deux  rivières  n'est  point 
une  î/e  dans  l'acception  rigoureuse  du  mot.  Qui  en  doute!  M;iis  Polyje 
dit  précisément  que  ce  n'est  point  une  i/e  ;  car  if  a  le  soin  de  prévenir 
qu'un  des  côtés  est  formé  p.nr  une  chaîne  dé  montagnes.  Ce  n'est  certes 
pas  la  première  fois  que  le  nom  di/e  est  employé  abusivement:  si  l'on 
vouloii  en  rapporter  des  exemples,  on  en  auroit  beaucoup  à  citer  depuis 
Péloponnèse  jusqu'à  Ile  de  hrance ,  (  ancien  gouvernement  ).  Quant  au 
nom  que  la  rivière  porte  dans  Tîte-Live,  il  choisit,  entre  toutes  les 
variantes,  celle  qui  donne  pervenil  Bisarar,  sans  songer  que,  comme 
le  mot  ibl  est  nécessaire  dans  la  phrase ,  Bisarar  n'est  autre  chose  que  ïbi 
Jstirar,  deux  mots  réunis  en  un  seul  par  un  ignare  copiste.  Au  reste, 
selon  M.  le  comte  de  F.  d'U.,  Eisaras  est  pour  Bkarus ,  mot  composé 
du  latin  bis  et  du  celtique  car,  embouchure;  éiymologie  sur  le  jnérite 
de  laquelle  nous  n'avons  gatdc  de  prononcer. 

Le  même  auteur  oppose  encore  à  l'opinion  de  ceux  qui  conduisent 
Annibal  jusqu'à  l'Isère,  et  à  plus  forte  raison  à  ceux  qui  le  conduisent  au 
delà,  le  grand  détour  qu'ils  font  faire  à  Annibal.  Cela  est  vrai  :  mais  ce 
détour  n'est-il  pas  prouvé  par  les  textes  de  Polybe  et  de  Tite-Live,  qui 
nous  disent  qu'Annibalcherchoità  fuir  les  Romains,  en  sorte  qu'il  ne  s'est 
rabattu  sur  la  route  des  Alpes  qu'après  avoir  appris  le  départ  et  l'embar- 
quement de  l'ennemi:  D'ailleurs,  sans  ce  détour,  comment  retrouver  les 
£00  stades  ou  7  y  milles  romains  que  Polybe  cojupte  entre  le  passage  du 
Rhône  et  l'ile  des  Ailobroges;  puis  les  800  stades  entre  cette  île  et  fa 
montée  des  Alpes;  enfin  les  1200  stades  pour  le  passage  de  ces  mon- 
tagnes jusqu'à  l'entrée  des  pla^ines  du  Pô  !  Au  reste  ,  toutes  ces  difficultés 
n'ont  point  embarrassé  l'auteur  de  la  dissertation  ,  car  il  n'a  pas  cru  néces- 
saire de  les  résoudre. 

LETRONNE. 


"\ 


*1 


JANVIER   1819.  *-      TtJ 

A  SECOND  JOVRNEY  THROUGH  PERSIA  ,  ArAIENIA  AND 
AsiA  MINOR,  &c.,  hetwecii  the  years  iSlo  and  1S16 .wUh 
an  account  of  the  proceedings  of  tke  embassy  of  Sir  Gore 
Ouseley ;  hy  James  Morier,  esq.  ■ — ■  Second  Voyage  à  travers 
la  Perse,  l'Arménie  et  l'Asie  mineure ,  fait  entre  les  années 
iSio  et  1816,  avec  un  récit  des  opérations  de  l'ambassade  de 
Sir  Core  Ouseley  ;  par  M.  Jacques  Morier,  âu/fr.  Londres, 
1818,  435  pages  in-^." ,  avec  caries,  planches  et  gravures 
en  bois. 

M.  Jacques  Morier  avoit  déjà  publié,  en  1812,  larelation  d'un  voyage 
par  lui  fait  en  Perse  dnns  tes  années  i  809  et  1810  (  1  ) ,  avec  le  caractère 
de  secrétaire  de  Icg.ilioii,  \  la  suite  de  sir  Harford  Jones,  ambassadeur 
de  S.  M.  le  roi  d'Angleterre  à  la  cour  de  Téhéran.  Celte  mission  avo;! 
pour  oljjei  de  dél.icher  le  roi  de  Perse,  de  son  alliance  avec  le  goiiVM- 
nemeni  français  ,  et  d'obtenir  le  renvoi  de  l'ambassade  frar«iiii.-.  Sir 
Harford  Joues  obiini  un  succès  complet ,  autant  peut-être  par  ia  négli- 
gence du  gûuvernemeni  français ,  qui  sembloit  ignorer  par  qi«.-(s  moyens 
on  établit  ei  on  maintient  son  crédit  auprès  des  princes  de  l'Asie,  que 
par  les  largesses  de  la  cour  d'Angleterre,  les  lalens  du  négociateur,  et 
sa  longue  expérience  des  nations  et  des  gouvernemens  de  l'Orient.  La 
relation  de  M.  Morier  contenoit  h  marche  de  l'ambassade  depuis  fe 
port  de  Uonibay  jusqu'à  son  débarquement  \  Bouschire  ou  Abou-Sthehr, 
de  là  à  Schiraz  ,  puis  à  Ispalian,  et  de  celle  dernière  ville  à  Téhéran, 
résidence  du  roi  de  Perse  Fath-AIi-Schah  ;  enfin ,  la  roule  de  M.  Morier , 
en  compagnie  de  l'ambassadeur  de  Perse  Mirza  Abou'Ihasan  ,  de  Té- 
héran, par  Kazvîn,  Sulianièh  ,  Mianèh,  Tauriz  ,  Khuï  ,  Bayazid,  Ar- 
zroujn ,  Kara-bissar,  Niksar  ,  Tocat,  Amasia,  Tosia ,  Boli  et  Ismid, 
à  Constantinople.  Aux  détails  relatifs  à  la  marche  de  l'ambassade  et 
\  sa  réception  d.ans  les  principales  villes  où  elle  dut  passer  ou  séjourner , 
aux  observations  variées  sur  les  mœurs,  la  religion  ,  l'agriculture  et  le 
gouvernement  de  la  Perse,  et  sur  l'état  aciuel  de  ce  royaume,  com- 
paré avec  ce  qu'il  étoit  lorsqu'il  fut  visité  et  décrit  par  Chardin  ;  enfin  , 

(1)  A  Journey  ihroiigli  Persia ,  Armenia  and  Asia  minnr,  10  ;Constanti- 
nople,  in  the  years  ibo8  and  1809;  in  whicii  is  tncluded  some  atcouin  of  ihe 
proceedings  oÇ-HisMajesty'snitssion  under  îir  Harford  Jones  Bart.  K.  C.  10  ihc 
couriof  ihe  kingof  Persia;  hy  James  Morier,  csq.,  His  Majesiy's  secretary  of 
embaiiy  10  ihe  court  of  Fertu.  London,  itiii,  iti-f>' 


}8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

à  une  esquisse  de  l'histoire  de  ce  pays  depuis  la  mort  de  Thainas  Kouli- 
Khan  jusqu'au  règne  de  Faih-Ali-Sch:ih ,  ei  du  caractère  de  ce  mo- 
narque ,  de  ses  enfans  et  de  ses  principaux  miniitres ,  se  trouvoient 
jointes  des  descriptions  curieuses  de  divers  nionumens  anciens  de  la 
dynasiie  des  Sassanides.  Lorsque  M.  Morier  rédigeoit  son  journal ,  il 
ii'avoil  point  connoissance,  à  ce  qu'il  paroît,  de  ce  qui  avoii  éié  écrit 
en  France,  à  la  fin  du  siècle  dernier ,  sur  divers  inonuniens  et  sur  les 
médailles  de  cette  dynastie  :  mais ,  quand  il  publia  sa  relation  ,  ïi  com- 
para le  résultat  de  ses  propres  découvertes  avec  les  opinions  émises 
par  l'auteur  des  Mémoires  sur  diverses  antiquités  de  la  Perse ,  et  il  tira 
de  celte  comparaison  la  conclusion  que  ,  si  parmi  les  nombreux  monu- 
juens  de  la  dynastie  des  Sassanides ,  les  uns  représentent ,  comme  l'a 
pensé  l'auteur  de  ces  Mémoires,  ie  triomphe  d'Ardeschir,  filsdeBabec, 
sur  Ardevan,  le  dernier  monarque  persan  de  la  dynastie  des  Arsacides, 
il  en  est  d'autres  qui ,  incontestablement ,  sont  relatifs  aux  victoires  de 
Sapor,  fils  d"Ardeschir ,  sur  les  Romains ,  et  à  son  triomphe  sur  i'em- 
perWr  Valérien.  Toutes  les  personnes  qui  prendront  la  peine  de  lire 
ce  qu'a  écrit  li-dessus  M.  Morier ,  et  de  le  comparer  avec  les  nionu- 
mens ,  partageront  sans  doute  son  opinion,  et  nous  saisissons  avec  plaisir 
l'occasion  de  lui  rendre  cette  justice.  Nous  devons  ajouter  que  la  dé- 
couverte des  ruines  et  des  monumens  de  l'ancieinie  ville  de  Schapour, 
celle  de  quelques  autres  ruines  observées  sur  la  roule  d'ispuhan  à  Té- 
héran ,  et  enfin  la  description  des  restes  de  la  ville  de  Reï,  assurent 
à  la  première  relation  de  M.  Morier  un  mérite  incontestable. 

Au  surplus,  celle  première  relation  est  appréciée  depuis  long- temps; 
et  si  nous  en  avons  dit  un  mot  ici ,  c'est  sur-tout  parce  que  ,  dans  celle 
que  nous  annonçons,  l'auteur,  afin  d'éviter  toute  réj^étition  inutile,  s'est 
contenté  de  renvoyer  à  sa  précédente  publication ,  toutes  les  fois  que 
son  second  voyage  et  une  nouvelle  inspection  des  lieux  qu'il  avoit  déjà 
visités  et  décrits ,  ne  lui  ont  pas  fijurni ,  ou  de  nouvelles  observations ,  ou 
une  occasion  de  rectifier  quelques- unes  de  ses  précédentes  descriptions. 

Le  second  voyage  de  M.  Morier  n'est  pas  moins  curieux  que  le 
premier  ;  il  nous  paroît  même  ofTrir  un  plus  grand  intérêt ,  soit  par  le 
grand  nomlire  des  routes  |iarcourues,  soit  par  la  variété  des  observa- 
lions  de  l'auteur.  Nous  ne  pouvons  en  donner  qu'une  esquisse  bien  im- 
parfeite  ;  mais  elle  suHira  pour  justifier  le  jugement  que  nous  venons 
d'en  porter. 

M.  Morier  a  voit  accompagné ,  de  Téhéran  h.  Londres,  Mirza  Abou'lha- 
san,  ambassadL-ur  de  Perse  îi  la  cour  d'Angleterre.  Cet  envoyé  avoit 
qiûtté  Constaniiuople  au  comuiençemenide  septeinJj/e  i  Sot) ,  et  s'étoil . 


:k»    J^ 


JANVIER  i3rr 


ÎP 


*inbarqué  sur  un  bâtiment  anglais.  Après  un  séjour  de  neuf  mois  dans 
la  capitale  de  la  Grande  Bretagne,  il  sedisj>osoît,aumois  de  juillet  1810, 
i  retourner  en  Perse  ;  et  comme  la  cour  d'Angleterre  devoil  envoyer 
une  nouvelle  ambassade  au  roi  dePerse,  il  fut  arrêté  que  les  deux  ambas- 
sadeurs se  rendroient  en^eniMe  à  leur  destination.  Sir  Gore  Ouseley, 
ainbasfadeur  extraordinaire  de  S. M.  Britannique,  devoit  être  accom- 
pagné de  son  épouse  et  d'un  enfant  ;  parmi  les  personnes  qui  comj)o- 
soient  l'ambassade  ,  se  trouvoient  son  frère  ,  sJr  "William  Ouseley  ,  déjà 
connu  par  plusieurs  ouvrages  relatifs  îi  l'Orient,  et  particulièremeni  à 
fhiitoire,  aux  antiquités  et  à  la  littérature  du  royaume  de  Per^e  ,  et 
Al.  Jacques  Morier,  Ce  dernier  avoii  le  titre  de  secrétaire  d'ambassade  : 
sir  William  Ouseley  accompagnoit  son  frère  en  qualité  de  secrétaire 
particulier  :  fa  jirésence  de  M,""  Ouseley  entraînoii  nécessairement  celle 
de  quelques  femmes  de  service  ;  ce  qui  offre  une  circonstance  assez 
extraordinaire  dans  une  mission  de  celte  nature.  L'ambassadeur  persan 
avoit  une  suite  de  huit  personnes  en  tout. 

Embarqués  le  1  8  juillet ,  les  voyageurs  arrivèrent  en  onre  jours  de 
traversée  â  Madère  :  l'ambassadeur  persan  ne  voulut  point  y  mettre  pied 
fa  terre.  Le  i ."  août  ,  le  convoi  leva  l'ancre  ,  on  passa  la  ligne  le  a  8 , 
et  ie  II  septembre  on  prit  terre  à  Rio  Janeiro.  Au  grand  éionnenicnt 
de  Mirza  Abou'Ihasan  et  de  sa  suite,  les  premiers  Persans  peut  être  qui 
eussent  jamais  vu  l'Amérique ,  le  nouveau  monde  ne  leur  parut  pasdifTérer 
essentiellement  de  l'ancien.  Les  deux  ambassadeurs  séjournèrent  une 
quinzaine  de  jours  dans  la  capitale  du  Brésil,  et  y  reçurent  un  accueil  dis- 
tingué du  prince  régent.  Le  26  septembre ,  ils  se  remirent  en  mer ,  et 
ce  ne  fut  que  le  2. 1  décembre  suivant ,  qu'ils  jetèrent  l'ancre  h  la  pointe 
de  Galles  ,  dans  l'ile  de  Ceylan.  Le  22,  ils  tirent  voile  pour  Cochin, 
où  ils  débarquèrent  le  a8.  Dès  le  lendemain,  ils  remirent  5  la  voile,  et, 
le  1  1  janvier  181  1  ,  ils  entrèrent  dans  le  port  de  Bombay.  Embarqués 
de  nouveau  le  30  janvier,  ils  jelèrent  enfin  l'autre  devant  Bouschire 
fc  I."  mars.  L'ajubassadeur  persan  débarqua  le  j  mars,  à  l'heure 
jugiîe  la  |)lus  hei-reuse  par  l'astrologue  de  la  ville  ;  l'ambassade  anglaise 
n'effectua  son  débarquement  que  le  j .  Toutefois  le  gouverneur  de  Bou- 
schire  n'attendit  point  le  débarquement  pour  offrir  son  hommage  à 
l'ambassadeur  anglais  ;  ÎI  se  bâta  de  lui  rendre  visite  îi  bord.  Sir  Gore 
Ouseley  l'introduisit  dans  la  chambre  qu'occupoii  l'ambassadrice ,  avec 
laquelle  se  trouvoient  une  jeune  dame  et  deux  femmes  de  chambre. 
Apiès  un  moment  de  surprime .  il  demanda  tout  bas  à  Mirza  Aijou'lhasaii 
si  c'éioient  ik  toutes  les  femmes  de  son  excellence. 

.L'ambassadeur  anglais  ne  devoit  point  quiuer  Bouscfaîre  et  se  mettre 


■ 


J 


I 


4o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

en  route  pour  Schiraz,  que  le  prince  royal,  gouverneur  de  la  province 
de  Fars,  dont  Schiraz  est  la  capitale  ,  ne  lui  eût  envoyé  un  mihmandar. 
Cet  officier,  comme  Fobserve  M.  Morier,  est  d'une  absolue  nécessité 
dans  un  pays  où  il  n'y  a  ni  auberges,  ni  sûreté  sur  fes  routes  pour  les 
étrangers.  Le  mihmandar  agît  en  même  temps  comme  commissaire  de 
son  gouvernement,  comme  garde  et  comme  guide  des  voyageurs.  Non- 
seulement  il  répond  des  dangers  auxquels  pourroient  se  trouver  exposés 
ceux  dont  la  conduite  lui  est  confiée,  il  doit  aussi  pourvoir  à  tous  leurs 
besoins  et  à  ceux  de  leui  suite  et  des  animaux  employés  à  leur  service  ; 
il  impose  sur  tous  les  lieux  qui  se  trouvent  sur  sa  route,  les  fournitures 
de  tout  genre  nécessaires  à  l'approvisionnement  des  hôtes  du  prince ,  et 
ces  réquisitions  sont  d'ordinaire  pour  le  mihmandar  une  source  de  gros 
bénéfices  :  aussi  de  semblables  commissions  sont-elles  fort  recherchées. 
En  Perse,  où  l'étiquette  est  la  partie  la  plus  essentielle  de  la  politique , 
le  choix  d'un  mihmandar  ne  sauroit  être  regardé  comme  un  objet  de 
peu  d'intérêt.  L'importance  du  personnage  auquel  ces  fonctions  sont 
confiées ,  fait  connoître  de  quel  degré  de  considération  jouit  dans  l'esprit 
du  prince  Thôte  qu'il  va  recevoir. 

Le  prince,  gouverneur  de  Schiraz  ,  avoit  désigné  pour  foire  les  fonc- 
tions de  mihmandar  auprès  de  sir  GoreOuseley,  son  favori,  Mohammed 
Zéki-Khan;  mais,  cet  officier  tardant  à  arriver,  l'ambassadeur,  auquel  le 
séjour  de  Bouschire  devenoît  insupportable,  se  détermina  à  quitter  son 
campement,  situé  auprès  de  cette  ville,  et  à  partir  pour  Schiraz  le 
27  mars ,  après  avoir  r  equis  le  gouverneur  de  Bouschire  de  l'accompagner. 
L'ambassade ,  qui  marchoit  à  petites  journées  à  cause  de  l'excessive  cha- 
leur, rencontra  enfin  le  mihmandar  à  un  lieu  nommé  Barajd)oun.  Cet 
officier  s'excusa  du  retard  involontaire  qu'il  avoit  apporté  à  se  rendre 
auprès  de  l'ambassadeur,  et  prit  la  conduite  de  l'ambassade  ;  le  gouver- 
neur de  Bouschire  prit  en  même  temps  congé  de  sir  Gore  Ouseley ,  et 
itn  retourna  dans  sa  résidence. 

L'ambassade  atteignit  Schiraz  le  7  avril;  elle  ne  quitta  cette  ville  que  le 
10  juillet.  Ce  long  séjour,  quoique  très-opposé  au  désir  de  l'ambassa- 
deur, ne  fut  pas  perdu  pour  les  voyageurs.  Diverses  personnes  de  l'am- 
bassade se  partagèrent  les  contrées  qui  pouvoient  offrir  quelques  objets 
de  recherches  aux  amateurs  de  l'antiquité  ;  et  plusieurs  excursions  furent 
exécutées  par  Tordre  de  l'ambassadeur.  Son  frère,  sir  W.  Ouseley,  alfa 
^  Fasa,  l'ancienne  Pasagardx,  et  de  là  à  Darabgherd.  M.  Robert  Gor- 
don ,  depuis  ministre  plénipotentiaire  de  S.  M.  Britannique  près  la  cour 
de  Vienne ,  entreprit  un  voyage  périlleux  à  Schouster ,  pour  examiner 
les  vxi\\^%  de  Suses.  Le  ma;or  Sione, officier  d'artillerie,  mort  en  Perse 


^ 


é 


I 


JANVIER   jStp.  Al 

i  (a  fleur  de  Page,  alla  visiter  les  ruines  de  Schapour,  et  y  fit  quelques 
nouvelles  découvertes;  entfe  autres,  une  statue  renversée,  la  seule  connue 
jusqu'à  ce  jour  en  Perse  ,  et  que  l'on  peut  voir  dans  le  Voyage  de 
M.  Johnson,  Pour  M.  Morieri  il  retourna  à  Persépolis ,  ses  fonctions 
ne  lui  permetiant  pas  de  s'éloigner  beaucoup  de  l'ambassadeur  :  il  ne 
désespéroît  pas  de  découvrir  quelques  restes  d'antiquités  encore  in- 
coïinucs,  soit  dans  les  ruines  mêmes  de  ces  anciens  monumens,  soit 
dans  les  lieux  circonvoisins.  Les  recherches  de  M.  Moritr  ne  produi  ■ 
sireni  pas  de  grands  résultats.  Le  plus  important  tst  la  découverte  de 
trois  assez  longues  inscriptions  en  caractères  sassanides,  c'esi-k-dtre , 
pareils  à  ceux  de  Nakschj-Housiam  ,  de  Kinnanschah  et  des  médailliS 
des  Sassanides.  Ces  inscriptions  sont  gravées  sur  le  roc,  à  l'entrée  d'une 
excavation  artificielle,  pratiquée  dans  la  pente  roide  d'une  montagne 
qui  est  située  au  nord-est  entre  Nakschi-RousCain  et  Persépolis.  M.  Mo- 
lier  n'a  pu  copier  qu'une  portion  de  l'une  de  ces  trois  inscriptions;  ii 
avoue  lui-même  que  sa  copie  est  très-impnrfaîie,etque  l'éloignemeni  eila 
hauteur  du  lieu  où  l'inscription  se  trouve  gravée ,  ne  lui  perineitoient  pas 
d'en  prendre  une  copie  très-exacte.  On  ne  suuroit  donc  se  flatter  de  tirer 
aucun  parti  de  ce  fragment  d'inscription;  mais  on  peut  espérer  que  la 
découverte  de  ce  monument  bien  constatée  engagera  quelque  autre  voya- 
geur à  aller  visiter  de  nouveau  ces  lieux,  et  à  se  pourvoir  des  échelles  et 
autres  instrumens  néceSiaires  pour  en  prendre  une  copie  j)lus  complète 
et  plus  soignée.  Quand  on  se  rappelle  qu'à  Nakschi-Rousiam  chaque 
inscription  est  en  trois  langues ,  et  que  l'une  de  ces  trois  langues  est 
la  langue  grecque,  on  se  demande  jiresque  involontairement  si  la  même 
chose  n'auroit  pas  lieu  ici. 

Al.  Morier  ne  fait  point  connoître  le  résultat  des  excursions  faites  par 
les  autres  personnes  de  l'ainljassade.  Ceux  qu'a  pu  obtenir  sir  William 
Ouseley,  feront  sans  doute  partie  de  la  relation  de  son  voyage ,  qui  est 
attendue  avec  impatience. 

Le  ij  juin,  l'ambassadrice  mît  au  monde  une  fille.  Cette  circons- 
tance fournil  k  M,  Morier  l'occasion  de  faire  connoîire  les  divers  usages 
pratiqués  chez  les  Persans  à  la  naissance  d'un  enfant,  et  les  préjugés 
qui  rendirent  très  -  diflicile  de  trouver  une  nourrice  pour  la  fille  de 
M.""  Ouseley, 

Cependant  un  nouveau  mihmandar  avoit  été  nommé  par  le  roi  poirr 
aller  prendre  l'ambassade  à  Schiraz  et  la  conduire  S  Téhéran,  et  déjà  il 
étoil  arrivé  i  Schiraz.  C'éloit  Mirza  Zéki,  personnage  qui  jouissoit 
d'une  grande  faveur  auprès  du  roi.  et  qui  exerçoii  les  fonctions  i-'e 
muslofi  Jy~*  ou  secrétaire  d'éiat.  Sous  la  conduite  de  ce  nouveau  guide. 


4*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

r^mbassade  quitta  Schiraz  le  t  o  juillet  ;  sa  marche  et  ses  divers  campe- 

mens  ou  stations  sont  décrits  avec  soin  par  M.  Morier. 

Le  A  j  juillec ,  elle  arriva  k  Ispahan.  Je  ne  dirai  rien  ici  de  TétiqueEte 
observée  par  les  Persans,  soit  pour  les  visites  réciproques  de  l'ambas- 
sadeur et  des  autorités  focales ,  soit  pour  l'entrée  solennelle  de  Tambas- 
sade ,  les  audiences  de  cérémonie ,  les  festins  et  les  fêtes  données  par  le» 
gouverneurs  des  villes  principales.  Ne  voulant  point  interrompre  le  récit 
de  la  marche  de  l'ambassade ,  j'omets  tous  ces  détails ,  sauf  ï  y  revenir 
par  la  suite,  si  l'espace  me  le  permet  ;  car  je  ne  les  regarde  point  comme 
dépourvus  d'intérêt,  attendu  qu'ils  sont  propres  à  faire  connoiire  l'état 
actuel  de  la  civilisation  en  Perse. 

L'état  présent  d'Ispahan ,  cette  ancienne  capitale  de  la  monarchie  des 
Séféwis,  que  nous  nommons  mal-îi-propos  Sofîs,  comparé  avec  la  des- 
cription que  nous  en  a  laissée  Chardin,  sutïîroit  seul  pour  donner  une 
idée  des  révolutions  politiques  et  des  scènes  de  sang  dont  la  Perse  a  été 
le  théâtre  depuis  l'extinction  de  cette  dynastie.  Presque  toutes  les  prin- 
cipales villes  de  la  Perse  ont  otfert  k  JVl.  Morier  un  taljleau  à  peu  près 
semblable. 

Le  séjour  de  l'ambassade  à  Ispahan  se  prolongea  jusqu'au  1 4  octobre. 
Elle  avoit  dû  attendre,  avant  de  se  mettre  en  route  pour  Téhéran, 
l'époque  à  laquelle  le  roi  quitte  Sultanièh ,  sa  résidence  d'été,  pour 
rentrer  dans  la  capitale,  Le  séjour  d'Ispahan,  ville  dont  le  climat  est 
regardé  par  les  Persans  comme  le  plus  sain  de  tout  le  royaume ,  fût 
cependant  très-fôcheux  pour  l'ambassade  ;  presque  toutes  les  personnes 
qui  la  composoient ,  Européens  ou  Indiens  ,  furent  at(.iquées,  en  août 
et  en  septembre,  de  fièvres,  qui  n'épargnèrent  pas  non  plus  les  habiians. 
M.  Morier  assure  que  ces  maladies,  dues  à  l'inconstance  de  la  tempéra- 
ture, sont  généralement  fréquentes  à  Ispahan,  quoi  qu'en  disent  les 


JANVIER   1819.  fj 

des  nouons  utiles,  relativemem  soit  aux  contrées,  soît  aux  habitans. 
On  avoii  jugé  qu'il  éloit  d'une  grande  importance  pour  les  iiiiéréts 
politiques  qui  avoient  donné  lieu  à  l'envoi  d'un  ambassadeur  i  la  cour 
de  Perse  ,  que  te  miniilre  eût  une  entrevue  persormelle  avec  le  prince 
royal  Ahbas  Mirza  ,  gouverneur  de  Tauriz  ,  dont  toutes  les  vues  ont 
pour  objet  l'introduction  en  Perse  des  connoissances  scientifiques  et  pra- 
tiques, du  système  militaire  et  de  la  tactique  des  Européens.  En  consé- 
quence, l'ambassadeur  n'eut  pas  plutôt  terminé  lesafTairesqui  avoient  exigé 
sa  préseiice  dans  la  capitale  du  royaume,  qu'il  se  remit  en  voyage  vers  la  fin 
de  mai  1812, et  dirigea  sa  marclie  vers  Tauriz.  Il  arriva  le  i,"juin  à 
Caz  vin,  d'où,  continuant  sa  route,  en  passant  par  A[)har,Zengan  et  Mianèh, 
il  arriva  en  quelques  jours  il  Taurrz.  Il  y  trouva  un  officier  russe  que 
lui  envoyoit  le  général  Rtischeff,  commandant  en  chef  des  armées  russes 
en  Géorgie.  Cet  officier  étoit  porteur  de  lettres  par  lesquelles  le  général 
înstruisoil  sir  Gore  Ouseley  du  désir  qu'avoit  le  gouvernement  russe 
d'entrer  en  négociation  avec  la  Perse,  sous  la  médiation  de  la  Grande 
Bretagne.  Après  qu'on  eut  demandé  et  obtenu  les  renseignemens  né- 
cessaires sur  la  nature  des  pouvoirs  donnés  au  génêtal  Rtischeff,  ce  qui 
entraîna  d'assez  longs  délais ,  il  fut  arrêté  que  le  prince  roy.iI  et  le  géné- 
ral russe  auroient  une  entrevue  sur  la  frontière  des  deux  étals.  En  consé- 
quence ,  sir  Gore  Ouseley  quitta  Tauriz  le  7  septemiire  pour  aller  rejoindre 
le  prince  royal ,  qui  étoit  campé  à  quelques  lieues  de  la  ville ,  et  qui  devoit 
se  rendre  à  Afc-Tappèh  pour  y  attendre  le  général  Rtischeff.  Le  1 7  du  même 
mois  ,  après  dix  jours  de  route  dans  une  contrée  jusqu'ici  presque  incon- 
nue ,  l'ambassadeur  arriva  à  Ak-Tappèh  ,  où  étoit  campé  le  prince  royal. 
Ak-Tappèh  est  situé  à  une  distance  h  peu  prèségaledel'Araxeetde  la  mer 
Caspienne ,  sur  les  frontières  de  la  province  de  Karadagh ,  au  jg.*  degré  de 
latitude  et  4ti-'  degré  jo'  de  longitude  du  méridien  de  Greenwich. 
Le  22  du  même  mois ,  un  général  russe  arriva  au  camp  ;  il  étoit  chargé 
de  concerter  d'avance  le  cérémonial  qui  seroit  observé  dans  l'entrevue 
du  prince  et  du  commandant  en  clief.  Le  commandant  consenioit  à 
traverser  l'Araxe ,  et  à  faire  encore  un  werst  de  l'autre  côté  du  fleuve  ; 
mais  le  prince  éloit  décidé  à  ne  pas  faire  un  pas  pour  s'avancer  plus 
loin  que  le  lieu  où  il  étoit  campé  .  et  disoit  se  conformer  en  cela  aux 
ordres  exprès  qu'il  avoit  reçus  du  roi  son  père.  Il  eût  été  plus  aisé  de 
faire  un  traité  de  paix,  que  de  régler  l'étiquette  de  l'entrevue  projetée: 
il  fallut  donc  y  renoncer,  et  il  fût  convenu  que  chacune  des  deux  par- 
ties enverrait  un  plénipotentiaire  k  Asiandous ,  sur  les  bords  de  l'Araxe. 
Mirza  Abou'Ikasem  ,  vizir  du  prince  royal,  fut  nommé  plénipoteniiaJie 
pour  les  Persans,  et  M.  Morierfut  envoyé  au  camp  du  général  RtischetF 


i 


a 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


pour  conférer  avec  lui ,  et  revenir  à  Asljiidous  avec  le  plénipotentiaire 
russe. 

M.  Morier  partit  donc  le  4  ociobre-,  et  vint  ie  5  à  Asl<indous.  Le 
m^nie  jour  il  traversa  TArnxe ,  et  entra  sur  le  territoire  russe.  II  se  rendit 
auprès  du  général  Riiscbeff,  passa  deux  jours  auprès  de  lui,  et  revint 
accompagné  du  plénipoienliaire  russe,  le  général  AkwerdofF.  Les  Persans, 
qui  avoient  remporté  peu  de  temps  auparavant  un  léger  avantage  sur 
les  Russes ,  étoient  peu  disposés  à  se  relâcher  de  leurs  prétentions  :  aussi 
l'entrevue  des  deux  plénipoientiiiires  ne  produisit-elle  aucun  résultat  ; 
et  ils  se  séparèrent,  après  s'être  réciproquement  dénoncé  la  reprise  des 
hostilités  au  bout  d'uncertain  nombre  de  jours.  Le  i  1  ociobre,  M.  Morier 
revint  au  camp  du  prince  royal ,  et,  trois  jours  après,  sir  Core  Ouseley 
leva  le  camp  tt  reprit  la  route  de  Téhéran,  tandis  que  le  prince  mar> 
choit  vers  Maranlou,  lieu  situé  h  trois  parasanges  environ  de  i'Araxe, 
pour  y  recommencer  ses  o))érations  contre  les  Russes. 

Le  ip  octobre,  l'ambassade  campa  prèsd'Ardebil;  et  le  20  novembre, 
elle  arriva  à  Téhéran ,  après  trente-neuf  jours  de  marche  depuis  Ak- 
Tappèh.  Avant  d'être  rentré  dans  celte  capitale,  l'ambassadeur  avoît 
déjà  reçu  la  nouvelle  de  la  défaite  totale  des  Persans  par  les  Russes  * 
défaite  qui  avoit  eu  lieu  le   31  octobre  près  d'Aslandous. 

Au  printemps  de  l'année  suivante  1813,  les  affaires  entre  la  Russie 
et  la  Perse  n'étant  point  encore  arrangées ,  il  parut  nécessaire,  pour 
fcciliter  les  relations  de  l'apnbassadeur  avec  la  cour  de  Perse,  que  sir 
Gore  Ouseley  passât  l'été  à  Hamadan ,  tandis  que  le  roi  seroit  établi, 
suivant  son  usage  ,  à  Sulianièh.  Des  ordre»  furent  donnés  en  consé- 
quence au  gouverneur  de  Hamadan  ,  afin  qu'il  préparât  des  logemens 
convenables  à  l'ambassade.  Un  mihmandar  fut  nommé  pour  conduire 
l'ambassadeur ,  qui  se  mit  en  route  le  26  mai  ,  et  arriva ,  après  quatre 


JANVIER  1819. 
En  exprimant  ici  le  regret  que  noire  voyngeur  n';iit  pas  copî^  ces  inscrip- 
tions, je  n'eniends  iiullemtnt  lui  en  fnjre  un  reproche;  je  partage,  au 
contraire,  tout-â-fait  son  opinion  sur  l'iujusiice  de  ces  reprothes  adressés 
trop  souvent  aux  voyageurs  ,  k  ceux  inéines  qui  ont  fait  le  plus  pour 
la  science  de  l'antiquilé  et  pour  le  progrès  des  connoissances  géogra- 
phiques et  eihnogra{)hiques  ,  par  des  étiidiis  qui  ne  sont  jamais  sortis 
de  leur  cabinet ,  et  n'ont  couru  aucun  danger  ni  enduré  aucune  pri- 
vation pour  étendre  le  domaine  delerudilioii  ou  d^s  sciences.  Au  reste, 
un  semblable  reproche  seroit  bien  mal  adressé  à  M.  Morier,  qui,  dans 
ce  voyage  même,  nous  a  fdh  tonnoître  des  restes  précieux  d'antiquités 
jusque-ih  ignorés ,  ou  a  donné  des  dessins  plus  exacts  de  plusieurs  de 
ceux  qui  étoient  déjà  connus.  Notre  voyageur  ne  doute  point  que  Ha- 
niadait  ne  soit  l'ancienne  Ecbatane.  Aux  raisons  qu'il  en  donne  on  peut 
en  ajouter  une  irès-forte,  c'est  que  le  nom  même  de  Hainadan,  qui 
a  pu  être  prononcé  autrefois  Khmalan  ou  K^hmadan ,  ne  difiere  pas 
essentiellement  de  celui  à^Eebatuni."  Nous  y  fûmes,  dit  notre  voyageur, 
33  accables  de  inédailles  des  Arsacides  et  des  Sassanides,  qui  se  trouvent 
»  en  grande  quantité  i  Hainadan  et  dans  un  village  qui  n'en  est  distant 
M  que  de  trois  parasange»;  nous  y  recueillîmes  aussi  beaucoup  de  cor- 
"  nalines  gravées.  Une  pierre  cylindrique  ,  couverte  de  figures  et  de 
"Caractères  persépolitains ,  nous  tomba  entre  les  mains,  et  l'on  nous 
>'  apporta  diiTcrentes  médailles  des  Séleucides ,  dent  aucune  cependant 
a>  n'étoil  remarquable,  ni  par  sa  rareté,  ni  pir  une  belle  conservation, 
»  En  un  mot,  nous  trcu/àmes  que  la  ville  de  Hainadan  présentoit  à  un 
»  antiquaire  plus  d'ob/Lts  de  recherches  qu'aucune  autre  de^i  villes  de 
»  la  Perse  par  nous  visitées  :  et  il  est  irès-probable  que  (es  fouilles  que 
»  l'on  )  feroit,  particulièrement  dans  l'empiiicemtni  regardé  comme  celui 
»  dt  l'ancien  palais  des  rois,  meneroieniS  d'importantes  découvertes.» 

Le  16  juin,  des  nouvelles  arrivées  de  Géorgie  déterminèrent  sir 
Gore  Ouseiey  à  se  rendre  s.irts  délai  auprès  du  roi,  il  Sultanîèh.  Là  il 
fut  résolu  que,  pour  faciliter  k-s  communications  avec  les  autoriiés  russes 
de  la  Géorgie  ,  coinnuinicaiions  que  rendoîent  indispensables  de  nou- 
velles négociations  ouvertes  tntre  la  Perse  et  la  Russie  sous  la  média- 
tion des  Anglais  ,  l'ambassadeur  se  tran^porteroil  à  Tauriz ,  tandis  que 
le  roi,  au  lieu  de  passer  l'été  à  Sultanieh  ,  iroit  avec  toute  son  armée 
camper,  pour  le  reste  de  la  saison,  à  Ojan.  On  se  mît  donc  en  marche, 
et  l'ambassade  arriva  le  9  juillet  à  Tauriz,  et,  le  23  du  même  mois,  le 
roi  établit  son  camp  à  Ojan ,  lieu  situé  aux  deux  tiers  du  chemin  de 
Mianèh  à  Tauriz ,  et  à  trente  milles  environ  au  sud-est  de  cette  dernière 
ville.  En  arrivant  il  Tauriz ,  les  Anglais  y  Irouvèrent  le  voyageur  Brown, 


A6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qui  de  h  se  rendit  à  Ojan,  et  périt  quefques  jours  après,  victime  de  son 
imprudence,  ayant  été  volé. et  massacré  par  des  brigands.  Bientôt  il  fut 
convenu  que  la  Russie  et  fa  Perse  enverroient  des  plénipotentiaires  au 
Deu  nommé  Gulistan ,  dans  la  province  de  Karabagh.  Le  général  en 
chef  Rtischeff ,    gouverneur  de   la  Géorgie  ,  fut  chargé  des  intérêts 
de  la  Russie  ;   ceux  de  la  Perse  furent  confiés  à  Mirza  Abou  Ihasan- 
Khan  (il  avoii  reçu  du  roi  de  Perse  le  titre  de  Khan) ,  auparavant  ambas- 
sadeur en  Angleterre  ;  et  les  deux  plénipotentiaires  ne  tardèrent  pas 
à  se  rendre  au  lieu  des  conférences.  On  avoit  cru  que  les  négociations 
seroient  de  peu  de  durée;  mais  ,  comme  elles  traînoient  en  longueur, 
l'ambassade  anglaise  quitta  Tauriz  le  20  octobre,  pour  revenir  à  Téhéran, 
par  la  route  de  Méragha.  Elle  atteignit  Méragha  en  sept  jours  de  marche, 
et  le  23  novembre  elle  entra  dans  Téhéran  :  peu  de  temps  après  ,  le 
roi  lui-même  arriva  dans  la  capitale,  porteur  des  préliminaires  de  paix 
signés  des  plénipotentiaires.  Un  ambassadeur  persan  devoii  être  envoyé 
à  Pétersbourgpour  la  conclusion  d'un  traité  définitif;  Mirza  Abou'lhasan- 
Khan  fut  chargé  de  cette  mis^To^  extraordinaire  ,  et  le  roi  témoigna 
le  désir  que,  poui  hâter  et  faciliter  le  succès  des  négociations,  l'ambas- 
sadeur anglais  retournât  en  Angleterre  par  la  Russie.  Sir  Gore  Ouseley 
acquiesça  à  cette  proposition.  Pour  la  facilité  des  transports^ et  des  four- 
nitures ,  il  fut  arrêté  que  l'ambassadeur  anglais  parriroit  le  premier  ; 
ce  qui  fut  exécuté.  iMirza  Abou'lhasan-Khaa  le  suivit  deux  mois  après. 
M.  Morier,qui  devoit  rester  en  Perse  comme  chargé  d'affaires  après 
le  départ  de  l'ambassadeur  ,  eut  ordre  de  l'accompagner  jusqu'aux  fron- 
tières des  deux   empires.    Le    18  mai  1814,  les  Anglais  arrivèrent  à 
Tauriz  ;  ils  en  repartirent  le  26,  se  dirigèrent  par  Khoï,  vers  Abbas- 
abad,  où  ils  traversèrent  l'Araxe  ;  puis,  passant  par  Nakhdjivan ,  Hok, 
Naraschin ,  Ardascht  (  lieu  qui  rapelle  le  nom  d'Artaxata ,  et  offre  les 
ruines  d'une  grande  ville)  ,   Erivan  ,  Etchmiatzin  et  quelques  autres 
fieux  ,  ils  atteignirent ,  le  i  8  juin  1  8 1 4  9  la  frontière  russe  ,  formée  par 
une  petite  rivière,  d'où  ils  continuèrent  leur  route  jusqu'au  lieu  nommé 
Kara-Klissèh  :  ils  y  arrivèrent  le  2 1  juin. 

M.  Morier  en  partit  le  2}  pour  retourner  en  Perse;  il  campa  d'a- 
bord dans  les  pâturages  d'Abéran,  où  il  demeura  près  d'un  mois ,  en 
attendant  le  retour  de  la  suite  de  l'ambassade  qui  avoit  accompagné 
sir  Gore  Ouseley  jusqu'à  Tefîis.  Le  2 1  juillet ,  après  leur  arrivée ,  il 
partit  pour  Tauriz.  Cette  fois  il  passa  l'Araxe  à  Djerdjer,  et  se  rendit 
à  Tauriz  ,  en  suivant  depuis  ce  fleuve  une  route  différente  de  celle  qu'il 
avoit  déjà  parcourue  ,  et  retourna  de  Tauriz  à  Téhéran.  M.  Morier 
ifoit  été  joint  en  route  par  M.  Ellis,  qui  étoit  chargé  par  la  cour  de 


JANVIER   1819.  47 

Loncfres  d'une  misbion  parncuiière  auprès  du  roi  de  Perse  ,  et  venoit 
de  Constantiiiople.  Bientôt  nprès  leur  arrivée  il  Tétiéran  ,  MM.  EHis 
et  Moiier  conclurent  un  traité  dtfiniiif  avec  le  gouvernement  persan. 
Au  nioii  de  décembre  suivant,  M.  Ellis  partit  pour  l'Angleterre,  accom- 
pagné de  M.  Welloct ,  alors  secrétaire  d'ambassade. 

En  T  8  1  ï ,  des  troubles  survenus  dans  le  Khorasan  ayant  déterminé 
le  roi  à  passer  l'été  dans  celte  province,  if  fut  arrêté  que  l'ambassade 
anglaise  habiteroit  pendant  le  même  temps  Damavend  ,  place  située 
entre  Téhéran  et  le  Khorasan.  Elle  quitta  en  conséquence  la  capitale 
le  I  8  juin  ,  pour  se  rendre  à  sa  nouvelle  résidence.  Le  roi  étant  campé 
à  Sawer,  près  d'Astérabad,  invita  la  légation  anglaise  k  se  transporter 
à  son  camp.  C'étoit  une  occasion  favorable  de  voir  une  contrée  peu 
connue  des  Européens.  Parti  en  conséquence  de  Damavend  le  22  juillet, 
M.  Morier  se  rendit  par  Bagh-schah ,  Firouz-coh,  Asséran  ,  Foulad- 
mahaleh ,  Tcheschmèh-ali  et  Towèh  ,  au  camp  Iroyal,  d'où  il  fit  une 
excursion  à  Asiérabad.  De  retour  au  camp,  il  en  repartit  le  29,  prit 
une  route  diffërenle  de  la  première,  passa  par  Damégan,  Bakhschabad, 
le  lieu  nommé  Touderwar ,  formé  de  trois  villages  réunis ,  puis  vint 
rejoindre  la  première  route  à  Towèh  ,  et  arriva  à  Damavend  le  9  août. 
Le  17  septembre,  M.  Wellock.quidevott  remplacer  M.  Morier,  arriva 
SDamavend:  il  n'y  avoit  que  soixante  joursqu'ilavoitqtiitté  l'Angleterre. 
L'ambassadeur  se  rendit  de  suiie  k  Téhéran  ,  pour  y  attendre  le  retour 
du  roi.  Peu  de  jours  après  son  entrée  dans  la  capitale  ,  le  roi  donna 
une  audience  solennelle  k  l'ambassade  ,  dans  laquelle  il  reçut  la  ratî- 
ficaliondu  traité,  une  lettre  du  prince  régent,  et  ies  lettres  de  récréanco 
de  M.  Morier. 

Enfin,  le  6  octobre,  M.  Morier  quitta  Téhéran  ;  il  arriva  le  2.6  k 
Tauriz,en  repartit  le  premier  novembre,  passa  1  Araxe  â  Djerdjer.a'riva 
le  7  à  Etchmialzin  ,  le  1  1  à  Kars  ,  le  i4  î»  Arz-roum  ,  et  continua 
de  là  sa  marche  pour  Constaniinople,  où  il  arriva  le  ij  décembre  1  81  j, 
après  avoir  suivi  la  route  déjà  décrite  dans  son  premier  Voyage. 

Parl'esquisserapideque  je  viens  de  tracer  de  la  relation  de  M.  Morier, 
on  voit  qu'elle  renferme  les  résultais  de  ciiiq  années  de  voyages  et 
d'observations ,  et  le  fruit  d'un  grand  nombre  d'excursions  faites  en 
diverses  contrées  de  1.1  Perse.  Cette  relation  étant  rédigée  toute  entière 
30US  la  forme  d'un  iournal  ,  les  observations  qui  appartiennent  à  un 
même  objet,  au  lieu  d'être  réunies  et  groupées,  s'il  est  permis  de  parler 
ainsi,  sont  dispersées,  presque  au  hasard.  Rassemblées  sous  un  certain 
nombre  de  classes  principales ,  elles  acquerroieni  peut-être  plus  d'u- 
tilité et  d'importance  ;  mais  aussi  elles  auroient  perdu  ce  caractère  d'im- 


4«  JOURNAL  DES  SAVANS, 

partialité  et  cToriginaltté  qu'elles  doivent  aux  premières  impressions  qui 
les  ont  fait  naître  ,  et  l'on  pourroit  craindre  qu'elles  n'eussent  été  altérées 
par  des  études  de  cabinet.  Ce  n'est  point  que  l'auteur  soit  un  homme, 
sans  érudition  ;  le  contraire  paroît  à  chaque  instant  :  mais,  en  le  lisant, 
on  reste  convaincu  que  sa  mémoire  lui  a  fourni ,  sur  les  lieux  mêmes* 
les  souvenirs  de  l'antiquité  qu'il  a  comparé*  avec  les  objets  dont  la  vue 
les  lui  rappeloit  >  et  qu'aucun  esprit  de  système  n'a  influé  sur  la  manière 
dont  il  a  envi>:agé  les  lieux ,  les  hommes  et  les  choses.  Nous  ferons 
connoître  dans  un  second  extrait  quelques-unes  des  observations  de  diffé- 
rente nature  que  contient  cette  intéressante  relation. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


Jeanne  d'Arc  ou  la  France  sauvée,  poème  en  douje 
chants;  par  Pierre  DuméiiH.  Paris,  chez  Cordier,  impri- 
meur-libraire, rue  et  maison  des  Mathurins-Saint-Jacques, 
n.°  lo;  in-8.'' ,  1818. 

Parmi  les  différens  sujets  d'épopée  que  peut  offrir  l'histoire  mo- 
derne ,  celui  de  Jeanne  d'Arc,  délivrant  la  France  du  joug  des  étrangers, 
est  sans  contredît  l'un  des  plus  heureux.  Le  caractère  et  les  exploits 
de  l'héroï.ie  suffiroient  presque  au  merveilleux  épique.  Jeanne  d'Arc, 
diversement  maltraitée  par  les  mauvais  vers  de  Chapelain  et  par  les 
bons  vers  de  Voltaire,  indignement  outragée  par  Shakespeare ,  mérite 
de  trouver  des  vengeurs  parmi  les  poètes  français. 

M.  Pierre  Duménil,  qui  avoit  précédeinnient  publié  un  poème  in- 
titulé Oreste  ,  dont  il  est  fait  mention  dans  le  Kajiport  sur  les  prix 
décennaux,  se  présente  aujourd'hui  dans  la  carrière.  Je  ne  crois  point 


JP  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Teb  sont  (es  délails  de  l'action ,  et  les  principaux  moyens  employés 
pu-  J'autenr. 

On  a  pu  s'apercevoir  déjà  qoe  ce  poème  comprend  trop  d'événe- 
inens  secondaires;  les  assauts,  les  escalades,  les  sièges,  les  combats, 
reviennfui  presque  il  chaque  chant.  Les  poètes  modernes  doivent  éviter 
avec  soin  les  longs  détails  militaires,  qui  ont  jxiur  nous  bien  moins 
d'intérêt  qu'ils  n'en  avoient  pour  les  anciens ,  parce  que ,  depuis  le 
dttngement  des  armes,  qui  a  tant  influé  sur  le  sort  des  combats,  ce 
n'est  plas  de  la  foKe  et  de  la  bravoure  individuelle  de  chaque  com- 
battant que  peut  dépendre  la  victoire.  Je  ne  doute  pas  que  Tauteur 
n'ait  senti  lui-même  la  monotonie  des  fréquentes  descriptions,  lorsqu'il 
a  Vbulu  parler  historiquement  de  l'attaque  de  dHTérens  forts ,  et  lorsque  i 
aprts  la  délivrance  d'Orléans,  il  a  eu  à  décrire  les  sièges  de  Clerfeau , 
de  Meun,  de  fieaugenci. 

Les  épisodes  que  l'auteur  a  placés  dans  son  poème,  tels  que  celof 
du  jeune  Guitry,  qui ,  dans  l'espoir  de  mériter  la  main  de  son  amante , 
se  hasarde  imprudemment,  et,  dans  une  autre  circonstance,  répare 
son  erreur ,  ne  sont  pas  assez  attachans  ;  ils  manquent  de  cette  origi- 
nalité qui  fait  le  principal  mérite  de  ces  sortes  de  détails. 

Quant  à  ce  que  j'aurois  à  dire  sur  le  merveilleux  employé  par  le  poète, 
qu'on  me  permette  de  renvoyer  au  Jonrnal  de  mars  t8i8.  J'ajouterai 
que  l'auteur  n'auroit  pas  dû  peut-être  fiiire  tenir  de  longs  discours  à 
l'Eternel,  et  auroit  dû  marquer,  cbns  fe  cours  dé  son  poème,  d'une 
manière  plus  expresse,  l'action  toujours  présente,  toujours  toute- 
puissante,  de  l'être  des  êttes.  L'emploi  des  anges  rivaux,  c'est-k-dire , 
de  l'ange  qui  protège  la  France  et  de  celui  qui  protège  l'Angleterre, 
ne  produit  aucun  effet  remarquable.  Les  démons  agissent  en  faveur 
des  Anglais  contre  les  nnges;  mais  cette  lutte  permet-elle  quelque 


JANVIER    ïStp.  ji 

D'arffeurî  les  angfs  et  les  démons  paroissent ,  agissent  trop  souvent, 
et,  j'oiC  le  dire,  sans  nécessité, 

Ntc  Drus  imersil,  nhi  d'ignus  v'mdict  nodut 

Jncideric.     (  HoR.  An  pott.) 
Le  personnage  de  Jeanne  d'Arc,  tel  que  le  présentent  l'histoire  et  fa 
tradiiion,|est  as cz  beau,  assez  mystérieux,  assez  inerveiNeux,  pour  rendre, 
l'intervention  des  anges  moins  nécessaire  et  moins   fréquente  dans  un 
poèmu'  qui  lui  est  consacré  ,  que  dans  tout  autre  poème  chrétien. 

Les  passages  que  j'ai  cités  auront  donne  une  idée  du  style  du 
poème;  on  y  trouve  des  vers  heureux  et  des  passages  bien  écrits: 
mais  le  style  manque,  en  général,  de  celle  élégance  et  de  cette  noblesse 
qui  sont  si  nécessaires  à  l'épopée,  de  ce  talent  poétique 

Qui  dit  sans  s'avilir  les  plus  petites  choses. 
C'est  dans  l'épopée  sur-tout  que  la  beauté   du  style    peut    suppléer 
beaucoup  d'autres  beautés,  tandis  que  d'autres   beautés  ne  pourroient 
fa  suppléer. 

On  rencontre  dans  le  poème  de  Jeanne  d'Arc  beaucoup  trop  de 
vers  semblables  à  ceux-ci: 

Deux  fois  mille  guerriers  conintaudés  par  Villars. . , . 

S'avance  de  Patay  vers  SuUî  sur  la  Loire. . . . 

Inspecter  tous  les  corps  et  passer  la  revue. .  . . 

Les  vivres  stipulét  par  l'accord  favorable. . . . 

Elle  dit;  les  Français  s'arrêieut,  tournent  bride. .. . 

Vient  éiablir  sa  cour  au  château  de  Sepiteaux. . . . 

Le  temple  vénérable  ouvre  ses  trois  portaux    . . . 
Etsurie  maltrc-auiel 

Placer  avec  respect  ce  dépôt  solennel. 
Je  citerai  pour  dernier  exemple  l'expression  d'oiNTE  du  seigneur 
que  l'auteur  a  employée  très-souvent  pour  désigner  Jeanne  d'Arc.  On 
lit  dans  l'invocation: 

Viens  inspirer  mes  chants;viens  iii'aider  en  ce  jour 

De  i'oiNTE  du  Seigneur  à  célébrer  l'ouvrage. 
P.irmi  les  diUcrens  traits  de  ce  poème  qui  méritent  d'être  distingués, 
findiquE rai ,  comme  une  invention  heureuse,  la  délivrance  que  ITitemel 
accorde  des  âmes  îles  Français  qui,  morts  en  défendant  leur  patrie  eï 
leur  roi,  subissoient  encore  les  épreuves  douloureuses  du  purgatoire. 
Cette  fiction  religieuse  mérite  des  éloges  ;  elle  convient  parhiiiement  b 
l'épopée  moderne.  Exécutée  avec  talent,  elle  présenieroit  un  genre  de 


Î2  JOURNAL  DES  SAV^ANS,' 

•fceaurf'  nouvelle.  C'est  encore  une  btlle  conception  que  l'inspiration 
'-prophétique  qui  saisit  Jeanne  d'Arc  au  moment  où,  la  cérémonie  du 
sacré  étant  terminée,  elle  voifsa  projire  mission  entièrement  accomplie. 
Cette  manière  de  finir  le  poème,  en  rattachant  à  son  action  les 
év^nemens  futurs  qui  intéressent  la  gloire  de  la  France  ,  est  mi  heureux 
complément. 

Mais  il  ne  suffit  pas  d'avoir  des  conceptions  intéressantes  et  poétiques; 
il  faut  les  animer  par  l'élégance  continue  et  la  noblesse  du  style,  par 
la  vivacité  et  l'heureux  choix  de  l'expression ,  par  l'harmonie  des  vers. 
Pour  donner  une  idée  favorable  du  talent  de  l'auteur,  je  rapporterai 
les  passages  suivans ,  qui  décrivent  la  célébration  de  la  me»se  à  laquelle 
l'armée  entière  assiste  au  milieu  de  la  campagne  : 

Le  pontife,  incliné  sur  iet  sacréi  azymes, 

Prononce  lentemeni  les  mots  mystéiieox: 

C'en  est  fait  ;  l'homme-dieu  descend  du  haut  des  cieux, 

£t  d'un  pain  <]ui  n'est  plus  la  vulgaire  apparence 

Dant  un  espace  étroit  renferme  l'Être  immense. 

O  prodige  d'amour!  à  la  voix  d'un  mortel 

Le  Verbe  ainsi  descend  de  ion  trône  éternel. 

Soudain  devant  son  Dieu  le  prêtre  s'humilie, 

Et,  tenant  dans  sa  main  la  vénérable  hostie, 

Il  la  montre  aui  regards  de  tous  les  asiistani; 

Des  trompettes  alors  les  accens  édatans 

Font  retentir  les  airs  de  fanfares  pieuses. . . . 

Les  guerriers  à  genoux  ont  présenté  leur*  armes. . . . 

Le  peuple  contre  terre  au  loin  s'est  prosterne; 

De  l'auguste  Éliel  le  front  tombe  incliné. 

Et  ses  anges  trenitlans  à   Tomlirc  de    leui 


JANVIER    l8t9".  ij 

Le  pocle  a  consacré  nffiif  ch:ints  il  la  délivrance  d'Orléans,  et  un  seul  à, 
décrire  la  bat.iille  de  Patay  et  le  couroiiiieinciU  du  roi.  Je  leniuiierai 
cet  extrait  en  traduisant  un  passaj^e  remarquable  de  l'tpoptc  anglaise  ; 
c'est  celui  où  Jeanne  d'Arc  prononce  rorni>on  fiuiéljre  des  Français 
morts  en  combattant  jiour  la  délivrance  d'Orltans. 

"  G/oJre  h  ceux  qui ,  en  vengeant  la  taïue  de  leur  patrie ,  succoinLeni 
ji  noblement  dans  un  chnrnp  de  haiailli:  !  il  ne  s'agit  pas  ici  de  pleurer 
»  de  braves  guerriers,  de  dignes  compagnons ,  ni  de  consoler,  par  des 
n  paroles  vaines  ou  déplacées  que  dicteroil  la  compassion  ou  h  piiié, 
»  ces  nombreux  amis  qui  les  chérissoient.  Réservons  notre  pi  lié  pour 
ï>  ceux  qui  succombent  en  combattant  sous  les  bannières  de  loppression; 
»  ils  en  ont  besoin.  Puisse  le  dieu  de  paix  et  d'amour  élre  iniséricor- 
»  dieux  envers  ces  hommes  sanguinaires  qui  sont  venus  pour  désoler 
»  la  France,  et  qui  vouloient  nous  forcer  â  ramjîer  en  esclaves  devant 
n  le  marche-pied  d'un  tyran!  Qu'il  leur  accorde  sa  miséricorde,  ainsi 
"qu'à  leurs  épouses  et  à  leurs  malheureux  enfans  orphelins  qui, 
"privés  des  soins  paternels,  jettent  en  vain  des  cris  en  demandant  du 
»  pain.  Guerriers  infortunés,  enrôlés  par  force,  ou  déterminés  parle 
»  besoin  à  taire  ce  trafic  de  Itur  sang;  plus  infortunés  encore,  si  c'est 
»  leur  seule  volonté  qui  les  a  amenés;  car  ils  paroissent  maintenant 
»  devant  le  irône  éternel,  qui  les  juge  comme  meurtriers  mercenaires. 
»  Mais  nos  camarades  combattoient  pour  la  liberté  ;  ce  n'est  ni  la  violence 
»  ni  la  séduciion  qui  les  ont  appelés  à  cette  guerre  sainte  ;  leurs  parens 
»  les  envoyoieiit  en  levant  au  ciel  leurs  yeux  brillans  de  douces  larmes; 
"  ils  leur  disoient  de  s'arjner,  et  de  sauver  de  l'épée  des  biigands  leur 
»  vieillesse  respectable.  Les  épouses  recevoient  les  derniers  embrasse- 
»  mens  de  leurs  époux,  et  elles  les  prioîent  de  penser,  pendant  la 
»  bataille,  qu'il>  combaitoîent  pour  elles  et  pour  leurs  enfans  :  ainsi 
"leur  \aleur  éioit  excitée  par  les  plus  chers  sentimens.  Ils  partirent, 
«  ils  comballirent,  ils  furejil  vainqueurs.  Uajis  les  siècles  à  venir,  les 
"  habiiam  d'Orltans  amèneront  en  ce  lieu  consacré  leurs  jeunes  enfins, 
»  et  leur  raconteront  les  hauts  faits  de  nos  braves  amis;  le  saint  exemple 
"  leur  en'ieignera  à  chérir  la  patrie;  et  si  l'oppression  menaçoit  encore  de 
«répandre  tes  flots  désolwteura.  ils  sauroient.  comme  ces  braves, 
"  s'opposer  au  torrent  furieux.  Français  '.  ne  pleurons  pas  sur  nos  cojn- 
wpagnons;  ils  ont  combattu  vaillamment  pour  la  bonne  cause;  et 
»  l'hlernel,  qui  veut  que  la  paix  règne  sur  la  terre,  les  recompense  de 
»  leur  dévouemenr  :  nous  survivons  pour  honorer  leur  mémoire,  pour 
»  venger  leur  mort  sur  les  hordes  étrangères  ,  &c.  &c.  » 

RAYNOUARD. 


î4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Observations  sur  la  folie  ou  sur  Us  déran^emens  des 
fonctions  morales  et  hUellectaeVes  de  l'homme;  par  M.  G. 
SpurzheJm  ,  M.  D.  ;  avec  deux  planches.  Paris,  chez 
Treuttel  et  Wiirtz,  libraires,  rue  de  Bourbon,  n."  17;  à 
Strasbourg  et  à  Londres,  même  maison  de  commerce; 
1818  ,  un  vol.  in-H."  de  34©  pages. 

Dans  une  introduction,  M.  Spurzheitn  se  plaint  de  ce  qu'oa  ne 
s'est  pas  assez  occupé  de  l'èxamea.  des  aliénations  mentales ,  de  ce 
que ,  dans  les  écoles  publiques ,  on  ne  répand  pas  plus  d'instrocdon 
sur  un  objet  qui  intéresse  autant  i'homaniié,  et  de  ce  qu'on 
n'applique  pas  au  traitement  des  aliénés  les  considérations  générales 
que  fournit  la  pathologie.  Des  faits  pourraient  répondre  k  cet 
plaintes,  dictées  sans  doute  par  le  désir  d'être  utile  à  une  classe 
très-malheureuse;  car  jamais  on  ne  se  livra  davantage  k  fétude  de 
ce  genre  de  maladie.  II  est  certain  qu'on  enseigne  aux  élèves  en 
médecine  ce  qu'on  sait  sur  ses  causes  et  sur  la  tnanière  de  ia  traiter  ; 
on  ne  néglige  pas  d'avoir  égard  à  la  constitution  pardculière  det 
individus ,  à  leur  iôrce ,  à  leur  foiblesse ,  k  leur  tempérament ,  &c. 
La  nécessité  de  réunir  les  insensés  dans  des  maisons  disposées  à  cet 
•fièt,  à  cause  des  inconviniens  qu'il  y  auroit  à  les  laisser  au  milieu 
de  la  société,  ne  permet,  il  est  vrai,  qu'à  an  petit  nombre  de 
médecins ,  de  les  bien  observer  et  de  leur  donner  des  soins;  mais  il 
ne  s'ensuit  pas  que  les  autres  soient  indUT<irens  au  sort  de  ces  infor- 
tunés, «t  qu'ils  ne  puissent  au  besoin  donner  des  conseils  salutaires, 
tels  que  les  circonstances  l'exigent.  II  existe  en  France  plusieurt  él»< 
blisseniens  où  l'art  de  guérir ,  de  coocert  arec  la  phiiantropie,  met  en 


JANVIER  1819. 
»  pa^  distinguer  cette  aberration  ,  ou  qui  n'a  pas  l'influence  de  [i 
»  volonté  sur  les  actions  de  ce  sentiment;  ou  ,  en  d'autres  termes, 
»  la  folie  est  l'état  d'un  homme  qui  est  inc3pal)ie  de  distinguer  les 
ï>  dérangemens  de  ses  opérations  mentales  ou  qui  agit  irrésistibfe- 
»  ment,  »  Celte  définition  paraît  longue ,  compliquée ,  et  ne  rend  pas 
bien  l'idée  de  Ja  folie. 

Les  symptômes  de  (a  folie  sont  décrits  par  M.  Spurzheim,  d'après 
ses  observations  personnelles  et  celles  de  MM.  Pinel ,  Hasiam,  Rush 
et  quelques  autres  qu'il  ne  manque  pas  de  citer.  Ces  symptômes  sont 
nombreux  ;  ils  se  modifient  dans  chaque  individu  et  sont  souvent 
complexes. 

On  a  fait  à  l'égard  de  la  folie  ce  qu'on  a  fait  h  l'égard  d'autres 
maladies:  on  a  établi  des  divisions,  qui  ne  sont  autre  chose  que  des 
distinctions  de  symptômes.  L'auteur  ici  rapporte  sajis  les  admettre, 
voulant  s'en  tenir  à  celle  qui,  Mandée  sur  les  cauAes  ,  doit  être  la 
base  du  traitement. 

La  folie  est  héréditaire ,  M.  Spurzheîm  le  croit  ;  beaucoup  de 
faits  l'attestent:  MM.  Davisse,  Hasiam ,  Pinel,  Esquirol,  &i:,  sont 
de  cet  avis.  Elle  a  lieu  plutôt  entre  vingt  et  soixante  ans  qu'au- 
paravant ou  qu'après  ;  l'auteur  dit  qu'elle  affecte  plus  d'individus 
entre  vingt  et  trente  ans  en  France  qu'en  Angleterre  :  tout  ce  qui 
dérange,  excite  ou  affoîblit  l'organisation,  sur-tout  le  système  nerveux,^ 
peut  l'occasionner.  Elle  a  des  accès  et  des  rémissions  :  on  voit  des 
folies  quotidiennes;  on  en  voit  de  tierces,  de  quartes,  de  mensuelles, 
d'annuelles,  et  d'autres  dont  les  accès  ne  reviennent  qu'après 
plusieurs  années  avec  des  intermîssions  tantôt  régulières,  tantôt 
îrrégulières.  Suivant  M.  Spurzheim,  la  cause  pro<.li:iine  de  la  folie 
réside  dans  le  cerveau.  QuelquL-s  pajjes  de  son  livre  sont  consacrées 
à  réfuter  des  propositions  de  M.  Foderé,  auteur  d'un  Traité  du 
délire  ,  qui  fait  consister  la  folie  dans  l'aberration  de  la  vitalité  du  sang, 
opinion  difficile  ii  coiiiprendre,  et,  par  conséquent,  à  r.do]-)ler;  il  y 
auroit  tout  autant  de[  raison  de  dire  qu'elle  consiste  dans  f.'iLerration 
de  la  vitalité  de  la  lymphe  ou    du  fluide  nerveux. 

On  fait  deux  obfections  bien  fortes  contre  le  système  de  M. 
Spurzheim ,  qui  lui  est-  commun  avec  son  ami  M.  Gall  :  ces 
anatomisies  prétendent  que  les  difTérentcs  parties  du  système  nerveux 
et  du  cerveau  sont  indépendantes  l'une  de  l'autre  en  structure 
et  en  fonctinns,  se  communiquant  toutefois  entre  elles;  et  que 
les  'manifèstatioiis  de  chiique  faculté  primitive  de  l'ame  dépendent 
d'une   partie    céréiirale  particulière  :   cela  posé,  la   cause  de  la  folie 


î^  JOURNAL  DES  SAVANS, 

çsi  dans  le  cerveau,  dont  quelques  fonctions  se  trouvent  alors  plus 
ou  moins  dérangées.  On  leur  répond  que,  dans  les  dissections  anato- 
iniques  d'un  grand  nombre  de  cerveaux  d'aliénés  morts,  on  ne  dé- 
couvre rien  qui  ne  soit  dans  ceux  des  hommes  enlevés  par  d'autres 
maladies  que  la  folie;  que  de  grandes  portions  du  cerveau  ont  é^ 
détruites,  sans  que  l'entendement  en  ait  été  altéré. 

On  a  dit  que  MM.  Cad  et  Spurzheiin  assuroient  qu'on  pou- 
voit ,  par  la  forme  extérieure  de  la  léte ,  annoncer  qu'un  homme 
éloit  ou  n'étoit  pas  prédisposé  à  la  folie  t  M.  Spurzheim  dément 
Fassenton  comme  n'étant  contenue  dans  aucun  de  leurs*  écrits ,  et 
contraire  à  leurs  principes  quant  au  cerveau;  seulement  ils  croient  pou- 
voir prédire  qu'un  crâne  trop  petit  donne  une  grande  disposition  à 
ridiotisme. 

Au  reste ,  dans  l'écnt  que  nous  faisons  connoître,  M.  Spurzheim  ne 
développe  pas  toute  sa  physiologie;  il  se  borne  h  en  appliquer  quelques 
principes  à  l'explication  d'un  grand  nombre  de  faits  pathologiques, 
relatifs  à  la  folie  ;  il  n'oublie  pas  de  parler  de  Tidiotisme ,  soit  accidente] , 
soit  naturel,  tel  que  le  crétinisme,  parce  que  ces  états  ont  des  rap- 
ports avec  la  folie. 

Certains  tempéramens,  poursuit  M.  Spurzheim,  sont  plus  suscep- 
tibles de  fa  fblie  que  les  autres  ;  le  genre  de  vie ,  les  occupations ,  y 
influentbeaucoup.  L'Angleterre,  d'après  Fauteur,  en  fournit  des  exemples: 
par-tout  les  femmes  y  sont  plus  sujettes  que  les  hommes,  étant  ex- 
posées k  plusieurs  des  causes  qui  la  produisent. 

L'espèce  de  suicide  qui  est  l'effet  d'une  décision  momentanée  et 
d'affections  violentes,  est  regardée  par  M.  Spurzheim  comme  une 
maladie,  comme  une  fblie  qu'il  pense  qu'on  préviendroit  peut-être  avec 
plus  d'attentions. 


JANVIER   1819 
a  publié  M.  Pin 


=  (.) 


posiiives ,  iT  faut  lire  ce  qu'a  publié  M.  Finel ,  et  sur-tout  uiï  mémoirt 
»iu'il  a  coniriiuniqué  à  l'académie  des  sciences. 

Quoiqu'on  ait  depuis  quelque  temps  pris  plus  d'iniérét  au  sort  des 
aliénés,  cependant  il  subsiste  des  élaWissemens  où  l'on  se  condi.it  fc 
leur  égard  d'une  manière  qui  révolte  Thumanité.  M.  Spurzheim  en 
a  visité  jiJuiienrs,  dont  1/  donne  des  descriptions  affligeantes.  Pour 
rendre  ces  hommes  moins  malheureux  et  mettre  à  portée  d'en  guérir 
un  plus  grand  nombre ,  il  indique  les  conditions  que  doit  avoir,  suivant 
lui ,  une  maison  destinée  ii  recevoir  et  à  traiter  des  fous.  Deux  planches, 
accompagnées  de  l'explication  ,  en  donnent  les  plans:  l'une  est  pourun 
hospice  de  finis  en  traitement,  et  l'autre  pour  le^  convalescens.  Ces 
plans ,  réunissant  une  situation  salubre ,  un  vaste  terrain ,  des  distrilvuiions 
appropriées,  des  moyens  de  régler  l'air,  la  lumière,  la  température, 
la  propreté ,  l'occupation  et  la  répression ,  peuvent  être  de  quelque 
Utilité. 

L'ouvrage  de  M.  Spurzheim  est  terminé  par  le  traitement  médical. 
M.  Pinel  dît  que  ce  traitement  est  peu  utile;  assertion  que  blâme  M. 
Spurzheim,  prétendant  qu'elle  ne  peut  èlre  excusée  que  parce  que  le 
traitement  médical  n'est  pas  encore  connu  ,  ou  parce  que  la  cause  de  I» 
folie  n'est  pas  regardée  comme  physique.  Il  voudroit  qu'on  réformât 
eniiéreiiient  celui  qu'on  emploie,  et  qu'au  lieu  de  faire  la  médecine 
routinière  des  symptômes,  on  établit  une  méthode  fondée  sur  les- 
causes  qui  donnent  lieu  aux  aliénations.  Mais  on  dira  :  Qui  peut  les 
hien  connoîire,  distinguer  les  principales,  quand  il  y  en  a  de  complexes, 
et  saisir  le  moment  où  il  convient  de  les  attaquer!  Il  fàudroit,  pour 
ainsi  dire,  un  médecin  pour  étudier  chaque  malade. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  tirer  dei  av.intnges  de  ce  que  propose 
M.  Spurzheim  pour  le    traitement  des   différentes  espèces   de  folies. 

Il  s'attache  d'abord  à  l'idiotisirie  et  ù  in  démence  curaiiles;  car  il 
déclare  qu'il  y  en  a  d'incurables:  puis  il  p.iiîe  h  la  véritable  folie,  qui 


I  organisation  c 


raie  de  plus  d'une  manière;  il  spécifie  les  cas 


où  l't'spoir  de  giiérison  nesauroit  êlre  conçu,  et  ceux  où  elle  doit  être 
entreprise.  Je  ne  crois  pas  devoir  le  suivre  dans  l'énumérali  on  des  re- 
itièdes  et  dans  leur  application  :  il  me  suffira  de  dire  que  son  livre  peut 
concourir,  ainsi  que  plusieurs  autres,^  l'avancement  de  l'art  de  guérîf 
les  aliénations  mentales. 

TESSIER. 


i 


(t)  Tiûié  medico-philoiophiquetur  l'alicnaiioD  mentale. 


JOURNAL  DES  SA  VANS, 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 
INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

L'acad£mie  des  beaux-ans  a  élu  M.  Poyet  pour  succciieur  de  fen  M.  Bon- 
nard.  dans  la  leciion  d'archiiecrure.  —  L'acadirmie  vient  de  perdre  M.  Gon- 
douîn  ,  membre  de  la  même  section. 

M.  Mrti{;c2  .1  communiqué  à  l'académie  des  inscripiions  et  bel  les -le  mes  un 
mémoire  qui  lend  à  montrer  qu'il  eji  au  moins  fort  douteux  que  Virgile  ait 
lu  en  présence  d'Auguste  et  d'Octavie  le  sixième  livre  de  l'Enéide.  Aucun  des 
nombreux  historiens  de  celte  époqiit  ne  parle  de  cette  lecture.  Il  en  est 
question  pour  la  première  fois  dans  une  vie  de  Virgile,  composée,  au  iV.* 
siècle,  par  Tiberius  Claudius  Donatus  (autre  que  le  célèbre  grammairien  du 
même  nom).  Cette  vie  est  un  tissu  de  contes  amurdei  ;  celui-ci  du  moins  n'y 
Cit.donné  que  pour  une  tradition  vague,  jtrtwr.  Mais  Servius,  an  V  *  «iécle  , 
l'j  répété  comme  un  fait  bien  établi  ,  constat.  M.  JViongez  oppose  an  récit 
de  ces  dt-ux  auteurs  un  témoignage  plus  ancien,  et,  à  tous  égards,  ploa 
rejpecEahIe,  celui  de  Sén.èque,  qui,  dans  son  Traité  de. la  consolation  ,  adressé 
a'  ivlarcia,  dit  qu'Ociavie  ,  tant  qu'elle  survécut  à  Marcellns,  ne  snaffrit  jamaii. 
qu'on  prononçât  devant  elle  le  nom  de  ce  prince,  ne  voulut  ni  regarder  ses 
images,  ni  écouter  les  vrr^  composés  pour  célébrer  sa  mémoire.  JVuUam  ima^ 

g'-rm  fila  cur'isshni  volait,  nullain  s'ibi  fieri  de  Ulo  mentionfm Carmina 

€  '.irandte  Alanelli  ineinori^  coir.posha ,  aliosijut  siudiorum  honons  rejtcit.  Les 
r.Miliats  de  ce  mémoire  doivent  entrer  dans  les  articles  d'Octavie  et  de  Mar- 
celfns  qui  feront  partie  de  l'iconographijf  romaine',commencée  par  M*  Visconii, 
et  que  M.  Mongez  est  chargé  de  continuer, 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Afé/anges  d'origines  éiymologiqufs  et  de  questions  grantinaïUalei  {  origine  de  la 
particule 0»,  ile^  noiiii  de  la  rue  Aux  Fers,  de  la  me  du  Fouarre  &t.,  du  nom 
espagnol  et  italien  des  cartes  à  jouer.  . .  .  exposition  d'un  nouveau  système  de 
conjugaisons,  &c.)  ;  par  M.  Eloi  Johanncau.  Paris,  imprimerie  de  l'onhman, 
)  brairitrs  d'Alexandre  Johanncau,  de  Bechet,  de  Fillet;  et  chez  l'auteur .  rue 


JANVIER   1819.  If 

Tht'Jire  compht  àe  Jean-Galbert  de  Cauipistron ,  suivi  de  ses  opuîculei,  avec 
des  remarques,  par  M.  Le  Pan  ;  î  vol.  in-S.'  et  in-12 ,  «jui  paroiironi  le  1  <;  janvier 
rSii),  le  ij  février  ei  le  ij  mats.  Prix  de  souscription,  4  fr.  clnaque  vol.  in-S.',- 
3tV.,;n-/2. 

Théâtre  lie  M.  Jos.  Chènier.  Paris,  Baudouin  frères  et  Foulon,  1818,  j  vol. 
in~8.'  ,•  le  î.=  eitiniituiô  Tluàtrt  postbumt  :  eyx  loui  83  feuilles  unquan,  et  le 
ponraii  de  l'auieur.  Priit,  20  fr.,  ei  en  pap.  vcl.,  40  fr.  {voy.  Journal  de* 
Savans,   novembre  1818,  pag.  701). 

Le  Tour  de  faveur,  corné  Aie  en  un  acte,  en  vers,  représentée  sur  ie  tlifStre 
Favartleaj  novembre,  iStc,  Paris,  imprimerie  de  Piassan,  librairie  deLadvocai, 
IB18,  in-S.'   lî  feuilles. 

Bclisaire,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  par  M.  E.  Jouy,  membre  de  l'In.- 
titui.  Paris  ,  imprimerie  de  Pierre  Didot  aîné;  chei  Corrcard,  Eyiiiery, 
Piller.  1818;  8  feuilles:  3  fr.  50 cent. 

Bilisa'tre,  par  iMarmontel;  traduit  en  laiin  par  deux  professeurs  de  l'Univcr- 
lité.avec  le  texte  français  en  regard.  Pari»,  Delalain,  1818,  in-n.  13  Icuillea 
«t  demie. 

Les  cinquante  séances  du  fianri,  ou  tes  Aventures  d'Elareth  et  d'Aboiizéid  de 
Seroudjé;  par  Abou-Mohammed  Eicassem  Elbariri  (en  arabe);  publiées  par 
M.  Caussin  de  Perceval,  membre  de  l'institui.  Paris,  imprimerie  de  Eberhart; 
chei  rédiieiir,  au  collège  de  FranccichetTreuilelei  Wiirtz,Ueburefrerea,&c. 
1818,  rn-^.',  32   feuilles:  1  s  fr. 

Voyage  en  Allemagne,  dans  le  Tyrol  et  en  Italie,  pendant  les  années  i8o4,  'Soj 
ei  i8o6;traduii  ei  imiié  de  l'allemand  de  M.""  de  Hecke,par  M."'  de  Moi> 
wlicu.  Paris,  imprimerie  de  d'Hauiel.  librairie  d'Arihus  Bertrand,  1818.  4 
■vo\.in-S.',  76  feuilles  1/8.  20  fr.  {vo/.  Journal  des  Savans,  février  1817,  pag. 
lJS-i22,etjuin  1818. pag.  369-571  ). 

Voyage  bisioriqiie  en  fgy^/e,  pendant  les  campagnes  des  généraui  Bonaparte, 
Kleber  etMenou,  par  Dominique  di  Pieiro,  Versailles,  imprimerie  de  Jacob; 
Paris,  chezl'Huillier,  1818,  i/i-^.',  21  feuilles  ei  demie, et  une  carte  d'Egypte. 

Vit  de  Jeanne  d'Arc ,  MtnomT,\ée  la  PucAle  d'Orléans,  par  H.  Le  Maire. 
Pari*,  imprimerie  de  Bilin,  librairie  de  Le  Prieur,  1818;  in-/2,  10  feuilles  et  4 
planches:  2  fr.  {vnye^ ,  sur  les  Histoires  de  Jeanne  d'Arc,  par  MM.  Berryat- 
Saini-Prix  et  Le  Brun  des  Charmettcs,  Journal  des  Savans,  novembre  1817, 
pag.  687-694). 

Examen  critique  de  l'ouvrage  posthume  de  AI."'  de  Slael,  ayant  pour  tiire, 
Co"sidériitions  SUT  les  principaux  événeiiieiis  1!.  ht  révolution  française,-  ^sr  M. 
J.Ch.  Baiileul.  Paris,  imprimerie  de  Bailleul  aîné.  1818  ,  5.' cl  6."  cahlerf, 
in-f.',  qui  complètent  l'ouvrage.    Prix  drs  six  cahiers,  12  fr. 

Précis  d'une  colUetion  de  inédailks  antiques ,  contenant  la  defcripiion  de 
«■ellet  qwi  n'ont  pas  encore  élé  publiées,  ou  qui  sont  peu  connues;  par  L. 
Keynier  (auteur  des  ouvrages  iniiiulés,  de  l'i^gypif  sous  la  domination  des 
Ramai ns  i  —  de  l'Ecoi^omie  pulVqut  et  rurale  des  Celtes).  Oenève  et  Paris, 
Paichoud,  i8j8;  148  pages  et  J  plancher  lithographiées.  Celte  collection  de 
médailles  est  3  vendre  à  Lausane.  lin  en  publiant  le  catalogue,  M.  Re)nier  ' 
décrit  celles  qui  n'éioient  pas  encore  bien  conn>ies.  Ce  volume  contient  aussi,  . 
•urplusieurs  médailles  déjà  décrites,  des  observations  eiiiiaues  dont  le  bji  ist 
d'indijutr    en    peu    de   mois    les  motifs  pour   lesquels    laûieur   «  a  préléri 


i 


t 


So  JOURNAL  PES  5AVANS, 

:»; certaines  opinions  à  d'autres  ^quelquefois  plus  généralement  adoptées.» 
Observations  (de  M.  Germain  Garnier)  en  réponse  aux  Considératxoq» 
générales  (  de  M.  Letronne  )  sur  l'évaluation  des  monnaies  grecques  et  romaines 
et  sur  la  valeur  de  l'or  et  de  l'argent  avant  la  découverte  de  l'Amérique. 
Paris,  veuve  Agasse,  1818,  //i-if.%  viij  et  78  pages. 

Aîémoires  sur  des  ouvrages  de  sculpture  du  Parthinon  et  de  quelques  autres' 
édifices  de  l'Acropole  à  Athènes,  et  sur  une  épigramme  grecque  en  1  honneur 
dés  Athéniens  morts  devant  Fotidée,  par  E.  Q.  Visconti.  Paris,  imprimerie 
de  Firmin  Didot,  iibrairiie  de  P.  Duikrc,  quai  Voltaire,  n.*  19,  1818, î/i-^/, 
\iij  et  153  pages;}  fr.  75  cent., et  parla  poste,  4  fr. -2.5  cent.  (Le  gouvernement 
anglais,  qui  possède  ces  monumens,  tn  fait  exécuter  des  plâtres,  destinés  à 
enrichir  les  principaux  musées  de  IXurope,  particulièrement  ceux  de  Paris 
et  de  Saini-Péiersbourg.) 

Observations  sur  divers  objets  d'utilité  publique  (principalement  Sur  les 
Canaux);  par  M.  le  ba  on  Blein,  maréchal- de^ca  mp ,  ex-inspecteur  général  du 
gl^nie.  Paris,  Loitip  de  baint-vj4:rmain,  1818,  in''S,%  14*  P^jg* 

Histoire  de  l'astronomie  du  moyen  âge;  par  M.  Delambre,  membre  de  Tlns- 
liiut.  Paris,  M.*"*"  Courcier,  1818,  in-^f.* ,  91  feuilles  et  17  planches.  L'autetir 
appelle  moyen  âge  de  l'astronomie  un  intervalle  de  cinq  à  huit  cents  ans  écouléi 
depuis  les  premiers  travaux  des  Arabes  jusqu'à  ceux  de  Copernic ,  premier  fon- 
dateur de  l'astronomie  moderne.  Les  Arabes  ont  entièrement  changé  le  calcul 
astronomique,  par  Tiniroduciion  des  sinus,  des  sinus  verses, des  tan^i»entcs et  des 
sécantes;  Viète  a  complété  leur  système  trigoiiométrique.  Les  Arabes  ont  per- 
fectionné les  mouvemens  du  soleil,  qu'ils  ont  observés  avec  plus  de  soin  et 
de  meilleurs  instrumens;  ils  se  sont  appliqués  à  mieux  déterminer  les  temps  de 
leurs  observations;  du  reste,  ils  ont  adopté  toutes  les  théories  des  Grecs,  sans 
le  moindre  changement.  On  en  doit  dire  autant  des  Persans  et  des  Tartares. 
Pendant  1800  ans  on  s'étoit  borné  à  faire  au  catalogue  d  'étoiles  d'Hipparque 
quelques  corrections  légères;  Ulug-beig  en  donna  un  tout  nouveau.  1  ous  li« 
astronomes  de  cette  époque  étoieni  astrologues  autant  qu'astronomes;  i!» 
appliquèrent  leur  trigonométrie  à  la  division  du  ciel  en  douze  maisons,  et  à 
toutes  les  opérations  de  l'astrologie.  L'auteur  a  renfern^  toutes  leurs  méthodts 
dans  des  formules  plus  générales  ei  plus  faciles.  Ces  doctrines  mensongères  et 
surannées  ne  peuvent  plus  intéresser  que  par  ce  qu'elles  avoient  de  géomé- 
trique. Avant  l'invention  des  horloges,  la  gnomonîque  étoit  une  partie  intét> 
grante  de  Tasironomie;  les  Arabes  en  firent  une  étude  particulière,  en  cor- 
servant  tourefois  la  théorie  des  Grecs.  Cette  théorie  fut  entièrement  changée 
»ar  les  astronomes  ciu  xiv.*  siècle;  mais  ces  auteurs  ne  démontrent  rien,  et 
leurs  pratiques  sont  souvent  inintelligibles.  Pour  les  éclaircir  et  les  démontrer, 
M.  Delanibre  a  renfermé  toute  cette  partie  de  la  science  en  une  soixantaine  de 
formules  qui  contiennent  tout  ce  qu  on  trouve  dans  les  livres  de  gnomonique, 
et  des  méthodes  entièrement  neuves.  Le  discours  préliminaire  présente  le  tableau 
des  progrès  de  l'astronomie  durant  cet  âge  :  on  y  trouve  aussi  des  remarquet 
nouvelles  sur  les  Indien;  et  les  Égyptiens,  sur  les  zodiaques  d'Esné  et  de 
Dendérah ,  sur  les  levers  et  les  couchers ,  et  sur  les  moyens  de  vJrifitr,  soit  par 
les  globes,  soit  parle  calcul,  tout  ce  qui  reste  de  cette  ancienne  astronomie 
.^ui  n'employoit  ni  le  calcul  ni  aucun  instrument.  L'Histoire  de  l'astronooMC 
'«KNieine  est  sous  presse;  elle  commence  à  Copernic. 


le 


JANVIER    1819.  Ci 

Théorie  ^11  paysage,  eu  Cousidéraiions  générales  sor  les  beauits  de  la  iiaiure 
^uc  l'art  peut  imitiT,  ei  sur  IC!  moyen*  <[u'il  <loit  employer  pour  ré^mît  dans 
celle  iniiiation  ;  par  J.  B.  de  Penhes.  Paris,  Le  Normani.rue  de  Seine,  a,*  8, 
CI  quai  Conii,  n."  5,  1818,  'm-S.-,xv']  et  joô  pag,  Ptix  j  t>. 

Choix  lie  tableaux  et  statuts  des  plus  célèbres  musées  et  cabinets  cuangert, 
ou  Keciiejl  de  gravures  au  irait,  d'après  les  t.ibleaan  des  grandi  maîtres  ^e 
toufes  les  écoles,  et  les  motiumens  de  sculpture  ancienne  et  moderne  les  plus 
remarquables,  conservés  dans  les  musées  cfrangers;  avet  des  notices  historiques 
et  cririques  ,  par  une  société  d'ariisiej  et  d'aniaieurs  ;  ouvrage  tlassiijue, 
deuiné  a  serur  de  suite  aux  Annales  du  nioîée  de  France,  publiées  par  L.  P. 
Landon;  iz  volumes  tn-^.',  qui  paroiiront  en  \ingi-quatre  livraisons,  dont 
chacune  comprendra  j6  planches  et  environ  80  pag's  de  lexie.  La  première 
livraison  sera  publiée  le  i  )  janvier  i8ii),ei  les  autres  suivront  régulièrement 
de  trois  en  trois  moii.  On  souscrit,  jusqu'au  i."  avril,  chez  MM.  Treuitel  et 
WiiriT,  à  Paris,  à  Strasbourg  et  â  Londrrs,  à  raison  de  9  fr.  par  livrabon; 
9  fr.  75  cent,  parla  p05ie. 

Cours  complet  dt physiohgtt ,  ouvrage  posthume  de  J.  C,  M.  C.  de  Grimaiid, 
professeur  de  médecine  à  Montpellier.  Paris,  imprimerie  de  l'airis,  librairie 
deMéquignon-Marvis,  1818,  2 -.ol.  i/r-i'.',  60  ieuillrs  et  demie. 

Elétnens  de  médecine  pratique  de  Cullen ,  traduits  de  l'anglais  par  Bosquillon; 
nouvelle  édiiion,  revue  par  A.  J.  de  Lens.  Paris,  imprimerie  de  Celloi, 
librairie  de  Méquignon-Marvis  ,  1818  ;  3  vol.  in-S.'.  8û  feuilles  et  demie; 
lB.fr. 

Exposition  de  la  doctrine  médicale  de  P.  J.  Barlliez,  et  Mi 
par  Jacques    *       '  ■ 

cher  Gabon 


Lordat.  JMo 
,  1818,  i;i-8.',  30  feuilles  eldeiT 
Essai  sur  l'hyJrocéphalite  ou  l'bydrop'isie 
par  J.    L.  Brachet.  Lyon,  Boursy  ;  et  Paris 


■   de  J.  Martel   le  jeune.  Pari 
:  5  fr.  50  cent. 


d,s 
C'aLon,  iBii 


■icules  du  cerveau,- 
■     ~      12  feuilles 


et  demie. 

Codex  medicitmentarius ,  sivePharmacopoea  g'IIIca,  jussii  Rcgts  optimi  et  ex 
raandato  summirerum  iniernarum  re(;nî  adminisiri,  edilui  à  faculiate  medica 
parisienii.  Parisiis,  Hacquart,  iïii8,  in-4.' ,  406  pag. 

Almanach  des  James  pour  l'année  iSig,  Paris ,  imprimerie  de  M.  Pierre 
Didot  l'aîné,  libr^irio  de  MM.  Trruitel  et  WiirU;  petit  in-i6,  ortié  d'un 
frontiîjiiee  et  de  8  gtamres  exécutées  pur  M.  Bein,  élève  de  M.  Forsell,  Le 
volume  contient  des  pièces  de  ver;  de  mesdames  de  Genlis  ei  Dufresnoy^ 
de  MM.  la  Cliabeaussiére,  Vigée,  Mollcvaut,  Mille voye  ,<S.c.;  des  morceaux 
en  prose,  par  mesda.iies  de  Staël,  Krudener,  Sinions-Candeille,  &c.  Le  prix 
varie  depuis  5  fr.  jusqu'à  30  fr.,  selon  la  condition  du  papier  et  de  la  reliure. 

La  Bvussole  politiijue,  administrative  et  littéraire  :  le  premier  caliicr  a  paru 
le  I  J  décembre;  Ji  pages  in-S.'  Pria  7 S  cent.  —  pour  on  volume  d'environ  jcjq 
pages,  6fr  ;  pour  i  vol.  11  fr,  j  pour  4  vol.  zo.  fr. —  On  s'abonne  au  biirca» 
de  la  Boussole,  à  Paris,  place  Uauphiue,  11."  12. 


ANGLETERRE. 

Specimtn   lar^d  and  small  of  tlu  lypo^raphy  and  paper  ofth<  lUW  édition  oj 


<Si 


JOURNAL  DES  3AVANS, 


the  Dtipkin  andvarioTiim  clastks,  by  A.  J.  Valpy;  wtth  alîst  ofihe  (notent  sub- 
icribcrs;  alïo  prospect uj  of  ihe  Stephens'Greek  Thésaurus,  chç  classical  jour- 
hal,&c. ,  i8r8,  in-S.'  Ce  Spécimen,  tant  en  grand  qu'en  petit  papier,  ccnsisie 
dans  les  lo  premiers  vers  des  Géorgiques  Ai  Virgile,  avec  interpréiaiion,  va- 
ii«niet  et  notes.  Le  nombre  des  souscripteurs  est  déjà  de  plus  de  trois  ceni».  - 
(  li'ov.  Journal  des  Savans ,  mai  i8i8,  pig.  310. ) 

A  taiicgrAphical  Account ,  J^c.;  Aperçu  des  principaux  ouvrages  conCemanr 
la  topographie  de   l'Angleterre;  par  Will.  Upcott.  Londres,    Tavlor,   iti|8, 

3  vol.  grand  in-S,',  avec  fig.  tires  à  deux  cent  ciniuanie  exemplaires  seule* 
nient:  4   ''v.  st.  4  ^l^- 

Apiuuresque  Tour  ofltaly;  Voyage  piitorescjuc  en  Italie,  pour  servir  d'éclair^ 
cissemens  aux  relationi  de  Misson ,  AdHiion  ,  Euiiacc  et  Forsyth ,  d'après  dei 
dessins  pris  sur  les  lieux  en  i8j6  et  1817,  p.ir  Jaiues  Hackeviîl.  Londies, 
Murray,  1818,  gr.  (n^/jfig.  gravées  parCotAe,  Vy-i,  Landseer,  &c.:  première 
et  deuxième  livraisons.  Le  prix  de  chaque  livraison  ,  composée  de  6  planches  et, 
d'un  texte  explicatif,  est  de  iz  sh.  en  p?(it  pap.i  de  18  sb.  en  gr.  pap.; 
de  30  sh.  en  pap.  des  Indes. 

Narrative  ofaioumeyin  the  tnttrior  of  China ,  and  of  a  voyage  to  and  ftoni^ 
that  country  ,  in  the  years  18 16  and  1817,  coniaining  an  accouni  of  the  most 
interesiing  transactions  of  lord  Amhersi's  embassy  to  the  court  of  Pékin,  and 
observations  on  ihe  (ouniries,  &c.  ;  by  CISrte  Abel ,  nliief  médical  offïcer 
and  naturalist  of  the  embassy  ;  illustrated  by  maps  and  other  engravings. 
London,  t8i3,  rn-i?.",  xvj,  ^zo  pag.  11  sera  rendu  compte  de  cet  ouvrage  dans' 
l'uD  de  nos  prochains  cahiers. 

Travels  rhrough  the  l/nitfif  Staut  ofAmeriai,  in  the  yean  1806  —  181 1  , 
and  travels  ihrough  various  parts  ofBriiain  ,  Ircland  and  Canada;  by  J.  Mc- 
iish.  Philadeiphia  and  London,  1818,  XXHi ,  639  pag.  (ig. 

Traifiiciiort  anglaite  des  Comîdératiom  sur  la  révolution  fiançais*,  par  M.""  de 
Suel.  Londres,  Baldwin  ,  [tji8,  )  vol.  in-S.':  1  liv.  sterl.  16  sh. 

Fourrremh  Anniversaty  oflht  briiith  and  foreign  Bitle-tociety.  London,  181 8, 

4  pag.  in-/.'  (  Discours  prononcés,  le  6   mai  181K,  dans  une  assemblée  det 
membres  de  la  Société  biblique.  ) 


JANVIER    1819. 


«J 


^hrifs  Je  Vlljade  et  dt  l'Odyssée  sont  en  entier  de  U 

ï-an^ais).  Berlin,   Na.it,  ili  18  ,  in-i*.',  1  txA. 

PuMii  Syri  in'mii  Sii'irni'nx ,  limileique  aliae  é  pot'iis  anliqu 
i8i8.,-„.^,";  6  francs. 
■  Ahraham,  d 


riq'.ie  en  5  i 


par  C,  F.  Franceson  (  en 

lecis.  Lipsiz, 

Vienne,    Wailishai 


'5;  par  C,  KanncgÎMcr,  Prenzinw  , 
n  j  acieî  ;  par  1  h,  Hel! ,  repré- 
ne.  Leipsick,  Hanknoch  ,  i»i8, 
un  atie;  par  M.  Ploe/.  Munich, 
le  romanTiiiie  en  5  actes,  tmiié 
iinj;er.    Siilzbach  ,  Scidel.lSiB, 


—  Aurait,  fiilc  de.lephïé,  tragédie  e 
Bi'gocïy,  1818,  in-S.'  —  Zcé,  iratêdit 
ïcntée  surk-5  ihé,itres  de  Dresde  et  ..le  V 
ia.jz.  — La  Fohh  nia  Proie,  cmiedre  e 
Lentner,  iSt8.  In-S.'  —  L'Horoscope ,  A\ 
de  IV.-pagnol  de  CaidiTon  ;  par  C.  A.  iVlei 
in-8.'  —  (  en  allemand). 

Peisedurch  Italien  ifc.  ;  Voyages  en  Italie  et  en  Sicile;  par  A.  G.  Kepha- 
lides.  Leipsick,  Fleischer,  i8i&,i  vol.  gr.  in-S.'  avec  j  planches. 

Journal  von  Brasilien ,  &C,  ;  Joumul  du  Jjrésil ,  ou  Noiices  et  niclanges  sor 
Je  Brésil,  recueillis  par  M.  G.  C.  d'EschweÊe.  Weimar,  Lureai.  d'induîirit, 
1818,  gr,  in-8.'  1."  cahier.  —On  annonce  la  publication  prochaine  d'un 
Voyage  dans  le  Brésil  en  181S,  r6  ei  17,  par  le  prince  Ma>iniilien  Wied- 
Neiiwied ,  4  vol.  in-4.'  avec  caries  et  ligures,  qui  parottront  à  Francfort-sur- 
ft-Mein  ,  chez  le  libraire  Broenner. 

Cesiûltung  ifc.i  Histoire  H  siaiisri'/ue  de  l'Europe  depuis  1492  jusqu'au 
congrès  de  Vienne;  par  le  ptof.  Hasse.  Alienbourg,  Brockhaus,  lii^,  in-S.", 
lonie  I.",  qui  s'éiend  jusqu'à  17S9,  et  qui  est  accompagné  d'une  cane.— 
On  vient  de  publier  une  3.'  édiiion  de  THistoife  des  états  de  rLyrope  et  d? 
leurs  colonies,  depuis  la  découverie  des  deux  Indes  jusqu'à  nos  jours,  pai 
M.  L.  Heeren.  Gotiingue.    Rocwer,  2  vol.  gr.  in~S.' 

Der  DeuUchen  Leb^n  iXc,  t  Aiimoirts  sur  les  mceurs ,  les  uiages ,  les  sciences 
et  les  ans  des  Allemands  durant  U  uioytii  âge  ;  par  J.  G.  Busching.  Breslau, 
Korn,  1B18,  in-S.-  fig.  tome  1." 

Bfitraege  i^c.  j  Mêinolrts  authentiques  pour  servir  à  l'histoire  du  règne  de 
Frédéric  fj j  pai  A.  F.  Busching,  i.' édit.  Leipsick  ,  Heinrichi,  1818,  gr.  iVA' 

Aus  tneinein  Lebeu  iXc.j  Alemoiresde  ma  vie ,  par  M,  de  Goethe  ;  i.'  édit. , 
3.'  vol.Ti.bing,ic,Coiia,  iSiS;  tn-P.' 

Uhr  die  hey  A'ose.le  ifc.  ;  Mhnoire  sur  Id  triple  inscription  trouvée  A  JRosette , 
lu  à  l'académie  royale  de  Munich  ;  par  M.  Schlichtegroll,  Munich,  1818  , 
(«-^  •  fig. 

Moral  Pliilosophie  ifc-,  Systhne  de  philosophie  tiicrale ,-  par  le  prof.  Eschen- 
niayer,    1  ubingue,  Coua  ,1818,  gr.  in-S.- 

Essiiis  philosophiques  sur  l'homme ,  ses  principaux  rapports  CI  sa  destinée, 
fondes  sur  l'cJip.'tiencË  et  ta  raison,  suivis  d'ubservatloas  sur  It:  beau;  par 
Jacob  L.  H.  Halle,  1818,  iVJ-."  (  en  français). 

UANEiMARCK.  Edda  Sxmundime,  sîveanliqiiioris.Carniina  mytbico-his- 
iorica,'1e  Voltungis,  budliinj^is  et  Villun^is  -vel  Ginkundis,  ei  rébus  gesiii  Da- 
poruni ,  Succorum,  &c,;  ex  codice.  Bibh.ce^ix-  Hnujii.-nsii  ,  cuni  interpreia- 
lione  laiina ,  variis  iecttoitibus,  iiaiis,.gIcuîarto  et  iudicibut.  Hauniic,  Popp, 
1818,3  part.  i;i-4*. 


L 


1 


«4  JOURNAL  DES  SAVANS.  .       :"\^ 

Gulïtlùngenses  Leges  regîs  Magqî,  legii m  reformatons,  seu  Jdf  commune 
norvegicuni,  islandicè,  latine  et  oanicé.  Haunix,  Gyidendali  1818  ,  gr»iii'4«* 
avec  4  planches. 

Chine,  Sin  î-tchao-chou ;  le  Nouveau  Testament  traduit  en  chinois,  La  basC 
de  cette  version  est  un  évangéliaire  qui  paroît  avoir  été  rédigé  par  un  cnînoil 
converti  à  la  foi  catholique.  M  Hodgson,  se  trouvant  à  Canton  eti  1737  ^\ 
1738,  en  fit  faire  une  copie  qu'il  donna  à  sir  Hans  Sloane»  et  qui  a  passe 
ail  niuscum  britannique  (  voy. Ign.  Kagleri  Notiiiœ  bibiîorum  ,  éd.  sjlterm,  ?*^^}^  i* 

de  M.Morrison  que  cet  évangt^liaire  a  été  complète  tt 


CVt  par  les  soins 
ibiié  en  huit  volun 
notre  //i-^/  et  à  notre 


publié  en  huit  volumes  à  la  chinoise ,  sous  deux  forrats  qu'on  peut  comparée 
à  notre  in-^,*  et  à  notre  //1-/2.  — On  a  suivi ,  pour  cette  impression ,  les  procédt». 
chinois  qui  ont  semblé  offrir  plus  d'économie  et  plus  de   facilité  pour  arriver 


à  la  correction. 

Chin  chi  chou  i  pen  yan  i  tchhou  ;  Traduction  des  Psaumes  en  chinois»  Un 
petit  volume  à  la  chinoise  de  177  pages  ,  format  i/i-/^^  imprimé  comme  l^ 
précédents  et  pareillement   dû  au  zélé  de  M.  Morrîson. 

Yeou  hio  thsian  kiai  wen  tha  y  petit  Catéchisme  protestant  pour  les  enfanSg 
par  demandes  et  par  réponses.  Un  petit  volume  trcs-oicn  imprimé  en  caractère» 
ciinois y  publié  par  un  chrétien  nommé  Po'*ài ,  ou  le  Chtititabli*  (C*e$t  peut» 
ctre  le  surnom  adopcé  paf  M»  Morrison.  ) 


Nota.  Onp^uts^ndresseràtaUbmiriedeMM.  Trcuttelrr  Wiirtz,  à  Paris, 
me. de  Bourbmfy  n,»i^;  à  Strasfowi^,  rue  des  Serruriers;  et  à  Itondres,  n,*  JQ, 
Soho'Square ,  pour  se  procurer  les  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  Jourtwdcf 
SfSOMMs^  Itfamî  agnanihifi  Us  lettres  et  le  prix  présumé  def  ouvrages. 


.  '  .  .  I .  .,  .  I— J. 


TABLE, 

Journal  di  la  derniirft  ambassade  anglaise  à  la  Chine,  par  H.  Ellis» 

(  Article  de  M.  Abel-Rémusat.  ) Pag,       3  ^ 

Correspondance    de   Vahhé    Ferdinand    Caliatti    (  Article    de   M. 

Daunou.  ) i6« . 

Histoire  du  passaee  des  Alpes  par  Annibal,  par  M,  Deluc  fils, 

(  Article  de  M,  Letronne.  ) 22  • 

Second  Voyage  à  travers  la  Perse ^  l* Arménie,  ifc;  par  M.  Jacq. 

Morier,  (Article  de  M.  Silvestre  de  Sacy.  ) •  •  36,  ' 

Jeanne  d'Arc, poème  de  Af .  DuméniL  (  Article  de  Af.  Raynouard.  ).  •  4^  • 

Observations   sur  la  fi>Ue ,  par  JA,   Spur^heim,    (  ArtécU  de  M. 

Tessier.  ) « 54  • 

ii(oHvtUes  littéraires •••••• 58. 

FIN   DE   LA  TABLE. 


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Journal 

DES   SAYANS. 


FEVRIER      ibip. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 
1819. 


JLe  prix  de  rabonnement  au  Journal  des  Snvans  est  de  36  francs  par  an, 
et  de  40  fr.  par  la  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne  chez  MM.  Treuttel  et 
Wijrt^,  ij  Paris  j  rue  de  Bourbon,  n."  77;  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers,  et  à 
Londres,  n."  jo  Soho-Squarc.  II  feu t  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Tout  ce  qui  peut  concerner  les  annonces  à  Insérer  dans  ce  journal, 
lettres  ,  avis ,  me'nwires  ,  livres  nouveaucc,  &c.  doit  être  adressé, 
FRANC  DE  PORT ,  au  bureau  du  Journal  des  Savanss  à  Paris,  rue 
de  Mcnil-montant,  n.*  22, 


I  ^ 


I  i^'^ai  ■ 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 


FÉVRIER     l8l( 


Vues  sun  l'usseicnement  delà  philosophie;  avec  cette 
épigraphe  ,  Rcclè  sapere,  Paris,    1818,  /«■^.'' 

V^UOIQUE  ce  petit  ouvrage  ne  contienne  que  des  vues  sur  l'cnscignc- 
mitit  rie  lu  philosophie ,  le  succès  niéiitti  qu'il  a  obtenu,  et  les  change- 
mens  graves  qu'i!  propose  dans  l'éiat  actuel  de  renseignement,  nous 
ont  engagés  à  l'examiner  avec  un  soin  particulier.  Ce  sont  les  résulrats 
de  cet  examen  que  nous  présentons  ici  avec  la  franchise  et  l'indépendance 
dont  l'auteur  use  lui-même  trés-targement  à  l'égard  de  ses  devanciers. 
Noiii  commencerons  par  exposer  ia  conchision  de   tout  l'ouvrage; 


69 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


savoir,  qu'on  ne  sauroit  mieux  faire,  dans  l'état  présent  des  chses,  ^at 
de  prendre  pour  hase  de  l'enseignement  philosophique .  dans  toutes  les  écoles 
de  France,  la  doctrine  de  l'école  écossaise,  et  principalement  les  écrits 
du  D.'  Reid  (  pag.  4'}-  Nous  signalons  celle  conclusion,  afin  de 
frapper  d'abord  l'attenrion  du  lecteur,  et  de  l'appeler  sur  la  suite  des 
misonnemens  que  l'auteur  a  dû,  ce  semble,  employer  pour  arriver 
à  cette  conséquence,  qu'il  faut  provisoirement  adopter  dans  toutes 
nos  écoles  «ne  doctrine  dont,  il  y  a  six  ou  sept  ans,  personne  en 
Fraiice  ne  soupçonnoii  l'exisience,  et  qui,  même  aujourd'hui,  n'est 


pas  connue  de.  ]>lus  de  deux  < 


professeurs  de  la  capitale. 


Pour  établir  celte  conséquence,  qui  pourra  paroîire  étrange,  ir 
iaudroit  prouver  d'aliord  que  la  liiéorie  écossaise  est  supérieure  aux 
théories  actuellement  enseignées  en  France:  il  faudroit  prouver  ensuite 
qu'elle  l'emporte  sur  toutes  les  doctrines  étrangères,  contemporaines 
et  antérieures,  antiques  et  modernes;  car,  comme  la  langue  anglaise 
n  est  guère  plus  familière  aux  professeurs  français  que  la  langue 
allemande,  et  comme  elle  doit  l'être  beaucoup  moins  que  les  langues 
latine  et  grecque,  il  n'y  a  que  ia  supériorité  incontestable  du  mérite 
p il îlosop bique  qui  puisse  déterminer  en  faveur  de  la  doctrine  -de  l'école 
d'Edimbourg.  Enfin  il  faudroit  développer  celte  doctrine  et  la  bien 
mettre  en  lumière  pour  que  chacun  connoisse  ce  qu'on  lui  propose 
d'adopter. 

Or  la  vérité  nous  force  de  déclarer  que  nous  n'avons  'rien  trouvé 
qui  ressemblittà  une  discussion  sérieuse  dans  la  notice  plus  bibliogra- 
phique que  critique,  où  des  arrêts  aussi  courts  que  sévères  sacrifient 
tous  les  systèmes  connus  au  système  de  Reid,  proscrivent  en  quelques  . 
lignes  la  philosophie  de  Séguy  et  celle  de  Lyon  comme  trop  scholasti- 
ques  et  trop  peu  substantielles  ;  Locke  et  Condiilac,  comme  superficiels 
et  incomplets;  ei  la  philosophie  allemande,  comme  inintelligible.  Nous 
regrettons  sur-iout  que  la  philosophie  écossaise  y  soit  présentée  avec 
si  peu  d'étendue,  qu'il  soit  impossible  de  s'en  former  une  idée  nette, 
et  de  prononcer  sur  son  mérite  absolu  et  relatif.  Ne  pouvant  donc 
contester  ou  admettre  raiionnellement  une  proposition  avancée  sans 
preuves,  nous  nous  contenterons  de  la  considérer  dans  son  résultat 
pratique,  et  d'examiner  les  suites  du  conseil  que  l'auteur  donne  à 
j'auloriié  compétente,  d'adopter  provisoirement  dans  toutes  les  écoles 
françaises  la  philosophie  écossaise  comme  philosophie  ofiîcielie. 

Nous  le  prions  de  vouloir  bien  faire  attention  que ,  s'il  propose  à 
l'autorité  d'adopter  le  système  de  Reid,  il  lui  reconnoît  conséquemment 
le  droit  général  d'adopter  tel  ou  tel  système  ;  de  sorte  que ,  si  l'autotiié 


I 


FÉVRIER   i8i(). 

préféroîtun  système  contraire  à  celui  de  l'ameur,  elle  nuroit  également 
le  droit  de  l'imposer  îi  tous  les  professeurs  et  i  l'auteur  lui-même, 
en  vertu  de  son  conseil ,  en  dépit  de  sa  phiiosopliie. 

ii  dit  (pag.  44),  en  proposant  un  abrégé  de  Reid  pour  base 
commune  de  l'enseignement  philosophique  en  France  ;  Ctt  abrégé 
pourrait  ttrt  fait  par  chaque  professeur.  Ceci  laissoll  au  moins  unecertaine 
latitude  et  des  licences  d'abréviation  qui  n'éioient  pas  très-effrayantes; 
mais  il  ajoute  (png.  4^),  que ,  si  l'on  ne  croyoit pas  devoir /aissi  r  à  chaque 
professeur  le  soin  de  rédiger  ses  leçons  en  prenant  peur  hase  la  doctrine  de 
Jieid,  on  pourrait  l'adopter  provisoirement.  Sans  entrer  dans  l'examen 
des  ouvrages  que  l'auteur  propose  à  raulorîié,  il  suffit  de  constater 
seulement  qu'il  lui  reconnoît  le  droit  d'imposer  aux  professeurs  quelque 
chose  de  plus  contraignant  encore  que  l'abréviation  d'un  livre  étranger. 
Ce  n'est  pas  tout  :  non  content  d'introduire  la  philosophie  écossaise 
dans  tous  les  collèges  royaux  et  communaux,  c'est-à-dire,  dans  toutes 
les  écoles  où  l'on  enseigne  un  peu  plus  qu'à  lire  et  à  écrire,  l'auteur, 
craignant  sans  doute  que  quelque  intelligence  n'échappe  k  sa  philoso- 
phie, propose  une  mesure  par  laquelle  désornmis  art  ne  piit  prendre 
aucune  inscription  aux  écolis  de  droit  et  de  médtcinc,  ni  être  admis  à  l'école 
royale  polytechnique  et  aux  écoles  spéciales ,  sans  prouver  qu'on  a  fait  son 
Co^  de  philosophie  dans  un  collège  royal.  • 

Or  comme,  selon  la  proposition  précédente  de  l'auteur,  on  ne  peut 
enseigner  dans  les  collèges  royaux  que  la  philosophie  de  l'école 
d'Edimbourg,  voilà  bien,  en  dernière  analyse,  et  par  une  suite  démesures 
étroitement  liées,  toute  la  jeunesse  française  devenue  subitement 
écossaise  à  la  voix  de  l'autorité.  Mais  comment  l'auteur  ne  voit-il  pas 
qu'un  autre  coup  de  la  méine  baguette  peut  la  rendre  tout  aussi  subite- 
ment allemande  ou  américaine,  latine  ou  grecque!  Encore  si  l'autorité 
étoit  inamovible,  si  elle  étoit  immonelle,  on  pourroit  se  résigner  une 
fois  pour  toutes.  Il  y  a  dans  l'esprit  humain  une  certaine  paresse  qui 
s'arrange  assez  bien  de  la  servitude ,  pourvu  qu'elle  soit  uniforme  et  cons- 
lantejmais,  comme  l'autorité  peut  changer  tous  les  jours,  lui  accorder 
le  droit  de  faire  les  doctrines  des  écoles,  n'est-ce  p!is  constituer  les 
écoles  en  révolution  permanente ,  et  placer  l'anarchie  dans  le  pouvoirl 
Les  conséquences  d'un  tel  état  de  choses  sont  si  déplorables,  qu'il  faut 
en  détourner  les  yeux  et  prier  l'auteur  de  vouloir  bien  sonder  lui-même 
l'abîme  où  l'a  conduit  le  goût  mal  entendu  de  l'uniformité  dans  les 
doctrines  enseignées. 

Effrayés  de  ces  conséquences ,  cil'rayés  sur-tout  des  alarmes  d'un 
grand  nombre  de  professeurs  troublés  dans  la  sécurité  de  leur  avenir  et 


LJ 


70  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  leur  enseignement,  par  la  subite  apparition  d*un  livre  d'autant  plus 
inquiétant,  quil  est  fait  avec  plus  de  soin,  et  qu'il  a  reçu  du  public 
un  accueil  plus  favorable,  nous  avons  cherché  quel  peut  être  le  premier 
principe  d'une  si  déplorable  théorie  :  nous  avons  cru  le  trouver  dans 
cette  proposition,  jetée  avec  une  apparente  négligence  dans  les  pre-» 
mières  lignes  de  fouvrage  que  nous  examinons  :  Autre  chose  est  la 
forme  de  renseignement  philosophique,  autre  chose  est  sa  matière.  Peut-- 
être,  dit  l'auteur,  est-ce  pour  n  avoir  pas  d'abord  suffisamment  discuté 
ce  dernier  point 9  c'est-à-dire ,  la  nature  de  la  philosophie^  sa  définition , 
et  les  idées  fondamentales  qui  la  constituent,  qu'on  n'a  pu  encore  s'ac- 
corder sur  le  reste.  Nous  convenons  qu'aussiiot  qu'on  est  d'accord  sur  te 
premier  point,  sur  la  matière  de  la  philosophie,  i^wr  sa  naturt,  sa  division 
et  les  idies  fondamentales  qui  la  constituent,  ce  qui.  est  très -facile, 
comme  chacun  sait,  e:  comme  il  parolt  bien  par  l'histoire  de  la  phi- 
losophie depuis  Pythagore  jusqu'à  nos  jours 3  tout  est  fini,  tout  est 
arrêté ,  c'est-à-dire  qu'il  ne  reste  plus  qu'à  cojnmander  d'un  côté ,  et 
de  l'autre  à  obéir.  Tant  qu'on  voudra  toucher  à  la  matière  même  de 
la  philosoplîie ,  comme  parle  l'auteur,  on  rencontrera  par-tout  des 
écueils  inévitables.  La  meilleure  mesure  à  prendre  est  peut-être  de 
n'en  prendre  aucune  :  c'est  là  le  secret  de  toutes  les  difficultés  de  ce 
genre.  Honorez  les  maîtres,  respectez  leur  liberté  en  lui  tn^|kt 
certaines  limites;  encourngez  leurs  eflorts  ;  récompensez  leur  zere, 
et  il  se  formera  de  bons  maîtres,  des  professeurs  distingués.  Mais, 
où  ne  sera  pas  la  liberté,  n'ey)érez  pas  faire  germer  le  talent.  Il 
n'y  a  que  la  médiocrîié  qui  puisse  venir  et  prosjjtrer  dans  la  ser- 
vitude. 

Il  nous  en  a  coûté,  sans  doute,  pour  nous,  exprimer -ainsi  sur  un 
ouvrage  où  Ton  ne  peut  d'ailleurs  méconnoîire  un  véritable  mérite;  mais  le 
devoir  le  plus  rigoureux,  comme  professeur  et  comme  ami  de  la  science, 
nous  y  forçoit.  L'auteur  connoît  trop  bien  les  seniimens  d'esume  que 
nous  lui  portons,  pour  se  méprendre  sur  l'intention  qui  nous  a  dicté 
cet  article.  Nous  devons  être  d'autant  moins  suspects  à  sts  yeux,  qu'ami 
déclaré  de  la  pliilosophie  écossaise,  si  nous  combattons  aujourd'hui 
l'idée  de  la  transporter  brusquement  dans  toutes  les  écoles  fiançaises, 
il  doit  être  évident  que  nous  sacrifions  notre  opinion  personnelle,  et 
peut-être  notre  vœu  le  plus  cher  au  re.spcct  de  la  liberté  dautrùî. 
D'ailleurs  ,  s'il  faut  que  les  doctrines  nouvelles  qui  prétendent  à  la 
victoire,  puissent  se  produire,  il  n'est  pas  bon  qu'elles  obtiennent 
si  prompiement  les  honneurs  du  triomphe;  il  faut  qu'elles  soient  et 
long-temps  et  sévèrement  contredites.  Si  ce  ^ont  des  chimères,  il  es« 


FÉVRIER   1819.^  7« 

juste  qu'on  les  dissipe:  si  la  vérité  est  pour  elles ,  qu'elles  ne  redouteitt 
pas  le  combat  ;  il  fera  éclater  leur  force. 

V?  COUSIN. 


A   SECOND   JOU^NEY    THROUGH     PeRSIA  ,    ArMENIA     AND 

As/ A  MINOR ,  &c. ,  between  the  years  1810  and  1816,  with 
ûti  account  of  the  proceedings  of  the  embassy  of  Sir  Gore 
Ouseley  ;  by  James  Morier,  esq.  —  Second  Voyage  à  travers 
la  Perse,  l'Arménie  et  l'Asie  mineure ,  fait  entre  les  années 
1810  et  18169  avec  un  récit  des  opérations  de  l'ambassade  de 
Sir  Gore  Ouseley  ;  par  M.  Jacques  Morier,  écuyer.hoïxdxts^ 
1 8 1 8  ,  ^"^o  pages  in-^.^ ,  avec  cartes,  planches  et  gravures. 

SECOND    EXTRAIT.  ^ 

J'ai  déjà  insinué,  dans  le  compte  que  j'ai  rendu  des  excursions  de 
M.  Morier  en  diverses  parties  des  états  du  roi  de  Perse,  que  Fun  des  carac- 
tères frappans  des  Persans,  c'est  im  attachement  minutieux  aux  plus 
petits  détails  de  l'étiquette.  Leur  extrême  susceptibilité  à  cet  égard  se 
montre  particulièrement  dans  la  cérémonie  qu'ils  appellent  istikbal , 
jUft;wl ,  et  qui  consiste  à  sortir  d'une  ville  pour  aller  au-devant  du  roi , 
d'un  prince,  d'un  gouverneur,  d'un  ambassadeur,  et  à  le  ramener  comme 
en  triomphe  dans  le  lieu  où  il  vient  faire  sa  résidence.  Ce  n'est  point  ici , 
comme  on  pourroit  le  croire,  l'effet  de  la  curiosité:  c'est  un  devoir  de 
politesse  et  d'hospitalité,  auquel  il  n'est  point  permis  de  manquer.  Sui- 
vant le  rang  de  la  personne  que  l'on  doit  recevoir,  le  gouverneur  vient 
lui-même  au-devant  d'elle  à  une  distance  déterminée ,  ou  bien  il  se  con- 
tente de  députer  quelqu'un  de  ses  officiers.  La  population  toute  entière 
d'une  ville  vient  ainsi  recevoir  l'hôte  qui  l'honore  de  sa  présence,  et  lt$ 
flatteries  les  plus  exagérées,  en  cette  circonstance  comme  dans  toutes  les 
autres,  accompagnent  ces  marques  d'honneur.  Sans  ces  ridicules  com- 
plimens,  prodigués  sans  utilité  comme  sans  mesure,  la  cérémonie  de 
ïistiktal  présenteroît  Timage  agréable  d'une  ville  entière  se  réjouissant 
d'introduire  dans  ses  murs  Pétranger  de  distinction  que  des  intérêts  poli- 
tiques amènent  dans  une  terre  éloignée.  Les  Persans  attachent  une  telle 
importance  à  cette  réception  solennelle ,  que  Mirza  Abou'lhasan,  ambas- 
sadeur du  roi  de  Perse,  lors  de  son  arrivée  à  Londres ,  ne  pouvoit  dissi- 
muler sa  surprise  et  son  mécontentement  de  ne  rien  voir  de  semblable 


XOURNl 


i-VANS, 


pratiqué  à  son  égara.  En  vain  lui  répétoit-on  que  ce  n'étoil  point  Tusagc 
en  Angleterre ,  et  qu'il  ne  devoît  voir  fù  aucune  marque  de  mépris  ou  de 
négligence  envers  une  personne  de  son  rang:  son  déplaisir  éioit  tel,  qu'il 
exigea  constamment  que  les  glaces  de  sa  voilure  demeurassent  fermées, 
II  ne  pouvoiiconcev^,disoit-il,une  telle  entrée,  qui  lui  paroîssoit  res- 
sembler beaucoup  plus  à  l'introduction  d'une  balle  de  inarciiandises,  quTS 
la  réception  de  l'envoyé  d'un  souveraîji.  C'est  sur-tout  lorsque  ïe  roi  de 
Perse  se  rend  îi  la  capitale,  que  tous  les  rangs  de  la  société  sont  mis  en 
mouvement  pour  honorer  son  entrée.  M,  Morier  décrit  en  détail  une  de J 
ces  cérémonies.  Je  ne  re  en  arquerai  qu'une  seule  circonstance  de  Vislikl^al,  \ 
dont  il  est  fait  mention  plusieurs  fois  dans  le  Voyage  de  Al.  Morier,  Elfe  J 
consiste  à  jeter  des  vases  de  verre,  pleins  de  sucre,  sous  les  pjeds  du  cheval  \ 
que  monte  la  personne  qui  est  l'objet  de  la  fête.  Aux  yeux  des  Persans»  J 
fouler  aux  pieds  le  sucre  est ,  dit  notre  voyageur,  un  symbole  de  pro*- 1 
périié.  Je  soupçonne  que  cet  usage  est  très-moderne,  et  je  ne  me  rap-  I 
pelle  pas  que  les  écrivains  les  plus  célclires  de  la  Perse  y  fassent  allu-  I 
sion.Lors  de  l'entrée  du  roi  k  Téhéran,  décrite  pnr  M.  Morier,  on  pré-  j 
senta  plusieurs  fois  à  ce  prince  des  jattes  remplies  de  sucre  candi ,  dont  il  \ 
eut  soin  de  faire  offrir  de  gros  morceaux  aux  personnes  de  l'ambassade  j 

C'est  sur-Ioutà  l'égard  du  monarque  que  s'exerce  la  flatterie  des 
Persans.  On  peut  dire  que  les  courtisans  sucent  cette  disposition  vile 
avec  le  lait  :  M.  Morier  en  cile  un  exemple  remarquable,  Mohamed 
Rakhim-khan,  fils  du  vizir  du  prince  royal  gouverneur  de  la  province  de 
Fars,  n'étoil,  pour  ainsi  dire,  qu'un  enfant  lorsqu'il  fut  introduit  pour  la 
première  fois  chez  le  roi  ;  il  parut  si  timide ,  qu'il  osoii  k  peine  avancer. 
Ce  n'étoil  toutefois  qu'une  timidité  affettée;  car,  le  roi  lui  ayant  dit 
avec  bonté  de  s'enhardir  et  d'approcher  plus  près  de  lui,  il  répondit  en 
bégayant  :  »'  Je  supplie  Votre  Majesié  de  ne  pas  m'ordonner  d'ap- 
»  prdcher  davantage.  Je  succombe,  je  brûle.  »  On  peut  deviner,  d'après 
cela,  quel  fat  rélonnemenl  de  Mirza  Abou'Ihasan,  lorsqu'adniis  dans 
le  caliinet  du  roi  d'Angleterre,  il  vit  ce  prince  prendre  lui-même  de  sa 
main  la  lettre  du  roi  de  Perse.  Déjà  il  ne  pouvoit  comprendre  qu'on 
n'eût  pas  exigé  de  lui  qu'il  ôtàt  ses  souliers  avant  d'entrer  chez  le  roi; 
mais,  en  revanche,  il  avoii  éprouvé  la  plus  sensible  douleur  de  n'avoir  été 
admis  chez  ce  prince  que  plusieurs  jours  après  son  arrivée.  Ce  retard, 
qu'il  prenoit  pour  une  insulte,  lui  tiroit  les  larjnes  des  yeux,  et  il  ne 
doutoit  point,  disoit-il,  que  cela  ne  dût  lui  coûter  la  tète  à  son  retour 
auprès  de  son  maître. 

Les  Persans,  au  surplus,  ne  mettent  pas  \  leurs  excessives  flatteries 
autant  d'impori.mce  qu'on  pourroïi  le  croire;  ils  savent  les  appréciera 


FÉVRTER   1819.    .  7\ 

leur  juste  valeur,  et  ne  prétendent  pas  sans  douie  qu'on  les  prenne 
potiri'e!tprt.-s'ionexartedeleurssentimens,  M.  Morier  se  troUMjit  i-résenl 
lorsque  le  premier  ministre  donnoit  les  instructions  à  un  envoyé  chargé 
d'allt-r  recevoir,  à  son  arrivée,  un  officier  russe.  Ce  qifc  le  miiiis're 
lui  recomnjancfoit  sur-toui,  c'éioil  de  ne  point  lui  épargner  la  flatterie. 
Se  retournnnt  alors  vers  M.  Morier,  il  lui  dit:  «  Vous  savez  que  c'est 
»  une  those  indtspensal.le  ;  r'isch  khindisek  haukoun'im ,  rJjÇ  i/J'Àik  ^jLij  , 
>»  c'est-i  dire,  ajoute  M.  Moritr,  de  rire  à  sa  barbe,  ou,  en  d'autres 
»  termes,  de  lui  donner  une  Lourde.  »  Je  crois  pourtant  que  M.  Morier 
a  tort  de  rendre  ainsi  le  inot  j^i»-*  lt^j  H"'  ^*''  ''  ^^^  vrai,  composé 
des  mots  risch,  ir~>j>  b.irtf,  et  khine/isch ,  ^fo^i^t  faction  dt  rire,  mais 
qui  a  dans  l'usage  la  signification  As  fiattmt,  adulation  jatte  par  dts 
vuts  d'm'irêt  [1). 

Les  Persans  ne  sont  pas  tnoins  excessifs  dans  leur  colère  et  les  in- 
jures qu'ils  prodigUL-nt  quand  ils  se  croient  offensés ,  que  dans  leurs  flat- 
teries ei  leurs  insipiJçs  Loinplîmens.  Le  keithoda  ou  syndic  d'un  village 
refusoii  de  placer  des  gardes  autour  du  camp  de  l'amljassade  anglaise, 
malgré  les  instances  réitérées  du  rnibmandar,  qui  faisoit  valoir  les  ordres 
du  prince  royal,  gouverneur  de  l'Aderbidjan.  Le  keikiiotia  ie  rejetoit 
sur  la  défense  que  lui  en  avoit  fiiite  le  gouverneur  de  Koï,  qui  vouloir 
se  venger  de  l'ambassadeur.  «J'ai,  diaoit  le  inibnmndar,  te  firmaii  du 
»>  prince;  si  je  le  posciis  sur  un  roc,  le  roc  en  éprouveroît  une  telle 
M  frayeur,  qu'il  se  fonderoii  en  eau.  Qui  oseroit  dire  rien  au  contraire! 
>»  —  Le  gouverneur,  répordoil  l'autre,  a  donné  des  ordres  contraires. 
»  —  Eh  Litn  !  reprit  le  mlhtnandar,  le  gou^  erneur  a  mangé  de  la  m.... 
n golf  khord ,  Jyi  -j^— :  »  et  à  ce!a  il  ajouta  tout  ce  que  la  colère  peut 
iuggérerhun  Ptrsan  furieux,  d'épiibèies  injurieuses  pour  le  gouverneur 
et  toute  ia  famille,  son  père,  sa  mère,  sa  femrne,  ses  filles,  &c.  Quelques 
volets  de  coups  de  bâion  dtsuiituées  au  kelkhoda  et  à  l'un  des  gens  du 
gouverneur  firmi  plus  d'effet  que  toutes  les  remontrances ,  et  tout 
rentra  dans  l'ordre. 

J'ai  ciié  à  dessein  ce  passage,  parce  que  Chardin  nous  apprend  que 
le  juge  sur  son  tribunal ,  et  tes  ministres  du  roi  entre  eux  ,  se  servent  de 
rinjurt-  grossière  que  l'un  vient  de  lire  :  îl  a  été  nial-à-propos  corrigé  par 
son  plus  récent  éditeur,  qui  a  substitué  au  mot  )>erï.in  g^k ,  nj^i ,  que 

(i)  LMiertïici  doni  le  sert  M.  Aîoriersoni  to  hugli  at  his  heard,  or,  in  oilur 
werds ,  '9  liumbiig  hiin.  IJ  paroit  (]ne  le  traJucicur  Irançaii  du  Vryagt?  de 
M.  ftlorier  a  pris  le  moi  a  1  .lais  huinbu^  pour  un  mot  ptrsan  ;  car  il  a  rcnJu 
ainsi  ce  pas?.ige  r  «  Vous  savez  qu'il  «t  indispentablt-  de  se  moquer  de  quçl. 
«qu'un  a  ta  barbe,  ou,en  d'autrts  terme;,  dt  le /jiifn^ii£.  n#  l    .    '  ' 


74  JOURNAL  DES  SAYANS, 

Chardin  z  écrit  gau,  le  mot  SinhegouiÀ,  1>^  (i).  M,  Morier  remarque  i 
coin  me  Chardin,  que  cette  expression  est  d'un  usage  très  ordinaire 
parmi .  Les  Persans  y  pour  dire  que  quelqu'un  commet  une  ipéj^rise»  et 
elle  a  sans  dou4e  perdu  par- là  une  partie. de  ce  qu'elle  a  de'ckoqiiaht 
pour  des  étrangers»  Je  ne  saurois-  adopter  Topinios  dé  M.  Morier«  qur 
la  rapproche  de  ces  mors  qu'on  lit  au  chapitre  xvifl  du  quatrième  livre 
des  RoïSy  et  que  Rabsacès  adresse  aux  envoyés  du  roi  :£zét:hias  ;  par 
lesquels  il  avoit  été  prié  de  leur  paries  en  une  bingue  qui  ne  f&t  point 
emendue  du  peu}>le  qui.couyroic  les' murailles  de  Jérusaleiti,  assiégée 
pan  les  Assyriens  :  jyu/nçuiJ  iLi  domjnum  tuwn  et  ad  te.  mhit  nte^dominuS 
meus,  utioquerer  sermones  hcs  ^  et  mn  pàtiiis  ad  ylros.qtù  sérient  super  mu* 
tum ,  ut  comedant  stercora  sua  ft  /fiétxnt.uiwam  sùam.  vûb'tscum  !  Il  est  évi- 
dent quil  s'agit  ici  des  extrémités  auxquelles*  pouvoient  être  réduits  lef 
habitans  d'une  viiJe  assiégée. 

Que  les  Persaos ,  par  une  suite  de  leur  vanité  et  de  leur^  inclination 
au  mensonge,  exagèrent  les  avantages  remportés  par  leurs  'troupes t 
comme  M.  Morier  en  a  été  témoin»  je  ne  sais  frop  quelle  nation,  même 
çn, Europe,  auroit  le  droit  de  s'en  étonner;  mais  ce  qui  est  sihgulieri 
c'est  une  sorte  de  ix)nhomie  à  en  faire  l'aveu*  Un  jour  le  grand 
vizir  dictoit,  en  présence  de  sir  Gore  Ouseiey ,  une  lettre  au  gouver- 
neur de  M.izendéran ,  pour.  lui  notifie^  un  avantage  remporté  par  les 
troupes  persanes  sur  les  j^usses.  Le  secrétaire,  s'adressant  au  miniscite^ 
lui  demanda  à  quel  nombre  il  failoit  |x»rter  les  ennemis  qui  avoientpérî 
dans  cette  rencontre.  Le  vizir,  lui  répondit  avec  le  plus  grand  sang  froidt 
«  Mettez  queie  corps  ennemi  étoit  fort  de  dfx  mille  hommes^  que  deux: 
»  mille  ont.  été  tués,  et  qiienous  avons-  fari  mille  prisonniers.  »  Pùis^ 
se  tournant  vers  raini;assadeur,  il  lui  dit  :  <ic  Comme  cette  lettre  dpjt. 
»  alleiv  très-Iuiafflousaugmenrons  les.  .quantités  en  proportion»  »  < 

La  manière  àoj^t  oiy  traite»,  à*  1%  coun  de  Perse ,•  les  affaires  les  plui 
sérieuses ,. fait  un  centra**!^  vraiment  singitiiér  avec  le- degré  d'impofr 
tance  que  les  Persans  en  place  attachent  aux  détails  de  l'étiquette* 
On  ne  sait  ce  que  c'est.quç  de  .discuter,  en  secret  les  conditions  d'un 
traité;  les  affaires  les  pl^S; délicates  sont  en  quelque  sorte  publiques | 
et  Ton  ne  semble  pasi  même.  se.  douter  que  le  secret  si^ît  bon*  à  queltjué 
chose.  En. outre 9  la  plus  légère  catise*suffitif>our'interfcMnpre' ûnè.coliA 
férence  qui  a  pour  objet  de  grands  intérêts.  Pendant  les  né^çiations 
du. traité  entre  la  Perse  el  l'Ahgleterr^j  FàtljrAlî-Schuh  âvoît^qurtlé 

\      '  '  ■      ■     •  .  •        •   • 


-i  •      I  I  ■  •        ••■f       ■  I     •      ■*  ■  -1  .!■  ■  V*' 


(i)  Voyage  d« «b«v. .Cha(din^«i,  dt.J^ui/t,-  liit,  uni.  IIJ,  p.  ^tz,  <r,f«m: 


»• 


FEVRIER   ief9-  7j 

Téhéran  pour  une  partie  de  chassie,  et  avoit  témoigné  le  desîr  de  H-ouver 
à  son  retour  le  traité  conclu.  Les  plénipotentiaires  étoient  assemblés,  et 
Ton  allqit  signer;  et  sceller  Je  traitée,  lorsqu'un  homme ,  ouvrant  la  porte 
^e  iappartementi  entre  in  crmM  <cmujdfh,  o^y  (c'est  à  dire,  bonne 
»  nouvelle)  !  le  roi  est  près*  de  la  ville,  et  sera  rendu  dans  son  palaîf 
V  dajns  une  heure*  >»  L'gmin-eddaula,  ou  second  ministre»  se  lève  aussr-^ 
làty  et  y  s'adressantà  Mirza  Schéfi,  premier  ministre,  il  s'écrie  tout  hors 
4^  lui  :  ce  Le  roi  sera  arrivé  avant  que  nous  nous  soyons  rendus  ati 
^  palais  ;  Mirza  Sci^éft >  partons  ;  pour  Famour  de  Dieu  ^  point  de  délai.  >» 
A.çes  iT^otSy  l'ainba^deui  anglais  y  reprenant  ses  papiers,  dit  aux  pléni^ 
(iotenti^irçs  persans  cpi'jl  n'eotendoit  ^point.  être  joué  de  la  sorte,  et 
que,  les  choses  se  passant  ainsi,  îl  ne  seroit  plus  question  de  traité. 
es  Voua  ne  voudriez  pas,  -sans  doute,  reprit  le  second  ministre,  que 
^  nous  payassions  de  notre  vie  en  cette  circonstance.  —  Il  vous  en  arrî* 
iP  Vjera,  lui  fépondic  sir  Ouseley^^  ce  qu'il  pourra;  maïs  soyez  assurés 
»  \me  \p  .oe;  siMârlfai  pas^qu'oo  inb.mataquë  à  ce  point.; -r-^£hbien4  dit 
3P  Mii[{a  âfih^fil  ayeç:  lje;(ugo^p>.  de ,  fang*fipid  v  ailes  ,.  Àtnin-^ddaufa*^ 
»  mpi|» Je  vais. ligner  le.jLrailjé,  et  deims^n  -matin  }e:mQUrrai.  ?>  L'ahiinv 
eddaula  se  hâta, de  remettre, son  cachet  au  grand  vizir,  et  courut  pré- 
cipits^n^ment  au  palais*  C'est  ainsi  que  le  traité  fut  signé  et  scellé,  k 
grand  vizir-fàidant  çn  cette  .occurrence  I^s  fonctions  de  son  collègue. 
L ainin;ed<}^ula^  homme  sans  naissi^nce.et  sans  instruction.,  s'é.toît  .élevé 
de  la  profession  de  marchand  à  la  seconde  place  du  royauffie  par  son 
tafent  ppur  auginçntei-  |es.  reye^vis  au  motTarque.  Son .  ignorance,  d'ail- 
leurs n'est  pas  snn3  danger  pojur  lui;  mais,  qi^ai;d  elle  l'expo^  à  la  colère 
4u  prince  i  il  sait  se  la  faire  pardonrif^  par  de  grands  sacrifices  d'argent , 
moyeii  très -puissant  sur  l'esprit  du.ro^,  comme  le  prouvent  quelques 
anecdotes  rapportées  par  Mf  Morier*;. .,  . 


Tm^tcs;  les.  Turcs  aus,si  leur  rendent  |a  pareille.  Yasin-Zadèh,  ministre 
du,jgfand  ^e^i^ur ,,  tésjdant  à  Téhéran,,  )ie.ppuvoit  ^Jasser  de  se  rë- 
jpa||ç|r^e  çn,  pl^ia^es  jè^  çn  doléappes  auprjès  des  Anglais  ^ur  son  éloigne- 
joienj;  ^e  Constant inpple  £t  sa.risidençe  en  Pers^,  qui.étoit  pour  lui  un 
vérita()le  bannisfen^ent. , L'eau  lui,  paroisspîC  mauvaise  ^  {e;  paioi  grossier, 
ie  ctiuiH  désagfjéoble ;  en  un. mot  il  soupiroit  après  son  rappel,  et ,1e 


7tf  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  TEurope.  Un  tartare  ou  courrier  turc ,  que  les  Anglais  rencontrèrent 
sur  la  route  de  Schiraz  à  Ispahan,  interrogé  comment  il  trouvoit  ie» 
Persans,  saisit  le  collet  de  son  habit,  et  le  secouant,  il  s'écria:  ce  Que 
»  Dieu  les  extermine!  menteurs,  voleurs»  bélîtres:  j'ai  perdu  la  tète  de 
M  ma  pipe;  ils  m*ont  volé  mes  pistolets.  Dieu  suit  loué  de  ce  que  je 
»  vous  ai  enfin  rencontrés!  n  M.  Morier  observe,  dan^  le  signe  d*îndî« 
gnation  de  ce  Turc  qui  secoua  son  vêtement ,  un  ancien  usage  des  peuples 
de  l'Asie,  dont  les  Actes  des  apôtres  nous  offrent  un  exemple  dans 
Faction  de  S.  Paul  qui,  indigné  de  l'obstination  des  Jui&  de  Corihthe 
et  de  leurs  blasphèmes ,  secoua  ses  habits  et  leur  dit  :  <c  Que  votre  Anf^ 
»  retombe  sur  votre  tête,  j'en  suis  innocent;  et  je  vais  désormais  vers 
»  les  Gentils  {  Acf.  ch,  jS,  v.  6 ) 

Parmi  les  supplices  et  les  châtimensusités'<hez  les  Persans,  la  baston*^ 
nade  est,  comme  Ton  sait,  Fun  des  plus  ordinaires.  Malheur  \  celui 
qui ,  pendant  Texécution  ,  hasarde  quelque>  excuses  ;  if  reçoit  sur  là 
Louche  des  coups  d'un  soulier  dont  les  talons  sont  fèrrésc  Un  d^-ii  plus 
affreux  supplices  est  celui  qu'on  exprime  par  les  mots  (j3|^4iLs ,  Sihiklk 
ktrdin  [fentlre ] ,  et  qui  consiste  il  séparer  avec  une  épée  le  corps  en 
deux  dans  .va  longutur,  en  commençant  entre  les  jambes  et  finissani 
au-dessus  des  épaules.  Ce  pourroit  être  le  mt>me  supplice  qui,  en  arabe, 
est  nommé  tci^sit,  ii^y^si  cependant  ce  dernier  ne. consiste,  pa», 
comme  je  lai  supposé  ailleurs,  h  couper  le  corps  en  deux  dans  sa  lar* 
geur.  {  Chrestom.  nr,  tcm.  JI,  p,  ifp  }. 

Une  grande  partie  de  li  Perst  est,  j  comme  Ton  sah ,  habitée  par  âsk 
tri^U5noma  des,  connut  s  sous  le  nom  générique  iCItats:  M.  Morier  écrit 
Eelaut;  xM.  Malcolm ,  Etlliat;x:X  M.  Macdonald  Kinneir, ////.//.  Dans  les 
Mémoires  d' Xbdulkerim  [  the  Alemoirs  oj  Kojeh  AbJufkurrtem]  pobfiei 
par  M.  Gladwin ,  ce  nom  est  écrit,  en  caractères  persans,  «^i^l;  c'est» 
à  ce  qu'il  paroit,  le  pluriel  du  mot  turc  If,  JL{l,qui  se  prend  commu- 
nément dans  le  cens  de  pays^  conirée.  M.  Ktnntir  trouve  peu  de  différence 
eatre  ces  tribus  nomades  de  h  Pcr^e  et  les  tribus  indépendantes  des 
Turcomans  de  l'Asie  mineure  [Joumey  throuak  Afin  minor,  Armenia, 
&c.,  p.  j8  )•  Entre  ces  tribus  d'origine  turque,  M^  Mafcofm  en<fis- 
rïiigue  sept  qui  favorisèrent  rétablissement  de  la  dynastie  des  Séftwis, 
au  commencement  du  x/  siècle  de  l'hégire ,  et  reçurent  en  corné* 
quence  diverses  marques  de  distinction,  entre  autres  le  droit  de  porter  un 
.bonnet  rouge  ;  ce  qi  i  leur  fit  donner  le  nom  ou  sobriquet  de  Ki-^jfbasché 
fj^j  Jji".  De  ces  sept  tril)us  étoit  celle  des  Kndjars,  k  la^fuelle  appartient 
la  famille  qui  occupe  aujourd'hui  le  trône  de  Perse.  Chaque  tribu  prin- 
cipale ou  i/,  J^U  se  divise»  suivant  M.  Makolra,  en  Ttmràs,  èj^J  (  iU 


FÉVRIER   r8l9-       '  7f 

Htsiwy  ofPersiûp  tom.  1 ,  p.  ja2 ,.  note  ) ,  ou  plutôt  Tinha,  U^\  Vk 
Ilats  parlent  la  langue  tnique  »  et  sont  i^dmfnés ,  à  cause  de  cela,  Turt^ 
letan,  ^^Lj  iàjS  ( Nùtice  Aisioriçue  delà  Perjf,  sur'Afï  Rousseau').  Qe» 
tribus  paroissent  .avob  .conservé  fayersion*  des  Turci^  ppuf  les^chréiiem, 
M. Morîer  s'écantfapproché dfun <ie leurs  campemeiç / îRit- safaé  defiif- 
jiire  ordinaire  hiiupec  ,ogUou ,  JiàJ  iÀjj^  ^filsdt  chien f  par  ^  eniânt  qiii 
pouYoit  à  peine  parier*  C'est  sans  doute  à  la  viénomad»  de  ce»  tribuâ , 
qui  se  retirent  dans  les  montagnes  ou  descendent  dans:  la  plaine»  suimmt 
les  cliangemens  de  la  température ,  qu'est  due  la  division  généralement 
ftçue  dans  toute  la  Perse  y  de  cpntrées  chaudes  ^tcontréesfreidis,  lje%  pre^- 
JDÎères  soiu  appelées  en  \ye^^a  C hermsir ,,  ^.^^^^JT  yeonirie  chaùde^et  en 
turc  Airrrii/tf i  ^  ^ JL&s  ^  r^j/J^Jvrr.^Aivfr  ;  et  les  demièràs:  sont  iibmméesen 
persan  Strdsir,  Jx^jj^»  contrét^frmJe,  et  en  t\xfc\yeyllak,^^\,  r'ésidetwe 
i'étéyhli.  Malcolm  s'est  étendu  a>sez  au  long  sur  Us  coutumes  par^ 
ûculiéres  de  ces  tribus,  que  le  traducteur  français  du  premier  Vcy^age 
de  M.  Morier  a  transformées  en.  jE/rz/Mé*/. 

Il  JÎe  faut  pas  con&nd»e  avec  les  Ilats  (es  fiakhtieris  \  brave  tribu 
de  montagnards  qui  habitent  les  parties léli^vées.  du-Lonristan,  mais 
qui  se  trouvent  aussi  dans  les  Kischlaks  et  it^  Yeyloks  qui  s'étendent 
depuis  le  Kirinan  jusqu'à  Cazéroun ,  et  depuis  Kom  -fusqu  à  Schouster, 
Ces  Bakhtîaris»  la  terreur  de  leurs  voisins,  ont  des  coutumes  qui 
^mbleut  les  distinguer  des  Persans  ;  et ,  suivant  certaines  traditions , 
ils  tireroient  leur  origine  de  Rpuni,  c'est-à-dire  de  la  Turquie.  Leur 
langage ,  qui  abonde  en  mots  de  l'ancien  persan  et  semble  s'approcher 
du  zend  «  est  contraire  à  cette  tradition.  Ils  font  partie  des  tribus 
nommées  Lour-icban,  qIjj  jJ»  parce  quVIIes  parient  la  langue  du  Lou- 
riitan  (Notice  historique  sur  la  Perse  ^  par  M.  Rousseau  ).  Leur  nom  » 
dit  M.  Morier,  a  tant  d'affinité  avec  celui  de  la  Bactriane ,  que  cette 
coïncidence  rappelle  la  colonie  grecque  qu'Alexandre  établit  dans  cette 
contrée,  et  qui,  suivant  de  Guignes,  a  été  entraînée  de  là  vers  l'occident 
par  les  Tartares.  Déjà  Fraser  avoitdit,  dans  la  Vie  de  Nadir-Scfcah,  que 
les  fiakhtiaris  ou  Bactriens  prennent  leur  nom  de  Bakhtir  ou  Bactria 
lieu  d'où  ils  tirent  leur  origine  (  the  History  of  Nadir-Schak,  p.  157); 
mais  cette  étymoiogie  est  tout-à-fait  inadmissible.  Les  Bakhtiaris  pren- 
nent sans  doute  leur  nom  de  leur  auteur  vrai  ou  prétendu ,  qui  aura 
porté  le  nom  de  Sakktiar  ;  ce  nom  ,  irés-commun  cliez  les  Persans  , 
signifie  ai/né  de  /a  fortune,  heureux,  fortuné,  La  soumission  des  Bakhr 
tiaris  à  Nadir-Schah  et  leufs  fréquentes  révoltes  occupent  une  place 
considtrable  dans  l'histoire  de  ce  conquérant.  William  Jones,  tra- 
ducteur de  l'historien  persan  de  Nadir,  MéhédiKhan,  a  pris  îe  nom  dm 


^-9  JOU^KALîDESlSAYANS, 

I);&btiari  pour'célû  d'une -contrée,  et  ïpb5«rv'é,-quoique  (fune  maniiw 
■tTcs>inc©HTj.lète,  que. le  pst^s. appelé  BaA/ui^râiatdeto'a- pas  étie  coii- 
^ndu'.^ftvec;  la.  BdctrianedeJ^àndflbs.tMéhédi  Khûi.appeUe^ce  p»ys  le 
.SiuiitU'annab  payi  ia  nibnajgnes'  de&  BaAhîMr/Sjj-jiai:  ^ifbbÀjjtM^  •Cette 
trr^Ujl^into  dûiic  .^esndeEf  tdivisiaris'  ùoniitiéed .  :  il'ipae  dé^ir/iagi  ■  Poutre 
iî^4ri^nVm^,ice^kÀT<lire>jepi  piedi>et  ^uiire  pld4i  i  ctct^qii^  tiie  sôa  origine 
(foitrAit  que  îr^isiippritnc^  Chacune  de  ces  deux  grandes  <]i«isibt>9ieit 
subdivisée  enj  cfiâîrentes  bianchesiappeJées  X//*-.  '  ,>^''  ">  -  ■■■■■'•  -S 
i^LdCS  Bakhtiasii  habitent,  dans  le  Lourist8n,i.deilviilages  ^  vingt  ou 
ttt^tei  maisons, lÂtaés  dans  Jes  recoins  des  iiionta]^iiés-.dont'raa;és,eH 
le  pJM»^ffiu(e; quelques-uns  vivent  dans  des  soucerrainf^i  JIs  se  vaMent 
.d'exeratrlïospiiaitBé  envers  les  étrangers.^  câi»ii)&lès,tcibufcccTsntes; 
nwist'à  eçL.troirie  les, Persans ,  ils  h'adiriettent  point  dans  JèurirepaîreiB 
uo .étranger,  et  ils  ne  se  font  aucun  scrupule  de  détrousser  iés  voyageurs. 
I^eun  liaisons  entre  lés  membres  d'une  même  tribu  sont  trè»-étruites: 
its  sont  extrêmement  attachés  à  ieurs  khans,  et  épouseiit  Ieur>cause 
avec  chaielir;  cê.^i  n'empêche  pas  qu'entra  eux  ils  ne  isoient  eMces- 
«iirement  qiMttUeurs ,.  et  qu'il  n'y  -ait  souvent  dans  léui%  réunions  du  sang 
f^pandu.  Leur  ioumissioA  au  roi  de  Perse  est  fort  équivoque,  et  ce 
prinoe  tient  toujours  quelques-unes  de  leurs  ^juilles  comme  des  ouges, 
dans  des  villages  séparés,  aux  environs  de  Téhéran. 

Eh'pasEantau  nord-£st  de  la  Perse,  nous  trouvons  les  Turcomans, 
autre  nâtioii  homade,  dont  les  principales  tribus,  .les  YémouU  et  les 
^il/ani-.fonhant  une  population  de  huit  à  dix  mille  âmilfes,  habitent 
Ja  fiontière  du  royaume ,  et  ne  sont  soujnis  que  de  nom  an  roi  de 
.  Perie.  Vn  présent  annuel  de  quelques  chevaux  est  ^  peu  près  le  seul 
tribut  qu'ils  lui  payent ,  et  la  seule  marque  de  leur  dépendance.  Ces . 
tribus  sont  divisées  en  campemens  nommés  oùah,  qui  se  composent 
Jenviron  vingt  on  trente  tentes;  au-delà  de  ce  territoire  occupé  par  cet 


' FÉVRIER  iÔro.  -^'  '  •  70 

sont  connus  sous  le  nom  ^On-baschl,  ;^l^  <j[jî>,ou  dîxamîc'fs,  se  réu-' 
rtisken|  pour  délîbéreV,'^t  tb'utle  r^sjte  s'en  tiérit  i  leurs-  clé'cwions.  Les" 
Risch'Séfds  iït  iont  lii  lès  p(us  riches  ni 'fe^J'pTus' |iuîssnhs'tfùn  obaht 
on  'fes' choisît  parmi  CèUx  'qui*p'-îti  le'^ïis'frék^^éVièrtci*.  Lfs"  Tùrcomaris 
ont  cependant  uiie  sôrfe  '  de  théf  isjfîirf fuef  *(j(iiF  lie  doiiifné' que  pnr  la 
fce  de  la  pauvreté  et  par  u rie  sorte  de'tôîérancei  il  réNÎ^'à  Bokhara, 
on  lui  donne  le  tîire  de  ICiialifè.   BtgdjaA-t  père  du  prince  actuef 


force 
er 


celui  dé  saint;  mais .!  âifoihiîssei'nènt  cfé  sôii  pouvpir  fe  rameija  bientôt  k 
reprendre  son  premier  persomiajèfe.  Ses  révétaus  toiisîstent  Vairon  y  en 


—  .^ui»  iiiuu^x  rcunicb  ei  guiuees  par^un  cn.r  naniie^  pyurruiçrui  rçii« 

veier  les  fn/^^'fohs  des  hâtions  scy triques,  ;èt  côhqi^érir  la  Périè. 
^ht  j5èrSéVf^hans ,  côuragelix ,  fiViélék  '  fës  ûm'î^ux  aîtr^/  ttf^câpibtrf 
d^  s\ipi).ôr(er'  toute  sorte  de' privations,'  ?<l-delîi  &k  i(cJurce^e^'l\)rf 
peut;imagîner:''   *  •;.'    '   *.  '•     '  *    i  in  .».  ^n;...:  ^  ..  le*  :-r 

Les  lecteurs  qui  Voudront  fconrfoîtré  pîùk  ^K  d^aîf  fa  sft&àtîori  actuelle 

du  royaume  de  Perse,  devronf^sur-tôû'i  arrêter  leur  attention* sur  tes 
descrinf'^*^^ '''^"''*'^*'       '^'*''^^  "*"'^'    w^ff^o!iuw.^'c»>L'?»;k«b    i»-*^mI^m'w  •c^i%t.r\\«%r% 

Téhérai 

Astéi ^ , 

fect'ures'  d'Jspahan  ;  cfe  Caschair,  dé  IHàit/ïd^n  \  t»  •tfWcrîjitiôn  '«ÎU''fac 
de  Méi^ïgha  ou  d:tJrm-u,  èïii'rté'iliulfîiude  d'autres  détails/ rfé'Wi*» 
genre  que  je  né  puis  même  indicfuer' dans  un  entrait.  '  Leîi  recherches 

a  an  tiqunés,  quoique " —  ' — u— ..,-x...-..j-.-j 

dépourvues  d'intérêt 

ge^re.,  ^ohf  .un»  des  principaux  orn< 


ciToriî»  ausM  >ages  que  persevtrans,  nuts  par  le  prince  royai  addos. 
Mirza';  ppur  "iMxô&vM^  jiârm !  lés  troujJeS  ' pèrsiarrtiç>  *  I4  dfsbipllni*'eur6^ 
péenjhëî  'et  prour  p^c(6urer  à  ^  patrie  les  %Taiïtâ|^s  qUe  les  nations  pïui 


8o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

civilisées  doivent  à  la  culture  des  sciences.  Le  préjugé  lui  opposoit» 
à  chaque  pas  qu'il  vouloit  faire  pour  arriver  à  son  but  |. des  obstacles 
qu'on  auroit  pu  regarder  comme  insurmontables  ;  et  cependant  il  a  su 
en  triompher  >  assez  du  moins  pour  que  F  Européen  transporté  dans  U 
province  frontière  qu'il  gouverne >  se  croie  parfois  dans  un  camp  russe. 
Ses  manières  polies  et  engageantes  n'ont  sans  doute  pas  peu  contribué 
à  ses  succès.  II  n'est  jamais  plus  flatié  que  quand  il  reçoit  la  visite  de 
quelques  Européen^ ,  et  il  puise  avec  soin  »  dans  leur  conversation  i  tout, 
ce  qui  peut  accroître  $es  çonnoissances ,.  on  fiiciliter  Texécution  de  ses 
projets»  qui»  malgré  les  succès  qu'il  a  déjà  obtenus»  ne  sont,  pour  ainsi 
dire»  qu!|ébauçhés.  Ce  qui  est  encore  plus  digne  d'estime  »  c'est  que  ce 
prince  fait  tout  ce  qui  est  en  lui  pour  introduire  dans  son  gouvernement 
un  mode  if  administration  fondé  sur  les  i[ègles  de  la  justice,  et  cette 
partie  de  ses  plans  de  réforme  n'est  pas  celle  à  laquelle  il  trouve  le 
moins  de  difficultés.  Il  est  i  craindre  que»  lorsque  le  trône  sera  vacant» 
les  bonnej^  qualités  du  prince  Abbas  Mirza  et  ses  efforts  pour  la  dvi* 
iisfition  de  sa  patrie,  au  lieu  de  lui  frayer  le  chemin  à  la  souveraineté». 
i)e  ^ient  au:ant  de  motifs  de  l'en  exclure. 

Je  n'sffouterai  plus  qu'un  mot  relatif  à  M.  Henri  Martyn,  missionnaire 
anglais  »  auteur  d'une  traduction  persane  du  Nouveau  Testament»  qui 
a  f  ré^imi^imée  J^^C;)lcutta  et  à  Pétersbourg,  et  dont  il  a  été  rendu, 
compte,  d^fis  ce,  journal.  M.  Morier  nous  apprend  que  M»  Martyn  » 
^^ninf  ^on  séjour  à  ^chiraz,  après  avoir  eu  de  fréquentes  disputa  avçc 
divers  mollahs  relativement  à  la  religion,  composa  un  petit  traité;  pour 
répondre  à  leurs  objections  contre  la  religion  chrétienne»  et  réfuter 
leurs  argumeqs  en  ^veur  du  mahométisme.  ,Ce  traité  se  répandit  en  di- 
verses parties^du  royaume  »  et  j^S^rvint  jusqu'à  la  cour  du  roi.  Un  docteur 
qui  résjdoità  ,Hamadaii  et  passoit  pour  le  plus  habile  controversiste  du 
royaume,  fi^t  chargé  d*y  lî^pondre;  ce  qu*il  fit  après  un  délai  de  piui 
d^un  an  »  maié  avec  si  peu  de  su^ès ,  que  les  Persans  eux-mêmes  roii* 
gissoient  de  la  futijRté  de  ses  tfrgumens.  On  envoya  d*abqrd  cette 
réponse  k  l'aiphas^adeur  anglais  :  puis  on  la  retira»  en  annonçant 
qu'on  en  préparoit  une  autre.  Cette  autre  réponse  s'est  Ait  attendre 
en  vain*  M,  Morier  »  depuis  son  retour  en  Angleterre  »  a  appris  que 
le  traité  de  M.  Martyn  avoit  été  envoyé  à  Bagdad  pour  être  remis 
entre  les  mains  d'un  mollah  très-célèbre  »  dans  l'espoir  qu'il  seroit  plus 
heureux  dan»  sa  réfutation  que  le  docteur  de  Hamadan. 

Je  termine  ici  cet  article  ,  que  j'aurois  pu  aisément  faire-  beaucoup 
plus  long»  en  annonçant  qu'il  vient  de  paroître  ohez  Gide  »  libraire 
^  Parii>  une  traduction  française  du  second  Voyage  de  M.  Morier»  en 


FÉVRIER    iSïp.  8i 

2  Volumes  ith S/  Un  côup-d'œîl  jeté  très- rapidement  sur  cette  tra- 
duction ne  suffit  pas  sans  doute  pour  en  porter  un  jugement  détaillé  : 
je  ne  crains  pas,  toutefois  de  dire  qu'elle  est  remplie  de  contre-rsens  ei 
faite  avec  une  grande  négligence;  j'ajoute  que,  privée  des  planches  et. 
des  cartes  de  l'original,  elle  perd  par^-Ih  beaucoup  de  son  intérêt,  et 
qu'il  eût  été  à  souhaiter  que  les  mots  persans ,  représentés  avec  grand 
soin  dans  le  texte  de  M,  Morier,  n'eussent  pas  été  trop  souvent  dé- 
figurés dans  la  traduction.  En  général ,  on  ne  réfléchit  pas  assez  que, 
pour  entreprendre  de  traduire  des  ouvrages  de  ce  genre,  il  ne  suffit  pas 
d'entendre  passablement  la  langue  de  l'original;  il  faut  encore  coiuioître 
les  pays  et  Içs  Choses  qui  sont  le  sujet  de  l'ouvrage. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


An  iNduinY  into  the  symhoUcal  hwguage  of  ancicnt  art  and 
mythology ,  by  R,  P.  Knight.  London,  printed  by  A.  J. 
Valpy ,  1 8 1 8 .  —  Recherches  sur  le  langage  symbolique  de 
fart  primitif  ^t  de  la  mythologie  ancienne ,  par  R.  P.  Knight. 
Londres,  imprimé  chez  A.  J.  Valpy,  i8i8.  • 

.  U^  avis  de  l'auteur,  placé  au-devant  de  ce  livre,  nous  apprend  qu'il 
est  destiné  à  servir  d'introduction  au  second  volume  des  Monumens 
choisis  de  la  sculpture  antique  que  publie  la  société  des  DUettantL  On  peut 
donc  considérer  cette  publication  anticipée,  comme  inspirée  par  le  désir 
de  consulter  l'opinion  des  savans  sur  des  idées  nouvelles,  et  non  encore 
suffisamment  arrêtées  {>our  être  admises  dans  cette  magnifique  collec- 
tion. Ce  motif,  et  l'intérêt  qui  s'attache  si  naturellement  à  toutes  les 
productions  de  M.  Knight,  nous  invitent  à  lui  soumettre  les  observations 
que  nous  a  suggérées  la  lecture  de  son  ouvrage,  avant  même  que  le 
jugement  d'aucun  critique  ait  pu  influer  sur  le  nôtre ,  et  avec  tous  les 
'égards  qui  sont  dus  à  la  réputation  de  cet  ingénieux  antiquaire. 

Le  titre  du  livre  fait  assez  pressentir  l'importance  et  la  difficulté  des 
matières  qui  y  sont  traitées,  pour  que  nous  soyons  dispensés  d'insister 
sur  cet  article,  qui  seroit,  dans  tout  autre  cas,  un  préliminaire  indis- 
pensable. Le  grand  nombre  des  figures  symboliques  qui  sont  repré- 
sentées sur  les  monumens  de  l'antiquité ,  excite  depuis  long-temps  la 
curiosité  des  modernes ,  qui  ont  cru ,  non  sans  quelque  raison ,  y  retrouver 
le  système  entier  des  idées  religieuses  des  Grecs»  et,  par  une  déduction 
naturelle  »  remoitrer  i  à  Faide  de  ces  connoissances ,  jusqu'au  berceau 


8:  JOURNAL  DES  SAVANS, 

môme  des  religions  de  l'ancien  monde.  Parmi  ces  monumens,  il  neii 
est  point  qui  offrent  auiani  d'intérêt  que  les  inonnoies  de  ces  peuples , 
puisque,  frappées  sous  la  direction  de  leurs  magistrats  et  généralement 
aux  époques  les  plus  éclairées  et  les  plus  Horissanles  de  leur  hisloire, 
empreinies  de  types  évidemment  relanfsà  leurs  instituiinns  civiles  ou' 
religieuses,  elles  portent  tous  les  caractères  de  l'authenticité  la  plus 
certaine  et  de  '".intiqulté  la  plus  respectable.  C'est  donc  i  l'explication 
de  ces  monumens,  la  plupart  de  ia  conservation  la  plus  parfaite,  que 
s'est  principalement  attaché  le  savoir  des  antiquaires,  de  ceux  du  moins 
qui,  dans  une  investigation  aussi  difficile,  ont  préféré  les  faits  aux 
conjectures,  et  mis  l'autorité  au-dessus  de  l'imagination.  C'est  aussi 
ce  qu'a  voulu  faire  M.  Knight;  et,  quel  que  soit  le  succès  de  ses  idées  , 
on  ne  peut  qu'applaudir  à  ce  chois,  qui  dénote  un  si  excellent  esprit  de 
critique.  II  faut  convenir  encore  que  personne  |ilus  que  lui  ne  sembloit 

■  appelé  à  réussir  dans  une  pareille  entreprise.  Orné  de  vastes  connois- 
sances  archéologiques  et  possesseur  d'un  des  plus  beaux  cabinets  de 
l'Europe,  il  réunit  îi  lui  seul  tous  les  moyens  que  d'autres  antiquaires, 
moins  heureux  et  moins  habiles,  n'ont  pu  employer  qu'isolément. 
Malheureusement  ce  double  avantage  devient  quelquefois  inutile  > 
lorsqu'on  apporte  à  l'élude  des  monumens  des  idées  conçues  d'avance 
et  des  préventions  toutes  formées  :  car  alors  plus  on  est  doué  d'esprit 
et  de  sagacité,  et  plus  on  est  sujet  h  s'égarer  dans  le  riant  domaine  de 
l'imagination  et  à  se  livrer  k  l'attrarf  des  conceptions  originales. 

-  L'opinion  que  M.  Kjiighi  a  développée  dans  son  livre,  est  que  tous 
les  symboles  disséminés  sur  les  monnoies  de  cette  foule  de  villes 
grecques  se  rapportent  à  leur  ancien  système  rehgieux,  système  qu'il 
^roit  être  le  même  que  la  foi  orp/iique,  c'est-îi-dire,  celle  qui  étoit 
enseignée  dans  les  mystères.  Il  prétend  que  l'idée  d'un  pouvoir  universel 
et  supri^me,  agissant  sur  la  matière  privée  d'intelligence  et  de  mouve- 
ment, et  lui  imj)rimani  par  degrés  toutes  les  formes  qu'elle  a  revêtues 

■  aux  yeux  de  l'homme ,  faîsoit  le  fond  de  cette  doctrine  secrète  et  le 
'  principal  sujet  des  monumens,  qui  en  étoient  ainsi  une  espèce  de  com- 
mentaire public.  Il  ajoute  que  les  symboles  accessoires  qui  paroissent  sur 
ces  monumens,  n'étoient  que  les  divers  attributs  de  ce  pouvoir  suprême, 
présentés  sous  le  voile  de  l'allégorie,  ou  ,  pour  me  servir  des  termes  de 
l'auteur,  que  les  images  sensililes  e/fs  émanations  de  a  pouvoir.  II  montre 
eifin,  par  une  comparaison  des  monumens  et  des  idées  religieuses  des 
divers  peuples  de  l'antiquité,  Egyptiens,  Persans,  Indiens,  ou  même 
Celtes  et  Scandinaves,  avec  les  types  des  monnoies  et  des  mythes  de  la 
Grèce,  l'élioiie  relation  et  l'origine  commune  qui  exisloîent  dans  les 


..J 


FÉVRIER    18.19.  8j 

systèmes  des  uns  et  des  autres.  Ces  vues  sont  certainement  neuves  k 
quelques  égards  >  et  souvent  ingénieuses.  Les  développeniens  qu'elles 
ont  suggérés  k  Tauteur,  éciairci^sent  quelquefois  très-heureusement  des 
points  obscurs  de  l'histoire  héroïque;  et  le  grand  nombre  de  monumeps 
qu'il  y  passe  successivement  en  revue ,  donnent  lieu  k  des  rapprochemeni 
très-piquans  et  fournissent  des  analogies  très-frappantes.  Mais»  $'il 
m'est  permis  de  le  dire ,  un  plus  grand  nombre  encore  de  monumens 
répugnent  k  ce  système  d'allégories  mystiques  ;  et  c'est  ce  que  fe  tâcherai 
de  prouver  par  l'examen  des  ;  détails ,  après  avoir  développé  quelques 
considérations  générales. 

Les  dogmes  dont  les  types  des  monnoies  grecques  étoient,  suivant 
M.  Knight,  autant  d'images  symboliques»  s'éloignoîent  des  idées  de  fi| 
religion  populafre,  puisque  c'étoient  les  dogmes  mêmes  qu'on  .enseîgnoit 
dans  fes  mystères ,  et  dont  fa  révélation  tardive  fbrmûit  le  dernier  degré 
de  l'initiation  :  or  cette  proposition  fondamentale  dans  le  système  de 
M*  Knight  me  parpît  de  cous  points  inadmissible.  Est-il  croyable»  en 
effet,  que  des  symboles  aussi  sacrés  que  ceux  dont  on  faisoit  usaig^ 
dans  la  célébration  des  mystères  »  et  dont  inintelligence  n'étoit  accordée 
quk  un  petit  nonibre  d'adeptes  longuement  et  religieusement  éprouvés  » 
aient  été  livrés  k  la  curiosité  publique  sur  des  monnoies  destinées  k 
fiiciliter  les  opérations  du  commerce!  Une  application  aussi  profane 
des  oljjets  les  plus  respectés  peut-elle  se  concilier  avec  l'opinion  quQ 
nous  ont  lai&sée  les  anciens  sur  le  profond  secret  qui  enveloppent 
cette  partie  du  culte  hellénique  ,  sur  les  suites  terribles  qu'entraînoit  la 
moindre  indiscrétion  commise  par  les  initiés  l  Enfin  est-il  possible 
que  cette  foule  de  symboles,  qui  ofFroient,  selon  M.  Knight >  l'ensemble 
des  idées  rhéologiques  développées  dacs  les  mystères  »  aient  été  »  pendant 
taut  de  siècles,  ex|>osés  aux  regards  de  tant  d'hommes  intéressés  k  les 
connoître,  principalement  dans  les  temps  voisins  de  la  naissance  du 
christianisme»  et  que  néanmoins  une  ombre  impénétrable  ait  continué 
de  couvrir  l'emploi  mystérieux  de  ces  signes  devenus  si  communs» 
et  d'une  intelligence  si  facile  aux  yeux  de  M.  Knight  ! 

Dira-t-il»  comme  eflfèctîvement  il  s'attache  k  le  montrer  dans  son 
livre ,  que  les  allusions  mystiques  qu'il  découvre  k  chaque  instant  sur  les 
médailles^  sdrit  conformes  aux  traditions  poétiques  concernant  l'origine 
et  les  diverses  attributions  des  dieux  du  paganisme  !  Mais  celte  opinion 
même  est  sujette  jt^  de  nombreuses  difficultés.  Si  le  cuite  public  des  Grecs 
n'étoit  que  la  foi  des  mys^tères  aUégorisée,  d'où  vient  que  ces  mystères 
se  seraient  enveloppés  de  téaèbres  si  profondes  et  de  formel  si  redou- 
ifdxIeSyiarKtis  que»  par  «me.  autre  inconséquence»  les  signes  sensibles 

L  2 


84  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qui  en  contenoient  toute  la  doctrine,  auroient  été  abandonnés  aux 
usages  les  plus  vulgaires!  Comment,  en  second  lieu,  les  écrivains  de 
l'antiquité,  même  ceux  qui  étoient  initiés,  auroient-ils  parlé  de  la 
théologie  ç^iseîgnée  dans  les  mystères ,  comme  essentiellement  diffi^nie 
de  celle  qui  fàisoit  la  base  des  croyances  populaires,  si  Tune  et  Tautre 
n'eussent  été  dans  te  fond  qu'une  seule  et  même  religion,  uniquement 
modifiée  dans  les  signes  extérieurs  et  sensibles ,  ainsi  que  te  prétend 
M.  Knight  !  II  faut  donc  de  deux  choses  lune  :  ou  que  ce  savant 
convieiuie  que  les  symboles  gravés  sur  les  médailles  ne  sont  point  les 
signes  allégoriques  employés  dans  les  mystères  ,  et  alors  tout  son 
système  s'écroule  ;  ou  bien ,  s'il  persiste  à  soutenir  que  ces  symboles 
ont  véritablement  un  sens  mystique ,  il  doit  en  chercher  la  preuve  ailleurs 
que  dans  les  traditions  et  les  rites  de  la  religion  populaire;  qui,  je  le 
répète,  ne  pou  voit  avoir  rien  de  commun  avec  les  dogmes  secrets 
des  mystères. 

Si  les  symboles  employés  sur  les  monnoies  se  rapportent  à  la  doctrine 
religieuse,  cet  usage  a  dû  commencer  avec  la  naissance  même  des 
mystères ,  et  les  premiers  monumens  de  l'art  ont  dû  en  offrir  la  première 
application  :  telle  est  aussi  la  pensée  de  M.  Knight.  Cependant,  de 
son  aveu  même,  il  n'existe  aucune  trace  de  culte  symlK>lîque  dans  les 
ouvrages  de  Fart  décrits  par  Homère,  qui,  k  quelque  époque  qu'on 
place  sa  naissance,  vécut  certainement  dans  un  siècle  postérieure  celui 
où  furent  établis  les  mystères  d*£leusis  et  de  Sainothrace.  Les  signes 
empreints  sur  les  plus  anciennes  monnoies,  dont  Fâge,  quel  qu'il  soit, 
est  également  bien  plus  récent  que  celui  d'Homère,  ne  dénotent,  au 
jugement  de  tous  les  antiquaires ,  que  les  essais  informes  d'un  art  encore 
en  enfance;  et  ce  n'est  que  plus  tard,  dans  les  siècles  qui  précèdent  et 
qui  suivent  immédiatement  celui  d'Alexandre ,  qu'on  commence  à  y 
apercevoir  cette  variété  de  types,  dont  M.  Knight  essaie  de  rapporter 
quelques-uns  aux  anciennes  idées  théologiques  enseignées  dans  les 
mystères  :  ce  n'est  donc  qu'à  Taide  de  monumens  très-modemes ,  qu'il 
établit  ce  système  d'une  antiquité  qui  va  se  perdre  dans  la  nuit  des  iges; 
et  j'avoue  qu'une  pareille  méthode  d'argumenter  ne  me  paroit  ni  assez 
solide  dans  ses  élémens  ,  ni  assez  rigoureuse  dans  ses  déductions. 

II  y  a  plus  :  les  traditions  à  l'aide  desquelles  M.  Knight  cherche  à 
expliquer  les  monumens  de  l'art,  et  dont  il  appuie  son  système  d'allé- 
gories mystiques,  sont  toutes  également  d'un  âge  trop  récent  pour 
mériter  la  confiance  qu'il  leur  attribue.  Il  règne,  en  effet,  dans- l'en- 
semble dé  ces  traditions  concernant  l'histoire  et  la  mythologie  des 
Giecsy  une  diversité  d'esprit  qui  dénote  celle  de  leuï  origine,  une 


FÉVRÎÈÂ    1819.     '    '  8; 

JifTéreiice  de  CJ^;lctère  qui  manifeste  celle  des  temps  ou  elles  furent 
mises  en  circulaiion.  Les  unes  sont  évîdemmeni  d'un  siècle  oîi  les 
Grecs  rapportoient  tout  à  leur  histoire  héroïque;  les  autres,  d'un  leinps 
où  le  même  peuple,  avide  d'idées  nouvelles,  cherchoit  exclusivemeut 
l'explicalion  de  ses  anciens  mythes  dans  de;  allégories  métaphysiques. 
Mais  ce  dernier  système ,  qui  est  certainement  le  plus  moderne  de  tous , 
et  dont  /a  naissance  touche  au  berceau  de  la  philoso]5hie  pliitonicienne 
de  l'école  d'Alexandrie ,  est  toutefois  le  seul  dans  lequel  M.  Knïght 
pui>e  les  exemples,  les  autorités  et  les  images  dont  il  a  besoin  pour 
appuyer  sa  théorie.  C'est  toujours  d'après  les  idées  de  quelques-uns  de 
ces  métaphysiciens  modernes,  qu'il  interprète  les  anciennes  images 
Symboliques  des  Grecs;  c'est  dans  les  écrits  d'un  Sextus  Empiricus, 
d'un  Achille  Taiius,  d'un  Phurnulus,  d'«n  Clément  d'Alexandrie,  oi( 
même  de  PIntarque ,  qui  étoit  imbu  des  opinions  des  nouveaux  Plato- 
niciens ei  qui  avoit  été  élevé  à  leur  école,  que  M.  Knight  va  chercher 
des  argumens  favorables  à  son  système  :  encore  le  traité  de  Plutarque 
dont  M.  Knight  se  sert  le  plus  fréquemment  pour  autoriser  ses  rappro- 
chemens  mystiques  entre  la  mythologie  égyptienne  et  celle  des  Grecs , 
est- il  celui  qui  a  pour  litre,  J'Ifîs  et  d'Oiiris  ;  et  Pon  sait  que  les  plu« 
hal>iles  critiques  ont  depuis  long-temps  élevé  des  doutes  sur  l'authenticité 
de  ce  morceau.  M.  Knight  cite  toujours  avec  une  égale  confiance  les 
Hymnes  Orphiques  :  et  toujours  les  iJéfs  orphiques ,  telles  qu'il  les  puise 
à  cette  Source,  se  trouvent  conformes  à  ses  propres  idées.  Il  n'y  a  rien 
de  surprenant  à  cela  :  mais  ce  qui  me  semble  tout-à-fàit  inadmissible, 
c'est  que  les  idées  de  l'antique  Orphée  se  soient  conservées  pures  de 
tour  mélange  étranger  au  système  de  ce  poète,  dans  les  compositions 
récentes  auxquelles  on  a  donné  son  nom  ;  c'est  que  son  texte ,  qui  a 
été  si  souvent  et  si  complètement  rajeuni ,  n'ait  perdu ,  à  travers  toutes 
Ces   transforma  lion  s  successives,  et  par    suite  des    modifications   sans 

■  doute  aussi  considérables  qu'ont  subies  les  opinions  religieuses  des 
Grecs,  aucun  des  traits  primitifs ,  aucune  des  conceptions  originales 
qui  caraciérisoient  l'esprit  de  cet  ancien  instituteur  des  mystères.  Est- il 
croyable  que  les  vers  d'Orphée,  personnage  d'ailleurs  si  problématique  et 
dont  l'existence  est  entourée  de  tant  de  fables ,  aient  été  respectés  parcelle 
fcule  de  rhapsodes  qui  se  disputoient  les  ouvrages  des  anciens  poètes, 
au  point  de  n'offrir  aucune  interpolation  ,  de  n'être  au  moins' défigurés 

[  par  aucune  expression  moderne!  Comment  concilier  une  opinion  si 
invraisemblable  en  elle-même  avec  le  jugement  si  contraire  que 
M.  Knight  porte  des  poésies  d'Homère,  auteur  presque  aussi  ancien,  et 
probablement  aussi  respectable  aux  yeux  des  Grecs,  et  dont  à  tout 


i 


*6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

mcinent  le  témoigiiiige  est  rejeté  par  le  même  critique  »  comme 
suspect  d altération  et  chargé  d^idées  étrangères,  dans  les  endroits  où 
le  texte  de  ce  poète  contrarie  le  système  de  M,  Knigbt  !  Ce  n'est  pas 
que  je  prétende  à  mon  tour  que  les'  vçrs  d*Hbmère  ne  renferment 
aucune  interpolation  :  bien  au  contraire ,  je  peiise  qu'il  doit  s'y  en 
trouver  beaucoup  ;  et  les  anciens  scholiastes  qui  en  ont  indiqué  un  assez 
grand  nombre,  et  les  critiques  modernes  qui  en  ont  découvert  de 
nouvelles,  sont  sans  doute  encore  bien  loin  d'avoir  rétabli  le  texte 
d'Homère  dans  toute  son  intégrité  primitive.  JVlais  ce  que  je  crois  permis 
d'avouer ,  c'çst  qu'il  ne  suffit  pas  que  des  vers  de  ce  poète  offrent  une 
assertion  contraire  aux  suppositions  de  M.  Knight,  pour  qu'on  doive 
décider,  comme  il  le  fait ,  que  ces  vers  sont  nécessairement  interpolés; 
ou,  du  moins,  je  pense  que,  pour  autoriser  une  conséquence  aussi 
rigoureuse ,  ii  fàudroit  donner  des  raisons  ;  et  le  plus  souvent  M.  Knight 
se  dispense  d'en  alléguer  aucune. 

Indépendamment  du  peu  d'autorité  que  me  semblent  ofTrir  des  témoi- 
gnages si  modernes  pour  interpréter  des  symboles  qu'on  suppose  d'une  si 
haute  antiquité,  je  trouve  encore  que  ces  perpétuels  rapprochemcns 
entre  l'ancien  système  thcologique  des  Égyptiens  et  celui  des  Grecs 
sont,  considérés  en  eux-mêmes,  plus  ingénieux  que  solides;  je  pense 
que  le  génie  essentiellement  divers  de  ces  deux  peuples  s'oppose  à  Tidée 
seule  d'un  semblable  parallèle.  La  hiérarchie  des  Égyptiens  avoit  circons- 
crit toutes  leurs  idées  religieuses  daiis  un  cercle  qu'il  leur  étoit  ira- 
possible  de  franchir  ;  et  leurs  prêtres,  qui  ne  disposoient  pas  avec  une 
autorité  moins  aI>soIue  dts  opinions  morales  de  ce  peuple  que  de  ses, 
intérêts  politiques,  avoîent  su  imprimer  en  quelque  sorte  à  toutes  les 
parties  de  sa  croyance  le  même  caractère  de  fixité  et  d'immutabilité 
[u'aux  monuraens  de  son  culte.  Il  n  en  fut  jamais  de  même  dans  la 
~lrèce ,  où  la  licence  des  opinions  religieuses  fut  portée  au  plus  haut 
degré  par  le  défaut  absolu  de  cette  hiérarchie  si  puissante  et  si  res- 
pectée ;  où  chaque  ville,  et ,  pour  ainsi  dire ,  chaque  individu,  pou  voit ,  an 
gré  de  ses  affections  particulières ,  et  suivant  une  foule  de  circonstances- 
locales  et  d*accidens  imprévus ,  ajouter  aux  objets  du  culte  public  ;  où, 
les  noms  et  les  attributs  de  chaque  divinité  changeoient  souvent  d'une 
bourgade  à  l'autre  ;  où  toutes  les  superstitions  étoient  tour-à  tour  admises* 
et  repoussées  de  proche  en  proche ,  sans  qu'il  y  eût  jamais  rien  de  fixe. 
dans  l'esprit  de  ce  peuple,  conduit  par  ses  poètes  bien  plus  que  par  ses 
prêtres,  et  plus  esclave  de  son  imagination  que  de  sa  croyance;  sans 
qu'il  y  eût,  dis- je,  rien  de  fixe  que  sa  haine  pour  toute  espèce  de  joug 
et  de  domination.  A  la  vérité,  Ton  doit  présumer  qi^  les  idées  religieuses 


FÉVRIER   1819-         '  87 

enseignées  dans  les  mystères  nettoient  point  sujettes  à  toutes  ces  mo- 
difications qù'éprouYoit  k  chaque  instant  et  dans  chaque  lieu  la  religion 
populaire;  mais,  comme  c'est  uniquement  dans  les  idées. et  les  signes 
employés  par  celle-ci,  que  M.  Knight  a  jm  chercher  les  éfémens  d'ua 
parallèle  suivi  avec  les  symboles  dé  TF-gypte,  il  en  résulte  toujours 
fimpossibifité  absolue,  du  *  moins  h  mes  yeux,  de  ramener  la  théologie^ 
hellénique  à  un  système  uniforme,  sur  le  modèle  de  celle  des  Egyptiens, 
quand  nous  trouvons ,  d'un  côté ,  la  licence  la  plus  extrême,  et  de  l'autre , 
la  fixité  la  plus  imperturbable  dans  les  maximes  et  les  opinions  religieuses. 
Enfin,  et  c'est  la  dernière  considération  qu'il  me  reste  &  exposer 
contre  le  système  beaucoup  trop  exclusif  de  M:  Knight  2  en  inferpnétant 
tous  les  symboles  qu'ofltent  les  moi^noies  grecques  par  des  allégories 
religieuses  dont  le  sens  restera  toujours  plus  ou  moins  problématique, 
M.  Knight  se  prive  d'une  source  abondante  d'explications  tout-à-Ia-fbis 
plus  simples,  moins  arbitraires ,  et  certainement  plus  plausibles  ;  ce  sont 
celles  qui  se  tirent  de  circonstances  locales,  ou  devénemcns  particuliers 
concernant  les  villes  auxquelles  ces  monunlens  appartiennent.  Les 
exemj)les  en  sont  si  nombreux  et  si  familiers  aux  antiquaires ,  que  je 
n'aurois  ici  que  Tembarras  du  choix,  si^je  ne  devois,  par  égard  même 
pour  les  vastes  connoissances  archéologiques  de  M.  Knight,  me  bor::er' 
aux  faits  les  plus  incontestables.  Les  types  d'un  grand  nombre  de  villes 
ont  constamment  rapport  aux  productions  particulières  de  son^sol, 
comme  ï/pi  des  médailles  de  Métaponte ,  et  le  silphium  de  celles  de 
Cyrène  ;  ou  bien  ,  aux  monumens  singuliers  qu'elles  ont  possédés , 
comme  le  labyrinthe  et  les  jardins  d'Alcinous  sur  les  monnoies  de 
Cnosse  en  Crète,  et  de  l'île  de  Corcyre  ;  ou  bien^ncqre,  \l  des 
phénomènes  de  la  nature  qui  se  remarquoient  dans  leur  voisinage,  tels 
que  le  nymphœum  représenté  sur  les  médailles  d*Apollonie  d'Épire,  et 
le  Méandre  figuré  sur  celles  des  Magnètes  de  l'Asie  mineure;  ou 
enfin ,  à  des  usages  particuliers  ,  comme  le  bouclier  béotien  et  le 
bouclier  macédonien ,  types  invariables  de  toutes  les  mohnoies  de  la 
Béotie  et  de  la  Macédoine.  Dans  une  foule  d'autres  cas,  le  type  des 
monnoies  offre  une  allusion  plus  ou  moins  directe  au  nom  même  de  la 
ville  qui  les  fit  frapper  :  ainsi  la  tête  du  lion  sur  les  médailles  de 
Léoniium ,  le  coq  sur  celles  d'Himère ,  la  feuille  d'ache  sur  celles  de 
Sélinonte ,  le  dieu  Pan  sur  celles  de  Pantîcapée ,  la  harpa  sur-  celles 
^Arpi,  en  sont  des  preuves  incontestables  ;  et  souvent  même  ces  allusions 
consistent  en  des  espèces  de  jeux  de  mots ,  comme  le  montre,  entre  autres 
exemples,  une  médaille  de  file  de  Gyaros,  qui  a  pour  type  ce  même 
histrument ,  la  harpa  p  par  allusion  au  mot  >v«Ao;,  qui  signifie  creux ^  et , 


85  JOURNAL  DES  SAVANS, 

par  extension,  courba.  Il  ii"est  point  douteux  que,  d.ins  tous  ces  cas,  et 
dans  un  bien  plus  grand  nomfjre  d'autres  semblables ,  les  types  des 
monnoies  n'aient  été  pris  de  circonstances  locales ,  et  non  point  empruntés 
h  des  allégories  religieuses.  Et  que  seroii-ce  si  l'on  vouioit  récapituler 
les  types  qui  ont  évidemment  rapjiort  aux  événemens  et  aux  personnages 
mythologiques  dont  le  souvenir  intéressoit  l'histoire  et  flatioit  la  vanité 
de  chaque  peuple,  ou  bien  au  culte  particulier  de  chaque  ville ,  ou  bien 
encore  aux  nionuniens  de  l'art  et  aux  objets  d'industrie  qui  y  jouissoieni 
de  quelque  célébrité!  C'est  par  de  telles  explications  que  l'on  a  rendu 
compte  de  la  plus  grande  partie  des  symboles  gravés  sur  les  monnoies 
grecques;  et,  sans  parler  des  autres  motifs  que  j'ai  précédemment 
développés,  II  me  semble  que  ce  sysièiiie,  si  c'en  est  là  un,  présente 
infiniment  plus  de  proliabililé  et  mérite  plus  de  confiance  que  les 
ingénieuses  mais  arbitraires  suppositions  de  M.  Knight ,  qui ,  d'ailleurs, 
n'expliquent  qu'un  nombre  très-borné  de  monumens.  C'est  ce  qui 
paroîtra  plus  évident  encore  par  l'examen  de  quelques  détails  de  sa 
théorie,  que  je  réserve  pour  un  second  article. 

RAOUL-ROCHETTE. 


Discouns  sur  la  manière  H'npprendrc  les  langues  vivantes,  et 
particulicrement  l'italienne  et  l'espagnole;  suivi  d'un  Traite'  sur 
les  difficuhe's  de  la  lecture  des  poètes  de  ces  deux  nations;  par 
A.  Anaya.  Londres,  chez  Boosey  et  fils,  Broad-street, 
1818,  in-12. 

Le  titre  de  cet  ouvrage  indique  deux  parties  distinctes:  l'auteur  an- 
nonce, i.°  une  méthode  générale  d'enseignement  des  langues  vivantes 
et  l'application  de  celte  méthode  à  la  langue  italienne  et  à  la  langue 
espagnole  ;  2.°  un  traité  sur  les  difficultés  qu'on  rencontre  dans  la  lecture 
des  poètes  italiens  et  des  poêles  espagnols. 

La  première  partie  de  l'ouvrage  ne  m'a  point  paru  répondre  \ 
l'annonce  de  l'auteur;  elle  ne  contient  que  des  principes  généraux 
exposés  dans  la  plupart  des  grammaires.  M.  Anaya  s'occupe  du  soin 
de  faciliter  l'étude  des  deux  langues  ;  mais  il  ne  s'élève  point  à  des 
théories  qui  puissent  être  utiles  li  la  grajiimatre  générale  et  à  l'enseigne- 
ment des  langues  vivantes.  Pour  faire  connoître  la  manière  de  l'auleurt 
je  rapporterai  ce  qu'il  dit  au  sujet  des  accens. 
.  p  On  appelle  accent  tonique  ou  prosodique  ce  repos  et  celte  élévation 


FEVRIER    1819.  89 

»  de  la  voix  qui  se  font  entendre  sur  une  des  syllabes  dont  le  mot  est 
*>  composé  ,  qu'on  nomme  syll/ibe  longue ,  parce  qu'elle  est  égale  , 
"quanta  la  qunniitt,  t'està-dire,  au  temps  qu'if  faut  employer  pour 
"  la  prononcer,  à  deux  syllabes  brèves  ou  non  accentuées 

"  L'accent  change  non-seulemejit  la  prononciation,  mais  encore  fa 
"  signification  du  mot.  Prenons,  par  exemple,  le  mot  italien  SEGUITO 
>^  et  le  mot  espagnol  PUBLICO. 

»  Sfguirâ,  avec  Taccent  sur  la  dernière  syllabe,  signifie  //  suivit. 

"  Seguîto,  avec  l'accent  sur  la  pénultième,  est  le  participe  suivi. 

"  Stguito,   avec  l'accent  sur  l'antépénultième,  veut  dire  la  suite. 

*  Pal'licô  signifie  //  publia. 

»  Pul/lico  signifie  je  publie. 

«  Pùblico,   substantif,  veut  dire /f;»uiAV,i> 

Ces  observations  donnent  une  heureuse  idée  de  l'uliliié  de  l'accent 
prosodique  dans  (es  langues  qui  peuvent  i'employer  avec  une  telle 
variété. 

En  parlant  de  l'élocuiion ,  M.  Anaya  est  tombé  dans  une  erreur  grave  ; 
il  a  supposé  que  Félocution  est  l'art  de  lire  à  haute  voix  de  la  prose  ou 
des  vers.  Le  mot  élocution  n'a  poini  chez  nous  une  telle  signification  ; 
ce  mot  indique  la  partie  de  la  rbélorique  qui  a  pour  objet  le  choix  e: 
farrangement  des  mots ,  et  il  se  prend  communément  pour  la  manière 
dont  on  s'exprime. 

Je  ne  releverois  pas  cette  erreiu"  de  M.  Anaya ,  si  son  ouvrage 
n'étoit  écrit  en  langue  fi-ançaise, 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  de  M.  Anaya  mérite  l'attention  des 
philologues,  et  elle  ne  peut  qu'être  très-utile  aux  personnes  qui  étudient 
les  poètes  italiens  et  les  poètes  espagnols. 

M.  Anaya  pense  que  les  principales  difficultés  qu'on  rencontre  dans 
la  lecture  des  poètes  italiens,  proviennent,  1 ."  de  ce  qu'il  y  a  des  mots  , 
des  locutions,  des  images  dont  l'usage  est  admis  seulement  dans  les 
vers  ;  2.^  des  licences  que  les  poètes  prennent  d'altérer  les  mots,  soit  en 
les  alongeant ,  soit  en  les  raccourcissant  de  quelque  lettre  ou  de  quelque 
syllabe,  soit  en  substituant  une  lettre  à  une  autre;  3.°  des  transpositions 
des  mots ,  toutes  les  fois  qu'ils  ne  sont  pas  arrangés  suivant  l'ordre  dans 
lequel  ils  se  présentent  à  notre  esprit. 

Il  prétend  que  l'analogie  qui  existe  entre  la  langue  espagnole  et  la 
langue  italienne,  donne  à  la  poésie  des  deux  nations  la  plus  grande 
ressemblance.  Les  Espagnols  emploient  les  mêmes  espèces  de  vers, 
ont  la  même  prosodie,  font  le  même  usage  des  transpositions  que  les 
Italiens.  C'est  à  Ii  faveur  de  ces  rapports  que  Garcilasso,  Herrefa  ci 


i 


»  JOURiNÀL  BZSS'ÂV'AHS, 

amre9«aitiin)léPéfnrque4vectintde  siicci9:iiHii  M.  AHtMficoinknt 
que  les  poètes  espagnol  n'usent  pas  d'autant  die  licences  <{ae  fes  po^es 
iiafiens;  et  d'ailleurs  la  poésie  espagnole  a  des  caractères  particuliers, 
soit  dans  l'emploi  des  mètres  qui  composent  las  décimas,  las  SEGUI- 
OlLLAS,  LOS  HOMANCBS,  soit  dans  Pemploi  de  la  rime  nommée  asso- 
mntei  rime  qui  conitste  dans  Tunifôrmité  correspondante-  des  deux 
dernières  voyelles  du  mot ,  quoique  les  consonnes  qui  les  séparent  soient 
dîâ%rentes:  ainsi  rtmêu  rime  avec  ^^nrtd  >  cause  de  fo  et  de  Ta  qui 
se  trourent  dans  le»  deux  mots ,  et  de  même  pour  les  antres  voyelles. 

AjMés.ces  observations ,  Tauteur  traite  en  détail  des  (Cfficultés  qu'offre 
la  poésie  italienne;  et,  pour  les  expliquer,  iI.rédBit  les  licences  de  cette 
poéûe  à  des  principes  généraux,  et.ensuite  il  en  compose  lin  tableau 
détaillé  ;  enfin  ii  termine  cette  partie  de  son  travail  par  un  recueil  alpha- 
bétique de  tous  les  mots  italiens  consacrés  &  la  poésie  qu'il  assure  ne  pas . 
ie  ttmxrtt  dans  les  dictionnaires  de  la  bngue. 

Je  m'arrêterai  un  insunt  sur  ces  deux  objets.  Ljctncts  dts  pMttr 
ttë/FtiÊ$t  Je  crois  nécessaire  de  faire,  ici  une  remarque  que  Tauteur  auroit 
peat-étre  dû  ne  pas  omettre;  c'est  que  la  plupart  des  Ifcenees  indiquées 
efcfessées  dans  son  ouvrage  n'ont  été  employées  que  par  les  plus  anciens 
poètes  t  tels  que  Dante,  Pétrarque,  &c.;  un  poète  moderne  seroît 
yUttti;  s'il  osoit  s'en  servir. 

II  y  a*  dit  M.  Anaya,  iss  mots  auxquels  les  poètes  ont  coutume 
^iHoaut  qiiefque'Iettreou  quelque  syllabe;  ainsi  Dante  a  employé  />£ 
pour  TU:. 

Tutd  cantavan  :  Btntdttta  tue        1  Toui  chantoicnt  :  B^nie  (oi 

■NtlU  figlit  é'Adamo.  \  Parmi  [«s  filles  d'Adam. 

M*^  ilauroitd&afoulcr  que  cet  licences  âont  employées  parles  poètes, 
seulement  lorsqu'ils  en  ont  besoin  pour  rimeii  Les  Italiens ,  et  sur-toul 


FÉVRIER  r8i p.  r>< 

Roman  et  ancien  italien,     '    j 

Avem , 
Avta , 
Avria, 
Avrran , 
Em,      ] 
Sem-,    ) 
So, 
Foro, 
Séria  9 
Serîan , 
Fora, 
Foran , 

Je  me  borne  à  ces  exemples  choisis  dans  les  verbes  auxiliaires  Ètr^  et 
AVOIR.  On  se  .convaincra  que  cet  ancien  idiome  italien  appartient.  à«  la 
langue  romane  t  en  jetant  les  yeux  sur  les  tables  qui  offrent  (e3  coofu- 
gaisons  des  verbes  de  cette  langue  dans  la  Grammaire  que  f  etn  41  public. 
Le  recueil  des  mots  consacrés  à  la  poiésie  italienne ,  et  qui  a^  3ie 
trouvent  pas  dans  les  dictionnaires ,  contient  quatre  à  cinq  cents  mots 
dont  plusieurs  sont  entièrement  romans. 


nlien  modemié 

Rémjfoif. 

Abbramo, 

AifOtti* 

A^éVa, 

Àvoft. 

Avrebbe» 

Aaroit. 

Avrcbbero, 

htMittit. 

Siamo , 

Spiittnciç 

Sonô, 

Sotit. 

Furono , 

Purent. 

Sarebbe , 

Scroh. 

Sarebbero  > 

5eiV>tent« 

Sarebbe, 

Fût. 

Sarebbiôi'o, 

Pal^eht. 

Roman  et  amien 

italien. 

Italien  moderne^ 

* 

I^ZfA^A 

Ancoi, 

Oggî, 

Au|oarâ*Eui« 

Cre, 

Credo, 

Je  crois. 

Don, 

• 

Doode, 

D'où-* 

E$u, 

Qoesta , 

Orteil. 

Fé, 

Fecc, 

nfit. 

Laur, 

Lauro,anoro, 

Laurier. 

Trei, 

tre. 

Trou. 

u. 

Dovc, 

Où ,  &c.  éic. 

M.  Anaya  explique  en  détail  les  elfipses  qii*empioienf  soiiveBi  il 
langue  italienne  et  la  lai^gue  espagnole  ;  et  il  &it  remaïqeer  que  ruM 
et  l'autre  omettent  souvent  farticfe  qui  ordinairement  précède  le  subt? 
tantif ,  et  que  les  pronoms  penonnels  sont  souvent  sous*entendus  devait 
les  verbes. 

Ces  licences  grammatiddes  sont  TefFet  des  rapports  intimes  de  ces 
langues  avec  la  langue  IatineL«  doot^  elles  sont  dérivées,  avec  les  mo- 
difications introduites  par  fidiome  roman.  Les  rapports  immédiats  de 
ce  dernier  idiome  avec  la  langue  btme>  et  plusieurs  autres  plus  iiijpor- 

X  a 


\ 


J*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

tans,  ont  été  in<£qués  et  déincHitrés  dans  ma  Grammaire  romane  ;  je  me 
borne  à  observer  que  Tune  et  f'autre  forme  a  long-temps  existé  dans 
la  langue  française,  parce  qu'elle  a  eu  la  même  origine  que  la  langue 
italienne  et  la  langue  espagnole. 

Dans  la  cinquième  règle  qu'il  donne  pour  l'explication  des  ellipses, 
M.  Anayadit:Œ  Vn  verbe,  régi  par  deux  ou  plusieurs  substantifs, 
M  suppose  Fellipse  de  ce  verbe  devant  le  second  et  le  troisième  subs- 
»  tantifs,  s'il  y  en  a  plus  de  deux.  Cette  expression ,  amon  e  la  natura 
»  m'inspira,  est  abrégée  de  celle-d,  emort  m'insfira  e  la  natura 
w  m'hupira.  » 

Je  ne  crois  pas  que  cet  exemple  soit  heureusement  choisi  \  on  peut 
supposer  Tellipse  d'un  verbe  qui  a  précédé ,  mais  non  l'ellipse  d'un  veiiie 
qui  suit.  Pour  expliquer  cette  licence  grammaticale,  on  doit  préférer 
Topinion  des  grammairiens  qui  regardent  les  divers  substantif  sujets 
d'un  même  verbe  comme  ne  Hïrmant  qu'un  tout,  qu'un  objet  en  masse 
et  commun  qui  permet  de  s'affranchir  de  la  règle  des  pluriels.  Cette 
fônne  est  notamment  dans  toutes  les  langues  dérivées  de  la  langue  latine, 
qui  s'en  servoit  très-fréquemment. 

~M.  Anaya  regarde  aussi  comme  elliptique  Femploi  des  mfinitifs, 
quand  ils  riennent  la  place  d'un  substantif,  et  il  suppose  que,  dans 
Titalien  l'andare  et  dans  l'espagnol  tl  cantar  ,  les  mots  atto  di ,  acto 
A,  sont  «çus-eniendus. 

Cette  assertion  me  paroît  une  erreur  :  les  langues  dérivées  de  la  latine 
ont  adopté  et  conservé  l'usage  d'employer  substantivement  les  infi- 
nitif} et  ^s  infinitifs  latins  employés  au  présent  ne  permettent  pas 
d'imaginer  une  ellipse  qui  auroît  exigé  un  autre  temps  que  lé  présent: 
comment  M.  Anaya  trouveroit-il  une  ellipse  à  cette  sentence  ,  SCIRE 
TVUM  n'ihU  est  nisi  it  scire  hoc  sciât  alterî 

L'ouvrage  de  M.  Anaya  présente  souvent  des  idées  justes  et  utiles; 


FÉVRIER   1819.  PJ 

Histoire  des  révolutions  de  Norwége^  suivie  du  Tableau 
de  l'état  actuel  de  ce  pays  et  de  ses  rapports  avec  la  Suède; 
par  J.  P.  G.  Catteau-Calleville ,  membre  de  l'académie  de 
Stockholm  ,  &c.  Paris ,  Pillèt ,  1818,  2  vol.  in-S.'' ,  v; ,  375 
et  4 1  <5  pages ,  avec  une  carte. 

a 

Les  destinées  des  Norwégîens  se  sont  si  souvent  confondues  avec 
celles  des  Suédois ,  et  sur-tout  des  Danois ,  qu'il  est  difficile  de  les  raconter 
séparément.  Snorro  toutefois  a  composé ,  au  xiii.*  siècle,  une  chronique 
des  rois  de  Norwége  (  j  )  ;  au  commencement  du  xvili.%  un  grand  corps 
d*annales  norwégiennes ,  jusqu'à  Tannée  i  397,  a  été  publié  par  Ther- 
mod  Torfictts  (2)  ;  d'autres  écrivains  ont  traité  le  même  sujet  en  langue 
danoise  (3}:  mais  nous  n'avions,  dans  notre  langue,  aucune  histoire 
particulière  de  ce  peuple;  et  l'ouvrage  français  où  on  la  pouvoit  le  mieux 
étudier,  étoit  encore  l'Histoire  du  Danemarck  de  JVIailet.  Il  y   avoit 
donc  lieu  d'offrir  aux  lecteurs  français  un  travail  plus  complet  et  plus 
spécial,  où  Fhistoire  norwégienne  se  présentât  toute  entière ,  et  dégagée, 
autant  que  la  nature  des  &its  peut  le  permettre,  des  récits  qui  con* 
cernent  les  pays  voisins;  où  fussent  méthodiquement  recueillis  tous  les 
résultats  véritablement  hbtoriques  fournis  par  les  anciens  monumens, 
par  les  relations  originales  et  par  les  recherches  des  écrivains  modernes. 
Personne  en  France  n'étoit  mieux  préparé  à  cette  entreprise  que  l'auteur 
du  Tableau  de  la  Suède,  du  Tableau  de  la  mer  Baltique,  de  FHistom 
de  Christine*  et  de  quelques  autres  ouvrages  qui  tous  anrtoncent  une 
connoissahce  profonde  des  antiquitési'des  langues  et  de  la  littérature 
du  Nord.  M.  Catteau-Gallêville  a  visité  les  contrées  dont  il  écrit  l'his- 
toire; il  a  examiné,  comparé  les  mémoires  originaux,  les  livres,  les 
traditions  populaires ,  les  opinions*  des  habitans  les  plus  instruits.  On  a 
donc  droit  de  s'attendre  à  ne  trouver,  dans  les  deux  volumes  qu'il  vient' 
de  publier ,  que  des  détails  puisés  aux  sources  les  plus  pures  00  \e%  plus 
dignes  de  confiance.  *iv  ... 

Comme  toutes  les  annales ,  celles  de  la  Norwége  conimencent  par 
des  traditions  fabuleuses,  mais  dont  llnfluence  est  historique ,  et  qu'il  est 

. •  ; 1  • 

(1)  Historia  regum  Norwegict  camscripfa  à  Snotrone,  Sturlœfilio,  islandicè', 
danicè  et  latini.  Haoniie,  1777 ,  2  vo}.  in^/.  .         . 

.  (2)  Thermodi  Torfœi  Historié  rerum  Norwfgîçarum  (  usaut  ad  ann.  fjp^  J* 
Haunix,  '717»  4  vol.  in-foLLt  nom  isfandaîs  de  Th.  Torfiùs  est  Th  rmodur 
TorfasoD:*on  l'appelle  aussi,  dans  le  Nord,  Thormod  Torvesen, 

(3J  Histoire  de  Norwége, par  Gerhard  Schoening ,  &c. 


94  JOURKAL  DES  $AVANS, 

indispensable  de  connoître ,  si  Ton  veut  remonter  aux  origines  des  ins- 
titutions et  des  mœurs  nationales.  Mallet  et  d'autres  écrivains  ont  tracé 
des  tableaux  plus  ou  moins  étendus  de  la  mythologie  Scandinave  : 
M.  Catteau-Calleville  en  donne  une  idée  sommaire  et  précise»  en  se 
bornant  aux  détails  qui  tiennent  spécialement  à  Thistoire  des  Norwégiens. 
C'est  d'après  ce  qu*il  a  vu  et  observé  lui-même»  qu'il  décrit  la  contrée 
qu'ils  habitent,  partie  la  plus  montagneuse  de  la  prèsqu^fe  du  Nord»  et 
théâtre  des  phénomènes  naturels  les  plus  propres  à  modifier  les  habi- 
tudes et  les  aflfections  des  hommes.  Les  familles  qui  s'y  trouvoient  établies 
aux  premiers  siècles  de  Fère  vulgaire ^étoient,  dit  l'auteur»  affiliées  aux 
peuples  germaniques»  et  en  particulier  à  ceux  qui  ont  reçu  la  déao* 
miiiation  de  gothiques.  Leur  caractère  mâle»  hardi ,  entreprenant,  s'étoH 
renforcé  sous  un  ciel  rigoureux,  au  milieu  des  rochers»  des  ne^es  et  de| 
glaces  éternelles  »  des  avalanches  »  des  torrens  et  des  précipices,  (jenc 
langue»  dialecte  teutonique»  avoit  acquis  plus  d'énergie.  Tout  ic%  dit» 
posoit  à  ptéfèitr  la  pèche  et  la  chasse  à  Tagriculture  :  leur  penchant  l< 
plus  commun  étoit  d'affixmter  les  dangers  de  la  mer  pour  s'enrichir»  on 
pour  se  signaler  par  la  force  et  le  courage.  A  cette  première  époque» 
tous  les  Scandinaves  vivoient»  distribués  en  peuplades  »  sur  les  côtes  on 
dans  les  vallées»  et  gouvernés  par  des  cheB»  conformément  aux  lois 
ou  aux  résolutions  émanées  d'assemblées  populaires.  Leur  histoire  sa 
compose  de  leurs  entreprises  contre  des  nations  voismes»  et  des  guença 
qu'ils  se  Aisoient  entre  eux  quand  ils  n'alloîent  pas  porter  aiUaiyt 
l'épouvante.  Ces  luttes  et  ces  révolutions  n'ont  laissé  que  des  sottvtnin 
incomplets  et  confus  ;  mais  à  la  fin  elles  amenèrent  la  distinctioQ  dn 
trois  états  de  Danemarck»  de  Suède  et  de  Norwége. 

Quoique  cette  distinction  se  soit  établie  dès  le  viil/  sièclet  le 
premier  nom  réellement  historique  »  que  nous  présentent  k%  fàstei  do 
la  Norwége»  est  celui  d'Harald  V\  dont  le  règne  commença  vfn  fU| 
863.  Ce  prince  confia  le  gouvemensent  des  provinces  ou  canton^di^ 
son  royiittne  à  des  Ueutenans  appelés  Jar/s  ( i }  ou  comtes»  qui  (evoiea( 
des  tributs»  en  retenoient  une  partie»  obtenoient,  comme  fiefs,  df% 
domaines  tombés  par  la  guerre  au  pouvoir  de  Ja  couronne  9  et  s'ongâ-- 
geoient  à  ébumîr  cbs  hommes  armés  :  ils  étoient  assistés  par  les  Hirtis 
ou  barons,  qui  avoîeat  des  obligations  et  des  prérogadves  du  même 
gmtm.  Il  y  eut  ainsi,  en  Norwége»  comme  idUetirs»  des  vassaux  et  des 
arrière- vassaux;  et  ce  fut  le  premier  germe  du  système  fbodzl piopreilwt 
dit»  ce  qui  devint»  dit  Paùteur»  fun  de$  degrés  de  I>icheIIe  que  les  hisâliir 

(I)  Eirli. 


FÉVRIER   1819.  ij^ 

"  lions  {^ofitiqaes  avoient  à  parcouH/  en  Europe ,  degré'peui-être  néces- 
»  saire  à[  des  monarchies  naîssanlcs  qui  se  fortîfîoh^t  par  là  guerre ,  et 
»  ne  pouvoient  avoir  aucune  idée  des  principes  administratifs  que  ftît 
»  connoître  insensiblement  le  progrès  de  Findustrie  et  des  lumières.»  Du 
i*este,  on  eut  en  Suède  et  en  Norwége  le  bonheur  d'éviter  les  principaux 
abus  de  ce  système.  Les  fiefs  n'y  furent  jamais  considérés  comme 
hértditaires,  et  fa  servitude  de  la  glèbe  ne  s*y  est  point  introduite;  sans 
doute  parce  qu'il  étoit  difficile  de  soumettre  k  un  régime  humiliant  et 
oppressif  des  hommes  disséminés  sur  une  vaste  étendue  de  pays»  et 
accoutumés  à  résister  énergiquement  aux  rigueurs  mêmes  de  la  nature, 
«c  La  liberté  »  continue  Fauteur  t  est  un  ressort  indispensable  »  lorsque  le 
»  travail  ne  peut  réussir  que  par  des  combinaisons  variées  ;  et  la  propriété 
>»  devient  précieuse  en  raison  des  obstacles  qu'il  faut  surmonter  pour 
»  l'acquérir.  « 

Le  règne  d'Harald  est  l'époque  de  plusieurs  de  ces  expéditions  mé- 
morables qui  donnent  une  place  aux  hommes  du  Nord  dans  les  annales 
de  fa  pfupart  dès  peujifes  européens.  Fort  souvent  ces  armées  barbares , 
qui  s'élançorent  de  la  Scandinavie  sur  des  contrées  plus  méridionales , 
se  composoient  à- fa- fois  de  Danois ,  de  Suédois  et  de  Norwégiens. 
Néanmoins,  c'étoient  principalement  des  Danois  qui  envahfssoient  des 
parties  de  fa  Grande-Bretagne  et  de  l'Affemagne  :  fes  conquérans  de  fa 
Rlissie  partirent  de  la  Suède;  et  fa  Norwége  avoit  vu  naître  ceux  qui  se 
fêtèrent  sur  dès  provinces  françaises.  M.  Catteaii-Callevilfe  rejette  comme, 
peu  naturefféSy  c'est-à-dire  «comme  peu  concifiabfes  avec  Phistoire 
positive,  fes  conjectures,  dateurs  iilgénieuses,  qui  tendent  à  chercher 
f'origine  et  fe  nom  des  Russes  dans  une  peuplade  antique  voisine  du 
Pafus  Mâcotis  :  l'opinion  qu'il  préfère ,  et  qui  est ,  dît-il,  celle  de  fa  plupart 
à^s  savans  du  Nord ,  consiste  à  dire  que  fes  Wiarègues  qui ,  sous  fà 
conduire  de  Ki:rîcl ,  entrèrent  dans  fa  Moscovîe,  venoient  de.  fa  partie 
de  fa  Suède  où  est  le  canton  dé  Rosfagen ,  qu'on  les  distinguoit  dès 
autres  Suédois  par  le  surnom  de  Russes,  et  que  leur  origine  étoît 
purement  Scandinave.  Mais  fes  conquérans  dont  M.  Catteau-Caffevilfe 
va  suivre  de  pfus  près  tous  fes  pas  et  observer  fes  procès ,  sont  fes 
Norwégfehs ,  qui, peu  après  Fan  880 ,  profitant  de.fâ fôîblé^se  des  succes- 
seurs de  Charlemaghe,  parvinrent  k  s'étabjUr  dans  Tiuie  des  pfûs  beftes 
régions  de  fa  France.  Rûff,  Raoul,  ou  R.olfon,  feur  chef,  n'étoir  point 
Danois,  comme  Font  cru  plusieurs  écrivains  dû  moyen  âge  et  des  siccfès 
modernes:  fes  monumens  historiques  conservés  en  Norwége  montrent 
qu'il  étoit  né  dans  f'un  des  camons  les  pins  septentrionaux  de  cette 
contrée.  Après  avoir  établi  ce  point  et  retracé  lés  exploits  de  Rollon^ 


9^  JOURNAL  DES  SAVANS, 

l'auteur ,  pour  adiever  le  tableau  des  ezoïriions  méridionales  cntrefirises 
par  des  Norwégieos,  anticipe  sur  Tordre  des  temps,  et  nous  pfînl  ces 
guerriers  scajidinaves,  transportés  successivement  dans  les  deux  Siciles  < 
en  Palestine,  en  Grèce,  cueillant  des  lauriers  dans  In  pairie  des  MHiiades 
et  des  Thémistoçles ,  et  récitant  des  hymnes  scaldiques  sur  le  tombeau  de 
Tjrrtée  et  de  Pindare. 

De  là  pourtant  l'historien  nous  ramène  aux  climats  hyperboréens  et 
aux  dernières  années  du  IX.*  siècle  :  il  reprend  l'histoire  d'Haratd.  Mais 
bientôt  des  expéditions  iiorurégiennes  dans  les  îles  Feroé  et  en  Islande 
exigent  des  descriptions  nouvelles,  de  nouveaux  éclaircissemens  sur  la 
géographie,  les  mœurs,  la  religion  et  fa  littérature  du  Nord.  On  a 
quelquefois  représenté  la  poésie  scaldique  comme  une  imitation  de  celle 
^emînnesingers,des  trouvères  et  des  troubadours:  M.  Catteau-Calleville 
la  croit  née  à  une  époqae  beaucoup  plus  ancienne ,  dès  le  temps  où  les 
Scandinaves  commencèrent  ces  excursions  belliqueuses  qui  les  rendirent 
si  formidables.  Il  s'est  appliqué  ^  nous  les  Bâie  connoître,  en  saisissant^ 
dans  tout  le  cours  de  son  ouvrage,  les  occasions  de.  citer  des  chants 
éuerriers  ou  funèbres.  Les  traducdons  en  prose  qu'il  nous  en  donne ,  ne 
manquent  assurément  ni  de  précision  ni  d'élégance  :  mais ,  à  notre  avis  » 
elles  prouvent  que,  pour  conserver  de  foriginalité,  ces  poésies  ont 
besoin,  comme  bien  d'autres,  des  couleurs  propres  ji  leur  idiome 
naturel  et  du  prestige  de  la  versification.  Une  traduction  non  versifiée 
les  réduit  à  des  idées  justes  et  nobles ,  mais  devenues  si  communes  dans 
toutes  les  littératures,  qu'il  ne  nous  est  plus  possible  d'en  être  vivement 
frappés.  En  voici ,  au  surplus ,  quelques  iffcmples  : 

«Le  vautour  vole  vers  moi  du  fond  des  noires  forêts;  Taigle  le  suit: 
»  cet  avide  vautour  se  nourrira  de  mon  sang  ;  ce  grand  aigle  aura  mon 
»  corps  pour  pâture.  —  Les  arrêts  du  ciel  s'accomplissent  toujours  ;  le 
a  soleil  éclaire  maintenant  Tillustre  monanpie  (  i  ]  :  s'il  meurt,  il  laissera  un 


.  FÉVRIER   1819.  97 

*  pures  du  Jourdain.  J*ai  appris  que  le  roi  de  Norwége  s'est  emparé 
»  vaillamment  de.Ia  vifle  de  Sidon  ;  le  souvenir  en  est  récent.  Des  coups 
»  terribles  ont  été  portés  dans  ïe  combat  ;  la  forteresse  s'est  écroulée 
a>.sous  son  bras  redoutable  ;  les  soldats  ont-été  couverts  de  sang;  les 
»  épées  en  ont  été  teintes,  et  [a  victoire  est  restée  à  l'intrépide  héros.  » 
,  Malgré  son  z&le  à  recueillir  tout  ce  qui  peut  caractériser  honorablement 
les  Norwégiens  et  en  général  les  peuples  du  Nord ,  M.  Catteau-Calleville 
ne  prend  jamais  le  ton  de  l'enthousiasme,  et  s'abstient  de  toute  apparence 
d'exagération  ;  il  a  même  négligé  de  rappeler  le  magnifique  hommage 
rendu  à  la  Scandinavie  par  Tauteur  de  l'Esprit  des  lois  (i).  Du  reste  » 
Montesquieu  ne  parle  que  des  plus  anciennes  incursions  des  Scandinaves  t 
de  celles  qui  ont  précédé  le  vu/  siècle  de  l'ère  vulgaire.  Il  n'est  pas 
certain  qu'au  moyen  âge  ils  aient  contribué  aux  progrès  de  la  liberté 
dans  les  pays  qu'ils  continuoient  d'envahir.  Nous  croyons  du  moins 
qu'il  y  auroit  lieu  d'examiner  plus  rigoureusement  et  plus  en  détail  quelle 
a  été ,  depuis  le  milieu  du  ix.""  siècle,  l'influence  de  ces  invasions  sur  les 
institutions  politiques  des  divers  états  de  l'Europe.  Quoique  M.  Catteau* 
Calleville  ne  pose  pas  même  cette  question  1  son  ouvrage  présente  ou 
indique  un  grand  nombre  des  ùdts  et  des  rapprochemens  qui  serviroient 
à  la  résoudre. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  guère  parlé  que  du  premier  livre  de  cette 
histoire  :  c'est  le  plus  riche  en  descriptions  et  en  observations  générales. 
Les  suivans  ont  un  autre  genre  d'intérêt ,  celui  qui  résulte  du  nombrtt 
et  de  l'éclat  des  événemens,  de  la  liaison  et  de  la  rapidité  des  récits^ 
L'auteur  est  parvenu  à  resserrer  en  moins  de  330  pages  le  tablea^^des 
révolutions  du  royaume  de  Norwége,  depuis  la  mort  d'Harald  I.^  en 
933  jusqu'à  la  réunion  des  trois  royaumes  par  le  traité  de  Cahnar  en 
•  397;  et  néanmoins  aucun  point  de  ce  tableau  ne  reste  obscur  ni 
décoloré:  au  contraire,  des  re^narques  critiques ,  des  observations  judi- 
cieuses, éclairent  la  narration ,  et,  loin  de  l'interrompre,  l'animent  et  la 


(i)  «  Je  ne  sais  si  le  fameux  Rudbeck ,  qui,  dans  son  Atlantique,  a  tant  loué 
»!a  Scandinavie,  a  parlé  de  cette  grande  prérogative  qui  doit  mettre  les  nations 
»qui  Thabitent,  au-dessus  de  tous  les  peuples  du  monde;  c'est  qu'elles  ont  été 
»  la -source  de  la  liberté  de  l'Europe. . . .  LeGoth  Jornandès  a  appelé  le  nord 
»  de  l'Europe  la  fabrique  du  genre  humain  :  je  l'appellerai  plutôt  la  fabrique  des 
»  instrumens  qui  brisent  les  fers  forgés  au  midi.  C'est  là  que  se  forment  ces 
»  nations  vaillantes  qui  sortent  de  leurs  pays  ,pour  détruire  les  tyrans  et  lei 
>» esclaves,  et  apprendre  aux  hommes  que  la  nature  les  ayant  faits  égaux,  la 
»  raison  n'a  pu  les  rendre  dépendaas  que  pour  leur  bonheur.  »  {^Esprit  des  lois, 
lh%  xyii,  C.5.) 

N 


9»  JOURNAL  DES  SAVANS, 

complèlent.  Nous  n'entreprenons  pas  de  suivre  le  fil  d'un  si  grand 
nombre  de  faits:  il  nous  sufiîra  d'appeler  sur  quelques  article's  l'aitention 
des  lecteurs. 

On  assuré  que ,  sous  le  règne  d'OIaùs  I." ,  deux  Norwégrens ,  Gun- 
Biorn,  et  Eric,  dit  U  Reux .  pénétrèrent  dans  le  Groenland  et  descen- 
diient  jusqu'au  cap  Farewell.  On  ajoute  qu'en  l'année  rooo,  ou  looi , 
ce  inénie  Biorn,  ou  un  autre  Bioni,  atteignit  une  terre  qui  fut  appelée 
Windliind,  parce  qu'un  Allemand ,  qui  éloil  du  voyage ,  y  trouva  un  fruit 
seniMable  au  raisin.  On  place  le  pays  dont  il  s'agit  au  55."  degré  de 
latitude  boréale,  ou  même  au  49-'i  de  telTe  sorte  qu'il  correspondroit 
h.  une  partie  du  Labrador,  ou  \  l'île  de  Terre-Neuve.  On  en  conclut 
qu'avant  le  Xll.'  siècle  des  Européens  vrsiièrpnt  l'Amérique  septenfrîo- 
nale,  et  l'on  raconte  qu'Eric,  évéque  du  Groenland,  se  rendit  en  1  lîi 
au  Windiand  pour  y  porter  la  foi  chrétienne.  Nous  aurions  désiré  con- 
noître  d'une  manière  [trécije  l'opinion  de  M.  Catteau-Callevilfe  sur  des 
fcrts  d'une  si  haute  importance:  il  en  parle  si  sommairement,  que  nous 
ignorons  si  la  découverte  du  Vîndland  lui  paroît  aussi  avérée  qu'elle 
fa  semblé  k  plusieurs  savans  du  Nord(i).  D'une  pan,  il  dit,  dans  sa 
préface,  que,  dh  le  xi.'  s'itclt.  les  Nom^cgUns  pousstrtnt  Itiir  naviga- 
tion jusqu'aux  plages  du  nouveau  inonde:  de  l'autre,  quand  il  arrive  à 
cette  éi)oque  ,  il  s'exprime  avec  beaucoup  phis  de  réserve,  et  même 
avec  quelque  ambiguiié.  «  L'opinion  générale,  dit- il,  Jifff'que  le  Wind- 
*>  land  étoit  situé  dans  le  nord  de  fAmérique,  et  que  les  Norwégiens 
«Connurent  le  nouveau  monde  dès  le  xi.'  siècle.  Quelques  savans 
»  ont  souiena  que  la  même  cote  avoit  été  fréquentée  auparavant  par  les 
»  Iriandiiis.  Quoiqu'il  en  soit  de  f«ff  découverte,  sur  laquelle,  d'un  côté, 
»»  le  goût  du  merveilleux,  de  l'aulre,  des  conjectures  piu  satisfaisantes 
»  ont  répandu  de  l'obscurité,  le  Windiand  fut,  quelque  temps  après, 
ïj  perdu  de  vue.  &c.  n  S'agit-il  de  la  découverte  attribuée  aux  Norwé- 
giens ,  ou  seulement  de  celle  dont  on  fait  honneur  aux  Irlandais!  Est- 
ce  pour  soutenir  ou  pour  nier  la  réalité  de  ces  voyages,  qu'on  a  pror 
posé  des  conjectures  peu  satisfaisantes!  Ceux  qui  révoquent  en  doute 
ces  diverses  expéditions  ,  disent  qu'il  n'en  subsiste  en  Amérique  aucunç 
tradition ,  aucun  vestige;  qu'on  n'y  a  pas  retrouvé  la  moindre  trace  des 
.  effets  qu'avoit  dû  produire  la  misiion  de  1 121.  Toutefois  M.  Banon  (2) 


(1)  ToHœus,  Suhm,  P.  H.   Egiçen ,  Ac. 

(2}  Uar»  un  volume  in-8.' ,  publié  en  1788  sous  ce  titre:  Ohervations  on 
terne  parts  uf  nauiral  l'isroty ,  ta  ivhuh  is  prefixed  an  account  ùfstvtml  remar- 
I^He  vestiges  of  an  ancient  âge in  J\i,rih- America. 


FEVRIER  rSip.  99 

a  cru  voir,  sur  les  rives  de  l'Ohio,  des  restes  de  fortifications,  qui  sont, 
selon  lui,  des  monuinens  d'une  ancienne  invasion  des  Scandinaves;  et 
ceux  qui  sont,  comme  lui,  persuadés  de  la  vérité  de  cette  descente  au 
Windland,  se  fondent  sur  les  anciens  textes  i:  landais  qui  la  racontent  (i), 
et  particulièrement  sur  l'autorité  du  chroniqueur  Snorro.  Peut-être  cette 
question  n'a-t-el/e  pas  encore  été  éclaircle  autant  qu'elle  mériteroit  de 
fétre. 

Nous  devons  avouer  que  les  développemwis  d'une  discussion  cri- 
liqne  seroienl  déplacés  dans  une  histoire  proprement  dite,  telle  que  celle 
que  M.  Catieau-Calleville  vient  de  publier  ;  mais  nous  voyons  du  moins 
que,  sur  d'autres  matières,  il  prend  soin  d'indiquer  les  recherches 
quil  a  faites,  et  d'en  exposer  les  résultats  positifs.  Il  saisit  les  occa- 
sions de  rectifier  les  récits  de  ses  prédécesseurs.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  qu'il  venge  la  mémoire  de  Sverrer,  prince  trop  défavorable- 
ment jugé  par  Guillaume  de  Neubridge,  d'après  les  rapports  de  l'arche- 
vêque de  Droniheim,  Sverrer,  qui  mourut  roi  de  Norwége  en  i  202, 
avoil  résisté  aux  entreprises  du  clergé  :  les  écrivains  ecclésiastiques  l'ont 
représenté  sous  les  couleurs  les  plus  odieuses  ;  mais  il  a  obtenu  dans 
Son  pays  une  réputation  honorable,  que  M.  Catteau-Calleville  croit 
plus  méritée.  Plusieurs  de  ses  successeurs  ont  pris  dans  leurs  actes 
publics  le  litre  de  descendant  du  grand  Sverrer.  On  (ui  attribue  un  ou- 
vrage en  langue  Scandinave,  intitulé  le  /Miroir  des  rois:  il  est  plus  pro- 
bable que  ce  livre  a  été  composé  par  un  Islandais;  peut-être  Sverrer 
en  avoit-il  suggéré  l'idée.  C'est  un  recueil  de  maximes  et  de  conseils 
à  l'usage  des  hommes  d'état,  des  ecclésiastiques  et  des  laboureurs.  Sous 
le  règne  du  même  prince,  Théodrik,  moine  norwégien,  rédigea  en  laiîn 
une  histoire  des  premiers  rois  de  Norwége ,  extraite  de  chroniques 
islandaises.  On  conserve  une  monnaie  qui  porte  l'effigie  de  Sverrer ,  eï 
qui  passe  pour  la  plus  ancienne  que  l'on  connoisse  d'un  roi  de  Norwége. 
Notre  historien  distingue  aussi,  parmi  les  princes  qui  ont  gouverné 
ce  pays,  Haquin  IV,  qui,  à  cause  de  son  règne  de  plus  de  quarante  ans  « 
a  été  surnommé  le  vieux ,.  quoiqu'il  ne  fût  pas  encore  sexagénaire, 
lorsqu'il  mourut  en  1  aÔj.  L'auteur  regrette  de  voirdisparoitre  trop  tôt 
«  un  prince  occupé  du  bonheur  et  de  la  gloire  de  son  pays.  La  Norwége 
»  parvint ,  pendant  le  règne  de  Haquin ,  au  plus  haut  degré  de  considé- 
»  ration  et  de  grandeur  :  la  marine  éioJt  dans  le  meilleur  état ,  les  places 
»  fortes  pouvoient  braver  les  attaques  de  l'ennemi.  Encouragés  par  les 


(t)  Ils  -ont  été  rassemblés  par  Je 
isîandicix.  hm%i.  1643,  2vol.  in-f,'. 


nas  Arngiim  dam  son  Spécimen  hittorii 

&.Ç. 


loo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  communîcalîons  qu'établissoient  les  Aflemands ,  cTun  côté,  et  les  An- 
))  glais,  de  l'autre  y  les  habitans  cominençoient  à  sentir  l'importance  de 
»  l'industrie.  Le  goût  du  roi  pour  les  arts  qui  augmentent  les  Jouissances 
3>  de  la  vie,  atiiroit  dans  les  villes  un  grand  nombre  d'ouvriers  étrangers. 
»  Les  Norwégiens ,  qui  n'avoient  long-temps  parcouru  le  monde  que 
»  pour  guerroyer,  entreprirent  des  voyages  pour  s'instruire.  Ainsi  que 
»  les  Danois  et  les  Suédois,  ils  se  rendirent  aux  universités  de  Cologney 
^  de  Paris,  et  rapportèrent  dans  leur  pays  des  connoissances  utiles.  » 

•Les  relations  que  Haquin  IV  entretenoit  en  divers  pays,  introduisifent 
dans  le  sien  les  productions  littéraires  du  midi  et  de  Foccident  de 
l'Europe ,  mais  sur-tout  les  romans  de  chevalerie.  Le  Niebtlungen  des 
Allemands  fut  rapporté  par  un  prêtre  de  Drontheim ,  que  le  roi  avoît 
employé  dans  plusieurs  négociations.  Ce  roman  intéressa  vivement  les 
Scandinaves:  ils  le  traduisirent;  et  les  Islandais,  qui  avoient  toujours 
montré  du  goût  pour  les  fictions  merveilleuses ,  cultivèrent  ardemment 
ce  nouveau  genre,  dont  peut-être  quelques-uns  de  leurs  anciens  livres 
portoient  déjà  plus  ou  moins  le  caractère.  Telle  fiit,  depuis  lexill/ 
siècle ,  l'origine  d'une  multitude  de  productions  islandaises ,  qui  portentf 
comme  les  livres  historiques  des  époques  antérieures,  le  nom  de  Saga 9 
mais  qui  en  diffèrent  à  tel  point ,  qu'on  ne  sauroit ,  dit  M.  Catteau- 
Calleville  ,  les  prendre  pour  guides  en  histoire  ,  sinon  en  ce  qui 
concerne  les  moeurs^  les  usages,  et  un  petit  nombre  de  ftits  attestés  ou 
indiqués  par  d'autres  monumens.  A  partir  du  milieu  du  Xfv.*-' siècle,  ce 
ne  sont  plus  que  des  contes  fastidieux ,  aussi  dénués  d'intérêt  que  de  vérité. 
Il  y  auroit  plus  à  recueillir  dans  certaines  chroniques  ou  généalogies 
rédigées  par  des  Islandais  des  mêmes  siècles,  quoiqu'elles  soient  d'âne 
extrême  aridité. 

Le  titre  de  révolutions  n'est  que  trop  applicable  à  Thistoire  de  fa 
Norwége  durant  le  moyen  âge  ,  puisqu'on  y  voit  ce  pays  tantôt 
gouverné  par  ses  propres  princes,  tantôt  partagé  entre  des  comtes 
norwégiens  et  les  rois  de  Danemarck  et  de  Suède ,  tantôt  réuni  à  Ton  011 
è  Tautre  de  ces  deux  royaumes,  souvent  en  guerre  avec  ses  voisins, 
plus  souvent  déchiré  par  des  troubles  intérieurs,  ravagé  par  la  grande 
peste  de  1  ^48,  et,  à  travers  tant  de  calamités,  {'éclairant  néanmoins 
et  se  civilisant  par  degrés;  contractant  des  habitudes  plus  douces,  sans 
presque  rien  perdre  de  l'énergie  de  ses  vertus  antiques.  La  cinquième 
partie  de  Fouvrage  de  M.  Catteau-Calleville  se  termine  en  i  $97, 
époque  de  la  réunion  trop  mal  garantie  des  trois  royaumes  ;  et  la  sixième» 
^n  1523,  quand  la.  Suède  recouvre  son  indépendance.  L'intérêt  de  ces 
deux  livres  tient  sur  tout  à   trois  personnages  âmeux»   Marguerite» 


FÉVRIER   1819.  101 

Chrisiiern  II  et  Gustave  Wasa.  L'auteur  n'a  rien  négligé  de  ce  qui 
peut  les  faire  apprécier  avec  justesse:  le  tableau  qu'il  a  tracé  de  la 
tyrannie  de  Christiern,  est  d'autant  plus  instructif,  qu'il  en  a  écarté  les. 
détails  exagérés  t>u  controuvés  qu'y  ajoutent  Messenius  y  et ,  d'après 
lui,  PufFendorf  et  Vertot.  L'union  de  Calmar  avoit  duré  au-delà  d'un 
siècle,  non  sans  de  fréquentes  interruptions.  Après  Marguerite  ,  pas  un 
seul  monarque  n'avoit  su  concentrer  tant  d'intérêts.  Les  fautes  de 
Christiern  et  les  talens  de  Gustave  mirent  fin  à  ce  pacte  politique ,  .qui 
avoit  amené  des  troubles ,  provoqué  des  guerres ,  retardé  le  progrès  de 
la  prospérité  commune,  mais  aussi  favorisé  des  entreprises»  multiplié  les 
communications  y  et  donné,  en  Europe ,  aux  peuples  du  Nord  une  plus 
grande  importance  politique. 

La  Suède  fut  donc  en  1 523  détachée  pour  toujours  du  Danemarck» 
auquel  la  Norwége  resta  unie  jusqu'en  1  8  1 4«  Par  l'effet  de  cette  union , 
l'histoire  particulière  de  la  Nonvége  se  réduit  «  pendant  ces  trois  derniers 
siècles,  à  un  si  petit  nombre  de  faits,  que  M.  Catteau-Cailevilie  les  a 
tous  compris  dans  le  septième  livre  de  son  histoire  ;  encore  y  a-t-il  ùit 
entrer  le  récit  des  dernières  campagnes  et  de  la  mort  du  roi  de  Su^de 
Charles  XII,  en  rectifiant  quelques  erreurs  échappées  aux  historiens  de 
ce  pririce  (i).  En  général,  les  Norwégiens  ont  été  moins  agités  durant 
cette  dernière  période,  et  ils  ont  profité  de  ce  repos  pour  agrandir  leur 
industrie  et  cultiver  les  sciences  et  les  arts.  Ils  ont  perfectionné 
l'exploitation  des  mines  et  des  bois,  étendu  leur  commerce,  fort  aug- 
menté le  nombre  de  leurs  navires  marchands  :  leur  agriculture  même 
auroit  fait  d'assez  grands  progrès ,  si  le  Danemarck  n'avoit  long-temps 
exercé  le  monopole  des  grains.  Plusieurs  d'entre  eux  se  sont  distingués 
dans  la  carrière  des  lettres,  par  exemple,  Holberg  parmi  les  poètes, 
Gunnerus  parmi  les  naturalistes.  Une  société  des  sciences  s'établit  à 
Droniheim  ;  une  autre  société  et  de  grandes  écoles  furent  fondées  à 
Christiania.  La  Norwége ,  à  la  fin  du  xviii.*  siècle,  payoit  des  contri- 
butions équivalentes  à  cinq  ou  six  millions  de  francs,  et  fournissoit 
environ  trente  mille  soldats.  Elle  comptoit  750,000  habitans  en  1769,^ 
plus  de  900 ,000  en  1 80 1  ,  et  l'on  a  lieu  de  présumer  qu'elle  en  a  plus 
d'un  million  aujourd'hui  ;  car  les  recensemens  restent  toujours  au-dessous 


(1)  Plusieurs  détails  de  Thistoire  de  Charles  XII  ne  sont  devenus  publics 
que  depuis  quarante  ans.  M.  Catteau-Calleville  ajoute  que  les  mémoires  parti- 
culiers qu'il  a  eu  occasion  de  consulter  en  Suéde,  en  disent  encore  davantage. 
Si  Voltaire  avoit  pu  connoitre  ces  détails ,  il  auroit  rendu  cr  plus  compictc  e( 
»plus  exacte  son  histoire ^d'aUleurs  si  intéressante ^  du  héros  suédois.» 


ÏNS 

du  Trar,  et  les  états  de  population  insérés  dans  quelques  relations  ré- 
centes, particulièrement  dans  le  Voyage  de  M.  de  Buch  (  i  )  >  "^  *o"'  P^* 
complets.   Ce  qui  mérite  le  plus  d'être  îci  observé,  c'est  l'excédant 
considérable  des   naissances  sur   les  décès.  En   '799,  le  nombre  des 
naissances  a  été  de  28, 54°)  et  celui  des  morts  seulement  de  iS,)^, 
entre  lesquels  on  remarquoii  208  personnes  âgées  de  plus  de  90  ans  (2). 
Le  huitième  livre  de  l'ouvrage  de  M.  Catteau-CalleviUe  est  un  exposé 
I  de  ce  tjui  s'est  passé  en  Norwége  depuis  le  commencement  de  l'année 
i8t4|usqu'au  mois  de  mai  1818.  Cette  dernière  partie  contient  prin- 
'■■  cipalement  les  conventions .  traités,  constitutions  et  autres  actes  publics 
I  qui  ont  réuni  la  Norwége  à   la  Suède,  et  réglé,  dans  fun  et   l'autre 
état,  l'exercice  du  pouvoir.  L'auteur,  qui,  dans  tout  le  cours  des  sept 
[livres  précédens,  a   donné   une   attention  particulière  aux  institutions 
'  politiques,  est  persuadé  que  les  Norwégiens  sont  arrivés   aujourd'hui 
[  su  terme  où  tendoient  les  efforts  et  les  progrès  de  leurs  ancêtres.  Il  voit 
I  dans  leurs   lois  actuelles,   et  dans  leur  union  avec    les   Suédois,   des 
I  garanties  de  ta  tranquillité  des  deux  peuples  et  des  gages  de  leurs  progrès 
l  fiiturs.  «  Les  monts  scandîjiaves  s'abaissent,  dit-il  en  finissant,  la  main 
»  fraternelle  passe  d'un  royaume  ii  l'autre ,  et  les  raSnes  de  Haraid  et  de 
■>  Gustave   Wasa   se   rencontrent  pour  applaudir  au  bonheur   ei  à   la 
•  gloire  de  la  Scandinavie.  » 

DAUNOU. 


Codex  medicamentarws  .  sive  Pharmacopœa  gallica,  jujsa 
Eegis  optimi  et  ex  mandalo  summi  rerum  iniernarum  regni 
admiiiistri .  editus  À  Facuhate  meJica  Piirisieiisi ,  aimo  1818. 
Parisiis,  apud  Hacquari,  typographum  curias  legatorum , 
via  Gît-le-Cœur ,  n."  8;  m-^'  de  405  pages. 

La  faculté  de  médecine  de  Paris  publie,  sous  le  titre  de  Codex 
medicamentarius ,  un  nouveau  formulaire  de  médicamens.  L'ancien, 
dont  la  dernière  édition  est  de   17; 8,  se  trouvoit  épuisé:  la  chimie 

{1}  Voye^Ae  compte  qui  a  été  rendu  de  ce  Voyage  dans  le  Journal  des 
Savans,  novembre   1816,  pag.  ni-148. 

(2)  Chnstian-Jacque;  Drakemberg,  né  en  Norwége  en  1624»  y  mourut  en 
1770,  âgé  de  t46  ans.  Il  s'cioii  marié  à  iij  ani,  et  conserva  toutes  ses  force* 
juiqu'aux  derniers  moniens  de  sa  vie. 


Février  1819.  loj 

«voit  pcffeciionné  ses  analyses,  étendu  ses  découvertes  ei  changé  sa 
nomenclature;  la  médecine  avoil  acquis  ])lusieurs  remèdes  inconnus  k 
nos  prédécesseurs  :  il  falloit  donc  refaite  un  livre  qui  est  loui-à-Ia-fors 
destiné  aux  piiarmaciens  pour  régler  !a  composition  des  remèdes,  aux 
médecins  poiu  déterminer  leurs  prescri|>iions,  et  aux  malades  pour  lei 
mettre  à  l'abri  de  l'erreur  et  de  l'incertitude.  Le  Gouvernement  a  demandé 
cet  ouvrage  à  la  faculté ,  qui  en  a  ch;irgé  une  commission ,  composte  do 
lept  de  ses  membres,  savoir,  MM.  Leroux,  Deyeuv,  Vauqutlin,  Ri- 
chard ,  de  Jussieu ,  Percy  et  HaUé ,  auxquels  ont  été  réunis  MM.  Henry , 
Bouillon- Lagrange  ei  Vallée,  et  à  la  mcri  de  ce  dernier,  M.  Clieradam, 
lous  Iiommes  instruits  et  capaLtIcs  de  I^ien  coopérer  à  uii  travail  aussi 
intéressant.  MM.  Bourdet,  Guilbert,  Ducbatel  et  Baruel,  y  ont  aussi 
concouru.  M.  HalIé,  si  connu  par  ses  lumières,  par  son  jugement 
sain  et  par  sa  précision,  a  été  le  rédacteur  général. 

Lorsque  le  nouveau  Codtx  fut  terminé  ,  Sa  Majesté  en  ordonna 
l'impression,  en  spécifiant  le  titre  qu'il  devoit  porter  [il. 

L'intention  des  auteurs  a  été  de  décrire  les  préparations  pharma- 
ceutiques avec  une  telle  exactitude,  qu'on  pût  éire  assuré  qu'étant 
exécutées  selon  la  méthode  prescrite,  il  en  résulteroit  des  mcdicamens 
par-lout,  autant  qu'ilest  possible,  parfaitement  semblables. 

Voici  l'ordre  établi  dans  l'ouvrage,  ainsi  qu'il  est  exposé  dans  la 
préface  et  développé  dans  un  tableau  méthodique,  misa  la  suite  de 
cette  préface  sous  le  titre ,  Ordo  totius  operis. 

Les  auteurs  commencent  par  une  matière  médicale,  qui  est  une  liste 
très-nombreuse  de  médicamens,  tels  que  la  nature  nous  les  ofTre,  ou 
qu'on  les  trouve  dans  le  commerce;  médicamens  tirés  des  mijiéraux, 
des  végétaux  et  des  animaux.  Plusieurs  articles  de  cette  liste,  sur-tout 
parmi  les  substances  fournies  par  le  commerce ,  sont  accompagnés 
d'une  explication  des  signes  propres  h  en  faire  apprécier  les  qualités ,  et  «t 
les  faire  distinguer  des  substances  ou  semblables  à  quelques  égards,  ou 
altérées  ou  falsifiées ,  avec  lesquelles  il  est  possible  de  les  confondre. 

Après  cette  matière  médicale  vient  un  chapitre  [c'est  le  iv.')  qui 
traite  des  poids  et  mesures  et  de  tout  ce  qui  peut  servir  h  établir  dans  les 
formules  du  Codex  les  proportions  justes,  objet  très-essentiel  et  bien 
placé  entre  l'exposé  des  substances  naturelle»  et  les  préparations  pharmar 
ceuiiques.  Les  mesures  adoptées  sont  exprimées  en  nombres  propor- 
tionnels, qui  indiquent  d'une  manière  générale  les  rapports  des  médi- 
camens entre  eux  et  avec  la  composition  entière  dont  ils  font  partie» 

(1)  Urdoonance  du  Roi  du  8  aoûi  1811S. 


I 


lD-4 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


rapporls  constans,  sous  quelque  dénoininaiiori  qu'on  exprime  Tes  poids 
absolus  de  chacun,  soil  parmi  nous,  soit  dans  les  pays  étrangers.  Pour 
en  spécifier  i'usage,  on  a  ajoulé  des  tables  qui  rapportent  les  poids 
anciennement  usiiés  et  les  poids  nouveaux  h  ces  nomljres  proporlionnels. 
Dans  un  di^uxième  article,  il  s'agit  des  densités  et  des  degrés  corres- 
pondans  de  l'aréomètre  vulgaire ,  tant  pour  les  liquides  plus  pesans ,  que 
pour  ceux  qui  sont  moins  pesans  que  l'eau.  Ces  rapporls  entre  les 
densités  et  les  degrés  de  l'aréomèire  sont  exposés  dans  des  taliIes,  ou 
sont  sur-tout  rappelées  les  évaluations  les  plus  importantes  dans  la 
pratique.  Dans  le  cours  du  formulaire,  on  voit  que  nulle  part  on  n'a 
négligé  le  degré  auquel  on  prend  ou  l'alcool,  ou  les  acides,  ou  les 
dissolutions  salines  les  plus  importantes  et  les  plus  usitées.  Un  troisième 
article  traite  des  degrés  de  chaleur  et  du  thermomètre  :  on  y  indique  les 
températures  sous  lesquelles  se  passent  les  principaux  phénomènes 
pharmaceutiques  et  chimiques  ei  doivent  être  faites  les  principales 
opérations  de  pharmacie.  Enfin  un  quatrième  et  dernier  article  contient 
iévaluation  expérimentale ,  en  poids ,  des  différentes  manières  de  doses , 
par  gouttes,  cuillerées,  verrées,  jjoignées  ,  pincées  ou  en  nomhre. 
Chacune  de  ces  mesures  est  appliquée  aux  différsnies  sortes  de  médî- 
cainens,  dont  les  proportions  réelles  varient  le  plus  sous  les  déno- 
minations communes.  Ainsi  les  auteurs,  autant  qu'il  a  été  en  eux,  ont 
présenté  tous  les  élémens  d'une  précision  rigoureuse,  pour  les  pres- 
criptions, même  journalières,  que  les  médecins  peuvent  faire  selon  les 
différentes  occasions  qui  les  exigent  dans   la  pratique. 

Enfin  le  formulaire,  qui  fiiit  la  partie  essentielle  de  l'ouvrage,  est 
divisé  en  dix  sections,  ordonnées  selon  la  nature  des  préparations  phar- 
maceutiques et  des  opérations  qu'elles  exigent;  les  auteurs  commencent 
par  les  opérations  préparatoires, faisant  succéder  celles  qui  résultent  de 
procédés,  d'analyses  ou  de  combinaisons  de  plus  en  plus  compliquées, 
traitant  ensuite  celles  qui  ne  paroissent  consister  que  dans  de  simples 
mélanges,  et  terminant  par  les  médicamens  destinés  spécialement  à  un 
usage  externe  et  à  des  Iraiiemens  chirurgicaux. 

Ces  dix  sections,  indiquées  par  des  titres  généraux,  contiennent  des 
subdivisions  dans  lesquelles  se  rangent  tous  les  genres  de  préparations 
que  les  pharmaciens  doive»!  exécuter. 

Parmi  ces  préparations ,  il  en  est  dont  le  résultat  est  un  médicament 
simple,  et  d'autres  où  plusieurs  substances  réunies  forment  un  médica- 
ment composé:  parmi  ceux-ci,  il  en  est  qui  ne  sont  présentés  que  comme 
des  exemples  propres  i  indiquer  la  manière  d'exécuter  les  préparations 
dfs  médecines,  en  choisissant  parmi  les  plus  uùtées  celles  <jui  exig9<it 


FÉVRIER   1819.  105 

des  précautions  particulières  ;  c'est  à  ces  sortes  de  médîcamens  qu'on 
a  donné  le  nom  de  m/igistraux.  On  a  nommé  officinaux  les  médica-. 
mens  composés  qui  doivent  être  tout  prêts  dans  les  pharmacies,  dont 
la  formule  est  fixée  par  le  dispensaire ,  et  qui  doivent  être  toujours  pré- 
parés conformément  à  cette  formule.  Les  anciens  formulaires  en  con-  ' 
tiennent  beaucoup  qui  étoient  formés  par  la  réunion  d'un  grand  nombre  de 
substances  :  dans  ce  nombre,  le  nouveau  dispensaire  n'a  conservé  que 
ceux  que  Ton  demande  journellement,  et  dont  il  seroit  dangereux  de  n'a- 
voir pas  fixé  invariablement  la  préparation.  Les  exemples  s'en  trouvent 
spécialement  parmi  les  ^2/roo/^2/'j',  les  teintures,  les  sirops,  les  electuaires, 
les  bols,  èic.  :  mais  par- tout  on  a  eu  soin  d'indiquer  les  substances  essen- 
tiel/ement  actives ,  et  de  les  énoncer  dans  le  titre  de  fa  formule  avant  Je 
nom  qu'elfes  portent  vulgairement  ;  d'en  déterminer  les  rapports  de  quan- 
tité avec  hs  autres  médicamens  et  avec  la  masse  totale,  et  souvent  de 
aéterminer  la  dose  à  laquelle  on  administre  le  plus  communément  ces 
remèdes  ;  quelle  est  la  quantité  absolue  de  substance  efficace  con- 
tenue dans  cette  dose,  en  sorte  que  le  médecin  soit  toujours  sûr  de  la 
quantité  de  matière  qu'if  fait  prendre,  dans  quefque  proportion  qu'if  pres- 
crive un  médicament  efficace.  De  cette  manière  encore  on  peut  réduire 
à  une  plus  grande  simplicité  et  à  feurs  élémens  essentiels  les  médicamens 
les  plus  composés  :  on  a  même  poussé  la  recherche  jusqu'à  faire  ,  outre 
cela,  une  analyse  chimique  du  plus  composé  des  electuaires,  de  la  thé- 
riaqucy  en  la  traitant  comme  on  feroit  une  substance  simple  fournie  par 
fa  nature,  et  dont  on  voudroit  connoître  les  élémens. 

Mais  fesoin  fe  plus  scrupuleux  a  par-tout  été  apporté  dans  la  compo- 
sition des  médicamens  chimiques,  pour  en  déterminer  la  séritable  nature 
d'après  les  connoissances  modernes  ;  et  Ton  a  joint  même  à  leurs  noms 
chimiques  tes  plus  généralement  adoptés,  les  dernières  dénominations 
qui  leur  ont  été  données ,  quand  elles  ne  sont  plus  susceptibles  d'aucun 
doute  et  d'aucune  incertitude.  On  remarque  le  soin  qu'on  a  apporté  h. 
cette  recherche ,  à  l'article  de  r acétate  d'ammoniaque  et  de  l'esprit  Aftn- 
derery  dont  l'analyse  rigoureuse  a  été  présentée  pour  fixer  la  valeur  pré- 
cise d'un  médicament  important ,  et  dont  la  préparation  étoit  sujette  à 
beaucoup  d'inégalités  et  d'inexactitudes.  Les  compositions  chimiques  sont 
terminées  par  des  exemples  d'eaux  minérales  artificielles ,  propres  à  rem- 
placer les  eaux  naturelles  les  plus  employées  parmi  nous,  dont  l'analyse 
est  la  mieux  connue  et  la  plus  facile  à  imiter. 

Ces  substances,  ou  les  préparations  introduites  de  nos  jours  parmi  fes 
médicamens  utiles,  même  postérieurement  à  la  confection  du  Codex  y  ont 
été,  ou  inscrites  à  leur  rang,  dans  les  sections  où  elles  doivent  être  com- 

o 


io6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

prises ,  ou  placées  dans  un  appendice  qui  forme  un  supplément  desîmé  à 
faire  connoître  celles  que  l'époque  de  leur  découverte  n*a  pas  permis  d'in- 
sérer dans  le  corps  de  l'ouvrage. 

Enfin  on  a  constamment  inscrit  k  la  suite  des  préparations  qui  donnent 
des  médicamens  dont  l'abus  seroit  dangereux,  la  recoin  manda  tîon  dé 
ne  les  livrer  en  aucune  proportion  sans  une  ordonnance  signée  d'un  mé- 
decin connu ,  et  convenablement  détaillée. 

Les  auteurs  ont  porté  la  délicatesse  et  le  scrupule  jusqu'à  insérer  à  la 
suite  de  \ errata  une  note  dans  laquelle  ils  n'hésitent  pas  à  avouer  les 
imperfections  qu'ils  ont  remarquées  dans  leur  travail ,  et  à  inviter  les 
hommes  instruits  et  expérimentés  à  communiquer  leurs  observations , 
pour  les  aider  à  le  perfectionner  dans  une  autre  édition. 

Je  pense  qu'un  ouvrage  fait  avec  tant  de  soin ,  tant  de  méthode  et 
tant  de  précision ,  sur  un  objet  de  la  plus  grande  utilité ,  ne  peut  que  faire 
infiniment  d'honneur  au  rédacteur  et  à  ses  coopérateurs. 

II  se  prépare  une  traduction  française  de  cet  ouvrage. 

TESSIER. 


'JOURNEY  THROUGH  AsiA  MINOR^  ArMENIA  AND  KOORDIS^ 

TAN ,  in  thcyears  i8ij  and  i8i^,  with  remarks  on  the  marches 
of  Alexander  and retreat  ofthe  ten  thousand,  é^c;  c'est-à-dîre  ; 
Voyage  dans  l'Asie  mineure,  l'Arménie  et  le  KourMstan ,  fait 
dans  les  années  i8ij  et  i8i^ ,  avec  des  remarques  sur  les  marches 
d'Alexandre  et  sur  la  retraite  des  Dix-mille  ;  par  John  Mac- 
donald  Kinneir,  capitaine  au  service  de  la  compagnie  des  Indes , 
major  de  place  du  fort  Saint-George ,  &c.  Londres ,  1 8 1 8 , 
in-8.^  dt  6i6  pages,  avec  une  carte. 

Dans  un  numéro  de  ce  journal,  à  l'occasion  d'un  itinéraire  dans  l'Asie 
mineure,  nous  avons  fait  sentir  de  quelle  utilité  seroient  pour  les  progrès 
de  la  géographie ,  quelques  itinéraires  exacts  des  principales  routes  de 
cette  contrée  si  intéressante,  rédigés  par  des  voyageurs  amis  de  la  vérité , 
plus  occupés  d'ajouter  réellement  à  nos  connoissances  que  de  faire  dés 
phrases  inutiles  sur  des  lieux  que  leurs  prédécesseurs  ont  suffisamment 
décrits.  (Journal  d'avril  i8tj,  p.  ^jp*) 

C'est  ce  genre  d'utilité  que  présente  l'ouvrage  que  nous- annonçons. 


FEVRIER   1819.  107 

L'auteur,  placé  dans  une  circonstance  particulière,  a  pu  traverser  l'Asie 
mineure  en  plusieurs  sens  et  recueillir  une  multitude  de  faits  nouveaux  ; 
il  nous  présente  ses  voyages  sous  la  forme  d'un  simple  itinéraire 
qui,  dans  un  volume  peu  considérable,  rassemble  plus  de  données  géo- 
graphiques nouvelles  que  n'en  renferment  une  bonne  partie  des  voyages 
en  Asie  mineure  publiés  jusqu'ici:  travail  d'autant  plus  précieux,  que, 
d'après  les  d^gers  qu'a  rencontrés  l'auteur  et  les  fatigues  qu'il  a  essuyées, 
il  est  vraisemblable  que  de  long-temps  on  ne  verra  point  de  voyageurs 
assez  hardis  pour  marcher  sur  ses  traces. 

Dans  une  courte  introduction ,  M.  Macdonald  Kimieir  expose  l'oc- 
casion et  fe  but  de  son  voyage.  Parti  de  Harwich  au  commencement 
de  1 8 1 3  ,  il  étoit  arrivé  à  Gothembourg,  en  Suède ,  pour  se  rendre  à 
Constantinople  par  la  Russie.  Ce  n'étoit  pas  la  route  la  plus  courte ,  mais 
c'étoit  alors  la  plus  sûre,  >ou  plutôt  c'étoit  la  seule  route  de  terre  qu'on  pût 
prendre.  A  cette  époque ,  on  parloit  beaucoup  en  Angleterre  de  certaine 
expédition  dans  l'Inde,  projetée  par  le  chef  du  gouvernement  français. 
M»  Macdonald  Kinneir  quitta  l'Angleterre  dans  l'unique  hitention  de 
visiter  tous  (es  pays  à  travers  lesquels,  une  armée  européenne  devoit  pas- 
ser pour  se  rendre  aux  Indes  ;  en  conséquence  de  ce  plan,  if  se  propo- 
soii,  après  avoir  visité  l'Asie  mineure  et  la  Perse,  de  parcourir  les  pays 
?u  nord-est  de  cette  contrée,  et  les  vastes  plaines  qui  s'étendent  -au 
nord  deFOxus  jusqu'aux  limites  de  l'empire  Russe. 

Cependant  Farmée  française  ,  victime  de  Timprévoyance  et  de  Ten- 
téteraent'de  son  chef,  avoit  péri  en  grande  partie  dans  les  déserts  de 
la  Russie  :  aussi  M.  Macdonald  Kinneir  put-ii  se  rendre  directement 
à  Dresde  ;  et  bien  qu'il  dût  penser  dès -lors  que  cet  événement  désas- 
treux ajournoit  indéfiniment  lexpédition  aux  Indes,  il  n'en  poursuivît 
pas  moins  Fexécution  de  son  projet,  et  continua  sa  route  pour  Cons- 
tantinople, où  il  arriva  vers  la  fin  dç  juin    1 8 1  j. 

Après  un  séjour  de  plusieurs  mois,  M.  Macdonald  Kinneir  partit 
de  Constandnople  pour  commencer  ses  excursions  dans  l'Asie  mineure , 
accompagné  d'un  Tartare ,  et  muni  d'un  firman  qui  lui  donnoit  le  droit 
d'avoir  huit  chevaux  à  chaque  poste,  ce  Les  postes ,  dans  l'empire  ot- 
»toman,  dit  notre  voyageur,  sont  entretenues  par  le  gouvernement; 
«c'est-à-dire  qu'une  certaine  portion  de  terrain,  ou,  en  beaucoup 
«d'endroits,  une  somme  d'argent  est  accordée  pour  cet  objet  dans  le 
»  printemps  de  chaque  année.  Les  postes  de  différentes  villes  situées  sur 
y>  les  grandes  routes  sont  louées  à  celui  qui  en  offre  le  meilleur  prix , 
j>  lequel  se  règle  d'après  le  nombre  des  chevaux  :  sur  une  roule  très- 
»  fréquentée ,  il   y  a  des  maîtres   de  ppste  qui  entretiennent  jusqu'à 

O   2 


iû8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

™  cent  chevaux  ;  ces  chevaux  sont  en  géiit-ral  petits  et  fnligués ,  les 
"postes  étant  fort  longues  et  les  chemins  mauvais .  sans  compter  que 
ï>  les  Tartares  ne  ménagent  pas  ieur  monture.  Ces  Tartares  sont 
»  les  messagers  publics;  on  les  appelle  ainsi,  parce  que  c'éioîl  ori- 
»  ginairement  des  Tartares  qui  suivoîent  cette  profession  :  mainte-.' 
n  nant  tout  le  monde  indistinctement  peut  l'embrasser;  et  le  meilleur' 
»  Tartare  dt  l'ambassade  anglaise  est  un  renégat  suédois  qui  sait  mal 
»  le  turc.  Ces  hommes  ont  le  droit  d'exiger  gralit  des  maîtres  de 
s»  poste  des  chevaux  et  des  vivies ,  excepté  quand  ils  voyagent  pour 
»  leur  compte  et  transportent  des  marchandises  d'un  lieu  h  un  autre. 
»  Quand  il  arrive  que  les  chevaux  ne  peuvent  plus  les  porter,  ils  leur 
M  coupent  la  queue  ,  quelquefois  les  oreilles  ,  et  les  abandonnejit 
i'  dans  les  bois  :  ils  prennent  ensuite  d'autorité  les  chevaux  du  pre- 
»  mier  voyageur  qu'ils  rencontrent.  Les  Tartares  font  à  cheval  des  , 
»  courses  d'une  longueur  étonnante  ;  îf  en  est  qui  vont  de  Constan- 
»  tinople  à  Bagdad  en  neuf  ou  dix  jours;  on  raconte  même  qu'un 
«  Tartare  ayant  fait  cette  route  en  sept  jours,  eut  la  tète  tranchée  en 
»  arrrèani  à  Constantinople ,  parce  que ,  disoit-on ,  il  n'avoit  pu  aller  si 
»  vîte  sans  tuer  beaucoup  de  chevaux.  C'est  â  force  de  liqueur  et  d'o- 
ïï  pium  qu'ils  se  rendent  insensibles  à  la  fatigue:  on  les  rencontre 
»  fréquemment  courant  au  grand  galop  les  yeux  fermés.  Tous  les 
»  pachas  en  entretiennent  un  certain  nombre  :  quelques-uns  en  ont 
»  jusqu'à  cent.  » 

De  Constantinople,  M.  Macdonald  Kinneir  se  rendit  à  Angora,  en 
passant  par  Cehsa,  l'ancienne  Lybissa,  qui  renfermoil  jadis  les  cendres 
d'Annibai;  par  Niconiédie  et  Nicée,  dont  notre  voyageur  donne  la 
description;  Eski-Sher,  l'ancienne  ZJur^/iPttm ,  célèbre  par  ses  bains 
chauds;  Syed-Guz,  l'ancienne  Prymntsia,  selon  l'auteur  ,  ce  qui  est  fort 
douteux:  c'est  non  loin  de  là  qu»  dévoient  être  situées  les  villes  cé- 
lèbres de  Pessinunte  et  de  Gordlum.  M.  Macdonald  Kinneir  fit  quelques 
enquêtes  auprès  des  habitans  pour  savoir  s'il  n'existeroit  pas  des  ruines 
dans  les  environs;  on  lui  répondit  que,  comme  toute  la  surface  du 
pays  est  couverte  de  vestiges  de  villes  détruites,  il  étoit  impossible  de 
distinguer  les  ruines  qui  appai tenaient  à  telle  ou  telle  ville.  Ceci  montre 
qu'un  Européen  qui  auroit  la  facilité  de  séjourner  quelque  temps  dans 
te  pays,  ne  pourroit  manquer  d'y  faire  des  découvertes  très -intéres- 
santes, Toute  cette  contrée  est  fertile;  mais  la  culture  y  est  peu  perfec- 
tionnée, et  notre  voyageur  fait  h  ce  sujet  les  réflexions  suivantes  qui 
s'appliquent  â  toute  i'Asie  mineure.  "  On  ne  prend  nul  soin  pour  ainé- 
w  liorcr  les  terres  ;  ce  qui  n'est  point  étonnant  y  quand  on  songe  que  le 


À 


FÉVRIER  1819.  109 

»  fermier  est  exposé  à  se  voir  chassé  au  premier  moment,  ou  pillé  et 
»>  arbitrairement  surtaxé  en  raison  de  l'augmentation  du  produit  de  ses 
»  terres.  II  n'est  pas  rare  que  le  pacha ,  à  la  vue  d'une  belle  et  mcht 
»  récolte ,  fasse  saisir  le  grain  encore  sur  pied ,  l'achète  à  bas  prix  et 
»Ie  revende  au  plus  offrant.  Ce  système,  si  destructif  de  l'industrie, 
»  tient  à  la  politique  inconsidérée  de  la  Porte ,  qui  change  continuelle- 
»  ment  les  gouverneurs  des  provinces,  de  peur  qu'un  long  séjour  dans 
»  le  même  pays^e  leur  fournisse  les  moyens  de  s'y  rendre  indépendans  : 
»  aussi  le  pacha ,  obligé  de  satisi^ire  l'avarice  des  ministres  du  sultan  9 
»  et  cherchant  d'ailleurs  à  se  créer  une  existence  indépendante  pour  le 
»  temps  où  il  aura  cessé  d'être  gouverneur,  s'inquiète  fort  peu  des  în- 
»  térêts  du  fermier,  et  ne  s'occupe  qu'à  amasser  de  l'argent.  Nous  avons 
»  observé  que  les  cantons  soumis  à  des  pacbas  indépendans  sont  cons- 
»tamment  les  plus  riches,   les  mieux  peuplés,  et,  à  tous  égards,  les 
»  plus  florissans  :  la  raison  en  est  simple;  ces  chefs  trouvent  leur  intérêt 
»  à  encourager  les  cultivateurs,  parce  qu'ils  voient  continuellement  la 
»  population  de  leurs  états  s'augmenter  d'une  multitude  d'émigrans  qui 
»  abandonnent  les  pays  soumis  immédiatement  aux  officiers  de  la  Porte. 
»  La  prospérité  des  provinces  de  l'Asie  mineure  est  de  cette  manière 
»  toujours  flottante ,  selon  les  actions  et  les  dispositions  de  leurs  chefs  ; 
»  tantôt  elles  sont  bien  peuplées  et  bien  cultivées ,  tantôt  abandonnées 
»  et  incultes.  Des  villages  entiers  émîgrent  d'un  district  à  l'autre  sans. 
»  beaucoup  d'embarras  ou  de  dépenses,  parce  que  leurs  maisons  sont 
»  d'une  construction  simple  et  facile;  leur  ameublement  est  d'ailleurs 
»  si  peu  de  chose ,  qu'ils  le  transportent  fecilément  siu-  le  dos  de  leurs 
»  bœufs,  qui  leur  fournissent  du  lait  pendant  la  route,  et  trouvent  par- 
»  tout  une  abondante  pâture.  » 

Avant  d'arriver  à  Angora,  M.  Kinneîr  rencontra  un  khan  deTurco- 
mans  qui  lui  firent  subir  quelques  avanies ,  malgré  son  firman.  Angora 
[ancienne  Ancyre]  renferme  encore  quelques  restes  d'antiquités.  Notre 
voyageur  fut  obligé  de  se  passer  de  la  pennission  du  pacha  pour  les  visiter. 
Ce  gouverneur  lui  avoit  refusé  cette  permission,  par  la  raison,  disoit-if, 
qu^un  Anglais  ne  pouvoit  avoir  dautrt  objet,  en  visitant  Angora,  que  de 
rassembler  les  informations  nécessaires  aux  infidèles  pour  faire  la  conquête 
du  pays. 

Au  reste ,  le  voyageur  anglais  semble  avoir  voulu  justifier  les  craintes 
exagérées  de  ce  pacha,  par  la  nature  de  quelques-unes  de  %^%  observa- 
tions; et  entre  autres,  par  celle-ci  :  «  La  conquête  de  cette  partie  de 
»  l'Asie  mineure  (la  partie  méridionale)  pourroit  être  effectuée  avec  une 
»poigîiée  d'hommes,  et  être  conservée  très- facilement,  malgré  tous  les 


»  efToris  de  ta  Porte.  Les  différens  pachas  demeurent  à  de  grandes 
»  dislances  les  uns  des  autres;  mais,  quand  même  ils  vit:ndroient  à  se 
n  réunir ,  ils  seroîent  incapables  de  tenir  tête  à  une  armée  régulière,  parce 
»  que  le  pays  est  appauvri  et  dépeuplé ,  que  leur  artillerie  ne  vaut  rien , 
»  et  qu'à  vrai  dire,  ils  n'ont  aucun  moyen  pour  équiper  une  armée.  Le 
»  climat  est  doux  et  passe  pour  sain  :  le  sol  produit  en  abondance  du 
»blé;  le  pays  est  découvert  et  tr'fs-bien  disposé  pour  des  meuvcmens  de 
»  cavalerie,  &c,  »  (p.  222,  223.) 

Les  ruines  d'Ancyre  sont  encore  assez  considérables;  une  des  portes 
de  la  ville  moderne  et  ses  murailles  sont  bâties  avec  des  débris  antiques. 
On  voit  les  restes  d'un  temple  situé  sur  une  éminenceet  d'un  amphithéâtre 
fort  dégradé  :  un  monument  mieux  conservé  est  le  temple  d'Auguste, 
où  se  trouve  la  fameuse  inscription  dite  d'Ancyre,  que  M,  Kinneir 
employa  plus  de  sept  jours  à  copier,  ignorant  qu'elle  fût  déjà  publiée.  11 
cite  comme  un  reste  d'antiquité  remarquable,  une  colonne  de  marbre 
de  cinquante  pieds  de  haut,  cannelée  hori^onlatement  [fluted  horîzon- 
tally]  ,  couronnée  d'un  cliaptteau  corinthien,  et  élevée  sur  un  piédestal 
de  dix  pieds. 

La  chèvre  d'Angora  ne  se  trouve  point  par-tout  dans  ce  pachalik  :  elle 
-ji'habite  qu'à  l'ouest  de  l'Halys  ;  si  on  la  transporte  au-delà  de  ce  fleuve, 
«on  poil  perd  promptement  sa  finesse.  Le  territoire  au  sud-est  d'Angora, 
presque  jusqu'à  Jconium,  est  parcouru  par  des  hordes  de  Turcomans  qui 
ne  paient  aucun  tribut  à  la  Porte,  mais  sont  soumis,  dit-on,  à  un  chef 
nommé  Aiahomei  Btg,mi.\  réside  dans  un  village  entre  Ouscat  et  Angora. 
Us  habitent  sous  des  tentes  ou  plutôt  des  huttes,  ayant  la  forme  d'une 
cloche ,  de  dix  pieds  de  diamètre ,  et  facilement  iransportables  :  leurs  ri- 
chesses consistent  dans  leurs  chevaux,  leurs  bœufs,  leurs  moutons,  &c. 
On  dit  qu'ils  peuvent  mettre  trente  milfe  hommes  en  campagne.  II 
teroit  bien  diffîcile  de  les  soumettre,  parce  qu'ils  sont  excelleus  cavaliers, 
et  changent  de  demeure  avec  une  célérité  extraordinaire  1  d'ailleurs, 
adonnés  à  la  vie  nomade,  ils  ne  voudroieni  jamais  s'astreindre  à  demeurer 
dans  des  habitations  permanentes. 

A  quelque  distance  d'Angora,  M.  Macdonald  Kinneir  traversa  le 
fleuve  Halys,  à  présejit  Kî-^iI-Ermak  :  le  pays  n'est  habité  que  par  des 
Iribus  errantes,  qui  fabriquent  des  étoffes  de  laine  et  des  tapis. 

Ouscat,  où  notre  voyageur  arriva,  étoit  alors  la  résidence  de  Chap- 
wan-Oglou,  le  chef  le  plus  puissant  de  l'Asie  mineure,  et,  sous  tous  les 
rapports,  indépendant  de  la  Porte  ottomane, qui,  jalouse  de  son  autorité, 
s'cloit  en  vain  efforcée  de  s'en  défaire.  Duué  de  grands  talens  et  d'un 
esprit  éclairé,  il  réussit  à  tout  ce  qu'il  entreprit,  et  parvint  en  peu 


FÉVRIER   1819.  iiï 

d'années  à  se  rendre  indépendant  et  h  accroître  ses  ressources,  en  en- 
courageant l'agriculture  et  en  évitant  avec  soin  ces  mesures  oppressives  ' 
qui  ont  porté  fa  désolation  dans  les  provinces  asiatiques  de  k  Turquie. 
H  fut  respecté  de  ses  ennemis ,  adoré  de  ses  sujets  :  ceux-ci ,  qui  com- 
paroient  le  bonheur  et  la  sécurité  dont  ils  jouissoient  avec  la  condition 
de  leurs  voisins ,  étoient  toujours  préparés  Ji  le  soutenir  jusqu'à  la  dernière 
extrémité  ;  aussi  sa  domînaiion  s'étoic  agrandie  de  jour  en  jour,  et  s'éten- 
doii  en  I  S 1 4 1  à  Touest .  jusqu'à  i'Haiys  et  même  au-delà  ;  au  liord-ouesl,  ■ 
elle  embrassoit  les  districts  de  Tosia,  Zeli ,  et  la  grande  et  riche  ville 
de  Tocat  -.  k  Test,  elle  étoit  hornée  par  les  pachalilcs  de  Malatia,  dé 
Césarée;  au  sud,  par  la  Méditerranée.  Les  revenus  de  Chapwan- 
Oglou,  qui  consistoient  presque  uniquement  dans  une  taxe  sur  fej 
grains,  montoient,  année  commune,  à  90,000  bourses  (4i>ooo,ooo 
piastres  )  ,  dont  20,000  [  10,000,000  piastres),  disoit-on ,  étoient 
employées  à  corrompre  les  ministres  du  grand  seigneur.  On  dil  qu'il 
pouvoir,  dans  un  mois  ou  six  semaines,  mettre  sur  pied  une  armée  de 
40.000  hommes.  Chapwan-Oglou  reçut  le  voyageur  anglais  avec  poli- 
tesse et  dignité  ;  lui  fit  beaucoup  de  questions  sur  les  affaires  d'Europe  : 
il  demanda  à  voir  un  portrait  de  l'empereur  Alexandre  qu'on  lui  avoit  dî^ 
être  en  possession  de  ce  voyagenrjet,  ce  qui  prouve  l'excessive  vanité  et  ^ 
f ignorance  des  Turcs,  c'est  qu'il  prélendit  que  /'empereur  émtfils  d'un 
pac/ia  turc  fait  prisonnier  dans  Us  guerres  de  Russie,  et  dont  l'impératriti 
étoit  devenue  amoureuse. 

La  route  d'Ouscat  à  Kaisarîeh  ne  présenta  rien  de  remarquable  :  cciti   ! 
dernière  ville  est  située  dans  un  vallon ,  entre  deux  collines  détachées  dii  | 
mont  Argish  /  Argœus  mons  ] ,  à  peu  de  distance  de  l'ancienne  Cttsareà'  "' 
ûu  Afa^aca,  capitale  de  la  Cappadoce,  où  l'on  trouve  encore  quelques 
ruines  grecques  et  romaines.  La  plaine  est  arrosée  par  le  Kara-sou  [Rivière 
notre  j ,  Fanden  Mêlas:  elle  est  dominée  par  le  mont  Argish  ,  qui  s'élève 
comme  un  pic  à  une  très-grande  hauteur  :  les  gens  du  pays  convinrent  que, 
malgré  une  foule  de  tentatives,  personne  n'avoit  jamais  pu  en  atteindre 
le  sommet.  M.  Macdonald  Kinneir,  en  octobre,  vît  la  moitié  de  son 
sommet  couvert  de  neiges,  et  les  gens  du  pays  lui  dirent  que  ces  neiges  sont 
perpétuelles  ;  ce  que  Sirabon  rapporte  également  du  mont  Argœus'[  1  )  ; 
et ,  comme  la  limite  des  neiges  perpétuelles  à  4-°  de  latitude  est  de  1 6  j  o 
toises'  [2)  ,  on  peut  admettre  qu'à  58°,  latitude  du  mont  Argish,  cette 
limite  n'est  pas  au  dessous  de  1700  toises  [  3  300  mètres  ]  :  ainsi  le 


(j)   Slrab.  xii,p.  ;jS. 

(2)  Humboldi,  d:'  gcografh.  distribut,  plaiil 


i 


'  lia 


JOURNAL  DtS  SAVANS, 


sommet  de  cette  montagne  est  nécessairement  plus  élevé  encore.  Slrabon 
nous  dit  que ,  du  haut  de  l'Ârg{Eus ,  on  voyoil ,  dans  un  temps  clair ,  le 
Puiii-Euxin  etjla  Méditerranée  ;  or,  l'arc  de  la  plus  petite  distance  est 
de  66' de  grand  cercle  entre  r^r^(F«J  et  la  Méditerranée;  de  uSo' entre 
ÏArgŒus  et  le  Ponl-Etixîn. 

Pour  un  point  tievé  de  i  800  toises,  l'horizon  s'étend  à  i'  49'  '  î"i 
en  comptant  0,08  pour  le  coefficient  de  la  réfraction  :  ainsi,  du  haut  de 
YArgceus,  en  lui  supposant  cette  élévation,  on  pourroit  certainement  voir 
jusqu'^  ij  lieues  dans  la  Méditerranée,  si  les  regards  n'étoient  point 
arrêtés  par  la  chaîne  du  Taurtis  qui  borne  nu  nord  la  Cilicie.  Mais,  pour 
qu'on  aperçût  la  mer  Noire,  il  l^udroit  que  la  montagne  eût  environ 
30C0  toises  [5850  mètres]  ,  c'est-à-dire  qu'elle  fût  de  600  toises  plus 
élevte  que  le  Mont-Blanc.  Au  reste  le  capitaine  Beaufort  a  signalé  sur 
plusieurs  points  de  la  côte  de  Caramanie ,  des  montagnes ,  dans  l'inté- 
rieur du  pays,  couvertes  de  neige ,  au  mois  d'août,  jusqu'au  tiers  de  leur 

.  batneur(  1);  ce  qui  suppose  une  élévation  de  a4oo*  2500  toises,  et  plus 
encore.  Tous  ces  faits  attestent  que  la  chaîne  du  Taurus  est  en  général 
plus  haute  qu'on  ne  l'imaginoit,  qu'elle  surpasse  souvent  les  Pyrénées, 
el  qu'en  certains  points  elle  n'est  pas  de  beaucoup  inférieure  à  la  chaîne 
des  Alpes. 

A  partir  de  Kaisarieh.  la  route,  se  dirigeant  d'abord  k  l'ouest,  ensuite  au 
8iid ,  conduisit  M.  Macdonald  Kînneir  à  Enja-sou ,  ville  qui  paroît  être  l'an- 
cienne Castabala  ;  puis  à  Kara-Hissar,  probablement  la  Cyh'istta  de  Stra- 

I  ton;kNour,  l'ancienne  Nora,  oùEumènes  soutint  un  siège  contre  Anli- 
gone  (2);  i  Nidgeh,  l'ancienne  Cadyna,  résidence  d'un  pacha  ;  enfin  à 
Ketch-Hissar,  que  M.  Macdonald  Kînneir  croit  éire  sur  l'emplacement 
de  Tyane  ,  ap]'elée  Dana  par  Xénophon.  Cette  opinion  est  fondée 
sur  la  grande  quantité  de  ruines  grecques  et  romaines  qu'on  trouve  en  cet 
endroit,  et  sa  situation  entre  Kaisarieh  el  les  portes  de  CiJicie  rend  cette 
opinion  certaine.  Après  avoir  franchi  les  portes  de  Cilicie,  M,  Macdonald 
Kimieir  arrive  à  Tarsous,  l'ancienne  Tarse,  située  sur  le  Cydnus ,  dans 
|a  plaine  de  Cilicie.  Xénophon  compte  2î  parasanges  de  Tyane  ou 
Xiana  jusqu'à  Tarse;  ce  qui  concorde  très-bien  avec  les  75  milles  que 
ritiiiéraire  de  Jérusalem  donne  entre  ces  deux  points.  M.  Kînneir,  qui 
croit  que  cette  distance  est  prise  à  partir  des  montagnes,  la  trouve 
beaucoup  trop  longue,  et  ne  sait  comment  expliquer  celte  diBîcuIté; 
mais  elle  tient  uniquement  à  ce  qu'il  n'a  pas  saisi  la  pensée  de  l'auteur 


(1)  Beaufort's  Karamama,  p.  ^^. 

(2)  Plutarch.  in  Euimn.  /.  6. 


FÉVRIER   1819.  iij 

grec,  que  le  major  Rennelf  a  très-bien  expliquée  dans  son  Systcmc  géo- 
gr  fihujue  d'Hérodote  et  dans  ses  Eclaircisstmens  sur  la  route  dts  Dix* 
mi/le, 

M.  Kinneîr,  pendant  son  séjour  h  Tarse,  auroit  bien  voulu  visiter 
les  ruines  de  Soles,  dAnchidfe  et  de  Séleucie  ;  mais  ie  mutselim  qui 
coininandoit  pour  Chapwan-Og/ou ,  lui  représenta  cette  excursion  comme 
dangereuse,  à  cause  des  bandits  qui  infestoient  la  côte,  et  ne  voulut 
point  lui  permettre  de  tenter  l'aventure,  parce  qu'il  craignoit  d'être 
oMigé  de  répondre  des  accidens  à  Chapwan-Oglou.  Le  voyageur  fut 
donc  forcé  de  continuer  sa  route  pour  Adana,  la  ville  la  plus  considé- 
rable de  la  Cflicie  aj)rès  Tarse.  A  Mcssis  f  yVIopçuestiaJ,  ville  habitée 
par  des  Turcoinans  qui  paient  tribut  aux  pachas  d'Adana  et  font  le 
métier  de  brigands,  il  auroit  été  immanquablement  pillé,  si  faga  n'avoît 
pas  été  responsable  au  pacha  de  tous  les  accidens  qui  pouvoient  leur 
arriver.  Un  peu  plus  loin,  est  la  ville  de  Pias,  que  M.  Kinneir  croit 
être  l'ancienne  Issus,  Nous  ne  suivrons  pas  le  voyageur  dans  la  des- 
cription qu'il  fait  d'Antioche  ,  de  Suédia  [  Séleucie  ]  et  de  Latakieh 
[Laodicée],  parce  que  les  détails  en  sont  généralement  connus. 

Après  im  séjour  de  trois  semaines  à  Latakieh,  où  il  avoit  été  retenu 
par  une  indisposition,  M.  Kinneir  s'embarqua  pour  Famagouste  dans 
l'ile  de  Chypre;  de  Famagouste,  il  se  rendit  à  Larnaca,  et  traversa  Tile 
entre  Larnaca  et  Cerina,  où  il  prit  un  bateau  qui  ïe  conduisit  de  nou- 
veau sur  la  côte  de  Cilicie  k  Anamour  [ Anemurîum  ].  Arrivé  à  Kelendrî 
/  Celenderis  ],  il  vouioit  se  rendre  à  Selefkeh  pour  voir  les  ruines  de 
Séleucie;  mais  il  ne  trouva  personne  qui  voulût  l'y  accompagner,  à 
cause  des  brigands  :  il  se  disposa  donc  à  traverser  une  seconde  fois 
l'Asie  mineure  par  la  route  &Iconium  et  d'Ofium-Kara-Hissar.  Le  seul 
lieu  remarquable  qu'on  rencontre  avant  d'arriver  à  Iconium ,  est  Cara- 
man ,  ville  autrefois  résidence  d'une  branche  des  Seidjoucides  qui , 
sous  le  titre  de  begs  ou  sultans  de  Caramanie,  régnèrent  pendant  })[us 
d'un  siècle  sur  la  plus  grande  partie  de  la  Cilicie  et  de  la  Cappadoce  : 
elle  [)aroît  avoir  été  bâtie  avec  les  ruines  de  Laranda, 

La  ville  moderne  deKonieh  doit  un  aspect  imposant  au  grand  nombre 
de  ses  mosquées  et  d'autres  bâtimtns  pui;lîcs;  mais  Tiniérieurest  fort  loin 
d'y  répondre  :  ces  édifices  tombent  en  ruine,  et  les  maisons  conyistent 
en  un  mélange  de  petites  huttes  bâties  en  briques  séchées  au  soleil,  et 
de  mibérables  chaumières  couvertes  de  roseaux.  Une  des  portes  de  la 
ville  est  ornée  d  un  magnifique  bns-relicf  d'environ  neuf  pieds  de  long,  et 
contenant  dix  figures,  dont  le  siyle  et  l'exécution  surpassent,  dit  M.  Kin- 
neir, tout  ce  que  j'ai  vu  dans  iues  voyages.  D'après  ce  qu'il  en  dit,  on 

p 


ii4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

voit  que  c'est  un  ouvrage  du  temps  des  Romains  :  il  en  est  de  même 

{Tune  statue  colossale  d'Hercule. 

A  Iconium,  M.  Kinneir  se  retrouva  encore  une  fois  sur  la  route  des 
Diz-milfe  :  il  y  traversa  Ladîk,  ancienne  Lûodicea  combusta,  qui  conserve 
très-peu  de  restes  d'antiquités;  Eifgoun,  qui  coirespond  assez  bien 
au  Tyriaum  de  Xénophon  ;  Ak-sher,  qui  pourrait  être  le  Thymbrlam  du 
même  ai)teur.  Depuis  Antiochia  ad  Pisiiiiam ,  le  reste  de  la  route  jus- 
qu'à Constantinople  par  Ak'Hissar  et  Kutaiah  est  assez  connu  par 
d'autres  voyageurs  pour  que  nous  ne  nous  y  arrêtions  pas.  M.  Kinneir 
traversa  le  défilé  du  mont  Olympe  le  4  mars;  ce  passage  étoit  fort  diffi- 
cile, k  cause  de  la  grande  quantité  de  neige  qui  couvrait  la  route.  Cinq 
villages  situés  sur  ce  défilé,  des  deux  côtés  de  la  montée,  sont  exempts 
de  toute  espèce  de  tribut  ;  mais  les  habitans  sont  tenus  de  servir  de  guides 
aux  voyageurs,  et  responsables  des  accidens  qui  peuvent  leur  arriver. 
Une  circonstance  digne  de  remarque ,  c'est  que ,  comme  les  moines  du 
grand  Saint-Bernard ,  ils  ont  une  espèce  de  chiens  de  chasse  qui  dé- 
couvrent à  la  [liste  les  voyageurs  égarés  dans  les  neiges. 

Le  3j)  avril  i  S  1 4 1  M.  M.  Kinneir  repartit  de  Constantinople  pour 
traverser  l'Asie  mineure  une  troisième  fois ,  dans  une  nouvelle  direction. 

Nicomédie ,  la  première  ville  remarquable  qu'il  rencontra  après  Gebsa, 
dont  il  a  déjà  été  question,  ne  conserve  aucun  reste  de  l'amphithéâtre, 
de  l'aqueduc  et  du  temple  qui  y  existoient  au  temps  de  Pline.  De  U  ,  jus- 
qu'à Costamboul,  Castamouni  dans  laPa|>hlagonie,  la  route  n'offre  rien 
de  fort  remarquable ,  à  en  juger  du  moins  par  la  relation  de  M.  M.  Kin- 
neir. A  peu  de  distance  il  l'est  de  Cosiamboul,  on  trouve  le  bourg  de 
Tasch-Koprou,  que  le  voyageur  anglais  soupçonne  être  l'ancienne  Pom- 
fiiopolis ;  c'est  et;  qui  a  été  mis  hors  de  doute,  il  y  a  déjà  quelques 
années,  par  un  consul  français,  feu  M.  Fourcade,  qui  découvrit  même 
t  du  sénat  et  du  peuple  de  Pen 


FÉVRIER  1819.  Tiy 

pelopoHs  :  i[  a  développé  sa  découverte  dans  un  mémoire  particulier  (  i  )  ; 
et  les  détails  curieux  que  renferme  ce  mémoire,  auquel  nous  renvoyons , 
nous  dispensent  de  nous  étendre  davantage  à  ce  sujet  :  nous  nous  conten- 
terons d'observer  que  fa  carte  n'est  point  ici  d'accord  avec  le  texte  ;  car 
elle  place  Pompéiopolis  à  Vizir-Koprou.  Au  reste,  ce  n'est  pas  le  seul 
point  où  fa  carte  et  fe  texte  diffèrent  :  fes  contradictions  sont  nombreuses 
et  souvent  clioquantes  ;  céfa  tient  sans  doute  à  fa  grande  précipitation 
avec  faquelfe  M.  Arrowsmith  fa  fait  dessiner  et  graver.  C'est  du  moins 
ainsi  qu'on  peut  expfiquer  l'énorme  quantité  de  fautes  d'orthograpfie 
qui  fa  défigurent,  sur-tout  dans  fes  noms  anciens* 

Au-defà  de  Tasch-Koprou ,  on  traverse  l'Hafys ,  ou  Kizif-Ermak ,  qui 
sépare  fa  Paphfagonîe  du  Pont  ;  ensuite  on  arrive  à  Samsoun ,  l'an- 
cienne Amisus,  vîffe  habitée  excfusivement  par  des  Turcs,  au  nombre 
de  deux  mîffe  environ.  Sur  fe  bord  de  fa  mer,  M.  Kinneir  a  vu  des 
ruines  de  très-anciennes  constructions;  c'est  ainsi  qu'if  les  qualifie: 
nous  ne  doutons  point  que  ce  ne  soient  fes  ruines  en  constructions 
péfasgiques  ou  cyctopéennes  que  M.  Fourcade  y  a  vues ,  sefon  une  note 
manuscrite  remise  à  M.  Petit-Radef.  La  route  d* Amisus  k  Trébisonde 
suit  fe  rivage  de  fa  mer  :  on  trouve  d'abord  sur  fa  rive  droite  du  JekiC 
Ermak  (ancien  Iris)  fa  petite  viffe  de  Charshumba,  qui  représente 
probablement  fa  viffe  de  AîagnopoUs ,  sefon  M.  Kinneir.  Mais  cette  opi- 
nion ne  sauroit  être  admise  :  Eupatoria,  fondée  par  Mithrîdate-Eupator, 
rétabfie  par  Pompée ,  et  nommée  en  conséquence  Magnopolïs  (2) ,  étoit 
située,  dit  Strabon,  au  confluent  de  f'/w  et  du  Lycus  (3) ,  conséquem- 


inEHBOTAHKAOI  MAS  H  BOTAH  KAI 

«  AHMOSTHMEMri  O  AHM02  TH2  MH 

TPOnOAEHOAlPaE  TPOnOA  nA^AArûN 

ANEEHOAN  ANE0HKAN 

AIAnHIirXHI.  AFAGHI  TTXHI. 

C'est-à-dire,  Y  dm  Khâu/Zlof  TaJ^iiitOMov  vtov  TaMituv  eiyç^vojuuieuflct 

Le  mot  «iy^  o/Mouf^loL  pour  Ayçsufofjuiawiit  se  trouve  également  dans  l'inscription 
de  M.  Fourcade:  ainsi  ce  n'est  point  une  faute  de  M.  M.  Kinneir.  fl  en  est 
de  même  de  Ycù  devant  <W/m«c.  hts  inscriptions  grecques  de  l'intérieur  de  l'Asie 
mineure  sont  remplies  de  fautes  grossières,  qui  prouvent  que  la  langue  s'y 
étoit  de  bonne  heure  fort  corrompue. 

(i)  fnséré  dans  les  Annales  des  voyages,  t.  XIV,  p.  30  et  suiv. 

(2)  Du  surnom  de  Magnus. 

(3)  Strab.  Xii,p,^i6, 

p  a 


ii6 


JOURNAL    DES    SAVANS» 


ment  beaucoup  plus  au  sud,  d'après  fa  carte  même  de  M.  Ktnneir.  Une 
circorsiance  qui  marque  assez  bien  les  moeurs  du  pays  et  la  tyrannie  sous 
laquelle  il  gémit,  est  rapportée  par  l'auteur,  et  nous  croyons  devoir  la 
reproduire,  «Lehakim,  ou  gouverneurdece canton, appeléy<7nrA/i, nous 
»  donna  un  billet  de  logement  pour  une  mqison  grecque  de  la  ville ,  dont 
y>  le  maître  étoit  absent  ;  il  envoya  un  de  ses  gens  avec  nous  pour  prendre 
M  possession  :  mais  nous  lTappâme.s  à  la  porte  pendant  plus  d'une  heure, 
«avant  qu'on  \int  nous  ouvrir;  enfin  parut  une  vieille  femme  qui 
»  fui  si  épouvsniée  i  notre  vue,  qu'elle  ne  put  dire  un  mot:  elle  nous 
»>  crut  une  troupe  dt  Turcs  qui  vendent  piller  la  maison  de  son  maître. 
»  FMe  avoil  ddru.é  IVbrme,  et  en  peu  de  temps  fe  voisinage  fut  sens 
»des^u^  dejMiuN,  on  ne  put  les  apaiser  que  quand  mon  domestique 
»  leurt  l'i  dit,  d:M\^  leur  langue,  que  nous  érions  dn  Anglais  qui  deinan- 
»  dii  n  à  j'aascr  une  seule  iu:ii ,  et  qui  paierions  double  pour  tout  ce 
«qu'on  ^oddrnit  non»  donner.  L'orage  ces?a  tout-^-coup ;  nous  fûmes 
»a(.<ueilii>  :iiti.  cnipii-sneiticnt ,  ins;alléï  dijns  la  meilleure  chambre  de 
*>  l;i  m.iisun:  l'on  tint  nous  olfriren  a!)ondunce  des  fleurs,  dev  fruits, 
»  des  poisscus,  et  nous  fûmes  l'objet  de  beaucoup  d'attentions  et  de 
*>  pofitesses.  »  - 

Après  Charshumba ,  on  rencontre  un  village  appelé  Terme ,  situé 
sur  une  rivière  de  même  nom,  qui  pourroii  bien  être  le  Thtrmoàon;  ce 
village  ne  doit  pas  être  en  ccnséquencc  fort  éloigné  de  Thénjscyre. 
Unieh,  qui  semble  être  \<E.nue  de  Ptolémée,  est  un  petit  port  assez 
florissant,  dans  une  situation  charmante:  Orda  est  un  petit  village  de 
pêcheurs,  non  loin  de  l'ancienne  Cofyora,  où  les  Dix-mille  s'embar- 
quèrent pour  Sinope;  un  peu  nu  del:i,  snnt  les  ruines  de  la  ville  de 
Polrmonium.  Enfin  on  arrive  à  Keresoun,  Or  sus ,  lillf  située  sur  un 
roc  élevé;  on  y  voit  encore  des  restes  des  murailles  anciennes  :  elfe 
uînées,  dont  cinq  cents  habllées  par  les 


FÉVRIER   1819.  117 

Ern.  Frïd.  Car.  Rosenmuller,  tlieoL  doct  et  IL  on.  inAcad. 

'  Ups.  prof,  ord.,  Insîitutiones  ad  fundamenta  Ungua  arabica; 
accedunt  sententia  et  narrationes  arabica  nnà  cum  glossario 
arabico-latino,  Lipsiie,   18 18;  viij  et  44^  pages  gr.  in-8.^ 

M.  Rosenmuller  avoît  publié  à  Leipsick,  en  1799,  en  allemand, 
sous  le  tirre  de  Arabisches  Elementar  und  Lese-Buch ,  des  Élémens  de 
grammaire  arahe,  avec  un  choix  de  textes  en  prose  et  en  vers,  et  uu 
vocabulaire.  Sollicité  par  le  libraire  éditeur  de  ce  livre  d  en  donner  une 
nouvelle  édition,  il  a  pensé  qu  il  se  rendroit  plus  utile  à  la  jeunesse  qui 
veut  étudier  la  langue  arabe  ,  en  en  composant  une  nouvelle  gram-* 
m:irre,  écrite  en  latin,  dans  laquelle,  tout  en  profitant  de  celle  que 
Taureur  de  cet  article  a  publiée  à  Paris  en  1  8  1  o  ,  il  prendroit  cependant 
pour  base  celle  d'Erpenius,  et  s'tfforceroit  de  tenir  un  juste  milieu  entre 
l'excessive  briéveié  de  cette  dernière  et  la  longueur  de  celle  de  Paris. 
M.  Rosenmuller  a  cru  aus.si  devoir  joindre  à  ces  Elémens  une  chresio- 
mathie  et  un  vocaî)ul;n*re;  mais,  au  lieiî  que,  dans  sa  précédente  publica- 
tion, il  avoii  inséré  beaucoup  de  morceaux  de  poésie,  parce  que  ce 
n'est,  disoit-il,  que  par  la  poésie  d'une  naiion  qu'on  peut  se  faire  une 
jusîe  idév^-  de  son  génie  particulier  ,  de  sa  manière  de  penser  et  de  ses 
mœurs,  il  a  picf  re  cette  fois  de  cou,its  sentences  et  quelques  anecdotes 
écrites  d'un  s^ylc  simj>k'  et  facile  à  entendre.  Il  a  emprunté  ces  textes  de 
la  Collection  des  smiences  d'Ali,  tils  d'Abou-Taleb,  publiée  à  Oxford 
en  î8o6  avec  la  traduction  latine  de  Corn.  Van  Waenen,  et  d'un 
recueil  de  prose  et  de  vers .  imprimé  à  Calcutta  en  i  8  i  i  ,  sous  le  litre 
de  ,^^f  oj£=>c^  ^]^JJ  U?  ^1  *^,  et  dont  l'auteur  est  un  Arabe  très- 
instruit,  nomm<!-  Schtïkh  Ahmed  ben  iMohammcd  Scharwani,  et  attaché 
au  célclre  collège  des  langues  orientales  du  fort  William.  Enfin  M.  Ro- 
sennmllera  joint  à  ces  textes  une  traduction  latine  et  un  glossaire. 

On  ne  peut  qu'approuver  le  parti  qu'a  pris  M.  RosenmulK-r  en  cette 
occasion.  Ses  premiers  Eftmens,  écrits  en  allemaiîd,  étoient  et  trop 
courts  e*  sur-fout  trop  inexacts.  Les  textes  qui  les  accompngnoiefit, 
péchaient  très  fréc^uemment  contre  les  règles  de  la  grammaire,  et 
supposoient  peu  de  connoissance  du  vrai  système  grammatical  de  la 
langue  arabe.  Dans  sa  nouvelle  Gratumaire,  toute  la  partie  de  la  syntaxe, 
ain.^i  qi:ele  chapitre  X,  intitulé  i^aiion^s  di  litterurum  ^^À  natura  et 
pirmut  itione ,  ou,  pour  mieux  dire.  If  s  trois  quans  au  m  >;ns  .1  *  I  ouvrîu^e, 
ne  sont  g  ère  cju'une  trad.iction  aîuégte  de  la  Grnmiuairj  de  Paris 
1 8 1  o.  5i  l'on  en  excepte  la  terminologie  grammaticale  et  les  paradigmes 


n8  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

(communs  d'ailleurs  à  tous  fes  livres  ilémentaîres ] ,  on  ne  sait  trop 
en  quoi  la  Grammaire  d'Erpenîus  a  servi  de  base  à  celle-ci.  Quelques 
observations  de  très-peu  d'importance  ont  été  empruntées  de  la  Gram- 
maire de  M.  Aryda ,  publiée  à  Vietine  en  1 8  i }  (  Institut'tonts  gramma- 
t'ica  arahica ,  auctore  Antonio  Aryda).  La  Grammaire  de  Paris  est  encore 
loin  d'être  par&ite  :  depuis  sa  publication ,  l'auteur  a  recueilli  un  grand 
nombre  d'observations  propres  à  l'améliorer ,  particulièrement  en  ce  qui 
concerne  le  système  des  temps  et  l'usage  de  certaines  prépositions;  et, 
comme  il  les  communique  |ournellement  dans  ses  cours  \  ses  auditeurs , 
on  pourroit  imaginer  que  M.  Rosenmulfer  en  auroic  profité.  Loin  de  là  , 
il  a  copié  jusqu'à  quelques  erreurs  typographiques  dans  le  tableau  qui 
représente  Falphabet  arabe,  où  les  valeurs  numériques  des  lettres  ^  sad , 
é  aln  etLifa  ont  été  confondues,  et  où,  au  lieu  des  nombres  70,  80 
et  jo ,  il  faut  rétablir  les  nombres  90 ,  70  et  80.  Dans  quelques  circons- 
tances, il  a  ou  trop  généralisé  ce  qui  n'est  qu'une  exception,  ou  mal  com- 
pris certaines  règles.  Ainsi  il  suppose  qufe  le  mot  ôil  perd  toujours  son 
é/tf,  quand  il  est  précédé  de  la  particule  préfixe  <_>,  quoique  l'auteur 
qu'il  suivoit  eût  remarqué  que  cette  suppression  n'a  lieu  <^ue  dans  la 
seule  formule  jç^^yi  ij?-J\  *»l  p^.  La  traduction  des  exemples  n'est  pas 
toujours  exempte  de  fautes.  Ainsi  cet  exemple  {p.  npj  kdUt  i^jLf;  Oij^ 
âuxi  lequel  je  rétablis  la  construction  analogique,  intervertie ,  je  ne 
sais  pourquoi ,  par  M.  KosenmiîIIer,  est  traduit  ainsi,  incrssi  cum  duabas 
putllis  régis,  tandis  qu'il  falloit  traduire  ,  transivi  propt  duas puellas ,  ou 
plutôt  ancillulas  régis.  Une  faute  encore  plus  grave,  c'est  que  ,  dans  la 
chrestomathie  (p.  $86),  la  particule  de  restriction  L^l ,  qui  signifie 
tantummodo,  est  rendue  plusieurs  fois  de  suite  par  profectà,  contre  Tobier- 
vtiion  faite  par  fauteur  lui-même  ('/>,  2^6).  Dans  le  glossaire,  cette 
même  particule  est  rendue  seulement  par  utigue ,  quod,  equidem  :  son  sens 


FÉVRIER   1819.  119 

d'Allemagne;  et  la  langue  dans  laquelle  celleL-ci  est  écrite,  la  rendra 
encore  d'une  utilité  plus  générale. 

