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Full text of "Journal des savants"

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► 


HP 


JOURNAL 


DES  SAVANTS. 


J0URN4L 

DES  SAVANTS. 


ANNEE    1838. 


PARIS. 

IMPRIMERIE    ROYALE. 

M  DCCC  XXXVIII. 


BUREAU  DU  JOURNAL  DES  SAVANTS. 


M.  Bartbb,  Garde  des  Sceaux,  Président. 


M.  SiLvESTRB  DE  Sact,  de  L'Institut  royal  de  France,  secrétaire  per- 
pétuel de  l'Académie  des  luscriptions  et  Belle  vie  tires. 

M.  QtiATDBMÉHB  DE  QuiKCT,  de  l'iustitut,  secrétaire  perpétuel  de  l'Aca- 
'       demie  des  Beaux-arts,  et  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions 
I      et  Belles-lettres. 
'  M.  Ledrun,  de  l'Institul,  Académie  française, 

M.  Lacroix,  de  l'Institul,  Académie  des  Sciences. 

'  M.  Daunod  ,  de  l'Institut,  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-lellres, 
et  Académie  des  Sciences  morales  et  politiques  ;  éditeur  du  Journal 
et  secrétaire  du  bureau. 

M.  BiOT,  de  l'Institut,  Académie  des  Sciences. 

M.  RAOUL-RocnETTE,  de  l'Iustitut,  Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-lettres. 

M.  Cousin,  de  l'Institut,  Académie  française,  et  .Académie  des 
Sciences  morales  et  politiques. 

M.  Letronne,  de  l'fiislitut,  Académie  des  Inscriptions  et  Bellei- 
lettres, 

M.  CuEV'REDL,  de  l'Institut,  Académie  des  Sciences. 

M.  Frédéric  Cdvier,  de  l'Institut,  Académie  des  Sciences. 

M.  Eugène  Burnoup,  de  l'Institut,  Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
lettres. 

M.  Flodubks,  de  l'Institut,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des 
Sciences. 

M.  Naudet,  de  l'Institut,  Académie  di-s  Inscriptions  et  Bdles-lettres , 
et  Académie  des  Sciences  morales  et  politiques. 

M.  ViLLEHAiN ,  de  l'Iustitut ,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie 
française. 

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44 


fi  JOJIRNAL  DES  SAVANTS. 

Jo  dois  i't  M.  de  Wiile  la  connaissance  d'une  inscription  analogue, 
qui  existe  sous  un  vase  de  sa  collection.  Ce  vase  a  ta  même  forme  que 
ceux  qui  portent  les  inscriptions  précédentes,  celle  du  vaso  a  Campana, 
n°  19  ,  le  prétendu  oxybaphon  de  MM.  Panofka  et  Gerhard.  On  v  lit, 
selon  la  copie  de  M.  de  Witte  : 

KPATEPE2  n.    OEIAEXAilfiâ  lie 

OETBA*a"  '  illl 

(fest-à-dire  :  5  cratères,  ho  oxides 

i  3  oaybdpbons 

L'oxùle  et  Voxybaphon  sont  ici  deux  vases  diflerenls.  Du  reste  ,  les  cir- 
constances sont  les  mêmes  que  dans  l'inscription  du  vase  du  Musée 
royal,  hc  vaso  a  Campana  n'y  est  pas  davantage  désigné  par  le  mot  oxy- 
baphon.  Cette  inscription  est  également  une  note  de  potier. 

Ceci  nous  explique  l'inscription  d'un  vase  appartenant  k  M.  le  comte 
Beugnot.  Ce  vase  a  la  forme  et  la  grandeur  ordinaires  du  n°  16,  que 
MM.  Panofka  et  Gerhard  appellent  stamnos.  D'après  la  copie  que  M,  de 
Witte  m'a  communiquée,  on  y  lit  :  ù  ktaba,  c'«st-à-dire,  10  cyaûics. 
KÛad«  est  pour  wj'ttâsi ,  selon  l'usage  ionien  de  donner  la  forme  neutre  à 
certains  noms  masculins,  particulièrement  au  {Huricl,  comme  ><t>^a.  et 
(iJwa,  pour  xûjt-oi  et  Kw'ïXûi  (  Wesseling,  odHerod.  11,  6a).  Ici,  il  est  éga- 
lement impossible  d'admettre  que  le  mot  KÛaâa,  désigne  le  grand  vase 
sous  le  pied  duquel  est  l'inscription  ,  puisqu'on  sait  qu'il  n'y  a  rien  de 
commun  entre  un  cyathe,  petit  vase  à  boire  ou  même  espèce  de  grande 
cuiller  à  manche ,  avec  le  grand  vase  à  oreilles ,  dit  stamnos.  Voilà  donc 
encore  une  npte  qui,  n'ayant  aucun  rapport  avec  le  vase  sous  lequel 
on  l'a  tracée ,  ne  peut  nous  en  indiquer  la  forme. 

J'en  dis  autant  d'une  amphore,  de  la  collection  du  prince  de  Canino 


8  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

inînôc.  Sous  un  pied  qui,  plus  tard,  devait  être  joint  à  une  amphore, 
à  un  cratère,  k  une  hydrie,  on  écrivait  des  notes  relatives ,  soit  à  diverses 
espèces  de  vases .  soit  à  une  espèce  tout  à  fait  différente  de  celle  du  vase 
auquel  il  fut  plus  tard  rajusté  ;  de  là ,  les  noms  de  cyatlie,  à'oxybajAon , 
â'arystère,  de  ckyire ,  sous  une  amphore  ou  une  espèce  de  cratère ,  qui 
n'ont  aucun  rapport  avec  ces  mêmes  noms. 

Une  dernière  inscription  mérite  de  nous  arrêter  encore  quelques 
instants. 

D'après  ce  qui  précède ,  il  est  clair  que ,  si  tout  nom  au  pluriel  a  dû 
être  suivi  d'un  chiffre,  toutchifTre  a  dû  être  précédé  d'un  nom  de  vase, 
it  moins  que  ce  chiffre  ne  désigne  le  vase  même  sur  lequel  il  est  tracé. 
Ainsi,  pariexcmpie,  si  l'on  trouvait  le  nombre  ao  ou  3o  suivi  de  l'ex- 
pression d'un  prix ,  sous  un  de  ces  vases  dont  le  pied  n'a  point  été 
rajusté  après  coup,  mais  a  été  tourné  en  même  temps;  et  si  ce  nombre 
n'était  précède  d'aucun  nom ,  il  ne  pourrait  se  rapporter  qu'au  vase 
même,  et  indiquer  que  20  ou  3o  de  ces  vases  doivent  être  ou  ont 
été  fabriqués  oji  vendus. 

Tel  est  probablement  le  sens  d'une  inscription  ainsi  conçue  :  A&AII: 
TIMH .  h  t-llllc.  Elle  se  trouve  sous  un  petit  pot  du  Musée  de  Beriin , 
de  la  forme  1  2  ,  dite  Pélicé  par  M.  Gerhard.  Ce  vase ,  d'après  la  des- 
cription qu'en  donne  ce  savant  archéologue  (Neaerworbene  antike  Denk- 
mâler  des  K.  Mas.  za  Berlin,  n°  i6o5  ,  p.  3o) ,  n'a  que  k  pouces  6/8 
(le  haut;  il  est  d'un  fort  médiocre  travail;  ses  peintures  consistent  en 
deux  figures  d'hommes  enveloppés  d'un  manteau,  sujet  des  plus  com- 
muns ;  les  contours  en  sont  mal  indiqués  :  c'est ,  en  un  mot ,  un  vase 
tout  à  fait  insignifiant.  Cette  circonstance  rend  très-remarquable  l'in- 
dication du  prix  marqué  k  la  manière  athénienne  ,  2  drachmes  d  oboies 
1/2  que  contient  l'inscription.  M.  Gerhard,  rapportant  le  prix  à  ce 
petit  vase  tout  seul ,  en  conclut ,  avec  raison ,  le  haat  prix  des  produits 


iO  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

p.  1  5  I  )  :  re  sont  les  mots  koJmos,  holcion,  bombylios,  cofyliskos;  nous  y 
ajouterons  Vanochoé,  Volpé,  la  célèbé,  lapélicé,  ia  lepasté,  ïascos .  Voxy- 
hc^hon,  la  tyalhis,  le  sn-phas,  et  d'autres  dénominalions  qui  ont  été 
indiquées  plus  haut  comme  peu  certaines  ou  mai  appliquées  ;  en  sorte 
que  la  liste  des  seuls  noms  antiijues  dont  la  signification  soit  indubitable 
se  réduit,  après  les  dernières  recherches  de  M.  Gerhard,  à  peu  près  an 
nombre  que  nous  avions  reconnu  nous-même  ci-dessus  ;  seulement  nous 
croyons  pouvoir  en  maintenir  quelques  autres  qu'il  rejette  ou  dont  il 
neparlepas,  telles  que  la  pfti'nfc,  lecernos,  Vhémitomos ,  \a  chytra.  La 
question  se  trouve  donc  encore  réellement  renfermée  dans  les  termes 
où  nous  l'avions  placée.  Si  l'on  approuve  nos  principes  en  général, 
comme  on  en  convient,  on  ne  peut  plus  nous  reprocher  d'en  avoir 
outré  l'application,  ni  d'avoir  abusé  de  l'élément  philologique,  puis- 
qu'on est  de  notre  avis  sur  les  principaux  points ,  et  qu'on  n'a  pas  une 
raison  suflisante,  ou  même  qu'on  a  tort  de  s'en  écarter,  toutes  les  fois 
qu'on  a  cru  pouvoir  le  faire.  Les  dénominations  d'holmos,  à'holcion,  de 
céUbé,  de  lecané,  de  lepasté,  d'ascos,  de  boml^'lios,  etc.  qu'on  veut 
essayer  de  conserver  encore ,  sont  si  problématiques ,  ou  souvent  d'une 
application  tellement  fausse,  que  celui  qui  les  admet  pourrait,  sans 
beaucoup  plus  de  risque,  admettre  les  cent  quatre  noms  de  la  nomen- 
clature de  M.  Panofka;  ils  ne  sont  ni  plus  ni  moins  bien  autorisés. 

Quant  aux  antiquaires  qui  attachent  quelque  prix  aux  notions  exactes , 
s'ils  ont  désormais  une  suite  de  vases  à  décrire ,  ils  feront  mieux  de  s'en 
tenir  aux  dénominations  générales  ou  particulières ,  clairement  établies , 
que  nous  avons  signalées;  et,  pour  le  reste,  imitant  M,  Levezow  ou  les 
rédacteurs  du  catalogue  Durand,  de  réunir  sur  une  seule  ou  plusieurs 
planches  le  trait  de  la  forme  des  vases,  en  renvoyant  aux  numéros  de 
chacun  d'eux.  De  cette  manière,  U  n'y  aura  pas  de  malentendu,  et  ÎIs 
ne  risqueront  pas  d'employer  des  noms  grecs  dans  un  sens  que  les  an- 
ciens ne  leur  donnaient  pas.  Cette  méthode,  il  faudra,  nous  croyons. 


12  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ce  infinuscrît  est  déparé  par  une  multitude  de  fautes  qui  proviennent  de 
l'ignorance  du  copiste.  L'auteur  de  ce  commentaire  est  Abou'lhedjadj 
Yousouf,  fils  de  Soulcïman,  fils  d'Isa,  natif  de  la  vQle  de  Sainte-Marie, 
que  les  Arabes  appellent  Santamaria  elgarb,  c'est-à-dire  de  l'occident, 
.  qui  vivait  dans  le  v'  siècle  de  l'hégire.  Hadji-Khalfa  paraît  n'avoir  point 
connu  ce  commentaire.  Abou'lhedjadj  est  aussi  auteur  d'un  commen- 
taire sur  le  Hamam. 

C'est  d'après  les  deux  manuscrits  que  nous  avons  indiqués ,  que  M.  le 
baron  Mac  Guckin  de  Siane  vient  de  publier  les  poésies  d'Amro'tkaïs. 
Il  a  eu  aussi  à  sa  disposition  un  manuscrit  qui  appartient  à  M.  Caussin 
de  Perceval,  et  qui  ne  contient  que  les  œuvres  de  ce  poète. 

C'est  peut-être  improprement  qu'en  parlant  de  la  collection  des  œu- 
vres des  six  poètes  anciens  dont  nous  venons  de  rappeler  les  noms,  et 
de  ce  qui  appartient,  dans  ce  recueil,  à  chacun  d'eux,  on  fait  usage  du 
mot  Diwan;  car  ce  mot  ne  s'emploie  d'ordinaire,  pour  désigner  le  recueil 
des  œuvres  d'un  poêle,  que  lorsqu'elles  sont  disposées  dans  l'ordre  al- 
phabétique des  rimes. 

Le  volume  que  nous  annonçons  se  compose  d'abord ,  pour  ce  qui 
concerne  le  texte  arabe,  des  poèmes  d'Amro'lkaïs,  précédés  de  la  vie 
de  ce  poète  ,  extraite  de  l'ouvrage  d'Abou'lfaradj  Isfabani,  qui  est  inti- 
tulé Kitab  elAghani,  et,  pour  le  surplus,  d'une  préface,  de  la  traduction 
française  de  cette  même  vie,  d'une  version  latine  des  poèmes,  et  enfin 
de  notes  écrites  en  français,  et  qui  se  rapportent  au  texte  arabe. 

Dans  sa  préface,  l'auteur,  après  avoir  fait  connaître  les  manuscrits 
dont  il  a  fait  usage,  s'attache  à  déterminer  l'époque  à  laquelle  vivait 
Amro'ikaïs.  D'Herbelot,  sur  l'autorité  de  l'histoire  des  poètes  persans 
de  Dauletschah  Samarcandi,  a  dit,  ce  que  divers  savants  écrivains 
n'ont  point  hésité  à  répéter  après  lui,  qu' Amro'ikaïs  avait  fait  des  vers 
contre  Mahomet,  et  que  Lébid,  depuis  sa  conversion  à  l'islamisme, 
avait  répondu  aux  satires  d'Amro'lkaïs,  et  avait,  à  la  grande  satisfaction 


14  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

H  de  reconnaître  la  maîtresse  d'Amro'lkaïs  dans  Arabia,  fille  de  Justin  II 

«et  épouse  de  Badouavius,  surintendant  du  palais  impérial,  n 

M.  de  Slane  rapporte  donc  aux  premières  années  de  Justin  II  le  dé- 
part d'Amro'lkaïs  pour  retourner  dans  l'Arabie,  et,  par  conséquent,  sa 
mort,  attribuée  h  un  vêtement  empoisonné  qu'il  avait  reçu  de  l'empe- 
reur grec.  Il  avoue  cependant  qu'il  ne  se  trouve  rien  dans  les  bistoriens 
byzantins  qui  vienne  à  l'appui  de  celte  conjecture;  «  Mais,  ajoule-t-il, 
«bien  qu'il  reste  des  incertitudes  sur  i'époquc  de  la  mort  d'Amro'lkaïs, 
«il  n'en  est  pas  moins  avéré  que  tous  ses  poèmes,  à  l'exccptimi  du  troi- 
«sièmc,  et  peut-être  du  premier  de  ce  recueil,  furent  com^sés  avant 
«l'an  564.  » 

Il  suffit  maintenant  de  se  rappeler  que  Mabomet  est  né  vraisembla- 
blement en  l'an  Syi,  pour  rester  convaincu  que  jamais  la  muse  de  ce 
poète  ne  s'est  exercée  contre  le  législateur  des  Arabes. 

A  la  préface  dont  nous  venons  de  rendre  compte,  succède  la  traduc- 
tion de  la  vie  d'Amro'lkaïs,  dont  le  texte  se  trouve  aussi  dans  ce  vo- 
lume, et  qui  est  tirée  du  tome  II  au  Kitab  el  Atjiiani ,  ouvrage  précieux , 
dont  la  bibiiotlièque  royale  possède  un  exemplaire  complet,  outre  quel- 
ques fragments  écrits  dans  le  caractère  africain.  Malheureusement,  ce 
manuscrit  offre  beaucoup  de  fautes  de  copistes;  la  rédaction  des  articles 
biograpbiques  que  contient  cet  ouvrage,  n'est  guère,  à  proprement  par- 
ler, qu'une  compilation  assez  indigeste  de  traditions  diverses,  souvent 
même  contradictoires,  dans  lesquelles  il  est  presque  toujours  impossible 
de  démêler  la  vérité.  Cela  n'empêcbe  point  toutefois  qu'on  n'attache 
avec  raison  un  grand  prix  à  cet  ouvrage,  qui  est  véritablement  un  tré- 
sor d'érudition. 

La  vie  d'Amro'lkaïs  justifie  pleinement  l'idée  que  nous  venons  de 
donner  des  articles  biograpbiques  qui  se  lisent  dans  le  Kitab  el  Aghani. 
On  y  trouve  d'abord  réunies  les  traditions  l^s  plus  diverses  sur  les  an- 
cêtres de  Hodjr,  père  d'Amro'lkaïs;  puis  la  mort  tragique  de  Hodjr 


16  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

arabes  :  les  poursuites  acharnées  de  Mondhar,  roi  de  Hira ,  qui  avait 
obtenu  de  Ja  cavalerie  du  roi  de  Perse ,  Anouschîrewan ,  le  réduisirent 
à  fuir  et  it  ehercber  un  asile-,  il  trouva  enfin  un  refuge  auprès  d'un  juif, 
Samuel ,  fils  d'Adia  ,  célèbre  par  sa  générosité  et  par  la  protection  qu'il 
accordait  aux  hommes  poursuivis  par  l'infortune.  Samuel ,  qui  habitait 
le  château  fort  nommé  Ablak,  accorda  une  généreuse  hospitalité  à  Am- 
ro'lkaîs,  qui,  au  bout  de  quelque  temps,  lui  demanda  une  lettre  de 
recommandation  pour  un  prince  de  la  famille  des  arabes  de  Gassan  en 
Syrie ,  alln  que  celui-ci  le  Rt  conduire  près  de  l'empereur  grec,  duquel 
dépendait  le  royaume  de  Gassan.  Amro'lkaîs  labsa  en  dépôt,  auprès  de 
Samuel,  sa  (itie  Hind,  ses  richesses  et  particulièrement  ses  cinq  cuirasses, 
fameuses  dans  l'histoirehéroîque  des  Arabes.  Amro'lkaîs  obtint  un  accueil 
favorable  de  fempereur  grec,  qui  lui  donna  un  corps  de  troupes  consi- 
dérable ,  et  le  renvoya  à  la  tète  de  ces  troupes.  Mais  à  peine  était-il  parti 
qu'on  inspira  des  soupçons  contre  lui  à  l'empereur,  ou  suivant  un  autre 
récit,  qu'un  homme  de  la  tribu  des  Benou-Asad ,  nommé  Tammah,  le  dé- 
nonça à  l'empereur,  à  qui  il  apprit  qu'Amro'Ikats  avait  eu  une  intrigue 
avec  sa  fille ,  et  qu'il  avait  composé  des  vers  où  il  se  vantait  d'avoir  ob- 
tenu ses  faveurs.  «  L'empereur,  dît  le  biographe,  lui  envoya  donc  un 
n  manteau  empoisonné,  peint  et  brodé  d'or,  et  il  lui  manda  ce  qui  suit  : 
liJe  t'envoie  comme  une  manyue  d'honnear  le  manteaa  (jue  j'ai  porté  ;  ainsi , 
«  lorscjtte  tu  le  recevras  revets-le,  et  paisse-t-il  te  porter  bonheur  et  prospérité, 
a  Donne-moi  de  tes  nouvelles  à  chaque  station  oà  tu  t'arrêteras.  Amro'lkaîs 
Il  ayant  reçu  le  manteau  le  revêtit  avec  une  grandejoie;  mais  le  poison 
«pénétra  rapidement  dans  son  corps,  et  sa  peau  se  détacha,  c'est 
«pourquoi  on  l'a  nommé  Zoa'lhouroah,  c'est-i-dire  Fkomme couvert  d'nl- 
e  cères.  »  Etant  parvenu  près  d'Ancyre ,  il  mourut  et  y  fut  enterré. 

Tout  ce  récit,  que  j'ai  extrêmement  abrégé,  est  entremêlé  d'anecdotes 
qui  font  connaitrcles  mœurs  et  les  préjugés  des  Arabes,  auxquelles  tou- 
tefois je  ne  saurais  m'arrêter.  Le  tc\te  n'est  pas  sans  quelques  diflicultés. 


18  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

reptions  différentes,  et  dont  on  ne  peut  guère  puiser  rinlelUgence  que 
dans  les  scholiastes. 

Ce  recueil  contient  en  tout  trente-trois  poèmes,  plus  ou  moins  longs , 
d'Amro'ikaîs ,  dont  quelques  uns  n'ont  que  quatre  ou  cinq  vers  ou  plutôt 
distiques,  et  ne  sont  peut-être  que  des  fragments.  Parmi  ces  poèmes 
il  y  eu  a  un  certain  nombre  que  le  célèbre  Asmai  n'admettait  point 
comme  étant' d'Amro'lkaïs,  mais  qui  lui  sont  attribués  par  d'autres 
critiques.  Nous  croyons  qu'il  y  aurait  une  grande  témérité  à  hasarder 
un  jugement  sur  des  questions  de  cette  nature  qui  ont  partagé  les  plus 
savants  philologues  arabes. 

Pour  donner  une  idée  de  la  poésie  d'Amro'lkaïs ,  et  en  même  temps 
delà  version  de  M.  de  Slane,  noua  choisissons  de  préférence  un  mor- 
ceau assez  court,  qui  pourrait  bien  n'être  que  des  fragments  d'une 
kasida  plus  longue. 

^\j '(. — «Jl  * — ij4i  *-î)L«<*     «Ij—^l  'JS.  jl^A  i^ 


utflpl^  (5-i^uUj  U  (^io  «K^I       iJt^lï  '^Jj  ^^  ^\:tj  aSX^ 
tf.1^1    A  *Ut  iji  (^^^4.9        *^***-    'ià^  ûî*  U^^^ 


20  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

qui  se  suppose  transporté  dans  ses  courses  sur  les  lieux  précédemment 
habités  par  une  tribu  ofi  il  avait  des  amis  ou  uoe  maîtresse,  et  actuelle- 
ment abandonnés,  s'assied,  et  se  livre  à  une  profonde  rêverie.  Les  sou- 
venirs que  réveille  en  lui  l'aspect  de  ces  lieux,  absorbent  toutes  ses 
pensées  ;  la  nuit  qui  succède  à  ce  jour  lui  paraît  la  plus  longue  nuit  de 
l'année ,  et,  suivant  l'usage  des  poètes  arabes ,  il  adresse  la  parole  à  son 
compagnon  de  voyage  et  lui  confie  ses  ennuis  et  le  trouble  dont  son 
cœur  est  agité.  Dans  le  second  fragment,  qui  commencerait  avec  le 
sixième  \  ers ,  et  fmîrait  avec  le  douzième ,  le  poëte  peint  la  rapidité 
de  sa  monture  qu'il  compare  à  un  onagre,  ajoutant  dans  une  longue 
description  toutes  les  circonstances  qui  peuvent  rendre  la  course  de  cet 
animal  sauvage  plus  précipitée.  £nBn,  le  troisième  et  dernier  fragment 
qui  ne  se  composerait  que  des  trois  derniers  vers ,  rappellerait  la  vie 
passée  du  poëte ,  ses  courses  à  travers  le  désert,  et  son  intrépidité  dans 
les  combats. 

Quoique  je  ne  sois  pas  éloigné  d'adopter  cette  manière  de  voir,  je 
ne  crois  point  cependant  qu'il  soit  absolument  indispensable  d'y  avoir 
recours.  On  peut,  je  crois,  rétablir  l'ensemble  de  ce  morceau  de 
poésie,  en  supposant,  de  la  part  du  poète,  l'ellipse  d'une  transition  ou 
une  réticence  qu'il  est  facile  de  suppléer.  Il  est  évident  que,  pour  se 
soustraire  à  la  mélancolie  dans  laquelle  l'ont  plongé  l'aspect  des  lieux 
oii  autrefois  il  a  été  heureux ,  et  les  souvenirs  que  leur  vue  lui  a  ins- 
pirés, il  n'a  rien  de  mieux  à  faire  que  de  s'en  arracher  sans  délai,  de 
monter  sur  son  chameau ,  et  de  hâter  sa  course  pour  s'éloigner  au  plus 
vite  de  ces  mêmes  lieux.  11  ne  manque  donc,  pour  lier  les  cinq  pre- 
miers vers  avec  les  suivants,  que  l'expression  de  "cette  résolution.  Les 
trois  derniers  vers  se  rattacheront  encore  plus  aisément  à  ceux  qui  les 
précèdent;  îl  ne  Ëiudra  pour  cela  que  supposer  que  la  pensée  du  poète 
a  été  :  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  monté  sur  un  agile  chameau 
je  me  suis  exposé  au  milieu  des  déserts;  déjà,  etc..  Serait-il  contraire 
au  génie  de  la  poésie  arabe  de  supprimer  de  pareilles  transitions,  et  de 


22  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

que  M.  de  Slane  a  attribué  à  la  forme  verbale  ^  une  signification  qui 
n'appartient  qu'à  la  forme  ^^-  D'ailleurs,  l'idëe  qu'il  a  exprimée 
est  tout  à  fait  étrangère  à  la  chose  dont  U  s'agit  ici.  L'autre  passage 
est  celui  où  l'on  lit  :  clamantis  ad  onagras  qaœ  nondam  conceperanl,  admis- 
sario  mataras,  ii^^j^  JW^  *,***■  Jt  ^jl.  M.  de  Slanc  a  cru  que  J^*- 
devait  être  pris  dans  le  sens  de  camelœ  ifnœ  admissarinm  passai  non 
conceperanl  ;  mais  si  le  poète  avait  voulu  dire  cela  ,  il  eût  été  bien 
inutile,  il  eût  même  été  absurde  d'ajouter  i^^y^  admissario  maturas. 
Je  me  crois  donc  autorisé  à  penser  que  JU»-  est  ici  le  pluriel  de  J~t\^ 
signifiaat  unias  anni fétus  cameîinas.  C'est  pourquoi  j'ai  traduit,  ^ai  ne 
comptent  encore  qu'une  année. 

Je  dois  ajouter  ici  une  explication.  Le  poète  compare  l'onagre, 
chassant  devant  lui  la  troupe  des  femelles,  •■  un  valet  mercenaire 
chaîné  de  conduire  quatre  chameaux  pétulants  ou  rétifs;  il  dit  quatre, 
parce  que  s'il  en  conduisait  un  plus  grand  nombre ,  il  aurait  peine  à  s'en 
faire  obéir.  Ainsi,  il  veut  faire  entendre  que  l'onagre  conduit  un  grand 
troupeau  de  femelles  avec  autant  de  facilité  qu'un  pâtre  qui  ne  serait 
chaîné  que  de  la  conduite  de  quatre  chameaux,  s'en  ferait  obéir.  ^ 
Le  volume  publié  par  M.  de  Slane  aurait  mérité  un  article  pIcR 
étendu;  mais  il  aurait  fallu ,  pour  le  rendre  utile ,  citer  plus  de  textes  que 
ne  le  comporte  la  rédaction  de  ce  journal.  C'est  non-seulement  un 
travail  très-estimable ,  mais  encore  le  prélude  et  le  gage  d'autres  travaux 
non  moins  importants.  La  connaissance  profonde  de  la  langue  le 
recommande  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  au  succès  des  études  orien- 
tales, et  notre  intention  n'a  été  que  d'appeler  leur  attention  sur  l'ou- 
vrage et  sur  l'auteur,  qui  est  destiné  à  prendre  place  parmi  les  orien- 
talistes les  plus  distingués.  SILVESTRE  DE  SACY, 


24  JOTIRNAL  DES  SAVANTS. 

brasser  la  Grèce,  l'Italie,  l'Espagne,  les  Gaules  et  la  lisière  de  la  Ger- 
manie, en  se  renfermant  dans  les  limites  des  derniers  siècles  de  l'ère 
païenne.  Descendre  plus  bas ,  ce  serait  risquer  de  n'avoir  à  faire  que  le 
tableau  de  Tr^tinction  de  la  servitude;  remonter  plus  haut,  ce  serait 
écrire  ses  origines  :  deux  grands  sujets  qu'il  se  propose  de  traiter  un 
jour,  mais  entre  lesquels  en  est  un  troisième  qu'il  a  choisi,  et  qu'il 
définit  en  ces  termes  :  «Décrire  ce  que  fut  l'esclavage  en  Occident 
«après  qu'il  y  fut  sorti  du  temps  de  ses  origines,  et  avant  qu'il  fût 
«arrivé  à  l'âge  de  ses  décadences  (pag.  9}-)> 

La  nouveauté  est  déjà  dans  la  fixation  précise  des  limites  chrono- 
logiques; elle  sera  principalement  dans  le  dessein  de  la  composition. 
Quelle  était  la  fonction  soci^e  de  l'esclavage  dans  le  monde  ancien  ? 
C'est  la  première  question  que  se  fait  l'auteur,  et  les  idées  qui  en 
naissent  distinguent  son  écrit  de  tout  ce  qui  a  été  dit  avant  lui  sur  ce 
même  sujet.  On  ne  considérait  l'esclavage  que  dans  la  personne  de 
l'esclave  et  dans  les  rapports  individuels  avec  le  maître;  il  voit  dans 
les  esclaves  la  partie  active ,  et  en  quelque  sorte  vitale ,  de  la  popula- 
lation  de  tous  les  pajs,  celle  que  les  institutions  et  les  préjugés  met- 
taient hors  la  loi  civile  et  humaine,  et  qui  était  cependant  la  plus 
nécessaire  à  l'existence  de  tous,  en  même  temps  que  la  plus  nombreuse  : 
l'histoire  de  l'^clavage  est  l'histoire^de  la  classe  ouvrière  dans  l'anti- 
quité. 

Le  Discours  se  divise  en  quatre  chapitres  ;  on  examine  dans  le  pre- 
mier la  destination  de  l'esclavage,  sa  part  d'activité  chez  les  peuples; 
le  second  montre  de'  quels  éléments  se  composait  et  comment  se  re- 
crutait cette  multitude  de  travailleurs;  le  troisième  explique  les  parti- 
cularités de  leur  condition  ;  l'objet  du  quatrième  est  de  rechercher  les 
origines  de  cette  institution  qui  pesa  sur  une  si  grande  partie  du  genre 
humain  pendant  tant  de  siècles,  les  révolutions  qu'elle  avait  subies  vers 


26  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

latîon  lucrative  en  instruisant  des  esclaves  à  la  pratique  de  tontes  sorteti 
de  métiers,  d'arts,  de  sciences  même;  Grassus  louait  des  foirerons  et 
des  scribes,  des  cuisiniers  et  des  maîtres  de  grammaire  et  de  belles-let- 
tres. 11  doubla  presque  sa  fortune  par  ses  seules  entreprises  de  construc- 
tions de  bâtiments,  où  tous  les  constructeurs  étaient  sa  propriété.  «Il 
faut  que  le  père  de  famille  soit  vendeur  et  non  acheteur,  »  disait  Caton, 

Comme  les  particuliers ,  les  cités ,  les  corporations ,  les  établisse- 
ments publics ,  les  temples ,  avaient  leurs  esclaves.  Les  esclaves  exécu- 
taient les  ordres  des  magistrats;  ils  entretenaient  les  aqueducs,  tes 
édifices,  les  chemins,  les  rues;  ils  ramaient  sur  les  flottes,  ils  compo- 
saient des  armées  de  serviteurs  k  la  suite  des  armées;  il  y  en  avait 
&o,ooo  dans  le  camp  de  Cépion,  composé  de  80,000  soldat^;  ils 
étaient  asseï  nombreux  auprès  des  légions  de  César,  dans  la  Gaule , 
pour  les  mettre  un  jour  en  péril.  Ainsi,  dans  les  campagnes,  dans  les 
villes,  pour  le  commerce  et  l'industrie,  pour  le  service  intérieur  de 
la  maison  (et  qui  pourrait  nombrer  les  divers  oflices  que  le  luxe  avait 
imaginésp] ,  pour  les  services  publics,  l'homme  libre  est  sans  cesse  en- 
touré d'esclaves;  pas  un  acte  de  la  vie  sociale  ou  de  la  vie  privée  qui 
n'ait  pour  auxiliaire  l'esclavage  ;  et  le  nombre  des  agents  dans  tous  les 
travaux  qui  exigent  de  grandes  forces,  s'accroît  en  raison  de  rignqjrance 
où  l'on  est  des  secours  de  la  mécanique.  Les  machines  sont  les  bras 
des  hommes  esclaves ,  ces  choses  animées  qu'on  prodigue  et  dont  on 
abuse,  avec  l'insouciance  qu'on  a  pour  tout  ce  qui  n'est  ni  rare  ni 
cher.  «  Quand  on  a  parié  du  rôle  de  l'esclavage  antique  dans  l'ordre 
u  du  travail  (ainsi  s'exprime  l'auteur  en  terminant  ce  premier  chapitre), 
«  il  n'y  a  plus  rien  à  dire  de  lui  sous  le  rapport  de  sa  fonction  dans  la 
«société;  et  c'est  pour  cel^que  les  historiens  anciens  et  modernes, 
«pour  qui  le  travail  n'a  été  jusqu'à  ce  jour  d'aucune  considération,  ont 
«le  plus  souvent  gardé,  sur  les  esdaves  du  monde  antique,  un  silence 
«à  peine  interrompu  par  le  souvenir  de  leurs  révoltes.» 


28  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

H  encore  la  puissance  en  les  associant  (pag>  lyS];»  on  serait  étrange- 
m en t  surpris  du  paradoxe;  toutefois,  on  s'exposerait  à  condamner  témé- 
rairement l'auteur.  On  peut  combattre  quelques-unes  de  ses  idées,  sur- 
tout quelques-unes  de  ses  critiques  des  autres  écrivains  ;  mais  il  faut 
comprendre  l'ensemble  de  son  raisonnement,  et  lire  le  chapitre  tout 
entier.  Ce  n'est  pas  le  moins  intéressant  ni  le  moins  ingénieux  de  ce 
curieux  mémoire;  il  mérite  qu'on  s'en  occupe  dans  un  article  k  part. 
Je  me  [H-opose  de  consacrer  le  temns  et  l'espace  qui  me  restent  au- 
jourd'hui à  soumettre  à  l'auteur  quelques  avis,  de  ceux  qu'il  a  deman- 
dés dans  sa  préface;  ils  porteront  sur  des  détails,  et  non  pas  sur  la 
forme  générale  ni  sur  le  fond  de  l'ouvrage ,  qui  me  paraît  aussi  bien 
conçu  que  préparé  par  de  solides  et  consciencieuses  études. 

Page  33.  «Auguste  se  vantait  de  ne  porter  d'autres  vêtements  que 
u  ceux  '  tissés  et  confectionnés  par  ses  propres  ouvriers,  u  Ce  passage  est 
allégué  en  preuve  de  ia  fabrication  des  objets  de  première  nécessité, 
par  des  esclaves  domestiques  chez  les  anciens.  Le  fait  est  vrai  en  soi, 
et  l'ùiexactitude  de  la  citation  ne  porte  pas  atteinte  à  l'assertion  de  l'au- 
teur, soutenue  par  bien  d'autres  démonstrations;  mais  elle  donnerait 
lieu  de  penser  qu'il  a  pris  quelquefois  de  seconde  main  ses  autorités 
dans  des  ouvrages  modernes,  sans  remonter  à  la  source  pour  s'assurer 
de  l'authenticité.  Il  renvoie  à  Suétone,  à  la  vie  d'Auguste,  sans  indica- 
tion de  chapitre.  C'est  sans  doute  du  lxxiii"  qu'il  s'agit,  et  l'on  n'y 
trouve  que  ces  paroles,  relativement  au  témoignage  invoqué  :  reste 
ifon  temere  aUa  quam  domestica  osas  est,  ab  sorore  et  axore  etjiiia  neptihas- 
^ae  confecta.  Ce  qui  prouve  setilement  la  modestie  et  la  simplicité  d'Au- 
guste dans  ses  habitudes  de  famille ,  et  non  point  la  thèse  proposée. 

Page  35.  iiEome,  pour  sa  police  de  nuit,  n'avait  que  des  esclaves.  » 
Tile-Live,  cité  en  cet  endroit  avec  désignation  du  livre  IX,  chapitre  xlvi, 
et  du  livre  XXXIX,  chapitre  xiv,  ne  parle  que  des  vigilùe,  sans  dire  de 
quelle  espèce  d'hommes  ces  compagnies  de  gardes  nocturnes  se  compo- 


50  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

même  '.  »  Voilà ,  en  effet,  la  maxime  de  morale  civile  que  I^utv  voulut 
inculquer  aux  esclaves  ou  proclamer  en  présence  de  leurs  maîtres 
lorsqu'il  joua  les  Captifs  ;  maiime  traduite  en  une  loi  qui  condamnait  k 
mort  tout  esclave  qui  ne  se  faisait  pas  tuer  pour  son  maître  dans  une 
rencontre  dangereuse^.  Les  observations  que  Je  viens  de  faire  (j'en 
omets  d'auti'es,  de  peur  qu'elles  ne  deviennent  fastidieuses]  sont  plutôt 
des  avertissements  que  des  critiques,  pour  engager  M.  de  Saint-l'aul  à  re- 
voir son  livre  avec  une  scrupuleuse  et  minutieuse  diligence,  et  à  eOacer 
les  taches  légères  qui  empêcheraient  peut-être  d'en  apprécier  le  mérite. 

NAUDET. 


1.  Précis  élémentaires  d'kisloire  naturelle ,  efc;  par  J.  Delafosse, 
a  vo).  in-ia.  —  3.  Eléments  d'histoire  naturelle,  etc.;  par 
Sancerotte,  i  vol.  in-S".  —  3.  Régne  animal  disposé  en  tableaux 
méthodiques,  etc.  ;  par  J  Achille  Comte.  —  4-  Leçons  élémen- 
taires d'histoire  naturelle,  etc.  ;  par  F.  Humbert,  3  vo!.  in-i  a. 
—  5.  Physiologie  pour  les  collèges ,  etc.  ;  par  J.  Achille  Comte, 
cahier  in-4°- — 6.  Eléments  de  zoologie,  par  M.  Edwards, 
I  vol.  in-S"  de  io66  pages.  — 7.  Traité  élémentaire  d'histoire 
naturelle,  par  MM.  Martin  S.aint-Ange  et  Gucrin.  [  Cet  ouvrage, 
publié  par  livraison,  n'est  pas  terminé.  ) 

On  peut  envisager  notre  enseignement  secondaire ,  c'est-à-dire  relui 
de  nos  collèges ,  soit  comme  une  préparation  à  l'ense^nement  supé- 
rieur des  facultés,  soit  comme  un  ensemble  d exercices  propres  ^ 
développer  nos  dispositions  morales  et  intellectuelles,  soit,  enfin, 
comme  devant  conduire  à  ce  double  but.  Mais ,  sous  chacun  de  ces 
points  de  vue ,  on  reconnaîtra  que  le  syst^me  général  de  tout  ensei- 


52  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

cette  occupation;  et  l'ouvrage  de  l'abbé  Plucbe,  intitulé  le  Spectacle  ie 
la  natare^,  lut,  dans  ses  premiers  volumes  du  moins,  le  fruit  de  cette 
pensée  nouvelle.  Cet  ouvrage,  approprié  avec  sagacité  à  l'âge  des 
élèves  auxquels  on  le  destinait,  et  qu'on  aurait  mieux  fait  depuis  de 
perfectionner  que  d'abandonner  à  Koubli^,  laisse  sans  doute  apercevoir 
tout  ce  qui  manquait  à  la  science  à  l'époque  oii  il  parut;  mais  il  ne 
montre  pas  moins  la  supériorité  que  donnent  l'expérience  et  la  réflexion 
à  celui  qui  veut  travaiÛer  au  développement  moral  et  intellectuel  de 
l'enfance. 

Je  ne  trouve  pas  que  la  pensée  de  Rollin  ait  eu  d'autres  eflîets 
d'abord,  et  qu'elle  ait  été  appliquée  à  l'enseignement  public';  mais 
elle  ne  périt  point;  ce  fut  comme  une  semence  jetée  dans  une  terre 
ingrate,  et  qui  eut  besoin,  pour  se  développer  avec  quelque  vigueur,  que 
le  champ  de  la  science  reçût  une  nouvelle  culture.  En  effet,  il  est  peu 
des  ouvrages  sur  l'enseignement,  publiés  dans  les  deuk  derniers  tiers 
du  wni*  siècle*,  où  l'on  ne  parle  de  l'histoire  naturelle  comme  devant 
entrer  dans  les  études  élémentaires.  Quant  k  ce  qui  devait  constituer 
cette  étude,  rien  n'est  plus  vague  et  plus  divers  que  ce  qu'en  pensent 
les  auteurs.  On  voit  qu'ils  parlgnt  de  connaissances  qu'ils  ne  possèdent 
pas,  dont  ils  ne  voient  bien  ni  le  but  ni  les  limites,  mats  auxqudles 
ils  sentent  qu'une  éducation  libérale  ne  doit  point  rester  étrangère,  et  ce 
sentiment,  Bs  le  devaient  sans  doute  aux  écrits  de  Reaumur,  de  Buflbn. 
Pour  que  les  idées  s'élevassent  à  des  notions  plus  distinctes  et  plus  com- 
plètes, il  fallait  se  soustraire  au  joug  de  celles  qui  dominaient,  et  le 
premier  signe,  bien  imparfait  encore  que  nous  en  apercevions,  se  ma- 
nifeste dans  les  projets  d'instruction  publique  qui  furent  proposés  de 
1791  a  1795*;  c'est-à-dire,  après  que  le  bouleversement  social  de 
cette  époque  eut  brisé  tout  lien  entre  te  passé  et  le  présent ,  et  con- 

La  première  édition  paruten  1733.-—  *  Chevignar  en  a  publié  nue  tmilalion 


U  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

que  nous  venons  de  signaler  furent  les  premiers  résultats  de  cette 
révolution. 

Cependant,  malgré  ses  progrès  et  l'appui  qu'elle  avait  mérité  de 
l'opinion ,  l'histoire  naturelle  n'obtint  point  encore  la  consolidation  de 
son^nseigoement ;  il  cessa,  à  proprement  parler,  avec  la  suppression 
des  écoles  centrales  oit  un  professeur  spécial  en  était  chargé.  En  effet, 
dans  les  lycées  qui  succédèrent  à  ces  écoles,  ce  lut  le  professeur  de 
physique  et  de  ,chtmie  qui  dut  enseigner  l'histoire  naturelle  ;  or  on 
n'enseigne  pas  une  science  aussi  étendue  et  d'un  caractère  aussi  parti- 
culier,  sans  en  faire  fobjet  spécial  de  ses  études,  sans  être  naturalbte. 
D'ailleurs,  la  physique,  jointe  à  la  chimie,  était  plus  que  suflisanle 
pour  occuper  toutes  les  facultés  et  absorber  tout  le  temps  du  profes- 
seur le  plus  habile. 