Parmi  les  morceaux  dom  se  compose  la  chrestomathie ,  il  en  est  un 
dont  M.  Rosenmuller  a  très-peu  saisi  le  sens.  Ce  morceau  est  tiré  du 
Q^\  iéj.  Au  lieu  de  relever  ici  les  fautes  du  traducteur ,  je  traduirai 
moi-même  cette  anecdote  en  français;  ce  qui  diminuera  la  sécheresse  de 
cet  articfe. 

ce  Le  khalife  Abd-almélic,  fils  de  Merwan,  prêchant  un  jour  dans  la 
»  mosquée  dé  Côufii ,  un  homme  de  la  Emilie  de  Samaân  se  leva,  et 9 
3>  lui  adressant  la  parole 9  lui  dit:  Prince  des  croyans,  arrêtez  ;  rendez 
»  d'abord  justice  à  cet  homme  qui  est  avec  moi;  après  cela  vous  pré* 
»  cherez.  De  quoi  s'agît-il  !  (ui  demanda  le  khalife.  Le  musulman  reprit: 
»  On  a  dit  à  cet  homme  :  Il  n'y  a  qu'un  tel  qui  puisse  vous  faire  restî- 
»  tuer  y  par  Abdalméhc,  ce  qui  vous  a  été  enlevé  injustement.  (  11  est 
»  donc  venu  me  trouver ,  et  )  je  vous  lai  amené ,  afin  de  voir  les  effets  de 
30  cette  justice  que  vous  nous  promettiez ,  avant  que  vous  vous  fussiez 
»  al^andonné  k  ces  injustes  exactions.  Après  beaucoup  de  paroles  qui 
3>  eurent  lieu  entre  ce  musulman  et  le  khalife,  l'homme  qui  étoit  venu 
»  pour  réclamer,  dit  au  prince:  Prince  descroyans,  vous  autres  vous  nous 
»  donnez  des  préceptes ,  et  vous  ne  les  mettez  point  en  pratique  ;  vous 
35  nous  défendez  certaines  choses f  et  vous  ne  vous  en  abstenez  point; 
»  vous  nous  donnez  de  Lons  avis,  et  vous  n'y  conformez  point  votre 
»  conduite.  Devons-nous  prendre  pour  exemple-  la  manière  dont  vous- 
»  même  vous  agis>ez,  ou  obéir  aux  précepies  que  vos  bouches  nous 
>3doniientî  Peut  être  d'rez-vous:  Obéissez  h  nos  ordres ,  et  recevez 
«docilement  nos  conseils*  Mais  celui  là  peut  il  donner  de  sincères 
»  conseil^  à  autrui,  qui  se  trompe  lui-même!  Si  vous  nous  dites ,  Prenez 
»  la  d;îg(rsse  par  tout  où  vous  la  trouvez,  et  recevez  les  avis  de  quelque 
3>  part  qu  ils  vous  viennent;  nous  \ous  demanderons  dans  quelle  vue 
yy  nous  vous  avons  confié  les  rênes  de  notre  gouvernement  et  nous 
i>  vous  avons  permis  d'exercer  une  autorité  souveraine  sur  notre  vie  et 
»  nos  possession^.  Ne  savez-vous  pas  qu'il  y  a  parmi  nous  des  hommes 
»  qui  pos^^èdent  mieux  que  vous  les  div*-rs  dialectes  (  que  nous  j)arlons), 
net  qui  sont  capables  d'exprimer  leurs  avis  avec  plus  d'éloquence  î  Si 
w  vous  ne  vous  sentez  pas  capable  d'exercer,  avec  la  justice  convenable, 
»  la  ciigniié  d'imam,  laissez-la,  ne  la  retenez  pas  (  à  la  lettre,  laisse:^'la 
^  aller  ,tt  j'tlii'i  les  i  ou  ri  oh  s  qui  la  tiennent ,  allusion  à  un  animal  de  service 
3>  qu'on  attache  pour  qu'il  ne  quitte  pa^  le  lieu  où  on  la  mi^  h  j)aîire), 
»  et  alors  ceux  à  qui  l'imamat  appartient,  que  vous  avez  poursuivis  les 
»  armes  à  la  main  dans  nos  provinces  >  et  dont  vous  avez  renversé  la 


JOURNAL  DES  SAVANS, 
ï»  fortune  dans  toutes  les  vallées  cju'iU  h^bitoient,  se  hâteront  de  s'tn 
»  ressaisir  (il  s'agit  ici  des  descendnns  d'Ali,  légitimes  héritiers  du 
M  pontificat  )  ;  car,  par  dieu,  s'il  reste  enire  vos  mains  jusqu'à  la  fin  du 
»  temps  et  l'expiration  du  terme  des  choses ,  les  droits  de  Dieu  et  ceux 
»  de  ses  serviteurs  (  c'fSt-à'Clire  des  hommes  )  s'évanouiront  et  seront 
»  réduits  à  rien.  Comment  cela!  iui  demanda  le  khalife.  Parce  que, 
"reprit  cet  homme,  quand  quelqu'un  vous  adresse  la  parole  pour 
»  réclamer  son  droit,  il  n'éprouve  que  des  rebuts  ;  et  s'il  se  tait,  il  est 
M  victime  de  l'injustice.  On  n'écoute  point  celui  qui  se  plaint,  on  ne 
»  réforme  point  la  violence  qu'il  éprouve,  et  celui  qui  l'a  vexé  injus- 
«  lement  n'est  point  réprimé.  Mais  un  Leu  t'aiiend,  prince,  toi  et  les 
i>  sujets;  un  lieu  où  les  montagnes  se  fondront,  oii  l'on  ne  tiendra 
»  plus  aucun  compte  de  ta  royauté,  où  toute  ta  gnindf-ur  disparottra  > 
»  où  ceux  sur  l'assistance  desquels  lu  comptes  frustreront  Ion  altentei 
»  et  où  celui  qui  te  jugera  exercera  une  justice  impartiale.  A  ces  mois, 
»  Abd-almélic  tomba  sur  le  visage  ,  fondant  en  latines;  pui^  il  dit  à  cet 
n  homme  :  Que  deniandes-iu  !  Ion  intendant  à  Samawa ,  lui  répondit-il , 
y>  m'a  fait  tort  :  pour  lui,  (a  nuit  s'étoule  dans  les  jeux,  et  le  jniu-dans 
«les  frivolités;  son  regard  n'est  que  fierté.  Le  khalife  écrivît  h  I  in- 
a>  tendant ,  pour  lui  ordonner  de  restituer  k  cet  hoinine  ce  dunt  il  l'avoit 
»  injustement  dépouillé  ;  puis  ensuiteil  lui  ôta  son  emploi.  " 

Je  transcrirai  encore  une  autre  anecdote,  pour  avoir  l'occasion  de 
rétablir  le  texte  que  M.  Rosenmuller  a  altéré  en  voulant  sans  doute 
le  corriger. 

«  Un  avare  fut  surpris  par  un  homme  qui  lui  demanda  rho')>iialiié. 
»  L'avare,  qui  avoit  devant  lui  du  pain  et  du  miel,  se  hâta  d'enlever  (e 
»>  pain.  11  vouloit  aussi  ôter  le  miel  ;  mais  il  s'imagina  que  son  hôte  ne 
»  mangeroit  pasdu  miel  sans  pain.  Il  lui  dit  donc:  Seriez-vous  homme 
»  h  manger  du  miel  sans  pain  t  Oui-dà ,  répondit  l'étranger,  qui  se  mit 
w  i  manger  du  miel,  cuillerée  à  cuillerée.  Mon  hoie,  lui  dit  l'avare, 
M  cela  brûle  le  coeur.  Il  est  vrai .  dit  l'autre ,  mais  c'est  voire  cœur.  » 

M.  Rosenmuller  a  traduit  :  Pluctat  rili  mel  sine  pant  coinedmï  Le 
mol  tjjj'  ne  signifie  pas  placent  libi ,  mais  bien  ,  viditur-ne  libi.  Lnsuite 
au  lieu  de  j.m;.  urit ,  que  porte  le  texte  imprimé  à  Calcutta ,  il  a  mis 
^j^^  ce  qu'il  traduit  ainsi,  eomprimit  ;  et  dans  son  glossaire  il  a  mis  le 
verbe  jj3t,  conslrinxn ,  piessii .  compressk.  Cette  correction  n'est  pas 
seulement  inutile,  eilîest  une  interpol:itîon. 

En  finissant,  je  remarquerai  que  les  caractères  arabes  de  cette  gram- 
tnaire  sont  les  mêmes  que  AL  Birnsiein  de  Beplin  a  employés  dans 
l'édition  du  poème  de  Safy-eddi]i,  dont  j'ai  rendu    compte  dans  ce 


FÉVRIER   1819.  121 

tournai  (cahier  de  juin  tSij,  p.  3^6-^61).  Je  répète  îcî  que  la  forme  du  -• 
sad  y  est  tellement  altérée,  que,  dans  certains  mots,  il  fiiut  deviner  ce 
qu'on  doit  lire.  Qu'on  cherche  datis  le  dictionnaire  ^>-a3- j-»lj— <,>a.L», 
on  croira  voir  ^ .«  jXj  _  ^^^sJ^.  Ce  défaut  est  si  choquant ,  qu'il  faut 
absolument  le  réformer,  si  l'on  ne  veut  pas  décréditer  ce  caractère, 
d'ailleurs  assez  bien  gravé.  Un  autre  défaut ,  mais  qui  tient  sans  d#ute 
ou  à  la  fontt ,  ou  au  tirage ,  ou  à  la  matière  employée ,  c'est  qu'une 
multitude  de  lettres  ne  résistent  pas  à  Feffort  de  la  presse,  et  perdent 
leur  partie  inférieure  ;  ce  qui  défigure  totalement-I'impression  :  ce  défaut 
se  fait  sur-tout  remarquer  dans  le  plus  gros  des  deux  corps  d'arabe 
de  Berlin. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 

INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE,  ET  SOCIÉTÉS  LITTÉRAIRES. 

Le  31  décembre  1818,  ont  eu  lieu  les  funérailles  de  M.  Jacques  Gondoîn, 
membre  de  l'académie  royale  des  beaux-arts.  M.  Quatremère  de  Quincy  a 
prononcé  un  discours ,  dont  nous  transcrirons  ici  quelques  lignes,  ce  Depuis  long- 
»  temps  M.  Gondoin  avoit  lu  son  nom  inscrit  sur  la  liste  des  plus  célèbres  arcbi- 
r>  tectes.  Déjà  la  postérité  étoit  arrivée  pour  lui;  déjà  le  bel  édifice  de  l'École  de 
s>  médecine  l'avoit  placé,  non-seulement  à  la  tête  des  architectes  de  son  siècle, 
»mar5  parmi  les  martres  classiques  des  siècles  passés.  L'École  de  médecine, qnî 
a»  aurolt  suffi  à  la  gloire  de  M.  Gondoin ,  sera  encore ,  n'en  doutons  point,  une 
1»  matière  inépuisable  pour  son  éloge.  Au  mérite  qu'il  eut  de  faire  revivre  dans 
3»  ce  beau  monument  et  le  goût  de  l'antiquité,  et  la  pureté  des  ordonnances,  et 
»la  noblesse  des  plans,  et  l'entente  judicieuse  de  toutes  les  convenances,  le 
3»  temps  a  déjà  ajouté  l'avantage  des  divers  parallèles  qui  seuls  peuvent  fixer 
^  les  rangs  entre  les  artistes ,  et  proclamer  les  véritables  supériorités.  Que  n'au- 
»  rions-nous  donc  pas  à  vous  dire,  Messieurs,  s'il  nous  étoit  donné  ici  de  vous 
»  occuper  des  talens  de  M.  Gondoin,  des  intérêts  de  l'art,  et  de  ceux  de  sa 
»  gloire!  Mais  ce  peu  de  paroles  que  nous  devons  à  la  douleur  de  sa  perte ,  ne 
»  nous  permet  que  des  regrets  sur  tout  ce  que  nous  perdons  de  qualités  -morales , 
»de  venus  et  de  bons  exemples,  en  perdant  ce  vénérable  doyen  de  notre 
-»  académie,  dont  nous  aimions  tant  à  écouter  les  avis ,  à  contempler  les  traits^ 
»  et  auquel  nous  nous  plaisions  à  présager  la  plus  longue  existence.  » 

M.  Morellet,  membre  de  l'académie  française^  est  décédé  le  12  janvier 
1819;  il  étoit  âgé  de  92  ans.  MM.  Campenon  et  Laya,  ont  prononcé,  à  ses 
funérailles ,  des  discours  dont  on  va  lire  des  extraits. 

Ai»  Campenon.  «  Quelque  préparés  que  nous  fussions,  par  Tordre  naturel  des 
»  choses  humaines ,  à  la  perte  que  nous  venons  de  faire,  elle  n'en  est  pas  moins 
M  ua  des  coopt  les  plus  sensibles  qui  pussent  frapper  l'académie.  En  entrant 

Q 


y 


inciens  d'er 


S  SAVANS, 


nous  y  trouvèreni  M.  Vtbbi 

ne  généraiion   ijui  es(  déjà  presque  entière- 

le  con^idéroicnl  nvec  une  sorte  de  rtspecr, 

ire  âge  tjue  leur  solrdiié,  liur  durée   même, 

dislruction  ;  et  c'est  autour  de  sa  Tombe 

e  trouveni  aujourd'hui  réuiùtparle  scniiment  d'une 

»ctinimone  douk-nr.  Dan»  une  des  plus  longues  carrières  (juM  soit  donné  à 

a  l'homme  de  parcourir,  M.  Morrllet  s'est  consiamment  fait  remarquer  par  un 

Il  caractère  de  franchise  ei  de  protitè  qui  nous  perinei  de  le  ciicr  en  exemple 

■■aux  écrivains  de  toutes  les  époqoes  et  de  tous  les  pays. ...   Il  appliquoii  cette 

»  mfnie  probité  aux  lettres,  C'est  fe  même  seniiment  qui  le  portoii  à   défendre 

M  1rs  droit*  de  la  raifon  ou   les  principes  du^oût,  looteslestfois  qu'il  les «royott 

"  auaqués ,  quel  qre  fiii  le  succès  du   livre  ou  le  talent  de  l'écrivain  qu'il  te 

u  proposoii  de  réfuter.  Cette  inienlion  at   manifeste  dans  quelques-unes  de  sei 

»  productions  littéraires.  On  la  retrouve  aussi  dans  plusieurs  écrits  qu'il  com- 

uposa  iur  des  matières  d'adniinisiiation ,  de  commerce   et    d'économie  poli- 

>i  ti'iue;  travaux  longs  ej pénible»,  mais  d'aiirant  plus  estimables,  que  l'écrivatn 

»>  n'y  est  guère  soutenu  que  par  l'espoir  d'être  utile ,  que  le  succès  en  est  lou- 

»  jours  sans  éclat ,  «  que  le  lecteur  le  mieux  disposé  n'y  trouve  communément 

»  à  louer  que  le  courage  a»i  les  entreprend  ei  la  patience  qui  les  achève.  Presque 

I)  Ici  ccriit  de  M.  Morellet  prouvent  que  le  bien  public  fut  la  passion  de 

■  ?a  vie;  et  s'il  y  néglige  souvent .  et  comme  a  dessein,  les  artifices  du  langage  et 

»  les  ressources  de  son  imagination  ,  c'est  qu'il  sentoit  que   sa  force  la  plus  lûrc 

»étoiidans  une  raison  puit tante;  c'est  qu  il  n'éprouvoit,  c'est  qu'il  ne  vouloii 

>j  exercer  aucune  séduction.  Persuader  etoiison  unique  but,  et  souvent   aussi 

»ce  fut  là  son  I>onheur  et  son  triomphe. Il  y  a  quatre  ans  que  sa  vie  fut 

:ée  par  un  accident  trés-grnve,  qui  finit  par  le  condamner  à  une  sorte 
"d'immobilité  incurable.  Ce  malheur  n'altéra  point  sa  sérénité  habituelle;  ses 
t  mêmes  n'en  turent  point  interrompus.  Mais  quand  la  vieillesse,  qui 
«jusque-là  sembloit  l'avoir  oublié,  l'eut  enfin  frappe  de  ses  plus  désolans 
»  Héaux ,  (piand  sa  vue  presque  éieinie  lui  eut  interdit  tout  usage  de  ses  livres 
«chéris,  ouand  la  voix  du  sang  et  de  l'amiliè  cessa  de  se  faire  entendre  à  son 
eille  (levenue  insensible,  alors  une  amère  tristesse  s'empara  de  son  amc. 
n  Pour  lui  c'étoit  là  mourir;  car  sa  rètignaiion  fut  complète  dés  qu'il  n'eut  plus 
»  à  perdre  que  la  vie.  » 

M,  Layd.  •<■  Nous  perdons ,  en  la.  personne  de  notre  vénérable  doyen ,  l'ui» 
»  de  nos  amis  les  plus  dévoués,  l'un  de  nos  guides  les  plus  éclairés  et  les  plus 
itsiîrs.  En  lui  s'éioit  retirée  toute  l'expérience  de  ce  XVlll.'  siècle,  qui,  comme 
»  tout  ce  qui  jette  un  grand  éclat,  a  ses  admirateurs  et  ses  détraÂeurs.  M.  Mo- 
arellet  en  étoit, au  milieu  de  nous,  la  vivante  image:  il  avoit  vécu  avec  toutes 
»  les  grandes  renommées  de  ce  siècle  ,  s'étoit  nourri  de  leur  esprit  qu'il  rappeloit 
n  dans  ses  entretiens  comme  dans  ses  ouvrages ,  s'étoit  rempli  de  leurs  principes 
n qu'il  professa  avec  la  retenue  d'un  sage  qui  s'arrête  où  l'abus  commence, et  ne 
»se  permet  d'excès  que  dans  les  sentimens  généreux.  Les  seules  fautes  qu'on 
«ait  quelquefois  à  reprendre  dans  ces  mouvemens. exaltés,  sont  celles  nui  sont 
Vcommites  dans  un  entraînement  trop  rapide  vers  un  but  d'ulillte  et  de 
jndeurron  s'eii  mépris  au  choix  des  moyens,  sans  s'être  trompé  dans  la  fin 
iiuc  Von  pounuivoit.  Les  esprits  les  plus  chagrins  et  les  plus  sévères  n'auroient 


1 


FÉVRIER   1&19.    .  I2Î 

«i  remarquer,  dans  toute  la  vie  de  M.MorelIet,  que  quelques-unes  peut-être 
»de  ces  respectables  erreurs.. .  .Ses  jours  ont  éié  nombreux;  c'est  dire  que  ses. 
»  travaux  sont  innombrables ,  nul  n'ayant  connu  mieux,  que  lui  remploi  du 
ai  temps,  nul  n'ayant    plus  que  lui    senti  le  besoin,  l'irrésistible  besoin    de 
»  l'étude,  n 

La  classe  des  sciences  morales,  historiques  et  philologiques  de  l'académie  de 
Turin  décernera,  dans  sa  séance  publique  du  mois  de  juin  i8r9,  une  médaille 
d'or  de  30  sequins  au  meilleur  mémoire  (en  langue  italienne)  sur  le  mérite 
trai^qne  d'Aliieri  :  le  concours  n'est  ouvert  que  jusqu'au  3  mars. 

La  société  des  sciences  de  Harlem  a  décerné  à  M.  Ritter,  de  Mayence, 
itMecin  du  duc  de  Nassau,  le  prix  dont  le  sujet  avoit  été  proposé  en  ces 
termes  :  Quelles  sont  les  causes  des  maladies  contagieuses  qui  régnent  le  plus 
sauvent  dans  tes  villes  assiégées  / 

La  société  dts  sciences  de  Varsovie  décernera  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  100  ducats  au  meilleur  éloge  historique  du  général  Kosciusko.  Les  mémoires, 
écrits  en  polonais, latin,  italien,  français,  anglais  ou  allemand,  seront  adressés 
à  M.  Edouard  de  Czarneki,  secrétaire  de  la  société  :  ils  seront  reçus  jusqu'au 
20  avril  1820. 

L'académie  de  Pétersbourg  adjugeia,  en  1820,  un  prix  de  100  ducats  au 
meilleur  mémoire  sur  la  composition  et  le  mélange  dts  alcalis  et  des  terres  donc 
l'analyse  n'a  pas  encore  été  fiite  d'une  manière  satisfaisante.  Les  mémoires,  écrits 
en  langue  russe,  française,  latine  ou  allemande,  doivent  être  adressés^  avant  le 
1.*'  janvier  1820,  au  secrétaire  perpétuel  de  l'académie. 

LIVRES   NOUVEAUX. 
FRANCE. 

• 

Cours  pratique  d* instruction  élémentaire,  applicable  à  toute  méthode  d'en- 
seignement individuel  ou  collectif,  et  spécialement  à  la  méthode  d'enseigne- 
ment mutuel,  à  l'usage  de  l'école  polymatnique,  de  toutes  les  écoles  primaires  de 
France,  et  sur-tout  des  étrangers  qui   désirent  apprendre  méthodiquement  la 

Prononciation  et  forthogtapi^e  de  la  langue  française;  par  P.  R.  F.  Bùtet  de  la 
arthe.  Paris, imprimerie  de  Everart;  chez  Al.  Eymery,  1819,  iw-^.*  de  22  feuill. 
Dictionnairt  universel  de  la  langue  française ,  avec  le  latin  et  les  étymologies; 
ntanuel  de  grammaire,  d'orthographe  et  de  néologie;  extrait  comparatif,  con- 
cordance et  supplément  de  tous  les  dictionnaires;  par  P.  C.  N.  Boiste,  ancien 
avocat  :  cinquième  édition,  corrigée  et  augmentée  de  560  p^g^'*  Paris,  impr. 
de  Fain,  chez  Verdière,  1819,  /V/-A*  oblong  de  110  feuillfs;  i8fr. 

Nouveaux  Synonymes  français  à  l'usage  des  jeunes  demoiselles;  par  M."*  Faure, 
directrice  d'une  école  d'enseignement  mutuel.  Paris ,  imprim.  de  M.™*^  Huzard  » 
chez  Eymery  et  L.  Colas,  1819,  '^*'^#  ^H  ^^  34?  P^g^^*  Prix,  3  fr.;  et  franc  de 
port,  3  fr.  75  cent.  L'auteur  a  profité  des  travaux  de  Roubaud ,  de  Beauzée,  de 
d'Alembert'et  sur-tout  de  Girard.  Cependant  ce  volume  ne  consiste  point  en 
simples  extraits  des  livres  déjà  publiés  sur  cette  matière  importante.  M."^  Faure 
y  a  lointdes  observations  qui  lur^oni  propres,  et  un  assez  grand  nombre  de  traits 
d'histoire,  de  citations  et  de  réflexions  morales,  qui  doivent  graver  dans  les 
esprits  l'explication  des  mots.  Son  travail  étant  particulièrement  destiné  aux 
personnes  de  son  sexe,  elle  s'est  arrêtée  de  préférence  aux  mots  qui  expriment 

Q  * 


iM  JOURNAL  DES  SAVANS. 

Ifs  idées  et  les  sentimens  qui  ont  le  .plus  d'influence  sur  leur  conduite ,  et  par 
conséquent  sur  leur  bonheur. 

Abrégé  du  Lycée  ou  Cours  de  littérature  ancienne  et  moderne  de  M,  de  la 
Harpe  f'^T  un  ancien  membre  de  la  congrégation  de  TOratoire.  Avrgnont 
imprimerie  et  librairie  de  F.  Seguin  ainé^  1819»  -2  vol.  in^ti,  ensemble  de 
27  feuilles. 

Leçons  françaises  de  littérature  et  de  morale ,  ou  Recueil  en  prose  et  envers 
des  plus  beaux  morceaux  de  notre  langue  dans  la  littérature  des  deux  derniers 
siècles;  ouvrage  classique  à  l'usage  de  tous  les  étabiissemens  d'instruction  pu-, 
bircs  et  particuliers  de  l'un  et  de  l'autre  sexe;  par  MM.  Noël  et  de  la  Place; 
huitième  édition,  1819.  Paris,  imprimerie  et  librairie  de  le  Normant^  x\q!^ 
in-SJ' ,  ensemble  de  80  feuilles.  Prix,  12  fr. 

Botanicon  libros  quatuor  è  carminé  gallico  viri  clarissimi  J?.  J?.  Castel  in 
latinos  versus  transtulit  Lud.  Rohard  ,  rhetoricae  professor  in  schola  regia 
militari  Flexiensi.  Andegavi,  Mame;  Parisiis,  Andin,  18.19,  ^^''^  ^^  4  feuilles. 

Le  Belle^e  délia  poesia  italiana,  tratte  dai  più  celebri  poeti  italiani,  accom- 
pagnate  d'un  trattato  délia  poesia  italiana,  da  Vergani:  nuova  edizione,  con 
moite  aggiunte  e  correzioni  di  P.  Piranesi.  Paris,  imprimerie  de  Kougeron» 
chez  Th.  Barrois  fîls^  1819,  //1-/2  de  14  feuilles.  Prix»  3  fr. 

Tesoro  del  Pamaso  espahol,  ô  Poesias  selectas  desde  el  tiempo  de  Joan  de 
Mena  hasta  el  (in  de  sigioXVlli;  recogidas  y  ordînadas  por  D.  Manuel  Josef 
Quintana.  Perpignan  ^  imprimerie  et  librairie  d*AIzine,  4  ^^  i/i-/^  de 
46  feuilles. 

Le  Géant  Adamastor,  traduction  du  Canioëns,  par  J.  E.  Boucharlat,  in-tS 
d'un  8.^  de  feuille  (  pour  être  joint  à  la  Mort  d*Abel,  parle  même  auteur). 
Paris ,  impr.  de  P.  Didot  aîné. 

Obras  complétas  de  Filinto  Elysio,  tomo'VI  y  tomo  VII  (poésies  diverses  en 
langue  portugaise).  Paris»  impr.  de  Bobée,  18 19,  2  vol.  inrS.*,  ensemble 
61  feuilles. 

Œuvres  de  Molière,  ^yec  un  commentaire ,  un  discours  préliminaire  et  nne 
vie  de  Molière  par  M.  Auger',  de  Tacadémie  française ,  tom.  I  et  II.  Parll  p 
impr.  de  F.  Didot  ;  chez  Desoër,  1819^  ^  ^^''  '"-*•**  S3  Quilles. 

(Cuvres  de  Ducis.  Paris,  impr.  de  P.  Didot  aîné;  chez  Nepveu,  18 19,  6  voL 
in-iS,  4t  feuilles,  figures  de  Girodet  et  Desenne.  Prix,  16  fr. 

Astyanax,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  par  M.  Richerolles  d'Avaloa» 
représentée  au  théâtre  français  le  20  mars  1789;  in-S.*  de  5  feuilles;  impr.  de 
Lecoq^  à  Auxerre.  —  Ajax  furieux,  tragédie  en  3  actes  et  en  vers^du  même 
auteur.  Auxerre  ,  impr.  de  Lecoq  ,  in-S.*  de  4  feuilles  1/4. 

Annales  dramatiques,  ou  Dictionnaire  général  des  théâtres ,  par  une  société^ 
de  gens  de  lettres ,  seconde  édit.,  tome  I  (  A — Aut.  ).  Paris,  impr.  de  BrasseuB* 
aîné;  chez  Babault,  auteur  et  propriétaire,  rue  des  Barres-Saint-Paul ,  n«*9» 
1819,1/1- A* 

•    \*t%  trois  romans  dont  les  titres  suivent,  traduits  de  l'anglais  par  M*"*  de 
Montolieu,  paroitront  incessamment  chezArthus  Bertrand  :  ^mâ^«/^  ou  Mé- 

Hervey  née  Bclfort,  4 

Persuasion  et  Regrets,  pac 

Famille  Windhaiç» 


FEVRIER   1819.  i%% 

Florence  Macarthy,  histoire  irlandaise ,  ps^r  lady  Morgan  ;  traduite  de  Tanglais- 
et  précédée  d'une  notice  historique  sur  lady  Morgan  parle  traducteur;  ornée 
du  portrait  de  l'auteur.  4  vol.  in-ti,  ensemble  de  37  feuilles.  Paris ,  chez 
NicoIIe.  Prix,  10  fir.  .50  cent, 

Œuvres  complètes  du  chancelier  d'Aguesseau ;  nouvelle, édition , augmentée  de 
pièces  échappées  aux  premiers  éditeius  et  d'un  discours  préliminaire  par  M.  Par* 
dessus:  tomes  I  et  II,  2  vol.  in-S.' ,  ensemble  de  76  feuilles.  Versailles,  impr» 
de  Jacob;  Paris,  chez  Pantin  et  NicoUe.  Prix,  12  fr.  pour  les  souscripteurs;  14 
£r.  pour  les  non-souscripteurs. 

.  (tuvres complètes  de  Ch.  RoUin ;  nouvelle  édition ,  11.^  livraison;  Histoire 
ancienne,  tomes  I  et  II.  Paris,  P.  Didot  aîné,  chez  Corez,  2  vol.  in^tz, 
ensemble  de  48  feuilles.  Prix  6  fr.  50  cent. 

Voyagea  Tripoli,  ou  Relation  d'un  séjour  de  dix  années  en  Afrique;  tra- 
duit de  Tanglais  sur  la  seconde  édition ,  par  J.  Mac-Carthy,  2  vol.  in-^/,  50 
feuilles.  Paris,  imprimerie  de  Fain,  chez  Mongie  aîné.  Prix,  15  fr. 

Histoire  des  empereurs  romains ,  depuis  Auguste  jusqu'à  Constantin;  par 
Crevier,  tome  I.  Paris,  imprimerie  de  Didot  jeune,  chez  Ledoux  et  Tenré, 
ia-S.*  de  48  feuilles.  Prix,  o  fr.  pour  les  souscripteurs;  7  fr.  50  cent,  pour  les 
non-souscripteurs.  Cette  édition  fait  suite  à  celle  des  CEuvres  de  Rollin  en  18 
vol.  i/i-A*,  publiée  par  les  mêmes  libraires.  * 

Le  libraire  Desray  va  publier  incessamment  une  nouvelle  édition,  format 
in'8.%  de  V Histoire  de 'France  par  Vily,  Villaret  et  Gamier,  Déjà  un  grand 
nombre  des  portraits  qui  doivent  l'orner  sont  achevés ,  et  M.  le  professeur  Dufau  p 
chargé  de  la  continuation,  vient  de  terminer  le  règne  de  Charles  IX.  Le  prix  du. 
volume  broché  sera  de  6  fr. 

Coup'd'œil  sur  l^ unité  d* origine  des  trois  branches  Mérovingienne  ,  Carlienne  et 
Capétienne  (par  lechev.  Alex.  Drules  de  ChampagnoUes).  Vire,  chez  Adam^ 
l'/i-^/,  4  feuilles  et  demie. 

Histoire  de  Charlemagne ,  roi  de  France  et  empereur  d'occident  au  reqoa-> 
vellement  de  l'Empire,  précédée  d'un  précis  historiaue  sur  les  Gaules;  par 
M.  P.  Granié.  Paris,  imprimerie  d'Égron;  chez  Gide,  in-S.*  de  30  feuilles* 
Prix,  7  fr. 

Histoire  de  l'insurrection  des  esclaves  dans  le  nord  de  Saint-Domingue;  par 
Ant.  Métras.  Paris,  imprimerie  de  Rougeron,  libratrteide  ScherfF,  Rcy  et  Gravici^ 
et  Delaunay;  et  à  Genève,  chez  Manget  et  Cherbuliez,  1818,  in-S,'*,  viij  et 
100  pages.  Prix,  2  fr.  50  cent.  C'est  le  l.*'  livre  d'un  ouvrage  qui  doit  en  con- 
tenir sept.  L'auteur  a  puisé  les  matériaux  de  cette  histoire  dans  des  pièces  au- 
thentiques, dans  des  rapports  officiels,  dans  un  grand  nombre  d'écrits  divers^ 
et  dans  les  témoignages  particuliers  les  plus  dignes  de  confiance.  «  J'ai  mis, 
»  dit-il,  principalement  mon  attention  à  suivre  la  vérité  à  travers  les  haines, 
»  les  vengeances ,  les  factions  diverses  et  les  intérêts  opposés.  » 

Histoire  de  la  guerre  d'Espagne  et  de  Portugal  pendant  les  annnées  1807  * 
181 3  ;  plus  la  campagne  de  i8i4  dans  le  midi  de  la  France;  par  M.  Alph.  de 
Beauchamp;  ornée  de  la  carte  du  théâtre  de  la  guerre  d'Espagne  et  de  Portugal» 
Paris, imprimerie  de  Chanson;  chez  G.  Mathiot,  1819,2  vol.  /n-i'/,  50  feuilles 
un  quart.  Prix ,  1 2  fr. 

Histoire  de  la  guerre  soutenue  par  les  Français  en  Allemagne ^^  en  1813 ,  avec 
un  atlas  militaire,  par  le  général  GoiL  de  Vaudoncourt.  Paris.,,  imprimerie  de 


SÀVANS, 
de  38  feuilles,  avec  na arias  pcii 


Clô;  chez  Barrois  Falné,  1  Bio  ,  un  vol-  i, 
tn-fol.  contenant  llcartes.  Prix, 25  fr. 

Choix  de  rapports ,  opinions  et  Sscouri prononcés  à  lu  tribunr  nationale ,  depui» 
17S9  jusqu'à  ce  jour;  recueillis  dans  un  ordre  chronologique  et  historique: 
tome  111,  années  t-jqo  et  1701.  Paris,  imprimerie  de  Cosson;  chez  Eynienr, 
1819,  in-S.'  de  28  feuilles  et  demie. 

L'Europe  aprls  U  congrès  d'Aix-la-Chapelle,  faisant  suite  au  Congrès  de 
Vienne,  parM.de  Pradi.  Parii,  chez  Bechei  aine  ,  in-*.',  1819,  Prix  ,  6  fr. 

y/e  de  Jacquts  U ,  roi  d'An^leten-e ,ii'apr(:s  lei  mémoires  cltîis  de  sa  propre 
main,  àj  laquelle  on  a  joint  les  conseils  du  roi  à  «on  fils,  &c.  Paris,  impr.de 
Celloc;  chei  Arthus  Bertrand,  iSiçj,  4  vol.  in- S.'  102  feuilles:  24  fr. 

Alonumtns  anciens  er  modernes  Je  l'îndoustan ,  en  I JO  planches,  d'après 
Daniell ,  Sec. ,  précédés  d'un  discours  sur  la  religion  ,  la  législation  et  les  nii«un 
des  Indous;  par  M.  Langlès,  membre  de  t'Insiiiut;  la  gravure  dirigée  par 
M.  Boudeville  :  XIV.' livraison.  Paris,  inipr.  de  P.  Didoi,  1819,  petit  in-fol.  de 
6  feuillti  et  6  planches.  Prix,  ijfr. 

Les  Monumens  de  la  France  classés  chronologiquement  et  considérés  souï 
le  rapport  des  faits  historiques  et  de  l'étude  des  ans;  par  le  comte  Alex,  de 
Laborde,  membre  de  l'Institue  vu  t.'  livraison.  Paris ,  intpr.  de  P.  Didot;  chez 
Joubett,  1819,  (n-/o/.,  une  feuille  de  texte  et  6  planches.  Prix,  t8  fr.,  en  papier 
vcltn,  30  fr.;fig.  avant  la  lettre.  JO  fr. 

Histoire  de  l'Art  par  les  moimmens,  depuis  sa  décadence ,  au  IX.*  siècle, 
^squ'à  son  renouvellement  au  XVI.',  pour  servir  de  suite  à  l'Histoire  de  l'ait 
chez  les  anciens;  par  M.  Seroux  d'Agincourt;  XX.' livrais.  Paris,  impr.  de  P. 
DidotichezTreuttelet  Wiircz,  l'&i'j,  in-foL  28  feuilles:  30  fr. 

Histoire  des  Dieux,  Demi-dieux  ec  des  Héros  adorés  dans  Rome  et  dans  U 
Grèce;  par  J.  Fr.  Lepitrej  nouvelle  édition.  Besançon,  impr.  de  Cabuchet; 
4  Paris,  chez  Mcolle,  1819,  in-,z  de  8  feuilles. 

Histoire  littéraire  de  l'Italie,  par  P.  J.  Ginguené,  tomes  Vil ,  Vlll  et  IX, 
tOj  feuilles.  Paris,  imprim.  de  Boucher,  de  le  Normant  et  de  Dentu,  chez 
J.  G.  Michaud,  1819;  j  vol.  in-S.'  Prix,  18  fr.  Le  tome  IX  ei  dernier  de  cet 
Ouvrage  est  terminé  par  une  tab'e  alphabétique. 

Recherches  sur  les  ùièliotliè/ues  anciennes  et  modernes,  jusqu'à  la  fondation 
de  la  bibliothèque  Mazarine,  et  sur  les  causes  qui  ont  favorise  l'accroissement 
fuccesiif  du  nombre  des  livre;;  par  Louis-Charles-François  Petit-Kadel, 
niembre  de  l'Institut,  &c.  Paris,  impr,  de  Chanson;  chez  Rey  et  Gravier,  1819, 
ip-S.',  29  feuilles,  3  planches.  Pti» ,  8  fr.  Nous  rendrons  compte  de  cet  ouvrage 
flans  l'un  de  pos  prochains  cahiers. 

Catalogue  de  la  èiblioihèi/ut  d'un  amateur  (  M.  Ant.  Aug.  Renouard  ),  avec 
3ej  notes  bibliagTaphi<|ues,  criiiques  et  littéraires,  Paris  ,  impr.  de  Ctapeltt; 
chez  Ant.  Aug.  Kenouard,  1819,  4  vol.  îa-S.',  94  feuilles,  papier  superfin 
•ariné.  Prix,  33    fr. 

Conjectures  sur  les  livres  qui  passeront  à  la  postérité ,  par  Ant.  Métrai.  Paris, 
impT.  de  M.""  Hérissant  le  Doux;  chez  Corréard.  1819,  in-S-',  Ji  pages; 
extraites  des  Annales  encyclopédiques.  Prix  1  fr.  L'auteur  se  propose  de  publier 
un  ouvrage  où  il  développera  les  idées  présentées  dans  cette  introduction.  H 
distingue  quatre  espèces  de  livres  :  ceux  nui  périssent  dans  le  siècle  même  où 
ils  sont  nés  ;  ceux  qui  ne  survivent  point  à  la  natwn  qui  les  a  produits  ;  ceux  qui 


FEVRIER   1819,  127 

•c  répandent  chez  les  nations  étrangères ,  et  ceux  qui  doivent  passer  à  la  posté  • 
rite,  et  subir  encore  le  choix  des  diff'érens  âges  de  l'avenir.  M.  Méiral  établi 
vingt-trois  régies  générales  pour  apprécier  Us  rapports  d'un  livre  avec  la  postérité. 
Il  parott  croire  qnc  la  destinée  des  livres  dépend  uniquement  de  leur  mérite» 
et  ne  tenir  aucun  compte  des  circonstances  ou  causes  étrangères  qui  en  ont  fait 
vivre  quelques-uns  et  mourir  plusieurs  :  H  abêtit  sua  fata  Ubelli»  D'ailleurs,  cet 
essai  se  lit  avec  intérêt  et  contient  des  observations  judicieuses, 

Elétnens  de  philosophie ,  par  F.  J.  H.  Genty,  professeur  de  maihématiques  et 
de  philosophie ,  livre  l.*',  Logique.  Paris,  impr.  d'£gron,  chez  Labitte,  1819, 
f/i-A*  de  8  feuilles.  Prix  ,  3  fr. 

DeVéquilibrt  du  pouvoir  en  Europe  ;  traduit  de  l'anglais  de  M.  Gould  Francis 
Seciiie,  par  W.  Paris,  impr.  de  Fain,  chez  Maradan,  1819,  in-8.'  de  2j 
feuilles  trois  quarts.  Prix,  6  fr. 

Des  pouvoirs  et  des  ohli^tiotts  des  jurys,  par  sir  Richard  Phillips;  traduit  de 
Fanglais  par  M.  Comte,  raris,  imprimerie  de  Fain,  au  Bureau  du  Censeur 
européen  et  chez  Brissot-Thivar» ,  1619,  in-8.' ,  cxxxvj  et  334  pages.  Prix,  6fr. 
Le  discQurs  préliminaire  du  traducteur  offre  une  suite  d'observations  sur  l'admi- 
nistration de  la  justice  et  sur  l'institution  du  jury.  L'ouvrage  est  divisé  en  neuf 
chapitres,  qui  expliquent  plusieurs  détails  des  procédures  criminelles  qui  se  pra- 
tiquent en  Angleterre; particulièrement  la  formation, la  convocation  et  les  fonc- 
tions unt  du  jury  d'accusation  que  du  jury  de  jugement.  Le  volume  est  termiaé 
f»ar  quatre  appendices:  i .^  régies  pour  les  jurés;  2.^  des  libelles  et  de  la  loi  sur 
es  libelles;  3. •  affaire  de  W.  Peen  et  de  W.  Meaden  cft  1670;  4.'  affaire  du 
doyen  de  Saint-Asaph  en  1773. 

La  Charte,  la  Liste  civile  et  les  Majorats,  par  ^.  le  comte  Lanjuinais,  pair 
de  France.  Paris,  impr.  et  librairie  de  Baudouin  ;  1."  et2.«  éditions,  1819, /n-A* 

Eloee  de  sir  Samuel  Romilly ,  prononcé  à  l'Athénée  royal  de  Paris,  le  26 
décembre  1818,  par  M.  Benjamin  Constant.  Paris,  imprimerie  de  Chanson; 
chez  Bechet,  i/i.^.%  78  pag.  Prix,  2  fr. 

Dictionnaire  universel  portatif  du  Commerce,  par  M.  Léopold.  Paris,  imprim. 
et  librairie  de  Pillet  aine,  in^S/  de  53  feuilles.  Prix  pour  les  souscripteurs ^ 
10  fr.;  pour  les  non-souscripteurs,  12  fr. 

Dictionnaire  des  sciences  naturelles, fB,r  plusieurs  professeurs  du  Jardin  du  Roi, 
tome  XI  (Col-Cris),  tome  XII  (Crit-Daz).  Paris,  imprimerie  et  librairie 
de  le  Normant,  1819,  2  vol.  in^S/,  74  feuilles,  plus  les  viil.«  et  IX.*  cahiers 
de  planches.  Prix  de  chaque  vol.,  8  fr.;  de  chaque  cahier  de  planches,  j  fr. 

Mémoires  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  II.*  année,  IV.*  cahier.  Paris, 
imprimerie  de  Belin,  in-^.' ,  30  feuilles,  outre  les  planches.  Prix,  1  j  fr. 

Œuvres  complètes  de  Buffon,  mises  en  ordre  par  M.  le  comte  de  Lacépéde, 
tomeXII  et  dernier,  fn-j.%  38  feuilles, plus  un  cahier  de  planches^  Paris,  impr. 
de  Doublet;  chez  Rapet  et  compagnie.  Prix,  pour  les  non-souscripteurs,  15  fr. 

Histoire  naturelle  des  mammifères,  avec  des  figures  originales,  enluminées, 
dessinées  d'après  nature  sur  des  individus  vivans;  par  MM.  Geoffroy-Saint- 
Hilaire  et  Frédéric  Cuvier;  publiée  par  M.  de  Lasteyrie.  Cet  ouvrage  paroitra 
chaque  mois  par  livraison  de  6  planches  accompsgnées  de  textes.  Prix  de  chaque 
livraison  en  noir,  6  fr. ;  coloriée,  12  fr. 

Essai  historique  sur  les  services  et  la  travaux  scientifiques  de  Gaspard  Mmtfjt, 


par  Ch.  Dupin,  élève |de  Monge  ei  membre  de  l'Institut.  Pariî,  impr,  de  Fain, 
ch«  Bachelier,  1819,  in-S.',  2oftuilIes.  Prin,  4  fr.  jo  cent. 

Cours  d'ngrkullure  pratique ,  par  une  société  de  lavans ,  et  rédigé  par  M.  Rou- 
gier  de  la  Bergerie  ;  tome  I." ,  n."  1  (  janvier  1819)-  Paris ,  impr.  d'Egron  ; 
thei  Audot,  in-S,'  de  6  feuilles  et  demie.  Prix  de  la  souscription  annuelle 
(  12  cahiers),  20  fr. 

Etémens  de  l'art  vétérinairt ;  traita  de  la  conformation  entérieure  du  chevaf, 
de  sa  beauté  et  de  ses  défauts  ;  par  Bourgelat,  7.°  édition.  Parii,  impr.  et  libr. 
»Jeiyi.""Huzafd,  1819,  in-8.-.  36  feuilles;  6  fr. 

Élémens  de  pathologie  générale  et  de  vhysiolope  patlielogique  ;  par  L.  Carlliot. 
Pails,  impr.  de  Crapelct,  chez  Cailk  et  Ravier,  2  vol.  in-8.',  6z  feuilles. 
Prix,  II  tr. 

Traité  des  grandes  opérations  mi/iMi'rw,  par  le  général  Jotnini;  nouvelle  édi- 
tion qui  paraîtra  chci  Magimcl ,  par  livraison  de  j  vol.  in-lf.'  L'ouvrage  aura 
dix-neuf  volnmei;  les  six  derniers  contiendront  l'histoire  critique  et  militaire 
des  guerres  de  l'empire  français  de  1801  à  181;.  11  y  aura  de  plus  un  allas  de  2; 
cartel.  Prix  de  chaque  livraison,  40  fr- 


Nota,  On  peut  s'adresser  à  la  librairie  de  Ai  M.  Trcuttel  «  Wiîrtz,  à  Paris, 
rue  de  Boutboii,  n~'ij i  h  Strasbourg,  rue  des  Serruriers;  et  à  Londres,  n.'  jo , 
Saho-Si/uare,  j  tur  se  procurer  les  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  JournaCdts 
Sava/is.  Il  faut  aff- ,'\cliir  les  lettres  et  le  prix  présutné  des  ouvrages. 


TABLE. 

'  Vues  sur  l'enseignement  de  la  philosophie.  {  Article  de  Af,  Cousin.  )..  Pag. 
Second    Voyage  à   travers  la  Perse,  l'Arménie,  ifc;  par  M.  Jacq. 

Marier.  (Second article  de  M.  isilveitre  deSacy.  ] 

Recherches  sur  le  lan^ge  symbolique  de  l'art  primitif  et  de  la  mytho- 
logie ancieme, par  R.  P.  Knigkt.  [AnicledeAf.  Raoul-Rochette.). 
Discours  sur  la  manière  d'apprendre  les  langues  vivantes,  ifc.  par 

A.  Anaya.  (/^rtyV/^rf^A/.Kaynouard.  ) 

Histoire  des  révolutions  de  Nonyé^e ,  par  J.  P.  G.  Caneau-Calleville. 

(  Article  de  M.  Daunou.  ) 

Codex  medicamentarius ,  editus  nficultate  medica  Parisiensi.  [Article 

dé  M.  Tesiier.  ) 

Voyage  dans  l'Asie  mineure,  l'Arménie  et  le  K ourdi stan ,  par  John 

Afacdonald  Kinneir.  (  Article  de  Al,  Letronne.  ) 

Jnslitutiones  ad  fundamenta  lingu^r  arabica! ,  auctore  Ern.  Frid.  Car. 

RosemnuUer.  {Article  de  Ai.  Silvestrc  de  Sacy.  ) 

/fouvelles  littéraires 

FIN    DE    LA  TABLE. 


La  planche  ci-jointe  appanient  au  cahier  de  janvier  :  elle  doit  ttie  pUcçeen 
rsgard  de  U  page  2X 


JOURNA^ 
DES   SAVANS. 

MARS     l8ip. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 
1819. 


i 


Le  prix  de  rabonnemem  au  Journal  de!  Savans  est  de  j6  francs  par  an, 
et  de  40  fr-  par  la  poste,  hors  de  Pat».  On  s'abonne  chez  M.M.  Treund  tt 
^(P'urf^,  n  Paris,  me  de  Bourbon ,  n.'  ij ;  h  Stnishourg,  rue  des  Serruriers,  et  à 
Londres,  tt.'jo  Sofw-Squate.  II  fa.ut  affranchir  les  lettres  et  Targeni. 

Tout  ce  qui  peut  concerner  les  annonces  ù  itise'rer  dans  ce  journal, 
lettres ,  avis ,  mémoires ,  livres  nouveaux,  &c.  doit  être  adressé , 
FRANC  DEPORT ,  ûu  hureou  du  Joumol  des  Savans,  à  Paris,  rue 
de  Ménil-raonfant,  n,"  22. 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 


MARS     l8l( 


The  History  of  British  India  ,  ly  James  Mill,  es^., 
in  three  volumes.  —  L'Histoire  des  Indes  anglaises,  par 
J.  Mill,  écuyer;en  trois  volumes.  Londres,  1817,  3  vol, 
in-^." 

J_('auteur  de  cet  ouvrage ,  dans  le  cours  des  lectures  et  des  recherches 
auxquelles  il  se  livroit  pour  acquérir  une  coniioissance  solide  et  appro- 
fondie de  l'histoire  d'Angleterre,  des  liabitaiis,  des  intérêts  ,  du  gouver- 
nement ,  des  lois  et  de  la  politique  de  sa  patrie ,  s'est  vu  arrêté  par  une 
multitude  de  difîîcullés ,  lorsqu'il  a  été  amené ,  par  la  suite  de  ses  études , 
à  ce  qui  concerne  les  établissemens  anglais  dans  l'Inde.  Ce  n'est  assuré- 
ment point  le  défaut  de  matériaux  qui  l'a  arrêté  ;  c'est  beaucoup  plutôt 
la  niasse  énorme  de  documens  de  tout  genre  qu'il  falloit  consulter  et 

R  2 


À 


13^  JOURNAL  DES  SAVANS, 

apprécier ,  pour  en  tirer  des  résultats  positifs  et  dignes  de  confiance.  Ce 
qu'if  regrettoit, c'étoit  que  personne  n'eût  entrepris,  pour  cette  partie  de 
l'histoire  de  la  Grande-Uretagae ,  ce  qui  a  été  pFus  ou  moins  heureuse- 
ment exécuté  pour  les  autres ,  et  qu'il  n'existât  point  une  histoire  critique 
de  la  compagnie  des  Indes  orientafes,  depuis  son  origine  jusqu'à  l'époque 
la  plus  réce'ife  du  vaste  empire  dont  elle  a  jeté  les  fondeinens  dans  cette 
partie  de  l'Asie.  Faute  d'un  tel  guide,  M.  Mill  devoit  ou  renoncer  à 
acquérir  une  connoissance  précise  de  cette  partie  de  l'histoire  d'Angle- 
terre ,  ou  l'étudier  lui-même  immédiatement  dans  ses  sources ,  sans  se 
laisser  rebuter  ni  par  le  grand  nombre  des  matériaux,  ni  par  le  travail 
long  et  pénible  auquel  il  étoit  indispensable  de  se  livrer  pour  les  com- 
parer, déterminer  le  degré  de  confiance  dû  à  chacun  d'eux  ,  en  un  mot 
pour  découvrir  la  vérité  au  milieu  d'une  multitude  de  rapports  dififérens 
et  souvent  contradictoires,  presque  toujours  écrits  sous  l'influence  de 
quelques  intérêts  particuliers  ou  de  Fesprit  de  parti.'  Mais,  en  se  sou- 
mettant à  un  travail  de  ce  genre,  il  étoit  naturel  que  M.  MilI  conçût  le 
projet  d'épargner  aux  autres  la  peine  qu'il  prenoit  lui  même,  et  de  remé- 
dier au  défaut  qu'il  sentoit  si  vivement,  en  procurant  à  sa  patrie  et  à 
l'Europe  une  histoire  complète  des  établissemens  anglais  dans  l'Inde. 
C'est  ce  qui  a  donné  lieu  à  la  composition  et  à  la  publication  de  Fouvrage 
que  nous  annonçons. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  -fait  qu'analyser  une  partie  de  la  préface  de 
l'auteur.  Nous  devons  ajouter  que  M.  Mill  répond  ensuite  aux  reproches 
qu'on  pourroit  lui  faire  d'avoir  osé  entreprendre  un  ouvrage  de  ce  genre, 
sans  avoir  acquis  aucune  connoissance  personnelle  de  l'Inde  par  des 
voyages  dans  ce  pays,  et  sans  une  étude  préliminaire  des  langues  qui  y 
sont  en  usage.  Il  prouve  très-bien  que  ces  deux  conditions  ne  sont  point 
nécessaires  pour  écrire  une  histoire  des  établissemens  anglais  dans  cette 
contrée ,  et  que  Ton  ne  sauroit  même  raisonnablement  se  flatter  d'obtenir 
un  semblable  ouvrage  d'aucun  des  Européens  que  le  service  de  la  coiih- 
pagnie  ou  des  intérêts  mercantiles  obligent  à  passer  une  partie  plus  ou 
moins  longue  de  leur  vie  dans  l'Inde. 

Sans  contester  ce  que  dit  M.  Mill  des  motifs  qui  Font  engagé  à 
entreprendre  l'histoire  des  Indes  anglaises,  et  du  défaut  absolu  d'un 
ouvrage  dans  lequel,  avant  celui  qu'il  publie,  on  pût  puiser  une 
connoissance  exacte  et  approfondie  de  cet  important  objet,  nous  croyons 
pouvoir  observer  qu'il  existoit  du  moins  une  bonne  esquisse  d'un  sem- 
blable travail  dans  l'écrit  de  M.  Robert  Grant,  publié  à  Lonlres  en 
1813,  sous  le  titre  de ,  A  sketch  ofthe  history  oj  thc  East-India  Company  ^ 
front  itsfrst formation,  io  thc  passing  oftht  regulating  act  ofijjj;  wïth  a 


MARS   1819.  135 

summary  view  ofthe  changes  which  havc  taken  place,  since  that period ^  in 
the  internai  administration  of  British  India,  Le  mérite  particuli^  de  cet 
ouvrage  est  d'avoir  réuni  dans  un  volume  de  peu  d'étendue  Thistoire  de 
près  de  deux  siècles  d'entreprises  hardies  r  de  lutte  contre  une  multitude 
d'obstacles  de  tout  genre,  de  succès  et  de  revers;  d'avoir  soumis  k  un 
examen  franc  et  loyal  les  opinions  si  divergentes  auxquelles  les  intérêts 
de  la  compagnie  ont  donné  lieu  à  presque  toutes  les  époques  de  son 
existence;  d'avoir  discuté  et  apprécié ,  sinon  avec  une  entière  impartialité  y 
du  moins  avec  une  entière  bonne  foi,  les  reproches  et  les  imputations 
graves  dont  l'administration  de  cette  même  compagnie  ou  la  conduite 
de  ses  agens  ont  été  l'objet;  enfin  d'avoir  mis  le  lecteur  à  portée  de 
former  lui-même  son  jugement  sur  toutes  les  importantes  questions  de 
théorie  commerciale,  de  politique  et  d'administration,  auxquelles  donne 
lieu  l'histoire  de  cette  compagnie.  Il  faut  avouer  toutefois  que  les  événe- 
mens  n'y  sont  qu'esquissés,  et  que,  pour  en  acquérir  une  connoissance 
plus  détaillée ,  il  faut  recourir  aux  ouvrages  que  M.  Grant  a  pris  pour 
guides ,  etqu'il  ne  manque  jamais  d'indiquer. 

M.  Mill,  en  donnant  à  son  ouvrage  une  étendue  dix  fois  plus  grande, 
a  eu  un  but  tout  différent.  Il  a  voulu  que  ses  lecteurs  fussent  dispensés 
de  recourir  à  aucun  des  livres  et  des  documens  imprimés  ou  manuscrits 
dont  il  s'est  lui-même  servi.  Nous  allons  faire  connoître  les  divisions  de 
son  travail ,  et  le  contenu  de  chacune  d'elles. 

L'ouvrage  de  M.  Mill  est  divisé  en  six  livres:  les  trois  premiers  livres 
occupent  le  premier  volume  ;  le  second  volume  comprend  les  quatrième 
et  cinquième  livres,  et  le  sixième  forme  à  lui  seul  le  troisième  volume. 

Le  premier  livre  a  pour  objet  le  commencement  des  communications 
de  la  Grande-Bretagne  avec  l'Inde,  et  les  diverses  circonstances  qui  ont 
accompagné  ou  occasionné  les  progrès  de  ces  rapports  commerciaux , 
jusqu'à  l'époque  où  la  compagnie  des  Indes  reçut  une  existence  solide 
et  établie  sur  dçs  bases  durables ,  par  l'acte  de  la  sixième  année  de  la 
reine  Anne. 

I 

Ce  n'est,  à  proprement  parler,  que  de  l'année  1708  que  le  privilège 
de  la  compagnie  des  Indes  peut  être  considéré  Comme  définitivement  et 
solidement  établi,  par  la  reunion  des  deux  compagnies  rivales;  l'an- 
cienne, connue  sous  le  nom  de  Compagnie  de  Londres  y  et  la  nouvelle, 
désignée  sous  celui  de  Compagnie  anglaise,  et  dont  l'origine  remontoit 
à  l'année  1682.  Cette  réunion,  réciproquement  consentie  par  un  com- 
promis fait  entre  la  reine  et  les  deux  compagnies  le  22  juillet  1702, 
fut  régularisée  par  un  acte  du  parlement,  en  date  de  l'année  1708. 
Toutes  les  contestations  qui  pouvoient  encore  subsister  entre  les  deux 


\ 


134  JOURNAL  DES  SAVANS, 

associations ,  désormais  fondues  en  une  seule  sous  le  nom  de  The  unîted 
Company  of  merc liants  of  England,  trading  to  tht  East-Indïes ,  furent 
soumises  à  farbitrage  du  lord  trésorier  Godolphin,  qui  les  décida»  par 
une  sentence  arbitrale,  le  29  septembre  1708. 

Le  projet  de  se  rendre  indépendante,  dans  flnde,  des  princes  naturels 
du  pays ,  et  d'y  acquérir  des  domaines  et  une  souveraineté ,  paroit  avoir 
été  conçu  dès  Tannée  1689  par  l'ancienne  compagnie.  Ce  projet  lui  fut 
inspiré  par  sir  Josiah  Child,  grand  admirateur  des  principes  adoptés  par 
les  Hollandais  dans  Fadministration  de  leur  commerce  étranger,  et  elle 
ne  tarda  pas  à  en  commencer  l'exécution,  en  acquérant  du  rajah  de 
Gingi,  sur  la  côte  de  Coromandel,  le  local  d'un  nouvel  établissement, 
celui  de  Tegnapatam.  Ce  rajah ,  assiégé  dans  sa  capitale  par  les  armées 
du  Mogol ,  céda  cette  place  en  toute  propriété  aux  Anglais  :  après  la 
défaite  totale  du  rajah,  cette  cession  fut  confirmée  parle  général  d'Au* 
rengzeb.  Les  Anglais  s'empressèrent  de  fortifier  cet  établissement, 
auquel  ils  donnèrent  le  nom  de  Fort  Saint- David. 

Le  livre  second  est  consacré  en  entier  aux  Hindous,  et  l'auteur  y 
traite  successivement  de  leur  chronologie ,  de  leur  histoire ,  de  leur  dis- 
tribution en  diverses  castes ,  de  la  forme  de  leur  gouvernement ,  de  leurs 
lois,  de  leurs  contributions  ou  taxes  publiques,  de  leur  religion,  de  leiu:9 
coutumes ,  de  leurs  arts ,  et  de  leur  littérature. 

Les  Mahométans,  dominateurs  d'une  grande  partie  de  l'Inde,  sont  le 
sujet  du  troisième  chapitre.  M.  Mill  donne  l'histoire  de  leurs  premières 
conquêtes  dans  l'Inde ,  et  des  diverses  dynasties  musulmanes  qui  y  ont 
dominé  jusqu'à  la  fin  de  la  famille  des  Grands-Mpgols  descendons  de 
Tamerlan.  Dans  le  dernier  chapitre  du  second  livre,  M.  Mill  offre  des 
réflexions  générales  sur  l'origine  et  les  diverses  époques  de  la  civilisation 
chez  les  Hindous.  Il  termine  aussi  le  troisième  livre  par  un  parallèle  de 
l'état  de  la  civilisation  chez  les  Mahométans,  conquérans  de  Flnde» 
et  chez  les  naturels  du  pays.  Je  m'arrête  un  moment  sur  cç  dernier 
objet. 

Pour  se  rendre  un  compte  plus  juste  du  degré  où  étoit  parvenue  en 
général  la  civilisation  respective  chez  les  Hindous  et  les  Mahométans  $ 
au  moment  où  ces  derniers  soumirent  l'Inde  à  leur  domination,  notre 
auteur  compare  les  deux  nations  sous  huit  points  de  vue  particuliers: 
I  ."^  la  classification  ou  distribution  en  diverses  classes  ou  castes;  2."*  la 
forme  du  gouvernement;  3."*  la  législation;  4**"  les  taxes  publiques  ou 
contributions  ;  j  .**  la  religion  ;  6.**  les  coutumes  ;  7.**  les  arts  ;  8.*  la  litté- 
rature. Il  n'est  aucun  de  ces  points  de  vue ,  sans  en  excepter  même  le 
dernier  I  sous  lequel  M.  «Mill  ne  donne  l'avantage  aux  Mahométans. 


MARS    1819.  135 

Pour  prouver  leur  supériorité  en  ce  qui  concerne  la  forme  du  gouver- 
nement, il  cite  un  grand  nombre  de  fragmens  des  Instituts  politiques  et 
militaires  de  Tamerlan,  ouvrage  dont  l'authenticité  n'est  pas  rigoureu- 
sement démontrée.  Les  prolégomènes  historiques  d'Ebn-Khaldoim , 
écrivain  contemporain  de.  Tamerlan,  si  M.  Mill  avoit  pu  en  faire  usage, 
lui  auroient  fourni  une  autorité  incontestable  et  bien  autrement  puissante? 
en  faveur  de  son  opinion.  En  ce  qui  concerne  la  littérature,  M.  Mil!  ne 
voit  guère  que  les  mathématiques  et  (a  poésie  dans  lesquelles  on  puisse 
raisonnablement  essayer  de  faire  pencher  fa  balance  en  fiiveurdes  Hin-^ 
dous.  Quant  aux  mathématiques  toutefois ,  il  n'accorde  aux  Hindous  que 
l'antériorité  sur  les  Mahométans;  pour  la  poésie,  il  s'exprime  ainsi:  «  Il 
y>  me  suffit  de  dire  ici  qufe  les  personnes  mêmes  qui ,  comme  William 
»  Jones,  réclament  de  nous  le  plus  haut  degré  d'admiration  pour  la  poésie 
y>  des  Hindous,  conviennent  cependant  que  celle  des  Persans  lui  est 
j»  supérieure.  Comparez  le  plus  grand  poème  épique  des  Hindous ,  le 
»  Mahabharata ,  avec  le  plus  giand  poème  épique  des  Persans ,  le  Sdiah*» 
»  namèh  :  les  écarts  de  la  nature  et  de  la  vraisemblance  vous  paroîiront, 
»  dans  le  Schah-namèh ,  moins  sauvages  et  moins  extravagans  ;  les  incî- 
yy  dens  moins  déraisonnables ,  les  fictions  plus  ingénieuses  ;  enfin  tout 
>>  vous  offrira  un  plus  haut  degré  de  mérite  chez  le  poète  persan  que 
»  chez  Fauteur  indien.  »  Une  circonstance  qui  ajoute  à  la  justesse  de  ce 
rapprochement,  observe  M.  MilI,  c'est  que  le  Schah-namèh  fut  écrit 
précisément  au  sein  des  Mahométans,  conquérans  d'une  portion  consi- 
dérable de  l'Inde. 

Nous  sommes  assez  portés  à  partager  les  opinions  de  M.  Mill  établies 
dans  ce  chapitre,  qui  est  un  des  pfus  intéressans  de  l'ouvrage;  nous 
n'osons  pas  cependant  porter  un  jugement  sur  le  dernier  article  de  ce 
para|Ue.  Peut-être  à  cet  égard  la  question  est-elle  trop  complexe  er 
exigéraR-elIe  des  distinctions. 

Quoique  les  deux  livres  dont  nous  venons  de  donner  une  idée,  ne 
puissent  être  considérés  tout-à-fait  comme  un  hurs-d'œuvre  dans  un 
ouvrage  où  des  nations  européennes,  et  sur-tout  les  Anglais,  sont  sans 
cesse  en  rapport  avec  les  naturels  de  l'Inde  et  leurs  conquérans  musul- 
mans, et  où  Ton  rencontre  à  chaque  pas  des  faits  qui  ne  peuvent  être 
justement  appréciés  par  quiconque  ne  connoîr  pas  à  fond  les  hnbirans 
de  ces  contrées,  leur  manière  de  \ivre,  leurs  opinions  et  leurs  préjugés, 
cependant  il  semble  que  M.  Mill  auroit  pu  su|.poser  qne  ses  lecteurs 
puiseroient  ces  connoissances  dans  quelqu'un  ûes  nombreux  ouvrages 
desquels  il  les  a- lui-même  empruntées.  Nous  ne  serions  pas  surpris  que, 
parmi  ceux  qui  liront  l'Histoire  des  Indes  anglaises,  il  s'en  trouvât  beau- 


136  JOURNAL  DES  SAVANS, 

coup  qui  crussent  deyoîr  passer  ces  deux  livres,  qui  occupent  ensemble 
environ  550  pages. 

Au  quatrième  livre*  l'auteur  reprend  l'histoire  des  Indes  anglaises  au 
point  où  il  Tavoit  laissée  à  la  fin  du  premier  livre ,  c'est-à-dire,  à  Tannée 
1708  ,  et  il  la  conduit  jusqu'aux  changemens  opérés  dans  la  constitution 
de  la  compagnie,  par  l'acte  de  la  treizième  année  du  roi  George  III, 
ou  de  1773. 

La  période  de  temps  contenue  dans  ce  quatrième  livre  peut,  je 
crois,  être  considérée  comme  la  plus  importante  dans  l'histoire  de  la  com- 
pagnie des  Indes.  La  guerre  entre  les  Français  et  les  Anglais,  dans 
laquelle  les  premiers  s'emparèrent  de  Madras ,  et  qui  fut  terminée ,  en 
1 749 ,  par  le  traité  d'Aix-la-Chapelle  ;  celle  qui  eut  pour  objet  la  suc- 
cession à  la  nababie  du  Carnate ,  dans  laquelle  les  Français  et  les  Anglais 
intervinrent  comme  auxiliaires  des  compétiteurs  rivaux,  et  dont  i'issue 
fut  la  prise  de  Pondichéry  et  l'entière  expulsion  des  Français  de  la 
principauté  de  Carnate;  fattaque  et  la  prise  de  Calcutta  par  Suradj- 
eddaula ,  soubahdar  du  Bengale  ;  la  victoire  décisive  remportée  sur  lui 
par  les  Anglais,  qui  le  détrônèrent  et  mirent  à  sa  place  Mir  Jaffier;  la 
déposition  de  ce  nabab  par  les  intrigues  des  Anglais  qui  Favoient  placé 
sur  le  trône ,  et  la  nomination  de  Mir  Casim ,  qui  éprouva  peu  après 
le  même  sort ,  se  vengea  par  les  plus  atroces  barbaries ,  et  fut  remplacé 
par  le  nabab  précédemment  détrôné,  Mir  Jaffier;  les  opérations  mili- 
taires et  les  conquêtes  de  lord  Clive;  sa  seconde  administration,  dont 
l'efTet  fut  d'assurer  à  la  compagnie  la  diwanie,  c'est-à-dire,  à  peu  de 
chose  près,  la  souveraineté  effective  des  trois  provinces  de  Bengale,' 
Behar  et  Orissa  ;  les  guerres  et  les  négociations  entre  la  compagnie , 
rhéritîer  du  trône  des  Mogols ,  les  nababs  d'Oude  et  d'AIIahabad  ; 
Facquisition  des  Circars  du  Nord  dans  le  Décan  ;  la  guerre  entœ  les 
Anglais  et  Haïder-AIi  ;  enfin  les  difficultés  intérieures  qui  n^fft  fa 
division  entre  lesagens  supérieurs  de  la  compagnie,  les  abus  de  pouvoir 
et  le  monopole  exercés  par  les  employés ,  et  les  plaintes  multipliées  qui 
provoquèrent  l'attention  du  parlement  et  amenèrent  Facte  de  1773  : 
tout  cela  réuni  présente  un  tableau  du  plus  grand  intérêt,  trop  souvent, 
il  est  vrai,  affligeant  pour  l'humanité,  mais  relevé  aussi  par  des  actes  de 
courage  et  d'un  noble  dévouement ,  et  par  de  grands  caractères  qui  se 
signalent  dans  la  carrière  de  la  politique  ou  dans  celle  de  Fadministra- 
tion. 

Ce  qui  donne  à  cette  partie  de  Fhistoire  un  nouvel  intérêt  pour  les 
lecteurs ,  c'est  qu'ils  sont  en  quelque  sorte  appelés  à  juger  eux-mêmes 
tnlfe  les  divers  partis  entre  lesquels  se  divisent  les  principaux  admini$-» 


MARS    1819.  137 

'trâteurs  de  la  compagnie,  entre  cette  même  compagnie  et  ses  détrac- 
teurs ,  enfin  entre  la  nation  anglaise  et  cette  association  de  marchands, 
devenue  souveraine  d'un  vaste  empire  et  humiliée  dans  la  métropole  en 
proportion  de  l'orgueil  et  de  la  fierté  avec  laquelle  elle  commandoît 
aux  nababs,  aux  rajahs  et  aux  successeurs  d^Acbar  et  d'Aurengzeb, 
réduits  désormais  à  une  ombre  de  pouvoir. 

.  Je  ne  saurois  m'empécher  de  remarquer  que,  sous  Tannée  1770, 
M.  Mill  dit  à  peine  un  mot  de  cette  affreuse  famine  qui  moissonna  plus 
d'un  tiers  des  habitans  du  Bengaie ,  et  qui  a  été  Foccasion  de  graves 
inculpations  contre  les  administrateurs  de  cette  province  et  les  agens 
de  la  compagnie.  Ce  n*est  pas  que  je  pense  que  l*histoire  impartiale 
puisse  adopter  les  couleurs  exagérées  que  f  intérêt  particulier  et  l'esprit 
de  parti  ont  données  aux  effets  de  ce  terrible  fléau ,  en  s'en  emparant 
comme  d'une  arme  puissante  pour  rendre  odieuse  à  l'humanité  Fadmi- 
nistration  de  la  compagnie.  Toutefois  il  me  semble  que  M.  Miil  auroît 
dû  suivre  Fexemple  de  M.  Robert  Grant,  et  mettre  ses  lecteurs  à 
portée  de  prononcer  sur  ces  imputations.  Sa  réticence  à  cet  égard 
pourroit  leur  donner  une  force  qu'elles  perdent  quand  on  les  examine 
de  près. 

Le  cinquième  fivre  contient  les  événemens  des  onze  années  qui  se 
sont  écoulées  entre  l'acte  de  la  treizième  année  de  George  III,  qui 
avoit  apporté  de  grands  changeînens  dans  la  constitution  de  la  com- 
pagnie et  ses  rapports  avec  le  gouvernemej^t,et  celui  de  l'année  17841 
appelé  communément  l'acte  de  M.  Pin,  Toute  cette  période  de  temps 
est  remplie  par  l'administration  de  M.  Hastings. 

Les  formes  nouvelles  admises  dans  Fadministration  de  la  compagnie^ 
par  suite  du  bill  présenté  par  M.  Pitt,  et  adopté  le  1 3  août  1784,  ont 
été  le  sujet  de  vives  contestations.  La  principale  innovation  introduite 
par  cet  acte  fut  Fétablissement  d'un  conseil  de  commissaires  pour  lés 
affaires  de  FInde ,  connu  sous  le  nom  de  Board  ofcontroul,  et  dont  les 
fonctions  sont  de  surveiller  et  de  contrôler  la  conduite  de  la  compagnie 
dans  l'exercice  de  ses  droits  et  de  son  administration  politique.  La  légis- 
lature déclara  expressément,  par  cet  acte,  son  intention  de  régler  les 
affaires  de  la  compagnie  des  Indes  orientales  et  des  possessions  anglaises 
dans  FInde.  Un  des  articles  de  ce  même  acte  recommande  à  la  com-» 
pagnie  de  rechercher  la  vérité  des  plaintes  de  tyrannie  et  d'oppression 
portées  contjre  son  administration  par  divers  rajahs  ou  tenanciers  de 
l'Inde;  de  réformer  les  abus  qui  y  avoient  donné  lieu,  au  cas  qu'ils 
existassent  effectivement  ;  enfin  d'établir,  pour  la  perception  des  revenus 
fonciers ,  à  l'avenir  9  des  règles  fi^es  1  fondées  siu:  les  principes  de  la 

s 


138  JOURN  AL  DES  SAVANS, 

modération  et  de  h  justice ,  et  conformes  aux  lois  et  à  la  cônsthutiofi 
de  l'Inde. 

On  ne  peut  se  dissimuler  que  Pacte  de  1784  supposoit  assez  évident» 
ment  la  vérité  d'une  partie  des  plaintes  Heyées  de  tontes  parts  contre  Fad- 
ministration  de  ia  compagnie ,  son  ambition  et  son  esprit  de  oonquètet 
enfin  la  tyrannie  et  la  rapacité  <ie  ses  agens.  II  n'est  pas  moins  impossible 
de  disconvenir  que  jamais  Tesprit  de  conquête  et  d'agrandissement  n'a 
été  phis  actif,  et  n'a  plus  dirigé  toutes  ies  opérations  de  la  compagnie^ 
jque  depuis  Pacte  de  1784»  et  que  cette  augmentadon  d*influenoe  poli- 
tique ,  de  pouvoir  et  de  domaines ,  a  obtenu  l'expresse  sancdon  de  h 
législature  et  du  conseil  des  contrôleurs.  On  peut  voir  au  surplus^ 
dans  l'ouvrage  de  M.  Mill ,  qui  paroit  être  moins  favorable  que 
*M.  Rol^rt  Grant  à  l'acte  de  1784»  les  objections  dont  ses  dispositions 
Sont  susceptibles.  L'expérience  d'ailleurs  doit  avoir  aujourd'hui  lixé  sur 
ces  mesures  l'opinion  des  hommes  d'état  imparthux. 

Enfin  le  sixième  livre ,  qui,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  ferme  à 
lui  seul  le  troisième  volume  et  occupe  plus  de  700  pages,  conduit^ 
rhistoire  des  établissemens  anglais  dans  flnde  jusqu'à  l'année  180; 
inclusivement.  Les  deux  premiers  chapitres  de  ce  livre ,  presque  unique 
•ment  consacrés  au  procès  du  gouverneur  général  Hastings ,  remplissent 
seuls  170  pages.  Les  chapitres  iiJ,iv,  v  et  vi  contiennent  le  récit 
àe  tout  ce  qui  appartient  à  la  première  administration  de  lord  Com* 
wallis,  successeur  de  M.  Hastings.  Dans  le  chapitre  vil,  on  trouvf 
d'abord  le  détail  des  débats  qui  eurent  lieu  dans:  ie  parlement ,  iôra  du 
renouvellement  des  privilèges  de  la  compagnie,  en  i79)..Le  reste  de 
ce  chapitre  contient  l'histoire  de  ladminlstrarion  de  sir  John  Shore, 
depuis  lord  Teignmouth.  A  la  retraite  4e  lord  Teignmouth  en  1797, 
Jord  Corn  wallis  avoit  été  nommé  une  seconde  fois  gouverneur  gtnéhif  ; 
mais  il  refusa  cette  mission,  et  on  lui  donna  pour  successeur  le  comte 
de  Mornington,  marquis  de  Vellesley.  Ce  gouverneur  général ,  doitt 
fadministration  remplit  presque  tout  le  re^te  de  ce  vohime  et  dura 
jusqu'en  1805,  fut  remplacé  par  le  lord  marquis  Cornwallis,  nommé* 
^ur  la  troisième  fbb  à  cette  importante  dignité.  Le  nouveau  gouvAr* 
Steur  général,  pour  réparer  le  mauvab  état  des  finances  de  la  com« 
pagnie,  épuisée  par  des  guerres  sans  cesse  renaissantes ,  ne  s'occupa  que 
des  moyens  de  faire  la  paix  avec  les  princes  de  l'Inde  les  plus  iiuissans» 
«t  de  réduire  ainsi  les  annemens  et  les  dépenses.  Son  projet  donna  lira 
à  quelques  remontrances  de  la  part  du  général  en  chef;  mais  il  ne  put 
en  avoir  connoissance.  Au  surplus»  sa  mort,  arrivée  en  octobre  de  la 
laéme  année  1 8<o;  ^  ne  changea  rien  pour  le  moment  au  plan  qu'il 


MARS   18I9.  i«9 

avoir  conçu,  et  qui  fut  suivi  par  sir  Barlow,  lequel  prit  par  intérim. 
les  fonctions  de  gouverneur  général. 

Je  n'entreprendrai  point  de  donner  une  analyse  des  événeraen» 
racontés  dans  les  deux  derniers  livres  de  cette  histoire,  et  qui  se  sont 
passés  pendant  les  vingt-six  dernières  années  du  xviii/  siècle  et  les 
cinq  premières  du  XIX.'  Quand  je  me  bornerois  h  traduire  les  titres  des 
chapitres,  je  serois  encore  plus  long  que  ne  le  comporte  l'étendue  d'un 
article  de  journal.  Je  crois  avoir  donné  une  idée  suffisante  de  l'ouvrage 
de  M.  Mill ,  et  je  pense  qu'en  généra!  il  remplit  parfaitement  le  but 
que  l'auteur  s'esi  proposé. 

A  la  tête  du  premier  volume  est  une  carte  de  la  partie  orientale  du 
Toyaume  de  Perse,  de  l'Afghanistan  et  du  pays  nommé  autrefois  Bac- 
triana;  une  carte  de  Flnde  se  trouve  au  commencement  du  second 
volume.  L'ouvrage  est  terminé  par  une  bonne  table  des  matières. 
SILVESTRE  DE  SACY. 


I 


Obser  va  tions  sur  la  Phrénologie  ,  oa  la  connaissance  Je 
l'homme  moral  et  intellectuel ,  fondée  sur  les  fonctions  du  système 
nerveux  :  par  G.  Spurzheim,  M.  D.,  avec  frontispice  et 
six  planches  ;  tn-S."  de  372  pages.  A  Paris ,  chez  Treuttel 
et  Wiirtz,  libraires,  rue  de  Bourbon,  11.°  17,  à  Strasbourg 
et  à  Londres,  même  maison  de  commerce:  18 18. 

Nous  avons  fait  connoître,  il  y  a  peu  de  temps,  un  ouvrage  da 
M.  Spurzheim  sur  la  folie,  qu'il  considéroit  sous  les  rapports  patholo- 
giques ;  aujourd'hui  nous  en  présentons  un ,  purement  physiologique ,  du 
même  auteur.  Il  a  espéré,  sans  doute,  en  l'entreprenant,  qu'il  éclairciroit 
mieux  qu'on  n'a  fait  jusqu'ici  l'influence  du  système  nerveux  sur  les 
fonctions  dépendantes  du  cerveau  \  tâche  d'autant  plus  difficile ,  qu'il 
s'agit  d'un  organe  qui,  par  saconiexture  et  la  disposition  de  ses  parties, 
ne  laisse  pas  pénétrer  le  secret  de  sa  formation; 

M.  Spurzheim  attribue  le  peu  deprogrèsqu'onafaîlsdans  laconnois- 
sance  du  système  nerveux  k  plusieurs  causes,  dont  les  principales  sont 
le  respect  pour  les  anciennes  opinions,  l'aversion  pour  les  idées  nou- 
velles, la  tendance  à  convertir  en  système  des  aperçus  isolés ,  la  répu- 
gnance qu'on  a  eue  et  qu'on  a  encore  dans  quelques  pays  à  permettre 
l'ouverture  des  cadavres,  le  mauvais  procédé  qu'il  croit  qu'on  a  employé 


J 


JOURNAL  DES  SAVANS, 
jusqu'ici  dans  fa  disseciion  du  cerveau.  II  s'en  prend  aussi  aux  méiapliysi- 
ciens,  qui  dictèrent  des  loiâ  aux  anaiomistesetaux  physiologistes, au  lieu 
de  leur  demander  des  preuves  positives  pour  appuyer  leurs  assertions. 

II  donne  l'historique  des  travaux  que  M.  Gall  cl  lui  ont  faits  sur 
i'anatoniie  et  la  physiologie  du  cerveau,  et  sur  fart  deconnoilre,  par  des 
signes  extérieurs,  l'homme  moral  et  intellectuel.  M.  Gall  a  commencé 
à  observer  dès  le  temps  où  il  éioît  au  collège.  II  remarquoit  que  ceux  de 
ses  camarades  qui  avoient  le  plus  de  mémoire  -avoieni  les  yeux  saillans  ;  tl 
imagina  qu'il  |x>urroit  de  la  même  manière  reconnoiire  les  autres 
£icultés  intellectuelles.  Ce  fut  là  l'origine  de  son  système  :  it  ne  se 
borna  pas  à  des  moyens  physiognomoniques;  il  voulut  y  joindre  des 
dissections  anatomiques.  M.  Spiirzheim ,  après  avoir  suivi  fes  cours  de 
M.  Gall ,  se  réunit  à  lui  pour  l'aider  dans  ses  recherclies,  h  l'époque  où 
celui-ci  éloitoccupij  de  l'exercice  de  la  médecine  ;  en  sorie  que  le  système 
connu  jous  (e  nom  de  M.  Gall  paroîiroit  appartenir  à  l'un  et  à  l'autre. 
Jusqu'ici  nous  avons  rendu  quelques-unes  des  idées  que  l'auleur  a 
consignées  dans  son  introduction.  Passons  au  corps  de  l'ouvrage.  Il  est 
divisé  en  huit  sections  :  dans  la  première ,  il  est  question  de  la  sensibilité) 
premier  phénomène  du  sysième  nerveux  ;  la  seconde  traite  des  relations 
que  fes  facultés  appelées  par  l'auteur  ri^tciivcs  et  inlelleciuelles  peuvent 
avoir  avec  les  tempéramens,  avec  les  viscères  ou  avec  le  cerveau  en 
I  général  ;  la  troisième,  de  la  nécessité  de  diviser  les  (acuités  et  les  organes 
',  lespeclifs  ;  la  quatrième ,  des  procédés  de  physiologie  pour  déterminer  les 
£)nclions  des  parties  cérébrales;  la  cinquième,  de  la  trânologie  ou 
I  connoissance  du  crâne;  la  sixième,  des  facultés  primitives  de  i'ame  et  de 
leurs  organes;  la  sepiièjne,  des  modes  d'action  des  f:iculiés;el  ia  hui- 
tième ,  des  comfjinaisons  et  de  l'influence  mutuelle  des  facultés. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  entrer  dans  les  détails  des  matières  traitées 

«ous  tous  ces  differens  titres  ,  p:irce  que  ce  sont  des  dissertations  relatives 

'  aux   diverses  opinions  des  phystologia tes  e!  même  de  plusieurs  méta- 

■  physiciens.  Nous  dirons  seulement  qutique  chose  de  ce  que  contiennent 

I  les  quatrième,  cinquième  et  sixième  sections,  les  plus  imporlanles  de 

Ftoutes.  Dans  la  quatrième,  l'auteur  prétend  qu'on  s'est  trompé  lorsqu'on 

[■  cru  pouvoir  déttrminer  les  fonctions  du  cerveau  par  l'inspeciion  aiiali> 

bmique  et  en  coupant  l'une  après  l'autre  les  parties  de  cet  organe.  Il  est 

{"wai  que  rarement  la  structure  indique  une  foiKlion.  quoique  l'une  puisse 

être  en  rapport  avec  l'autre:  il  cite  à  cette  occasion  M.  Cuvier.qui  dit 

expressément  [  i  )  que  l'instinct  n'a  aucune  marque  visible  dans  la  tonfor* 


(i)  Le  Règne  animal,  distribué  d'après  son  organisaiion. Paris,  iSt;,  (,I,p.54. 


MARS    1819.  i4i 

nation  de  lanimal,  et  il  conclut  que  Tanatomie  comparée  n'a  nullement 
avancé   la  physiologie  du  cerveau.  D'ailleurs  des  expériences  sur  de» 
animau^c  vivans  ne  donneroient  aucun  renseignement  certain  ,  parce  qu'on 
les  meitroit,  par  les  blessures,  horsd'éiat  de  manifester  les  facultés  de$  . 
organes.  M.  Gall,  qui  d'abord  a  cru ,  comme  il  est  dit  plus  haut,  trouver 
un  signe  extérieur  pour  la  mémoire,  a  suivi  pendant  quelque  temps  h: 
route  ordinaire  des  physiognomonistes,  et  l'a  abandonnée  ^  parce  que  {e 
succès  ne  couronnoit  pas  ses  tentatives,  pour  adopter  le  simple  ei^ipi*  . 
isme.  Après  avoir  étudié  les  différens  caractères  et  goûts  naturels  des  . 
hommes,  il  a  comparé  leurs  actions  avec  leur  organisation  cérébrale:  « 
d'après  cela  il  a  admis  un  organe  de  musique,  un  autre  des  arts  méca- 
niques, de  fa  poésie,  de  la  ruse,  de  lorgueil,  du  courage,  de  la  relir. 
gion ,  ÔLC.  La  répédMpn  des  faites  et  l'analpgie  trouvée  sur  un  grand  ■ 
nombre  d*individus  la  autorisé  à  penser  que  telle  fonction  dépendoit,. 
probablement  de  telle  partie  du  cerveau.  Il  ne  s'en  est  pas  tenu  là  :  il  a  ras- 
semblé en  collection  un  grand  nombre  de  bustes  et  de  têtes  de  personnes  . 
remarquables  par  des  qualités  connues; il  les  a  examinées,  comparées, 
réunies  ;  il  a  fait  également  des  recherches  physiologiques  et  anatomiques 
sur  les  animaux  ;  enfin  il  est  allé  jusqu'à  tirer  parti  de.  la  mimique  qu  . 
langage  naturel,  persuadé  que  chaque  sentiment  intérieur  se  manifeste 
extérieurement  par  des  signes  qui  lui  sont  propres. 

M.  Spurzheim  considère,  dans  la  d^Kiième  section ,  ce  qu'il  faut 
connoître  du  crâne  pour  étudier  la  phy^bgie  du  cerveau.  Il  n'y  a  pas 
de  doute  que,  jusqu'à  la  naissance,  celui-ci  n'ait  imprimé  sa  forme  au  . 
crâne  :  mais,  depuis  la  naissance  jusqu'à  l'âge  mdry  la  tète  s'agrandit,  le 
ceneau  se  développe,  le  front  s'élargir.   Le  contraire  a  lieu  dans  la 
vieillesse,  dont  la  forme  du  crâne  est  toujours  une  suite  de  celle  du. 
cerveau  ;  il  a  reconnu  à  sa  sur&ce  des  protubérances  distinctes  de  celles 
qui  servent  d'attache  aux  muscles.  L'auteur  croit  qu'on  peut  juger  du . 
développement  du  cerveau  parla  forme  et  le  V'iunie  de  la  tête,  chose* 
quelquefois  difficile  et  d'autres  fois  imj>ossiLIe,  Il  indique  des  circons-, 
tances  par  lesquelles  il  prouve  ces  assertions. 

M.  Spurzheim,  dans  la  sixième  section,  éialjlitune  division  nouvelle 
des  facultés  de  l'ame  :  il  en  admet  de  deux  ordres,  les  unes  aff:ctives  et 
les  autres  intellectuelles  ,  qu'il -subdivise  en  pluviei.fb  ;.;enre>,  \^<  genres 
en  espèces ,  et  les  espèces  en  modifications,  comme  tcut  ?t.'-'  bo'aii:  ;fcs  et 
autres  dassîficateurs.  Dans  le  premier  genre  du  j)remier  ordre,  iJ  place 
les  pcrtchans ,  dont  les  esp'^ces  sont  l'attachement,  I  amour  dt  l'i  nîîfat/c  n , 
le  courage ,  lenvie  de  détryiie ,  6tc.  On  ne  voit  })as  pourquoi ,  :\u  [icu  de 
s*ett  tenir  aiuc  expressions  reçues^  il  a  voulu  faire  une  uumenciature.quî 


Ui  JOURNAL  DES  SAVANS, 

paroîc  extraordinaire  et  nullement  convenable:  par  exemple,  il  appelle 
l'amour  de  Thabitation  habitatinti;  Tenvie  de  détruire ,  Jeseructhiié  &c. 
^Dans  le  deuxième  genre  du  même  ordre  sont  les  sentimens:  savoir, 
Famour-propre ,  l'amour  de  l'approbation ,  la  circonspection  ,  la  bienveil- 
lance ,  la  vénération ,  la  persévérance  »  &c.  Il  donne  à  chacun  de  ces 
pènchans  et  sentimens  un  organe  dans  le  cerveau,  lequel  organe  répond 
à  une  partie  qu'il  désigne  à  l'extérieur  du  crâne  »  non  pas  qu'il  croie 
qn^on  doive  porter  principalement  son  attention  sur  les  protubérances 
isolées  de  la  tète ,  mais  comme  indices  du  plus  ou  moins  de  développe- 
ment des  parties  cérébrales. 

Pour  donner  une  idée  de  la  diffêrence  des  tètes ,  Fauteur  a  placé  à  la 
fin  de  son  livre  six  planches ,  dont  la  première  représente  des  crânes  d'un 
Caraïbe,  d'un  habitant  de  la  NouveiIe-»ZéIande,  dl|^  montagnard  écos- 
sais, et  d'un  Chinois ,  c'est-à-dire ,  d'hommes  de  nations  très-diffèrentes » 
comme  on  en  voit  au  cabinet  d'histoire  naturelle  de  Paris  :  les  dnq 
autres  offirent  les  linéamens ,  en  forme  de  bustes ,  dliommes  célèbres 
pour  la  plupart,  et  ayant  des  têtes  dont  Fexpression  paroissoit  analogue 
à'Ieurs  caractères  ou  à  leurs  genres  d'occupations.  Je  citerai  particulier 
rement  celles  de  Bacon ,  de  Duguesclin ,  de  Thémistocle,  du  chancelier 
de  FHôpitaly  du  Tasse ,  de  Van-Dyck ,  de  Rubens,  Van-Swieten,  &c.  Au 
fix>ntispice  sont  tracées  ks  circonscriptions  et  chiflfres  indiquant  sur  trois 
têtes  des  places  qui  correspodj^t  à  des  parties  du  cerveau. 

L'ouvrage  de  M.  Spurzhei^contient  des  faits  et  des  obsenrations  en 
assez  grand  nombre  pour  que  lui  et  M.  Gall  se  crussent  autorisés  à 
établir  un  système  de  physiologie  partielle  :  mais  ce  système ,  comme 
beaucoup  d'autres,  est  susceptible  d'être  attaqué  par  de  fortes  objecdons. 
pour  qu'il  en  fôt  à  l'abri,  il  fàudroit  que  l'accord  prétendu  entre  les 
pu-ties  du  cerveau ,.  certaines  protubérances  du  crâne,  et  les  afiêctions  et 
actions  qui  sont  supposées  en  dériver,  fût  démontré  jusqu'à  Févnlence. 
Qui  a  vu  une  fois  développer  un  cerveau ,  est  convaincu  qu'on  ne  peut 
tirer  que  des  conjectures  sur  la  part  qu'il  a  aux  fonctions  nerveuses. 
Cependant  le  travail  des  auteurs  n'est  pas  sans  mérite  pour  Favanceraent 
de  l'anatomie  du  cerveau  :  on  leur  a  l'obligation  de  connoître  mieux 
qu'auparavant  les  détails  de  cet  organe. 

TESSIER. 


JOURNEY    THROUGH  AsiA    MINOR  ,   ArMENIA    AND 

KooRDiSTAN,  &c.  ;  cest-à-dîre.    Voyage  dans   F  Asie 
mineure,  t Arménie,  Je  Kouniistan ,  exécute  pendant  les  années 


MARS    1819.  145 

j8ï^   et  iRtjf.,  &€.;  pat  John  Macdonald  IKInneir,  érc 
Londres»  181 8. 

SECOND   ARTICLE, 

Nous  avons  larssé  M.  Macdomfd  Kûmerr  et  .son  compagnon  dé 
voyage,  M.  Chavaisse,  à  Trébisohde;  i/s'en  paittrem  le.  5  |uin  1814. 
Leur  route  jusqu'à  Erzeroum  ne  présente  qne  des  détails  géographique^ 
peu  susceptibles  d'analyse. 

EfEeroutn,  capitale  d'un  des  plus  grands  et  des  plus  importam 
pachalfks  de  Tempire  turc,  est  située  dans  une  belle  plainç,  à  peu  de 
distance,  au  sud,  de  i'Elijak ,  une  des  branches  de  FEuphrate.  M.  Mao» 
dona/df  Kînneir  fait  ici  les  réflexions  suivantes  :  ce  Dans  le  cas  où  quelque 
»  puissance  européenne  entreprendroit  une  invasion  en  Perse  ou  daiis 
»  rinde,  il  n'y  auroit  aucun  point,  à  l'est  de  Constantinople,  pins  fàvo* 
«>  ral'Ie  (pi'Eirzeroum  à  servir  de  lieu  de  rassemblement  pour  de  grandes 
to  forces.  Les  chevaux  et  les  bestiaux  y  sont  en  abondance  et  à  bon 
»  compte;  le  fourrage  se  trouve  par-tout  au  printemps  et  en  été;  etit 
^  est  fiicife  de  mss^nbler  des  provinces  voisines  une  quantité  considé* 
•>  râble  de  bié.  Les  routes  sont  excellentes  en  ces  deux  saisons,  et  trè^-. 
«>  propres  au  transport  de  Tardllerie,  dans  les  parties  basses  de  la  contrée» 
»ou  l'on  fait  grand  usage  de  charrettes.»  Ce  passage,  rapproché  de 
celui  que  nous  avons  déjîi  cité  (  1  ) ,  montre  que  le  voyageur  anglais  ne 
néglige  point,  dans  ses  observations,  la  partie  qui  causoit  tant  d'inquiér 
lude  au  pacha  d'Angora. 

Au  reste,  le  but  principal  de  ce  voyage  à  travers  PArménie  étoit,  selon 
M.  Kinneir,  de  retrouver  la  route  qu'avoient  parcourue  les  Dix-mille;  et 
comme  il'.n'y  a  guère  que  deux  chemins  à  prendre  pour  traverser  le 
Kourdistan,  fun  par  Paufo  et  Diarbekir,  l'autre  par  Betlîs  et  Sert,  il 
choisit  le  dernier  comme  celui  que  les  Grecs  avoient  le  plus  probable^ 
ment  suivi. 

'  A  peii  de  distance  d'Erzeroum,  les  voyageurs  traversèrent  l'Araxe 
près  de  sa  source,  dans  une  contrée  fort  montagneuse,  où  le  froid  étoft 
assez  intense,  quoiqu'on  fût  au  milieu  de  juin  :  il  gelôit  fort  toutes  les- 
nuits,  et,  après  le  lever  du  soleil,  le  thermomètre  de  Farenheit  marquoit 
encore  36*  (  1*  |  de  Réaumur  ).  Ce  fait  rappelle  que,  selon  PIu- 
tarque,  lors  de  l'expédition  de  Lucullus  en  Arménie  (2) ,  vers  l'équinoxe 
d'automne,  le  pays  étoit  déjà  couvert  de  neige,  et  les  rivières  gelées. 

(i)  Journal  de  février, p. /o(f. 

(2)  PiutaicL  in  Lueullo,  S»  3^ 


.44 

Apre 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


•  franchi  le  Tegdag, 


î  a  Khinîs  ou  'Gin 


,  que 


„  ^  '  arrive  a 
M.  d'Anville  a  pris  avec  beaucoup  de  raison  pour  le  Gymnias  de  Xé- 
nophon  (i  )  i  la  posilion  que  lui  donne  -M.  Macdonald  Kinneir,  corc  irde 
très-bien  avec  celle  circonsrance ;  savoir,  que  les  Grecs,  à  panir  de 
■Gymnias,  atieignirent  en  cinq  jours  la  montagne  de  ThechfS,  d'où  ils 
aperçureju  la  nier  pour  la  première  fois.  L'opinion  de  d'Anville  est  i 
;cei  égard  bien  préférable  îi  celle  du  major  Rennell,  qui  place  Gymnias 
trop  au  nord  à  Comasou  [x).  Au-delà,  s'élève  la  nioniagne  dite  Scpodn 
:7</jj,  une  des  plus  é!e\ées  de  l'Arménie;  sa  forme  conique  donne  lieu 
de  penser  que  c'est  un  pic  volcanique:  d'ailleurs  on  trouve  épars  dans 
le  pays  beaucoup  de  minéraux  qui,  dit-on,  ont  été  rejetés  par  cetls 
•montagne.  Elle  sépare  le  lac  de  Van  du  petit  lac  de  Narzouk,  que 
AL  Kinneir  croit  être  VArcthusa  des  anciens;  ce  qui  est  peu  probable, 
attendu  que  ce  lac  donne  issue  à  une  peiîie  rivière  qui  va  se  jeler  dans 
Je  Morad,  bras  orienial  de  l'Euphrate,  ou  plutôt  le  véritable  Euphraie, 
selon  les  Arméniens  [3J;  tandis  que  YArethusa  étoit  traversée  par  le 
Tigre.  Au  reste ,  la  géographie  ancienne  de  ces  lacs  est  fort  incertaine  (4)  ■ 

Nos  voyageurs  côtoyèrent  la  rive  occidentale  du  lac  de  Van ,  l'Arsitsa 
palus  des  anciens  ;  ils  recueillirent  sur  les  lieux  quelques  renseignemens 
qui  modifient  beaucoup  le  gisement}  la  forme  el  la  grandeur  que  nos 
cartes  donnent  à  ce  lac. 

Ce  fut  un  peu  avant  le  lac  de  Narzouk  que  nos  voyageurs  trouvèrent, 
pour  la  première  fois,  un  khan  de  Kourdes  errans,  où  ils  furent  reçus 
avec  cordialité.  Le  chef  demanda  nu  Tartare  ce  que  c'étoii  que  celte 
Angleterre  où  on  lui  avoit  dit  qu'il  se  faisoit  de  beau  drap  et  d'excellens 
pislofets;  l'autre  répondit  gravement  et  sans  hésiter  que  c'étoii  un  lieu 
qui  avoit  plus  de  deux  cents  heures  de  tour,  eniierement  rempli  d'éme- 
taudes,  de  rubis  ,  de  toute  sorte  de  m.irchandises  précieuses.  Ce  récif 
excita  la  surprise  ei  l'admiration  du  chef  kourde ,  mais  il  ne  douta  pas  un 
moment  de  la  véracité  du  Tartare. 

Tout  le  pays,  hérissé  de  moniagnes~escarpées,  et  dégarni  de  bois,  a  tm 
aspect  désolé  et  sauvage ,  k  l'exception  de  quelques  parues  ptu  étendues , 
assez  bien  boisées.  11  est  possédé  par  plusieurs  cbÉr>  kourdes  qui  résident 
dans  des  châteaux  foris ,  comme  les  seigneurs  du  temps  de  la  féodalité. 

Avant  d'arriver  à   Betlis,   les   voyageurs  manquèrent  d'être  pillés  par 

(ij  Xcnoph.  Allai-  IV,  c.  y.  Le  mot  T<gA,ie  ou  monl  de  Teg  rappelle  le 
Thtches  d«  Grecs. 

(2)   Rcnnell'j  Illustrations  ofHhl.  oftlie  txped.  ffCyrui,  p.  ijg. 

(î)  Saint-Manin,  Mimoirts  sur  l'Arménie  .t.  J  ,p.  ^6 ,  jo. 

(4}  Traduction  française  de  Sirabon,  t.  IV ,  1"  ••^n.  p.  J2;r,  n.  t. 


MARS    1819!  i4î 

un  parti  deLesg/ii:  le  chef  kourde  résidant  h  Bellis,  qui  avoit  fait  la 
guerre  en  Egypte  et  en  Syrie,  lors  de  Pexpédîtion  française >  accueiHit 
fort  bien  les  voyageurs.  «Les  Kourdes,  dit  M.  Kinneîr,  aiment  les 
>>  armes  plus  qu'aucun  peuple  que  j*aie  jamais  rencontré;  ils  tiennent 
5>  beaucoup  à  la  beauté  de  leurs  chevaux.  Lorsqu'un  chef  kourde  entre 
en  campagne ,  son  équipement  diffère  peu  de  celui  dés  chevaliers  au 
moyen  âge  :  sa  poitrine  est  défendue  par  un  corselet  d'acier  damasquiné 
>>  d'or  et  d'argent;  un  petit  bouclier  de  bois,  garni  de  clous  de  cuivre 
»  très-rapprochés*,  est  suspendu  à  son  épaule  gauche ,  lorsqu'il  n'a  pas; 
»  besoin  de  s'en  servir;  sa  lance  est  portée  par  son  page  ou  écuyer  à 
»  cheval  ;  sa  carabine  est  en  bandoulière;  à  sa  ceinture  sont  des  pistolets 
«  et  un  poignard  :  un  léger  cimeterre  pend  à  son  côté  :  à  droite  de  fa 
»  selle  est  attaché  un  étui  contenant  trois  dards,  chacun  de  deux  pieds 
>5  et  demi  de  long  ;  et  à  gauche,  une  masse ,  la  plus  terrible  de  ses  armes. 
»  Les  Kourdes  sont  sans  foi,  et  ont  si  peu  de  respect  pour  la  vérité, 
»  qu'ils  mentent  sans  nulle  nécessité  et  sur  les  choses  les  plus  indiffe- 
»  rentes  :  ils  sont  jaloux  des  étrangers ,  pleins  de  patriotisme ,  et  singu- 
»  fièrement  attachés  à  feur  pays.  Ifs  ne  sont  pas  aussi  1  igoureux  que  fes 
»  Turcs  sur  Farticfe  des  femmes:  efles  peuvent  aller  par- tout  à  visage 
»  découvert  et  approcher  des  hommes.  » 

Betfis,  fa  capitafe  du  Kourdistan ,  est  située  au  milieu  des  montagnes 
de  Hatterash,  sur  fes  bords  de  deux  petites  rivières,  afiîuens  du  Tigre. 
Elle  est  fort  ancienne,  et  fes  Kourdes  assurent  qu'elle  fut  fondée,  peu 
d'années  après  fe  défuge ,  par  un  des  fifs  de  Noé.  Les  maisons,  très-biea 
bâties  en  pierres'  de  tailfe  ,  ressembfent  toutes  à  de  petites  forteresses: 
les  fenêtres  ont  fe  plus  souvent  la  forme  ogive,  comme  dans  l'architecture 
gothique.  Cette  vilfe  est  soumise,  pour  fa  forme,  au  bey  qu'envoie  fe 
pacha  de  iMousch  ;  mais ,  dans  fa  réalité ,  elfe  ne  dépend  que  du  khan  des 
Kourdes,  descendant  et  représentant  d'une  longue  suite  de  seigneurs 
féodaux.  Il  paroît ,  depuis  quelques  années,  être  devenu  sujet  de  ta 
Porte ,  à  laquelle  if  paie  un  tribut. 

«Depuis  fe  fac  de  Nazouk,  dit  M.  Kinneir  (qui  ne  perd  jarhaîs  de 
3>  vue  fa  possibilité  d'une  invasion  étrangère),  les  routes  sont  bonnes 
»  pour  fe  passage  des  canons ,  des  fourgons ,  et  en  général  pour  tput 
»  équipage  ;  mais  seufement  en  été  et  en  automne  :  car,  pendant  Thiver, 
»  tout  fe  pays  est  ensevefî  sous  fa  neige,  dont  fa  fonte,  au  printemps',^ 
»  produit  un  si  grand  nombre  de  torrens,  que  fes  communications  sont 
55  interrompues  ou  extrêmement  difficiles.  Je  regarde  comme  une  chose 
5>  impraticabfe  de  faire  fa  guerre  en  quefque  partie  que  ce  -soit  de 
»  l'Arménie  occidentafe  pendant  quatre  ou  peut-être  cinq  mois  de 

T 


i4<S  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  Tannée  :  aussi  je  n'ai  jamais  pu  songer  à  la  retraite  des  Dix-miDe  à 
M  travers  les  montagnes  escarpées  du  Kourdistan  ,  $ans  éprouver  un 
»  sentiment  de  surprise  et  d'admiration.  La  marche  (fune  année  dans 
»un  tel  pays,  au  cœiir  de  fhiver,  presque  sans  vivres,  avec  un  ennemi 
a»  derrière  soi  et  sur  les  devants ,  est  hora  de  parallèle  avec  toute  autre 
»  expédition  que  ce  puisse  être.  » 

Sert,  dit  M.  Kinneir,  est  Fancienne  Tigranoctrta :  c'est  une  opinion 
assez  générale,  mais  qui  n'en  est  pas  mieux  fondée  (i).  Les  voya- 
geurs» sur  l'avis  de  f'aga,  furent  obligés  de  changer  de  chemin  :  ils 
auroient  voulu  continuer  de  marcher  au  sud,  et  de  siiivre ,  autant  que 
possible ,  la  route  des  Dix-mille  ;  mais ,  comme  le  pays  étoit  infesté  de 
brigands ,  ifs  durent  tourner  à  l'ouest ,  vers  Diarbekir  ou  jVlerdin, 

A  quatre  milles  de  Sert,  coûte  fe  Kabour,  fleuve  qui  ne  peut  être 
que  le  Ccntrites  de  Xénophon ,  ainsi  que  d'Anville  l'avoit  soupçonné  ; 
îe  cours  en  est  fort  différent  de  celui  qu'a  tracé  le  major  Rennell.  Après 
avoir  passé  le  Tigre  ,  guéable  en  cet  endroit  ,  les  voyageurs  cô- 
toyèrent le  mont  Masius ,  dont  les  flancs  sont  couverts  de  vignobles  , 
et  arrivèrent  à  Merdin  :  là  cessèrent  les  craintes  et  les  inquiétudes  aux- 
quelles ils  avoient  été  continuellement  en  proie  en  traversantle  pays  des 
Kourdes ,  et  presque  depuis  Erzeroum,  toujours  sur  le  point  Jêtre  volés 
ou  assassinés  par  les  brigands ,  et  même  par  les  gardes  qu'on  leur  donnoit 
pour  escorte. 

La  ville  de  Merdin ,  située  au  sommet  d'un  roc  élevé ,  domine  sur  une 
vaste  plaine  de  la  Mésopotamie ,  jadis  couverte  de  villes  et  dhabiuitionSi 
maintenant  déserte  et  abandonnée  aux  Arabes  errans,  qui  plantent  leurs 
camps  au  milieu  des  ruines  des  cités.  Les  habitans  de  celte  ville  sont  un 
mélange  de  Turcs,  d'Arabes,  de  Chaldéens,  de  Nestoriens,  de  Catho- 
liques, d'Arméniens,  de  Juifs  et  de  Jacobites  :  il  y  a  aussi  environ  cent 
familles  de  Guèbres  ou  adorateurs  du  feu,  qui  tiennent  leurs  mystères  fort 


MARS    1819.  147 

comptoîent  se  rendre  directement  à  Mosul;  maïs  la  crainte  d'être  pillés 
par  les  Jézidis  de  Sinjar  leur  fit  faire  un  détour. 

ce  Les  Jézidis  sont  une  secte  particulière  également  ennemie  de» 
»  Mahométans  et  des.  Turcs.  Ceux  de  Sinjar  forment  une  société  ou  état 
3>  qui  monte  à  deux  millions  d'ames ,  et  qui  avoii ,  à  cette  époque ,  soumis 
»  toute  la  contrée  adjacente.  Ils  habitent  dans  des  vilfages ,  ou  plutôt 
)>  dans  des  cavernes  souterraines  j  creusées  sur  les  flancs  de  la  montagne 
»  de  Sinjar ,  qui  coupe  la  Mésopotamie  au  sud-est  de  Merdin.  C'est  îk 
»  qu'ils  furent  obligés  de  se  réfugier  jadis  pour  fuir  les  persécutions  des 
»  Mahotnétans.  Leur  territoire  est  assez  fertile  pour  qu  ils  puissent  se 
»  passer  des  denrées  du  dehors.  » 

Afin  d'éviter  ces  redoutables  sectaires,  la  petite  caravane  dont  nos 
voyageurs  faisoient  partie ,  se  dirigea  sur  Dje:(irah  Ul  Omar,  ville  située 
dans  une  île  du  Tigre,  et  qu'on  croit  être  la  Bejabde  des  anciens.  Mais 
ce  long  détour  ne  leur  réussit  guère;  car  à  peine  furent-ils  entrés  dans 
cette  ville,  qu'on  les  mit  en  prison,  par  l'ordre  du  bey,  dans  une  petite 
chambre  de  huit  pieds  carrés  et  sans  fenêtres.  Le  soir,  le  bey  leur  fit  dire 
qu'ils  eussent  à  donner  deux  mille  piastres,  sans  quoi  ils  seroient  mis  tous 
à  mort  :  les  deux  Anglais  en  payèrent  à  eux  seuls  la  moitié  :  la  liberté  leur 
fut  rendue  ;  et  ifs  purent  continuer  leur  mute  sur  la  rive  gauche  du  Tigre, 
bordée  d'une  chaîne  de  montagnes  appelée  Juda  dag  par  les  Turcs.  Les 
habitans  prétendent  qu'au  sommet  d'un  pic  très-élevé,  on  voit  les  restes 
de  l'arche  de  Noé.  A  partir  de  Mosul ,  les  voyageurs  descendirent  le 
Tigre  jusqu'à  Bassora ;  mais,  en  route,  M.  Chavasse,  le  compagnon  de 
voyage  de  M.  Kinneir,  succomba  sous  les  atteintes  d'une  maladie  grave 
que  les  £ttigues  et  la  grande  chaleur  avoient  empirée. 

A  Bassora  se  termine  fitinéraire  de  M.  Macdonald  Kinneir;  it 
s*y  embarqua  pour  Bombay.  Pendant  son  séjour  dans  cette  ville,  il 
recueillit  de  la  bouche  de  M.  Colquhoun,  qui  avoit  fait  une  longue 
résidence  à  Bassora ,  quelques  renseignemens  curieux  sur  le  cheval  arabe , 
et  sur  le  dattier,  «  dont  il  y  a,  dit-il ,  quarante-quatre  espèces  (  1  )  diffé- 
X»  rentes, distinguées  chacune  en  arabe  par  im  nom  particulier...  Le  dattier 
3»  est  sujet  à  être  attaqué  d'un  ver  appelé  ledna,  qui  détruit  l'arbre  en 
3»  pénétrant  dans  les  branches  et  en  détniisant  la  moelle  :  on  y  remécfie 
a»  en  versant  dans  le  trou  creusé  par  le  ver  une  dissolution  de  sel  marin, 
a»  A  Bassora,  cet  insecte  attaque  l'arbre  même;  mais  dans  FYémen,  et 
y>  particulièrement  dans  les  environs  de  la  Mecque  et  de  Médine ,  il 
»  détruit  une  grande  quantité  de  fruits,  et  est  extirpé  par  un  singulier 


(  1}  L'ezpressionisfj9?ci9  ac  doit  se  prendre  sans  doute  que  dans  le  sens  de  variHés, 


T  a 


i48 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


M  moyen  :  on  se  procure  un  nid  de  grandes  fourmis  noires,  qui  ne 
»  manquent  jamais  de  dévorer  le  ver;  et  ceux  qui  n'ont  point  sur  leur 
»  terrain ,  de  ces  fuuraiis ,  peuvent  en  acheter  de  gens  qui  les  conservent 
»  à  ce  dessein.  .  .  .Cet  arl^re  admirable  n'est  pas  utile  seulement  par  le 
a»  fruil  excellent  qu'on  en  tire  :-des  spathes  on  distille  une  eau  très-odori- 
»  fêrante ,  reconnue  pour  cordiale  par  les  Arabes  ;  on  mange  la  fleur  du 
w  mâle ,  crue  ou  cuite.  Le  chou  du  palmier  femelle  est  fort  estimé  :  celui 
M  du  mâle  se  mange  également,  mais  il  est  quelquefois  amer.  Les 
»  branches  servent  iréveniail;  le  bois  sert  à  la  bâtisse  et  est  excellent 
»  pour  le  chauffage  ;  enfin  ies  noyaux  eux-  mêmes ,  tenus  dans  l'eau  pen- 
M  dant  quatre  ou  cinq  jours,  forment  une  nourriture  très-succulente  pour 
3>  les  bestiaux,  &c.  »  J'observe  qu'on  lire  le  même  parti  des  noyaux 
âe  dattes  sur  la  côte  d'Afrique,  selon  M.  Desfonlaines  { i  }.  Strabon, 
parlant  du  palmier  de  la  Babylonîe,  dît  également;  «  Macérés  dans  Teau , 
»  ces  noyaux  servent  à  nourrir  les  bœufs  et  les  moutons  qu'on  veut  en- 
iï  graisser  (2)  ;  on  prétend  même  qu'il  existe  une  chanson  persane,  dans 
»  laquelle  les  propriétés  utiles  du  palmier  sont  portées  au  nombre  de 
M  360  ;  »  circonstance  qu'on  retrouve  également  dans  Pluiarque  [3). 

Nous  n'avons  pu  extraire  de  cet  itinéraire  que  la  partie  narrative ,  dcDit 
nous  avonsfait  ressortir  les  résultats  principaux.  Les  détails  géographiques 
étoieni  peu  itisceptiLles  d'analyse,  et  nous  avons  dû  n'en  choisir  qu'un 
petit  nombre,  bien  que  ce  soit,  sans  contredit ^k  partie  la  plus  inté- 
ressante et  la  plus  utile  de  l'ouvrage  :  il  est  rédigé  sous  forme  de  journal , 
ce  qui  eh  rend  la  lecture  fort  sèche  ;  mais  on  en  est  dédoinmagé  par  l'im- 
jwrtance  des  renseignemens  qu'il  fournit.  Sous  le  rapport  de  la  géo- 
graphie, il  offre  de  grands  secours  pour  dresser ,  de  l'Asie  mineure,  une 
carte  infiniment  plus  exacte  et  plus  complète  que  ce  qu'on  possédoit 
jusqu'ici ,  parce  que  l'auteur  indique  avec  un  soin  extrême  tous  les  rumbs 
de  la  route  dans  ses  différens  détours,  et  en  même  temps  donne  la 


MARS    1819.  i4p 

Merdin,    Coslamboul,  Angora,   Iconium ,  Césarée,   Ouscat  dont  la 
latitude  n'étoit  point  connue,  Adana,  Ofium  Kara-Hissar. 

Un  travail  également  intéressant  est  une  description  très-détaillée  du 
cours  du  Tigre  depuis  Mosul  jusqu'à  Bagdad,  dans  laquelle  sont  indiqués 
les  détours  du  fleuve  avec  leur  orientement  et  leur  longueur  estimée 
par  le  temps  employé  à  les  parcourir,  et  le  gisement  de  toutes  les 
ruines  qui  existent  sur  les  deiflc  rives  du  fleuve. 

A  la  fin  de  l'itinéraire ,  se  trouvent  deux  morceaux  :  Tun ,  sur  la  possi- 
bilité d'une  invasion  dans  l'Inde  par  terre,  composé  avant  la  chute  de 
Napoléon  Buonaparte ,  et  dont  nous  aurions  peu  de  chose  à  dir«;  l'autre» 
sur  la  retraite  des  Dix-mille  depuis  Cunaxa.  Il  paroît  que  M,  Kinneir^ 
ayant  de  publier  son  ouvrage ,  n'a  point  eu  connoissance  de  celui  du 
major  Rennell;  du  moins  il  ne  le  cite  nulle  part.  Il  pense  que  les  Grecs  ^ 
à  partir  de  Cunaxa,  ne  se  dirigèrent  point  au  midi  :  c'est  aussi  l'opinion 
que  nous  avons  éiriise  (i),. d'après  plusieurs  critiques,  en  combattant 
à  cet  égard  celle  du  major  Rennell^  qui  met  Sitaçe  beaucoup  trop  au 
sud.  Notre  voyageur  pense  que  la  Larissa  de  Xénophon  est  la  même 
que  Ninive,  vis-à-vis  de  Mosul  ;  mais,  pour  faire  concorder  les  distances» 
M.  Kijmeir  est  obligé  de  supposer  que  les  Grecs  ont  marche  beaucoup 
trop  loin  du  Tigre ,  et  ont'  passé  le  Zabatus  à  dix  ou  douze  lieues  de 
son  embouchure.  En  plaçant  Larissa zassi  haut,  il  reporte  Mespyla 
au  nord  de  Mosul  ;  tandis  que  jusqu'à  présent  ce  lieu  avoit  été  placé* 
au  sud.  Le  major  Rennell  le  confond  avec  Mosul;  mais  nous  avon;^. 
montré  que  cette  opinion  est  diflicile  à  soutenir  (2}.       . 

M,  Kinneir  retrouve,  comme  le  major  Rennell  (j.),'  dans  ItZ^aku, 
L)ag,  la  chaîne  de  montagnes  qui  arrêta  les  Dix-mille  et  les  força  d'abau- 
dpnner  le  cours  du  Tigre.  Le  fleuve  Centrites,  qu'ils  passèrent  dans 
les  montagnes  des  Carduques,  lui  semble  être  le  Kaj^çur,  au-dessus 
de  Sert;  ce  que  d'Anville  avoit  déjà  deviné.   Le  reste,  de  la  route  des 
Dix-mille,  à  travers   l'Arménie,  et   du  Pont  jusqu'à  Trcbisonde,   est 
tracé  avec  beaucoup  de  vraisemblance.  Cet,te  route  diffère  en  })lusieurs 
points  de  ctlle  qu'a  indiquée  le  major  Rennell;  et  souvent  le  voyageur 
a  rencontré  plus  juste  que  le  géographe  :  du  moins  paroit-il  plus  prèS: 
de  la  vérité. 

^  L'ouvrage  est  terminé- par  ua ^/T^^/y.V/V  contenant,  i.°  vingt-six  ins- 
criptions  recueillies  en   dilférens    lieux.   Il   est  impossible   d'imaginer. 
jusqu'à  quel  point  elles  sont  estropiées.  Celle  que  j'ai  donnée  dans  le 

(i)  Cahier  de.  janvier  1818,  p.  13 (2)  JùiU.  1^.  i4« 

(3)  RenncU'j  Illustrât,  ifc.  p.  ij2  suiv. 


ijo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

premier  article,  est  la  plus  intelligible  de  toutes;  dans  fes  aolics,  on 
parvient  à  saisir  une  ligne  ou  deux,  el  le  reste  échappe,  tant  les  Biutes 
sont  grossières  et  nombreuses.  Trois  ou  quatre  inscriptions  latines  ne 
scmt  pas  plus  claires  que  les  autres;  elles  oflrent  p£Ie>méle  des  carac- 
tères latins  et  grecs;  c'est  un  grimoire  indéchiffi-able  : -on  regrette  d'au- 
tant plus  que  M.  Kinneir  ait  été  k  cet  égard  aussi  peu  exercé,  qu%  en 
juger  par  quelques  mots  de  ces  înscripGons ,  il  en  est  d'intéressantes  ; 
telle  doit  être  ftnscription  n,"  *io.  2.°  Les  calculs  astronomiques  sur 
lesquels  s<Hit  établies  les  latitudes  des  villes  dont  on  a  donné  ci-dessus 
les  noms.  )."  L'indication  dé  taillée  du  cours  du  Tigre ,  de  Mosul  à  Bagdad. 
4>''  La  position  en  longitude  et  en  latitude  de  huit  îles  sur  la  côte  mé- 
ridionale du  golfe  persique ,  vues  du  vaisseau  /e  favori,  le  1 3  et  le' 
14  Juillet  I B 1 6  ;  morceau  curieux  et  important. 

Outre  les  trois  rouies  dont  nous  avons  présenté  Tanalyse,  Yapptadix 
contietil  deux  itinéraires  à  travers  l'Asie  mineure.  L'un,  dressé  par 
M.  Bruce,  donne  la  route  entré  Alep  et  Césarée  ou  Mazaca  par  la 
Commagène  et  la  Cataonie  ;  et  de  Césarée  à  Angora ,  par  la  Morimène , 
au  sud  ^Ouscat;  route  peu  fréquentée  et  très-mal  connue.  Cet  itiné- 
raire, 011  toutes  fes  distances  sont  marquées  en  heures  de  route,  contient 
plusieurs  faits  géographiques  tntéressans:  dans  un  endroit,  M.  Bmce 
dit  qu'UI  fiostan  est  sur  le  Kizil  Ennak  ou  Hûlys.  Si  le  fait  est  vrai  (et 
pourquoi  ne  le  seroit-il  pas!},  toutes  les  cartes  de  FAsie  mineure,  el 
notamment  celle  du  major  Rennell ,  seroient  soumises  à  de  grands  dian-- 
gemens  dans  cette  partie;  il  ftudroit  prolonger  jusque-là  le  bras  méri- 
dional de  XHalys,  vers  l'orieni;  et  encore  ici  d'Anvillese  trouveroit  plus 
près  de  ta  vérité  que  ceux  qui  sont  venus  après  lui.  En  outre ,  Topinion 
générale  parmi  les  géographes  sur  l'identité  d'UI  Bostan  avec  ComanA 
de  Cappadoce,  ne  })OiJrroit  plus  subsister;  car  Comana,  au  témoignage 
'e  Slrabon  (1  )  et  de  Pline  f  1) .  étoit  sur  le  Sans,  fleuve  c 


MARS   iSip*  151 

Afe/as esileKzm-^uz  qui  coule  dans  la  plaine  de  Césarée ,  comme  le  dit 
positivement  M.  Kinneir;  ce  qui  n'empêctie  pas  que  la  carte  n'exprime 
tout  le  contraire,  le  Mêlas  s'y  trouvant  un  affluent  de  YHalys ;  c'est 
un  des  plus  frappans  exemples  de  la  négligence  avec  laquelle  cette  carte 
a  été  dressée,  comme  nous  l'avons  déjà  dit.  Sivas,  l'ancienne  Sébaste» 
e^t  arrosée  par  le  bras  septentrional  du  Kizil  Ermak,  ou  Halys^  selon 
M.  Kinneir.;  &it  sur  lequel ,  encore  une  fois ,  la  carte  n'est  point  d'accord 
avec  le  texte.  D'AnvîIte,  dans  sa  carte  de  FÂsie  mineure,  avoit  deviné 
juste,  selon  son  usage;  il  place  également  Sébaste  sur  un  bras  de  YMalys, 
auquel  il  donne  à  très-peu  près  la  direction  qu'il  doit  avoir  d'après 
M.  Kinneir.  Tocat,  l'ancienne  Berisja,  la  ville  la  plus  commerçante  de 
Fintérieûr  de  l'Asie  mineure,  renferme  soixante  mille  âmes  :  à  dix-^huit 
heures  plus  loin,  on  trouve  Amasîa,  ou  Amasée,  patrie  de  Stral^on. 
<(  Cette  ville,  dit  M.  Kiimeir,  est  située  sur  les  deux  rives  de  Y  Iris  ou 
»Iekil  Ermak,  dans  une  vallée  étroite»  entre  des  montagnes  élevées 
»  et  escarpées,  sur  une  desquelles  on  a  construit  un  château-fort.  Ce 
»  rocher  est  fameux  par  quelques  sculptures  (  1  )  extraordinaires ,  qu'on 
»  suppose  être  des  restés  des  tombeaux  de  deux  rois  de  Pont.  On 
3>  dit  que  la  population  de  cette  ville  monte  à  trente-cinq  mille  âmes. 
^)  Le  pays  produit  une  grande  quantité  d'excellente  soie.  »>  Le  reste  de 
l'itinéraire  n'offre  rien  de  remarquable. 

Ces  deux  derniers  itinéraires»  joints  aux  trois  autres,  composent  un 
total  de  cinq  routes  différentes  à  travers  l'Asie  mineure  ;  le  tout  ensemble* 
contient  une  masse  considérable  de  renseignemens  précieux ,  qui  ré** 
pandent  un  jour  nouveau  sur  la  géographie  de  l'Asie  mineure  :  aussi 
est-il  juste  de  convenir  que ,  parmi  tou^  les  ouvrages  qui  ont  paru  jusqu'ici 
sur  cette  contrée ,  on  ne  sauroit  en  trouver  un  qu'on  puisse  comparer  à 
celui  de  M.  Macdonald  Kinneir  sous  le  rapport  de  l'utilité  scientifique^ 

LETRONNE. 


mm 


FuNDGRUBEN  DES  Orients  ,  hearheiîet  durch  eine  Gesellschaft 
von  Debhûhern.  —  Mines  de  ï Orient ,  exploitées  par  une  société 
d'amateurs ,   sous  les  auspices  de  M.  le   comte    Wenceslas 

(i)  Cahier  de  février^  ;;.  //y. 


# . 


iî2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Riewuyky:  tome  VI,  i/'  cahier.  Vienne,  1818  ,  in-fol. 
contenant  :  Mysterium  Baphometi  revelatum  [i),.à'c.  Disser- 
tation de  M.  Hammer. 

Depuis  la  proscription  des  chevaliers  du  Temple  et  l'abolition  de 
Tordre,  il  s'étoît  écoulé  cinq  cents  ans,  lorsque  les  accusations,  les 
témoignages ,  les  jugemens ,  ont  été  soumis  à  la  révision  de  l'IiisEoire. 
La  publication  des  procédures,  leur  fjiscussion,  le  rapprochement  des 
diverses  circonstances  qui  précédèrent  ou  préparèrent  cette  grande  et 
'célèbre  injustice,  ont  suffi.  La  renommée  de  l'ordre  et  la  mémoire  des 
dievaliers  ont  été  réhabilitées  dans  Topinion  des  personnes  impattiales. 

Aujourd'hui  uii  nouvel  accusateur  se  présente,  et,' laissant  à  f'écart 
îes  imputations  que  fes  persécuteurs  contemporains  avoient  imaginées, 
il  dénonce  d'autres  crimes;  malgré  Tintervaile  de  cinq  siècles,  il  se 
vante  d'offrir  des  preuves  matérielles.  «II  n'est  pas  besoin  de  paroles, 
■n-àix  M.  Hammer,  quand  les  pierres  déposent  ;  les  monumens  tiennent 
»  lieu  de  témoins.  » 

-  Quels  sont  donc  ces  monumens  ignorés  ou  négligés  par  les  premiers 
accusateurs  de  l'ordre  du  Temple!  Comment  avoient-il>  échappé  aux 
perquisitions  de  la  haine  et  de  l'envie,  ï  la  sagacité  des  inquisiteurs! 
Pourquoi  les  divers  apostats ,  qui ,  par  ambition  ou  par  crainte ,  déposèrent 
contre  l'ordre,  n'indiquèrent -ils  pas  les  monumens  qui  alors  dévoient 
être  et  plus  frappans  et  plus  nombreux ,  et  dont  l'existence  auroît 
Justifié  leur  honteuse  désertion  î  Et,  quand  les  églises  et  les  maisons 
des  Templiers  furent  occupées  par  des  successeurs  qui  avoîent  tant 
d'intérêt  à  faire  pardonner  la  sévérité  de  la  spoliation,  comment  aucun 
de  ces  successeurs  ne  s'aperçut-il  de  ces  monumens,  qui,  selon 
M.  Hammer ,  proclament  encore  aujourd'hui  Tapostasie  des  Templiers  t 


MARS   1819.  15} 

Voici  rexposîiîon ,  l'analyse  et  le  résumé  du  système  de  M.  Hamm  :r 

«  On  trouve,  dans  la  procédure  prise  contre  l'ordre  du  Temple,  que 
»  les  chevaliers  adoroient  urîe  idole  en  forme  de  bafomet,  in  Jigurdm 
»  BAPHOMETi,  En  décomposant  ce  mot,  on  a  bafo  et  meti.  Bat^i,  en 
»grec,  signifie  teinture»  et  par  extension  baptême  ;  fm-noç  signifie  de 
»  l'esprit: le  BAFOMET  des  Templiers  étoitdonc  fe  baptême  de  Tesprir, 
»  le  baptême  gnostique,  qui  ne  se  fkisoit  point  par  FéSu  de  la  rédemp- 
9»tion,  mais  qui  étoit  une  lustration  spirituelle  par  le  feu:  BAFOMET 
yy  signifie  donc  Tillumination  de  l'esprit. 

3>  Comme  les  Gnostiques  avoîent  fourni  aux  Templiers  les  idées  et 
»  les  images  bafométiques ,  K-  nom  de  metjç,  METIS,  a  dû  être  vénéré 
y>  chez  les  Templiers  :  aussi,  dit  M.  Hammer,  je  fournirai  des  preuves 
»  de  cette  circonstance  décisive. 

»  Les  Gnostiques  étoient  accusés  de  vices  in^mes  :  le  METIS  étoit 
»  représenté  sous  des  formes  symbohques ,  principalement  sous  celle 
3>  des  serpeiis,  et  d'une  croix  tronquée  en  forme  de  Tau,  T  (1).  » 

M.  Hammer  entre,  sur  ces  symboles,  dans  des  détails  que  lajangue 
française  n'a  pas  le  privilège  de  pouvoir  reproduire  comme  d'autres 
langues  : 

Le  latin  dans  ses  mots  brave  l'honnêteté, 

«  Les  Gnostiques,  ajoute-t-il,  n'empfoyoient  pas  toujours  Fe  mot 
»  METE  dans  leurs  monumens;  ils  se  servoient  aussi  du  mot  GNOSIS^ 
»  qui  est  synonyme,  et  on  le  retrouve  chez  les  Templiers.  » 

Développant  ces  diverses  accusations ,  M.  Hammer  soutient  qu'il 
est  prouvé  par  la  procédure,  que  les  Templiers  adoroient  des  figures 
bafométiques,  et  il  produit  des  niédailles  qui  ofirent  ces  figures  préten- 
dues, et  sur-tout  quelques  médailles  où  l'on  trouve  le  M  ETE  avec  la 
croix  tronquée ,  et  d'autres  qui  représentent  un  temj)Ie  avec  la  légende 
SANCTissiMA  QUiNOSïS .  c'est-à  dire  ,  GNOSIS.  Il  indique  aussi  des 
vase.>  gnostiques,  des  calices;  et,  en  les  attribuant  aux  Templiers,  il 
avance  que  le  roman  du  SAINT  Gra AL,  ou  sainte  Coupe ,  est  un  roman 
symbolique  qui  cache  et  prouve  à-Ia-fois  l'apostasie,  la  doctrine  gnos- 
tique dès  Templiers.  Enfin  il  croit  reconnoitre  dans  les  églises  qui  ont 
jadis  appartenu  ou  qu'il  prétend  avoir  appartenu  aux  Tein^^liers,  des 
figures  bafométiques,  des  symboles  gnostiques  et  ophîtiques. 

A    ces   points   principaux    il   ajoute  quelques  circonstances   partî- 


(i)  M.  Hammer  dit,  page  6)  :  Criix  cuni  jnami  benedicente  sic  fi^. rata,  ut 
mantis  superiorem  vartem  crucis  contegar ,  ac  -ta  soluininodo  T  (  lignuni  vitœ  et 
icientio! ,  idest,  phallus  et  clavis  gnoseosj  appareat, 

y 


iî4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

culières  qu'il  rattache  à  son  système ,  et  dont  |  aurai  occasion  de  parler- 
Dés  son  entrée  en  matière»  M.  Hammer  rassemble  des  inscriptions 
grecques,  arabes  et  latines,  par  lesquelles  il  croit  prouver  qu'une  secte 
dans  rOrient  employoit  le  mot  de  M£T£  dans  le  sens  S  esprit;  il  fait  à 
ce  sujet  une  grande  dépense  d'érudition  :  mais ,  comme  rien  ne  désigne 
dj  près  ni  de  loin  les  Templiers»  et  qu'au  contraire  on  ne  peut  pa» 
trouver  un  rapport  quelconque  dans  le  nombre  SEPT,  qu'on  lit  sur 
quelques  inscriptions  relatives  à  cette  secte ,  avec  celui  des  premiers 
fondateurs  de  l'ordre  du  Temple,  qui  étoient  NEUF  ,  je  ne  m'arrêterai 
pas  sur  ce  point.  Les  vingt-quatre  inscriptions  qu'il  rapproche  ont  été 
publiées  en  différens  temps,  en  di^Férens  lieux  et  par  divers  savans,  et 
arcun  d  eux  n  a  jamais  pensé  qu'elles  eussent  quelque  rapport  direct 
ni  indirect  aux  Templiers. 

J*abaiidonne  donc  ces  préliminaires  >  et  je  m'attache  d'abord  au  mot 

de  BAFOMET. 

Il  est  vrai  que,  dans  la  procédure  prise  contre  Tordre  du  Temple,  les 
chevaliers  étoient  accusés  d'adorer  une  idole  in  figuram  Bafojv^TI : 
cette  accusation  vague  et  ridicule  parut  si  absurde,  que  les  inquisiteurs 
n'cTcigèreni  point  à  cet  égard  les  aveux  des  chevaliers  qu'ils  iàisoient 
tortuier.  C'est  cependant  ce  mot  de  Baphometi  qui  donne  lieu  au 
système  d'accusation  produit  à  pré^ent  par  M.  Hammer. 

Dans  Tappendice  joint  à  mon  ouvrage  intitulé  ,  Afonumens  histùriquis 
relatifs  à  la  condamnation  des  chevaliers  du  Temple  et  h  l'alfoUtion  de  leur 
ordre,  j'avois  parlé  des  figures  bafométiques  (i),  et  dit,  au  sujet  de  ce 
mot  BafomjlTI ,  qu'il  fàlloit  lentendre  de  Mahomets ;  que  l'un 
des  témoins  qui  en  parle  prétendoit  qu'on  avoit  exigé  de  lui  qu'il 
prononçât  Y  alla,  mot  des  Sarrasins,  disoît-il ,  qui  signifie  Dieu. 
J  avois  ajouté  que  Tun  des  témoins  entendus  à  Florence  avoit  avancé 
qu'en  lui  montrant  l'idole,  on  lui  avoit  dit  :  Ecce  Deus  vtstir  et  vester 
Ma  au  M  ET. 

Je  n  avois  pas  cru  nécessaire  de  prouver  cette  identité  de  noms  par 
les  autorités  des  écrivains  de  Tépoque;  mais  Tassertion  de  M.  Hamnfer 
m'en  fait  à  présent  une  obligation.  Voici  quelques-unes  des  nombreuses 
preuves  que  je  pcurrois  accumuler. 

Raimundus  de  Agiles  (a),  parlant  des  Mahomé tans,  dit  :  In  ecciesiis 

autem  magnis  BAFUMARlASfacitbant  (});....  habebant et monticulum... 

•  ^—^^^^ 

(1)  M.  Nicolaï  avoit  précédemment  expliqué  le  mot  de  Bafomet  à  peu 
près  dans  le  menu-  sens  que  le  fait  aujourd'hui  iVI.  Hammer. 

(2)  Dans  la  coilcciion  de  Bongars,  iniituiée  Cesta  Dei  per  Francos, 

(3)  Pag.  171. 


MARS   1819.  15  ï 

uhi  duœ  erant  BàfvmarijE.  On  voit  que  Bafumaria  signifie  église 

du  culte  de  Mahomet,  mosquée;  aussi  Du  Cange,  au  mot  Bafumaria 9 

s'explique  ainsi  :  Templum  Mahumeto  dicatum. 

Dans  une  pièce  cTun  Templier  troubadour,  on  lit  le  mot  de  BafO'* 

MARIA  dans  le  même  sens  : 

Enansfara  Bafomaria  j      Auparavant  fera  temple  à  Mahomet 

Del  mostier  de  sancta  Maria,        \      Du  monastère  de  sainte  Marie. 

Le  Chevalier  du  Temple:  Ira  e dolor. 

Mahomet  est,  dans  la  même  pièce,  appelé  Bafomet. 
£  Bafomet  obra  de  son  poder^    \      Et  Mahomet  opère  de  son  pouvoir* 

(  Id.  ibid.  ) 
Et  dans  Raimundus  de  Agiles  il  est  nommé  Bahumet...  qui  est  de  génère 
Bahumet  (i)....  anathemati^antes  Bahumet  (2).  Au  reste  rien  de 
plus  ordinaire  que  le  changement  de  Tm  en  B,  et  de  I'h  en  F  (3). 

Cette  explication  incontestable  du  mot  de  Bafomet  détruit  la  base 
du  système  de  M.  Hammer  :  cependant  il  ne  sera  pas  inutile  de  démontrer 
qu'il  n'a  pas  été  plus  heureux  dans  le  choix  de  ses  preuves  que  dans  la 
combinaison  de  son  système. 

J'examinerai  d'abord  les  monumens  où  se  trouvent  les  mots  mets, 
GNOSIS.  On  Ht  ces  mots,  dit  M.  Hammer,  sur  des  médailles  qui 
servoient  aux  Templiers  :  il  en  a  fait  graver  cent.  Qui  ne  croiroit  ren- 
contrer dans  le  nombre  quelques  indices  en  faveur  de  son  système.! 
Bien  loin  de  là,  M.  Hammer  est  forcé  d'avouer  qu'il  n'a  pas  une 
entière  confiance  dans  ces  sortes  de  témoignages. 

Je  m^attache  aux  principales  médailles  ;  car  je  ne  puis  me  résoudre  à 
réfuter  sérieusement  M.  Hamtçer»  lorsque  les  formes  des  dents  de  cer- 
taines clefs  qui  sont  figurées  sur  des  monnoies ,  lui  paroissent  indiquer 
Fm  ou  Te  de  mete  ou  d'autres  lettres  qu'il  emploie  à  soutenir  ses 
conjectures.  J'attaque  d'aijord  son  explication  de  la  médaille  Sp."",  dans 
laquelle  il  prétend  avoir  la  preuve  de  sa  double  assertion,  c'est-à-dire  , 
le  mot  METE  et  la  croix  tronquée. 

On  h'i  autour  de  cette  médaille  ou  monnoie  me  te  es  is.  M.  Hammer 
n'explique  pas  ce  M£TEESlS;mais  il  prétend  que  ce  mot  n'a  pas  besoin 
d'explication  :  il  ne  dit  rien  du  revers ,  où  Ton  voit  une  tête  qui  porte  une 
couronne  et  un  reste  de  légende  lES. 

" r^ ^ 

(i)  Pag.  164.  — (2)  Pag.  i6î. 

(3)  M.  le  baron  Silvesire  de  Sacy  avoit  réfuté  l'explication  du  Bafomet 
donnée  par  M.  Hammer;  il  avoit  prouvé  que  ce  mot  n'éioit  que  le  nom  de 
de  Mahomet.  Ko/,  le  Magasin  encyclopédique,  1810,  r.  Vi,P't59' 

V   2 


iji5  JOURNAL  DES  SATANS, 

Cette  moniioie  a  élé  puMiée  par  Seeliincft  r  (  i  ) ,  qui  n'y  a  rieji  vu  de 
mystique,  de  syinijolique,  El  comment,  dans  des  iiiéd.iîlles  c,ù  l'on  voit 
une  cruix  tronquée  ou  du  moins  paroi^vant  tflle,  Ji  tnuie  de  la  superpo- 
sition de  [3  main  qui  couvre  le  haut  de  l;i  croix,  M.  H:immer  a  t-il  pu 
reconnoîlre  un  emlilème  gnosiîqiie,  le  prétendu  Tau  my^iiqiie.  uit 
signe  impudic[ue  des  Ophianiles!  M,  Hammer  n'ignore  pas  que  dans 
la  collection  de  Seeliinder,  cette  médaille  se  trouve  auprès  de  celles  ci; 
i."  méd;iiHe  avec  la  niéine  croix  tronquée,  à  l'autre  côié  de  l.iquelle  on 
Jic  EcFrBERTUs  ABCHIEPb;  2."  une  où  on  lit  Livniburhc,  et  du 
côté  qui  ortie  la  croix  tronquée,  BerNHARDUS;  j."  une  qui,  d'un 
côlé.  a  celte  même  croix  ,  et,  de  l'autre,  un  simple  N  ;  4-"  enfin  trois 
anciens  sreaux  qui  présentent  la  iTiême  croix  paroissant  tronquée  par  ia 
super jHjsiiion  de  la  main ,  avec  des  légendes  qui  indi'^uent  les  églises ,  Jes 
cou^en^,  le*  princes  auxquels  ces  sceaux  nppartenoient. 

Est-ce  en  détachant  ainsi  un  monument  des  autres  qui  l'expliquent, 
qu'on  doit  le  produire  comme  h  preuve  d'une   accusation  aussi  grave  l 

Je  dois  prier  ici  de  deux  monutnensquî,  selon  M.  Hammer,  présen- 
loîeni  dans  les  églises  dt^s  Templiers  le  Tau  mystique. 

Dans  régn>e  de  Peiesdorf,  qu'il  prétend  a: oirapparteiiu  aux  Tem- 
pliers ,  et  qui  n'a  aucune  sculpture ,  on  voit  dans  le  chceur  deux  grandes 
pitrres  placées  en  forme  de  T,  celle  du  dessous  perpendiculaire,  et 
celle  du  dessus  couchée  transversalement.  M.  Hammtr  ne  dit  pas  si  ces 
deux  pierres  sont  saillantes  :  il  est  très-vraiseniMaMe  qu'elles  le  sont ,  et 
que,  la  pierre  transversale  portant  quelque  Iiuste ,  celle  du  de'.sous 
n'avoit  i-ié  placée  perpendiculairement  que  pour  la  soutenir  et  fa  ren- 
rorcer.ît  cause  du  poids. 

L'église  de  Wuf  lendorf.  que  M.  Hammer  conjecture  aus^^î  avoir  appar- 
tenu aux  Templiers,  oll're,  dit-il,  sur  un  mur  extérieur,  la  figure  d'un 
Templier  qui ,  d'une  maiii ,  tient  ou  un  ramenu  ou  une  épée  flaniiioyante , 
et  de  l'aure  le  Tau,  T;  c'est-à-dire  ,  un  l>3ton  en  firme  de  IÎafomet. 

Celte  figure  est  gravée  planthe  1  11 ,  n.°  1  î  :  rien  n'indique  que  ce 
ïoit  un  Templier,  ni  l'halil,  ni  la  cmîx;  c'est  un  homme  qui  tient  dnns 
«ne  main  un  petit  ariire  ou  un  rameau,  et  qui  ajipuie  l'autre  sur  un 
bâton,  demi  le  haut  est  en  furnie  du  haut  d'une  liéquille. 

Que  M.  Hammer  renonce  donc  à  Voir.  ïur  des  médailles  el  sur  des 
monumens  qu'il  attribue^ux  Templiers,  le  metE  ni  le  T*u  des  Gnos- 
tiques.  l^s  nié^^ts  et  les  innnutnens  qu'il  cite  ne  prouvent  rien  à  cet 


fi)  Nicplai    Sect^ndcrs   10  Schrificn  vod   Ueuischen  wùmzcn   miitterer 
Zf ilcn  &c.  Hannovtt,  174},  ('/j-^.' 


M.ARS    1819-  1J7 

égard;  et,  quand  même  il  s'y  trouveroit  quelque  indice  gnostîque, 
pourquoi  les  imputer  aux  Templiers ,  auxquels  ces  médailles  et  ces 
monumens  sont  entièrement  étrangers  î 

J'en  rîens  aux  monnoies  que  M.  Hammer  prétend  porter  ce  mot  de 
guinosis  ou  gnusis. 

Dans  la  monnoie  80.*,  selon  M.  Hammer,  se  trouve  le  temple  de 
Jérusalem  avec  quatre  tours;  et  l'inscription  oiïre  +  S.  S.  SlMOONlUGA; 
mais,  en  lisant  à  rebours,  et  en  commençant,  non  par  Ta  final» 
mais  pa»  le  o  couché ,  que  M.  Hammer  n'a  pas  hésité  à  prendre  pour 
un  Q ,  tandis  que  les  savans  qui  ont  cité  ces  sortes  de  médailles  y  out 
vu  un  D,  il  lit,  SSTA  QUiNOOMis,  quoiqu'il  n'y  ait  aucun  T  dans 
l'inscription;  et,  en  considérant  Tm  comme  un  sigma  renversé,  on  a 
QUJNOOSIS,  et  changeant  qui  tn  g  et  ne  faisant  qu'un  o  des  deux, 
on  a  gnosis  ;  ce  qui  signifie  et  révèle  le  secret  des  Templiers  gnostiques. 

Qu'on  ne  m*nccuse  point  de  ne  pas  bien  énoncer  lexplication  de 
M.  Hammer;  car  je  lui  fais  grâce  d'kutres  changemens. 

Qu'est-ce  que  cette  monnoie  î  Pour  la  lire  à  rebours,  M.  Hammer 
comiuence  à  ia  pénultième  lettre,  et  il  laisse  l'A,  après  lequel  est  une 
+  qui  sépare  le  commencement  de  l'inscription  de  sa  fin;  H  ajoute  un 
T,  et  suj)pose  une  lettre  grecque  mêlée  dans  l'inscription  latine ,  ce  qu'il 
est  permis  de  croire  sans  exemple,  puisque  M.  Hammer  n'en  rapporte 
pas,  lui  qui  ne  manque  pas  d'appeler  les  exemples  de  très-loin,  toutes 
les  fois  que  la  matière  le  permet;  et  enfin,  après  ces  changemens,  ii 
n'a  pas  son  mot  de  GNOSIS,  il  faut  encore  en  faire  d'autres. 

Et  pourquoi  a-t-il  vu  dans  cette  inscription  ce  qui  n'y  est  pas,  et 
n'a-t-il  pas  voulu  voir  ce  qui  y  estî  On  lit  SS.  Simon  Juda;  dans 
la  médaille  99/,  on  lit  de  même  S.  SiMO  V£L  JuDA;  dans  la  93.% 
S.  Sjmon  Juda,  &c.  &c. 

RiavL  de  plus  commun ,  dans  le  moyen  âge ,  que  les  monnoies  qui 
portent  d'un  côté  les  noms  de  saints.  Nous  avons  en  France  S.  Mar- 
TI^US,  sur  les  monnoies  de  Tours;. S.  Maiolus,  sur  les  monnoies 
de  Souvigni,  ôlq.  ;  tandis  que,  de  l'autre  cô-é^  on  lit  le  nom  de  la  ville 
ou  du  prince ,  &c.  &c.  Deux  des  monnoies  où ,  au  lieu  des  noms  de 
S.  SiMON  et  de  S.  Jude,  M.  Hammer  veut  lire  sainte  Gnostique, 
offrent  aussi  le  nom  d'OTTO,  d'OTTO  Marchjo.  Cette  circonstance 
axfroit  em!)arrassé  toute  autre  personne  que  M.  Hammer  ;  mais  il  décide 
que  cet  Otton,  ce  marquis  Otton,  étoit  un  Gnostîque  protecteur  des 
Templiers,  initié  à  leuY  doctrine  secrète. 

Seelânder  n'a  vu,  dans  toutes  ces  monnoies,  que  S.  SlMON  etS.  JuDE  ; 
il  a  cru  que  cet  Otton  pouvoit  être  Otton  II,  marquis  de  Brandebourg, 


,j8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qui  a  vécu  vers  Fan  isoo;  et  si  Topinion  de  Seelânder  ne  suffisoit  pas 
k  AL  Hainmer  pour  adopter  cette  explication  simple,  naturelle»  évi- 
dente, il  auroit  trouvé  dans  Otto  Sperlingius  (i)  l'indication  d'une 
jiai-eille  monnoîe  avec  finscrîptîon  de  S.  Simon  et  S.  Judas.  Les  téies 
des  deux  saints  sont  rapprochées  sous  une  même  couronne.  A.  Mellen 
jugeoit  que  c^tte  monnoie  avoit  été  frap{>ée  à  Goslar,  et  Sperlingius 
adoptoit  cette  opinion. 

Je  passe  aux  coupes  mystiques,  &c.:  )'ai  démontré  qu'il  n'est  pas 
raisonnable  de  présenter  les  précédens  monumens  comme  des  preuves  de 
la  doctrine  gnostique  des  Templiers;  il  ne  me  sera  pas  difficile  de  faire 
re/eier  Jes  preuves  que  M.  Hammer  prétend  tirer  des  coupes  qu'il 
suppose  avoir  servi  aux  mystères  gnostiques. 

D'abord  il  recherche  dans  la  plus  haute  antiquité  l'existence  de  ces 
coupes  mystiques.  Si  des  sectes  païennes  ou  même  chrétiennes  se  sont 
livrées  à  des  orgies  religieuses,  si  des  coupes  ont  servi  à  ces  orgies,  que 
peut-on  en  conclure  contre  les  Templiers  !  Ces  coupes  ne  les  concernent 
pas  plus  que  le  mete,  le  GNOSis  ,  le  Tau. 

Après  des  recherches  sur  les  coupes  des  anciens ,  M.  Hammer  eii 
vient  plus  directement  aux  Templiers;  il  prétend  que,  dans  Féglise  des 
Templiers  à  Schoengrabern ,  six  coupes ,  rapprochées  les  unes  des  autres , 
paroissent  indiquer  six  communautés  de  Templiers.  Comme  ces  coupes 
n'ont  pas  été  gravées,  il  n'est  pas  possible  de  former  un  jugement, 
d'autant  que  M.  Hainmer  n'énonce  pas  qu'elles  présentent  des  emblèmes 
gnostiques  ou  prétendus  tels. 

Passant  des  coupes  mystiques  et  gnostiques  aux  calices  du  culte 
chrétien  ,  M.  Hammer  a  fiiit  graver  six  calices  que,  dans  File  de  Malte  , 
on  a  trouvés  sculptés  sur  des  tombeaux;  mais  ces  calices  n'ont  aucun 
rapport  direct  ni  indirect  avec  les  Templiers ,  ni  avec  aucune  secte  anti- 
religieuse. 

Quand  même  des  calices  auroient  été  sailptés  sur  les  tombeaux  des 
Templiers  prêtres,  quand  l'identité  seroit  attestée  et  bien  reconnue» 
fiiudroit-il  en  conclure,  comme  le  fiiit  M.  Hammer,  que  ces  calices , 
signes ,  emblèmes  chrétiens ,  désignoient  les  coupes  mystiques ,  bachiques , 
gnostiques  des  païens  ou  des  sectaires  !  Non  sans  doute  :  M.  Hammer 
avoit  besoin  de  détourner  l'attention  par  un  grand  appareil  d'érudition 


(i)  Nummitm  cum  înscripiione  S.  Simon  et  S.  Judai ,  ira  uih^r  tiuœ fades  sub 
^tna  corcna  i/.v,«j  istos  sanctos  refirent;  aujue  existimat  Goslantnsis qfficwjp  hos 
nummcs  esse,  ijuod  etiam  mihi  placer.  ( Oitonis  Sperlingii....  De  nummorum 
Uractearcrum  et  CaYorum,iZc.  Lubecx,  1700,  /w-^.',  pag.  75.  ) 


MARS    1819.  1)9 

lur  les  coupes  et  les  calices ,  pour  en  venir  au  Saint  GhaAL,  et  pouvoir 
<Jire  que  les  romans  qui  en  parlent  sont  l'histoire  emblématique,  (e 
lyinijole  de  l'ardre  tlu  Temple. 

Flusieurs  romans  de  chevalerie  parlent  du  S.  Graal,  où  delà  sainte 
Coupe  qui  avoir  servi  à  Jésus-Christ  lors  de  la  cérémonie  de  fa  cène 
avec  ses  disctj>les. 

Le  principal  est  intitulé  :  «  L'Histoire  du  saint  greaal,  qui  est 
»  le  premier  livre  dt?  In  Tadle  ronde,  lequel  traicte  de  plusieurs  malières 
"  récréatives  ;  enseiiiiile  la  queste  dudict  sainct  greaal  faicie  par  Lancelot, 
•»  Galaad,  lioors  ei  Pr'rceval,qui  est  le  dernier  livre  de  laTaljle  ronde.  i> 
Ce  roman  a  été  imprimé  en  1  ;  1 6  (  1  ), 

Dans  les  romans  de  LancelOt  du  Lac  [2)  et  de  Perceval  le 
Gallois  (j)  ,  il  est  des  aventures  ûÙ  figure  le  S.  Graal.  11  en  est  aussi 
parlé  dans  des  romans  écrits  en  vieux  allemand  que  M,  I  lammer  ne  cire 
pas,  et  notamment  dans  le  roman  de'I'lTUREL,  où  se  trouve,  selon 
M.  Hammer,  et  d'après  les  corrections  ou  changemens  qu'il  propose, 
Fe  mot  METTE.  Le  S.  Graal  est  désigné  par  le  mol  VESSEL  dans  le  romati 
de  la  Mort  d'Arthur  l\c.  &c. 

Il  seroît  bien  extraordinaire  que  des  romans  entrepris  par  dififérens 
auteurs  ei  en  divers  temps,  et  fiiisant  partie  ou  suiie  d'autres  romans, 
eussent  été  conçus  et  exécutés  dans  un  esprit  allégorique  pour  désigner 
une  doctrine  secrète  et  irréligieuse ,  qu'il  n'est  pas  pei  mis  de  soupçonner 
d'après  l'ensemble  de  la  composition ,  et  moins  encore  d'après  les  détails 
particuliers. 

Les  chevaliers  promettoient  lîdélité  à  Dieu  et  aux  belles;  ils  s'ar- 
moient,  combatioieni  pour  la  religion  et  pour  les  dames.  S'étonnera- t-ou 
que  Ton  ait  regardé  la  recherche-  du  S.  Graal  ou  de  la  sainte  Coupe 
comme  un  exploit  digne  de  la  chevalerie  1 

Les  règles  de  la  critique  exigeoient  que  M,  Hammer  indiquât  quand 
et  par  qui  ont  été  composés  les  romans  qui  parlent  du  S.  Graal.  En 
coniioissant  l'époque  et  les  auteurs,  il  eût  été  plus  aisé  d'établir  une 
opinion  sur  la  doctrine  secrète,  sur  les  allégories  dont  parle  M.  Hammer. 

Les  passages   qu'il   rapporte  sont   bien  loin  de  prouver  un  système 


(1)  On  lit  ffol,  /xx.vii;^.-"  Contme  srre  Robert  de  Berron  qui  cette  histoire 
••  translara  de  laiin  en  François  ;  «  ^fil.  cxj)  ;  ■■  Le  compte  ici  ne  devise  mie  où 
l' ils  le  portèrent,  ne  messire  Robert  de  Boiroii  n'en  fait  mie  ici  mentiorî  ;  » 
(fol.  cxvj  :  <■  Messire  Pierre  de  Bosron  a  translaté  cesic  hystoire  du  latin  en 
«prose  Françoise.  » 

(2)  Edition  dei5î3,/uA  tom.  Il  «  IJI. 
{3)  édition  de  ijîo.jt'/. 


JOURNAL  DES  SAVANS, 
contraire  aux  dogme»  de»  tliréliens,  soit  qu'on  les  ejcamine séparément, 
soit  qii'cii  les  rapprodie  de  l'ensemble  de  chaque  romnn.  Comment 
M.  Hamnier  a-t-iJ  jju  taxer  d'impiété,  d'irréligion,  l'esprit  dans  lequel 
ont  éw  toiiiposé*  des  ouvrages  où  Ign  trouve  par-tout  des  détails  tels 
que  cfux-ci! 

D.ins  (e  roman  duSAlNCT  Creaal,  Notre  Seigneur  visite  Joseph 
d'Artmîlhie ,  emprisonné  pour  l'avoir  descendu  de  la  croix ,  et  lui  donne 
ie  Hanap  ffol.  y  )  ;  lui  ordonne  de  se  faire  baptiser  et  de  prêcher  la  loi 
de  Dieu  (fol,  vu) ).  Le  baptême,  la  messe,  la  communion,  les  prières 
pour  les  morts,  le  signe  de  la  croix,  les  cérémonies  du  culte  chrétien, 
ies  mir;itles,  l'intervention  des  anges,  ne  laissent  aucun  doute  sur  l'esprit 
qui  a  présidé  h  cet  ouvrage.  On  voit  que ,  pour  approcher  du  S.  Graal , 
c'est-i-dire,  pour  partidper  à  l'eucharistie,  tl  faut  en  être  digne.  \2x\, 
personnage  ayant  voulu  voir  de  près  le  S.  Graal,  en  devient  aveugle 
(fol.  XXXV ) ,  mais  est  ensuite  guéri  miraculeusement.  Jo'seph  d'Arimathie 
ayant  établi  la  table  du  S.  Graal,  une  place  resioit  vide  et  représentoit 
celle  où  s'étoit  assis  Jésus-Christ.  Un  jour  un  personnage  désira  s'y 
asseoir;  on  lui  dit  qu'if  devoii  être  très-pur.  «  Ne  te  siez  mye  ici,  si  tu 
»  n'es  tel  que  lu  dois  estre  ;  car  tu  t'en  repentiras ,  et  saiches  que  ce  lieu 
»  n'est  mye  pour  les  pescheurs ,  ains  est  la  signifiante  du  lieu  où  Jhesu- 
ntiriïtse  assisi  le  jour  delà  Cène.»  Il  insista-,  mais  à  peine  assis,  il 
fat  attaqué  par  des  mains  enflammées  qui  l'eniporièrent  (fol,  à'i'})- 

Galaad .  Perceval  et  Boors  et  dix  autres  chevaliers  arrivent  au  château 
de  Corbcnic...  «  Ung  escler  qui  se  boula  pariny  (c  palays  en  telle  sorte 
*>que  les  gens  de  seans  cuiderent  estre  brusiés  et  ars.  .  .  .  Puis  soubdai- 
»  nemeni  vint  une  voix  qui  leur  dist:  ceulx  qui  ne  sont  dignes  d'estre 
nassys  k  la  table  de  Jhesucrist,  se  s'en  voysent,  car  taniost  seront  repeuz 
3>  les  vrays  cliev.iliers  de  viande  celestielle.  .  .  .  Celluy  qui  n'a  esté 
»  conipaignon  dt  la  queste  du  sarnct  Greaal  s'en  voyse  d'ici.  » 

Après  arrive  le  S.  Graul;  l'évéque  Joseph  dit  la  messe,  montre  l'hostie 
en  laquelle  les  assîsians  croient  voir  que  le  pain  avoit  pris  forme 
d'homnie. .  .  Ensuite  le  Sauveur  lui-même  donne  la  coimnunion  à 
Galaad  et  îl  ses  compagnons. 

Dans  les  rumajis  de  LanCELOT  du  Lac  et  de  PERCEVAL  LE 
Gallois,  c'est  toujuursavec  vénération  que  les  auteurset  les  person- 
nages parlent  du  5.  Graal.  I^ncelot.  arrivé  il  Corbenic,  attaqué  de  folie, 
recotvre  sa  rai>on  parla  venu  du  S.  Graal.  «  Et  devant  le  sainct  vaisseau 
»  seoit  d'ung  vieil  homme  revestu  comme  prestre,  et  sembloît  qu'il 
»  fiist  au  sacrement  de  l'auiel,  et  quant  il  deust  inonstrer  COitPUS 
»  OOUlM  ,  &c.  (  Lancelot,  tom.  lll.fol,  cxij.  ) 


MARS   1819.  161 

»  Lors  commença  ses  prières ,  et  disi  :  Or  voy  je  bien  les  grans  mer- 
»  veilles  du  sainct  Graal  ;  si  te  prie,  mon  Dieu,  que  je  trespasse  de  ce  siècle 
»  et  que  mon  ame  voise  en  paradis....  Le  preudhomme  qui  estoit  revestu 
^  en  semblance  d'évesque,  print  le  corpus  domini  et  le  bailla  à  Galaadp 
»  et  il  le  receut  en  moult  grant  dévotion  {ibid.  tom.  III,  fol.  cxv  ).  » 

On  me  pardonnera  ces  citations;  elles  étoient  nécessaires  pour 
détruire  de  fond  en  comble  le  système  de  M.  Hammer.  Que  les  divers 
chevaliers  qui  cherchoient  le  S.  Graal  fussent  des  Templiers  ou  des  gueiv 
riers,  qu'importe  \  Si  c*étoient  des  Templiers,  ces  romans  déposeroient 
en  &veur  de  leur  doctrine  religieuse. 

M.  Hammer  a  cru  tirer  im  grand  parti  du  passage  suivant:  ce  Comme 
M  le  S.  Graal  vint  à  Tramelot  le  jour  de  la  Pentecôte.»  II fôt  remarquer 
que  la  fête  du  S.  Graal  n'étoit  pas  célébrée  au  jour  de  la  Féte-Djeu, 
mais  à  celui  de  la  Pentecôte.  Si  par  cette  coupe,  dit-il,  on  avoit  dû 
entendre,  ainsi  que  quelques-uns  Font  supposé,  le  calice  du  Seigneur.» 
la  fète  eût  été  célébrée ,  ou  au  jour  de  la  Fête-Dieu,  ou  au  Jeudi-Saint, 
et  non  au  jour  de  la  Pentecôte,  que  les  Gnostiques  regardoient  comfne 
très-saint,  comme  le  jour  du  Saint-Esprit,  lequel  étoit  pour  les  Gnos- 
tiques SOPHi  A ,  et  pour  les  Templiers  mete. 

Je  répondrai  à  M.  Hammer,  i.*  que  le  roi  Arms  tenoit  sa  cpur 
plénière  aux  grandes  fêtes  de  Tannée ,  et  qu'ainsi  il  n'est  pas  surprenant 
que  le  S.  Graal  soit  arrivé  à  la  Pentecôte  ;  2.**  que  Tauteur  du  roman  ne 
pouvoit  choisir  le  jour  de  la  fête  de  Dieu,  qui  n'étoit  pas  instituée. du 
temps  du  roi  Artus;  3.**  que,  n'ayant  été  instituée  qu'en  1264  par 
Urbain  IV,  Fauteur,  qui  a  très* vraisemblablement  écrit  avant  cette 
époque ,  n'a  pas  pu  en  parler. 

M.  Hammer  corrige,  dans  le  roman  de  TIturel,  le  mot  KEFFÇ 
TAVELN  que  porte  Fimprimé ,  en  mette  taveln. 

Je  ne  vois  pas  ce  que  son  système  gagneroit  à  cette  correction  :  il  n^ 
pourroit  plus  être'  question  ici  du  METE ,  metis  grec  ;  mais  il  s'agiroît 
sans  doute  du  mete  anglo-saxon ,  qui  signifie  CIBUS ,  ESCA.  La  traduo- 
tion  anglo-saxonne  du  Nouveau  Testament  rend  ciBUS  par  mete.  On 
y  lit  :  Min  kfœrc  ys  mete. 
Mea  caro   est  cibus. 

II  me  reste  à  discuter  l'article  de  l'accusation  de  M.  Hammer  relatif 
aux  sculptures  trouvées  dans  les  églises  des  Templiers  ou  qu'il  dit  ayoir 
appartenu  aux  Templiers,  et  à  examiner  quelques  points  particuliers;  ce 
que  je  ferai  dans  un  prochain  numéro. 

RAYNOUARD. 


i^i  JOURNAL  PES  SA  VANS» 

RBCtiEKKBS  SVR  LES  BisuoTHÈdOES  anciennes  et  modernes, 
jus^'à  ta  Jbndation  de  la.  Bibfioéè^ue  Maiarine,  et  sur  les 
causes  ^tii  ont  fàvorhi  T accroissement  succès^  du  nombre  des 
livres;  par  M.  Louia  Ch.  Fr.  Petit-Iladcl.  membre  de  i'/ns- 
tàUU  (Académie  royale  des  iascriptiùas  et  UUes-lettres ) ,  admi- 
m^ateur  perpétuel  de  la  Biél/etÂê^e  Maiarine.  Paris  , 
Imprimerie  de  Chanson,  librairie  de  Rey  et  Gravier,  quai 
des  Augustins ,  n.**  5  5  ,  1 8 1  jr  ^  *u-S/  »  44^  P^gcs,  avec  les 
ponraits  de  Mazarin,  Colben,  Kaudé,  Hooke,  et  deux 
plans  des  galeries  de  la  Bibiiotbèquea  Mzarine.  Prix  8  fr. 

M.  Petit-Radel  n'avoit  d'abord  entEepds  qu'une  notice  faistoiique 
sûr  rétabliuement  confié  &  ses  soiae  :  mais  ses  legards  se  sont  bientôt 
portés  sur  tous  tes  dépâu  dki  même  genre,  tant  anciens  que  modenjei; 
et ,  ce  qui  n'arrive  pas  toujpurs,  en  i^;riindi»sam  ton  travail,  il  l'a  cenda 
beaucoup  plus  udie.  On  ne  manqmût  pas  d'ouvrées  plus  ou  moios 
ikutnictifs  sur  la  fondatîoa,  la  duràe,  la  destfucdon  des  bîbliotfièques 
de  tous  les  pays  et  de  tous  les  âges.  Le  P.  Jacob,  le  GaHois,  Lomeier 
lur-tout  (i),  et  les  historiens  pardoiliers  deceruùns  étabtîs&emens,  ont 
»  traité  et  presque  épuisé  cette  matière  :  mais ,  en  général,  ih  ont  trop 
peu  redierdié  en  quoi  consi&toient  la  richesse  réeUe  et  rutiMté  iramé- 
atate  de  ces  dégôLs;  il  quel  point  ils  étoient  accessibles,  quels  livies 
its  contenoient,  quels  secours  ils  o&oieot  au  développement  cfes  talens.» 
au  progrès  des  connoîssances.  L'attention  de  M.  Fetit-Radel  s'est  prin- 
cipalement dirigée  sur  ces  points  importans  ;  et  c'est  ce  qui  distinguera 
^S6n  ouvrage  de  tous  ceux  mii  portent  \  peu  près  le  même  titre. 

Dans  une  première  section,  il  jette  un  coup-d'oeil  rapide  sur  les 


MARS    iStg.  i^j 

et  de  Rome,  de  celle  inénie  d'Alexandrie,  sur  laquelEe  J.  Frétf.  Gro- 
novJus ,  Kuster  et  Bonanry  ont  publié  des  dissertalions  savantes  (  i  ],  Ce 
que  M.  Petil-Radels'altaclie  il  montrer,  c'est  qu'AHsiole,  Caton,  Denys 
d'Halicarnasse,  Sirabon  ,  Pline,  Plutarque,  ont  eu  besoin  d'un  très- 
grand  nombre  de  livres  pour  composer  les  leurs:  ii  trouYc  même,  dans 
les  épilhèies  historiques  et  géographiques  emjloyées  par  Virgile  et 
par  Silius  Italicus,  la  preuve  d'une  érudition  puisée  auic  sources  les  pfos 
reculées.  Un  fait  encore  plus  certain,  c'est  que  les  premiers  écrivains 
ecclésiastiques,  Jusiin,  Théophile  d'Anlioche,  Tatien,  Clément  d'A- 
lexandrie, Origène,  Eusèbe,  avoient  à  leur  disposition  touies  les  produc- 
tions littéraires  des  âges  précédens,  celles  qui  nous  sont  restées  et 
plusieurs  de  celles  dont  nous  regrettons  la  perle.  S.  Augustin  en  cite 
aussi  un  grand  nombre  dans  sa  Citî  de  Dieu,  et  il  nous  apprend  ail- 
leurs qu'il  existoît  une  bibliothèque  à  Hippone.  Le  pape  Hilaire  en 
fonda  une  à  Saint-Jean  de  Latran  :  celle  qu'Isidore  de  Pelure  enttetenoi( 
dans  son  monastère,  éloit  riche  en  auteurs  profanes,  si  nous  en  jugeons 
par  les  citations  dont  il  a  rempli  ses  propres  épîtres.  Il  seroii  difficile 
de  remonter  à  Torigine  des  coliections  du  même  genre  formées  dans  les 
Gaules  :  mais  Sidoine  Apollinaire,  qui,  lui-même,  avoii  sans  doute  ras- 
semblé beaucoup  de  livres  classiques,  puisqu'il  en  fait  un  fréquent 
usage,  parle  avec  éloge  des  bibliothèques  particulières  de  quelques- 
uns  de  ses  contemporains,  tels  que  Loup  ,  professeur  h  Pcrigueux} 
Rurice,  évéque  de  Limoges;  Philagre,  qui  enseignoit  les  belles-lettres; 
et  sur-tout  le  préfet  Tonance  Ferréol.  La  bibliothèque  de  ce  préfet, 
poétiquement  comparée  par  Sidoine- à  celle  d'Akxandrie ,  éloit  divisée 
en  trots  parties;  l'une  pour  les  femmes,  fauire  pour  les  savans,  et  fa 
troisième  pour  le  commun  des  lecteurs.  M.  Petit-Radel  extrait  des 
ouvrages  de  Cassiodore  et  d'Isidore  de  Séville  les  noms  des  auteurs 
grecs  et  latins  connus,  au  VI.'  et  au  VU.'  siècles,  chez  les  Goths  et 
chez  les  Espagnols.  Mais  déjà  quelques  anciens  auteurs  commencent 
à  disparoîlre  :  Strabon,  par  exemple,  cité  par  Cassiodore,  ne  Test  plus 
par  Isidore,  qui  nomme  Ptolémée  et  copie  Sojin.  Plusieurs  autres 
lumières  antiques  s'éteignent  ou  s'éclipsent  au  viii.'siècle,  où  pour- 
tant M.  Peiit-Radel  retrouve  encore,  au  sein  de  la  barbarie,  des 
vestiges  d'instruction  et  des  restes  de  collections  littéraires. 

La  seconde  section  est  intitulée  ;  Aperça  dfs  anciermes  hibltothiqurs 
de  France,  entre  le  IX.'  et  te  Xlîi!  siècles,  c'est-à-dire,  entre  les  années 


(i)  Antiq.  Gracar.  tom.  VIII.  - 
et  bcUes-lettres ,  lom.  X. 


■  Mémoire}  de  FAcadémie  dei  [nscriptioni 


\ 


i6i  JOURNAL  DES  SAVANS, 

800  et  1 201.  En  8i4>  la  bibliothèque  de  Pontivi  ne  contenoitque 
deux  cents  volumes;  et  cependant  fauteur  Findique  comme  la  plus 
considérable  ^ui puisse  être  citée  au  moyen  âge.  Ce  qui  est  incontestable, 
c'est  que  les  livres  et  les  études  s'éioient  réfugiés  dans  les  monastères  : 
là,  des  collections,  d'abord  bien  modiques,  mais  conservées  avec  un 
soin  religieux,  se  sont  successivement  enrichies  de  nouvelles  copies  des 
anciens  ouvrages,  d'essais  divers  de  traductions,  et  de  productions  nou- 
velles, soit  en  langue  latine,  soit  en  langues  vulgaires.  Pour  nous 
donner  une  idée  de  la  composition  des  bibliothèques  de  cet  âge, 
M.  Petit-Radel  conthiue  de  recueillir  des  renseignemens  de  tout  genre , 
témoignages  des  historiens  co;itemporains  ,  catalogue;  complets  ou 
partiels,  citations  répandues  dans  les  écrits  de  Lx>up,  abbé  de  Ferrières; 
de  Raban-Maur,  abbé  de  Fulde  ;  de  Fréculphe,  évéque  de  Lisieux  ; 
de  Gerbert  ou  Silvestre  II,  de  Jean  de  Salisbury^  de  Pierre  le  Chantre  et 
de  Pierre  de  Blois.  Photius  seul  nous  a  laissé  des  extraits  de  plus  de  deux 
cents  auteurs;  mais  M.  Petit-Radel  ne  s'occupe  particulièrement  que 
des  livres  alors  connus  dans  la  Gaule  :  ce  sont  ceux-là  qu'il  nomme  ou 
qu'il  désigne.  II  fait  remarquer,  par  exemple,  que  Quintiiien  étoit  lu  en 
France  au  ix.'  siècle,  et  que  Martianus  Capella  a  commencé  de  s'y 
introduire  au  x.*;  il  croit  aussi  qu'on  y  possédoit,  non-seulement  FHis- 
tpire  des  Goths  par  Jornandès ,  mais  ce  qu'avoifnt  écrit  sur  ce  même 
peuple  Dion  Cassius  et  Ablavius.  Parmi  les  faits  de  cette  nature  qui 
sont  ici  rassemblés,  les  uns  sont  immédiatement  donnés  par  les  ihonu- 
tnens  ;  il  a  faXlxx  une  grande  sagacité  pour  apercevoir  et  rapprocher  les 
autres.  On  regrettera  peut-être  que  fauteur  ait  joint  quelquefois  aux 
résultats  de  ses  propres  recherches  certains  détails  inexacts,  empruntés 
de  recueils  qui  méritoieni  peu  sa  confiance.  II  dit,  par  exemple,  que 
Jean  de  Salisbury  étoit  frère  utérin  du  pape  Adrien  IV,  et,  sans 
transcrire  aucun  texte,  il  renvoie,  comme  on  l'avoit  fait  avant  lui,  au 
chapitre  4^  du  livre  m  du  Métalogue.  Or,  dans  ce  chapitre ,  Jean  de 
Salisbury,  parlant  en  effet  d'Adrien  IV,  s'exprime  en  ces  termes  :  Cùm 
aiim  matrem  habent,  et  fratrem  uterinum  me  quhm  illos  arctiori  diligebat 
affectu;  c'est-à-dire  :  Quoiqu'il  eût  une  mère  et  un  frère  utérin,  il  avoîl 
pour  moi  une  amitié  plus  intime  que  pour  eux-mêmes.  Ces  paroles» 
loin  d'attester  que  Jean  fût  le  frère  d'Adrien,  disent  précisément  tout 
fe  contraire.  Mais  on  a  détaché  de  ce  texte  les  mots  cùm  haberet 
{Adiisinus)  fratrem  uterinum  me,  et  rapporté  fort  mal  à  propos  le  dernier 
aux  deux  prccédens.  Nous  avons  déjà  relevé  ailleurs  (1)  cette  méprise, 


(1)  Hist.  littér.  de  la  France,  tom,  XII  1,  pag.  2Sjf, 


MARS    1819.  1^5 

née,  comme  tant  d'autres,  d'une  citation  incomplète.  Du  reste,  ce 
détail  ne  tient  aucunement  au  fond  du  sujet  que  traite  M.  Petit-Radel  ; 
et  c'est  pour  cela  qu'il  a  négligé  de  le  vérifier. 

L'histoire  des  bibliothèques  de  France  est  continuée ,  dans  la  troisième 
section,  depuis  le  commencement  du  xiii.*  siècle  jusqu'au  milieu  dii 
XV.^  S.  Louis  en  établit  une  à  la  Sainte- Chapelle ,  et  la  rendit  accessible 
aux  savans,  aux  professeurs,  auxétudians  même:  elle  le  fut  sur-tout  à 
Vincent  de  Beauvais  ;  et  l'on  auroit  lieu  de  croire  qu'elle  étoit  extrême- 
ment riche,  si  i'on  pouvoit  supposer  qu'elle  contînt  tous  les  livres  cités» 
extraits ,  copiés  par  cet  auteur  dans  ies  quatre  parties  de  sa  compilation 
encyclopédique.  Mais  Vincent  aVoit  visité  plusieurs  autres  dépôts  de 
manuscrits,  particulièrement  celui  de  Saint-Martin  de  Tournay.  Quoiqu'il 
en  soit,  fa  bibliothèque  de  S.  Louis  est  en  France,  peut-être  même  en 
Europe,  le  premier  exemple  d'une  bibliothèque  publique  :  mais  ce  n'est 
pourtant  pas  le  germe  de  la  Bibliothèque  royale  ;  car  S.  Louis ,  par  son 
testament ,  décomposa  cette  collection  modique  ,  en  la  distribuant  entre 
les  Franciscains,  l'abbaye  de  Royaumont  et  les  Jacobins  tant  de  Paris 
que  de  Compiègne.  On  ne  découvre  aucun  dépôt  semblable  sous 
Pfiilippe  III,  et  il  n'est  pas  certain  que  celui  qu'avoit  commencé,  Phi- 
lippe IV  se  soit  conservé  après  sa  mort.  Du  reste ,  les  autres  princes  chré- 
tiens n'en  possédoient  encore  aucun  dont  l'histoire  fasse  mention.  C'étoit 
toujours  dans  les  monastères  que  s'entretenoient  et  s'enrichissoient  des 
bibliothèques  proprement  dites.  M.  Petit-Radel,  si  le  plan  de  son  ouvrage 
avoit  admis  des  détails  sur  ces  établissemens ,  auroit  pu  distinguer  ceuxque 
formèrent  les  Dominicains  et  les  Franciscains  qui  venoient  d'être  institués. 
Ils  étoient ,  de  tous  les  religieux  de  cette  époque ,  ceux  qui  sentoient  fe 
mieux  le  prix  des  richesses  littéraires  et  qui  les  recueiiloient  avec  le  plus 
d'ardeur.  Les  Dominicains  de  Toulouse  se  construisirent  une  librairie 
qu'ils  ouvroient  aux  autres  ecclésiastiques  de  cette  ville,  tant  réguliers  que 
séculiers.  Les  soins  à  prendre  pour  l'entretien  et  l'augmentation  de  ces 
dépôts  sont  prescrits  dans  les  actes  des  chapitres  que  les  religieux  de  cet 
ordre  tinrent  à  Paris  en  1^39»  à  Toulouse  en  1258.  Toutefois  les 
monastères  plus  anciens  possédoient  aussi  beaucoup  de  livres,  soit  acquis 
de  leurs  propres  fonds,  soit  transcrits  par  les  religieux,  soit  enfrn  légués 
par  des  prélats  ou  d'autres  personnes.  Ces  legs,  dont  fe  xni.*  siècle  oflfre 
un  grand  nombre  d'exemples,  prouvent  que  beaucoup  d'hommes  lettrés 
avoieiit  des  bibliothèques  particulières.  Le  Nécrologe  de  Sainte-Gene- 
viève indique  en  détail  les  bibles,  les  psautiers,  les  ouvrages  théolo-» 
giques,  les  traités  de  médecine,  et  spécialement  ceux  d'Avicenne ,  donnés 
à  cette  abbaye,  dans  le  cours  de  ce  siècle^  par  l'abbé  Odon^  par  des 


i66  JOURNAL  DES  SAVANS, 

chanoines  réguliera  et  par  cfautres  bienfaiteurs.  On  aperçoit  dès  cel 
mêmes  temps  l'origine  de  la  bibliothèque  de  faSoffaoïme:  le  P.  Echard 
a  publié  une  notice  des  legs  qui»  avant  i  }oi ,  avoient  successivement 
contribué  à  la  former.  Le  catalogue  des  mille  volumes  qui  la  compo- 
soient ,  fut  rédigé  en  1 29 z.  On  a  conservé  celui  que,  trois  ou  quatre  ans 
auparavant  t  les  religieux  du  Val  des  écoliers  avoient  fait  de  ieurs  propres 
fivres ,  dont  le  nombre  étoit  de  trois  cents. 

Au  XI  v/  siècle ,  Charles  V  plaça  dans  une  tour  du  Louvre  une  biblio- 
thèque dont  le  catalogue  y  rédigé  en  1373  par  Gilles  Maiiet,  présente 
oeuf  cents  articles.  La  plupart  des  faits  relatifs  à  cet  établissement  sont 
exposés  dans  une  dissertation  de  Boivin  (  i  ) ,  dans  les  histoires  de  la  ville 
de  Paris  »  dans  un  Essai  historique  sur  la  Bibliothèque  du  Roi ,  publié  en 
1782  (2).  M.  Petit-Radel  fait  observer  qu'à  l'exception  d'un  Tite-Live, 
d'un*Valère*Maxiine,  d'un  Lucain»  d'un  Boèce,  des  versions  latines 
d'Euclide  et  de  FAlmageste  de  Ptoiémée ,  tous  les  articles  du  catalogue 
de  137}  sont  des  ouvrages  composés  ou  traduits  en  langue  vulgaire. 
Cette  remarque  a  pour  but  de  montrer  à*Ia-fbis  les  progrès  de  cette 
langue ,  et  le  soin  qu'on  prenoit  d'offrir  des  moyens  directs  d'instruction 
aux  personnes  qui  ne  savoient  pas  les  langues  anciennes.  Maïs  les 
hommes  véritablement  instruits  continuoient  d'attacher  un  grand  prix 
aux  livres  classiques ,  grecs  et  latins.  Pétrarque  les  fàisoit  rechercher  en 
France,  en  Angleterre ,  en  Italie ,  en  Grèce  :  ses  écrits  prouvent  qu'il  en 
tvoit  lu  un  grand  nombre  ;  et  parmi  les  auteurs  qu'il  cite,  on  rencontra 
Censorin ,  qui  »  depuis  Cassiodore,  n'avoit  reparu  nulle  part. 

Dans  le  cours  du  xv.*  siècle ,  Ambroise  le  Camaldale^NkcIi»  Aurispa 
et  lePogge,  ont  découvert  des  manuscrits  précieux,  et  remis  en  lumière 
quelques-uns  des  trésors  de  l'antiquité.  Toutefois  M.  Petit*R«deI  pense 
q[u'on  a  exagéré  les  services  rendus  par  le  Pogge.  Il  est  vrai  que  ce 
Ottérateur  a  retrouvé  Asconius  Pedianus,  Silhis  Italicus ,  Vaierius  Flaccus» 
Ammien-Marcellin ,  les  trois  grammairiens  Caper,  Eutychioset  Probus} 
mais  si  l'on  veut  ajouter  à  cette  liste  les  noms  de  Lucrèce,  de  Maniliusi 
de  Frontin ,  de  Noimius  Marcellus  et  de  Quintilien ,  il  convient  d'observer 
en  même  temps  que  le  premier  de  ces  auteurs  avoit  été  cité  par  Raban* 
Maur  au  JX.""  siècle,  le  second  par  Gerbert  au  x.*,  le  troisième  et  le 
quatrième  par  Jean  de  Salisbury  et  Pierre  de  Blois.  A  Tégard  de  Quiit- 
Ulien ,  M.  Petit-Radel,  après  avoir  rappelé  que  ce  rhéteur  étoit  connn  da 
Loup  de  Ferrières  vers  Tan  8  ;  o ,  dit  qu'il  se  retrouvoit  quatre  cents  ani^ 


{1)  Académie  des  inscriptions  et  bellec-Iettres  1  tom,  /. 
(a)  Par  M.  le  Prince.  A  Paris,  petit  ia-iz. 


MARS   1819.  167 

pfus  tard  entre  les  mains  de  Vincent  de  Beauvais.  II  pouvoit  ajouter  avec 
Bayle  (i),  que»  plus  tard  encore,  Pétrarque  avoit  eu  sous  les  yeux  une 
copie  des  Institutions  oratoires  »  mais  informe  et  incomplète*  Tels^toient, 
à  ce  qu'il  semble,  tous  les  manuscrits  de  Quintilien  dont  on  se  servoit 
en  Italie.  Le  seul  mérite  du  Pogge  fut  d'en  découvrir  un  meifleiiVi 
enseveli  dans  Tabbaye  de  Saint-Gai,  sous  la  poussière,  au  fond  d'une 
sorte  de  cachot  o&  Ton  n'eût  pas  même  voulu  jeter  des  condamnés  à 
mort  (2j«  Du  restée  il  existoit  plusieurs  autres  bons  manuscrits  de> 
Quintilien  qui  se  retrouvent  aujourd'hui  dans  les  bibliothèques  d'Oxford, 
de  Cologne ,  de  Berne  et  de  Paris. 

Entre  les  découvertes  du  même  genre  dont  parle  ici  M.  Petit-Radel, 
nous  ne  nous  arrêterons  plus  qu'à  celle  de  l'ouvrage  de  Strabon.  «  II 
9»  n'avoit  jamais  été  quesdon ,  dit-il ,  en  France  ni  en  Italie ,  de  cet  auteur  ; 
»  car  toute  la  géographie  du  moyen  âge  étoit  uniquement  fondée  sur 
»  celle  de  Ptolémée.  Strabon  demeuroit  iiftonnu  depuis  Jornandès ,  qui 
»  le  cftoit  au  y  1/  siècle  chez  les  Goths ,  et  qui  se  l'étoit  Étalement  procuré, 
»  à  raison  dp  la  proximité  des  rapports  de  ce  peuple  avec  la  Grèce,  oii 
»  cet  auteur  n'avoit  plus  été  cité  depuis  Suidas  au  ri/  siccU  encore ,  si  ce 
»  n'est  par  Eustathe  de  Thessalonique  au  xil/»  L'époque  de  Suidas 
n'est  pas  trèsr&dle  à  déterminer  ;  mais  on  a  coutume  de  le  placer  au  x/ 
ou  même  au  XIL.'  siècle,  et  M.  Petit-Radel  n'indique  pas  les  moti&  qui 
le  déterminent  à  le  croire  beaucoup  plus  ancien.  Au  surplus ,  ceci  ne 
touche  point  à  la  question  qu'il  examine ,  savoir  par  qui  Strabon  a  été 
retrouvé  ou  apporté  en  Italie.  II  prouve  qu'il  conviendroit  d'attribuer 
cette  découverte  à  Cyriaque  d'Ancône  bien  plutôt  qu'à  Aurispa  :  mai^  il 
a  reconnu  depuis  la  publicadon  de  son  livre,  que  c'étoit  François  Philelphe 
qui  rendit  aux  études  géographiques  cet  éminent  service  (3). 

La  troisième  section  de  son  ouvrage  se  termine  par  quelques  détails 
sur  la  bibliothèque  du  Vatican,  et  par  un  tableau  chronologique  des 
incendies  qui  ont  consumé  vingt-cinq  bibliothèques  précieuses,  depuis 
celle  d'\Iexandrie  jusqu'à  celle  de  Saint-Gerraain-des-Prés. 

Void  le  titre  de  la  quatrième  section  :  Aperça  de  l' accroissement  des 
livres  aux  xv!  et  XV l!  siècles^  depuis  la  découverte  de  l'imprimerie  ;  son 

(l)  Dictionn*  art.  QuintUien.  n.  C* 

(1)  Lettre  ds  Pogge,  publiée  par  Mucatori,  Script.  Ital  U  XX,  p,  160;  — 
par  mabjUon,  Mus,  liai  A  J,p.  ut, 

(3)  Dans  use  lettre  écrite  en  1428  ou  14^9,  Fr.  Philelphe  s'exprime  en  ces 
termes  :ytfi!foj(iibrof)  nonnuUos  per primas  exB/^antîo  Venetorum  naves  opperior, 
Hi  autem  sunt  Pbtinus,  jElianus,  ....  Strabo  geographus  ,  <fc,  lib.  XXII  ^ 
epist.  3^^  cd.  Laur.  Alehus.  (  Note  communiquée  par  M,  Pctit-RadeI.J 


i68  JOURNAL  DES  SAVANS, 

application  en  France  à  l* instruction  la  plus  générale  ;  effets  qu^ elle  produisit 
dans  les  prix  comparés  des  livres  manuscrits  et  imprimés.  L'auteur  avoue 
que  Pie  II,  dont  le  pontificat  coïncide  avec  les  premiers  essais  de 
rimprimerie ,  ne  favorisa  point  du  tout  le  progrès  de  ce  nouvel  art ,  et  ne 
prit  d'ailleurs  aucun  soin  de  la  bibliothèque  du  Vatican  »  ne  sachant 
trop ,  disoit-il ,  si  les  collections  de  livres  sont  plus  utiles  que  nuisibles 
aux  affaires  humaines  ( i )  :  opinion  qui  peut  sembler  étrange  dans  lun 
des  esprits  les  plus  cultivés  du  xv/  siècle  ,  mais  qui  depuis  s'est 
quelquefois  reproduite ,  quoique ,  en  général ,  elle  ait  été  de  plus  en  plus 
abandonnée  ou  désavouée  par  les  souverains  et  par  les  hommes  d'état, 
à  mesure  que  les  lumières  publiques  se  sont  propagées  et  agrandies.  Mais^ 
cette  quatrième  section  est  sur-tout  remplie  de  tableaux  fort  métho- 
diques et  fort  instructifs,  qui  font  connoître  les  villes  de  l'Europe  où  Tart 
typographique  s'est  introduit  avant  1 4/4  \  I^^  villes  de  France  où  il  a 
été  pratiqué  de  i  ^70  à  1  f  00  ;  le  nombre  des  éditions  et  même  des 
exemplaires  qu  il  a  pu  répandre ,  soit  dans  les  cinquante  dernières  années 
du  xv/  siècle,  soit  dans  les  trente-six  premières  du  xvi.*;  quelques-uns 
des  ouvrages  dont  il  a  multiplié  les  copies;  enfin,  d'une  part,  les 
différens  prix  que  les  manuscrits  coûtoient ,  depuis  le  règne  de  S.  Louis 
jusqu'à  celui  de  Louis  XI  ;  de  l'autre,  les  prix  des  livres  îftiprimés  durant 
le  premier  siècle  de  l'ère  typographique.  Ici ,  comme  on  voit ,  les  détails 
se  pressent ,  et  nous  ne  pourrons  nous  arrêter  qu  au  très-petit  nombre  de 
ceux  sur  lesquels  il  nous  est  resté  des  doutes. 

Al.  Petit-Radel  ne  s'étant  occupé  que  des  éditions  de  livres  classiques, 
on  ne  rencontre  ici  dans  la  liste  des  villes  où  l'imprimerie  s'est  établie 
avant  i474  9  ni  Bamberg,  dont  on  a  des  éditions  datées  de  1^61  et 
1462  (2)  ;  ni  Cologne,  qui  en  fournit  aussi  de  très-anciennes^  une  entre 
autres  datée  de  1 466  et  décrite  dans  le  Catalogue  du  lôrd  Spencer  (3)  ;  ni 
Bâle  et  Nuremberg,  oùl'on  impriinoiteni47oet  peut-être  auparavant  (4)  • 

ce  Paris  commence,  dit  M.  Petit-Radel,  entre  i470  et  i472f  psu:îa 
publication  de  Thistorien  Florus.  »  Florus  est  en  effet  l'un  des  premiers 
auteurs  classiques  imprimés  dans  la  maison  de  la  Sorbonne  ;  fnais  on  a  Eeu 

(i)  jCn,  Siivii  Cosmographia,  c.  72. 

(2)  Notice  d'un  livre  imprimé  à  Bamberg,  par  Camus,  1799»  '''•^••/  et 
tome  II  des  Mémoires  de  la  classe  de  littérature  et  beaux -arts  de  nnstitut, 

(3)  Chrj'sost.  super  Ps.  50.  Coloniœ ,  Ulrîc  Zeii^  1^66,  in-^.*  Voy.  p.  190 
du  tom.  1  de  la  B'ibli,  Spenceriana^ oradescript.  catalogue d^c,  London,  tSt^, in-S^ 

(4)  Bible  imprimée  à  Bâle  (  1460  à  1465  ),  voy.  Braun ,  Notifia  de  libris  Ù'c, 
Fascic.  I ,  pag,  jj  et  j^.  —  Fr.  de  Retza,  Ôomestorium  vitiorum,  Norimtergœ, 
i^yo ,  in  -fuL 


MARS.  1819.  1^9 

de  considérer  comme  fa  première  de  toutes  les  éditiohs  faites  en  ce  lieu, 
celle  des  ^pitres  de  Gasparin  Barîxzi ,  qui  est  terminée  par  ces  vers 
adressés  à  la  ville  de  Paris  : 

.  •  •  •  Primos  ecce  libres  quos  hœc  industrta  finxît 
Francorwn  in  terris,  œdîbus  atque  tuis. 
Alichaë/,  Udalricus  Afartinusque  magistri  ? 

Mos  nnpresserunt  acfacient  altos. 

Nous  écartons  plusieurs  observations  du  même  genre»  pour  en  sou- 
mettre une  plus  importante  à  l'examen  de  M.Petit-Radel  (  i  ].  Elle  a  pour 
objet  le  calcul^  des  éditions  et  des  exemplaires  sortis  des  presses  du 
xv/ siècle.        *. 

A  la  tète  du  cinquième  tome  des  Gloses  de  Nicolas  de  Lyra  sur  I& 
Bible ,  imprimé  à  Rome  en  1 4/2 ,  on  lit  une  épître  dédicatoire  à  Sixte  IV» 
dans  laquelle  Jean  d'André ,  évèque  d'AIerja ,  rend  compte  »  au  nom^ 
des  imprimeurs  Sweynheym  et  Pannartz ,  de  tous  leurs  travaux  précé- 
dens ,  en  indiquant  le  nombre  d'exemplaires  qu'ils  ont  publiés  de  chaque 
ouvrage.  Ce  nombre  est  ordinairement  de  deux  cent  soixante-quinze; 
quatre  fois  il  s'élève  à  trois  cents,  six  fois  à  cinq  cent  cinquante,  deux 
fois  à  huit  cent  vingt-cinq,  et  deux  fois  à  onze  cents.  M^Petit-Radel  en 
déduit  un  terme  moyen  qu'il  fixe  à  quatre  cent  trente-cinq;  et,  multi- 
pliant par  ce  nombre  celui  des  éditions  antérieures  à  1 501 ,  lequel  est 
de  quatorze  mille  sept  cent  cinquante  dans  le  catalogue  de  Panzer,  jl 
conclut  qu'on  avoit  imprimé  avant  la  fin  du  xv/  siècle  cinq  millions 
cent  cinquante-trois  mille  volumes  ou  exemplaires. 

Le  tableau  qui  sert  de  base  à  ce  calcul ,  a  été ,  si  nous  ne  nous  trom- 
pons nousrmèmes^  fort  mal  compris  par  les  bibliographes  qui  l'ont  cité- 
Avant  1472,  Sweynheym  et  Pannartz  avoient  déjà  imprimé  deux  fois 
Virgile  :  le  tableau  ne  distingue  pas  ces  deux  éditions  ;  il  les  réunit  en  un 
seul  article ,  et  compte  en  somme  cinq  cent  cinquante  exeipplaires ,  c'est- 
à-dire  y  deux  fois  deux  cent  sobcante-quinze  :  P,  VirgUii  operum  omnium 
voluniina  quingenta  quinquaginta.  Il  cumule  pareillement  \ts  trois  éditions* 
de  l^ctance  données  en  14^; ,  i4^8  et  i470 ,  pour  en  former  le  total 
huit  cent  vingt-cinq,  dont  deux  cent  soixante-quinze  est  le  tiers  ;  Lactantii 
Firmiani  Jnstitutionum  &c.  volumina  octingenta  viginti  quinque.  Il  n'y  a  non 
plus ,  pour  les  oeuvres  de  S.  Jérôme ,  qu'une  seule  ligne  conçue  en  ces 
termes  :  D.  Hieronymî  enîstolaVum  et  libellorum  volumina  mille  et  centum» 
Or  ces  oeuvres,  publiées  deux  fois  par  ces  mêmes  imprimeurs,  étoientf 
dans  chacune  des  deux  éditions,  divisées  en  deux  volumes  que  les  sous- 

(  I  )  lia  bien  voulu  adopter  cette  observation ,  dans  les  additions  qu'il  a  jointet 
f  son  ouvrage* 

T 


»70 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


criptionsdisiinguoieiil  expressément:  Explicit primum  volamtn,  Explicil 
stsundum  volumtn.  Voilà  comrnent  !e  total  des  voluines  de  S.  Jérôme 
s'iJève  à  onze  cent  ou  quatre  fois  deux  cent  soixante-quinze.  A  l'excep- 
tion de  quatre  articles,  doiu  Je  premier  est  le  Dcn^ius pro  puerufis ,  eiqai 
ont  été  tirés  à  trois  cents,  (e  nombre  deux  cent  soixante-quinze  se 
retrouve  par-tout,  si  l'on  divise,  comme  nous  croyons  qu'il  convient  de 
le  faire,  cliaqiie  total  exprimé  dans  ce  tableau  sommaire,  par  le  nombre 
des  éditions,  ou  par  celui  des  volumes,  ou  k-Ia  fois,  quand  il  y  a  lieu,  . 
par  l'un  et  par  l'autre  de  ces  nombres.  Loin  doncqu'il  y  ait  lieu  de  prendre 
ici  pour  terme  moyen  quatre  cent  ireniecinq,  le  nonUire  trois  cents 
n'est  lui-même  qu'un  maximum  assez  rare,  et  deux  cent  soixante-quinze 
est  le  taux  ordinaire. 

On  sent  que  cette  réduction ,  appliquée  aux  quatorze  rhille  sept  cent 
cinquante  éditions  du  xv.'  siècle,  diminueroit  de  plus  d'un  tiers  le  total 
de  cinq  millions  cent  cinquante- trois  mille  exemplaires  auquel  M.  Petit- 
Radel  arrive  :  mais  il  nous  paroît  fort  probable  qu'après  i472  les 
tirages  se  seront  souvent  élevés  au-delà  de  deux  cent  soixante-quinze 
ou  même  de  trois  cents.  D'un  autre  côté,  il  s'en  faut  que  le  nombre 
de  quatorze  mille  sept  cent  cinquante  éditions  soit  d'une  exactitude 
rigoureuse.  Les  bibliographes  continueront  long-temps  de  trouver  des 
additions  et  des  retranchemens  à  faire  au  catalogue  de  Fanzer,  quoiqu'il 
soit  le  fruit  des  soins  les  plus  laborieux  et  d'une  patience  extrême.  Si 
^Ton  voiiloil  s'en  tenir  à  un  minimum  incontestable,  on  pourroit  dire 
que  l'imprimerie,  avant  i  joi  ,  avoit  exécuté  plus  de  treize  mille  édi- 
tions, et  répandu  en  Europe  plus  de  quatre  millions  de  volumes.  De 
ces  treize  mille  éditions,  il  en  est  environ  huit  mills  dont  la  Biblio- 
thèque du  Roi  possède  des  exemplaires,  et  ce  sont  en  général  les  plus 
importantes.  Quoîqu'en  un  d^gré  fort  inférieur,  les  bibliothèques  de 
Sainie-Ceneviève  et  de  Mazarin  peuvent  passer  pour  riches  en  anciennes 
,et  rares  productions  de  fart  typographique. 

Après  l'an  ijoc,  les  irrages  sont  devenus  plus  considérables;  on 
lit  même ,  dans  une  lettre  d'Érasme  [  i  ) ,  que  l'édition  de  ses  Colloques , 
donnét  p-nr  Simon  de  Colines  en  i  ^26  ,  avoil  été  portée  h  vingt  quatre 
mille  exemplaires.  En  rappelant  un  fait  si  extraordinaire,  et  qu'Erasme 
ne  rapporte  que  sur  ia  loi  d'autrur,  ut  aiunt,  M.  Petit-Radel  ne  prend 
néanmoins  pour  terme  moyen  que  le  nombre  mille;  ce  qui  donne, 
durant  les  frenie-six premières  années  du  xvl.'siètle,  dix- sept  millions 
sept  cent  soixante-dik-neuf  mille  exemplaires,   le  nombre  des  éditions 


(i)  Epiti,  loji  Brasmi  Op.  td,  J70/,  '.  ///, 


MARS  1819.  171 

étant  ou  paroissani  être  de  dix^sept  mille  sept  cent  soi&nte-dix-neuf. 
•Pour  montrer 'Tomment ,  au  xv.*  siècle,  Tart  typographique  con- 
tribuoit  à  l'instruction  générale,  l'auteur  indique ,  parmi  les  livres  qui 
s'imprimoient  alors,  ceux  qui  étoient  composés  ou  traduits  en  langue 
vulgaire.  II  n'entreprend  pas  l'énumération  des  anciens  auteurs  grecs  et 
latins,  dont  les  textes  Âirenl  publiés  dans  les  mêmes  temps;  cette 
énumération  auroit  compris  presque  tous  fes  classiques  latins  :  mais 
l'imprimerie,  avant  1 5  00 ,  n'a  voit  pas ,  à  beaucoup  près ,  avancé  au  mèirife 
point  la  puBlication  delà  littérature  grecque.  II  n'avoit  été  imprimé 
nî  texte  ni  version  dTAnacréon ,  d'Eschyle,  de  Sophocle,  d'Athénée, 
d'Archimède  et  de  plusieurs  autres;  la  presse  n'avoit  répandu  que  des 
traductions  de  Platon,  d'EucIrde,  de  Démosthène,  non  pins  que  des 
historiens  et  des  géographes  de  la  même  langue.  Le  texte  de  quatre 
tragédies  d'Euripide  avoit  été  publié;  d'antres  écrivains  grecs,  Homère, 
Hésiode,  Ésope,  Isocrate,  Aristophane,  Théocrite,  Lucien,  avoient 
paru  en  grec  et  en  latin  :  mais  les  éditions  de  tetirs  textes  étoient  bien 
moins  noml^reuses  que  celles  des  versions. 

Le  prix  des  livres,  dernier  objet  des  recherches  de  M.  Petit-Radel, 
présente  d'assez  grandes  difficultés;  d'abord  parce  que  les  faits  qtii  doivent 
servir  de  base  aux  calculs  sont  d'autant  moins  nombreux,  qu'il  s'agit 
d'époques  plus  reculées  ;  ensuite  parce  Qu'à  toute  époque  il  y  a  eu  de 
très>sensibles  inégalités  entre  les  matières,  les  formes,  et  par  conséquent 
entre  les  valeurs  des  livres.  En  1251,  l'église  de  Batisbonne  racheta 
les  cinq  cents  volumes  de  sa  bibliodièque  au  prix  de  soixante-sept  marcs 
d'or;  ce  qui  établit  le  prix  moyen  de  chaque  volume  à  cent  soixante-^ 
seize  francs,  valeur  d'alors,  représentant  cinq  ceat  quatre-vingt-trois 
fcancs  de  notre  numéraire  actuel.  En  recueillant  les  prix  marqués  en 
JZ^z  à  la  suite  de  chaque  article  du  catalogue  de  la  bibliothèque  de 
h  Sorbonne ,  le  terme  moyen  ne  peut  s'évaluer  qu'à  cent  quarante-huit, 
fi'ancs  d'aujounfhui.  M.  Petit-Radel ,  en  exposant  ces  deux  fiiiis,  re* 
marque,  sur  le  second,  ce  que  cette  bibliothèque  (de  la  Sorbonne)  devoir 
»  être  composée,  en  grande  partie,  de  livres  de  théologie  et  de  droit, 
»  et  que  les  maisons  4'études  jouissoient  du  privilège  de  la  taxe  que 
»  l'Université  fixoit  pour  modérer  le  prix  de  chaque  ouvrage  en  faveur 
«  des  étudians.  »  Nous  croyons  qu'en  recherchant',  ;dans  Thistoire  litté- 
raire du  XI II.*  siècle,  d'autres  données  du  même  genre,  on  en  pourroit 
conclure  que  le  prix  moyen  d'un  livre  proprement  dît,  tenant  le  milieu 
entre  les  simplfes  opuscules  ou  manuels  et*  les  volumes  surchargés 
de  peinture  et  d'ornemens',  pouvoit  équivaloir  au  prix  des  choses  qui 
côûteroient  aujourd'hui  quatre  à  cinq  cents  francs.  Ge  résultat,  qui 

T    2 


17^  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ne  s'éfoîgneljbit  pas  beaucoup  de  celui  que  M.  PetitRadel  paroît 
adopter  y  rendroit  sensible  le  bienfait  de  l'art  tyftegraphique ,  qui  a 
presque  réduit  ce  prix  au  centième,  tout  au  moins  au  cinquantième. 

Les  quatie  sections  dont  nous  venons  de  rendre  compte,  ne  rem- 
plissent qu  un  peu  plus  de  la  moitié  du  volume  que  publie  M.  Petit- 
Radel  ;  le  surplus  consiste  en  une  notice^  historique  sur  la  bibliothèque 
Mazarine;  notice  divisée  en  elle-même  en  deux  sections:  Tune  intitulée, 
Mifablissement  en  France  des   bibliothèques  publiques;  discussion  sur  la 
fondation  de  la  première;  récit  des  vicissitudes  qu'elle  éprouva  dis  son 
origine:  et  l'autre.  Etat  de  la  bibliotbique  Afa^arine  depuis  sa  translation 
jusqu'à  nos  jours B 

Naudé,  en   i644t  ne  comptoit  en  Europe  que  trois  bibliothèques 
réellement  publiques  :  la  Bodiéienneà  Oxford,  l'Angélique  à  Rome,  et 
l'Ambrosienne  à  Milan;  les  autres,  ajoute-t-il,  «  n'estant  si  communes, 
3»  ouvertes  à  chacun  et  de  facile  accès  comme  les  trois  précédentes.  »  La 
bibliothèque  de  Saint-Victor  ne  s'ouvrit  au  public  qu'en  1 6  5  2  »  et  celle 
du  Roi  beaucoup  plus  tard;  c'est  du  moins  ce  que  M.  Petit- Radel  croit 
su$samment  attesté  par  les  almanachs  royaux:  celui  «de   1737  ^^^  '^ 
premier  qui  annonce  que  les  livres  imprimés  seront  mis  à  la  disposition 
des  lecteurs  à  des  jours  fixes  et  à  des  heures  marquées;  celui  de   17^0 
dit   que    les    travaux   préparatoires   ne   permettent   pas  encore   d'y 
recevoir  le  public.  Quelle  a  donc  été^u  France  la  première  bibliothèque 
ouverte  à  tous  les  lecteurs  !  Celle  de  Mazarin ,  répond  M.  Petit-Radel  ; 
car  elle  avoit commencé  de  l'être  en  1 648 1  ou  même  dès  i64s«  L'intérêt 
que  fauteur  prend  à  rendre  ce  résultat  sensible,  se  communique  an 
tableau  des  faits  qu^  tendent  à  le  justifier.  Toutes  les  pièces  qu'il  die 
sont  curieuses:  la  plus  digne  d'attention  est  un  excellent  écrit  de  Nau(^, 
intitulé  :  Advis  à  nosseigneurs  du  parlement  sur  la  vente  de  la  bibliothèque 
de  M.  le  cardinal  Majarin.  Le  parlement ,  en  effet ,  après  avoir»  en  1  <î49.». 
laissé  cette  bibliothèque  sous  la  garde  de  Naudé,  eiiordonea  h  vente 
en  1 65 1 ,  ajoutant  «  (jue  sur  la  bibliothèque  et  les  meubles  du  cardinal 
»qui  seront  vendus,  il  seroit,  par  préférence ,  pris  la  somme  décent 
3>  cinquante  mille  francs,  laquelle  seroit  donnée  à  celui  ou  ceux  qui 
»  présenteroient  ledit  cardinal  à  justice,  mort'ou  vif.  »  L'honorable 
réclamation  de  Naudé,  traduite  autrefois  et  imprimée  en  Allemagne | 
est  ici  transcrite  sur  une  copie  faite  dans  le  temps  même.  On  commença 
toutefois  la  vente  de  cette  collection,  dès- lors  riche  de  quarante  miUe 
volumes.  M.  Petit-Radel  ne  néglige  aucune  des  indications  qui  peuvent 
portera  croire  que  les  articles  réellement  vendus,  au  nombre  de  seize 
jniile  seulement  ;  furent  eu  partie  acquis  par  Naudé  %  par  dwtres  amis 


!>■■! 


MARS   1819.    •  173 

du  cardinal,  et  durent  se  retrouver  parmi  les  trente- sept  mille  huit  cent 
quatre-vingts  volumes  qui  composoient  la  biblîothèquç  Mazarine  en 
1688,  époque  de  sa  translation  dans  son  local  actuel.  Elle  avoit  jus- 
qu'alors occupé  une  portion  de  celui  que  remplit  aujourd'hui  la  Biblio- 
thèque du  Roi. 

Conformément  au  testament  du  cardinal ,  en  date  du  6  mars  1661 , 
SSL  bibliothèque  fut  consacrée  i  la  commodité  et  t  la  satisfrction  des  gens 
de  lettres;  et,  en  vertu  d'un  contrat  passé ,  le  i4  av/if  1688,  entre  les 
.exécuteurs  testamentaires* et  la  Sorbonne,  elle  demeura  sous  la  direction 
de  cette  mai^n.  Elle  étoit  en  conséquence  administrée,  en  1791 ,  par 
le  docteur  Luce-Joseph  Hoofce,  connu  par  un  ouvrage  latin  de  théologie 
polémique,  et  p^r  l'apprdbation  qu'il  avoit  donnée  auparavant  à  /a 
&meuse  thèse  de  Fabbé  de  Pràdes.  ^ 

Llifstoire  de  cet  établissement  est  complétée  par  fie  très-intéfessans 
détails  sur  le  globe  terrestre  de  Louis  XVI  qui  s'y  trouve  déposé ,  et  par 
une  description  du  local  qui,  selon  Tauteur,  est  devenu  trop  resserré', 
depuis  que  Flnstitut  a  été  installé  dans  le  même  palais.  Les  dernières 
pages  de  cette  notice  semblent  touche%à  des  détails  d'administration 
publique  qu'il  ne  nous  appartient  pas  d'examiner.  Ce  qui  est  à  notre 
connaissance,  c'est  que,  durant  les  dernières  années  du  xviii/  siècle, 
le  zèle  et  les  lumières  de  feu  M.  Le  Blond  ont  considérablement  accru  et 
presque  doublé  les  richesses  de  la  bibliothèque  Mazarine,  alors  confiée 
à  ses  soins.  Un  autre  bonheur  pour  elle  est  d'être  aujourd'hui  administrée 
par  un  savant  et  laborieux  académicien  qui,  dans  l'ouvrage  dont  nous 
achevons  fanalyse,  vient  d'ajouter  de  nouvelles  preuves  à  toutes  celles 
qu'il  avoit  déjà  données  de  son  amour  ardent  pour  les  lettres,  de  sa 
judicieuse  sagacité ,  et  de  ses  vastes  connoissances« 

Parmi  les  utiles  appendices  qui  terminent  ce  volume,  nous  n'indr- 
querons  qu'un  tableau  des  bibliothèques  publiques  ou  accessibles  qui 
sont  aujourd'hui  établies ,  aunonibre  de  près  de  trois  cent^,  tant  à  Paris 
que  dans  les  départemens,  et  qui  contiennent,  si  les  renseignemeiis 
commum'qués  à  M.  Petit-Radel  sont  bien  exacts,  trois  millions  trois 
cent  quarante-cinq  mille  deux  cent  quatre-vingt-sept  volumes.  Lors- 
qu'on songe,  non-seulement  au  nombre  et  à  la  nchesse  de  ces  établis-* 
semens ,  mais  au  bon  ordre  qui  y  règne ,  au  zèle  éclairé  de  ceux  qui  les 
administrent ,  à  Fardente  et  studieuse  activité  de  ceux  qui  les  fréquentent, 
on  a  peine  à  mesurer  l'étendue  des  progrès- auxquels  la  véritable  et 
saine  instruaion  est  appelée  dairs  toutes  les  parties  du  royaume. 

DAUNOU. 


<7.i 


JOURNAL  DEfîS-AVANS, 


Nouvelles  Lettres  édifiantes  des  Missions  de 
hi  Chine  et  des  Indes  orientales.  Paris  ,  Leclerc  ,  i  8  l  8  , 
tomes  1  et  II. 

Le  titre  de  l'ouvrage  que  nous  annonçons  rappelle  une  collection 
chère  S  tous  les  amis  des  lettres,  et  que,  depuis  long -temps,  on  regretioit 
de  voir  interrompue.  Ce  recueil,  dont  la  rédaction  est  due  aux  soins 
successifs  des  PP'.  Verjus,  Patouillet  et  Duhalde,  a  été  plusieurs  fois 
j-éiniprimé  sous  différentes  formes  et  avec  quelques  additions,  notam- 
ment dans  l'édition  qui  en  a  été  faite  à  Toulouse  en  iSio.  Mais, 
depuis  l'époque  de  la  suppression  des  Jésuites,  on  a  cessé  d'imprimer 
périodiquement  les  lettres  venues  des  missions;  et  les  personnes  qui 
prenoient  intérêt  au  progrès  de  ces  utiles  entrepnses,  n'ont  pu  eti  être 
informées  que  par  des  relations  isolées  qui  ont  été  publiées  k  de  longs 
iniervalies  et  se  sont  succédé  sans  régularité.  II  a  paru  des  votimies 
séparés  de  ces  relations,  désignés  comme  pouvant  se/vir  de  suite  aux 
Lettres  édifiantes,  h  Paris,  en^iyS^,  1787  et  17S9  ;  k  Liège,  en  1794; 
à  Londres,  en  1797  et  i  800;  à  Rome,  en  1  806  ;  à  Lyon,  en  1808. 
La  difficulté  de  les  réunir  fera  sans  doute  accueillir  avec  plaisir  une 
collection  où  l'on  se  propose  de  les  rassembler  toutes  ,  et  de  disposer 
par  ordre  chronologique  les  pièces  Relatives  aux  missions  étrangères^ 
depuis  1767  jusqu'il  présent. 

L'ancien  recueil  portoit  le  titre  de  Lettres  édifiantts  et  .crtriraifj  :  le 
nouveau  est  seulement  intitulé  Lettns  édifiantes  ;  et  cette  dHTérence,  qui 
ï'oltserve  dans  les  deux  fronii-pices,  est  justifiée  par  le  contenu  des 
deux  ouvrages.  Je  ne  place  point  ici  cette  remarque  par  un  vain  esprit 
de  critique,  ni  pour  en  faire  la  matière  d'un  reproche  aux  personnes 
fespectables  auxquelles  on  en  doit  la  publication;  Inais  peut-être, 
tvant  de  finir  cet  article,  aurai-je  occasion  de  répéter  cette  observation  , 
et  d'y  joiîidre  quelques  réflexions  que  je  ne  crois  pas  sans  impor- 
tance. 

La  préface  qu'on  a  mise  à  fa  tête  du  premier  volume,  oiïre  un 
exposé  rapide  de  la  fmdarion ,  des  progrès  ,  de  la  décadence,  de  i'éint 
KCtuef  ainsi  que  des  "besoins  de  cinq  missions  de  la  Chine,  du  Tonkin 
occidental,  de  la  Cocliinchine»  de  Siam,  et  des  Mahbares.  L'intro- 
duction qui  vient  apr^Sidonne^  avec  plus  de  détails,  J'histoire  parti- 
culière des  missions  de  la  Chine,  d'où*  sont  venues  les  lettres  et  les 
relations  qui  forment  les  deux  premiers  volumes,  ainsi  que  celles  qui 
doivent  remplir  encore  quelques  uns  des  volumes  sutvans.  Nous  ne 


J 


MARS   1819.  175 

dterons ,  dans  les  faits  qui  y  sont  rappelés ,  que  ceux  qui  ont  rapport 
à  ces  derniers  temps,  et  dont  on  n*a  pas  encqre  eu  connoissance  par  les 
relations  imprimées.  La  mission  du  Sse^tckhouan  comprend,  outre  la 
province*  de  ce  nom,  les  deux  provinces  voisines;  ie  Yun-nan  et  le 
Kouei-tcheou.  La  première  des  trois  renfermoit,  dit-on,  en  1770,  dix 
à*douze  mille  chrétiens;  en  1792/  on  en  comptoit  vingt-cinq  mille;  en 
1 801 ,  plus  de  quarante  mille;  et  en  1 809 ,  cinquante-deux  mille.  Leur 
nombre  s'étoit  encore  accru  jusqu'à  la  fin  de  18 14»  où  commença  fa 
persécution  qui  coûta  la  vie  à  M.  DuJfTresse,  évéque  de  Tabraca  et 
vicaire  apostolique.  Dans  le  Yun-nan»  on  ne  portoit  le  nombre  des 
chrétiens,  en  1809,  qu'à  deux  niiile  cinq  cents,  et  dans  le  Koueï-' 
tcheou ,  à  quinze  cent  soixante-dix-huit.  Tout  le  reste  de  la  Chine  est 
partagé  en  trois  évéchës  titulaires,  Peking,  Macao  et  Nanking.  Il  y  a 
dans  ie  premier  environ  quarante  mille  chrétiens  ;  on  en  compte  trente-' 
trois  mille  dans  celui  de  Nanking;  quant  à  l'évéché  de  Macao ,  dont  dé- 
pendent les  deux  provinces  de  Kouang-si  et  de  Kouang-toung ,  il  ne  s^ 
trouve  qu'environ  sept  mille  Chinois  convertis  à  la  fei  catholique.  Le 
Fou-kian,  le  Chen-si,  le  Kan-sou  et  le  Chan-si  réunis  en  contiennent, 
dit-on ,  soixante  mille.  On  voit ,  par  ce  calcul,  qu'il  y  auroit,  suivant  les 
missionnaires,  près  de  deux  cent  mille  chrétiens  à  la  Chine.  Ou  nous 
nous  trompons  fort,  ou  ce  résultat  est  assez  éloigné  des  idées  qu'on  se 
fait  d'ordinaire  de  l'état  de  décadence  et  de  la  ruine  presque  totale  du 
christianisme. dans  cet  empire. 

Un  autre  fait  non  moins  contraire  k  cette  opinion ,  que  nous  croyons 
assez  généralement  répandue ,  est  ce  qu'on  observe  dans  un  tableau  des 
catéchumènes  formés  annuellement,  et  des  adultes  et  enfàns  baptisés 
dans  les  seules  provinces  du  Sse-tcfahouan ,  du  Yun-nan  et  du  Kouei-' 
tcheou,  depuis  i7<Î7  jusqu'en  1 8 1  3.  Le  nombre  des  uns  et  des  autres 
va  généralement  croissant  jusqu'en  1809,  et  décroît  à  peine  dans  les 
quatre  années  suivantes  9  au  point  que  les  catéchumènes  formés  en 
1767*,  au  nombi;p  de  quarante-deux,  se  trouvent,  dans  cette  année 
i  809,  portés  à  trois  mille  cent  quatre-vingt-cinq.  Les  enfans  desmfidèles 
baptisés  en  1771,  tfétoiént  qu^au  nombre  de  soixante-dîx-sept;  en 
1 8 1  3  ,  ils  se  sont  élevés  à  trente-six  mille  quatre  cent  soixante-dix.  Et 
comme  la  période  de  temps  qu'embrasse  ce  tableau ,  n'est  pas  celle  eu 
l'on  peut  naturellement  supposer  un  accroissement  proportionné  dans 
le  nombre  des  missionnaires,  dans  les  secours  qui  leur  ont  été  accordés, 
e^  dans  les  facilités  qu'ils  ont  obtenues  pour  la  prédication,  on  a  ji^ine 
h  imaginer  comment  les  succès  ont  pu  augmenter  en  raison  inverse  des' 
ressources;. et  comment  il  s'est  formé  taQt  de  nouveaux  chrétiens  dans 


■   É«.d 


JOURNAL  DESSAVANS, 

des  circonslances  qui  auroieni  pu  faite  craindre  l'emière  destruction  des 
anciennes  chréiieniét. 

Il  esi  naturel  de  chercher  l'explication  de  cette  incohérence  apparente, 
dans  la  nature  et  l'espèce  des  conversions;  mais  peut-être  doit-on  avouer 
que  celle  explicaiion  n'est  jias  eniiérement  sattifàisante.  A  mesure' que> 
pir  l'etiy  de  diverses  circonstances,  le  nombre  des  missionnaires  venue 
d'Europe  a  diminuO,  on  a  laLhé  de  les  remplacer  par  des  prêtres  chinois, 
dont  on  a  toujours  considéré  la  formanon  comme  un  des  plus  sûrs  moyens 
de  faworijer  les  progrès  du  christianisme.  Celles  des  fonctions  des 
linîssionnatres  qui  n'oxigeni  pas  absolument  le  concours  de  personnes 
Uvétues  du  sacerdoce,  sont  remplies  avec  zèle  par  les  caiùdiuménes  les 
plus  instruits;  et  les  femmes  mêmes  sont  utilement  employées,  parce 
quelles  peuvent  plus  faciieinent  pénétrer  dans  fes  maisons  des  in^dèles 
ei  y  contt-rer,  à  la  déruljée,  le  Ijaptéme  aux  enfans  malades,  en  feignent 
de  leur  administrer  des  remèdes.  On  ne  peut  dissimuler  que  ce  ne  soit 
sur  le  nombre  des  chrétiens  de  celle  espèce  que  porte  en  particulier 
l'augmentation  dont  nous  avons  patié,  el  qui,  sous  ce  rapport,  n'est  pas 
très-difficile  k  concevoir. 

Cette  nécessité  oîi  se  irouveni  les  missionnaires  de  faire  participer  les 
naturels  du  pays  îi  la  propagation  du  christianisme,  n'est  pas  une  des 
parties  de  leur  conduite  qui  contribuent  le  moins  à  indisposer  contre 
eux  le  gouvernement  chinois  et  sus  agens.  C'est  une  chose  dont  les  lettrés 
sont  bien  informés,  que  les  Banifj  d'Occidint,  comme  ils  appellent  les 
missionnaires,  n'ont  d'autre  objet,  en  venant  à  la  Chine,  que  d'y  prêcher 
leur  religion;  et, quoique  (es  lois  de  l'état  et  les  édits  des  empereurs  le  leur 
défendent  sévèrement,  on  n'est  j»oint  surpris  de  les  trouver  souvent  eu 
faute.  Mais  on  ne  sauroit  souffrir,  disent  les  magistrats  dans  leurs  déclara- 
tions, de  voir  ces  hommes  venus  d'Europe  mettre  en  usage  toute  sorte 
de  moyens  pour  séduire  les  esprits  peu  éclairés ,  les  détourner  de  la  bonne 
¥oie,  leur  faire  embrasser  une  loi  étrangère,  et  les  obliger  b  renoncer  aui 
usages  et  aux  cérémonies  qui  sont  comme  la  base  du  bqn  ordre  et  le  fon- 
«Jement  de  l'empire.  Ce  qui ,  peut-être ,  excite  encore  à  un  |>Jus  haut  degré 
l'indignation  et  la  déliaiKe  des  Chinois'  c'est  la  pension  de  quatre  cent 
cJmjuante-cinq  livresque  la  Propagajide  envoie  aux  missionnaires,  tant 
européens  que  chinois.  Ces  derniers  leur  paraissent,  au  moyen  de  cette 
pension ,  de  vériinbles  espions ,  ou  des  agens  d'une  puissance  étratJgère , 
lïoni  il»  redoutent  i'infiueiice,  faute  d'être  en  éiat  d'en  apprécier  les  vues. 

On  ne  sauruit  donc  èlre  surpris  de  ce  que  les  lnagi^trals  chinois,  oe 
pouvant  concevoir  los  véritables  motifs  qui  font  agir  les  chrétiens,  eï 
ipur  prêtant  les  intentions  les  plus  coupables,  les  traitent,  quand  ils  les 


MARS    1819-  .  177 

surprennent  en  flagrant  délit  y  comme  des  criminels  d'état,  convaincus 
non*seuIement  d*une  désobéissance  formelle  aux  décrets  des  empereurs  » 
aux  lois  de  Tempire,  aux  préceptes  des  saints  de  i  antiquité  et  aux  leçons 
des  philosophciSi   mais  ^tement   soupçonnés  de  machinations  et  de 
manoeuvres  cootie  fa  sû^reté  de  TÉtat.  C'est  sous  ce  point  de  vue  qu  il 
faut  envîsBger  les  persécutions  auxquelles  iis  sont  perpétuellement  ex-  . 
posés  a  §t  qui  se  renouvellent»  tantôt  dans  une  province»  tantôt  dans  une 
autre,  e|  quelquefoisi  dans  tout  l'empire.  Cette  manière  de  voir  nexcuse 
pas,  mais  elle  explique  les  rigueurs  et  les  cruautés  exercées  contre  les 
missionnaires,  dont  plusieurs  ont  été  tout  récemment  victimes  de  leur 
zèle.  Les  circonstances  de  leur  arrestation»  l'instruction  de  leur  procès, 
les  emprîsonnemens  et  les  châtimens  corporels  auxquels  ils  sont  ordinai- 
rement condamnés»  étant  les  effets  d'une  loi  constante»  offrent  peu  de 
variété.  Les  deux  volumes  que  nous  avons  sous  les  yeux  ne  sont  remplis 
que  du  rédt  de  ces  souf&ances>  qu'un  lecteur  qui  prend  intérêt  à  leurs 
peines  se  lasse  plutôt  de  lire  »  que  ces  hommes  courageux  ne  se  lassent  de 
les  endurer. 

Effectivement»  en  parcourant  les  relations  écrites  par  M.  Gfeyo ,  par 
M.  Pottier,   évéque  d'Agathopolis ,  par  M.  de  Saint-Martin,  on  ne 
trouve,  aux  noms  près, qu'une  répétition  d'aventures  presque  semblables  ; 
les  mêmes  &tigues  sont  toujours  soutenues  avec  le  même  courage; 
les  missionnaires  dénoncés  aux  magistrats  sont  souvent  réduits  à  se  cacher 
dans  les  maisons  des  chrétiens»  ou  même  à  errer  dans  les  lieux  les  moins 
habités.  Quand  on  les  arrête,  on  les  conduit  devant  le  tribunal  du 
mandarin»  ou ,  comme  ils  ont  coutume  de  s'exprimer  »  devant  le  prétoire; 
on  leur  ordonne  de  renoncer  à  leur  religion  «  et  leur  refus  est  toujours 
puni  de%  mêmes  peines  qui  consistent»  pour  les  magiciens»  chefs  de 
secte  et  prédicateurs  de  fausses  doctrines  »  dans  une  bastonnade  qui  se 
*  donne  avec  de  longs  morceaux  de  bambou  de  deux  pouces  de  diamètre» 
fendus  dans  leur  longueur  ;  en  soufflets  appliqués  sur  les  joues  avec  un 
instrument  composé  de  deux  semelle:»  de  cuir  de  boeuf  cousues  à  une 
extrémité,  et  détachées  dans  le  reste  de  leur  étendue;  et  dans  une 
sorte  de' question  qu'on  donne  en  serrant  les  chevilles  des  pieds  dans  une 
machine  faite  de.  trois  planches  d'un  bois  dur  qu'on  nomme  kia-kouen. 
Le  choix  de  ces  différens  supplices  est  à  peu  près  subordonné  au  caprice 
des  mandarins,  qui  n'en  usent  pas  tous  avec  la  même  rigueur  ;  mais, 
depuis  long-temps  »  il  ne  s'est  guère  passé  d'année  où  les  missionnaires 
n'aient  été  exposés  k  des  tourmens  de  ce  genre  :  aussi  n'ont- ils  guère  eu 
le  temps   de  faire  des  observations    scientifiques  ou  des    recherches 
littéraires  ;  et  il  y  auroit  de  la  cruauté  à  leur  en  faire  un  reproche  :  on 

z 


i7« 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


peut  dire  même  que,  quoique  les  morceaux  qui  composent  le  noureau 
recueil  soient ,  pour  la  plupart,  d'un  intérêt  moins  général  que  ceux  qui 
font  partie  des  anciennes  lettres  édifiantes ,  il  y  a  lieu  d'être  étonné  de  ce 
qu'il  s'y  tronve  encore  tant  de  particularités  curieuses  et  d'observatioiîs 
bien  iïutes ,  qui  annoncent  ce  que  les  mêmes  hommes  auroient  pu  Aire 
s'ils  avoient  été  placés  dans  d'autres  circonstances. 

II  y  a ,  par  exemple ,  plusieurs  remarques  utiles  sur  les  moeurs  dans  (t 
lettre  d'un  ancien  missionnaire  qui,  après  avoir  passé  les  plus  belles 
années  de  sa  vie  dans  la  province  du  Fou-kian,  est  revenu  consacrer 
une  vieillesse  vénérable  à  l'administration  de  ces  mêmes  missions,  qu'il 
avoit  servies  par  son  zélé  et  édifiées  par  ses  exemples.  Dans  la  contrée 
qu'habitoit  M.  de  Chaumont ,  les  Chinois  n'élèvent  ordinairement  qu'une 
ou  deux  filles;  ils  noient  les  autres,  au  moment  même  de  leur  naissance, 
dans  un  seau  d'eau  qui  est  placé  à  dessein  prés  du  lit  de  la  mère.  Cest 
un  motif  de  pitié  assez  singulier  qui  les  y  engage,  afin  qu'elles  n'aient 
pas  le  temps  de  sentir  les  misères  de  la  vie,  et  aussi  par  1^  crainte  qu'ils 
ont  eux-mêmes  de  s'attacher  trop  tendrement  à  ces  filles  ;  car ,  une  fois 
qu'ils  ont  commencé  i  en  élever  une,  ils  sont  on  ne  peut  plus  sensibles 
au  moindre  mal  qui  lui  arrive.  Une  jeune  femme ,  qui  étoit  nourrice  des 
enfàns  d'une  unifie  chrétienne,  montroii  d'heureuses  dispositions  pour 
le  christianisme,  et  néaninoins  elle  n'osoit  se  résoudre  à  recevoir  le 
baptême:  elle  dissimula  long-temps  le  motif  qui  Fen  ditoumoit;  mais 
enfin  elle  avoua  au  missionnaire  qu'elle  étoit  retenue  par  la  crainte 
qu'elle  avoit,  qu'étant  devenue  chrétienne,  elle  ne  pl^l  plus  faire  mourir 
les  filles  qu'elle  mettroit  au  monde. 

On  croit  assez  communément  que  le  célibat  est  regardé ,  k  la  Chine , 
comme  un  déshonneur;  qu'un  célibataire  y  est  sans  considération,  et 
qu'une  fille  qui  ne  se  marie  pas  est  un  pesant  &rdeau  pour  une  fimille. 


MARS    1819.  179 

la  foi  détermine  les  honneurs  à  rendre  aux  filles  et  aux  veuves  qui 
passent  leur  vie  dans  le  célibat.  On  leur  accorde  des  titres  posthumes; 
on  élève  pour  elles  de  ces  arcs  de  triomphe  en  bois  qui  sei  vent  à  pro- 
longer pendant  quelques,  années  le  souvenir  des  belles  actions  et 
l'autorité  des  bons  exemples.  Il  y  a  toujours  dans  les  biographies 
chinoises I  lesquelles,  comme  on  sait,  sont  classées  méthodiquement , 
un  chapitre  pour  les  thoung-niu  ou  vierges  célèbres ,  et  un  autre  pour  les 
tching'Uei  ou  veuves  fidèles  ;  ces  chapitres  sont  quelquefois  assez  consi- 
dérables :  mais  cependant  il  faut  avouer  qu'en  général  il  y  a  trop  d'avan- 
tages pour  hs  Chinois  à  laisser  une  postérité  ,  que  leurs  préjugés  sur  les 
honneurs  qu'ils  peuvent  attendre  de  leurs  enfàns  après  leur  mort  sont 
trop  puissans ,  pour  que  le  célibat  soit  jamais  chez  eux  Fétat  d'un  grand 
nombre  de  personnes. 

Un  autre  morceau  qui  rompt  un  peu  l'uniformité  du  récit  des  mis- 
sionnaires, est  la  traduction  d'un  écrit  chinois  affiché  à  Macao  le  1  j 
mai  1785  ,  et  contenant  les  arrêts  rendus  par  le  tribunal  des  causes 
criminelles  de  Péking  contre  les  missionnaires  et  les  chrétiens ,  et 
approuvés  par  Fempereur.  Dans  une  pièce  de  ce  genre  ,  on  voit  à  dé- 
couvert les  opinions  des  Chinois  et  les  préjugés  qui  les  animent  contre 
Its  chrétiens,  ce  Ceux  qui  suivent  la  religion  du  Seigneur  du  ciel ,  y 
est-il  dit,  reconnoissent  un  souverain  pontife  qui  est  chargé  du  gouver- 
nement de  toute  la  religion  ;  au-dessous  de  lui  sont  des  archevêques , 
et  après  ceux-ci  des  évéques  ,  et ,  en  dernier  lieu ,  les  pères  spirituels. 
Tous  ceux  qui  professent  cette  religion  ,  ont  pour  règle  de  faire  absti- 
nence une  fois  tous  les  sept  jours  ;  ils  honorent  et  révèrent  la  croix  et 
les  médailles  ;  ils  exhortent  les  hommes  à  la  vertu  ;  ils  récitent  les  prières 
en  langue  européenne;  on  donne  à  tous  ceux  qui  observent  cette  re- 
ligion, des  rosaires,  des  images,  des  calendriers,  &c.  S'il  s'en  trouve  parmi 
eux  qui  gardent  le  célibat  dès  l'enfance ,  et  qui  sachent  la  langue  et 
les  lettres  européennes,  ils  peuvent  être  admis  à  aider  les  prédicateurs 
de  la  religion.  On  leur  envoie  alors  une  permission  du  souverain  pontife, 
pour  être  fiûts  prêtres;  ensuite  on  leur  envoie  tous  les  ans  8  y  piastres..;. 
Tous  ceux  qui  se  trouvent  dans  les  provinces  >  et  qu'on  appelle  chin-fou 
[pères  spirituels],  et  qui  sont  honorés  par  les  chrétiens,  comme  s'ils 
étoient  des  officiers  ou  magistrats,  doivent  être  punis  grièvement  et 
d'une  manière  proportionnée  à  leurs  crimes.  Quant  aux  gens  ignorans 
qui  se  sont  laissé  séduire  par  l'appât  dçs  richesses ,  de  l'argent  ou  des 
secours  qu'ils  espéroient  recevoir  des  prédicateurs,  nous  jugeons  qu'ils 
doivent  être  condamnés  à  Fexil  dans  le  pays  de  Ili,  où  ils  seront  donnés 
pour  esclaves  aux  mandarix^s  qui  y  résidant  ;  et  si  quelquesims  de  ces 

z  2 


i8o  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

inal&itenrs  ont  reçu  de  Fargent  des  prédicateurs ,  leurs  maisons  et  leurs 
biens  doivent  leur  être  ôtés  et  confisqués.  »  Après  avoir  rapporté  quelques 
dispositions  relatives  au  châtiment  de  cétiz  qui  ont  amené  ou  intro* 
duit  en  Chine  les  prédicateurs  de  la  religion ,  et  de  ceux  qui  ont  reçu 
cette  même  religion  de  leurs  parens  et  ancêtres ,  on  ajoute  :  Toutes  ces 
doses  sont  déterminées  conformément  aux  lois;  on  doit  tes  respecter  et  les 
mettre  en  pratique  { i  ). 

Si  Ton  fait  réflexion  à  Fétat  où  se  trouve  un  missionnaire  que  son  zèle 
conduit  à  la  Chine,  qui  se  trouve  transporté  loin  de  sa  patrie,  de  sa 
famille,  de  ses  amis,  dans  un  empire  où  tout  est  nouveau  pour  lui, 
les  personnes  et  les  choses ,  les  lois  et  les  usages,  la  langue  et  les  mœurs , 
au  milieu  d'hommes  qui  lui  sont  étrangers,  qui  méconnoissent  ses  in- 
tentions ,  qui  interprètent  mal  ses  actions ,  qui  nourrissent  contre  lui  une 
injuste  défiance  ;  on  concevra  que ,  dans  cet  état  d'isolement,  il  ne  peut 
guère  chercher  d'appui  que  dans  le  sentiment  qui  le  lui  a  fait  embrasser 
vofontairement  et  avec  connoissance  de  cause  ;  qu'il  est  bien  excusable,  s*il 
est  quelquefois  tenté  de  s'exagérer  à  lui-même  la  seule  idée  qui  puisse 
le  soutenir  dans  ses  souffrances.  On  ne  doit  donc  pas  être  surpris  de  voir 
aux  missionnaires  un  certain  tour  d'esprit  qui  se  fàisoit  déjà  remarquer 
dans  l'ancienne  collection  de  leurs  lettres,  mais  qui  ne  peut  manquer 
de  frap}>er  encore  davantage  dans  la  nouvelle.  On  se  rendra  compte , 
sans  avoir  recours  à    d'odieuses   suppositions,   de  cette  propension 
qu'ils  laissent  voir   à  expUquer  par  des  moyens  surnaturels  les  tvé- 
nemens  qui  arrivent,  soit  à  eux ,  soit  à  leurs  néophytes,  (h  ce$  con- 
versions inespérées  dont  leurs  récits  sont  remplis ,  de  ces  gUérisoils 
miraculeuses,  de  ces  changemens   soudams  et  inexpKcables  dans   h 
conduite  de  leurs  persécuteurs.  On  leur  pardonnera  de  croire  souvent 
que  la  providence ,  dont  le  secours  leur  est  si  nécessaire,  agit  en  Chine 
par  d'autres  voies  que  celles  que  nous  observons  en  Eufx^.  L'idée 
que  nous  nous  formons  du  caractère  des  hommes  qui  se  consacrent  à 
ia  prédication  de  l'évangile,  permet  sans  doute  de  ne  pas  leur  aécordfer 
à  tous  des  lumières  également  étendues  ;  mais  elle  s'oppose  à  ce  qu'on 
puisse,  en  aucun  cas,  suspecter  leur  candeur  et  leur  droiture,  qualités 


(i)  Sir  George  Stannton,  auquel  on  est  redevable  de  la  publication  de  l'ou- 
vrage le  dIus  propre  peut-être  à  faire  juçer  l'administration  des  Mandchous  (}e 
veux  parler  du  code  pénal  de  ces  peuples),  a  inséré,  dans  l'appendice  de  cet 
estimable  ouvrage,  deux  édits  impériaux  concernant  ia  propagation  du  chris- 
tianisme en  Chine,  donnés  en  i8oj.  Ces  deux  pièces,  qui  sont  fort  curieuset, 
seront  sans  doute  réimprimées  dans  la  suite  de  la  collection  des  Lettres  édifiantes, 
quand  on  sera  parvenu  à  Tépoque  à  laquelle  elles  se  rapportent. 


MARS    1819. 

sans  lesquelles  ii  est  impossible  de  concevoi 


iSi 


m. 


leur  courage  el  leur 
persévérance  dans  une  carrière  où  la  inaligniié  la  plus  ingénieuse  ne 
sBuroit  imaginer  qu'ils  soient  guidés  par  le  plus  pelit  intérêt  humain. 

On  ne  peut  douter  que  la  suite  de  celte  collection  ,  qui  comprendra 
les  lettres  venues  du  Tontting ,  de  la  Cochinthine  et  de  Siam ,  ne  doive 
contenir  des  morceaux  trè^-imporians  sur  ces  pays,  que  l'on  connoît 
encore  si  peu,  et  sur  lesquels  l'ancienne  collection  ne  renferme  que  des 
fragmens  de  peu  d'étendue,  et,  s'il  faut  le  dire,  d'une  valeur  médiocre. 
La  mission  du  Tonking,  par  exemple,  a  joui  pendant  quelque  temps 
d'une  tranquillité  dont  les  effets  ne  se  feront  pas  seulement  sentir  par  les 
progrès  du  christianisme.  Un  missionnaire  qui  habile  actuellement  k 
Paris, a  acquis  une  connoissance  assez  approfondie  du  tonkinois,  pour 
que  les  travaux  dont  on  lui  sera  redevable  puissent  offrir  le  plus  haut 
degré  d'intérêt.  On  a,  en  général,  des  idées  assez  fausses  sur  cet  idiome, 
ainsi  que  sur  ceux  des  nations  voisines;  on  les  regarde  comme  des 
dialectes  du  chinois ,  el  l'on  pense  que  les  caractères  de  ces  derniers , 
lus  par  tous  les  peuples  du  midi  de  la  Chine,  ainsi  que  par  ceux  du 
Japon ,  conformément  à  la  prononciation  de  chacun  d'eux,  sont  cepen- 
dant interprétés  par-tout  de  la  même  manière;  de  sorte,  dit- on,  que  les 
Chinois,  les  Tonkinois,  les  Cochinchinois,  les  Japonais,  s'entendent 
par  écrit,  sans  pouvoir  converser  entre  eux.  Cette  assertion,  ainsi 
présentée  d'une  manière  absolue,  est  très-inexacte.  La  connoissance  des 
caractères  chinois  est  assez  généralement  répandue,  pour  que  certains 
livres,  ceux  de  Confucius,  par  exemple,  soient  entendus  des  lettrés  de 
ces  différens  pays:  mais  cela  n'empêche  pas  que  les  livres  ordinaires 
n'offrent  de  grandes  différences,  soit  par  rapport  à  la  constniciion  et  k 
Ja  phraséologie,  soit  pour  les  caractères,  dont  on  altère  fréquemment 
le  sens  en  prenant  pour  particules  certains  signes  qui  ont  une  signifi- 
cation propre  en  chinois,  ou  en  faisant  le  changement  inverse.  Il  y  a 
aussi ,  dans  chaque  contrée ,  des  caractères  particuliers  qu'on  entremêle  au 
discours,  et  qui,  dans  le  Tonking,  par  exemple,  sont  ordinairement 
formés  de  deux  parties ,  l'une  qui  indique  le  sens ,  l'autre  qui  marque  le 
son  que  le  caractère  doit  avoir  en  tonkinois.  La  grammaire  de  ce  dernier 
idiome  semble  ofîrir  aussi  des  pa ri iciila rites  curieuses,  sur  lesquelles  on 
peut  espérer  des  éclaircissemens  dans  les  prochains  volumes  des  lettres 
édifiantes.  La  chronologie  annamitique  est  encore  fort  peu  connue;  et 
l'on  doit  souhaiter  qu'elle  soit  éclaîrcie  d'après  les  livres  du  pays,  et  non, 
comme  a  vainement  tenté  de  le  faire  le  P.  Gaubil,  d'après  les  ouvrages 
chinois,  qui  sont  à  cet  égard  très-insufïisans.  Le  traité  des  sectes  reli- 
gieuses chez  les  Tonkinois,  par  le  P.  Adrien  de  Sainte-Thècle,  ouvrage 


i82  JOURNAL  DES  SAVANS, 

très- important  qui  est  resté  en  manuscrit ,  mériteroft  certainement  de 
trouver  une  place  dans  les  Lettres  édifiantes,  puisqu'il  est  également 
intéressant  pour  ia  religion  et  pour  Fhistoire  philosophique  des  peuples 
asiatiques.  Enfin  les  royaumes  de  l'Inde  ultérieure  »  moins  fi^quemment 
visités,  moins  bien  décrits  que  la  Chine,  et  dont  nous  avons  moins  dé 
livres,  doivent  devenir  le  sujet  de  recherches  historiques  de  toute  espèce , 
que  peut-être  on  ne  peut  plus  attendre  des  missionnaires  de  la  Chine 
en  aussi  grand  nombre  qu'autrefois,  parce  qu'eux-mêmes  nous  ont 
fourni  les  moyens  de  pousser  plus  loin  celles  qu'ils  avoient  entreprises. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  on  ne  peut  que  savoir  gré  aux  éditeurs  d'avoir  pris 
le  parti  de  rendre  publiques  les  rehtions  qu'ils  possèdent ,  et  souhaiter 
que  la  collection  commencée  continue ,  et  devienne  chaque  jour  plus 
intéressante  :  c'est  ce  qui  ne  sauroit  manquer  d'arriver,  si  les  missionnaires 
qui  sont  dès  à  présent  partis  pour  h  Chine ,  et  ceux  qui  doivent  les 
suivre,  marchent  sur  les  traces  de  leurs  prédécesseurs.  On  ne  peut  se 
dissimuler  que,  dans  cet  empire,  un  des  moyens  les  plus  efficaces  pour  fat 
propagation  du  christianisme  ne  soit  d'entourer  les  missionnaires  de 
cette  espèce  déconsidération  que  peuvent  seules  leur  mériter,  auprès  (fes 
lettrés,  une  connoissance  approfondie  de  la  langue,  des  caractères,  ainsi 
que  des  doctrines  qui  sont  enseignées  dans  les  livres  classiques ,  et  des 
faits  de  fhistoire  chinoise ,  ou  bien  encore  ces  notions  d'astronomie  et  de 
mathématiques  à  l'aide  desquelles  ils  obtinrent  une  si  haute  faveur  au 
temps  de  Khang-hi.  Ce  n'est  que  de  cette  manière  qu'un  certain  nombre 
<f entre  eux  peuvent  être  admis  à  la  cour,  et  acquérir,  avec  des  chai^ges 
honorables ,  les  moyens  d'être  utiles  à  leurs  frères  des  provinces  et  de 
protéger  les  chrétiens.  L'étude  de  ia  langue  de  Confudus ,  et  par  consé* 
quent  celle  des  sciences  chiE\oises,  n'est  plus  heureusement  hérissée  des 
mêmes  difficultés  qu'autrefois ,  et  Ton  ne  sauroit  trop  recommander  aux 
jeunes  ecclésiastiques  qui  se  destineront  à  cette  mission  jadis  si  floris- 
sante f  de  se  livrer  à  cette  étude  avant  leur  départ  d'Europe.  D'un  autre 
ctôé,  les  savans  ne  peuvent  que  désirer  aidemment  d'avoir,  comme 
autrefois ,  à  la  Chine ,  dans  la  personne  des  mbsionnaires ,  des  corres- 
pondans  aussi  éclairés  que  bien  placés  pour  recueillir  toute  sorte  de 
rcnseignemens  utiles  et  authentiques.  C'est  donc  fiure  à-la-fbis  des 
vœux  pour  les  progrès  de  la  religion  et  pour  ceux  des  sdences  et  des 
lettres ,  que  de  souhaiter  de  voir  ia  mission  de  la  Chine  produire  encore 
desGaubil,  des  Prémare  et  des  Parennin. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


MARS   1819.  183 

PHiLOSOPHïE  ÀNATOMiQUB.  Des  orgûnes  respiratoires  sous  le 
rapport  de  la  détermination  et  de  l'identité  de  leurs  pièces 
osseuses  ,  avec  figures  de  cent  seiie  nouvelles  préparations 
d'anatomie  ;  par  M.  le  chevalier  Geoffroy  de  Saint-Hilaire , 
membre  de  ï académie  royale  des  sciences,  professeur-administra-- 
teurdu  Muséum  d'histoire  naturelle  au  Jardin  du  Roi,  professeur 
de  loologie  et  de  physiologie  à  l'École  normale;  de  l Institut 
d! Egypte,  des  açadenûes  de  Madrid,  de  Munich,  de  Gœttîngue, 
de  Moscou ,  de  Harlem ,  de  Wéteravie  à  H  an  au,  de  Mayence, 
de  Marseille ,  de  Bordeaux ,  de  Boulogne ,  &c. ,  et  maire  dt  ' 
Chailly  près  Coulommiers. 

Cujusvis  hominis  est  errare.  (  CiC.  5  Verr, } 

Un  vol.  in-8.^  de  près  de  600  pages»  lequel  se  trouve  à 
Paris,  chez  Méquîgnon-Marvîs,  rue  de  TÉcole  de  Médecine, 
n,**  3  ;  Fr.  Plée,  place  du  Panthéon,  n.*"  ^^  et  le  suisse 
du  Jardin  du  Roi,  rue  de  Seine;  à  Strasbourg,  dans  la 
librairie  de  Levraut;  et  à  (.ondres,  dans  celle  de  Treuttel 
et  Wurtz.  Prix  de  ïin-8.^  et  de  Tatlas,  10  fr. ,  et  de  f/V/-^/ 
18  francs. 

■ 

L'ouvrage  que  nous  nous  proposons  de  faire  connohre,  est  la 
réunion  de  plusieurs  mémoires  que  M.  Geoffroy  de  Saint -Hilaire  a 
lus  à  Tacadémie  des  sciences. 

Dans  un  discours  préliminaire,  il  expose  les  principes  qui  ont  éclairé 
sa  marche  et  servi  de  base  à  sa  théorie.  Nous  entrerons  dans  quelques 
détails  relativement  à  ces  principes  :  c'est  le  moyen  d'indiquer  ie  champ 
que  l'auteur  a  parcouru ,  et  celui  qu'il  se  dispose  à  parcourir. 

Jusqu'à  nos  jours,  la  zoologie,  branche  importante  des  sciences  natu-^ 
relies ,  n'avoit  admis  qu'un  petit  nombre  de  lois  générales ,  d'après 
des  hïxs  dont  fanalogie  ne  laissoit  rien  ou  laissoit  peu  de  chose  au 
doute  et  à  Tincertitude :  elle  ne  s'arrétoit  pas  là;  mais,  poursuivant  ses 
recherches  ^  elle  en  attendoit  de  nouveUes  observations ,  dont  elie  espéroit 
profiter ,  conduite  sage  dans  une  science  âvorable  aux  hypothèses  et 
dont  les  erreurs  étoient  aussi  séduisantes  que  .fiiciles.  M.  Geoffi-oy , 
livré  à  l'enseignemem  de  la  zoologie ,  ne  devoit  pas  se  borner  à 
l'étude  simple  des  vérités  connues  ;  ce  qui  auroit  pu  lui  suffire  pour 
f instruction  4e  ses  élèves  :  mais  il  jie.  tcouvoit  entraîné  par  goût ,  par 


i84,  JOURNAL  JDES.SAyANS, 

zèle,  et  par  les  drcons tances,  à  des  tr$tyaux  «u^pmiques  qui  lui  pro.- 
jnettoient  la  possibilité  d'accroître  le  domaine  qu'il  cultivoit.  Sa  place 
de  professeur  au  Muséum  d'hiypire  na^turelle.  lui  ofTroit  des  facilités 
dbïit  îf  sentoit  bien  qu'il  tireroit  parti.  II  voulut  dépasser,  le  point  où 
loH  étoit  panrenu.  m 

Déjà,  à  faide  des  inductions,  on  avoit  été  conduit  à  réunir  tous  les  r 
animaux  pourvus  d'une  charpente  osseuse,  c'est-à-<iire ,  d'un  squelette, 
sous  le  nom  de  vertébrés ^  et ,  en  conséquence  de  leurs  difi^ntes  orga- 
nisations, à  établir  la  subordination  de  leucs  caractères  et  à  les  dasser 
les  uns  à  Tégard  des  autres  d'une  manière,  méthodique.  On  avoit  vu 
une  entière  analogie  entre  la  main  de  TBomme ,  le  pied  du  cheval , 
Taile  de  l'oiseau ,  la  nageoire  pectorale  du  poisson ,  &c.  De  ces  fidts 
et  de  plusieurs  autres,  on  avoit  conjecturé  que,  dans  la  créatioQ  de  tous 
les  vertébrés ,  la  native  avoit  suivi  un  plan  général ,  dont  elle  n'avoit 
fait  que  modifier  quelques  points  pour  différender  les  espèce^,  et  même 
qu'elle  ne  passoit  d'une  forme  à  une  autre,  dans  le  même  organe  que 
par  des  gradations  insensibles.  Cette  conjecture  ouvigit.à  Tesprii;  une 
carrière  étendue. 

L'auteur  est  parti  de  ce  point  pour  suivre  des  recherches  ostéolo- 
giques.  La  simple  comparaison  des  osf  dans  ta  vue  dm  déterminer  leurs 
ressemblances  de  formes  ou  de  rapports  entre  eux  »  ne.  suffisoit.pas 
seule  pour  le  conduire  où  il  desiroit  arriver.  Avec  elle ,  il  n'aurqtt  pu 
avancer  que  quelques  pas  de  plus.  Cette  simple  comparaison  ne  pouvoit 
Ii^  faire  découvrir  une  ressemblance  entière  entre  h  plus  grande  partie 
djçs  pièces  qui  composent  le  squelette  des  poissons ,  par  exemple ,  et  celkf 
dont  est  composé  le  squelette  des  mammifères  :  ces  pièces  mènes 
n'avoient  pas  eu  de  nom  ;  en  sorte  que  ces  animaux  vertébrés ,  que , 
d'un  côté  9  l'on  supposoit  être  sur  le  même  plan,  d'un  ancre  côté  éloient 
formés  de  parties  essentiellement  difTérei^tes  ,  coatradtcdon-  que 
M.  Geoffroy  attribue  k  finfluence  de  l'anatomie  humaiat  sur  ranaiomiç 
comparée. 

Précédemment  toutes  les  recherches  aitatomiques  se  rattachoîent 
à  celle  du  corps  de  fhomme ,  devenu  le  vrai  type  aucjiiel  Toiganisation 
de  tous  les  animaux  fut  comparée  poiur  en  caractériser  et  nommer  les 
différentes  parties;  mais  on  n'en  eut  plus  besoin  dans  la  suite,  quand 
les  détails  furent  classés  avec  méthode ,  chaque  orgamstdon  pouvant 
^tre  envisagée  dittfle  manière  absolue.  ...^ 

Ces  idées  portèrent  M.  Geoffroy  b  ne  plus  chercher  seulement  •  ili 
ressemblance  dans  l'identité  des  formes  et  des  rapports  des  os  entre-eux, 
mais  encore  et  sur- tout  dans  l'identité  de  leurs  rapports -avec  les  autres 


MARS  i8l^«  ft^ 

^sternes  d*organes.  Ainsi ,  considérant  Fostéologie  sous  ce  point  db 
vue ,  il  établit  que,  toutes  les  fois  que  deux  organes  s<mt  dans  la  même 
position,  dans  les  mimes  relations  et  dans  les  mimes  dépendances,  ib  sont 
semblables.  C'est  son  pltÉtipe  9  qu'il  appelle  de  connexions ^  et  qui  sert 
de  base  à  sa  théorie  des  (iyaloffies.  Adoptant  cette  manière  de  raisonner* 
if  vit  les  parties  variables  des  am'maux  qu'il  nomme  abdominales,,  trans» 
portées  à  l'extrémité  antérieure  de  la  cofonne  vertébrale  chez  lei 
poissons,  à  l'extrémité  opposée  chez  les  oiseaux,  dans  une  situation  ÉÊ0 
intermédiaire  chez  .les  mammifères ,  tandis  que,  chez  les  reptiles,  elfes 
participent  à  l'un  et  à  l'autre  système  d'organisation.  II  put  alors  ^  ea 
quelque  sorte ,  expliquer  toutes  les  anomalies  que  ces  quatre  groupes 
d'animaux  présentent,  quand  on  fes compare  lun  à  l'autre ,  et  il  posséda 
le  moyen  de  résoudre  fe  problème  qu'il  s'étoic  proposé,  de  ramener  l'or^ 
ganisation  des  animaux  vertébrés  a  un  type  uniforme^ 

Après  ces  considérations,  puisées  dans  le  discours  préliminaire  et 
dans  l'introduction ,  considérations  propres  k  fixer  l'attention  des  zoo* 
logistes  ,  nous  allons  rendre  compte  des  cinq  mémoires  qui  ont  pour 
objet  les  os  de  la  poitrine. 

Le  premier  traite,  du  couvercle  des  branchies  dans  les  poissons  ^ 
employé  jusqu'ici  sous  les  noms  d'opercule,  iinteropercule  y  de pré-oper^ 
cule  et  de  subopercule,  et  des  quatre  os  correspondans  du 'conduit  au*i* 
ditif  dans  les  animaux  à  respiration  aérienne,  nommés  étrier,  enclume^ 
lenticulaire  et  marteau. 

Suivant  lui ,  la  couverture  des  branchies  est  analogue  à  la  chafnt 
des  os  appelés  osselets  de  l' oreille,  et  les  ouvertures  des  branchies  ré* 
pondent  au  méat  auditif.  Les  entrées  diffôrent  en  grandeur;  mais,  pour 
être  très-larges  dans  les  poissons  et  fort  étroites  dans  les  autres  anr« 
maux  vertébrés ,  on  n'en  sauroit  conclure ,  dXi  l'auteur ,  qu'une  simple 
varbtion  du  plus  au  moins.  Cette  différence  paroh  plus  imposante  que 
réelle,  puimi'on  arrive  au  même  point  en  pénétrant  {usqu'au  fond 
delà  chambre  auditive,  et  qu'on  voit  cette  chambre  se  terminer  làoii» 
au  moyen  de  quelques  pièces  osseuses ,  elle  fait  partie  de  la  boîte 
cérébrale.  Dans  l'homme  et  dans  les  animaux  qui  ont  le  même  mode 
de  respiration,  les  quatre  osselets  de  foreille  n avoient  été  connus  et 
appréciés  que  dans  le  minimum  de  développement  de  ces  parties  ;  chez 
les  poissons  ,  au  contraire,  ils  sont  portés  au  plus  haut  degré  de  déve« 
loppement.  Dans  tous  les  vertébrés,  cesosseletsont  une  fonction  qui  ne 
varie  jamais;  c'est  de  s'élever  ou  de  s'abaisser  au-devant  de  l'arrière- 
cellule  qui  contient  le  nerf  auditif ,  c'est-à-dire,  dy  fiivoriser  ou  d'em- 
pêcher ia  perception  du  son ,  Dans  les  poissons  >  outre  cette  simple 

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JOURNAL  DES  SAVANS, 

fonoiion  qu'ils  exercent  comme  les  autres  vertélrés ,  quand,  écartant 
leur  tubéroslté  articulaire  et  tenninale ,  ils  découvrent  le  fond  du  conduit 
auditif,  ils  acquièrent,  à  raison  du  volume  considérable  où  ils  par- 
viennent, de  nouvelles  fondions  relatives  à  la  respiration,  comme  de 
servir  de  bouclier  aux  branchies,  d'opérer,  par  des  inouvemens  alter- 
natifs d'élévation  et  d'abaissement,  l'expiration  et  l'inspiration,  en  quoi 
consiste  la  respiration. 

Il  s'agit ,  dans  le  second  mémoire,  des  os  extérieurs ,  de  l'appareil 
respiratoire  ou  des  os  du  sternum.  Y  a-t-il  dans  les  pois:>ons  un  coffre 
ihorachique  qu'on  puisse  ramener  à  celui  des  animaux  qui  ont  de 
véritables  poumons!  et  ces  poissons  ont-ils  une  charpente  osseuse, 
identique,  qui  fasse  partie  de  la  poitrine  et  qui  en  gouverne  également 
ïe  mécanisme!  M.  Geoffroy  se  fait  ces  questions,  et  il  pense  que, 
pour  y  répondre,  il  falloii  principalement  qu'il  s'attachât  aux  consi- 
dérations du  milieu  dans  lequel  les  poissons  étoient  appelés  à  vivre, 
et  de  la  structure  de  ces  animaux. 

«  L'air,  dit-il,  retenu  entre  les  molécules  de  l'eau,  étoit  sans  ressort 
»  pour  aller  gonfler  les  poumons  d'animaux  inunergés  dans  le  bassin 
»  des  mers  ;  c'est  alors  que  le  poumon,  qui,  échappé  delà  cavité  où, 
w  dans  les  autres  vertéhrés ,  tl  est  profondément  renfermé,  va  se  placer 
»  au  sein  de  cet  élément,  dans  la  nécessité  où  il  est  de  se  les  appro- 
»  prier  (  les  molécules  d'air  1   et  de  les  disputer  li  l'eau. 

»  Mais  toutefois  celte  influence  du  milieu  où  vivent  les  poissons, 
nie  déplacement  de  leur  organe  respiratoire,  et  cette  altération  des 
ï>  formes  qu'on  a  jugée  assez  grande  pour  avoir  substitué  le  nom  de 
»  branchies  h  celui  de  poumons,  que  porte  ailleurs  le  même  organe, 
"  ne  sont  pas  des  faits  qui  passent  la  mesure,  ni  des  iransfortnaiions 
"  dont  il  devient  impossible  de  suivre  la  trace.  » 

De  cette  explication  l'auteur  passe  à  la  définition  du  sternum,  à  sa 
structure,  à  l'énumération  de  ses  parties  complètes  et  ûicomplètes, 
à  leurs  fonctions  simples  ou  complexes,  communes  ou  particulières, 
respectives  ou  isolées  ;  il  distingue  le  sternum  dans  l'homme,  dans  les 
mammifères,  dans  les  oiseaux,  dans  les  reptiles,  dans  les  poissons 
osseux  ,  et  il  termine  ce  mémoire  par  le  corollaire  suivant  :  «  Quels  que 
»  soient  ces  sternum  et  quelque  surprenantes  qu'en  paroissent  les  mé- 
»  lamorphoses  ,  if  n'est  pas  difficile  d'en  démêler  les  diversités  ,  d'aper- 
»  cevoirqu'elles  se  convertissent  les  unes  dans  les  autres,  d'en  embrasser 
»  tous  les  points  communs ,  et  de  les  ramener  h  une  seule  mesure ,  h 
»  des  fonctions  identiques,  et  enfin  à  un  seul  et  même  type.  » 

Les  os  antérieurs  de  la  poitrine  sont  examinés   dans   le  troisième 


MARS    1819.  187 

mémoire ,  et  considérés  dans  les  mammifères,  dans  les  oiseaux ,  dans  ki 
poissons,  dans  rhomnie  :  sous  quelques  formes  qu'ifs  se  présentent ,  ces 
os  ne  sont  autre  chose  que  l-os  hyoïde  >  ses  annexes  et  dépendances , 
qu'une  fine  anatomie  découvre.  M.  Geoffroy  détermine  les  fonctions 
de  chacune  de  ces  parties,  comme  il  a  fait  à  Tégard  des  os  du  sternum. 

Le  quatrième  mémoire  est  le  plus  étendu  ;'tt  a  seul  deux  cents  pages. 
Pour  continuer  l'espèce  d'assimilation  entre  les  organes  qui  doivent 
servir  de  soutènement  ii  la  poitrine  des  poissons,  et  ces  mêmes  parties 
dans  les  autres  animaux  vertébrés ,  il  éprouvoit  de  grandes  difficultés 
qui  dévoient  l'embarrasser;  car  il  n'y  a  ni  larynx,  ni  trachée-artère,  ni. 
bronches ,  dans  l'organe  respiratoire  des  poissons.  Ce  mémoire  est  rempli 
d  observations.  L'auteur  tire  de  tout  l'ensemble  plusieurs  conséquences» 
et  particulièrement  celles-ci ,  1  .*  que  d'un  noyau  commun  il  sort  à- 
la-fois  deux  systèmes  d'organes  respiratoires  ,  applicables  aux  deux 
modes  de  respiration  dans  Fair  et  dans  l'eau;  2.*  que  ces  deux  systèmes 
ne  peuvent  coexister  qu'autant  que  l'un  prédomine  sur  Fautre^  etque^ 
par  suite  de  cette  prédominance ,  les  germes  de  l'un  se  développent 
aux  dépens  de  ceux  de  l'autre ,  quelquefois  jusqu'à  foire  rétrograder  une 
organisation  déjà  produite  et  à  la  réduire  à  zéro  d'existence ,  &c.  &c. 

Enfin  ,  dans  le  cinquième  mémoire  se  complètent  les  recherches 
Sur  les  parties  osseuses  de  l'organe  respiratoire.  M.  Geoffroy  termine 
son  ouvrage  par  l'exposé  et  les  rapprochemens  des  os  de  l'épaule  dans 
les  différens  vertébrés ,  et  l'usage  de  la  clavicule ,  dont  il  détermine  la 
principale  fohction. 

L'auteur  a  voulu  accompagner  son  livre  d'une  collection  de  dix 
planches  qui  en  facilitent  l'intelligence.  Il  avoit  senti  que,  sans  cela,  à 
moins  d'être  un  véritable  anatomiste ,  on  auroit  eu  de  la  peine  à  saisir 
plusieurs  descriptions  d'os  et  d'autres  explications. 

Le  travail  de  M.  Geoffroy  nous  a  paru  digne  d'occuper  une  place 
distinguée  parmi  ceux  des  naturalistes,  et  sur-tout  des  zoologistes.  Il  lui  a 
fallu  faire  beaucoup  de  recherches  anatomiques  pour  parvenir  aux 
résultats  qu'il  a  obtenus. 

TESSIER. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 

INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

L'académie  fian^aise  a  élu  M.   Lémontey ,  en   remplacement   de   feu 
M.  Morellct. 

L'académie  des  ÎDScriptions  et  belles-lettres  a  élu, pour  l'un  de  ses  huit  associés 

Aa  2 


JOURNAL  DES  SAVANS, 

^tnangpn,  A'.  Ai%.  Vnd.  WolU",  membre  tle  i'acadéniie  de  Berlin;  cl  poorCOT- 
tCspontlans ,  MJVl.  CouMm-ry ,  Pouijueville ,  et  Mai  de  Milan. 

L^jcadt'm  e  de»  bcaiix-arri  s  l'Iu  M.  Heurtaut  poar  remplacer  feu  M.  Gon- 
douin,  dans  la  seaion  d'architecliire. 

LIVRES  NOUVEAUX. 
%  FRANCE. 

Annain  éts  faits  et  des  tc'iences  militaires,  faisant  ïurie  aux  Victoires  et 
Conqiitiesdei  l-ran<;3i!,  de  1792  à  ilJi;:  parMM.  Barbie  du  Bocage  ,  Bardin; 
&t.,  XU.' cailler  (décembre  1B18).  Parit.împr.  et  librairie  de  Panckouckc, 
in-S.' ,ù  feuilles.  Le  prix  de  l'abonnemeni  annuel  est  de  )o  fr. 

Esiiii  hlitorique  sur  la  tif/iographie,-  pat  Peignoi.  Dijon,  impr.  de  Faoïin, 
,   in-S.' ,  4  fci^rlles.plus  une  planche.  Prix,  i  fr.  jo  cent. 

Socîâé  d'tmuiaiien  dtCambrai:  séance  publique  du  t^  août  1818, sous  Ix 
présidence  de  M.  le  cpinic  de  la  Tour-Satnt-lgest.  Cambrai ,  impr.  de  Hâtez , 
iBiS.in-i',',  13  feuille»  î  quarts. 

Journal  des  voyages ,  décauveriei  tt  navigations  modernes,  ou  Archives  géogra- 
phiques du  XIX.'  siècle;  rédigé  par  une  jociéié  de  géographes  français;  ll,^ 
cahier, impr.  de  Ballard,  in-S.',  dey  feuilles. 

Alwanacli  des  musri  {  itilo).  Paris,  impr.  de  P.  Didot,  chez  Lefuel, /«-/i  , 
J3  feuilles.  Pri;<,afr.50cent. 

Alinanach  de  l'imprimerii ti  de  la  librairie  pour  1819,  impr.  de  Baudouin  ; 
chezEymery,in-/3,  7  feuilles  et  demie. 

Alinanach  du  commerce  de  Paris  ^ts  dêpartiineiig ,  ifc,  parj.  Delatynna; 
koniinué  et  mij  dans  un  nteillenr  ordre  par  J.  Botiiit;  XX1I.<=  année.  Paris, 
impr.  de  Smith,  1819,  rn-^."  Priï,  12.fr. 

Annuaire  de  laSociété  pliilantropique  pour  1 81p.  Paris,  chez  M.""  Huzard,  « 
«bez  M.  Baron,  commissaire  de  la  société,  rue  des  Petits- Augnstins,  n."  20, 
7n-8.' ,  1 80  pages.  Prix  {  au  profit  des  pauvres  )  2  fr.  50  cent,  et  avec  j  figure* 
Irihographiées,  4  fr.  Ce  volume  contient  des  notices  sur  la  société  phrlan- 
Iropique,  sur  les  hôpitaux,  hospices,  secours  à  domicile,  écoles  de  cliarrié, 
Associations  de  bienfaisance,  caisses  d'épargnes,  lociélés  de  prévoyance  et 
de  secours  mutuels,  &c, 

Dicùonnairt universel  delà  langue  fiançaise,  avec  le  latin  et  les  étymologies; 
manuel  degrammaire,  d'onhographe  et  de  néologie,  &c.;  par  Boiste.  Paris,  1819, 
impr.  de  Fain,  chez  Verdière,  2  vol,  in- ^.'  obi.  formant  1750  pages.  Cette 
cinquième  édition  d'un  dictionnaire  que  l'académie  franijaise  a  placé  au 
nombre  des  ou\  rages  qu'elle  consulte  pour  la  rédaction  du  sien,  est  augmentée 
de  ;  60  pages,  et  contient,  comme  les  précédentes,  outre  le  vocabulaire  français, 
un  dictionriaire  des  synonymes  et  des  difliculiés  de  la  langue  française,  des 
rimes,  des  homonymes,  des  paronyrnes,  un  traité  des  Iropes,  de  la  ponctuation, 
de  la  versilicaiion  française,  un  essai  sur  l'usage  des  lettres  capitales,  une  table 
des  conjugaisons  des  verbes ,  des  observations  sur  la  prononciation ,  un  vocabu- 
laire de  mythologie,  des  personnes  remarqiiabl<»a,  de  géographie,  enfin  un 
tableau  de  la  grammaire  française.  Toutes  les  parties  de  cet  utile  manuel  sont 
ftdlxéci  avec  une  extrême  précision. 

Eloge  de  Rvlliiii  parM.  Grignon  Guînebaud.  Orléans,  /n-^,',  2  feuilles  et 
dciuîc.  —  Hiscvurs  sur  la  yitei  les  ouvrages  de  Rellin,-  par  Aug.  de  Rivaiol. 


\ 


"KlkRS  1819*  1S9 

Pari«,  Htiprîmerîe  et  librairie  d'Égron, /n-^/ de  5  fenîller.  Prix .  i  fr.  50  cet)S^ 
Art  poétique  d'Horace,  traduit  (  en  vers  français)  par  Henri  Terrasson,  avec 
îe  texte  et  des  remarques.  Paris  ,^  Durey,  iti-iS  àe  y^pag.  Pr.  i  fr.,  et  par  U 
poste,  I  fr.  25  cent.  L'auteur,  déjà  connu  par  des  imitations  d'Eschyle  en  vers 
français  et  par  une  traduction,  aussi  en  vers,  de  l'Enfer  du  Dante,  annonce^ 
par  souscription,  une  traduction,  avec  le  texte  en  regard,  de  la  Jérusalem  déli- 
vrée du  Tasse.  Cet  ouvrage  formera  deux  volumes  /n-A»  Le  prix  sera  de  12  fr. 
pour  les  souscrfpteurs,xIe  i  j  pour  les  autres  personnes.  On  souscrit  à  Marseille» 
chez  Camoin  frères  ;  et  à  Paris,  chez  Pillet  aîné  et  chez  Durey. 

Os  Lusiadas,  poema  epico  de  Luis  de  Camoens;  nova  ediçaô  correcta  • 
dada  a  luz  conforme  a  de  1817 ,  in-éfifi,  por  dom  José  Maria  de  Souza  Botelho* 
Paris ,  impr.  de  Firm.  Didot ,  in-S»'  de  34  feuilles  avec  portrait.  Prix,  10  fr, 

Fénelon ,  ou  les  Vertus  chrétiennes,  poème  en  trois  chants,  précédé  diunc 
notice  sur  Fénelon,  &c.,  //i-j.'  de  5  feuilles  trois  quarts.  PàriS|  impr.  de  Patru^ 
chez  l'auteur,  AI,  Paccard,  rue  neuve  du  Luxembourg. 

Fables  nouvelles;  par  M.  Verdie.  Bordeaux ,  Cavazza ,  in-S/*  de  8  feuilles 
et  demie.  > 

La  FilU  et  honneur ,  comédie  en  jacteseten  vers;parM.  Alex.  Duval, membre 
de  l'Institut.  Paris,  impr.  de  Firm.  Didot,  chez  Barba,  in-S."  de  8  feuilles:  3  fr. 

Essais  de  Montaigne,  précédés  de  l'Eloge  de  Montaigne  par  M.  Jay.  Paris  » 
impr.  de  Fain,  9  vol.  in-tS  de  82  feuilles  un  quart.  Prix,  1 1  fr.25  cent. 

(Euvres  de  Biaise  Pascal,  nouvelle  édition,  Paris,  impr.de  Crapelet;  chet 
Lefebvre,  5  vol .  in-8,^  de  162  feuilles  trois  quarts.  Prix,  32  fr. 

Œuvres  complètes  de  Marmontel  en  18  vol.  i/7-/2.  Cette  nouvelle  édition 
paroîtra,  chez  Amable  Costes,  par  livraisons  de  2  vol.  (  la  première  est  de^à  eA 
vente).  Le  prix  de  l'ouvrage,  pour  les  souscripteurs,  sera  de  54  fr. 

Voyages  de  F,  Le  Vaillant  dans  l'intérieur  de  l'Afrique  par  le  cap  de  Bonne^ 
Espérance,  Ù*c»  Paris,  impr.  de  Didot  jeune,  chezDesray,  5  vol.  /n-i*,%avec  dei 
planches.  Prix,  45  fr. 

Pensées  de  Platon  sur  la  religion,  la  merale  et  la  politique;  recueillies  et 
traduites  par  M.  Jos.  Vict.  Le  Clerc ,  professeur  de  rhétorique  au  collège  royal  de 
Charlemagne.  Paris,  1819,  /V;^<?.* 

Essai  sur  l'organisation  du  jury  de  jugement  et  sur  Finstruction  criminelle  ;  par 
M.  Oudart.  Paris,  impr.  de  Patris,  chez  Delaunay ,  in-S."  de  15  feuilles. 

De  la  théorie  de  l'Univers:  lettres  y  relatives,  publiées  par  J.  A.  F.  Alltx. 
Paris,  impr.  dcGueffier,  chez  Plancher,  i/z-i?."  de  4  feuilles.  Prix,  i  fr.  50  cent. 

Elémens  de  géométrie  à  l'usage  de  l'école  centrale  des  quatre  nations;  par  S. 
F.  Lacroix ,  onzième  édition.  Paris  ,  impr.  de  M.*"*^  CotHrcier,  in-S,"  de  16  feuilles 
et  demie.  Prix,  4  fr* 

Traité  de  géodésie,  par  L.  Puissant ,  deuxième  édition^  impr.  de  M.™*^  Courcier^ 
2  vol.  in'4.''  ensemble  de  102  feuilles. 

De  l'Industrie  française ,  par  M.  Chaptal ,  membre  de  l'Institut,  Paris,  impr. 
de  Crapelet,  chez  A.  Renouard,  2  vol.   in-S,^^  50  feuilles.  Prix,  12  fr. 

Choix  de  tableaux  et  statues  des  plus  célèbres  musées  et  cabinets  étrangers. 
Recueil  de  gravures  au  trait,  d'après  les  tableaux  des  grands  maîtres  de  toutes 
les  écoles,  et  les  monumens  de  sculpture  ancienne  et  moderne  les  plus  remar- 
quables sous  le  rapport  de  l'art,  cçnservés  dans  les  divers  musées  étrangers  et 
les  plus  célèbres  coliections  particulières,  av€c  des  notices  historiques  et  cri- 


I90 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


tiques;  par  une  sociéié  d'artisies  rt  d'amateurs:  ouvrage  classique,  destino  à 
servir  de  suite  et  de  com pli: ment  aux  Annîiles  du  musée  de  Fiance,  par  C.  P. 
Landun.  =  Ce[  ouvrage,  pour  lequel  on  soustril  chezTrcuitel  el  Wiirii.,  formera 
doiiie  vol.  j'rt-^.' ,  ou  ^4  "^'■'''5''"^*''^  î^  plinthes  chacune.  La  première  vient 
deparoiire,  et  se  lait  remarquer  pur  la  beauté  desgravures.  Le  prix  en  est  de  ^fr. 
On  souscrit,  chez  M.  César  Garderon,  rue  Momorgiiell,  n."  96,  et  chez 
M.  Valade,  imprimeur,  rue  Co(]nillitre,  n."  iy  ,  pour  un  ouvrage  intilulc: 
AnraUs  de  hi  musique ,  ou  Almanach  mu ù cal  pour  l'an  i8ig ,  à  l'usage  des 
amateurs.  —  Contenant  les  répertoires  de  la  musique  française  et  étrangire, 
publiés  en  1  9 1 7  et  i  H 1 8  ;  —  le?  journaux  de  music]ue ,  fr3n(;aîs  et  étrangers  ;  — 
une  liste  générale,  renfermant  le  nom  et  la  demeure  des  marchand»  de  musi<iiiej 
musicienset  compoiiienrsde  Paris,  avec  le  titre  de  leurs  ouvrngeF  rangés  chrono- 
logkliiement;  —  la  nécrologie  des  musicienî  de  tous  les  pays,  avoc  le  titre  de  leuri 
ouvrages  rangés  austi  chronologiquement;  —  une  bibliographie  de  la  musique; 

—  deséphémérides  musicales; —  une  Une  des  inveniioiu  relatives  à  la  musique, 

—  l'école  royale  de  musique  et  de  déclamation  ;■ —  les  tcoles  el  cl.isfes  parti- 
culières; —  les  théâtres  lyriques,  avec  te  prix  des  places  aux  bur.aux  el  celui  de 
location;  —  les  soirées  et  matinées  musicales;  —  les  gravures  qui  on'ifappo'"'  à 
\a.  musique  et  aux  artistes,  &t.  &c.  —  dédié  à  M.mc  veuve  Nicolo.  —  Première 
année,  1  vol.  hi-12.  Prix  de  la  souscription  ,  4  fr. 

Traité  élémentaire  de  matrire  mAlicule,  par  Barbier;  tome  L"  Paris,  impr.  dé 
Ccllot,  librairie  de  Méquignon-Marvis,  1819,  in-S.° ,  40  feuilles:  ij  fr. 

Notice  historique  et  bibliograjfhîque  des  journaux  et  ou<;Tages  périodiques  publiés 
(en  France)  en  181 Ë.  Paris, impr.  de  Patris,  librairie  de  Brissot-Thi.ars,  1819, 
in-SS-r  54  pages.  Cette  notice  fait  connoitre  les  journaux  politiques  et  llitérairei 
qui  paroissent  en  France,  et  particulièrement  à  Paris;  les  auienrs  qui  les  ont 
rédigés  nu  qui  les  rédigent  encore;  l'objet  et  le  but  de  chacune  de  ces  collec- 
tions i  l'époque  où  elle  a  commencé ,  &c. 

ITALIE. 

L'abbé  Luigi  de  Angelis ,  bibliothécaire  à  Sienne ,  va  publier  trois  volume: 
in-S.'  d'additions  et  observations  faites  en  divers  temps  sur  les  marges  des  dilî'é- 
renies  éditions  du  Vocabolario  lieUa  Crusca,  par  plusieurs  hommes  de  lettres, 
Le  prix  sera  de  ij  cent,  par  feuille. 

I  quaito  litri  délie  Elégie  Ù'c.  ;  les  Élégies  de  Properce  traduites  en  vers  italiens 
et  accompagnées  de  variantes  et  de  uotes;  par  M.  Visraara:  tomei.  Milan,  chez 
Fernrio,  1 8  1 B , /n-i'.' 

Opère  scelle  iÙTc.  i  Œuvres  choisies  de  V.  A Ifieri ,- Xome%  l  el  H.  Mihn  ,  Fus! , 
1818,2  vol.  in-S.'^Viia  di  Vittorio  Alfievi  ifa  Vie  de  V.Alfitri  d'Asti. 
écrite  par  lui-mém?,  &c.  Milan,  t8i8,m-i'.' 

Poésie  e  Prose:  Poésies  et  (Euvres  en  prose  de  D.  J.  Marttnoni  dt  Como , 
avec  une  notice  sur  sa  vie  et  ses  écrits  par  le  professiur  Luigi  Catenazzi. 
Como.Osiinelli,  181K.  in-8.' 

fiacccba  de'  viaggi  fc;  Rectuil  des  voyages  les  plus  intéressans ,  entrepris 
Hans  les  différentes  parties  du  monde,  parterre  ei  par  mer,  après  ceux  de 
Cooke,  en  4^  vol.  in-S.'  avec  cartes.  Les  trois  premiers  volumes  de  ceiiff 
collection  viennent  de  puroiire  à  Milan  chez  le  libraire  Sonzogno.  Le  prix  de 
chaque  volume  est  de  î  fr. 


MARS    1819.  191 

Viaggio  in  Eghto  ifc,  ;  Voyage  de  Nie,  Frescobaldi  en  Egypte  et  en  Terres 
Sûinte/Rome ,  de  Romanis,  1818,  in- 8."  Prix  4  paoli. 

ISfuovi  frammenti  dei  fasti  consolari  capitolini.  Le  premier  volume  de  cet 
ouvrage,  publié  par  M.  B.  Borghesî,  a  paru  chez  Maspero,  à  Milan  ,  /n-4/ 

Les  Considérations  de  JVL^'  de  StaA  sur  les  principaux  héneinens  de  la  révolution 
française,  traduites. en  italien,  paroîtront  incessamment  chez  le  libraire  Glaucô 
Masi,  à  Livourne,  et  formeront  4  vol.  in-S," ,  qui  se  vendront  24  paoli. 

Le  libraire  Molini,  de  Florence,  annonce  une  nouvelle  édition  du  Museo 
PiO'Clementino  d'Ennio  Quirino  Visconti,  laquelle  sera  dirigée  par  l'abbé  G. 
B.  Zenoni.  * 

Vita  del  cav,  Giambattista  Dodonij  suivi  d*un  catalogue  chronologique  de 
toutes  les  éditions  publiées  par  lui,  Parme,  2  vol.  petit  //z-^.'  —  Manuale i^c*; 
Manuel  typographique ,  par  le  même.  Parme,  1818^2  vol.  petit  in-foL 

Storia  délia  filosofia  ifc;  Histoire  de  la  philosophie  grecque,  par  Sacchi; 
tome  L  Pa vie,  Capelli ,  1 8 1 8 ,  in-iJ,  Prix ,  2  tr. 

Origine  i^c»;  sur  l  Origine  des  chiffres  romains;  par  de  Mattheis.  Rome» 
Bourlié,  1818,  in-i..' 

Afemorie  iT'c:  Mémoires  delà  société dts sciences  de  Modene;  tome  XVIII, 
partie  mathématique.  Modènc,  1818,1^-4.* 

Nuovl  Commentari  ifc*  ;  Nouveaux  Mémoires  de  médecine  et  de  chirurgie j 
publiés  par  V.  J.  Brera,  C.  Ruggeri  et  F.  Caldanî;  premier  semestre  de  îan 
i8i8.Padoue,  in-S.' 

Saggio  d(l  istituto  i7c,  ;  Mémoires  de  Vinstitut  clinique  romain  de  médecine 
externe  pour  les  années  tStô  et  iSij^s'ç^r  le  D/  Giuseppe  Sisco.  Rome,  de 
Romanis,  1818,  in-éf.'  Prix,  5  fr. 

Giornale  arcadico  di  science ,  lettere  ed  arti.  Journal  entrepris  à  Rome  chez  le 
libraire  de  Romanis.  Il  en  paroîtra  chaque  mois  un  cahier  d'environ  dix  feuilles, 
de  huit  au  moins,  in-8,^  Le  prix  de  l'abonnement  annuel  est  de  cinq  écui 
romains,  et  de  six  hors  de  Rome.  On  peut  souscrire,  à  Paris,  chez  MM.  Rey 
et  Gravier. 

ANGLETERRE. 

Christabelie ,  ifc;  Christabelle ,  on  la  Demoiselle  de  Rouen,  roman  fondé  sur 
des  faits;  par  M.*"*^  Hanway.  Londres,  Longman,  1818,4  vol.  in-ii:  1  liv.  4 «h. 

A  Journ^  ifc;  Voyage  sur  les  cotes  du  comté  de  Kent.  Londres,  Baldwin, 
1818,  in-o.^ ,  avec  une  carte:  9  sh. 

A  geographical  description  Ù'c;  Description  géograjhique  et  statistique  di 
^Ecosse;  par  J.  Pîayfair.  Edimbourg,  181 1^,  2  vol.  gr.  in-S,' 

An  Autumn  iT'c»;  Un  Automne  sur  le  Rhin,  ou  Essai  sur  la  société,  les 
fcènes  pittoresques  &c.  de  quelques-uns  des  étais  de  l'Allemagne  situés  sur  les 
bords  du  Rhin.  Londju,  1818,  in'8.%  avec  une  carte. 

An  Account'  i^c.  ;  Welation  historique  des  découvertes  et  voyages  faits  en  Asie; 
par  Hugh  Murray.  Cet  ouvrage,  qui  formera  trois  volumes  in-S,\  avec  cartes 
tt  planches,  paroîtra  incessamment  à  Edimbourg. 

Journal  of  travels  ifc;  Journal  de  voyages  faits  dans  les  Etats-  Unis ,  Ù^c» 
pendant  Vannée  18 ly ;  par  John  Palmer.  Londres,  Sherwood,  1818,  gr.  in-8.* 

On  the  nature  i^c.  ;  Observations  sur  là  nature  et  le  traitement  du  Tétanos  et  de 
l' Hydrophobie,  suivies  dé  quelques  remarques  sur  la  classification  naturelle  des 
maladies  en  général;  par  R..Rcid.  Londres, Longman,  1818, //i-<y/  Pr.  ysh.  6d. 


yfiuar,  a  Bedouetn 
London,  lUip.  '"-S. 


JOURNAL  DES  SAVANS. 

insUted  fromthe  arable, by  Terrkk  Hamilton. 

ALLEMAGNE. 
Waerterbuch  iXc-i  Dictionnaire  grée  tt  allemand;  par  C.  F.  Rass.  Gœttingue, 
Vanden  Hoeck,  iMiS,  2  vol.  gr- '"•*'°-  3  l^^- 

Vtrsuck  einer  lehreC''c.i  Essai  d'une  tliéarit  de  la  tangue  latine.  Munich, 
Ficisthmann,3  fl.  30  kr. 

Woerrerbuck  ifc.  ;  Dictionnaire  étymologique  de  la  langue  fiançaise;  par  J. 
■  %.  Machci.  Vienne,  Wallishaustr,  l8i«,  i  vol.  gr.  in-iV 

Saminlung  4^c.;  Fecueîl  de  passages  d'auteurs  français  du  Xtl.'  sIècU,  avec 
«n  vocabulaire  dti  anciem  mou  qui  manquent  dans  les  dictionnaires  français; 
car  S,  Schmidt.  Berlin  ,  Nicolai  ,1818,  in-S.'  :  16  gr. 

AMÉRIQUE.  Une  lettre  de  M.  W.  Donnison,  insérée  dans  les  journaux 
,  américains,  donne  la  description  d'un  fort  en  pierre,  qui  se  trouve  au  confluent 
,   des  deux  bras  méridionaux  de  la  Duct  dans  le  Tennessee,  li  couvre  une  sur- 
face de  32  acres.  Ses  murs  irés-épats,  hauis  d'environ  dix  pieds,  soutenoicnt 
I   Jadis  une  lourde  charpente  dont  on  voit  encore  quelques  i^ebris.  Des  ancien* 
ouvrages  militaires  qu'on  remarque   dans  celte  partie  de  l'Amérique,  c'est  le 
Mul  qui  ne  soit  pas  de  terre ,  et  dont  la  construction  semble  avoir  exigé  l'usag» 
'  du  marteau  et  autres  outils  en  fer. 


Nota.  Ou  peut  s'adresser  à  la  librairie  de  MM.  Treu  ttel  rt  Wiirti,  à  Paris, 
'  rue  de  Bourbon,  n.'iy  ;  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers;  et  à  Londres ,  n.'  jo, 
L  Soho-Square,  pour  se  procurer  les  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des 
Savons.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE. 

f'iitsnm  des  Indes  anglaises  j  par  J.  AJill.  (  Article  de  M.  Silvesire 

ï      de  Sacjr.  ) Pag. 

,  Observations  sur  la  Phrénologie ,  par  G.  Spur^heirn.  {Artîclede  M, 

L       Tessier.  ) 

r  Voyage  dans  l'Asie  mineure,  l'Arménie  et  le  Kourdistan ,  par  M.  John 

Aiacdonald  Kinneir.  {Second article  de  At,  Letronne.  ) 

|.  J^ines  de  l'Orient,  exploitées  par  une  sociéiéd'amateurs,  sous  les  auspices 

de  M.  le  comte  Wenceslas  R^wushy.  { A  rticle  de  M.  R  avno  u  ard.  ) . . 
(  Rechercbes  sur  les  bibltothiques  anciennes  et  modcrr.es ,i^.  ;  par  M, 

f       Pelii-Radel.  {  Article  de  M.  Daunou.  ) 

I  _ffouveltes Lettres  édifiantes  des  Agissions  de  la  Chine  et  des  Indes  orien- 

f      taies.  {Article  de  M .  Abel-Rcmusai,  ). 

Philosophie  anaiomique ,  par  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire.  {Article  de 

AI.  fessier.  )......... 

flfouveltes  lioéraires 

riN  DE.  LA  TABLE. 


131.- 

139. 

142. 

151. 

162. 

174. 

183. 
i87< 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 


AVRIL     1819. 


A   PARIS, 
DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 


% 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  dei  Savans  est  de  36  francs  par  an, 
et  de  40  fr.  par  la  poste,  hors  dt  Paris.  On  s'abonne  chez  MM.  Treuttet  rt 
Wurt^,  à  Paris,  rutdt  Bourbon-,  tt.'  t^;  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers,  nà 
Londres,  n.'jo  Sako-Squart.  Il  fiiat  affrancbir  les  lettres  et  l'argent. 

Tout  ce  qm  peM  nncehifr  ks  annonces  à  Insérer  Âans  cejournal, 
lettres  ,  -avis ,  mémoires ,  Uvres  nouveaux,  &c.  doit  être  adressé, 
FSANC  DE  PORT ,  OU  httreau  du  Journal  des  Savans,  à  Paris,  rue 
de  Ménil-tnontant,  n.*  22. 


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JOURNAL 

DES    SAVANS. 

AVRIL    1819. 

i 

Leçons  de  philosophie,  ou  Essai  sur  les  facultés  Je  l'ame , 
par  M.  Laromiguière ,  professeur  Je  p/iilosop/iie  a  la  faculté 
des   lettres  de   l'Académie  de  Paris,   Paris,    chez   Brunot- 
Labbe  :  tome  I.'' ,  1 8  [  5  ;  tome  II ,   1818;  in-S." 

PREMIER     EXTRAIT. 

Il  y  a  deux  manières  de  considérer  un  ouvrage  philosophique  :  soit 
en  lui-même  et  par  son  seul  rapport  avec  la  vérilé.qui  ne  change  point; 
soit  relativement  et  par  son  rapport  avec  les  ouvrages  qui  l'oni  précédé, 
et  l'influence  probable  qu'il  doit  exercer  sur  les  ouvrages  qui  le  suivront. 
C'esl  sous  ce  dernier  point  de  vue  que  les  Leçons  deiM.  Laromiguière 
nous  ont  particulièrement  frappûsi  et  que  nous  nous  proposons  d'en 

Bb   2 

L 

'J 

1^6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

rendre  compte.  Sans  nqus  interdire  de  les  jugef  en  elles-mêmes,  nous 
tâcherons  sur-tout  de'  [es  faire  connoître,  c'est-à-^re,  de  montrer  leur 
place  dans  le  progrès  de  Tesprit  philosophique  parmi  nous. 

Depuis  un  siècle  &  peu  près ,  que  la  métaphysique  de  Locke,  sur 
lés-ailes  brillantes  et  légères  de  l'imagination  de^oltaîre,  traversa  le 
détroit  et  s'introduisit  en  France  ,  elle  y  a  régné  sans  contradiction  et 
avec  une  autorité  dont  il  n'y  a  pas  <f exemple  dans  fhistoire  entière  de 
la  philosophie.  C'est  un  fait  merreilleul ,  mais  incontestable,  que,  depuis 
Condillac,  il  n'a  paru  parmi  nous  aucun  ouvrage  philosophique  con- 
ttiire  &  sa  doctrine ,  qui  ait  produit  quelque  impression  sur  le  public. 
Condillac  régnoit  donc  en  paix  ;  et  sa  domination ,  prolongée  jusqu'à 
nos  jours  à  travers  des  changemens  de  toute  espèce,  paroissoit  \  Tabri 
de  tout  danger  et  poursuivoii  son  paisible  cours.  Les  discussions  avoient 
cessé  :  les  disciples  n'avoietit  plus  qu'à  développer  les  paroles  du 
maître;  h  philosophie  sembloit  adievée.  Cependant  les  choses  en  sont 
\enues  insensiblement  à  ce  point,  qu'il  paroît  tout-à-coup  un  ouvrage  où 
l'auteur  abandonne  et  combat  même  le  système  établi,  sans  choquer  le 
public.  Que  dts-je!  le  public,  jusqu'alors  si  prévenu  en  faveur  de  Con- 
dillac, accueille  son  adversaire^  et, ne  paroît  pas  même  éloigné  d'em- 
brasser la  nouvelle  direction..  Ceci  propveroit  deux  choses  :  i ."  qu'une 
révolution  philosophique  se  fait  sourdement  dans  quelques  esprits  ; 
a..'  que  cette  révolution  est  déjà  préparée  dans  l'opinion  publique  :  or 
nous  ne  craignons  pas  d'avancer  qu'une  telle  révolution,  si  elle  n'est 
point  une  chimère ,  est  un  des  <^ts  les  plus  imj>onans  de  l'époque 
actuelle. 

Mais  ie  (aU  est-il  bien  réel  !  L'esprit  humain  a-t-il  ressaisi  parmi  nous 
le  droit  d'examen!  et  M.  Laromiguière ,  jadis  si  zélé,  si  scrupuleux 
disciple  de  Condillac,  a-t-il  vraiment  abandonné  sa  doctrine!  C'est  ce 


AVRIL   iSip.  197 

que  cela  seul  est  fécond  qui  est  animé  de  Fesprit  du  siècle,  qui  se  lie  à  ses 
besoins»  à  ses  vœux,  Il  sa  tendance.  S'il  n'y  avoit  aucun  rapport  entre 
Condilfac  et  M.  Laromiguière,  quand  même  M.  Laromiguière  auroit  pour 
lui  la  raison,  il  n'auroit  pas  pour  lui  le  public,  qui  veut  bien  marcher, 
mais  non  pias  courir;  qui  veut  bien  permettre  qu'on  améliore  ses^idées, 
mais  non  pas  qu'on  les  détruise  brusquement  :  jamais  le  même  individu 
n'a  complètement  changé.  La  société  ne  change  complètement  que  par  les 
changemens  partiels  et  progressifs  des  diverses  générations.  Si  fa  rupture 
de  M.  Laromiguière  avec  Condillac  eût  été  violente,  on  pourroit  accuser 
la  passion  ou  le  caprice ,  et  ne  voir  là  qu'un  phénomène  superfidel  et 
passager;  mais  les  changemens  insensibles  préparent  les  révolutions 
durables.  Enfin,  si  l'auteur  n'avoit  pas  été  un  disciple  de  Condillac  et  ne 
s'en  raontroit  pas  toujours  le  plus  ardent  admirateur,  il  eût  manqué  S 
Condillac  d'être  abandonné  et  attaqué  par  un  des  siens  :  or,  être  attaqué 
n'est  qu'un  accident  ordinaire,  même  à  un  système  vainqueur;  trouver 
des  résistances  est  un  accident  inévitable  pour  un  système  nouveau  qui  se 
développe  et  qui  marche  à  la  victoire;  gagner  peu  de  terrain  est  l'effet 
de  toute  résistance  opiniâtre,  et  n'est  encore  qu'un  phénomène  peu 
inquiétant  :  mais  en  perdre,  reculer  quand  on  a  été  si  loin;  tomber  j  ne 
fût-ce  que  d'une  ligne,  quand  on-  est  parvenu  au  faîte,  ce  sont  là  des 
présages  tout  autrement  sinistres:  en  fait  de  système  atissi,  une  chute 
est  une  riiine;  reculer,  c'est  être  vaincu;  perdre,  c'est  déjà  périr. 

Ce  qui  caractérise  l'ouvrage  de  M.  Laiomiguière ,  comme  ce  qui  en 
&it  l'importance,  est  donc  précisément  ce  mélange,  ou,  pour  ainsi  dire, 
cette  lutte  de  deux  esprits  opposés,  de  deux  systèmes  contraires;  lutte 
d'autant  plus  intéressante  que  l'auteur  n'en  a  pas  le  secret,  d'autant  plus 
grave  qu'elle  est  plus  naïve.  C'est  le  spectacle  de  cette  lutte  que  nous 
voulons  donner  au  public  ;  elfe  est  par-tout  dans  le  livre  de  M.  Laro- 
miguière; elle  est  dans  chaque  gmnde  division,  dans  chaque  chapitre, 
dans  chaque  alinéa,  dans  chaque  phrase  :  tant  une  situation  est  profonde 
lorsqu'elle  est  vraie  ! 

L'ouvrage  de  M.  Laromiguière  est  la  collection  des  leçons  qu'il  donna 
à  la  faculté  des  lettres  de  l'académie  de  Paris ,  pendant  les  années  1 8 1 1 , 
1812  et  181  3.  Les  succès  du  professeur  fiirent  étonnans,  ceux  de 
l'écrivain  y  répondront;  tel  est  l'effet  d'un  enseignement  et  d'un  style 
qui  conduisent  toujours  le  lecteur  ou  l'auditeur  de  ce  qu'il  sait  mieux 
à  ce  qu'il  sait  moins  ou  à  ce  qu'il  ignore  tout-à-fait* 

Ces  leçons  se  présentent  sous  Je  titre  d'Essai  sur  les  facultés  de  rame. 
Au  fond,  cet  essai  comprend  toute  la  métaphysique  ;  car  l'auteur,  consi- 
dérant les  facultés  et*dans  leur  nature  et  dans  leurs  produits,  c'est-à-dire , 


AVRIL  1819.  199 

)>  les  ramenant  à  un  principe  commun  à  leur  origine,  cette  méthode 
»  s'appelle  rfun  seul  mot  analyse.  C'est  Tanalysè ,  dit  M.  Laromiguière , 
»  qui ,  ramenant  à  Funité  les  idées  les  plus  diverses  qu*etfe  même  nous  a 
»  données ,  fait  produire  à  la  foiblesse  les  effets  de  la  force  ;  c'est  l'analysé 
a»  qui 9  sans  cesse,  ajoute  à  l'intelligence,  ou  plutôt  Tintelligence  est  son 
»  ouvrage ,  et  la  méthoSe  est  trouvée.  » 

La  méthode  est  trouvée!  C'est  ce  qu'il  s'agît  d'examiner  mûrement, 
en  cherchant  k  se  défendre  de  l'enthousiasme  qui  peut  bien  saisir  le  poète 
en  présence  d'une  grande  image,  d'une  inspiration  sublime,  et  même 
le  métaphysicien  le  plus  méthodique,  à  l'instant  où  il  croit  apercevoir 
une  idée  féconde  ;  mais  qu'il  ne  &ut  pas  commencer  par  partager,  Iors<- 
qu'on  veut  savoir  Vil  est  bien  ou  mal  fondé,  si  réellement  la  méthode  est 
trouvée.  Or,  elle  ne  l'est  pas;  ou,  si  elle  se  trouve  dans  la  description 
qu'en  vient  de  donner  M.  Laromiguière ,  elle  s'y  trouve  si  bien  enve- 
loppée sous  des  élétnens  étrangers ,  qu'on  a  peine  à  l'y  reconnoître.  En 
eflèt,  pour  systématiser  une  science,  c'est-à-dire,  pour  ramener  une  suite 
de  phénomènes  à  leur  principe ,  à  un  phénomène  élémentaire  qui  en- 
gendre successivement  tous  les  autres,  ir6ut  saisir  leurs  rapports,  le 
rapport  de  génération  qui  les  lie;  et  pour  cela,  il  est  clair  qu'il  faut  com- 
mencer par  examiner  ces  différens  phénomènes  séparément.  Cette 
opération,  c'est  l'observation.  Or  l'observation  peut  bien  conduire  à 
Tunité,  mais  quelquefois  aussi  elle  n'y  conduit  pas;  elle  y  conduit,  si 
elle  la  trouve;  elle  la  trouve,  si  l'unité  existe:  si  l'unité  n'existe  pas, 
l'observation  aura  beau  Ja  chercher,  elle  ne  la  trouvera  pas;  elle  nV 
conduit  donc  pas  nécessairement  :  observer  est  donc  une  chose,  unir  et 
systématiser  en  est  une  autre;  ces  deux  opérations  ne  se  rencontrent  donc 
que  fortuitement,  extérieurement ,  pour  ainsi  dire ,  par  l'effet  de  Fidentité 
qui  peut  se  rencontrer  dans  les  choses  observables.  Alors  nous  ne 
ramenons  pas  les  phénomènes  à  l'unité  ;  mais  nous  voyons  Ftmité  dans 
les  phénomènes,  parce  que  les  phénomènes  sont  identiques.  Si  l'unité  est 
une  création  de  l'esprit,  c'est  une  chimère;  si  c'est  une  réalité,  c'est  un 
fiit,  un  fait  d'observation»  comme  tout  autre  fait ,  comme  la  diversité  ou 
la  ressemblance.  L'observation,  si  elle  est  exacte,  le  trouve  même  sans 
le  chercher;  de  telle  sorte  qu'il  n'y  auroit  pas  même  dans  la  méthode 
deux  opérations ,  l'opération  qui  observe  et  celle  qui  unit  et  systématise , 
mais  une  seule  opération,  savoir,  l'observation,  laquelle  trouve  ou  ne 
trouve  pas  Funité.  Dans  ce  cas,  la  méthode  consisteroit  uniquement 
dans  l'observation  ;  et  dans  ce  cas  encore,  si  l'on  veut  donner  un  nom 
grec  à  l'observation,  à  la  méthode,  qui  n'est  pas  plus  grecque  que 
française  et  qui  appartient  à  la  raison  universelle,  on  peut  lui  donner  le 


100  JOURNAL  DES  SAVANS, 

nom  S  analyse ,  cette  expression  marquant  lopération  de  Fesprit  qui 
divise,  qui  décompose,  c'est-à-dire*  qui  tend  à  Tobservation  ;  car  on 
n'observe  y  on  n'observe  bien  qu'en  décomposant  :  la  langue  grecque 
oppose  Y  analyse  à  la  synthèse,  comme  la  langue  française  oppose  fa  décom- 
position^ la  composition.  Toutefois»  les  définitions  de  mots  étant  libres, 
sauf  Finconvénient  de  confondre  les  idées  par  Ifl  confusion  du  langage 
convenu ,  on  peut,  si  l'on  veut ,  appeler  analyse  la  réunion  de  ropération 
intellectuelle  qui  décompose  et  de  celle  qui  compose ,  de  l'analyse  et  de 
la  synthèse,  comme  les  Grecs  l'entendoient ,  et  comme  jusqu'ici  fenten- 
doit  tout  le  monde:  on  peut  encore,  si  on  le  veut,  appeler  méthode 
en  général  ces  deux  opérations ,  qui ,  au  fond ,  constituent  deux  méthodes  ^ 
et  qui  jusqu'ici  passoient  pour  deux  méthodes.  Les  Êûts  sont  tout,  les 
mots  ne  sont  rien:  qu'on  fasse  des  mots  ce  qu'on  voudra;  mais  que  les 
faits  restent  intacts,  ainsi  que  leurs  caractères.  Quelque  dénoim'nation 
que  Ion  emploie,  toujours  est-il,  i."" qu'unir  et  systématiser  n'est  pas 
décomposer  et  observer;  que  ces  deux  faits ,  sans  s'exclure,  ne  se  suivent 
pas  nécessairement  dans  l'esprit  ;  2.*"  que,  pour  atteindre  à  la  vérité  » 
l'observation  est  incomparablement  plus  utile  que  la  recherche  de 
l'unité;  et  que,  par  conséquent,  dans  Tidée  générale  de  méthode,  la 
décomposition,  en  fait  et  en  droit,  précède  la  composition.  Or  Con- 
dillac  et  M.  Laromiguière  font  tout  le  contraire.  Sans  proscrire  Tobser- 
vation,  ils  insistent  plutôt  sur  la  composition,  siu*  l'unité  nécessaire  à 
tout  système.  Pour  ne  point  parler  de  CondlIIac,  les  passages  de  M,  La- 
romiguière que  nous  avons  cités  plus  haut,  sont  décisifs.  La  tendance 
il  l'unité  est  telle  dans  les  Leçons  de  philosophie,  qu'indépendamment 
de  tous  les  passages  où  le  professeur  la  recommande ,  et  où  il  la  suit 
explicitement ,  il  reste  encore  je  ne  sais  quel  esprit  général  qui  y  aspire 
sans  cesse,  qui  se  produit  dans  les  mots  comme  les  idées,  remplit  et 
anime  le  livre  tout  entier.  Or,  qui  ne  voit  que  cette  tendance  il  l'unité, 
cette  sup>ériorité  accordée  à  T^sprit  de  système  sur  Tesprii  d'observation, 
doit  être  funeste  et  mortelle  à  la  vraie  science,  qui- doit  reposer  sur  les 
faits  !  Que  diroit^on  d'un  chimiste  qui,  dans  des  leçons  sur  la  méthode, 
la  réduiroit  quasi  à  la  recherche  de  l'unité,  à  la  recherche  d'un  élément 
■unique,  simple,  indécomposable,  dont  tous  les  autres  ne  fussent  que 
des  formes,  dont  la  chimie  entière  ne  fût  que  le  développement  pro- 
gressif !  Un  tel  chimiste  ne  rappelleroit-il  pas  le  temps  de  Paracefse, 
plutôt  que  le  temps  de  Lavoisier!  Celui-lù,  à  coup  sûr,  ne  trouveroit 
pas  la  classification  des  corps  simples;  car  où  il  y  a  unité,  il  n'y  a  pas 
lieu  à  classification  :  il  ne  trouveroit  pas  un  élé)nent  nouveau;  car  deux 
élémens  simples,  et  tout  élément  est  simple   ou  supposé  tel,  deux 


AVRIL  1819.  201 

élémens  engendreroîent,  selon  lui,  deux  sciences  tout-à-fait  opposées. 
Que  diroît-on  du  physiologiste  qui  recommanderoit  de  chercher  avant 
tout  la  fonction  organique  élémentaire,  qui  voudroit  voir,  à  tout  prix, 
toutes  les  forces  dans  une  seule  !  Que  diroit-on  du  médecin  dont  la 
méthode  médicale  consisteront  à  réduire  toutes  les  maladies  à  une  seule  t 
la  goutte  à  la  fièvre  ou  la  fièvre  à  la  goutte  î  Que  diroit-on  du  phy- 
sicien qui,  au  lieu  d'ajouter  la  géométrie  à  l'expérience,  pré tendroit,  à 
priori,  construire  la  nature  avec  un  x  ou  un  y!  N'est-il  pas  visible  qu'aus- 
skôt  que  l'esprit  humain  s'écarte  de  l'expérience,  il  s'écarte  de  la  ligne 
droite  de  la  science  ! 

Ne  seroit-on  donc  pas  fondé  à  dire  à  Condillac  et  à  son  école  : 
i."*  Sans  prétendre  que  vous  rejetez  l'expérience,  certainement  vous 
insistez  plus  sur  l'unité  et  l'esprit  de  système;  dès-là  votre  méthode, 
sans  être  absolument  vicieuse  et  exclusive ,  contient  déjà  un  germe  fu- 
neste que  l'application  développera  nécessairement. 

zJ"  Quand  même  il seroit  vrai  que,  dans  l'application ,  vous  n'eussiez 
pas  failli,  le  mérite  en  seroit  à  vous,  non  pas  à  votre  méthode;  et  notre 
remarque  subsisteroit  toujours. 

3/  Quoi  qu'il  en  soit  de  notre  remarque,  si  elle  pèche,  assurément 
ce  n*est  pas  par  une  excessive  témérité ,  et  ce  n'est  pas  à  vous  d'accuser 
vos  adversaires  d'être  des  esprits  ambitieux  et  chimériques.  En  effet ,  quelle 
ambition  que  celle  de  voir  tout  en  un,  et  même  de  ne  vouloir  rien  voir 
autrement!  car  non-seulement  l'unité  est  pour  vous  un  résultat,  mais  c'est 
une  loi,  c'est  un  précepte,  une  méthode.  Quand  donc  vous  rencontrez 
sous  votre  plume  les  noms  de  philosophes  étrangers  ou  de  philosophes 
anciens,  les  noms  de  Platon  ou  de  Pythagore,  des  Alexandrins  ou  de 
certains  scholastiques,  de  Leibnitz  ou  de  Spinosa,  et  d'autres  modernes 
plus  récens  dont  la  gloire  est  l'orgueil  de  grandes  nations  contempo- 
raines', de  grâce ,  moquez-vous  moins  de  leurs  prétentions ,  car  les  vôtres 
ne  sont  pas  petites.  Ces  jaux  sages ,  ces  illuminés,  comme  vous  \^^ 
appelez ,  on  ne  sait  pourquoi ,  peuvent-ils  avoir  été  plus  loin  que  vous  I 
car,  encore  une  fois,  qu'y  a-t-il  au-dessus  et  au-delà  de  l'unité  ! 

4*''  De  plus,  cette  unité  que  vous  cherchez ,  nous  la  souhaitons  aussi; 
sans  doute  l'homme  ne  |>eut  se  reposer  que  dans  l'unité  :  Tunité  est  la  fin 
dernière  de  la  science;  mais  nous  croyons  que  Fobservation  en  est  la 
condition, et,  tout  en>cherchant  la  fin  de  la  science,  nous  nous  pénétrons 
sur-tout  du  besoin  d'accomplir  ses  conditions.  Voyez  donc  qui,  de  vous 
ou  de  nous,  se  conforment  le  mieux  à  l'esprit  des  temps  modernes  ,  le- 
quel n'est  autre  chose  que  la  crainte  de  l'hypothèse ,  et  la  prédominance , 
quelquefois  même  excessive,  de  Fobservation  sur  la  spéculation. 

ce 


202  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Sans  «ppliquer  à  M.  Laroniiguière  ces  paroles  pacifiques  que  nous 
n'adressons  ici  qu'au  chef  fiii-m*me ,  à  Condillac ,  nous  ne  pouvons  nous 
einpâcher  de  regrttrer  que  M.  Laromiguière,  qui,  sur  d'autres  points, 
aE>andonne  Condilfnc,  l'air,  sur  cefui-lh,  si  scrupuleusement  suivi.  Sa  rné- 
thode  est  celle  de  Condillac;  elfe  en  a  tous  les  inconvéniet» ;  eHe  en 
a  aussi  tous  les  avantages,  parmi  lesquels  11  faut  mettre  au  premier  rang 
le  talent  de  Texposiiion  et  du  style.  Si  toutes  les  idées  sont  réductibles 
à-  l'unité ,  si  Punité  est  la  loi'  de  la  pensée  humaine ,  l'analogie  est  la  loi 
du  langage;  aussi  l'anfifogie  esi-eRe  le  caractère  éminent  du  style  de 
Condillac  et  de  M.  Laroniiguière.  De  là  ce  stylé  heureux  dont  le 
secret  consiste  à  aller  sans  cesse  du  connu  à  rinconnu,'et  k  répandre 
ainsi  sur  toutes  les  matières  la  lumière  et  l'agrément  :  do  lîi  cetiti 
élégance  continue  dont  Condillac  a  transmis ,  avec  sa  méthode  générale* 
rhabitude  systématique  à  son  heureux  imitateur ,  qui ,  par  un  trayait  plus 
profond  encore ,  une  étude  plus  assidue ,  semble  y  avoir  ajouté  plus  de 
force  et  plus  de  charme.  Comme  le  système  de  M.  Lapomigui^  n'est 
qu'une  génération  progressive  d'idées,  sa  langue  n'est  qu'une  traduction 
harmonieuse.  L'habile  écrivain  voUs  conduit,  tous  promène,  pour  amsi 
dîre,  d'une  formel  F^tre,  d'une  expression  k  une  expression,  avec 
un  art  aussr  profond  et  aussi  subtil  que  l'habifc  dialecticien  vous  fait 
passer  d'un  principe  plus  on  moins  prouvé ,  mais  enfin  étabfi  et  convenu , 
à''une  conséquence  immédiate  qui  elle-même  engendre-  une  conséquence 
nouvelle,  d'où  sort  une  suite  de  nouveHes  conséquence»  toutes  liées 
intimement  fune  à  Fautre;  préparées  et  ménagées  par  des  liannontes 
et  des  gradations  qui ,  en  sie'tléveloppànt  successivement  sous  vos  yeux  % 
vous  channent  sans  trop  vous  surprernfre ,  et  vous  éclairent  sans  vous 
éblouir.  Malheureusement  lé  talent  d'exposition ,  qui  se  préïe  aussi  bien 
il  Ferreur  qu'à  la  vérité ,  ne  prouve  rien  pour  ou  coiitre  un  système. 

Mnis  comment,  dtra-t-on,  se  fàit-il  que  M.  Laromiguière  diffère. 


.     '     .AVKIL  1819.  ioj 

Desçrizioné  degù   Staterî  antichî  ,   illuitrati    con   le 
medûglie ,  fer  Dpmenico  Sestiiiii  &c.  &c.  &c«  Finenze» 
MDCCCXVii*  —  Description  des  Statèrts  antiques ,  expliqués 
au  moyen  des  médailles ^  par  Dominique  Sestini ,  &c.  &c.  &c;  ' 
Florence,   18 17. 

L'auteur  de  cet  ouvrage ,  M. Séstlni,  est  I un  q!^s  hommes  qui,  d;uis 
les  derniers  temps ^  ont  fait  faire  le  plus  de  progrès  à  (a  science  numis- 
matique. Ses  nombreux  voyages  Tout  mis  à  portée  de  vérifier,  sur  les 
lieûx.mèmes,  rpriginedïule  roule  de  nîohuinens  qu'on  avoit  jusqu'à  lu^ 
pu  r^fégués  dans  la  classe  des  moimoîes  incertaines,  ou  af^cté^.  de 
fausses  âttriWiîons.  Les  dfveils  cafc(înéts  d^uropef  qu*il/a  puhfiésj  ont 
enritlii  d'un  pfus  grand  nombre  «ncofé  de  d&oiîr^ef tés  précieuses  fa 
géographie  et  fhi^tçnre  numismatiques.  Alafs'parrhi  ces  travaux  si  litlfes 

la  scietice,  Fun  des  premiers  rangs  sans  ^ute  est  aà  à  Touvrajge  que 
nous  annonçons,  et  dont  Fobjet  est  de  faire conhofirê  une  classe  entière 
de  monumens  que  le  pfus  judicieux  cruîc^ûe  du  dertiier  siècle ,  le  docte' 
Eckhel,  traitoit  encore  d'imaginaires  (i).  .. 

Pkisieurs  autéuri  anciens  âvoîènt  cependant'  Tait  iTieniion  d'une 
monnoîe  d'or  et  d'une  monnoie  d'argent  appelées  l'aue  et  fautre  staùres. 
Je  vais  réunir  ici,  le  pfus  brièvement  qu'il  ni^  sera  possible,  les  diven^ 
textes  qui  ont  rapport  à  celte  monnoie,  tant  à  cause  de  ITmporlance 
qu'ils  ont  dans  la  question  traitée  par  M.  Sestini ,  que  parce  qîie  ce  $âvan^ 
me  paroît  avoir  néglige  te  secours  qu'il  pouvoit  tirer  de  quelques-un^  de 
ces T  témoignages  ;  et  |  ose  croire  que  fa  discussion  à  faqûetfè  ifs  pourront 
donner  lieu,  ne  sera  point  sans  intérêt  pour  nos  îecteurs. 

.  Julius  Potlux,  daps  un  chapitre  de  son  Onomasticon ,  où  if  passe  en 
revue  fès  diverses  espèçeade  monnoies  qui  avoient  cours  {^finapaieinent 
chez  les  Grecs  (2),  pa^e,  d'abord  du  staière  considéré  toiiime  poids ^ 
et,  en  second  fieu,  du  stâtère  monnoie;  fes  expressions  dont  il  se  sert, 
et  fe«  \tïs  d'Aristophane  et  d'Eu|X)Iis,  qu'if  cite  à  f'appuî  dé  cette  dis- 
tinction, ne  permettent^  point  de  douter  que  le  statère  ne  fût  effec- 
tivement une  monnoie  réelle,  et  d'un' usage  commun:  Es»  <A  a^  vofUTiJia, 

Suidas,  dans- deux  articles  qui , se  suivent  immédiatement,  interprète 

r 


(il  ^çVixA^Doctrin.  aumr  tom.  /y  Prolegotn. 
(2)  Onomastiç»  lib,  ix ,  sfgm.  y^  et sqq^  i  , 


Ce  2 


ao4  JOURN:A.L  DES  SAVANS, 

le  mot  X-mif  par  ceux-ci,  -n  ùc  ^n  tâiufjM,  et  •ntfâyttor  yt/ur/t»  ^ 
qui,  outre  l'existence  du  statère  monnoib,  constMent  de  plus  l'asage  qui 
s'en  iàisoit  dans  les  deux  métaux.  En  efl^t ,  fe  second  d«s  passages  que 
je  viens  de  citer,  renfèmie  utie  iàute  évidente,  rwgtijmM,  eairé,  au  lieu 
fie  Tvtfâ.xê"' >  ou  "nrgâJ^xf**»  monnoie-tétradraclime ,  suivant  Tobser- 
vation  qui  en  a  été  faite  par  M.  Letronne  (i  ).  L'auteur  d'un  Mémoire 
sur  la  valoir  des  monnoies  de  compte  a  préféré  toutefois  fa  première  feçon 
de  Suidas,  qu'il  interprète  en  latin  par  Jii/iVui  (2);  maison  me  permettra 
d'observer  ici  que  la  correction  ^e  M>  Letronne,  plus  conforme  â  la 
paléographie  que  celle  qu'avoietit  proposée  Hostus  (3),  Saumaise, 
Scaliger  et  les  commentateurs  d^ésychius  (4]  >  est  encore  justifiée  par 
les  lexiques  de  Photius  el  de  Cyrille,  qui  portent  textuellement,  le 
premier,  les  paroles  que  voici,  l7*n^' ^Ca(fr  pïafl^  vnç  n  it^M'n  A 
"^OOCf*"  '^  'mfiJf»xj''*>  ^'^>*'i  '•  et  lé  second ,  celles-ci ,  £wn{,  inf«- 
Jfa.Xf'''  ^"®  faute  à  geu  prés  semblable  à  cefle  qu'ofTroit  le  texte  de 
Suidas,  a  de  même  été  corrigée  dans  celui  d'Hésychius;  on  y  lisoit, 
Ziwvj,  -jiJefy^mfifiet ,  que  Sauroaise  et  d'autres  commentateurs  onE 
remplacée  par  liloiJ^^Ja*''-  <I*a}oute  qu'indépendamment  de  ces  diverses 
autorités ,  la  valeur  assignée  par  les  anciens  au  s'tatére  d'argent  confirme 
la  correction  faite  au  texte  de  Suidas  ;  et  c'est  ce  qu'il  ne  me  sera  pas- 
difficile  de  montrer. 

'  Les  témoignages  que  j'ai  cités ,  en  interprétant  le  mot  staûre  par 
celui  de  tttradraehme ,  prouvent  .indubitablement  que  la  pièce  désignée 
pirle  premier  de  ces  noms  équivaloit.i  quatre  drachmes  d'argent: 
é'i^x  aussi  ce  qui  résulte  des  textes  combinés  d'Hésychius,  de  Suidas, 
tfe  f^oflux,  de  S.  Èpiphane,  de  Jule-Africain  (j).  EcUiel  avoît  précé- 
demment établi  le  même  fait  :  Ârgenteus  sthter  idem  aim  tetraàrachme 
kahitus,  drachmatvm  scilket  quatuor;  et  il  s'éioit  servi ,  pour  le  prouver^ 
lia  tétnoignage  formel  de  Héron   d'Alexandrie  :  O  A  ïK-n^  Jf-aj^/Mt  {•' 


AVRIt   1819.  loî 

confondent  le  stalère  avec  la  six-millième  partie  du  laltnl  atiique,  c'est- 
à-dire  ,  avec  la  drachme  :  mais  je  doute  que  ce  téitioiguage  unique  puisse 
être  mis  sur  la  même  ligne  et  inspirer  la  même  confiante  que  ceux  des 
différens  auteurs  que  j'ai  cités,  ei  qui  semblent  avoir  exprimé  l'opinion 
unanime  de  l'antiquité;  c'est  un  point  sur  lequel  j'ose  appeler  l'aiteiiiion 
de  M.  Leironne,  qui  a  rapporté  ces  deux  évaluations  différentes  sans  se 
prononcer  entre  elles.  Mais  un  autre  point  sur  lequel  je  me  trouve 
parfaitement  d'accord  avec  lui,  c'est  qu'on  ne  rencontre,  dans  toute 
l'antirjuité ,  aucune  trace  de  l'existence  d'un  stalère  d'argent  de  la  valeur 
de  deux  dtnchmes  et  quatre  oboles,  que  l'auteur  du  Mémoire  sur  la 
valeur  des  inonnoiis  de  compte  assure  avoir  (té  jabriquécs  en  une  grande 
abondance  [  1).  Bien  loin  de  là,  les  témoignages  de  l'antiquité  déposent 
contre  Texistence  d'une  pareille  pièce,  et  contre  l'usage  qu'en  fait  l'auteur 
de  ce  mémoire-,  lorsqu'il  dit  que  soixame-quinje  de  ces  statères  formoicnc 
un  compte  de  deux  mines.  Je  me  contenterai  d'opposer  à  cette  assertion 
celle  de  Héron  d'Alexandrie,  qui  déclare  qu'une  mine  se  composoit  de 
vinji-cinjf  statères ,  h  Â  /juâ  sawe^f  ti'wm  »j  Tiu-n  ï^e*  :  ce  qui  retient 
toujours  ^  la  valeur  de  quatre  drachmes  pour  chaque  siaiêre  d'argent. 
Maïs  \e stalère  dont  les  anciens  ont  fait  le  plus  souvent  mention,  est  le 
statèredoT,  ni^^urâ  yifua^aàe  Suidas,  lequel,  suivant  PoIIux  (2),  avoit 
le  poids  de  deux  drachmes  attiques  ;  Ô  cfi  ;s''™*  w^Ç  ^o  t';t*  =')'"/t/^î 
ar}i^(.  C'est  encore  un  point  sur  lequel  les  auteurs  sont  unanimement 
d'accord.  Sa  valeur,  celle  au  moins  du  statère  attique,  ne  paroit  pas 
moins  solidement  déterminée.  Harpocration,  qui,  comme  PoKux, 
l'assimile,  sous  ce  rapport,  au  darique  d'or,  ajoute  (j)  que  le  darique 
valoit  vingt  drachmes  attiques  d'argent,  de  sorte  que  cinq  dariques,  et 
par  conséquent  cinq  statères,  équivaloient  à  une  mine  d'argent;  voici  ce 
passage  entier:  "Eiat  ntv  yfum'i  stfrâptt  o<"  ^oftiui-  r.iltxm  Si  i  tu  nuflo  01^ 

*^  0  ifivnt   -mif^  We    AtJiwÎî    itafiu^o^tct Aiyeuai    Ji   vyi(  Jo»a«&«H    T*r 

Ai^nxÀc  àfjug^ç  d)i(t;yu(ç  uxaaj,  Wî  t»(  otipti  i(y«»jùf  S\j\'itâni  f*yiy  àfiy/eicv. 
Hésychius,  au  mot  ;ftu»^{,  confirme  ce  résultat,  qui  n'offre  ni  difîicutié 
ni  incertitude.  Cependant  Pollux,  dans  un  autre  endroit  que  celui 
que  j'ai  précédemment  cité,  dit  que  le  statirc  d'or  équivaloit  a  la  mine , 
6  Â  ^>JTii  wrâg  fivàs  iiivctTt  (4)  :  assertion  qui,  interprétée  soit  de  la 
valeur,  soit  du  poids  du  statère,  paroît  également  fautive,  et  qu'il  vaut 
mieux  abandonner  lout-à-fàil,  que  d'y  chercher,  comme  les  divers 
comnieniaieurs  de  Pollux,  des  explications  qui  ne  sauroient  se  concilier 

(r)  Mémoire  cité, ;7.7j,  —  (2)  Poiliiji,  Onomasik.  Hè.  jy^S-7S- 

(3}  Harpotraiioo,i'D«ûaf«ïw/,  —  (4)l'ollu]i,  Omonast.  Hh  IX,SS7- 


icô  JOURNAL  DES  SAVANS. 

m  avec  fcs  textes  des  andem ,  ni  av«'c  Jeun  propres  inotiuntetu. 

Le  sntère  <for,  du  poids  de  <ieux  dcaclimes  d'argenti  représ«H*oit 
donc  h  laleur  de  TÎngtdeces  pièces,  ou  de  detuc  dradunes  d'or  ;  double 
ascrûon  qui  me  paraît  ^afemeot  JndHL)itablc>  Ct  d'où  résulte  l'identité 
de  poids  de  la  drachme  d'or  et  de  la  drachine  d'argent,  lorsque  le  rapport 
ée  ces  mètanx  éioît  de  dix  à  un ,  comme  l'a  très-tHen  vtt  M.  Letronne  (  i  ]• 
Mais  un  point  qtte  ce  savaot  s'a  point  examiné.,  et  dont  )e  dois 
pailer,  parcequ'il  toaclie  directement  la  question  que  |e  traite  en  ce 
mootenitC^estla  valeur  du  itatitt  d'or.  tef)e.qti'eU«»^déteriainée  par 
fauteur  du  Mémoire  mr  la  valear  dis  monnaies  ile  eompu.  Je  trouve  dans 
ce  Mémoire  que  k  chrysos,  ipii  élok  laplus pttilt  tSpèft  en  or  fa] ,  vahit 
émx  Jnuhmts  d'or,  etf  quelques  lignes-plus  bas,  que /r  JfaÀ»  t/'orva/o/f 
doue  chrysos,  m  quart  drachmes  d'ar^  ou  quarante  drachmes  d'argent  { j). 
'Il  fésnlteroif  de  ces  deux  assertions  si  positives ,  dieux  ckoses  :  l'une ,  que 
le  chiysosétoit  la  moitié  du  statère;  la  seconde,  que  le  stature  d'or  avoit 
tme  valeur  double  de  celle  quekii  attribuent  les  autieurs  grecs.  Or,  <^est 
ce  qui  ne  me  paroit  iroUeinem  prouvé  dans  le  mémpîre  même  où-  ces 
opinions  sont  consignées. 

Quant  à  ce  qui  regarde  Ib  première,  ridentiiédb  chrysos  el  dik  statère , 
dsnt  l'auteur  du  mémoire  &it  (fcux  pièces  difierente»,  et  doubles  l'imo 
ée  l'antre;  cette  identité,,  dïs-je,  est  clairement  énoncée  'por  Pollux  : 
Bl  fNf  Jfftnt  t/nNc,  «tfivmimidmf  l  shi*^-  m  A  iwr*^  innw,  w  mnwc  à 
JUpmf  [i^)ttiest-'irààrt,jiniuditestkrysoj,  ou  d'or ,  on  teks-tnttnds*aùrt i 
mm'asï  vous  dites  statire,  oh  n'tmtend pas toufouis dlai  d'çr,  ouït  chrysos. 
Ce  passage  n'a  certainemenr  pas  besoin  de  commentaire  ;  et  ceux  d'Ilar- 
pDcntion  et  d'Hésytdiins,  le  dernier  desquels  est  cité  par  l'auteur  du 
Mémoire  à  l'appui  de  aon  opinion ,  n'of&ent  pas.  plus  de  difficultés 
fktiyement  it  la  valeur'  du  chrysos,  ou  statère  d'or,  cjue  celui-ci  de 
PoUmé-,  relativement  i  femploi  de  cette  déuominatioa.  Or,  qu'il  y  ait 


AVRIL  1819.  207 

d*or  elfe-même.  Quant  à  ce  qu'assure  encore  Fauteur  du  Mémoire  (1)  ^ 
qu'il  y  eut  un  ancien  stathe,  égal  au  talent  d*or  asiatique,  et  de  la  valeur 
de  trente  drachmes  d'argent,  et  (2)  que  ce  nom  de  talent  d'or  ne  s^ applique 
qui  l'ancien  chrysos  de  trois  drachmes  d'or ,  ce  sonf  de  nouvelles  pro- 
positions aussi  contraires  aux  documens  historiques,  qu'elfes  sont  coi>- 
tradictoires  avec  ceffes  qui  ont  été  précédemment  avancées  :  car  if  résulté 
précisément  des  deux  dernières  f'identité  du  statère  d'or  et  du  chrysos  i 
dont  Fauteur  a  feît  d'abord  deux  monnoies  différentes  dans  fe  rapport 
d'un  à  deux. 

Je  supprime  quefques  autres  observations  qui  s'écarteroîent  de  Fdbjet 
principal  de  cet  article;  mais  j'ajouterai,  pour  compféteret  confmtier 
tout-à-la-Ybis  ce  que  j'ai  dit  précédemment  du  poids  et  de  fa  vïifeor  des 
statères  d'or,  que  \t%  monnoies  d'or  de  Phifîppe,  d'Afexandre  ec  dies. 
rois  de  Perse,  ces  dernières  appefées  du  nom  général  de  ddtiques ,  et 
foutes  ensembfe  comprises  sbus  la  dénomination  commune  de  sfatcrei 
cTor,  ainsi  que  fe  déclare  positivement  Polfux ,  a(f[  0/  (àv  ùdfHXûi  ittA-* 

A«ir7o  çoLTUfiÇyOÎ  A  OiXi^mmiot y  oi  Â  AM^ùLfJ^nct ^  ^vtnî  W7tc  orTfç  {i)i 
que  toutes  ces  pièce»,  dis- je,  pèsent  deux  drachmes  attiques  dargertt, 
et  en  vatoient  par  conséquent  vingt  ;  résultat  attesté  par  Eckhef  (4)  > 
confirmé  par  notre  propre  expérience,  et  qui  montre  encore  une  fois  le 
parfait  accord  des  témoignages  et  des  monumens  de  Fantiquiié. 

If  y  avoit  plusieurs  espèces  de  statères,  ou  pfutôt  on  appfrquôit, 
suivant  les  temps  et  tes  focalités ,  drfféremes  dénominations  k  h  méitte 
monnoie.  Ainsi,  outre  les  statères  que  je  viens  de  nommer,  fes  auteufs 
parlent  de  statères  craséens,  phocaites ,  corinthiens,  cy\ic(niens,  c'est-à- 
dire,  frappés  par  Croesus,  on  à  Phocie,  à  Corinthe,  à  Cynique,  Sans 
doute  aussi  fe  poids  et  fa  valeur  de  ces  pièces  éprouvoient,  sous  ces 
diverses  dénominations,  quelques  variations , selon  fes  différens  système^ 
monétaires  suivis  dans  tous  ce^  états.  Les  seules  divisions  du  stàtère 
qui  nous  soient  connues  Jime  manière  authentique ,  sonlt  Tes  demi-chrysos , 
ou  demi-stateres ,  mentionnés  dans  Pollux  (5) ,  et  le  tétras fatere ,  monnote 
d'or,  fa  pfus  forte  sans  doute  qui  ait  eu  cours  dan^  Fanriquité,  et  dont 
fa  fabrication  paroît  avoir  été  pro|)re  à  fa  république  de  Cyrène ,  cf apfè^ 
le  témoignage  d'Arfstote  [6).  H  faut  y  ajouter  encofe  cfes  pièces  en 
assez*  grand  ndmbre  que  nous  possédons  actnefleftrenf,  et  qui  pafoissent 
avoir  été  des  quarts  de  statère ,   quoique  ,  diaprés    les  variations  de 


.  É 


(i)  Mémoire  précédemment  cité, 27. /(f.  —  (2)  Là  mfrme,/).77.  —  (jjPoHtjx, 
Onomasric.  i'ib.  fX,  f.  ^p.  —  (4)  Ecknel,  Doctnn.  vum.  ProlegârrW  ctfp.  ÏX,p.  xlj, 
—  (5)  Follux ,  loco  supra  laudaté»  —  ifi)'f(ifin,  ilfiïtifn. 


aof  JOURNAL  DES  SAVANS, 

poids  qu'on  y  recoiinoît,  il  soit  difficile  d'assigner  avec  précision  le 
rapport  exact  de  ces  pièces  avec  le  statère  dont  elles  sont  une  division. 
II  existe  aufsi ,  dans  les  cabinets ,  des  monnoies  d'or  d'Alexandre  le 
Grand»  et  en  assez  grand  nombre ,  qui  pèsent  quatre  drachmes ,  et 
qui  équivaudroieut  ainsi  ï  un  double  statère.  C'est  aussi  une  pièce  de  la 
inième  valeur  que  M.  Sestini  croit  reconnoître  dans  les  monnoies  de 
grand  module  qu'il  attribue  i  Phocée,  à  Cyzique,  à  Lampsaque,  et  à 
plusieurs  autres  villes  {le  fAsie  mineure.  Mats,  indépendamment  du 
silence  que  les  auteurs  gardent  sur  ce  point,  il  me  semble  que  cette 
opinion  est  sujette  à  d'autres  difficultés;  et  voici  sur  quoi  je  me  fonde. 
Les  dariques  et  les  scatères  attiques  étoient  génétalemeni  d'un  métal 
tris-pur  :  c'est  un  iâit^testé,  et  que  confirment  les  inonuinens  de  cette 
nature  que  le  temps  a  laissé  parvenir  jusqu'à  nous.  Au  contraire,  les 
statères  frappés  <bns  fes  divers  états  de  l'Asie  mineure,  paroissent  avoir 
été  fabriqués  de  cet  or  connu  des  Romains  sous  le  nom  tteUctrum,  et 
presque  blanc,  à  cause  de  la  quantité  d'argent  dont  il  est  naturellement 
allié  ;.  je  dis  naturelleiiiem,^  parce  que  Tes  différences  de  titre  que  la 
balance  hydrostatique  fait  découvrir  dans  diverses  pièces  d'un  poids  et 
d'une  valeur  identique^  prouvent  que  les  Grecs  ignoroient  la  quantité 
de  cet  alliage,  et  par  coiuéquent  qu'il  n'éloit  point  artificiel  :  c'est  un 
point  que  M.  Leironne  se  propose  de  développer.  C'est  de  ce  métal  que 
sont  faites  la  plupart  des  monnoies  à  présent  assez  communes  dans  les 
cabinets,  qui,  de  quelque  incertitude  que  soit  encore  couverte  forigine 
de  chacune  d'elles,  appartiennent  certainement  en  totalité  à  TAsie 
mineure.  C'est  k  ce  métal  qu'a  rapport  l'expression  de  wju$et  jfumr  dont 
se  sert  Hésychius,  en  parlant  des  statères  pbocaïtes  (i)  ;  et  les  monnoies 
que  M.  Sestini  restitue  à  Cynique  avec  infîninient  de  vraisemblance, 
comme  je  le  dirai  tout-à-I'heure,  sont  imbriquées  du  même  métal.  Cela 
posé ,  le  témoignage  de  Démosthéne ,  dont  on  essaieroit  vainement 


AVRIL-  1819.  209 

Wemeni  le  disiatère  asiatique,  il  en  faut,  de  toute  nécessité,  conclure  que 
le  simple  siatère,  quoiqu'inférieur  en  poids  au  dariqiie,  vafoît  néanmoins 
huit  drachmes  de  plus  :  conséquence  qui  me  paroît  d'autant  plus  inad- 
missible, que  lalliage  considérable  dont  ces  monnoies  sont  affectées, 
s'opposoit 'encore  à  ce  qu'elles  eussent  dans  le  commerce  une  valeur 
proportionnelle  avec  leur  poids  (i).  Il  faut  donc,  ce  me  semble, 
reconnoître,  au  contraire,  que  la  monnoie  cyzicénienne  appelée  statcre 
par  les.anciens ,  et  la  seule  de  ce  nom  dont  ils  aient  parlé ,  étoit  un  simple 
siatère,  d'un  poids  ^périeur  au  darique,  et  d'une  valeur  également  plus 
forte  de  huit  drachmes,  laquelle  compensoît  par  la  quantité  du  métal 
celle  de  l'alliage  qui  entroit  dans  sa  fabrication ,  du  moins  dans  l'opinion 
des  Grecs,  qui,  ne  pouvant,  d'après  l'imperfection  de  leurs  procédés 
métallurgiques,  faire  le  départ  des  deux  métaux,  ne  pouvoient  pas 
davantage  fixer  cette  compensation  avec  exactitude. 

Ainsi  se  détruit  l'opinion  de  M.  Sestini,  opinion  que,  du  reste,  il  n'a 
cherché  à  érayer  d'aucune  autorité,  suivant  laquelle  la  plus  forte  monnoie 
d'or  que  nous  possédions  de  Cyzique  et  d'autres  villes  grecques  de  l'Asie, 
est  un  double  statère;  ainsi  se  trouve  encore,  à  ce  qu'il  me  semble,  ré- 
futée à-la-fois  par  les  témoignages  et  par  les  monumens  la  double  sup- 
position que  fait  l'auteur  du  mémoire  sur  les  monnoies  de  compte  précé- 
demment cité,  de  l'existence  de  deux  différens  statères  cyzicènes,  savoir, 
le  cyzicène  simple,  du  même  poids  que  le  darique  et  le  chrysos,  et  un- 
autre  cyzicène,  du  poids  de  soixante-trois  grains,  et  de  la  valeur  de  trente 
drachmes  ;  deux  suppositions  qui ,  dépourvues  également  d'^torités , 
du  moins  à  ma  connoissance ,  sont  encore  contredites  l'une  et  l'autre  par 
la  seule  pièce  existante  de  nos  jours ,  à  laquelle  puisse  s'appliquer  la 
qualification  de  statère  cyzicène. 

Tels  sont  les  principaux  points  que  j'ai  cru  devoir  éclaircir,  avant  de 
m'occuper  de  la  classification  des  statères  que  propose  M.  Sestinr, 
d'autant  plus  que  ces  notions,  assez  importantes  en  elles-mêmes,  et  qui 
senibloient  ,êlre  un  préliminaire  indispensable  de  son  ouvrage,  n'y' 
occupent  cependant  aucune  place.  Il  est  vrai  que  ce  savant  numismatiste 
n'a  point  considéré  les  monumens  qu'il  publie,  sous  le  point  de  vue 
monétaire,  mais  uniquement  sous  le  rapport  de  la  science  qu'il  cultive 
avec  tant  de  succès.  Toutefois  j'ose  croire  que  ces  deux  manières 
d'envisager  les  médailles  sont  plus  intimement  liées  et  plus  nécessaires 
à  l'intelligence  l'une  de  l'autre  qu'on  ne  le  pense  communément;  et 

(i)  Le  poids  du  métal  employé  dans  les  cyzicènes,  comparé  à  celui  de  l'eau 
distillée,  flotte  entre  151O87,  ec  1  i^jyô;  celui  des  dariques  est  de  18,50. 


->io  JOURNAL  DES  SAVANS, 

d'ailleurs,  il  y  a  dans  l'ouvrage  de  M.  Sestîni  telle  assertion  qui,  relative 
au  premier  de  ces  rapports,  prouve  qu'il  s'en  est  assez  occupé  pour 
qu'ii  semble  nécessaire  de  le  contredire  toutes  les  fois  que  son  opinion 
ne  paroît  pas  sufTi&amment  autorisée.  C'est  ainsi  qu'en  commençant  la 
description  des  statères  d'or  de  Cy^que  par  celle  des  stalères  d'argent 
delà  même  ville,  il  dit  {1}  qu'il  faWoU  sept  de  ces  pièces  pour  faire  la 
valeur  de  la  première,  ou  six  seulement,  si  ces  statères  d'argent  équi- 
valoient  à  plus  de  quatre  drachmes  et  demie  attiques:  seite  dti  quali 
(  telradramini  )  facevano  le  iiatere  d'an  di  Ci^ico ,  oppurt  sei ,  se  questi  si 
trovavûnù  équivalent}  à  più  di  quattro  dramme  t  me^^o  aitieke.  Or ,  da  ces 
deux  suppositions,  la  première  est  la  seule  qui  soit  admissible;  car  elle 
s'accorde  avec  la  proportion  de  7,  j  8  à  1  ,  qui  dut  exister  entre  l'argent 
et  l'or  de  Cyzique,  d'après  le  poids  de  la  drachme  attique  et  la  valeur  du 
statère  cyzicène  :  quant  k  la  seconde,  elle  est  tout-k-fait  contredite  par 
les  monumens.  Les  cinq  statères  d'argent  que  possède  le  cabinet  du  Roi, 
Sont  inférieurs  en  poids  aux  tétradrachmes  attiques  de  la  seconde 
époque  (a) ,  et  bien  phis  à  ceux  de  la  première.  Ils  ne  sont  pas  davantage 
Ml  rapport  de  poids  avec  les  statères  d'or  de  la  même  ville  ;  d'oii  il 
résuite  encore  cette  conséquence,  que  n'a  point  non  plus  soupçonnée  ou 
du  moins  indiquée  iVl.  Sesiini,  c'est  que  les  statères  de  Cyzique,  et 
probablement  d'autres  villes  de  l'Asie  mineure  dont  il  nous  reste  des 
monumens,  appartenoient  à  .un  système  monétaire  différent  de  celui 
de  FAttique. 

Ce  quf  complique  encore ,  indépendamment  de  toutes  les  causes  que 
(■ai  précédemment  exposées,  la  question  de  la  vraie  évaluation  de  ces 
inonnoies,  c'est  In  difficulté  d'assigner  le  pays  auquel  appartient  chacune 
d'elles.  Tel  éioit  bien,  il  est  vrai,  l'objet  du  livre  de  M.  Sestini,  et  je 
dois  convenir  que  cet  objet  a  été  souvent  rempli  :  mais  je  dois  dire  égale- 


AVRIL    1819.  :*ii 

beauté  du  travail,  Tépoque  où  les  ans  florissoient  avec  le  plus  d'écfat 
dans  la  Grèce  et  dans  ses  colonies  asiatiques.  Ce  caractère  leiir  est 
commun  à  toutes,  au  point  que,  malgré  les  divers  symbofes  qui  les 
distinguent,  on  seroit  tenté  de  fes  regarder  comme  ia  production  d'un 
même  artiste  et  comme  sorties  du  même  coin.  La  diversité  de  ces 
symboles  ne  seroit  pas  d'ailleurs  une  preuve  invincible  que  les  monnoîes 
qui  nous  Its  représentent,  appartiennent  à  difFérenles  villes:  ne  sait-on 
pas  quelle  prodigieuse  variété  de  types  se  remarque  souvent  sur  les 
médailles  d'une  même  ville  î  Le  carré  ci-eux ,  qui  se  voit  presque  tou- 
jours au  revers  de  ces  médailles,  soit  profondément  imprimé,  soit  légè- 
rement tracé  par  quatre  lignes  qui  se  coupent  à  angles  droits ,  n*est  pas 
toujours  non  plus  un  signe  indubitable  d'antiquité.  Ce  caractère  a  pu 
être  conservé  dans  des  temps  assez  modernes,  pour  ne  rien  ôter  au  crédit 
dont  jouissoîent  ces  monnoies  parmi  les  difféi^ens  peuples  qui  les  eiri- 
ployoient  aux  opérations  du  change  et  du  commerce  :  c'est  ainsi ,  pour 
n'en  citer  qu'un  seul  exemple  bien  familier  aux  antiquaires,  que  le  style 
des  monnoies  d'Athènes  conservoil  encore,  après  le  siècle  de  Périclès, 
quelque  chose  de  la  sécheresse  et  de  la  roideur  qui  caractérisoit  l'ancien 
style  de  ces  monnoies  primitives.  I-e  seul  point  qui  me  semble  mis  hors 
de  doute  dans  la  classification  des  statères  d  or,  c'est  que  tous  ces  mcv- 
numens  appartiennent  à  l'Asie  mineure.  La  difficulté  commence,  quand 
on  veut  leur  appliquer  une  attribution  plus  particulière,  parce  que  cette 
attribution  ne  peut  avoir  quelque  certitude  que  lorsque  les  descriptions 
des  anciens  concourent  avec  la  figure  des  monumens  pour  désigner  une 
ville  plutôt  qu'une  autre,  ou  lorsque  le  nom  d'un  peuple  atteste  les  mon- 
noies qui  lui  sont  propres,  ou  enfin  lorsqu'un  symbole  tout-à-^t  local 
et  particulier  remplace  cette  dernière  sorte  de  désignation  ;  trois  carac- 
tères qui  se  trouvent  rarement  réunis  sur  les  médailles  dont  l'origine  est 
le  plus  indubitable,  et  qui  ne  se  montrent  pas  toujours,  même  isolé- 
ment, sur  celles  dont  nous  parlons  ici. 

Nous  appliquerons,  dans  un  second  article,  ces  idées  ^nérales  à 
l'ouvrage  de  M.  Sestini,  ou  ^utôt  nous  proposeftns,  avec  tous  les 
égards  dus  à  la  réputation  de  cet  habile  antiquaire, et  avec  la  défiance  que 
nous  devons  avoir  nous-mêmes  de  nos  propres  lumières ,  des  doutes  qui 
puissent  conduire  à  de  nouveaux  éclaircissemens  sur  cette  partie  si  neuve 
et  si  intéressante  de  la  science  numismatique. 

RAOUL-ROCHETTE. 


Dd  2 


312  JOURNAL  DES  SAVANS, 

I^ovvM  Testamentum  D,  N.  Jesu  Chrïsti  ,  oh  fréquentes 
omnium  interpretum  kaîlucinationes ,  nunc  demum  ex  codice 
AlexanJrino ,  aShibitis  'etiam  compluribus  manuscriplis ,  varian- 
tibusque  lectionibus  edilîs ,  summA  jixie  ac  cura  latine  redditum  :  - 
omnibus  sacris  anctoribas  gracis ,  sacris  criticis,  ghssariis ,  et 
instructiofibus  per  iotnm  Graciam  ecchsiasticis  vins ,  diligen- 
iissimè  consuhis;  interprète  LeopoiJo  Sebastiani  Romano, 
sacrarum  missionum  in  Persia  quondam  prafecto.  Londîni , 
1817;  xviij  et  34ï  pag-  //'-<?•" 

Ce  n'est  point  sans  dessein  que  nous  avons  transcrit  en  entier  (e 
long  titre  de  cette  nouvelle  version  laiine  du  Nouveau  Testament. 
II  indique  les  droits  que  l'auteur  croît  avoir  acquis  i  la  confiance  des 
Jecteurs,  en  proportion  des  travaux  et  des  soins  auxquels  il  s'est  soumis 
pour  ne  rien  négliger  de  ce  qui  pouvoit  le  conduire  à  l'intelligence 
:plus  parfiute  des  livres  saiiits  qu'il  voufoit  traduire.  Sa  préface  même 
-ne  nous  apprend  rien  de  plus  à  cet  égard;  il  nous  avertit  seulement 
que  si,  non  content  des  secours  que  lui  ofîroienc  les  manuscrits  du  texte, 
les  éditions  critiques,  tes  ouvrages  des  saints  pères,  les  commentateurs 
et  les  glossaires,  îi  a  encore  consulté  les  hommes  les  plus  instruits 
qu'il  a  rencontrés  dans  toute  la  Grèce,  c'a  été  non  pour  apprendre  d'eux 
quelque  chose ,  mais  pour  connoîire  l'ancienne  tradition  conservée  parmi 
eux  sur  certains  passages.  II  se  félicita  en  conséquence  de  n'avoir  rien 
omis  de  ce  qui  pouvoit  contribuera  la  per^ction  de  son  travail  :  Jgitur, 
dit-il,  ^uicquid  humanis  viribus  effici  poterat,  non  emisi  ;  sed  vero  amne 
studium ,  omntm  operam  ad  hanc  susceptam  durant  prtvinciam  omnibus 


AVRIL    1819.  ai3 

Testament,  il  ajoute  :  Qua  qu'idem  omnla  in  causa  fueru?it  cur  dtceptl 
interprètes  à  sacrorum  scriptorum  mente  aberrarint  ;  mprimis  parum 
emunctœ  naris  int^rpres  Vu^gatà ,  qui  et  vitioso  subinde  codice ,  etmodicâ 
ipse  Circumspcctione  usus,  sed  verborum  tenacissimtis  nimisque  religiosus  ^ 
non  parvam  ,  prœsertim  in  Epistolis  S.  Pnuli ,  obscuritatem  effecit,  et  aliter 
atque  Apostolu  r  s^pe  dicit:  nihilominus  Vulgatnprœ  cœteris  intcrpretutionibus 
laudanda,  Laudandn!  )am  audio  dici:Quî!  Tarn  vitiosa ,  tôt  erroribus 
scatens  ,tot  barbarismis  ac  solœcismis  referta,  ettamen  laudanda  l  V tique t 
per  Dcum  immortalem ,  laudanda ,  pvopter  maximam  jidclitateni  suam. 
Nonne  laudabilior  est  inscitia  Jidelis ,  quant  scientia  fraudulenta  ! 

Avant  d'examiner  jusqu'à  quel  point  la  nouvelle  traduction  du  P.  Sé- 
bastian i  répond  à  Topinion  que  lui-même  en  a  conçue,  je  dois  fài^e 
connoître  fe  principal  objet  de  sa  préface,  c'est-à-dire ,  fe  P.  Sebastianl 
lui-même  et  ses  aventures.  Je  n'irai  point  chercher  dans  quelques  voyages 
modernes  ou  dans  des  mémoires  inédits ,  des  anecdotes  qu'il  pourroit 
désavouer;  je  me  bornerai  à  abréger  son  propre  récit. 

L'auteur,  pensant  qu'on  pourroit  se  demander  pourquoi  sa  traduction 
étoit  imprimée  à  Londres,  et  par  quelles  circonstances  lui-même,  prêtre 
catholique  et  missionnaire  du  saint  siège,  se  trouvoit  dans  cette  capitale 
de  l'Angleterre,  n'a  pas  cru  pouvoir  se  disj^enser  de  satisfiiire  la  curiosité 
dts  lecteurs  par  un  récit  des  événemens  doni  l'ench^îneinent  l'a  conduit 
dans  ce  pays  étranger. 

*  Le  P.  Sebasiiani  étoit  à  Rome,  oîi  il  venoît  de  donner  une  édition 
de  Lycophron ,  lorsqu'il  fut  nommé,  en  180},  préfet  des  missions  en 
Perse.  Il  parut  peu  après  pour  Constantinople,  où  il  étoitdéja  allé  quatre 
fois,  et  se  rendit  par  l'Asie  mineure  à  Bagdad,  après  avoir  visité  Pal- 
myre  et  Baaibec;  de  là  il  fit  route  pour  Ispahan,  où  il  devoit  résider. 
Arrivé  à  Ispahan ,  son  premier  soin  fut  d'apprendre  la  langue  persane.    . 

Comme  les  Persans  aiment  à  disputer  sur  toute  sorte  de  sciences , 
et  particulièrement  sur  les  matières  théologiques,  notre  missionnaire 
se  trouva  bientôt  engagé  dans  de  nombreuses  discussions,  tant  de  vive 
voix  que  par  écrit,  non  sans  que  sa  vie  fût  exposée  à  de  grands  dangers. 
Le  fruit  qu'il  en  recqjîillit  fut  que  sa  réputation  se  répandit  en  peu  de 
temps  par  toute  la  Perse,  que  le  roi  conçut  pour  lui  une  estime  route 
particulière,  et  accorda,  à  sa  considération,  plusieurs  rescrits  en  faveur 
des  chrétiens  et  de  leurs  églises. 

Sur  ces  entrefaites ,  les  projets  ambitieux  de  Buonaparte  lui  firent 
concevoir  le  désir  d'envoyer  un  ambassadeur  en  Perse  ,  et  M.  J.  R.  ***, 
consul  de  France  à  Bagdad,  fut  chargé  de  disposer  U  cour  de  Téhéran 
en  faveur  de  ce  projet.  Lie  résident. anglais  à  Bagdad,  Harford  Jones 


»r4 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


Rvant  eu  vent  de  cette  négociation,  écrivît  au  P.  Sebaslianî,  en  le 
conjurant  de  ne  rien  négliger  pour  découvrir  ce  qui  se  passoit.  Le  mis- 
sionnaire y  réussît  aisémeiK  ;  et  on  le  croira  sans  peine^i  l'on  se  rappelle 
que  lie  secret  des  négociations  diplomatiques  est  une  chose  tout-à-fàit 
inconnue  à  la  cour  de  Perse.  Cependant ,  l'agent  français  envoyé  à 
Téhéran  étant  venu  à  mourir  peu  de  temps  après  son  arrivée  en  cette 
ville,  le  roi  de  Perse  demanda  au  missionnaire  et  des  renseignemens 
sur  et  Buonaparte,  et  son  avis  sur  l'alliance  proposée.  On  devine  i>ien 
que  le  P.  Sebastiani,  qui  d'ailleurs  profëssoit  beaucoup  d'inclination 
pour  les  Anglais,  dissuada  le  roi,  autant  qu'il  pat,  d'une  semblable 
alliance. 

Toutefois  le  chef  du  gouvernement  français'  ne  se  rebuta  point  : 
M.  J.  ***  fût  envoyé  en  Perse;  il  gagna  l'esprit  du  roi  par  de  ma- 
gnifiques promesses ,  et  un  traité  flit  conclu  h  Sultanièh.  Le  mission- 
naire parvint  il  s'en  procurer  une  copie;  et,  après  le  départ  de  l'agent 
français,  il  remontra  si  vivement ,  dit-il ,  au  rot  et  à  ses  ministres  la 
fausseté  des  promesses  de  Buonaparte,  et  des  espérances  dont  il  avoit 
flatté  le  roi  de  Perse ,  que  ce  prince  écrivit  en  France  pour  se  dégager , 
par  des  prétextes  controuvés  ,  des  engagemens  qu'il  avoit  si  légèrement 
contractés. 

,  Le  consul  français  de  Bagdad  fut  instruit  des  menées  du  ftiission- 
naire  :  des  lettres  de  lui  furent  interceptées  par  la  perfidie  d'un  Arménien 
appelé  Zadour,  le  même  sans  doute  que  nous  avons  vu  à  Paris 
«n  iSiâ;  an  nommé  Antoine  Conti  fut  chargé  de  les  apporter  à 
Paris,  et  le  résultat  de  tout  cela  fiit  que  l'ambassadeur  Gardanne.  iors 
de  >a  mission  en  Perse ,  fiit  chargé  de  demander  l'expulsion  du  P.  Se- 
bastiani. Fath~Ali-Schah  ne  s'y  prêta  qu'avec  peine  :  cependant  l'am- 
bassadeur obtint  de  Mirza  Schéfi,  premier  ministre ,  un  ordre  dont  notre 


AVRIL   1819.  aij 

de  Perse,  qui  étoit  chargé  de  le  conduire  hors  du  royaume,  lui  affirma 
sur  fAIcoran  qu'il  avoit  ordre  de  le  tuer  ;  et  s'il  lui  sauva  la  vie ,  ce  ne 
fut  que  par  un  sentiment  de  reconnoissance  pour  quelque  service  que 
le  missionnafre  lui  avoit  précédemment  rendu  ,  et  en  se  faisant  bien 
payer  ce  ménagement. 

Jusqu'ici  Ion  a  peu  vu  k  missionnaire  évangélique  dans  la  con- 
duite du^P.  Sebastiani.  Arrivé  à  Calcutta  ,  il  se  livra  à  des  occupa- 
tions plus  analogues  à  son  ministère.  A»  la  demande  de  M.  David 
Brown ,  chef  du  collège  du  fort  William,  il  consentit  à  livrer  à  l'im^ 
pression  la  traduction  persane  qu'il  avoit  faite  du  Nouveau  Testa- 
ment :  l'édition  en  étoit  déjà  au»  Actes  des  apôtres,  quand  un  incendie 
consuma  le  manuscrit  et  toute  la  typographie.  Obligé  de  traduire  de 
nouveau  la  partie  qui  avoit  été  ainsi  détruite  ,  notre  missionnaire, 
peu  content  de  son  premier  travail ,  eut  le  courage  de  faire  une  novt^ 
velle  traduction  de  tout  le  Nouveau. Testament,  plus  élégamment  écrite 
que  la  première  :  Quant  (novam  interpretationem),  dit-il ,  eo  labore  ac 
studio  pcïfecî ,  ut  ipsorum  Persarum  juJicio  non  dubitcm  assettre ,  tcrsiorl 
stylo  persice  conscribi  non  posse ,  pravia  dissertatione  de  christiana  re/i- 
gionis  vcritûte ,  detjue  sacrarum  lîtterarum  sinceritate,  quas  Mohamme^ 
dani  à  judais  et  christianis  yitiatas  credunt. 

Le  gouverneur  général  de  l'Inde,  lord  Minto,  sur  le  point  de  quitter 
cet  important  gouvernement ,  signifia  au  P.  Sebastiani  que  le  moment 
étoit  venu  de  sortir  de  ce  pijrs  et  de  retourner  en  Perse  pour  y  re-i 
prendre  l'exercice  de  ses  fonctions  de  missionnaii'e ,  et  qu*un  bâtiment' 
étoit  prêt  pour  l'y  reconduire.  Le  P.  Sebastiani  n'a  pas  jugé  à  popos 
de  dire  quel  étoit  le  motif  de  lord  Minto  pour  en  agir  ainsi  envers 
lui  :  ifse  contente  d'exposer  ceux  qu'il  avoit  de  ne  pas  déférer  à  cette 
invitation.  Ego,  dit- il,  qui  tanta  ejus  cura  que  lendtrct ,  cognovi ,  re- 
scripsi,  &c.  On  est  tenté  de  penser  qu'il  ne  se  seroit  pas  attiré  cet  ordre  ^ 
s'il  se  fût  borné  aux  fonctions  de  missionnaire.  Quoi  qu'if  en  soit ,  il. 
s'embarqua,  et,  après  avoir  parcouru  tout  l'océan  indien,  il  regagna 
le  golfe  Persique,  et,  remontant  le  Tigre,  se  rendit  de  nouveau  à 
Bagdad. 

Là  il  éprouva  de  nouvelles  tracasseries  de  la  part  de  M.R^'^^d  ,  agent 
français,  qu'il  ne  ménage  point ,  et  il  reçut  des  lettres  du  préfet  de  la  Pio- 
pagande,  son  Ém.  le  cardinal  Litta  ,  qui  lui  signifioit  sa-  destitution, 
Les  motifs  étoient,  dit-il,  qu'il  avoit  abandonné  le  gouvernement  de 
I  église  et  des  chrétiens  confiés  à  ses  soins,  et  que,  de  son  propre  mou- 
vement, il  avoit  parcouru  les  royaumes  de  flnde,  et  étoit  entré  sans 
Jijission  dans  la  -vigni^  ^'autrui..  A  ceUfi  occasion ,  ajoùte-t-il ,  fe  me 


ii6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

mppeHe  ce  que  me  dit  un  jour,  dans  les  déserts  de  TAraLîe»  fe  prince 
des  Wahhabites,  en  présence  de  j^Iusîeurs  de  ses  gens  :  «  Médecin 
»  dépourvu  de  sens ,  la  liberté  nVst  qu'un  vain  mot  en  ce  monde  : 
»  les  noms  de  justice  et  d  équité  ne  sont  que  des  moyen*s  de  tromper 
3>ies  hommes.  De  même  que,  parmi  les  animaux  sans  raison,  le  pfus 
3j  i'ort  dévore  le  plus  foiMe  ;  de  même  aussi,  parmi  les  hunrmins  ,  le 
»  grand  opprime  le  petit,  tt^utis  les  fois  que  Foccasion  sVn  présente; 
»  et  rien  n*est  à  meilleur  marché  sur  la  terre  que  la  chair  humaine.  » 
l<  est  assez  extraordinaire  de  voir  un  missionnaire  appliquer  cette  ter- 
rible apostrophe  à  la  conduite  de  ses  su{'>érieurs  ecclésiastiques.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  le  P.  Sebastiani  se  rendk  de  suite,  sous  la  conduite  d'un 
Tariare,  h  Constantinoj^le  :  de  lîi  il  adressa  i  la  congrégation  de  la  Pro- 
pagande sa  )nsiification.  Par  une  lettre  du  lo  pùn  1815  ,  fe  même 
cardinal  Litta  lui  (ordonna  de  se  transporter  à  Rome,  où  l'onétoit  dis- 
posé h  l'entendre  avec  bonté  et  à  lui  rendre  justice.  Il  ne  perdit  point 
de  temps  pour  se  rendre  à  Gènes,  et  delà  à  Rome.  Après  un  séjour 
de  cinq  mois  dans  cette  capitale,  sans  avoir  obtenu,  <fit-i!,  qu*on  s*oc- 
cupât  de  son  affaire,  il  se  détermina  à  passer  en  Angleterre.  II  alla 
d'abord  h  Malte  et  de  là  h  Londres,  où  il  obtint,  à  ç^  qu'il  paroît,  à  là 
recommandation  du  comité  des  directeurs  de  la  compagnie  des  Indes, 
quelques  secours  du  gouvernement. 

Ici  se  termine  le  récit  contenu  dans  la  préface,  qui  est  datée  des 
ides  de  juin  1817.  Nous  ajouterons  qu^n  1818  le  P.  Sebastiani  a 
quitté  l'Angleterre  ,   pour  retourner  à  Rome.  ^ 

Nous  ne  nous  permettrons  aucune  réflexion  sur  ce  récit  ;  mais  il  est 
dans  la  préface  une  sorte  d'épisode,  relativement  aux  sociétés  bibliques, 
que  nous  ne  pouvons  passer  totalement  sous  silence.  Le  P.  Sebas* 
tiani  avoue  que,  pendant  son  séjour  à  Calcutta,,  if  avoit  conçu  une 
opinion  très-avantageuse  de  ces  sociétés  et  de  leurs  efibrts  pour  la  pro- 
pagation des  saintes  Ecritures  ;  qu'il  conservoit  encore  la  même  opinion 
à  Constantinople  en  1815;  mais  que  son  séjour  à  Londres  l'a  désa- 
busé :  SeJ  hic  ,  Londint ,  uhi  est  prœcipua  hujus  societatis  sedes  ac  te- 
gimen ,  lue,  inquam ,  cjus  animum  perspectum  et  cognitum  expérimenta 
hahuï  ;  qui,  candide  fateor  atque  etiam  prqfiteor ,  non  est  rectus  omnino» 
Hac  enim  societas  Londinensis  interpretationem  à  catholico  homint  bonâ 
fide  confectam ,  etiam  perfectissimam ,  nullo  modo  prorsus  admittit.  Lors- 
qu'on se  rappelle  que,  plus  haut,  notre  missionnaire,  parlant  de  sa  traduc- 
tion ,  avoit  dit  ,  editionem  meis  sumptibus  suscepi,  on  est  bien  tenté  de 
soupçonner  que  la  Société  biblique,  qui  d'ailleurs  a  fait  imprimer  beau- 
coup de  traductions  faites  par  des  caiholiqueç ,  s'ejt  refuse  à  fidre  Ici 


AVRIL  iQl'p.  Z17 

frais  de  Fédition  du  Nouveau  Testament  du  P.  Sébastian! ,  çt  que  inde 
ira*  Toutefois  j  si  notre  missionnaire  se  bornoit  à  témoigner  lâ  crainte 
que  les  éditions  publiées  par  la  Société  ne  fussent  altérées  aux  dépens  de 
la  foi  catholique,  et  qu'il  dit,  Timeo  Danaos  et  donaferentes ,  quelqu'in- 
juste  que  fût  son  soupçon ,  on  pourrcwt  le  lui  pardonner.  Mais  quand 
il  accuse  la  Société  d'avoir  pour  but  de  propager,  non  la  lumière  ,  mais 
les  ténèbres,  et  de  n'être  propre  qu'à  multiplier  de  \A\xs  en  plus  les 
hérésies  et  à  corrompre  les  moeurs,  il  est  indubitablement  emporté  par 
cette  passion  qui  aveugle  les  plus  clairvoyans.  Quand  il  cite>  comme 
des  exemples  d\x  danger  qu'il  y  a  à  mettre  entre  les  mains  du  commun 
des  hommes ,  le  récit  des  crimes  des  filles  de  Lath  ,  de  l'adultère  de 
Bethsabée,  du  libertinage  de  Judas,  on  pourroit  se  contenter  de  te 
renvoyer  au  chapitre  ix  du  iv/  livre  de  l'Imitation  de  Jésus- Christ, 
et  lui  demander  s'il  faut  aussi  ôter  aux  chrétiens  le  Nouveau  Testament, 
parce  qu'on  y  lit  que  Jésus -Christ  ne  voulut  point  contribuer  à  la  con- 
damnation d'une  femme  adultère,  et  accueillit  avec  charité  les  pubii- 
cains  et  les  femmes  de  mauvaise  vie  ;  ou  parce  qu'il  présenta  comme 
un  modèle  de  prudence  l'économe  infidèle  :  on  pourroit  encore  lui 
demander  pourquoi  lui-même  il  a  eu  la  témérité  de  publier  une  nou- 
velle version  du  Nouveau   Testament   sans   notes  ni  commentaires; 
enfin  on  auroit  le  droit  de  le  renvoyer  à  ces  paroles  de  l'auteur  de 
rimitation ,  qui  disoit  :  Curiositas  nostra  sœpe  nos  impedit  in   lectione 
Scripturarum ,  xùm  volumus  intelligere  et  discutere ,  ubi  simpUciter  esset 
transeundum  (  livre  I ,  chapitre  VI  ).  Au  reste  ,  si  nous  nous  permettons 
ces  réflexions,  c'est  uniquement  parce  que  les  expressions  du  P.  Sebas-* 
tiani  sont  tout-à-fiiit  hors  de  mesure  ,  et  propres  à  donner  aux  commu- 
nions dissidentes  unt  idée^fauss^  des  règles  que  suit  en  cette  matière 
réglise  catholique. 

Mais  il  est  temps  de  passer  à  Texamen  de  la  traduction  du  P.  Seba$* 
tiani.  Nous  l'envisagerons  sous  le  rapport  de  la  fidélité  ,  et  ensuite  sous 
celui  du  style. 

On  a  vu  que  le  P.  Sebastiani,  dans  le  titre  même  de  son  ouvrage, 
annonce  avoir  suivi  de  préférence,  dans  sa  traduction,  quoique  noa 
exclusivement,  le  texte  du  manuscrit  alexandrin,  ex  codice  alexandrinog 
adhibitis  etiam  compluribus  manuscriptis,  variûntibusque  lecthnibus  editis, 
summâfde  ac  cura  latine  redditum.  Jjq  ne  m'arrêterai  point  ici  à  fiiire 
connoitre  le  manuscrit  alexandrin,  ni  à  discuter  aucune  des  questions 
relatives  à  l'âge  ,  à  l'origine ,  aux  caractères  distinctifs  et  au  mérite  de 
ce  célèbre  manuscrit.  On  possède  aujourd'hui  une  magnific[ue  édition 
du  Nouveau  Testament  d'après  ce  manuscrit;  et  comme  cette  édidon 

Ee 


ai8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

est  en  quelque  sorte  un  fàc  similt  de  l'original  »  chacun  peut  se  fbimer , 
en  connoissance  de  cause,  une  opinion  sur  les  principales  questioiis 
auxquelles  il  donne  lieu  :  on  peut  aussi  consulter,  entre  un  grand 
nombre  de  critiques,  la  pré&ce  mise  par  Ch.  G.  Woide  i  h  tète  de 
cette  édition,  et  que  M.  Gottlieb  Leberecht  Spohn  a  fait  réimprimer 
avec  des  observations  très- judicieuses  et  la  collection  des  variantes  du 
même  manuscrit,  à  Leipsick,  en  1788,  sous  ce  titre:  Car.  Gotkofr. 
Woidii  Notitia  ccdicis  alexandrini,  cum  variis  e/us  iectianitus  omnitus. 
Je  n'examinerai  donc  point  si  les  leçons  du  manuscrit  alexandrin 
méritent  la  préférence  sur  celles  du  texte  communément  reçu  ou  des 
autres  manuscrits ,  mais  }e  rechercherai  s'il  est  vrai  que  le  P.  Sébastian! 
les  ait  suivies  ;  et  pour  cela  je  m'attacherai,  non  aux  passages  où  le  manus- 
crit alexandrin  offre  des  leçons  sus{>ectes  d'erreur,  mais  à  ceux  ou  les 
leçons  qu'il  fournit  ne  présentent  ni  difficulté ,  ni  motif  de  soupçon. 

Ainsi  je  ne  ferai  point  remarquer  que  notre  traducteur  a  tout-à-fait 
abandonné  ce  manuscrit  au  v.  25   du  ch.  iv  des  Actes  des  Apôtres, 

où  on  lit ,  0  TV  9ni7^c  ifuif  ijm.  mtVfJiA'nç  ijin  si/d^mç  àmuUl  ^tmÂç^H  iîmr> 

parce  que  ce  texte ,  quoique  facile  à  corriger  ,offie  des  traces  dlnterpola- 
tion  ;  et  dans  cet  autre  passage  { i  Cor.  ch.  XV,  v.  jij ,  ei  virm  fùf  tt^tfui' 
t^oifuOoL^  où  Treti^K  Â  iMayiiici(a:Stj  parce  que  la  leçon  primitive  du  manuscrit 
est  incertaine  :  mais  je  demanderai  pourquoi ,  dans  les  passages  suivans , 
le  P.  Seba^tiani  s'éloigne  constamment  du  manuscrit  qu'il  dit  avoir  pris 
pour  guide.  Xfiii  d'être  plus  court ,  je  me  contenterai  de  mettre  en  regard 
le  texte  du  manuscrit  alexandrin ,  et  la  version  du  missionnaire. 


KfiaicLç  «  0iï.  {Rom.  IIj  J'J 

•V7I  t'fltr  ÇûiytÊf/jLkV ,  vçt^vjM^a.,  (i  Cor. 

VI Ji,  S.) 

jMMÇ*  (l  Cor,  Xll,  22.) 
(Ilid.jij 

^amjuaj^,  àyi-mif  î)  A^  V^,  ilif  ûîft- 
xS/Mq.  (IhuLxiH,3.) 

ttn  yrdmçKa^ofynJtinmn,  (Ibid.  8.) 

ïl^Ç  Tiff  ùlu/hfÀMf  'mç  ALKXnmaç  ^n- 
Tirn  Trct  oC^fnTiutiTi.  (Ibid.  XIV j  i2.J  |  ['ra  «feianiiiiTi  ]. 


Pro  die  îrm  et  pate&ctfonîs  [  texa- 
'  hv^tâç'\)usti')udicu  Del* 

Nam  neque  «  edimns  ,  excellimus  ^ 
neque  si  non  edimus,  wfirions  etfodimus. 

Vos  rgitur  estis  corpus  Christ! ,  efusque 

membra  singulatini  [ôà/u«e^uc]* 

Ambitt  igitur  utiliora  [x^m^ita]  dona. 

Et  si  traderem  corpus  meum  vt  cre^ 
marer  [  ïta  xavV ra^uc^  ] ,  cano  autem 
caritatCj  nihil  mihi  prodest. 

Sive  cognitio  rerum  destruetur  [y^umt 

AdeccUsiœ  utilitateni  studete  excttttïïc 


AVRIL   1819. 


SLl^ 


AmtcoUvyliv  ï^if  yxieswf  t^.  ( l  Cor, 
XIV,  26.) 

Ai  yufeunâç  v/uuif  ôr  niiç  ônuLKtmaiÇ 
myei'mtnu  •  i  y^  ihlpimitu^  euiituç  KO^Sif , 

ctMf»  ^  1;^ J»r.  {i  Cor,  xy,jp.J 
(  Ibid,  4p,J 

tin  Ji  ^AiA/aOa,  \2n>  fSc  t^uifr 


inj>])pv/4âvinçif  Xsm/MvS  [twt]  tuhuf  n»- 
^fàtimf  iv  [ttai  n]/4â7ç  ml^f/Mf.  (  11 
Cor.  1,6,) 

Jiiïïi,  (Ibid.it.) 
XeAfi.  (ibid.  IJ,  to.) 


Habet  pitegrinam  linguam!  habet 
velationemJ 

Aiulieres  vestrœ  siUant  in  êccltsiis: 
non  tnim  permissum  est  eis  loqui  iti  iiliij 
std  subjectœ  esse  debent,  jicut  et  lex  diciu 

Alia  est  caro  ptcorum ,  alia  piscium,  et 
alia  aviunu 

Etsicutgestavimus  imagmem  terrespris, 
gestabimus  [^o^o9/am]  quoque  imaginem 
calestis, 

Oportet  enim  hoc  corpus  corruption!» 
obnoxium  indui  incorruptibilitate ,,  hoc 
est,  istud  morta^  corpus  indui  immorr 
talitate, 

Igitur,  sive  affligimur,  est  pro  vestra 
consolât ione  et  salute ,  quœ  efficitur  per 


KilJuAA  c^nij)  7ni\  vfuuif  7mç0MXnne»ç  Tii[c  •  tolerantiam  eorumdem  cruciatuum  quos  et 

nos  patimur  :  sive  consolatione^erigimur , 
est. pro  vestra  consolatione  et  salute» 


Unà-adjuvantibus  et  vùbis  orationepro 
nobis, 

Etenim  ego  si  quid  condonavi,  eut  con~ 
donavi ,  propter  veescondonavi  gerensper^ 
sonam  Christi. 

JVefilii  Israël  cculos^efigerent  inspUn' 
dorent  [f iV  W  TtX^c]  quod  erat-abolendunu 
m,  tj.) 

D'après  ces  exemples,  auxquels  il  m>ût  été  âcile  d'en  ajouter 
beaucoup  d'autres,  on  voit  que  le  P.  Sebaitiani  a ,  généralement  parlant, 
abandonné  le  manuscrit  alexandrin,  lors  même  qu'il  sembloit  mériter 
la  préférence,  et  qu'il  avoît  en  sa  faveur  l'autorité  de  la  Vulgate.  S'il  dit, 
pour  s'excuser,  que  ce  texte  grec  luiâ  paru,  comme  k quelques  critiques^ 
interpolé  d'après  la  version  italique,  ce  que  je  suis  loin  d'admettre,  on 
aura  droit  de  lui  demander  pourquoi  donc  i(  a  annoncé  qu'il  avoit  pris 
pour  principal  guide  un  texte  altéré. 

Si  le  P.  Sebastiani  a  si  peu  conformé  sa  version  au  texte  du  manuscrit 
alexandrin,  qu'il  sembloit  devoir  suivre  de  préférence,  on  sera  moins 
étonné  qu'il  n'ait  pas  ^t  usage  des  observations  critiques  des  commea-^ 

se  2 


aso  JOURNAL  DES  SAVANS. 

tateurs ,  !ors  tnéme  qu'elfei  parbisseqt  le  mieux  fondées  en  raison.  Pour 
en  doAner  un  seul  exempte,  nous  fêtons  observer  que,  dans  l'Évangile 
de  S.  Jean  (ckap,  XIV,  v.i),  if  traduit  affirmativeroent^/n  adibuspatris 
mti  mutkt  mansitmfs  sunt;  aiio^tûn  dixijsem  votis  s  Eoparatum  vobis  locum; 
'luidh-que  l'on  obtient  un  sens  bien  plus  satisfaisant,  et  qui  présente  une 
suite  d'idées  bien  mieux  liées ,  en  traduisant  inlerrogativement  :  Aliequin, 
num  dixîsstm  vobis  :  Vad^paratum  vobis  locum  !  ce  qui  n'exige  qu'un  chan- 
gement dans  la  ponctuation.  Quelques  commentateurs  adoptent  aussi  un 
pareil  changement  dans  la  seconde  épltte  aux  Coiinifaiens  (shap.  xi,  v.  4), 
et  entendent  comme  une  interrogation  ce  pauage  :  Si  iw  ^  •  •p;t;ftt?ec 
«Ma»  innZ»  KMfûan  or  m  lutifu^atur y  M  mwifi»  iTt^fr  \a^i*m  *  m  iX«Cm» 
i  iv«f}*Mof  i-n(fr  i  m  ^Ji^t^àtt  w^c  ùm^fiàÊi  ce  qui  n'est  pas  sans  vrai- 
semblance :  toutefois  nous  ne  faisons  pas  un  rejn^he  au  P.  Scbastiant  de 
n'avoir  pas  adopté  i<j  kur  con|ecture. 

Le  P.  Sebastiani  s'est  fait  une  règle  de  réunir  par  un  irait  d'union 
plusieurs  mots  latins  quand  ils  correspondent  à  un  seul  mot  grec,  comme 
on  a  pu.  l'observer  dans  quelques-uns  des  exemples  que  j'ai  cités:  il  a 
aussi  fait  imprimer  en  caractères  italiques  les  mots  qu'il  a  ajoatés  pour 
mieux  déterminer  le  sens  des  endroits  obscurs.  II  a  évité  dans  sa  traducï 
tion  les  mots  usités  dans  la  Vulgate  et  ckns  la  liturgie ,  qui  ne  sont  pas 
d'une  latinité  pure  :  par-fà  son  style  a  quelquefois  une  sorte  d'afièctadoik 
AinM,  par  exemple,  se  refusant  à  employer  le  mot  glorificart  pour 
A^âÇtir ,  il  y  a  substitué  partout  l'expression  composée  gloria  agictre,  qui 
n'est  guère  plus  latine;  et  je  doute  qu'un  Latin  eût  bien  compris  ces 
mots  (Ev.  Jean.  XVLS,  10) ,  Sed  omnia  mta  tua  sunt,  e(  tua  mea,  atqat 
in  fis  g/oriâ  afftctus  sum  ;  et  ceux-ci ,  £^0  le  gloriâ  afftci  super  terram. 
Pour  rendre  plus  littéralement  les  mots  grecs  «  Iim^mh  lîmac  f  fi^f 
m.f^tnivaj  j^  ^tnmf  &c. ,  il  a  dit;  Gloriam  Deî  immortaits  muiavtrunt  in 
s  sustinentes  haminem  corruptihilem ,  et  volucres  &c.  (  Rom.  l ,  2  j } . 


AVRIL    1819. 

c¥  TntûfjuLTt  kytif.  En  ajoutant  quant  ei  facio,  le  traducteur  développe  la 
figure  employée  dans  l'original,  que»  sans  cela,  on  saisiroit  difficilement; 
sur- tout  lorsque  le  mot  si  expressif  jfe^wp^wKTtt  est  rendu  d'une  manière 
bien  fbible  par  obiens-sacrum-munus .  N'auroit-îl  pas  mieux  valu  dire 
sacerdotium  evangelii  exercens!  Ailleurs,  en  se  tenant  trop  près  du  texte, 
le  traducteur  est  resté  plus  obscur  que  Foriginal.  Comprend-on  bien  ce 
que  veut  dire  ceci  :  Scienus  igîtur  timonm  Domini,  persuadcmus  hominibus, 
Deo  autem  jam  manifesti  sumus;  £t  spero  etiam  in  conscientiis  vestris  mani" 
festos  nos  esse  (  il  Cor.  V,  11  )  î  et  n'est-ce  pas  une  sorte  de  contresens 
de  rendre  it^^ÛTFHç  msBo(jup  y^zï  persuade  mus  hominibus ,  quand  il  est  certain» 
pîfr  la  comparaison  de  divers  passages,  que  tfuBu  signifie  sou\ent gratiam 
alicujus  sibi  conciliare!  Le  P.  Sebastiani  lui-même  Ta  entendu  ainsi  dans 
ce  passage  :  ifii  ^  if^mTmçmiim^  »  tdit  eiorj  modà  enim  gratiam  hominum 
concilio,  an  Dei!  (  Galat.  1 ,  10.) 

Je  ne  pousserai  pas  plus  loin  ces  observations  ;  elles  ont  pour  but ,  non 
de  nuire  au  succès  de  l'ouvrage  du  P.  Sebastiani,  mais  de  lui  assigner  la 
place  à  laquelle  il  me  paroit  avoir  droit  parmi  les  traductions  du  Notiveau 
Testament.  On  doit  savoir  gré  à  ce  missionnaire  du  travail  qu'ii  a  entre- 
pris et  terminé  au  milieu  d'une  vie  extrêmement  agitée  ;  mais ,  en  le  consul- 
tant souvent  avec  fruit ,  on  se  .réservera  le  droit  de  n'être  pas  toujours  de 
son  opinion,  et  d'exercer  envers  lui,  comme  envers  les  autres  critiques 
anciens  et  modernes,  ce  précepte  de  la  sagesse  même  :  lldéfTa  J^xâfdÂÇm* 
70  n§:Kùf  j(sP7f;^7i*  ^Sià  mit-nç  Aéhuç  mvmfi  im^ôt»  (  1  Thessal.  V^  20.  ) 

SILVESTRE  DE  SACY. 


FuNDGRUBEN  DES  Orients  ,  hearbeitât  durch  eine  GeseUschafi 
von  Liebhabern,  —  Mines  de  ï Orient ,  exploitées  par  une  société 
d'amateurs  ,  sous  les  auspices  de  M.  le  comte  Wenceslas^ 
Riewusky;  tome  VI,  i.*'  cahier.  Vienne,  18 18,  in-foL 
contenant  :  •  Mysterium  Baphometi  revelatum ,  seu  Fratres 
militia  Templi ,  (juâ  Gnostici  et  quidem  Ophiniani  àpostasia , 
•  idolodulia  et  impuritatis  convicti  per  ipsa  eorum  m  0  nu  m  en  ta  : 
Dissertation  de  M.  Hammer. 

SECOND    EXTRAIT. 

J'examine  à  présent  et  je  discute  les  preuves  que  fournissent , 
selon  M.  Hammer  >  les  sculptures ,  les  nionumens  qu'on  voit  encore 


»i2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

aa^ounThni  dans  des  égGses  qui  ont  appartenu  à  l'ordre  du  Temple. 

On  me  permettra  quelques  réflexions  préuminatres. 

Dans  les  igHses  du  moyen  ige,  on  trouve  des  sculptures ,  des  mo- 
ntunens  qu'il  nous  est  difficile  cTexpliquer,  soit  il  cause  des  idées  mo- 
nlie>  ou  religieuses  que  Tes  artistes  de  l'époque  ezprimoient  sous  des 
formes  peu  convenables,  soit  à  cause  des'aÂégories  pieuses  dont  ta 
tradition  n'est  pas  venue  jusqu'à  nous.  Les  relieis  des  diapiteaux  de 
Saint-Germain-des-Prés  ont  embarrassé  les  antiquaires;  et  si'M.  Hammer 
les  avoit  trouvés  dans  les  égfises'des  Templiers ,  il  ifauroit  pas  manqué 
dé  les  citer  à  l'appui  de  son  système.  Je  crois  devoii'  rapporter  les 
expressions  d'un  écrivain  qui  a  eu  &  parler  des  reliefs  de  ces  cha- 
piteaux : 

«  D'après  le  sendment  de  dom  Ruinart ,  il  paroît  certain  que  les  relief 
»  de  ces  chapiteaux,  sur  lesquels  on  îemarque  beaucoup  de  figures 
»  monstrueuses ,  représentent  la  vie  de  S.  Rémi,  qui  a  converti  les 
»  Français  et  les  a  tirés  de  ia  puissance  du  démon;  aussi  voit-on  souvent 
-aa  répété  sur  ces  monumens  l'évéque  Rémi  aux  prises  avec  les  monstres 
M  qu'il  combat:  c'est  le  démon  qu'on  a  peint  sous  la' figure  de  ces 
natnmauz  extraordinaires;  c'est  FArimane  des  Perses,  le  Typhon  des 
«Egyptiens,  le  grand  dragon  céleste  qui  se  déploie  à  la  saison  des 
wpommei;  enfin  c'est  le  Satan  des  chrédens  (i).  » 

Les  Templiers  posSédoient  dans  les  diverses  parties  de  la  chrétienté 
plusieurs  mille  églises ,  et  c'est  seulement  dans  les  sculptures  de  sept 
églises  que  se  trouve  consigné  leur  système  irréligieux  ! 

D'ailleurs,  pour  expliquer  un  système  mystique,  pour  prononcer 
qu'il  s'agit  d'allégorîes  coupables, de  symboles  irréligieux,  suffit-il  qu'on 
nous  présente  quelques  figures  détachées  '.  C'est  fememble  du  tableau 
qui  peut  révéler  le  sens  cadij. 

Et  f 


AVRIL   l8ip.  223 

J'avois  préparé  des  explications  qui  sans  doute  n'auroient  pas  été 
rejetées  par  les  personnes  impartiales  ;  et  je  fbndois  mes  raîsonnemens 
sur  l'analogie  de  ces  monumens  trouvés  dans  cette  prétendue  église 
des  Templiers,  avec  les  monumens  qu'on  voit  encore  dans  les  autres 
églises  du  moyen  âge  :  mais  je  me  suis  aperçu  que  M.  Hammer  n'a 
fourni  aucime  preuve  du  fait  que  l'église  de  Schoengrabem^t. appar- 
tenu aux  Templiers. 

L'égfise  de  Schoengrabem ,  dit-il  y  est  sur  la  route  qui  Conduit  de 
Vienne  dans  la  Moravie  occidentale ,  non  loin  de  Dietrichsdorf  et  de 
Litzendorfy  où  l'histoire  atteste  qu'étoient  les  principales  habitations  des 
Templiers. 

Voilà  donc  le  raisonnement  de  M.  Hammer!  Schoengrabem  n'est 
pas  loin  de  deux  principales  habitations  des  Templiers;  donc  i'églist 
de  Schoengrabem  appartenoit  aux  Templiers. 

Pour  fonder  cette  conjecture,  il  a  suffi  à  M*  Hammer  de  trouver 
dans  l'ouvrage  de  M.  Munter ,  relatif  aux  statuts  des  Templiers ,  qu'ils 
âvoient  une  maison  à  Dietrichsdorf  et  une  à  Litzendorf.  M.  Munter 
n'en  a  pas  tiré  la  conséquence  que.  l'église  de  Schoengrabem  leur  appar«* 
tenoit  ;  mais  M.  Hammer  a  cru  pouvoir  prendre  sur  lui  de  l'assurer. 

Cependant  il  étoit  facile  de  faire  à  ce  sujet  le^  vérifications  conve* 
nables.  M.  Muntei*cite  l'auteurde  l'Histoire  apologétique  des  Templiers; 
er celui-ci,  Touvrage  intitulé  Austria  ex  archivis  Mellicen-- 
SJBUS  ILLUSTRAT  A.  M.  Hammer,  en  ouvrant  cette  collection ,  pu- 
bliée par  Philibert  Hueber,  Lipsïœ ,  1722,  fol.,  auroit  trouvé  que  cet 
auteur,  qui  indique  Dietrichsdorf  et  Litzendorf  conime  sedes  Tem^ 
PLARIORUM  (1),  parle  ensuite  de  Schoengrabem  (2)  sans  l'indiquer 
comme  sedes  Templariorvm  ;  et  il  est  à  remarquer  que,  la  seconde 
fois  qu'il  parle  d'une  maison  des  Templiers,  il  dit  :  Hîc  quoQUE  sedem 
TtmplarïoTum  &c. 

Ce  n'est  donc  que  sur  une  sfmple  conjecture ,  et  sur  une  conjecture 
évidemment  feusse,  que  M.  Hammer  avance  que  l'église  de  Schoengra- 
bem a  appartenu  aux  Templiers  ,  tandis  qu'elle  ne  leur  a  jamais 
appartenu. 

Cette  église  a  ofïêrt  à  M.  Hammer  le  plus  grand  nombre  des  mo- 
numens gnostiques,  ophiiiques,  &c.  S'il  fournit  lui-même  la  preuve 

(1)  DiETRiCHESDORFF,,,,  îfiodo  Dieterstorff  trans  inontein  AîtînardU  Hic 
loci  olim  villa  stitit  et  sedes  Tempiariorum,/?.  24/. 

LiZENDORFF  opvidum  cum  Castro  pervetusîo  in  montem  Afiinardi,„$.  H)c 
quoque  sedem  Templarionimyâ/wf  tradunt,  p.  277. 

(2)  SCHOENGRABERN  Oppidum  trans  mon  ton  A΀inardi„„,^.  274» 


a>4 


JOURNAL  DES  SA  VANS, 


que  ces  sortes  de  monumens  existent  dans  des  églises  autres  que  cellee 
des  Templiers ,  n'est-il  pas  évident,  par  cette  seule  circonstance ,  que 
ce  ne  sont  pas  des  figures  gnostîques  ni  optûtiques ,  ov  que  M.  Hatnmer 
doit  imputer  au  culte  du  moyen  âge  les  crimes  d'irréligion  dofit  il 
icoise  les  Templiers  l 

£t,  pour  ne  parler  que  des  figures  du  n,*  i  (  planche  m  ) .  qui  re- 
présentent la  chute  du  premier  homme ,  et  qu'on  trouve ,  avec  la  diffë- 
r«ice  wffy  des  accessoires,  dans  un  très-grand  nombre  d'églises, 
M.  Hammer  rapporte  lui-même  la  preuve  qu'elles  existent  à  Milan  dans 
un  sarcophage  du  iv/  siècle  qui  est  dans  la  ûdté4ral(e  de  Milan, 
laquelle  assurément  n'a  pas  appartenu  aux  Templiers.  M,  Hammer 
a  eu  soin  de  faire  graver  ces  figures  sous  le  n."  4  de  la  même  planche , 
et  cependant  il  les  appelle  gnostîques,  quoique  placées  dans  fégUse  ca- 
thédrale de  Milan  (i]-  . 
,  2.*  Eglise  de  Wultendosf.  M.  Hammer  prétend  encore  que  cette 
église  apparcenoit  jadis  aux  Templiers.  Quelles  sont  ses  preuveï  !  Quel  ' 
historien,  quelle  chronique  Tassure  !  M.  Hammer  n'en  cite  point;  mais 
il  soutient  que  l'église  a  appartenu  il  l'Ordre ,  parce  que .  d'une  part , 
on  y  trouve  des  figures  gnostiques,  et  que,  d'autre  part ,  en  1 79  2  ,  on 
y  déterra,  dans  un  souterrain  ignoré ,  des  idoles  qui  avoient  double  tête. 
Les  ouvriers  crurent  que  ces  idoles  étoient  des  ouvrages  de  Penfer  ;  par 
la  description  de  ces  idoles ,  ajoute  M.  Hammer ,  il  est  évident  qu'elles 
n!étoient  autre  chose  que  le  Bafomet.  Quant  aux  figures  qu'on  voit 
dans  Téglise,  il  en  cite, trois.  J'en  ai  déjk  expliqué  une  12),  n."  1$ 
[  planche  ui  ).  Le  n."  \6  ofii-e  im  homme  assis  sur  la  peau  d'un  lion 
immolé  et  tirant  sa  queue  renversée.  Le  j4.'  représente  un  chien. 
Je  ne  m'arrête  que  sur  un  seul  point  de  l'explicatioR  de  M.  Hammer  t 
le  chien  lui  paroît  un,  symbole  ophitique  ;  mais  coiiinie,  dans  la  dé- 
nonciation portée  contre  les  Templiers ,  on  les  avoi.t  accusés  d'avoir 


AVRIL    1819.      -^ 

Voici  les  propres  pcirolc!  de  M.  Hammcr  : 

"  Oui,  clit-il,  per  ce  ihdt  dont  il  est  fait  mention  dans  le  procès 
»  de;  TeiTipHers,  je  pense  qu'il  faut  entendre  un  fA;Vn,  attendu  que, 
"dans  les  figures  que  je  cite,  on  ne  voit  nulle  part  un  chai,  mais 
»  par-tout  un  chien."  Sub  CATO  de  tjuo  in  Templariorum proccssu  mtntio 
jit,  CANEAf  idio  inuUigtndum  tsse  credimus ,  quia  nidlibi  catus  std 
ubique  canls  confpicirur. 

Cependant  il  propose  un  moyen  pour  concilier  les  différentes  opinions  : 
«  Si  quelqu'un  pense  que  cet  animal,  que  nos  monumens  présentent  par- 
»>  toul  comme  un  chien,  est  cependant  un  chat,  je  ne  m'oppose  point 
»  à  celte  idée  (i).  » 

Telles  sont  les  formes  de  rarsonnemeiit  de  M.  Hammer  ;  «Une 
>' église  ofire  de  prétendues  figures  gnosiiques,  bafométiques,  ophi- 
»  tiques  :  donc  elle  a  appartenu  aux  Templiers.  »  Ou  bien  ;  «  Une  église 
»  a  appartenu  aux  Templiers  :  donc  ces  figures  sont  des  symboles  bafô- 
»>  méiiques  ,   gnosiiques,  &c.  » 

J.°  Je  ne  parlerai  pas  de  l'êgHte  de  Berchtolsdorf  ou  Pe~ 
TESDOUf  ;rkn  ne  prouve  qu'elle  ait  appartenu  aux  Templiers;  M.  Ham- 
mer la  leur  attribue ,  à  cause  de  deux  pierres  placées  en  forme  le  Tdu . 
dont  j'ai  parlé  dans  le  premier  extrait,  mars,  page  1  jô, 

4.°  Eglise  d'AiTEMBURG.  Sur  la  porte  de  cette  église  bh  voit  un 
vieillard  portant  barbe  et  couvert  d'un  niante:iu;  il  impose  les  mains  sur 
un  enfant  ;  lange  est  de  i'auire  côté,  tenantun  voile  suspendu.  M.  Hammer 
trouve  dans  ces  figures  un  symbole  gnostiquè  i  et  ce  symbole  lui  permet 
cfassurer  que  l'église  a  appartenu  aux  Templiérsi. 

î."  Eglise  de  Saint-Martin  .^sni  fe  district  de  Miiraa.  M.  Ham- 
mer déclare  qu'il  n"a  pu  faire  graver  les  f.gures. 

6.°  Église  de  Prague.  Selon  M.  Hammer,  les  historiens  attestent 
que  le  roi  Venceslas  I."  fit  bâtir  celte  église  avec  un  monastère  dans 
le  milieu  du  xill.'  siècle,  sous  l'invocation  de  S.  Vencesîaî.  En  i  3  1 1  , 
après  l'abolition  de  l'ordre  des  Templiers  ,  dît^il  ,  le  roi  Jean  donna 
l'égiise  et  le  monastère  aux  hospitaliers;  ensuite  c-'le  fiit  achetée  par 
les  Dominicains,  et  vendue  en  17*12  ,  après  la  siipprestiondes  moines  (2). 

Si  c'est  le  roi  Venceslas  qui  a  fait  construire  la  maison  de  Prague  , 


(  t)  Si  quh  hoc  animal,  quod  uhïque  canh  esse  viàtlur,  catum  potiùs  esse  per- 
hibeac,   non  pugnabimus ,  p.  72, 

{2)  /Edes  Prageiisis  (cuin  crtnobio  )  ad  nomeii  sancû  Venceslai ,  à  res,e primo 
hujus  tiominii  circa  aiiiiiim  12^  xàifican  incepia,  et  circa  annum  i2^j  absoluia 
fuit. 


..a»«  JOUnNAl,  DES  SAVANS, 

comment  s'y  irouveroii-U  des  symboles  irn!:figieux  !  Qui  auroit  donné 
l'ordre  de  les  y  placer  ; 

M.  Hammer  a  fait  graver  des  figures  qui  étoient  peintes  sur  dos 
vfiraux.  Ces  figures  offrent  des  ressemblances  avec  quelques-unes  des 
nombreuses  médailles  ou  monnoies  qu'il  ailribue  aux  Templiers.  On 
^voii  une  croix  tronqui-e  jiar  la  superposition  de  la  main  :  j'ai  précé- 
demment rtfuté  M.  Hammer  sur  ce  point,  qu'il  croyait  très-important  ; 
il  est  plusieurs  figures  qui  d'une  mnin  tiennent  une  épée  et  de  l'autre 
une  croix.  On  en  trouve  de  pareilles  sur  les  monnaies  publiées ,  soit  par 
Seelânder,  soit  dans  les  recueils-  qui  contiennent  les  médailles  du  moyen 
5ge  (i).  Toutes  ces  diverses  peintures  sont  loin  de  présenter  des  formes 
,j>a«icujiètes,  et  encore  moins  des  emblèmes  irréligieux,  des  symboles 
gnosliques  :  aussi  je  m'abstiens  d'entrer  à  cet  égard  dans  aucun  détail. 

Enfin,  depuis  que  le  dernier  propriétaire  a  fait  l'acquisition  du  mo- 
nastère,  on  y  a  trouvé,  dit  M.  Hammer,  vingt-quatre  symboles  de 
Franc-maçonnerie  ;  ces  symboles,  peints  sur  le  mur,  étoient  cachés  parmi 
enduit  de  chaux  qui  aujoiH'd'Iiui  est  tombé,  ou  a  éié  rAclé ,  de  sorte  qu'ils 
sont  entièrement  yîsibles.  Qui  ayoit  fait  placer  ces  symboles  î -Esl-Ce 
le  roi  \'enceslas  ou  k-s  Templiers,  si  jamais  ik  ont  possédé  ce  coBVeiU, 
ou  les  Hospitaliers ,  qui,  en  i  3  i  i  ,  en  ont  été  possesseurs ,  ou  les  Do- 
minicains, ou  enfin  le  dernier  acquéreur! 

M.  Hammer,  qui,  dans  le  cours  de  son  ouvrage,  a  &ouvent  attaqué 
les  fraiics-maçons ,  saisît  cei^e  occasion  de  les  comparer  auif  Templiers. 
Il  nous  apprend  que,  spn^  ilre  initié  dans  loj  niystètes  maçonuiquei , 
il  en  est  très-instruit  ;  dans  le  icmps  de  l'expédition  d'Egypte,  il  logea 
dans  une  maison  que  des  FraiVlù:?  vpient  habibé^;  il  y  iroura  des 
papiers  qui  lui  révélèrent  le  secret  ;  mais  il  pense  que  les  francs-maçons 
et  leur  doCirine  ont  précédé  les  Ten>plfers.  Je  me  borne  sur  ce  point  à 
indiquer  ropiiiion  de  M.  Hammer.  ;  '    ' 

7°  €:glht4'EGnA.  M.  HatHiuer  affirme  fltie  l'égHîe  d'Égra  aippal- 

,tenoil  jadis  aux  Templiers  ,  qu'ensuite  elle  a  servi  i  l'exercice  simultané 

-du  culte  caiholique  et  du  culle  proieslant.  11  prétend  que  les  ornerneiis 

■    de  quelques  chapiteaux  des  colonnes  qui  •'■e  trouvent  ■tlms  une  égliSe 

'    souterraine ,  présentent  des  symboles  gnosu'ques*  ophitiqufs  :  mais,  ces 

symboles  sont  aussi   insiguifian»  que  tous  ceux  dont  j'ai  eu  il  parler, 

■puisqu'on  en  trouve  de  pareils  dans  d'autres  églises  de  l'époque.  Quoi! 

[*  -parce  (p'un  chapiteau  offrira  des  figares  brestres ,  les  corps  d'"oii  homme 

(1),  Noummeni  dans  le  Uecutil  dw  médailles  de  DancmarcL.  Copenhagua , 
791  .M  "-"  i'a'iii. 


i 


AVRIL    1819.  2Z7 

et  d'une  femme  en  ^tat  de  nudité,  cp  sera  Ih  un  symbole  gnostiquet 
Parce  qu'on  /  voit  denit  têtes  rapprochées  ,  ce  sera  un  symbole  bafO- 
métique!  &c.  &c. 

Telles  îoii!  les  preuves  tjue  M'.  Hammei*  a  rassemblées  dans  s^t 
églises,  pour  fondor  un  système  d'aCcusalîon  contre  les  Templiers;  et' 
cependani  il  ne  prouve  pas  qu'ils  [es  aient  possédées,  et  sur-tout  que  ce' 
soient  eux  qui  les  aient  fait  construire. 

M.  Hammer  cite  ensuite  les  églises  d'Erfurt:  i[  avoue  que  celle  des 
Tenlptiers  n'offre  aucun  monument  ;  maïs  îf  prétend  qtie  plusieuri  églises 
de  cette  ville  offrent  des  monumensde  franc-mnçonnerie  ;  et  quoique, 
dii-i(,  tes  monunietis  ns  puissent  servir  de  témoignage  contre  lesTem- 
pliers ,  ils  doivent  servir  comme  monumens  maçonniques  qui  concor- 
dent avec  des  figures  de  l'égiise  de  Sdioengrahern. 

Je  crois  avoir  prouvé  que  Féglise  de  cette  ville  n'a  point  appartenu 
lux  Templiers  ;  mais,  si  elle  leur  avort  appartenu,  la  circonstance  que 
les  mêmes  figures  se  trouvent  dans  les  églises  d'Erflirt  qui  ne  leur  ont 
pas  appartenu,  ne  démontreroil-eHe  pas  que  ces  figures  n'avoîeill  rien  de 
contraire  à  la  religion,  puisqu'on  les  retrouve  dans  les  églises  de  l'é- 
poque! Comment  le  désir  de  faire  des  rapprochemens  a-t-il  pu  égarer 
M.  Hammer  au  point  de  fournir  lui-même  de  pareils  argumens  contre 
son  système  î 

C'est  ainsi  que,  sans  avoir  vu  l'octogone  de  Montmorillon,  sans  avoir 
vérifié  si  l'église  oh  ce  monument  se  trouve,  a  été  bâtie  par  les  Tem- 
pliers, il  n'hésite  pas  à  déclarer  gnosiîques,  ophitiqiies,  deux  des  figures 
qoi  ornent  ce  monument.  De  toutes  (es  personnes  qui  l'ont  vu,  ou  qui 
ont  voulu  l'expliquer ,  il  d'en  est  aucune  qui  n'ait  déclaré  que  ces  figures 
sont  d'une  époque  très- antérieure  à  l'existence  de  l'ordre  du  Temple, 
et  il  n'en  est  aucune  qui  ait  dit  qu'elle  avoit  été  possédée  par  les  Tem- 
pliers. 

Sans  parler  de  Dom  Martin  et  de  Montfâucon ,  qui  ont  jugé  que  ces 
ligures  étoient  des  monumens  des  Druides ,  c'est-h-dire,  d'une  époque 

très-reculée,   M.  Millîn  a  dit  :  «  L'octogone  de  Montmorillon 

"  a  tous  les  caractères  des  anciennes  églises  du  xt.'  siècle  :  je  crois  que 
«c'est  vers  ce  temps  qu'il  a  été  bâit  (1).» 

L'abbé  Lebeuf ,  en  parlant  de  ces  figures  ,  s'exprime  en  ces  termes  : 
"En  les  examinant  avec  attention,  on  n'a  pas  de  peine  de  s'aperee-- 
»  voir  qu'elles  sont  beaucoup  plus  ancieimes  que  l'église,  qui  est  de  la 
»  fin  du  XI,'  siècle ,  ou  du  commencement  du  Xll.'  (2)  » 


(i)  Voyage  dans  les  départcmens  du  midi  de 
(2)  Histoire  de  racademie  des  inscriptions  et 


i  France,  t.ïV,p-7i7' 
lelies-Iettres,  t.  XXV,  p. 


2ii  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Un  auteur  qui  a  consacré  une  dissertation  (i  )  à  l'explication  de  ce 
monument,  déclare  que  la  sculpture  ne  paroissoït  pas  très-ancienne, 
et  qu'on  ne  poilvoît  fa  faire  remonter  au-delà  du  ïx.'  ou  X.'  siècle. 

Enfin  ,  un  écrivain  qui  a  parlé  de  cet  octogone ,  après  le  précèdent  ► 
1  encore  assuré  que  "  les  figures  de  Montmorillon  sont  encore  beau- 
M  coup  plus  anciennes  que  l'église  où  on  les  voit  maintenant  (a).  » 

Voilà  donc  les  Templiers  justifiés,  quand  même  ils  auroient  possédé 
i'église  de  Monmiorillou  ;  mais  t'oni-tls  possédée  '.  M.  l'abbé  Lebeuf  dit 
expressément  que  «il  n'a  pas  eu  de  peine  à  reconnoiire  dans  ce  pré- 
»  tendu  temple  un  ancien  hôpital  destiné  pour  les  pèlerins  qui  alloient  . 
»  dans  la  Palestine,  ou  qui  en  revenoient  (3].  Cet  hôpital  fut  donné 
»  dans  la  suite  aux  Augustins  réformés.  » 

Pourfairejugerde  l'extrême  facilité  avec  laquelle  M.  Hammer  adopte 
toutes  les  conjectures  qui  peuvent  fiatter  son  système,  je  rapporterai 
un  passage  de  l'épilogue  de  sa  dissertation. 

En  175)2,  dii-il,  on  avoit  déterré  à  Wultendorf  des  idoles  à  double 
lête ,  6ic. ,  on  les  brisa  ;  deux  figures  en  bois,  que  les  ouvriers  prirent 
pour  des  figuces  de  saints,  ne  furent  pas  détruites  ;  je  les  ai  vues;  elles 
sont  irès-grossières  :  l'une  représente  un  chevalier  ;u-mé,  couvert  d'un 
manleau;  l'autre  représente  une  femme:  le  chevalier  est  un  Templier,  la 
femme  est  le  METE  ;  et  il  ne  donne  pas  cette  assertion  pour  une  simple 
conjecture,  mais  il  assure  qu'il  en  a  la  certitude  :  NON  dubito. 

Je  me  borne  à  ces  objervations  ;  elles  font  sufîisamment  connoître 
l'ouvrage  de  M.  Hammer,  qui  seniira  peut-être  qu'il  n'auroit  pas  dû 
céder  aussi  facilement  au  désir  d'éialer  un  nouveau  système  de  dénon- 
ciation contre  l'ordre  et  les  chevaliers  du  Temple,  Leur  terrible  et  cè- 
fèbre  catastro|)be  impose  l'obligation  d'être  très-circonspect  et  très- 
sévère  dans  le  choix  des  moyens  qu'on  se  permet  pour  leur  ejilever  la 
juste  pitié  que  la  postériîé  n'a  pas  refusée  .'1  leur  sort. 

M,  Hammer  3  senii  qu'il  éioit  étrange  de  former,  après  cinq  siècles  , 
contre  les  Templiers,  une  accusation  toute  ditFérenle  de  celle  qui  servit 
de  prétexte  aux  poursuites  des  oppresseurs  contemporains  :  aussi  a-t  il 
avnncé  que  le  pape,  par  b  genre  de  sentence  qui  fut  prononcée  contre 
les  Templiers,  avoit  voulu  dérober  la  connoissance  de  leurs  véritables 
crimes ,  mais  que  quand  les  archives  de  Rome  paroîirojit,  comme  tout 


(1)  Précis  d'nn  mémoire  sur  l'octogruie  de  Montmorillon,  par  E.  M.  Sïauve. 
Utrecht,  iKoî. 
■    (2)  Mémoires  ile  iacadémie  celtique,  toin,  III ,v.  ij. 

(3)  Histoire  de  l'aLadémii:  des  inscriptions  ei  belles-kitres,  loc.  de. 


AVRIL    iffiç,  aay 

paraît  uii  jour,  on  y  trouvera  les  preuves  de  ces  crimes  qu'il  dénonce 
aujourd'hui;  et  cela,  pour  M.  Haiiimer,  ce  n'est  pas  conjecture,  mais 
certitude;  il  dit  encore  :  NON  dubito. 

Eh  Lien  1  les  archives  de  Rome  ont  paru  ;  c'est  sur  tes  pièces  qu'elles 
ont  fournies  que  j'ai  comiiosé  mes  Alcnumcns  historiques  relatijs  à  la 
condamnation  des  chevaliers  du  Temple.  J'ai  donné  ,  à  la  fin  de  cet 
ouvrage,  l'indication  et  la  notice  des  pièces  inédites  qui  y  sont  citées. 
Parmi  ces  pièces ,  ii  y  en  a  vingt-neuf  qui  sont  dans  les  archives  du 
Vatican  ,  et  dont  j'ai  jjris  moi-même  copie.  Les  unes  sont  tirées  des 
ARCHIVES  SECRÈTES;  ce  Sont  les  lettres  consignées  duns  des  registres , 
ou  des  pièces  réunies  dans  le  dépôt  appelé  Instrumenta  miscellanea; 
et  les  autres  sont  des  pièces  détachées  qui  portent  leurs  numéros  :  je 
déclare  donc  à  M.  Hammer  qu'il  n'a  rien  à  espérer  des  archives  du 
Vatican. 

M,  Hammer  a  commencé  sa  dissertation  par'  ces  mots  :  «  Je  ne 
»  me  dissimule  pas  quelle  haine ,  quels  périls  le  titre  de  mon  accusation 
M  doit  attirer  sur  moi,  sur-tout  dans  ces  temps  où  des  hommes  très- 
M  savans  et  très-éloquens  ont  pris  la  défense  de  l'ordre  ;  mais  ces  consi- 
"  déraiions  ne  m'empêcheront  pas  de  révéler  le  mystère  du  BAFOMEt.  » 

J'ose  croire  que  M.  Hammer  n'a  d'autre  péril  à  redouter  que  le 
malheur  d'avoir  compromis  gratuitement  sa  réputation  littéraire ,  en 
dénonçant,  sur  de  simples  et  de  vaines  conjectures,  un  ordre  respec- 
table et  malheureux.  Quant  à  la  haine  qu'if  redoute  de  la  part  des 
hommes  sav.-ins  et  éloquens,  je  suis  loin  de  me  ranger  parmi  eux;  mais, 
en  mon  particulier,  je  remercie  sincèrement  M.  Hammer  de  ce  qu'iï 
m'a  fourni  une  nouvelle  occasion  de  venger  la  mémoire  des  chevalier» 
du  Temple. 

IRAYNOUARD. 
HisToiBE  DE LASTFONOMiE  ANCIENNE, pur  AI.  Delambrc, 
chevalier  de  Sami-Aîkhel  et  de  la  Lésion  d'honneur ,  secré- 
taire perpétuel  de  l'académie  royale  des  scietices  pour  les  matlié- 
mutiques ,  &c.  Trois  volumes  in-^.' ,  avec  figures.  A  Paris, 
ciiez  M."''  veuve  Gourcier,  iinprimeiir-libraire  pour  les 
sciences;  1817. 


SECOND    EXTRA  I  T. 
Dans  le  premier  article  que  nous  avons  déjà  donné  sur  cet  important 


SjO 


JOURNAL  DES  S"ÂVANS. 


ouvrage,  nous  avons  suivi  Tauieur  à  travers  les  premiers  âges  de  l'asiro- 
noinie,  que  l'on  pourroit  appeler  les  lemps  héroïrjues  de  celle  science, 
parce  que  les  fiiils  qui  s'y  rapportent  ne  se  irouvent  pas  encore  rassemblas 
el  fixés  dans  des  ouvrages  écritSf  mais  sont  seulement  atteslés  et  transmis 
par  des  traditions,  comme  (es  exploits  des  premiers  héros  de  faiitiquité. 
Or ,  si ,  pour  de  simples  événemens ,  tels  que  ceux  qui  peuvent  composer  ' 
la  vie  d'un  homme,  les  traditions  seules  donnent  presque  toujours  lien 
à  de  grandes  incerlitudes,  combien  n'en  dôivenl-eKes  pas  produire 
davantage,  lorsqu'elles  portent  sur  des  détails  abstraits, dont  l'exactitude, 
et  une  exactitude  numérique,  est  le  caractère  es!!entiel,  le  seul  même  qui 
puisse  leur  donner  quelque  prix!  Aussi,  en  discutant  tout  ce  que  Iw 
traditions  ont  accordé  de  connoissances  astronomiques  aux  anciens' 
peuples  de  l'Egypte  et  de  la  Chaldée,  M.  Delambre  n'y  a  rien  trouvé 
d'assez  précis  pour  p04voîr  être,  je  ne  dis  pas  employé  au  perfection- 
nement de  nos  tables  actuelles,  mais  seulement  comparé  à  leurs  indica- 
tions; et,  voyant  ce  défaut  absolu  d'exactitude  se  reproduire  toujours, 
non-seulement  dans  les  résultats  transmis,  mais  encore  dans  le  mode 
même  suivant  lequel  on  prétend  qu'ils  ont  été  déterminés  et  énoncés  par 
leurs  auteurs,  il  est  arrivée  en  faire  l'application  aux  observations  mêmes: 
il  en  a  conclu  qu'à  ces  époques  reculées,  il  n'y  avoit  ni  instrumens  ni 
méthodes  de  calcul  précises  ;  qu'ainsi  l'astronomie  n'exisioit  point  comme 
sdence,  et  qu'elle  se  réduisoit  aux  seuls  résultats  que  pouvoit  faire 
reconnoître  l'inspection  du  ciei,  aidée  du  temps .  et  suivie  dans  le  dessein 
de  découvrir  les  périodes  de  retonrdes  mêmes  phénomènes.  M.  Delambre 
trouve  tme  confirmation  frappante  de  cette  opinion  dans  le  peu  de 
connoissances  astronomiques  que  renferment  les  premiers  ouvrages  des 
Grecs  ;  et  le  vague  ou  l'inexattilude  des  résultats  de  ce  genre,  coimus ,  à 
cette  époque ,  même  k  un  Aristarque  et  à  un  Euclide,  lui  semble  donner 
une  mesure  décisive  de  l'état  de  l'astronomie  au  temps  de  ces  grandi 
hommes  et  dans  les  siècles  qui  les  avoient  précédés. 

Mais  enfin  il  arrive  k  Hîpparque  :  ici  il  voit  naître  fastronomie  rigou- 
reuse. Je  dis  qu'il  la  voit  naître;  car  non-seulement  elle  lui  semble 
commencer  avec  Hipparque,  mais  il  en  observe  le  développement 
progressif  dans  la  série  même  des  travaux  de  cet  habile  astronome.  Un 
de  ses  premiers  ouvrages ,  au  moins  de  ceux  dont  la  conooissance  nous 
est  parvenue,  est  un  commentaire  sur  le  poème  d'Aratus.  Aratus  avoit 
mis  en  vers  luie  description  du  ciel  dont  les  élémens  étoient  tirés  de;  deux 
ouvrages  d'Eudoxe,  ami  de  Pklon,  lesquels  sont  aujourd'hui  perdus. 
Hipparque  examine  les  détails  de  cette  description,  en  discute  l'exac- 
titude, en  indique  les  erreurs,  et,  ce  qui  est  plus  important  pour  nous, 


^—^ 


I. 


AVRIL   i8i^.  iji 

ïes  rectifie  d'après  ses  propres  observalions.  Cet  examen  a  donc  première- 
ment l'avantage  de  montrer  avec  une  nouvelle  évidence  quel  étoîl 
jusqu'alors  i "état  imparfait  des  connoissiinces  astronomiques,  puisque  des 
erreurs  aussi  palpables  que  celles  du  poème  d'Ai-aiiis  étoient  généra- 
lement adoptées;  il  montre  ensuite  que  les  méiliodes  d'observation 
rigoureuses  étoient  encore  inconnues,  puisque  [es  marins  et  les  astro- 
nomes n'avoient  ni  aperçu  ni  rectifié  ces  erreurs  ;  enfin  il  prouve  qu'Hii> 
parque  possédoit  déjà  ces  méthodes,  et  par  conséquent  les  avoit  créées, 
puisqu'il  corrige  les  indications  d'Araïus  toutes  les  fois  qu'elles  sont 
inexactes,  et  qu'il  le  fait  en  y  substituant  des  résultats  précis  qui  n'ont 
pu  s'obtenir  que  par  des  mesures  rigoureuses,  ou  par  des  déductions 
irigonomé triques.  M.  Delambre  s'est  attaché  avec  un  soin  extrême,  on 
pourroit  dire  avec  une  prédilection  particulière,  à  ressaisir  ces  premiers 
yesiiges  du  génie  d'Hi])parque.  Il  recherche  dans  la  nature  des  résultats 
qu'il  donne,  et  dans  les  termes  mêmes  par  lesquels  il  les  exprime,  tous 
les  indices  qui  peuvent  faire  juger  l'état  de  ses  connoissances  et  les 
méthodes  qu'il  employoît.  Ainsi,  d'après  une  correction  qu'Hipparque 
introduit  dans  la  position  de  l'étoile  du  Dragon,  M.  Del^r.ibre  ftic 
remarquer  qu'il  devoit  dès-lors  observer  des  déclinaisons  et  de^  îistances 
polaires;  ce  qu'au  reste  Timocharis ,  astronome  d'Alexandrie,  avoit 
fait  environ  cent  cinquante  ans  auparavant,  quoique  d'une  manière 
probablement  plus  imparfaite.  Les  indications  d'Hipparque  vont  déjà, 
pour  les  distances  polaires,  jusqu'aux  cinquièmes  parties  de  degrés, c'est- 
à-dire  ,  >L  12'.  Ses  ascensions  droites  ne  présentent  plus  que  des  incer- 
titudes de  i"  7  à  i"  ~;  c'est  environ  cinq  mille  fois  plus  que  n'en 
admettent  nos  observations  modernes  :  mais  c'étoit  déjà  un  grand 
perfectionnement,  comparativement  à  ce  qui  avoit  précédé.  Des  expres- 
sions employées  dans  un  autre  passage.  M,  Delambre  fait  habilemenr 
ressonir  la  preuve  qu'à  l'époque  où  if  composa  ce  commentaire, 
Hipparque  n'avoit  pas  encore  fiiit  la  découverte  du  mouvement  de 
précession  :  car  tous  ses  calculs  sontfaîts  dans  l'hypothèse  de  l'Immo- 
bilité des  étoiles  par  rapport  à  l'équateur  et  à  l'écliptique,  tandis  que, 
depuis  Eudoxe  ,  c'est-à-dire  pendant  environ  deux  siètles,  les  décli- 
naisons et  les  ascensions  droites  dévoient  être  devenues  fort  ditTérenles. 
Un  autre  passage ,  qui  renferme  des  indications  trés-précises  des  deux 
points  de  l'écliptique  qui  passent  au  méridipn  et  'a  l'horizon  en  même 
temps  que  la  tête  de  la  grande  Ourse,  sous  la  latitude  de  ^j°,  est 
signalé  par  M.  Dela;nbre  comme  fournissant  une  très-forte  probabilité, 
qu'à' cette  époque  Hipparque  possédoit  la  trigonométrie  sphérique, 
uoiqti'à   la    rigueur   il  eût  pu  prendre   ces  réductions   sur  un   globe 


ajï  JOURNAL  DES  SAVANS, 

c^Ii-s:e.  Mais  ce  qui  seniMe  décider  la  question,  comme  M.  DelamLre 
le  remarque  encore,  cVit  qu'en  revenant  sur  des  rcsullats  du  même 
genre,  dans  le  second  livre  de  son  cojnmcnlaire ,  Hipparque  dit,  en  termes 
formels,  qu'il  a  dimontré gèométriquiineiil  ces  méthodes  dans  son  trûiié 
des  Icvtrs  el  des  couchers  des  asires;  et  il  ajoute  qu'il  y  a  démontré 
la  solution  des  triangles  sphiricjuts  qui  servent  à  trouver  le  point  orient  de 
l'êcîiptique  pour  cliaque  instant.  Ce  (railt-  est  malheureusement  perdu; 
mais  l'assertion  reste,  et,  jointe  aux  autres  applications  de  même  espèce 
que  nous  avons  déjà  rapportées,  elle  suffît,  à  ce  que  nous  croyons, 
pour  autoriser  la  conclusion  tirée  par  M.  Delamlire,  que  la  découverte 
de  la  trigonométrie  sphérique  est  due  à  Hipparque,  au  moins  chez  les 
Grecs. 

M.  DelambVe  continue  d'anatyser  ainsi  tout  le  reste  du  commentaire, 
cherchant  toujours  à  discerner  les  traces  des  connoissances  précises, 
des  méthodes  et  des  instrumens.  Nous  ne  le  suivrons  pas  dans  les  détails 
de  celte  discussion  ,  qui  exige  une  connorssance  du  ciel  parfaite  et  cons- 
tamment présente;  nous  insisterons  seulement  sur  deux  résultats  géné- 
raux qui  se  déduisent  de  son  travail. 

Le  premier  est  la  comparaison  du  ciel  décrit  par  Hipparque,  avec 
l'aspect  qu'il  nous  présente  aujourd'hui.  Aucune  constellaiion  n'a  changé 
de  forme,  aucune  étoile  assez  brillante  pour  avoir  été  alors  remarquée 
n'est  détruite,  et  toutes  celles  qui  sont  aujourd'hui  visibles  existoient 
alors.  Les  apparitions  et  les  disparitions  de  quelques-uns  de  ces  asires, 
observées  depuis  par  les  astronomes,  sont  donc  des  phénomènes  indivi- 
duels, et  qui  n'intéressent  point  la  stabilité  générale  du  système  céleste. 
Il  est  malheureux  que  les  anciens  n'aient  pas  pu,  avec  la  vue  simple, 
constater  aussi  l'état  des  néljuleuses  que  nous  apercevons  aujourd'hui 
dans  le  ciel  avec  nos  lunettes.  Quelles  données  positives  auroii  fournies 
ce  genre  d'observations ,  pour  décider  (a  réalité  de  ces  variations  rapides 
qu'un  illustre  astronome  y  a  récemment  supposées  1 

L'autre  résultat  sur  lequel  nous  insisterons,  est  la  valeur  moyenne 
de  la  précession  que  M.  Delambre  a  tirée  de  toutes  les  positions  indiquées 
par  Hipparque  :  les  suppositions  !es  plus  vraisemblables  lui  donnent  pour 
cette  valeur  environ  jo"  par  année,  ce  qui  s'accorde  avec  les  résultats  tirés 
de  nos  observations  actuelles.  Cependant,  à  la  rigueur,  le  mouvement 
de  précession  n'est  pas  uniforme,  et  ses  variations,  quoique  fort  petites, 
sont  de  nature  k  devenir  sensibles  sur  un  si  grahd  intervalle  de  temps  ;  mais 
l'incertitude  des  observations  d'Hipparque,  et  celle  mêine  de  l'époque 
précise  à  laquelle  elles  ont  été  faites,  absorbent  les  effets  délicats  de 
«s  variations,  qu'il  eût  été  si  curieux  de  pouvoir  ainsi  consiater.  On 


AVRIL   1819.  235 

suppose  communément  qu'Hipparque  observoî* vers   128   ans  avant 
Fère  chrétienne;  cela  fait  jusqu'à  nous    i5>4-7  années.  Mais  à  quelle 
année  précisément  se  rapportent  les  positions  qu'il  a  indiquées  dans 
son  commentaire!  On  l'ignore  :  comme  il  est  un  de  ses  premiers  ou- 
vrages, on  peut  le  supposer  écrit  vers  l'an  i48  ;  M.  Delambre  adopte 
138  comme  une  moyenne  arithmétique;  mais  Halley  et  Fréret  rap- 
portent ce  travail   d'Hipparque   à   l'année   1 62  :  la  diffèrence  est  de 
quatorze  ans,  ce  qui  ftit  700"  sur  la  précessîon,  à  raison  de  jo"par 
année;  et  ces  700",  divisées  par  1947  ans,  donnent  pour  cette  seule 
cause  une  incertitude  de  7^^^  de  seconde  sur  la  précession  aniipelle. 
Ajoutons- y  maintenant  l'effet  des  erreurs  possibles  que  comportent  les 
positions  mêmes,  effet  qui  ne  peut  guère  être  moins  considérable;  îl 
en  résultera ,  dans  la  valeur  de  la  précession  annuelle ,  une  incertitude 
totale  au  moins  de  •—•  de  seconde,  en  admettant,  comme  nous  l'avons 
fait,  toutes  les  suppositions  les  plus  favorables.  Or,  une  seule  observa- 
tion de  Bradiey ,  faite  il  y  a  soixante-dix  ans ,  et  comparée  à  une  de  nos 
observations  actuelles,  donnera  certainement  une  incertitude  vingt  fois 
moindre  :  on  peut  concevoir,  d'après  cet  exemple,  pourquoi  les  astro- 
nomes actuels  établissent  presque  toujours  leurs  tables  uniquement  sur 
des  observations  modernes  ;  c'est  qu'ils  y  trouvent  à-Ia-fois  une  grande 
exactitude,  des  dates  précises  et  des  limites  d'erreur  qui  peuvent  tou- 
jours être  aperçues  par  la  discussion  des  méthodes  et  des  instrumens. 

Les  recherches  les  plus  importantes  d'Hipparque  et  ses  plus  mémo- 
rables découvertes  nous  ont  été  transmises  par  Ptolémée,  qui  les  a 
consignées  dans  son  Almageste ,  en  les  confirmant  par  ses  observations 
propres ,  ou ,  comme  beaucoup  de  ^rsonnes  le  supposent ,  en  feignant 
ie  plus  souvent  de  les  confirmer.  Il  semble  donc  que  ce  seroit  ici  le 
lieu  de  parler  de  cet  immense  ouvrage ,  de  ce  système  fameux  qui  a 
exercé  sur  les  siècles  suivans  une  influence  si  forte  et  si  prolongée.  Mais , 
comme  M.  Delambre  a  réuni  à  l'extrait  de  l'AImageste  un  grand  nombre 
de  recherches  curieuses  et  savantes  qui  forment  un  traité  complet  de 
fastronomie  des  Grecs ,  auquel  il  a  consacré  un  volume ,  nous  donne- 
rons il  cette  partie  de  son  ouvrage  un  intérêt  proportionné  à  son  im- 
portance; et,  conformément  à  la  marche  qu'il  a  tracée  lui-même,  nous 
continuerons  à  le  suivre  dans  l'examen  tfautres  ouvrages  d'une  moins 
longue  haleine,  où  il  recherche  avec  un  soin  égal  tout  ce  qui  peut 
intéresser  l'astronomie. 

C'est  ainsi  qu'il  analyse  Y  Introduction  aux  phénomènes  célestes,  com* 
posée  par  Gemînus,  que  l'on  suppose  avoir  vécu  du  temps  de  Cjcéron, 
environ  soixante-dix  ans  avant  Fère  chrétienne.  M,  Delambre  y  6ît 


L  /■ .  ^  r: 

234  JOURNAL  DES  SAVANS, 

remarquer  des  notion^ustes  sur  les  longues  nuits  des  contrées  boréales  ; 
notions  que  Pythéas  est  dit  avoir  rapportées  de  ses  voyages.  Il  fait  re- 
marquer encore  comment,  selon  Geminus,  les  Grecs  ont  successive- 
ment perfectionné  par  des  observations  les  périodes  à  l'aide  desquelles 
ils  s'efforcèrent  d'accorder  les  mouvemens  du  soleil  avec  ceux  de  la  lune; 
de  sorte  que,  suivant  cette  assertion,  en  elle-inénie  fort  vraisemblable , 
ils  n'auroient,  non  plus  que  les  Egyptiens,  rien  dû  ni  même  eu  besoin 
de  rien  devoir  aux  anciennes  et  obscures  traditions  de  la  Chaldée,  M.  De- 
lambre  reconnoît ,  dans  l'ouvrage  de  Geminus ,  des  idées  justes  sur  les 
éclipvs  de  soleil  et  de  lune  ;  ce  qui ,  au  reste,  ne  doit  point  surprendre, 
puisqu'Hipparque  avoit  déjà  donné  la  théorie  mathématique  de  ces  phéno- 
mènes ,  comme  on  le  voit  dans  i'Almageste  de  Ptoléniée  :  il  y  trouve 
aussi  ia  première  mention  de  l'instrument  employé  aujourd'hui  sous  le 
nom  àUquatorial ,  pour  suivre  les  astres  dans  leur  mouvement  diurne  sur 
leur  parallèle;  Geminus  le  propose,  sous  le  nom  de  dioptn ,  comme 
im  moyen  de  vérifier  la  circuhrité  de  ce  mouvement  et  ses  diverses 
propriétés  géométriques.  \Jn  des  chapitres  de  l'ouvrage  de  Geminus 
est  devenu  célèbre  parmi  les  savans  et  les  astronomes;  c'est  celui  dans 
lequel  il  rapporte  les  tentatives  faîtes /J^r/fj  anciens  mathématiciens ,  ce 
Sont  ses  termes,  pour  trouver  une  période  de  temps  qui  accordât  les 
mouvemens  de  la  lune  et  du  soleil,  c'est-à-dire,  après  laquelle  la  lune 
revînt  à  une  même  position  à  i'égard  de  ses  nœuds,  de  son  périgée  et 
du  soleil ,  ce  qui  ramène  aussi  les  mêmes  éclipses.  Cette  période,  com- 
posée de  19756  jours,  est  ce  que  Geminus  appelle  IV.vf//^'«f,  ou  période 
dégagée  de  fractions ,  parce  qu'en  e^et  on  l'obtient  en  triplant  la  période 
de  658;',  32,  ou  de  223  mois  lunaires,  après  laquelle  l'accord  dont  il 
s'agit  a  lieu.  IM,  Laplace  et  d'autres  savans  ont  regardé  cette  rfénomination 
JCancieni  niathéaiaTic'uns  comme  désignant  les  astronomes  chaldéens, 
qui ,  selon  eux ,  aurotenl  connu  la  période  de  6 }  8  j  jours ,  ou  i  8  années 
de  î^s'  \  et  II  jours,  à  laquelle  ils  auroient  donné  le  nom  de  saros. 
M.  Delambre  n'admet  pas  cette  conclusion  comme  démontrée.  Sen  tenant 
à  la  lettre  du  texte  de  Geminus,  il  croit  qu'il  faut  entendre  par  ancirns 
mathmaticiens  les  premiers  astronomes  grecs  qui  s'occupèrent  à  re- 
chercher de  pareilles  périodes  ;  par  exemple,  Eucteinon  et  Philippe >' 
qui  trouvèrent  celle  de  1 5  ans ,  ou  Cah'ppe ,  qui  trouva  celle  de  76. 
Quelque  opinion  qu'on  adopte  dans  cette  question,  il  paroît  du  moins 
bien  évident,  par  les  expressions  de  Geminus  même,  qtie  ces  longues 
périodes  se  cherchoient  et  s'obrenoient  en  multipliant  les  périodes  plus 
courtes  par  des  facteurs  tels,  que  les  fractions  qui  les  accompagnoient 
disparussent  ;  ce  qui  montre  à-la- fois  comment  elles  ont  pu  être  inexactes 


AVRIL   1819-  23J 

dans  leur  valeur  absolue ,  et  comment  elles  ont  pu  être  déduites  de 
'  séries  d'observplions  beaucoup  moins  prolongées  que  ne  le  supposeroit 
leur  énoncé  numérique. 

V  Après  Geminus ,  M.  Delambre  analyse  de  même  les  écrits  de  tous 
les  autres  auteurs  grecs  et  fatîns  dont  les  ouvrages  ont  le  rapport,  même 
le  plus  indirect,  ou  le  plus  accidentel ,  à  l'astronomie.  S'il  n'y  trouve  plus 
de  ces  données  précises,  de  ces  résultats  numériques  qui  constituent 
Fessence  même  et  le  résultat  définitif  de  la  science ,  il  y  cherche  du 
moins ,  et  il  y  trouve  toujours ,  des  indications  qui  en  fixent  l'histoire ,  ou 
qui  en  éclaircissent  le  langage. 

De  là  il  passe  à  un  examen  d'une  importance  bien  plus  grande  ;  c'est 
celui  de  l'astronomie  des  Chinois.  Réunis  en  corps  de  nadon  depuis  une 
époque  qui  sje  perd  dans  la  nuit  des  siècles;  soumis  depuis  lors  à  des 
lois  fixes^,  à  des  institutions  immuables,  et  à  des  institutions  et  des  lois 
qui  prescrivoient  l'étude  ou  plutôt  le  culte  de  l'astronomie ,  comme 
une  partie  des  cérémonies  religieuses;  formant  un  peuple  laborieux, 
industrieux»  et  dont  le  nombre,  quoiqu'au-dessous  de  ce  qu'on  l'avoit 
d'abord  pu  croire,  comprend  encore  le  quart  au  moins  de  toute  la  race 
humaine,  Ie:s  Chinois  semblent  devoir  nous  offrir  un  trésor  d'astronomie 
inestimable,  dont  les  richesses,  accumulées  avec  les  âges,  fixeront  du 
moins,  à  (a  feveur  de  leur  antiquité ,  tous  les  éléraens  astronomiques  sur 
lesquels  il  peut  nous  rester  encore  quelque  incertitude ,  et  nous  four- 
niront la  confirmation  la  plus  certaine,  comme  la  plus  évidente ,  de  tout 
ce  que  la  théorie  moderne  nous  indique  sur  l'effet  séculaire  de  toutes  les 
pçrtiu'bations.  C'est  avec  ces  espérances  que  M.  Delambre  entre  dans 
l'examen  de  leurs  travaux. 

Toutes  les  méthodes   et  les  principaux  résultats  de  l'astronomie 
chinoise  nous  ont  été  transmis  avec  autant  de  soin  que  de  détails  dans 
des  ouvrages  composés  1  à  la  Chine  même,  par  de  savans  missionnaires» 
auxquels  un  long  séjour  dans  ce  pays,  l'habitude  de  la  langue  et  des 
usages»  la  nature  même  de  leurs  fonctions  dans  le  tribunal  des  mathéma- 
tiques, et  avec  tout  cela  des  connoissances  très-étendues  en  astronomie  3 
ont  pu  donner  la  facilité  de  connoître  et  de  recueillir  tout  ce  qui  pouvoit 
avoir  de  l'intérêt.  M.  Delambre  suit,  à  l'égard  de  leurs  écrits,  la  marche 
qu'il  a  déjà  appliquée  à  ceux  des  astronomes  grecs  ;  il  les  analyse  suc- 
cessivement, cherchant  à  en  tirer  des  méthodes  ou  des  résultats  précis: 
mais  cet  examen  est  loin  de  le  conduire  à  l'opinion  favorable,  que  d'autres 
savans^  ont  conçue  de  l'astronomie  chîrioisel  Nous  trouvons  d'abord  » 
dit  M.  Delambre ,  une  suite  d'éclipsés  de  soleil  observées  presque  sans 
intefruptioA  pendant  38;  8  anaées^  et  consignées  dans  les  annales  de  la 

Gg  z 


2^6 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


nation:  touies,  \i  nous  en  croyons  les  auteurs  chinois,  ont  dû  èire 
caFcuIées  et  figurées  d'avance;   l'observation  de  leurs  phases  a  dû  être 
ftiie  avec  le  plus  grand  soin.  Cependant  ces  mêmes  annales,  qui  en  ont 
conservé  les  dates,  gardent  le  silence  lé  plus  absolu  sur  toutes  les  autres 
pariicularités  qui  les  ont  accompagnées.  Les  Chaldéens  au  moins  indi- 
-  quoient  la  grandeur  de  I  éclipse,  Ia|)arlie  du  disque  où  elleavoit  lieu,  et 
ils  marquoieni  les  époques  du  commencement  et  de  la  fin.  Ici,  dans  les 
éclipses  anciennes,  on  ne  trouve  aucun  détail  de  ce  genre.  Ce  seroient 
pourtant  ces  détails  qui  pourroient  donner  les  preuves  certaines  de  l'exis- 
tence d'une  science  astronomique  :  car ,  pour  prédire  les  éclipses  de  soleil 
1   d'une  manière  sûre ,  pour  les  calculer  et  les  figurer  d'avance ,  il  faut  con- 
■noJire  non-seulemeni  les  mouveniens  moyens  du  soleil  et  de  la  lune,  ce 
qui  peut  assez  aisément  s'obtenir  par  quelques  comparaisons  d'éclipsés  et 
de  solstices  observés  à  des  époques  éloignées;  mais,  ce  qui  est  une  chose 
beaucoup  plus  délicate,  il  faut  connoître  les  inégalités  de  ces  mouvemens 
I   qui  en  modifient  la  régularité  primitive,  et  les  parallaxes  qui  changent 
l'aspect  sous  lequel  ils  se  présentent  à  nous.  Or,  comment  accorderoît-on 
k  ces  connoissances  aux  Chinois  des  temps  antiques,  si  elles  ont  manqué  k 
'  ceux  des  époques  bien  plus  modernes,  comme  M.  Delambre  en  découvre 
une  multitude  d'indications!  L'incendie  général  des  livres  qui  eut  lieu 
'  deux  cent  vingt-un  ans  avant  l'ère  chrétienne,  par  ordre  de  l'empereur 
jTsin-chi-hoang,    suffit-il   pour  expliquer  cette  ignorance    des   temps 
[  postérieurs,  quand  on   sait   que  les  ouvrages  les  plus  importans  ont  été 
^  retrouvés,  ou  ont  pu  être  rétablis  par  la  tradition  orale,  et,  sur-tout,  si 
fait  attention  que  des  méthodes  scientifiques,  depuis  long- temps 
répandues  et  appliquées,  ne  peuvent  pas  se  perdre  absolument  avec  les 
I  livres  qui  les  contiennent,  puisque  l'idée  seule  des  phénomènes  et  de  leurs 
}  lois  générales,  demeurée  dans  la  mémoire  de  quelques  astronomes,  auroit 
iuffi  pour  retrouver  toutes  les  méthodes  et  reconstruire  toutes  les  tables 
en  peu  d'années  !  Mais ,  en  refusant  aux  anciens  Chinois  des  méthodes  et 
des  théories,  M,  Delambre  leur  accorde  ce  qu'if  a  également  reconnu 
chez  les  Chaldéens  et  les  Egyptiens ,  et  ce  qui  lui  paroît  avoir  caractérisé 
par-tout  la  première  enfance   de   la   science  ;  je  veux  dire  des  notions 
astronomiques    telles    que   les  peut  donner   l'aspect    du   ciel  observé 
pendant  de  longues  suites  d'années.  Ainsi  iî  parohra  non  douteux  que , 
plus  de  deux  mille  ans  avant  notre  ère,  l'observation  des  phénomènes 
célestes  consiiiuoit  k  la  Chine  une   partie  imponante  des  cérémonies 
religieuses  :  dès-lors,    comme  Ta  judicieusement  remarqué  un  savant 
célèbre ,  on  observoii  les  ombres  méridiennes  du  gnomon  aux  solstices , 
«t  le  passage  dej  astres  au  méridien  ;  on  mesBfoJt  le  temps  par  des 


1 


AVRIL   1819.  237 

clepsydres,  et  Ton  déterminoit  la  position  de  la  lune  par  rapport  aux 
étoiles  dans  les  éclipses ,  ce  qui  donnoit  les  positions  sidérales  du  soleil 
et  des  solstices.  Par  la  rftinion  de  ces  moyens ,  on  avoit  reconnu  que  la 
durée  de  Tannée  astronomique  ou  solaire  étoit  d'environ  365^  ^î;  elle 
commençoit  au  solstice  d'hiver:  Tannée  civile  étoit  lunaire;  et  pour  la 
ramener  à  Tannée  astronomique ,  on  faisoit  usage  de  la  période  de  dix- 
neuf  années  solaires,  correspondantes  à  deux  cent  trente-cinq  lunaisons, 
période  que  Méton,  plus  de  seize  siècles  après,  introduisit  dans  le 
calendrier  des  Grecs.  Les  anciens  Chinois  avoient ,  au  lieu  du  siècle ,  yn 
cycle  de  soixante  ans ,  et ,  au  lieu  de  la  semaine ,  un  cycle  de  sept 
jours;  mais  ce  petit  cycle  de  sept  fours,  en  usage  dans  tout  TOrient, 
leur  étoit  inconnu  dans  les  temps  les  plus  reculés.  Ceci  nous  paroît 
indiquer,  avec  beaucoup  de  vraisemblance,  que  les  résultats  auxquels 
les  Chinois  étoient  alors  parvenus,  feur  étoîent  propres;  car,  s'ils  les 
eussent  reçus  d'ailleurs,  comme  quelques  savans  Font  supposé,  et 
comme  M.  Delambre  même  paroît  quelquefois  porté  à  le  croire,  ils 
auroient  sans  doute  reçu  et  adopté  également  cette  petite  période  de 
sept  jours,  d'un  usage  si  commode  et  si  universellement  répandu.  Ce 
caractère  d'individuah'té  se  montre  encore  dans  plusieurs  autres  usages 
qu'on  ne  trouve  point  ailleurs:  par  exemple,  dans  Temploi  de  Tarith- 
métique  tînaire ,  et  dans  cette  division  singulière  de  la  circonférence,  qui 
fut  toujours,  à  la  Chine,  subordonnée  à  la  longueur  de  Tannée,  de  ma- 
nière que  le  sofeil  décrivît  exactement  un  degré  par  jour,  ce  qui  întro- 
duisoit  dans  les  résultats  une  complication  et  une  incertitude  inutiles  ; 
tandis  que,  par  une  autre  particularité  non  moins  remarquable,  mars 
toute  contraire,  les  divisions  des  degrés,  des  jours,  des  poids,  et  de 
toutes  les  mesures  linéaires,  étoient  décimales,  ce  qui  offre  le  caractère 
de  la  plus  parfaite  simplicité. 

C'est  vers  le  commencement  de  Tère  chrétienne  que  Ton  voit  paroître, 
chez  les  Chinois,  des  traces  de  théories  véritables:  toutefois,  comme  le 
fait  remarquer  M.  Defambre,  ils  semblent  n'avoir  connu  le  mouvement 
de  précession  que  quatre  cents  ans  après  cette  époque,  environ  cinq 
cent  cinquante  ans  après  Hipparque  ;  circonstance  qui  annonce  incon- 
testablement une  astronomie  peu  avancée.  En.  1 73 ,  on  trAive  des  ombres 
de  gnomon  observées  avec  soin  à  Loyang,  avant  et  après  fe  solsiîce,  à. 
des  époques  à  peu  près  éqaidistantes  ;  ce  qui  permettoît  de  fixer  Tinstant 
du  solstice,  par  interpolaiion,  avec  beaucoup  pfus  d'exactitude  que  p'en 
auroit  pu  donner  Tobservation  immédiate  de  Tombre  solsticiafe.  Mais  c'est 
seulement  en  461  que  Ton  voit  cette  méthode  d'interpolation  décidément 
employée  par  un  habile  astronome  nommé  Tsou-tchong,  quf,  en  Tâppli- 


ijt  JOURNAL  DES  SAVANS, 

quant  aux  observations  de  173,  et  à  des  observations  nouvelles  qu'il 
avoit  faites  lui-même  à  Nanting,  en  déduisît  une  durée  de  l'année  tro- 
pique égale  à  3^s'i  243S2,  valeur  plus  exacte  tyie  celles  des  Grecs,  des 
Arabes  inéme,  et  à  peu  près  identique  avec  celle  de  Copernic. 

Après  Tsou-tchong,  l'astronomie  des  Chinois  fait  des  progrès  peu 
icmarquables  jusque  vers  le  milieu  du  xill.'  siècle,  que  parut  Cocheou- 
lias,  le  plus  habile  de  leurs  observateurs.  Cocheou-kJng  introduisit  dans 
les  instrumens  et  dans  les  méthodes  une  exactitude  ignorée  avant  lui. 
II  se  servit  encore  d'un  gnomon;  mais,  au  lieu  de  lui  donner  huit  pieds 
dcT hauteur,  comme  on  Tavoit  pratiqué  jusqu'alors,  il  fui  en  dqnna 
quarante  ;  en  outre ,  au  lieu  d*ot),server  Fombre  du  sommet  du  style ,  ce 
mii,  outre  la  nécessité  de  tenir  compte  du  diamètre  du  soleil,  est  une 
méthode  très-incertaine,  à  cause  de  la  pénombre  qui  rend  Timage  de  la 
pointe  très-vague,  il  imagina  de  terminer  son  gnomon  par  une  plaque 
opaque,  et  d'observer  l'image  circulaire  du  soleil,  transmise  à  travers 
un  très-peiit  trou  d'aiguille,  percé  dans  cette  plaque.  En  ajoutant  à  ce 
perfectionnement  remarquable  toutes  les  autres  précautions  qui  pou- 
voienl  rendre  les  déterminations  plus  précises ,  et  ayant  soin  de  les  faire 
correspondre  les  unes  aux  autres  de  part  et  d'autre  du  solstice,  suivant 
fa  méthode  de  Tsou-tchong,  Cocheou-king  parvint  à  des  résultats  pfus 
exacts  que  ne  Tavoîent  été  ceux  de  tous  ses  prédécesseurs ,  et  que  ne 
le  furent  depuis  ceux  de  Tycho  même.  I[  obtînt  une  nouvelle  valeur 
de  Tannée ,  exactement  égale  ï  notre  année  grégorienne  :  il  iîxa ,  à  quelques 
minutes  près,  la  position  du  sobtice  d'hiver  par  rapport  aux  étoiles, 
en  1280;  ce  qui  est  une  détermination  d'une  précision  surprenante,  et 
qui  suppose  des  moyens  très-perfectiontiés  de  mesurer  le  temps.  Aussi, 
par  une  destinée  commune  à  tout  ce-  qui  approche  de  la  perfection 
dans  les  sciences  comme  dans  les  lettres,  les  observations  de  Cocheou- 


AVRIL  iSiçr.  2}9 

^gard  aux  erreurs  que  comportent  sans  doute  ces  oBservations ,  et  à  lâ. 
distance  de  deux  mille  neuf  cents  ans  qui  lés  sépare  de  nous.  C'est 
ainsi  que  Térudition  peut  donner  à  Fastronomie  des  secours  de  la  plus 
haute  importance  >  en  ramenant  pour  elle ,  du  fond  des  siècles  »  les  phé- 
nomènes passés,  et  les  lui  présentant  comme  une  épreuve  décisive 
pour  les  applications  futures  de  ces  théories.  Sans  doute  >  et  le  témoi- 
gnage des  missionnaires  en  fait  foi,  tes  antimites  chinoises  renferment 
encore  bien  des  richesses.  Toutes  les  observations  de  Cocheou-king 
seul  ne  sont  pas  épuisées  :  combien  ne  se'roit-il  pas  précieux  d'en  obtenir 
une  communication  complète ,  et  combien  ne  doit-on  pas  regretter  que 
cette  communication  ,  proposée  par  le  P.  Gaubil.  aux  savans  d'Europi) 
pendant  son  long  séjour  à  la  Chine,  n'ait  pas  été  accueillie  alors  avec 
tout  l'intérêt  et  toute  la  reconnoissance  qu'elle  méritoit  !  Nous  oson^ 
dire  qu'elle  le  seroit  autrement  aujourd'hui ,  où  Fastronomie  perfectionnée 
sent  qu'elle  ne  peut  plus  attendre  de  vérification  que  du  développement 
antérieur  des  phénomènes  expliqués  par  ses  théories.  Quelque  opinioa 
que  l'on  puisse  s'être  formée  sur  le  mérite  absolu  des  observations  aur 
ciennes  f  et  sur  la  marche  plus  ou  moins  tortueuse  que  f  esprit  d* invenr. 
tion  a  suivie  chez  les  diffèrens  peuples ,  tout  le  monde  s'empressera 
d'accueillir  et  d'employer  ce  qu'une  critique  éclairée  pourra  '  retrouver 
d'assez  précis  pour  pouvoir  être  assujettira  des  calculs  numériques  ;  et  ç^ 
ne  seroit  pas  avoir  saisi  le  véritable  esprit  des  discussions  élevées  par. 
M.  Delambre,  ni  rendre  jusdce  à  ses  rares  lumières,  que  de  lui  sup-^ 
poser  d'autres  sentimens.  ; 

Nous  ne  pouvons  terminer  ce  résumé  de  l'astronomie  chinoise  sapt 
réfléchir  sur  la  singulière  destmée  d'un  peuple  qui,  jouissant,  depuis 
une  immense  suite  de  siècles ,  des  avantages  de  l'état  social  et  d*un 
gouvernement  fixe ,  n'a  cependant  pu  faire  que  des  progrès  excessive*: 
ment  lents  et  bornés  dans  toutes  les  branches  des  connoissances  hur: 
maines.  Ne  seroit-ce  pas  Ik  l'effet  d'une  immutabilité  prématurée  dan& 
les  institutions  et  les  mœurs,  qui  auroit  fixé  trop  tôt  et  trop  fortement 
des  qualités  dont  le  germe  pouvoit  se  développer  encore ,  tandis  qu'ail-^ 
leurs,  et  près  de  nous,  une  immutabilité  d'institutions^  devenue  presque: 
aussi  grande ,  mais  par  le  seul  sentiment  de  la  conservation  et  de  futilité: 
publique,  se  trouve  coexister  avec  une  industrie  et  une  activité  qur  j£€$t 
surpassée  par  aucune  nation  du  monde  l 

BIOT. 


..  j 


a4o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

De  l'Industrie  française  ,  far  M,  U  Comte  Chaptal , 
ancien  Ministre  de  t intérieur,  membre  de  ï académie  royale  des 
sciences  de  l'Institut,  grand  officier  de  la  Légion  d honneur , 
chevalier  de  tordre  royal  de  Saint-Michel,  &c.  &c.  &c.  z  vol. 
in-S."  A  Paris,  chez  Antoine-Augustin  Renouard,  rue 
Saint-André-des-Arts ,  n."  55  ,  année  i8ip. 

PREMIER    VOLUME. 

Un  ouvrage  qui  traite  de  l'industrie  d'un  peuple,  de  sa  prospérité, 
de  ^s  ressources,  et  qui  tend  à  donner  au  génie  actif  des  hommes  qui 
le  composent  une  direction  conforme  aux  circonstances  où  ils  se 
trouvent,  ne  sauroit  manquer  d'être  accueilli  par  les  nationaux  et  par  les 
étrangers.  Tel  est  celui  que  nous  nous  proposons  de  ^ire  connoître. 

Quoiqu'on  ait  lotig-iemps  appliqué  le  mot  în^uimV  spécialement  aux 
travaux  des  arts ,  M.  Chaptal  a  cru  devoir  lui  donner  plus  d'extension,  et 
comprendre  sous  la  même  dénomination  le  commerce  et  Tagriculture, 
parce  que ,  s'il  ^ut  de  l'intelligence  pour  produire,  il  en  faut  aussi  pour 
placer  les  productions. 

Son  plan  est  ûmpfe  et  haie  à  saisir  :  il  consiste ,  en  traitant  chacune 
de  ces  trois  branches,  à  dire  ce^e  nous  étions  et  ce  que  nous  sommes* 
à  calculer  nos  pertes  en  commerce  et  à  apprécier  nos  progrès  en  agri- 
culture et  en  fabrications  ;  k  comparer  ce  que  nous  obtenons  de  nos  cul- 
tures et  de  nos  manufactures  avec  ce  que  les  étrangers  tirent  des  leurs; 
k  connoître  enfin  le  goût  et  les  besoins  de  tous  les  pays  pour  y  adapter 
nos  produits. 

Dans  un  discours  préliminaire,  Tauteur  trace  les  progrès  de  Findustrie 


AVRIL    1819.  241 

»  sous  une  température  très-variée ,  et  dont  la  population  est  à-Ia-fois 
»  nombreuse,  active,  courageuse,  éclairée.  Son  existence  est  assurée  par 
»  I  étonnante  variété  des  productions  du  sol  ;  l'industrie  nécessaire  à  ses 
»  besoins  trouve  dans  son  sein  tout  ce  qui  peut  alimenter  ses  travaux  ; 
5>  une  population  de  trente  millions  d'individus  suffit  à  une  très-grande 
»  consommation  de  produits  agricoles  et  industriels  ;  l'échange  des 
»  denrées  du  midi  contre  celles  du  nord  établit  une  circulation  avan- 
»  tageuse;  et,  de  toutes  les  nations,  c'est  encore  celle  qui,  réduite  à  ses 
»  propres  ressources,  éprouveroit  le  moins  de  privations.  » 

Pour  faire  un  ouvrage  du  genre  de  celui  de  M.  Chaptal,  il  a  fallu 
réunir  divers  matériaux ,  les  choisir  et  savoir  les  mettre  en  œuvre.  II  a 
puisé  en  partie,  dans  les  notes  de  la  balance  du  commerce  tenues  au 
ministère  de  l'intérieur,  ce  qui  concernoit  nos  relations  avec  les  nations 
étrangères.  Pour  apprécier  le  produit  de  nos  récoltes,  il  a  consulté» 
et  il  le  dit,  celles  des  statistiques  faites,  et,  à  défaut  des  autres,  les 
autorités  locales,  les  sociétés  d'agriculture  et  les  particuliers  instnnts; 
l'administration  des  contributions  indirectes  lui  a  communiqué  les 
résultats  de  ses  opérations  relatives  à  la  quantité  de  vin,  de  cidre,  de 
bierre  fabriqués  en  France;  par  la  direction  générale  des  forêts,  il  a  pu 
être  informé  des  bois  qui  existent;  à  l'aide  des  mercuriales  des  princi- 
paux marchés,  il  est  parvenu  à  avoir,  par  approximation,  le  tableau 
des  récoltes  et  le  prix  moyen  de  chaque  denrée  ;  se  confiant  enfin  aux 
travaux  du  cadastre,  exécuté  sur  plusieurs  points,  il  a  cru  pouvoir  s'en 
servir  pour  estimer  le  capital  de  l'agriculture  et  apprécier  la  richesse 
territoriale.. 

Quant  à  celle  qui  est  le  produit  des  manufactures,  M.  Chaptal  avoit 
également  des  ressources  pour  s'en  assurer.  Par  les  tableaux  des  douanes, 
il  a  connu  nos  importations  et  exportations;  par  des  hommes  qui  ne 
pouvoient  l'ignorer,  les  prix  de  fabrication;  par  l'administration  des 
mines  ,  ce  qu'on  obtient  de  celles  qui  sont  exploitées.  Il  a  eu  à  sa 
disposition  les  mémoires  présentés  au  Gouvernement  par  les  chambres 
de  commerce  et  de  manufactures.  Par-dessus  tout  cela,  il  a  puisé  les 
meilleurs  et  les  plus  grands  renseignemens  dans  ses  propres  lumières , 
ayant  vécu  pendant  quarante  ans  dans  les  ateliers  et  au  milieu  des 
artistes ,  ayant  créé  des  établissemens  importans  :  ayant  eu,  lorsqu'il  étoit 
ministre  de  l'intérieur,  dans  ses  attributions,  l'administration  générale 
du  commerce,  de  l'agriculture  et  de  l'industrie  manufacturière. 

D'après  cet  exposé,  l'ouvrage  de  M.  Chaptal  paroîtroit  naturellement 
devoir  être  divisé  en  trois  parties;  cependant  il  l'est  en  quatre,  parce  que, 
voulant  faire  con^ioître  des  principes  propres  à  diriger  le  Gouvernement 

Hh 


a4a  JOURN'Ait  DES  SA^VANS, 

dans  fadmmistration  île  findustrie,  H  âvok  asser  de  qiror  ai'  fonver 

une-  quatrième.  Chacune  de  ces  parties  est  dnniée  par  chapitres. 

Dans  h  pKniire,  il  ttaire  da  cotnmenre  de  h  France-  anc.  toutes' 
Ie»nauens.tte  {''Europe,  les  écHeHesda Levant erdeBarbans,  fAménqus' 
se{>fentrionaIe,  les  Ihdes-  orientaibs.  Pour  bien*  jtsger  ce  qa^étoit:  1» 
a>rtiineroede  la  France,  M.  Ghap'taia  senti  cpi'rt'  ne  deveît  ciiotïtr  ni 
les  temps  dësastreux  où  la  guerre:  ferme  la  plupart  des  débouché» 
à;  k  con&emmatioa,  ni  ceux  de  crisesi  poIitîqHet',  qaî  établissent  la 
défiance,  menacent  les  propri£tés:et  pandysent: Finduêtrie.  Hs'estuni- 
cpfcttent  attaché  aux  années  17&71  178^,  17^^;  pendant  fcsquefles 
la  France  a  pu  développer  tôt»  ses  moyens:  et  ètabUz  des  relationr 
commerciales  arec  tons  les  peuples;  On  éprouve  de  vrais  regrets  en 
voyMit  ta  diffôrenee  qui  marque  cet  deux  épt>qaes  i  iKureuseinent  notre 
industrie  agricole  et  manufacturière  s'est  acarue,  l'aisance  dé  nos- 
campagnes  a.  augmenté  la  contommatiofl,  !e  commerce-  iniérieur  a> 
gagné.  En -passant  en  revue  fes  nations:  avec  lesquelles  nous  étions  en 
nqipdrtv  Mv  Gfaaptal  désigne  les  objets  que  noos' tirions  de  dieS'.efles  et 
celiz  que  notis  leur  doimions,  par  quantités:  ets  quaiités.  H- a- dressé  des 
tableatix.  d6s  diverses  exportations,  et  importations,,  et  parwmé  les^ 
résultats  des  dalculr.  de  réflexions  er  d'observation!  judicieoses.  NouS' 
noits  bornerons  à'  en  citer  deox  exemples. 

t-."  A  l'occasion  d'une  gninde  différence,  ï  notre  désavantage,  du- 
amunerce  que  iàisoit  la  France  aveclesdeux-Siciles-,  M.  Chaptal  obserr» 
qua  noiis  ne  piibiom  dans  les  greniers  de  la  Sicile  qi»  dans'  les  temps 
où  le  besoin  le  commandoit;  que  les  soies  et  les  laines  que  ces-pajrs  nou- 
fbumiâoient,  alimentoietit  nos  fàbriqms,  où  elfes  aoqséKoieiit  une 
valeur  triple,  et  que  Irars  huiles  étonnt  utiles  àr  nos  sa-vonneries :  il 
s'ensuit  qu'on  ne  doit  pas  calculer  numériquement  nos  imporiations  et 


ÀVRiaL    1819.  x4i 

porter  4cs  présent  aux  souverains ,  faire  goûter  ses  productions  «t 
établir  des  Khtions ;  en  un  mot,  ii  ne  pensott,  il  n'agissoit  que  pour 
son  commerc!é  et  son  industrie.  La  France  ne  pouvoit  aspirer  à  cette 
suprématie  ;  mais ,  di t  M  •  Chaptal ,  ce  à  côté  de  cette  puissance  colossale  9 
»  on  peut  trouver  encore  une  pface  honor^abfe,  et  la  France  y  a  des  droits 
3>  incontestables  ;  l'étendue  de  son  territoire,  la  variété  de  ses  productiotis 
9»  et  l'amélioration  de  son  industrie,  lui  font  même  un  devoir  d'y 
»  prétendre.  » 

Un  tableau  général  de  notre  commerce  termine  la  première  partie; 
il  comprend  les  boissons  -et  comestibles ,  les  matières  premières  des 
fabriques  9  les  bétes  de  somme ,  les  métaux  en  nature,  les  produits  fk* 
briqués- ou» manufacturés,  les  drogues  médicinales  et  celles  employées 
aux  fabriques ,  et  (es  matières  d'or  et  d'argent.  La  somme  des  impor- 
tations excède  de  beaucoup  celle  des  exportations,  en  sorte  que  les  ré- 
sultats paroissënt  défavorables  il  la  balance  du  commerce  :  cette  difl%- 
rence  cesse ,  ou  plutôt  la  balance  est  en  faveur  de  notre  nation ,  si  IV)n 
considère,  i.^que,  dans  le  calcul  des  importations,  ies  productions  de 
nos  colonies  tPAsie ,  d'Aftque  et  d'Amérique ,  y  entrent  pour  deux  cent 
quarante  millions  ,  tandis  que  les  exportations  pour  ces  colonies  ae 
s'éfevoient  qn^  quatre-vingt-dix  millions;  a.'  que,  parmi  les  ofc^eis 
importés,  on  a  fait  figurer  les  monnoies  étrangères  et  les  lingots  tfor 
et  #aigem  pour  plus  de  soixante  millions. 

La  seconde  partie  est  consacrée  à  l'exposé  des  progrès  de  l'agricul- 
ture depius  1789  :  il  faut  convenir  qu'avant  cette  époque  elle  en  avait 
déjà  fait  de  grands,  dus  particulièrement  aux  écrits  et  sur- tout  aux  expé- 
riences de  Duhamel ,  de  Malesherbes  et  de  plusieurs  autres  propriétaires 
cultivateurs.  La  marche  de  l'amélioration  est  devenue  plus  rapide,  lorsque 
Fagriculture  a  été  délivrée  d'une  partie  de  ses  entraves ,  lorsque  les  terres 
ont  pu  être  divisées.  Cet  état  de  choses  a  inspiré  le  désir  et  a  donné  la 
facîKté  de  tirer  du  sol  le  plus  de  productions  possible;  les  petites  cul- 
tures se  sont  multipliées  :  on  sait  de  combien  elles  différent  des  grandes, 
non  moins  nécessaires  cependant  dans  un  état  qui  n'est  pas  5eulement 
agricole;  car  les  petits  cultivateurs  consomment  presque  tout  ce  qu'ils 
récoltent  ;  ce  n'est  que  dans  les  grandes  qu'on  a  des  excédons,  qui  servent 
à  alimenter  les  ouvriers  fabricans,  les  années,  et  les  habitans  des  villes. 
La  doctrine  des  assolemens  n'a  pas  peu  contribué  à  perfectionner  notre 
agrieulture;  cette  doctrine,  née  dans  la  Flandre  française  et  dans  la 
Belgique ,  accréditée  ensuite  en  Angleterre ,  ne  s'est  propgée  dans 
rimériet»r  du  royaume  que  depuis  quelque  temps.  Pour  avoir  des 
rotations. plus  variées,  moins  rapprochées,  on  a  combiné  et  alterné, 

Hh  2 


m  JOURNAL  DES  SAVANS, 

avec  les  céréales,  diverses  plantes  à  fourrages  et  ï  racines,  ayant  égard 
au  climat  et  à  la.  nature  du  terrain.  Que  ceux  qui  ont  connu,  il  y  a 
viogt-cinq  ou  trente  ans,  les  plaines  de  la  Beauce,  de  la  Brie,  de  la 
Picardie,  &c.,.les  parcourent  dans  la  saison  des  récoltes  ;  ils  verrofit 
les  étonnans  changefnens  qu'y  a  opéré»  une  culture  mieux  entendue  .et 
phis  productive.  -    •-. 

..  On  a.  tant  éprouvé  de  .bitn  de  fa  potdme  de  terre,  qu'elle  s'est  ré- 
pandue dans  toutes  les  parties  de  la  France.  On  doit  à  cette  précieuse 
plante  la  diminution  des  mauvais  e0èttde^ladiiette  de  i8>7.'Iiy  a  long- 
temps que  les  babitans  de  l'est  et  du  Qord  s'en  hourrissoîent  plusieUl-s 
mois  de  Taimée.  De  bons  esprits  l'ont  importée  dans  fouest  et  le  sud  ; 
.  de  proche  en  proche  elle  a  fini  par  gagner  les  contrées  les  plus  reculées 
du  royaume.  L'examen  plus  attentif  qu'on  a  fait  de  Qos  jours  de  sa  végé- 
tation et  de  ses  parties  constituantes,  a  mis  en  état  d'indiquer  les  divers 
usages  auxquels  elle  pouvoit  servir.  C'est  un  viai  don  du  ciel,  qui 
sera  désormais  parmi  nous  un  préservatif  contre  la  ftmine. 

Si  la  pomme  de  terre  a  accru  nos  moyens  de  subsistance,  fintroduc- 
tion  des  mérinos,  qui  ne  date  que  de  trente  ans,  a  enrichi  nos  manufâc-' 
tures  d'une  production  plus  importante  que  la  soie.  Sans  les  fautes  com- 
mises lâutes  que  M.  Chaptal  ne  déguise  pas ,  notre  agriculture  foumirott 
assez  de  laines  fines  pour  les  besoins  de  nos  fabriques. 

Il  nous  reste  encore  beaucoup  à  faire,  dit  avec  raison  M.  ClupuI: 
généraliser  les  bonnes  méthodes  ,  conquérir  de  nouveaux  genres  de 
prospérité  ,  élever  plus  de  bestiaux ,  former  plus  de  prairies ,  mieux 
assoler  les  terres  ;  voilà  des  principes  qui  ne  sont  pas  assez  répandus  et 
dont  if  faut  poursuivre  l'adoption.  ■ 

Deux  sortes  de  plantes  paroissent  à  M.  Chaptal  mériter  une  atten- 
tion particulière;  savoir,  la  betterave  et  le  pastel;  la  première  pouvant 
uilivéedans  le  nord,  et  l'autre  daiiii  le  midi.  Par  l'une,  nous  serons 


AVRIL    1819.  24j 

volaiHes  de  toute  espèce ,  et  à  celle  de  leurs  œufs ,  tout  est  calculé. 

Un  des  chapitres  qui  présentent  le  plus  d'intérêt ,  est  le  troisième  de  la 
deuxième  partie.  M.  Chaptal  y  donne  l'aperçu  de  la  richesse  territoriale 
de  la  France,  dont  la  population  est  de  vingt-neuf  millions  trois  cent 
^ângi-sept  mille  trois  cent  quatre-vingt-huit  individus,  d'après  les  derniers 
recensemens.  La  superficie,  non  compris  la  Corse,  est  de  cinquante- 
deux  millions  d'hectares  :  quarante-cinq  millions  quatre  cent  quarante- 
-cinq  mille  produisent  plus  ou  moins;  six  millions  cinq  cent  cinquante- 
cinq  mille  ne  produisent  rien  ou  très-peu.  De  l'état  détaillé  que  M .  Chaptal 
donne ,  il  résulte  que  la  moitié  du  sol  productif  est  en  terres  labourables, 
un  huitième  en  bois ,  un  quinzième  en  pâtures ,  un  quinzième  en  prés  » 
un  vingt-deuxième  en  vignes,  un  treizième  en  terres  vagues,  landes 
et  bruyères,  qui,  pour  Faccroissement  de  la  population,  fournissent  un 
moyen  de  colonisation  intérieure ,  suivant  nous  ,  préférable  à  celles 
qu'on  pourroit  tenter  dans  les  pays  lointains.  Quel  est  le  produit  moyen 
des  terres î  quel  est  le  capital  de  l'agriculture!  quelle  est  l'évaluation  du 
produit  brut  l  quelle  est  celle  du  produit  net  î  C'est  par  la  solution  de 
ces  questions  que  M.  Chaptal  pouvoit  parvenir  à  établir  la  véritable 
richesse  de  notre  sol.  Suivant  lui,  en  France  le  revenu  moyen  d'un 
hectare  est  d'environ  vingt-huit  francs,  et  le  produit  général,  d'après 
-cette  base,  seroit  d'un  milliard  quatre  cent  quatre-vingt-six  millions 
deux  cent  quarante-quatre  mille  six  cent  cinquante-trois  francs.  Le 
capital  de  l'agriculture  monte  à  trente-sfept  milliards  cinq  cent  vingt-deux 
millions  soixante-deux  mille  quatre  cent  soixante-seize  francs;  l'évalua- 
tion du  produit  brut,  à  quatre  milliards  six  cent  soixante-dix-huit  millions 
sept  cent  huit  mille  huit  cent  quatre-vingt-cinq  francs;  ei  celle  du 
produit  net,  défalcation  des  frais  de  tout  genre,  à  un  milliard  trois  cent 
quarante-quatre  millions  sept  cent  trois  mille  trois  cent  soixante-dix 
francs,  qu'il  regarde  comme  imposables.  D'après  ces  résultats,  il  conclut 
M  que ,  si  rimpôt.territorial  étoit  convenablement  réparti ,  il  ne  formerort 
»  pas  le  cinquième  du  revenu  de  la  France  ;  tandis  que ,  dans  l'état 
37  actuel,  il  en  absorbe  le  tiers  dans  quelques  départemens,  et  à  peine 
yy  le  huitième  dans  d'autres.  » 

Si  les  données  d'après  lesquelles  M.  le  comte  Chaptal  a  établi  ses 
calculs,  sont  certaines,  comme  il  y  a  lieu  de  le  croire,  ses  résultats  ne 
sauroient  être  contestés  :  or  il  s'est  appuyé  sur  des  opérations  du  cadastre, 
sur  plusieurs  statistiques  de  départemens,  sur  des  putorités  administra- 
tives et  locales ,  sur  des  recherches  faites  par  ordre  du  ministre  des  fi- 
nances, quant  aux  ventes  des  biens  ruraux  :  en  réunissant  les  sommes 
totales  fournies  par  chacune  de  ces  quatre  manières  d'estimer^  il  n'a 


a46  JOURNAL  DES  SAVANS, 

dû  compter  et  en  effet  il  n'a  compté  que  sur  le  terme  moyen.  Nous  ne 
doutons  pas  qu'il  ne  se  soit  assuré  auparavant  si  les  opérations  du  cadastre 
étoient  exactes»  si  les  statistiques  étoient  bien  fiiites,  s'il  n'y  a  pas  eu 
d'exagération  dans  les  rapports  des  autorités ,  si  enfin  le  travail  demandé 
par  le  ministre  des  finances  avoit  été  confié  à  des  commissaires  attentifs. 
Nous  n  attendrons  pas  l'extrait  du  deuxième  volume  pour  dire  qu'il 
y  a  peu  d'ouvrages  qui  présentent  plus  d'intérêt  que  celui  de  M.  Chaptal» 
Îl  cause  de  {^importance  des  objets  qu'il  traite,  de  la  manière  dont  ik 
sont  traités ,  et  des  réflexions  profondes  qu'on  y  trouve  répandues  au 
milieu  de  beaucoup  de  faits. 

TESSIER. 


Sc/R    LES    AÉROLITH ES    DE    LA     ChINE. 

Les  Chinois  ont  observé  de  tout  temps  ce  phénomène  ectraor- 
.dînaire»  qui  n'a  commencé  que  depuis  peu  d'années  )i  fixer»  d'une 
manière  régulière»  Fattention  des  Européens»  et  quif  dans  un  court 
espace  de  temps  »  a  déjà  tant  exercé  le  scepticisme  des  savans ,  et  a  fiit 
éclore  un  si  grand  nombre  d'hypothèses.  La  chute  des  pierres  météo- 
riques ne  pouvoit  manquer  d'étonner  des  hommes  ignorans  et  supers- 
titieux» accoutumés  à  chercher  dans  le  ciel  les  causes  et  les  types  des 
événemens  du  monde  sublunaire,  et  à  considérer  les  phases  des  corps 
célestes»  les  comètes»  les  nuages  mêmes  »  comme  des  piésages  de  la  pane 
ou  de  la  guerre  »  de  la  vie  ou  de  la  mort  des  souverams ,  de  la  ^fiSiidté  des 
peuples»  ou  des  calamités  qui  les  accablent.  Mais»  quelque  puéril ^que 
soit  le  motif  qui  a  guidé  les  observateurs»  leurs  observations  n'en  sont 
pas  moins  bonnes  à  examiner  ;  et  les  circonstances  avec  lesquelles  ils 
décrivent  la  chute  des  aéroiithes,  m'ont  semblé  mériter  d'être  npprodiées 
de  celles  qui  ont  précédé»  accompagné  ou  suivi  ie  même  phénomène 
dans  nos  climats.  Je  placerai  ici  un  résumé  de  ce  que  les  livres  des 
Chinois  et  des  Japonais  m'ont  présenté  de  plus  intéressant  sur  cette 
matière. 

Le  nom  le  plus  ordinaire  par  lequel  on  désigne  les  pierres  atmos* 
phériques ,  est  celui  de  singjun  tchhing  chi ,  étoiles  tombantes  et  changées 
en  pierres.  On  les  classe»  parmi  les  météores,  avec  les  ioui  sing,  desU 
à-dire»  avec  les  étoiles  tombantes  et  les  globes  de  feu  :  il  faut  remarqua* 
que  le  mot  de  sing  est  plus  générique  que  celui  d' étoile,  et  qu*il  désigne 
aussi  les  planètes  et  les  comètes  ;  de  sorte  qu'on  seroit  tenté  de  croîite 
que  la  plus  récente  des  hypothèses  par  lesquelles  on  a  essayé  dTexpKqu^r 


^  AVRIL   1819.  xk'j 

la  chutef  des  aérolkhes,  auroit  été  la  piemière  idée  qui  se  seroit  présentée 
aux  astronomes  chinois.  Au  reste ,  il  y  a  un  auteur  qui  a  rejeté  cette 
opinion  comme  une  erreur  grossière.  «  Depuis  Fantiquité  jusque  nos 
»  joursT)  ditril,  on  ne  sauroit  compter  le  nombre  de  ces  étoiles  qui  sont 
y*^  tombées  sur  la  terre  ;«t  cependant  on  ne  s'aperçoit  pas  que  le  nombre 
»des  corps  lumineux  qui  sont  suspendus  dans  le  ciel,  ait  diminué  le 
>»  moins  du  monde.  Dira*t'on  qu'à  mesure  qu'il  en  tombe ,  il  s'en 
>»  reproduit  de  nouveaux,  et  que  la  génération  des  étoiles  est  comme 
»  celle  Aqs  hommes  î  m  Un  autre  auteur  remarque  que  le  nom  Sitoïlts 
tombantts  changées  in  pierre  vient  uniquement  de  ce  que  ces  corps 
paroissent  aux  yeux  comme  des  étoiles  ;  mais  croire  que  des  pierres  sont 
des  étoiles  est ,  suivant  lui  >  une  grande  erreur. 

Suivant  le  premier  des  deux  écrivains  que  je  viens  de  citer,  les  étoHes 
iomtanies  ont  rarement  plus  d'un  uhhi  et  un  thsun  [o"*,4ï9  environ] 
de  long.  Mais  il  est  fait  mention ,  dans  l'histoire ,  d'aérolithes  beaucoup 
plus  considérables.  Le  rocher  qui  est  à  la  source  du  fleuve  Jaune ,  sur  la 
rive  septentrionale  de  l'AItan ,  et  que  les  Mongols  nomment  khadasou- 
tsilao  [  rocher  du  pôle  ] ,  passe  dans  la  tradition  pour  avoir  été  une 
étoile  tombée.  Il  a  plus  de  quatre  tchang  [environ  1 5  mètres  ]  de  haut; 
il  est  absolument  isolé  et  debout  au  milieu  d'une  plaine.  C'est  sans  doute 
une  masse  de  fer  nacîf  à  ajouter  à  celles  de  Krasnoyar,  d'Otumpa,  da 
Mexique,  &c. 

Quelquefois  les  étoiles  tombantes  n'ont  été  annoncées  par  aucun  signe 
particulier.  Le  ciel  étant  serein ,  sans  nuages,  soit  de  )our ,  soit  de  nuit, 
on  est  surpris  tout-à-coup  par  un  bruit  semblable  à  celui  du  tonnerre,  et 
qui  se  fait  entendre  à  plusieurs  centaines  de  //  [ou  dixaines  de  lieues] ,  er 
qui   accompagne  la    chute    d:un  nombre  de  pierres  plus   ou   moins 
considérable.  Le  plus  souvent  pourtant  on  a  observé  des  globes  de* 
feu  qui  parcouroient  le  ciel  dans  différentes  directions,  et  avec  un 
mouvement  plus  ou  moins  rapide.  Si  le  phénomène  a  lieu  pendant  la 
nuit,  on  observe  que  la  lumière  qui  en  part  éclaire  le  ciel  et  la  terre,  et* 
produit  une  clarté  égale  à  celle  du  jour.  Au  moment  où  le  globe  éclate , 
on  entend  un  fiacas  pareil  à  celui  d'une  maison  qui  s'écroule,  ou  au 
mugissement  d'un  bgsuf.  Le  bruit  que  font  les  pierres  en  tombant ,  es.t 
comparé  au  bruissement  des  ailes  des  oies  sauvages.  Il  tombe  une  seule 
pierre,  ou  deux,  ou  un  plus  grand  nombre  :  quelquefois  elles  tombent 
comme  une  pluie;  elles  sont  brûlantes  au  moment  de  leur  chute,  et  de 
couleur  noiiàtre;  mais  quelquefois  elles  sont  assez  légères.  A  Tendroit 
où  étoit  d'abord  le  globe,  on  aperçoit  une  lueur  d'une  certaine  étendue, 
qu'où  a  coutume  de  sompareràua  serpent,  et  qui  subsiste  plus  ou  moins 


lii 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


long-temps  ;  le  ciel  est  plus  pâle  en  cet  endroit ,  ou  d'autres  foU  il  est  de 
couleur  rouge  tirant  sur  le  jaune,  ou  verdâtre*  comme  des  touiïès  de 
bambou.  11' est  tombé  des  aérolithes  au  milieu  des  champs,  dans^les 
camps,  dans  les  villes,  dans  la  capitale  ;  on  a  remaïqué  que  les  animaux 
en  étôient  elTrayés.  Une  pierre ,  ou ,  pour  parler  comme  ies  Chinois ,  une 
é^Ie~  étant  tombée  dans  le  camp  de  Kao-tsou  (en  ji6),  tous  les 
ânes  qui  y  étoient  se  mirent  à  braire.  Sous  Chi-tsoung  des  Tckeou 
p^ostérieurs.,  une  pierre  tomba  avec  un  grand  brfiit  près  de  la  capitale; 
les  chevaux  et  les  boeufs  s'enfuirent  sans  qu'on  pût  les  retenir  :  on  crut 
dans  la  ville  que  c'étoit  un  bniit  de  tambours ,  et  les  umbours  du  palais 
y  répondirent.  Au  reste,  quoique  les  aérolilhes  soient  fréquemment 
tombées  au  milieu  des  lieux  habités,  on  ne  cite,  non  plus  qu'en  Europe, 
aucun  exemple  d'hommes  qui  en  aient  été  atteints.  - 
■  J'ai  formé,  d'stprèi  Af a- touan-/in ,  un  catalogue  des  pierres  toinMes 
en  Chine,  en  conservant  avec  soin  les  particularités  qu'on  a  observées 
au  moment  de  leur  chute.  M.  Deguignes  fils,  dans  une  espèce  de  table 
chronologique  ,  que  vraisemblablement  il  n'a  pas  rédigée  lui-même , 
mats  qu'il  a  insérée  dans  le  premier  volume  de  son  Voyage  à  Peking, 
a  fait  mention  de  neuf  phénomènes  de  cette  espèce ,  tous  observés  avant 
l'époque  de  l'ère  chrétienne.  On  a  regretté  que  ce  travail  n'ait  pas  été 
poussé  plus  loin ,  et  que  les  auteurs  chinois  ne  soient  pas  entrés  dans  de 
plus  grands  détails  sur  les  chutes  d'aéroliihes  dont  ils  font  mention  (  i  )  : 
les  Chinois  nous  offrent  cependant  des  récits  assez  circonstanciés  ;  mais 
l'extrait  qu'on  en  avoit  fait  étoit  trop  incomplet  et  trop  sommaire.  Le 
catalogue  de  Afa-touan-lin  a}oute  une  soixantaine  de  faits  semblables  à 
ceux  dont_nous  avions  connoissance ,  et  il  s'arréteà  Tannée  ioo4:  j'ai 
cherché  ailleurs  de  quoi  suppléer  à  la  suite  de  cette  série  chronologique. 
Je  ne  citerai  en  ce  moment  que  quelques  exemples  pris  parmi  ceux  qui 
sont  les  plus  réceas ,  ou  qui  offrent  les  circonstances  les  plus  remar- 


AVRIL  1819.  ï4? 

redressée  comme  un  serpent ,  et  de  la  longueur  d'un  tchang  [  etivrron 
î",  8];  elle  dura  Jusqu'au  soir,  et  s'éieignit  alors.  —  La  douzième 
annte  (  en  8  1  7  ) ,  à  la  neuvième  lune ,  le  jour  ki-hai ,  sur  les  tro!"s  heures 
ou  quatre  heures  après  minuit ,  il  parut  une  étoile  coulante  vers  le  milieu 
du  ciel;  sa  tête  étoit  comme  un  seau,  et  sa  queue  comme  une  barque 
de  deux  cents  hou  de  port;  elle  avoit  plus  de  dix  tchang  f  j3  mètres] 
de  longueur ,  ei  fâisoit  du  bruit  comme  une  troupe  d'oies  qui  s'envolent  ; 
elle  produisoit  une  lumière  semblable  îi  celle  des  torches  qui  servent 
dans  les  illiiininaiions.  Elle  paisa  au-dessous  de  la  lune,  en  s'avan<^ant 
toujours  vers  l'occident  :  tout  d'un  coup  on  entendit  un  grand  bruit,  et, 
au  moment  le  globe  tomlia  à  terre,  un  fracas  trois  fois  plus  fort  que  celui 
d'une  maison  qui  s'écroule.  Quoiqu'il  ne  soit  pas  toujours  fait  mention 
d'aéroliihes,  k  la  suite  des  explosions  des  bolides;  il  est  assez  vraisem- 
blable que  les  uns  et  les  autres  doivent  être  rapportés  à  (a  même  cause  : 
les  Chinois  ont  donc  été  fondés  k  ranger  ces  phénomènes  dans  une  même 
classe. 

La  deuxième  année  thian-yeou  [  poj  ],  k  la  troisième  lune,  au  four 
t'tchtou ,  vers  minuit,  i!  parut  une  grande  étoile  dans  le  milieu  du  fir- 
mament ;  elle  étoit  de  la  grosseur  de  cinq  boisseaux  ;  elle  coula  du  côté 
du  nord-ouest ,  Tespace  d'environ  dht  tchang;  puis  elle  s'arrêta.  Il  y  avoit 
au-dessus  une  multitude  de  petites  éloîtes  qui  formoient  comme  une 
flamme  de  couleur  rouge  ou  orangée  ,  de  la  longueur  de  cinq  tchang 
au  moins  ,  et  prolongée  comme  un  serpent.  Toutes  ces  petites  étoiles 
se  mûuvoient  vers  le  sud-est  ;  elles  tombèrent  ensuite  sous  la  forme 
d'une  pluie ,  et  peu  après  le  globe  s'éteignit.  II  resta  ensuite  une  vapeur 
d'un  bleu  blanchâtre  tirant  sur  le  vert,  qui  occupoit  le  milieu  du  ciel: 
cette  couleur  alla  en  s'obscurcissant ,  el  disparut. 

Dans  les  années  Wan-Ii  de  la  dynastie  des  Ming(en  ij3(î),k  la 
douzième  lune ,  le  vingt-cinquième  jour,  k  Chun-khing-fou ,  de  la  pro- 
vince du  Sse  -  tchhouan  ,  il  n'y  avoit  ni  vent  ni  nuages  ;  le  tonnerre 
gronda  subitement,  et  il  tomba  six  pierres  globuleuses,  dont  l'une  pe- 
.soit  huit  livres ,  une  autre  quinze  livres ,  une  troisième  dix-sept  livres  : 
les  plus  petites  ne  pesoient  qu'une  livre;  et  la  plus  petite  de  toutes  , 
dix  onces  seulejnent. 

Sous  le  règne  de  Ten  -  rsdung  ,  roi  de  Corée  ,  ^i  répond  k  fa 
deuxième  année  ihian-yeou  [  905  ],'Sfomba  k  Hacing-lhe  {  en  Corée) 
des  pierres  qui  imitèrent  le  bruîi  du  tonnerre.  Les  officiers  du  lieu  ayant 
envoyé  ces  pierres  à  la  cour,  le  président  des  rites  dit,  dans  une  sup- 
plique adressée  au  roi ,  que,  du  temps  des  Thes'm  [il  auroit  pu  dire,  dès 
!e  temps  des  Tf^ffftfJ,  itéloit  tombé  des  étoiles;et  que,  sous  les  dynasties 


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2J0  JOURNAL  DES  SAVANS, 

dL-s  7>/«  et  des  Thang.  ei  dans  les  temps  posiérieurs ,  le  même  événc- 
mciil  avoir  eu  lieu  de  leinps  à  auire ,  de  sorte  que  c'éloil  une  chose 
ordinaire,  ei  mm  pas  un  prodige  qui  annonçât ,  ni  des  malheurs,  ni 
des  évenemens  heuieux;  de  sorte  qu'on  avoit  tori  de  s'en  étonner.  Tous 
Jes  auteurs  qui  ont  parlé  de  ce  jihénomène,  ne  s'ex|)rimenl  [«s  d'une 
manière  aussi  raisonnable,  et  nous  allons  voir  quelques-unes  des  fables 
auxquelles  la  chute  des  pierres  atmosphériques  a  donné  lieu. 

On  appelle  hachis  dt foudre,  lissoirs,  maruaux ,  coins,  vrilliS ,  annraux. 
prr/es  de  Jotidre ,  ou,  pour  mieux  dire,  du  dieu  du  tonnerre,  certaines 
pierres  de  couleur  noirâtre  ou  violette,  qui,  à  ce  qu'on  prétend,  tom- 
teni  avec  le  tonnerre,  et  dont  la  forme  approche  un  peu  de  celle  des 
objets  dont  on  leur  donne  le  nom.  Les  marteaux  pèseni  quelquefois  plu- 
sieurs livres.  Il  y  a  des  coins  de  la  longueur  d'un  ichhi ,  ou  d'un  pied 
thinois.  Tous  ces  objets  ressemljjenl  à  de  Tacier  ou  à  du  fer.  On  raconte 
il  ce  sujet  des  histoires  merveilleuses,  que  l'auteur  même  dont  je  les  ex- 
trais, traite  de  contes  ridicules.  II  en  donne  ensuiie  une  exj'b'cation  qui 
•ne  l'est  guère  moins;  car  elle  est  fondée  sur  les  principes  fantastiques 
de  la  physique  chinoise.  Ce  qu'il  dit  de  plus  judicieux  ,  est  que  ces  pré- 
tendus outils  du  dieu  du  tonnerre  sont  de  la  même  nature  que  les  étoiles 
tombantes  ;  m&M  il  va  trop  loin  quand  il  avance  que  les  uns  et  Jes  autres 
^rfoivent  être  considérés  comme  les  traces  de  phénomènes  analogues  aux 
^pluies  de  fiierres,  d'or,  de  millet  et  de  riz,  de  poil ,  de  -'ang,  &c. ,  dont 
lil  est  question  dans  les  chroniques.  On  lit  dans  l'histoire  du  Jajion  ,  que 
\ù  sixième  année  siowa ,  du  règne  de  Nin-Mio  Teji-  O  [  8  j  9  j  ,  le  vingt- 
neuvième  jour  de  la  huîiième  lune ,  il  y  eut  dans  un  lieu  à  l'occident  de 
la  ville  de  Thian-tchhouan ,  où  il  n'existoît  aucun  fragment  de  pierre, 
riu  tonnerre  et  de  la  pluie  pendant  dix  jours.  Le  temps  étant  redevenu 
Mrein  ,  on  vil  à  terre  des  pierres  semblables  à  des  pointes  de  flèche  et 
ltj)t:des  hachettes,  les  unes  blanches,  les  autres  rouges.  —  On  trouve  un 
1  wite  exemple  d'observations  semblables,  faîtes  dans  deux  autres  villes 
l|lu  Japon ,  mais  que  l'on  eut  occasion  de  nnouveler  pendant  trois  années 
L^dltsécutives,  soiisie  règne  de  Kouoto-Ten-O,  dans  les  années  ntnva, 
t'esl-li-dire,  en  S85  ,  886  et  887. 
i  L'aufeur  japonais  qui  me  fournit  ces  détails,   prétend  que  la  chute 
ts  pierres  de  foudre  est  beaucoup  plus  commune  dans  les  pays  du  nord , 
.  «qu'elle  est  au  contraire  .isscz  rare  au  Japon  ;  et  il  cite ,  en  preuve  de  ce 
qu'il  avance,  un  orage  des  plus  terribles,  qui  eut  lieu  au-dessus  de  la 
capitale ,  le  vingtième  jour  de  la  sixième  lune  ,  en  1 7 1  o.  Le  tonnerre 
tomba  dans  un  grand  nombre  d'eudroits ,  et  détniistt  plusieurs  centaines 
de  maison»;  et  cependant  on  ne  trouva  pas  «ne  seule  de  ces  prétendues 


AVRIL    18(9.  afjT 

bâches,  ni  de  ces  coins  du  dieu  de  la  foudre.  Sa  preuve,  comme  on  voie, 
n'en  est  pas  une;  et  il  n'en  reste  pas  moins  três-vniisemBiabie  que  les  frag- 
mens  de  suLstances  minérales  auxquels  l'ignorance  a  donné  ces  noms 
ridicules,  sont,  d'après  le  récit  des  auteurs  les  mieux  instruits,  des  pierres 
atmospliérîques  de  la  même  nature  que  les  étoHn  lombaiius  :  cela  ét;int, 
le  tonnerre,  auquel  on  en  attribue  la  formation,  sera  ce  même  bruit  qui 
accompagne  presque  toujours  l'explosion  des  bolides  et  la  cliule  des 
aéroliihes.  Une  autre  conclusion  plus  remarquable  à  tirer  du  récit  des 
écrivains  chinois  et  japonais  ,  c'est  que,  dans  le  plus  grand  nombre 
des  cas,  le  licou-sing,  ou  le  globe  igné,  qui  produit  les  pierres  tom- 
bantes, a  été  observé  avant  la  chute,  et  semble  en  avoir  été  la  cause 
immédiate.  Cette  observation  est  d'accord  avec  l'opinion  qu'en  ont  k 
présent  les  hommes  les  plus  instruits  ;  mais  ;  comme  elle  a  été  révoquée 
en  doute,  le  témoignage  des  Chiiiois  qui  la  fortifie,  peut  n'être  pas  en- 
tièrement superflu. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


NOUVELLES    LITTERAIRES. 

INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 


Le  hnidi  21  mars ,  l'acadctHic  des  sciences  a  ti 
annuelle;  M.  Viiuquelin  y  a  rempli  Its  fonctions  de  prés 
des  secrétaires  perpànets,  a  lu  une  notice  historique  s 
de  M-  Périer;  M.  Fourier,  un  mémoire  sur  les  théor 
maiiques  de  la  chaleur;    M.  Biot,    un   exposé  des 


1  sa  séance  publique 
îni.M.i?f/,îm/.«,l*o,i 
la  vie  et  les  ouvrages 
,  physiques  et  mathé- 
ivaux  continués  pour 
déterminer  la  figure  de  la  terre,  et  des  résultais  de»  observations  du  pendule, 
faites  l'année  dernière  aux  îles  SheiUnd  ;  M.  Latre'iUe,  un  mémoire  concernant 
les  insectes  peints  ou  sculpiéi  sur  les  montimens  d'Egypte. 

L'académie  avoit  proposé,  dans  la  séance  publitjue  du  17  mars  1817,  pour 
sujet, d'un  prix  de  physique,  i,"  De désrrm'iner ,  par  dts expér'tencet précises ,  tous 
les  rffU  de  la  diffraction  des  rayons  tumimux  directs  et  réfléchis ,  lorsqu'ils  pussent 
séparément  ou  simultanément pr^s  des  extrémités  d'un  ou  de  plusieurs  corps  d'une 
étendue  soil  limitée  soit  indéfinie  ,  en  ay  an  1  égard  aux  intervalles  de  ces  corps,  ainsi 
^u'à  la  distance  du  foyer  lumineux  d'où  les  rayons  émanent  ;  3..°  de  conclure  de  ces 
txpériences,  par  des  inductions  maîliémathiues ,  les  tnouvemens  des  rayons  dans  leu 


passage  près  des  corp: 


Elle 


i  décerné  le  prix  au  mémoire  enregistré  sous  le 


,    ayant    pour    épigraphe:    JVatura    simplex    et  fœcunda.    L'auteur    est 
M-  Fresnel, 

Feu  M,  Alhumbebt  ayant  légué  une  rente  annuelle  de  trois  cents  francs 
pour  être  employée  aux  progrés  des  sciences  et  des  arts,  le  Koi  a  autorisé  les 
académies  des  sciences  et  des  btaux-aris  à  distribuer  aliernativement  chaque 
année  un  prix  de  cette  valeur.  L'académie  des  sciences  a  arrêté  qu'elle  consa- 
creroit  ce  prix  à  des  travaux  particuliers  propre»  à  remplir  des  lacunes  dant 

li  2. 


I 


JOURNAL  DES  SAVANS, 

l'estintaiion  dctaillce  de  ses  produils;  la  description  drs  cours  d'eaux,  el  de 
leur  usage  dans  une  portion  noiablc  du  lerriioîre  de  la  France;  le  tableau  de 
i'induEt'ie  de  la  capiiale,  reclicrdie  importanle  qui  se  compose  d'une  niuliimdl 
dclémeoj  divers    très  -  difficiles  à  raïsembicr;    le    plan    iopographii]ue  d'une  ] 
grande  ville  joini  à  des  mémoires  assez  itendus  sur   la  population,  le  conv*.i 
nitrrce,  la  navigation  ei  les  éiablissirmeRî  mariliims;  les  descriptions  stati»»  1 
liqu»  des  départemens  ou  des  annuaires  rt-di^és  d'après  les  instructions  gén^  j 
raies  qui  ont  été  publiées  en  Francç ,  et  que  le  ministre  de  l'intérieur  a  renon- 
velêes  ;   l'iudicaiion  d«  substances  qui  tbrment  la  nourriture  des  habitans  dé)  j 
campagnes  dans   plusieurs  déparieniens,  ei  le  tableau  des  proportions  selon  1 
lescmclles   ces  mêmes  substances  sont  employées  comme  alimens;  une  suite  ] 
d'ooservations  sur  Us  transports  etTectués  par  terre,  qui  serve  à  comparer  l'îni-  I 
portance  respective  des  communication»  ;  l'état  des  richesses  minéralogiqu»  4 
de  la  France,  celui  de  la  navigaiion  intérieure;    enfin  divers  mémoires  de  cte  I 
etnre  ayant  un  objet  spécial  exactement  délini  et  relatif  à  l'économie  publique,  J 
On  regardcroit  comnii:  préférables  ceux  de  ces  mémoires  qui,   à  conditioâi  J 
a  une  grande  partie  du  territoire  ou  à  des  branch«l€ 
du  commerce,  ceux  qui  dorneroient  la  cou-  " 
:lélerminé,  et   coniiendroient  sur-tout  la  plut  \ 
suliats  Homériques  et  positifs.  Les  r 
lurs,  doivent  être    adressés  au  secréiaiiat  de  * 
remis  avant  le  i."'  jnnvier  1820.  Ils  peuvent  porter 
non  peut  être  écrit  dans  un  billet  c.icheté  joini 
ivrages  imprimés,  il  suffit  qu'ils  aient   été  publias 
8ig  ,  et  qu'ils  soient  parvenus  à  l'académie  avant 
l'expiration  du  délai  indiqué.  Le  prix  consiste  en  une  médaille  d'or  équivalente 
à  la  somme  de  cinq  cim  trente  francs.  —  il  sera  décerné  dans  la  séance  pu- 
blique du  mois  de  mais  1820. 

On  a  distribué  deux  cahiers  in-^.' ,  Tun  de  70  pages,  l'autre  de' JO,  conte- 
nant l'analyse  des  travaux  de  l'académie  pendant  l'année  1S18.  Cette  analyse 
est  rédigée  par  M.  Delambre,  pour  la  partie  mathématique;  par  M.  Cuvier, 
pour  la  partie  physique. 

La  partie  mathématique  fait  connoilre  les  Mémoires  de  M.  Laplace 
sur  la  rotation  de  la  terre;  sur  l'inHuence  de  la  grande  inégalité  de  Jupiur  et 
de  Saturne  dans  le  mouvement  des  corps  du  jystéme  solaire;  sur  la  loi  de  la    , 
pesanteur,  en  supposant  le  spiiéroïde  terrestre  homogène  et  de  même  densité 

3 ne  la  mer;  —  de  M.  Poisson  sur  la  précession  des  équinoxes;  sur  la  libration 
c  la  lune;  —  de  M.  Pointât  sur  l'application  de  l  algèbre  à  la  théorie  dei 
nombres;  —  <Ie  M.  Cfli/cAy  sur  l'intégration  d'une  classe  particulière  d'équa- 
tions différentielles;  sur  l'intégration  des  équations  aux  différences  partielles 
du  premier  ordre  à  un  nombre  quelconque  de  variables;  —  de  M.  Fountr  sur 
lei  vibrations  des  surfaces  élastiques.  =;  Ouvrages  imprimés  :  Exercices  de  calcul 
intégral,  construction  des  Tables  elliptiques,  par  M.  Legnidre.  —  Histoire  de 
l'asironoraiedu  moyenâge.parM./Je/irinAyet  viy.  Journ.  dcsSavans,  janv.  iB'O, 
pag.  Oo). —  Notice  sur  les  opérations  en trepriies  pour  déterminer  la  figure  de  la 
terre,  par  iVl,  hiai. —  Mémoire  sur  les  inondations  souterraines  auxquelles  sont 
exposés  plusieurs  quartiers  de  Pans,  par  M.  Girard.  —  Mémoire  du  même  sur 
la  topographie  ci  le  relief  du  soi  de  Paris.  —  Mémoires  sur  la  marine  el  let 


égales,  s'appitqi 
importantes  de  l'agriculture  < 
noifsance  complète  d'un  obji 
grande  quantité  pofjiMe  de 
manuscrits ,  destinés  au  coi 
rinsiitut,yî-"'/''ej  de  port,  et  rt 
ie  nom  de  l'auteur,  ou  ce  1 
au  mémoire.  Quant  aux  onv 
datis  le  courant  de  l'année  i 


'ÂVlXTL'  l'Biç;'.'"'"  aîî 

ponis  CI  chaussées,  par  M.  Dapin.  —  Essai  hisiorique  sur  lus  services  et  les 
travaux  stieniiliqiies  de  Gasp.  IVIonge,  par  M,  Dtipin. —  Des  marais  Poniins, 
par  M.  rfc  Prony.  =^  Rapports  sur  lesouvrages,  les  essais  ,  les  machines,  &c,  qui 
ont  été  soumis  à  l'examen  de  l'académie. 

Partie  PHYSIQUL,  i."  Chimie.  Deux  nouvelles  substances,  l'une  mé- 
tallique ei  alcaline,  l'autre  méiallir|iie  ci  acidifîable ,  ont  éiê  découvertes  :  U 
première,  par  M.  Arfvedson,  qui  l'a  nommée  Lithion  ;  l'autre,  par  M.  Ber- 
^eliui ,  qui  lui  a  donné  îc  nom  de  SELENIUM,  — Mïmoircs  de  M.  Vauqutlin 
sur  le  cyanogène  et  l'hvdrocyanique;  —  de  M.  T/ienard  sur  plusieurs  acides 
qui  peuvent  admettre  des  proportions  d'oxîgéne  bien  supérieures  à  celles  que' 
ion  regardoii  jusqu'à  présent  comme  constituant  leur  état  le  plus  oxigéné;  — 
de  MM.  Chtv'iUot  et  EJouard  sur  les  caméléons  minéraux  ;  —  de  M.  Laugier 
sur  le  cobalt  et  le  nickel;  —  de  M.  Houiou-la-Billardiire ,  sur  un  acide  nouveau 
auquel  il  donne  le  nom  de  pYRO-MUCIque  ;  .:—  de  M.  Chei'reul  sur  les  corps 
gras;  — de  MM.  PelUtîer  ei  CaveiUou  sur  la  cochenille.  :zr  2."  Météorologie, 
Mémoires  de  M.  de  Humboldi  sur  les  phénomènes  atmosphériques  de  la  Zone 
lorride;  —  de  M.  Alorcau  de  Jonnh,  sur  le  coup  de  v.ent  qui  a  causé  tfiut  de 
dégâts  aux  Antilles ,  le  i  1  septctiibre  dernier.  -^  3.=  Minéralogie  et  Géologie. 
Rtcherthesde.M.  Beuhvii  sur  les  crisiaux. —  Analyse  d'une  pierre  qui  abonde 
dans  un  ravin  du  Moni-d'Or  en  Auvergne,  par  M.  Cordler.  —  Mémoire  de 
M.  Paiissot  dtBenuvoh  sur  un  phénomène  géologique  obsirvé  dans  le  comté  de 
ÏTowan  ,  province  de  la  Caroline  du  Nord  :  au  milieu  d'une  colline  d'un  sable 
très-fin ,  entremêlé  de  petites  pierres  de  quartz  et  de  nombreuses  parcelles  de, 
mica  «rgenté,  se  trouve  une  veine  de  pierres  disposées  si  régulièrement,  que  les 


habiians  lui  doi 

tendu  que  c'étoit  110  \ 

quelque 


que  les  i 

une  époque  reculée, 'par 


r  naturel , 
ritable  mur  ,  construit .  ,      .     ,  .  . 

■uple  aujourd'hui  inconnu.  —  Mémoire  de  M.  More.iu  de  Joniiis- 
sur  l'un  des  monts  de  la  Martinique  ;  et  description  géologique  de  la 
Guadeloupe  ,  par  le  même.  ^  4-°  Botanique.  Description  du  IJatiiçr  et  du 
Persia  d'Egypte,  par  M.  Del'iU;  —  du  Palmier  de  Nipa  ,  qui  croît  spon- 
tanément dans  l'Archipel  des  Indes,  par  M.  Houtoii  dr  la  BilUirdiire ;  —  de 
l'Arbre  de  la  vache  ,  par  M.  de  HumbaUt ,  qui  continue  de  pidilier  avec 
M.  Bonpland'l'ouvrage  intitulé:  Nova  gênera  j>lûntarum  squinoclialjum,  == 
jl"  Zoologii.  Description  de  nouvelles  espèces  de  cétncécs,  par  M.  dé  tacrpide; 
d'après  deî  peintureî  rapport éesvju  Japon  par  feu  M.  Tilslng.  —  Cooside'ranonï- 
mr  i'Orang-Outnn  et  sur  le  Tapir  de  Sumatra-,  par  M.  Cuvier,-ittT  le  Gecko 
des  Anrilles,  par  M.  Moreau  de  Joiwh.  —  6,°  Aniîomie  et  Physiologie.  Phi-- 
lôsopliie  anatomique,  par  M.  Geoffroy-Salnt-Hilaire  (  vyri  Journal  des  Savans , 
mars  i8i(),*pag,  183-187).  —  Recherches  sur  la  respiration  des  grenouilles, par 
Al.  Edwardi.  =  7."  Médecine  et  Chirurgie.  Mémoires  de  M.  Porta!  surda 
membrane  pupillaire  et  sur  l'ancvrisme;  —  de  M.  Percy  sur  le  méricisme,. 
indisposition  qui  consiste  à  faire  revenir  à  ia  bouche  les  alimens  à  den»i  digérés; 

—  de  M,  Laennec  sur  l'art  d'explorer  lei  msladies  du  thorax  au  moyen-  de 
l'auscultation  ;  —  de  Mi  Chrétien,  médecin  de  Montpellier,  sur  l'emploi  de  l'or 
en  médecine;  —  de  M.  Gorijret  sur  les  ventouses;  —  de  M  Niclierand  sar- 
one  opération  exécutée  par  lui,  en  enlevant  une  partie  des  côtes  et  delà  plèvre  ; 

—  de  M.  Roux  sur  la  cataracte  guérie  soit  par  l'extraction  du  cristallin,  soit 
par  le  déplacement  ou  abaissement  de  cette  lentille,  ^  8."  Économie  rurale. 


% 


-  • 
zi6  JOURNAL  DES  SAVANS. 

ObiervaUom de  M.  Yvart  sur  l'ctat  de  ragnculiuredan»  lestnvironi  du  Mont- 
d'Ol  CI  du  Puy-de-Dônic- 

LIVRES    NOUVEAUX. 

FRANCE. 

Tableau  hibîiogmph'hjue  Aii  ouvrage»  en  lout  genre  qui  ont  paru  en  France 

fendant  l'année    l8iS,  contenant,    i."  une  table  alphabétiqne  des  ouvrage»; 

i.»  une  lable  alpliabéii(]iie  des  auteurs;  3.°  une  table  systématique,  par  M.  fle«- 

chot ,  in-8."  de  1  80  pages,  à  joindre  ai!  Journal  de  l'imprimerie  cl  de  ]a  librairie, 

I   «digé  par  M.  fieuchoi  et  imprimé  thez  M.  Pilletaîné. 

l        Comwtiiiairt  sur  l'esprit  des  lois  de  Montcsquie'u  ;  édition  conforme  à  celle  qut 

I  '<  été  publiée  à  Liège  en  lyi;.  Paris,  inipr.  de  Fain,  chez  Delaunay,  in-S.*  — 
M.  Desiutr-Tracy.pairde  France  ei  membre  de  l'Institut,  est  l'auteur  de  ce  com- 
mentaire, et  se  propose  d'en  publier  bientôt  lui-même  une  édition  plus  cerrecte. 
MM,  TrcuHel  et  Wiîrtz  vîenneni  de  mettre  en  vente  le  onzième  volume 
iii  Archives  des  découvents  ei  des  inventions  nouvelles  faites  dans  les  sciences, 

'  les  arts  et  les  manufactures,  tant  en  Fiance  que  dans  les  pays  étrangen,  pen- 
dant l'année  1818,  avec  l'indication  siicciocie  dfs  principaux  produits  de  l'in- 
dustrie française,  des  noiitcs  sur  les  prii  proposés  ou  décem«  par  différentes 
lociétés  littéraires  fur  l'encouragement  des  sciences  et  des  ans;  et  la  lisie  des 
brevets  d'invcmion,  &c.;  un  fort  ■volume  in-8.'  Prix,  7  fr. ,  et  8  fr.  jo  cent,  franc  de 

Sort,  Ce  nouveau  volume  offre  prés  de  400  articles  relatifs  à  tous  genresde  sciences, 
e  beau*-arts  et  d'ans  industriels.  L'ouvrage  patoît  régulièrement  au  commen- 
cement de  chaque  année,  depuis  iSoH,  et  forme  un  téperroire  indispensable  à 
^us  ceux  (]ui  s  intéressent  aux  progrès  des  connoissances  utiles  a  la  société. 

Nota.   On  peut  s'aJresser  A  la  librairie  de  AJAf.  Treuttel  f(  Wiirtz,  à  Parit , 
'  file  ite  Botirton,  n.'iy ;  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers;  et  à  Londres,  ».'?», 
Soho-Square ,  pour  se  procurer  les  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  d^ 
Savons.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  U  prix  présuma  des  ouvrages. 

TABLE. 

Y  Levons  de  philosophie ,  par  Jii .  Laroiiilguiêre.  (Articlede  AI.  Cousin.) .  Pag.   195. 
'  i^escrf^iont  degii  Stateri  antuhi ,  per  Domenieo  Seitini.  {Article  de 

M.  Raoul-Hocheuc.  ) 20} . 

'  Hovum  Ttstamentuin  D.  N.Jeru  Christi,  interprète  Leapoldo  Sebas- 

iiani  Hoinano,  {  Article  de  M.  Silvcsire  deiiacy.) iu. 

Aîinis  de  l' Orient, exploitées  par  une  société  d'amateurs,  sous  tes  auspicts 
de  Al.  U  comte  Wenceslas  /l^avuslty.  {Second article  de  AI.  Kay- 

nouard,  ) , zil . 

Histoire  de  l'astronomie  ancienne,  ptr  M,  OeLimbre,  (  Second  artkU 

de  A!.  Biot.  ) liÇ. 

De  l'industrie  française ,  par  AI,  U  comte  Chaptal  [Article  de  Al, 

^  Tessier.  ) ,  340, 

Sur  les  Aèrotitlies  de  U  Chine,  {AriicU  dtAt.  Abel-Rémusat.)^. ..  .  a^o. 

Piouvtlla  littird'tres '. ., .  iji . 

tlN    DELA  TABLK. 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 

MAI     l8lp. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALR 

1819. 


.0  loi    I  ;.  î: 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Jonrnfl' des  Savans  est  de  36  francs  par  an, 
et  de  4.°  f^-  p3r  la  poste,  hors  de, Paris.  Ûli  s'abonne  chez  MM.  Treuntl  et 
Wùrr^,  à  Paris,  me  de  Bourboni,  n.'  ly  s  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers,  et  à 
Londres,  n.'jo  Soho-Square.  11  faut  affiranchir  les  lettre*  et  l'argent. 

Toul  ce  qiaptutcoatatMr  Us  ûmionces  à  insérer  daes  cejoarnal, 
lettres ,  ''i^ts ,  mémaireé ,  livres  nouveaux,  &ç.  doit  être  adressé , 
FRANC  DB  PffXT ,  au  hurtûu  du  Jowmal  des  Satatts,  à  Paris,  rue 
de  Ménil-mon<ant,  n.^  22. 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 


MAI     l8l 


9- 


Ka  Ba  ma  nia  ,  or  a  brief  Description  of  tlw  scul/i  Asïn  miiior.  &c.  ; 
c'est-à-dire  ,  Ciiriimnnie  ,  ou  courte  Description  tie  la  côte 
me'ridiotiidc  de  l'Asie  mineure  et  lies  restes  d'auliijuitcs  qui  s'y 
trouvent ,  avec  des  pions,  des  vues  et  une.  carte,  recueillis 
durant  le  relevé  de  celte  côte  exécuté  conformément  aux  ordres 
dis  commissaires  de  l'aminmté ,  dans  les  anné^j  iSji  et  1S12, 
par  Francis  Beaufort,  membre-  de  la  société  royale,  capitaine  du 
vaisseau  le  Frederihteen.  Londres,  iB  17  ,iit-8.*  àip  300  pages. 

J^E  nom  de  Caramanie  est  ordinaire  ment  apiîiiqué  par  les  Européens 
à  ce  pays  monlagneux  qui  forme  la  côte  niçridioiiale  de  l'Aiie  nimewre; 
mais  cette  dénoiniiialion  est  inconnue  aux.-ii.ij'jiians.  Un  royaume-'de  ce 


i^o  JOURNAL  DE3  SAVANS,. 

nom  a  existé  jadis,  comprenant  les  anciennes  provinces  de  h  Lyde^ 
de  fa  Pamphylie  et  les  deux  Ciiicies,  avec  des  portions  de  la  Quie 
et  de  fa  Phr)'gîe  :  mais,  après  avoir  lutté  pendant  deux  siècles  contre 
ia  puissance  des  Turcs ,  if  fut  enfin  renversé  par  Bajazet  II  ;  et  la  ville 
intérieure  de  Caraman  {1}  est  fe  seul  vesdge  subsistant  du  nom  de  c» 
grand  eut. 

Ce  pays  ,  maintenant   désoté  par  tous  fes  fléaux  qui  résultent  du 
des|)otisme  et  de  l'anarchie»  mais  jadis  florissnnt»  et  peuplé  de  villes  et 
de  colonies  céfèbres,  appcloit  depuis  long- temps  les  recherches  des 
Européens  :  ia  grandeur  des  souvenirs  qu  il  rappelle  »  fa  cejliladé  de 
découvrir  une  multitude  de  ruines  et  de  monumens  antiques,  étoiert  ua 
attrait  puissant  qui  fes  auroit  amenés  plutôt  sur  cette  côte ,  si  les  difficultés 
et  fes  périls  d*un  pareil  voyage  n'étoient  pas  de  nature  à  efirayer  les  plus 
intrépides;  aussi  étoit-elle  demeurée  presque  inconnue,  à  Texceptionde 
quelques  points  à  f*ouest  et  de  fa  partie  orientafe,  pfacée  sur  fa  route  de 
Constat! tinople  à  Aiep.  Le  conseil  de  l'amirauté  anglaise,  voufant  remplir 
cette  lacune  géographique  ,  chargea  fe  capitaine  Beaufort  de  lever  cette 
côte*  et  de  déterminer  avec  soin  tout  ce  qui  pouvoit  intéresser  la  navi- 
gation :  les  résultats  en  ont  été  consignés  dans  une  suite  de^cartes 
maintenant  publiées,  dont  celle  qui  accompagne  Fouvrage  que  nous- 
annonçons  est  une  réduction  fidèle. 

Quoique  principalement  ou  plutôt  uniquement  occupé  de  son  travadf 
topographique  et  hydrographique,  le  capitaine  Beaufort  ne  pouvoit 
manquer  de  recueillir  sur  les  lieux  un  grand  nombre  d'observations 
curieuses  et  neuves,  de  dessiner  quelques  monumens  inconnus»  de 
copier  des  inscriptions  :  l'ouvrage  dont  nous  allons  rendre  compte 
contient  les  principaux  résultats  des  observations  de  cet  habile  officier  j. 
et  comme  cet  ouvrage  est  réellement  fe  premier  qui  ofire  à  FEuiOpe 
savante  des  notions  positives  sur  la  côte  de  l'Asie  mineure  entre  Rhodes 
et  Issus ,  il  importe  d'en  présenter  au  fecteur  une  anafyse  raisonnée  qui 
fasse  ressordr  tous  fes  faits  curieux  et  nouveaux  qu'if  ajoute  à  la  science. 
C'est  fe  but  que  nous  af tons  tâcher  d'atteindre. 

L'auteur  commence,  sans  préambufe,   par  fa  description  du  Yedy 
Boroun,  en  grec  hepia  cavi  ou  fes  sept  caps,  masse  de  montagnes  fort' 
élevées;  c'est  l'ancien  Cragus  de  Lycie,  cette  montagne  a  huit  sommets^ 
comme  f'appelfe  Strabon  (2).  Un  peu  au  nord,  s'éfève  une  autre  mon* 
tagne  escarpée  (  YAnti-Cragus) ,  dont  fa  hauteur  est  de  6000  pieds  anglais 

(1)  Vùyei\e  Journal  de  Février  1 81 9,  p*  113. 

(2)  Stralxbn;  jcjy^p.éâj,  D. 


/ 


MAI  1819.  261 

(=  1 828  mètres  ),  c*est-à'^re,  presque  égafe  à  celle  du  Cantat.  Le  cap 
avancé,  formé  par  le  CVv^x,  séparoit  la  Lycie  de  la  Carie;  et  c'est  ce 
cap  que,  selon  nous,  désigne  Denys  lé  Periégète ,  en  deux  endroits,  par 
le  nom  de  lUmfaiîp  «u^et,  cap  Pataritn  (i).  II  avoit  pris  son  nom  de 
Patarap  riHè  située  de  Tautre  côté  du  Xanthus,  au  pied  de  cette 
moatagife  ou  Ton  en  voit  encore  les  ruines  dans  un  lieu  inhabité.  Cette 
fîlfe^  que  son  temple  d'ApoIfon  rendoit  autrefois  célèbre,  fut  réparée' 
par  Ptolémée  Philadelphe,  qui  lui  donna  le  nom  d^Arsinôë  dt  Lycie  {2% 
Ses  ruines  consistent  en  un  théâtre  dont  le  diamètre  extérieur  est  de 
2oa pieds  anglais  [60  mètres  9  ]  :  H  a  trente-quatre  rangs  de  sièges  en 
marbre  9  dont  im  périt  nombre  seulement  a  été  endommagé  :  la  conser- 
tarion  paiiaite  du  proscenium  distingue  ce  monument  dé  tous  ceux  du 
nème  genre.  Une  longue  inscription  placée  à  rentrée  orientale  annonce 
qull  a  été  b&ù  par  Q.  Velius  Titianus,  sous  le  quatrième  consulat^ 
cTAntonin  Pie.  On  voit  encore  à  Patata  une  multitude  de  tombeaux» 
dé- temples,  d'autels,  de  fragmens  de  sculpture ,  mutilés  et  bouleversés  ; 
d'inscriptions  grecques  et  latines  :  le  capitaine  Beaufort  dit  qu'il  en  a 
copié  un  très-grand  nombre.  La  seule  qu'il  ait  consignée  dans  son  ou« 
vrage  donne  envie  de  connoître  les  autres  :  c'est  Tépitaphe ,  en  quatre 
jôlfs  vers  élégiaques,  d'un  certain  Dionysius,  architecte  (3).  Les  murs 
de  la  '  ville  embrassent  un  grand  espace  de  terrain  :  une  des  portes 
subsiste  encore  en  assez  bon  état;  elle  paroh  de  construction  romaine ^ 
et  on  lit  sur  la  frise,  HAPAPEnN  TH5;  MHTPonoAEm:  tôt  AYKinN 
feNOTZ  O  ÀHM02 ,  ce  qui  nous  apprend  que  Patara  étoit  la  métropole 
de  la  nation  des  Lyciens.  D'après  Strabon    et  Tite  -  Live ,  Patara 

(j)  Dionys.  Perieg.  v.  izy,  joj.  —  (2)  Strab.  xv ,  p.  666,  A. 

II- faut  la  lire  de  cette  manière: 

'H  ^Mm  ïlùL'nipiûf  yi  fAk  xaCint  Kfetnl, 
T/MùW  Ait  âfJLmKownç'  î^  Ji  Ksioç  ^  eut  m!ç 

C'est-à-dire  :  «  La  terre  étrangère  de  Patara 
3^ me  possède,  moi  Dionysius,  habile  dans 
3>  tous  les  arts  de  Minerve ,  natif  de  Tmolas 
vaux  beaux  vignobles.  Le  vaste  toit  donc 
»j'ai  recouvert  POrfti/m  des  Pataréens^  m'ai- 
»  sure  dans  leur  mémoire  un  glorieux  sou<^ 
ji>  venir,  m 


(})  Voici-  comme  la  donne 
'e  capitaine  Beaufort: 

lAPIKAeHNAIHC 
HANTONAIONrciON 

BPrnN 

HHUMHnATAPnNrHME 

AABOrCAKPATEI 

'ï'AdûAOTAn  AMHE  A  OENTO  C 

EXOMKAEOCKAIEN 

A.XOIC 

r2^£ZX2M£rAAHN 

AM«I0AAnNOPOOHN. 


z6z  JOURNAL  DES  SAVANS, 

avoil  jadis  un  port;  mais  il  est  maimenant  tout-ï-fait  comblé  par  les 
sables. 

A  l'e&t  de  Pûtara,  s'ouvre  une  baie  ptofbn<le  qui  correspond  assez 
exactement  au  port  Phaaicus  dç  Tite-IJve  :  on  Tappelle  maintenant  U 
|}aie  de  Callamaki.  Un  peu  à  l'est»  on  voU  une  petite  île  absolument 
itériie,  appelée  CasuUon}^o ,  uoqi  corrompu  At  Castel-Ho^îo;  tWa 
renferme  une  ville  et  un  port  de  mime  nom ,  défendus  pa^  deux  châteaux 
armés  de  petits  canons  en  si  mauvais  eut,  qu'ils  ne  peuvent  guère  .être 
redoutables  que  pour  ceux  qui  les  tirent.  Cette  i^  est  sa/is  doute  la. 
>*fc^/jrt  des  anciens,  appelée  aussi  CfjrAM?  ( i }. 

Castellorizo  forme  le  côté  occidental  d'un  golfe  cpii  jenferme  deim 
ports  d'une  assez  grande  étendue ,  Sérédo  et  Vatky,  dont  Iç.premier  est 
excellent*,  on  y  trouve  des  toDibeaux,  des  catacombes  creu>ées  dans  .!& 
roc:  auport  Vaihy,  des  ruines  assez  considérables,  telles  quç  celles  d'un- 
théâtre  à  trente-six  rangs  de  sièges ,  mais  d'une  moins  bellç  construction- 
que  celui  de  Patara ,  annoncent  l'existence  d'une  ville  andque  ;  on  y  voib 
Cfi  outre  des  tombeaux  composas  de  deux  chambres  l'unersur  l'autre.: 
Comme  les  gens  du  pays  donnent  le  noin  SAntiphilo  à  la  partie,  dib 
port  contîguë  à  ces  ruines  ,  il  n'est  pas  douteux  que  ce  ne  soib 
VJjiiipicl/uj  de  Ptolémée  et  de  Strabon  :  ce  dernier  paroîf  avoir  eu.  tort 
dfi  le  placer  dans  l'intérieur  des  terres  (2).  Toute  cette  côte,  depuis. 
P^tam ,  est  bordée  de  montagnes  k  pic  qui  empédientles  courans  d'eau  . 
de'seforniert  aussi  les  torrens  cessent  avec  les  plufej;  et,  entre  avril.et 
novembre,  les  habîtans  n'ont  d'autre  ressource  que  leurs  citernes.  . 

Après  avoir  rangé  la  côte  aride  et  dangereuse  au  devant  de  laquelle 
est  située  l'île  de  Kakava,  qui  patoît  éire  la  Dolichisie  de  Ptolémée,  on 
trouve  l'embouchure  de  ïAndraki,  courant  saumâtre  qui  baigne  des 
ruines  assez    remarquables  :   on  distingue   sur    le  rivage   celles    d*u 


M'AI   18^9. 

^ntre  les  années  11901  138  (1).  Il  est  divisé  en  sept  compartimeds, 
doifi  chacun  n  une  porte  sur  la  (àçade.  On  remarque  avec  surprise ,  en 
plusieurs  endroits,  des  fragmens  de  sculplnres  antiques  encastrés  dani 
la  maçonnerie,  et  provenant  d'édifices  plus  anciens ,  dont  les  Romains  se 
sont  servis  comme  de  matériaux. 

Le  nom  A'Àndraki,  que  porte  ce  torrent,  provient  sans  doiilo 
SAndnaet,  lieu  mentionné  par  Pioléméé  {a],  tt  qui,  selon  Appien  (j), 
éloîi  le  port  de  Myra.  Les  ruines  de  cette  ville  célèLre  sont  un  peu  dans 
l'intérieur  des  terres,  au  pied  d'une  montagne  haute  de  l\^GO  pieds 
[1218  mètres  7  j  ou  de  1 00  mètres  de  plus  que  le  Vésuve.  Le  temps 
ne  permit  pas  au  capitaine  Beaufori  de  les  visiter;  mais  il  nous  apprend 
tpie  M.  CocVrell,  savant  architecte  anglais,  qui  (es  a  vues  et  dessinées 
l'année  d'ensuite,  y  a  trouvé  un  théâtre  presque  intact,  et  un  j;rand 
nombre  de  morceaux  de  sculpture  et  d'architecture  d'un  style  excellent. 
Les  habitans  sont  des  Turcs  jaloux  et  plus  grossiers  qu'à  l'ordinaire. 
Tandis  qu'il  exaniinoit  des  statues,  M.  Cockrell  entendit  un  homme  du 
peuple  s'écrier  :  «  Puisque  les  infidèles  sont  atiirés  ici  par  ces  figures 
»  impies,  cela  ne  durera  pas  long-temps f  quand  ce  chien  sera  parit, 
"  fe  les  détruirai.  «Tout  près  de  Myra,  sont  d'autres  ruines,  qui  doivent 
être  celles  de  Vimyra.  Les  habitans  dirent  au  capitaine  lîeaufort  qu'i 
tjuaire  heures  de  là,  dans  l'intérieur  des  terres,  il  y  avoit  des  ruines 
considérables,  des  colonnes,  des  sculptures,  des  inscriptions. 

C'est  très-près  à  l'est  que  s'avance  dans  la  mer  le  cap  KhiUdonla 
[Sacrum  Ptomontorium] ,  en  avant  duquel  sont  situées  les  îles  Chelidonlce, 
point  célèbre  dans  la  géographie  ancienne.  Ces  îles  sont  au  riombre  de 
ciilq,  dont  deuï  s'élèvent  de  4  ou  }oo  pieds  au-dessus  de  la  mer  ;  les 
trois  autres  sont  petites  et  escarpées  :  Scylax  n'en  mentîojine  que 
deux  (4)  ;  Strabon,  de  même  que  Denys  le  Périégète  (î)  ,  ji'en  compte 
que  trois  à-peu-près  de  mêjne  grandeur.  Comme  le  capitaine  Beautort  a 
remarqué  dans  ces  îles  une  sorte  de  caractère  volcanique,  il  ne  seroii  pas 
impossible  qu'un  tremblement  de  terre,  depuis  les  temps  anciens,'  eût 
formé  cinq  îles  des  trois  qui  existoient  alors. 

Un  phénomène  très- remarquable  observé  sur  cette  côte  par  le  capi- 
taine Beaufort,  c'est  celui  d'un  courant  constant  de  l'est  à  l'ouest,  dont 
il  parle  en  ces  termes  :  <*  Ce  courant  est  très-sensible  près  du  rivage,  où 
»  sa  vîiesse  est  quelquefois  de  trois  milles  k  l'heure ,  entre  le  cap  Adrat- 


(i)  Eckhel,  Doctr,  nummôr.  VI, p.  ^/j)  sq.  —  (2}  Piolem.  Gea^rsp/i.  v,  j' 
p.  t2i.  —  {3)  Btli.  ci:  IV,  S-  Sz,  ScftH'eisli.  —  ii)  Scylac.  Periplp.  ^^  - 
(5)  Dionys.  Perieg,  v. p;. 


i6i 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


»  chan  et  l'île  opposée.  La  confîguraiton  de  la  côte  peut  sans  doute  ea 
»  rendre  compte  :  car  on  conçoit  que  la  niasse  considérable  d'eau 
»  inierceptée  dans  le  golfe  d'Adafia ,  se  précipite  avec  violence  vers 
y>  l'ouesi  >  le  long  du  cap  Khélidonia.  La  cause ,  les  progrès  et  le  terme 
M  d*un  tel  courant,  sont  un  sujet  intéressant  de  rechçrcl^es  futures  :  pour 
M  tracer  la  liaison  de  ce  phénomène  avec  le  volume  d'eau  qui  entre  par 
»  le  détroit  de  Gibraltar,  avec  celui  qui  arrive  par  (e  détrdt  des  Darda^ 
»  nelles,  et  les  elfets  du  Nil  et  de  toutes  les  autres  rivières  du  fond  de  la 
»  Méditerranée ,  il  faudra  une  longue  suite  d'observations  correspon- 
»  dantes  sur  les  deux  côtes  de  cette  mer.  Les  contre>couraiu ,  ou  ceux 
»  qui  retournent  à  l'est  sous  la  surface  de  la  iner,  sont  également  fort 
»  remarquables  :  en  quelques  parties  de  l'Archipel ,  il  y  en  a  de  si  forts , 
»  qu'ils  empêchent  de  gouverner  le  bâtiment;  et,  par  exemple,  en 
«  lâchant  la  sonde,  lorsque  la  mer  étoit  calme  et  transparente,  et  en 
»  attachant  au  cordeau,  de  trois  pieds  en  trois  pieds,  des  lanières  de  drap 
*>de  diverses  couleurs,  nous  les  voyions  quelquefois  se  diriger  vers 
»  presque  tous  \es  points  du  compas.,»  Cette  observation  sur  les  doubles 
courans  nous  paroît  digne  di  beaucoup  d'attention. 

Au-delï  du  cap  Khéfidonîa  est  I9  petite  île.  stérile  de  Grambousa,  la 
C''Ombttsa  de  Strabon  :  on  y  trouve  un  peiit  courant  d'excellente  eau  qui 
jaiflii  d'une  source  assez  abondante.  Cette  île,  observe  M.  Beaufbrt,  est 
si  peu  étendue  et  si  escarpée,  qu'il  ne  peut  s'y  recueillir  nulle  part  une 
quantité  d'eau  assez  considérable  pour  former  ce  courant  ;  et  il  conjecture 
avec  vraisemblance  que  la  source  en  est  sur  quelque  mbntagne  de  h 
côte,  d'où  Teau  est  amenée  par  un  conduit  naturel  qui  passe  sous  Je 
détroit,  dont  la  profondeur  est  d'environ  170  pieds  [  J7  mètres  8  j.  Ce 
serait  un  phénomène  Eout-à-fai't  analogue  à  celui  des  sources  d'eau  douce 
qu'on  voit  bouillonner  à  (a  surface  de  la  mer  :  telles  sont,  la  source  qui 
aillit  dans  le  pori  de  Syracuse,  vis-&-vis  de  la  foiiiaine  Aréihuse.  si  l'oi 


MAI   1819.  26J 

le  petk  port  inhabité  appeFé  Génawse.,  pvds  un  village  nommé  Deliktash  * 
dont  le  nom  signifie  roch>r percé:  on  y  trouve  des  ruines  considérables» 
et,  entre  autres,  celles  d'un  temple  dont  la  porte  a  15  pieds  [4  mètres  5  ] 
de  haut,  d'un  théâtre,  et  un  nombre  prodigieux  de  tombeaux  et  d'ins- 
criptions. Parmi  ces  inscriptions,  il  en  est  où  se  lit  le  nom  S  Olympus  : 
elles  attestent^uffisaitiment  que  jces  ruines  appartiennent  à  Olympus  de 
Lyde.  Cette  ville,  prise  (1)  et  presque  détruite  (2)   par   Servilîus 
Isauricus,  déchut  considérablement,  et  n'existoit  plus  comme  ville  au 
temps  de  Pline  (3).  Une  inscription  trouvée  par  le  capitaine  Beaufort, 
porte  :  A  l'empeirur  Marc  Aurtk  Aotonin,  Auguste,  Arménia^ue,  Par-» 
thique ,    Germanique,   le  sénat  et  le  peuple  d' Olympus.  Elle   prouve 
gu'Ofympus  avoît  été  rétablie  entre  les  règnes  de  Titus  et  d'Antonin, 
ce  qui  explique  pourquoi  Ptolémée  la  compte  comme  ville  dans  sa: 
Géogrpphie ,  rédigée  vers  l'an  i  j  o.  L'inscription  est  curieuse  encore  sous 
un  autre  rapport  :  l'existence  S  Olympus  vers  1 4o  à  i  jo  étant  prouvée,» 
il  devient  bien  difficile  d'expliquer  comment  cette  ville   n'est  point 
comprise,  dans  le  Synecdéme  d*HiérocIès  ,  parmi  les  villes  de  Lycîe, 
à  coté  de  Phaséiis,  dont  elle  n'étoit  qu'à  trois  lieues.  On  est  conduit 
de  cette  manière  à  rétablir  avec  certitude  le  nom  S  Olympus,  caché  sous 
un  nom  corrompu  paijies  copistes  de  cet  ouvrage  :  on  y  lit ,  à  l'article 
de  la  province  de  Lycîe  (4),  ♦ASYAHS,  OAYAnox  (msv  Bandur.)  :  le 
premier  nom  est  4» A2HAI2 , comme  la  vu  Wesseling  ( 5 )  ;  le  second ,  dont 
cet  habile  critique  ne  dit  rien,  est  évidemment  OAYNnox  (6).  Il  étoit 
d'autant  plus  singulier  de  ne  point  retrouver  la  ville  d'Olympus  dans  un 
monument  rédigé  entre  les  années  4  ro  et  4  S  o  (7) ,  que  les  notices  ecclé- 
siastiques font  de  cette  ville  le  siège  d'un  évéché,  sous  Fempereur 
Léon,  en  457  (S)  :  l'inscription  explique  et  concilie  tout.  Tout  près  de  là , 
sur  la  côte,  on  voit  une  flamme  volcanique,  ou  pyrée,  sortir  de  terre, 
dans  l'angle  intérieur  d'une  muraille  qui  paroît  avoir  formé  une  enceinte 
quadrangulaire ,  renfermant  sans  doute  un  hieron  ou  lieu  sacré.  Cette 

flamme  ne  produit  pas  une  chaleur  très-intense  :  les  plantes  et  le  gazon 

■  ■  ^ 

(i)  Cic.  Verrin.  i,  /.  2/;  Eutrop.  VI,  J»  —  (2)  Fiorus,  m,  6. 
(3)  Plin.  V ,  2jr,  p,  x/j,  j,  —  (4)  Synecd.  Hierocl.  imer  Jtiner,  veter.p,  684^ 

(5)  ^ASTAHS,  par  l'iotacisme,  et  par  la  ressemblance  du  A  et  du  A,  équi- 
vaut à«A2HAI2. 

(6)  Remarquez  que,  dans  toutes  les  inscriptions  A*  Olympus,  selon  l'observation 
précise  du  capitaine  Beaufort,  le  nom  est  écrit  OATNnOS  OATNHHNnN  : 
or,  entre  OATAnOS  et  OATNIIOS,  il  n'y  a  que  la  différence  provenant  de  la 
confusion  commune  de  A  pour  A  et  de  A  pour  N  (âf.  Boisson,  in  Inscr.  Actiac, 
pQSt  L,  Hohu  èpist.  p.  ^47.  —  (7)  Wesseling.  Prœfat,  ad  Hieroci  p.  622, 

(9)  Lt  Qyxkn ,  Oriens  Christian.  J ,  p.  fi;^0 


i66  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ne  paroissent  pas  souffrir  beaucoup  ;  car  on  n'en  tlécvuvre  aucun  effet 
à  quelques  pieds  de  l'ouverture.  Il  nous  semble  que  celte  description 
convient  par^tement  k  ce  que  Sénèque  rapporte  du  canton  Hfphastion 
eu  I^cte ,  lequel  ne  peut  é'ire  que  cdùi  où  le  phénomène  existe  encore. 
In  Lycia  tegh  mtissima  est,  Htpkasfion  incola  vacant,  perfiretum  pluri' 
tùs  hcis  Solum,  quod  sine  uUo  nascentium  damno  ignis  inaoxius  circuit  t 
lata  ita^ae  regto  est,  tt  htriida  nilflammis  ffdurmtibus  &e.  (  r  ).  Ces  fèhx 
sont  k  environ  trois  lieues  «a  sud  de  l'ancièmie  Pkasélh:  On  ne  peut 
donc  douter  que  ce  ne  soient  les  mêmes  que  Ciésias  place  près  de 
'Pkasilis,  dans  la  montagne  (a).  Toute  cette  contrée  a  été  travaillée 
par  les  volcans, 

A  cinq  milles  au  nord  d'Olympus,  il  y  a  quelques  ties  inhabitées', 
appelées  par  les  Grecs  et  les  Turcs  les  trois  Iles,  peut-être  les  Cyprice 
de  Pline  [3).  Vis-à-vis  s'élév'e  fa  grande  montagne  de  Taktala,  haute 
de  7800  pieds  anglais. [234^  mètres],  au  pied  de  laquelle  sont  les 
ruines  de  Phasilis,  dont  le  capitaine  Beaufbrt  donne  un  joli  plan  :  cette 
viUe  occupe  une  presqu'île ,  jnnte  au  continent  par  un  isthme  assez  bas , 
dont  une  partie  est  occupée  par  un  marais  qui  étoit  autrefois  un  lac , 
dont  farle  Strabon.  On  distingue  encore  très-bien  l'emplacement  de 
■es  trois  ports.  Les  ruines  sont, considérables  soties  consistent  en  un 
aqueduc  de  construction  romaine;  en  un  théâtre  d'une  époque  plus 
ancienne,  dont  le  diamètre  est  de  1  ;o  pieds  anglais  [4;  mètres  9];  en 
une  avenue  de  4oo  pieds-«nglais  [  lai  mètres  87}  dé  long  sur  30 
['9  mètres  1  ]  de  large,  garnie  de  sièges  en  marbre  des  deux  côtés, «t 
qui  sembleroit  avoir  été  On  stade;  mais  la  mesure  de  121"  8  est  trop 
courte.  On  trouve  en  outre  beaucoup  de  sarcophages  tous  ouverts,  ï 
l'exception  d'un  seul,  que  le  capitaine  fieaufort  fît  ouvrir,  mais  où  il  ne 
trouva  qu'un  squelette.  II  copia  un  grand  nombre  d'inscriptions  grecques 


MAI  1819.  x6j 

«>  afin  qu'on  pût  après  nous  les  retrouver  intactes.  »  II  serolt  à  désirer 
que  tous  les  voyageurs  eussent  imité  ce  procédé. 

Après  avoir  fait  une  observation  astronomique  dans  une  petite  île ,  a^ 
pied  du  mont  Climax,  le  capitaine  Beaufo>t  quitta  la  station  pour 
examiner  quelques  points  de  la  côte  de  Carie,  dont  son  ouvrage  contient 
une  carte,  embrassant  aussi  la  pointe  est  de  Tîle  de  Cqs,  avec  des  plan$ 
des  vifles  de  Cos,  d*HaIicarnasse  et  de  Cnide.  Le  plan  de  cette  dernière 
est  assez  détaillé.  Pçu  de  villes  offrent  des  vestiges  plus  imposans  d'unn 
antique  magnificence  ;  mais  le  capitaine  Beaufbrt  ne  put  les  examiner 
en  détail.  Au  reste,  le  plan  s'accorde  fort  bien  avec  le  texte  de  Strabon, 
On  retrouve  les  deux  ports  dont  parle  cet  auteur  i  Tîle ,  en  face ,  jointe 
au  continent,  a  environ  4500  pieds  anglais  de  tour  ;  selon  Strabon,  elle 
avoît  sept  stades  [  1 276  mètres] ,  qui  font  ^zoo  pieds  anglais.  Halicar- 
nasse,  k  présent  Bodroun,  conserve  des  vestiges  d'un  tfiéâtre,  tx 
beaucoup  de  débris  d'antiquités  ;  mais  il  est  impossible  d'apercevoir  la 
moindre  trace  du  fameux  mausolée.  M.  Beaufort  soupçonne  qu'il  étoit 
placé  sur  la  hauteur  qu'occupe  le  château  de  Bodroun  ;  il  se  fonde  sur 
ce  que  les  murailles  de  ce  cl^teau  contiennent  de  nombreux  fragmens 
de  sculptures  antiques ,  parmi  lesquels  on  distingue  des  processions 
fiinèbres  qui  ont  pu  faire,  partie  de  la  décoration  du  monument.  Cette 
opinion  est  contraire  au  texte  de  Vitruve ,  qui  place  le  mausolée  au  bas 
de  la  citadelle ,  et  non  loin  du  port  (  i  ). 

Au  printemps  de  i  8 1  2 ,  le  capitaine  Beaufort  reprit^ le  cours  de  ses 
opérations  sur  la  côte  de  Caramanie,  à  partir  du  point  ou  il  lesavoit 
laissées,  c'est-à-dire,  du  mont  Climax.  Cette  montagne  est  séparée  de 
la  mer,  comme  le  disent  les  anciens,  par  une  berge  étroite,  que  les 
flots  recouvrent  lorsque  les  vents  du  nord  soufflent  avec  violence. 
On  sait  qu'Alexandre,  qui  s'étoit  engagé  dans  ce  passage,  eut  peine 
à  s'en  tirer:  son  armée  eut  dé  l'eau  jusqu'à  la  ceinture  (2).  C'est  ui\peu 
plus  loin,  dans»  le  fond  du  golfe,  qu'est  située  la  ville  d'Adalia,  ou 
Satalieh ,  qui  s'élève  m  amphithéâtre  :  là  population  n'excède  pas  huit 
mille  âmes ,  dont  les  aeux  tiers  Mahométans  ;  le  reste  est  Grec.  «  Ces 
»  Grecs,  dit  4e  capitaine  Beaufort,  ne  parlent  d'autre  langue  que  le 
^>  turc ,  et  même  leurs  prières  sont  traduites  dans  cette  langue  ;  toutefois 
»  les  papas  récitent  en  grec  la  partie  principale  de  la  liturgie;  mais  le 
5»  plus  grand  nombre  n'y  comprend  rien.  A  Philadelphie,  Chandier  a 
i>  observé  un  fait  analogue  (3).  On  en  trouve  d'autres  exemples  dans 

(1)  Vitnjv.  Archit,  ji,  8,  J.  it,  ed,  Schtmd.  —  (2)  Stiab.  XIV,  p.  666.  De 
*  Plutarch.  in  AUxandr,  J,  77,  —  (3)  Chandier,  Voyage  dans  l'Asie  mineure,  ifc. 
'  tom.  Il,  p,  i  60» 

lI  a 


atffl  JOURNAL  t)ES   SAVANS, 

y  quelqoes parties  de  rintérieur,  où  la  population. grecque  est  très-fotlile, 
M  par  rapport  à  celle  des  Turcs.  Un  fait  contraire  et  plus  singulier  encore 
»  existe  à  Scaia-Nova»  port  de  mer  considérable  près  d'£phèse;  peu  de 
»  Tares  y  parfent  leur  Rtngue  couramment;  mime  le»  aghas  et  lés 
«jinissarrea  s'expriment  '  et  conversent  en  grec, «et  se  font  très-mal 
3>  entendre  k  nos  interprètes  turcs.  »  AdaKa  contient  quelques  restes  d'an- 
tiquité, et,  antre  autres,  quatre  colonnes  d'ordre  corinihten ,  enclavées 
dans  les  murs  de  la  ville.  Sur  la  frise  se  lit  une  inscription  très-fruste  qui 
fixe  la  date  du  monument  au  règne  d'Adrien.  L'opinipn  de  d'Anville,  qui 
mttAHatitt  sur  remplacement  d'O/^'d,  est  partagée  par  le  capitaine  Beau- 
Ibrt,  bien  que  h  ressemblance  des  noms  ait  conduit  plusieurs  géographes 
à  y  voir  l'ancienne  Anafea.  La  seule  difficulté  consiste  à  retrouver  ie  fleuve 
Catarrhactes ,  qui,  selon  Strabon,  se  précipîtoit  avec  fracas  dans  la  mer, 
du  haut  d'une  roche;  car,  auprès  d'Adalia,  on  n«  trouve  que  plusieurs 
petites  rivières  qui  vont  se  rendre  sans  bruit  k  la  mer  :  mois  peut-être 
que  ces  rivières  étoient,  jadis,  réunies  en  un  seul  courant ,  dont  l'embour 
chure  a  été  changée.  «  L'eau  de  ces  courans,  dit  k  cette  occasion  le 
»  capitaine  Beaufort,  est  si  fortement  iinj^gnée  de  particules  calcaires, 
«qu'elle  ne  peut  servir  de  boisson  aux  hommes  ni  aux  animaux.  Près  de 
»  quelques  moulins,  nous  observâmes  de  gros  morceaux  de  stalactites  et 
wdes  pétrifications.  Maintenant  la  large  et  haute  plaine  qui  s'étend  à 
M  l'est  de  la  ville  se  termine  en  liilaises  escarpées  )e  long  delà  côte  :  ces 
»  Glaises  ont  loo  pieds  de  haut,  et  surplombent  sur  la  mer,  comme  si 
M  l'eau  des  courans  avoit  continuellement  coulé  par  dessus,  et  déposé 
»  sans  cesse  de  nouveaux  sédiincns.  Il  n'est  don^pas  ïmpossiMe  que 
»  cette  accumulation  graduelle  ait  arrêté  le  cours  du  Catarrhactes,  qui 
»  fomïoit  jadis  ime  belle  cascade,  et  l'ait  forcé  de  se  diviser  en  plusieurs 
»  canaux.  » 

Les  ruines  iSAitaha  sont  Ji  cinq  milles  à  l'est,  dans  fendroit  appelé 


MAI   1815).  2^9 

3»  gieusement  changé  depuis  les  temps  anciens.  Pomponius  Mêla   et 
»  Srrabon  nous  représentent  le  Cestreus  et  VEurymidon  comme  navigables; 
^  quant  à  YEurymidon ,  on  sait  que  Cimon  remporta  une  victoire  navale 
»  dans  cette  rivière.  »  Que  ces  deux  rivières  aient  été  jadis  navigables 
jusqu'à  la  distance  de  60  stades  [  3  lieues  ] ,  comme  le  dit  Strabon,  cela 
n'a  rien  d'étcmnant  »  ce  nous  semble,  d'après  le  volume  d'eiii'et  la  largeur 
que  Je  capitaine  Beatufort  leur  a  trouvés;  d'ailleurs,  il  les  a  remontés  lui- 
même;  et,  quant  à  la  bataille  de  TEurymédon,  il  n'est  pas  dit  qu'elle  se 
loit  donnée  dans  l'Eurymédon  même  :  Thucydide  se  sert  des  expressions» 
\7r  Bifv(4âJhrn  r«u;fc*;^i«t  j(5^  m^OfjMXia  (  1  ) ,  ce  qui  doit  s'entendre  du  voisi- 
nage de  l'Eurymédon;  dans  Plutarque,  il  y  a  «1^  w  EùfviûJhvni  (2) ,  ce 
qui  seroit  encore  plus  positif;  les  mots  \ç  EÙfvfJtiJhila,  Iffii^etf  de  Xéno- 
phon  (3)  et  de  Diodore  de  Sicile  (4) ,  et  ceux  de  ad Eurymtdontem  fiuvium 
ûppulsâ  classe  de  Tite-Live  (  5  ) ,  ou  bien  apud  Eurymeduntem  de  Pomf>o- 
nius  Mêla  (6) ,  n'ont  sans  doute  pas  d'autre  sens.  Ainsi  »  il  n'est  point  néces- 
saire de  supposer  tantdechangemenssur  cette  côte  depuis  les  temps  anciens, 
A  partir. du  mont  CUmaXi  la  côte  cesse  d'être  escarpée;  elle  forme 
une  plage  en  quelques  endroits  marécageux.  Aundelà  de  FEurymédon, 
se  trouve  un  amas  considérable  de  ruines  appelées  Esky  Adalia,  ou  la 
TÎeilIe  Attulea:  depuis   long-temps  d'Anville  avoit  deviné  qu'en  cet 
endroit  devoit  avoir  été  située  fa  célèbre  ville  de  Sidé,  opinion  généra- 
lement adoptée  (7),  confirmée  par  un  voyageur  moderne  (8) ,  et  mise 
hors  de  doute  par  le  capitaine  Beaufort,  qui  y  a  trouvé  une  foule 
d'inscriptions  portant  le  nom  de  21A.H  et  2:iûhtai.  Elle  occupe  une 
péninsule  basse.  La  ville  proprement  dite,  sans  les  faubourgs,  avoit 
j  300  yards  [  1  1 88  mètres]  de  long  :  elle  étoit  entourée  de  murs;  ceux 
du  côté  de  la  mer  ont  été  bâjtis  peu  solidement;  mais,  du  côté  de  terre» 
ils  étoient  extrêmement  forts  :  leur  hauteur  est  de  }8  pieds  [  1 1  mètres  5  ]  ; 
ils  avoient  deux  galeries  intérieures,  et  éxoient  pourvus  de  meurtrières,  et 
flanqués  de  tours  de  200  pieds  en  200  pieds  [  60   mètres  9  en  60 
mètres  9].  On  retrouve  les  restes  des  principales  portes,  de  VAi^ora  ou 
place  publique  y  d'un  temple,  d'un  portique,  d'un  aqueduc;  mais  c^ 
qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  c'est  le  théâtre,  le  plus  grand,  le  mieux 
conservé  qui  existe  dans  toute  l'Asie  mineure  :  le  capitaine  Beaufort  en 


(i)  Thncyd.  /,  J.    00  :  de  même  dans  Pausanîas,  X ,  c.  /j. 

(2)  Phitarch.  in  Cimon,  J.  /2.  —  (3)  Xcnoiph.  Helleiu  IV,  S,S'30' 

(4)  Diod.  Sic.  XIV ,  J.  99.  — (5)  Th.  Liv.  XX XVI i ,  S'  2^.  —  (6)  Pomp. 

Mcla ,  /  ^  74 , 2.  — (7)  Gossellin  sur  Strabon  ,t,IV,  2/ pan.  p.J^j.  —  (8)  Journal 

des  Savans,  avril  1817  ,p.  248. 


■   70  JOURNAL  DES  SAVANS, 

a  donné  un  plan  détaillé.  Ce  théâtre  a  !a  forme  d'un  fer  \  chevaT,  étant 
un  segment  de  cercle  de  deux  cent  vingt  degrés:  son  diamèire-extérieur 

,  a  4°?  pieds  anglais  [  124  Vnéires  6  ];  celui  dé  Varea,  tîj  pièdi 
[  }8  mètres  1  ;  la  hauteur  perpeiidiculaire ,  depoij  la. Surface  de  rartiî 
jusqu'au  dernùr  rang  de  sièges ,  esit  de  79  pieds  [  %4  niètres  1  ;  il  coniîeni 
quarame-nfflP^ rangs  de  sièges,  vingt-six  en  bas,  et  viifgt-trois  au- 
dessus  du  dlajoma  ou  large  plate-ftrme,  avec  une  galerie  de  communi-î 
cation  qui  règne  tout  auto\ir.  Les  sièges  sont  de  jparbre  bfanc  et 
admirablement  travaillés;  ils  ont  16  pouces  -y  de  profondeur  et  J2  -j  dé 
large:  on  trouve  qu'il  devoir  contenir  i  3,370  personnes  assises  à  l'aisci 
et  I  5,240  un  peu  pressées.  Ce  théâtre  est  dans  un  état  paHîiit  de  con* 
servalion  :  peu  de  sièges  ont  été  dérangés  ;  les  escaliers  même  sont  eri 
bon  état.  Il  doit  son  intégrité  à  ce  qu'il  n'y  a  point  de  villes  dans  les 
environs. 

Un  peu  au-deft  de  SUé,  on  rencontre  l'embouchure  d'une  rivière 
appelée  Mdnaygat,  qui  est  le  MUas  de  Strabon  ;  puis  le  cap  Kara- 
boumou,  où  sont  des  restes  de  murailles;  puis  un  au^re  ctp,  oiiTon 
trouve  beaucoup  de  ruines  d'édifices  antiques,  et  quelques  restes  delà 
construction  dits'cyclopécnne  :  cet  emplacement  pourroît  iépondre  âil 
lieu  nommé  par  Strabon  Ptolemais,  le  jeul  qu'il  place  entrt  fe  fleuve 
et  les  limites  de  la  Ciiicie. 

Ces  lirnites  étoient  marquées  par  le  rocher  et  le  fort  de  Coracts'ium, 
maintenant  Alaya ,  séparés  du  continent  pr  un  isthme  sablonneux  :  c'est 
un  lieu  fort  misérable,  mais  dans  une  position  très-pittoresque.  Une 
excursion  autour  de  la  montagne  de  Coracts'ium  fît  découvrir  des  vestiges 
cfantïquitès,  et)  entre  autres ,  des  restes  de  coiutructionscyclopéennes.  A 
deux  milles  au  nord-ouest,  sont  les  ruines  d'une  ancienne  ville  entourée 
de  murs  dont  la  plupart  sont  cyclopéens  ;  on  y  trouve  aussi  beaucoup 
d'inscriptions  grecques.  Le  capitaine  Beaufbrt  croit  que  c'est  Zdfrfrj,dont 


MAI  1819.  271 

maïs  le  premier  nom  ne  tarda  pas  à  reparokre«  puisque  Ptolémée  (1)  » 
Basite  de  Séleucie  (i)f  Hieroclès  (3),  le  Chroniçgn  Paschale  (4),  les 
Chroniques  ecclésiastiques,  se  taisent  sur  le  nom  de  Trajanopolis ^  et. 
n'appellent  cette  ville  que  i5r7/n(?;2/r,  capitale  du  cznion  Sélentis ,  nom 
conservé  presque  sans  altération  dans  Silinty.  II  y  existe  beaucoup 
d'inscriptions,  tant  latines  que  grecques  ;  une»  entre  autres ,  sur  laquelle  «e 
lit  le  mot  2EAIN0TN  (pour  XiXirovi^»!'),  Notre  voyageur  pense  qu'un 
des  édifices  dont  on  voit  l^s  ruines  à  $élinty ,  pourroit  bien  avoir  été  le 
tombeau  de  Trajan.  Les  autres  antiquités  consistent  dans  un  théâtre,  des 
bains ,  un  long  aqueduc  soutenu  sur  des  arcades. 

Dans. un  second  article,  nous  achèverons  l'analyse  de  ce  Voyage ^  si 
intéressant  sous  le  double  rapport  de  la  géographie  et  de  l'histoire. 

LETRONNE. 


De  l'Industrie  française  ,  par  M.  le  Comte  Ch'aptal , 
ancien  Ministre  de  l'intérieur,  membre  de  l'académie  royale  des 
sciences  de  ï Institut ,  grand  oficier  de  la  Légion  d'honneur, 
chevalier  de  l'ordre  royal  de  Saint-Michel ,  &c.  &c.  &c.  2  voî. 
in-S/  A  Paris,,  chez  Antoine-Augustin  Renouard,  rue 
Saint-André-des-Arcs ,  n."*  55;  année  i8ip. 

SECOND    VOLUME. 

On  a  pu  voir;  dans  notre  précédent  extrait,  à  quel  point  Fagricultm^ 
française  avoit  fait  des  progrès;  ceux  de  l'industrie  manufacturière  ont 
aussi  été  considérables.  M.  Chaptal  croit  cependant  que  l'avantage  reste 
à  la  première,  et  il  en  donne  des  raisons  qui  paroissent  très-plausibles. 
Il  y  a  lieu  de  croire  qu'elle  ne  s'arrêtera  pas  où  elle  est  parvenue ,  et  que, 
continuant  sa  marche  rapide,  elle  atteindra  le  but  qu'elle  doit  avoir  en  vue, 
celui  d#ccroître  nos  productions  territoriales  autant  qu*il  sera  possible. 

On  n'obtient  presque  rien  dans  les  arts  sans  des  moyens  mécaniques 
ou  chimiques  ;  de  là,  leur  division  en  deux  classes ,  adoptée  par  M.  Chaptaf, 
qui  en  fait  l'objet  de  la  troisième  partie  de  son  ouvrage. 

Ily  à  trente-ans ,  la  filature  du  coton  par  mécanique  n'étoit  pas  pratiquée 

• '     ■  .  ~ 

(1)  Ptolem.  Ceogr.  v.  8,p,  12$»  — '(2)  Basil.  Seleuc.  in  Vita  S,  ThecL  p,  2^1, 
2p2,  cité  par  Wesseiing,  ad  HieracL  p. ^op.  —  (3)  Syneccfem.  p^yog,  —  (4)  Chro- 
mcon  paschale,  p,  2jjj  C.  Le  texte  est  corrompu  :  £9  StAimn  7f  %éh4  rit 
^KtvnuLç^  lisez  KiA^KMCf. 


37» 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


en  France,  encore  moins  celle  du  chanvre  et  du  lin.  Les  cotons  qu'on 
emplo^oit  dans  nos  Criques  étoient  fîlés  au  rouet  ou  k  ta  main  dans  les 
campagnes,  et  sur-tout  dans  les  pays  de  montagnes ,  oiiles  ouvriers 
coûtent  peu  :  une  grande  partie  des  Bis  étoit  importée  de  Suisse ,  d'Angle- 
terre et  des  échelles  du  Levant.  E>epuis  cette  époque,  il  s'est  fermé 
beaucoup  d'éiabfissemens  où'Ies  mécaniques  les  plus  parfaites,  dites 
mull^jen/iys  et  continues,  ont  été  introduites;  ils  fournissent  à  tous  nos 
besoins,  si  l'on  en  excepte  une  petite  quantité  de  fil  très-fin,  qui  vient  en 
fraude  et  qui  alimente  nos  belles  &briques  de  Tarare  et  de  Saint- 
Quentin. 

'  Celte  multiplication  des  madiines  pour  filer  le  coton  et  en  fabriquer 
des  tissus  en  Europe,  a  fait  chapger  de  nature  le  commerce  de  l'Inde, 
d'où  Ton  împortoit  toutes  ,ces  toiles.  Pour  occuper  les  bras  qui  y 
étoient  employés ,  le  gouvernement  anglais  les  a  appliqués  ii  la  culture 
de  la  canne  à  sucre  et  à  d'autres  objets  que  fbumissoient  les  iles  d'Amé- 
rique. La  suppression  de  là  traite  des  noiii,  qu'à  la-  vérité- f humanité 
commandoit  et  auroit  tôt  ou  tard  obtenue ,  et  qui  a  été  pressée  par  la 
poUtique  profonde  et  prévoyante  d'une  nation 'puissante ,  &c(litêia 
beaucoup  le  moyen  de  propager  celte  industrie  dans  l'fnde. 

On  éprouva  en  France  beaucoup  de  contrariétés,  qui  auroient  dA 
anéantir  les  efforts  qu'on  faisoit  pour  introduire  parmi  nous  ces  filatures  ; 
et  u  Ton  ne  p^tft ,  dit  M.  ChapuI ,  qu'être  fr^pé  d'étônnemept  iQrs- 
»  qu'au  milieu  de  tous  ces  obstacles  multipliés,  on  a  vu  cette  industrie 
»  s'établir,  s'étendre  et  se  perfectionner.  Il  faut  convenir  que  ce  n'est  pas 
»  l!i  un  des  moindres  prodiges  ;  il  honore  autant  Ip  -caractère  français 
V  que  les  victoires  qui  ont  illustré  nos  armées  ;  il  le  venge  de  cette 
«réputation  de  légèreté  .dont  on  a  essayé  de  le  noircir  à  diverses 
<*  époques.  II  seroit  difficile  de  trouver  une  nation  qui ,  dans  des  drcons- 


'  ■        MAI  r8r<j.  27Ï 

employés  ;  aujourd'hui  que  le  travail  est  décuplé  par  les  machines ,  Péien- 
due  de  l'industrie  d'un  pays  est  en  raison  de  leur  nombre ,  et  non  de  la 
population. 

On  a  craint  et  l'on  craint  encore,  dans  quelques  pays,  que  l'emploi  des 
machines  n'enlève  le  travail  à  une  grande  partie  des  ouvriers  de  fabrique. 
«  La  même  chose  est  arrivée,  dit  M.  Chapial,  lorsqu'on  a  découvert  fa 
j»  chimie  et  l'imprimerie.  »  Il  pense ,  et  les  gens  qui  réfléchissent 
pensent  comme  lui,  «que  les  machines,  en  diminuant  le  prix  de  la  main- 
»  d'oeuvre,  font  baisser  celui  du  produit,  et  que  la  consomtnation  aug- 
»  mente  par  le  bas  prix  dans  une  progresiion  plus  forte  que  celle  de  fa 
»  diminution  des  bras  :  d'ailleurs,  en  augmentant  les  produits,  on  donne 
M  lieu  à  un  plus  grand  nombre  de  travaux  de  détail,  qui  exigent  de  la 
»  main-d'œuvre  et  emploient  plus  de  bras  qu'on  ne  pourroit  le  faire  par 
XI  une  fabrication  sans  mécaniques ,  qui  seroit  forcément  moins  étendue. 
»  :=  If  n'est  pas  au  pouvoir  d'une  nation  qui  veut  avoir  une  industrie 
»  manufacturière ,  de  ne  pas  adopter  les  machines  dont  on  se  sert  ailleurs  : 
*>  elle  ne  pourroit  ni  faire  aussi  bien ,  ni  vendre  au  même  prix ,  et ,  dès- 
»  lors ,  elle  perdroit  sa  fabrication  ;  c'est  donc  aujourd'hui  un  devoir  de 
ïî  les  employer,  et  l'avantage  reste  à  celui  qui  a  les  meilleures.  »  Nous 
somihes  loin  d'en  avoir  cette  profusion  qu'on  en  voit  en  Angleterre; 
mais  nous  en  avons  moins  besoin,  parce  que  la  main  de  l'ouvrier  chez 
,  nous  est  moins  chère ,  et  parce  que  les  Anglais  ,  ayant  du  charbon 
'  de  terre  en  atwndance  et  à  bon  marché ,  peuvent  employer  plus  de 
pompes  à  feu. 

La  chimie,  plus  tardivement  appliquée  aux  arts  que  la  mécanique,  a 
singulièrement  amélioré  notre  industrie.  M.  Chaptal  étoit  bien  celui  qui 
pouvoit  le  mieux  faire  connoître  quelle  influence  elle  a  eue  sur  la  pros- 
périté de  nos  fabriques,  s'étant  livré  à  cette  science  dans  l'intention  de 
ia  servir.  Après  avoir  rendu  une  sorte  d'hommage  à  l'école  polytech- 
nique ,  cette  belle  institution  créée  au  milieu  des  tourmentes  de  la 
révolution,  elle  qui  a  fourni  et  qui  fournit  tous  les  jours  des  hommes 
supérieurs  pour  tous  les  services  publics ,  elle  que  les  étrangers,  économes 
de  louanges  envers  nous,  ont  admirée  et  que  plusieurs  copient;  après 
avoir  aussi  fait  un  éloge  mérité  de  la  société  d'encouragement ,  orgaJiisée 
pendant  son  ministère,  et  dans  laquelle  se  trouvent  réunis  des  hommes 
instruits  et  des  artistes  habiles,  qui  examinent  les  inventions  nouvelles, 
donnent  de  bons  conseils  et  accordent  des  encouragemens,  à  l'aide  des 
fonds  qu'ils  puisent  dans  leur  propre  bienfaisance;  il  passe  en  revue  les 
différens  arts  avec  assez  de  rapidité  pour  ne  pas  fatiguer  le  lecteur,  et 
cependant  d'une  manière  assez  étendue  pour  leur  conserver  tout  leur 

M  m 


•74 


JOURNAL  DES  JAVANS, 


intérêt;  il  fait  sentir  ce  que  les  arts  ontgigTtépai*  eHe\«til]Ffronve  qiié 
lés  sciences,  loin  d'être  dédaignées'dansiin^Éuf  ^neiauroierit  y^tte'trop 
accueillies,  quand  elles  sont  dirigées  vers  l'utilîté  commune.  L'àiiteur 
pàrta^  ce  qu'il  doit  dire  de  fitifluence  des  arts  chimi^es,'ëh  'tK)is 
classes ,  d'après  les  troh  règnes  de  fa  nature  qui  ont  fourni  fés  '  ttMdères 
premières.  Nous  ne  le  suivrons  pas  dans  f exposé  qu'il  fait  dfe  FéUt 
actuel'de  notre  indostrie  maiiuftcturière;il'ti4ite chaque  bb|et  dansntt 
article  séparé,  comme  il  a  fait  préoédemnienf  à  Tégarddu  cotiimerce  et 
de  Tagnculture,  et  il  tire  les  conséquences  qikev6ici: 
.  «Les  produits  de-l'industrie  manufacturière  représehtént  viieWeur 
3»  CoAitnerciale  de  i  ,820, 1 02,409  'fi*. 

»  Cette  valeur  se  tomposfe,  t.* d'environ  4^16  millions  en  matièm 
^premières  indigènes; 

j»  2.'  De  I  86  millions  en  matières  premières  exotiques; 
M  3.*  De  844  millions  de  main-d'teavre  ; 

»  i.'  De  i^  millions  de  dépenses  générales,  telles  qiAisé  d'outils. 
»  réparation ,  chaufl^ge ,  éclairage  ;  intérêt  dfc  la  première  inisé  de  fonds 
»  pour  constructions,  achftts  de  métiers,  &e. 

»  ;."  De  i8a,00'$,2ii  fr.  pour  bénéfices  du  fiBrijcant. 
n  Ed  retranchant  du  produit  total  4  <  ^  millions  que  Tindustrie  manu- 
»&cturière  emprunte  i  PagricUlture  en  matières  premières,  il  restera 
»  i,4o4f  102,409  francs,  qui  r^résentent  les  frais  de  fabrication  de 
.»  tout  genre,  la  main-dTAcuvre,  la  videur  des  matières  ittiportées  et 
w  les  bénéfices  du  manufacturier.  » 

11  s'agit,  dans  la  quatrième  et  dernière  partie,  definfluence  du  gouver- 
.nementsurriadustrie:  oa n'a  pas  de  peine  à  croire  qu'il  en  à  beaucoup; 
mais  eh  quoi  elle  consiste ,  c'est  ce  que  M.  Chaptal  développe.  Tous  les 
gouvememens  sont  maintenant  persuadés  que  l'agricultuiie,  le  commerce 
et  les  arts,  sont  fa  force  et  ta  richesse  d'une  nation  :  mws  rtlane  suffit 


MAI  i8[0. 


ifS 


bornerifaciliierlesapprovisionnemensjà  garantir  la  propriélé,  k ouvrir 
dés  débouchés  et  à  laisser  la  plus  grande  liberté.  Presque  tous  les  cha~ 
pitres  de  l'ouvrage  de  M.  Chapial  servent  de  développement  à  ces 
principes  généraux. 

Inutilement  le  gouvernement  prolégeroit  les  fabriques  par  des  lois  de 
surveillance  plutôt  que  par  des  lois  de  contrainte,  si  ceux  qui  en  sont 
propriétaires  ne  se  conduisoieni  pas  de  manière  à  pouvoir  réussir.  La 
première  chose,  celle  qui  est  la  plus  importante ,  et  sur  laquelle  M.  Chap- 
ial insiste,  est  la  bonne  foi.  On  a  toujours  dit  qu'elle  étoit  i'ame  du 
commerce:  elle  doit  se  trouver  encore  pius  parmi  (es  manufacturiers: 
s'ils  trompoient  les  étrangers,  ils  ne  nuiroieot  pas  seulement  à  eux- 
mêmes,  mais  feroient  tort  k  toute  leur  nation.  On  en  a  eu  plusieurs 
exemples  dans  nos  relations  avec  les  Américains  et  les  Levantins.  Autre- 
fois le  Gâtinois  vendoit  h  l'Allemagne  beaucoup  de  safran  ;  mais  l'expor- 
tation a  diminué ,  parce  que ,  dans  les  envois,  on  a  mêlé  des  étamines  aur 
pistils,  pour  augmenter  le  poids.  La  cotifiance  une  fois  perdue  revient 
difficilement. 

Le  fabricant ,  s'il  veut  avoir  des  succès ,  doit  se  conformer  au  goût  et 
aux  besoins  de  tous  les  peuples  et  aux  prix  comparés  des  objets  de 
consommation,  maintenir  sa  fabrication  au  niveau  des  connoissances 
acquises,  diriger  tous  ses  efforts  vers  (es  moyens  d'améliorer  et  de 
perfectionner  ses  produits,  apporter  de  l'économie  dans  ses  travaux, 
simplilier  ses  procédés ,  choisir  les  emplacemens  convenables  et  les  pays 
oîi  se  rencontrent  le  bas  prix  de  la  main-d'œuvre,  la  facilité  d'avoir  dés 
combustibles,  de  faire  des  appro vision nemens  et  de  débiter  ses  marchan- 
dises; il  làut  sur-tout,  et  M.  Chapial  a  bien  raison  de  le  recommander,  , 
qu'il  n'ait  pas  la  manie  des  constructions ,  capable  d'enlever  des  capitaux 
et  de  ruiner  des  établissemens,  souvent  à  peine  formés,  quelquefois 
même  avant  qu'ils  aient  donné  des  produits.  Un  genre  de  luxe  seul  est 
permis,  c'est  celui  des  améliorations;  ajoutez  à  cela  la  bonne  adminis- 
tration et  la  police  des  ateliers. 

En  lisant  le  chapitre  sur  les  traités  da  commerce ,  on  voit  qu'ils  ne 
sont  nécessaires  que  quand  deux  nations  ont  besoin  de  se  lier  pourdw 
échanges  de  denrées  que  l'une  d'elles  ne  pourroit  se  procurer  autrement^ 
Le  plus  ordiniireinent  ces  traités  ont  montré  de  grands  inconvéniens  : 
d'abord  ils  provoquent  des  représailles  de  la  part  des  autres  nations  qui 
ne  participent  pas  aux  inémes-avantagtWï  St-i'on  stipule  la  concurrence 
dans  sa  consommation  entre  les  produits  de  son  industrie  et  ceux  d'une 
autre  industrie  plus  parfaite,  on  appelle  la  défaveur  sur  les  siens,  on 
décourage  l'entrepreneur  .oniicrifie  la  richesse  de  la  main-d'œuvre ,  et  l'on 

Mm  1 


37*  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

te  consuiue  tributaire  de  m  rivale.  Les  cbsngeinens  ^i  arrrroil  dans  rin- 
diuirie»  font  naître  de  nouTeauz  intér6ti ,  qui  s<»vent  ne  peuvent  «'allier 
avec  let  condition*  du  traité;  souvent  Tune  des  parties,  s'apercevant 
qu'elle  est  lésée,  clierdie  il  éluder  Texécution;  de  &,  des  querelles, 
une  rupture,  la  guerre.  Un  traité  entre  deux  puissances  inégales  est 
iiB  asservissement  pour  la  plus  foible.  Lorsqu'un  traité  repose  sur  le 
commerce  des  prodoits  de  findustrie  d'un  pays  contre  les  producrions  , 
territoriales  d'un  autre,  dès-lors  il  y  a  lésion  pour  ce  dernier,  parce  que 
Iff  premier  s'est  déjii  approprié  une  main-d'œuvre  qui  quadruple  la  valeur 
des  objets  donnés -par  lui;  il  a  donc  dé^  enrichi  sa  population  :  il  en 
résulte  que  les  traités  ont  toujours  été  favorables  aux  nations  mami- 
facmriéresi  &c. 

Dans  un  chapitre,  M.  Chaptal  fut  des  obsemtïont  également  judi- 
cieuses sur  les  régfemens  de  fabrication ,  dont  il  fiût  connoftre  les  grands 
inconvéniens :  dans  un  autre,  il  rapporte  sur  le  même  sujet  les  opinions 
des  manufacturiers;  la  partie  édaliée  d'entre  'eux  n'en  voudroit  pas: 
d'autres  chapitres  sont  consacrés  &  ce  qui  concerne  Tapprentissage,  te 
compagnonage,  les  maîtrises,  les  corponâotu;  par-tôut  il  proscrit  les 
gènes ,  il  se  montre  ennemi  de  ce  qui  peut  étouffer  et  arrêter  le  calcul, 
l'émulation  et  le  perfectionnement.  Quant  i  la  police  des  ateliers  et  à  la 
iégblatîon  de  findustrie,  il  n'y  trouve  rien  &  clianger;  elles  ont  été 
établies  depuis  peu  et  arec  sagesse.  II  y  a  sans  doute  des  cas  ob  le 
gouvemementdoitdonnerauconsommateurdes  garanties  pour  quelques 
produits  d%iduitrie;  M.  Chaptal  spécifie  ces  cas t  par  exemple,  lorsqu'il 
a'agit  du  titre  de  l'or  et  de  Fargent,  de  la  solidité  d'une  teinture  &&» 
parce  qu'on  pourroit  impunément  et  &cilemenl  tromper  le  consomma- 
teur, qui  ne  peut  s'y  coimoître. 

L'ouvrage  enfin  est  terminé  par  des  articles  très-importans,  que  la 
longueur  donnée  à  cet  extrait  ne  nous  permet  pas  de  développer,  savoir , 


MAI   1815; 

Histoire  littéraire  d'Italie,  pnr  P.  L.  Ginguené,  «fc.j  j 
l'Institut  royal  de  France,   Paris  ,  chez  Michaud  ,    1819. 
tomes  VH,  VIIÏ  et  IX,  3  vol.  in-8 ." ,  \'ù] ,  620,  526  et  ' 
500  pag.  Prix,  2  1  fr. 

Un  cours  de  Iitiéra.tiJre  italienne,  commencé  h  l'Aihénée  de  I*àrîs,'     < 
en  1802,  a  donné  naissance  h  cet  ouvrage,  doiil  les  six 


.  I 


premiers  VO' 
lûmes  ont  paru  en  1811,  1812  et  1  8  1  j.  L'Histoire  Hitéraire,  depuis 
•'époque  où  Bacon  en  marquoit  ia  place  encore  vide  dans  le  tal.leau 
les  connoissances  humaines,  a  été  le  sujet  d'un  grand  nomljre  de  livres  ' 
jui  différent  entre  eux  par  {a  dislributioii  et  le  tlioix  des  matières,  au-  ' 
tant  que  par  les  formes  du  style.  Quelquefois,  après  des  considérations 
générales  sur  l'éiat  et  Je  progrès  des  lettres  en  chaque  siétle,  on  s'eti  ' 
astreint,  pour  les  détails,  pour  les  notices  particulières,  h  l'ordre  pure-  ' 
ment  chronologique  ;  tous  les  écrivains  qu'on  avoit  h  faire  connoître  ont 
été  réunis ,  quel  que  fût  leur  genre ,  dans  une  seule  et  même  sçrie ,  selon  * 
les  dates  connues  ou  présumées  de  leurs  travaux.  Souvent,  au  contraire, 
ceux  d'un  même  siècle  ou  d'une  même  période  ont  été  immédiatement 
divisés  en  plusieurs  classes ,  sous  les  titres  de  théologie  ,  jurispru- 
dence, médecine,  sciences  et  belles-lettres  :  c'est  la  méthode  qu'à 
l'exemple  deTiraboschi,a  sui\ie  M.  Gin ;;uené.  Mais  Tiraboschi.  malgré 
l'étendue  de  son  histoire,  n'y  fait  entrer  ordinairement  aucune  analyse, 
aucun  examen  des  productions  dont  il  indique  les  auteurs.  S'il  trans- 
crit les  jugemens  qu'on  en  a  portés,  s'il  y  joint  même  le  sien  propre, 
il  laisse  le  soin  d'en  chercher  les  motifs  dans  la  lecture  des  ouvrages ,  et 
ne  commence  point  à  les  lire  avec  nous.  Cette  tâche  est  celle  que 
M.  Ginguené  s'est  principalement  imposée  :  en  resserrant  les  détails 
biographiques  qui  occupent  tant  d'espace  dans  les  volumes  de  Tira- 
boschi,  il  a  fait  sur-tout  l'histoire  des  productions  littéraires,  fe 
tableau  des  essais,  des  écarts,  des  chefs-d'œuvre  de  tous  les  talens;  il 
a  suivi  ou  recherché  les  traces  des  lumières  qu'ils  ont  répandues,  des 
erreurs  qu'ils  ont  propagées,  de  l'influence  qu'ils  ont  eue  sur  les  habi- 
tudes sociales,  II  falloit,  pour  recueillir  de  telles  observations,  et  pour 
les  rendre  sensibles,  un  écrivain  exercé  par  de  longues  études,  dont 
l'esprit  fût  étendu,  le  goût  pur,  le  style  élégant,  flexible  et  précis. 
Car  il  ne  s'agissoit  plus  d'un  simple  rapprochement  de  faits,  de  rela- 
tions et  de  témoignages ,  d'un  travail  enfin  que  la  science  ou  la  patience 
est  toujours  sûre  de  finir,  quand  elle  y  procède  avec  méthode  :  il  fâlloil 
>>enser>  sentir,  ^elguefoi»  peindie,  toujourj  exprimer,  pénétrer  dans 


az8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

la  substance  même  d'une  riche  littérature*  et  donner  à  tes  innales  Tem- 

pretnie  de  son  génie. 

M.  Ginguené,  dans  tes  trois  premieri  volumes,  avoit  conduit  fHis- 
toiie  littéraire  de  Tltalie.  jusqu'à  la  fin  du  xr.'  sièclç.  En  comm^Ktpt 
le  tome  IV ,  il  avoit  divisé  en  trois  parties  le  tableau  du  si^e  de  Léon  X  : 
i."  poésie,  a."  étude  des  sciences  et  des  langues  anciennes,  3.' prose 
italienne,  philosophie,  histoire»  nouvelles,  &c.  Deur  seuls  genres  de 
poésie,  répopée  et  les  poèmes  dramatiques,  ont  suffi  pour  remplir  et  le 
tome  IV  et  les  deux  luirans.  On  s'attendrait  à  trouver  daru  le  VII.*  This- 
toire;des  autres  genres  poétiques;  mais  fauteur  annonce,  dès  les  pre- 
mières pages  de  ce  volume,  qu'il  a  modifié  son  plan  et  jugé  à  propos  de 
placer  plusieurs  articles  de  la  seconde  partie  et  de  la  troisième  avant  ceux 
de  la  première,  qui  lui  restoient  &  traiter.  Nous  oserions  ne  point  partager 
loa  avis  sur  ce  point  ;  cette  transposition  ne  nous  semble  offiir  aucun 
avantage,  et  nous  croyons  qu'en  général  il  y  a  peu  de  profit  à  inler- 
Wtir  f  ordre  naturel  des  parties  «ruti  grand  ouvrage,  «c  En  m'occupant 
7»  plus  long-iemps  de  fictions»  <£t  M.  Ginguené j  de,  jeux  de  Tîmagina- 
»  tion,  et  def  purs  amusemens  de  fcspiit,  j'autoriserais  &  croire  que, 
nilins  ce  grand  ciague  ctntu  l'iulîe  n'eut-^ie  des  poètes;  et  quand  je 
M  voudrais  enfin  reporter  Tattention  sur  des  objets  plus  sérieux^  je  la 
«trouvcroia  prévenue  et  distraite.  L'esprit  du  lecteur  auroît  peine  à 
M  revenir  de  ce  rêve  trop  prolongé  k  des  réalités  moins  bnUantes.  »  Un 
incoftvénient  peul--étTe  plus-  réel  que  celui  dont  l'auteiir  s'est  alarmé, 
dt  de  terminer  une  à  mémorable  histoire.par  un  long  chapitre  sur  des 
soitnets  depuis  long-temps  oubliés.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  a  dA,  en 
publiant  ces  trois  volumes ,  se  conformer  \  la  dernière  disposition  que 
M.  Ginguené  avoit  donnée  aux  chapitres  qui  la  cnnpose^t:  mais  nous 
nous  permettrons  de  suivre,  daJas  le  compte  que  nous  en  devons  rendre, 
l'ordre  que  qous  aurions  prifêfé,  et  npus  commencerons  par  le  tome  IX , 


IvfAI   1819. 


279 

'niîers  qu'il  fait  connoîire.  Le  second  peut  nous  intéresser  d'autant  plus, 
qu'if  a  été  composé  en  Fnince,  où  l'auteur  vivoii  exité,  et  qu'il  con- 
tient deux  cents  beaux  vers  sur  François  I."  et  sur  son  royaume.  Ce- 
'pendant  on  seroit  tenté  de  cioîre  que  ce  poème  est  peu  connu  en 
France,  lorsqu'on  voit  Saint-Lambcit,  Fosseï  et  Delille,  en  des  discours 
préliminaires  sur  la  poésie  géorgîque,  parler  d'Hésiode,  de  Virgile,  de 
Rapîn,  de  Vanière,  même  de  l'Arninte  et  du  Paslor  fido,  qui  tiennent 
fort  peu  k  ce  genre,  et  ne  faire  aucune  mention  de  la  Colthayone  de 
rAIaiiianni.  «Cela  est  surprenant,  dît  iM.  Ginguené;  disons  mèine  que, 
»  lorsqu'il  s'agit  d'un  des  meilleurs  ouvrages  de  la  poésie  moderne ,  écrit 
»  dans  uiie  langue  dont  personne  ne  conteste  la  Iieauté,  que  tout  le 
"  monde  regarde  comme  facile,  que  Ijien  des  gens  se  dispensent  d'ap- 
»  prendre  parce  qu'ils  prétendent  la  savoir,  cela  est  un  peu  honteux,  n 
'Ce  qui  caractérise  ce  poème  d'Alamanni,  et  ceux  de  Bernardino  Baldi 
sur  la  navigation, de  Muzio  sur  l'art  des  vers,  du  Scandianese  eid'Erasmo 
da  Valvasona  sur  la  chasse,  de  Paolo  del  Rosso  sur  la  physique,  &c., 
^'est  qu'ils  sont  réellement  didactiques,  qu'ils  offrent  des  tissus  de  pré- 
ceptes et  de  notions  précises  ;  que  les  épisodes  n'y  éclipsent  pas  le  sujet , 
et  que  les  auteurs  ne  se  bornent  point  à  intituler  du  nom  d'un  art  ou  d'une 
science  un  amas  incohérentdedescriptionseide  récits  disparates.  M.  Gin- 
guené s'est  presque  abstenu  de  toute  application  critique  de  cette  obser- 
vation :  mais  on  voit  bien  qu'il  sentoit  qu'adinellre  un  prétendu  genre 
descriptif,  c'est  dénaturer  ou  éteindre  le  genre  didactique  proprement  dit. 
Parmi  les  satires  italiennes  du  genre  sérieux,  M.  Ginguené  distingue 
celles  de  l'Arioste,  de  l'AJamanni  et  d'ErcoIe  lientivoglîo.  II  ne  néglige 
rien  de  ce  qui  en  peut  faire  sentir  l'originalité  ;  mais  il  nous  semble  qu'à 
l'exception  de  quelques  morceaux  de  l'Arioste,  on  ne  sauroit  retrouver 
dans  aucune  de  ces  satires,  ni  l'énergie  de  Juvénal,  ni  l'ingénieuse 
malice  d'Horace,  ni  l'heureux  mélange  de  ces  deux  caractères,  tel 
qu'on  l'aperçoit  dans  Boileau  et  dans  quelques  satiriques  français  plus 
modernes.  La  prééminence  que  les  Italiens  auroient  ici  à  revendiquer 
n'est  pas  fort  glorieuse;  ils  ont  inventé  la  satire  burlesque,  et  y  ont 
conservé  une  supériorité  qu'on  ne  doit  ni  leur  contester  ni  leur  envier. 
Ceux  qui  les  ont  voulu  imiter  en  ce  genre,  l'ont  à  jamais  désho- 
noré parmi  nous,  en  ajoutant  à  la  trivialité  des  idées  la  grossièreté  des 
expressions,  tandis  qu'en  Italie,  ainsi  que  M.  Ginguené  n'a  point 
manqué  de  l'observer,  la  bouffonnerie  des  pensées  se  concilie  avec 
l'harmonie  du  rhyihme,  la  pureté  du  langage  et  les  grâces  du  style.  Ce 
genre,  créé  au  xv.*  siècle  par  le  Burchiello,  fut  cultivé  au  xvi.*  par 
lé  Bemi,  Giovanni  Mauro,  Giovanni  deila  Casa  ,  Varchi,  Firenzuola, 


2to  JOURNAL  D£S  SAVANS, 

Grazzini  dît  le  Lasca,  l'Arélm»  Simeoni  et  Caporali.  En  France  «  dît 
M.  Ginguené,  une  des  meilleures  sauve-gardes  pour  la  décence  est  da 
f avoir  rendue  de  bon  goût.  Nous  croyons ,  en  elfet ,  qu'un  des  signes 
du  progrès  que  la  dviOsation  a  fait  parmi  nous,  c'est  que  ces  poésieS) 
dont  la  licence  sembloit  si  piquante  aux  Italiens  du  xvi.*  siècle,  ne 
nous  paroissent  plus  que  âstidieuses.  S'il  y  aToit,une  exception  k  faire ,  ce 
seroît  en&veur  de  Caporali ,  qui  t'est  eiforcé  d'appliquer  à  des  sujets  moînr 
ignobles  les  formes  de  la  poésie  burlesque.  Tl  a  ^lu  ï  M.  Ginguené 
beaucoup  d'an  et  de  soin  pour  ne  rien  extraire  de  toutes  ces  satires  qui 
fîiit  indigne  de  la  gravité  d'une  histoire  littéraire,  et  pour  donner  cepen- 
dant une  idée  ^te  et  complète  tfun  genre  si  capricieux,  en  caracté- 
riser les  différentes  espèces,  en  indiquer  les  écarts,  en  montrer  Fin- 
fluence.  On  trouve  ici,  comme  dans  les  autres  chapitres,  d'excellentes 
notices  biographiques  ;  car  l'auteur  ne  néglige  pas  cette  partie  de  son 
travail,  quoiqu'il  choisisse  les  détails,  et  n'admette  que  ceux  qui  inté- 
ressent parce  qu'ils  instruisent. 

Le  texte  de  M.  Ginguené  finit  avec  le  premier  article  du  chapitre 
suivant:  cet  article  concerne  le  cardinal  Hembo,  considéré  comme  poète 
lyrique  et  chef  de  Técole  des  pétratquisies.  Tout  le  reste  du  volume 
appartient  k  IVI.  Salfi,  littérateur  italien,  déjà  connu  par  d'autres  essais 
data  notre  langue.  On  est  sûr  de  retrouver  dans  cette  continuation  autant 
de  faits ,  autant  de  recherches  que  dans  Touvrage  même.  Mais  la  mianière 
d'observer ,  de  sentir  et  de  piger ,  ne  se  transmet  point  ;  elle  est  propre  k 
chacun ,  à  moins  qu'elle  ne  le  soit  ï  personne  ;  et  en  disant  que  M.  Salfî 
n'emprunte  pas  celle  de  M.  Ginguené,  c'est  un  éloge ,  et  non  une  cri- 
tique ,  que  nous  croyons  kin  de  l'un  et  de  Fautre.  S'il  étoit  vrai  que 
M.  Salfi  eût  attaché  à  certaines  productions  de  la  littérature  de  son  pays, 
plus  d'importance  qu'elfes  n'en  auroient  eu  aux  yeux  de  l'auteur  qu'il 
continue,  cette  erreur  seroft  encore  honorable,  et  pourroit  d'ailleurs 


MAI  r8it). 
ail ,  les  idées  et  le  style  de  M.  Salfi.  Voici  < 


l'ii  dit 


eux-mêmes  le  travail, 

des  sonnets  de  Guidiccioni. 

«  Guidiccioni,  malgré  sa  vénération  pour  Pétrarque,  n'emprunte  pas 
a»  toujours  de  lui  les  sujets  de  ses  poésies ,  et  donne ,  autant  qu'il  jieul ,  à 
»  son  style,  une  couleur  qui  lui  est  propre.  Les  pétrarquistes  de  son 
M  temps  regardoient  comme  indispensable  de  chanter  l'objet,  soit  réel, 
»  soit  imaginaire,  de  leurs  amours  platoniques.  Guidiccioni  paya  ce  tribut 
M  aux  lois  de  son  école,  et  sa  muse  chanta  ses  malheurs  personnels.  Mars, 
»  encore  plus  touché  de  fa  triste  position  de  l'Italie  pillée  et  déchirée  par 
»  l'étranger,  il  obtint  de  sa  muse  des  larmes  plus  honorables  sur  les 
»  calamités  de  sa  patrie.  Tantôt  il  fait  invoquer,  par  le  Tibre  désolé, 
n  François-Marie  de  la  Rovère,  pour  qu'il  vienne  délivrer  Rome,  cette 
»  nourrice  des  héros ,  du  vil  joug  de  ses  assassins ,  qui  n'épargnent  tii  [es 
»  trésors  des  temples  ni  le  sang  plus  sacré  des  innocens.  Tantôt  il  entend 
»  les  accens  plaintifs  de  cette  reine  des  nations  ;  et,  pleurant  avec  elle  sa 
»  gloire  et  son  empire  depuis  long-temps  déchus ,  il  admire  encore ,  dans 
M  son  esclavage,  les  restes  de  sa  majesté.  II  voudroit  aussi  réveiller  l'Italie 
nda  pesant  et  long  sommeil  qui  la  rend  plus  stupide  qu'esclave;  il 
»  l'exhorte  à  contempler  ses  blessures,  à  regretter  la  liberté  dont  on  l'a 
»  dépouillée;  et,  lui  rappelant  la  condition  de  ses  oppresseurs,  qui  jadis 
»  ornoient  ses  triomphes,  il  finit  par  lui  dire  que  l'unique  et  véritable 
»  cause  de  leii;-  puissance  et  de  sa  misère  n'est  que  sa  propre  volonté, 
»  L'importance  du  sujet  oblige  le  poète  à  donner  à  son  style  un  ton  de 
«gravité  et  de  force  qui  en  devient  (e  caractère  dominant,  et  qu'on 
»  retrouve  jusque  dans  ses  poésies  erotiques,  aJors  même  qu'il  trace 
»  des  images  délicates  ou  légères ....  Ses  tours  et  ses  expressions  conser- 
»  vent  ordinairement  de  la  noblesse;  quelquefois  on  y  voudroit  moins 
»  d'efforts  et  plus  de  clarté.  >i 

En  distinguant  les  différentes  sectes  de  poètes  lyriques  et  les  caractères 
de  leur  poésie ,  M.  Salfî  n'a  point  négligé  les  formes  particulières  de 
leur  versification.  Il  raconte,  par  exemple,  comment  Brocardo  et 
Tolomei,  renouvelant  un  projet  conçu  par  Léon  Alberiî  au  xv,^  siècle, 
essayèrent  de  soumettre  la  poésie  italienne  aux  lois  de  la  versification 
latine.  Urocardo  publia  des  règles  et  des  exemples  de  cette  espèce  de 
vers,  promettant  de  les  appuyer  sur  des  principes  de  philosophie  et  de 
musique.  Cependant,  on  eut  beau  composer  des  vers  italiens  hexa- 
mètres, pentamètres  et  d'autres  mesures  pareilles,  cette  théorie  n'a 
jamais  pu  s'accréditer,  et  M.  Salfi  est  persuadé  qu'il  n'en  faut  concevoir 
aucun  regret.  11  félicite  la  poésie  italienne  d'avoir  coiiservé  l'harmonie 
qui  lui  est  propre,  celle  que  le  génie  même  de  la  langue  avoit  révélée 


m 


aS2  JOURNAL  DÉS  SA  VANS. 

bu  Danie  et  à  Pétrarque.  Selon  lui ,  c^éloît  égarer  les  talens  des  poètes 
modernes,  que  de  les  entraîner  dans  des  routes  antiques  qui  n'étoient 
^XHAt  tracées  pour  eux.  On  a  Mt,  en  France ,  des  tentatives  semblables 
qui  n'ont  pas  mieux  réssst.  En  Italie,  d'autres  versHkuteurs  essayèrent 
tertaiAes  fonoes  rfaylhmiquea  ptul  analogue  au  caractère  de  leur  langue  ; 
ils  firent  dès  vers  de  iteize,  quaioise,  seize,  dix-huit  sylPabes,  de  j^us 
IfHigs  encore;  mais  ce  n'itoit  jamais  que  la  réunion  de  deux  vers  ordi- 
naires. Celui  de  dix-huit  syHabes ,  qai  a  été  employé  par  'Bafdi,  en  com- 
prend nn  de-  sept  et  un  de  onze.  Ainsi  tout  ce  procédé  n'aboutis^t  qu% 
écrire  sor  une  même  ligne  deux  vers  tr^s^stincts  et  séparés  par  un 
repos  ;  invention  ridicule ,  dit  M.  Salfi,  puisque  c'est  &  l'oreilki  et  non 
pas  aux  yeux ,  qu'il  appartient  de  ^>ger  de  le  mesure  des  yen. 

l  liste ,  un  peu  loi^ue ,  de  ces  poètes  lyriques  se  termine  su  moins 
par  un  nom.  célèbre  :  le  Tasse,  s'il  n'avoit  un  titre  \  une  gloire  nnmor- 
telle,  pourroit  mériter  par  ses  cenr^oni,  et  même  par  ses  sonnets,  une 
réputation  tH-illante.  Ses  poésies  lyriques  conservent,  dans  les  extraits  et 
fes  traductions  qu'en  dcaine  M.  SiNï,  on  trés-liaut  degré  d'intérêt,  et 
ijne  fupériorhé  décidée  sur  toutes  celles  de  ses  contemporains.  La  cfis- 
tance  du  génie  au  talent  est  ici  fort  sensible.  Le  Tasse  avoit  hétité  de  son 
père  Bernardo  l'harmonie  du  vers  et  la  noblesse  du  style;  il  y  ajouta, 
dit  notre  auteur ,  la  vivacité  des  images  et  la  chaleur  des  sentiniens. 
Bernardo ,  dans  des  poésies  plus  pastorales  que  Ijiîques,  n'étoit  guère 
qu'un  pétrarqniste  un  peu  moins  servile  que  bien  d'autres  :  Torquato 
n'est  d'aucune  école,  pas  même  peut-être,  quoi  qu'en  dise  M.  Saffî,  de 
celle  de  Piiidare.  Mais  il  est  vrai  qu'au  lieu  de  ce  maintien  si  posé  que 
Pétrarque  conserve  toujours,  lors  même  que  le  sentiment  Tanime  et 
l'embrase ,  le  Tasse,  libre  dans  sa  rharche ,  hardi  dans  sa  course ,  s'élève  par 
élans ,  et  parcourt ,  sinon  sans  péril ,  du  moins  sans  fi^yeur,  tout  le  champ 
[ue  lui  ouvre  sa  vaste  imagination.  C'est  vériiablement  une  ode  que  le 


MAI  1819.  xis 

nombreux,  fes  succès  sont  fort  rares.  Quoique  les  sujets  de  ces  poésies 
soient  très-divers ,  puisqu'il  y  en  a  de  religieux  et  d'erotiques ,  un  obscur 
et  froid  mysticisme  règne  presque  également  par-tout  ;  et  l'art  se  montra 
trop  à  découvert ,  pour  laisser  apercevoir  aucune  trace  d'une  véritable  et 
profonde  sensibilité.  Au  surplus,  on  réduiroit^  d'assez  minces  recueils 
toutes  ces  productions  iyriques  des  poètes  italiens  de  Tim  et  de  l'autre 
sexe,  si  Ton  en  retranchoit  les  formules  devenues  triviales,  comme  les 
cheveux  d'or,  les  cous  d'albâtre,  les  yeux  étincelans,  les  cœurs  enflam- 
més ,  et  les  astres  et  l'Aurore ,  et  Zéphyre ,  tous  les  lieux  communs  enfin  de 
la  mythologie  erotique.  Les  vrais  poètes  sont  ceux  qui  savent  substituer 
ou  niéler  au  nK)ins  à  ce  verbiage  l'expression  vivje  de  quelque  sentiment 
ou  de  quelque  pensée  originale;  et  c'est  un  mérite  qu'on  ne  peut  guère 
attribuer,  parmi  les  lyriques  italiens,  qu'à  Pétrarque,  à  Guidiccioni, 
quelquefois  à  Costanzo,  et  presque  toujours  au  Tasse. 

L'extrême  utilité  du  volume  dont  nous  venons  de  rendre  compte,  est 
d'indiquer  les  poèmes  qui  ont  conservé  un  grand  intérêt ,  et  d'offrir  une 
analyse  instructive  de  ceux  dont  la  lecture  ne  seroit  plus  d'aucun  profit» 
Dans  un  second  extrait ,  nous  ferons  connoître  les  tomes  VII  et  VIII ,  qui 
traitent  de  la  prose  italienne  du  XVI/  siècle. 

DAUNOU. 


"pv^i^^^app 


}A  43  U  Lu.  Les  cinquante  séances  du  Hariri^ 

en  arabe ,  ou  les  Aventures  d*Elhareth  et  à'Abouieid  de  Seroudje, 
par  Abou  Mohammed  £icassem  Elharîri  de  Basra  ;  publiées 
par  M.  Caussin  de  Percevai,  chevalier  de  la  Légion  d' hon- 
neur,  &c.  Paris,  181S/  253  pages  in-S.^  (i). 

En  rendant  compte,  en  181 1,  dans  le  Magasin  encyclopédique , 
des  deux  premiers  cahiers  du  tome  I  des  Mines  de  l'Orient  (  Afag. 
tncycL  ann.  i8ji,  tom.  I^p.iii),  nous  annonçâmes  que  nous  nous 
proposions  de  donner  une  édition  complète  du  texte  des  Mékamat ,  ou 

(i)  Ce  volume  se  vend  chez  l'éditeur^  au  Collège  royal  de  France,  place 
Cambrai ,  et  chez  M.  Eberhart,  imprimeur-libraire,  rue  du  Foin-Saint  Jacques , 
n.**  1 2;  MM.  Debure  frères,  libraires  du  Roi,  rue  Serpente ,  n.**  7  ;  MM.  Treuttel 
et  Wiirtz,  libraires,  rue  de  Bourbon,  n.**  17,  et  aussi  à  Strasbourg,  rue  des 
Serruriers,  et  à  Londres,  30  Soho-square;  M.  Voland  le  jeune,  libraire,  guaî 
des  Augustins,  n«^  17  bis. 

Nn   2 


2.H 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


Séances  de  Hariri ,  avec  des  gloses-  arabes ,  et  que  nous  ne  tarderions  pas 
-  à  nous  en  'occuper  ;  et  M.  Schnurrer  ne  manqua  pas  de  Ëtire  mention  de 
celte  annonce  à  la  iîn  de.sa  Bibliothtca  arabica,  qui  parut  la  même  année. 
En  effet,  nous  mîmes  la  main  à  ToeuTre  dès  l'année  iSi);  et  l'impri- 
merie royale,  autorisée  par  le  Gouvernement  à  se  charger  de  t' exécu- 
tion de  cette  édition,  se  mit  en  devoir  de  disposer  une  fonte  des  trois 
divers  corps  de  caractères  arabes  des  Médicis ,  que  nous  desirions  em- 
ployer à  cet  ouvrage,,  et  qui  sont  ceux  dont  on  a  fait  usage  dans  les 
éditions  des  Quatre  Evangiles,  Rome,  ijpi;  Ats  0£uvres  médicales 
d'Avicenne,  Rome,  ijpj,  et  des  Élémens  d^udide,  Rome,  ijfj^' 
Par  suite  des  événemens  politiques  de  1 8 1 4  et  1 8 1  ;  ,  et  d'une  multi- 
tude de  circonstances  imprévues ,  la  fbnie  des  caractères ,  souvent  inter> 
rompue,  n'-est  point  encore  entièrement  terminée.  Pendant  ces  délais, 
en  grande  parité  involontaires  de  notre  part,  une  édition  du  texte  de 
Hariri,  qui  avoit  été  commencée  à  Catcutia  dès  1809,  et  dont  nous 
n'avions  aucune,  connoissance ,  fût  terminée  en  trois  volumes  in-tf'  Le 
premier  porte  la  date  de  1 809  ;  le  second ,  celle  de  1 8 1 1  ;  le  troisième, 
qui  contient  un  dictionnaire  arabe-persan ,  destiné  à  l'intelligence  des 
Mékamati  est  daté  de  i8i4>  Lorsque -nous  eûmes  connoissance  de  cette 
édition,  nous  pensâmes  que  Tintention  de  Féditeur  étoit  d'y  joindre  un 
commentaire,  et  nous  n'avons  été  détrompés  que  lorsque  nous  eûmes 
réussi  avec  beaucoup  de  peine  à  nous  procurer  ce  troisième  volume. 
Nous  reprimes  alors  le  projet  que  nous  avions  presque  abandonné ,  et 
nous  nous  disposions  à  en  presser  Texécution,  lorsque  nous  apprimes 
qu'une  seconde  édition  du  texte  venoit  d'être  feite  à  Paris.  C'est  celte 
édition  que  nous  annonçons  aujourd'hui. 

Pour  peu  qu'on  ait  quelque  connoissance  de  la  littérature  arabe,  on 
sait  ce  que  c'est  que  les  Afékamat  ou  Séances  de  Hariri,  en  quoi  con- 
siste le  mérite  de  cet  ouvrage,  combien  est  grande  là  réputation  dont 


MAI   l8lp.  285 

dans  des  traductions.  II  seroit  donc  superflu  d'entrer  ici  dans  aucun 
détail  par  rapport  à  tout  cela  ;  nous  dirons  seulement  que  M,  Caussin 
promet  une  traduction  française  de  tout  Touvrage. 

Maintenant,  la  seule  tâche  que  nous  aurions  à  remplir,  ce  seroit  d'exa- 
miner l'édition  que  nous  annonçons ,  sous  le  point  de  vue  de  la  critique  du 
texte,  et  de  la  correction  de  l'impression.  Nous  ne  pourrions  entrer  dans 
que/que  détail  sur  ces  deux  objets,  sans  multiplier  les  citations  et  re- 
buter la  plupart  des  lecteurs.  Nous  nous  contenterons  donc  de  dire  que, 
quoique  l'éditeur,  en  ne  mettant  que  rarement  les  voyelles,  ait  évité 
une  des  plus  abondantes  sources  de  fautes  typographiques,  son  édition 
cependant  n'est  pas  exempte  de  ce  genre  de  fautes;  on  y  remarque  aussi 
en  quelques  endroits  des  erreurs  de  syntaxe,  dont  plusieurs,  au  surplus, 
doivent  peut-être  être  mises  sur  le  compte  de  l'imprimeur  :  on  les  eût 
évitées  en  se  conformant  à  l'édition  de  Calcutta.  En- suivant  cette  même 
édition ,  on  auroit  aussi  échappé  à  un  autre  genre  d'erreurs ,  je  veux 
parler  de  celles  qui  concernent  la  prosodie  et  la  séparation  des  vers  en 
hémistiches.  Ce  point  est  le  seul  auquel  nous  nous  attacherons,  parce 
que  cet  objet  a  été  trop  négligé  par  nos  meilleurs  orientalistes^  et  que 
nous  n'y  avons  pas  donné  nous-mêmes  précédemment  assez  d'attention. 
li  suffit  cependant,  pour  en  apprécier  l'importance,  de  fiûre  réflexion  \ 

que  c  est  un  des  plus  sûrs  et  des  plus  féconds  moyens  de  critique  aux- 
quels un  éditeur  puisse  avoir  recours.  On  nous  permettra  de  justifier 
notre  critique  par  quelques  exemples. 