L'institution  des  lycées  eut  néanmoins  un  avantage  pour  l'enseigne- 
ment de  l'histoire  naturelle.  Les  livres  élémentaires  manquaient  à  cette 
science  ;  leur  besoin  fut  d'autant  plus  vivement  senti  que  les  profes- 
seurs à  qui  l'on  avait  imposé  de  l'enseigner  y  étaient  moins  propres; 
on  en  provoqua  la  composition ,  et  il  en  fut  alors  publié  'pour  la 
minéralogie,  pour  la  botanique  et  pour  la  zoologie  '. 

Ces  ouvrages  ne  pouvaient  toutefois  exercer  qu'une  bien  faible  in- 
fluence sur  les  progrès  de  la  science,  en  supposant  même  que  les  pro- 
fesseurs chargés  de  les  rendre  intelligibles  aux  élèves  aient  rempli  cette 
tâche  avec  succès.  Pour  que  les  lumières  d'une  science  se  répandent 
régulièrement  dans  une  société  qui  en  sent  le  besoin ,  de  bons  livres  , 
des  livres  utiles  ne  suffisent  point  ;  il  faut  que  l'enseignement  de  cette 
science  soit  distribué  d'une  manière  judicieuse ,  et  surtout  que  ceux 
qui  doivent  le  donner  ne  se  trouvent  pas  dans  l'impossibihté  absolue 
de  le  faire.  Or  l'histoire  naturelle  n'était  pas  traitée  plus  favorablement 
dans  l'enseignement  supérieur,  dans  les  facultés,  que  dans  l'ensei^e- 
ment  secondaire  :  un  seul  professeur,  à  l'exception  de  Paris,  y  était 


56  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

les  forces  en  vertu  desquels  ils  existent.  C'est  sur  les  différences  de  ces 
&its  que  re)>05ent  les  différentes  sciences  entre  lesquelles  l'étude  gé- 
nérale de  la  nat'ire  se  partage  ;  et,  sans  qu'il  soit  possible  de  déterminer 
d'une  manière  absolue  les  limites  de  ces  sciences,  on  peut  dire  ce- 
pendant que  la  physique  et  la  chimie,  par  exemple,  pour  arrivera 
la  découverte  de  leurs  lois  font  particulièrement  usage  de  l'expérimen- 
tation, tandis  que  l'histoire  naturelle  emploie  plus  exclusivement  l'ob- 
servatioD;  l'observation  qui,  comme  on  l'a  dit  ingénieusement,  épie  la 
nature  quand  elle  es^  rebelle  et  cherche  à  la  surprendre;  tandis  que 
l'expérimentation  la  contraint  à  se  dévoiler.  C'est  donc  dans  le  caractère 
particulier  de  l'observation  qu'il  faut  chercher  à  reconnaître  l'influence 
que  doit  exercer  sur  le  dévelop|)ement  de  l'intelligence  l'étude  de  l'his. 
toire  naturelle. 

n  suffirait  peut-être,  pour  montrer  cette  influence,  d'exposer  les 
avantages  généraux  qui  résultent  toujours ,  pour  l'esprit,  de  l'étendue 
des  lumières  et  de  la  variété  des  connaissances ,  surtout  lorsqu'elles 
sont  positives  et  telles  que  l'observation  exacte  les  donne.  Voyons 
cependant  quelle  est  l'influence  de  l'observation  des  êtres  sur  le  déve- 
loppement particulier  des  facultés.  L'observation,  c'est  l'attention  fixée 
fortement  et  librement  sur  les  êtres  et  les  phénomènes  qu'ils  présen- 
tent; or  il  est  certain  qu'elle  doit  donner,  par  l'exercice ,  à  l'attention  et 
aux  sens  une  force,  une  étendue,  une  sûreté  qu'ils  ne  peuvent  point 
recevoir  d'ailleurs;  elle  seule  imprime  dans  l^némoire  des  images 
réelles  que  l'imagination  reproduit  fidèlementrelle  rend  en  quelque 
sorte  sensible  la  perception  des  rapports  qu'ont  entre  eux  les  êtres  ma- 
tériels ;  c'est  sur  elle  principalement,  que  l'induction  repose  ;  en  un 
mot,  c'est  à  l'observation  que  nous  devons,  quoiqu'indirectement , 
Texercice  de  dos  autres  facultés  et  la  révélation  de  tout  ce  que  nous 
avons  de  plus  noble,  de  plus  intelligent.  La  nature  elle-même  nous 


38  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

C'est,  d'ailleurs,  le  seul  par  lequel  l'enseignement  secondaire  puisse  se 
i-attacher  k  l'enseignement  des  bculUs,  et  réciproquement,  l'un  devant 
être  la  conséquence  de  l'autre. 

Mais ,  il  faut  le  reconnaître ,  ce  système  n'est  pas ,  comme  le  précé- 
dent, applicable  à  tous  les  âges;  et  précisément  parce  qu'il  met  en 
exercice  toutes  les  facultés  de  l'esprit,  il  faut  que  toutes  ces  faculté» 
puissent  s'exercer  pour  que  son  influence  soit  utile  et  complète.  Or 
cela  ne  peut  avoir  lieu  dans  les  classes  inférieures  de  nos  coUéges,  où 
l'histoire  naturelle  est  enseignée  aujourd'hui;  il  est  donc  indispensable 
de  renoncer,  là  du  moins,  k  cet  enseignement.  Non-seulemeot  les 
considérations  précédentes  en  démontrent  la  nécessité,  mais,  de  plus, 
l'expérience  d'un  grand  nombre  d'années  ne  peut  laisser  aucun  doute 
sur  l'inutilité  et  sur  les  inconvénients  de  cet  enseignement  pour  des 
enfants  qui  ne  peuvent  ni  le  comprendre  ni  s'y  intéresser  véritable- 
ment. S'Ùs  s'y  attachent,  c'est  surtout  par  l'amusement  que  la  vue  ou  la 
coUectioD  des  objets  leur  procure;  et,  s'ils  montrent  du  goût  pour  quel- 
ques-unes des  notions  qu'ils  reçoivent,  c'est  parce  qu'elles  se  rapportent 
à  ces  faits  et  à  ces  généralités  qui  ont  de  l'intérêt  pour  tous  les  âges  quand 
elles  leur  sont  proportionnées.  Maia,  pour  ce  qui  concerne  l'histoire  na- 
turelle proprement  dite ,  ils  n'en  conçoivent  point  l'objet,  et  c'est  k  peine 
si  leur  mémoire  conserve  quelques  traces  de  ce  qui  leur  a  été  enseigné. 

A-  toutes  ces  raisons  de  penser  que  ce  n'est  pas  dans  les  basses 
classes  que  les  éléments  de  la  science  qui  nous  occupe  doivent  être 
donnés,  nous  pourrions  en  ajouter  de  nouvelles,  tirées  de  la  nature  ex- 
clusivement chimique  de  la  minéralogie,  et  de  la  nécessité  absolue  d'a- 
voir des  notions  de  physique  et  de  chimie  pour  conipreudre  la  plupart 
des  phénomènes  oi^aniques.  Ce  n'est  pas.  en  effet,  à  une  époque  où 
aucune  idée  de  science  n'a  encore  été  mise  dans  la  tète  des  élèves. 
qu'il  convient  de  les  occuper  sérieusement  de  celles  des  sciences  qui 
exigent,  pour  ainsi  dire,  le  concours  de  toutes  le^  autres  pour  être  fruc- 


40  JOURNAL  DES  SAVANTS.  * 

Les  tableaui  de  M.  AchBle  Comte,  disposés  conformément  à  la  mé- 
thode naturelle,  ont  pour  objet  de  représenter,  au  moyen  de  petites  fi- 
gures dessinées  avec  soin ,  les  animaux  et  les  végétaux  dans  leurs  types 
de  classes,  d'ordres,  de  familles,  de  genres;  ces  figures  sont  accompa- 
gnées de  la  fonnule  des  caractères  distinclifs  de  chacune  de  ces  divi- 
sions. L'idée  d'après  laquelle  ces  tableaux  ont  été  formés,  et  leur  exécu- 
tion ,  sont  dignes  d'éloges.  Il  a  été  publié  peu  d'ouvrages  plus  utiles  k 
l'enseignement  de  l'histoire  naturelle  dans  les  collèges,  quoique  leur 
utilité  soit  restreinte.  Ils  peuvent,  jusqu'à  un  certain  point,  tenir  Ueu 
de  musée,  de  collection;  et  ils  sont  par  là  d'un  secours  d'autant  plus 
grand  pour  les  collèges,  que  ces  établissements  ne  posséderont  de  long- 
temps, s'ils  les  possèdent  jamais,  les  objets  d'histoire  naturelle  dont  leur 
enseignement  aurait  besoin. 

C'est  dans  les  mêmes  vues  que  M.  Comte  a  conçu  sa  physiologie 
pour  les  collèges,  laquelle  consiste  en  un  texte  explicatif  des  figures 
qui  représentent  les  organes  dans  leur  position  réciproque,  ces  figures 
étant  découpées  et  superposées  les  unes  aux  autres.  Par  ce  procédé ,  il 
a  rendu  claires  et  précises  des  connaissances  anatomiques  qu'il  aurait 
été  difficile  de  présenter  aussi  bien  dans  de  simples  descriptions. 

Les  éléments  d'histoire  naturelle  par  M.  Humhert,  sont  présentés 
scientifiquement  dans  la  première  partie.  Dans  la  seconde,  il  considère 
cette  science  dails  ses  rapports  avec  nos  besoins  et  dans  ses  applications 
à  l'industrie.  Ce  qui  caractérise  particulièrement  cet  ouvrage,  ce  sont 
les  considérations  générales  qui  terminent  chaque  leçon  :  c'est  là  qu'il 
décrit  les  faits  de  moeurs  les  plus  curieux,  qu'il  fait  connaître  les  rap- 
ports les  plus  intéressants  des  animaux  entre  eux  et  avec  l'espèce  hu- 
maine, et  qu'il  s'élève  quelquefois  jusqu'à  la  cause  première  pour  en 
faire  admirer  les  œuvres  et  la  puissance.  Cet  ouvrage,  conçu  dans  un 
bon  esprit,  nous  paraîtrait  un  des  plus  propres  à  être  mis  entre  les 
mains  des  enfants  de  basses  classes,  et  à  être  introduit  dans  nos  écoles 


M 


JOURNAL  DES  SAVANTS. 


vingt  beaux  épis  ;  j'ai  coupé  chacun  d'eux  en  troÎ9  portions  de  longueur 
à.  peu  près  ^ale,  coateoant  ainsi  séparément  les  grains  nés  vers  ta 
baÂe,  au  centre,  ou  ausonunet.  Jai ensuite  extrait  wigneuseiçeat  les 
grains  de  chaque  divinon  de  la  balle  qui  les  enveloppait,  sans  eu  perdre 
aucun;  je  les  ai  comptés,  et,  réunissant  chaque  sorte,  je  ies  ai  pesés 
avec  des  balances  trè»précises ,  ce  qui  m'a  .fait  connaiti?e  leur  poids  à 
nombre  égal.  Voici  quda  ont  été  les  résultats. 


Nombre  iet  graiiu 

Lnu-  poîib  en  gcmmmf , 

Donc  poidi  de  1,000  graini,  cottchi. . 


■uu. 

iiaiBDz. 

■OMiiKn. 

306 
SÏP.SSBO 

lie,??» 
60P,8630 

934 

ISFiMS 
53f,0189 

La  dernière  ligne  du  tableau  montre  que  les  grains  nés  vers  la  base 
et  le  sommet  des  épis  sont  à  peu  près  de  même  poids  ;  mais  ils  sont 
plus  l^ers  que  ceux  du  centre.  Si  on  les  compare  en  somme  k  ces 
derniers,  le  rapport  des  poids  spécifiques  est  -,-{]■-,  H*,  ou,  à  fort  peu 
de  chose  près,  comme  1 3  à  1 5. 

J'ai  voidu  savoir  si  l'on  ne  pourrait  pas  favoriser  l'accroissement  des 
grains  situés  au  centre  des  épia  ou  à  leurs  bases,  en  retranchant  les 
sommets  aussitôt  après  la  fécondation,  afin  de  donner  aux  deux  pre- 
mières divisions  seulement,  toute  la  nourriture  que  la  tige  peut  four- 
nir. Xai  fait  cette  épreuve,  l'été  dernier,  sur  un  certain  nombre  d'épis 


44  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

déduction  faite  de  tous  les  frais  qui  le  préparent.  Chez  nous  ce  produit 
est  de  3  3,  9  5  et  même  de  3»  hectolitres  à  l'hectare,  semence  déduite. 
Nous  ne  l'obtiendrions  pas  avec  moins  de  semence,  dans  notre  localité, 
si  ce  n'est  par  des  procédés  de  culture  plus  chers ,  et  qui  nous  semblent 
plus  hasardeux  dans  l'état  présent  de  la  population  qui  nous  environne. 
C'est  pourquoi  nous  ne  les  employons  point,  quoiqu'en  le  làisant  nous 
pussions  avoir  l'avantage  de  présenter  un  résultat  théorique  beaucoup 
plus  beau.  On  comprendra,  par  ce  simple  exemple,  pourquoi  tant 
d'autres  préceptes  savamment  exposés  et  recommandés  dans  les  livres , 
ne  sont  pas  pratiqués  par  les  agriculteurs  véritables,  qui,  au  contraire, 
s'en  défient  considénJ^lement.  Peut-être  si  cette  réflexion  était  plus 
sentie  de  ceux  qui  écrivent,  penseraient-ils  qu'ils  rendraient  leurs  con- 
seils plus  persuasiis  s'ils  s'astreignaient  d'abord  à  en  constater  eux-mêmes 
expérimentalement  le  résultat  pécuniaire  pour  leur  propre  compte. 
Mais,  qui  saif  si  ensuite  ils  écriraient? 

BIOT. 


Cours  sar  la  génération ,  fovologie  et  fembryotogie ,  fait  an  Maséam 
d^histoire  naturelle,  en  i836,  par  M.  Flourens,  membre  de 
r Académie  royale  des  Sciences,  recueilli  et  publié  par  M.  Des- 
champs,  aitifi-nafani/wïe  an  Miw^am  ;  in-i"  de  igo  pages  avec 
lo  planches.  Paris,  i836. 

Je  ne  sais  pas  s'il  y  a  une  fonction  plus  inexplicable  que  celle  de  ta 
génération  ;  un  mystère  plus  caché  que  celui  de  ta  reproduction  des 
êtres.  Savoir  comment,  et  dans  quelles  conditions,  et  suivant  quelles 


46  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

primé  dans  oette  idée  abstraite,  ïaaité  dans  Im  variété;  c'est-fa-dire 
l'unité  dans  le  but,  qui  est  ia  poasilnlîté  de  l'existence  des  êtres  ,  avec 
la  variété  dans  les  moyens,  qui  sont  les  diffîrents  modes  «ftH^anisation 
des  êtres;  mais  ce  n'est  pas,  comme  ceitaiaes  doctrines  l'ont  entendu , 
l'unité  dans  la  composition  de  l'être  avec  la  v^élé  dans  le  degré  de 
son  développement.  La  variété  dans  les  êtres  anknés  est  une  ccmdîlion 
même  de  leur  eustence ,  et  il  n'est  pas  plus  possible  de  trouver  un  type 
unique  parmi  les  êtres  organisés,  qu'un  corps  simple  unique  dans  ie 
monde  inoi^anique.  Cette  loi  d'unité  et  de  variété  n'est  nidle  part  plus 
évidente  que  dans  l'appareil  que  la  nature  a  destiné  à  la  reproduction 
des  êtres.  M.  Fiourens  en  donne  le  tableau  ,  ea  commençant  par  la 
desaiption  détaillée  de  cet  appareil  dans  l'homme ,  puis  il  le  suit 
dans  les  divers  classes  d'animaux  vertébrés ,  ea  Ëùsant  ressortir  ce  que, 
dans  chacune  de  ces  classes ,  et  dans  les  deux  sexes ,  les  organes  con- 
servent d'analogies  ou  acquièrent  de  différences  avec  ceux  de  l'espèce 
humaine.  Ensuite,  dans  un  article  séparé,  M.  Fiourens  étudie  l'ap- 
pareil génital  chez  les  animaux  invertébrés",  où  on  le  voit  entrer  enjeu 
avec  des  conditions  si  étranges ,  et  c'est  après  ce  rapide  exposé  que 
l'on  conçoit  jusqu'où  peut  aller,  si  Ion  osait  s'exprimer  ainsi,  l'imagi- 
nation féconde  et  presque  capricieuse  de  la  nature  :  car,  pour  arriver 
à  produire  l'espèce ,  nous  la  voyons  tantôt  séparer  les  sexes  entre  deux 
individus  différents,  et,  suivant  les  cas,  exiger  ou  non  leur  rappro- 
chement; tantôt  réunir  les  sexes  dans  le  même  être,  qu'elle  semble 
ainsi  isoler  dans  le  monde  ;  tantôt  enfin ,  tout  en  réunissant  les  deux 
sexes  dans  un  même  être,  exiger  en  même  temps  l'union  de  deux  indi- 
vidus, et  sans  qu'à  toutes  ces  choses  nous  puissions  trouver  d'autre 
raison  que  la  variété  de  composition  dans  les  animaux  et  la  volonté 
de  celui  tjm  les  a  créés. 

C'est   avec  pleine  raison  selon  nous  que  M.  Fiourens  a  pris  pour 
point  de  départ  les  organes  de  l'hommeit  car,  comme  c'est  à  l'homme. 


48  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

de  la  fécondation.  Un  anatomiste  hollandais ,  Régnier  de  Graaf ,  donna 
Tun  des  premiers  à  leur  étude  ,  il  y  a  cent  soixante  ans ,  une  impor- 
tance réelle ,  et,  les  comparant  aux  vésicules  de  Tovaire  des  oiseaux, 
les  considéra  comme  étant  l'œuf  des  mammifères.  Cette  opinion  a  été 
tour  à  tour  admise  ou  combattue  depuis  lors  sans  grand  avantage 
pour  la  vérité,  et  ce  n'est  que  d'hier,  pour  ainsi  dire,  que  la  question 
a  fait  un  nouveau  pas.  En  effet ,  quand  on  observe  avec  certaines 
précautions  ces  vésicules  de  Graaf  avant  la  fécondation ,  on  trouve , 
dans  le  liquide  qu'elles  renferment,  un  petit  corps  sphérique,  peu 
ti'ansparent,  et  qui  a  précisément  le  volume  des  petits  œufs  que  Ton 
trouve  dans  les  trompes  après  la  fécondation  ;  ce  serait  là  le  véritable 
œuf,  le  corps  véritablement  analogue  de  l'ovule  des  ovipares.  C'est  à 
MM.  Prevo&t  et  Ehimas  qu'est  due  cette  précieuse  observation.  Peu 
après ,  un  anatomiste  allemand ,  M.  Baër,  voulut  lui  donner  plus  de  pré- 
cision ,  en  recherchant  dans  les  mammifères  les  parties  analogues  de 
l'ovule  des  oiseaux.  Il  annonce  en  effet  y  avoir  trouvé  un  vitellus 
avec  ses  divers  degrés  de  cohésion ,  la  membrane  du  vitellus  et  une 
vésicule  de  Purkinje  ;  mais ,  par  un  point  de  vue  tout*  nouveau ,  c'est 
à  la  fois  la  vésicule  de  Graaf  et  l'ovule  qu'il  considère  comme  consti- 
tuant, l'un  et  l'autre ,  l'œuf  des  manunif^res.  Malheureusement  ces 
idées  sont  enveloppées  dans  un  langage  qui  nuit  singulièrement  à  leur 
clarté. 

Plus  récemment ,  «hez  nous,  M.  Coste  a  anftoncé  avoir  trouvé  «ntre 
l'ovule  des  oiseaux  et  celui  des  mammifères  des  analogies  beaucoup 
plus  directes  encore  que  celles  de  l'auteiu*  précédent ,  et  il  décrit  avec 
précision  dans  l'ovule  des  derniers  ime  membrane  externe,  une 
masse  globideuse  ou  vitellus  et  une  vésicule  de  Purkinje;  de  swte 
qu'il  n'y  aurait  entre  l'ovule  des  oiseaux  et  celui  des  niam(^ilères 
d'autre  différence ,  sinon  que  dans  les  premiers  il  serait  enveloppé 
dans  l'ovaire  d'une  simple  trame  celluleuse ,  tandis  que  dans  les  seconds 
il  nagerait  dans  un  liquide  :  ce  ne  serait  là  qu'une  circonstance  acces- 
soire ,  une  différence  qui  ne  sort  point  des  limites  entre  lesquelles  la 
nature  se  plaît  à  varier  l'exercice  d'une  même  fonction.  Il  faut  cepen- 
dant dire  qu'il  est  fâcheux  que  l'auteur,  pour  mettre  ces  résultats  à 
Tabri  du  doute ,  n'ait  point  multiplié  les  faits  et  les  démonstrations. 
Une  belle  série  d'observations  sur  ce  point ,  dans  un  grand  nombre 
d'espèces  et  de  classes ,  aurait  mieux  établi  la  vérité  et  aiu*ait  avanta- 
geusement pris  la  place  que  l'auteur  a  consacrée  dans  son  livre ,  à  ime 
foule  d'explications  hypothétiques  sur  la  manière  dont  se  forment  et 
1,'embiyon  et  ses  enveloppes. 


50  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

:ieQt  et  respirent  par  rinterinédiaire  de  leur  mère  et  d'un  appareil  parti- 
culier nommé  appareil  placentaire  ;  d'où  résulte  la  double  conclusion 
que  la  vésicule  ombilicale  ne  sera  pas  nécessairement  aussi  volumi- 
neuse .  et  que  la  vésicule  allantolde  ne  sera  pas  nécessairement  aussi 
étendue  que  dans  les  ovipares  ;  et  que  ces  organes ,  s'ils  existent,  potir- 
ront,  en  conservant  leurs  rapports  essentiels,  servir  à  quelque  usage 
secondaire  :  quant  aux  deux  membranes  de  protection ,  elles  pouvaient 
être  et  on  les  retrouve  en  effet  les  mêmes  dans  les  deux  classes.  L'ob- 
servation a  justifié  de  tous  .points  ces  résultats  auxquels  on  pouvaitarriver 
par  une  induction  rigoureuse  ;  mais  ce  n'a  pas  été  sans  de  longs  efforts , 
sans  de  grandes  confusions  dans  les  mots  et  dans  les  choses  qu'on  y  est 
arrivé;  et  il  faut  suivre  toute  une  série  de  travaux,  depuis  Aristote  jus- 
qu'à  des  temps  tout  modernes,  pour  voir  se  forhier  peu  k  peu  le  ta- 
bleau de  nos  connaissances  positives  tel  qu'il  existe  aujourd'hui. 

M.  Flourens  décrit,  suivant  cette  méthode,  l'œuf  et  chacune  de  ses 
parties  constituantes  ;  cependant,  comme  son  cours  n'est  pas  un  cours 
d'ovnlogie  comparée ,  mais  un  cours  d'anatomie  et  d'ovologie  humaine 
éclairées  par  l'anatomie  comparée,  il  commence  immédiatement  par 
l'ceuf  des.  vivipares.  Il  décrit,  dans  chacun  des  principaux  ordres  de 
mammUères,  la  forme  et  la  texture  du  chorion ,  celle  de  l'amnios  ;  il 
montre  les  rapports  et  les  changements  de  la  vésicule  ombilicale ,  qui 
tantât  est.cn  forme  de  poche  arrondie,  et  tantôt  en  forme  dé  T,  tantôt 
est  tcè»-petite ,  comme  dans  l'homme ,  et  tantôt,  comme  dans  les  ron- 
geurs, acquiert  de  telles  dimensions  qu'elle  tapisse  te  chorion,  le  sépare 
de  l'amnios,  et  prend  ainsi  quelques-uns  des  rapports  de  l'allantoîde  dans 
les  ovipares  et  dans  d'autres,  mammifères.  L'étude  de  l'allantoîde  vient 
ensuite;  M.  Flourens  en  indique  les  formes  très-diverses  dans  tous  les 
mammifères  où  on  l'a  observée;  il  la  montre  se  développant  en  général 
beaucoup  plus  que  la  vésicule  ombilicale,  excepté  dans  les  rongeurs ,  et 
tantôt  enveloppant  l'amnios  comme  dans  les  carnassiers;  tantôt,  au  con- 


52  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

centa  multipte ,  et  cfaes  lesquds  il  n'y  a  aucune  continuité  rasculaire 
entre  les  vaisseaux  utérins  et  les  oinbilîcaux.  M.  flourens  explique 
ainsi  comment  des  observateurs  éminents  ont  pu ,  les  uns  admettre 
l'existence  des  vaisseaux  utéro-placentaires,  et  les  autres  la  nier,  sdoit 
qu'ils  auront  examiné  des  animaux  appartenant  à  l'une  ou  à  l'autre  de 
ces  deux  dasses. 

Après  la  description  de  l'œuf  des  mammifères,  M.  Flourens  décrit 
l'œuf  des  ovipares  et  successivement  celui  du  poulet,  celui  des  reptiles 
et  celui  des  poissons.  Une  derm'ère  section  est  consacrée  à  l'ovolt^e  des 
animaux  invertébrés  ;  puis  ,  M.  Flourens  termine  par  l'histoire  des  dé- 
veloppements des  organes  du  fœtus,  et  par  le  tableau  des  fonctions  qui 
apparaissent  et  s'exercent  en  lui  dans  le  cours  de  son  développement. 
C'est  ainsi  qu'il  passe  en  revue  la  circulation  et  ses  divers  modes ,  la 
nutrition  et  aussi  la  respiration  de  l'embryon. 

L'étude  du  développement  lui  donne  occasion  de  partager  la  vie 
inlra-otérine  de  l'homme  en  trois  temps  :  le  premier  dure  environ 
quarante  jours,  pendant  lesquels  l'être ,  presque  linéaire  encore,  pousse 
des  apendïces  latéraux  -,  c'est  ce  qu'il  nomme  le  germe  :  le  second  temps 
se  termine  vers  le  quatrième  mois-,  le  germe  se  caractérise  par  la  for- 
mation progressive  de  tous  les  organes ,  et  il  prend  le  nom  d'emhryon: 
dès  lors  et  jusqu'à  la  fm  de  la  gestation,  l'embryon  voit  perfectionner 
ses  organes  et  prend  le  nom  defatas.  Le  développement  de  ces  idées , 
que  nous  ne  pouvons  iaire  ici  que  résumer,  forme,  pour  M.  Flourens,  la 
troisième  partie  de  son  cours,  ou  l'embryobgie. 

On  voit  que  M.  Flourens  a  embrassé  son  sujet  dans  toute  son  éten- 
due; ou  voit  qu'il  n'a  omis  aucune  des  fpestions  qui  s'y  rattachent, 
qu'il  s'est  arrêté  à  chacune  d'elles  selon  que  son  importance  fexîgeait, 
et  qu'il  ne  s'est  pas  contenté  d'exposer  à  ses  auditeurs  l'état  de  la  science 
et  le  résultat  des  travaux  d'autrui,  mais  qu'il  a  aussi  tenté  d'édairer, 
par  des  recherches  d'anatomie  délicate  r  plusieurs  des  points  encore 


54  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

1  opérklioD....  Hembreda  l'Acsdémie  de*  icinicesct^  cdle  de  médscine .  M.  Tes- 

■  lier  l'^it  aussi  delà  Société  rojale  et  central^  d'agriculture ,  de  celle  d'encoura- 
I  gemeol  pour  l'industrie  nattoDale,  des  conseils  généraux  d'agriculture,  des  mabu- 
>  factures  et  du  commerce  ;  il  était  inspecteur  général  des  beigeries  royales  entrele- 

•  nnesparle  gonvemement.  etl'nn  des  rédactenrsdu /onnuifcArjSaEanb.  H.Tessier 

•  a  puÛié  des  mémoires  sur  les  maladies  des  bestiaux ,  la  plantatioa  des  lerrains 

■  vagues,  la  destruction  des  rats  des  champs  et  des  mulots;  l'usage  des  domaines 

■  congéablê*,  l'infliieoce  de  la  lumière  sur  les  v^étaui;  un  recueil  d'observations 

■  sur  les  limites  et  le  terme  de  la  gestation  chei  les  animaux.  Indépendamment  de 

•  ses  mémoires  sur  les  maladies  des  grains  ,  et  du  grand  ouvrage  qu'il  a  préparé 

•  pour  le  perfectionnement  des  bêtes  àlaine  en  France ,  ...  il  a  contribué  k  U  rédac- 

•  tion  de  l'Eaeyciopèdie  Méthodiqae,  à  l'édition  du  Tkéàtrt  d'Agriciillare ,  d'(Hivier 

•  de  Serres,...  et  au  Court  complet  d^Agricutlare,  de  l'abbé  Rosier  ;  enfin,  depuis 

•  1778  iusqu'à  ce  jour,  il  a  publié,  de  concert  avec  MH.  Bosc  et  Hiuard,  fils,  le 

•  jounial  intitulé  Aimaiu  Je  rAgrieKÏlare  Françaie.  H.  'TfMÎer  ne  se  borna  pas  à 

•  rédiger  debons  écrits  sur  l'agncullure:  il  pratiqua  des  améliorations  notables  dans 

•  le  domaine  qu'il  possédait  en  Brie,  et  dans  lequel  il  a  entretenu  pendant  long- 
'  temps  un  fort  beau  troupeau  de  mérinos.  Né  sans  fortune,  il  a  dû  son  aisance   à 

•  ses  travaux.  M.  Tessier  s'est  marié  en  180a  avec  M"'  de  Monsures;  il  avait  alors 

•  plus  de  60  ans,'  néanmoins  il  a  su  inspirer  le  plus  tendre  attachement  a  sa  jeune 

■  épouse ,  et  cet  attachement  ne  s'est  pas  afi'aibli  un  instant  pendant  les  36  années 

•  qu'il  a  joui  de  cette  douce  union,  qui  a  fait  la  bonheur  de  sa  vie.  Dans  ses  derniers 

•  mioments,  les  soins  assidus  que  madame  Tessier  prodiguait  loujours  à  son  mari, 

•  Ib  sont  encore  multipliés;  ilsétaieot,  joor  et  nuit,  de  tous  les  instants. ...  Il  fau- 

•  drait,  messieurs  ,  passer  les  bornes  qui  me  sont  prescrites, ....   pour  faire  con- 

•  naStra  M.  Tessier  tout  entier. . . .  Toutes  les  bonnes  qualités  semblaient  élre 
(  renies  en  lui;  son  obligeance,  sa  bonté  n'avaient  point  de  bornes,  Levif  et  cons- 
olant intérêt  qu'il  prenait  au  bonheur  de  son  pays,  et  aux  progrès  delà  science  qui 
'  peut  le  mieux  assurer  ce  bonheur,  occupait  toute  sa  pensée,  etc. . . .  Pourquoi 

•  des  hommes  si  bons  et  si  utiles  nous  sont-ils  enlevés  t  Mais ,  messieurs ,  ils  lais- 

•  sent  après  eux  leur  exemple  à  suivre  :  n'oublions  pas  que  Tessier  a  été  faenreux. 
t  lui-même  pendant  sa  vie,  qu'il  a  contribué  puissamment  au  bonheur  des  autres  ; 

■  et  ce  (onvenir  excitera  en  nous  le  désir  de  marcher  sur  ses  traces,  et  soutiendra 

•  notre  admiration  pour  l'excellent  Tessier.  ■ 

Depuis  1816,  M- Tessier  a  fourni  au /oarnal  dsj  Sontrib  |dus  de  80  artide»  sur 
des  ouvrages  de  physique,  d'histoire  naturelle ,  de  médecine,  d'agriculture,  d'éco- 


56  JODRNAL  DES  SAVANTS. 

noria  d«  Puù.  II.  Lu  con-eclaiirs.  III.  La  cmnctîon.  IV.  La  correction  de*  Unes 


ïnaprimM  aor  mamucrils  ou  sur  copies  impriméea ,  d'antenn  TÏranti.  V.  I^  catnc- 
ùoo  doB  livras  imprimés  ^ar  ctniies  imraunées ,  (fanteors  morts.  Des  additions  el 
nclificatioiu,  et  une  table  anaiytiqDe  des  matières  remjdisftaot  les  60  dernières 
pa^.  Cet  Durrage  n'est,  jusqu'à  présent,-  ni  une  Ustoire  ni  une  théorie  complète  de 
l'imprimerie  ;  mais  l'anteur  ÎDstmit  par  une  longue  expérience ,  expose  avec  darté 
dea  Dotionf  nécessaires  A  ceux  qui  pratiquent  cet  art,  et  fort  utile  a  ceux  qui  l'em- 


nclificatioiu,  et  une  taUe  anaiytiqne  des  matières  remjdisi 

sa.  Cet  Durrage  n'est,  jusqu'à  présent,-  ni  une  Ustoire  ni  une  théorie  complète  de 

c  darté 

ploient.  Le  premier  chapitre  est  instinctif  par  les  édits ,  les  règlements  et  antres 
actes  qu'il  renferme ,  et  dont  qudques-uns  n'étaient  p<nnt  aases  connus.  Parmi  les 
obaervaliont  que  H.  Crapelet  y  a  jointes,  il  en  est  qu'il  avait  déjà  publiées,  et  dont 
l'exactitude  ne  nous  a  pas  semUé  incontestaUe.  Les  détails  historique» ,  lecneîllii 
dans  le  chapitre  intitulé  Iti  Correetmn,  seront  lut  avec  intérêt.  Le  troisième ,  [^us 
théorique  ,  a  peu  d'étendue ,  parce  que  les  idées  générales  qull  donne  de  la  correc- 
tion typographique,  doivent  être  dévdoppées  dans  les  doix  chapitres  suivants.  Il 
s'agit  surtout ,  dans  le  quatrième ,  des  reports  entre  les  auteurs  et  les  imprimefies 
H.  Crapelet  demande  des  copies  correctes  et  complètes  :  il  fait  sentir  les  inconvénjent» 
graves  des  changements  et  remaniements  ;  ils  sont ,  dit'il ,  foncièrement  •  nuisiUes 
•  aux  intérêts  &  tous,  de  l'imprimeur,  des  compositeurs ,  de  l'éditeur,  de  l'auteur 
■  et  du  public:  c'est  un  point  sur  lequel  on  ne  saurait  trop  insister.  >  On  apprend  ici 


que  le  cartUnal  Maury  a  exigé  jusqu'A  13  preuves  des  feuilles  de  l'un  die  ses  ou- 
vrages; et  que  tandis  que  le  prix  de  la  composition  ne  devait  s' âever  qu'à  i.aoofr. , 
ssfrtûsde  correction  montèrent  à  3,170.  Le  nouvel  usage  des  ^rBntiet-/)Wardi  est 


apprécié  en  ces  termes  :  (D'après  l'expérience,  c'est  nue  méthode  qui  entraîne  de 
■  nouveaux  embarras  ,  de  nouvelles  chances  d'iocorreclion ,  qui  augmente  les  dé- 

•  penses', ....  et  qui  favorise  la  négb'gence  des  anlears  dans  la  préparation  de  leur 

•  copie.  ■  Les  jugements  prononcés  daps  le  dernier  chapitre,  sur  les  éditions,  sur  les 
ouvrages ,  sur  les  écrivains,  seraient  susceptibles  de  discussions  que  nous  nous  abs- 
tenons d'entamer.  Ce  premier  tome  est  déjà  recommandaUe ,  et  le  second  pourra 
l'être  encore  plus ,  si  le  sujet  et  le  plan  de  1  ouvrage  y  sont  un  peu  mieux  déterminé*. 

Notice  sur  la  vie  el  Ut  oavraget  de  Ckarks  Botta,  par  M.  Mastrella.  Paris ,  imprim. 
de  H.  Foumier,  iSSy;  3a  pag.  10.-8'.  Ch.  Jos.  Guill.de  Boita,  né  à  SainKieoi^s , 
boui^  de  la  province  d'Ivrée,  le  6  novembre  1766,  est  mort  aParis,  le  10  août  1887. 
n  a  publié  les  ouvrages  intitulés  :  Storia  naturale  e  medica  deli'isola  di  Corlii  ;  Hi- 
lano,  anno  vu;  a  vd.  in-is.  —  Storia  délia  gnerra  deU'independenia  deg^i  Stati- 
Unîti  d'America.  Parigi,  1809  ;  h  vol.  în-8*  :  Milano,  1819  ;  4  vol.  în-S*  ;  histoire 
traduite  eu  français  par  M.  de  Sevelinges.  Paris,  181a,  i8i3;  4  vol  in.8*,  avec  pi.  el 


58  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

««idonvTi^où)'«iilMre»ayflraâepn»iTerqiie  *lea  tanp*ftDlédilnviem....onl. 
i  laChine  el  e»  Egipte  (sit^ .  une  chroocdc^te....  bien  àéatonttie.  Sei  croyances  reli- 
flteiuM  n'apfMTleroDt  auean  obstadc  à  set  recfaarches  ;  ta  BibU  u  étant  pat ,  «elonlui, 
tmuirée  pomr  h  c&nmob^i».— Dans  le  second  écrit ,  il  àsKead  de  l'an  4a  avant  l'ére 
nlgaîre jusqu'à l'ouvertore  dt cette  ère;  et  dadt^te  l'opinion  des  Bénédictios.de 
San-Qemenl6 ,  etc. ,  qui  jdacont  la  naiisaace  de  J.-C  Ji  b  sixième  année  avant  celle 
qoa  lui  assigne  notre  cnroïKria^e  nsoelle. 

Cowt^hutoiraïuKianjta,  professé  k  la  faculté  des  leUm  pu"  M.Ck.  Le  Normand: 
Introduction  a  l'histoira  de  l'Asie  occidentale.  Paiis,  imprimerie  de  Moquel ,  librairie 
d'Ange,  (637;  in'3*,  xi  etâSâpag.,  avec  un  tableau  des  pronoms  personnels  en  bé- 
bnu  et  en  ^^fptien  ,  eldeux  cartes  géogra^Mques.  Ce  volume  contient ,  apt^  un 
diacears  d'ouverture ,  sept  chapitres,  doalles  trois  premiers  traitent  de  la  conslkti- 
tin  de  l'Asie-  occidentale  ;  des  routes ,  raoes  et  langues  de  cette  contrée  ;  puis ,  de 
l'Asie  moderne  ;  et  le»  quatre  autre»  concernent  c«  qui  est  dit .  dans  le  chapitre  X 
de  la  Genèse,  des  trois  races  de  Sem,  Cham  etJapbet  En  terminant  cetta  Introduc- 
tiss  l'aotenr  iruft^oe  en  ces  termes  la  voie pAiloM^i^tiadanslaquelle  il  a  voulu  s'en- 
gager. ■Nieraujoord'hu*  les  résultats  de  la  physicdogie  ,  ce  serait  se  refuser  à  t'évi- 

•  denc«  ;  croire,  avec  quelques-uns ,  que  le»  progrès  de  cette  science  conduisent  en 
cUstove-  a  meonnaltre  pour  toute  loi  une  aveugie^falif^,  c'est  prononcer  an  Ua»- 
'  pllèniB  cOBtre  Keu  et  contre  la  science.  Ne  nous  inugiaons  pas  non  plus  que  la 
roannaisMace  de  la  coaeili«li<m  déËtiitive  des  lois  physiques  et  des  niceuités  mo- 

■  n^  «le  la  sociélé  puisse  4tre  obtenus  sans  persévérance  et  parla  seul  élan  d'une 

■  teseanlente  ver» l'étemelle  vérité.  La-  synthèie,  improvisée  quelquefois  par  les  pjus 
••gmide  génies ,  ne  montre  jamais  la  vérité  qu  entremdée  des  plus  graves  erreurs  ; 

•  aie  provoque  l'examen  ,  excite  l'attention  ;  mais  il  ne  lui  est  pas  donné,  de  con- 
I  vaincre  :1a  production  des  preuves est  du  ressort  del'ajui'yfB.  • 

Préev  d'hutoire  ancienne  ,  depuisHi'oHgine  des  empires  jusqu'à  l'èublissemenl  de 
la  domination  romaine  ,  par  M.  Ph.  Le  Bas,  mailre  des  conférences  à  l'École  Nur- 
male.  Paris,  imprimerie  et  libr.  deFirm.  Didol,  1837;  a  ïol,  inia.  vi,  56iet  ûgi 
pages.  Après  une  Préface  et  une  Introduction  où  les  récita  de  la  Genèse  sont  résu- 
més, l'ouvrage  est  divisé  en  1  a  livres.  I.  La  Chine ,  Vlude  et  l'IiigYpte.  11.  Populations 
araméennes  ou  sémitiques  (les  Sérient,  Jui&,.n]éniciena,  Carthaginois,  Assyriens), 
ITT,  Populations  iraniennes  (Bactriens,  Mèdes,  Perses).  IV.  La  Grèce,  avant  les  guerres 
médîqucs,  V.  Depuis  la  i"  guerre  raédkpie,  jusqu'au  commençaient  de  la  guerre 
d«-raoi»mièse.  Vï.  Histoire  de  cette  guerre  (Péridès,  Aidbiade.etc.).  VII-Lhégé- 


eO  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ioim  ;  par  M.  G.  Pauthier.  •  Seres  mites  quidem ,  sed  e(  ipsis  feris  peraimiles  ccplam 
■  reliquoram  niortalîum  fugiunt,  commercia  eipectant,  >  Plin.  Paris,  Firm.  Didot, 
1837;  in-8*,  4Q6peges,  à  a  colonnes,  avec  une  carte  géograph.  et  7a  gravures.  Ce 
vtdume,  qui  fait  partie  de  la  collection  iolilulée  l'f/niWrajjittoreifiie,  retrace  l'histoire 
des  3a  dynastie»  chinoise*,  et  y  joint  un  grand  nombre  d'observations  exposées  avec 
précision  et  méthodiquement  distribuées.  —  4rl. 'Pauthier  a  publié  en  même  temps 
Le  TaEiooala  Grande  Étade,  ouvrage  de  Khaaag-Foa-Tiea  {Confiicitis} ,  el  de  ion, 
£icipte  Tk>eng~Tiea;  traduit  en  Eratiçais ,  avec  une  version  latine  et  le  texte  chinoia 
eo  regard,  etc.  Paris,  Firm.  Didot,  1837  ;io&  pag.  in-8°.  On  doit  de  plu»  à  M.Pan- 
thier  la  traduction  des  Éaais  de  M.  H.  T.  ColÀnoke  lur  teMloti^ie  dei  Iniota.  La 
deuxième  partie  de  cette  version  vient  de  paraître  avec  dea  notes  du  Iraducleor. 
Paris,  impr.  do  Firm.  Didot  ;  lib.  de  Hachette,  1 8^7  -,  in-S*,  i  ga  pag.  La  [n^miére 
partie,  imprimée  depuis  4  ans,  a  été  annoncée  dans  notre  cahier  de  mai  i833 ,   - 

i»g.  318.319. 