Séance  VI,  p.  2j.  II  y  a  ici  une  ode  de  quatorze  vers,  de  la  mesure' 
nommée  JASÔl  ;  l'éditeur  a  mal  divisé  les  deux  hémistiches  des  vers  3 , 
f  ,  1 1  et  13. 

làid,  p.  2(1',  Une  pièce  dfe  cinq  vers  seulement  présente  plusieurs 
fautes  graves  :  ces  vers  sont  de  la  mesure  nommée  cj>jlji>ilf«  Le  premier 
hémistiche  du  premier  vers  se  termine  par  le  mot  *j>dt,  qui  devoit  être 
écrit  ainsi,  et  non  pas  «ujaII,  puisqu'il  faut  qu'il  rime  avec  A^j^lt,  dernier 
mot  du  second  hémistiche.  Dans  le  troisième  vers ,  ^^^  doit  être  pro- 
noncé ^»4a5  ,  sous  peine  de  ne  pouvoir  trouver  la  mesure,  et  il  étoit  du 
devoir  de  l'éditeur  de  l'indiquer.  Le  quatrième  vers  est  écrit  ainsi  : 


Mais  pourquoi  Féditeur  a-t-il  fait  une  césure  au  mifîeu  du  mot  cjtj-Jf, 
césure  qui  détruit  entièrement  la  mesure  du  vers!  II  falloit,  pour  qu'on 
pût  le  scander,  écrire: 


tU  JOURNAL  DES  SAVANS. 

Sénnce  Vil,  p.  27.  II  y  a  ici  une  pièce  do  1  3  ver»  qull  ftlloit  ou  n« 
point  séparer  va,  deux  bémUtidtei,  ou  séparsr  régwKèKinent.  Cette  pi^s 
^&t  de  la  mesure  appelée  ^j^t ,  et  chaque  vMs  se  compose  de  qiMtre 
idmèctpmdéei  [Jim^vlr&ntjTLBV^en  i-,  4,  7  «t  8  sont  mât  <£vttte:dans 
ces  qwtre  veii,  h  demïere  syflafae  des  mots  ulj^M'—jUdt— jlzk^^jUat 
appartient  au  second  hémistrcfae  ;  H  fiilloît  donc  indiquer  fa  division  dis 
Ces  mots,  commtfvn  a  intfiqué  au  dciuraème  vers  celle  du  mot  ^J^'. 
■  La  Séance  vitl  ofire  encore  des  exemples  Frappans  du  même  défaut, 
p.  jtn  ^t.  Voici 'trois  vers  dont  les  Iiémistt<:ites  sont  ainsi  divisés  par 
fédireurf  '     . 


L^jiJ^j  oui-"  li-*ù* 


Ii&(loit,pourqu'on.pûl  scander  ce» T»s.  qui  sont  de  U  mesure  nommée 
.>.j4|I  ,  (es  diviser  tout  autrement ,  et  fîxw-  la  prononciation  de  plusieurs 
mois  ea  celte  «Mnfdrai 


Uj;Uu  J^\  uu^  i>u- 


_4J  i^jV  ïjr^l    ^jût 


Dans  les  deux  petites  pièces.  dVni  ces  vers  sont  ^rès,  il  y  a  encore  bien 
de$  cfioses  à  corriger,  si  l'on  veut  les  Kander. 

On  sent  qu'il  nous  seroit  facile  de  multiplier  les  exemples  de  pareilles 
inexactitudes',  quidoîvent  se  reproduire  par-tout  dans  ce  volume,  comme 
dans  presque  tout  ce  qu'on  a  publié  (usqu'id.  Comme  notre  intention 
t  bien  moin»  de  relever  une  néeligence  trop  ordinaire ,  et  que  nous 


MAI    1819.  287 

des  Fables  de  liokman,  et  les  trois  premiers  chapitres  de  FAIcoran.  Nous 
ignorons  pourquoi  aucun  de  ces  trois  ouvrages  n'a  de  frontispice.  Cela 
nous  a  engagés  à  indiquer  en  note  les  divers  libraires  chez  lesquels 
on  peut.se  procurer  cette  édition  de  Hariri.  Nous  ne  pouvonsf  pas  dire 
que  les  caractères  arabes  qui  y  ont  servi  soient  beaux  et  dignes  de  riva- 
liser avec  ceux  de  Savary  ou  des  Médicis;  mais  cela  n'empêche  pas  quâ 
nous  ne  soyons  convaincus  que  M.  Caussin  a  rendu  un  grand  service 
à  la  littérature  orientale,  en  mettant  à  la  portée  de  tout  le  monde  url 
nouveau  moyen  de  publier  des  textes  arabes.  On  doit  aussi  lui  savoir 
gré  d'avoir  offert  aux  étudians  la  facilité  de  s'exercer  sur  un  auteur  qu'oii 
pouvoit  regarder  comme  inédit,  attendu ie  haut  prix  de  l'édition  de 
Calcutta ,  et  l'extrême  difficulté  qu'on  éprouve  à  se  procurer  en  Europe 
les  livres  imprimés  dans  l'Inde. 

L'édition  des  Séances  de  Hariri ,  donnée  par  M.  Caussin,  nous  avoit 
d'abord  paru  un  motif  suffisant  poui-  renoncer  tout-à-fait  au  projet  d'en 
donner  une  nouvelle;  mais  des  réflexions  faites  avec  plus  de  sang  froid, 
et  les  désirs  de  divers  amateurs  de  la  littérature  arabe,  nous  ont  &it 
changer  d'avis.  Notre  édition,  qui  sera  accompagnée  d'un  choix  dé 
scholies  arabes,  et  où  le  text^  sera  imprimé  en  entier  avec  les  voyelles, 
offrira  aux  étudians  plusieurs  objets  cfuttlité  réunis.  Nous  espérons  eh 
commencer  l'impression  dans  quatre  mois. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


Lettres  inédites  de  Henri  H ,  Diane  de  Poitiers ,  Marie 
Stuûrt ,  François,  roi  dauphin ,  adressées  au  connétable  Anne 
de  Montmorency....  ;  ou  Correspondance  secrète  de  la  cour  sous 
Henri  II ,  avec  estampe  et  fâc  si  mi  le  de  l'écriture  des  prin- 
cipaux personnages  ;  d'après  un  manuscrit  inédit  de  la  Biblio- 
thèque du  Roi;  par  M.  J.  B.  Gaii ,  chevalier  &c.,  lecteur 
et  professeur  royal  de  l'académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  ; 
conservateur  des  manuscrits  grecs  et  latins  de  la  Bibliothèque 
du  Roi,  &c.  &c.  Paris,  chw  Ch.  Gail  neveu,  au  Collège 
royal;  Treuttel  et  Wiim,  ï8i8,  in-S.' 

Parmi  les  documens  recherchés  et  consultés  par  les  personnes  qui 
font  une  étude  particulière  de  l'hislorre  moderne,  il  en  est  peu  d'aussi 
intéressans  que  les  lettres  particulières  des  personnages  qui  ont  figuré  sur 


,  a88  JOURNAL  DES  SAVANS. 

la  scène  politique.  Dans  .quelques  lignes  Iracéei  avec  Fabandon  du 
sentiment,  et  avec  la  confiance  de  l'intimîié,  un  prince,  un  grand 
faomme  d'état,  un  guerrier  .iâmeux,  se  montrent  parfois  à  la  postérité 
.$ous  le  vrai  point  de  vue  qui  permet  de  les  juger  impardalement. 

On  doit  donc  encourager  la  publication  des  correspondances  inédites 
dont  I^s  détails  peuvent  ou  édairdr  les  événemens  historiques,  ou  révéler 
les  moti^  politiques  »  ou  même  seulement  donner  une  idée  juste  du  . 
caractère  des  personnages  célèbres. 

-  I^e  reci^il  que  publie  M.  Gail  est  de  ce  genre.  Il  contient  trente-sis 
lettres  originales. 

Le  connétable  de  Montmorenci  avoit  été-fait  prisonnier  à  la  bataille 
de  Saint: Quentin  le  lo  août  i^f7;il  n'obtint  sa  liberté  qu'en  ijj?. 
C'est  pendant  qu'il  étoit  prisonnier,  que  lui  furent  adressées  trente-cinq 
de  .ces  lettres  ;  la  trente-siicième  est  de  lui. 

Plusieurs  des  lettres  adressées  au  connétable  (i)  sont  de  Henri  II: 
on  y  trouve  avec  plaisir  l'expression  d'un  attachement  sincère;  et  M.  Gail 
a  eu  raison  d'opposer  au  jugement  sévère  d'un  de  nos  historiens,  les 
témo^nages  de  sensibilité  qu'on  remarque  dans  cette  correspondance. 

Le  connétable  ayant  obtenu  sur  sa  parole  la  permission  de  se  rendre 
auprès  du  Roi  qui  étoit  au  cainp  d'Arras ,  ce  prince  l'accueillit  avec  bonté 
et  distinction  ;  il  daigna  partager  avec  cet  illustre  sujet  et  sa  chambre  et 
son  lit.  On  n'est  pas  surpris  de  cette  marque  de  bienveillance  familière, 
en  lisant  les  lettres  de  Henri  II  au  connétable. 

Celui-ci  fut  délivré ,  lorsqu'on  traiioit  la  paix  de  CateaifCambresis , 
en  >  J  59,  moyennant  deux  cent  mille  écus.  M.  Gail  trouve  la  somme 
exorbitante  ;  mais  il  est  permis  de  croire  que  le  prix  de  la  rançon  fût 
réduit  de  moitié,  puisqu'il  devoit  l'être  ainsi,  dans  le  cas  oii  la  paix 
seroit  conclue. 

Je  regrette  que  réditeur  n'ait  pas  eu  l'Idée  de  classer  tes  lettres  de 


MAI  1819.  289 

ail  manuscrit  qu'il  publie.  Une  note  de  ce  manuscrit  attribue  à.  Mar- 
guerite de  Valois  ,  fille  de  Henri  II ,  et  depuis  épouse  de  Henri  I V ,  la 
lettre  n,'  26,  signée  Marguerite  de  France.  M.  Gail  n'auroit  sans 
doute  pas  eu  égard  à  cette  indication  y  s'il  avoit  comparé  la  date  de- la 
naissance  de  Marguerite  de  Valois,  née  le  i4  mai  1552,  avec  lépoque 
de  la  prison  du  connétable  en  1 5  57  et  1 5  58  :  il  n'est  guère  probable 
que  cette  lettre  ait  été  adressée  au  connétable  prisonnier  par  une  prin- 
cesse âgée  seulement  de  cinq  à  six  ans. 

Ce  qui  ajoute  à  l'intérêt  qu'offre  la  publication  de  ce  recueil,  c'est  que 
l'éditeur  a  eu  soin  d'y  joindre  des  fac-simiU  de  chaque  écriture  :  il  a 
donné  d'abord  le  texte  tel  que  i'ofTre  le  manuscrit ,  qui  n'a  ni  points ,  ni 
virgules ,  ni  accens ,  et  où  souvent  les  lettres  et  les  mots  sont  tantôt 
confondus ,  tantôt  séparés  mal  à  propos  ;  ensuite  il  a  présenté  le  texte  en 
ordre  et  tel  qu'il  doit  être  lu.  Si,  en  quelques  endroits,  M.  Gail  a  inséré 
des  notes  et  des  explications  grammaticales ,  on  sent  bien  qu'il  n'a  point 
prétendu  ajouter  à  nos  connoissances  philologiques ,  mais  qu'il  a  voulu 
se  rendre  utife  à  cette  nombreuse  classe  de  lecteurs  qui,  n'étant  aucur 
nement  familiarisés  avec  les  expressions  anciennes  et  inusitées,  ont 
besoin  qu'on  leur  donne  Fexptication  des  moindres  difficultés. 

Parmi  hs  remarques  grammaticales  que  M.  Gail  a  eu  soin  de  placer 
à  la  suite  de  quelques  lettres,  il  a  observé  que  déjà  les  règles  relatives 
aux  participes  du  passif  étoient  suivies.  On  lit  en  effet  dans  le  maaus- 
crit,  lettres  que  vous  m'ave:^  escriptES.  Il  n'est  pas  étonnant  qu'alors  les 
perspnnes  de  la  cour  connussent  et  suivissent  cette  règle  de  notre 
grammaire  qui  fait  accorder  le  participe  du  passif,  joint  à  l'auxiliaire 
avoir ^  avec  le  régime  direct  qui  précède;  Marot  Tavoit  proclamée  en 
vers  qui  méritent  qu'on  les  répète  ;  il  dit  à  ses  disciples  : 

Enfans,  oyez  une  leçon. 

Nostre  langue  a  ceste  façon  ; 

La  chanson  fut  bien  ordonnée 

Qui  dit  :  m^amour  vous  ai  DONNÉE, 

II  faut  dire  en  ternies  parfaits: 

Dieu  en  ce  monde  nous  a  FAlTSé 

Faut  dire  en  paroles  parfaites  : 

Dieu  en  ce  monde  les  a  FAITES» 

Et  ne  faut  point  dire  en  efiet  : 

Dieu  en  ce  monde  les  a  FAIT ^ 

Ne  nous  a  fait  pareillement. 

Mais  nous  a  faits  tout  rondement.  {Mkkot yépig.  LXXIX.  ) 

Ce  que  j'ai  dit  de  ce  recueil  en  donnera  $ans  doute  une  idée  assez 

00 


ipo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

avantageuse  pour  le  faire  rechercher,  soit  comme  contenant  quelques 
inonumens  qui  appartiennent  à  notre  histoire,  toit  comme  oifiant  à  la 
curiosité  des  lecteurs  des  circonstances  remarquables  et  des  détails  inté- 
ressaiu  qui  concernent  des  personnages  distingués  de  fépoque. 

RAYNOUARD, 


Descbîzionè  pEGLi  Staterj  ANTiCHi ,  iîlustraâ  coa  le 
nudûglie ,.  per  Domenico  Sestini,  &c.  &c.  &c.  Firenze, 
MDCCCwn. —~  Description  des  Statères  antiques  »  expliqués 
au  moyen  des  médailles,  par  Dominique  Sestinl ,  &c.  &c.  &c. 
Florence,  1817. 

SECOND   ET  DERNIER   ARTICLE. 

Les  statères  que  M.  Sesiînf  attribue  à  la  seule  ville  de />^(7r/r,  sont 
au  nombre  de  cinquante-six,  de  divers  modules,  depuis  le  double  statère, 
dont  Texistence  ne  me  paroit  pas  suffisamment  prouvée,  comme  je  Tai 
montré  dans  farticle  précédent ,  jusqu'au  quart  de  statère ,  dont  le  poids 
est  à-peu-près  de  48  grains,  ainsi  que  dans  ceux  de  Cy^tqut,  de  Samos, 
de  Chios.,  Un  nombre  si  considérable  de  i^ionnoîes  d'or  pour  un  seul 
peuple,  et  pour  un  peuple  encore  dont  on  ne  connoit  pas  jusqu'à  ce  jour 
de  monnoies  d'argent  bien  certaines  [  i  ) ,  est  de  nature  à  exciter  quelque 
défiance.  L'incertitude  augmente,  quand  on  remarque  que,  dans  cette 
variété  de  types  qui  ont  pu  convenir  à  des  villes  différentes ,  tels  que  la 
tète  A\x  griffon,  symbofe  assez  ordinaire  sur  les  médailles  AeSmyfne,  et 
encore  plus  commun  sur  celles  de  Téos;  la  tète  de  lion,  symbole  fe  plus 
accoutumé  des  médailles  de  Cynique;  la  tète  de  bélier,  que  fauteur  lui- 


U'avaif  souvent  altéré  par  le  temps,  qu'on  ne  puisse  quelquefois  y  voir 
urt  poisson  d'un  autre  genre,  et,  par  conséquent,  un  motif  d'attribution 
différente.  Les  seufs  statères  pkocdites  qui  me  paroissent  offrir  tous  les 
signes  de  la  certitude,  sont  ceux  où  le  phoque,  bien  dessiné,  est  accom- 
pagné de  la  lettre  initiale  4>  ;  comme  dans  la  médaille  du  numéro  i ,  où 
la  forme  antique  de  cette  lettre  ressemble  à  celle  qu'on  voit  sur  les 
médailles  delà  Pbocide,  métropole  de  Phocée:  mais  j'avoue  que,  dans 
le  plus  grand  nombre  des  monnoies  qui  suivent,  je  ne  trouve  guère 
que  su/ets  de  doute  et  d'incertitude ,  malgré  les*rapprochemehs  ingénieux 
et  les  analogies  très-souvent  heureuses  que  Fauteur  a  produits  à  l'appui 
de  ses  conjectures. 

Il  règne  moins  d'incertitude  dans  les  attributions  des  statères  de 
Cy:^ique,  que  M.  Sestini  a  recueillis  au  nombre  de  quarante  cinq ,  et  qui 
se  reconnoissent  à  des  signes  tout -à-la- fois  plus  frappans  et  plus 
nombreux.  D'abord,  ainsi  que  le  remarque  M.  Sestini,  Suidas  nous  en  a 
donné  la  des<^ription  (  i  )  :  j'observerai  toutefois  que  la  description  de 
Suidas,  une  tête  de  femme,  d'un  côté,  et,  de  l'autre,  une  tête  de  lion^  ne 
convient  qu'aux  statères  d'argent,  sur  lesquels  se  retrouve  effectivement 
ce  double  type,  tandis  qu'il  ne  paroît  sur  aucun  des  statères  d'or  de  la 
même  ville  qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous.  C'étoit  même  là  la  raison 
polfr  laquelle  le  docte  Eckhel  nioit  l'existence  des  statères  d'or  de 
Cy:^ique  (2).  Mais  ce  motif  étoit  insuffisant,  comme  Ta  très-bien  prouvé 
M.  Sestini  par  un  assez  grand  nombre  de  monumens  irrécusables. 
J'ajoute  encore,  relativement  à  ces  statères  d'argent ,  que  M.  Sestini  a 
publiés  au  nombre  de  dix ,  et  tirés  de  différens  cabinets,  que  la  collection 
du  Roi  en  possède  trois  nouveaux  avec  des  symboles  inédits,  dont  je 
joins  ici  en  note  la  description ,  ainsi  que  celle  d'un  statère  d*or  de  la 
même  collection,  qui  a  échappé  à  l'attention  ou  à  la  mémoire  de 
M.  Sestini  (3). 

(1)  Suidas,  vor^Ku^iiMroi  Smlii^ot^. 

(2-)  Eckhel ,  Doctrîn,  num,  prolegom,  tom.  I ,p,  ^,  et  tom,  II ,p»  4J/. 

(3)  Le  premier  de  ces  statères  est  décrit  dans  le  catalogue  de  M.  Mionnet ,  sous 
le  n.*»  8y ,  tom.  II ,  p.  528  ;  c'est  le  plus  ancien  de  tous  ceux  de  même  module 
que  possède  la  collection  du  Roi.  —  Le  second  offre,  d'un  côté,  la  tête  coiffée 
et  couronnée  d'épis,  avec  la  légende  SATEIPA^  au  revers,  la  tête  du  lion,  au- 
dessous  de  laquelle  est  le  thon,  et,  derrière,  un  caducée;  légende  :  KTZI. 

Le  cabinet  du  Roi  a  récemment  acquis  un  statére  d'élecirum,  dont  le  type, 
entièrement  inédit,  peut  se  rapporter, comme  les  précédens,  à  Cyzique,  à  cause 
du  thon ,  symbole  accoutumé  de  cette  ville;  en  voici  la  description  :  Enfant  assis, 
le  corps  vu  de  face,  la  tête  de  profil;  il  est  appuyé  de  la  main  gauche  par  terre, 
et,  de  la  droite,  il  tient  un  thon  suspendu  par  la  queue;  au  revers^  aire  carrée 
en  creux,  divisée  en  quatre  parties  informes, 

00   X 


2^3 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


'  La  tête  du  lion  et  le  thn,  poisson  de  iner.  forment  un  double 
'Caraaère  auquel  il  est  presque  impossible  de  ne  point  reconnoître  h» 
sutères  ey^itines ,  suivtout  lorsqu'ils  sont  réunis  ■  comme  dans  le  plus 
grand  nombre  des  monnoies  publiées  par  M.  Sestini  :  mais,  lorsque  le 
tkoa  s'y  trouve  seul,  en  symbole  acceflsoire,  je  ne  sais  si,  comme  le 
pense  cet  auteur, -00  doit  nécessaiteinent  les  attribuer  à  Cy^^tt 
D'autres  villes,  et  particulièrement  Z^w/rj-u^uf,  qui  étoil  voisine  de 
celle-là,  offrent  le  même  symbole;  et  ce  qui  augmente  encore  Ja 
difficulté  de  distinguer  les  monnoies  de  ces  deux  villes,  c'est  que,  sur 
celles  de  Lampsaque,  ce  symbole  accompagne  quelquefois  une  tite  de 
Neptune,  tatvdis  que  fa  t£te  du  même  dieu,  sans  ce  symbole,  paroît  sur 
des  médailles  attribuées  \  Cjyqkei  or,  l'auteur  ntf  nous  indique  aucune 
raison  de  ces  diverses  attributions ,  qui  peuvent  sembler  au  moins  arbï- 
traires.  Dans  d'autres  cas,  comme  lorsqu'il  rapporte  b  Cynique  une 
médaille  ayant  pour  type  une  vache  qui aliaitt  un  veau,  sans  aucun  des 
symboles  accessoires  qui  caractérisent  Cy(ique,  il  me  paroît  qu'il  ne 
prouve  point  assez  pourquoi  ce  type,  particulier  aux  colonies  de  Corcyre, 
et  irCàrystt  d'Eubie,  a  pu  être  aussi  affecté  h  une  ville  de  la  Prepontidt. 
Parmi  les  sratéres  attribués  ii  Cy^'que,  le  plus  remarquable  sans  doute 
est  celui  qui  ofiîe ,  à  côté  d'une  tête  de  lion ,  des  caractères  que  M.  Ses- 
lini  nomme  antiques,  et  qui  ne  sont  peut-être  que  barbares,  doM  il 
compose  le  mot  kiztkb,  pour  ktzikh.  Cette  légende,  dont  je  ne 
prétends  pas  id  contester  la  certitude,  puîsqu'rile  a  toujours  été  lue  aiilsi 
par  d'habiles  numismatistes,  et  notamment  par  M.  Cousinéry ,  étoit  du 
moins  assez  extraordinaire  pour  que  Fauteur  s'attacbât  ici  à  la  confirmer 
par  un  plus  grand  nombre  d'exemples,  et  sur-tout  b  justifier  la  termi- 
naison KTZIKH,  au  lieu  de  KTZIK02,  qui  est  la  leçon  invariable  de  tous 
les  textes  de  l'antiquité.  Du  reste,  j'avoue  que  je  n'oserois  pas  employer 
cette  médaille  comme  monument   paiéographique,  et  II  me  [laroriroit 


MAI  1819.  2p3 

t<mt-à-Ia  fois  el  une  conjecture  de  ce  savant  antiquaire  »  et  un  fait  que 
l'avois  moi-même  établi.  Sur  une  médaille  du  cabinet  de  M.  Ailier  (i), 
et  trouvée  apparemment  sur  le  sol  de  Cynique ,  M.  Sestini  voit,  au  revers 
d*un  carré  creux  »  un  centaure,  les  genoux  ployis,  agitant  un(  tranche,  ou 
un  tronc  d* arbre  déraciné.  Ce  type,  tliessalien  d'origiiie»  est  rapporté  à- 
Cyi^que,  à  cause  du  thon,  symbole  accoutumé  de  cette  vilie,  qui  se  re-  . 
marque  au-dessous  du  centaure;  et»  malgré  ce  caractère,  M.  Se^^tini  hésite 
encore  à  reconnoître  ici  une  monnoie  de  Cyjique,  i  moins,  ajoute-t-i[, 
^e  de  supposer  l'établissement  en  ce  pays  d'une  colonU  de  Thessaliens 
Pélasges  [x).  Cette  supposition  doit  se  changer  en  certitude,  d'après 
tous  les  témoignages  que  j'ai  rassemblés  ailleurs ,  pour  prouver  que  la 
première  fondation  de  Cynique  fut  l'ouvrage  d'une  colonie  de  Pélasges 
nommés  Dotions,  et  partis  de  là  TJiessalie,  vers  l'époque  et  par  suite  de 
Taggrandissement  de$  princes  Hellènes  dans  cette  dernière  contrée  (3}. 
Les  statères  de  Lampsaque,  dont  M.  Sestini  donne  ensuite  la  des* 
cription ,  ne  sont  nominativement  cités  par  aucun  écrivain  de  l'antiquité.  - 
Mais  aux  motifs  de  probabilité  tirés  de  l'opulence  et  du  commerce  de 
cette  ville,  colonie  Aà  Phocée ,  l'auteur  ajoute  une  raison  décisive  ;  c'est 
que  le  cheval  marin  ailé,  type  ordinaire  des  monnoies  connues  de  Lamp- 
saque,  se  trouve  sur  la  plupart  de  ces  monnoies  d'or.  Je  n'hésite  donc 
pas  à  reconnoître,  comme  il  le  &it  lui-même,  que  ces  médailles  appar* 
tiennent  à  Lampsaque,  et  il  ne  satvoit  rester  d'incertitude  qu'à  l'égard  de 
celles  qui  n'of&ent  pas  ce  caractère  distinctif.  Mais  me  sera-t-il  permis 
de  relever  quelques  inexactitudes  dans  la  description  de  quelques-unes  de 
ces  monnoies!  L'auteur  voit  un  bouclier  slu  revers  d'une  médaille  d'or  qui 
présejite,  sur  la  fece,  Hercule  à  genoux  étouffant  les  deux  serpens.  Cette 
médaille,  qui  est  dans  le  cabinet  du  Roi,  n'offre  réellement  qu'un. ^ivir, 
à  la  place  du  prétendu  bouclier,  et  M.  Sestini  n'a  pu  se  méprendre  de 
cette  sorte,  que  parce  qu'il  a  accordé  plus  de  confiance  à  une  empreinte 
qu'à  la  description  de  Pellerin  (4).  Ce  même  type  d'Hercule  rep«iroft 
encore  sur  une  autre  médaille  attribuée  ici  à  Lampsaque,  quoiqu'elle 
n'offre  pas  le  symbole  accoutumé  du  cheval  ailé.  Mais  ce  n'est  pas  cette 
difficulté  qui  m'arrête.  Le  type,  d'une  rare  élégance,  représente  à  côté 
d'Hercule  étouffant  les  deux  serpens,  un  autre  enfant,  d'un  âge  en 
apparence  plus  tendre,  appuyé  d'une  main  sur  la  terre,  et  de  lautre 


(1)  Voy,  M  ion  net,  Description  ifc,  tom,  II ,  p.  ^zj ,  n."  y^,  et  planches,  tah. 
XLlli,fig,  ^.  —  (2)  Sestini,  degli  Stareri  antichi,  /?.  jS,  —  (3)  Histoire  critique 
de  IVtabli.s.  des  colon,  grecq.  tom,  I ,  p.  ?2ô'j2^.  —  (4)  Pellerin,  Recueil  II , 
tab.  XLlx  ,  fig,  22, 


■  2p4- 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


faisant  un  geste  qui  semblé  indiquer  la  fi^yeilf.  M.  S«sttni  prétend 
reconnoître  dans  ce  second  en6nt,  Bacekut,  compagnon  d'Hercule;  et 
H  ne  peut  guère  avoir  <fautn  motif  pour  cet»  opitiion  assez  bizarre , 
que  le  desir  de  trôtivér  un-typ^  rt^uf  en  nunlisAtàtitjuei  Mais  n'e3t-îl  pas 
^us  naturel  et -plus  vratsemblible  de  ydir  td,  cdmmé  dans  le  récit 
d'ApelMope  f  i  )  et  de  I^^rite  (a) ,  les  dieax  fils  d'Alcnténe,  dont  le 
plus  jeune»  >Ipbiclus«  tômoigne  par  sa  Aayeuf  qall  est  Je  61$  d'un 
mèrtel!    ■      '    ■• 

Les  Bialèteï'quei  ^ns  une  seconde  dhr&ioil  de  son  liVrt,  M.  Sestini 
|>asi«  successivèrtwnt  en  reviie^  sont  attribuis  par  cet  habile  antiquaire 
Îk.-Pmtum,  à  Pergamt,  à  Abydos,  à  AtexditdHa  Troas,  à  Mityline,  à 
C/aiomitiet,  à  Colophont  ti  Erytbrti^  k  Lé^das,  k  Sihyrnt,  %  TVftr,  à 
CUtios,  enfin  k  Samos.  Si  toutes  ces  attributions  ètolent  également 
certaines ,  la  géographie  numismatique  sertit  enrichie  par-là  d'un  grand  ■ 
nombre  de  découvertes  précieuses;  ihaist  en  accordant  même  qu'il  y 
ait  encore  de  Tincertitudé  à  l'égard  de  quelques-unes ,  il  en  re»tê  toujours 
usez  pour  faire  infiniment  d'honneur  i  la  sagacité  de  M.  Sestini,  et  de 
profit  à  la  science.  Je  prendrai  la  liberté  d'exposer  mes  doutes  relati* 
ventent  k  quelques-unes  de  ces  médailles.  Les  stitètes  attribués  à 
Po-game  me  semblent  donner  lieu  à  des  difficultés  que  n*a  pas  suffisam-- 
ment  résolues  M.  Sestini.  Ce  savaiit  Toit  an  ^vers  ane  tête  barbue  et 
couverte  éapîleus,  dans  laquelle  il  reconnoît  celle  du  héros  Pergame; 
et  il  cite  k  fappui  une  niédaille  du  cabinet  de  Pellerin  «  tHx  !a  niéme  tète  ' 
lui  parbtt  être  celle  d'Hercule,  couverte  de  la  dépouille  du  lion,  ou 
plutôt  celle  de  Thésée  fondateur  de  Smyme.  Toutes  ces  suppositions 
sont  passablement  arbitraires ,  et  la  peau  de  lion  ou  de  taureau  qu'aperçoit 
ici  M.  Sestini,  ne  me  paroît  que  la  chevelure  du  personnage,  ainsi  que 
j'ai  pu  m'en  convaincre  à  Tinspection  d'une  autre  médalHe. semblable  et 
mieux  conservée  (  \\.  Il  y  a  beaucoup  moins  d'incerliiude  ret^iivernent  k 


MAI     l8lp%  '  :225 

fréquent  6ur  les  revers  des  médaille^  autonomeç  de  Pergame  décrites  dai^s 
l'ouvrage  d'Eckhe  I  (  i  ) . 

Je  n  oseroîs  pas  assurer  que  les  statères  attribués  k  Abydos  par 
M.  Sestini,  appartiennent  véritaBlement  à  cette  ville.  Le  masque  »  qu'il 
décrit  ainji ,  Persona  modçsto  oh  (a) ,  offre  un  caractère  tout  différent  de 
celui  qu'offrent  unanimement  les  autres  monnoies  de  la  même  ville , 
Persona  exsntà  Hnguâ  et  serpentibus  horrens.  D'ailleurs,  ce  dernier  type 
jitt  caractérise  point  tejlement  Abydos,  qi^'on  ne  le  retrouve  absolument 
semblable  sur  les  médailles  de  Niapolls  en  Macédoine,  et  sur-toqt  de 
parium,  cité  voisine  ^Abydos  :  enfin ,  M,  Sestini  lui-même  attribue  (3) 
^  C/aiomhies  upe  médaille  offrant  le  même  type,  au  revers  d'un  sanglier 
ailé,  symbole  connu  et  indubitable  des  Clazoméniens.  Quel  est  donc  le 
^igne  particulier  auquel  l'auteur  distingue  des  monnoies  qu'on  seroit  si 
tenté  dç  confondre^  d'après  l'idléntîté  des  types  et  la  similitude  dp 
travail  î 

Les  statères  de  Mitylène,  au  nortibre  de  dou^e,  me  paroissent  enSore 
sujets  à  plus  d'incertitude.  Le  principal  motif  de  cette  attribution  eàt 
ï analogie  des  types  (4);  mais  ces  types  n'ciflFrent,  sur  les  premières 
monnoies,  qu'une  tête  de  femme  ou  de  Muse;  au  revers,  une  lyre;  et 
Mir  les  autres,  Apollon,  Bacchus  et  Diane  Ten  quoi  donc,  oserai- je  lie 
demander  à  fauteur ,  ces  typ^s.,  communs  à  tant  de  villes  grecques  cfp 
la  même  contrée ,  peuvent-ils  caractériser  spécialement  celle  de  AiityPene! 
A  la  vérité  M.  Sestini  &it  de  cette  tête  de  Muse ,  une  tête  deSappho;  et, 
quoique  cette  opinion  ne  repose  elle-même  sur  aucun  fondement  solide, 
il  seroit  peut-être  insuffisant,  pour  la  réfuter,  de  remarquer  que  la  tête 
de  Sappho ,  que  M.  Visconti  a  admise  dans  soti  Iconographie  grecque  (j),, 
d'après  des  monumens  bien  autrement  authentiques,  présente  un  carai^*- 
tère  très-diff^érent  de  celui  que  l'on  attribue  ici  à  cette  femme  célèbre. 
Mais  une  considération  qui  semblera  peut-être  d'un  plus  grand  poids^ 
c'est  que  I^s  portraits  des  personnages  illustres  n'ont  commencé  à  être 
admis  sur  la  monnoie  des  villes  grecques,  qu'à  une  époque  assez  récente, 
en  comparaison  de  l'antiquité  à  laquelle  appartiennent  généralement  les 
monnoies  d'or  décrites  par  M.  Sestini,  et  en  particulier  celles  dont  je 
parle  ici,  et  qui  ont  toutes,  au  revers,  la  trace  du  carré  creux  assez 
profondément  imprimé. 

Cette  considération  s'applique  avec  plus  de  fgrce  encore  à  une  médaille 


(i)  Eckel,  DoctTin»  num,  torn.  II,  p,  ^âj,  —  (2)  Stateri  antichi ,  p.  71, 
—  (3)  Ibidem,  p.  8j. —  (4)  Ibidem,  p.  75  et  «qq.  —  (5)  Iconograph.  grecq. 
tom.  ],p»  69-73, 


Ip6 


JOURNAL  DES  SA  VANS, 


(for,  que  M.  Sesdni  attribue  (t}  k  fa  ville  de  Smyrtu.  et  sur  [aqueiïe  il 
prétend  reconnoître  les  traits  d'Homère  dans  ulie  t£te  barbue  et  dïa- 
démée.  Cette  conjecture  me  paroît  très-hasardée,  et  voici  quelles  sont 
mes  raisons.  D'abord,  Fauteur  voit  une  tète  d'EscuIape  dans  une  autre 
tète  absolument  semblable ,'  autant  que  nous  pouvons  en  juger  d'après  la 
description  et  le  dessin  de  ces  deux  médailles:  or,  par  quel  motif 
M.  Sesttni  reconnoît-il  Homère  ^  où  il  voit  aussi  Esculape  l  £n  second 
lieu,  Strabon,  qui  parle  d'tme  monnoîe  frappée  par  les  Smyrnéens  en 
rhonneur  et  avec  le  portrait  d'Homère,  et  nommée  en  conséquence 
in0Jin«r  Aomm^Kf,  assure  qu'elle  ètoit  de  bronze  [2]-,  et,  effectivement. 
il  existe  en  ce  métal  des  médailles  avec  an  portrait  que  les  plus  doctes 
antiquaires, 'Eckhel  (j)  et  M.  Visconti  (4),  ont,  sans  hésiter,  attribué  & 
Homère  :  Strabon  auroit-il  donc  négligé  d'en  indiquer  d'or ,  s'il  y  en 
eût  eu  de  frappées  dans  ce  métal  !  Enlîn,  quoique  M.  Sestïni  nous  assure 
quf  ces  monnoies  d'or  prouvent  que  les  Smyrnéens  avoient,  dès  les 
plus  anciens  temps,  rendu  cet  honneur  au  prince  des  poètes,  il  est 
infiniment  pliis  proliable  qu'ils  ne  le  firent  pas ,  d'après  Tusage  universel 
de  fantiquiié ,  qui  ne  permettoit  point  de  représenter  sur  les  monnoies  des 
personnages  humains,  usage  attesté  par  tous  les  monumens,  et  auquel 
je  ne  crois  pas  que  les  médailles  puissent  fournir  une  seule  exception; 
car  les  fondateurs  de  colonies,  déîBés  par  la  reconnoissance  de  ces  villes, 
ti'étoient  plus  considérés  comme  mortels.  D'autres  témoignages  histo- 
liques  viennent  à  Fappui  de  cette  opinion.  Les  honneurs  rendus  à 
Hcmère  par  les  villes  qui  se  glorifioient  d'avoir  été  son  berceau,  sont 
tous  d'une  date  beaucoup  plus  récente  queTâge  présumé  de  ces  médailles; 
car  le  temple  dont  parlent  Strabon  (;}  et  Cicéron  (6),  fiit  fondé  par 
PtoIéméePhiIopator,au  témoignage  d'Élien(7), 

J'aurois  bien  d'autres  observations  à  faire  sur  l'ouvrage  de  M.  Sestini  ; 


MAI    1819.  297 

qu'on  accuse  ^i  légèrement  de  précipitalion  ei  d'erreur.  Ce  progrès  de  la 
science  nuinismatique,  dû  enjiartie  uiix  nombreuses  découvertes  de 
M.  Cousinéry,  vient  d'êire  achevé  par  la  publication  du  travail  de 
Jrt.  Sesiinf,  qui,  p:ir  des  rapprocheiiieiis  presque  toujours  ingénieux, 
lors  même  qu'ils  ne  sont  pas  exacts,  par  des  conjectures  nées  de  l'hal)!- 
ludedevoiret  de  comparer  (es  monumens.a  déterminé  les  lieux  où  furent 
frappés  beaucoup  de  ces  nionumeiis,  qu'on  avoit  jusqu'ici  relégués  k 
l'écart  parmi  les  monnoies  incertaines  des  c3bi;ie[s.  Que  s'il  en  reste 
encore  sur  l'origine  desquels  on  doive  conserver  des  doutes,  de  nou 
velles  découvertes ,  des  recherches  plus  approfondies ,  feront  sans  doute 
cesser  bientôt  ces  incertitudes,  et  rempliront  cette  lacune  de  lagéo- 
grapliie  numismatique.  M.  Sesiini  est  certainement  plus  capable  que 
personne  de  perfectionner  ainsi  lui-même  son  premier  trnvail  ;  mais  il  est 
i  souhaiter  que,  dans  cette  carrière  noiivelie  ouverte  an  zélé  des  anti- 
quaires, il  trouve  de  nombreux  concurrms.  Enfin,  quand  bien  mèiue, 
par  l'efFei  de  ces  travaux  dirigés  tous  vers  un  même  bui,  les  premières 
recherciies  se  trouveroient  insuffisantes  sur  quelques  points,  il  y  aura 
toujours  eu  du  mouvement  dans  la  science:  et  ici,  comme  en  beaucoup 
d'autres  choses,  le  mouvement  est  préférable  à  l'inaction. 

RAOUL-ROCHETTE. 


Stobîa  della  Scultufa  dci!  suo  risorgimerito  in  Ittilin  siiio  al 
secohxLf  ,per  servire  M  continuciiione  <iU?  opère  di  Wnickel- 
mann  e  di  d'Agincourt :  volume  terzo.  In  Venezia,  netla 
tjpografia  Pîcotti.  1818.  —  ou  Histoire  de  la  Sculpture 
depuis  sa  refhiissdfice  en  Iteilie  jusqu'au  XïX.'  siècle  ,  pour 
servir  de  continuation  aux  ouvrages  de  Winckelmaiin  et  de 
d'Agincourt;  par  M.  Cicognara. 

SECOND   EXTRAIT. 

Chaque  chapitre  de  l'ouvrage  dont  nous  continuons  ici  de  rendre 
compte,  est,  comme  on  l'a  déjà  dit,  et  comme  il  faut  le  redire,  un  ou- 
vrage qui  ponrroit,  sans  cesser  d'être  en  accord  avec  celui  qui  le  pré- 
cède et  celui  qui  le  suit,  faire  un  volume  à  part;  e  mous  croyons  que 
si  celte  histoire  irouvoil  un  traducteur  en  français,  la  meilleure  manière 
de  la  reproduire ,  seroit  de  l'imprimer  en  autant  de  tomes  que  l'ouvrage 

rp 


298  JOURNAL  DES  SAVANS, 

contient  de  chapitres.  Cette  diviM'on  par  tomes  seroit  &forabIe  k  M 
lecture;  car»  aujourd'hui,  qui  est-ce  qui  lit  en  in-folio  ! 

Nous  aurions  de  beaucoup  excédé  les  bornes  de  l'espace  qui  qoub  est 
accordé  dans  ce  journal,  si  nous  avions  voulu  donner  à  Textrail  de  dtfUpM 
chapitre  de  THistoire  de  la  sculpture,  letendue  que  chacun  eûc  exigée» 
pour  être  apprécié  dans  son  ensemble  et  dasis  ses  détaib.  Nous  ftUons 
tâcher  de  faire  connoître  sommairement  le  sujet  et  la  niatière  du  cha- 
pitre IV9  dans  le  tome  III  et  dernier  de  Touvrage. 

Le  chapitre  m  a  conduit  THistoire  de  la  sculpture  jusqu'à  Tépocpie 
où  Bernin,  resté  sans  rival,  peu|>Ia  fltalie  de  ses  ouvrages  et  rEurc^fw 
de  ses  élèves ,  qui  répandirent  par-tout  le  goût  de  leur  niaitre.  Le 
chapitre  iv  contient  d  abord  Fhistorique  de  cette  école  à  Roiaetoii  Toii 
vit  briller  avec  quelque  éclat  Ercole  Ferrata,  élève  en  partie  d'Aigardit 
en  partie  de  Bernini.  Notre  auteur  fait  observer  ici  que  la  sculpture  de 
bâtiment,  oii  cet  artiste  acquit  de  la  réputation  t  porte  assez  natmelle- 
mem  à  une  exécution  prompte,  liardie  et  ennemie  du  précieux  qu'exige 
la  vérité  imitative.  L'observation  a  quelque  justesse;  mais  il  est  yusCe 
d  observer  aussi  que  ia  sculpture  d'ornement  et  de  bâtiment  est  toufoun 
subordonnée  au  style  et  au  genre  d  exécution  de  l'architecture;  que  leâ 
monumens  d*un  goût  sage  et  sévère  ont  toujours  été  ornés  de  sculptures 
finies  et  d'une  exécution  précieuse  ;  et  que  ce  fut  au  style  déjà  corrompu 
de  larchiiecture  dans  le  XV Ji/  .siècle,  que  la  sculpture  dut  en  grande 
partie ,  par  le  besoin  de  s'y  coordonner,  les  abus  de  cette  manière ,  qui» 
des  ouvrages  de  bâtiment,  s'introduisit  alors  dans  tous  les  ouvrages  du 
ciseau. 

Telle  fut  celle  de  Afelchior  Cnffa,  de  Joseph  Manuolî ,  auquel 
Hernin ,  sur  le  déclin  de  sa  vie,  confia  l'exécution  de  la  statue  de  la 
Charité,  dans  son  tombeau  du  pape  Alexandre  VI,  à  Saint-Pierre.  Ce 
Mazzuola  enchérit  encore  sur  la  manière  désordonnée  de  draper  de  son 
maître.  Sa  statue  de  S.  Philippe,  à  Saint-Jean  de  Latran,  offre  des  dra- 
peries dont  les  plis  semblent  des" éclats  de  rocher.  Florence,  Rome  et 
Malte  ne  comptent  que  trop  de  ses  ouvrages. 

Quelques  autres  élèves  de  Btrrnin  firent  preuve  d'un  goût  moins- 
déréglé  dans  quelques  entreprises  assez  importantes.  Un  des  plus  connus 
fat  Antoine  Raggi  (  nommé  le  Lombard) ,  qui  sculpta  une  des  quatre 
figures  colossales  de  la  célèbre  fontaine  de  Piana  JVavona.  Le  genre 
de  décoration  peu  sévère  que  ce  siècle  appliqua  à  la  composition  des 
fontaines,  et  qui  peut-être  y  convient  jusqu'à  un  certain  point, con- 
tribue sans  doute  à  faire  juger  avec  moins  de  rigueur  la  manière  d'An- 
toine Raggi  y  qui,  du  reste,  fit  voir,  dans  les  parues  nues  de  cet  ouvrage  , 


MAI   !8lp.  *(}9 

un  style  large  et  un  dassia  grandiose.  Home  possède  beiuconp  d'ouvrages 
Àe  ce  sculpteur,  entre  nuu^es  un  des  anges  fortnaat  la  décoration, cfu 
pont  Saint  Ange. 

Les  écrivains  de  lu  vie  de  Bernm  n'admettent  de  sculpteurs  distingué^ 
dans  ce  siècle  que  ceux  qui  furent  ses  élèves.  Us  con^itent ,  comme  sortis 
de  sou  école,  Giuliano  Fjnelli,  qui  aida  son  maître  dans  l'exécution  â< 
son  groupe  d'Ajîonon  et  Daphné.et  desaS-'^Bibiana;  —  Andréa  Bolgîi 
auteur  d'une  des  quatre  statues  colussale»  placées  dons  les  grandes 
niches  des  piliers  de  la  coupole  de  Saint-Pierre  ;—r-A><ï«<rfJfo  Ba'tiUa,  qui 
sciLlpta  la  tigiire  du  Nil  à  I)  fônuiiie  de  Pîa^^a  Nawna:  — Jacobo 
FaiiceIJi,  colbboraieur  de  son  maître  d.ins  le  ntéme  mnoumeni;  —  La»* 
zaro  Morelli,  qui,  biéu  qu'il  ait  tiié  élève  de  François  Flamruem^,  fut 
«inployé  par  Bernin  d^us  rexécutioii  du  mausolée  d'Alexandre  VU; 
—  Maitia  de  Rossî,  qui  accon)i>,igna  soo  maître  dans  son  voyage  en 
France,  et  dont  le  reorreau  (e  plus  connu  est  le  tombeau  du  pape  Clé- 
ment X  dans  Saiut-Pierra ,  quoique  les  principales  figures  soient  de 
diverses  mains. 

11  faut  toutefois  faire  honneur  a  cette  époque  de  quelques  scuFpteurs 
iirangers  à  l'école  de  Bernin.  A  lettr  tête  se  distingue  Fnvtctscq  Aiochi . 
auteur  de  la  S."  Véronique,  doiU  l'attitude  et  les  draperies  volantes 
donnèrent  (ieu  ^  la  plaisanterie  célél^re  dirigée  alors  contre  Bernin  ,  qui 
venoit  de  t^iuîner  et  d'orner  les  niches  et  (es  tribunes  des  quatre  piliers 
de  b  coupole  de  Saint-Pierre  i  car  h  cette  époque  venoit  aussi  de  se  ma- 
nifester une  lésarde  dans  la  construction  de  cçtie  coupole;  et  comme 
Bernin  criliquoit  le  moiiVeiiieni  de  ces  draperies  vclanies  dans  un  local 
clos,  on  lui  ïépoi^dic  que  le  vent  qui  agiloit  ces  plis  venoit  de  la  fente 
de  la  coupole,  dont  un  attribuoit  la  cauïe  \  l'affaiblissement  causé  dans 
les  piliers  pr  les  vides  qu  on  supposoit  et  qu'on  suppose  encore  avoir 
été  produite  par  Bernin.  Rien  toutefois  de  moins  motivé  que  la  critique 
de  Bertiin,  «t  de  plus  injuste  que  la  riposte.  Dans  un  lieu  fermé,  il  est 
toujours  libre  à  l'artiste  de  faire  voler  des  draperies,  lorsque  (e  sujet  de 
la  tîgure  se  rapporte  .'i  un  lieu  autre  que  celui  de  la  statue.  Quant  au 
reproche  fait  à  Bernin,  il  n'a  nul  rondement,  puisque  ces  vides  déniches 
et  de  tribunes  tiennent  \  la  construction  primitive,  et  que  le  travail 
nouveau  eut  pouf  principal  objet  de  renforcer,  par  des  revêiisicmens 
de  marbre,  la  construction  des  niches,  et  de  diminuer  la  profondeur 
des  tribunes. 

Le  défaut  de  critique  historique  ,  dans  cette  partie  de  fart  du  XVIl/ 
siècle ,  a  fait  prendre  pour  des  élèves  de  iJernin  tous  ceux  dont  le  goflt 
eut  du  rapport  avec  le  sien  ;  ainsi  l'on  est  porté  à  attribuer  ï  son  école 


?«• 


JOURH*l^^ï5*AVANS, 


tooacs  les  ujanes  da  pow  SiitH-Ange.  Deux  de  m  otwtige.  ^t  pttr 
^(ilo  Nxidîa ,  Itfévtt  de  deux  pekitm ,  André  ^dii  et  Carlo  Mint» . 
HMit  eflcctitviBeni  dans  le  goût  tcnhu^ue  ;  c'«t  qœ  ce  goût  repose 
prindpafenienf  inr  fatw*  (Su  traniiporteT  d^ns  h  sculpture  les  efiètj ,  Ws 
itgèretéi  «  loéme  les  aj>rk«%  dr^  pcînires  d'alors ,  et  riea  ne  detotï 
plas  rcunnbler  i  la  sairpror?  de  Bemin,  que  la  manièfe  et  le  styfc 
de  Carie  Miraiie.  appliqués  à  des  si^iiues. 

En  pauanitoin  silence  bn  assez  grand  nom I>re  de  noms  plus  ou  moins 
obKun,  nou»  zrrïrons,  avec  noire  .lufeur,  à  Camiifo  Rosconi .  Milanais 
de  nation ,  «i  qui  éiodra  S  Rome  soas  Ercoîe  Fenata.  Rnsconi  foi  le 
gnod  homme  deson  ë^i>oque,  qui  éioii  le  commencement  dniviil." 
siècle.  C'est  une  chose  renwrquaiile  que  cet  engouement  de  chaque 
génération  pour  les  talens  de  son  temps,  et  celle  vanité  qui  fait  croire 
qu'en  venant  les  uns  après  les  autres,  les  hommes  vont  de  mieux  en 
mieDK,  et  de  plu*  fort  en  plus  fort.  Alors  on  se  croyoit  arrivé  à  looie  ta 
^riêclion  de  fan.  Rusconi  (  disr>ir~o:i  )  réimit  fa  nrrtttion  fl  la  majalé 
des  unâryit  à  l'tx'presshn  et  au c/iarme  des  mo  férues.  Combien  ce)\i^emvni 
neparoft'ii  pas  ridicule  aujourd'hui,  et  que  dira-t-on dans  un  atècle  de 
beaucoup  de  fugemens  de  notre  temps  î 

Pour  élre  juste ,  et  en  séparant ,  comme  cela  se  don  souvent ,  le  talent 
qtu  appartient  à  l'artiste ,  du  goûi  qu'il  reçoit  de  fopinion  régnante,  il 
faut  avouer  qu'avec  de  meilleurs  principes  ,  Rusconi  se  seroît  élevé  à  un 
irês-haul degré,  ce  que  prouvent  deux  ai^ges  par  lut  -cuipiés  au  desstts* 
(Tune  pone  latérale  de  la  chapelle  de  S.  Ignace  au  Jcsus,  et  qui 
sont  sa  plus  belle  production.  On  (e  trouve  inférieur  à  lui-même  da'ns 
ton  mausolée  du  pape  Grégoire  Xlll,  â  Saint-Pierre,  malgré  la  pré- 
fcrence  assez  injuste  qu'il  ohlinl  sur  les  modèles  de  Prosper  Bresciaiio, 
comme  en  font  foi  tes  dessins  qu'en  a  conservés  lîonanni,  Ruiconi ,  ou 
du  moins  son  goAt ,  triomphe  dans  la  basilique  de  Saint-Jean  de  Latran. 
Cefut  une  belle  entreprise  pour  ia  sculpture,  que  celle  de  ces  douze 
statues  colossales  en  marbre  des  apôtres ,  dont  Clément  XI  orna  la  nef 
de  cette  grande  basilique ,  et  ce  fut  on  beau  sujet  de  concours  et  d'ému- 
lation entre  les  hommes  d'alors.  Les  artistes  cjui  y  eurent  part  fiircni 
Éiienne  Alonot,  qui  fit  S.  Pierre  et  S.  Paul  i  /r  Gros,  qui  sculpta  S.  Tho- 
mas et  S.  Banhelemi  ;  Joseph  Al.a'^uoU,  auteur  du  S.  Philippe  ;  François 
Moratti,  quisculpia  S.  Simon  ;  Laurent  Otto/il,  il  qui  fut  confiée  la  figure 
de  S.  Thadée;  Aigelo  iîej// ,  auquel  on  donne  assez  volontiers  le  prix  dans 
!a  figure  de  S.  Jacques  le  Mineur,  et  Rusconi,  qm  eut  dans  son  Im  l'exé- 
cution de  S.  Jacques  le  Majeur,  de  S.  André,  de  S.  Jean  çt  de  S.  Ma.thietF. 

Ce  fût  dans  ces  figures  que  Rusconi  dévtIo]>pa  avec  le  pins  de  har- 


MAI   1819.  301 

diesse  ce  style  <!e  draperies  larges,  qui  n'apparlieiuieiu  ni  par  le  cosiume, 
iii  par  le  genre  d'éloffes,  &  aucune  mode  ,it  sucun  tyractère  d'habil- 
'  lement,  siyle  plus  que  -grandiose,  ei  bon  poiir^des  décoraiions  peinres 
et  à  voir  de  loin.  De  cette  époque  daie,  et  dans  le  fait,  et  dans  la 
manière  de  s'exprimer,  l'habitude  non  plus  d"habiller,  inais  de  draper 
les  statues.  Les  personnages  ainsi  ajustés  ne  pourroient  quelquefois  poini 
faire  un  pas ,  sans  que  leur  ajustement  les  abandonnSt. 

TeJle  est,  à  peu  de  chose  près,  la  manière  des  draperies  de  toutes  les 
figures  de  Saint- Jean  de  Latran ,  et  de  celle  d'Angelo  Rùssi ,  qui  obtint 
alors  une  gmnde  réputation.  H  est  certain  que  la  coniposiiîon  de.son 
Si  Jacques  le  Mineur  est  une  des  meilleures  qu'il  y  ait  dans  cette  collec- 
tion. Il  possédoit  une  grande  habileté  de  ciseau,  ce  dont  témoigne,  dans 
la  léie  de  son  apûtre,  la  manière  hardie  dont  sont  touchés  la  barbe  et  les 
cheveux.  Cette  dextérité  d'instrument  brille  encore  au  plus  haut  point 
dans  le  bas-relief  de  son  tombeau  d'Alexandre  VU  à  Sarnt-Pierre,  dont  le 
genre,  soit  de  sujets,  soit  d'ajustement  et  de  costume,  le  plus  ingrat 
qu'on  puisse  iniagiper,  le  plus  opposé  qu'il  y  ait  aux  moyens  naturels  de 
la  sculjiiure,  est  toutefois  relevé  par  une  assez  grande  vérité  de  portrait 
dans  les  têtes,  et  par  une  finesse  d'outil,  qui  en  a  fait  long-temps  un 
prodige  et  un  modèle  classique.  Car  des  moules  de  ce  bas-relief  en  ont 
répandu  par-tout  des  copies  qui,  jusqu'à  la  moitié  du  dernier  siècle, 
étotent  proposés  Ji  l'imitation  dt-s  élevas. 

C'est  toujours  par  la  perfetiion  mécanique  que  finissent  les  arts 
d'iniilaiion,  lorsque  le  sentiment  original  du  vrai  et  du  beau  s'est  épuisé  ; 
et  c'est  ainsi  que  l'on  vit  en  quelque  sorte  finir  la  sculpture  à  Rome  dans 
Ja  première  moitié  du  xviri.'  siècle.  Angelo  Kossi  et  tous  les  sculpteurs 
de  Saint-Jean  de  Latran  fermèrent,  si  l'on  ]ieut  dire,  la  carrière  de 
l'invention,  en  portant  l'exécution  mécanique  au  plus  haut  point 
d'habileté. 

C'est  h  que  s'arrête  aussi  notre  historien,  qui,  pour  ftire  marcher  de 
front  les  autres  parties  de  son  histoire  dans  les  diverses  contrées  de 
l'Ilalie,  va  nous  faire  voyager  à  Naples,  où  il  remarque  qu'un  grand 
■nombre  de  monumens  n'étalèrent  que  le  vain  luxe  de  la  matière  et  d'une 
exécution  sans  goût  :  aussi  ces  monumens  n'ont  pu  fiiîre  vivre  l«i  noms 
de  Cosimo  Fansaga,  auteur  des  obélisques  consacrés  ù  S.  Dominique  et 
ît  S.  Janvier;  d'Andréa  Falcone,  de  LorenzoVaccaro,  de  Matteo  Boni- 
glieri,  tous  élèves  i  la  seconde  génération  de  Bernin,  et  qui  n'eurenl'qite 
le  ridicule  de  ses  défauts  sans  eii  avoir  l'esprit. 

La  Toscane  se  reposoit  depuis  long- temps,  dit  notre  auteur,  sous  les 
lauriers  dont  les  grands  artistes  du  XVI.' siècle  l'avoient  ombragée;  le 


^i  JOURNAi  DE 

Myte  bizarre  qui  dominoit  alors  par-tout ,  trouvoit  à  FForeiKe  trop  dp 
préservatifs  dans  les  grands  ouvrages  dont  cette  vilie  est  remplie ,  et  sur- 
tout darji  les  modè^Ies  de  ce  goût  sévère  et  grandiose  qui  fut  le  caractère 
de  iecolc  florenlioe.  Jean  Caccim,  Antonio  Novetli,  R&phael  Curradi, 
ornèrent  le  paiais  Pilii  et  les  jiirdins  de  lioljoli  d'ouvrages  sans  doute 
inférieurs  b  ceux  du  siècle  pr<ïcédent ,  mais  ^ans  lesquels  toutefois  on 
retrouve  leur  tradition.  Ceux  qui  alors  portèreot  le  plus  l'empreinte  carac- 
téristique du  siècle, appartiennent  à  lecolede  Jean-Baptiste,  de  Vincent 
ict  de  Jules  Fogginî.  Le  premier  eui  une  lielle  occasion  de  montrer  son 
.lali^ntdans  ïa  magnifique  chapelle  de  Corsîni  al  Carminé,  ou  il  repté- 
xola  en  Las-relief  l'enlèvenieni  de  S.  André  par  les  anges.  Ce  n'vsl 
.plus  la  lînesse  et  la,  naïveté  du  Gbiberti,  le  beau  style  de  Lucca  délia 
«Robbia;  mars  il  y  a  dans  lOBs  les  bits-reliefs  de  cette  chapelle  une  grande 
habiletéde  travail  du  marbre  et  un  goitt  fort  moelleux  dans  la  maaiére 
de  traiter  fa  ciiair.  On  peut  se  former  lldce  du  talent  des  autres  Foggini, 
surnommés  Ju/tj  et  Vincfit,  en  voyant  le  mausolée  (le  Galilée  dans 
l'église  de  Sainte-Croix,  monument  bien  propre  k  faire  apprécier  l'éuf 
ile  médiocrité  de  l'école  dont  on  parle,  jtuisquales  principaux  sculpteurs 
cPslors  y  travaillèrent.  Le  nombre  des  artistes  qui  marquèrent  ï  cette 
époqae,  ftxi  considérable;  mai-,  ils  ont  tous  passé  sans  gloire,  et  leurs 
noms  ne  se  retrouvent  que  dans  les  archives  oubliées  de  ce  temps,  d'où 
M.  Cicognata  a  lait  sortirteux  «Je  Kortini,  de  Ticciati.  de  Piamonttni. 
de  Philippo  VaUe,  d'Andreozzi,  deScIdani,  qui  pourtant  se  tit  lionneur 
I  ^bns  l'art  des  mcd.iilles  el  de  l'orfevrcrle. 

II  faut  dire  îi-^>eu  prèi  la  mènie  chose  des  sculpteurs  qui,  dans  ce  siècle, 
f  Aravaillèreni  h  Bologne,  en  Loiiibardie,  et  dans  ie  Piémont.  Une  foule 
[A  noms  remplit  les  pages  de  notre  hîstcrien;  mais  ces  noms  ne  se 
I  ntlacheni  h  aucun  ouvrage  dont  la  postérité  ail  gardé  la  mémoire. 

M.   Cicognara  s'étend  avec  un    peu   plus  de  complaisance  sur  le* 

I  «Culpleurs  vénitiens  qui  occupèrent  la  période  qu'il  parcourt;  mats  il  ne 

[  Jes  juge  pas  avec  moins  de  sévérilé,  et,  d'après  lui,  on  peut  observer 

(qu'à  Venise,  comme  dans  les  autres  parties  de  l'Italie,  le  xvir.'  sièdei 

^ur  les  arts  du  dessin ,  fut  ce  qu'on  a  vu  être  en  France ,  qu<int  à  la 

(  itlérature,  le  xvill.'  siècle  à  l'égard  du  xvil.'  Il  y  eut  beaucoup  plus 

■de  vanité  que  de  véritable  orgueil  ;  la  recherche  de  la  nouveauté  nuisit 

il  celle  du  vrsi;  quelques  hommes  de  talent,   plus  que  de  génie;  la 

[  Jtsrdiesse  de  la  main,  substituée  ii  celle  de  la  pensée;  de  la  perfection 

I  dans  toutes  les  opér.iiions  mécaniques  de  l'art,  une  présomption  désoi^ 

oniiée,  le  mépris  de  ce  qui  éioit  ancien  ,   entîii  Tépuisement  de  ce 

r  UrifiQ^e  viialdesariï  comme  d>î  la  société ,  et  dont  J'elTti  ou,Ie  syijiftôm.e 


MAI  1819.  joj 

^t  de  aubordSonmr  fe  sentiment  an  raisonnement  »  et  le  règne  des  idées 
monrles  à  celui  des  sensations  matériel  les. 

QUATREMÈRE  DE  QUINCY. 


PâfNTUJfES  ANTIQUES  DE   VaSES  GRECS  b  de  la*CoHectJ09  de 

sir  John  Coghill  Bart,  publiées  par  Jaihes  MiUingen ,  de  la 
société  des  antiquaires  de  Londres,  et  de  l'académie  arcAoù* 
logique  de  Rome  (i). 

■  -  « 

Cette  collecdon  précieuse  aroît  été  fermée  par  M.  de  Lalô,  trésorier 
particulier  de  la  feue  reine  de  Naples  ;  elle  fut  achetée  !i  sa  oiort  par 
M.  le  chevalier  de  Rossi/et  elle  appartient. aujourdlitti  ^  M.  le  chevalier 
Coghill.  L'éditeur,  M.  Millingen,  savant  antiquaire  de  Londres,  a  dé^ 
publié,  en  1 8 1  3  ,  un  semblable  Recueil  de  jointures  de  vases  grecs,  pré^ 
cédé  d'une  introduction  remplie  de  recherches  et  d*obsejrvations  curieuses^ 
Il  avoit  préludé  à  ce  grand  travail,  en  i8r2,  par  un  HecueU  fréçievac 
de  médailles  grecques  inédites.  • 

L'ouvrage  qu'il  publie  aujourd'hui,  renferme,  dans  T introduction ,âe» 
notions  positives  sur  la  &brication  des  vases  grecs  de  terre  cuite  :  efle» 
sont  en  grande  partb  renfermées  dans  trois  lettres  de  M»  de  Rossf , 
celui  qui  a  cédé  sa  collection  à  M.  Coghilf» 

On  cherche  encore  l'emplacement  qu'occupoient  de  très-grandes 
villes  anciennes  ;  et  deux  ou  trois  mille  vases  de  terre  cqi  te,  fabriqués, 
pour  le  plus  grand  nombre,  quatre  et  cinq  siècles  avant  Fère  vulgaire^, 
font  l'ornement  de  nos  cabinets.  Leur  matière  sèche  et  argileuse,  les 
excavations  dans  lesquelles  ils  étoient  renfermés,  leur  ont  assuré  une 
durée  pour  ainsi  dire  éternelle;  tandis  que,  si  Ton  excepte  Hercufanum 
et  Pompeii,  Foxidation  causée  par  l'humidité  de  la  terre  a  détruit  par- 
tout.presque  tous  les  vases  de  bronze. 

Depuis  un  sièc4e  et  demi ,  on  a  formé  des  collections  de  vases  grecs 
peints;  on  a'cherché  à  deviner  les  procédés  employés  par  les  potiers; 
mais  le  temps  seul  nous  les  a  révélés.   Il  fallpit  en  posséder  un  très- 

(i)  Grand  //i-yô/zo^  avec  j 2  planches,  sur  papier  vélin.  Rome,  rSi8;'chev 
MM.  Deburcy  libraires ^  rue  Serpente.  Prix,  120  fr.  —  On  trouve  chez  les 
mêmes  libraires,  et  du  même  auteur,  les  Peintures  antîques^et  inédites  de  vase* 
grecs,  grand  in  folio,  avec  63  planches,  papier  vélîn.  Rome,  1813.  Prix,  136  fr. 
>^  £t  Recueil  de  quelques  médailles  grecques  inédites,  Rome  ^  1  Ui  Xy  ïn^é^* 


3o4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

grand  nombre,  en  trouver  dans  ce  noni(>re  qui  présentassent  des  vestfges 
des  premiers  travaux  ;  avoir  des  yeux  assez  exercés  pour  les  reconnoître 
et  pour  fes  décrire  :  c  est  ce  que  Ton  n  a  pu  faire  que  depuis  quelques 
années. 

On  choisi>soit  d*ahord  une  argile  dans  laquelle  la  cuisson  devoit  dé- 
velopper la  couleur  désirée,  rouge,  noire  ou  jaune.  A  défaut  de  cette 
argile,  on  intreduisoit,  dans  celle  qu'on  étoit  forcé  d'employer,  des  ocres 
[oxides  de  fer]  qui  dévoient  produire  cette  couleur.  Le  vase  fermé  ainsi 
étoit  placé  dans  le  four,  où  une  première  cui>son  lui  donnoit  assez  de 
dureté  pour  que  les  couleurs  fluides  ne  pussent  pas  s'y  imbiber.  Des 
mains  du  potier,  ces  vases  passoient  dans  celles  du  peintre,  comme  oa 
le  pratique  pour  les  pprcelaines.  Le  peintre  traçoit  sur  ces  vases,  avec 
des  lignes  ponctuées,  Tovale  de  la  tête,  les  traits  du  nu  que  dévoient 
couvrir  les  vétemens,  et  cela  avec  une  pointe  de  métal  ;  quelquefois 
même  la  ligne  d'ébauche  étoit  de  couleur,  mais  d'une  couleur  dîfleren te 
de  celle  du  fond  :  ensuite  il  dessinoit  autour  de  cet  ovale  et  des  autres 
lignes  ponctuées,  avec  le  pinceau,  une  large  ligne  noire  qui  exprimoit 
les  traits  arrêtés.  Cette  ébauche  et  ce  premier  travail  se  voient  encore 
sur  deux  vases  de  cette  collection  ;  mnii  les  couleurs  les  cachent  pour 
l'ordinaire.  Celles  ci  étoient  couchées  h  plat,  sans  dégradation.  On  re- 
garde comme  les  plus  anciens  les  vases  d*une  seule  couleur,  de  celle  de 
Fargile  dont  ils  éK)ient  faits.  Bientôt  on  les  peignit  en  noir;  d'où  vint 
le  nom  A/Ct^fç,  que  donne  Mésychius  aux  vases  placés  dans  les  tombeaux  » 
et  les  pauvres  en  conservèrent  l'usage ,  tandis  que  les  riches  employoient 
ceux  qui  étoient  ornés  (le  figures.  Les  vases  les  plus  communs  sont 
encore  recherchés,  h.  cause  de  la  beauté  de  leur  galbe  et  de  la  grâce 
de  l'ove  qui  en  forme  la  panse. 

Les  vases  ornés  de  figures  peintes  sont  ceux  auxquels  on  attache  le 
plus  grand  prix.  Quoique  l'on  sache  que ,  dans  l'antiquité ,  on  aimoit  à 
imiter  les  formes  et  le  style  du  dessin  dts  vases,  des  meubles  des  premiers 
temps,  on  s'accorde  cependant  à  regarder  comme  les  plus  anciens  ceux 
dont  le  fond  est  jaune ,  couleur  de  buis ,  et  les  animaux  qui  y  sont  peints, 
plus  souvent  que  des  personnages ,  d'un  rouge  de  brique.  Al.  Dodwelf 
en  a  trouvé  plusieurs  dans  des  tombeaux  auprès  de  Corinthe;  les  ins- 
criptions ptrintes  sur  quelques-uns  annoncent  la  plus  haute  antiquité. 

Les  vases  du  second  âge  [  s'il  est  permis  de  s'exprimer  ainsi)  ont  le 
fond  jaune  ou  blanc ,  et  les  figures  noires  ;  leurs  inscriptions  pour  fa 
plupart  ne  ]>euv6iit  se  lire;  le  dessin  est  incorrect  ;  les* figures  manquent 
^  mouvement  et  d'expression;  les  sujets  représentés  sont  souvent 
inexplicables ,  parce  que  ces  vases  sont  antérieurs  au  quatrième  siècle. 


MAT  iSip.  joj 

époque  à  laquelle  Zeuxis  créa  et  fit  adopter  géiiérafeineni  des  modes 
conslans  pour  peindre  les  dieux  et  les  héros.  On  tioit  que  la  seconde 
sorte  de  vases  est  celle  que  l'on  a  le  plus  imitée  dans  les  siècles  suivans, 
par  amour  pour  l'archaïsme. 

Le  fond  des"  vases  de  la  troisième  sorte  est  noir;  les  figures  sont 
jaunes  ou  rouges  :  ce  sont  les  plus  communs. 

On  trouve  quelquefois ,  sur  les  vases  grecs,  du  bleu,  du  vert,  du 
rouge  de  carmin ,  et  même  de  la  dorure.  La  couleur  blanche  étoit  ajoutée 
sur  la  peinture  dans  fes  accessoires,  ainsi  que  les  inscriptions;  de  lïi  vient 
qu'elles  ont  été  souvent  enlevées  en  partie  par  les  frottenien?.  Un  oxida 
de  plomb,  la  céruse,  fonnoit  en  partie  la  couleur  blanche. 

\Jne  seconde  cuisson  fiicoil  les  couleurs  sur  les  vases ,  et  leur  donnoil 
ce  vernis  luisant  qui  distingue  les  plus  précieux.  Quant  aux  vases 
coninnuts,  on  donnoit  le  vernis  k  tout  le  fond,  avant  la  cuisson,  qui 
alors  neloil  pas  suivie  d'une  seconde. 

Les  ornemens  seuls  paroîssent  avoir  été  faits  avec  des  poncifs,  ou 
avec  des  cartons  découpés.  Quant  aux  figures,  c'éioient  ordinairement 
des  copies,  et  non  des  originaux  de  l'invention  du  peintre  des  vases. 
M.  de  Rosst  croit  pouvoir  le  conclure  de  ce  que  l'on  ne  trouve  point  de 
peinture  dans  laquelle  il  se  soit  repris,  c'est-à-dire,  où  il  se  soit  éloigné 
des  lignes  ponctuées,  ou  même  où  II  ait  changé  quelque  attitude. 

Tels  sont  fes  détails  mécaniques  de  la  fabrication  et  de  la  jieinture: 
■c'étoit  l'objet  le  moins  connu. 

On  a  porté  des  jugemens  très-différens  sur  les  peintres  des  vases  grecs 
de  terre  cuite,  ou  plutôt  sur  les  dessinateurs  ;  car  on  doit  réserver  le  nom 
de  peintres  h  ceux  qui  créent  leurs  sujets,  qui  ne  font  pas  des  copies. 
Si  l'on  examine  la  variété,  ielégance  des  draperies,  fa  befiutc  des 
figures ,  la  justesse  des  proportions ,  on  conviendra  que  ces  dessinateurs 
avoient  quelque  mérite,  sur-tout  si  l'on  considère  que  les  figures  tracées 
sur  la  convexité  des  vases  et  dans  la  concavité  des  patères  (  soucoupes  ) 
ont  cette  dégradation  qu'exige  la  perspective,  pour  qu'elles  ne  paroissent 
pas  difformes  :  cela  est  si  vrai,  que^  si  l'on  calque  une  de  ces  figures ,  et 
qu'on  déploie  le  calque  sur  un  plan  uni,  elle  aura  l'air  de  pencher  en 
arrière,  de  tomber;  c'est  la  science  du  peintre  de  plafonds.  D'un  autre 
eôté,  les  extrémités  de  ces  belles  figures  (  les  mains  et  les  pieds)  sont 
dessinées  avec  autant  de  négligence  que  l'on  en  irouve  dans  les  peintures 
des  peuples  sauvages.  Les  dessinateurs  des  vases  n'éioient  donc  pas  des 
peintres  proprement  dits:  c'éioient  des  copistes  médiocres ;ei  les  pein- 
tures des  vases  grecs  ne  sont  pas  des  originaux  ;  ce  sont  des  copies  de 
tableaux,  de  bas-reliefs,  ou  de  statues  quiavoient  acquis  de  la  célébrité. 


jo(î  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Comment  ces  desunateurs  pouvoient-ifaûre  un  recueil  d'études  de 
ces  beaux  ouvrages  !  Quelles  Mibstancss  einployûienc-ils  pour  tenir  lied 
de  nos  diveKes  espèces  de  crayons,  de  no»  papiers  de  chiffons ^  de  nos 
papiers  tmnsparens  :  Il  est  probable  aussi  que  notre  manière  de  calquer 
Jeur.éioittiiconOue;  manière  avec  kqùt-He  leS  plusfoibles  artïHes  tracent 
des  copies  fidèles:  par  quel  procédé  la  remplaçoîentils!  lli  ^soient 
vraiseinbiablemeilt  de&  croquis ,  des  tableaux  qu'ils  vduloîent  imiter ,  ou 
des  stuvmrt  rapides  de  cx»ix  qu'Us  avcâedt  vm  dwi  leurs  .Koy^ges  pitto- 
reiques.  De  là  vient  que,  dsnsli^s  peinures  des.vaws^  fes  parties  piincir- 
fttles  sont  bien  exécutées ,  et  que  les  exirétnilés  sont  fort  incorrectes* 
Ayant  seulement  con6é  celle-ci  à  leur  mémoire,  t{s  se  .trouvoîenf 
incapables  de  les  raidre  avec  fîdéitté.  Al,:  de  Roni.  dont  fe  reproduit  ict 
ia  pensée»  la, ^fortifie  par  un  etemple  £iipf»fK.  Vm  poiî»ï  d'Urbino. 
jMitrie  de  Rapftaél,  ornoient  leurs  âïences-  de  sujets  dessinés  par  ce 
grand  maître  et  par  ses  élèves  :  on  les  reconnoîtà  la  noblesse,  à  l'esprit 
de  l'Mventfoniniaisquerexéculioaestloitiid'y  répondre!  Au  reste,  il 
n'éteit  pvs  nécessaire  que  les  dessinateurs  se  rendissent  sur  les  lieux  ov 
st  troUTOient  lis  ponumens  des  arts  qu'ils  vouloieot  copier  ;  ils  pouvpient 
les  fîiire  modeler  tu  aigile,  et  faire  transporter  ces  copies  dans  leurs 
ateliers.'. 

Malgré  les  imperfêctionsque  présentent  les  peintures  des  vasçs  grecs, 
leur  .étude  [doit  être  .fort  avantageuse  ii  nos  artistes:  ils  trouveront  à 
former  leur  goût  dans  la  noblesse ,  la  simplicité  des  compositions  ;  dans 
la  grâce,  la  force  et  la  justesse  d'explfession  des  attitudes.  C'est-Ià  que 
l'on  titouve  les  véritables  modèles  des  (ilis  des  draperies,  non-seulement 
.dans  les  ligures  en  repos ,  tels  que  les  présentent  les  statues ,  mais  encore 
dans  les  ligures  qui  sont  en  mouvement,  objet  difficile  à  fixer  sous  les 


MAI   1819.  Î07 

ttes  orncmens  qui  accompagnent  les  figures,  méandres  .fleurs,  festons  &c. , 
qui  sont  les  niéines,  ei  lout  aussi  éiégans.  Au  reste,  on  voit  fe  plus 
souvent  sur  les  vases  appelés  sici/ienf,  des  bacchanales,  c'esi-à-dire,  des 
mascarades,  des  orgies,  des  caricaiures,  auxquelles  convenoit  parfai- 
tement ce  genre  de  peinture,  que  l'on  affecta  proIjabLment  de  conserver 
pour  cet  objet  par  esprri  de  religion.  Les  monnoies  d' Alhènes  présentent 
un  semblable  exemple  d'afTeciaiion  d'archaïsme, 

Puiique  j'ai  parlé  des  fêtes  de  Bacchus,  on  attend  que  je  parle  aussi 
de  ses  mystères  et  des  initiations  ;  parce  qu'il  s'est  établi ,  depuis  Passeri 
et  Monttaucon,  une  opinion  qui  attribue  tous  les  vases  peints  aiiic 
initiés,  qu'ils  accompagnoient  dans  les  tojnbeaux.  M.  Miibngen  l'a  com- 
battue victorieusement.  D'abord  elle  n'est  fondée  sur  l'autorité  d'aucun 
auteur  ancien.  Lorsqu'on  découvre  une  suite  de  tombeaux ,  tous  contien- 
nent des  vases  plus  ou  moins  précieux  ;  assurera-t-on  que  tous  les  morts 
dont  les  restes  reposent  dans  ces  tombeaux,  ont  éié  initiés  aux  mystères 
de  Bacchus  ;  Que  dire  de  ceux  des  enfans,  qui  ne  ]touvoient  avoir  été 
admis  aux  initiations ,  et  qui  renferment  aussi  des  vases  î 

Pour  quelle  raison  plaçoit-nn  des  vases  dans  les  tombeaux ,  ou  auprès 
des  tombeaux!  Les  Grecs  brûfoient  ou  enlerroient  les  morts  indifle- 
remment;  ce  qui  est  prouvé  jïar  les  vases  renfermant  des  ossemens  et 
des  cendres,  placés  dans  quelques  tombeaux  ,  qui  sont  entourés  d'autres 
tombeaux  dans  lesquels  les  morts  sont  étendus  sur  des  feuilles.  Les 
pi^emiers  tombeaux  présentent  des  fragmens  de  vases ,  qui  ont  été  brisés 
lorsqu'on  les  a  jetés  sur  le  bûcher;  fragmens  recueillis  avec  les  cendres, 
et  sur  lesquels  on  reconnoit  les  traces  du  feu.  Les  vases  improprement 
appelés  lacrymâtoirts ,  qui  se  trouvent  dans  les  tombeaux,  et  les  urnes 
des  Romains,  ont  la  même  origine.  On  enterroit  les  armes  avec  les 
guerriers  ,  ies  instrumens  de  toilette  avec  les  femmes  ;  avec  les  uns  et  les 
autres,  les  vases  qui  avoieni  été  de  prix;  qui  avoient  contenu  le  vin, 
l'huile.  le  lait,  les  parfums  répandus  sur  les  corps,  l'eau  lustrale  qui 
servoii  aux  purifications,  la  portion  des  repas  funèbres  consacrée  aux 
morts  &c.  Quelques-uns  pfaçoîent  avec  soin  ces  vases  dans  les  tom- 
beaux; d'autres  les  brisoient  en  les  y  jetant:  de  là  viennent  tant  de 
débris  de  vases  que  les  restaurateurs  rassemblent  avec  art,  en  remplissant 
les  vuides  avec  d'autres  tessons  qu'ils  peignent  adroitement.  (Des  acides 
étendus  sur  cesrrjifinrs,  décèlent  la  fraude.} 

Mon  dessein  n'est  point  de  retracer  l'histoire  de  la  découverte  des 
vases  grecs  peints,  soit  à  Corinihe,  du  temps  de  Jules-César,  soit  dans 
ï'Êtrurie  et  la  Campanie,  à  la  renaissance  des  lettres ,  parce  que  cfts  déiails 
sont  consignés  dans  un  grand  nombre  d'ouvrages;  ni  de  rapporter  les 

Qq   2 


n 


3o«  JOURNAL  DES  SAVANS, 

explications  des  peintures,  des  inscriptions,  que  Lanzi  a  judidensenieirt 
restituées  pour  la  plupart  aux  fables  grecques:  je  me  borne  aux  détails 
mécaniques.  Ce])endant  je  ne  puis  passer  sous  silence  l'explication  qu'a 
donnée  M.  Akerblad  de  Tinscription  souvent  répétée  HOIIATS  KAACX&» 
dans  laquelle  Mazzochi,  Miilin,  &c. ,  ont  cru  hre,  le  M  HrfaSks.  Ce 
savant  lit  tout  simplement,  HO  FIAIS  KAA02  [o  thuç  j»^h]»  U  bel 
enfant. 

Après  avoir  donné  de  justes  éloges  aux  deux  Recueils  de  tases  gncr 
peints  de  M.  Millingen ,  qui  a  puisé  les  premières  notions  de  la  sdenctt 
de  (antiquité  à  Paris,  dans  le  Cabinet  des  antiques  du  Roî  et  dansceluî 
de  Tabbaye  de  Sainte-Geneviève,  et  qui  a  fait  imprimer  ses  ouvragés  à 
Rome,  je  dois  parier  de  ceux  qui  ont  été  publiés  en  France  fKir  M.  Dur 
bois  de  Alaisonneuve.  Le  premier  a  paru  en  deux  volumes,  grand /n^/i^, 
avec  les  explications  de  feu  Millin,  sous  le  titre  de  Peintures-  de  vastf» 
Le  public  a  reçu  cet  ouvrage  avec  beaucoup  d'intérêt.  II  enaccordem 
sans  doute  aussi  au  nouveau  recueil  que  publie  le*mème  éditeur,  sous  ce 
titre:  Introduction  a  V  étude  des  vases  antiques  d*  argile  peints  t  if c*  Les 
trois  livraisons  qui  ont  paru,  seront  suivies  de  cinq  autres,  dont  la 
dernière  ne  contiendra  que  le  texte  raisonné  de  Fintroduction ,  avec 
quelques  pl:in(  lies  de  formes  de  vases  et  de  tombeaux.  La  souscription 
(-5t  ouverte  chez  Fauteur,  cloître  Saint-Benoit,  n.""  16;. et  chez  Treuttel^ 
libraire,  ru?  du  Bourbon,  n."  17. 

MONGEZ. 


Propos  ta  M  nlaine  correiioni  ed  aggiunte  al  Vocabulûria  delfw 
Crusca.  Milano,  clair  imp.  regia  stamperia,  18 17  et  i8i8v 
2  tom.  —  Proposition  de  tjnelques  correctiotts  et  additions^ 
au  Vocabulaire  de  la  Crusca,  &c. 

PREMIER    EXTRAIT, 

Un  décret,  rendu  en  i8r4,  chargea  facadémie  de  la  Crusca  de 
préparer  une  nouvelle  édition  de  son  célèbre  Dictionnaire.  L'Institut 
joyal  de  Milan  proposa  à  Tacadémie  de  Florence  de  concourir  à  cet 
utile  travail.  Il  paroît  que  l'offre  ne  fut  pas  acceptée,  et  que  Faca- 
démie  de  la  Crusca  désira  corriger  seule  un  ouvrage  auquel  son  nom 
est  glorieusement  attaché  depuis  deux  siècles.  M.  Monti ,  que  ses  grandes 
connoissances  et  %t%  talens  distingués  ont  appelé  à  siéger  et  dans 


.    MAI   1.819.  J09 

^académie  de  la  Crusca»  et  dans  Tlnstitut  royal  de  Milnn,  adresse  pu-' 
bliquement  à  ses  confrères  de  Florence  les  observations  qu*il  leur  eût 
sans  doute  confiées  en  particulier ,  si  VofftQ  de  l'Institut  n'avoit  pas  été 
rejetée.  Cette  circonstance  aura  été  utile  aux  lettres,  puisqu'elle  est  fa 
cause  ou  l'occasion  de  l'écrit  dont  j'ai  à  rendre  compte. 

Cet  onrrage»  dont  il  paroit  deux  parties,  est  d*un  intérêt  plus  grand 
que  le  titre  ne  semble  l'annoncer.  On  auroit  pu  croire  que  l'auteur 
n'avoit  d'autre  but  que  de  proposer  quelques  corrections  et  quelques 
additions  au  Vocabulaire  de  la  Crusca;  mais  il  s'élève  avec  succès  aux 
hautes  théories  de  la  science,  de  même  qu'il  descend  heureusement  jus- 
qu'aux moindres  détails  d'exécution. 

Ces  deux  parties,  publiées  en  1 8  1 7  et  en  1818,  renferment  entre 
autres,  u^un  discours  de  M.  Monti  sur  les  imperfections  du  Vocabu* 
laire  de  l'académie  de  la  Crusca;  2.*  un  examen  de  plusieurs  mots  de 
ce  Vocabulaire ,  depuis  la  lettre  A  jusqu'à  la  lettre  F  exclusivement  ; 
3.**  une  dissertation  sur  les  écrivains  du  Trecento  (T  ,  par  M..  le 
comte  Jules  Perticari,  gendre  de  M.  Monti,  et  qui,  par  rériidiiion, 
l'esprit  et  le  goût  qu'il  a  développés  dans  cet  ouvrage,  s'est  montré  digne 
d'appartenir  à  la  famille  de  l'illustre  poète  italien. 

Je  commence  par  l'analyse  et  l'examen  de  la  dissertation  de  M.  le  comte 
Perticari,  parce  qu'elle  est  une  introduction  au  travail  de  M.  Monti. 

Déplorant  les  vices  qui  se  sont  introduits  dans  la  langue  italienne, 
M.  le  comte  Perticari  applaudit  au  projet  des  littérateurs  qui  cherchent  à 
la  rétablir  dans  sa  pureté  primitive,  en  accordant  aux  auteurs  duTRECENTO 
toute  l'autorité  qu'ils  méritent  ;  toutefois  il  craint  qu'une  admiration 
et  une  imitation  serviles  ne  produisent  que  l'appauvri^ssemem  de  la 
langue;  il  se  porte  donc  médiateur  entre  la  licence  des  novateurs,  qui 
l'altèrent  par  leurs  prétendues  créations,  et  la  superstition  des  puristes, 
qui  ne  veulent  accepter  pour  règles  que  les  exemples  de  ces  anciens. 
11  examine  quels  ouvrages  on  doit  considérer  comme  modèles  :  il  de- 
mande s'il  faut  imiter  toujours  et  par-tout  les  auteurs  du  Trecento  ;  s'ils 
ont  droit  de  faire  autorité ,  même  dans  les  parties  qu'ils  n'ont  ni  traitées, 
ni  pu  Jraiter;  il  recherche  quels  défauts  peuvent  être  mêlés  à  leurs 
bonnes  qualités, et  en  quel  nombre;  enfin,  s'il  y  a  lieu  de  déférer  aveu- 
glément à  l'opinion  de  ceux  qui  prétendent  qu'on  doit  écrire  seulement 
dans  la  langue  du  Trecento,  user  seulement  des  mots  qu'elle  a 
employés,  et  même  que,  pour  parler  des  choses  nouvellement  trouvées, 


(i)  J'avertis  que,  pdr  cette  expression,  les  iittéraieurs  italiens  e.uenJeut  le 
Siècle  q^ui  a  commencé  en  1301,  et  qui  a  fini  en  14.00. 


jio  JOURNAL  DES  SAVANS, 

il  est  indispensable  de  recourir  aux  mots  de  Tépoque  où  elles  nVtolent 
pas  connues;  et  il  se  pro[x>se  de  fixer  ies  limites  convenables q[ui  doivent 
circonscrire  Tiniitaiion  des  auteurs  du  Trecento. 

Dans  la  question  relative  à  cette  imitation  des  anciens  auteurs  itiUens  » 
personne  n'avait  encore  recherché  avec  un  soin  particulier  quelle  «voit 
été  l'opinion  des  trois  grands  martres,  Dante,  Bocace  et  Pétrarque:  ce 
préalable  étoit  pourtant  nécessaire;  et  si  ces  pères  du  langage  ont 
eux-mêmes  reconnu  Timperfèciion  du  style  de  leur  temps»  doît-on 
aujourd'hui  le  croire  parfait  î  M.  le  comte  Perticari  prouvé  que,  dTaprès 
Dante,  on  n'auroit  pas  dà  accepter  comme  autorité  littéraire  »  lèi 
exemples  tirés  du  Trésor  de  Brunetto,  du  Pataffio  du  même  auteur» 
des  vers  et  des  lettres  de  Guittone  d'Arezzo,  et  encore  moins  les 
exemples  puisés  dans  les  traités,  les  vies,  les  légendes,  les  contes,  lei 
nouvelles ,  les*  receuils  de  miracles  &c.  &c.  de  l'époque  ;  et  ,^  entrant 
dans  des  détails  pour  justifier  Topinion  de  Dante,  il  examine  en  critique 
les  ouvrages  de  Guittone  d'Arezzo ,  de  Brunetto,  de  Jacopone de  Todî, 
et  il  s'appuie  à  ce  sujet  du  témoignage  de  François  Sachettî.  Ce  qu'il  ^t 
de  la  langue  populaire,  sur  laquelle  Dante  a  beaucoup  écrit,  te  conduit 
\  rechercher  l'origine  de  la  langue  vulgaire  italienne. 

Il  n'a  pas  le  dtssein  de  renouveler  la  dispute  touchant  Forigine  de  la 
langue  italienne,  qu'AIciat,  Philelphe,  Pogge,  Ménage,  Cittadini» 
MafTei  et  autres  savans,  ont  cru  avoir  existé  en  grande  partie  parmi  ie 
bas  peuple  de  Rome ,  dès  l'époque  où  l'on  y  a  parlé  le  ladn.  Là  langue 
des  habitans  de  la  campagne  différoit  de  celle  des  habitans  de  la  ville, 
et  M.  le  comte  Perticari  rapelle  plusieurs  des  exemples  que  ces  auteurs 
avoîent  cités  pour  appuyer  leurs  opinions;  M,  Ciampi  les  avoit  ras- 
semblés dans  une  dissertation  dont  j'ai  rendu  compte  dans  ce  journal 
(  juin  1818,  p.  î  2  5  ) ,  et  j'y  renvoie  les  personnes  qui  deshreroienf 
connoître  en  détail  les  autorités ,  les  raisonnemens  et  les  réfiitationJ. 

Mais  il  est  un  point  de  la  dissertation  de  M,  le  comte  Perticari,  sur 
lequel  H  est  indispensable  de  s'arrêter.  Pour  prouver  Texistence  et  Fusagè 
de  la  langue  italienne  au  ix.'  siècle,  M.  <e  comte  Perticari  se  fonde  sur 
un  passage  de  Pierre  Damiani,  Cet  auteur,  dit-il,  rapporte  qu'un 
Français,  qui  se  trouvoit  à  Rome  dans  le  ix.'  siècle,  y  parloit  la  langue 
vulgaire  d'une  manière  qui  n'offensoit  point  l'urbanité  romaine.  Ce 
passage  important,  et  qui  a  paru  décisif  à  Muratori  et  à  M.  lé  comté 
Perticari ,  mérite  d'être  examiné  avec  attention ,  soit  cpiant  à  l'époque 
où  il  a  été  écrit,  soit  quant  au  sens  que  Pierre  Damiani  y  a  attaché. 

Pierre  D^niani  naquit  à  Ravenne  en  1006, et  il  mourut  en  J07a; 
c'est  dans  la  seconde  moitié  du  XI  /  siède,  et  non  dans  le  IX.*,  qull» 


MAI  1-819.  '3*^ 

^crit  ce  passage,  qiie  je  rapporte  plus  au  long  que  ne  Font  fah  Murafori 
et  M.  le  comte  Perticari  : 

Hod'ùque  ctrù  in  Romana  urbefrater  advivit ,  oitus  de  summiî  proceribus 
GalUarum,  cujus  nom  en  taceo.  .  .  .  Quodam  modo  s'icut  Tullius  loquîtur, 
ut  Virgilius  poetatur,  tuba  yehemens  in  ecclesia.  .  . .  scolasticè  dîspu- 
tans,  (juasi  dacripta  libri  verba  percurrit ;  VULGARITER  loquens;^  rcrnianU 
urbanitatis.  ngulam  non  offmdit  (  i  ). 

n  me  semble  qu'il  n'y  a  pas  deux  manières  d'expliquer  ce  passage  ; 
îl  paroît  ne  désigner  que  la  langue  latine.  ScOLASTicè  disputons, 
c'est-à-dire ,  «  faisant  un  discours  d  apparat ,  il  parloit  avec  une  teife 
»  facilité,  avec  une  telle  élégance,  qu'il  sembloit  lire  unlivre^  »  VULGÂ' 
RI  TER  loquens,  c'est-à-dire ,  «  faisant  la  conversation ,  tenant  des  discouA 
»  familiers ,  il  ne  blessoit  point  l'urbanité,  la  politesse  romaine,  t  Ce 
cafactère  d'urbanité,  de  politesse, peut  convenir  par^itement  à  In  langue 
latine  qu'oa parloit  à  la  cour  papale  dans  île  Xi/  siècle;  mais  il  ne  pour*- 
foit  jamais  être  appliqué  à  la  langue  italienne  vulgaire,  dont  aucun  mor 
nument  n'atteste  l'usage  à  cette  époque  ;  et  s'il  est  un  ]>ays  de  l'Italie  où 
la  langue  vulgaire  se  soit  vraisemblablement  établie  plus  tard  qu'ailleurs , 
c'est  sans  doute  à  Rome,  parce  que  la  cour  a  dû  conserver  plus  long«- 
temps  lusage  de  parler  latin. . 

Si  pourtant  on  persiste  à  appliquer  ce  vulgàriter  à  la  langue 
vulgaire  italienne,  il  faut  du  moins  reconnoître  qu'il  ne  concerne  que 
la  fin  du  XI.*  siècle.  J'ai  déjà  eu  occasion  de  dire,  et  je  répète  avec 
plaisir,  que  je  ne  serois  nullement  surpris  que' l'on  trouvât  quelques 
monujnens  de  la  langue  vulgaire  italienne  d'une  époque  beaucoup  plus^ 
ancienne  que  celle  des  monumens  connus  jusqu'à  présent.  Je  le  désire 
vivement,  et  moi-même  je  n'ai  épargné  ni  recherches  ni  soins  pour  en 
découvrir;  mais  tous  \ts  raisonnemens ,  toutes  les  inductions  quon 
rassemble,  ne  sauroient  fournir  des  conjectures  satisfaisantes,  et  encore 
moins  suppléer  aux  preuves  matérielles  que  devroient  fournir  les 
monumensr 

L'idée  de  Fexistence  et  de  fusage.de  la  langue  italienne  dans  le  ix.^ 
siècle  a  séduit  M.  le  comte  Perticari,  au  point  qu'il  a  avancé  que  les 
Italiens  ont  fourni  aux  troubadours  les  mots  qui  se  trouvent  à-la-fois  dans 
leurs  poésies  et  dans  le  langage  populaire  des  Italiens.  Il  se  propose, 
dit-il ,  d'édaircir  cette  question  neuve  et  délicate ,  en  comparant  les 
chroniques  inédites  italiennes  et  les  dialectes  actuels  des  peuples  méri- 
dionaux de  l'Italie,  avec  les  ouvrages  des  troubadours.  Je  désire  viveiiient 


mmr 


(i)  Pétri  Damiani  Opuscula,  XLV.,  cap.  Vli< 


Jiï  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qu'un  littérateur  tel  que  M.  le  comte  Perticari,  traite  cette  question, 

ayant  moi-même  fait  à  ce  sujet  des  recherches  qui  paroltroni  dans  la 

collection  que  je  publie  sous  le  titre  de  Choix  des  poéiits  oriffnales  des 

Troubadours. 

Une  assertion  que  7e  trouve  dans  la  dissenaiion  de  M.  '  le  comte 
Periicari,  et  que  j'adopte  sans  restriction,  en  me  servant  de  ses  expres- 
sions mêmes ,  c'est  que  fa  langue  latine  fut  Tateule,  et  la  langue  romano 
Ja  mère  de  tous  les  idiomes  de  l'Europe  latine. 

Cette  digression  sur  la  laiigue  italienne  le  ramène  à  Dante,  et,  d'après 
'  le  témoignage  de  Villani ,  il  prétend  que  le  grand  poète  rejeta  tous  les 
tlialectes  de  l'Italie ,  sans  excepter  le  dialecte  florentin ,  pour  former  une 
langue  dioisie  dans  tous  ces  dialectes  :  on  ne  doit  donc  pas  afiêcter l'imi- 
tation des  ouvrages  composés  entièrement  dans  ridiome  florentin ,  sien- 
nois  ou  pisan ,  lorsque  ce  dialecte  s'écarte  du  langage  général  déjà  re- 
connu comme  règle  par  les  auteurs  qui,  dans  toute  l'étendue  de  l'Italie, 
ont  écrit  sur  les  lettres,  les  arts  et  les  sciences  ,  et  qu'honorent  du  titre 
de  classiques  et  les  Italiens  et  les  nattons  étrangères.  II  reproche  à 
■B.  Davanzati  d'avoir  ignoré  ces  opinions  de  Dante,  et  d'avoir,  quand 
il  a  traduit  Tacite  en  vulgaire  florentin ,  travesti  par  des  formes  populaires 
la  plus  noble  des  histoires.  Il  n'admet  pas  comme  modèles  les  divers 
ouvrages  qui  apparlienneut  \  ce  dialecte  florentin ,  et  où  sont  consignés 
Ms  idiolismes.  A  ce  sujet ,  il  entre  dans  un  long  détail  des  mots  barbares 
du  TreCENTO  ,  déjà  condamnés  par  Dante  :  leur  rapprochement  semble 
ajouter  encore  &  leur  barbarie ,  et  présente  une  langue  \  part.  Passant  au^ 
détails  relatifs  aux  conjugaisons  adoptées  par  divers  auteurs  du  Trecento, 
«t  sans  vouloir  renouveler  les  attaques  des  Muzî  et  des  Trissin ,  il  affirme 
«  croit  prouver  que  l'on  trouve,  dans  les  dialectes  de  la  Toscane,  des 
formes  qui  sont  étrangères  à  la  grammaire  italienne  (1). 


MAI  1819.  313 

de  Fauteur  me  paroit  trop  sévère  :  toutes  les  langues  ont  plus  ou  moins 
d*homonymes,  et,  lorsqu'un  mot  a  acquis  Fautorîté  convenable  pour  servir 
à  un  double  emploi  »  sans  floute  un  écrivain  qui  veut  écrire  avec  élé- 
gance évite  de  s'en  servir  avec  la  double  acception  dans  la  même  phrase 
ou  dans  des  phrases  trop  rapprochées ,  mais  il  n'appartient  pas  aux  j>hî- 
lologues  de  condamner  une  acception  plutôt  que  Fautre  :  cette  doctrine 
littéraire^  appliquée  aux  diverses  langues,  leur  ôteroit  des  ressources 
et  des  richesses,  sans  ajoutera  leur  perfection. 

II  passe  •ensuite  aux  causes  qui ,  dans  le  Trecento,  causèrent  fa 
corruption  des  mots ,  et  il  en  trouve  quatre  :  i  .**  défigurer  les  mots 
étrangers  qu'on  transportoit  dans  la  langue  ;  2."*  raccourcir  les  mots  pour 
la  seule  coijimodité;  3.''  y  ajouter  inutilement  des  lettres  selon  les  dia!- 
lectes  ;  4-''  ne  pas  bien  distinguer  les  terminaisons. 

II  ne  faut  donc  pas  s'étonner  de  ce  que  Dante  jugeoit  la  langue  de 
«on  temps  encore  très-imparfaite  :  M.  le  comte  Perticari  rassemble 
beaucoup  de  passages  de  Fillustre  poète,  qui  ne  permettent  pas  de.  douter 
de  cette  opinion. 

Buoinmattei  a  prétendu  qu'il  étoit  difficile ,  qu'il  étoit  même  impos- 
sible de  soumettre  à  des  règles  la  langue  générale  en  Italie ,  tandis  qu'il 
^toit  aisé  de  perfectionner  une  langue  particulière,  c'est-à-dire,  la  langue 
toscane,  pour  en  faire  la  langue  générale.  M.  le  comte  Perticari  s'at- 
tache à  combattre  cette  assertion;  et  il  cite  les  exemples  de  la  langue 
grecque  et  de  la  langue  latine,  qui  furent  soumises  aux  mêmes  règles 
et  dans  les  diffêrens  pays  et  dans  les  différens  temps  ;  il  indique  de 
même  plusieurs  de  nos  langues  modernes. 

II  me  semble  qpeu  les  exemples  invoqués  ne  réfutent  pas  victorieu* 
sèment  Fopinion  de  Buommattei ,  puisque ,  dans  la  Grèce  et  daiis  lem- 
pire  romain ,  la  langue  a  été  générale ,  universelle ,  non*  par  le  résultat 
d'un  travail,  d'un  perfectionnement  qui,  des  dialectes  de  plusieurs  pays» 
a  formé  cette  langue  générale  ;  mais  parce  que  la  langue  d'Athènes  et 
celle  de  Rome  ont  été  adoptées  dans  les  différens  lieux  et  dans  les  diffè- 
rens  temps  par  les  divers  peuples  qui  les  ont  parlées  ;  et  Buommattei , 
se  prévalant  de  ce  que  lïdiome  toscan  est  reconnu  pour  le  plus  parfait 
des  idiomes  italiens,  pense  qu'il  est  plus  facile  de  le  perfectionner,  afin 
que  tous  les  peuples  de  FÏtalie  Fadoptent ,  que  de  former  un  idiome 
commun,  général,  en  puisant  dans  chacun  des  idiomes  ce  qu'il  ofîriroit 
de  plus  parfait. 

M.  Perticari  rapporte  ensuite  les  opinions  de  Bocace  et  de  Pétrarque 
à  Fégaïd  des  écrivains  du  Trecento  ,  dans  lesquels  ils  ont  reconnu 

Rr 


3i4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  grandes  imperfections  ;  il  y  joint  l'opinion  de  Bembo,  qui  a  reproduit 
fa  leur;  et,  de  toutes  ces  autorités,  se  déduit  la  juste  conséquence  qu*îl 
ne  suffît  pas  qu'un  auteur  soit  de  cette  époque  pour  qu'il  ait  droit  d'être 
rangé  parmi  les  classiques. 

Afors  M.  le  comte  Pertîcari  examine  comment  il  ftut  étudier  et 
imiter  la  langue  des  auteurs  du  Trecento;  car,  de  ses  observations  et 
de  ses  opinions  précédentes ,  il  est  loin  de  conclure  que  cette  étude  et 
cette  imitation  ne  soient  très-convenables  :  il  les  recommande  comme 
utiles ,  nécessaires  et  même  indispensables  ;  mais  il  veut  »  il  exige  du 
discernement;  car  la  langue  change  5ans  cesse,  les  mots  se  détournent 
de  leur  signification  primitive.  Dante  lui  -  même  assuroit  que  si  Ton 
examinait  les  révolutions  survenues  depuis  cinquante  ans  dans  la  langue, 
on  se  convaincroit  que  divers  mots  avoient  péri,  que  d'antres  s'étoient 
introduits  et  que  plusieurs  avoient  subi  des  changemens  :  il  a  été  hcile 
ù  M.  le  comte  Perticari  de  justitier  par  des  exemples  nombreux  cette 
assertion  de  Dante. 

Il  observe  judicieusement  que  souvent  les  livres  imprimés  dTaprès 
les  anciens  manuscrits  contiennent  des  erreurs  commises  par  les 
copistes,  et  il  prouve  que  les  écrits  des  auteurs  du  Trecento 
ofl^ent  beaucoup  de  fautes  de  cette  nature  :  il  seroit  donc  dangereux 
de  prendre  ces  mots  altérés  pour  des  règles  de  style.  Les  développe- 
mens  que  M.  le  comte  Perticari  donne  à  cette  partie  de  son  travail  sont 
très-convaincans. 

Si  d*abord  il  a  indiqué  dans  plusieurs  auteurs  du  TRECENTO  les  mots 
qui  dévoient  être  rejeiés  de  la  langue  générale,  commune,  il  indique 
ensuite  les  mots  qui  doivent  Icnrichir,  en  les  secherchant  dans  ces 
mêmes  auteurs,  h.  Taide  d'une  critique  sage  et  d'un  goût  exercé.  Il  exa- 
mine sous  ce  rapport  Guittone  d'Arezzo,  Villani  le  vieux,  Cavaicanti» 
les  vies  des  Pères,  l'ancienne  traduction  des  décades  de  Tire*Live,  dans 
laquelle,  obser\'e-t-iI,  on  doit  faire  attention  que  l'auteur,  qui  ignoroic 
le  latin,  a  travaillé ,  non  sur  l'original ,  mais  sur  une  traduction  proven* 
çale  ;  et  il  cite  de  même  plusieurs  autres  auteurs  de  Tépoque. 

Après  avoir  ainsi  Ciit  connoître  ce  qu'on  peut  recueillir  d'utile  dans 
des  ouvrages  qui  ne  sont  pas  dignes  dune  grande  estime,  il  penscqu'on 
doit  se  garder  avec  soin  d'imiter  les  défauts  des  ouvrages  qui  ont  le  plus 
mérité  et  obtenu  l'estime  générale;  et,  à  ce  sujet,  il  discute  divers 
passages  de  Dante,  de  Pétrarque  et  d'autres  écrivains  justement  re- 
nommés. 

II  avertit  ensuite  du  darc;er  de  tomber  dans  Je  style  bas  en  cherchant 


MAI  1819.  jij 

le  style  naturel ,  cfétre  sec  en  voulant  être  simple ,  de  devenir  affecté  en 
visant  à  être  gracieux. 

Mais  il  regarde  comme  une  erreur  très -dangereuse  Fopinion  qu'on 
ne  doit  écrire  que  dans  la  langue  du  Trecento  :  il  ne  lui  est  pas  diffi- 
cile de  prouver  que  ce  seroit  nuire  aux  plus  heureux  déveioppemens 
et  de  Tesprit  et  du  langage,  et  que,  si  le  progrès  des  lumières  exige 
la  création  ou  Temploi  de  nouvelles  expressions ,  elles  deviennent  noo-^ 
seulement  utiles,  mais  absolument  nécessaires.  II  fait  observer  que  les 
académiciens  de  la  Crusca  ont  reconnu ,  la  sagesse  de  cette  maxime  » 
lorsqu'ils  ont  emprunté  des  exemptes  aux  auteurs  qui  n'apparteiioient. 
pas  au  Trecento.  £n  effet,  ii  ne  s'agit  pas  dn dictionnaire  d'une  langiier 
morte»  mais  decelui  d'une  langue  vivante,  dont  il  faut  suivre  les  mou->  4l| 
vemens,  les  variations  et  les  progi^s.  N'adopter  que  les  termes  d'une 
époque  déterminée,  ce  seroit  renouveler  les  sectes  des  sophistes;  et  riea 
ne  peut  dispenser  les  aicadémiciens  de  la  Crusca  d'enrichir  leur  voca- 
bulaire des  termes  des  sciences  et  des  arts,  dont  les  auteurs  du  Trecento 
n'ont  pu  parler.  Ainsi ,  en  étudiant  principalement  la  langue  dans  les  trois 
classiques  deTce  siècle,  i(  ne  faut  pas  négliger  les  classiques  dont  les 
ouvrages  ont  postérieurehient  illustré  la  littérature  italienne  :  M.  le 
comte  Perticari  en  nomme  plusieurs,  tels  que  l'Ârioste,  Davifa,  le 
Tasse,  Caro,  Machiavel,  Poli  tien  ,Sannazar,  &c.  &c.  Et  préféreroit-on  à 
de  telsjécrivains,  quelques  auteurs  obscurs  et  ignorés,  qui  n'ont  d'autre 
mérite  que  d'avoir  écrit  dans  cette  époque!  Qu'on  cherche  dans  les 
ouvrages  du  Trecento  la  naïveté,  le  naturel,  la  simplicité;  et  dans 
ceux  des  temps  postérieurs,  l'éclat,  l'abondance ,  l'élévation,  et  la  gravité 
des  phild^ophes  et  des  grands  littérateurs.  C'est  ainsi  que  l'étude  des  uns 
et  des  autres  peur  conduire  à  la  perfection  de  l'art  d'écrire. 

M*  le  comte  Perticari  termine  son  ouvrage  en  disant  que,  placé  entré 
deux  factions  littéraires,  il  pense  que, si  Dante  a  dit  de  la  langue  italienne 
qu'elle  se  montre  dans  chaque  cité  de  Fltalie  et  ne  s'arrête  dans  aucune^ 
on  peut  dire,  en  appliquant  cette  observation  aux  diverses  époques ,  qu'elle 
se  montre  dans  touis  les  temps ,  depuis  le  Trecento  jusqu'au  temp^ 
présent,  et  qu'elle  ne  s'arrête  dans  aucun  ;  mais  qu'ainsi  qu'à  l'égard  des 
lieux ,  elle  se  trouve  dans  la  Toscane  plus  particulièrement  que  dans  les 
autres  pays  de  Fltalie,  de  même ,  à  l'égard  des  siècles ,  elle  se  trouve  daiis 
ie  Trecento  plus  particulièrement  que  dans  les  autres  siècles. 

•  RAYNOUARD. 


Rr  2 


31(5  JOURNAL  DES  SAVANS, 

NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 

INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

Lis  qnairc  académies  qui  composent  Tlnstitut,  ont  tenu  leur  séance  publique 
annuelle  le  samcdi.24  «ivril  1819,  jour  anniversaire  de  la  rentrée  du  Roi  dans 
son  royaume.  Après  ie  discours  d'ouverture,  prononcé  par  M.  B ER VI C,  prési- 
dent, M.  QuATRiMiRL  Dh  QuiNCY,  secrétaire  perpétuel  de  racadémie 
royale  des  htaux-art- ,  a  lu  une  dissertation  sur  l*cl'jet principal  des  beaux^^rts  ttr 
le  véritable  but  de  V\  î'u.n'cn ,  morceau  extrait  d'une  théorie  générale  de  rîmi- 
tarion  ;  A!.  Lacr!  ïtli.i;  le  jeune,  de  l'académie  française,  un  morceau 
1^  intitulé  Ttillt'iiu  de  Lt  Grcce  au  temps  d' Alexandre  (  extrait  d'un  ouvrage  qui  a 
pour  titre,  Etudes  histori.^ues  et  p/tiiûsophiques);  M.  WalckENAER,  de 
Tacac'é.uie  des  innTipiions  et  belles-lettres,  l'extrait  d*un  mémoire  sur  les 
it'fn'wiires  de  Tripoli  à  Touduuctvu  ;  iM.  DuiMN,  de  Tacadémie  des  sciences, 
unr  d!s*tTtation  ayant  pour  titre,  de  l'Influence  des  sciences  sur  V humanité  des 
peupi  s  de  l' Europe;  et  M.  Raynouard,  secrétaire  perpétuel  de  Tacadémie 
française,  une  oae  intitulée  Camoëns, 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Trvscr  des  origines  et  Dictionnaire  !*rammatical  raisonne  de  la  langue  française , 
parChariesPougenSfde  1* Institut  de  France,  j/7mi/ifn.  Paris,  imprimerie  royale; 
chez  Treuttel  et  Wuriz  ,  in-^S  ;  pages,  i-xix,  préface  et  additions; — 1^280, 
Trésor  des  origines  de  la  languv  ira  m^  ai  se  ;  —  ^^^  1  -3  34  »  Abrégé  du  trésor  des  ori- 
gines de  la  langue  française;  —  335'44*1>  Dictionnaire  grammatical  delà  langue 
française  et  table  alphabétique.  Nous  rendrons  compte  de  cet  ou vragc  dans  1  un 
de  nos  prochains  cahiers. 

Fait  Dictionnaire  de  la  langue  française,  suivant*  l'orthographe  de  I*aca- 
demie  &c.,  par  Hocquart.  Paris,  imprimerie  de  Boucher,  chez  baintin,  iitjz 

de  7  feuilles  onze  seizièmes.  Prix ,  4  fr« 

Dictionnaire  français  de  la  langue  oratoire  et  poétique ,  suivi  d'un  vocabulaire 
de  tous  les  mots  qui  appartiennent  au  langage  vulgaire,  par  J.  Planche. Paris» 
chez  Gide;  in-S,\  57  feuilles;  tome  I."  (  A-E)  :  1 1  fr.  40  cent.  L'ouvrage  doit 
avoir  3  volumes. 

Œuvres  de  Molière,  avec  des  réflexions  sur  chacune  de  ses  pièces  ;  précWéea 
d'un  discours  sur  les  mœurs  du  xvii/ siècle,  et  de  la  vie  de  Moficre,par  M.  Pe- 
tiiot.  Cette  édition ,  stéréotypée  d'après  le  procédé  d'Herhan  et  ornée  de  \o  es- 
tampes, formera  six  volumes  in-S.* ,  qui  parottront  incessamment  chez  Gide  fib. 
Le  prix  de  la  souscription  est  de  36  francs. 

Deux  pièces  inédites  de  J.  B.  P,  de  Molière  (  la  Jalousie  du  Barbouillé  et  le 
Médecin  volant).  Paris,  impr.  de  Fain,  chez  Desoër,  in-^.*^  de  4f<^uiIIes  xxo\% 
quarts.  Prix,  i  fr.  50  cent. 

La  Panfypocrisiade,  omIc  Spectacle  infernal  du  XVI.^  siècle,  comédie  épique. 


MAI   1819.  317 

par  Népomucènc  L.  Lemercier,  membre  de  l'Institut.  Paris,  impr.  et  librairie  de 
Fîrmin  Didot,  in-S/  de  4" 6  pages. 

Carte  générale  et  élémentaire  de  V Allemagne,  conformément  à  l'acte-  du 
congrès  de  Vienne  du  9  juin  181 5  ;  comprenant  en  entier  l'empire  d'Autriche, 
la  Confédération  germanique,  le  royaume  de  Prusse ,  le  royaume  des  Pays-Bas, 
et  le  royaume  de  Pologne;  par  Brion  de  la  Tour.  Celte  carte,  gravée  par 
MM.  Perrier  et  B.  Tardieu,  se  recommande  non-seulement  par  son  exactitude 
et  sa  netteté,  mais  encore  par  de  petites  notes  indiquant  la  population  des  villes 
et  les  objets  d'histoire  naturelle  et  d'industrie  propres  à  chaque  province* 
A  Paris,  chez  Treuttel  et  Wiirtz. 

Voyage  dans  l'Asie  mineure,  l'Arménie  et  le  Kourdistan ,  dans  les  années  f  8 1 } 
et  1814, suivi  ^^  remarques  sur  les  marches  d'Alexandre  et  la  retraite  des  Dix- 
mille,  par  Macdonald  Kinneir;  traduit  de  l'anglais,  par  Perrin ,  avec  une  grande 
carte.  Paris ,  imprimerie  de  Smith,  chez  Gide  fils,  2  vol.  in-S,'^  Prix,  14  francs. 
(  Voyez  Journal  des  Savans,  février  et  mars  1819,  pag.  106  et  142). 

Voyage  de  l'Inde  en  Angleterre  par  la  Perse,  la  Géorgie,  la  Russie,  la  Pologne^ 
et  la  Prusse,  fait  en  1 8 1 7  par  le  lieutenant-colonel  Johnson  ;  traduit  de  ranglais. 
Paris,  chez  Gide,  2  vol.  in-S.'^,  plus  20  planches.  Prix, 24  fr. 

Tableau  historique  de  la  France,  ou  Histoire  de  la  géographie,  des  productions 
naturelles,  des  traditions  orales,  des  traditions  écrites  de  la  France;  par 
G.  Graulhié.  Ces  tableaux,  imprimés  in-S»' ,  chez  Plassan,  sur  papier  fin  colley 
formeront  huit  livraisons  qui  se  succéderont  très-rapidement.  Le  prix  de  chaque 
livraison  est  de  6  fr.  On  souscrit,  à  Paris,  chez  l'éditeur,  rue  aes  Mathurins- 
Saint-Jacques,  n.^  14 >  chez  Arthus  Bertrand  et  chez  Foulon. 

Œuvres  posthumes  de  Rulhihe,  de  l'académie  française.  Paris,  imprimerie  de 
Cellot,  chez  Ménard  tft  Desenne,  4  vol.  inS.',  contenant  l'Histoire  de  l'anar- 
chie de  Pologne,  conformément  à  la  première  édition  donnée  en  1807.  On  * 
Elacé,  parmi  les  préliminaires  de  celle-ci,  la  discussion  qui  a  eu  lieu  sur  cette 
istoire,  au  sein  de  l'une  des  classes  de  l'Institut,  en  18 10;  savoir,  Textraîc 
d'un  rapport  fait  par  M.  Daunou  sur  le  concours  au  prix  d'histoire;  les  discours 
de  MM.  Dupont  de  Nemours,  Lévesque,  Delisle  de  Sales,  de  Rayncval»  contre 
l'ouvrage  de  Ruihiére,  et  une  réponse  à  ces  discours  par  M.  Daunou. 

Histoire  de  Cromwell,  d'après  les  mémoires  du  temps  et  les  recueils  parle- 
mentaires, par  M.  Villemain.  Paris,  Maradan,  2vol.  in- 8.*  de  54  feuilles.  II 
sera  rendu  compte  de  cet  ouvrage  dans  l'un  de  nos  prochains  cahiers. 

Des  quatre  concordats  de  M,  Pradt,  ou  Observations  sur  un  passage  de  cet 
ouvrage,  par  Michel  Berr.  Paris,  chez  Plancher,  m- ^.^  de  deux  feuilles  et  demie. 

Description  des  médailles  antiques,  grecques  et  romaines,  avec  le  degré  de  leur 
rareté  et  leur  estimation  ;  par  T.  E.  Mionnet,  premier  employa  au  cabinet  des 
antiques  de  la  Bibliothèque  du  Roi.  Supplément,  tome  I^'VftfeU»  imprimerie 
de  Testu,  chez  Debure  frères  et  chez  l'auteur,  18 19,  in-S.*  xy)  et  471  pages, 
avec  onze  planches.  Dans  l'un  de  nos  prochains  cahiers ,  il  sera  rendu  compte  de 
cet  ouvrage  et  des  deux  suivans. 

Recherches  critiques  sur  l'âge  et  l'origine  des  traductions  latines  d'Aristote,  et 
furies  commentaires  grecs  ou  arabes  employés  par  les  docteurs  scholastiques; 
ouvrage  de   feu  M.  Jourdain  ,  couronné  par  Tacadémie  des  inscriptions    et 


3.8 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


belles -fettrei.  Paris,  Impr.  de  îlougeTon,chez  Famin,  ht'S.'  Àe  33  feuijiet. 
Prix,  6  francs. 

Deux  Lettres  &  mylord  comte  d'Aberdeen  sur  l'authenticité  d«  intcriptioni  de 
Fourmont;  par  M.  Raoul-Kochette,  membre  de  flnititut.  Paris,  Debure, 
'm-4,'  de  18  feuilles  et  4  planches. 

Vues  sur  l'itiseignement  dt  la  philosophie  ,^ii  ce  Maager;  seconde  édition  > 
revue  et  augmentée,  Paris,  imprimerie  de  Crapelet,  chez  Détervîlle,  in-8.' Aa 
52  pages,  (Voyez  notre  cahier  de  février  dernier,  pages  67-71.)  La  proposition 
de  l'autenr,  relativement  à  la  philosophie  de  Keid,  est  conçue  en  ces  termes: 
«En  attendant  que  li  méditation  des  écrits  de  ce  grand  homme  (Descaites), 
»  de  ceux  ie  Pascal ,  de  Fillitstre  évniue  de  Meaux  et  de  quelques  autres  phi- 
aloRiphes,  ait  fait  éclort  en  France  de  bons  élémens  de  philosophie,  je  pense 
»  qu'-on  ne  sauroit  mieuk  faire  que  de  prendre  pour  base  la  doctrine  de  l'école 
»  écossaise,  et  principalement  les  écrits  au  AocveviRtid,  où  une  méthode  exacte 
»  et  circonspecte  est  réunte  k  la  clarté.  » 

Discours  sur  cent  question  ;  Qu'est-cequeîa philosophie  !  prononcé  le  J  octobre 
1818  ptnir  l'tmvenure  du  coun  de  philosophie  de  la  acuité  de*  tertres  de 
'l'académie  deParitiparF.ThDTOt.  Paris,  impr.  et  librairie  de  Firmin  Didot, 
fn-^.'  de  4^  P^S^- 

Les  Ftmtnts,  leur  coadttiwi  M  leur  influeRcc  dam  Tordre  social  chez  le^ 
diâ~érens  peu  pies  ancicos  et  modcrnei',  par  le  vicomte  de  Ségur.  Par»,  impr,  de 
Rongeran^.3  voUin-/a,cnxmble  de  3;  feuillci : 9' fr. 

Etsai  sur  les  garanties  ïndiviétielUs  qtu  réclame  l'état  actuel  des  sociétés,  par 
M,  Daunou,  membre  de  l'Instkut.  Paris,  iraprimerie  de  Plassan,  librairie  de 
Foulon,  1819,  in-S.'  Prix,  4  fr. 

Constitutions  tk  la  nation  francise,  avec  un  estât  ^de  traité  hisiori<{ue  et 

fïliiique sur  la  charte,  et  un  recueil- Je  pièces  corrélatives;  par  M.  L^njuinais, 
aris,  impr.  et  librairie  de  Baudooin,  in-8.*  de  32  feuilles  et'demie.  Prix,  7  fr. 
Lfrfaux  litre  de  ce  volume  porte:  ConstitUlionsdttoaslapeupUs.—'KoyiMm.tiK, 
France:  tomel." 

Observations  sur  l'ordonnance  royale  du  14.  mars  tSif ,  relative  à  l'organisation 
nouvelle  donnée  i  L'école  de  droit  dé  Paris,  et  à  l'établissement  des  chaires  de 
drottdeUnaiurect  des  gens,  de  droit  public,  d'économie  politique  et  d'histoire 
jhilotophiqui     ■■■  i..^  ^„i™  T.. 


MAI   l8l^  3fj 

-^Rapport  fait  par  le  même  auteur  à  la  société  royale  et  centrale  d^agriculture, 
sur  les  expériences  relatives  à  la  charrue  de  M.  Guillaume.  Paris,  impr.de 
M."»*^  Huzard,  in-S,"  d'une  feuille.  —  Rapport  du  même  à  la  société  royale  et 
centrale  d'agriculture,  sur  l'établissement  rural  de  M,  Dewal  de  Baronville,  et 
sur  les  résultats  avantageux  obtenus  par  son  nouveau  mode  d'assolement.  Paris, 
impr.  de  M."»*  Huzard  >  in-S.*  d'une  feuille. 

Mémoire  sur  les  moyens  d' encourager  les  découvertes  utiles,  par  J.  J.  C.  Farcof; 
«ouvrage  posthume  puplié  par  le  fils  de  l'auteur.  Paris,  imprimerie  de  Doublet, 
in-^*  de  trois  feuilles.  Prix,  i  fr. 

Abnanach  royal  pour  Tan  1819,  présenté  à  Sa  Majesté  par  Testu.  Paris , 
Testu,//i-A*^  59  feuilles. 

PAYS-BAS. 

Commentaire  sur  la  loi  relative  à  la  publication  ,  aux  effets  et  à  Vapplicatiofi 
des  lois  en  général,  et  sur  la  loi  relative  a  la  jouissance  et  a  la  privation  des  droits 
civils,  ifc.f  par  P.  A.  Quinet,  jurisconsulte.  Bruxelles,  chez  de  Mat,  impri- 
meur-libraire, et  à  Paris ,  chez  Treuitel  et  Wurtz,  i/î-^.*  de  près  de  600  pages. 
Prix,  7  fr.  50  cent. 

Principes  élémentaires  de  chimie  philosophique ,  zvec  des  applications  géné- 
rales de  la  doctrine  des  proportions  déterminées;  par  J.  B.  Van  Mons.  Bruxelles, 
chez  de  Mat,  imprimeur-libraire,  fVi-/2  de  390  pages.  Prix,  4  fr.  JO  cent. 

M.  de  Pommereul  vient  de  .publier,  à  la  Haye,  le  premier  volume  de  ^ 
traduction  de  l'Essai  sur  l'histoire  de  l'agriculture,  parMilizia. 

.    ALLEMAGNE. 

Animadversiones  philologicœ  in  Sophoclem;  au  et.  H.  Hupfeld.  Marbourg, 
Krieger,  1818,  i/i-///  6  gr. 
»  Observatipnum  criticarum^t  grammaticarum  in  Quinti  Smymœi  Post-Homerica, 
particula  prima  ;  auctore  Fr.  Spizner.  Wittemberg,  Rabner,  in^8,* ,  18 18. 

Observationum  in  Propertii  carmina  spécimen  ;  auctore  C.  F.  A.  Nobbe* 
Leipsick,  Weigel,  1818,  un  vol.  gr.  in-S." :  6  gr. 

Ariost,  Ù'c;  le  Roland  Furieux  d*Arioste ,  traduit  en  allemand  par  Ql* 
Strekfuss;  tome  L",  Halle,  Hemmerde,  1818,  //i-^.*;  i  rxd. 

Dichtungen  ifc»;  Fictions  mythologiques  et  chants  des  Scandinaves  ;  traduits 
ile  L'islandais,  et  accompagnés  de  notes,  par  F.  Maier.  Leipsick,  CAoboich, 
1818, //7-^.*;  I  rxd.  12  gr. 

Uber  Ausmessung  ifc»  ;  Mémoire  sur  la  mesure  du  Pont^Euxin ,  du  Bos-' 
phore ,ifc.;  par  Fr.  Kruse.  Breslau,  18 18,  16  pages  in^S.* 

Handbuch  ifc;  Aîanuel  complet  de  la  géographie  actuelle  de  l'empire  d^Au^ 
triche;  fdiT  M.  de  Liechtenstein.  Vienne,  Bauer,  1818,3  "^^l*  g*"*  inS.^  :  15  fl. 
30  kr. 

Handbuch  is^c.  ;  Manuel  géographique  et  statistique  de  la  Silésie  et  du  comté  . 
de  Glati;  par  Fischer;  .tome  1.  Breslau,  Hobenfer,  1818,  in-6W'  i  rxd.  12  gr. 

JVanderungen  ifc;  mes  Excursions  dans  une  partie  septentrionale  de  l'AlU" 
magne;  par  P.  Scheitlin.  Giesen ,  Miillcr,  181 8  ,  2  vol.  /VA"  Prix,  3  fl. 

Bcmerkungen  Ù*c»;  Observations  faites  pendant  un  voyage  par  la  Thuringe,  la 


320  JOURNAL  DES  SAVANS. 

Franconie,  la  Suisse ,  l'Italie,  le  Tyroiet  la  Bavière,-  par  F.  Meyer;  tome  I.*' 

Berlin,  Nicolai,  ii>i  S,  .■/.-<^/;  2  rxd.  4  g'*. 

Darsrrllurgen ,  c'^c,  ;   Tal Lan ,  (h s  pays  prussiens  sur  le  Rhin  et  la  Moselle / 
par  Ad.  Siarck.  Duislv  ur^. ,  Baedker,  1818,2  \o\,  gr.  inS."  Prix,  2  fl.  4S  ^* 

Ddrstelluii^en  ^7*0,:  Tableau  historique  et  tcpogr.:phique  de  l'Melvéiie ,  soys  la. 
domination  des  Romains  ;  par  Maller,  2/  éHir.  Berne,  1818,  2  vol.  in-S.* :  3  rxd. 

Reise  dure  h  En  gland,  Jt'c.  ;  Voyage  en  Angleterre,  le  pays  de  Galles  et  V Ecosse^ 
fait  en   1816  par  Spiker;  tome  i.^'  Leip^ick,  Goeschen  ,  18 18:  1  rxd.  i6gr.  r 

Aloritv  von  ,Kor^rbue's ,  rcise  nach  Persien,  mit  der  russich  \aiserlichen 
gcsandsschatft  im  Jahrc  18 17.  Voydi^e  en  Perse  y  en  compagnie  de  l'ambassadic 
russe,  fait  en  Tannée  1817,  par  Aioritz  de  Kotzebue.  Weimar,  1819,  i/i-A* 

Versuch  ifc.  ;  Essai  sur  les  inscriptions  cunéiformes  de  Persêpolis  ^  par  le  D.' 
Fr.  iMiinter.  Copenhague,  Bonnier,  j8i8,  gx.in-S,"  Prix,  i  rid. 

ANGLETERRE.  Kalila  and  Dimna,  or  the  Fables  of  Bidpai ,  translated 
from  the  Arabie  ;  by  ihe  rev.  Wyndani  Knatchbuil^  A.  M.  Oxford  »  iSiç,  in^S»* 


Nota.  On  peut  s'adresser  à  la  librairie  de  M  AI,  Treuttel  et  Wiirtz,  h  Paris, 
rue  de  Bourbon^  n.^iy ;  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers;  et  à  Lpndres,  n,^  jo, 
Soho-Square ,  pour  se  procurer  les  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  Journaldes 
Savans,  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE. 

Caramanle ,  ou  courte  Description  de  l'Asie  mineure,  Ù'c.^par  Francis 

Beaufort.  (  Article  de  Al,  Letronne.  ) Pag.  259, 

De  rindustrie  française ,  par  AI.  le  comte  CliaptaL  (Second  Article 

de  AI,  "fessier.  ) ^7'  • 

Histoire  littéraire  d'Italie,  par  P,  L,  Ginguené.  (Article  de  AI. 

Daunou.  ) 2,^^  m 

Les  cinquante  séances  du  Marin,  en  arabe ,  publiées  par  M.  Caussin 

de  Perceval.  (  Article  de  M,  Silvestre  de  Sacy.  ) .283  • 

Lettres  inédites  de  Huiri  II ,  l'^'c, , par  AI.  J.  B.  Gait.  (Article  de 

At,  Ray noiiard.  ) ^87  • 

Descri^ione  dtgli   Stateri   antichi ,  per  Domenico   Sestini,    (Second 

article  de  Al,  Raoul-Rothette.  ) 290. 

Tome  troisième  de  l'Histoire  de  la  sculpture  en  Italie,  par  Al»  Cicognara, 

(  Second  article  de  AL  Quairemère  de  Quincy.  ) 297^ 

Peintures  antiques  devases  u^recs  ,publ'iées  par  James  Alillingen.  (Article 

de  AI,  Mongcz.  ) 303  . 

Proposition  de  quelques  additions  et  corrections  au  Vocabulaire  de  la 

Crusca,  i^e.  (  Article  de  AI,  Raynouard.  ) 308, 

/V  itrelUs  littéraires 3 16» 

FIN   VE   LA  TABLE. 


* 


JOURNAL 

DES   SAVANS. 


JUIN     IO19. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 
1 8 1  p. 


% 


Le  prix  de  rabonnement  au  Journal  des  Savant  est  de  j6  (nures  par  an  ^ 
et  de  40  fr.  par  la  poste ,  hors  de  Paris.  On  s'abonne  chez  MM.  Trmtîd  et 
Wûrt^,  à  Paris,  rue  de  Bourbon^,  fi.'  ///  à  Strasbourg,  rue  des  Semmen,  et  à 
Londres,  n.*  jo  Soho-Square.  11  fiÉut  affimnditr  les  lettres  et  rarg^ot* 

Tout  ce  qm  peut  concerner  les  ûnnonces  à  insérer  dans  cejoumaf, 
lettres ,  avis ,  mémoires ,  livres  nouveaux ,  &c.  doit  être  Ttdressé, 
FRANC  DE  POifT,  OU  bureau  du  Journal  des  Sarans,  à  Paris,  rue 
de  Ménil-montant,  n/ 


J 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 


JUIN    l8l 


9- 


Pensées  de  Platon  sur  la  tvii^ou  ,  In  morale,  léi politique , 
recueillies  et  traduites  par  M.  Joseph- Vîctar  Leclerc,  pro- 
fesseur de  rhétorique  mi  collège  royal  de  Chorlemagne  ;  avec 
cette  e'pjgraphe  :  Audianius  Platonem ,  quasi  quemdam  deurti 
philosophorum  (  Cicer.  Nat.  Deor.  U ,  12').  Paris,  chez 
Del^ain,  rue  des  Mathurins-Saijit-Jacques,  n.°  5  ,  i8ip, 
1  vol.  in-S."  de  458  pages.  Prix,  6  fr.  50  cent,  avec  le 
texte  grec;  sans  le  lexie,  4  &• 

1  OUT  le  inonde  parle  de  Platon ,  mais  peu  de  gens  le  connoissent  ;  on 
l'adinire  généralement  sur  parole,  à  l'exception  d'un  petit  nombre  d'élus 
qui,  familiarisés  avec  son  idiome,  011^  étudié  quelques- uns  de  m:s  écrite, 

5S    2 


324  JOURNAL  DES  SAVANS, 

soit  pour  y  puiser  une  connoissance  plus  pariàiie  de  la  langue  qu'if  a  si 
admiraljltfment  écrite»  soit  pour  tâcher  de  pénétrer  dans  les.piofendeurs^ 
mystérieuses  de  ses  méditations.  Or,  qui  ne  peut  le  lire- dansTorigînaf, 
n'en  sauroit  prendre  qu  une  idée  bien  imparfaite  dans  les  traductoons  de 
Grou  et  de  Dacier ,  qui  n'ofTrent  qu'un  &quelette  desséché  i  au  Ueu  Jua 
corps  plein  de  force  et  de  vie. 

Toutefois,  il  faut  bien  en  convenir,  rien  de  plus  difficile  qu'une 
traduction  complète  des  Œuvres  de  Platon  ;  rien  de  plus  difficile  sur- tout 
que  d'en  faire  une  qui  trouve  des  lecteurs.  A  moins  de  se  livrer  à  une 
étude  particulière  et  approfondie  des  doctrines  philosophiques»  comment 
supporter  sans  fatigue  la  lecture  entière  de  plusieurs  des  plus  importans 
écrits  de  Platon!  Celui  qui,  étranger  aux  discussions  psychologiques,  ne 
cherche,  en  lisant  ce  philosophe,  que  i  écrivain  éloquent',  Je  moraliste 
profond,  au/oit  beaucoup  de  peine  h  buivre  dans  une  traduction,  f&t-elle 
excellente,  ces  longs  raisonnemens  dont  la  chaîne  est  si  difficile  à 
saisir,  et  qui,  dans  Toriginal  même,  ne  sont,  pour  beaucoup  de  gens, 
que  des  extravagances  revêtues  d'un  style  admntible.  Mais,  dans  tous 
ces  ouvrages,  il  y  a  des  tirades  magnifiques  et  du  plus  haut  intérêt,  des 
morceaux  dune  éloquence  ravissante,  où  Tame  et  le  génie  de  Platon 
sont  empreints  tout  entiers  ;  et  il  nest  personne,  même  parmi  les  initiés 
aux  mystères  de  sa  philosophie,  qui  ne  soit  channé  de  pouvoir  /es 
retrouver  sans  peine ,  détachés  (ÊÊ  cadre  qui  les  entoure. 

C'est  donc  une  idée  fort  heureuse  que  celle  d'extraûre  de  tous  Ies> 
écrits  de  Platon  ces  pages  que  S.  Justin  croyoit  inspirées.  Déjà  Ton 
posséduit  piubiturs  chrcstomathUs  de  Platon  (i),  mais  elles  offieiU 
mciiiu  des  morceaux  entiers  que  des  pensées  détachées:  c'est  le  con- 
traire dans  le  recueil^iue  nous  annonçons;  ce  qui  le  distingue  des  ou- 
vrages du  mémtr  genre.  D'ailleurs  il  présente  un  autre  genre  de  mérite». 
celui  d*une  traduction  fort  remarquable,  ainsi  que  nos  lecteurs  pourront 
en  juçer  bientôt  eux  mêmes  par  quelques  citations. 

L'auteur  est  Al.  Victor  Leclerc,  jeune  professeur  aussi  habile  que'zélé 
et  la  orieux  .  d(['jà  connu  pnr  quelques  écrits  (2)  comme  excellent 
littérateur,  latiniste  très-habile,  et  he'léniste  distingué.  Cj^  dernier 
ouvrage  ne  peut  qu'ajouter  encore  à  la  considération  dont  il  jouit. 


(1)  r.ntrc  autres,  Chrest^mathia  Platoniana,  grœcè  et  latine,  Turic-  17 $6* 
(auctore  F.  C  hrist.  Aluller).  , 

(2)  L'nc  Chnsto  athie  grecque;  —  un  Eloge  de  Montaigne;  — nn  petit 
poème  Rrec,  intitule  l.ysîs;  —  une  édition  du  Pervigilium  Veneris;  —  uit  fiirt 
non  discours  latin,  &.c. 


JUIN   1819.  325 

Son  recueil  se  compose  de  vingt-sept  morceaux,  qull  a  eu  le  bon 
esprit  de  ne  point  présenter  sans  ordre ,  comme  Tabbé  d*01ivet  Tavok. 
fiiit  pour  les  Pensées  deCicéron;  il  les  a  rangés  dans  trois  divisions: 
Religion,  Morale^  Politique.  La  première  contient,  la  Formation  du  monde 
(Timée)  ;  les  deux  Mondes  ou  les  Idées  'Républ.  VU  )  ;  les  Dieux  (Lois,  x\i 
Her  r Arménien,  ou  l'autre  Vie  (  Républ.  x)  ;  /^  Vertu,  le  Crimes  l' Avenir 
(Gorgias)  ;  le  Génie  de  Jivm /^  (Théagès)  ile  Poet^e  (Ion).:  Dans  laseconde, 
on  trouve ,  les  Devoirs  de  l'homme  (Lois,  iv,  v)  ;  la  Ê^tté  filiale  (Lois,  xi)  ; 
FAme  et  les  Passions  (  Républ.  ix)  ;  la  Sagesse,  ^la  Volupté  (  Philêbe }  \ 
i' Anneau  de  Gygts  (Républ.  il  )  ;  Alcibiade,  Socrate*[  Républ.  yi  )  ;  U 
Serment  (  Lois,  xu  );  le  Philosophe  (Théétète).  Enfin  U  troisiènie 
renferme ,  le  Hègne  des  Génies  (  Lois,  IV  )  ;  les  Hommes  de  Promé/kée(  Pro- 
tagoras  )  ;  Athènes  au  siècle  de  Platon  (  Lettre  Vil  )  ;  la  Démocratie  et  le 
Despotisme  [Républ.  Y  lll)  ;  Portrait  du  tyran  [Républ.  ix)  ;  Plaion  aux 
Syracusains  (Lettre  YUl)\  le  Chef  de  l'éducation  (Lois,  vi,  vu);; 
Homère  (  Républ.  ni]  \  de  la  Censure  dramatique  (  Lois ,  vu  )  ;  Puni  tient 
des  sacrilèges,  des  traîtres,  des  parricides  (Lois,  ix)  ;  Cause  mystérieuse 
de  la  décadence  des  états  ( Républ.  VlU  )  ;  l'Atlantide  (Timée  ).. 

D'après  cette  indication,  les  personnes  qui  connoissent  un  peu  le 
philosophe  grec,  voient  déjà  qu'elles  trouveront  dans  ce  recueil  Ie$  moi^ 
ceaux  qui  les  ont  le  plus  frappées  en  le  lisant  ;  elles  voient  également  qu'if 
a  eu  le  soin  de  ne  les  choisir  que  parmi  les  écrits  dont  l'authenticité  est 
généralement  reconnue:  il  faut  peut-être  excepter  le  Théager,  que  de$. 
critiques  fort  judicieux  pe  croient  pas  de  Pbton  ;  encore  personne  n'en 
est-il  bien  sûr.  Ce  n'est  pas  que  M.  Leclerc  ne  puisse  éprouver  .sous  ot 
rapport  quelques  dbicanes  de  la  part  de  certains  critiques  d'outre  Rhin>. 
tels  que  le  savant  mais  un  peu  tranchant  M,  Ast,  qui  conteste  fàuthenr^ 
ticité  de  l'Apologie,  du  Cxi  ton»  de  TEutyphron,  des  deux.  Alcibiade^ 
de  l'Ion ,  des  deux  Hippias ,  du  Ménéxène,  du- traité  ààs,  Lois ,  &c.  Tqute-^ 
fois,  avant  d'adopter  des  décisions  si  hardies  et  si  sévères ,  il  est  peut- 
être  bon  d  attendre  qu'il  nous  arrive  d'Athènes  quelques  mémoires  'im^ 
temps.  ;.•'-' 

L'édition  du  texte  nous  a  paru  correae  et  f^fte  avec  beaucoup  de- 
soin  ;.  en  la  comparant  avec  quelques-unes  des  dernières  éditons  faites 
en  Allemagne,  nous  avons  cru  voir  que  M.  Lecferc  donne  en  général 
la  préférence  aux  éditions  anciennes,  mais,  en  même  temp$,  que  cette- 
préférence;[ne  lui  a  pas  fait  conserver  des  leçons  donr  il  résulte  un  sens. 
évidemment  mauvais.  Nous  aurions  bien,  à  ce  sujet,  quelques  obses-* 
vations  à  lui  faire;  mais,  comme  elles  ne  portent  que  sur  des  vétilles 
grauunaiicaies  A  nous  les  passerons  sous  silence*. 


jatf  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Les  notes  dont  il  a  accompagné  sa  traduct-on ,  ne  sont  point  pKilo- 
fogiques  ;  elles  portent  en  général  sur  des  points  d*histoire  ou  de  philo- 
sophie, et  contiennent  principalement  des  rapprochemens  de  quelques- 
vies  des  pensées  morales  ou  philosophiques  de  Platon  avec  celles 
tf autres  écrivains,  et  entre  autres  de  nos  classiques;  elles  sont  fé^gées 
avec  beaucoup  de  précision  et  de  netteté.  L'auteur  y  déploie  une  érudition 
variée,  un  goût  très-sûr,  une  littérature  étendue;  et  Ton  voit  bien,  à  la 
peine  qu'il  a  prise  Êb  consulter  les  principaux  platonicienst  Pràdus, 
lamblique,  Porphyre,  &c.,  qu'il  n'auroit  tenu  qu'à  lui  de' les  fiâre  plus 
amples  et  plus  profondes.  Son  ouvrage  est  précédé  de  la  Vie  de  Haton  « 
traduite  de  Diogène  de  Laérte  ;  traduction  fort  bien  fiiite ,  d'une  alfure 
très- libre,  et  cependant  fidèle.  Les  vers  répandus  avec  profusion  dank 
cette  vie ,  selon  l'usage  de  Diogène  de  Laérte ,  y  sont  traduits  en  vèirk 
élégans  et  faciles ,  qui  prouvent  que  M.  Leclerc  manie  très-bien  la  langue 
poétique.  II  n'a  pas  cru  devoir  donner  cette  Yie  toute  entière  ;  il  en  ft 
fetranché  quelques  détails  peu  intéressans,  et  Fexposé  incomplet  de 
ia  philosophie  platonicienne  qui  la  termine  :  je  ne  pense  pas  que  per- 
sonne s'en  plaigne  et  lui  en  fasse  un  reproche. 

Venons  maintenant  à  la  traduction ,  partie  prindpafe  de  son  travaif • 
Avant  de  dire  notre  avis  h  cet  égard,  qu'il  nous  soit  permis  de  rapporter 
le  commencement  du  premier  morceau ,  dont  le  sujet  -est  h  création  de 
l'univers  ;  ce  morceau  admirable  est  extrait  du  Hmée,  un  des  écrits 
de  Platon  les  plus  difficiles  à  entendse,  et  qui  n'a  pas  été  traduit  en 
français ,  depuis  1 5  8  r .  <c  L'Eternel  créa  le  monde  ;  et ,  quand  cette  image 
»  des  êtres  intelligibles  eut  commencé  &  vivre  et  il  se  mouvoirt  Dieu, 
»  content  de  son  ouvrage ,  voulut  le  rendre  plus  semblable  encore  an 
9>  modèle ,  et  lui  donner  quelque  chose  de  cette  nature  impérissable. 
»  Mais ,  comme  la  création  ne  pouvoit  ressembler  en  tout  à  Fidée  éser* 
3»nelie,  il  fit  une  image  mobile  de  Fétemité;  et,  gardant  pour  fnf  jà 
9»  durée  indivisible,  il  nous  en  donna  Pemblème  divisible  que  nous  appcs 
allons  /e  temps,  le  temps,  créé  avec  te  ciel,  dont  la  narssanee  fie  tout- 
»  &-coup  sortir  du  néant  les  jours,  tes  nuits,  les  mois  et  les  années,  ces 
19  parties  fugitives  de  la  vie  mortelle.  Nous  avons  tort  de  dire,  en  parlant 
»  de  l'éternelle  essence,  elle  fut,  ELLE  sera;  ces  formes  du  temps  ne 
»  conviennent  {ms  à  Féternité:  elle  est,  voilh  son  attribut.  Notre  passé 
9>  et  notre  avenir  sont  deux  mouvemens  :  or  l'immuable  fie  peut  être  de 
9>  la  veille  ni  du  lendemain  ;  on  ne  peut  dire  qu'il  fut ,  ni  qu'il  sera  ;  fes 
>»  accidens  des  créatures  sensibles  ne  sont  pas  faits  pour  lui ,  et  des  rns- 
»>  tans  qui  se  calculent  ne  sont  qu'un  vain  simulacre  de  ce  qui  est  ton- 
»  jours....  Le  temps  naquit  avec  le  ciel  pour  finir  avec  kii,  8%  doivent 


JUIN   iSl^.  317 

»  finir:  il  n'est  donc  qu'une  ressemblance  imparfaite  d«  la  durée;  car 
wcelle-ci  est  ieteniité  même;  et  l'éierniié,  qui  n'a  point  commencé^ 
»»  ne  finira  jamais.  "  H  n'est  aucun  de  noi  lecteurs  qui  ne  sente  loul  c* 
que  cetie  traduction  offre  à-la-fois  d'éiégance  et  de  majesté;  ei  s'ils  la 
comparenï  avec  le  texte ,  ils  verront  qu'elie  en  reproduit  non-seuJeiiient 
les  pensées,  mais  encore  le  caractère. 

Un  mérite  égal  brille  dans  la  traduction  de  cet  autre  passage,  extrait 
du  morceau  sur  la  piété  filiale .  où  se  montre  toute  entière  l'am^  noble, 
religieuse  et  sensible  de  Piaton,...  «  Un  père,  une  mère,  un  aïeul,  donr 
nie  fils  nourrit  ia  vieillesse  auprès  de  son  foyer,  seront  pour  lui  un 
»  plus  riche  trésor  que  les  images  mêmes  des  dieux ,  pourvu  qu'il  ^>. 
x>  précie  le  bien  dont  il  est  dépositaire.  Que  doit-il  ^ire  pour  en  étrâ 
î>  digne!  Rappelez-vous  de  terriMes  exemples.  (SAipe,  outragé  par  ses 
nfils,  invoque  sur  eux  la  colère  céleste;,  les  dieux  l'entendent  et 
i)  l'exaucent....  Phœnix  est  maudit  par  Ainynlor ,  Hippolyie  par  ThéJtée: 
»  leur  histoire  et  tant  d'auires  vous  apprennent  que  le  ciel  écoute  les 
»  imprécaiions  des  pères  contre  leurs  enfans  ;  car  la  justice  a  voulu  qu'ils 
»  n'eussent  pas  de  plus  redoutable  ennemi  qu'un  père  irrité.  Mais  qu'on 
»>  ne  s'imagine  pas  que  la  divinité,  toujours  attentive,  ne  serve  un  père 
»  et  une  mère  que  dans  leur  courroux.  Lorsqu'un  fils  les  honore  et  les 
»  remplit  de  joie;  lorsque,  dans  l'impatience  de  leurs  vceux,  ils  ne  cessent 
»  d'exiger  du  ciel  son  bonheur,  ne  croirons-nous  pas  aussi  qu'ils  sont 
ï>  alors  écoutés  et  bientôt  satisfaits!  Les  dieux  ne  seroient-ils  plus  les 
»  seuls  dispensateurs  des  biens  !  Connoissons-nous  si  mal  ia  Providence  £ 
»  Non,  il  n'est  point  de  monument  sacré  qu'elle  regarde  avec  plus  d« 
»  complaisance  parmi  nous,  qu'un  vieux  père,  un  aïeul  vénérable,  une 
»  mère  courbée  par  les  ans  ;  elle  accueille  coinjne  de»  offrandes  lea 
»  respects  dont  un  fiis  les  environne;  elle  le  prouve  en  exauçant  leura 
»  vœux.  Quel  avantage,  en  effet,  ces  trésors  de  fa  Emilie  n'ont-ils  pas 
*>  sur  les  statues  des  immortel»  '.  En  vain  vous  chargf  z  de  guirlandes  un 
»  marbre  inanimé;  il  n'a  pas  de  voix,  comme  un  père  et  une  mère, 
»  pour  implorer  les  dieux.  Ah  1  profiiez  de  celte  richesse,  protectrice  plus 
3»  sûre  que  toutes  leurs  images  ^//ûg.  ijj,  jjifj.» 

Ces  deux  citations  sont  prises  au  hasard  :  le  reste  de  la  traduction 
offre  le  même  degré  de  mérile.  Ce  que  les  connoisseurs  y  disiinguerant 
lur-tout,  c'est  la  rare  intelligence  avec  laquelle  l'auteur  saii-it  l'enchaîne- 
ment des  idées  et  le  reproduit  en  français;  ce  qui  suppose  une  connois- 
sance  irès-grnnde  de  la  langue  grecque,  jointe  à  un  rare  talent  d'écrire» 
L'auteur  s'atiathe  plus  Ji  saisir  la  pensée  de  Platon  dans  son  ensemble, 
qu'à  la  rendre  dans  tous  ses  détails;  et  il  est  à  remarquer  que  souvent 


1 


î»8 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


il  reproduit  cette  penste  avec  une  6déGté  qu'on  ne  soapçonneroit  pas 
d'abord,  et  qu'on  n'aperçoîtqu'en  creusant  bçaucoup  [e  sens  de  roriginal. 
L'exemple  de  M.  Leclerc  prouve  que  cette  méthode,  applicable  prin- 
cipalAnent  k  des  écnvaii^s  tels  que  les  orateurs  et  les  philosophes,  peut. 
ïlim  des  mams  habiles ,  être  compatible  avec  une  assez  grande  hdilîié; 
cependant  |e  dois  avouer  qu'elfe  entraîne  des  inconvéniens ,  toutes  les 
Ibis  qu'il  se  présente,  dans  foriginal,  une  notion  positive,  exprimée 
irec  netteté,  précision,  et  avec  un  dioîx  de  termes  en  quelque  sorte 
techniques,  dont  il  importe  de  saisir  et  de  rendre  le  sens  exact,  sous 
peine  de  manquer  celui  de  la  pensée  elle-même.  Dans  ces  cas ,  il  arfive 
ordinairement  qu'une  certaine  redierche  de  l'élégance  et  de  l'harmonie 
fiirce  M.  Leclerc  à  négliger  des  nuances  importantes ,  dont  l'expresùon 
embarnsseroit  ou  alongeroît  sa  phrase  ;  alors  sa  traduction  devient 
couvent  vague*  et  manque  de  clarté  ou  même  d'exactitude.  Ainsi, 
par  exemple,  dans  le  magnifique  discours  de  fÉternel  aux  dieux,  ou- 
vrages de  sa  volonté ,  on  lit  :  Kouf  paroisse^  nés  your  mourir  (p.  i  a } ,  au 
lîpu  de  tt  parée  que  vous  ttts  nés ,  vous  n'itts  point  immortels  (  i  )  ;  ce  qui 
est  bien  pitis  fort  et  plus  caractéristique.  Dans  le  morceau  nir  FAtfan' 
lide  (p.  319] ,  au  lieu  de.  En  Egyptt,  dans  la  province  de  Delta,  oà 
le  Nil  se  divise  à  son  emhitchure,  vous  trouve^  le  nome  saltiqne;  il  faut 
traduire  :  En  Egypte,  dans  le  Delta  formé  par  le  Nil,  qui,  se  séparant  au 
tommtt  [du  triangle ] ,  l'enveloppe  de  ses  hras,  vous  trouve^  &'c,  (ï).  Enfin , 
disent  les  prêtres  de  Saïs,  nous  ne  eraignons  pas  que  les  plaies  inondent 
VÉgypte,  où  l'eau  ne  vient  que  du  Nil,  et  ne  descend  jamais  du  ciel  dans 
nas  plaines  {p.  32}).  Cette  traduction  efîâce  une  idée  importante;  le 
sens  est  :  Nous  ne  craignons  pas  que  les  pluies  inondent  l'Egypte,  où  l'eau 
ne  descend  jamais  du  citl,  mais  s'élève  du  sein  de  la  terre  pour  arroser  nos 
plaines  (j).  Il  est  évident  qu'ici  lei  prêtres  de  Saïs  reproduisem  cette 
opinion  af^cienne  chez  les  Egyptiens,  que  les  crues  du  Nil  provenoient 


JUIN   1819.  319 

montagnes  <Poù  soreoît  le  Nil  entre  Syène  et  Eléphantîne  (  i  ) ,  et  dont 
cet  historien  a  bien  su  se  moquer,  quoi  qu'en  aient  dit  Aristide  (2)  et 
Strabon  (3).  On  voit  par-là  que  les  prêtres  de  Saïsne  manquoient  pas 
de  s'amuser  aux  dépens  des  étrangers,  en  leur  répétant  les  mêmes  contes, 
pour  se  dispenser  sans  doute  de  leur  révéler  des  choses  plus  importantes. 

Au  reste,  les  fautes  de  ce  genre,  que  M.  Leclerc  auroit  éicilement 
évitées  en  se  tenant  en  général  un  peu  plus  près  du  texte,  sont  fort 
légères  et  très-rares  :  il  suffit  de  lui  en  indiquer  Fexistence  et  la  nature; 
on  peut  être  certain  qu'il  saura  bien  les  voir  et  les  fiiire  disparoxtre  pour 
«ne  seconde  édition. 

^  Nous  bornerons  en  conséquence  nos  remarques  à  trois  phrases  du 
Timée,  que  Marsile  Fîcin  a  rendues  d'une  manière  tort  obscure,  et 
dont  M.  Leclerc- nous  semble  avoir  manqué  le  sens;  elles  sont  néan- 
moins fort  importantes  pour  la  connoissance  des  idées  de  Platon  sur 
le  système  du  monde,  et  c'est  ce  qui  nous  force  à  nous  y  arrêter.  L'une 
de  Ces  phrases  est  d'autant  plus  remarquable,  qu'elle  n'a  été  comprise 
ni  par  Aristote,  ni  par  Dîogène  de  Laêrte. 

£n  parlant  de  la  formation  de  l'univers,  Platon  dit,  dans  la  traduction 
de  M.  Leclerc  ^/7.  ti)  :  ce  Dieu  donna  aux  dieux  des  étoiles  un  corps 
»  de  feu  pciu-  les  rendre  plus  éclatans  et  plus  beaux  ;  la  forme  circu- 
»  laire,  pour  qu'ils  fussent  semblables  à  l'univers  même;  le  sentiment  de 
»  Tordre  et  du  bien ,  pour  que  ce  peuple  de  génies ,  dont  la  lumière  cou- 
»>  ronne  le  monde,  entretînt  l'harmonie  dans  les  cieux.  Il  leur  assigna  aussi 
»  deux  mouvemens:  Cun  qui  les  fait  tourner  sur  eux-mêmes,  dans  une  infn' 
55  iigabU'  persévérance  :  l'autre  qui  les  attire  par  l'impulsion  irrésistible  de 
n^  la  cause  première  (4).»  D'après  cette  traduction,  il  sembleroit  que 
Platon  non-seulement  a  connu  la  rotation  des  planètes,  mais  même  a 
eu  l'idée  de  ^attraction  universelle;  et  ici  M.  Leclerc,  entraîné  peut- 
être  par  le  désir  bien  légitime  de  trouver  dans  son  auteur  favori  des 
notions  exacres  sur  l'arrangement  du  monde,  me  semble  avoir  dénaturé 
pensée  exprimée  par  ce  philosophe  dans  des  termes  assez  obscurs ,  il 
est  vrai,  mais  dont  le  sens  toutefois  n'est  point  douteux.  Bien  qu'à  la 
la  rigueur  on  ne  puisse  nier  absolument,  parce  qu'il  n'y  a  de  preuves 
ni  pour  ni  contre,  que  ceux  des  anciens,  tels  que  Nicétas  (  ou  Hicétas  ) , 
Ecphante  et  Héraclide»  qui  se  sont  élevés  jusqu'à  l'idée  de  la  rotation 

m        '  '   '  t  »  »       .1    I  ■■  Il  I  II.  I  II  I  ■■  il» 

(1)  Herodot. 
XVII,  V.  818,   ^^ 
%fuiA  *deÀ  *fVeumSr 

Tt 


}jo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  la  terre,  ont  pu  supposer  aussi  par  analogie  la  rotation  des  planètes  i 
il  n'en  est  pas  moins  cerrain  qu'en  cet  endroit  Platon  a  parlé  de  toute 
autre  chose.  II  dit  plus  haut,  et  il  répète  à  plusieurs  reprises,  que  ce^ 
deux  niouveincns  des  planètes,  dont  run  est  oblique,  s'exéciUent  simuir 
tanément  dans  un  sens  contrahe  I*un  à  fautre,  et  sont  tpus  deux  d^ 
translation  (  JiÀ  to  aixH   nA-m  tÙ,  ^NANTIA  i^  nPOi'ENAI }.  II  s'agit 
donc  ici  du  double  mouvement  planétaire,  dans  le  système,  des  appa- 
rences ;  et  l'on  voit ,  comme  l'a  très-bien  prouvé  Proclus  (  i  )  *  que  Platon 
a  voulu  désigner,  i  J*  le  mouvement  diurnf  qui  entraine  tout  Twerc^s  dans 
une  direction  constante  de  l'orient  à  Tpccident;  2."  le  mouycmentfroprt^ 
contraire  au  premier,  inverse  par  rapport  à  loidre  des  signes,  et  qui 
fait  rétrograder  les  planètes  chaque  jour  dans  le  zodiaque.  Ce  sont  les 
deux  mouvemens  de  V homogène  et  de  ïlutérogine  dont  parle  Tiinée  de 
Locres  (2),  qui  ont  fourni  Sk  Platon  tout  ce  passage;  on  nesauroît  donc 
lui  donner  un  autre  sens  que  celui-ci  ;  ce  Dieu  assigna  deux  mouveinena 
»  aux  planètes:  l'un  [propre]  les  entraine  invariablement  dans  la  raènie 
»  route,  autour  du  même  centre;  l'autre  [diurne]  les  porte  en  avant» 
»  dominés  }>ar  l'impulsion  toujours  constante  et  uniforme  qui  fait  tourner 
»  Funivcrs.  ». 

La  phrase  qui  suit  est  également  remarquable  :  Platon^r  expose  les 
mouvemens  des  iixes  et  des  planètes.  «  Ainsi  parurent  ces  dieujc  (  tra« 
»  duction  de  M.  Leclerc  ) ,  fidèles  à  la  loi  qui  les  rend  presqjue  station* 
»  naires,  tandis  que  les  génies  des  planètes,  nés  avant  euKi:  se  pro* 
»  mènent  dans  l'immensité  (3).  » 

Cette  traduction  est  vague  et  inexacte.  Je  traduis  iittcn^eipent  : 
c<  Dans  le  même  motif  furent  créées  les  étoiles  fixes,  êtres  animés 
»  et  divins  ;  comme  tels ,  ils  se  meuvent  sans  cesse  dans  une  direction 
»  constante  et  uniforme,  tandis  que  les  autres  [les  planètes]  rétrogradent 
»  en  suivant  fa  route  errante  qui  vient  d'être  décrite.»  Ainsi  P/aton 
oppose  clairement  le  mouvement  simple  des  fixes  au  mouvement  dautU 
des  planètes ,  toujours  dans  le  système  des  apprences,  c'est-à-dire,  de 
Yimmobiliti  absolue  de  la  terre. 

Or  ces  deux  phrases  suffisent  pour  fixer  invariablement  le  sens  de 
cette  troisième ,  qui  vient  immédiatement  après;  et  c*est  la  plus  diffi- 


(i)  Proclus  m  Timeum^p.  m:  ri  àM^euS  -nl^itwnlv  Ki/iOo/r  drafk^fâuu^  rf 
7/  ^^i' Oî».  «irir )  «TH w.  —  (2)  Tim.  Locr.  de  anima.  Si,  J.  f. — (j)  *Js|  Sr 
4i  Tnc  alvtu  yiynt  O0K  a-^tuni  4V  ojçpatr  fia,  dila  ortBtj  zei  IkÀ  %ûiwL.  k  %fur^ 


JUIN  1819.  35f 

c)Ie  (i);a  La  terre  seule  (  traduction  de  M.  Lederc ),  notre  mère  oouv 
»  mune ,  qui ,  par  son  mouvement  de  rotation  autour  de  l'axe  du  monde, 
»>  produit  incessamment  les  fours  et  les  nuits»  naquit  fa  première  dét 
»  créatures  célestes  {2).  »  Les  anciens  citent  ce  passage  de  deux  manières  ; 
les  uns  lisent  î^Ao/u^ynr,  les  autres  f/AnfUrtfr.  M.  Lecferc  a  adopté  k 
dernière  leçon,  qui  est  celle  des  manuscrits,  appuyée  par  Aristote  et 
Diogène  de  Laérie;  l'interprétation  qu'il  lui  donne  semUe  d'autaAC 
moins  contestable ,  qu'il  a  pour  kii  de  bien  graves  autorités.  Aristote  Ta 
entendue  de  même,  car  il  donne  an  mot  «îXv/Lftirif  le  sens  de  MiPH/Aiun  (3)«; 
Diogène  de  Laérte  est  du  même  avis  (4);  enfin  Cicéron,  qui  a  traduit 
le  passage  dans  le  sens  de  immobilité  du  globe,  atteste  ailleurs  que 
d'autres  y  voient,  mais  obscurément,  l'hypothèse  de  Nicétas  sur  la  roiatioii 
de  la  terre  :  Atque  hoc  etiam  Platonem  in  Timmo  dicert  quidam  arbitrantnr, 
^ed  pauli  ^kscuriks  (j). 

-  A  toutes  ces  autorités,  il  y  en  a  une  plus  forte  à  opposer;  c'est  celle 
de  Platon  lui-même.  Quand  on  rapproche  les  trois  passages  qui  nous 
occupent,  et  d'autres  encore  épars  dans  le  Timée,  on  acquiert  la 
conviction  qu'Aristote  et  Diogène  de  Laérte  ont  donné  un  faux  sens  au 
mot  t/Xv^Vif,  qui  prête  ici  à  l'équivoque,  pouvant  être  pris  indiflTé- 
remment  au  moyen  et  au  passif.  Ils  ont  adopté  le  sens  du  moyen, 
parce  qu'ils  ne  se  sont  pas  attachés  à  suivre  la  chaîne  àss  idées  cosmo*- 
logiqaes  consignées  dans  ce  dialogue;  autrement ^  ils  auroient  va  qu'il 
est  impossible  d'admettre  ici  la  rotaiion  de  la  ittït^  sans  être  forcé  de 
convenir  en  même  temps  que  tout  ce  que  dit  à  ce  sujet  Platon  dans  le 
Ti'mée,  n''est  qu'un  tissu  d'absurdités  palpables:  car  ce  philosophe, 
comme  on  vient  de  le  voir ,  reconnu?!  le  double  mouvemens  [  diurne  et 
propre  ]  dû  soleil  et  des  planètes ,  et  la  révolution  diurne  de  ia  sphère 
étoilée.  Or  ces  deux  notions  sont  évidemment  incompatibles  avec  Tidée 
de  la  rotation  de  la  terre.  II  est  donc  inoontesuble  que,  dans  cet  endroit 

du  Timée ,  comme  dans  tous  ses  autres  écrits  (6) ,  Platon  a  cru  la  terns 

^ — ■        ■  -  _  ^  ■■--.--.--..  -  — - — . 1— ji^ 

( i)  Corsînr in Plutarch.vldc.philos. p.  XXIV. — (2)  rîïr Si , "S^rfr fxif  if^um^^tr , 
ïfAOTME'KHN  HEPr  ToV  AI  A*  HArfrtfl  HO'aON  TETAME'NON  .^t/xiwA 

ôrnf  ii^^mi  yiyn\  passage  que  Ctceron  a  traduit  ainsi  :  Jam  verb  terram,  akricem 
nostram,  aujt  trajecto  axe  susttnetur ,  drei  noctisque  effèctricern,  tamdemque  cnstà-- 
dem ,  antiquissimam  ccrporùm  voluît  esse  eorum  quœ  intra  Ctflum  fig/feteiHttf. 
Le  moi  susnnttur  moncre  que  Cicéron  a  lu  iMo/4<niy  et  non  tiMfèifnf:  -*• 
(3)  Arrstot.  de  Calo ,  tî,  ij,  p.  6^,  B.-lI,  i4>  p-  ^3>  ^'  ^ '  (4)  1*^8- 
taert.  itt,  j.  8j.  —  {^)  Ciccr.  Quirsthn.  academ.  tl,  f.  /p.  — (6)  Plâtw. 
Phœdon.p.'  108.  D.  ibi  Wyttenb.p.  2fi€.^De  Ugibus,  Vît, p.  8^3,  D s  êj^, 
D  ,€d..Francf»ifc. 

Tt   X 


33^  JOURNAL  DES  SAVANS, 

immobile  au  centre  du  monde  :  c'est  ainsi  que  Proclus  a  entendu  le 
passage  (i),  et  il  connoissoit  bien  toute  fa  doctrine  dç  Platon;  aussi 
reprend* ii  Aristote  de  lavoir  entendu  d'une  autre  manière*  et  Ton  ne 
sauroit  être  trop  surpris  en  effet  qu'un  homme  tel  qu'Aristote  ait  hiî 
une  niépribe  si  forte,  et  pourtant  si  évidente.  Le  mot  tiAMyiani  [ma']  ^ 
donc  un  sens  passif;  au  lieu  de  signifier  /a  terre  se  roulant,  c'est-à-dire  i 
tcurnant  sur  son  axe,  il  signifie  étant  enroulée  .Q^esx-ik'àm  ^  aggloatéréi  (2) 
circulairement  autour  de  son  axe  :  c'est  une  métaphore  prise  de  h  laine  ou 
du  lin  enroulé  autour  du  fuseau  de  la  quenouille;  littéralement,  ciratmr 
voluta ,  c'est-à- dires  circumglobata  trajecto  per  universum  axes  carTaxie 
du  monde  (  0  itixoç  Jiù.  ^mvnç  jvmfiifç  )  est  l'axe  de  la  terre  prolongé 
des  deux  côtés.  Ainsi  Platon  parle  de  la  forme  ronde  de  la  terre»  et  non 
de  son  mouvement  en  rond,  comme  l'a  cru  Aristote;  c'est  l'idée  exprimée 
en  d*autres  termes  dans  le  Phédon  :  £s?v  ôr  ^^  «^r{i  mei^tpiic  «m  (3}» 
Le  passage  de  Platon,  ce  que  n'ont  point  remarqué  les  anciens ,  est 
visiblement  copié  de  Timée  de  Locres,  qui  dit  :  te  La  ttrrè»  placée  au 
»  centre  du  monde ,  foyer  des  dieux ,  est  la  limite  de  la  nuit  et  du  |our  ; 
»  elle  produit  les  levers  et  les  couchers  par  la  séparation  des  àori^ûns  •  •  •  i 
»  Elle  est  le  plus  ancien  des  corps  que  renferme  l'univers  (4)»  »  Ce 
p<issage  sert  de  commentaire  k  celui  de  Platon  que  nous  traduirons  ainsif 
malgré  Aristote  et  Diogène  de  Laérte:  «<  La  terre»  notre  mère  com* 
»  mune,  enroulée  autour  de  l'axe  du  monde,  productrice  et  conseif 
3>  vatrice  de  la  nuit  et  du  jour,  fut  créée  la  première  entre  tous  les  corps 
»  que  renferme  l'univers.  »  .... 

Baiily  dit  quelque  part  :  o  If  seroit  bien  intéressant  de  savoir  ce  qii'uii 
»  homme  de  génie ,  comme  Platon ,  pensoit  sur  une  aussi  grandèr 
»  question  que  le  mouvement  de  la  terre  (5).  »  Il  nous  semble  qu'on  ne 
doit  point  conserver  de  doute  à  ce  sujet.  Il  est  certain  que,  dans  tous  les 
écrits  qui  nous  restent  de  lui,  Platon  admet  l'immobilité  absolue  de  Jt' 
terre,  et  Proclus  le  reconnoît  formellement  (6).  Théophraste,  cité  par 
Plutarque,  dit  que,  sur  la  ^n  de  ses  jours,  Platon  se  repentit  d'avoir,  daiH 

(i)  Proclus  in  Thnœum^v,  zSm ,  l.  2j  et  lin,  antepen.  Oviu  fUfifyym$uDm,  mr 
WAer  uaI  lif  al^ofcL,  aai  rUi  mki  in  (lis.  rtfnf  )  ovn^fjiinf  ySu  Proclvi  a  lu  M^mf. 

(2)  Ce  qui  seroit,  à  proprement  parler,  le  sens  de  la  leçon  ÎMo/om^cVst-àHdire, 
•i7uxAf«0gufiii« «fecMAivi^erii:  mais,  comme  l'a  reniarqué  Hemsterhuîs  ^orf  Tinuei 
Lexicon  ,p.  6^  sq.) ,  les  deux  mots  «\»t9B^  et  TMCiSB^  se  rapprochent  au  fimd  l'un 
de  l'autre  par  leur  signification  ;  en  eifet,  les  deux  idées  a  agglomération  tx  dm» 
roulanent  autour  d'un  centre  ne  sont  séparées  que  par  une  nuance  qui,  dans  la 
seconde,  indique  la  forme  avec  plus  de  précision.  —  (3)  Phcrdon.  L  L  ^^ 
(4)  lim.  Locr.  ta,  J.  /.  —  (j)  Bailly,  ^/Iron.  anc.  éclairer  VII i.  S*  /•  — 
(6)  Proclus,  i/i  Tim*  i  L 


JUIN   1819.  3}} 

ses  écrits ,  placé  la  terre  au  centre  du  monde ,  et  qu'il  adopta  Thypothè^ 
du  mouvement  de  translation  (i).  Ce  fait  me  paroît  d'autant  plus 
remarquable ,  que  je  le  trouve  en  harmonie  avec  un  autre  raconté  par  des 
historiens  que  cite  Diogène  de  Laêrte.  Ils  rapportent  que  Platon  écrivit 
en  Sicile  à  Dion  de  lui  acheter  de  Phiiolaiis  trois  livres  pythagoriques 
pour  cent  mines  (2]  ;  et  il  est  vraisemblable  que  ce  fut  la  lecture  de  ces 
livres  qui  le  fit  changer  de  sentiment  ;  ce  philosophe»  ajoutent  les  mêmes 
historiens  >  pouvoit  faire  cotte  dépense»  ayant  reçu  quatre-vingts  talens  dé 
Denys.  II  n'est  pas  question  de  savoir  si  Platon  avoit  réellement  reçu  cette 
somme;  il  suffit  d'être  sûrque,  dans  l'opinion  de  ces  historiens ,  l'achat  des 
livres  de  Phiiolaiis  est  postérieur  au  troisième  voyage  de  Platon  en  Sicile*, 
le  seul  qui  ait  pu  prêter  quelque  aliment  à  la  calomnie >  et  faire  naître  le 
soupçon  qu'il  avoit  accepté  les  présens  au  moyen  desquels  Denys  essayort 
d'écarter  ses  sollicitations  actives  pour  le  retour  de  Dion  (3}  :  et,  comme 
Dion,  expulsé  de  Sicile,  f>endant  le  séjour  de  Platon  à  Syracuse,  lôrs 
du  second  voyage ,  n'y  rentra  qu'en  3  j  7  pour  délivrer  sa  patrie ,  on 
voit  que  Platon  n'a  pu  écrire  en  Sicile  à  Dion  qu'après  cette  époque  ;  coi^ 
séqueînment ,  que  l'envoi  des  livres  de  Phiiolaiis  n'a  donc  pu  être  effectué 
qu'entre  les  années  357  et  3  54  avant  notre  ère  (4)-  Platon  étoit  né  en 
4^9  ;  il  s'ensuit  qu'il  avoit  alors  de  soixante-douze  à  soixante-quinze  ans; 
et  l'on  peut  croire  qu'à  cet  âge  avancé  il  avoit  composé  à-peu*près  tous 
les  ouvrages  qui  nou^  restent  de  lui  :  ce  qui  confirme  le  témoignage  de 
Théophraste,  et  explique  en  même  temps  pourquoi  les  écrits  de  Platon 
ne  contiennent  aucune  trace  de  fhypothèse  philolaïque. 

Peut-être  les  lecteurs  me  sauront-ils  gré  de  terminer  cet  article  par 
une  dernière  citation  extraite  du  morceau  très-remarquable  j/ir /^ V/zir^^ 
€ratie  et  U  despotisme;  ils  y  trouveront  les  résultats  d'une  expérience 
consommée  que  Platon  avoit  puisée  dans  l'étude  approfondie  des  gou* 
vernemens  de  la  Grèce. 

<i  C'est  presque  toujours  du  gouvernement  populaire  que  se  forme  le 
39  despotisme. ...  La  démocratie,  trop  jalouse  de  ce  qu'elle  nomme  son 
»  bien  suprême,  en  devient  la  victime  ;  elle  succombe  sous  la  liberté .  •  ;-; 
»  l'amour  de  l'indépendance ,  indifférent  pour  tout  ce  qui  ne  flatte  pas 
»son  délire,  bouleverse  la  nation,  et  la  jette  dans  les  bras  d'un  tyran': 
»  voyons  comment  le  tyran  s'élève. 

To  Dès  qu'une  fois  un  état  devenu  démocratique ,  brûlant  de  cette  soif 

(i)  Theophr.  apud Plutarch,  Quœstion,  Platon,  t.  X ,  p,  i8j,  —  (2)  Diogen. 
Laërt.  iii/S'7Ss  VIII,  /.  «#.—(3)  Platon.  EpîstoL  vii,p*  iz8j,  A»éd.Ffaiufr 
—  (4)  B^thélemy ,  Voyage  du  jeune  Anach,  notes  du  chap,  Jty, 


334  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  de  liberté ,  a  trouvé  dans  ses  magistrats  des  échaosons  naprudeas  qui 
»  lui  ont  versé  toute  pure  fa  liqueur  fatale  dont  H  s'est  enhné  ;  alors»  s'ils 
9»  ne  sont  pas  toujours  foibles»  s'ils  n'offrent  pas  au  peuple  la  liberté  à 
»  pleine  coupe,  le  peuple  les  accuse  et  les  châtie  comme  des  tnitres  qui 
j>  aspirent  k  le  gouverner ....  £st-il  possible  qu'une  telle  république 
»ne  se  précipite  pas  dans  toutes  les  fuiies  de  rindépendance!  Je  vois 
»)  déjà  l'intérieur  des  familles  en  proie  à  cette  insolente  égalité  •  •  •  •  Déjà 
»  le  |>ère  s'accoutume  à  regarder  son  fils  comme  son  égal;  le  fibf  i  ne 
»  plus  l'honorer  9  ni  le  craindre ,  pour  dire,  Je  suis  fibre.  •«  .Voilà  le 
a»  précepteur  qui  flatte  son  disciple  ;  le  disciple  qui  méprise  son  gon* 
5>  verneur  et  son  maître .  • . .  £h  !  bien ,  de  ce  gouvernement  si  beau ,  si 
»  lier,  naîtra  le  tyran.  Les  fléaux  qui  ont  renversé  la  constitution  oligar* 
3>  chique,  multipliés  et  accrus  par  la  licence  de  Fétat  populaire >   lai 
»  préparent  l'esclavage;  car  tout  excès  amène  volonlien  Fexoès  om* 
»  traire. ...  Il  est  donc   naturel  qu'après  la  démocratiet   vienne   le 
»  despotisme  ;  après  l'abus  de  l'indépendance,  l'excès  de  la  servitude.  • . 
3>  Les  premiers  jours ,  le  tyran  accueille  d*un  sourire  et  dW  tir  gracient 
•>  les  moindres  citoyens  »  leur  promet  à  chacun  et  à  tous  le  p4«s  hti 
a>  avenir,  distribue  les  terres  à  ses  favoris  et  an  peuple^  et  prend  le 
«>  masque  d'un  père  affectueux.  Mais,  à  peine  quitte  des  guerres  exlé- 
»  rieures,  soit  par  des  traités ,  soit  par  des  victoires,  e/lnyé  du  repos  qui 
»  le  menace,  il  Êiit  germer  des  guerres  nouvelles,  pour  qtfon ait  besofti 
a»  de  lui;  c'est  encore  un  prétexte  d'augmenter  les  impôts,  «finqi^h 
a> nation,  appauvrie,  occupée  chaque  matin   des  imiyens  deTivre  tê 
«»  jour,  n'entreprenne  rien  contre  son  maître.  •  •  La  gufeiw  est  donc 
j»  toujours  nécessaire  au  tjrran,  et  la  haine  inséparable  de  «on  iloiii«o  >- 
M»  Victor  Leclerc  ne  craint  pas  d'avouer  cpt'il  aconsacié  iniilafiilées 
à  son  ouvrage  :  cette  sage  lenteur,  fort  peu  de  mode  aujouidliiii,  est  la 
marque  d'un  esprit  éclairé,  qui  se  défie  <r autant ph»  de  loi-^mène ifjfU 
connoît  et  apprécie  mieux  K'S  difficnités  ;  if  en  sera  léotmipensé,*  je 
-le  pense,  par  le  succès  de  sa  tnuinction  :  je  ne  balance  pas  à  cnm 
^ue  l'estime  publique  ne  tardera  pas  à  la  placera  càft  de  ctUe  des 
JExtraits  de  Pline,  qui  jouit  parmi  nous  d'ime  répvMÎoa  bien  méritée. 
Si  la  tâche  que  ie%i  imposée  M.  Leclerc  n'est  pas  tt>ut44àit  aasâ  lonigue, 
il  est  juste  de  convenir  qu'elle  étoit  beaucoup  plus  dificife;  d'ailleurs  il 
ne  tient  qu*à  lui  de  donner  plus  d'extension  à  son  travail^  soa  racoeil, 
ttf  qu'il  est,   fournit  aux  jeunes  rhétoriciens  une  série  d'excellentes 
versions,  où  les  leçons  d'une  morale  sublime  sont  parées  des  charipes  d'un 
style  ravissant;  il  suffit  même  déjà,  pour  donner  une  haute  icKe^PiUoit 
9UX  personnes  qui  ne  connoisâent  point  encoira  le  dîacipb  db  fotfîate. 


,'.■  JUIN  1519.  '  J3J  \ 

parce  qu'on  y  trouve  les  plus  beaux  morceaiit  <fe  ses  «ttvres.  Mais  ce 
recueil  est  foin  de  contenir  tout  ce  que  Platon  oflfre  de  beau.  Dan^Ié 
cadre  des  trois  divisions  que  M.  Lecierc  a  si  fudicieusement  établies ,  il 
peut  facilement  intercaler  un 'égal  nombre  de  fragmens  très-intéressans 
qui  serviroient  2i  lier  les  autres  en|re  eux ,  et  à  former  un  corps  mofaijt 
incomplet  et  mieux  ordonné  ;  on  pourroit  ainsi  posséder  Tensembfe  de^ 
idées  principafes  qu'un  des  plus  beaux  génies  de  Fantiqtiité  s'étoit 
faites  sur  ces  grands  et  inépuisables  objets  des  méditations  de  tous  les 
hommes  pensans,  la  religton,  la  morale  et  la  politique. 

LETRONNE. 


Histoire  littéraire  d  Italie  ,  par  M.  Gînguené,  tome» 
VII,  VIII»   IX  et  dernier.  Paris,  chez  MJchaud,  1819 # 

SECOND    EXTRAIT. 

Nous  avons  rendu  compte  de  celui  de  ces  trois  volumes  qui  achève 
l'histoire  des  poètes  italiens  du  xvi/'  siècle;  les  deux  autres,  savohfle  VJL* 
et  le  VIII/,  sont  consacrés  à  la  prose:  mais  ce  n'est  pas  seulement  à  b 
prose  italienne;  M.  Ginguené  et  son  estimable  conthiuateur  n'ont  pu 
se  dispenser  de  faire  connoftre  plusieurs  ouvrages  composés  en  latin , 
et  même  quelques  auteurs  qui  n'ont  écrit  qu'en  cette  ancienne  langue; 
En  effet ,  l'histoire  littéraire  d'Italie  ne  se  réduit  pas  à  l'histoire  de  iâ 
littérature  italienne;  elle  doit  embrasser  tous  les  travaux  qui  ont  exercé 
l'esprit  humain  dans  cette  contrée,  tracer  le  tableau  des  progrès  qu*y  ont 
faits  tous  les  genres  d'études,  théologie,  jurisprudence,  grammahe  et 
rhétorique,  sdences  mathématiques  et  physiques,  sciences  morales  et 
politiques,  y  compris  sur- tout  l'histoire.  Telle  est  la  distribution  des 
matières  dans  ces  deux  volumes.  M.  Ginguené  n'a  compris  dans  le  pian 
de  cet  ouvrage  ni  les  arts  du  dessin ,  ni  la  musique ,  à  laquelle  il  a 
consacré  d'autres  travaux.  C'est  en  fort  peu  de  lignes,  et  seulement  par 
occasion,  qu'il  parle  de  la  musique  dans  le  sixième  volume;  de  la  peinture, 
de  la  sculpture  et  de  Farcbîtecture  dans  le  quatrième. 

Avant  de  retracer  fhistoire  particulière  des  études  théofogiques^ 
M.  Gi]!^;«ené  jette  un  coup-dTœfl  sur  l'état  général  de  toutes  les  études^ 
ruais  ce  qu^il  adit,  dai»  ses  trois' premiers  volumes,  des  écofes^etd^ 
universités  italiennes  jusqu'à  Kan  1  joo ,  ne  lui  laisse  guère  icrà  observé? 
qu'un  seuiÊik  bien  iaporiaiitç  c^eist  fétabli^semeiit  de  lar  société  dès 


5j6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Jésuites;  principale  cause,  selon  lui,  cTune  révolution  dans  rensei- 
gnement public,  qui,  jusqu*alors,  confié  en  très-grande  partie  à  des 
professeurs  séculiers,  fut  depuis  envahi  de  plus  en  plus  par  des  congré- 
gations ecclésiastiques.  Une  discussion  historique  des  progrès  et  des 
effets  de  cette  révolution  auroit  été  fort  longue,  et,  k  notre  avist 
d'autant  plus  déplacée  en  cet  endroit,  quils  ne  se  sont  développés»  soit 
en  Italie,  soit  ailleurs,  qu'après  la  fin  du  xvi/  siècle.  Les  travaux  théo- 
logiques dont  M.  Ginguené  nous  présente  le  tableau,  pourroient  se 
diviser  en  quatre  classes  :  ceux  dont  le  concile  de  Trente  fut  le  principal 
foyer  ;  ceux  qui ,  hors  de  fenceinte  et  de  l'influence  de  cette  assemblée  » 
nvnnr  même  sa  convocation,  eurent  le  même  but  que  les  siens,  savoir, 
Tcxiirpation  des  hérésies  nouvelles;  ceux  qui ,  au  contraire, tendoient  aies 
propager  ;  ceux  enfin  qui  se  dégngeoient  plus  ou  moins  de  ces  contro* 
verses,  en  se  dirigeant  d*une  manière  spéciale  ou  versiacridque  sacrée» 
ou  vers  rhistoire  de  l'église,  ou  vers  la  jurisprudence  canonique.  Ces 
détails  sont  si  nombreux,  si  compliqués,  et  d'ailleurs  si  délicats,  qu'il  a 
fallu  beaucoup  d'art  pour  les  resserrer  en  un  court  espace ,  et  en  donner 
toutefois  des  notions  claires  et  suffisantes  à  la  plupart  des  lecteurs. 
L'article  du  droit  civil  pourra  sembler  beaucoup  plus  incomplet;  car  il 
ne  contient  guère  qu'une  seule  notice  intéressante  et  instructive  :  c'est 
celle  qui  concerne  Alciat ,  dont  les  études  se  sont  étendues,  comme  on 
sait,  au-delà  de  la  jurisprudence.  Tiraboschi,  dans  le  chapitre  qu'il  a 
consacré  à  l'histoire  de  cette  même  science  durant  le  xvi.*  siècle»  s'étoit 
aussi  borné  à  rassembler  des  détails  biographiques  qui  ne  jettent  à  peu 
près  aucune  lumière  sur  l'état  des  écoles,  ni  du  barreau»  ni  de  la 
législation ,  sur  le  contact  ou  le  mélange  du  droit  canon  et  du  droit  dvï» 
en  un  mot  sur  ce  que  les  annales  de  la  jurisprudence  peuvent  avoir  de 
réel  et  de  distinct  de  la  vie  des  jurisconsultes, 

M.  Ginguené  suit  de  meilleurs  guides  quand  il  parcourt  Fhislolie  des 
sciences  physiques  et  mathématiques  :  il  profite  de  tous  les  ouvnges'qui 
ont  eu  pour  objet  spécial  d'exposer  avec  précision  les  progrès  et  ks 
écarts  de  chacun  de  ces  genres  d'études;  il  extrait  de  tous  ces  rédts  oe 
qui  appartient  à  l'époque  et  au  pays  dont  il  s'occupe;  il  y  joint  quelque* 
fois  les  détails  littéraires  que  ses  propres  connoîssances  lui  fournissent  t 
et  toujours  les  grâces  de  son  style  élégant,  simple  et  clair  t  ainsi»  quand 
il  nous  parledeMatthiole,de  Prosper  Alpin, de Césalpinvd'AIdrovande» 
ou  de  Fallope,  d'Eustache,  de  f  abrizio  d'Acquapendente»  ou  bien  de 
Tartaglia,de  Maurolico,&c.,  il  raconte  moins  leurs aventurnjiue  kun 
études,  leurs  tentatives,  ou  leurs  découvertes;  il  Ait  conmrftre  fobjet» 
|a  direction  et  le$  résuluts  de  leyrs  travaux.  Ce  chapitre  est  Ètmaaé  piC 


JUIN   1819.  337 

des  notices  relatives  à  rarchitecture  civile  et  militaire.  Ceci  semble 
contredire  ce  que  nous  avons  dit  de  romîssion  des  arts  du  dessin  :  mais  ce 
n'est  pas  comme  artistes  que  M.  Ginguené  considère  ici  Serlio ,  Barozzi 
;tfa  Vignola  et  Palladio,  c'est  seulement  comme  auteurs;  et' de  tous  feurs 
édifices,  leurs  livres  sont  les  seuls  sur  lesquels  il  jette  quelques  regard^;. 
Dans  le  chapitre  suivant,  il  rassemble  sous  le  titre  d'études  littérâ^il^s 
celles  qui  ont   pour  objets  la  grammaire ,  les  langues  andennes  et  les 
antiquités.  Parmi  les  philologues  dont  il  retrace  et  caractérise  les  travaux , 
nous  ne  citerons  que  Béroalde  le  jeune,  Romolo  Âmaseo,  Vettori, 
Calepin  |,  Marc  Musurus,  Sante-Pagnini ,  Ângelo  Canini ,  Onofrio 
Panvini,  Erizzo,  Enea  Vico,  Fulvio  Orsini ,  Alessandro  d'Âlessaadri , 
etSfgonio.  Ces  noms  rappellent  assez  de  traductions,  de  commentaires^ 
de   lexiques  et  de  recherches  savantes,  pour  qu'on  puisse  juger  de 
l'étendue  et  de  la  richesse  de  la  matière  que  traite  ici  M.  Ginguené.  De 
peur  d'en  afTbiblir  Fintérét,  il  se  garde  bien  de  l'exagérer:  il  n'omet  rien 
pourtant  de  ce  qui  peut  en  faire  sentir  tout  le  prix  et  en  montrer  l'impor- 
tance. ccUii  siècle>  dit-il,  dont  la  richesse  littéraire  se  borneroit  à  ce 
>}  genre  de  travaux,  seroit  fort  pauvre;  pour  un  siècle  où  surabondent 
3>  les  trésors  de  l'imagination  et  du  génie,  c'est  une  richesse  de  plus.  » 

Des  considérations  sur  le  progrès  et  l'influence  de  l'art  typographique 
amènent  une  histoire  abrégée  de  la  famille  des  Aides;  c*est  un  sujet 
qui  a  été  traité  plus  au  long  par  M.  Renouard,  mais  qui  s'agrandit, 
encore  plus    qu'il  ne    se  limite,  quand  il  prend  place  dans  l'histoire 
générale  d'une  littérature.  De  Fimprimerie  des  Aides,  M.  Ginguené  passe 
à  quelques  autres  établissemens  du  même  genre,  de  là  aux  bibliothèques 
particulières  et  publiques^  puis  à  ces  sociétés  littéraires  qui  s'élevoient 
de  toutes  parts  dans  les  villes  d'Italie,  et  dont  on  prendroit  une  idée 
trop  peu  favorable,  si  l'on  n'en  jugeoit  que  par  leur  multitude,  ou  par 
la  bizarrerie  de  leurs  noms  et  de  quelques-uns  de  leurs  usages.  On  voit 
que  M.  Ginguené  s'arrête  avec  complaisance  à  l'histoire  de  ces  aca- 
démies, persuadé  {qu'elles  ont  eu  une  grande  part  aux  progrès  de  la 
grammaire  italienne  et  à  ceux  de  Fart  d'écrire.  Il  n'a  pu  manquer  de 
distinguer  par  des  hommages  particuliers  l'académie   délia  Crusca,  à 
laquelle  il  étoit  lui-même  associé,  mais  qui,  avant  l'an    1600,  n'avoit 
encore  ni  publié   ni  peut-être   commencé  le  dictionnaire  qui  a  tant 
honoré  son  nom  :  «  Code  d'une  autorité  irréfragable ,  dit  M.  Ginguené, 
x>  barrière  forte  et  solide  contre  laquelle  se  sont  heureusement  brisés 
»  tous  les  ejffbrts  du  néologisme  ;  modèle  enfin  si  parfait  de  ce  que  dort 
n  être  un  ouvrage  de  cette  nature ,  qu'il  a  fallu  que  toutes  les  nations 
»  lettrées  qui  ont  voulu  avoir  des  dictionnaires  de  leur  propre  langue, 

vv 


3>8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  se  rtîgl.issem  sur  celui  de  luCfU»i8,  ou  se  coiidninnasseni  elles- mênice 
u  h  une  évidente  et  peu  hotioraljle  inrérionté.  » 

Les  progrès  de  la  langue  i::;Iieniie  excitèrcni ,  en  Italie  tndme,  une 
jalousie  qui  leraUeroit  fort  clr:iiige,  s'il  n'en  exiiioii  d'auires  exemples» 
Romolo  Aniaseo  prononça  devant  Chiirles-Quint  er  Clément  VII  des 
harangues  où  il  soutint  qiie  la  langue  latine  devoît  régner  seule  et 
reléguer  l'ilfllitnne  dans,  les  imutiques,  lesmarcliés  et  les  villages.  Celio 
Calcagiiini  demandoil  que  l'idiome  italien  fût  banni  du  monde  entier; 
et  c'éloii  à  peu  près  le  veeu  de  Pieiro  Angeiio  da  Qarg.T ,  de  Barlolommeo 
Ricci ,  de  Sigonius  et  dij  plusieurs  autres  :  comme  si  les  langues 
anciennes  avoicnt  à  perdre  quelque  partie  de  Itur  gloire  en  servant  h 
pertectionner  celles  dont  elles  sont  à-la-fuis  les  sources  les  plus  pures 
et  les  modèles  nétessaires  !  comme  si  c'étoit  |)érir  que  de  reWvre,  et 
comme  s'il  y  avoitquilque  moyen  de  mieux  recommander  l'étude  de  I» 
littérature  antique,  que  d'y  puiser  les  élémens,  le  goût,  les  formes  des 
littératures  modernes  1  Quoiqu'il  en  soit,  la  Lingue  italienne  devint  l'obiet 
particulier  de  divers  ouvrages  de  Niccolo  Liliurnîo,  du  Bemijo,  du 
Varchi ,  d'un  grand  nombre  de  grammairiens  et  de  liitéraieuts.  M.  Gïii- 
guené  avoit  un  sentiment  Inp  vif  du  caractère  et  des  beautés  de  cette 
langue  pour  ne  pas  donner  aux  traités  et  aux  disseriations  qui  la  con- 
cernent toute  l'attention  qu'ils,  peuvent  mériii-T.  Mais  il  est  obligé 
d'avouer  que  l'art  de  I  cloqueisce  étoit  moins  avancé  que  la  science  du 
langage;  et  il  n'a  pas  de  grands  tlogts  à  donner  nia  la  tîhéiorique  de 
Cavalcanii  ni  aux  coraposiiions  oratoires  du  même  temps. 

Nous  oserons  ajouter  que  la  carrière  philosophique  n'est  pas  non  plus 
celle  où  les  Italiens  du  xvi/  •^iêcie  ont  le  plus  brillé  :  assurément  il  y  a 
fort  loin  de  Mazzont,  de  Teîesio,  de  Cardan  et  de  Giordano  Bruno,  il 
Bacon,  à  Descartes,  h  Locte  et  à  Maiebranche.  Du  reste,  la  philo- 
sophie italienne  est  ici  divisée  en  deux  espèces  :  la  scholastique,  qui  se 
partage  ede-méme  en  deuxsetle»,  la  platonicienne  et  raris!otélicienne;« 
lindépendai:te,qui  se  coin  pose  à  l'aventure  d'opinions  plm  bizarres  qu'ori- 
ginales. On  distînguoit  parmi  les  péripaiéiiciens ,  Achillini,  Pomponace 
et  Cremonini;  parmi  les  disciples  de  Platon,  MaioNizzoli.  Jean-François 
Pic  de  la  Mirandole  et  Francesco  Patrizzi.  L'article  de  Mazzoni.qui 
ouvre  la  liste  des  syncrétisles  ou  indépendans ,  est  rédigé  par  M.  Salfi,  et 
suivi  d'une  digiessîon  de  M.  Ginguené  sur,Raimond  Luile.que  cette 
classe  de  philosophes  auroil  pu  reconnoîire  pour  chef,  s'il  n'eût  été  de 
sa  nature  même  de  n'en  point  avoir.  L'ouvrage  se  continue  par  une 
jH'tice  de  M.  Salfi  sur  Telesio,  notice  dont  M.  Ginguené  s'étoil  contenté 
d'indiquer  la  place  :  mais  tout  le  reste  du  tome  VII  est  de  M.  Ginguerîè 


JUIN    1819.  33^ 

lui-même  9  et  contient  le  tableau  de  la  vie  et  de  fa  philosophie  de  Cardan 
et  de  Giordano  Bruno;  Fanalyse  de  ce  qu'ont  écrit  sur  divers  points  cte 
morale  Alexandre  Piccolomrni  et  Francesco  son  frère  ,  du  livre  de 
Castiglione  ayant  pour  titre  le  Courtisan,  enfin  des  dialogues  moniluc 
du  Speroni  et  du  Tasse  :  ces  derniers  articles  rendent  à  l'ouvrage  tout 
l'intérér  qu'il  s'exposoit  à  perdre  en  reproduisant  des  rêveries  méta- 
physiques, dont  l'obscurité  demeure  impénétrable  quand  on  veut  en 
parler  succinctement ,  et  dont  l'insignifiance  devient  accablante  lorsqu'on 
entreprend  de  les  expliquer. 

•  Le  tome  VIII  commence  par  un  chapitre  sur  la  poliiique,  divisé  en 
trois  sections ï  la  première  est  une  notice  sur  la  vie  de  Machiavel;  h 
seconde 9  un  examen  de  ses  ouvrages;  et  la  troisième,  un  exposé  des 
travaux  du  même  genre  entrepris  par  d'autres  écrivains.  La  vie  de 
Machiavel  est  le  véritable  commentaire  de  ses  livres;  et  fusqu'icr  ce 
commentaire  étoit  resté  fort  incomplet.  On  se  bonioit  k  dire  que  la 
république  de  Florence,  dont  il  étoit  le  secrétaire,  l'avoit  chargé  de 
diverses  missions  politiques  à  la  cour  de  France,  à  la  cour  de  Ronde, 
auprès  du  duc  de  Valentinois,  auprès  de  l'empereur,  au  camp  de  Pise. 
M.  Ginguené  le  suit  d'année  en  année  dans  toutes  ces  légations  :  cette 
vie  devient  ainsi  une  partie  essentielle  de  l'histoire  de  Florence,  et  tient 
même  à  celle  des  états  qui  avoient  alors  des  relations  avec  cette 
république.  Presque  tous  les  détails  en  sont  extraits  des  correspondances 
politiques  de  Machiavel,  qui  jettent  d'ailleurs  un  grand  jour  sur  son 
caractère  et  sur  ses  intentions  :  malheureusement  ce  jour  lui  est  peu 
favorable,  et  ne  nous  éclaire  que  trop  sur  le  véritable  sens  dans  leqaef 
doit  être  pris  son  Traité  du  prince,  si  diversement  jugé.  L'une  des  pièces 
les  plus  décisives,  aux  yeux  de  M.  Ginguené,  est  une* lettre  de  Ma^ 
chiavel  qui  étoit  restée  inconnue  en  Italie  jusqu'en  1810,  et  qui  est 
ici  publiée  pour  la  première  fois  en  France.  On  y  voit  que ,  pour  sof  tif 
d'une  position  voi.sine  de  la  misère,  et  pour  rentrer  en  grâce  avec  les 
Médicis ,  Machiavel  prend  la  résolution  de  dédier  à  l'un  d'eux  ce  fiuneuit 
Traité,  persuadé  qu'il  ne  peut  manquer  d'être  agréable  et  utile  à  un 
prince,  et  sur-tout  à  un  nouveau  prince.  Dans  la  seconde  sectioni 
M.  Ginguené  analyse  ce  même  Traité,  le  compare  tant  aux  Discours  dtf 
l'auteur  sur  Tite  Live  qu'aux  livres  de  Platon,  d'Aristote  et  de  Cicéron 
sur  la  république  et  sur  les  lois  :  si  ces  parallèles  ne  tournent  point  k 
l'avantage  des  qualités  morales  de  Machiavel,  ils  peuvent  au  nîmif 
inspirer  une  haute  idée  de  sa  sagacité,  de  ses  lumières  et  de  Tétuitei^if 
avok  &ite  des  institutions  anriqnes  et  modernes.  Se^  autres  ouvrages  f  er 
sur^tottt  son  HîHoiredë  Florence  riiiérilffat  de»  éloge»  qdVmn'eVt  pas 

vv  2 


34o 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


aussi  obIi{;é  de  rps'reîndre.  La  iroisièmE'  section  est  de  M,  Salfi  :  ce  so:;t 
les  écriis  de  Glaiiiiotli,  de  Coniarini ,  de  Foglieiia ,  de  Paruia ,  d'Am- 
mirato,de  Botero,  qui  en  fournissent  la  matière.  Le  continuateur  étant 
forcé  de  convenir  que  la  répiitaiîon  de  ces  écrivains  politiques,  trop  infé- 
rieurs à  Machiavel,  a  suct'omlié  el  presque  disparu  aux  regards  de  la 
postérilé,  nous  nous  dispenserons  de  rien  extraire  des  extraits  qu'on 
donne  ici  de  leurs  «uvres. 

Paul  Jove  ei  Guichardin  sont  les  deux  seuls  historiens  sur  le'iquels 
M.  Cinguené  ait  laisse  des  notices  historiques  et  des  obser/aiionscri- 
tiques.  M.  Salfi,  après  y  avoirjoint  un  article  sur  Adriani,  nous  rend  compte 
deshisloires  particulières  de  Florence  parNardr,  Segni,  Varchi,  Bruto, 
Atninirato;  de  Venise,  par  Bemlio  et  Paruta;de  Gènes,  parBonfidiq 
et  Fogirelta.  Ne  pouvant  suivre  M.  Salfi  dans  ces  détails,  nous  ne  ssurîonï 
mieux  faire  que  d'emprunter  le  résumé  qu'il  en  offre  lui-mônie,  el  par  ' 
lequel  nos  lecteurs  pourront  juger  du  caractère  de  ses  idées  et  de  son 
Style,  et  Tous  ces  historiens  ont  plus  ou  moins  le  droit  de  figurer  dans 
w le  tableau  de  la  littérature  italienne  du  xvJ."  fiècle;  leurs  ouvrages 
»  sont  les  monuinens  des  progrès  que  le  genre  historique  a^'oit  faits  en 
»  Italie,  quand  il  commençoil  H  peine  â  rfnnîlre  dans  les  autres  conlréts 
»  du  monde  littéraire.  Mars,  iorsqu'en  rendant  cette  justice  à  tous  iei 
^écrivains  italiens  qui,  dans  le  cours  du  xvi.' siècle,  ont  consacré  leurs 
»  veilles  et  leurs  laîens  t  fliisloire,  on  veut  reconnoître  les  caractères 
»  particuliers  qui  peuvent  distinguer  les  Floreniins  des  Vénitiens,  les 
»>  uns  et  les  autres  de  tous  leurs  voisins,  il  est  difficile  de  ne  pas  décerner 
>>  la  palme  aux  historiens  de  Florence,  si  l'on  considère  i-la-fois  leur 
»  nombre ,  l'élégance  et  la  pureté  de  leur  style ,  leur  sagacité  quand  ils 
w  recherchent  les  faits,  leur  impartialité  quand  ils  en  exposent  les  causes, 
»  les  circonstances  et  les  résultats.  ..  .  Les  historiens  de  Venise  se 
»  montrent  plus  dévoués  à  leur  république  ;  ils  écrivent  pour  la  défendre 
»  et  pour  en  relever  la  gloire  :  mais,  patriciens  et  gouvernans,  pour  la 
»  plupart,  ils  ont  peut-être  une  connoissance  plus  profonde  des  affaires 
«publiques,  et  l'on  s'iiperçoit  en  les  lisant  qu'ils  ont  recueilli  de  plus 
»  près  les  leçons  de  l'expérience.  Entraînés  d'ailleurs  par  leur  position 
»  géographique  h  des  rtlaiions  plus  habituelles,  à  des  communications 
«plus  fréquentes  avec  les  puissances  limitrophes,  les  Vénitiens  ont 
»  moins  manqué  d'occasions  d'acquérir  la  science  des  négocialions  ;  le-Jr 
»  politique  extérieure  a  plus  de  profondeur  et  d'étendue.  Dans  les  autres 
«annales  italiennes,  il  ftiut  bien  que  le  talent  historique  s'afToiblisse  h 
»  mesure  que  Ici  regards  et  les  études  des  écrivains  se  resserrent  dans  le 
«cercle  étroit    d'une   province,  d'une  ville,  d'ime  fàmiUe,   d'un  ptr- 


JUIN   1819-  34i 

^'Scnnage  ;  ii  mesure  aussi  qu'un  despotisme  pfus  concentre  pèse 
»  plus  mimédiatement  sur  les  pensées  et  sur  Tart  d'écrire.  Toutefois  le 
^  goût  des  études  et  des  compositions  historiques  s'^étoit  propagé  dans 
3>  f Italie  entière;  et  soit  qu'on  examine  les  traités  publiés  en  cette 
»  contrée  sur  la  manière  de  lire  et  d'écrire  l'histoire,  soit  que  Ton 
»  considère  combien  d'Italiens,  tels  qu'£miff ,  Vergilio,  Maflfei,  ont  été 
^i  appelés  a  rédiger  des  annales  étrangères ,  on  conviendra  que»  dans  le 
»  genre  qui  vient  de  nous  occuper,  Tlialie  avoit,  au  xvi/  siècle,  une 
»  prééminence  qu'elle  croit  avoir  conservée  dans  les  siècles  sui  vans  et  que 
»  plusieurs  étrangers  impartiaux  ou  bienveillans  oAt  continué  de  loi 
>'  attribuer.  »  . 

Une  note,  à  fappui  de  ces  dernières  lignes,  cite  les  noms  de  Bodin, 
de  Montaigne,  de  Bolyngbroke  et  de  Blair.  Les  témoignages  de  Mon- 
taigile  et  de  Bodin ,  qui  vivoient  au  xvi/  siècle ,  ne  sauroient  servir  à 
prouver  que ,  dans  les  siècles  suivans^  les  historiens  italiens  aient  continué 
d'être  préfères  à  ceux  des  autres  pays.  L'Italie  sans  doute  a  produit  encore, 
après  1600,  des  historiens  recommandables ,  tels  que  Davila,  Benti- 
voglio,  Giannone;  mais  qu'ils  n'aient  eu  de  rivaux  ni  en  France  ni  sur^ 
tout  en  Angleterre,  c'est  ce  qui  ne  nous  paroît  pas  aussi  convenu  que 
M.  Salfi  le  suppose. 

li  remarque  avec  raison  que  les  Italiens  ont  essayé  les  premiers  de 
tracer  quelques  esquisses  d'histoire  littéraire.  Cependant  Bacon,  à  la  fin 
du  XVI. *  siècle,  disoit  que  ce  genre  n'existoit  point  encore;  et  il  nous 
seroit  difficile  en  effet  d'en  apercevoir  même  le  germe  dans  la  plupart 
des  catalogues  et  autres  compilations  bibliographiques  ou  critiques  que 
M.  Salfî  s'efforce  de  tirer  de  l'oubli.  Nous  avons  peine  à  croire,  quoi  qu'en 
ait  dit  M.  Denina ,  que  Montesquieu  ait  eu  la  moindre  connofssance 
d'un  bien  déplorable  opuscule  d'Ortenzio  Landî,  intitulé  Sferia  de'  lau- 
rati  (  I  ) ,  et  qu'il  y  ait  puisé  Tidée  de  quelques-unes  de  ses  lettres  pei^ 
sanes  (2} ,  savoir ,  de  celles  qui  contiennent  la  description  critique  d'une 
bibliothèque.  L'esprit  de  rivalité  nationale  peut  seul  porter  à  ^ire  de  si 
étranges  rapprochemens.  Entre  tous  les  auteurs  itah'ens  de  prétendues 
histoires  littéraires,  dont  M.  Salfi  nous  entretient  ici,  nous  ne  distin- 
guerions guère  que  Doni  et  Possevin  comme  dignes  de  quelque 
souvenir.  Encore  les  recueils  du  premier  sont-ils  devenus  k- peu- près 
inutiles;  et  fon  a  extrait  aussi  de  la  Bibliothèque  choisie  de  Possevin  et 
de  son  Apparat  sacré  presque  tout  ce  qu'ils  renfermoient  d'indicatioBt 
exactes  et  de  détails  instructifs. 


(i)  AptuhtemûdemijVtnmê,\^^o,in'S.'' — (2)  CXXXIII-CXXXVI» 


34i  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Les  ncuvelles ,  ou  contes  en  pro^^c ,  ny  nnt  souventun  fonda  htstoriquet 
M.  Salfi  a  cru  pouvoir  placer  ces  fictions  k  fa  suite  des  livres  d'histoire. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  dispo:^iiion ,  ce  genre  de  littérature,  iniroduit 
en  Italie  par  Bocace  au  xiv/  siècle,  continué  au  XV.*  par  Sennini, 
Sabadino,  Masuccio,  n*a  pu  être  négligé  k  Tépoque  où  tous  les  autres 
ont  été  le  plus  cultivés  ;  muis  il  nVst  pas  celui  qui  a  fût  a(or>  le  plus  de 
progrès  ou  jeté  le  plus  d'éclat.  Machiavel  la  plus  enrichi  par  son  unique 
nouvelle  dt  Belphégor,  qucMorlini,  Mariconda,  &c. ,  par  de  longues 
séries  de  contes.  Les  essais  de  Firenzuola  et  d*AIa:nanni  en  ce  même 
genre  n'ont  pas  été  non  plus  très-heureux.  L*invention  quelquefois  et 
presc]iie  toujours  la  décence  manquent  k  tel  point  dans  les  nouvelles  de 
Grazzini  dit  /e  Lasca,  que  nous  n oserions  dire,  avec  M.  Saiti,  que  /a 
putctc  et  réUsrance  du  stjUy  dtdommagent du  reste.  Straparole  na  fait  que 
traduire,  paraphraser,  reproduire  les  contes  de  ses  prédécesseurs;  mais 
sa  coin))iiation  a  eu  '.m  succès  que  n*ont  point  obtenu  les  productions 
plus  originales  de  lu  plupart  des  conteurs  de  son  temps.  Une  notirelfe 
de  Parabosco  paroii  k  M.  Salfi  avoir  des  rapports  avec  le  Tartuffe  de 
Molière  :  k  notre  avis,  celte  observation  ne  deviendroît  plausible  qu'en 
Rappliquant  seulement  k  la  3/  scène  de  facte  1 11  de  ce  ché^ocuvre;  et 
encore  ce  seroit  bien  plutôt  k  Bocace  (  1  ]  que  Molière  enauroit  emprunté 
quelques  traits.  Des  notices  qui  composent  ce  dernier  chapitre  de 
M. Salfi,  la  plus  étendue  et  la  plus  in5tructive  est  celle  qui  concerne 
Uandello,  de  qui  Ton  a  deux  cent  quatorze  nouvelles,  dont  chacune  est 
précédée  d'une  dédicace.  C'est  un  recueil  de  matériaux  ou  Ton  a  beaucoup 
puisé ,  et  dont  le  prix  consiste  principalement  dans  l'usage  qu'on  en-  a 
fait  et  qu'on  peut  en  faire  encore. 

Ajouter  au  moins  un  volume  k  THistoire  littéraire  d'Italie  de  M,  Gîn- 
guené  pouvoit  sembler  une  entreprise  hnsardeu«e,  également  difficile  à 
un  Français  et  k  un  Italien  :  nous  avons  h  féliciter  M.  Solfi  de  la  manière 
dont  il  l'a  exécutée.  Il  a  bien  mérité  et  de  sa  patrie,  et  de..  lettres,  er  lie 
l'auteur  dont  il  a  continué  l'ouvrage.  Cette  histoire  est  aujourd'hui 
complète  fusqu'k  Tan  1600;  et  M.  Ginguené  n'osoit  plus  se  promettre 
de  la  conduire  [)ius  loin,  depuis  quil  avoit  mesuré  Télendae  des 
recherches  et  des  soins  que  lui  prescrivoient  sa  critique  exigeante  et  son 
goût  sévère.  C'est  une  lâche  toujours  laborieuse  que  celle  qui  peut 
dégénérer  k  chaque  instant  en  une  compilation  facile.  On  feroît  une 
histoire  des  lettres  en  Italie  durant  le  xvii.''  siècle»  en  tniduisaÂt  ou  en 
abrégeant  les  deux  derniers  volumes  de  Tiraboschi  ;  mais  il  est  prabàtAe 


(1)  I^ecawer.giorn,  in  ,  nov.  VIII. 


JUIN    iGir;.  343 

que  cette  traduction  ne  réussiroit  pas  plus  en  France  que  n'a  réassi 
celfé  de  l'ouvrage  d'Andrès,  dont  le  seul  tome  I/"  a  paru  en  i8oj* 
L*ouvrage  de  M.  Ginguené  a  obtenu  au  contraire  un  très-grand  succès: 
il  est  probable  qu'on  ne  tardera  point  k  en  entreprendre  une  seconde 
édition. 


DAUNOU. 


Codex  NasaejEus  ^  JLiber  Ad  a  mi  appellatus  ,  syriacè 
tratjscriptus ,  loco  vocûlium  ,  ubi  viceèu  Htterarum  gutturalium 
prasîiîerint ,  his  substitutis ,  hitiuèrjue  redditus ,  à  Matth% 
Norberg ,  SS.  Theol.  doc  t.  Hng.  orient,  et  gracœ  ling.  pro^ 
Jes5ore,&c.  Londîni  Goihorum;  tom.  I,  1815,  -^-^o  pag. 
///-^/;  tom.II,  18 16,  320  pag.;toiTi.  III,  18  i(J,  320  pag. 

Lexidion  Codicis  Nasarm,cui  Liber  Adami  nomen ,  edidit  Matth. 
Norberg,  &c.  Lond.  Goth.,  18  16,  274  pag.  in-^.^ 

O/iomasticon  Codicis  Nasarai ,  cui  Liber  Adami  nomen ,  edidit 
Matth.  Norberg,  dTc.  Lond.  Goth. ,  1 8  1 7 ,  \6j^  pag.  ///-^.* 

Il  y  a  maintenant  plus  de  quarante  ans  que  M.  Norberg,  Suédois, 
étant  venu  à  Paris,  copia,  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  le  manuscrit  sabéen 
dont  nous  annonçons  aujourd'hui  l'édition.  Il  écrivoît  de  Milan,  ie  f.** 
mars  1  '}^j^ ,  à  M.  Gjirwell ,  biblîoiiiécaire  du  roi  de  Suède  à  Stockholm , 
que  c'étoit  sur  l'indication  de  M.  de  Vîlloison  qu'il  avoit  découvert  à 
Paris,  dans  la  Bibliothèque  du'Roi,  les  manuscrits  sabéens,  qui  étoient 
totalement  inconnus  au  garde  de  la  bibiiofhèque.  Dès  le  j  août  1778, 
•  il  avoit  annoncé  de  Paris,  au  même  M.  Gjôrweil,  celte  découverte. 
Nous  croyons  qu'il  n'avoit  pas  fallu  beaucoup  de  peine  pour  découvrir, 
parmi  les  manuscrits  du  Roi,  les  livres  sabéens,  remarquables  la  plupart 
par  leur  format  et  par  leur  reliure  en  toile  grise,  et  dont  M.  Foiirmont 
Faîne  avoit  parlé  dans  un  mémoire  lu  en  1736  à  l'académie  royale  des 
inscriptions  et  belles-lettres.  Ce  qui  étoit  plus  difficile,  c'étoit  de  lire  ces 
livres  écrits  dans  un  caractère  dont  Melchisedech  Thévenot,  Kaempfër, 
Hyde  et  Niebuhr  avoient,  il  est  vrai,  publié  des  spécimen  y  mais  insttP> 
fisans  pour  déchiffrer  couramment  une  écriture  danS  laquelle  plttsieais 
lettres  diffèrent  peu  les  unes  des  autres.  M.  Norberg,  dans  la  lettre  dci 
I  .*"'  mars  1  '^'/c) ,  annonçoîl  qu'il  lui  en  avoit  beaucoup  coûté  pour 
vaincre  cette  difficulté ,  et  qu'il  avoit   d'abord  désespéré  d'y   réussir. 


344  JOURNAL  DES  SAVANS, 

S'il  falloit  en  croire  un  prêtre  chaldccn ,  nommé  Beknam,  mort  il  y  a 
quelques  années,  et  auquel  M.  Norberg  a  dû  divers  renseignemens  sur 
\ts^  mœurs  t-t  les  U);iges  de  TOrient,  ce  même  prêtre  chaldéen  lui  auroit 
été  fort  utile  pour  vaincre  les  difficultés  que  lui  présenioit  la  lecUtfe  des 
livres  sabéens  :  mais  nous  sommes  portés  à  croire  que  M.  Norberg  n*a 
connu  le  prêtre  lîthnam  que  lors  du  second  voyage  qu*i!  fit  à  Paris  en 
1781,  après  son  retour  du  Levant  ;  car  il  en  parleipour  la  première  fois 
dans  une  leiire  du  22  décembre  de  cette  année.  Or,  dès  l'année  1780, 
M.  Norberg  avuit  lu,  à  la  société  royale  de  Gottingue,  un  mémoire 
iniituié  de  Rdiglonc  et  Llngua  Sabaorum,  qui  fut  imprimé  dans  le  troi- 
sième volume  des  Mémoires  de  cette  société  1  et  dont  il  fut  tiré  aussi 
des  exemplaires  à  part. 

Long-temps  avaiu  M.  Norberg ,  les  livres  des  Sabéens  avoient  attiré 
fatteniiou  de  |>Iusicurs  missionnaires  ou  voyageurs  européens,  tels  que 
le  P.  Ange  de  Saint-Joseph  et  MM.  Huntington  et  Otter;  et,  par  leurs 
boins,  la  bibliothèque  de  Colbert,  celle  du  Roi,  la  bibliothèque  Bodieyenne 
à  Oxford,  avoient  été  enrichies  de  quelques  manuscrits  appartenant  à 
cette  secte.  Mais  personne,  parmi  les  savans,  ne  s*étoit  occupé  plus 
sérieusenitrnt  de  ces  livres  que  le  célèbre  docteur  de  Sorbonne,  Louis 
Picques.  Ce  savant,  qui  a  lais.^é  au  public  si  peu  de  fruits  de  ses  études 
orientales,  avoit  co|)ié  ou  fiit  copier,  pour  son  usage,  tous  les  liyres 
sabéens,  et  avoit  essayé  en  plusieurs  endroits  une  traduction  interlinéaire. 
Ces  manuscrits,  qui  faisoient  partie  du  legs  fait  par  le  docteur  Picques 
h  la  maison  des  Dominicains  de  la  rue  Saint- Honoré,  et  qui  sont  aujour* 
d'hui  déposés  à  la  Bibliothèque  du  Roi ,  n  ont  pas  été  connus  de 
M.  Norberg. 

Avant  de  parler  du  travail  de  ce  savant,  il  convient  de  faire  connoître 
le  peuple  auquel  appartiennent  les  livres  dont  il  s*agit  ici.  Beaucoup  de 
voyageurs  qui,  avant  M.  Norberg,  avoient  parlé  de  ce  peuple,  ou ,  si  Ton 
veut ,  de  cette  secte ,  connue  sous  les  noms  de  Sabéens i  Cki'i:tieus  de  Saint- 
Jean  ou  AKenddites ,  avoient  placé  tous  ses  établrssemens  aux  environs 
duSchat-elarab,  c'est-à-dire,  du  fleuve  fonné  de  la  réunion  du  Tigre  et  de 
l'Euphrate,  et  principalement  à  Bassora^Howéiia»  Koma»  Schouster,  ^'c. 
Melchisedech  Thévenot  a  donné,  dans  sa  Collection  de  voyages»  une 
carte  de  ces  contrées ,  intitulée ,  Vera  Ddineatio  civiiaiis  Bassora  ;  nrr- 
non  Jluvhrum,  insulamm^  oppidorum,  pagorum  et  terraium  in  quitus 
passim  habitant  fafiiiliœ  Sabaorum  sive  Alendaiorum^  qui  vu/gà  vacantur 
Christiani  Sancti  Joannis.  Les  noms  des  liçux  ne  sont  gravés  sur  la  cane 
qu  en  arabe;  mais  au  bas  de  la  carte,  non  pas  toutefois  sur  tous  les 
excmplaire^,  se  trouve  la  nomenclature  des  lieux  en  latin,  avec  Tindicatiot^ 


JUIN   1819.  34? 

du  ncMnbre  dei  familles  de  cette  secte  que  renferme  chacun  de  ces  lieux. 
Elle  est  intitulée  :  Nomïna  locorum  arabica,  latînis  charactmbus  expressa, 
et  numerusfamiliarum  Christianorum  Sancti  Johannis,  Cette  carte,  suivant 
le  témoignage  du  P.  Ange  de  Saint-Joseph ,  dans  son  Ca^ophylacîum 
lingnœ  persicœ  ,  au  mot  Sabaitiy  avoit  été  publiée  k  Rome  antérieurement 
à  Thévenot,  par  les  soins  des  missionnaires  carmes.  Le  même  mission- 
naire désigne  2l\xsû  HoweiT^a,  ttjj^ i  Eassora,  oj^aj,  et  Schouster,  jX^mJi, 
pour  leiirs  principaux  établissemens;  et  avant  lui  le  P.  Ignace  de  Jésus 
avoît  donné  l'énuméralion  des  principaux  lieux  du  pachaTik  de  fiassora 
et  de  celui  de  Bagdad 9  où  cette  nation,  dont  il  portoit  la  population  à 
vingt  ou  vingt-cinq  mille  familles,  avoit  ses  établissemens  ( Narratio 
orîginis  rîtuum  et  errorum  Christianorum  Sattcti  Joannis.  Romœ,  t(fj2  ). 
M.  Norberg  au  contraire  a  fait  connoître  une  peuplade  qui ,  d'après  son 
récit,  appartiendroit  à  la  même  secte,  et  auroit  ses  établissemens  dans 
la  Syrie.  Les  détails  qu'il  donne  sur  cette  peuplade,  lui  ont  été  fournis 
par  un  ecclésiastique  maronite  d'AIep,  nommé  Gcrmano  Conti,  qu'il 
trouva  à  Constantinople.  Ce  Maronite ,  qui  avoit  beaucoup  voyagé  en 
Italie  et  en  France,  résidoit  alors  dans  la  capitale  de  Tempire  ottoman^ 
comme  chargé  des  affaires  du  patriarche  d'Antioche.  Suivant  ce  récit, 
dans  le  territoire  de  Latakièh  ou  Laodicée ,  en  un  lieu  ou  aux  environs 
d'un  lieu  nommé  Elmerkab  (c'est  le  Marknb  d'Abou'Ifeda,  et  le 
Alargdth  des  historiens  occidentaux  des  croisades  ) ,  à  une  journée  de 
marche  environ  à  l'est  du  morit  Liban,  on  trouve  une  nation  qui  se 
donne  à  elle-même  le  nom  de  Galiléens,  Leur  population  totale  est 
d'environ  treize  à  quatorze  mille  personnes;  ils  sont  dispersés  dans 
divers  villages^  et  paient  à  la  Porte  un  tribut,  dont  une  moitié  est  perçue 
par  le  pacha  d'AIep,  et  l'autre  moitié  par  celui  de  Tripoli  de  Syrie.  Il  y 
a  à  peu  près  cent  cinquante  ans,  disoit  Germano  Conti,  qu'ils  ont  quitté 
la  Galilée  pour  venir  s'établir  dans  ce  pays ,  et  on  les  nomme  Galiléins, 
de  la  contrée  qu'ils  habitoient  précédemment  :  on  les  appelle  aussi 
Najariens,  Aucun  nom  ne  leur  convient  moins  que  celui  de  Chrétiens* 
Ils  assurent  que  la  religion  qu'jls  professent  est  la  même  que  professoît 
S.  Jean-Baptiste.  Aux  jours  de  leurs  fêtes,  qui  sont  les  mêmes  que  celles 
des  Chrétiens,  ils  s'habillent  de  peaux  de  chameau ,  couchent  sur  des 
peaux  de  chameau,  et  mangent  de  la  chair  de  chameau,  du  miel  et  des 
sauterelles.  Je  me  contente  de  ces  traits  principaux,  parce  que  je  ne 
purs  ici  m'étendre  davantage;  mais  je  ne  saurois  m'empêcher  de  faire 
observer  que  ces  mêmes  traits  sont  tout-à-fait  différens  de  ce  que  les 
voyageurs  précédons  nous  avoient  raconté  des  Chrétiens  de  Saint-Jean. 
M.  Norberg,  et  avec  lui  |e  célèbre  Michaélis,  et  le  savant  M.  ^glch» 


3^6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

dont  je  parlerai  plus  bas ,  ont  cru  écarter  suffisamment  cette  difficulté, 
en  supposant  que  les  Chréiiens  de  Saint-Jean  pouvoient  être  partagés  en 
}>Iusieurs  sectes,  et  que  ceux  qui  avoient  habité  long-temps  la  Galilée» 
et  étoicnt  venus,  il  y  a  deux  siècles,  s'établir  dans  les  environs  de 
Latakièh ,  avoient  mieux  conservé  la  doctrine  et  les  pratiques  primitives 
de  leur  religion.  Plusieurs  savans  ont  pensé  que  les  prétendus  Naza- 
réens de  Germano  Conti  n*étoient  que  des  Nosaïriens  ou  Nosairis, 
secte  impie  née  dnns  le  mahométisme,  et  qui  a  conservé  la  doctrine  des 
Karmates  :  et  cette  opinion  a  été  défendue  avec  beaucoup  d'érudition 
par  M.  Paulus,  dans  le  recueil  intitulé  Afemorabilien ,  tom.  III  »  p.  91  et 
suiv.  Alors  il  n'y  auroit  de  vrai,  dans  tout  le  récit  de  Germano  Conti» 
que  le  nom  de  Nazaréens,  et  ce  nom  même  ne  seroit  qu'une  altération 
de  celui  de  Nosnïris.  Et  il  faut  avouer  qu'on  est  bien  tenté  de  mettre 
tout  le  récit  de  Germano  Conti  au  nombre  des  fables  dont  les  Orientaux 
sont  si  prodigues  quand  ils  trouvent  créance  auprès  des  Européens,  et 
de  s'en  tenir  aux  relations  deKaempfer,  Ignace  de  Jésus  »  Philippe  de 
la  Sainte-Trinité,  Ange  de  Saint- Joseph ,  Thévenot,  &;c.  On  poiuroit 
fortifier  cette  opinion  de  diverses  raisons  assez  puissantes.  On  pourroit, 
par  exemple,  demander  si,  il  y  a  deux  siècles,  le  nom  de  Galilée  étoit 
vulgairement  en  usage  dnns  In  Syrie,  en  sorte  que  cette  peuplade  eût  pu 
prendre  de  Ih  celui  de  Gaiiléens.  Germano  Conti  assure  que  les  fivres  dés 
Galiléens  ou  Nazaréens  avoient  tous  péri  pendant  la  guerre  qu^Is  eurent 
à  soutenir  dans  la  Galilée,  et  quf  se  termina  par  Fémigradon  de  toute  la 
nation  et  son  établissement  dans  les  environs  de  Latakièh;  mais  que 
quelques-uns  dentre  eux  qui  les  savoient  par  coeur»  les  rétablirent  de 
mémoire.  Ce  fait  bien  extraordinaire  pourroit  fournir  une  nouvelle 
rnison  de  douter.  On  en  trouveroit  une  autre  non  moins  forte  dans  les 
causes  auxquelles  le  Maronite  attribue  la  guerre  qui  occasionna  cette 
émigration,  et  dont  il  seroit  bien  étonnant  qu'aucun  missionnaire» 
aucun  consuJ,  aucun  voyageur,  n'eût  fait  mention  dans  le  temps,  puis- 
qu'elle auroit  dû  n;oir  lieu  entre  le  commencement  et  le  milieu  du 
XVI 1/  siècle,  époque  à  laquelle  les  relations  du  Levant  sont  en  grand 
nombre.  Mais,  sans  m'arrêier  plus  long- temps  sur  Texamcn  de  cette 
question,  je  dois  convenir  qu'elle  n'est  presque  dTaucohe  importance 
quand  il  s'agit  des  livres  sabéens  que  nous  possédons,  puisqu'ils  viennent 
tous  des  contrées  situées  aux  environs  du  golfe  Persîque,  et  appar- 
tiennent, par  une  conséquence  nécessaire,  aux  Sabéens  ou  Cbrériens  de 
Saint-Jean  de  ces  mêmes  contrées/M.  Tychisen  de  Gottingue  a  publié» 
dans  les  Reytrœge  ^ur  Philosophie und  GîschUhtc  derReliffon  und Sltimtekre 
de  M.  Stxudiin  (  tom.  II  ;  Lubeck,  i  y^j  ) ,  un  extrait  de  la  notice  qu© 


JUIN   1819.  }47 

iVois  faite,  pour  la  Bibliothèque  du  Roi,  des  manuscrits  sabéens  qu'elle 
possède.  Celle  notice  prouve  ce  que  je  viens  d'avancer.  Il  en  est  de 
même  des  manuscrits  de  ce  genre  que  possède  la  bibliothèque  Bod- 
leyenne,  qui  paroissent  avoir  été  achetés  à  Bassora,  et  de  ceux  qui  se 
trouvoient  parmi  les  livres  du  cardinal  Borgia.  J'ai  reçu  moi-même  de 
Bassora ,  il  y  a  quelques  années ,  des  alphabets  sabéens ,  quelques  listes 
de  mots  écrits  en  caractères  sabéens  avec  la  prononciation  en  caractères* 
persans,  et  une  très-longue  bande  de  papier,  servant  d'amulette,  écrite 
en  langue  et  en  caractères  des  Sabéens. 

Le  nom  même  des  Sabéens  doit  aussi  nous  arrêter  un  instant.  II  est 
fréquemment  ait  mention  des  Sabéens,  jlajL»  ,  dans  les  écrivains  arabes  ; 
mais  ce  nom  paroît  avoir  chez  eux  une  signification  très- étendue.  II 
semble  même,  par  le  traité  de  Schahrisf ani ,  intitulé  jÂÎtj  JJUt  c^U^s», 
qu'ifs  comprennent  sous  cette  dénomination  toutes  les  religions  autres  que 
le  judaïsme,  Iç  christianisme  et  le  magisme ,  et  qj^Is  divisent  les  Sabéens 
en  deux  classes  principales  :  la  première  contient  lés  sectes  qui  révèrent 
les  génies  qui  président  aux  astres  et  aux  mouvemens  de  l'univers; 
la  seconde ,  celles  qui  adorent  des  images  et  des  êtres  sensibles.  Il  est 
fait  mention  des  Sabéens  en  trois  endroits  de  l'Alcoran  :  dans  les  deux 
premiers,  if  est  dit  que  tous  ceux  qui  auront  cru  en  Dieu  et  à  la  résurrec- 
tion auront  part  à  la  vie  future ,  soit  qu'ils  aient  été  Musulmans,  Juifi, 
Chrétiens  ou  Sabitns  (  sur.  2  ,  v.  62,  et  sur.  J ,  v.  78  ,  édit.  de  Marracci  )  ;• 
dans  le  troisième  (  sur.  22,  v.  17) ,  on  lit  qu'au  jour  de  la  résurrection 
Dieu  établira  une  distinction  (  ou  jugerù,  car  le  mot  Juaij  est  susceptible 
de  l'un  et  de  l'autre  sens  )  entre  les  Musulmans,  les  Juii^,  lés  Sabéens» 
les  Chrétiens ,  les  Mages  et  les  Polythéistes.  Se  fondant  sur  les  deux 
premiers  passages,  les  seuls  auxquels  il  ait  fait  attention,  M.  "W^alcb^ 
dans  une  dissertation  dont  je  parferai  tout- à-I'heure,  a  cru  pouvoir  en 
conclure  que  pur  Satéens  il  falloit  nécessairement  entendre  des  adorateurs 
d'un  seul  Dieu  :  Quœ  si  vera  sunt,  dit-il ,  Sabœorum  nomcn  gehtes  suptrstU 
tiosas  sîgntficare  non  poUst;  sed  de  Us  capi  oportct  qui,  perinde  ac  Judài  et 
Christian} ,  Deum  unum  verumque  colunt,  et  judicium  futurum  expectanty 
morumque  honestafem  sectantur.  Ce  raisonnement  acquiert  une  nouvelle 
force  par  le  troisième  passage,  où  les  Sabéens  ainsi  que  les  Mages  sont 
textuellement  distingués  des  Polythéistes.  Toutefois  on  ne  sauroit,  ce  me 
semble,  affirmer  que  Mahomet  a  voulu  parler  des  Chrétiens  de  Saint  Jean, 
et  qu'il  n'a  pas  eu  plutôt  en  vue  les  sectateurs  de  cette  sorte  de  religion 
naturelle,  assez  analogue  au  magisme,  qui  offi'e  ses  hommages  et  adresse 
ses  prières  aux  génies  qui  président  aux  corps  célestes  et  à  l'ordre^e 
l'univers.  Je  crois  qu'Abraham  Echellensis  est  tombé  dans  une  erreur 

XX  a 


jiS  JOURiMAL  DES  SAVANS, 

assez  grave  en  confondant  ces  Sal>écns,  qui  tirent  leur  noni,dft-ffy  de 
Sabl,  fis  d'Edvis,  ^;^,j:i^  ^  J.L,  (  i  ) ,  et  qui ,  suivant  Beïdhawi,  tiennent 
le  milieu  entre  les  Ciirétit  ns  et  les  Mages  «  avec  les  Chrétiens  de  Saint-Jean 
(  Eutych.  \indkiit,  |).  327  et  suiv.  ) ,  et  en  appliquant  à  ces  derniers  tout 
ce  que  divers  auteurs  arabes  disent  deN  premiers.  Michaëlis,  au  contraire, 
me  pareil  avoir  distingué  avec  beaucoup  de  raison  ces  deux  accepiions 
du  mol  sabien  j»L.,  et  non  pas,  comme  il  écrit,  vjjy»  (Orient,  undexegetm 
Billiotli.  pjrt,  XV ,  n/  2^j,  p,  JJiJ. 

Mais  il  me  semble  qu*on  a  suppose  ce  qu'il  falloit  examiner  avant  tout , 
je  veux  dire ,  que  les  Chrétiens  de  Saini-Jcan  portent  eflfeciivement  le  nom 
de  Sabiens.  Je  sais  qu  Abraham  £ch<.'llen.sis,  qui  paroît  en  avoir  connu 
quelques-uns  à  Rome  (Paulus,  Afemorahil,  i,lll,p,  jj),  assure  qu'ils  se 
donnent  h  eux-mùmcs  quatre  noms,  savoir^j^L»  Sabécns ,  ^j^\^  Chal^ 
diins ,  mI^o^o  ALindaius  et  v<îS4ï  «jUj  (  lis.  c5j^  )  Chrétiens  de 
Saint- Jean  [Eutych,  vîndic,  p.  328  ).Je  sais  aussi  que  le  P.  Ange  de  Saint- 
Joseph,  dans  son  Ga^ophyl,  ling.  pers,,  les  nomme  q^L»;  mais  il  a 
soin  d*observer  que  ce  nom  étoit  donné  autrefois  par  les  Arabes  à  tous 
les  gentils ,  et  qu'ils  se  nomment  Alandaites  :  puis  il  ajoute  qu'ils  ont  pris 
aussi  le  nom  de  Chrétiens ,  pour  avoir  droit  à  la  tolérance  que  FAIcoran 
accorde  aux  Chrétiens,  et  ceLi  du  temps  du  khalife  Mamoun.  Si  ion  fait 
attention  que  ce  nom  de  Sabtvns  ne  se  trouve  jamais  écrit  qu*en  lettres 
arabes,  et  que  jamais  il  ne  leur  est  donné  dans  leurs  propres  livres,  on 
sera,  je  crois ,  enclin  à  penser  qu*il  leur  a  été  donné  par  les  Musulmans , 
parceque,n  Liant  ni  Chrétiens,  ni  Juifs,  ni  adorateurs  du  feu,  ni  idolâtres, 
cetoit  le  seul  des  noms  employés  dans  TAIcoran  (sur,  22]  sous  lequel 
on  pouvoit  les  comprendre,  et  qu'ils  ont  dû  se  conformer  eux-mêmes  à 
un  u>age  qui  k-ur  assuroii  la  liberté  de  vivre  et  d'exercer  les  pratiques 
de  leur  rehgion  sous  IVmpire  des  Musulmans.  Le  P.  Philippe  de  ia 
Sainte-Trinité  dit  positivement  :  ///  Arabia  Felici  eique  adjacente  Persîde, 
sunt  quidam  populi  qui  se  invicem  vu/go  vccant  Mendaï,  ab  Arabibus 
vocantur  SoLbi  (  Itinerar,  orient,  lib.  Vi ,  c.  7,  p.  272  ).  Le  missionnaire 
Ignace  de  Jésus  dit  :  Modo  vcro,  à  divcrsis  nationibus,  dhersiî  vocantur 
nominil'us.  Arabes  et  Perso:  vocant  ipsos  Sabbi.  Ipsî  inter  se,  et  etiam  in  suis 
tibris,  vocantur  Mendaï,  mcnon  aiiquando  Mendaï  laia,  /.  r.  discipulus 
seu  sectator  Joannis  Baptista:.  Nos  rcio  ipsos  vocamus  vuigè  Christianos 
Sancti-Jonnnis  (Notitia  &c.  p.  12).  Il  avoit  dit  plus  haut  que  quelques 

(i)  h.  h.iliristiini  tire  leur  nom  de  « j^y  t  nom  d'action  du  verbe- Lw  qui 
veut  dire  se  détounier,  ci  il  dit  qu'ils  ont  été  nommés  ainsi  parce  qu'ils  se  sont 
écaitcs  de  la  vraie  conuoissance  de  Dieu  et  de  ia  voie  des  prophètes. 


JUIN   1819.  349: 

Eliropéens  les  appeloîent  Chaldécns  et  Syriens,  Kacmpfèr,  qui  a  proposé 
diverses  conjectures  sur  l'origine  de  ce  nom ,  dit  que  les  Arabes  ont 
coutume  d'appeler  (juajL*  tous  ceux  qui  ne  professent  pas  leur  religion, 
et  que  sans  doute  c'est  Mahomet  qui  le  premier  a  donné  aux  Chrétiens  de 
Saint  Jean  le  nom  de  Sabéins»  II  ajoute:  Ipsïs Sabus  domesticum ,  quo  se 
ûppe liant,  nomen  est  AMENDAI  IJAHI ,  l.  e.,  discipuli  Joannis ,puta  Bap- 
t'istœ.  .  .  .  adeoque  se  non  modo  AMENDAI  Ijahi  ,  /.  e.  se  hol ares  Joannis , 
sed  et  j^  ^ô^Bendeh  Haï  ,  L  e.  créa  titras  Viventis,  scilicet  Dei,  esse 
gloriantur  [Amœn.  E^ot.  fascic.  II,  p.  437  et  438  ).  On  a  cru  que 
Kacmpfèr  avoit  confondu  Yahya  >j>— ,  Jean,  avec  hayê  Vf^ui*  vie;  mais 
cela  est  faux ,  puisque  les  PP.-  Ignace  de  Jésus  et  Ange  de  Saint- Joseph 
disent  la  même  chose,  et  qu'elle  est  confirmée  par  de  nouveaux  renseîgne- 
mens  dont  je  parferai  plus  loin.  Je  n'ignore  pas  que  M.  Norberg,  suivant 
que  nous  l'apprenons  de  Michaélis  (  Orient,  und  exeg.  i?/^/.,  part,  XVII, 
n.'  26 1 ,  p.  43  ) ,  a  conjecturé  que  le  nom  de  Sabéens,  q^L»  ,  appliqué 
aux  Chrétiens  de  Saint- Jean,  venoit ,  par  une  corruption  très-com- 
mune à  cette  nation,  qui  permute  ou  supprime  les  lettres  gutturales,  de 
la  racine  ^^-^),  qui  veut  dire  baptiser;  mais,  à  l'appui  d'une  semblable 

conjecture,  il  auroit  fallu  prouver  que  les  Chrétiens  de  Saint-Jean  se 
donnent  eux-mêmes  ce  nom  dans  leurs  livres.  Jusqu'à  ce  qu'on  ait  fîiit 
cette  preuve,  je  me  crois  autorisé  à  soutenir  que  ce  n'est  qu'abusivement 
que  les  Chrétiens  de  Saint-Jean  sont  désignés  par  les  Arabes,  \t$  Persans 
et  les  Européens ,  sous  le  nom  de  Sabéens, 

M.  Norberg  ayant  lu  à  la  société  royale  de  Gottingue,  en  1780, 
le  mémoire  dont  j'ai  parlé  au  commencement  de  cet  article ,  et  ce  mé- 
moire ayant  été  publié  avec  les  extraits  des  livres  sabéens  qui  l'accom- 
pagnoient,  l'attention  de  divers  sa  vans  se  dirigea  v^rs  cette  branche  de 
la  littérature  orientale.  En  l'année  1781 ,  un  membre  de  cette  même 
société,  M.  Chr.  J.  Franç./W^alch ,  y  lut  un  mémoire  intitulé  Observationes 
de  Sabais,  dont  le  but  est  d'établir  l'identité  de  cette  secte  avec  celle 
de  certains  disciples  de  S.  Jean,  dont  il  est  question  dans  le  Nouveau 
Testament  et  dans  quelques  écrivains  ecclésiastiques ,  et  qui  sont 
nommés  Baptistes  ou  Hémérobaptistes .  En  1792  parurent,  dans  le 
troisième  volume  des  Memorabilien  de  M.  Paulus ,  un  extrait  de  ce 
qu'Abraham  EchelFensis  avoit  dit  des  Sabéens  dans  son  Eutychius  vindi-- 
catus ,  avec  quelques  réflexions  critiques  par  M.  P.  J.  Bruns,  et  un 
mémoire  de  M.  Paulus  lui-même  sur  les  Nosiris  ou  Nosairis  de  Syrie, 
mémoire  dans  lequel  il  recherche  les  rapports  *  vrais  ou  supposés ,  qui 
peuvent  exister  entre  ces  sectaires  et  les  Chrétiens  de  Saint-Jean.  A  ce 


îfj  JOURNAL  DES  SAVANS, 

nuMioire  sJot  joints  quelques  passages  extraits  d'un  livre  de  cette  dernière 
8e».w.  Cinq  ans  après ,  en  1797»  M.  Tli.  Chr.  Tychseo.de  Goliingue, 
ii:ïinpri>iier,  dans  les  tomes  II  et  III  des  Btytrage  ^ur  Philos,  und  Gesch. 
f/.r  Reilg.  uiiJ  Sittenltkrt  de  M,  Stxudiiii ,  un  mémoire  sur  les  livres  de> 
Chrétiens  de  Saint-Jean.  II  joignit  à  ce  morceau  divers  fragmens  que  je 
lui  ivois  envoyés ,  tirés  des  manuscrits  de  la  lîibliothéque  du  Roi ,  et  la 
copie  de  ceux  qu'avoient  6iic  graver  Hytle  et  Thévenot ,  avec  des  essais 
de  traduction.  En  1799  1  M.  Lorsbacli  publia,  dans  le  cinquième  et  der- 
nier volume  du  même  recueil ,  quelques  nouveaux  fragmens  des  livres 
sabéens,  tirés  des  manusctits  d:  Huotington ,  avec  une  traduction,  et 
des  notes  ;  et ,  dons  ce  même  volume ,  M.  Tychsen  fît  imprimer  diverses 
additions  et  corrections  ï  son  précédent  mémoire  :  c'étoit  en  partie  le 
fruit  de  notre  correspondance  sur  cet  objet;  il  fîtconnoître.à  cetteocca' 
sion,  les  manuscrits  sabéens  du  cardinal  Borgia,  dont  je  lui  avois  donné 
de  courtes  indications.  Enfin  iVl.  Lorsbach ,  dans  le  premier  numéro 
d'un  reaieii  qui  n*a  point  eu  de  suite,  et  qui  étoit  intitulé  Muséum  fur 
bibliithe  und  oritntalhche  Llthratur,  donna  en  1 807  un  morceau  inti- 
tulé Neut  BeyUttgt,  ^ur  Ktnntniss  und  Erlauttrung  der  heiligen  B'ûchir 
dtr  Zt^ier  oder  S.'  Johann'is  jungtr.  C'est  un  choix  de  sentences  morales 
extraites  d'un  manuscrit  de  Huncington;  elles  sont  accompagnées  d'une 
traduction  et  de  note».  Le  même  savant  s'occupoit  il  préparer  pour  l'im- 
pression quelques  autres  fragmens  de  ces  mêmes  livres ,  il  y  a  quelques 
atuiées,  lorsque  la  mort  l'enleva.  Par  sa  profonde  connoissance  de  la 
langue  syriaque,  sa  patience  dans  les  recherdie*ret  sa  saine  critique, 
îl  étoit  plus  propre  que  personne  à  faire  faire  quelques  pas  à  cette 
branche  de  la  littérature  orientale. 

Telle  est,  je  crois,  la  revue  exacte  de  ce  qui  a  été  publié  en  ce 
genre,  depuis  le  premier  mémoire  de  M.  Norberg  jusqu'à  l'année  1816, 
où  a  paru  le  premier  volume  de  l'ouvrage  que  nous  nous  proposons  de 


JUIN  iSrp.  jji 

^>  ici ,  Monsieur ,  que  ce  même  scheikh  paroi  t  désirer  de  passer  en 

»  France  pour  y  acquérir  de  nouvelles  connoissances On  pour- 

5»  roit  tirer,  à  Paris,  d'un  tel  personnage,  de  grandes  lumières  sur  l'o- 
»  rigine ,  les  difTérentes  révolutions  et  Tétat  actuel  de  la  nation  des 
»  Sabéens ,  si  curieuse ,  et  si  peu  connue  en  Europe.  » 

Nous  adressâmes ,  au  mois  de  juillet  1811,  de  nouvelles  demandes 
sur  le  même  objet  à  M.  Raymond ,  nommé  vice-consul  à  Bassora.  La 
réponse  qu'il  nous  envoya,  sous  la  date  du  1 9  décembre  1812,  mérite 
d'être  connue ,  parce  qu'elle  jette  du  jour  sur  plusieurs  particularités 
intéressantes. 

«Monsieur,  le  désir  de  me  procurer  les  renseignemens  que  vous 
»  m'avez  demandés  sur  les  Sabéens  par  votre  lettre  du  1 1  juillet  1811, 
yy  m'a  fait  rejeter  jusqu'à  ce  jour  la  communication  des.  recherches  que 
»  mon  silenée  vous  porte  peut-être  à  croire  que  j'ai  négligées  ;  maïs  fe 
yy  scheikh  et  les  mollahs  les  mieux  instruits  de  cette  secte  sont  à  Koma. 
»  On  me  fait  espérer  que  sous  peu ,  maintenant  que  la  saison  des  fièvres 
»  est  passée ,  ils  doivent  retourner  à  la  ville.  J^aurai  alors  le  plaisir  dé 
>3  vous  faire  part  des  renseignemens  que  j'aurai  obtenus.  En  attendant, 
3>  je  me  fais  un  devoir  de  vous  transmettre  ceux  que  j'ai  déjà  recueillis 
»  sur  ces  misérables  Chrétiens  de  Saint-Jean 

3>  Réduits  au  nombre  de  quatre  à  cinq  mille,  les  Sabéens  sont  opprimés 
»  par  les  Turcs  et  les  Persans,  et  vivent  dans  la  misère  et  rabaissement. 
>3  Ils  ont  plusieurs  scheikhs ,  qu'ils  appellent  aussi  mollahs,  II  y  en  a  un 
33  pour  marier  les  filles  vierges,  un  pour  celles  qui  ne  le  sont  pas  (  fe 
y*  premier  ne  voulant  pas  se  charger  de  cette  cérémonie,  y  attachant  une 
yy  espèce  de  déshonneur  ) ,  et  un  autre  pour  remarier  les  veuves  »  (  fe 
P.  Ignace  de  ^Jésus  avoit  déjà  fait  connoître  cet  usage  singulier  )  ; 
ce  mais  depuis  quelque  temps  ce  dernier  est  mort  ;  et  personne  n'ayant 
->•>  été  nommé  à  sa  place,  il  arrive  par  fois  que,  fatiguées  de  leur  viduhé, 
»  quelques-unes  de  ces  femmes  se  font  Musulninnes ,  afin  de  se  pro- 
y>  curer  un  mari. 

»  Les  Sabéens  ne  parlent  ni  n'entendent  le  syriaque, Jquoiqu'il  y  ait 
»  dans  leur  dialecte  plusieurs  mots  de  cet  idiome.  La  langue  qu'ils 
»  parlent  est  la  langue  écrite,  celle  de  leurs  livres.  Ce  sont  leurs  mdl- 
»  lahs  qui  apprennent  à  lire  aux  ènfans.  Ils  n'ont  aucune  fraductrorr  dte 
»  leur  SiJra  Adam  en  arabe,  ni  en  turc,  ni  en  persan.  Ils  ji'ont  pas 
>>  non  plus  de  vocabulaire,  excepté  l'alphabet,  qui  se  trouve  ))lacé<  au 
»  commencement  du  livre  précité.  J'ai  montré  de  leur  écriture  à  un 
yy  Syrien ,  il  n'a  pu  la  lire  ;  et  je  leur  ai  présenté  un  livre  en  syriaque^ 
«  ils  n'y  ont  rien  compris. 


5J2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  Les  Sjléens  se  marient  entre  eux,  et  ne  souffrent  pas  que  leurs 
»  iilles  chL.ihi^sent  des  maris  hors  de  leur  secte.  Ils  soutiennent^ qu'ils  sont 
»  les  vériinMcs  Syriens,  qu'ils  s'appellent  Atendài,  Afcnddi  iala,  et  non 
»  Mi'ml.ili  ou  Galilcens  (  i  ).  On  peut  assister  à  leurs  baptêmes  et  à  leurs 
>"  sicriîîces ,  moyennant  quelque  paiement  fait  à  leur  scheikh.  Ils  ne  font 
«  plus  de  jK'Ierinage  au  Jourdain.  Les  Turcs  traitent  Ae gaour  et  d'inri^  , 
^j  J-Joj,  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  de  Irur  religion;  ils  (les  Sabéens) 
>v  ne  >ont  jxis  mieux  traités.  Au  contraire,  tant  les  Turcs  que  les  Persans 
»  leur  font  essuyer  toute  sorte  de  mauvais  iraitemens  »  afin  d*en  avoir 
»  quelque  argent,  ou  de  les  forcer  «i  embrasser  (a  foi  de  Mahomet. 

-o  J*ai  Thonneur  de  vous  adresser  une  feuille  remplie  de  mots  sabéens, 
»  traduits  en  persan  et  en  arabe.  Vous  y  trouverez  falphabet»  une 
»  série  de  nombres,  et  la  formule  que  vous  m'avez  transmise.  »  (  C'écoit 
celle-ci,  qu'on  trouve  d'ordinaire  au  commencement  de'Ieurs  livres: 

'V»«^ol^e$^OLd  V*ciS^  «*^  iv*i^*).  «  Quoiqu'elle  sort  écrite  en 

»  sabéen  et  en  arabe,  ;e  m'empresse  de  vous  l'écrire  de  la  manière  qu*il 
3»  m'a  semblé  qu'on  la  pronoiiçoit.  Dans  fe  dessein^  de  vous  en  donner 
»  une  idée  plus  exacte,  je  prends  la  liberté  de  me  servir  des  signes  qui 
3>  marquent  les  longues  et  les  brèves,  de  préférence  aux  accens,  qui  ne 
»  me  paroissent  pas  être  si  propres  à  cet  usage.  Bêchëmiïon  id  hàH  ràbhi 
»  kâdmâi'  nôcrâî  mên  âlcml  id  cnoûrà  yâtln  ed  ilàH  càliôn  ïvâidfg  Ù'c. 
»  Dans  blchùmaiôn,  IV  est  toui-à-fait  mpet  ;  c'est  comme  si  ronécrivoit  bèck 
j>  ;/7j/o/7«Jaurois  joint  ici  le  sens  de  cette  formule  ;  mais  »  la  traduction , que 
y>  vous  en  donnez  diflérant  un  peu  de  celle  que  le  Sabéen  que  j*ai  con* 
^>  suite  en  donne  en  turc  ou  en  arabe,  j'attendrai  Farrivée  de  quelque 
»  scheikh,  de  crainte  de  me  tromper.»  (  Le  P.  Ignace  de  Jésus,  qui  a 
donné  la  prononciation  de  cette  même  formule,  qui  est,  dit-il, celle  du 
baptême,  la  traduit  ainsi:  ///  nomïne  ipsius  Domini , prlmi»  no¥issimi,  tx 
mundo  paradisi,  altiorh  omni  altitudlne ,  omnium  creatoris*  (Notit.  p.  2.6.  ) 
ce  Voilà ,  Monsieur ,  les  renseignemens  que  j'ai  recueillis  sur  lesSabéens  : 
3^  au  retour  de  quelque  mollah  plus  capable  de  me  donner  tous  les  dé- 
»  tails  que  vous  pouvez  souhaiter  sur  cette  secte,  je  tacherai  de  les  ol>- 

(i)  J'nvois  dit  dans  ma  lettre:  cdl  faut  observer  qu'ils  se  nomment  Mendài 
et  Galiléetis.»  Le  premier  mot  aura  été  mal  transcric  par  la  personne  qui  a  mis 
au  net  ma  lettre,  dont  j'ai  gardé  la  minute.  C'étoit  sur  l'autorité  de  Uermano 
Conti  que  j'avois  supposé  qu'ils  se  noninioient  Gi^LliUtns^ 


JUIN   1819.  3yj 

»  tenir  et  de  me  mettre  îi  même  de  répondre  avec  précision  aux  diverses 
5ï  questions  que  vous  vous  proposez  de  me  faire.  » 

Je  dois  observer  que  le  Sal;éen  qui  a  copié  en  caractères  sabéens  la 
formule  que  j'avois  écrite  en  caractères  arabes,  y  a  ajouté  plusieurs 
mots ,  et  que  ce  qu'il  a  écrit  est  précisémeni  la  formule  par  laquelle 
commence  le  fragment  que  Hyde  a  fait  graver ,  et  celui  de  Melchî- 
sédech  Thévenot.  Les  mots  qu'il  a  ajoutés,  sont  ceux-ci  :  \)/^      ^s 

h- :iJ^   loi^  \  Vi»AO  iv:^lo   Ii^'^jêlo-  \>^»m  Uodto 

II  est  vraisemblable  qu'il  cntendoit  bien  peu  ce  qu'il  écrivoit  :  car  H  a 
mal  divisé  les  mots,  et  il  a  traduit  ainsi  le  tout  en  arabe  ;  j*  *»f  ffa      j 

J^j  ^jif  Juu  ^  j;jL  fju  'é^\j  JlJ  Juj-  ojI  iàjjxj  ebU^  iCÎ^Alt 

cjj^iilf  (jo^  (j^ÂîJL  Je  ne  traduis  point  ce  texte  arabe,  qui  ne  présente 

aucune  difficulté,  mais  qui  a  bien  peu  de  rapport  avec  le  texte  sabéen. 
II  suffit  de  diie  que  celui  qui  a  écrit  cela,  a  séparé  le  premier  mot 

^aOM^âo Quad  en  trois,  aD  -  u^^O  -  yOOi  »  et  qu'il  a  traduit  la  première 

partie  par  paj,  !n  nominct  la  seconde  par  *»î ,  Dci ,  et  la  troisième  par 
j-^ ,  ipse;  puis , qu'il  a  rendu  les  mots  \^^m  ^^  rltœ  par  o^J^j  misericors. 

La  prononciation  indiquée  par  M.  Raymond  confirme  et  étend  ce 
qu'on  savoir  h  cet  égard  :  elle  prouve  que  la  particule  qui  remplace  le 
génitif  doit  être  prononcée  di  ou  ed ,  et  non  pas  v/. 

Je  ne  sais  si  l'on  me  pardonnera  de  m'être  en  apparence  si  fort  écarté 
de  l'ouvrage  dont  j'ai  à  rendre  compte.  Je  dis  en  apparence  ;  cai",  sans 
cet  exposé,  on  n'auroit  pas  entendu  ce  que  j'aurai  à  dire  par  la  suite. 
D'ailleurs  j'ai  cru  essentiel  de  faire  connoitre  le  fruit  de  quelques  re- 
cherches qui  étoient  demeurées  depuis  sept  ans  dans  mon  porte-feuille  » 
et  qui  pourroient  être  perdues  si  je  n'avois  profité  de  cette  occasion 
pour  les  publier.  Dans  un  second  et  peut-être  dans  un  troisième  article  1 
\q  tâcherai  de  donner  une  analyse  des  quatre  volumes  de  M.  Norberg. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


L Alfa B ET  européen   appliqué  aux  langues  asiatiques  , 

ouvrage  élémentaire  utile  h  tout  voyageur  en  Asie;  par  C.  F. 

Volney,  Paris,  Fîrmîn  Didot,  i8ip;  un  vol.  xn-8.''  de 

yy 


354  JOURNAL  DES  SAVANS, 

xviij-224  pages,  avec  sept  tableaux  ou  feuilletons  litho- 
graphies ou  imprimés  à  l'imprimerie  royale. 

La  transcription  des  noms  propres  et  des  mots  orientaux  dans  nos 
caractères  ,  est  un  moyen  indispensable  au  maître  comme  à  Tétu^ant, 
au  grammairien,  au  philologue,  k  Thistorien  ;  mais,  si  cette  transcrip- 
tion n'est  pas  assujettie  à  des  règles  constantes,  il  en  résulte  beaucoup 
d'embarras,  de  difficultés  et  de  confusion.  Par  son  irrégularité,  elle  peut 
arrêter  les  progrès  des  commençans  ;  par  la  forme  bizarre  qu'elle  fait 
prendre  aux  mots  des  langues  de  l'Asie,  elle  a  peut-être  contribué 
quelquefois  à  éloigner  les  es])rits  superficiels  de  l'étude  des  langues 
orientales. 

L'essai  d'un  .système  de  transcription  que  M.  de  Volney  publia,  il  y  a 
quelques  années,  sous  le  titre  de  Simplifïcathn  des  Langues  orientales^ 
méritoit  donc,  sous  plus  d'un  rapport,  fatiention  des  gens  de  lettres. 
C'est  ce  même  système  que  l'auteur  reproduit  dans  l'ouvrage  que  nous 
annonçons,  en  y  ajourant  de  nouveaux  développemens ,  et  en  s'effbr- 
çant  de  répondre  «ux.  <!'!tcrî'>ns  qu'il  a  prévues. 

Pour  appJTîjUc  r  I  a[|)lri!  er  <  uropécn  aux  langues  de  TAsie,  H  faudroit 
deux  choses  :  l'une,  qiif  Ks  sig-ies  dont  il  se  compose  eussent  une 
valeur  invariable  dans  toutes  les  I;m<i;ues  de  l'Europe  ;  Fautre,  qu'if  ren- 
fermât les  éqûivalens  de  tous  les  sons  qui  existent  dans  les  idiomes 
orientaux.  Mais ,  ces  deux  conditions  étant  également  impossibles  à  rem- 
plir, dans  l'état  actuel  de  notre  alphabet,  M.  de  Volney  a  pensé  qu'il 
devoit  s'occuj)er  successivement  des  obstacles  qui  résultent  de  cette 
double  impossibilité.  De  là  la  division  naturelle  de  son  travail  en  deux 
parties,  dont  l'une  offre  l'examen  des  lettres  ou  des  signes  écrits  des- 
tinés à  représenter  les  sons  élémentaires  de  nos  langues  d'Europe,  et 
dont  l'autre  contient  l'exposé  des  moyens  imaginés  par  fauteur  pour 
suppléer  à  ce  qui  nous  manque ,  et  rendre  avec  des  signes  pris  parmi 
nos  lettres  les  sons  particuliers  k  l'arabe  ;  car  c'est  k  cette  langue  que 
M.  de  Volney  s'est  attaché  dans  cet  ouvrage,  parce  qu'ayant  eu  dans 
le  pays  l'occasion  d'en  saisir  les  articulations  par  luî-mème,  il  s*est  cru 
plus  en  état  de  les  exprimer  exactement.  Au  reste,  il  eût  pu  tout  aussi 
bien  appliquer  ses  principes  au  turc ,  à  l'arinénien ,  k   l'éthiopien ,  au 
grec,  au  persan,  et  aux  autres  langues  qu'il  a,  dit-il ,  entendu  parler  à 
Alep  :  mais  il  a  pensé  que  l'intelligence  d'un  idiome  éioît  indispensable 
pour  une  opération  aussi  délicate  ;  et  il  avertît  qu'en  disant  qu'il  a  entendu 
ces  divers  idiomes,    il  n'a  pas  eu  l'idée  d'insinuer  qu'il  les  comprenoit. 
«  Je  sais,  dit  M.  de  Volney,  qu'avec  quelque  adresse  en  ce  genre,  et 


.  » 


JUIN  1819.  îjî 

)> sachant  seulement  écrire  des  alphabets  et  lire  des  mots,  on  peut 
>>  agrandir  sa  taille  naturelle  ;  mais,  en  toute  chose  9  je  préfère  de  posséder 
»  moins,  pour  cultiver  et  défendre  mieux.  » 

La  première  des  deux  parties  dont  son  ouvrage  est  composé,  ou 
l'examen  critique  de  l'alphabet  européen,  n'a  pas,  comme  la  seconde 
partie,  un  intérêt  spécial  et  nécessairement  concentré  dans  un  petit 
nombre  de  lecteurs.  Elle  offre  ,  au  contraire  ,  la  discussion  d'un  grand 
nombre  de  questions  délicates,  relatives  à  notre  orthographe  et  à  notre 
prononciation.  Dans  la  nécessité  d'abréger  cette  analyse ,  je  m'attacherai 
donc  de  préférence  à  cette  première  partie  ;  et  je  citerai  quelques-unes 
des  observations  fines  et  judicieuses  par  lesquelles  l'auteur  a  su  rajeunir 
un  des  sujets  les  plus  souvent  traités  qui  soient  dans  le  domaine  des 
belles-lettres. 

11  seroit  assez  singulier  qu'on  dût  placer  au  nombre  de  ces  observa* 
tions  neuves ,  comme  l'auteur  est  disposé  à  le  croire ,  les  définitions  qu'il 
propose  pour  les  voyelles  et  pour  les  consonnes.  Celles  dont  on  se 
contente  dans  les  grammaires  ordinaires,  ne  sont  guère  propres,  en 
effet,  à  satibfeire  les  personnes  qui  font  attention  à  la  valeur  des  termes. 
<c  Ici,  dit  M.  de  Volney ,  se  présente  un  cas  singulier,  et  qui  cependant 
30  est  commun  à  d'autres  branches  de  nos  connoissances.  Dès  le  bas  âge^ 
:»  on  nous  a  inculqué  l'usage  mécanique  des  mots  voyelle  et  consonne^ 
y>  Maintenant,  si  nous  voulons  nous  rendre  un  compte  clair  du  sens  de 
i>  ces  mots  et  de  l'objet  qu'ils  représentent,  nous  sommes  étonnés  d'y 
:>î  trouver  de  la  difficulté.  Par  un  autre  cas  bizarre ,  il  arrive  que  nos  maîtres 
3>ne  sont  guère  plus  habiles  :  car,  en  remontant  jusqu'aux  Latins,  je 
3>  n'ai  pas  trouvé  de  grammairien  qui  ait  donné  de  définition  claire  et 
>:>  complète  de  la  voyelle  et  de  la  consonne,  &c.  3>  L'auteur  ajoute  qu'il 
a  parcouru  les  auteurs  compilés  par  Putschius,  feuilleté  les  grammai^ 
riens  français  depuis  Jacques  Dubois,  les  anglais  depuis  J,  Wallis, 
et  les  plus  connus  chez  les  Allemands ,  les  Italiens ,  les  Espagnols  ; 
et  avant  de  donner  lui-même  ses  définitions ,  il  critique  celles  des 
autres  auteurs,  et  conclut  en  disant  que  chez  eux  rien  n'est  défini,  et 
qu'ils  ne  se  sont  pas  compris  eux-mêmes.  Peut-être  trouvera-t-on  cette 
décision  un  peu  sévère,  si  l'on  se  rappelle  seulement  les  notions  données 
par  Court  de  Gebelin  (i)  ,  Harris  (2)  et  M.  de  Tracy,  lesquelles  re- 
posent au  fond  sur  les  mêmes  idées  que  les  définitions  de  M.  de  Volney. 
Mais  l'ingénieux  auteur  n'a  sans  doute  pas  eu  intention  de  comprendre 

(i)  Hist.  nat.  de  la  parole,  édit,  de  M.  le  comte  Lanjuinais,  p.  83  et  suiv. 
(2)  Hermès,  //V.  JJl ,  c»  z,  trai.de  Al.  Thuroî,p. ^i^ 

Yy  2 


3îtf  JOURNAL  DES  SAVANS, 

dans  le  même  jugement  Jes  définitions  de  M.  de  Sacy,  lesquelles  ont, 
à  ce  qu'il  nous  paroît ,  beaucoup  d'analogie  avec  les  siennes  propres. 
Elles  se  trouveRt  dans  la  Grammaire  arabe  [  i  ),  ouvrage  que  M.  de  Volney 
cite  souvent,  qu'il  contredit  quelquefois,  mais  dont  il  parle  toujours 
avec  t'estime  que  cette  excellente  production  doit  inspirer  à  tous  les 
savans.     - 

Après  s'èire  occupé  des  voyelles  et  des  consonnes  en  général ,  Tauteur 
explique  en  particulier  le  mécanisme  qui  produit  les  dilTérens  sons , 
tant  vocaux  qu'articulés.  Ce  ne  seroît  peut-être  pas  une  tâche  indigne 
d'un  physiologiste ,  que  de  faire  usage  des  ressources  d'une  anatomie  dé  - 
licate  pour  rendre  un  compte  exact  et  détnillé  du  jeu  des  muscles  et  de 
la  situation  des  parties  de  forgane  vocal  nécessaire^  i  la  formation  de 
chacun  des  élémens  du  langage  :  ce  seroii  là  véritablement  l'histoire 
naturelle  de  la  parole.  On  doit  savoir  gré  k  M.  de  Volney  de  ne  pas 
s'être  laissé  décourager,  comme  l'auteur  d'un  élégant  traité  de  physio- 
logie ,  par  la  crainte  de  fournir  une  nouvelle  scène  au  Bourgeois  gtntil- 
komme  :  les  détails  dans  lesquels  il  est  entré  ï  cet  égard  ne  prouvent  pas 
seulement  un  rare  talent  d'observation  ,  appliqué  &  des  phénomènes 
três-subtils;  ils  sont  propres  à  mettre  sur  la  voie  pour  expliquer  ma'é- 
riellement  et  par  des  moyens  purement  mécaniques  les  altérations  du 
langage.  La  connaissance  exacte  de  ces  altérations  forme  la  base  la  plus 
solide de'Ia  science  étymologique.  Les  philologues  qui  se  sont  tant  sei^ 
vis  et  qui  ont  quelquefois  tant  abusé  de  ce  moyen  d'explication ,  se 
bornent  ordinairement  à  dire  que  telle  lettre  se  prend  pour  telle  autre, 
parce  qu'elle  appartient  au  même  organe  :  mais  M.  de  Volney  ne  s'arrête 
pas  à  ce  vague  énoncé  ;  il  observe  l'analogie  qui  existe  entre  les  mouve- 
mens  des  organes  propres  à  produire  certaines  consonnes,  et  il  en  tire 
des  règles  de  permutation ,  aussi  claires  qu'incontestables.  Pour  en  citer 

I  exemple,  la  consonne  sinn^le  k  el  \:\  consonne  composée  t(k   ne 


JUIN   1819.  357 

est  comprise  daiis  l'ancienne  dénomination  de  gutturale  ,  la  secoride  esc 
une  espèce  de  sifflante  précédée  d'une  dentale  ;  l'analogie  n'est  pas 
frappante,  et  pourtant  rien  n'est  plus  commun  que  la  substitution  de 
l'une  de  ces  consonnes  à  l'autre.  M.  de  Volney  explique  cette  substi- 
tution en  faisant  remarquer  que  leur  différence  ne  provient  que  d'un 
peu  pfus  ou  un  peu  moins  daplaiisstment  de  la  langue  et  de  serre- 
ment des  dents;  ce  qu'il  est,  au  reste,  plus  aisé  de  sentir  soi-même, 
que  d'exprimer  par  écrit.  Dès-lors  on  voit  comment  le  latin  canis ,  ou 
le  picard  kieriy  ont  produit  le  français  f^/V/7  ;  on  conçoit  comment  le 
nom  de  Daces  ou  Dakioi  a  pu,  comme  Je  croit  l'auteur,  former  le  nom 
de  Deutsch  ;  on  ne  doute  plus  que  le  latin  quatuor  ne  vienne  du  samskrit 
tchatour,  &c.  ;  et  si  l'on  ajoute  à  cette  analyse ,  que  le  degré  de  dilatation 
du  tuhe  vocal  nécessaire  pour  chaque  voyelle  dispose  plus  facilement 
à  de  certains  mouvemens  et  rend  plus  facile  l'articulation  de  telle  con-^ 
sonne  que  celle  de  telle  autre  consonne,  on  s'expliquera  ceîte  irrégula- 
rité qui  frappe  dans  le  syllabaire  de  toutes  les  nations  de  l'Europe,  et 
qui  fait  qu'on  dit  en  français  ga^  je  ,  )i ,  go,  gu ,  <Scc.  On  reconnoîtra  que 
les  changemens  attribués  à  l'euphonie  sont  moins  souvent  encore  des 
sacrifices  à  la  délicatesse  de  l'oreille,  que  des  effets  de  l'imperfection  de 
l'organe  de  la  parole;  on  aura  la  clef  des  anomalies  de  certains  verbes 
latins;  et,  en  s'apercevani  que  ces  apparentes  irrégularité>  sont,  le  plus 
souvent,  des  applications  exacres  des  règles  auxquelles  elles  semblent 
faire  exception  ,  on  les  rapprochera  plus  sûrement  de  leur  type  oriental. 
On  sent  le  parti  que  l'auteur  lui-même  eût  pu  tirer  de  ces  observations» 
s'il  ne  se  fût  pas  presque  par-tout  borné  à  de  simples  indications,  dont 
il  laisse  à  d'autres  le  soin  de  développer  les  conséquences. 

Je  ne  voudrois  pas  assurer  qu'une  autre  observation  de  l'auteur  , 
quoique  non  moins  subtile,  fût  aussi  bien  fondée  ;  et  je  ne  sais  d'ail- 
leurs si  elfe  n'a  pas  déjà  été  proposée  par  d'autres  11  y  a  une  différence 
notable  dans  la  manière  dont  certains  peupKs  prononcent  toutes  les 
voyelles  :  chez  les  Italiens,  par  exemple,  elles  ont  un  son  plus  clair, 
parce  que  la  bouche,  plus  ouverte,  laisse  p^^serplus  lif)rement  le  son 
qui ,  de  la  gorge,  vient  frapper  l'oreille  avec  éclat;  tandis  que,  chez  les 
Anglais,  les  lèvres,  moins  écartées,  retiennent  une  partie  du  son 
entre  la  langue  et  l'arrière-bouche ,  où  il  devient  plu*>  sourd  et  plus 
obtus.  c<  La  cause  de  cette  différence  nationale  ne  seroii-elle  pus,  dit 
35  M.  de  Volney ,  que  l'habitant  de  l'Italie ,  vivant  sous  un  chl  tem- 
>>péré,  même  chaud,  a  ^.ris  l'habituce  de  respirer  largement  un  air 
53  frais  et  pur,  tandis  que  la  race  anglô-  saxonne,  ayant  toujours  vécu 
-»  sous  un  ciel  humide  et  froid ,  a  dû  craindre  de  humer  un  air  dé>a- 


î}8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

wgréaMe,  nuisible  sur-tout  aux  dents,  et  prendre,  par  conséquent». 
»  Thabiiude  de  prononcer  du  fond  de  fa  bouche  en  serrant  les  dents!» 
Je  ne  prétends  pas  révoquer  en  di>ute  la  solidité  de  cette  théorie  ;  un 
effet  physique  s'explique  naturellement  par  une  cause  physique  :  mais , 
pour  la  rendre  incontestable ,  il  faudroit  montrer  la  même  différence 
entre  deux  dialectes  d  une  même  langue  ,  et  non  pas  entre  deux  idiomes 
radicalement  ditfèrens.  Il  faudroit  de  plus  qu'on  ne  trouvât  pas,  dans 
le  Nord ,  de  langue  où  les  voyelles  fussent  prononcées  d'une  manière 
ouverte ,  comme  en  italien  ;  ou,  dans  les  contrées  méridionales,  d*idiome 
où  elles  fussent  étouffèes  et  muettes ,  comme  en  anglais.  Or  cette 
preuve  négative  seroit  peut-être  difficile  à  administrer. 

C'est  en  parcourant  avec  ce  rare  talent  d'analyse  les  divers  idiomes  de 
l'Europe  y  que  Fauteur  parvient  à  réunir  tous  les  sons  simples  qui  y  sont 
employés;  c'est  celte  réunion  qu'il  nomme  l'A/faùet  européen,  formé 
de  dix-neuf  voyelles  et  de  trente-deux  consonnes.  Ce  n'est  encore  qu'un 
alphabet  spécial,  et  dans  lequel  on  trouveroit  beaucoup  de  lacunes,  si 
l'on  vouloit  s'en  servir  pour  exprimer  les  mots  des  langues  des  autres 
parties  du  inonde.  M.  de  Volney ,  qui  a  démontré  Timperfèction  de 
l'alphabet  russe,  si  peu  judicieusement  choisi  par  Pailas  pour  un  voca- 
bulaire universel  (i),  tâche  de  s'avancer  par  degrés,  et  de  procéder  du 
connu  h  l'inconnu.  Hiittner  avoit  entrepris  autrefois  de  rédiger  un  af» 
phabet  général,  qui  contînt  les  sons  usités  dans  toutes  les  langues  du 
inonde  :  mais  ce  plan  étoît  trop  vaste  ;  et  Hiittner  commençoit  ainsi 
par  où  ,  tout  au  plus,  il  seroit  possible  de  finir.  Domergue,  d'un  autre 
coté  ,  avoit  dressé  un  tableau  de  tous  les  sons  de  la  langue  fi^nçaise,  eti 
écartant  les  différences  d'orthographe,  dont  il  ne  faut  ici  tenir  aucun 
compte.  Mais  la  bizarrerie  des  signes  qu'il  avoit  inventés  pour  repré- 
benter  ces  sons ,  a  pu  faire  tort  à  ses  o!)servations ,  qui  ne  manquoient 
parfois  ni  de  justesse,  ni  de  solidité.  M.  de  Volney  ne  s'occupe  pas 
encore  des  signes  ;  il  veut  seulement  que ,  muni  de  la  connoissance  de 
toutes  les  voyelles  et  consonnes  de  lÉurope  ,  on  s'en  fasse  un  instru- 
ment sûr  et  commode  pour  apprécier  et  classer  les  prononciations  de 
r-\sie.  Telle  est  la  conclusion  de  sa  première  partie,  ou  de  son  troisième 
chapitre  ;  et  voilà  comment  il  arrive  à  la  seconde,  dont  l'analyse  sera  né- 
cessairement plus  courte ,  par  la  raison  même  qu'il  y  auroit  trop  à  dire , 
si  Ion  vouloit  tout  faire  connoître  et  tout  discuter. 


(i)  Dans  un  Rapport  fait  à  l'académie  celtique  %vLt  les  Vocabulaires  comprit 
ilt's  Liii^t^cs  i/e  toute  lu  terre;  rapport  qui  contient  beaucoup  de  notions  inte- 
Kssanios,  et  qui  suppose  plus  de  lumières  que  la  compilation  très-impar&itc  qui 


}<o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Si-.i  vnn:  \i\\ ,  i!  r/y  a  pas  deux  mille  ans  que  les  historiens  el  les  géographes 
coiv.piuiiiit  cjns  rilîcrie ,  Il  alie  et  les  Giuifes,  plus  de  huitcents  j>euple5 
pjr.'nnî  CCS  idioiîicâ  divers  :  aujoiînrîiv.i ,  trois  langues  seulement,  et  trois 
I.in£;ues  îrt's  a!:a!jgucs  entre  tlij<,  divise  n:  les  halifans  de  ces  pay?.  Mais 
les  lii.>tor;e::s  dont  paile  M.  de  \'oIney ,  outre  qu'ils  ne  disent  pas  prcci- 
^énic:it  ce  (ju'il  leur  fiiit   dire,   auroicnt  pu  iacilement  être  dupes  des 
aj)i)arcnces.  0:i  sait  que  les  anciens  manquoient  des  moyens  que  nous 
avons  pour  I.i  coruj):irnison  des  langues,   et  qu'ils  étoîcnt  sujets  à  s'en 
laisser  inM>'  >.  r  j  :ir  des  fîiîrv! renées  extérieures.  Tout  porte  à  croire  quîi 
\  :i  deux  nïiiL'  ans  un   nomi:re  de  langues  à-peu-près  égal  à  ce  que 
nous   voyons  nujouidh'ji    partageoit   fFun^pe  occidentale»  et  il  n'y 
a':r».'it  peut-être  pas  I  esoin  de  très-savanies  discussions  pour  le  prouver. 
Il  n'est  p^as  non  |;lu>  nécessaire  d'avoir  la  vue  très-longue  pour  reconnoître 
que,  les  peuples  orientaux  tiennent  comme  nous  k  leurs  habitudes,  et 
que  }^our   les  amener  tous  îi  en  changer  et  h  se  faire  aux  noires,  il 
f.ii;(i;i)ît  plus  de  siècfei  d'efTorls  dirigOs  vers  le  même  but  que  l'expi- 
r!ei:ce  du  pa>sé  ne  permet  d'en  supposer. 

Mais,  en  proposant  cesdi.uies  à  l'auteur,  nous  n'en  partageons  pas 
moins  avec  lui  l'opinion  qre  les  études  orientales  gagneroîent  beaucoup 
h  la  facilité  el  à  la  régularité  des  transcriptions  :  nous  croyons  seulement 
qu'il  s'exagère  un  peu  les  difficultés  que  les  caractères  orientaux  offrent 
;iux  commençans.  Du  reste ,  ce  seroit  un  grand  avantage  que  de  pouvoir, 
dans  l'usage  habituel,  substituer  h  ces  caractères,  qui  manquent  dans 
presque  toutes  les  imprimeries  ,  et  qui  sont  inconnus  il  la  plupart  dés 
lecteurs,  ceux  de  f Alphabet  européen,  qui  nexigeroient  pas  d'étude 
prépaïaioire;  de  telle  sorte  qu'on  pût  toujours  récrire  correctement  les 
noms  propres  et  les  mots  orientaux  avec  les  lettres  originales,  et  les 
jircnor.ctr  à  la  >;iti:ficiion  des  naturels.  II  faudroît  encore  que  les  diffé- 
rentes îiations  de»  l'Europe  convinssent  d'une  règle  uniforme  et  cons- 
tante, et  enfin  ,  si  cela  éfoit  possible,  qu'on  pût  éviter  ces  combinaisons 
insolites  qui  rebutent  les  per>onnes  étrangères  h  ces  études;  car  il  n'est 
pas  très-néccs>aire  de   rappeler  aux  lecteurs,  parla  peine  qu'ils  ont  à 
prononcer  les  mots  des  langues  orientales,  celle  qu'on  a  eue  soi-même 
à  les  apprendre.  Les  vrais  <avans  consentiroient  sans  doute  à  sacrifier 
ces  singularités  orthographiques  que  d'autres  semblent  rechercher ,  sûrs 
de  n'en  être  que  plus  facilement  et  plus  généralement  lus. 

Mais  la  difficulté  repose  toujours  dans  ces  sons  que  les  Orientaux  ont 
de  jilus  que  les  Européens ,  et  qu'un  ne  sait  comment  exprimer  avec  nos 
lettres.  En  France,  deux  méthodes  sont  principalement  usitées  :  Tune, 
qui  s'est  formée  peu  à  peu  par  l'usrge,  est  celle  que,  suivant  Fauteur, 


JUIN   1819.  y6t 

M.  de  Sacjr  a  modestement  adoptée,  ce  L'autre  est,  d*après  ses  exprès- 
»  sions^que  nous  transcrivons  fidèlement,  une  méthode  que  M.  Langiès 
»  a  publiée  comme  cAose  nouvelle ,  inventée  par  lui  »  selon  les  expressioiis 
»  de  sa  n%te  qui  sert  de  préambule  au  tome  V  des  Notices  des  manuscrits 
»  orientaux.  » 

M.  de  Volney  s'arrête  peu  à  discuter  le  mérite  de  la  première  méthode* 

quïf  qualifie  de  routine.  Le  vice  capital  qu'elle  ofTre  à  ses  yeux,  c'est 

que  plusieurs  lettres  européennes  y  sont  combinées  pour  exprimer 

/es  sons  nouveaux.  Il  adopte  dans  toute  sa  rigueur  le  principe  df 

M.  Jones  :  «  II  est  de  vérité  algébrique ,  dit-il ,  qu'un  son  étranger  \  une 

»  J«mgue  ne  peut  y  être  figuré  que  par  un  signe  nouveau  et  conveur 

»  tionnel.  99  Si  Ton  admet  cette  assertion,  il  faudra  bien  convenir  que  I^t 

#nétbode  suivie  par  la  plupart  des  auteurs  est  fautive  :  mais  il  y  auroîf 

bien  quelques  légers  doutes  à  élever  sur  cette  condition  qui  sembtf 

indispensable  à  l'auteur;  et  ces  doutes   se  fordfieroient  peut-être  e^ 

examinant  ce  qu'il  a  lui-même  imaginé  pour  y  satisfaire. 

Quant  à  Fautre  méthode ,  quoique  M.  de  Volney  en  revendique  fe$ 
fcases  et  lolme  Fidée  première ,  il  en  critique   avec  force   tous  les 
^procédés.  IJ  r^ette  qu'on  ait  déparé  le  magnifque  ouvrage  de  la  Desr 
^ription  de  F£igypte  par  une  orthographe  sans  regte  et  sans  goût,  et  dont, 
^efon  fui ,  tous  les  amis  des  arts  ont  droit  d'être  choqués.  D  ailleurs  il  se 
laint  qu'on  ait  passé  sous  silence  son  travail ,  et  que ,  trois  ou  quatre  ans 
près,  pendant  son  séjour  aux  Etats-Unis,  on  ait  affirmé  que  personne 
'avolt  encore  cherché  a  établir  un  système  de  correspondance  entre  les  mots 
rabes es  les  nôtres.  Sans  entrer  dans  ce  démêlé,  il  est  difficile  de  ne  pas 
jpartager  Fopinion  de  l'auteur  sur  le  doublement  des  lettres  européennes  | 
^t  en  particulier  des  h ,  qui  reparoît  presque  à  chaque  syllabe.  Un  auteur, 
-^u  petit  nombre  de  ceux  qui  ont  adopté  cette  méthode,  prétend  qu'on 
.(>eut  \o\t  sans  frémir  le  mot  mossahhhhihh  (1)  ;  on  cite  encore  les  mots 
^ahhhhahhahou  et  mqsahhhhahhdton,  que  riaventeur  de  la  méthode  ne 
'voudroit  sans  doute  pas  écrire  lui-même  de  cette   manière.    D'autres 
groopemens  de  lettres  qui  ne  sont  pas  plus  heureux,  empêcheront  pro- 
bablement ce  système  orthographique  cfêtre  jamais  d'un  usage  général. 
Mais  celui  que  propose  M.  de  Volney  obtiendra-t-il  plus  de  faveur! 
D'après  le  principe  auquel  il  demeure  attaché,  il  ne  lui  reste  qu'à  repré- 
senter les  sons  nouveaux  avec  de  nouvelles  lettres.  Il  les  choisit,  il'est 
vrai,  parmi  celles  qui  sont  déjà  familières  à  certaines  nations  de  l'Europe.; 


(1)  Voyage  de  l'Inde  à  Chyras,  traduit  de  l'anglais  de  Scott-Waring,  par 
M.  M.  —  Préface  du  traducteur,  p.  xvj. 


3«2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

et  par  la  précaution  qu'il  a  prise  de  dresser  l'alphabet  européen ,  il  a 
moins  d'additions  h  hùct  moins  de  signes  nouveaux  k  introduire  :  mais 
pourtant,  dans  les  vingt-neuf  lettres  de  son  alphabet  arabe-européen,  il 
y  en  a  une  dizaine  qui  ont  des  signes  nouveaux  ;  ce  sont  des  lettres 
romaines ,  qu'il  distingue  par  des  différences  de  convention ,  des  t  avec 
cédille,  des^barrés,  des  A  avec  des  traits  diacritiques:  et,  s'il  nous  est 
permis  de  dire  franchement  notre  pensée,  ces  additions  nous  semblent 
fiire  précisément  le  même  effet  que  les  lettres  groupées  de  la  méibode 
TUÎgiire  ;  ce  sont  aussi  des  lignes  groupés ,  à  la  vérité ,  les  un*  au-dessous 
'des  autres,  et  non  les  tms  à  côté  des  autres.  Dans  le.fbnd,  jck,  pour 
quelcpi'un  qui  s'y  est  habitué,  ne  sont  pas  trois  lettres,  mais  une  lettre 
triple,  ùgae  d'un  son  unique.  L'auteur  s'est  encore  vu  contraint 
Jltdmettre  dans  Talphabet  romain  des  lettres  italiques,  Je  m  et  le  %  ^^' 
Grecs.  II  résulte  de  tous  ces  mélanges  un  effet  qui  semble  au  premier 
coup-d'ceil  aussi  étrange  que  le  doublement  des  h.  Néanmoins,  et  ceci 
n'est  pas  un  médiocre  avantage,  comme  on  a  choisi  pour  ces  lettres 
nouvelles  leurs  analogues  dans  nos  alphabets,  on  peut  encore  ,  en 
négligeant  les  signes  diacritiques,  articuler  les  mots  arabes  presque  aussi 
fialement  que  si  l'on  n'avoit  employé  que  les  caractères  vulgaires. 
Qu'on  en  juge  par  les  deux  premières  lignes  de  l'Oraison  dominicafe  : 
a^N-na  èl/a^  fi  tl  samattzt 
"latqaddas  esm-ak;  titi  maikut-ak,  &c. 
La  différence  qu'on  peut  observer  dans  la  manière  de  représenter  les 
voyelles,  tantôt  par  des  italiques  et  tantôt  par  des  lettres  romaines,  tient 
It  une  théorie  que  l'auteur  expose  dans  une  cinquantaine  de  pages ,  et 
dont  nous  n'essaierons  pa:i  même  de  donner  fe  sommaire.  La  matière 
dont  il  s'agit,  Rit  elle  moins  étrangère  \  noî  études,  demanderoît,  pour 
être  éclaîrcie,  des  développeinens  qui  excéderoient  les  bornes  que  nous 


JUIN  1819.  i6i 

L'extrait  que  nous  venons  de  donner  d'un  in-octavo  peu  épais  ^  dépasse 
sans  doute  les  limites  que  nous  aurions  voulu  nous  imposer;  mais  il  est 
des  ouvrages  dont  on  ne  doit  pas  juger  par  le  volume,  et  des  écrivains 
qui  ont  Tart  de  laisser  à  réfléchir  à  leurs  fecteurs,  en  accumulant  beaucoup 
d'idées  neuves  ert  un  petit  espace.  Quant  au  jugement  à  porter  d*un 
procédé  si  peu  conforme  à  nos  habitudes ,  nous  craignons  qu*il  ne  sort 
renfermé  dans  ce  passage  de  Fauteur ,  que  nous  citerons  pour  donner 
une  idée  de  sa  manière,  et  qui  est  d'autant  plus  remarqual>le  que 
l'ouvrage  est  dédié  à  la  société  asiatique  de  Calcutta  :  «  —  Les  inno* 
»  vations  ne  sont  jamais  le  fruit  des  lumières  ou  de  la  sagesse  des  cor- 
»  porations/mais,  au  contraire,  celui  de  la  hardiesse  des  individus >  qui, 
»  libres  dans  leur  marche,  donnent  l'essor  à  leur  imagination,  et  Vojiit 
»  à  la  découverte  en  tirailleurs.  Leurs  rapports  au  ébrps  de.  ràmiée 
»  donnent  matière  à  délibération.  Elle  seroit  prompte  dans  le  militaire» 
»  elle  est  plus  longue  chez  les  gens  de  robe:  toute  innovation  court 
ï>  risque  d'y  causer  \m  schisme ,  d'y  être  une  hérésie  ;  et  ce  n'est  qu'avec  le 
»  temps,  qu'entraînée  par  une  minorité  croissante,  l'inerte  majorité, 
»  moins  par  conviction  que  par  imitation,  entre  et  défile  dans  le  sentier 
»  de  la  vérité.  » 

Nous  dirions ,  si  nous  ne  craignions  *  qu'un  pareil  jugement  ne  fÛt 
déplacé  dans, notre  bouche,  que  tout  ce  qu'on  peut  dire  de  cette  phrase 
s'appliqueroit  assez  bien  au  style  de  l'auteur  dans  cet  ouvrage.  Un  goût 
sévère  n'en  sera  pas  toujours  entièrement  satisfait  ;  mais  il  n!en  est  pas 
moins,  presque  par- tout,  élégant  et  clair,  plein  d'énergie  et  de  vivacité. 

On  trouve  à  la  fin  du  volume  un  tableau  lithographie  représentant 
Talphabet  arabe  avec  les  équivalens  selon  le  système  de  Fauteur ,  et  deux 
pièces  qui  y  ont  rapport  ;  Fune  est  le  procès- verbal  d'une  commission 
qui  fut  réunie  au  Dépôt  général  de  la  guerre ,  en  i  S02 ,  pour  examiner 
le  procédé  k  suivre  dans  la  transcription  des  noms  arabes  de  fa  grande 
carte  d'Egypte.  C'est  pour  cette  entreprise  que  M.  de  Volney  auroît 
souhaité  voir  employer  la  méthode  régulière  dont  il  étoit  inventeur;  et 
les  discussions  qiii  eurent  lieu  à  ce  sujet  ne  peuvent  que  paroitre  inté- 
ressantes, quaiid  on  sait  que  cette  commission,  présidée  par  M.  de  Sacy» 
ayant  pour  secrétaire  M.  Lacroix,  comptoît  parmi  ses  membres  des 
hommes  tels  que  MM.  Mon'ge  et  Bertholet.  L'aulre  pièce,  qui  est  moins 
considérable ,  est  un  extrait  du  rapport  de  Chénier  sur  l'opuscule  inti- 
tulé SimpI if  cation  des  langues  orientales.  * 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


zz  1 


\H 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


PsoposTA  Ji  ahune  correiioni  ed  ag^tunte  al  Voaihohirio  t/e//ii 
Crusca.  Milano.dair  imp.  regia  staïuperJa,  i  8  17  et  i  8  i  &, 
2  tniii.  —  Proposition  Je  quelques  corrections  et  additions 
au  V'ocûbultiire  de  h  Crusca,  &c. 

SECO.ND  EXTRAIT. 
Dans  un  discours  préliminaire,  adressé  en  forme  de  [élire  au  mar^iis 
Jean-Jacques  Trivulce,  M.  Monti  indique  et  développe  les  défauts  et 
les  erreurs  qu'il  a  cru  remarquer  dans  le  Dictionnaire  de  la  Crwsca;  il 
propose  ensuite  les  moyens  qu'il  juge  convenaitles ,  afin  de  le  corriger 
utilement  ei  de  lui  assurer  l'autorité  nécessaire  pour  être  le  régulateur  de 
la  langue  commune  de  l'Italie  :  je  ferai  l'analyse  de  cette  partie  importante 
du  travail  de  M.  Moniî. 

Dans  le  lonie  suivant ,  il  examine  en  détail  plusieurs  articles  du  Dio 
ironnaire ,  et  il  présente  plus  souvent  des  corrections  que  des  additions. 
Je  me  bornerai  àciterquelques  passages  qui,  sans  doute,  donneront  une 
idée  sufîîsante  des  autres. 

Voici  les  principaux  reproches  que  M.  Monti  fait  au  Vocabulaire  do 
la  Crusca. 

La  plupart  des  mots  de  sciences  et  d'ans  y  manquent,  et  le  petit 
nombre  de  ceux  qui  y  sont  est  mal  expliqué. 

On  y  rencontre  beaucoup  de  mots  parasites,  hors  d'usage,  indé- 
cens,&c. 

H  y  a  des  erreurs  considérables  dans  [es  définiitons. 
Le  sens  propre  et  le  sens  figuré  sont  souvent  confondus. 
On  y  voit  des  mots  que  les  académiciens  ont  avoué  n'avoir  pas  bien 
compris  ;  il  y  en  a  d'autres  qui  ont  été  déligurés  par  les  auteurs  &c. ,  plu- 
sieurs dont  on  n'a  pas  donné  ia  juste  valeur,  et  enfin  quelques-uns 
qui  ont  reçu  «ne  inlerprélalion  contraire  au  véritable  sens.  Il  s'en  trouve 
même  auxquels  on  a  attribué  deux  sens  absolument  difFereiis,  quoique 
les  citations  indiquent  les  mêmes  passages.  Dans  le  choix  des  exemples» 
une  grande  quantité  ont  été  mal  à  propos  allégués,  parce  qu'ils  ont  été 
mai  compris. 

Ces  motifs  nombreux,  dit  M.  Monti,  font  demandera  grands  cris, 
dans  loulf  l'Italie ,  fa  réforme  du  Vocabulaire  de  ia  Crusca. 

M.  Monti  craint  que  l'académie  ne  pense  à  remplir  les  lacunes  de  son 
Dictionnaire,  en  prenant  des  exemples  dans  les  vitux  auteurs,  en  adop- 
tant ces  mots  roviillés  que  les  préctdens  académ  ciens  avoient  eu  la 
sagesse  de  rejeter  du  trésor  vivant  de  la  langue  ;  il  iâit  sentir  que  cette 


JUIN  48:19.-      ;    ,•  3^1 

ppéfi^rencepour  les  anciens  nuiroitâu  perfectiomiemieut  du  Dfctionqair^^ 
puisqu'ils  n'ont  pu  parler  des  sciences  et  des  arU  qu'on  ne  connoissoU 
pas  de  leur  temps  :  d'ailleurs,  chaque  jour  de  nouvelles  métaphores  sont 
créées,  le  sens  figuré  s'étend  davantage ,  et  de  nouvelles  idées  ont  besoiâ 
de  mots  qui  les  expriment  spécialement  ;  on  ne  peut  dope  pas  imposée 
des  limites  à  une  langue,  et  encore  moins  la  réduire  aux  mots  des  temps 
passés.  Ici  se  présente  la  question  rebtive  aux  -auteurs  qu'on  dojt 
regarder  comme  classiques  :  M.  Monti  expose  les  mêmes  opiuiqns  que 
f ai  précédemment  rapportées  en  rendant  compte  de  la  dissertation  dé 
M.  le  comte  Perdcari,  et  il  ajoute  que,  pour  être  véritablement  cla^* 
siques ,  les  auteurs  doivent  avoir  écrit,  non  dans  la  langue  d'un  seul  pays^ 
mois  dans  bt  langue  qui  est  commune  à  toute  l'Italie ,  c'est-à^-dire ,  celle  ^es 
livres,  celle  des  écoles,  celle  de  la  conversation  des  personnes  instruites. 
Le  droit  de  pronpncer  exclusivementsur  ce  point  important  serait»  sekui 
M.  Monti ,  dangereusement  confié  à  J'académie  de  la  Crusca  ;  il  cité 
beaucoup  de  livres  qu'elle  avoit  admis  comme  classiques  et  qui  nis  lui 
paroissent  pas  mériter  ce  titre. 

Quant  aux  écrivains  qui  ne  sont  pas  réputés  classiques,  M.  Montr 
pense  que  l'on  peut  du  moins  emprunter  d'eux  les  expressions  élémejv* 
taires,  les  termes  propres  des  sciences  et  des  ans,  et  compléter  ainsi  ^ 
vocabulaire ,  qui  doit  être  la  tabie  représentative  de  tout  Je  savoir  d'ttpe 
nation. 

M.  Monti  se  plaint  de  ce  que  les  académiciens  de  la  Crusca  put 

inséré  ou  conservé  des  mots  qui  blessent  la  pudeur;  et  il  le  ditd^os  {çs 

mêmes  termes  dont  s'étoit  servi  Boileau  contre  Régnier^  et  qu'ii  cau^w 

ensuiie  par  cette  heureuse  périphrase  :  ,   . 

Heureux  si  ses  écrits,  cri^ints  du  chaste  lecteur;  .  ^' 

Ne  se  scntoient  des  lieux  que  fréquentoit  l'auteur  ! 

Il  reproche  vivement  aux  auteurs  du  Dictionnaire  d'y  avoir  admis  lef 
expressions  du  jargon  burlesque  ,  les  mots  d'argot ,  Ja  langue  ^ff 
convenCcion des  voleurs  et  des  sbires;  d'avoir  recueilli  ainsi  des. termes 
qui  n'ont  jamais  appartenu  ni  dû  appartenir  à  la  langue.  Si  quelçjulun 
objecte  à  M.  Monti  que  le  Pataâio  &it  partie  de  l'ancienne  laiigue 
italienne ,  il  repond  vivement  et  trop  énergiquement  peut-être  ?  Afentirà 
pcr  la  go  la  ;thif  la  iuona  merci  de  Dio ,  questo  diabolico  favellare  no  fa 
mai  JTALJANO,e  se  si  vuole  fiorentjno ,  lo  sia. 

La  langue  d'une  nation,  dit  M.  Monti ,  c'est  la  totalité  des  mots  dont 
elle  se  sert  pour  expri»ier  ses  idées.  La  valeur  attachée  à  ces  raot^^^ 
être  la  même  pour  toute  celte  nation.  La  langue  ne  ser^  pas^  coipmui^ç^ 
si  elle  n'obtient  rassen(iinçnt;gf§fiérQlîelJe  ue^era  ^'un  i4iotiMe .  f^rti- 


j(î*^^^^^OURNAL  DES  SAVANS, 
cutîer,  uti  faiigage  municipal.  Lei  tdiolismes ,  les  manières  de  parler 
(jui  ne  sont  pas  propres  ï  (a  nation  entière,  ne  doivent  guère  trouver 
place  dans  un  dictioiinnire ,  et  n'y  être  admis  qu'avec  choix  :  mais  les 
académiciens  de  la  Crusca  les  ont  recherdiès  avec  un  tel  empressement, 
que  beaucoup  de  mots  qu'ils  donnent  comme  appartenant  à  la  langue 
géntralc  italienne  ,  ne  sont  entendus  que  dans  la  Toscane  ;  «  c'est  peu 
que  d'avoir  adopté  les  tdiotismes  de  la  langue  toscane,  ils  ont  adopté 
quelquefois  ceut  des  aulrcs  pays. 

M.  Monti  ajoute  que  le  Dictionnaire  est  plein  de  proverbes  quj  n'oni 
cours  qu'îi  Florence  ou  dan*  la  Toscane,  et  qui  sont  d'une  obscurité 
impénétrable  pour  le  reste  de  Tlialie. 

La  principale  cause  de  l'imper Tcction  de  ce  Dictionnaire,  c'est  que  les 
premiers  académiciens  qui  y  travaillèrent,  ne  voulurent  le  composer 
qu'avec  les  exemples  tirés  des  ouvrages  des  trois  fameux  classiques,  et 
qu'au  défaut  de  ces  exemples,  on  s'obstina  b  n'en  chercher  que  dans 
les  écrits  du  Trecïnto imprimés  ou  manuscrits;chronîques,  légendes, 
lettres,  rituels,  romans,  forniules  de  recettes,  inventaires  de  sacris- 
lîes,  &c.  Ac.,toul  parut  bon,  moyennant  la  date  du  TrECENTO.  Quand 
tes  anciens  manquoient,  on  avoit  retours  aux  moderne» ;  et ,  panni  les 
écrivains  étranger*  à  la  Toscane,  Bemtio  et  PArioste  eurent  seuls 
Thonneur  d'être  considérés  comme  classiques;  le  premier,  parce  qu'if 
avcit  pris  la  défense  de  l'idiome  florentin,  et  le  second,  parce  que  les 
académiciens  lui  avoient  accordé  la  préférence  sur  le  Tasse:  mais  celte 
faveur  fiit  restreinte ,  et  l'on  ne  choisit  des  exemples  que  dans  l'Orlando 
et  dans  les  saiires  de  l'Arioste  ;  ses  comédies  et  ses  autres  poésies 
furent  exclues.  Le  Tasse  fut  admis  plus  tard  comme  classique,  et  quand 
il  Tétott  depuis  fong-lemps  pour  toute  Fltalte  ;  mais  on  continua  de 
rejeter  des  expressions  nécessaires  qui  éloienl  employées  et  adoptées 
par  les  auteurs  italiens,  sous  prétexte  que  ces  auteurs  n'étoient  pas 
Toscans;  on  repv^ussa  des  synonymes  qui,  tirés  du  grec  ou  du  laiîn , 
eussent  rendu  la  langue  plus  élégante  ;  on  exclut  des  mots  par  cela 
seul  que  les  Florentins  ne  pouvoieni  pas  s'en  arroger  la  propriété. 

AxMOSrERA  n'entra  point  dans  le  Dictionnaire,  qui  avoil  An)  A. 
On  avoir  Bibliotecario,  et  l'on  n'adopta  point  BibliotecA; 
Apogeo,  Perigeo; 

SE5SAGONO ,  SeTTAGONO  ,  OtTACONO  ,&C. 

Il  manque  les  expressionsderiLOLOGiA  ,  ceologia  ,  idraulica, 
0lNAMlCA,BOTANlCA,&c.  &c.  El  pourquoi;  Parw  qu'on  ne  les  ren- 
contre pas  dans  les  écrivains  toscans  d'une  certaine  époque. 

On  refusa  de  choisir  des  exemples  dans  de«  auteurs  tels  qu'Annîbal 


i 


i 


JUIN   1819.  367 

Caro ,  Trissmo,  Castelvètro^Tassoni)  et  autres  au$si  distingués  ;  on  rejeta 
même  les  Œuvres  morales  du  Tasse. 

Aussi ,  dès  la  première  édition ,  on  dit  que  le  Vocabulaire  de  la  Crusca 
n'étoit  point  un  dictionnaire  italien ,  mais  ua  dictionnaire  florentin. 

M.  Monti  conclut  ainsi  :  ce  II  faut  que  le  dictionnaire  de  fa  langue, 
»  qui  doit  être  un  lien  pour  toutes  les  nations  qui  composent  fltaiie, 
»  soit  celui  de  la  langue  commune  ;  de  manière  qu'un  seul  peuple  n'aie 
a»  pas  le  droit  d'y  introduire  exclusivement  ses  propres  expressions.  » 

£t  il  établit  diverses  maximes  comme  principes  de  la  matière;  en 
voici  les  principales  :. ce  Une  nation  qui  a  diffi^rens  gouvernemens  «t 
3>  difTérens  dialectes,  a  besoin  d'un  langage  commun,  qui  ne  peut  être 
»  qu'un  langage  écrit ,  soumis  aux  lois  d'une  grammaire  commune.  Le 
»  vocabulaire ,  dépositaire  de  la  langue  grammaticale,  ne  peut  ni  ne 
»  doit  faire  grâce  aux  caprices  des  dialectes  particuliers,  ni  ad^ttre  des 
»  expressions,  des  façons  de  parler  qui,  non  comprises  ou  non  admises 
»  par  la  majorité  de  la  nation ,  appartiennent  seulement  à  une  province. 
»  Un  vocabulaire  national  est  un  recueil  de  tous  les  mots  dont  une 
»  nation  se  sert  régulièrement  et  que  tous  entendent  de  la  même  manière. 
i>  Ce  n'est  pas  un  vocabulaire  parfait,  que  celui  qui  rejette  un  grand 
»  nombre  de  mots  auxquels  la  nation  entière,  d'après  l'autorité  de  graves 
yy  écrivains,  et  d'après  l'usage  et  la  raison,  a  donné  son  plein  assen- 
»  timent,  ou  qui ,  au  lieu'de  mots  adoptés  par  tous^  recueille  une  infinité 
>>  d'expressions  et  de  locutions  populaires  uniquement  propres  à  un  seul 
}>  district,  lesquelles  n'ont  ni  cours  ni  valeur  dans  le  reste  de  la  nation, 
y»  Afin  qu'un  dictionnaire  soit  national ,  afin  qu'il  approche  de  la  per- 
»  fection  autant  que  cela  est  possible ,  il  faut  que  d'habiles  gens  de 
»  lettres,  pris  dans  tout  le  corps  de  la  nation ,  concourent  à  la  rédacôon. 
3>  Le  dialecte  toscan  participe  plus  abondamment  que  tout  autre,  de 
3>  cette  langue  commune  et  illustre  qui,  comme  esprit  universel,  pénètre 
»  et  anime  tous  les  dialectes  particuliers  dé  fltalie;  inzis  participer  xCest 
39  pas  constituer j  ni  participer  ahoudamment  n'est  pas  avoir  tout.  Que  les 
y>  Toscans  soient  la  tête,  et  les  autres  les  bras;  mais  que  Fesprit  général 
yy  qui  dirigera  ce  travail  soit  un ,  celui  de  la  nation  et  non  celui  d'une 
»  partie  de  la  nation.  Il  est  beau  sans  doute  de  pouvoir  dire,  Je  suis 
3>  Toscan;  mais  il  est  plus  beau,  et  beaucoup  plus  beau  de  pouvoir 
3>  dire,  Je  suis  Italien.  »  , 

M.  Monti  expose  ensuite  quelque^  idées  pour  la  rédaction  de  ce 
Vocabulaire  général. 

ce  La  raison  parle  au  propre ,  la  passion  parle  au  figuré.  La  définidon 
a»  ne  doit  donc  s'attacher  qu'au  sens  propre  :  le  figuré  doit  y  être  joiot 


3«8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  comme  dépendance  do  premier  ;  mais  il  faut  le  bien  expliquer ,  pncé 
M  que  le  mot,  passant  d'un  sens  a  Tautre,  n*est  plus  le  même.  Le  anoC 
»  acquiert  une  valeur  nouvelle,  if  exige  donc  une  nouvelle  explication; 
>>  et  il  ne  suffit  pas  de  marquer  en  tète  des  exemples  que  c'est  une 
»  métaphore,  il  fuut  indiquer  ({uelie  est  cette  métaphore.  Ce  priiidpe 
>^  incontestable  révèle  et  condamne  un  des  défaut»  principaux  ec  oootî- 
•>  naels  du  VoLa:)ulaire  de  la  Crusca.  Un  défaut  plus  grand  et  non  moins 
»  ordinaire,  c est  de  définir  le  mot  moins  d*nprès  sa  valeur  générale  que 
i>  d*après  la  valeur  accidentelle  que  lui  donne  l'exemple  rapporté;  on 
»  explique  bien  moins  le  mot  qu'on  n'explique  iexemple.  Un  lexico<< 
»  graphe  ne  devroii  jamais,  dans  les  detiniiions,  employer  ni  créer  des 
»  expressions  nouvelles;  il  est  Thistorien  et  non  le  réformateur  de  la 
»  langue.  Les  académiciens  de  la  Crusca  ont  ce|>endant  em]>loyé  pour 
»  les  débilitions ,  et  même  avec  succès,  des  mots  nouveaux,  qu'ils  nonC 
»  pas  insérés  à  leur  rang  dans  le  Dictionnaire.  » 

M.  Monti  traite  ensuite  de  iortliographe,  et  il  pense  rue  l'on  ne  doit 
pas  donner  aujourd'hui  l'orthographe  du  Trecento,  mais  celle  que 
l'usage  a  consacrée. 

L'étymologie  est  un  point  encore  plus  important»  et  M.  Monti  le 
traite  avec  détail  et  succès:  Tacndéinie  de  la  Crusca  rapporte  seulement 
le  mot  italien  avec  le  mot  latin  ou  grec  ;  M.  Monti  pense  que  du  moins  il 
eût  fallu  suivre  la  même  méthode  pour  les  mots  allemands  et  espagnols  , 
et  sur-tout  pour  les  expressions  provençales,  mais  en  rejetant  du  Dic- 
tionnaire celtes  qui,  s'étant  introduites  dans  la  langue  italienne,  ne 
méritent  plus  d'en  faire  partie.  Quant  aux  étymologies,  il  pense  qu*un 
dictionnaire  exact  doit  contenir  le  petit  nombre  de  celles  qui  sont  claires 
et  sûres;  il  faut  donc  bien  connoTtre  le  mot  primitif  pour  bien  apprécier 
h  valeur  de  tous  ceux  qui  en  composent  la  famille. 

M.  Monti  a  trouvé  que  parfois  les  citations  des  exemples  ne  sont  pas 
faites  avec  exactitude;  ce  qui  a  induit  l'académie,  ou  h  expliquer  des 
mots  qui  ne  sont  pa>  dnns  la  langue,  ou  à  leur  donner  un  sem  tout 
contraire  au  sens  véritable  :  il  se  plaint  aussi  du  choix  même  des 
exemples  ;  il  desireroii  que  Ton  ne  donnât  pas  la  préiShrence  aux  plus 
anciens,  mais  aux  plus  clairs,  aux  meilleurs.  Quant  aux  vieux  mots, 
îl  pense  qu'au  lieu  de  les  reproduireavec  affectation  dans  le  Diciionnaîrc, 
il  faudroit  en  composer  un  glos^^aire  séparé  avec  une  courte  explication, 
sans  citations,  et  diviser  ain>i  la  langue  italienne  en  langue  morte  et  en 
langue  vivante. 

Il  termine  ce  discours  préliminaire  par  Tassurance  de  son  estime,  de 
sa  vénération   pour  le  Vocabulaire  de  la  C:rusca  :  Vii  en  a  relevé  les 


JUIN   iSip-  3<f> 

Mcliââuts  >  il  en  apprécie  les  avantages^  et  il  ne  fait  qu'indiquer  les  moyens 
de  le  perfectionner  ;  il  veut  sur-tout  guérir  les  personnes  qui ,  par  su- 
rperstition  littéraire/  n'osent  se  servir  d'un  mot  qui  n'est  pas  dans  ce 
Vocabulaire,  ou  n'osent  l'employer  dans  une  acception  qui  n'y  est  point 
indiquée;  il  veut,  non  renverser,  mais  affermir  ce  Vocabulaire. 

L'analyse  que  j'ai  présentée  du  discours  préliminaire  aura  fait  sentir 
futilitîéy  Jïmportance  et  le  talent  que  réunit  le  travail  de  M.  Monti  ; 
je  ne  crois  pas  quil  ait  beaucoup  de  confiance  dnns  son  projet  de 
convocation  d'un  synode  grammatical  pour  composer  le  Dictionnaire 
universel  italien.  II  seroit  bien  difficile  de  s'accorder  sur  la  nomination 
des  membres  de  ce  congrès  littéraire;  mais  il  seroit  bien  plus  difficile 
encoreqa'ils  s'accordassent  entre  eux  :  aussi  M.  Monti  n'a  pas  attendu 
lés  séances  de  .ce  tribunal  pour  proposer  des  corrections  et  des  addirions 
au  Vocabulaire  de  la  Crusca.  Il  me  reste  à  donner  une  idée  de  cette 
partie  de  son  ouvrage 

M.  Monti  y  ayant  à  présenter  une  suite  de  questions  et  de  discussions 
grammaticales,  emploie  beaucoup  d'art  et  beaucoup  d'esprit  à  varier  (es 
formes  sous  lesquelles  il  expose  ses  critiques  philologiques  :  tantôt  il  a 
recours  à  des  dialogues ,  tantôt  il  intercale  des  lettres ,  et  par  ce  moyen 
if  jette  une  sorte  d'agrément  sur  un  sujet  qui  n'en  paroissoit  guère 
susceptible.  Quand  il  examine  divers  mots  du  Dictionnaire,  il  a  occasion 
d'appliquer  spécialement  les  observations  générales  qu'il  a  faites,  les 
maximes  qu'il  a  établies  précédemment. 

Au  mot  ABBACARE  il  dit  avec  raison  :  «  C'est  une  ftute  grave  que  de 
»  fiiire  des  définitions  avec  des  expressions  figurées  au  lieu  d'expressions 
»  propres;  définissant  avec  des  expressions  figurées,  il  fàudroit  donner 
»une  autre  explication  de  ces  expressions,  et  ainsi  successivement, 
>3  jusqu'à  ce  que  l'on  arrivât  aux  expressions  propres,  m 

Le  mot  ACCORARE  fournit  à  M.  Monti  le  sujet  d'autres  observations  : 
il  prétend  que  l'académie  donne  à  ce  mot  un  sens  contraire  à  celui  que 
présente  le  passage  de  Dante  qui  est  cité  en  exemple.  L'académie 
explique  ACCORARE  par  encourager,  tandis  qu'elle  auroit  dû  l'expliquer 
par  décourager,  6 ter  le  cœur. 

Se  mala  signoria 
Chesempre  ACCUORA  i  popoli  suggetti.  {DknT'EyParad.c.  VJIJ.) 

M.  Monti  cite  des  passages  de  Dante  où  il  se  sert  d'iNCUORARK 
pour  encourager.  '.\ 

J'ajouterai  aux:  raisons  données  par  M.  ^ontique,  dans  Fanciennc 

Aaa 


370  JOURNAL  DÉS  SAVANS, 

langue  fiançai»*  le  mot  àcorer  signifie  «tmrrAn-,  ^»f-  Utaar  (i),  tttr 
la  vie. 

Au  mot  BARÀTTEIiiA.  Pddi^éHll»  diti  dtttidit  àafutttàns  «  ad  mm 
BARATTIBRÉ^  elle  AltditfifarttdtlU  hlittÎMa:  M.Monti  confliinhe 
avec  raison  cette  liianièft  d'ejtpfiquei-  Un  itlOi  par  Fiutre,  sans  en 
définir  4ucun  ;  il  prétend  que  c'est  envoyer  d'HéixKle  à  Pilate. 

Aux  mots  K  FILO  et  basterna,  M.  Monti  reprodieau  Vocabulaift 
des  erreurs  encore  moins  excusables. 

A  FlLO,  selon  l'académie,  signifie  ta  dniturt,  et  cette  défection  a  été 
5{te  &  cause  de  l'expression  de  ces  vers  de  l'Arioste  : 
E  qnindî  A  filo  alla  dritia  rivicra 
Cacciano  il  l^no.e  fan  parer  che  voli.  (ORLANDO^r.  ^^.  ) 

Selon  M.  Monii,  filo  est  un  village  situé  aux  confins  du  Ferraroit, 
et ,  en  lisant  les  vers  de  l'Arioste  qui  précèdent  et  qui  suivent  ceux  qui 
viennent  d'être  cités ,  on  voit  évidemment  qu'il  s'agit  de  ce  village. 

£tBASTEBNA,  que  l'académie  définit,  espèce  dt  char  tu  A  litière, 
pour  expliquer  l'exemple  suivant  : 

Una  Kbiaita  BASTBRNA  allor  diicew, 
E  paisir  lopni  il  ghiaccio  la  DanDja 

Per  guBiiare  c  dlsfare  il  mio  paue.  {DlTTAMONDO,r.  /jfr.27.) 
n'est) d'après  l'opinion  de  M.  Monti,  qu'un  adjectif;  il  s'agit  d'une 
nation  norniHée  les  Ba^terAes. 

Quoique  M.  Monti  ait  précédemntent  donné  l'assurance  de  soh 
estime ,  dvsa  vénération  pour  le  Vocabulaire  de  la  Crusca ,  il  saisit  avec 
entpressemlent  de  tellet  occasions  de  s'égayer  aux  dépens  de  l'académie, 
et  on  peut  dire  que  castigai  ridtnéo. 

Je  pourrois  raj^rter  plusieurs  autres  passages  de  la  critique  de 
M.  Monti:  tantôt  il  accuse  l'académie  de  n'avoir  pas  donné  l'indicaticMi 


JUIN  l8l^;  371 

dans  V errata  de  la  précédente  ;  d'avoir  altéré  les  exemples  en  les  repor- 
tant. Tousies  détails  que  faurois  pu  rassembler  à  ce  sujet  auroient  prouvé 
les  connoissances ,  la  sagacité  et  sur-tout  la  coiu'ageuse  patience  que 
M.  Monti  a  mises  dans  son  travail  ;  et  combien  ce  travail  peut  devenir 
utile  y  si  r académie  de  la  Crusca  accorde  à  M.  Monti  le  prix  le  plus 
honorable  auquel  il  puisse  aspirer,  celui  de  profiter  des  observations 
qu'il  a  faites  dans  l'intérêt  de  la  gloire  liuéraire  de  l'Italie,  dont  fatii- 
demie  de  la  Crusca  a  droit  de  revendiquer  une  si  belle  part. 

£t  qu'on  ne  s'imagine  pas  que ,  d'après  ces  nombreuses  et  presque 
toujours  utiles  critiques  de  M.  Monti,  on  ne  doive  conserver  pour  le 
Dictionnaire  de  la  Crusca  toute  l'esdme  qu'on  lui  a  accordée  jusqu'À 
ce  jour.  Si  quelque  chose  prouve  combien  il  l'avoit  acquise  justement  » 
c'est  qu'un  écrivain  aussi  exercé,  aussi  ardent,  aussi  infatigable,  que 
M.  Monti,  en  appliquant  ses  critiques  générales  à  chaque  mot  du  Dk- 
tionnaire,  n'ait  trouvé  à  blâmer  qu'environ  deux  cents  mots  ,  ou  accep- 
tions de  mots,  delà  lettre  A  jusqu'à  F  exclusivement.  On  pense  bien 
que  les  articles  qui  n'ont  pas  été  attaqués  sont  regardés  comme  bons  par 
J'illustieet  savant  critique. 

RAYNOUARD. 


Discours  sur  cette  question  :  Qu'est-ce  que  la  Bliîlosophîe  ? 
prononce',  le  y  décembre  1818 ,  pour  l'ouverture  du  Cours  de 
philosophie  de  la  Faculté  des  lettres  de  l'Académie  de  Paris  ; 
par  F.  Thurot ,  professeur  au  Collège  royal  de  France  et  à  la 
Faculté  des  lettres.  Paris,  de  rimprimerie  de  Firmin  Dîdoti 
i8ip. 

Attentifs  à  rechercher  par-tout  et  à  signaler  dans  ce  journal  tout 
ce  qui  déc-dle  d'une  manière  ou  d'une  autre  le  progrès  caché,  mais  jréel» 
de  Fesprit  philosophique  parmi  nous,  nous  croirions  manquer  à  cette 
tâche,  si  nous  passions  sous  silence  l'excellent  discours  par  lequel 
M.  Thurot  a  ouvert,  cette  année,  son  cours  public  de  philosophie, 
et  qu'il  vient  de  publier  tout  récemment.  Ce  discours  ne  contient,  il 
est  vrai,  que  des  réflexions  et  des  divisions  très-générales;  mais  fespixt 
qui  y  règne  nous  a  paru  le  recommander  singulièrement  à  l'att^ticinii^ 
à  l'estime  des  amis  de  la  philosophie. 

S'il  est  vrai  que  l'enseignement  en  général,  et  sur-'tout  renseignement 
normal I  doit  è^'l-enseignement  de  la  méthode,  et  si  le  premier  devoir 

Aaa  2 


372  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  Fa  méthode  esl  de  reconnoître  et  de  déterminer  la  nature  du.  su  jet 
sur  lequel  elle  s'exerce,  la  première  leçon  dun  |>rofesseur  aùSM  habile 
que  M.  Thurot  devoir  avoir  pour  objet  spécial  celte  question  première  : 
Qu'est-  ce  que  la  philosophie  l 

«Là  philosophie,  se  n: pond  à  lui-même  M.  Thurot,  est  Fêtudede 
5>  la  nature  humaine:  or  celte  élude  repose  sur  des  faits;  comme  Fétude  ". 
yy  de  tomes  les  autres  parties  de  la  nature  ne  consiste  qu'en  dès  sériés-; 
»  plus  ou  moins  étendues  de  faits  soigneusement  observés ,"  et  donl^ 
3>  1  ordre  et  la  succession  ont  été  constatés  par  des  expériences  nom- 
3>  breu>es  et  diverses,  qui  nous  mettent  à  même  de  prévoir,  dans  bien* 
3>  dtrs  cas ,  avec  certitude ,  ce  qui  doit  suivre  de  telles  ou  telles  circons- 
»  lancx-s  données  ou  connues,  circonstances  qui  ne  sont  elles-mêmes» 
»  que  des  faits  de  la  réalité  desquels  nous  sommes  assurés,  soit'immé-  « 
yy  diatemeni,  soit  d'une  manière  indirecte.  » 

Pour  justitier  ces  définitions  ou  ces  propositions  contre  les  objec-- 
tions  ordinaires  tirées  de  la  géométrie  et  de  la  haute  métaphysique»  le; 
judicieux  professeur  remarque  que  les  définitions  mathématiques  sont^ 
elles-mêmes  fondées  sur  des  faits  ou  de  notre  senisibilité  ou  de  notrel 
constitution  intellectuelle;  et  que,  si  les  {impositions  métaphysiques  ne 
som  point  également  ou  des  faits  înitlicctuels  ou  des  déductions  de 
fiits,  ce  Jie  sont  que  des  com!)inaisons  cliiméiiqnes  ;  et  il  conclut  de 
tous  les  développeiueiis  dans  lesquels  il  entre  à  cet  égard,  «que  la 
35  science  de  reniendenient  n'est  et  ne  peut  être  qu'une  science  défaits; 
»  et  que  ces  faits  ne  sont  et  ne  peuvent  être  autre  chose  que  ceux  qu'on 
j>  a  désignés  anciennement  chez  les  Grecs,  et  qu'on  désigne  encore 
»  aujourd'hui  chez  nous,  le  plus  communément,  par  le  nomdW/r/.  » 
et  Voici  donc,  dit  M.  Thurot  ,  un  point  important  que  l'on  peut 
>>  regarder  comme  incontestablement  établi:  la  sciencAont  nous  allons 
w  nous  occuper  n'est  pas  autre  chose  qu'une  science  de  faits,  comme  les 
»  autres  sciences  naturelles  dont  elle  fait  ])artie ,  ou,  si  l'on  veut,  aux- 
»  quelles  elle  sert,  pour  ainsi  dire,  de  fondeir.ent  et  de  base.  Ces  fkit^ 
»  sont  ceux  dont  nous  avons  incessamment  la  conscience.  » 

La  philosophie  ainsi  réduite  à  Fexamen  dej.  faits  de  conscience,  il  ne 
s'agit  plus  que  d'établir  ses  divisions  principales,  c'est-à-dire,  les  diflfe- 
rens  ordres  de  faiis intellectuels.  Ces  ordres,  ce>  classes,  sont  nos  facultés  ;. 
car  autant  il  y  a  de  classes  de  faits,  autant  il  y  a  nécessairement  de'causes 
qui  les  produisent,  c'est-à-dire,  de  facultés  dkerses;  et,  à  ce  sujet,  le 
professeur  se  livre  à  des  développemens  si  sages  et  si  lumineux;  qu'il 
nous  est  impossible  de  ne  pas  regretter  que,  niêmedans  les  limites i^éces- 
^lireinent  étroites  d'uu  discours  d'ouverture  ^  il  n'ait  pas  décrit,  ou' même 


>.  ■». 


JUIN   1819.  î 

simplement  énoncé  quelles  sont  les  diverses  facultés  ou  les  faits  principaux 
dont  se  compose,  selon  lui ,  Tintelligence  de  l'homme.  Nous  le  regrettons  " 
d'autant  plus,  que,  tout  en  passant  sous  silence  les  autres  facultés  hil-  ' 
niaines,  M.  Thurotne  peut  s'empêcher  de  s'arrêter  sur  une  faculté ,  spé-  ' 
ciale  seion  lui,  à  laquelle  il  paroît  attacher  une  importance,  sinon  exclu- 
sive, du  moins  très-considérable.  Cette  faculté  ,  c'est  la  parole.  Sans  doute  • 
le  traducteur  de  l'Hermès,  l'habile  helléniste,  ne  pouvçit  se  dispenser  ' 
d'accorder  une  place  importanie  à  la  grammaire  dans  ses  leçons  de  phi- 
losophie; mais  nous  ciaignons ,  il  faut  l'avouer,  que  les  habitudes  de  son  * 
esprit  nç  l'aient  poussé  trop  loin  lorsqu'il  dit  que  c'est  h  la  parole  que 
nous  devons  tout  ce  qu'on  appelle  abstractions,  conceptions,  notions 
(  Discours,  page  22  )^  La  théorie  de   M.  Thurot   rappelle  celle  d*urt  ' 
écrivain  célèbre  qui  a  prétendu  que  l'homme  ne  pense  que  parce  qu'il  ' 
parle  ;  théorie  que  toute  la  profondeur  et  la  force  d'esprit  de  son  auteur  • 
n'ont  pu  couvrir  encore,  à  nos  yeux,  d'aucune  apparence  de  solidité.  • 
Nous  sommes  forcésde  l'avouer,  cette  théorie  ne  nous  paroît  re[>oser 
que  sur  l'ignorance  complète  du  fait  même  qui  constitue  l'humaniré, 
savoir,  la  volonté  libre.  Le  respect  que  nous  portons  à  MM .  de  Bonald  et 
Thurot ,  ne  nous  permet  pas  d'exposer  ici  trop  légèrement  notre  opinion. 

L'homme  est  essentiellement  une  force  libre  :  là  est  le  titre  de  sa  di-  • 
gnilé,  l'origine  ou  du  moins  la  condition  de  toutes  ses  connoissances. 
Il  y  a  de  faction  dans  toute  connoissance ,  et  toute  action  est  essen- 
tiellement libre;  le  reste  n'est  point  de  faction,  mais  du  mouvement: 
notre  vraie  puissance  est  notre  volonté.  Si  f homme  ne  vouloît  pas,  il  ne 
pourroit  rien,  il  ne  pourroit  que  ce  que  peut  l'animal,  c'est-à-dîre  que 
la  forcé  universelle  de  la  nature,  à  l'aide  de  circonstances  extérieures  et 
de  ressorts  internes,  détermineroit.en  lui  des  impressions  et  des  mou- 
verhens  purement  organiques.  Parmi  ces  mçuvemens,  il  faut  compter 
le  langage  primitif,  tout  signe  involontaire  et  irréfléchi.  Quand  ces 
signes  irréfléchis  et  involontaires  seroient  aussi  riches  qu'ils  le  sont  peu  ; 
quand  l'imagination  systématique  leur  préteroit  le  caractère  dont  ils  sont 
absolument  dépourvus,  si  parfaits  qu'on  les  suppose;  considérés  isolé- 
ment et  en  eux-mêmes,  ils  ne  pourroient  jamais  servir  de  moyen  de 
rappel  ou  de  communication  à  la  pensée;  iîs  ne  seroient  même  jamais 
des  signes;  ils  seroient  exactement  comme  s'ils  n'étoient  pas,  si, 
comme  on  le  dit  ordinairement  avec  assez  de  justesse,  l'homme  n'avoit 
quelque  pensée  à  leur  donnera  slj^nifier,  ou  plutôt,  ce  qui  est  tout 
autrement  décisif,  s'il  n'avoit  le  pouvoir  de  se  les  approprier  et  de  les 
apercevoir  :  car  tout  ce  qui  est  inaperçu  est  insignifiant  et  nul.  Or,  la 
condidca  essentielle,  de  toutç  aperception  esr  l'action  intérieure^  cette 


3-4 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


action  personnelle  et  fondamencaie  que  les  tchohstiques  appeloient  la 
forme  substantielle  de  l'existence.  Ce  n'est  pas  Taperception  qui  nous 
constitue;  c'est  bien  plutôt  nous  qui  constituons  raperception.  Où  man' 
queroit  l'action  intérieure,  dé&illeroit  Taperception,  et  il  n'y  auroît  rien 
pour  nous.  En  vain  Tanimal  en  nous  pouiseroit  des  cris,  ezécotert^ 
mille  mouTemenst  ne  sachant  nen,  parce  qu'il  ne  le  saurait  pas;  ne 
se  sachant  pas,  parce  qu'if  n'aurait  jamais  agi  ni  voulu,  il  ne  saurait 
famais  ni  que  lui,  ni.  Il  plus  forte  raison,  qu'un  autre  que  lui,  eût  exécuté 
un  mouvement  extérieur,  encore  moins  qu'il  eût  voulu  l'exécuter»  et 
que  ce  mouvement  réfléchit  un  sentiment ,  une  idée.  Ce  n'est  donc  pas 
la  puissance  de  la  parole  et  du  signe,  considérés  en  eux-mêmes,  qui 
produit  les  miracles  qui  nous  accablent  aujourd'hui,  et  dans  Féclat  des- 
quels le  signe  et  ia  parole  cachent  leur  origine.  Car,  ôlez  Tactivité  hu- 
maine, et  cette  puissance  mystérieuse  se  réduit  à  rien.  Laissez  l'activité, 
aucontraire;  laissez-lui  apercevcûr ces  cris,  ces  gestes,  qui,  tant  qu'ils 
lut  sont  étrangers,  sont  insignifians  en  eux-mêmes.  Elle  les  aperçoit; 
bientôt  elle  va  les  répéter  lilûement ,  et  par  Ik  se  les  approprier ,  les  rendre 
significatifs  pour  elle,  qui  les  comprend  parce  qu'elle  les  produit,  qui 
les  produit  parce  qu'elle  les  répète  librement  ;  car  toute  répétition  vo- 
lontaire est  une  véritable  production.  Voilà  les  signes  inventés  ;  l'acti- 
vité n'a  plus  qu'k  les  perfectionner,  à  les  modifier,  i  les  varier,  k  les 
unir,  à  en  faire  à  la  longue ,  pour  fa  pensée ,  cea  moyens  de  rappel ,  de 
communication ,  ou  même  de  production  ultérieure ,  si  actifs  et  ai  puis- 
sans,  puisqu'ils  sont  dépositaires  de  toute  l'activité  et  de  toute  la  puis- 
sance de  l'intelligence  volontaire  et  libre,  dont  ils  sont  ï-Ia-fois  les  effets 
et  les  instrumens.  Les  signes,  la  parole,  ne  sont  donc  rien  eneux-mémes; 
ils  ne  sont  que  ce  que  la  volonté  les  fait  être;  et,  en  ceci  comme  en 
beaucoup  d'autres  choses,  il  est  dur  d'entendre  par-tout  célébrer  les 
gfièts,  quand  la  cause  est  ou  négligée,  ou  méconnue,  ou  repoussée.  Qui 


JUIN    1819,  Î75 

appelle  la  logique;  elle  n'est  point,  aux  yeux  de  M,  Thurot,  un  re- 
cueil de  règles  stériles,  anificielles.  La  logique  est  encore  pour  lui  une' 
science  d'observation.  L'homme  a  des  convictions ,  des  certitudes  ;  ces 
convictions,  ces  certitudes,  reposent  sur  des  fondemens  naturels,  sur 
rauto|k|kde  certaines  facultés  que  l'homme  possède,  ou  dé  certaine» 
lois  qtm  reconnoît.  Déterminer  quelles  sont  ces  facultés  et  quelles 
sont  ces  lois,  c'est  rechercher  les  fondemens  essentiels  de  la  certitude 
et  de  la  croyance  :  voilà  la  logique ,  ou  du  moins  une  de  ses  parties. 
Mais  l'homme  n'a  pas  toujours  des  certitudes:  il  n'a  souvent  que  des 
probabilités.  Mesurer  ces  probal^ilités ,  assigner  leur  portée  et  leur  base, 
voilà  encore  une  fonction  de  la  logique:  il  n'y  a  rien  là  d'artificiel  et 
d'arbitraire;  tout  est  fourni  par  la  constitution  même  de  l'homme.  On 
voit  par- là  quel  esprit  domine  dans  l'écrit  dont  nous  rendons  compte^ 
et  dans  l'ensemble  des  leçonr  que  M.  Thurot  donne  de])uis  plusieurs 
années  à  la  faculté  des  lettres  de  l'académie  de  Paris  :  c'est  l'esprît 
expérimental ,  esprit  énergique  et  fécond,  qui  a  imprimé  en  si  peu  de 
temps  un  mouvement  si  vaste  à  tant  de  sciences  jusque-là  si  peu  avan- 
cées, et  qui  communiqueroit  à  la  métaphysique  elle-même  l'élan  des 
sciences  naturelles  ,  si  les  métaphysiciehs ,  essayant  enfin  de  la  circons- 
pection et  de  la  sagesse,  veulent  bien  reconnoître  décidément  que  te 
sujet  dont  ils  s'occupent  ne  peut  être  connu ,  comme  tous  hs  objets  de 
ïa  nature ,  que  par  une  observation  constante  et  habilement  dirigée. 
L'ouvrage  de  M.  Thurot  est  par-tout  empreint  de  cette  sage  tendance 
scientifique;  et  les  ingénieux  développemens ,  lés  sentimens  élevés  et 
les  vues  morales  que  Fauteur  mêle  sans  affectadon  à  l'exposition  de  ses 
principes  métaphysiques ,  sont  une  preuve  de  plus  que  la  nature  hu- 
maine ,  en  restant  dans  ses  vraies  limites ,  contient  assez  de  richesses 
réelles  pour  n'avoir  pas  besoin  d'en  emprunter  à  des  théories  ambi- 
tieuses et  vaines, 

V.  COUSIN. 


Voyage  fait  en  18 ij  et  î8i^  dans  les  pays  entre  Meuse  et  Rhin, 
suivi  de  notes  ;  avec  une  carte  géagraphiqire. 

Mermmsse  juvabit, 

A  Paris,  chez  Alexis,  rue  Mazarine,  n.''  30,  et  à  Aix-Ia- 
Chapellè,  chez  Laruelle  .fils,  libraire,  1818:  un  volume 
in-8.^  de  378  pages. 

Wn  yoyagedans  fAjife  ou  FAfiique  ofFriroit  de  Fintérôt,  sans  doute, 


37^  JOURNAL  DES  SAVANS, 

et  excîceroit  la  curiosité,  parce  qu'on  espéreroit  y  apprendre  des  choses 
inconnues.  L'homme  a  un  si  grand  désir  de  savoir,  qu'il  çst  en  quelque 
sorte  à  Tafï&t  de  tout  ce  qui  paroit  de  nouvelles  publications  en  ce  genre. 
L'auteur  qui  nous  présente  des  détails  sur  un  pays  voisin  du  n6tre,  ne 
doit  pas  s'attendre  à  un  semblable  accueil  :  cependant  son  ouvij|ffe  peut 
n'être  pas  sans  mérite ,  s'il  décrit  des  contrées  remarquables  par^^s  pro- 
ductions et  par  l'industrie  de  ses  habitai».  Tel  est  celui  dont  nous  allons 
rendre  compte,  qui  traite  du  pays  situé  entre  Rhin  et  Meuse.  Ce  pays 
comprend  un  espace  assez  étendu ,  borné  au  sud  par  Liège  et  Bonn ,  et 
au  nord,  par  Wesel  et  Niniègue;  les  deux  fleuves  allant  dans  cette 
direction  jusqu'à  une  grande  dislance ,  pour  se  jeter  ensuite  sur  la  gauche , 
c'est-à-dire  vers  Fouest,  avant  de  se  réunir.  Cet  espace  formoit  précé- 
demment le  département  de  la  Roer,qui,  par  lui  singulier  rapproche- 
ment, avoic  une  population  de  sept  cent  mille  âmes,  et  sept  cent  mtU» 
hectares  de  terre. 

L'nuieur  n'a  point  é^1bli  de  division  pour  son  livre;  mais  il  a  choisi  la 
tnanièri:;  de  raconter  par  lettres,  vbulant  conduire  son  lecteur  successive- 
ment dnns  chacun  des  principaux  lieux  qu'il  visite.  Nous  ne  sommes  point 
dans  l'intention  de  le  suivre  p<i»>à  pas;  seulement  nous  dirons  quelque 
chose  des  principaux  objets  sur  lesquels  il  a  le  plus  insisté. 

«  Le  climat,  dit  l'auteur,  est  tempéré,  mais  iiumide;  les  trois  quarts 
»  de  la  contrée  sont  en  plaines  ;  la  partie  montueuse  descend  des  coteaux 
»  appelés  Fanges  (ou  Effangts],  jusqu'à  Aix-la-Gapelle  ;  les  Fanges, 
«que  Jufes-César  appeloit /'d/Wcj-  [eneflet,  ils  sont  mouillés  et  maré- 
»C3geiix,  quoiqu'élevés),  sont  une  continuation  des  Axdennes,  et  n'ont 
»que  jjo  toises  [700  mètres  ou  environ]  au-dessus  du  niveau  de  la 
»  mer. 

»  LaRoer,à  laquelle  les  suintemens  des  Fanges  donnent  naissance, 
»  se  jette ,  après  un  cours  de  trente  lieues ,  dans  la  Meuse  à  Ruriemonde. 


JUIN   1819.'  377 

de  distance  d'Eschweiler ,  sans  parler  du  moiif,  qiie  sans  doute  il  ne  con- 
noissoit  pas  ;  c'éloil  afin  d'accoutumer  fes  fabriques  du  pays  à  se  servir  des 
.  faines  de  nos  mérinos  français ,  pfuiôt  que  de  n'employer  que  des  laines 
saxonnes.  Cet  établissement,  auquel  j'ai  eu  quelque  part,  a  été,  comme 
beaucoup  d'autres,  détruit  par  les  troupes  étrangères.  Les  propriélaires 
de  la  contrée  y  ont  gagné  du  goût  pour  ce  genre  d'amélioration. 

Les  !■  anges,  dont  il  vient  d'être  question ,  sont  la  partie  la  plus  mau- 
vaise du  déparlement  ;  le  sul  n'est  qu'une  lande  marécageuse ,  qui  repose 
sur  un  fond  argileux;  il  procure  aux  habilans,  pour  leur  chauflàge,  uno 
tourbe  qui  ne  leur  coûte  rien.  Les  manufactures  elles-mêmes  tirent  un 
grand  parti  de  ce  combustible;  mars  ils  le  payent  bien  cher,  puisque 
c'est  aux  dépens  de  la  salubrité  du  pays.  Toute  l'année ,  il  y  règne  des 
brouillards  au  lever  et  au  coucher  du  soleil  ;  en  hiv,er ,  les  neiges  s'y  en- 
tassent. Les  chemins  y  sont  difficiles,  i  cause  des  marécages  et  des  troui 
qu'y  font  les  fi^uilles  de  tourbe;  nombre  d'infortunés  y  ont  péri.  Conçoit- 
on  que  là  il  se  soit  formé  une  ville  (  Montjoie  )  de  trois  mille  cinq  cent» 
âmes,  et  qu'on  y  compte  cinquante-neuf  manufactures  de  drap  et  de 
Casimir ,  dont  les  produits,  confondus  quelquefois  avec  ceux  des  ver- 
reries, vont  en  France,  en  Italie,  en  Espagne,  en  Pologne,  en  Turquie, 
en  Russie,  en  Afrique  et  dans  le  nouveau  Monde!  C'est  vraisemblable- 
ment à  cause  de  la  qualité  de  l'eau  de  la  Roer.  Des  avis  ont  été  ouvert* 
pour  dessécher  ce  triste  pays ,  qui  peut  avoir  dix  lieues  de  longueur  sur 
deux  de  largeur;  mais  les  liabitans  auroient  eu  de  la  peine  h  y  consentir, 
par  cela  seul  qu'ils  trouvent  leur  cliaulTage  et  quelques  malheureux  pâtis 
pour  les  besdaux. 

De  Monijoie ,  l'auteur  s'est  porté  à  Dureji ,  jolie  ville  de  trois  mille 
âmes  sur  la  Roer,  i  quatre  lieues  deJuliers,  à  sept  de  Cologne  et  à  huit 
d'Aix-la-Chapelle  ;  elle  est  environnée  de  fabriques  et  d'usines.  Depuis 
sa  réunion  à  la  France,  ses  manufactures  de  drap  avoient  augmenté 
du  double,  et,  malgré  l'introduction  des  mécaniques,  seize  mille 
ouvriers  y  étoient  employés.  L'auteur  remarque  que  les  désastres  causés 
par  fes  guerres  dans  ce  pays,  n'y  ont  pas  laissé  plus  de  traces  qu'un 
riolent  orage. 

Deux  lettres  sont  consacrées  à  fa  ville  de  Cologne ,  remarquable  par 
son  ancienneté ,  ses  montunens  et  sa  positron.  £Ile  est  placée  sur  la  rive 
gauche  et  au  bord  du  Rhin ,  à  six  lieues  au  dessous  de  Bonn.  L'auteur  en 
donne  une  notice  historique  que ,  sans  doute,  il  a  puisée  dans  ses  archives , 
ou  dans  quelque  écrit.  Composée  de  huit  mille  maisons  et  ayant  trois 
milles  de  circuit ,  el!e  ne  compte  que  quarante  cinq  nulle  habilans  ;  dans 
son  euceinie  il  y  a  des  jardins ,  des  vergers,  et  des  vignes  même ,  qui  ne 

Bbb 


37^ 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


Jaiîsetil  paï  que  de  donner  beaucoup  de  vin.  C'est  le  dernier  endroit  où, 
en  allant  au  nord ,  on  en  récolle  ;  mais  ce  vin  n'a  pas  à  beaucoup  près 
la  qualité  de  celui  de  la  rive  droite  de  ce  fleuve ,  du  côlé  de  Mayence. 
Lncatliédraleesi  un  beau  morceau  d'architecture,  qui  seioit  une  merveille, 
ti  les  travaux  et  perfection tiemeii5  projetés  eussent  éle  achevés.  Les 
vitraux  de  celle  église  sont  peints  avec  une  grande  pureté  de  dessin  el 
de  coloris  :  c'est  une  des  choses  qui  nous  ont  le  plus  frappés  dans  un  des 
voyages  que  nous  avons  faits  h  Cologne. 

L'auteur,  de  celle  dernière  ville,  cojiduit  son  lecteur  Scelle  de  Briihl, 
bîeii  biiie,  ayant  une  population  de  quatre  mille  aines;  on  y  vient  de 
Cologne  en  parties  de  pfaisir;  le  canton  y  produit  du  vin  médiocre,  maïs 
f^eaucoup  de  grains;  de  là  aux  champs  et  aux  environs  de  lolblac,  si 
célèbre  dans  l'histoirç  de  France  depuis  la  bataille  que  gagna  Clovis  ;  au 
canton  de  Juliers ,  qui  est  de  la  piui  grande  fertilité ,  et  à  Crevelt ,  ville 
remplie  de  m.inufnctures  intéressantes,  et  où  il  y  a  une  activité  indus- 
trieuse. Parvenu  i  Neuss,  il  s'attache  à  faire  connoifre  les  travaux  faîls, 
sous  (es  Français,  pour  joindre  le  Rhin  à  la  Meuse,  Ce  canal,  d'une 
belje  conception  ,  a  s  J,  '  2f>  mètres  de  longueur  sur  60  mètres  de  largeur  . 
totale  ,  ayant  2  mètres  60  centimètres  de  profondeur  d'tau. 

Lorsqu'il  s'agit  de  la  ville  de  Clèves,  avant  de  parler  de  son  histoire, 
rfe  son  château,  de  son  parc,  de  ses  promenades,  l'auieur  rappelle  un 
triste  événement,  dont  les  effets  nous  sont  d'autant  plus  connus,  que  nous 
avons  été  chargés  de  les  constater  ;  c'est  un  débordement  du  Rhin  qui , 
au  milieu  de  l'hiver,  étant  surchargé  de  glaces,  romi)it  quelques-unes 
de  ses  digues.  Des  villages  entiers  furent  emportés  ;  beaucoup  d'habilans 
et  de  bestiaux  y  périrent.  Les  hommes  ,  montés  sur  des  arbres,  fatigués 
par  un  vent  impétueux  et  ne  pouvant  plus  se  reiejiir  aux  branches,  parce 
que  leurs  mains  se  geloient,  toniboient  dans  l'eau  et  disparoissoîent. 
Au  milieu  de  ces  malheurs,  une  lille  de  dix-sept  aru,  forte  et  courageuse 
(  Jeanne  Selius  )  ,  après  aviir  sauvé  sa  mère  inârme,  ne  put  résister 
aux  cris  d'une  mère  et  de  i^es  enfans ,  qui  demandoieni  le  même  secours. 
Malgré  Iç  danger  presque  cer'ain  iiu(,uel  elle  allait  s'exposer,  malgré 
les  efforts  qu'on  fit  pour  l'en  détourner,  elle  se  précipita  de  nouveau 
dans  les  flots,  et  disparut  au  grand  regret  de  ceux  qui  admiroient  sa 
généreuse  action.  Un  monument  lui  3  été  élevé  auprès  du  lieu  où  elle 
a  perdu  la  vie. 

Le  Voyage  dont  nous  venons  de  donner  une  foible  esquisse,  est 
terminé  par  une  récapitulation  du  produit  de  l'agriculture  et  de  l'industrie 
des  pays  qui  en  sont. l'objet  ;  voici  comment  l'auteur  s'exprime  dans 
une    récapitula  lion    de    l'iiidustrie     du     pays  :    «  Ccmbitn    d'ouvriers 


I 


JUIN   l8l^  57> 

»  travaillent  dan^  les  vingt-sept  exploitations  de  houiflâ  sèche  et  bitu- 
9  mineuse  ,  dans  celles  de  la  terre  d'ombre  et  dans  tomes  les  tourbières  !^ 
^j  Ici  Ion  tire  annueUemeri(t cent  quatre-vingt  mille' quintaujtf  niétriquetfi 
3^  d'excelfent  fer ,  et  on  l'expfofte  dans  vingt  établisfemenÉr  ;  là  on  extrait  ^ 
30  on  bocarde,  on  fond  le  plomb  du  Bléyberg ,  doixit  le  gisement  fest  uii» 
y»  des  plus  riches  de  l'Europe  ;  ailleurs  huit  mille  individus  attachent  id' 
>»  calamine  à  la  terre ,  ou  s'en  servent  .dans  le»  fabriquer  de  laiton  de* 
»  Stolberg.  Figurez-vous  tous  ceux  qu'occupeilt  les  pierres <ie  taîHe,.Ies» 
»  pavés,  Ies<:haux,  Icsurdoises,  la  faïence,  les  potertes,  les  briques  et 
»  les  tuiles.  Si  je  parlois  de  la  richesse  minérale  relative,  ou  de  celle  des 
3» produits  qui,  pour  devenir  marchandises,  exigent  ie  concours  de^- 
35  mines  et  des  usines,  combien  d'établissemens  ftudroit-il  passer  en 
w  revue î. Le  pays  entre  Rhin  et  Meuse  a  dix  mille  ouvriers'  da^s  trois 
»  cent  trente-quatre  fabriques  qui  emploient  des  matières  du  règne 
»  minéral.  Au  premier  rang  il  faut  placer  les  aiguilles  d'Aix-la-Chapelle 
»  et  de  Borcetie ,  qui  rivalisent  avec  celles  d'Angleterre  ;  les  épingles  à 
M  tête  coulée,  le  sel  ammoniac,  le  bleu  de  Prusse,  lacéruse',.la  coupo' 
»  rose  ,  et  tant  d'autres  qu'il  seroit  trop  long  d'énumérer. 

3>  Lerègne  végétal  fournit  la  matière  première  à  treize  cent  quatre- 
-vingt-quatre manufactures  où  sont  dix-sept  mille*  ouvriers.  On  doit 
3>  distinguer  dans  cette  classe  les  beaux  tissus,  toiles  de  lin  et  nappagj^s. 
3>  damassés,  les  tissus  de  coton  variés  dans  leurs  couleurs  et  adaptés  aur 
»  goût  des  consommateurs,  les  papeteries,- les  dentelles, -les  essais* 
>>  d'indigo  indigène ,  les  fabriques  de  sucre  de  betterave,  celles  où  les' 
^>  plantes  oléagineuses  donnent  l'huile  pour  les  besoins  des  manufacturo^ 
^>  et  de  l'économie  journalière ,  de  nombreuses  savonneries ,  une^grande 
x>  quantité  de  distilleries  de  grains  et  de  pommes  de  terre  >  les  brasseries 
»  multipliées  qui  suppléent  au  manque  de  vighoblès. 

3>  Aix-la-Chapelle,  Borcette,  Montjoîe,  Roétgen,  Ingenbroich,  Stol- 
»  berg,  Cornely-Munster,  Duren,  Heinsberg,  Crevelt,  Orsoy,  Lobbe- 
»  rich,  Cologne,  Clèyes ,  &c. ,  façonnent  des  draps  et  des  casimirs  d'uno 
»  finesse  extrême,  qui  s'écoulent  dans  les  deux  mondes,  et  qui  occupent 
x>  quarante  mille  ouvriers  ;  il  en  est  beaucoup  dans  les  chapelleries. 

>^  Il  règne  une  grande  activité  dans  les  ateliers  du  dépôt  de  mendicité 
»  et  des  maisons  de  charité  publique. 

»  Depuis  cinq  ans,  trois  cents  fàbricans  de  la  rive  droite  du  Rhin  sont 
»  venus  s'établir  dans  la  Roer;  leur  indublrie  se  porte  particulièrement 
3>  sur  les  toiles  peintes ,  lés  lacets  et  rubans  de  fil ,  la  taillanderie  et 
)>  quincaillerie,  et  les  filatures  de  laine  et  coton  dont  le  nombre  s'est 
»  accru  rapidement,  n 

Bbb    a 


38a  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

Non  content  d'avoir  traité  des  points  historiques  dans  le  cours  dts 
lettres  »  l'auteur  en  traite  encore  et  plus  au  long  dans  des  notes ,  qu'il  si 
rejetées  à  la  fin  du  volume  et  qu'on  lit  avec  p  aisir. 

Ce  Voyage  doit  présenter  de  Tîntérét  à  ceux  qui  font  cas  des  arts  et 
des  pays  où  ils  sont  en  pleine  activité.  S'il  se  inéie  quelques  regrets  k 
la  perte  d'une  contrée  devenue  aussi  florissante ,  on  a  au  moins  fa  conso- 
lation d'avoir  contribué  à  sa  prospérité  :  une  nation  civilisée  et  généreuse 
ne  peut  avoir  une  autre  pensée. 

TESSIER. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 

SOCIÉTÉS    LITTÉRAIRES. 

La  société  des  amis  des  «cicncfç,  des  lettres,  de  ragrîcultnre  et  des  arts  ^ 
établie  a  Aix,  département  des  Bouches-du-Khûne^  a  publié  ie  programme 
•uivant  : 

«c  1.  Prix  de  physique.  La  société,  désirant  favoriser  les  fabriques  de  soude 
et  d*acide  sulfurione,  et  concourir  n  remplir  les  vues  bienfaisantes  du  Couver* 
nenient ,  en  cherchant  à  concilier  avec  ces  deux  i)ranches  de  l'industrie  fran- 
çaise rintiret  de  l'agriculture  et  la  salubrité  de  l'air,  propose  un  prix  de  la 
valeur  de  trois  cents  francs  »  qui  sera  décerné,  dans  sa  séance  publique  du  mois 
de  mai  1820,  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  destiné  à  résoudre  la  question 
suivante  : 

»  Peut-on  remédier  aux  inconvéniens  résultant  des  vapeurs  on  gaz  corrosifs 
et  délétères  qui  s'exhalent  de  ces  fabriques  ,  dans  l'acte  de  ia  décompositîoa  du 
soufre  et  du  muriare  (hydro-chlorate)  de  soude  ou  sel  marin,  par  iesagens 
dont  on  se  sert!  Le  peut-on,  soit  en  op'rant  dans  des  vaisseaux  clos,  lOÎC 
autrement,  de  manière  que  ces  émnnaiions  soient  parfaitement  coërcées  ou 
neutralisées,  et  ne  puissent,  en  aucun  temps,  ni  incommoder  les  propriétaires 
et  habitans  \oisins  de  ces  fabriques,  ni  leur  c«iuser  aucun  dommage!  Les 
personnes  qui  voudront  répondre  à  cette  question,  seront  tenues  de  détailler  les 
expériences  sur  les(|uelles  sera  fondée  leur  réponse,  et  de  décrire  exactement  les 
appareils  et  les  matériaux  qu'elle;  auront  employés  dans  leurs  recherches. 

»  II.  Prix  de  littîrature.  La  société  propose  l'élosfe  de  Vauvenargues . 


mai  1820.  Les  mémoires  pour  les  deux  concours  ci-dessus  seront  reçus  jusqu'au 
31  ma^s  i8ao  inclusivement,  terme  de  rigueur. 


,      .  ipte  

tances  et  du  succès  des  épreuves  qu'il  aura  faites  du  pl&tre  [  sulfate  de  chaus}i 


JUIN   1819.  4S1 

fomme  engrais.  La  contenance  des  terres  qui  y  seront  Houmtees ,  doit  être  an 
moins  de  vingt-cinq  ares  (  environ  une  carterée,  ancienne  mesure  d'Aîx  J,  tant 
en  prairies  qu  en  terres  labourables.  Les  mémoires  seront  reçus  jusqu'au  3 1  man 
1820  inclusivement 9  terme  de  rigueurT  —  Un  prix  de^a  même  valeur  sera 
décerné,  à  la  même  époque,  ou  plus  tard,  si  les  circonstances  Texigent,  à 
l'agriculteur  qui  aura  planté  ou  greflTé  avec  succès  le  plus  grand  nombre  d'a- 
mandiers, des  espèces  ou  variétés  connues  pour  être  les  moins  sensibles  aiui 
gelées  du  printemps ,  qui,  presque  chaque  année,  détruisent  ou  diminuent  dos 
récoltes  d  amandes. 

^  »  Le  nombre  des  plants  d*amandier  des  espèces  ou  variétés  privilégiées,  pour 
être  admis  au  concours ,  ne  doit  pas  être  au-dessous  de  deux  mille  ;  et  le  prix 
ne  sera  délivré  qu'après  qu'il  aura  été  vérifié  par  des  commissaires  de  la  société» 
que  ces  nouveaux  plants,  ayant  fleuri  beaucoup  plus  tard  que  la  généralité  de 
ceux  de  l'espèce  commune  existant  dans  le  voisinage  et  à  la  même  ex^sitîon^ 
ont  été  mis  par-là  hors  de  l'atteinte  des  frimas  du  printemps.  La  société  différera 
d'un  ou  deux  ans  de  décerner  le  prix,  si  les  arbres  d'une  pépinière  faite  pour 
participer  au  concours  ne  se  trouvoient  pas  encore  en  âge  de  fleurir  à  l'époque 
fixée  ci-dessus.  —  La  somme  de  deux  cents  francs,  ou  une  médaille  d'or  de  la 
même  valeur,  sera  décernée  au  propriétaire- agriculteur  qui,  à  l'époque  du  31 
mars  1821 ,  aura  cultivé  avec  le  plus  d'étendue  et  de  succès  la  garance  [Rubia 
tinctorumj  j  dans  le  territoire  d'Aix,  où  cette  plante  si  importante  pour  la 
teinture  n'est  pas,  à  beaucoup  près,  aussi  propagée  qu'elle  mérite  dp  l'être. 
Lts  concurrens  auront  soin  de  justifier  légalement  de  l'exacte  vérité  des  détails 
du  compte  qu'ils  rendront  de  leurs  opérations  et  des  succès  qu'ils  auront  obtenus. 
Leurs  mémoires  et  certificats  seront  reçus  jusqu'au  31  mars  1821 ,  terme  de 
rigueur. 

»  Pour  être  admis  aux  concours,  les  divers  mémoires  et  certificats  doivent 
être  adressés,  francs  de  port,  au  secrétaire  perpétuel  de  la  société  académique» 
à  Aix,  département  des  Bouches-du-Rhônc,  à  qui  ils  devront  être  parvenus  i 
l'époque  nxe  du  31  mars  de  chaque  année  désignée  pour  terme  des  concoun. 
Les  membres  résidans  de  la  société  sont  seuls  exclus  des  concours.  Les  con- 
currens sont  invités  i  joindre  à  leurs  mémoires  une  épigraphe  on  devise,  qu'ils 
répéteront  dans  un  billet  cacheté,  renfermant  leurs  nomt  et  leurs  adresses» 
lisiblement  écrits.  Ce  billet  ne  sera  ouvert  que  dans  le  cas  où  le  mémoire  auauef 
il  se  trouvera  attaché  aura  remporté  le  prix  ou  un  accessit.  Gibtlin,  D.Al>» 
secrétaire  perpétuel,  » 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Epjgrammes  de  AI,  Val,  Martial;  traduction  nouvelle  et  complète,  par 
feu  E.  T.  Simon,  ancien  bibliothécaire  du  Tribunat,  &c.,  avec  le  texte  latin» 
des  notes  et  les  meilleures  imitations  en  vers  français,  depuis  Cl.  Mârot  fusqu'à 
nos  jours;  publiées  par  le  général  Simon,  fils  de  l'auteur,  et  par  M.  Auguit. 
Paris,  chez  Guitel:  tome  L«%  iVA*  Prix,  7  fr.  50  cent.  L'ouvrage  aura  3  voL 

Les  Animaux  varlans ;  poème  épique,  en  25  chants,  de  J.  B.  Casti  ;  traduit 
librement  de  l'italien  en  vers  français,  par  L.  Mareschal.  Paris,  Brissot-l  hivars» 
imprimerie  de  Didot  jeune  ;  2  vol.  in-S.'  Prix,  î.4  fr,  —  II  cxistoit  déjà  uoe  tia-^ 


3Sa  JOURNAL  DES  SAVANS, 

diiciion  de  ce  p(9ème  italien  en  prose  française,  par  M.  Pagaoel,  imprifl!ré# 
à  Liège,  en   1818,  en  3  vol.  //1-/2. 

Camoins,  ode  par  M.  Kaynouard,  avec  la  traduction  de  M.  Francisco  Ma- 
nnel  (dhfîlirurlilvsin  ).  Paris,  imprimerie  de  Bobée, //.-y/ d'une  feuille  un  qiiArf. 

Choix  à'i's  jwsiis  cri^i'uilcs  des  tn ubadours ,  par  M.  Kaynoiiard,  membre  de 
rin«tiiiit,  &<:.;  lonus  11  ei  III.  (Le  tome  L^',  publié  en  1816,  contient  le» 
preuves  lii'.tori  Trf>  do  Pancionnetc  do  la  langue  romane,  les  éléniens  degrant"- 
njnire  romane,  l^c.)  Paris,  impr  er  libr.  de  Pirmin  Didot;  trois  forts  volumes 
in-Sj'  —  On  a  rondii  compu*  d  premier  vi^lumo  do  co  recueil  dans  les  cahier» 
dn  Journal  des  Savans  do  r.o\.  mhrc  1816  or  iv.iilot  i^i"!".  Nous  nous  proposons 
de  faire  connoiîro  lo>  dcii\  dorniv.*»^^  dans  Tui)  de  nos  prochains  cahiers.  M.  Ray- 
nouard  a  placé,  à  la  ii\c  dw  tomo  11,  uno  ilissortaiion  sur  les  Cours  d*aniour. 

Fdl'Ls ,  p.2r  A!,  Ltjron  de  Suis.-,  rr ,  Ù^c.  ;  troisième  édition;  imprimerie  de' 
Firmin  Dulot,  tlu/  A. on^,io, ///-/.    0  i.\6  |).it;os,  a\ec  une  gravure. 

SJIitji ,  îiiiijcdic  011  cinq  ôctos,  p.u  l.  1  ii^ury  Hcïiich  ;  ro présentée  pour  la  pre- 
mîôro  lt»j>  sur  le  prnnd  th'.iiro  do  l" •■iii..ir.,\ ,  le  3  décembre  i8ib.  Bordeaux, 
iniprim  r'w  dç  I3^o$^ior,  ///-,■»'/ de  [  Lîiillo-. 

Jran  0  d'Arc,  tragédie,  par  .\1.  li'Avri^ny.  Paris,  in-f*.*,  3  fr.  Ce  poème, 
repiése-né  avec  succès  au  théâtre  t'raniais,  sera  l'objet  d'un  article  dans  l'an  dfe 
no   prochains  cahiers. 

D.-s  Proverifs  drjmdtiques ,  par  M.  Cîos^e, auteur  de  la  comédie  da  MédRant, 
paroliropt,  au  commontomcnt  de  juin,  chez  Ladv«*cat;  ils  formeront  2  vol. 
iii'S/ ,  dont  le  prix  sera  de  10  fr.  pour  les  souscripteurs,  et  de  12  fr.  pour  lès 
non-<ouscri'.;tours. 

Discours  d'ouverture  du  cours  d'histoire  et  de  rnordle  au  Collège  royal  de  France  , 
prononce,  le  mardi  13  avril  1819,  par  AL  Daunou,  «kc.  Paris  »  imprimerie  de 
Plassan,  clie/.  Foulon,  in-S,^ 

AL  Bobéo,  imprimeur-libraire,  rue  de  la  Tabletterie,  n.®  9»  qui  a  acquis  le» 
ouvrages  pnbiit's  et  inodit'i  do  AL  Clavier,  vient  de  publier  le  prospectus  du  troi- 
sième volume  du  Pdusjnius,  actuellement  sous  presse.  Le  prix  de  ce  vol.  sera 
de  10  Ct.  en  papier  ordinaire,  et  do  20  tV.  en  pauier  vilin ,  pour  les  souscripteurs. 

Le  mémo  libraire  va  pu!)lier  incessamment  pno  nouvelle  édition  de  VHistoire 
des  tiwps  primitifs  de  la  Grèce,  pour  laquelle  on  souscrit  également  chez  lui«  Le 
prix  des  2  vol.  in-S/  sera  de  13  fr.  pour  les  souscripteurs. 

J-listxire  de  il  répulHque  de  Venise ,  par  P.  Daru,  de  Pacadémie  française. 
Paris,  impr.  et  librairie  de  Firniin  Didot;7  vol.  ///-i^/^  ensemble  de  287  feuilles, 
plus  8  planches,  Prix,  60  fr. 

l  iede  Poii^'io  Briicciolini ,  sccrétciire  dos  papes  Boniface  IX,  Innocent  VII, 
Grégoire  Xll,  Alexandre  V,  Jean  X\  III ,  Alartin  V,  Eugène  IV,  Nicolas  V, 
prieur  des  arts  et  chancelier  ue  la  république  de  Florence,  par  W.  Shepherd; 
traduite  de  Tanglais,  avec  des  notes  du  traducteur.  Paris,  Impr-  de  rîrmîn 
Didoi,  chez  Verdière,  in-S."  de  436  page*.  Prix,  6  fr.  Cette  traduction  est  de 
M.  de  l'A. .à  qui  Ton  doit  celle  des  Antiquités  romaines  de  M.  Adam,  dont 


-^ ique  par 

qui  aiiia  1  ^  vol.  in-iz,  paroltra  chez  Aug.  De!al::in.  Le  prix  de  la  souscrfplidii 

est  de  Al  Ijr. 


JUIN   1819^  383 

J nfl Ut nce  des  sciences  sur  V humanité  des  peuples  ;  discours  prononcé  dans  la 
séance  publique  des  quatre  académies ,  le  24  avril  1819,  par  Ch.  Dupir^  niea.ibre 
de  rjnstitut.  Paris,  inipr.  et  librairie  de  Firmin  Didot,  in-S,"  de  32  pages. 
*  Ensayo  de  una  memoria  sobre  un  nuevo  metodo  de  med'ir  las  montanas  por  medio 
dei  termometro  y  el  agua  hirciendo  :  seguida  de  un  apendice  ,  &c.;por  D.  Fr, 
José  Caldas.  Bordeaux,  Lawalie  jeune,  /n-4.*  de  5  feuilles  et  demie. 

Cours  de  phytologie  ou  de  botanique  générale;  par  Aubert  du  Petit-Thouars, 


les  yeux  de  l'auteur,  avec  des  corrections  et  des  additions;  urt  vol.  in-S.^  Vrït^ 
7  fr. ,  et,  franc  de  port,  8  fr.  50  cent.  A  Paris,  chez  Pierre- Dufart,  libraire, 

auai  Voltaire,  n.®  19.  Nous  nous  proposons  de  rendre  compte  de  cet  ouvrage 
ans  l'un  de  nos  prochains  cahiers. 

Des  maladies  de  la  vessie  et  du  conduit  urinaire  chez  les  personnes  avancées 
en  âge;  par  le  docteur  Najiche  ;  seconde  édition.  Paris,  impr.  de  Lotirn,  chei 
Colas  et  Gabon ,  in-12  de  1 2  feuilles. 

Complément  de  la  théorie  des  équations  du  premier  degYé,  conî«iant  de  nouvelles 
formules  pour  résoudre  ces  équations,  et  une  discussion  géncrale,el  aussi  nouvelle, 
et  tous  les  cas  singuliers  qu'elles  peuvent  présenter;  suivi  d'un  t-aité  des  diffé- 
rences et  de  l'interpolation  des  séries,  formant  un  supplément  aux  premiers  élé- 
mens  d'algèbre;  par  P.  Desnanot,  censeur  au  collège  royal  de  Nancy:  un  vof. 
in'S°  Prix,  4  fr.  jo  cent.,  et  5  fr.  50  cent,  franc  de  port.  A  Paris,  chez  Volland 
le  jeune,  libraire,  quai  des  Augustins,  n.*  17. 

Le  Christianisme  de  Montaigne,  ou  Pensées  de  ce  grand  homme  sur  la  reli- 
gion, par  M.  L.***  Paris,  rmpr.  et  libr.  de  Demonville,  i/ï-^/  de  600  pages. 
Prix,  7  fr.,  et  9  fr.  franc  de  port. 

ITALIE. 

Vita  di  Giacomo  Sanna^aro,  dT'c;  Vie  de  J.  Sanna^ar,  poète  napolitain. 
Naples,  1818,  in-S.^  ..•■.,  ^ 

Viaggio  ifc;  Voyage  à  Surinam,  dans  l'intérieur  de  la  Guiane;  traduit  de 
l'allemand  de  Stedman.  Milan  ,  impr.  et,  librairie  de  Stella,  4  v^'-  iif-^-'j  3veç 
planches. 

Trattato  ifc^;  Traité  de  la  liberté  politique,  par  Battista  Guarini.  Venise^ 
imprimerie  d'Andreola;  7>7-<9.^  de  120  pages. 

Colle-^one  ifc  ;  Œuvres  complètes  d'Akx,  Volta,  Florence,  chez  Piatti,  troif 
tomes  en  5  vol.  in-S,",  avec  planches. 

Osservationi  iXc.  ;  Observations  météorologiques  et  nosclogiques ,  faites  dafS  \% 
ville  de  Modène  depuis  1787  jusqu'à  1814,  publiées  par  Ani.  Fontinià 
Modène,   18 18,   in-S." 

Lettere  familiari  i7c.  ;  Lettres  familières  astronomiques  du  comte  Giacomê 
Filiasi.  Veriise;  Alvisopoli,  in-S.",  avec  des  planches. 

ANGLETERRi;. 

On  the  origtn  ife.  ;  Dt  l'origine  et  des  vicissitudes  de  la  littérature,  des  sciences 
^des  arts,  et  lear  influence  sur  l'état  actuel  de  la  société;  parW.  Roécoe.  Liver- 
fooJ,  1818,  brochure  in-S,' 


'yH 


JOURNAL  DES  SAVANS. 


■  Il 


Essay  ifc.  /  Estai  sur  différent  ohjtls  qui  ont  rapport  au  goût;  par  G.  Sicwan 
MacU-iritc.  Londres,  Longnian,  in-S." 

The  Miaistnli'e.;  U  liarjeiie  Cleu ,  ci  aa(r«spoènic!;  par  Henri  Sieb&îng, 
Londres,  Longnian;  1818,  in-S.' 

Tht  Dream  ofyouih  ;  It  Songe  dt  lajeunetsi,  poème.  Londres,  CadcU,  in-B.* 
The  /Vi^l't,  tTc.  ,■  la  Nuit,  poème  descriptil'.  Londres,  1818,  in-S.' 
EUmtnts  of  mtdtcal  logick,  ifc;  Élément  de  logique  médicale,  fondés  fur 
l'expérience  ;  par  le  D.  Gilbert  Blanc.  Londres,  Sherwood  ,  iaS.' 

Pologne.  Ferite  Vartaviemet,  scu  Vindicise  liierarix  et  aliaqiiz  vacani 
»b  acadenikis  prslectionibus  scribebat,  mense  augiisto  anni  1818,  Sebaitianiii 
Ciampim.  Varsayia;,  lypi*  scholanim  piartim,  i8i8,  ;n-^,°  de  72,  pagei,  A  U 
suite  a'une  dédicace,  aare»sce à  M.  Sianiila^Foiockr,  et  de  douze  noces  relalivei 
i  cette  dédicace,  on  trouve,  I.'  des  observations  critique!  sur  les  Iragmens  de 
Dcnyî  d'Halicarnasse,  publiés  par  M.  Mai, et  sur  le  compte  que  feu  M.  Visconii 
a  rendu  de  cette  publication  dans  le  Journal  desSavans,  juin  liti?;  —  2.*  une 
ditSL-nation  crîiiquesur  l'Itinéraire  d'Alexandre  le  Grand,  publié  par  le  même 
M.  Mai  (voyez  journal  des  Savant,  juillet  1818,  aniclc  de  M.  Letronnc);  — 
a."  une  rcponse  aux  observations  de  M.  Raynouard ,  insérée*  dans  le  Journal  des 
Savans,  juin  1818,  et  relatives  à  la  dissertation  de  M.  Ciampi  sur  l'usage  de  la 
langne  italienne  depuis  le  V,' siècle;  —  4-''  uneeiplicatimi  d'un  passage  de  PI  ne 
l'ancien  sur  l'art  de  fondre  le  bronze  au  temps  de  Néron  ;  ce  quatrième  article 
csien  Italien,  et  tout  ce  qui  précède,  en  laitn. 


à  Paris, 


Nota.  On  peut  t'adressera  la  librairie  de  M  M .  Treuttel  «  Wûrtz,  1 
ruf  de  Bourbon,  n.*i^ ;  à  Strasbourg ,  rue  des  Serruriers;  ei  à  Londres,  n.'  jo, 
Soho-Sijuare ,  pour  se  procurer  les  divers  ouvragrs  annoncés  dans  le  Journal  des 
Savans.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE. 

Ptnties  dt  Plaiert  sur  la  religion,  la  morale,  la  poUtiijue,  recueillies 

et  traduites  par  AI.  J.  K  Leclerc.  {Article  de  M.  Letronne.  ). . .  Pag.  323. 
Histoire  littéraire  d'Italie,  par  M,  dnguené.  (  Second  antdte  de 

M.  Daunou.) 335. 

Codex  JVasareuj,  liber  Adami  appelîatus ,  s^riaci  transcrîptus ,  ifc, 

à  Matth.  Norberg.  {  Article  dt  M.  Silvestre  de  Sacy. } 343  . 

L'Alfabel  européen ,  appliauéaux  langues  asiatiques, par  C.  F.  Volnty. 

{  Ariicltdt  /W.  Abel-Rcmuiat.  ) 353. 

Proposition  dt  ijueljuts  corrections  et  additions  au  Vocabulaire  dt  la 

Cxusca,  i^c.  [Second aniclt  de  M.  Raynouard.) 364* 

Discours  sur  cette  question  :  Qu'est-ce  (juc  la  philosophie! /rononrf/e 

y  décembre  1818,  par  F.  Tburot.  (Article  de  M.  Cousin.) 371, 

Voyage  fait  en  181  jet  181  a.  dans  les  pays  entre  Meuse  et  Rhin.  (Article 

rf.  /ly.Tessier.) 37Î- 

JVouvelUt  littéraires , 3^°- 

FIN  DE  LA  TABLE. 


JOURNAL 
DES   SAVAIS. 

JUILLET     l8ip. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE    •    .  , 
1810. 


BUREAU  DU  JOURNAL  DES  SA  VANS. 

Monseigneur  le  GARDE  DES  SCEAUX,  Président. 

M.  Dacifr  ,  de  l'IoMitut  foyaj  de  France,  ircréiaite  perpétuel 
d^'académii'  de»  in  icriptioni  ci  belles-letire». 

M.  W Baron  SilVEstre  DE  SACY.de  l'Jnstiiul  royal  de  France, 
acadcmie  des  inscripncns  et  belles-lettres. 

M.  CosSLLLIN,  de  I  Iniiiiut  royal  de  France, académie  deiins- 

icripcioni  tt  helieî-leitres. 
M.  CuviER  ,  conseiller  d'état,  le  l'Institut  royal  de  France, 
tecrét.-iire  perpétuel  de  l'académie  d»  ïcîences,  et  membre  de 
l'acadérafe  française. 
f  M.  DAiPNou.del'lnstitut  rnyal  deFrance, académie  des  infcrip- 
;ohi  ei  belles-lettres ,  édiieur  du  Journal  et  secrétaire  du  bureau. 
ÎESSlEB.dc  rinsritui  royal  de  France,  académie  des  sciences. 
QuATREMÈRF.  Dt  QuiNCY,  de  l'Institut  royal  de  France, 
;crétajrc  perpi-iuel  de  l'acadt'niie  des  beaui-arii ,  et  membre  de 
elle  des  inscriptions  et  belles-lciires. 

BioT,  de  l'institut  royal  de  France,  académie  des  sciences. 
VANDERBOtJftG,  de  i'In^iitui  royal  de  France,  académie  de* 
inscriptions  et  bellis-letires. 
M.  Kaynou  \Ra,  de  l'institut  royal  de  France,  seci 
pétuel  de  l'académie  française, et  membre  de  l'acadcr 
criptions  et  belles-lettres, 
M.  Kaoul-Rochette,  de  l'Institut  toyal  de  France,  académie 

des  inscriptions  et  bel  les- lettre  s. 
M.  CnitY,  de  l'insiiiut  royal  de  France,  académie  des  inscrip- 
tions et  belles-letires. 
M.  V.  Cousin,  mahre  de  conférences  à  l'École  normale. 
M.  Letaonne,  de  l'Institut  royal  de  France,  académie  dei 

inscriptions  et  belles-lettres. 
M.  DuLONC  ,  professeur  de  physique  et  d«  diimie  à  l'École 

royale  d'Alfort, 
M.  A6EL-RiM[}SAT,  de  l'Institut  royal  de  France,  académie  des 
inscriptions  et  belles-letires. 


M. 


e  per- 


Le  prix  de  Tabonnement  au  Journal  des  Savans  en  de  36  francs  par  an, 
et  de  40  fr.  parla  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne  chez  MM.  Trfuiitl  tt 
VTùrt^,  à  Paru ,  rue  df  Bourbon ,  n.°  1? ;  h  Strasbourg,  rue  dts  Serrurim,  eiii 
Ijtadrts,  n.'jo  Scho-S^uarf.  il  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Tout  ce  qui  peut  concerner  les  annonces  à  insérer  dons  ce  journal, 
lettres  ,  dvis ,  mémoires ,  livres  nouveaux,  &c.  doit  être  adressé , 
fRASC  DE  PORT ,  au  bureau  du  Jounifii  des  •Sayuns^,^ Paris,  rue 
p iJllMéftl- montant .  n.*  22. 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 

JUILLET     1819. 


Karamania.  or  a  brief  Description  oj  ihe  south  Coast  o/Aslû 
miiior,  &c.:  c'est  à-dire,  Caramanie ,  ou  courte  Description 
de  hi  côte  me'riMonalc  de  l'Asie  mineure ,  &c.  tivce  des  phi  ris , 
des  vues,  une  carte,  &c.  ;  par  Francis  Beaufort.  Loml/es, 
1817,  in-8.'  de  300  pages. 


SECOND     ARTICLE. 


No 


N  OUS  avons  taissé  le  capitaine  Beaufort  à  l'ancienne  Trajûnopofis  ou 
StlJnonle.  En  coniinuanl  de  s'avancer  de  f'ouesi  k  l'tst,  on  renconire 
d'abord  des  ruines,  placées  au  pied  d'une  montagne  fort  escarpée  qui 
doit  èire  le  Cragus  de  Cilicie;  cei  ruines  appartiennent  prohablemenl  ^ 

Ccc   â 


i 


388  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Afitiochia  ad  Cragum.  Tout  près ,  sont  deux  petites  îles  que,  d*après  feur 
pu!>itîon ,  je  soupçonne  être  les  Aconnrsiéc  insulœ,  situées ,  selon  les  acte» 
de  S.  Barnnhas.un  peu  en  i\\z\\iA\4nertturium  (i).  On  arrive  ensuite  à 
une  petite  rivière  nommée  Charadran,  c'est  le  Ckaradràs  de  Strabon-; 
enfin  nu  cap  Anamour  /  Ahemurium  promcntorium  ]  ^  le  plus  méridtoaiA 
de  l*Asie  mineure:  il  est  formé  par  une  branche  avancée. du  TaufusjQui 
y  voit  des  ruines  d*un  aqueduc,  de  murailles,  de  réservoirs,  de  deux 
tliéatres,  dontTun,  assez  bien  conservé,  paroît  avoir  été  recouvert  d'an 
toit.  Une  quantité  considérable  de  tombeaux  forment  une  espèce  dé 
Ntcropoiis,  Ces  tombeaux  sont  d*une  construction  unifbfmey  et  lie 
difTerent  que  par  les  ornemfips  et  la  grandeur:  ce  sont  de  pedlsédB%es 
détachés  les  uns  des  autres,  et  divisés  chacun  en  deux  chambres ,- dont 
lune,  à  l'intérieur,  est  subdivisée  en  cellules  pour  les  corps ;.f autre 
étoit  sans  doute  deNtinée,  soit  à  contenir  les  offrandes  i  soit  à  servir  pour 
des  cérémonies  funèbres  :  aucun  ne  porte  d'inscription.  Ces  ruines 
attestent  l'existence  d\ine  ville  considérable,  qui  ne  peut  être  que 
Ancmurium ,  dont  parlent  Scylax  et  Pline  ;  Strabon  ji'en  &it  pas  mention. 
Ces:  ainsi  qu'il  passe  sous  silence  la  ville  de  Sélinonte,  bâtie  sur  les 
bords  (lu  fleuve  de  même  nom  :  ces  oiiii>sions  et  d'autres  encore  nfc 
font  prcsumtr  que  ce  géographe  navoit  point  visité  la  côte  méridionale 
de  la  Cilicie.  •  *    * 

Le  château  moderne  d' Anamour  est  situé  tout  près  d'une  rivière  rapide  » 
de  I  jo  pieds  de  large,  qui  pourroii  être  ï Atymagdus  àe  Ptolémée,^ 
deux  millts  de  Ih,  sur  le  sommet  d'une  colline,  on  voit  les  restes  d'une 
ville  antique  qui  doit  être  la  Alii^idos  de  Strabon.  Une  haute  péninsule  , 
couverte  de  ruines,  peut  répondre  à  YAfsinoe  du  même  auteur.  Enfîn^ 
nv;Mit  d'arriver  ^  Kirlindreh,  on  \oit  une  troisième  ville ,  probablement 
l'ancienne  Alelania  (a^ 

Kt:li  drth,  autrefois  Ce/indcris,  possède  un  j>ort  assez  petit»  mai» 
bi».n  fermé,  doii  les  couriers  turcs  s'embarquent  pour  Chypre  :  il  s'y 
trouve  des  ruines  en  petit  nombre.  En  avant  du  cap  Cavalière,  un  des 
plus  proéminens  de  la  côte,  sont  des  ruines  antiques  qui  ]iaioissent 
correspondre  à  la  situation  d*JHo/m/,  Ce  cap,  formé  dune  sorte  de 
marbre  blanc,  s'élève  à  la  haut^r  de  6  ou  700  |âeds  :  ses  couches,  par- 
tout horizontales  X  y  sont  infléchies  et  brisées  de  la  manière  la  plus 

(1)  *'H\iù/iJLkf  àf  taT  Koe^0iM  (lis.  Ko^nâofUf  ) cVâ^fr  0  't^v^ti'nytfr  «2Sr 

Xxjavivoieu  ^  Kjf  iiAÇe/ttr  cnf  viket  ÀvijuûveAût.  Apud  Bolland.  Jun.  t,  //,p*  ij^»  cité 
par  Wt  ssc'ing  ad  It'tnerar,  p,  y 08, 

(2)  irm  Wf  MtA<u*a  (Strab.  XIV ,  p.  fyo)y  lis.  Mc\ar/«t,  comme  au  livre 
XVI,  p.  760. 


JUILLET  1819.  ^^ 

extnbrdinaire  ;  elles  attestent  qu'il  s'est  opéré  sur  ce  point  un  afTaissement 
considérable  :  clest  le  Sarpedon promoniorium ,  célèbre ,  selon  Strabon ,  par 
.uA  temple. et  un  oracle  de  Diane- Sarpédon'nnne  (  1  ). 

Seleflfi^hr,  l'ancienne  Séleucie^est  située  à  quelque  distance  de  la 
mer,  sur  les  bords  du  fleuve  Calycadnus ,  à  présent  Ghiak-soai,  qui  a 
environ  1 80  pieds  de  largeur  :  on  y  trouve  un  pont  antique  de  six 
arches  assez  bien  conservé ,  un  (héâtré,  des  portiques,  un  temple  con* 
verti  en  église  chrétienne,  et  plusieurs  grandes' colonnes  corinthiennes 
de  4  pieds  de  diamètre.  Près  d'une  carrière  de  marbre,  qui  paroi t  avoir 
fourni  tcniSiLles  matériaur  des  édifices  de  Ja  ville,  on  voit  un  cimetière 
frès-étenjdu, contenant;  plusieurs  sarcophages  et  des  catacombes»  avec 
une  multitucfô  d'inscriptions,  dont  le  capitaine  Beaufort  n'a  rapporté 
qu'une  seule  fort  insignifiante.  A  peu  de  distance,  il  y  a  un  réservoir  de 
1  j'o  pîeds  anglais  [45  mètres  7]  de  long,  sur  75  [22  mètres  8  j  J  de 
large,  et  5  s  [  10  mètres  66  ]  de  profondeur.  Telles  sont  les  ruines  de 
l'antique  Séleucie ,  capitale  de  l'isaurie.  La  ville  moderne  n'est  qu'un 
assemblage  de  huttes  en  bois  et  en  terre  ;  et  la  maison  de  Taga  ne  vaut 
par  beaucoup  mieux.  Sur  une  montagne  à  l'ouest  de  la  vifle ,  s'élève  une 
ancienne  citadelle  de  forme  ovale,  entourée  dun  double  fossé,  et  d'un 
mur  bien  bâti,  flanqué  de  tours:  sur  la  porte  on  lit  une  inscription 
arménienne,  rapportée  par  le  capitaine  Beaufort,  mais  si  inexactement 
copiée,  que  les  peifbnnes  versées  dahs  l'arménien  auxquelles  je  l'ai 
communiquée ,  n'ont  pu  la  lire.  Il  est  à  désirer  que  les  voyageurs  puissent 
à  l'avenir  6îre  quelques  recherches  le  long  du  rivage  ;  ils  y  trouveroi.ent 
sans  doute  les  ruiiies  du  fameux  temple  d'Apollon  Sarpédonien,  qui, 
selon  Basile  de  Séleucie,  occupoit  une  jetée  ou  une  langue  étroite  silr  le 
bord  de  la  mer  (2).  •    •    • 

Au-delà  de  l'embouchure  du  Calycadnus ,  le  rivage  n'offre  aucune 
proéminence,  et  il  est  impossible  de  savoir  ce  que  Strabon  a  prétendu 
désigner  par  son  second  cap  Anemurium, 

Un  lieu  appelé  dans  le  pays  Pershendep  contient  des  ruines  fort 
étendues  d'une  ville  antique  dérruite,  des  temples,  des  portiques,  des 
aqueducs,  des  tombenux;  et  cependant  on  chercheroit  vainement  dans 
les  anciens  géographes  une  ville  qui  puisse  correspondre  à  celle-ci. 
Comment  un  lieu  qui  paroît  avoir  été  si  considérable,  a-t-îl  pu  leur 
échapper  î^  C'est  ce  qu'on   ne   peut  expliquer  que  dans  le  cas -où  la^ 


(1)  Cf,  Raoul- Rochette,  Hist,  dt^s  Colon,  grecq,  II ,  p.  142» 
^ahûiHfiç  xfhvïY,  Basil,  ^eleuc.  in  Vita  S.  Theclœ,  /?.  2^^,  D. 


j9«  JOURNAL  DES  SAVANS» 

Ibndttioa  de  cette  ville  aeroît  d'ope  due  frfni  féceate-.  Or,  on  lit  nr 
ta  porte  ôrienule  une  inscription  de>  pbu  curieuaes,  tfà  expfîque  la 
difficulté.  la  Toid  telle  qu'élis  a.  été  œpîée  par  le  capitaine  Bméaiti 

.1.   BniTHCE&C-tAlAcTaN&BCnpr^NHMait. 
».   OTAA8NTINlAHO*KAIOTA4BMTOC^irPATIAN0r 
•    3.  TnKATaMiûHATTOTCTaH 

4.  «A0TPANI0.COAAliaP0T'AT0CAPXaH 
),  THCICATPiaNBOAPJCIACTOHTOIIOlV 
ti.  KAIBPHMOMOHTAB'OtKiaatBntKO'làll 
7.  BICTOTTOTOCXHUirirArBNIKeitlAtaK 
9.  AnANTOBPrONKATÀCKETACA 
Cette  copie  est  tellement  inexacte,  qu'on  ne  uuroit  tirer  aucua  MOS. 
n  &ut  h  lire  aînu  : 

1,  E«  ne  CmiIui^t  *■"  AtMMwr  iftSr^ 
%.  OùmXtmrutni  ^.Oiâfumç  i^  Tot^wS,. 
|.'  iSr  mStuSur  Aijtifm  [l^, 

{,   -nf  ttmu^mf  (2]  i^mfx/ty  '"'  '■"^ 

6<   imrtfMfitf  (j)  arm,  i^  »ïuim'  ômtolar  (4}. 

7.  uc  «vn  n  jJI/M  â}*)*!!  «t  4^ iJimt  (jj^ 

(l)  Est  le  temper  Augusti  dei  {nicrîptioni  Utinn  de  Valentinîcn,  Valeni  ei 
Ot«Hen.(MuTator.CDLXy,t),  Quant  axxx  litrci  de  almw,  ou  m  RamtMt, 
9à  Avj^w,  donnéi  i  cet  prîncet,  voyez  VHlDtson,  Lettre  nir  l'inscripiion  de 
RoKlie  (Magas.  tncyclop.  IX-'  ann.  t.  ïl,  p.  iSj). 

(z)  'ifoueMM  ne  peut  avoir  pour  nominatif  que  loBvetM.-  let  denx  MiiUethnii|un 
connui  soni   liTimgyi  el  Imui^af.  Mais  comnie.à  la  ligne  pénuliit-me,  le  capitaine 


I 


JUILLET  1819.  3j, 

Ce  qui  veut  dire  :  «  Sovis  le  règnt  de  nos  maîtres ,  Valeniinien ,  Valeni 
»  et  Gratien,  éternellemem  Auguste».  Floranîus,  ('iHustre  gouverneur 
»  de  la  province  d'Isauie,  a  mis  dans  ietal  où  vous  le  voyez,  et  d'aprè» 
»  ses  propres  idées,  un'  litu  ju^qu'alurs  entièrement  désert,  ayant  fait 
"  exécuter  tous  les  travaux  à   ses  frais.  » 

On  voit  par  celle  inNCription  que  la  ville,  dont  le  nom  manque,  a 
dû  être  bâtie  pendant  (e  régne  simultané  de  Valeniinien,  de  Valens 
et  de  Cr.ilitn;  ce  qui  en  fixe  la  date  entre  les  années  367  et  )7j  de 
J.  C.  Cette  circonstance  explique  le  sifence  des  auteurs  (1),  Je  conjec- 
ture que  celte  ville  est  la  Ncapolis  d'Isaurie,  dont  le  nom  se  montre, 
pour  la  première  fois,  dans  le  Syiiecdème  d'HiérocIès  (rédigé  sous 
Théodose  11  ) ,  où  elle  est  donnée  comme  faisant  partie  de  la  province 
d'Isaurte  (2)  ;  et  pour  la  seconde  fois,  sous  le  règne  de  Léon  I,  succes- 
seur de  Théodose  11 ,  dans  un  passage  où  Suidai  rapporte  qu'un  fameux 
coureur,  nommé  Indacus,  qui  vivoit  squs  ce  prince,  faisoit  plus  de 
cl.tmin  \  pied  en  un  jour  que  d'autres  avec  des  chevaux  de  relais  :  îl 
alloii,  dit-il,  de  Chéris  h.  Ailioche  I  prolialjleinent  ad  Cramtm)  en  un 
jour;  revenoit  le  lendemain  à  Ckrris,  et  le  surlendemain  se  rendoit  à 
Aniioche:  d'où  il  résulte  qu'il  ^isoit  en  deux  jours  je  chemin  d'Antioche 
à  Isaurie  (j),  située  à  i'exirémilé  occidentale  de  l'Isaurie,  jusqu'à  Nea- 
pol'is,  qui,  d'après  cela,  doit  avoir  été  située  à  lexirémilé  orientale  de 
la  même  province;  or,  telle  est  en  effet  la  position  de  Pershendy. 
Ainsi  ce  fameux  coureur  iraversoit  l'Isaurie  en  deux  jours.  La  rouie 
d'Antioche  i  Isaurie  à  Pershendy,  en  comptant  ^  pour  les  détours,  esi 
de  j  4  lieues  environ,  ce  qui  fait  17k  18  lieues  par  jour  ;  c'est  le  che- 
min que  ce  fameux  marcheur  fâisoit  pendant  trois  jours  de  suite,  et  cette 
proportion  n'est  ni  trop  forte  ni  trop  fuihie.  En  combinant  donc  avec 
l'inscription  ces  quatre  circonstances ,  i .°  (a  distance  de  Ncapolis  à  An- 
liothe ,  2.°  la  position  de  Ntapol'is  à  rexirémiié  orientale  de  l'Isaurie,  ce 
ipii  est  celle  de  Pershendy,  j."  le  nom  de  Ntapolis,  qui  indique  une 
fondation  récente,  4-'  la  mention  si  tardive  de  cène  Necfoiis,  on  ne 
tauroit  douter  que  la  ville  nouvelle ,  ËMidée  par  Floranius,  tous  Valen* 
tinien,  Vaiens  et  Gratien,  ne  soit  Neapolis  d'hautir. 

Tout  près  de  cette  ville  antique,  il  y  a  deux  châteaux  en  ruine  et 
inhabités,  nomméf  Korghof  kiiltiUr;  l'un  sur  la  terre  ferme,  prés  des 
ruines  d'une  ville  antique:  l'autre  situé  dans  une  petite  île  tout  près  du 
rivage:  il  s'y  trouve  quelques  antiquités.  Le  premier  a  été  îndubjia- 
bltmeni  un  lieu  très-fort,  entouré  de  doubles  murailles,  doiu  chacune 

|i)  Il  est  borde  tfmar<^uc»(]ueioui«  les  inscriptions  trouvées  en  ce  lien  sont 
ia  Bas-Empite. —  \i)  fiitretLSyntcdtin.  p.;'io.^{i)  Sui(ia»>  iw«^jAiur.    '  ' 


392  JOURNAL  DES  SAVANS, 

est  flanquée  de  tours ,  et  de  plus  en  <  ironnée  d*un  fossé  qui  cèmmûnîqiie' 
avec  la  mer  par  le  moyen  d'une  excavation  de  30  pieds  de  profondeur, 
taillée  dans  le  roc:  une  jetée,  qui  se  prolonge  dans  la  mer*  est  terminée 
par  un  bâtiment  antique  ruinée  qui  peut  avoir  été  un  ta  al.  Les  muraitles 
de  l'ancienne  ville  .sont  encore  assez  I  ien  conservées  iH)Ur  qu'oii  en 
puis^e  tracer  Fenceinte :  dt-s  bains,  des  toml;eaux  nom<  reux,  tout  invite 
les  voyngeurs  à  visiter  de  nouveau  ce  lieu,  que  le  capitaine  Beaufôrt  n*s 
pu  voir  en  détail.  II  y  a  fait  néanm  )ins  une  observation  que  nous  devons 
mentionner  ici  h  cause  de  son  importance  :  «  Nous  avons,  dit-il, copié 
»  un  grand  nombre  (i*ins'criptions  en  cet  endroit;  mais  elles  sont  toutes 
»  sépulcrales,  excepté  une  seule  qui  fait  mention  des  bain.s  de  Dionysiu^ 
»  Christianus.  Une  de  ces  inscription»,  précédée  de  la cmx grecqUï ,  a  été 
»  trouvée  sur  un  mau>olée  construit  en  pierres  irréguHeres^  dans  le 
»  style  cyclo|>éen  ;  circonstance  qui .  peut-être,  montreroit  que  ce  nfode 
i>  de  bâtir  n'e.>t  point  une  preuve  de  très-grande  antiquité,  à  moins  que 
»  f imitation  de  l'antique  ii*ait  été  d*usage  en  ce  temps,  comme  il  Test 
»  de  nos  fours.  » 

On  doit  regretter  que  le  capitaine  Beaufort  ne  nous  air  pas  transmis 
le  dessin  du  mausolée;  c.tr,  si  la  construction  est  bien  réellement  cjch^ 
péenne,  son  observation  est  des  plus  curieuse:»:  mais  nous  présumons  que 
ce  qu^il  a  pris  pour  la  construction  cyclopéenne,  n*est  autre  (hose  que 
Yincertum  de  Vitruve,  tel  qu'on  le  v(jit  dans  beaucoup  de  monumens 
romains;  on  peut  citer,  entre  autres,  deux  tombeaux  qui  se  trouvent  à  11 
droite  du  chemin  qui  conduit  d'Alexandria-Troas  aux  sources  thermales, 
à  peu  de  distance  des  ruines  de  faqueduc  d'Hérodes  Atticus  :  ifs  ont  été 
vus  et  dessinés  par  M.  Dubois  en  janvier  1  8  !  { .  Cet  ii^erium  ressenibfet 
pour  l'arrangement  des  pîerr.  s ,  à  la  construction  pélasgrqm  ou  cycle* 
pitnne;  mais  il  en  diffère  essentiellement  par  la  petitesse  des  pierres  et 
par  l'emploi  du  ciment. 

Ce  lieu  répond,  selon  toute  apparence,  à  Corycns.  dont  le  nom 
corrompu  se  retrouve  encore  distinctement  dans  Kotghous.  C'étoit  la  patrie 
d'Oppien  (1);  cette  ville  fut  jadis  célèbre  par  lantre  Coryden,  ou 


(i)  II  est  singulier  que  tons  les  biographes,  et  Jusqu'au  dernier  tradocteur 
d*Oppien,  persistent  à  dire  que  ce  poc'te  ttoît  natit  d*Anazarbe,  sur  la  foi  d*na 

g 

prîi 

«adresse  la  pêche  des  anthias\st  faite  par  ceux  qui  habitent  mon  heureuse 
»  patrie,  au-delà  du  capSarpedon,  soit  la  ville  de  Mercure ,  Corycée ,  célèbre 
»  par  SCS  vaiifcaux  »  soit  nie  d'Éleussa  (p.  lof-zog).  n  Corycic  ci  File  dfEkmaba 


[[rammairien  inconnu ,  quand  le  poète  Ini-mênie  dit  formellement  oae  Cmrycms, 
a  ville  de  Mercure,  étoii  sa  patrie  ( Oppian.  C^neg.  Ht,  8,  tf).  Ailleurs ils'ei- 
prime  ainsi ,  dans  ce  passage  égalt* ment  formel  :  «  Lcoutez  d*abord  avec  quelle 


JUILLET  1819.  ÎJ3 

croissoit  le  meilleur  safran  (  1  ) .  Au  reste  ^  le  voyageur  anglais ,  qui  n'a  pu 
s'arrêter  en  cet  endroit,  n'a  obtenu  aucun  renseignement  sur  cet  antre. 
Une  découverte  plus  précieuse  et  qui  reste  à  faire ,  seroit  celle  de  fi 
fontaine  de  A^i^x,  dont  les  eaux,  selon  Varron,  jouissoient  de  la  singulière 
et  heureuse  propriété  (fe  donnera  ceux  qui  en  buvoient  un  esprit  plus 
fin  et  pfus  subtil  (2). 

Tout  fe  rivage  n'offre  qu'une  suite  continuelle  de  ruines,  depuis 
Korghous.  Les  habitans  donnent  le  nom  SAyas  à  un  assemblage  de 
misérables  huttes ,  entourées  des  ruines  d'une  ville  qui  à  occupé  une 
étendue  considérable.  Les  phis  remarquables  sont  celles  d'un  théâtre, 
et  d'un  temple  situé  sur  le  penchant  d'une  colline  ;  les  colonnes  sont 
d'ordre  composite,  cannelées,  et  d'environ  4  pieds  de  diamètre  ;,près  du 
port,  il  y  a  un  petit  mausolée  carré,  surmonté  d'un  toit  pyramidal  à  douze 
faces,  avec  une  inscription  que  personne  n'a  pu  Jire.  On  admire  sur- tout 
les  travaux  entrepris  pour  la  conduite  et  la  conservation  Ses  eaux.  Outre 
beaucoup  de  réservoirs  très-vastes,  il  y  a  trois  aqueducs,  dont  deux 
traversent  un  vallon,  soutenus  sur  deux  rangs  d'arcades,  et  le  troisième 
a  plus  de  six  milles  de  long.  Le  capitaine  Beaufbrt  pense  que  c'est  la 
ville  de  Sebaste  (3) ,  d'abord  Tippelée'E/cussa ,  et  que  tes  anciens ,  tels  que 
Strabonet  Etienne  de  Byzance,  nous  représentent  comme  très-voisine 
de  Corycus.  Eleussa  étoît  encore  une  île  au  temps  rfOppîen  ;  mais  déjà 
elle  étoît  devenue  une  presqu'île  lorsqii'Etienne  de  Byzatice  écrivoit  (4)  : 
maintenant  elle  forme  de  même  une  péninsule,  réunie  au  continent  par 
un  isthme  fort  bas. 

A  sept  milles  aindelà,  on  trouve  une  petite  rivière,  nommée  par 
les  Turcs  Lamas;  ce  nom  rappelle  très-bien  celui  de  Lamus,  rivière 
qui  séparoit,  selon  Strabon,  les  deux  Cilides  :  là,  en  effet,  I^  côte  cesse 
d'être  estarpée ,  parce  que  les  montagnes ,  s'éloignant  du  rivage ,  laissent 
une  plaine  plus  ou  moins  large  entre  elles  et  la  mer.  Sur  les  bords  dte 
cette  rivière  sont  quelques  .villages,  dont  les  habitans  offrirent  k 
l'équipage  anglais  un  spectacle  nouveau  ;  car  nulle  autre  part  il  n'avoit 
vu,  dans  l'empire  ottoman,  \ts  femmes  sans  voile  pêle-mêle  avec  les 
hommes. 

étoient  à  demi-lieue  l'une  de  l'autre,  et  appartenoient  au  même  territoire.  Les 
mou  uWp  Z«f «i^W  AXftff,  s'entendent  de  ce  aue  ces  lieux  étoient  au-delà, 
c'est-à-dire,  à  l'est  du  cap  Sarpédon,  par  rapport  a  Oppien,  qui  écrivoit  à  Rome^ 
Il  n'est  pas  douteux  qu'Oppien  ne  sût  mieux  çue  personne  où  il  étoit  né. 

(1)  Strab.  XIV,  p.  6/0,  Z>/Pomp.  Mel.  i,  ij,  /j.  —  (2)  Varro  ap,  PUn. 
XXXI,  2,  p.  j4fS,  26.  —  (3)  Wessel.  ad  HierocL  p.  704.  —  (4)  Steph.  Byx. 

Ddd 


39À  JOURNAL   DES   SAVANS, 

Des  colonnes  élevée*  et  nombreuses,  un  théâtre  placée  mi-oàte*&nt 

apercevoir  de  bien  loin  l'emplacement  de  Tandenne  Soi!  ou  Pampiio- 
polis.  Le  premier  oblefqui  se  présente  en  abordant  au  rivage,  estun  très- 
beau  port  artificiel  ou  bassin  elliptique,  entouré  d'un  quai  coadnu,  et 
terminé  par  deux  mâles  ou  jetées  courbes  de  jo  pieds  <fépaisseur;  elles 
achèvent  de  lui  donner  la  forme  d'unJiippodrome  dont  le  grand  aze  a  $  1 5 
yards  [47°  mètres],  et  le  petit  320  [201  mètres].  Ce  quai  est  constnût 
eng^is  blocs  de  jiierre  coquillière  jaune,  liée  avçc  du  ciment  et  des 
tenons  en  fèr  :  une  portion  des  deux  jetées  est  maintenant  fort  en- 
dommagée, et  la  partie  intérieure  du  port  est  encombrée  de  sable  et 
de  décombres.  A  l'extrémité  intérieure  du  port,  commence  un  long 
portîquç  aligné  avec  ce  port ,  bordé  d'un  double  rang  de  deux  cents 
coioiiDes,et  qui,  traversant  toute  la  ville  dans  une  longueur  de  490  y^fls 
[44s  mètres],  va  aboutir  à  (a  porte  du  côté  de  terre:  de  cette  porte, 
une  route  pavée-  se  prolonge  dans  une  direction  semblable ,  jusqu'à  un 
pont  sur  une  petite  rivière.  Cette  colonnade  étoit  sans  doute  une  avenue 
couverte,  dont  l'asjiectdevoil  être  imposante!  majestueux.  Les  colonnes 
ne  sont  pas  symétriques:  les  unes  sont  d'ordre  corinthien,  d'autres 
d'ordre  composite,  inégales  dans  letirs  dimensions;  toutes  d'un  travail 
peu  soigné ,  et  annonçant  la  décadence  de  fart.  Le  théâtre  est  presque 
détruit  ;  il  n'en  reste  que  les  fondations  des  murailles.  La  grande  quantité 
de  tombeaux,  de  ruines  de  toute  espèce,  éparses  dans  les 'environs, 
tout  annonce  que  le  pays  étoit  habité  par  une  population  nombreuse  et 
active.  A  six  heures  au  nord  de  Soli,  il  y  a  des  sources  curieuses  de 
tHtume;  probablement  les  mêmes  quecelles  dont  Pline  [1)  et  Vitruve  (2] 
ont  fait  mention. 

Des  ruines  à  Test  de  SoU  paroissent  appartenir  à  Tancienne  ÀnchiaU  ; 
elles  sont  si  voisines  de  la  mer,  que,  selon  toute  apparence,  les  eatjx 
ont  empiété,  depuis  les  temps  anciens,  sur  ce  terrain  d'alluvion.  Un 


JUILLET  1819.  J9Î 

dont  la  destination  est  inconnue;  et  d'un  autre  très-remarquable,  de 
forme  oblongue,  ayant  70  pieds  de  haut,  1 5  d'épaisseur,  20  de  long  et 
I  o  de  large ,  construit  en  petites  pierres  rondes  et  liées  avec  du  mortier 
et  aussi  dures  qu'un  roc  t  il  n'a  tu  portes  ni  fenêtres,  mais  seulement  une 
ouverture  à  chaque  extrémité  (i)  ;  if  est  possible  que  ce  soit  lé  mausolée 
de  quelque  grand  personnage.  Du  reste,  ces  vayageurs  n'ont  pu 
découvrir ,  danf  cette  ville ,  ni  inscriptions ,  ni  mdiiumens  d'art.  Cette 
ville  domine  sur  une  riche  et  fertile  plaine,  arrosée  par  le  Cydnus, 
maintenant  rivière  de  Tarsous,  qui  coule  à  très-peu  de  distance;  c'est 
une  rivière  d'environ  4o  à  50  yards  [  )6  à  45  mètres ]  de  large:  ses  eauir 
sont  froides  sans  doute,  comme  le  disent  les  anciens,  mais  pas  plus  que 
celles  des  autres  rivières  du  pays  formées  par  des  torrens  qui  proviennent 
de  neiges  fondues;  et  le  voyageur  Kinnehr  (2),  de  même  ^jue  lei 
officiers  du  capitaine  Beaufort,  sy  baignèrent  sans  en  éprouver  aucim 
pernicieux  effet.  Le  Cydnùs  ne  pourroit  plus  recevoir  maintenant  des 
galères,  comme  au  temps  de  CIéopatre*(3) ,  attendu  la  barre  qui  obstrue 
son  embouchure.  Le  capitaine  Beaufort  n'a  pu  découvrir  aucun  vestige 
du  lac  ou  étang  Rhegma,  qui  formoit  jadis  le  port  de  Tarse. 
*  L'embouchure  du  Syhoun,  ancien  Sarus,  n'est  éloignée  de  celle  du 
Cydnus  que  de  270  pieds  [82  mètres]  ;  elle  est  également  embarrassée 
par  un'banc  de  sable.  Il  semble,  au  premier  abord,  peu  probable  que 
deux  grandes  rivières  coulent  si  près  Tune  de  l'autre  :  aussi  le  capiliiine 
Beaufort  crut  que  la  seconde  n'étoit  qu'une  branche  du  Cydnus;  ihais 
il  se  convainquit  que  ce  sont  bien  réellement  deux  rivières  séparées. 
Entre  leurs  embouchui^s  s'avance  un  cap  sablonneux ,  qui  est  certaine- 
ment VAmn^des  que  Pomponius  Mêla  place  entre  le  Cydnus  et  le  Py- 
ramus  (4). 

La  côte ,  dans  l'espace  de  neuf  lieues ,  est  basse  et  sablonneuse  ;  elle 
termine  une  plaine  déserte ,  entremêlée  de  dunes  de  sable  et  de  lacs 
marécageux  ;  l'un  d'eux  communique  à  la  mer  par  un  canal  de  trois  quarts 
de  mille  de  long  sur  200  pieds  de  large.  Il  est  assez  vraisemblable  que 
cette  plaine  est  Y  Aldus  campus  de  Strabon.  Elle  est  terminée  par  un  cap 
nommé  à  présent  cap  Karadask,  rocher  escarpé  de  1 30  pieds  [39  mètres 
6] ,  qui  forme  le  golfe  d'Iskenderoun  [  AJexandrette]  avec  le  cap  Hinzyr 
en  Syriç,  l'ancien  Rhossicus  scopulus,  dominé  par  le  mont  P'urius,  dont 


T-r- 


(i)  Macdon.  Kinneir's  Joumey,  pag.  rz8.  —  (2)  Idem,  ibid.  pag.  izi.  — . 
{3)  Platarch.  in  Antênio,  /,  2t.  —  (4)  Pomp.  Mcla,  i,  ij,  /.  ^  II  est  à 
remarquer  que  Strabon  oublie  cfe  même  de  faire  mention  de  rendbouchare  da 
Sarus ,  entre  le  Cydnus  et  k  Pyramus. 

Ddd  % 


jjtf  JOURNAL  DES  SAVANS, 

h  hauteur  perpendiculaire  est  de  plus-  de  {400  pieds  anglais  [  1 646"]  • 
Sur  fe  revers  du  xap  Karadasli,  on  trouve  ipielques  ruines  antiques  qi^i 
ne  peuvent,  selon  nous,  appartenir  qu'à  la  ville  de  Magarsa  ou  Magar- 
sum,  dont  le  nom  désignoit  également-uo  cap  Irès-élevï,  au  témoignage 
détienne  de  Byzance.  C'est  aussi  ce  que  reconnoh  le  capitaine  Beau- 
fort;  mats  il  veut  en  même  temps  que  remboucbure  du  Pyramus  et  la' 
ville  de  Malios  aient  été  jadis  \  l'ouest  de  ce  cap,  et  c'en  ce  dont  nous 
ne  saurions  demeurer  d'accord ,  puîiqu'il  résulte  d'un  passage  fbrmef 
d'Arrien  que  Mtgarsum  étoit  sur  la  roule  de  Tarse  il  Malles  [  i  )  ;  ainsi 
Malios  étoit  à  Test  et  non  pas  à  Fouesi  de  Megarsum  et  du  cap  Karadash. 
D'une  autre  part,  de  l'endroit  où  fe  capitaine  Beaufort  place  Fembou- 
chure  du  Pyramus  jusqali  Stli  ou  Pomptiopoltt ,  il  n'y  a  que  4oo  stades 
olympiques,  et  Strabon  en  compte  joo  (2).  II  est  donc  certain  que 
Feinbouchure  du  Pyramus  doit  être  cherchée  plus  loin  :  maïs  comme, 
d'après  les  textes  anciens,  Mrgarsuin  ou  Karadnsh  étoit  fort  prés  k-la- 
fois  de  Malios  (3)  et  du  Pyraitttts  (4) ,  et  d'ailleurs,  comme  l'oracle, 
qui  avoit  prédit  que  les  attérissemens  du  Pyramus  s'étendroient  un  jour 
jusqu'à  l'île  de  Chypre  (j),  montre  que  l'embouchure  du  fleuve  -étoit 
tournée  vers  le  midi ,  on  peut  croire  que  ce  fleuve  se  rendoit  ancienne- 
ment à  la  mer,  ^'endroit  où  se  voient  encore  de's  lagunes,  un  peu  au- 
delà  du  cap  Karndash  ;  et  ce  qui  nous  confinne  dans  cette  opinion ,  c'est 
que  de  là  à  Jo//  on  complejus  te  Joo  stades  olympiques,  distance  qui  sé- 
paroit,  selon  Strabon,  Soli  de  l'embouchure  du  Pyramus.  Il  n'en  résulte 
pas  moins  fjue  cette  embouchure  a  changé  depuis  les  temps  anciens;  elle 
est  maintenant  à  ta  milles  plus  loin,  précisément  en  ^e  d'Ayas.  Le 
changement  du  coun  de  ce  fleuve  s'explique  par  la  grande  jjuantité  de 
sable  et  de  terre  qu'il  charrie,  et  dont  se  forme,  à  son  embouchure, 
un  terrain  d'aJIuvion  qui  s'agrandit  de  joiven  jour,  en  allongeant  la  baie 


toute  la  côte ,  jusqifà  Alexandrette  ;  maïs  un  accident  tragique  le  fck^ 
d'abandonner  la  station  et  de  se  I>omer  à  fa  position  d'Ayas*  Nous  en 
rapporterons  le  récit  comme  un  exemple  des  dangers  imprévus  qm 
attendent  le  voyageur  dans  cette  terre  inhospitalière. 

c<  Le  20  juin ,  nous  étions  occupés  à  embarquer  dans  le  bateau  àos^ 
»  instrumens  déposés  sur  le  bord  d'une  petite  anse  à  Fouest  d'Ayas ,  «t 
'>  nous  nous  disposions  h  retourner  à  bord ,  lorsque  nous  aperçûmes 
»  une  troupe  de  Turc^armés  qui  s'avançoient  vers*  nous.  Comme  les 
>3  Turcs  portent  toujours  des  armes ,  nous  crûmes  qu'ils  s'approchoietit 
»  par  curiosité.  Lorsqu'ils  furent  plus  près ,  nous  vîmes  un  vieux  derviche 
>>  qui  les  haranguoit  :  ses  gestes  dfénergumène ,  le  mot  infidèle^  et  d'autres 
»  qualifications  injurieuses  que  nous  entendions,  ne  nous  permirent  pas 
»  de  douter  long-temps  de  leurs  intentions  hostiles.  Notre  interprète 
"»'  é  toit  absent;  et  ma  petite  provision  d'expfessions  amicalesrfut  bientôt 
»  épuisée  sans  aucun  fruit.  Abandonner  sur-le-champ  la  place,  étoit  le 
>^  parti  le  plus  sûr;  et  comme  le  bateau  se  trouvoit  prêt,  nous  nous 
»  retirâmes  en  bon  ordre.  Les^ Turcs  se  précipitèrent  sur  nos  pas,  excités 
»  par  le  vieux  ânatique;  ils  commencèrent  k  nous  coucher  en  joue 
»  avçc  leurs  mousquets.  Le  bateau  n'étoit  pas  encore  sorti  de  l'anse;  et 
»  s'ils  avoient  réussi  à  en  atteindre  le  point  extrême ,  notre  retraite  auroit 
»  été  coupée  :  il  étoit  temps  d'arrêter  leur  marche.  La  vue  inattendue  de 
>>  mon  fusil  de  chasse  produisit  d'abord  cet  eflfet;  mais  comme  ils  contr- 
>:>  nuoient  de  s'avancer,  je  lâchai  le  coup  :  aussitôt  ils  firent  halte;  la 
»  plupart  d'entre  eux  se.  jetèrent  à  terre;  le  vieux  derviche  s'enfint  à 
»  toutes  jambes^  Leur  frayeur  nous  avoit  donné  le  temps  de  doubler  ta 
»  pointe,  et  déjà  nous  avions  débarrassé  le 'bateau  du  milieu  des  roches, 
»  lorsqu'un  de  ces  bandits ,  plus  résolu  que  les  autres ,  s'avança  sur  tel 
»  rocher  du  rivage ,  et  m'ajusta.  La  balle  m'entra  dans  Faîne ,  et ,  prenant 
»  une  route  oblique ,  elle  brisa  le  grand  trochanter.  Si  le  reste  avoit  suivi 
»  cet  exemple,  c'en  étoit  ait  de  nous  ;  mais  heureusement  ils  avoient  été 
}3  si  efi^-ayés  de  mon  coup  de  fusil ,  que  nous  fûmes  hors  de  portée  ihrarie 
y>  qu'ils  se  fussent' relevés  de  terre.  La  pinasse  étoit  assez  près  de  nous 
x>  pour  voir  nos  signaux;  nous  la  hélâmes  :  elle  s'approcha  du  rivage  1 
3»  montée  de  quatre-vingt-dix  hommes ,  et  elle  put  recueillir  nos  officiers 
3>  dispersés  sur  la  côte ,  dont  un  seul  périt  malheureusement.  Une  cor- 
»  resp>ondance  s'entama  sur  cette  affiure  avec  Fagha  d'Iskenderoun  : 
a>  il  dépêcha  immédiatement  un  courrier  au  pacha  d'Adana,  dont  dépend 
»  le  district  d'Ayas ,  et  m'assura  en  son  nom  que  les  coupables  séroiene 
»  punis.  3>  • 

Le  capitaine  Beaufbrt^  biesié  dangereusement  »  ^andoima  h  station  : 


39»  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ainsi  il  ne  put  lever  le  golfe  d'Alexandrette  ;  ce  qui  est  d*iutant  pins 
&  regretter  5  que  les  circonstances  ont  également  empêché  le  capi* 
taine  Gautier  d'en  joindre  la  reconnoissance  à  son  beau  travail  sur  les 
points  les. plus  importans  de  fa  Méditerranée.  Le  capitaine  Beaufort 
partit  pour  Malte ,  où  des  soins  réitérés  le  mirent  hors  de  péril  ;  mais  »  peu 
capable  de  continuer  des  opérations  commencées  avec  tant  de  zèle  et  si 
malheureusement  interrompues  au  moment  oii  elles  alloient  être  ter^ 
minées 5  if  reçut  Tordre  d*accompagner  un  con^i  en  Angleterre,  où  il 
arriva  avant  la  fin  de  l'année. 

LETRONNE. 


Anciennes  Poésies  françaises, .tirées  du  manuscrit  22jj  de 
la  Bibliothèque  Harleyenne  au  Aiusee  britannique.  London , 
from  the  Sliakspeare  press ,  1 8 1 8 ,  //i-^.' 

Lorsque  Guillaume  le  Conquérant  eut  subjugué  FAn^eterre,  sa 
politique  habile  employa  divers  moyens  pour  assurer  la  domination 
française.  L'un  des  plus  remarquables»  ce  fut  d'imposer  aux  vaincus 
l'obligation  de  se  ser\'ir  de  l'idiome  des  vainqueurs.  II  publia  en  cet 
idiome  les  lois  d'après  lesquelles  les  magistrats  prononçoient  sur  la  vie , 
la  liberté  et  la  fortune  de  ses  sujets,  et  quelquefois  il  punit  les  grands 
qui,  par  dédain  ou  par  négligence,  n'étudioient  pas  la  langue  française, 
devenue  la  langue  de  la  cour,  du  gouvernement  et  des  tribunaux. 

Ce  fut  seulement  Edouard  III  qui  en  abolit  l'usage  au  barreau  et 
dans  les  actes  publics. 

Il  avoit  été  composé  plusieurs  ouvrages  de  littérature,  dont  quelques- 
uns  ont  été  conserves.  M.  l'abbé  de  la  Rue  a  fait  connoître  divers  poètes 
anglo-normands  dont  les  poésies  françaises  subsistent  encore  en  mamis- 
crit  au  Musée  britannique. 

L'un  des  manuscrits  de  cette  fameuse  bibliothèque,  n/  22;  3 ,  contient 
un  grand  nombre  de  pièces  écrites  en  français  :  les  unes,  en  prose,  sont 
presque  toutes  des  traductions  de  la  Bible;  les  autres ,  en  vers,  offinent 
une  grande  variété  de  sujets. 

Parmi  les  ouvrages  en  ^^^ïî,  ,  M.  Francis  Cohen ,  qui  s'occupe  avec 
beaucoup  de  succès  de  l'étude  des  antiquités  et  des  idiomes  du  mcy/en 
âge,  a  choisi  et. fait  imprimer, à  trente  exemplaires  seulement,  quatre 
pièces,  dont  deux  me  paroissent  mériter  qu'on  les  fasse  connoître  parti- 
culièrement I  parce  qu'elles  ont  rapport  \  des  faits  historiques  1  et  que 


JUII^LET  l8l9-  599 

les  auteurs  qui  ont  écrit  Thistoire  tfAngleterre  les  ont  ignorées  ou 
négligées.  ^ 

Ces  quatre  pièces  sont ,  i .''  une  complainte  touchant  les  oppressions 
que  comineitoient  les  irïbunBjax  appelés  Jusfices  de  THAYLL-B ASTON  ; 
^«^^  un  fabliau  intitulé ,  jLE  JONGLEUR  DE  ËLT  ET  LE  Roi  d'Angle- 
terre ;  3.^  le  Dit  de  LA  GAGEURE;  4-**  LE  ChANT  SUR  LA  MORT  DE 

SVmon  DE  jyiONTFORT,  comte  deLeycesten  • 

Je  ne  parlerai  pas  du  Dit  de  LA  Gageure;  cette*pièce  n'offre  d*autre 
nnérétque  celui  qu'on  trouve  à  étudier  les  mœurs  et  les  compositions 
très-iibres  d  une  époque  où  les  auteurs  ne  connoissoient  pas  ou  croyoient 
mutile  d'employer  l'art  de  voiler  agréablement  les  images  ctles  expressions 
licencieuses. 

Le  fabliau  du  Jongleur  et  du  Roi  contient  près  de  quatre  cents 
vers ,  et  il  donne  une  idée  assez  juste  de  la  sorte  d'esprit  qu'dh  employoft 
alors  dans  les  cours  pour.briller  par  ia  gaîté  et  par  ia  plaisanterie. 

Le  ménestrel  arrive  devant  le  roi  >  qui  lui  fait  sans  cesse  des  questions  1 
sur  lesquelles  ce  ménestrel  s'explique  de  manière  qu'il  élude  sans  ce^se 
de  donner  une  réponse  précise  1  et  oblige  ainsi  le  roi  à  lui  adresser  des 
questions  nouvelles. 

Le  Roi,        —  Vendra  tu  ton  roncyn  a  moy  ! 

Le  Jongleur,  —  Sîre,  plus  voionters  que  ne  le  dorroy  (i)*     (i)  donncroh. 

Le  Roi,         — ;-  Pur  combien  le  vendras  tu!  • 

Le  Jofigleur, —  Pur  taunt  com  il  serra  vendu* 

Le  Roi.        —  E  pur  combien  le  vendras  ! 

L€  Jongleur,  —  Pur  taunt  corné  tu  me  dorras  (2).  (2)  donneras. 

Li  Roi,        —  E  pur  combien  le  averoy  (3) !  (3)  rauroîs-Jé  ! 

Z>yoif^iir«— Pur  taunt  corne  )e  receveroy.  .„      -        ji   ..  . 

Ce  genre  d'esprit  paroîtra  aujourd'hui  très- peu  digne  d'entrer  dans  la 
conversation  d'un  prince.  ^ 

Plus  loin  le  ménestrel  se  plaint  de  ceque  Ton  est  toujours  critiqué»  de 
quelque  manière  qu'on  soit  ou  qu'on  agisse.  •-» , . 

Sî  j'ay  longe  nées  (1)  asque  croku  (2)  (i)  nez    (2)  orocbu* 

Tost  dirroot  :  Cesc  un  besfu. 

Si  j'ai  cort  nées  tôt  en  desus, 

Um  dirrat  (3}  :  C'est  un  camus.  (3)  çn  dira. 

Si  j'ai  barbe  long  pendaunt  : 

Est  cesti  chèvre  ou  pcbinaunt! 

Et  si  je  n'ai  barbe  :  Par  seint  Michel^ 

Cesti  n'est  miemadie»  mes  femmeL  J 


JOURNAL  D£S  SA 

Le  roi  demande  comment  il  pourra  lui-même  échapper  au  blSine; 
le  jongleur  répond  : 

Ne  devez  trop  encrueler  (i)  (i)  être  sévère. 

Ne  irop  esire  simple  ver*  ta  genc, 

Mes  vusportermeenemenT  (i)  :  (2]  modérénicnt. 

Car  vosnieysmes  savez  bien 
•  Qt  nuit  trop  valt  rien: 

Qy  par  mesure  tote  ryen  fra  (j),  (j)  fera. 

Ja  prudhonitne  ne  ly  blâmera, 

Par  mesure  meeneiiicnt 

Corne  est  escrit  apertment 

E  le  latyn  est  cnsi  : 

Aledium  uniiert  beau. 
A  l'égard  des  deux  pièces  historiques,  je  suivrai  l'ordre  des  te^ips. 

Le  chant  sur  la  mort  de  Simon  de  Monifort,  comte  de  Leytester, 
fut  composé  après  la  bataille  d'Evesham ,  donnée  le  4  aoCii  1  26  î .  sous 
le  règne  de  Henti  HI.  Le  comte  de  Leycester  étoit  fils  du  fameux  comte 
de  Montfort  dont  le  nom  rappelle  l'une  des  malheuieuses  époques  de 
l'histoire  de  France.  Le  comte  de  Leycesier,  établi  en  Angleterre,  avoit 
épousé  la  sœur  de  Henri  111.  En  1  ifS,  les  barons  mécontens  se  liguèrent 
pour  obtenir  la  réforme  du  gouvernement.  Le  comte  de  Leycesier  étoit 
à  la  têle  dji  parti  qui  força  le  roi  à  souscrire  ie  traité  appelé  Statuts  et 
Expédidils  d'Oxjort  (1).  Le  roi  ayant  ensuite  refusé  de  l'exécuter,  les 
barons  firent  la  guerre;  il  perdit  la  bataille  de  Lewes  ;  et  il  tomba,  ainsi 
Que  son  frère  Richard  et  son  fils  Edouard,  au  pouvoir  des  barons,  qui 
établirent  un  nouveau  système  de  gouvernement,  et  le  firent  approuver 
par  le  roi,  par  son  fils  et  par  le  parlement  en  taô^.  Le  comte  de 
Leycesier  étoit  toujours  le  chef  du  parti  des  barons:  mais,  la  division 
s'étani  mise  dans  ce  parti,  le  prince  Edouard  s'échappa;  il  rassembla 
une  armée  ;  il  gagna ,  le  4  août  1  26  ; ,  la  bataille  d'Evesham ,  où  périrent 
le  comte  de  Leycester  et  son  fils  Henri, 

A  l'octasion  de  la  mort  du  comte  de  Leycester ,  fiit  composé  le  chant 
dont  le  refrain  est: 


Ore  est  ocys 

La  ffur  de  pris 

Qui  tant  savoii  de  guerre, 

Ly  cuens  Mountfort; 


Miintenaai  «t  tuf  celui  qui  ftoit 
le  premier  en  mérite,  le  comie  de 
Momfori,  qui  étoit  si  habile  dans 
("art   des   Combats.   Li  terre  pieu- 


(1)  Ce  traité  fut  aussi  appelé  la  MISE  d'Onfort.  Dan»  l'ancien  français,  MISE 
figntfioit  arbitrage,  convention. 


^ 


JUILLET  1819.  46t 

Sa  date  ntén  |         rtra  fang-timpi  son  tripâs  cruel. 

Mok  en  pion  h  terre.  | 

L'auteur  s*atlendrit  sur  Finfortune  des  barons  qui  ont  péri  en  roulant 
sauver  l'Angleterre  ;  il  compare  le  comte  ife  Montfbrt  à  l'archevêque  de 
Cantorbery»  Thomas  Becquet  : 


Mais  le  comte  de  Montfort,  par 
Si  mort»  a  conquis  la  victoire;  il  a 
fini  sa  vie  comme  le  martyr  de 
Caiitorbéry.  Le  pieux  TTiomas  ne 
vouloit  pas  ijue  la  sainte  église 
pérît  j  et  le  comte  aussi  se  dévoua 
et  mourut  pour  la  foi.  Maintenant 
<st  tué  &c. 


Mes,  par  sa  mort. 

Le  cuens  Mountfort 

Conqufst  la  victoriei 

Corne  ly  martyr 

De  Caanterbyr 

Finist  sa  vie. 

Ne  voleîst  pas 

Li  bon  Thomas 

Que  perist  seinte  église  ; 

Ly  cuens  auxi 

Se  combat! 

E  momst  sauntz  feyntise. 

Ore  est  oCys  &c. 

Ces  vers  feront  juger  et  de  Tesprit  dans  lequel  ce  chant  fût  composé^ 
et  du  mérite  du  style,  qui  est  remarquable,  soit  à  raison  du  temps,  soit 
à  raison  du  lieu. 

La  complainte  contre  les  cruautés  des  tribunaux  du  Tr atll-baston 
fut  composée  sous  le  règne  d'Edouard,  tils  et  successeur  d'Henri  IIL 

Edouard,  ayant  prétendu  que  la  justice  se  rendoit  avec  trop  de 
lenteur,  de  négligence  et  de  partialité,  établit,  de  son  autorité  privée, 
des  juges  extraordinaires  qui  expédioient  très-rapidement  lès  affaires 
criminelles  :  ces  juges  parcoururent  les  provinces.  On  n'a  pas  réussi 
encore  à  expliquer  d'une  manière  satisfaisante  l'expression  de  TraylLp 
BASTON,  qui  servit  à  désigner  l^'ur  tribunal.  Les  travaux  de  ces  corn* 
missions  donnèrent  souvent  lieu  à  des  plaintes  plus  ou  moins  fondées. 

La  pièce  qui  dénonce  les  injustices  de  ces  juges,  est  de  trente- trois 
stances;  toutes  sont  de  quatre  vers,  hors  une  qui  en  a  six;  les  vers  de 
chaque  stance  sont  sur  les  mêmes  rimes.  L'auteur  se  plaint  de  l'établisse- 
ment  de  ceite  commission: 

Ce  sunt  les  articles  de  Trayile^bastoun. 

Salve  le  roy  raeîsmes  ,dc  Dieu  cil  (  1  )  malcsoun  (2) ,    (  1  )  ait.  {2)  malédiction. 
Qea  de  primes  (3)  graunta(4  tiel  commissionn  ;     (  )  ie premier.  (J  autorisa. 
Qar  en  ascuns  (j)  des  pgintz  n'csi  mie  resoun.         ( j )  aucun. 

Eee 


4«>  JOURNAL  DE3  SAVANS. 

I^  iw  dutt  bt  finéti  pobr  ichti^icr  ànx  poanuitei  ^  l>  cona^uion}  « 

c^iefubDttdtt-il, 

.  ÉafUmSn»,  ta  Saeoe9p.eu  GfiKOjn^  Mvrmi 
MctOKiiciuMipointclicviHancc(a)ftTeï     .  (a^feiMMiu» 

TMraoaMBpiaiinlM.aK]>n(3}parirflhoinepIcfe.  (3)1^11.   ' 

II dtqgoe  Martin  et'KnorilIeoomine  jugetéqqîiablei,  «%igiiriielet 
Bittbu-coainw  fuget  cmeli. 
•SUtHMitctwcî  M  tonjioQvotr,  ajonte-t-il, 
Je  leur  ipicndray  le  gtn  (1)  de  TftATLirBASTOVM»  (1)  jea. 

,    '  E  kar  bnaeroy  (1) Tef chloce  le  cropona (3],       (2)  briNieift  b)  cronpioD. 
lakùet  Iei)ambn,ceienci(4)  monD.  (4)Mn>it. 

11  dit  que  cette  commiuion  sen  came  que  les  fiigitift  deviendront 
leun;  il  invite  &  venir  le  trouver. 
AI  vcn  bob  de  Bel-regaid,  la  n'y  1  nul  ploy. 
Cclaf  me  pan  iilver  qne  est  le  filz  Marie  ; 
Car}e  ne  iiu  coupable,  en  dfle(i}iu  par  envie; 
Qf  en  cciEÎ  (u  me  miit.  Dieu  lur  maldie  {x)t 
Le  (îecle  ett  it  variani ,  ions  eit  qe  **•%€  (3). 
Vtàd  h  derniire  sunce  : 
Cett  Tjm  (i)  fut  fet  al  boit  detouz  un  lorer^ 
ttchaunic  merle,  niuinole,  ecyre(a)  Toperver; 
'  EkiIi  ettoit  en  pirchemia  pnr  mont  rcmenbrer^ 
E  gdte  en  faxat  chemjrn  qe  un  le  doit  trover. 

Je  crois  devoir  avenir  de  quelques  drconslances:  le  volume  i_ 
contient  ces  quatre  pièces  n'a  auciu  titre ,  aucun  froniispice  ;  le  nom  de 


(i)cii4  en  Ingénient, 
(a)  mandine. 
(3)  l'y  confie. 

(1)  chant. 

(3)  plane  dans  l'air. 


JUILLET  1819.  4oj 

Stohia  DELIA  ScvLTURA  daï  jtto  rhorgîmetito  in  ItaHa  shio  al 
secolo  XIX ,  per  servire  tii  continuayone  aile  opère  di  Winckel- 
mann  e  di  d'/4giricourt  ;  volume  terzo.  In  Vcnezia,  nella 
tipografia  Picotti  ,  1818.  —  ou  Histoire  de  la  Sculpture 
depuis  sa  renaissatue  en  Italie  jusqu'au  )iix.'  siècle,  pour 
servir  de  continuation  aux  ouvrages  de  V^inckelmann  et  de 
d'Agincourt ;  par  M.  Cîcognara  :  tome  troisième,  in-fol. 

TROISIÈME    ET  DERNIER   EXTRAIT. 

Ce  qui  nous  reste  à  parcourir  de  cette  volamîneuse  histoire,  exigeroil 
sans  doute  un  espace  bien  plus  éiendu  que  celui  dans  lequel  nous 
sommes  contraints  de  nous  resserrer.  A  mesure,  en  effet,  que  l'histoire 
de  la  sculpture  moderne  s'approche  de  nous  et  de  notre  temps ,  l'intérêt 
qu'elle  inspire  à  la  criiiquf ,  et  celui  que  le  lecteur  y  apporte,  semblent 
devoir  s'accroître.  Toutefois,  entre  les  sujets  que  traite  l'historien  dans 
cette  dernière  partie  de  son  ouvrage,  il  en  est  qui  sont  si  connus  des 
Français,  que  leur  curiosité  n'y  trouvera  guère  d'autre  plaisir  que  celui 
de  comparer  les  jugemens  d'un  étranger  avec  les  noires.  II  en  est  d'autres 
sur  lesquels  malheureusement  la  critique  de  l'art  n'a  pu  s'exercer 
que  d'après  des  souvenirs  ou  des  dessins  toujours  peu  satisfaisans ,  des 
inonuinens  que  la  révolution  française  a  détruits;  je  parle  des  statues 
équestres  en  bronze  que  l'espace  d'un  siècle  avoît  vues  se  multiplier  par 
touw  la  France,  et  qu'un  instant  a  fait  disparoîlre.  Il  y  a  enfin  une  troi- 
sième classe  d'objets  dont  notre  auteur  n'a  abordé  la  critique  qu'avec 
beaucoup  de  réserve,  et  sur  lesquels  nous  garderons  encore  plus  de 
circonspection;  car,  en  arrivant  jusqu'au  xix.'  siècle,  il  a  dîi  parler 
des  ouvrnges  ou  d'artistes  récens,  ou  d'artistes  vivans,  sur  lesquels  la 
postérité,  seul  tribunal  compétent,  n'a  pas  pu  encore  prononcer  sob 
jugement.  ^ 

Celte  triple  considération  ,  que  le  lecteur  saura  bien  apprécier,  nous 
permettra  de  restreindre  l'extrait  qui  nous  reste  à  faire  dans  des  termes 
assez  étroits,  sans  manquer  cependant  à  la  fidélilé  de  l'analyse. 

Le  chapitre  vdu  VI.'  livre,  où  s'esi  arrêté  notre  précédent  exlrail,  est 
consacréà  l'histoire  de  la  sculpture  française  sous  le  siècle  de  LouisXiV. 
Avant  cetie  époque,  l'Italie  avoit  été ,  si  l'on  peut  dire,  en  communauté 
avec  fa  France,  dans  tous  les  travaux  d'art  qui  illustrèrent  les  règnes  de 
nos  Rois,  depuis  François  ï."'  A  Fontainebleau,  au  Louvre,  dans 
les  tombeaux  de  Saint-Denis,  dans  les  statues  équestres  de  Henri  IV  et 

Eee  1 


loi  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

de  Loilis  XIII,  des  artistes  italiens  non -seulement  partagèffent  la  gUnit 
de  ces  ouvrages ,  mais  semblèrent  se  Tètre  appropriée.  L'impulsion  que 
Louis  le  Grand  donna  à  son  siècle  rendit  enfin  inutiles  les  ressources  de 
rétranger.  Tous  les  gens  rfari  virent  naître  des  talens,  auxquels  peut- 
être  il  ne  manqua  que  Tinfluence  d'un  goût  plus  pur;  car  si  Fltalie 
n'envoyoit  plus  d'artistes  en  France,  le  style  des  écoles  de  Bemin,  de 
Cortone  et  de  Boromini»  n*avoit  pu  manquer  de  s*y  répandre.  Toujours 
une  nation  dominante  dicte  son  goût  à  ses  voisins  ;  et  dans  Fempire  des 
arts,  comme  dans  celui  des  opinions  et  des  usages,  on  reçoit  sans  le 
savoir  TimpuLion  d'autrui ,  tant  les  hommes  ont  de  peine  à  marcher 
seuls,  tant  ils  ont  besoin  d'être  dirigés  et  gouvernés. 

Cette  vérité,  dont  notre  auteur  a  multiplié  les  preuves  dans  tout  le 
cours  de  son  histoire,  cette  considération  qui  nous  explique  pourquoi 
il  y  a  si  peu  de  ta! ens  originaux ,  auroient  dû  émousser  les  traits  de.  sa 
censure  coiure  Lebrun  et  contre  ce  qu'il  appelle  la  tyrannie  de  ce  peintre 
célèbre.  Cette  prétendue  tyrannie,  dont  on  a  fait  trop  de  brait,  ne  fut 
autre  chose  que  ce  pouvoir  moral  qu'exerce  un  homme  supérieur  sur 
tout  ce  qui  lui  est  inférieur.  Il  est  à  remarquer  qu'on  n*a  connu  aucune 
époque,  que  Ton  ne  connoît  aucun  genre,  depuis  les  plus  importans  }tas- 
qu'aux  plus  légers,  où  le  commun  des  hommes  ne  subisse  le  joug  d'une 
semblable  influence*  Sans  doute  il  eût  été  h  désirer  que  le  Poussin  ou 
le  Sueur,  contemporains  de  Lebrun ,  se  fussent  trouvés  dans  la  position 
de  ce  dernier;  mais  lun  mourut  jeune,  et  l'autre,  retiré  en  Italie,  sembla» 
lorsqu'il  fut  appelé  en  France ,  y  être  un  étranger.  Lebrun ,  avec  an 
génie  fécond  et  toutes  les  qualités  qui  donnent  du  succès  dans  le  monde i 
obtint  la  faveur  du  Roi  et  celle  de  la  cour;  tout  contribua  à  lui  donner 
la  suprématie. 

Faut-il  donc  s'étonner  que  les  sculpteurs  se  soient  conformés  ansn 
alors  au  goût  du  peintre  dominateur  !  et  notre  historien  ne  nous  a*t-il 
pas  prouvé  précédemment  que  le  même  abus  de  pouvoir  fut  exercé  en 
Italie  par  la  peinture  sur  la  sculpture,  et  quejcet  abus  date peat-étie  do 
la  renaissance  des  arts  ! 

Notre  historien ,  en  reconnoissant  que  le  siècle  de  Louis  XTV  offre 
une  des  principales  époques  dans  l'histoire  de  l'esprit  humûn,  par  Fex- 
traordinaire  réunion  de  grands  hommes  qui  rendront  ce  règne  à  famais 
célèbre ,  penche  k  croire  que  le  génie  littéraire  alors  l'emporta  sur  celui 
des  arts.  On  lui  fera  volontiers  cette  concession  :  mais ,  au  lieu  d'expli- 
quer cette  différence  par  des  causes  d'un  ordre  subalterne,  il  mexmble 
qu'il  vaut  mieux  l'attribuer  à  Pétonnante  supériorité  oii  s*étoient  élevés 
les  arts  en  Italie  pendant  le  siècle  précédent,  à  finflueiice  toujours  active 


JUILLET   1819.  4oi 

de  ce  pays  sur  le  reste  de  l'Europe ,  au  déclin  déjà  fort  sensible  de  cM 
arts,  et  k  la  révoluiion  du  goût  qui  s'y  étoit  opérée.  Lorsque  l'école 
française  s'éleva  et  prît  son  rang  sous  Louis  XIV,  il  ne  lui  avoit  pas  été 
donné  de  trouver  dans  ses  antécédens  un  caractère  original  et  qui 
appartînt  en  propre  à  (a  nation  :  elle  dut  prendre  ses  modèles  en 
Italie,  ei  les  hommes  alors  en  vogue  étoient  Pierre  de  Cortone  et 
Bernini,  et  alors,  plus  que  jamais,  les  peintres,  en  ce  pays,  donnoieni 
.  ieur  style  et  dictoient  aux  sculpteurs  leur  goût  de  dessin  et  de  compo- 
sition. 

Pareille  ihose  arriva  en  France,  où  toutefois  on  doit  dire  que  le 
goût  et  le  style  de  Lebrun  produisirent  des  effets  moins  déréglés  sur  les 
sculpteurs;  car  il  y  a  encore  loin  du  style  desGirardon,  des  Lepautre,  des 
Coysevox  et  autres  contemporains,  à  celui  des  sculpteurs  italiens  dont 
nous  avons  précédemment  fait  connoîire  les  travers  et  l'extravagance. 

Ici  l'auteur  se  livre  à  une  discussion  assez  importante  sur  l'eflet,  les 
avantages  et  les  inconvéïiiens  des  académies  fondées  par  les  gouverne- 
Hiens,  et  qui,  sous  le  point  de  vue  d'éiablissemens  publics,  doivent  en 
quelque  sorte  leur  naissance  à  Louis  XIV  ;  car  c'est  k  l'instar  de  la  France 
qu'il  s'en  est  formé  depuis  dans  la  plupart  des  Etats  de  l'Europe.  Nous 
accorderons  volontiers  que  ces  établissemens  sont,  comme  tous  les 
corps,  beaucoup  plus  propres  à  conserver  qu'à  créer,  que  dès-lors  ils 
conviennent  mieux  ii  la  culture  de  ces  connoissances  qui  veulent  des 
dépôts  où  chacun  apporte  son  tribut,  et  veulent  encore  qu'une  marche 
régulière  et  des  principes  certains  règlent  l'observation  et  la  critique. 
Nous  avouerons  qu'en  général  l'exercice  des  beaux-arts  veut  plus 
d'indépendance,  que  l'originalité  court  risque  d'être  arrêtée  et  le  génie 
comprimé  par  la  présence  trop  immédiate  des  leçons,  des  exemples, 
des  influences  d'un  grand  corps.  Toutes  ces  choses  ont  été  ré(>étées  cent 
fois,  et  toujours  on  y  a  répondu  que  si,  dans  l'état  actuel  des  peuples 
modernes,  on  ne  pouvoit  espérer  de  voir  les  arts  prendre  cet  essor  in- 
dépendant qui  fût  peut-être  autrefois  une  des  causes  de  leur  prospé- 
rité ,  fes  gouverneinens ,  qui  ne  sauroient  reproduire  ces  causes  créatrices , 
ne  doivent  pas  pour  cela  s'abstenir  des  soins  qui  toujours  dépendent 
d'eux ,  et  qui  consistent  à  conserver  et  entretenir  un  feu  que  la  négligence 
laisseroit  bientôt  éteindre. 

Notre  auteur,  frappé  aussi  de  la  nécessité  de  donner  aux  arts,  dans 
l'état  de  choses  actuel,  des  encouragemens  que  les  gouverneinens  sont 
seuls  en  état  de  fournir,  et  supputant  les  sommes  que  chaque  pays 
dépense  en  fondations  d'académies,  paiemens  d'écoles,  salaires  de 
professeurs,  pensions,  &c.,  se  demande  s'il  ne  vaudroit  pas  mieux, en  se 


I 


4otf  JOURNAL  DES  SAYANS, 

contentantcTofinraux élèves  les  premiers  moyens  (finstractioni  employer 
ces  sommes  en  travaux ,  de  manière  à  produire  des  ouvrages  au  profil 
des  artistes,  au  lieu  de  produire  des  artistes  au  détriment  des  ouvrages* 
C*est  à  peu  près  k  ce  résumé  que  nous  réduirons  la  proposition ,  donc 
l'auteur  lui-même  a  senti  le  danger;  car  ii  ne  tarde  pas  k  craindre  que  si' 
à  ces  fondations  permanentes,  et  qui  font  toujours  un  bien  personnel, 
on  substituoit  de  ces  secours  éventuels  qui  dépendroient  des  dispositions 
variable»  des  hommes  et  des  temps,  Ton  ne  perdit  tout  d*un  côté  sans 
rien  gagner  de  fautre ,  comme  on  a  vu  cet  effet  être  la  suite  de  plu 
d'une  sorte  d'innovation. 

Au  reste,  Fauteur  s*est  peut-^tre  trop  h&té  de  voir  dans  les  fimdaiioot 
d'académies  d'art  sous  Louis  XIV ,  les  inconvéniens  qui  ionc  attachés  à 
ces  établissemens;  car  ils  navoient  pas  eu  le  temps  de  produire  parmi 
les  premiers  maîtres  qui  les  composèrent ,  cette  sorte  d'nniibnnilé  de 
manière  et  de  style  que  Ton  découvre  dans  leurs  ouvrages,  et  que  d*autres 
causes  d'un  ordre  plus  élevé  peuvent  expliquer. 

Nous  ne  saurions  souscrire  non  plus  à  cette  critique  des  oostumei  «C 
des  ajustemens  du  siècle  de  Louis  XIV,  à  laquelle  Tautenr  a  oonsiaé 
quelques  pages  de  son  ouvrage.  En  aucun  temps  moderne,  Teaipiie  de 
la  mode  ou  des  habillemens  d'usage  n'eut  moins  d'action  sur  Je  génie  des^ 
artistes ,  sur  les  entreprises  de  l'art ,  et  sur  le  goût  du  public  L'amour 
du  grand,  qui  caractérisa  le  siècle  de  I^uis  XIV,  permit  à  tous  les  arts 
ce  genre  de  transposition  poétique  qui ,  en  idéalisant  les  sujeu  et  \& 
personnages»  autorise  Fartiste  à  les  revêtir  des  fermes,  des  apparences 
et  des  costumes,  soit  de  la  fiible,  soit  de  l'allégorie,  soit  des  peuples 
antiques.  La  peinture  usa  pleinement  de  ces  privilèges;  et  si  la  sculpture 
crut,  dans  les  représentations  allégoriques  du  grand  Roi,  accéder  à 
quelques  transactions ,  en  réunissant  le  genre  que  comporte  le  portrait  avec 
celui  que  réclame  l'idéal ,  on  ne  sauroit  trop  l'en  blâmer.  Il  reste  encore 
assez  de  ces  exemples,  malgré  les  destructions  révolutionnaires,  pour 
montrer  qu'il  y  a  plus  dégoût  et  de  raison  dans  ces  associations  de  style, 
lorsqu'il  s'agit  de  Timage  d'un  personnage  connu  de  COUC  fe  monde* 
sous  certains  accessoires  devenus   inséparables  de  tt  resacmblanœ , 
qu'il  n'y  en  auroit  peut-être  k  le  tendre  tout^-^t  étranger  à  son  pqra 
par  une  copie  trop  rigoureuse  du  costume  grec  ou  romain.  Il  a  manqué 
à  notre  historien  de  voir  les  statues  de  bronze  de  la  place  Vendèmt,  de 
l'Hôtelde-viile  et  celle  de  la  place  des  Victoires,  pour  saisir  cette  nuancr 
de  goût  qui   hii  auroit   épargné  des  fugemena   trop  traochans.  Les 
costumes  de  ce  siècle  furent,  sans  comparaison,  à  U  coiflurp  prés,  phis 
favorables  à  l'imitation ,  que  ceux  du  siècle  suivant  et  dn  atat.  Et, 


JUILLET   1819.  407 

quant  à  la  coiffure  du  temps ,  dont  l'anipieur  a  pu ,  dans  le  langage  de  la 
plaisanterie  des  générations  suivantes,  fournir  k  la  censure  du  goût  de 
Louii  XIV  pour  la  pompe  et  la  magniticence  un  emblème  satirique, 
nous  croyons  que  l'historien  a  pris  celte  plaisanterie  beaucoup  plus 
au  sérieux  que  la  chose  en  elle-même  et  son  sujet  ne  le  coinportoienf. 

Nous  ne  dissimulerons  pas  qu'il  règne  dans  tes  ouvrages  du  siècle  de 
Louis  XIV  une  sorte  de  grandeur  de  parade,  quelque  chose  qui  sent 
l'enflure  dulhéâtre,  et  qu'il  se  peut  que,  loue  cela  se  trouvant  en  harmonie 
avec  (es  costumes  et  les  manières  du  temps,  on  ne  puisse  ijnaginer  une 
connexion  en  ce  genre  entre  les  mœurs  et  les  arts.  IMais  notre  historien 
est  obligé  lui-même  d'avouer  qu'un  pareil  goût  régnoit  alors  en  Italie; 
et  comme  il  accuse  la  France  d'avoir  influé  alors  par  ses  modes  sur  les 
moeurs  des  Italiens,  nous  sommes  fort  portés  à  croire  qu'une  cause  phis 
générale  produisit  cet  effet  sur  les  deux  nations,  et  cette  cause,  entre 
plusieurs  autres ,  lient  h  la  mobilité  de  goiit  des  arts  modernes ,  qui  ne 
surent  trouver  dans  des  institutions  politiques  ou  religieuses  assez 
puissantes  ce  principe  de  fixité  qui  perpétue  d'âge  en  âge  des  types  et 
des  formes  consacrées, 

S'il  lalloît  encore  indiquer  une  cause  plus  sensible  et  plus  positive  de 
ce  goût  pour  l'ampieiir  en  sculpture,  pour  le  iarge  et  le  théâtral,  et  ce 
que  l'Italien  a  appelé  le  grûndiosr,  j'irois  la  chercher  dans  la  vaste  et 
prodigieuse  entieprise  de  la  basilique  de  Saint-Pierre,  qui  reçut  alors  son 
achèvement;  dans  ce  temple,  qui,  sortant  des  limites  connues  de  tous 
les  édifices  antiques  et  modernes,  sembla  forcer  tous  les  arts  d'exagérer 
leurs  moyens,  d'enfler,  si  l'on  peut  dire,  leur  voix,  et  dont  les  pro- 
portions démesurées  inspirèrent  à  tous  les  artistes  une  ambition  aussi 
sans  mesure ,  persuadèrent  qu'un  style  sage  et  pur  y  seroit  devenu  maigre 
et  froid,  et  fit  traiter  tous  les  ouvrages  employés  k  l'embellissement  de  ce 
colosse  d'architecture ,  dans  le  goCit  de  ceux  qui ,  destinés  k  la  décoration 
et  au  ihéAtre,  ne  doivent  jamais  être  vus  que  de  loin. 

Qui  ne  voit,  en  effet,  le  contre-coup  de  cet  exemple  dans  presque 
tout  ce  qu'enfanta  le  rè£;iie  de  Louis  XIV  en  fait  d'arts  du  dessin  '. 

M.  Cicognara  distingue  avec  raison  parmi  les  sculpteurs  de  cette 
époque,  comme  fidèles  encore  au  goût  de  l'ancienne  école  d'Italie, Simun 
Guillain  et  Jacques  Sarrasin.  Le  premier  fut  auteur  de  ce  monument 
situé  jadis  au  bout  du  Pont- au- Change,  et  dans  lequel,  au-dessous  des 
statues  en  bronze  de  Louis  XIII,  d'Anne  d'Autriihe  et  de  Louis  XtV 
encore  enfant,  existoii  un  bas- relief  orné  de  trophées  et  de  figures  cap- 
tives dont  la  composition  et  l'exécution  sont  du  plus  beau  style  et  du 
plus  grand  caractère  de  dessin.  Jacques  Sarrasin,  celui  qui  sculpla   l»î 


4o8 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


caryatides  du  pavillon  de  la  cour  du  Louvre. -a  montré  austij  par  son 
mausolée  d'Henri  de  Bourbon ,  prince  de  Condé ,  placé  autr^bis  dans 
Téglisedes  grands  Jésuites»  et  sur-tout  par  de  charmapi  ba^-rdiefi  en 
bronze  qui  lâisoient  partie  de  cette  co^iposition,  que  ton  goftt  s'étoit 
formé  sur  celui  du  xvi.*  siècle. 

L'auteur  cite  encore  comme  appartenant  moîni  &  ce  goût  d'école 
qu'on  attribue  peut-être,  avec  un  peu  trop  de  prévention,  k  LebniOt 
tes  frères  Anguier,  qui  travaillèrent  aux. sculptures  de  b  porte  ^int- 
Denif,  sous  fa  direaion  de  François  filondel;  Pierre.  Legros  et  Jacques. 
Théodon.dont  les  principaux  ouvrages  (dé)à  cités)  sont  à  Rome.  Le 
premier  y  passa  sa  vie  presque  toute  entière;  et.  le  grand  nombre  da 
iporpeaux  dont  il  a  rempli  ritalie,  pii  il  occupa  le  premio*  rang,  prouve 
qi^k  cette  époque  la  France  ne  fit  que  suivre  Timpulsion  générale  i 
donnée  précédemment  par  les  mutres  italiens  eux-mêmes. 

'  En  replaçant  dans  l'ordre  chronologique,  que  Tauteur  a  négligé  de 
suivre ,  les  plus  célèbres  sculpteurs  du  siècle  de  Louis  XIV,  nous  aurions 
dû  citer,  avant  Legros,  Pierre  Puget,  élève  fie  lui-même  en  sculpiurs 
(car  on  ne  cite  aucun  sculpteur  connu  qui  lui  ait  donné  des  leçons), 
mais  qui,  attiré  de  bonne  heure  en  Italie,  reçut  celles  de  Corlone  en 
peinture  et  s'en  appropria  la  manière.  Puget  fut  it-la-fbis  peintre, 
sculpteur  et  architecte  ;  mais  M.  Cicognara  remarque  avec  raison  qu^ 
le  peintre  domine  dans  toutes  ses  compositions.  Ses  deux  groupes  Içs 
plus  célèbres  paroissent  avoir  été  exécutés  d'après  une  esquisse  en 
dessin.  Leurs  compositions  n'ont  qu'un  aspect  heureux ,  et  Ton  diroit 
que  l'artiste  auroit  voulu  que  le  spectaieur  ne  les  regardât  que  d'un  seul 
côté,  comme  on  est  forcé  de  le  iâire  en  peinture.  Les  jugemens  que 
notre  critique  porte  des  ouvrages  du  Puget,  sont,  sous  un  rapport,  très- 
fondés  en  raison ,  et   personne  ne  justifiera   Texcessive  hardiesse    et 


JUILLET  iSrp;  409 

les  défauts  accidentels  des  ouvrages  du  Puget,  mais  qui  font  l'essence 
même  de  sa  manière;  car  cet  artiste  semble  avoir  affecté  de  se  régler, 
en  sculpture,  moins  encore  sur  le  style  de  Cortone,  que  sur  celui  de 
Rufaens,  dont  on  sait  qu'aucun  peintre  n'a  jamais  pu  môme  imiter  les 
défauts,  parce  qu'ils  tiennent  à  un  sentiment  original  et  indépendant  de 
toute  régie.  Toutefois  il  faut  dire  que  le  Puget ,  rioué  du  même  sentiment 
en  sculpture  que  Hubens  en  peinture,  a  porté  dans  ses  ouvrages  liinî- 
tation  de  la  souplesse  des  chairs,  des  accidens  de  ia  peau,  des  détails 
minutieux  d'un  vnii  individuel,  à  un  tel  degré ,  que  ses  marbres  doivent 
se  compter  dans  le  petit  nombre  de  ceux  qui  semblent  cesser  d'être  de  la 
matière  inanimée,  et  qui  ont  reçu  le  privilège  de  la  vie  et  du  mouvement. 
Or,  ce  mérite,  la  critique  doit  le  reconnoltre;  et  ce  qu'on  doit  en  dire,  c'est 
qu'il  fiiut  admirer  le  Puget,  en  même  temps  qu'il  faut  défendre  de  l'imiter. 

Girardon ,  son  contemporain ,  ne  sauroit  être  accusé  de  ce  genre  de 
mérite,  et  M.  Cicognara  nous  paroît  avoir  assez  bien  jugé  le  talent  de 
ce  célèbre  statuaire.  Noble,  mais  froid ,  subordonné  au  goût  alors  domi- 
nant, mais  toutefois  plus  sage  que  celui  qui  régnoit  en  Italie  ,  dessinateur 
correct ,  mais  d'un  style  lourd  etsans  caractère,  cet  artiste  fut  chargé  des 
plus  grandes  et  des  plus  belles  entreprises  de  son  siècle.  Ses  bains 
d'Apollon  h  Versailles,  son  mausolée  du  cardinal  de  Richelieu  et  la 
statue  équestre  en  bronze  de  Louis  XIV  îi  la  place  Vendôme,  sont  les 
monumens  sur  lesquels  se  fonde  sur-tout  sa  réputation  ;  et  c'est  aussi 
d'après  ces  monumens  qu'on  peut  lui  refuser  ce  mérite  de  l'originalité 
qui  ajoute  tant  de  prix  aux  ouvrages  et  leur  fait  pardonner  tant  de 
défauts.  Le  njorceau  où  Girardon,  selon  M,  Cicognara,  a  peut-être 
mis,  pour  l'œil  de  l'artiste,  le  plus  de  savoir  et  de  talent,  est  son  groupe 
de  l'enlèvement  de  Proserpine  à  Versailles,  quoiqu'il  ait  pu  être 
inspiré  dans  cette  heureuse  composition  par  l'enlèvement  de  la  Sabine, 
morceau  célèbre  ïi  Florence  de  Jean  de  Boulogne. 

En  considérant  les  travaux  de  sculpture  qui,  vers  la  fin  du  XVI 1/  siècle, 
et  encore  au  commencement  du  xviii.',  occupèrent  le  ciseau  des 
sculpteurs  français,  et  quelle  que  soit  la  valeur  relative  de  ces  ouvrages 
jugés  en  parallèle  avec  ceux  des  âges  précédens  en  Italie ,  il  n'eji  faut 
pas  moins  reconnoîire  que  l'école  française  s'empara  alors  du  sceptre  de 
l'art ,  et  que ,  soit  pour  le  nombre,  soit  pour  l'importance  des  morceaux , 
soit  pour  l'habiteié,  l'Italie  n'eut  plus  rien  k  opposer  à  la  France.  Peut- 
être  notre  historien  passe-t-il  trop  légèrement  sur  les  ouvrages  de 
plusieurs  sculpteurs ,  dont  le  style  fut  sajis  doute  un  peu  affecté  du  goût 
que  In  peinture  avoit  fait  passer  dans  la  sculpture,  mais  qui  méritoient 
une  mention  plus  détaillée. 

Fff 


De  ce 


JOURNAL  DES  SAVANS, 
est  Coysevox  ■  chef  d'école  >  auteur  dé  très-grands  et 


jcstimibles  ouvnget,  tels  que  la  stalue  du  Faune  oa  du  Flûteur  sur  ia 
lernsse  des  Tuileries ,  inorceaB  d'un  caractère  de  dessin  ferme  et 
yiai»  d'ujje  expicsiioa  heui<euse*  eKpiine  belle  exécuiioQ;  lek  que  kt 
4euz  grou^ies  dé  dievaux  ailés  avec  Mercure  et  la.  Renommée*  qiù 
içnnineol  d'uiw  manière  si  heureuse  les  deux  lerrtsws  du  même  jaçdin* 
et  dont  la  composition,  aïnït  que  Texécution,  annoncent  -une  rare 
hjlbileté  ;  auteur  encore  de  la  statue  équestre  en  bronte  de  Louia  XIV 
cbni  la  ville  de  Reims  ;  et  pourtant  notre  lûstorien  fui  accorde  k  peine 
pt>îs  lignes  de  mention  dans  son  ouvrage. 

Nous  citerons  encore  comme  digne  iTun  peu  plus  d'altenuon,  le 
féjèbre  Lepnutre  :  le  jardin  des  Tuileries  possède  deux  groupes  de 
(«stjulpteur;  celui  d'Enétfetd'Anchiseï  dont  lestyle  {  un  en  conviendra) 
n'arrive  pas  à  la  hauteur  que  comportoit  le  sujet,  mais  dans  lequel 
Tarliste  a  &it  preuve  de  beaucoup  de  savoir,  d'étude  et  de  vérité 
imitative.'Le  groupe  qui  Ait  pendant  !i  ïelui  d'Ënée,  passe  également 
pour  être  en  entier  roUvra|;ede  Lepautie,  quoiqu'il' soit  reconnu  qu'il 
iîit  commencé  parThéodonà  Rome:  toutefois Lepautre se  l'est  appro- 
prié par  le  grand  talent  d'exécution  qu'il  y  a  développé  ;  et  certes  on 
peut  affirmer  que  ce  groupe,  un  des  plus  beaux  de  la  sculpture  mo- 
flerne ,  et  qui  contraste  par  la  beauté  de  son  style  et  de  son  caractère 
livecie  goût  régnant  alors  en  Italie,  méritoit  de  trouver  dans  l'histoire 
de  la  sculpture  française  une  place  remarquable;  et  nous  voyons  avec 
étonnementque  M.  Cicognara  a  omis  d'en  parler. 

Ilauroil,  ce  me  semble,  également  convenui  en  décrivant,  d'après  de 
mauvaises  gravures,  le  monument  détruit  de  Louis  XIV  i  la  place 
des  Victoires,  ouvrage  de  Deqardins,  de  consacrer  plus  d'une  ligne  à  la 
piention  des  quatre  statues  en  bronze  de  douze  pieds  de  proportion  qui 


JUILLET  1819.  4n 

feurs  auteurs;  If  y  a  des  temps  de  disette  où  les  moindres  talens  se  font 
aisément  distinguer;  ii  en  est  d'autres  où  la  trop  grande  abondance 
étouffe  les  réputations.  Telle  fut  l'époque  dont  il  s'agit;  et  nous  avouerons 
que  l'embarras,  {K>urun  historien  sur*tout  étranger  à  la  France»  doit 
être  de  recueillir  »  dans  cette  .foule  d  ouvrages»  ceux  dont  le  choix  est 
destiné  à  former  la  collection  classique  d'un  pays. 

Van-CIève ,  par  exemple ,  par  son  groupe  de  fleuves  aux  Tuileries ,  mért* 
toit  d'être  tiré  de  cette  foule.  Les  frères  Nicolas  et  Guillaume  Coustoa  » 
dont  l'aîné  fut  élève  de  Coysevox,  marquèrent  la  fin  du  xvii/  iiède 
par  des  ouvrages  qui,  loin  de  dégénérer >  soutinrent  avec  éclat  l'hon^ 
neur  du  ciseau  français.  Guillaume  Coostou,  élève  de  son  frère  et  ie 
dernier  de  ce  siècle ,  en  ferma  glorieusement  l'école  par  des  travaux  ^i, 
sous  le  rapport  de  l'habileté  et  de  la  hardiesse  >  sont  fort  loin  d'avoir  écà 
surpassés  et  même  égalés  depuis.  M.  Cicognara,  parlant  des  deux  groupes 
appelés  /es  chevaux  de  Marly ,  aujourd'hui  placés  à  l'entrée  des  Champs^ 
Elysées  à  Paris,  avoue  qu'à  cette  époque  il  ne  fut  rien  fait  qu'on  puisse 
mettre  au-dessus  de  ces  ouvrages,  et  il  convient  encore  que  ces  chevaux, 
sont  de  beaucoup  préférables  à  ceux  que  le  Bernin  avoit  exécutés  tant 
à  Rome  qu'à  Paris.  Nous  pensons  aussi,  comme  lui,  que  quelques  admi<' 
rateurs  ont  outré  la  louange,  en  disant  :  Qu* est-ce,  en  comparaison,  que 
les  chevaux  si  vantés  de  Monte  Cavallo!  Ce  n'est  pas  la  première  fois 
qu'on  a  &it  de  ces  parallèles,  sans  s'inquiéter  s'il  pouvoit  y.  avoir  lieu  à 
rapprochement  entre  les  deux  points  de  la  comparaison.  Les  chevaux  dé 
Monte  Cavallo  n'ayant  peut-être  jamais  été  destinés,  dans  l'origine,  k 
former  un  groupe,  ii  est  certain  que  l'avantage,  sous  le  rapport  du 
groupe,  est  à  ceux  de  Coustou/Le  reste  du  parallèle  tient  à  des  élémens 
qu'on  étoit  alors  fort  loin  de  connoître. 

L'histoire  de  la  sculpture  française,  au  xvilf.'  siècle ,  offre  f image  de 
ces  fleuves  qui  diminuent  à  mesure  que  se  tarissent  les  sources  qui  ve^ 
lioient  grossir  leur  cours.  Remarquons  aussi  que ,  pendant  les  trois  quarts 
de  ce  siècle,  Tltalie  n'a  pas  un  seul  nom,  pas  un  seul  ouvrage  à  citer  en 
sculpture;  et  notre  historien  nous  paroît  avoir  omis  d'indiquer  d'unfe 
manière  assez  précise  les  causes  de  cette  étonnante  stérilité.  La  France 
toutefois,  dans  cette  période ,  dut  peut-être  à  ses  institutions  académiques 
d'avoir  conservé  la  culture  et  l'amour  d'un  art  qui ,  plus  que  tout  autre^ 
demande  des  faveurf^)articulîères ,  lorsque  les  causes  naturelles  et  gé- 
nérales cessent  de  l'alimenter.  Dès  que  les  gouvernemens  forment  k 
Jeurs  frais  des  élèves,  ils  leur  doivent  ensuite  d'employer  ltwc%  uien^ 
et  ces  ressources  ne  manquèrent  point  en  France  dans  le  cours  dti 
jcvi  11.^  siècle. 

Fff  2* 


4i2  JOURNAL  DES  SA  VANS. 

II  y  a  des  temps  où  il  se  fait  dei  artistes,  parce  qu'il  y  a  des  ouvrages; 
en  d'autres  temps,  on  commande  des  ouvrages,  parce  qu'en  s  des  artistes. 
Cest  ainsi  qu'on  vit  fHôiel-de-vifle  de  Paris,  instruit  du  talent  de  Bou- 
chardon,  entreprendre  exprès  la  fontaine  de  Grenelle  pour  avoir  ua 
oumgc  de  ce  statuaire,  qui  soutint,  dans  le  siècle  de  Louis  XV ,  rboa- 
neor  de  la  France  en  sculpture.  Ainsi,  lorsque  le  manque  d'occasion! 
de  aire  îles  stanies  en  marbre  parut  devoir  porter  un  notable  préjudice 
k  cet  art,  Louis  XVI,  à  son  avènement  au  trône,  mit  au  nombre  des 
cncouràgemens  dont.il  sentit  la  nécessité,  ces  commandes  de  statues 
des  grands  hommes  de  la  Fiance  ;  idée  qui  honora  son  règne,  et  &t 
nn  utile  aliment  pour  l'art  de  sculpter.   . 

Il  est  certain  que  la  sculpture  en  marbre  ne  fêta  plusqa'une&iblchieur 
sons  le  règne  de  l^uis  XV  ;  mais  c'est  dans  les  grandes  entreprises  de 
Ibnte  que  l'on  pourroit  trouver  de  quoi  remplir  (>:>pèce  de  lacune  qui 
a'olfre  ici  à  rhistorien.  La  seule  collection  de^  siaEues  de  nos  Rois ,  tant 
équestres  que  pédestres,  en  bronze,  en  y  ajoutant  celles  que  nos  artistes 
ont  été  appelés  à  fondre  dans  divers  royaumes  de  l'Europe ,  fëroit  un  des 
plus  intéressans  chapitres  de  l'histoire  de-  la  sculpture  française,  surtout 
au  XVII  k*  siècle. 

Nous  avouerons  que  M,  Cïcognara  n'a  point  tout-à-tiit  négligé  cet 
important  article.  Mallieureusement  il  na  plus  trouvé  en  France  ces 
nombreux  et  grands  ouvrages  dont  s'enorgueillissoient  les  villes  de 
Bordeaux,  de  Lyon,  de  Rennes,  de  Reims,  de  Besançon,»  sur-tout  h 
capitale,  qui  possédoit  les  plus  riches  productions  de  ce  genre.  Ce  n'est 
que  sur  de  foibles  renseignemens  et  d'après  d'insignifiantes  gravures, 
qu'U  a  pu  parler,  soit  de  Ja  plupart  de  ces  morceaux  qui  ezistoient  en 
France ,  soit  de  ceux  qui  existent  dans  d'autres  pays. 

C'est  sans  doute  à  ce  manque  de  notions  positives  quil  faut  attribuer 
le   parti  qu'a  pris  l'auteur   de   mêler  et  de  confondre  cette  partie  de 


JUILLET  18151.  413 

livre  en  quatre  chapitres  assez  courts  »  et  sur  lesquels  nous  ne  nous 
appesantirons  pas. 

Le  premier  traite  de  Tétat  de  Tltalie  vers  cette  dernière  époque,  et 
il  contient  les  développemens  d*un  certain  nombre  de  causes  communes 
à  toute  r£urope ,  et  qui  expliquent  Tétat  de  langueur  des  arts  du  dessin 
dans  les  trois  quarts  du  xviii/  siècle.  Le  même  ctiapitre  indique  par 
quel  nouveau  concours  de  causes»  d'efforts  et  de  circonstances,  tout.se 
réunit  en  Italie  pour  ramener  les  esprits  à  i*étude  de  Tantiquité,  et 
opérer  la  révolution  entière  du  goût  qui  n'attendoit  qu'un  grand  exemple 
pour  s'étendre  à  la  sculpture* 

Le  second  chapitre  présente  l'état  de  cet  art  k  Rome  avant  fépoque 
où  parut  le  premier  ouvrage  de  Canova ,  et  il  résulte  de  ce  tableau  q^e 
Rome  n'avoit  alors- d'autres  sculpteurs  que  des  marbriers  ou  des  restim^ 
rateurs  d'antiques. 

Le  troisième  chapitre  est  entièrement  destiné  à  l'énumération  et  à  la 
description  des  ouvrages  de  Canova  ;  et  ce  que  ce  chapitre  a  de  parti* 
culier,  c'est  qu'en  le  lisant,  c'est- à-dire,  en  parcourant  pendant  un  espace 
de  trente  ans  la  série  des  travaux  d'un  seul  homme,  on  croit  avoir  pas^é 
en  revue  le  cours  d'un  siècle  et  lès  ouvrages  de  plusieurs  générations 
d'artistes.  L'antiquité  a  souvent  réuni  sur  un  seul  les  travaux  de  plusieurs | 
il  est  probable  qu'un  sort  contraire  est  réservé  à  Canova,  et  que  la 
postérité  divisera  entre  plusieurs  les  innombrables  productions  de  cet 
artiste,  qui  na  toutefois  ni  famille,  ni  école,  ni  élèves,  et  dont  personne 
ne  pourra  se  vanter  d'avoir  partagé  les  travaux  et  les  succès. 

I^  quatrième  et  dernier  chapitre  a  pour  objet  de  présenter  une  courte 
récapitulation  de  toute  cette  histoire.  Rien  n'est  sans  doute  plus  agréable 
que  de  trouver,  après  une  aussi  longue  lecture,  comme  lorsqu'on  a 
terminé  un  grand  voyage  >  une  sorte  de  mémorial  qui  retrace  en  abrégé 
les  sujets  qu'on  a  parcourus.  Mais  l'extrait  que  nous  ferions  de  ce  char 
pitre,  qui  n'est  lui-même  qu'un  extrait  de  l'ouvrage,  finiroit  par  n'avoir 
aucun  intérêt,  et,  au  lieu  d'être  un  point  de  repos.,  seroit  peut-être» 
pour  nos  lecteurs ,  une  continuation  de  fatigue. 

QUATREMÈRE  DE  QUINCY. 


The  Indo-Chinese  Gleaner,  contiiining  extracts  of  thé 
occashnal  correspondence  oj  those  missiotumes  in  the  East ,  who 
labour  undn  the  direction  of  the  missionary  Soàety;  togeiher 


4i4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

whh  misceUiineous  notices  relative  to  the  philosophy,  mythology , 
literiiture  and  history  ofthe  Indo-Chinese  nations  :  drawn  chiefiy 
from  tlie  native  languages.  Publîshed  quarierly,  Malacca; 
11.^*  I,  2,  3  et  4.  May  and  August  1817,  February  and, 
May  1 8  1 8  ,  ///-<?/ 

Quoique  ce  ne  soit  pas  en  général  Tusage  de  rendre  compte  dans- 
ce  journal  des  recueils  et  des  autres  publications  qui ,  par  leur  apparition 
périodique,  se  recoinmandenc  suffisamment  d'eux-mêmes  à  l'attentron 
des  lecteurs ,  celui  que  nous  annonçons,  première  production  sortie  d'une 
imprimerie  qu'on  vient  d'établir  à  Malaca,  et  destinée  à  servir  de  moyen 
de  communication  aux  missionnaires  protestans  qui  sont  répandus  dans 
les  contrées  environnantes*  nous  a  paru  mériter  une  exception.  Nous 
avons  [)ensé  qu'on  verroit  avec  quelque  intérêt  la  substance  de  ce  qu  on 
lit  de  ])rus  curieux  dans  les  deux  premières  années  d'une  collection  qui 
sera  vraisemblablement  toujours  très-rnre  en  Europe»  puisqu'elle  prend 
naissance  dans  la  partie  la  plus  reculée  des  Indes,  dans  des  contrées  qui 
sont,  pour  ainsi  dire,  par  rapport  au  siège  desétablissemens  britanniques 
dans  i'IIindoustan,  ce  que  ceux-ci  sont  h  la  mère-patrie* 

Le  révérend  M.  Milne,  de  la  société  des  missionnaires  de  Londres, 
déjà  connu  par  la  traduction  d'un  ouvrage  chinois  qui  a  été  annoncée 
dans  le  Journal  des  Savans  d\)Ctol)re  1818,  paroît  avoir  été  conduit  de 
Canton ,  où  il  habitoit  précédemment,  h  Malaca,  où  if  réside  b  présent,- 
par  une  suite  des  tracasseries  que  les  officiers  chinob  ont  dni  éprouver 
aux  Anglais  depuis  i'aml}assnde  de  lord  Amberst.  Muni  d*une  fin* 
primerie  qui  possède  une  fonte  de  caractères  chinois  et  une  autre  de 
iypes  nrahes,  ila  eu  la  pensée  de  faire  servir  les  uns  et  les  autres  îi  la 
puMication  d'un  recueil,  qui  doit  contenir,  i."  des  nouvelles  des 
mi>sjons,  consistant  en  lettres  des  missionnaires  ses  confrères,  rapportées 
en  entier  ou  par  extrait;  2,**  des  mélanges  sur  la  littérature,  la  philo- 
sophie et  l'histoire  des  différentes  nations  au  milieu  desquelles  tra-. 
vaillent  les  missionnaires;  3 /'des  traductions  d'ouvrages  écrits  dans  les 
langues  de  c^s  nations.  La  première  partie  est  nécessairement  celle  à 
laquelle  on  a  consacrée  le  plus  d'étendue;  mais  on  nous  pardonnera  d'en 
user  autrement  dans  notre  extrait  et  d'insister  davantage  sur  ce  qui  doit 
être  d'un  intérêt  plus  général  en  Europe.  Toutefois,  il  y  a  dans  les  nocH 
velles  mém^s  qui  sont  relatives  aux  progrès  des  missions,  des  faits 
que  nous  ne  pouvons  passer  entièrement  sous  silence. 

Le  révérend  xVl.  Crook,  prêt  îi  partir  avec  sa  famille  dtt  port  Sydney 


JUILLET   1819-  4«5 

pour  Otahiti,  écrivoil  à  M.  Morrison,  en  1816,  que  ses  confrères^ 
déjà  établis  dans  les  îles  de  la  Société  attendoient  son  arrivée  avec 
impatience  (i).  Plusieurs  centaines  d'Otahi tiens  s'étoi^-nt  convertis,  et 
avoient  jeté  leurs  idoles  ;  le^s  magiciens  renonçoient  à  leur  art  et 
brûloient  ieurs  instrumens  de  sorcellerie.  Les  chefs  détruisoient  leurs 
moraïs  [cimetières]  et  leurs  autels.  Beaucoup  d'entre  eux  adoptoient 
l'usage  du  bois  pour  faire  cuire  leurs  aiimens  ;  ce  qu'on  peut  regarder 
comme  un  perfectionnement  dans  l'économie  domestique  des  insulaires. 
La  mission  venoit  de  (sire  une  perte  cruelle  dans  la  personne  de 
M.  Scott,  qui  savoit  à  fond  la  langue  du  pays  et  étoît  en  état  de  prêcher 
en  otahitien.  Suivant  des  nouvelles  plus  récentes ,  la  mission  d'Eimed 
n  etoit  pas  dans  un  état  moins  prospère.  Trois  cent  soixante-d«iis 
personnes  s'étoient  ^it  inscrire  pour  le  baptême,  et  six  cent  soixante 
étudians  fréquentoient  les  écoles.  Quelques  che^  idolâtres  avoient  formé 
le  projet  d'exterminer  tous  ceux  qui  avoient  renoncé  au  paganisme, 
dans  un  massacre  général  qui^devoit  avoir  lieu  la  nuit  du  7  juillet  1 8 17  ; 
mais  leur  plan  avoit  heureusement  été  déjoué.  Les  directeurs  de  la 
Société  des  missionnaires  s'occupoient  d'introduire  dans  ces  îks  la  canne 
à  sucre,  le  coton  et  le  chanvre,  dans  la  vue  de  favoriser  les  |>rogrès 
de  la  civilisation  et  le  développement  de  Tesprit  commercial  chez  le» 
natifs. 

On  trouve  dans  le  Glaneur  plusieurs  articles  datés  de  Canton ,  et 
signés  Amlcus;  ces  articles  doivent  très- vraisemblablement  être  attribuit 
à  M.  Morrison.  Les  plus  curieux*  sont  des  extraits  de  la  gazette  de 
Peiing,  dont  il  seroit  peut*être  à  désirer  qu'on  pût  recevoir  en  Europe 
un  exemplaire,  ne  fût-ce  que  pour  être  informé  à  temps  des  événement 
qui  ont  lieu  dans  les  provinces  de  l'empire  chinois,  et  qui  semblent  y 
faire  présager  une  révoludon  prochaine.  La  situation  de  M.  Morrisbii 
ne  paroît  pas  avoir  été  améliorée  par  le  voyage  de  l'ambassade  anglaise. 
L'esprit  persécuteur  du  gouvernement  chinois  n'a  pas  cessé  de  contrarier 
ses  ç/lbrts,  et  de  s'opppser  de  plus  en  plus  à  ce  que^re  misfionnaipe 
puisse  rien  fiûre  de  public  et  d'avoué  pour  la  cause  de  l'évangile.  II  a 
néanmoins  continué  sa  traduction  de  l'Ancien  Testament,  et  publié  divers 
autres  ouvrages  dont  on  a  rendu  compte  dans  ce  journal  (2)  ;  mais  un 


.    (i)  On  trouve  des  détails  curieux  sur  la  mission  des  fies  de  la  Société,  d^^ 
un  opuscule  rm  a  pour  titre:  Narrative  of  the  mission  at  Orahette,  &c.  Mndfr- 
iaken  by  the  missionary  Society  of  London,  in  the  year  iy^6.  C'est  un  petit  vo- 
lume ih't2,  qui  a  paru  à  Londres  en  1818. 
.    (2)  Yoye:^  les  cahiers  de  piia  et  août  1817,  février  «t  novembre  ^18* 


ii6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

édil  très^sévère  du  gouvenMur  a  forci  plusienn  dei  natuMs  qu'il  em- 
ployoit  &  se  tenir  cachet.  On  sait  fjue  It  loi  dilènd  aux  Chinoû  d'enseigner 
Jeur  langue  aux  étrangers,  et  d'«cejcer,  lana  une  autorisation  expresse» 
Jes  Jonctions  de  maître  de  .langue,  cFtnterprète  ou  de  traducteur. 

Les  progrès  du  christîaniBnie  ne  paroissent  pas  être  considérables  en 
Qiine.  Quelques  habitans  de  Canton  ou  de  Macao  »  la  plupart  employés 
dans  la  fiutorerie  anglaise,  semblent  avoir  seuls  profité  des  instructions 
de*  missionnaires.  En  général ,  le  plus  grand  obitacle  qui  s'oppose  i  It 
conversion  des  Chinois,  c'est  leur  indifférence  pour  tout  ce  qui  a 
rapport  k  la  religion.  Ils  se  fêroient  volontiers  chrétiens  sous  la  concfilion 
de  rester  Bouddhistes  ou  adorateurs  des  esprits.  Le  Christ  n'est  pour  la 
plupart  d'entre  eux  qu'un  esprit  de  plus  k  honorer;  leurs  myAoIogues 
ont  adopté ,  en  les  défigurant ,  les  traditions  qui  leur  viennent  des 
missionnaires  catholiques,  et  M.  Morrison  rapporte  ainsi  une  notice  sur 
Ye-sou  [  Jésus]  tirée  d'un  ouvrage  mythologique  chinois,  et  dans 
laquelle  sa  naissance  miraculeuse,  ses  voyages  dans  le  pays  appelé  lu- 
te-ya  [Jud^a]  h  97000  li  [9700  lieues  ]  de  la  Chine,  la  trahison  de 
lu-ta-ste  [  Judas  ] ,  et  les  autres  chconstances  de  la  vie  dç  Jésus-Christ 
sont  présentées  avec  des  couleurs  si  étranges,  qu'elles  semblent  appartenir 
&  une  divinité  d'origine  asiatique.  L'auteur  anglais  lui-inéme  a  peine  à  les 
teconnoître ,  et  examine  si  ce  récit  a  pu  venir  aux  Chinois  des  Jésuites 
DU  des  Nestoriens.  En  se  décidant  avec  raison  pour  les  premiers ,  il  nous 
parott  très-mal  fondé  !i .  révoquer  en  ifoute  l'entrée  des  derniers  il  la 
Chine,  il  y  a  plus  de  dix  siècles.  Le  monument  de  5i-an-lbu,  dont 
Tautorité  est  incontestable,  suffit  pour  rendre  toute  discussion  superflue 
k  cet  égard. 

L'ouvrage  mythologique  dont  M.  Morrison  a  tiré  ce  morceau 
«ngulier,  a  été  composé  par  un  médecin,  et  publié  soiu  le  règne  de 


JUILLET   iSip.  417 

p<^Iation  du  pays.  A  propos  d'une  lettre  écrite  de  Canton,  dans 
laquelle  il  est  parlé  de  quarante-deux  personnes  décapitées  dans  cette 
ville  dans  l'espace  de  quatre  jours ,  l'éditeur  remarque  que  (e  nombre  dei 
criminels  ipisàmort  dans  la  seule  province  de  Canton  s'élève  par  an  à  ua 
millier,  et  que  même,  selon  le  calcul  d'un  Chinois  instruit,  il  n'y  en  a 
pas  moins  de  cent  par  mois.  On  a  négligé  de  nous  apprendre  si  cette 
effrayante  multiplication  de  la  peine  capitale  ne  devoil  pas  être  eh 
partie  attribuée  aux  troubles  qui  agitent  l'empire,  et  aux  moyens  de 
rigueur  que  le  gouvernement  s'est  cru  forcé  d'employer  pour  les 
réprimer. 

L'une  des  causes  de  ces  troubles  est  la  formation  des  sociétés  secrètes» 
dont  le  nombre  augmente  chaque  jour  à  la  Chine,  malgré  tout  ce  qu'on 
fait  pour  les  détruire.  Un  des  parens  de  l'empereur  s'y  est  trouvé 
compromis  en  1 8  1 7 ,  et  a  été  puni  par  la  dégradation  de  son  rang.  Les 
noms  de  quelques-unes  de  ces  sociétés  sont  insignifians  ou  dérisoires, 
comme  les  Jaçuettes  blanches,  les  barbes  rouges,  les  épées  courtes,  éft.: 
d'autres  sont  emblématiques  et  annoncent  les  vues  des  membres  de 
l'association;  telles  sont  la  société  de  /a  grande  ascension ,  celle  de  /a  gloire, 
celle  de  l'union  des  trois  principes,  c'est-à  dire,  du  ciel,  de  la  terre  et  de 
l'homme.  A  l'époque  où  écrivoit  le  correspondant  de  M.  Milne,  cette 
dernière  é toit  encore  fort  répandue  à  Canton,  et  le  nouveau  vice- roi 
avoit  sévi  contre  les  sociétaires,  qui  venoient  d'être  arrêtés  au  nombre  de 
deux  à  trois  mille.  La  cérémonie  de  l'initiation  à  cette  secte  a  lieu  la 
nuit.  On  découpe  avec  du  papier  la  figure  de  l'empereur  régnant,  et 
l'on  exige  du  récipiendaire  qu'il  mette  cette  image  en  pièces.  C'est  là 
une  des  pratiques  qui  ont  le  plus  contribué  à  exciter  Tanimadversion  et  la 
sévérité  du  gouvernement.  On  ne  redoute  pas  moins  la  secte  du  Nénu- 
far  blanc,  association  déjà  ancienne,  sur  laquelle  on  trouve  des  détails 
dans  l'ouvrage  du  P.  le  Gobien  (i).  Il  y  en  a  une  nouvelle  qu'on 
nomme  Thsing-tchha  men-Kiao,  ou  la  secte  du  Thé,  parce  que  ceu^  qui 
la  suivent  font  à  leurs  divinités  des  libations  de  thé.  Un  décret  de 
l'empereur  a  ordonné  de  rechercher  les  partisans  de  cette  dernière;  et 
l'examen  de  leur  doctrine,  qui  a  été  fait  en  conséquence  de  ce  décret, 
prouve  que  c'est  une  altération  de  celle  des  Bouddhistes.  Ils  honorent 
les  cieux,  la  terre,  le  soleil,  la  lune,  le  feu,  l'eau,  leurs  ancêtres,  et  les 
trois  Bouddha,  c'est-à-dire,  Amita,  dont  le  règne  est  passé,  Chakia,  qui 
a  créé  le  monde  actuel,  et  Aîi-le,  dont  le  règne  est  encore  à  venir.  Le 
premier  et  le  i  j  de  chaque  mois,  ils  brûlent  de  l'encens  en  Fhonneur  des 


(i)  Hist.  de  i'Édît  de  l'empereur  de  la  Chine. 


u«« 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


dieux,  et  de  Vnag ,  leur  ibndateurr  qu'ils  supposent  admis  sn  nombre 
des  immortels.  Leurs  pratiques  ont  été  iùg^s  coupables  :  Vang-yoi»^ 
taï,  leur  chef  actuel,  a  ité  condamné  à  être  mis  en  pi^i;  ses  {wrenà 
çnt  ;éié  on  banni»,  oq,  réduits  en  esdavage;  leurs  bien»  ont  été 
confisqués,  &Ç.  Le  correspqndutt  de  Canton  dit  auuî  qnelqiws  rribts 
sifr  les,  J^lM-kin  l  arracheurs  dk.  liiKlons  ]  ,  c'est-knlire ,  sur  les  finrillea 
{uîves  de  KhaÏTibungî.'inals  cette  notice  très-cèwte  et  très-insuffisante 
n'ajoute  rien  aux  docufmens  fournis  par  le  P.  Gonni,  etquiontétft 
lUB  en  oBOvre  et  qommeutés  par  le  P.  Brotier ,  de  Murr  et  Mt  de  Stcj» 

Les  aùtres^nowKlles  venues  de  la  Chine  concourent  h  nous  montier 
réott  actuel  À  ce  |4qrs  sous  un  point  de  vue  peu  '  favorable.  Parmi  tes 
fauteurs  de  la  conspiration  de  1H13',  il  s'est  trouvé  deux  parens  de 
f empereur,  qui  ont  été  coadamnés  à  mort  cà  1817;  leurs  femmes, 
leurs  enfàns  et  leurs  petits-en&ns  ont  été  privés  de  la  ceinture  faune, 
marque  disiinctive  des  personnes  de  la-linulfe  impériale.  Soung-ta-}tn, 
gnnd  de  première  classe  et  premier  ministre ,  connu  eor  Europe  par  ses 
liaisons  avec  lord  Macartney,  a  été,  sur  de  vains' prétextes ,  dépouillé 
de  les  tlignîiés  et  envoyé  en  Tartarie  avec  un  grade  inlerieur.  Une 
févolte  s'est  manifestée  dans  le  Yun-nan  :  îe  nouveau  gouverneur  de 
Canton  a  reçu  ordre  de  marcher  contre  les  rebelles ,  qu'on  nomme  /ifeî 
[singes  révoltés].  Il  y  a  eu  aus«  des  troubles  dans  (a  partie  méridtonaie  do 
Eou-^n,  et  le  trésorier  de  cette  province,  craignant  d'être  soumis  à 
'  Hii  procès  criminel,  s'est  pendu  lui-même  Rîpn  n'est  phis  commun  que 
les  suicides  en  pareil  cas,  et  beaucoup  d'officiers  d'un  rang  supérieur 
ont  pris  dans  ces  derniers  temps  ce  parti  désespéré.  On- a  éprouvé 
une  disette  rigoureuse  daiu  le  Cban-toung  et  le  Pe^tchi-li,  et  une 
inondation  dans  le  voJMiiage  de  Canton.  Dans  la  partie  occidentale  du 
Sse-tchhouan ,  sur  les  frontières  du  Tibet,  un  tremblement  de  terrea 
renversé  plus  de  sept  cents  maisons ,  et  fait  périr  sous  les  ruines  plus  de 


-^JUILLET  1819.  4fj 

sur  letqitds  les  éditeurs  du  Glaneur  promettent  et  donnent  efTecti veinent 
des  renseîgnemens.  L'article  relatif  à  la  Corée  est  court  et  de  peu  d'impor- 
tance. Les  vues  du  capitaine  Gordon  sur  la  possibilité  tf  ouvrir  des  relations 
avec  les  Japonais  méritent  plus  d'attention.  Il  résulteroit  des  informations 
recueillies  par  cet  officier 9  que  l'entrée  du  Japon  ne  secoit  pas  aussi  sé- 
vèrement interdite  aux  étrangers  qu'on  a  coutume  de  le  croire.  Une 
personne  qui  avoit  fait  deux  voyages  de  Batavia  à  Nangasaki ,  en  1 8 1 3  et 
1 8 1 4  9  sur  le  vaisseau  anglais  la  Charlotte ,  portant  pavillon  hollandais  » 
rac<$nta  au  capitaine  Gordon  que  les  interprètes  de  Nangasaki,  lesquels 
parloient  anglais  très-couramment,  servoient  volontiers  d'intermédiaires 
au  commerce  des  étrangers  avec  les  habitans»  et  s'employoient  sans 
difficulté  pour  .procurer  aux  uns  dès  livres  anglais,  aux  autres  des  livres 
japonais,  et  en  général  toute   sorte  de  marchandises.  Sans  les  céré- 
monies excessives  et  les  dépenses  très-considérables  qu'entraînoient  les 
visites,  les  Européens  auroient  pu  acheter  eux-mêmes  des  Japonais  tout 
ce  qui  leur  eût  convenu.  En  quittant  Nangasaki ,  le  vaisseau  toucha  par 
hasarda  plusieurs  villages.de  la  côte,  où  les  Anglais  reçurent  un  bon 
accueil  des  habiians,  qui  étoient  en  grand  nombre,  très-pauvres,  et  ac- 
compagnés de  beaucoup  d'enfàns*  Les  hommes  donnoient  aux  Anglais 
le  nom  d' Américains  ;  ce  qui  sembleroit  indiquer  des  rapports  quel- 
conques entretenus  avec  ces  derniers.  Feu  le  D.'  Aînslie  visita  le  Japon 
sur  le  vaisseau  la  Charlotte,  et  c'est  d'après  ses  papiers  que  le  gouver- 
neur RafHes  a  dressé  un  coiurt  mémoire,  présenté  à  la  société  littéraiie 
de  Batavia,  dans  les  Mémoires  de  laquelle  il  doit  occuper  une  place.  I^ 
résultat  que  le  capitaine  Gordon  croit  pouvoir  tirer  des  différens  ren- 
seîgnemens qu'il  s'est  procurés ,  esl  qu'on  devroit  essayer,  à  défaut  de 
missionnaires,  de  déposer  sur  quelques  points  des  côtes  du  Japon ,  au 
moyen  des  nombreuses  tribus  de  pêcheurs  qui  les  fréquentent ,  des 
exeinplaires  des  livres  de  la  Bible  ou  d'autres  ouvrages  pieux,  et  qu'on 
pourroit  tenter  aussi  de  s'approcher  des  frontières  de  cet  empire,  non 
par  la  Corée,  dont  l'accès  est  aussi  exactement  fermé  que  celui  du  Japon 
même,  mais  par  les  îles  l-ieou-Khieou ,  Yeso,  la  presqu'île  Sakhaliyan  et 
les  îles  Kouriles,  en  y  formant  des  établissemens  de  missionnaires ,  pour 
s'approcher  successivement  des  provinces  centrales  de  l'empire. 

Je  terminerai  cet  extrait  en  disant  quelques  mots  de  l'établissement 
de  Malaca,  qui  forme  comme  une  succursale  de  celui  de  Macao,  et  où 
se  préparent  ceux  des  travaux  des  missionnaires  qui  ne  peuvent,  à  cause 
de  la  soupçonneuse  intolérance  du  gouvernement  chinois ,  recevoir  le^r 
exécution  dans  le  voisinage  des  frontières.  M.  Milne,  à  qui  Ton  en  doit 
la  fi>rmation,  y  a,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  fondé  une  imprimerie  anglaise , 

Ggg  2 


*ïo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

'munie  de  types  inba  et  dunoîi*  Mxffà  a  dé^  produit, ontie  le  recneil 
même  que  noui  analysons-,  nne  réimpression  du  Nduvean  Tetlunent  da 

~M.  Morriwp,uiw4di(foa  de  r£Mai  de  Bogue;  ettpiekpws  auim  ou- 
trages. On  oonstniît  èetueRemeat  k  Mahca  un  bâtiiBom  pour  leaicBles, 

-fîmprimerie,  la.  bibliothèque',  et  h  demeufe.dss  penonnn  amcWo  k 

'  f  éiabKsiemenL  Le  j^ombr*  de  ccifes-ci,  indipendanment  des  ouvriers , 
charponlicrt  et  couvreun,  est  déj4  de  plus  de  vingt,  taiu  i^ipRnienrs. 
que  mlkes  d'école,  tiaducteun.  On  avoit  défit  ni  trrîrer  «t  Ton  ancn- 
dott  eùcoie  de  i^^îhreauz  missicmnaires  qui  viennent  soulager  M.  Milne 
d'une  panfe  deifèôlrik  dont  if  a  été  tf abord  settl  chargé.  Il  y  avoh  srazan»* 
dix  écuâiani  aux  écoles  chinoises,  et  les  ordres  sévères  donnés  par  le 
gouvernement  de  Canton  avoient  engagé  plosieun  Chinois  k  se  retirer  k 
MaTaca.  Ona,  dès  les  premiers  temps,  songé  k  procurer  aux  tmdiKteurs 
f  indispensable  secours  d'une  bibliothèque,  dans  laquelle  ontd'abord  été 
réunis  quelques  manuscrits  en  malais,  m  siamois  et  dans  <fautres  idiomes 
orientaux.  Le  zèle  des  amis  de  la  société  a  enrichi  cette  bibliothèque 
naissante  cTun  certain  nombre  d'ouvrages  dont  on  donne  la  liste*  On  y 

-remartjue  plus  de  trois  cenu  volumes  chinois,  le  Nouveau  Testament 
en  cingafoîs,  plusieurs  ouvrages  rares  sur  la  langue  Tagala.  imprimés 

-aux  Philippines,  et  divers  autres  livres  de  littérature  et  de  religion. 
On  voit  qu'il  ne  re.  tera  bjeniât  rien  k  désirer  pour  que  la  mission  de 

'  Malaca  mérite  d'être  comptée  au  nombre  de  ces  établissf-mens  qui  se 

-  multiplient  chaque  iour  dans  l'Asie .  et  qui  ne  peuvent  manquer  d'amener 
k  la  longue  des  changemens  notables  dans  les  mœurs,  les  opinions  et 
la  civilisation  de*  cette  partie  du  monde. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


I.  Précis  d'une  collection  de  médaiues  antiques. 


JUILLET   1819.  4^1 

ouvrages ,  qui  est^galement  consacré ,  en  grande  partie  du  moins  t  aux 
monumens  de  ç^tte  contrée»  offre  un  catalogue  bien  plus  ample,  et 
n'est  pourtant  qu'un  supplément  à  la  Description  générale  des  médailles 
du  cabinet  du  Roi,  publiée  par  l'auteur,  M.  Mionnet.  Le  seul  rappro- 
chement de  ces  deux  écrits  suffit  donc  déjà  pour  constater  un  fait 
intéressant,  c'est  le.  progrès  rapide  de  la  science  numismadque,  qu'un 
très-petit  nombre  d'années  a  suffi  pour  enrichir  de  tant  de  monurnens 
nouveaux  et  propres  par  conséquent  à  jeter  un  nouvel  éclat  sur  cette 
branche  importante  de  l'archéologie. 

Quelques-unes  des  médailles  dont  M.  Reynier  donne  ici  la  descrip- 
tion ,  étoient  déjà  connues  par  le  Catalogue  de  M.  Avellino  :  mais  un 
plus  grand  nombre,  et  c'est  de  celles-là  seulement  que  je  parlerai,  étoit 
encore  inédit;  et  cette  publication  a  d'autant  plus  de  prix  à  mes  yeux» 
que  l'utile  ouvrage  que  je  citois  tout-à-l'heure,  de  M.  Âvellino,  s'est 
vu  interrompu  après  quelques  livraisons.  Toutefois  les  descriptions  de 
M.  Reynier  semblent  peu  propres,  par  leur  extrême  brièveté,  à  satis- 
faire  entièrement  la  curiosité  d'un  antiquaire,  que  l'absence  du  monu- 
ment original  rend  avide  des  moindres  détails.  Peut-être  est-il  permis 
de  reprocher  à  l'auteur  d'avoir  trop  exclusivement  recherché  le  mérite 
d'une  concision  rigoureuse;  et  peut-être  aussi  l'opinion  même  que  nous 
avons  de  ses  connoissances,  en  adoucissant  ce  reproche,  rend-elle  nos 
regrets  plus  vifs  encore  et  plus  légitimes.  Quelquefois  cependant 
M.  Reynier  ajoute  à  la  description  de  sts  médailles,  des  éclaircissement 
curieux  et  des  considérations  nouvelles.  Il  propose  des  attributions  di& 
férentes,  il  relève  des  interprétations  erronées;  et,  en  m'attachant  à  cette 
partie  de  son  livre,  la  seule  qui  soit  susceptible  de  critique,  je  crois 
trouver  moi-même  matière  à  quelques  observations  unies. 

M.  Reynier  propose  une  attribution  nouvelle  pour  les  médailles  dt 
Phistulis,  sur  l'origine  desquelles  les  avis  ont  été  jusqu'à  ce  jour  si  par» 
tagés  parmi  les  antiquaires.  M.  Sestini,  dont  l'opinion  est  d'un  si  grand 
poids  dans  ces  matières,  pense  que  ces  médailles  appartiennent  à  une 
ville  de  la  Campanie,  nommée  Phistuvia  ou  Phistevia ,  quoique  la  géo- 
graphie ancienne  ne  nous  fasse  connoitre  aucune  ville  de  ce  nom  dans 
cette  contrée  ;  et  si  cette  objection  ne  paroît  pas  suffisante  pour  détruire  la 
conjec'ure  de  M.  Sestini,  il  faut  convenir  aussi  que  cette  conjecture., 
destituée  de  preuves,  n*en  doit  pas  sembler  plus  soiîHe.  Aussi  M.  Reynier, 
d'après  le  principe  assez  généralement  admis,  que  la  patrie  d'une  médaille^  %  ) 

(i)  Je  me  sers  ici  de  Texpression  même  qu'emploient  M.  Rrynier  et  la  plupart 
des  antiquaires,  et  j'avoue  que  toute  autre  expression  rendroit  difficilement  la 
ncme  idée. 


422  JOURNAL  DES  SAVAN5, 

doit  tire  cherchée  dans  les  (ieux  oùon  fi  trouve  le  pl^f  conimunéQieiiti 
croit'il  devoir  attribuer  ceHes-ci  k  une  ville  de  Fanden  Samniam,  ville 
également  ignorée ,  ou  du  moins  omise  par  tous  les  géographes,  mai»  en 
ftveiir  de  laquelle  il  allègue  avec  plus  de  vraisemblance  tes  monumens 
mêmes  de'  ce  pays  et  une  certaine  ressemblance  de  imbrique.  Toutefois 
ces  detUE  aigumens  he  sauraient,  k  mon  avis ,  décider  seuls  une  question 
auisi  emfcanissée.  Le  lieu  oîi  Ton  trouve  une  médaille,  ne  peut  rien 
conclure  en  faveur  de  sa  véritable  patrie,  qu'à  défaut  de  toute  autre  in- 
dication; car  il  est  évident  que  les  tipératîons  du  commerce*  ou  mille 
autres  accidens ,  ont  pu  transporter  cette  monnoie  du  lieu  où  elle  a  été 
frappée ,  dans  un  lieu  fort  éloigné  de  celui-lb .  Les  analogies  de  ^brique , 
sur  lesquelles  les  yeux  les  plus  exercés  se  trompent  si  souvent,  et  qiiel- 
quelûis  aussi  s'abusent  si  volontairement ,  n'offrent  pas  un  moyen  plus 
sûr  de  fixer  la  vraie  origine  des  monumens  ;  et  l'analogie  de  nom  entre 
Phistulîi  et  Pastum ,  qui  avoit  décidé  Mazzoccht  et  beaucoup  d'autres 
antiquaires  ï  attriliuer  les  médailles  qui  portent  la  première  de  ces  déno- 
minatioru  à  la  même  ville  qui  plus  tard  a  porté  la  seconde ,  étoit  un 
argument  tout  ansi  probable  que  les  deux  autres  ensemble.  Mais  cet 
argument  même  a  acquis  pournous  une  force  nouvelle,  &  l'inspection 
d'une  médaille  publiée  par  M.  Micali  { i  ) ,  décrite-dans  le  Supplérpent  de 
M.  Mionnet  (a),  et  qui  existe  dans  la  collection  de  M.  Gossellin, 
laquelle  o^re,  au  revers  des  lettres  noZEi,  initiales  indubitables  de 
'Posidonia,  des  caractères  grecs  fort  anciens,  qui  équivalent  k  ceux-ci, 
♦lis ,  initiales  du  nom  de  Phislulij.  Or  il  me  semble  prouvé ,  autant 
du  moins  que  cela  peut  l'être,  que  cette  ancienne  légende  grecque  •iiï , 
employée,  au  lieu  de  la  légende  ordinaire  en  caractères  osques,  au 
revers  d'une  médaille  certaine  de  Posidonia,  atteste,  par  la  réunion 
des  deux  dénominaiions  ancienne  et  nouvelle ,  l'identité  des  deux  villes  { j). 


JUILLET  1819,  4*3 

luj-méme  reconnoître  rinsuffisance.  Maïs,  dans  Thypothèse »  déjà  rendue 
si/iaiseinblable,  que  PAistu/is,  Posidenia  et  Pœstum,  sont  les  noms 
<i'une  même  ville  successivement  habitée  par  les  Osques,  les  Grecs  et 
les  Latins  y  les  caractères  grecs  de  ia  médaille  de  M.  Gossellin  et  de 
celle  de  M.  Reynieri  qui  appartiennent  au  second  âge,  ou  plutôt  à  la 
seconde  population  de. cette  ville,  s*expliquent  si  naturellement,  qu'if 
me  semble  au  moins  inutile  de  recourir  à  une  autre  interprétation.  C'est 
donc  un  point  qui  me  paroît  démontré  contre  lavis  de  M.  R^ynier, 
mais  en  partie  par  ses  propres  monumens,  que  les  médailles  de  PklstuUs 
doivent  être  restituées  à  Posidônia  ou  Pœstum, 

M.  Reynier  a  fait  graver  (1)  une  médaille  de  Luceria^  qui  ofire  an 
type  neuf  et  remarquable  :  c'est,  d'un  côté ,  une  tête  de  femme,  4ont  il 
est  difficile  d'assigner  le  vrai  caractère,  d'après  l'imperfection  de  la 
gravure  qui  la  représente;. de  l'autre,  un  croissant,  surmonté  des  lettres 
LOVCERi.  Ce, type,  dont  le  sens  n'a  encore  été  soupçonné  par 
personne,  peut  être,  à  ce  qu'il  me  semble,  facilement  expliqué  par  ft 
rapprochement  d'une  autre  médaille  de  la  même  ville  que  j'ai  publiée  (2), 
et  qui  offre,  au  res^rs  d'une  tête  de  Minerve  casquée,  une  espèce  de 
roue  à  huit  rayons,  entre  chacun  desquels  sont  disposées  les  sept  lettres 
du  nom  de  LOVCERl.  J*aî  dit  une  espèce  de  roue,  pour  me  conformer  à 
l'opinion  d'Eckhel  ())  et  de  tous  les  antiquaires.  Mais  il  me  paroît 
maintenant  évident  que  ce  qu'ils  désignent  ainsi  est  un  astre ,  et  cfxt^ 
tantôt  par  ce  symbole  de  la  lumière,  tantôt  par  celui  du  croissant,  quia 
la  mémesigniiicatijn,  la  ville  de  Luceria,  faisoit  allusion  à  son  propre 
nom,  et  au  mot  latin  de  /ux ,  lucis,  qui  en  fôrmoit  la  racine.  Ces  sortes 
d'allusions  ou  de  jeux  de  mots  sont  trèsfréquens  sur  la  monnoie  des 
peuples  grecs,  et  j'en  ai  moi*même,  dans  un  des  précédens  cahiers  de 
ce  journal,  rapporté  des  exemples  incontestables  (4)-  S*il  en  failoit  une 
preuve  nouvelle,  j'en  trouverois  une  tout-à-fait  analogue  au  cas  dont  il 
s'agit  ici.  Quelques  médailles  de  la  famille  I.Mcreii  a  offrent  y  d'un  côté, 
la  tête  rad>ée  du  soleil,  de  l'autre,  un  croissant,  deux  types  presque 
absolument  sembla^  les  h  ceux  des  momioies  de  Luceria,  et  qui  présentent 
pareillement  une  allusion  au  même  mot  de  lux ,  racine  de  LUCretia 
aussi  bien  que  de  LUCeria,  Telle  étoit  du  moins  l'opinion  du  docte 
et  judicieux  Eckhtl,  que  je  crois  à  présent  confirmée  par  ma  propre 
observation:  Addo  fuisse  ptaterea  signa tum  solem  et  lunam,  quod  hœc 


(i)  Planche  II,  n.  28.  —  (2}  Lettres  à  myiord  Aberdeen  sur  l'authenticité 
des  inscriptions  de  Fourmont,  /  voU  in  4.**,  che?  Debure.  —  (3)  £ckhel ,  Z)(?rrrmr 
mum*  um,  1  ,p,  i^^z.  —  (4)  Voy.  le  cahier  de  février>  p.  87. 


Ali  JOURNAL  DES  SAVANS, 

slJtra  uhtTÏorem  pra  aliis  lucem  dlffundunt ,  quo  adludi  puto  ad  nomtn 
Lucretii  (i  ).  Au  reste,  l'usage  de  ces  symboles,  dans  les  lemps  auxquels 
appartiennent  les  monumens  que  j'ai  cités ,  me  paroît  avoir  été  détourné 
de  sa  destination  primitive.  Il  faut  sans  doute  t^n  chercher  le  véritable 
sens  dans  l'Orient,  source  de  tout  langage  symbolique.  Un  grand  nombre 
de  pierres  gravées  persanes  offrent ,  à  côté  du  sphinit  ou  du  lion  ailé , 
les  mêmes  signes ,  l'astre  et  le  croissant,  figurés  comme  sur  les  monnoies 
grecques  tt  romaines  dont  j'ai  parlé  :  or  un  pareil  accord  entre  des 
monumens  si  dissemblables  du  reste  ne  peut  certainement  être  l'ou- 
vrage du  hasard.  Mais  ce  rapprochement,  fécond  en  graves  consé- 
quentes, exigeroit  trop  d'espace  pour  être  développé,  et  je  dois  me 
contenter  de  l'avoir  indiqué  ici  (2). 

M.  Reytiier  a  décrit  plusieurs  inédailles  samnïtes,  appartenant  au 
lemps  de  la  guerre  sociale,  et  qui  confirment  ou  détruisent  sur  quelques 
points  l'opinion  qu'avoient  conçue  de  ces  monumens  les  plus  docies 
antiquaires.  L'une  de  ces  [nédailles,  unique  jusqu'à  ce  jour,  offre,  d'un 
côlé,  en  caractères  latins,  le  mot  itaLIa,  signe  de  l'alliance  des 
peuples  italiens  conjurés  contre  Rome,  et,  de  l'autre,  en  caractères 
osqitts,  les  initiales  connues  c.  paai>i  du  nom  du  général  qui  commandoir 
celte  ligue.  L'emploi  simultané  sur  un  même  monument,  des  caractères 
des  deux  nations  rivales,  est  au  moins  irês-remarquable,  et  prouve 
de  plus  qu'Eckhel  a  eu  tort  de  regarder  comme  étrangères  b  la  ligue 
samnîie  les  médailles  offrant  le  mot  ITAUA ,  sur  le  seul  motif  que  ce 
mot  apparienoit  à  la  langue  dts  Romains  (j).  Ajoutons  ici  une  autre 
observation  qui  lui  a  échappé  sur  l'emploi  du  double  A  dnns  le  nom 
PAAPI,  pour  représenter  l'A  long  du  mot  papivs,  emploi  qui,  avec  les 
autres  exeinplts  du  même  genre  que  fournissent  les  langues  étrusque, 
latine,  et  k-s  autres  diakctes  de  l'ancien  idiome  grec,  concourt  à  prouver 
une  vérité  que  je  crois  avoir  établie  ailleurs  (4)-  M.  Reynier  décrit 
encore  une  médaille  samnite,  également  unique  par  le  mêlai,  qui  est  II 


(I)  EcUiH,  Oper.laud.tom.  V.p.2jg. 

(a)  Les  originaux  Ac  cts  pitrrtf  sont  pour  la  plupart  entre  ks  niaiDs  de 
M.Lajard,  de  Marseille,  lequel,  avec  beaucoup  de  soins  et  de  dépenses,  en  adéji 
formé  une  collection ,  la  plus  riche  et  la  plus  nombreuse  en  ce  genre  qui  existe 
dans  toute  l'Europe.  Je  ne  crois  pas  trahir  la  confiance  de  ce  jeune  savant,  et 
encore  moins  les  espérances  qu'on  doit  former  sur  son  zèle,  en  annonçant  ici 
le*  travaux  auxquels  il  se  livre  poiir  re>plicaiit>n  de  ces  monuinens ,  jusqu'à  ce 
jour  preM^ue  inconnus  des  aniiquairrs.ei  qui  doîveni  former  une  branche  nou- 
velle de  l'archéologie. 

(î)i:ckhcl,i)ûc,rin.  «UM,  to;/r./,/>./o^.— (4)LettreiiM.Aberdccn,j>.j^-j;. 


■    JUILLET   iBl^:  iii 

bionze  :  toutes  les  autres  connues  jusqu'à  ce  Jour  îont  d'argent.  Jl 
conjecture  de  là  que  cette  médaille  avait  été  destinée  à  former  le  noyau 
d'une  médaille  fourrée.  Mais,  outre  que  le  volume  de  cette  monnoie 
s'oppose,  de  l'aveu  même  de  l'auteur,  à  l'idée  qu'elle  ait  pu  servir  à 
cette  espèce  de  fraude,  l'absence  de  la  légende  au  revers  contrarie 
fortement  celte  supposition,  et  îf  est  plus  naturel  d'admettre  l'existence 
d'une  monnoîede  bronze  parmi  les  peuples  de  la  guerre  sociale,  opinion 
que  d'autres  monumens  des  mêmes  peuples  rendent  d'ailleurs  Irès- 
probaljle.  Avant  de  quitter  celte  région ,  j'ajouterai  que  deux  médailles 
de  M.  Reynier  confirment  une  conjecture  d'Eckhel  et  détruisent  une 
attribution  du  savant  P.  Lanzi.  Celui-ci  avoit  cru  pouvoir  donner  h  un 
peuple  samnite,  nommé  /'m/W  dans Tile-Live,  une  monnoie  de  bronze 
dont  la  légende  osque ,  ENTPEI  ,  sembloit  offrir  quelque  altération  (  i  )  ; 
et  Eckhel,  tout  en  admettant  cette  supposition,  avoit  exprimé  l'idée 
qu'un  monument  mieux  conservé  pourroit  un  jour  conduire  à  une  attri- 
bution plus  sûre  :  numus  aliquando  mugis  inCeger  doctb'tt  (2).  Ce  doute 
du  judicieux  antiquaire  est  changé  en  certitude  par  la  légende  des  deux 
médailles  de  M.  Reynier, qui  offrent,  en  caractères  orques  rétrogrades, 
le  mot  FRENTREI,  noiti  samnite  du  peuple  connu  des  Romains  sous 
celui  de  frentani  (j). 

M.  Reynier  est  sorti  une  seule  fois  des  bornes  de  l'extrême  concision 
\  laquelle  il  s'est  assujetti;  et  cela,  pour  déterminer  d'une  manière  au 
moins  nouvelle  la  pairie  des  monnoîes  avec  l'inscription  TPINE,  en 
anciens  caractères  grecs  rétrogrades.  Les  antiquaires,  en  les  attribuante 
une  ville  de  l'ApuJie  ,  nommée  Hyria ,  n'ont  pu  ni  dissimuler  ni 
résoudre  les  graves  difficultés  qui  s'élevoient  contre  cette  opinion;  et  le 
docte  Eckhel  ne  la  rapporte  lui-même  qu'à  défaut  d'une  meilleure 
attribution  (4)-  Depuis,  M,  AveiJino  en  a  proposé  une  fort  ingé- 
nieuse (5)  ;  il  pense  que  ces  médailles  appartiennent  à  la  ville  de 
Surrentum,  que  les  Grecs  nommoient  ÏÏPAION  et  ITPION.  Mais, 
outre  qu'il  faudroit  admettre  que  les  Grecs  d'Italie  représeni oient 
quelquefois  le  2  par  une  aspiration,  ce  qui  ne  seroit  pas  absolument 
invraisemblable,  ilresteroit  encore  à  prouver  qu'un  Irait  tiré  au-dessus 
de  TK  de  quelques  médailles  à'Yrina,  et  qui  manque  sur  un  plus  grand 
nombre,  est  le  signe  de  cette  aspiiatlon.  Une  autre  objection  que 
propose  M.  Reynier,  c'est  que   Surrentum  neparoîtpas  avoir  joui   de 


(1)  Saggio  di  l'mgua  etrusca ,  ifc,  mm.  H,p.  602.  —  {2)  Eckliel,  Optr.làud.   ■ 
tom.  I ,  p.  ng.  —  (j)  M.  Mionnet  en  t'ait  aussi  l'observaiion ,  p.  22^  de  ion 
J'u;7;/nnfnr,  — (4)  Eckhel,  Optr.  laud.i.l.p.  /fi — (j)  Ital.Num.  t,l,p.  lOj. 

Hhh 


i26  JOURNAL  DES  SA  VANS. 

fautùBomie,  et ,  par  conséquen  t ,  du  droit  do.  battre  moiuioie  ;  et  il  ajoute 
k  cette  observation,  que  les  Pittatini,  dans  le  territoire  desqueb  «Ile 
étoit  située,  fiappèrent  probablement  leun  monnoies  tn  leur  nom 
cx)ilecttf.  Jl  appuie  cette  fXHijecture  svr.uoe  mécUiHe  uiwpic  du  ca^bioet 
de  Milan.  Maisi  tout  en  approuvaiu  cet  argument  »  l'obserreiai  k  son* 
tour  que  la  Mgende  de  cette  médaille  est  défigurée  du»  la  dtttioa 
qu'en  ^t  M.  Reynier,  et  qu'elle  doit  être  lue  ainsi  que  Ta  rapportés 
M.  Mfonnet  (  i  ).  Quant  à  l'opinion  propre  de  M.  Reynier  sur  la  véiî- 
table  patrie  des  médailles  attribuées  à  Hyria ,  il  pense  qu'elles  appar- 
tiennent k  N»la,  et  qu'elles  sont  antérieures  k  l'éfKxpie  ob  cette  ville 
fût  ainsi  nommée.  Les  raisonnemens-  qu'il  ftil  k,  f appui  de  cette  attri- 
bution, décèlent  sans  doute  un  homme  exercé  par  l'babitude  de  voir  et 
de  comparer  les  monumens  :  mais  une  grave  difficulté  contre  cette 
opinion ,  et  qu'il  n'a  pas  même  indiquée  >  c'est  que  l«s  plus  anciennes 
'  médailles  de  Nola  paroissent  d'une  fabrique  pour  le  moins  aussi  vieille 
que  les  plus  anciennes  à!Yrinà.  Nous  croyons  donc  que  le  doute  proposé 
''par  EcÛiel,  et  dans  lequel  se  retranche  encoreM.  Mionnet  (a],  est  le 
.seul  parti  qu'il  convienne  de  prendre,  fusqn'k  ce  qu'un  plus  gtand 
nombre  de  monumens  permette  de  démêler  la  vraie  légen^  du 
milieu  de  tant  de  leçons  diverses  ou  contradictoires. 

Les  conjectures  de  M.  Reynter  sont  quelquefois  plus  heureuses,  et  j'en 
citerai  ici  deux  exemples  qui  me  paroissent  mériter  d'être  indiqués  aux  an- 
tiquaires. M.  Sestini  a  publié,  dans  le  tome  III  de  sei  Nouvelles  Lettres  nu- 
mismatiques  ()},  une  médaille  avec  la  légende  tl&PinOAON,  qu'EcUiel 
avoït  cm  devoir  laisser  parmi  les  incertaines  du  cabinet  de  Vienne  (4). 
Ce  savant  a  de  plus  suppléé  et  corrigé  le  mot  ..itpnatan,  écrit  à  la 
saile  delà  légende,  et  il  lit  mONATAN.  qu'il  interprète  par  Pitanatet, 
nom  des  habiians  d'un  déme  de  la  I^conie ,  dont  il  suppose  qu'tme 
partie  a  pu  émigrer  et  s'établir  i  Pcripolis ,  ville  du  lerriloire  des  Locriens 


JUILLET  \Bi^.  -A^ 

et  de  fabrique  avec  celles  de  Tarente,  appartient  à  cette  dernière  ville; 
^t  comme  tout  le  monde  sait  que  Tarente  étoit  une  colonie  facédé- 
mbnienne  (  i) ,  il  paroît,  en  effet ,  très-naturel  et  très-vraisemblable  que 
ies  habitans  de  cette  viîle  aient  conservé  sur  leurs  monumens  le  nom  et 
ie  souvenir  des  Pi  fanâtes  -de  la  Laconie,  qui  les  avoi^t  sans  douté 
accompagnés  en  Italie,  et  peut-être  avoient  formé  k  Tarente  un  quartier 
ou  faubourg  particulier  désigné  sur  cette  médaille  par  le  nom  de 
IIEPinoAAN,a  peu  près  comme  le  mot  d* Epwo les,  forttïé  sur  le  même 
modèle»  désignoit  un  quartier  de  la  ville  de  Syracuses  (2).  La  secondé 
restitution  que  propose  M.  Reynier,  et  celle-là  est  tout-à-faît  certaine', 
a  pour  objet  ies  médailles  avec  Finscription  AZETIN,  ou  AZETINÛM*, 
que  la  plupart  des  antiquaires,  etnommémént  Pellerin  (5)  et  Eckhef  (4}-i 
attribuoient  à  un  déme  de  l'Attique.  L'expérience  qui  fit  reconrioître  que 
toutes  ces  médailles  venoient  de  fltalie,  avoit  déjà  rectifi;é  Topinion  sait 
ce  point  et  fait  soupçonner  qu'elles  appartenoîent  à  la  Grande-Grèce  (5), 
Ce  soupçon  a  été  entièrement  confirmé  par  la  découverte  qu'a  faite 
M,  Reynier  d'une  de  ces  médailles,  ayant  pour  type  le  pétoncle,  type 
presque  exclusivement  réservé  aux  médailles  de  Tarente,  et  bien  mieut 
encore  par  l'existence  d'un  peuple  de  l'ancienne  Calabre ,  région  où  se 
trouvent  la  plupart  de  ces  monumens ,  lequel  peuple ,  nommé  dans 
Pline  [6]  yEgetini,  par  une  très-légère  altération ,  est  bien  certainement 
celui  auquel  ces  monnoies  appartiennent.  Voilà  encore  une  preuve  à 
ajouter  à  tant  d'autres  faits  du  même  genre  qui  n'ont  pm  être  contestés 
que  par  l'ignorance  ou  la  mauvaise  foi ,  du  secours  qu'offrent  les  monu^ 
mens  numismatiques  pour  épurer  les  sources  de  l'histoire  et  de  là 
géographie  anciennes  (7). 

<      ■      I       ■  I  ■  I  I  I  ■■  ■  H    'l    ■  !■      ■      Il     I    I  1-^— — .» 

(i)  J'ai  rassemblé  tous  les  témoignages  relatifs  à  cette  célèbre  émigration, 
dans  mon  Histoire  critique  de  VitabCissement  des  colonies  grecques,  tom,  III ^ 
ft  2/j  ei  suiv,  —  (2)  Diodor.  Sicul.  Biblioth,  lib,  XIV ,  /.  18,  —  (3)  Recueil  I, 
p.  148.  L'auteur  avoit  cependant  reconnu  i'errpur  du  P.  Frœlich,  qui  le  premier 
proposa  cette  attribution.  —  (4)  Eckhel,  Doctrin,  num,  tom.  Il ,  y,  222,  — 
(ç)  Mîonnet,  Explication  des  planches,  totii.  IX,  p,  yS,  —  (6)  Plin.  Hist.  nat. 
lit.  ni  ,c,  tt. 

(7)  Un  savant,  que  je  ne  nommerai  pas,  et  à  qui  l'étude  des  antiquités  égyp- 
tiennes a  valu  une  réputation  trés-honorable,  ne  paroît  pas  espérer  de  grandes 
lumières  de  l'étude  des  antiquités  grecqiies  et  romaines;  et  ce  qu'il  remarque  en 
passant  de  l'état  actuel  de  la  numismatique,  prouve  que  les  meilleurs  esprits  ont 
peine  i  se  défendre  des  préventions  même  les  plus  injustes ,  et  qu'il  faut  êtM 
fort  réservé  à  parler  de  ce  qu'on  ne  /est  pas  donné  la  j)eme  d'étudier.  Nous  pro« 
filerons  ici  nous-mêmes  de  cette  le^on  qu'il  nous  donne,  et  nous  avouerons 
que,  si  l'étude  des  médailles  peut  devenir  féconde  en  découvertes  historiques^ 
on  ne  doit  pas  désespérer  non  jAus  d'entendre  les  hiérogl/phés  de  l'Egypte. 

Hhh  X 


42S  JOURNAL  DES  SAYANS, 

J'aurois  encore  k  6tre,  sur  le  livre  de  hL  Reynier ,  bien  d'autres  obser- 
vtrions  que  je  supprime,  pour  pouvoir  dire  quelques  mots  de  celui  dé 
■M.  Mionnet,  avant  de  terminer  cet  article,  Lç  Sapplémint,  dont 
M.  Mionnet  ne  publie  encore  que  le  premier  voluine  (■•]*  com|irend 
.dei  médailles^  de  l'Eipagne,  de  la  Gaule,  de  fltaBe  et  de  la  âcilB. 
TDutetnesontpasinédites;etcominent,  en  effet,  dansle^tii  nombre 
tf  années  écoulées  depuis  la  publication  de  sa  Dcteriptiam,  pourroit-on  se 
flittff  d'av<Hr  acquis,  sur  cette,  pordon  de  TEuropCf  un  si  prodigienx 
«wnde  momimcni  eotidrement  nouveaux!  M.  Mionnet  a  complété  le 
catalogue  déjà  si  avancé  des  médailles  grecques  du  cabinet  du  Roi,  ct# 
en  y  joignant  les  objets  les  plus  remarquables  et  les  plus  uilhentiques 
des  caibîoels  étrangers  et  même  des  collections  particulières,  il  a  produit 
ia  description  la  plus  ample,  la  plus  méthodique  et  la  plus  utile  aux 
progrés  si  étendus  de  nos  jours  de  la  science  numisniaitque.  Il  y  a  réduit 
à  Tapplication  le  système  de  la  doctrine  cTEcUiel,  immortel  ouvrage 
dont  tons  les  élémens  se  trouvent  maintenant  rassemblés  dans  le  livre 
deM.'Mionnet;  et  un  grand  nombre  même  de  monumensqui  avoient 
éduppé  k  la  connoîuance  d'Eckhel,  ou  que  h  science  a  recouvrés 
depuis  sa  mort,  rangés  selon  son  système,  interprétés  d'après  ses 
prindpes,  viennent  ainsi  à  fappui  de  cette  doctrine,  comme  pour 
déposer  «i  âveur  de  Texactitude  de  sa  méthode,  et,  en  quelque  sorte, 
«rendre  hommage  à  la  merveilleuse  sagacité  de  cet  illustre  antiquaire. 
Plus  du  tiers  des  médailles  décrites  dans  le  volume  de  M.  Mionnet  sont 
nouvelles  ;  et  il  est  rare  que ,  pour  les  faire  entrer  dam  le  système  d'Eckhel, 
fauteur  ait  été  obligé  d'y  rien  déranger  :  presque  toutes  sont  venues, 
comme  d'elles-mêmes,  prendre  la  place  qui  leur  étoît  marquée  tfavance. 
Les  descriptions  de  M.  Mionnet ,  courtes ,  précises ,  exactes  ,  suivies  de 
l'indication  des  sources  où  il  a  puisé,  suffisent  pour  mettre  fantïquaire 
déj^  inslruit  sur  la  voie  des  monumens,  et  sool  un  excelleni  guide  pour 


JUILLET  1819.        .  4*9 

C.    M.   FrjEHNI!  ,   Rostochiensis ,   de  Academia  imperialis 

scientiarum  Petropolitana  Museo  numario  Muslemico ,  Proïush 
prior,  qud,  dum  confiai  ûccurata  descriptîo ,  ejus  copia  et  pra- 
stantia  obiter  contuenda  proponitur;  particula  prima  :  Academia 
edi  jussit.  Petropoli,  typis  Acad.  imp.  scient,  iSiÇ, 
53  pag-  in-4^\ 

• 

Avant  cTentreprendre  la  publication  de  la  Description  complète ide 
la  collection  des  médailles  musulmanes  que  possède  ï^£?Aémi^  impé- 
riale des  sciences  de  Pétersbourg  /  M.  Frachiijdont  n^ous  avoj^s  <^|à 
fait  connoître  plusieurs  travaux  du  même  genre,  s'étoit  jH'oposé  de  pu- 
blier un  Coup-d'œil  de  cette  riche  collection.  Ce  Coup-d'œii  devoit  ^tît 
divisé  en  deux  parties»  et  la  première,  Prolusio prior ,  subdivisée  en  trois 
portions.  C'est  la  première  de  ces  trois  ^^xhAismon^  9  particula  prima  ,q}xï^ 
paru  dans  le  cours  de  Tannée  1 8 1 8 ,  et  dont  nous  allons  rendre  un  compte 
sommaire.  Nous  aurions  attendu ,  pour  faire  connoître  celle-ci  aux  leor 
leurs  du  Journal  des  Savans»  la  publication  des  deux  autres  subdivisions 
de  cette  première  partie»  si  M.  Frxhn  n'eût  annoncé  lui-même»  en  teffr 
minant  celle  que  nous  ayons  sous  les  yeux»  que  ce  travail  préliminaire 
n'auroit  point  de  suite.  Le  vrai  motif  qui  le  lui  avoit  fait  entreprendre» 
étoit  la  crainte  de  ne  pouvoir  pas  publier  la  Description  complète  »  qui 
lui  avoit  déjà  coûté  beaucoup  de  temps  et  de  travail,  La  /lomination  de 
M.  Ouvarojâf  à  la  présidence  de  l'académie  impériale  des  sciences  de 
Pétersboiu'g  ayant  relevé  ses  espérances  et  ranimé  son  coiuage  »  il  a  pris 
de  nouveau»  sous  les  auspices  de  ce  zélé  promoteur  des  lettres»  et  par- 
ticulièrement des  lettres  orientales  »  l'engagement  de  Eure  jouir  le  public» 
le  plutôt  possible»  de  ce  grand  travail  »  qui  doit»  sans  aucun  doute  ^ 
laisser  bien  loin  derrière  lui  tout  ce  qui  jusqu'ici  a  été  fait  en  ce  genre. 
Nous  avons  cm»  par  ce  motifs  devoir  rendre  un  compte  succinct  de  ce 
petit  volume. 

M.  Frxhn  ne  craint  point  d'assurer  que  le  cabinet  de  Facadémie  impé- 
riale surpasse  infiniment  tous  ceux  que  divers  orientalistes  ont  fait  con- 
noître jusqu'à  ce  jour,  soit  par  îe  nombre  des  médailles  musulmanes 
qu'il  renferme,  soit  parle  prix,  la  rareté  et  les  résultats  chronologiques 
et  historiques  d'un  grand  nombre  de  ces  médailles.  Celles  dont  il  a  eu 
connoissance  jusqu'au  moment  de  celte  publication,  montent  à  18,2^7,^ 
et  il  paroît  que  ce  n'est  pas  encore  la  totalité  de  la  collection.  Dans  cette 
immense  collection»  il  y  a,  comme  on  le-  pense  bien,  beaucoup  dé 
doublet»  ^  et  M»  fndm  ea  «voit  déjà  reconnu  1 4  ><74»'Ce  qui  n'empêche 


43e 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


point  que,  mèfiie  après  cette  dé&lcatîon,  Tàssertioa  de  M.  Fnehn  ne 
conserve  toute  ton  exactitude.    , 

Notre  auteur  divise  cette  collection  en  quinze  claues  :  il  subtfiTÏse  Ja 
premîèrQ  classe  en  deux  parties;  et  de  ces  deux  parties,  lapremièie  se 
partage  encore  en  deux  branches.  Noos  transcrirons  ià  ce  tableau. 

Classis  i,  Num'i  Ckalifarm» ,  A )  Umaj/àdartm ,%)  Damascenorum , 
h  )  Hispanicorum  •'  B  ]  Abbasidarum,  —  Cl.  IL  JVumi  Emiranm 
Soffarldamm. — CL  lU.  NuMi  Emirorum  Samanldarum.  —  Cl.  IV.  Numi 
Sultûnanim  SeMteginidantm.  —  Cf.  V.  Namt  Cianoram  Dschudsck'tda- 
nm  Jttt  Ckanontm  Ordtm  auna.  —  Cl.  VI.  JVami  Crrai-ckammm  sru 
Ckanorum  Krimete.  —  Cl.  VII.  Numi  Ckdmrum  ffulagaidarum.  — 
Cl.  VIII.  Numi  Ciamrum  Dtehelaîridaram  jtu  Ifthanidanim.  — 
Cl,  IX.  Numi  Ckanorum  Dschdghataidantm ,  Tîmurlaigi  et  7*imitridarum. 
—  Cl.  X.  Numi  Sultmarum  Patanorum  in  Dthli.  —  Cl.  XI.  Numi 
Timuridantm  in  India.  —  Cl.  XII.  Numi -Ckanorum  UsMicerum  Bo~ 
tkarim.  —  Cl.  XIIL  Numi  Sultanorum  Osmanidarum,  -~-  Cl.  XIV.  Numi 
Seàaàtnm  Ptrsia.  —  Cl,  XV.  Numi  htetrtî. 

Iln'est  question  i  dans  le  vt^ume  que  nous  annonçons ,  que  des  quatre 
}H«mfères  duie?. 

Les  monnoies  des  IhaHiès  Ommtades ,  du  cabinet  dont  il  s'agit ,  ne  sont 
qv^au  nombre  de  huit  :  fa  plus  ancienne  est  de  Pan  51'j  dé  Thégire  i  à  cette 
époque ,  il  y  avoit  dé^  dix-neuf  ans  qu'Abdelmélic  avoit  introduit  parmi 
les  musulmans  fusage  d'une  monnoie  particulière. 

En  traitant  des  monnoies  des  Abbasides ,  M.  Fnthrt  examine  quel 
peut  être  le  sens  de  certains  sigles  ou  lettres  isolées  qu'on  observe  sur 
plusieurs  de  ces  médailles  et  sur  beaucoup  d'antres.  Entre  ces  sigfes,  il 
en  est  deux  d'un  usage  plus  fréquent  :  c'est  ^  ou  ^^ ,  et  ^i*  ou  ^  ^.  Je 
douie  que  M.  Frxhn  ait  eu  connoissance  de  deux  passages  du  Kamous 


JUILLET  i9içi  431- 

il  n'auroit  pas  manqué  de  les  expliquer.  Makrizi  n'en  dit  rien  non  plus 
dans  son  Traité  des  monnoies  musulmanes.    . 

^ ,  M^  Fr^hn  propose  diverses  conjectures  sur  tous  ces*  sigles  en  général. 
If  suppose,  I ."^ qii'ilspeuvent  désigner  les  noms  des  graveurs  monétaires; 
2.*"  que  peut-être  ils  marquent  ie  signe  du  zodiaque  dans  lequel  se 
trpuvoit  le  soleii  lorsque  le  coin  a  été  gravé;  3.''  qu'ils  sont  destinés  à 
indiquer  le  mois  auquel  la  ^brication  a  eu  lieu.  M.  Frsehn  regrette  de 
n'avoir  pas  eu  sous  les  yeux,  en  traitant  cette  question ,  le  petit  ouvrage 
persan  publié  par  Greaves,  sous  le  titre  de  Anonymus  Persa,  de  siglis 
Arabum  et  Persarum  asironomicts,  Ge  qu'il  y  auroit  vu,  c'est  que  les 
sigles  des  planètea  sont  la  detnière  lettre  de  leur  nom  en  arabe,  pêt  ' 
exemple^  u  pour  jç.j^,  Mars;  ^  pour  ^j»mj^yJui)Uer,êLC.  ;  que  les  signes  ' 
du  zodiaque  sont  indiqués  par  une  lettre   dont  la  valeur  numérique  * 
répond  à  l'ordre  qu'ils  occupent  dans  le  zodiaque ,  en  commençant  par 
le  Taureau,  t  [  i  ]  ;  les  Gémeaux,  <-»  [ ^]  *  •  •  »  '®  Sagittaire ^  c5  [  * ^]  >  '^* 
Poissims,  L  [  1 1  ]•  Le  Bélier  seul  a  pour  sigle  ^  première  lettre  de  son 
nom  Jl^.  Des  trois  conjectures  de  M.  Frachn ,  ia  première  nous  paroîc 
la  plus  vraisemblable,  et  Its  exemples  de  pareilles  abréviations  sont 
très-ordinaires.  Toutefois  nous  doutons  qu'elle  doive  s'appliquer  à  tous  * 
les  sigles  monétaires  des  musulmans,  et  sur*tout.aux  deux  dont  nous 
avons  parlé,  ^  et  *m.  Si  l'on  avoit  sous  les  yeux  un  tableau  de  tous  les'; 
sigles  monétaires  observés  jusqu'ici  sur  les  monnoies  musulmanes ,  on  * 
pourroit  former  des  conjectures  moins  hasardées,  et  la  description  du  * 
cabinet  de  l'académie  de  Pétersbourg   contribuera  peut*étre  à  jetor 
quelque  jour  sur  cette  matière.  < 

Les  médailles  de  la  dynastie  des  Samanides  sont  en  très*grand  nombre 
dans  la  collection  de  cette  académie,  et  en  général  dans  les  cabinets  da 
nord  de  TEurope.  M.  Fraehn ,  d'accord  avec  M.  Adler ,  attribue  l'abon- 
dance de  ces  médailles ,  tant  de  celles  qu'on  a  découvertes  que  de  celles 
qu'on  découvre  encore  tous  Its  jours  sur  les  rivages  de  la  Prusse,  de  la 
Poméranie,  de  la  Suède,  &c.,  à  la  route  qu'avoit  prise  dans  le  dixième 
siècle  le  commerce  de  l'Inde.  Le  cabinet  de  l'académie  de  Pétersbourg 
offre  une  quantité  considérable  de  monnoies  d'argent  des  Samanides 
(  une  seule  est  d'or,  il  ne  s'en  trouve  aucune  de  bronze  )  ;  elles  forment 
une  suite  non  interrompue  depuis  l'an  de  l'hégire  28 1  [  894  de  J.  C.] 
jusqu'à  l'an  319.  Beaucoup  de  ces  médailles  donnent  lieu  à  de  graves 
difficultés  historiques  et  chronologiques,  dont  il  convient  de  dùrft 
quelques  mots. 

Déjà,  en  rendant  compte,  il  y  a  plusieurs  années,  dans  le  Magasni 
eac^qlppédîqttet  d'une  dis8«xtation  sur  div«n)es  moxwoies  arabes  des 


4j*  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

Ssminides  et  des  Botlfdes  on  princes  de  la  dynastie  de  Bôuyah  os 
Bowaih,  disserlBiion  écrite  en  inbe  par  M.  Frshn,  et  par  lui  publiée  k 
Casan ,  i'avojs  eu  l'occasioti  de  Jâire  remarquer  que  la  datif  de-ptàiieurs 
de  ces  monnoies  ne  concorddtt  pas  avec  Thistoire,  reîadrÂneat  aa 
règne  des  Uuiifes  dont  le  nom  se  trou4n»t  associé  à  ceux  des  princes 
^î  avoient  Ait  &apj>er  ces  monnoies.  J'avois  cra  cependant  pouvoir 
rendre  raison  de  ces  anomrfies  par  les  faits  qne  me  fbumistoiem  les 
historiens  :  mais  des  anomalies  du  même  geiwe  se  reproduisent  ici 
si  fréquemment,  qu'il  paroît  indispensable  de  recourir  k  une  solution 
plus  générale.  M.  Frshn  conjecture  que  les  monétaires  des  Saniantdes,  - 
soit  par  négligence»  toit  par  économie,  ont  souvent  employé,  pour 
ftapper  les  deux  fiices  d'une  monnoie ,  des  types  de  deux  époques 
cSfi!^rentes;d'oii  if  est  ré&ufiéque  lieaucoup  de  pièces -pwrtent  le  nom  d'un 
kbalife  ou  d'un  émir  dont  la  mort  est  antérieure  de  plusieurs  années  &  la 
date  de  leur  fabrication.  Ainsi ,  pouren  donner  un  exemple ,  une  monnoie 
de  l'année  jo;  offre  an  revers  les  noms  du -khalife  Moaafi  et  du  prince 
Samanide  Ismaél,  morts  l'un  et  l'autre  dés  Tannée  29  f.  C'est  ainsi  que 
noua  avons  vu ,  au  commencement  du  régne  de  Louis  XVI ,  autoriser 
par  lettres  patentes  la  fabrication  de  pièces  d'argent  de  six  sous  k 
reffigie'deLouisXV,et  au  millésime  de  1771  ou  1772.  Les  exemples 
produits  par  M.  Frxhn  donnent  beaucoup  de  vraisemblance  k  cette 
confecture.  Cependant  elle  est  encore  insuffisante  pour  lever  toutes  fes 
difficuliés  ,  pareequ'il  s'offre  par  fois  des  discordances  entre  les  divers 
caractères  chronologiques  exprimés  sur  une  même  ^ce.  Seroit-il  im- 
possible que  l'on  eût  quelquefois  ^t  usage  d'un  coin  suranné ,  en  en 
akérant  seulement  la  date! 

Ces  anomalies  diminuent  assurément  beaucoup  le  mérite  de  ces* 
monumens  numismatiques ,  qui  sont  d'ordinwre  d'un  si  grand  poids  pour 
la  throiiolotrie  :  touiefois  Jl  est  important  de  les  signaler,  de  les  mettre 


I 


JUILLET   iSrp 

d'Ahmed,  et  au  millésime  de  ^oi  :  c'est  préciiéinent  en  cette  année  }oi" 
sefon  le  témoignage  de   Mirthond,    que  l'éinir  Lhak,    que   son   frèr» 
Isma^[  avoit  tiré  de  prison,  après  lui  avoir  pardonné  une  pr 
révolte,  profita  de  la  mort  du  mâme  Ismaél  pour  se  rendre  indépendant'! 
çt  disputer  le  trône  à  Nasr ,  son  neveu.  Sa  révolte  fut  bientôt  étouflce').  4 
il  fut  pris  et  renfermé  pour  le  reste  de  ses  jours. 

Ttlle  est  encore  une  monnoîe  sur  laquelle  on  lii  le  nom  de  Laifa\ 
btn-Noman  yl^  ^j>  j^,  giinérai  d'un  prince  AlîdeduTabaristan,  notninél 
Kasim ,  successeur  d'Atrousch  ou  Hasan  ,  fils  d'Ali.  Ces  princes  Alîdet  1 
portoieni  le  titre  de  dài,  ^fi ,  qui  répond  à  peu  près  à  celui  de  mission- 
naire,  et  teur  histoire  nous  est  encore  peu  connue.  Cette  pièce,  frap 
\  Nischabour,  en  309,  est  un  monument  authentique  de  leurs  c 
quêtes,  et  elle  donne  même  lieu  de  penser,  comme  l'observe  fort  h 
M.  Frxhn,  que  Laïla  ben-Nonian  aspiroit  à  l'indépendance  et  avtd 
secoué  le  joug  de  son  maîjre;  puisque  son  nom  se  trouve  seul  ; 
celle  monnoie,  et  qu'on  n'y  lit  point  celui  de  Kasim. 

On  lit  sur  celte  même  monnoie ,  dont  les  car.Tcières  sont  coufîques , 
une  légende  circulaire  que  M.  Fraelm  a  Lien  déchiiTrée,  à  un  seul  mot 
près, /«  rriT«Jcr/ifn</ii,  dit-il,  hac  postrtma  épigraphe,  liçei  charactcrihus 
cufcis  arciissimè  iiihaserim ,  vertor  lamtn  ut  in  capitndo  (jus  semu  omnibus 
satisjacturus  sim.  In  Korano  frustra  quœsivi  kaiic  stmentiam ,  nec  ex  eo 
pttitam  esse  arliilror.  Gaitdel/o  si  quis  unde  deprouHa  sit  edocutrii.  Je  puis 
assurer  que  cette  légende  est  empruntée  de  l'Alcoran;  elle  s'y  trouve, 
surate  10,  v,  jj  de  l'édition  de  Marracti,  et  36  de  celle  de  Hinckel 
mann.  Je  vais  la  transcrire  :  ^_y\  VI  jjj^  V  ^vô  yt  ^1  ^^jl  Jl  ^ j^  ^1 
Qjaf  ■^'  ij^^S3  l>  ijiNgj  yt.  Marracci  l'a  rendue  ainsi  :  An  tr^o  qui 
dirigit  ad  veritatim ,  jusiius  est  ut  habeat  stclatores  ;  an  qui  non  diri^il  nist 
Jirig'itur!  Qiiid  est  ergo  vobis  quamobiem  iia  judicetis !  Ces  paroles  sont 
adressées  aux  polythéistes  qui,  au  lien  de  se  sounieiire  à  la  parole  de 
Dieu,  écoutent  de  faux  docteurs  qui  les  trompent,  et  auxquels  cependant 
ils  accordent  la  préférence;  elles  convenoient  donc  pjrfiiiiement  dans  la 
bouche  des  Alides,  qui  regardoient  tous  les  anrres  musulmans  comme 
des  déserteurs  de  la  vraie    religion  et  des  schismaiiques. 

Une  monnoîe  très-intéressanie  de  Mahmoud  YL-min-eddauîat, 
successeur  de  Sebectéghin ,  et  auteur  de  la  grande  puissance  de  la 
dynastie  des  Gaznévides,  termine  cet  ouvrage, 

Outre  les  diffiLuItés  chronologiques  dont  j'ai  parlé,  les  médailles 
dont  M.  Frehn  donne  la  notice ,  présentent  encore  diver-;  problèmes  à 
résoudre,  sur  lesquels  je  ne  me  suis  point  arrêté.  Le  plus  difficile  de  tous 
est  celui  qu'offre  une  moitié  de  médaille  dargenc  qui  paroît  appartenir 


1 


iji  JOURNAL  DES  SAVANS. 

au  khalife  Mamoun,  mais  dont  la  date,  a  été  enlevéei  ^  deux  lettres 
près  qui  paroîsseiit  fiiie  partie  du  mot  quatre,  ^j),  ou  quarante 
tX)<^j[.  Cette  médaille  a  dû  porter  le  nom  d'un  successeur  désigné  att 
Uialifàt  ;  et  l'on  voit  que  ce  prince ,  dont  le  nom  nie  se  trouve  pas  sur  la 
moitié  conservée,  avoit  pour  père  un  personnage  nommé  Mi.  Le  nom 
de  Mamoun  Iui-m£me  ne  se  lit  qu'en  partie  sur  cette  tnoitié  de  médùUè  ; 
et  cependant,  si  M.  Fixbnl't  Ûen  copiée ^.commç  on  nesauroit  guère 
en  douter,  il  est  à  peu  près  iinpouible  d'y  substituer  aucun  autre  nom. 
L'histoire  toute&is  9e  nous,  indique  aucun  prince  fils  d'un  personnage 
nommé  A/i ,  qui  ait  pu  être  déùgai  par  Mamoun  pour  son  successeur. 
Jl  seroït  presque  téméraire  de  conjecturer,  dans  le  silence  des  historiens  ■ 
qu'après  la  mort  iA/i  Ridka,  cet  Alide,  que  Mamoun  avoit  eu  Timprur 
dence  de  désigner  pour  son  successeur ,  ce  qui  pensa  lui  coûter  le  tràne , 
ce  même  prince  eût  encore  transfère  les  droiu  au  kbalifàt  il  Mohammed, 
iîls  d'Ali  Ridha.  Et  d'ailleurs  sur  la  médaille,  après  J»  ^,  on  lit  encore 
I  ^  ;  ce  qui  ne  peut  se  concilier  avec  la  généalogie  des  imams,  puisque 
Ali  Ridha  étoît  fils  de  Fimam  Mousa  ^j».  Il  est  fâcheux  qu'une 
médaille  aussi  curieuse  ne  soit  pas  entière.  11  seroit  important  toutefois 
.que  M.  Frzhn  fît  graver  ce  fragment. 

Terminons  ici  cette  notice,  en  exprimant  le  vœu  de  voir  bientôt  se 
.réaliser  les  promesses  de  M,   Frachn,  promesses  garanties  non  moins 
par  son  activité  et  par  son  goût  pour  les  lettres  orientales,  que  par 
l'intérêt  que  leur  porte  fillustre  président  de  l'académie  impériale^ 
SILVESTRE  DE  SÀCY. 


De  Poëseos  dramatiCj€  génère  hispanico^  prasert'm  de 
Petro  Ciilderone  de  Iq  Barca  ,priHcipe  dramaticorum,  Dissertatio 


JUILLET   1819.  4îT 

Ceqiii  a  causé,  ce  qui  prolonge  les  disputes  entre  les  partisans  du 

|- genre  romantique  el  ceux  du  genre  clussique,   c'en  que  les  premiers 

I  ne  se  sont  pas  encore  accordés  à   ras^emliler ,  à   réunir  leurs  opinions 

r  en  corps  de  doctrine,  en   doniiaiiCune  définition   claire  et   précise  du 

[  nouveau  système,  en   indiquant  les  principes  ei  les   lois  qui  le   gou- 

ternent,   ainsi   que   les   limites   qui    doivent    le   circonscrire.   Depuis 

Mm.  de  Scfclegel  frères,  qui  les  premiers,  à  ce  qu'on  croit  commune- 

>  ment,  ont   hasardé    le    mot  ROMANTIQUE   pour  désigner   ce    genre 

f  particulier,  jusqu'à  M.  Heiberg,  qui   a  pul^lié  la  dissertation  dont   j'ai 

I   à  rendre  compte,  il  n'a  été  présenté  encore  aucune  théorie  qui   ait  été 

[  adoptée  par  tous  les  partisans  du  genre  ;   et  l'ouvrage  de  M.  Heiberg 

le  prouve  évidemment. 
'■  Il  me  semble  qu'on  n'a  pas  assez  distingué,  d'une  part,  les  moeurs, 
fcs  opinions,  les  sentimens  qui  conslitueiil  et  caractérisent  plus  parti- 
'  culièrement  la  littérature  romantique;  et,  d'autre  pan,  les  formes  à  la 
feveur  desquelles  on  croit  développer  avec  p(us  dt;  succès  (e  tableau  de 
ces  mceurs ,  la  variété  de  ces  opinions,  l'expression  de  ces  seniimens. 

Quant  au  fond,  on  ne  peut  disconvenir  que  l'influence  de  la  religioa 
chrétienne  et  celle  des  mœurs  et  des  préjugés  chevaleresques  n'aient 
^porté  dans  fes  fillératures  modernes  diverses  modifies  lions  essentielles, 
et  qu'alors  ces  littératures  n'aient  reçu  k  plusieurs  égards  un  caractèrfl 
particulier  inconnu  dans  la  littérature  classique ,  dont  la  mythologie 
riante  et  allégorique  ne  pouvoit  s'ad.ipter  avec  succès  à  l'expression  des 
Mntiinens  et  des  opinions  qui  furent  le  résultat  d'une  révolution  reli- 
gieuse et  morale. 

Que  ce  caractère  particulier  soit  nommé  Tomantitjue,  ou  qu'on  lui 
doTne  toute  autre  dénomination  ,  si  le  genre  auquel  il  appartient  plus 
spécialement  diiî&re  du  genre  classique  en  quelques  poiiits,  du  moins 
Tun  n'exclut  pas  l'autre ,  et  ils  ne  sont  pas  incompatibles. 

Quant  à  la  forme,  les  partisans  du  genre  romantique  ont  prétendu 
qu'il  ne  devoit  pas  être  astreint  aux  règles  du  genre  classique,  ni  être 
soumis  aux  unités  exigées  par  nos  poétiques,  aux  convenances  sévères 
qu'un  goût  long-temps  exercé  a  établies  parmi  nous ,  et  qui  ne  per- 
mettent pas  de  mêler  le  sérieux  avec  le  bouffon ,  les  personnages  des 
rai^s  les  plus  élevés  avec  ceux  des  dernières  classes  de  la  société ,  &c. 

Qu'il  soit  pennis  de  le  dire  à  quelques-uns  des  partisans  du  genre 
romantique,  aux  littérateurs  qui  le  considèrent  comme  un  genre  à  part, 
ee  ne  sont  pas  les  formes  qui  constituent  ou  peuvent  constituer  ce  genre 


mais  bien  les   moeurs,    les  o] 


ipinions, 


les  sentimens,   en  tant  qu'on   jr 


treHye  Teiqiression  du  nouvel  éiat  de  la  société.  S'il  sufHsoit  d'ignorer 


^J« 


JOURNAL  ÙÉS  SAVANS, 


ou  de  né^Bfgef  lek  i^;fes  aS&aén  u  gedvf  cbuf^neV  tfr  pièce*  def 
pAiplïs  qui  «nt  b  moins  callhé'  Ja  tinûatura  appartiMi^oimt  tpéà^ 

>  i|-«ilât3de'doiltèqiiélfeTéritdri«sbMatCs<pen«rà>M'tm>^ 
dÉifîièËès  f  ii»«aftt  fiû  ohMrréfsio  rtgbi»  ■hpai<tt'|É>nii  Mwét 
lUtdnintUQiiejE'y'eii  idu  teniirfn^i]iéins-iiîns"fet~tn^£dlndH' 
cbiiiqbe*  gnci-  tWÊÔt  coati^m^on  qw  IçtidrMiwt  oh  elici  ««erbnt 
bbïertieiVfwifaffonioMjjttÀM*  égales  aux  bèwtie  dei  fièçn 

Ai' dU»Tafei«KfiKS ,  irilcs  qutf'fï^eûcte,  ZA«»  pc.t  «ppardenneiit 
■  ^  le  fond  au  genmrronundqne,  et  par  U  Ginui  an'  dasâîqiie  ;  taodit 
que  divers  ouvrages  célèbres  dans  les  littéiatoies  modomes- apfsr- 
tiennentau'genie  classique  par' le  fond  et  au  romantiqiie  par  la  fbnne. 
-  M.  Heiberg ,  dans  sa  Dissertation  sur  Calderon  de  la  Barca ,  né 
donne,  aina  qa'on  le  verra  par  les  divers  détails  que  je  citerai  .aucune 
idée  précise  du  genre  romantique:  mais*  en  examinant  les  productions 
decepoètcranomnij, 'ilyreconhbîtéRiinanineat  ce  genre,  quf3 'réduit: 
éhfia  au  s^mbolisnie. 

Après  avoir  dit  que;  h  romance ,  dont  le  gol^t  étoit  devenu  général  eh 
Espagne,  rendit  la  poésie  des  Espagnols  romantique,  indigène,  popu- 
laire, nationale,  M.  Heiberg  observe  qu'oidinairemeni  chaque  diame 
ite'Calderon  contient  au  moins  une  romance  qui  est  au  commencement 
du  drame,  après  fa  piotase,  ou  au  milieu  da  dnme.  Il  a|q)ell& 
cette  romance  initiale,  et  il  pense  que  cette  forme,  qui  décèle Ton- 
gine  du  drame  espagnol,  lie  le  drame  t  la  romance,  le  constitue  popiï> 
hure,  «t  On  doit,  ditil  ingénument,  pardonner  -Tennni  que  -cause  par- 
»  fois  cette  romance  à  un  lecteur  qui  n'est  pas  Espagnol;  Si  la  romance 
»  initiale  étoit    placée  avant   la  protase,    elle    offiîroit  tme  grande 


JUILLET  1819^  437 

^  h  littérature  espagnole,  on  est  surpris  du  phénomène»  on  croit  entrer 
»  dans  un  nionde  nouveau  :  quoique  la  division  en  trois  journées  ne  soit 
»  pas  très-importante ,  il  est  vrai  cependant  qu'elle  répond  à  la  protase , 
y»  à  l'épitase  et  à  la  catastrophe.  )>  Il  a  senti  que  Ton  pouvoit  opposer 
que  la  coupe  des  pièces  en  cinq  actes  permet  des  développemens  utiles , 
gradués,  qu'exclut  Je  resserrement  en  trois,  et  il  a  cru  prévenir  Tobjec- 
tion  en  rapportant  Fopinion  de  L.  Tieckius»  qui  a  pensé  que  la  coupe 
en  trois  actes  est  préférable ,  parce  qu'elle  contient  la  trinité  cachée 
avec  art  (i).  Après  cette  raison  bizarre  et  inconvenante,  il  ajoute  plus 
judicieusement  que,  les  drames  espagnols  offranjt  beaucoup  (Tincidens, 
de  vicissitudes,  d'événemens,  il  importe  de  sépaner,  le  moins fréquem- 
ipent  qu'il  est  possible,  par  les  actes,  le  plaisir  qu*excite  la  progression 
rapide  et  continue  de  l'intérêt. 

Dans  le  chapitre  m ,  M.  Heiberg  traite  de  la  versification  de  Calâe- 
ron:.je  ne  m'arrêterai  point  sur  ce  qu'il  dit  à  ce  sujet,  parce  qu'il 
Ji'indique  pas  assez  nettement  ce  que  Calderon  peut  avoir  inventé  ou 
perfectionné;  mais  j'invite  les  personnes  qui  s'occupent  spécialement 
de  la  littérature  espagnole  à  lire  ce  chapitre  avec  attention:  seulement 
je  contesterai  à  l'auteur  la  conséquence  qu'il  tire  des  rapports  des  formes 
poétiques  de  plusieurs  passages  des  pièces  de  Calderon  avec  les  formes 
poétiques  de  la  romance,  pour  en  conclure  que  ces  pièces  sont  ro- 
mantiques ;  c'est  le  même  abus  de  mots  que  j'ai  déjà  eu  occasion  de 
faire  remarquer. 

J'aurois  kfiâre  de  semblables  observations  sur  le  chi^itre  ly,  qui 
traite  de  Yessen^e  lyrique  liu  drame  ;  et  je  passe  à  la  manière  dont 
M.  Heiberg  prétend  justifier  le  style  romantique  de  Calderon  : 

<c  Cette  variété  dans  les  formes  de  la  poésie  et  de  la  versification 
»  fournit  au  poète  la  facilité  de  prendre  tous  les  tons  ;  Calderon  n'é- 
»  pargneni  l'or ,  ni  l'argent,  ni.  le  soleil ,  ni  la  lune;  le  ciel  même  est 
Ȉ  sa  disposition;  la  foudre,  les  nuages,  l'aurore,  les  perles,  les  dia- 
3»  mans,  les  fçntaines,  la  rosée,  les  fleurs,  les  oiseaux,  les  étoiles,  il 
yy  rassemble ,  il  confond  toute  fa  nature  :  chez  lui  un  jardin  est  une  mer 
»  de  fleurs,  et  la  mer  un  jardin  d*écumes  ;  les  fleurs  deviennent  les  étoiles 
»  de  la  terre,  et  les  étoiles  sont  les  fleurs  du  ciel.  Sans  doute,  continue 
»M.  Heiberg,  il  se  trouvera  des  personnes  qui  condamneront  tout  ce 
»  luxe  poétique ,  et  qui  le  relégueront  parmi  les  ampullas  et  sesquipe^ 
yy  dalia  verta  ;m2ds  ce  seroit  injustement.  La  poésie  a  besoin  d'un  lan- 


(i)  Potîùsprœferenda  est,  quatenùs,  utverbis  utar  Ludovici  Tiechii,  trinitatem 
eomplectitur  ariifiâoâè  occuUam  (  p>  .1 4  )* 


éjr- 


JOURNAL  ITES  SAVANS, 


»0ige  peédqpie;  phu  die  toodic  kfidéti,  phù  f«zp*tnian  d(A  ^ 
wélever: . . .  L'une,  feiprit  du  (bagne  ds  Qddooa  sost  riJofcBm»  et 
Mlicéieitea,.qiia,  nk»orDenMasext£iieiii»oiîoi«itMM».ffM«uim|, 
irfepoèaianeKiDhpIaieiihimiânlé.»  y -;^- 

fii  piiriiii  rtt  [■  iTiwrhiii  rfm  [lî^rii  rfa  riliîiwnn.  til  Tfrïïinfi'ilÉinn 
que  le  nceod  est  implîqiié  me  beniç^up  fut;  ce  %M  a  4iê««'dB  'mxl 
mmièrei  :  i.*  pir  det  mojreni  Miiitiiifa,  tels-  qn*  llBtérwnliiM  de*' 
pcnooiugts  oéicins,  ott  le* nniMKriii qu'i^ftenrl^  ezpfcfts  et  le»' 
■cddeiu  de  b  chenterie;  a/  parilfiïaujens  n)mifdB;'teb  que  Hit- 
trigHrdHpenondBga,lecoun  «tUnituiedH  ériioemeM;  et  itwjoau 
ivec  niienque  les  penonnes  qui  ne  oonnoisseu  pu  ce  gesrc  de  mérite 
de  Calderon,  ne  peuwt  m  fi^imer  itiâine  idtfe  défircqui  fègnt-duu 
ses  pièces. 

Phrini  les  pMoes  de  caractère ,  il  dte  partiadièrement . 

Là.  Dbvocioh  de  la  cruz>  /a  Di¥§tim.4k.  tMtmx,  énme  rbli- 
OtBUZ; 

Lk  Vida,  es  svehq  ,  fa  Vif  esr  »  nngr',  Anne  isArAniTSiQVS  ; 

PAAA  VKNCHR  A  AHOR,'OUSRERTENCERLE|.^MrrMM«»vr«jmicr, 
ilfata  tkaihêr  i  it  yamcrr,  (frarae  pstcologique  ; 

AxOftv  HONOR  T  PoDXR ,  Amow,  Httmtur  tt  Pouttir  ;  drame 
MORAL. 

J«  doute  qae  cet  «rfawificilioofr  systématiques  prejieséet  par  M.  Hef- 
berg  soient  approuvées  par  les  littérateurs,  et  que» si  efiies  fétoient»  tl 
ets.  résRltir  sacon  avantage  JMiir  ràrt  dramatique.  Je  ferai  juger  de 
l^zdtatiDn  avec  laquelle  il  |oge  son  auteur,  en-  traduisant  ce  passage  : 

«  La  pièce  intitulée  DevoGion  dE  -la  crue  est,  «ans  aucun  doute, 
»  dé  ce  petit  nombre  des  drames  ks  plus  parfaits  qui  aient  jamais  été 
»  écriu  par  un  auteur.  Ce  drame  est  si  élevé,  si  sublime,  qufil  paroît' 


'    JUILLET  1819.  4ji> 

qulisi  ils  ont  toujours  une  grande  force  morale,  «f  II  n*ést  sorte  de 
»>  frs^chise,  de  loyauté,  de  puretér,  que  le  poète  ne  leur  prête  libéra^ 
»  leinent.  Uaniant  de  Çalderon  est  toujours  guidé  par  deux  sentimens, 
?•  J'Wmour  et  l'honneur;  e( souvent  U  s'y  joint  celui  dç  la  fbi  chrétienne. 
»  N'exécuter  rien ,  oe  former  aucun  projet  qui  puisse  inéme  le  plus  iàdî- 
M  reclement  nuire  à  l'honneur  »  à  la  réputation  de  sa  maîtresse»  est  un 
a»  principe  inviolable.  L'amant  est  assez  heureux  >  quand  il  se  croit  aimé. 
»  La  moindre  jouissance  est  /pour  lui  le  bonheur  ;  sa  plus  grande 
»  volupté»  c'est  un  entretien  nocturne  avec  sa  belle  :  rien  de  plus 
»  innocent  que  ces  colloques.  L'imagination  espagnole  est  si  chaste , 
.y>  que ,  bien  que  f amant  parle  en  style  oriental  des  cheveux,  des  yeux , 
»  de  la  bouche,  des  dents,  des  mains  de  sa  belle,  il  ne  dit  jamais  rien 
»  des  bras,  des  pieds,  et,  à  plus  forte  raison,  du  cou  ni  du  sein.  3p 

M.  Heiberg  observe  que  cette  chasteté  de  langage  poétique,  soit 
•qu'elle  ait  été  l'eâTet  des  mœurs  des  Goths,  soit  qu'elle  provienne  d'une 
autre  cause,  est  l'un  des  caractères  qui  rapprochent  les  pièces  de  Çalderon 
de  la  poésie  populaire,  puisque  ce  caractère  se  trouve  dans  les  anciennes 
romances. 

L'honneur  est  si  pur  chez  le  noble  Castillan,  que  la  moindre 
tache  ne  peut  être  assez  tôt  lavée  par  le  sang.  c<  Dans  les  anciennes 
3>  romances  et  dans  les  récits  romanesques  de  la  chevalerie,  ce  qui 
>» constitue  le  chevalier  parfait,  c'est,  i.''  Fentière  persuasion  de  la 
33  nature  divine  du  Rédempteur  et  l'excellence  de  la  religion  chrétienne  ; 
»  2.^  l'honneur  sans  tache;  3*"'  l'amour  qui  joint  le  respect  à  Tentlipu- 
>3  siasme  ;  4*''  la  force  pour  soutenir  ces  sentimens  :  il  est  évident  que 
3»  le  héros  de  Çalderon  est  celui  de  la  chevalerie»  celui  de  la  poésie 
3>  nationale»  » 

De  ces  diverses  observations  et  de  quelques  autres  qui  n'ajouteroiat 
rien  de  plus  à  la  conviction  des  lecteurs,  M.  Heiberg  conclut  que  le 
drame  de  Çalderon  est  le  drame  espagnol  national  ;  ce  qui  permettroit 
4e  le  considérer,  comme  romantique,  parce  que  la  romance  constitue  la 
poésie  nationale  espagnole  :  mais  il  ajoute  que  ce  poète  of&e  un  caractère 
romantique  plus  spécial^  en  ce  que  ses  drames  sont  symboliques.  II 
dit  à  ce  sujet  : 

«  Les  Grecs  ayant  séparé  le  genre  tragique  et  le  genre  comique , 
»  l'un  excluoit  l'autre.  Le  genre  romantique  les  admet  .ensemble ,  les 
»  confond.  D'abord  on  a  donné  le  nom  de  tragj-comédie  k  un 
Manulgame  qui  par  lui-même  n'^est  pas  un  genre;  le  drame  de 
>»Calderoa»  quoique  nommé  COMÉDIE,  est  aussi  peu  comédie  que 
»  tragédie  ,  et  bien  moins  tragi-comédie.  Ce  poète  a  un  but 


44o  JOURNAL  DÈS  SAVANS, 

»  plus  nobîe  que  celui  cfexciter  le  rire,  b  terreur  ou  b  pitié.  S  Tart 
«romantique  éit  <fauMnt  plus  pti^it  qu'il  est  plus  symbolique,  et 
»  (Fautant  plus  pur  qu'il  emprunte  raoins  aux  anciens ,  le  drame  de 
»  Caldnvn  est  le  romantique  îe  plus  parftit  et  le  plus  pur ,  parce  qu'il 
»  n'est  ni  tragique,  ni  comique»  ni  tragicomiquei  maisST]aouQUE.>* 

M.  Heiberg  explique  sa  pensée  entière  dans  ce  passage,  oli  îf-fiarla 
des  suiets  choisis  par  Calderon  :  «  Ce  poite  en  a  inventé  plasienrs  ;  il 
»  a  tiré  les' autres,  soit  de  b  mythologie,  soit  des  fables  du  moyen  ige, 
M  soit  des  vies  des  Saints,  ou  de  l!hîstoire;  mais  b  manière  dont  il 
»  les  traite  les  lui  rend  entièrement  propres.  Dans  les  pièces  histo- 
nriques,  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'il  conserve  les  caractères  tels 
n  qu'ils  sont  dans  l'histoire  ;  il  n'envisage  ses  sujets  qu%  travers  les 
»  préjugés  politiques  ou  religieux  de  sa  nation,  et  il  n'est  vraiment 
M  romantique  que  dans  les  pièces  où.  libre  de  toute  entrave,  s'aban- 
»  donnant  i  son  génie,  il  représente  la  nature  symbolique ,  et  traite 
w  non  l'histoire  pure ,  mais  l'idée  humaine.  >• 

Les  autres  pièces  du  théâtre  espagnol ,  mémecelles  de  Lopez  de  Vega, 
n'ofirent  point  à  M.  Heiberg  de  caractère  romantique  ni  symbolique; 
aucun  poète  des  autres  nations  ne  peut  lui  être  comparé  sous  «rapport. 
Je  me  borne  k  citer  cet  arrétque  M.  Heiberg  prononce  contre  les  poètes 
allemands  qui  auroïent  b  prétention  d'être   romantiques  : 

M  En  Allemagne,  dit-il,  le  drame  national  a  été  créé  par  Hans 
«Sachs,  et  il  a  fini  avec  lui.  Cet  auteur  écrivit  beaucoup  de  pièces,  dont 
«plusieurs  sont  véritablement  romantiques,  parce  qu'elles  sont  sym- 
wboliques;  mais,  n'ayant  pas  trouvé  d'imitateurs,  l'Allemagne  n'a 
»  point  de  poésie  dramatique  nationale  ni  romantique.  » 

Croyant  rendre  plus  sensible  ce  qu'il  dit  du  voile  symbolique  k 
travers  lequel  le  poète  doit  montrer  son  sujet ,  Tauteur  termine  ainsi  sa 
dissertation  : 


1  " 

JUILLET  1819.  Ut 

des  traits  ingénieux  9  des  jugemens  instructifs ,  dont  on  peut  profiter , 
soit  pour  se  faire  une  idée  de  la  littérature  dramatique  espagnole  en 
général  y  soit  pour  apprécier  Calderon  de  la  Barca  en  particulier.  L'autre 
partie  est  systématique  ;  c'est  celle  où  i  auteur  croit  prouver  l'existence 
du  symbolisme  dans  la  littérature  dramatique  espagnole,  et  sur-tout  dans 
les  pièces  de  Calderon.  Cette  partie  ne  m'a  paru  qu'un  écart  d'imagina- 
tion ,  et  dans  son  principe ,  et  même  dans  l'application  de  ce  principe 
erroné  aux  ouvrages  de  Calderon. 

RAYNOUARD. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 

INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

L'Académie  française  a  tenu,  le  17  juin,  une  séance  publique  pour  la  ré- 
ception de  M.  Lemontey.  On  y  a  entendu  le  discours  du  récipiendaire,  la 
réponse  de  M.  Campenon,  qui  présidoit  cette  assemblée^  et  des  stances  sur  la 
vieillesse^  composées  par  feu  M.  Morellct. 

M.  Mongez  a  lu,  à  l'académie  des  belles-lettres,  des  Mémoires  sur  les  trois 
plus  grands  camées  antiques  qui  soient  connus:  celui  du  Cabinet  du  Roi, 
appelé  Camée  de  la  Sainte- Chapelle  ;  celui  du  cabinet  de  Vienne,  numéroté  i 
dans  le  Recueil  des  pierres  gravées  de  ce  cabinet,  par  Eckhel;  celui  que  Cuper 
publia  en  1683,  sans  indiquer  la  collection  dont  il  faisoit  partie.  Cet  trois 
camées  seront  gravés  dans  i Iconographie  romaine,  La  manière  défectueuse  dbnt 
ils  ont  été  dessinés  jusqu'à  ce  jour,  a  rendu  impossibles  les  véritaiblei  explica- 
tions. M.  Mongez  divise  en  trois  scènes  le  camée  de  la  Sainte-Chapelle  :  la 
scène  supérieure  est  l'apothéose  d'Auguste;  l'intermédiaire,  le  sacerdoce  de  ce 
prince  déifié,  exercé  par  sa  famille;  nnférieure  présente  des  captife  orientaux 
Cl  occidentaux.  Jules-César,  voilé  comme  Saturne,  le  père  des  dieux ,  est  placé 
au 
cet 

enfin  l'Univers  personnifié,  portant  le  costume  oriental^  présente  à  Auguste  le 
globe,  symbole  du  gouvernement.  Tibère  et  sa  mère  Livie  occupent  le  milieu 
de  la  seconde  scène;  ils  sont  couronnés  de  laurier,  comme  prêtres  d'Auguste. 
Devant  eux  Germanicus,  embrassé  par  son  épouse  Agrippîne,  leur  raconte 
comment  il  a  apaisé  la  révolte  des  légions  de  Germanie;  auprès  de  lui  est  soa 
fils  Caligula,  et  plus  loin  Clio,  muse  de  l'histoire.  Derrière  Tibère,  est  debout 
son  fib,  Dnisus  le  jeune,  dans  l'attitude  où  il  harangua  les  légions  révoltées 
dans  la  Pannonie;  Poihymnie,  muse  de  l'éloquence,  que  son  geste  fak  recop- 
nohre;  et  l'Arménie  vaincue ,  maïs  non  captive.  Presque  tous  ces  personnages 
étoient  prêtres  d'Auguste.  L'mMeor  a  appuyé  de  preuves  son  opinion  sm  toutes 
les  parties  de  rexpUcatîon. 

Kkfc 


44a  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Le  second  camée ,  volé  chez  des  rciigîeuseï  de  Poxsiy  pendant  les  guerres  civiles 

du  xvi.'siécKe,  est  mieux  dessiné  que  le  premier;  mais  il  a  un  tiers  de  moins 

de  hauteur.  II  ne  présente  que  deux  scènes,  Tinférieurey  composée  aussi  de 

captifs,  et  la  supérieure.  Dans  celle-ci  parott  Auguste  déifié ,  portant  le  lituus 

tt  tenant  le  sceptre,  comme  Jupiter,  dont  l'aîgle  est  i  ses  pieds.  Le  capncorne, 

placé  an-dessus  de  sa  tête,  le  tait  reconnoftrt'.  II  est  assis  k  côté  de  la  déesse 

Rome.  Derrière  eux  sont  la  Terre, qui,  conjointement  avec  Neptune, couronna 

Auguste  ,  et  i'ahonclan  c  accompagnée  de  deux  en  fans.  Devant  Auguste  et 

Home,  Tibère  descend  d'un  char  de  iriomphe  dont  la  Victoire  condoît  les 

chevaux  :  c'est  ainsi  qu'il  en  descendt  pour  se  jeter  aux  genoux  de  son  pnei 

avant  de  monter  au  Cnpitole,  lorsque,  l'an    12,  il  triompha  des  Pannoniens; 

t'iomphe  qui  a  voit  été  retardé  de  deux  ans.  A  ses  côtés  marche  Germanicui 

en  costume  militaire,  parce  qu'il  venoit  de  recevoir  les  ornemens  triomphaux; 

maïs   il  n'est  pas  à    cheval,  parce  que  c'étoit    la  première  fois  qu'Auguste  les 

lui  accordoit. 

La  famille  de  Claude,  c'est-à-dire,  iui^  Messaline,  son  «pouse,  Octavieet 
Britannicus  leurs  enfans,  sont  placés  dans  un  char  traîné  par  deux  centaures. 
Ce  troisième  camée  est  plus  large  que  les  deux  autres,  mab  H  est  moins  haut, 
et  il  n'a  qu'une  scène.  11  appartenoit,  en  1808,  à  celui  qui  étoit  a  la  tête  du 
gouvernement  de  la  Hollande.  Le  dessin  en  est  médiocre  :  on  cniiioit  que  (a 
composition  auroit  été  tracée  à  Rome,  et  gravée  dans  la  Grande-Bretagne ^ 
par  l'ordre  des  prêtres  desservant  le  temple  de  Claude,  dont  Tacite  dit  [Ann. 
XIV ,  ^t]  ,  DeUctique  sacerdous  ,  speae  religtonis ,  Ofnnesfirtunat  effundebanu 
Quant  aux  centaures  qui  traînent  le  char,  cette  composition  extraordinaire  n'est 
pas  insolite  :  on  voit  sur  une  médaille  de  grand  bronze  Domîtien  debout 
dans  un  char  traîné  par  deux  de  ces  monstres  bi formes  ( Mus.  Pis,pag.  Xo). 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Œuvres  comylètr^  de  M.'"' h  hnonnt  de  Siaèl,  contenant  un  grand  notnbfie 
de  morceaux    in.- iits  et    des     ;i(l(.!itinns    importantes    faites     par    l'auTeur   à 
quelqms-nns  des  r. «vraies  qui  ont  paru   de  son    vivant;   édition  puUtre  par 
\ç^  ^oins  de  M.  le  baron  de  Staël,   son    fils  ;  précédée    d'une  notice  sur   les 
écrits  et  le  caractère   de  M.**^    de  Staël,  par  JV1.««^  Necker  de  Sanicure»  ex 
ornée  d'un  b.au  portrait  de  Al.*"' de  ^>taël,  d'après  Gérard.  18  volumes //i-iîf/^ 
qui  parohront  par    livraisons  de  deux,  trois  ou  quatre  volumes,  suivant   fa 
division  des  matières,  à  trois   mois  d'intervalle.  La  première   livraison   sera 
publiée  le   i/'  septembre   J^iç,  à  Paris,  chez  1  retittel  et  Wûrtx,  libraires, 
rue  de  Bourbrn,  p.'*  17,  et  même  maison  de  commerce, à Strasbo«rg,r«e  des 
Serruriers;  à  I  ondre^  30  Soho-Square.  «cEln  publiant  l'ouvrage  postfaume  de 
»  M.*"'  de  Staël  sur  les  principaux  événemens  de  la  révolution  française,  M.  de 
'>Srarî  avo't  pris  l'engagement  de  donner  au  public  une  édition  complète  des 
>><&.uvres  de  sa  mère  et  de  celles  de  M.  Necker.  Ces  deux  coUectîons  «enî 
»  s'imprimer  avec  tous  les  soin*  que  mérite  une  semblable  entreprise.  On  a  cni 
«devoir  commencer  par  les  <Ruvres  de  M.*"'  de  Staël:  celles  de  M.  Necker 
«suivront  de  près  et  formeront  le  sujet  d'un  nouveau  prospiOus.  Les  Ottvsagts 


JUILLET   1819.  Ui 

■  de  M.»"  de  Siaël  qui  «ni  p«r«  de  son  vivani,  ait»i  qoe  son  ouvrage  poithurae 
"  sur  la  révolution  irançaise,  loni  asïiz  tonniis  de  toute  l'Europe  pour  qu'il 
-  soit  lupertfu  d'en  donner  la  liste  el  d'en  retracer  le  mérite.  Il  sudira  d'annoncer 
»qiie  l'édition  complète  que  l'on  prépare  renfermera  un  grand  nonibfc  de 
»  morceaux  inédits,  et  que  d»  addiiîous  importantes  faites  par  M.*""  de  Siael 
"elle-même  à  quelques-uns  de  ses  ouvrages  déjà  publias  leur  donneront  un 
1»  nouveau  genre  d'intérêt.  Ainsi  la  réimproision  de  Delphine  sera  précédée  de 
»  réflcKions  sur  le  but  moral  de  ce  roman ,  et  terminée  par  un  nouveau  dénoue- 
Bmcnt  qui  éloit  destiné  à  être  Mibiiitaé  à  celui  que  l'on  connoit  déjà.  Mvi 
»  écrits  poliiiques  inédits,  oh  publiés  sans  nom  d'auteur,  trouveront  leur  place 
"dans  là  collection.  Enfin  les  derniers  voîumes  se  composeront  de  morceau» 
"  entièrement  nouveau»  pour  le  public  ;  cotre  autres ,  de  divers  essais  drama- 
"  tiques  en  prose  et  en  vers,  et  de  plusieurs  fragniens  d'un  ouvrage  intitulé  D'ik 
m  Années  iI'tMiî ,  que  M.""  de  Statl  se  proposoit  de  faire  paroîtrcà  U  stjitc  de 
«  ses  Considérationi  sar  la  révoiaiiDa  française,  et  qui  devoit  former  les  ménioires 
n  de  l'auteur  sur  l'époque  la  plus  importante  de  sa  vie.  On  placent  en  tête  di; 
ula  collection  nne  notice  sur  fesécrJ»  et  le  caractère  de  M.""  de  Siaël,  par 
"M.""'  Neckcr  de  Saussure,  sa  plus  proche  parente  et  son  amie  |a  plus  in- 
niinie.»  La  collection  des  (Euvres  de  M.™"  la  baronne  de  Staël  formera  il 
volumes  in-S.'j  elle  sera  imprimée  avec  soin  sur  beau  papier,  et  distribuée  par 
livraisons  de  deux  ,  trois  ou  quatre  volumes,  suivant  la  division  des  maiiêrei, 
à  trois  mois  d'intervalle  de  l'une  à  l'autre.  La  première  livraison  sera  publiée 
le  J."  septembre  1B19.  Le  prix  de  chaque  volume  est  fixé  à  6  fr.  pour  Paris, 
et  à  7  fr.  jo  cent.,  franc  de  port,  pour  les  départemens.  ]l  en  seia  tiré  un 

Elit  nombre  d'exemplaires  sur  papier  vétin  supertin ,  dont  le  prix  sera  double. 
■%  personnes  qui  souscriront  pour  la  totalité  des  (Euvres  a\ant  le  1."  sep- 
tembre 1619,  ne  paieront  les  volumes  qu'à  raison  de  S  fr-  snf  papier  ordinaire, 
et  de  10  fr.  sur  papier  vélin  superfin,  pris  à  Paris,  I  tr.  25  cent,  de  plus,  franc 
de  port,  pour  les  di-patemens.  La  seule  condition  aiiacliée  à  la  somcriptîon 
est  de  ^ayer  d'avance  les  trois  derniers  volumes,  et  de  Kiirrr,  m  payant,  les 
autres  livraisons  à  mesure  qu'elles  parotironi.  La  souscription  sera  irrévocable- 
ment fermée  le  )i  août  1^19.  On  souscrit  à  Paris,  chez  Treuitel  et  Wuris, 
me  de  Bourbon  .  n."  17:  et  même  maison  de  commerce,  à  Strasbourg,  rue 
des  Strriiriers,  et  à  Londres,  Jo  Soho-Square.  Ou  peut  aussi  souscrire  dans 
toutes  les  bonnes  librairie;  de  la  France  et  de  l'étfanger. 

Discours  prononcés  dans  ta  séance  publiqiit  tenue  piir  l' A  carfémie  française, 
pour  la  réception  de  M.  Lemoniey,  le  17  juin  1819.  Paris,  impritneri«  tl 
librairie  de  FirniiaDidot,  28  pages  i/i-f.* 

Ludovico  XVllI ,  optaio  Galliarnm  Reg'i ,  augusto  lirterarum  patrono ,  perito 
velerum  Judici  ;  latini  scriptores  classici.  Douze  pages  in-^,'  C  est  un  poème 
latin  de  M.  N.  E.  Le  Maire,  éditeur  d'une  collection  nouvelle  des  auteurs 
classiques  latins,  C"s  auteurs,  conduits  en  France  par  Jules-Cèsar,  l'un  d'eus, 

3ui  jadis  a  conquis  et  décrit  les  Gaules,  adressent  au  Roi  des  féliciiaiions  et 
e»  hommages.  Voici  quelques-uns  des  vers  que  M.  Le  JVl  aire  met  dans  la  bouclw 
iTlorace  : 

Tu  wlhim  nunquam  lolvenJo  foedere  Icgum 
Coniiiuii .  civcitjuc  iquali  jure  beilu) 
Libertalc  jubcs  («cum  communiier  uti  .- 

Kkk    2 


1 


444 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


Tu  paci  musiiijue  favei,  libi  ciirmina  curx; 

Dilecios  ribi  Virgilium  Ljiit>s<}ue  poctu 

Bcipicies  oculis ,  Augusliu  ut  olicr,  amicii  : 

Namiibi  fa  eriim,  necegei  interprète,  npstrii 

Iniellccluriu  advcrtcre  caniibus  aurcs. 

Allo()aor  Augustumi  aec  me  tua  fjllit  imago. 
Ce  poétne,  de  iSi  vcn,  c^t  suivi  de  vingt  notes  en  prose  laiine. 

Épîlre en  vert  à  Rollin ,  ai^cien  recteur  de  l'Univeriité,  sur  les  avantages  de 
l'enieignement  mutuel;  sujet  proposé  par  l'acadéniie  française;  par  A.  d'£gviUy. 
Paris,  imprimerie  de  Boucher,  ckez  Perin;  in-S.'  d'une  feuille.  Piin,  50cenl. 

Le  Vampire ,  nauveWc  traduite  de  l'anglais  de  lord  Byron  ;  par  H,  Faber. 
Parii,  impr,  de  Dupont  fils,  chez  Chaumerot  jeune;  in-S.'  de  4  feuilles. 

De  la  littérature  du  midi  de  l'Europe;  par  S.  C.  L.  Simonde  Siimondi: 
Mconde  édiiion, revue  et  corrigée.  Paris,  imprimerie  deCrapelct;  chezTreultel 
tt  Wiirtz,  4  vol.  in-8.'  Prix,  24  fr. 

Œ.uvres  choisies  de  Saint-Réal  (  Conjiiraiion  de  Venise  ,  Coniurarion  de» 
GracqueiiAfiaircsdeMaiiusec  de  Sylla,  Épicharis,  Navigation  des  Romains); 
précédées  d'une  notice  sur  l'auteur  (par  M;  Ch.  Malo),  et  suivies  d'une  table. 
Paris,  imprimerie  de  P.  Didoi  aine,  chezL.  Janet,  in-8.' ,  30  feuilles  ei  demie  : 
J  tr.  50  cent. 

Mémoires  historiques ,  politiques  tt  littéraires  ,  sur  le  royaume  de  JVapUs;j>n 
M.  le  comte  Orioff ,  sénateur  de  l'empire  de  Kussie  :  ouvrage  orné  de  deux 
canes  géographiques,  publié,  avec  des  notes  et  additions,  par  M.  AmauryDnval, 
membre  de  I  iostîmi.  Paris,  imprimerie  de  Pirniin  Didot;  chez  Chasseriau  et 
Hécari,  au  dépôt  bibliographique,  rue  de  Choiseul,  n.°  3  :  i  forts  vol.  in-8.* 
Prix ,  1  S  fr. 

Histoire  de  Jeanne  d'Albrtt ,  reine  de  Navarre  ;  y^t  M."*  VauvUIiers.  Paris, 
imprim.  de  Richomme;  chez  S.  Janet  ei  F.  Guitel:  3  vol.  //i-*."  de  87  feuilles, 
ornés  d'un  portrait  dejranne  d'Albret.  —  Nous  rendrons  compte  de  cet  ouvrage 
dans  l'un  de  nos  prochains  cahiers. 

Histoire  if  Angleterre ,  depuis  l'invasion  de  Jules-César,  jusqu'à  la  révolution 
de  168  8,  par  David  Hume,  et  depuis  cette  époque  jusqu'à  1760,  par  S  molle  tt; 
traduite  de  l'anglais  ;  nouvelle  édition  ,  revue,  corrigée  et  précédée  d'un  Essai 
sur  la  vie  et  les  écrits  de  David  Hume,  par  M.  Campenon,  de  l'académie 
française;  seize  volumes  in-S.'f  imprimés  par  P.  Didot  l'ainé,  et  publiés  par 
Janet  et  Cotclle.  Première  livraison,  deux  volumes  in-S.'  Cette  première 
livraison,  dont  la  publication  a  été  retardée  à  cause  de  la  notice  sur  David 
Hume,  qui  se  trouve  en  lête  de  l'ouvrage,  est  actuellement  en  vente;  la  seconde, 
composée  des  tomes  111  et  IV,  paroîtra  le  1."  juillet  prochain,  et  les  autres 
successivement  de  deux  mois  en  deux  mois,  sans  interruption.  Le  prix  de 
chaque  livraison  ,  pour  les  souscripteurs,  est  de  1 1  fr.  papier  fin  d'Auvergne,  12 
""        '  *    '    et  22  fr.  papier  vélin  satiné.  La  souscription   restera 

Il  prochain.  Après  ce  terme ,  le  prix  de  la  livraison  sera, 
en  papier  fin  ,  de  lifr.  ;  même  papier  satiné,  ij  fr.;  et  en  papier  vélin,  24  *"■■• 

Tahlrau  de  t' administration  intérieure  de  lu  Grande-Bretagne ,  par  M.  le  baron 
de  Vinckie,  et  Exposé  de  son  système  tle  toiitribuiions  ,  par  M.  Raumer; 


fr.  même  papier  saiii 

ouverte  jusqu'au   I.*'  i 


JUILLET  1819.  44s 

traduit  de  rallcmand.  Paris»  impr.  d'Égron^  librairie    de  Gide;  in-g,*,  17 
leuillës  et  demie  :  j  fr. 

,Tr»is  RèggiiM  dt  l'histoire  .d^Angletem,  précédés  d'un  Précis  sur  la  mo- 
narchie depuis  la  conquête,  et  s«lvis  d*un  Tableau  abrégé  de  la  constitution  et 
de  l'administration  anglaises;^, par  Martial  Sauquaire- Souligné.  Paris,  impr.  dé 
Faiïi ,  chez  Brissot-Thivars;  2  vol.  în-S,"  Prix,  lo  fr. 

Exvlicatiun.de  la  date  égyptienne  d'une  inscription  grecque  tracée  sur  le  colosse 
de  Atemnon  à  Thèbes  d'Eg^te  ;  par  M.  Champollion-Figeac.  Paris,  imprimerie 
et  librairie  de  Le  Normant;  in -S."  de  48  pages,  plus  une  planche. 

Constitutions  de  la  nation  française  y  avec  un  Essai  de  traité  historique  et  poli- 
tique sur  la  charte,  et  un  recueil  de  pièces  corrélatives;  par  M.  le  comte  Lan- 
juinais,  pair,  de  France  et  membre  de  l'institut. Tome  II  (  le  1."  a  été  pubKé,  il 
y  a  quelques  mois  ).  Paris ,  impr.  et  libr.  de  Baudouin,  in-S.'  de  36  feuilles  :  te 
prix  c{es  deux  volumes  est  de  1 4  fr» 

Science  du  publiciste^  ou  Traité  des  principes  élémentaires  du  droit,  considéré 
dans  ses  principales  divisions  :  ouvrage  à  1  usage  de  tous  les  peuples  et.de  jtous 
les  temps;  par  M.  Âlb.  Fritot,  avocat.  Paris,  impr.  de  Feugueray  ;  chez  Arthus 
Bertrand,  in-S.*  de  116  pages  (cç  n'est  que  la  préface  de  Touvrage,  dont  le 
premier  volume  paroitra  incessamment  ).  Le  prix  de  chaque  volume  sera  de 
5  fr,  pour  les  souscripteurs,  et  de  6  fr.  pour  les  non-souscripteurs. 

Delà  Répartition  de  la  Contribution  foncière  ;  par  M.  Sabatier ,  ancien  admi- 
nistrateur du  département  de  la  Seine.  Paris,  impr.  de  GueflSer, //i-^/  de  9 
feuilles.  Prix ,  3  fr. 

Observations  sur  un  moyen  donné  par  la  loi,  de  réduire  les  impositions  ;  par 
Armand  Séguin,  correspondant  de  i  académie  royale  des  sciences.  Paris,  impr. 
de  Gueffier,  ciiez  Delaunay ,  in- 8.'*  de  36  pages. 

Observations  sur  les  comptes  par  exercice  et  sur  les  comptes  de  gestion;  par  Armand 
Séguin.  Paris  ^  impr.  de  Guemer,  chez  Delaunay ,  i.^-^/  de  12  pages. 

Essais  sur  la  théorie  des  atmosphères,  &C/  par  feu  le  P.  Lefranc,  continués 
et  publiés  par  M.  l'abbé  Lefranc,  et  précédés  d'une  notice  sur  le  Père  Lefranc; 
par  un  de  ses  élèves.  Paris,  impr,  de  Boucher:  chez  M.^*  Courcier,  in-S,*  de 
304  pages.  Prix ,  4  fr.  et  5  fr.  par  la  poste. 

Nouveau  Système  de  minéralogie ,  par  J.  J.  Berzelius,  membre  de  l'académie 
des  sciences  de  Stockholm;  traduit  du  suédois  sous  les  yeux  de  l'auteur.  Paris, 
impr.  de  Ceilot  ;  chez  Méquignon-Marvis,  /n-^.'  de  20  feuilles.  Prix,  4  fr. 

Essai  sur  la  théorie  des  proportions  chimiques  ,  et  sur  l'influence  chimique  de 
l'électricité  ,  par  J.  J.  Berzelius;  traduit  du  suédois  sous  les  yeux  de  l'auteur, 
et  publié  par  lui-même.  Paris,  impr.  de  Ceilot  ;  chez  Méquignon-Marvis,  in- 8.* 
de  16  feuilles  5  sixièmes.  Prix,  4  fr. 

Catalogue  des  Bolides  et  des  Aérolithes  observés  à  la  Chine  et  dans  les  pays 
voisins ,  tiré  des  ouvrages  chinois  ;  par  M.  Abel-Rémusat.  Paris ,  veuve  Courcier, 
1819,  /Vi-^.*  de  20  pages.  Ce  catalogue  a  été  annoncé  dans  un  article  sur  les 
Aérolithes  de  la  Chine ,  inséré  dans  notre  numéro  d'avril  dernier.  Il  contierit 
cent  vingt-sept  observations  -d'aérolithes  et  de  bolides  détonans,  faites  depuis 
r^n  687  avant  J.  C.  jusqu'à  nos  jours,  en  Chine,  au  Japoii,  en  Corée  et  en 
Tartarie. 


as 


JOURf^AL  DtS  SAVANS. 


T^èixidiUitfuptdfiHh.iSa  hrtén  trait  du  menMiïier  W  bJlimem  ;  mivrsge 
dans  U-quel  on  ironve  les  plos  simplti  méthodes  pour  dessiner  ci  Tracer  \tt 
ateliers.  \et  courbes  pU  tes  e.i  à  double  cotirbvre.  Paris,  imprimerie  et  Irbnintr 
de  Pirtnin  Didot ,  rn-*.' de  i8rLuiltei,  plut  jé  planihcs. 

AtfMitacfidiiéoti  Javdinitr ;  par  Mordant  lMauiiay,&c.  Paris,  chez  Aodôt, 
in-ii  de  iooq  pages.  Prix,  ?  fr. 

Traité  de  la  Géçmérrie  dftcriptivr,  par  L.  L.  Vallée,  Paris ,  intpr.  «  libr.  de 
M.""  Courcier,  in-f.'de  47  feuilles,  awc  un  allas  de  60 planches.  Prit,  20 ft. 

Manuel  du  TrigonomirrejieTViPi  de  guide  aux  jeunes  ingénieurs;  par  ft.  I  e- 
ffvre,  ingénieur-vérificateur  du  cadastre.  Paris,  impr.  A  libr,  de  M,"*  Coarder. 
w-È.'  de  I  i  feuilles,  plus  2  pUnchei. 

HistltiTt  dt  la  navigation  hiérieint,  ft  tfarticuTf^remrnt  ât  ceHt  d'Ang/errrrr^ 
jusqu'en  iSoj;  iraduite  At  l'ouvrage  anglais  de  PhiR^ps.  par  M,  J.  Cordiçr, 
ingénieur  en  chefdii  pont*  ei  chausiées;  lonie  I."  Paris,  imprimerie  et  libr.  de 
Flrmin  Didot,  in-S."  de  jB  feuilles  et  demie. 

Da  âfgré  de  cfrtinidr  de  la  inêdedm  ;  par  P.  3,  C.  Cabanis,  5.*  édition  ;  pré- 
cédée de  l'éloge  de  M.  Cabaniî,  par  M.  le  chevalier  Kicherand.  Parts,  imprim. 
de  Crapetet ;  chez  Caille  et  RaTier,  in-8y  de  11  feuilles.  Prix.  3  fr. 

Ctiifrs  de  ihédtcint  légale,  thémique  et  pratique,  suivi  des  lois  d'exemption  du 
service  militaire  poQr  cause  d'infirmités,  &c.,  par  S.  Selloc;  iroisîénie  éditiotf, 
revue  et  augmentée.  Paris,  ioipt.  de  Crapelct  ;  cheï  MéquirAOït  t'atné,  père, 
i«.S/ de  16  feuille». 

Essai  de  phannacologie  considérie  d'une  mattUre  générale  dans  Kt  rapport* 
avec  Us  sciences  ph/sica^himi^ues ,-  par  C.  P.  Martin ,  pharmacien.  Paria,  impr, 
de  Mignerei;  cnezCrevot,(n-#,°de  la  feuilles. 

Elémensde  thennométrie  médicale.,  par  M,  Bressy,  médecin.  Pari»,  i«ipr.  H* 
Migneret;  chez  GaSoii ,  in-^'  de  4  feuilles.  Prix  r  fr.  50  cent. 

De  libroTum  Paralipomenon  auctoriiate  aiquefide  hisioriea  D'isputatî»  J^ 
Georg.  Dahler,  in  semin.  proiesc.  Argentorai.  theologix  ac  sacr»  exegeieos 
profcnor.  Argentorati,  1819,  in-S.' 

ITALIE. 

Dîsserta^ione deW  abbaie  M.  A.  Lanci ,  su  i  versi  di  Nembrotto  e  di  Pluto 
delta  dJvina  commedia  di  liante,  Roma,  tHig, in-S.' 

Elementi  di  filoiofia ,  ifc;  Eiemtns  de  philosophie  pour  let  écoles  ,  par  Mel- 
chîor  Gîoja,  &c.  Milan,  2  vol,  in-S.' 

Osservaiioni  sul  clima,  ^c;  Observations  sur  le  climat,  le  lerritoirt  et  Us 
taux  de  la  Ligurie maritime.  Gènes,  1H12,  2  vd.  in-b.' 

Sulla  impravisia  sbaccatura ,  ifc.  ;  Aléinoire  sur  l'éruption  subite  d'un  jet  con' 
sidérable  d  eau  thermale,  dans  la  petite  colline  aux  bains  d'Albano;  par  Salvaior 
Mandruzzato.  Ttévise,  181S,  in*^.* 

ANGLETERRE. 

Xalila and Dimna ,ire. ;  Kalila  et  Dhnn/t,  ou  U 
de  l'arabe  par  Wyndham  Knatchbull.  Londres,  li 
Prix,  ti  ih. 


1  FiWfs  de  Bidpay,  t«ntuif« 
19,  chrt  Longman,    in-tf.' 


JUILLET    1819.  —  ï^r 

The  cfttmUte  Worki  i^c, ;  ouvres  compila  dt  miscrii  Hgnnah  Mçre; 
^  nouvelle  Mttîon.  Londres,  Qaiiell,  1S19,  l'i  vol.  petit  in-8.' ,  contenani  des 
poi-'iies  diverses,  des  drames  sacrés,  (tes  iracédies,  des  essais  sur  l'éducation 
aciiiflie  des  flammes;  des  canies,  essais  et  rénexions  sur  les  mœurs  ei  la  religiop 
du  grand  monde;  des  essais  pour  former  le  caractijre  d'une  jeune  personne; 
Gelebs,  ou  l'homme  qui  veut  choisir  une  épouse  ;  livres  de  pieté  ei  d^  inprale 
«hréiienne,  caractère  de  S.  Paul,<Stc, 

Travfis  in  various  corintries  of  the  Easc ,  more  pariicuUrly  Pctsia;  fay  srr 
William  Ouseley,  Knighr,LL.  D-  &c.  vol.  J.  London,  1819,  iV+.* 

Travds  in  various  countries  ofEurapa,  Asia  anJ  Afrka,  hy  Edward  Daniel 
6lark« ,   LL.  D.  Part   the  tbird  ;  Scandinavia;  tectiofi   the  dm.  London, 
j.l8iy,  ;/!-.#.• 

'  Journal  of  a  Rovtf  across  hdia,  ihrough  Egypt  to  England,  in  the  latterénd 
■^  tt\e  ycar  1817  and  ihe  beginning  of  ililÔ;  by  lieutenant-colonel  Fiix- 
TClarence.  London.  rttiç.Jn-^.' 

A  .*iictcliù'c.  j  Tableau  de  l'h'isioîre  modrme ,  depuis  la  chute  de  l'einpire 
d'Occident,  en  476,  jusqu'à  la  fi u  de  1818;  traduit  au  Irançaîs  de  A.  Picquot. 
Londres,  18  19,  Whiriater,  ;/.-;2. 

TheHistory  of  France ,  JXc.  ;  tiislb'ire  civile ,  m'âiliùrt ,  fcclésîûs  ligue,  Hltê- 
raire  «  cfiHunereinle  de  la  fiiinçe  ;  psi  A!);ï.  Hanken ,  ipn>e»  1  à  J  V.  Londres , 
1*1,1,8,  fhÉfCadell, (■/>-.?.• 

Aleinonah  ^c.  t  Mémoirtt  fur  tri  événtmens  Us  plus  mtjtertant  qui  onr  ru 
lieu  dans  la  Grande-Bretagne,  depuis  1638  jusqu'en  1684;  par  Robert  Law. 
Ëdtn»bourf ,  illi^.CDnstable,  un  vol.  in-^..'  Prix,  i  Uv.  st.  16  sh. 

Facis  and  Obsenations  ifc,  ;  Faits  et  Observations  servant  à  former  une  noti- 
vellf  théorie  de  la  irrre  ;  par  ya/ ■  i^r>i^hi.  Edimbourg,  1819,  Constable,  in-S.' 
Prix ,  9  sh. 

An  Arrangf'aent  i!tç.  y  Cla$?ifmtion  des  vlantff  />rit(innigi'.es ,  d'aprçs  Jep 
dejtiTères  rectifications  du  système  .de  Linpc,  avec  une  iniroductioji  Tscile  à 
rptude  de  la  botanique;  par  VC.  Wilher.jng.  Lwdtes,  1819,  Rivingion,^  vol. 
%uin-8.',  avec  planches.  Pris,  i  liv.  st.  lish. 

Observations  iXc.  ,•  Observations  sur  la  jurisprudence  rénale  ei  iftr  la  réfomia- 
tion  des  criminels;  par  W.  Roscoe.  Londres,  1819,  CaueJI,  in-f.'  PrU,  9  sh. 

ALLEMAGNE. 

Ceschichie   Ù'c.  ;    Histoire    de   la    litiérato 
L.  Wachler,  tome  L"  Francfort,  Hermann  , 

Anfangsgrii/id*  der  h/hraîsclun  sprache,  zuni  G-efarauclie  bei  Voriçsungen 
vnn  J.  iVlfichior  Harf mann  ;  zweiie  a^^age-  Marb.ourg,  i4ti9  ia-C 


naiipnale    allemande  ,■     par 
-S.'  Prij.za. 


id: 


Drawatiscfie  Werke  lù'c.  j  tEuvres  dramatiques  de  M.  L.de  Hatigo,  lome  1." 
Beilin,  1818,  DiJmmler,  i/i-S.'  Prix,   1  rid.  4  gf. 

Feise  nath  Pemen  ,  <ifc.;  Voyage  en  Perse,  fait  avec  fambassade  russe  en 
<fl.i7;  par  M.  de  Kouebue.  \Ceimar,  gr.  in-8.' ,  avec  9  planches.  Ptî«,  3  ryd. 


44« 


JOURNAL  DES  SAVANS. 

ir  J.  Neumann;  lomc  I," 


^^hr  huçh  der  Pfiysih ,  ifc.  ;  Elétntm  de  Physique 
Vienne,  Gerod,;/.-^,- de  î^opag.  Prix,  j  H.  jo  kr. 

Unurricht  iXc.  ;  Traité dt  chimie  H  de  physhpie  ttchnhuii ,  à  l'usage  de  l'éco- 
nomie domeitîque,  des  fabriques ei  des  niaoutâciures.  Prague,  iëi8,  Vicde- 
mann,4  vol.  In-S." 

De  Philotoplûœ  iiovte  Plaioniœ  origine,  aiici.  J.  Fkhie.  Berlin,  MaareT» 
gr.i/i-#.'Priï,  logr. 

Die  Welt  <iXc.j  le  Afonde  contidéré comme volçnté  et  itfpariiion,  en  4  livres; 
par  Schopi-nhauer.  Li-rpsic,  ibi8,  lirockhaus.gr.  in-.''','- l'i    ,  q  rxd. 

Aphorismen  i^c;  Aphorismes  sut  la  réunion  dts  deux  kj^liset  évangéliquei  de 
l'Allemagne,  par  G.  Breischneider.  Goiha,  Pirihes,  gr,  m-^.-.-  i  r«d. 

Syntsius,  Ù'c;  Synésius,  ou  Essai  hiitorique  ei  philosophi  .ue  sur  (e  catholi- 
cisme et  le  proiestaniisnie,  et  sur  leurs  rapports  avec  le  gouvernement;  par 
C.Paahow.  Lemgo.  Aleyer,  gr.  in-S.':  i  rxd.  Mgr. 

Chriitentbum  Ù'a  Considérations  ^c.  sur  le  christianisme  et  les  plus  anciennes 
religions  de  l'Orient;  par  J.  A.  L.  Richter,  Leip^ic ,  Voss ,  gr.  in-S."  !  a  rxd,  8  gr. 


Nota.  On  peut  s'adresser  à  la  librairiedeM M.  Treuttele/ Wiîrtz,  à  Paris, 
rue  de  Bourbon,  n.'ij t  à  Strasbourg ,  rue  des  Serruriers;  et  à  Londres,  n.°  ;o, 
Sobo-SiiUiire ,  pour  se  procurer  Us  divers  ouvrag-s  unnoncés  dans  le  Journal  det 
Savans.  il  faut  affranchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  ouvrages.  • 


TABLE. 