Histoire  de  ï Europe  et  des  colonies  européennes  ,  depuis  la  guerre  de  sept  ans 
(■763),  jusqu'à  la  révolulion  de  juillet  iâJlo;par  feu  M.  Ê.G.  Lenglet,  président  à 
la  cour  royue  de  Douai  ;  précédée  d'une  notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  l'au- 
teur; par  M.  E.  Tailliar,  conseiller  à  la  raème  cour;  tom.  1".  Douai  ,  impr.  de  V. 
Adam  ;  libr.  de  Betramieui,  et  i  Paris,  cher  Pougin  ,  1837;  in-8'.  H  y  aura  cinq 
autres  tomes.  La  souscription,  à  raison  de  5  fir.  par  volume,  demeurera  ouverte  a 
Paris  et  à  Douai ,  jusqa'i  la  publication  du  6'.  Lenglet,  mort  en  i836,  avait  puUîé 
en  181a,  un  volume  in-8*(de  X  A  344  pag.},  intitulé  : /nfroi/ach'on  à  {'Aiffoire,  ou 
Recherches  sur  les  dernières  révolutions  du  globe,  et  sur  les  plus  anciens  peufJes 

CQDUUS. 

Du  lyttème  monitain  des  Franet  sous  les  deax  premières  races  \  par  M.  G,  Gné- 
rard,  membre  de  l'InsUtut.  Blois,  impr.  de  E.  Dèsairs,  1837  ;  3g  pag.  in-8°.  L'au- 
teur établit  ces  i4  propositions.  I,  Les  deniers  mérovingiens,  soit  qu'Us  fussent  de 
&o  au  sou  d'or ,  ou  de  la  au  son  d'ai^nt ,  étaient  de  même  espèce  et  de  même  va- 
leur. II.  Le  poids  moyen  du  Trient  fut  de  a4  grain» ,  et  celui  du  sou  d'or  de  7a 
grains.  III.  Le  denier  mérovingien,  qui  pèse  de  fait  11  grains  \,  devaitpeser  ao 
P"**"'  TîV-  ^V'  Deux  espèces  de  denier»  furent  en  usage  sous  le  roi  Pépin  :  une  du 
poids  de  ai  grains  |,  1  autre  du  poids  de  al  grains  environ.  V.  Deux  espèces  de  de- 
niers furent  en  usage  sous  Charlemagne  ;  la  première  venait  de  Pépin ,  ta  seconde 
était  nouvelle.  VI.  Le  système  monétaue  établi  par  Giariemagne ,  fut  maintenu  par 
sespremierssuccesseurs.  VII.  Sons  lesroisdela  1"  race,  lataUlefutde  absous  dan» 


M  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

figucée.  qadl«  qu^  KÙt  d'ameura  la  méthoda  par  laquelle  le  sujet  est  traité.  L'au* 
Ûnr  G0Bipmid  dooc  en  même  teinpi,  dana  son  onviase,  les  théories  que  nous  ont 
laissas  les  «Dcieas  et  t'application  foilspttf  Dossartes  de  l'algèbre  k  la  nprésentation 
An  cours  des  lignes  qudGOBaues.  M.  Qiaiks  disdngoe  cinq  ^>oques,  ou  jAutit  il 
MTtage  en  cinq  intenidle»  l'histoire  de  la  Géométrie.  Lapnoùer,  commençant  i 
itu^t,  comjveDd  les  conjectures  qu'on  a  formées  sur  les  découvertes  de  Pythàgore, 
ei  ce  que  nous  ont  appris  les  précieux  écrits  d'Ëudide ,  d'Archimède ,  d'Apcdlo- 
niui  :  il  M  termine  à  Enlocius ,  commentateur  des  deux  derniers,  qui  nous  a  con- 
serré  des  fragments  tirés  d'ouvrages  que  le  temps  nous  a  dérobés,  et  parmi  lesquels 
il  s-'en  trouve  de  Platon.  Ce  n'est  guère  que  par  des  commentateurs  que  l'Ecole  d'A- 
lenmdrie  s'est  fait  connaître  i  nous;  mais  a]Mrès  un  long  sommeil,  la  science  reprend 
ose  nouvelle  vie  dans  les  écrits  de  Viète ,  qui  commence  le  seoHid  intervalle,  lequel 
M  termine  aux  ouvrages  de  Grégoire  de  Sunl- Vincent.  Descartes  ouvre  le  troisi^e, 
4t  le  traité  de  Qairaul  sor  les  courbes  h  double  courbure,  fruit  précoce  de  l'ado- 
lescence de  ce  géomètre ,  marque  la  £n  de  l'intervalle.  Pour  Eormer  le  quatrième , 
l'aateur,  revenant  sur  ses  pas,  remonte  jusqu'à  la  découverte  du  calcul  inunitésimal. 
Enfin ,  le  dernier  intwr^e  commence  À  l'apparilioa  de  la  Géométrie  descriptive,  de- 
venue une  science  bien  déterminée  et  bien  importante,  non-seulement  pour  la  pra- 
tique des  arts,  mais  aussi  comme  moyen  puissant  de  recherches  dans  la  thénie 
des  ligues  et  des  surfaces,  depuis  que  Monge  l'avait  réduite  en  corps  de  doctrine 
«t  considéraUement  enrichie.  Bientôt,  MM.  Ch.  Dupin,  Briancbou,  Poncdet, 
Chasles,  (Hivier  et  d'autres  dèves  de  l'Elcole  pdytechnique,  auxquels  il  laul  associer 
Kf.  Gergonne  et  M.  Quelelet.  ont  beaucoup  agrandi  le  champ  de  ces  recherches,  en 
■e  créant  des  points  de  vue  nouveaux,  d'où  ils  ont  découvert  des  lois  générales 
très-fécondes.  Dans  l'exposition  des  faits  de  cette  histoire,  l'auteur  montre  beaucoup 
d'érudition ,  et  il  établit  entre  ceux  des  diverses  époques  des  rapprochements  re- 
marquables. Viennent  ensuite  des  notes  intéressantes,  parmi  lesquelles  je  citerai 
celle  qui  concerne  la  Géinnétrie  des  Indiens,  des  Arabes ,  des  Latins  et  des  Occiden- 
taux au  moyen  âge  (p.  4i6).  et  qui  ctmtient  (p.  46Â]  l'examen  d'un  passage  de 
la  Géométrie  de  Soéce,  relatif  à  un  nouveau  système  de  numération.  Dans  un  aussi 
ffvià  nombre  de  citations  ,  il  ne  peut  manqn»*  de  s'en  trouver  quelques-unes  d'in- 
exactes :  c'est  ce  qui  a  lien  pour  la  note  curieuse  marquée  a  ,  sur  la  page  8g.  11 
feut  :  9*  tivn ,  commgnlaire  tar  la  k'  définition,  pag.  6i  del'édilîou  latine  de  i&6o. 
L'ouvrage  est  terminé  par  un  Mémoire  très-étendu  sur  deux  principes  généraux  de 
la  science  :  la  dualili,  et  Vhamogmphie ,  déjà  indiqués  dans  la  5'  époque.  Le  premier 
que  M.  Poncelet  avait  reconnu  dès  ti^à,  dans  son  Mémoire  sur  la  méorie  génénde 


6&  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Watiâervm  anJ  ExcurtioM  îk  SomtK  Walu.  PromeDadei  «t  excunion»  dans  la 
NouT^e-Galles  du  aud,  par  Th.  Roscoe.  Londres,  Tilt,  1887 -,m-8*,  avec  AS  grav. 
Pr.  t  liv.  sL  8  sch.  6  d. 

lAfs  tfnr  Eiteard  Coke.  Vie  d'Ed.  Coke,  chef  de  ta  justice  sous  le  règne  de  Jac- 
ques IV,  avec  des  mémoires  de  ses  contemporains;  publiés  par  M.  W.  Johnson. 
Londres,  Colbum,  iSSy  ;  a  toI.  in-8*,  avec  un  portrait. 

The  Philotophy  of  Marriagt.  La  Philosophie  du  Mariage,  ses  relatioDS  sociales, 
nMmiles.  physiques,  mcdicaies,  etc.;  par  M.  Mîch.  Reyan.  Londres,  Churchill 
1837  ;  in-8'.  Pr.  6  sh. 

ChemUtry  at  applieâ  to  the  jine  ArU.  La  chimie  appliquée  aux  beaux-aris  ;  par 
H.  Bachbimoer.  Londres,  Carpenter,  1837  ;  io-8*. 

Calcutta.  —  Guldalah.  Niskal;  or  Nosegoy  of  pleasure,  a  collection  of  poetry 
persian  and  hindoustani  compiled  by  Moonhee  Muago-Lal. ,  i837;in-4°.  Poésie 
persane  el  Uiodoustane, 

Pbii:iADeu>B1i.  —An  Enay....  Essai  sur  le  Mais,  par  M.  Browne,  tSSy:  in-8*. 


Nota.  On  peot  s'adresser  i  Is  librairie  de  M.  LETUCLT,i  Paris,  raede  la  Hsrpe,n°  161  ; 
et  i  Strasbourg,  rae  des  Juifs,  pourie  procurer  les  divers  ooTTages  annoacés  dans  le  Joamal 
41m  SaooKb.  Il  fiiai  affranelùr  les  lettres  et  le  pris  pr^uiné  des  oDvrages. 


TABLE. 

Dltime  ricerdiB  snlle  forme  dei  Vaû  greci ,  da  Odoardo  Gerhard  [  troisième  arlide  de  M.  Le- 
tnmne] Page     5 

Le  DiwaD  d'Amro'lktds,  avec   une  Iradnction  et  des  notes ,  par  M.  Mac  Guckin 

de  Slane  (uticie  de  M.  SilvesU'e  de  Sacy) 11 

Discours  snr  la  coDslituiiou  de  l'esdavage  en  Occident,  par  M.  de  Saint-Paul 

(article  de  H.  Naudet  ] 31 


66  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

de  guerre  qui  commence  avec  le  genre  hmnain,  longtemps  le  plus 
fort  égorge  le  plus  faible ,  soit  pour  en  finir  avec  lui ,  soit  pour  assouvir 
sa  colère  quand  il  l'a  terrassé;  longtemps  on  massacre  les  captiÊ  de 
sang-fit>îd,  on  se  nourrit  de  leur  chair,  on  se  pare  de  leur  dépouille  , 
on  les  sacrifie  à  ses  dieux.  Plus  tard,  la  réflexion  enseigne  un  meilleur 
usage  de  k  TÎctoîre;  aulieu  de  tuer  le»  vaincus ,  on  les  garde  pour  tirer 
profit  de  leurs  facultés  et  de  leurs  forces,  pour  se  décharger  sur  eux 
du  poids  des  travaux  sans  lesqueb  il  n'y  a  point  de  subsistance  assurée. 
VoÛà  le  premier  pas  de  l'homme  barbare,  anthropophage ,  pour  s'ap- 
procher de  la  civilisation.  C'est  donc  dans  l'asservissement  du  prison- 
nier qu'on  découvre  la  première  forme  d'association  entre  hommes  qui 
n'étïlleot  pas  nés  du  même  sang. 

L'esprit  de  famille  était  d'abord  le  seul  lien  parmi  les  rares  habitants 
de  la  terre;  esprit  jaloux,  esdusif,  qui  disait  voira  chacun,  hors  de  la 
communauté  dujToyeret  de  l'autel ,  dans  tout  hon^me  im  étranger, 
dans  l'étranger  un  ennemi,  dans  l'ennemi  dompté  une  proie.  S'il  en  fut 
ainsi,  on  pourrait  dire  que  les  Romains  avaient  bien  conservé  le  sou- 
venir de  cette  farouche  hostâitédaus  leur  proveri>e:&omo  Wnini^noto 
est  lapas.  Lorsque  des  hommes  de  races  différentes  se  rencontrèrent , 
poursuit  fauteur,  ce  qui  dut  les  frapper  ce  fut  l'ensemble  des  carac- 
tères par  lesquels  la  nature  avait  marqué  la  diversité  de  leur  être  :  ne 
se  croyant  pas  de  la  même  espèce ,  ils  étaient  sans  pitié  les  uns  pour 
les  autres;  ils  ne  concevaient  point  de  pacte  fraternel  qui  pût  les  unir  ; 
Ceux  qui  succombèrent  furent  traités  comme  les  animaux  qu'on  pre- 
nait dans  les  bois.  Quand  les  notions  de  droit  qualifièrent  les  actions 
humaines  et  sanctionnèrent  les  institutions,  la  légitimité  de  fesclavage 
se  fonda  sur  la  division  des  races.  Selon  Aristote,  selon  Platon,  il  y  eut 
des  esclaves  par  nature,  c'étaient  les  barbares  ;  les  Grecs  ne  devaient 
point  réduire  des  Grecs  en  servitude.  On  fit  un  étemel  reproche  aux  ha- 


68  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

à  mesure  que  l'on  descend  au-dessous  de  la  civilisation ,  jusqu'à  l'état 
entièrement  sauvage ,  où  elles  endorent  toutes  les  fatigues  de  la  servi- 
tude et  sont  réduites  même  à  l'ofBce  de  bètes  de  somme.  En  même 
temps  que  sa  mère,  l'enfant  prit  son  rang  et  sa  place  dans  la  famille  ; 
progéniture  du  citoyen ,  espoir  de  la  maison  et  de  la  cité ,  et  non  plus 
créature  fortuite ,  inutile ,  incommode  à  une  troupe  errante  et  nécessi- 
teuse. Enfin ,  d  l'inégalité  même  de  l'association ,  établie  par  l'esclavage 
entre  les  vainqueurs  et  les  vaincus,  fut  à  l'origine  un  élément  actif  de 
u  pn^rès ,  en  pliant  chez  les  uns  ,  à  l'obéissance  et  au  travail,  des  na- 
«  tures  paresseuses  et  rebelles,  et  eu  imposant  aux  autres  l'obligation  de 
u  se  maintenir  par  la  valeur,  la  discipline ,  la  vigilance,  l'art  de  gouver- 
u  ner,  en  présence  d'un  ennemi  dompté ,  mais  toujours  prêt  à  briser  le 
«joug.  » 

Je  n'ai  pas  reproduit  textuellement  les  expressions  de  l'auteur,  si  ce 
n'est  dans  ces  dernières  lignes  ;  mais  je  crois  avoir  rendu  assez  fidèle- 
ment ses  idées  et  la  suite  de  son  raisonnement.  On  ne  s'étonnera  pas 
qu'ayant  considéré  son  sujet  d'un  tel  point  de  vue ,  il  soît  arrivé  à  des 
conclusions  très-opposées  à  la  doctrine  de  Montesquieu  sur  l'escla- 
vage. Nous  voudrions  qu'il  ne  l'eût  pas  critiqué  d'une  manière  si  tran- 
chante. Peu  importe  qu'on  dise  :  le  magnifitjoe  oavrage  de  Montes^uiea.  si 
ce  n'est  que  pour  féliciter  la  philosophie  moderne  d'avoir  mis  àna  Je 
grand  vice  du  magnifique  ouvrage ,  qu'on  assimile  à  un  tableau  (fim 
dessein  achevé,  (Tan  coloris  merveiileax,  mais  sans  perspective;  en  d'autres 
termes ,  c'est  un  livre  très-agréable  pour  la  forme ,  mais  superficiel  et 
peu  solide.  Quelle  est  donc  la  grande  erreur  de  Montesquieu  ?  C'est 
d'affirmer  n  que  l'esclavage  n'est  pas  bon  par  sa  nature ,  qu'il  n'est  utile 
ni  au  maître ,  ni  à  l'esclave  ;  à  celui-ci ,  parce  qu'il  ne  peut  rien  faii-e 
par  vertu  ;  à  celui-là,  parce  qu'il  contracte  avec  ses  esclaves  toutes  sortes 
de  mauvaises  habitudes  ;....  qu'il  devient  fier,  prompt,  dur,  colère  ',  » 
Une  autre  erreur  encore  de  l'Esprit  des  Lois ,  c'est  de  réfutw  les  maximes 


70  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

condition  des  esclaves  en  Chine  ^ ,  lequel  nous  apprend  qu'avant  la  dy- 
nastie àes  Tcheou  (xii*  siècle  avant  notre  ère  ) ,  il  n'y  avait  poÏDtd'es- 
daves  dans  ce  vaste  pays,  où  vivaient  déjà  plus  de  31,000,000  d'ha- 
bitants ,  régis  par  une  police  savamment  organisée.  Sous  cette  dynastie , 
l'esclavage  commenceparlapén^té,  est  appliqué  par  jugement;  ce  sont 
des  coupables  qui  deviennent  esclaves  du  gouvernement,  servi  pana, 
comme  disaient  les  jurisconsultes  Romains.  Neuf  siècles  plus  tard^  ,  le 
fondateur  de  la  dynastie  des  Hân  décrète  qu'il  ser»  permis  aux  gens  du 
peuple  de  vendii-e  leurs  enfants,  a  De  cette  onlonnance  ,  ajoute 
M.  Edouard  Kot,  date  devant  la  loi  l'existence  de  deux  sortes  d'es- 
claves, ceux  de  l'élat  et  ceux  des  particuliers.  »  Que  devient  ici  l'hypo- 
thèse qui  rapporte  à  la  guerre ,  à  la  guerre  des  hommes  de  races  diffé- 
rentes, comme  à  son  unique  origine,  l'institution  de  l'esclavage  t*  Et,  si 
nous  avions  pour  notre  Europe  des  monuments  historiques  d'une  aussi 
haute  antiquité  que  ceux  des  Chinois ,  l'histoire  ne  nous  montrerait-elle 
pas  beai^coup  d'exceptions  à  cette  règle  que  la  conjecture  seule  a  posée  ? 
L'autre  hypothèse ,  d'une  nécessité  absolue  de  la  priorité  de  l'es- 
clavage sur  le  travail  et  la  civilisation,  dans  l'ordre  des  temps ,  reçoit 
encore  un  démenti  notable  de  la  part  du  jeune  et  savant  orientaliste. 
H  est  donc  permis  de  penser  que  l'esclavage  n'était  pas  l'inévitable ,  fin- 
dispensable  apprentissage  du  travail  pour  l'homme.  Jamais  il  n'au- 
rait voulu  s'y  soumettre  dans  l'état  de  liberté  :  ainsi  pouvaient  rai- 
sonner les  maîtres  ;  mais  il  fallait  entendre  les  esclaves  ;  ils  auraient  bien 
eu  qudque  droit  de  réclamer  contre  la  terrible  éducation  qu'on  leur 
donnait  au  profit  de  leurs  vainqueurs.  Si  l'on  peut  avancer  qu'en  beau- 
coup de  pays  l'esclavage ,  à  son  origine ,  régularisa  le  travail ,  il  n'est  pas 
moins  probable  d'affirmer  qu'il  retarda  pins  généralement  les  progrès 
de  l'industrie  ;  que  la  facilité  de  multiplier  les  bras  des  esclaves  rendait 
les  hommes  libres  plus  insouciants  sur  les  secours  qu'on  pouvait  em- 
prunter à  la  science;  que  le  mépris  pour  l'ouvrier  était  cause  qu'on 


72  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

dition  des  esclaves  avait  été  modifiée  par  l'esprit  d'association  qui  dis- 
tingue éminemment  les  races  germaniques,  et  qui  consiste  dans  le  senti- 
ment de  l'utilité  qu'on  peut  se  procurer  par  les  autres,  j  oint  à  la  conscience 
du  droit  des  personnes ,  qui  le  règlç  et  le  tempère.  Mais  l'incident  nous 
détournerait  trop  loin  ;  il  vaut  mieux  suivre  le  discours  de  l'auteur. 
L'esclavage  individuel,  en  midtîpliant,  dans  les  rapports  de  la  vie  do- 
mestique ,  les  occasions  offertes  à  l'esdave  de  se  faire  valoir ,  de  se 
concilier  l'affection  ou  la  faveur  par  des  talents  utiles  ou  agréables ,  par 
des  qualités  morales,  quelquefois  même  par  des  vices,  habitua  les 
maîtres  à  des  sentiments  plus  doux,  à  des  idées  plus  humaines.  Il  y 
avait  aussi,  dans  les  dernières  classes  du  peuple,  tant  de  malheureux 
dont  la  misère  égalait  celle  des  esclaves,  que  la  limite  qui  séparait  les 
uns  et  les  autres  semBlaït  s'effacer.  C'étaient  surtout  les  progrès  de  l'in- 
dustrie, l'importance  du  travail  dans  la  vie  sociale,  qui  devaient  con- 
tribuer à  l'émancipation.  Comment ,  lorsque  la  richesse  donnait  aux 
états  leur  puissance ,  aux  particuliers  leur  rang  et  leur  prospérité,  au- 
rait-on persévéré  à  tenir  pour  éuangers  aux  droits  de  la  nature  humaine 
ceux  qui  non-seulement  exécutaient ,  mais  souvent  dirigeaient  le  travail, 
source  de  la  richesse?  De  plus,  l'infériorité  morale  du  plus  faible  cessait 
d'être  un  argument  spécieux,  à  mesure  que  les  fonctions  guerrières  se  . 
détachaient  des  prérogatives  et  des  devoirs  du  citoyen;  et  l'on  s'accou- 
tumait à  penser  que  le  travailleur  utile  pouvait  jouir  de  quelque  es- 
time et  revendiquer  quelque  dignité.  On  tirait  aussi ,  des  grandes 
catastrophes,  arrivées  dans  les  fortunes  publiques  et  particulières  ,  des 
leçons  qui  ébranlaient  dans  les  esprits  les  plus  obstinés  le  préjugé  su- 
perbe par  lequel  l'homme,  en  perdant  sa  liberté,  cessaJWêtre  homme. 
Les  philosophes  enseignaient  k  ceux  qui  voyaient  vendre  à  l'encan  les 
Platéens  jadis  proclamés  les  héros  de  la  Grèce,  les  Thébains,  arbitres 
naguère  du  Péloponnèse,  et  à  leur  tour  les  Macédoniens  conquis  par  les 
Romains ,  qu'au  milieu  de  cette  continuelle  incertitude  de  leurs  dcsti- 


74  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Je  n'ai  pafi  voulu  interrompre  l'analyse  de  cette  partie  de  la  disserta- 
tion ,  afin  qu'on  en  saisit  mieux  l'ensemble.  Ole  attache  par  des  obser- 
vations ingénieuse* ,  par  des  sentiments  élevés ,  par  '  une  érudition 
féconde.  Cependant  il  s'y  rencoutre  quelques  défauts  qui  affaiblissent 
les  impressions  et  qui  troublent  les  idées  du  lecteur.  M.  de  Saint-Paul  a 
bien  montré  la  lutte  des  deux  principes,  l'ancien  et  le  nouveau ,  cehiî 
de  l'esclavage  et  cdui  de  l'émancipation.  Mais  on  pourrait  lui  reprocber 
quelquefois  de  ne  pas  donner  une  idée  assez  nette,  assez  précise  de  la 
situation  des  choses  et  des  esprits ,  d'avancer  trop  l'amélioration  ,  et  de 
retourner  trop  en  arrière  tout  à  coup,  m^ant  le  monde  grec  au  monde 
romain,  citui  et  Socrate  et  Pindare  ' ,  après  avoir  allégué  Cicéron  ;  de 
sorte  qu'au  ^uieu  de  ce  flux  et  reflux  de  révolutions  diverses,  la  pensée 
demeure  flottante  et  incertaine  en  quelques  endroits ,  sans  discerner 
assez  eiactement  k  quel  point  on  en  est.  L'embarras  pourrait  de  t£mps 
en  temps  s'augmenter  à  la  vue  de  quelques  assertions  hasardées  ,  ou  de 
quelques  déductions  contestables  des  exemjdes  cités.  Il  est  diCBcile 
d'admettre  cette  proposition  :  «  Catim  amsi  Inen  ijue  César ,  Auguste  aussi 
bieo  qu'Antoine,  n'avaient  pour  principaïuc  agents  politiqaei  que  des  es- 
clemes,  ou  des  aflranchis^,  etc.  Caton,  par  caractère,  Auguste,  par 
prudence,  même  quand  il  fut  empereur,  pouvaient  employer  des  es- 
claves dans  leurs  aflaires personnelles,  privées;  jamais  ils  n'auraient 
voulu  qu'un  esdave  s'immisçât  dans  les  aS'aires  publiques.  On  nom- 
merait quelques  affranchis  jouissant  dès  If  tempede  la  république  d'une 
faveur  et  d'une  fortune  insolentes ,  tels  que  Démétrius ,  affi^nchi  de 
Pompée;  mais  aucune  intervention  d'esclaves  dans  les  intérêts  poli- 
tique^. M.  de  Saint-Paul  exagère  beaucoup  le  sens  d'un  passage  de 
Cicéron,  en  l'expliquant  ainsi  :  uVers  la  fin  de  la  république  la  classe 
«esclave  a  pris  enfin  tant  d'importance  dans  Rome,  qu'un  jour,  au 
«  miJîeu  du  sénat,  un  consul , celui  qu'on  nommera  bientôt  le 


I 


FÉVRIER   1858.  75 

échoppes»  t^hemœ  «  avec  le  produit  de  leur  labeur  quotidien,  ^uœstâs 
qaotidiani,  classe  nombreuse,  importante  ;  ce  qui  ^prouverait  que  le  tra- 
vail n*était  pas  aussi  étranger,  aussi  antipathique  aux  hommes  libres  des 
ordres  inférieurs  que  M.  de  Saint-Paul  paraît  le  dire,  lorsqu'il  ex- 
plique les  motifs  de  la  défection  qui  priva  les  Grecques  de  Tappui  des 
plébéiens.  En  effets  la  multitude  s-empressait  autocir  d'eux,  parce 
qu'ils  voulaient  lui  <listribuer  des  terres  à  cultiver,  et  les  patriciens 
firent  manquer  une  assemblée  où  devait  se  décider  le  sort  de  Caius,  parce 
qu  ils  choisirent  une  époque  de  Tannée  où  les  prolétaires  étaient  obli- 
gés de  se  louer  pour  les  travaux  de  la  moisson  dans  les  campagnes  de 
Rome  et  dans  lltalie.  Cette  vivacité  de  sentiment  qui  entraîne  quelque- 
fois Tauteur  un  peu  au  delà  du  vrai  dans  l'interprétation  des  témoi- 
gnages historiques,  le  porte  aussi  à  répandre  parfois  avec  excès,  sur 
son  style,  le  coloris  des  figures,  et  il  laisse  échapper  des  expressions 
qui  ne  sont  ni  assez  justes,  ni  assez  correctes  ;  par  exemple  :  «  Tous  les 
principes  de  l'esdâyage  sont  finis,  les  faits  et  les  idées  se  pressétrt  autour 
de  loi  pour  FétoufiRer  ;  les  mtsurs  le  foulent  aux  pieds,  «>  etc.  ;  ou  bien  :  «  le 
travail  repose  sur  l'esclavage»;  ou,  enoorîe  :  «  le  crédit,  le  salaire,  le 
travail  à  peine  sortis  des  Imges  de  leur  longue  enfance  »  ;  et  plus  loin  :  k  tous 
leurs-  désirs ,  tous  leurs  caprices  servis  et  complas,  » 

J'ai  fait  ces  remarques,  ainsi  que  je  lai  dit  dans  l'article  précédent, 
non  pas  pour  déprécier  l'ouvrage ,  que  j'estime,  mais  pour  engager 
l'auteur  à  ne  laisser  dans  la  forme ,  non  plus  que  dans  le  foild,  tien 
qui  nuise  aii  succès  que  doivent  avoir  ses  recherches.  11  sait  besfucoup  *, 
s'il  lainse  à  désirer  qu'il  sache  mieux ,  il  loi  reste  peu  d'efforts  à  faire 
pour  savoir  très-bien.  Et  son  style  n'a  besoin  aussi  que  d^une  révision 
un  peu  sévère,  qui  le  châtie  et  le  contienne,  pour  ajouter  à  l'énergie 
dont  il  est  animé  la  gravité  qui  sied  h  de  telles  questions ,  la  pureifé  qui 
fait  le  plus  bel  ornement  de  tout  langage. 

NAUDET. 


Apothegms  ofAlee,  the  son  ofAhoo  Talib,  Son  in  law  of  the  Moslim 
Lawgiver  Mahummid .  .  •  •  with  an  early  persiç  Paraphrase,  and 
an  english  Translation,  fcy  W"*  Yule  Major  J?.  /.  O  Serv.—^Le 
Apophthegmes  ^ Ali,  fils  ^Abou-Taieb,  gendre  d^  Mahomet,  k 
législateur  des  Masulnuins ,  • .  .  .  accompagnés  d'une  ancienne  pa^ 
raphrase  persane  et  d'une  iraduction  anglaise ,  par  le  major  W^ 


m 

lO 


76  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Yule ,  attaché  aa  service  de  la  Compagnie  des  indes  orientales. 
Edimboui^,  i83a;  Ss'pages  in-4°,  lithogr. 

A^j  M  i-^S'fc-Jlt  ^I  f^  tic  JUUl  — SententitB  Ali  ben  Abi  Taleb, 
arabicè  et  persicè,  è  codice  manascripto  Vimariensi  primus  edidit . 
atqae,  in  asum  scholantm,  annotationibat  maximam  partem  gram- 
maticis,  necnon  glossariis  imtraxit  Joan.  Gustav.  Stickel,  Theol. 
et  PkHot.  D.  in  Acad.  lenenti  prof,  extraord.  etc.  len»;  i83a  ; 
XV  et  80  pages  in-4°. 

<r^^  d'  C^  (^  r^  '^  '^^  ^  ^^^^^  "*'  -^^''^  h^^dert  Sprûche  ara- 
bisch  and  penisckparaphrasirt  von  ^esch.ïdeddinVJatv/aX,  nebsl 
eineia  doppetten  Anhange  arabiscker  Sprâche ,  herausgegeben  . 
àbersetzt  and  mil  Anmerkangen  begleitet  von  M.  Heinr.  Lebe- 
recht  Fleischer,  ord.  prof,  der  Orient.  Spracken  an  der  Univers. 
Leipzig,  etc.  —  Cent  sentences  d'Ali,  fils  d'Aboa~Taleb,  accom- 
pagnées de  paraphrases  en  arabe  et  en  persan,  /larRescfald-eddin 
Watwat,  suivies  d'an  double  appendice  de  sentences  arabes;  le 
tout  publié,  traduit  et  enrichi  de  notes,  par  M.  M.  H.  Leberecht 
Fleischer,  prof.  ord.  des  langues  orientales,  en  ^Université  de 
Leipsik,  etc.  Leipsik,  1837;  viij  et  i36  pages  in-4". 

Il  est  assez  remarquable  que  trois  personnes  se  soient,  dans  le 
court  espace  de  cinq  années,  occupées  de  la  publication  du  même  re- 
cueil de  maximes  et  de  sentences  morales,  attribuées  dans  l'Orient  à  Ali, 
fils  d'Abûu-Taleb,  gendre  et  quatrième  successeur  dcMabomet.  Si  c'était 
le  nom  vénéré  d'Ali  qui  eût  valu  cette  faveur  singubère  k  ce  recueil, 
il  y  aurait  lieu  de  s'en  étonner  :  car  il  y  a  tant  de  recueils  différents  de 
sentences  et  de  proverbes,  mis  sous  le  nom  d'Ali,  qu'il  est  asseï  naturel 


78  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

dans  la  vocalisation  de  ce  lexte.  L'ouvts^  étant  imprimé,  l'auteur  a 
reçu  de  M.  Fleischer  ta  copie  d'un  autre  manuscrit,  et  il  en  a  profité 
pour  indiquer,  i  la  suite  de  sa  pré&oe ,  les  côircctions  principfdes  que 
lui.foumiuaitla  coUation  de  ce  manuscrit.  Mai»  ee  secours  ne  s'est  pas 
étendu  jusqu'eux  voyelles,  qui,  sans  doute,  ne  se  trouvaient  point  dans 
le  manuscrit  de  M.  Fleischer.  Or  nous  avons  remarqué ,  dans  la  vncor 
Smtien  du  texte  arabe,  quelques  erreurs  qu'il  peut  être  utile  de 
ooiTiger. 

Ainsi,  par  exemple,  dans  cette  maxime  J^  AtH^K-^j^lf  M.  Stidcdlne 
devait  point  hésiter  k  lire  ^Â  au  nominatif,  quoique  son  manuscrit 
lui  offiît  ce  mot  à  l'accusatif.  Les  peines  qu'il  se  donne  pour  justifier  cet 
accusatif,  prouvent  qu'il  a  senti  lui-même  combien  ce  cas  était  dé- 
placé ici,  et  qu'H  n'a  hésité  à  Corriger  cette  fausse  leçon  que  par 
respect  pour  l'auto^i  du  manuscrit.  Rien  ne  peut  empêcher  ici 
que  ^  ne  soit  le  sujet  du  verbe  paiaiî  a^jCL,,^  ,  et  comme  on  dirait 
j  J^-*  «XwJ j^lf  per  bénéficia  m  servitntem  redises  ingennos,  on  doit 
dire  avec  le  verbe  passif,  ^  ùs^^aX^ittj^l*  ,  per  btneficia  in  servitatem 
redigenHr  ingenn. 

Un«  autre  faute  asses  grave ,  et  qui  9e  répète  fi^quemment,  est  rela- 
latîve  à  l'influence  qn'exeroe  sur  la  syntaxe  désinentielle  l'adverbe 
ilégatif  y  non.  M.  Stickel  a  eu  raison  d'apliquer  eux  sentéttces  1 3  et 
snivaMes ,  jnsques  et  compris  la  a 5*,  la  rè^e  qui  ex^e  que,  après 
radverbe  négatif  S  employé  comme  niant  l'existence  de  l'espèce 
entière,  ^yJ^  ^,  c'est-à-dire  comme  négation  absolue,  le  nom  sur  lequel 
tombe  la  négation  soit  mis  à  l'accusatif  sans  nonwition,  ou  pour  m'ex- 
primer  comme  les  grammairiens  arabes,  soit  jf^jJ)  ^  ^^i^  Mais  il  a 


FÉVRIER  1858.  79 

grammairiens,  est  jUt  ^^  négation  de  l'état,  ou,  ce  qui  revient  à  peu 
près  au  même,  nie  le  ({ualificatif.  En  effet,  quand  on  dit,  ^)  ^j^  ^ 

non  est  beneficentia  cnm  avaritia,  on  nie  absolument  que,  supposé  la  pré- 
sence de  ravarice ,  il  puisse  eiuster  de  la  bienfaisance  ;  mais  si  Ton  dit , 

^yixll  (ar*3^)  fj^^  '^^  est  nobiUtas  hancratior  pietate,  on  ne  nie  poiat 

qu*il  existe  une  noblesse,  mais  on  refuse  à  une  noblesse  quelconque  le  mé- 
rite d*ètre  plus  digne  d'estime  que  la  piété ,  et  il  est  évident  qu6  la  néga- 
tion ne  tombe  point  sur  pS',  mais  tombe  sur  le  qualificatif  ^^y^'  '  w-^S^' . 

Ce  n*est  donc  pas  sans  raison  que  les  Arabes  ont  distingué  ces  deux  ou 
par  deux  caractères  différents  dans  leur  syntsoie.  Dans  le  premier  cas» 
le  nom  qui  exprime  l'objet  sur  lequel  tombe  la  n^ation,  devient  indé*' 
eUnable,  on  le  met  à  Taccusatif  sans  nunnatwn;  dasis  le  second  il  se 
décline  et  se  met  à  l'accusatif,  en  conservant  sa  namaation.  Dans  les 
sentences  dont  il  s'agit  ici  on  ne  voit  point  la  njmwtion,  mais  c'est 
uniquement  parce  qu'elle  n'a  jamais  lieu  dans  les  a<\J4M>tifs  comparatifs 
de  la  forme  J^.  Elle  se  verrait,  s'il  ^e  trouvait  jun  adjectif  d'une 

autre  forme ,  si ,  par  exemple ,  on  disait  (fJi\  q^  |^ju^  >j»^  ^  ^ . 

Si  je  me  suis  un  peu  arrêté  sur  cet  article ,  c'est  que  je  crains  de  ne 
l'avoir  pas  assez  bien  développé  dans  ma  grammaire,  et  que  j'ai  cru 
être  agréable  à  M<  Stickel,  que  je  me  isouviens  toujours  avec  plaisir  et 
avec  un  vif  intérêt,  d'avoir  compté ,  il  y  a  quelques  années,  au  nombre 
de  mes  auditeurs. 

Je  passe  maintenant  à  l'ouvrage  de  M.  Fleiscber ,  qui  contient  beau- 
coup plus  de  choses,  et  est  aussi  d'une  plus  grande  importance.  On  y 
trouve  d'abord  la  même  collection  de  cent  maximes  qu'a  publiée 

^  Pour  faire  encore  mieux  sentir  la  différence  logioue  de  ees  deux  eoqprestÎQips ,-  il 
ne  sera  point  inutile  de  &îre  pemarqucr  que,  dan»  1  une  com^i^  dan^  Tikutrie^  Tat- 
tiiilmt  graiy^matical  est  Iq  y^rb^.  itr$^  qui^  en  arabe,  ^st  toujours  sous-çntendu  ;  mais 

que  dans  Unéga^n  abs<dpe  oa  négation  de  Tespèce  entière  ^^y$jJ^  ^,  le  verbe 

itre  tàlX  £[)nction  de  yçf^e  attributif,  c',est*%dîre  signifie  exista",  et  que  dans  la  néga- 
tion du  qualificatif  ou  de  Vèiat  J\JI  ^ ,  le  verbe  efrv  est  simplement  verbe  suhstûntif, 

ou  coqune  disent  qudques  grammairiens ,  ccptdag  c'est-à-dire  énonçant  Tunion  d*un 
sujet  à  un  attribut.  Dans  Tnn,  c'est  le  verbe  «ff  de  cette  phrase  non  est  Deas;  dans 
fautre,  e* est  le  vedbe  est  de  oeUchoi  non  êsi  Dm$  iimiUê  h^minii  Quand  Iqs  A^b^ 

disent  ^i  ^^  ^  \  la  négation  est  absolue  :  it  ifèst  point  do  bief^ùsano^jâveo  iVt- 

vairie0;  vms  quand  ils  disent  «^jiUil  (^^1  Ç^  ^  "  '^  Q^,gatiop  nô  tombe  que 
SUD  l'étactou  la  qniUficatif  t  ûtkwe  qvaiitè  mbk  n'mt  plm  hmoraffU  qae  la  piété. 


80  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

M.  Stickel.  Elles  sont  données  ici  d'après  un  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque royale  de  Dresde,  qui,  k  un  texte  plus  correct,  joint  encore 
plusieurs  avantages.  Chaque  maxime  est  suivie  d'une  explication  ou 
commentaire  fort  court,  mais  assez  élégamment  écrit,  d'abord  en 
arabe ,  puis  en  persan  ;  ensuite  viennent  deux  distiques  persans  qui 
expriment  la  même  pensée.  Tout  cela  est  accompagné  d'une  traduc- 
tion allemande. 

A  cette  première  collection  eu  succède  une  seconde  de  deux  cent 
quatre-vingt-deux   maximes,  rangées  alphabétiquement.  Ce    recueil, 

intitulé  JMI_^ ,  c'est-à-dire  Pertes  répandues,  est,  à  peu  de  chose 
près,  le  même  qui  occupe  la  première  place  dans  le  vdume  publié  à 
Oxford  en  1806,  et  dont  l'auteur  est  Cornélius  van  Wa'enen  :  ce 
savant  y  avait  joint  une  traduction  latine.  M.  Flebcber  a  souvent  ré- 
formé les  fautes  qui  s'étaient  pissées  dans  le  travail  du  premier 
traducteur.  Je  possède  un  exemi^aire  manuscrit  de  cette  collection ,  où 
chaque  maxime  est  suivie  de  deux  vers  persans,  qui  expriment  la  même 
pensée  ou  une  pensée  anak^e.  Si  j'eusse  été  instruit  du  projet  qu'avait 
formé  M.  FleiSiCher,  de  publier  ce  recueU,  je  me  serais  fait  un  plaisir 
de  lui  ccHjimuniquer  ce  manuscrit;  il  ne  renferme  que  deux  cent 
soixante-dix  maximes.  Le  texte  arabe  est  écrit  avec  beaucoup  de  soin, 
et  partout.accompagné  des  voyeHes, 

M.  Fleischer  a  encore  ajouté  une  petite  collection  de  vingt-neuf 
maximes  seulement;  viennent  ensuite  des  remarques  critiques  et 
grammaticales  sur  chacune  de  ces  trois  collections,  puis  deux  ùii^x,  l'un 
des  mots  arabes,  l'autre  des  mots  persans  qui  se  trouvent  dans  ce 
volume. 

Ce  n'est  rien  dire  de  trop  que  d'affirmer  que ,  sous  tous  les  points 
de  vue,    cette  nouvelle  publication  de  M.  Fleischer  mérite  d'être 


FÉVRIER  1858.  81 

taaaUks  extrêmement  fins  ;  Tun  et  Tautre  de  la  plus  grande  beauté. 
En  regard  de  chaque  page  du  texte ,  et  dans  des  compartiments  qui 
correspondent  à  ceux  qui  renferment  le  texte  arabe  et  les  vers  persans , 
on  trouve  la  prononciation  et  la  traduction  de  chaque  maxime,  la 
première  en  caractères  gothiques ,  la  seconde  en  caractères  d*écriture 
cursive.  Le  papier  est  alternativement  rose  et  bleu,  et  les  ps%es  de 
texte  sont  parsemées  de  fleurettes  et  d'autres  ornements  dans  le  genre 
oriental.  Cette  charmante  lithographie,  exécutée  àÉdimboui^,  repré- 
sente un  manuscrit  dû  à  un  calligraphe  nommé  Ahi-udiaiir ,  jds  XAhd- 
ahoahhab  Hoseîn.  B  est  impossible  de  voir  rien  de  plus  parfait  en  ce 
genre.  Ce  petit  volume,  destiné  à  montrer  quel  parti  on  peut  tirer  de  la 
lithographie  pour  multiplier  et  préserver  de  la  destruction  les  manus- 
crits les  plus  précieux  de  TOrient,  est  dédié  par  l'éditeur,  M.  le  major 
W.  Yule ,  à  madame  la  duchesse  d* Angoulême. 

Maintenant  il  faut  faire  connaître  quelques-unes  de  ces  maximes , 
qui  jouissent  d'une  si  grande  réputation  dans  TOrient. 

MJj  O^  «XjU  lUMJb  C3^  (at*  • 

K  Quiconque  se  connaît  soi-même ,  connaît  son  seigneur.  » 

Vers  persans: 

«Ton  âme  est  la  preuve  incontestable  de  l'existence  du  Dieu  digne 
«  de  louanges  ;  quand  tu  connais  ton  âme ,  tu  sais  qu'elle  est  créée , 
«  et  qu'elle  a  Dieu  pour  créateur.  » 

Autre  : 

«  L'homme  est  caché  sous  sa  propre  langue.  » 

Vers  persans  : 

«L'homme  était  caché  sous  la  langue  ;  alors  qu'il  vient  à  parler, 
«  on  le  connaît.  Parle-t-il  bien ,  on  dit  qu'il  est  sage  ;  parle-t-il  mal ,  on 
u  l'appelle  sot.  » 

11 


4 

1 
1 


82  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Autre  : 

«  Avec  des  bienfaits  on  se  fait  un  esclave  de  l'homme  libre.  » 
^  Vers  persans  : 

«  Veox-ta  qoe  les  princes  da  monde  baissent  la  tête  devant  toi  >* 
u  exerce  des  actes  dliunuuiité  ;  car,  en  exerçant  Hnunanîté ,  on  fait  an 
«  esclave  de  l'homme  libre,  n 

Autre: 

«  La  peur  dans  l'adversité  est  le  dernier  Ae^  du  malheur.  » 
•  Vers  persans: 

»  Dans  l'adversité ,  garde-toi  de  l'abandonner  à  la  crainte  ;  car  la 
«crainte  rendra  ton  cceur  complètement  mdbeureux.  Il  n'est  aucune 
u peine  plus  complète  que  cela,  puisque  par  là  tu  te  prives  des  ré- 
«compenses  divines. n 

Autre  : 
JjJU  .1»,  il 
K  II  n'y  a  point  de  fidélité  à  attendre  de  l'homme  au  caractère  cha- 
«grin.» 


FÉVRIER  1858.  85 

Autre: 

«L'homme  à  qui  l'on  demande  quelque  chose,  est  libre  jusqu'à  ce 
«qu'il  promette. 

,  Vers  persans  : 

«^-■i)  i>â^.^  •yjSj^  tj^jufti        >^—  »■■■■*■  Li^  éjjjTjtm-  li*Jit* 

«L'homme  à  qui  l'on  demande  quelque  chose,  s'il  ^t  une  pro- 
«  messe,  ae  jette  lui-même  dans  unepostioo  douteuse;  car  il  est  libre , 
u  (c'est-à-dire  il  se  conduit  en  homme  bien  né),  s'il  marche  dans  la 
«route  de  la  bonne  foi;  Q  n'est  point  libre,  s'U  suit  le  sentier  de 
(lia  mauvaise  foi. a 

Assurément  la  maxime  «rabe,  dans  son  édégante  concision,  est 
plus  claire  que  la  paraphrase  persane,  et  ce  qu'il  y  a  de  surprenant 
c'est  que  l'auteur  du  commentaire  persan  prétend  que  cette  maxime 
peut  s'entendre  dé  deux  manières.  La  première  est  ceÛe  qui  se  présente 
naturellement  à  l'esprit,  c'est  que,  quand  on  promet,  on  se  lie  par  un 
engagement  qu'on  n'est  plus  libre  de  rompre.  «Mais,  ajoute  le  com- 
amentateur,  on  peut  eacore  donner  à  cette  maxime  un  autre  sens 
«  que  voici  :  Tact  qu'un  homnie  de  qui  on  sollicite  une  faveur , 
«  n'a  point  fait  une  promesse  et  n'a  point  engagé  sa  parole,  le  soUicî- 
uteur  parle  de  lui  -cmame  d'un  homme  libre,  c'est-i-dire ,  comme 
u  d'un  homme  distingué ,  et  l'appdle  de  ce  nom  ;  mais  H  n'a  pas 
u  plutôt  promis  et  donné  sa  parole,  que  le  même  homnie  ne  sait  plus 
«  que  penser  de  sa  noblesse,  et  est  incertain  s^  doit  le  regarder  comme 
«  une  personne  bien  née  ;  il  attend  donc  l'érénement  pour  se  décider. 
«Accomplit-il  u  proonesse,  il  eat  un  homme  libre;  dans  le  cas«on- 
«  traire,  il  ne  l'est  point» 

On  voit  que  l'auteur  des  vers  persans  a  adopté  cette  interpréta- 
tion, assurément  bien  peu  naturelle.  Au  reste,  les  commentateurs  de 
rOriest  ressemblent  à  bien  d'autres  qui  ne  sont  ni  Arabes  ni  Persans, 
et  qui  ont  pour  habitude  ée  chercher  mdum  in  sciqn. 

Je  dois  &ire  ici  une  observation  sur  l'orthographe  vicieuse  que 
l'éditeur  a  adoptée  daos  le  mot  *) ,  qu'il  a  écrit  deux  fois  '*j ,  pour  indi- 
quer le  rapport  J^annexion  ou  **Wt,  où  se  trouve  ce  mot  avec  le 
nom  qui  le  suit.  U  est  sans  doute  qu'il  faut  prononcer  r^hi;  mais  ce 
n'est  pas  une  raison  pour  faire  écrire  ici  hamza;  ce  signe,  qui  sert  de 


84  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

support  au  Iresra  d'annexion,  ne  doit  s'employer  après  le  •  final  que 
quandcettelettreneseprononcepoint,et  ence  qu'on  appeUe(f«i»)  »U, 

comme  dans  •>Jkf—KUiS'—  KLmy>>,  etc.  Mais  après  le  •  de  —  tS"—  «^ 

•^  —  JUS  et  autres  mots  semblables ,  lorsqu'ils  sont  les  antécédents  d'un 

rapport  d'annexion,  on  ne  doit  point  laire  usage  du  hamza,  pas  plus 
qu'on  n'en  ferait  usage  après  «l^  — «Uî  — «j^^,  et  après  toute  autre  con- 
sonne. 

Je  ne  citerai  plus  qu'une  seule  maxime,  exprimée  d'une  manière 
concise  et  énei^que  : 

H  Le  désespoir  est  libre,  l'espérance  est  esclave. 
Vers  persans: 

^:A A  JA tj  tf>t>T(;y; — ,      A — n — «1  jj  w*-»*»-û  ■H^-'jS^ 

j^aljTJ c  <M m!tj\  ^ala       ^p — -^-*j*  <>»-*-•'  ylûiA^jj 

u  Si  tu  renonces  à  rien  espérer  des  hommes ,  ton  corps  sera  libre  et 
«ton  cœur  joyeux;  mais  si  tu  fondes  ton  espoir  sur  eux,  tu  laisseras 
«  échapper  de  ta  main  l'honneur  de  la  liberté,  m 

M.  Fleischer  a  fait  quelquefois  usage  du  xoesh  arabe  sur  r^Ii/ du  verbe 
persan  ui*-»t ,  sans  doute  pour  indiquer  l'élision  de  cette  lettre.  Je  crois 
cela  sans  exemple. 

Xai  remarqué  dans  le  commentaire  de  la  3  6*  maxime  (jï^I  pour  ^t  : 
c^est  sans  doute  une  iaute  d'impression. 

Dans  la  39*  maxime,  je  soupçonne  qu'il  s'est  glissé  une  faute  dans 
ces  mots  :  « Ajjla  ^t.  U  JUj  •  AjjlÀS'JU  jt  jï**.  B  n'est  pointvraisem- 
blable  que  le  mot  JU  ait  été  employé  deux  fois  par  l'auteur  dans  les 
deux  membres  parallèles.  On  pourrait  substituer  JW  à  jU  dans  le 


FÉVRIER   1858.  85 

Zur  Gemmenkunde  ;  antike  geschnittene  Steine  vom  Grabmahl  der 
Heiligen  Elisabeth  in  der  nach  ihr  genannten  Kirche  zu  Marbarg 
in  Kar-Hessen;  archàologische  Abhandlung,  von  Fr.  Creuzer,  etc. 
Pag.  1-2 1  a,  avec  cinq  planches  gravées.  Leipzig,  1 834;  in-8°. 

Le  livre  dont  nous  venons  de  transcrire  le  titre  en  tête  de  cet  article  se 
recommande  doublement  h  Tintérêt  du  public  par  son  sujet  et  par  le  nom 
de  son  auteur.  Mais  pour  ceux  mêmes  de  nos  lecteurs  qui  sont  habitués 
depuis  longtemps  à  regarder  M.  Creuzer  comme  l'un  des  premiers  phi- 
lologues de  TEurope ,  comme  le  savant  de  notre  âge  qui  a  porté  dans 
l'étude  des  religions  anciennes  le  plus  de  vues  neuves  et  profondes, 
un  livre  tel  que  celui-là ,  qui  traite  des  pierres  gravées  employées  à  l'or- 
nement de  la  châsse  de  sainte  Elisabeth  de  Marbuig,  doit  être  un  su- 
jet de  surprise,  qui  ajoute  encore  au  sentiment  de  la  reconnaissance. 
Effectivement,  c'est  encore  aujourd'hui  en  Allemagne  une  assez  rare 
exception  que  de  voir  les  hommes  voués  aux  études  philologiques 
chercher  à  acquérir  l'intelligence  et  la  pratique  des  monuments  figu- 
rés. L'exemple  de  l'illustre  Boettiger  a  trouvé  bien  peu  d'imitateurs, 
et  la  place  qu'il  occupa  longtemps  dans  l'archéologie  allemande, 
est  encore  vacante.  Si  quelques  philologues  de  profession,  comme 
M.  Thiersch  et  M.  Jacobs ,  ont  su  joindre  à  un  mérite  du  premier  ordre 
en  ce  genre  d'études  les  connaissances  de  l'antiquaire,  c'est  un  avan- 
tage qu'ils  ont  dû  à  la  circonstance ,  qui  avait  placé  l'im  près  des  musées 
de  Munich,  l'autre  à  la  tête  du  cabinet  de  Gotha.  Mais  l'école  de  Leip- 
zig, mais  celles  de  Goettingue,  de  Heidelberg,  et  même  de  Berlin,  des- 
quelles il  sort  chaque  année  de  nouvelles  et  nombreuses  générations  de 
philologues ,  sont  restées  presque  tout  entières  en  dehors  du  progrès 
des  études  archéologiques  ;  et  les  noms  d'un  Welcker,  d'un  Ottfried 
IVfùller  et  d'un  Éd.  Gerhard,  résument  à  peu  près  en  eux  seuls  tout  ce 
que  cette  Allemagne,  si  studieuse  et  si  féconde  en  fait  de  philologie,  ren- 
ferme d'illustres  antiquaires ,  en  même  temps  que  de  savants  philolo- 
gues. La  principale  cause  d'une  pareille  direction  des  études  tient  sans 
doute  à  la  rareté  des  collections  archéologiques ,  qui  se  trouvent  dissé- 
minées dans  quelques  capitales,  conmie  Vienne,  Munich,  Dresde  et 
Beriin ,  et  qui  n'ofirent  presque  nulle  part  la  réunion  des  monuments 
et  l'ensemble  des  ressources  qu'exige  l'étude  approfondie  de  l'antiquité 
figurée.  Mais  si  cet  incom^énient,  qui  était  bien  plus  grave  au  temps  et 
dans  la  patrie  de  Lessing,  n'empêcha  pas  cet  homme  supérieur  de  con- 
naître l'antiquité ,  qu'il  était  presque  réduit  à  deviner  d'après  de  mau- 


«6.  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

vaises  estampes ,  on  s'explique  difilcUement  comment ,  avec  des  musées 
aussi  riches  que  cetnt  de  Dresde,  de  Berlin  et  de  Munich-,  avec  des  col- 
lections de  médailles ,  de  pifsres  gravées  et  de  vaaes  peants ,  teUes  qu'il 
en  existe  k  Vieune,  k  Munich,  Â  Gotha,  k  Berlin-,  avec  la  ressource  àea 
empreintes,  qui  sup{djéentan  défaut  de  moauments  originaux,  et  avec 
celle  des  livres,  qui  peuvent,  jusqu'à  un  certain  point,  tenir  lieu  des 
uns  et  des  autres,  à  une  époque  comme  la  nôtre,  où  la  description  et 
la  représentation  des  monuments  figurés  s'exécutent  généralement 
d'une  manière  bien  plus  exacte ,  bien  plus  conforme  au  caractère  de  l'an- 
tique, que  cela  n'avait  lieu  dii  temps  de  Leasing  et  mêmedeHeynei  on 
s'explique,  dis-je,  difiOcïlemeot,  commoit,,  avec  de  pareils  avantages, 
l'Allemagne  presque  tout  entière  s'opinîâtre  dans  les  anciennes  voies 
d'une  philologie  qui  s'épube  sur  elle-même ,  sans  essayer  de  se  retrem- 
per aux  sources,  de  jour  en  jour  plus  fécondes  et  plus  abondantes,  de 
l'archéologie. 

Et  néanmoins,  il  est  bien  évident  que  l'intelligence  de  l'antiquité,  tdUe 
qu'on  peut  l'acquérir  par  l'étude  des  textes  classiques,  est  toujours  plus  ou 
moins  imparfaite,  tant  que  l'on  n'y  joint  pas  ia  connaissance  des  monu- 
ments figurés.  U  n'est  sans  doute  pas  de  témoignage  historique  plus  sûr, 
plus  authentique,  plus  original,  qu'une  médaille  grecqne;  un  vase  peint 
est  toute  une  page  d'antiquité ,  aussi  bien  qa'un  teste  de  Platon  ou  de  Dé- 
mosthène;  et  c'est  un  texte,  souvent  d'une  interprétation  moins  di£Bcile, 
et  toujours  bien  moins  suspect  d'altération;  un  bas-relief,  enfin,  est  un 
drame  tout  entier,  qui  peut  nous  rendre  une  tragédie  perdue  de  Sophocle 
ou  d'Euripide;  et  la  philc^ogie,  réduite  à  elle  seule  et  à  ses  propres  res- 
sources, ne  peut  prétHidre  à  se  rendre  compte  du  génie  de  l'antiquité, 
où  l'art  était  si  intimement  lié  à  tout  le  système  de  la  civilisation,  qu'il 
lui  servait  comme  de  seconde  langue ,  qu'il  en  était  l'expression  gra- 
phique ,  de  même  que  la  littérature  en  était  l'expression  écrite  et 
parlée.  Je  ne  voudrais  d'autre  preuve  de  cette  însuîlisance  de  la  phi- 


FÉVRIER  1838.  87 

de  868  étude»»  de  la  coiiDais8ance  des  monuments  figurés,  qui  sont 
aussi  des  textes  classiques ,  et  des  textes  d'une  valeur  et  d*ùne  autorité 
incontestables. 

L*auteur  du  livre  que  nous  nous  proposons  de  faire  connaître  à  nos 
ftcteurs  a  suivi  dans  ses  travaui  une  marche  toute  différente.  Initié  de 
bonne  heure  à  tous  les  secrets  de  la  philologie  grecque  et  latine,  et  tou» 
jours  exercé  sur  ce  terrain,  où  il  est  devenu  Tun  des  maîtres  de  la 
science ,  M.  Greuzer  a  senti  que  pour  acquérir  Imtelligence  intime  et 
complète  du  génie  grec ,  surtout  dans  le  domaine  des  idées  religieuses , 
qui  formaient  presque  tout  le  fond  de  la  vie  sociale  des  anciens  peuples, 
fl  Êillait  y  joindre  là  connaissance  des  monuments  figurés.  C'est  ainsi 
que  le  savant  interprète  des  fragments  des  plus  anciens  historiens  grecs, 
l'éditeur  d'Hérodote,  de  Produs  et  de  Plotin,  est  devenu  un  antiquaire 
de.  profession,  formant  ime  coUection  de  médailles\  rassemblant  des 
empreintes  de  pierres  gravées  et  des  plâtres  de  statues  et  de  bas-re- 
lie&,  recherchant  jusqu'aux  moindres  débris  de  vases  peints;  et,  k  dé* 
Êiut  des  musées  qui  manquent  dans  sa  petite  ville  de  Heidelberg,  fai- 
sant de  sa  maison  même  un  sanctuaire  de  l'antiquité,  où  l'art  et  la 
langue  des  Grecs  sont  représentés  par  un  choix  de  leurs  plus  belles 
productions,  et  où  la  science  des  livres  et  celle  des  monuments  se  prê- 
tent un  mutuel  appui.  C'est  de  cette  manière  que  l'illustre  auteur  de  la 
Symbolique  s*est  rendu  capable  d'écrire  sur  les  Vases  peitUs^  avec  autant 
d'expérience  dans  ce  genre  d'études  qu'aurait  pu  le  faire  un  interprète 
des  vases  de  Tischbein,  tel  que  Boettiger  ;  qu'il  a  pu  produire,  5ar  les  Anti- 
quités romaines  des  bords  du  Rhin^,  un  livre  où  l'on  retrouve  tout  le  savoir 
ultramontain  d'un  Labus  et  d'un  Cavedont;  et  qu'il  vient  enfin  de  nous 
donner,  sur  les  Pierres  Gravées,  un  autre  livre,  qui  ne  laisserait  rien  à  re- 
prendre ou  à  envier,  en  fait  de  savoir  bibliographique  et  de  connaissance 

^  ladépendamment  de  la  collection  de  médailles  du  séminaire  philologique ,  à 
la  formation  de  laquelle  M.  Greuzer  préside  depuis  plus  de  a 5  ans ,  et  dont  M.  J.-Â. 
Brummer  vient  de  publier  le  catalogue  raisonné ,  dans  une  Prolusio  œntinens  recen- 
mnem  Graconan  Nunu)rum  qui  a£erv€aitttr  in^Academico  Antiquario  Creuzeriano, 
cet  iHustre  professeur  possède  un  choix  considérable  de  médailles  antiques ,  dans  le 
nombre  desquelles  il  en  est  plus  d*une  d^ioédite  ;  c*est  ce  que  je  lis  dans  cette  Pro^ 
Ituio,  p.  III,  a).  —  '  Ein  alt-Athsnisches  Gefàss  mit  Malerei  and  Inschrift,  hekannige- 
madit  und  erklârt  mit  Anmerkungen  àher  dièse  Vasengattang ,  von  D'  Fr.  Greuzer, 
Leipzig,  i83a.  Il  faut  joindre  à  cet  ouvrage,  d*une  érudition  aussi  solide  que  variée, 
une  dissertation  du  même  auteur,  de  vascalo  Herculem  Buzygen  Minœmqae  exhi- 
iente,  insérée  dans  les  Annal,  de  VInstit.  archéoL  t.  VU,  p.  oa ,  suiv.;  sans  compter 
phisieurs  articles  sur  divers  vases  peints,  publiés  dans  les  Annales  littéraires  de 
Vienne.  —  '  Zur  Geschichte  alt-Bômischer  Cultur  am  Ober^Bhein  and  Neckar,  von 
D^  Fr.  Greuzer,  Ldpâg,  i833. 


%      ! 


88  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

pratique,  àlliabîleté  consommée  d'un  Koehleretd'un  Toelken.  Je  m'as- 
socie donc  complètement  au  jugement  qu'a  porté,  sur  ce  nouvel  ouvrage 
de  M.  Creuïer ,  un  jeune  et  savant  antiquaire ,  qui  vient  de  faire  un  dé- 
but brillant  dans  la  carrière  de  l'archéologie  par  un  livre  plein  de  savoir 
et  dégoût,  d'imagination  et  de  talent;  et  je  pense,  avec  M.  le  docteuf 
Feuerbach',  que  cet  ouvrage,  dû  k  la  plume  infatigable  de  l'auteur  de 
la  Symholûfoe  et  de  l'éditeur  de  Plotîn,  est  un  des  livres  d'antiquité,  pu- 
bliés de  nos  jours,  qui  aura  le  plus  contribué  k  avancer  la  connaissance 
des  pierres  gravées,  en  même  temps  qu'on  y  trouve,  sur  une  foule  de 
questions  accessoires  qui  y  sont  traitées,  ces  aperçus  d'une  érudition 
toujours  variée  et  toujours  profonde,  ces  corrections  de  passages,  ces 
rectifications  de  textes  grecs  et  latins,  que  M.  Creuzersèmc  avec  pro- 
fusion dans  tous  ses  écrits.  —  Le  principal  objet  du  livre  dont  nous 
rendons  compte ,  étant  de  faire  connaître  un  certain  nombre  de  pierres 
gravées,  d'un  plus  ou  moins  grand  mérite,  sous  le  rapport  de  l'art, 
mais  toutes  d'une  authenticité  indubitable,  nous  ne  nous  arrêterons 
pas  à  l'introduction  de  ce  livre,  où  l'auteur  a  exposé,  sur  l'usage  des 
pierres  gravées  dans  l'antiquité ,  et  sur  les  nombreuses  difBcultés  qu'a 
suscitées  dans  ce  genre  d'études  la  coupable  industrie  des  faussaires 
modernes,  quelques  notions  générales  qui  résument,  dans  un  petit 
nombre  de  pages,  à  peu  près  tout  ce  que  nous  possédons  à  cet  égard 
de  faits  acquis  h  la  science  et  suffisamment  éprouvés  par  la  critique.  Le 
seul  reproche  que  je  me  permettrais  peut-être  de  Ëitre  à  M.Creuzer,  ce 
serait  d'avoir  accordé,  à  l'opinion  de  M.  de  Koehler,  qui  condamne  ou 
qui  interprète  presque  toujours  arbitrairement  les  inscriptions  des 
pierres  gravées,  une  confiance  qu'elle  ne  semble  pas  mériter,  et  que 
tout  récemment  M.  Toelken  a  réduite  à  sa  véritable  mesure.  L'article 
qui  suit,  et  qui  est  consacré  à  la  description  du  monument  de  sainte  Eli- 
sabeth de  Marbui^,  ne  mérite  d'être  signalé  à  l'attention  de  nos  lec- 
teurs ,  qu'à  raison  de  la  circonstance  qui  fit  employer  h  l'ornement 


FÉVRIER  1858.  89 

réduit,  plus  encore  peut-être  qu'aucun  des  autres' arts  d'imitation,  à 
une  routine  aveugle  et  ignorante,  les  pierres  gravées  qu'il  était  d usage 
d'employer  à  Tomement  dès  vases  sacrés  et  des  vêtements  pontificaux, 
des  couvertures  de  missels  et  des  châsses  de  saints,  n'étaient  et  ne  pou-  ^ 
vaient  être  que  des  œuvres  de  la  glyptique  antique,  la  plupart  rappor- 
tées de  l'Orient  par  le  mouvement  des  croisades,  et  appliquées  par 
l'effet  d'un  zèle  plus  pieux  qu'éclairé  h  un  usage  chrétien ,  avec  une  si- 
gnification chrétienne  :  erreur  très-innocente,  d'ailleurs,  qui  ne  chan- 
geait rien  au  sens  ni  à  la  valeur  des  monuments,  et  qui  avait  de  plus  l'a- 
vantage d'en  empêcher  la  mutilation  ou  la  perte.  La  châsse  de  sainte 
Elisabeth  de  Marburg,  construite  en  bois  de  chêne  revêtu  de  lames 
d'argent  doré,  se  trouva  donc  ornée,  sur  ses  quatre  faces,  de  peiies  et 
de  gemmes  de  toute  dimension  et  de  toute  espèce,  saphirs,  émeraudes, 
améthystes,  hyacinthes,  cristaux f  onyx,  chalcédoines,  coiTialines,  des- 
quelles  il  en  restait  encore  en  place  hait  cent  vingt-quatre,  tant  intailles 
que  camées,  toutes  de  travail  grec,  romain  ou  oriental,  lorsque  ces  pré- 
cieux monuments  de  l'art  antique ,  qui  n'avaient  rien  perdu  pour  avoir 
été  consacrés  parla  piété  des  siècles  du  moyen  âge,  se  trouvèrent  ex- 
posés ,  dans  le  nôtre ,  aux  atteintes  d'un  zèle  qui  n'avait  rien  de  com- 
mun ni  avec  la  dévotion  ni  avec  la  science. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  raconter  comment,  dans  le  cours  des  évé- 
lyments  qui  signalèrent  l'année  1810,  la  châsse  de  sainte  Elisabeth 
fut  dépouillée  de  toutes  ses  pierreries,  et  comment,  dans  le  transport 
de  cette  châsse  â  Cassel,  chef-lieu  du  nouveau  royaume  de  Westphalie, 
la  plupart  de  ces  pierres  gravées  se  dispersèrent  en  des  mains  infidèles. 
Je  dirai  seulement  que,  dans  ce  grand  désastre,  ce  Ait  du  moins  une 
sorte  de  consolation  pour  la  science,  que  des  empreintes  de  quelques- 
unes  de  ces  pierres  aient  pu  être  prises  av^  soin  sur  les  originaux,  au- 
jourd'hui égarés  ou  perdus;  car  ce  sont  ces  empreintes,  au  nombre  de 
trente-cinq  seulement,  qui,  transmises  alors  à  M.  Creuzer,  et  fidèlement 
dessinées  et  gravées  sous  ses  yeux,  se  trouvent  désormais,  par  la  publi- 
cation qu'en  vient  de  faire  ce  savant  illustre ,  assurées  contre  toute  ac- 
cident: faible  débris,  sans  doute,  d'un  trésor,  dont  la  perte,  irrépa- 
rable pour  la  science,  n'a  profité  à  personne.  C'est  à  peu  près  le  même 
sort  qu'éprouva,  vers  la  même  époque,  la  châsse  des  Trois  Rois  de  Co- 
logne, qui  était  aussi  enrichie  d'un  grand  nombre  de  belles  pierres  gra- 
vées, de  to^avail  antique  :  si  ce  n'est  qu'il  ^gj^vait  été  publié  \  en  1 78 1 , 

^  Cet  ouvrage  fut  publié  en  deux  éditions,  Tune  allemande,  Fautre  française, 
avec  les  mêmes  planches.  Les  sept  premières  de  ces  planches  ofirent  le  plan  et  la 


90  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

k  Bonn,  une  description  accompagnée  de  ptiuicfaes  renfermant  ia  gra- 
vure de  aa6  de  ces^monuments  de  la  glyptique  grecque  et  romaine. 
Mais  ce  livre,  dont  M.  Grcuzer  n'a  eu  connaissance  qu'après  la  composï- 

.  lion  du  sien,  et  qu'il  ne  cite  tpit  sur  la  notice  qu'il  en  devait  à  notre  com- 
mun ami,  M.  le  docteur  Sulpice  Boisserée',  Itf  savant  et  ingénieux  his- 
torien de  la  cathédrale  de  Cologne,  n'a  guère  aujourd'hui  d'autr*  mérite 
que  d'être  devenu  une  sorte  de  rareté  bibliographique-,  et  je  puis  ajou- 
ter; d'après  l'exemplaire  quue  j^n  possède,  que  les  monuments  y  sont 

'  représentés  d'une  manière  qqi  en  rend  l'usage  bien  peu  profitable  k  la 
science;  en  sorte  que  ce  qui  reste  aujourd'hui  de  ces  deux  grands  tré- 
sors de  la  glyptique,  si  religieusement  conservés  durant  tant  de  siècles 
sur  deux  châsses  de  saints,  à  Marbur^  et  à  Cologne, _se  trouve  à  peu 
près  réduit  aax  trente-cinq  empreintes  confiées  aui  soins  de  M.  Creu- 

.  zer,  et  à  un  petit  nombre  de  pages  savantes  que  nous  devons  k  sa  plume. 
J'avais  besoin  d'entrer  dans  ces  détails  pour  faire  sentir  k  nos  lec 
teurs  le  genre  de  mérite  qui  distingue  ce  nouvel  ouvrage  de  M.  Creiuer, 
et  qui  tient  en  grande  partie  k  la  nature  même  des  monuments  qui  en 
sont  l'objet;  car,  en  fait  de  pierres  grayées,  le  doute  est  devenu  si  légi- 
time, et  la  science  elle-même  s'est  tellement  complue  de  nos  jours  k 
rendre  suspectes  celles  qui  étaient  le  plus  généralement  réputées  anti- 
■qués;  que  o'est,  pour  un  choix  de  monuments  de  la  glyptique  tels  que 
ceux-là,  un  bien  rare  avantage  que  de  n'avoir  rien  k  démêler  avec  ^ 
critique.  Grâce  à  cette  circonstance,  je  suis  dispensé  de  m'arrêtérsur 
chaque  pierre  pour  en  constater  l'authenticité.  C'est  la  partie  la  plus 
difficile  et  la  plus  ingrate  de  la  tâche  de  M.  Creuzer  et  de  la  mienne, 
qui  se  trouve  accomplie  par  le  seul  fait  de  l'emploi  sacré  qui  se  Ht  de 

,  monuments  profanes  en  des  temps  d'ignorance  et  de  dévotion.  La  piété 
du  moyen  âge  est  devenue  |insi  une  garantie  pour  la  critique  du  nôtre; 
et  c'est  un  service  que  ce  qu'on  appelle  la  superstition  a  rendu  à  ta 
Science,  sans  qu'on  soit  obligé  de  lui  en  tenir  compte. 


FÉVRIER  1858.  91 

toutes,  que  chacun  des  articles  consacrés  à  ces  trente-cinq  petits  monu- 
ments de  i'art  Clique  mérite  d*ètre  étud^  k  raôson  des  considérations 
archéologiques  ou  philologiques  que  Fauteur  a  su  y  répandi^e,  et  qui 
ajoutent  du  prix  k  ceux  mêmes  de  ces  monuments  qui  offrent  ie  moins 
d^importance  ou  dé  noureauté. 

N""  1 .  Un  Bout  qui  séUince  vert  jBi  arhre  ^^^gi  dejmits.  G*est  un  su- 
jet  allégorique,  qui  se  rencontre  ayec  quelques  variétés  sur  d  autres 
pierres  gravées,  et  même  sur  des  médailles. 

N""  2 .   Un  Amour  monté  sar  an  lion.  Cette  pierre  est  remarquable  sous 
plus  d'un  rapport,  d'abord,  k  cause  du  travail  qui  tient  de  Técole  ar- 
chaïque, et  qui  rappelle,  dans  la  manière  dont  la  crinière  du  lion  est  trai- 
tée, lie  style  des  médaillons  d*Âcanthe,  de  fabrique  ancienne;  puis,  à  cause 
de  la  représentation  même  >  qui  semble  avoir  été  l'une  des  images  allé- 
goriques les  plus  familières  au  génie  grec.  On  en  suit  le  développement 
successif,  pour  ainsi  dire,  à  trafvers toute  Tantiquité,  k  partir  de  cette 
gemme  de  Marburg,  qui  doit  nous  en  avoir  conservé  le  plus  ancien 
type,  jusqu'au  câèbre  camée  de  Protarchos^  delà  gsderie  de  Florence, 
et  jusquà  la  rare  et  charmante  médaille  du  cabinet  de  Gotha,  qui  offre 
sur  la  face  principale  le  portrait  d'Alexandre,  et  dont  il  se  fit  sans  doute 
plus  d  une  répétition  antique,  à  en  juger  par  ceUe  qui  décore  la  cuirasse 
d'une  statue  de  Domitien ,  de  l'ancienne  galerie  Giustiniani.  Tous  ces 
monuments  sont  cités  par  M.  Greuzer;-ct  je  remarque  que  la  médaille 
du  cabinet  de  Gotha,  publiée,   avec  d'antres  monuments  relatiSi  à 
Alexandre,  par  Schteger,  dans  une  dissertation  particulière ^  et  repro- 
duite par  Visconti,  dans  son  Iconographie  greofue,  manque  dans  le  trésor 
de  Namismatigae  de  M.  Lenormant,  où  elle  méritait  bien  cependant 
de  trouver  place. 

N°  3.  Figure  de  Jupiter  assis,  appuyé  d'une  main  sur  la  haste^  tenant 
de  l'autre  main  un  objet  qui  paraît  indécis  à  M.  Creuzer,  mais  qui  doit 
être  le  fondre,  avec  ïaigle  à  ses  pieds.  C'est  un  sujet  si  commtm  sur  les 
médailles  grecques  impériales,  où  il  se  reproduit  le  plus  souvent  figuré  de 
cette  inanière,  que  notre  auteur  lui-même  trouve  peu  de  chose  à  en  dire. 
N°  4.  Le  sujet  de  cette  pierre,  qui  représente  un  Cheval  marin,  au- 
dessus  duquel  se  dresse  un  buffe  ie  Taureau  ou  de  Vache,  a]!»partient  à 
ces  caprices  de  fart,  qui  tenaient  sans  doute,  dans  le  principe,  aux 
idées  du  symbolisme  oriental,  mai»qui,  dans  la  dernière  période  de  l'anti- 
quité grecque,  n'exprimaient  le  plus  souvent,  sur  ces  pierres  gravées, 

*  J.  C.  Scklaegeri  Commentatio  de  Numo  Alexandri  Magni,  etc,  Hamburgi,  in-A' , 
1736.  Cette  dissertation  est  dédiée  à  TAcadémie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 


12 


92  JOURNAL  DES^  SAVANTS.  ' 

que  des  intentioDs  all^oriques ,  à  l'usage  des  particuliers ,  et  dont  il  se- 
rait par  conséquent  aussi  difficile  que  supeiïu  de  diffrcher  à  rendre 
compte.  Le  dessin  de  cette  pierre,  exécuté  d'après  l'empreinte,  laisse  d'ail- 
leurs beaucoup  k  désirer,  d'après  l'aveu  de  M.  Creuzer  lai-même,  ainsi 
que  d'après  l'examen  détaillé  qu'en  a  fait  M.  Feuerbach.  Mais  notre  auteur 
supplée  par  son  éruditioD.^e  qui  danque,  dans  son  dessin,  au  monu- 
ment qu'il  publie;  et  ses  TOtes  renferment,  sur  les  diverses  races  de 
chevaux  antiques,  et  sur  les  principaux  monuments  qui  nous  en  restent, 
beaucoup  de  renseignements  curieux. 

N"  5.  Achilie  no,  aisis  devant  une  stèle  où  sont  attachées  les  armes  du  hé- 
ros,le  cas(}tte,  ïépée  et  la  lance,  avec  le  bouclier  à  ses  pieds.  C'est  le  même 
sujet  qui  nous  était  déjà  connu  par  plusieurs  pierres  gravées,  deux 
entre  autres  que  j'ai  publiées  moi~mème  dans  mon  AchiUéide^,  et  qui 
s'est  trouvé  reproduit,  sur  une  gemme  de  la  collection  de  feu  M.  Mûn- 
ter,  évéque  de  Sceland,  absolument  comme  sur  cette  pierre  de  Mar- 
burg.  L'expUcation  d'Achille,  que  M.  Creuzer  propose  pour  cette  pierre 
et  qu'il  admet  pour  toutes  les  autres,  ne  paraît  sujette  ï  aucune  incerti- 
tude, de  l'avis  de  M.  Feuerbach,  qui  s'est  surtout  attaché  à  faire  ressor- 
tir le  mérite  de  la  pierre  de  Marbui^,  sous  le  rapport  de  l'exécution. 
Quant  à  la  représentation  même,  qui  m'a  déjà  fourni  le  sujet  d'un  tra- 
vail particulier,  je  n'aurais  rien  à  ajouter  à  ce  que  j'en  ai  dit,  si  ce  n'est 
au  sujet  de  la  statue  Ludovisi,  que  j'ai  expliquée  d'après  le  même  motif, 
et  dont  M.  Creuzer  s'est  occupé  sous  le  même  point  de  vue,  en  rendant 
compte  de  mon  ouvrage  dans  les  Annales  Utléraires  de  Vienne.  Or  je 
dois  dire  que  tout  ce  cpii  a  été  publié  contradictoirement  sur  cette 
question  d'archéologie  n'a  pu  que  me  confirmer  dans  l'opinion  que  la 
statue  dont  il  s'agit  est  celle  d'un  Héros  grec;  et  cela  posé,  la  dénomina- 
tion d'Achille  devient  de  plus  en  plus  probable,  à  mesure  que  des  pierres 
gravées,  telles  que  celles  du  cabinet  Mùnter  et  de  la  châsse  de  Mar- 


94  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

le  personnage  représenté  sur  notre  pierre  serait  un  Japàier,  M.  Creiuer 
le  regarderait  comme  un  J^UerSokil,  ou  Zetu-Héliot,  et  l'objet  ({u'it 
tient  à  la  main  droite,  serait,  dans  cette  byijotbèse,  la  hache,  symbole 
du  Jupiter  A»CesaJiiSt  ou  ^TpaTzac  Mais  ce  symbole,  dont  la  fo^rne  nous 
est  si  bien  connue  par  les  médailles  des  rois  de  Caiie  et  par  celles  de 
Ténédos,  pourn'en  pas  citer  d'autres  exemples,  n'a  rien  de  comnouB 
avec  l'objet  figuré  ici  à  la  main  du  Dieu  assis,  et  qui  est  tout  siraplement 
\e foudre,  mal  exécuté  sur  le  monument  origùiid,  ou  mal  rendu  par  le 
dessinateur  moderne. 

N"  8.  Tête  casifoie,  qui  parait  être  celle  d'un  Perunnage  romain,  et 
qui ,  à  défaut  d'une  individualité  bien  prononcée  dans  les  traits  du  vi- 
sage, n'ofGre  aucun  moyen  de  le  reconnaître,  et  presque  aucun  intérêt 
sous  le  rapport  de  l'art.    ' 

N"  9.  Un  Oiaeaa,  au-dessus  duquel  est  la  lettre  gre<^e  B  couchée; 
le  tout  d'ancien  style.  Ce  type ,  composé  d'éléments  si  timj^s ,  est  un 
de  ceux  où  M.  Greuzer  a  déployé  le  plus  de  cette  érudition  Seconde 
et  de  cette  sagacité  ingénieuse  qui  le  placent  au  premier  rang  des  sa- 
vants de  notre  ^e.  H  reconnaît  dans  l'otarau  le  vaubiar,  animal  sacré 
d'Apollon ,  et  dans  la  lettre  E  te  caractère  mystique  consacré  aussi  à 
Apollon ,  la  lettre  qui  exprimait  1'^  long ,  et  que  les  Grecs  représentaient 
par  u,  avant  qu'As  fissent  usage  de  1'»;  témoin  ce  passage  de  Platon  *  : 
eu  jÀp  »  «;^iifu6<  âuct  tïn  9mJi,tuir;  la  lettre  enfin  qui,  avec  cette  dernière 
valeur,  composait  à  elle  seule  la  célèbre  inscription  El,  du  temple  de 
Delphes,  sujet  du  traité  si  connu  de  Plutarque.  On  sait  qu'il  existait, 
dans  le  trésor  de  ce  temple  de  Delphes,  plusieurs  grands  epsilon  dédiés 
k  diverses  époques,  un,  entre  autres,  en  bois,  qu'on  croyait  avoir  été 
consacré  par  cin^  des  sept  Sages;  un  enWome,  provenant  des  Athéniens, 
et  un  en  or,  donné  par  Livîe.  Ce  symbole  qui,  suivant  toute  appa- 
rence, exprimait  la  formule  hiératique  tX,  ta  es,  en  rapport  avec  î'es- 
seoce  de  la  divinité ,  avait  dû  acquérir  une  grande  popularité  ches  les 


96  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Delphes  même,  avec  l'inscription  aaa,  et  dont  il  assure  que  l'attri- 
bution à  Délos  ou  à  Delphes  est  controversée  entre  les  antiquaires. 
M.  Creuser  pencherait  plutôt  pour  la  première  attribution  à  Délos,  en 
se  fondant  sur  ce  que  Délos  est  appelée  ûÔXar  par  Pindare.-Mais  ia 
controverse  qu'il  suppose  n'existe  réellement  pas;  personne  ne  doute, 
parmi  les  numismatistes ,  que  les  médailles,  avec  l'inscription  aaa* 
n'appartiennent  effectivement  à  Delphes;  et  je  suis  surpris  qu'un  phi- 
lologue tel  que  M.  Greuzer  se  serve  d'un  allument  qui  n'avait  pu  être 
employé  que  par  M.  de  Koehler,  défenseur  intéressé  de  l'attribution  de 
ces  médailles  à  Délos.  Qu'importe ,  en  effet ,  que  Pindare  ou  tout  autre 
poète,  tel  que  Théocrite',  qui  se  servait  du  dialecte  dorique,  ait  écrit 
ùâtXot,  le  nom  de  Délos,  s'il  est  avéré  que  Déhs,  ville  ionienne,  n'a 
jamais  pu  imprimer  son  nom  sur  ses  monuments  publics ,  qu'en  le 
produisant  sous  la  forme  ionienne,  aîÎXb;,  et  s'il  est  constant  que 
toutes  les  monnaies  autonomes  que  nous  possédons  de  Délos,  portent 
l'inscription  ah,  et  non  aa,  ahaian,  et  non  aaaion?  Quant  à  l'ins- 
cription AAA  des  médailles  autonomes  primitives  de  Delphes,  elle  se 
justifie  sans  la  moindre  peine  par  l'usage  du  dialecte  dorique ,  d'accord 
avec  les  traditions  mythologiques  de  Delphes.  Qui  ne  sait  que  les  Do- 
riens,  et  surtout  ceux  de  Crète  et  de  Sicile,  remplaçaient  fréquem- 
ment l'E  par  l'A,  comme  on  en  a  des  exemples  dans  les  mots  nanàftau, 
ifTOftt-nw ,  pour  vrwifuuy  ifiyufnw'i  Qui  ne  connaît  la  célèbre  inscrip- 
tion du  casque  trouvé  à  Olympie,  où  le  nom  du  roi  Hiéron  est  écrit 
HiApbN*?  à  quoi  je  puis  ajouter  que  j'ai  eu  moi-même  occasion  de 
citer  ailleurs'  le  mot  HIAPON,  pour  lEPON,  gravé  sur  un  didrachme 
de  Crotone,  de  notre  Cabinet.  Mais,  ce  qui  s'applique  plus  directement 
à  la  question  actuelle ,  c'est  que,  sur  les  médailles  à' Aptiva,  de  l'île 
de  Crète,  le  nom  des  habitants  est  écrit  tantôt  AriTEPAinN,  tantôt, 
suivant  la  forme  plus  archaïque,  AHTA  et  AIITAPAION.  qui  offre  un 
cas  absolument  analogue  à  la  légende  aaa  pour  aea  ;  or,  on  sait. 