Caramanie ,  au  courte  Description  de  la  côte  méridionale  de  l'Asie 

mineure,  iXc.  {Article  de  M.  LKlront\f:.) Pag.  187, 

Anciennes  poésies  françaises.  {Article  de  M.  Kaynouard.) 398. 

Tome  troisième  de  l'Histoire  de  Li  sculpture  en  Italie,  par  M.  Ci- 

cognara,  {  Troisième  article  de  /W.  Quatremêre  de  Quincy.  ).. . .  4°î' 

The  Indo-Chinese  Gleaner,  containing  extracis  ofthe  occasional  cor- 
respendence  of  those  missionaries  in  the  Easi,  ifc.  (  Article  de  M. 
A  bel- H  cm  usât.  ) 413. 

Précis  d'une  collection  de  médailles  antiques,  par  L.  Reynier;  Descrip- 
tions demédaillts  antiques  ,f;rtcques  et  romaines, par  T.  C.  Mionnet, 
(  ArticU  de  M.  Raoul-Rochcftif .  ) 4». 

C.  M,  Frerhnii,  Rostoehiensis ,  de  academiir  imperialis  seientiarum 
Petropolitana:  Museo  numana  Afuslemico,  Prolusio  prior ,  quà, 
dam  confiai  accurata  descriptio,  ifc.  (  Article  de  M.  SilvcslTe  de 
Sacy.) 429- 

Dissertation  sur  le  genre  de  la  poésie  dramatique  espagnole.  { Article  de 

M.  Raytiouard.  ) 434- 

Nouvelles  littéraires - 44'- 

FIN    DE    LA  TABLE. 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 


AOUT     lOIi 


A   PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 

l8lQ. 


Le  prix  de  l'aLonnenient  an  Journal  des  Savans  est  de  j6  fianci  par  an, 
ft  de  40  fr.  par  la  posie,  hors  de  Pirii.'On  s'abonne  chez  MM.  Tnuttel  rt 
V^'ùrtx_,  ^flParU,  me  de  Bourbon  ,  j».*  rj;  à  Strushurg,  rue  dti  Smurim,  tlà 
Londres,  n.'  jo  Soho-Si^uart.  11  Ia«t  affranchir  Ifii  leures  et  l'argent. 

Tout  ce  (jui  peut  lOtiiCnier  les  annonces  à  insérer  dans  ce  journal, 
lettres  ,  avis ,  mâiwires  ,  livres  nouvetiax .  &c.  doit  être  adressé , 
FRANC  DE  POBT,  au  bureau  du  Journal  des  Savnns,  à  Taris,  me 
de  Ménil-montantin."  22. 


l      é^ 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 


AOÛT     l8l 


9- 


Mission  ffom  Càpe-Coast-Castie  to  Ashantees  ,  with  a 
stût'istiaiî  accoiitu  oj  ihu  kingdom  ,  and  geographical  notices 
oj  otfier  piuts  ùj  ihe  interhr  of  Africa.  —  Mis.ùou  envoyée ,  du 
fort  de  Cape-Coiist ,  dans  le  pays  des  Ashaniées;  avec  une 
description  statisti/jue  de  ce  royaume,  et  des  notions  géogra- 
phiques sur  l'intérieur  de  l'Afrique;  pur  T.  Edouard  Bowdich, 
conducteur  de  la  mission.  Un  volume  grand  in-^.'  de  j  i  2 
pages,  avec  figures.  Londres,  1819. 

PREMIER    EXTRAIT. 

l^A  relation  d'un  nouveau  voynge  en  Afrique,  d'un  voyage qiii  a  réussi, 
ei-quj  semble  ouvrir  une  communication  sûre  et  durable  avec  l'intérieur 
de  ce  vaste  continent,  fusqu'ici  fermé  ;iiix  Fiiropéens,  ne  peut  man- 


i 


4j3  JOURNAL  DES  SAVANS, 

quer  d'exciter  une  vive  curiosité  :  mus  un  intérêt  d'un  autre  ordre  vient 
bientôt  sabir  la  réflexion  >  quand,  au  lieu  de  ne  voir,  dan&  l'isiue  de  cette 
enireprife, -que  le  succès  isolé  d'un  voyàgeurhasardeux,  on  considère 
les  niotïA  politiques  qui  l'ont  détennnléei  et  qu'on  en  découvre  lea  - 
rapports  avec  le  système  général  de  colonisation  et  de  cqinmerce  suivi 
aujourd'hui  avec  tant  d'ardeur  par  l'Angleterre,  système  que  Fétal  actuel 
de  la  population  rend  presque  égalemebt  nécessaire  &  toute  rEurope  i 
jnaîs  que*  depuis  long-temps,  rAngfeterre  seule  a  lu  embrasser  avec 
persévérance,  et  qu'elle  a  pu  étendre  sans'  Uinites  comme  suis  obstacle» 
à  la  faveur  de  la  guerre  maritime  et  )>endaat  les  orages  du  continent. 
Nous  avons  pensé  que  quekples  considérations  préliminaires  sur  ce  sujet, 
•n  disant  mieux  sentir  le  caractère  marquant  du  voyage  de  M.  Bovdich , 
pouEPoient  ne  pas  paroîcrê  superflues  par  elles-mêmes ,  sur-tout  dans 
notre  pays ,  où  le  despoti-me  militaire,  et  le  malheureux  état  d'itole- 
ment  causé  par  la  guerre ,  ont  empêché  pendant  si  long-temps  la  pro- 
pagation d'un  grand  nombre  d'idées  et  de  vérité»  utiles,  qui  sont  devenues 
générales  et  familières  ailleurs. 

La  difiîculié  d'acquérir  une  existence  suffisamment  heureuse  dans 
une  société  déjb  Complètement  arrangée,  et  l'espérance  souvent  trom- 
peuse, mais  toujours  séduisante,  d'obtenir  une  meilleure  place  dans  un 
monde  nouveau,  sont  deux  motifs  qui,  de  tout  temps,  ont  fait  naître 
le  désir  de  l'étnigration  et  de  la  colonisation  chez  les  nations  déjà 
nombreuses  :  mais  l'état  du  commerce ,  des  lumières ,  et  sur-tout  du  gou- 
vernement de  la  mère-patrie,  ont  dotmé  à  ce  penchant  naturel  des 
directions  diverses  et  des  résultats  diflèrens.  Lorsque  les  portions  émî- 
grantes  de  la  population  se  sont  séparées  librement  pour  aller  porter 
l'agriculiure  et  les  arts  utiles  dans  un  sol  fertile ,  mats  auparavant  inculte , 
et  qu'un  gouvernement  doux,  ou  même  une  indépendance  complète, 
lesbnt  laissé  jouir  sans  obstacle  des  avantagés  de  cette  i 


AOUT  1819.  4j3 

ilans  des  pays  déjà  habités  et  cultivés ,  il  y  avoit ,  pour  ceux  qu^on  y 
traïuponoit ,  peu  d'occasions ,  comme  peu  de  penchant ,  à  développer  l'es- 
prit d'économie  et  d'entreprise  qui  caractérise  une  colonie  indépendante* 
Sous  ces  divers  rapports ,  elles  paroissent  avoir  offert  assez  d'analogie 
avec  les  étabiissemens  modernes  des  Européens  dans  l'Inde  ;  de  même 
que  les  colonies  carthaginoises ,  déterminées,  moins  par  lexcès  de  la 
population ,  que  par  le  désir  d'imposer  des  tributs  et  de  s'approprier  le 
commerce^xclusif  de  certaines  contrées,  ne  sont  pas  mal  représentées 
par  les  premières  expéditions  européeiuies  sur  les  c6te$  d'Afrique  et 
dans  le  cominent  américain*  \. 

Ces  dernières  expéditions,  entreprises  d'abord  avec  tant  d'audace  et 
suivies  depuis  cinq  siècles  avec  toute  l'ardeur  que  la  soif  de  for  inspire, 
ont  été  loin  de  réaliser  les  rêves  brillans  qu'elles  avoient  fait  naître. 
L'expérience  a  montré  que  les  colonies  qui  fournissent  l'or,  l'argent  et 
les  pierres  précieuses ,  ne  sont  pas ,  à  beaucoup  près ,  les  plus  avantageuses 
k  la  mère-patrie ,  dont  elles  ruinent  lagriculture  en  attirant  ses  capitaux 
et  ses  efïbrts  vers  le  travail  incertain  des  mines ,  en  même  temps  qu'elles 
gênent  son  commerce»  ou  même  le  rendent  nul,  par  les  entraves  que  ce 
genre  d'exploitation  exige.  Les  colonies  fondées  sur  la  culture  du  sol 
par  des  esclaves  donnent  des  profits  moins  dangereux  et  plus  durables; 
car,  lescfave  produisant  toujours  plus  qu'il  ne  consomme,  l'exoédatic 
devient  le  bénéfice  assuré  du  maître.  Mais,  outre  Timmoralité  révoltante 
de  fonder  ainsi  les  jouissances  habituelles  d'une  portion  du  genre  humais 
sur  la  misère  permanente  d'une  autre  partie ,  ce  système  a  encore  contre 
lui  le  désir  immodéré  des  richesses ,'  et  des  richesses  rapides,  qu'il  excite 
dans  les  âmes  des  colons  ;  car  ce  sentiment ,  les  faisant  toujours  se  regarder 
comme  passagers  sur  un  sol  qu'ils  n'aspirent  qu'à  quitter  pour  rapporter 
leur  luxe  en  Europe ,  forme  un  obstacle  insurmontable  à  ce  que  ce  genre 
de  colonie  puisse  atteindre  fétat  permanent  d'aisance  et  de  bonheur 
intérieur  qui  assureroit  sa  prospérité.  L'exemple  de  l'Amérique  anglaise 
a  désormais  prouvé  d'une  manière  assez  frappante  que  le  meilleur 
système  de  colonisation  est  celui  qui,  offrant  à  la  cukure  uiv  sol  fertile, 
inspire  au  colon  le  désir  d'une  aisance  honorable,  lui  promet  une 
heureuse  indépendance  au  milieu  des  terres  qu'il  aura  lui-même 
défrichées ,  f habitue  ainsi  par  plaisir,  autant  que  par  nécessité,  à  une 
vie  simple»  passée  dans  l'exercice  de  l'ordre,  de  Féconomie,  des  jouis- 
sances domestiques ,  et  l'attache  à  son  nouveau  séjour  comme  à  une  autre 
patrie  :  et,  pour  que  rien  ne  manquât  à  cette  grande  leçon  donnée  par 
des  événemens  dont  le  souvenir  est  encore  si  proche,  on  a  pu  voir  que 
de  pareils  étabiissemens  tienneat ,  l>ieo  plus  fortement  qu'on  ne  seroit 


iii  JOURNAL  DES  SAVANS, 

porté  à  le  croire,  à  leur  patrie  "ancienne;  qu'il  làut  toutes  les  iitcon- 
séquences ,  toute  la  dureté  du  pouvoir  arbitraire ,  pour  les  déterminer  à 
l'en  séparer;  et  qu'enfin,  lorsqu'ils  s'en  séparent,  l'accruissement  rapide 
de  richesses  que  l'indépendance  leur  procure,  produit,  dan»  l'augmen- 
tation des  relations  commerciales,  un  ample  dédommagement  h  h 
métropole,  %-ers  laqudle  leurs  habitudes,  et  Tavantage  plus  grand  pour 
eux  dans  la  culture  du  sol  que  dans  Findustrie  manufacturière ,  les  attirent 
encore  long-temps.  Avant  fa  rupture  de  1783,  les  colonies  anglaises  en 
Amérique  tiroient  d'Angleterre,  dans  les  araiéei  les  plus  âvorables, 
pour  environ  trois  millions  sterling  d'objets  manufacturés.  Lorsqu'elles  se 
séparèrent,  on  crut,  en  Angleterre  même ,  que  l'époque  de  ce  florissant 
commerce  étoit  finie  :  néanmoins,  trente  ans  après,  vers  1813,  Pex- 
poriation  annuelle  s'étoit  accrue  jusqu'à  onze  et  douze  millions,  et  Ton 
s'attendott  îi  la  voir  s'élever  au  moins  jusqu'h  quinze,  c'est-à-dire,  à 
devenir  quintuple  de  ce  qu'elle  étoit  avant  réjHique  de  l'indépendance. 

Ce  système  de  colonisation  ,  le  seul  conforme  aux  règlfs  de  la  morale 
et  de  la  justice ,  paraît  être  aussi  celui  qui  convient  le  mieux  aux  besoins 
acmels  des  vieilles  sociétés  eiiropéenues.  L'accroissement  de  la  pbpu- 
ijiion,  manifesté  parla  pauvreté,  le  malaise  et  l'agitation  des  peuples, 
semble  demander  qu'on  leur  ouvre  de  nouveaux  moyens  de  se  procurer 
les  nécessités  de  la  vie,  et  même,  jusqu'à  un  certain  point,-  les 
jouissances  auxquelles  ils  se  sont  accoutumés.  L'extension  de  l'industrie 
et  du  commerce  intérieur  ne  peut  fournir,  pour  de  si  grands  besoins, 
que  des  ressources  d'une  instabilité  dangereuse,  ou  même  aujourd'hui 
tout-à-fait  idéales,  s'il  est  vrai,  comme  le  pensent  des  négocions  et  des 
manufacturiers  du  premier  ordre ,  que  la  production  manufacturière  de 
l'Europe  soit  en  ce  moment  supérieure  non-seulement  à  sa  consom- 
mation propre ,  mais  à  celles  de  tous  les  marchés  qui  lui  sont  ouverts.  On 


AOUTn  1819.  455 

naître  dm  elle  pendant  la  guerre ,  et  qui ,  après  aVôir  été  alors  alimentée 
par  une  excessive  consommation  du  capital  national ,  ne  trouve  plus  au-' 
jourd'bui  assez  de  travail  dans  ies  besoins  bornés  de  l'état  de  paix.  C'est 
pour  cela»  autant  que  pour  satis^ire  à  son  ambition,  qu'elle  se  pi^ssef 
de  s'établir  sur  lés  rochers  de  toutes  les  mefs  et  sur  les  terres  encore 
libres  de  tous  ïe$  continens.  Attentive  à  la  nécessité  qui  s'avance ,  comme 
un  pilote  habile  présage  la  tempête,  elle  multiplie  toutes  les  ressources 
qui  peuvent  l'aider  à  la  combattre;  elle  garde  pour  Ta  venir  les  contrées 
qui  peuvent  encore  servir  à  la  culture;  et  quand»  par  la  force  de  la 
ufbturé  ou  des  événemens»  elle  ne  peut»  ou  n^ose  pas^  être  agricofei 
elle  est  conquérante.  C'est  ainsi  que  nous  la  voyons  en  même  temps 
pousser  %çs  établissemens  dans  rintérieur  de  l'Afrique  par  le  cap  dé 
Boiine-Ëspérance  »  dont  le  climat  salubre  et  tempéré  lui  réserve  des 
champs  fertiles  qu'elle  ne  veut  pas  cultiver  encore  (i)»  tandis  que 
les  années  étendent  dans  Flnde  un  empire  dont  les  dépenses  annuelles 
excèdent  pour  elle  les  révenus  :  c'est  que,  sans  avoir  les  avantages  mo* 
raux  des  colonies  agricoles  et  fixées»  sans  avoir  aussi  Tattrait  que  de 
semblables  colonies  présentent  comme  nouvelle  patrie,  Flnde  est  ce- 
pendant encore  un  moyen  puissant  d'exportation  et  de  travail  pouf 
une  ]x>rtion  considérable  de  la  population  anglaise»  qui  trouve  à  s'y 
employer  activement  et  utilement  dans  les  armes»  la  marine»  Fadminis- 
tration,  le  commerce;  moyen  d'autant   meilleur  qu'iJ  s'étend  à   toutes 
Its  classes  de  fa  société,  dont  il  ne  dégrade  point  le  caractère  indi- 
viduel» et  que»'  sur  un  si  grand  nombre  d'émigrans,  il  ne  permet  le 
retour  dans  la  terre  patale  qu'à  ceux  dont  la  fortune  e:>t  ordinaireiVient 
le  fruit  de  la  bonne  conduite  et  du  talent.  Il  est  vrai  que  ces  avantages 
attachés  à  l'empire  de  Fliide  ne  peinent  se  conserver  qu'à  Faide  d'ûil 
système  continuel  d'envahissement  et  de  conquête;  qu'étant  établis  par 
domination  sur  Une  population  immense»  il   faut  sans  cesse  combattre 
aux  frontières  de  Feinpire  pour  maintenir  la  paix  dans   I intérieur,  dé 
sorte  que  la  politique  et  les  armes  y  sont  les  deux  seuls  soutiens  dii 
pouvoir  :  n^ais  ce  sont  là  des  inconvéniens  inévitablement  attachés  à  un 
système  d'établissement  purement  commercial- et  militaire;  et  Ion  est 
encore  heureux  de  reconnohre  que,  malgré  les  dures  ^conséquences  qu'un 


ï 


(i)  An  moment  où  nous  imprimons  cctarticle,r>ous  voyons,  parles  journaux, 
ue  le  gouvernement  ««nglais  vient  de  se  déterminer  à  user  de  cette  ressource. 
<e  parlen^enc  a.  accordé  une  somme  destinée  à  donner  aux  cia.'%ses(|>auvre.s»  que 
le  besoin  pousse  à  l'cmTgraiion ,  de  modiques  secours  pour  favoriser  leur  trans7 
port  dans  l'Afrfque  australe,  sans  toutefois  leur  offrir  des  avantages  suffisans 
pour  leur  inspirer  trop  d'intérêt-i  quitter  la  mére-patrie. 


4f6    '  JOURNALIERS  SAVANS. 

tdtyttiniecntntMnécesiùicmempqar  U  popiUatioa  jnfgèiw*  féiat 
de  cette  populitton,  •«tu.le|^Tenieraentaemel  de  nods,  «u  moiiu 
VD^fiieQrauK  qu'iliif'éloît.jKiii  Im  ëeq>oics-iDUHan«s, 'wM-Jorct  un» 
qjyiSui^iiyBi'iiiyfaaîHitffwnrinwFihnii'n^^ 

;  Xù  jn^|BCiipni|B^pe9,qBf».niX  JOHC^gOttKÉBtMMnt.  ai^Iiâsi<w< 
jonoi  IVtt  tfîiqpgrtadce  |i  ije>  pOM^inoi^  u  ébtgiiéei,  oau  dA-flibvrf^ 
iHf^  tetunfv  iei  ;<niei  ven  k  pCMtbifiié^^itabliAeaMH  qdtWK^Mm 
iMCfi  1^  jABtigeiqc^.lenr  prnàmité;  Tdi' tout  «ns  que  fion  {«cm 
^vmer  (Uuc  h  partife  «istnle  de  TAfiicpe^  sou  le  rappoA  de  Tagli- 
pilbire,  et  Hir  ses  côtej  occideDlifeti  pour.Ie  bommcfce/' Autsi  qn* 
de  tentativM  diversei.que  d^effotuititiiéà  lesAnglii»  n'oiit-ijsimâitt 
pour  lier  àts  relations  polîtiquei  et  commerddes  avec  ce  itite  conttnentl 
Tandis  que  leur  gouvernement,  mettant  à  profit  ratuidonbii  ta  guerre 
avoit  laissé  letétablissemensdes  autres  pubunces  de  l'Europe ,  sVflYwçoïC 
d'affermir  et  (Teindre  les  yidis  sur  Ies-c6tes  ocddeatéiei,  une-issoolation 
de  penonnes  riches  et  éilairiées. entreprit «e^qiw.ron  pouvoit  an^kr  la 
déoHiTene  de  nnttêrieur de  l'Afrique,  en  y.  6{tknt  péaéùtri  devers 
c6tés,  des  vopgeurs  instruits  et  hardis,,  cfaargés  tf examiner  la  nature da 
pays,  la  situation  ,et  la  force  des  peuples  qui  l'habitent,  d'étudier  leurs 
moeurs ,  leur  industrie ,  leur  commerce ,  et  de  recueHItr  tontes  les  notions 
qui  pouvoicat  intéresser.  la  géographie,  l'histoire ,  ou  servir  de  base 
aux  spéculations.cominerciales.  A  cette  époque  (  i78S-t,bCafi«rie  avoit 
déjà  été  visitée  par  Sparmann»  Paterson*.  et  suimoat  ftar  Le  Vaillant, 
qui  en  avoit  décrit  f-éut  politique,  les  moeurs, -e^  qui,  «'avançant  avec 
autant  de  hardiesse  que  de  bonheur  dans  cet  contins  sauvages,  y  avoit 
découvert  des  peuples  dont  le  ndA  même  étott.,  avant  lui,  inconnu  aux 
L'Egypte,  la  Nubicj  FAbyssinle,  depuis  plu; 


AOUT    1819.  ii? 

autre  côté  Lucas ,  autre  voyageur  qui  »  ayant  réskié  long-temps  à  la  cour 
de  Maroc,  connoissoit  parfaitement  les   manières  et  le  langage  det 
Arabes.  Lucas  devoit  aJler  de  Tripoli  au  Fezzan  par  le  désert  et  revenir 
par  la. Gambie  ou  la  côte  de  Guinée;  mais  il  ne  put  aller  plus  loin  que 
de  Tripoli  à  Mesurate.  Deux  ans  après,  en  1790,  l'association  envoya 
le  major  Houghton  pour  pénétrer  par  la  rivière  de  Gambie  et  traverser 
le  pays  de  Test  à  Touest.  Houghton  remonta  en  effet  cette  rivière  jusqu'à* 
une  grande  distance  de  son  embouchure;  mais»  après  avoir  essuyé  mille 
traitemens  barbares  de  la  part  de  ces  peuples  sauvages,  il  mourut 
misérablement.  Le  sort  qu'il  avoît  éprouvé ,  n'empêcha  pas  le  célébra 
Mungo-Park  de  tenter  la  même  entreprise  :  ce  qull  éprouva  de  dangers» 
de  malheurs  et  de  misère,  ne  peut  se  concevoir  que  lorsqu'on  a  lu  sa 
narration  ;  ïmIs^  piu$  fortuné  que  son  prédécesseur,  il  échappa,  et  rapporta 
ainsi  en  Europe  les  premières  notions  authentiques  sur  l'intérieur  du 
continent  africain.  Mungo-Park  s'étoit  avancé  jusqull  près  de  quatre 
cents  lieues  de  la  côte  ;  il  avoit  pénétré  jusqu'au  grand  fleuve  du  Niger , 
dont  il  avoit  trouvé  le  cours  dirigé  de  Foyest  à  l'est  :  il  avoit  découvert 
plusieurs  des  villes  puissantes  qui  bordent  les  rives  de  cet  autre  Nil.  La 
perfidie  soupçonneuse  des  Maures  ne  lui  permit  pas  de  s'avancer  jusqu'à 
Tombuctoo,  de  toutes  ces  villes  la  plus, célèbre,  et  qu'il  auroit  tant 
souhaité  d'atteindre.  Contraint  de  revenir,  il  suivit  à  son  retour  le  cours 
de  ce  Niger  qu'il  avoit  le  premier  reconnu;  il  chercha  à  recueillir  des 
renseignemeijs  sur  la  position  de  sa  source,  de  celle  de  la  rivière  du 
Sénégal,  et  revint  enfin  aux  établissemens  anglais  lorsqu'on  n'espéroit 
plus  le  revoir:  mais,  ce  qui  peut  donner  une  idée  de  son  incroyable 
courage,  tant  de  souffifances  favoient  si  peu  abattu^  qu'il  résolut  de 
tenter  une  seconde  fois  ce  périlleux  voyage;  il  partit,  mais  ne  revint 
plus.  M.  Bowdich  paroît  avoir  recueilli  des  renseignemena  qui  rendent 
sa  mon  trop  certaine.  Suivant  ces  rapports,  Mungo-Parik  s'étoit  avancé 
sur  le  Niger  jusqu'à  la  séparation  de  ce  fleuve  en  deux  branches ,  dont 
Tune,  coulant  au  nord-ouest,  va  passer  près  de  Tombuctoo  ;  il  avoit 
même  dépassé  cet  embranchement,  et  continué  sa  route  en  suivant  tou* 
jours  la  branche  principale ,  qui  dès*lors  se  dirige  vers  le  sud-est:  mais, 
arrivé  près  de  Boussa,  le  vaisseau  qui  le  portoit  s'avança  vers  des  écueils 
cachés;  en  vain  des  naturels,  qui  avoient  vendu  précédemment  des 
vivres  au  voyageur  anglais,  essayèrent  de  se  précipiter  après  lui  pour 
Farrêter;  le  vaisseau  toucha.^  L'infortuné    Mungo-Park  essaya  de  se 
sauver  à  la  nage;  mais  le  courant  l'entraîna  avec  une  force  irrésis- 
tible, et  il  fut  englouti  dans  les  flots.  II  est  malheureusement  Bien 
difficile  de  douter  de  la  réalité  de  ce  désastre^  raconté  à  VL  Bowdidi 

Mmm 


4jl 


JOURNAL  DES  SÀVANS, 


pir  des  Maures  qui  se  doitnotent  pour  en  noir  été  les  témoins  ocUbire). 
Tandis  que  Mungo-Parfc  se  défvoooit  avec  tant  de  courige  ponr 
Rconnotire  la  panie  occidentale  de  rAfriqbe,«n  simple  parûcufier» 
XL'IT.-Brôwnè,  excité  par- la  curiosité  et  parle  goût  des  ■loiiuiei.f 
Attréprenoh  seul  »  avec  ses  prbpres  reasOBrces  >  de  traversa-  ce  coiàtitKii^ 
dt  feit  i.  Tûaett.  Para  d^Aîèzandiie  le  «4  iîvrier  1792*  il'-jJénéti^ 
Jtutiu%  Stwah;  que  Ton  croit  être  fuidenne  Oaûs  d*Ammoii,  et  f 
tecMïtat  des  minet  que  Ton  a  supposées  éire  cjsDek  dti  téinfile  dé 
JilpiMi*:  ÀUBS  Im  obstacles  que  faû  opposoient  paMout  les  Arabes,  et  des 
Maniftes -crûmes,  causées  par  le  dinut  et  laiâtigue,  le  forcèrent  de 
revcAir  en  Egypte  yns  avoir  pu  s'avancer  plus  loin  de  ce  câté.  L'année 
Mi^te,  fl  entreprit  sans  succès  (fri fer  par  U  NiU>ie  en  Abyssinie  ;  mais , 
n'étant  pu  «iéctwagé  par  ces  tentatives  iofraCtneuses ,  if  essaya  «ncore 
dé  pénétrer  dans  {Intérieur  par  la  route  du  Darfbur ,  en  se  Joignant  à  fa 
Caravane  dn  Soudan.  II  aJIa  en  effet  jusqu'au  Oaifbur;  mais  if  lui  {iit 
împossibfe  de  i^vancer  davantage  ;  et  ce  ne  fiit  même  que  par  une  adresse 
{4eine  de  présence  d'esprit  et  de  courage  qb*i[  put  penuader.  a(ix 
tnudOnds  de  fa  caravane'de  le  ramener  en  ^ypte,  A  peine  avoît-il 
quitté  ces  entreprises  hasardeuses,  qu'il  eut  pour  successeur  un  feune 
Allemand  nommé  Htnumaa,  envoyé  par  là  société  africairle.  Homeman, 
parti  de  Londres  en  1797,  sc-irouvoit  à  Alexandrie  kn-s  de  ta  prise  de 
cette  viflé  par  Texpédition  française;  le  général  en  chef  Tui  donna  la 
Gberté  de  continuer  stHi  voyage ,  et  lui  procura  même  tqys  fes  secours 
par  fesquels  il  pouvoil  en  faciliter  le  succès.  Homeman  partit  du  Caire 
le  j  septembre  1799  avec  la  caravane  du  Fenan;  il  traversa  le  désert 
de  Libye,  parvint  i.  Siwah,  déjà  visitée  par  Brovne,  et,  après  soizante- 
qoatonEe  jours  d'une  marche  pénible,  arriva  jusqn'i  Mourzouk,  capitale 
du  Fezzan.  I(  fît  une  courte  excursion  de  Mouizouk  à  Tripoli ,  revint  à 
Mourzouk,  et,  le  16  avril  1800,  il  écriïît  à  la  société  africaine  qu'il 


AOUT,  i^l^^       ..V.  i% 

fil  gioétat,  si  Ton  .cooaidire  les  gl^staches  physkfties>^î,  Vppi^a^ ^ 
est  Afiîque^  aux  progvài  .çTun  voy^euiN  européea>  et  les  ol^^des, 
moraux  bien  plus  grancis  encore  que  fbnf:  naître  t  à  çbaque  iqstafit,.  soHfs 
ses  pas»  ht  barbarie  des  habican&>  IeiM>  fèrocè  avidité,,  leur  jalou^ 
envieuse  et  leiu-  superstiueuseméfiAQce,  ^n^'étoanera  peude  voir.quuo, 
si  grand  nomiïre  de  tentatives  de  ce  g.enre'aiepi  eu  çonstatQOieiilune  is3U^ 
malheureuse^  et  f  on  sera  peu  porté  à;  leur  en  espérer  i^e  aiutre  k  l'aveiuf)  |^ 
mène. la  féunîon  de  ^îlusfeurs  hommes,  courageux  ne  suffit  pas  pQijix 
surmonter  des  dangers  paBeîts,  Onri^e  pejut  malbe))i^usement  plus  doutej^ 
du  sort  fiineste^qo^botiêu  b  0ia;QrFiMdî^4.i^>çaf!itaine  CampIj»eIl-etJ^ 
médecin  .Cowdry^  quieIt>gQuvernement  anglais  avoir  eqvpy^^s  dms  J^jf^ 
teneur  de  TAfiique  par  lie.  Sénégal  ;  et  Pexpé^tion  di|:  <»|4tfi|riQ  Ti)d^ 
par  l'embouchure  du  Goiigp ,  quoîqij^  entreprise  sur  un  plan  bea^ 
plus  iiaste>etnuiiiie  deressofutresbiehpliisjpuissa^te&t  n'aeu  xwfi 
jponr  résultat  que  la  mort  de  ce  capitaine  »  des  officiers  envoyés  sôus  .fiâf 
ordres  et  de  tous  les  naturalistes  volontaires  engagés  dans  le  voyjSjg^^ 
salis  aucune  découverte  nouvelle  sur  la  géographie  de  i'in^rieiuvyjOtt 
même  sur  les  moyens  d'y  pénétrer* 

'  £n  comparant  ces  résultats:  cpnstamnp^nt  funestes  avec  le  succès 
complet  qiie  M.  Bowdicti  vient  d'obtenir  dans  la  mission  dont,  ncm 
allons  rendre  compte ,  et  qull  a  exécjutée  sans  préparatîfsi  presmte  sai^ 
frais»  seulement  avec  l'assistance,  de! deux  officiers  smglais  et  dé  da» 
soldats  pns:  parmi  les  naitnc^srde  Cape-Cofat,  à  la  ^Ide  de  la /com- 
pagnie anglaise,  on  pensera  .sans  doute  que  le  plan  qtt'i(.a.suiyiV(!mi| 
avoir  eu  <b»  avantages  propiiesi  et  aypir  été  f(^n^  sar  d^a^itres  princÎM^ 
que.  ceux  des  voyageurs?  qui  font,  précé^  S  .c'est  en  eÏÏu  ce  que  fptt 
lèconnoîtra  fibdleinéni:par,lfti^t>bj'i6^^.dej[,aye^  P^f^es^  ^^9^ 
jeune  et  heureux  voyageur.   .     . 

Le  voyage  de 'M.  Bovdich  fiii  déterminé,  par  une  occasion  polidqûie. 
Le  principal- établissement  des  Anglais  sur  la.  côte  d'Or»  appelé  (Qa^^i- 
Cûost-Castie:,  avoit^  sonssa  protection,  une  nation  voisine,  babj^aii^êjciéf 
rivn de  la  meri  et  appelée: ItsFanjtia .':ai|; rpi  puissant  de  fincErieur'ii 
le  roi  des  Afkanthr,  ae  trouvant  oâfeosé  p^  cette  nation,  ou  peut-être 
•ocrètement  excité  >pap  qoeiqàer'piMSsance  européenne  rivale  de  TAngle* 
terre  siurxres  c6tes,  déclara  (a  guerre  aux  Fantées,  envahît  leur  terrîj' 
tccie,  brAIa  :  leul-s  villages ,  massacra  leur  peuple  et  les  réduisit  aii^ 
demièresrextuémicés;  rétabifisemeat  anglais  lui-même  fut  bio^é.^t 
cotmit  les  pbs  grandsrryisquesr.mais,  le  même  pouvoir^^trsmgér^  qm 
àrbit  probablement  scodgci  orage ,  ayant,  é^  aaverte|}^f^  somn^'^'ci^  1^ 
ampiaer^leroi  des  Asiaméfs!4WrêUr.ceisa^^  atta9ifu;s:ft  c^nsenfit  jl 

Mmm  % 


^^ 


JOURfFAL  DES  SAVANS. 


•BlW>WHlBM«!rti!CiwAaighB.<>tttMgtWWe<KCM^ 

nnê  ambaïadr Wfcftidle » ^et' foit  «n  céafi*  hcoudsiie  fc  un  membrr 
dàcoiàiH  a>  -b  ôiaiiwgBiè ,•  Mi  Jrine«>  fpmvcrneDr  4'Acmi.  qna  m»'. 
Ige  Bvlir  ct4mioa^'iéiM»Ge  «u  Afi<K(iie  tcmbloiâitfendre  élé- 
ment pH^^  k'Cét  «npW.  difficile.  M.&tnn^*  «{u'mi  ir^Mitdcdrdi 
n:<fiflufai^rhÀcbttduM«n  AfHq|iie,(ÏMatticbé  Krexpédtdoa  comme 
dlt^  dâ  tedierdie*  sdeotifiques.  On  y  foipih  nusi  deux  utres  jeune* 
iJaurcMniDe  lùi'dooét'  de  i^tofudon  aatinlque  de'pmdeaoe  :  hin». 
npamié  M^  TMff/,  était  ànrargien;  riutre,  qommA.  M.  Hntekhtm» 
cfelfrit'C^  éûUi  comme  réndeoti»  l'on  réusmioiiè.  fermer  unealHance. 
Une  troupe  de  Fantées-les  Kcomptgnoit^ct  deroît  ieur  servir  de  guide 
JHsqu'k  Commasiue,  cipitile  des  Ashantéei.  L'entieprise  étoit  ausû 
importante  que  périlleuse;  car,  fusqu'alon,  la  méfiance  des  tiatureb 
ftvoh  été  telle,  que  jamais  un  officier  anglais  n'avoit  {ni  seulement  s'a- 
^tà^xt  dans  Tintérieùr,  hort  de  la  vue  du  fert  de  Cape-Coost,  sans 
tàànt  le  Hique  ifètre  massacré  presque  in&ilfiblement. 

tîlàfiSàaa  qnituCape-Coasi-Castle  le  aa  nril  1S17*  et  swii 
i^bord  la  côte  jusque  Annabamoo ,  oit  les  Aurais  ont  aiùii  un  éta-. 
j!ilissêtnei>.t  niilitaîre.  II  làut  Gré  dans  la  relation  même  de  M.  Bowdich , 
les  étounans  détaih  qu'il  doruie  sur  la  beauté  du  piyt>  ainsi  que  sur  fa 
itnrce  eita  rïchcsie'de  la  végétation  :  un  sol  fertile,  couvert  d'ignames , 
dnluianat,  (Faloès,  nounit  des  palmiers^  des  bananiers  d'une  proportion 
dÉEâÀtesqité,  entiefnèlés  d*itbres  k  coton  de  plu  de  dent  quarante  pieds 
de  hauteur;  mais,  kcdté  de' ces  licbêsprétensdeJa  nature,  et  malgré  s« 
pTXxligalité,  ou  plutôt  k  cause  de  cette  prodigaittéméme,  la  pauvre  race 
Imniaine  n'offie  aux  regards  que  superstition,  pajesse  et  misère.  Ce  n 


.        AOUT  i8i^.      ;     .  4«r* 

tt  duigfr  de  ces  Asposîtions  ;  mais  la  fermeté  inébcanlable  de  M.  Bowdkh* 
et  cfe  ses  jeunes  compagnons  en  momphèrent.  Aux  yeux  de  toute  cette 
tîoupe  de  sauvages  insubordonnés,  ils  osèrent  arraclieraux  chefs  des 
Fantées  leurs  baguettes  d'or  f  marque  distinctive  de  leur  dignité ,  et  les 
remirent  dans  des  mains  plus  fidèles.  Une  punidon  sévère,  mais  noa 
cruelle,  exercée  «ur  un  des  plus  mutins,  fit  rentrer  tout  le  reste  dans  le. 
devoir,  et  la  caravane  continua  sa  route  sans  avoir  désormais  à  vaincrt 
d'autres^  obstacles  que  ceux  que  la  nature  physique  présente  dans  cH 
contrées  sans  communication.  Cette  jalousie  des  naturels  de  la  côte 
poiu*  le  trafic  des  marchandises  d'Europe ,  est  le  premier  danger  que 
doivent  rencontrer  tous  les  voyageurs  qui  veulent  pénétrer  dans  rinté». 
rieur  du  |>ays ,  et  il  ne  cesse  même  jamais  pour  eux  ;  il  les  accompagne, 
dans  toute  leur  route  :  car  des  motifs  de  méfiance  pareils  existent  entrent 
les  chefs  desj^odques  des  différentes  peupladei;  et  sur-tout  ib  existent 
au  plus  haut  degré  chez  les  Maures ,  qui ,  répandus  dans  toutes  les  parties* 
de  i'Afiique,  soM,  de  temps  immémorial,  en  possession  d'y  transporteTi 
et  d'y  vendre  tous  les  objets  manufacturés  qui  se  tirent  d'Europe  ou  du. 
nord  de  f  Afrique.  £n  lisant  les  relations  du  petit  nombre  de  voyageiu^. 
dont  nous  avons  rapporté  plus  haut  les  tentatives,  on  s'aperçoit  aisé^ 
ment  que  ce  sentiment  de  jalousie  et  d'avarice  commerciale  a  été  la  cause, 
la  plus  puissante ,  comme  la  plus  ordinaire ,  des  difificultés  qu'ils  ont. 
éprouvées  ;  et  ce  résultat  inévitable ,  qui  s'est  reproduit  pour  l'expéditîoii, 
de  M.  Bowdich  à  son  entrée  en  Afrique,  s'est  encore  fiiit  sentir  api^si 
son  arrivée  à  Commassie  même. 

La  caravane  arriva  à  cette  capitale  des  Ashantées  après  huit  journéet 
de  marche  excessivement  pétiibles.  A  son  entrée  ^  un  flot  de  plt^s  d^ 
cinq  mille  j>ersonnes,  la  plupart  guerriers,  Tacciieitlirent  avec  les  4^ 
monstratioris  les  plus  tumultueuses  et  les  plus  bruyantes  t  mêlant  à  leuri 
cris  sauvages  les  bons  efirayans  de  leur  musique  militaire»  et  des  déchargeai 
de  mousqueterie,  faites  de  si^près,  que  la  fumée  envetoppoit  les  yoya-!> 
geurs;  tout  cela  accompagné  de  gestes  et  de  danses  guerrières  >  dpç^ 
le  mouvement  alioit  jusqu'à  la  frénésie.  Après  ^voir  été  retenus  pttf 
cette  multitude  pendant  une  demi  heure ,  les  voyageurs  eurent  enfin 
la  liberté  d'avancer ,  entourés  par  des  guerriers  dont  le  nombre  « 
joint  h  la  foule  du  peuple,  rendoit  leur  marche  aussi  lente  que  si  ellf 
avoit  eu  lieu  dans  la  rue  la  plus  populeuse  de  la  cité  de  Lx)ndreS(» 
Sur  la  route,  un  spectacle  inhumain,  contemplé  par  le  peuple  avec 
une  attention  stupide,  arrêta  forcément  leurs  regards  pendant  quelques 
înstans  :  c'étoit  un  pauvre  malheureux  que  Ion  torturoit  avant,  de  le 
saerifiier.  li  aivoit  les  mains  liées  derrière  le  dos  ;  un  couteau  étoit  passé  à 


ie^ 


JOURNAL  DESSAVANS, 


tisrendiacuné  dé  fe»  joues*  lujqueUecies  lèvres  itoiekit«ttadiéMiun«^ 
de  ti^  oreilles,  dtjk  coBpfe ,  étoit  portée  devant  lui  comme  en  triomphe  ; 
Ttutre  poodiit  de  la  tète ,  encore  attichée  par  un  petit  moroean  <h- 
pni;  H  avoh  plusîeiin  blétsares  dans 4e  do$,  et  on  coébtaa-^lxM  «a.' 
fbncé dans  ducBne dï  ses^pnfes;  i^éioit conduit  pu-naeooidepBisée- 
&  tmers  de  ses  narinei,  tt  que  ténoient  des  bcurreaux  ayant  la  tèt« 
enf  dfoppée.  par  <rimiiiensei  bonnets  oxm*  k  lôngt'  poils.  Les  royageurs  , 
Mttnt  promptement  .arradiés  ï  ce  spectacle  bonible,  obtinrent  enfia' 
b  Gberié  d'aj^noctier  du  Oeu  oJi  fe  roî  étbit  ptàcé.  Quoique  ce  qu'ils, 
avejenird^k  vu-de  population  et  d'armes  eût  fort  élevé  leur  attente»  ils 
n^étoient  nullement  préparés  au  spectacle  qui  se  développa  tout-k-coup 
k- leurs  i^jgards.  Une  étendue  de  prés  (fun  mille  en  circonftrence  ét(«t 
flOUTerte  d'une  fbule  aassi  richement  que  singulièrement  parée.  Le 
roi ,  ses  tributaires ,  ses  capitaines ,  paroiisoieni  dans  I  eloignement,  avec 
une  suite  aussi  nombreuse  que  variée,  et  séparée  des  Anglais  par 
une  masse  serrée -de  guerriers,  qui  sembloient  rendre  leur  approche 
ilnpoesible.  Les  rayons  du  soleil  brilloient  de  toutes  pans  sur  une  telle 
-amlthucfe  d'omemens  d'or,  que  la  vivacité  de  leur  réflexion  deveaoit 
presque  aussi  insupportable  que  réioullànte  chaleur  de  Pair.  A  Tarrivé* 
des  Anglais ,  plus  de  cent  troupes  de  musiciens  soimérent  ensemble  les 
ftn&es  de  leurs  chefs  :  les  écbts  bruyans  d'un. nombre  infini  de  cors , 
de  tambours  et  d'instrumens  de  métal ,  ne  cessoient  de  se  faire  entendre 
|kar  mterraiies  que  pour  laisser  succéder  h  leurs  m&Ies  accens  les  sons 
pins  doux  de  longues  flûtes  réellement  harmonieuses  ;  tan<jis  qu'on 
yoynt  de  toutes  parts  s'agiter  dans  les  airs  une  multitude  de  parasols  de 
9(Me  de  toutes  couleurs,  assez  larges  pour  couvrir  chacun  plus  de  trente 
personnes ,  et  surmontés  par  des  croissans,  des  pélicans,  des  éléphans  ,des 
armes  et  d'autres  orttemens  plaqués  d'or.  Sous  ces  abris  étoient  portés  les 


AOUT   1819.  4<j 

la  téie  de  jeunes  enfîins.  Des  pipes  d'or  et  d'argent  britloîent  detouiet 
parts.  Des  têtes  de  loup  et  de  bélier  en  or,  de  grandeur  nattu^Ib^Y' 
étoient  suspendues  aux  poignées  d'or  des  épées  que  fon  portoit  tn 
grand  nombre  autour  de  chaque  chef:  fes  gaines  de  ces  épées  étoîeiit 
faites  en  peau  de  léopard  ou  avec  une  espèce  de  coquille  à  surface  çha* 
grinée;  les  lames  ét<Ment  plates,  élargies  à  leurs  extrémités  en  forme  de 
raquettes»  et  rquillées  de  sang.  La  richesse  et  la  diversité  des  instrumeijs 
militaires  répondoient  à  cette  magnificence.  Au  milieu  de  cette  cour  nQire» 
les  voyageurs  furent  tout-à-coup  surpris  de  voir  un  certain  nombre  ^e 
Maures  non  moins  remarquables  par  leur  présence  même  que  par  fedr 
habillement:  ils  étoient  dix -sept  chefs,  vêtus  de  {longs  habits  de  satm 
blanc  richement  brodés,  avec  des  pantalons  et  des  chemises  de  soie,  tt 
de  grands  turbans  de  mousseline  blanche,  garnis  de  pierres  précieuse^; 
leur  suite  portoit  des  turbans  rouges  et  de  longues  chemises  blanches  ; 
ceux  d'unTrang  inférieur  avoient  des  Arbans  bleus.  Ils  levèrent  lentement 
les  yeux  sur  les  Anglais^  quand  ceux-ci  passèrent  devant  le  front  de  leiir 
troupe ,  et  les  suivirent  d'un  regard  malveillant. 

Enfin  ïe  redoublement  des  fafifares  et  le  resserrement  des.ljgiYes 
tnilitaires  arinoncèrent  aux  voyageurs  qu'ils  approchoient  du  roj  :  défi 
ils  passoient  entre  les  officiers  de  sa  maison  ;  le  chambellan ,  le  graiÂi 
cor  de  chasse  d'or,  le  chef  des  messagers ,  celui  des  exécutions  royales, 
le  chef  du  marché  public,  le  gouverneur  des  sépultures  royales,  le  dbfif 
de  la  musique ,  étoient  assis  au  milieu  d'un  cortège  qui  annonçoit  leur 
dignité  et  l'importance  de  leurs  charges.  Derrière  le  martre  d'hôiel  (litt^ 
ralement  le  cuisinier),  on  portoit  un  grand  nombre  de  petites  piécfs 
de  service  de  table,  couvertes  de  peaux  de  léopard,  et  devant  lui  étoient 
étalées  un  grand  nombre  de  pièces  massives  d'argenterie,  des  aigulèrci, 
des  bowls  à  punch,  des  bouilloires,  des  cafetières,  et  un  graîid  vaie 
aussi  d'argent,  garni  de  poignées  pesantes,  qui  paroissoit  destiné  à  br&lèr 
des  parfums;  le  tout  sembloit  de  fabrique  portugaise.  L'exécutept^dle 
la  haute  justice,  homme  d'une  immense  stature  (personnage  .essenn|I 
dans  touies  les  fêtes  et  toutes  les  représentations  royales  J,  avpît  sîif 
la  poitrine  une  petite  hache  d'or  massif;  devant  lui  on  portoit  le  feîllot 
de  mort,  taché  de  grumeaux  de  sang,  et  en  partie  couvert  d'une  couche 
de  graisse  humaine.  Les  quatre  interprètes  du  roi,  aussi  richement  vêtus 
qu'aucun  des  autres  ohefs,  se  distinguoient  par  les  verges  d'or,  signes 
de  leur  office  ,  que  l'on  portoii  de  toutes  parts  en  foisceaux  autour 
•d'eux.  Le  chef  de  la  trésorerie  ajoutoît  à  sa  magnifîceiice  propje 
*ccflle  que  lui  donnoit  la  richesse  de  son  maître.  Les  boîtes,  les  me- 
4^res  et  les  poids  étoient  d'or  massif.  Le  nombre  total  des  guerriers 


i6i  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qui  parorent  dans  cette  cérémonie ,  étoit  de  plus  de  trente  rnîlle. 
Cette  description  fiût  usez  connottce  de  quel  intértt  devoit  être  pour 
les  Anglais  une  ■Hhiicr  avec  le  roi  des  Aslnntées  :  mais  la  même 
poÇtique  éningère  qui  avoit  lécémment  arnii  ce  roi  contre  eux»  les 
atlendoit  k  sa  cour;  et  eOe  tronvoit  un  puissant  appui  dans  la  jalouse 
méfiance  des  Maures»  qui,  jusqu'alors ,  ayant  joui  d^ÎIle  grande  influence 
politique i  r^gieose  et  commerciale,  sentoient  bien  oue  ces  avantages 
leur  seroieat,  nécessairement  enlevés  par  une  alliance  directe  entre  le  roi 
et  les  Anglais.  Aussi  tous  les  moyens  que  fa  ruse  la  plus  raffinée  peut  &ire 
agir  auprès  d'un  despote,  tout  cb  que  Peiprit  de  séduction  et  d'intrigue 
pent  imaginer  de  souplesse,  enfin  tout  cet  art  des  cours  que  rintérél 
.  développe  aussi  bien  parmi  les  fêroces  tuivans  d'un  roi  sauvage  que  parmi 
.les  courtisaiu  poih  des  princes  d'Europe,  fût  mis  en  usage  pour  rompre 
les  desseins  des  envoyés  anglais.  On  trouva  le  moyen  de  donner  contre 
eux  des  soupçons  au  roi ,  de  Iiii  représenter  quelques  circonstances  de  la 
conduite  du  gouverneur  de  CapeXoast  comme  injurieuses  pour  sa  per- 
sonne ;  enfin ,  de  lui  &ire  regarder  Tenvoi  même  des  Anglais  i  sa  cour 
comme  ua  piège  qui  couvrott  les  plai  perfides  desseins.  Lorsqu'on  Peut 
ainsi  irrité  au  plus  haut  poiii.t  contre  eux,  on  les  Jimena  i  son  au£encet 
poiu-  s'entendre  accabler  des  plus  vih  reproches  et  des  menaces  les  plus 
terribles.  Le  commandant  d'Acre ,  chef  de  fa  mission ,  surpris  et  troubla 
au  dernier  point  de  cet  accueil ,  ne  sut  que  s'excuser  sur  l'innocence 
de  ses  intentions  personnelles,  sans  nîer  rien  de  fa  conduite  du  gou- 
verneur géiiéral,  dont  ««pendant  il  tenoil  sa  mission,  A  demanda  fa 
permission  de  s'en  retourner  i  Cape-Coast  avec  son  escorte  pour 
êclairdr  ces  sujets  de  pfainte.  Cette  foiblesse  étant  naturellement  prise 
pour  un  aveu  formel,  le  rot,  enifammé  de  colère,  le  renvoya  de  sa 
présence.  Tout  étoit  perdu  pour  les  Anglais ,  et  leur  vie  même  étoit  en 
grand  péril,  lorsque  M.  Bowdich  et  ses  deux  jeunes  compagnons  se 


Août    i8'!9-      '  4^5 

iecrèdkdes  Anglais;  leur  offre  fiit  acceptée,  et  ils  s'empressèrent  aussitôt 
ée  la  mettre  à  exécution.  Erf  même  temps ,  ifs  écrivirent  au  gouverneur 
générs^l  pour  lui  exposer  le  parti  qu'ils  s*étoient  crus  obligés  de  prendre, 
et ,  en  se  soumettant  à  sa  justice ,  ils  ajoutèrent  ces  nobles  «paroles  : 
Toutefois,  si,  d*aprè$  votre  réflexion  et  la  connoissance  plus  approfondi^ 
que  vous  avez  de  l'état  des  choses ,  vous  jugez  que^  la  demande  du  roi 
des  Ashantées  ne  peut  pas  s'accorder  avec  votre  bonne  foi  et  votre 
honneur,  l'histoire  de  notre  pays  a  fortifié  nos  âmes  par  l'illustre  exemple 
de  Vansittaart  et  de  ses  collègues,  lorsque,  se  trouvant  placés  dans  une 
j>osition  pareille  à  la  nôtre,  à  une  époque  où  le  commerce  anglais  avec 
l'Inde  étoit  dans    ij^n  état   aussi   précaire  que   Test  aujourd'hui  celui 
d'Afrique,   ils  écrivirent  "au  consul  de  la    compagnie  cette  dernière 
demande,  que  nous  répétons  aujourd'hui  pour  nous-mêmes  :  «Ne  mettez 
»  pas  nos  vies  en  balance  avec  l'honneur  et  les  intérêts  de  notre  patrie.» 
Un  cœur  élçvé  doit  avoir  un   vif  plaisir  à  exprimer  des  sentimens  si 
nobles;  mais  il  faut  une  grande  force  d'ame,  et  une  rare  constance, 
pour  les  éprouver  encore  en  présence  d'une  mort  certaine,  et  qui  doit  être 
accorTfJ)agnée  de  tous  les  tourmens  que  peut  inventer  la  plus  ingénieuse 
barbarie.  Je  n'ajouterai  qu'un  mot  nécessaire  pour  faire  complètement 
juger  un  tel  caractère:  c'est  que  celui  qui  écrivoît  cette  dépêche,  et  qui 
avoit  eu  l'audace  de  prendre  un  parti  si  hardi  et  si  décisif,  avoit  vingt- 
trois  ans,  et  se  trouvoit  employé  pour  la  pr^iière  fois. 

Un  si  haut  dévoueinent  ne  pouvoit  être  qu  approuvé;  il*le  fut.  Les 
tojTts  apparens  ou  réels  dont  se  plaignoit  le  roi  des  Ashantées,  furent 
expliqués  ou  réparés»  et   M.  Bowdich  reçut  du  gouverneur   général 
l'ordre  de  prendre  le  commandement  de  la  mission  qu'il  avoit  sauvée. 
Son  courage,    sa  noble  franchise,   ses  belles  qualités,  et  jusqu'à  sa 
jeunesse,  lui  concilièrent  l'estime  et  l'amitié  du  roi,  désarmèrent  même 
la  jalousie  des  Maures ,  et  amenèrent  enfin  la  conclusion  d'un  traité  de 
commerce  conçu  dans  les  termes  les  plus  avantageux  pour  les  Anglais  : 
on  le  trouve  rapporté  dans  l'ouvrage.  La  négociation  ne  fut  pas  toutefois 
exempte  de  ces  nuages  qui,  dans   les  cours  d'Europe,  s'indiquent  par 
des  réserves  et  des  froideurs  pleines  de  politesse,  mais  qui,  chez  un 
despote  africain ,  s'expriment  par  des  attaques  publiques   et  par  des 
tentatives  d'assassinat  ;  mais  h  longanimité  indomptable  du  jeune  négo- 
ciateur,  et  les  avantages  mêmes  qu'il  sut  prendre  des  obstacles  injustes  ou 
perfides  qu'on  lui  suscitoit,  finirent  par  dissiper  tous  les  orages.  Un 
commerce  florissant,  en  pf^ine  activité,  et  d'un  avantage  signalé  pour  sa 
patrie,  çst  aujourd'hui  le  résultat  de  son  dévouement  et  de  ses  efforts  ; 
mais  le  terme  de  $fi  mission  politique  n'est  pas  celui  des  services  qu'il  a 

Nnn 


i£6  JOURNAL  DES  SAVANS. 

rendus  aux  ictencei  et  anz  lettrei.  Admis  dant  TinAnAit  d'darottfikamt 
dont  la  puissancs  est  telle,  qu'il  peut  lever  une  armée  de  deux  cent 
mille  hommes,  considéré  comme  la  seconde  personne  do  foyaumet 
aimé  du  chef  le  plus  disimgué  des  Maures ,  respecté  de  tons  hs  auires , 
on  conçoit  qu'il  a  pu  recueillir,  sur  Ilntérieur  de  TASntfite,  des  ces- 
asignemeHS  qu'aucun  voyageur  isolé  n'a  en  autant  cfoccasion»  d^obtenir^ 
et  que  Bruce  même  n'a  pas  pn  se  procurer  k  la  cour  d^AlqruinM.i  tm^ 
éloignée ,  par  sa  situation  et  ses  relalbos  habituelles ,  des  lieux  et  de* 
.objets  que  la  curiosité  européenne  a  aujonrdliui  le  plus  d*iatéfAt  de 
c^nnoltre  dans  le  continent  africain.  L'examen  des  résultats  obtenus  k 
cet  égard  par  M.  Bovdich  fera  (a  matière  d'un  second  article,  où,  en 
parcourant  les  divisioni  de  son  ouvrage,  nous  tÂctierons  f  indiquer  ce 
qu'il  a  rapporté  de  plus  remarqu^le  sur  les  mccurs  des  Ashanlées,  leur 
gouvernement,  leur  histoire ,  et  la  géographie  intérieure  de  rAfriqne. 

lîIOT. 


HiSTOïKE  DE  LA  RÉPUBUQUE  DE  Venise,  par  P.  Daru ,  de 
l'Académie  française;  7  vol.  in-8,'  Paris,  Firmin  Djdot, 
1815,. 

En  lisant  cet  ouvrag%  important,  où  Tauteur  nous  donne  rhistoire 
complète  d'une  illustre  république ,  depuis  son  origine  jusqu'k  la  révo- 
iulion  qui,  de  nos  jours,  a  renversé  ses  antiques  institutions  et  son 
^gouvernement,  j'ai  eu  sans  cesse  présens  à  ma  pensée  lu  beaux  vers 
-de  Sannazar  : 

Viderai  Badriacis, 


AOUT   1819.  4^7 

^  L'atuleor  Vest  ttowfé  dans  des  cfrconstances  oii  il  lui  étoît  pfus  iitcifé 
d^écrire  avec  une  entière  împartialiré  les  annales  de  cette  république,  en 
'dévoilant  sans  inconvénient »v  comnfie  sans  injustice,  les  ressorts  d*un 
gouvernement  mystérieux,  qui  a  été  ^our-à-tour  blâmé  et  admiré,  mais 
qui,  du  moins,  a  existé  long-temps  avec  gloire.  M.  le  comte  Daru,  de 
qui  Von  avott  k  espérer,  coinme  écrivain  et  comnie  homme  d'état,  utie 
histoire  où  la  sagesse,  la  sagacité  et  la  profondeur  des  vues  fussent 
unies  au  talent  de  composer  et  à  lart  d'écrire,  non-seulement  a  satisfait 
à  ces  diverses  conditions,  mérite  qui  auroit  suffi  pour  assurer  son  succès» 
mais  encore  il  a  eu  le  moyen  précieux  de  profiter  des  renseîgnemens 
que  pouvoient  fournir  les  archives  de  Venise,  autrefois  secrètes;  îl  a 
mis  une  patience  et  un  zèle  infatigables  à  faire  des  recherches  dans 
toutes  les  grandes  bibliothèques,  et  son  ouvrage  présente  des  résultats, 
contient  des  révélations  qui  le  distingueroient  encore,  sous  ce  rapport, 
de  tous  ceux  qui  ont  été  écrits  en  très-grand  nombre ,  et  par  des  VéW'- 
tiens, et  par  des  auteurs  étrangers  à  la  république. 

En  rendant  compte  de  son  ouvrage,  je  me  propose  de  m'attacher 
plus  particulièrement  à  quelques  points  qui  pourront  sur- tout  donner 
«ne  idée  de  l'esprit  public  et  des  institutions  des  Vénitiens. 

Les  Venètes,  peuple  de  l'ancienne  Italie,  issus,  selon  les  uns,  des 
Venettes  de  FArmorique ,  et,  selon  les  autres ,  des  Hennètes  de  la  Paphla* 
gonie,  habîioîent  les  pays  situés  sur  les  bords  de  la  mer  Adriatique,  entre 
les  Alpes  juliennes  et  le  fleuve  du  Pô.  Lors  des  irruptions  des  Barbares 
en!  Italie,  et  principalement  à  l'époque  de  l'arrivée  d'Aftila,  l'an  45^ r 
les  Venètes  se  réfugièrent  en  diverses  petites  îles,  formées  par  I^m-^ 
bouchure  de  ce  fleuve  :  ils  choisirent  d'abord  un  gouvernement  pôpu-^ 
hire;  chacune  de  ces  îles  nommoit  annuellement  un  tribun  cJiargé  de 
l'administration  et  de  la  justice,  et  ces  magistrats  étoient  coinptables 
de  leur  gtltioii  à  l'assemblée  générale.  En  6^7,  on  crut  nécessaire 
d'établir  un  magistrat  suprême  sous  le  nom  de  Doge.  Bientôt  les  doges 
eurent  l'amhkion  de  transmettre  leur  place  à  leurs  fils,  à  leurs  parens; 
des  factions  s'élevèrent,  des  rivalités  devinrent  héréditaires.  Pour  assurer 
le  dogai  à  leur  famille,  ordinairement  les  chffs  de  l'Etat  s'assocîoient , 
de  leur  vivant,  un  fils,  un  frère,  Sic. 

L'île  de  Rialte,  entourée  de  plusieurs  petites  îles,  étoît  la  plus  consi- 
dérable :  le  doge,  Ange  Participatio ,  les  fit  joindre  les  unes  aux  autres 
par  des  ponrs,  les  environna  d'une  enceinte  en  809,  et  ce  fut  alors 
cjue  la  ville  prit  le  nom  de  Venise.  * 

,   Déjà  cette  république  avoit  eu  à  se  défendre  contre  des  attaques  ex- 
térieures. Pépin  et  Chariemagne  avoient  dirigé  leurs  armes  contre  elfe: 

Nnn  2 


4<ï8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

son  commerce  avoit  prospéré;  et,  soit  pv  ambition,  toit  par  nécessité» 
elle  avoit  eolrepris  ou  soutenu  direrses  guerres,  avec  les  peuples 
voisins.  En  accroissant  sa  puîssaDce,  Venise  avoit  accm  les  âuses 
de  dissensions  civiles.  Vers  la  fin  du  x.*  sièfle,  le  dagaii  Pitnft.Ur- 
leolo  I.",  affligé  de  ces  discordes,  et  entraîné  par  un  seiufmeatipîntx, 
s'échappa  furtivemmt  du  palais  et' vint  dans  une  abbaye  pri*  fie  Pef» 
pignan,  dit  Fauteur,  où  il  finit  ses  fours  sous^'babit  rabnastique^ 

L'historien  s'arrête  là.  Je  croiq  qu^I  ne  sera  pas  inutile  d'afouler/lea 
détails  siûvans  :  ce  fût  dans  l'abbaye  de  Saine- Michel  de  Cossfl»,.  ordre 
de  Saint-Betioît,  que  se  retira  te  doge  de  Venise.  On  trbuve  sa  vie  dans 
les  JCTA  SS.  ord.S.  Btnedicti,  sec.  Vf  p.  ^^/..Il.eut  à.  résister  souvent 
aux  tentations  du  malin  esprit ,  qui  l'excltoit  &  retourner  dans  sa  patrie. 
Un  four  il  vint  demander  au  supérieur  le  châtiment  qu'il  disoît  avoir 
mérité  en  ne  résistant  pas  assez  vivement.  I^  biog'niphe  atteste  qu'après 
sa  mon,  arrivée  en  997,  Pierre  Urseolo  fît  des  miracles. 

Dominique  Urseolo  ayant  formé  une  faction  pour  parvenir  au  dogat, 
parce  qu'il  s'y  croyoit  appelé  cojnine  parent  des  doges  précédens,  ii  fut 
rendu  une  loi  fbndaiiieniale  qui  interdisoit  toute  désignation  d'un 
successeur  avant  la  mort  du  doge  régnant.  L'observation  de  cette  loi 
a  ét6  l'une  des  principales  causes  de  la  stabilité  du  gouvernement  de 
Venise. 

M.  le  comte  Daru  a  consacré  un  livre  eniier,  |e  XXXIX.*,  il  le  décrire; 
cette  partie  de  son  ouvrage  ofire  un  rare  mérite  par  les  rapprochemens 
heureux,  par  le  démêlement  des  ressorts ,  par  la  démarcation  des  droits , 
par  les  vues  profondes  qu'on  y  remarque ,  et  elle  est  d'ailleurs  d'un  grand 
intérêt  à  raison  de  divers  détails  publié»  pour  la  première  fois. 

Ce  gouvernement  étoit  composé  principalement,  1.*  du  grand 
CONSEIL,  devenu  permanent;  les  membres  transmettoient  à  leurs 
iifans  le  droit  d'y  siéger;  le.  nom  des  familtes  c 


r/  /AOUT  1819.  :       \  A69 

Le  grand  conseil  hotnmoU  directement  ou  îadirecteipenc  à  ces  places; 

à  ces  emploie.  ;>    î 

A  l'époque  des  Crçisades»  les  Vénitiens  firent  tourner.au  profit  àm 
leur  co/nmerce  et  de  |^r  pujssancie »  ces  iexf>édiMons  .lointaines, ji<|utf 
ruinèrent  les  autres  nations*  Aprè&Ia  prise  de  Çonsts^lkiople  >  ii$reçurejU 
leur  part  des  dépouîltes  dcfTempire  d'Orient^  et  ie.do^e  ajouta  à  son 
titre  celui  de  seigneur  du  quart  et  dmi  DE  L'EMPlfiE  ROMAIN n\ 

\i^ïi\h^  exerça  alors  u^e  grande  influence  politique  ;  elle  eut  1 
soutenir  de.  nombreuses  et  longues  guerres  contre  les  .diverses  pw&^ 
sances,  soit  voisines,  soit  éloignées ;:  elle  eiiyoya  des  çofoiiies,  et  surr 
tout  elle  procIai>ia  son  droit  de.  t^avigation  dans.  Ifi  iper  ^dria tiqué i  et 
s'exposa  ainsi  à  de  constantes  inîmiiié]Si>  à  .  dps  querelfes  .sjufts..!QeMe 
renaissantes.  Les  Vénitiens  déJiI>^rèi:ent  un  înstaiit  s'il  ne  convenoit  f>as 
de  transférer  le  gouvetnement  et  :1a  population  toute  eiiiière  à  Constaii^f 
tinople;  mais  ce  projet  ne  prévalut  point.  .  .  , . 

Je  ne  suivrai  pas  l'auteur  dans  les  détails  historiques  quji  a  rappitacfaés 
avec  art  pour  ne  rien  omettre  des  annales  d'une  république  qui  avoit^. 
par  ses  possessions  sur  divers^  coptinens,  par  ses  coloiiiçs»  .et  par  son 

immense  commerce,  des  déi)^ê|ôs.  souvent  dangereux. j..  I    •  i  'i 

Unç  àt%  belles  époques  de.  l'histoire  de  Venise ,:  .c'est  sans  contredit 
celle  de  i  378  à  i  38  1  :  M,  le  comte  Daru  la  nomme  LA  guerre  de 
CHIOZZA.  Cette  partie  de  son  ouvrage  remplit  entiéreflient  le  X.*  li^re. 
La  république,  réduite  aux  dernières  extrémités,  jutta  av;ec  au/Mit  ^è' 
succès  que  d'énergie  contre  des/puissances  et  des  initiions  jalouses '^ 
qu'une  ligue  avoit  réunies  coptre.elle.  Les  péiiois  étoient  à  U  tèteidc^ 
cette  ligue ,  et  étoient  animés  des  sentimens  d!qnei rivalité  implaç^lei^ 
n'aspiroit  à  rien  moins  qu'à^  4(Éiruirç  Venise.  J*!»u|eur  s'est  éiç\é  A  ^ 
hauteur  et  à  la  npblesse  du  sujet.  Ce  fragment  détaché  d^  l'histoira 
générale  seroitencore  ju  avec  le  pjus  vif  intérêt,  et  suffirçitipour  dcnjueiv 
ridée  la  plus,  avantageuse  des  talens  de  rhistoricjn,  Je.  regrette  denA 
pouvoir  en  citer  quelques  -pages,  qui  permettroient .  Aine  lecteurJ^ 
d'apprécier  le  mérite  du  style ,  Jaîf  avec  lequel  l'auteur^  usé  des  formes 
dramatiques ,  et  la  chaleur  qu'il  a  mise  à  peindre  les  sentimens  élevés  » 
le  dévouement  généreux  des  Yéniliens  durant  les  revers  de  leur  patrie 
et  en  présence  des  périls  imminens  dont  ils  triomphèrent  enfin. 

Quelques  traits    feront  juge;   de  Tesprit   qui    animoit    alors  .les 

Vénitiens.  , 

Victor  Pisani,  aprèsayqirr  rendu,  co;ii  me  général,  les  services  les. 

plu$  éclaians,  fut  puni  duimalheur  d'avoir  perdu  une  ^axaille  donnée 

çqntre  son  avis;  i|,fiit  jeté  dans  jun' cachot,  et  déclaré  ioçapable  d'exercer 


470  JOURKAL  DES  SAVANS, 

«acnmi  diaiigfe  pndftit'dikjf  atu.  L'mnMii  tMTiK*  Venntf  mlmè.  O^c 
le  ihiiger  extrême,  on  songe  à  Pisani;  le.  peuple  deihands  »  K>erté; 
m  déom  TêctoiéeilùméàtdtfaM  k«eîg^r«i;  il  M'moniR:iiï  Aerté 
iti'reutiitMMnt.  «  Là  i<épablktiie  ni  sm  migitcrktsy  f6^H^  ne  ptutent 
tkWQir  nicnn, tort  CAvm 'moi;  tt  que' toi»  am  ofdofliié  éMh  îme 
*•  oonséi^ence  de  vM  tages  ntaxiitiM^  ,vn  elfet  de  votie  pute  douleur; 
wfai-iubi  mon  anètson*  mumitire  tiAskiiënant 'fcndii  k  !a  Itbmé,  "JA 
*  dtHs  Hmiemon-ezistenceà  h  patrie;...  Qu0l)>lu>  beaudédomnufBcment 
M  fiC|u*âù-}e  attendre  que-  rbonnear  cfu*-  me  Ait'  b  république  en  m* 
Kt  conlùnt  M  dilênse  !  Ma  vie  lur  appartient.  » 

Dans  it  m4m«  tempiléi  religieux  TaHdei  prirent  let  ftrmes;  un 
mtMhaAd  peDelîer ,  BanfiéfeniiPanitaise  charga  de  fa  pay«  cfe  mille 
«otdatt  ou  matelou  ;  l'apothicaire  Marc  Cicogna  donna  un  navire  ;  de 
Mmples  aitisans  entretinrent  cent>  dem  cents  hommes;  d'autres  &e 
réunissoient  pour  fournir  un  navire  et  la  soIde.de  la  dsourme,  &c.  Aussi , 
quand  lu.  patrie  eut  été  heureusement  défivrée,  trente  cbefi  de  famille, 
anisens^  marctands,  épiders,  pelfetien,  &e.,  fbrenl  admis  au  grand 
œnseif:.  C^poh  que  le  gtànd  conseil  eut  été  déclaré  perinmeitt,  ^t  le 
droit  d'y  siéger  héréditaifs ,  il  Ait  rendu  une  loi  qui  interdit  le  commerce 
aux  nohies.  Quand  nn  négociant  devent»t  doge,  iï  éicit  obHgé  de 
Uquidarses-affàires  de  commerce  dans  l'année  de  l'élection. 
-'  Ia  prise  de  Gonstancinople  pus  Mahomet  M,  {es  diverses  invasions 
dé»  Français  en  Italie  y  fa  découverte  du  nouveau  mohde,  le  passage 
dlM' IM' Jrfdes  orientales  par  le  csp  de  Bbnne^Espérahce,  eurent  sur  la 
polMque- extérieure  et  sur  le  commerce  des  Vénitiens  la  plus  grande 
Mftiehce.  Obligée,  selon  les  circonsltnces,  de  changer  d'amis  et  Jenne- 
nùs  pen*mt  les  expéditions  de  Charles  VllI,  de  Louis  XII  et  dcFran- 
^IS'  t.",  Venise  jouil  enfin,  de    i  j4o  *  '  S70i  d'une  paix  non  înter- 


AOUT  i8i9^         '  Ar^ 

h  république  ne  fil  plus  ni  perte ,  ni  acquisition  ;  ni  édiange ,  et  elle  évita 
pastârieurement.de  s'intéresser  aux  guerres  qui  eurent  lieu  pour  la  suc- 
cession de  Parme  et  de  Toscane ,  et  pour  celle  de  l'empereur  Charles  Vf, 

Les  Vénitiens,  prc^iaiit  ainsi  moins  de  part  aux  afl^ires  des  autre! 
puissances  9  s'occupèrent  davantage  de  leur  propre  gouvernement;  Oa 
'Vit  alors  une  grande  rivalité  entre  les  divers  pouvoirs,  qui  s'attaquèrent 
raccessivement.  Les  ministres  étoient  attaqués  par  le  sénat;  le  sénat /par 
les  quaranties;  le  conseil  des  dix  et  les  inquisiteurs  d'état,  par  le  grand 
conseil.  C'étcMent  là  des  symptômes  qui  annonçoient  que  la  forme  du 
gouvernement  tendoit  à  s'abéref.  En.  1768,  le  sénat  inquiéta  le  clergéi, 
en  fui  reprochant  sa  tendance  à  ac^crohre  sans  cesse  ses  richesses,  dorit 
Je  revenu  annuel  étoil  presque  ègàl  à  celui  de  l'Etat.      • 

C'est  en  de  telles  circonstances  que  la  révolution  française  siirpift 
les  Vénitiens,  engourdis  par  une  paix  qui  duroit  depuis  plus  de  soixante 
et  dix  ans. 

M.  Je  comte  Daru  fait  connoître  les  divers  et  nombreux  incidens^qui 
^précédèrent  et  amenèrent  la  catastrophe  qui  termina  l'existence  politique 
de  Venise.  Cette  partie  de  son  ouvrage  est  entièrement  neuve;  eHe 
ofFre  des  détails  très-curieux,  des  circonstances  très- piquantes  :  mais  je 
ne  m'y  arrête  pas ,  p?rce  que  chacun  en  connoit  les^événemens  principaux 
et  leur  résultat  funeste. 

Je  pense  que,  pour  mettre  à  portée  d'apprécier  le  mérite  de  Toih- 
•vrage,  l'esprit  dans  lequel  il  a  été  composé,  et  les  lumières  qu'on  peut 
en  acquérir,  il  est  plus  convenable  dé  présenter  à  pixX  quelque^ ^misses 
historiques  :  ainsi  je  parlerai  notamment  des  rapports  du  gouvehiemem 
vénitien  avec  la  cour  de  Rome;;  je  donnerai  une  idée  exacte  du  cbdfe 
^es  inquisiteurs  d'état,  que  M.  Daru  publié  poiir  fe  première  foiS;^)%xa- 
minerai  le  jugement  qu'il  porte  de  la  conjuration  de  i6f  8,  contrsidfo- 
toirement  aux  assertions  de  l'abbé  de  Saînt-Rérf,  et  je  terminerai  p* 
mon  opinion  sur  les  prîncîpaïes  parties  de  ce  grand  et' intéressant  ouvrigit 

J'examine  d^afbdrd  la  mamère  i^marquable-dont  le  gouverneméht^Jfe 
Venise  se  conduisit  constamtnertt,  quand  fa<c<)ur'de  Rowie  rec6unit«k 
armes^pirituélfes  dans  dei^irés  qu'il  jugedit-h'étreqùé  temporelles.  • 

Lors  de  la  quatrième  croisade.  Innocent  ïll-^vôit  expressémeitt 
défendu  aux  croisés  d'employer  leurs  armes  contre  les  chrétiens;  il  etf t 
la  doufeiH*  de  voir  fes  Vênhiens  et  les  barons  français  s'arrtter  pour 
-faire  la  conquête  de  Zafarfc  cardinal  légat  qui  étoit  àlbrs  à  Venise*, 
Vôpporsoit  9  cette  exj^îlïdn  t  \t  Vatican  lança  ses  foudi«;  lés'Véitf- 
tJens. lèsi  bw vèrenf .  Lefs ^cl^isés  français ,«  qtfi àVdient  ^éiÀ^yifS^ '^woèt  Vëhf- 
tiens^  demandèten^ImMlieMétot -et  <)fctkMll«<àdfeà^ 


47^  JOURJAAS-.DîES  SAVANS, 

n'en  fut  p^s  dq  iipélTie,  dïjs' Véiiitien^;:Ie -ftKwdx  Françm.Dhn^O* 
.vi«tI[ar4iv>n«g4iiMrc>  qu'iUavoicnt  à  leiU' tét(fv0ppO5a  tou}o«n!b  fia* 
.ferme'  résitt^pce  siut  pràientions  de  Ja-cour^.dP  .Rome,  soiiûnt  .qu'elle 

■|MSIfné(|tf.f9UÎ<^4'«l»o[Qtio4^S  femunilt  ;.      .     ;,,  -.->:.;> 

:  •^îà^iÉfinxtve'  ffit  ifign^ur  de:Fertan;Hqi4f(t«  la  «écoun'des  V<niti9lw 
ftmr  S;fBpirer  deja  principauté^  À  r^poqute-de'Ia  mort  (de  >oii.pére  Azon 
!d'£it.  ^ J^rrarQÎi  ie>doiinèren(  au .pa)«e  Qé^nent  V^/qui  avMt  traïu- 
portiàAwgnoale.iiége  pontifical.  Lei'Vimiîens.fûreat%icofn<AanïéSt 
parM  qq^If  >*ppposoient  k  h  dominaiiondu  pape  dafi^Ferrare;  il  défendit 
'  àitputeiiesnafiqns  d'enireieuir  aucun  comiqgexçe  aveceux;  leurs' sujets 
furent  délié^du  sçrment.de  fidétité;  je*  Véi^tieni  déclarés  infâmes^ 
ïncapaUes  d'e^çercer ,  même  chez  eux ,  aucunes  onctions  publiques ,  de 
tester,  d'hériter.  Leurs  enfâns  ,  jusqu'^  la  quatrième  génération,  furent 
déclarés  exclus  de  toutes  dignités  ecck'siastiques  et  séculières. 

.Le»  Vénitiens  soutinrent  la  guerre  contre  le  pape;  un  cardinal  vînt  les 
cpintf»)itreetg)kgna.la.batailte.  Les  rois,  les  princes  étrangers,  secondèrei  t 
les  fwtcursrjdi^pape.;  par-tout  les  Vénitiens  furent  poursuivis,  et  sur- tout 
dépowffés.  Pierre  Gr^wiigoétuit  alorsdoge;  il  persista' jusqu'à  sa  mort 
àbnyerles  foudres  de  l'excommunication;  il  déjoua  une.  conjuration  ;  et 
après  sa  mort ,  le  pape ,  qui  avoit  d'abord  refusé  de  recevoir  les  ambas- 
.swJfurs.  de;  Y^jse ,  se  laissa  toucher  par  une  seconde  ambassade.     . 

Souf.Ie  pontificat  de  Pie  II>  la  nomination  k  Tévèché  de  Padoue 
occasionna 'entn<l^  république  et  le  pape  un  long  différent  j  l'évèché 
rcMa  vacant  pendant  plusieurs  années  ;  il  fâjlutque  févèque  nommé  par 
Iepape.se  déststâten  feveur  de  celui  que  Venise  avoit  nqmmét 

Sixte  IV ,  voulant  amener  les  Vénitiens  à  prendre  |»irti  avec  lui  dam 
les  querelles  qui  agifoient  alors  l'Ititlie,  les  menaça  des  censures  ecclé- 


AOUT  1819.  47S^ 

Le  même  pape  Innocent  Vlil  ayant  ordonné  une  levée  de  décimes 
lur  le  cierge  vénitien ,  le  gouvernement  défendit  à  tous  les  ecclésiastiques 
de  payer  une  imposition  qui  n'étoil  pas  perçue  de  fautorité  de  la 
république.  Le  clergé  vénitien  encourut  l'exconimunicalion  par  la  crainte 
quil  eut  d'offenser  son  gouverneiueni;  alors  le  pape  s'adressa  k  la 
seigneurie,  qui  permit  la  levée  des  décimes. 

A  l'occasion  des  croisades ,  les  papes  avoienr  défendu  de  porter  des 
armes  et  des  munitions  de  guerre  aux  infidèles  ;  Clément  V  avoit  étendu 
la  prohibition  à  tous  les  objets  de  commerce  quelconques,  el  défendu 
mêjne,  sous  peine  d'excommunication,  d'avoir  aucune  relation  avec  les 
Mahoméians.  Aux  censures  spirituelles  il  ajouta  une  amende  égale  k  la. 
valeur  des  marchandises.  Le  gouvernement  vénitien  ne  s'arrêta  point  à 
ces  censures:  mais,  à  l'article  de  la  mort,  les  confesseurs  refusoient 
I  absolution  aux  négocians  qui  avoient  commercé  avec  les  infidèles,  et 
il  falloit  que  les  malades  tinssent  compte  à  la  chambre  apostolique ,  des 
amendes  considérables  qu'ils  avoient  encourues;  ils  signoienl  des  testa- 
inens  en  faveur  de  l'église,  au  préjudice  de  leurs  héritiers.  Jean  XXII 
envoya  des  nonces  pour  recueillir  ces  successions,  avec  ordre  d'excom- 
munier les  héritiers  naturels  qui  ne  se  dessaisiroient  pas  :  le  gouver- 
nement enjoignit  aux  nonces  de  sortir  de  Venise.  Quelques  esprits, 
hardis  pour  le  temps,  soutinrent  hautement  que  ce  n'éloii  pas  un  péché 
que  de  trafiquer  avec  les  infidèles:  le  pape  déclara  hérétiques  ceux  qui 
professoient  et  ite  opinion  ;  et  il  mourut  sans  avoir  pu  réussir  à  faire  plier 
les  Vénitiens,  ni  même  à  les  amener  à  un  accommodement. 

Les  démêlés  de  la  république  avec  Paul  V  sont  trop  connus  pour  qu'il 
soit  nécessaire  d'en  parler  ici  avec  de  grands  détails.  Qu'il  suffise  de 
rappeler  que  ce  pape,  après  avoir  lancé  les  censures  ecclésiastiques  contre 
les  Vénitiens,  notamment  parce  qu'ils  avoient  défendu  de  bâtir  de 
nouvelles  églises  et  de  nouveaux  monastères,  et  qu'ils  avoient  prohibé 
toute  nouvelle  aliénation  dt  biens  en  fàvçur  des  établissemens  ecclésias- 
tiques ,  fut,  après  un  long  temps  et  après  avoir  intéressé  à  sa  querelle  fa 
plupart  des  cours  de  l'Europe ,  forcé  de  retirer  ses  censures.  Le  gouver- 
nement de  Venise,  la  population  entière,  montrèrent  tint  de  fermeté  dans 
cette  affaire,  que  le  pape,  ne  pouvant  pas  même  parvenir  à  leur  faire 
accepter  une  absolution,  fut  réduit  à  la  petite  satisfaction  de  se  vanter 
de  l'avoir  donnée  :  mais  il  eut  le  chagrin  d'être  désavoué  publiquemenl 
par  la  seigneurie. 

Urbain  VllI,  piqué  contre  les  Vénitiens,  filôterdela  salle  du  V.ilîcan 
l'inscription  qui  rappeloit  les  services  qu'ils  avoient  rendus  ii  Alexandre  III. 
La  légation   vénitienne  quitta  Rome,  et  les  gouverneinens  restèrent 

Ooo 


474  JOURNAL   DES   SAVANS, 

brouHfés  pend&nt  dix  ans;  enfin  Innocent  Xfit  rttabliri'iiiKnpiiltm. 

Une  telle  condiîM  iododcc  les  principes  arrêtés,  invarilUn*  dent  ' 
ne  se  départ  jamiisun  gouvernement  qui .  resptcte  et  «ei  devotn  et  ■es- 
droits;  elle  étonnerait  darantaga,  ti  roD.necanaenwit'lat:  MModl  dn- 
gottrernement  de  Venise,  si -l'on  nesaroitqae  le  moincb*  niuiàMBi»^ 
le  moindie  doute ,  touchant  la  Boanièredonl  ilaeconduiioit.,-soît  à  tégud- 
des  cttojrens ,  soit  k  Tégard  des  poissanoea  étnuigèm,  âoitpou  arbi- 
tnimnent  et  de  -fa  manière  la  plus  sévère;,  ainsi  qu'on  en  tna? «la-  pRorc  ' 
irrécniable  dans  les  sutuls  des  inquisitmiK  d'étatw 

■^  Lm  ittitt  dans  tmpnekain  eaiier,) 

RAYNOUARD. 


Cérémonies  ositées  au  Japon  rovn  les  mariages  et  les 
FUNÉRAILLES,  suiv'tes  de  tU'tûih  sur  la  poudre  Dosû,  de  la 
préface  d'un  livre  de  Confoutzée  sur  la  piété  f Haie;  le  tout 
traduit  du  japonais  par  feu  M.  Titsîngh,  chef  supérieur  de 
la  compagnie  hollandaise  à  Nangasah ,  et  ambassadeur  en 
'Chine,  Deux  volumes  in-8* ,  dont  un  renfermant  \6 
planches  d'après  des  gravures  et  des  dessins  originaux 
japonais.  A  Paris,  chez  Nepveu,  i8ip. 

Le  titre  quenous  nnont  de  transcrire,  promet  une  lecture  intéres- 
santé  &  ceux  qui  aiment  à  puiser  dans  des  sources  autfaentrques  des 
nouons  exactes  sur  les  mœurs  et  les  institutions  des  peuples.  Not» 
n'aurions  donc  pas  manqué  d'ofïrir  à  nos  lecteurs  fanalyse  de  cet  ou- 
vrage, quand  bien  même  d'autres  motifs  ne  nous  auraient  pat  imposé 


AtrUT  l^Sig.  475 

•biiâaîse»îl  s^étoit  procuné  cfes  livres  imprimés,  des  manuscrits,  un 
•grand  nombre  de  dessins ,  de  pians  et  de  cartes.  li  avoit  lui-même  appris 
:4iultnt,<Ie  japonais  qu^  en  peut  savoir  sans  connoître  les  caractères 
•diinois;  mais  Je  secours  des  interprètes  lui  avoir  particulièrement  été  . 
riiûle.  Ces  interprètes  ,  assez  versés  pour  là  plupart  dans  rhrstoire  de  la 
Giii^e  eidtt  Japon  »  entendoient  aussi  fort  bien  ie  hollandais.  Plusieurs 
4>ersonnes' de  Yjedo,  de  Miyako  et  d'Osaka,  avec  lesquelles  M.  Titsingtt 
;entretenoft  une  correspondance  régulière ,  possédoient  aussi  cette 
Jangne,  oet  s'en  secvoient  pour  exprimer  dans  leurs  lettres  ce  qu'ils 
vouloîent  soustraire  à  la  connoissance  de  leurs  compatriotes.  Des  mé«- 
decins  hài>iles«  Jes  ponces  de  Tamba  et  de  Satsouma,  et  diverses  autres 
.personnes  distinguées  par  leurs  connoissances  ec  par  feur  rang ,  étoieiit 
<iu  nombre  des  correspondans  que  M.  Titsingh  pouvoit  consulter.  Tels 
étoient  Its  secours  que  ce  zélé  voyageur  avoit  à  sa  disposition  ;  voilà  par 
quels  moyens  il  réussit  à  former  une  collection  composée  en  partie  de 
livres  et  de  mémoires  originaux,  et  en  partie  de  traductions  rédigées 
sous  ses  yeux  par  les  interprètes  japonais  eux-mêmes,  et  qui,  par  con- 
séquent, méritent  une  entière  confiance. 

Cette  collection  étoit  déjà  célèbre  il  y  a  vingt  ans ,  puisque  les  Anglais 
de4|alcutta  en  avoient,  au  rapport  de  Charpentier -Cossigny,  offert 
au  possesseur  deux  lacks  de  roupies,  ou  environ  cinq  cent  mille  firancs» 
M.  Titsingh  n  avoit  point  accepté  4es  offres  si  avantageuse^ ,  parce 
qu'il  avoit  dès-lors  le  projet  d'employer  ses  matériaux  pour  rédiger  un 
ouvrage  qui  devoit  honorer  sa  patrie  et  servir  les  intérêts  du  commercé 
holiaiidais.  Les  événemens  survenus  depuis  cette  époque  avoient  modifié 
son  plan  et  fait  varier  ses  résolutions;  et  voilà  pourquoi  quelques-uns 
de  ses  manuscrits  se  sont  trouvés,  if  sa  mort,  éaits  en  hollandais» 
d^autres  en  anglais,  et  plusieurs  en  français,  langue  que  Fauteur  sembfe 
avoir  eu  l'intention  d'adopter  définitivement,  depuis  qu'il  avoit  choin 
Paris  pour  y  publier  le  fruit  de  ses  longs  travaux. 

La  mort  étant  venue  surprendre  M.  Titsingh  au  milieu  des  soins  qu'il 
prenoit  pour  arranger  ses  manuscrits,  les  revoir  et  les  mettre  en  état 
d'être  livrés  à  l'impression,  on  avqit  lieu  de  craindre  que  le  fruit  de  tant 
de  veilles  ne  fût  perdu  pour  le  public.  Il  -arrive  trop  souvent  que  de^ 
collections  précieuses  et  des  ouvrages  importans,  laissés  dans  un  état 
d'imperfection  qui  ne  permet  pas  de  les  publier  immédiatement,  restent 
enfouis  ou  sont  dispersés,  faute  de  trouver  un  rédacteur  ou  un  éditeut 
qui  veuille  ou  qui  puisse  se  substituer  à  fauteur  :  il  y  avoit  particulière^ 
n^nt  lieu  d'appréhender  que  ce  ne  fût  là  le  sort  des  ouvrages  de 
M.  Titsingh.  Nf^n-^seulemeot  f psctrém^incorrectioa  de  iNin>  stylé,  «^iro- 

ooo  a 


47tf  JOURNAL  DES  SAVANS. 

:Veiuiit  de  ce  qu'il  avoit  éâh  dans  dei  langues  qui  lui  itoient  peu  (ktlâ- 
lières,  rendoit  sa  traduction  souvent  baibare,  et  quelquefois  inintelli- 
gible* et  ne  permettoit  pas  qu'on  songeit  à  les  publier  tans  un  travaH 
fleiMaction  fwéalablei  mais  Fusagc  de  rorthognphe  hollanijBse  >ppB-. 
■quée  k  la  transcriprion  des  mots  japonais.,  loi  laotinss  nombM^isn 
laissées  dans  les  textes»  les  erreors  palpables  qui  tTOtem  édii|^  in 
interprètes,  pouvoient  rendra  une  publication  conplèie  impoissible,  à 
■xncâns  qye  ia  traductions  ne  pumçnt  Atre  revues  et  compuées  wnc  k* 
.originaax  par  une  personne  exercée  à  -la  lecture  du  ddnoîsi  et  un  pen 
Amiliariséc  avec  le  japonais. 

Heureusement  ces  manuscrits,  qui  étoient  sur  le  pomt  d'être  dis- 
persés et  de  )>asser  à  l'étranger,. ont  été  aoqun  par  on  libnirè  français, 
connu  par  d'utiles  publications.  Son  projet  est  de  les  fïire  imprimer 
successivement  ■  avec  les  gravures  nécessaires ,  et  de  donner  ainsi,  sur 
le  Japon,  une  suite  d'ouvrages  qui  satisferont  la  curiosité  des  Euro- 
péens sur  tous  les  points  essentieb.  Il  est  i  désirer  que  M.  Nepven  soit 
secondé  dans  cette  entreprise ,  et  qu'il  y  trouve  les  encouragemens  et 
les  dédommageinens  nécessaires  :  car,  si  et  n'est  pas  une  des  spécula- 
tions les  plun  lucratives  qu'on  puisse  ^ire ,  c'est  du  moins  une  cies  plus 
Jwnorables  dont  notre  librairie  puisse  s'occuper.  0 

La  géographie  est  une  des  sciences  qui  peuvent  le  plus  g|gner  il  la 
publication  des  manuscrits  de  M.  Titsingh,  ou  des  originaux  qu'il  a 
rapportés  du  Japon.  La  magnifique  carte  de  cet  empire,  dont  on  a 
pûlé  dans  ce  journal  (i),  la  description  des  pays  vtHsins,  c^est>k-dire , 
de  la  Corée,  de  Yeso,  des  îles  Lieou-khieou ,  et  des  i/et  inkabitéts , 
dont  on  y  a  donné  un  extrait  (a)  ;  deux  autres  cartes  de  Yeso  de  dix- 
huti  pouces  sur  quatorze,  avec  les  noms  traduits  en  hollandais;  celle 
de  l'île  Desima  ;  les  plans  détaillés  de  Yedo ,  de  Miyako ,  d'Osaka  et  de 
Nangnsaki;  deux  séries  de  vues  prises  le  long  de  la  route,  enire  ta 


lïuin  qui  sert  à  en  indiquer  l'emproi.  Ce  que  les  Japonais  peuvent  nous 
ipprendre  sur  ces  maiières ,  est  pluiôt  un  objet  de  curiosité  que  d'utilité, 
■loins  inléressant  pour  la  médecine  que  pour  la  connoissance  des  mœurs 
*t  des  opinions  scientifiques  des  Orientaux,  Je  ne  dirai  rien  non  plus 
de  plusieurs  dessins  où  sont  représenlées  les  montagnes  volcaniques  en 
éruption,  dont  il  seroit  utile,  pour  la  géographie  physique,  de  posséder 
des  descriptions  exactes  :  mais  je  ne  saurois  passer  eniièrenient  sous 
silence  les  dessins  et  les  mémoires  relatifs  à  la  pêche  de  cétacés  dont 
plusieurs  espèces  ne  sont  peut-être  pas  suffisamment  connues  des  natu- 
ralistes; deux  recueils  de  peiniures  représentant  des  poissons,  des  crus- 
tacés et  des  mollusques ,  figurés  avec  la  plus  grande  exactitude  ;  divers 
traités  de  hoianique  avec  des  planches  gravées  en  bois  ou  peintes  avec 
beaucoup  de  soin,  et  dans  lesquelles  il  seroit  aisé  à  un  botaniste  habile  de 
puiser  les  élémens  d'une  Flore  japonaise  plus  complète  et  plus  détaillée 
que  celle  deThunberg;  mais,  par-dessus  tout,  un  tecueil  in-fo/h ,  con- 
tenant soixante-dix-sepi  plantes  si  bien  des^tes,  et  peintes  avec  une 
telle  perfection,  qu'aucun  objet  venu  d'Asie  ne  peut,  à  notre  avis, 
donner  une  idée  aussi  favorable  de  l'état  des  arts  dans  cette  partie  du 
monde  (i). 

C'esi  en  livres  historiques  que  la  collection  de  M.  Tilsingh  est  plus 
riche  et  plus  précieuse  ;  le  plus  considérable  sans  doute  est  l'histoire 
maimscrite  du  Japon,  en  quatre-vingts  volumes,  dont  il  a  fait  présent 
à  la  Bibliothèque  du  Roi  :  mais  il  possédoit  encore  des  tables  chrono- 
logiques et  synoptiques  de  la  succession  des  empereurs  et  des  princes 
de  la  Chine  et  du  Japon,  tables  beaucoup  plus  parfaites  que  celle 
qu'a  donnée  Deguignes  ;  l'almanach  impérial  et  statistique  de  ce 
dernier  pays,  dans  lequel  sont  indiqués  les  charges  de  l'éiat,  la  hié- 
rarchie administrative,  et  les  revenus  des  principales  maisons,  depuis 
les  sommes  les  plus  considérables,  en  descendant  jusqu'à  cçlle  de  dix 
mille  kobangs  ou  cent  vingt  mille  francs  inclusivement;  le  JVÎpon-o 
Jdi  itsi  lan,  ou  les  Annales  des  pontifes  souverains  nommés  Dairis, 
et  celles  de  tout  l'empire  par  conséquent.  M.  Tîtsîngh  a  traduit 
cet  ouvrage  en  hollandais  et  en  français:  l'histoire  du  Japon  n'est 
connue  jusqu'à  présent  que  par  la  petite  chronique  que  Kxm  ])fe 
a  donnée  ;  ainsi  celle-ci  remplira  UJie  lacune  imporianie  dans  1er 
annales  des  peuples  de  l'Asie.  Enfin  l'histoire  de  la  dynastie  régnantes 

(r)  Un  Traité  de  botanique,  en  sepi  volumes,  provenant  de  la  même  col- 
!ec4T(in,et  qni  m'a  éié  cédé  depuis  la  non  de  M.  Titsirgh,  contient  envtroR 
dt-ux  cents  plnnches  irès-Lie n  gravéts  en  hois,  d'après  des  d«>inï  fort  uacts. 
Cci  ouvrage  est,  dans  son  geote,  nnc  sorte  de  chef-d'cwuvre.  ! 


47» 


JOURN^liL  DIS)GVbyANS, 


des  Djogouns  ou  prin&i  JécuUeBtJIu'ApoBi  lirée  de  mitàwoÊiiat&tp 
continuis  jusqu'au  ttmpinii  k.-«QqngB«r1iolIuidûsiéfosmoh:âiB»«)K 
pays,  est  peut-£tre  un  ouvrage  pittmcjetpbuipiçiaiA;  Onaùt  qèSmÊ 
Japon,  commei^ia  Gbina,  iMia:IoriaikdateaDti|lBâa*«idit:aùilpiMlM> 
hj  pnfalîaaibn  des'  mésHiiseB  adaiift-Và  ai»  udyéasiié,  :ianl<!^:i«ftM 
dynàctia.  ecctspe  la  itrâoé.  Wwvtablafadangeht  dânccé  leaikBUràbnpB 
dfanecdon»^-(fa'  tfaiia.  cataclAittàques ,  puottra  «sfianqié  j^nat -ifte* 
fuUké  àimiapoa,  et  iMfis  îserons  àieiK  ^uiAnaéà Àp»  Itt  Ja|>oiHia -«uii- 
mimes-des  éffénemenade  ieurfiîstoire^rooderm. 
-  Enfin-  Ics'  mocors,  'les  cérémonies  et  les  cbshtaies  sb  d»  ^peaplo 
singulier,  ont^ti  pour  M.  Tiisingh  follet  de  JaiMijoeBi^ de^iamarque» 
curieuses,  et  ji>a' rassemblé  «iir  ces  maitéres .pïasieun,  mimciiei  et  un 
très-gnuid  honihre  de  déscins.  Un  Tojrageor'exaofetftttétHîf'éiQitik  sur 
■on  tarrain;-at les  renteîgnemepsde  ce  genre  ontid'autaBt  pAu  de  prir» 
qu'il  n'est  pas  au  pouvoir,  de  l'érudition  d'y  suppléer  enoéFenicnt.  Je  ne 
Teux{»s  <Ëre  pourtant  qi^lj^  At  possible  de  tirer  un  tsbieau  coniplec 
M  même  assca  étendu  des  usages  et  des  imiitutions  des  Japonais ,  de 
iaiinim  mécaniques,  de' leur  économie  domesâqueet  des'procédés  de 
leur  agriculture ,  du  grand  ouvrage  encyclopédique  que  M.  Tïtsïngh  a 
légué  k  la  SiUôathéipe  royale  :  mais  on  ne  lauroit  s'attendre  à  trouver 
dans  un  recueil  de  ce  genre  un  grand  nombre  d'ofa^ets  de  détail  pour 
lesquels  il  fant  nécetsaifement'recounr  aux  traites  spéciaux,  ou  mieux 
encore  aux  observations  des  vc^ageurs,  qui  savent. mieux  que.les  naturels 
sur  quoi  peut  porter  princîpalenieïit  notre  curiosité. 

C'est  préctsémcnt  ce  qui  (tit  k  mérite  du  volume  qu'on  vientde 
publier)  et  qui  nous  parott  avoir  f avantage  d'être  tout-i-Ia-iôis  un 
ouvrage  original,  édalrct  et  commenté  par  un  observateur  fudicieux.  En 
eflèt,  dans  la  vue  de  s'instruire  des  cérémonies  usitées  au  Japon  dans  les 


rituiJ ,:  sopt  du  nottftre  des  moins  oaAsMiéréès'  an  Jafloni  e^^  k  )Uge# ,  pw^ 
les  rûe$  minutieux  qui  sont  prescrits  pour  leuiis  maringesy  dé  teux  ipé* 
dqi vent  èfre  observés,  quand  il s'agkde.  personnes  cTunrang.dîstin^é^^ 
les  Japonais  peuvent  passet  pour  k  peupJe  Je  pli^  cérémonieux  duj 
npnde ,  et  les  Cbtnpis  p  si  renommés  soûs  ce  rapponi ,  .ne  swKoient  leur  : 
être  comparés!  Tout j «est  prév^ay  léglà»;  décrit  d^ayaace  dans  It^céfé^l 
iT^onial;  on  dresse une  liste  ej^de  des  présens  cpie  l'époux  dôiteniri^ft 
aux  pai:eQs  de  ia  fiancéey  et>dt)vcei|X:qui  sont  pxlv6yéi(  en  édmiig». f-^ 
l'époux^  à  ses  parens>  et  au  7b^//iMtr>:perKknb^gB' nécessaire. dan^ îles., 
f^iariagea  desi. Cjiicois) et  des  Japonais/ jbe.aon^ire  et  l'espèce  de.ce&r 
présens  sont  détjerininésLpar.rusa^j;  on.lea reçoit. avec. de  grandes  céré^i» 
mpniesr^inémje  chez  les  gens>  du ^peupk^  et;  onc  eît donne  des  quittaïutfii^ 
qui  rappellent  les  objets  doat  ils  ^se-  cjoinposesi^t*  Il  est,  rei^arquabfe  qttfe>tit 
parmi  ces  objets ^u'on^^nveie  à  la  nouvelle  mariéetise  couvent  des  litmi» 
dQ poésie  et  de  morale,  et.le  rituel  même  du  mariage  n'y  est  pas  oubKék; 
Lf|sJ[]ai>çaiIIes,et  les  noces  se  font.  le  même  jour,  et  sans  le  conoMriif; 
d'aucun  prêt  ce;  ce  qui  méxke  d!ètre  nojié  dan^  un  pays- qui  a*  été  ^ 
lo4ig- temps  et  qui  est  encore,  en  partie  "soumis  à  un  gouverner^^iM  i 
théocratjque*  Le  rit  fondamental  ^  da]ns' oeti^' occasion ,  consiste  à  &{ren 
boire  aux  deux  époux . plusieurs  coupes  de  ^àkki  ou  de  bière  forte;  et l 
les  principaux  rôles»,  dansr cette  cérémonie ,  sont  remplis,  pat  deux  ieunei?'» 
filles  qui  fpnt  les  fonctions  de  paraiiymphes^;et.qui  se  nomment;  Tune»;,  » 
papillon  mâle,  ttY2t\xue^ papillon  fimûu^ii  cau^et  des  figura  dont  les  vasea** 
qu'elles  portent  sont  ornés.  Les  papillons»  au  Japbd>.âottt  les  emblèmes;) 
de  la  fidélité  conjugale  •  parf«  qoft  c^  insectes  volent  ^ii;Str.on  t  .toujours  i 
deux  à  deux.  Les /règles  minutieuses  auxquelles  soiU  assujetties  i^\ 
moindres  acdons  ^es  deux  époux  et  de  Cewc  qui  .assistent  à  Ja  n0€)eA.S 
avec  la  description  des  objets'  qui  y  servent».  occupeiaX  une  centaiûe^d^I^ 
pages  dans  le  volume  que  nous  avpns  sous.lea  yeux  »  et  sont  te«nxiâé4ft<| 
par  un  vocabulaire  des  mots  japonais  qui  s'y  rencontrent  et  de  ceux? que;  . 
î'é/iquette  veut  qu'on  empkde. 'dans  ces  ctrcpnstaoces.  Ce  .demies  sedouos  .. 
est.d!autant  plus  nécessaire,,. que  w.rauteur*ayant  itou  jours  çpnserVé  .dans  j 
sa  traduction  les  termes  de  roriginal,.eIle  est,  en  plusieurs;  endroits >  , 
ol>scure  et  presque  imnteiligible.  S'il  y  a  des  mats  consacrés  par  l'usagft» 
il  y  en  a  d'autres  qui.  sont  proscrits,  lels  que  ceux  de  prendre  congés  se  \ 
Si'par&,  changer^  inconspsiia,  étc.Ce^.  mots  seroSent  regardés  comme  de i'i 
fiicheux  présages  pour  l'union' qui  se  pnéparei^  et  J-on  s'attacbé  k  Ira '| 
éviter  dans  tous iesacteiyda^s  ksle/tres et  lesibnnules  quis'einpIcMilfi; 
à  l'occasion  desumces. .:.r  .  .;:    ,   .!..  ..        ;  i    . 

'gSi  lesi  4lapiQiDaif;^:pDur::tout  çcl5piia  rapport  aux  Jtiariagi?s]|  jtnéme- . 


460 


JOURN.AL  DESSAVANS, 


entre  les  lalioureunvics'  aniiantet  iis^inudiands»  s'utreignent  Ii  dcf 
idgies  d*étiqueittet  k  du  {Madquea  aàui  g^nantu  qnc  celles  qui  sont 
dètûUiegdMOiim  pnmièW'pai^  de  ce  volume,  on  doit  Vuteiidre  h 
tnuver  cequten  i«iUtif1ainjftml^Ieft^<a4iB;etti;chcs  eo^  k  «a  Ciré» 
moiiôl  non  inobn  rigoureux.- -Dans  M^iceoQiriie  les  entctnmens; 
ilr  prennent  aMeZ'gitténâlement'faiiCÛnob  paifr-iDodtits,  excepti 
k'Nangatiikt,  oii  Ki''angei'iatîon»K-::piroi»ént  iTur  louffert  dn 
ôunaurce  qne  I«;habitti»  de  ceae-Jvflle'tnariânw-Am  «a^avec  fès 
éuii^en.  M*  7tisihgfa».dincvBtle  ptrt»>de  -K>n  ouvrage,  comme  doit 
H prediiire,  a  prit  pour iiase  un  Avi* fapobaîs  dont  ildbnhe  Ja  traduc- 
tieh,  mais  en.maïquanlt  d'après  ses  propret  observations, -les  déro- 
gadons  qui  se  font  porfbir  mi  céréraon^^  Quattd  on  oonnoît  i'e^c 
mélUKoUque  et  le  caracièife  sévère  des.  Japonais  ,  «h  peut  croire  que  le  ' 
deuil  est  rigoureusement  observé  diez  eux  i  en  le  porte  en  blanc  j  et  un 
uaagé,  qui  semble  dicté  par  la  nature,  y  ioint  Tabstinence  de  tcHis  les 
alimetu  pris  dans  U-  classe-  dci-  ètrek  vivans.  En  cela,  comme  dans 
piesque  tpBt  le, reste,  les  fiinérdUes  des  Japonais  et  les  hommaget  ' 
tfioanadvxLtaoni,C9mMt/llsiloitnteHC9nvivaHt,  ont  la  plus  grande 
analogie  avec  ce  qui  le  pratîqu»  k  la  CfùM.  Comme  les  Chinois,  les 
Japonais  évitent,  en  parlant  des  morts,  ceriaïnes  expressions  qui 
dwqueroient  la  délicatesse  des  vivans,  et  ils  poussent  Teupliémisme  à 
cet  égard  plus  loin  que  les  anciens  Romains  enx-mémes.  lis  nomment 
tm  tombeau  ttaMisi-koure ,  raoïKeau  de  terre  ;  pour  &ire  entendre 
qu'un  homme  est  malade v  ib  disent  qu'if  tstyaseumi,  ^st-àdire,  qu'il 
est'  retenu  chez  lui;  et,  en  parlant  des  morts,  ils  les  appellent  nararou 
[Us  déplacés  J.  Le  vocabulaire  des  funérailles  n'est  guère  moins 
étendu  que  celui  des  mariages.  M-  Titstngh  avnt  sans  doute  intention 
de  le  donner  ;mab  on  ne  trouve  à  la  place,-dans  le  volume  nouvellement 
ubiié,  qu'une  labié  qu'on  a  mal-à-propos  intitulée  Table  des  noms 


AOUT   1819.  48' 

cette  poudre  par  une  lettre  à  M.  Deguignes,  qui  a  été  insérée  dan<?fe 
Journal  desSavans  de  décembre  1788,  entre  ici  dans  de  nouveaux  détails. 
W  cite  une  expérience  dont  il  a  été  témoin,  et  dans  laquelle  le  charige- 
méht  attribué  à  ïa  poudre  Dosia  eut  lieu  en  vingt  minutes.  M.  Char- 
pentîer-Cossigny,dontM.  Titsinghavoit  également  provoqué  l'attention 
sur  ce  sujet,  donne,  dans  son  Voyage  au  Bengale,  quelques  détails  sur  la 
poudre  Dosia , .dont il  devoit  des  échantillons  au  voyageur  hollandais: 
il  a  fait ,  pour  en  constater  la  nature  chimique ,  des  expériences  qui  n'ont 
pas  produit  de  grands  résultats,  çt ,  pour  vérifier  sa  propiiété  particulière 
sur  les  cadavres  y  des  tentatives  qui,  comme  il  l'avoue  assez  naïvement, 
ne  furent  couronnées  d'aucun  succès.  La  nouvelle  notice  de  M.  Titsingh 
iiiériteroit  peu  de  nous  arrêter,  si,x>utre  la  tiescription  de  (a  poudre 
Dosja,  elle  ne  contenoit  des  traditions  très-curieuses  sur  les  progrès  du 
bouddhisme  au  Japon.  Kobûu-daïsi,  qui  y    (Contribua    puissamment, 
naquît,  en  774  >  dans  la  province  de  Sanouki.  Versé,  dès  ses  plus  jeunes 
ans ,  dans  la  connoissance  des  livres  chinois  et  japonais,  il  se  sentoit 
entraîné  vers  les  doctrines  de  Chakia,  et  il  saisit  la  première  occasion 
de  l'étudier  à  fond.  II  embrassa  l'état  religieux  à  vingt  ans,  devint 
bientôt  après  grand-prêtre,  et  accompagna  un  ambassadeur  japonais, 
qui  vint  en  Chine,  en  8o4*  Ce  fut  alors  qu'il  se  lia  avec  -un  savant 
religieux  indien,  nommé  Asari,  qui  lui  donna  des  instructions  sur  ce 
qu'il  avoit  si  grand  désir  de  connoître ,  et  lui  fit  même  présent  dés 
{ivres  qu'il  avoit  recueillis  dans  ses  voyages.  Un  autre  religieux ,  du  nord 
deFHindoustan,  lui  remit  aussi  un  livre  qu'il  avoit  traduit  du  samskrit» 
avec  plusieurs  manuscrits  sur  des  sujets  relatifs  à  la  religion.  Koubo- 
daïsi  revint  au  Japon  avec  ces  trésors^en  Fan  806 ,  et  se  mit  à  prêcher  sa 
doctrine ,  en  s'appuyant  de  miracfes  qui  convertirent  jusqu*au  Daïri  \\x\^ 
même.    Le  chef  de  la  religion  nationale  du  Japon   embrassa  fa  loi 
indienne,  et  se  fit  même  baptiser  selon  le  rit  de  Chakia.  Kobou,  anitiié 
par  ce  succès,  publia  divers  ouvrages  ascétiques ,  et,  en  poursuivant  ses 
propres  méditations,  il  arriva  à  ce  résultat,  que  les  quatre  grands  fléaux 
. de  l'humanité  étoient  T enfer,  la  femme ,  V homme  pervers,   et  la  guerre. 
II  composa  aussi  un  livre  oii  sont  ex[X)sés  les  dix  dogmes  fondamen- 
taux de  la  loi  de  Chakia.  On  ne  peut  compter  le  nombre  des  prodiges 
qu'il  opéra,  ni  celui  des  temples  et  des  monastères  qu'il  fit  bâtir.  II 
,mourut  le  vingt-unième  jour  du  troisième  mois  de  l'an  835,  après  avoir 
obtenu  du  Daïri  la  création  de  trois  chaires  pour  l'explication  des  livres 
Be  théologie.  Sa  mémoire  est  encore  à  présent  l'objet  de  la  vénération 
des  Japonais.  Au  mois  de  novembre   1785,  on  afficha  sur  le  grand 
.escalier  du  port  de  Nan^saki  une  ordonnance  pour  célébrer  en  son 

ppp 


iSi 


JOURNAL  DES  SAVAN5, 


honneur  une  grande  fètt  dans  tout  fempire.  L'époque  en  étoit  lbc£e 
an  vingt-unième  jour  dn  troisième  mois  de  rannèe  suivante»  h  neuf 
cent  cinquantième  depuis  la  mort  de  Kobou-dajri,  en  comptant  à  ia 
manière  des  Japonais.  * 

Le  dernier  morceau  de  ce  volume  est  h  prélàce  du  livre  de  Pobéis- 
sance  fiOale,  d'après  Tédition  japonaise  :  voici  le  motif  qui  a  dicidi 
M.  Titsingh  il  6ire  cette  traduction.  Le  livre  de  Tolièissancè  filiale 
«voit  été  perdu ,  comme  les  autres  ouvrages  de  Confuchis ,  au  temps  de 
rincentfie  général  des  livres.  A  fépoqite  de  la  restauration  des  lettres  « 
on  en  trouva  deux  copies  diiférentes:  l'une,  en  dix-huit  diapitret,  fût 
jHibliée  par  les  soins  de  Hokian-wang,  et  porte  le  nom  de  Texit  itoMviau; 
l'autre,  qui  a  vingt-deux  chapitres,  fut  retrouvée,  selon  la  tradition 
japonaise,  dans  les  ruines  de  la  maison  de  Confùdus.par  Lbù-koung- 
wang.  On  donna  le  notn  Sancirn  Textt  à  cette  ôjpie,  qui  étoit  en  ks- 
ttou,  c'est-à-dire,  en  caractères  de  la  plus  haute  antiquité.  Le  nouveaa 
texte  fut, adopté  de  préférence  à-  la  Chine,  et  fit  oublier  Tautre,  qui 
ne  s'y  trouve  plus  de  nos  jours.  Les  Japonais,  au  contraire,  ont  con- 
servé l'ancien  texte,  qu'ils  croient  bien  préférable.  Il  y  a  entre  les  deux 
textes  des  différences  qui  portent  sur  la  division  des  chapitres ,  sur  la 
forme  de  plusieurs  caractères,  sur  le  sens  de  quelques  passages:  mais 
on  ne  doit  pas  s'exagérer  l'importance  de  ces  variantes,  qui  ne  changent 
rien  d'essentiel  au  livre  de  V obéissance  filiale  ;  et  l'on  rie  doit  pas  croire 
sur^tout  qu'elles  puissent  fournif  des  armes  aux  détracteurs  de  Tanti- 
quité  chinoise,  lesquels  voudroient  faire  considérer  fincendie  des  livres 
comme  un  événement  qui  auroit  entièrement  détruit  les  anciens  nionu- 
mens  littéraires ,  dont  on  n'auroit  ensuite  retrouvé  que  des  copies  in- 
formes et  dépourvues  d'authenticité.  Nous  avons  feit  avec  soin  la  colla- 
tion des  deux  textes  du  livre  de  Tobéissance  filiale,  et  il  nous  paroît  que 


AOUT  1819.  48} 

t  consultées ,  probablement  privées  de  notions  exactes  sur  là  littérature 
et  ménie  sur  la  -langue  chinoise,  Font  entraîné  dans  des  erreurs  très- 
graves,  et  lui  ont  fait  altérer  les  noms  les  plus  connus.  Je  ne  citerai 
qu'un  seul  des  contre-sens  qui  lui  sont  échappés.  «cSous  le  règne  de 
a>  l'empereur  Zoo».  cfît*î{,  "^ut  un  certain  0*Joosi,  lequel  composa 
j»  une  centaine  de  vers  à  la  louange  des  sabres  du  Japon.  »  II  y  a  dans 
Tor^g^inal  :  ce  Sous  la  dynastie  des  Soung,  '£ou*yang-sieou  composa  det 
»  poésies,  et  cent  volumes- sur  k littérature.»  '£ou-yang-sîeou  est  un 
dès  autéufs  chinois  fes  plus  célèbres  du  moyen  âge  :  il  a  composé  diveii 
ouvrages  très*estîmés  sur  Fhistoire  et  h  littérature  ;  mais  je  ne  sache  pas 
qu'il  ait  jamais  loué  les  sabres  du  Japon.  Espérons  que ,  dans  tes  ou** 
i^ges  phis  importans  qui  restent  à  publier,  M.  Titsingh,  non  moins 
distingué  par  sa  modestie  que  par  son  zèle ,  aura  toujours  exactement 
suivi  les  interprètes  japonais  qui  l'avoient  aidé  dans  ses  travaux ,  et  n'aura 
pas  souvent  accordé  sa  confiance  à  des  critiques  capables  de  lui  laisser 
passer  de  semblables  erreurs* 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


Travels  in  various  countries  of  THE  East,  more  parti- 
cularly  Persia;  a  work  wherein  ihe  author  has  described,  as  far 
as  his  own  observations  extended,  the  state  ofthose  countries  im 
18  10 ,  18 II  and  18  12 ,  and  has  endeavoured  to  illusîrate  many 
sttbjects  of  antiquarian  research ,  history,  geography,phihlo^  and 
miscetïaneQus  littérature ,  with  extracts  front  rare  atid  vûluable 
oriental  manuscripts ;  by  sir  William  Ouseley^  ksiight^  L,  L. 
D.  &c^yQ\.  I.**—  Voyages  en  diverses  contrées  du  Levant,  et 
plus  particulièrement  de  la  Perse;  ouvrage  dans  lequel  l'auteur 
a  décrit,  autant  que  ses  propres  observations  lui  en  ont  fourni  le 
moyen ,  l'état  de  ces  contrées  dans  les  années  18  10 ,  18  11  et  18  12 , 
et  a  tâché  d'éclaircir  divers  objets  de  recherches  archéologiques , 
d'histoire ,  de  philosophie  et  de  littérature  mélangée ,  avec  des 
extraits  de  plusieurs  manuscrits  orientaux  rares  et  de  grand 
prix  ;  par  sir  William  Ousefey  ,  chetalier,  &c,;  tome  I. 
Londres,  i8ip,  xv;  et  455  pages  in-^.^ 

Hqv%  avons  dû  copier  ce  lilre  en  ehticr,  maigre  wn  extrême 

ppp  a 


AH 


JOURNAL  DES  SA  VANS, 


longueur,  l'anteor  déclarant  dans  sa  préface  qu^  son  intention  a  été  que 
cet  aperçu  détaillé  de  son  ouvrage  fît  connoître  d'avance  anx  lecteurs 
ce  qu'ils  y  troureroîent  et  ce  qu'ils  ne  dévoient  point  y  dberdier.  Ls 
Compte  que  nous  allons  rendre  de  ce  premier  volume,  &ia''VoU''  ^Be 
M.  Ouseley  a  effectivement  tenu  ce  que  pgïmet  le  titre  de  àt  Vt^i^ 

Sir  Gore  Ouseley,  fiére  de  fauteur,  ayant  été  nommé  pule  roi 
d'Angleterre  ambassadeur  extraordinaire  et  ministre  pléntpbtcntian 
près  la  cour  de  Perse,  ilétoît  naturel  que  tirV.  Ousdey,  qtil.depvis 
lieaucoup  d'années,  avoit  consacré  ses-  études  à  la  langue  et  à  la  litlé- 
rature  persane,  profitât  de  cette  occasion  pour  visiter  les  contrées  dont 
rhistoireet  les  antiquités  étoient  l'objet  iûbiuel  de  ses  méditations.  II 
&t  en  efTcl  attaché  à  l'ambaisade  comme  secrétaire  particulier  de  tir 
Gore  Ouseley.  Les  mêmes  bâtimens  qui  dévoient  porter  l'ambassade, 
dévoient  aussi  reconduire  l'ambassadeur  persan  Mirza  Abou'Ihasan,  qui, 
après. un  séjour  de  dix  mois  environ  ï  Londres,  retournoit  dans  sa 
patrie.  Ayant  déjà  fait  connoître  les  principaux  détails  du  voyage  des 
deux  ambassadeurs,  en  rendant  compte,  dans  ce  Journal,  de  la  relation 
de  M.  Mener,  nous  Classerons  sous  silence  toute  la  partie  descriptive 
du  voyage  maritime  de  M.  Ouseley,  et  il  nous  suffira  de  dire  que  le 
premier  volume  que  nous  annonçons  se  termine  i.  l'arrivée  de  l'ambassade 
à  Schiraz.  Au  surplus ,  notre  extrait  de  ce  premier  volume  perdra  peu  k 
cette  réticence ,  l'intérêt  de  la  relation  de  M.  Ouseley  étant  essen- 
tiellement différent  de  celui  qui  recommande  le  pltis  ordinairement  ce 
genre  d'ouvrages. 

Ce  volume  est  divisé  en  six  chapitres ,' dont  nqiis  indiquerons 
sommairement  le  sujet.  Chapitre  I,  route  d'Angleterre  à  Madère,  Rio 
Janeiro  et  Ceyian  ;  n ,  Route  de  Ceyian  k  la  côte  de  Malabar  et  à  Bom- 
bay; III,  Des  Parsis  ou  Guèbres,  adorateurs  du  feu;  iv.  Voyage  de 


AOUT  iBi^.  48î 

d'autres  oTi}ets  acceîsoires,  sont  iraiiés,  soit  dans  le  texte,  soit  dans  les 
notes  (!e  ce  preinier  chapitre.  Ce  que  ces  recherches  offrent  de  plus 
curieux,  ce  sont  des  citations  d'un  grand  nombre  d'écrivains  orientaux, 
toujours  rapportées  dans  la  langue  originale ,  et  traduites  avec  beaucoup 
d'exaciitude.  Nous  avons  cependant  observé  un  passage  ou  l'auteur  nous 
paroîl  s'être  trompé  d'une  manière  assez  étrange. 

M.  Ouseley,  rapportant,  à  l'occasion  de  l'île  de  Screndib  ouCeylan  et 
de  ses  productions,  un  passage  curieux  du  JVo^/iat  alkoloub,  ouvrage  de 
Hamd-allah  Kazwini ,  fréquemment  cilé  sous  le  nom  de  Géographe 
persan,  consacre  une  longue  note  k  la  substance  minérale  nommée  en 
^^Tizn  suiibadih  ojly^,  mot  dont  /es  Arabes,  suivant  leur  usage,  ont 
fiiit  sunbaile.lj  ou  sunbaritg  ^i\j^.  Notre  auteur,  après  avoir  cilé  ce  qu'on 
lit  dans  le  Fnrhang  Djehanguiri  et  dans  le  Burkan  kat'i  sur  le  sunbaiiik 
ou  émeri,  ajoute  :  «  Ces  notions  paroissent  empruntées  en  partie  de 
»  Hamd-aliah  Kazwini,  c|ui,  dans  la  portion  de  son  ouvrage  relative  à 
»  la  minéralogie,  décrit  le  sunbadcàj  comme  une  pierre  sablonneuse  et 
»  rude  dont  les  lapidaires  font  usage  pour  forer  les  pierres  dures,  qui, 
y>  réduite  en  poudre  et  ejrtployée  ùfrottir  hs  barbes  usées  par  l'âge,  sert  à 
»  les  rétablir,  et  qui  enfin,  quand  on  s'en  sert  comme  d'un  dentifrice, 
»  nettoie  les  dents.  »  J'ai  traduit  littéralement  les  termes  anglais  qui 
expriment  la  seconde  propriété:  w hen  pulveri'^d and rubbed on  btards , 
that  kave  decayed  through  âge,  it  serves  to  resiore  thtm.  Le  texte  porte  : 
(^-<»J  cJjff  0-JL»  (j^tj'.friJj  ji  oijiï»  ^  ,  c'est-à-dire:  «  on  le  réduit 
M  en  poudre  ,  on  l'applique  sur  les  plaies  invétérées ,  et  il  les  guérit,  a» 
Cette  propriété  de  la  oiine  de  fer  connue  sous  le  nom  d'émeri  est 
attestée  par  les  médecins  grecs ,  et  tout  le  passage  cje  Hamd-allah  semble 
être  emprunté  de  Dioscorîde ,  dont  le  texte  toutefois  paroît  avoir  besoin 
de  correction.  (  Dioscor.  de  mtd.  mal.  lib.  Y,  cap.  t6â.  )  M.  Ouseley  a 
été  trompé  par  l'équivoque  du  mot  li^.j,  qui  signifie  également  plaie 
et  barbe. 

Le  second  chapitre  du  Voyage  de  M.  Ouseley  contient  la  route  de 
l'ambassade  depuis  Ceylan  jusqu'à  Bombay ,  son  séjour  dans  celte  dernière 
ville ,  et  la  visite  faite  par  le  voyageur  aux  anciens  monumens  de  Kénéri 
dansl'Ilede  Salsetie,  et  au  temple  souterrain  d'Èléphania,  ou  de  l'ile 
nommte  par  les  Indiens  Ckarijiouri:  le  nom  ^Eliphanta  lui  a  été  donné 
par  les  Européens,  parce  que,  près  de  l'endroit  où  l'on  débarque,  est 
une  énorme  figure  d'éléphanr  en  pierre.  Ce  chapitre  ne  nous  a  paru 
offrir  riun  de  nouveau ,  quant  au  texte  de  notre  voyageur.  Les  noies 
renferment,    comme  dans  le  chapitre   précédent  et  dans  les  suivans, 


48(f  JOUflNAL  DES  SAVANS. 

diverses  redieidies  tf  Jjniditioii  ;  par  exemple ,  sur  lu  amoun  dç  3oseçit . 
et  ZouIeïUu*  sWet  qui  a  ét{  .iraîtj  par  un  grand  nombre  de  portes. 
P«r«uui,wr  rarbre^speiiiansMui^-|'opmion,amibi)^ï<dvef|  Muples, 
idqiitnsii^.M.iWdlBlityVcaa  adte  k  une  îdptfi,  ust  qu'tU«:nett  pu 
ei^ij^T^û^  .a^ievéft*. :*^  cojuifldreiu  le»  y^ux  comn^e  la  parti*  lapiut. 
essentielle  des  figures,  ifoet  ib  fiyit  f^bjet  de  leoF  •vénétaôaai  sur 
Çiisage  de  la/couIcur  rQUgie  «pp&piéQ  d^une  manière  spéfdale  aux  objets' 
dn  ^te,  dans  Fantiquiié  coniine  dam  {es  temps  modeines ,  et  chez  dti, 
peuples  trti-diven;  fur  les  reports  observés  entre  |es  divinités  de  Vhffiv 
et  ceHes  des  Egyptiens  et  des  Grecs;  Fépot^e  k  laquelle  peuvent  appar- 
tenir les  monutnens  ffEIéphanta;  ie  poème  persan  intitulé  Bar^m- 
namih ,  As.  Quoiquf  M»  Ouseiey.,  çi)  généraf,  préseote  pbudt  lea 
problèmes  historiques  ou  philologiques  qu'il  ne  les  résout,  nous  avçns 
pourtant  remarqué  quelques  assenions,  soit  dans  le  texte  de  ce  diapîtret, 
'  sQit  dans  les  notes,  que  nous  aurions  peine  à  admettre.  A  l'occasion  de 
certaines  chansons  indiennes,  dat^  iesquelfes  *  contre  Fus^e  des  autres 
naiionst  in  déciaratipns  d'amour  les  pius  passionnées  sont  mises  dans  la 
boucbe.dex<^UKs'iUeset  parellçtadressées  ^  leurs  amans,  M.  Ouseley 
diique>  bien  que  les  écrivains  musulmans  fassent  de  fréquentes  allusions 
aux  aventures  de  Joseph  et  de  ia  femme  de  Putjphar,  cependant  les 
Pfiïans,  soit' qu'ils  éctiventen  prose  ou  en  vers,  ne  mettent  jamais 
d^nsia  boudie  des  femmes  aucune  déclaration  d'amour,  m  Ma  mémoire* 
»  dit-i1,  ne  me  rappelle  aucun  exejnpie  du  contraire  parmi  des  milliers 
»  de  sonnets  persans  que  j'ai  eu  la  patience  de  lire  pendant  tant 
Ad'antrfes.  »  Quoique  je  sois  certainement  beaucoup  moins  familiarisé 
avec  Tes  poètes' persans  que  M.  Ouseley,  l'opposerai  &  la  généralité  de 
cette  observation  i'exempfe  de  Tehminèh,  fille  du  roi  de  Sémengan, 
qui  va  trouver  durant  la  nuit  Rostam ,  l*hôte  de  son  père,  et  obtient  de 


AOUT  1819.  487 

S¥ec  tonte  sorte  de  raison  qu*on  l'a  nommé  s>AJt  qLJ»  la  langue  du 
wtystm.  Sanl^  doute  ce  qu'il  y  a  de  plus  choquant  dans  ces  allégories , 
ne  peut  être  toléré  que  dans  des  pays  où  la  corruption  des  mœurs  a  ôté 
k  ces  images  ce  qu'elles  auroient  ailleurs  de  révoltant  ;  mais  il  n'en  faut 
rien  conclure  contre  le  sens  mystique  qui  leur  est  attribué.  D'ailleurs  » 
il  est  bon  d'observer  que  »  dans  d'autres  pays  musulmans,  en  Egypte, 
par  exemple,  les  chansons  erotiques,  par  une  sorte  de  décence,  bien 
extraordinaire  sans  doute,  ne  seroient  pas  tolérées  en  public,  si  Ton 
employoit,  en  s'adressant  à  l'obfet  de  sa  passion,  des  expressions  du 
genre  féminin ,  x]uoiqu'iI  y  ait  souvent  une  contradiction  ridiculç  entre 
les  pensées  du  poète  et  l'iisage  qu'il  &it  du  genre  mascuIiÀ. 
'  A  la  fin  de  ce  second  chapitre ,  M.  Ottselèy  îàx  mention  des  Parsis  on 
adorateurs  du  feu,  établis  dans f  Inde,  et  particulièrement  de  ceux  qui 
habitent  Bombay.  II  dit  que  d'autres  voyageurs  avoient  déjà  fait  connohre 
tout  ce  que  ses  recherches  personnelles  lui  ont  procuré  de  renseignemens 
sur  cette  nation ,  et  cependant  il  ne  peut  se  dispenser  de  faire  mention , 
dit-il,  ce  du  modeste  et  très-intelligent  Firouz,  principal  destour  ou 
35  prêtre  des  Parsis,  et  communément  désigné  par  le  titre  de  Afoulla, 
a»  quoique  assez  improprement,  puisque  cette  dénomination  arabe  est 
9?  empruntée  de  ceux  qui  professent  la  religion  la  plus  opposée  à  fi 
»  sienne  et  la  plus  ennemie  de  la  doctrine  et  du  culte  des  Parsis.  V» 

Je  transcrirai  ici  ce  que  M.  Ouseley  ajoute ,  tant  sur  Firouz  que  sur  uii 
autre  Parsi ,  et  su  ries  Parsis  en  général  : 

ce  Firouz  a  passé  plusieurs  années  en  Perse  ;  il  m'a  assuré  qu'il  seroft 
»  impossible  de  trouver  dans  cette  contrée  aucune  personne  capable  de 
9>  déchiffrer  les  inscriptions  persépolitaines.  Je  lui  manifestai  le  désir  dé 
»  voir  le  Bar^au-narnih ,  dont  M.  AiK|uetii  du  Perron  parle  comrtie  d'ail 
j>  poème  de  plus  de  soixante  mille  distiques ,  ajoutant  que  l'exemplaire 
»  impar&it  de  cet  ouvrage,  apporté  par  lui  en  France,  étoît  unique  en 
»  Europe.  L'obligeant  Parsi  emprunta  d'un  ami  un  <fxemplaire  éix 
55  Bar:^ou-ndmèh  pour  me  le  communiquer ,  et  satisfit  ain  i  ma  curiosité. 
»  Après  en  avoir  lu  diverses  parties,  j'ai  reconnu  que  ce  |X)èrrie,  malgré 
»la  pureté  du  style,  et  Tintérêt  dès  histoires  qu'il  renferme,  n'esè 
39  cependant  qu'une  fbible  imitation  du  JVAtfA-ff^w?^  de  Firdausi ,  qù'H 
>>  n'égale  que  par  sa  longueur. 

»  J'ai  été   redevable  à  un  autre  Parsi  nommé  EJtlji»  homme  de 

>>  beaucoup  d*esprit,   de  quelques  volumes  zends  et  p(  hivîs ,  ^ui  sotit 

33  autant  de  spécimen  des  anciens  dialectes  de  la  Perse,  qu'on  e.îtènlï 

»  encore    aujourd'hui.  Fnouz  et  Edeiji  étoient  regardés  comme  fé^ 

»  hommes  les  plus  instruits  de  tons  ôeux  de'  leur  nation  -qui  sent 'établis 


488  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  à  Bombay  :  eux  seuls ,  diM)i^on  *  étoient  en  iat  de  lire  et  (f  expliquer 
aces  manuscritSt  fantiqae  langage  de  l'Iran  étant  preiqiiife  totziemeni 
?y  oublié,  el  le  persan  ni(>deme  mime  étant  tombé  en  déiuétude  parmi 
3>  lés  Pars»  de  Bombajr.  Cependant ,  quoique  les  Partis  aient  emprunté 
M  beaucoup  de  dioseï  dei  natiicHit  dans  les  pajrs  desquelles  ils  trouvent 
»  une  ^otection  contre  lespersécutioas  des  JVUhométans ,  ils  conservent 
P  encore  la  religion  des  Perses  leurs  ancêtres..  Je  ne  recfaerdierai  point 
»  ici  s'ils  la  conservent  dans  toute  sa  pureté  ;  }e  dirai  seulement  qu'ils 
^  retiennent  encore  assez  de  son  excellence  f.  pour  qn'elle  ait  un  àepé 
»  leinarquable  d'influence  sur  leur  conduite  morale.  Tout  ce  que  nous 
M  en  avons  ouï  dire  sur  le  lieu ,  confirme  ce  qui  a  été  rapporté  par  di  vers 
»  voyageurs ,  de  Factive  indastiiet  de  Fliospittlité ,  de  la  philanthropie 
»  çt  de  la  bienveillance  générale  des  Partis ,  et  n'a  pu  qu'augmenter 
»  ridée  favorable  que  je  m'élois  déjà  formée  de  leur  religion  ■  comme 
M  d'une  doctrine  qui  non-seulement  recommande,  mais  produit  effec- 
n  tivement  des  habitudes  vertueuses,  et  qui  rend  fu>nnètes  les  hommes 
»  et  diastes  ie%  femmes  qui  en  font  profession.  » 

-  C'est  aux  Psrsis ,  k  leur  religion  et  k  leurs  coutumes ,  qu'est  consacré  le 
troisième  chapitre  de  M.  Ouseley ,  chapitre  qu'on  peutconsidérer  comme 
une  sorte  d'excursion  ou  de  hors-d'ceuvre. 

Mr  Ouseley  pense,  comme  le  docteur  Hyde,que  les  anciens  Perses 
n'adoroient  que  le  vrai  Dieu:  c'étoit  en  son  honneur  que  les  prêtres 
entretenoient  le  feu  sur  les  autels.  AujounThui  même,  soit  en'  Perse, 
soit  dans  Flnde,  les  disciples  de  Zcroastre,  en  rendant  au  feu  une  sorte 
de  culte,  n'ont  point  réellement  d'autre  objet  de  leur  adoration  que 
Dieu  seul.  II  accorde  que  la  pureté  de  ce  culte  a  pu  être  altérée  à 
diffêrentes  époques  f>ar  des  schismes,  et  souillée  par  des  pratiques 
hérétiques;  mais  ces  altérations,  suivant  lui,  ont  été  de  peu  de  durée, 
t  été  adoptées   que    dans  quelques  districts  particuliers  de  ce 


ATOUT  jfijç.  4if 

Kolré  auteur  explique  ensuite.Ies  noms  de  Behdin  ^.0^9  et  Afa^- 
-ieiesnan  (^Luj^j^y  que  sedonnenUes  disciples  de  Zoroastre  :  le  premier 
signifie  partisan  de  là  religion  excelUnte;  le  second,  invocateur  d^  Ormu^d. 
Une  observation  de  JVl.  Ouseiey  assez  importante ,  si  toutefpis  elle  se 
trouve  confirmée  par. une  lecture  attentive  d\x  Schah-nameh  et  autres 
ouvrages  capables  de  ^e  autorité ,  c'est  que ,  toutes  les  fois  qu'il  s'agit 
<Ie  jSehonnagès  antérieurs  à  la  réforme  de  là  religion  par  Zoroastre ,  au 
lieu  des  épithètes  behdin  et  ma-^mesnan,  on  se  sert  des  mots  Pakdik 
^3  dlj ,  homme  d'une  religion  pure,  Khodapérest/I^ed-pérest  ou  Yeidân^ 
pérest  cx^^  ljb<k  — cki^  Ah'^o^^  ^Î^J:!»  adorateur  de  Dieu.  Ces 
dénomtntitions  sont  constamment  employées  comme  l'opposé  de  Bout-- 
pérest  i::^^jj^  o^  9  adorateur  des  images  ou  idoles  ;  ce  qui  démontre,  suivant 
Mi  Ouseiey,  que  le  dogme  de  l'unité  de  Dieu  fut  de  tout  temps  un 
point  capital  de  la  religion  des  Perses.  Nous  n'examinerons  pas  jusqu'À 
quel  point  cette  question  peut  être  décidée  par  lautorité  de  Firdausi 
qu'invoque  M>.  Ouseiey  apurés  "William  Jones  ;  nous  ne  demanderons 
pas  non  plus  si,  dans  cette  question,  ii  ne  faudroit  pas  distinguer  h 
doctrine  et  les  pratiques  du  culte  pmblic,  d'une  doctrine  plus  spirituel]^ 
et  plus  relevée  qui  *  avoit  pu  être  conservée  et  transmise  pendant 
plusieurs  siècles  a  des  esprits  supérieurs  au  vulgaire.  Nous  douons 
qu'en  examinant  la  chose  avec  impartialité,  on  ne  trouvât  pas  un  peu 
d'exagération  dans  l'idée  favorable  que  le  docteur  Hyde ,  et ,  après 
!uî,  M.  Ouseiey  ,  se  sont  faite  de  la  religion  des  Parsis,  > 

On  sait  que  les  adorateurs  du  feu  sont  appelés  par  les  Persan^  C*^^^'' 
y^i  owGuevry  jj^y  mot  qui  peut-être  n'es^t  qu'une  .corruption  de 
l'arabe  Cafr  jiLà»,  infidèle.  M.  Ouseiey  dit,  à  l'occasion  de  cei^p 
dénomination,  qu'Origène ,  répondant  à  Gelse  qui  avoit  fait  une  allusion 
aux  mystères  de  Mithra,  emploie  le  mot  Cabires  comme  synonyme  ^e 
Perses,  quand  il  dit  :  «  Que  Celse  sache  que  nos  prophètes  n'ont  emprunté 
»  des  Perses  ou  des  Cabires  rien  de  ce  qu'ils  disent.  »  (  Orig.  contr,  Celf. 
lib,  VI,)  Je  ne  conçois  pas  sur  quel  fondement  Thomas  Hyde,  que  suit 
ici  notre  voyageur,  a  supposé  que  les  Cabires  sont  synonymes  des- 
/^^rjfj".  Pourquoi  le  nom  des  Cabires  ne  seroit-îl  pas  pris  ici  dans  sa 
signification  accoutumée!  Je  ne  croîs  guère  plus  fondée  la  supposition 
de  Hyde  et  d'Hadrien  Reland,  qui  ont  cru  trouver  quelque  affinité  entr,e 
ie  mot  Guebr  j^  et  le  mol  hébreu  -lan ,  qui  signifie  docteur  ou  ministre 
de  ta  religion,  et  qui  a  passé  dans  la  langue  arabe.  Hyde  cite,  il  est  vrai, 
des  auteurs  juifi  qui  paroissent  avoir  entendu  sous  ce  nom  les  Perses; 
mais  il  est  bien  difficile  de  supposer  que ,  pour  les  Orientaux,  il  y  ait 
quelque  analogie  entre  nan  et  jx^n 

Qqq 


490  JOURNAL  DZ6  S&VANS. 

thitt  ce  Mto»  duqpiaè ,  M.  OvêAj  a  mutaMtJonjffaai^m'ibn 
de  tém«tga«g<t  yma  pntmr  jfA  divcnaf.  époques- de  ^fihùcointt  v 
panieriiiRMHtfMwk4]natstk4e*iiMMMUe>*lM«rMpia>Ai  fiw  <w 
tljréM  faftttuii  HwéwwiilMi  lefci«*v«^«^.ili!ii-j<e^»wi Mèdv 

ywrtBOBde-Jp.ff.r  p—  Jfe  TahgM^ufenVfnifiHilBiy.iiyiée. 

fia  ptifHlt-i*i  ftnU  «nbiis^tliÉle,  M.ONtdbBFMad.io»Mi 

"ye.'Wiffilun  lone»  «tméoMM»  les.  Kmctlffciidu:à.k£itirtiHe'iï«r 
^teTMt  frMÇsl>.'Aice«ujet,  if  ttaQJgne  Je  deurde  «voir  ûM.  Aa- 
Cpwtil,  tpD  Moit  aimoncé  que  ton  dessnn  ^ébiit  defiNincr  un  dictio»- 
ntlre  de  loin  les  f««s  des  idiomessoid  et  ))^iri  qai  «an^dam  le*  livres 
'ieadem  et  iMdmws  des Panù,  a  «zécnté^e projet >«t  slU  dmsé^des 
-gimmaires  de  ces  langues.  Je  saisn  cette  occanon  d'Instruire  le  public 
qull  ne  Vest  trouvé  ta  grammairei  ni  dictionnatres  de  ces  iangues  duos 
iëa-pq>fevs'de -M.  Anqnetil,  et  quefe  tiens  de  Int-tnème  qu'il  n'avott 
t  exécuté  h  tmwl  qu^il  troit  autrefois  projeté  rdativemeot  à  ces 


iir, 


Après  la  longue  excorûon  qui  occupe  3e  chapitre  lll  en  entier, 
fantenr  reprend,  dans  le  chapitre  iv,  Fordre  des  ^énemens,  depuis 
'fettditrquement  de  Tambassade^  Bombay,  josqu'ï  son  débarquement  à 
'Boost^re.  Ceqne  ce  chapitre  ofïre  de  plus  intéressant,  ce  sontqnelques 
détails  historiqaes  et  géographiques  sur  Hle  d'Hpnnuz  <t  les  autres  {les 
du  gc^  Persique,  ainsi  que  sur  la  ville  tnaritiine  de  Siraf,  qui  Aiti 
sous  le  règne  des  Abbasides ,  le  centre  du  commerce  des  Arabes  avec 
Tlnâe  et  fa  Chine.  Les  notes  de  ce  chapitre  contiennent,  comme  celles 
'de  tout  Touvrage,  un  assez  grand  nombre  de  reciierches»  de  citations, 
et  d'observations  philologiques  intéressantes,  sur-tout  pour  les  personnes 


AOUT  1819.  431 

que   des    monnoies-,    da  pierres   gravées   et  dej    urnes   sépulcrales' 

Pendant  le  séjour  de  l'ambassade  dans  son  camp,  des  nuées  de  sau~ 
lerelles  couvrirent  à  plusieurs  reprises  les  environs  de  Bomchire.  On  e" 
distingue  de  deux  espèces,  l'une  qu'il  est  permis  de  manger,  l'autre 
doni  l'usage  est  regardé  comme  illiciie.  M.  Ouseley  croit  que  le  dom- 
mage que  ces  sauterelles  causèrent ,  fut  compensé  par  l'abondante  nour- 
riture que  leur  chair  fournil  aux  habîtans.  Noire  voyageur  assure^h 
avoir  mangé,  apprêtées  de  diverses  manières,  et  ne  les  avoir  pcmlt 
trouvées  désagréables  au  goût  ;  leur  saveur  lui  a  paru  approcher  de  celle 
du  homard  ou  de  la  chevrette.  On  a  souvent  supposé  que  les  aîtes  des 
sauterelles  ofïroient  certains  mots  écrits  ;  suivant  quelques  auteurs  musul- 
mans, oft  y  lit  en  arabe  cette  longue  légende  :  «  Nous  sommes  l'armée 
»  de  Dieu  :  nous  avons  chacune  quatre-vingt-dix-neuf  oeufs;  ei  si  nous 
»  en  avions  cent,  nous  détruirions  le  monde  et  tout  ce  qu'il  contient.  ■ 

M.  Ouseley,  accompagné  de  quelques  autres  personnes  de  l'aniba»- 
sade,  alla  visiter  les  ruines  deRischehr,  ville  qui  paroît  avoir  été  beaucoup 
plus  considérable  que  ne  l'est  aujourd'hui  Bouschire.  Si  l'on  en  croyoit 
une  tradition  locale,  on  ne  pourroit  pas  douter  que  Rischehr  n'ait  été 
autrefois  une  ville  très- importante  ;  car  on  assure  que  plus  de  sept  cents 
familles  de  ses  fiabitans  étoienl  occupées  i  tailler  et  à  polir  des  corna- 
lines et  autres  pierres  dures,  qu'on  y  apportoit  de  Cainboye,  ville  de 
rinde.  Il  y  a  certainement  quelque  chose  de  vrai  dans  celte  tradition, 
puisque  les  ruines  de  Rischehr,  et  la  plaine  où  elle  étoic  située,  sont 
SemÂs  d'une  immense  quantité  de  fragmens  de  ces  pierres. 

D'après  fe  témoignage  d'un  écrivain  persan  ,  on  a  lieu  de  croire  que 
rinsalubrité.de  Pair  a  beaucoup  contribué  à  la  dépopulation  et  à  la  ruine 
de  cette  ville.  Les  Portugais  y  ont  eu  un  établissement,  et  on  leur 
attribue  la  construction  d'un  fort  dont  il  existe  encore  des  ruines. 

Le  voisinage  de  Bouschire  offre  un  assez  grand  nombi-e  d'objeti 
inléressans  pour  les  amateurs  de  l'antiquité,  telles  que  des  voûtes  sou- 
terraines, ou  chambres  sépulcrales,  où  l'on  Toit  des  inscriptions  en 
caractères  totalement  inconnus,  des  ruines  de  canaux  et  d'aqueducs, 
des  puits,  des  pierres  gravées,  des  médailles,  des  fers  de  flèche,  det 
cylindres ,  des  amulettes ,  des  briques  avec  ou  sans  inscription ,  pareilles 
ï  celles  des  ruines  de  Babylone;  enfin  des  vases  remplis  de  graines  de 
mauve,  et  des  urnes  funéraires.  Les  premiers  sont  formés  d'une  argile 
jfial  cuite;  les  semences  de  mauve  dont  ils  sont  remplis,  tomljeni  en 
Jïoussîèredès  qu'elles  éprouvent  leconiact  de  l'air.  On  dit  que  les  Guèhrei 
ou  adorateurs  du  ftu  gardoîent  religieusemeni  ces  semences  sous  leurs 
Maisons,  par  une  suite  da  respect  qu'ils  avcHem  powr  cette  plante,  qui 

Qqq  2 


J 


4pi  JOURN-AL  DES  SAVANS, 

est  une  de  ceHes  dont  les  feuiUes  et  les  fleu^  «^enl  h  mmi^i^v^at 
et  se  tourneilt  vers  cet  astre,  etpotirjM|tttteb-4St-pa,  F)4hig<ilniï-avort 

une  singulière  vûiiéraiioii.  M.  Ouseley  suppose  que  celle  j^wique  ptut 
tenir  i.  l'usage  que  les  Parsis  fais<Heril,  à  un  cerlaiii  jour  de  raniiée» 
d'une  racine  ou  substance  végétale  nommée  Rihmen  ou  Bahman,v\  qui 
ilpit  censée  avoir  quelqive  rapport  nvec  l'ized  Babnian  :  mais  ce  rapproche- 
^|lt  n'tii  fondé  que  sur  l'observation  faiie  par  un  écrivain  arabe,  qui 
^^ue  la  feuille  de  ia  plante  nommée  Baliman  ressemble  ù  celle  de  l'es- 
pace de  mauve  ou  althaa  appelée  par  les  Arabes  khoha?J  (jijL^  ;  et 
nous  devons  avouer  qu'un  pareil  fondejnent  est  bien  insuffisant.  Au 
surplus, «r nous  «eiid^e  que^M.-OusAlcjrtHtTfei'Pffinier  qiÂ.&.-&it  coa- 
âtÂpe  la  décottveKetie  eeskT83«l  oMptit  «iR^^eaiéift^e*  deniufpK. 
'  -Qtiflhtauz  urnes.- fuhéraires  ^t  se  irowttnt- çbps  -  le  yoUinage  de 
Bouscbirev  MM.  M«Icoh«et  Monfr.  les  ont  4éjà -ûit  connoître  ;  mais- 
noak-devons  ^  M.  Quselejr  une  dÀcrîption,plus  détaillée  'de  ces  urnes 
•It  de  ce-qu'eUes  renfemièiU.  Ob'  geiue  de  décwveMes  ezcitoit  particu- 
If^fipnent  la  curiosili  de  notre  Vayl3geur„|{  ent  r«nd  i^^q  en^estef  inet  : 
•il  Pendant 'plusieurs  années  consactéfsA'fÉiwd^dù  ju^fiquités  orien- 
»  .taies ^;  j'ai  donné  une  attention  particultèire  à-fout  ceijiii  t^oncerne  les 
MUlages  des  funérailles  et  les  rites  des  sépuïtutjBS,  Je  suis  .fort  porté  à 
»lcrotre  que,  chez  les  Perses* des  :âges  qocions,.  beaucoup  de  corps 
»itoîent  confiés  à  la  terre  tout  entie»  et-dans. ieuK  éW  ipaïu^el,  que 
»  quelquefois  même  on.  avoit  recours  a^z.emb^nifraens.pqur  Içs  pré- 
M  server  de  ladestruciiori.et  oppçisêrvn  p^iafjç  ^ux-.riivages, du  mips; 
»quo>q):rïI  soit  hors  de  .doute  que  ks^  }lyl)dfy-laès^ô^i^^es  ou  Parsis,  en 
M  abandonnant  aux  oiseaux'  et  aux  béles  les-corps^moru^  pour  qu'ili 
M  les  déchirent  et  en  déirukent  Foiganisatkin,  ne  £oni  qu'imiter  les  usages 
»  de  leurs  ancêtres,  qui,  comme  nous  l'apprenons  de  divers  écrivains 


lfû$^Toi>  un  grâue  et  les. autres  parties  osseuses  d'ua  squelette.  Ces 
9^^%%  ne  soj^t^pas  toutes  exactement  de  fa  même  dimension  1  dans 
IjiJaç,  d'elfes.,  on  a  trpuvé  les  ossçmens  d'un  enfant  joints  k  ceux  d*un 
.jKluIt^,çIe  peute  taille.  Les  îirnes  parpissent  avoir  été  euduftes  întériéu- 
rein eritî d'une  substance  bitumineusç;  elfes  rie  portent  extérieurement 
aucune  inscription.  M»  M^lcolip  a^entehdu  dire  qu^ori  trouve  de  sem- 
blables urnes  funéraires  non- seulement  aux  environs  deFoùscbire.  mais 
aussi  dans.  4'autres  contré^^  de.  la^Perse  :  M.  Ouseley ,  aa  contraire» 
affirme  n'avoir  jamais  pu.  obtenir  s^cun  renseignement  sur  une  ^ém- 
oïable  découverte  ^te  aiifeùrs  gué  dans  le  vohinase  de  Bouscbfre.. 
fious.qroyons  devoir  copiei:  ICI»  du  moins  en  partie,  ce  que  m.  Ouseley 
dit  au  sujet  de  ces  moaumens  tunepres..    . 

Apjès  avoir  &it  observer. <jue  ces  urnes  n'offrent,  comme  notis 
Tavons,  déj^  dit,  ni  inscription  >  ni  aucun  autre  signé  qui  puisse  mettre 
sur  fa  voie  pour  Connoître  Fépoque  à. îaque fié  elfes  appartienne^^ 
ajoute:  ce  Eu  aucun  temps  les  Msihbmétans"' rifont ,  été  dans  l'usagé  de 
»  ^enrçrmer  ^ipsi  W$  rejstes.  des  corps  humains.  jL^e^te  pratique  n  est  pas 
»  .moins  incQpque  aux  adorateur  s  du' feu,  qui,  soit  en  Perse,  soîl  dàhi 
»  rinde  ,  se  contentant  de  rassembrér',  ajîrès  certafnes  périodes  dé 
"  temps ,.fevps$einens de  leurs  morts  qui,  jusque-là,  étoient  rest^ijlx- 


•►  et  les  faissoierit  exposés  aùxic'&ièni  cltjâux  ofsé^i  de  proie,  Agalfiîas'» 
»  écrivain  postérieur  de  peu  à  Proc6pé,'ait''ëncoré  pfus  expressément 
»  qu'ils  ne-rfe^Jîértnetrcrieîit'hi  ffëntert-èf-Ies  morts,  ni  de  les  enfermer 

*  dans  une  boîte  ou  un  coffre  quelconque.  Toutefois  Fauteur  persan  ày\ 
»  Lubb  ahéwarikh ,  ou  Afô^llt  ê^^muttf;  dans  un  passage  qui  a  [été 

*  connu  de  d'Herbefot,  mais  n'a  été  exactement  traduit  ni  par  lui,  ni 
>»  par 'GauIAîW, *^uf  ^nous  'dë*c>rk  «he  tMducribii  btîiie  "de  cé$ '  abr^ 
^^dlôstoim  et  di  çhronpiogfè ,  .dit  qit^e  fes.tomhesytnc^OH  s^utîunet^des 
3*  i^oist  jfes;  P^^sjie  ^  aniéf jeureinent .  «^  i|'|s|^pisnpe ,.-  ^toi^nt^  de  trois,  sortes. 
»Lesunsi  ajoute- t-if,  étoient  inKumés  dans  des.  cavernes  6\x  dokhmek 
«pratiquées  dans  des  montagnes;  d'autres  étoient  déposés  dans  les 
3»  interstices,  des  mon^aenes,  et  on  les  recouvroit  de  pierres,  en  sorte 
»  que  leurs ^pultu^es  fofinassent.un  tertre;  d autres  enfin  etoient  putcé^ 
»  d^s  dçs.cruc^çs>  et  cçnseryés  dans  fa.  terre.  »  M.  Ouselëy  feonvîent 
.que  cet  é.crivam  ne. parle 'qiié4es!tot^^  ifpense,  et 
f^e  me  sembfe  ^veç  raisoiij  que'îe  grand  nombre  diurnes  filnérafrés 
^^"^.im^^^^^                                                   4éra6htrc  évidemirierit 


ii>i 


JOURÏ^AL  &Éh'kkVk'SS, 


que  cet  usage  n'étoîi  pas  borné  exclusivement  aux  corps  des  rois,  La  sîrti- 
pficité  extrême  de  ces  urnes  est  encore  une  forte  raison  de  penser  que 
ce  genre  de  sépulture  n'éloît  pas  un  privilège  réservé  aux  hommes 
constituas  en  dignité  ou  d'une  naissance  illustre.  HnHn  notre  voyageur 
remarque  qu'on  a  observé  ce  même  genre  de  sépulture  sur  les  rivet 
escarpées  du  Tigre,  près  des  ruines  de  l'ancienne  Ctésiphon. 

Dans  le  même  chapitre,  à  l'occasion  de  la  manière  de  vivre  des  ha- 
liitans  de  Bouschire ,  que  la  mer  fournît  abondamment  de  poisson , 
S\.  Ouseley  donne  queîques  détails  sur  les  requins  et  les  cétacés  du 
golfe  Persique,  dont  une  espèce,  connue  sous  le  nom  de  wa/  JL,  dé- 
nomination qui  rappelle  le  wfia/e  des  Anglais  et  le  vahl  des  Allemands , 
semble  avoir  donné  son  nom  à  une  île  de  ce  golfe. 

Quelques  détails  sur  les  bouffons  ou  hati  des  Persans,  sur  îèur» 
lutteurs,  sur  leur  musique  et  les  instrumens  en  usage  parmi  eux,  tels  que 
le  kemantehih  a^I/*,  sorte  de  vioie;  la  musette,  ndi  anbanih  «jUif  jU; 
le  chalumeau ,  rai  ^jU ,  ajoutent  à  l'intérêt  de  ce  chapitre ,  qui  se  termine 
par  une  notice  des  domestiques  qui  sont  attachés  au  service  des  voya- 
geurs, et  une  description  des  ustensiles  dont  chaque  voyageur  doit  être 
pourvu. 

Nous  réservons  pour  un  second  article  Textraii  du  chapitre  vi,  qui, 
■vec  Vappeadix,  occupe  près  de  fa  moitié  du  volume.  Cette  dernière 
partie  de  fouvrage  offrira  encore  plus  d'intérêt  que  la  première;  cy  ce 
n'est,  à  proprement  parler,  qu'à  partir  du  cinquième  chapitt'e  què  Com> 
mencç  le  voyage  en  Perse  de  M.  Ouseley. 


4m 


'AdÎJTlRip. 

.cwresponclem  b  ces  trois  ouvrages, ei  dont  chacune  tomîenl  enviroo 
dnquante  articles  qui  en  sont  extraits.  Tous  ces  articles  sont  pris  dans 
ïes  premières  parties  de  chaque  dictionnaire;  savoir,  dans  celles  qgi 
concernent  les  lettres  A,  B,  C.  Ce  sont  des  exemples  par  lesquels  le  public 
peut  juger  de  tout  le  travail  qui  lui  est  promis,  en  apprécier  le  fond  et 
les  formes,  l'esprit,  la  méthode  et  le  style:  ivicun  prospeçim ,  aucurys 
dissertation  préliminaire ,  n'en  auroit  pu  donner  une  idée  plus  précise  pi 
plus  honorable.  Aussi  Fauteur  a-t-il  réduit  à  un  très-petit  nombre  de  pagçs 
l'avenissement,  où  il  rend  compte  du  plan  qu'il  a  conçu  et  des  règles  qu'jl 
s'est  prescrites.  Il  en  dit  assez  néanmoins  pour  laisser  voir  qu'il  n'a  été 
dirigé  dans  ses  longues  études  que  par  un  ardent  amour  de  la  vérité.  II 
avoue  que  l'examen  approfondi  des  faits  et  des  textes,  des  mots  et  det 
idées  qu'ils  expriment,  ne  l'a  souvent  conduit  qu'à  de  simples  conjec- 
tures; et  l'unique  droit  qu'il  réclame,  après  un  si  mûr  et  si  laborieux 
examen,  est  celui  dâ  ne  rien  assurer. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point  k  la  seconde  partie  de  cesptcîmen  ;  elle 
n'occupe  que  cinquante-quatre  pages  ,  et  n'est  destinée  qu'à  reproduire 
sommairement  les  notions  exposées  dans  la  première.  On  y  voit  comment 
chaque  article  de  V Abrégé  du  Trésor  des  Origines  de  [a  /angue/rançaisf 
résumera  l'am'cle  correspondant  du  Tre'sor  même;  comment  les  preuves 
développées  et  les  textes  cités  dans  le  grand  ouvrage  seront  seulement 
indiqués  dans  l'abrégé;  comment  néanmoins  celui-ci  doit  en  recueillir 
et  enchaîner  tous  les  résultats.  II  est  apparemment  destiné  aux  lecteurs 
qui ,  contens  de  prendre  une  idée  de  toutes  les  opinions  proposées  par 
les  étymologistes  anciens  et  modernes,  y  compris  l'auteur ,  ne  voudront 
pas  suivre  le  fîJ  des  recherches  et  des  discussions  ;  mais  on  conçoit  qu'il 
pourra  servjrencore  à  rappeler  en  peu  de  mots ,  aux  lecteurs  plus  instruits 
ou  plus  studieux,  toutes  les  notions  relatives  à  l'origine  de  chaque  mot 
français,  et  qu'il  posera  du  moins  toutes  les  questions  à  résoudre  pour 
les  déterminer. 

L'origine  d'un  mot  est  purement  naturelle,  quand  il  y  a  onomatopée» 
c'est-à-dire,  reproduction  de  sons,  ou  bien  encore  quand  ce  mot  semble 
une  image  immédiate  des  formes,  des  caractères,  des  propriétés  de 
Fobjet  qu'il  représente  :  mais  presque  tous  les  mots  français  sont  em- 
pruntés d'idiomes  plus  anciens,  du  latin,  du  grec,  du  celiique,  des 


langues 


septentrionales  ou  orientales  ;  et  l'esprit  de  système ,  en  celte 
matière,  consiste  à  faire  dominer  l'une  de  ces  espèces  d'origines  sur 
toutes  les  autres,  à  la  considérer  comme  la  plus  ordinaire  ei  la  seule 
générale.  M.  Pougens,  persuadé  qu'aux  époques  où  les  voyages,  le 
commerce,  les  invasions,  les  transmigrations,  les  grandes  crises  de  la 


496 


JOURNAL  DES  SAVANS. 


nature ,  ont  confondu  ou  rapproché  les  peuples  »  Ici  idi(»ne«  ont  iA  ttibSt 
le  même  mélange,  annonce  qu'il  ne  sent  m  exclmsivtment  orlentaléhe ,  td 
partisan  exclusif  des  oi;}ffnts'ïm$entrio!ialfS..t^Vr^  taét.a.fhyà(fie;  dit-it, 
»déà^^àès  TÂtdâ' ^it6tK««s',  une. étude' appr^ndie  de Tldstoûre, 
j1  aua&rc[û^'  est  Ipenâii  i'fii^rit  hiÀnain  (feh  détnéTer  les  pnMijiàut 
•'fiitS  à' ti^irns. ^T^iH dés'timps  éi des ^les gai  le  pKsseht  aUtout- 
M  du  hffKXtH  dès  j^jifes ,'  fhitiifaâe  de  comparer  ï4usie,urs  langues  ,entrè 
■» ^Ik,;  enfiA  Tanalogie ,ifi»ïi «q me déââtit'tc^MRt)» tfb ses  duigqpiue» 
N.Hïjceptions.:  télS'Soni  les  nfoyens'^^e  |-'ai  cru  3èt6îr  employer.  >• 

'  Sur  le'mbt  ACHETER  PauieuT  commence  par  indiquer  les  drrerseï 
manières  dont  il  a  été  Jadis  écrît:  asketer,  açattr,  aciatèz,  acàajtter, 
aclitpt'tr,  ackejier.  Les  anciennes  orthogAiphes  •  peavepr  mbttK  sur  la 
Vote  des  étymofogies  :  un  autre  soin ,  qm  tend  au  même  but ,  est  de 
rapprodier  du  mot' dont  on  s^occupe,  ceux  des  autres  langues  qui  lui 
ressemblent  à-Ia-fois  par  leur  composition  syliabique  et  par  leur  signi- 
fication; maïs  le  mot  français  acheter  ou  acattr  ne  se  rapprodie  ainsi  que 
du  Tietuclnot  italien  r^rfiirf  ou  accacart,  emplt^é  par  Jean  Villani  dans  le 
sens  S^  'mtnditr,  ou  emprunter,  et  du  mot  latin  barbare  accaptart,  qui, 
\eIon  Cà^eneuve ,  signifioic  primitivement  et  proprement  se  rtndre 
vassal  d'un  seigneur.  On  a  cru  démêler. dans  acceptare  fa  racine  cap 
OM^'èaput,  etron  a  dit  que  IV(i/'/,<irii^//oua(Âa/>r,nedésignoit  d'abonj 
qùeI^,droît  seigneurial  qui  se  payoit  à  chaque  mutation  dé  cap  ou<fe 
léte,  mais  qu'ensuite  il  a.  exprimé,  par  extension,  toute  somme  payée 
jpour  l'acquisition  d'un  objet'quelconque. 

M,  Pougeni  s'arrête  peu  &  Popinion  de  Vossius  et  de  Barbazan,  qui 
font  venîr.le  verbe  français  aiheter  de  Tancieft  verbe  latin  acceptare.  M 
nous  semble  que  cette  origine  pouvoit  mériter  plus  d'attention.  Nous 
trouvons  dans  Plaute,  acceptare  argentum,  recevoir  de   Targent;  dans 


AOUT  1819,  4^]Pi\ 

tkèse  qui  donne  à  ce  terme  une  origine  septentrionsile.  En  effel/randen  . 
îdandaîs ,  fa  langue,  finnoise  »   l'anglo-saxonne  ei  les  autres  idiomes  du 
Nord,  offrent  les  mQts  kaupa,  caupaa,  kep$an,chauptun,  et  qui  tous  veulent- 
dire  acheter 9  échanger,  négocier,  et  qui  ont  laissé ,  avec  des  significations  > 
à  peu  près  semblables,  haufen  xlans  la  langue  allemande,  cheapen  dans 
Fanglaîse,  kupiti  dans  ceHe  des  Russes,  &c.  On  a  rapproché  ces  mots  dit/» 
grec  «^Ao^,  marchand,  4u  latin  caupo^  caupona,  cauponari:  on  à  pensé  . 
qu'ils  avôient  pour  racine  commune,  ou  bien  la  syllabe  ^^/^^ signifiant  > 
contenir,  ouibien  la  particule  copulative  co  unie  par  contraction  avec  le^ 
substantif  II/9J, biens  ou  richesse;  et  en  recourant  d'ailleurs  au  mot  grec  - 
wn-,  fracture»  scission,  partage,  au  mot  hébreu  *ism  [schikar  ] ,  qui  signifie  c 
également  couper  on  vendre,  on  s'est,  à  ce  qu'il  nous  semble,  de  plus» 
en  plus  éloigné  du  mot  fi'ançais  acheter,  dont  il  s'agissoit  d*expliquer  ' 
Forigine.  Aussi  M.  Pougensse  contente- t-il  de  recueillir  ces  observation! , 
accessoires  :  il  s'en  tient  aux  syllabes  kepta ,  qui ,  plus  ou  moins  modifiées , . 
signifient  acheter  dans   les  anciens   idiomes  septentrionaux  ;  et  cette 
étymologie  nous  sembleroit  en  effet  la  plus   probable,  si  l'on  croyoit 
devoir  écarter  de  cette  question  le  mot  latin  acceptare.  De  cet  article 
acheter,  Fauteur  nous  renvoie  à  Farticfe  cheptel ,  qui  pourroit  sans  doutt 
contribuer  à  éclaircir  le  premier,  mais  qui  n'est  point  entré  dans  ce  spt* 
cimen.he  cheptel  e^tun  bail  de  bestiaux  dont  le  profit  doit  se  partager,  par . 
chefs  ou  têtes  de  bétes ,  entre  le  bailleur  et  le  preneur.  Quelques  au  teurs,  et 
particulièrement  du  Cange,  font  dériver  ce  mot  de  chef  ou  caput;  mais 
d'autres  le  prennent  pour  une  altération  du  mot  celtique  ou  bas-breton 
chatal,  chapiai/,'q\û  veut  dire  troupeau.  L'exemple  que  nous  venons  de 
mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs,  est  Fun  des  moins  compliqués,  et 
néanmoins  il  peut  déjà  montrer  combien  les  problèmes  dont  M*  Pougens 
s'est  occupé  étoient  épineux  en  eux-mêmes  ;  combien  peut-être  ifs 
fétoient  devenus  davantage  encore  par  les  rapprochemens  qu'on  avoir, 
de  toutes  parts,  accumulés  pour  les    résoudre;  mais  combien  aussi 
Fauteur,* par  cela   même  qu'il  n'a   mis  presque  aucune  limite  à  ses 
recherches,  a  senti  la  nécessité  d'être  extrêmement  réservé  dans  ses 
conclusions. 

Parmi  les  discusions  étymologiques,  il  en  est  plusieurs  qui  entraînent 
Fexamende  certaine  points  d'histoire;  c'est  ce  qu'on  reinarquera,  dans  ce 
spécimen  t  aux  articles  Amazones ,  Assassin,  Bachelier,  Barde  y  Bohême  ou 
Bohémien,  &c,t  Fauteur  y  ex|x>se  a^ec  une  clarté  parfaite  les  opinions  des 
savans  sur  les  faits  que  ces  mots  rappellent.  L'éiymologie  du  mot  bous^ 
sole  pcuvoit  se  séparer  davantage  de  la  question  relative  au  lieu  et  à  l'époque 
011  cet  instrument  fut  invemé.  Les  Toscans  disent  bosspjci;  lesVéï^ôens, 

Rrr 


4f9  JOURNAL  DES  SAVANS, 

h»^!oi  les  Espagnols  t  bruxula;\ts  AngFais,  hfxti.  riut*tl  < 
^est  une  altémion  de  i«v»«/p,  peitte  bourrer  owft' (&niniuif 'de- j/iur« 
quii  en  caitilki))  lignifie  sarcihti  ou  lu)- dérirfrt  ioit  d«  riuJien'  /■/»> 
tfou  (faiguillei  soit-du  Istin  tuxts,  bwisj'Oit  ca^-Ie  ^nAnaiiSàit^iuth, 
fyxit',  boliet  Quelque  chohc  qu'on  ftué  entn  cci  hypolbèict/dpiit  h- 
dtmièiv  noui  semblp,  cMnme  \  M^  Pougtms,  de  beaucoup  (■  plus  naftti^  - 
relie,  elles  font  toutes  à  peu  près  étiangdres  &  Hiittotft  de  fk •découverte.; 
dcUboMuole.  Cepeiiflu>t>vu  FonportanCe  de  cette  inTentiohi  Pniiear- 
acrukpropoi  de  placer  ici  nn  exposé  dei  principales  opinïMis  sur  une-- 
queiiion  qiri,  dit-il,  n'a  pas  encore  été  décidée  (Tune  manière  satisfai- 
sante. II  donne  en  efièt  une  analyse  rapde  et  lamineiiie-de  tout  oe  qui  a- 
été  écrit  sur  ce  sujet ,  depuis  Pofydore  Vigile  jusqiA'  M.  Deuber,  qui  Fa  • 
traité  en  1 8 1 8  dans  une  histoire. allemande  de  la  navigation  [i }.  M;  Pou- 
gens  conclut  que  les  Chinois  et  les  Arabes  n'ont  connu  la  boussole  - 
qu'après  le  Xlll.*  siècle,  et  seulement  parsuiie  de  leurs  rapports  avecles 
Européens;  que  les  Italiens  et  les  Frartçais  sont  les  seuls  peuples  deTEu- 
repe.qui  puissent  se  disputer  Thonneur  de  cette  découverte,  et  que  h 
bllance  semble  pencher  en  faveur  des  Français.  Nous  nous  abstenons  - 
d'élever  aucun  doute  sur  ces  conclusions,  de  peur  de  nous  éloigner  des 
questions  purement  graminaitcafes  qui  ont  été  f  objet  essentiel  des  tra- 
vaux de  M.  Pougens. 

Son  Dictionnaire  ni:onné  de  la  langue  Irançaîse  nous  parott  d'autant 
plus  digne  de  l'attention  des  hommes  de  lettres,  qu'il  tend  à  remplir  une  ' 
lacune  dans  notre  iittétature.  Il  n'existe  en  effet  aucun  grand  dicttonnaire- 
dc  noire  langue  qu'il  nous  soit  permis  de  mettreen  parallèle  aveC'Ceuz 
dont  s'honorent  les  Italiens,  les  Espagnols,  les  Anglais  et  les  Allemands. 
L'inventaire  d'une  langue  vivjuiie  n'est  complet,  n'est  instructif,  qu'autant 
qu'il  fait  connoître  d'abord  l'orthographe  de  chaque  mot,  sa  prononciation. 


AOUT  I.819.  i^ 

de  tenrps»  de  personiies;  enfin  les  règles  de  lemploi  qu'il  convient  d'en 
faire,  s'il  est  suranné»  s*il  est  nouveau,  à  quel  style  il  appartient  ;  asnk' 
ment  il  se  construit  avec  les  autres  éicmens  du  discours ,  et  quel  usage 
en  ont  fait' les  bons  écrivains.  Telle  est,  autant  que  noiis  en  pouvons 
fug€t  par  quelques  exemples,  Téti^ndue  du  pian  que  s'est  tracé  M.  Pou*^ 
gens.  II  est  vrai  que  les  articles  qu'il  a  Choisis  pour  en  composer  a^ 
spécimen ,  lui  ont  fourni  fort  peu  d'occasions»  soit  de  comparer  entre  eux 
des  mots  vulgairement  considérés  comme  synonymes,  soit  de  résoudre 
des  questions  de  syntaxe,  soit  d'appliquer  des  principes  généraux  de 
grammaire;  mais  nous,  croyons  que  les  lecteurs  éclairés  et  attentifs,  qui 
xonfrofnteront  son  travail  ^  ceux  dn  même  g^enref  donneront  des  élog^ 
à  la  clarté  de  ses  définitions,  à  la  pureté  de  son  style  et  à  fheureiàc 
choix  qu'il  a  fait  d'exemples  classiques.  Il  commence  chaque  article  par 
des  notions  étymologiques  qu'il  extrait  de  son  Trésor,  ou  plutôt  de 
Y  Abrégé  Aq  ce  Trésor:  ces  notions,  après  avoir  ainsi  subi  deux  analyses, 
semblent  réduites  à  leurs  plus  simples  termes,  à  leur  plus  étroit  espace; 
nous  ignorons  pourtant  si  les  mots  latins,  grecs,  orientaux  et  septea* 
trionaux,  dont  elles  sont  encore  ici  parsemées,  n*auroient  pas  le  double 
inconvénient  d'accroître  la  dépense  de  l'impression  de  l'ouvrage,  *et 
d'effrayer,  par  l'aspect  de  tant  de  caractères  étrangers,  les  lecteurs 'qui 
ne  chercheroientquê  la  connoisisfance  immédiate  des  mots  de  leur  px&ptt 
langue. 

On  nom  demandera  saâs  doute  un  exemple  (H'après  lequel  oh  puisse 
porter  un  jugement  sur  nos  propres  observations  :  voici  l'article  CkBisir^ 
rions  en  retinancherons  seulement  la  plupart  des  exemples  :  l'auteur  en'dté 
MdinairemeAi  deta  ou  trois,  ou  même  qilati^,  à  l'appui  de  cbacunfe  de  SM 
défiiiitionfl  en  (fe  ses  réflexîbns  ;  c^est  lin  soin  d<>nt  ses  lecteurs  lui  âoroift 
gui,  et  auqtief  nom  né  pouvons  qu'applaudir;  mais  noifs  devons évtttr 
Rallonger  notre  êittrait  par  Urt  trop  grand  nombre  de  transcriptions.  ' 

w  Choisir,"^.  8.  [verbe  actif].  On  a  écrit  autrefois  eoisiri  ancien  prb- 
Mvençal,  eàûsiir;  lànguedtKJen ,  câusi;  italien,  ciausire;  anglais,'  h 
^  chust,  âtc. ...  I.  Selon  Bôufcfelot,  du  mot  éihœriiart,  fréquentatif  forgé 
»  du  mot  qnùtftrt.  il.  Selon  Méiiilge,  du  latin  colligert,  étymologîe  dénuée 
»  de  vraisemblance.  III.  Selon  E.  Skinner,  Fr.  Junius,  Jhre,  M.  A.  W.  dfe 
»  Schlegel ,  &c.  ,du  mœsogothique  /itasan,  choisir,  ....  du  suiogothiqdb 
>>  kiâsa, ....  mots  q«H  se  rettx>uvent  dans  le  persan  goiy^f^»* ...  et  qui, 
»  selon  Olaiis  Rudbeck,  Atlant.,  appartiennent  à  la  langue  punique.  i>- 

(  Nous  avons  siipprimé  les  caractères  septentrionaux  et  orientaux,  et 
même  aussi  quelques  autres  mots  pris  de  ces  deux  classes  de  langues. } 

«  I.*  Préférer,  par  ijin  acte  libre  de  sa  volonté,  et  d'après  un  examen 

Rrr  2 


'joo  JOURNAL  DES  SAVANS. 

M  comparatif,  une  personne ,  une  chose»  un  objet  quelconque ,  use 
i»  jouissance,  une  opinion. . . . 

Mijrennr  a  dn  vertnt  qa*on  ne -peut  trop  cMrir; 
'  Er{e  k<A«înm*j  si  je  poavoisf fouir.  (  Hatriadt.^} 

-    »2,'// jr</i/ des  personnes  que  Ton  desâoe,  que  ronnMnmeàune 
'»  ftnction,  à  un  emploi  quekooqoe. 

Le  roi  doH  à  Km  fili  eheuir  dd  goavencar.  fC9HiàtU....J 

a»i*  CMs0-  signifie  auiâ  chercber  qy  démêler  dins  la  fbule  ua  in- 
'v'cEndn,  un  ob\et  quetcm^ue. 

Pcnt-on  dontcr  de  la  providence ,  et  que  le  cuon  qui  a  chohi  de  loin  M.  de 
Tnrenne  cuire  dix  hommei  qui  étoient  antour  de  loi,  ne  &t  Aârgé  de  toute- 
^temiié!  (Shignf....) 

3»  Ck  aisir  s'emploie  quelquefois  absolument ,  sans  régime  : 

Par  foit  c'est  bien  ckgit'ir  de  ne  cEioisir  pu.  ( Atontaigne...,) 
'  Devine.  >i  tn  peux,  et  choisit,  si  tu  i'oKs.  (ComtitU..,.) 

M  Le  verbe'  choiMtr  est  ordinairement  suivi  des  prépositions  entre, 
^parmi. 

Entre  deux  cTioMi  pariàitement  ^aln,  il  y  a  i  opter,  nudi  il  n'7  a  pas  à 
du'uir.  (Girard,  ^yn.) 

La  dépuration  que  nom  vtmei  arriver  ^loit  presque  tonte  thoisit  parmi  les 
plu  ancienne!  faniîlie*  de  la  répnbiiqae.  (  Vey,  d'Anaeh..,.} 

Le  reste  de  Tarticle  montre  comment  choisir  se  construit  avec  les 
prépositions  i  et  de,  \vec  un  infinitif,  &c.  ;  et  quels  seiu  a  le  pvitdpe 
ehoiti,  &c. 

Lorsqu'on  sait  que  M.  Poagens  est,  depuis  Tige  de  vingt-trois  ans, 
totalement  privé  de  la  vue,  on  admire  encore  plus  l'étendue  de  son 
travail  et  l'activité  de  sa  mémoire.  On  conçoit  ï  peine  comment  il  a 
pu  rassembler  et  distribuer  si  heureusement  tant  de  textes  classiques 
dans  son  Dîciionnaire  gmnniaiical;  lani  de  ^îts,  de  témoignages,  et 


.     '•     AOUT  tBip.  Y©'' 

Es f  RIT,  Origine  et  Progrès  des  Insti  tu  tions  judiciaimms 
des  prindpaux^pays  de  l'Europe:  par  J.  D.  Meyer  :  tome  1/?^ 
in-8.^ ,  partie  ancienne.  La  Haye ,  de  rimprîmerie  bel*- 
gîque,  au  Spui,  n,'  72;  1818.  * 

•  ■  *  .         . 

Par  însiitutions  fudiciaires',  Fauteur  entend  f organisation  de  laju)^ 
tîce  prise  dans  toute  son  étendue,  et  considérée  dans  ses  rapports  avéfc 
le  gouvernement;  savoir»  fa  fbAne  des  tribunaux /Fétendue  de  leiu-ju^ 
ridicnon ,  leurs  relations  avec  les  autres  autorités  »  &c. 

«Pour  connottre  à'  ibfld  Forganisation  de  la  justice  d'un  payi,  il 
s»  faut  savoir  quels  sont  les  juges  ou  tribunaux  institués  p^r  fa  loij  quièl|e 
»  est  leur  compétence ,  quelle  est  la  part  que  le  peiipfe  peut  prèndf 
n  aux  jugemens ,  jusqu*où  va  Finfluence  du  souverain ,  soit  comme  fégi^ 
»  (ateur,  soit  comme  chef  suprême  de  Fadministration  ;  quelle  étehâcij 
a»  de  pouvoir  est  accordée  à  chaque  juge  pour  faire  exécuter  ses  arrêts^ 
»  il  faut  savoir  le  mode  de  nomination  de  ces  juges,  leur  plus  ou  mobii 
»  de  dépendance,  leur  autorité;  enfin  il  faut  embrasser  tout  ce  qui  est 
»  nécessaire  pour  apprécier  le  génie  qui  a  dicté  les  (ois  ou  les  usani 
»  relatifs  à  la  garantie  des  droits  de  chaque  citoyen.  »  ^ 

C'est  un  sujet  de  controverse  parmi  les  plus  doctes  légistes ,  que  dé 
savoir  s'il  est  plus  avantageux  d'accepter  un  système  de  législation  que 
de  suivre  seulement  des  usages.  Les  uns  invoquent  la  raison  théorique  ; 
les  autres,  la  raison  pratique  ou  l'expérience  des  siècles.  M.  Meyer 
▼oudroit  qu'on  tâchât  de  concilier  les  deux  manières,  et  que  le  législateur 
conformât  le  système  de  son  code  aux  usages  reçus ,  aux  opinions  établies» 

L'auteur  observe  qUe  toutes  les  parties  de  la  législation  ne  sont  pas 
également  intéressantes  dans  leurs  résultats,  et  que  les  lois,  anxquelfèi 
le  citoyen  est  libre  de  se  soumettre  ou  non,  ont  une  influencé  bien 
moins  marquée  :  telles  sont ,  dit-il ,  les  lois  civiles  et  criminelles. 
Après  les  lois  civiles,  ce  sont  les  lois  pénales  qui  présentent  le  moins 
d'intérêt  ;  elles  ne  concernent  qu'un  petit  nombre  d'individus  qui  ; 
d'ailleurs,  peuvent,  par  leur  conduite,  prévenir  les  cas  où  elles  de^ 
vroient  leur  être  appliquées.  De  toutes  les  dispositions  législatives, 
celles  qui  se  rattachent  le  plus  intimement  à  Fétat  de  la  société,  ce 
sont  les  formes  de  la  procédure  soit  civile,  soit  criminelle  ;  elles  ont  dés 
rapports  bi  directs  avec  Forgaiiisation  du  gouvernement,  qu'on  pourrojt 
deviner  k  peu  près  la  constitution  d'un  état  d'après  la  connoissance''dto 
ses  institutions  judiciaires.  Ilnest  pas  impossible  sans  doute' de  fSdrJà 
adopter  par  une  nation  des  insiit^tioos  étntogèfes;  ma»  il  ftuciutr  dS 


beaucoup  de  ménagement,  et  les  accopimoderrar  de  saget  modtficatiops 
aak  mtàut  et  «nicinatitailona^lfltfoniflMt'n  esï^^Â^i^Vân^nmc 
ptutitB.smi'tta^  p(iiisWr<ll4p4#i'tla'l«àMlgCi,>«MIMt'<t«*enir 

«S'il  ea^n  ginéial,  dit  r^tf^t  ?WW>^ *ili!Plf  ft»*f«e» 
M  inititutiois  qui  (Mit  prit  Tatioe  dans  -tons  lea  CttBis«  ce  i^  Jdnt  en 

)•long-terops,dfe%j|>a2«<^i^.|l^tWt  fupiwÀamil^  : 

j|»scnu^  (^jfffkl^P^rt  (U»ÛM1titV>i<MiBm9{Ieraef,cl  qtM»s»tf^l«at  lecheAiin 
ïijf^g^é.{^  Mt)(Vçs9^j()u»  il  c^rf;h«A  dW  4^  GÙww  ««  |PKi|loC)rpe 
gjPf)A&^  ,If^.I  i^.^wers  ptM^^  !fi«#94ww  qé  ont  succMé  à 
^]|Sq^FHr^j;()^ia»<>(i4  f^ué  four  i^sj^^iipti.  Lo  pnwjv  yoliWK  dcaU  fc 
fm^jC9i]y>ff^V^^Pfpcréà  f;*s  «çehfirdws  pear  lêtqu^yiffii'amwirpraâie 
d(^S  découvertes  hiitoaqucï  ^t«6  ^sj^s  i'&pm  4ês  lois ,  «insi  que  d« 
(i^q^ssanccs  ^lyvologiques  que  lui  ib^mi{  J'idiçmf  Sfmxnd.  Dans  ce 
nrenûer  «olunie  >  il  i'?gii  d$  i»  partie  apci^tuie.  Le  vofaunf  rniviut  ofirin 
iief  i^titi|iiionf  mp^Kiss  des  qpatf?  Mif  oni  dé^  npnmAcfc 

tftfin  h  t«qitiijièipe  et  df rw^f^  parV«  i«n&nnBnt'  l'af^Iicttioa  ddl 
l^^t^.fc^ft^t^j  et  ^^Q«r4  Ml  wtf*  49  docttine  des  iauîtiifioiu  ies 

L'auteur  annonce  qu'if  n'entre  pas  dans  son  plun  d'examiner  les  lois 
romaines  qui  n'ont  éic  adoptées  que  pour  fe  droic  civil,  ni  Ie«  lois  du 
droit  c^jDoilf  qui.  n'a  eu  qu'une  infitience  secondaire  stir  la  forme  des 


AOUT  if 819.  ^y 

cifommlêgltitefiMlâ^eTtcott  de  celles  qui  ne  Kéît9(1firii^^NirèM  que  cbHfi^ 
philologues;  je  pense  poiut«int  que,  pour  je   très-grand 'nombre^  tfci^^ 
lecteurs;  il  dohPèire^  jM^rmis  dé  ftiré  usage  du  tolisteii  qèe  faureur  fui- 
mkne  donpe^en  bêiP 'termes  : 

ccCeux ^des  hNMurs  qoînes'appliqdeht  pÉifJe pfàfèirsà  à* tette  jpSHÏSr 
»  abstraite  du  moyen  âge,  pourront  se  dispenser  de  les  eieaiiiinei'ànilH-^ 
>>*tivemem;' une  lectuHBiUp^yfideire  suffit  p^ûi"  riAtèingéticé' dek  cf^ 
>'*  pitres  mivanf;» 

Le  iiVre^  deaxièiriè  plpéseilte- le  tUbfeM'^  Perdre  judiciaire  chez  léi^^ 
anciens  Geritîaîns  et  ches  leur^  deseendanK ,  iàiï  aVant,  soir  apr)^  fei'^ 
conquêtes^  faite»  sur  ffhîpirtfrromairt.  '  '    '  :    t  îii:  nt 

Le^chapitiîBî  il  dé*  ce  «vre  tontferit  lé»  détails  relatïft  44a -màWèi^,* 
d*administner:Ia justicedans  llahdenn^ Gërmafnfe.  Dahs^ lé  Aajiitife  hiy^ 
Fauteur  traite  de  la  juridi€iidnï)er$bnrtelle  que  les  Germains  coftrs^r^éift 
sausies  Romains  >  Vest-k^Ih-e ,  du  privilège  tf être  jugés  cTaprèrRBr^ 
propres  lois,  et  non  d'après  celles  des  lieux  où  ils  se  trouvoient.  La  juHdié- 
tion  volontaire  et  la  juridiction  conténtieuse  sont  Tôbjet  du  chapitre  îv. 
Le  v/  explique  le  genre  de  preuves  que  fournissoit  TaccnsépoUrliï^ 
disculper,  et  sUT'-toutle  secdilrs  des  témoins  à  décharge.  Une  circjbiii^'^ 
tance  particulière  aux  insiiiutiom  des  anciens  Gernlains,  c'est  le  niàjféà 
qo*avoit  faccosé  de  se  justifier  en  jurant  lui-même,  et  en  faisant  af^pfiyer 
son  serment  par  les  sermens  d'un  certain  nombre  d'hommes  libres,  q\^*6)S 

zppeloitJURATaPBS,  SACRAM£fiTAt&Si CÔLLAVDANtES, Pt/R^iJi^ 

tD/^jU*; Un  citoyen  n'étdk^admis  à  être^cbk/UhATEUR  qu^autarit^j^P 
avoit  les*  qualités  nécessaires  pour  éltrt^|ugéw  E>âft s  le^^chapifrè  Vf,  l'^utéùr^ 
parle  des  JUGCMKNSDlDflU.'CMt'sans  tfoùte  faire  dater  c'ette  triiti-,! 
tmionde  bien  Ibin ,  qpe  dVn  indiqMr  l^origfne  dans  f ancienne  Gehiidi^îè','^ 
etavant  rétablissement 'du  christiaiit^me.  M'.  Meyer  trouve  dâiis  "t^cllf 


iiiitrturionfs  judiciaire^,*  il  rftiUtoîf  pas  yfl^s^afcbmiohner  à' de  piirall^k/ 
conjectures;  Le  combat  juditiâiréie^trobiet  du  chapitre  Vu':  îorîgîiie 
en  est  incertaine;  mais  'c«ffté  instîtittidn  'tietSt*  ati  m'ènite'prfncîpë'qviW^ 


*  i»\\*^.iti 


jo4 


JOURNALîPES  SAVANS , 


depuis rétablicumtçt de b-ieligion  chrétienne  et  cbwdjKptupIei  cpi 

«rrci  quelque   influence  sur    les   tnstiti)tiofl*.^ididaîrf**'puteî  rte'. 
G«riD^|i^,  rw^ur.eittqiio^<eeimtiiu^«tf^:d«wle»4î^<l&phy»(  itiinr 

■MimiÇfilKl!*J»quès.-,  ;...,.,.....  ,,     ■■..-■.,.,■;,  ^■.;';  ,-    •  .,.»     '■      ■■ '-^     ■ 

t^  j^intirc,«s{  j(^l0.9|i,l«t;<nusei^4Mien|i  p(vtée»îkI«mrF«isrniUie 
générée, préside  par  le  roi  bu  fecbefqnî  préparoit  lei  tiwtuiSkidirigebit  - 
1^  -d^ffér^^njlV,^  en  piqt^fçil  f exéoçiaif.  Quand^étcodue  de  TÉfat 
nê.périTUtpIiisdf,j>orter  toutes  les  ciuset4>ix  cquicvs  iit  h  tlatiotit  il 
fallut  introduire  lei  plà  CITA  Ar/ffOXA,'^pfi^'itùeV  autre  choM  .que 
Fuss^mt^edi^  Çc^l^}  présidée  par  IfrCO^ni^ou  ^aâoqiilyj^eint'Riéra* 
des^Z^,C/T-<'.dtcaptc>n:c'est  jù  seconde  époque  assignée  par  Paùteur. 
Lafernie  de  ces  jïlaf^^;,  la  procédure  qu'on  yobsenroit,  les  jugemens  ' 
qfi'tmtf  xeiiÊoit.vX.U  mviière^Jesexécuier  sont  J^s  sujets  des  diapitres 
X,  XI,  XII  et  XIII. 

.^.troisième  époque  est,. celle  des  scabiQi',des  jugey.:  les  chapitres 
Xiy.  et  ^V;  Ufiiteiit  de;.]^  procédure  qui  avoii  lieu  detant  leun  tribu- 
naû^i  etdesjagemei;uqui  en  énianoient.  .{^  chapitre  XVJI  est  relatifs 
1^  juridiction  sur  les  ser&  et  sur  les  :vassaux. 

La  i^odaliié,  les  jugemens  parj^rs.  sontlaquatrièmeépoque.  Quand 
loiicl^s' hommes  libres  furent  devenus  vassaux,  oniK  vit  plus  de  plaids 
réguliers ,  plus  d'écbeirins  :  Içs  comiçs  et  les  seigneurs  se  .firent  assister 
P^  leurs  vassaux,  alors  ass)>fettjs  au  double  service  des  plaids  et  de  la 
guerre  ;jJtr  Ct'iîrf^crr /Af^r^iV^o,  Lechapitre  XIX  traite  des  appels, 
et  M.  Meyer  soutient,  coiitre.ropinion.de  Montesquieu  et  celle  de 
Robertson ,  que  Torigine  des  appels  ne  remonte  qu'au  capitulaire  de 
Cressy,   en  9^6.  Dés  que  l'auioriié  d'un  tribunal  ne  fût  plus  que  la 


AOUTiSïp*  J^J 

lors  des  assemblées  générales;  le  secret  df),  la  procédure»  qui,  d'ailleurs» 
étant  rédigée  en  latin,  seroit restée,  pour  la  plupart  des  parties,  secrète 
par  le  fait,  si  elle  ne  lavoit  été  de  droit;  et  sur-tout  ce  fut  alors  <iue 
l'administration  de  la  justice  cessa  d'être  gratuite. 

On  jugera  sans  doute  par  cette  simple  analyse  de  Pouvrage,  qu'il  offre, 
dans  les  circonstances  actuelles,  un  très-grand  intérêt.  Je  pourrois  faire 
diverses  observations;  je  me  borne  aux  suivantes. 

M.  Meyer  a  cru  devoir  examiner  l'état  politique  des  Germains  et  des 
autres  peuples  du  Nord ,  pour  préparer  l'examen  de  leurs  institutions 
|udiciaires  :  mais ,  au  lieu  de  présenter  parallèlement ,  du  moins  d'époque 
en  époque,  les  rei^hercbes  relativies.aux  deux*  objets,  il  en  a  fait  deux 
.parties  absolument  distinctes  et  séparées;  de  sorte  qu'il  n'a  pu  éviter  des 
redites»  et  qu  il  a  été  obligé  de  faire  rétrograda  le  lecteur,  quand  il  a  eu 
à  parler  des  institutions  judiciaires.  Mes  regrets  paroîtront  d'autant  plus 
fondés,  que  l'auteur  convient  que,  chez  les  peuples  d'origine  germanique, 
Ja  conduite  de  la  guerre ,  l'administration  de  la  justice  et  le  gouvernetnenl 
étoient  confiés  aux  mêmes  fonctionnaires. 

Dans  le  très -grand  nombre  de  faits  que  l'auteur  cite  ou  explique , 
j'ai  cru  reconnoître  quelques  erreurs.  J'en  relèverai  une  qui  me  pajoit 
exiger  une  réfutation  expresse  et  détaillée* 

Dans  le  chapitre  vill,  page  344»  il  a  dit:  «  H  n'y  avoit  donc  auciuie 
?9  raison  de  soustraire  à  la  connoissance  de  l'assemblée  delà  nation  TOUS 
»  LES  PROCÈS  CIVILS  qui  pouvoient  naître  entre  ses  membres.  » 

Et,  à  l'appui  de  cette  assertion ,  il  cite  le  passage  d'Aimoin,  livre  iv, 
chapitre  29 ,  portant  que  ce  fut  JN  publico  francoruaî  conyentu 
que  les  fils  du  duc  d'Aquitaine  furent,  fan  654»  déclarés  indignes  de  la 
succession  de  leur  père. 

Ainsi ,  d'après  M.  Meyer,  il  faudroit  regarder  comme  certain  que, 
sous  la  première  race  de  nos  rois ,  il  n'existoit  pas  de  cour  royale  avec  la 
privilège  de  juger  les  procès  civils;  cependant  l'existence  de  ces  cours, 
leur  composition,  leurs  formes  de  procéder,  sont  assez  connues  pour  que 
fauteur  eût  pu  se  garantir  du  paradoxe  qu'il  a  tenté  d'établir. 

On  conçoit  que,  lorsqu'il  s'agissoit  de  l'héritage  du  duc  d'Aquitaine, 
l'assemblée  entière  de  la  nation  étoit  seule  en  droit  de  juger  cette  cause 
politique;  mais  comment  admettre  qu'il  étoit  de  sa  compétence  de 
prononcer  sur  tous  les  procès  civils  î 

Parmi  le  grand  nombre  d'autorités  que  je  pourrois  rapporter  ici,  je 
choisis  celles  que  fournit  un  seul  règne. 

Clotaire  III ,  siégeant  ASSISTÉ  de  référendaires  et  du  comte 
PU  PALAIS  pour  eniendrc  les  causes  dems^  et  Us  décider  am  justice , 

5S5  ' 


joï  JOURNAL  DES  SAVANS, 

écoute  les  puties ,  et  pronorifc  une  sentence  par  laquelle  H  adjuge  au 
monastère  de  Sahib-Dcnb  divers  domaines  qu'un  évéqne  déienoit  (  i  ) 
(an    6j8). 

Le. même  rot  siégeant»  ksttstt  DX  COMTES,  de  siNicHAtix  et 
DU  COITTE  DU  PALAIS,  «djugAi  ta  mwistt^  (fe  Saint-Denls  et  à 
fégGse  de  Reims  on  autre  dttattine,  possédé  par  le  fils  dn  nuire  ^u 
palais,  Etdût^d  (a)  (an  tffp). 

Enfin  im  Jiu;emeiit  naia  par  fe  même  roi,  fan  66  j  i  tn  (kreta  du 
monàstèie  ds  Smt-Bénigne,  porte  qtfH  k  été  xvada  avec  TASsiSrANCfa 

DES  iv^QUES  ,  GRANDS  feT  AUTRES  MINISTRES  DU  PALAIS  ,  ET  d'An- 
DOBEL  OU  AkDOBALD,  COMTE  DU  PALAIS,  IotS^S  Ce  roi  siégeoit 
AD  VNIVERSOKUM  <^VSAS  AUOJSNDAS  JVSTOifffE  JVDICIO 
■TSRMIffASDASXl).  ' 

II  s'en  faut  de  beaucoup  que  la  formule  de  Marculfe,liv.l,  cap.  a;, 
âvorise  ropihion  de  M.  Meyer,  comme  i!  le  prétend  :  il  suffît  de 
comparer  les  e:q»essiDns  de  cette  formule  avec  les  jugemens  que  je 
{apporte,  pour  se  convaincre  que  ce  n'étoit  pas  dans  une  assemblée 
nationale  que  le  roi  jugéoit  ces  procès  entre  particuliers.  Enfin  les  notes 
que  le  savant  Baluze,  si  versé  dans  nos  antiquités,  a  faites  sur  cette 
formule,  ne  permettoient  pas  d'élever  des  doutes  sur  Texistence  des 
cours  royales  à  cette  époque. 

y'ixOoii  pu  présenter  d'autres  observations;  je  me  borne  à  celles-ci  : 
loin  de  diminuer  mon  estime  pour  cet  ouvrage  important ,  elles  ont  été 
diaées  par  le  désir  qu'il  puisse  recevoir  toute  la  perfection  dont  le 
sujet  est  susceptible,  et  qu'il  est  permis  d'espérer  du  zèle  et  des  talens 
de  Fauteur. 

RAYNOUARD. 


AOUT  i8ip.  5P7 

célébrées,  et  les  diverses  époques  de  Vannée  auxquelles  elles  apparteno'ient ;  dedis^ 
tînguerles  rites  particuliers  à  chacune  de  ces  fêtes  ,  et  de  déterminer  spécialement  c^n 
qui  faisaient  partie  des  cérémonies  mystiques.  Le  prix  a  été  partagé  entre  le 
mémoire  n.*  3  ,  qui  a  pour  épigraphe,  O  utinaml ,  et  ie  mémoire  n.**  2.,  portant 
pour  épigraphe  ces  mots  de  M.  Heyne ,£)e  Baccho  quantafabularumest  congeries! 
quanta  varietas!  L'ayteur  du  n.**  3  est  M.  Jean-Fran<^ois  Gail,  ancien  élève 
de  l'école  normale,  docteur  de  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  professeur 
d'histoire  et  de  géographie  à  l'école  spéciale  militaire  de  Saint-Cyr;  et  l'auteuc 
du  n.*>  2  est  M.  KoLLE,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Paris.  Le  mémoire  enre- 
gistré sous  le  n.^  1 ,  et  qui  a  pour  épigraphe  ces  paroles  de  Synesius  ^  *0  ^  ôv 
dyvoioL  çv^{€Ttff ,  a  été  jugé  digne  d'une  mention  honorable. 

L'académie  renouvelle  l'annonce  qu'elle  fit,  l'année  dernière,  du  sujet  du 
prix  qu'elle  adjugera  dans  la  séance  publique  du  mois  de  juillet  1820.  Elle  avoit 
proposé  la  question  suivante:  Examiner  quel  étoit,  à  l*époque  de  tavénementde 
Saint  Louis  au  trône ,  l'état  du  gouvernement  et  de  la  législation  en  France  y  et 
montrer  quels  étoient,  à  la  fin  de  son  règne,  les  effets  des  institutions  de  ce  prince. 

Elle  propose  pour  sujet  d'un  autre  prix  qu'elle  adjugera  dans  la  séance  publique 
du  mois  de  juillet  1821,  de  comparer  les  monumens  qui  nous  restent  de  l'ancien 
empire  de  Perse  et  de  la  Chaldée,  soit  édifices  ,  bas-reliefs  ,  statues  ,  soH  inscriptions  ^ 
amulettes  ,  monnaies ,  pierres  gravées ,  cylindres ,  Ù*c, ,  avec  les  doctrines  et  les  allé" 
gories  religieuses  contenues  dans  le  Zend-Avesta  et  avec  les  renseignemens  que  nous 
ont  conservés  les  écrivains  hébreux,  grecs,  latins  et  orientaux  sur  les  opinions  et  les 
usages  des  Perses  et  des  Chaldéensj  et  les  éclaircir,  autant  qu'il  sera  possible ,  les 
uns  par  les  autres. 

(Chacun  de  ces  prix  sera  une  médaille  d'or  de  la  valeur  «de  1500  francs.  Les 
ouvrages  envoyés  au  concours  devront  être  écrits  en  français  ou  en  latin ,  et  ne 
seront  reças  que  jusqu'au  i.*^  avril  de  chaque  année.  Ce  terme  est  de  rigueur. 
Ils  devront  être  adressés,  francs  de  port,  au  secrétariat  de  l'académie,  avant  le 
terme  prescrit,  et  porter  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans 
un  billet  cacheté,  joint  au  mémoire  et  contenant  le  nom  de  l'auteur.  Les 
concurrens  sont  prévenus  que  l'académie  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  qui 
auront  été  envoyés  au  concours  ;  mais  les  auteurs  auront  la  liberté  d'en  faire 
prendre  des  copies ,  s'ils  en  ont  besoin. 

Après  ces  annonces,  M.  Dacier,  secrétaire  perpétuel,  a  lu  des  notices  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  de  MM.  Clavier  et'Choiseul-Gouffier  ;  M.  Monge?,  des 
observations  sur  la  lecture  du  sixième  livre  de  l'Énéicfe  de  Virgile,  faite  oevanlt 
Auguste  et  Octavie  {voye^  Journal  des  Savans,  janvier  18 19,  page  j8  ); 
M.IVaudet,  un  mémoire  sur  l'état  des  personnes  en  France  sous  la  première  race 
de  nos  rojs;  et  M.  Jomard,  un  parallèle  entre, les  antiquités  de  l'Inde  et  celles 
de  l'Egypte ,  fragment  d'un  Essai  sur  l'art  en  Egypte. 

Il  n'est  pas  resté  assez  de  temps  pour  entendre  deux  autres  morceaux  intitulés, 
l'un  ,  Vues  générales  sur  la  poliorcetique  des  anciens  ou  l'attaque  ou  la  défense  des 
places  avant  l'invention  de  la  poudre,  par  M.  Dureau  de  Lainalle;  l'autre, 
Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  M,  Mentelle,  par  M.  Dacier. 

L'académie  des  beaux-arts  a  perdu  l'un  de  $ts  membres,  M.  Duvivicr, 
graveur,  aux  funérailles  duquel  M.  Quatremère  de  Quincy  a  prononcé,  le  12 
juillet,  le  discours  suivant  :  «Messieurs,  en  nous  enlevant  le  respectable  confrère 
3>dont  nous  accompagnons  ici  les  restes,  la  mort  n'a  fait,  si  l'on  peut  dire, 

SSS    2 


5e8 


JOURNAL  DES  SAVANS» 


s  qu'achever  son  oavrage.  Les  effeu  natureb  (Tune  grande  long^vit^ ,  la  cécité 
«qui  depuis  long-tempj  xveit  comme  téqnestré  M.  Duvivierda monde  visible, 
B  de  [onKues  in&mité*,  aggravées  par  tin  accident  déplorable ,  toat^  nous  avott 
»  prépara  i  cène  démise  féparaiion.  Et  toatefbis  ce  coup ,  depnis  sT  long-temps 
»  prévu ,  ne  perd  rien  de  ce  qu'il  «  de  donlonreuz  pour  nous.  Le  dernier  insuot 
»  de  l'homme  est  comme  le  dénouement  d'une  longue  action  ;  il  semble  offrir 
M  une  sorte  de  récapitulation  de  sa  vie;  il.nons  la  concentre  comme  dans  un  seul 
B^point,  et,  par  le  sentiment  de  la  privation,  nous  ikit  mieux  apprécier  ce  que 
«nous  perdons.  Vous  éprouvez  sans  doute,  Messieurs,  ce  sentiment  pénible, 
a  en  vous  rappelant  tout  ce  qn'avoit  d'estimable  M.  Duvivier,  tout  ce  qu'une 
»  longue  eonnoissance  des  hommes,  tout  ce  qu'un  caractère  heureux,  un  ccenr 
adroit,  une  habitude  de  bienveillance  générale,  avoient  mis  d'agrément  et 
nd'aménïtédans  son  commerce.  Ces  qualités  qui  le  distinguoient,  lui  firent  des 
»amisdetous  les  académiciens,  qnt,i  deux  éjKMU  es  différentes,  l'ipvriérent  au 
»  milieu  d'eux  ;  car  M.  Duvivîer  fut  deux  fois  élu  membre  de  Tacadémie.  Un 
»  talent  distingué- dans  la  gravure  en  médailles  lui  avoit  ouvert,  il  y  a  long- 
n  temps ,  les  portes  de  l'académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture ,  à  une  époque 
M  où  les  places  dans  ce  corps  célèbre  n'étoient  limitées  que  par  le  nombre  de  ceux 
u  qui  étaient  en  état  de  les  occuper.  Aucun  artiste  alors  ne  pouvoit  disputera 
■a  M.  Duvivier  la  supériorité  de  talent  en  son  genre.  Nous  avouerons  que  ce  bel 
uaTt,donion  ne  sauroit  trop  encourager  les  efforts,  puisqu'il  est  peut-être  le 
»  pins  propre  à  perpétuer  les  traits  des  hommes  célèbres  et  le  souvenir  de  leurs 
»  eiploiu,  avoit  perdu  un  peu  de  l'éclat  dont  il  avott  brillé  dans  les  deux  siècles 
«précéder!.  Cet  état  de  tranquillité  intérieure  qui  offre  peu  d'événemens,  qui 
w  ouvre  peu  de  rouMs'aux  passions  ambitieuses ,  et  dont  on  ne  sent  le  bonheur 
»qne  lorsqu'il  est  passé,  fui  assez  l'état  de  la  France  sous  le  règne  de  Louis  XV. 
»  Ce  siècle  s'étoii  déshabitué  des  monumens  d'orgueil  et  de  vanité  :  aussi  la 
»  gravure  en  médailles  se  ressentit^dc  la  modération  du  prince.  Cet  art  eut  peu 
u  d'occupations,  et  M,  Duvivier  suffit  pendant  long-temps  à  l'exécution  des 
w  mOHumens  métalliques  que  réclamèrent  les  besoins  de  l'État.  Passionné  pour 
nson  art,  M. .Duvivier  se  livroit  sans  réserve  aux  études  qui  en  associent  les 
»  productions  à  celles  de  la  sculpture.  S'il  n'atteignit  pas  à  ce  savoir  de  dessin , 
»  a  cette  beauté  de  style  et  de  composition  -dont  les  anciens  nous  ont  laissé  de 
s  si  rares  modèles,  disons  qu'il  n'est  guère  donné  aux  hommes  de  remonter  ce 
t  d'habitudes  et  iTopinioni  qui  forme  le  goût  de  chaque 


AOUT  1819.  509 

t 

^  en  y  mêlant  de  fréquentes  et  judicieuses  réflexions.  La  privation  de  la  vi^e 
»  corporelle  sembloit  avoir  donné  chez  lui  pfus  d'activité  à  cette  vue  intellec- 
»  tuelie,  dont  les  jouissances  intérieures  charmèrent  les  ennuis  de  sa  position  et 
»  adoucirent  long-temps  les  infirmités  de  sa  vieillesse,  m 

LIVRAS  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Nouveaux  Dialogues  anglais  et  fiançais,  revus,  corrigés  et  augmentés  par 
Aug.  Noël.  Boulogne-sur-mer,  impr.  de  Le  Roi-Berger;  et  à  Paris,  chez  le 
Tellier,  1819,1/1-/2,  6  feuilles  et  demî^. 

The  Misanthrope,  c|  comedy,  translated  from^olicre.- Boulogne-sur-mer, 
impr.  de  Le  Roi-Berger;  et  à  Paris,  chez  le  Tellier,  181 9,  in-iz,  4  feuilles  et  demie* 

L^ Officier  enlevé,  ou  l'Enlèvement  singulier,  comédie  en  un  acte  et  en  prose, 
mêlée  de  chants,  par  MI  Alex.  Du  val,  membre  de  l'Institut,  musique  de 
M.  Catel,  membre ae l'Institut.  Paris,  impr.  d'Éverat,  chez  Vente,  18 19;  in-8^ , 
3  feuilles:  i  fr.  50  cent. 

Épigrammes  de  M ,  Val.  Afartial ;  irsiducùon  nouvelle  et  complète  (en  prose), 

(par  feu  E.  T.  Simon,  ancien  bibliothécaire  du  Tribunal,  &c.  ;  avec  le  texte 
atin  en  regard  ;  des  notes  et  les  meilleures  imitations  en  vers  français,  depuis 
Cl.  Marot  jusqu'à  nos  jours:  recueil  publié  par  le  général  Simon,  fils  du  tra- 
ducteur, et  P.  R.  Auguis.  Paris,  impr.  de  Richomme,  librairie  de  Guitel, 
181 9;  tome  second,  in- S,",  35  feuilles  3/4.  Prix  de  chaque  volume,  7  francs 
pour  les  non-souscripteurs. 

Nicetœ  Eugeniani  Fabulam  amatoriam  et  Constantini  Manassis  Fragmenta  è 
codicibus  graecè  edidit ,  latine  vertit  et  notis  illustra  vit  Jo.  Fr.  Boissonade.  Parisiîs , 
typis  Bobée,  1819,2  vol.  in-iz ,  qui  se  trouvent  chez  MM.  Trenttel  et  Wûrtz. 

Le  Curé  de  village,  histoire  véritable,  écrite  parChristian  Simplicius,  sacristain 
de  i'église  d'Isaourens,  et  publiée  par  Alph.  Mahul.  Paris,  chez  Colas,  roc 
Dauphine,  n.<»  32,  et  chez  Delaunay,  18 19,  //i-72^vj et  187 pages.  Prix,  2fr.,et 
2  fr.  50  cent,  par  la  poste. 

Bibliotheca  classica  latina,  sive  Collectio  auctorum  classicorum  Iatinorum.=s 
Première  livraison ,  3  vol,  m^A*  ensemble  de  1 1  j  feuilles.  C'est  le  commencement 
de  la  collection  entreprise  par  M.  N.  E.  Le  Maire,  annoncée  dans  le  Journal 
des  Savans,  mai  1818,  pag.  317.  Ces  trois  volumes  sont,  le  premier  de  Jules^ 
César,  qui  en  aura  4  ;  le  premier  de  Tacite,  qui  doit  aussi  en  avoir  4  ;  et  le  premier 
de  Virgile,  d'après  l'édition  de  Heyne,  6  volumes.  Le  Tacite,  est  accompagilé 
de  notes  posthumes  d'Oberlin;  le  César,  de  notes  diverses  et  de  celles  de 
MM.  Le  Maire  et  Achaintre,  avec  2  cartes  et  deux  planches.  Le  Virgile  est 
imprimé  chez  M.  P.  Didot;  le  César,  chez  M.  Firmin  Didot  ;  le  Tacite  ,  chez 
M.  C.  L.  F.  Panckôucke.  =  Les  trois  articles  se  trouvent  chez  MM.  Didot, 
Renouard,  Barrois,  Panckôucke,  Fournier,  ôcc.  Le  prix  de  chaque  volume  est, 
pour  les  souscripteurs,  de  10  fr.,  et  de  20  en  papier  vélin  satiné.  Les  cartes  du 
César  se  paient  à  part  5   fr 

Lettres  inédites  de  Buffon  ,  J,  J.  Rousseau ,  Voltaire ,  Piron ,  Lalande  ,  Larcher 
et  autres,  adressées  à  l'académie  de  Dijon;  avec  des  notes,  its  fac  simile ,  ôcc; 
publiées  par  C.  X.  Girault.  Dijon,  imprimerie  de  Carrion;  et  à  Paris,  chez 
Delaunay,  ii\i)/in'8,\  11  feuilles  i/^^  outre  ksfac  simile. 

De  la  nécessité  de  fixer  et  d'adopter  un  corps  de  doctrine  pour  la  géographie  et  la 


JIO 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


statittiqae,  avec  an  u*ai  «yitémBttqne  lor  cet  objet  et  det  programmei  ponrdec 
cours  mr  cet  deux  scienccf ,  dam  leur  application  à  fart  de  lagaerTe;pat  M.le 
baron  de  F^uac,  chef  de  bataillon ,  occ.  Parii,  impr.  dcDemonviile,chez 
Magimel  et  Arihiu  fieroand,  lBi9,ift-J.'^4op*S"  S  outre  de*  tableaux  tynop- 
uqnei  qni  présentent  les  dt  vl^ioni  et  tobdiyiiions  de  cei  sciences. 

Li  monde  Maritimt ,  ou  Tableaa  géograpliiqne  et  historique  de  Carchipel 
d'Orient,  de  la  Polynésie  et  de  i'A^MMîei  eôntenani  la  description  de  toutes 
les  lies  du  grand  Océan  et  da  continent  de  la  Nouvelle-Hollande;  l'histoire  de 
tous  les 'peuples  qui  les  habitent,  l'czpoiftîon  de  lean  croyances,  de  leurs  gou- 
Tememcm,  de  leur  agrfcaltnre,  de  \fxm  arts,  de  leur  tndmtrie,  de  lent  com- 
merce; la  peinture  de  leurs  raractéret,  de  leurs  usages,  de  leurs  oioenn,  de  leurs 
-costumes  ;  avec  -des  vocabu||i^  comparés  de  lenn  diSerens  dialectes  ;  par  C. 
A.  Valckenaer,  membre  de Tlnstitut.  Paris,  imprimerie  de  Firrain  L>idot, 
librairie  de  Nepveu,  1819,  in-8,',  ton.  I  et  11^  4^  feuilles  1/8,  outre  deux 
cartes  et  3 7  gravures;  l'ouvrage  aura  6  volumes.  Le  prix. des  deux  premiers  est 
de  16  francs,  et  de  24  francs  avec  figures  coloriées.  ^  Le  in^me  ouvrage  l'im- 
prime aussi  (fl-/^,  et  aura,  dans  ce  format,  1^  volume},  dont  les  quatre  premier* 
ont  déjà  paru,  et  sont  ensemble  du  même  prix  que  les  2  premiers  iit'S.' 

Voyage  à  ConitantinopU ,  fait  k  l'occasion  de  l'ambassade  de  M.  le  comte 
de  ChoiseuI'Gouffier  à  la  Porte  ottomane,par  un  ancien  aumônier  de  la  marine 
royale.  Paris,  .chez  Franc,  et  Louis  Janet,  éditeurs,  rue  Saint-Jacques,  n.^  59, 
itiQt'ut-iî. 

voyage  dans  te  pays  d'Aschantle ,  o^i  Relation  de  l'ambassade  envoyée  dans  ce 
royaume  par  les  Anglais,  avec  des  déiaili  sur  les  mœurs,  les  lois  et  le  gouver- 
nement de  ce  pays,  des  notices  géographiques  sur  d'autres  contrées  situées  dans 
Hatérieur  de  l'Afrique,  et  la  traduction  d'un  manuscrit  arabe,  où  se  trouve 
déoite  la  mort  de  Mungo-Park;  parT.  £.  Bowdich;  uaduit  de  l'anglais  par 
le  traducteur  du  Voyage  de  MaxwelL  Paris,  imprimerie  de  Smith,  librairie  de 
Gîde,  1819,  in-^,',  3J  feuilles  et  une  carte:  8  fr.  {Voyez  ci-dessuj,  p.^Ji- 
456]Un  premier  article  de  M.  Biot,  sur  le  texte  anglais  de  ce  Voyage.) 
Histoire  du  Bas-Empire ,  par  Le  Beau,  contJnuéparAmeilhon,  terminée  par 
i  tableau  des  possessions  de  l'Empire  o  ..    ^    ..-   . 


membre  de  l'Inilitui;  29  vol. 

offerts  pour  60  fr.  aux  personr 


,  par  M.  Barbie  du  Bocage, 
\-i2,  dont  le  prix  sera  de  78  fr.;  mais  qui  sont 
s  qui  souscriront,  avant  le  1."  octobre  prochai 


AOUT  1819.  •  511 

Paris  ancien,  Paris  moderne;  rcIigion$,  mœurs,  caractères,  usages  de  cette 
ville ,  anecdotes  curieuses  et  faits  întéressans  ',  deuxième  livraison  :  règne  de 
Philippe- Auguste.  Paris,  imprimerie  de  Patris,  18 19,  f/i-^.%  11  feuilles ,  outre 
les  planches  :  7  fr.,  et  avec  figures  coloriées,  12  fir.  Chez  M.  de  Mauperché,  rue 
de  rerpignan ,  n.*  9. 

Abrégé  des  Annales  du  commerce  dt  mer  d^Abbeville ;  par  M.  Traullé  (corres* 
pondant  de  l'Institut).  Abbeville,  Boulanger* Vion ,  1819,  in-^^,  SPP^g^'. 

Recherches  historiques  sur  la  ville  de  Saumur,  ses  monnmens  et  ceux  de  son 
arrondissement , par  J.  F.  Bodin ,  receveur  particulier  du  même  arrondissement. 
Saumur,  Degouy,  2  vol.  i/i-A%  445  ^^  5'3  P^^>  outre  1 1  planches  gravées 
d'après  les  dessins  de  l'auteur.  Il  n'existoit  encore  aucune  histoire  particulière  de 
Saumur.  M.  Bodin  fait  d'abord  connoître  les  monumens  celtiques  et  les  anti» 

3 uités  romaines  qui  se  trouvent  autour  de  cette  ville.  II  recherche  ensuite  les  traces 
e  l'ancienne  topomphie  de  ce  canton ,  et  les  époques  de  la  construction  des 
premières  églises.  II  retrace  les  origines  des  abbayes  de  Saint-Florent,  de  Fontew 
vrauld ,  d'Asnières ,  de  Saint-Maur-sur-Loire,  &c.  ;  après  quoi  il  parcourt  tout  le 
fil  des  annales  civiles  de  Sa:umur,  depuis  le  moyen  âge  jusqu'à  la  guerre  de  la 
Vendée.  L'auteur  a  puisé  dans  les  mémoires  manuscrits  de  M.  Rangeard  les 
détails  que  ne  fournissoient  pas  les  histoires  d'Anjou  imprimées.  Le  cinquante- 
deuxième  et  dernier  chapitre  est  intitijé ,  Biographie  saumuroise.  C'est  un  dic- 
tionnaire des  personnages  illustresque  cette  ville  a  produits.  Le  chapitre  xxx  avoit 
été  déjà  consacré  exclusivement  à  M."**  Dacier  :  dans  le  cinquante-deuxième, 
M.  Bodin  se  borne  à  une  remarque  sur  Tannée  de  la  naissance  de  cette  femme 
célèbre.  On  la  dit  née  en  165 1  ;  mais  un  seul  enfant  de  Tannegui  Le  Fèvre  est' 
inscrit,  sous  cette  année,  dans  le  registre  des  baptêmes,  et  c'est  un  fils  nommé 
Jacques  :  le  seul  acte  de  naissance  applicable  à  M.*"^  Dacier  seroit  l'acte  in*^ 
forme  qui  est  conçu  comme  il  suit  (et  avec  les  mêmes  lacunes)  : 

Le  dimanche  8.^  jour  de  mars  1 654 1  a  été  baptisé  par  M.  de  Beau- 

jardin  de  Tannegui  Le  Fèvre,  régent  en  l'académie  et  de 

Son  parrain,  M.  Parrau,  étudiant  en  théologie;  sa  marraine,  Théard, 

femme  de  M.  Moyse  Amyràult,  étudiant  en  théologie.  ^  iV^n/rfz/rfj  ^e^  Marie 
Théard,  Isaac  Parrau,  Beaujardin,  pasteur. 

M.  Bodin  s'est  assuré  que ,  dans  le  registre  commencé  en  1 625  et  fini  en  1667 , 
il  n'y  a  pas  d'autre  acte  de  naissance  pour  Anne  Le  Fèbvre:  quatre  autres  enfans 
de  son  père  y  sont  indiqués,  tous  quatre  du  sexe  masculin,  Daniel  en  i6jo, 
Jacques  en  1651 ,  Isaac  en  1653,  et  Tannegui  en  16 j8.  Il  n'y  a  peut-être  rien  i 
conclure  de  là,  si  non  que  les  registres  de  baptême  étaient  tenus  avec  beaucoup 
de  négligence,  et  que  l'acte  de  naissance  de  M,*"*  Dacier  ne  se  retrouve  pas. 

Dictionnaire  fiodal ,  ou  Recherches  et  Anecdotes  sur  les  dîmes  et  les  droits 
foôdaux ,  les  justices  ecclésiastiques  et  seigneuriales,  les  fiefs  et  les  bénéfices,  les 
privilèges,  les  redevances  et  les  hommages  ,  &c.;par  J.  A.  S.  Collin  de  Plancy. 
Paris, impr.  de  Fain,  chez  Foulon;  1819,  2  vol.  in-S." ,  44  feuilles. 

Influence  des  sciences  sur  V humanité  des  peuples ,  discours  prononcé  dans  la 
séance  publique  des  quatre  académies  de  llnstitut,  par  M.  Ch.  Dupin.  Parii, 
Firmin  Didot,  1819  ,  in'8»\  29  pages. 

Commentaire  sur  l  Esprit  des.  lois  de  Montesquieu  ;  par  M.  le  comte  D.estutt- 
Tracy,  pair  de  France,  me'mbrç  de  l'Institut;  suivi  d'observations  inédites  de 
Condorcet  sur  le  vingt-neuvième  livre  du  même  ouvrage,  cl  d'un  mémoire  sur 


511 


JOURNAi:  DES  SAVA-NS. 


cette  qncili  on  :  QueU  sont  les  moyens  de  fonder  la  rnorjU  d'un  peuple!  Vaih,imyT. 
de  Firmiti  Didoi,  librairie  de  Uesoer,  1H19,  in-S." ,  3J  tetiille):  6  fr.  Une 
iraduciion  anglaise  de  ce  commentaire  avoit  été  publiée  à  Philadelphie  en  181  ■> 
Le  ictte  français  a  été  imprimé  à  Liège  en  1817,  et  à  Paris,  il  y  a  peu  de  moij. 
L'atiieur  s'est  déierminé  à  en  donner  lui-même  une  édition  plus  exacte, 

Delà  propriéti'y  considérée  dans  sts  rapports  avec  U-i  droits  politiques  (  par  M.  R,  ]. 
Paris,  impr.  de  Porlhmann  ,  18*9,  in-S." g-^i  pages. 

Compagnies  d'assurances  réciproques  contre  l'incendie,  la  grêle,  l'épi^oatiff 
réunies  sous  la  direction  de  M.  le  baron  de  Scliroeder,  quai  Voltaire,  n."  I, 
Paris,  impr.  de  Baudouin,  1819,  in-S.' ,  39  pages. 

Pians  raisonnes  de  toutes  les  espèces  de  Jardins ,  par  Gabriel  Thouin  ,  in-foliât 
Il  y  aura   diï  livraisons,  dont  chacune  (coulera  7  fr.  jo  cent.,  et    12  fr.  jo    1 
cent,  avec  figures  coloriées.  La  première  est  accompagnée  d'une  rorire  détaillée   * 
suriouiles  genres  de  jardins,  Paris,  chez  l'auteur,  rue  du  Jardin  du  Roi,  n." 
chez.  Treuttel  ei  Wiinz ,  &c. 

L'Indicateur  musical,  français  et  étranger.  Cette  feuille  paroît  depuis  le  moh 
de  juin  dernier,  deuï  fois  par  semaine.  Chaque  numéro  est  de  quatre  paget 
in-S.'  On  y  trouve  l'indication  de  tous  les  morceaux  et  ouvrages  de  musique  , 
I«  nouvelle*  observations  relatives  à  cet  art ,  des  notices  sur  les  compositeur! 
eélèires,  âcc.  Prix,  6  fr.  pour  trois  mois,  en  France;  et  7  fr. ,  chez  l'étranger.  On 
s'abonne  chez  i\l.  Boschapère,  rue  Vivien  ne,  n."  19;  et  au  magasin  di.-  musique 
de  M.   Pacini,  boulevart  des  Italiens,  n.*    11. 

Le  IVouveau  Testament  en  langue  turque.  Paris,  impr.  royale,  aux  frais  de  la 
société  biblique  de  Londres,   1819,  in-S.' 


Nota.  Onpeat  s'adresser  à  la  librairie  de  M  M .  Treuttel  «  Wiiriz,  à  Paris  , 
rue  de  Bourbon,  n.'t^ ;  h  Strasbourg,  rue  des  Serruriers;  et  à  Londres,  n.'  je, 
Soko-Sijuare,  pour  se  procurer  Ifs  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  drt 
Savans,  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE. 

Mission  envoyée  du  fort  de  Cape-Coast  dans  lepays  des  Ashantées,  iXc. 

par  T.  Edouard  Bowdich.  (Article  de  M.  lïioi.  ) Pag.  451 

Histoire  de  la  République  de  Venise. par  M.  Daru.  (Article  de  M. 

Raynouard.  ) 4*^^ 

Cérémonies  usitées  au  Japon  pour  les  mariages  et  les  funérailles,  suivies 

dedétails  SUT  la  poudre  Dosia,  Jfc.  [  Arciclede  M.  Abel-Rémusat.)  474 

Voyages  en  diverses  contrées  du  Levant,  et  plus  particulièrement  de  la 

Perse;parsir  W^iÙiam  Ouseley.{  Article  de  M.  Silvestre  de  Sacy.)  483 

Trésor  des  Origines  et  Dictionnaire  raisonné  de  la  langue  française , 

par  M.  Pougens.  (  Article  de  M.  Daunou.) 494 

Esprit,    origine  et  progrès  des  instieutions  Judiciaires  des  principaux 

pays  de  l'Europe ,  par  J.  D.  Meyer.  {Articlt  de  M.KAynoMata.  ),.  jof 

Nouvelles  liaéraires JOÛ 

FIN    DE   LA  TABLE, 


Le  prix  de  l'abonnemenl  au  Jcurnal  des  Savans  «i  de  36  francs  par  an, 
et  de  40  fr.  par  la  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne  chez  MM-  Treuittl  rt 
W'ùrri,  à  Paris,  rue  de  Bourbon  ,  n.'  ly  ;  à  Strasbourg,  rue  Ats  Strruritrt,  ex  à 
Londra ,n.°  jo  Soho- Square.  W  fa,ut  affranchir  les  itiireset  l'argent. 

Tout  ce  qui  peut  conceruer  hs  ainioiices  ù  insérer  davs  ce  journal, 
lettres ,  avis ,  mémoires ,  /ivres  nouveaux,  &c.  doit  être  adresse', 
FRANC  D£  PORT,  ûu  bureau  du  Journal  des  Snvans,  à  Paris,  rue 
de  Ménii-montant,  n."  2,1. 


>l  A 

•.liriiAi'a 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 


SEPTEMBRE     l8l 


Mission  fpoaî  Cape-Coast-Castle  to  Ashantees  .with  a .  ,J 
stafiiiicaî  accouiit  of  ikat  k'mgJom ,  and  geographka}  notices  . 
of.other  paris  of  ihe  interiGr  of  Africa.  —  Mission  envoyée,  dû  i 
fmt  de'  Cape-Coast ,  dans  le  pays  de<s  Ashaiitées ;  awc  ane-^ 
description  staiistifjue  de  ce  royaume,  et  des  notions  ge'ogra-  ' 
pkiques  sur  /'intérieur  de  l'Afrique;  par  T.  Edouard  Bowdich, 
conducteur  de  la  mission.  Un  volume  grand  in-^."  de  512- 
pages,  avec  figures.  Londres,  i8itj. 

SECONIÏ  EXtRAJT. 

PL  LAfin  dupremierextraît^enousayonsdQrtiiédeceitemtéressanic  , 
relation ,  nous  avons  laissé  l'auteur  étâblî  à  la  cour  d'un  roi  puissant  de 

Tti  a 


itf 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


l'iniérieur  de  l'Afrique,  ayant  conquis l'esrime de  ce  prince  par  fa  noblesse 
,  de  son  caractère,  et  ayant  su  lui  inspirer  assez  de  confiance  pour  lui  faire 
conclure  un  traité  d'ami  lié  et  de  commerce  aussi  lionoraliie  qu'avantageux 
pour  les  Anglais.  Cet  heureux  résultat,  et  fes  négociations  mêmes  qui 
I  J'avoieiit  amené,  plaçoieni  M.  Bowdîch  dans  une  position  trâs-favo- 
rable  pour  acquérir  sur  les  mœurs  des  Ashantées,  sur  la  constitution 
de  ce  peuple,  ses  lois,  son  histoire >  ses  relations  politiques  ou  com- 
merciales ,  des  notions  sûres  et  propres  à  jeter  une  lumière  toute  nouvelle 
sur  l'îiitérieur  si  peu  connu  de  l'Afrique.  Quoique  les  hommes  qu'il 
avoil  sous  les  yeux  fussent,  en  beaucoup  de  points,  des  barbares, 
livrés  aux  superstitions  les  plus  stupides  comme  les  plus  lèroces,  ils  ne 
manquoieiit  ni  de  sagacité,  ni  de  connoissances  positives  sur  tout  ce 
qui  tenoit  à  rintérei  de  leur  fortune  ou  de  leur  pouvoir;  et  ils  éioient 
en  état  de  fournir  sur  ces  objets  d'aussi  bons  renseignemeiis  qu'auroîenl 
pu  le  faire  les  Européens  les  plus  civilisés.  A  la  première  audience  que 
M.  Bowdîch  obtint  du  rot.  laquelle  euLlieu ,  selon  i'usnge,  en  présente 
des  grands  de  sa  cour,  ci  prince' lui  demanda j  ou  plutôt  lui  fit  demander 
par  ses  ministres ,  d'où  il  veiioit  et  quel  dessein  l'avoJt  amené  dans  son 
royaume,  JVl.  Bowdith ,  coiniiie  un  autre  Colom!>,  se  mit  â  décrire  en 
termes  niagoifiqués' la  puissance  et  la  richesse  de  l'Angleterre,  le  nombre 
et  la  valeut  de  ses  iloldats^la  perfection  de  ses  ans,  enfin  la-muItitude 
de  ses  vaisseaux  couvrant  toutes  les  mers  et  allant  porier  les  produits 
de  son  industrie  dans  toutes  les  parties  du  monde.  Nous  sommes ,  ajouta- 
l-if,  venus  de  notre  patrie  pour  vous  faite  part  de  tous  ces  bienfaits , 
pensant  que  les  répandre  chez  tous  les  peuples  est  le  plus  noble  hom- 
mage de  recorrnoissance  que  nous  puissions  offrir  au  Dieu  h  qui  notn 
les  devons.  Ce  motif,  reprit  le  roi.  ne  sauroit  être  véritable.  Je  vois 
bien  que  vous  êtes  fort  supétieurs  aux  Ashantées  pour  l'industrie  et  les 
arts;  car,  dans  le  fort  de  Cspe-Coast  même,  qui  n'est  qu'un  petit  éta- 
blissement ,  vous  avez  beaucoup  de  cliooes  que  nous  ne  savons  pas 
fabriquer:  jnais  il  existe  ici,  dans  l'intérieNri.ui;i  peuple,  cel^i  de  Kong, 
qui  est  aussi  peu  civilisé,  comparativemuit  à  nous,  que  nous  le  sommes 
comparativement  <i  vous-mêmes.  JI  ne  sait  ni  fabriquer  des  ornemens 
d'or,  ni  bâtir  des  habitations  comii^odes,  ni  lîsser  des  vêtemens;  cepen- 
dant il  n'est  posfn  seul  de  mes  Ash:intées,  même  des  plus  pauvres,  qui 
voulût  quitter  sa  maison  pour  l'unique  but  cf aller  instruire  le  peupfe  de 
Kong:  maintei  ani  comment  voulez-vous  tne  faire  croire  que  c'est  seule- 
ment pour  un  motif  aussi  ïrîvole' que  vous  avez  quitté  cette  Angleterre 
si  belle  et  si,  heureuse ,  que  vous  avez  traversé  une  grande  étendue  de_ 
mers,  entrepris  par  tene  un  voyage  pénible  et  dangereux,  renoncé  k 


i 


SEPTEMBRE    1S19.  jiy 

coucher  dans  un  lii,  à  jouir  de  toutes  les  douceurs  de  la  vie,  et  qu'enfin 
TOUS  êtes  venu  vous  mettre  ici  prisonnier  dans  mes  mains,  au  hasard  de 
Vous  faire  couper  la  léie  !  L'argument  étoit,  comme  on  voit,  assez  vtf. 
Il  fut  réitéré  le  lendemain  devant  l'assemblée  publique  de  tous  les  chefs 
militaires;  et,  avant  que  M.  Bowdich  pût  y  répondre,  un  des  ministres 
maures  se  leva ,  s'approcha  du  roi,  lui  dit  coût  bas  quelques  paroles,  après 
quoi  ce  prince  ajouta:  El  si  tels  sont  aujourd'hui  les  desseins  de  votre 
nation,  pourquoi  donc  en  avez-vous  agi  si  différemmenl  dans  l'Inde!  Le 
jeune  négociateur,  sans  s'étonner,  allégua  une  différence  dans  les  vues 
actuelles  du  gouvernement ,  fit  valoir  la  dissemblance  des  drconsiaiwei , 
la  nécessité  où  l'on  s'étoït  trouvé  de  recourir  i  une  défense  légitime; 
enfin  il  finit  par  persuader.  Mais  cette  anecdote  qu'il  nous  a  racontée, 
suffit,  à  ce  qu'il  nous  semble,  pour  montrer  que  le  roi  des  Ashantées 
n'éloil  pas  si  mal  informé  de  ce  qui  se  passoit  hors  de  son  royaume,  et 
qu'il  devoir  au  moins  être  en  élat  de  donner  de  bons  renseignemens  sur 
ses  plus  proches  voisins.  M.  Bowdich  ne  manqua  pas  de  mettre  à  profit 
une  si  belle  occasion;  et,  dans  ses  entretiens  journaliers  ,  tant  avec  ce 
prince  qu'avec  les  chefs  maures  qui  résident  h  sa  cour,  il  eut  toute  la  faci- 
lité de  recueillir  sur  la  géographie ,  la  politique  et  les  mœurs  de  l'intérieur 
de  l'Afrique  une  multitude  de  notions  aussi  précieuses  par  la  confiance 
qu'elles  méiiient  qu'inléresianles  par  leur  nouveauté. 

D'après  une  tradition  trop  générale  et  trop  récente  pour  pouvoir  élre 
révoquée  en  doute,  il  paroïtquele  royaumeacluel  des  Ashaniées  fut  fondé, 
vers  le  comniencenieni  du  XVIII.' siècle,  par  un  parti  de  guerriers  venus  de 
l'est,  Le  chef  de  ces  guerriers ,  nommé  Sai  Tootoo,  devint  le  roi  du  pays 
conquis,  et  ses  premiers  ca|>itaines  formèrent  l'origine  d'une  aristocratie 
militaire,  dont  le  principal  privilège,  d'un  prix  immense  dans  ces  moeurs 
barbares,  étoit  d'être  b  l'abri  de  toute  peine  capitale.  Mais  un  des  suc- 
cesseurs de  ce  prince,  nommé  Stii  Cudjo ,  redoutant  la  trop  grande 
influerice  des  familles  de  ces  premiers  fondateurs,  enleva  leur  rang  à  b 
plupart  d'entre  elles,  et  le  transporta  à  d'autres  familles  indigènes  qui  lui 
étoient  dévouées,  de  sorte  qu'il  affermit  ainsi  son  pouvoir, ^n  conservant 
ce  rouage  essentiel  dn  gouvernement.  Ces  familles  sacrées,  aujourd'hui 
au  nombre  de  quatre  ,  forment  le  second  degré  de  l'auiorité.  Le  troisième 
est  i'assembléc  des  chefs  n)ilit;iires.  Le  reste  de  la  population  est  soldat, 
ou  esclave,  ou  vassal  des  grands ,  et  se  compose  en  irés-grande  partie  du 
peuple  primiiivËment  sul>jugué  :  mais  le  gouvernement  travaille  sans 
cesse  à  ellàcer  celle  différence  et  k  faire  disparoîlre  la  trace  de  ion  origine 
étrangère;  chose  d'autant  plus  facile,  que,  l'écriture  n'étant  pas  connue 
du  peuple,  et  n'étant  même  pratiquée  à   la  cour  que  par  les  conseillers 


(.8 


JOURNAL  DSS  SàVâNS. 
il-n'«xisle  pu  da  monumeiiB  hiitoriqnei  écritSi  D^aprèi  êtt  évt- 
Iu»tiMU  qu'il. etXHt  tritHnodéréei,  M.  Bovdidi  porte  h  force  militain 
dcf  Ashuitén  k  deax  cent  quatre  mille  bommei  ;  ce  qu'iC  considéré 
cptiktne  indiquant  une  pt^htion  totale  fienrirtm  nn  ^liIIbl^d%l^TiArl. 
Cette  eatiinatiea  pourroit  piroltre  trop  feible  au  pmnier  coup^fedf f 
mais  il  fàbt  remarquer  que,  dans  un  pays  ainsi  gouverné,  la ferèe  miritalW 
doit  comprendre  toiu  les  indtvidns-milet  en  eut  de  porter  les  armes;  et» 
«nmppostnt  que  leur  Âge  s^étendededijc-huit  ans  jusque quanntc^cinqt 
ça.  trotive  eh  efiàt  que  leur  nombre  doit  ^re  d'environ  dfeoz  ceiit  mille 
sur  une  population  totale  d'un  milKon  :  c'est  k  peu  près  II  popahition  de 
rÉeosse;  mab  M.  Bowdicii  croit  que fev  AJÂiantéCs  s6nt  tépurth  sur 
iwe^nduede  territoire  deux  fois  aussî'gTsnde.  •  * 

■  Leur  gouvernement,  quoique  despotique  fttsqn'k  lubarbarie  dans  \ti 
détails, ^présente, dam  les  grandes  affaires,  le  balancement  de  plusieurs 
pouvoirs:  le  roi  est  le  maître  «ttsolu  de  fadministratîon  intérieure;  Ie« 
familles  sacrées  ne  peuvent  y  influer  que  par  lesr  crédit  :  mais  elles 
parùdpent  de  jclroit  aux  décisions  qui  intéressent  fa  politique  eziérreure; 
elles  peuvent  même  alors  arrêter  les  volontés  du  roi  par  un  w».  fbnHel. 
La  guerre  seule  se  décide  par  le  concours  de  trois  pouvoirs ,  qui  sont  le 
roi ,  \ki  familles  sacrées,  et  l'assemblée  des  c!ief«  militaires. 

En  observant  des  formes  aussi  compliquées  de  gouvernement  chez  un 
peirplË  qui  d!iilleurs  diffère  essentiellement  de  la  race  nègre  par  sa 
physionomie,  autant  que  par  ses  moeurs  et  son  intelligence;  en  trouvant 
cbes  ce  peuple  la  connoissance  irès-perfèctidifiléé  dé  phlsiéurs  arts,  \eU 
que  le  lissage,  la  broderie ^  la>  poterie,  le  travail  des  ctiirs,  celui  des 
métaux,  forrevrerie  et  f  architecture;  en  y  reconnoîssant  la- pratique  de 
plusieurs  superstitions  singulières  et  d'usages  bizarres,  étrangers  aux 
nègres,  et  méine  inconnus  aux,  natÎMis  environnantes]  M.  bovdich 
t  trouvé  naturellement  porté  à  imaginer  que  les  Aihantées  t 


SEPTEMBRE   1819.  ji? 

les  plus  frappantes  que  M.  Bowdich  indique  à  l'appui  de  cette  opinion  , 
Cl  elles  seront  d'autant  moins  déplacées ,  qu'elles  auront  en  même  temps 
Favantage  de  faire  connoître  les  traits  les  pïm  caractérisiiqnes  des  mceurs 
et  du  gouvernement  des  Ashanlées. 

Déjà  l'on  a  dû  remarquer,  dans  ce  qui  précède,  une  similitude  sin- 
gulière entre  le  prénom  de  Sat  ou  Zû'i ,  donné  au  roi  des  Ashanlées ,  et 
celui  de  Z/i  que  prenoient  les  premiers  rois  de  l'Abyssinie  ;  or,  d'après 
les  observations  de  M.  Sait,  il  paroît  que  les  Abyssins  descendent  aussi 
d'une  naiion  d'Éthiopiens,  auxquels  se  sont  mêlées,  dans  la  suite  des 
temps,  des  colonies  venues  d'Egypte  (1).  Une  autre  coutume  commune 
I  ces  deux  peuples,  c'est  que  le  roi  n'est  jamais  censé  parler  en  public 
par  lui-même,  mais  par  des  minisires  ou  interprètes  qui  répètent  ses 
moindres  observations.  Chez  les  uns  comme  chez  les  auires,  le  roi  ne 
mange  jamais  en  public;  il  vil  retiré  parmi  ses  esclaves  et  les  officiers  de 
sa  maison  ,  ei  c'est  un  crime  capital  de  s'asseoir  sur  son  siège,  que  l'on 
renverse  dès  qu'il  se  lève.  En  Abyssinie,  tout  défaut  corporel  exclut  du 
trône.  Chez  les  Ashanlées,  la  coutume  autorise  tout  ce  qui  peut  con- 
tribuer à  la  beauté  de  la  race  régnante,  jusque-h"!  que  les  intrigues  hs 
plus  multipliées  sont  permises  aux  femmes  de  la  famille  royale,  même 
,  avec  les  hommes  de  fa  plus  basse  condition ,  puurvu  qu'ils  soient  beaux 
et  bien  constitués.  Une  conséquence  assez  nalureile  de  celte  coutume  , 
c'est  qu'ils  attachent  la  légitimité  à  la  seule  descendance  par  les  femmes; 
ainsi  au  roi  succèdent  d'abord  ses  frères  comme  issus  de  la  même  mère , 
puis  ies  enfuis  de  ses  sœurs.  Une  ressemblance  plus  marquée  et  plus 
singulière  encore,  c'est  que  le  roi  des  Ashantèes,  comme  celui  de  l'Abys- 
sinie, entretient  une  troupe  d'enfâns  de  grandes  familles,  attachés  k  s» 
maison  en  qualité  de  pages,  et  qui  sont  élevés  à  voler  avec  adresse; 
comme  les  jeunes  Spartiates,  Les  Ashanlées,  de  même  que  les  Abyssins, 
ne  combattent  jamais  la  nuit,  ni  même  après  le  coucher  du  soleil, 
quelques  avantages  que  les  circonstances  leur  présentent  ;  chez  les  deujt 
peuples  également ,  le  mariage  n'est  qu'un  marché ,  qui  s'annuile  en  ren- 
dantfes  sommes  reçues;  el  la  circoncision,  quoique  pratiquée  quelque- 
fois, n'y  est  point  d'obligaiion.  Ces  aiwlogies,  ei  beaucoup  d'aunes  que 
M.  Bowdich  a  réunies  dans  un  mémoire  particulier  qu'il  a  bien  voulu 
nous  communiquer,  semblent  trop  cnraciéristiques  jiour  être  l'eflèt  du 
hasard;  mais  ce  qui  leur  donne  encore  plus  de  poids ,  c'est  que  l'on  trouve 
aussi  chez  les  Ashantées  plusieurs  usages  toui-à-fait  partils  à  ceux  de 


(1)  L'existence    des    diverses    ciuliiircs    auribuéej    ici    aux    Abysiiiis  par 
M.  Bowdich  est  constatée  par  le*  Voyages  de  Bruce  et  de  M,  Sait. 


jao  JOURNAL  DES  SAVANS, 

rancieime  Egypte.  Ainsi  Hérodote  raconte  que  les  Égyptiens  mangent  dans 
les  nies,  mais  que,  pour  les  autres  besoins  de  la  nature,  ifs  se  retirent 
dans  des.  parties  secrètes  de  leurs  maisons.  Cec'deuz  coûtâmes  se  re- 
trouvent aussi  diez  les  Ashantées  ;  et,  ce  qniesi  une  particularité  qiû  ne 
seirencontre  chez  aucune  nation  n^re,  ib  ont,  sus  divfeiî  itÈgjtiàc 
leurs  maisons,  des  latrines  entretenues  avec  une  recherche  de  propreté 
su^renante.  Comme  les  anciens  Égyptiens^  ils  laissent  croître  leurs 
cheveux  et  leur  bvibe,  pour  témoigner  leiir  douleur  :  ils  n'embaument 
pas  leurs  morts,,  mais  ils  les  enfument  pour  les  conjerrer.  Le  blanc 
est  chez  eux  la  couleur  sacrée,  de  même  qu'il  rëloit  en  Egypte.  Leurs 
prêtres  sont  yétus  de  blanc, ;et  se  blanchissent  aussi  tout  le  corps  avec 
de  h  chaux  :  on  fait  la  même  cérémonie  aux  accusés  lorsqu'on  !es 
acquitte.  Le  roi  et  tous  les  grands  portent  des  habits  blancs,  dans  les 
jours  de  rejiréseniauon.  Chez  les  Ashantées,  comme  dans  l'ancienne 
Egypte,  onentretieiudes  crocodiles.sacrés,  que  les  prêtres  sontcfaaigés 
de  nourriravec  des  poulets  blancs.  On  y  reconiioît  aussi  cette  coutume, 
rapportée  par  Hérodote,  que  chaque  famille  s'abstient  d'une  espèce 
particulière  de  viande;  les  unes,  de  mouton;  d'autres,  de  chèvre; 
d'autres ,  de  bœuf;  ce  qui  forme  entre  elles  autant  de  castes  tout-à-fait 
distinctes,  et  désignées  par  ces  noms-i&.  Leur  architecture  légère  ne 
ressemble  pas  sans  doute  à  celle  des  monumens  de  Thèbesi  et  leurs 
palais  de  roseaux  n'ont  rien  qui  rappelle  les  pyramides  ;  mais  ces  grandes 
masses  elles-mêmes  ne  nous  représentent  pas  davantage  les  humbles 
habitaiions  de  l'ancien  peuple  égyptien.  Toutefois  les  frêles  demeures 
des  Ashantées  ne  sont  pas  entièrement  dépourvues  de  caraaères  histo- 
riques; car,  parmi  les  ornemens  nombreux  et  recherchés  qui  les  dé- 
cotent ,  on  retrouve  fréquemment  une  figure  assez  distincte  de  l'ancien 
ibis.  N'y  a-t-il  pas  quelque  chose  de  frappant  dans  ces  anciens  vestiges» 
tout  effacés  qu'Us  sont  en  partie  par  la  main  du  lempi 


SEPTEMBRE   1819.  î^^ 

pour  lui  donner  plus  de  sécurité;  enfin ,  lorsqu'oiT  est  parvenu  II  lui 
inspirer  assez  de  confiance  pour  venir  à  la  cour»  on  Parrête»  on  lui  pré- 
sente ces  témoins  qu'if  croyoit  morts  et  qui  semblent  sortir  du  tombeau 
pour  le  confondre.  Dans  son  trouble,  il  est  bientôt  convaincu  et  mis  k 
mort, à  moinsqu*iI  ne  rachète  sa  vie  au  prix  de  tous  ses  biens.  En  générai, 
presque  tous  les  crimes  peuvent  se  racheter  avec  de  Tor ,  et  le  roi  hérîce 
de  1  or  de  tousses  sujets.  L'État  hérite  aussi  de  tous  les  morceaux  d'or  qui 
tombent  par  terre  dans  le  marché  pubfaç;  personne,  pas  même  leur 
propriétaire  «  ne  peut  les  ramasser,  sous  peine  delà  vie.  Lorsqu'une  forte 
ptuié  vient  laver  la  place  du  marché ,  tout  l'or  qui  se  trouve  rassemblé  par 
les  eaux,  est  religieusement  recouvert  de  terre,  et  laissé  là  comme  un 
dépôt  sacré.  La  récolte  de  cet  or,  durant  lè  règne  du  Toi  actuel,  s'est  &ite 
deux  fois ,  et  chacune  a  donné  environ  soixante  mille  francs  de  notre  môn^ 
noie.  Ce  produit,  ainsi  que  l'or  que  l'on  enterre  avec  les  membres  de  fa* 
famille  royale,  est  considéré  comme  sacré,  et  on  ne  peut  l'employer  que 
pour  la  défense  de  FÉtat,  dans  des  circonstances  extraordinaires.  Par  une 
singulière  fiction,  qui  indique  une  délicatesse  dV>rgueil  bien  susceptible, 
le  roi  est  censé  ne  pas  payer  les  services  des  grands  officiers  de  sa  cour?  il 
leur  fait  seulement  délivrer  la  quantité  d'or  jugée  nécessaire  pour  subvenir 
à  l'entretien  de  sa  maison  :  mais  cet  or  est  pesé  en  poids  du  roi,  qui  est 
d'un  tiers  plus  fort  que  le  poids  ordinaire,  de  sf^He  que  la  différence  Bkit 
le  revenu  de  leur  charge.  Lorsque  le  roi  veut  élever  un  de  ses  capitaines, 
en  récompense  de  ses  services,  il  lui  prête  gratuitement,  pour  deux  ou 
trois  ans,  une  certaine  quantité  d'or,  afin  qu'il  la  fasse  .valoir  à  intérêt,  H! 
qu'il  puisse  ainsi. se  mettre  en  état  de  soutenir  la  nouvelle  dignité  qu'on 
lui  destine.  S'il  ne  réussit  pas  à  .s'enrichir  avec  ce  secours,  il  est  regardé 
comme  un  homme  sans  talent.  En  effet ,  la  chose  n'est  pas  difficile  ; 
car  le  taux  de  Fintérêt  légal  est  de  trente- trois  un  tiers  pour  cent  par 
quarante  jours ,  ou  plus  de  cent  pour  cent  pour  quatre  mois  :  c'esf  sani 
comparaison  plus  cher  que  n'étoit  l'intérêt  à  Rome;  car,  lorsque  Brutui 
prêtoit  aux  alîiés  de  la  république ,  il  se  contentoit  de  quarante- huit  pour 
cent  par  an.  Dans  un  cas  <:omme  dans  l'autre ,  cette  usure  effroyable  est  h 
conséquence  nécessaire  du  despotisme ,  qui  concentre  les  capitaux  dans 
les  mains  du  plus  fort,  et  ne  permet  de  sécurité  dans  la  propriété  qu'à 
celui  qui  peut.iie  défendre.  De  quelque  nom  qu'on  les  revête,  les  mêmes 
causes  produisent  éternellement  Its  jnêmes  effets.  Toutefois  il  existe 
chez  les  Ashantées  des  moyens  de  se  soustraire  à  l'oppression  quand 
elle  devient  intolérable.  Si  un  homme  jure  par  la  tête  du  roi  qu'un  autre 
le  tuera,  cet  autre  est  en  effet  obligé  de  le  tuer ,  parce  qu'tm  tel  serment 
'^i  .œiisé  juivoquctr  1^  mort  ,d«  roi  »'il  n'est  pas  rempli  ;  mais,  alors  la 

yvv 


* 


112  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Emilie  du  mort  acquiert  le  droit  de  ^re  un  procès  an  meurtrier,  qui 
est  obligé  de  payer  un  dédommagement  considérable.  Un  esclave 
mdtrailé  par  son  maître  peut  de  même  échappera  son  pouvoir  en  se 
donnant  à  an  autre  jnaltre  qu'il  oblige  de  le  prendre ,  en  invoquant  sa 
mort  s'il  ne  le  lait  point  ;  et  le  |>rcmier  propriéôire  ne  peut  pas  le  rédvner 
q>rès  cette  invocation.  Le  dernier  des  esclaves  peut  ainsi  comiatHnettre 
«bngereusement  le  chef  le  plus  poissant,  et  même  les  pretnîers  jlerson- 
nagesda  royaume,  en  jurant  que  le  roi  tuera  ce  chef  oa  cette  penonne, 
et  il'  en  ooAle  ensuite  à  ceux-ci  beaucoup  d'or  pour  se  soustraire  k  fac- 
complissement  d'un  pareil  vœu.  Ce  sont  Ib  des  espèces  de  garanties  ler- 
ribles,contre  l'excès  du  pouvoir  arbitraire  :  k  la  vérité ,  il  en  coûte  souvent 
la  vie  pour  y  recourir;  mais  le  Nègre ,  babicué  dés  i'en&ice  k  voir  la  mort 
et  la  torture  même  avec  une  profonde  indiffèrence,  ne  regarde  pas  k  ce 
sacrifice,  quand  il  a  soif  de  se  venger.  Quelques-uns  ,  pour  échapper 
aux  malheon  de  l'oppression,  vouent  leur  vie  au  roî,  qui  alors  les  nourrit 
et  les  protège.  lis  vivent  ainsi  exempts  de  persécution  et  d'inquiétude: 
mais  il  faut  qu'ils  meurent  avec  b  prince  :  on  les  immole  tous  sur  son 
Oombeui. 

On  conçoit  assez  que  la  religion  d'un  pareil  peuple  doit  être  supersti- 
tieuse et  féroce;  tels  sont  en  effet  ses  caractères,  lis  croient  un  dieu  et 
une  autre  vie  :  mais ,  n'a^jnt  point  de  dogmes  positifs ,  ils  accueillent  et 
pratiquent  à-Ia-fois  toutes  les  superstitions  des  Nègres  et  des  Maures  ; 
sur-tout  ils  paient  au  poids  de  l'or  certains  amulettes  semblables  à  de 
petits  grains  de  poterie  diversement  colorés  ,  et  auxquels  ils  supposent 
un  pouvoir  absolu  sur  leur  destinée.  Ils  assurent  qu'ils  les  trouvent 
enfouis  dans  la  terre,  et  le  prix  qu'ils  y  attachent  prouve  qu'ils  ne  savent 
pas  se  les  procurer  en  abondance.  On  pourroitdonc  croire)  avec  quelque 
probabilité ,  que  ces  objets ,  analogues  aux  petites  figures  que  l'on  trouve 
dans  les  catacombes  égyptiennes,  sont  d'une  fàbricaiion  très-ancienne. 


SEPTEMBRE  1819,  »a| 

l^rUQit  M.  Bowdicb  Ta  vu  et  Tassure»  ii  e$t  afireuz»  dis-je»  de  pemer 
que  rabolitîoii  de  la  traite  a  augmenté  sensiblement  le  nombre  des  vie* 
times  humaines  ainsi  sacrifiées;  et >  pour  que  rien  ne  manque  aux  mauH 
qu*a  dé|ji  causés  cet  abominable  commerce ,  ce  nombre  s'accroîtra  proba^ 
blement  encore  à  mesure  que  Tabolitîon  de  la  traite  deviendra  plus  réeUd 
et  plus  générale,  parce  qu'après  s'être  habitués  à  faire  des  esclaves  pour 
nous  les  vendre»  ii  faut  qu'ils  les  tuent  pour  s'en  débarrasser»  aujourd'imi 
que  nous  n'en  voulons  plus. 

C'est  trop  s'arrêter  k  décrire  ces  mpeurs  féroces  ;  l'espace  qui  nous  reste 
suffira  à  peine  pour  indiquer  les  résultats  de  tout  genre  que  notre  voya* 
geur  a  recudlJis.  M.  Bowdich  a  réuni  dans  son  ouvrage  le  vocabulaire  et 
les  noms  de  nombre  d'environ  trente  langages  inconnus  avant  luf  ;  il  t  de 
plus,  avec  un  travail  considérable»  analysé  particulièrement  ia  philo- 
sophie et  la  construction  de  deux  de  ces  idiomes,  et  il  y  a  découvert  des 
ressemblances  très-curieu6es  entre  leurs  tours,  leur  syntaxe  et  celles  de 
l'hébreu  et  du  grec;  il  a  noté  plusieurs  morceaux  de  la  musique  des 
Ashantées  et  des  auires  nations  de  l'intérieur,  sans  essayer  d'en  déguiser 
la  simplicité  par  aucune  altération.  II  y  fait  remarquer  que  le  mode  mineur 
s'y  rencontre  plus  fréquemment  que  le  mode  majeur,  et  qu'ils  passent 
aisément  de  l'un  à  l'autre  dans  le  même  air.  M.  Bowdich  signale  avec  soiit 
toutes  les  coutumes  qui  peuvent  être  caractéristiques.  Ainsi  ii  remarque 
que  les  Ashantées  ne  pèsent  que  l'or;  les  autres  choses  se  vendent-à  h 
mesure  ;  par  exemple  »  la  poudre  en  gros  par  baril,  en  détail  par  charge 
d'arme;  le  tabac,  par  rouleaux  ou  par  bouts;  le  fer,  par  barres;  le  plomb, 
par  petits  barreaux  longs  comme  le  doigt,  &c.  Leurs  poids  pour  l'or  sont 
les  suivans  : 

8  tokoos  font  une  ackie ,  environ  une  piastre  ou  cinq  francs-, 

t6  ackies,  un  newe  niéen, 

j(j  ■*  un  benda, 

4o   *■  un  périguin.  -, 

L«ur  année  commence  le  i ."  octobre  ;  ils^  ia  partagent ,  par  leurs 
cérémomes  rel^ieuses ,  en  divisions  de  trois  et  de  six  semaines  qui  se 
succèdent  alternativement.  Ils  connoissent  et  emploient  la  semaine  de 
sept  fours,  comme  toas  les  autres  peuples;  mais  chaque  famille  place  le 
commencement  de  cette  période  à  un  four  différent,  où  elle  s'abstient  de 
travail.  M,  Bowdich  a  recueîHi  beaucoup  de  détails  intéressais  sur 
leurs  maladies,  ainsi  que  sur  tes  végétaux  et  les  animaux  les  plus 
remarquables  de  ces  contrées;  mais  nous  ne  pouvons  qu'indiquer  îcice$ 
çhfçts,  afin  deriious  réserver  quelque  pbce  pour  des  résuluts  <fui> 
înt^r^t  plus  général  encore. 

yvv  2 


Îi4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Leteiidue  de  territoire  que  les  Ashantées  occupent ,  les  relidou 
nombreuses  que  leur  richesse  et  lecir  puissance  leur  donnent  avec  ies 
nations  qui  les  environnent»  la  résidence  parmi  eux  d'un  certain  nombre 
de  Maures  exercés  au  maniement  des  affaires ,  et  dont  Foffice  même 
exige  une  certaine  instruction,  le  concours  continuel  des  marchands 
d'esclaves  venant  de  Tintérieur,  enfin  une  liaison  ^miiière  et  amicale 
avec  tous  les  personnages  influens  du  pays,  et  {ïntelligence  du  langage, 
donnoient  .'i  Â1.  Uowuich  des  facilitas  singulières  pour  prendre  des  len- 
seignemen?  >ur  la  gé>>grn|}hie  de  ceire  partie  de  TAftique  qui  s'étend 
nu  hud  du  Niger*  et  relativement  à  Inquelle  on  ^toit  resté  |usqu*akm 
dpjis  une  isrnorance  nl>>(>lne  '  1 1.  Sjns  doute  des  indications  ainsi  déduites 
de  relations  orales  ne  doivent  pas  être  comparées*  |>our  la  cerutude, 
avec  les  données  positives  que  pourroit  fournir  un  voyageur  instruit 
tiui  nnroit  été   lui-même  sur  les  lieux  :  mais  ,  à  défaut  cfe   ces 
nicrc-s,    le   rassemblement  des  témoignages  oraux  peut   être 
fort  urile;  car,  s'ils  sont  en  grand  nombre,  indépendans  les  uns  d» 
autres,  et  discutés  avec  intelligence,  ils  peuvent  conduire  à  de  trèf- 
fortes  prof>abilités.  Nous  croyons  que  le   lecteur  attentif  reconnoltrt 
ces  caractères  dans  les  informations  recueillies  par  M.  Bowdich,  et  cbns 
le  journal  de  son  compagnon  de  voyage,  M.  Hutchinson,  qu*îl  âwoh 
laissé  conm;e  résident  à  Commassie  ,    capitale  des  Ashantées  ;  nous 
allons  rapporter  succinctement  les  résultats  qu  il  a  déduits  de  ces  divers 
renseignemens. 

I.a  |Temière  et  la  plus  importante  concerne  le  cours  du  Niger.  Tout 
le  mor.de  >ait  combien  de  conjectures  ont  été  faites  sur  la  directiba 
de  ce  grand  fleuve >  dont  les  bords  sont  couverts  de  cités  populeuses t  et 
dont  les  eaux  fécondantes  semblent  donner  la  vie  à  tout  Tintérieur  du 
continent  africain.  Les  uns  ont  fait  couler  ce  fleuve  de  Test  k  Fouest; 
d'autres,  dans  une  direction  contraire:  on  Fa  fait  tantôt  se  perdre  dans 
une  mer  intérieure,  tantôt  se  continuer  jusqu'aux  côtes  orientales  ou 
occidentales,  et  verser  ses  eaux  dans  l'Atlantique  ou  dans  rOcéan  indien.. 
Enfin,  lorsque  Mungo-Park  atteignit  ce  fleuve  près  de  SegOt  et  se  fiir 
assuré  par  ses  propres  yeux  quil  couloit  alors  de  Fouest  à  Test»  on  sup- 
posa, et  ce  fut  aussi  l'opinion  de  ce  célèbre  voyageur,  on  supposa»  cËfr-fe^ 
que,  dans  la  suite  de  son  cours,  il  se  replioit  sur  lui-inéme,  et  que»  re- 
tournant vers  les  côtes  occidentales,  il  formoit  une  des  grandes  rivières 
qui  se  déchargent  dans  FAtlantique ,  telles  que  le  Volta  ou  k 


(i)  Notre  proc!iain  cahier  contiendra  nne  carte  de  cette  centréfi  dressée  par 

M.  Bowdichiui-mCr.ie. 


SEPTEMBRE   1819.  5IJ 

Les  renseîgnemens  recueillis  par  M.  Bowdich  conlrediseni  toutes  ces 
conjectures.  D'abord,  conformément  à  ce  qu'a  vu  iVlungo-Park,  ifs 
représentent  le  Niger  coulant  de  Test  au  hord-ouest,  depuis  Sego  jus- 
qu'au lac  Dibberi  ensuite,  h  Iii  sortie  de  ce  lac,  comme  Mungo-Park 
Ta  dit  encore,  mais  seulement  dVprès  des  témoignages,  il  se  divise  en 
deux  branches,  dont  l'une»  suivant  M.  Bowdich,  coulant  au  nord-ouest, 
va  passer  près  de  Torabucioo,  et Tautre,  plus  considérable,  se  dirigeant 
au  sud- ouest,  continue  le  véritable  Niger,  qui  prend  alors  le  nom  de 
Quolla.  Maintenant  la  première  branche,  après  avoir  remonté  au  nord- 
ouest,  un  peu  au-delà  de  Tombuctoo,  se  divise  encore  :  une  partie, 
coulant  droit  au  jiord,  est  appelée  par  les  Maures  Jolïba,  c'est-à-dire, 
grande  eau,  et  Zak-mer  par  les  Nègres;  l'autre  partie,  coulant  à  l'ouest, 
prend  le  nom  de  Gambaroo.  Celle-ci,  poursuivant  toujours  sa  route  dans 
cette  direction,  va  enfin  se  perdre  dans  un  lac  intérieur,  que  les  naturels 
décrivent  comme  volcanique ,  et  qu'ils  révèrent  comme  le  réservoir  des 
eaux  du  déluge.  Quant  à  la  grande  branche  appelée  Quolla,  qui  coule 
d'abord  au  sudo-uest ,  celle-ci ,  infléchissant  peu  à  peu  sa  route ,  se  tourne 
vers  l'ouest  même,  donnant  naissance,  sur  sa  rive  droite  ;  à  un  grand 
nombre  de  rivières  qui  coulent  au  sud-ouest  jusqu'à  la  mer,  et  enfin, 
afix>iblie  et  presque  épuisée  par  ces  versemens  nombreux ,  elle  va  rejoindre 
le  Nil  au  sud-ouest  de  Sennaar  par  une  foible  communication  qui  n'est 
navigable  que  dans  la  saison  des  pluies.  Ce  dernier  fait  étoit  si  remar- 
quable et  si  peu  attendu',  que  M.  Bowdich  a  mis  tout  en  usage  pour  en 
multiplier  la  probabilité.  Il  a  non-seulement  consulté  de  vive  voix  des 
Maures  qui  avoient  ftit  plusieurs  fois  le  voyage  d'Egypte  ;  il  s'est  procuré 
des  cartes  de  route  dessinées  par  eux  ;  il  a  comparé  et  opposé  les  récits  de 
tous  ceux  qui  pouvoient  iui  fournir  à  cet  égard  quelques  lumières  :  toutes 
les  indications  ont  été  unanimes.  On  peut  avoir  d'autant  plus  de  confiance 
à  son  témoignage,  que,  dans  d'autres  ca^,  il  ne  dissimule  point  les  con- 
tradictions qui  se  sont  rencontrées  entre  ceux  qu'il  interrogeoit.  C'est 
ainsi  qu'il  avoue  n'avoir  pas  pu  obtenir  de  renseignemens  précis  sur  la 
source  du  Niger;  et  il'ne  paroît  pas  non  plus  séduit  par  le  désir  d'an- 
noncer des  résultats  extraordinaires;  car,  au  contraire,  il  rappelle  avec 
empressement  toutes  les  indications  des  écrivains  antérieurs  qui  peuvent 
avoir  vu  ou  soupçonné  les  mêmes  faits.  C'est  ainsi  qu'en  exposant  ce 
qu'il  a  appris  sur  l'existence  et  le  cours  du  Gambaroo,  il  s'empresse  de 
fiiire  remarquer  que  cette  branche  du  Niger  avoit  déjà  été  indiquée  sous 
ce  même  npm  par  notre  géographe  Delille,  dans  la  carte  de  l'Aflique 
qu'il  avoit  construite  pour  Louis  XV.  Seulement  Delille  s'étoit  trompé 
en  la  supposant  le  prolongement  unique  du  Nîg^f;  dont  elle  n'est  qu'une 


5i6 


JOURNAL  DES  SAVA.NS, 


dérivation.  C'est  près  des  bords  du  Gaiiibaroo  qu'est  siluée  la  cité  popu- 
leuse de  Houassa, centre  de  tout  le  commerce  de  i'inlérieur  de  l'Afrique, 
ft  qui,  en  étendue,  en  pouvoir  et  en  richesses,  le  cède  seuleinenl  k 
Bouniou.  Houassa  est  aujourd'hui  ce  qu'étoii  jadis  Tombuctoo,  main- 
tenant sa  tributaire.  Cette  dernière  ville,  dont  la  prospérité  décroissoîl 
déjà  du  temps  de  Léon  l'Africain  ,  qui  représente  les  anciennes  demeures 
de  ses  habitans  comme  changées  en  de  pauvres  cabanes,  n'est  plus, 
dit-on,  aujourd'hui  qu'un  amas  de  chaumières  nègres,  où  l'on  reconnoit 
à  peine  quelques  vestiges  de  son  ancienne  splendeur. 

Outre  ces  renseignemens  iinportans  sur  la  distribution  des  eaux  dan» 
rintérieurde  l'Afrique,  M.  Bowdith  a  rassemblé  une  multitude  de  détails 
positifs  sur  les  contrées  moins  distantes  des  côies,  et  principalement  sur 
celles  qu'il  a  pu  parcourir  lui-même.  Ces  observations  donnent  beaucoup 
dénotions  nouvelles,  et  en  rectifient  également  un  grand  nombre  qui 
étoient  fausses  ou  inexactes,  parmi  celles  que  l'on  uvoit  précédemment  ' 
admises  :  ainsi  M.  Bowdich  a.  tracé  pour  la  première  fois  le  cours  du  i 
grand  fleuve  du  Voila,  depuis  son  emboucluire  jusqu'aux  montagnes  de 
Hong,  appelés  A-lonls  de  la  Lune  par  les  géographes.  Le  Lagos,  autre 
grande  rivière  que  l'on  représentoit  jusqu'ici  comme  se  dirigeant  au  nord- 
ouest,  coule  directement  nord  jusqu'à  une  distance  inconnue.  Les  esclaves 
venant  de  l'intérieur  déclarent  qu'ils  sont  amenés  pendant  plus  d'un  mois 
le  long  de  ses  bords.  On  avoit  considéré  les  Monts  de  la  Lune  comme 
une  chaîne  continue  d'où  l'on  faisoit  descendre  plusieurs  rivières ,  tant  au 
sud  qu'au  nord;  M.  Bowdich  a  reconnu  que  ce  sont  des  montagnes  isolées, 
et  séparées  les  unes  des  autres  par  des  intervalles  suffisans  pour  donner 
passage  à  de  grandes  rivières.  Ainsi  s'évanouit  une  des  données  sur 
lesquelles  la  géographie  physique  s'appuyoîl  avec  le  plus  d'assurance 
pour  déterminer  théoriquement  le  cours  de  ces  fleuves  et  du  Niger 
même;  ou  plutôt,  dans  cette  circonstance,  comme  dans  beaucoup  d'autres, 
ce  n'est  pas  (e  principe  théorique  qui  étoit  fautif,  c'est  l'application  que 
l'on  en  faisoit.  Non  content  de  ces  découvertes.  M,  Bowdich  s'est 
"transporté  sur  ces  mêmes  plages  où  avoit  échoué  l'expédition  anglaise 
récemment  envoyée  h  grands  frais  pour  remonter  la  rivière  du  Congo , 
que  l'on  supposoit  à  tort  être  le  véritable  Niger.  Il  a  voulu  essayer  sur 
cette  côte  ce  que  pouvoient  les  eU'oris  bien  dirigés  d'un  seul  individu, 
et  les  résultats  de  cette  excursion  sont  rapportés  dans  son  ouvrage.  Il  y 
a  trouvé  encore  de  nouvelles  confirmations  des  renseignemens  qu'il  avoit 
recueillis  chez  les  Ashantées  sur  la  non-réalité  du  système  qui  faisoit  du 
Congo  l'embouchure  du  Niger.  H  a  exploré  le  cours  de  la  large  mais 
courte  rivière  appelée ,  CaboM.  Cette  rivière  se  divise  en  dpux  Ltanche», 


SEPTEMBRE 'i8  9.  J27 

i  peu  de  distance  de  la  cote;  mais,  en  traversant  une  péninsule  déserte 
que  ces  branches  comprennent,  on  trouve  dans  Tintérieur ,  à  trois 
journées  de  marche,  une  autre  rivière  considérable,  appelée  Ogoonwaiy 
qui,  dit-on,  est  aussi  une  dérivation  de  la  branche  du  Niger  appelée 
Ç^/(?/Aj,  et  qui ,  après  une  longue  course,  se  divise  elle-même  en  deux 
branches ,  dont  une  se  réunit  au  Congo. 

Outre  ces  résultats  de  géographie  générale,  on  trouve  dans  l'ouvrage 
de  M.  Bowdich  une  foule  de  détails  locaux  du  plus  grand  intérêt.  Ainsi 
le  royaume  opulent  de  Dagwmba,  dont  la  renommée  est  parvenue  juS' 
ques  aux  côtes  de  la  Méditerranée,  se  trouve  être  un  des  tributaires  des 
Ashantées  et  le  Delphes  de  l'Afrique.  Là,  d'après  des  témoignages 
unanimes,  sont  déposés  un  grand  nombre  de  manuscrits  que  l'on 
peur  maintenant  espérer  de  posséder  un  jour  en  Europe.  Plusieurs 
autres  royaumes  dont  le  nom  et  fexistence  étoient  précédemment  tout- 
à-fâit  inconnus ,  ont  été  découverts  par  M.  Bowdich,  et  leur  position 
relative  a  été  indiquée  par  ses  recherches.  En  un  mot,  il  a  rempli  de  noms 
et  d'intérêt  ce  grand  espace  vide  qui  existoit  dans  la  géographie  de 
TAfrique  depuis  la  côte  de  Guinée  jusqu'au  Niger,  et  dont  on  ignoroit 
même  s'il  étoit  désert  ou  habité.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire  sentir  le 
prix  de  ces  travaux  qu*en  rapportant  ici  l'éclatant  suffrage  dont  les  a 
honorés  le  patriarche  de  la  géographie.  «  Le  travail  de  M.  Bowdict^-dit 
»  le  major  Rennell ,  contient  beaucoup  de  renseignemens  géographiques 
»  importans  et  nouveaux  sur  la  partie  du  globe  jusqu'ici  la  moins  connue  ; 
9>  il  offre  des  résultats  auxquels  on  ne  pouvoit  nullement  s'attendre. 
19  L'existence  de  la  rivière  du  Gambaroo  est  une  découverte  nouyelle  qui 
»  mérite  la  plus  grande  attention.  En  général,  les  recherches  rapportées 
»  par  ce  jeune  voyageur  présentent  dans  leur  ensemble  des  preuves  de 
»  véracité  incontestables  1  et  attestent  dans  leur  auteur  beaucoup  de 
»  jugement  et  d'habileté.  » 

Un  des  chapitres  les  plus  intéressans  et  les  plus  utiles  de  louvrage  de 
M.  Bowdich,  c'est  celui  où  il  expose  les  moyens  de  lier  des  relations  de 
commerce  avec  l'intérieur  de  l'Afrique  par  les  établissemens  de  la  côte  de 
Guinée ,  et  surtout  par  l'intermédiaire  des  Ashantées.  Tenir  envers  ces 
peuples  une  conduite  noble  et  juste,  qui  leur  inspire  du  respect  pour  le 
caractère  européen  ;  répandre  chez  eux,  par  la  seule  voie  de  la  persuasion 
et  de  l'exemple,  les  sentimens  d'équité,  d'humanité,  les  idées  de  travail^ 
d'agriculture  et  de  commerce  qui  conduisent  à  la  civilisation;  les  détacber 
ainsi  naturellement  et  sans  violencç  de  leurs  superstitions  cruelles,  pour 
les  amener  à  une  religion  qui  prescrit  et  inspire  toutes  les  vertus  sociales; 
en  £dre  ainsi  des  êtres  bons  1  laboneux  et  beureux  ^  telles  sont  les  voies  que 


528  JOURNAL  DES  SAVANS, 

M.  Bowdîch  propose;  tefs  soin  les  rcsuhats  qu'il  regarde  comme  possibles 
et  même  comme  assurés  en  suivant  ces  indications.  P-îsse  son  plan  éut 
adoptl'  par  ses  compatriotes  et  par  les  autres  nations  européennes  qui  ont 
des  érablisscmens  sur  Tes  côtes  orientales  de  TAfrique!  Alors  la  cîvîKsalîpn 
et  le  honheur  pourront  enfin  paroîire  sur  cette  vaste  partie  du  mondCtSl 
long-temps  en  proie  aux  suj)er>tiiions,  aux  massacres,  h  PescIavagCti. 
la  l)ar!,r.iiv-.  L'Europe  doit  ce  l;ie!itaii  h  l'Afrique ,  en  réparation  des 
maux  que  la  traite  a  répandus  dejniis  trnis  siècles  sur  cette  terre  infortunée. 

Une  des  considérations  sur  leîquelles  M.  Bowdîch  insiste  le  plus,  et 
avec  raison,  h  ce  qu'il  me  semble,  c'est  l'inutilité  presque  certaine  de 
tenter  désormais  de  j  éiiétrer  dans  l'intérieur  de  TAPrique  par  des  entre- 
prises isolées,  qi.i,  rencontrant  h  chaque  pas  des  résistances,  doivent 
presf]Uc  înévitablcmi.r.t  finir  aussi  jnnlluurcusement  que  celles  qui  ont 
été  essayées  déjà.  Tous  les  intérêts,  et  :ou«i  les  préjugés  des  naturels  se 
rcuniy>ent  contre  ce  genre  de  tcniaîives.  Au  !ieu  d'essayer  encore  cette 
v(îie  hn<.i:dtrsf,  M.  Buwdich  prv  po>e  de  b'avanctfr  graduellement  dans 
I  intérieur  par  des  li.jisor.s  politiques,  de  traiter  |Togresvivement  avec  les 
puissances  maîtiesjes  du  pays,  et  d'étaKIir  chez  elles  des  résidens  accrè*  ' 
dites,  ayant  de  la  prohité,  de  l'honneur,  du  caracière  et  de  rinstrucixon. 
Quels   moyens  en   effet  n'auront  j)as  dt-s  hommes  ainsi  placés  pour 
recueillir  paisiblement,  rans  obstacle  et  snns  inspiier  aucune  {afousict 
tous  les  renseignemcns  utiles  cjui  peuvent  fiiire  connoître  ces  contrées  à 
l'Europe  et  amener  un  jour  leur  cîvilî.sation  1  Combien  leur  position  nu 
scra-t-elle  pas  préférable  à  celle  de  voyageurs  isolés,  exposés  à  la  mal- 
veillance, au  soupçon,  au  pillage,  et  qui,  s'ils  échappent  9  comme 
Mungo-Parka  eu  une  fois  le  bonheur  de  le  faire,  ne  devront  ce  hasard 
qu'à  l'indilTerence  qu*aura  excitée  pour  eux  la  profonde  misère'  dans 
laquelle  ils  seront  tombés!  Dans  ses  vues  nobles  et  généreuses ,  M,  Bow- 
dich  demande  que  les  résidens  près  des  peuples  d'Afrique  deviennent 
aussi  les  correspondans  de  l'Europe  entière:  il  veut  qu'ils  soient  chargés 
de  recueillir  les  renseignemens  de  tout  genre  qui  leur  seront  demandés 
par  les  savans  de  toutes  les  nations;  et  il  espère,  non  sans  vraisemb/anoet 
qu'à  l'aide  de  ce  )>lan  nous  aurions  dans  deux  ou  trois  années  des 
stations  d'observateurs ,  |>lacées  aussi  loin  que  Tombuctoo  même. 

Un  semblable  projet  n'a  besoin  que  d'être  énoncé  pour  avoir  Fappra- 
bation  de  tous  les  hommes  éclairés  de  l'Europe.  On  peut  aisément  se 
figurer  tout  ce  que  les  sciences  naturelleset  l'étude  de  rantiquité  devront 
y  g«''g»«?r  de  découvertes.  La  physique  y  pourra  enfin  obtenir  aussi  les 
observations  qui  lui  manquent  pour  compléter  Its  lois  de  la  distribution 
du  magnétisme  terrestre,  dont,  pour  tout  l'intérieur  de  TAfrî^e,  oa 


SEPTEMBRE  iSrp.  529 

n'a  pas  la  moindre  notion;  elle  y  trouvera  encore  des  données  météoro- 
logiques d'un  intérêt  extrême  dans  les  observations  de  ces  ouragans 
subits  dont  M.  Bowdich  a  été  témoin,  et  qui  changent  instantanément 
la  direction  des  courans  sur  les  côtes  en  mêiT)e  temps  qu'ils  versent  sur 
la  terré  un  déluge  d'eau.  On  pourroit  aussi ,  dans  les  établissemens  de  la 
côte  deGuinée,  et  à  Cape*Coast  même,  mieux  que  par-tout  ailleurs , 
répéter  avec  une  grande  utilité  la  détermination  du  pendule  à  secondes 
et  la  mesure  d'un  arc  du  méridien;  car  cette  partie  de  l'Afrique  est  à-Ia- 
fois  située  presque  sous  l'équateur  9  et  presque  sur  le  prolongement  du 
grand  arc  du  méridien  qui  va  des  iles  Pityuses  aux  îles  Shetland»  et  sur 
lequel  on  a    aussi   mesuré   la    longueur   du  pendule  à   secondes   et 
celle  des  degrés  y  dans  un  grand  nombre  de  stations.  Une  opération 
correspondante  faite  en  Afrique,  eût-elle  même  une  étendue  beaucoup 
moindre 9  compléteroit  admirablement  les  opérations  européennes,  et 
acheveroit  de  donner,  avec  la  figure  la  plus  exacte  de  la  terre,  la  base 
la  plus  parfaite  de  mesures  que  les   hommes   puissent  adopter.  Déjà 
M.  Bowdich  a  bien  voulu  prendre  avec  nous  l'engagement  de  faire,  à 
son  prochain  voyage,  l'expérience  du  pendule,  plus  simple,  plus  courte 
et  plus  fiici/e  que  la  mesure  des  degrés.  Peut-être  un  jour  aura-t-il  les 
moyens  d'exécuter  aussi  cette  dernière.  Zèle,  talent,  courage,  il  a  tout 
ce  qu'il  faut  pour  réussir.  Puisse-t-il,  dans  le  reste  d'une  longue  carrière, 
surmonter  toujours  aussi  heureusement  que  dans  ce  premier  voyage ,  les 
dangers  de  toute  espèce  que  son  dévouement  aux  connoissances  hu- 
maines lui  fait  affronter* 

Pergt,  .  .  .si  quafata  aspera  yincas! 

BIOT. 


Vie  de  Poggio  Bracciouni  ,  secrétaire  des  papes  Boniface  IX, 
Innocent  VII ,  Grégoire  XII ,  Alexandre  V ,  Jean  XXIII , 
Martin  IV,  Eugène  IV ,  Nicolas  V ;  prieur  des  arts  et  chan- 
celier de  la  république  de  Florence;  par  M.  ^.  Shepherd: 
traduite  de  l'anglais ,  avec  des  notes  du  traducteur  [M.  de  i'A..). 
Paris  ,  imprimerie  de  Fîrmin  Dîdot ,  chez  Verdières  ^ 
iibraire,  iSip,  in-S.^,  xvj  et  ^xo  pages.  Prix,  6  ïv. 

La  vie  d'un  écrivain  qui  a  été  secrétaire  de  huit  papes  et  qui  a 
exercé  des  fonctions  publiques  à  Florence,  appartient  à  l'histoire  ecclé* 

XXX 


J30 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


siastiqa'e  et  drife  presque  ratant  qo^i  celle  des  lettres.  Dans  un  siècle 
aussi  plein  de  grand»  événemens  et  de  vicissitudes  'politiques  que  l'a 
été  le  XV.*,  il  est  usez  rare  que  les  hommes  distingués  par  la  culture 
de  leur  esprit  ou  par  Tétendue  de  leurs  conncHssances  ne  KÛent  pat 
jetés,  au  moins  durant  quelques  années,  dans  ia  carrière  des  afTaires 
publiques,  et  que  leur  histoire  se  réduise  au  tableau  ât  leun  maurs 
privées  et  de  leurs  travaux  solitaires.  Plusieurs  littéiateurs,  contem- 
porains de  Poggio,  ont  paru  avec  encore  plus  d'éclat  que  lui  sur  la 
icène  polirique  :  mais  les  emplois  diven  dont  il  a  été  chargé.  Font  sou- 
vent placé-  au  milieu  des  troubles  ;  il  a  vu  de  fort  près  les  dissensions 
que  rappelle  le  nom  de  sihisme  d*Occtdent ,  les  conciles  de  Constance, 
de  Bâie  et  de  Ferrare,  la  déposition  de  Jean  XXIII,  la  fin  tragique  de 
Jean  Huss  et  de  Jérôme  de  Prague ,  les  démêlés  et  les  tenutives  de 
réiinion  entre  les  églises  grecque  et  romaine,  les  révolutions  de  Flo- 
rence et  fa  proscription  de  Cosme  de  Médîcis.  Ces  événemens  mémo- 
tables  s'entremêlent  nécessairement,  daiu  l'histoire  de  la  vie  du  Ppgge, 
i  ses  querelles  littéraires ,  à  ses  relations  avec  les  sarans  grecs  réfugiés 
en  Italie,  au  récit  de  ses  voyages  et  de  ses  découvertes,  enfin  au  tableau 
de  ses  nombreux  ouvrages,  parmi  lesquels  on  peut  distinguer  celui  qui 
est  resté  fatneux  sous  le  titre  de  Facéties,  et  les  huit  livres ,  beaucoup 
plus  recommandables,  qui  contiennent  les  annales  florentines  depuis  ■  Jjo 
jusqu'en  1 4  5  ï .  Quoique ,  sous  ces  dilTérens  rap|M)rts ,  la  vie  de  Poggto 
pûl  offrir  beaucoup  d'intérêt,  on  n'a  pourtant  songé  k  récrire  qu'au 
commencement  du  xvili.*  siècle.  Le  premier  essûliit  un  opuscule  latin 
composé  par  Tborschniid ,  et  publié  en  1713a  Wittemberg  (  1  )  :  deux 
ans  après,  Recanati  fît  paroître  à  Venise  un  livre  plus  étendu  sur  le 
même  sujet,  et  rédigé  aussi  en  langue  latine  [i).  Sallengre,  en  1717, 
consacra  au  Pogge  trois  articles  de  ses  Mémoires  de  littérature  { j^ ,  en 
profilant  du  travail  de  Recanati  ei  en  y  ajoutant  des  observations  fort 


SEPTEMBRE  1819.  jj» 

de  la  vie  de  Poggio  y  étoit  suivi  de  quelques  extraits  de  ses  écrits. 
Cette  compilation  y  doift  l'auteur  est  Jacques  Lenfànt,  de  qui  l'on  a  des 
histuirei  des  conciles  de  Pise,  de  Constance  et  de  Baie,  fut  critiquée 
par  Recanati  (  i  )  et  par  la  Monnoie  (2)  ;  Recanaii  y  releva  ceot  vingt- 
neuf  méprises ,  dont  quelques-unes  étoient  fort  grossières  :  cependant 
elle  a  conservé  long- temps  des  lecteurs,  ii  bien  que  M.  Shepherd  n'avoit 
d  abord  songé  qu'à  la  traduire  en  anglais  ;  mais  il  n'a  point  tardé  à 
reconnoître  combien  elle , est  confuse,  erronée,  défectueuse,  et  il  a 
travaillé  sur  un  tout  autre  plan. 

L ouvrage  de  M.  Shepherd,  publié  en  Angletere  en-  1802,  n'étoit  ' 
guère  connu  en  France  que  par  le  soin  que  M.  Gînguené  avoit  pris  de 
le  citer  plusieurs  fois  dans  son  Histoire  littéraire  de  Tltalie.  La  traduc- 
tion française  que  nous  annonçons  est  due  à  l'homme  de  lettres  qui,  fan 
dernier^  a  donné  celle  des  Antiquités  romaines  de  M.  Alex.  Adam  (3), 
et  elle  nVst  pas  moins  recommandable  par  une  parfaite  fidélité,  par 
la  correction  et  IVIégance  du  style.  Le  traducteur  y  a  joint  des  notes 
qu'il  a  jejetées  à  la  fin  du  volume,  pour  les  distinguer  de  celles  de  l'au- 
teur, qui  sont  plixb  nombreuses,  et  en  général  plus  courtes.  Ces  notes 
du  traducteur  peuvent  être  considérées  comme  un  très-utile  supplément 
à  l'ouvrage;  elles  contiennent  des  détails  historiques  et  des  observations 
littéraires  qui  avoient  échappé  à  M.  Shepherd;  elles  jettent  plus  de  jour 
sur  certaines  circonstances  de  la  vie  du  Pogge,  sur  quelques-uns  des- 
événemens  dont  il  fut  témoin,  sur  ses  relations  avec  des  littérateurs  cé- 
lèbres, tels  que  Leonardo  Bruni  d'Arezzo,  Beccatelli,  Filelfe  et  Laurent 
Valle.  On  y  trouve  aussi  l'indication  des  contes  dont  Rabelais  et  fa 
Fontaine  ont  puisé  le  fond  dans  le  livre  des  Facéties. 

Nous  n'avons  point  sans  doigte  à  rendre  compte  de  Pouvrage  de 
M.  Shepherd;  le  texte  en  est  publié  depuis  dix-sept  ans;  et  l'on  a  d'ail- 
leurs une  sorte  d'analyse  de  tout  ce  volume  dans  l'Abrégé  de  la  vie  de 
Poggio,  qui  occupe  une  vingtaine  de  pages  du  tome  JII  de  l'Histoire 
littéraire  d'Italie  de  M.  Ginguené.  Nous  devons  seulement  avertir  que 
les  particoilarités  et  les  remarques  ajoutées  par  M.  Ginguené  se  re- 
trouvent dans  les  notes  du  traducteur  de  M.  Shepherd;  en  sorte  que, 
de  tout  ce  qu'on  a  écrit  sur  ce  sujet,  il  ne  reste  rien  d ^important  que  ne 
reproduise  le  volume  qui  vient  de  paroître. 

L'un  des  plus  heureux  essais  littéraires  de  Poggio  est  une  descrip- 

(  I  )  Osserva^hni  critiche  ed  apologctiche  sopra  II  libro  del  sign.  Jac,  L  enfant, 
intirolato  Po^^giTin^.  Vener.  Alhri^i ,  lyxt ,  in-S.® 

(2)  Remarques  sur  le  Poggiana.  Paris,  r722,  r/î-/2. 

(3)  Voy,  Journal  des  Savans,niai  i8i8L,pag.  3B2«-5.88. 

XXX    X 


Î32 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


lion  des  bains  de  Bade,  contenue  dans  une  lettre  qu'il  écrivoit  k  Nicolo 
Nicoli  en  ijii6.  Lenfânt  n'en  a  donné  qu'un  extrait  informe:  on  en 
trouve  id,  pour  la  première  fois,  une  version  française,  iiiganie  et 
complète  (i).  Il  &uten  dire  autant  de  fèpître  encore  plus  remarquable 
ou  le  Pogge  raconte  à  Léonard  Arétin  le  procès  et  le  supplice  de  Jér6me 
de  Prague  (a).  En  votd  quelques  tntits>  par  lesquels  nos  lecteurs  juge- 
ront de  la  diction  du  traducteur  :  ....  <c  On  peut  considérer  comme 
M  une  preuve  de  la  procCgieuse  mémoire  de  Jcrôme,  qu'après  avoir 
n  été  renfermé  pendant  trois  cent  quarante  jours  dans  un  sombre 
«cachot,  ....  il  ait  pu  citer  tant  d'écrivains' pour  sa  fustiBcation,  et 
M  appuyer  ses  opinions  par  tant  de  passages  des  Pères  de  TÊglise.  Sa 
»  voix  étoit  sonore ,  claire  et  douce  ;  son  action  parfaitement  noble  et 
»  très-propre  i  exprimer  findignation ,  ou  à  produire  une  compassion 
»  qu'il  ne  réclainoit  ni  ne  desiroit  pourtant  pas.  .  .  .  C'est  un  homme 
»  digne  de  l'immortalité  :  je  ne  le  loue  pas  d'avoir  enseigné  des  opinions 
»  contraires  à  la  croyance  de  l'Église;  mais  j'admire  son  érudition f  ses 
»  vastes  connoJssances ,  sa  fâdie  éloquence  et  son  habileté  dans  la 
«réplique.  Ensuite  la  terreur  me  saisit,  quand  je  considère  que  In 
»  nature  l'a  comblé  de  dons  si  rares  ,  seulement  pour  sa  perte. .  .  . 
»  Arrivé  au  lieu  de  l'exécution  ,  il  se  dépouilla  iui-méme  de  ses  habits, 
M  et  s'agenouilla  devant  le  poteau  auquel  il  fut  attaché  avec  ime  diaine 
wet  des  cordes  mouillées.  Lorsqu'on  eut  mis  le  feu,  il  entonna,  d'une 
»  voix  sonore,  un  hymne  que  la  flamme  et  la  fumée  purent  à  peine 
»  interrompre.  . .  .  Ainsi  a  péri  un  hoinme  (Kgne  d'admiration  i  tous 
»  égards,  si  l'on  excepte  ses  erreurs  en  matière  de  foi  :  j'ai  assisté  i  son 
»  supplice,  et  j'ai  recueilli  toutes  les  particularités  de  son  procès. .  .  . 
»  J'ai  employé  mes  loisirs  à  vous  raconter  au  long  cette  histoire,  parce 
»  qu'elle  est  d'un  intérêt  qui  surpasse  tous  les  traits  héroïques  qui  nous 
»  ont  été   transmis  p:ir  les  anciens;  car  Mutius  lui-même  ne  vît  i 


SEPTEMBRE  i8i9-  Î3Î 

»  engager  à  vous  exprimer  à  Favenir  avec  plus  de  circonspection  sur 
»  de  semblables  matières.  » 

Leonardo  d'Arezzo  ne  mît  aucune  réserve  aux  félicitations  qu'il 
adressa  y  en  14199  a  son  ami  Poggio,  qui  venoit  de  retrouver  plusieurs 
livres  classiques  qui  avoient  depuis  long-temps  disparu  >  ou  dont  on  ne 
p<).ssédoii  que  des  exemplaires  mutilés.  Nous  avons  eu  occasion  rfin- 
dicjter  ces  découvertes,  en  parlant  d'un  ouvrage  récent  de  M.  Petit- 
Radel  (i).  Ce  savant  pense  qu'on  a  un  peu  exagéré  les  services  rendus , 
en  ce  genre ,  par  le  Pogge  ;  ni  M.  Shepherd,  ni  son  traducteur,  ne 
semblent  partager  cette  opinion.  Il  est  toutefois  incontestable  que  les 
littérateurs  du  XV.'  siècle  possédoîent  au  moins  des  copies  défectueuses 
de  Quintilien ,  et  Ton  en  retrouve  la  preuve  jusque  dans  la  lettre  où 
Léonard  Arétin  parle  avec  tant  d'emphase  de  la  nouvelle  apparition  de 
ce  classique;  car  il  y  déclare  qu'il  a  depuis  long-temps  lu  et  admiré"  la 
moitié  des  Institutions  oratoires.  Mais,  sur  ce  point,  presque  tout  a  été 
dit,  depuis  long- temps,  par  Bayleet  par  Sallengre. 

L'espoir  de  retrouver  quelques  autres  restes  de  l'antique  littérature 
entraîna  Poggio  en  Angleterre  :  il  y  fut  abreuvé  de  dégoûts  et  dévoré 
d'ennui.  M.  Shepherd  ne  dissimule  pas  que  la  Grande-Bretagne  étoit 
couverte  encore  des  plus  épaisses  ténèbres,  quand  l'Italie  farillolt  déjà 
'de  tant  de  lumières;  et,  s'efforçant  d'assigner  la  cause  d'une  barbarie  si 
persévérante^  iPcroît  la  trouver  dans  le  régime  féodal,  qui  enchaînoit 
chaque  habitant  au  lieu  et  au  rang  où  il  étoit  né  ,  et  qui  ne  laissoit 
aux  seigneurs ,  fiers  des  privilèges  que  leur  assuroit  leur  naissance ,  aucun 
motif  de  cultiver  leur  esprit  "par  l'étude. 

Peu  après  son  retour  d'Angleterre,  le  Pogge  composa  un  dialogue  sur 
l'avarice,  où  des  traits  satiriques  sont  dirigés  contre  les  moines ,  contre  des 
prédicateurs  ambulans,  contre  d'autres  ecclésiastiques.  La  censure  est 
plus  amère  encore  dans  un  dialogue  sur  Thypocrisie ,  qu'on  a  écarté  de  la 
collection  de  ses  œuvres ,  mais  qui  a  été  inséré  dans  le  recueil  intitulé  : 
Fdscîculus  rerum  expetendarum  etfugUndarum.  Poggio  fut  distrait  de  ces 
querelles  par  les  périls  que  courut  le  pape  Eugène  IV ,  auquel  il  étoit 
attaché:  il  partit  de  Rome  pour  aller  rejoindre  ce  pontife  à  Florence, 
tomba  entre  les  mains  d'une  tcoupe  soldée  par  le  duc  de  Milan,  fut  retenu 
prisonnier,  et  n'obtint  sa  liberté  qu'en  pnyant  une  forte  rançon.  A  Flo^ 
rence,  il  trouva  les  Médicis  abattus;  Cosme,  le  bienfaiteur  de  son 
enfance,  venoit  d'être  banni  de  la  république.  C'est  Tune  des  époquek 


(i)  Recherches  sur  les  bibliothèques...     Voy.  Journal  des  Savans,  mars 
1819,  pag.  162-173. 


ni 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


le>  plu»  bonorablec  de  U  vie  de  Poggio  :  il  on  procbmer  ion  tMche- 
tnent  aux  Niédiâ* ,  et  l'expoter  aux  injures  de  Fiielfe ,  qui  fc  déchaÎAHt 
avec  fiireur  contre  eux  et  leun  parriiani.  Du  reste,  daïis  cette  guerre 
politique  et  litlénire  qui  s'engagea  entre  FlIelfe  et  le  Pogge,  on  doh 
avouer  que  le  premier  obdnt  T'avanuge  du  talent ,  et  que  le  seuind  nf 
conserva  pas  iong-teinps  celui  de  la  modération.  Le  nom  dinvtciii/es  ne 
convient  que  trop  It  cette  partie  des  écrits  du  Pogge,  comme  i  beaflp 
coup  d'autres  productions  du  même  temps  :  les  exemples  qu'en  rite 
M.  Shepherd,  ceux  qu'y  aioute  son  traducteur,  sont  d'une  grossièreté 
k  laquelle  ne  descend  plus  aujourd'tiui  Jt  Jiiiijniiure  polémique  dans  ses 
ptui  licencieux  exc^s. 

Des  éplires  écrites  avec  franchise  ;  des  éloges  funèbres ,  tributs  uncires 
de  ramitié;  des  dialogues  sur  la  noblesse,  sur  le  malheur  des  princes,  sur 
Ivs  vtcissîiudes  de  la  fortune,  continuent  plus  honoralilement  le  recueil 
des  écrite  de  Poggio.  H  entra  dans  Jes  vues  (le  Nicolas  V  en  traduisant 
en  latin  Diodore  de  bicile  et  la  Cyropédie  du  Xénophon.  Mais  on  ignore 
les  circonstances  particulières  qui  ont  pu  le  déterminer  ï  composer,  au 
sein  de  la  cour  de  Rome ,  son  livre  des  Facéties.  Lorsqu'il  dit  flans  la 
préface  de  ce  recueil  qu'il  a  voulu,  en  s'occupant  d'un  sujet  frivole, 
s'exercer  &  écrire  ^tellement  en  langue  iarine,  on  voit  trop  que  ce  n'est 
1&  qu'un  vain  prétexte  ;  il  avoi t  plus  de  soixante  ans,  if  ne  làisoit  plus 
d'apprentissage ,  tous  ses  écrits  précédeiis  étoreni  en  latin.  Quoi  qu'il  en 
soit ,  aucun  obstacle  n'arrêta  la  circulation  ni  des  manuscrits ,  ni ,  depuis 
i47'  »  de*  nombreuses  éditions  d'un  livre  presque  également  rempli 
d'obscénités  et  de  traits  satiriques  ou  irréligieux.  Quelques  savans  y 
recherchent  des  anecdotes  relatives  k  des  personnages  célèbres  du  iiv.' 
et  du  XV.*  siècle:  d'autres,  voulant  remonter  aux  sources  de  ces  contes, 
(es  confrontent  aux  ancieiu  fabliaux  ;  Le  Grand  d'Aussi  a  commencé  ce 


SEPTEMBRE  1819.  53Î 

ipiscùpus factus  es,  a  donné  lieu  à  une  étrange  erreur  de  L^nfailty  qui  Fa 
commentée  en  ces  ternies  :  ^  On  trouve  ici  une  particularité  assea  curieuse 
3»  de  la  vie  de  Laurent  Valle  :  c^est  qu'ayant  été  ordonné  é\  êque  à  Pavie, 
^  avant  fâge  et  sans  dispense ,  it  quitta  de  hii-mème  la  mitre.  »  Poggio 
dit  que  Valla,  ayant  reçu  malgré  lui  cette  dignité ,  s'empressa  de  déposer 
dès  le  jour  même  cette  mitre  blanche,  monument  de  son  ignominie.  Sed 
cùm  tibi  invito  ta  dignitas  esset  concessa .  . .  mltram  albam  eo  quoacceperas 

die,  ... .  deposuisii,  qua  ad  hoc  usque  tempus  suspensa  pendit  ad 

dettstandam  Scelerh  nominlsque  tul  sempiternam  Jamam. 

Poggio  mourut  en  i459  »  îi  '**g^  ^^  79  î^ns,  encore  occupé  de  son 
dernier  et  de  son  plus  recommandable  ouvrage,  c'est-à-dire i  de  son 
Histoire  de  Florence,  qui  fut  achevée  et  traduite  en  italien  par  son  fifsi 

DAUNOtJ. 


Essai  philosophique  sur  les  phéjs/oajènes  de  la  vie, 
par  sir  Th.  Ch.  Morgan,  membre  de  la  Société'  royale  des 
médecins  de  Londres;  traduit  de  l\wglais^  sous  les  yeux  de 
l'auteur ,  avec  des  corrections  et  des  addiiions.  Paris ,  P.  Du- 
fart,  i8ip,  in-S.^  de  476  pages. 