FÉVRIER   1858.  97 

phins.  La  présence  des  dauphins  sur  ces  médailles  s'explique  aisément 
par  le  culte  A* Apollon ,  en  même  temps  qu'elle  se  lie  au  souvenir  d  une 
émigration  venue  par  mer  ;  mais ,  quant  à  la  tête  de  chèvre ,  c'est  un 
type  essentiellement  propre  à  la  numismatique  crétoise,  qu'il  est  im- 
possible de  ne  pas  regarder,  sur  ces  médailles  de  Delphes,  comme 
un  témoignage  authentique  à  l'appui  de  la  tradition  de  cette  colonie 
d*Aptéra,  de  Crète,  établie  à  Delphes.  Je  livre  ces  observations  au  ju- 
gement de  M.  Creuzer,  et  je  reprends  l'examen  de  son  livre. 

N^  10.  F]g\u*e  d'Homme  nu  debout,  vu  par  le  dos,  tenant  de  la  main 
gauche  une  corne  dabondance,  et  de  la  droite  un  ohjet  à  deux  pointes,  qui 
doit  être  un  instrument  aratoire,  tel  que  le  hoyau.  Cette  pierre  parait  d'un 
assez  bon  travail;  la  représentation  en  est  neuve  et  curieuse  à  quelques 
égards ,  et  l'explication  qu'en  donne  M.  Creuzer  m'en  semble  indubitable. 
En  rapprochant  la  gemme  de  Marburg  d'une  pien*e  du  cabinet  de  Wilde  ^ , 
qui  offre  une  figure  toute  semblable ,  à  la  main  de  laquelle  l'interprète  a 
vu  deux  épis,  au  lieu  du  Bident^,  mais  qui,  du  reste,  est  qualifiée  avec 
toute  justesse  un  Bonus  Eventas  divinité  si  chère  aux  Romains ,  et  si  sou- 
vent représentée  sur  leurs  momunents,  médailles  et  pierres  gravées, 
M.  Creuzer  s'est  trouvé  suffisamment  autorisé  h  proposer  la  même  déno- 
mination pour  le  personnage  de  la  pierre  qu'il  publie  ;  et,  quanta  la  fig^ire 
même  du  Bonus  Eventus ,  dont  il  existait  à  Rome ,  du  temps  de  Pline , 
deux  statues  célèbres ,  l'une  et  l'autre  rangées  parmi  les  chefs-d'œuvre 
de  l'art  antique,  et  dues  au  ciseau  d'Euphranor  et  de  Praxitèle,  la 
conjecture  de  M.  Creuzer,  qui  croit  que  le  Bonus  Eventus  de  Praxitèle , 
consacré  sur  le  Capitole,  est  la  même  statue,  placée  aussi  au  Capitole, 
laquelle  est  indiquée  par  Festus,  comme  celle  d'un  Ephèbe,  tenant  à  la 
main  l'instrument  aratoire  nommé  par  les  Lajlins  rutrum,  correspondant 
à  ce  que  les  Grecs  nommaient  JiKî^^^ct^  ofjm,  ou  ffxùpn^;  cette  conjecture, 
dis-je,  me  parait  très-ingénieuse  et  très-plausible.  Toutefois,  il  n'est  pas 
hors  de  propos  de  remarquer  que  le  Bonus  Eventus ^  ou  le  Bon  Génie, 
sur  lequel  il  existe  une  excellente  dissertation  de  Moreau  de  Mautour , 
dans  les  Mémoires  de  notre  Académie  ^ ,  était  une  de  ces  divinités  d'une 
signification  vague  et  abstraite ,  dont  les  attributs  variaient  à  raison  des 
idées  particulières  qu'on  y  attachait,  et  dont  le  type  n'était  pas  tellement 
déterminé  dans  les  traditions  de  l'art  grec  qu'il  n'ait  pu  recevbir,  en 

*  Gemm,  Select.  »  Mus.  Jac.  dé  Wilde,  n*  170,  Amstel.  1703.  «—'Cet  instrument, 
figuré  plutôt  comme  une  fourche,  que  comme  un  hoyau,  se  voit  à  la  main  d*un  per> 
Sonnage  héroïque,  que  Millin  a  pris  pour  Taras,  sur  une  des  pierres  gravées  qu'il 
a  publiées,  pi.  xlvu  ,  pag.  1 1&,  1 15.  —  *  Voyez,  à  ce  sujet,  les  notes  de  M.  Geuzer, 
p.  i6A,9i),  9a)  et  93). — ^Tomell,  p.  4i8,  suiv. 

i3 


i 


98  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

passant  dans  les  monuments  de  l'art  romain  ,  plus  d'une  modification  de 
détail.  Javouerai  même  que  l'assimilation  du  Bonujf^enfas  des  Romains 
aveclc  Triptoîème  des  Grecs,  assimilation  proposée  par  Boettiger',  et 
admise  par  notre  auteur,  ne  me  paraît  rien  moins  que  prouvée.  Le 
mythe  de  Triptoîème,  intîmemetil  lié  avec  le  culte  d'Eleusis ,  resta  tou- 
jours en  dehors  de  la  religion  publique  des  Romains,  et  la  forme  attique 
sous  laquelle  avait  été  produit  le  personnage  même  de  Triptoième,  tel 
que  nous  le  connaissons  par  les  vases  peints,  et  tel  que  nousle  présentent 
encore  les  monuments  grecs  de  la  dernière  période  de  l'antiquité ,  no- 
tamment les  médailles  grecques  impériales,  ne  ressemble  en  rien  à  la 
figure  du  BoROjËrenfai  de  nos  monuments  romains.  Ilsudirait,  d'ailleurs, 
pour  se  convaincre  que  le  Triptoîème  attique  et  le  Bonas  Eventas  latin 
n'étaient  pas  un  seul  et  même  personnage,  d'observer  que,  dans  la  liste 
des  statues  de  Praxitèle,  citées  par  Pline,  comme  existant  à  Rome  de  son 
temps,  figurent  à  la  fois  un  Triptoîème  et  un  Bonas  Eventas ,  Plin.  xxxvi, 
fi.  Il  '•  Romee,  Praxitelis  opéra  sant  Fhra,  Triptolemas ,  Ceres,  in  hortîs 
ServUii;  Boni  Eventas  et  Borue  Fartante  simalacra  in  Capitolio.  De  plus, 
il  est  facile  de  voir  que  les  statues  du  Bon  Génie  et  de  la  Bonne  For- 
tune ,  désignées  ici  par  Pline  sous  une  dénomination  latine  ,  devaient 
représenter  pour  les  Grecs  l'AjaSàï  ^a.î/atr  et  l'^jaflil  TiJ;ç ,  deux  divinité 
allégoriques,  dont  le  culte,  lie  à  des  idées  générales,  n'avait  rien  de 
commun  avec  la  religion  d'Eleusis,  et  dont  le  type  était  susceptible 
de  beaucoup  d'applications  particulières.  Quant  au  Bonus  E'xntas  des 
Romains,  c'était,  au  moins,  dans  le  principe,  une  divinité  d'ordre 
rustique,  ainsi  que  cela  résulte  du  témoignage  exprès  de  Varron, 
De  R.  R.  I,  I  :  Nec  non  etiam  precor  Lympham  aç  Bonam  Eventam, 

quoniam  sine saccessa  ac  Bono  Eventa  frastratio   est ,    non   caU 

(nra*;  et  c'était  dans  le  même  ordre  d'idées  qu'était  puisé  le  type 
de  la  statue  d'Euphranor,  tenant  hpatère  d'une  main,  avec  des  épis  et 
une  fear  de  pavot  dans  l'autre  main ,  tel  que  nous  le  décrit  Pline ,  et 


FléVRIER  1858.  99 

rialej  à  partir  de  Gsdba  jusqu'à  Galiien.  Mais,  quoi  qu'il  en  soit  de 
cette  assimilation  du  Bonus  Eventus  latin  avec  le  Triptolème  grec,  que 
je  ne  crois  pas  exacte,  l'explication  du  Bonas  Eventus,  proposée  par 
M.  Creuzer,  pour  la  pierre  quil  publie,  n'en  est  pas  moins  indubi- 
table. Le  symbole  du  rutrum,  indiqué  par  Festus,  convient  parfaite- 
ment au  dieu  rustique  invoqué  par  Varron;  et,  quant  à  la  corne  d'a- 
bondance, attribut  d'un  usage  si  commun  et  d'une  signification  si  notoire, 
je  remarque  que  c'est  aussi  le  symbole  que  porte  une  figure  que  je 
reconnais  pour«  celle  (ïAyaBcç  ^nif^av ,  sur  un  bronze  autonome  de 
Gyzique,  qui  a  pu  échapper  à  la  connaissance  de  M.  Creuzer,  et  que, 
f>ar  cette  raison,  je  crois  devoir  signaler  à  son  attention. 

RAOUL  ROCHETTE. 

(  La  suite  au  prochain  cahier.  ) 

Astoria,  or  an  Enterprise  beyond  the  rocky  mountains,  etçk  — 
Astoria,  ou  récit  d^ane  entreprise  au  delà  des  montagnes  Rocheuses, 
par  Washington  Irving,  auteur  du  Schetch  book,  de  f  Alhambra, 
etc.  ;  1 836.  Réimprime  à  Paris,  par  Baudry,  en  un  vol.  in-8* 
de  336  pages. 

TROISIÈME    ARTICLE. 

Il  y  a  déjà  près  d'une  année  que  nous  avons  annoncé  à  nos  lecteurs  ce 
curieux  ouvrage.  Il  nous  fi)urnit  alors  l'occasion  de  leur  présenter  un  ta- 
bleau générai  du  commerce  des  pelleteries dansl'Amérique  septentrionale, 
de  montrer  l'influence  exercée  par  ce  commerce  sur  l'état  des  peuplades 
indigènes,  et  de  raconter  les  chances  aventureuses  d'une  expédition 
maritime  dont  il  avait  été  le  but  spécial.  Il  nous  restait  à  décrire  les 
hasards  d'une  autre  tentative  dirigée  simultanément,  par  la  même  pen- 
sée et  pour  les  mêmes  intérêts ,  à  travers  l'intérieur  des  déserts  qui 
séparent  les  rives  orientales  et  occidentales  du  continent  américain. 
Le  retard  que  nous  avons  mis  à  compléter  cet  ensemble  ne  sera  peut- 
être  pas  sans  avantage;  car,  en  ce  peu  de  temps,  de  graves  événe- 
ments survenus  dans  ces  contrées  où  tout  marche  si  vite,  ont  donné  un 
intérêt  nouveau  et  actuel  au  récit  qu'il  noua  restait  à  terminer. 

Nos  deux  premiers  articles  ont  fait  connaître  l'origine  et  le  point  de 
départ  de  ces  deux  grandes  expéditions.  Ce  n'est  pas ,  comme  on  le 
croirait  dans  nos  idées  européennes ,  le  gouvernement  d'une  puissante 
nation  qui  les  conçoit  et  les  ordonne.  C'est  un  simple  marchand  de 
Ne w- York ,  M .  Astor ,  qui ,  en  1 8 1  o ,  entreprend  de  se  rendre  maître  du 

i3- 


100  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

commerce  des  pelleteries ,  sur  toute  l'étendue  de  l'Amérique  du  Nord 
située  entre  les  montagnes  Rocheuses,  prolongement  des  Gordillières,  et 
l'Océan  occidental.  Nous  avons  dit  comment,  par  ses  seides  ressources, 
sans  aucun  secours  du  gouvernement  américain ,  aucpiel  le  succès  de 
cette  entreprise  allait  rapidement  acquérir  un  immense  territoire, 
M.  Astor  organisa  deux  expéditions  qui  devaient"  se  diriger,  l'une  par 
mer,  l'autre  par  terre,  vers  l'embouchure  de  la  Colombia,  sur  les 
bords  de  l'Océan  Pacifique.  Nous  avons  raconté  la  marche  de  l'expédi- 
tion maritime ,  la  fondation  du  nouvel  entrepôt  d'Astoria ,  et  le  désastre 
du  bâtiment  le  ron^atn.  Maintenant  nous  allons  passer  à  l'histoire  de 
l'expédition  de  terre  qui,  traversant  par  son  milieu  le  grand  désert 
d'Amérique,  le  véritable  pays  des  sauvages,  nous  présentera  le  tableau- 
extrêmement  curieux  des  mœurs  et  du  caractère  des  peuplades  indien- 
nes ,  soit  dans  l'état  de  nature,  soit  déjà  modifiées  par  la  communication 
et  l'influence  des  blancs. 

Suivant  le  dessein  de  M.  Astor ,  cette  seconde  expédition  avait  pour 
objet  principal  d'explorer  toute  la  ligne  du  Missouri,  jusqu'à  l'embou- 
chure de  la  Colombia,  en  partant  de  Saint-Louis,  la  colonie  la  plus 
avancée  vers  l'ouest  que  les  blancs  eussent  encore  fondée.  Le  long  de 
cette  ligne ,  la  caravane  devait  échelonner  une  suite  de  postes  avec  des 
agents  chaînés  d'acheter  les  pelleteries  aux  Indiens  et  de  les  expédier 
à  Saînt-Louis ,  pour  les  Etats-Unis ,  à  Astoria  pour  la  Russie  et  la  Chine. 
Cette  distance,  qui  embrassait  de  looo  à  laoo  lieues,  avait  déjà  été 
parcourue,  en  180&,  parles  deux  officiers  américains  Lewis  et  Clarke; 
mais  les  difficultés  qu'ils  avaient  rencontrées  eCrayèrent  le  gouverne- 
ment desÉtats-Unis.  li  renonça  à  diriger  de  ce  côté  aucune  entreprise, 
et  parut  agir  prudemment  aux,  yeux  du  public  ;  M.  Astor  seul  ne  doutait 
nas  du  succès.  Il  se  regardait  comme  le  créateur  certain  d'une  nouvelle 
civilisation  qui  viendrait  se  ralher  à  son  iiitur  établissement  de  la 
Colombia;  et  l'on  peut  penser  avec  M.  Irvingque  cette  noble  ambition 


FÉVRIER   1858.  101 

vice  de  la  compagnie  anglaise  du  Nord-Quest ,  et  se  vantait  de  connaître 
parfaitement  lem*  caFactère  ainsi  que  tous  les  mystères  des  bois.  Cétait  un 
homme  d'une  constitution  robuste,  rompu  à  la  fatigue  et  au  danger, 
renommé  pour  la  justesse  de  sa  carabine,  et  se  portant  fort  du  g^re 
d'expérience  dont  manquait  M.  Hunt.  « 

L'expédition  devait  partir  en  1 8 1  o  ;  mais  elle  (ut  retardée  par  les  diffi- 
cultés singulières  que  son  chef  éprouva  pour  se  procurer  le  nombre 
d'hommes  nécessaires ,  tant  en  chasseurs  qui  devaient  approvisionner  la 
caravane  de  vivres  et  de  foum;ires,  qu'en  voyflgenrs  ou  hommes  de 
peine,  npiu*  diriger  les  canots  et  porter  les  bagages.  M.  Hunt  (ut  obhgé 
de  lutter,  à  la  fois,  contre  l'insouciance  de  ces  hommes  du  désert,  qui 
ne  s'engagent  que  lorsqu'ils  n'ont  plus  rien  à  dépenser ,  et  contre  la 
jalousie  rivale  de  deux  associations  déjà  existantes ,  la  puissante  com- 
pagnie anglaise  du  Nord-Ouest  et  la  compagnie  américaine ,  dite  du 
Missouri ,  dont  les  agents  à  Montréal  et  à  Saint-Louis  représentaient  la 
nouvelle  entreprise  comme  irréfléchie  et  impossible. 

La  seconde  de  ces  compagnies  exploitait  le  commerce  des  pelleteries 
sur  le  Missouri  même,  et,  dès  1 8o8,  elle  avait  poussé  ses  postes  jusqu'au 
confluent  des  deux  bras  supérieurs  de  cette  grande  rivière.  Elle  se  trou- 
vait donc  sur  la  première  partie  de  1#  ligne  que  voulait  établir  M.  Astor, 
et  conséquemment  elle  mit  tout  en  œuvre  pour  arrêter  son  expédition. 
A  grand'peine ,  M.  Hunt  parvint-il  à  emmener  le  seul  homme  de  Saint- 
Louis  qui  pût  lui  servir  d'intei^rète  chez  les  indiens  Sioux  et  Pieds 
noirs,  dont  il  allait  traverser  le  pays  ;  et  même,  à  son  départ  de  Saint- 
Louis,  le  2  1  octobre  i8io,  il  fut  obligé  de  cacher  cet  interprète  pen- 
dant plusieurs  jours,  afin  de  le  soustraire  à  un  mandat  d'arrêt,  lancé 
contre  lui,  pour  quelques  dettes  qu'il  avait  contractées.  Retardé  jusqu'à 
la  mauvaise  saison ,  M.  Hunt  dut  remettre  le  passage  des  montagnes 
Rocheuses  au  printemps  de  l'année  suivante  (i  8 1 1);  et,  remontant  seu- 
lement le  Bas-Missouri  avec  soixante  hommes  et  trois  canots ,  il  alla 
prendre  ses  quartiers  d'hiver  au  confluent  de  ce  fleuve  avec  la  Nodowa , 
k  ^5o  mille  anglais  de  Saint-Louis,  sur  la  linûte  extrême  du  pays  des 
planteurs. 

Vers  la  (m  d'avril ,  lorsque  le  nouveau  printemps  eut  ramené  les 
immenses  volées  de  pigeons  sauvages  qui  dévorent  tout  sur  leur  passage, 
la  troupe  s'embarqua  dans  quatre  canots  et  commença  à  remonter  le 
fleuve,  tantôt  à  la  voile ,  tantôt  à  la  rame  «'^ou  en  se  halant  par  des  cordes 
quand  le  vent  n'était  pas  favorable.  Tout  le  travail  de  cette  navigation 
était  àla  charge  des  Canadiens  engagés  Comme  voyageurs,  et  ils  s'animaient 
gaiement  par  des  chants  (rançais;  car  la  langue  fi^çaise  est  toujours  la 


102  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Uague  populaire  du  Canada,  qi^ique  plu^  d'un  demi-siècle  se  soit  écoiUé 
depuis  la  conquête  anglaise.  Au-dessus  de  la  Nebraska,ou  EUvière  Plate, 
reKpédition  trouva  un  canot  de  sauvage  lait  avec  une  sev^e  peau  de  buffle. 
Telï^  sontles  légères  nacelles  qui  servent  aux  guerriers  indiens  pour  tra- 
verser les  rivjères.  En  outre,  pendant  ta  nuit,  le  ciel  parut  au  loin  éclairé 
de  lueurs  rouges ,  signal  connu  de  l'embrasement  de  vastes  étendues  des 
prairies.  Ordinairement,  les  Indiens  allument  ces  incendies  pour  dércJMt 
leurs  traces  à  ceux  qui  les  poursuivent.  On  était  donc  désonoais  en  pays 
ennemi.  Ce  canot  et  <^s  feux  annonçaient  que  des  bandes  sauvages 
erraient  dans  le  voisinage ,  et  il  tàJlait  se  tenir  sur  ses  gardes.  Car,  dans 
cet  état  de  nature,  si  vanté  par  quelques  philosophes,  l'homme  est  tou- 
jours pour  l'homme  uu  danger. 

Le  1  o  mai  i  Si  i ,  l'expédition  atteignit  le  cantonnement  ou  village 
des  Omabas  qui  formaient  autiefois  l'une  des  plus  puissantes  tribus  des 
prairies.  Cette  tribu  avait  été  peu  à  peu  diminuée  par  ses  guerres  avec 
les  Siouv ,  guerres  d'embûches  et  de  trfdiisons  bien  plutôt  que  d'attaques 
à  force  ouverte.  Ë|^  1 8oa  ,  la  petite  vérole  avait  fait  périr  les  deux  tiers 
de  ceux  qui  restaient;  et,  à  l'époque  du  passage  de  M.Hunt,  cette  tribu 
ne  comptait  ptuâ  que  deux  cents  guerriers.  Aujourd'hui  elle  est  presque 
anéantie;  et  ainsi  disparaissent  successivement  les  peuplades  indiennes, 
agents  mutuels  de  leur  destruction.  Près  de  l'emplacement  qu'occupait 
le  village  des  Omahas,  on  voit  encore  ta  tombe  d'im  de  leurs  chefs 
nommé  l'Oiseau  Noir  (Blackbird),  lequel  était  grand  ami  des  blancs  et  de 
leur  commerce  qu'il  exploitait  k  son  profil.  Arbitre,  par  son  rang,  du  prix 
des  peaux  qu'apportaient  ses  compagnons,  il  fixait  ce  prix  très-bas,  et 
se  faisait  secrètement  indemniser  par  f  acheteur  blanc ,  sans  qu'aucun 
des  Lidiens  osât  murmurer  ;  car  U  était  pour  eux  unetorte  de  mauvais 
génie ,  grâce  à  l'enseignement  atroce  d'un  blanc  qui  lui  avait  donné  une 
provision  d'arsenic  et  lui  en  avait  appris  les  mortels  effets.  Si  quelque 
Indien  se  plaignait  du  prix  Qxé ,  la  vengeance  ne  se  disait  pas  attendre. 


104-  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

(Iraient  mutiiellement  contre  toute  attaque ,  et  accomplir  enfin  la  céré- 
monie ,  jusqu'alors  contiidérée  comme  un  contrat  inviolable ,  de  fumer 
le  calumet  de  paix  avec  la  nation.  A  partage  de  pouvoir,  par  droit  de 
succession  et  d'élection,  ces  assemblées  délibérantes,  présidées  par  le 
chef  héréditaire ,  sont  déjà  mentionnées  par  Charlevoix,  dans  sa  des- 
cription du  Canada,  comme  aussi  elles  se  retrouvent  dans  les  premiers 
âges  de  la  Chine  et  de  la  Gennanie.  On  pourrait  remarquer  encore 
d'autres  traits  de  ressemblance  entre  les  usages  de  ces  peuples  si  éloi- 
gnés. Mais  de  là  u  tout  esprit  philosophique  conclura  seulement  que 
H  l'analogie  des  situations  impose  à  l'homme  des  coutumes  et  des  mœurs 
<t  analc^es ,  dans  les.contrées,  et  aux  époques  les  plus  distantes  '.  n 

La  richesse  principale'des  Aricaras  consistait  en  chevaux  qui  paissaient 
en  troupe  autour  du  village,  et  provenaient,  en  grande  partie,  des 
bandes  de  chevaux  sauvages,  errant  dans  les  plaines  environnantes. 
Le  cheval  a  été  introduit  au  Pérou  et  au  Mexique,  par  les  Espagnols, 
lors  de  la  conquête,  et  pour  ia  conquête.  De  là,  il  a  passé  chez  les 
Indiens  par  voie  de  rapine,  et  son  acquisition  a  changé  leurs  mœurs. 
Acheter ,  et  plus  souvent  voler  des  chevaux  dans  les  autres  tribus ,  s'en 
servir  pour  aller  chasser  au  loin  le  buffle  et  le  daim ,  afin  de  vivre  de 
leur  chair  et  vendre  lem*  peau ,  telles  sont  les  occupations  de  l'Indien 
qui  habite  ces  contrées.  Rentrés  au  camp ,  les  hommes  se  reposent,  cau- 
sent entre  eux,  et  jouent  à  des  jeux  de  hasard,  pour  lesquels  ils  sont  pas- 
sionnés. C'est  la  femme  qui  lait  tout  le  travail  domestique;  et,  quoique 
sa  condition  soit  fort  dure ,  elle  est  pourtant  moins  malheureuse  de- 
puis que  le  cheval  est  venu  la  soulager.  It  l'a  au  moins  déchaînée  des 
^rdeaux  accablants  qu'elle  portait  autrefois  pendant  les  marches  de  ces 
tribus.  Elle  n'est  plus  bête  de  somme ,  comme  chez  les  Indiens  du  nord , 
oùHearne,  Mackensie,  Franklin  même,  l'ont  vue,  succombant  sous  la 
brutale  exigeance  du  maître  dont  elle  partageait  la  couche.  Le  cheval, 
amené  par  l'Européen  pour  conquérir,  sera  aussi  le  dernier  auxiliaire  de 


rÈVRIËR  1858,  105 

éi ,  comme  lui  aussi ,  il  épuisQ  en  peu  d* années  ce  noble  animal  par  1« 
brutal  usage  qu'il  &it  de  ses  forces  et  de  son  ardeur. 

Le  village  des  Âricaras,  entouré  de  ses  troupes  de  chevaux,  et  tout 
composé  de  huttes  coniques ,  ressemblait  aux  camps  des  Bédouins  ou 
des  Tartanes.  Ses  sauvages  habitants  vivaient  en  proie  à  la  crainte  conti^- 
iiuelle  d*être  surpris  par  les  Sioux,  leurs  mortels  ennemis.  Pendant  le 
court  séjour  de  M.  Hunt,  trois  ou  quatre  alarmes  furent  données. 
Aussitôt,  les  femmes  et  les  enfants  jetaient  des  cris  d'épouvante,  et  les 
hommes  se  disposaient  au  combat.  Il  n'y  eut  cependant  point  d'attaque. 
Les  arri%fints  étaient  des  guerriers  de  la  même  tribu ,  qui  amenaient 
des  chevaux  volés  par  eux  pour  vendre  à  M.  Hunt,  ou  revenaient  d'une 
expédition  contre  les  Sioux,  dont  ils  étaient  sortis  victorieux.  Uentrée 
des  vainqueurs  fut  célébrée  par  une  sorte  de  cérémonie  triomphale. 
Un  d'entre  eux,  des  plus  jeunes,  mortellement  blessé,  la  soutint  jus- 
qu'au bout,  puis  expira  parmi  les  cris  de  joie.  Mais ,  après ,  les  mères 
des  morts  allèrent  les  pleurer  sur  une  colline  voisine ,  hors  de  la  vue 
des  vainqueurs.  Leurs  tristes  accents,  prolongés  dans  le  silence  de  la 
nuit ,  rappellent  à  M.  Irving  les  lamentations  de  la  Rachel  biblique. 
Même  situation ,  mêmes  doule^  ! 

Le  18  juillet  181 1,  M.  Hunt  quitta  les  Aricaras;  puis,  tournante 
l'ouest,  il  entra  avec  ses  hommes  et  ses  chevaux  dans  la  région  de  ces 
plaines  immenses  et  nues ,  au  sol  de  sable ,  aux  oasis  rares ,  et  sans 
habitants  fixes,  qui  s'étendent  jusqu'au  pied  des  montagnes  Rocheuses  : 
on  les  a  nommées,  avec  raison,  le  grand  désert  d'Amérique.  Il  y  rencon- 
tra tous  les  obstacles  que  la  nature  et  l'homme  sauvage  peuvent  accumu- 
ler. A  cette  époque  de  l'année,  ces  plaines  désertes  sont  presque  partout 
sans  eau.  Un  soleil  brûlant  les  dévore  d'une  ardeur  qui  serait  intolérable 
si  quelques  brises,  descendues  des  mentîmes ,  ne  venaient  parfois  la 
tempérer.  On  n'y  trouve  point  d'arbres,  si  ce  n'est  dans  quelques  vallées 
rarejB  et  distantes ,  stations  de  repos  souvent  inévitables,  mais  toujours 
périlleuses  par  la  présence  de  l'homme  ou  par  ses  embûches.  Hors  de 
ces  oasis ,  le  peu  d'aliments  que  fournit  la  chasse  des  buffles  sauvages , 
lorsqu'elle  est  heureuse,  doivent  être  cuits  avec  les  résidus  séchés  de  la 
fiente  de  ces  animaux.  Malheur  au  voyageur  qui  s'écarte  de  la  vue  de 
ses  compagnons  dans  ces  steppes  uniformes ,  où  la  route  qu'il  faut 
suivre  n'est  rappelée  à  la  mémoire  par  aucun  accident  du  sol  I  Trois 
chasseurs  de  l'expédition  furent  aihsi  perdus  durant  six  jours  ;  ils  errè- 
rent pendant  tout  ce  temps  au  hasard,  courant  sur  leurs  chevaux  à 
travers  le  désert,  sans  aucune  notion  de  route  quelconque.  La  fortune 
seule  les  ramena  enfin  sur  les  traces  deleurs  compagnons ,  qu'ils  suivi* 

i4 


• 


104         JOURNAL  DBS  SAVANTS. 

rent  dèi  lors  et  purent  rejoindre ,  en  la  guidant  sur  les  grands  feux 
que  M.  Hunt  faisait  exprès  allumer  toutes  les  nuits  pour  les  rappeler. 
Heureux  encore  den'avoir  rencontré  que  le  désert  I  ^ 

.  La  première  bande  dlndiens  qui  se  trouva  sv  le  passage  de  la  cara- 
vane avait  déjà  eu  quelques  rapporta  avec  M.  Hunt,  par  les  députés 
qu'elle  avait  env^^és  au  cantonnement  des  Aricaras.  f^le  était  campée 
dans  un  petit  vallon , et  appartenait  À  la  tribn  des  Indien» Chiens,  tribu 
devenue  errante  après  voir  eu  loi^rops  des  habitations  fixes  sur  la 
rivière  Eouge.  Chassés  par  les  Sioux,  cea  infortunés  avaient  perdu  leurs 
anciennes  habitudes  et  même  leur  ancien  nom.  Car-^  s'appdaiçrtt  autre- 
fois  Ttdiaways  ;  et  la  dénomination  de  Chiens  leur  était  venue  du  nom 
d'un  a£QueDt  du  Missouri,  de  la  rivière  des  Chiens,  près  de  laquelle  ils 
s'étaient  retirés. La  handerencontrée  se  OHnpOBaitde  cinquante  hommes, 
vêtus  de  peaux  de  buffle ,  tous  à  cheval ,  et  passant  les  nuits  sous  des 
toites  de  peaux.  Ils  se  réunirent  aux  chasseurs  blancs  pour  làîre  une 
battue,  oit  l'on  tua  grand  nombre  de  daims  et  de  buffles  que  la  saison 
du  mt  r«idait  plus  faciles  à  approcher. 

.  Cette  horde  était  trop  faible  pourêtreoffensive.  Mais  les  plus  redoutés 
des  coureurs  du  désert  étaient  les  Indi^  ComeUies,  pillards  féroces, 
qui ,  d'wprks  les  récits  récents  du  capitame  Bonoevilie ,  exercent  encore 
aujourd'hui  leurs  brigandages  dans  la  plaine  du  Missouri.  Cachantleurs 
femmes  et  leurs  enfants  au  fond  de  quelques  vallées  intérieures  des 
mont^nes  Rocheuses,  leshommes de  cette  horde  sontcontioudlement 
en  course  pour  piller  la  plaine  et  reporter  leur  butin  dans  la  montagne, 
vdtigeant  ainsi  que  les  oiseaux  rapaces  dont  on  leur  a  donnéle  nom.Us 
cherchent  surtout  h  voler  des  chevaux  qu'ils  vendent  aux  tribus  du  bas 
Missouri  pour  des  iiisils ,  de  ]a  poudre,  el  d'autres  produits  apportés 
par  les  blancs.  En  sortant  du  territoire  des  Sioqx,  la  caravane  de 
M.  Hunt  ratra  dans  les  districts  de  cette  borde  dangereuse,  et  l'on  ne 


FÉVRIER  1858.  K)7 

et  lai  lUstiftuaient  les  coups  de  fouee  avec  une  prodigftiité  vraimeilf 
indienne  :  il  ne  savait  pas  encore  parier. 

La  terreur  que  ces  brigands  inspirent ,  jointe  à  Taspect  désolé  des 
rocs  qu'ils  habitent,  et  aux  scènes  de  destruction  que  paraissent  y  opérer 
souvent  des  convulsions  géologiques  dont  on  ne  connaît  pafs  bien  la 
cause ,  ont  feit  attacher  à  ces  solitudes  une  foule  d*idées  superstitieuses 
qui  en  rendent  le  passage  plus  redoutable.  En  les  quittant,  M*  Hunt 
s'engagea  data  les  défilés  d  une  autre  chaîne  plus  hatlte ,  désignée  par  le 
nom  de  Bighom,  Ici  la  marche  de  la  caravane  devenait  de  plus  eil 
plus  pénible  par  les  continuels  accidents  d*un  sd  en  ruines ,  par  le  froid 
qui  commençait  à  les  assaillir,  et  par  Tincertitude  d'une  route  sans 
guide,  orientée  seulement  sur  le  soleil,  Ken  rarement^  au  fond  de 
quelque  gorge,  un  cours  d*eau  ranimant  un  peu  de  végétation,  ofirait 
aux  chevaux  ainsi  qu'aux  hommes  un  point  de  repos..  Un  malin,  au  sortir 
d'un  défilé,  on  aperçut  une  bande  d'Indiens,  à  i'aépect  fkrouehe,  postés 
en  observation  sur  les  hauteurs.  Mais  la  terreur  les  y  fixait  plus  que 
l'hostilité.  Cétaient  des  bandes  détachées  de  deul  tribus ,  appelées  les 
Tétes-Plates  et  les  Shochony  s,  autrefois  nombreuses,  maintentfntréduites 
et  opprimées.  Les  Shochonys  appartenaient  &  la  grande  et  ancienne 
nation  des  Serpents  «  qui  jadis  étendait  ses  chasses  dans  tout  le  pays 
compris  entre  les  deux  bras  du  haut  Missouri.  Une  nation  voisine ,  les 
indiens  Pieds-Noirs ,  leur  disputa  ce  territoire  giboyeux.  Us  soutinrent 
longtemps  la  lutte  avec  des  succès  divers.  Mais  les  Pieds-Noirs  qui  com- 
merçaient avec  la  compagnie  de  la  baie  de  Hudson ,  en  reçurent  des 
fusils,  et  les  Serpents  essayèrent  en  vain  (f  en  obtenir  des  Espagnols  du 
Mexique  avec  lesquds  ils  étaient  en  relation.  Dès  lors»  la  résistance 
leur  devint  impossible.  Us  durent  abandonner  leur  pays;  et ,  se  cachant 
dans  les  gorges  les  plus  âpres  des  montagnes  Rocheuses,  ils  devinrent 
une  race  timide  et  abâtardie  par  le  malheur.  Ceux  d'entre  eux  qui 
n'ont  plus  de  chevaux  vivent  misérables  et  solitaires ,  dans  des  retraites 
inaccessibles ,  comme  des  sortes  de  gnomes,  se  nourrissant  des  poissons 
qu'ils  prennent  dansles  torrents,  et  de  quelques  racines  qu'ils  arrachent 
à  cette  terre  désolée;  ce  qui  leur  a  fait  donner,  par  mépris,  le  nom 
injurieux  de  mangeurs  déracines.  Ceux  qui  ont  gardé  quelques  chevaux 
s'appellent  Shochonys ,  et  vivent  encore  en  troupe.  Pendant  le  prin- 
temps et  l'été,  ils  passent  sur  le  versant  occidental  des  montagnes 
Rocheuses  pour  pécher  le  saumon  qui  remonte  le  Rio  Colorado  de  la 
Califoniie ,  ou  la  Coiombia  de  fouest.  A  l'automne ,  ce  poisson  dispa- 
raissant, ils  se  joignent  aux  Têtes-Plates  de  ces  montagnes  pour  tenter 
quelques  chasses  dans  les  prairies  situées  à  l'est',  au  pied  de  U  chaîne. 


108         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Mais  ils  o'y  descendent  qu'avec  la  continudle  terreur  d'y  rencontrer  les 

terribles  Pieds-Noirs. 

La  bande  qui  se  trouva  sur  le  passage  de  M.  Hunt  était  en  marche 
pour  une  de  ces  expéditions  dangereuses.  On  peut  penser  s'ils  fu- 
rent heureux  -  de  rencontrer  un  parti  de  blancs  armés ,  qui  ne  leur 
voulait  aucun  mal.  On  se  réunit  pour  chasser ,  et  on  se  sépara  après 
qudquesjoursde  bonnes  relations.  M.  Uupt  continua  sa.  marche.par  les 
sources  de  la  rivière  Bi^om ,  de  celle  des  Pierres  jaunes ,  et  du  Rio 
Colorado.  Mais,  au  lieu  de  se  diriger  toujours  droit  à  l'ouest,  comme 
c'était  sa  route ,  il  fiit  encore  souvent  contraint  de  s'écarter  au  nord  et 
au  sud ,  en  quête  de  gibier  ;  car  ce  n'était  pas  chose  facile  de  nourrir  une 
troupe  de  soixante  hommes  dans  ces  solitudes.  Enfin ,  le  i  /i  septembre 
1811,  un  des  guides  montraà  l'horizon,  dans  l'ouest,  trois  pics  neiges, 
-  d'où  il  annoBça  quç,  sortait  la  source  de  la  Colombia.  Ces  pics ,  connus 
aujourd'hui  sous  le  nom  des  Trois-Tctons ,  furent  salués  comme  le 
phare  du  port,  où  toutes  les  peines  allaient  finir;  ils  étaient  toutefois 
encore  à  plus  de  trente  lieues ,  et  la  marche ,  continuée  sur  ce  sol  grani- 
tique, ne  cessait  pas  d'être  horriblement  pénible.  Mais  l'espoir,  ranimant 
tousles  courages,  fit  oublier  les  misères  passées;  et,  douze  jours  après-, 
le  26  septembre  181 1 ,  la  caravane  campait  au  pied  de  ces  pics ,  sur 
les  bords  d'un  cours  d'eau  rapide  ^Lie  les  guides  reconnurent  pour  un 
afOuent  de  la  Cotomhia.  Les  hardis  voyageurs  se  trouvaient  donc  enfin 
sur  le  versant  occidental  des  montagnes  Rocheuses.  Cette  muraille  de 
granit  que  l'on  avait  pu  croire  înfi^nchissable ,  était  mafbtenant  der- 
rière eux.  M.  Hunt  laissa  reposer  sa  troupe,  dans  celte  situation ,  pendant 
cinq  jours ,  puis  commença  de  descendre  vers  l'autre  océan,  terme  de 
ses  efforts.  Nous  le  suivrons  une  autre  fois  dans  cette  dernière  partie 
de  sa  courageuse  entreprise,  et  nous  dirons  quel  fut  le  fi-uit,  quel  sera 
l'avenir  de  la  nouvelle  voie  qu'il  venait  d'ouvrir  au  commerce  ainsi 
qu'à  la  civilisation. 

BIOT  et  ÉnouARn  BIOT. 


110  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

nition  an98Î  vague,  Tbéopfaraite  «  pu  toor  i  tonr  itt«  compté  pttnni  ceux 
qui  oDt  r^ardé  le  coraiY  comme  an«  pierre,  et  parmi  ceux  qui  l'ont 
regardé  comme  une  plante.  EKoscorids  astf^us  expâlcitei  «Le  ooratï, 
«dit-il,  eat  mi  arbrissefia  marin,  qai,  étant  tiré-de  la  mer,  aedorcit 
«  aussitôt  à  i'air.  »  Pline  copie  Dioscoride  :  le  conùl  est  un  arbrisseau 
qui  se  cbireit  et  roagit  dès  qu'il  est  retiré  de  l'eau  ;  a  il  suffît  même  de  tou- 
«  cher  le  corail  encore  TÎTant  pour  le  pétrifitf .  »  Oride  arait  déjà  dit  ; 

(  Sic  et  coralitim ,  quo  primam  coatlgït  aum 

•  Tempora ,  diveacit  :  sodlii  fuit  herba  tvb  undîs.  ■ 

Toutes  ces  opinions,  ou  {dutôt  tontes  ces  erreurs  des  anciens  ont 
été  loi^emps  partagées  par  les  modernes,  et  0  a  fallu  bien  des  obserra- 
tions  pour  les  détruire.  Peyssonnel  trace  d'une  manière  assez  nette 
le  progrès  de  ces  observations. 

Le  chevalier  Jean-Baptiste  de  Nieolaî,  préposé  k  la  pèche  du  corail 
sur  les  côtes  de  Tunis ,-  fit  plonger  exprès ,  «i  1 585 ,  un  pécheur  à  ijui 
i7 ordonna,  dit  Peyssonnel,  d'arracher  le  corail,  et  d^observer  s'il  ébat  mol 
on  dar.  Cet  homme  affirma  que  le  eoraH  n'était  pas  moins  dar  dans  la  mer 
que  dehors.  Le  chevalier  de  Nicolaï  ne  s'en  tint  pas  là;  il  jrfongea  lui- 
même  ayant  que  les  filets  fussent  retirés  de  la  mer,  et  il  s'assura  que  le 
corail  était  aassi  dar  dans  Teaiifa'iV  Tuf  après  avoir  été  exposé  à  l'air  ^. 

En  1 6 1 3 ,  Ong  de  la  Poitier,  gentilhomme  lyonnais,  confirma  fôb- 
servation  du  dievaliorde  Nicolaï-,  celui-ci  avait  dit,  de  plus,  que  lors- 
qu'on pêche  le  corail ^fcfcement  (c'est  l'expression  de  Peyssonnel),  il 
rend  ane  liqueur  laiiease.  En  iBih,  Peiresc  compare  cette  tufoear  leâteose 
au  lait  dujigiiler;  et  il  ajoute  cette  circonstance  remarquable,  savoir, 
que  les  branches  du  corail,  tirées  de  la  mer,  ne  sont  roages  et  polies  qae 
hrsqa'on  en  ôte  Fécoree,  laquelle  est  molle  et  souple  à  la  main  '. 

Tous  ces  faits  curieux  sont  exacts;  et,  rapprochés,  ils  pouvaient  expli- 
quer déjà  bien  des  contradicrions  des  divers  auteurs  :  les  uns  prenant  le 


FÉVRIER  1858.  II 1 

qu'elle  est  dans  Teau,  et  sa  prompte  dessiccation  dès  qu'elle  est  à  Tair,  ex- 
pliquaient asse4  et  comment  le  corail  pouvait  paraître  mou  sous  Teau , 
et  comment  il  semblait  se  pétrifier  dès  qu'il  en  sortait. 

En  1671,  des  recherches  plus  approfondies  de  Boccone  mirent  tous 
ces  faits  hors  de  doute  :  la  dureté  constante  du  corail  dans  l'eau  comme 
à  lair,  l'existence  de  son  humeur  laiteuse,  la  mollesse  exclusive  de 
son  écorce,  la  prompte  dessiccation  de  cette  écorce  par  l'effet  de  Pair,  etc. 
«Quant  à  la  question  que  Ton  fait»  dit  Boccone,  savoir  si  le  corail 
(('est  tendre  dans  l'eau...  Je  mis  la  main  et  le  bras  dans  la  mer  pour 
«  éprouver  s'il  était  tendre  dessous  l'eau  avant  qu'il  fôt  venu  k  Pair  ;  mais 
«je  le  trouvai  tout  à  fait  dur,  excepté  à  ses  extrémités...  Ces  extrémités, 
«ajoute-t-il,  sont  gonflées,  tendres  et  rendent  une  petite  quantité 
u  d'humeur  lactée,  semblable  en  quelque  façon  au  laiteron  ou  au  tithy- 
«  maie ...»  H  dit  encore  :  «  La  croûte  ou  tartre  coralin ,  lorsqu'il  sort 
«  fraîchement  de  la  mer  est  mou ,  glissant  et  presque  huileux;  et  je  m'i- 
i(  magine  que  c'est  en  s'arrètant  à  cette  superficie  qu'on  a  dit  que  le 
«  corail  est  mou  sous  l'eau ,  mais  autrement  de  li  à  avoir  disséqué ,  on 
«  ne  pouvait  observer  le  dessous  de  la  croûte  qui  est  pierre  ^  » 

Boccone  regarde  eu  effet  le  corail  comme  une  pierre  ;  il  ne  veut  pas 
que  ce  soit  une  plante,  et  il  en  donne  de  très-bonnes  raisons.  Le  corail , 
dit-il,  n'a  ni  fleurs ,  ni  feuilles ,  ni  graines,  ni  racinea,  etc.;  il  ne  croît 
pas  pàT  intassasception f  mais  par  addition  départies,  pdiV  juxtaposition , 
additione  partis  ad  partem,  etc.;  il  est  donc  lien  éloigné  da  genre  des  plantes, 
et  doit  être  mis  soas  le  genre  des  pierres.  Eln  dépit  de  ces  raisons  (qui  du 
reste  ne  touchaient  qu'à  la  partie  pierreuse ,  à  la  partie  morte  du  corail  et 
non  à  sa  partie  vivante),  la  plupart  des  naturalistes  n'en  persistèrent  pas 
moins  à  regarder  le  corail  comme  une  plante  ;  et  cette  dernière  opinion 
devint  bientôt  plus  générale  encore ,  grâce  à  l'autorité  imposante  de 
Tournefort^.  On  sait  que  ce  grand  botaniste  voyait  des  plantes  qui  vé- 
gétaient jusque  dans  les  pierres  les  plus  communes,  et  l'on  se  rappelle 
ce  mot  si  joU  de  Fontenelle  :  a  II  seinble  qu'autant  qu'il  pouvait,  il  trans- 
«  formait  tout  en  ce  qu'il  aimait  le  mieux.  » 

Enfin,  Marsigli  ayant  publié,  vers  le  commencement  du  xvii*  siècle^, 
sa  fameuse  découverte  àesjleurs  da  corail,  l'opinion  de  Boccone,  qui  ran- 
geait le  corail  panni  les  pierres,  perdit  toute  faveur,  et  le  corail  dont  on 
connaissait  déjà  ïécorce^  dont  on  connaissait  un  suc  laiteux  semblable  à 

*  Boccone  :  Recherches  et  observations  natarelles  touchant  le  corail,  la  jnerre  itoilée, 
les  pierres  de  figure  de  coquilles,  etc,  —  *  Tournefort:  Éléments  de  Botanique,  1694- 
-*-  '  Soo  Histoire  physique  de  la  mer  txeei  me  de  1736;  mais  la  puMicatîon  de  sa 
découverte  est  de  1 70&  ;  iénuna  sa  Lettre  à  1  abbéJBignon ,  Lettre  qoe  je  cite  ici 


112  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

celui  de  plusieurs  plantes,  et  dont  on  venait  de  découvrir  les^ars,  pa- 
rut une  fois  encore,  et,  cettefois-ci  du  nsoins,  rendu  sans  retour  au  rè^e 
végétai. 

Cette  belle  découverte  àesjteurs  da  corail  (belle  malgré  l'erreur  de 
Marsi^i  (car  ces  ^ars  de  Marst^U  ce  sont  les  animaux  ,  les  orties  de 
Peyssonnel) ,  cette  belle  découverte  lïiarque  dans  l'étude  du  corail  une 
véritable  époque.  La  lettre,  datée  du  i8  octobre  1706,  par  laquelle 
Marsigti  l'annonce  à  l'abbé  Bignon,  président  de  l'Académie  des  Sciences, 
est  d'ailleurs  remarquable  sous  tous  les  rapports,  a  Je  vous  envoie ,  dît 
u  Marsïgli  à  l'abbé  Bignon ,  l'histoire  de  quelques  branches  de  corail  qui 
«  sont  lûBtes  coavertes  dejlears  btaaches..,.  Cette  découverte  fortuite  m'a 
u  presque  fait  passer  pour  un  sorcier  dans  le  pays ,  n'y  ayant  jamais  eu 
«  personne,  même  parmi  les  pêcheurs,  qui  ait  vu  semblable  effet  de  la 
unatm-e....)» 

Voici  à  quelles  circonstances  il  avait  dû  cette  découverte.  «  Dans  la 
Il  pensée  qu'il  était  important,  dit-il,  de  conserver  une  branche  de 
Il  corail  dans  unâ  humidité  suffisante ,  pour  pouvoir  observer  dans  le 
u  cabinet  et  hors  de  fagitation  tout  ce  qui  appartenait  à  l'écorce ,  j'avais 
H  eu  soin  de  porter  avec  moi  des  vaisseaux  de  verre  que  je  remplis 
«  de  la  même  eau  où  l'on  avait  péché ,  et  oji  je  mis  quelques-unes  de 
«ces  branches....  Le  lendemain  matin,  je  trouvai  mes  branches  de 
(•corail  toutes  couvertes  de  fleurs  blanches  de  la  longueur  d'une 
CI  ligne  et  demie ,  soutenues  d'un  calice  blanc  d'où  partaient  huit  rayons 
II  de  même  couleur ,  également  longs  et  ég^ement  distants  les  uns  des 
«autres,  lesquels  formaient  une  très-belle  étoile,  semblable  ,  à  la  gros- 
iiseur,  à  la  couleur  et  à  la  grandeur  près,  au  girofle.  (Nota,  dit  ici 
i(  Peyssonnel ,  ce  sont  cesfiears  (fo'm  a  reconna  depuis  être  les  orties ,  insectes 
Il  coralins.)  « 

Marsî^i  raconte  ensuite  comment,  ayant  retiré  le  corail  de  l'eau  pour 


FÉVRIER   1858.  115 

en  fit  d'abord  autant.  Instruit  de  ce  qu'avait  vu  Marsigli  et  de  la  manière 
dontil  s  y  était  pris  pourle  voir,  il  fit  placer,  à  mesure  qu*on  les  péchait , 
plusieurs  branches  de  corail  dans  des  vases  de  verre  remplis  d*eau  de  la 
mer.  Aussi  vit-il  les  Jleurs  de  Marsigli,  et  les  vit-il  disparaître  dès  qu'on 
les  sortait  de  Teau,  reparaître  dès  quon  les  y  replongeait;  il  les  vit 
même  se  retirer  dès  qu'on  les  touchait;  et,  chose  presque  incroyable, 
il  ne  soupçonna  pas  que  ces  corps  singuliers  qui  sortaient,  rendaient, 
qui  se  retiraient  dès  qu'on  les  touchait,  pussent  ne  pas  être  des  fleurs. 

Ces  premières  observations  de  Peyssonnel  sont  en  effet  de  1 72 3;  et 
en  1  y  2  4  il  envoie  une  dissertation  à  l'Académie,  dans  laquelle  il  soutient 
encore  que  le  corail  est  une  plante.  Enfin ,  en  1728,  se  trouvant  sur  les 
côtes  de  Barbarie,  chaîné  des  instructions  de  l'Académie  pour  l'his- 
toire naturelle,  il  reprit  les  observations  qu'il  avait  commencées  en 
Provence,  et  cette  fois -ci  la  lumière  se  fit;  la  prévention  fut  moins 
forte  que  l'évidence.  Il  vit  fleurir  de  nouveau  le  corail  dans  des  vases 
remplis  d'eau  de  la  mer ,  et  il  reconnut  que  «  ce  qu'on  croyait  être  la 
«  fleur  de  cette  prétendue  plante  n'était ,  au  vrai ,  qu'un  insecte  sem- 
ublable  à  une  petite  ortie  ou  pourpre...  Cet  insecte,  continue-t-il ,  sé- 
«  panouit  dans  l'eau  et  se  ferme  à  l'air,  ou  lorsqu'on  verse  dans  le  vase 
n  où  il  est  des  liqueurs  acides ,  ou  lorsqu'on  le  touche  avec  la  main ,  ce 
«  qui  est  ordinaire  à  tous  les  poissons  et  insectes  testacés  d'une  nature 
«  baveuse  et  vermiculaire.  »  Peyssonnel  ajoute  :  a  J'avais  le  plaisir  de 
a  voir  remuer  les  pattes  ou  pieds  de  cette  ortie  ;  et  ayant  mis  le  vase 
«plein  d'eau  où  le  corail  était,  auprès  du  ^u,  tous  ces  petits  insectes 
u  s'épanouirent.  Je  poussai  le  feu  et  fis  bouillir  l'eau,  et  je  les  conservai 
(«  épanouis  hors  du  corail  ;  ce  qui  arrive  de  la  même  façon  que  quand  on 
«  fait  cuire  tous  les  testacés  et  coquillages  tant  terrestres  que  marins.  )> 

Latfsons  de  côté  ces  expressions  confiises  de  poisson,  d'insecte,  d'ortie, 
de  pourpre,  etc.,  toutes  expressions  mal  déterminées  alors,  et  qui,  même 
pour  les  zoologistes  proprement  dits,  n*ont  reçu  une  signification  pré- 
cise que  beaucoup  plus  tard  ;  et  venons  au  fait,  savoir ,  à  l'animaUté  des 
fleurs  du  corail  et  de  son  écorce,  et  l'on  conviendra  que  ce  beau  fait 
ne  pouvait  guère  être  démontré  d'une  manière  plus  évidente.  Mais 
écoutons  encore  Peyssonnel*  a  L'ortie  sortie  étend,  dit-il,  ses  pieds 
tt  [c'est  ce  que  l'on  a  appelé  depuis  les  bras  du  polype),  et  forme  ce  que 
«  M.  Marsigli  et  moi  avions  pris  pour  les  pétales  de  la  fleur  du  corail  ; 
«  le  (!alice  de  cette  prétendue  flem*  est  le  corps  même  de  l'animal  avancé 
((  et  sorti  hors  de  sa  cellule.  »  Jl  dit  plus  loin  :  «  Lorsque  je  pressais  Té- 
«corce  avec  les  ongles,  je  faisais  sortir  les  intestins  et  tout  le  corps  de 
(d'ortie  qui,  confus  et  mêlés  ensemble,  ressemblent  au  suc  épaissi  qui 

i5 


m  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

u  sort  des  glandes  sébacées  delapeau.sll  remarque  enfin  que,  «l'écorce 
(I  ou  gîte  des  orties  (c'est  l'expression  dont  il  se  sert)  est  absolument  néces- 
Il  saire  k  la  croissance  du  corail ,  et  que ,  dès  qu'elle  manque ,  il  cesse  de 
H  croître  et  d'augmenter,  sans  changer  de  nature.  »  ^ 

On  savait  déjà  que  la  seule  partie  vivante  du  corail  était  son  écorce-, 
et  c'est  même  sur  ce  fait,  depuis  un  assez  long  tefops  généralement 
reçu ,  que  Réaumur  avait  bâti  son  système  mixte ,  lequel  consistait  à  re- 
garder le  corail  en  partie  comme  pierre  et  en  partie  comme  plante. 
Cette  écorce,  la  seule  partie  végétale  du  corail  selon  Réaumur ,  est  pour 
Peyssonnel  le  gîte  des  orties  oa  insectes  coraUns.  Tout  était  donc  trans- 
formé :  l'écorce  végétale  de  Réaamar  en  gîte  des  orties ,  et  lesfears  de  Mar- 
sigli  en  ces  orties  mêmes. 

De  retour  de  Barbarie  et  riche  de  ces  belles  observations ,  Peyssonnel 
se  hâta  de  les  faire  parvenir  k  l'abbé  Bignon  à  qui  il  avait  ordre  de 
s'adresser  pour  tout  ce  qui  concernait  son  voyage.  L'abbé  Bignon 
les  remit  à  Réaumur  qui  répondit  à  Peyssonnel  le  2  juin  1726. 

H  Je  pense,  comme  vous,  que  personne  ne  s'est  avisé  jusqu'à  présent 
«  de  regarder  le  corail  et  les  Htbophytons  comme  l'ouvrage  d'insectes. 
H  On  ne  peut  disputer  à  cette  idée  la  nouveauté  et  la  singularité  ;  mais 
Il  je  vous  avouerai  naturellement  qu'il  ne  me  paraît  guère  possible  de 
Il  l'établir  dans  la  généralité  que  vous  voulez  lui  donner  :  les  litbophy  tons 
11  et  les  coraux  ne  me  paraîtront  jamais  pouvoir  être  construits  par  des 
«  orties  ou  pourpres,  de  quelque  façon  que  vous  vous  y  preniez  pour 
«les  faire  travailler.  J'ai  déjà  proposé  verbfdement une  partie  des  diflî- 
K  cultes  que  j'y  trouve  à  l'Académie,  et  peut-être  les  donnerai -je  par  écrit. 
u  Je  ne  crois  pas  que ,  par  rapport  aux  coraux ,  il  y  ait  un  autre  système 
(là  prendre  que  celui  dont  je  vous  ai  paHé  autrefois,  savoir,  que  leur 
Il  écorce  seule  est  plante  à  proprement  parier,  et  que  cette  plante  dépose 
«  une  matière  pierreuse  qui  forme  la  tige  nécessaire  pour  la  soutenir  ; 
«  alors  je  vois  toutes  les  difficultés  disparaître  siu*  l'ot^nisation  qui 


FÉVRIER  1838.  115 

• 

Peysflonnel,  nommé,  dès  1726,  médecintbotaniste  pour  la  Guadeloupe, 
se  rendit  immédiatement  dans  cette  ile,  où  d  autres  études  ,  et,  en  par- 
ticulier,  Tétude  de  la  lèpre,  maladie  sur  laquelle  il  a  écrit  un  Traité  ex- 
près, rempêchèrent  pendant  longtemps  de  revenir  à  ses  premiers  travaux. 

Quoiqu'ilen  soit,  ni  Textrême  réserve  de  Bernard  de  Jussieu,  ni  le 
ton  mêlé  d'ironie  de  Réaumur,  ni  les  objections  de  ce  derniei",  rien 
n'avait  pu  le  décourager  ni  ébranler  sa  conviction.  Il  avait  observé 
longtemps  et  bien  ;  et  il  savait  que,  pour  prononcer  sur  la  véritable  na- 
ture des  corps  marins  ^  il  avait  du  moins  un  avantage  sur  les  deux  grands 
naturalistes  qui  viennent  d'être  cités,  c'est  qu'il  avait  étudié  ces  corps 
dans  la  mer,  lorsqu'ils  sont  encore  dçns  leur  état  naturel,  dans  leur 
état  frais ,  et  non  plus  ou  moins  défigur(\4,  plus  ou  moins  mutilés  dans 
toutes  leurs  parties  vivantes ,  comme,  les  offrent  nos  cabinets.  Il  reprit 
donc  enfin  ses  premières  observations  sur  les  corps  dont  il  s'agit,  et, 
f assure,  dit-il,  amr  tov^ours  trouvé. sur  tous  ces  corps,  hs  orties  vivantes, 
suivant  leurs  espèces,  u Qu'on  me  le  nie,  ajoute-il,  je  conduirai  les  încré- 
«  dules  sur  les  lieux  et  leur  démontrerai  tout  ce  que  j'avance.  » 

Là  se  termine  ce  qu'il  y  a  de  réellement  neuf  dans  la  première  partie 
de  l'ouvrage  de  Peyssonnel.  Le  surplus  se  compose  d'observations ,  ou 
plutôt,  de  dissertations  sur  la  distillation  du  corail\  sur  son  lait;  sur  ses 
différentes  espèces;  siu»  les  vers  qui  le  piquent  et  le  carient;  sur  les  lieax  oà 
on  le  pêche  et  sur  la  manière  de  le  pêcher;  sur  la  manière  de  le  polir  et  de 
le  travailler;  sur  le  commerce  qu'on  en  fait;  sur  ses  vertus  et  sur  son  usaqe 
dans  la  médecine,  etc. 

L'intérêt  recommence  avec  la  seconde  partie.  J'en  ai  déjà  transcrit 
le  titre  tout  entier.  L'objet  de  l'auteur  est  d'y  confirmer  sa  découverte 
sur  le  corail  par  ce  qu'il  a  vu  de  semblable  sur  les  tuyaux  vermiculaires , 
les  madrépores,  le»  lithophytes,  etc.;  et  d'y  prouver  a  que  tous  ces  corps 
«  marins  sont  produits  par  des  animaux,  et  qu'ainsi  ils  doivent  être  ôtés 
c(  de  la  classe  des  plantes  pour  être  placés  dans  celle  des  coquillages.  » 

U  commence  par  les  tuyaux  vermiculaires,  déjà  mis  au  nombre  des 
animaux  par  la  plupart  des  naturalistes ^  par  Rondelet^,  par  le  père 
Buonanni^,  etc.  Le  chapitre  suivant,  sur  les  madrépores ,  a  plus  d'impor- 
tance; la  découverte  de  l'animal  du  madrépore  est  presque,  en  effeV  du 
même  rang  que  celle  de  l'animal  du  corail;  elle  est  d'ailleurs  de  la  même 
date.  Réaumur,  dans  son  Mémoire  de  1727,  dit  :  u  L'auteur  du  nou- 

^  Et  rangés  de  nos  jours  parmi  les  annélides  et  les  moUasques  des  genres  dentales 
et  serpules,  —  *  Histoire  entière  des  poissons,  i558.  —  '  Recreatio  mentis  et  oculi  in 
dbservatione  animaliam  testaceomm ,  168Â. 

i5* 


116  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

«  veau  système  [car  il  ne  nomme  pas  Peyssonnel,  par  ménagement) ,  a 
«aussi  observé  que  ces  Ûeurs  qu'on  avait  découvertes  sur  le  corail,  se 
«trouvent  dans  les  nîadrépores  et  dans  les  autres  productions  pier- 
ttreuses,  et  c'est  une  observation  dont  on  doit  lui  savoir  gré.  Mais, 
«continue  Réaumur,  au  lieu  de  les  prendre  pour  des  fleurs,  il  les  re- 
«garde  comme  des  insectes  du  genre  appelé  orties  de  mer^.  n 

Peyssonnel  avait  bien  compris  tout  ce  que  la  découverte  de  l'animal 
des  madrépores  ajoutait  de  force  à  la  découverte  de  l'animal  du  corail-, 
u  c'est  ici  que  je  place,  dît-il,  la  preuve  évidente  de  mon  nouveau  sys- 
K  tème.  n  n  dit  encore  :  u  Cette  nouvelle  découverte  des  orties  ou  pour- 
n  près ,  qui  forment  les  madrépores ,  résout  toutes  les  difficultés  qui  se 
«  présentent  pour  expliquer  la  nature  de  ces  corps ....  Il  ne  sera  plus 
«besoin  de  les  observer  chacun  en  particulier  pour  juger,  par  une 
«juste  conséquence,  que  tous  les  autres  de  même  nature  doivent  être 
u  paiement  formés ,  . , .  Par  une  étude  particulière  sur  chacune  de  ces 
«productions,  continue-t-il,  on  obsen'cra  de  petites  différences  dans 
u  cbaque  espèce,  qui  ne  changeront  en  rien  l'ordre  ni  le  mécanisme  gé- 
Huénd  qui  régnera  toujours  le  même.  » 

Les  madrépores,  comme  le  corail,  avaient  tour  à  tour  été  placés  parmi 
tes  pierres  et  parmi  les  plantes.  C'est  en  1725,  et  sur  les  côtes  de  Bar- 
barie,que  Peyssonnel  reconnut  pour  la  première  fois  l'animal  des  ma- 
drépores^, ou  ies^nrs  des  madrépores,  comme  Réaumur  voulait  que  l'on 
s'eiprimât  encore  en  i-jij.H  observa  que  «les  extrémités  ou  sommets 
Il  du  madrépore  étaient  mollasses ,  tendres  et  remplis  d'une  mucosité 
«gluante  et  transparente. .. .  Ces  extrémités  étaient  d'une  couleur 
«jaune  et  avaient  cinq  Â  six  lignes  de  diamètre. ...»  Il  vit  l'animal 
(I  niché  dedans  dont  le  cœur  ou  centre  s'élevait  parfois  au-dessus  de  la 

«  surface ,  s'ouvrait ,  se  dilatait  comme  la  prunelle  de  J'œil J'avais 

u  le  plaisir ,  continue-t-il ,  de  voir  remuer  toutes  les  pattes  ou  pieds ,  de 
«  voir  agirle  cœur  ou  centre:  enretirant  le  madrépore  de  l'eau,  je  voyais 


FÉVRIER  1858.  117 

invinciblement,  et  par  la  seule  force  de  Tanalogie.  Marsigli  avait  dé- 
couvert les  jî^ars  du  corail  :  a  Cette  découverte,  dit  Peyssonnel,  me  con- 
<(  duisit  à  celle  des  orties  corallines;  de  là  je  passai  aux  orties  des  madré- 
a  pores ,  et  de  celles-ci  je  vins  à  la  découverte  de  celles  des  millepores.  » 

Observant  les  millepores,  tantôt  dans  la  mer  et  tantôt  dans  des  vases 
pleins  d*eau,  il  reconnut  que ,  comme  les  madrépores,  ils  étaient  enduits 
d'une  viscosité  gluante;  en  ayant  ensuite  exposé  quelques-uns  à  une 
"chaleur  douce,  «il  vit  sortir  de  chaque  petit  trou  des  corps  mollasses 
u  qui  allongeaient  en  dehors  de  petits  pieds,  blancs  aux  uns,  jaunes  aux 
«autres;  les  pieds  remuaient  et  s'éparpillaient  çà  et  là;  ib  avaient  une 
«  vie  sensitive.  Dès  que  je  les  touchais  ou  voulais  retirer  les  millepores 
ude  l'eau,  je  voyais  tout  disparaître;  ils  rentraient  dans  leurs  trous  et 
((  dans  lem's  cdlules ....  Je  cassai  ces  millepores,  et  je  distinguai  alors 
((  les  petits  poissons  nichés  dans  ces  cellules ,  oii  ils  sont  adhérents  aux 
«parois;  car,  en  séparant  doucement  ces  pièces  rompues,  je  sentais  de 
«la  résistance,  je  détruisais  ces  petits  poissons,  tout  devenait  con&s; 
«  ce  qui  me  persuada  qu'ils  étaient  d'ime  nature  semblable  à  celle  des 

«orties  que  j  avais  observées  dans  les  madrépores Les  pieds  (dit- 

«il  encore)  sont  à  l'entrée  du  trou. . .  •  Ce  sont  ces  pieds  que  je  voyais 
«remuer  et  sortir,  ce  qu'ils  font  pour  prendre  leur  noiuriture;  ils  dis- 
«  paraissent  après  et  se  recoquillent  dans  leur  gîte  •  • .  •  Comme  j'avais 
«  conservé  les  madrépores,  je  conservai  de  la  même  façon  les  millepores; 
«ils  vécurent  quelques  jours  dans  l'eau  de  la  mer  où  je  voyais  leur 
«mécanisme  et  leur  jeu;  je  n'ai  pu  les  conserver  hors  de  leiu*  gîte, 
«  quelque  soin  que  je  me  sois  donné,  n 

Les  Uthopkytes^ ,  par  leur  mollesse  et  leur  flexibilité,  paraissent,  au 
premier  coup  d'œil,  s'éloigner  beaucoup  du  corail,  des  madrépores,  des 
millepores;  ils  n'en  sont  pas  moins  le  produit  d'animaux  de  la  même 
classe.  Peyssonnel  constata  d'abord  que  la  croûte  tartarease  qui  enve- 
loppe les  liihophjtes  est  semblable  en  tout  à  celle  du  corail,  H  reconnut 
ensuite  que  les  lithophytes  ont  les  mêmes  orties  que  le  corail,  et  que  ces 
orties  ont  le  même  jeu,  la  même  écorce,  les  mêmes  trous  ou  pores  à 
cette  écorce,  etc.  ;  et  «  s'il  n'est  pas  extraordinaire ,  dit-iJ ,  de  voir  les  orties 
«  corallines  donner  une  matière  pierreuse,,  il  ne  Test  pas  davantage  de  voir 
«  les  orties  lithophytones  en  donner  une  d*une  nature  semblable  à  celle  de  la 
«  corne,  ou,  pour  mieux  dire,  à  celle  de  llécaillede  la  tortue  (du  Caret).  » 

Peyssonnel  termine  son  beau  travail  par  l'examen  des  corallines  et  des 
éponges.  Mais  d^abord,  pour  les  corallines,  il  convient  lui-même  que  ses 
observations  sont  loin  d^avoir  une  justesse  à  pouvoir  entièrement  syjier; 

^  Les  Uthophytons  de  Peyssonnd ,  ou  gorgones  des  zoologistes  modernes. 


1^  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

il  n'avait  pas  de  microscope;  et  nies  occasions,  ajoute-t-il,  ne  lui  ont 
«  pas  été  aussi  favorables  que  pour  les  madrépores  et  le  corail.  »  Et , 
quant  aux  éponges,  il  se  trompe  complètement  en  prenant,  pour  l'ani- 
ma! propre  de  l'éponqe,  de  petits  vers',  qui  ne  s'y  trouvent  qu'accidentel- 
lement ,  et  qui ,  selon  lui ,  en  construiraient  les  li^es  ou  cellules ,  comme 
les  abeilles  construisent  les  cellules  de  leurs  gâteaux^. 

Je  termine  ici  cette  analyse,  dans  laquelle  je  ne  me  suis  attaché 
qu'aux  seules  parties  originales  de  l'ouvrage  de  Peyssonnel.  L'ouvrag* 
même  gagnerait  beaucoup,  s'il  devait  jamais  être  imprimé,  à  être 
pui^é  de  toutes  ces  dissertations  conlîises ,  de  toutes  ces  compilations 
indigestes,  sous  lesquelles  l'auteur  semble  avoir  pris  à  tâche  d'étouffer 
les  observations  les  plus  neuves  et  tes  plus  heareuses.  Mais  ce  n'est  là 
qu'un  défaut  de  forme  ;  je  ne  parle  pas  non  plus  de  l'extrSme  n^Ugence 
et  de  l'incorrection  souvent  presque  barbare  du  style.  Il  y  a ,  quant  au 
fond ,  un  vice  beaucoup  plus  grave  ;  c'est  que  Peyssonnel  s'est  arrêté 
trop  tdt  dans  l'étude  des  animaux  singuliers  qu'il  a  le  premier  fait  con- 
naître aux  naturalistes.  Il  ne  donne  rien  ou  presque  rien  sur  leur  anato- 
mie;  et  cet  étonnant  caractère,  qui  fait,  de  ces  animaux,  des  animaux 
composés,  lui  a  échappé  presque  entièrement.  C'était  là  pourtant,  c'était 
dans  cette  étrange  nature  animale  que  ■se  trouvait  la  solution  des  plus 
graves  difficultés  qu'on  lui  opposât. 

«Les  Uthophytom  et  les  coraax,  lui  avait  écrit  Réaumur,  ne  me  parai- 
«  tront  jamais  pouvoir  être  construits  par  des  orties  ou  pourpres ,  de 
«  quelque  façon  que  vous  vous  y  preniez  pour  les  faire  travailler.  » 
Jusque  dans  la  préface  du  VI'  volume  de  ses  Mémoires  sur  les  insectes, 
publié  en  1 7  i  a ,  Réaumur  revient  sur  cette  difficulté,  a  La  grande  diffi- 
(c  culte ,  dit-il ,  celle  sur  laquelle  j'ai  le  plus  insisté ,  et  qui  me  paraissait 
"insoluble,  c'était  d'expliquer  comment  des  insectes  pouvaient  cons- 

'  Des  /V^ereù,  lesquels  se  trouvent  daos  tous  les  loopliites  mous.  Granl  :  Observations 


FÉVRIER  1858.  119 

utruire  les  corps  pierreux  Air  lesquels  on  les  trouvait;  comment  de 
u  pareils  corps  pouvaient  résulter  de  plusieurs  de  leurs  cellules  ou  co* 
<(  quilles  réunies  ;  et  c*est  une  di£Eiculté  que  M.  Peyssonnel  a  laissée  dans 
«  son  entier ,  et  par  rapport  à  laquelle  il  était  impossible  alors  d'en- 
«trevoir  aucun  dénoûment.  »  Dans  son  mémoire  de  1737,  il  T avait 
reproduite  encore.  «  Enfin ,  y  dit-il ,  eûtK>n  rendu  plus  probable  ce  sys* 
«tème  singulier  (cest  toujours  ainsi  qu'il  appelait  alors  le  système  de 
<(  Peyssonnel) ,  on  se  verrait  forcé  à  Tabandonner ,  dès  qu'on  penserait  à 
((  l'impossibilité  qu'il  y  a  de  faire  bâtir,  par  des  insectes,  des  corps  telsque 
«  le  corail  et  les  autres  corps  qui  portent  le  nom  de  plantes  pierreuses. 
«  Aussi  ne  parait-il  pas  que  l'auteur  ait  pu  rien  imaginer  sur  cela  qui  le 
«satisfasse,  ou  rien  à  quoi  il  croie  pouvoir  s'en  tenir.  Quelquefois, 
((  ajoute  Réaumur ,  il  semblevouloir  que  les  madrépores  ne  soient  que  dif- 
iiférentes  coquilles  réunies,  quelquefois  qu'elles  ne  soientquuaseulcofluillage,  » 

On  voit ,  par  ces  derniers  mots  de  Réaumur,  combien  Peyssonnel 
touchait  de  près  â  l'idée  qui,  mieux  débrouillée,  devait  répondre  à  toi^ 
savoir  :  que  ces  animaux  sont  en  effet  des  cuiimaux  composés ,  plusieurs 
animaux  qui  n  en  font  qu'un,  plusieurs  animaux  liés  par  un  corps  commun. 
Peyssonnel  dit  «que  ces  animaux  peuvent  naître  tellement  joints,  qu'ils 
«semblent  faire  un  seid  et  même  corps;  )>  il  dit  que  fécorce  est  le  gite 
des  orties;  il  remarque  qu'elle  est  vivante  :  de  tout  cela  à  l'idée  expresse, 
à  l'idée  nette  que  ces  animaux  sont  des  cmimaux  composés,  il  n'y  avait 
qu'un  pas  ;  mais  ce  pas  ne  devait  pas  être  fait  encore  ;  et  même ,  dans  cette 
branche  nouvelle  delà  science ,  ce  n'était  pas  le  premier  qui  dût  être  fait. 

En  lyAo,  Trembley  découvrit  la  faculté  singulière  par  laquelle  un 
polype,  coupé  en  deux  ou  plusieurs  morceaux,  forme  autant  de  polypes 
que  de  morceaux,  et  la  faculté  plus  singulière  encore  par  laquelle  deux 
polypes,  étant  tenus  rapprochés  pendant  quelque  temps,  finissent  par 
se  souder  et  n'en  former  plus  qu'un  seul.  Il  découvrit,  en  lyAi»  que» 
outre  cette  manière  de  se  multiplier  par  la  section  de  leurs  parties , 
les  polypes  en  avaient  une  autte  et  non  moins  extraordinaire ,  celle  de 
se  multiplier,  comme  les  plantes,  par  bourgeons  ou  par  rejetons. 

Ces  faits  étonnants  frappèrent  tous  les  esprits,  et  ramenèrent  Tatten- 
tion  sur  les  découvertes  déjà  oubliées,  ou  à  peu  près,  de  Peyssonnel. 
Les  polypes  de  Trembley  rappelèrent  les  animaux  des  coraux  et  des  madré- 
pores. En  1762,  Bernard  de  Jussieu  se  rendit  sur  les  côtes  de  Norman- 
die; il  examina  plusieurs  productions  marines*  prises   jusque-là  pour 

^  Particulièrement  la  main  de  mer.  Son  mémoire  a  pour  titre  :  De  quelques  pro- 
ductions marines  qui  ont  été  mises  au  nombre  des  plantes,  et  qui  sont  l'ouvrage  d'une  sorte 
d'insectes  de  mer.  Mém.  de  TAcad.  des  Sciences,  l'jl^^. 


120  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

des  plantes,  et  confirma  les  observations  tk  Peyssoiinel.  Guettard  se 
rendit  sur  les  côtes  du  Bas-Poitou'.  Plus  on  étudiait  de  productions 
marines ,  plus  on  sentait  le  mérite  des  idées  dePeyssonnel.  On  eut  bien- 
tôt le  bel  ouvrage  d'Ellîs  surles  coraZ/iFiej'.  Réaumur  fit,  de  son  côté, 
une  observation  curieuse.  Il  vit  que  les  pol^pej  tfeoa  doace  à  panache , 
pendant  qu'ils  sont  jeunes,  et  encore  très-jeunes,  se  multiplient  par  reje- 
tons comme  les  polypes  de  Trembley;  mais  avec  cette  différence  <jai 
expli^ae  clairement,  dit  Réaumur,  la  formation  de  ces  polypiers  qui  res- 
semblent  à  des  plantes,  savoir  ,  que  le  tr^aa  da  polype  noaveaa-né  reste 
toajoars  greffé  en  quelque  sorte  sur  le  tayaa  de  celai  qai  lui  a  donné  naissance. 
«C'est  ainsi,  continue-t-il ,  ^e  nous  avons  vu  se  former  des  files  de 
0  tuyaux  de  polypes,  greffés  les  mis  sur  les  autres,  que  nous  n'eussions 
«  pas  bésité  à  prendre  pour  des  plantes,  si  nous  ne  les  eussions  pas  sui- 
«  vis  dans  le  progrès  de  leur  accroissement,  et  s'il  ne  nous  eût  pas  été 
«  pennis  de  nous  assurer  qu'ils  n'étaient  qu'un  assemblage  singulier  de 
uxellules  construites  les  unes  après  les  autres ,  et  habitées  par  de  très- 
«  petits  animaux',  n 

Cependant  ce  n'était  pas  là  encore  toute  la  vérité.  Ou  ne  tenait  pas 
encore  ce  grand  fait,  cette  animalité  composée,  cette  étrange  nature  d'a- 
nimaux 1  distincts,  puisqu'ils  peuvent  être  inpunément  séparés  les  uns 
des  autres;  cine  faisant  ça'an,  puisque  ce  que  l'un  d'eux  mange  profite 
k  tous  les  autres  et  au  corps  commim.  On  ne  tenait  pas  surtout  ce  sin- 
gulier mode  de  multiplication  duquel  résulte  la  composition,  Fagrégation 
même  de  ces  animaux.  Dans  les  pofypes  simples ,  chaque  nouveau  reje- 
ton, chaque  nouveau  polype  se  détache,  à  mesure  qu'il  se  développe, 
du  premier  polype.  Dans  les  polypes  des  coraur,  de&  madrépores ,  des 
miVepores,  des  lithophfies,  etc.,  chaque  rejeton,  chaque  jeune  polype 
reste  attaché  à  celui  qui  l'a  produit,  et  celui-ci  à  une  autre  dont  il  est 
également  venu,  et  tous  entre  eux,  sans  se  séparer  jamais. 

Dès  lors  toutes  les  difficultés  ont  été .  levées.  L'agrégation  de  ces  ani- 


FÉVRIER   1838.  121 

particulière  selon  laquelle  se  fait  la  génération,  le  bourgeonnement,  la 
gemmiparité  dans  chaque  espèce  de  polype ,  a  donné  la  raison  de  toutes 
les  formes  diverses  des  dépouiUes  solides ,  des  arbres ,  des  plantes  ma- 
rines, comme  on  a  dit  pendant  si  longtemps  ^ 

Et  l'on  ne  s'est  pas  arrêté  \k  ;  des  observations  d'abord  incomplètes 
de  Gaertner  ;  puis  des  observations  plus  complètes  de  Gavolini ,  de  Péron, 
de  M.  Lesueur,  de  M.  Desmarets  ;  enfin,  lejs  observations  admirables 
de  M.  Savigny  ont  appris  que  cette  animalité  composée  se  retrouvait 
jusque  dans  des  animaiux  beaucoup  plus  élevés  dans  l'échelle  que  ne  le 
sont  les  polypes,  et  qui, comme  M.  Guvier  l'a  montré,  par  exemple,  pour 
les  ascidies  composées  de  M.  Savigny ,  pouvaient  être  revendiqués  par  la 
classe  des  mollusques. 

Telle  est  cette  suite  d'observations  et  de  découvertes  qui,  com- 
mençant à  Peyssonnel  et  se  continuant  jusqu'à  nos  jours,  a  fait,  de 
l'étude  des  productions  mannes,  une  branche  nouvelle  de  la  science.  Il 
parait,  au  reste,  que  Peyssonnel  avait,  pour  l'étude  de  ces  productions, 
le  goût  le  plus  vif.  Il  s'y  était  comme  dévoué  dès  sa  jeunesse;  on  sait 
qu'il  avait  voulu  établir  un  prix,  lequd  aurait  été  distribué,  chaque 
année,  par  l'Académie  de  Marseille,  à  l'auteur  de  la  meilleure  disserta* 
tion  sur  un  point  de  TJdstoire  natareUe  de  la  mer.  L'Académie  refusa  ce 
prix,  se  fondant  sur  ce  que,  constituée,  comme  elle  l'était,  Académie  des 
Belles-lettres,  elle  manquait  de  juges  compétents  pour  prononcer  sur 
un  point  de  science.  Mais  ce  n'était  là  qu'une  pétition  de  principe  ;  car 
ce  que  demandait  Peyssonnel,  c'était  précisément  qu'elle  devint  aussi 
Académie  des  sciences,  et  qu'elle  s'adjoignît  des  juges  compétents. 

n  combattit  la  déeisiondel'Âcadémie  dans  une  Gttre  imprimée ,  adres- 
sée à  BufFon  et  à  Paubenton.  Dans  cette  lettre,  il  parle  avec  grâce  de  ses 
propres  travaux  :  «  Tout  honune ,  dit-il ,  les  aurait  pu  faire  comme  moi  ; 

^  Reste  la  difficulté  qui  concerne  le  Uàt  du  corail.  Peyssonnel  prend  ce  prétendu 
kût  pour  le  sang  de  l'animal.  Donâti  8*exprime  ainsi  :  «  ai  on  regarde  ail  microscope 
«le  polype  contracté  et  caché,  il  ressemble  à  une  goutte  de  lait;  et  tous  les  pécheurs 
€  du  corail,  même  les  plus  exacts ,  croient  que  c'est  effectivement  le  lait  du  corail, 
«  d*autant  plus  qu'en  comprimant  Técorce,  on  fait  sortir  le  polype,  qui  conserve  tou- 
«jours  Tapparence  du  lait.  C'est  pourquoi  je  pense  que  le  lait  du  corail ,  observé  pre- 
c  miérement  par  Fexact  André  Césalpin ,  n*est  rien  que  ces  polypes.  »  Essai  sur  t his- 
toire naturelle  de  la  mer  Adriatique,  Cependant,  M.  Milne-Ekiwards,  qui  a  soumis 
Tanatomie  de  ces  animaux  à  un  examen  plus  détaillé,  ne  pense  pas  qu'il  en  soit 
ainsi.  Suivant  lui ,  l'apparence  lactée  des  liquides  qui  s'écoulent ,  quand  on  presse 
le  corail,  tient  uniquement  aux  nombreux  ovules  qui  s'échappent  alors  et  se  mêlent 
à  ces  liquides;  car,  outre  leur  génération  gemmipare,  ces  polypes  en  ont,  comme  on 
sait,  une  autre,  laquelle  se  fait  par  des  ovules,  et  explique  leur  dispersion. 

16 


122  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ti  îl  n'a  fidlu  qu'obserrer,  r^arder  avec  attention,  re&ire  les  observations, 
a  s'assurer  de  ]a  vérité  par  un  travaU  assidu  ;  d'ailleurs  les  pêcheurs ,  tes 
umatdots  m'aidaient  extrêmement;  ils  observaientaussi  bieo  que  moi; 
«  bien  des  petits  riens  qui  m'échappaioit  étaient  remarqués  par  eux  ;  ils 
•  me  disaient  :  voyee  t^e  ou  telle  chose,  et,  sur  leur  dire,  je  faisais 
«  des  attentions ,  je  notais ,  je  vérifiais.  » 

Ajotttons  que,  à  l'époque  où  Peysscmnel  écrivait  ces  lignes,  en  1^56, 
îl  voyait  enfin ,  après  vingt  ans  de  contradiction ,  ses  découvertes  adop- 
tées par  tous  les  naturalistes,  Réaumur  n'avait  pas  attendu  si  longtemps 
ponrlui  rendre  justice,  etpourla  lui  rendre  complète.  Dès  17Z13,  il 
s'exprimait  ainsi  :  «  L'attâition  qne  M.  Peyssonnel  avait  apportée  à  faire 
«ses  observations  aurait  dû  me  convaincre  plus  tôt  qae  ces  0eurs,  que 
n  M.  fe  comte  de  Marsi^  avait  accordées  aux  différentes  productions 
tt  dont  nous  venons  de  parier,  étaient  réellement  de  petits  animaux  '.  » 
Peyssonnel  a  laissé  ime  relation  de  son  voyage  en  Barbarie ,  laquelle 
est  restée  inédite,  amsi  que  l'ouvrage  curieux  qui  fait  l'objet  de  cet 
article. 

■0  s'appebit  Jmji-Andrë,  et  non  Jean-Antome,  comme  le  dit  ta  Biogra- 
pfcie  nnîtierjeffe,  qui  ne  lui  accorde  qu'une  simple  note. 

n  avait  réuni,  en  1766,  dans  un  petit  vohime  in-i  a  :  l'iatraduc- 
tion  de  l'article  des  Transactions  phUosçphvfoés  sur  l'ouvrage  dont  il  vient 
d'être  question;  3'  Son  prtget  pour  l'établissement  d'un  prix  relatif  A 
^histoire  natareUe  de  lamer:  3°  Sa  lettre  à  BuSbn  et  à  Dauhenton;  et 
4°  quelques  obsereations  $ar  Us  cearatUs  de  h  mer,  faites  en  différents 
endroits^. 