Quoique  la  première  place ,  dans  les  travaux  relatif  b  la  physiologie, 
soit  due  et  accordée  aux  ouvrages  qui  contiennent  les  fruits  de  l'obser- 
vation et  les  résultats  d'expériences  nouvelles,  on  ne  lit  pas  sans  plaisir 
les  résumés  et  les  iraiiés  généraux,  dont  les  auteurs,  sans  prétendre  à 
l'honneur  d'agrandir  le  champ  de  la  science,  se  contentent  den  mesurer 
retendue  :  ces  sortes  de  revues ,  où  lesftits  observés  viennent  se  ranger 
sous  une  classification  méthodique,  ont  l'avantage  de  rappeler  ce  qui  a 
été  fart  et  ce  qui  reste  \  faire  ;  elles  constatent  Inexistence  des  lacunes  ; 
et  les  hypothèses  mêmes  et  les  systèmes  qui  en  sont  comme  inséparables, 
ont  leur  utilité  :  ils  pi'ovoquent  des  travaux  ultérieurs,  impriment  une 
direction  nouvelle  aux  recherches,  et  finissent  presque  toujours  par 
procurer  l'acquisition  de  quelques  vérités. 

C  est  un  résumé  de  ce  genre  qu'on  trouve  dans  le  volume  que  sir  Th. 
Morgan  vient  de  faiiTe  traduire  en  finançais  sous  ses  yeux,  après  Tavoir 
préalablement  publié  dans  sa  langue  maternelle.  C'est,  dit-il  lui*mém€, 
une  simple  esquisse  de  la  science,  où  Ion  veut  seulement  en  faire 
connoître  les  traits  essentiels.  C'est  la  philosophie  de  ta  physiologie^  et 
non  la  science  physiologique ,  que  l'auteur  a  essayé  de  présenter  à  ses 


îî«  JOURNAL  DES  SAVANS, 

lecteurs.  Le  titre  qu'il  a  choisi  donne  assez  à  connoître  sous  fjuel  point 
de  vue  il  t  envisagé  son  sujet  :  Qu'est-ce  que'  forganisation  !  En  quoi, 
consiste  l'action  vitale  !  Comment  peut-on  la  modifier  !  Qpelles  sont  les 
lois  qui  régissent  les  corps  vivans!  Voilà  les  principales  questions  qull 
semble  s'£tre  proposées,  et  auxquelles  ilcfierctie  desréftonies  dan*  fétude 
qu'on  a  faite  avant  lui  des  phénomènes  de  la  vie,  considérés  dans  leur 
état  habituel  et  dans  leurs  altérations,  abandonnés  k  eux-mêmes,  ou 
réguiîéiement  usujettis  it  des  perturbations  niélhodiques. 

A  la  tête  du  volume  sont  placéec  des  remarques  préliminaires  dont 
fobjct  principal  est  de  repousser  ce  préjugé  si  répandu  et  pourtant  si 
injuste,  qui  consiste  à  ne  voir  dans  la  physiologie  qu'un  roman,  un 
amas  d'explications  arbitraires  et  d'hypothèses  plus  ou  moins  ingénieuses* 
un  champ  livré  aux  disputes  des  naturalistes.  Ce  préjugé  est  intimement 
lié  à  une  autre  erreur  encore  plus  répandue  parmi  les  personnes  étran- 
géresà  l'art  de  guérir,  lesquelles  ne  cessent  de  répéter  que  la  médecine 
est  une  science  entièrement  conjecturale.  II  est  aisé  de  ^re  voir  que 
cette  assertion,  trop  générale  en  ce  qui  concerne  la  théorie ,  est  presque 
entièrement  âusse  dans  ce  qui  intéresse  fa  pratique  médicale.  C'est 
en  effet  dire ,  en  termes  équivalens ,  que  les  lois  de  l'action  vitale  sont 
encore,  après  tant  d'expériences  et  d'observations,  et  malgré  les  travaux 
de  tant  d'hommes  supérieurs,  absolument  inaccessibles  i  nos  recherches  ; 
que  la  marche  des  phénomènes  vitaux  nous  est  entièrement  incoimue, 
et  que  nous  n'avons  aucun  moyen  certain  de  l'entraver  ou  de  la  faciliter  : 
c'est  là  ce  qui  est  évidemment  Ëiux  et  même  absurde.  L'honneur  de  la 
médecine  est  ici,  comme  ailleurs,  étroitement  lié  à  celui  de  la  physio- 
logie ;  et,  loin  de  reprocher  à  sir  Morgan  d'avoir  embrassé  la  cause  de 
l'un  et  de  l'autre  avec  trop  de  chaleur,  on  peut  regretter  qu'il  ait  négligé 
bien  des  argumens  qu'il  eût  été  de  son  sujet  de  recueillir  et  de  faire 
valoir. 


^„_. .^A_ 

SEPTEMBRE   iSf^.  U7 

indîspentabfe  dans  celte  circonstance,  sir  Morgan  y  joint  uji  autre 
paradoxe  qu'il  est  pareillement  bien  loin  d'établir  solidement.  Suivant 
lui ,  la  différence  entre  ces  deux  classes  (îenl  3vix  formes  seulement  :  or. 
diuis  les  dernières  espèces deires  vivans,  les  formes  sont  si  simples,  qu'if 
est  difficile  de  tirer  la  ligne  de  démarcation  d'une  manière  bien  exacte. 
Les  matériaux  élémentntres  (c'est  toujours  sir  Morgan  qui  parle)  coas- 
tiluent  indifféreiiimeni  des   combinaisons  organiques  et  inorganiques. 


Enfin , 


quoique  I  auteur  i 


I  que  la  formation  des  premières  est  ie 


résultat  d'affinités  i/'une  nature  plus  relevée  que  celles  qui  produisent  les 
dernières,  il  lui  paroit  très- probable  que  la  théorie  qui  donne  aux 
mouvemens  des  corps  organisés  une  cause  difi'érente  des  lois  générales  de 
la  nature ,  et  qui  considère  les  phénomènes  de  la  vie  comme  d'un  autre 
«Vrc  que  ceux  de  l'existence  inanimée,  n'est  réellement  pas  fondée. 

Je  n'entreprendrai  pas,  dans  un  extrait  de  la  nature  de  celui-ci,  la 
féfulation  de  ces  énoncés,  qui  ne  sont  pas  particuliers  à  l'auteur,  et  qui 
tiennent  h  des  considérations  très-graves;  je  ferai  seulement  observer 
que  les  affinités  d'une  nature  plus  relevie,f\ae  sir  Morgan  attribue  aux 
corps  organisés,  sont  une  expres>ion  vide  de  sens,  si  les  phénomènes 
delà  vie  ne  sont  pas  d'un  autre  ordre  que  ceux  des  substances  organiques; 
je  remarquerai  aussi  que  les  faits  d'après  lesquels  seulement  il  est  permis 
déraisonner  en  pareille  matière,  sont  presque  tons  en  opposition  avec 
sa  théorie.  L'homme  vivant,  dont  la  température  naturelle  ne  s'élève  pas 
dans  un  four  chauffe  i  l'ccuf  fêcondé  qui  résiste  à  la  congélation ,  l'arbre 
qui  fond  la  neige  amoncelée  autour  de  son  tronc,  le  s.nng  qui  remonte 
dans  les  gros  troncs  veineux  en  surmoniant  son  propre  poids;  l'action 
assimilairicede  l'esiomac,  qui  arrête  la  fermentai  ion  putride  des  altmens 
corrompus,  et  en  produit  une  autre  d'un  genre  entièrement  opposé: 
tous  ces  faits,  que  je  me  borne  â  indiquer,  parce  qu'ils  sont  familiers  aux 
physiologistes,  et  des  milliers  d'atriies  qu'on  pourroit  citer,  ne  tiennent 
pas  seulement  îi  des  diff'érences  de  formes  ;  ils  sont  inexplicables  par  les 
lois  générales  de  la  nature  inorganique.  Il  paroit  certain  qu'aucun  mou- 
vement n'a  lieu  dans  les  corps  vivans  qui  puisse  exclusivement  s'expliquer 
par  les  lois  de  fat  traction,  soit  à  distance,  soit  moléculaire;  et  l'on  peut 
dire  même  que  les  phénomènes  véritablement  caracté^i^ tiques  de  la 
vitalité  pennetiroient  de  considérer  les  corps  organisés  comme  autant 
décentres  d'exception,  où  les  lois  générales  sont  momentanément  sus- 
pendues, ou  du  moins  ne  sont  exécutées  qu'avec  des  reslriçiions  ^uj 
constituent  Ja  vie, et  sans  lesquelles  elle  ne  peutexûiler. 

Il  m'a  paru  d'autant  plus  nécessaire  de  protester  contre  cette  manière 
de  soumettre  de  nouveau  les  fonctions  vitales  àdesexplitaiions  purement 

yyy 


ns 


JOURtÏAL  DES  SAVANS, 


physiques  et  chimiques,  qu'elle  5a  montre  souvent  dans  Fouvrage  de 
M.  JVIorgsn,  et  que  c'est  1^,  ki  )'ose  ainsi  parler,  la  tendance  de  » 
phihsophit  pAyiio/o^^ue.  '  Pie  -tuemple,  il  ne  voit,  dans  Faction- des 
absorbani  du  canal  inteitlnaf^  -qJwte  -jeu  de  tubes  qui  ont  ie  pouvoir  de 
cOhodec  fa  subsiameealtmeiMairéetde  la  rendre  fluide.  Cestpourtant  Ik- 
la  tttoindrt^pArtitf  de  la  fb(k:tlonà  hquelfe  ils  sontdetnis;  et  la  nutrition 
scroit  ftcîfekexptiquert  si  on  poovoit  la  réduire  i  n'dtre  qu'âne  application 
delà  capillaritéi  maïs  l'assimilation  ;  qui  entst  le  phénomène  estentief,  se 
dérbbeit  ces  elplicationsmécaniques.  Use  solution  de  gélatine,  qui  n'a 
bfruoirftfetre  ni  cortodée  ni  rendue  fluide,  y  est  soumise  tout  aussi  bien 
qn'int' Aiiceaa  de  fibrine',  bu  ^ne  concrétion  atbumineuse.  La'  R>ica 
asstmîlarrice  n'y  est  ni  moins  active  ni  moins  indispensailtle'pour  que.let- 
molécules  nutritives  puissent  erre  admises  sans  inconvénient  dans- 
réconomie  de  l'éire  vivant.  C'«st  d'ailleurs  une  acrjo»  bien  merveilleuse, 
bien  inexpircal.'le ,  bien  supérieure  aux  théories  empruntées  de  ta 
mécanique  et  de  la  chimie ,  que  celle  au  moyen  de  laquelle  les  maté- 
riaux les  plus  hétérogènes,  les  sucs  d'une  ch.iir  savoureuse,  l'huile 
essentielle  des'plantes  épicées  qui  ont  crA  sons  les'  trojiiques,  l'alcool 
d'un  vin  généreux,  et  tant  d'autres  ingrédiens  divers,  se  trouvent  en 
moins  de  deint  heures  transformés  en  un  diyle  laiteux,  fi^le  et  presque 
inodore,  toujours'identique  à  lui-même,  quelle  que  soit  son  origine, 
déji  vivant,  c'est-ll-dire,dé|!l  soustrait  aux  affinités  chimiquesordinaires, 
et  formant  une    {nrrie  intrinsèque  du  corps   organique  qui-  se  Te»! 

approprié.-  

£n  arrivant,  dans  le  second  chapitre,  ï' h  défltiition  de  cette  condition 
des  corps  qui  les  rend'  susceptibles  de  vitalité,  sir  Morgan  établit  un 
principe  qui  n'est,  )e  croîs,  cnctire  démenti  par  aucun  Ait; «'est  que  le 
concours  d'un  solide  et  d'un  fluide  semble  par-tout  nécessaire  i  la  vie  : 
mais  il  y  a  une  conséquêntrcde  cette  nécessité,  qui,  peut>étre,  n'est  {>as 


SEPTEMRHE  iSlp-  539 

conséquences  «  et  qui  tendroU  à  &m  considérer  ieis  Imiueurs  conmie  des 
counuu  de  dissolutions  aqueuses,  ioeitesi  dans  .une  économie  où  rien  ne 
faiu^  Fétre  ou  le  devenir  sans  amener  b  désorganisation  totale  im 
fiarûculière;  cette  idée  lieiitli  un  système  de  S9Hdtsmc  «xagéfé  ou  mal 
entendu  :  sy $tèjne  physiologique  contraire  à  J  expérience  et  .à  i-analogie  t 
mais  qui  a  acquis  dans  la  médecine  moderne  une  &veur  exclusive»  due 
en  grande  partie- à"  fabus  que  ]ss , humoristes  ont  long-temps  âît  du 
système  opposé.  i  *         ^  '  -    ., 

Une  ex|)érience ,  qui  seroit  très^contraire  :  à  ces  idées ,  serdit  celle  de 
B.  Marwood,  que  sir. Morgan  cite  avecrair:d*y  ajouter ibi,  et  queinoii" 
seu{eineot.|e .prendrai  la  lii^erté detéiroquer en dou<e#:mais <pie  fe senpi|f 
je  l'avoue.^  disposé  à  croire  absolument  fausse^  Ceipbysiologisse  anglais, 
suivant- Mûtre  auteur»  déitiontimt  la  trandusioii  du -sahgehmfant  Us 
veines  id*un  chien,  et  en  les  rèmplissaoc  ensuite  avec  le  sang  d'unmoutoii. 
Le  chien  >  qui  est  un  animal  carnitoie  ,^*se /portoit  parfaitement  bieri, 
pendant  que  le  sang-d'uaanfmal  hqrbivore  circidoit  dans  ses  vetn4Sif#t 
l'expérience  ne  lui  frisotta  soufFria  aucune,  autre  peine  que  [la%igue  et  la 
Couleur  j]#  la  piqûre.  Voilà  ,tî'o9t  feidirr^  un  fait-  incroyable  2  quand jl 
seroit  possible  d^  vider  entiàieiteilt  les  v«nes  d*un  actîiual  pour,  if  s 
i-emplir  du  sang.  yeinlsuxâW  autre  ^irniiil,  cotnment  imaginer  que  .ee 
sang  étranger  à  Ja  vie  def  l'individu  .pourroj t ,  sans  causer  les  plus  grands 
dérangetnens ,  parcourir  une  seule  :feis  le  corde  de  la  cirt:ubtion.,:}x>rler 
sur  je  cœur  ^ction  siimulapie  convenaUe  »  et  participer ,  dans  iesi  résottnc 
capjiUaires,  au^  traYKair  deJa  nuÉlitbn  &  Le,«  deux  animaux  soumis  ànile 
telle  ot>ératÎ0A:sea(»entde  Ja  Même  ei^ièce^  chi  nién^e.  age,'ipiaoés  dans 
dt^  .^ispQ»iti0fiS'-èiiiièien>e«t  «jeitUaMea,  qu'un,  échange  xùm  iNnisque, 
u/Ke'irévoHition  aussi  *>^iidaine  i  .antraineroient  inévitablement  la  mot  t 
de.funiet  de  Jaucre.  Ce  n'est  pa&  iii  jun  de  ces  essais  tfu'ofi  %^btKitàÀ 
répéter poiur  iesapprécieh  On  Jiejdoit Jamais  disputerdes  fàils,. jnaia<m 
peut  lesnier;  etcestJepactàqueia  saiuecritiqueindiquoit  àsir^Mocgan, 
par  rapport  à  la  prétendue  expérience  de  son.-ogimpairiote'Uarwoodi  >  '<^' 

Dans  la  nécessité  o&  0ous  isomines^ki'ebrégen  notre  extrait,  iious 
passons  sous  silence,  tons  les  détails  neiitifstà  Tatsalyse  chimique  des  bu- 
meurs  et  à  Tanalyse  méoaniqte  des  tissus  :*dans»ces  derniers  ,sir-Morgap 
a  eu  le  bon  esprit  de  prendre  pour  jguide  noire  illustre  Bichat,  le  vjécî- 
table  fondateur  de  la  physiologie  phiiQaopiiique4  c'es t-ànlire,  anatomique, 
ou  fondée  sur^Finspection  d^lrcaie^des'perties'et  l'examea  attentif 4^ 
leurs  fonctions.  Il  seroit  également  difficiier  et  superflu  de  suivre  iku- 
teur  dans  l'exposition  .d'une  doetsiné  qUi lui  est  commune. avec  tous 
les  ^)bysiologisfees..  :  Mais,  uneiicte'  qui .  n'est .  pas  lHlssT^géfléràlem€nt 

Yyy  X 


î4û  JOURNAL  DES  SAVANS, 

adinise>  et  qui ,  peui-être ,  n'est  pas  pour  cela  moins  digne  de  l'être ,  esc 
celle  qiii  est  relative  aux  matériaux  primitifs  dont  sont  composés  les 
élémens  organiques.  Ces  substances,  que  la  chimie  moderne  considère 
comme  simples,  jusqu'à  ce  qu'elfe  en  ait  trouvé  la  composition;  cêï 
corps  ,  auxquels  on  doit  conserver  (e  nom  d'élémens,  tant  qu'ils  se  refu*- 
seront  à  l'analyse,  l'azole,  le  phosphore,  l'hydrogène  et  le  soufre  qui 
i'y  trouve  combiné;  tous  ces  matériaux,  qui  sont  le  plus  souvent  in-  - 
iroduiis  par  la  nutrition  dans  le  corps  de  l'animal,  ne  seroient-ils  pa» 
aussi,  dans  certains  cas,  le  produit  de  l'action  vitale,  qui  auroit  Iz 
j>ropriété  de  les  former  de  toutes  pièces  par  une  synthèse  dont  lej 
procédés  nous  sont  inconnus  !  Tel  de  ces  éléiiiens  se  trouve  accumulé 
dans  l'économie  de  certains  animaux  en  si  prande  quantité,  que  ni 
la  nature  des  alimens  dont  il  se  nourrit ,  ni  celle  de  l'air  qu'il  respire  * 
ne  peuvent  suffire  pour  l'expliquer.  M.  Vauquelin  a  découvert  dan* 
les  excrémcns  des  oiseaux  deux  fois  autant  de  phosphate  de  chnur 
qu'il  en  existe  dans  les  graines  qui  font  leur  nourriture  exclusive. 
Ce  fait ,  qui  peut  s'ex|iliquer  de  différentes  manières,  n'est  pas  le  seul 
de  ce  genre  qu'on  pourroit  citer.  Le  squelette  seul  des  animaux  herbi- 
vores offre,  dans  la  quantité  du  sel  calcaire  (lut  le  compose ,  un  proiilèmc 
difficile  i  résoudre.  1  e  quartz ,  qui  cristallise  dans  l'iniérieur  de  cert:iines 
plantes  monocotyiédooes,  peut  avoir  été  tiré  de  la  terre  où  elle! 
croissent,  par  l'entremise  de  leurs  racines:  mars  le  dissolvant  qui  por- 
teroil  ainsi  la  sihce  dans  les  vaisseaux  séveux,  ne  nous  est  pas  connu;  et 
il  est  tout  aussi  facile  d'imaginer  qu'elle  y  a  été  formée  par  un  acte  d9 
l'organisation  végétale.  I]  y  a  là  une  chimie  délicate,  à  laquelle  nous 
ne  saurions  atteindre  dans  l'état  actuel  de  nos  connoissances.  Sir  Mor- 
gan a  remarqué  quelques  phénomènes  de  cette  espèce  ;  mais  nous  aurions 
souhaité  qu'il  eût  soutenu  ces  remarques  par  quelques  expériences 
comparatives  que  le  sujet  réclame,  et  que,  depuis  foiig-temps,  nous 
surions  entreprises  nous-mêmes,  si  nous  n'avions  été  distraits  par  det 
occupations  d'un  autre  genre. 

Le  chapitre  m  traite  de  la  combinaison  des  organes  et  des  fonc- 
tions de  la  vie  organique,  de  la  nutrition,  de  la  circulation,  de  la  res- 
piration et  de  la  stcretion.  L'étude  des  phénomènes  qui  accompagnent 
ces  actions  organiques,  soît  dans  létal  sain,  soit  dans  les  diverses  con- 
ditions pathologiques,  entraîne  Pexamen  d'un  assez  grand  nombre  de 
questions  intéressantes.  On  remarque  plus  parliculiereirtent  les  pan- 
graphes  où  sir  Morgan  recherche  si  le  foie  est  un  organe  exclusive- 
ment réservé  h  la  sécrétion  de  la  Life,  ou  si  un  viscère  d'une  dimen- 
sion si  considérable  n'auroit  pas,  sur  la  circulation  et  sur  la  sanguiti- 


SEPTEMBRE  l8lg 


!«• 


carion,  une  influence  qui  reiidroit  mieux  raison  de  riiiiponaiice  qu'il 
paroît  avoir  dans  l'économie;  quel  est  t'usage  de  la  rate;  sî  l'oxidalion 
du  sang  dans  les  poumon»  est  l'unique  source  de  la  calorîcilé  dans  les 
anim.-)ux  k  sang  chaud.  Beaucoup  de  ces  questions  reiient  sans  réponse; 
etqueiquefois  l'auteur,  en  rapportant  celles  qoi  ont  été  proposées,  mei 
iles  exposer  tant  d'impartialité,  qu'il  ne  lient  pask  lui  que  son  lecteur  ne 
soit ,  après  l'avoir  lu,  un  peu  plus  indécis  qu'auparavant.  Je  remarquetai, 
comme  une  singularité  dans  un  essai  pkilosojihiijue,  que  les  fonctions 
de  la  vie  de  rapport,  dont  la  description  termine  ce  troisième  chapitre* 
occupent  comparativement  moins  d'espace  que  les  autres ,  et  ont  donné 
lieu  à  moins  d'observations  intéressantes.  Il  est  vrai  qu'un  chapitre 
entier  est  consacré  plus  Las  à  ce  que  l'auteur  appelle  les  fhinom'tna 
initllecluels,  et  qu'il  se  réserve  d'y  iraiter  en  détail  toutes  ces  questions 
difficiles ,  qui  sont ,  pour  ainsi  dire ,  sur  la  limite  ténébreuse  qui  sépare  U 
physiologie  el  la  métaphysique. 

Dans  le  chapitre  IV  se  trouvent  rasseniMés,  sous  le  titre  de  fois  de 
t'iiftion  vitaie,  un  assez  giand  nombre  (i'objeis  divers,  el  des  considé- 
rations qui  s'appliquent,  non  plus  aux  fonctions  particulières  des  or- 
ganes ,  mais  ï  l'ensemble  de  l'économie.  L'auteur  exajnine  ce  qu'on  doit 
entendre  en  physiologie  par  sensation,  el  parce  phénomène  de  réaction 
qui  en  est  la  suite  immédiate  dans  les  corps  vivans,  et  qu'on  nomme 
contracihn,  à  raison  de  la  forme  sous  laquelle  il  se  manifeste  le  plus 
ordinairement.  L'appétit,  l'insiinct,  Tbabitude,  l'association,  la  sym- 
pathie, la  révulsion,  sont  autant  de  moditicaiions  dont  l'acte  sensiiif 
peut  être  aflêcté  ou  compliqué.  Sir  Morgan  en  parcourt  successivement 
les  phases  nombreuses;  et,  en  traitant  de  la  sympathie,  il  n'oublie  pas 
celle  qui  peut  exister  entre  des  individus  distincts,  ou,  comme  il  le  dit, 
l'action  de  l'homme  sur  l'homme.  A  cette  occasion,  il  se  prononce  avec 
chaleur  contre  le  magnétisme  animal ,  qu'il  traite  de  charlatancr'ie  effronièt 
tt  ûbominabli.  Des  termes  moins  énergiques ,  et  un  jugement  tout  aut^i 
sévère,  mais  plus  ap(»rofondi,  n'eussent  peut-être  pas  été  déplacés  dans 
une  matière  dont  le  charlatanisme  ne  pouvoit  manquer  de  s'emparer, 
mais  qui  n'en  a  pas  moins  exercé  des  hommes  judicieux  et  supérieurs 
à  tout  soupçon  de  fraude  et  d'imposture.  On  peut  regretter  aussi  que 
l'auteur  n'ait  pas,  en  sa  qualité  d'Anglais,  cru  devoir  dire  quelques 
mots  du  perkinisme  et  des  autres  phénomènes  analogues  qui  reulroieiit 
si  bien  dans  son  sujet,  et  pouvoîent  donner  lieu  à  des  ob^erv.itions 
curieuses.  La  théorie  du  sommeil, des  songes  et  de  Ihibernaiion ,  ter- 
mine ce  chapitre,  qu'on  lira  avec  plaisir,  à  cause  de  la  variété  dec 
iiiatiéres  qui  y  sont  traitées  ou  indiquées. 


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lia  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Le  chaintre  V  n'inspire  pss  un  intérêt  imnndre  :  il  roule  sur  Its  fki- 
nomintf  intêlltctueit,  sajex  délicat,  que,  soûs  oemins  rapports,  bien  dw 
personnes  pourront  désirer  de  ne  voir  traiter  que  par  des  pti^iologiiteS' 
,  vraiment  dignes  du  nom  de  philosophes.  Bekbcoup  de  {âsta^  épan 
dans  Fouvrage  de  sir  Morgan  préparent  suffisammem  k  th  'doctrine 
qu'il  expose  dans  ce  chapitre.  Son  idée  dominante  ést<qu*il  etfste  lUi 
lien  qui  rattache  les  règnes  organique  et  inorganiqiier  <jk  qui  mène'  k 
supposer  que  ces  deux  classes  de  corps  tirent  leur  origine  de-la  mém* 
source.  Le  point  d'union,  dit-il,  a  }usqu'ici  échappé  It  toutesJes  ré^ 
cherches  ;  . . .  m^s  toutes  les  espèces  d'analogies  sont  en  faveur  de  l'opH 
nion,  qu'une  loi  universelle  régit  la  nature  entière,  loi  sous  la  puissance 
de  laquelle  toutes  dioses  subsistent  dans  une  mutuelle  défietidnIce.:Otr 
entend  aisément  ce  que  l'auteur  veut  dire;  et  les  cons^'quences qu'on 
peut  tirer  de  ces  principes,  n'ont  pas  besoin  d'être  développées.  La  ré- 
duction de  l'action  intellectuelle  à  des  loi»  semblables  à  celles  qui  gou- 
vernent les  autres  phénomènes  org3niques,  fournit,  suivant  sir  Moi^an, 
une  base  positive  et  rnisonnalile  pour  les  recherches  morales  et  métaphy- 
siques. II  ajoute,  &  la  vérité,  &  ces  p^iroles  un  correctif,  mais  qui  nous  ]»rott 
aussi  tardif  qu'insuffisant  :  «  L'.idmîssïon  de  ce  fait,  dît-il,  n'ï  aucune 
»  sorte  de  rapport  avec  la  doctrine  de  l'immortalicé  de  Tame ,  ou  tout  autre 
wdogmefoiidé  sur  la  foi,  et  indépendant  de  la  raison.»  NousfiiicitonS 
de  bonne  foi  l'auteur,  s'il  voit  aussi  clairement  qu'il  l'annorïte  l'indé- 
pendance de  ces  notions.  Il  est  en  cela  plus  heureux  que  fa  plupart 
des  physiologistes  qui  ont  voulu,  comme  lui,  rapporter  les  effets  les 
plus  éloignés  k  une  cause  unique,  et  ^ire  de  laperiséé  une  sonè  de 
digestion  de  cerveau.  Nous  voudrions  le  féliciter  de  même  sur*  les  ex- 
plications mécaniques  qull propose  des  actes  du  jugement,  dtf  Tabsirac* 
tion  et  des  autres  ojiérations  actives  de  Pinielligence,  qu'il  qualifie  de 


SEPTEMBRE  1819.  î4} 

»  dation  à  prendre  une  de  ces  directions  plutôl  que  l'autre,  est  la 
»  nécessité  où  la  inaciiine  se  trouve  de  réagir  congrùtnent  sur  les  iin*. 
»  pressions  qu'elle  reçoit.  >>  Ce  qui  nous  manque  sur-tout  pour  apprécier 
ces  définitions,  c'est  de  pouvoir  attacher  un  sens  bien  précis  à  ces  mots 
essentiels  ^  principe  Je  comparaison ,  d* exclusion ,  de  combinaison.  Nous  ne 
pouvons  nous  déshabituer  de'voir  dans  ces  opérations  une  action  llhie 
et  spontanée,  qui  est  précisément  ce  que  sir  Morgan  attaque  avec  plus 
d'ardeur.  II  pense  se  tirer  assez  facilement  des  mouvemens  instinctifs  « 
qu'il  met  entièrement  sur  le  compte  des  réactions  organiques.  Quant 
aux  volontés  déterminées,  par  là  raison,  «leur  nature  plus  compliquée, 
3)  dit  ily  ouvre  un  champ  plus  vaste  à  la  dispute,  et  l'on  a  élevé  suf 
^  cette  base  Tédilice  fimtastique  du  libre  arbitre,  fortifié  et  retranché 
^  de  toutes  les  subtilités  et  ies  sophismes  de  la  métaphysique  poIé-*. 
5î  mique.  »  L'auteur  convient  pourtant  que,  dans  les  volontés  délibérées, 
suivies  de  la  conscience  d'une  fin,  le  procédé  est  moins  simple  que 
dans  les  actions  instinctives.  L'action  qui  doit  être  produite,  n'étant 
pas  d'une  importance  aussi  immédiate  pour  l'économie,  peut  être  in- 
fluencée par  d'autres  causes  présentes  dans  l'esprit,  ou,  pour  parler  plus 
physiologiquement,  par  d  autres  stimulans  agissant  sur  le  tissu  cérébral. 
Leur  valeur  relative  est  appréciée,  et  Thcsitation  est  nécessaire  pour 
cet  objet.  Enfin  la  réaction  est  déterminée  par  le  motif  qui,  avec  toutes 
ses  associations ,  donne  la  plus  forte  impulsion  au  sensorium.  L'exposé 
de  cette  théorie  est  couronné  par  une  citation  d'Heivétius,  l'un  des  phi* 
losophesqui  ont  travaillé  le  plus  activement  à^ire  passer  la  métaphy- 
sique et  la  morale  dans  Iedomaiqe.de  la  physiologie.  Je  ne  m'arrêterai 
pas  à  combattre  ces  id^es,  qui  ont  déjà  beaucoup  perdu  de  leur  attrait, 
et  qui  ne  peuvent  gujère  manquer  d*en  perdre  de  phis  en  plus  par  les 
progrès  de  la  saine  métaphysique  ;  mais,  je  dois  dire,  et  c'est  plutôt  ui| 
éloge  qu'une  critique  que  je  crois  açlre^er  k  sir  Morgan,  qu'elles  sonf 
peu  dangereuses  dans  spnlivr^i.paAcé  qu'il  ne  s'est  pas  occupé  de  les 
environner  de  ce  prestige  de  style  ni  de  les  présenter  avec  cette  appa-> 
rente  clarté  qui  seuls  pourroient  séduire  des  esprits  superficiels. 

Les  passions,  les.talens,  les  travaux  de  lesprit,  ses  perturbations, 
sujets  éminemment  dignes  de  Tattenuon  du  philosophe,  et  pareillement 
recomixiandés  à  celle  du  médecin,  occupent  long-temps  l'auteur,  et 
donnent,  lieu  à  beaucoup  de  remarques  de.  détail,  dans  lesquelles  nous 
regrettons  de  ne  pourvoir  le  suivre:  mais  nous  devons  nous. hâter 
d'arriver  à  son  sixième  .et  .dernier  chapitre ,  consacré  à  des  considérations 
sur  la  maladie  et  sur  Ja  sa^é,  à  des  principes  d'hygiène  et  de  diétédque, 
à  des  obseivations  sur  l'wiiosphère,  les  climats,  et  leur  influence  sur 


^U  JOURNAL  DES  SAVANS, 

lu  iffectiotu  morbidei.  L'extrême  brièveté  de  celles  de  lei  nmarqui 
qui  font  plus  particuliirement  relatives  à  la  médecine  proprement  dite , 
nous  autorise  i  les  passer  entièrement  sous  silence.  Le  trait  le  plus  remar- 
quablede  sa  philosophie  médicale  eitsoneztrénwrépugntncehidmettie 
ce  qu'il  appelle  la  prétendue  vis  mtdkatrix,  et  ce  que,  poor  rfdnhe  ft 
question  \  des  termes  plus  préds ,  )c  voudroti  nommer  la  trwianni 
naturelle  des  fonctions  au  rétablissement  de  réquilibie.  Quoiqu'il  soit 
possible  d'abuser  de  cette  idée  >  comme  de  toutes  f«  vérités ,  et  qiMÎqu 
b  médecine  expeciante,  poussée  k  Texcès.iit,  daiti  certains  cia,cb' 
graves  înconvénieru ,  fe  sois  disposé  k  prendre' comme  un  éloge dei 
médecins  fiançais  ce  que  fauteur  semble  dire  dans  une  vue  satirique, 
que  la  vis  medicatrix  est  Itfind  it  la  midtciui pratique  n  Frmut.  Il  ajouM 
que  cette  force  supposée  n'est  pas  comptée  pour  beaucoup  en  AngleteiT^ 
dans  le  tnîtement  des  maladies.  Si  cette  manière  de  voir,  qui  n'est  que 
Tasserlion  d'un  particulier,  éioit  avouée  par  le  corps  des  médecins  du 
Nord ,  elle  expliqneroit  le  reproche  d'inaction  qu'ils  adressent  quelque- 
fois à  récole  française  moderne ,  à  raison  de  son  éloîgnement  marqué 
pour  la  polypbarmacie  :  mais ,  si  les  praticiens  français  demeurent  par- 
fcHS  attachés  au  rôle  d'observateurs ,  dans  des  occuions  o&  les  médecins 
étrangers  épuisent  les  ressources  de  leurs  riches  pharmacopées,  il  estjuste 
de  dire  que  ce  n'est  pas  tou|ours  parce  qu'ils  comptent  sur  le  concours 
de  la  nature,  mdns  encore  sur  une  force  mystérieuse,  dont  ils  savent  très- 
Inen  ap|»^cterlapuissance.  11  ya  beaucoup  de  mét&camens  umples,  et 
un  plus  gnnd  nombre  de  composés ,  dont  le  mode  d'action  n'a  pu  été 
constaté  par  des  expériences  comparatives  :  il  vaut  souvent  mieux  t'tn 
abstenir  que  de  les  accumuler  \  tout  hasard.  Ceux  qui  agissent  autrement , 
peuvent  avoir  quelquefois  lieu  de  s'applaudir  de  leur  bonheur.  Mais ,  dans 
It  doctrine  hippocraiique ,  qui  domine  généralement  daris  les  ftculiés  de 
France,  le  rôte  du  médecin  n'est  pas,  comme  fe  dit  sir  Mo^an,  réduit 


SEPTEMBRE   iSip.  f45 

personne  qui  Fa  rédigé  étoît  étrangère  à  Fétude  de  la  médecine.  II  y  est 
resté  plusieurs  expressions  anglaises ,  et  d'autres  inusitées  dans  la  [angue 
médicale.  On  ne  doit  pas  dire  en  français  un  patient  pour  un  malade; 
cervelle  ne  s'emploie  pas  en  anatomie  pour  cerveau,  Viscus  est  un  mot 
latin  qu'il  eût  fâliu  traduire  toujours  par  viscère;  on  dit  vésicule  et  non 
vessie  du fel,  &c  Au  reste,  ces  sortes  de  taches  sont  rares  et  en  assez 
petit  nombre.  En  général,  la  multitude  d'objets  qui  sont  traités  ou 
indiqués  dans  ce  volume  »  en  rend  la  lecture  intéressante  et  variée.  \5x\ 
assez  grand  nombre  de  citations  puisées  dans  les  philosophes  et  les 
poètes  grecs,  latins,  français,  anglais,  montrent  Fintention  que  Fauteur 
paioît  avoir  eue  d'accommoder  la  sévérité  de  son  sujet  au  goût  des  gens 
du  mondl^,  que,  sans  doute,  il  ne  seroit  pas  fiché  d'avoir  pour  lecteurs. 
Ce  genre  de  succès  n'est  pas  le  plus  diffrcile  ;  mais  aussi  ce  n'est  pas 
le  plus  flatteur  que  puisse  obtenir  un  physiologiste. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


EusEBii  Pamphiu  Chronicorum  Canonum  ltbri  duo. 
Opus  ex  Hûicàuo  codice  à  D.  J.  Zohrabo  diligenter  exprès- 
sum  et  castigatum,  Angélus.  Maïus  et  Johannes  Zohrabus 
fiunc  primum ,  conjunctis  curis  latinitûte  donatum  tiotisrjue  illus-^ 
tratum ,  additis  gracis  reliqiiiis ,  ediderutit.  Mediolani ,  regiis 
typls,  MDCÇCXVJU,  I  vol.  ///--^/ 

FREMÏEH    £?CTRMT. 

Peu  d'ouvrages  ont  exdté ,  avant  de  paroître,  une  attente  aussi  gé- 
nérale et  un  intérêt  aussi  vif  que  celui  que  nous  annonçons  aujourd'hui 
à  nos  lecteurs.  La  découverte  d'une  version  arménienne  de  la  Chronrque 
d'Eusèbe,  faite  kune  époque  où  cette  chronique  existoit  encore  dans 
toute  son  intégrité,  et  d'après  un  original  depuis  si  long- temps  perdu 
pour  nous,  promettoit  de   remplir  une  des  plus  grandes  lacunies  de 
l'histoire  ancienne.  Ons'attendoit  à  y  trouver,  non-seulement  le  système' 
complet  de  la  chronologie  d'Eusèbe,  mais   encore,  ce  qui  avoit  bien 
plus  d'importance  et  d'autorité ,  les  témoignages  originaux  d'auteurs  plus 
anciens,  que  ce  docte  et  laborieux  écrivain  auroit  conservé^ en  entier |' 
comme  on  en  avoit  déjà  des  exemples  dans  sa  Préparation  évangêllque',' 
ouvrage  rempli  de  tant  d'érudition  ecclésiastique  et  profane.  On  espéroit 
enfin  de  voir  sortir  de.  la  nuit  des  temps  ia  longue  succession  de  ces 
antiques  monarques  de  l'Orient,  que  le  même  voife  jaloux  qui  en' 

ZZK 


,46'  JOURNAL  DES  SAVANS, 

dêfencJoii  h  vue  à  la  curio^itc  de  leiirs  sujets ,  semble  avoir  voulu  dérober 
aussi  à  celfe  de  ]K)S  reclitrclies,  ou  du  moins  on  se  fiaitoit  de  connoitre 
hs  opii.ion'i  des  anciens  eux-mêmes  au  sujet  de  ces  dynasties  fameuses  f 
sur  Ie>ciueIIcs  nous  ne  possédions  guère  que  des  témoignages  isolés  et 
des  sysième-i  modernes. 

Dès  que  celte  importante  découverte  eut  été  annoncée  j  avec  quelques 
détnils  propre>  h  en  confirmer  la  certitude,  dans  la  préface  du  Traité  de 
Pliilon,  publié  par  M.  Mai  en  1816,  nous  nous  empressâmes  de  com- 
munivjiîtr  cette  nouvcife  à  nos  lecteurs  :  i  )  en  y  joignant  le  voeu  quune 
prompte  publication  de  TPJJsèbc  arménien  fit  jouir  ie  monde  savant  de 
ce  trésor  si  long-temps  enfoui.  Deux  ans  sont  à  peine  écoulés  depuis  que 
nous  cxpriuiions  ce  vœu,  et  le  voilà  rempli;  et  il  nous  sera  bien  permis 
d'obserxer  ({ue  cette  curiosité  si  naturelle  que  nous  témoignions  alorSf 
est  ci>.;c  ])ar  les  éditeurs  d*£usèbe  au  nombre  des  motifs  de  rempres* 
scmtr.t  qu'ils  ont  mis  h  publier  cet  ouvrage  (2).  Si  donc  il  résuitoit  de 
rexair.en  auquel  nous  allons  nou.s  livrer,  que  plusieurs  fautes,  produites 
j)ar  ici  empressement  même  et  inséparables  d*un  premier  travail ,  se  sont 
glissées  dans  ccIui-ci,  il  ne  faudroit  pas  que  cette  conclusion  fikt  pris^ 
dans  toute  la  rigueur  accoutumée.  Ici,  plus  que  jamais  sans  doute, 
rindiilgence  e>t  permise  et  même  commandée  à  Tégard  de  quelques 
incxactitu(!es,  fruits  de  Thonorable  impatience  de  communiquer  pfus 
prompremcnt  au  ])ublicune  grande  et  importante  d^'couverte;  et  tel  est 
le  piix  que  nous  attachons  nous-mêmes  h  ce  sentiment,  que,  satisfaits 
de  donner  11  nos  lecteurs  u»ie  idée  nette  et  précise  de  la  Chronique 
d'I  u^'èlu',  nous  nous  serions  abstenus  de  joindre  à  cette  analyse  des 
observations  critiques,  si,  d*un  autre  coté,  nous  n*avions  espéré  dé' 
contribuer  par  ces  remarques  au  perfectionnement  d*un  ouvrage  qui 
doit  fixer  l'attention  de  tous  les  hommes  éclairés  de  TEurope. 

Avant  de  parler  de  la  découverte  du  manuscrit  arménien  qui  vient  de 
remplir  cette  lacuoe  de  nos  coniioissances  historiques,  il  ne  sera  sans 
doute  |in.s  hor.s  (!e  propos  de  jtrter  un  coup-d  œil  sur  la  iitléraCure  même 
.\  laquelL*  nous  devons  cet  avantage ,  et  sur  les  autres  services  qu'on  peut 
encore  en  attendre. 

Quoique  la  renommée  littéraire  des  Arméniens  n'ait  jamais  été  bien 
brillante,  et  quelle  ne  paroisse  pas  dater  d*une  époque  fort  anciemie» 
on  peut  assurer  que  ce  peu|)le  ne  fut  jamais  non  plus  étranger  à  la  culture 
des  lettres.  'Le  Svncelfe  comprend  nominativement  Ic^  Arméniens  (3) 

(1)    V'pv.  Jonrnal  des  Savan? ,  avril   1H17,  pag.  2J0  et  sniv. -^(a)  Pr*xjat^ 
Ed'uor.  pag.  xiv,  n.  2.  —  (})  Syncell.  Clironogniph,  p.  ^o  i  HiifTiç  yfdftfÊtcm  iith 


SÊPTÉMÉRE  iSip.  ii7 

dans  le  pérît  nombre  des  nations  anciennes  qui  se  distinguèrent  par  cette 
étude.  Elfe  y  devint  sur-tout  florissante  dans  le  cinquième  siècle  de 
notre  ère  (  i  ) ,  époque  où  Moïse  de  Chorène  et  son  condisciple  Elisée 
écrivirent  rhftsroire  defeur  pays  avec  un  talent  et  un  succès  qui  font 
encore  aujourd'hui  dé  leurs  ouvragés  les  plus  beaux  titres  de  la  litté- 
rature arménienne,  er  Tun  desj)rincipaux  objets  de  Félude  des  Européens 
qui  travaîffent  sur  l'histoire  de  l'Orient.  A  l'époque  dont  j'ai  parlé,  lés 
connoîssances  et  les  écrits  des  Grecs  étoient  en  quelque  sorte  naturalisa 
dans  l'Arménie  par  des  traductions  littérales,  et  néanmoins  élégantes. 
La  version  grecque  dçs  Septante  étoît  transportée  dans  l'idiome  de  ce 
peuplé  avec  une  exactitude  que  nous  pouvons  maintenant  mieux  appré- 
cier, depuis  la  belfe  édition  qu'en  a  donnée,  en  1 805 ,  le  D.  Zohrab ,  le 
mémeà  qui  nous  devons  la  publication  actuelle  de  la  Chronique  d'Eusèbe. 
Lefs  Pères  de  Péglise  grecque  étoient  de  même  interprétés  et  étudiés  en 
Arménie  avec  un  soin  et  un  respect  religieux  qui  en  ont  conser\'é  dans 
ce   pays  de  nombreux  fragmens ,  dont  les  originaux  grecs  sont  depuis 
long- temps  perdus.  La  philosophie  profane  trouva  également  chez  les 
Arméniens  de  digrtes  interprètes  ;  leurs  sufTriages  ont  placé  au  premier 
rang,  dans  cette  étude  importante,  les  travaux  de  David  (2),  qui  à  des 
écrits  originaux  joignît  des  traductions  fidèles  des  philosophes  grecs  ; 
et,  à  l'appui  de  ces  témoignages  nationaux,  nous  pouvons  citer  nous- 
mêmes  l'exemplaire  arménien  des  œuvres  complètes  de  Philon ,  décou- 
vertes, il  y  a  quelques  années,  chez  les  Arméniens  de  là  Pologne,  par  lé 
même  docteur  Zohrab,  et  qui  sont  restées  inédites  (3).  L'imagination, 
qui  brille  généralement  avec  tant  d'éclat  dans  les  productions  des  peuples 
de  rOrient,  ne  paroît  pas  avoir  non  plus  été  refusée  au  génie  des 
Arméniens;  et,  quoique  le  parfum  de  ces  plantes  exotiques    perdit 
beaucoup  sans  doute  à  être  transporté  dans  nos  climats,  il  ne  fàudroît 
cependant  pas  dédaigner  des  acquisitions    étrangères,  qui  pourroierit 
rajeunir  les  formes  un  peu  vieillies  et  varier  les  images  un  peu  monotones 
de  notre   poésie.  La  rhétorique,    qui  n'est  trop   souvent  que    fart 
d'apprendre  à  faire  médiocrement  ce  que  l'instinct  du  génie   a  fiiit 
produire  de  plus  achevé  parmi  les  hommes  ;  la  rhétorique ,  dont  les 
règles  serviles  succèdent  aux  compositions  originales,  comme  l'ombre 
suit  le  corps, a,  par  une  exception  assez  rare,  fleuri  parmi  les  Arméniens 


(1)   Vid.  Samuel  Anîens.  i7</  cale,  Euseb,  ann,  chr.^fir,  —  {2)  Ces  ouvragei 
ont  été  imprimés.  Voy»  la  préface  de  M.  Mai  au  devant  du  Tr^iité  de  Philon, 

Î.  Ixxiv. -=-  (3)  Voy,  au  mime  endroit  la  notice  de  ce  précieux  manuscrit  de 
^hiion,p.x-xv. 

:^zz  2 


548  JOURiNAL  DES  SAVANS. 

en  même  leiiips  que  le  taleni  de  leurs  poètes,  de  leurs  hbtoriens  etifc 
Jeurs  orateurs;  et  ce  même  Moïse  de  Chorène,  qui  éleva  chez  sei 
compatriotes  le  plus  heau  monument  historique,  leur  a  laisse  un  bel 
ouvrage  didactique,  où  tous  les  principes  du  goût  sont  appuyés  sur  des 
exemples  empruntés  aux  philosophes,  aux  poètes  et  aux  historiens  de  h 
Grèce  (  i  ) ,  exemples  qui  sont  pour  la  plupart  aussi  précieux  en  eux- 
mêmes  qu'ils  sont  nouveaux  pour  nous.  Mais  c'est  sur-tout  par  ses 
historiens  que  la  Hiiéraiure  arménienne  se  recommande  à  Tétude  «à 
lestime  do  >avans  de  Tturope.  Indêpenda:nment  de  ceux  que  faialeff 
il  en  exise  hcaiicouj)  d'autres,  quioiu  tieuri  ^  presque  toutes  les  époqueSf 
et  dont  Ii-N  tnivi.uxserviroient  i\  répandre  une  vive  lumière  sur  ces  nations 
anciennes  i  tmi-dernes  de  rOricni,  avtc  lesquelles  l'Arménie  a  entietaBtt 
des  r;'p|  oits  continuels  de  «^utrre  et  d'alliance ,  de  religion  9  de  coinmcice 
et  cic  |c!i'i(]ue.  Il  n*est  donc  point  douteux  que  Tétude  delà  iittératuc 
ann^niv-nnc  ne  diit  ))roduire  des  fruits  précieux,  sur-tout  si  elle  s*attt- 
rhuit  à  recouvicT  et  à  tclaircir  des  interprétations  anciennes  et  fidébs 
d'ouvnigcs  orijc:inaux,  peidus  ou  mutiles,  telles  que  celle  delaChroiûqpie 
d*i.u>èljc';  et  il  semlle  qu'à  une  épocjue  où  Tesprit  d'investigation»  de 
tout!  s  parts  excité  par  des  découvertes  utiles*  se  porte  h  rechercher  tous 
les  anciens  monuiiitns  et  à  remuer  toutes  les  vieilles  ruines»  on  pour- 
roit,  avec  non  moins  de  raison  et  de  succès,  fouiller  dans  les  dépôts 
de  la  littérature  arménienne,  et  répandre  de  plus  en  plus  rinielligenoe 
d'une  lanii;ue  qui  cDnxrve  peut-être  seule  aujourd'hui  les  plusprédcux 
déLris  des  conn(»i>sances  historiques  de  l'antiquité. 

Je  ne  nrarrcttrai  pas  plus  long-temps  à  des  observations  piélî- 
minaires,  qui ,  souvent  nécessaires  pour  appeler  d'avance  sur  tmonnage 
une  attention  proportionnée;!  son  mérite,  auroient  ici  le  défaut dTèlie 
absolument  inutiles.  Dans  un  sujet  >i  abondant  et  si  rempli  de  faits  nenfi 
et  curieux,  on  sent  que  tcute  rcflexîtn  qui  n'y  auroit  pas  un  rappoft 
immédiat  et  direct,  ne  serviroit  quù  alonger  un  examen  qui  |iar  Ittî- 
mème  exii;e  un  e>pace  assez  étendu.  Je  me  bornerai  donc  k  une  analyse 
sommaire  et  fidèle,  dans  t(  utes  ses  p.'rri^s,  de  la  traduction  ladne  qui 
représente  à  no>  yeux  la  verNion  arménienne  d'Eusèbe»  en  insistant 
particulièrement  sur  le  ])remier  livre,  dont  la  traducdon  ladne  de 
S.  Jérôme,  si  mutilée  elle-même,  ne  nou:»  avoit  conservé  qu'une  fbible 

(i)  Ciel  raitt  dcMuï'cde  Chonnen  éic  pui)llé  pour  la  première  fois  à  Venise, 
en  179''»,  par  le  D.'  Zohral)  :  (n  y  troi  ve  beaucoup  de  fra^meni  d'auteiif» /criées 


anjoiird  hni  perdus,  et  noiamr.en:  une  an^ilyse  de  la  tragédie  dtiPéIMesd*ï 
ripide,  doj.t  il   11V51   resté  qre  quelijues   \ers.  Une  fa^nne  tradvction  de  cet 
ouvrage  arnunien  scroii  cenainenicnt  un  travail  utile. 


SEPTEMBRE  1819.  j49 

pQurtie.  A  mesure  que  j'avancerai  dans  cette  analyse»  j'indiquerai  soigneu- 
sement tous  les  "faits  nouveaux  dont  la  version  actuelle  enrichit  nos 
connoissances  historiques  ;  et,  après  avoir  ainsi  réuni  sous  les  yeux  de 
nos  lecteurs  les  résultats  positifs  du  travail  d*£usèbe,  j'essaierai,  par 
quelques  observations ,  de  leur  faire  connoitre  la  nature  et  apprécier  le 
mérite  de  cthii  de  ses  éditeurs ,  en  accordant  toutefcùs  à  leur  traduction, 
ce  qui  est  une  supposition  bien  admissible  sans  doute ,  qu'elle  reproduit 
exactement  la  version  de  Tauteur  arménien ,  dont  je  n'entends  point  la 
langue  et  dont  le  texte  est  encore  inédit  (1). 

La  Chronique  d'Eusèbe,  qui  forme,  dans  cette  édition,  un  volume 
il^^/de  396  pages,  est  précédée  d'une  préface  des  éditeurs,  dans  laquelle 
ifs  rendent  compte  eux-mêmes  de  la  découverte  et  de  l'état  du  manuscrit 
original,  aussi-bien  que  de  laiiature  du  travail  auquel  ils  se  sont  livrés 
de  concert  pour  le  publier*  Quant  au  premier  point ,  la  découverte  du 
manuscrit  arménien  faite  h  Constantinople ,  en  1792,  par  le  docteur 
^ohrab,  les  détails  relatifs  à  ce  point  d'histoire  bibliograplûque  ont  été 
consignés,  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes,  par  M*  Mai ,  dans  la 
préface  de  son  Traité  inédit  de  Phîlon  (2)  ;  et  il  est  inutile  d'y  revenir, 
si  ce  n'e^t  pour  observer  que  le  manuscrit  d'après  lequel  ont  été  faites 
les  deux  copies  qui  existent  maintenant,  Funeà  Venise,  l'autre  à  Milan, 
ne  se  retrouve  plus  aujourd'hui  à  Constantinople ,  où  il  a  été  vu  pour  la 
première  fois.  Quant  au  second  point,  qui  intéresse  plus  particulièrement 
les  éditeurs,  ce  n'est  qu'après  avoir  analysé  leur  travail  dans  toute  son 
étendue ,  que  fe  pourrai  me  permettre  d'exprimer  mon  opinion  à  cet 
égard.  Mais  je  ne  dois  pas  non  plus  négliger  de  remarquer  avant  tout  la 
difficulté  d  un  pareil  travail  entre  deux  personnes,  dont  l'une,  tout-ii-fkit 
étrangère  à  l'intelligence  de  la  langue  arménienne;  et  l'autre,  peu 
£imiliarisée ,  à  ce  qu'il  paroît,  avec  Fidiomedes  Romains,  ne  pouvoient 
se  communiquer  leurs  pensées  qu'au  moyen  d'une  double  interprétation, 
et  fixer  que  par  des  tâtonnemens  lents  et  successifs  le  vrai  sens  d'un 
auteur  dont  chacun  d'eux  pe  saisissait,  pour  ainsi  dire,  que  la  moitié  (3)^. 

{ly  Co  texte  a  paru  depuis  la  rédaction  de  cet  extrait ^  avec  une  nouvelle 
traduction  latine;  mais  tout  annonce  que  la  supposition  faîte  ici  n'avoir  rien 
de  hasardé. 

(a)  />ijj/rr.j^r^^.  part.  n,pag,  x^î}-xxîij. 

(3)  Je  citerai  ici  le  passage  de  ia  préface  de^ éditeurs  dans  lequel  ils  rendent 
compte  eux-mêmes  de  ia  nature  et  de  fa  difficulté  de  iein*  ifâvàîî:  Et  stathn 
qu'idem  in  saUbras  4iffi£uhasum  afaue  in  mulcas  moUstias  \in€urrijnui.  PriirA 
Ênim  textum  annemum  pêr  tôt  sœcula  manusque  deductum  mendis  sœpè  abundate 
iogno/imus,  Deinde ,  dm  alter  interpretaî'wnem  faaret ,  altir  lutine  sçrihrtt,  iwr-» 
non  cum  grœcis  reliqu'iU  €t  c^nhiao^jm  yaitaH.  Ç9i]firr^ ystiis ^uiffi» .dùc(rinis 


HO  JOURNAL  DES  SAVAMS. 

Il  est  difficile  d'assigner  i  MM,  Zohrab  et  Mai  la  put  qui  leur  revient 
séparément  dam  ce  travail  vaste  et  pénible;  et  peut-être  ne  seiont-ila 
pas  plus  d'accord  entre  eux,  snrce  potntt  que  le  public.  Si  pourtant  ii 
est'permis  de  haaarder,  d'âpre!  oe  premier  aperçu,  une  cooftctnre  mr 
la  nature  de  fcun  obligatioiU'rteiprtiques,  il  semble  que  la  prindjnlo 
part  dans  la  traducticHi  d'Eâsèbe  est  due  b  M.  Zohrab , qui,  d'ailleurs, 
revendique-en  entier  les  noteS' et' observations  répandues  en  assez  giand 
nombte  an  bas  des  ptges ,  et  relatives  à  l'explication  du  texte  arménienv 
D'une  autre  part,  je  ne  crois  pas  m'éloigner  beaucoiifl  de  la  vérité ,  eri 
atiribuanibM.  Mai  toutle  mérite  de  l'interprétation-Iaiine,  la  cofleciion 
des  fVagmens  grecs  de  l'ouvrage  original  d'Eusèbe ,  qui  «nsrent  encore 
aujourd'hui ,  soit  dans  les  écrit*  deJoièphe,  duSyncelfe,  de  S.  Qément 
d'Alexandrie,  soit  dans  la  Préparation  évangéliqae  d'Eusébe  lui-même* 
soit  dans  les  compilations  faites  autrefbisparScaliger,  et  dont  fa  source 
étoil  restée  jusqu'à  ce  jour  inconnue  et  l'autorité  fort  suspecte.  Enfin 
il  paroit  qu'on  doit  encore  attribuer  presque  exclusivement  à  M.  Mai  les 
noies  et  éclaircîsseinens  historiques  qui  accomftagnent  cetie  traduction 
d'Etuèbe.   ' 

Le  premier  livre  de  la  Chronique  d'Eusébe.  dont  if  nous  étoil  im- 
possible de  connoître  fa  forme  dans  la  traduction  de  S.  Jérôme ,  étoit 
divisé  en  dia|Htres  «fprécédé  d'une  préftce  ou  Eusèbe  rendoit  compte 
du  dessein ,  du  plan  et  de  fa  difiiciilté  de  son  ouvrage.  Cette  préface  , 
dont  nous  voyons  aujourd'hui  que  quelques  fragmens  avoient  été 
conservés  par  le  Syncetle  (  i  ) ,  étoit  déjà  publiée  par  M.  Mai  dans  fa 
dissertation  ptacée  au  devant  de  son  Traité  de  Phifon  [2] ,  et  [a  traduction 
qu'il  en  donne  aujourd'hui  dff}^  trop  peu  de  ta  précédente  pour  mériter 
qu'on  s'y  arrête.  Le  nombre  des  chftfMtres  contenus  dans  fè  premier  livre 
d'Eusèbe  est  de  ^arûntt-kuit  ;  il  étoit  moindre  de  Jix  dans  le  compte 


SEPTEMBRE   1819-  î^i 

itfition,  qui  traitent  de  la  chronologie  d'Ailiènes,  correspondent  aa 
chapitre  xxil  de  l'annonce  préliminaire  de  M.  Mai.  L'ouvrage  d'Easèbe 
se  divise  en  deux  portions  presque  absolument  égales  »dont  la  première, 
qui  s'arrête  au  XXIII/ chapitre  exclusivement,  renferme  la  chronologie 
des  Chaldéens,  des  Assyriens,  des  Mèdes,  des  Lydiens,  des  Perses,  des 
Hébreux  et  des  Égyptiens,  y  compris  les  rois  de  la  dynastie  des 
Ptolémées.  La  seconde  partie,  qui  comprend  les  vingt-six  derniers 
chapitres ,  est  toute  consacrée  k  la  chronologie  des  Grecs  et  des  Romains, 
jusqu'au  temps  de  Jules-César.  Cette  division  d'Eusèbe  me  fomnM 
celle  que  je  suivrai  moi-même  dans  l'examen  de  sa  Chronique,  et  je 
réunirai  dans  ce  premier  article  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  chronologie^ 
orientale.  '      - 

Le  premier  chapitre ,  qui  traite  du  premier  royaume  chaldéen ,  €$t 
évidemment  défectueux  daJis  le  texte  arménien,  quoique  les  éditeurs 
n'y  aient  point  remarqué  de  lacune.  Il  paroît  avoir  été  tiré  de  Bérose, 
oiji  plutôt  d'Alexandre  Polyhisior,  qui  seul  est  cité ,  et  dans  le  sommaire 
et  dans  le  cours  de  ce  chapitre,  aussi-bien  que  dans  les  sections  sui- 
vantes; ce  qui  atteste  suffisamment  quEusèbe  n'avoit  point  sous  les 
yeux  Fouvrage  original  de  Bérose.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  matière  de  ce 
premier  chapitre  est  en  grande  partie  dans  le  Syncelle  (  1  ) ,  sauf  quelques' 
variantes  dans  les  noms  des  princes  qui  composent,  au  nombre  de  éfix, 
ia  première  dynastie  babylonienne;  et  ces  variantes  proviennent  sans- 
doute  uniquement  de  la  différence  des  caractères  employés  par  l'auteur^ 
arménien,  pour  rendre  des  noms  dont  la  forme  avoit  dé;à  été  altérée* 
par  les  Greps  ;  d'où  il  suit  encore  qu'on  doit  peu  se  flatter  de  recon-' 
noftre  la  vraie.I^çon  à  travers  toutes  ces  transformations  successives.  Ce 
chapitre  est  terminé  par  une  judicieuse  réflexion  d*Eusèbe  sur  Tévî-- 
dtxiie  exagération  des  calculs  par  lesquels  les  auteurs  chaldéens  cher^ 
qhoient  à  reculer  Fantiqjuité  de  Jeur  nation.  Cette  réflexion  a  été  omise 
par  le  Syncelle. 

Le  second  chapitre ,  jusqu'au  sixième  paragraphe  inclusivement ,  est 
dans  le  Syncelle  (2};  il  contient  un  abrégé  de  la  cosmogonie  chal- 
déenne,  d'après  Bérose,  ou  plutôt,  selon  lobservation  que  j*ai  faite 
plus  haut,  d'après  Alexandre  Polyhistor.  La  version  arménienne  offre* 
cependant  quelques  varian^tes  curieuses  ;  elle  donne  Jeyx^  ceni  quinze 
myriades  [2.,  \  50,000  ]  d* années  d'antiquité  aux  traditions  babyloniennes 
que  Bérose  assure  avoir  consultées,  et  le  texte  grec  ne  portoit  jque.. 
quin:^e  myriades  :  im  ItÎÏk  ^tk   \Bno  julvca^J^v  JSn^Tnvn  meM^y^cic  JSJ^^V^' 


•"^^ 


(i)  Syncell.  Chronograph,  p,  i^ ,  j8,  j»^.  -^  (2)  Idem,/^/^  p.  zB ,  jo ,  40, 


fil  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Il  tnut  donc  ivideniinent  fire,  dans  cet  endroit  du  Syncellet  ^twr 
tnu  ^ç  fMtAiAu  AIAKOzinN  KAI  k.  r.  A>  Lm  noms  du  Hgre  et  da 
rEupfiraie  sont  représentés,  dant  la  version  arménienne,  par  ceux  de 
Dtglathiits  et  SAra^ann,  qui  ne  se  trouvent  jusqu'ici,  suivant  la  re- 
maïquedes-éditeurs.que  dans  la  Bible  arménienne  (i)  :  c'est  aux  savans 
dans  cette  langue  k  nous  apprendre  si  ces  noms  ont  une  origine  plus 
ancienne  et  plus  respectable.  Dans  les  trou  derniers  paragraphes  de  ce 
cfaa|ntf«i  lesquels  sont  nouveaux,  Eusébe  insiste  fortement  sur  l'invrai- 
iémbiance  du  nombre  prodi^eux  d'années  que  les  auteurs  chaldéena 
alignent  k-Texittence  de  cet  empire;  mais  il  s'attache  sur-tout  k  faire 
remarquer  l'accord,  effectivement  très-remarquable,  entre  les  tradirions 
dialdéennes  et  hébraïques,  sur  le  nombre  de  dix  générations,  (]ue  let 
iinM  et  les  autres  comptent  depuis  le  premier  homme  jusqu'au 
Bal^lonien  Xisuthrus,  le  Noé  des  Hébreux.  A  la  vérité ,  le  nombre  des 
annéïs  écoulées  dans  chacun  de  ces  intervalle^  égauic  ne  se  rapporte 
pas ,  puisque  les  dix  générations  ,  évaluées  k  dtux  mille  ans  dans  la 
Genèse, en  comprennent  plus  de  tjuaranu-treis  myriades  dans  les  annales 
de  la  Clutldée  ;  mais  cène  diB'Orence ,  qui  ne  provient  sans  doute  que  de 
la  diflèrence des  temps  appelé»  années  par  les  deux  peuples,  est  proba- 
blement plus  apparente  que  réelle.  Touidôis  je  dois  observer  que  ï'ac- 
cord  des  dix  générations  ne  se  trouve  que  dans  le  système  de  Bérose  ; 
car,  dans  celui  de  l'historien  Abydène,  dont  Eusèbe  donne  l'extrait 
quelques  chapitres  plus  bas  ii),  l'intervalle  entre  Ancdapkus  [l'Amem- 
psintu  de  Bérose  )  et  Xisuthrus,  que  Bérose  remplit  par  un  seul  règne, 
est  occupé  par  le  règne  de  plusieurs  princes,  qu' Abydène,  ou  plutôt 
Eusèbe  qui  l'extrait,  se  contente  d'indiquer  d'une  manière  vague  et  gé- 
nérale :  fud''  %t  aAAOI  TB  if^at  KAI  tiew^tt-  Il  n'est  donc  pas  bien 
sûr  que  la  première  dynastie  babylonienne  n'ait  renfermé  que  dix  génè- 
,  comme  le  prétend  Eusèbe ,  d'après  le   léiiioignage  du  seul 


SEPTEMBRE  1819.  nJ 

plus  singulière,  que  U  version  Jaline,  faire  d'après  l'arménien,  porte  au 
même  endroir,  sànGVInemijuc  mananlem;  et  ce  que  cette  version  et 
ie  bon  sens  autonsoicnt  suffisamment,  se  liotive  encore  confirmé  par 
l'excelîent  manuscrit  du  Synceile  de  la  Biblioihèque  du  Roi  (i)  :  mais 
ce  manuscrit  et  la  version  arménienne  n'offrent  aucun  secours  pour 
rectifier  le  sens  d'un  autre  passage  du  Synceile,  que  les  éditeurs  ont 
essayé  de  corriger,  et  qui  correspond  à  un  endroit  à  peu  près  inintelli- 
gible de  la  version  arménienne,  ou  du  moins  de  l'interprétation  latine. 
Voici  le  texte  de  celle-ci:  Teinptts  ali/juando fuit  cùm  un'ivirsus  orbit 
Untbrîs  tt  at}uis  occtipabatur  :  trant^ue  ibi  el  alla  bellua ,  quorum  queg' 
dam  ex  se  ipsîs  orta  erant ,  fgur'u  tamen  utebantur  nascent'ium  ex  aati 
viventibus.  J'avoue  que  je  ne  saisis  pas  parfaitement  le  sens  de  ces 
dernières  paroles,  lequel  me  paroît  pourtant  assez  clair  dans  le  texte 
'  grec  (2)  :  c'est  un  passage  sur  lequel  je  crois  devoir  appeler  dé  nouveau 
l'aiieniion  des  éditeurs. 

Le  chapitre  m,  consacré  au  récit  du  déluge  universel  arrivé  sous 
Xisuihrus ,  est  tout  entier  dans  fe  Synceile  ,  et  tiré  originairement 
d'Alexandre  Polyhistor  (j).  H  n'offre  donc  rien  de  nouveau,  si  ce  n'est 
la  leçon  Otiarles,  nom  du  neuvième  roi  babylonien ,  qu'il  faut  substituer 
à  celle  SArdath ,  qui  se  trouve  aujourd'hui  dans  le  texte  grec  du  Syn- 
ceile. Je  remarque  encore,  au  commencement  de  ce  chapitre,  une 
phrase  de  l'interprétation  latine,  qui  n'offre  pas  un  sens  clairet  raison- 
nable ,  tandis  que  le  passage  grec  qui  y  correspond  ne  renferme  qu'une 
faute  légère  et  facile  à  corriger:  Mandavisse  ut  libros  omnes,  primat 
nimirum,  médias  (tnUimos,  lerrie  infossos,  in  Sofis  urbe  Sipûris  ponerer. 
On  ne  comprend  pas  bien  ce  que  veut  dire  ici  l'interprète  l-itin  par  ces 
livres  premiers,  moyens  et  derniers,  tandis  que  le  grec ,  et  probaLlemenI 


(1)  L'exemplaire  da  Synceile  de  la  Bîblioihèquc  du  Roi,  dont  je  me  suii 
servi  pour  la  collation  de  tous  les  pas  âges  cités  par  les  cdiieurs  d'Eusèbe,  est 
chargé  de  noies  marginales  de  M.  Parquois,  lesquelles  représentent  les  variante» 
deîdeux  manuscrits  du  Synceile  que  possède  la  même  bibliothèque.  Ces  variâmes 
renCernient  presque  toujours  les  meilleures  leçons,  et  servent  à  rectifier  une  fouie 
de  passages  altérés  ou  muiilé*  dans  l'édition  de  Goar:  elles  s'accordent  fréqueni- 
nieni  aussi  avec  le  sens  4uivî  dans  la  version  arménienne  d'Eusèbe;  ce  qui  prouve 
i-la-fois  et  la  fidélité  de  celle-ci,  et  l'enactitude  de  l'interprétation  lat'ne. 

[2)  Voici  la  phrase  grecqne ,  qui ,  à  l'cïcepiion  d'un  seul  mot .  n'offre  aucun* 
difficulté  •.TwAïf  ^rtà  ^énr  à  Sti  m  mwi'itc  ^  uAip  ^,'^âi  n-rtiç  (Ùk  Tiy:WJV 
t^  «Vlçwftf  TOf  iJliaf  t;^rV  ^oie^frÂoSoj.  Au  lieu  de  tiJiçuiît ,  que  les  éditeurs  pro- 
posent de  changer  en  a,'7tçi/«f ,  c'est  peut-être  tixi^vHç  ou  ÀKi^om  qu'il  faudroit 
lire.  iU  sjonient,  aliijuiJ  deesM  grœcotfxtui.  Lesrtianuscrits  n'indiquent  ici  aucune 
lacune,  et  la  phrase  me  paroît  complète.  —  (3)  Syncell.  Chrsncgr.  p.  jo  et  sqq. 

Aaaa 


554  JOURNAL   DES   SAVANS» 

l'arménien ,  disent  tout  naturellement  :  //  ordomû  ii  laissir pmr'éâtk 
commencement,  le  milieu  et  lafn  de  toutes  choses  (  c^est-à-dhre  de  h 
tion  )  )  et  de  déposer  ces  monumens  écrits  dans  la  ville  du 

ifiÇaila  \  leg,  ifi^ûJla^  ^Twuf  ôt  inXi  HXitt  Zmik^k.  -         .    .« 

Le  chapitre  iv,  toujours  tiré  d'Alexandre»  se  retrouve 

le  Syncelle  (  i  )  »  mais  avec  moins  d'étendue  »  et  »  à  ce  qu'il  panrftf  dR 

titude  qu'il  n'en  a  ici,  Ii  ofire  une  énumération  rapide  des  dîv 

nations  qui  se  sont   succédé  k  Babyione  i   depuis  le  délngo  jUfA 

Sennachérib ,  contemporain  d'Ézéchias.  Ce  nombre  des  rois^ 

dynastie   assyrienne,  médique,  arabe,    étoit  composée»  et 

années  qu'embrasse  chacune  de  ces  dynasties,  sont  indiqués 

avec  des  différences  assez  notables  pour  mériter  que  ia  critique  f*( 

de  concilier  son  texte  avec  celui  du  Syncelle,  Le  y/  chapitre,  e^ 

plus  important,  en  ce  qu'il  est  entièrement  nouveau,  et  qu'il 

Sennachérib  et  sur  la  fondation  de  Tarse  attribuée  k  œ  pn^m^j 

détails  iusqu'ici  inconnus.  Dans  le  deuxième  paragraphe  de 

Eusèbe  présente  un  rapprochement,  non  moins  ^gpie  de  fini: 

attention ,  entre  les   annales  chaldéennes  et  les   traditions 

qui  mettent  un  intervalle  de  quatre-vingt-huit  années  depuis 

fusqu'à  Nabuchodonosor ,  et  depuis.  Ézéchias,  contem 

de  ces  rois,  jusqu'à  Joachim,  contemporain  du  second.  Cet  eoooi4  des 

monumens  suivis  par  Alexandre  avec  les  témoignages  de  FÈcriliPR  est 

certainement  très- remarquable;  et  ia  conséquence  génépnlp •  qo^on  m 

peut  tirer,  c'est  qu'il  existoit  dès  cette  époque,  parmi  les  peïqiks  d^ 

cette  partie  de  l'Orient,  des  moyens  de  fixer  les  plus  petits 

chronologie  avec  une  grande  certitude.   Dans  le  troisième  et 

paragraphe  de  ce  chapitre ,  qui  comprend  la  suite  des  rois  assyriens 

Sennachérib  jusqu'à  Cyrus,  Eusèbe  fait  remarquer  encore  dTantiei  tra&s 

d*anak>gie  entre  le  récit  des  Chaldéens,  tel  que  nous  Ta  conserMda 

même  Alexandre ,  et  celui  des  Hébreux ,  dont  l'histoire  fut  <iéqiMUi|iiiH|f 

mêlée ,  dans  le  cours  de  cette  période ,  avec  celle  des  Asq^riensé^  Aine^ 

pour   toute  cette  époque,  les  témoignages  de  l'histoire  ncrée  ec -de 

rhistoire  profane  se  prêtent  des  lumières  et  une  autorité  ntutoeHes. 

Dans  les  chapitres  vi,  vu ,  viii,  ix  et  x,  Eusèbe  revient  sur  sis 
pas ,  et  offre ,  d'après  Thistorien  Abydène ,  le  récit  de  la  premi^  é/naÉàb 
chaldéenne ,  celui  du  déluge ,  de  la  construction  de  Babyione  »  des 
de  Sennachérib  etdeNabuchodonosor,  qu'il  avoit  précédemment 


SEPTEMBRE  iBip.  JJS 

cTÂIexandre  Polyhîstor.  La  matière  de  ces  cinq  chapitres  n'offre  donc 
rien  de  neuf  en  soi-même;  les  témoignages  de  ces  deux  historiens» 
quoique  puisés  à  des  sources  différentes,  ne  s'éloignent  que  dans  des 
circonstances  très-peu  importantes ,  et  ne  renferment  également  que  des 
variantes  assez  légères.  De  plus,  les  divers  textes  d'Abydène  qui  se 
trouvent  ici  dans  la  version  arménienne,  étoient  déjà  connus  par  des 
citations  d^Eusèbe  iui-méme  dans  sa  Préparation  évangélîque,  et  du 
Syncelle ,  qui  en  ont  conservé  l'original  { i  ) ,  à  Fexception  du  premier 
paragraphe  du  chapitre  IX,  relatif  à  l'expédition  de  Scnnachérib  en 
Cilicie/qui  renfermç  quelques  notions  nouvelles,  et  diffère,  à  certains 
égards,  du  récit  d'Alexandre  Pofyhistor.  Dans  tous  ces  chapitres,  Eusèbe» 
et  par  conséquent  l'interprète  arménien,  n'ajoute  rien  de  nouveau  à  ce 
que  nous  connoissions  déjà,  si  ce  n'est  une  réffëxion  sur  le  parfait  accord* 
du  récit  d'Abydène  avec  celui  de  l'Écriture ,  touchant  les  principaux 
événemens  racontés  dans  la  Genèse;  et  cet  accord  entre  des  témoignages 
dont  la  nature ,  Fâge,  la  langue,  diffèrent  si  essentiellement,  paroîtra  sans 
doute  aux  yeux  de  nos  lecteurs ,  comme  à  ceux  d'Eusèbe ,  digne  de  la 
plus  sérieuse  attention.  La  traduction  latine  de  ces  chapitres  suit  assez 
fidèlement  le  texte  grec  qui  l'accompagne,  pour  que  cet  accord  forme 
aussi  une  présomption  favorable  à  l'exactitude  de  l'interprète  arménien; 
et  c'est  d'après  cette  présomption  que  je  crois  devoir  relever  ici  en 
note  (2)  quelques  inexactitudes  qui  me  semblent  appartenir  aux 
éditeurs. 

Le  chapitre  xi ,  consacré  tout  entier  à  Nabuchodonosor ,  est  de  même 


(0  Cf.  Syncell.  Chronograph,  p,  j8 ,  44,  2/f  /  Euseb.  Prœpar.  evang.  ix, 
t2, 14,  4i. 

(2)  Chapitre  VU,  p.  23 ,  cette  phrase  de  la  version  latine.  Très  delnde  dîes 
moratus ,  denuo  easdem  mîuebat ,  correspond  à  celle-ci  du  texte  grec ,  'Ciç  Ji  rnot 
i&rrnnf  ivi^tv ,  qui  offre  un  sens  tout  contraire,  et  qui  signi6e  évidemment:  ubi 
tertias,  M  est,  tertio  loco  missas,  aves  reduces  vidit.  Ce  contre-sens  doit-il  être 
imputé  à  l'interprète  arménien  !  Chap.  VIII ,  p»  24»  les  éditeurs  donnent  euipy^tft 
étoit-il  besoin  du  secours  des  manuscrits  et  du  texte  arménien ,  pour  voir  qu'il 
falloit  dire  eiei^etfl  Chap.  x,  p.  27,  il  faut  lire  incontestablement  dans  le  texte 
grec,  >"*>f/  tSç  Mctxu^W  tf^>?f,  au  lieu  4^  A^X^  '"''  hLxju^rim  df^ç^  et  plus 
Bas,  au  lieu  de  oti  ûû(N  ^^y^d^voç  Ji  tTfnv ,  qui  ne  fait  aucun  sens,  je  propose, 
ùtçt  ff«/V  99i>^fi^rof  7»  •^'  «Wk.  Enfin  ,  dans  le  même  chapitre,  p.  28 ,  cette 
phrase  delà  version  htine ,  IVabonedochus ,  nullo  jure  fretus ,  adregnisedem  acce^ 
dere  Jussus  est,  ne  répond  pas  à  celle-ci  du  texte  grec,  l^laScunfiJbyof  >SmJinaiim 
ficMMA,  ^^anvûm  0/  iJùy  et  je  ne  puis  me  persuader  que  le  traaucteur  armé- 
nien se  soit  trompé  sur  le  sens  si  clair  de  ces  derniers  mots,  qui  signifient: 
nullo  affinitatis  yinculo  cum  eo  conjunctum.    . 

A  aaa  2 


M6 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


lextuellement  emprunté  du  premier  livre  de  Josèpbe  contre  Apio)i(i)>. 
Les  observauons  auxquelles  ce  chapitre  peut  donner  lieu ,  ne  peavent 
donc  porter  que  sur  quelques  endroits  de  la  traduction  latine  i  oii  il  me 
semble  que  la  édjtetirs  ont  suivi  les  mauvaises,  leçons  du  t^te  grec» 
plutôt  que  le  texte  annéaten,  que  je  dois  supposer  exacf.  Ainsi .  dans 
cette  phrase»  oiiileilquesdondeNabupalassar,;tf««  ipsfper  stjam  ad 
panas  expeundas  noa  va/eret,  mots  qui  correspondent  i  ces  paroles  de 
Josèphe,.»  J^tifMwêf  mnif  tn  ujt«««fli7r,  l'éditeur  observe  en  note  que 
J'interprète  arménien  avoit  lu  sansdouteviwsnwr:  mois  j  d'abord,  wwwnr 
n'est  point  grec;  et,  d'ailleurs,  le  sens  de  wuMSÂr  est  si  clair  et  si 
raisonnable,  qu'il  est  au  moins  inuliled'en  chercher  ici  un  autre:  il  signifie 
que  Nabupalassar  n'rteit  plus  alors  d'âgt  h  supportir  Us  foHgfUs  d'une 
txpidltion  hintaiat,  et  tej  éioit  sans  dout?  fe  sens  de  rarménien.  Plus 
hxi,  les  éditeurs  ont  laissé  subsister  dans  le  texte  de  Josèphe  des  fautes 
grossières ,  que  leur  seule  traduction  latine  enseigne  à  rectifier  :  Tir  n 
>im{p;)*MW.MAir  if  ifX^t  ^  hÎQir  "i^tt^r  mef^çttînuttt  ç,  àfa.ytiMÇ,  A  la 
place  de  ces  deux  derniers  mots ,  qui  ne  font  aucun  sens ,  les  manuscrits 
duSynceile  [2)',  lequel  a  copié  aussi  ce  passage  de  Josèphe,  et  la  version 
arménienne  fort  bien  entendue  par  les  éditeurs ,  montrent  qu'il  &ui  lire , 
•cma£7«i»aBfui'0c  ji^  «rawfr/<«c>  Quelques  lignes  au-dessous ,  les  éditeurs 
ont  encore  copié  le  texte  de  Josèphe,  sans  s'apercevoir  qu'il  n'a  aucun 
sens  >  et  sans  se  rappeler  qu'il  est  beaucoup  plus  correctement  dans  le 
Syncelle:  TpÂt  A  iSc  Ï^m.  Ttîrm»  A  -nuç  jùr  m.  r.  X-  (3)»   au  lieu  de 
TfSt  Ji  m  t^M  wwr ,  nù(  fût  k.  t>  a>  Je  me  borne  à  indiquer  ces  fautes  » 
que  les  éditeurs  s'empresseront  sans  doute  de  &ire  disparaître  dans  une 
prochaine  publication  de  leur  travail;  et,  pour  ne  pas  interrompre 
l'analyse  qui  est  ici  le  principal  objet  du  mien ,  je  rejetterai  en  note 
quelques  autres  observations  du  même  genre,  toutes  relatives  au  même 
L-haptIre  (<(). 


SEPTEMBRE  iSiÇ.  )$7 

Les  chapitres  Xll  et  xiii ,  tirés,  l'un ,  d'Abydène ,  et  Tautre,  du  Canon 
de  Castor,  traitent  également  de  la  chronologie  des  Assyriens,  et  se 
retrouvent  aussi ,  du  moins  quant  à  la  substance,  dans  le  Syncelle. 
Quelques  détails  mythologiques  sur  la  guerre  des  Titans  sont  à  peu 
près  la  seule  chose  nouvelle  que  le  fragment  de  Castor  ajoute  à  nos 
connoissances ,  et  je  doute  que  Fhistoire  ait  beaucoup  à  profiter  de  cette 
découverte.  Mais  le  chapitre  xiv,  toujours  relatif  à  la  chronologie 
assyrien^ie,  est  tiré  du  second  livre  de  Diodore  de  Sicile ,  et  peut  donner 
matière  à  beaucoup  d^observations.  On  sait  combien  les  opinions  des 
anciens  et  les  systèmes  des  modernes  varient  sur  la  durée  de  Tempire 
d*Assyrie,  et  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'énumérer  tant  de  sentimens  contra- 
dictoires. Le  texte  grec  de  Diodore  ne  compte,  dans  fétat  ou  il  nous  est 
parvenu ,  que  trente  générations  de  Ninus ,  fondateur  de  cet  empire ,  jusqu'à 
Sardanapale:  par  \m  étrange  contre-temps,  ce  nombre  de  générations  est 
omis  dans  la  version  latine  d'Eusèbe  ;  dirai- je  par  la  faute  de  l'interprète 
arménien,  ou  par  celle  des  éditeurs  actuels  l  Cependant  Eusèbeaccordoit 
certainement  plus  de  trente  générations  à  la  durée  totale  de  cet  empire , 
puisque  le  Syncelle,  qui  en  compte  trente-six  (i),  s'autorise  de  ce 
passage  même  d'Eusèbe,  et  que,  quelques  lignes  plus  bas ,  Eusèbe  lui- 
même,  décrivant  la  chute  de  l'empire  assyrien  sous  Sardanapale,  le 
nomme  le  trente-dnquiime  de  ces  rois,  à  partir  de  Ninus.  Eusèbe  auroit- 
il  donc  prêté  à  Diodore  une  opinion  qui  n'étoit  point  la  sienne,  ou 
bien ,  ce  qui  me  paroît  infiniment  plus  probable ,  la  leçon  actuelle  des 
manuscrits  de  Diodore  s'éloigne-t-eile  de  fa  vraie  leçon  conservée  dans 
celui  dont  Eusèbe  a  fait  usage  \  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  question,  qui 
mérite  d'être  approfondie,  la  version  arménienne  sert  à  prouver,  à  l'appui 
de  notre  seconde  supposition ,  que  le  texte  de  Diodore  a  subi  quelques 
interpolations  modernes.  Ainsi  la  durée  de  trei:^e  cents  ans ,  que  Ctésias» 
suivi  en  cela  par  le  plus  grand  nombre  des  chronographes  anciens  (aj, 
attribuoit  à  la  durée  de  l'empire  assyrien,  est  portée  dans  tous  les  exem- 
plaires de  Diodore,  qui  le  cite  en  cet  endroit,  à  plus  de  treize  cent 
soixante  ;  et  cette  addition,  que  Wesseling  avoit  regardée  comme 
suspecte  (3),  est  condamnée  par  la  version  arménienne. 

Le  chapitre  XV  offre  encore  l'extrait  d'un  système  différent,  celui  de 


cette  nature,  si  je  n'avois  craint  que  mon  article  ne  ressemblât  à  un  errata; 
mais  j'en^ag**  les  éditeurs  à  soigner  davantage  cette  partie  importante  de  leur 
travail,  dans  une  seconde  publication,  s'il  y  a  lieu. 

(i)  bynceli.  Chrono^raph.  y,  j6S,  D ;  vid.  annotât,  Goar.  —  (2)  Diod.  Sic. 
ilb.  II j  c.  21  et  28 ;  Justin,  lib,  I ,  c,  2;  Syncell.  Chronogr.  p,  ^^g,  C ;  Agath* 
p.  6j,  C,  —  (3)  Wes5cling  ad  Diodor\  J/V.  loc.  laudat.  tom.  II,  p,  4J.Z,  éd.  BiponU 


ÎS8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Céphalion  ,  concernant  la  même  chronologie  assyrienne  :  ce  cbajntre  est 
tout  entier  dans  le  Syncelle  (  i  ] ,  dont  le  texte ,  souvent  obicur  et  altéré , 
pourra  être  rectifié  par  le  sens  que  présente  l'interprète  arménien  ;  c'est 
ainsi  que  i'écUtion  de  Goar  porte  k  tort,  au  commencement  de  la  page 
168,  une  tacune  qui  n'existe,  ni  dans  le  cours  desidéesi  ni  dans  fe  texte 
de  FEusèbe  arménien.  Le  paragraphe  6  de  ce  chapitre  contient  une  liste 
des  tn'tttt-tix  rois  assyriens,  qui  se  sont  succédé  suivant  le  système  de 
Céphalion,  depuis  Nïnus  jusqu'à  Sardanapale  [2).  Ce  tableau  est  infi- 
niment curieux ,  quoique  fe  nombre  d'années  et  les  noms  des  prïncfes 
qui  y  sont  portés  diffèrent  souvent 'du  tableau  qu'Eusèbe  lui-même  a 
consigné  dans  le  second  livre  de  sa  Chronique,  et  de  la  liste  que  Moïse 
de  Choréne  a  donnée  des  mêmes  rois  au  livre  I,  chapitre  xrill,de 
son  Histoire.  Il  y  a  là  sans  doute  grande  matièreJi  des  Ascussîons  chrono- 
logiques; d'autant  plus  que  le  texte  àtménien  paroît  constamment  de 
la  plus  scrupuleuse  fidélité.  Les  éditeurs  n'en  ont  pas  toujours  pensé 
aiiisi  ;  notamment  sur  cette  phrase ,  At  y£gea  rege  dîscessit  Medta 
Calchis,  qui  correspond  si  exactement  à  celle-ci  du  texte  grec:  Mti<At« 
KoX^jif  hit^e*«v  \_leg.  àri;^p»nr]  h'i-^uç.  Les  éditeurs,  tout  en  convenant 
que  fe  texte  arménien  porte  bien  évidemment  ./£^d,  n'hésitent  pas  à 
dire  qu'il  faut  Hr^Aëta.  Mais  if  n'y  a  rien  du  tout  à  changer  ici,  et  l'auteur 
arménien  n'est  nullement  dans  son  tort.  Le  séjour  de  Médée  auprès 
d'Egée,  roi  d'Athènes,  est  trop  connu  et  trop  attesté  par  tous  les 
mythologues  grecs  (  3  ) ,  pour  qu'il  &if le  ici  entendre  autre  chose  que  ce 
que  cet  auteur  a  dû  et  voulu  dire.  Je  ne  quitterai  pas  ce  chapitre  sans 
observer  qu'if  contient  encore,  $.  7,  un  catalogue  des  rois  mèdes,  au 
nombre  de  huit,  toujours  d'après  Céphalion.  Cependant  Moïse  de 
Chorène  (4)  et  Diodore  deSicile  (j),  d'après  Ctésias,  comptent  nre/ de 
ces  rois,  dont  les  noms  varient  également  chez  ces  trois  auteurs.  La 
somme  même  des  années,  z;6,qui  résulte  du  texte  de  notre  Chronique  y 


SEPTEMBRE  1819.  559 

izns  Fensemblei  soit  dans  les  détails.  Le  premier,  reproduit  presque  tout 
entier  par  le  Syncelle  (  i  ),  ne  se  compose  guère  que  des  extraits  de  la  ver- 
sion des  Septante,  comparée  avec  le  texte  hébreu  de  la  Genèse  et  le  ma- 
nuscrit samaritain,  et  des  livres  saints,  particulièrement  de  ï Exode  et  du 
livre  des  Juges,  Le  second,  quia  pour  objet  de  montrer  la  concordance 
des  traditions  phéniciennes  avec  les  traditions  hébraïques,  touchant  la 
fondation  du  temple ,  est.  textuellement  emprunté  de  Josèphe  (2)»Le 
troisième  est  le  plus  curieux  ;  il  renferme  un  a|>erçu  générai  de  la 
chronologie  des  Hébreux  avant  et  après  la  captivité  de  Babylone,  telle 
que  la  concevoit  Eusèbe,  qui  ne  s'est  pas  toujours  donné  la  peine  de 
raisonner  ainsi  ses  propres  opinions  et  de  lier  ses  connoissances  à  celles 
des  autres.  Quelques  fragmens  de  ce  chapitre  se  retrouvent  cependant^ 
soit  dans  les  livres  saints,  soit  dans  S.  Clément  d'Alexandrie,  dans  le 
Syncelle  et  les  Extraits  de  Scaiiger.  Mais  on  verr;^  encore  ici  plusieurs 
observations  neuves  et  importantes ,  notamment  la  distinction  qu'établit 
Eusèbe  entre  les  deux  espaces  de  soixante-dix  années  marquées  ,  dans 
deux  systèmes  différents,  à  la  captivité  de  Babylone  (3). 

Les  chapitres  xix,  xx,  xxi,  xxii,  roulent  entièrement  sur  la  cbro* 
noiogie  égyptienne ,  et  sont  tirés  de  Diodore  (4)  9  de  Manéthon  (5) ,  de 
Josèphe  (6)  et  de  Porphyre  (7),  Quoique  le  fond  de  ces  chapitres  ne 
soit  pas  tout-à-fàit  neuf,  ils  serviront  néanmoins  à  rectifier  plusieurs 
détails  de  cette  chronologie  si  confuse,  et  dont  je  crains  bien  que 
l'ensemble  ne  soit  voué  à  une  éternelle  incertitude.  Le  texte  arménien 
borne  à  sei:(e  mille  ans ,  au  lieu  de  dix-huit  mille  que  porte  le  texte  grec  » 
le  cours  entier  de  la  domination  des  dieux  et  des  héros  :  cette  diminution, 
quoique  forte ,  ne  suffit  pas  cependant  pour  corriger  l'invraisemblance 
de  ce  calcul.  Un  retranchement,  bien  plus  considérable  encore,  d'une 
myriade  d'années,  est  obtenu  par  une  seule  leçon,  le  nom  du  roi 
Mçeris  ou  Myris ,  qui,  écrit  en  grec  Mue^cu/bç  par  l'ignorance  rfun 
copiste >  av oit  si  vainement  tourmenté  le  docte  Perizonius  (8),  et  lui 
avoit  fait  introduire  dans  la  chronologie  égyptienne  une  période  de  dix 
mille  ans,  heureusement  détruite  aujourd'hui.  Déjà  Wesseling  avoit 
observé  que  deux  manuscrits  de  Diodore  portoient  Moic/CeA>ç  et  Mue«.^ç, 
et,  malgré  cette  leçon  et  l'absurdité  du  calcul,  il  n'avoit  pas  osé  tenter 
la  correction  de  ce  passage  (9)  ;  ses  doutes  seroient  maintenant  changés 

^^■^— — i^— ^— ^— i»^— ^11^^— — ^i— — — ^— ^M^^— — — — ^M^— ■^M—— ■— il        I  —————— 

(i)  Syftceli.  Chron.p»  8^,  ç^  et  alibi,  —  (2)  Joseph,  contr,  Apion,  lit,  J,p,  ty-i8. 
—  (3)  P*g*  85  et  86  de  la  présente  édition.  —  (4)  Diodor.  Sic.  lib,  t ,  c»  i^.— 
(5)  Maneih. apud  Syncell.  Chronogr, p,  /p  et  j/.  —  (6)  Joseph. contr.  Avion,  lib,  l, 
p.  tjf,  t6.  —  (7)  Apud  Syncell,  Chrono^raph,  —  (8)  Perizon.  Origin.  AEgypt» 
c.  Mi,  —  (j)  Wesscling.  flrf  Diodor»  Sic.  lij?»  /,r,  ^,  tom»  I^p^jSo,  ed,  Bipont. 


j<5o  JOURNAL  DES  S  A  VANS, 

en  certitude.   Le    c!iapitre  XX,    rempli   ^extraits  de  Man^ri^A»     _^ 
renferme  pas  des  dïfkreiices  moins  notables ,  pour  les  nombies  cfannéei 
et  de  gtiiératiuns  •  avec  le  texte  grec  de  ces  mêmes  extraits,  tel  mCU 
pré>enté  par  le  Syncelle  (  i  ■.  L'auteur  observe  que  les  années  employée 
dans  CCS  calculs  sont  des  années  ou  révolutions   lunaires,  c'est-it-di 
des  mois;  et  d'iiprès  ce  principe,  il  propose  une  réduction  probable  de 
rantiquité  égyptienne,  suivant  laquelle  elle  ne  se  trouveroit  plus  crue  d 
deux  iriHlc  deux  cent  six  années,  jusqu'au  règne  des  rois  mortefs.  Mai  i 
combien  de  (îilVicuIrés  est  encore  sujette  cette  antiquité,  même  abaissa 
à  ce  i>oini ,  et  que  nous  devons  peu  compter,  pour  soulever  le  Toffeoiir  * 
nous  la  cathe,  sur  des  témoignages  si  incertains,   si  contradiccoiies 
ccnfu;.  y  compris  même  ceux  des  hiéroglyphes  !  ' 

Tel  tsi  Tapcrvu  lidcfe  et  rapide  des  XXIT  premiers  chapitres  de  cette 
Chèjn/ijue,t\\À  ajoutent  assurément  liien  peu  de  ^hoseànosconnofssan 
en  comparaison  de  ce  qu'on  croyoii  pouvoir  en  attendre  :  heureusement' 
la  seconde  partie  nous  offrira  quelques  dédommagemens,  et  reson'  A* 
monde  savant  ne  sera  pas  eniicrtment  déçu.  Je  terminerai  cetartick  m 
deux  observations  que  plusieurs  de  nos  lecteurs  ont  pu  fifre  •  c*est  m 
la  plupart  des  témoignages  originaux  recueillis  dans  la  CArûJr/fuJ d'Eu^bé 
nous  avoient  été  con^ervés  par  le  Sjncelle,  comme  îliîoh  ^seznatunl 
de  le  présumer ,  et  qu'ainsi  fa  question  proposée  il  y  a  quelques  années 
par  l'académie  des  l)elles-lettres ,  de  rechercher  les  sources  oîi  le  Svncelf 
avoii  puisé  les  éicmens  de  sa  Chrono^r^phle,  se  trouve  maintenant  résolue 
Ma  seconde  observation  est  que  les  Extraits  grecs  publiés  par  ScaKirerà 
la  suite  de  son  édition  d'Euscl}e  ap])artiennenc  bien  léellement^  Jk 
Chronique  de  cet  ancien ,  puisqu'ils  se  trouvent  exactement  traduits  par 
l'interprète  arménien.  Ainsi  les  doutes  qui  planoient  encore,  maferé  le 
nom  imposant  de  Scaliger,  sur  ces  précieux  débris  de  fa  chronologie 
ancienne,  doivent  être  à  présent  dissipés;  et  ce  résultat,  fe  plus  impor- 
tant peut-être  de  la  publication  actuelle  de  la   Chrênimte  d'Eosèbe 
deviendra  sur-tout  sensible  dans  mon  second  article. 

RAOULROCHETTE. 


(  I  )  Sy  n ccl I .  Chron og  rapli  »p'  JJ,  jS, 


'9- 


j6. 


[  'HtSTOinE  DE  LA  RÉPUBLIQUE  DE  Venise.  par  p.  Daru ,  de 
l'Académie  française;  7  vol.  in-S.'  Paris,  Firmin  Didoi, 
i8ip. 


SECOND     ARTICLE. 


Sr  l'on  examine  les  institutions  politiques  de  Venise  et  fesprit  du 
gouvernement ,  on  admire  avec  effroi  les  moyens  terribles  qui  ont 
servi  à  fonder  et  à  maintenir  cette  antique  ajistocratie. 

H  exisioit  à  Venise  un  genre  de  noblesse  particulier;  cette  ville 
n'ayant  pas  été  conquise,  nul  droit  ne  pouvoit  dériver  de  la  force; 
n'ayant  pas  eu  originairement  de  territoire ,  il  n'avoît  pu  y  être  établi  une 
féodalité:  mais  les  richesses  amassées  par  le  commerce,  la  considération 
acquise  dans  l'exercice  des  grandes  magistratures  et  dans  les  charges 
importantes,  avoient  créé  une  noblesse  à  part  de  celle  du  reste  de  l'Eu- 
rope. J'ai  eu  occasion  de  dire  que,  à  la  fin  du  xiil,'  siècle,  le  doge, 
Pierre  Gradenigo,  réussît  à  opérer  une  révolution  qui  concentroit  et 
perpétuoit  le  pouvoir  dans  les  principales  familles,  que  le  grand  conseil 
fut  déclaré  permanent,  et  le  droit  d'y  siéger  héréditaire.  Alors  quelques- 
uns  des  autres  nobles  furent  appelés  à,  siéger  dan''  le  grand  conseil,  et 
on  laissa  à  ceux  qui  n'y  entrèrent  point  l'espérance  d'y  parvenir  à  leur 
■  tour.  Marin  Bocconio,  ayant  excité  le  peuple,  tenta  de  renverser  le 
nouvel  ordre  des  choses.  La  conjuration  fût  découverte  ;  Bocconio  et  ses 
adhérens  furent  arrêtés,  interrogés,  condamnés  et  exécutés  dans  l'inter- 
valle de  quelques  heures.  A  l'occasion  d'une  autre  conjuration  dirigée 
par  des  nobles  mécontens  contre  Gradenigo  lui-même,  le  conseil  des 
Dix  fût  établi  avec  un  pouvoir  illimité.  Cette  autorité  extraordinaire 
devoit  durer  seulement  deux  mois;  mais,  de  prorogation  en  proro- 
gation, elle  continua  d'exister,  et  bientôt  elle  se  tnèla  d'administrer  et 
de  gouverner. 

A  cette  époque ,  pour  ôier  aux  nobles  le  desîr  ou  fe  prétexte  de 
conspirer ,  on  admit  dans  le  grand  conseil  toutes  les  anciennes  familles 
patriciennes  qui  n'avoient  pas  pris  part  à  (a  conjuration. 

L'une  des  institutions  îi  laquelle  Venise  fut  redevable  de  la  tranquil- 
lité publique,  qu'elfe  consolida  sans  cesse  aux  dépens  de  la  sécurité 
personnelle,  ce  fui  l'institution  des  inquisiteurs  d'état.  M.  Daru  en 
6xe  l'époque  à  Tan  ■4;4-  Jusqu'à  présent  les  historiens  avoient  ignoré 
les  attributions,  les  moyens  et  les  formes  de  ce  tribunal  redoutable,  od 
n'avoient  osé  les  révéler.  La  partie  de  l'ouvrage  de  M.  Daru  qui  en 


j6z 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


traite  est  une  vériialile  conquête  historique  ;  il  est  donc  convenable  d'en 
parler  avec  quelque  étendue. 

Une  délibération  du  grand  conseil,  prise  le  1 6  juin  i4s4>  aurorfse 
le   conseil  des   Dix  k  choisir  trois  de  ses   membres  pour   exercer  la 
surveillance  et. la  justice  répressive  qui  lui  sont  déléguées  k  lui-mftme, 
La  juridiction  de  ces  trois  membres  s'étendra  sur  tous   les  individus 
quelconques,  nobles,  ecclésiastiques   ou   sujets,  sans  en   excepter  les 
membres  du  conseil  des  Dix;  ils  pourront  infliger  la  peine  de  mort,  soît 
publique,  soît  secrète ,  pourvu  que  les  voix  des  trois  membres  du  tribunal 
soient  unanimes.  Le  tribunal  a  le  droit  de  disposer  des  fonds  de  la  caisse 
du   conseil  des    Dix,   sans  être    tenu  d'en    rendre   aucun   compte;  il 
correspondra  avec  tous  les  recteurs,  gouverneurs,  généraux  de  terre  et 
de   mer,  et  leur  donjiera  des  ordres.  1!  est  autorisé  îi  faire  ses  propre» 
réglemens  ei  !i  les  modifier  selon  les  circonstances.  Ces  régleinens  furent 
écrits  de  fa  main  de  l'un  des  inquisiteurs;  ils  restèrent  inconnus  même  h  ,] 
leurs  secrétaires:  ii  éloit  défendu  de  les  employer  pour  rédiger  \ei  ordres.  , 
Ce  tribunal  monstrueux  avoit  donc  une  forme  légale;  il  éloit  permanent;  j 
ses   membres   éioient  temporaires ,  leur  pouvoir  absolu,  leuri  formes  J 
arbitraires ,  leurs  exécutions  secrètes  :  un  citoyen  disparoissoit  ;  et  si  l'on  ' 
pouvoit  soupçonner  que  ce  fût  par  l'ordre  de  l'inquisition ,  ses  amis ,  sel 
parens,   trembloient   de  s'en  informer.  Si   les  inquisiteurs  eux-mêmes 
étoient  affranchis  de  toute  responsabilité,  ils  n'en  éloient   pas  moins 
justiciables  de  leur  propre  triliunal.  Quand  deux  inquisiteurs  vouloient   , 
juger  leur  collègue ,  ils  s'adjoîgnoient  un  supléant. 

On  voit  par  ses  régleinens,  publiés  par  M.  le  comte  Daru,  que  ce 
tribunal  avoit  des  espions  soudoyés  dans  toutes  les  classes,  pour  sur- 
veiller constamment  les  magistrats,  les  citoyens,  les  ambassadeurs. 
Toutes  les  machinations,  toutes  les  perfidies  de  l'inquisition  ci»ife  sont 
à  découvert  dans  ce  code.  Par  exemple,  lorsque,  parmi  les  patriciens 
élus  à  des  charges,  quelqu'un  n'a  pas  l'entière  confiance  des  îiiquisiteurSf 
on  doit  l'entourer  de  séducteurs,  qui  lui  feront  des  propositions  mysté- 
rieuses contre  le  gouvernement;  et  si  ce  patricien  ne  vient  pas  sur-Je- 
champ  rendre  compte  de  ces  propositions,  il  sera  inscrit  sur  le  registre 
des  suspecis.  Les  ambassadeurs  de  Venise  dans  les  cours  étrangères 
avoient  avec  les  inquisiteurs  une  correspondance  dans  laquelle  ils  ^isolent 
part  de  certaines  découveries  dont  ils  ne  dévoient  pas  parler  dans  leurs 
dépêches  au  sénat.  L'artide  xvi  portent  Qu.ind  le  tribunal  aura  jugé 
»  nécessaire  la  mort  de  qutiqu'un,  l'exécution  ne  sera  jamais  jjublique  : 
s»  le  condamné  sera  noyé  secrètement,  la  nuit,  dans  le  canal  Orfano.  »  . 
L'art.  XXii  :  «Tous  les  deux  mois,  le  tribunal  se  fera  apporter  la  boîte  dii 


SEPTEMBRE   1819.  563 

"Courrier de  Rome,  et  les  lettres  en  seront  ouvertes ,  pour  prendre 
«  coiinois^aiice  des  correspondances  que  les  pnpaliites  pourroient  avoir 
i>  avec  celle  cour.  »Art.  XXV:  «Le  tribunal  autorisera  les  généraux 
»  commandans  à  Chypre  ou  en  Candie ,  au  cas  qu'il  y  eût  dans  le  pays 
»  quelque  patricien  ou  quelque  autre  personnage  influent,  dont  fa  con- 
»  duile  fît  désirer  qu'if  ne  restât  pas  en  vie,  à  le  faire  périr  secrète- 
»  nient,  si,  danï  leur  conscience,  ils  jugent  cette  mesure  indispensable, 
»  et  saufà  en  répondre  devant  Dieu.  » 

Cette  manière  de  procéder,  toute  barbare  qu'elle  étoit,  avoit  du 
inoins  le  prétexte  de  la  sîirelé  publique,  de  l'intérêt  de  l'État.  Mais  que 
penser  de  l'article  xxvi;  If  dit  que  si  un  ouvrier  transporte  en  pays 
étranger  un  art  au  détriment  de  la  république,  on  mettra  d'aljord  ses 
parens  en  prison  ;  et  s'il  ne  revient  pas ,  on  prendra  des  mesures  pour  le 
faire  tuer  où  il  se  trouvera,  et,  après  sa  mort,  ses  parens  seront  mis  en 
liberté. 

L'article  XXXV  est  relanfaux  nobles  qui  expriment  leur  opinion  dans 
(e  sénat  :  "  S'il  se  met  à  discuter  sur  i'autorîté  du  conseil  des  Dix  et  à  lui 
»  vouloir  porter  atteinte ,  on  le  laissera  parler  sans  l'interrompre  ;  ensuite 
»  il  sera  immédiatement  arrêté;  on  lui  fera  son  procès  pour  le  Taire 
31  juger  conformément  au  délit  ;  et  si  l'on  ne  peut  y  parvenir  par  ce 
»  moyen,  on  le  fera  mettre  k  mort  secrètement. 

L'art.  XXXIX:  «X^  noble  méconrent ,  qui  parleroit  mal  du  gouver- 
ïï  nement ,  sera  appelé  et  averti  deux  fois  d'être  plus  circonspect  ;  à  la 
»  troisième ,  on  lui  défendra  de  se  montrer  de  deux  ans  dans  les  conseils 
ï>  et  dans  les  lieux  publics:  s'il  n'obéit  pas,  s'il  n'observe  pas  une  retraite 
»  rigoureuse,  ou  si,  après  ces  deux  ans,  il  commet  de  nouvelles  indis- 
)>  crétions  ,  on  le  fera  noyer  comme  incorrigible.  » 

Je  terminerai  ces  citations  par  l'article  XLVII  :  «  Un  banni  pour  crime 
"d'état,  qui  voudra  obtenir  sa  grâce,  ne  pourra  l'obtenir  que  du 
»  tribunal  et  par  des  services  rendus  au  tribunal,  c'esi-à-dire,  par  des 
»  révélations  sur  des  affaires  d'état,  ou  par  l'arrestation  ou  par  la  mort 
••d'un  autre  criminel  d'état.  Alors  les'  inquisiteurs  jugeront  si  le  banni 
»  arrêté  ou  tué  étoit  d'une  importance  sujtérieure  à  telle  du  banni  qui 
»  aura  fait  le  meurtre  ou  l'arrestation.  Si  le  mort  étoit  un  personnage 
«plus  important,  on  pourra  prononcer  la  grâce  de  celui  qui  aura 
w  apporté  sa  tèle,  « 

Ces  citation)  donneront  une  idée  suffisante  des  autres  nombreux 
articles  rédigés  d'après  le  même  esprit ,  et  qui  sont  les  corollaires  des 
principes  établis  par  ce  tribunal. 

On  peut  juger  du  soin  extrême  avec  lequel  les  Vénitiens  gardoient 

Bbbb  1 


}6A  JOURNAL  DES  SAVANS, 

le  secret  des  affaires  d'état ,  pnr  ce  qui  se  pnssa  au  su;et  de  François  BufTo, 
dit  Carmagnole,  général  de  la  république.  Depuis  huit  mois  le  sénat 
avoit  décidé  que  ce  chef  de  l'armée  seroîi  mis  en  accusation.  Une  nuit 
entière  avoii  été  consacrée  k  la  délibération,  quand  il  étoit  lui-inème  à 
Venise  ;  trois  cents  sénateurs  y  avoient  concouru,  et  cependant  on  lui 
conserva  le  commandement ,  on  le  combla  d'honneurs ,  jusqu'à  ce  que , 
quelques  mois  après,  rappeléh  Venise,  il  y  fut  arrêté,  jugé,  condamné 
et  exécuté  sur  la  place  Sainl-Marc. 

Quand  on  connoît  l'organisation  secrète  du  gouvernement  de  Venise , 
on  n'est  plus  surpris  du  mystère  dans  lequel  sont  restées  quelques-unes 
de  ses  opérations.  C'est  ce  qui  arriva  sur-tout  lors  de  la  conjuration 
de  1618. 

Elle  est  principaleinent  connue  par  Touvrage  de  Tabbé  de  Saint- 
Réal,  intitulé  Conjuration  de  Venise.  Selon  cet  auteur,  le 
marquis  de  Bedemar,  ambassadeur  d'Espagne  à  Venise  plus  entre- 
prenant que  le  cabinet  de  Madrid ,  qui ,  depuis  peu ,  avoit  conclu  la  {laix 
avec  la  république,  osa  ,  de  concert  avec  le  duc  d'Ossone,  vice-roi  de 
Naples,  fonner  une  conjuration  pour  renverser  fe  gouvernement  de 
Venise,  massacrer  les  nobles  et  s'emparer  de  la  ville.  La  conjuraifon 
fiil  découverte;  des  exécutions  nom!>reuses ,  soit  secrètes ,  soit  publiques, 
annoncèrent  la  vengeance  des  Vénitiens  :  mais  toutes  ces  punitions  ne 
tombèrent  que  sur  des  éirnngers,  la  plupart  gens  sans  nom  et  sans  aveu, 
parmi  lesquels  on  ne  nomme  ))oini  d'Espagnols.  Le  marquis  de  Bedemar 
se  retira,  sans  que  le  gouvernement  de  Venise  fît  éclater  contre  l'Espagne 
aucune  plainte  grave;  et  jamais  ce  gouvernement  ne  daigna  expliquer, 
ni  à  l'Europe  ni  ^  ses  propres  concitoyens,  quelle  avoit  été  la  naiure  de 
cette  conjuration  ,  ni  le  genre  du  péril. 

Les  récits  de  l'abbé  de  Saint-Réal  trouvèrent  des  contradicteurs;  son 
ouvrage  fut  traité  de  roman.  En  i7î6,M.  Grosley  publia  une  dissertation 
dans  laquelle  il  réussit  assez  à  décréditer  l'ouvmge  de  Saint-Réal  ;  mais 
il  ne  réussit  pas  de  même  ti  révéler  quels  avoient  été  le  sujet ,  les  moyens 
et  le  but  de  cette  conspiration,  et  sur-tout  h  expliquer  d'une  manière 
satisifâis.inte  la  conduite  mystérieuse  du  gouvernement  de  Venise,  qui 
avoii  semblé  indifférent  à  l'opinion  que  pouvoient  prendre  de  ce  terrible 
événement  et  les  cours  étrangères  et  les  Vénîlîens  eux-mêmes.  On 
trouve  dans  Pcxposé  de  M.  Grosley  les  faits  suivans. 

Le  capucin  père  Joseph,  qui  depuis  fut  admis  dans  rintimiré  du 
cardinal  de  Richelieu,  avoit  eu  l'ambition  d'engager  les  puissances  de 
l'Europe  à  fermer  une  croisade  contre  les  Tiucs;  en  1Û17,  le  père 
Joseph  ctoît  venu  à  Rome,  avoit  été  accueilli  par  Paul  V ,  îi  qui  if  avoit 


SEPTEMBRE   1819.  56J 

communiqué  son  projet.  On  devoir  employer  le  capitaine  Normand, 
Jacques  Pierre,  qui,  sous  le  pavillon  du  vice-roi  de  Naples,  avoJl , 
pendant  quelque  temps ,  exercé  la  piraterie  contre  les  Turcs,  et  qui 
avoii  passé  ensuite  au  service  de  fa  république.  Il  falloil  cependant  tout 
cacher  aux  Vénitiens  à  cause  de  leurs  rapports  d'amitié  avec  fa  coiu- 
ottomane;  mais  ils  furent  instruits.  La  révolte  de  quelques  troupes 
étrangères  qui  étoient  dans  les  états  de  Ja  république  et  à  sa  solde , 
donna  lieu  à  des  exécutions  dans  lesquelles  furent  compris  le  c:ipiiaiiie 
Pierre  et  Château-Renault,  agens  du  dite  de  Savoie,  qui  favorisoit  les 
vues  du  père  Joseph;  et  le  gouvernement  vénitien  fit  passer  à  Cons- 
tantinopfe  les  papiers  du  capitaine  Pierre,  où  se  trouvoient  le  plan  et 
ie  détail  des  mesures  relatives  ii  l'expédiiioii  contre  l'empire  ottoman. 

M.  Grosley  fut  réfuté  dans  le  journal  de  Verdun,  août  i/jû, 
pag.  I  1 7  :  cette  réfi^taiion  est  attribuée  à  M.  Dreux  du  Radier,  qui  essaya 
de  justifier  les  assertions  de  l'abbé  de  Saini-Réal.  M.  Grosley  répliqua, 
et  fit  n'imprimer  sa  dissertation  avec  son  ouvrage  intitulé  Ohervations 
Sur  l'Italie  et  sur  les  Italiens, 

M.  Je  comte  Daru,  appliquant  plus  particulièrement  à  cette  époque 
de  l'histoire  de  Venise  cet  esprit  d'investigation,  cette  justesse  de 
critique,  celte  sévérilé  d'examen  qui  distinguent  son  ouvrage,  a 
recherché  et  rapproché  toutes  les  circonstances  qui  pouvoient  jeter 
plus  ou  moins  de  jour  sur  ce  fameux  événemenl;  et,  d'après  le  résultat 
de  ses  recherches,  il  a  j>^nsé  qu'il  n'avoit  pas  existé  de  conspiration 
contre  Venise,  que  le  marquis  de  Bedemar  n'avoit  j.-imais  formé  ni 
favorisé  de  projet  hoslile  contre  la  république,  et  que  c'éioit  le  duc 
cTOssone,  vice-roi  de  Napics,  qui,  dans  le  dessein  de  s'emparer  du 
royauinL-de  Naples,  avec  l'assenliment  seciet  et  les  secours  mystérieux 
de  (a  république  de  Venise,  avoit  entretenu  avec  le  gouvernement 
véniiien  une  intrigue  cachée ,  de  laquelle  les  acteurs  subalternes  avoient 
d'abord  été  les  dupes  et  ensuite  les  victimes,  quand,  le  projet  du  vice- 
roi  n'ayant  pu  réussir,  il  avoit  felJu  traiter  comme  coupables  d'une 
conspiration,  des  agens  destinés  à  devenir  les  auxiliaires  du  duc 
d'Ossone. 

Les  détails  dans  lesquels  le  nouvel  historien  entre îi  ce  sujet,  présentent 
une  suite  ,  un  enchaîne pwent  de  faits  lumineux ,  d'heureux  aperçus ,  de 
raisonnc'iiens  bien  déduits,  qu'il  faut  lire  en  entier  pour  se  convaincre 
que  le  nouveau  système  est  celui  qui  doit  être  adopté;  et  si  l'on  peut 
regretter  le  charnie  romanesque  de  la  fiction  de  l'ahbé  dt-  Saini-Réal, 
on  ne  peut  qu'appLiudir  \\  l'utile  ?évériié  des  recherches  et  des  jugeinens 
du  nouvel  historien ,  qui  a  renoncé  aux  E^rémeiis  dont  il  eût  à  son  tour 


iS6  JOUHNAL  DES  SAVANS, 

embelli  sa  narration,  s'il  ii'avoii  respecté  la  maxime,  M  agis  AMtCÀ 

VERITAS. 

L'histoire  de  la  république  de  Venise  est  divisée  en  quarante  livres  : 
i!  en  est  plusieurs  qui  ont  permis  à  l'auteur  d'y  développer  mitaient 
henucoup  plus  remarquable,  parce  que  le  sujet  permetioit  ou  plus  de 
mouvement  dans  la  disposition  des  feits ,  ou  plus  de  formes  dramatiques 
dans  les  récits,  ou  plus  de  profondeur,  de  sagacité,  dans  les  rcHexions, 
dans  les  aperçus ,  ou  enfin  plus  de  recherches ,  plus  d'investigation ,  pour 
I  éclaircissement  des  points  douteux.  Ainsi  l'on  dÎMinguera  plus  parti- 
culièrement les  livres  IV  et  V ,  où  l'auteur  raconte  la  prise  de  Consian- 
liiiople  par  les  Croisés,  et  les  suites  de  ce  grand  événement;  le  livre  VI, 
qui  renferine  un  excellent  morceau  sur  les  gouvernemens  d'Italie  au  xiv.* 
siècle;  le  livre  X,  dont  j'ai  déjà  eu  occasion  de  louer  la  composition  , 
intitulé  Guerre  de  Chiozza  ;  le  livre  xix,  relatif  au  conunerce  et 
à  la  marine  des  Vénitiens  ;  le  livre  xxiK,  sur  les  démêlés  de  la  république 
avec  Paul  V  ;  le  livre  XXXI ,  qui  explique  la  conjuration  de  t  û  i  8  ;  le 
livre  XXXV,  qui  offre  le  tableau  de  la  république  &  la  fin  du  dernier 
siècle;  les  livres  xxxvi ,  xxxvij  et  xxxvill,  qui  comprennent  l'époque 
fatale  depuis  ie  commencement  de  la  révolution  française  jusqu'à  la 
dissolution  de  la  république  vénitienne;  le  livre  XXXIX,  qui  décrit  spé- 
cialement son  gouvernement;  et  enfin  le  hvreXL,  consacré  au  tableau 
des  sciences,  de  la  littérature  et  des  arts  chez  les  Vénitiens. 

Par-tout  on  reconjioit  avec  satisfaction  que  l'auteur  conserve,  et  dans 
ses  réflexions  ,  et  dans  son  style,  celle  gravité ,  cette  franchise  que  le 
sujet  exige;  qu'il  parle  d'après  sa  conscience  et  avec  la  plus  entière 
bonne  foi ,  et  qu'il  n'a  rien  négligé  pour  éclairer  l'une  et  rassurer  l'autre. 

Cinq  volumes  renferment  I histoire  proprement  dite;  et  elle  ne  pa- 
roîtra  point  écrite  longuement,  si  l'on  se  souvient  que  l'Histoire  de  la 
république  par  l'abbé  Laugrer  est  en  douze  volumes,  sans  notes,  sans 
aucune  indication  de  pièces  justificadves ,  et  qu'elle  se  termine  en  1750, 
c'est-à-dire,  avant  les  événemens  qui  offrent  le  plus  d'intérêt  et  exigehl 
le  plus  de  développemens  dans  l'ouvrage  de  M.  le  comte  Daru. 

Deux  volumes  contiennent  des  pièces  justificatives  et  l'indication  des 
nombreux  manuscrits  que  l'auteur  a  consultés.  Les  lecteurs  qui  n'ont 
pas  l'habitude  des  recherches  littéraires,  se  feront  difficilement  une  idée 
de  toutes  celles  qui  ont  été  nécessaires  pour  la  composition  de  ce  vaste 
ouvrage ,  qui  sera  le  seul  où  l'on  puisse  désormais  étudier  complètement 
l'histûire  d'une  république  qui  i>e  laisse  plus  que  d'illustres  et  terribles 
souvenirs. 

Enfin  plusieurs  cartes  géographiques  ou  topographiques  facilitent 


SEPTEMBRE  I819.  ï^r 

l'initlligence  des  récils,  ei  ajoutent  un  nouveau  piix  îi  ce  grand  et  beau 
travail ,  qui ,  sous  ))luÂieun  rapports ,  mérite  d'êlre  placé  dans  ie  nombre 
des  Lonntrs  histoires  dont  peut  s'honorer  notre  littérature. 

RAYNOUARD. 


Mémoires  HiSToniQUES,  politiques  et  UTTÉRAiRns  sur 
LE  ROYAUME  DE  Naples ,  composés  et  dédiés  à  l'empenur 
Alexandre  par  M.  le  comte  Grégoire  Orloff,  sénateur  de 
l'empire  de  Russie;  ouvrage  orné  de  deux  cartes  géographiques, 
publié,  avec  des  notes  et  additions  ,  par  Ainaury  Duval, 
membre  de  l'Institut.  Paris,  imprimerie  de  Firinin  Ditlot, 
1819,  a  vol.  in-S.'  br.  xvj ,  474  «  A9^  pages.  Prix 
ij  fr.  ;  chez  Chasseriau  et  Hécart,  libraires,  au  Dépôt 
bibliographique,  rue  de  Choiseul ,  n."  3. 

Le  litre  de  Aïémoirts  n'annonce  quelquefois  que  îe  tableau  d'une 
seule  époque,  ou  bien  qu'un  recueil  de  morceaux  ou  particularités  his- 
toriques :  c'est  au  contraire  un  ouvrage  méthodique  et  complet  sur  le 
royaume  de  Naples  que  publie  M,  le  coinie  Orloff.  La  première  partie 
est  un  abrégé  de  l'histoire  de  ce  pays,  depuis  les  temps  les  plus  reculés 
jusqu'à  nos  jours.  I.>a  seconde  a  pour  olijet  îes  lois  et  les  formes  de  gou- 
vernement sous  les  Romains,  sous  les  Barbares ,  sous  plusieurs  dynasties 
successives,  en  un  mot  à  toute  époque  ,  y  compris  les  dix-sept  premières 
années  du  XIX."  siècle.  Dans  la  troisième,  l'auteur  se  propose  de  ferre 
connoîire  l'état  des  lettres  chez  les  Napolitains,  dans  les  temps  anciens, 
au  moyen  âge,  et  dans  les  siècles  modernes.  Les  deux  volumes  qui 
viennent  de  paroître  ne  contiennent  encore  que  la  première  de  ces  trois 
parties  ;  mais  le  succès  qu'elle  obtient  nous  garantit  la  publication  très- 
prochaine  des  deux  autres.  L'éditeur,  M.  Amaury  Duval,  a  passé  lui- 
même  plusieurs  années  dans  le  royaume  de  Naples;  il  en  a  particulière- 
ment étudié  l'histoire,  la  littérature  et  les  institutions  poii[iques  :  ;es 
propres  observations,  les  notes  et  les  renseignemens  qu'il  avoit  recueillis , 
lui  ont  fourni  la  matière  des  additions  qu'il  a  jointes  à  l'ouvrage  de 
M.  Orloff,  et  qui  remplissent  plus  de  deux  cents  pages  dans  ces  deux 
premiers  volumes.  Elles  y  sont  séparées  du  texte,  n'en  interrompent 
jamais  la  lecture,  et  présenieiu  des  détails  que  le  plan  de  rauteur  n'ad- 
niettoit  ou  n'einbrassoit  pas. 


",7^8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Ce,  n'est  point  toutefois  un  abrégé  superficiel  de  Thisioire  napofi' 
Uiue  qu'o  rédigé  M.  OHoft  :  les  ftils  y  som  choisis  avec  di<icenieri)ent| 
enchaînéi  avec  habileié;  l'expuMtion  en  est  toujours  claire,  intéressante  i 
el  instructive.  Dès  le  premiei' chapitre, où  II  s'agit  de  l'origine  des  peuples 
qui,  avant  la  doniiiiation  des  Romains,  ont  habité  le  territoire  aujour* 
d'hui  appelé  royaume  de  Napïes,  on  s'aperçoit  que  l'auteur  sait  puiser   ' 
dans  les  sources  de  l'histoire,  apprécier  les  traditions,  el  saisir  de  véri-  i 
tables  résuiiatf.  Parvenu  &  l'époque  où   cette  partie  de  Mtafie  tombl   , 
sous  le  joug  des  Romains,  il  francliit  plusieurs  siècles  et  se  transporte 
à  celui  où  elle  fut  envahie  par  des  Barbares.  Cet  intervalle  en  effet  n« 
feurniroit  point  d'annales  napolitaines  proprement  dites;  on  ne  le  rein- 
pliroit  que  par  des  extraits  de  l'histoire  de  Rome.  Le  seul  point  impor- 
tant seroit  d'observer  connneni  le  pays  de  Nnpiesétoit  alors  gouverné; 
mais  nous  avons  déji  dit  que  l'auteur  doit  traiter  ce  sujet  dans  la  seconde  l 
partie  de  son  ouvrage.  Peut-être  n'y  a-t-tl  pas  un  très-grand  avantage  ï  ^ 
séparer  aitisi  du  récit  des  faits  le  tableau  de  l'administration  ;  car  il  semble  ' 
que  ces  deux  espèces  de  noiions  historiques  doivent  s'éclairer  récipro- 
quement, et  qu'elles  demeurent  incomplètes  l'une  sans  l'autre;  on  en 
pourra  mieux  juger  quand  oit  aura  sous  les  yeux  la  suite  des  Mémoires 
de  M.  OrlofF.  Nous  n'entreprenons  pas  de  le  suivre  à  travers  les  révo- 
lutions qui  oiit  placé  successivement  sur  le  trône  de  Napïes  la  dynastie 
des  Normands,  celles  des  Suabes,  des  Angevins,  des  Arragonais,  des 
Autrichiens  et  des  Bourbons  :  ses  récits  ne  sont  que  rapides,  notre  ana- 
lyse seroit  aride  et  stérile.  Donnons  plutôt ,  par  quelques  citations ,  une 
idée  du  style  de  l'ouvrage. 

«Si  la  valeur  unie  à  la  prudence  et  le  caractère  au  génie  cm  droit 
w  de  commander  aux  hommes ,  Roger  étoit  encore  plus  digne  du  trône 
»  par  ses  hautes  vertus  que  par  sa  naissance.  .  .  Jetant  les  yeux  autour 
»  de  lui,  il  ne  vit  que  des  factions  et  des  ambiiieuic,  des  lois  injustes 
n  et  des  victimes.  Ses  états  étoieni  en  proie  au  mal  politique  de  son 
»  siècle ,  k  cette  anarchie  féodale  qui  les  consunioit ,  les  dévoroil  comme 
*>  tous  les  autres  états  de  lEurope  :  les  barons,  tyrans  subalternes 
»  et  implacables,  exerçoient,  du  haut  des  tours  de  leurs  châteaux,  un 
«pouvoir  presque  sans  bornes;  mais,  non  contens  d'opprimer  leurs 
»  vassaux  ,  ils  fbrmoient  souvent  des  ligues  entre  eux  contre  le  chef 
«  suprême  de  la  nation.  Cette  forme  de  gouvernement ,  ancienne- 
»inent  établie  chez  les  peuples  qui  envaJiirent  l'Italie,  avoit  {ivorisé 
M  le  sjrstème  d'usurpation  des  Normands;  elle  (ut  une  des  causes 
w  de  leur  puissance  progressive.  Mais  Roger  s'aperçut  bientôt  qu'au 
»»  litre  de  fondateur  d'un  royaume  il  devoit  luiir  celui  de  législateur,  , 


SEPTEMB^IE  1819.  5^9 

»  s'il  vouloît  obtenir  une  gloire  durable  ;  et  il  se  mit  dès-îors  à  travailler 
»  sans  relâche  à  un  code  de  (ois. . .  Flétris  par  le  souffle  de  la  barbarie^ 
»  lès  belles-lettres  et  les  arts  sembloient  ne  plus  exister  :  ils  reparurent 
»  sous  un  règne  qui  appeloit  de  toute  part  les  lumières  et  préparoît  la 
»  prospérité  publique.  Les  moines  du  Mont-Cassîn ,  préférant  alors  à 
»  toute  autre  ambition  celle  d'être  utiles,  se  distinguèrent  par  leurs 
»  travaux  littéraires,  se  montrèrent  jaloux  de  mériter  l'estime  de  la  nation 
5>et  Taffection  du  souverain.  L'école  de  Salerne,  déjà  fondée  à  cette 
53  époque,  devint  le  dépôt  des  connoissances  de  l'antiquité  dans  la  science 
^>  de  rhygîène,  et  s'acquit  de  plus  en  plus  de  la  célébrité,  en  recueillant 
»  les  découvertes  que  les  Arabes  avoient  Eûtes  en  médecine,  &c.  9> 

On  voit  que  M.  Orloff  est  déjà  entraîné  à  parler  de  législation  et 
d'histoire  littéraire,  quoiqu'il  ait  réservé  à  ces  deux  objets  la  seconde  et 
la  troisième  partie  de  ses  Mémoires.  Mais  une  remarque  qui  se  présente 
plus  immédiatement,  c'est  que  rien  dans  sa  diction  ne  laisse  voir  que 
notre  langue  n'est  point  la  sienne  ;  on  le  prendrait  presque  toujours  pour 
un  écrivain  français  fort  exercé  :  on  ne  reconnoît  la  plume  d'un  étranger 
que  dans  un  très-petit  nombre  de  lignes;  dans  celles-ci,  par  exemple  ; 
ce  Le  sang  de  Conradin  accusa  toujours  ses  bourreaux  :  Charles ,  dont  il 
»  éloit  la  plus  précieuse  des  victimes  qjûLil  îmmoloît  à  sçn  pouvoir 
»  naissant ,  ne  balança  point  à  /a  sacrifier.  » 

Les  observations  critiques  que  nous  aurions  à  faire  sur  le  fond  da 
ces  Mémoires ,  ne  seroient  pas  non  plus  très-importantes  ni  très-nom* 
breuses.  Nous  ignorons  si ,  en  parlant  de  Guillaume  le  Mauvais  et  de  soin 
fils  Guillaume  le  Bon ,  qui  lui  succéda  en  1 1 66  ,  M.  Orloff  n'a  point 
accordé  trop  de  confiance  aux  épîthètes  vulgaires  attachées  au  nom  de 
ces  deux  princes.  Le  premier  sans  doute  a  mérité  de  graves  reproches; 
mais  il  y  auroit  lieu  aexaminer  si  les  écrivains  ecclésiastiques  ne  les  ont 
pas  exagérés.  Guillaume ,  à  qui  le  pape  Adrien  IV  avoit  suscité  beaucoup 
d'ennemis  au  dedans  et  au  dehors  des  deux  Sîciles ,  eut  le  malheur  de 
j^erdre  presque  tous  ses  états ,  et  le  tort  de  les  réconquérir.  Il  en  fot 
quitte  pour  de  longs  embarras ,  pour  un  hommage  au  souverain  pontife  > 
et  ]X)ur  ce  surnom  de  Mauvais,  qui  lui  est  resté  dans  l'histoire.  Par 
antithèse,  son  successeur,  qui  construisit  ou  enrichit  des  églises,  qui 
soutint  les  croisés  contre  Saladin,  et  le  pape  Alexandre  III  contre 
Frédéric  Barberousse,  fiit  appelé  Cuillaume  le  Bon;  et  nous  devons 
avouer  qu'il  avoit  débuté  par  quelques  actes  de  clémence  qui  pouvdient 
justifier  ce  titre.  Mais ,  lorsque  M.  OrloflF  le  représente  comme  un  de 
ces  excellens  princes  que  la  Providence  a  formés  tout  exprès  pour 
réparer  les  crimes  de  leurs  prédécesseurs ,  pour  consoler  les  peuples  et 

cccc 


570  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ies  retirer  de  Toppresi^ion  et  de  la  misère,  nous  ne  retrouvons  pas  dans 
cette  réflexion,  ni  dans  les  deux  morceaux  entre  lesquels  elle  est  placée, 
la  critique  ferme  et  judicieuse  qui  règne  dans  tous  les  autres. 

Ceux  qui  concernent  les  deux  reines  Jeanne,  Mazanieflo,  le  duc  de 
Guise,  nous  paroisseni  mériter  des  éloges.  Plusieurs  lecteurs  tromreront 
un  intérêt  |)Ius  direct  dans  les  derniers  chapitres,  qui  comprennent  les 
événemens  arri\és  h  Naples  yn-ndant  les  trente  dernières  années  qui 
viennent  de  sïcouler.  La  difliculté  du  sujet  ajoute  un  nouveau  prix  à 
Il  sagesse  et  h  la  modération  de  l'auteur  qui  a  osé  le  traiter.  L'éditeur 
en  prend  occa^îon  de  fiiire  sentir  lutilité  des  histoires  écrites  par  des 
conîcmj)orains.  A  notre  avis,  la  question  n*est  pas  de  savoir  si  elles  sont 
uiilcs;  nous  les  croyons  nécessaires:  sans  elles,  on  manqueroit  de  rela- 
tions originales  ;  il  n^n  resteroit  du  moins  que  d*officieIles,  et  la  postérité 
ne  retrouveroit  pas  les  traces  des  impressions  que  les  événemens  ont 
produites  sur  les  divers  esprits.  Ce  qui  importe,  à  Tégard  des  histoires 
contemporaines,  c'est  lexamen  des  devoirs  à  remplir  par  ceux  qui  se 
dévouent  au  péril  de  les  écrire,  et  des  règles  à  suivre  par  quiconque 
fob  veut  lire  avec  discerntrment ,  les  étudier  avec  fruit.  Peu  de  mémoires 
av(âent  moins  à  craindre  que  ceux  de  M.  Orloff  Tapplication  de  ces 
rè<.'k-s  sévères. 

Les  autres  notes  et  additions  de  M.  Amaury  Duval  font  connoître  les 
auteurs,  soit  napoliiains,  .«^oit  étrangers,  qui  ont  composé  des  histoires 
de  Naplt's  ;  les   nuturs   antiennes  et  modernes  de  ce  pays,  et,  comme 
nous  lavons  dit,  plu>ieurs  particularités  qui  n'avoient  pas  trouvé  pface 
dans  Touvrage.  On   y   distinguera  un  exposé  de^  rétablissement  des 
Normands  et  du  régime  féodal  dans  Tltalie  méridionale;  dlntéressans 
détails  sur  la  mort  de  Conradin  et  sur  les  Vêpres  siciliennes.  Quelquefois 
1  éditeur  joint  à  ses  propres  réflexions  celles  de  divers  auteurs  italiens  et 
français;  en  généraf ,  il  n'omet  rien  de  ce  qui  peut  servir  de  compfémeot 
aux  Mémoires  de  M.  OrIofi\et  en  faire  unrtcueil  aussi  varié  qu'insrructîfl 
Les  trei/e  dernières  additions  de  M.  Amaury  Duval  sont  relatives  h 
ce  qui  s  est  passé  à  Naples  depuis    :78s.  C'est  un  recueil  de  (kits  im-- 
portans  ou  curieux,  dont  la  plupart  ne  sont  pas  généralement*  connus  »  et 
(|ui  contrihueront  à  jeter  quelque  jour  sur  l'histoire  des  calamités  de 
notre  âge.  M.  Duval  avoue  qu'il  est  à  peu  près  impossible  qu'il  ne  se 
.soit  pas  glissé  des  erreurs,  ou  au  moins  des  inexactitudes,  dans  ses  récits 
et  dans  ceux  de  M.  Orloff:  il  >ait  que,  même  en  professant /a  p/us 
exacte  im|)ariialité,  on  risque  d'oflinser  les  personnages  encore  vivans 
qui  ont  figuré  en  de  si  grandes  catastrophes.  A  Texemple  de  fauteur 
dont  if  publiait  ks  Mémoires ,  il  $*t$t  proposé  d'être  véridlqtie  sans 


SEPTEMBRE  1819.  57» 

choquer  aucun  parti,  sans  blesser  aucun  intérêt  et  même  aucune  vanité. 
Nous  desirons  qu'ils  aient  atteint  y  l'un  et  Tautre ,  im  but  si  honorable  et 
si  difficile. 

Les  deux  cartes  dont  cet  ouirrage  est  orné,  représentent,  Time  Fancien 
état,  l'autre  l'état  actuel  dii  royaume  de  Naples.  Les  dessins  en  ^voient 
été  faits  à  Naples  par  Ml  Peregni  :  M.  Barbie  du  Bocage  en  a  corrigé  les 
erreurs  et  surveillé  la  gravure.  Ces  cartes  ne  comprennent  point  h 
Sicile,  de  laquelle  il  n'est  question  dans  louvrage  qu'aux  époques  où 
Thistoire  de  cette  rie  se  confond  avec  celle  de  Napies« 

DAUNOU. 

■    '  '  '  ■'         j       I  f  ff        .    ggg 

NOUVELLES  LITTÉRAIRES, 

INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

# 

«  L'Académie  française  a  voie  annoncé,  l'année  dernière,  le  sujet  suivant  du 
»  prix  d'éloquence  à  décerner  dans  la  séance  publique  annuelle  qu'elle  tiendra 
^  en  août  1 820  :  Déterminer  et  comparer  le  genre  d*iloquence  et  les  qualités  inorales 
^»  propres  à  l'orateur  de  la  tribune  et  à  l'orateur  du  barreau.  — -  Elle  remet  au  con^* 
»  cours  le  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  dans  la  même  séance  :  L^ Institution 
x>  du  Jury  en  France.  -—  Les  prix  Consisteront  chacun  en  use  médaille  d'or  de  la 
»  valeur  de  1500  francs.  —  U  n  homme  de  lettres  y  qui  n*a  point  voulu  être  nommé, 
»  ayant  remisa  l'académie  une  médaille  de  la  valeur  de  1200 francs  pour  un  prix 
••  de  poésie  sur  les  Avantages  de  l'enseignement  mutuel,  et  ce  prix  n'ayant  pas  été 
»  remporté,  l'académie  remet  ce  sujet  au  concours»  et  elle  décernera  le  prix  à 
^  la  même  séance.  ^ —  Un  anonyme  ayant  remis  à  l'académie  une  médaille  d'or 
»de  la  valeur  de  1500  francs  pour  un  prix  de  poésie  sur  le  Dévouetnent  di 
»  Malesherbes ,  ce  prix  sera  décerné  dans  la  même  séance  de  1820.  —  Les  ou* 
»vrages  envoyés  au  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  15  mai  1 820*  Ce 
M  terme  est  de  rigueur.  —  Ik  devront  être  adressés,  firancs,  de  port>  au  seçf^é* 
»tariat  de  lUnstitut  ayant  le  terme  prescrit,  et  porter  chacun  une  épigraphe 
ao  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  oitlet  joint  à  la  pièce  et  contenant  le  nom 
»  de  l'auteur ,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connottre.  Les  concurrens  sont  prévenus 
«que  l'académie  ne  rendra  aucun  dés  ouvrages  qui  auront  été  envoyés  lu 
.»> concours;  mais  les  auteurs  auront  la  liberté  d'en  faire  prendre  des  copies, 
»  s'ils  en  ont  besoin.  -^  Le  programme  publié  l'année  dernière  annonça  que 
3>  l'académie  décerneroit  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  400  francs  à  l'auteur 
»de  l'ouvrage  littéraire  publié  dans  l'intervalle  du  i.*'  janvier  au  31  décembre 
»  1 8 1 8 ,  qui  seroit  jugé  le  plus  utile  aux  mœurs.  Le  prix  n'ayant  pas  été  décerné, 
9>  l'académie  déclare  que,  dans  sa  séance  annuelle  de  1820,  elle  accordera  un 
»  prix  double,  cQnsi$tant  <n  une  médaille  d'or  de, la  valeur  de  8qo  fi;ancs,  àl'au- 
»teur  de  l'ouvrage  littéraire  publié,  en  entier  et  pour  la  première  fois ,  d.ans 
»  l'intervalle  du  i .«'  janvier  au  3 1  décembre  1 8 1 9 ,  oui  aura  été  jM^é^fe plus. utile 
vaux  mœurs,  —  Dans  la  même  séance,  l'académie  décernera, le  prix  pour  réccijE6- 
»  penser  un  acte  de  vertu  qui  aura  ^u  lieu  pen()ai^t. les  trois  apné^. antérieures 

cccc  z 


Ï7»  JOURNAL  DES  SAVANS, 

•  u  t."  juillet  iSjo,  d«nt  le  département  de  la  Seine;  —  On  ann  loia 
»  d*adretier,  avant  le  15  )iiiUet  1820,  1  M.  le  tecr^ire  perpétoel  de  l*«ca^ 
B  demie,  les  preuves  qui  conttateront  Tacte  de  vertn.  —  Enfin  l'académie 
V  aanonce j[i)e  le  sujet  de  piû  de  poésie  qu'elle  proposera  l'an  prochain  pour 
»iSai,ien:  La RtitaitTfftton dts  tatra tt  des oiU-mou* FranfoU I." t» 

M.  Raynourd,  Kcrétaîre  pop^locl,  a  lu  ce  pogramme  à  la  snfle  d'un 
rapport  snr  let  conconrs.  M.  Dam,  qui  préiidoît  rauenibiée,  a  prononcé  on 
discoun  sur  le  prix  de  vertu.  M.  Picard  a  lu,  pour  M.  Michaud,  un  fraient 
de  l'Histoire  des  croisades,  intitulé  Ciqtthiti  Je  S.  Loidt.  Des  owrccaox  du 
poème  de  Moïie,  par  AL  Le  Mercier,  ont  tcmîné  la  séance. 

LIVRES  NOUVEAUX. 

FRANCE. 

Spetimtn  da  nouveaux  armtim  de  laJimJtrit  et  de  l'imprimene  de  P.  Did»t 

l'dtnét  dédié  à  Jules  Didot  fils.  Paris ,  chez  P.  Ùidol  Tainé  et  Jules  Dîdot 
fils,  1819,  grand  in-f. 'pap.vél.:  quarante  feuillets,  inipriniés  seulement  ^ur  le 
rectÔ!\e  premier  contient  le  Frontispice;  le  second,  un  avis;  les  trciiti'-huit 
autres,  des  épreuves  de  différens  caractères  d'imprimerie,  depuis  celui  que 
M.  Pidot  nomme  le  quatre  et  demi  (  quatre  sixièmes  et  demi  de  ligne)  jusqu'au 
vingt  et  Uii  (trois  lignes  trois  sixièmes  ].  Ce  sont  des  pièces  de  vers ,  composées 
.par  M.  P.  Didot,  qui  remplissent  ces  trente-huit  pages.  J'aurais  tieii  pu ,  àit-il 
au  lecteur, 

J'aunisbien  pa.suiTaDi  Tiusge, 

A^pétaDtle  même  pau3ge , 

Ou  le  tronquant  à  tout  propos, 

A  l'aide  Je  quinze  ou  vingt  mots. 

Composer  une  Toitt  pige  , 

A  tc9  yeux  ofinnt  par  étage ,      ' 

De  mu  caractères  nouveaux , 

Peills,  moyeru,  plus  ou  moins  gros, 

IdC  simple  et  complet  assembli^. 

M.  Didot  a  voulu  que  le  tpec'tmen  de  ses  caractères  fût  en  mîme  temps  un 
recueil  de  quelques-unes  de  ses  poésies  :  nous  croyons  que  les  lecteurs  fui  en 
sauront  gre;  c'est  le  premier  tableau  de  ce  genre  qui  méritera  d'è 
'1  anroii  assez   C    '  " 


SEPTEMBRE  1ÛÎ9.  J73 

vacance*  Paris,  impr.  de  Firmin  Didot^  chez  Barroîs,  Foulon,  &c. ;  18199 
i/i-^/^.  XV  et  16  j  pa^es. 

L  Éloge  de  la  Folie, par  D,  Erasme;  traduction  nouvelle , précédée  d'une 
notice  sur  sa  vie.  Paris,  impr.  d'Égron,  chez  Louis,  in-ri  de  10  feuilles.  Prix, 
i  fr.  yo  cent. 

MEAISSA,  H  I«HM£PI2  EAAHNIKH  :  l' Abeille,  journal  grec;  publié  par 
S.  Kondos.  Paris,  impr.  de  Bobée ,  1819,  m-^.''  Le  premier  cahier  de  ce  recueil 
coniient  des  articles  sur  les  abeilles^  sur  l'agriculture,  sur  l'éducation,  sur 
Thucydide. .  •  sur  la  littérature  anglaise,  &c.;  vij  et  1 12  pages.  =  On  souscrit 
à  Paris,  chez  l'éditeur,  rue  de  Buffauit,  chez  Baudouin  frères,  à  raison  de  3  fir. 
yo  cent,  par  cahier. 

K A0O AIKH  I2TOPIA  HA  AAIA  TE  KAI NEA  :  Histoire  universelle  ancienne  et 
mcderne ,  publiée  par  S.  Kondos.  Paris,  impr.  de  Bobée,  18 19,  in-S.*,  iv  et 
152  pages.  Ce  premier  volume .  dédié  à  M.  Capo  d'istria,  renferme  des 
prolégomènes,  et  un  abrégé  de  l'histoire  des  Égyptiens.  Prix  de  chaque  cahier, 
2  fr.  yo  cent;  et  pour  les  non-souscripteurs,  3  fr.  yo  cent. 

Annales  des  Lagides,  ou  Chronologie  des  rois  grecs  d'Egypte  successeurs 
d'Altxandre-le-Grand ,  ouvrage  couronné  par  racadcmic  royale  des  inâcription'j 
et  belles-lettres  de  l'Institut  de  France  au  concours  de  Tannée  MDCCCXVIII, 
et  accompagné  de  plusieurs  tableaux  chronologiques  et  de  deux  planches  de 
médailles;  par  M.  Champollion-Figeac.  Paris,  chez  le  Normant,  Fantin  et 
compagnie,  H.  Nicole  ,  1819;  2  vol.  in-S,',  de  960  pages.  Prix,  15  francs,  et 
18  francs,  port  payé,  parla  poste.  1=  II  sera  rendu  compte  ,  dans  un  prochain 
cahier  ,de  cet  ouvrage.  L'auteur  y  a  réuni  beaucoup  de  notions  importantes  et 
neuves  sur  les  calendriers  de  l'aniiquiié,  sur  les  ère$  et  les*  périodes  civiles  on 
astronomiques  ,  sur  leur  usage  pour  expliquer  les  dates  des  monumens.  On  y 
peut  puiser  d'utiles  renseignemens  sur  toute  la  chronologie  ancienne',  depuis 
Alexandre  jusqu'à  Auguste';  les  faits  relatifs  à  l'Kgypte  et  aux  Piolémres  se 
liant  à  presque  tous  les  grands  événemens  qui"  se  passoient  alors  en  Europe  et 
en  Asie.  Le  suffrage  de  1  Institut  recommande  ce  travail  à  tous  ceux  qui  cultivent 
les  sciences  historiques. 

Histoire  de  l'empire  de  Russie,  par  M.  Karamsin  ;  traduite  par  MM.  Saiî)t- 
Thomas  et  Jauflfiret,  tomes  I  et  U.  Paris,  impr.  de  A.  Belin,  chez  Trcuirel  et 
Wiirtz,  1819  >  -^"vol  in-S,",  xlviij,  41 8  et  427  pages ,  avec  une  cane  géographique. 
Ces  deux  premiers  volumes,  dont  nous  renarons  compte  dans  l'un  de  nos  pro- 
chains cahiers,  conduisent  ITîistoire  de  la  Russie  jusqu'à  l'an  1 168.  Prix,  12  fr. 

Poliorcétiijue  des  anciens ,  o\x  de  l'attaque  et  de  la  défense  des  places  avant 
l'invention  de  la  poudre ,  par  M.  Dureau  de  la  Malle,  membre  de  l'Institur. 
Paris,  impr.  de  Firmin  Didot,  1819,  in-S."',  33  feuilles  et  demie,  et  un  atlas 
in-^/  de  7  planches. 

Alanutlde  la  liherté  de  la  presse ,  ou  Analyse  des  Jiscusions  législatives  sur  les 
trois  lois  relatives  à  la  presse  et  aux  journaux  et  écrits  périodiques;  précédé 
d'un  discours  préliminaire,  contenant  un  essai  historique  sur  l'état  de  la  presse 
en  France  avant  les  lois  actuelles.  Paris  ,  impr.  ei  librai.  ie  de  Pillet^  Prix,  3  fr. 

Pend  IVamèh ,  ou  le  livre  des  Conseils  de  Ferid-Eddin  Aîtar,  traduit  du 
persan ,  et  dédié  à  S.  A.  R.  M.S'  le  Duc  d'AngouIènie  ;  par  M.  le  baron  Silvestrc 
de  Sscy;  avec  des  notes  et  ie  texte.  Paris,  impr  mcrie  royale,  1819,  i/i-A* 

Résultat  d'un  ouvrage  intitulé,  Delà  richesse  territoriale  du  royaume  de  France , 


57i  JOURNAL  DES  SAVANS, 

par  M.  Lavoisieri  suivis  cl*un  Essai  d'arithmétique  politique  sur  les  premier! 
l>esoiiis  de  rintérieiir  de  la  France,  par  M.  de  fa  Grange,  ir-^/ Paris,  i8l^; 
chez  M."'  H>izard  (née  Vallat-la  Chapelle),  rue  de  .rEperon-Saint-Aiidre- 
des-Arts  ,  n.**  7.  Prix,  i  fr.  50  cent.:  et ,  franc  de  port,  1  fr.  7J  cent. 

Extrait  de  rAhf^ê  de  mcdccine  vétérinaire  pratiifue  public  en  Italien  j  en 
1813  ,  par  J.  B.  Voipi  ;  préccile  du  compte  qui  a  été  rendu  de  cet  ouvrage  à 
la  SocTctc  royale  et  centrale  d'agriculture,  en  novembre  1818^  par  Barthélémy. 
Paris,  impr.  et  iibraiiie  di'  M.""'  Hu/ard,  brochure  in-S/'  de  90 pages. 

Traité  de  Pharmacie  théorique  it pratiijue ,^:iT  J.  J.  Virey;  nouvelle  édition 
entièremeni  retondue.  Paris,  chez  Rémont;  2  vol.  ///-f.' de  71  feuilles.  Prix, 
I)  francs. 

Relation  des  événemens  qui  ont  eu  lieu  à  la  faculté  de  droit  de  Paris,  les  29 
JMÎn,  I  ,^\  2  et  3  juillet,  par  la  commission  des  élèves  de  l'école  de  droit.  Paris, 
impr.  de  Baudouin,  chez  PIce,  in-S,  de  5  i  pages. 

Recherchi's  st:r  Ls  Lrii^i.cs  tr.rr.ircs ,  ou  Mémoires  sur  ditFérens  points  de  la 
grammaire  tt  il».-  la  littérature  des  .Mandchous,  des  Mongols,  des  OuigouTS  et 
des  1  ibétains;  }\ir  M.  Abol-Kémusat.  Paris,  imprimerie  royale;  deux  volumes 
f//-4/  de  64  feuilies  chaque.  —  Le  premier  volume  de  cet  ouvrage  est  entière- 
ment imprimé  et  \a  paraître  incessamment  :  le  second  \olume,  qui  contiendra  les 
planches,  sera  mis  scuis  presse  immédiatement  après,  et  paroitraau  commence- 
ment de  1820. 


rays 

Foui 

1819,  pag.  çci-)C6. 

Annales  des  sciences  physiques ,  par  MM.  Bory  de  Saint- Vincent,  Drapiez  et 
Van  Mons.  Br.ixeiles,  impr.  de  Vi^'eissenbruch.  Ce  nouveau  jouinaty  annonce 
par  un  prospectus  de  44  pages  in-S,*,  paroitra  à  la  (în  de  chaque  mon»  â  dater  de 
juillet ,  par  cahiers  de  8  feuilles  et  4  planches.  Prix ,  50  fr.  pour  les  12  cahiers  de 
Tannée,  27  tr.  pour  six  mois,  14  pour  un  trimestre.  On  souscrit  il  Bruxelles chtz 
Weissenbrurh  ;  à  Amsterdam,  chez  Van-Clef;  à  Paris  et  à  Londres,  chez 
Masson,  Bossange  et  compagnie. 

ANGLETERRE. 

Aîuntakhabat-i'hindi,  or  Solutions  in  Hindustani ,  with  a  verbal  translation  and 
grammatical  analysis  ofsome  part,  for  the  use  of  students  of  that  language;  by 
John  bhakespear.  Vol.  1,  1817;  vol.  II,  1818,  in-S.*  Londres. 

A  TraveÙer's  Taies  i^c.j  Contes  d'un  voyageur  du  dernier  sikle,  par  Miss 
Espence.  Londres,  Longman  ,  1819,3  '^*^''  "»-'2. 

A  Tour  through  J  iàfy,  iTc,  ;  Voyage  en  Sicile,  fait  en  1 8 1 8 ,  par  George  Russel. 
Londres ,  Sherwood  ,1819,  //i- J/,  avec  cartes  et  planches.  Prix,  1  livre  st.  1  sh. 

Journey  from  /Moscou  «t^t.;  Voyage  de  AIoscou  à  Constantinople,  dans  les 
années  1817  et  1818,  par  William  Macmichael.  Londres,  Murray,  1819, 
1/1-4.%  avec  planches. 

Voyage  ifship  il*. ;  Voyaqe  du  vaisseau  de  S.  A/,,  Rosamond,  à  New-Found* 
land ,  et  a  la  côte  méridionale  de  Labrador,  par  le  lieutenant  Edward  Chappfe. 
Londres,  1819,  in-F.^  avec  planches. 

Voyage  cfdiscoviry ,  iTc,;  Voyage  de  découverte ,  fait  par  ordre  de  Famirautt 


•       SEPTEMBRE   1819.  î7J 

dan«  les  vaisseaux  Isabelle  et  Alexandre ,  pour  rcconnoîire  la  baie  de  Baffin,  et 
s'assurer  de  la  probabilité  d*un  passage  au  nord-ouest;  par  le  capitaine  John 
Ross.  Londres,  Murray ,  vol.  gr.  iw-^/  Ce  voyage ,  traduit  en  français,  vient  de 
paroître  chez  Gide  fils,  in-S.* ,  de  18  feuillet  et  demie,  plus  une  carte  ei  une 
planche.  Prix,  7  fr. 

Modern  Voyage  ifc;  Voyage  et  Navigation  modernes  (premier  cahier). 
Londres,  1 8 19,  m-<îr.*  Prix,  4  fr.  jo  cent. 

Geoffroy  s  ( Lislet)  Memoir  and  Notice  ofa  chart  of  Madagascar;  Mémoire 
et  notice  d'une  carte  de  Madagascar ,  f^r  Geoffroy  ;  gr.  in-^.."  ,  avec  une  carte. 
Londres,  Longman.  Prix^  26  fr. 

History  ofSeydSaid,  ifc;  Histoire  de  S^d  Said,  sultan  de  Mascat,  suivie 
d'un  aperçu  sur  les  pays  et  les  peuples  des  bords  du  golfe  Persique,  principale- 
ment les  Wahabis;  par  le  scheyk  Mansur.  Londres,  Booth,  gr.  in-8,*,  avec  une 
carte.  Prix,  15  sh. 

Vièw's  cf  Greece ;  Vues  de  la  Grèce;  première  livraison.  Londres,  lSi9>gt. 
in-foL,  y  tableaux  coloriés  et  leur  texte.  Prix,  70 fr. 

The  provincial  A  ntiquities  (if c,  ;  Antiquités  et  Vues  pittoresques  des  provinces  de 
V Ecosse,  avec  des  notes  explicatives; par  W.  Scott.  Londres,  première  livraison, 
/w--f  .♦  Prix ,  22  fr. 

Wentwort's  (  W.C,  )  Description  oj  the  colony  ifc.  ;  Description  de  la  colonie 
de  la  Nouvelle-Galles  dans  la  terre  du  Diemen.  Londres,  Murray,  in-S,'^  Prix, 
12  sh. 

Francis  Hamilton's  Account  of  the  kingdom  of  NeapeL  Edimburgh,  in'4/, 
avec  8  gravures. 

An  History  ofthe  origin  ifc»  ;  Histoire  de  l'origine  et  des  progrès  de  la  musique 
théorique  et  pratique,  par  G»  Jones.  Londres,  Longman,  loi  9,  in-^,*,  planches. 
Prix,  J5  sh. 

An  Essay  on  bathing  ifc*  y  Essai  sur  les  bains  chauds ,  froids  et  à  vapeur , 
suivi  d'observations  pratiques  sur  les  bains  de  mer  et  sur  différentes  maladies. 
Londres,  Souter,  in-ji. 

Transactions  ofthe  literary  Society  of  Bombay.  Londres ,  1 8 1 8 ,  fw--f  .* 

The  Kamoos,  oi^he  Océan  ;  an  arabic  dictionary,  Ù'c»;  Le  Kamous ,  ou  l'Océan, 
dictionnaire  arabe,  par  Medjd-eddîn  Mohammed,  fils  de  Yakoub,  natif  de 
Firouzabad;  publié  par  le  scheïkh  Ahmed,  fils  de  Mohammed  Ansari  Yémoni 
Schirwani,  attaché  au  collège  du  fort  William,  en  deux  volumes.  Vol.  L"  en 
deux  parties.  Calcutta >  1817,  in-^J 

ALLEMAGNE. 

Handbuch  der  syrischen  Sprache  ilfc.  ;  Elémens  de  la  grammaire  des  langues 
syriaque,  chaldéenne  et  arabe;  par  le  D.  J.  S.  Vater.  Leipsic,  Vogel,  //2-<$*.% 
seconde  édition,  augmentée  d'après  la  Grammaire  arabe  de  M.  Silvestre  de  Sacy. 

Nonni  Panopolitani  Dionysiacorum  libri  XLVIII  ;  suis  et  aliorumconjecturis 
emendavit  et  iflustravitP.Frider.  Graefe,&c.  ;  vol.  I  libros  i-XXiV  compiectens. 
Lipsiae,    1819,  7/2-^." 

Die  Nordischen  Gaeste ,  Ù'c;  les  Hôtes  du  Nord ,  eu  le  p  janvier  de  l'année 
iSi^,  poème  en  douze  chants,  par  George  de  Gaal. 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 

OCTOBRE     l8lC). 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 

OCTOBRE     1819. 

Travels  /n  vartous  countries  of  THE  East,  more  parti- 
iularly  Persia;  &c.:  hy  sir  William  Ouseley,  knight,  L.  L. 
D.  &c.  vul.  I. —  Voyants  m  diverses  contrées  Ju  Levant,  et 
plus  piiriiculièreme/it  Je  la  Perse;  ouvrage  Jans  lequel  l'auteur 
a  décrit ,  autant  que  ses  propres  observations  lut  en  ont  fourni  le 
moyen ,  l'état  de  ces  contrées  dans  les  années  iSio ,  1811  et  181:2. , 
et  a  taché  d' éclalrcir  divers  objets  de  recherches  archéologiques., 
d'histoire ,  de  géographie ,  de  philologie  et  de  littérature  m/- 
laugée ,  avec  des  extraits  de  plusieurs  manuscrits  orientaux 
rd^es  et  de  grand  prix  :  par  sir^'iWiam  Ouseiey ,  chevalier,  é^c^; 
tome  I,  Londres,  i8ip»  xvj  et  .(55  pages  w-^.' 


N, 


SECOND    EXTRAIT. 

ous  avons  laissé  l'atubassade  anglaise,  dont  M.  Ouseley  fàisoit 

Dddd  1 


fH  JOURNAL  DES  SAVANS, 

partie,  dans  son  camp  près  de  Bousthrre.  File  en  pariit  pour  se  rendre 
k  Scbiraiï,  U  37  mars  1811.  Au  milieu  d'une  iruupe  nombreuse,  oit 
tes  costumes  eur^pcfiis  étoicnt  tonfcnduî  avec  ceux  de  l'Inde,  de 
l'Ara-  îe  el  da  In  l'er-e,  se  irouvojent  la  lemnie  et  ta  filie  de  l'umbas- 
$adeur,  sir  Gore  Olistrley.  Elles  voyageoient  dans  un  palanquin  que  Ton  ; 
S'étoil  procuré  h  Homiiay,  d'où  l'on  avoit  aussi  amtné  dciize  roLusic( 
Ihd'enspoiirle  porter;  deux  filles  de  service  les  su ivoieiu dans  un fiî(//jv^* 
espèce  de  l)3l  formé  de  deux  sièges  peiiis  ei  încoinniodes,  suspeudut 
des  deux  côtés  d'un  mitlct,  et  que  recouvrent  des  châssis  de  canevas, 
soutenus  par  de  légers  bâtis  en  bois.  Le  mot  cadjava  .jli  est  arabe. 
Chardin,  en  suivant  la  prononciation  arabe,  a  écrit  ca^avat:  son  dernier  , 
éditeur  a  eu  tort  de  le  corriger,  et  de  substituer  à  fiig/,iva/ le  mot  ijachouat  1 
•j— ij ,  qui  signitie  une  coulTe  ou  petite  corbeille  de  teuil'es  de  palinierj 
dont  les  femmes  se  servent  pour  mettre  des  essences  et  du  coton;  ce  qui 
n'a  assurément  aucun  rapport  avec  une  liiiére.  (Voyage  {fu  chev.  Char- 
din, édition  de  iSn ,  tome  II ,  p.  2jj,)  Thévenol  écrit  ce  mol  casckava. 
(  Voy.  du  Levant,  tom.  III,  p.  321.)  M.  Ouseley  a  donnéla  figure  du 
(ûdjava  et  celle  d'une  litière  portée  par  deux  mules,  et  nommée  en 
persan  takht-rïvan  ^'^j  o-^^',  c'est-à-dire,  trône  ou  sit'ge  ambulant, 
dont  M,"'  Ouseley  a  fait  usage  dans  la  suite  de  son  voyage. 

On  sait  que  les  ambassadeurs  étrangers  sont,  considérés  en  Perse 
comme  les  hôtes  du  roi,  et  entretenus  aux  frais  du  gouvernement.  Les 
villages  qui  se  trouvent  sur  leur  passage  ou  dans  le  voisinage  de  leur 
rou:e ,  doivent  fournir,  sur  un  ordre  du  mikmandûr  chargé  de  ia  con- 
duite des  ambassadeurs,  des  rations  de  toute  nature.  Ces  fournitures 
sont  appelées ,  comme  nous  l'apprenons  de  AL  Oustfey ,  sïoursSt 
(jjLjjA—  Le  syndic  du  vll'age  fait  sur  les  ha!iiians  la  reparution  des 
fournitures  demandées  ;  il  tire  ensuite  du  mihmjndar  un  reçu  de  la 
somme  k  laquelle  monleni  les  fournitures,  et  dont  il  doit  lui  élre  tenu 
compte  sur  le  montant  des  contributions  du  vilJage,  La  p.iuvrelé  des 
paysans  est  lellt-',que  souvent  on  n'obtient  d'eux  qu'à  force  de  coups 
.la  portion  pour  laquelle  ils  doivent  contribuer  aux  sioursêi ;  on  a  vu,  <i 
•l'approche  d'un  mihmandar,  des  villages  entiers  abandonnés  des  haiiimn&, 
qui  se  reiîroient  plus  loin  avec  leurs  troupeaux.  Souvent  aussi  le  m'ih- 
mandar,  abusant  de  son  droit,  fait  des  demandes  exorbitantes;  puis  il 
vend  aux  paysans  une  modération  sur  le  montant  de  se»  pt^mières 
demandes,  et  trouve  di^érens  prétextes  pour  fournir  l'ambassadeur  avec 
une  excessive  parcimonie.  D'après  ces  détails,  on  ne  doit  pas  être  sur- 
pris que  les  ambassadeurs  envoyés  par  le  roi  de  Perse  aux  souverains 


OCTOBRE  1819.  j«i 

de  TEurope  s*attendenr  à  être  défrayés  de  tout  par  les  cours  auprès 
desquelles  ils  sont  accrédités. 

M.  Ouseley,  en  décrivant  les  lieux  par  lesquels  a  passé  Tambassade, 
joint  toujours  à  son  récit  »  autant  qu'il  iui  est  possible»  une  courte  notice 
sur  leur  situation,  leur  antiquité  »  et  ce  qu'ils  peuvent  ofTHr  de  remarquable. 
Il  a  soin  aussi  de  donner  les  noms  de  ijeux  en  caractères  persans,  ce 
dont  les  orientalistes  doivent  lui  savoir  beaucoup  de  gré;  enfin  il  rap- 
porte les  textes  de  divers  écrivains  persans  qui  peuvent  jeter  du  jour 
sur  rhistoire  et  la  topographie  des  villes  ou  i^ourgs  de  quelque  impor* 
tance.  Ne  pouvant  le  suivre  dans  ces  détails,  je  ne  m  arrêterai  que  smt 
un  petit  nombre  de  lieux. 

Cazéroun  »  que  l'ambassade  atteignit  le  2  avril  1  8 1 1  »  a  Tapparence 
d'une  grande  ville,  mais  renferme  beaucoup  de  ruines  dans  son  eiiceinte  : 
sa  population,  réduite  aujourd'hui  à  quatre  ou  cinq  mille  habitans,  s'é- 
levoit  autrefois  à  cinquante  ou  soixante  mille.  Au  reste ,  ceite  dépopu- 
lation, suite  des  révolutions  et  des  guerres  intestines,  est  communeà 
toutes  les  grandes  villes  de  la  Perse.  D'après  divers  ren-seignemtns  j)ris  sur 
les  lieux,  M.  Ouseley  croit  qu'il  existe,  aux  environs  deOnzéroun,  des 
restes  d'un  pyrée  et  d'autres  anciens  édifices.  Cette  ville  a  été  construite, 
ou  plutôt,  selon  notre  voyageur,  restaurée  par  Cobad,  roi  sassanide. 
Elle  fut  repeuplée,  dit-on,  aux  dépens  de  la  ville  de  Schapour,  ville 
cependant  beaucoup  mieux  située,  et  qui  ofFroii  en  abondance  toutes 
les  commodités  de  la  vie.  Quelques  écrivains  attribuent  sa  restauration 
à  Sapor,  fils  d'Ardeschir,  et  second  roi  de  la  dynastie  des  Sassanîdes, 

L'ancienne  Schapour,  qui  doit  sa  fondation  et  son  nom ,  suivant  toute 
apparence,  au  roi  que  nous  venons  de  nommer,  n'est  éloignée  de 
Cazéroun  que  de  quatre  parasanges  :  elle  est  quelquefois  appelée  Bc'- 
schapour  jy^KjLi^  ou,  par  corruption,  Beschavour  jj^y  et  l'auteur  du 
No^hat  alkoloub  dit  que  c'est  une  contraction  de  son  nom  primitif 
Benai  Schapour,  c'est-à-dire,  vilfe  construite  par  Sapor.  Je  croirois  plu- 
tôt  que  c'est  une  contraction  de  Beît  Schapour,  contraction  qui  a  lieu 
dans  les  dénominations  syriaques  de  plusieurs  villes  de  la  Mésopotamie 
et  de  la  Chaldée,  comme  Bct-Abe,  Ba-Hale,  Ba-Garma,  pour  Beih^ 
Ab€,Beth'Hale,  Beth-Garma.  (Voye^^  Assemani,  Biblioth,  Or.  Clément. 
Vatic.  tom,  III. )  Les  monumens  de  cette  ville,  dont  Kacmpfèr  avoit 
annoncé  Texisience,  sont  maintenant  connus,  du  moins  en  partie,  par 
les  deux  relations  de  M.  Morier,  M.  Ouseley  les  a  vus  aussi:  mars  fe 
temps  lui  a  manqué  pour  les  copier  et  pour  les  décrire]  et  ce  qu*}f  en 
dit  est  plus  propre  à  exciter  fa  curiosité  qu'à  la  satisfaire.  Les  fragmeos 
de  colonnes  et  de  chapiteaux  qu'il  y  a  observés^  lui  ont  psUti  être  roà« 


vrage  d'artistes  grecs  ou  roinaiiis.  Des  ruines  à  quelque  dislance  de  la 
ville,  et  qu'il  ne  put  observer  que  de  loin ,  excitèrent  en  lui  un  regret 
d'autant  plus  vif  de  n'avoir  pu  en  prendre  une  connoissance  plus  exacte, 
qu'il  conjectura  que  ce  pouvoienl  être  les  ruines  d'un  pyiée.  Cette  con- 
jecture est  d'autant  |)Ius  plausible,  que  noire  voyjigeur  apprit  dans  l:i 
suite  qu'une  autre  ruine,  dont  il  avoir  pris  à  la  hâte  une  e«qui«te  gros- 
stère,  écoit  connue  des  hnlittans  des  environs  sous  le  nom  à'Sfrsfk 
ghétffh  la/'ijiit  .  temple  du  feu.  On  y  voit  u::e  figure  de  pierre  très- 
grossîèrement  sculptée,  dans  laquelle  une  personne  de  l'ambassade  cnil 
reconnoiire  une  télé  de  taureau.  Cette  circonstance  est  remarquable, 
parce  que,  suivant  une  géograpiiie  }'er>ane,  fréqneiTtineni  cïtce  p»r 
M.  Ouseley,  il  y  avoit  dans  ce  mécne  litu.  au  X.*  siècle,  un  pyrée 
nommé  Ganusar  j— jLi,  c'est-à-dire,  à  tète  de  taureau. 

Nous  avons  observé,  en   rendant   compte    du  second   Voyage  (t^l 
M,  Morîer,  que ,  suivant  ce  voyageur,  quelques-unes  des  sculptures  c(s  I 
Schapour  représenienl  le  triomphe  de  Sapor  sur  l'empereur  Valérien,-! 
M.  Ouseley  partage  cette  opinion,  et  il  fait  voir  que  la  prise  de  Valérioi  I 
et  sa  honteuse  captivité  n'ont  |)oint  été  ignorées  des  historiens  orientau*. 
Les  nionuinens  sculptés  de  Scbapour  et  de  ses  envirojis  occupent  de  J 
vastes  emplacemens ,  et  offrent  une    très-grande  quaniité  de  figures. 
Plusieurs  de  ces  tableaux,  si  je  puis  me  servir  de  cette  expression» 
forment  des  parallélogrannnes  de  quarante  pieds  de  long  sur  vingt  pieds  j 
de  haut.  Le  nombre  de  ces  fnonumens ,  leur  grandeur ,  la  multitude  d«  ^ 
figures,  font  tomber  les  crayons  de  la  main  du  voyageur,  qui  peut  ft  \ 
peine  consacrer  quelques  heures  à  une  igspection  superficielle  de  tant  da 
choses  curieuses;  eipeut  élre  plus  d'un  Européen  les  visiiera-t-il  encore, 
comme  M.  Ouseley,  avant  qu'il  s'en  trouve  un  qui  ait  le  courage  ou  le 
temps  de  faire  pour  ces  antiquités  ce  que  Corneille  le  liruyn  et  Niebuhr  j 
ont  fait  pour  celles  de  Tchthil-minar. 

Une  statue  colossale  de  Saporful  cherchée  en  vain  dans  les  envirotit  1 
par  M.  Ouseley,  qui  en  connoissoîl  l'existence  par  la  mention  qu'en  ] 
ont  faite  divers  écrivains  persans.  Quelques  semaines  plus  tard,  elle  fut  j 
découverte  par  une  personne  de  j'ambasstide,  le  major  Sione,  comme  | 
je  l'ai  dit  en  rendant  compte  du  Voyage  de  M.  Morier.  M.  Ouseley  I^  | 
iait  graver. 

Notre  voyageur  ne  pense  pas  qu'aucun  des  monumens  qui  ornent  Iss  ] 
rufnes  de  Schapour,  remonte  à  une  époque  plus  recuite  que  celle  du  J 
prince  sassanide  dont  cette  ville  porte  le  nom  ;  touiefois,  à  l'on  en  croit  I 
le*  historiens  orif-niaux,  Scliaix>ura  pris  la  place  d'une  ville  beaucoup  I 


OCTOBRE  1819.  5«3 

pfus  ancienne,  nommée  Dindila ou  Dindiladar,  et  dont  Torigine  appai^ 
Hent  au  règne  de  Tahmouras,  surnommé  /^/v^f;?// [  vainqueur  des  Dives 
ou  mauvais  génies] 9  c'est-à-dire»  aux  temps  mythologiques  de Tanderi 
empire  des  Perses.  On  attribue  à  Alexandre  la  destruction  de  Diniiladar. 
A  l'occasion  d'un  campement  des  llïât  ou  tribus  nomades  »  auprès 
duquel   Fambassade   campa  dans  la  plaine    nommée  Descht-i  Arjen 
(:j^jt  0^3,  M.  OuseFey  entre  dans  quelques  détails  sur  ces  tribus.  l{ 
observe  d'abord  que  ce  nom,  que  Ton   écrit  et  prononce  quelquefois 
o^t  ilât,  mais  plus  ordinairement  oULt  iliât,  vient  de  JjI  il,  tribu.  Il 
conjecture  que  ces  races  de  nomades  sont  ce  que ,  du  temps  d'Ebn* 
Haulialy  au  x.^  siècle,  on  appeloit  d:ievi  >3,  ou  plutôt,  comme  on  lie 
dans  rédition  de  ce  géographe,  donnée  par  M.  Ouseley  lui-même,  ;[fM 
^j.  Ebn-Hauknl  explique  ce  mot  par  l'arabe  kabilch  *La5  ,  tribu.  C'est 
apparemment  par  inadvertance  que  notre  voyageur  rapproche  le  mot 
^m  Mj  du  mot  arabe  ymmij  ou  plutôt  d^immi  ^3,  qui  signifie  un  in- 
fidèle  qui  vit  sous  l'empire  et  la  protection  des  Musulmans ,  moyennant 
qu'il  paie  une  capitation.  D:(immî  vient  de  *^3,  protection,  patronage, 
et  n'a  rien  de  commun  avec  le  mot  persan  ou  curde  ^cm,  que  Ton  écrit 
et  prononce  aussi ,  à  ce  que  je  crois,  djem  oxxjem  ir.  Je  transcrirai  ici  ce 
que  M.  Ouseley  dît  des  lliât. 

ce  Parmi  les  tribus  nommées  Hiât,  plusieurs  sont  très- considérables; 
»  et  depuis  la  destruction  de  Reï  et  la  décadence  d'Ispahan,  de  SchiraS 
39  et  de  toutes  les  autres  grandes  cités  de  Tempire,  elles  forment  la 
a»  principale  source  de  la  population  et  la  meilleure  pépinière  de  soldats* 
»  Quelques-uns  de  leurs  chefs  sont  si  puissans,  que  fe  roi  les  attache 
3>  à  sa  cour  par  des  emplois  honorables  et  lucratifs ,  ou  les  retient  auprès 
9  de  lui  comme  des  otages  qui  lui  répondent  de  la  fidélité  et  de  la  bonne 
»  conduite  de  leurs  tribus  respectives. 

»  Que  ces  peuples  soient  originairement  Turcomans,  Curdes  ou 
»  Arabes,  leur  histoire  foumiroit  toujours  un  sujet  intéressant  de 
»  recherches  :  nous  les  trouvons  aujourd'hui  ce  qu'ils  étoîent  il  y  a  huit 
73  cents  an»,  séparés  des  Persans  habitans  des  villes,  et  sans  aucun 
a>  mélange  avec  eux;  conservant  leurs  habitudes  pastorales  ^t  nomades, 
»  et  usant  entre  eux  d'un  langage  différent  de  celui  de  la  contrée,  que 
»  toutefois  la  plupart  d'entre  eux  entendent  et  parlent,  lis  semblent  être 
»  une  race  d'hommes  indépendans ,  braves  et  hospitaliers  :  du  moins 
»  m'ont-ils  souvent  rafraîchi  avec  un  laît  délicieux;  ils  paroîssoient  Yoffïlt 
^>  d'aussi  bon  cœur  que  j'avois  de  plaisir  à  l'accepter,  durant  l'excessive 
as  chaleur  d^  joun  d*été.  Souvent  des  groupes  de  deux  ou  trois  familles 


iU 


JOURNAL  DES  SAVANS. 


M  qui,  sur  le  bord  du  chemin  »  prenoient  ou  prépsroimt  leur  repai ,  où 
»  IJien  faisoieni  route ,  les  femmes  porunt  un  enftnt,  tandis  que  deux 
»  ou  trois  autres,  entassés  dans  des  paniers,  itoîenf  voitures  sur  un  ine 
nqu^Ie  tniri  chùsoît  devant  lui,  m'ont  rappelé  nps.Iialiéfhiens,  spr-- 
»  tout  quynd  les  femmes,  comme  ceh  arrivoit  quelquefoia,  inontroîmt 
M  &  découvert  leur  visage  buané  avec  une  hardiesse  quiscnliloit  tenir 
M  de  l'impudence.  Malgré  cela,  il  ne  faut  pas  supposer  que  c'est  des 
^  mât  de  la  Perse  qu'a  entendu  parier  un  écrivain  de  ce  pays ,  quand  il , 
3»  a  accusé  les  maris  de  faire  un  trafic  honteux  de  leurs  femmes  :  une 
«telle  imputation  seroit  sans  fondement;  aussi  tomboit-clle  sur  une 
30  race  abjecte,  toute  différente,  et  ipii  existe  encore  aujourJhui  lous 
n  diverses  dénominations,  comme  au  temps  de  récrivaïn  dont  Reparle. 
3>Cet  écrivain  se  nommoic  originairement  VruckBte;  mais,  étant  vertu 
M  en  Europe ,  il  y  a  plus  de  deux  cents  ans ,  avec  uii  ambassadeur  persan, 
w  il  renonça  aux  absurdités  du  mahométisme,  embrassa  en  Espagne  la 
M  religion  chrétienne ,  et  reçut  au  baptême  le  nom  et  le  titre  de  Don 
M  Jaan  de  Pnsia,  D'après  un  |>etil  vocabulaire  que  j'ai  dressé,  et  que 
»  je  me  propose  de  donner  dans  un  autre  chapitre  die  cet  ouvrage,  on 
**  pourra  se  former  une  idée  du  dialecte  usité  chez  une  tribu  du  nord, 
nqui,  sous  divers  points  de  vue  relatifs  au  caractère  ou  aux  formes 
y  extérieures ,  a  plus  de  rapports  que  les  autres  avec  noi  bohémiens. 
»  Déjà  d'autres  voyageurs  ont  observé  des  traits  de  conformité  entre  cette 
M  race  et  les  tribus  nomades  de  TAsie.  »  M.  Outeley  cite  en  note  le 
passage  auquel  i[  fait  allusion)  et  qui  se  trouve  dans  un  ouvrage  espagnol 
fort  rare,  imprimé  à  Valladofid  en  1604.,  et  intitulé  Relac'mnts  de  D<m 
Juan  dt  PtTsia.  L'auteur  de  la  IJibliothèque  des  voyages  paroît  avoir  cru 
que  cet  écrivain  éloit  espagnol. 

M.  Ouseley ,  ayant  eu  occasion,  pendant  son  voyage  de  Bouschire  \ 


OCTOBRE   1819.  î8î 

rendu  ^certains  arbres  qu'on  appeWe  JimA/il^i  fa^c/  J^ià  o^j^i  t'e&rà- 
dire,  arbre  excelleni.et  auxquels  on  suspend,  à  litre  de  voeu  ou  d'ofirand^r 
des  lambeaux  d'étoffe  de  toute  espèce  et  de  toute  couleur.  M.  Ouseley 
s'est  assuré  que  cette  opinion  de  sainteté,  celle  sorte  de  consécration, 
ne  lenoît  nullement  à  l'espèce  de  ces  arbres,  k  leur  âge,  à  leur  laille  ou 
à  leur  beauté,  mais  n'est  due  fort  souvent  qu'aune  circonstance  purement 
accit'entelle,  ou  même  tout-à-fait  triviale.  Ce  genre  de  superstition,  dont 
on  trouve  des  traces  dans  tous  les  pays,  chez  tous  les  peuples,  er  ï 
toutes  les  époques  de  l'histoire,  a  été  l'objet  des  recherches  particulières 
de  M.  Ouseley,  Pour  ne  pas  interrompre  sa  narration,  il  a  renvoyé  le 
résuliat  de  ces  recherchesà  Vappendix ,  où  il  se  trouve  sous  le  n."  y  :  on 
le  lira  certainement  avec  beaucoup  d'intérêt,  quoique  les  faits  recueillis 
par  le  savant  voyageur  n'aient  pas  tous  un  rapport  bien  direct  avec  les 
arl/rrs  cxcdlens  àeiVensni.  Chardin  a  parlé,  en  plusieurs  endroits  de 
son  Voyage ,  de  cette  superstition ,  et  il  a  cru  qu'elle  avoit  toujours  pour 
objet  des  arbres  remarquables  par  leur  grosseur  ou  leur  vieillesse: 
Al.  Ouseley  prouve  que  ces  deux  conditions  ne  sont  point  nécessaires 
pour  élever  un  arbre  au  rang  de  dirakht-i  fa^el ;  W  pense  que  ce  titre 
pourroit  bien  signifier  arhe  du  génie,  ou,  habité  par  un  gfnie.  H  rapporte 
quelques  anecdotes  à  ce  sujet,  et  toute  cette  excursion  peut  être  consi- 
dérée comme  une  dissertation  aussi  instructive  que  curieuse. 

L'ambassadeur  anglais,  avant  d'entrer  à  Schimï,  reçxit  les  visites  et 
•  les  complimens  des  personnages  les  plus  distingués  de  la  ville,  qui 
étoient  venus  au-devant  de  lui  i)our  se  joindre  à  son  cortège.  A  peu  de 
distance  des  murs  de  Schiraz,  l'ambassade  passa  sur  un  terrain  uni,  qui 
servoit  encore,  il  n'y  a  pas  très  -  long- tem  ps ,  aux  exercices  du  jeu 
nommé  uhoiigan  (jii^  ,  ou  paume  à  cheval.  Ceci  est  l'objet  d'une 
nouvelle  excursion,  que  M.  Ouseley  a  aussi  réservée  pour  \'appendix, 
où  il  l'a  placée  sous  le  n."  6.  Ce  jeu,  dont  plusieurs  voyageurs  ont  donné 
la  description ,  et  auquel  les  écrivains  et  les  poètes  persans  font  sans^ 
cesse  allusion,  étoil  autrefois  l'amusement  le  plus  ordinaire  des  princes, 
et  des  grands.  M,  Ouseley ,  profitant  des  recherches  de  Du  Cange ,  qui. 
avoit  remarqué  le  rapport  frappant  da  niot  français  chicane  [jeu  de 
paume  à  cheval]  avec  le  grec  barbare  rfvtiwiî'di'  el  ■f^n'ia.ytfieto* ,  re- 
connoît  l'origine,  tant  du  mot  français  que  des  mots  grecs,  dans  [e. 
persan  tchoiigan,  qui  signifie  proprement  l'instrument  ou  bâton  recourbé, 
avec  lequel  on  jette  la  balle.  M.  Ouseley  a  fàjt  graver  plusieurs  dcrtes 
instruniens  de  diverses  formes,  tirés  de  peintures  qui  ornent  d'anciens 
manuscrits  :  il  a  aussi  fait  graver,  d'après  un  manuscrit  des  poésies  do 
Hatiz,  la  représentation  de  deux  cavaliers  qui  jouent  au  jeu  de  la  paume 

Eeee 


)8(î  JOURNAL  DES  SAVANS. 

à  cheval  ;  enfin  il  a  cité  plusieurs  écrivains  persans  qui  comptent 
nombre  des  talens  de  divers  princes  leur  adresse  k  manier  le  tcingam. 
Je  me  suis  arrêté  un  peu  sur  ce  sujet  »  pour  avoir  occasion  de  ém  que 
M.  Etienne  Quatremère,  dans  un  mémoire  lu  à  l'académie  royale  &s 
inscriptions  et  belles-lettres»  plus  d  un  an  avant  la  pubficadon  du  Vojfige 
de  M.  Ouseley ,  avoit  fiiit  les  mêmes  rapprochemens  et  en  avoit  tiré  les 
mêmes  résultats.  II  se  propose  de  publier  ce  mémoire  dans  les  Mines  de 
rOrienr. 

Outre  les  deux  morceaux  sur  le  culte  rendu  il  certains  arbres  et  le  \&ê 
de  la  paume  à  cheval ,  dont  î  ai  déjà  parlé  »  Vappendix  de  ce  premier 
volume  contient  encore  douze  articles»  les  uns  très-courts,  les  autres 
plus  ou  moins  longs,  mais  presque  toujours  intéressans»  particalière- 
ment  pour  les  orientalistes.  Je  m'arrêterai  seulement  sur  quelques-uns  de 
ces  articles  »  qui  peuvent  donner  lieu  à  de  légères  observations  critiques. 

Sous  le  n/  2  y  M.  Ouseley  donne  une  courte  notice  d'un  ouvrage 
persan  intitulé  .Idntlaa  alsadéïn  oumadjmaa  albakrein  ^^<>a«Jî  ^^ 
i^j^JF  ^y  M.  Langlès  a  publié»  dans  le  tome  II  de  sa  Collection 
portative  de  voyages ,  un  fragment  de  cet  ouvrage»  sous  le  titre  de  V^yagt 
de  la  Perse  dans  VInde  pendant  les  années  S^j,  S^f»  ^47  ''  ^'  ^' 
Vhvgire  jpar  Abdoulrijaq.  .  • .,  ex  trait  et  traduit  du  ÀlatUaûSetadiln  (fu 
D'jtmaa  Bahharein.  Ceci  a  fait  croire  à  M.  Ouseley  que  le  titre  du 
manuscrit  de  la  Bibliothècjue  du  Roi  i?/  1 06,  persan ^  diffëroit  un  peu  de 
celui  que  l'ouvrage  porte  dans  le  manuscrit  qu'il  possède  :  mais  cette 
conjecture  est  sans  fondement,  et  le  manuscrit  du  Roi  porte  très- 
lisiblement,  comme  celui  de  M.  Ouseley»  oumadjmaa  r  tfji  et  non  pas 
ùudjemaa.  D'Herbelot  nomme  l'auteur  Abdalra^i^ah,  et  il  n*est  pes 
douteux  que  ce  ne  soit  ainsi  que  ce  nom  doit  être  prononcé.  II  suffiti 
pour  s'en  convaincre,  de  faire  attention  que  la  seconde  partie  de  ce  nom 
composé  doit  nécessairement  être  un  des  noms-  de  Dieu,  puisque  lai 
première  partie  est  le  mot  abd,  qui  veut  dire  serviteur.  Alraij^ak,  on,  plot* 

eupiioniquement ,  anajjak  ^jlj-^l,  signifie  eelui  qui  accerie  h  setksU» 
tance.  C'est  donc  une  faute  d'écrire  Abd-arri^ak  ou  Abdou'lri^q, 
M.  Ouseley  observe  que»  dans  son  manuscrit,  l'auteur  se  nomme 
amplement  Abd-arri^ak  ben  Ishak^  tandis  que,  suivant  d'Herbelot  et  le 
manuscrit  consulté  par  M,  Langlès,  il  s'appeloit  bert  Djéial-tddim 
Ishak.  Je  puis  assurer  que  dans  le  manuscrit  il  est  nommé  AU^éeme^ioA 
ben-lskak  ;  mais  Hadji  Khalfale  nomme  Kimal-eddln  Abi-ana^k.  fils 
de  Djélal-eddin  Ishak.  Ces  sortes  d'observations  semblent  être  de  peu 
d'importance ,  et  cependant  on  ne  sauroit  trop  les  multiplieri  puce  qM 


OCTOBRE  1819.  J87 

les  erreurs  sur  cette  maiière  coniribuent  beaucoup  i  obscurcir  l'histoire 
littéraire  des  Orientaux ,  déJLi  si  enibroiiillée  par  la  multitude  des  notiii 
et  des  surnoms  que  porte  chaque  individu  ,  et  par  le  grand  nombre  des 
personnages  k  qui  un  même  nom  est  commun.  M.  Ouseley  olïserwe 
enfin  que  ion  apprend  de  d'Herbelot  que  M.  Galland  avoit  entrepris 
Une  iraduciron  de  cet  ouvrage  persan.  M.  Langlès  avoit  &it  ia  même 
observation ,  en  publiant ,  en  1  S  1  S ,  un  autre  fragment  de  ce  inéine  livre 
historique,  sous  le  titre  de  Ambassaiks  ridproquts  d'un  ro'i  tics  InJa , 
de  la  Perse ,  ù'c. ,  et  d'un  empereur  de  la  Chine ,  traduhes  du  persan  &t. 
Dans  sa  préface,  il  disoit ,  en  parlant  de  cette  même  histoire  :  «  Elle  est 
"  si  estimée  dans  l'Orient,  que  M.  Galland  entreprit  d'en  donner  une 
»>  traduction ,  qui  est  perdue.  »  Et  après  avoir  rapporté  dans  une  note  les 
propres  paroles  de  M.  Galland,  qui  assurott  «  que  la  traduction  française 
1»  de  cette  histoire  étoit  en  état  de  pouvoir  être  impriinée  »>  (Bons  mou 
des  Orientaux,  pag,  208,  édition  d Hollande ) ,  il  ajoutoit  :  «D'après  le 
>•  témoignage  d'un  savant  tel  que  M.  Galland,  me  blâmera-t-on  de 
»  regretter  la  perte  àa  sa  traduction  !  J'aî  été  tenté  d'en  commencer  une 
*>  autre  ;  .  .  .  mais  j'ai  été  retenu  par  l'espoir  de  voir  paroître  tôt  ou  tard 
»  la  version  de  M.  Galland.  »  On  peut  assurer  aujourd'hui  que  la 
traduction  de  M.  Galland  n'est  point  perdue  :  elle  existe  parmi  les 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi ,  sous  le  n.°  10J18,  et  il  y^  en  a 
deux  copies.  Dans  l'une  des  deux,  cependant,  le  morceau  publié  par 
M.  Langlès  manque  aujourd'hui ,  les  cahiers  où  elle  se  trouvoit  en  ayant 
été  détachés.  Au  reste,  la  traduction  de  M.  Galland  n'est  pas  exempte  de 
contre-sens ,  et  il  seroit  peu  à  souhaiter  qu'on  la  publiât  sans  l'avpir  revue 
et  corrigée  avec  soin. 

Puisque  j'ai  eu  occasion  de  parler  de  rintéressanle  relation  d'Abd- 
arrazzak ,  et  de  la  traduction  ou  plutôt  de  Fextrail  que  l'on  nous  en  a 
donné  en  français,  je  corrigerai  ici  une  méprise  du  Iraducte&r,  parce 
qu'elle  pourroit  induire  en  erreur  les  personnes  qui  ne  seroient  pas  à 
même  de  consulter  le  texte.  On  sait  que  le  souverain  de  Calécut,  lorsque 
les  Portugais  abordèrent  dans  l'Inde ,  et  long-temps  encore  après,  étoit 
connu  sous  le  titre  de  Samorin  :  ce  n'est  donc  pas  sans  quelque  éton- 
nement  qu'on  lit  dans  la  traduction  du  Voyage  d'Abd-arrazzak,  p.  xxxix: 
«  On  le  nomme  (  le  roi  de  Kalikut  )  ra-samory ,  c'est-à-dire,  padichak 
»  [  roi  ],  M  Le  traducteur  observe  dans  une  note  que  c'est  de  ce  mot  que 
nous  avons  fait  Samorin.  Le  texte  porte:  tjjoji^ixj-*'—  'j  IjcI  eUjLj, 
«on  nomme  le  roi  de  ce  \itu-\)iSamori  ».  Le  monosyllabe  ra,  qui  précède 
le  mot  Samori,  n'est  que  la  particule  qui,  en  persan,  où  les  noms  n'ont 

Eeee  1  l 


ï88  JOURNAL  DES  SAVANS, 

point  de  cai,  remplace  les  cas  obliques.  Galland  n'a  pas  fut  cette  iâute 

dans  sa  traduction  manuscrite. 

Je  l«rai  encore ,  relativement  k  cette  rdation ,  une  cAserration  tmpo j<- 
tante  pour  la  géographie.  Abd-arrazzak ,  ftisant  l'énuméradon  des  pqrsqtti 
commerçoient  par  mer  arec  Horinuz,  dit,  suivant  la  traduction, «qù'oh 
»  j  vient  du  Bengale,  de  Ceyian,  des  villes  de  Zirbad»  de  Tanaiséry'i 
»...  de-Sokothorah,  de  Clièhemou,  des  lies  de  DivMi,  de  difiireiu 
«afttoiude  rAbyssînie ,  du  payx  desZinges  [leZangiiebar]>  des  ports 
»  deSetchangor,  deKelber,  de  Gudjérah  [  le  Guzanle],  deCambûafri 
»  tiéki  rivages  de  fArabie  fusqii'b  Aden  et  Djiddab.  n  ht  texte  porté: 
.j-tjî.j  to-*"  ^l^MJ  •*-*J«*j  0:^j  *JIXj^j  os*  -ïjO*-  'j'  ^^  f  ■^J'J 
jfiX^  'L*j*yj  jUûji,  **-*,  jL+ftU  jLi  U  Jrf  .jrfj  j^U*j  yj«*j 

ojjl  oJb  yl/ .  «  Les  habitans  des  contrées  maritimes  (  je  lis  jLj'^J J  f -ïj*  ) 
.«apportent  dans  ce  pays  tome  sorte  de  choses  rares  et  précieuses» 

»des  contins  de  la,  Chine,  du  Bengale,  de.CeyIan;.  des  villes  de  Zir- 

»  bad,  -Tenasseiy,  Socotora,  Schéhernov;  des  îles  Maldives;  ainsi  que 

».  des  contrées  du  Malabar,  de  l'Abyssinie,  du  Zan^ebar,  des  ports. 

»  de  Bidjanagar  [Bisnagor],  Kalbergah,  Guzérat,  ÇamboJLe;  des  eûtes 
,3>  de  j|a  péninsule  des  Arabes,  jusqu'il  Aden,  Djidda  et  Yanboa.  i>  Le 
itràducteur  a  cru  que  D'mh  indiquoit  Diu,  et  il  n'a  tenu, aucun  compte 
^e$  mois  jU>J^  jLriJ  b  Jj.Pour  moi,  je  restitue  ici,  d'après  |e  manus- 

a^t  (  la  inention  des  contrées  du  Malabar;  je  vois  dans  Diyik-mahal, 
'lés  Maldives;  je  substitue,  toujours  sur  l'autorité  du  textes  Kalbtrgah, 

yille  dont  l'auteur  parle  encore  plus  Ioi;i  (p.  xVix  tt  note  44.  it  (4  fra- 
.Juct'ton),  ^  Kelbtr,  et  Bisnagpr,  vifle  bien  connue,  kSetcAangpr;  enfin 


OCTOBRE  1819.  j8(> 

îl  Tavoit  déjà  fait  en  plusieurs  endroits  de  son  Voyage,  Un  travail  par* 
tkrulîer  sur  cette  mer,  travail  auquel  il  se  propose  de  donner  le  titre  de 
Périple  du  golfe  Persique.  Par  ce  motif,  nous  nous  dispenserons  de  rien 
dire  sur  cette  carte;  nous  observerons  seulement  qu*il  s'y  trouve  un  lieu 
dont  M.  Ousefey  écrk  Je  nomÀnJan  (^fjJx,  mais  en  hésitant,  à  cause 
•de  Tabsence  des  points  diacritiques.  Nous  ne  craignons  point  d'affirmer 
qu*îF  faut  lire  AÙaè  c->tô^>  lieu  bien  connu  dans  îa  haute  Egypte. 

Lé  rï.^  y  contient  quelques  recherches  sur  l'histoire  du  café  et  du 
tabac  ^  je  n*en  parle  ici  que  pour  rappeler  à  M.  Ouseley  l'otivrage  rfAbd- 
alkader  sur  le  oafi§,'dorit  j'ai  donné  un  long  fragment  daiis  ma  Chres- 
tomaihie  arabe,*  et  que   notre  voyageur,  semble  n'avoir  pas'  connu. 

•  M.  Ouseley  nous  apprend  que  les  Persans,  grands  amateurs  du  café 
'  et  du  tabac ,  disent  en  proverbe  que  «  le  café  sans  tabac  est  Coniirie 
'  »utk  mets  sans  seL>i  Bruce,  dont  la  critique  mérité  peu  de  confiance, 
■••  pk'étehdu  que  le^cafë  tîroit  îsort  nom  d'une  province  de  l'Abysrfnie, 
'*1Êppeléé  Caffa.  Cette  opinion- ièst  d'autant  plus  ridicule,  que  ce  n'est  nî 

fa  plante  ni  la  baie  qui  porté  ce  nom^  et  que  les  Arabes  l'ont  tlonné^à 
•fa  boisson  préparée  aveci  cette  fève,  à  cause  qu'elle  produit  quelques-uns 
des eflfeis^  attribués  au  vin,  nommé  aussi,  en  leur  langue,  kahwkïj^. 
Il  «^  bien  extraordinaire' que  le  inotivel  éditeur  de  Chardin  'âft  dît 
(tcm.  Il,  p,  280 )  «que  le  mol  qanii h  ne  paroît  pas  tirer  son  origine 
»de  I»  langue  arabe, " puisqu'il  ji'appartieiit  k  auctinè  racine  de  cette 
»  langue.  »  Le  contraire  est  un  fait  certain.  Une 'opinion;  bien  étrange 

•  èsr  Cdlé  îd'ton  voyàgfeUr  anglais  qui  a  conjecturé  que  le  café  pourrpit 
bien  être»  fa  sWcd  iloii^  (îesLacédémonîens.    '■   H     • 

'    SôU&  le  n.**  1 1  ,M.  Ousèiey  ttaite^des  aneièhs  alphabets,  dont  un 
tMcti^HS  attribué  à  Ebn-Vahschîyyèh;  a  été  pilKIîéà  Londres  en  1  800 , 


'*^gé.  Je  ciK>is  avofrSùffisammentdélnbritré,'  en  en  reiodanticbmpte  dàrfs 

^U  Magasin  encyclopédique,  qu'il  étôit  Hial-à-prbpos  attribué  à  Ebii- 
Wahschiyyèh  ;   que  des  recueils  du-m'êine  genre  sont  très-comrçùris 

'dfltis  le  Levant.,  et  qu'ils  ne- méricêni  pas  la  moindrb  confiaricè^  Je 
n'ai  iJats^  coniiOtssaîice  qu'on;  ait  répondu'  à  -mes  observaffonhs;  'et^;*ii'j*ôse 
m'ei^rimer  ainsi-,  réhabilité  daiis  lapinJon  dès^savahs  W  prétendii'ÎEbri- 

■  Wahschîyyèh.        •      *'    ■  "  •--.......'    ......     ... '.'->»:!:  t 

.     ir'i?agît,dârîs  lé  n.^'  12-,  rfes  Sabéens '^crii  Chfénens  d^  *S^^^^ 
La  ^«U[e<*hosé  «que  je  remaH^eÂi,  c'est  que* Mf.Oiîîrféy'  dité'itett^ 
*  ùâkà6ct\ti  Mémoires;  écrit$*  ifi  ^bàii,'  dnsKV'iMahblriétaii'mixhrné 


OCTOBRE   1819.  î9' 

l'attennondei  anliquaîre*  etdes  orîemalisles.  !f  assure,  d'après  le  second 
mémoire  de  M.  J.  Rich  sur  le»  ruines  de  Babyfone,  méinoiie  qui  n'est 
paseiicore  parvenu  à  rua  connoîssance,  que  dans  des  fouilles  faiies,  il 
n'y  a  pas  loiig-teinps,  dans  la  plaine  de  Maraihon,  il  a  été  trouvé  un 
cylindre  baby  Ionien,  qui  est  mainienant  en  la  possession  de  M.  Fauvel,  à 
Athènes.  Puisque  ce  genre  de  inonumens  fixe  aujourd'hui  l'altention  de 
beaucoup  d'antiquaires,  on  peut  espérer  que  le  sujet  de  prix  proposé 
tout  récemineni  par  l'académie  royale  des  inscriptions  et  bel  les -lettres ,  ■ 
et  qui  a  pour  objet  la  comparaison  des  doctrines  et  des  monuriiens  de 
l'ancienne  l'erse,  produira  quelques  ouvrages  importons  sur  cette  classe 
d'antiquités,  et  peut-être  de  nouvelles  conquêtes  pour  bi  science  atcbéo- 
Jogique.  Le  Voyage  de  M.  Ouseley  sera  consulté  avec  fruit  par  tous 
ceux  qui  voudront  traiter  ce  sujet. 

Je  dois,  avant  de  finir,  dire  un  mot  de  l'atlas  joint  &  ce  premier 
volume.  Les  planches  qu'il  contient,  au  numbre  de  vingt-trois,  ne  soni 
pas  toutes  d'un  égal  intérêt  :  aucune  cependant  n'est  sans  utilité;  mais 
on  voudroit  qu'il  y  eût  plus  d'ensemble  et  d'uniforriiité  dans  ce  recueil, 
et  c'est  peut-être  la  première  fois  que  des  planches  de  toute  dimension 
sont  réunies,  de  la  manière  la  plus  bizarre,  dans  un  allas  d'un  très- 
grand  format.  Celte  disposition  n'est  ni  agréable  aux  yeux ,  ni  commodei 
pour  le  lecteur.  La  plupart  de  ces  planches  auroient  été  mieux  placées' 
dans  le  volume ,  à  côté  du  texte  ;  et  un  petit  nombre  seulement  auroienr  ; 
dû  être  réunies  sous  forme  d'atlas  :  encore  eût-il  été  facile  de  les  réduire 
toutes  ,  à  l'exception  de  la  carte ,  au  format  in-4..' 

L'extrait  que  nous  avons  donné  du  premier  volume  du  Voyage  de 
M.  Ouseley,  en  fera  sans  doute  désirer  vivement  la  suite.  Nous  avons 
lieu  de  croire  qu'elle  ne  se  fera  pas  long-temps  attendre, 

SILVESTRE  DE  SACY. 


Choix  des  Poésies  onrctifAiES  des  Troubadours,  par 
M.  Kaynouard  ,  membre  de  l'Institut.  Paris,  Firmin  Didot, 
j8i6,  1817,  i8j8,  3  vol.  hi-S.'  Tom.  I,  31,  105  et 
35'  P^g-  ïo""'  II I  cIaîv  et  31(j  pag- ,  avec  4  planches; 
lom.  JlF,  475  pag. 

Nous  avons  déjà  rendu  compte  (  1  )  du  tome  I."  de  cette  iinporlantt 

(i)  Journal  de:  Skvans,  novembre  1S16,  p.ig.  t^S-i;,:;  iiiillei  1817,  pag. 
400-405. 


JSjî  JOUR^^  ptS  SAVANS, 

collecjipni'..  î|,  Ç9nli«nt,des  preuy«$,.jiji;itD;iqiies'de  rançieimeté  de  la  . 
langue  foçnanét  4?^.  recherches  sur  Tongine  et  la.  fbmution  de  cette 
I^gjlÇj  avec  les  c-léinens  de  sa  giariimaire  avant  J'ati    looo;  enfin  une  , 
gninniaire  raîsonnée  de  la    langue   des    troubadours.    II   réunit   ainïi 
igp4^    les    noiions   historiques    et   gramniaticaîes  qui    doivent   servir* 
fI3btfoâuction  à  la  lecture  des  poésies  recueillies  dans  les  volumes  suivans. 
Qejtie  pourroit  désirer  de  plus  qu'un  dictionnaire  des   mots  qui  sont 
pf9ff)8K  à  la    langue  de  ces  anciens  poêles,  ou  qu'il  est  difficile  de. 
nOPlinpitre   aujourd'hui  dans  la  nôtre;  et  M.  Rayiiouard  se  propose, 
endUlèt,  de  lemuner  sa  collection  par  un  glossaire  particulièrement 

-  i..ije  ^pntisp^  d)i  tonie.II.ii^oncéqu'UçonâèDtjdres  msieriÉatîoiissur., 


les  troubadours  ( 


idela 


irs  et  sur  les  cours  d'ànyiiiiç,  ,'&c«  ;  IçJT'nipnuiTiéns  de 
IVgHe ^ron^njf  j^jj^m"^  «s- poètes , _e,t dç^  ïccljerchéfi sur Tes'dîyérs 'çenrés ' 
dfi^«urs.p,ij,Y;ç;^gç^^i»^  t^jficu^il  çhoisiiile  J^i.poéjîes  nê'civhmence 
l^Ilemçntqv'avfiC  U  {oinjBjjU^À,rôais  Jescç9.ndûi  pr.^sente  d^j^  I^^ 
<(exti:ùt,^Sséspar.geiire$,,etpr^cëdéVtynt  de  considjraâohs .générales 
siirleu^jqdfieset^ujr  leufs  noceurs,  que  de  moiiuhiensjplus  anciens  de 
la  langue  dans  laquelle  ils  ont  écrit.  Ce  sont  là  de  nouveaux  prélî- 
lainaires,  (nais  où  déjà  un  irès-grand  nodifjre  de  pièces  en  prose  et  sur- 
tput  en  vers  sont  placées  sous  les  yeux  des  lec  leurs,  et  enlreipêlées  aux; 
n^herches.çl.au^C  observations  qyî.Ies  é<;Iaj,rcissent.         '        ,  ,     , 

.,  X-H  dissertation  intitulée  D^s  'J'rou  ta  Jours,  détermine  le  caractère  de 
leur  litléraiure.  Ce  n'est  point  celle  des  Grecs  et  des  Romains,  quoi- 
qu'ils paroissent.,en  avoir  connu  quelques  chefs-d'ocùvie;  c'est  une 
liltératureoriginaie,  qui  «neuiprunte  rien,  dit  M.  Raynouard, aux  leçons. 
»  ei  aux  exemples  des  anciens,  mais  qui  a  ses  moyens  indépendaijs  et, 

»  distincts,  ses  foriues  natives,  ses  coideiirs  étrangères  et  Ibcàfés,  son 


OCTOBRE  1819.  if$ 

éfotrqnes  sur-tout,  quand  elfes  sont  dépouillées  du  prestige  d'une 
versification  quelconque ,  laissent  trop  aisément  apercevoir  ce  qu'il  y  a  de 
faux  ou  de  trivial,  de  quintessencié  ou  d'insipide,  dans  fes  idées,  et  dans 
l'expression  des  senumens.  Nous  n'examinerons  point  avec  quel  succès 
les  poésies  galantes  des  troubadours  résistent  à  cette  épreuve ,  ni  de  quel 
coté  resceroit  1  avantage,  si  on  les  comparoit  aux  productions  antiques 
de  la  même  classe.  Nous  citerons,  dans  un  autre  genre,  une  pièce  de 
Garins  le  Brun,  qui  pourroit  être  intitulée  :  liaison  et  Folie. 

«  Raison  me  dit  avec  grâce  et  douceur  que  je  mette  de  la  sagesse 
»  dans  ma  conduite:  Folie  s'y  oppose,  assurant  que,  si  je  me  fie  trop  à 
»  sa  rivafe,  je  n'obtiendrai  jamais  aucun  avantage.  Raison  m'a  donné  de% 
«leçons  teifes,  qu'en  les  suivant,  je  puis  me  garder  de  dommage, 
»  d'erreur,  de  la  passion  du  jeu,  et  de  beaucoup  de  soucis  :  Folie  m'ôte 
»  la  réflexion,  et  me  dit  que,  par  trop  de  rudesse  çnvers  moi-même,  je 
*>  ne  dois  pas  captiver  mes  volontés;  que,  si  je  profite  des  occasions, 
»  je  ne  suis  pas  coupable.  . .  Raison  me  dh  :  Ne  sois  point  avare,  ne  te 
»  tourmente  point  à  amasser  de  grandes  richesses  ;  ne  prodigue  pas  en 
^  dons  indiscrets  celles  que  tu  possèdes.  En  effet ,  si  je  donnois  tout  ce 
M  qu'il  me  plàiroit,  à  quoi  me  serviroient  enfin  mes  largesses!  Folie 
«  vient  à  côté  de  moî,  et  me  dît,  en  me  tirant  par  le  nez  :  Ami ,  peut-être 
»  demain  tu  mourras;  et  quand  tu  seras  étendu  dans  le  tombeau,  de 
»  quoi  te  serviront  tes  richesses  l  Raison  me  dit  tout  bas  et  avec  douceur 
>»que  je  jouisse  lentement  et  modérément;  et  Folie  me  dit:  A  quoi 
«bon!  Hâte-toi,  jouis  autant  que  tu  le  pourras;  le  terme  fatal 
»  approche.  » 

Le  mouvement  de  cette  pièce,  n'est  pas  sans  eflêt  ni  sans  grâce  :  peut- 
être  y  voudroit-on,  comme  dans  toutes  les  autres,  plus  d'originalité  dan& 
les  détails ,  plus  de  profondeur  dans  les  sentimens  :  le  fonds  n'en  est  pas 
très- riche;  mais  elle  peut  donner  une  idée  avantageuse  de  la  naïveté 
douce  et  quelquefois  piquante  qui  règne  dans  les  poésies  romanes. 

La  dissertation  de  M.  Raynouard  sur  les  cours  d'amour  tend  à  prouver 
qu'elles  ont  exercé  une  grande  puissance  d'opinion ,  au  midi  et  nu  nord 
de  la  France,  depuis  le  milieu  du  Xll.' siècle  jusqu'après  le  xiv,*  Millot 
n'attachoit  point  à  ces  institutions  une  si  haute  importance;  il  n'avoii 
presque  rien  trouvé  qui  les  concernât  dans  les  extraits  de  Sainie-Palaye. 
Les .  recherches  sur  les  cours  d'amour;  publiées  en  1787  par  le 
président  Roland ,  n'aboutissent  qu'à  des  résultats  fort  vagues.  M.  le 
baron  d'Arétin  en  a  cherché  de  plus  précis  dans  un  ouvrage  de  Maîtrq 
André-,  chapelain  de  la  cour  de  France  vers  i  170  ;  et  c'est  principale** 
ment  sur.ce.inêroe  quvrage  qu'est  fondé  le  système  de  ia  dissertation  d« 

Ffff 


îy4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

M.  Rnynouard.  Un  fait  indubiiable,  et  dont  fes  preuves  subsistent  dan» 
le  livre  d'André  le  chapelain  et  dans  plusieurs  aulres  rtionmnens,  c'est 
qu'il  étoit  d'usage  de  traiter  et  de  décider  des  questions  d'amour  dans  fei 
cercles  ou  assemblées  de  dames:  cV-loit  l'un  des  passe-temps  qur 
occupoieni  l'oisiveté  des  châteaux  ;  on  y  écoutoit  les  tensoiis  ou  contro- 
verses des  t/oiibadours  ,  et  les  dames  prononçoient  des  décisions 
suprêmes ,  soit  d'après  les  impressions  qu'elles  venoîent  de  recevoir ,  soit 
Conformément  à  des  maximes  générales  consignées  dans  de  prétendus 
codes  amoureux,  André ,  après  avoir  exposé  l'origine  romanesque  de  l'un 
de  ces  codes,  transcrit  les  trente  et  Un  articles  qui  le  composoient  î 
c'est  un  mélange  informe  de  règles  proprement  dites  et  de  simples  obser- 
vations de  faits,  telles  que  (art.  i  j  )  Omn'is consatvit amans  m coamantlt 
aspectu  paiiescere  ;  [  art.  a  ]  )  Minus  dormit  tl  ttUt  qutm  amoris  cogiiatîê 
vexât,  ifc.  Pour  l'ordinaire,' les  dames  ne  décidoient  que  des  question» 
abstraites  ou  de  pure  théorie:  mais  il  y  a  des  exemples  de  jugement 
plus  proprement  dits,  prononcés  sur  des  faits  déterminés  et  personnels  ; 
on  pouvoit  même  s'amuser  à  imiter  ,  jusqu'à  un  certain  point  ,  les 
formes  des  tribunaux.  La  question  la  plus  importante  seroit  de  savoir 
quels  étoientles  efTeisde  ces  jugemens;  et  c'est  ce  qui  n'est  guère  éclairci 
par  les  textes  historiques  :  apparemment  les  condamné*  demeuroient 
exclus  des  sociétés  que  formoient  leurs  juges.  Quant  il  fînfluence  morale 
de  cette  espèce  d'institution  ,  si  tant  est  que  ce  nom  d'institution  soit 
ici  applicable,  il  fàudroit,  pour  l'apprécier,  plus  de  faits  et  de  té- 
moignages qu'if  n'a  été  possiljle  d'en  rassembler.  Sous  Charles  VI,  if 
a  existé  une  court  amoureuse,  où  l'on  distînguoit,  selon  un  manuscrit  de 
la  Bibliothèque  du  Roi,  des  auditeurs,  des  maîtres  des  requêtes,  des 
conseillers,  des  substituts  du  procureur  général,  &c.  :  mais  aucune 
femme  n'y  siégeoit,  et  nous  manquons  encore  des  renseignemens  qui 
nous  seroient  nécessaires  pour  nous  former  une  idée  précise  de  l'éta- 
blissement singulier  que  ce  maaiuscrit  annonce. 

£n  recueillant  les  monumens  de  la  langue  romane  antérieurs  aux 
troubadours,  M.  Raynouard  se  contente  ici  de  transcrire  les  textes 
des  sermens  de  842,  dont  il  »  parlé  dans  son  premier  volume,  et  sur 
lesquels  d'ailleurs  M.  de  Mourcin  a  publié,  en  1  8  1  j ,  des  notes  gram- 
maticales et  critiques.  Le  poème  sur  Boèce  est  probablement  du  K.* 
siècle:  l'abbé  Lebeuf  en  avoit  publié  vingt-deux  vers;  il  en  subsiste 
deux  cent  cinquante-sept  dans  le  manuscrit  unique  et  incomplet  qui 
provient  de  l'abbaye  de  Fleury  ;  M.  Raynouard  en  donne  deux  copies» 
accompagnées  d'une  traduction,  de  notes  et  d'un  fae  simile ;  il  n'a 
liéglîgé  aucun  soin  pour  mettre  pleineraent  en  lumière  ce  moaument 


OCTOBRE  1819.  J9$ 

de  fa  littérature  du  moyen  âge.  Suivent  desfragmens  en  fangue  romane, 
recueillis  dans  des  titres  et  actes  du  x/  et  du  xi/  siècles ,  et  dont  quelques- 
uns  avoient  été  imprimés  parmi  les  Preuves  de  l'Histoire  de  Languedoc, 
Les  Vaudois  ont  laissé  des  poésies  religieuses  où  la  langue  romane 
présente  quelques  modifications  légères  ;  le  principal  de  ces  poèmes 
porte  la  date  i  1 00  et  le  titre  de  Nobla  Ltycjpn,  Cette  noble  leçon  est 
une  sorte  d'abrégé  de  Fancien  et  du  nouveau  Testament,  en  quatl-e  cent 
quatre-vingts  vers.  II  y  règne  une  telle  uniformité  de  style ,  qu'une  citation 
fort  courte  suffira  pour  faire  connoître  l'état  du  langage,  de  la  versi- 
fication et  de  la  poésie  à  cette  époque  : 

En  aquel  temp  fb  Abram,  baron  placzent  a  Dîo  (i),    , 

£  engendre  un  patharcha  dont  foron  li  Judio. 

Nobla  gent  foroii  aquilh  en  la  temor  de  Dio; 

En  Egyps  habiteron  entro  autra  mala  gent; 

Lay  foron  apermu  c  costreic  per  lonc  temp, 

£  crideron  al  Strgnor,  e  el  lor  trasmes  Moysent, 

£  délivre  son  pobie  e  destruis  i'aatra  gent. 

Per  lo  mar  Ros  passeron ,  com  per  bel  eysuyt  ; 

Ma  li  enemic  de  lor,  lical  li  perseguian,  hi  periron  tuit. 

On  voit  que  l'art  se  réduit  ici  à  quelques  rimes,  le  poème  à  la  plu^ 
simple  expression  des  résultats  de  l'Histoire  sacrée;  et  après  avoir  lu 
plusieurs  autres  pièces  du  même  ton  et  à  peu  près  du  même  âge ,  on  est 
mieux  préparé  à  reconnoitre  les  progrès  que  les  troubadours  ont  fait 
faire  à  la  poésie.  Les  recherches  de  M.  Raynouard  sur  \t%  principaux- 
genres  qu'ils  ont  cultivés,  n'ont  point  encore  pour  objet  le  mécanisme 
de  leur  versification  ;  il  en  renvoie  les  détails  &  un  autre  volume  de  œ 
recueil  :  il  se  borne  en  celui-ci  à  distribuer  par  classes  leurs  prdéuctionft 
diverses.  La  plupart  sont  empreintes  d'un  caractère  lyrique,  dont  oa 
ne  peut  pas  s'étonner,  lorsqu'on  sait  que  ces  poètes  étoient  en  même 
temps  musiciens.  Leurs  poésies  lyriques  s'annoncent  par  les  titres  de 

(i)  Voici  la  traduction  littérale  de  M.  Raynouard: 

En  ce  temps  fut  Abraham,  homme  plaisant  à  Dieu, 
Et  engendra  un  patriarche,  dont  furent  les  Juifs. 
Nob|e  gent  furent  ceux-là  en  la  crainte  de  Dieu; 
En  Egypte  habitèrent  entre  autre  méchante  gent; 
Là  furent  opprimés  et  contraints  par  long  temps , 
Et  crièrent  au  Seigneur,  et  il  leur  transmit  Moïse, 
Et  délivra  son  peuple  et  détruisit  l'autre  gent. 
Par  la  mer  Rouge  passèrent,  comme  par  belle  issde; 
Mais  Jes  ennemis  aeux,  lesquels  les  pounui voient,  y  pérxreDt  tous. 

Ffff  a 


OCTOBRE  l8lp*  59/ 

M.  Raynouard  prouvent  que  les  troubadours  avoient  versifié  un  bien 

plus  grand  nombre  d'histoires  fabuleuses.  Nous  devons  faire  obser\'er 

que  l'auteur  n'attribue  à  ces  poètes  aucun  es^ai  de  poésie  dramatique. 

Nostnfdamus,  Crescimbeni ,  et,  d'après  eux,  Fonlentlfe,  ont  considéré 

comme  une  comédie  VHeregia  dels preyres  [ITIérésiedes  prêtres],  de 

Gaucelme  ou  Anselme  Faidit,  qiH  mourut  en  1 220  :  mais  Tiraboschi  a 

montré  qu'en  Italie  même,  il  n'avoît  paru  aucun  drame  avant  Tan  1  joo  ; , 

et  chez  nous^Beauchamps»  Millot,  La  Vailière,  ont  pensé  qu'il  ne  sub- 

sîstoit  aucun  vestige  de  compositions  réellement  théâtrales ,  entreprises 

ou  exécutées  psu*  les  troubadours,  avant  l'année    i  300.  M.   Raynouard 

semble  être  delà  même  opinion,  puisqu'il  s'est  abstenu  de  faire  entrer 

les  drames  dans  la  classification  des  principaux  genres  dans  lesquels 

les   troubadours    se    sont    exercés.  C'est   confondre   les  notions  que 

d'attribuer  un  caractère  dramatique  à  de  simples  dialogues,  ou  à  des 

mélanges  de  récits  et  de  discours. 

Le  tome  III  du  recueil  qui  nous  occupe  contient  des  pièces  erotiques 

choisies  dans  les  poésies  de  soixante  troubadours  (1) ,  depuis  l'an  1090 

jusque  vers  l'an  1260.  Il  n'y  a  plus  ici  que  des  textes  purs  et  simples , 

sans  traduction  et  sans  notes.  Alais  quelques-uns  de  ces  morceaux,  en 

général  même  les  plus  remarquables,  sont  traduits  dans   le  tome  II;  et 

d  ailleurs  M.   Raynouard  a  dû   croire   ses  lecteurs   assez   préparés  à 

l'intelligence  de  ces  textes  par  tout  ce  qui  a  précédé,  c'est-à-dire,  par 

une  grammaire,  par  un  grand  nombre  de  versions  littérales,  par  des 

dissertations  sur  l'histoire  des  troubadours,  sur   l'esprit  et  les  divers 

genres  de  leur  poésie.  De  plus,  il  se  propose,  comme  nous  T^voils  dit^ 

d'y  joindre  un  dictionnaire  de    la   langue    de  ces  poètes.  Quelques 

personnes  peut-être  desireroient  en  outre   l'indication  des  manuscrits 

d'où  chaque  pièce  de  ce  troisième  tome  est  tirée ,  et  de  courtes  notices 

historiques  propres  à  faire  connoître  au  moins  les  lieux  et  les  temps  où 

*■     '        -    - 

(i)  Le  comte  de  Poitiers,. Gtraud  le  Roux,  Rambaud  d'Oranee,  la  com« 
cesse  de  Die,  Pierre  Rogiers,  Azaiais  de  Porcairague,  Bernard  de  Ventadoui-^ 
Geoffroî  Rudel,  Guillaume  de  Cabestaing,  Alphonse  II  ror  d'Aragon,  P.  Rai- 
mond  de  Toulouse,  Guîll.  de  Beziers,  Bcrtrarnd  de  Born,  Foiques  de  Mar- 
seille, Gavaudan  le  vieux,  Pons  de  Capdueil,  Guill.  Adtmar,  Arnauld  de 
Mareuil,  Bérenger  de  Palasol ,  Adcnet,  Rambtau  de  Vaqueiras ,  Peyrols, 
Gauselm  Faidit,  Guill.  de  Saint-Didier,  Giraud  de  Borncil,  Pierre  Vidal, 
Claire  d*Anduse,  Perdigon ,  Elias  de  Barjols,Raîmond  de  Miravals,  la  dame 
Casteloze,  Marcabrus,  Giraud  de  Calanson,  Giraud  de  Salignac,  Raîmond 
Vidol,  Deudes  de  Prades,  Guill.  Magret,  Aimeri  de  Péguîlain ,  Elias  Caireisj 
Pierre  Cardinal,  Sordef,  le  Moine  de  Montaudon,  Richar4  4e  Barbesiea;^^ 
Girau4  Riquier^  &c.  • 


OCTOBRE  1819.  59 

de  (a  foiblesse,  ou»  ce  qui  revient  au  même ,  de  i*éxagération  des  sentimens. 
L'art  y  demeure  dans  f enfance,  et,  à  défaut  de  saillies  originales» 
nevite  Tinsignifiance  que  par  la  bizarrerie.  Jamais  la  littérature  n'est 
pfus  avanc'ée  que  la  langue;  lalit  que  celle-ci  n'est  qu'un  bégaiement 
puéril,  lautrè  n'est  qu'un  lent  apprentissage.  N'espérons  donc  pas  que 
les  troubadours  puissent  nous  apprendre  à  penser,  à  sentir,  ni  par  con^ 
séquentà  exprimer;  et  ne  cherchons  nulle  part  des  beautés  qui  soient 
distinctes  de  celles  de  la  littérature  classique  proprement  dite.  W  n'y  a  pa» 
deux  théories  de  l'art  d'écrire  :  cet  art  ne  s'est  rétabli  chez  les  nations 
niodernés  que  lorsqu'elles  ont  écarté  les  exemples  et  les  traditions  du 
moyen  âge,  pour  l'étudier  dans  les  anciens  modèles,  non  parce  que  ces 
modèles  étoient  antiques,  mais  parce  que  leur  beauté,  leur  système  et 
leurs  règles  sont  celles  de  la  nature  même.  II  y  a  loin  de  la  barbarie  à  la- 
nature,  et  Tintervalle  qui  les- sépare  a  pour  mesure  tous  les  progrès  de 
la  civilisation,  tous  les  pas  qu'un  peuple  a  besoin  de  faire  pour  avoir  dm 
sages  lois  et  une  littérature  classique. 

DAUNOU. 


Leçons  de  philosophie,  ou  Essai  sur  les  facultés  de  l'ame; 
par  M.  Laromiguière,  professeur  de  philosophie  à  la  faculté, 
des  lettres  de  l'Académie  de  Paris.  Paris ,  chez  Brunat^ 
Labbe  :  tome  I.*^' ,  1815;  tome  11 ,  1 8  1 8  ;  in-8.^ 

SECOND    EXTRAIT. 

Pour  saisir  nettement  les  différences  qui  existent  déjà  et  les  reft« 
semblances  qui  se  trouvent  encore  entre  le  système  de  M.  Laromîguièrv 
et  celui  de  Condillac,  il  &ut  bien  concevoir  ce  dernier  système,  et  sur* 
tout  l'enchaînement  du  principe  et  des  conséquences. 

Le  principe  de  Condillac  est  la  sensibilité;  il  y  voit  l'intelligence  toutv 
entière.  Toutes  les  facultés  de  l'homme  ne  lui  paroissent  que  le  dévelop- 
pement varié  d'une  première  sensation.  A  là  première  odeur  (dit 
Condillac,  Traité  des  Sensations,  i.'*  part.  ch.  2  ) ,  la  capacité  de  sentir 
est  toute  entière  a  l'impression  qu'elle  éprouve;  voilà  l'attention. 

L'attention  que  nous  donnons  à  un  objet  n'est,  de* la  part  de  ^VamCf  que 
la  sensation  que  cet  objet  fait  sur  nous.  { Logique,  !.'•  part.  ch.  7.  ) 

Une^  double  attention  s'appellera  comparaison  ;  elle  consiste  dans  deux 
sensations  qu'en  éprouve  comme  si  on  les  éprouvoit  seules,  et  qui  excluent 
tçutes  les  autres,  (  Log.  même  chap.  ) 

Vn  çbjet  est  ou  absent  ou  présens  :  s'il  est  présent,  l'attention  est  Im 


JOURNAL  DES  SAVANS, 

stnsaùon  (^u'il  fait  actuel  Icment  sur  noiiî  ;  s'il  est  absent,  rattcnt'tonesi   te 

■souvenir  de  ia  sensation  qu'il  afdhc.  Voila  la  mimohe.  (Log.  même  ch.J 

Nous  ne  pouvons  comparer  deux  ol'/els ,  ni  éprouver  les  deux  sensations 
iju'ilsfont  cxclushemcnl  sur  nous,  qu'aussitôt  nous  n'apercevions  qu'ails  se 
Tesscntblent  ou  çii'i/s  dînèrent  :  or  apercevoir  des  ressemblances  et  des  diffé- 
rences,  c'est  juger.  Le  jugement  n'est  donc  encore  que  sensation.  (Logique, 
même  chap.  ) 

La  rêjlexion  n'est  qu'une  suite  de  'jagemens  qui  se  font  par  une  Suite  de 
comparaisons.  (  Log.  même  chap.  ) 

La  réjfexîon,  lorsqu'elle  porte  sur  des  images,  prend  le  nom  (/'imagina- 
tion. (  Log.  même  chap.) 

Raisonner,  c'est  tirer  un  fagement  d'un  autre  /ugement  qui  le  renfermoit; 
tl  n'y  a  donc  dans  le  raisonnement  que  des  jugemens ,  et  par  conséquent  des 
sensations. 

L'ensemble  de  toutes  ces  foculés  se  nomme  entendement  ;  on  ne  saurait 
s  en  faire  une  idée  plus  exacte,  (  Log,  ch.  7,  ) 

En  considérant  nos  sensations  comme  représeniaijves,  nous  venons 
d'en  voir  sortir  louies  les  facultés  de  l'enlendemeni:  si  nous  les  consi- 
dçrons  comme  agréables  ou  dcsagrcables ,  nous  en  verrons  sortir  toutes 
les  facultés  qu'on  mpporie  à  la  volonté. 

La  souffrance  qui  résulte  de  (a  privation  d'une  chose  dont  la  jouissance 
éloii  une  habitude,  est  le  besoin. 

Le  besoin  a  divers  degrés  :  plus  fi)îble ,  c'est  le  ir;ilaise;  plus  vif,  îï 
prend  lenomd'iiiquiétudf.  L'inquiétude  croissante  devient  un  tourment. 

Le  besoin  dirige  toutes  les  facullés  sur  son  olijct  :  cette  direction  de 
toutes  les  forces  de  nos  facultés  sur  un  seul  objet,  est  le  désir. 

Le  désir,  tourné  en  habitude,  est  la  passion, 

Le  désir,  rendu  plus  énergi(|ue  et  plus  fixe  par  IVspér,ince,  le  d, sir 
absolu  (  Traité  des  Sensations,  t."'  part.  ch.  j  ),  est  h  volonté.  Telle  est 
l'acception  propre  du  mot  volonté;  mais  on  lui  donne  souvent  une 
signification  plus  étendue,  et  on  la  prend  souvent  pour  la  réunion  de 
toutes  les  habitudes  qui  naissent  des  désirs  et  des  passions. 

En  résumé,  on  appelle  entendement  la  réunion  de  la  sensation,  de 
l'atieniion,  de  la  comparaison,  de  la  mémoire,  du  jugement,  de  la 
réflexion,  de  fimaginatinn  et  du  rnisonnemerii  ;  on  appelle  volonté  la 
réunion  de  la  sensation  agréable  ou  désagréiible  du  beîoin ,  du  malaise, 
de  l'inquiétude,  du  désir,  de  (a  passion,  de  l'esptrance  et  du  phénomène 
spécial  que  l'espérance  ,  jointe  h  la  pnssîon ,  détermine.  La  pensée  est  la 
réunion  de  toutes  les  faculiés  qui  se  rapportent  à  l'edlindemeni  et  <l# 
toute»  celles  qui  se  rapportent  à  la  volonté. 


Or,  comme  Féléhient  gétiiérateurrfe  fa  volonté  et  de' f entendement 
est  fa  sehssritoh  Teprésenfktivcf  du' àfTéctive  ;  réffémerït  générateur  de  fa 
pehsée  est,  en  dernière  anafyse,  In  sensaripn. 

Tel  est ,  seltfn  Condillac ,  f e  système  des  facuf rés  de  Tartie ,  système 
qui  devroit  faire  abandonner  tous  (es  autres,  si  fa  simplicité  et  (a  clarté 
étoient  fès  seules  ou  même  tes  plus  importantes  qualités  que  Ton  exige 
d'an  système  phifosophique.  ce  Mais,ob^êrve  très-bien  M.  Laromigujère, 
»  si  cette  ciarté'étoît  plus  apparenté  que  réeile/si  cette  sihipiicité  fais^olt 
» -échapper*  ée  qu'il  imf)ône  te  plus  de  retenir  sbuîs  tei  yeux  de  rès)>Hi^, 
s»  si  elfe/étoir  f'oubfi  de  quelque  condition  nécessaire  à  la  solution  dà 
»  )>rob(ème,  si  fe  principe-d^où  part  Condifhc  ne  contenoit  pas  tout  ce 
»  qu'il  en  déduit,  et  si  le  fil  des  déductions  se  trbuvoit  ronipu  ptusîeùrs 
»  fois,  alors ,  entre  un  système  simple ,  fiicile ,  ingénieux,  mais  manquant 
9»  d  exactitude,  et  un  système  plus  approchant  de  fa  vérité,  fût-il  préiétïté 
»  soUs  des  formes  moins  heureuses,  H  n'y  auroit  pas  à  balancer:  C^rïa 
»  sim|>(icité  est  une  chose  relative  à  nous;  au  lieu  qtté  fa^  vérité  est  une 
>»  chose  absolue^  indépendante  de  la  faiblesse  de  notre  esprit.  •» 
{  Tom.  ly ,  ^/  leçon.  ) 

Or,  M.  Laroinigoière,  après  un  long  examren,'  prétend,  et  il  établit, 
selon  nous,  très-solidement, qu'il  n'est  point  vrai  que  la  sensation  soit 
Tunique  élément  de  la  pensée,  de  rçntehdement  et  de  fa  Vofonté.  I! 
croit  qu'entre  nos  facultés  et  la  sensation  il  y  à  un  véritable  abîme. 

•  Eneflet,  poiir  rie*  parler  d'àhotycjtit*  de  rentcrïâertiént,  lés  fatnîîés 
qui.  s*y  rapportent  ne  peuvent  venir  de  la  sensation  qu'autant  que  Fatten- 
fioh  elle-même  en  dériveroit.  Or,  dit  M.  Laromîguière,  la  sensation 
est  |>assive,  Tattention  est  active;  l'attention  ne  vient  donc  pas  de  la 
sensaticm  :  le  principe  passif  n'est  pas  la  raison  du  principe  actif;  l'actjvité 
et  la  passivité  sont  detix  'faits  'que  Ton  ne  peut  confondre. 

Si  l'attention  ne  dérive  pas  de  la  sensation,  si  elle  est  son  principe  11 
elle-mêhie,"  elle  échoppée  toute  dcfîhîiTon.  En  cflèt,  là -définition  dTune 
idée  n'est  possiblequ'autant  qu'on-a  une  idée  antérieure,  de  laquelle 
dérive  .celle  qu'on  se  propose  de  définir:  d'où  il  suit  que  Tidée  fondamen- 
tale d'une  science  ne  petit  jamais  éire  définie;  car  l'idée  fondamentale 
d'une  science  en  est  Fidée  première,  et  par  conséquent  une  idée  qui  n'en 
a  pas  d'antérieure.  L'activité  ne  se  définira  donc  pas  :  elle  ne  se  démoil- 
trera  pas  non  plus;  car  elle  est  un fîiit;et  les  faits  n'empruntent  pas  leur 
évidence  de  celle  du  niisotinement  ;  ils  ont  une  évidence  qui  leur  est 
propre.  Seulement  M.  Lai-omiguière  en  appelle  au  témoignage'  des 
langues  :  «  Par-tout,  dit-il,  dn  volt  et  l'on  regarde  ;on  fniemf^t  Ion  écoute; 
s»  on  setà  et  l'on  JkMte  /on  pute  et  Ton  savoure;  on  reçoit  rimprèssioh 


6<iz  JÔURNAI*  DË$  SAVANS. 

,ntnécBnkiiie:<bs  corps,'et  on  lei  remue.  Tout  le 'geoM  Imnuîii  sait 
.»dohc,etne  peut  pas  ne  i»s  savoir,  .qn^yttune  difiirenee.eaue  Toif 
wet  regarder,  entre  écouter  et  entendre  ;  il  saitt  u  d'fniua  ifrnieif  que 
.P  aow  soïnmes  tani6t  puufi  et  taot^  actifii  que  Fum  ctt  tom^k-toor 
M  passive  et  «ctïve.  »  (Tom,  I"»  ^  lefom^p.  ju.  ^  .  .      . 

0r,  >i  cette  diitinction  est  iôpdée*  et  nous  b  croyons  jncpntestablc, 
il  ep  résulte  '^e  le,  ^stéme  cn^er  de  reat^ndemcnt  repose»  «oj^erniéDe 
ifnwî^fionsur  la  senutbormus  s^r  f^teotioni  sv^HaçfivIiii  AiXaauti 
t^^'gûe  la&çoltéde  seotiri  qoe  Mj  I «omyiièie ' prcyose  d!ay- 
'.fîitttapatiti  Aftatir,  poitr  mieux  marquer  sa  passivité ,  n'est çierpo- 
.  casion  de  l'exercice  de  faclivité  intellectuelle  »  lui  iburoit  des  «utétiaux  * 
maisne.  la  constitue  .pis. 

La  même  <Ilfl2reiice  essentielle.  étebUe  entre  bsensatîon  et  FattentioD, 
relativement  à  rinultigence>  M.  IjaromrguiÂre  la  retrpuve  entre  le 
malaise  et  l'inquiétude,  entre  ie  l>esoia  et  le  désir,  relativemeni  à  la 
volonté,  l^  malaise  est  un  sentiment  «u  une  seosaûoit  passive  :  fin- 
^étnde  est  le  passage  du  repqs  à  ractioo.  «  i*our  qui  tinqitiéiudt  ftt 
3» la  même  chose  qiie  îe  malaise,  ou  une  transformation  du  malaise, 
-i^il  lâudipit  que  le  repos  pAt  se  transformer  en  mouvement.» 
Y  Tour. /.",./.'  leçon j  p.  138.)  L'inquiétude  déterminée,  portée  sur  un 
objet  parlicuIicE,  c'est  le  désir  \  le.  désir ,  et  non  pas  le  liesoin ,  ptiénoméne 
passif coram^Ie malaise, est  donc  le  véritable  pfiiicipe,  ie  ^indpe  actif 
,iles  iàculcés  de  là  volonté  ;  le  malaise  et.le  besoin  sont  bien  Toccvion 
du  désir,  mais  'As  n'en  sont  pas  la  raison;  car  la  raison  d'un  fait  ae.  peut 
être  trouvée  que  dans  un  &it  similaire  ou  analogue,  et  le  désir  et  le 
malaise  sont  entièrement  dissemblables ,  selon  M.  Laromiguiére. 

Ainsi,  pour  la  volonté  comme  pour  l'entendement ,  l'activité  est  le 
vrai  point  de  départ  de  toutes  les  facultés  humaines,  et  la  pensée,  qu> 


OCTOBRE  lÔlp.  ^oi 

encore  quelques  légères  différences  dans  Parrangeinent  et  dans  fe  langage  » 
il  n'y  en  a  point  dans  Tanalyse  des  faits  et  dans  leur  déduction.  Or  nous 
pensons  que  M.  Laromiguîère  est  plus  heureux  dans  les  diflFérences  que 
dans  les  ressemblances:  d'accord  avec  lui  lur  les  points  qui  lui  appar*^ 
tiennent  en  propre,  nous  avouons  franchement  que  nous  nous  en  sépa- 
rons entièrement  pour  la  partie  qui  se  rapproche  davantage  de  Condillac» 
Une  exposition  fidèle  et  détaillée  de  cette  partie  de  la  doctrine  contenue 
dans  les  Leçons  de  philosophie  doit  en  précéder  la  critique  :  il  fiiut  montrer 
comment  le  savant  professeur  analyse  lesiàcultés  de  Fentendement  et 
de  la  volonté,  comment  il  les  enchaîne  entre  elles ,  afin  de  prouver  que 
son  analyse  n'est  pas  toujours  exacte i  et  que  la  chaîne  de  ses  déductiôiU 
te  rompt  dans  plusieurs  endroits. 

1^  système  des  acuités  de  Famé  commence ,  selon  M.  Laromiguière  / 
non  pat  k  la  sensation,  mais  k  l'attention,  la  première  de  nos  facultés 
actives.  L'attention,  dans  son  double  développement,  produit  succès- 
sivement  toutes  les  fiicuhés,  et  telles  dont  se  compbse  Fentendement» 
et  celles  dont  se  compose  la  volonté.  Les  facultés  de  Fentendement 
sont  diverses,  mais  on  peut  les  réduire  à  trois*,  d'aboi^,  Fattention,  h' 
fiicuiié  fondamentale  ;  puis  la  comparaison ,  puis  enfin  le  raisonnement. 
Dans  ces  trcns  facultés  rentrent  toutes  les  autres  facultés  intellectuelhfS. 
Le  jugement  est ,  ou  la  comparaison  elle-même,  ou  un  produit  de  la* 
comparaison;  la  mémoire  n'est  encore  qu'un  produit  de  Fattention » 
ou  oequi  reste  d'une  sensation  qui  nous  a  vivement  afièctés  ;  la  réflexion»* 
se  composant  de   raisonnemens ,   de   comparaisons,    et   d'actes  d'aï* 
lention,  n'est  pas  une  faculté  distincte  de  ces  facultés;  Frmagihation 
n'est  que  la  réflexion  lorsqu'elle  combine  des  images  ;  enfin  Fentendement 
est  la  réunion  des  trois  fitcultés  élémentaires    et  des  autres  f^cultél 
composées  qui  leur  servent  de  cortège:   or  la  réunion  de  plusieurt 
Acuités  n'est  pas  une  faculté  réelle  ;  ce  n'est  qu'une  faculté  nominale» 
un  signe  sans  valeur  propre  et  sans  réalité.  Il  n  y  a  de  réel  que  les  trolf' 
Acuités  élémentaires  :  je  dis  élémentaires,  parce  que ,  dans  leur  déytf-' 
loppement)  eftes  engendrent  d'autres  Acuités  ;  mais,  dans  le  vrai,  11 
n'y  a  de  Acuité  élémentaire,  selon  M.  Laromîguière ,  que  Fattentioil. 
En  effet,  la  comparaison  n'est  que  l'attention,  l'attention  double» 
l'attention  donnée  h  deux  objets ,  de  manière  h  discerner  leurs  rapports  ; 
sans  attention ,  point  de  comparaison  possible  ;  et  sans  comparaison ,  point 
de  raisonnement,  car  le  raisonnement  n'est  qu'une  double  comparaison  ; 
il  naît  de  la  comparaison  ,  conime  la  comparaison  nait  de  FattentioA:* 
{entendement  est  donc  tout  entier  dans  Fattenfion. 

Quant  4  la  volonté ,  son  point  de  départ,  ou  sa  Acuité  élémentaire» 

Cggg  ^ 


6o4, 


JOURNAL -DES  SAVANS, 


est  le  désir,  comme  railentKvi  est  le  poîni  de  dépirt;  h  ftculté  éH* 
méiin^Tp  de  f  entendement.  I4  dpur  eiigendie^*  comme  l'attentioii  «  deux 
aiftreL&cuhéi)  nipIus.ninipmtLia«oir»Ia  préftrence  et  [a  libeni.  La 
préRrenccvst  au  de«ir  c^  quaJa  comparaison  eftt>Titiieatian -.et' b 
JiberM  est  11  h  préférence  ce  que  Ja  raison,  ctt.k  Itoomparaitaii*  Goi>n« 
les  fycultis  éliinentaîres  de  l'eatendement  élèvent ■sucoHÙremeDt.dea 
^cultes. «econdaiies^qui  intervienpeiit  dans  leur  ezerdce*  éé-aattaeieê 
irqu$aUiii<£[ém^uaires,dc4r  yplonié,  savoir,  l6  deiir,'4frpctf6reiK« 
«l£|lîberti,jCL4^inpIiqtKmcttcceMi*ement  de  diveiim  âcultte  seonn 
dairei  auzquriies  el^ei  donnent  naifa^oce  { teliH  que  k  re|wntir.flt  la  dtii-^ 
MfiltioD.  Lç  repentir  naît  k  la  suite  de  la  préfiMcocc  :  il  n*«nm  pu  ^d« 
les  facultés  intetiectneljes  de  M.  Laromîguiife,^uoiqu'irsoitune&cnliéi 
selon  CondiIJac.-Mais,  selon  M.-Ldroiniguière,  fe  repentir  a|^>aEtîei1t  à 
la  sensibilité  ;  ,|a  délibération  suit  la  préfèrence  et  précMe  la  fibcrti  :  aa 
peut  d'abord  préf^p^r  sans  avoir :dÉlibéré;  mais,  «  l'acte  de  prËfercnce  a 
été  suixi^de  JKifeapf,f.oané  préisFe  plw^dt;  jiouvemLNU»  délibéter;  or 
la  pré^rçnce-iapr^s,  i^Iiiiération,  c'est  la  préférence  libre,  .'la  liberté. 
Désir,  pré&rençe,  fiberténVoUJi  Us  trois  facufl^s  réelfes;. leur  réunion 
est  la  volonté;  mais,  comme  la  réunion  de  pluûieurs  fiiculiés  n'est  point 
une, acuité  réelle ,:ii^,yoio4)té  n'est  point  une  faculté  propre,  mais  une 
faculté  nomipalç,  un  ^igne,  ainsi  que  l'entendement,  et  rien  de  plus. 

£n  résumé',  il  y  a  donc  six  fâculiés  réelles  et  deux  facultés  nominales  ; 
or  ces  deux  ùjodiéf  nominales,  I-ei^tevideaMnt'M  la  VoI«nié>  aeién-. 
tiissent  dans  la  pensée.  La  penseur  i^uaion  de  Acpltés,  n'est  pas  une 
£iculté(  ce  n*«st  pas  mémç  un,s^4  ceprésHiialif  de  ûcuilés;  ce  n'est 
qu'un  signe  rcprésentaiif  de  signes,  puisque  la  voloAié  et  fentende- 
ment  ■  dont  la  pensée  est  le  signe,  ne  «ont  pas  des  acuités  réelles,  mais 
des  signes  ou  apptllaiions  çolleaives  de  faculté».  Par  ces  expressions. 


OCTOBRE  1819.  tfoj 

dément  et  h  volonté ,  que  de  tirer  toutes  les  facultés  de  Ja  volonté ,  du 
désir,  lequel,  selon  Condillac  et  M*  Laromiguière ,  esi  la  direction  dt 
toutes  les  facultés  de  l'entendement  vers  un  objet  dont  on  a  besoin  !  (  Tom.  I/% 
4^*  leçon,  p.  io4<  )  Tant  que  le  besoin  ne  se  mêle  point  à  Faction  de 
nos  facultés,  ces  facultés,  savoir,  Tattention,  la  comparaison ,  le  raison- 
nement, ne  s'exercent  pas  moins:  mais  que  le  besoin  intervienne,  les 
trois  facultés  se  réunisst  nt  dans  une  direction  commune  ;  voilà  le  désir. 
Or,  comme,  sejon  M.  Laromiguière  lui-même^  le  besoin  n'est  pas  une 
faculté,  mais  un  simple  phénomène  sensible,  entièrement  étranger  à 
r^ctîvité,  il  s'ensuit  que  l'activité,  et  les  facultés  qui  en  dérivent,  restent 
ce  qu'elles  sont,  quand  même  le  besoin  n'intervient  pas  dans  leur  exer- 
cice ;  de  sorte  qu'essentiellement  le  désir  n'est  qu'un  mode  de  l'activité , 
l'activité  concentrée  sur  un  objet  dont  il  se  trouve  que  la  sensi- 
bilité a  besoin,  circonstance  tout  à-&it  accidentelle.  Au  fond,  le  désir 
est  donc  l'activité  elle-même;  seulement  l'activité  ne  s'exerceroit  pas 
comme  elle  le  fait  dans^le  désir,  si  le  besoin  n'intervenoit,  non  comme 
fondement  et  comme  principe,  mais  comme  une  simple  condition  préa- 
lable. L'activité,  c'est-à-dire  Tattention,  est  le  vrai  principe  du  désir,  ^ 
puisqu'elle  est  le  principe  des  facultés  intellectuelles ,  dont  le  désir  n'est 
que  la  concentration.  L'attention  est  donc  le  principe  unique,  non-seule- 
ment de  l'entendement ,  mais  aussi  de  la  volonté ,  et  par  conséquent  de 
la  pensée  toute  entière,  c'est-à-dire,  de  Thomme.  Ceci  achève  le  système 
de  M.  Laromiguière  :  jusqu'ici  ce  système  étoit  double ,  maintenant 
il  est  vraiment  un  ;  le  parallélisme  se  résout  dans  l'unité  absolue. 
Opposé  d'ailleurs  à  Condillac,  puisqu'il  fonde  toute  sa  doctrine  sur: 
l'attention,  essentiellement  distincte  de  la  sensation,  M.  Laromiguière 
s'en  rapproche  cependant,  en  ce  qu'il  tend  également  à  ramener  toutes 
les  facîdtés  à  lunité.  L'unité  de  nos  deux  auteurs  ne  se  ressemble  guère , 
mais  enfin  <^est  toujours  de  l'unité.  Voilà  une  ressemblance  dans  l'ap- 
plication, que  nous  avions  signalée  dans  la  méthode;  et  cette  ressem-  . 
blance  est  fondamentale.  Seulement  il  faut  reconnoitre  que  Funité  de. 
M.  Laromiguière  est  plus  savante  que  celle  de  son  devancier,  et  ses 
combinaisons  plus  systématiques.  Coadillac,  en  tirant  de  la  sensation, 
comme  élément  unique,  toutes  les  faculiés  humaines,  se  contente  de 
les  séparer  en  deux  classes,  celles  qui  se  rapportent  à  l'entendement  et 
celles  qui  se  rapporle-nt  à  la  volonté,  et  de  inarquer  dans  chacune  de  ces 
classes  le  mode  successif  de. leur  développement.  H  les  énumère  toutes; 
mais  ni  dans  chaque  classe  il  ne  détermine  quelles  sont  les  facultés  princi- 
pales, ni  dans  les  deux  çlasse^ii  ne  montre  le  rapport  plus  ou  moins  intime 
des  fkciJtés  correspondantes.  Mais  M.  Laromiguière  >  en  partant  de. 


tfotf  JOURNAL  DES  SAVANS» 

rittçndon  comme  élément  unique,  ne  m  contente  pis  d'engendrer  n^ 
oessnonent  toutes  nos  fàculléi  intelIectueUetou  morales  ;  il  détennine  atec 
prédiion  le  nombre  exact  et  le  mode  de  génération  progrestÎTe  des  di- 
irenei  Acuités  élémenturei  de  diiqûe  dàsse.  Il  n^  a  que  tiuiftcultéi 
pouF  dacune  cfeUM.  La  volonté  n'en  contient  JMS  i^ui  i|ue  feaiendenieiit, 
ni  rentendenwni  <pM  la  volonté;  le  rapport  de  génération  qui  unit  ks 
jàcullés  de  la  première  série,  unît  également  toutes  celles  de  la  seconde. 
Pw-MBcidniriié  de  nombn,  par-tout  identité  de  développement.  La  sim- 
plîdié  de  CondHIac  dtspaiott  devant  celIe-&;  sa  régularité  est  le  chioa 
devantrclfe  de  M.  L«omiguièi«.  En  eflèt ,  quoi  de  plus  simple  et  de  plus 
régulier  qu'an  tel  système!  Figurez-vous  d'abord  trois  jàcultés,  dont  la 
seconde  sort  fie  la  première ,  dont  la  troiiièm^tert  de  la  seconde ,  exac- 
tement de  la  même  manière:  voilll  reotendement.  Figurex-vous  easiûte 
trou  nouvelles  fiuulté)  parallèles,  dont  la  première  sort  des  trois  réunies, 
comme  h  dernière  de  ces  trois  autres  sorloit  des  deux  piécédentes  ;  de 
telle  sorte  que  cette  première  làculié,  savoir,  le  désir,  dans  ses  deux 
transformations  progressives,  produit  -  la  préftrence,  puis  la  liberté, 
comme  09  avoit  vu  sortir  de  l'attention  la  comparaison,  puis  le  raison- 
nement :  voïh  la  volonté.  Volonté  et  «itendement,  Toi&  deux  signes 
distincts  à-Ia-fbis  et  correspojidans ,  qui  résument  leurs  facultés  respec- 
tives t  et  se  résument  elles-mêmes  dans  un  signe  plus  générait  ia  pensée. 
Ici  les  réalités  et  les  signes ,  les  idées  individuelles  et  ks  idées  abstraites  > 
se  prêtent  un  mutuel  apppui,  et  présentent  à  l'ceil  charmé  i'ispect  et  le 
jeu  du  plus  heureux  mécanisme.  Je  le  demande,  est-il  un  objet  de  la 
nimre  et  de  l'art  qui  se  compose  et  se  recompose ,  se  démonte  et  se 
remonte  avec  plus  de  souplesse  et  de  gr&ce,  et  dont  on  suive  les  mou- 
▼emens  avec  plus  de  l^ciliié,  que  l'homme  de  M.  Laromiguière!  £st-il 
un  édifice  dont  toutes  les  divisions,  les  compartimens  et  les  dessins  , 
Soient  plus  éËÇaleinenl,  plus  symélriquement  ordonnés  ;  oii  Tes  moindres 


OCTOBRE  1819*  ^07 

une  au^si  rigoureuse  identité  !  £n  vérité  »  la  nature  a  traité  Thomnie 
bien  favomblement  pour  la  métaphysique.  II  semble  qu'elle  Fait  fait 
ainsi  tout  exprès  pour  qu*on  pût  l'aiialyser  et  Texpliquer  d'une  manière 
si  simple  et  si  nette  à  Fatteniion  la  plus  superficielle,  qu'en  dépit  d'elle, 
elle  ne  pût  pas  ne  pas  le  comprendre*  Tant  que  la  nature  ne  sera  pas 
plus  grande ,  la  science  humaine  ne  sera  pas  bien  difficile.  Malheureuse* 
ment,  ou  heureusement  pour  nous,  il  n'en  est  point  ainsi;  et  quand  fa 
simplicité  du  système  de  M.  Laromiguière  ne  nous  défendroit  pas  elle* 
même  de  ses  propres  séductions ,  un  examen  attentif  et  Texpérience  nous 
démontreroient  que  le  système  du  savant  professeur  est  purement  arti- 
ficiel, qu'il  ne  i^pond  point  aux  chos^,  qu'il  réunit  ce  qu'il  fàudroît 
séparer,  et  quej  sur  plusieurs  points  importans»  les  fiuts  dérangent  sa 
belle  harmonie,  son  élégante  et  facile  structure. 

Nous  examinerons  d'abord  fentendement  et  ses  facultés,  lesquelles, 
selon  M.  Laromiguière,  sont  au  nombre  de  trois;  savoir,  lattention, 
la  comparaison,  le  raisonnement. 

Plus  nous  y  réfléchissons ,  moins  il  nous  est  facile  de  comprendre 
comment  Fintelligence  humaine  se  trouve  renfermée  toute  entière  dans 
ces  trois  facultés.  Il  ne  nous  paroît  pas  vrai  de  dire  que  l'entendement 
ne  soit  qu'un  mot,  un  pur  signe,  et  que  la  véritable  réalité  se  trouve 
dans  l'attention,  la  comparaison  et  le  raisonnement.  Être  attentif,  est 
sans  doute  une  condition  pour  comprendre  ;  il  faut  comparer  pour 
pouvoir  juger,  et  Fopération  du  raisonnement  amène  sous  les  yeux  de 
lesprit  des  vérités  cac4)ées  sous  d'autres  vérités  :  mais  ces  nouvelles 
vérités,  si  c'est  le  raisonnement  qui  permet  à  l'esprit  de  les  apercevoir-, 
Ke  n'est  pas  le  raisonnement  qui  les  aperçoit  ;  raisonner  est  une  chose, 
saisir  et  comprendre  les  vérités  de  raisonnement  est  une  autre  chose. 
L'affirmation  irrésistible ,  la  compréhension  vive  et  absolue  que  deux 
idées  se  conviennent ,  est  une  opération  tout  autre  que  celle  du  rappro^ 
cheiiientde  ces  deux  idées,  que  souvent  on  rapproche  très* laborieuse- 
ment, sans  pouvoir  en  surprendre  le  rapport.  L'att«ntion  la  plus  ferme, 
la  plus  soutenue,  n'est  pas  non  plus  cette  lumière  qui  nous  révèle  la^ 
vérité  à  la  recherche  de  laquelle  nous  appliquons  notre  attention. 
Au  fond ,  l'attention  n'est  qu'un  acte  de  volonté  ;  nul  n'est  attentif  qui  ne 
veut  l'être  :  mais  ne  comprend  pas  qui  veut  comprendre  ;  et  l'attention  ne 
contient  pas  plus  Tintelligence ,  que  la  sensibilité  elle-même  ne  contient 
Tattentioii.  Ainsi,  pour  expliquer  ma  pensée  par  un  exemple  vulgaire, 
avoir  les  yeux  ouverts  devant  un  livre  de  mathématiques,  percevoir 
l'impression  des  caractères,  être  affecté  de  toutes  les  sensations  qui 
sortent  de  l^  pré$enc.e  de  os  livre >  est  luie  condition,  et  même  une 


6o9  JOURNAL  DES  SAVANS, 

condition  préliminaire  indispensable  pour  que  l'esprit  puisM  découvrir  lie 
sens  intellectuel  et  mithématique  qui  y  est  contenu.  De  plus*  il  eti 
nécessaire  que  factivité  volontaire  >  profondément  distincte  fie  la  sensî- 
bîlité,  s'ajoute  belle,  et  se  diri^  lui-  les  pages  placées  aouinotyeuxi 
ilâut  que  l'atteimon i  vigilante  et  sévère,  écarte  les  sensati<As4lrrerMS, 
les  images,  les  idées,  toutes  les  dîsiractionf  qui  peuTcnt  s'interposer 
entre  iespritet  le  [ivre  :  aussitôt  que  i'œil  cesse  de  voir  et^oe  l^ttentiQtt 
défaille,  fesprit  t'arrête  et  cesse  de  comprendre.  Sentir -et  vouloir  «ont 
4onc  nécessaires  pour  comprendre:  mus,  tout  en  hKOHnoîssint  la  nécéil- 
tité  de  la  deuxième  condition  comme  de  la  première ,  il  né  faut  pa<  croire 
f{ue  la  volonté  suit  autre  cfiosequelacondition de  l'intelligence,  et  qu'elle 
.en  soit  le  principe;  ceseroit  uneconfîision,  trop  ordiiuire-îl  est  vr:ii,  mais 
très-  peu  philosophique.  Le  ftit  de  la  perception  de  la  vérité  se  cache  sous 
les  faits  plus  apparens  de  la  sensation  etde  la  volition ,  et  se  dérobe  d'autant 
plus  facilement  k  la  conscience,  qu'illui  est  plus  intime:  mais  cefiit  n'est 
pas  moins  réel  ;  il  contient  même  la  partie  la  plusélevée  de  la  natufe  hu- 
maine. L'entendement  est  une  faculté  spéciale  qui  n'a  son  principe  qu*en 
elle-même,  tout  comme  la  volonté  et  la  sensibilité.  Juger  du  vrai  ou  du 
faux,  juger  du  bien  ou  du  mal,  sont  des  actes  qui  n'ont  rien  h.  démêler 
avec  ceux  du  vouloir,  hira  qu'un  être  volontaire  libre  puisse  seul  les 
porter.  Je  veux  ou  je  ne  veux  pas ,  je  donne  mon  attention  ou  je  ne 
la  donne  pas;  ici,  tout  est  en  ma  puissance ,  et  rien  n'arrive  que  ce  qui 
pie  plah:  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  du  jugement.  Sans  doute  je  puis  juger 
ou  ne  pas  juger,  en  ce  sens,  que  je  puis  Mils&ire  ou  ne  pas  satiifiire  il 
Ja  condition  fondamentale  de  tout  jugement;  savoir,  Fatteilnon.  Mais, 
aussitôt  que  cette  condition  est  accomplie,  alors  pareît  un  fsit  diflférent 
du  premier,  et  dont  les  canctères  sont  tout-!i<fajt  opposés  :  le  premier 
est  libre,  le  second  ne  l'est  pas.  Ce  second  fait,  indécothposable  et 
pie,  est  la  perception  de  la  vérité;  perception  irrésistible,  à  laquelle 


OCTOBRE  1819.  <fcf  , 

constitue  pus ,  on  les  aperçoit.  Qui  donc  les  aperçoit!  Ce  o*e$t  aupim» 
des  facultés  de  fedtendement  »  seion  M.  Laromiguîè^e  :  ce  n'est  pas  le 
raisonnement,  puisque  ce  n'est  pas  fa  comparaison;  ce  n'est  pas  la 
comparaison,  puisque  ce  n'est  pas  l'attention  ;  ce  n'est  pas  lattentiou, 
puisque  ce  n'est  pas  (a  volonté  :  encore  unelfbis  qu'est-ce  donc!  Quelque 
chose  qui  a  échappé  à  l'analyse  de  iVL  Laromiguière  et  de  bien  d'autres 
métaphysiciens;  quelque  chose  qui  diâfère  autant  ide  la  volonté  qu'eUf 
même  diffère  <Ie  ia  sensibilité ,  qui  lient  intimement  à  la  pertonnaUté^ 
mais  qui  ^(tn  distingue  ;'  qui  gouverne  l'homme,  et  que  Thoii^mB  s» 
gouverne  ■  'pas  ;  pile  faculté  enfin  à  laquelle  on  peut  donner  tous  Ui$ 
noms  que  Ton  vobdhir  pourvu  qu'on/Ià  conserve  et  qu'on  la  déoriite 
fidèlement  :  l'intelffgence,  la  raison,  l'esprit,  l'entendement. 

Si  l'attention  ne  suffit  pas  pour  expliquer  l'entendement ,  il  est  fàcib 
démontrer  en  peu  de  mots  que  le  désir  ne  suffit*  pas  davantage  pouv 
expliquer  fa  volohéè ,  ^'et  nous  sommes  forcés  de  teconnoicre  dans  li 
seconde  partie  delà  théorie  des  facultés  de  i'ame,  d'aussi  graves  mal*^ 
entendus  que  dansi  Isi  première.  Les  facuhés  de  l'entendement,  tel  que 
le  conçoit  et  le  décrit  M.  Laromiguièrie^,  appartîent^eht  plus  à  la  vo^ 
lonté  qu'à  l'entendement,  puisqu'elles  reposent  sur  l'attention,  kqueiie 
est<arès-certaii>€nïem'une  faculté  volontaire.  Grj  chose  extraordinaire, 
quand  l'attention;  c'es^à•dfre,  la  volonté  développée  en  comparaison  et 
en  ranonneraent  ,'se  concentre  sur  un  objet  correspondant  à  nos.  besoins  i 
M.  La3x>miguière  prétend  qu'elle  dëirieat  le  désir  :  la  métainorph<9« 
est  impossible;  aucune  transformation  ne  ptut  convertir  l'attention 
en-desfr,  à<tt|otns  que  cette  attention  ne  soit  celle  de  Condillac»  c'est-» 
à-dirie,' involontaire  et  passive. -Dans  ce  cas,  la  transformation  est 
très*fàcile;  rien  n'est  plus  aisé  que  de  conivertir  le  passif  en  passif: 
mais  Taitendon  de  M.  '  Laromiguière  est  une  faculté  qui  n'a  rien  de 
passif,  une  force  dont  nous' disposons  à  notre  gré,  une  pui5san£e 
voiomaire.  Or  toimnenr  convertir  une  forer,,  une  puissance,  une  fit- 
culte 9  la  volonté  enfin,  dans  le  désir,  phénomène  purement  passif! 
En  présence  de,  tel  ou  tel  ob;et  correspondant  à  mes  besoins,  il  ^e 
produit  en  moi  le  phénomène  du  desii^:  ce  n'est  pas  moi  qui  le  produis  ; 
il  se  manifeste  par  des  mouveméns  souvent  jnéme  piiysiques  que  la 
sensibilité,  i'orgnnisatioii  et  la  finalité  déterniinent.  Il  ne  dépend  pas  de 
moi  de  désirer  ou  de  ne. pas  désirer  ce  qui  m^agrée  ou  me  déplaît* 
Je  puis  bien  preiidre  toutes  les  précautions  nécessaires  pour  que  le 
désir  ne  s'élève  pas  dans  mon  aine  ;  je  puis  bien  fuir  toutes  les  occasions 
qui  fexciteroient  :  quand  il  est  né,  je  puis  bien  le  combattre  ;  car  ma 
volonté I  qui  est;distinctetltt  desif ,  peut  lui  résister;  mais t.qiland  te  4^if 

Hhhh 


OCTOBRE  1819.  6ii 

endroits  >  s*est  frayé  des  seïitkra  nouveaux.  Ce  ounctèrei  que  nom 
avions  annoncé  dans  un  premTer  articie»  que  nous  venons  de  signaler 
4ans  fa  théorie  des  fàciihés  de.Tam^^  nous  k  retrouvons  encore  dans 
fe  système  des  idées ,  c*est-4  dira^  dans  les  produits  des  facultés  de  l'ame» 
auxquels  nous  consacrerons  un  troisième  et  dernier  article. 

V.  COUSIN. 


Théorie  ^tu  pa  y  s  âge  -,  ou  Cmsidératwns  générales  sur  les 
héaùiés  de  la  nature  que  Y  art  peut  imiter,  et  sur  les  moyens 
qu'il  doit  employer  pour  réussir  dans  cette  imitation  ,  paé 
J.  B.  Deperthes.  A  Paris,  chez  LeNormant,  libraire,  rué 
de  Seine\  n.^  8,1818,  in-^S.^  de  300  pages. 

L£  paysage ,  traité  isolément  comme  un  genre  de  peinture  il  part , 
ne  paroît  pas  avoir  occupé  une  place  distincte  dans  l*exercice  des  art» 
chez  les  anciens,  avant  le  règne d* Auguste,  époque  où  Ludius,  selon 
Pline ,  introduisit  à  Rome  Tusage  de  décorer  les  intérieurs  par  des  vue» 
de  scènes  champêtres ,  qui  étoient,  ii  la  rigueur  du  mot,  tel  qu'oiï 
Tentend  aujourd'hui,  des  paysages.  Les  descriptions. que  Pline  fait  des» 
peintures  de  Ludius»  ne  faissent  aucun  doute  «ur  \^.  réalité  du^  genna 
qu'il  cultiva ,  et  qui  embrassoit  aussi  celui  de  la  marine  ;  marititnas  urbe» 
pin  gère  instttttit.  Au  reste,'  ilneftudroit  pas^  entendre  par  les  mots  primas 
rnstituit,  que  Ludius  auroit  été  le  premier  qui  eût  imaginé  de  peindre  desi 
paysages.  Ludius ,  d*après  le  sens  évident  de  fa  phrase  entière  de  Fécrivain^: 
avoit  seulement  été  le  premier  à  introduire  {'usage  du  paysage  à  Romtf^ 
comme  objet  de  décoration,  sur  les  enduits  des  murs,  des  portiquca»: 
des  vestibules ,  et  même  des  parties  extérieures  des  bâtimeos.  -    } 

Beaucoup  de  peintures  antiques,  qu'on  appelle  arabesques,  nous  font» 
voir  le  pnysage  employé  dans  les  compartimens  de  ce  genre  d'orne- 
ment, et  le  goût  des  compositions  dé  Ludius,  telles  que  Pline  les> 
décrit,  semble  y  avoir  été  reproduit  et  copié  en  petit. 

Mais  les  Grecs,  dans  fe  bel  âge  de  leur  peinture»  avoient-ils  hit  un 
genre  à  part  du  paysage!  C'est  une  question  à  laquelle  on  ne  peut 
répondre  que  par  conjecture.  Qu'ils  aient  pratiqué  en  détail  et  imité: 
partiellement  tous  les  objets  dont  se  compose  le  paysage,  on  ne  sauroic 
le  révoquer  en  doute,- puisque  tous  ces  objets , entroient  oomme  parties 
nécessaires  des  ibnds  de  feurs  tableaux ,  ou  comme  accessoires  égale* 

Hhhh  a 


OCTOBJIE  1819.  61} 

beautés»  soit  dans  la  nature,  soit  dans  l'application  qu'en  ont  faite  les 
chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres. 

M.  Deperihes  vient  de  concevoir  ce  projet ,  et  il  l'a  exécuté  avec 
autant  de  goût  que  de  méthode* 

Ce  n'est  pas  un  traité  élémentaire  qu'il  a  eu  l'intention  de  composer; 
un  ouvrage  de  ce  genre»  quelque  méthodique  qu'on  le  suppose,  ne 
pourroit  jamais  suppléer  aux  leçons  du  maître.  II  y  a  dans  tous  les  arts 
du  dessin  un  enseignement  pratique ,  dont  les  livres  ne  sauroient 
transmettre  lobjet,  ni  même  indiquer  l'esprit.  Quiconque  prétend 
donner  par.  écrit  des  leçons  et  tracer  des  règles  à  l'artiste ,  doit  le 
supposer  déjà  avancé  dans  son  art  »  et  parvenu  k  ce  degré  où  il  peui 
recevoir  cet  enseignement  supérieur  qui  doit  diriger  son  esprit  et  son 
goût  plus  que  sa  main. 

C'est  à  ce  point  que  M.  Deperthes  .veut  que  soit  parvenu  Féfève 
auquel  il  destine  sa  théorie. 

Il  l'a  divisée  en  deux  parties,  et  chacune  est  subdivisée  en  deux  sujets 
d'observations. 

Dans  la  première  partie ,  l'auteur  fait  faire  à  son  élève  deux  cours 
d'étude  de  paysage.  Le  premier  se  rapporte  sur-tout  à  l'étude  du  ciel , 
qui  ocaipe  une  pls^ce  si  importante,  et  joue,  pour  ainsi  dire ,  le  premier 
rôle  dans  ce  genre  d'imitation,,  puisque  dans  le  tableau,  comme  dans 
la  nature,  c'est  du  ciel  que  vient  la  lumière,  et  que  cette  lumière,  qui 
est  lame  de  la  peinture,  éprouve  et  &it  éprouver  aux  objets,  ainsi  qu'à 
leurs  efïèts,  des  variétés  et  des  modifications  sans  nombre. 

Mais  ces  variétés  se  réduisent  à  quatre  principales,  que  désignent 
les  quatre  parties  du  jour.  C'est  d'abord  au  lever  du  soleil  que  l'auteur 
donne  sa  première  leçon  :  il  &ut  l'y  suivre  pour  bien  sentir  les  difficultés 
que  ce  montent  du  jour  présente  à  l'imitateur  ;  ces  difficultés  ont  leur 
principe  dans  cette  espèce  de  voile  mystérieux  dont  la  nature  s'enveloppe 
alors,  voile  dont  le  tissu,  dit  l'auteur,  est  assez  transparent  pour  laisser 
entrevoir  tous  ses  charmes,  et  pas  assez  pour  que  Ton  puisse  distinguer 
facilement  les  linéamens  de  tous  ses  traits.  Cet  instant  du  jour  est  celuj 
qui  convient  sur*tout  aux  études  de  la  perspective  aérienne. 

Le  milieu  du  jour  est  le  moment  où  l'étude  de  la  nature  présente  le 
moins  de  difficultés  réelles;  l'artiste  doit  en  profiter  pour  saisir  les  objets  - 
tels  qu'ils  existent.  Si  effectivement  chaque  objet  alors  est  visible  sans 
aucune  altération ,  c'est  alors  aussi  qu'il  est  plus  facile  de  remarquer 
d'abord  les  innombrables  variétés  de  formes  et  de  teintes  répandues  dans 
toutes  les  productions,  ensuite  cette  harmonie  qui  lie  toutes  les  parties 
entre  elles,  même  les  plus  disparates.  Cette  magique  union  s'ocre  par 


•OCTOBRE  tSip.  6ij 

raisons.  On  sait  que  les  arbres  sont  le  princq)al  ornement  des  paysages: 
mais  Tétude  des  arbres,  comme  celle  du  corps  humain,  a  aussi  son  ana«- 
tomie;  et  comme  la  sdeiKe  des  muscles  ne  sauroit  s*iicquérir  sur  les  corps 
vivans ,  il  faut  de  même  étudier  i  arbre  dans  cette  sorte  d'état  de  mort 
ov  Tbiver  semble  le  réduire,  après  l'avoir  dépouillé  du  feuillage  qui^ 
pour  l'œil,  lui  donne  la  vie  :  car  comment  conroltre  la  forme  des 
grandes  branches ,  et  la  véritable  disposition  des  plus  petits  rameaux» 
lorsque  toutes  ces  parties  coordonnées  les  unes  aux  autres  sont  re^ 
couvertes  des  vétemens  dont  la  végétation  les  pare  l  II  faut  donc  étu- 
dier la  structure  de  l'arbre  dans  la' seule  saison  de  l'année  oii  l'œil 
peut  la  saisir,  depuis  la  naissance  .du  tronc  jusqu'à  la  sommité  des 
branches  les  plus  élevées.  Cette  étude  d'hiver  s'étend  aussi  à  celle  des 
formes  et  des  couleurs  de  l'écorce  de  chaque  genre  d'arbres  ;  et  c'est 
parnuie  suite  répétée  d'observations  recueillies  dans  cette  saison ,  que  le 
paysagiste  apprendra  à  distinguer  et  à  rendre  le  caractère  propre  à  la 
constitution  de  chaque  arbre,  soît  qu'il  ait  ses  feuilles,  soit  qu'il  en 
soit  dé]x>uiiJé. 

Le  printemps  va  rendre  plus  de  charme  à  ses  études  et  leur  donner 
plusd*étendue.  Aux  yeux  du  vulgaire,  la  verdure,  qui  pare  les  champs, 
les  coteaux^  les  vergers,  les  prairies,  n'offre,  pour  ainsi  dire ,  qu'une  seule 
et  même  teinte.  Ce  quiparoît  si  agréabfe  aux  yeux  dans  la  nature,  seroît 
pourtant  d'un  effet  très-fâcheux,  dans  l'imitation;  car  rien  ne  déplaît 
plus  dans  u^  paysage  que  l'abus  des  teintes  vertes:  aussi  rien  de  plus 
difficile  queàe  réussir  à  exprimer  en  peinture  le  charme  du  printemps.  L'art 
du  paysagiste,,  en  étudiant  ces  teintes  d'un  vert  tendre,  est  d'y  découvrir 
les  variétés  qu'elles  renferment,  et  d'en  faire  ressortir  les  nuances. 

L'é^é  f|jrésçme  au  paysagiste  la  nature  sous  les  traits,  si  l'on^peut 
dire„  formés  de  l'âge  viril.  Chaque  ob/et  de  l'imitation  a  acquis  sa  forme» 
sa  couleur  déterminée,  son  développement  et  un  aspect  durable;' 
cexte  i^^on  est- cfdie  oii  l'on  doit  mettre  en  pratique  les  leçons  de 
f hiver,  dans  la  conformation  des  arbres;  mais  il  faut  en  profiter  aussi 
pour  l'étude  d'une  multitude  de  plantes  ,  qui  n'ont  pris  qu'alors  leur 
accroissejnent , qui  ont  acquis  toute  leur  beauté,  et  qui  doivent  jouer 
un  rôle  important  sur  les  prefniers  plans  du  tableau,  dont  elles  sont 
destinées  à  être  en  quelque  sorte  l'avant-scène.  Le  temps  de  l'été  est 
celui  où  la  lumière  la  plus  vive  éclaire  tous  les  objets  circonscrits  dans 
l'horizon ,  où  la  chaleur  produit  le  plus  de  ces  phénomènes  qui  semblent 
hors  de  la  puissance  de  l'imitation*,  des  deux  embrasés,  des  masses  de 
nuages  qui  recèlent  la  foudre,  de  ces  vents  impétueux  qui  font  ployer 
les  fmréts  et  soulèvent  des  tourbillons  de  poussière.  C'est  dans  cette 


ioit  en  les  ornant  de  monuinens  empruiiiés  aux  arts  de  Pàntiquîté,  sorT 
en  y  reproduisant  des  allégories  tour-&-tour  ingénieuses  ou  louchaiifes/ 

Autant  il  a  él^  fàdie  de  suivre  la  marche  didactique  de  Tauteiir  danrf 
la  première  partie  de  son  Traité,  autant  on  auroit  de  peine,  sur-tout  dans 
nnarticlede  journal,  à  rendre  compte  d'une  suite  d'observations  suggérées' 
parla  vue  des  chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres,  observations  dont  il 
avQUe  lui-même,  en  plus  d'un  endroit,  qu'on  ne  sauroit  faire  passCT  la 
valeur  dans  (e  discours  :  tant  les  beautés  qui  s'adressent  aux  yeux ,  ont 
de  peinç  à  trouver  des  éqiiivalens  qui  les  rendent  sensibles  k  l'esprit  ! 

Au  fond,  cette  seconde  partie  n'est  que  l'application,  démontrée  par 
les  ouvrages ,  des  études  dont  la  première  partie  a  fait  sentir  l'iinportanca 
et   prescrit  l'ordre. 

On  sent  combien  le  sujet  de  cette  théorie  pouvoit  prêter  aux  descrip- 
tions et  aux  abus  de  ce  genre  descriptif  qui  fatigue  si  prompiement,  sur- 
tout en  prose.  Il  faut  savoir  grék  l'auteur  d'avoir  su  en  éviter  l'affectation 
ei  l'excès.  L'ouvrage  se  recommande  par  une  juste  mesure  de  raison  et 
d'imagination,  de  goût  et  de  sagesse,  de  préceptes  mis  en  action,  et 
d'exemples  soumis  à  la  critique.  Il  sera  agréable  à  ceux  qui  ne  demandent 
aux  ans  que  du  plaisir,  utile  h  ceux  qui  veulent  raisonner  leurs  jouis- 
sances, profitable  aux  amateurs  pour  éclairer  leur  goût,  nécessaire  au* 
artistes  pour  perfectionner  leurs  études,  diriger  leur  Jugemenlei  féconder 
leur  imaginaiiou. 

QUATREMÉRE  DE  QUINCV. 


Voyage  en  Perse,  fait  dans  les  années  iSoy ,  1808,  i8o$ , 
en  traversant  la  Natolie  et  la  Mésopotamie ,  depuis  Constan- 
tinople  jusqu'à  l'extrémité  du  golfe  Persique ,  et  de  là  à 
Iréwan ;  suivi  de  détails  sur  les  mœurs,  les  usages  el  h  com- 
p.'ercc  dés  Persans;  sur  la  cour  de  Thèhran;  d'une  notice  des 
tribus  de  la  Perse  ;  d'une  autre  des  poids ,  mesures  et  monnoies 
de  ce  royaume,  et  enfin  de  plusieurs  itinéraires  ;  accompagné d' une 
carte  dressée  par  Lapïe.  Paris ,  Denlu  ,  1 8  i  p ,  a  vol.  iit-S.* 

Le  nombre  des  voyageurs  européens  qui  ont  visité  la  Pei^e  depuis 
!e  temps  de  Chardin ,  est ,  dès  k  présent,  assez  considérable ,  et  dei  hom- 
mages unanimes,  rendus  par  des  savans  de  toutes  les  nations  à  l'exacti- 
tude de  l'observateur  français,  prouvent  que  la  reiation  de  ce  dernier' 

itii 


6tt  JOURNAL  DES  SAVANS, 

tfH  epçqn  ;|UHlurcf(iui  fo't&bleiii  le  plû«  lidjïle.  .comme  le  plus.  CQfnpIet 

tt«iita,ipi,:9W»d  tut  ifa  t^rohjiww,  nut  i<U)  <fttiigeM^w  wwiw» 
djil»  h.y>Bee  iDtfaicBm^t  t'wVwWnwiw  «■rMfntTfi.Bmtiitfm  at&vl 
lis  ffcnfc^emeai  les  fAjÈ  «m»  «h»  wmytt  Iw-ply  jwHrirnww 
p(nv„e»'T(^|igeiir  çompK  Cbfv^.  «  Qw  d«  '^«gepni.ciHUve  Pml 

Teni  .Qowipa  de  répéici  ,4p  DQt  foirs  »  H  ^  n^«xpilniMi  ÎMi^afttnEQl 
■axiiipgnuKl  mépris  pour  PaatLocUt  qw.i^étpitp««>k  tonipmidR» 
lift-  voya^ar  sini  raériie.  Oa  dote*  amni  iwt^  iiutice  à  ses  àmaden  i 
et  c'est  ce  que  Paul  Lucas  n*a  pu  toufonn  (J>teno  de.  tttm  tpi  ont 
nuiiché  svr  ses  traces. 

C*e«t  dtHic  la  matière  d'an  préjugé  iiivonble  pour  Fautew  Ai  non- 
vew  Voyagfr  .en  Pêne-,  que  de  le  Toir>  dés  h.  piemiére^  W^  P"^ 
^Qiei  Jvuîetnetu^.ton  .eithm  pour  celui  de  ses  prédéccaseum  qoj  .4  le 
fhi*  coosibué  à  nous-  lâire  connoitre  la  Perse.  «Les  portraits'  tncét 
ip  p*r:tr  Toyagcur  du  liéclb  de  Louis  XIV  «  dh  le  voyi^eur  nodjenie, 
3»iont  eocon  lesserablms. . . .  On  ne  peut,  suivant. lui^  rien  ajouter 
»xn.  temaïques  de  Oiardin  sur  les  mtcun,  le  gouvomeiDent  et  les. 
a*  ans  des  Persans.»  Si  cela  étoit  rigoureusement  yrù,  la  publication 
de  tant  de  nouveaux  voyages  «depuis  celui  de  Chardin, .poWToilpatoltra 
superflue»^  e^-  Tauleur  Jui-méme  auroit  sujçt  de  craindre,  comme  il  le 
dit,  d'avoir  tiit  une  entreprise  téméraire,  en  donnant  au  public  sa  rela- 
tion; mais  c'est-Ià  ponsser'trnpfeni'is'modestie.  Il  y  a,  et  il  y  aun 
long-temps^ncore ,  beaucoup  à  apprendre  stir  la  Perse,  même  sur  les 
points  qui  orit  été  le  mieux  approfondis  :  c'est  pour  cela  qu'il  6ut  que 
les  travaux  de  détail,  les  descriptions  psrttelles,  les  observations  minu- 
tieuses s«.  multiplient  et  s'accumulent;  et  quoique  la  relation  que  nous 


F«vint  pli 
TnHiites.à  BenderAbb 


OCTOBRE   1819.  <5i? 

P^iie  après  coup,  offre  le  produit  de  recherches  que  l'auteur  doit  avoir 

iMlreprises  k  son  retour;  et  c'est  presque  tou)ours  sur  des  considératioRs 

'e  ce  genre  que  portent  Ici  remarques  critiques  que  nous  avons  faites 

ti  lisant  cet  ouvrage,  et  dont  nous  nous  bornerons  à  indiquer  un  petit 

riiombre  dans  le  cours  de  noire  analyse. 

Ce  fût  ie  8  septembre  1807  que  l'auteur,  à  peine  de  retour  d'un 
jwyage  sur  la  côte  des  Abkhas,  partit  de  Consiantînople  pour  se  rendre 
à  Bagdad,  en  traversant  l'AnatoHe,  le  ipays  de  Rouni  et  le  Kurdistan. 
Après  un  mois  et  demi  de  séjour  i)  Bagdad,  le  voyageur  en  repartit 
'Ur  se  rendre  à  .Hampdan,  eh  passant  par  Kirmanschsh,  puis  à  Ispv 
n  et  à  Scbiraz;  cette  dernière  vilfe  fut  pour  lui  un  centre  auquel  U 
rs  fois ,  après  diverses  courses  dans  les  contrées  environ- 
",  Bender  Bouschir^  J'ile  d^Ormus,  Yezd.  Re- 
'emi  à  Ispahan,  Tauleur  en  partit  pour  visiter  les  villes  septentck»- 
Oales  de  la  Perse,  Thehran,  Kaswin,  Soultanièh,  Tauriz,  Nakhscbivaii 
et  Erivan.  C'est  dans  cette  dernière  ville  qu'il  termine  le  îoumal  dp 
•on  voyage,  la  i,^'  mai  1809,  On  voit,  par  ce  court  extrait  de  son 
itinéraire,  quil  a,  dans  l'espace  de  dix-huit  mois,  traversé  les  provinces 
les  plus  remarquables  de  l'empire  persan  dans  différentes  directions», 
Visité  un  assez  grand  nombre  de  villes,  et  séjourné  dans  les  plus  c^ 
lèbres.  Les  occasions  ne  lui  ont  pas  manqué  pour  faire  de  bonnes  et 
miles  observations;  et  on  lui  doit  la  justice  de  dire  qu'il  n'a  négligé 
aucune  de  celles  qui ,  étant  relatives  aux  détails  de  la  route,  ou  aux  pro- 
ductions du  pays,  ou  aux  objets  de  négoce,  peuvent  être  de  quelque 
avantage  pour  le  commerce  et  la  géographie,  '   ■ 

£ti  général ,  l'auteur  s'est  attaché  avec  beaucoup  de  soin  Jt  marquer  les 
stations  et  les  distances.  Son  journal  offre  ainsi  jes  noms  d'un  grand 
nombre  de  villages,  dont  la  suite  non  interrompue,  dans  les  diffTérenies 
routes  qu'il  a  parcourues,  n'est  pas,  pour  la  géographie  de  la  Perse,  une 
«cquisiiion  sans  importance.  Son  atteniion  à  recueillir  les  particularités 
de  son  itinéraire  ne  s'est  démentie  que  dans  un  petit  nombre  de  cas.  Aft 
«ommencenient  de  sa  route,  pourtant,  il  nous  paroît  avoir  laissé  échapper 
une  légère  omission,  que  nous  relèverons  :  en  sortant  de  Mclitène,  ce 
ne  sauroit  être  le  Mourad-tchaï,  mais  TEuphrate  lui-même,  que  I* 
*oyageur  a  passé  sur  un  bac ,  et  qui  peut  avoir  en  cet  endroit  soixante- 
dix  mètres  de  largeur.  Le  premier  nom  est,  comme  le  Remarque  pJus 
bas  l'auteur,  la  branche  venue  de  Bayazid,  laquelle  se  joint  à  l'Euphrate 
proprement  dit,  et  en  reçoit  le  nom  avant  d'arriver  ^  Mêlilène.  Notre 
voyageur  semble  aussi  avoir  donné  naissance  k  quelque  confusion, 
quand  il  compte  au  nombre  des  torrens  qui  arroseat  la  Mésop9taiDte, 

liii  a 


OCTOBRE  1819.    '  621 

appelé  Talerwtn,  situé  à  trois  lieues  de  Merdin:  ce  noni\qu*iI.>n*expMque 

pas,  doit  être ;iu  ^j  fjûi ,  et  signifie  colline  des  Arminiens, 

.Si  Tauteur  a  réporté  à  une  époque  qu'on  peut  juger  trop  reculée  h 

iibn^atfon  de  Diarbekir,^  il  a,  en  revanche,  donné  une.  origine  trop 

jnoderne  à,  ISissibin.  Selon  lui ,  elle  fut  bâtie  au  temps  de  Septime  Sévère , 

ppur  ^Tïèi^  les  ravages  des  Parthes.  Cette  ville  célèbre  est  certainement 

plus  ancienne^ que  les  Parthes»  puisque  Strabon,. dans  un  passage  que 

j'aû^ur.^Iui-méme  cite  quelques  lignes  plus  t>as,  dit  que  Nissibin  fuit 

^mmée  par  les  Macédoniens  .Antioche  de'  Mygdonie  (1).  J*îgnore  ce 

,^'9in  doit  entendre  par  ce  que  Tàuteur  ajoute  :  qu'on  ne  sait  ptrs  d'uif^ 

^anihe  certaine  si  ce  furent  les  empereurs  grecs  qui  y  établirent  une  coloftit 

macédonienne.  11  y  a  de  même  une  apparence  d'anachronisme»  au  moins 

dans  les   teripes»  dans  ce  qu'il  dit  de  Torigine  des  Curdes,  qu'il  fait 

«descendre  des  Parthes.  Personne  n'ignore  que  les  Curdes  sont  pour  le 

^pins  cont;;n]porains  des  Parthes  »  et  que  Xénophon  parle  d'eux  sous  ua 

i)oif|  qui  diffère  à  peine  de  celui  qti'ils  ont  conservé,  jusqu'à  présent  (a). 

Deux;  autres  villes  de  ces  contrées  ont  encore  été  l'occasion  de  iégiiies 

;inéprises  :  le  nom  de  Diarrabiah,  qui  désigne  une  des  quatre  régions  de 

ia  Mésopotamie  (})»  celle  dont  Nisibe  est  la  capitale,  s'est  changé  en 

Mebbia;  ce  fut  jadis»  dit  l'auteur»  une  colonie  romaine»  dont  on  \Q\t% 

suivant  lui»  (es  ruines  au  sud-^est  du  mont  Sindjar»   entre  Nisibe  ejt 

^losoul  :  mais  jamais  il  n'y  eut  de  ville  du  nom  de  Rebbia  parmi  les 

colonies  romaines  »  et  ce  nom  niême  estévidçmraent  corrompu.  Kerkouk» 

dans  laquelle»  sans  motifs ^sulSisans »  à  notre  avis»  le  voyageur  veut  voir 

ie  Çprcura  de  PtoIémée,^n'étoit  pas  autrefois»  comme  il    le  dit»  la 

^capitale  du  Sct^eherzour  »  car  '  ce   dernier  nom  désigne  une  ville  du 

Kurdistan.  Je  prendrai  ailleurs  un  dernfer  exemple  des  difficultés  qu'on 

peut  faire  à  Fauteur  sur  ses  recherches  relatives  à  la  géographie  ancienne. 

,On  v.oit^  suivant   lui»  près  du  viftix  Bas^ora»    beaucoup   de  ruines 

aocîennes  qu'on  çr9it  appartenir  à  Fantique  Teredon»  *  autrement  la 

Pattacopas  d'Arrien:  mais  la .  Pallacopas  d' Arrien  ëtoit  un  canal  dérivé 

de  FEuphrate  (4) >  et  non  une  ville» les  ruines  dont  ii  s'agit  ne  sauroienc 

jdonc  lui  appartenir. 

'      ,  '    .  ■  ■  ■■■''"  '     '  .        ■ 

(1)  L»  XVI j  vbi  suppd,  —  (2)  Koflu^t.  Vid.  Expcd.  Cyr.  /  iji,  r.  jy  /.  iv. 
Ci  i^et^  alibi,  — T  (j)  p  Herbelot,  BibL  Or.  au  moi  Diarbekr.  ^ 

mtiyif  4c  isifgÊd  itvfnfâif.  Arr.  de  Eoip,  Alex.  A  VU  ,c.  21,  ed,  Gronoi). p,  jo2,  — 
Ahiiea  donne  en-  cet  endroit  ùdc  description  assez  détaillée  du  canal  nommé 

J^jdlacÔMj.  .     ,       .       .  "      . 


iix 


JOURNAL  ÔÈS  SAYÀNS, 


Après  toutes" ces  observaiions,  qui  ne  portent,  ainsi  que  fe  favois 
annoncé,  que  sur  des  niinuiies  géographiques ,  mais  qu'il  seroît  aisé  de 
multiplier  encore,!!  y  auroit  de  l'injustice  il  ne  pas  indiquer  les  punies 
<e-1a  relation  qui  offrent  une  véritable  et  solide  instruction,  «  ou  le 
wyigtur  Se  montre  observateur  exact  et  attentif  &  rassembler  des  noiîortS 
titiifls.  Nous  citerons  plus  particulièrement  tes  articles  relatifs  au  cominerct 
de  Bagdad,  de  Bender  Abbassi  et  de  Bender.  Bouschir  L'aulcur  a  pris 
witl  de  résumer  dans  un  chapitre  exprès  ses  observations  siir  cette 
IRUière.  On  remarquera  sur-tout  ce  qu'il  dit  du  commerce  d'importation 
>^'aiieu  de  (a  Boufch.irre  et  du  pays  des  Kasaks  en  Perse,  el  dont  les 
•pftincipaux  objets  sont  l'indigo,  l'acier,  la  rimbarbe,  le  lazuliihe  et  (es 
«çhils.  L'indigo  vient  du  Moullan,  et  3e  Djampôur,  dans  le  pays  des 
Afghans ,  et  il  est  transporté  par  Kandahar  et  Hér^t  dans  la  partie  de  (a 
Perse  qui  forme  les  états  de  FetK-Ali-Sébalj^  L'ricfer  dbnt  on  bit  .M 
fimeux  sabres  de  fx  Pèfib,  lie^yîeni  pks/WniHR  TtH(Ç4Et  glielftfék 
voya^rs,  de  certaines  mines  du  KhOralian; 'iiiàU'itelt  Hredé'-Iibot'* 
tf<Â  dnTaf^rte  siuj  h  formé  de  ifi^ùei.  lia  VKab^i^>'>^  l^<>ii'e^ 
fauteiir .  rient  dit  pays'des  Usbeks  et'de  h  pt^Tiilceâe  Tàngiit  :  tiiaur  fl 
leroît  plus  exact  de  dire  que  cette  tàdtie  tnédidnafe  est  apportée  dei 
frontières  de  la  Chine ,  au  trarers  de  la  Tartarie ,  car  H  riWtroft  pas  daàs 
le  paysdesUsbeks;  et,quanlïta  proriridé  de  Tingtiti  dont  la  noiA 
a  pii  se  perpétuer  par  h  traffiiioA  chez  fel  géo'graplies  et  les  commerçans 
oiientatn,  il  y  a  près  de  six  cents  ans  ,que.  .cette  dépbiniliaiion  est 
incbnntM  dans  tes*  régiotis'olt  elle  aTohf^s  nanikilfx.  .''''- 

La  notice  is^  détaille  que  Taut^af  doiuie  sbrle»  KfaJs  de 
Kascfamire,  métîte,  sur-tout  en  ce  tnomeht,  de  fixer  Taneiùion  des 
lecteufs.S^ivantnotre  voyageur,  ces  schab  sont  faits  avec  le  potides 
chèvres  qu'on  trouve  dans  le  district  de  Lass  Lasa ,  pays  de  Khotan% 
—         ~  .    .     .      ^ 


OCTOBRE   iSip.  î 

faciures,  accompagne  le  propriétaire  à  la  douane,  et  c'est  sur  une 
estimation  arbitraire  et  ordinairement  ouiiée,  que  le  percejJieur  fixe 
luî-niéine  le  nouveau  droit  àpayer.  De  cette  manière,  la  fabricniion  est 
plus  onéreuse  qu'utileà  ceux  qui  s'en  occupent;  et  ces  étoffes,  qui  font 
la  réputation  du  Kaschmire,  et  enrichissent  les  mains  par  lesquelles  elles 
passent  pour  arriver  jusqu'en  Europe,  assurent  à  peine  la  subsistance  des 
tisserands  qui  les  ont  faites.  On  envoie  les  scbals  par  ballots  de  cent 
cinquante,  qu'on  nomme  btJri.  Ces  ballots  sont  portés  de  Kaschmire  à 
Peïschawer,  le  plus  souvent  à  dos  d'homme;  car  la  route,  qui  a  vingt 
iournées  de  caravane,  n'est  presque  nulle  part  accessible  aux  mulets 
mêmes ,  à  cause  des  moniagnes  à  pic ,  qu'il  faut  gravir  avec  des  échelles , 
et  des  précipices,  qu'on  passe  avec  des  ponts  suspendus,  A  chaque  siaiiou, 
il  y  a  un  droit  de  péage  qui  n'est  point  fixe,  de  telle  sorte  qu'un  sch:;! 
rendu  à  Peïschawer  a  déjà  payé  quelquefois  jusqu'à  vingt  roupies,  ou 
cinquante  francs,  seulement  pour  les  droits.  De  Peïichawer  on  iraiisporie 
les  schalsà  Kaboul,  où  ils  sont  assujettis  à  un  droit  de  deux  et  denii 
pour  cent.  lis  passent  ensuite  à  Tebès  et  à  Mesch-hed,  où  ils  paient  le 
même  droit.  A  ces  frais  il  faut  encore  ajouter  le  prix  du  transport  tl 
les  autres  droits  de  péage  et  de  douane  dans  l'intérieur  de  la  Perse» 
les  risques  que  les  caravanes  courent  d'être  pillées  par  les  Kirgis  et  les 
Turkomans,  dont  il  faut  acheter  la  protection,  à  raison  de  quatre  roupies 
par  schal ,  les  dangers  que  font  aussi  courir  aux  caravanes  les  troubles 
qui  agitent  le  pays  des  Afghans,  enfin  Je  transport  par  la  Géorgie  et 
la  Russie,  ou  par  Bagdad,  Arz-roum  et  Consiantino)>Ie.  On  voie  que 
l'opération  qui  dispensera  de  tant  de  frais  et  de  risques  dans  le  comjnerce 
des  schals,  offrira  des  avantages  réels  et  immenses,  et  sera  une  véritable 
conquête  pour  Tindusirie  européenne.  La  race  qu'on  a  introduite  eti 
France,  en  ces  derniers  temps,  ne  vient  pas  du  1  ibei,  et  peut  n'élre 
pas  absolument  identique  k  la  race  dont  parle  notre  auteur  dans  cette 
partie  rie  son  ouvrage,  et  dont  on  va  chercher  la  toison  avec  tant  de 
peine  dans  les  montagnes  qui  sont  au-delà  du  Kaschjnire  :  mais,  si  la 
laine  est  égale  en  beauté,  le  but  essentiel  sera  atteint,  et  les  points 
sur  lesquels  il  pourra  rester  des  doutes,  seront  uniquement  du  ressort 
des  géographes  et  des  naturalistes. 

Après  ce  résumé  sur  le  commerce  qu'on  peut  faire  en  Perse,  on 
trouve  un  chapitre  consacré  à  la  comparaison  des  mœurs  des  Per- 
sans et  de  celles  des  Turcs,  et  trois  autres  chapitres  d'un  intérêt  plus 
réel  encore,  parce  qu'ils  sont  exclusiveinent  remplis  de  faits.  L'un, 
composé  en  gronde  partie  de  détails  communiqués  à  l'auteur  par 
M.  jouannin^est  un  éiat  des  utbus  militaires  établies  en  Perse;  l'autre 


fiî4  JOURNAL  DES  SAVANS. 

mite  des  poids ,  mesnret  et  moimoiei  de  ce  payt.  Le  dernier  est  (ine 
coIlecdoDdltinénîreii  non-seuleniait  de  ceux  ^ue  rtuieur  a  pu  dresfer 
luHnéme  en  pirconrint  la  Perse,  nuis  tusu  de  pliuieon  autres  qu'il 
ft  rassemblés  duis  son  Voyage,  L'it^  dtt  trihit  mtfiiMhet  est  déjà 
coana  par  quelques  extraits  (i)  :  on  y  trône  ces  trSitis  (Jkttécs  selon 
ia  langue  qu'elles  parlent,  en-  quatre  divisions  00  70*^/,  là  hl^né 
turque ,  la  kurde,  l'atâbe  et  la  hure.  La  ptemière  tHnsion  contient  trente* 
IMuf  tttbos  principales  i  et  unassea  gnnd  nombre  de  biaikfaes;<miiij 
4iqne,  autant  qki'ti  est  possible,  lelimle  pfas  hâhitoelide  (a  résidence 
de  diactuie  d'elles,  et  le  rfombre  d'iodivîdus  dont -elles  se  coinposau> 
On  a  suivi  la  même  métljode  à  f^ard  deg  dis  tribus  de  la  langue 
knrde ,  des  huit  tribus  de  la  langue  anbe ,  et  des  seize  principales  tribus 
de  la  langue  laure.  Cette  liste,  plus  exacte  et  plus  complète  qu'aucune 
de  celles  du  même  genre  qu'on  trouve  dans  les  autres  livres  imprimés , 
qSre  un  talileau  fort  intéressant  de  la  partie  de  la  population  de  la  Perse 
qui  a  conservé  un  genre  de  vie  nomade.  C'est  encore  un  morceau  fort 
important  que  la  table  des  poids,  des  mesures  et  des  monnoies,  soit 
de  compte ,  soit  réelles ,  en  usage  dans  dilTi^renies  provinces  de  la  Perse , 
avec  leur  évaluation  rapportée  aux  dénominations  européennes.  Les 
règles  et  les  usages  relatifs  au  titre  et  au  cours  des  monnoies  sont 
fob^t  de  ïeman^es  d'une  grande  utilité. 

Quant  aux  itinéraires,  les  uns  offient,  comme  je  Td'dit,  le  résumé 
de  la  route  suivie  par  Fauteur  :  tels  sont  ceux  de  Conitantinople  k 
Bagdad,  de  Bagdad  h  Kerman-schah,  de  Kerman-schah  h  Hamadan,&c.; 
les  distances  sont  évaluées  en  heures  de  chemin  ou  vafarstng,  mesures 
qui  passent  l'une  et  fautre,  par  approximation,  pour  vaToir  une  lieue 
et  demie  de  post^.  Les  autres ,  qui  sont  au  nombre  de  trente^epl ,  con- 
tiennent les  mêmes  évaluations,  et  donnent  par  conséquent  la  distance 
d'un  grand  nombre  de  villes  et  de  villages  de  la  Perse,  et  même  de 


OCTOBRE  1819.  62s 

tssez  grande  simplicité ,  et  n'offre  que  dans  un  petit  nombre  de  passages, 
des  traces  de  cette  recherche  dans  les  idées  et  dans  le  style  qui  a  toujours 
l'air  de  l'affectation ,  et  qui  est  sur-tout  déplacée  dans  des  ouvrages  de 
cette  nat^re.  Par  une  autre  dérogation  k  Fusage,  l'auteur  a  rédigé. 
une  bonne  table  des  matières  contenues  dans  ses  deux  volumes  ;  sorte 
d'accessoire  qu'on  néglige  trop  souvent  de  nos  fours,  quoiqu'il  soit, 
éminemment  utile  dans  les  livres  où  il  y  a  tant  de  noms  de  lieux,  xle 
villes  et  de  villages,  de  montagnes  et  de  rivières. 

En  terminant  cet  extrait ,  nous  croyons  devoir  apprendre  à  nos  lecteurs 
que  fauteur,  qui  a  gardé  l'anonyme,  est  M.  Adrien  Dupré,  Fune  des 
personnes  qui  ont  été  attachées  à  la  légation  du  général  de  Gardane. 
Plusieurs  feuilles  et  journaux  périodiques  nous  ont  donné  à  cet  égard 
l'exemple  de  l'indiscrétion;  mais  nous  risquerons  d'en  commettre  une 
nouvelle,  en  annonçant  à  nos  lecteurs  que  M.Dppré  s'occupe  en  ce 
moment  d'un  second  ouvl'age  qui  ne  sauroit  manquer  d'être  ^vorabie- 
ment  accueilli  du  public  :  c'est  son  Voyage  a  la  côte  des  Abkhns,  qui 
contiendra  sans  doute  des  ren$eignemens  intéressans  sur  une  contrée 
qui  est  encore  fort  peu  connue. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


Note  sur  (iuekiues  Épithètes  descriptives  de 

Bouddha. 

Qutf^UE  ce  soit  en  général  une  recherche  assez  futile  que  celle  des 
dénominations  par  lesquelles  les  Hindous  désignent  leurs  divinités, 
parce  qu'on  a  souvent  lieu  de  les  croire  arbitrairement  forgées  par  les 
poètes ,  il  en  est  quelques-unes  qui  sont  tellement  consacrées  par  Fusage , 
qu'on  y  doit  voir ,  non  pas  de  simples  ornemens  du  style ,  ou  des  moyens 
de  remplir  les  hémistiches ,  mais  Fénoncé  d'une  opinion  bien  arrêtée 
siu  les  attributs  de  l'être  auquel  on  les  applique.  De  cette  nature  sont 
les  épithètes  descriptives  de  Bouddha ,  dont  le  nombre  est  très-consi- 
dérable,  mais  qui ,  étant  toutes  prises  dans  les  livres  regardés  comme 
révélés,  et  faisant  allusion  ,  soit  à  des  traits  de  la  vie  de  ce  personnage 
mythologique,  soit  aux  attributs  qui  servent  aie  caractériser,  n'ont  pu 
changer  depuis  qu'elles  ont  été  imaginées ,  et  servent  à  le  désigner,  dans 
les  litanies,  les  invocations  et  les  légendes,  d'une  manière  fixe  et  inva- 
riable. J'ai  donné  (1)  une  liste  très-complète  de.  ces  épithètes,  puisée 

'    (ï)  Mines  de  FOrient,  f.  IV,  p.  t8j-2or.  —  Voyez  le  Journal  des  Savans 
de  novembre    i8i6,i?. /^j. 

Kkkk 


I 


OCTOBRE   l8!p.  tfir  ' 

témoignage  est  supérieur  k  celui  des  savans  de  ['Europe,  et  même  à 
celui  des  auteurs  attachés  au  culte  de  Brahma,  les  seuls  que  les  auteurs  * 
anglais  ont  consultés,  lesquels,  en  pariant  de  Bouddha,  auroient  pu  céder 
aux  préjugés  de  leur  secte ,  ou  corrompre  invoionlairemcot  les  tradi- 
tions que  les  premiers  avoient  le  plus  grand  intérêt  à  garder  intactes.  Je 
ne  fais  même  cette  remarque  que  pour  mieux  classer  les  autorités ,  et  je 
n'ai  pas  en  vue  d'éluder  les  témoignages  des  Brahmanes;  car  on  n'en 
a  invoqué  aucun  dans  cette  question  ,  et  je  ne  crois  pas  qu'il  en  existe 
qu'on  eût  pu  invoquer.  Mais  les  livres  sacrés  des  Bouddhistes,  attribué» 
par  eux  au  fondateur  de  leur  religion,  ont  certaiiiemenc  été  composés  ea 
samskrit,  et,  suivant  toute  apparence,  k  une  époque  très-rapprochée  de 
celle  où  l'on  a  coutume  de  placer  l'existence  terrestre  de  Bouddha, 
c'est-à-dire,  au  moins  neuf  siècles  avant  notre  ère.  Ces  livres  existent 
eu  origiÉiaux,  dans  lespays  ou  sa  religion  est  devenue  dominante:  on 
t'est  attaché  à  les  conserver  avec  un  soin  scrupuleux;  et  les  version» 
qu  on  en  a  laites  k  des  époques  que  nous  connoissons,  en  chinois ,  en 
mongol  ou  en  tibétain,  rédigées  avec  celte  tidùlité  presque  servile  qui 
caractérise Jes  Orientaux,  représentent  si  exactement  les  textes,  qu'indé- 
pendamment des  noins  et  des  mots  samskrits  qu'on  y  a  laissé  subsister, 
on  y  reconnoît  le  génie  indien,  et  jusqu'à  la  phraséologie  primitive. 
Nous  possédons  ici  le  résumé  complet  et  bon  nombre  d'extraits  de  ces 
ouvrages,  qu'il  est,  j'ose  le  dire,  indispensable  de  lire,  avant  de 
hasarder  une  opinion  sur  un  point  quelconque  de  la  doctrine  des 
Bouddhistes. 

C'est  dans  ces  livres  qu'on  trouve  les  différens  noms  donnés  )i 
Bouddha,  rangés  et  distribués  en  sections  :  la  première  en  contient 
cinquante-huit,  beaucoup  plus,  par  conséquent,  que  l'Amarasinha. 
Mais  ces  noms  expriment  presque  tous  les  perfections  morales  et  les 
puissances  de  Bouddha,  considéré  comjne  divinité:  c'est  Duvatideva, 
le  Dieu  des  Dieux;  Dharmmasouâmi ,  l'honorable  roi  de  la  doctrine; 
Makâtmâ,  le  grand  saint;  Narottamah,  le  plus  élevé  des  hommes; 
Coumsâgarah ,  la  mer  de  vertus ,  &c.  Il  n'y  a  rien  k  tirer  de  ces  déno»  - 
ininaiions  pour  l'objet  qui  nous  occupe. 

Mais  les  Bouddhistes  ne  se  sont  pas  bornés  k  faire  l'énurnération  deJ 
qualités  morales  par  lesquelles  leur  principale  divinité  l'emporte  sur 
tous  les  autres  êtres  :  ils  ont  aussi  fait  une  description  des  qualités  cor- 
porelles qui  la  distinguèrent  dans  sa  fonne  humaine ,  et  ils  ont  composé 
une  série  de  phrases  d'où  il  est  possible  de  tirer  un  portrait  complet 
de  Bouddha,  considéré  comme  être  matériel  et  terrestre.  Sous  ce  rap- 
port, on  lui  assigne  trente-deux  qualités  visibles  { en  mandchou,  /-^V*^-^ 

Kkkk  2 


OCTOBRE  l8i9-  ^^9 

paripoûmotiamangah  (  en  mandchou  y  /^VrHO  0\H^  ^  Hï'\\y^i)i  ^)u3i:m^ 
/■'■^'^d.-'-i'.'^  fouaiyekhe  rasiwar  wekhti  gese  sakhatiyan  ).  fi/ru  est  s^n^ 
deMife.ki  dam  le  sens  de  rwir,  comme  dans  ce  vers  d'Ovide  : 

Regnaque  caruleis  in  sua  portât  equis  (i). 
Toutefois  on  pourroit  aussi  l'entendre  de  ces  reflets  azurés  qu'on  remarque 
dans  Its  cheveux  d'un  noir  foncé ,  mais  qui  ne  se  font  pas  voir  dans  Ia[ 
cbeveluredaineuse  des  Africains.  Ses  cheveux  étoient  en  boucles  arrondies» 
pradaksçhinyayattâktcha  (en  mandchou, ^>^i^^*-9^  /^«^t-MP^  ^'".^''Otf; 
chêurien  idsiskhon  founiyelihc)\  et  voilà  sans  doute  ce  que,  dans  des. 
figures  de  Bouddha  exécutées  par  des  artistes  inhabiles,  on  aura  pu 
prendre  poiu*  des  cheveux  crépus  :  mais ,  comme  si  l'on  eût  songé  ^ 
prévenir  cette  manière  d'interpréter  le  mot  boucles,  on  trouve  une  autre 
épithète  qui  en  fixe  ie  sens.  Les  cheveux  de  Bouddha  n'étoient  point 
méiés  ni  crépus ,  apamloutitakechah  (  en  mandchou ,  Mji'^^'Q'^  \>^X^ 
>  nii^jî;v,\^  oudchoui fiuniyekhe  sirenekheko  ).  Enfin,  ce  qui  est  décisif, 
if  avoit  le  nez  proéminent,  tounganâsah  (en  mandchou,  /^^or^^^^^^^^K. 
êWTo  den  ) ,  expression  qui  seroit  probablement  bien  rendue  par  celle 
de  fie^açui/in,  mais  qui,  bien  certainement,  ne  peut  en  aucune^ma* 
nière  s'appliquer  au  nez  épaté  des  nègres  de  FAÂique.  j 

Je  ne  puis  qu'en  appeler  au  témoignage  des  personnes  à  qui  la 
langue  samskrite  est  familière,  pour  l'exactitude  de  l'interprétation  des 
phrases  samskrites  que  j'ai  traduites,  non  pas  immédiatetnent,  maïs  par 
le  moyen  du  chinois,  du  mongol  et  du  mandchou.  Je  n'ai  choisi  que 
celles  qui  m'ont  paru  les  plus  caractéristiques;  mais,  en  parxrourant  Ie( 
autres  dans  la  traduction  que  j'ai  donnée  de  la  partie  du  Uwre  qui  h$ 
condent  (a) ,  on  en  pourra  remarquer  d'autres  qu'il  seroit  presque  aussi 
difficile  de  concilier  avec  Tidée  de  W.  Jones,  et  bien  certainement  on 
n'en  trouvera  pas  une  seule  qui  la  favorise^  Sans  rien  préjuger  de  la 
question  qu'on  pourroit  élever  sur  la  réalité  de  lexistence  historique  du 
personnage  appelé  Bimddha,  il  est  bon  de  remarquer  qu'on  n'a  admis 
dans  cette  description  du  corps  de  ce  personnage  que  des  traits  qiu 
peuvent  s'appliquer  à  un  hoipine,  sans  aucune  de  ces  fprmes  bizaire^, 
ni  de  ces  qualités  merveilleuses,  dont  les  Hindous  sont  si  prodigues  dans 
la  représentation  de  leurs  divinités. 

Je  ne  voudrois  pas  tirer  un  grand  avantage  des  nombreuses-  légendes 
où  l'on  fiiit  jouer  à  Bouddha  un  rôle  entièrement  fabuleux ,  parce  qu'il 
n'est  ^as  aussi  certain  qu'on  n'y  ait  admis  arbitrairement  aucuii  traix 
destiné  à  relever  des  perfections  imaginaires,  et  qu'on  pourroit  supposer 


(i)  Fast.  /.  IV,  V.  ^6.  —  (2)  Mines  de  l'Orient,  l.  IY,p.  àSjr^j^Qo; 


6io  JOURNAL  DES  SAVANS,  . 

que  U  pureté  des  traditions  indiennes  se  (eroit  shérie  par  leur  trimporr 
k  la  CÛne  oa  en  Tanarie.  Il  est  ponitant  digne  de  remarque  qu'aucua 
trait  de  CCS  légendes  n'a  le  inoindre  rapporta  h  physionomie  ^trangèi* 
qu*onvoudr(»tattribuerliBouddiia»etqiiccedieu]r  est  bmionn  repré- 
senté lu  contraire  avec  un  degré  de  beauté  égal  &  sa  [Hiissapcew  Quand. 
Bouddha  se  fut  incarné  dans  le  sein  de  la  belle  Majra,  fa  ventre  de 
cettefèmme  i»ivilégiée  devint  tout-k-eoup  ccHnme  un  pur  ortstal,  an 
traven  duquel  on  voyoît  Tenf^nt,  beau  comme  une  fleur,  agmouglé  et 
appuyé surics deux  mains  (i).  Pour  ne  pas  repéter  ce  qu'on  lit  k  ce 
sujet  dans  ^vers  ouvrages  anglais,  et  dans  le  tome  II  des  Mémtnres  de 
Palias,  void  quelques  particularités   tirées  d'un  livre  mongol»'  qui  a 


pour  titre ,  J-*^***!"-' 


m    )  «  *  ^  *      ^^^^     l4AJàâi&     US    U]^^^    ^^^^J^C 


v><94>^A^  Khamouk  Bomood-yin  dourhiaa  ounan  arkkagl  oloksatt  oHtàiUi 
[  les  quatre  vérités  démontrées,  dioisies  dans  la  doctrine  universelle]. 
Après  que  Chskia-mouni,  on  Bouddha,  eut  achevé  le  cours  de  ses 
pénitences,  plusieurs  dieux  [Tenggeri]  descendirent  du  ciel  pour 
l'inviter  à  répandre  sa  doctrine.  Il  étoit  alors  entouré  de  ses  cinq 
disciples,  Yattg-chi-godiniya,  Dau/,  JViangsea,  Langka  et  Sangden.  Ces 
cinq  personnages,  conservant  encore  quelques  doutes  sur  la  véritable 
nature  de  leur  maître,  se  demandoient  en&e  eux  s'il  étoit  bien  réellement 
un  ^Ji-t*9P^  J-^-'^  Bourkkan  kkoubilgan,  c'est-à-dire,  un  dieu  du 
jHvmier  ordre ,  et  ils  disoient  :  Si  Goodam  est  devenu  BourUuui,  nous 
devons  suivi^e  sa  doctrine  :  mais  s'il  ne  Test  pas ,  pourquoi  l'adorerions- 
nous!  Pendant  qu'ils  parloient  ainsi»  Godinya  se  sentit  émouvoir  inté- 
rieurement, en  voyant  que  la  couleiu*  du  corps  de  Bouddha  devenoit 
tout-k-coup  comme  dorée ,  et  qu'une  auréole  entouroit  sa  tête.  Il  ra* 
connut  alors  la  divinité  du  Bourkhan. 

Dans  la  Vie  de  Bouddha,  écrite  en  mongol  sous  le  titre  de  Mdiù- 
,  on  raconte  que  ce  saint  personnage,  durant  ie  temps  de 


OCTOBRE   1819.  «ji 

,  il  devint  si  beau  et  s!  fort ,  qu'il  ressembloit  h  une  enclume  dorée  cl  bien 
polie. 

Selon  le  même  oiiviage ,  quatre  jeunes  filles ,  qui  étoient  sœurs ,  ayant 
entendu  \anler  la  beauté  de  Souddha,  eurent  envie  de  le  icduîre,  et 
^vinrent  se  présenter  devant  lui  dans  l'état  fe  plus  favorable  à  leur  dessein. 
Le  Bourkhan ,  les  regardant  d'un  œil  sévère ,  leur  témoigna  son  indignation 
"en  faisant  du  biuita^ec  ses  doigts.  Mais  ces  femmes  s'étant  hasardées 
.&  lui  dire  ;  O  Goodam,  quel  est  le  témoin  menteur  qui  ose  soutenir 
'que  tu  es  le  saint  par  excellence!  Goodam  courroucé  frappa  la  terre 
de  sa  main ,  et  s'écria  :  Voilà  mon  témoin!  A  l'instant  on  vit  paroître 
Oki-yin  tangr'i ,  le  génie  de  la  terre,  qui  dit  à  haute  voix  :  C'est  moi  qui 
suis  le  témoin  de  la  vérité.  Les  quatre  sœurs  se  jetèrent  alors  aux  pieds 
de  Goodam,  et  l'adorèrent  en  lui  disant  :  Que  l'adoration  universelle 
•  te  soit  faite,  visage  pur  et  parfait ,  sagesse  préférable  à  l'or,  impénétrable 
majesté,  source  de  la  religion  des  trois  périodes  de  réieinilé!  Pour 
conserver  la  mémoire  de  cette  conversion  ,  oi»  bâiit  en  cet  endroit  un 
lempJe  à  la   scJuciion  Mûlmut, 

Enfin,  le  même  Mani-gombo  dit  qwe,  dans  sa  jeunesse,  Chakia- 
mouniportoit  le  nom  de  Arf/a-c/iïdiSd.  beauté  étoit  plus  qu'humaine; 
-et  souvent,  quand  il  cherchoît  l'ombre  des  figuiers  pour  s'y  reposer, 
un  peuple  immense  l'empèchoit  de  le  faire,  accourant  de  toutes  parts 
pour  contempler  les  trente-deux  lakchan  et  les  quatre-vingts  nairak, 
c'est-à-dire,  comme  je  l'ai  expliqué  plus  haut,  les  cent  douze  qualités 
visibles  qui  caraciérisoieni   sa   ligure  terrestre. 

On  peut  croire  que,  si  je  ne  n'avois  pas  voulu  me  borner  à  réfuter 
l'assertion  de  M.  Jones  seulement  en  ce  qui  concerne  les  traits  de  (a 
race  nègre  attribués  à  Bouddha,  il  m'eût  été  facile  d'accumuler  un 
grand  nombre  de  preuves  d'un  autre  genre  pour  faire  voir  que  ce 
personnage  n'étoit  pas,  comire  il  l'a  supposé,  un  Ethiopien  venu 
d'Afrique  dans  l'Hiiidoustan,  et  que,  sa  naissance  une  Ibis  admise 
comme  un  fait  historique,  toutes  les  traditions,  sans  exception, 
s'accordent  à  la  placer  dans  un  des  royaumes  de  l'Inde  centrale  :  c'est 
un  fait  établi  par  trop  de  témoignages ,  tous  d'accord  ensemble,  quoi- 
qu'indépendanslesuns  des  autres,  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  s'y  arrêter, 
Mais ,  quand  bien  mémequelques  statues  de  Bouddha  auroient  offert  des 
cheveux  crépus,  il  y  auroit  Lien  des  manières  de  rendre  compte  de  te 
fait,  et  un  savant  anglais  nous  en  fournit  une  qui  n'est  peut-être  pas 
la  plus  mauvaise.  Dans  une  notice  sur  les  Djainas,  rédigée  et  traduite 
à  JVIadjeri  par  le  brahmane  Cavelly-Boria ,  d'après  desdocumens  lôurnis 
par  un  prêtre  de  cette  secte,  on  assure  que  les  Afahâyralas ,  ou  ascé- 


OCTÔBltÉ  1819.  ff3j 

senibleroit  être  un  essai  prématuré  >  qui  nedonneroit  naissance  qu*k  des 
hypothèses  vagues,  et  ne  sauroit  avoir  aucun  résultat  véritablement 
historique. 

IV.  ABEL-RÉMÙSAT. 


•■   I     •■      •«.,.'.     i  ^    A     ,,.  i       .   ,    .  .     .     1     #  ("  •  ■  I  M  :  I    .  1  ••    »     •■ 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 

INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE  Éf  SOCIÉtÉS  LITTÉRAIRES. 

L*ACAoéMiE  rovale  des  beaux-arts  a  tenu  sa  séance'  pùbnque  annuelle  k 
samedi  a  octobre  1 S 19;  elle  a  été  présidée  par  M.  Bervîc.  L'académie  ayan( 
décerné  cette  année  deux  grands  prix  de  composition  musicale»  la  séance  s'ésc, 
ouverte  par  l'exécution  de  la  scène  qui  a  mérité  le  premier  grand  prix ^  remporté, 

Sr  M.  Halevt.  Des  notices  historiques  sur  la  vie  et  les  ouvrages  d;^ 
.Roland  et  de  M«  Méhtut'ont  été  lues  par  M.  Qiiatremère  de  Quincy, 
secrétaire  perpétuel.  M.  Cartellier  a  lu  un  rapport  sur  les  ^ouvrages  des  pen-. 
sionnaires  du  Roi  à  l'académie  de  France  k  Rome.  La  distribution  des  grands 
prix  de  peinture 9  de  sculpture, d'architecture 9  de  gravure  en  médaille,  et  de 
composition  musicale,  a  eu  lieu 9  comme  il  suit  :  ^  ., 

Grand  Prix  de  peinture.  Le  sujet  donné  par  T^LC^tm^  t%i .TVmîstock] 
€hi7  Admke.  «  Thémistocle,  pour  se  soustraire'  à  là  h'âine  des  Athéniens,  se. 
»  réfugia  chez  Admète,  roi  des  Molossiens,  et  se  fit  suppliant  dé  ce  roi.  Ilpril' 
ventre  ses  bras  le  fils  du  roi,  encore  enfant,  et,  se  mettant  à  genoux  prés, de. 
»  l'autel  domestique ,  il  se  recommanda  à  la  générosité  dû  roi  ;  ce 'qu'il  fit  par  le] 
»  conseil  de  la  rerne,  qui  lui  indiqua  ce  moyen  ^é  supplication  en  usa^é  et  le 
»  plus  puissant  dans  le  pays.  »  {  PLUTAfti^UE,  Vk  de  ihantstocté.' )  Le  premief; 
grand^prîx  a  été  remporté  par  M.  ^Frapçob  DUBOIS,  de  Paris^âgé  de  yihgt- 
huit  ans,^iéve  de  M.  Regnault;  et  lé  secpnd  grand  prix,  par  M.  Chârles- 
Pbiligpe  OelariVière,  natif  de  Paris,  âgé  de  vingt  ans  et  demi,  élève  de 
M.  Cirodet-Trioson. 

,  Grand  Prix  de  sculptitrb.  L'académie  a  donné  pour  sujet  duconcourij,  [ 
Énée  tkssék\B.  cuisse  par  une  flèche  lancée  par  une  main  incpnnue,et  s'appûyanc  | 
debout  sur  sa  lance;  au  milieu  de  ses  amis,  Achate  et  Mnostbéè  gémissant j  à 
coté,  soa  fils  Ascagne  fondant  en  larmes.  Le  vieillard  lapis >  son  médecin,' 
essaie  de  retirer  le  fer  de  la  plaie.  Cependant  Vénus,  touchée  des  souffrance! 
de  son  fils,  est  descendue  du  ciel,  et  mêle  du  dictame  dans  le  vase  où  lapis, 
a  infusé  d'autres  simples.  Le  premier  grand  prix  a  été  renîj)brté  par-  M.  Abel 
DlMiER,  de  Paris,  âgé  de  vingt-cinq  ans,  eléve  de  M.  Carréllier;  le  second' 
gwnd  prix ,  par  M.  Justin-Marie  Lequien,  de  Paris,  âgé  de  vingt-deux  ans ,; 
élève  de  M.Bosio,et  le  deuxième  second  grand  prix,  par  M.  Phîlippe-Jdsf»ph-'. 
Henri  Le  Maire,  natif  de  Valenciennes,  âgé  de  vlnigt-un  ans,  élève  "  de  ' 
M.  Cartellier.  L'académie  a  décerné  une  mention  honorable  et  une  médaille 
d'argent  à  M.  Maurice  BEGUIN,  de  Paris,  âgé  de  vinçt-cinq  ans,  élève  de 
M.  Lemot.  Tons  ks  concurrent  ayant  fait,  à  dtfférens  degrés ,  grrjvt  dt  talent ,  d% 
^U  et  de  progrès,  il  a  été  arrité qu'il  leur  sefQtt  donné  à  tous  M' piniolgnage  putlk 
ée  satisféutUn» 

LUI 


/  • 


OCTOBRE  1819.  6}j 

Couvrira  de  son  ombre 
Les  tentes  des  chrétiens   et  les  tours  de    Sion. 

Le  ciel  prend  pitié  de  raes  larmes; 

Herminie,  après  tant  d'alarmes. 
Va  retrouver  Tancrcde.  ô  généreux  vainqueur! 
Toi  seul  rendras  le  calme  et  la  paix  à  mon  cœur. 

CANTABÏLE. 

Long-temps ,  hélas  !  gémir  fut  mon  partage  : 
Des  jours  plus  beaux  vont  renaître  pour  moî. 
O  du  honneur   douce  et   flatteuse  image, 
Console  un  ctsur  qui  s^ahandonne  à  toi. 
Tout  m'est  ravi ,  patrie  et  diadème  ; 
Mais,  siTancrède  à  mes  vœux  est  rendu, 
J'ouhlîrai  tout  :  auprès  de  ce  qu'on  aime 
Se  souvient-on  de  ce  qu'on  a  perdu  !^ 

Long>temps,  hélas!  gémir  fut  mon  partage: 
Des  jours  plus  beaux  vont  reciiùtre  pour  moi.' 
'       O  du  bonheur  douce  et    flatteuse  image , 
Console  un  cœur  qui  s'abandonne  à  toi.  . 

RÉCITATIF. 

Mais,  sur  cette  arène  guerrière, 
Queb  débrb  tout  sanglans  affligent  mes  regards  ! 

Deux  boucliers,  des. cas<|i^$^,  des  poignards!      ^  .-.■  \^ 

Un  musulman,  couché  sur  la  poussière,  .,        ^        ^ 

Dans  la  nuit  du  tombeau  parbit  enveloppé. 

Que  vois- je  î  Afgant ,  que  là  mort  a  frapbé  !  '  ' 

Quel  sang  a-t-il  versé  î  Grands  dieux  !  je  vous  implore. 
•  Ce  chrétfsn,   quel  est-il!  Je  frémis  malgré  moi. 

Si  Taacrèdc..^.  Approchons Cher  Tancrède,  c'est  toiî 

Tu  pé«s ,    et  je   vis  encore  î  . 

AGITATO. 

'Il  n>st*p!us Dieux  cruels,  -ete^vons  satisfaits  !•  -    •-    *•-      *      .-•  i  .. 

TancrècFc,  6  mon  seul  bien!  je  te  perds  pour  jamais. 

Le  coup  qui  t'a  frappé  n'éteindra  pas  raâ  namme; 

Ton  sort  sera  le  mien  ;  mon  ame  suit  ton  ame;    ,    • 

Dans  la  tombe  avec  toi  je  ve,ux  m'ensevelir. 

Permets,  ô  mon  amant,  qu'Berminie  éplorée 

Dépose,  en  expirant,  sur  ta  bouche  adorée 

El  SCS  derniers  baisers  et  son  dernier  soupir«  '  ' 

RÉCITATIF.     . 

oe  peut-il  \  sur  son  front,  que  mes  f armes  moadent,:  ^  r  ^ 

Un  incarnaé  fégcr  succède  à  la  pâleur.  , 

Je  ne  m'abuse  pas  :  ses  ^upîrs  me  répondent;    '        '  '. 

J'ai  senti  pat pher  son  cœur. 
Il  vivra,  des  héros  la  gloire  et  le  modèle!  ■•- 

£mployotis,  pour  sauver  des  jours  si  précieuX|  ,f 

Ces  magiques  secrets,  ces  mots  mystérieux. 
Qui  rendent  auli  guerriers  une  vigueur  nouvelle^ 

Tancrède  me  devra -ie  jour!  .  ■.»^. 

Doux,  fï^ir  !  rstvissantç,  iyresse  !        , .^ ,. ..  ».     -.», .  »fv  . . j H. 
Fouira- t-il  par 'trop  de  tendresse 

lIII  2 


OCTaBRE  1819.  6i7 

scrîbendi  genere^usl  suntpetitis  ostendatur,  quid  commodi  aut  ïncommodi  habeat 
dialogicèdisserendi  ratio.  CLASSE  p*HISTOIR£  :  Historiœ  Saxonis  graminatici 
Danicœ  accuratam  solidamque  crîsim  instituera.  Le  prix  ,  pour  la  meilleure 
réponse  à  chacune  de  ces  questions,  est  une  médaille  d'or  de  ia  valeur  de 
cinauante  ducats.  Les  mémoires  devront  être  adressés  au  secrétaire  de  la  société  | 
M.  xi.  C.  Oersted,  à  Copenhague* 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Catalogue  de  la  librairie  grecque  latine  de  H.  NicoUe,  rue  de  Seine  >  n.<*  12; 
in-SJ"  de  132  pages.  Paris ,  impr.  d*Eberhart»  Prix,  2  ft. 

progrès  des  écçles  d^enseignement  mutuel  en  France  et  dans  l'étranger  ;  par 
M.  Jomard»  Tun  desi  secrétaires  de  la  société  pour  renseignement  élémentaire; 
brofJiure  m-S.^  Paris, cha L.  Colas ^  imprimeur-libraire. 

Eloge  de  C.  M.  étVÈpk ,  fondateur  de.  rînstitution  des  sourds  et  muets; 
discours  qui  a  obtenu  le  prix  proDosé  par  la  société  rovale  académique  des 
sciences;  par  A.  Bébian.  Paris,  Mcntu>  18 19,  ia-*/  ae  56  pages,  avec  le 
ponrait  lithographie  de  l'abbé  de  l'Épée. 

La  JétusaUM  délivrée,  traduite  en  vers  français  par  P.  J.  M.  Baour-Lormian. 
Paris,  impr.  de  Didot  le  jeune;  chez  Delaunay  ;  3  vol.  in-S.'*  avec  figures.  Prix» 
24  fr.  Cette  traduction  est  précédée  d'une  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
T,  Tasso  par  M.  Buchon,  et  accompagnée  de  notes  par  M.  Trognon.  =  H 
sera  rendu  compte  de  ces  trois  vob^mes  dans  l'un  de  nos  prochains  cahiers. 

UHotsune,  ode,  suivie  d'une  élégie,  d'autres  vers  et  de  queloues  notes,  par 
Jean-Justin  Aristippe  (  de  Gallta).  Bordeaux,  imprimerie  de  Louis  Faye^  et 
a  Paris ,  chez  Pille\ ,  &c. ,  1 8 1 9 ,  in- 8} 

L'Institution  du  Jury,  éfïirt  en  vers  à  Montesquieu,  par  P.  Lami.  Paris, 
impr.  de  Fain ,  librairie  d*Aîmé  Comte,  itji9,  i^'^*^ 

Proverbes  dramatiques,,  par  Etienne,  Grosse.  Paris,,  împr*  de  Faïn,  chex 
Ladvocat»  1819,  2  voL  in^ù,",  ensemble  53  feuilles  et . deinie. 

l^s  dernières  Lettres  deJàcopû  Oitâ';^ imprimées  s«r  les  manuscrits  autographes. 
A  Paris,  chez.P.  Fr.  Delestre,  rue  Neuve  de, Seine,  n-*  79,  w-*/  1819.  Prix, 
^  fir. ,  et  6  &•  par  ta  poste.  (  Roman  dans  le  genre  de  Werther.  ) 

(Euvres  complètes  de  Thçhias/  tome  I.^',  contenant  une  Nodç/e  sur  la  vie  de 
l'auteur;  l'^ssaî  sur  les  éloges,  avec  des  morceaux  inédits;  tes  Éloges  de  Marc- 
Auréle,  du  Dauphin,  du  comte  de  iSaxe,  de  Duguay-Trouin,  de  Sully,  de 
Daguesseau ,  de  Descartes;  l'Essai  sur  les  fen^mes.  Paris,  Beli»,  i8io,  in-fJ  £i 
feuilles  3/8,  8  fc  *. 

Biogravhi^  universelle  ancienne  et  moderne,  tomes' XXIII  et  XXlV 
(LAA-LON).  Paris ,  L.  G.  Mfchaud ,  1819,2  vol.  zV^.V  ensenjjle  83 
feuilles  1^4,  avec  un  cahier  de  portraits. 

Histoire  de  Samuel,  fragment'  d'tfn  voyageur  américain;  traduit  sur  le- 
manuscrit  angiab,  Paris,  imprimerie  de  P.  F.  Dupont,  1819,  chex  Brissoi- 
Thivars,  in-S.^ ,  13' j  pages. 

Leonis  Oiacvnr  Cahéns'ts  Historia,.  scriptorescue  ah!  ad    res  Byaaotioa»  • 
pertinentes:  é  BIbtiotheca  fegia  nunc  pritnàm  édiait,  versk)ue  latïna  et  n^ti» 
WiTstravit  Car.  Bened.  Hase.  Parisits,  typis  regii»,  i&t9,»|;r.  w-^i  }6o  pagev 
Dans  L'un  de  no^  prochaÎAs  cabiecs^  dou;^  rendrons  comité'  dt  ce  volùïnéy 


OCTOBRE  15.19.  ^39 

tâché  de  réunir  la  théorie  à  la  pratique;  par  M.  .Toullier,  seconde  édition. 
Paris,  Warée  ;  4  vol.  m-<?/  Prix,  24  h. 

La  Thémis  constitutionnelle ,  ou  les  Fastes  du  barreau  français  et  des  facultés 
de  droit  du  royaume;  par  une  société  d'avocats  et  d'hommes  de  lettres.  La 

I crémière  livraison  paroxtra  en  novembre  1819.  On  souscrit  chez  Barrois  l'aîné, 
ibraire,rue  de  Seine,  n>  10. 

Une  autre  T/iémis,  ou  Bibliothèque  cfu Jurisconsulte, ipar  MM.  Arnold,  Cousin, 
Blondeau,  &c. ,  paroîtra  chaque  mois.  Dix  livraisons,  formant  deux  vol.  in-S," j 
coûteront  24  fr.  On  souscrit  rue  Gît-le-Cœur,  n.®  4* 

Annales  protestantes^  recueil  spécialement  consacré  à  la  défense  de  la 
religion  réformée;  par  une  société  de  protestans  et  de  gens  de  lettres.  11  paroîtra 
un  cahier  de  5  ou  6  feuilles  par  mois.  Le  prix  de  la  souscription  est  de  20  fr.  • 
pour  l'année.  On  souscrit  chez  Foulon  et  chez  Treutiel  et  Wiiriz.  —  «Les 
»  Annales  protestantes  présenteront  quelques  réflexions  sur  l'état  de  riostruction 
»  publique,  dans  ses  rapports  avec  l'éducation  des  jeunes  protestans.  Quelques^ 
»  pages  seront  employées  k  décrire  la  situation  et  les  progrès  du  nouvel  ensei^ne- 
»  ment  mutuel,  et  du  nombre  considérable  d'écoles  que  les  protestans  ont 
»  fondées.  La  situation  générale  des  églises  protestantes  de  France  sera  exposée 
»avec  exactitude.  Une  revue  littéraire  et  politique  sera  particulièrement 
»  consacrée  aux  questions  législatives  qui  se  rattachent  à  la  liberté  de  con-f 
3>  science.  » 

Recueil  de  mémoires  et  Siuues  pièces  de  prose  et  de  vers  qui  ont  été  lus  danS:. 
fes  séances  de  la  société  des. anus  des  sciences,  des  lettres,  de  l'agriculture  et. 
des  ans.  A  Aîx,  împr.  et  libr.  d'Augustin  Pontier,  /n-<?.*  'de  460  pages.  On  y 
distingue  des  mémoires  de  M."  TÏe  Satnt-Vincens  sur  quelques  antiques  dé- 
couvertes auprès  d'Aii  en  18 17,  et  sur  un  marbre  qui  sert  de  banquette  dans 
le  cloître  de  Saint-Sauveur  etqyi  porte  une  inscription  du  x.'  ou  Xl.^  siècle. 

IValus,  Carmen  sanscritum  j}  Àlahabharato  edidit,  latine  vertit  et  adnota- 
tîonibus  illustravit  Fr^ncisçiis  fiojMp.  Londini>  liii9  ,  i/2-^»'' 

Pend-namèli ,  ou  le  Livre  des  Conseils,  de  Férid-eddîn  Attar;  traduit  et 
puhliérjiar  M.ic  baiQp.«Sxivestrè-dtt:5aty;  De'rîmpnnterie  roj^alé,  <:hez  Debure 
frères,  libraires  du  Roi  et  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  rue  Serpente,  n.®  7^ 
1819, //!-<?.•  1  ,  j     ■  .  .    ■ 

H  an  tsù  sy  y  poù  /supplément  au  Dictionnaire  chinoîs-Iatin  du  P.  Basile  de 
Glemona,  publie  en  1813  par  M.  Deguignes;  composé  et  rédigé  d'après  un 
grand  nombre  dé  roatçriaux tirés  des  livres  chinois,  par  M,  Klaproth.  Première 
livraison,  160  pages  graud  inrfolio ;  imprimé  à  l'imprimerie  royale. 

Nouvelles  Lettres  édifiantes ^kO^  Mission  de  la  Chine  et  des  Indes  orientales ,^ 
^  toiveslll  et  IV.  Paris ,  Le  CJete,  2  voLiz/rAji.  .(.Voyez  l'extrait  des  deux. premiers 
tomes;  Journal  des  Savans,  mars  181^,  pag»  174-183.)  v 

ITALIE. 

Le  Jibraire  Giusti,  à  Milan,  annonce  un.e  traduction  italienne  deTHistotre 
de  la  littérature  d'Iulie   par  M.  Qinguenéy,  en  9  vol.  in-i^.   Le  prix  de  la{ 
sousciyption  est  restreint  a  3  fr.  5.0  cent,  .pour  les  personnes  qui  auront  souscrit 
avant  la  fin  dp  T^jinée    1819V  ..  '    ■     .  .      .  '  '    .\  .  .v\ 

Ar.oali  d'Itqtiq ,  da.Lodçy.  ^u^aj Qri»  Milano ,  in-S.''  Les  dix;prcmfeTs  volimies 
dé  cette  nouvelle  édition  optjc^éj^  paru..  On  trouve  .dans  le  tooMiX*^^  ane  Vi^  4«^ 
Miiratori ,  par  M.  Francesco  Reiua^.  .L*9uvragp,auL  embrasse  l'histoire  dltaiie^ 


6io  JOURNAL  DES  SAVANS. 

depuis  le  coninieneement  de  l'ère  vulgaire  jusqu'en   i749>  a  «'^  «vu  sue  I« 

nianuscriis  de  l'auieur. 

OffTfdelcav.  Caria  Castont , conte drlla  Torredl  Rr^o/iico,fAtrhtocomasco, 
raccolie  e  pubblicaie  dal  prof".  Fr.  Moclieui.  Como,  Ofiinelli ,  s  vqJ.  gr.  in-S.' ,■ 
toniel ,  Notice  sur  la  vie  tl  le»  ^criis  de  l'auteur,  et  sei  (Eu  vres  diverses  en  prose; 
loniesU  et  JIl,  Poisies;  tomes  IV  et  V,  Voyagi-sen  Angleterre,  en  Sicile  et  à 
Mnlte. 

ALLEMAGNE. 

Torquato  Tasso's  Lehn  ilfc.  :  Vit  et  caractère  de  T.  Tasto ,  accompagne» 
d'une  liste  détaillée  des  éditions  de  ses  ouvrages;  par  F,  A.  Èberr.  Leip^ic  , 
Brockhaus,  \n-8.'  de  320  pages'.  —  C'est  une  traduction  libre  de  la  Vie  du 
Tasse,  insérée  dans  l'Histoire  littéraire  d'Italie  de  M.  Ginguené. 

Analecta  pàfinaium  latlnorum  sifculi  decimi  noni.  C'est  le  titre  d'un  recueil 
gueM.  Frid.  T.  Friedemann  et  le  libraire  Zimmermann  se  proposent  de  publier 
a  Wittemberg,  «qui  coniiendra,  non  tous  les  vers  latins  qnt  ont  éié  composés 
en  Allemagne  et  ailleurs  depuis  1800,  mais  les  plus  dignes  d'être  lus,  aux 
Ùctu digniord  vidtniur ;  en  sorte  qu'il  n'y  aura  qu'un  seul  volume  in-S',  aont 
les  dernières  pages  encore  seront  réservéesà  des  vers  grecs  de  la  même  époque. 
En  cotiséquence,  M.  Friedetnann  prie  les  amateurs  de  la  poésie  latine  de  lui 
adresser  leurs  productions  et  celles  dont  ilsoni  connoissdnce;ei  M.  Zimmïrmana  J 
avertit  les  personnes  qui  voudront  acheter  ce  volume,  qu'il  fera  la  remise  d'at 
tiers  du  prix  à  celles  qui  souscriront  avant  le  (."janvier  prochain. 


Nota.  Oh  ptul  l'adretser  i  la  librairie  de  MM.  Trentfel«  Wunz,  à  Pans  , 
rue  de  Bourbon,  n.»ij ;  à  Sirathourg,  rue  des  Serrufien;  et  à  Lortdres,  n'  jo^ 
Soho'Si/ii.ire,  jiour  se  procurer  les  divers  ouvragrs  autionch  dans  le  Journal  da  1 
Savant.  H  faut  affranchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  oui-rages. 


TABLE. 

Voyage  en  diverses  contrées  du  Irvant ,  et  plus  particuliiremnit  de  la 

Perse,  par  sir    William  Ousely,  {Second  article  de  M.  Stlvesire 

<J*  Sacy.  ) Pag.  J79. 

Choix  de  poésies   onginales  des  troubadours,  par    M.  Raynoitard. 

{  Article  de  M,  Uaunou.) J91, 

Levons  de  philosophie,  ou  Essai  sur  les  facultés  de  l'ame,  par  M, 

I.aroiniguiire.  (Second  article  de  Al.  Couiin. ) 599. 

Théorie  du  passage,  parJ.  B.  Depertlies.  {Article  de  M.  Quatremèrc 

de  Quincy.  ) ÉI I , 

Voyaar  en  J'erse.fjit  dans  les  années  iSa^,  iSoS,  tSog.  (Article  de 

M.  Abel-Kéinusat. ) <S'7'  .. 

Noit  >UT  quelques  épiihiies  descriptives  de  Bouddha,  [Article  de  M;  '"l. 

Abel-R^usat.  ).. 61^.  ,  ] 

Ntuvtllti  UaérMirtt ....,.>  ^SSVjfl 

FIN   DE  LA  TABLE,  '      ~  ' 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 

NOVEMBRE     l8ip. 


A  PARIS, 

PE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 


Le  prix  de  Ta  bonne  ment  au  Journal  des  Savans  esl  de  36  francs  par  an, 
ei  de  40  fr.  par  la  poste,  hors  de  Patis,  Cn  (.'abonne  chw  MM.  TnuHel  et 
Wûrr^,  à  Parit,  rue  de  Bovrbon ,  n.'  1^1  à  Strasbourg,  rue  des  Snruriersj  ^\i 
Londrts ,  n.'  jo  Soho-Sqiiare.  Il  faut  alFranchir  le»  leiircs  ei  l'argent. 

Tout  ce  ^ai  peut  concerner  les  annonces  ii  insérer  Jaits  ce  journal, 
lettres  ,  avis ,  mémoires  ,  livres  nouveemx ,  &c.  doit  être  adressé  » 
FSANC  DE  PORT ,  ûu  bureau  du  Journal  des  Savans,  à  Paris,  rue 
de  Ménil-montart,  n."  22. 


à^^. 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 

NOVEMBRE     I  8  i  9. 

Excursion  acronoaîkiue  en  Au vercne , pr'ttiàpalement  aux 
environs  des  Monts-â'Or  et  du  Puy-de-Dôme,  suivie  de 
recherches  sur  l'état  et  t importance  des  irrigations  en  France, 
par  J.  A.  Victor  Yvart ,  ancien  cultivateur,  membre  de  l'Ins- 
titut ,  professeur  d'économie  rurale  à  l'École  vétérinaire  d'Alfort , 
de  la  Société  royale  et  centrale  d'agriculture,  de  l'Académie 
italienne,  cl  d'un  grand  nombre  d'autres  sociétés  de  sciences, 
d'arts  et  de  littérature,  nationales  et  étrangères.  A  Paris,  de 
l'imprimerie  royale,  in-8'  de  218  pages,  année  1815. 
Epigraphe  :  Dirigeons  maintenant  nos  conquêtes  sut  notre 
propre  sol,  et  appliquons-les  avant  tout  à  l'agriculture. 

J—i'attENTION  qu'on  a  mise  à  l'examen   des   végétaux  capnlifes   de 
servir  il  la  subsistance  des  hoiniiit-s  et  des  animaux  ;  le  désir  de  procurt-r 

Miiunjn   2. 


NOVEMBRE  1819.  (S4ï 

montagnes  volcaniques ,  et  jirès  de  celui  qu'on  appelle  le  Puy-âc-Dôme, 

i.Al.  de  Monilosier  n'a  pas  choisi  pour  son  élablisseinent  le  local  le  plUs 

b&voriâé  pour  l'agriculiure ,  comme  nous  l'avons  reconnu  nou'-mémes  en 

•  le  visilant  :  il  n'en  aura  que  plus  de  mérite.  s"i!  parvient  à  Te  rendre  fer- 
-  tile  et  à  donner  aux  habîians  des  exemples  dont  ils  puissent  jirofiler. 

•  M.  Yvart  a  bien  examiné  le  sol,  dnns  sa  nature,  dans  sa  piofondeur,  et 
dans  les  espèces  de  végétaux  qu'il  produit  spontanément  ;  examen  dont  il 

L  devoit  tirer  des  inductions.  Les  rapports  du  sol  avec  les  montagnes  envi- 
[  ronnanies  ne  lui  ont  pas  échappé  ;  les  connoissances  qu'il  a  acquises  en 
i~  parcourant  les  champs  du  propriétaire,  l'ont  mis  en  état  de  lui  indiquer  ce 
Kqw'il  avoir  à  faire.  Plusieurs  sortes  de  charrues  lui  avoient  été  envoyées, 
,,et  particulièrement  celle  qui  porte  le  nom  de  Bric  et  celle  de  M.  Cuti' 
\  laume ;  un  concours  entre  Ces  divers  instrumens  a  prouvé  la  supériotilé, 
■pour  les  défrithemens,  de  ceHe  de  M.  Guillaume,  qui  a  encore  été  per- 
Actionnée  par  M.  Mathieu  de  Dombale. 

Profilant  de  son  voyage  i  lïendane,  M.  Yvart  s'est  porté  sur  le  pays 
Dionlueux  quU'environiie,  et  spécialement  sur  les  Monts-d'Or,pour  en 
prendre  une  connoiisance  exacte,  sous  le  rapport  de  leur  économie 
rurale.  L'inégalité  des  lieux  et  l'âpreté  des  climats  ne  permettant  que 
dans  des  places  irès-circonscrites  les  cultures  de  plaines,  il  s'est  attaché 
à  l'examen  des  prairies  et  des  pacages,  qui  nourrissent  et  engraissent 
MB  grand  nombre  de  bétes  à  cornes;  îl  a  pris  des  notions  étendues  sur 
les  produits  qu'on  retiroit  de  ces  animaux  ;  il  donne  des  conseils  relatifs 
aux  plantes  qu'if  croit  qu'on  pourroit  cultiver  avec  quelque  profit ,  et 
t  -qu'on  n'y  cultive  pas. 

'é, I  Le  troisième  obfet  que  traite  M.  Yvart,  n'est  pas  un  des  moins 
ytntéressans,  II  comprend  des  observations  sur  les  irrigations  faites  en 
■France,  en  Italie,  en  Suisse,  en  Angleterre,  et  qui  tendent  k  prouver 
non-seulement  l'importance  de  cette  pratique,  mais  aussi  la  possibilité 
de  l'inirodiiire  avec  beaucoup  d'avantage  sur  un  très-grand  nombre  de 
points  de  notre  territoire  :  il  cite  avec  raison  parmi  les  canaux  d'arrosage 
ceux  de  Crapone,  de  Bni'gelin,  de  Crillon,  qui  portent  les  noms  des 
hommes  auxquels  on  les  doit  :  ces  canaux  ont  converti  d'anciens,  déserts 
en  campagnes  riantes  et  productives.  On  verra  avec  plaisir,  dans  la  ci- 
devant  Provence,  ériger  le  monument  qui  se  préparc  pour  M.  Crapone, 
à  Salon,  lieu  de  sa  naissance  et  de  sa  demeure.  Nous  ne  suivrons  pas 
M.  Yvart  dans  i'énumérationet  la  description  qu'il  fait  de  dîfTérens  canaux 
existans  ;  nous  terminerons  ceire  notice  en  citant  ce  qu'il  dit  après  avofr 
conseillé  les  aitérissetnens  :  «On  pourroit  recuit  r  ii-s  limites  naturelles  de  , 
»  la  France ,  sans  verser  de  sang,  en  repoussant  la  mer  loin  des  «ôtes,  par 


(Ï4(i  JOURNAL  DES  SAVANS. 

»  des  travaux  d'art, comme  on  Ta  fait  sivec  succès  en  profitant  des  liissts 
»  et  en  fixant  Us  dunes.  Que  de  grandes  victoires  à  remporter  ainsi  sur 
.p.\a  naturel  que  de  riches. conquêtes  à  obtenir,  sans  sortir  de  aaire 
M  territoire  et  sans  avoir  besoin  de  ravager  celui  de  nos  voisins  !  ^  Le  li«re 
de  M.  Yvart  doit  intéresser  les  personnes  qui  s'occupent  d^igrioiirurc; 
elles  y  puiseront  de  bons  conseils,  dont  les  observations  de  cet  habile 
pro^sieur  sont  paiseinies. 

TESSIER. 


Codex  Nasar^vs  ,  Liber  Adami  appeilatvs  ,  syriacè 
transcriptus  ,  hco  vocalium  ,  ubi  vicem  Ikterûrum  gutturaliam 
gerunt,  liis  substitutis,  hthièqae  redditus,  à  Matth.  Norberg, 
SS,  Theol.  doct.  ling.  orient,  et  grxcœ  hng.  professore,  &c. 
Londîni  Gothorum  ;  tom.  I,  1815  ,  330  pag,  in-^.' ; 
tom.  II,  \%\6,  320  pag.;  tom.  111,  18  16,  310  pag. 

Lexidion  Codkis  Nasarai,  eut  Liber  Adami  nomen ,  edidit  Matth. 
Norberg,  érc.  Lond.  Goth.,  18  16,  174  P^S-  i'^-f-" 

Ommasticon  Codicis  Nasarat .  cm  Liber  Adami  nomen ,  edidit 
Matth.  Norberg, *^f.  Lond.  Goth.,  18 17, 164  pag.  i/;-^.' 

SECOND    EXTRAIT. 

Avant  d'entreprendre  Pexamen  du  volumineux  travail  de  M.  Nor- 
berg, je  dois  prévenir  fes  lecteurs  que  je  désignerai  indiflîremmeiit  fa 
secte  ou ,  si  l'on  veut,  ta  nation  à  laquelle  appartient  le  Livre  d'Adam, 
sous  les  noms  de  Nasaréens,  Mandaïtes,  Chrétiens  de  Saint-Jean,  ou 


NOVEMBRE  1819.  647 

du  christianisme ,  et  qu'on  n'étoît  pas  plus  fondé  à  fes  confondre  avec 
les  Sabéens  ou  Sabîens  dont  FAfcoran  fait  mention,  et  dont  fe  rabl)în 
Maimonide  a  parfé  fort  au  long.  II  ajoute  avec  grande  raison  :  Ex 
Sabiorum  nomine  quù  à  Âfahumedanis  appellantur ,  nihil  efficl  potestf 
quum  notum  stt  Arabes  vocabulum  hoc  omnibus  imponeresolcre  ,qui  àreliglone 
quant  ipsi  profitntur,  alieni  sunt.  [De  rébus  Christian,  ante  Constant, 
magn.  Commentarii ,  p.  44- )  Abraham  Eccheflensis  affirme,  if  est  vrai 
(  Eutych,  vindic,  p.  328),  qu'ils  se  nomment  eux-rhêmes  Nasara  Yahya, 
ce  qui  signifie  Chrétiens  de  Jean-Baptiste  ;  mais  je  doute  beaucoup  de 
Fexactitude  de  cette  assertion.  Ce  qu'ily  a  de  vrai^  c'est  qu'ils  sont 

nommés  dans  feur  propres  livres  JL*lo^  Naseurayi,  ^n%  tgxe  Forigii.^ 
de  cette  dénomination  nous  sbit  connue,   et  que  les  chrétiens  y  sont 

A^«*^«  Quant  au  nom  de  Mandaîtes  ^  qu  ifs 

écrivent  j^^^^  t^^  et  prononcent  Mandai,  if  vient  de  moflda  |^x^  moi. 

dans  lequel  ïalef  I  a  pris  la  place  du  «ï/i^él^  LesChaidéensfécrivent  }pM 
pour  ;riD.  Ce  mot  signifie  science 9  ïonmissànct.;  g^-Mic,  gnose.  Aianddi 
est  donc  l'équivalent  exact  de  Cnostiques.  Je^ne  veux  pasdirepour  œf» 
que  les  Chrétiens  de,  Saint-Jean  soient  iiné  braftithe.  )des  ancien» 
Gnostiques.  Cette  conséquence  seroit  du  moitis  piématurée.  Quant  k 
Faltération  du -mot  manda,  où  la  gutturale  iiifjr  jt  disparu  et  le  noun  m 
pris  fa  pface  d'une  radicale  supprimée^  on  observe  Ja  mèitie  chose  daii^ 
îechafdéen  casno»  ^  fieu: duquel  on  écrit. (^ijri^ftl  ^^lëont, iès  Talinudistes 
ont  fart  ^ro»  les ^  Syriens  M^iloet  ies  SaWens  it^Jlto.  J'aurai  encore: 

occasion  de'' faire  observer  fâ  ressemblance  de  l'^dliôiife  des  Sabéenè 
avec  le  chaldéen  du  Talmud  (i)^  •.        -.f 

Les  renseignemens  donnés  jusqu'ici  par  fes  voyageurs ,  et  fes  tiiavaur 
fahs  par  divers:  sâvaiis,  reiativement  aux  fritoustrits  ^béens-  quW 
possède  en  £ur©pé>  îie  tioûs  permettent 'poînt-erxroîe^e  dé«^mîner 
avec  cerritude  de  cohibi«n  de*  livres  se  conîp'ôse  la  blbïibthêquë  sacrée 
des  Chré tir ns de  Saint^Jean.  Ceux  de  ces  livres  que  nous  conrttoissonjiy 
et  dont  ies  noms  ont  été  plus  ou  moins  exactement  indiques-  dans  lei 
rekiijons,  peuvent  erre  désignés  sous  les  dénominatiorts  de  Livre  d'Adam, 
ÏJvn  Je  Jean- Baptiste  ^  txJCht^lasteh  ou  Ri  tue f.  De  ce»j,1froîs  ouvrages^ 


■(,  ' 


*s  •- 


(0  Dans  le  langage  çhaldiéen   âts   Ta'raudisics  ,  comme  .d^ s  cehii  des 
oàbéens^  oh  'dit  hzT'H  au.liçfu  de  «jpk»  jPn  dit  ausii,  en  retraôchani  la  ^ui-r 

*ibac,  iitm  ail  lien  de-jMij/k^-irt  R-^»*iîwr  jrtîjina-  '  ''  ^" 


4^i 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


le  pumier  est  ie  seul  qu'ait  copié  M.  Norberg;  je  (fis  le  seul  qa'if  ait 
copié,  parce  qu'en  parlant  des  autres  manuscrits  sabéens  que  possède  la 
Bibliothèque  du  Roi,  il  s'exprime  ainsi  {  Cad.  Nas.  (om.  111  *  p.  )  1 6  }  : 
auonun poustas ai  cenctssa  mikifuerU,  ia  illis  ttiam  traisftrcndis paitulam 
mtifactrt,  in  vote  est.  C'est  au  surplus  le  seul  que  M.  Norberg  ait  pubUé, 
et  par  conséquent  auiy  le  kuI  dont  nous  devions  nous  occuper. 

H  existe  ^  U  Bîh^othéque  du  Hoi  quatre  manuscrits  origin&ux  du 
ZJn]r^'/4</iijn»  qu'il  notera  pas  inutile  de  aire  connohre  sucdiKtement. 
Xe  les  rangerai  dans  l'ordre  de  Uurs  dates. 

I.*  Un  manuscrit  coté  Codtx  Colbenîaat  lyif,  reffue  3»<^  A, 
acheté  à  Bassora  par  J.  Fr.  Lacivix  fi(s,  au  mots  de  juillet  1^74;  Û  a 
été  «ficrif'enfuinée  de  l'hégire  j|r<i&,  de  JvO  i  j^o,' 

3.'  Un  manuscrit  coté  Cod.  Çolfurt.  jSi,  repus  jop  B.  dilé  de  l'an 
io42  de  l'hégire,  1632  de  J.  C, 

)'.*  Un  manuscrit  acfwté  par  Otter  et  portant  le  n.*~22  :  fl  est  daté 
de  l'an  de  Iliégire  1091,  de.J.  C.  léjo.  Ce  manuscrit  ayant  ét£  relié 
<dq>uh  peu ,  le  nom  ÏOtter  et  ie  n.*  21  ont  <Sspam ,  aiiist  qu'une  note 
qu'on  lisoit  sur  un  ftuillet  blanc:  elfe  étoit  conçue  en  ces  termes i  «  La 
•>  loi  écrite  d'Adam,  C'est  ainsi  que  Tont  nommée  plusieurs  Sabéensdes 
M  moins  ignoians  que  j'ai  fait  venir  pour  me  dire  de  quu  traitoit  ce 
«•  grand  (ivK. »  Otter  étoit  k  Bassora  en  i7}9. 

4.°  Un  manuscrit  qui  n'est  accompagné  d'aucun  renseignement ,  si 
te  n'est  qu'en  tête  du  premier  feuillet  de  la  seconde  partie  on  lit  ^oj)  b. 
U  est  daté  de  l'an  1 100  de  l'hégin,  1688  de  J.C. 

La  Bibliothèque  du. Roi  possédé  encore'  une  copie  deçà  même  livre 
£ùte  en  1683,  pour  Tusage  du  docteur  Piques ,  d'après  le  manuscrit 
}09  A,  et  çolJudonnée  avec  le  manuscrit  309  B,  ainsi  qu'on  fe  voit 
par  une  lettre  de  Piques  qui  est  collée  dans  te  volume  intitulé  Sidra 


NOVEMBRE  1819.  €49 

!e  mamiscm  apporté  parOlter,  puisqu'il  dit  avoir  remarqué  te  nom  de 
ce  vuyugeiir  sur  un  des  manus<:rits  sahéens  de  [3  Bihiioihèque  du  Roi 
l  De  re/ir.  et  ling.  Sabaurum  Comment.,  ddns  le  troisième  tome  des 
Mcjîiuires  de  la  Sociéié  royale  de  Gotlingue  ). 

J'ai  dit  que  M.  Norberg  a  pui'Iié  les  note»  ajoutées  par  les  copistes 
des  manuscrits  joj  A  et  ^op  B :  la  traduction  qu'il  en  donne,  ne  me 
paroît  pas  exacte;  mais  je  ne  pourrois  entrer  dans  une  discussion  à  cet 
égard ,  sans  m'écarter  du  but  que  je  me  proj^iose  it î.  J'observerai  seule- 
ment qu'il  »  eu  raison  de  lire  io»Aao9  ÎNÛd  ce  que  j'avois  lu 
^«JUof  (fi3a3,etde  traduire  in  mttiopûH  (ou  mieux  m  tirbe  pri- 
maria  ) ,  au  lieu  que  j'avoîs  traHnit  Jais  la  ville  de  Aîacram  ,  c'esi-i-dlre, 
à  Aikef'mocarram.  (  Voy-^  St:eudlm'!>  B-ylragt  ^ur  Philos,  und  Cesch, 
tom.  Il ,  p.  2^j.  )  On  pourroit  douter  si  Tan  1042,  indiqué  comme 
la  dale  de  la  rranscrîpiioi)  du  maimsctit  jog  B ,  doit  élre  entendu  de 
l'ère  de  l'hégire;  tuais  la  chose  est  mise  har»  de  diuie  par  les  derniers 
mots  detetie  noie,  que  M.  Norberg  a  rendus  peu  exactement,  et  qui 
sigin'rient  ;  «Copié  par  moi  dans  la  maison  du  chef  de  1  académie, 
*»  Sandan,  fils  defiakhtiar,  frère  de  I3all)oul  (  à  qui  Dieu  pardonne  ses 
»  péchés  ) ,  Ali  pacha,  fi(,i  d'Afrasiab  (que  ses  péchés  ne  lui  soient 
»  point  remis  ],  étant  sulian  [  ou  gouverneur)  deBassora.  ••  On  trouvera 
dans  ie  Voyage  de  Niebuhr  (tom.  Il,  p.  ij^  et  iJJ  },  des  déiails 
histoMCjues  sur  Afrasiab,  A.Ii  son  lîls  et  Hose'in  son  petit-fils,  qui  ont 
successivement  possédé  le  gouvernement  de  Bassora.  Ce  voyngeur 
obstrve  que  Pietro  délia  Vafle  et  Tavcrnier  ont  connu  Ali  et  Hostïn. 
H  paroit ,  par  le  récit  de  Taveriner,  que  Bassora  étoit  gouvernée  en  1 6  j  i 
parHose'ïn,  petit-fils  d'Afrasiab.  Tavernicr  écrit  Epaslas  hacha  tX 
Hussen  baeka  (Voyjge  de  Tavernier,  fiv.  Ii,  chap.  8), 

Tous  les  manuscrits  du  Livre  d'Adam  sont  divisés  en  deux  parties 
fort  distinctes:  l'une,  plus  considérable,  que  je  nomme  h  premiîre  partie  ; 
l'autre,  beaucoup  plus  courte, que  j'appelle  [j  ifiOAf/r.  Elles  sont  disposées 
dans  le  volume  de  manière  que,  lorsqu'on  tient  l'une  devant  soi  pour  la 
lire,  l'autre  se  trouve  renversée,  la  tète  en  bas  :  il  résulte  de  cette 
disposition,  que  chacune  des  deux  parties  commence  avec  le  premier 
feuillet  du  volume,  suivant  le  sens  dans  lequel  on  le  tient,  et  qu'elles  se 
rencontrent  par  leur  fin  dans  le  corps  du  volume.  L;i  première  partis 
octujw,  dans  l'édition  de  M,  Norberg,  les  lomes  I  et  II,  et  le  tome  Ilî 
^  jusqu'à  la  page  iij;  la  seconde  commence  à  la  pnge  12^,  et  va 
Justju'ii  la  page  3  '  (  :  mais,  comme  je  le  dirai  plus  loin ,  elle  est  incomplète. 
J'ai  comparé  les  quatre  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  quanti 

Nnnn 


NOVEMBRE   1819.  6$! 

jours  le  mellfeur  moyen  qu'on  puisse  employer  pour  parvenir  à  Tîn- 
telfigence  du  dialecte  particulier  des  Chrétiens  de  Sarn^^Jean.  Par 
exemple,  les  mots  que  je  viens  d'indiquer  doivent  être  entendus  dans 
le  sens  que  les  Juifs  donnent  aux  mots  ino  seJtr,  rticrt  p^rasc/id ,  r\}eP^ 
drascha.  Ainsi  sidra ,  comme  sedtr,  signifiera  traiîé  ou  recueil  de  prières  ; 
faraschata,  comme  parascka,  section,  mepum^  et  drascha,  sermon  t 
homélie.  Abraham  Écchellensis ,  et  d'autres  aprèii  fui,  ont  donc  eu 
tort  de  traduire  JUlM  drascha  par  meditatio,  en  partant  du  sens  que  ce 
mot  a  en  syriaque,  et   M.  Tychsen   ne  s'est  pas  moins  trompé  en 

rapprochant  le  mot  \)^^^g^\Q  firaschata  du  syriaque  (k'^jLm*^^  et  le 
rendant  en  conséquence  par  mirabilia.  J'ajoute ,  pour  confirmer  Tob* 
servaiîon  générale  que  j'ai  faite,  que  le  mot  sidra,  qui  signifie  chez  les 
Juifs,  en  outre  du  sens  que  j'ai  déjà  indiqué,  académie,  colige,  semble 
aussi  avoir  la  même  acce])tion  chez  les  Sabéens,  comme  il  paroît  par 
une  note  que  j'ai  rapportée  plus  haut,  et  où  Saadan,  fils  de  Bakhtiar, 

est  appelé  I  Î^kaA»  4*5  ]*^y»  ( Cod.  Nas.  tom.  III ,  p* py),  ce  que  fai 

cru  devoir  traduire  par  chef  de  l'académie  ;  en  langue  àes  Talmudistes, 
cela  s'exprîmeroit  par  mno  «m.  * 

A  cette  occasion,  je  ferai  aussi  remanquer  que  les  copistes  sabéens ,  en 
indiquant  fa  ville  où  ils  ont  fait  leur  copie,  ne  manquent  pas  d'ajouter 
le  nom  du  fleuve,  de  la  rivière  ou  du  canal  sur  lequel  elîe  est  située, 
précisément  comme  cela  s'observe  chez  les  Juifs  dans  les  actes  de  ma- 
riage, de  divorce,  &c.  Ils  expriment  aussi,  comme  les  Juifs,  le  mot 

ville  par  mata  (  fii^o  •  J'insiste  fortement  sur  ce  rapport  intime  du  lan- 
gage des  Sabéens  avec  l'idiome  des  Juifs  de  la  Chaldée ,  parce  que 
M.  Norberg  a  un  peu  trop  légèrement  assuré  le  contraire,  en  disant: 
Afea  conjecturœ  robur  addit.  . . .  lingua  eorum  antiqua,  qua,  utpote  syriaca 
quhm  chalddiae  simUiarp  commonstrat  majores  eorum  indigenas  fuisse , 
non  Arameœ  orieutalis,  sed  occidcntalis ,  et  quidem,  si  p lacet,  Galilceœ , 
ubi  non  chaldulii  std  syriace  loqufbantu^,  unde  jam  semetipsi  non  Sabœos 
sed  GalUceos  appel  tant.  (De  relig.  et  ling.  Sabacor  Comment,  p.  j.) 

Une  des  premières  questions  qu'il  est  naturel  de  se  faire,  c'est  à 
quelle  époque  remontent  les  livres  des  Chrétiens  de  Saint-Jean ,  et  par- 
liculièremeilt  le  Livre  d'Adam ,  dont  il  s'agit  ici.  Si  l'on  en  croit  Kaempfer 
(  Amœnit.  exot.  p.  44»  )»  ^^^  sectaires  pensent  que  le  Sidra  ladam, 
ou  Livre  d'Adam,  a  été  envoyé  de  Dieu  au  premier  homme  par  le 
ministère  de  l'ange  RasaêL  Abraham  Ecchellensis,  qui  paroît  avoir  eu 
des  notions  un  peu  plus  exactes  de  ce  livre,  dit  {Eutych,  yindic.  p.  3-8  ) , 

Nnnn  a 


/ 


NOVEMBRE    I819.  ffjj 

tidibilt  tst.  IpSà^ut  ûrgumenti  sut  ratio  mûgnce  pratttta  antiquitatts 
^'^Jem  facil.  Cui  tt  Jidem  subscriptœ  quxdam  liturgia  addtint ,  videl'icct, 
vemstissimis  ex  ckirogmphis  tas  dfsumlas  fuisse.  (  Cod,  Nas.  lom.  I. 
pref.  p.),)  M.  Norberg,  dans  son  premier  Mémoire,  fait  mention 
d'une  persécution  exercée  contre  les  Sabéens  et  leurs  livres,  par  un 
pacha,  cent  cinquante  ans  auparavant,  par  conséquent  vers  17JO:  mais 
je  ne  puis  croire  qu'il  veuille  parler  ici  de  cette  persécution ,  en  disant , 
Supra  cam  ( œiatem)  ejud  in  monurnfita  Nasaro'orum  savilum  est,  Ù't., 
puisque  le  manuscrit  qu'il  a  eu  sous  les  yeux  est  antcrieur  à  cette 
époque.  Il  est  plus  vraisemblable  qu'il  a  entendu  parler  des  vexations 
éprouvées  par  les  prétendus  Sabéens  de  la  Galilée,  suivant  le  récit  du 
Maronite  Cermano  Contl,  vers  le  milieu  du  xvii,'  siècle:  mais  j'aidéjh  dit 
que  l'identité  de  ces  prétendus  Sabéens  avec  les  Chrétiens  de  Saint-Jean , 
pour  ne  pas  dire  leur  existence,  est  fort  problématique.  En  tout  cas,  leurs 
livres,  pour  être  antérieurs  à  cette  époque,  ne  pourroient  être  réputés 
fort  anciens.  Quant  i  ces  liturgies  ajoutées  à  la  fin  des  manuscrits , 
lUurgiœ  qumdam  subscripta,  et  qui  doivent  avoir  été  copiées  sur  de  très- 
anciens  manuscrits,  ce  dont  parle  M.  Norberg  résulte  de  certaines 
notes  mises  par  les  copistes  h  la  fin  de  quelques  pièces  de  ce  recueil, 
et  qui  indiquent,  en  remontant,  les  diverses  transcriptions  faites  suc- 
cessivement de  ces  mêmes  pièces.  )I  y  en  a  qui  comptent  ainsi,  en 
remontant,  plus  de  vingt  transcriptions  successives,  la  première  des- 
quelles a  été  f;iite,  ajoule-l-on,  d'aprh  d'anciens  manuscrits,  II  resieroît 
k  savoir  quelle  confiance  méritent  ces  notés. 

Au  lieu  de  se  livrer  ainsi  i  des  conjectures  pour  établir  fépoque  à 
laquelle  le  Livre  d'Adam  a  élé  composé ,  il  vaut  mieux  consulter  le  livre 
lui-même;  et  il  est  surprenant  que  M,  Norberg,  qui  l'a  traduit,  aie 
négligé  les  indications  qu'il  fournit. 

l,a  première  partie  du  Livre  d'Adam  se  compose  de  quarante-une 
pièces  séparées,  les  unes  plus  longues,  les  autres  plus  counes.  Dans 
plusieurs  de  ces  pièces,  et  notamment  dans  les  deux  premières  du 
recueil,  qui  sont  vraisemblablement  les  plus  anciennes,  si  toutefois 
elles  ne  sont  pas  toutes  de  la  même  date ,  il  est  fait  mention  de  Noé , 
d'Abraham,  de  Moïse,  de  Salomon,  de  Jean-Bapiiste,  de  Jésus-Christ, 
de  la  construction  et  de  la  ruine  de  Jérusalem ,  des  chrétiens ,  qui  y  sont 
même  nommés  Christiani , dei  Manichéens,  et  enfin  de  Mahomet.  On 
trouve  dans  une  autre,  quoiqu'avec^beaucoupd'altéraiions,  la  succession 
des  rois  de  Perse  de  la  dynastie  des  Sassanides,  et  la  conquête  de  la 
Perse  par  les  Arabes.  On  y  lit  que  les  rois  arabes  succéderont  aux  rois 
de  Perse  1    et  auront  lè  pouvoir  pendant  soixante -onze  ans;  ce  qoi 


6si  JOURNAL  PES  SAVANS, 

reporte  cette  pièce  à  la  fiq  environ  du  preinier  liècle  de  Tbigire,  dam  /e 
vifl.*  sié<;le~de  r^re  chrét.i  une.  C«)>i^:es  souf  donc  pptljÊriei^es  au 
'  mahoinitisihe  ;  et  u  Ton  a,  égard  i  la  j)j^Haile  identité  des  idées,  de  /a 
\  bfngôc  et  du  iiyte,  tpii.fe  6it.rémarquer  d«fu  tc^tf  Je  rccunli  oa  ngy^eia 
presque  coRtiqe  dAii)on.tré  91e  riea  de  (;«  (pl^ll  contient  v'çu  «njiidciir 
&  tietle  époque, 

Ilnesen  pas.  je  ciois«  {leaucqup  plus,  difficile  dp,,tilfyiïwrIaxaison 
pour  Jaquelle  fç  recueil  est  connu  jous  le  nom  di  ^t^Jadamt^ou 
livre  d'Adam.  Je  crois  pouvoir  tirer  .cette  dénonHaïa^oP-^B  ce  qafH  y 
est  &£quenirnent  question  de  la  formatioa  d'Adam,  et  de  ws  rappons 
avec  les  bons  et  les  mauvais  génies.     > 

J'ai  observé  que  sur  la  tolaiité  des  pièces  qui  composent  |a  preoùère 
p3rtiedul4vred'Adam,ily  ena  treize,  dam  Pédition  de  iA.  Norli^rg, 
qui  commencent  par  cette  formule  plus  ou  moins  abrégée  : 

«  Au  JKtrn  de  la  Vie .- . . .  Que  la  santé ,  la  pureté  et  !a  rétnission  des 
M  péchés  soient  accordées  k  moi,  Adam-Zouhroun ,  fils  de  Scharat;  à 
»  mpn  père  Yabjra-Bakhtiar ,  fils  d*Anbar-Yasmin;  à  ma  mère  Scharat, 
«fîlIed'Anhariàtyafèmme  Moudalal .  fille  deSchantiti  ma  seconde 
nfemme  Samra,  fille  de  Scharat;  à  met  entàns,  Adam,  Bt-hram,  - 
»  Sîmat-Ad^^ifZouhrounjSam  etBayan,  6lsde  Moudalaf;  kmes  frères, 
»  Mehatam,  fils  de  Sdwrat;  Ram«  fils  d'Anhar,  etAdam-Youhanna, 
.  w  fils  d'Anbar-Yasmin.  »  On  pourroit,au  premier  abord,  être  tenté  de 
conclure  de  t^tte  formule  si  souvent  répétée ,  et  par  laquelle  commence 
le  recueil,  que  ce  livre  a  été  nommé  Sidra  ladam  ou  Uvre  d'Adam, 
parce  qu'il  est  l^ouvfage  d'Adam-Zouhreuo  ;  et  je  dois  avouer  que  j'a^ois 
d'abord  penché  pQur  cette  opinion:  mais  ce  qui  en  démontre  la  fausseté, 
c'est  que  le  manq^crit  joji  B  e$t  le  seul  où  se  trouve  le  nom  d'Adam- 
Zouhroun.  De  semblables  formules  se  lisent  dans  les  autres  manuscrits, 
mais  avec  des  noms  différent,  comme  Behram,  fils  de  Simat;  Ram- 


NOVEMBRE   iSip^  6$^ 

adressant  îa  parole  à  Adam ,  auteur  du  genre  humain ,  et  lui  annonçant 
les  destinées  de  sa  race,  lui  dit:  «  Hommes  pa:[faîts  et  fidèles,  voîcî  ' 
»  ce  que  je  vous  annonce.  Après  tous  les  prophètes,  un  prophète 
»  s'élèvera  de  [a  terre;  il  viendra  un  quatrième  prophète  (le  crois  que 
»  les  trois  autres  sont  Abraham ,  Moïse  er  Jésus  ) ,  et  il  régnera  sur  toutes 
^^  fes  nations.  Par  lui  l'oppression  se  muhipfiera  dans  fe  monde.  Après 
5>  cette  domination,  fe  monde  sera  dans  le  trouble.  Après  Mahomet, 
»  fi/s  de  Bezl>at,  le  quatrième  {  prophète  ) ,  il  n'y  aura  plus  personne 
»  qui  prophétise  dans  le  monde,  et  la  foi  disparoîtra  du  monde  ("  Cbd^ 
y^  Nas.  tom.It  p.  nj).yi  Ailleurs  on  lit:  w  II  sortira  de  fa  ville  de 
»  Jérusalem  trois  cents  prophètes  au  nom  du  maître  de  la   grandeur^ 

»(  trois  cents)   magiciens  (  f  »f^tt>-  Je  traduis  ainsi  ce  inot  d'après 

»  l'arabe^  ma^e  ) .  . .  Alors  la  ville  de  Jérusalem  sera  détruite; en  sorte 
»  que  les  Juifs  sortiront  pour  aller  en  exil  et  se  disperseront  en  divers 
»  pays.  Alors  viendra  Ahmed,  filsdeBezbat,  ie  magicien;  il  prêchera 
»  une  parole  qui  n'est  point  une  parole  (  c'est-à-dire  une  doctrine  vaine 
»  et  mensongère  ) ,  et  fe  maf  s'augmentera  dans  fe  monde.»  On  voit  que  . 
les  mots  prophète  et  niagicUn  sont  employés  dans  ces  textes  comme 
synonymes  (i).  Au  surpïus,  quoique  fauteur  du  Livre  d'Adatn  ne  se 
dise  pas  positivement  inspiré,  comme  il  fiiit  souvent  parler  fes  génies, 
et  qu'if  raconte  des  choses  fort  éfevées  au-dessus  des  connoissances  de 
Thomme,  et  de  beaucoup  antérieures  à  la  création  d'A(&m  et  même 
à  ceffe  du  monde,  on  ne  sauroit  douter  qu'if  ne  se  soit  attribué  fins-* 
piration  divine,  ou  qu'if  n'ait  du  moins  supposé  qu'if  puisoit  sa doctriAe 
dans  des  fivres  révélés. 

Dans  fes  pièces  qui  composent  fa  seconde  partie  dû  Livre  d^Adam,^ 

c'est  presque  toujours  le  Mann  JliJiàD»  c'est-à-dire,  faine  ou  fa  substance 
spiritueife,  venue  par  fordre  de  fa  Vie  suprême  pour  vivifier  et  animer 
fe  corps  d'Adam,  ert  s'unissant  à  la  matièfe  fnerte  et  inanimée,  quf 
porte  fn  paroîe.  M.  Norberga  rendu  fe  mot  mana  fe  pfus  souvent  par 
aon.  Pour  moi,  fe  conjecture  que  c'est  fe  mot  arabe  ^gKjut  sens,  que  fes 
hommes  spiri^uefs  opposent  sans  cesse  iihifgure,  Vextrieur,  o^j^.  If 
signifie  fe  principe  actif  qui  ne  tombe  pas  sous  fes-  sens,  et  se  prend 
souvent  pdur  Dieu  lui-même,  fe  seut  être  réeffement  existant^  tout  fe 
reste  n'étant  que  des  apparences  ilfusoires. 

(i)  Abraham  ,  adora'eiir  da  soleil,  sous  \ç^  ^ova  ik  Adonai ,  Ka4ousch\id\ii\\ 
et  El  [Dieu],  est  aussi  appelé  prophète;  et  iVloïse,  qui  a  donné  aux  Juifs  lai' 

foi  sur  le  mont  Sînaï,  est  novaxa^  prophète  de  l'tspr'u  JLa*09}  ju2kj,  c'est-àf- 
dire,  du  mauvais  esprit  et  homme  mçnicur.  (Cod,  Plus,  tom,  l ,p.  88.) 


6f6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

L'alibi  de'  Longwnie,  qui  s'est  occupé  des  livres  det-Cbrfliens  de 
Saint- Jean  ,  setuît ,  k  ire  qu'il  parofi«  attaché  spédaletnent  k  cette 
seconde  piirtîe  du  Livre  d'Adam.  Voici  ce  qu'on  lit  k  cet  égard  dans  la 
LongfitruMa  :  <*■  Les  Chrétit-ns  de  Saini-Jein  qui  demeureilt  k  Buaora, 
M  et  aux  environs ,  sont  de  vrais  IVlanicbéens  ;  leur  nombre  itoit  autrefiûs 
w  beaucoup  plus  grand.  J'avois  traduit,  sur  un  manuscrit  cbaldéen  et  ■ 
»  fort  ancien,  des  visions,  des  prières  et  autres  pièces  de  nligion^à 
M  Fusage  dt^s  JManirtiéens;  j'avois,  dis-je,  traduit  environ  quatre-vingts 
9»  petits  irticlen  composant  une  litanie  des  attributs  de  l«jr  gmvï  Mmam, 
»  Tiionus  Blampnin  vouluii  riniprimer  dans  un  des  volumes  du  Saint- 
M  Augustin  :  mai»  je  ne  voulus  pas  le  permettre ,  parce  qu'il  y  avrat  troit 
wdimrens  mots  que  je  n'étuis  pas  assez  sûr  d'avoir  entendus;  or  ce 
3*  chaldéen  n'éioii  pat  pur,  mai»  au  contraire  mêlé  de  dialectes  inconnus; 
wet  jectaignois  d'avoir  irop  donné  aux  conjectures,  et  que  quelqu'un 
»  ne  prît  pour  certain  ce  qui  ne  Tétoit  pas.»  \  Longue,  p.  a4o.  )  Je 
ne  veux  point  examiner  ici  les  asseriions  de  Fsbl^  de  Longuerue  :  (ouc 
cequeje  veux  induire  de  ce  passage,  c'nt  que  les  quatre-vingts  petits 
articles  qu'il  dit  avoir  traduits,  étoieni  induhiiaLIemt^nt  tirés  de  la 
deitiière  partie  du  Sîdra  Ltdam.  En  chuisisiiani  ces  morceaux  de  peu 
d'étendue  pour  faire  un  essai  d^  traduction  de  ces  livres,  il  avoit  montré 
un  juste  discememenf  ;  car  ils  ptéi^entent  moins  de  graves  difficultés  que 
les  morceaux  qui  composent  la  première  partie  :  mais  il  faut  avouer 
aussi  qu'ils  offrent  moins  d'intérêt  ïous  le  point  de  vue  de  la  doctrine 
et  du  système  religieux  de  cette  secte.  Je  dois  k  M.  El.  Quatremère 
l'indication  de  ce  passage  important  du  Languemana, 

Cette  seconde  partie  du  Livre  d'Adam  n'est  pas  complète  dans 
l'édition.  Elle  i*  tmnine  tx  abrupto \tom.  III,  p.  27}  )  au  milieu  d'une 
phrase  :  Que  facto ,  et  cùm  corpus  JttiJum  txeustissem ,  pomctâ  dexurâ  me 
ptehtndit,  et  canalts  aquœ .  . .   M.  Norl>erg  ajoute,  r<rtfrâ  daurir;  ce 


NOVEMBRE  i8:l^i    l  lî>y 

profe<fseur  des  langues  orientales  à  Upsal,  acopiéàà  sa  prière ^pariist 
Enfin  il  conjecture»  mais  il  ne ^faît  que  .coo)t€Xttrer«  ,({ue  ces  fragment 
appartiennent  à  la  seconde  partie  du  Sidra  ladam.  £c  cependaiit  il  est 
certain  que  la  seconde  partie  de  ce  livre  est  complète  dans  nos  quatii» 
manuscrits ,  qu'il  ne  tenoit  qu'à  M*  Norberg  de  ne  pas  s'arrêter  aux  mots 

JLoo  jUAAdio  9  ^t  c anales  aquce,  qui  terminent  une  page ,  et  'de  côpie^ 

du  moins  quelques  lignes  qui  restoieiit  encore  pour  compléter  la  «pièce 
commencée.  Il  se  peut  faire  qu'une  circonstance  imprévue  ait  empêché^ 
dans  le  temps  >  M.  Norberg  de  pousser  pliïs  loin  sa  copie  ;  mais  alpr^ 
ildevoit  en  avertir  le  lecteur.  La  seule  manière  vraisemblable  cTexpliqueil 
une  pareille  méprise,  c'est  de  supposer  que  M.  Norbjçrg  n'^ivoii  p;^ 
conservé  des  notes  exactes  de  cequ'il  avoit  fait  k  Pari?>  et  de  l'état  des 
manuscrits  dont  il  s'étoit  servi  I  et  que  $a  mémoire  i  au  bout  de  quarante 
ans ,  lui  a  mal  représenté  les  choses. 

Nous  allons  maintenant  examiner  comment  il  a  Fempli  les  devoirs 
d'éditeur  et  de  traducteur.  Pour  faire  comprendre  nos  observations  à 
cet  égard,  nous  serons  obligés  de  faire  connoître  d'abord  le  système 
d'écriture  des  Sal^éens  y  et  tQUtes  I^s  difficultés  qui  naissent  de  ce  système,, 
Les  Iëcte^rs  voudront  bien  npus  pardonner  ces  digressions,  quil  ne 
dépend  pas  de  nous  d'éviter. .  .    '  '    i  ' 

La  langue  dans  laquelle  sont  écrits  les  livres  des  Chrétiens  de  Saîntr. 
Jean,  est  incontestablement  un  dialecte  chaldaïque  ou  syriaque^  II  ne 
seroit  pas  exact  de  dire  avec  M.  Raymond,  précédemment  cité,  que  les 
Sabéens  ne  parlent  ni  n'entendent  le  syriaque ,  quoiqu'il  y  ait  dans  leiir 
dialecte  plusieurs  mots  de  cet  idiome,  A!;raham  Êcchellensîs  a  dit  avtc. 
bien  plus  de  raison,  en  comparant  la  langue  Syriaque»  qu'il  nomn*e 
chaldaïque,  avec  celle  que  parlent  les  Sabéens  iLinguà  tametsi  chalddic^ 
sitj  habetXamen  vocabula  quœdam  rtobis penitus  ignota,  quemaJmodum^t. 
nostrorum  dictionariorum  et  lexicorum  antiquis  autoribus  { Eutych.  vindic»> 
p.  jiS]  ;  seulement  il  auroit  dû  dire  p/ura  vocabula,  auiieu  de  vocabula 
quœdam,  II  h\xx  ajouter  que  beaucoup  de  mots,   communs  aux  deux 
idiomes,  paroissent  avoir,  dans  celui   des    Sabéens,  des  acceptions* 
inconnues  aux  Syriens  et  aux  Chaldéens. 

Le  caractère  dont  les  Sabéerts  font  usage,  diffère  essentiellement  de 
tous  ceux  dont  se  servent  les  autres  nations  qui  parlent  ou*pIutôt  qui' 
ont  parlé  autrefois  la  langue  syriaque,  et  qui  en  conservent  lusage  dans 
fa  liturgie.  II  a  cela  de  particulier,  que  toutes  les  voyelles  y  sont  écrites, 
et  qu'elles  se  bornent  au  nombre  de  trois  ;  au  lieu  que,  chez  les  autres 
peuples  qui  parlent  le  syriaque,  eUej  jonï  au. ^lombçe .4é  cinq;  dahl. 

Oooô 


tfjt  JOURNAL  DES  SAVANS. 

l'uMgele  flat  ordinaire,  on  I«s  omet  dani  récriture»  comme  en  hébreu 
et  «n  arabe;  enfin',  lonqu'on  les  écrit  «  c'est  &u  moyen  de  points-vbyelfes 
tra  de  figurai  KM}outéet,  qui  ne  prennent  point  place  dani  la  lérie 
des  ietmik       .  ■  '  ' 

Outre  cm  caiactèrei  ptrtictrfîén  L  k  langue  et  i.  Técritnre  des  Chi^ 
tiens  de  Saint-Jean,  il  est,  dans  fortliognf^  de  ce  dialecte,  des  lin- 
guUrités  qùi>n  rendent  trés-dïffidie  la  lecture  etTîntenigence^ 

t;^  'Q'nbii)ike  les  K^daïies  àieUti  comme  les  Hébreux^!  lès  Sfriens^ 
Tnigt-'deuz  lettrés,  ainsi  qu'on  le  reconnoît  évidemment  par  quatre 
psaumes  ou  monceaux  acrostiches  quise  trouvent  dans  le  Sitk'a  ladaHi, 
dans  Tusagé  cependant  ils  n'en  emploient  que  Tingt-ime,  ne  distinguant 
Jamais  ie  hi  du  httk.  Dans  ces  pièces  acrostiches,  ia  figuiç  du  hetk, 
qui,  sans  cette  circonsranf e ,  nous seroit  tout-k-f^tt  inconnue,  ressemble 
&-peu-près  k  un  9  italique  fortement  incliné ,  0(1  piut&t  au  sad  arabe  privé 
de  sa  dernière  partie  «.  Quand  les  caractères  alphabétiques  sont  employés 
comme  signes  dé  la  numératibn,  c'est  cette  même  figure  qui  indique  le 
nombre  8^ 

2."  Ils  confondent  sans  cesse  les  figures  de  Vahfti  du  aîn  (  t  ] ,  et 
sans  doiite'ils  ne  distinguent  point  ces  lettres  dans  ht, prononciation. 
Aussi  aî-je  remarqué  que,  daiu  les  notes  mises  par  les  copistes  à  l.i  fin 
Asi  manuscrits,  s'il  se  rencontre  un  nom  propre  arabe  où  ir  doive  y 
avoir  ;un  ain,  comme  Saadan  (jIja^,  ib  peignent  à  sa  place,  avant  la 
lettre  sabéenne,  un  a  arabe. 

3 .'  Fréquemment  ils  éiident  tout-k-^it  dans  fécriture  les  gutturales 
httk  et  àin  ;  ce  qui  défigure  les  mots  et  en  rend  la  racine  et  fe  sens 
également  problématiques.  Ainsi  ils  écrivent  OJ  nou  pour  mbAJ  ttouh ; 
I  mtichnhîa  pour  ^..-^■%«  mttckahhia  ;  J^^f  rakia  pour 
oi  rakia'a:  fV**^  houta  pour  iLo^ia  be'outa.  On  a  cru  qu'ils 


•NOVEMBRE   iStX}.      '  t^f 

dérivés  de  rhébreii,  s'écrit  en  plusieurs  mois;  comme  y^;jol  poui; 
^cS^  *aof  'V  /eur  a  dit;  j-^*ft  ■  pour  JIa  «»âJ  Ua  atigmtnté  par  lui. 

6."  JIs  inlervenisseiu  dans  les  mois  l'ordre  des  lettres  radicales , 
comme  dans  (V**o)  ouhra  pour  JL*îot  mirhiz ,  chemin;  X'^t**  yakia 
poif  Jl*i.M  yf/tu.  mois;  l  is^*>  l'ff'f^  pour  U.^*^  ^'$^^'  P'^**' 

7."  Ils  substituent  les  unes  aux  autres  les  lettres  du  même  organe, 

comme  dans  i^^  hdab  pour  ^â(o  ketah,  il  a  écrit;  ^,^j*y  legack 

pour  A^Vx^  lekath,  il  a  rassembIé;'^^A.^^*«ij/pour''^Â^  keij!^ 
il  a  tué. 

11  lâut  avoir  essayé  soi-même  de  traduire  les  livres  des  Mandaïies, 
pour  se  faire  une  idée  des  difficultés  qui  naissent  de  ces  diverses  causeSf 
léunies  souvent  dans  un  seul  mot. 

Ces  difficultés  cependant,  qu'on  pourroit  appeler  matérielles,  sont 
peu  de  chose  encore,  comparées  \  celles  qui  ont  leur  source  dans  les 
choses  mêmes  dont  traite  la  plus  grande  partie  de  ce  livre.  C'est  un 
sujet  extrêmement  obscur,  qui  se  compose  tout  entier  d'idées  fantas- 
tiques ,  de  rêves  d'une  imagination  en  délire ,  d'actes  et  de  raisonnemcns 
attribués  k  une  infinité  d'êtres  d'une  nature  étrange,  et  qui  n'ont  aucune 
réalité;  des  détails  de  la  plus  absurde  cosmogonie;  de  l'hisloire  enfin 
d'un  monde  imaginaire,  peuplé  par  des  milliers  de  génies,  dont  les 
noms  mêmes  sont  autant  d'énigmes ,  presque  toujours  insolubles.  Pour 
tout  dire  en  un  mot,  c'est  un  sujet  sur  lequel  le  raisonnement  et  le  bon 
sens  n'ont  aucune  prise.  C'est  à  peu  près  ainsi  que  l'a  dépeint  M.  Nor- 
berg,  mais  malheureusement  dans  un  style  presque  aussi  inintelligible 
que  celui  des  livres  qui  l'ont  si  long-tetnps  et  si  péniblement  occupé. 
Après  avoir  parlé  du  dialecte  corrompu  des  Sabéens  et  des  obstacles 
qu'il  a  rencontrés  dans  la  nature  même  du  langage,  il  s'exprime  ainsi: 
Ntqut  minor ,  qua  gentris  dicenrti  ohscuritas,  Hlans  compos'ilionc  oraùo 
tst ,  ut  sua  Tudis  inJigcsraijue  molts  :  ea^ue  turgtscens.  în  quantum  disso- 
luta ,  jam  supra,  },im  tnfra  calum  tt  sidcra  tendit  (  Cod.  Nas.  tom.  1, 
praf,  p.  iij).  Puis  voulant  développer  cette  idée,  il  ajoute  en  note: 
Ntc  salis  quàd  voces  dissimulatim  aut  simuluii  quœrentem,  consi/ii  ambî- 
guum ,  long}  latèquf  circumduxerunt.  Ipsa  etiain  rcs  fucosa  et  fallaces. 
idea  isiœ  ptrsonata:  qux  vacuœ  et  inanes  studium  îndagantis,  ut  umha 
manum  prensarttis .  facile  effugerjnt.  Easque ,  summa,  ima  petmtes ,  aut  ta 
miscentes,  consequi ,  supra  œmulantis  invidiam  scepiuS  positum  fuit. 

Dans  une  entreprise  aussi  difficile  et  semée  d'autant  d'écueils,  que 
tievoit  faire  un  éditeur,  pour  que  sou  travail  inspirât  la  confiance,  et 

O  000  a 


_-J_i. 

NOVEMBRE   1819. 

\  ^en^hiinnmcns ,  et  en  conscrjnence  écrire  |^  fi^N^  •  H  s'excui.e  in5ine 
'  (  tom.  III ,  p.  ^ly  )  de  n'avoir  pas  toujours  écrii  ainsi.  Ce  n'est  que  dam 
XOnomdsthonç^'A  reconiioit  qu'il  a  eu  tort  d'adopter  celle  dérivaiion  et 
de  reiidre  ce  mol  par  incanluiores.  Un  des  génies  qui  jouent  le  plus 
grand  rôle  dans  la  myihologre  des  Chrétiens  de  Saint-Jean,  c'est  Hihit- 
^^a,  DuHîbil  léclatant.  Dam  les  manuscrits,  ce  nom  est  constamment 
.écrit  par  un  ké  ou  heth  '^--*  ■  --  ;  cependant  M.  Norberg  substitue 
toujours  un  am  au  ht ,  et  écrii"^,^^  sans  aucune  autorité  :  j'ose  même 
assurer  que  c'est  k  ton  ;  car  ce  nom  est  aussi  celui  d'un  tils  que  les  livres 
des  Sabéens  donnent  k  Adam.  De  cet  Hibil  naquit  Schilil ,  et  de 
Schiiil,  Anouseli  (  Coii,  Nas.  tom.  II,  p.  1  2j  ).  Or  ces  trois  noms  ne 
I  sont  autres  que  ceux  d'Abei,  Selh  et  Énos,  en  hébreu  Ssn  -  r»  et  trtiH. 
'  Le  nom  de  Seth  s'est  changé  en  -Sdiilil ,  parce  que  les  Sabéens  y  ont 
ajouté  la  finale  il  ou  el  comme  font  les  Juifs  dans  les  noms  des  anges. 
Quant  aux  anachronismes  et  à  la  confusion  des  faits,  rien  ne  doit 
surprendre  de  leur  part. 

Un  autre  inconvénient  qui  résulte  de  la  licence  prise  par  l'éditeur, 
c'est  que  quelquefois  il  n  a  pas  restitué  une  lettre  gutturale  omise  par  les 
Sabéens ,  et  qu'alors  le  lecteur  est  en  quelque  sorte  prévenu  contre  cette 
resiiiuiion.  En  suivant  le  système  de  restitution  qu'il  a  adopté  ailleurs, 
■il  auroit  dû,  je  crois,  écrire -«.«Jjo  ei  non  t  «JJa  pour  le  nom  du  genre 
nommé  aussi  Hibil-'^iya.  1!  nomme  certain's  génies  rebelles  ^okm,  en 
Conservant  Tonhographe  des  manuscrits  liaiâ  ;  il  est  pourtant  vrai- 
semblable que  ce  nom  vient  de  la  racine  ;&o  et  signitîe  ou  b^te 
comme  Kvp  en  chaldéen  ,  ou  torche,  fiambiau  ardent,  comme  trijo  et 
«"ï^s  en  la  môme  langue. 

Quelquefois,  en  ne  voulant  pas  s'écarter  de  son  système,  M.  Norberg 
a  adopté  une  manière  d'écrire  défectueuse  ,  quand  celle  des  manuscrits 
éloil régulière.  Par  exemple,  ilécrit  souvent '^o  quand  les  manuscrits 
^GxXtn\^^9  et  super.  Ujie  chose  plus  singulière  encore,  c'est  qu'on 
trouve  souvent  dans  son  édïtion'^Sk  pour'^bt, ,  tandis  que  jamais  les 
manuscrits  ne  présentent  cette  faute. 

Je  ne  me  dissimule  |)ointqueM.  Norberg,  voulant  joindre  une  traduc- 
tion aux  textes  qu'il  se  proposoit  de  publier,  se  trouvoit  dans  la  nécessité 
de  ramener  chaque  mot  de  l'original,  altéré  soit  dans  sa  forme  gram- 
maticale, soit  dans  ses  lettres  radicales,  aux  formes  régulières  de  la 
langue  syriaque,  ou  k  des  racines  connues,  soit  du  syriaque,  soit  de 
l'hébreu ,  du  thaldéen ,  de  l'arabe  ou  même  du  persan  ;  et  que ,  sans  ca 


NOVEMBRE    1819.  66^ 

e.ifiglnh  infima,  ohsirvavit  (  ibid.  p.  2ji  )  \  Il  est  un  assez  grand  nombre 
de  passages  où  l'obscu/ilé  du  sujei  est  encore  augmentée  par  le  style 
péiiiLle  du  traducteur,  tes  constructions  insolites,  les  fautes  même 
contre  la  langue  qui  luî  sont  échappées ,  telles  quej?//f  et  ^w«  au  vocatif, 
pourjî//  etgeni;  l'adjectif  pronominal  saifs  employé  au  lieu  du  pronom 
ejus;  sarrago ,  constamment  mis  dans  la  traduction  et  dans  le  dictionnaire 
pour  sartago;  cardia,  pour  corda  ;  fraudultnlïbus ,  ^ovj  frauduUntls .  &c. 
Peut-être  l'original,  dans  quelques  endroits,  est-il  moins  difficile  à 
entendre  que  la  traduction.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  crois  pouvoir  dire 
qu'il  est  beaucoup  de  passages  qu'on  ne  sauroit  comprendre  dans  letat 
actuel  de  nos  connoîssances ,  et  qu'il  ne  falloit  pas  essayer  de  traduire. 

M.  Norberg  a  joint  à  son  travail  un  dictionnaire,  Ltxidion  Codicis 
Nûsûrai.  Tout  ce  que  j'ai  dit  de  l'édiiion  du  texte  et  de  la  traduction, 
l'applique  nécessairement  au  dictionnaire:  il  est  d'ailleurs  très- incomplet. 
Assez  souvent  l'auteur  y  corrige  lui-même   sa  traduction. 

Un  travail  plus  important,  c'est  le  dictionnaire  des  noms  propres, 
OmmûsticQn  Codkis  Nasarai.  Tel  qu'il  est,  on  peut  s'en  servir  avtc 
avantage;  mais  il  seroit  d'une  utilité  plus  grande  et  plus  réelle,  si 
beaucoup  de  noms  propres  n'y  étoieni  pas  omis,  et  si  l'auteur  se  {v,% 
borné  à  rédiger  une  sorte  de  Concordance,  ou  se  irouvasseiii  réunis  ou 
du  moins  indiqués  tous  les  passages  de  quelque  importance,  relatifs  à 
l'un  ou  l'autre  de  ces  èires  faiilastiques  qui  peuplent  les  mondes  imagi- 
naires des  Chrétiens  de  Saint-Jean.  Rien  ne  conduiroit  plus  sûrement 
à  la  connoissance  de  la  nature  de  ces  personnages,  de  leurs  attributs, 
des  divers  noms  sous  lesquels  chacun  d'eux  paroît,  de  lu-ups  rapports 
respeciifs,  soit  avec  l'Être  suprême  ou  la  Vie  personnifiée,  soit  avec 
les  autres  génies  de  difiérens  ordres,  soit  avec  le  monde  matéiiel 
et  le  genre  humain.  La  connoissance  de  ces  êtres  mythologiques, 
si  l'on  parvenoit  à  l'acquérir,  seroit,  je  crois,  comme  la  clef  de  ce 
système,  et  un  fil  pour  se  conduire  dans  ce  labyrinthe.  Mais  je  ne  vou- 
drois  pas  chercher,  comme  M.  Norberg  l'a  fait  si  souvent,  l'expli- 
cation de  ces  énigmes,  ou  les  traits  de  ces  tableaux,  dans  ce  que 
quelques  écrivains  juifs  ou  arabes  ont  écrit  sur  la  doctrine  des  Sabéeiis, 
adora Feurs  des  astres;  car  je  crois  avec  Moiheim  que  ces  Sabéens  sont 
toui-k-fait  étrangers  aux  Mandaïtes. 

Cet  article  est  déjà  si  long,  que  je  ne  puis  entrer  dans  une  discu£- 
sion  détaillée  de  la  traduction  de  M.  Norberg.  Je  me  bornerai  donc  !i 
deux  ou  trois  observations,  qui  serviront  d'exemples  de  toutes  celles 
que  l'on  pourroit  faire;  et  d'ailleurs  ies  personnes  qui  voudront  en 
prendre  la  peine,  pourront  comparer  U  traduction  d'un  fragment  du 


NOVEMBRE    1819.  66s 

Chrétiens  et  des  Gnostiques,  que  la  même  planète  porte  aussi,  dans 
les  livres  des  Sabéens ,  d'autres  noms  qui  paroissent  signifier ^amme  et 
tia/eur,  symboles  sous  lesquels  les  Chrétiens  désignent  aussi  la  troi- 
sième persohne  de  la  Trinité. 

II  est  bon  de  dire,  à  cette  occasion ,  que  les  Chrétiens  de  Saint-Jean 
ont  certainement  emprunté  beaucoup  d'idées  des  Gnostiques  et  dea 
Manichéens,  quoiqu'ils  soient  ennemis  déclarés  et  des  Manichéens,  et 
du  christianisme ,  auquel  appartiennent  plus  ou  moins  toutes  les  sectes 
des  Gnostiques.  C'est  ce  que  le  lecteur  verra  dans  un  troisième  article , 
où  j'essaierai  de  donner  une  idée  de  la  doctrine  des  Chrétiens  de  Saint- 
Jean  d'après  le  Livre  d'Adam. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


Histoire  de  l  Empire  de  Russie  ,  par  -Ai.  Karamsin , 
traduite  par  MM.    Saint-Thomas   et   Jaufîret.    Paris,  de 
rimprimerie  de  Belin ,  18  ip;  tom.  I  et  II,  in-S.^  xlviîj, 
4i8  et  ^-^o  pages,  avec  une  carte.  A  Paris,  à  Strasbourg' 
et  à  Londres ,  chez  MM.  Treuttel  et  Wurtz. 

Une  histoire  de  la  Russie  manquoit  à  la  littérature  russe,  beaucoup 
plus  qu'à  ia  littérature  française.  Sans  parler  du  premier  coup-d'œif 
que  Voltaire  a  jeté  sur  cette  matière ,  et  de  plusieurs  autres  essais  qui 
en  ont  fait  au  moins  sentir  l'importance,  l'ouvrage  de  M.  Lévesque 
a  pleinement  satisfait  ia  curiosité  qu'ils  avoient  excitée.  Aussi  les  tra- 
ducteurs de  M.  Karamsin  s*empressent«ils,  dès  les  premières  pages  de 
leur  préface,  de  rendre  hommage  à  ce  travail;  et  cette  honorabfe  im- 
partialité semble  donner  plus  de  poids  au  magnifique  éloge  qu'ils  font 
ensuite  de  l'ouvrage  étranger  dont  ils  se  sont  occupés.  A  vrai  dire,  c'est 
le  soumettre  à  une  épreuve  assez  redoutable  que  de  commencer  par 
le  combler  de  tant  de  louanges ,  et  que  d'oser  faire  ainsi ,  presque  au 
nom  de  l'auteur,  des  promesses. qu'il  est  difficile  de  remplir,  qu'il  seroit 
impossible  de  surpasser.  Mais  ce  qui  doit  prévenir  en  faveur  de  ces 
deux  volumes  et  de  ceux  qui  les  suivront,  c'est  qu'ils  ont  été  traduits 
sous  les  yeux  de  l'auteur,  et  que  la  fidélité  de  la  version  nous  est 
garantie  par  le  soin  qu'il  a  pris  de  s'en  assurer  lui-même,  par  les  expli- 
cations immédiates  qu'il  a  données  à  ses  interprètes,  toutes  les  fois  qu'ils 
auroient  pu  se  méprendre  sur  le  sens  des  expressions  relatives  auj( 
mœurs  et  aux  lottes. 

pppp 


"novembre    1819.  676 

i^s  deux  volumes  qui  viennent  d'en  êire  publiés  en  français,  se  ler- 
?  binent  à  l'année  1 169,  et  nous  laissent  encore  h  plus  de  deux  siècles 
tàe  distance  de  l'époque  que  l'auteur  vient  d'apjieler  moyenne;  \h  ne 
1  comprennent  pas  complètement  les  deux  premières  époques  de  M.Schlô- 
\  «er.  Nous  devons  observer  toutefois  que  M.  Lévesque  avoit  donné  un 
I  ,peu  -moins  de  développemens  k  cette  matière,  et  que  par  conséquent 
[  JI  reste  un  certain  nombre  de  notions  nouvelles  h  recueillir  dans  ces 
I  premiers  tomes  de  M.  Karamsin. 

On  a  depuis  long-temps  recherché  l'origine  des  Husses  :  c'est  l'objet 
des  deux  premiers  chapitres  du  nouvel  ouvrage.  Le  point  important, 
en  de  pareilles  questions,  est  de  distinguer  les  anciens  habitans  d'un 
'  ipays  d'avec  ceux  qui  sont  venus  le  conquérir,  s'y  établir,  en  modifier  les 
lois  et  les  usages,  en  changer  Je  gouveniemenl  et  le  nom.  L'auteur  île 
-néglige  rien  de  ce  qui  peut  aider  b  démêler  dans  l'antiquité  les  divers 
I  peuples  Scythes,  Sarniates,  Huns  et  Slaves,  qui  ont  occupé  et  ravagé 
fesi  et  le  nord  de  rEuro|)e  :  mais  il  s'agit  sur-iout  de  savoir  qui  étoient, 
d'où  venoient  ces  Varègues  qui,  en  862,  devinrent,  dit  M.  Karnmsin 
d'après  Nestor,  <■  les  premiers  souverains  de  notre  patrie,  à  laquelle  ils 
".donnèrent  le  nom  de  Russie.  »  C'étoîene ,  répond-il  avec  le  même  chro- 
niqueur, des  Scandinaves  partis  des  extrémités  de  la  nier  Baltique. 
Kurik  est  un  nom  normand  :  les  annales  des  Francs  parlent ,  sous  l'année 
850,  d'un  Rurik  chef  des  Danois,  d'un  autre  Rurik  roi  des  Normands, 
d'un  troisième  Rurik  qu'elles  appellent  Normand  pour  toute  qualifi- 
cation. Luitprand  dît  que  les  Russes  portoieni  ce  même  nom  de  Aor- 
ntûnds.  Quanta  celui  de  Vûrigucs ,  M.  Karamsin  le  rapproche  du  nom 
grec  Be«o£>;ji«,  du  nom  Scandinave  Waritigar ,  que  portoient,  au  XI.° 
siècle,  des  Normands  admis  dans  la  gai'di^  des  empereurs  de  Coiistan- 
linople.  li  ajoute  que  vaire,  vara ,  est  un  vieux  mot  gothique  qui  signifie 
alliance  ,  en  sorte  que  Varègues  n'auroit  signifié  originairement  qu'al/îe's 
ou  compagnons.  Peut-être  ces  étymologies  ne  sont-elles  pas,  en  histoire, 
d'une  très-grande  autorité;  mais  ici  du  moins  elles  s'accordent  avec 
des  témoignages  ou  des  indications  positivement  historiques.  Pour  dé- 
terminer d'une  manière  plus  précise  celle  des  côtes  de  la  mer  Baltique 
d'où  les  Varègues  s'étoient  élancés  sur  la  Moscovie,  l'auteur  propose 
plus  de  conjectures  qu'il  ne  peut  alléguer  de  textes  :  il  en  cite  néan- 
moins quelques-uns,  par  exemple,  un  passage  fort  connu  des  Annales 
de  Saint  Berlin  { monastère  de  Sithieu  ou  Saint-Omer } ,  qui  sont  ici  im- 
proprement appelées,  par  les  traducteurs,  Annales  de  Berlin. 

Débarrassé   de  ces    questions    épineuses,    l'auteur   nous  offre   une 
intéressante  description  du  caractère  physique  et  moral  des  Slaves  en 

ppjip  2 


NOVEMBRE  1819.  669 

»  de  la  dviiisation.  Jusqu'au  règne  d'Olga  »  les  princes  russes  ne  s'étoient 
3»  occupés  que  delà  guerre;  elle  gouverna  Tempire;  et  Sviatoslaf  lui- 
»  même ,  dans  un  âge  plus  avancé  ,  convaincu  de  toute  la  sagesse  de 
»  sa  mère,  plein  de  confiance  en  sa  prudence,  lui  abandonna  Tadminis- 
»  tration  intérieure'de  TEtat,  tandis  que  des  guerres  continuelles  l'éfoi- 
»  gnoient  de  la  capitale.  . .  Enfin,  par  son  zèle  pour  le  chrisuanisme, 
»  Olga,  selon  l'expression  de  Nestor,  fut  /'aurore  et  /'astre  de  sa/ut  pour 
»  /a  Russie.  Elle  servit  d'exemple  à  Vladimir,  et  prépara  le  triomphe 
»  de  la  vraie  religion  dans  notre  patrie.  y>  Les  lecteurs  pourront  juger  par 
ce  morceau  du  ton- de  l'ouvrage,  du  caractère  judicieux  des  observations, 
et  de  îa 'diction  correcte  et  précise  des  traducteurs. 

Vladimir  conquit  le  trône  par  un  crime  ;  il  fit  assassiner  son  frère 
aîné  Yaropolk:  mais  le  christianisme  amortit  ou  éteignit  en  lui  beaucoup 
de  vices  naturels ,  et  son  zèle  religieux  lui  a  mérité  de  grands  hommages. 
Nestor  le  comble  d'éloges;  M.  Karamsin  n'en  est  pas  tout-à-fart  aussi 
prodigue.  Il  lui  reproche  d'avoir  commis  la  plus  grave  des  fautes 
politiques,  en  partageant  ses  états  entre  ses  douze  fils,  en  divisant  la 
monarchie  en  apanages.  D'ailleurs  il  ne  veut  pks  examiner  si  Vladimir 
se  fit  chrétien  par. une  conviction  intime  de  la  sainteté  de  la  moralô 
évangélique ,  ou  bien,  comme  le  pense  un  auteur  arabe  du  xiii.*"  siècle  % 
s'il  n'y  fut  porté  que  par  le  désir  ambitieux  de  devenir  le  parent  et 
l'allié  des  empereurs  grecs.  Toujours  est-il  vrai  que  ce  prince,  naguère 
adorateur  des  idoles ,  qui ,  au  sein  des  voluptés,  savouroit  le  plaisir  des 
vengeances,  qui  trouvoit  des  charmes  dans  les  ;  horreurs  de  la  guerre» 
qai  y  pour  com/f/e  de  scé/ératesse  (  c^est  rexpressîon  de  son  nouvel  histofîeft  ) , 
avoit  plongé  ses  mains  dans  le  sang  de  son  frère,,  dévint,  après  saconver- 
sion,  si  compatissant  et  si  débonnaire  ,  qu'il  trembloit  de  répandre  celui 
des  criminels  et  des  ennemis  de  sa  patrie. 

Les  extraits  du  droit  russe  ou  du  code  d'YarosIaf ,  qui  mourut  en  1  o  j 4 1 
intéresseront  vivement  ceux  qui^  étudient  l'histoire  du  régime  social  «t 
des  garanties  données  aux  personnes  et  aux  propriétés.  On  y  retrouve 
les'épreuves  judiciaires;  mais  on  lit  aussi ,  dans  utrecopre  de  ce  code; 
un  article  portant  que,  dans  tous  les  procès  criminels,  le  demandeur 
doit  comparoître  avec  l'accusé  devant  douze  citoyens  assermentés,  qui, 
selon  leur  anie  et  conscience,  doivent  discuter,  vérifier,  déclarer  les 
faits,  laissant  aux  juges  le  droit  de  déterminer  et  d'appliquer  la  peine. 
'M.  Karamsin  a  joint  à  ces  extraits ,  de  courtes  explications  et  des. 
réflexions  judicieuses.  Peut-être  s'exagère-t-il  un  peu  la  sagesse  de^ 
quelqueS'Unes-de  ces  lois;  mais  il  est  vrai  qu'à  bien  des  égards  onJes 
pourroit  comparer   à  ces  anciennes  lois  germaniques  dont   Montes- 


NOVEMBRE  iftlp.  671 

'Si  noug  hasardons  ces  réflexions,  c'est  qu'à  notre  avis  elles  ne 
sauroient  affoiblir  les  hommages  qui  sont  dus  au  travail  de  M.  Karamsîn. 
Nous  ne  croyons  pas  que  celui  de  M.  Lévesque  ait  rien^  à  perdre  de  son 
prix  :  mais  le  nouvel  ouvrage  éclaire  déjà  plus  vivement,  dans  ces  deux 
premiers  tomes ,  quelques  points  de  fhistoire  russe  ;  et  il.  y  a  lieu  de 
présumer  que  les  volumes  suivans  seront  encore  plus  riches  d'aperçus 
neufi  et  de  résultats  instructifs.  Un  plan  méthodique ,  des  récits  rapides 
et  souvent  animés ,  un  ton  simple  et  noble ,  un  très-heureux  enchaînement 
de  faits  exactement  vérifiés  et  d'observations  judicieuses,  sont ,  dans  le 
genre  historique ,  les  plus  sûrs  titres  à  l'estime  publique  ;  et  M.  Karamsin 
l^s  a  pleinement  acquis.  Les  notes  qui  terminent  chaque  volume , 
attestent  l'étendue  des  recherches  auxquelles  il  s'est  livré,  ou,  pour 
employer  ses  expressions,  les  sacrifices  qu'il  a  offerts  a  V authenticité. 
Nous  regrettons  que  les  traducteurs  aient  retranché  un  grand  nombre 
de  ces  notes  savantes  ;  et  nous  oserions  presque  les  inviter  à  réparer  ce 
dommage,  lorsqu'ils  publieront  la  suite  de  leur  traduction.  Aujourd'hui 
que  tous  les  genres  de  connoissances  prennent  de  plus  en  plus  un  grand 
caractère  d'exactitude  et  de  précision,  ceux  qui  étudient  l'histoire ,  aiment 
à  se  rapprocher  de  ses  sources  ;  et  comme  ,  dans  le  cours  de  ces  deux 
premiers  volumes,  les  récits  de  l'historien  ne  sont  jamais  justifiés  par 
aucune  sorte  d'indications  ou  de  renvois,  comme  on  n'y  rencontre 
d'autres  citations  que  celles  qui  entrent  dans  le  texte  môme  ,  et  qui  ne^ 
sauroient  être  assez  nombreuses  pour  correspondre  à  tous  les  détails» 
importans,  c'est  une  raison  de  plus  de  laisser  subsister,  à  la  fin  de 
chaque  tome ,  \es  appuis  que  Fauteur  lui-même  a  voulu  donner  à  toutes 
les  parties  de  son  édifice.  Au  surplus ,  le  regret  que  nous  venons ,  d'ex* 
primer,  est  un  éloge  des  notes  qui  ont  été  maintenues.  Elles  sont,  en 
général,  d'un  grand  intérêt,  malgré  les  iàute$  typographiques  qui  s'y 
sont  glissées  (i).  C'est  à  peu  près  la  seule  critique  que  nous  aurions  à. 
fifre  du  travail  des  traducteurs ,  qui  ont  su  conserver  au  style  de  l'ouvrage 
une  clarté  parfaite ,  beaucoup  d'élégance,  de  précision  et  de  dignité. 
Ils  ont  porté  la  fidélité  jusqu'à  donner  à  tous  les  princes ,  l'un  après 
Pautre ,  le  titre  de  grand.  C'est  toujours  le  grand  prince  SIevoIod,  le 
grand  prince  Mstislaf,  Rostislaf ,  &c.  Rien  n'avertit  assez  que  celte 
expression ,  qui  prend  dans  notre  langue  un  sens  moral,  n'est  ici  que 


(i)  Christomathed  arabe  de  M.  de  Sacy,  pour  Chrestomathie.  —  Ber- 
«JÉRON,pour  Bergeron»  —  DeguiNES,  pour  Z>^^///^«.  — Bandouri,  pour 
Banduri.  —  Schtritler,  pour  Stritter,  &c.  &c.  — Le  COMMENT,  de  Taca- 
démie,  pour  les  Mémoires  de  i'acad.  (  de  Pcterjbourg ) ,  &c.  • 


NOVEMBRE  1819,     .. 

ivxs  de  pfus  à  ajouter  à  ceux  d'Attar;  s'il  étoit  suivi  dans  la  repu-, 
bfique  des  lettres ,  iffcontribueroit  à  faire ,  de  cet  état  où  l'on  est  trop 
souvent  en  guerre,  Félat  le  plus  paisible  et  le  plus  attrayant. 

Après  avoir  appris  en  peu  de  mots  au  lecteur  que ,  d'un  côté ,  une 
première  traduction  de  cet  ouvrage,  fcite  par  lui  dès  l'année  1787,  et 
destinée  à  paroître  dès-lors  avec  le  texte ,  avoit  été  donnée  simplement 
en  français  et  d'une  manière  peu  exacte  dans  Us  Mines  de  l' Orient,  et 
que,  d'un  autre  côté,  le  texte  seul  avoit  été  donné  à  Londres  d'une 
manière  très-fàutive,  il  dit  2  ce  Depuis  cette  édition  (Fédition  de  Londres), 
»  ayant  eu  occasion  de  comparer  de  nouveau  ma  traduction  avec  le 
»  texte,  fy  reconnus  un  grand  nombre  d'inexactitudes,  quelques  contre- 
»  sens  assez  graves ,  et,  en  général,  une  grande  négligence.  Je  me 
»  résolus  d'autant  plus  volontiers  à  la  revoir  toute  entière  sur  le  texte, 
»  que  l'avois  sous  les  yeux  un  assez  grand  nombre  de  manuscrits ,  et 
>>  qu'ayant  acquis  une  connoissance  plus  approfondie  de  la  langue  per- 
>>  sane ,  je  pouvois  espérer  de  donner  à  ce  travail  une  plus  grande  per- 

»  fection II  étoit  naturel  que  je  désirasse  faire  tourner  ce  nouveau 

»  travail  à  l'utilité  des  personnes  qui  cultivent  les  lettres  orientales;  et, 
»  pour  atteindre  ce  but,  il  convenoît  de  publier  le  texte  avec  la  traduc- 
>'  tion  :  j'ai  fait  plus ,  et  aux  notes  qui  étoient  nécessaires  à  l'intelligence 
»  de  l'auteur,  j'ai  joint  une  assez  grande  quantité  d'extraits  des  œuvres 
)3  d'Attar,  de  Saadi,  de  Hafiz,  de  Djami,  de  Schahi  et  de  Hosaïn  Vaâz,. 
»  pour  quie  ce  petit  volume  puisse  être  considéré  comme  une  so(te  ' 
»  d'anthologie  persane  ;  enfin. j'y  ai  ajouté  la  vie  de  Férid-eddin.Attar^ 
»  tirée  de  l'histoire  des  poètes  persans  de  Dauletschah  Gazi  Saniarkandii? 
»  et  une  pré&ce  écrite  en  persan ,  pour  laquelle  je  réclame  Hncblgeçce 
»  des  savans.  On  trouvera,  immédiatement  après  cet  avertissement,  la 
»  traduction  de  ces  deux  pièces.  » 

Quant  à  l'indulgence  des  savans,  que  réclame  M.  de  Sacy  pourra 
préface,  nous  concevons  que  cette  pièce  potirra  surprendre  le  lecteiu: 
français  peu  habitué  aux  figures  orientales ,  et  que  son  étonnement  devra 
être  d'autant  plus  grand,  que  l'auteur  se  sera  montré  plus  éminemment 
Persan  dans  sa  composition  originale  :  mais ,  autant  que  nous  en  pouvons 
juger  par  la  connoissance  de  cette  langue,  dont  nous  avons  constamment 
feit  nos  délices,  l'éloquent  Mirkhond  lui-même  ne  l'eût  pas  désavouée. 

En  effet,  M.  de  Sacy ,  qui,  par  l'élégante  préface  arabe  qu'il  a  placée 
en  tête  de  son  Kalila  et  Dimna,  a  prouvé  qu'il  savoit  aussi  bien  composer 
dans  ce  riche  idiome  qu'en  interpréter  les  productions. les  plus  difficiffs, 
nous  convainc  de  plus  ici,  par  la  préface  persane  dont  il  a  embelli 
l'ouvrage  qui  nous  occuper  que  le  génie  de  çettç.  dernière  tangue  lui 

Qqqq 


NÔVEMBUE  îÇf^.  ^7ï 

Kt  niBmfné  répandit  un  profond  chagrin  dans  faine  du  scheïLh  :  son 
*  cœur,  par  un  effet  du  délire  où  l'avoit  jet^  l'odeur  du  musc  sophisliqué 
»  des  biens  (einporefs,  devint  aussi  froid  que  le  camphre.  11  aiiandoiina 
»  sa  boutique  au  pillage,  et  renonça  entièrement  aux  affaires  de  ce 
"  monde . . ,  ,  II  te  relira  dans  le  monastère  du  vénérable  scheïkb  Rocn- 
»  cddin  Acaf,  qui  étoit  alors  Tun  des  chefs  les  plus  di itingiiés  de  fordre 
"des  contemplatifs,  ei  étoil  parvenu  au  plus  parfait  degré  de  la 
"  spiritualité.  Sous  sa  conduite,  Atiar  changea  dévie,  et  se  livra  aux 
»  exercices  de  la  mortilication  et  à  la  pratique  des  œuvres  de  dévotion. 
»  Il  passa  quelques  années  parmi  les  derviches,  disciples  de  ce  saint 
"homme;  ensuite  il  fît  le  pèlerinage  de  la  Mecque;  et  ayant  fait 
"  connoissance  avec  un  grand  nombre  d'hommes  de  Dieu,  et  passé 
»»  qiie/que  temps  à  leur  service,  il  consacra  soixante-dix  ans  de  sa  vie 
»  à  recueillir  une  multitude  d'anecdotes  de  la  vie  des  sofïs  et  des 
»  scheïfchs.  Aucun  des  hommes  qui  ont  appartenu  à  cet  ordre,  n'a 
••ramassé  auiant  de  traits  historiques  de  ce  genre  que  Férid-eddin; 
»  aucun  aussi  n'a  pénétré  plus  profondément  que  lui  dans  le  sens  des 
»  expressions  énigmaliques  et  des  allégories  mystiques,  et  n'a  saisi  avet- 
»  autant  de  perfection  les  pensées  les  plus  sublimes  et  les  plus  subtiles 
»  de  la  doctrine  spirituelle.  " 

Le  nombre  des  ouvrages  qu'il  a  composés  sur  ces  matières,  est  très- 
cons4dtrable  ;  il  se  monte  à  dix-sept  :  ils  existent  à  la  Hibliothèque  du 
Roi,  réunis  dans  un  seul  manuscrit  qui  porte  le  titre  de  KouUyât  ou 
totalité  des  oeuvres  d'Attar/  M.  de  Sacy  en  a  donné  la  liste  et  les  titres 
en  persan  dans  une  des  notes  infiniment  précieuses  et  destinées  \ 
éclaircir  quelques  points  fondamentaux  de  ia  doctrine  obscure  dei 
sofis,  qui  suivent  la  vie  d'Attar:  mais,  comme  il  le  dit  fort  bien  à  la  fin 
de  son  avertissement,  il  y  a  tout  lieu  de  douter  qu'^mcun  autre  qu'un 
sofi  puisse  se  résoudre  &  lire  cet  énorme  recueil  d'écrits  mystiques , 
ou  la  même  idée  est  sans  cesse  reproduite ,  et  l'est  sous  des  fonnes  trop 
peu  variées  pour  soutenir  ou  réveiller  l'attention. 

Le  Pend-namih ,  que  ce  savant  a  choisi ,  est  h  peu  prés  le  seul  qui  soit 
&  la  poriie  de  lecteurs  peu  initiés  dans  les  mystères  de  la  doctrine  spi- 
rituelle; encore  n'est-il  pas  exempt  de  la  tnonotonie  propre  au  style 
dAttar.  Voici  comment  Dauletschah  raconte  les  circonstances  de  la 
mon  de  ce  saint  personnage. 

«Le  scheïkh  Férid-eddin, dit-il,  fut  far:  prisonnier  par  les  Mogols , 
5»  lors  des  troubles  qu'occasionna  l'invasion  de  Genghiz-khan,  et  périt 
'M  dans  le  massacre  général.  .  .  .  Un  Mogol,  dit-on,  voulant  le  tuer, 
»  un  autre  MogoMui  dit  :  Laisse  vivre  ce  vieillard;  je  te  donnerai  mille 

Qqqq    a 


)»t]n  ami  de  la  vertu  et  derhumanité,  et  que  les  défauts  du  style 
»  n'empêchent  pas  qu'on  ne  puisse  le  lire  avec  agrément.  » 

Oui^  sans  doute,  on  le  lira  avec  agrément,  mais  ce  sera  grâces  aux 
notes  et  aux  charmans  morceaux  que  le  traducteur  a  joints  à  cet  ouvrage  ; 
car,  quant  au  poème  isolé,  nous  tenons  toujours  à  rppinion  que  nous 
avons  émise  au  commencement  de  cet  article,  lui  préférant  de  beaucoup 
une  seule  kassideh  de  Saadi,  ce  moraliste  tout- à  "- fa  -  fois  profond  et 
aimable ,  et  si  habile  à  &ire  disparoitre  la  sécheresse  de  ses  préceptes  sous 
hs  fleurs  de  la  plus  riche  poésie,  ainsi  qu'il  le  dit  si  bien ,  quoiqu'avec  un 
peu  d'orgueil  peut-être ,  en  parlant  de  lui-même  dans  ces  )oiis  vers  : 


«  La  morale  est  un  remède  amer  :  il  faut  savoir  l'adoucir  comme  un 
»  sirop  parfumé  qui  trompe  agréablement  le  palais  ;  et  c'est  ainsi  que 
a»  Saadi  a  fart  de  masquer  par  Iç  sucre  l'amertume  de  la  scain menée 
>>  qu'il  présente  à  ses  malades.  3» 

L'ordre  deis  chapitres  du  Pend-nameh  variant  beaucoup  dans  les 
manuscrits ,  leur  division  même  n'étant  pas  uniforme ,  non  plus  que  [eur 
nombre  ni  leurs  titres ,  le  traducteur  a  cru  ne  devoir  s'attacher  pour  rien 
de  tout  cela  à  un  manuscrit  exclusivement  à  tous  les  autres ,  et  consulter 
plutôt  le  sens  et  Fensemble  des  idées  que  le  nombre  ou  le  mérite  des 
manuscrits  ;  et  nous  sommes  par&itement  de  son  avis ,  lorsqu'il  dit  que 
cette  méthode  est  à  peu  près  la  seule  qu'on  doive  suivre  quand  on 
publie  des  poèmes  persans. 

Dans  l'édition  de  M.  de  Sacy ,  le  nombre  des  chapitres,  en  général 
fort  courts,  se  monte  à  soixante-dix-neuf;  nous  ne  nous  y  arrêterons 
pas,  aimant  mieux  nous  occuper  des  nombreux  morceaux  ajoutés  par  le 
traducteur,  et  parmi  lesquels  nous  choisirons  d'abord,  dût-on  nous 
accuser  d'un  peu  d'outrecuidance,  ceux  dont  Tinterp^étation  ne  nous 
paroît  pas  tout-à-&*t  exacte.  Cependant,  si  par  hasard  nous  avions  deux 
ou  trois  fois  raison  dans  cette  affairé,  ce  ne  seroit  pas  le  cas  de  chanter 
victoire  comme  le  moucheron ,  car  le  lion  resteroit  encore  bien  plein 
de  vigueur  ;  et ,  en  songeant  à  tous  les  passages  difBciles  que  nous 
n'eussions  pas  entendus  sans  son  secours,  ily  auroit  bien  de  quoi  rabattre 
de  notre  Orgueil.  Voici  toutefois,  à  nos  risques  et  périls,  les  points  sur 
lesquels  nous  cherchons  querelle  à  notre  savaAt  et  redoutable  adversaire. 

D'abord,  dans  la  note  i."*  du  chapitre  xii ,  intitulé  des  Cfiràcùrts  qui 
présagent  le  hnheur^  M.  de  Sacy  cite  ce  quatrain,  tiré  du  Gulistan  de 


NOVEMBRE   1819.-  679 

ont  causé  quelque  embarras;  et  il  n'étoil  sûrement  pas  cornent  du  sens 
qu'il  leur  a  donné,  puisqu'il  a  ajoulé  cette  note  :  «Cette  expression, 
"  *^  ijjI,  paroh  supposer  qu'en  prononçant  ces  mots  on  montre  mie 
»  petite  distance,  comme  du  pouce  au  doigt  indicateur;  car  cela  signifie, 
»  il  n'y  a  pas  tant  que  cela.  » 

Excité  par  la  difficulté  que  présentent  ces  vers ,  et  peu  satisfait  de  la 
traduction  et  de  la  noie,  j'ai  ftil  usage  de  toute  mon  intelligence  pour 
tâcher  de  rencontrer  plus  juste  et  de  trouver  mon  maître  en  défaut: 
Dieu  veuille  que  mon  orgueil  ne  soit  pas  puni  !  "Voici  donc  comment 
j'entends  ce  passage.  D'abord  o— -J  *^  ^\,  sefon  moi,  signifie  tout  ceci 
n'est  plus,  c'esl-i-dire ,  le  monde  peut  être  détruit  (  le  présent  mis  pour  le 
futur,  afin  d'indiquer  la  rapidité).  Ensuite  par  ces  mots  ^c^j  b  oJj  j'en- 
tends de  la  l'ivre  (de  l'ami)  jusqu'à  la  bouche  (de  Taiméj.en  sorte 
que  le  sens  complet  sera  :  «Saisis  au  plus  vite  l'occasion;  car,  dans  l'es- 
"  j>ace  du  temps  nécessaire  pour  joindre  ta  lèvre  aux  lèvres  de  i'ol;iet 
■  aimé,  le  monde  peut  cesser  d'exister,  «  D'ailleurs  je  crois  déjb  avoir 
vu  quelque  part  ces  mots  *j»\jjI  pris  dans  te  sens  à'ii^ivers;  c'est  au 
moins  une  façon  fort  ordinaire  aux  Indiens  de  s'exprimer  par  deux  mots 
correspondans ,  sarvam  état  [ce  tout]  pour  signifier  l'univers. 

Au  sujet  du  mot  juxj  qui ,  aux  significations  de  irouble,  tapage,  révo- 
iution ,  fiéau  publie ,  joint  encore  celle  Sune  jeune  beauté  qui,  en  excitant 
IfS  desiTi  des  amans,  devient  une  source  de  disputes  tt  de  rivalités,  M.  de 
Sacy  cite  cette  petite  historiette  infiniment  joh'e,  tirée  du  Bostan: 

L^lj  jl  j_   «tVjJ  ^    Ijjl  >■ 


.UuU 


^yj 


tîj — ^  J— ï^  ji-j  «J-^  tr^ 


"  Avec  quel  plaisir  j'ai  entendu  ces  cinq  distiques  que  chantoii ,  il  y  3 
«quelques  jours,  un  homme  d'esprit  !  —  Hier,  d^^oit-il,  je  jouissois  de 
»  tout  le  plaisir  de  la  vie ,  en  serrant  dans  mes  bras  une  beauté  ruvis- 
»  santé.  Lorsque  je  vis  sa  tête  appesantie  par  l'ivresre  du  sommeil,  je 
»  lui  dis  ;  O  beauté,  devant  laquelle  le  c)'près  paroîi  ptiii  ci  hun»llf, 
»  écarte  un  moment  le  sommeil  qui  engourdît  tes  yeux,  semblables  au 
*  narcisse  languissant;  ris  avec  la  douceur  du  rosier  dont  les  fleurs  se 


NOVEMBRE    iS^ç.  6«i 

»  possèdes,  que  quand  m  seras  dans  la  terre,  cinquante  coudées  au 
»  dessous  du  toit  ds  ta  maison.  » 

Le  second  vers  ne  dit-iJ  pas  tout  simplement,  «  que  quand  m  auras 
"  fait  un  saut  de  cinquante  coudées  du  haut  de  ton  toit  en  bas  »  '. 

Chapitre  71,  note  j.  Malgré  l'autorité  d'un  commentateur,  dofit 
s'appuie  M.  de  Sncy  pour  donnera  ces  deux  mois  j/'.Jjj  la  signification 
de  ij,'U  supîrii-ur,  meilleur,  prèfirable,  je  crois  que,  vu  Tallusion  que 
fait  le  poète  à  la  source  de  l'eau  de  i'iinjnortaliié,  qui  éloit  cachée  dans 
de  profondes  ténèbres,  ces  mots  doivent  être  rendus  par  enlever  le  voile 
lie  dessus,  dévoiler,  tîécouvrir ;  gi,  au  lieu  de  traduire  ce  vers, 

ij-T'.jjJ  j-ii  til  jl  y  ù^  o^-* 

delà  manière  dont  Pafàît  jM.  deSacy,  «  Le  mielquidislillede  ta  bouche, 
"  l'emporte  sur  la  doud'ur  de  la  fontaine  dt  Khcdkr  »  ,  j'almerois  mieux 
dire:  «  Ta  bouche,  qui  renferme  !e  miel  le  plus  pur,  nous  a  ( en  s'en- 
»  tr'ouvrant  )  dévoilé  la  source  d'où  découle  l'eau  de  l'immortalité.  » 

En  terminant  cette  revue,  nous  ne  ferons  pas  comme  ceriaiiis  crïiiques 
qui  ont  soin  de  laisser  entrevoir  que,  s'ils  l'avoient  voulu,  leur  péné- 
traiion  auroit  pu  découvrir  encore  mille  et  mille  choses  à  reprendre, 
mais  qu'ils  en  font  grâce  à  l'auteur.  Quant  h  nous,  nous  avouerons  bien 
franchement  qu'il  nous  a  été  impossible  de  trouver  rien  de  plus  h 
reprocher  au  savant  traducteur ,  et  que ,  s'il  y  a  de  l'ingratitude  à  relever 
ce  que  l'on  croit  être  des  fautes  dans  son  maître,  il  ne  nous  a  pas  élé 
possible  de  la  pousser  plus  loin.  Après  tout, 'à  quoi  cela  a-t-il  abouti!  ti 
découvrir  avec  bien  de  la  peine  trois  ou  quatre  passages  traduits  avec 
quelque  distraction  peut-être,  dans  un  si  long  ouvrage ,  où  brille  par-tout 
le  mérite  le  plus  éminent ,  et  dont ,  si  Ton  vouloit  -ndiquer  aux  lecteurs 
les  morceaux  iméressans,  tifàudroît  marquer  toutes  les  pages.  Si  toute- 
fois il  s'en  trouvoit  parmi  eux,  nous  ne  dirons  pas  de  trop  paresseux, 
mais  malheureusement  pour  eux  de  trop  occupés,  pour  pouvoir  lire 
l'ouvrage  entier,  nous  leur  indiquerions  de  préférence  les  morceaux  sui- 
vans ,  que  nous  avons  choisis  exprès  de  diflerens  genres  pour  satisfaire 
tous  les  goûts. 

Le  lecteur  se  comp!aît-ii  aux  recherches  mystiques  et  épineuses,  qu'il 
lise  les  notes  qui  accompagnent  la  préface  et  fa  vie  d'Attar,  et  sur-tout 
les  extraits  précieux  que  M.  de  Sacy  a  mis  1  la  suite  du  cinquante- 
deuxième  chapitre  ,  intitulé  De  la  Conncissance  de  Dieu  ;  extraits  tirés  du 
jAJI  ^^i»^  [  Colloque  des  Oiseaux  j  ,  poème  moral  et  mystique  du  même 
auteur  que  Is  Pendnamèh,  mais  d'une 'difficulté  extrême ,  et  qui  n'exigeoit 
rien  moins,  pour  être  compris  eléclaircl,  que  toute  la  sagacité  du  savant 

Rrrr 


NOVEMBRE  l8r 


6i} 


j  (>Ji  -^ 


J—J*  (^fj     f  Lt*   J-<l    l^jjj    (JUJ 

»  O  (oi ,  qui  as  enlacé  inon  t 


Ij 


J-.     -»■  >A    alli)   o>-JU>l   fft-> 

dans  le  filet  de  tes  boucles,  te  seul 
'  »  nom  de  la  chevelure  bouclée  est  devenu  un  filet  pour  les  cœurs. 
M  Oui ,  tous  tes  cœurs  sont  enchaînés  dans  les  anneaux  de  ta  chevelure  : 
»  chacune  de  les  boucles  est  un  filet  et  des  chaînes.  O  toi ,  dont  les 
M  boucles  me  retiennent  captif,  c'est  un  honneur  pour  ton  esclave 
'»  d'être  asservi  sous  les  chaînes  de  tes  anneaux.  Quel  autre  voile 
»  conviendroit  mieux  aux  roses  fraîches  de  ton  teint,  que  celui  de  tes 
i>  boucles  noires  comme  le  musc!  Les  oiseaux  fuient  le  Blei  ;  mais, 
»  chose  étonnante!  mon  anie,  qui  ne  connoît  point  le  repos,  se  plaît 
»  dans  les  chaînes  de  ta  chevelure.  Tes  boucles  habitent  une  région 
»  pius  haute  que  celle  de  la  lune.  Ah  ï  qu'il  est  élevé  le  lieu  qu'occupe 
»  ta  «.hevelure  !  Pour  Djâmi ,  pour  ton  esclave ,  c'est  de  la  nuit  obscure 
»  de  tes  boucles  que   se  lève  à  tout  instani  Taurore  de  la  félicité.  » 

Est-il  rien  de  plus  fort  que  cette  pensée  sur  le  destin  : 

Jjl  J-i  J^  J'-f'j'    i>*[j*  **  Jj'j  o-iûl  ^  c*— ftï-J  ^-i* 

«  Le  Destin  aune  main  divisée  en  cinq  doigts  :  U  soumet  infailliblement 
»  un  homme  à  ses  volontés;  ii  lui  pose  deux  doigts  sur  les  yeux,  deui 
»  sur  les  oreilles;  et,  lui  mettant  le  cinquième  sur  les  lèvres,  il  luj  dit: 
3>Tais-toi.  »  (^'"y^lp'g-  l'i-) 

-     Que  de  ])hilosophie  dans  ces  réflexions    sur    l'inconstance  de    la 
fortune  ! 

ïi>— ftj  3'j^  t>*^  (j-**=  j^  jv?  <£»       j*^'  j^  iHJj  Jj^'     ■  f^'^^ 

«  Quand  le  vent  du  printemps  a-t-il  ranimé  le  monde  par  son  souffle, 
M  sans  qu'à  sa  suite  soient  venues  tes  tristes  influences  de  l'automne  f 
»  Ne  te  flatte  pai  que  ta  Fortune ,  comme  une  tendre  mère ,  te  nourrisse* 
»  toujours  sur  son  sein  :  Famour  lui  est  parfaitement  étranger.»» 
(Voycipag.  t62'j.)  ,        ->    !J..  ;>  .-.  .n,>a 

Rrrr  a 


NOVEMBRE  i8lg 


(Sfij 


le  soleil  de  iiotit;  iiicomparabfe  fa  Fontaine,  conservera  au  moins  parjui 
no^  auires  fabulistes  la  douce  lueur  du  ver  qui  en  fait  le  sujet  ! 


1^' 

«  Peui-être  as-m  vu  quelquefois,  dans  les  verfjers  et  au  pied  des 
"Collines,  briller  durant  lu  nuit  un  petit  ver  avec  tout  l'éclai  d'une 
»  lympe.  Quelqu'un  lui  dit  un  jour;  Petit  ver,  flambeau  de  la  nuit, 
»>  pourquoi  ne  viens-tu  pas  aussi  durant  le  jour!  Écoulez  (a  réponse 
»  liiinineu&e  de  cet  insecte  né  de  la  terre,  et  qui  participe  de  la  i;»iure 
»  du  feu.  Le  jour  comme  la  nuit,  dit-il,  je  n'ai  point  d'autre  demeure 
»que  ces  champs;  maîi,  en  présence  du  soleil,  je  ne  saurois  éire 
»  aperçu.  »   (  Voye^  paj.  1  ^g  r^o.  ) 

Que  de  charmantes  citations  se  présentent  encore  en  foule  sous 
notre  plume  !  Mais  les  bornes  de  cet  article  ne  nous  permeitt-nt  pas  de 
nous  étendre  davantage.  D'ailleurs  ce  que  nous  avons  dit  de  cet  ouvrage 
sera  ,  nous  l'espérons ,  suffisant  pour  éveiller  la  curiosité  du  lecteur,  et 
sur-ioui  celle  des  jeunes  élèves,  qui  trouveront  enfin,  dans  cette 
anthologie  persane,  à  se  reposer  du  CulUtan  [ Rosarium ] ,  le  seul  par- 
terre, a  peu  près,  où  ils  aient  eu  jusqu'à  présent  la  facilité  de  se  promener 
et  dont  les  roses  ne  laissent  pas  d'éire  un  peu  fanées.  Le  Guhsran  sans 
coniredit  est  un  excellent  livre;  mais  toujours  du.  . .  .  on  sait  ie  conte. 

il  est  presque  superflu  de  parler  de  la  beauté  matérielle  d'un  livre 
qui,  par  sa  valeur  intrinsèque,  pourroit  se  passer  de  tout  ornement 
étranger:  cependant  un  peu  d'élég.ince  ne  nuit  \^i  au  mérite;  et,  sans 
parler  de  ia  correction ,  qui  y  est  admirable  (  1  ) ,  le  luxe  typographique  a 
été  porté  si  loin  dans  cet  ouvrage ,  que  son  exécution  fait  le  plus  grand 
honneur  aux  presses  de  l'imprimerie  royale. 


(1)  Voici  1«  seules  fautes  d'impression  que  no 
■  indrc  au  irés-petil  nombre  d'autres 


iu«  yayons  remarqu 
indiquée»  dans  l'eirt 


l'on  pourra  joi 

Page  140,  ligne  ,  _  ,   .            _    . 

id.     6;  jj-*j,  lisez  (jï*J' 

ao4,  verf  6;  ijj,  liiez  »,t^  (correction  trèi-eiientieiJe J. 

»  '4î  oi*Jj  J-.  1»«  u^-J  JJ-- 


3'î> 


,  liiez 


*^0**« 


NOVEMBRE  iBl^  697 

inspîreroit  le  beau  Discours  sur  la  calomnie,  qui  figure  si  honorablement 
parmi  sts  autres  titres  littéraires»  ils  auroient  renoncé  à  une  accusation 
qui  enfin  a  tourné  k  la  gloire  de  l'homme  de  lettres  qu'ils  persécutoient. 

En  lisant  attentivement  les  poésies  d'André  Chénier,  il  est  aisé  de 
reconnoître  qu'il  a  visé  à  l'originalité ,  soit  dans  le  choix  des  sujets  et 
dans  la  manière  de  les  envisager ,  soit  dans  les  formes  du  style  et  dans 
Its  expressions,  soit  enfin  dans  la  versification. 

J'examinerai  ses  poésies  sous  ces  trois  rapports*  Quant  aux  sujets  et 
à  la  manière  de  les  traiter,  il  avoit  consigné  ses  principes  dans  le  poème 
intitulé  l'Invention. 

Il  appelle  inventeur  dans  les  arts ,  l'homme 

Qui  peint  ce  que  chacun  peut  sentir  comme  lui. .  •  • 
Qui,  par  des  nœuds  certains,  imprévus  et  nouveaux^ 
Unissant  des  objets  qui   paroissoient   rivaux , 
Montre  et  fait  adopter  à  la  nature  mère 
Ce  qu'elle  n'a  point  fait,  mais  ce  qu'elle  a  pu  faire. 
En  parlant  de  Virgile  et  d'Homère ,  il  s'écrie  : 

Quoi!  faut-il,  ne  «'armant  que  de  timides  voiles, 
N'avoir  que  ces  giands  noms  pour  nord  et  pour  étoiles! 


Et  plus  bas  : 

Changeons  en  notre  miel  leurs  plus  antiques  fleurs; 
Pour  peindre  notre  idée,  empruntons  leurs  couleurs; 
Allumons  nos  flambeaux  à  leurs  feux  poétiques; 
Sur  des  pensers  nouveaux  faisons  des  vers  antiques. 

Après  avoir  indiqué  Its  moyens  de  réussir,  il  ajoute  : 
Qui  que  tu  sois  enfin,  ô  toi,  jeune  poète ^ 
Travaille;  ose  achever  cette  illustre  conquête: 
De  preuves,  de  raisons  qu*est-il  encorbesoirtî 
Travaille;  un  grand  exemple  est  un  puissant  témoin  : 
Montre  ce  qu'on  peut  faire,  en  le  faisant  toi-même. 

£t  bientôt  il  anime  ces  préceptes  par  une  comparaison  très-poétique  r 
Aux  antres  de  Paros  le  bloc  étincelant 
N'est,  aux  vulgaires  yeux,  qu'urne  pierre  insensible: 
Mais  le  docte  ciseau,  dans  son  sein  invisible, 
Voit,  suit,  trouve  la  vie  et  l'ame  en  tous  s^s  traits. 
Tout  l'Olympe  respire  en  ses   détours   secrets. 
Là  vivent  de  Vénus  les  beautés  louveraines, .  •  #  • 
U &c« 


NOVEMBRE  l8ip.  68j 

que  Fode  entière,  connue  depuis  long-temps,  est  restée  dans  la  mémoire 
de  toutes  fes  personnes  qui  aiment  les  bons  vers. 

Parmi  fes  élégies,  il  en  est  que  Fauteur  auroit  sans  doute  retranchées 
de  son  recueil,  s'il  Tavoît  publié  lui-même  :  mais,  dans  plusieurs,  laû- 
teur  rend  avec  élégance  et  avec  noblesse  les  sentimens  vifs,  doux  ou 
véhémens  qui  Tinspirenl;  quelques-uns  charment  par  l'abandon  le  plus 
aimabfe.    • 

En  tète  de  fidylle  intitulée  LA  JEUNE  Tarentine»  Fauteur  n*avoit 
pas  besoin  décrire,  E/égie  dans  U  goût  ancien;  le  lecteur  instruit  lauroif 
dit  lui-même. 

Je  pense  que  le  genre  où  fauteur  a  montré  un  talent  plus  distingué , 
une  véritable  originalité,  c'est  celui  de  l'idylle.  Aux  sentimens  tendres 
ou  pasMonnés  qui  le  caractérisoient,  aux  formes  dramatiques  des  anciens» 
1  auteur  a  joint  quelquefois,  et  avec  le  plus  grand  succès,  des  vues  phi- 
losophiques* Telle  est  sur-tout  l'idylle  intitulée  LA  Liberté,  qu'il  fau- 
droit  citer  toute  entière  pour  en  faire  apprécier  le  mérite.  C'est  un^ 
drame  qui  présente  une  morale  profonde,  qui  peint  le  coeur  humain  à 
grands  traits,  et  qui  sur- tout  a  l'avantage  de  laisser  des  impressions  de 
justice  et  de  vérité. 

Un  chevrier  heureux  s'adresse  k  un  berger  dont  Textérieur  n'annonce 
pas  le  bonheur,  et  l'invite  à  se  rapprocher  de  lui,  à  jouir  des  beautés 
de  la  nature  et  à  guider  son  troupeau  dans  de  frais  pâturages. 
Le  Berger,       Que  m'importe!  Est-ce  à  moi  qu^appartîent  ce  troupeau  ! 

Je  suis  esclave. 
Le  chevrier  l'invite  à  calmer  ses  peines ,  à  se  consoler  en  jouant  de  fa 
flûte  et  en  écoutant  le  chant  des  oiseaux. 
Le  Berger,       Non,  garde  tes  présens.  Les  oiseaux  des  ténèbres, 

La  chouette  et  Torfraie,  et  leurs  accens  funèbres. 
Voilà  les  seuls  chanteurs  que  je  veuille  écouter; 
Voilà  quelles  chansons  je  voudroîs  imiter. 
La  flûte  sous  mes  pieds  seroit  bientôt  brisée. 
Je  hais  tous  les  plaisirs  :  les  fleurs  et  la  rosée, 
£t  de  vos  rossignols  les  soupirs  caressans, 
Ilien  ne  plaie  à  mon  cœur,  rien  ne  flatte  messeni. 
Je  suis  esclave. 
Le  chevrier  parle  de  liberté ,  de  patrie. 

Le  Berger,       Comme  moi,  je  voudrois  que  tu  fusses  esclave. 
Le  Chevrier,    Et  moi,  je  te  voudrois  libre,  heureux  comme  moi. 

Le  Berger, 

Mon  sort  est  de  servir;  il  faut  qu'il  s'accomplisse: 

Ssss 


NOVEMBRE  1819.  691 

Et  les  douces  vertus,  et  les  grâces  décentes, 
Les  bras  entrelacés ,  autour  d'elle  dansantES, 
#     VeiJIoient  sur  son  sommeil*     (EUgie  XXX.) 

D'au! ras  fois  il  donne  à  des  adjectif^  des  régimes  inaccoutum^-s;  ainsi 
il  dit  à  la  Fortune  : 

Qui  sais,  de  ton  palais,  D'esclaves  abondant, 

De  diamans,  d'azur,  d'émeraudes  ardent, 

Aux  gouffres  du  Potose,  aux  antres  de  Golconde, 

Tenir  les  rênes  d'or  qui  gouvernent  le  monde.  (Elégie  xxvti.) 

Cette  faute,  abondant  D'esclaves,  est  d'autant  plus  désagréable,  quelle 
se  trouve  dans  un  passage  dont  le  <ieTnier  vots  est  irès4>eaa  d'image  et 
de  pensée.  ... 

Cette  ambition  d'augmenter  nos  ress4>UFce$  poétiques  est  très- 
marquée  dans  les  tentatives  que  Taulcur  a  hasardées  pour  varier  les 
formes  de  la  versification  ;  il  a  souvent  biisé  la  césure,  cjes  vers  d'une 
manière  qui  choque  l'oreille  e{  le  goût.  Sans  doute  il  convient  de  tenter 
des  efforts  jxnir  corriger  l'uniformité,  la  ja>onotonie  de  nos  grands 
vers;  ce  travail  exige,  un  goftt  sûr,  une  oreille  exercée  :  mais,  si  ces 
Jhardiesses,  qui,  dans  \e%  booâ ipoète$ ,.  sont  une  exception  heureuse,  une 
sage  variélé,  devienuent  d*ins  v.n  novateur  une  habitude  presque 
constance,  alors  le  rhythme  e^t  détruit,  il  n'y  a  plus  d'harmonie,  et,  les 
rimes  cessant  de  se  répondre  dans  leurs  rapports  accoutumés,  Toreille  ne 
reconnoît  plus  la  versification  française. 

Je  dois  avouer  cependaut  qu'il  y  a  parfois  de  très -beaux  effets 
d'harmonie  dans  les  compositions  d'André  Chénier,  et  qu'il  les  doit  à 
la  coupe  hardie  et  ^avanie  de  quelques  vers;  mais,  dans  cette  partit 
de  l'art,  encore  plus  que  .dans  les  autres^  l'abus  est.  a  coté  de  l'usage. 
En  veut-on  des  exemples  frappans!  J'en  choisis  deux  dans  la  pîèire 
intitulée  le  Jeu  de  paume. 

Avant  de  rapporter  les  huit  vers,  je  transcrirai  les  expressions  de 
l'auteur  comme  si  elles  avoîent  été  écrites  en  prose,  et  j'avertis  que  fe 
premier  et  les  deux  derniers  vers  ne  riment  pas. 

«  La  liberté,  du  génie  et  de  l'art  t'ouvre  tous  les  tré.sors.  Ta  grâce, 
5>  auguste  et  fière,  de  nature  et  d'éternité  fleurlL  Tes  pas  sont  grands. 
»  Ton  front  ceint  de  lumière*. touche  les  cieux.  Ta  flannne  agite, 
»  éclaire,  dompte  les  cœurs.  La  liberté,  pour  dissoudre  en  secret  nos 
«  entraves  pesantes,  arme  ton  fraternel  secours.  >5 

Je  doute  (fue  dans  ces  phrases,  dont  je  n'ai  déplacé  aucun  mot, 
loreille  la  plus  exercée  eût  pu  reconnôîtfe  les  vers  sui  vans  : 

La  liberté,  du  gériie  et  de  Part 

Ssss   2 


NOVEMBRE   1819.  <^j 

Me  ronge;  avec  effort  je  respire,  et  je  crois 

Chaque  fois  respirer  pour  la  dernière  fois. 

Je  ne  parierai  pas:  adieu;  ce  lit  me  blesse;. 

Ce  tapis  qui  me  couvre  accable  ma  foiblesse; 

Tout  me  pèse  et  me  lasse.  Aide-moi; je  me  meurs: 

Tourne-moi  sur  le  flanc.  Ah!  j'expire  :  o  douleurs! 
Sa  mère  rinterroge  encore ,  et  le  n^alade  rinterrompt  : 

O  coteaux  d'Érymanthe!  ô  vallons!  ô  bocage! 

O  vent  sonore  et  frais  ^  qui  troublois  le  feuillage  > 

Et  faisois  frémir  Tonde ,  et  sur  leur  jeune  sein 

Agitois  les  replis  de  leur  robe  de  lin  ! 

De  légères  beautés ,  troupe  agile  et  dansante. . . . 

Tu  sais,  tu  sais,  ma  mère!  Aux  bords  de  rÉrynianthe^ 

Là,  ni  loups  ravisseurs,  pi  serpens,  ni  poisons. 

O  visage  divin  !  ô  fêtes  !  ô  chansons  ! 

Des  pas  entrelacéis,  des  fleurs,  une  onde  pure; 

Aucun  lieu  n  est  si  beau  dans  toute  la  nature. 

Dieux!  ces  bras  et  ces  fleurs,  ces  cheveux,. ces  pieds  nus 

Si  blancs,  si  dt^Iicats!  je  ne  les  verrai  plus. 

O  portez,  portez-moi  sur  les  bords  d'Érymanthe, 

Que  je  la  voie  encor  cette  vierge  charmante  ! 

Oh!  que  je  voie  au  loin  la  fumée  à  longs  flots 

S'élever  de  ce  toit,  au  bord  de  cet  enclos 

Assise  à  tes  côtés,  ses  discours,  sa  tendresse, 

Sa  voix, trop  heureux  père!  enchante  ta  vieillesse. 

Dieux!  par  dessus  la  haie  élevée  en  remparts. 

Je  la  vois,  à  pas  lents,  en  longs  cheveux  épars, 

Seule,  sur  un  tombeau,  pensive,  inanimée, 

S'arrêter,  et  pleurer  sa  mère  bien  aimée. 

Oh!  que  tes  yeux  sont  doux!  que  ton  visage  est  beau! 

Viendras-tu  point  aussi  pleurer  sur  mon  tombeau  I 

Viendras-tu  point  aussi,  la  plus  belle  des  belles. 

Dire,  sur  mon  tombeau ,  «  les  Parques  SONT  CRUELLES! 

Enfin  il  la  nomme  ;  sa  mère  va  la  demander  pour  lui  au  vieillard ,  et. 

rctouine: 

Haletante,  de  loin:  «Mon  cher  fiU,tu  vivras! 

o>Tu  vivras  1  »  Elle  vient  s'asseoir  près  de  la  couche; 

Le  vieillard  la  suivoit,  le  sourire  à  la  bouche. 

La  jeune  belle  aussi,  rouge,  et  le  front  baissé, 

Vient^  jette  sur  le  lit  un  coup-d'œil  :  l'insensé 


NOVEMBRE   1819.  Sçs 

commode  pour  les  Européens,  parce  qu'il  n'exige  pas  la  connoissance 
de  la  langue  parlée. 

Mais,  depuis  cette  époque  ,  letude  du  chinois  a  pris  en  Europe  un 
nouvel  essor,  et  est  même  devenue  l'objet  d'un  enseignement  public. 
II  ne  s'est  plus  agi ,  comme  autrefois ,  de  ressasser  des  notions  élé- 
mentaires ,  ou  de  traiter  ,  à  l'aide  de  mémoires  fournis  par  les  mis- 
sionnaires, quelques  questions  relatives  h  l'antiquité  des  Chinois,  ou  h 
/a  nature  de  leur  écriture.  C'est  le  savant  auteur  de  l'Histoire  des  Huns 
qu  on  a  dû  prendre  pour  modèle  ;  ce  sont  des  extraits  et  des  traduc- 
tions des  livres  chinois  qu'il  a  fallu  faire,  sans  avoir,  comme  Fourmont 
et  Fréret,  des  Prémare  et  des  Gaubil  pour  correspondans  à  la  Chine. 
Avec  des  moyens  nouveaux  qui  manquoient  à  ces  hommes  habiles, 
mais  privé  d'autres  genres  de  secours  qui  étoient  à  leur  disposition,  on 
a  dû  entreprendre  une  nouvelle  série  de  recherches,  approfondir  la  litté- 
rature, examiner  la  langue  elle-même  sou^  de  nouveaux  points  de 
vue,  étudier  Fhistoire  et  la  géographie  dans  de  nouveaux  détails,  tt 
aborder  enfin  les  livres  qui  traitent  des  sciences  et  des  arts.  Bientôt  on 
a  pu  s'apercevoir  de  l'insuffisance  des  dictionnaires  composés  par  les 
missionnaires  pour  tous  ces  objets,  et  l'on  a  reconnu  que  celui  du 
P.  Basile  en  particulier,  excellent  sans  doute  pour  traduire  à  la 
Chine,  et  avec  le  secours  des  maîtres  du  pays,  quelques  sermons  du 
latin  en  chinois,  ou  des  fragmens  d'ouvrages  moraux  du  chinois  en 
latin,  n'étoit  pourtant  qu'un  vocabulaire  très-imparfait,  désormais 
insuffisant  pour  les  besoins  des  éludian«. 

C'est  cette  vérité  dont  M.  Klaproth  a  pu  être  plutôt  et  mieux 
convaincu  qu'un  autre,  qui  lui  a  ff^it  entreprendre  la  composition  d'un 
supplément  dont  il  publie  en  ce  moment  la  première  livraison.  Appelés, 
en  rendant  compte  de  ce  travail  d'un  savant  étranger,  à  émettre  en  même 
temps  notre  opinion  sur  celui  d'un  voyageur  estimable,  d'un  compatriote 
dont  le  nom ,  si  honorable  et  si  cher  pour  tous  les  amis  des  lettres  et  de  la 
saine  érudition,  a  droit  à  des  hommages  plus  particuliers  de  la  part  des 
membres  de  l'académie  des  inscriptions,  et  des  collaborateurs  de  ce  jour- 
nal, nous  nous  reprocherions  de  commencer  l'exposé  des  imperfections 
qu'on  peut  remarquer  dans  le  Dictionnaire  imprimé ,  et  qui  ont  rendu  la 
publication  d un  supplément  indispensable,  sans  avoir  auparavant  payé 
un  juste  tribut  d'éloges  au  zèle,  h  la  patience  et  même  à  l'exactitude 
dont  l'éditeur  a* fait  preuve  dans  cette  publication  importante.  L'impres- 
sion d'un  volume  grand  in-folio  de  plus  de  i  100  pages,  avec  un  grand 
nombre  de  caractères  chinois  et  de  numréros  de  renvoi,  étoit  sans  doute 
une  entreprise  pénible  et  labçiieuse.  En  l'achevant,  M.  Deguignes  s'est 


h7 

sou 

MUX 

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NOVEMBRE  1819.  h7 

rétabli  les  noms  de  deux  syllabes,  omis  par  le  P.  Basile  et  par  son 
éditeur,  et  parmi  lesquels  il  s'en  trouve  de  très-célèbres,  tels  que  ceux 
de  Sse-mn  (i),  He'/!an[2) ,  'fTei-si,  lu-wen,  'Eou-yangy  et  plusieurs 
autres.    On   désigne    ces    noms  de  deux  syllabes    par   les  mots  de 

ifCÇ  Yê  fi^'^'^"g  [  "oms  doubles  ] ,  et  non  pas  TffXl  Hift  fi^^ 

sing^  comme  on  le  lit  à  la  page  30  du  Supplément  ;  c'est  là  une  inad- 
vertance causée  par  i'analogîe  des  prononciations  exprimées  en  lettres 
latines. 

Le  nom  de  famille  se  place  toujours  le  premier,  et  quelquefois 
même,  quand  il  s'agit  de  philosophes  du  premier  rang  ou  d'écrivains 
supérieurs,  on  n'y  ajoute  que  le  mot  chi,  qui  signifie  famille,  et  l'on 
dit,  par  antonomase,  Hiu-chï ,  la  famille  H\u,  pour  Hln-chin,  nom  du 
premier  et  du  plus  illustre  des  lexicographes  chinois;  Tso-chi ^  pour 
Tso-khieou  wina.  Cet  usage  a  aussi  lieu  pour  les  femmes.  Le  ming, 
nom  propre,  ou  petit  nom,  est  celui  qu'on  reçoit  en  naissant,  qu'on  se 
donne  en  parlant  de  soi,  par  lequel  le  fils  se  désigne  lui-même  en 
j^arlant  à  son  père,  le  sujet  en  adressant  la  parole  à  son  prince.  La 
politesse  ne  permet  j)as  d'employer  le  ming  des  personnes  à  qui  l'on  doit 
du  respect,  et  les  lois  défendent  de  prononcer  ou  d'écrire  celui  des 
empereurs  vivans.  On  cite  à  ce  sujet  un  trait  remarquable  :  l'empereur 
contemporain  de  Louis  XIV,  auquel  l'usage  européen  a  donné  le 
nom  de  Khang-hi,  avoit  reçu  en  naissant  le  petit  nom  ou  sobriquet  de 
Hicuan-ye  ['^)y  étincelle  bleue  ;  dès  ce  moment  les  caractères  hiouan  [bleu] 
ttye  [étincelle]  durent  être  évités  dans  l'écriture;  et,  pour  les  écrire 
sans  crime,  il  a  fallu  les  tronquer  dans  tous  les  livres  imprimés  depuis 
cet  empereur  :  c^est  ce  qu'on  a  fait  en  leur  ôtant  un  trait  (4) ,  non- 
seulement  dans  le  caractère  simple,  mais  encore  dans  tous  les  groupes 
plus  compliqués  où  ils  entroienl  en  composition.  L'usage  s'en  est 
conservé  jusqu'à  présent,  et,  à  chaque  mutation  de  règne,  le  nombre 
de  ces  caractères  ainsi  tronqués  doit   nécessairement  augmenter.   La 


(1)  Nom    de  famille  de  deux  historiens  célèbres,  Sse-ma-tslan  et  Sse-raa- 
kouang,  et  Aes  princes  de  la  puissante  dynastie  des  Tsin» 

(2)  Famille  tartare  qui  a  fondé  quelques  principautés  dansie  nord  de  la  Chine. 

(3)     .**.  ^  (4) 


m-k 


Tttt 


NOVEMBRE  1819.  699 

2.*  une  médaille  d'or  de  ioo  francs  à  M.  le  chevalier  Chaillou  des  Barres» 
ancien  prrfet,  aiuenr  du  mémoire  n.®  12,  ayant  pour  épigraphe,  Quand  on 
étudie  ces  matières  de  tonne  foi,  l'on  ne  doit  jamais  suivre  servilement  aucunes 
traces ,-  et  ce  n'est  pas  comme  à  un  guide  impérieux  qu'il  faut  avoir  recours  aux  idées 
des  autres,  rtfais  comme  à  un  objet  de  comparaison  utile  après  ses  propres  recherches 
(  Necker,  Sur  la  législation  et  le  commerce  des  grains  )  ;  3.**  une  mention  honorable 
«  M.  Jean-Jacques  Baude,  de  Valence,  auteur  du  mémoire  n."  6,  ayant  pour 
épigraphe  : 

Ne ,  ckepoco  io  vi  dia,  da  imputar  sono  , 
/a.  Che  quanta  ioposso  dar,  tutto  vi  dono.  (  Ariost.  Or.  Fur.  cant,  I,  stan^.  ^.) 

Ccncours  sur  les  moyens  de  préserver  les  murs  de  craie  des  atteintes  du  salpêtre. 
l'-n  décernant  une  mention  honorable  à  M.  Mande!,  doyen  du  collège  de 
p.hrrmacie,  &c,  à  Nancy,  auteur  du  mémoire  ayant  pouf  épigraphe,  Fortiora 
exTurhant  debillora ,  la  société  s'est  réservé  l'expérience  du  procédé  indiqué;  et, 
si  (a  pratique  vient  â  Tappui  de  la  théorie,  il  sera  décerné.  Tan  prochain,  à 
1  auteur,  une  médaille  de  première  classe.  ' 

Concours  sur  la  vaccine.  !,•  Une  médaille  d'encouragement  à  M.*  Dufe\ix, 
chfriirgT.n  à  Bor.y,  qui,  dans  Tannée,  a  vacciné  445  sujets;  z.^  une  première 
mention  honorable  à  M.  Delacroix,  chirurgien  à  Châlons,  qui  en  a  vacciné 
j~4i  3***  nne  seconde  mention  honorable  à  M.  Hubert,  chirurgien  à  Somme- 
i)'ippes,  qui  en  a  vacciné  262. 

Concours  de  statistique,  t.*  Une  médaille  de  première  classe  à  M.  Jolly, 
chirurgien  à  Châlons,  auteur  de  la  statistique  de  cette  ville;  2.*^  une  médaille 
d'encouragement  à  M.  Remy,  chirurgien  à  Châtillon-sur-Marne  ,  auteur  de  la 
statistique  du  canton  de  ChâiilloD-sar-Marne. 

Enfin  la  société  âvoit  demandé  un  discours  sur  ce  sujet:  Les  intérêts  des 
Français  de  toutes  les  classes  sopt  attachés  au  maintien  de  la  Charte  constitu- 
tioum^île.  Le  prix,  consistant  en  une  médaille  d'or  de  joo  francs,  a  été  adjugé  à 
M.  Cyprien  Aiiot,  professeur  au  collège  royal  de  Reims,  auteur  du  mémoire 
n.^  6.  Ce  mémoire  vient  d'être  imprimé  à  Châlons,  chez  Martin  ;  un  vol.  in-S.* 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

C\itdlogue  des  oljtts  d'ant'quité  et  de  curiosité  qui  ccmpcsoient  le  cabinet  defu 
Al.  l'abhê  Campion  de  Tersan ,  Ù*c,  dont  la  vente  publique  aura  lieu,  le  lundi 
8  novembre  1819  et  jours  suivans,à  TAbbaye-aux-Bois,  rue  de  Sèvres,  n.°  16. 
Pari;,  impr.  de  Nouzou,  chez  Silvestre,  in-BJ'  de  9  feuilles  un  quart.  (  II  se 
trouve  danscetic  collection  un  grand  nombre  d'éditions  du  XV. 'sièdo,  beaucoup 
d'autres  livres  rares,  et  de  curieux  recueils  d'opuscules  difficiles  à  rassembler.) 

Catalogue  des  livres  composant  la  bibliothèque  de  feu  M,  Courtois.  Paris,  impr. 
de  M.'"*  Hii/ard,  chez  Merlin,  //7-*\*  de  20  feuilles.  Prix,  4  f»*-  (  La  vente  de 
cette  biMiothèquè  commencera  le  3  janvier  1820.  ) 

Bibliotheca  classicalaiina ,  sive  Collectio  auctorum  classiconim  latînorum , 
cum  notis  et  indicibus;  deuxième  livraison,  imprimeries  de  P.  Uidot  et  do 
Panckouke,  chez  M.  Laffitte,  banquier,  et  chez  M.Lemaire,  éditeur,  boulevart 
italien,  n^*»  1 1  ,  2  vol.  in-S.'  (Ce  sont  les  tomes  11  du  Virgile  et  du  l'acite.  ) 

UOdyssie  d'Homtre,  traduite  du   grec   par  l'auteur  d'une  traduction   de 

Tttt    2 


NOVEMBRE   iSipt  7^1 

Principes  d'administration  et  d'économie  politique  des  anciens  peuples ,  appU<piéf 
3nx  peuples  modernes,  par  Fr.  Bilhon ,  ex-chef  de  bureau  au  minisrérc  de* 
iinancvs,  &c.  Paris,  imprimerie  d'Egron,  chez  Louis,  z'/z-^."  de  25  feuilles. 
rri:< ,  6  iV. 

Science  du publiciste ,  ou  Traité  des  principes  élémentaires  du  droit,  consi- 
<iér«"  dans  ses  principales  divisions;  ouvrage  a  l'usage  de  tous  les  peuples  et  de 
lous  les  temps,  avec  dçs  notes  {tom.  I.*');  par  Alb.  Fritot,  avocat.  Paris, 
iinprim.  de  Feugueray,  chez  Arthus-Bertrand ,  zVï-éi'/  de  jcx)  pages.  Prix, 6  fr. 

Discours  qui  a  remporté  le  prix  à  la  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences 
et  arts  du  département  de  la  Alarne,  en  18 19,  sur  ce  sujet  :  «  Démontrer  qu€ 
»  les  iniércis  dos  Français  de  toutes  les  classes  sont  attachés  au  maintien  de  la 
»  Charte  constitutionnelle»  ;  par  M.  Cyprien  Anot,  professeur  au  collège  royal 
de  Reims.  Châlons,  chez  Martin,  imprimeur-libraire,  //?-<?/ de  143  pages. 

Traité  théorique  et  pratique  sur  les  lettres  de  change  et  autres  effets  de  commerces 
par  M.  A.  Schiibé.  Strasbourg,  chez  Trcuttel  et  WUrtz,  i/i-^.* 

Alémoîres  de  V Académie  royale  des  sciences ,  Institut  de  France,  année  1817J 
tome  II.  Paris,  imprimerie  et  librairie  de  Firmin  Didot,  //;-^/  de  6g.*)  pages* 
Ce  volume  contient  l'Analyse  des  travaux  de  l'académie  en  i  S 1 7 ,  par  MM.  lei 
secrétaires  perpétuels;  des  notices  historiques  sur  MM.  Rochon  et  Messîer, 
par  M.  Deîambre;  des  Recherches  sur  la  durée  de  la  gestation  cl  de  l'incu- 
bation, par  M.  Tessier;  un  Mémoire  de  M.  Biot  sur  les  rotations  que  certaines 
substances  impriment  aux  axes  de  polarisation  des  rayons  lumineux;  des  Obser- 
vations de  M.  Girard  sur  la  vallée  d'Egypte;  un  Mémoire  sur  la  figure  de  la 
terre,  par  M.  de  la  Place;  un  Mémoire  sur  le  mouvement  des  fluides  élas- 
tifjues  dans  les  tuyaux  cylindriques,  par  M,  Poisson;  un  Mémoire  sur  diverses 
mesures,  par  M.  de  Prony;  un  Mémoire  de  M.  La  Billardiére  sur  le  moyen 
ei-iployé  par  les  rainettes  pour  s'élever  le  long  des  corps  lisses. 

M.  le  marquis  de  la  Place  vient  de  publier  une  quatrième  édition  de  sa 
Théorie  des  probabilités.  Paris,  veuve  Courtier,  1819,  in-S,'  :  4  fr. 

AIcmoire  sur  l'importation  en  France  des  chèvres  à  duvet  de  Cachemire ,  par 
M.  Tcss>r.  Paris,  imprimerie  ^t  librairie  de  Ai."*^  Huzard,  in-S,'  de  2  feuilles. 

Hennés  classique ,]0\irnd\  philologiq^ue,  principalement  consacré  à  l'explica- 
tion claire  et  méthodique  de  la  valeur  des  mots,  en  latin,  en  grec  et  en  français; 
à  l'examen  et  à  la  discussion  des  diffv'rentes  leçons  admises  dans  le  texte  des 
auteurs  anciens;  à  l'interprétation  des  passages  les  plus  difficiles  des  auteurs 
clas>i'}ucs,  et  contenant  en  même  temps  une  annonce  et  une  notice  des  livres 
nouveaux  relatifs  aux  langues  anciennes  et  à  la  philologie  en  général.  Le  prix 
de  l'abonnement  à  YMemiès  classique,  dont  une  li\rai^on  paroîtra  chaque  mois, 
C5t  de  30  francs  pour  Tannée.  On  souscrit  chez  Eg.on,  imprimeur- libraire, 
rue  des  Noyers. 

Annales  i'rajiçaises  des  arts ,  des  sciences  et  des  lettres,  fûrant  Siiite  aux  Annales 
des  bi'timens;  par  une  société  d'artistes  et  de  gens  de  lettre;-:  iroTsième  année. 
On  s'abonne  au  bureau  de>  Anniîlcs,  rue  Saint-Martin,  n.'^  îqc).  Le  prix  de 
Tabonnement,  pour  un  an,  est  de  25  francs. 

Annales  du  Abusée  et  de  l* École  moderne  des  beaux-arts  ,  Ci.lnn  de  iStg  ;  par 
Landon.  Première  et  deuxième  livraisons.  L'ouvrage  formc^ra  dtux  volumes. 
Prix,  30  fr.  On  souscrit  au  bureau  des  ivnnalcs,  quai  deConti,n.°  15.  Les  deux 
premières   livraisons  contiennent  24  gravures  au  trait,  représentant  un  égal 


NOVEMBRE   1819.  793 

situer  au-delà  de  Danube;  par  S.  A,  Biicliner.  Rafisboiine^  '819,  hi-S.' ,  avec 
une  cane  et  un  plan  dessinés  sur  pierre. 

Fr,  Crfut;^er  Aleletemata  ex  disciplina  antiqu'itat'is :  pars  tertia;  commenrationei 
^t  i<  njnuniarii  in  scriptores  grxcos.  Lipsix ,  Hahn ,  ///-^/ 

EjusJan  Couimentationes  Herodotect.  -/tgyptiaca  et  Hellenica,  par?  prima- 
Sub;iciuntur  aJ  calcem  summaria,  scholia,  varixque  loctioncs  cod.  Palatini. 
Lipsix,  Halin,   1819,  în-SJ' 

Beirrae^e  ;^ur  mun^liundt:  i^c;  Mémoires  pour  servir  à  la  nutiiisinatique 
malioméciiTie ,  ou  Choix  de  nionnoies  rares  et  peu  connues  du  cabinet  de 
Ai.  l'aisesscnir  G.  Sfluq,àPétershourg,  dt-crites  succinctement  par  C.  M.  Fraehru 
Berlin,  Kcinier,  in-S/ ,  avec  une  carte  licliographiée. 

Platonis  qux  exstant  Opéra.  Acccduni  Platogis  quae  fcruntur  scripia.  Ad 
optimorum  lîbrorum  fideni  recensuit,  in  latinum  convertit,  annotationibus 
explanavit  ,  indicenique  rerum  ac  veil)oruni  accuraiissimum  adjecit  Fr. 
Alnius;  tomns  primus.   Lipsiae,  Wcidmann  ,  in-8»^ 

Pjrocli  Diadochi  et  Cly/npiodori  Commemcrii  in  Platonis  Alcihiadem  priorem; 
r.uiiç  primùni  edidit  plurinmque  codicuni  manuscriptoruni  varietaiem  Joctionis 
adji-ciu  i'red.  Crcurzer.  Francfort,  Broenncr,  in-S.-' 

D\e  W ittCiUngskunde  it^c»;  La  AJetéorolcgie  considérée  ddris  ses  principes  ; 
par  lo  D/  Schoen.  Wurzbourg,  Kanzc,  in-^.*  de  120  pages,  avec  une  carte  et 
douzo   tableaux   lithographies. 

Eiideititngifc,  ;  Introduction  à  la  physiologie  de  l'organisme  humain;  par  \t 
D/  Hcmpel.  Goitinguc  ,  in-8,^  Prix ,  i  rxd. 

Nuiersuchungen  i^c;  Recherches  sur  les  causes  premières  de  la  toux,  sur  /n 
respimtion  et  le  croup;  par  le  D/  Krimer.  Leipsic,   Cnobloch,   1819,  //i-<?/ 


de    I  J2  p'ïi^c's 


GcscJiiclue  iT'c,  ;  Histoire  de  la  médecine  de  Russie  ;  par  le  D/  G.  M.  Richtcr, 
1  lipsij  ,  1818  à- 1819,  Hartmann  ,  3  vol.  gr.  i/2-4.* 

-  System  thitrheilkunde  ilXc.  ;   Système  théorique  et  pratique  de  l*urt  vétérinaire  j 
par  le  D/  D.  Buich;  tome  I.  Casscl,  1819,  Krieger,  gr.  in-S^'* 

ANGLETERRE. 

Litîerary  History  à^c.  ;  Histoire  littéraire  du  moyen  âge  ;  rompviMiani  i*étnt  de» 
scienct-s,  depuis  la  fin  du  règne  d'Auguste  jusqu'à  leur  r».'nai5sance  dans  le  XV.* 
siècle;  par  J.  B^rington.  Londres,  Mawman,  //z-^."  de  727  pa^'cs. 

Deina  oisân  Mhicfhinn,  air  an  cur  amach  airson  maiih  coir.heannta  muinniir 
n,îC£;oeitacb.d  {  iî5>u\elle  édition  de?  poèmes  d'Ossian,  publiée  par  John  \lac- 
drcj^or  Auirray,  baronet).  Dun-cidin  [  I:.d  imbourg],  1818,  in-S.'' ,  344  p-'gcs, 
avec  'iFi.»  :>r:  ici.  if  en  gnélic. 

G.tc:ilu...t,  Z"^c.  ;  Le  Groenland ,  et  lUirres  poèmes;  par  J.  iMontgoniery. 
LoîM^îi-; ,  Lcnguian, ///-5'/    Prix,  10  sh. 

Jsf  jndir  si^T'c. ;  Iscandre  ou  le  Héros  de  rLpirCj  roman;  par  Arthus  Spencer. 
Londres,  Newnian  ,  5  \o\,  in-S.'  Priv,   16   :.h. 

L'ApeituiuinauLodra,  giornaîe  per  le  colic  pcrsone  delîa  Ciran  Brettagna 
e  d'italia,  ///-^\'  Le  prix  de  chaque  cahier  de  ce  journal  sera  de  x  sh.  Il  paroitra 
'chcTque  mois. 

The  TourofAfrica,  i^c;  Voyage  en  Afrique,  contenant  une  relation  succincte 
de  tous  les  pays  de  cette  partie  du  monde   visites  jusqu'ici  par   les  Angl.iis^ 


JOURNAL 
DES  SAVANS. 

DÉCEMBRE     l8ip. 


A    PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 


r 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 

DÉCEMBRE     l8in. 


Deux  Lettres  X  Mylord  Comte  d'Abepdeen  sur 
l'ûutheiitU'ifé  des  Inscriptions  de  Fourmoiit;  pur  M.  Raoul- 
Roclieite,  membre  de  l'Institut  royal  de  France,  Conservateur 
du  Ciibinet  des  méàmlles  et  tmttques  de  la  BibVtùthhpie  du 
Roi,  l'uii  des  Rédacteurs  du  Juunud  des S.it'.ms ,  &c.  Paris, 
18  ip,  imprimerie  royale,  yw--^."  de  i4o  pages,  avec  figures. 


M. 


L«  FouRMONT,  membre  de  l'aradémie  des  inscriptions  et  helfes- 
lectres.  avoît  été  chargé  par  Louis  XV  de  pnrcburîr  la  Grèce,  afin  dV 
recueillir  des  inscriptions,  des  fragintiis  d'anliquité,  des  manuscrirs.  Cet 
académicien  employa  trois  anntes  dans  ce  voy^ige,  et  revint  chargé  d'une 
riche  moisson  de  monumcns  en  tout  genre.  Sun  retour  fît  une  grande 

vvvv  2 


DÉCEMBRE  1819.  709 

préjugé ,  car  on  peut  ainsi  nommer  une  opinion  dont  les  motifs  n'avoient 
point  été  pesés  mûrement,  le  préjugé,  dis-|e,  contre  J  iwaihenticité  des 
inscriptions  de  Fourmont  commençoit  à  s'enraciner,  lorsqu'un  savant 
helléniste  anglais,  M.  Richard  Payne  Knight,  à  la  fiii  de  son  livre  sur 
lalphabet  grec,  attaqua  en  forme  les  inscriptions  de  Sparte  et  SAmycla, 
qui  sont  les  plus  anciennes;  il  analysa  et  tâcha  de  faire  re^sorlir  les  ca- 
ractères de  fiiusseté  quil  croyoit  y  avoir  découverts.  Comme,  dans  le 
cours  de  ce  livre,  il  ne  s'étoit  nulleriient  servi  des  inscriptions  de  Four- 
mont,  il  crut  devoir  exposer  les  motifs  qu'il  avoit  eus  de  les  négliger 
entièrement. 

Jusqu'à  présent-  les  raisons  de  M.  R.  P.  Knight  étoient  restées  sans 
réponse;  Tautorité  d'un  savant  aussi  distingué  n avoit  pas  peu  contribué 
à  consolider  l'opinion  déjà  établie;  et  les  inscriptions  de  Fourmont,  au 
lieu  d'enrichir  le  nombre  des  collections  imprimées  de  ce  genre,  sont 
restées  jusqu^à  présent  enfouies  dans  les  cartons  de  la  Bibliothèque  du 
Roi. 

Cependant,  depuis  un  petit  nombre  d'années,  l'opinion  commençoit 
à  devenir  plus  favorable  aux  monumens  de  Fourmont;  les  lettres  qui 
avoient  paru  les  plus  étranges,  les  formes  de  langage  qui  avoient  semblé 
les  plus  suspectes,  se  retrouvèrent  sur  des  vases  grecs,  des  médailles , 
des  marbres  qu'on  découvrit  peu  à  peu.  Les  inscriptions  que  Fourmont 
prenoit  pour  la  copie  des  lois  de  Solon,  se  trouvèrent  être  des  inscrip* 
tions  extrêmement  curieuses  sur  l'administration  intérieure  d'Athènes, 
et  qui  offrent  les  mêmes  particularités  de  langage  et  d'orthographe 
que  \^%  marbres  de  Choiseul,  découverts  depuis  la  mort  de  Fourmont; 
leur  authenticité  ne  pouvoit  laisser  le  moindre  doute.  De  même  qu'on 
avoit  conclu  d'un  petit  nombre  de  traits  douteux  la  fausseté  du  tout, 
on  se  trouva  désormais  assez  disposé  à  croire  à  l'authenticité  de  la 
plupart  des  inscriptions  d'après  l'authenticité  incontestable  de  quelques* 
unes,  au  point  que  Tacadémie  de  Berlin  en  fit  prendre  une  copie  exacte^ 
qu'elle  conserve  dans  ses  archives  et  qu'elle  se  propose  de  publier. 

Cependant  les  difficultés  élevées  par  M^  R.  P.  Knight  n'étoient 
point  encore  levées  :  beaucoup  de  personnes ,  tout  en  convenant  de 
l'authenticité  d'un  grand  nombre  de  ces  inscriptions,  conservoient  des 
doutes  sur  les  plus  anciennes  ;  savoir,  sur  celles  de  Sparte  ttSAmycla, 
et  persistoient  à  croire  que  les  objections  de  M.  R.  P.  Knight  étoient 
sans  réplique.  Lord  Aberdeen ,  dans  une  lettre  que  M.  Thomas  Walpole 
a  insérée  parmi  ses  mémoires  relatifs  à  la  Turquie,  en  a  tout  récemment 
reproduit  un  certain  nombre. 

C'est  à  Foccasion  de  cette  lettre  que  M*  Raou^RQchette  a  cru  deroir 


^* 


DÉCEMBRE  iBrp.  711 

très-forte  si  les  faits  qui  l'appuient  éroienl  exacts,  tombe  d'elfe- même, 
quand  on  examine  le  tableau  des  lettres  qu'ofTient  les  inscriptions  pu- 
bliées par  Fourmont,  et  que  M.  Kaoul-Rochette  a  fait  graver  à  la  fin 
de  son  livre  :  ce  tableau,  qu'on  trouve  ci- joint,  suffit  pour  montrer  que 
la  différence  des  formes  s'accorde  assez  bien,  en  général,  avec  celle 
des  temps. 

i.**  Les  terminaisons  aux  cas  obliques  sontj  dans  ces  inscriptions ,  Ici 
mêmes  que  dans  Pausan'ias.  M.  Raoul-Kochette  répond  d'abord  que , 
quand  cela  sejoit,  il  n'en  faudroit  rien  conclure;  puis  il  montre,  par 
des  exemples  tirés  de  deux  inscriptions  d'époques  différentes,  que  les 
désinences  sont  loin  d'être  les  mêmes. 

3.**  On  trouve  dans  ces  inscriptions  toutes  les  formes  barbares  des  lettres, 
telles  que  le  sigma  C  et  r epsilon  €,  employées  seulement  sous  les  derniers 
empereurs  lomains,  M.  R.  P.  Knight  est  appuyé  ici  sur  de  graves  au- 
torités, Spanheim,  Spon,  Monfaucon ,  Corsini ,  Winckelmann  ,  qui  ont 
tous  soutenu  cette  opinion  sur  la  forme  du  sigma  et  de  X epsilon;  mais 
des  monumens  découverts  depuis  en  démontrent  la  fiiusseté,  et  il  est 
singulier  que  M.  R.  P.  Knight  n'en  ait  point  eu  connoissance.  On 
retrouve  en  effet  la  forme  de  \ epsilon  6  sur  des  inscriptions  antérieures 
à  Tan  282  avant  J.  C,  et  le  sigma  c  sur  des  médailles  de  Crotone 
et  de  Syris,  qui  sont  peut-être  du  vil.*  siècle  avant  J,  C. ,  mais  qui 
ne  sont  certainement  point  postérieures  au  VI.*,  et  sur  d'autres  monu- 
mens que  M.  Raoul  Rochet te  rassemble  et  rapproche  avec  beaucoup 
de  critique  et  d'érudition:  il  en  termine  l'énumération  par  un  argument 
en  faveur  de  la  bonne  foi  du  prétendu  faussaire.  Lorsque  Fourmont 
rapporta  ces  inscriptions,  l'opinion  sur  l'époque  récente  où  cette  forme 
de  Y  epsilon  et  du  sigma  s'étoit  introduite,  étoit  générale  parmi  les  savans: 
si  donc  il  eût  forgé  ces  inscriptions,  il  se  fût  bien  gardé  d'y  introduire 
des  lettres  qui,  par  leur  forme,  auroient  ftit  découvrir  son  imposture, 
11  n'a  pas  craint  de  produire  ces  lettres:  c'est  qu'il  copioit  naïvement, 
sans  songer  à  tromper  personne ,  et  sans  imaginer  que  le  soupçon  de 
fraude  pût  l'atteindre. 

4.**  M.  R.  P.  Knight  prétend  que  Fourmont ,  «  pour  donner  à  quelques- 
»  unes  de  ses  inscriptions  un  vernis  d'authenticité ,  a  été  prendre  sur  des 
»  médailles  de  Gortyne  une  forme  singulière  de  sigma  S  :  mais  malheu- 
»  reusement,  dit-il,  ce  prétendu  sigma  est  un  iota;  ce  qui  découvre  àla- 
ji  fois  l'imposture  et  l'ignorance  de  Fourmont.  »  L'auteur  des  Lettres  à 
lord  Aberdeen  s'élève  encore  victorieusement  contre  cette  nouvelle  im- 
putation :  il  prouve  que  Fourmont  n'a  pas  eu  besoin  de  calquer  son  sigma 
sur  Viota  des  médailles  de  Gortyne  ;  que  cette  forme  de  sigma^st  trouf  e 


DÉCEMBRE  iSlp*  7'5 

»  adopta  ce  nom  avec  une  altération  bizarre  ,  et  donna  ces  mots  or  Al 
»  IKETEPKEPATEE2  pour  l'inscription  titulaire  de  la  cliapelle  diOgn: 
3>  mais  depuis  on  a  reconnu  que  ce  nom  est  l'effet  de  la  méprise  d'un 
»  copiste,  qui  transforma  deux  mots,  dont  l'un  est  explicatif  de  l'autre, 
>>  en  un  seul  nom  ;  en  sorte  qu'on  lit  aujourd'hui,  dans  le  texte  d*Hésy- 
»»chius,'lx7t(/,  xfotleiçy  Afluuvytç,  au  lieu  de  iKTtvKfttlHç.  »  II  s'ensuit  que 
Fourmont  auroit^  forgé  pour  un  temple  imaginaire  une  inscription 
puisée  dans  le  texte  corrompu  d'un  lexicographe. 

Ce  reproche  est  grave;  et  s'il  étoît  fondé,  il  suffiroit  pour  décréditer 
tous  les  monumens  de  Fourmont.  Il  se  compose  de  deux  assertions , 
dont  Tune  n'est  point  combattue  par  M.  Raoul-Rochette  aussi  victo- 
rieusement que  le  reste  ;  ce  qui  tient  en  partie  au  peu  de  renseigne- 
mens  que  les  voyageurs  ont  recueillis  sur  les  lieux.  Reprenons  les  deux 
imputations,  eC  examinons  les  l'une  après  l'autre:  ce  point  en  vaut  la 
peine ,  puisque  c'est  l'argument  principal  des  antagonistes  de  Fourmont. 
Lord  Aberdeen  vient  à  l'appui  de  la  première,   relative  h  la  chapelle 
d'Oga,  dont  M.  R,  P.  Knight  nie  absolument  l'existence;  bien  qu'il 
ait  parcouru  tous  les   environs  d'Amyc/a,  ce  voyageur  assure  que  cet 
ancien  édifice  a  mal  heureusement  disparu,  II   est  vrai  qu'il  ajoute  en- 
suite :  Le  véritable  édifice  (  qui  n'est  pas  celui  que  Fourmont  a  décrit  ) 
existe  encore  sous  la  forme  d'une  chapelle  grecque  moderne,  dans  laquelle 
Fourmont ,  s'il  a  été  lui-même  réellement  à  Sparte ,  peut  avoir  vu   les 
marbres  que  j'y  ai  trouvés  en  iSoj.  Mais  il  ne  résulte  de  ce  passage  autre 
chose.,  sinon  qu'en  admettant  l'existence  d'une  chapelle  d'Onga  ou 
d'Oga,  ce  ne  peut  être  celle  dont  parle  Fourmont,  mais  un  petit  édifice 
dans  le  voisinage  :  ainsi  Tédifice  de  Fourmont  a  disparu,  ou  tout  au 
moins  les  voyageurs  n'ont  encore  pu  le  voir.  M.  Dodwell ,  dans  son 
intéressant  Voyage,  n'en  dit  pas  un  mot,  en  parlant  SAmyclœ  (  i  )  :  à  la 
vérité,  il  ne  dit  point  qu'il  ait  fait  des  recherches  à  cet  égard.  M.  Raoul- 
Rocliette  cite  un  passage  qui  ne  me  semble  point  aussi  formel  qu'il  le 
pense.  M.  Avramiotti,  qui  a  publié  en  1816  des  observations  critiques 
sur  le  Voyage  en  Grèce  de  M.  de  Chateaubriand  (2),  reproche  à  cet 
illustre  écrivain  d'avoir  passé  à  Amycla  sans  voir  cette  chapelle  diOga, 
II  s'exprime  ainsi  :  ce  Mais  (M.  de  Chateaubriand)  ne  mérite  aucune 
»  excuse  pour  n'avoir  pas  vu ,  à  cinq  cents  pas  du  temple  d'ApoIloa 


(i)  A  classical and  topogravhical  Tour  through  Greece ,  toni.  II,  p.  4i2-4'4* 
{1)  Alcuni  cenni  crîtici  del  dottore  Avramhtti  sul    Viaggio  in   Grecîa,  che 

compoae  la  prima  parte  deW  Jtinerariû  du  Parigi  à  G'ierusalemmê.  Padova,  1816, 

pag.  31. 

xxxx 


DEC 


7»r 


(nveur  de  J'auire  inscripiion  :  on  est  donc  naiurellement  porté  à  croire 
que  celle  du  lemple  A'Onga  doit  être  également  autheniiqiie.  De  ce 
que  des  circonstances  particulières  ont  pu  la  faire  disparoîlre ,  ce  n'est 
pas  un  motif  suffisant  pour  la  croire  fausse.  Mais,  dira  M.  R.  P. 
Knighl,  et  la  fausse  leçon  d'Hésychius  :  J'avouerai,  pour  ma  part, 
qu'il  ne  ine  semble  nullement  proi^able  que  t'ounnont  ait  été  cherclier 
r  lK7iujip«7ïïc  d'Hésychius  pour  en  forger  ie  mot  IKETEPKEPATEEï  : 
car,  s'il  fàisoit  tant  que  d'emjirunterun  mol  ii  Hésychius,  pourquoi  le 
déiiaturoil  il  à  ce  point!  Dans  la  confiance  où  il  étoît  que  la  leçon 
de  cet  auteur  étoît  bonne,  et  désignoit  Lïen  rcellemeni  un  nom  des 
Lacédémoniens,  selon  l'opinion  de  Meursius.  que  gagnoil-il  à  ne  le 
pas  reproduire  tel  qu'il  le  lisoil  dans  Hésychiuiî  1[  me  pnroît  infiniment 
plus  probable  qu'il  a  donné  ce  mot  tomme  il  l'a  lu,  J  admets  donc 
sans  aucune  difficulté,  avec  M.  Raoul- Rochelle^  que  Fourmont  aura 
fait,  en  le  lisant,  quelqu'une  de  ces  mépri-es  qui  lui  sont  familières, 
et  qui  d'ailleurs  sont  échap|iées  h  de  plus  ha!-iles  que  lui.  Ce  qui  me  le 
persuade,  c'est  que  ce  même  mot  se  retrouve  avec  quelque  .-iltération 
sur  deuK  monumens  :  car,  dans  un  autre  endroit,  Fourmont  dit  qu'il 
possède  des  inscriptions  en  bcusiropl  édon,  «où  les  magistrats  Pythn 
y>  [riuâts*]  sont  nommés  avtc  les  officiers  des  tribunaux  d'alors.  Un 
"rond  est  au-dessous  des  noms  des  Pytk'ù ,  et  sur  ce  rond  sont  les 
»  leiires  IKTEOKPaT,  abréviaiion  de  iKTEOKPATEEï,  el  au-dessous  on 
»»  lit  noiMElTOPEi  (  I  ) ,  ÔLC.  «  Ces  deux  derniers  noms  désignent  évidem- 
ment aussi  de5  magistrats.  Enfin  on  lit  encore,  sur  une  autre  inscrip- 
tion toul-à-fait  analogue  à  celle  qui  nous  occupe,  IKTEOKPaTEEï  ©EO 
AnoAAONi  [les  Icléocraies  au  dieu  Apollon]  [2).  Il  est  hors  de  doute 
que  les  deux  noms  IKTEOKPATEEE  et  IKETEPKEPATEES  sont  identiques 
et  ne  diflérent  que  par  une  légère  variété  d'ori hographe.  Or,  si  Four- 
mont a  inventé  l'un,  il  a  nécessairement  fnrgé  l'autre:  mais  alors  pour- 
quoi ce  ch^ingementï  D'où  vient  cette  diflTérence  qu'il  a  lais&ée  entre  les 
deux  noms  î  Pourquoi  ne  les  point  écrire  tous  deux  de  la  même  manière  I 
Cela  ne  peut  s'expliquer  que  dans  une  hypothèse;  c'est  que  Fourmont 
copîoii  naïvement  comme  il  (isoit;  et  s'il  les  a  écrits  difFéremment  l'un 
de  l'autre ,  c'est  qu'il  k  cru  les  lire  ainsi.  Ce  rapprochement ,  que  j'ajoute 
aux  argiimens  de  M.  Raoul-Rocheite,  et  qui  corrobore  son  opinion, 
achève  d'établir,  avec  un  haut  degré  de  prohaliilité,  que  Fourmont  n'a 
point  tiré  spn  inscription  d'Hésydiius.  Maintenant,  que  signifie  le  mot 


(1)  Foiirnioni.clans  les  Alrm.  dt  l'Acad.  tUa  mxr.  tcm.  XV ,  p.^-tz. 

(2)  Banhtlemy,  ibid.  Km.  XXilI ,  p.  40^ 

Xxxx    2 


DECEMBRE   1819.  7,7 

que  les  Péfasges  sont  venus  en  Italie  après  lesTyrrhénienj  (  i  ) ,  ou  Forsqu  il 
montre,  par  des  exemples 9 que leniploi de IW/Vr^?/!  de  forme  triangulaire 
se  retrouve  encore  sur  d'autres  monumens  que  Tinscription  d'Oga.  Il 
se  livre  à  une  autre  discussion  importante  sur  l'existence  d'un  alphabet 
Pélasgique  ;  mais  l'en  parlerai  dans  un  second  article  >  et  je  passe  à  la  fà* 
meuse  inscription  HAmyclœ  ^  contenant  un  catalogue  de  prétresses* 

Cette  inscription ,  que  Barthélémy,  Torremuzza,  Eckhel  et  Lanzi  ont 
regardée  comme  authentique  »  est  vivement  attaquée  par  M.  R.  P, 
Knfght.  Un  des  caractères  de  fausseté  qu'il  y  trouve  est  dans  le  titre 
de  ces  prêtresses ,  MATEPE2  JCAI  KOTPAI  TOT  AnOAAONOS,  «titre, 
»  ajoute-t-il,  pour  lequel labbé  Barthélémy  n'a  pu  produire  aucune  auto- 
w  rite  :  d'Hancarville  néanmoins  a  imaginé  de  rapprocher  ce  titre  de  celui 
»  de  mercs  et  de  filles  du  bon  Dieu,  en  usage  dans  quelques  couvens  de 
»  religieuses  en  France  (2)  ;  ce  qui  montre  d  où  Fourmont  a  tiré  ce 
»  titre  ;  car  il  n'a  fait  que  traduire  en  grec  un  titre  et  des  expressions 
w  qui  lui  étoient  familières.»  M,  Raoul-Rochette  répond,  en  joignant 
aux  deux  autorités  citées  par  Barthélémy  (quoi  qu'en  dise  M.  R.  p. 
Knight)  pour  justifier  ce  titre,  d'autres  autorités  tirées  des  monumens 
grecs  et  latins,  qui  attestent  que  les  ministres  des  dieux  étoient  fré- 
quemment appelés  voLVig ,  x«^ç^  li^ ,  et  en  latin ,  patcr,  mater  sacrth- 
rum ,  fi  lia. 

Dans  cette  même  inscription ,  M.  R.  P.  Knight  s'étonne  de  trouver 
des  particularités  d'idiome  tout-à-fait  extraordinaires,  telles  que  API2E. 

TANAPOT,  APIXETOMAXOT,  pour  API2TANAPOT,  API2TOMAXOT:  il 

suppose  que  Fourmont  a  imaginé  cette  orthographe  bizarre  d'après  les 
systèmes  qui  fàisoient  dériver  le  grec  de  Fhébreu.  M.  Raoul- Roche tte 
observe  que>  sans  aller  cKercher  si  loin  la  source  d'une  imposture  pré- 
tendue, il  eût  été  plus  simple  de  se  rappeler  les  exemples  qui  prouvent 
que  les  Lacédémoniens  inséroient  souvent  une  voyelle  entre  deux  con- 
sonnes, soit  par  euphonie,  soit  poiir  toute  autre  raison;  tels  que  ^n^f- 
i^A^iç  pour  Tntf^Kkn^iç^  dans  le  décret  contre  Timothée,  usage  qui 
se  retrouve  même  dans  l'ancienne  langue  latine  :  ainsi  casteris  pour 
cas  tris,  dans  l'inscription  A\xi\ieïV[ie\auceta,  sinisterum,  arbiterio,  uragum, 
poiu"  aucta,  sinistrum>,  arbitrio,  orcum,  &c»  dans  Festus. 

(i)  Hv^nmfAM  IIP£iT' ,  '£ni'  H  a^iai  çvka  IlthMyiv  (  V.  347  )  :  les  mots 
et  fW  ne  se  rapportent  qu'à  la  position  géographique  des  deux  peuples;  M.  K. 
P.  Knight  a  cru  qu'elles  indinuent  des  époques:  le  contre-sens  est  palpable. 

(2)  Ce  titre  de  mères  et  filles  du  bon  Dieu  a  été  imadné  par  M.  R.  P.  Knîghl 
lui-même,  car  il  n'y  en  a  nulle  trace  dans  l'ouvrage  ded  HancarvilIe>où  il  assure 
ravoir  vu» 


DÉCEMBRE  1815^.  719 

Histoire  de  Jeanne  dAlbret,  Reine  de  Navarre,  par 
MJ^^  Vauvilliers.  Paris,  L.  Janet  et  Guitel»  3  vol.  in-S.^ } 
tom.  I,  Ixx  et  362  pages,  avec  un  portrait  de  Jeanne 
cI'AJbret  j  tom.  II,  450  pag.;  tom.  HI,  4po  pag^ 

£n  rendant  compte ,  il  y  a  quefques  mois  (  i  ) ,  des  Essais  historiquet 
sur  le  Béam,  de  feu  M.  Faget  de  J^ure,  nous  regrettions  de  ne  trouver 
dans  cet  estimable  ouvrage  aucun  détail  sur  la .  yie  et  FadmintstratioB 
de  fa  mère  de  Henri  IV.  Cette  princesse,  recommandabte  par  ses^ 
qualités  personnelles,  et  à  qui  fa  France  a  dû  le  meilleur  et  le  plus 
îlfus(re  de  ses  rois,  n'avoit  pas  encore  eu  d'historien.  Les  récits  qui  Is 
concernent,  épars  dans  les  histoires  générales  et  dans  quelques  mé^ 
moires  particuliers,  n'avoient  été  rassemblés  nulle  part.  Ce  que  Muret 
a  écrit  sur  elfe ,  se  réduit  à  deux  bu  trois  pages  fort  peu  instructives  (2^^ 
De  deux  notices  (j)  sur  Jeanne  d'Aïbret,  publiées  peu  après  sa  mort^ 
Tune  est  extrêmement  succincte,  l'autre  n'est  qu'une  relation  de  sa 
dernière  maladie ,  avec  son  testament  et  les  épitaphes  composées  en 
son  honneur.  11  est  vrai  que  le  P.  Mira'sson ,  dans  son  Histoire  des 
troubles  de  Béarn,  imprimée  en  1768  ,  s'est  un  peu  plus  arrêté  sur  le 
règne  de  Jeanne  ;  mais  il  n'a  point  entrepris  d'offnr  un  tableau  complet 
de  sa  vie  publique  ni  de  sa  vie  privée  :  Tauteur  n'avait  en  vue  que  les 
dissensions  en  matières  religieuses^.  H  restoit  donc  à  faire  une  histoire 
proprement  dite  de  Jeanne  rfAlbret;  et  c'est  ce  que  M."*  Vauvillier»- 
a  entrepris ,  et  ce  qu'elle  a,  comme  on  va  le  voir ,  exécuté  avec  beaucoup 
de  soin  et  de  succès. 

Plus  d'une  fois  l'histoire  d'une  princesse  écrite  par  une  dame  n'a  été- 


(1)  Journal  des  Savans,  novembre  1818,  pag.  666,  . 

(2)  Alarci  Antonii  Aluretî  pro  Antonio  rege  Navarraeî  J canna  îpsius  uà3n 
Oratio  ad  P'ium  IV,  habita  Romœ  postridie  td.  drc.  annâ  lySo.  rag.  yt-^J 
Operum  Mureii,  tom.  1,  edit.  Ltrgd.  Bat.  r7B9,  r/»-^.''— ^La  bibliothèque  his»» 
ferique  de  la  France,  n.^*  25590,  indique  une  ce  Oraisen  funèbre  d'Antoine  de 
^Bourbon  et  Jeanne  d'Albret,  roi  et  roine  de  Navarre,  prononcée  à  Rome  au  pape 
î»,Pie  IV,  par  M.  Ant.  Muret,  en  1560,  Paris,  Le  Megissier,  //ï-<^.* »  Ce  titre 
est  extrêmement  inexact  :  Antoine  de  Bourbon  a  vécu  jusqu'en  1 561 ,  et  Jeaniik 
d'Aibret  jusqu'en  1572'.  Le  discoun  prononcé  par  Muret,  en  iy6o,  n'est  p<ï}n!t  s 
une  oraison  funèbre,  mais  une  sorte  d'apologie.  •    * 

(3)  Brief  Discours  de  Jeanne  d'Aibret,  femme  d'Antoine  de  Bourbon,  roi 
de  Navarre,  1572,  /w-^/  — Discours  au  long  du  Portement  de  la  Roine  de 
Navarre,  en  sa  maladie  jusqu'à  sa  mort;  dans  le  tome  I  des  Mémoires  sur  le 
règne  de  Charles  JX.  Middelbourg,  1578,  //i-^.* 


DÉCEMBRE  iSip-  721 

aux  autres,  à  se  montrer  au-dessus  des  boni  nies  Lien  moins  par  fe  rang 
que  parle  mériteet  Thabileté.  Comme  Nicolas ,  tous  ceux  qui  entouroieni 
la  princesse,  Fentretenoient  sans  cesse  de  résolutions  et  d'actions  cou- 
rageuses, capables  d'agrandir  et  de  fortifier  son  ame;  on  lui  enseignoit 
de  la  vertu ,  d'abord  ce  qu'elle  a  d'aimable,  ensuite  ce  qu'elfe  a  de  difficile. 
Mais,  ajoute  l'auteur,  l'éducation  de  Jeanne  se  sentit  de  l'esprit  du 
siècle  ;  elfe  suça  avec  le  lait  les  principes  de  la  nouvelle  doctrine.  II 
est  certain  que  Marguerite  de  Valois  sa  mère  la  fit  élever ,  si^non  ouverte- 
ment dans  la  religion  protestante,  du  moins  suivant  les  maximes  qui 
y  conduisent  ;  cette  première  direction  a  influé  sur  toute  la  destinée  de 
Jeanne  d'Albret. 

Elfe  fut  d'abord  mariée,  malgré  elle,  dès  Page  de  treize  ans,  au  duc 
de  Clèves,  par  ordre  de  François  I/':  Paul  III  cassa  ce  mariage,  et,  en 
1 548)  Jeanne  épousa,  sous  d  assez  tristes  auspices,  Antoine  de  Bourbon. 
Cette  union  deplaisoit  à  Marguerite  de  Valois ,  et  ce  fut  l'un  des  chagrins , 
qui  la  conduisirent  au  tombeau.  Un  premier  fils  de  Jeanne  mourut  en 
très-bas  âge;  mais  Henri  IV  naquit  en  i  îjj,  et  son  éducation  devint 
bientôt  la  principale  occupation  de  sa  mère.  M."*  Vauvilliers  a  vivement 
senti  l'importance  de  cette  partie  de  son  sujet;  et  quoique  les  détaits  de 
cette  éducation  se  trouvent  en  plusieurs  autres  livres ,  ils  se  présentent 
ici  sous  un  aspect  qui  leqr  dohne  un  intérêt  particulier.  Cependant  le 
progrès  des  dissensions  religieuses,  et  la  mésintelligence  domestique  qui 
ne  tarda  point  d'éclore  entre  Jeanne  et  son  époux,  amènent  dans  cette 
histoire  des  fiiits  à-la-fois  plus  éclatans  et  plus  déplorables.  Au  milieu  de 
tant  d'événemens  que  nous  ne  pouvons  entreprendre  de  parcourir,  nous 
citerons ,  comme  exemple  du  style  de  M.***  Vauvilliers  et  de  Fesprit  qui 
règne  dans  son  ouvrage,  Farticle  qui  concerne  les  tentatives  des  Jésuites 
pour  s'établir  dans  le  royaume  de  Navarre. 

«<  Ils  étoient  favorisés  et  appelés  it  Pamiers  par  Robert  de  Pellevé, 
9»  alors  évèque  de  cette  ville ,  homme  dévoué  aux  Guises  comme«  il 
»  l'Espagne ,  et  l'ennemi  connu  de  la  reine  Jeanne.  Pour  mieux  réussir 
j>  dans  ses  desseins,  le  prélat  se  déclaroit  Fapôtre  du  savoir,  en  plaidoit 
»  la  cause  avec  éclat:  le  savoir,  disoit-il,  répand  une  lumière  égale* 
»  ment  douce  et  salutaire  ;  il  révèle  à  l'homme  ses  devoirs  et  ses  droits , 
•  s»  prépare  aux  empires  leur  plus  solide  appui ,  assure  le  bonheur  des 
»»  peuples.  Mais  personne,  aucune  institution  n'est  plus  propre  à  le 
y»  propager,  ni  ^préparer  les  heureuses  destinées  des  générations  futures, 
»  que  les  Jésuites,  vieux  de  savoir  et  d'expérience,  d'un  dévouement  sans 
»  bornes,  et  d'une  pureté  de  mœurs  capable  ^e  rassurer  les  cœurs  les 
»  plus  scrupuleux.  La  ville  de  Pamiers  et  toute  la  province  ne  tarderoit 

Tyyy 


DÉCEMBRE   IBÏ9.  71% 

Monimoreiicy  étoient  désignés  comme  les  premières  victimes  ;  on  avoit 

Uriiommé  l'un  /e  rraître  chancelier,  et  i'aulre  le  mauvais  riche.  Des  geiu 

l^ostés  dévoient,  à  une  heure  indiquée,  ameuter  hx  populace;  le  parti 

Jflfai  ourdissoit  ces  trames ,  s'étoit  donné  ie  nom   dassocintiost fraternelle, 

l'Une  lettre  de  Claude  de  Lorraine  à  Dainville,  qui  fournit  plusieurs  de 

k  ces  détails,  étoit  datée  de   1 5  lï  j  :  on  a  altéré  cette  date  ;  mais  la  fraude 

I  est  visible,  puisqu'il  est  question,  dans  la  lettre,  de  la  maladie  de  la  reine 

WCatherinede  Médicis:  or  ce  fut  en   1565    que  cette  princesse   tomba 

k^iigereu sèment  malade.  D'ailleurs  l'existence  de  ce  projet  est  attestée  par 

'  5  lettres  de  Charles  IX  lui-même,  écrites  en  1565.  Le  com|)Iot  fut 

|f<îécouvert  et  déconcerté  par  Jeanne  d'Albret,  contre  laquelle  la  cour  de 

Rome  fit  éclater  son  courroux  en  1 564- Jeanne  venoit  d'essuyer  de  violens 

I  chagrins  ;  nprès  avoir  gémi  de  la  conduite  pusillanime ,  des  déréglemens 

t  des  injustices  de  son  époux  Antoine  de  Bourbon,  après  avoir  été  me- 

'  !  par  lui  d'une  répudiation  honteuse,  elle  venoit  de  Je  voir  mourir  ti 

Lpeine  Sgé  de  quarante  quatre  ans,  et  seule,  dans  toute  la  France,  elle 

Lregrettoit  ce  foible  et  malheureux  prince.   Les  troubles  religieux,  plus 

ique  jamais  fomentés  dans  la  Navarre  et  le  Béarn ,  y  prenoient  un  caractère 

►  «larmant.  La  cour  de  Rome  saisit  ce  moment  pour  citer  Jeanne  devant 

le  Saint-Office.  On  a  pluUeufi   fois  imprimé  ce    monîtoire  (1)  ,   et  la 

protestation  du  roi  de  France  (2] ,  et  le  mémoire  énergique  et  judicieux 

qui  fut  composé  à  cette  occasion  par  Baptiste  du  Mesnil  (  jj.  M."*  Vau- 

'villîers  a  inséré  le  texte  latin  et  une  version  française  du  monitoire 

parmi  les  pièces  justificatives  annexées  à  cette  histoire.  Victorieuse,  par 

safèrmeié.deces  entreprises  déjà  ridicules  et  impuissantes  au  XVl.' siècle, 

Jeanne  eut  ensuite  à  se  défendre  contre  les  parlemens  de  Bordeaux  et  de 

Toolouse.quilui  coniestoîent  les  pouvoirs  qu'elle  exerçoit  dans  ses  états, 

et  que  lui  avoient  trajismis  ses  ancêtres.  Une  conspiration  se  forma  pour 

s'emparer  de  sa  personne  et  la  livrer  k  l'inquisition  ;  les  doutes  quelque- 


(i)  Monitorium  et  ciiatio  Officii  tanetx  inqu'ishionis  contra  illustr.  et  seref. 
Jûhannain  Albret'iam  reginam  IVavarra,  Dan*  les  Mémoireide  Condé,  1741. 
in-^.',  i3cc.  —  (j)  ProieKition  et  remontrance  du  Roi  de  France  au  pape  Pie  IV 
Jur  !a  citation  et  monitoire  fait  à  Rome  contre  la  Royne  de  Navarre;  i  564. 
in-S.':  iniérce  aussi  dans  les  Mémoires  de  Condé.  —  {))  Mémoire  dressé  par 
Baptiste  Dami'snil,  avoc.it  du  Roi  au  parlement  de  Paris,  sur  les  procédures 
faites  à  Rome  contre  la  Royne  de  Navarre. . .  pour  cire  communi-jné  au  pape 
Pie  IV;  avec  le  mémoire  paniculier  du  sieur  dOisel,  ambassadeur  de  S.  M., 
et  la  proiestaiion  et  remontrances  "dudit  seigneur  Koi  sur  ladite  citation.  Dan» 
la  Bihlioibéque  du  Droit  français  de  Bouchel,  pag.  549;  —  et  chap.  tv,  n."  ^7  , 
de»  Preuves  des  libertés  Je  l'Église  ealMcane. 

Yyyy   2 


< 


MEMBRE  iSip. 

à  la  Rochelle,  d'où  elle  ne  comniuniquort  avec  Pau  que  fort  diflÎLJk'inent. 
Tout  porle  à  croire  que  celle  horrible  résolution  fiit  dictée  pnr  la 
vengeance  au  nouveau  conseil  municipal  de  Pau,  composé  d'hommes 
qui  venoient  d'être  proscrits  eux-mêmes.  Disons  donc,  avec  le  P.  Mi- 
rasson,  que  «s'il  y  eut  des  catholiques  injustement  mis  à  mort,  ce  fut 
nà  l'iniu  de  Jeanne  et  contre  son  intention," 

Jeanne  et  Colîgny  ne  voyoienl  la  guerre  civile  qu'avec  horreur;  ih 
étoient  disposés  à  tous  (es  sacrifices  pour  I  éviter  :  mais  le  seul  gage  de 
paix  qu'ils  auroient  trouvé  digne  de  confiajice,  on  s'obstinoit  à  le  ieur  re- 
fuser; c'étoit  le  rappel  du  chancelier  de  l'Hùpiiai;  la  cour  s'excusoit  sur 
la  vieillesse  de  ce  magistrat  (il  n'avoîtque  soixanie-quaire  ans);  ce  grand 
âge,  drsoit-elle,  ne  permettoit  plus  qu'îi  souiinl  le  lourd  fardeau  de  la 
justice.  Il  éloit  plus  vrai  que  les  courtisans  crnignoicnt  eux  mêmes  le 
poids  de  ses  vertus ,  et  ne  vouloieni  pas  d'un  lel  homme  entre  eux  et 
Charles  IX.  Un  gage  beaucoup  moins  sûr  fut  le  mariage  du  jeune  roi 
de  Navarre  a\  ce  la  sœur  du  roi  de  France,  Jeanne  ne  se  fit  point  illusion 
sur  cette  alliance ,  et  ne  céda  qu'ajirés  une  longue  résistance  aux  conseils 
de  ses  amis  et  à  l'empire  des  conjonciures.  Le  contrat  éloit  signé,  et 
les  préparatifs  de  la  noce  fort  avancés ,  lorsqu'elle  mourut  le  9  juin  1 J  72 , 
après  trois  jours  de  maladie,  h  l'âge  de  quar:inte-quaire  ans.  On  sait  à 
quels  soupçons  donna  lieu  cette  mort  soudaine.  M."'  Vauvilliers  paroît 
n'avoir  découvert  aucun  renseignement  nouveau  qui  tende  à  les  confirmer 
ou  à  les  dissiper.  On  Irouveroit  même  sur  cet  article  un  peu  plus  de 
détails  dans  une  note  qui  se  lit  à  la  suite.de  (a  Henriade  et  qui  se  rap- 
,  porle  à  ces  vers  du  second  chant; 

Hymer  {die  Henri  JVJ  ,t{ai  de  noimaat  fus  lepreniier  cignal. 

Ton  flambeau,  que  du  ciel  alluma  ia  colère, 

Ëclairoii  i  mes  yeux  le   irépa:  de  ma  mère  '. 

Je  ne  )uis  point  injitsie,-et  je  ne  prétends  pat 

A  Médicis  encore  imputer  îon  irépai; 

J'écarte  de»  scopijons  peut-être  iégiiimes, 

Et  je  n'ai  pa;  besoin  de  lui  chercher  Aa  crime*. 
Les  dernières  pages  de  l'ouvrage  de  M."'  Vauvilliers  concernent  (e 
mariage  de  Henri  IV  et  le  massacre  de  la  Saint-Barthelemi,  qui  l'a  suivi 
de  si  près  ;  mais  ces  deux  articles  sont  fort  suctincts ,  et  servent  seulement 
à  compléter  en  quelque  sorte  le  dénoueineiii  de  cette  histoire.  On  doit 
des  éloges  à  tout  ce  travail,  à  l'exactitude  des  récits,  à  la  sagesse  des 
réflexions,  à  la  morale  pure  et  austère  de  l'auteur.  Ce  livre,  desiiné  k 
l'instruction  de  la  jeunesse,  peut  intéresser  un  l>ien  plus  grand  nombre  de 
lecteurs.  Le  style  a  peu  d'éclat ,  et  quelquefois  peut-être  il  n'a  pas  loute 
l'élégance  ni  même  toute  la  correction  p  ossible  ;  mail  il  n'est  point  sans 


DÉCEMBRE   1819.  727 

Firouzabadi  devoil  suppléer  ce  qui  pouvoit  manquer  k  ces  deux  ou- 
vrages, el  appuyer  chacune  de  ses  explicalioiis  d'autorités  et  de  cita- 
tions. Le  résultat  de  ce  grand  travail  fut  irniiulé  le  Lami  ^iUt,  ou  plus 


exaciement  ^jUJI. 


(•^^'    lOii  i. 


.U!  *jU1I 


Juil  «^t.  M.  Lumsden  rap- 


porte que  le  Lnmi  lurrnoit  soixante  volumes,  et  ajoute  que  ,  si  l'on  t 
croit  la  renommée,  il  existe  encore  dans  la  bibriothèquede  l'un  des  princes 
du  Yémen.  Nous  sommes  plus  portés  îi  penser  que  Firouzabadi  n'a 
jamais  achevé  le  dictionimire  qu'il  avoit  entrepris  sur  ce  vaste  plan,  pour 
lequel  il  avoit  ajuassé  de  nombreux  matériaux,  et  auquel  il  avoit  donné 
le  nom  de  Lâmi.  Suivant  Hadji-IChalfa,  Firouzabadi  ne  termina  que 
les  cinq  premiers  volumes  de  cet  iinnieine  dictionnaire;  el  lui-même, 
dans  sa  préface,  ne  dit  point,  comme  semble  l'avoir  cru  M.  Lumsden, 
que  cet  ouvrage  fbrmoit  soixante  volumes  :  il  dit  seulenieni  qu'il  l'avoit 
évalué  par  conjecture  îi  soixante  volumes,  dont  facquisition  seroil 
très-difficile  à  ceux  qui  voudroieni  se  le  procurer;  et  qu'en  consé- 
quence on  l'avoit  prié  de  s'occuper  d'abord  d'un  ouvrage  plus  a!)régé, 

.U.XUI   «-U-ajC  J_iaj     l^i_   tjOL-   j    *J^  ^  J-*    oLjCUi   IjiA   4>Jj*  Jf  ^IjUi 


'■  J^i  t 


r' 

M.  Lumsden  se  contente  de  donner  sur  l'auieur  du  Kamous  quelques 
délaiis  historiques,  tirés  de  la  Bibliothèque  oiieniale.  L'éditeur  arabe 
M.  Ahmed  bcn-Mohammed,  qui  a  aussi  misa  la  tète  de  cette  édition 
une  courte  pn  face  écrite  en  arabe,  s'est  un  peu  plus  étendu  sur  la  vie  de 
l'aïueur.  Mais,  pour  ne  point  aloiigcr  inutilement  cette  notice,  nous 
renverrons  nos  kcreiirs  à  l'article  que  nous  avons  consacré  à  Firouzabadi 
(Med^d-eddin  Abou-Taher  Mohammed  ben-Yakoub)  dans  le  tome  XIV 
de  la  Biographie  universelle,  et  nous  nous  contenterons  de  rappeler  ici 
que  ce  savant  niuut  ut  en  l'an  de  l'hégire  8  1 7  ,  le  20  du  mois  de  schawai 
[  2  janvier  t4iî],  âgé  de  plus  de  quatre-vingts  ans,  dans  la  ville  de 
ZéLid,  où  il  exerçoit  depuis  vingt  ans  les  fondions  de  kadhi  suprême. 

L'tdireurdu  Kamous,  auquel  la  littérature  arabe  et  le  collège  du 
Fort  William  ont  de  si  grandes  obligations,  ne  pouvoit  cnirepiendre 
aucun  travail  plus  digne  de  toute  notre  retonnuissance,  cju'une  tdiiion 
de  cet  ouvrage.  Il  y  a  long-iemps  que  nous  avions  exprimé  le  désir  de 
voir  les  dictionnaires  de  Djawhén  et  de  Firouzabadi  rendus  accessibles 
h  tous  les  atiiateurs  des  lettres  orientales  par  la  voie  de  l'i  in  pression  ; 
mais  nous  étions  loin  de  nous  flatter  que  ce  vœu  se  réalisftt  de  noire 
vivant.  Non-stuleinent  il  est  accomj'li,  p;ir  rapport  du  moins  au  plus 
nécessaire  de  ces  deux  ouvrages ,  et  l'on  a  vu  paroilre  presque  en  même 
temps   l'originiil  du  Kamous  à  Calcutta,  et  une  traduction  turque  du 


^ 


CEMBRE  1819.  fi9 

■iginaux  ;  Iroîs  autres  soni  des  imilations  avouées  de  pièces  franç3ises 
isses;  la  sepiiênie  enfin,  quoique  donnée  pour  originale  par  l'au- 
teur, esr  si, pleine  d'emprunts  évideiis,  que  nonshésitoiis  àluî  coït  erver 
ce  caractère.  Dans  Je  compte  que  nous  avons  à  rendre  de  ces  trois 
volumes,  nous  commencerons  par  les  pièces  imitées,  qui  ne  nous  arrê- 
teroni   pas  long-temps. 

Nous  n'avons  en  effet  presque  rien  à  dire  de  lisinha ,  drame  en  cinq 
acteS)  imité  du  russe;  c'étoit  le  coup  d'tssai  de  l'auteur  original, 
M.  Kgin.  Il  eut  beaucoup  de  succès  en  Russie:  mais  Cimiiation  allemande 
n'a  pas  encore  été  représentée,  et  M.  Reinbeck  conviL»!  lui-même  que 
les  deux  reconnoissances  qui  s'y  trouvent,  rendent  celle  pièce  plus 
romanesque  que  romantique;  observatioit  qui,  soîl  dit  en  passant, 
peut  mettre  sur  (p  voie  pour  faire  enlrer  ces  deux  mots  dans  un  nouveau 
dictionnaire  de  synonymes,  en  cas  que  l'académie  française  accorde  le 
droit  de  bourgeoisie  au  dernier. 

La  Créance,  imiiation  du  Deuil  de  Hauieroche ,  n'a  pas  plus  d'intérêt 
pour  nous.  C'est  une  farte  qui  a  réussi  h  Weimar  et  à  Siuttgard;  mais 
i'auleur  croit  qu'elle  a  été  sifflte  à  Vienne.  Pour  en  juger  équitablement , 
M.  Reinbeck  désire  qu'on  la  compare  non-seuiement  avec  l'origi:  a!, 
mais  avec  une  ou  deux  autres  imitations  allemandes;  nous  croyons  c^ue 
nos  lecteurs  nous  sauront  gré  de  les  dispenser  de  cet  examen. 

Le  Virginien , ^comédie  en  trois  actes,  n'est  pas  non  plus  la  seule 
imitation  qui  ait  paru  en  Allemagne  de  l'Habitant  de  la  Guadeloupe  de 
feu  Mercier,  M.  Reinbeck  n'a  pas  fait  de  grande  frais  d'iinaginntion,  en 
transponani  la  scène  de  France  en  Russie,  en  sulistituant  au  financier 
français  un  conseiller  d'état  russe,  et  en  supposant  que  sa  pauvre  cousine 
est  la  veuve  d'un  officier  supérieur  :  mais  il  faut  lui  tenir  compte  d'un 
ciiangement  plus  heureux.  L'agent  de  change,  dont  le  rôle  est  assez 
insignifiant  dans  la  pièce  originale,  est  ici  remplacé  par  un  ancien  valet- 
de-chambre  français  du  millionnaire,  qui,  aprèsavoirquiiiéen  Amérique 
le  service  de  son  maître,  cherche,  comme  tant  d'autres  Français  le 
faisoient  alors,  à  entrer  en  qualité  d'înstimteur  chez  quelque  grand 
seigneur  russe,  M.  Reinbeck  nous  dit  que  les  abus  de  cetre  vogue  oîi 
étoient  alors  les  émigrés  à  Saint-Pétersbourg,  et  le  dommage  qui  en 
rifsultoit  pour  les  Allemands ,  lui  avoient  suggéré  l'idée  de  ce  rôle.  Nous 
rendrons  justice  à  son  patriotisme ,  et ,  sans  aucune  espèce  de  rancune  , 
nous  avouerons  qu'il  a  jeté  par-là  un  peu  de  comique  dans  le  drame 
qu'il  imitoit. 

La  pièce  dont  l'originalité  nous  paroît  douteuse ,  a  pour  litre  le 
Billet  ^e  logement,  comédie  ea  rroisactes.  Une  nouvelle  de  JVl.  Langbein 

zzzz 


DÉCEMBRE  l8ip.  731 

personnages;   et  que  des  quatre  actes  qui  restent  1  on   pourroit,  à 
notre  avis ,  en  retrancher  encore  un. 

Les  deux  Veuves ,  drame  en  cinq  actes,  est  sans  contredit  le  plus 
larmoyant  de  la  collection  :  on  pourroit  même  appliquer  à  cet  ouvrage 
le  jugement  que  Tauteur  porte  de  Liiinka;  car  il  n'est,  à  notre  avis,  ni 
moins  romanesque ,  ni  plus  romantique.  Le  titre  qu il  porte,  n'est  pas 
tout-à-fait  exact.  On  voit  bien  dans  la  pièce  la  veuve  d'un  prince  ;  mais 
l'autre  veuve  n'est  qu'une  femme  que  ce  prince  a  trompée  par  un  faux- 
mariage,  et  dont  il  a  eu  un  fils.  II  seroit  difficile  d'expliquer  comment 
cette  seconde  veuve  se  trouve  habiter  chez  un  ramoneur  son  frère,  très- 
brave  et  très-honnête  homme  ,  qui  enseigne  son  état  au  fils  du  prince  ; 
il  suffira  de  dire  que ,  dans  l'exercice  de  ses  fonctions ,  le  ramoneur- 
prince  descend  par  la  cheminée  dans.  la  chambre  de  la  princesse ,  et 
qu'il  y  voit  de  l'or  et  des  diamans  oubliés  sur  une  table ,  sans  être  tenté 
d'y  toucher.  Mais  ,  en  revenant  à  la  maison,  il  apprend  que  son  oncle 
vient  d'être  ruiné  par  une  banqueroute.  Dans  le  dessein  de  remédier  à 
sa  détresse^  il  retourne  de  nuit  à  la  chambre  du  trésor  ,  et  il  y  est  surpris 
par  la  princesse  au  moment  où  il  vient  de  surmonter  la  tentation  un 
peu  pressante  de  voler  l'or  et  les  bijoux.  La  princesse,  loin  de  prendre 
quelque  soupçon  sur  cette  étrange  visite,,  conçoit  l'admiration  la  plus 
vive  pour  la  retenue  du  jeune  ramoneur;  elle  se  charge  de  son  sort; 
veut  connoître  sesparens,  et  retrouve  ainsi  les  traces  de  sa  mère,  que 
tout  le  monde  avçit  perdue  dé  vue,  mais  dont  le  prince  s'étoit  souvenuén 
ii^ourant.  Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  la  princesse  se  charge  du  fils 
e|  de,  la,  mère ,  et  que  tout  finit  très? heureusement. 
.  Qn  peut  maintenant  juger  du  genre  d'intérêt  de  cette  pièce.  L'auteur, 
qui  a  voulu  y  jeter  di;  comique^  l'a  placé  dans  la  boutique  du  maître 
ramoneur.  Peut-être  ne  doit-on  pas  s'étonner  après  cela  que  l'Allemagne , 
dégoûtée, 'dit  M.,  Reinbeck,  du  comique  larmoyant,  n'ait  voulu  ni  de 
son  larmoyant  ni  de  son  comique;  Le  théâtre  de  Bresistu  est  le  seul  où 
cet  ouvrage  ait  été  reçu  et  représenté. 

Nous  avons  gardé^  pour  la  dernière  une.  comédie,  en  cinq  actes, 
intitulée  la  Double  Gageure^  ou  bien  II  faut  qu'il  se  fasse  peindre ,  parce 
que  c'est  l'ouvrage  auquel  M.  Reinbeck  nous  paroît  avoir  attaché  le 
p^s  d'importance.  En  effet ,,. cette  pièce  est  toute  d'invention,  et  la 
comédie,  en  général,. est  le  genre  que  l'auteur  voudroil  sur-tout  faire 
flçurir  en  Allemagne,  où  ses  compatriotes  mêmes  prétendent  qu'il  no 
peut  se  naturaliser.  On  va  voir  si  cet  essai  de  M.  Reinbeck  est  propre  «i 
démentir  leur  opinion. 

M."**  de  Brand.,  jeune  et  très-:jblie  veuve,  vient  d'hériter  d'une  grande 

zzzz  2 


DÉCEMBRE  i8ig. 


73Î 


héritage.  Pour  ii  t^ouhle  gageure  dont  il  est  question  dans  !e  litre,  c'est 
le  docteur  Flimmer  qui  t'avoit  faite ,  en  pariant  avec'  Schcenberg  et  avec 
Bunau,  caché  encore  sous  son  faux  nom,  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'épouse- 
roient  la  veuve. 

Tout  ceci  paroîtra  encore  plus  bizarre  lorsqu'on  saura  que  le  testa- 
teur n'étoit  pas  un  oncle  ou  quelque  parent  éloigné  de  (a  veuve,  mais 
son  propre  père. 

On  nous  demandera  peut-être  ï  présent  si  du  moins  les  détails  de 
celle  pièce,  les  caractères,  les  situations,  le  dialogue,  ne  dédommagent 
pas  de  la  bizarrerie  de  l'intrigue  et  des  invraisemblances  dont  elle  est 
pleine.  Nous  répondrons  qu'en  général,  dans  cet  ouvrage  et  dans  les 
autres  qui  sont  de  l'invention  de  l'auieur,  les  détails  sont  souvent  puérils 
et  toujours  trop  abondans;que  les  caractères  n'ontrien  d'origtnal,  et  sont 
pour  ainsi  dire  factices  :  j'entends  par-)k  que  tous  les  personnages  semblent 
être,  ncn  de  la  création  de  la  nature,  mais  de  celle  de  ("auteur;  ils 
décèlent  les  combinaisons  de  i'espril  qui  calcule,  et  non  la  feriiliié  du 
génie  qui  produit.  Quant  au  dialogue ,  il  est  quelquefois  assez  vif  et  assez 
bien  coupé;  mais  le  plus  souvent  il  se  traîne  avec  lenteur,  il  ressemble 
aux  conversations  qu'on  est  tous  les  jours  h  portée  d'entendre;  on  n'y 
remarque  ni  saillies  ni  traits.  Les  acteurs  de  Siuttgard  se  sont  plaints 
que,  dans  cette  pièce  en  particulier,  le  dialogue  ctoit  /ourt/  ou  dijîâle 
(  car  le  moi  allem.ind  schwer  peut  se  prendre  dans  les  deux  acceptions  )  ; 
et  leur  jugement,  qui  paroît  injuste  k  l'auteur,  nous  semble  à  nous  assez 
équitable.  Ajoutez  que  ,  dans  les  drames ,  il  règne  une  sensibilité  gauche 
qui  va  souient  jusqu'à  la  niaiserie  ;  que  jamais  les  comédies  ne  présentent 
ce  qu'on  appelle  du  comique  de  situation;  et  vous  trouverez  assez  simple 
qu'aucune  de  ces  pièces  n'ait  obtenu  un  succès  général  ea  Allemagne, 
malgré  Itxtrême  indulgence  du  public. 

Mais  aussi  (et  c'est  une  justice  que  nous  aimons  k  rendre  à  noire 
auteur]  ce  n'est  pas  du  public  qu'il  se  plaint;  il  a  plutôt  l'air  de  le 
plaindre.  A  la  suite  de  chacune  de  ces  pièces,  M.  Reinbeck  nous  en 
donne  l'histoire  très- circonstanciée,  où  il  n'accuse  jamais  de  leur 
mauvaise  fortune  que  les  directeurs  et  les  acteurs.  Tantôt  c'est  la 
direction  de  Breslau  qui, au  licu  de  jouer  le  Comte  Rasowsky ,  le  vend 
au  théâtre  de  Gisciz;  laniôl  ce  sont  les  directeurs  de  Hambourg,  de 
Ereslau ,  de  Francfort ,  qui  lui  renvoient ,  à  ses  frais ,  le  manuscrit  d'un 
autre  ouvrage;  ailleurs  ,  c'est  la  direction  de  Vienne  qui  lui  fiit  passer 
des  honoraires  fort  décens  pour  sa  Double  Gngeure ,  mais  qui  ne  prend 
pas  la  peine  de  la  jouer:  à  Ureslau,  au  contraire,  un  de  ses  drames 
■  produit  beaucoup  d'argent  ï  la  caisse,  sans  qu'on  daigne  lui  en  faire 


DÉCEMBRE    1819.  73J 

biographie;  et  nous  n'avons  fait,  pour  ainsi  dire,  que  copier  ses  propres 
aveux ,  ce  qui  seul  nous  serviroil  d'excuse. 

Dans  sa  dissertatioi^  sur  l'importance  des  théâtres  pour  r humanité  i 
M.  Rëinbeck  déplore  Fignorance ,  la  négligence  de  ceux  qui  sont  chargés 
du  soin  de  les  diriger  ;  il  remonte  aux  principes  qui  doivent  en  assigner 
le  but ,  et  il  développe  le  plan  qu'il  croit  le  mieux  combiné  pour  y 
atteindre.  Les  théâtres  doivent  être,  selon  lui,  Un  supplément  à  l'édu- 
cation publique.  Sous  ce  rapport ,  ils  sont ,  comme  la  justice  même,  une 
dette  des  souverains  envers  leurs,  sujets.  M.  Rëinbeck,  en  conséquence, 
voudroit  que  ,  dans  chaque  État ,  des  spectacles  fussent  établis  aux  frais 
des  gouvernemens ,  et  que  l'entrée  en  fût  gratuite;  il  voudroit  qu'aupune 
ville  vHtïï  fût  privée;  et,  forcé  de  reConnoître  qu'il  seroit  difficile  d'avoir 
assez  de  troupes  i^ien  exerctes  pour  en  fournir  à  toutes  ces  villes  'en 
même  temps ,  il  proposeroit  de  faire  voyager  celles  qu'on  auroit  formées 
dans  toutes  les  villes  du  même  état.  Il  en  résulteroit  qu'elles  n'auroient 
point  des  spectacles  toute  l'année;  mais  quel  mal  y  auroit- il  de  revenir 
à  la  coutume  des  Grecs,  chezr  qui  les  représentations  théâtrales  n'avoient 
lieu  qu'à  des  époques  solennelles ,  t«lles  que  les  fêtes  principales  ,  ou 
dans  certaines  occasions  1 

Nous  laisserons  à  nos  lecteurs  le  soin  d'apprécier  la  sagesse  de  ce  plan , 
et  sur- tout  la  possibilité  de  son  exécution,  pour  dire  deux  mots  du' 
dernier  morceau  préliminaire  de  notre  auteur,  ou  il  traite  de  l'état 
actuel  des  théâtres  de  l* Allemagne.  II  en  est  en  général  fort  mécontent; 
il  trouve  que  l'art  théâtral  a  dégénéré  depuis  Iffland,  Schroeder  et  autres 
acteurs  célèbres  :  ilexamine  le  jeu  des  acteurs  actuels  dans  tous  les  genres, 
depuis  la  tragédie  jusqu'à  la  farce;  mais  la  haute  comédie  a  sur- tout 
fixé  son  attention ,  comme  celui  ou  l'Allemagne  est  restée  le  plus  en 
arrière.  M.  Rëinbeck  ne  trouve  qu'un  moyen  de  guérir  les  acteurs  de  tous 
leurs  défauts ,  de  les  obliger  à  apprendre  leur  rôle,  de  les  empêcher 
d'y  ajouter,  comme  ils  font,  mille  sottises  de  leur  cru;  c'est  d'écrire" 
désormais  les  comédies  en  vers,  et  non  en  prose.  Ce  moyen,  quoiqu'il 
n€  réussisse  pas  toujours ,  nous  paroît  pourtant  fort  bien  imaginé  ;  mais 
jusqu'ici  l'Allemagne  nous  semble  fort  peu  disposée  à  en  faire  usage. 

Toutefois  nous  joindrons  nos  voeux  à  ceux  de  iM.  Rëinbeck  pour  cet 
heureux  changement.  Nous  lui  proposerons  même  de  tenter  pour  son 
compte  un  essai  dans  ce  genre  :  ce  seroit  un  moyen  de  donner  à  son 
dialogue  plus  de  concision  et  de  rapidité,  de  rendre  son  style  plus 
agréable,  et  de  faire  ainsi  pardonner,  ou  même  oublier j  les  déftuts  de 
ses  intrigues  par  les  charmes  du  style  et  de  la.  versification.  Un  bon 
ouvrage  du  haut  comique,  agréablement  versifié,  auroit  plus  d'iafluence 


•» 


TÎviére  Lo.  M.  Deguignes  traduit  ce  passage  à  sa  manière,  et  prétend 
qu'il  ne  sauroit  être  question  d'une  vilie  ,  mais  d'un  campement,  parce 
que  l'on  ne  mit  que  cinq  jours  à  l'achever.  «  Li,i-il  possiLJe  de  se  per- 
"sujder,  dii-il,  qu'une  ville,  quelque  petite  qu'elle  soîi,  puisse  élre 
>»  construiie  avec  tant  de  prom|»tiiude!»  Mais  le  mot  qu'il  traduit  par 
ca/iij/,  signitie  araser  un  plan,  tracer  une  (iiciinte  sur  le  terrain  [  eu 
mandchou  As*^©  )  ;  et  c'est  ce  jilaii  ou  celte  enceinte  qui  furent 
tenninés  en  cinq  jours,  ce  qui  n'a  rien  d'invraisemblalile.  Plus  loin ,  ii  se 
refuse  à  croire  que  les  CKiiiois  aient  connu  la  sphère  à  ujie  huute 
aniîquité,  et  le  mot  de  kài-th'ian  qu'on  applique  à  cet  instrument  dans 
ies  livres  anciens,  lui  parort  signifier  rm//f'  d'astronomie.  A  la  rigueur, 
que  le  mot  de  f<ài-thian  ait  le  sens  de  spk'cre  ou  de  traité  d'astronomie , 
cela  paruît  assez  iiidiiférent  pour  l'état  des  connoissances  des  Chinois; 
et  l'on  ne  voit  pas  quelle  conclusion  on  pourroit  tirer  de  cette  distinction  : 
TiMih  Itu'i-thian  pour  trait/  d'ascranomie,  ou ,  comme  le  veut  M.  Deguignes, 
pour  abrégé  du  ciel,  seroit  une  expression  contraire  à  toutes  les  règles 
de  fa  langue,  et  l'acceplion  ^abrégé  qu'il  attribue  au  mot  de  kài,  n'est 
fondée  que  sur  une  méprise  du  P.  Basile,  Plusieurs  autres  exemples  du 
même  genre,  cités  dans  ï Examen  critique,  sont  destinés  à  faire  voir 
que  si  l'on  veut,  dans  les  questions  d'antiquité,  s'appuyer  de  la  compo* 
sition  des  caractères  et  raisonner  d'après  les  élémens  prîminfs  dont  ils 
ont  été  formés,  on  doit  les  chercher  dans  les  monumens  qui  se  sont 
conservés,  ou  dans  les  livres  oîi  les  Chinois  eux-mêmes  en  ont  recueilli 
les  débris.  H  n'y  a  que  ce  moyen  d'éviter  une  foule  d'erreurs  plus  ou 
moins  graves,  dans  lesquelles  on  tombera  nécessairement,  toutes  les 
fois  qu'on  voudra  rechercher  les  traditions  anciennes  dans  les  formes, 
comparativement  très-modernes,  des  caractères,  ou  discourir  sur  les 
acceptions  des  mots  d'après  les  vocabulaires  très-imparfaits  des  Euro- 
péens ,  sans  «-courir  aux  traités  et  aux  dictionnaires  origîtiaux ,  où  toutes 
ces  acceptions  sont  chronologiquement  arrangées  et  discutées  avec  une 
méthode  et  une  profondeur  adiuirables.  Il  y  a  à  cet  égard  une  dis- 
tinction fondamentale ,  que  nous  indiquerons  en  répétant  les  termes 
mêmes  de  l'Examen  critique,  et  en  ne  supprimant  que  les  développemens 
qu'il  seroit  difficile  d'analyser. 

L'écriture  chinoise  a  éprouvé ,  par  l'effet  du  temps ,  deux  sortes  d'alté- 
rations. La  première  n'a  porté  que  sur  rextérieur  et  la  forme  des 
Jraits  qui  composent  les  caractères.  Ces  traits,  d'abord  figurés  par  des 
inains  inhabiles,  et  irrégulièrement  sillonnés,  représentoîent,  suivant  les 
(Chinois,  les  traces  des  oiseaux  sur  le  sable,  ou  la  figure  du  têtard.  Ifs 
'devinrent  ensuite  plus  régulier*,  et  successivement  arrondis  ou  briséSf 

Aaaaa 


DÉCEMBRt   ifirp.  yjjf 

ifihe  des  suppressions  qui  rendent  plus  sensibles  el  plus  fâcheuses  les 
irnpcrfeciioiis  de  r<jrJgiiial.  M.  Klaproih  a  entrepris  de  rPiiiédier  aux 
Uneâ  et  aux  autres,  ei  son  travail  ne  sera  pas  moins  utile  à  cetiic  qui 
;pounoienl  posséder  des  cojjies  manuscrites  pius  ou  moins  parfaites  dtf 
i)ici(onnaire  du  P.  Basile,  qu'aux  personnes  qui  n'ont  que  ce  même 
Dictionnaire  iinpriiRé  par  les  soins  de  M,  Deguignes. 

Le  principal  désavantage  qu'offre  le  Dictionniiire  imprimé,  si  on  le 
compare  aux  manuscrits  qui  en  sont  l'originaf,  provient  de  la  manière 
dont  M.  Deguignes  a  exécuté  le  renversement  dans  ['arrangement 
-des  caractères.  Comme  cet  éditeur  s'est  atiaclié  à  suivre  l'ordre  d« 
dictionnaires  chinois  imprimés ,  d'après  lesquels  Fourmont  ivoit  fait 
calquer  et  graver  ses  types  de  bois ,  il  en  est  résulté  qu'il  s'est  vu  dans 
la  nécessité  d'omettre  un  grand  nombre  de  variantes,  c'est-îi-dire,  de 
manières  différentes  de  représenter  le  même  mot.  On  a  souvent  ré- 
Jïété  qu'un  irait  de  plus  ou  de  moins  changeoit  le  sens  d'un  carac- 
tère; qu'une  requête  oii  se  trouvoit  un  seul  caractère  ainsi  altéré,  ne 
sauroit  être  mise  sous  les  yeux  de  l'empereur,  sans  exposer  son  au- 
teur k  de  sévères  punitions.  Celle  assertion,  prise  dans  sa  généralité, 
n'est  qu'une  grave  erreur.  Il  y  a  en  chinois  des  incorrections  qui  ne 
sont  pas  admises  par  les  gens  instruits,  et  qui  seroient  aussi  choquantes 
pour  un  lettré,  qu'une  faute  d'orthographe  l'est  en  Europe  aux  yeux 
des  personnes  qui  savent  leur  langue  :  mais  il  en  est  d'autres,  et  ea 
grand  nombre,  qui  sont  du  bel  usage,  qu'il  est  ordinaire  d'employer 
au  lieu  du  caractère  exact,  et  qui  sont»  non  des  fautes,  mais  des  iî-. 
cences  calligraphiques,  que  les  plus  grands  fettrés  et  l'empereur  lui- 
même  emploient  de  préférence  en  écrivant.  On  ne  peut,  si  l'on  ne 
coimoit  ces  abréviations,  ces  caractères  vulgaires,  ces  varianiis,  lire 
Un  seul  manuscrit,  un  seui  acte  public,  un  décret,  une  proclama- 
tion, une  instruction,  un  passe-port,  une  lettre,  un  traité,  un  billet 
de  visite:  les  romans,  les  poèmes,  les  préfaces,  la  plupart  des  |jvi:e5 
imprimés  sous  la  dernière  dynasiie,  sont  remplis  de  ces  caractères  non 
classiques,  et  présentent  par  conséquent  des  difficultés  insurmontables 
^  ceux  qui  n'auroient  que  le  Dictionnaire  imprimé ,  ou  même  que  Ifis 
dictionnaires  classiques  des  Chinois,  où  beaucoup  des  formes  les  plus 
vulgaires  ne  sont  pas  admises. 

Les  Chinois  ont  très-grand  soin  de  distinguer  ces  diverses  classes 
de  caractères  qu'on  n'emploie  pas  iiidffFéreminent,  mais  qui  trouvent 
place  dans  chaque  sorte  de  composition,  suivant  le  sujet  ou  la  forma 
adoptée  par  l'auteur.  Il  y  en  a  onze  principales,  qu'on  distingue  avec 
join  par  des  noms  particuliers,  et  dont  on  trouve  pour  fa  premièra 

Aaaaa  i 


.      DÉCEMBRE   1819.  7^1 

a  fait  suF>ir  au  texte  du  P.  Basile  de  Glemona.  De  tous  ces  caractères 
vulgaires»  abrégés,  corrompus  ou  synonymes»  connus  sous  le  nom  de 
variantes ,  et  que  les  missionnaires  plaçoient,  dans  leurs  copies  du  Han 
tseu  si  i,  à  côté  du  caractère  principal,  M.  Deguignes  n'a  conservé  que 
le  très-petit  nombre  de  ceux  qui  se  trouvoient  parmi  les  types  dessinés 
par  Fourmont;  les  autres ,  qu'il  eût  fallu  faire  graver ,  ont  été  supprimés. 
II  est  aisé  de  sentir  qu'il  en  doit  résulter  un  grand  embarras  pour  les 
commençans,  et  même  pour  les  personnes  déjà  versées  dans  la  connois- 
sance  des  caractères  ;  car  les  Chinois  eux-  mêmes ,  tout  habitués  qu'ils 
sont  dès  l'enfance  à  ces  m'anières  d'écrire  vulgaires  et  non  classiques , 
ont  souvent  besoin  de  recourir  à  des  labiés  où  elles  sont  expliquées , 
Cl  qu'ils  mettent  à  la  têie  de  quelques-uns  de  leurs  dictionnaires.  C'est 
dans  ces  livres  que  M.  Klaproth  a  cherché  les  moyens  de  réparer  cette 
importante  omis>ion.  Outre  beaucoup  de  mots  qu'il  a  fait  entrer  dans 
•son  Supplément,  en  les  caractérisant  d*après  les  distinctions  que  |e 
viens  de  rappeler,  il  nous  donne  dans  cette  livraison  la  table  des 
caractères  vulgaires,  qui  en  contient  cent  soixante-cinq;  deux  autres 
tables  de  formçs  anciennes, qui  s'emploient,  parmi  les  formes  modernes, 
dans  les  livres  écrits  avec  une  sorte  d'affectation  d'archaïsme  ;  elles  en 
contiennent  en  tout  deux  cent  quarante-deux  ;  et  deux  autres  encore, 
contenant,  l'une,  des  caractères  qui  se  prennent  habituellement  les  uns 
pour  les  autres,  et  la  seconde,  des  caractères  analogues  dans  leur 
forme,  mais  différant  par  lieur  prononciation  et  leur  signification,  et 
que,  pour  cette  raison,  il  faut  éviter  très-soigneusement  de: confondre 
les  uns  avec  les  autres,  si  l'on  ne  veut  s'exposer  aux  plus  graves  contre- 
sens. 

Le  P.  Basile  avoit  rédigé  une  autre  table  intitulée ,  Usus  specialis 
particules  TK\  l'éditeur  du  Dictionnaire  imprimé  la  désigne,  dans  son 
introduction,  en  disant  :  J*ai  mh .  ..  les  carncferts  que  les  Chinois 
joigmnt  avec  le  mot  ta.  Ces  expressions  ne  font  pas  suffisamment  en- 
tendre ce  que  c'est  que  le  mot  ta.  Ce  verbe,  qui  signifie  littéralement 
frapper,  est,  dans  l'usage  ordinaire,  une  sorte  de  verbe  auxiliaire,  dont 
on  se  sert  pour  former  des  idiotismes,  ou  façons  de  parler  irrégulières 
et  difiitiles  à  analyser.  Comme  il  y  a  beaucoup  d'autres  verbes  du  même 
genre,  aussi  ou  plus  usités  que  le  mot  ta,  on  ne  sait  trop  pourquoi  le 
'  P.  Basile  l'a  choisi  pour  donner  une  liste  des  expressions  dans  lesquelles 
il  entre  en  composition:  mais  enfin,  puisqu'il  a  rédigé  cette  table,  il 
est  bon  qu'elle  soit  complète.  M.  Klaproth  ajoute  à  celle  qu'on  trouve 
dans  le  Dictionnaire  imprime,  soixante-un  idiotismes  formés  avec  fe 
yitxhe  ta.  Il  seroii  à  souhaiter  qu'il  complétât  de  même  b  table  de  ce# 


DÉCEMBRE   i8i 


74  î 


Ciles ,  parce  que  !a  clef,  qui  est  le  seul  moyen  de  les  retrouver  dans  le 
Diciioanaire ,  n'est  pas,  dans  ces  caractères,  aisée  à  reconnoîlre,  soit 
que  plusieurs  radicaux  s'y  trouvent  réunis,  entre  lesquels  on  seroit 
emlarrassé  de  choisir,  soil  que  la  clef  se  trouve  altérée  dans  sa  forme 
prrniiiive,  placée  d'une  manière  insolite,  ou  enchevêtrée,  pour  ainsi 
dire,  parmi  des  traits  qui  la  rendent  méconnoîssable.  On  ne  sait  comment 
entendre  ce  que  M.  Deguignes  avance  au  sujet  de  cette  taliIe,  qu'il 
nomme  descripiion  (  i  )•  "  Celle  description,  A'\i-\\,  pluiêi  utilt  à  celui  qui 
*>  sail  It  chinois  qu'à  celui  qui  l'ignore,  augmentant  de  beaucoup  le 
*>  Dictionnaire,  j'ai  cru  devoir  la  supprimer.  .  .  »  On  ne  peut  concevoir 
qu'un  secours  utile  i  ceux  qui  savent,  soit  superflu  pour  ceux  qui 
ajjprenneiit.  Aussi  la  suppression  de  cette  taljle  ne  sauroii  être  approuvée 
de  ceux  qui  n'ont  pour  tout  moyen  d'étude  que  le  Diciionnaire  imprimé. 
C'est  h,  j'oie  le  dire,  ei  j'en  ai  acquis  la  conviciion,  la  difficulté  qui  met 
ïe  plus  d'ulistacles  aux  premiers  progrès  des  coinmençansi  mais  ils 
doivei  t  damant  moins  en  être  rebutés ,  que  les  Chinois  eux-mêmes  n'en 
sont  pas  ixeinpts,  et  n'ont,  pour  s'en  garantir,  que  le  secours  de  la 
laljJe  même  que  M.  Deguignes  a  crue  inutile,  et  que  réiaLlii  ici 
M,  Klaproih.  On  trouve  des  lablts  de  cette  espèce  ^  la  tête  des  meilleurs 
dictionnaires  par  clefs ,  tels  que  le  J seu-'ivi'i ,  le  Tcking-tscu-ihoufig, 
et  le  dicrioiinaire  de  Khang  hi.  Les  caractères  difficiles  y  sont  distribués 
en  sections .  selon  le  nombre  de  traits  qui  les  composent ,  avec  des  ren- 
Voii  aux  clefs  auxquelles  ils  appartiennent.  Celle  que  M.  Klaprolh  en 
a  tirte,  renferme  ain.si  plu^  de  deux  miijc  caractères  ;  ei,  son  Supplément 
ne  conlîiU-il  que  ceiie  addition  capitale,  il  n'en  seroit  pas  moins  un 
appendice  absolumejii  indispensable  du  Diciioimaire  imprimé,  dont 
l'usage,  sans  celte  table,  est  presque  entièrement  impossible  aux  étudions. 
Mail  le  corps  même  du  Supplément ,  qui  conimctice  à  lu  pag.  8  j ,  et 


dont  la  livrais»; 


I  que  r 


s  avons  sous  les  yeux  comient  déii  vingt- une 


feuilles,  ou  quatre-» ingt-quaire  pages  imprimées,  oITre  bien  d'autres 
additions  d'une  ausM  grande  utilité;  et  l'on  en  doit  d'autant  plus  de 
reconnoissante  h  M.  KLiproih ,  qu'il  a  fallu  un  travail  assidu  et  prolongé 
et  une  patience  à  toute  épreuve  pour  les  recueillir,  et  plus  encore  pour 
leur  donner  la  forme  sou»  laquelle  il  s'est  vu  tontraînt  de  les  publier. 

Les  idiotismes  el  les  mois  composés  de  deux  ou  trois  syllabes,  qui  for- 
ment, cojnme  on  sait,  la  partie  vraiment  usuelLdela  langue  chinoise  (2), 


(i)  Préfac",;',  xbi).  —(2)  Voyez  !a  Diiseriaiion  Utrùm  Jin^u.j  sinica  sic 
veri  monçsyilatica ,  dans  les  Miius  dt  l'Orient,  tara.  111,  p.  279;  et  le  Journal 
dei  Savans,  août  1U17,  p.  463,  .  .   ■  '  , 


DÉCEMBRE   1819-  745 

honneur  à  sa  patience  et  à  son  zèle.  Après  avoir  rapporté ,  comme  les 
missionnaires >  fen  fettres  ordinaires,  les  phrases  de  deux»  trois  et. quelque- 
fois dix  ou  quinze  mots  quil  ajoute  à  un  article  du  Dictionnaire,  il  met 
entre  parenthèses  le  renvoi  en  chiffres  de  chacun  de  ces  mots,  aux 
caractères  numérotés   dans  le  Dictionnaire  imprimé  ;   de  sorte  qu'un 
étudiant  qui  troudra  s'en  donner  la  peine  {  et  certainement  cette  peine  ne 
seroitpas  perdue  pour  ses  progrès),  pourra  faire  Topéraiion  inverse, 
c'est-à-dire,  chercher  dans  le  Dictionnaire  et  écrire  en  chinois  toutes  les 
phrases  qui  ont  trouvé  place  dans  le  Supplément.  Comme  ce  secours 
manque  dans  le  Dictionnaire  imprimé,  on  est  tenté  de  regretter  qu'un 
plus  grand  nombre  de  mots  n*y  ait  pas  été  omis:  le  Supplément,  en  ce 
cas,  les  eût  offerts  sous  une  forme  plus  favorable  à  l'exactitude  et  à  fa 
certitude  de  la  traduction.  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  y  ait  dans  les  pages 
de  ce  Supplément  prises  l'une  dans  l'autre  moins  de  quarante  expressions 
ajoutées  ainsi  avec  les  renvois  à  la  série  des  treize  mille  trois  cent  seize 
caractères  du  Dictionnaire  imprimé.  Si  cette  proportion  s'observe  dans 
la  suite  de  l'ouvrage,  on  peut  calculer  qu'il  n'y  aura  pas  moins  de  dir 
mille  expressions  complexes  ou  phrases  traduites,  ajoutées  par  l'auteur 
du  Supplémeni  au  Han  tseu  si-i)  sans  compter  les  mots  simples  nou- 
vellement recueillis,  les  explications  corrigées,  les  variantes  tt  les  formes 
vulgaires  rapportées  ,  les  synonymies  et  les  nuances  indiquées.  Nous  ne 
pourrions ,  sans  dépasser  de  beaucoup  les  bornes  qui  nous  sont  prescrites, 
entrer  dans  les  détails  qui  seroîent  nécessaires  pour  ftire  apprécier  cet 
immense    travail  :  nous  nous  bornerons  donc  à    présenter   comme 
exemple  de  la  manière  dont  le  Dictionnaire  du  P.  Basile  est  complété 


ou  corrigé  dans  ce  Supplément,  l'article  relatif  au  caractère  ^dtM  ^^i 


(  Dictionnaire  imprimé,  n."*  286  ),  en  rétablissant  les  caractères  dans 
les  phrases,  k  l'aide  des  numéros  de  renvoi,  suivant  la  méthode  que 
nous  avons  indiquée,  ci-dessus  (i). 

Je  dois,  avant  de  terminer,  dire  un  mot  de  l'orthographe,  ou  de  la 
manière  d'exprimer  les  sons  chinois  avec  les  lettres  de  notre  alphaF>et, 
telle  qu'on  l'a  adoptée  dans  les  deux  ouvrages.  Le  P.  Basile  avoit,  dans 
loriginal,  suivi  le  système  orthographique  portugais  avec  quelques  modi« 
fications.  C'étoit,  au  temps  où  il  composa  son  Dictionnaire,  la  méthode 
la  plus  usitée,  même  en  France  et  en  Allemagne.  M.  Deguignes, 


(i)  Cet  article  même  est  rapporté  par  M.  Klaproth,  dans  na  préface,  comme 
un  exemple  de  la  manière  de  procéder  pour  écrire  en  chinois  Jts  phrases  qu'il 
donne  en  lettres  latines. 

Bbbbb 


DECEMBRE    1819.  747 

Dictionnaire  par  clefs,  pour  faire  paroîire  ,  en  un  seul  volume  in-4'  de 
mille  pages,  un  Dictionnaire  alphabétique,  qui  verra  le  jour  an  toiii- 
mencenieni  de  l'année  prochaine.  Voilà  une  nouveUe  cause  de  rt-lard, 
qui  doit  faire  accueillir  avec  plus  de  plaisir  le  Suppltjiut'nt  de  M.  Kla- 
proih,  dont  l'impression  peut  élre  terminée  dans  quei(]iies  mois. 

L'élégance  typographique,  et  la  correction,  bien  plus  précieuse  dans 
un  ouvrage  de  ce  genre ,  soni  des  avantages  qu'il  esl  presque  superflu  de 
remarquer  dans  un  livre  sorti  des  presses  de  l'imprimerie  roya[c._  A.  la 
vérité,  des  vues  d'économie  ont  fait  employer  concurremment,  tl 
quelquefois  dans  la  même  page,  des  types  diinois  de  grosseur  inégale  t 
ie  même  motif,  et  Je  désir  de  renfermer  plus  de  matière  en  moins 
de  place ,  n'ont  pas  permis  de  conserver  cette  disposition  typographique 
qui  ajoute  encore  plus  à  la  masse  qu'à  la  beauté  du  volume  publié  par 
M.  Deguignes.  L'auieur  du  Supplément  n'a  pas  cru  non  plus  devoir 
donner  de  suite  à  la  très-incomplète  et  très-imilile  traduction  française 
que  l'éditeur  avoit  jointe  au  texte  latin  du  P.  Basile  :  mais  ceux  qui  feront 
usage  de  l'ouvrage  de  M.  Klaproth,  ne  se  plaindront  pas  que  l'espace 
ait  été  mieux  mis  à  profit;  et  ces  légères  différences  n'empêcheront  pas 
Ils  deux  volumes  dêlre  désormais  inséparables;  car  on  ne  pourra 
considérer  comme  complets  Icsexemplairesdu  Dictionnaire  du  P.  Iksife 
ou  de  M.  Deguignes,  qu'autant  qu'on  y  aura  joint  l'indispensable 
Supplément  que  nous  venons  de  faire  connoîlre. 

Article  du  Supplément  de  AI.  Klûproth  ,  page  p^ ,  servant  à 
eomple'ier  et  à  rectifier  f article  [z^6)  du  Dictionnaire  du 
P.  Basile. 

(286)    '\§}\    Tab.  In  cxpiic.  lat.  lin.  2  ,  pro /«/«m  lege 


lectum. 


.-M-1 


jîtj    Taà  kitig ,   rubor   coêli    vesperiiniis. 


perruche  verte]. 


kouiî  tiiew.    specîes   psittacî   [petite 

^_  ^    ^  jSlJ  ^    ToUiig  taù  sy  ouay. 

dicitLir  de  veteri  uiuro  jam  jam  casuro,  vel  de  ebrio  titubauter 
gradiente. 

Bbbbb   a 


DÉCEMBRE  1819.  74j  ^ 

ici  c'est  Strabon  qui  parle ,  el  non  Polybe  ,  Ce  qui  peut  avoir  trompa  J 
M.  Letronne,  c'est  que  M.  Coiay,  doni  il  emprunte  la  triiduclioii,  a  ] 
transposé  les  deux  membres  de  !a  phrase  grecque;  au  lieu  de  rraduîrc  1 
littéraieiiient  tomme  je  viens  de  le  faiie ,  il  traduit ,  «  un  aiiire  (  passage)  | 
»  qui  est  celui  par  lequel  Annibal  passa,  et  qui  traverse  le  pays  desj 
»  Taurinîens.  »  Par  celte  transposition ,  il  semble  que  c'est  Polybe  qui 
parle  {1],  taiidii  que  Sirabon  a  sa^s  doute  saisi  cette  occasion  pour  . 
exprimer  son  opinion  sur  le  lieu  du  pass-ige  d'Annibal;  opinion  qui  étolt  I 
erronée  coinine  celle  de  Tite-Live,  son  contemporain.  Nous  ne  pouvons  -J 
pas  avoir  recours  à  Polybe  pour  nous  éclairer,  parce  que  le  livre  dans  j 
lequel  il  fafsoii  l'énuméraiion  des  passages  des  Afpes  connus  de  son  ( 
temps,  est  du  nombre  de  ceux  qui  sont  mallieureusement  perdus, 

M.  Letronne  croit  que  les  800  stades,  que  l'armée  marcha  le  long  i 
du  fleuve,  doivent  se  compter  le  long  de  l'Isère  :  mais  il  ne  fait  pai  I 
attention  qu'ils  faisoieni  partie  de  la  distance  totale  de  i4oo  stades  J 
comptée  par  Polybe  If  long  du  Jîhonr,  depuis  le  passage  de  ce  fleuve  j 
jusqu'il  la  montée  des  Alpes;  en  sorte  qu'il  est  évident  quecetoit  encore  j 
du  Rhône  que  vouloît  parler  Polybe.  La  distance  totale  parcourue  par  ] 
l'ariiiée  le  long  du  fleuve  se  trouvort  divisée  en  deux  parties  inégales  [ 
par  risère:  l'une  de  600  stades,  et  fautre  de  800.  Polybe  n'avoit  parlé  j 
de  ITsère  qu'une  seule  fois  en  la  nommant  par  son  nom  ,  et  cela  occa- 
sionnellement, tandis  qu'il  avoit  désigné  le  Rhùiie  quatorze  fois  aupa-  ] 
ravani  par  le  mot  /t  Jlfuvf  :  par  conséquent,  la  quinzième  fois,  c'étoît  \ 
encore  du  Rliône  qu'il  s'agissoit,  \ 

M.  Letronne,  en  remontant  la  rive  gauche  de  l'Isère  et  du  Drac,  et  j 
plaçant  l'entrée  dts  Al|ies  à  Siiiuf-ffannei  [^] ,  n'entre  nulle  part  dans  te  I 
territoire  des  Afiobroges.  Cependant  la  distance  de  Hoo  siades  fut  par-  1 
courue  dans  leur  pays ,  et  ce  furent  enqore  des  Allobroges  qui  attaquèrent  J 
l'armée  à  l'entrée  des  Alpes.  D'ailleurs  pourquoi  Annibal  seroic-il  sorti  ] 
de  sa  route  jiour  se  mêler  de  la  querelle  des  deux  princes  allobroges, 
s'il  n'avoit  pas  été  obligé  de  traverser  leur  pays  î  II  est  vrai  que  M.  Lé-  ' 
tronne  suppose  quil  n'y  eut  qu'un  di'tûckemrnl  envoyé  k  l'un  des  deux  ' 
frères ,  et  que  le  gros  de  r.irmée  resta  sur  la  rive  gauche  de  l'Isère.  Mail 
sur  quoi  repose  cette  supposition  !  PoJybe  nous  dit  qu'Annibal  se  joignjt  J 
à  l'aîné  des  deux  iîéres;  que  celui-ci  fournit  &  l'année  des  provisions»  i 


Cl)  Xylander  n'avoit  pai  fari  cette  transposition  ;  il  traduit,  prr  Taurinotf 
quo  Annibal  usiis;  liv.  IV,  à  la  fin,  p.  3  19,  édition  d'Amsierdani,  1707. 

(2)  Peiite  ville  sur  la  rive  droite  du  L>rac,  k  dis- neuf  lieues  au  fiid-est  JH    ; 
Grenoble,  et  àquatie  lieuei  au  nord  de  Gap.  ii       ..,    . 


DÉCEMBRE    l8iç 


tH 


ou  de  s'allier  tous  les  peuples  qui  pouvoient  recruter  son  armée.  En 
traitant  avec  une  exirèuie  sévérité  les  Tauriniens,  qui  n'avoient  pas 
voulu  accepter  son  alliance  ,  il  vouloit  répandre  une  telle  terreur  parmi 
les  peuples  du  nord  de  l'Italie,  qu'ils  viendroieni  tous  se  rendre  à  dis- 
crétion, el  c'est  en  effet  ce  qui  arriva.  Le  territoire  des  Tauriniens 
s'étendoit  sans  doute  au-deik  de  leur  ville  principale  (i),  et  pouvoil 
s'approiher  de  irès-prês  de  la  route  d'Ivrée  k  Milan,  qui  étoit  la  route 
directe  d'Annibal.  Dans  cette  position ,  ils  auroient  pu  facilement  attaquer 
son  arriére-garde. 

M.Letronneet  le  comte  de  Fortia  d'Urban  (2)  s'efforcent  de  concilier 
Tiie-Live  avec  Polybe:  mais  comment  concilier  la  rouie  de  l'auteur  latin 
par  le  territoire  des  Vocont'ii  et  Tricerii ,  suivie  du  passage  de  la  Durance 
au-dessous  d'Embrun,  avec  la  marche  de  Polybe  de  175  milles  en  re- 
monlant  le  Rhône  ,  la  traversée  par  un  pays  de  plaines  et  l'attaque  des 
Allobrogrs  îi  l'entrée  des  Alpes  î  Comment  concilier  le  passage  irès- 
abaissé  du  mont  Genèvre  avec  la  neige  conservée  depuis  l'Iiiver  précédent 
et  avec  fa  peinture  que  les  députés  des  Gaulois  cisalpins  faisoiont  de  la 
hauteur  extraordinaire  des  Alpes  qu'Annibaî  devoit  traverser!  Comment 
expliquer  l'innclion  des  Tauriniens k  l'égard  de  l'armée  carthaginoise, 
iors  de  son  arrivée  au  pied  des  Aipes ,  si  cette  armée,  dans  son  état  de 
délahrement  et  dans  le  besoin  absolu  où  elle  étoit  de  se  remettre  pendant 
quelques  jours  de  ses  fatigues,  s'étoit  trouvée  alors  sous  les  murs  de 
Turin,  comme  cela  seroit  arrivé  si  elle  avoit  traversé  le  mont  Genèvre 
et  qu'elle  eût  été  quatre  jours  à  descendre  depuis  ce  passage!  Au  lieu 
qu'en  descendant  dans  la  vallée  d'Aoste,  l'armée  eut  tout  le  temps  de 
reposer  sans  être  inquiétée. 

Je  crois  avoir  prouvé,  soit  ici,  soit  dans  mon  ouvrage,  qu'il  étoit  im- 
possible de  concilier  Polybe  avec  Tilc-Live,  et  que,  pour  tracer  une 
rouie  qui  s'accorde  avec  les  distances ,  les  jours  de  marche,  les  localités 
et  lesiiicidens,  il  falloit  suivre  Polybe  avec  le  plus  grand  scrupule  et 
fermer  Tiie-Live. 

Je  terminerai  cette  réponse  par  deux  faits  qui  sont  venus  à  ma 


(1)  La  route  d'Ivrée  à  MHjli  passe  à  huit  lieues  de  Turin.  Annibal  alloii 
dans  le  pays  des  Insubres(le  Milanais),  dit  Polybe. 

(2)  Dissertation  sur  le  passage  du  Hliône  et  des  Alpes  par  Annibal;  Paris, 
avril  tSîQ.  En  examinant  la  route  du  comie,  on  trouve  que  l'arniée  auroit 
marché  deu»  lieues  le  long  du  Khône  en  quatre  jours,  et  une  lieue  ei  quart 
en  neuf  jours,  depuis  Briançon  jusqu'au  sommet  du  mont  Genèvre;  cai,  depuis 
ce  passage,  la  descente  naturi.lk  est  par  la  vallée  d'Oulx  ci  d'Exilles,  comme 
le  penie  aussi  M.  Letronne. 


DÉCEMBRE    1819.  75Î 

à  quelque  divinité  du  pays  pour  iui  demandtr  le  succès  de  son  passage 
au  travers  des  Alpes,  qu'il  étoit  sur  le  point  d'atteindre.  Cette  opinion 
est  encore  appuyée  par  l'ancienne  tradition  du  pays ,  mentionnée  par 
les  académiciens,  que  la  terre  du  Passage  avoit  retenu  ce  nom,  du 
passage  de  ce  générai  avec  son  armée ,  lorsqu'il  (a  menoit  en  Italie. 

Le  second  fait  que  je  vouloîs  rapporter,  est  une  inscription  latine 
que  Luitprand ,  écrivain  du  x."  siècle ,  avoit  trouvée  entière  sur  le  roc  de 
Donax ,  entre  Bard  et  Ivrée ,  5  quelque  distance  du  débouché  de  la 
vallée  d'Aosle  en  Italie.  Cette  inscription  portoit ,  Transitus  Annibalis. 

M.  Chrétien  de  Loges,  qui  cite  ce  fait  dans  ses  Essais  historiques 
sur  le  grand  Satnt-Btmard ,  publiés  en  1789,  regarde  cette  inscription 
comme  un  monument  /rcrnf/ du  passage  d'Annihai  par  cette  montagne, 
sans  songer  que  le  petit  âaini-Bernnrd  aboutit  également  dans  la  vallée 
d'Aoste,  et  que  ces  deux  routes  se  rencontrent  à  la  cité  d'Aoste,  située 
à  plusieurs  lieues  au-dessus  de  Donax.  Mars ,  comme  j'ai  prouvé  que  la 
première  route  étoit  inadmissible  ,  l'inscription  teste  dans  toute  sa  force 
en  faveur  de  la  seconde. 

Le  premier  des  faits  que  je  viens  de  rapporter,  savoir,  la  découverte 
du  bouclier,  nous  montre  par  où  Annibai  est  entié  dans  les  Aljies,  et  le 
second,  par  où  il  en  est  sorti;  et  le  seul  passage  des  hautes  Alpes  qui 
se  trouve  entre  ces  deuK   extrémités,  est  celui   Am  petit  Saint- Bernard. 

On  peut  voir  dans  mon  ouvrage  avec  quelle  exactitude  toutes  les 
parties  de  cette  dernière  route  s'accordent  avec  le  récit  de  Polybe,le 
seul  auteur  qui  soit  conséquent  avec  lui-même, 

DELUC. 


Observations  sur  la  Lettre  précédente. 

Ceux  de  nos  lecteurs  qui  auront  lu  cette  lettre,  en  la  comparant  avec 
l'article  inséré  dans  notre  cahier  de  janvier,  ont  pu  s'assurer  que  l'au- 
teur ne  fait  que  reproduire  les  raisons  développées  dans  son  livre;  qu'il 
suit  les  mêmes  voies  ,  et  persiste  dans  le  système  d'après  lequel  il  a 
composé  cet  ouvrage,  de  meure  de  côté  la  moitié  des  fiiits,  afin  de  se 
tirer  plus  facilement  de  ceux  qui  restent.  Quant  aux  deux  faits  nouveaux 
qu'il  rapporte,  et  sur  lesquels  if  paroît  compter  beaucoup,  on  verra 
qu'ils  sont  comme  non  avenus,  attendu  que  l'un  des  deux  ne  prouve  rien 
du  tout,  et  que  l'autre  repose  sur  une  erreur  matérielle.  Avant  d'en 
donner  la  démonstration,  je  dois  examiner  la  défense  de  l'auteur,  et  re- 
prendre une  h  une  les  objections  contenues  dans  sa  lettre. 

La  première  difficulté  que  M.  Deluc  aborde,  est  celle  qui  résulte  du 

CCCCC 


DÉCEM'BRE   {St(y.  7ît 

qu'on  ne  sauroit  comprendre,  elle  lui  aura  lout-h-fail  échappé.  Dans  les 
deux  cas,  maînienant  que  son  livre  est  f;iit  et  qu'elle  lui  esi  opposée, 
il  doit  chercher  i  en  atténuer  la  force;  or  un  intérêt  aussi  évident 
n'est  pas  propre  îi  accrtdiier  une  sujiposition  qui  n'a  point  d'autre 
cause  que  cet  iniérél  même. 

Mais,  quand  cette  supposition  seroil  fondée,  quand  II  seroit  certain 
que  la  circonsiance  du  passage  d'Annibal  est  une  addition  fiiite  par  Sira- 
bon,  qu'est  ce  cjue  cela  prouveroit  encore!  Itien  ,  absolument  rien  :  car 
Strabon,  qui  n'a  jamais  vu  les  Alpes,  qui  n'a  pu  recueillir  sur  les  lieux 
de  ces  traditions  vagues  que  les  peuples  aiment  i  entretenir,  n'a  dû 
avoir  k  cet  égard  que  1rs  notions  puisées  dans  les  auteurs  qu'il  avoll  sous 
les  yeux.  Or  quels  sont  les  auteurs  qu'il  ciie  sur  les  Alpes  î  11  n'y  en  a 
qu'un  seul  ;  et  cet  auteur,  c'est  Pofybe  ;  la  géogra|ihîe  de  cet  historien, 
ou  plutôt  la  partie  de  son  hrstoire  qui  traite  de  la  géographie ,  éloit  donc 
la  source  unique  où  il  puisoii  ce  qu'il  rapporte  des  Alpes,  Si  c'est  lui 
qui  a  ajouté  la  circonstance  du  passage  d'Annibal,  il  n'a  pu  la  prendre 
que  dans  l'ouvrage  de  l'olybe ,  son  unique  guide  ;  car  le  moyen  de  croire 
qu'il  auroit  prêté  l'oretlle  à  un  bruit  populaire ,  si  Polybe  eût  fait  passer 
Annibal  par  un  autre  chemin  !  Ainsi  donc,  que  la  phrase  soit  de  Polybe , 
comme  on  l'a  cru  jusqu'ici,  qu'elle  soit  de  Strabon,  comme  le  veut 
Al.  Deluc  , parce  qu'il  croit  que  cela  peut  l'arranger,  elle  n'en  exprime 
pas  moins  un  fait  qui  appartient  k  Polybe,  et  il  n'en  résulte  pas  moins 
que  Polybe,  aussi-bien  que  Tite-Live,  a  fait  passer  Annibal  par  le 
mont  Genèvre. 

Venons  aux  autres  objections;  elles  ont  moins  d'importance,  mais 
elles  n'ont  pas  plus  de  fondement. 

«M.  Leironne,  dit  M.  Deluc,  croit  que  les  800  stades  doivent  se 
»  compter  le  long  de  l'Isère  :  mais  il  ne  fait  pas  attention  qu'ils  fàisoient 
npariiedes  1400  stades  comptés  par  Polybele  long  du  KhÔne,  Jusqu'à 
»  la  montée  des  Alpes.  »  Si  M,  Deluc  avoit  fiilt  atteniion  lui-même  à  la 
phrase  de  Polybe  à  laquelle  II  renvoie,  il  y  auroit  vu  que  les  1 4oo  stades 
n'y  sont  pas  comptés  le  long  du  fleuve,  et  que  son  opiulon  Ji  cet  égard 
tient  à  ce  qu'il  ne  saisit  pas  le  sens  de  l'original ,  qui  du  reste  a  été  fort 
mal  entendu.  Le  texte  porte  :  Â-ni  Â  tÎj  JimCa-mut  n  P»Jkr«  TropiuefiiPoK  ■'ota' 
avnv  7M  m-ntfiay  4if  Infi  -jài  ■tn-ja.t ,    iuç  'B^ç  "niv   àcafoXxf   Twi'   AXwûiï  ihv  «( 

i-n}^i<u,  X'^"'  TÎJfpùsiti  (i).  J'ai  dit,  dans  mon  article, que  les  moistîtêni 
Tilç  Mjât  ont  préienié  beaucoup  d'embarras  ;  ils  servent  même  de  preuve 
à  ceux  qui,    comme  Vhilater,  veulent  faire  passer   Annibal  par   le 


(1)  Po\yb.  111, j^,^. 


DECEMBRE  1819.  7jj 

temps  précieux ,  pendant  lequel  temps  le  consul  romain  passoit  le  Pô  (  1  ) 
Tout  à  (oisir,  si  Annibal,  en  descendant  les  Alpes,  n'eût  trouvé  les 
Taurins  sur  son  passage,  et  si  la  ville  de  Turin,  située  au  confluent  du 
Pô  et  de  la  Doria,  ne  lui  eût  opposé  une  barrière  qu'il  falloic  nécessaîre- 
ïnent  renverser  avant  de  passer  ouire. 

Au  reste,  M.  Deluc,  comme  se  défiant  de  la  force  de  ses  preuves  et 
de  la  solidité  de  ses  objections  ,  appelle  à  son  secours  deux  faits  qui  lui 
avoieni  échappé   en  composant  son  livre. 

En  premier  lieu,  \in plat  d'urgent,  qualifié  d'abord  du  nom  de  bouclitr 
d  Annibal ,  lui  paroi t  être  une  preuve  démonstrative,  parce  qu'il  fut  dé- 
couvert près  d'un  lieu  appelé  le  Passage,  non  loin  de  la  rouie  où  l'auteur 
ïâit  passer  Annibal.  Ce  plat,  ou  ce  bouclier,  n'est  à  ses  yeux  rien  moins 
^qu'un  bouclier  voiif,  âîdié  par  Annibal  aux  dh'initésdupays. 
I  On  sait  que  «.ciiequalffïcaiitmda  laudier d' Annibal ^^iX  d'abord  donnée 
f  i  ce  monument,  sur  une  simple  con|ecture  des  membres  de  l'académie 
des  inscriptions,  conjecture  à  laquelle  ils  n'attachèrent  aucune  impor- 
tance, comme  on  en  juge  par  les  expressions  mêmes  du  rapport  (a]  ; 
elle  avoit  pour  unique  appui  le  lion  et  le  palmier  qu'on  y  voit  gravés, 
types  qui  se  retrouvent  sur  des  médailles  carthaginoises.  Les  antiquaires 
's'accordent  maintenant  îi  reconnoltre  dans  ces  prétendus  boucliers  votifs, 
sans  portraits  ni  inscriptions,  des  plats,  ou  mieux  des  plateaux,  qui, 
Sous  le  nom  depinakes ,  lances ,  d'tsci  et  tympana,  ornotent  les  buiTets  des 
riches  (î).  Ils  y  faisoient  graver  des  sujets  souvent  fort  compliqués, 
témoin  le  prétendu  bouclier  de  Scipion.  Sur  celui  dont  il  s'agit,  on  a 
(Représenté  un  lion  et  un  palmier,  parce  que  telle  a  été  la  fantaisie  de 
fouvrier  et  du  propriétaire.  Du  reste,  il  seroit  constaté  que  ce  plateau  est 
iin  bouclier  votif  carthaginois,  qu'un  semblable  monument,  pouvant, 
dans  l'espace  de  deux  milleans,  avoirélé  transporté  li  de  fort  loin,  ne 
prouveroit  pas  plus  aux  yeux  de  la  critique,  que  les. médailles  cartha- 
ginoises trouvées,  selon  iVl.  Bournt,  sur  le  grand  Saint-Bernard. 

Quant  au  nom  de  Passade  que  porte  le  village  près  duquel  fut  trouvé 
le  plat  d'argent ,  je  ne  pense  pas  que  personne  puisse  faire  aucun  fond 
sur  un  rapprochement  pareil.  Parque!  étonnant  h:i*ard  un  seul  village 
de  France ,  situé  en  plaine  et  dont  la  position  n'offre  rieji  de  remarquable, 
conserveroit-il  dans  sa  dénomination  ,  après  deux  mille  ans ,  des  vestiges 
d'une  expédition  qui  n'en  a  laissé  aucun  de  ce  genre  sur  toute  la  roule', 
depuis  Sagonte  jusqu'à  Cannes!  Qui  ne  pensera  que  ce  lieu,  comme 


{I)  ?o\yh.ni.  6l,,.~{^)^ziAim 
Aîonum.  inédits ,  tom,  J ,p.  p^,  jij. 


Inscr.  fsm.y.V,  ;;.-/;.-(!)  Miilin, 


DECEMBRE  1.819.      ..  7^^ 

cemens  Arnulfus ,  quoniam  per  Verpnam  non  potuit,  per  Hannîbalis  viam , 
quant  Bardixm] dicunt  et  Mantem"  Jovis,  rcpcdare  voluit  (i);  cToù  Ton 
voit  que  Luitprand  ne  dit  autre  chose,  sinon  que  la  route  de  Bard  et  du 
Mont-Joux  est  celle  qu'a  faite,  dit-on,  le  général  carthaginois  .-quant  à 
Tinscription  Transitas  Annibalis,  Luitprand  n'en  parle  point. 

Comme  je  n'ai  pu  me  procurer  l'ouvrage  de  Chrétien  de  Loges , 
d'après  lequel  M.  Deluc  a  cité  Luitpiand,  je  ne  puis  découvrir  l'origine 
d'une  aussi  forte  erreur.  Je  pense  toutefois  qu'il  y  a  ici  quelque  cpnfusî,w,, 
et  qu'on  a  mêfé  les  noms  de  Luiiprândi  et  de  Paul  Jove.  En  effet,  ce 
dernier  historien ,  en  parlant  des  Alpes  summœ  du  Saint-Bernard ,  dit,  dan$ 
«a  grande  Histoire  (2)  :  H  as  rupes  ignibus  ace  toque  Annibalem  perfregisse 
multi  opinantur ,  —  ut  apud  Barrum  ,  ejus  itineris  pagum ,  perpetuo  tanii 
ducis gloriœ  monumento,  litterœ  ipsis  cautibus  inscriptœ  signijicant^;  c'estrk- 
dire,  cr  Beaucoup  de  personnes  pensent  que  ce  sont  ces  rochers  qu'An-^ 
»  nîbal  a  brisés  par  le  feu  et  le  vinaigre ,  ainsi  que  l'atteatent  des  lettre$' 
»  gravées  près  de  Bard ,  sur  les  rocs  mêmes ,  mociumer^t  étertîçl  dé  Ta 
»  gloire  d'un  si  grand  capitaine.  »  C'est  probablement  de  ce  tçxte  qu'on 
a  conclu  l'existence  de  l'inscription  Transitus  Annibalis.  Mais  on  voit 
clairement  que  celle  dont  parle  Jove  ne  peut  être  qu'une  inscription  faite 
par  quelque  ignorant  qui  a  cherché  à  lier  ensemble  la  circonstance  mer- 
veilleuse du  feu  et  du  vinaigre  prise  dans  Tite-Liye,  avec  la   tradition  du 
passage  d'Annibal  par  le  grand  Saint-Bernard ,  sans  songer  ou  sans  sa- 
voir que  ces  deux  données  sont  inconciliables,  puisque  Tite-Live  fait 
passer  Annibal  par  le  mont  Genèvre.  Je  soupçonne ,  en  conséquence  ^ 
que  celte  inscription  étoit  assez  moderne  :- d'ailleurs ,  si,  à  Tépoque 
de  Paul  Jove,  où  elle  étoit  encore  si  distincte,  eïle  avoît  eu  seulement 
sept  à  huit  siècles  d'existence,  il  en  seroit  resté  quelques  traits,  lorsque 
Guichenon,  environ  un  siècle  après,  recueillit  les  monumens  d'anti- 
quités qui  existent  dans  les  vallées  des  Alpes   de  Savoie  et  de  Pi^-  . 
mont,  et  en  particulier  ceux  de  la  vallée  rfAoste ,  qu'il  visita' dians 
cette  intention  ;  il  ne  cite  que  deux  monumens  antiques  à  l'article  de 
Donas ,  village  où  ,  selon  M.  Deluc,  étoit  la  fameuse  inscription.  L'un 
est  une  inscription  qui  n'a  nul  rapport  avec  Annibal  ;  l'autre ,  une  colonne* 
milliaire,  marquée  4u  chiffre  xxxvili:  mais  Guichenon  ne  dit  pas  un 


II   résulte  de  tout  cela  que  le  second  fait  de  M.  Detuc  peut  êtreJ 

'     ■  J  ■  '  \  .     ■  '  '^         '  .     .  ^    ' 

(1)  Luitprand!  0/j?.  omnià,p,  zo,  —  (2)  P.  Jovli  Histor.  Ub.'xv,p,  ^^C 

'  Ddddd 


DÉCEMBRE  1819.  7^5 

H.  Stephani  normam  expurgavit;  prsmisso  unicufque  litterae  philologlco 
proœmio,  etymologicis,  grammaticis,  criticisque  notis  locupletavh;  vocabu« 
larîum  latirio-graecum^hortum  graecarnm  radicum^  necnda  gnomologiam  graeco- 
latinam  triplicis  instar  mantissae  addidit  Floridus  Lécluse.  Parb>  impr.  et 
librairie  de  Delalain ,  in-S."  de  7J  feuilles. 

Méthode  raisonnée  pour  étudier  la  langue  latine ,  rédigée  sur  un  nouveau  plan 
et  d'après  les  principes  de  nos  meilleurs  grammairiens;  par  P.  J.  A.  Le  Prince,' 

f professeur  élémentaireau  collège  royal  de  Versailles.  Paris ,  Leblanc^  imprimeur- 
ibraire,  rue  Saint-Germain -des-Prés ,  1 8 1 9 ,  f/i-f/ 

.  Dictionnaire  universel  de  la  langue  française ,  dans  lequel  se  trouvent ,  1  .•  tous 
les  mots  consacrés  par  Tacadémie  française;  2.*  les  mots  et  les  locutions  omis 
dans  son  dictionnaire  et  employés  par  de  bons  auteurs  ;  3,<»  les  diverses  acceptions 
de  tous  ces  mots  justifiées  par  des  exemples  empruntés  aux  meilleurs  écrivains 
des  xvil.«,  XVIII.*  et  xix.«  siècles;  avec  l'éiymologie  de  chaque  mot,  et  les. 
termes  techniques  et  scientifiques  qui  ont  passé  dans  la  langue  usuelle;  composé 
et  publié  par  M.  Kaoul-Rochette,  d'après  des  matériaux  recueillis  en  grande 
partie  par  M.  Boîssonade.  Le  premier  volume  de  cet  ouvrage,  dont  il  vient  de 
paroître  un  spécimen  de  32  pages  in-^fJ^ ,  sera  mis  en  vente  au  mois  de  décembre 
1820,  et  le  second  un  an  après.  On  souscrit  chez  H.  Nîcolle,  rue  de  Seine, 
n.<*  12.  Le  prix  des  deux  volumes  sera  de  36  francs  pour  les  souscripteurs. 
Nous  nous  proposons  de  faire  connoftre  plus  particulièrement  ce  spécimen  j  qui 
contient  tous  les  premiers  de  l'ouvrage  articles  jusqu'au  mot  accepter* 

Le  tome  III  et  dernier  des  Epigrammes  de  martial,  traduites  par  feu  E.  T. 
Simon,  et  publiées  par  son  fils  et  M.  Auguis,  vient  d'être  mis  en  vente  chez 
Guitel.  Le  prix  des  3  vol.  est  de  21  (r, 

TABLE 

Des  articles  contenus  dans  les  dou^t  cahiers  du  Journal  des  Savans, 
publiés  en  i8ip.  [  On  n'a  point  compris  dans  cette  table  les  simples 
annonces  bibliographiques  qui  ne  sont  accompagnées  d'aucune  notice.) 

I.  Littérature  ORIENTALE.  Codex  Nasaraeus,  Liber  Adami  appelfatus; 

syriacè  transcriptus,  &c latinèque  redditus  à  Math.  Norberg.  Londini 

Cothorum,  3  vol.  iif-^.*;  deux  articles  de  M,  Silvestrede  Saçy,  juin,  343-3^4* 
novembre,  646-66^. 

Inscitutiones  ad  hindamenta  lingus  arabicas ,  auctore  Ern.  Frid.  Car.  Rosen* 
muller.  Lipsiae,  1818,  in-S,*  :  article  de  M.  Silvestre de Sacy,  février,  ii7-i2i, 

The  Kamoos  or  the  Océan,  an  arabic  Dîciionary.  Calcutta,  iSiy,  in-fiL: 
article  de  M.  Silvestre  de  Sacy;  décembre,  726-728. 

Les  cinquante  Séances  de  Hariri,  en  arabe;  publiées  par  M.  Caussin  de 
Perceval.  Paris,  1818,  in-S.":  article  de  M.  Silvestre  de  Sacy;  mai,  283-287. 

Pend-Namèh,  ou  le  Livre  des  conseils  de  Férid-eddin  Attar,  traduit  ei 
publié  par  M*  Silvestre  de  Sacy,  avec  le  texte  persan  et  des  notes.  Paris ^ 
1819,  irt-A*;  article  de  M.  Chézy;  novembre,  672-686. 

C.  M.  Frxhnii,  Rostochiensis,  de  academiae  imperiaiis  scientîanim  Petro* 

politanae  Maseo  nummario  Musiemico  ,   Prehisio  prior.   Petropoli  ^  1818, 

«-4/;  article  de  M.  Silvestre  de  Sacy;  juillet,  429-434^  *^ 

Ddddd  2 


DÉCEMBRE   1819.  765 

Jeanne  d*Arc,  ou  la  France  sauvée,  poème  en  douze  chants,  par  Pierre 
Duménil.  Paris,  1818,  //!•#/;  article  de  M.  /?jy/ioi/tfr^ y  janvier,  4^"J3* 

Œuvres  dramatiques  de  M.  Reinbeck  (en  allemand),  Heidelberg,  3  vof» 
i/i-A"  ;  article  de  M.  Vanderbourg;  décembre,  728. 

—  Feris  Varsavienses;  scribeDat  niense  augusto  anni  1818  Seb.  Ciampius» 
Varsa^œ,  in-^,'  ;  juin,  384. 

(Euvres  complètes  de  M.°^  la  baronne  de  Staël  (prospectus  des)  ;  juillet,  44^ 

«443- 
2,**  Histoire,  Géographie  et  Voyages.  —  Chronologie. — Histoire  ancienne 

et  moderne.  —  Antiquités.  —  Histoire  littéraire  et  Bibliographie. 

Carte  générale  et  élémentaire  de  l'Allemagne,  par  Brion  de  la  Tour; 
■131,317. 

Voyage  fait  en  1813  et  1814  dans  les  pays  entre  Meuse  et  Rhin.  Paris, 
în-^J:  SLrùcledeM.  Tessier;  juin,  375-380. 

Caramanie,  ou  courte  description  de  l'Asie  mineure,  par  Francis  Beaufort.  , 
Londres,  1817, //?-<5'.*  /  article  de  M.  Lettonne  ;  mai,  259-271  ;  juillet,  389-398. 

Journey  through  Asia  minor,  Armenta  and  ICoordistan,in  the  years  1813  and 
1814»  by  J.  Macdonald  Kinneir.  London  ,  1818,  in^S,"  :  deu^  articles  de 
M.  Z.frrp/in^y  février,  1 06-1 17;  mars,  142-15  i. 

Travels  in  various  countries  of  the  Easi,  by  William  Ouseley;  tome  I.*' 
Londres,  1819,  in-S»'  :  deux  articles  de  M.  Silvestrede  Sacy ;  août ,  4^3*494; 
octobre,  579-59I* 

A  second  Journey  through  Persia,  Armenia  and  Asia  minor,  between  the 
years  1810  and  1816,  with  an  account  ofthe  proceedings  of  the  embassy  of 
sir  Gore  Ouseley;  by  J.  Morier.  London,  1818,  in-^,';  deux  articles  de 
M.  Silvestre  de  Sacy ;  janvier ,  37-48;  février  ,71-81. 

Voyage  en  Perse  fait  dans  les  années  1807,  1808,  1809.  Paris,  1819,  2  voL 
in-SJ*  :  article  de  M.  Abel-Rémusat ;  octobre ,  6 1 7-625. 

Journal  of  the  proceedings  ofthe  laie  embassy  to  China,  by  Henry  Ellis.  ' 
London,  18 17,  in-^/:  article  de  M.  Abel-Rémusat ;  janvier,  j-15. 

Mission  from  Cape-Coast-Castle  to  Ashantees ,  by  Edouard  Bowdich.  Lon-  ' 
don,  1819,  '"'4-*'  deux  articles  de  M.  Biot;  août,  45i-4^^>  '^P^*  5'5'529* 

—  Annales  des  Lagides,  ou  Chronologie  des  rois  grecs  d'Egypte,  su ccesjeuri 
d'Alexandre  le  Grand ,  par  M.  Champollion-Figeac.  Paris,  1819,2  voL  in*8,*j 
sep.embre,  573. 

-Histoire  du  passage  des  Alpes  par  Annibal ,  dans  laquelle  on  détermine  d'une 
manière  précise  la  route  de  ce  général  depuis  Carthagène  jusaû'^u  Tésin^. 
d'après  la  narration  de  Polybe,  &c.  par  M.  Deluc.  Genève,  in-S»^  :  article  de 
lyi.  Letronnej  janvier,  22-36. 

Lettre  de  M.  Deluc  sur  le  même  sujet  ;  décembre ,  748-753. 

Observations  de  M.  Lettonne  sur  la  lettre  précédente;  décembre,  753-762. 

Histoire  de  la  république  de  Venise,  par  M.  Uaru.  Paris,  4819,  7  vol.  inrS»*: 
deux  articles  de  M.  Raynouard;  août,  466-474;  septembre,  561-567. 

Mémoires  histQiiques,  politiques  et  littéraires  sur  le  royaume  de  Naples,  par 
M.  Grégoire  OrlofiT  Paris,  1819,  2  vol.  in-^."  ;  article  de  M.  Daunou j  sep-^ 
tembre,  567-571.  .   ^'^ 

Dissertation  de  M.  de  Hammer  sur  les  Templiers  (  dans  les  Mines  de  TOrieni): 
deux  articles  de  M*  Raynouard;  mars,  151-162;  avril,  221-229. 


DÉCEMBRE   i8i 


7  h 


Diâcour!  sur  celte  question  :  Qu'tst-ct  ^ue  la  phîloso/'hii  S  prononcé  le  ; 
décembre  181 8,  par  M.  Thuroi.  Paris,  in-^.";  an.  de  M.  Couim;  juin,  371-375. 

Vues  sur  l'enseigiiemeni  de  la  philosophie.  Paris ,  1 8 1 8  ,  in-fi.'  :  article  ce 
M.  Couiin;  l'cvricr,  67-71. 

Leçons  de  philosophie,  par  M.  Laromiguière.  Paris,  1  vol.  In-S.'  :  deux 
ariîclesde  M.  Cousin;  avril,  1 95-203  ;  octobre,  S99-61 1. 

Commentaire  sur  l'Esprit  des  lois  de  Montesquieu,  par  M.  Denuti-Tracy. 
Paris,  1819,  i"n-^.',-  août, 511. 

Esprit,  origine  et  progrès  des  insiitutions  pidiciaires  des  principaux  pays  de 
l'Europe,  par  D.  Meyer,  tomei."  La  Haye,  1818,  in-S.' :  article  de  M.  Ray- 
tiouard;  août,  joi-joâ. 

Des  pouvoirs  et  des  obligations  du  jury,  par  R.  Phillips;  traduit  de  l'anglais 
par  M,  Comte.  Paris,  1819,  in-i".",*  février  ,  127. 

Histoire  de  l'astronomie  du  moyen  âge,  par  M.  Delambfe.  Paris,  1818; 
(>(-^.' ;  deux  articles  de  M.Biot,-  janvier,  60-68;  avril,  229-240. 

Excursion  agronomique  en  Auvergne,  par  M.  Victor  Yvart.  Paris,  1819, 
in-S,'  :  article  de  M.  lestier,-  novemnic,  ^y-fui6. 

i)e  l'industrie  française  ,  par  M.  Chapial.  Paris,  1819,1  vol.  in-8.°  :  deux 
articles  de  M,  7"«ji*r,-  avril,  240-246;  0131,271-377. 

Philosophie anaiomique,  parM.  Oeolïroy  iaint-Hilaire.  Paris,  iii^,in-S.' : 
article  de  M.  Tesmr;  mars.  175-183. 

Esîaî  philosophique  sur  les  phénomènes  cîe  la  vie,  par  Ch.  Morgan.  Paris, 
1819,  in-S.' :  article  de  M.  Abd-Riinusai j  septembre,  îîï-s4î> 

Observations  sur  la  folie  ou  sar  les  dérangeniens  des  fonctions  morales  et 
intellectuelles  de  l'homme,  par  G.  Spurzheim.  Paris,  1818,  in-8.':  article  de 
M.  Tnsltr:  janvier,  54-57. 

Observations  sur  la  phrénologie,  par  G.  Spurzheim,  Paris  ,  1818,  in-8.* t 
article  de  M.  Ttssier;  mars,  139-142. 

Codex  medicamentarius.  sive  Pharmacopœa  gallica  faculiatis  medicz  Pari- 
liensis,  anno  1818.  Parisiii,  in-^.';  article  de  M.  TVwier;  fcvrrer,  iC2-lo<S. 

4.*  j4r{s  du  dessin. 

Notice  des  estampes  exposées  à  la  Bibliothèque  du  Roi.  Paris,  1819,  m- J,*; 
octobre,  638. 

Théorie  du  paysage,  par  M.  Deperthes.  Paris,  1819,  in-8.':  an.  de  M.  Q««« 
trtmire  de  Quinc^;  octobre,  61 1-617. 

Histoire  de  la  sculpture,  par  M.  Cicognar*  (tome  III  ]  ;  deux  artîctet  de 
M.  Quatremire d*  Quiiicj/ j  mai,  201-290;  juillet,  403-413. 

/nsritui  royal  dt  France;  Académies  et  Sociétés  lïtléraires. 

Institut  royal  de  France:  séance  publique  des  quaire  académies;  mai,  316. 

Académie  iVançaise;  sa  séance  publique;  distribution  des  prix;  septembre, 
J72. —  Mon  de  M.  Morellei;  discours  prononcé  à  ses  funérailles,  février, 
111-123.  Election  de  M.  Lemoniey;  mars,  187:  sa  réception;  juillet,  44'- 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lctres  :  sa  séance  publique,  et  distribution 
de  prix  ;  aoili ,  506.  —  M.  Frrd.  Aug.  Wolf ,  élu  associé  étranger;  MM.  Cousin 
nery  ,  Pouqueville  et  Mai.  élus  correspondans;  mars,  T817.  —  Mémoire  de 
M.  Mongei  sur  la  question  de  savoir  si  Virgile  a  lu  le  VI.'  livre  de  l'Enéide  en 
présence  d'Auguste  et  d'Ociavic;  janvier,  jS.  Mémoire  du  même  sur  les  uoi) 
plus  grands  camées  antiques;  juillet,  44i- 


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Replaced  with  Comrr^ftTaai  Wlicrotorm 

1993 


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Replaced  with  CnmmRrHal  Microfonn 


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