FLOURENS. 


'  Préface  lia  tome  Vf  dt*  Mémoim  tur  Ui  iasaclei.  —  '  Voici  ie  titre  même  de 


124  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

n'a  pdnt  encore  été  remise  i  llmprimerie  royale.  Dès  que  l'auteur  aura  fourni  la 
copie ,  l'impresiion  sera  reprise  avec  activité.  Nous  pensons  que  cette  notice  com- 
plétera le  v<dume  ;  car  la  féconde  partie  ,  qui  eit  entièrement  composée  et  dont  il 
ne  reste  que  quelques  feuilles  à  tirer ,  comprend  55  feniiles  ou  près  de  â5o  pages , 
qui ,  jointes  à  1 5o  pages  de  la  i"  partie ,  donn«it  déji  un  totu  de  600  pages.  Je 
dois  profiler  de  cette  occasion  pour  inviter  les  membres  de  l'Académie,  qui  se  pro- 
poseraient de  présenter  à  la  commission  (|udque>  notices  pour  ia  1"  ou  le  a*  partie 
du  tome  XIV ,  à  se  mettre  en  mesure ,  en  sorte  que  l'impresHon  de  ce  tome  puisse 
commencer  aussilât  que  c^e  du  tome  XIII  sera  terminée.  La  commîs.ii.'^n  n'a  en  ce 
moment  aucuns  matériaux  pour  le  XIV*  tome  :  les  longs  d^ais  qu'a  éprouvés  l'im- 
pression du  tome  XIH  ont  pu  faire  perdre  de  vue  ce  genre  de  travail;  il  y  a  lieu 
d'espérer  que  cet  inconvénient  ne  se  renouvdlera  [dus  ,  et  pour  cda  il  est  à  souhai- 
ter que  la  commission  n'admette  dorénavant  aucune  notice  dont  l'a  rédaction  ne  soit 
complètement  achevée.  K  l'on  s'était  conformé  à  cette  mesure,  l'impreasion  dn 
tome  Xm  n'eût  point  été  si  longtemps  suspendue  par  l'imperfection  du  travail  de 
M.  Rémnsat,  dont  il  s'était  contenté  de  soumettre  le  commencement  à  l'examen  de 
la  commission ,  et  qui  est  resté  longtemps  incomplet  par  le  décès  prématuré  de 
l'auteur. 

Je  passe  à  l'Histoire  littéraire  de  France.  Dans  le  cours  des  sis  derniers  mois  de 
1837,  l'Impression  du  tome  XIX  de  ce  recueil  a  été  portée  de  la  p.  5/6  à  la  p.  793. 
I<a  i'*partie  de  ce  volume  contient,  ainsi  que  je  l'ai  dit  dans  le  précédent  rapport . 
des  notices  plus  ou  moins  longues  sur  117  auteurs  qui  ont  écrit  en  latin  ou  enproae 
firançaise,  et  qui  sont  morts  dans  les  années  ia56  à  ia85.  La  3*  partie,  qui  s'étend 
jusqu'à  la  page  630,  fait  connaître  89  troubadours  qui  vivaient  àla  même  époque, 
et  entre  Icsquds  on  distingue  Sorde] ,  Bertrand  d'Alamanon,  Boniface  de  Castellane. 
Blacasset,  etc.,  etc. 

L'histoire  des  Trouvères  dusiii*  siècle,  continuée  dans  la  3*  partie,  a  déjii  atteint 
la  page  793.  Husieurs  des  articles  qui  la  doivent  étendre  au  delà  delà  page  83o, 
ont  été  lus  à  la  commission  et  livrés  à  l'impression.  Parmi  tes  uolices  déjà  imprimées, 
on  remarque  celles  qui  concernent  Dema  Pyrame,  Pierre  Du  Hier,  etc. ,  et  divers 
auteurs  de  romans  cnevaleresques  versifiés. 

La  commission  s'est  occupée  de  la  rédaction  des  tables  qui  aevront  être  placées 
au  commencement  et  à  la  fin  de  ce  tome XIX;  elles  seront  livrées  à  l'impression  aus- 
sitôt que  sera  terminé  le  corps  du  volume,  anqud  il  ne  manque  plus  qu'environ 
une  centaine  de  pages. 

LelomeXXcommenceraâl'année  ia86  elfinira  avec  te  1111' sïède:  A  o  articles 
destinés  à  ce  volume ,  et  parmi  lesqnels  se  trouvent  tous  ceux  qui  appartiennent  à 


JOURNAL  DES  SAVANTS. 


decooMiller  l'AcMlémie  wr  la  GompMÎUoD  da  Ine  eonune  sur  celle  dei  légaodei , 
arrête  lui-même  ce  qui  oenceroe  )ea  tnMs  ,  d'où  U  risidta^'il  est  qatlqnefoii  im- 
posùUe  de  faire  concorder,  comme  il  Mrait  à  déurer,  w>  deux  parties  <^  con- 
«onrent  k  t'expretiion  de  la  peniée  que  cet  teomimentodoitait  IraïuneUn  à  la 
postérité.  La  médaille  du  musée^  de  Versailles  en  ofire  un  exemple  remarquable ,  at- 
tendu que  dans  la  composition  du  tjpe  on  n'a  point  méuagé  un  espace  pour  l'ins- 
«ription  principale,  et  qu'il  ne  poarra  étr^  mit  de  légende  qu'à  l'etetgae. 

DepuisquelacommiMÎoa  des  Auliipâtéi  natùmtdeiBi  fait  aon  rapport  au  mois  de 
jtnllet  denuer,  peu  d'onvra|>es  lui  ont  été  renvoyés  par  l'Académie  ;  l'^wque  n'est 
pas  loin  où.  sans  doute,  divers  travaux  seront  adressés  pour  le  concours  de  iSSS . 
«t  où  la  commission  devra  s'occuper  de  leur  examen  et  de  préparer  les  éléments  du 
jugement  du  concours  de  la  préacole  année. 

Nous  crayons  qu'il  serait  i  souhaiter  que  le  ri»port  fût  us  peu  plus  explicite  sur 
les  ouvrages  qui,  sans  avoir  obtenu  une  des  médnâles ,  ont  orâenduit  paru  dignes 
de  l'altention  de  l'Académie.  Ce  serait  un  encouragement  puissant  donné  aux  au- 
teurs ,  «t  on  préyieDdrsît  ainsi  quelques  réclamatîfins  qui  ne  Mot  pas  toujours  sans 
fondement. 

Je  ne  terminerai  point  ce  rapport  sans  rendre  compte  à  l'Académie  des  travaux 
dont  je  suis  spécidement  chargé.  La  a*  livraison  du  (orne  XIU  des  mémoiresdc  l'A- 
cadémie, a  élié  suivie  avec  beBucoupd'activ)lé;le  mémoire  de  M.  Raoul-Rochetle  lu 
en  iSSy ,  et  qui,  par  une  disposition  spéciale  de  l'Académie  a  dû  trouver  place 
dans  ce  vt^ume ,  le  comfdétera  entièrement  '.  il  ne  peut  pas  tarder  beaucoup  i,  être 
terminé  ,  et  j'aurai  ak»s  à  m'occnper  de  la  i"  partie  du  tome  XII ,  consacrée  à 
l'histoire  de  I  Académie. 

IHusieurs  mémoires  lus  en  i833  et  i8S3  ,  qui  devaient  entrer  dans  le  livraison 
composée  des  tomes  XII  et  XIII  et  qui  sont  entre  met  mains,  ne  pourn»il  trouver 
place  que  dans  les  livraisons  suivantes. 

La  table  des  dix  premiers  volumes  du  recueil  de  l'Acadàniea  été  entièremenl 
achevée  avant  la  fin  de  lÔSy  ;  je  viens  delà  faire  mettre  »us  presse,  et  j'espère  que 
l'impression  pourra  eu  ^tre  achevée ,  sinon  en  i838,  du  moins  dans  les  premiers 
mois  de  1839. 

Jerapp^erai  encore  à  l'Académie  la  proposition  que  je  lui  ai  faite  dans  mon  der- 
nier rapport,  et  qui  est  relative  a  la  publication  de  la  table  des  six  derniers  volumes 
de  l'ancien  recueil  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-lettres.  L'Académie  vou- 
dra bien  se  rappeler  que  celte  table  a  été  rédigée  aux  frais  de  MM.  de  Bure ,  éditeurs 
de  cessixvtdumes,  et  qu'il  s'^^aît  d'en  rachJeter  d'eux  le  maouftcnt  et  de  le  dispo- 


128  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

meilleurs  modèle*  que  ceux  qu'il  exhume  et  auxquels  3  prodigue  Us  qualifications 
de  Rickesiei  littirairts  que  noas  ont  laiuiet  m»  aïeux  ;  de  Tréion  dei  xii'  et  xiii* 
$iiclet,  tnfantés  par  U  génie  de  ntu  pèrei.  Recueillir  ces  matériaux  de  notre  histoire 
littéraire  est  un  travail  fort  utile;  et  personne  ne  s'y  livre  ^us  honorablement  que 
M.  Jubinal.  Mois  en  admirant  ces  grossiers  essais  de  la  vvsificatioD  française,  on 
ne  coDli'U>uerait  pas  au  maintien  du  faon  goût ,  ni  aux  progrès  des  nouveaux  talents. 

Cab^aZa,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  avec  un  prolt^e,  par  M.  Alexandre 
Dumas,  représentée  sur  le  théâtre  français,  le  36  décembre  iSSy.  Paris,  imprime- 
rie de  Dondey-Dupré ,  lihrairie  de  Marchant,  i838;  176  pages  in-8'  à  longues  lignes, 
et  avec  une  préface.  Pr,&fr.;  — 4o  pages  in-g'  à  deux  colonnes,  et  sans  préface. 
Pr.afr.  5oc. 

Histoire  de  France  toai  Napoléon  (deuxième  époque) ,  depuis  la  paii  de  Tilsitl , 
en  iSo-y,  jus4]u'en  1813;  par  M.  BigDon  (pair  de  France] ,  membre  de  l'Institut. 
Tome  septième.  Paris ,  imprîm.  et  libr.  de  Firmin  Didol  ;  Leipsig ,  chei  Brockans  et 
Avenarius,  i838;  în-8*,  xvi  et  A55  pages.  Les  pages  préliminaires  contiennent  une 
lettre  fort  instructive  sur  la  contrefaçon  étrangère.  Le  corps  du  volume  correspond 
aux  deux  années  1807  et  1808.  n  se  lit,  ainsi  que  les  précédents ,  avec  un  très-vif 
intérêt  ;  mais  les  laits  qu'il  retrace  sont  encore  trop  près  de  nous ,  pour  être  discutés 
dans  le  Joamal  de»  Saoanti. 

Hiitoirt  des  mitant  Mamioais  de  VE^pte,  écrite  en  arabe  par  Talii -Eddin- Ahmed - 
Makrisi,  traduite  en  fiançais,  et  accompagnée  de  notes  phQologiques,  historiques 
géographiipies  ,  par  M.  Quatremère.  Tome  1'.  Paris,  printed  for  the  oriental  transla- 
tion fund  of  Great-Britain  and  Ireland  :  sold  by  A.  J.  Valpy;  and  Benj.  Dupral 
(Paris),  1837;  in-4':  it,  xvii  et  aga  pages.  La  préface  consiste  en  une  savante  no- 
tice sur  la  vie  et  les  écrits  de  Makrisi,  mort  l'an  8A5  de  l'hégire,  ihlti  de  notre  ère. 
Nous  appellerons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  ce  nouveau  produit  de  l'érudition 
profonde  et  de  la  saine  critique  de  M.  Quatremère. 

Nous  nous  proposons  aussi  de  rendre  compte  de  ]^Expûsè  de  la  religion  det  Druzes. 
Paris ,  Imprimerie  royale ,  librairie  de  Potdet  et  de  la  veuve  Dondey-Du[»é  :  dé- 
cembre i838-,  a  yd.  in-8*,  vin,  oivii,  a3&  et  709  pages.  Cest  la  dernière  grande 
{lublicBlion  de  H.  Silvestre  de  Sacy.  H  se  proposait  de  réunir,  dans  un  troisième  vo' 
urne,  divers  documents  rdatifs  à  Incroyance  actuelle  des  Druies  ;  mais  les  deux 
vdumes  qu'il  a  puUiés  renferment  Ja  ouvrage  comfdet  ;  et  à  la  fin  de  l'Avertisse- 
ment, il  I  remercie  la  providence,  qui  lui  a  permis  de  temainer  ce  travail,  à  un  ftge 
•  où  Von  peut  à  peine  compter  sur  le  lendemain.  • 


im     ■■■ 


JOURNAL 


DES  SAVANTS. 


MARS  1838. 


Zur  Gemmenkunde;  antike  geschnittene  Steine  vom  Grabmahl  der 
Heiligen  Elisabeth  in  der  nach  ihr  genanhten  Kirche  zn  Marbarg 
in  Kur-'Hessen;  archàologische  Abhandlung,  von  Fr.  Creuzer,  etc. 
Pag.  1-212,  avec  cinq  planches  gravées.  Leipzig,  1 834  ;  in-8**. 

SECOND   ARTICLE. 

Je  reprends ,  sans  autre  préambule,  f  examen  du  livre  de  M.  Creuzer, 
au  point  où  je  l*ai  laissé  à  la  fin  de  mon  dernier  article. 

N""  11.  Il  a  fallu  toute  la  sagacité  de  notre  auteur,  avec  une  bonne 
vue,  telle  que  celle  dont  il  est  doué,  et  avec  l'aide  d'une  excellente 
loupe,  pom'  découvrir  ce  qui  est  gravé  sur  cette  pierre,  et  pour  être 
en  état  d'en  donner  l'explication.  Ce  qui  s'y  distingue  au  premier  coup 
d'oeil  est  un  astre  à  six  rayons,  placé  au-dessus  d'un  objet  à  trois  pointes; 
puis,  dans  la  partie  supérieure  de  la  pierre,  des  lettres  liées  entre  elles 
d'une  manière  irrégulière  et  bizarre,  dont  M.  Creuzer  est  parvenu  à 
former  le  mot  ETCIAOIA.  Fondé  sur  cette  inscription ,  qui  renferme  un 
souhait  d*heur€use  navigation i  il  a  pu  reconnaître,  dans  Yohjet  à  trois 
pointes,  l'espèce  d'instrument  dont  on  armait  la  partie  antérieure  des 
vaisseaux,  et  que  les  Grecs  nommaient  tfxCoXot  ou  ï/ulCoXa,  les  Latins, 
rostra;  manière  abrégée  d'indiquer  le  vaisseau  entier,  qui  est  conforme 
aux  habitudes  de  l'art  antique  ;  et,  ces  deux  points  établis,  la  présence  de 
ïastrede  Venus,  de  cette  Vénus,  surnommée  EYriAOIA,  telle  qu'était 
précisément  la  Vénus  de  Gnidé,  dont  nous  possédons ,  suivant  toute  appa- 

17 


MARS  1858.  151 

oè  ce  type,  expression  cfune  nmi^ion favorable,  acqtnert  ainsi  la  ^'gni- 
ficaftion  la  plus^  sensible.  Une  dernière  observation,  que  je  prendrai  la 
liberté  de  soumettre  à  M.  Creuzer,  concerne  le  grand  astre  qui  formait, 
suirant  le  témoignage  de  Strabon^  le  sceau  public  des  Locriens  Ozoles. 
M.  Creuzer  semble  croire  que  la  raison  de  ce  type  était  dans  la  position 
géographique  que  cettie  tribu  des  Locriens  occupait  au  couchant  des  autres 
branches  de  la  même  nation.  Cependant,  il  est  de  fait  que  fo^fre  en 
question  figure  sur  la  monnaie  des  Opuntiens,  aussi  bien  que  sur  celle 
des  Ozok»;  ce  qui  prouve  que  la  présence  de  cet  astre  se  rapportait  à 
un  autre  motiF,  qu'elle  se  liait  à  un  ordre  d'idées  plus  général.  De  plus , 
nous  savons  que  le  même  astre  formait  le  type  de  la  monnaie  d'autres 
peuples  grecs,  tels  que  les  habitants  de  Tile  de  Corcyre,  et  ceux  d'Itanos 
en  Crète,  pour  lesquels  il  n'est  pas  possible  non  plus  d'admettre  l'inter- 
prétation proposée  du  type  en  question.  Mais  c'est  là  un  point  que  j'ai 
eu  occasion  de  traiter  dans  un  Mémoire  sur  quelcittes  mennments  en  rap- 
port avec  les  idées  astrologiques,  mémoire  qui  sera  publié  prochainement; 
en  sorte  que  je  ne  crois  pas  devoir  insister  davantage  sur  cette  question. 

N"  1  a.  Figure  d'Homme  barbu,  assis  et  tourné  k  droite,  en  s'appuyant 
du  bras  gauche  sur  un  sceptre,  et  tenant  de  la  main  droite  un  objet 
figuré  comme  un  rouleau.  C'est  une  de  ces  pierres,  d'un  travail  de  déca- 
dence qui  accuse,  comme  je  l'ai  déjà  remarqué,  l'époque  du  m*  siècle, 
et  qui  doit  appartenir  à  une  école .  alexandrine  du  dernier  âge.  Entre 
les  diverses  hypothèses  que  propose  successivement  M.  Creuzer,  pour 
l'explication  de  ce  personnage ,  celles  d'un  Héros,  de  Mercure  et  de  Jupi- 
ter, il  aurait  pu  comprendre ,  peut-être  avec  plus  de  raison,  celle  d'un 
poète  déifié,  sujet  de  quelques  médailles  grecques,  représenté  absolument 
de  la  même  manière  qu'on  le  voit  ici ,  c'est  à  savoir,  comme  un  homme 
assis  f  tenant  un  5c«p^rc  de  la  main  gauche ,  et  un  rouleau  de  la  droite. 
Mais,  sans m'arrêter  à  cette  idée,  et  sans  combattre  les  deux  premières 
suppositions  de  M.  Creuzer,  qui  ne  me  semblent  pas  heureuses ,  je  me 
borne  à  dire  que  la  pierre  qui  nous  occupe  offre,  suivant  toute  appa- 
rence, une  de  ces  figures  de  Jupiter  assis,  avec  le  sceptre  etle  foudre,  qui 
se  reproduisaient  si  fréquemment  à  cette  dernière  période  de  l'antiquité, 
toujours  d'après  le  même  modèle,  et  seulement  avec  ces  variantes  de 
travail  qui  tenaient  au  plus  ou  moins  d'habileté  dé  l'artiste. 

N**  1 3.  lin  Renard,  armé  d'un  fouet,  guidant  un  petit  cfcar  traîné  par  un 
Coq.  C'est  une  de  ces  images  allégoriques,  dans  le  genre  grotesque,  assez 
communes  sur  les  pierres  gravées ,  où  l'on  doit  certainement  voir,  avec 

'  Strabon.  ix  ,  p.  638;  cf.  Spanheim.  acf  Callimach.  Hymn.  in  Del  v.  3o3. 


152  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

M.  Creiuer,  l'expressioD  de  cetle  pensée  :  La  Rase  aax  prises  avec  la  Vigi- 
lance. De  pareilles  images,  rendues  par  la  présence  des  mêmes  animaux 
symboliques ,  le  renard  et  le  coç ,  se  sont  produites  de  nos  jours  sur  des 
vases  peints ,  un  desquels,  du  musée  de  Berlin ,  provenant  de  la  collec- 
tion de  M.  Dorow ,  où  àeax  Épkèbes  portant,  i'un  un  renard,  l'autre  un 
co<f,  assistent  à  une  scène  ^mnastitjoe,  a  été  cité  par  notre  auteur,  et  in- 
génieusement expliqué  d'après  ce  motif. 

N'  1 4.  Figure  de  Femme  casquée,  vétae  et  ailée,  la  main  droite  appuyée 
sur  un  ^osvernai/,  et  portant  dans  la  gauche  une  corne  d'ahonitû\ce.  La 
femme  représentée  sur  cette  pierre  offi^  l'apparence  d'une  figure  de 
Minerve,  avec  les  ailes  qui  conviennent  à  un  être  d'ordre  allégorique, 
td  que  la  Victoire ,  et  avec  le  gomiernail  et  la  corne  d'ahonâaace ,  qui  sont 
les  attributs  ordinaires  de  la  Fortune  et  de  VAbandance.  C'est  donc , 
d'après  tous  ces  caractères,  une  de  ces  figures  panAées,  dont  l'art  des 
siècles  de  décadence  fit  un  si  fréquent  usage,  et  dont  la  composition 
oQrait  un  phénomène  tout  contraire  à  celui  qui  avait  signalé  la  première 
période  de  la  civilisation  antique,  c'est  k  savoir  l'accumulation  des 
symboles  et  des  attributs  de  plusieurs  divinités  sur  une  même  figure , 
pour  exprimer  à  l'aide  d'un  seul  signe  toute  une  série  de  formules  hiéra- 
tiques; tandis  qu'à  cette  autre  époque  de  la  société  païenne,  l'art,  pro- 
cédant d'une  manière  toute 'différente ,  s'était  plu  à  diviser  et  pour  ainsi 
dire  à  décomposer  la  divinité ,  pour  tirer  de  chacune  de  ses  qualités 
morales  ou  de  ses  attributions  particulières ,  le  motif  et  le  type  d'une 
individualité  distincte.  Il  y  a,  en  effet,  comme  le  remarque  très-bien 
M ..Creuzer,  dans  la  figure  qui  nous  occupe ,  quelque  chose  de  Pallas,  de 
Niké,  àe  Pronoeaeideiyché,  ou,  pour  me  servir  de  dénominations 
latines  correspondantes,  quelque  chose  de  Minerve,  de  la  Victoire,  de 
la  Providence  et  de  la  Fortane;  et,  à  cette  occasion,  notre  auteur  ne 
manque  pas  d'indiquer  les  principaux  monuments  de  l'art  antique, 
venus  jusqu'à  nous ,  qui  appartiennent  à  ces  différentes  divinités.  Mais, 


MARS  1858.  153 

moins  ainsi  que  M.  Creuzer  s*est  rendu  compte  de  la  représentation  de 
cette  pierre ,  d'après  deux  empreintes  qui  ne  lui  ont  pas  paru  satisfai- 
santes; mais  en  observant  que,  la  pierre  même  étant  restée  attachée 
au  tombeau  de  sainte  Elisabeth ,  il  est  possible  de  rectifier,  sur  le  mo- 
nument, la  description,  et  conséquemment  aussi  l'explication  qu'il  en 
donne.  Dans  cet  état  de  choses,  il  ne  me  conviendrait  pas,  à  moi  qui 
n'ai  même  pas  la  ressource  de  consulter  les  empreintes,  et  qui  n'ai  sous 
les  yeux  que  la  gravure  publiée  par  M.  Creuzer,  d'exposer  des  doutes 
qui  se  trouveraient  dépourvus  de  fondement.  Toutefois,  je  ne  puis 
m'empêcher  de  dire  que  cette  gravure  ne  me  représente  pas  lejlambeau 
que  M.  Creuzer  a  cru  voir  sur  l'empreinte  ^  ;  sans  compter  que  cette 
manière  de  porter  le  flambeau,  sur  Vépaale  ne  me  parait  pas  conforme 
à  l'usage  des  Lampadéflhories ,  tel  du  moins  que  nous  le  connaissons  par 
les  monuments  figurés  qui  nous  en  restent ,  médailles ,  pierres  gravées , 
et  vases  peints.  Mais,  du  reste,  le  travail  de  notre  auteur,  en  ce  qui 
concerne  la  célébration  même  des  Lampadéphories  ^  est  tel  qu'on  pouvait 
l'attendre  de  son  érudition  et  de  sa  critique.  Parmi  les  monuments  qu'il 
cite  à  ce  sujet,  il  rappelle  avec  raison  la  belle  pâte  antique,  publiée 
par  M.  Brôndsted,  qui  la  possède^,  où  le  nom  aamiiaaias,  mal  à  pro- 
pos rapporté  au  graveur  et  au  sujet,  me  paraît,  comme  à  M.  Letronne, 
appartenir  au  propriétaire  même  de  la  pierre,  avec  cette  circonstance 
que  l'image  d'uxï Homme  portant  un  flambeau,  avait  été  choisie  à  dessein 
pour  faire  allusion  au  nom  AAMriAAiAS,  lequel  nom,  pour  en  faire  en 
passant  la  remarque,  me  paraît  de  forme  ionienne,  plutôt  encore 
qu'attique.  Â  l'appui  de  cette  idée,  je  citerai  un  exemple  qui  aurait  pu 
déterminer  la  conviction  de  M.  Creuzer,  s'il  se  fiit  présenté  k  sa  mé- 
moire, et  qui  se  rapporte  précisément  au  même  sujet  des  Lampadépho- 
ries  :  c'est  la  médaiUe  de  Tcarente,  où  la  figure  d'un  Homme  courant  à  che- 
val avec  un  flambeau  allumé,  est  accompagnée  de  l'inscription  aaimax02^, 
type  où  le  nom  du  magistrat  Daîmachos  se  trouve  certainement  en  rap- 
port avec  cette  image  d'une  course  aux  flambeaux.  Quant  à  la  manière 
dont  M.  Creuzer  explique  le  digamma  F  sur  la  pierre  qui  nous  occupe , 
en  y  voyant,  soit  la  lettre  initiale  d'un  nom  propre ,  comme  on  en  a  des 

'  M.  Feuerbach  a  remarqué  que  ceflamheau  était  mal  dessiné  daas  lagravare,  et 
qQ*on  pouvait  le  prendre  pour  une  aite  rendue  avec  maladresse;  Kunstblatt,  i836, 
II*  6&,  p.  a  68.  Il  y  a  donc  là  quelque  chose  qui  laisse  encore  prise  à  Tincertitude. 
Du  reste,  la  conjecture  de  ce  critique,  qui  serait  disposé  k  voir  ici  Phosphoros,  ne 
me  parait  pas  heureuse  ;  car  cette  manière  de  porter  le  flambeau  sur  Vépaule  ne 
convient  ni  à  Lucifer,  ni  a  Hesperus.  —  *  Voyages  et  Recherches  dans  la  Grèce,  II, 
pi.  XXII ,  p.  289-91.  —  '  Voyez  ma  Lettre  à  M.  le  duc  de  Laynes,  p.  33,  3),  où 
j'avais  cité  cette  médaiSe ,  pour  en  expliquer  le  type  d*après  cette  donnée. 


MARS  185Â.  155 

sur  un  trêpiée;.ei  c'est  ainsi  qu'on  la  voit,  entre  autres  monuments  que 
je  poun'ais  citer,  sur  les  tétradracbmes  de  Lysimèque,  qui  nous  en 
ofi&ent  le  tfpe  le  plus  cél&re  aùSsi  bien  que  le  plus  accompli.  Au  con- 
traire, la  Minerve  Promachos  se  représentait  toujours  dehoat,  dans  une 
action  véhémente ,  telle  qu'on  la  voit,  par  exemple,  sur  les  monnaies  de 
Thessalie,  et  sur  celles  de  plusieurs» rois  d'Epire  et  de  Macédoine,  entre 
autres,  Pyrrhus,-  Démétrius  I*  et  Ântigone  Gonatas.   Or  ces  deux 
images  de  IHdias  difi^ent  radicalement  par  le  khôtif  aussi  bien  que  par 
la  composition  du  type;  et  cést  seulepnent  avec  la  première  que  la 
figure  de  notre  pierre  gravée  pourrait  ofiFrir  quelque  analogie.  J  ajoute 
que  la  Minerve  Nicéphore  des  médailles  de  Lysimaque  est  évidemment 
la  figure  qui  a  servi  de  modèle  pour  la  composition  des  figures  de  la 
déesse  Rom£  personnifiée,  eemme  nous  la  connaissons  par  tant  de  mo- 
numents de  Tart  antique,  c'est  à  savoir,  vêtue  dans  le  costume  d'Ama- 
zone, avec  le  ctunue  en  tête,  assise  sur  un  trophée,  et  tenant  de  la  main 
droite  une  Victoire,  et  dans  la  gauche  une  hmce  ou  une  épée.  C'est  aussi 
là ,  si  je  ne  me  ii*ompe ,  la  représentation  que  nous  offre  la  pierre  gravée 
publiée  par  M.  Greuzer.  Le  eostame,  qui  parait  amazonien,  ainsi  que  les 
brodequins  que  je  crois  voir  aux  jambes  de  cette  %ure,  sont  effective- 
ment deux  des  éléments  essentiels  du  type  en  question.  L'objet  indécis 
que  la  figure  porte  k  la  main  droite  doit  être  im  de  ces  petits  simulacres 
de  la  Victoire ,  que  la  rouille  du  temps  a  i^ndu  méconnaissable ,  ou  qui 
se  trouve  mal  exprimé  dans  l'en!ipreinte  ou  dans  la  gravure.  En  tout 
cas  t  l'hypothèse  d'une  déesse  Rome^  me  parait  être  celle  qui  s'accorde  le 
mleut  avec  le  travail  de  notre  pierre  et  avec  les  principaux  éléments  de 
sa  eonkposition  ;  et  cette  idée ,  qui  m'était  venue  au  premier  abord , 
m'inspire  d'autant  plus  de  confiance  «  que  c'est  aussi  celle  qui  s'est  pré- 
sentée à  l'esprit  dé  M.  Feuerbach. 

N*  17.  Je  me  borne  à  indiquer  le  siget  de  cette  pierre,  qui  offre 
deux  petits  ctastacés  de  mer,  l'un  desquels  paraît  être  du  genre  des  cre- 
vettes, telles  qu'on  les  voit  représentées  sur  des  médailles  antiques,  no- 
tamment sUr  celles  de  Tarente  et  de  Cormthé,  y  compris  les  colonies  de 
cette  dernière  ville.  Notre  auteur  renvoie  sur  ce  point  aux  savantes  re- 
eherchés  de  Spanham  et  à  l'impoiianC  ouvrage  qu'a  publié  récemment, 
sous  le  titre  de  TacA^Çy  M/de  Koehler,  le  célèbre  antiquaire  de  Saint- 
Pétersboui^;  et  j'ajoute  qu'il  s'en  feut  bien  que  l'on  ait  encore  épuisé 

a 

^  Le  type  de  la  figure  de  Rome,  tdle  que  nous  la  connaissons  par  les  médailles 
des  famîUes  romaines  Cadcilîa,  Publicia,  Foslumia  et  Vibia,  la  représente  a«nf9  sur 
un  athes  d'urmes,  s*appuyant  d*une  main  sur  la  hmte,  et  tenant  de  Tautre  main  le 
paraMmnm. 


MARS  1858.  157 

auquel  elles  se  rapportaient.  La  plus  usuelle  de  ces  applications  dut 
être ,  à  mon  avis ,  celle  qui  se  fondait  sur  la  relation  astrologique  de 
Mars  et  dii  scorpion,  et  qui  rendit  cet  animal  symbolique  propre  à  ser- 
vir ^amulette  ou  de  cachet  aux  gens  de  guerre ,  surtout  dans  la  dernière 
période  de  Tantiquité  romaine.  C*est  aussi  là  Topinion  de  M.  Creuzer, 
mais  non  pas  sans  qu  il  ait  eu  soin  de  rappeler  que  cette  idée  apparte- 
nait aussi  aux  temps  antiques  de  la  Grèce,  puisque,  sur  des  vases  peints 
d'ancienne  fabrique,  le  scorpion,  symbole  de  Mars,  figure,  en  guise 
d'emblème,  sur  les  boucliers  de  héros  grecs ,  tels  qu  Achille  et  Diomède. 
J'adopte  donc  ici,  sur  tous  les  points,  les  idées  exposées  par  notre  au- 
teuf,  et  je  ne  me  trouve  en  dissentiment  avec  lui  que  sur  un  seul 
article,  en  ce  qui  concerne  l'explication  du  5corpion,  qui  sert  d*emblème 
au  bouclier  représenté  dans  le  plan  inférieur  du  célèbre  camée  de 
Vienne.  M.  Creuzer  voit  ici,  d'accord  avec  feu  M.  Passow,  qui  avait 
composé,  siu*  ce  symbole,  une  dissertation  particulière^,  une  allusion 
aujfoarnato/ de  Tibère,  le  16  novembre;  et  sa  principale  raison,,  c'est 
que  la  présence  du  capricorne  s'y  rapporte  diu  jour  de  naissance  d'Auguste. 
Mais  je  persiste  à  croire,  comme  j'ai  déjà  eu  Toccasion  de  le  montrer 
ailleurs^,  que  la  vraie  explication  de  ce  signe  doit  se  trouver  dans  un 
ordre  d'idées  plus  général;  c'est  à  savoir,  que  le  scorpion  figure  ici, 
comme  sur  les  enseignes  des  Romains^,  comme  sur  les  bas-reliefs  relatifs 
à  la  fable  de  RhéaSyhia,  où  il  est  associé  à  la  balance,  qui  exprimait 
ïhoroscopede  Rome^,  qu'il  figure,  dis-je,  en  qualité  de  symbole  de  Mars,, 
et  non  pas  seulement  à  titre  de  signe  gêné thliaque  de  Tibère.  J'aurais  en- 
core plus  d'une  observation  à  faire  au  sujet  de  l'idée  qu'énonce  notre  au- 
teur, dans  une  de  ses  notes',  sur  les  scarabées,  dont  on  sait  que  la  caste 
des  guerriers,  dans  l'antique  Egypte ,  se  servait  en  guise  d'amulettes,  et 
qu'on  suppose  avoir  pu  être  employés  aussi  comme  monnaies.  Il  semble, 
d'après  la  manière  dont  il  s'exprime,  que  M.  Creuzer  approuve  cette  opi- 
nion ,  exposée  en  dernier  lieu  par  feu  M.  Stieglitz®  ;  mais ,  sans  entrer 
ici  dans  une  discussion  qui  me  mènerait  beaucoup  trop  loin,  je  me 
borne  à  dire  que  l'hypothèse  qui  tend  à  considérer  les  scarabées  égyptiens, 
comme  des  mjonnaies,  est  sujette  à  de  nombreuses  et  graves  difficultés, 

*  Fr.  Passovii  de  Scorpio  in  Gemma  Augustea  conjecinrœ ,  Vratislav.  i833.  — 
*  Voyez  mes  Monuments  inédits,  Achilléide,  p.  34t  3).  —  '  Zoëga,  Bassirilievi  di 
Rama,  1. 1,  tav.  xvi.  —  *  Winckelmann ,  Monum,  ined.  n*  110.  —  *  P.  176,  i5a). 
—  •  M.  Creuzer  cite  deux  article»  du  Kunsthlatt,  i833,  n"  18  et  19,  où  sont  expo- 
sées ,  à  ce  sujet ,  les  idées  de  feu  M.  Slieglitz.  Notre  auteur,  à  fépoque  où  il  publiait 
son  livre  (i83â),  n'avait  pu  prendre  encore  connaissance  des  Beytràge  zur  Geschichte 
der  Aashildung  der  Baukumt  (Leipzig,  i83/l],  où  le  même  savant  a  reproduit  son 
opinion  avec  plus  de  dévdoppements ,  Beilage  C,  1. 1,  p.  iGS-iyÂ. 

18 


MARS  1838.  141 

composition  qui  nous  occupe,  interprétée  de  cette  manière;  mais  per- 
sonne ne  sera  tenté  de  reprocher  à  M.  Creuzer  de  ne  s'y  être  pas  annoté 
d abord,  et  de  ne  s'y  être  pas  renfermé  exclusivement,  d'après  l'abon- 
dance des  vues  et  la  nouveauté  des  rapprochements  archéologiques  qu'il 
a  répandus  dans  toute  cette  partie  de  son  travail* 

N°  a  5.  Hercule,  na,  debout,  de  face,  la  main  droite  appuyée  sur  sa 
massue ,  tenant  de  la  main  gauche  la  dépouille  de  lion.  C'est  ici  une  des 
nombreuses  répétitions  qui  durent  exister  dans  l'antiquité  d'un  type 
que  nous  trouvons  reproduit  par  centaines  sur  des  médailles  grecques 
impériales,  avec  très-peu  de  variantes  de  détail;  ce  qui  fait  présumer  la 
grande  célébrité  de  ce  type,  tel  que  nous  le  connaissons  d'ailleurs  par 
ime  des  En^ftlaitç  de  Libanius^  l'H^xxtiç  isjàç  c9  t?  Xtovri,  Aussi, 
M.  Creuzer,  qui  s'est  arrêté  à  celte  explication  en  se  fondant  sur  ce 
rapprochement,  aurait-il  pu  s'épargner  le  doute  qu'il  exprime  d'abord, 
c'est  à  savoir,  si  cette  figure  ne  représentait  pas  plutôt  Esculape.  Il  est 
certain ,  en  effet ,  que  la  manière  dont  Hercule  s'appuie  sur  la  massue 
qu'il  tient  de  la  main  droite  diCTère  radicalement  du  type  adopté  pour  les 
figures  d'Esculape,  et  consacré  par  tant  de  monuments  de  l'art.  La  pre- 
mière de  ces  attitudes,  donnée  ici  à  Hercule,  répond  à  celle  que  je  trouve 
ainsi  indiquée  sur  une  belle  inscription  attique  récemment  découverte^  : 
Tov  ttvifa,  w  \m  riç  (^euCinifia^  if^ifjc07BL;  la  seconde,  appropriée  aux  figures 
à'Escalape,  est  celle  qui  nous  est  signalée  en  ces  termes  dans  un  passage 
dePausanias^  :  ojLnTfJfi^ivo  viy  ift^tfivfJULff^?itiv  ipeicAl/xcrdc,  et  qui  se  trouve 
décrite  d'une  manière  équivalente  par  Libanius,  à  l'endroit  cité  plus  haut*: 
'Ttfo  fjidKnç  79  poTmXor  tvtJ^vfjuivov  %îç  ySv,  L*une  et  l'autre  de  ces  attitudes 
significatives  répondaient  certainement,  dans  les  traditions  imitatives 
de  la  Grèce,  à  un  ordre  d'idées  différent,  à  un  motif  parfaitement  dis- 
tinct; bien  qu'il  eût  été  fait  application  de  la  première  de  ces  attitudes 
à  Hercule  lui-même,  comme  nous  le  voyons  dans  YHercule  Famàse, 
mais  sans  que  la  réciprocité  ait  eu  lieu  pour  Esculape,  du  moins  à  ma 
connaissance.  Et  il  suffirait  de  cette  observation ,  à  défaut  de  toute  autre 
raison,  pour  prouver  que  la  figure  représentée  sur  notre  pierre  est 
bien  réellement  celle  d'Hercule,  et  qu'elle  ne  peut  être  celle  d' Esculape, 

^  Sur  ces  *'Sx^f>Jifftiç  y  qui  sont  au  nombre  de  trente-trois,  dans  fédition  de  Reiske, 
t.  rV,  p.  1046-1096,  et  1111-1121,  voyez  Pelerscn,  Commentationum  de  Libanio ,  . 
Partie,  u»,  HaunieB,  1827,  p.  3,  sqq.  —  *  Cette  inscription  a  été  publiée  dans  le 
Kunsthlatt  de  i836,  par  M.  Ross;  voyez  le  n' 39,  p.  166,  lignes  18-19.  —  '  Pausan. 
X,  3o,  I.  Voyez  mes  Monuments  inédits ,  Odyssèide,  p.  262  ,  où  j'ai  établi,  par  plu- 
sieurs exemples ,  l'intention  et  f  emploi  de  cette  altitude  significative.  —  ^  Liban. 
'Ex^^.  XI,  t.  IV,  p.  io67,Reisk.  ex  emendat.  Petersen.  l.  l.  p.  17. 


MARS  1858.  145 

AèU  un  grand  vase  ;  plus  loin,  une  seconde  stèle,  réduite  à  Tapparénce  d'une 
simple  ligne  par  Teffet  de  la  perspective.  Cette  description,  dans  laquelle 
je  me  suis  attaché  à  suivre  le  texte  de  M.  Greuzer,  tout  en  cherchant  à 
rendre  un  compte  fidèle  delà  gravure  qui  raccompagne ,  semble  propre 
à  justifier  l'interprétation  qu'il  en  propose.  Notre  auteur  voit  ici  un  Héros 
accomplissant  le  devoir fanébre  appelé  chez  les  Grecs  xlipiPfjLa  5  et  tous  les 
détails  de  cette  représentation,  y  compris  le  lieu  de  la  scène ,  qu'il  regarde 
comme  un  champ  de  mort,  lui  paraissent  se  rapporter  à  une  intention 
funéraire.  Je  suis  aussi  de  oet  avis ,  en  ce  qui  concerne  le  motif  géné- 
ral de  la  scène;*mais  l'assentiment  que  je  donne  aux  idées  de  M.  Greuzer 
n'est  pas  non  plus  sans  quelques  restrictions,  et  je  dois  d'autant  moins 
me  faire  scrupule  de  dire  à  ce  sujet  ma  pensée  tout  entière ,  que  la 
représentation  qui  nous  occupe  est  devenue  le  sujet  d'une  con- 
troverse entre  un  habile  critique ,  M.  Schom ,  qui  avait  proposé  une 
explication  différente ,  et  M.  Feuerbach ,  qui  s'est  fait  sur  tous  les  points 
le  défenseur  de  l'opinion  de  M.  Greuzer.  M.  Schom  a  cru  voir  sur  notre 
pierre  un  Potier,  avec  le  tour  en  main,  travaillant  à  former  un  vase,  à 
peu  près  dans  la  situation  indiquée  par  l'auteur  de  l'Iliade  \  et  qui  s'é- 
tait d'abord  présentée  à  l'esprit  de  M.  Greuzer  lui-même  : 

B^ofiêvoç  Kî^^^uvç  tVHfiadajf ,  tuKtiiifotv. 

Mais  contre  cette  explication ,  que  M.  Feuerbach  a  combattue  par  des 
raisons  qui  lui  sont  propres,  il  suffisait  de  faire  valoir  un  argument 
dont  il  n'a  pas  fait  usage  ;  c'est  que  le  prétendu  Po^îcr  est  entièrement  nu: 
ce  qui  constitue  un  trait  du  costume  héroïque ,  et  ce  qui  ne  peut  vérita- 
blement convenir  qu'à  un  Héros.  L'idée  que  c'est  ici  un  Héros ,  tenant 
entre  ses  mains  une  urne  cinéraire  et  accomplissant  un  devoir  funèbre ,  est 
donc  en  effet  la  seule  qui  s'accorde  avec  tous  les  éléments  de  cette  re- 
présentation. Mais ,  d'un  autre  côté,  M.  Greuzer  s'est  trompé  en  voyant 
une  seconde  stèle,  réduite  à  la  proportion  la  plus  exiguë  par  l'effet  de  la 
perspective,  dans  l'objet  qui  se  dresse  derrière  le  grand  vase,  et  qui  a  la 
forme  d'une  tige.  Sans  m'arrêter  à  la  notion  générale  de  la  perspective, 
que  notre  auteur  discute  savamment  dans  une  de  ses  notes^^  mais  qui 
n'est  point  ici  en  question,  je  me  borne  à  dire  qu'il  me  parait  certain, 
comme  à  M.  Schom,  que  cette  idée  de  perspective, appliquée  à  la  pré- 
tendue 5té/e  érigée  sur  un  plan  éloigné ,  est  tout  à  lait  contraire  aux  usages 
de  l'art  antique ,  et  tout  à  fait  sans  exemple  sur  les  monuments  '  ;  et 

*  niad.  xviii,  600.  — 'Pag.  187,  193).  —  '  Voyez,  dans  le  Kunsthlatt,  i836, 
&*  66 ,  p.  a7& ,  *  ) ,  lobservatioD  de  M.  Schom ,  à  laquelle  je  souscris  complètement 


MARS  1838.  145 

ces  personnifications  d'ilfW/i^-Pronoea,  on  Minerva-Providentia  y  si  com- 
munes sur  les  monuments  du  dernier  âge  de  Tantiquité,  et  qui  ne  se 
recommandent  le  plus  souvent,  comme  dans  ce  cas-ci ,  par  aucun  mé- 
rite particulier  de  composition ,  de  style  ou  de  travail.  11  n'en  est  pas 
de  même  de  la  pierre  qui  suit,  sous  le  n"*  3 1  :  c'est  une  gemme  d'un  tra- 
vail exquis,  d'une  gravure  excellente,  représentant  une  tête  d'Apollon 
hmrée,  au  devant  de  laquelle,  dans  le  champ,  est  une  branche  d'olivier, 
derrière  un  cygne,  avec  cette  autre  particularité,  qui  n'a  pu  être  décou- 
verte qu'avec  Taide  de  la  loupe,  que  dans  les  boucles  de  la  chevelure 
qui  descendent  sur  la  nuque  sont  gravées  les  lettres  nAiA(N) ,  qui  ex- 
priment l'acclamation  Uaiav,  Au  mérite  de  cette  représentation  rare  et 
curieuse  se  joint  encore  ici,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  celui  du  travail  de  la 
pierre;  et,  pour  que  rien  ne  manque  à  la  double  satisfaction  qu'un  pareil 
monument  doit  causer  à  l'antiquaire,  l'explication  qu'il  a  fournie  à 
notre  auteur  est  devenue  entre  ses  mains  toute  une  dissertation  riche 
de  faits  et  d'observations ,  et  un  morceau  de  critique  archéologique  du 
premier  ordre.  Le  mythe  d'ApoUon-Pœan,  à  la  fois  terrible  et  salutaire, 
destructeur  et  sauveur,  est  exposé  par  M.  Creuzer  avec  une  abondance 
et  en  même  temps  une  netteté  de  vues  admirables,  et  l'application  qu'il 
en  fait  au  culte  d'un  Apollon  Cyrénéen,  h  cause  du  cygne  qui  se  rapporte 
directement  au  mythe  de  Cyrène ,  et  de  la  branche  d'olivier,  qui  peut  faire 
allusion  à  Arîstée ,  fils  mythologique  d'Apollon  et  de  Cyrène ,  est  aussi 
plausible  qu'elle  est  docte  et  ingénieuse;  déplus,  elle  tend  à  faire  consi- 
dérer notre  pierre  comme  un  monument  de  l'art  cyrénéen,  renommé 
dans  l'antiquité  par  ses  travaux  de  glyptique  :  ce  qui  est  encore  un  résultat 
neuf  et  important  pour  l'histoire  de  l'art. 

Après  cet  hommage  rendu  au  mérite  du  travail  de  M.  Creuzer ,  il 
me  sera  permis  d'y  signaler  quelques  légères  imperfections.  Au  sujet 
des  lettres  IIAIA  gravées  dans  une  boucle  de  cheveax,  le  savant  auteur 
eût  pu  s'autoriser  d'un  exemple  analogue  que  fournit  une  rare  médaille 
de  Marseille,  ayant  pour  type  uue  tête  d'Éphébe,  dont  la  mèche  de  che- 
veux, qui  descend  sur  la  joue,  est  formée  des  lettres  MA.  J'avais  reconnu 
le  premier  celte  particularité  sur  la  médaille  en  question,  qui  était 
encore  inédite,  et  j'avais  eu  occasion  de  la  citer  précisément  à  ce  sujet , 
dans  mon  Mémoire  sur  la  Numismatique  Tarentine,  lu  déjà  depuis  plu- 
sieurs années  dans  une  séance  de  notre  Académie  et  destiné  à  son 
recueil;  mais,  depuis,  la  même  médaille,  avec  quelques  variétés  nou- 
velles ,  a  été  publiée  par  M.  le  marquis  de  la  Goy  * ,  et  si  j'ai  perdu 

'  Description  de  quelques  médailles  inédites  de  Marseille ,  n**  i6,  17,  18,  p*  i3; 
Aix,  1834;  in-4*. 


MARS  1858.  149 

«maintenant  est  grande  parmi  les  esprits c'est  le  désir  des  richesses 

«dont  nous  sommes  tous  malades  par  excès,  c'est  Tamour  des  plaisirs 
«qui,  à  bien  parler,  nous  jette  dans  la  servitude ,  et,  pour  mieux  dire, 
«nous  traîne  dans  le  précipice  où  tous  nos  talents  sont  comme  en- 
«  gloutis.  Il  n'y  a  pas  de  passion  plus  basse  que  l'avarice ,  il  n'y  a  pas 
«  de  vice  plus  infâme  que  la  volupté.  Je  ne  vois  donc  pas  comment 
«  ceux  qui  font  si  grand  cas  des  richesses ,  et  qui  s'en  font  comme  une 
«espèce  de  divinité,  pourraient  être  atteints  de  cette  maladie,  sans  re- 
«  cevoir  en  même  temps  avec  elle  tous  les  maux  dont  elle  est  naturelle- 

«ment  accompagnée Sitôt  donc  qu'un  homme,  oubliant  le  soin  de 

«la  vertu,  n'a  plus  d'admiration  que  pour  les  choses  frivoles  et  pérîs- 

«  sables il  ne  saurait  plus  lever  les  yeux  pour  regarder  au-dessus  de 

«soi,  ni  rien  dire  qui  passe  le  commun;  il  se  fait  en  peu  de  temps  une 
«corruption  générale  dans  toute  son  âme;  tout  ce  qu'il  avait  de  noble 
«et  de  grand  se  flétrit  et  se  sèche  de  soi-même,  et  n'attire  plus  que  le 
«méprisa»  Cet  auteur  n'était  pas  seulement  un  homme  de  talent, 
c'était  aussi  un  homme  de  cœur. 

On  rend  service  en  répandant  de  pareils  ouvrages.  Par  cette  publi- 
cation, ainsi  que  par  la  réimpression  du  livre  de  Varron  de  Lingua  latina, 
le  libraii*e  Maze  inaugure  dignement  l'estimable  entreprise  qu'il  a 
conçue  de  donner  une  bibliothèque  choisie  d'auteurs  grecs  et  latins 
en  petit  format ,  aux  étudiants  et  aux  amateurs  qui  ne  peuvent  pas 
toujours  se  procurer  les  éditions  plus  coûteuses*.  Je  le  félicite  d'avoir 
eu  pour  premier  collaborateur  M.  Egger^  jeune  professeur  d'un  savoir 
qui  pourrait  le  faire  compter  parmi  les  émérites,  une  des  brillantes 
espérances  de  notre  Université ,  et  qui  promet  au  monde  savant  un 
philologue  distingué.  Il  serait  facile  de  faire  l'éloge  de  son  édition;  des 
avis  lui  seront  plus  utiles  ;  j'aime  mieux  lui  indiquer  ce  qu'il  m'a  paru 
laisser  encore  à  désirer. 

A  qui  destine-t-il  son' livre?  Aux  jeunes  gens  qui  veulent  s'instruire 
plutôt  qu'aux  hommes  profondément  instruits^.  Alors  le  secours  d*une 
traduction  est  souvent  nécessaire.  Pourquoi  ne  pas  joindre  au  texte 
l'excellente  version  latine  de  Morus,  en  y  corrigeant  toutefois  quelques 
fautes  légères,  que  M.  Weiske  n'a  pas  remarquées  dans  sa  révision*, 
et  dont  je  noterai  ici  deux  seulement,  l'une  parce  qu'elle  fournit  un 
parallèle  avantageux  pour  Boileau ,  la  seconde  parce  qu'elle  touche  à 
la  grande  question  sur  l'auteur  et  sur  la  date  de  l'ouvrage?  C'est  au  der- 

*  Trad.  de  Boileau. — *  Edith  quœ  multorum  asui  et  nummis  esset  accommoâata.  Préf. 
de  Tédileur. —  ^Stadiosis  tironibus.  Ibid. — *Pro  versione  Pearcii  illam  Mori  adscivimus, 
et  (fuidem  nonnuîlis  in  locis,  sicut  ipse  voluerat,  correctam.  Weisk.  praef.  p.  xxviii. 


I 


MARS  1838.  151 

ceteros  et  ffuibas  de  caasis  extollas.  Tihi  summum  rerumjudicium  dîi  dedere  ; 
mhis  obseqmi  gloria  reUcta  est  ^  Qui  aurait  songé  à  ces  comparaisons  des 
états  républicains  et  des  états  despotiques,  dans  ie  siècle  d'ÂuréiienP 
Tout  le  monde  était  si  bien  esclave  qu*on  n  y  pensait  pas.  U  faut  que  la 
liberté  ne  soit  pas  abattue  depuis  trop  longtemps  pour  qu'on  se  plaigne 
de  Tesdavage. 

Revenons  au  manque  de  traduction  latine ,  dont  nous  avons  fait  un 
reproche  à  M.  Egger.  Il  nous  répondra  qu'il  n'entrait  point  dans  le  plan 
de  sa  collection  de  grossir  ainsi  les  volumes.  G*est  un  tort,  à  ne  consi- 
dérer que  l'objet  qu'on  s'est  proposé  en  la  donnant.  Il  faudrait  du 
moins,  pour  suppléer  à  la  traduction,  un  lexique  plus  détaillé.  On  a 
pris  l'index  de  M.  Weiske ,  et  M.  £gger  Ta  enrichi  d'un  certain  nombre 
d'articles,  mais  sans  le  rendre  complet  et  su£Bsant.  L'éditeur  allemand 
avait  eu  soin  d'avertir  que  son  index  n'était  point  rédigé  pour  les  éco- 
liers, mais  pour  les  doctes;  qu'il  offrait  moins  un  secours  à  l'inexpé- 
rience des  premiers,  qu'un  moyen  de  faciliter  aux  seconds  leurs  re- 
cherches et  leurs  réminiscences  ^.  Aussi  s'est-il  dispensé  fort  souvent 
d'ajouter  la  traduction  latine  au  mot  grec.  Il  sera  bon,  dans  la  prochaine 
réimpression ,  qui  aura  lieu  sans  doute,  de  remplir  ces  lacunes,  et  en 
même  temps  de  ne  point  se  contenter  d'inscrire  dans  ce  vocabulaire  les 
mots  remarquables  par  des  significations  diverses,  ou  par  une  accep-* 
tion  singulière.  Une  révision  plus  attentive  en  fera  disparaître  quelques 
inadvertances  échappées  à  un  premier  travail.  Ainsi,  au  mot  adjectimim, 
les  lecteurs  rencontrent  l'indication  d'un  exemple  d'adjectif  allié  gram- 
maticalement au  génitif  du  nom  avec  lequel  il  s'accorde  logiquement: 
vlç  AmcLç  oXn,  S  A I  s  •  Mais  s'ils  vont  èhercher  la  phrase  au  chapitre  iv , 
n**  a  du  texte ,  ils  trouvent  w  KçioM  cXiir ,  comme  dans  le  texte  de  l'édi- 
tion de  M.  Weiske.  On  n'a  pas  remarqué,  en  reproduisant  ici  l'index  de 
l'éditeur  allemand,  qu'il  renvoyait  ailleurs  qu'à  son  texte,  parce  signe  : 
aid.  &,  a.  En  effet,  la  variante  riç  AnafoXnr,  qui  lui  était  fournie  par 
M.  Amati,  ne  put  être  insérée  que  dans  les  addenda,  avec  d'autres  notes 
qui  ne  lui  parvinrent  qu'après  que  son  livre  était  imprimé.  Il  y  a  en- 
core, dans  un  autre  endroit,  un  désaccord  pareil  eatre  le  texte  et  l'index. 
Celui-ci  présente  l'expression  amet  pai^mf  avec  cette  interprétation  aUe- 
mande  :  eine  wichtigere  Entscheidungsgrund ,  tandis  que  le  texte,  dans  le 
passage  indiqué,  porte  aftràf,  leçon  de  Gab.  Pétra  et  de  LeCèvre,  qu'on 
a  préférée  à  la  leçon  aîiiat  adoptée  par  M.  Weiske. 

^  Annal.  vi,  8.— -  *  Me  non  mhsiXtun  illud parasse  tironihus  {nom  his  omnino  taîis 
lAernon  est  accommodatus):  sei  potius  vins  doctis ,  etc.  Probt.  p.  xxxiv. 


MARS  1838.  155 

cesj^oles  de  Tacite  :  Plurimi  auctores  cqiuentiant.  . . .  regem  Bocchotim , 
iiâito  Hammonis  oraculo.  .  .  •  idgenui  hominam.  . .  .  alias  in  terras  avehere 
jassam.  Sic .  •  • .  céleris  per  lacrpnas  torpentibns,  Mosen,  unum  exsulam,  mo- 
naisse  neqaam  Deoram  hominamve  opem  expectarent,  atrinqae  deserti,  sed 
sibi,  ut  daci  cœlesti,  crederent^ ,  etc,  N  est-ce  pas  le  même  vaguo^de  notions 
superficielles,  inexactes?  Le  ton ,  le  langage  de  Taufeur  grec,  ne  font-ib 
pas  remonter  la  date  de  la  composition  vers  le  temps,  des  preixiiers 
Césars,  contre  Topinion  de  ceux  qui  l'abaissent  de  deux  siècles  ? 

n  est  temps  de  rendre  justice  au  mérite  du  nouvel  éditeur,  et  de 
compter  ce  qui  lui  est  dû,  comme- nous  avons  compté  un  peu  sévère- 
ment peut-être  ce  qu'on  pouvait  lui  redemander  encore.  D'abord^  en 
adoptant  le  texte  de  M.  Weiske,  il  a  revu  les  épreuves  sans  perdre  un 
moment  de  l'œil  le  manuscrit  îo36  de  la  Bibliothèque  royale,  le 
meilleur  de  tous  ceux  qu'on  possède  à  présent,  et  son  édition  offre 
ainsi  une  recensipn  nouvelle  et  soignée  de  cette  précieuse  copie,  qui 
lui  a  fourni  plusieurs  corrections.  Shoell  a  très-bien  dit^  que  M.  Weiske 
*  avait  fait  plutôt  une  collection  de  très-bons  matériaux  pour  les  édi- 
teurs à  venir,  qu'une  édition  achevée.  M.  Egger,  sans  avoir  atteint 
tout  à  fait  le  but,  s'en  est  du  moins  rapproché  en  profitant  des^notes  de 
Bast ,  de  MM.  Weiske  père  et  fils,  et  de  la  lettre  de  M.  Finck  à  M.  Walz, 
éditeur  des  rhéteurs  grecs.  Il  se  félicite  avec  raison  d'avoir  corrigé  le 
texte  en  plusieurs  endroits.  Lçs  lecteurs  lui  sauront  gré  d'avoir  indiqué 
précisément,  par  livres  et  par  chapitres,  le  lieu  des  citations  qui  se 
rencontrent  dans  le  cours  de  l'ouvrage.  La  notice  sur  yElius  Denys ,  ou 
Denys  le  «Jeune,  auteur  présumé 'du  livre,  selon  quelques-uns,  sera 
jugée  moins  nécessaire,  mais  non  pas  sans  intérêt,  et  elle' prouvera  les 
études  approfondies  du  j^i.e  philologue.  Son  savoir  se  fait  encore  mieux 
apprécier,  parce  qu'il  y  a  ptofit  plus  immédiat  pour  le  lecteur,  dans 
les  notes  modestement  appelées  notalœ,  qu'il  ajoute  à  la  fin,  soit  pour 
éclaircir  le  texte,  soit  pour  indiquer  les  rapprochements  qu'on  peiit 
faire,  tant  avec  les  anciens  qu'avec  les  modernes.  Les  huit  fragments 
qu'on  est  accoutumé  de  joindre  au  Traité  dti  sublime,  sans  qu'on  puisse 
les  attribuer  au  même  auteur,  et  un  nouveau  fragment  tiré  du  Manus- 
crit de  Florence,  et  inédit  jusqu'ici,  sont  commentés  de  la  même  ma- 
nière. Quoique  le  nouveau  fragment  n'ait  pas  fait  partie  du  traité ,  mais 
qu'il  offre  seulement  une  série  de  propositions  extraites  par  quelque 
grammairien  des  écrits  duVhéteur  philosophe  (ô*  tSp  Aoyjivov  ftmftxiy) , 
désormais  il  n'y  aura  plus  d'édition  complète  sans  cette  addition. 

*  HUior.  V,  3.  Voyez  aussi  Strabon,  xvi,  a,  trad. Tran(.  t.  V,  p. a 33.  —  *  HùL 
Je  la  Uttér.  gr,  à  Varticie  dé  Lon^o.  ' 

ao 


Ï54  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Trilea  sont  tes  garanties  de  succès  avec  fesqueiies  se  produit  l'édition 
do  M.  E^r  -.-tel  est  le  nouveau  titre  qu'il  vient  d'acquérir  i  l'estime  det 
partisans  de  la  littéreturt;  dasaîque  et  aux  encoaragements  de  ceux  qui 
doivent  protéger  les  jeunes  savants,  dans  fintérèt  de  la  science;  prv- 
v«ntas  fraciaftUx,  ipefehcwr. 

NAUDET. 


La  vie  et  le  temps  de  Gailiaame  Ui,  roi  d'Angletem,  et  sfatkoader 
de  BoUande  ' ,  par  Arthur  Trévor. 

«Vous  connaisseK,  dit  quelque  part  Labruyère.  un  homme  pâle  et 
livide,  qui  n'a  pas  sur  soi  uix  onces  de  chair,  et  qu'on  croirait  jeter  è 
terre  du  moindre  soulHe.  H  fait  néanmoins  phis  de 'bruit  que  quatre 
autres ,  et  met  tout  en  combustion.  Il  vient  de  pêcher  en  eau  trouble 

une  île  tout  entière Ilétait  né  si^et,  et  il  ne  l'est  plus  ;  au  contraire, 

il  est  maître.  H  lui  a  suffi  pour  cela  de  prendre  son  père  et  sa  mère 
par  les  épaules,  et  de  les  rejeter  hors  delà  maison.  » 

Dans  cette  caricati^^  tracée  par  Labruyère  et  dans  les  violentes  dé- 
clamations d'Amauld  contre  le  nouvel  Absalon ,  le  nouvel  Hérode,  on 
est  bien  obligé  de  recohoaitre  un  des  plus  grands  hommes  d'état  de 
FEurope  moderne,  et  celui  d'entre  eux  peut-être  dont  l'ambition  a  eu 
rinfluence  la  plus  salutaire  pour  le  '  progrès  de  la  civilisation  et  de  la 
liberté,  Guillaume  m.  *  • 

H  y  a  longt^nps  sans  doute  qu'on  est  désabusé  sur  son  compte  des 
exagérations  injurieuses  que  la  naine  tiatîdnde  et  la  flatterie  de  cour, 
tout  À  la  Pois,  dictaient  aux  meilleurs  esprits  du  siècle  de  Louis  XIV. 
Mais  la  vie,  le  caractère  de  Guillaume,  l'histoire  de  son  élévation  sur- 


150  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

C'est  même  un  soDvenir  curieas  dans  l'histoire  de  ces  deux  princafl 
que  leur  animosité  ait  dat^  de  si  loin  ^  et  que  ce-soit  l'orphelin  dépouilla 
au4{uel  Louis  XIV  rendait  enfin,  en  i665t  »a  principauté  démantelée , 
qui  soit  devenu, .plus  tard,  le  rival  da  grand  Soi  et  le  chef  d'une  coali- 
tion contre  lui. 

Les  états  de  Hollande  n'avaient  pas  d'âbbrd  paru  plus  favorables  que 
Louis  XIV  au  (ils  de  leur  dernier  stathouder  et  de  la  princesse  Marie, 
fille  aînée  de  Chattes  I".  Le  parti  démocratique,  pour  écarter  d'autant 
plus  l'idée  de  tout  privilège  de  succession  au  stathoudérat ,  fit  supprimer 
la  dotation  attachée  à  la  personne  de  chaque  stathouder  pour  passer  à 
ses  euPants;  et  le  jeune  GuUlaume  fut  ainsi  privé  de  cette  portion  de 
l'|léritage  paternel.  Cependant  le  «oin  ménre  de  son  éducation  occupa 
les  États;  et  Q  fût  placé,  par  une  de  leurs  décisions ,  sous  la  tutelle  de 
sa  mère,  de  sa  grand' mère  et  de  l'électeur  de  Brandebourg.  Sa  {nère 
mourut  jeune;  mais  sa  grand'mère  du  côté  paternel,  Ëmiliâ  de  SolmC, 
femme  d'une  vertu  sévère,  réunissant  au  goût  de  l'étude  l'activité  de 
l'esprit  politique,  et  singulièrement  versée  dans  la  connaissance  du 
droit  public  et  des  intérêts  de  l'Europe,  se  trouvait  la  personne  le 
mieux  choisie  peut-être  pour  cultiver  lés  talents  et  exciter  l'ambition 
d'un  jeune  prince  déchu.  A  cette  école,  Guillaume  se  forma  de  bonne* 
heure;  et,  dès  l'âge  de  dix-sept  ans,  son  instruction  étendue ,  la  gravité 
de  son  caractère,  la  fermeté  et  la  précision  deses  parolea  étaient  admi- 
rées sans  flatterie;  car  il  n'avait  pas  de  cour: 

A  cette  époque ,  l'esprit  de  liberté  toujours  inquiet  dé  la  puissance  du 
stathoudérat  la  limitait  de  nouveau.  Une  loi  des  Etats  interdisait  la 
réunion  de  cette  dignité  à  celle  de  capitaine  général;  et  la  HoUande, 
par  zèle  de  liberté,  mettait  la  division  et  la  faiblesse  dans  son  gouver- 
nement, n  est  remarquable,  au  resté,  que,  malgré  le  soin  qu'on  avait 


15Ô  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Guillaume  se  vit,  k  vingt-sû  ans,  le  libératenr  de  son  pays,  rétaBIi 
par  le  vœu.de  ses  concitoyens  dans  ia  dignité  dustathoudérat,  et  devetiu 
le  gendre  d'un  roL  d'An^eterfe  qui  n'avait  pas  de  fili.  Un  autre  grand 
râle  loi  était  réservé,  soit  qu'il  le  prit  par  conscience  ou  par  ambition  : 
r'était  celui  de  protecteur  du  protestantisme  en  Eurogi;. 

"  Louis  XIV ,  entraîné  par  ses  scrupules  et  par  les  conseils  despotiques 
de  Louvois ,  venait  d'entreprendre  la  conversion  forcée  des  protestants 
français.  Ceux  du  Languedoc ,  en  particulier,  fort  persécutés  par  les 
ligueurs  de  l'intendant  Basville,  se  réfugièrent  en  assez  grand  nombre 
sur  le  territoire  libre  de  la  petite  principauté  d'Orange.  Louis  XIV  fit 
avancer  des  teoupes,*et  somma  les  magistrats  d'Orange  de  renvoyer  les 
fugitif.  Us  obéirent  ;  mais  Guillaume  se  plaignit  publiquement  de  cette 
violence,  comme  d'une  première  infraction  à  la  paix  de  Nim^ue.  La 
révocation  de  l'édit  de  Nantes,  la  persécution  des  Vaudois  lui  four^ 
nirent  hientôl  de  nouveaux  grieft.  Ces  violences  de  Louis  XIV  n'avaient 
(irécédé  que  d'un  an  la  mort  de  Chaïles  II,  et  l'avènement  de  son  fana- 
(îque  successeur,  dentelles  semblaient  exciter  le  zèle.  Jacques  II  r^;na 
sous  la  protection  de  Louis  XIV.  Dans  toute  l'Europe  on  diK  alors  se 
l'aire  celte  question  :  Le  puissant  roi  de  France,  qui  a  réuni  à  ses  états 
la  Frairehe-Comté  et  l'Alsace  ,  qui  a  deux  fois  envahi  la  Hollande ,  qui 
domine  en  Italie,  qui  tient  l'Espagne  sous  son  alliance,  ne  veut-il  pas 
rétablir  partout  l'unité  religieuse  pour  arriver  à  Funité  politique  P  Les 
entreprises  de  Jacques  U,  si  suspectes  aux  Anglais,  dont  elles  bles- 
saient le  culte  et  la  liberté,  devenaient  donc  plus  odieuses  par  leur  coïn- 
cidence avec  les  actes  récents  de  Louis  XIV  ;  et  le  prince  qui  protestait 
contre  ces  actes,  et  qui,  dans  sa  faible'puissance,  avait  déjà  lutté  contre 
les  armes  de  Louis  XIV ,  devait  paraître  le  futur  défenseur  de  la  liberté 
d'une  moitié  de  lïurope. 

La  situation  était  chAigée,  en  effet.  Le  protestantisme,  après  avoir 
été  d'abord  agresseur,  et  avoir  porté  de  si  grands  coups  aux  puissances 


MARS  1858.  159 

£d  face  des  édit»  et  des  conquêtes  de  Louis  XIV,  Guillaume  parut  le 
champion  -de  la  liberté  civile  çt  religieuse  ;  et  de  là  les  efforts  de 
sèle  qa*ii  trouva  dans  tous  les  dissidents»  et  Fappui  passionné  que  les 
républicains  de  Hollande  donnèrent  à  son  agrandissement. 

Le  nouvel  historien  a  faiblement  indiqué  ces  causes.  Il  s'attache  sur- 
tout à  montrer  que  Guillaume  n*avait  formé  d^avance  aucun  projet  sur 
la  couronne  d'Angleterre  ;  qu'il  était  le  plus  fidèle  ami  de  son  be^u- 
père  Jacques  II,  et  eût  voulu  ne  jamais  le  remplacer.il  en  donne  surtout 
pour  preuve  la  magnificence  de  l'ambassade  que  le  stathouder  et  les 
Etats  de  Hollande  envoyèrent  à  favénemept  de  Jacques  II.  Nous 
doutons  que  cette  preuve  paraisse  concluante  au  lecteur.  Le  peu 
.  de  faveur  que  le  prince  d'Orange  témoigna  pom*  le  duc  de  Montmouth 
et  lé  secours  immédiat  qu'il  envoya  pour  étouffer  cette  rébellion  ne 
prouvent  pas  non  plus,  comme  le  suppose  M.  Trévor,  que  ce  prince 
fiit,  pour  son  compte,  étranger  à  tout  dessein  ultérieur  sur  la  couronne 
d'Angleterre^,  mais  plutôt  qu'il  la  voulait  pour  lui,  et  là  défendait  contre 
tout  autre. 

^  La  profondesagacité  et  la  longue  vue  de  Guillaume  lui  montraient 
l'enchaînement  £atal  de  fa«tes  et  de  violences  où  fut  entraîné  Jacques  II; 
et ,  sans  hâter  les  événements ,  il  se  tenait  prêt  à  profiter  de  tout ,  don^ 
nant  protection  aux  persécutés  i  cpurage  aux  mécontents,  espérance 
aux  ambitieux ,  et,  dans  un  calme  impassible,  n^ontrant  à  l'Angleterre 
le  successeur  désigné  du  roi  qui  la  troublait. 

Cest  ainsi  qtt' après  les  cruautés  de  Jeff criées  et  de  Kirkes,  après 
l'empnsonnement  des  évéques  anglicans  et  les  dpmières  et  irréparables 
fautes  de  Jacques  II,  quand  tout  fut  mûr  enfm,  Guillaume  descendit 
avec  iàtooo  hommes  sur  les  côtes  de  l'Angleterre,  qtù.sa  donnait  lé- 
galement à  lui. 

Cette  portion  du  récit  est  curieuse  dans  M.  Trévor*  Il  indique  les 
plus  petits  ressorts  des  grands  événements;  mais  il  manque  de  force ,  et 
par  conséquent  de  véritable  fidélité  historique ,  pour  peindre  ces  évé- 
nements mêmes.  En  racontant  l'arrivée  du  prince  d'Orange  à  Torbai , 
après  une  tempête  qui  avait  battu  sa  flotte  toute  la  nuit,  et  qui  la  jeta 
précisément  SUT  le  lieu  le  plus  favorable  de  la  côte,  il  rappelle  deux 
vers  de  CJaudien  : 

O  Dimiàm  dilecle  Deo,  cui  mililat  œlher 
*£t  coDJurati  yeniunt  ad  classica  venti.  ' 

.Mais  le  débarquement  du  prince,  sa  marche  sans  combats,  les  trans- 
ports du  peuple*  le  trouble  de  la  cour,  l'incertitude  des  uns ,  la  trahi- 


160  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

son  empressée  des  autres ,  la  solitude  où  tombe  bientôt  le  malbeureux 
roi,  abandonné  même  par  saiflle,  rien  de  tout  cela  n'est* dé<yît  au- 
trement que  par  l'indication  du  fait  et  de  la  date.  Le  génie  même  de 
Guillaume,  cette  modération  si  hautaine,  ou  plutôt  cette  patience  ma- 
gnanime avec  laquelle  il  attend  la  couronne  qu'il  est  venu  cbercber, 
et ,  sûr  de  sa  force  comme  du  besoin  qu'on  a  de  lui ,  laisse  se  con- 
sommer sous  ses  yeux  toutes  les  lenteurs  légales  qui  préparent  son 
pouvoir;  rien  de  toutcela  n'est  mis  en  relief  dans  le  récit  de  l'bisto- 
rien.  On  lit  avec  lui  des  extraits  de  pièces  officielles;  mais  on  na  pas 
sous  les  yeux  l'image  vive  et  complète  des  événements. 

Nous  porterons  le  même  jugement  de  la  partie  de  l'ouvrage  qui  com-, 
prend  lé  règne  de  Guillaume,  LeS  discours  de  ce  prince  sont  textuelle-  ■ 
ment  rapportés;  les  négociations,  les  traités,  nettement  exposés.  Mais 
tout  ce  qui  peut  peindre  les  hommes  et  les  mettre  en  action  manque 
à  ce  réeit.  L'histoire  des  sectes  et  des  partis  qui  jouèrent  un  si  grand 
.rôle  sous  Guillaume,  et  Rirent  maîtrisés  par  sa  main  puissante,  entrait 
dans  le  pian  de  l'auteur.  Les  caractères  de  tant  d'hommes  d'état  célè- 
bres, depuis  SunderlanJjusqu'à  Marlborough,  devaient  se  retrouvet 
dans  ses  récits.  Il  n'est  pas  jusqu'à  la  rionfroverse  politique'  de  ces 
temps  orageux  qui  n'ait  pu  être, à  propos  rappelée  par  l'historien. 
De  roê,  l'immortel  auteur  de  Robinson  elle  x,^é  défenseur  de  Guillaume, 
méritait  un  souveiiif  ;  et  ses  nombreux  écrits  polémiques  auraient  foiimî 
des  traits  expressifs  sur  l'esprit  et  les  passions  du  temps.  M.  Arthur 
Trévor  n'entre  dans  aucun  de  ces  d^aUs,  quoiqu'il  ait  annoncé  le 
tableau  du  siècle.  Il  fait,  avec  sagesse  et  méthode,  l'annuaire  historique 
du  règne  de  Guillaume  :  il  n'est  pas  le  peintre  d'une  époque  mémo- 
rable, et  d'un-grand  homme.  Ajoutons  que  dans  son  récit,  habituelle- 
ment impartial,  il  a  gardé  contre  Louis  XIV  un  préjugé  de  haine  dont 
l'expression  est  parfois  déclamatoire. 


MARS  1838.  161 

Astoria,  or  an  Enterprise  beyond  the  Rocky  mountains,  etc.  — 
Astoria,  ou  récit  d'une  entreprise  au  delà  des  montagnes  Rocheuses, 
/)ar  Washington  Irving,  auteur  du  Sketch  book,  de  fAlhambra, 
etc.  ;  1 836.  Réimprime  à  Paris,  par  Baudry ,  en  un  vol,  in-8* 
de  336  pages. 

DERNIER    ARTICLE. 

Dans  notre  précédent  article ,  nous  avons  suivi  cette  troupe  hardie  de 
blancs,  commerçants  et  chasseurs,  qui,  partant  des  derniers  établisse- 
ments de  l'Union ,  dans  le  bas  Missouri ,  avait  entrepris  de  traverser  le  con- 
tinent d'Amérique  dans  toute  sa  largeur,  pour  aller  rejoindre,  sur  les 
bords  de  l'Océan  occidental,  la  nouvelle  colonie  d' Astoria.  Nous  les  avons 
accompagnés  au  milieu  des  hordes  sauvages,  dans  les  périls  et  les  fatigues 
du  désert;  nous  les  avons  vus  enfin,  à  force  d'énergie  et  de  courage, 
surmonter  cette  barrière  de  montagnes  granitiques,  prolongement  des 
Andes ,  qui  s'étend  du  sud  au  nord  dans  toute  la  longueur  de  l'Amérique , 
comme  un  contre-fort  entre  les  deux  océans.  Le  faible  ruisseau  sur  les 
bords  duquel  ils  étaient  campés  descendait  maintenant  vers  l'Océan  de 
l'ouest;  il  les  conduisit  bientôt  aune  grande  rivière,  mais  tumultueuse  et 
rapide,  appelée  Mad-River,  qui  était  une  des  principales  branches  de  la 
Golombia.  La  caravane  salua  cette  vue  avec  enthousiasme.  Il  ne  fallait 
plus  que  construire  des  canots ,  pour  s'abandonner  au  courant  de  ces  eaux 
favorables;  toutes  les  fatigues  semblaient  finies.  Mais  le  chef,  M.  Hunt, 
avait  trop  de  prudence  pour  se  livrer  à  une  si  dangereuse  sécurité. 
En  effet,  cette  rivière,  qui  s'oflFraît  à  eux,  pouvait  être  plus  bas  coupée 
de  rapides  qui  rendraient  la . navigation  impraticable;  en  s'y  confiant, 
il  fallait  abandonner  les  chevaux ,   qui ,  dans  ces  solitudes  désertées 
par  les  animaux  comme  par  l'homme  aux  approches  de  l'hiver,  auraient 
fourni  une  ressource,  peut-être  indispensable,  contre  la  faim.  De  si 
graves  motifs  ne  purent  toutefois  dominer  l'entraînement  de  l'espé- 
rance, et  l'on  se  mit  à  construire  des  canots.  Mais ,  par  bonheur,  deux 
Indiens  Serpents ,  étant  survenus ,  détournèrent  les  blancs  par  leurs 
signes,  de  tenter  cette  entreprise  impossible;  et  ils  conduisirent  la 
troupe  vers  un  autre  point  plus  favorable ,  où  un  des  agents  de  la  compa- 
gnie du  Missoiu'i  avait  déjà  antérieurement  établi  un  poste  que  l'on  trouva 
abandonné.  Les  huttes  faites  de  troncs  d'arbres ,  qu'avaient  dressées  les 
premiers  occupants ,  furent ,  pour  la  caravane  fatiguée ,  des  palais  où 
elle  se  reposa  délicieusement ,  au  bord  d'un  cours  d'eau ,  large  et  Iran- 


ai 


MARS  183»,  165 

de  John,  dé&eapéré,  fit  feu  de  sa  carabine,  tua  un  des  sauvages,  et 
tomba  percé  de  leurs  traits.  Jobn  vit  bien  qu'il  allait  payer  le  prix  du 
sang,  et  subir  la  mort  la  plus  cruelle.  Il  entendait  quelque  peu  le  lan- 
gage des  Pieds-Noirs,  et  comprit  quils  délibéraient  sur  le  genre  de 
tourment  qu  il  allait  souffrir.  Ênfm  le  cbef ,  plus  raffiné  dans  sa  ven<* 
geance,  lui  demanda  s  il  était  bon  coureur.  Le  malheureux  devina  le 
but  de  cotte  question  :  il  comprit  que  sa  vie  allait  être  Tenjeu  de  la 
course;  et,  quoique  remarquable  par  son  agilité  entre  ses  compagnons 
de  chasse ,  il  eut  asse:^  de  présence  d*esprit  pour  assurer  qu  il  savait  mal 
courir.  Ce  stratagème  lui  obtint  quelque  avance  :  le  chef  le  mena  dans 
la  prairie,  à  quatre  cents  pas  de  la  troupe  des  sauvages,  et  le  laissa  fuir. 
Un  hurlement  terrible  lui  apprit  aussitôt  que  la  horde  entière  était  sur 
ses  traces.  Golter  vola  plutôt  quil  ne  courut,  tirant  quelque  espérance 
de  sa  vélocité ,  qui  f  étonnait  lui-même  ;  mais  il  avait  six  railles  de  prai- 
rie à  courir  avant  de  gagner  le  Missouri ,  et  les  plantes  épineuses  lui 
déchiraient  les  pieds.  Pourtant,  à  moitié  du  trajet,  le  bruit  des  pour- 
suivants lui  sembla  s'affaiblir,  et  il  se  hasarda  de  tourner  la  tête.  Le 
corps  de  la  horde  était  loin  derrière;  mais  un  seul  guerrier,  armé  d'une 
lance ,  le  suivait  à  cent  pas.  Colter  redoubla  d efforts,  au  point  que  le 
sang  lui  sortait  de  la  bouche,  mais  vainement;  il  sentit  bientôt  son 
ennemi  à  deux  pas.  Alors  désespéré,  il  s'arrêta,  et  lui  fit  face.  Le  sau- 
vage  étonné  s*arrèta  aussi,  et,  brandissant  son  arme,  la  lui  lança.  Mais 
le  coup  failUt;  farme  frappa  la  terre,  se  rompit,  et  Colter  saisissant 
le  fer  en  tua  son  ennemi,  puis  reprit  la  fuite.  La  horde  arrivée 
en  cet  endroit,  et  y  trouvant  un  des  siens  massacré,  recommença  sa 
poursuite  avec  des  cris  horribles.  Cependant  Colter  avait  pu  joindre 
un  bois  de  cotonniers  qui  bordait  le  fleuve  ;  il  le  traversa ,  se  jeta  à  la 
nage,  et  gagna  ainsi,  sans  être  vu ,  une  île  voisine,  où  un  immense  amas 
d  arbres  accumulés  formait  im  radeau  naturel  de  plusieurs  pieds  d'é- 
paisseur. Il  plongea  dessous,  et  trouva  enfin  un  endroit  où  il  put  sortir  la 
tête  de  l'eau  sous  les  branchages  qui  le  recouvraient.  Â  peine  respirant , 
il  entendit  les  sauvages  arrivés  au  radeau,  et  le  cherchant  partout  de 
leiurs  yeux  perçants.  Ils  s'efforcèrent  longtemps  de  le  découvrir,  et  le 
malheureux  tremblait  qu  ils  ne  missent  le  feu  à.  son  asile;  mais  par 
bonheur  l'idée  ne  leur  en  vint  pas,  et  sur  le  soir  ils  l'abandonnèrent, 
convaincus  qu'il  avait  pérL  Toutefois  le  prudent  chasseur  ne  quitta  sa 
cache  que  bien  avant  dans  la  nuit ,  lorsqu'aucun  bruit  ne  se  fit  plus 
entendre.  Il  plongea  alors  sous  le  radeau  pdur  sortir,  nagea  longtemps,  et 
vint  aborder  à  une  grande  distance  sur  la  rive  opposée.  Mais  il  était  nu , 
épuisé  de  faim  et  de  fatigue;  ce  ne  fut  qu'avec  peine  qu'il  jput  rejoindre 


21 


MARS  1838.  165 

rochers  à  pic;  et  qu*au  delà,  pendant  quarante  milles,  ce  n'était  qu'une 
âuite  d*écueiis ,  de  tourbillons  et  de  cascades  infranchissables.  H  fallait 
donc  laisser  là  les  barques,  et  essayer  d avancer  à  pied,  emportant  seu- 
lement les  bagages  et  les  vivres  indispensables;  car  le  poste  ou  les 
chevaux  avaient  été  abandonnés  était  à  trois  cent  quarante  milles  en 
arrière.  Quel  parti  prendre ,  et  comment  sortir  de  ces  solitudes  sans 
guides  et  sans  vivres!  Ce  fut  le  sujet  d*une  sombre  délibération. 

Kunique  ressource  parut  être  de  se  diviser  en  plusieurs  partis,  pour 
ne  pas  s'affamer  mutuellement.  Il  ne  restait  plus  que  cinq  jours  de 
vivres,  on  se  les  partagea;  les  bagages  quon  ne  pouvait  porter  furent 
enfouis  dans  des  caches ,  puis  chaque  troupe  alla  tenter  le  sort.  Ce 
qu'il  y  eut  de  souffrances  à  supporter  peut  à  peine  se  croire.  Quelques 
misérables  restes  de  poissons  secs,  quelques  chevaux  achetés  difficile- 
ment, ou  dérobés  aux  peuplades  sauvages  dispersées  de  loin  en  loin  dans 
ces  solitudes,  furent  les  seuls  aliments  quon  put  se  procurer;  on  mangea 
jusqu'aux  peaux  des  castors  tués  précédemment.  Après  une  marche  à 
pied  de  plus  de  sept  cents  milles,  un  des  associés  s'arrêta  de  &îblesse ,  et 
resta  en  arrière  avec  deux  hommes.  Enfin ,  le  reste  de  la  troupe ,  rallié 
avecM.  Hunt,  gagna  un  cantonnement  d'Indiens  Serpents  qui  les  aver- 
tirent de  ne  plus  suivre  le  cours  trop  sinueux  de  la  rivière ,  et  leur  four- 
nirent des  guides  pour  couper  droit  à  travers  les  montagnes.  M.  Hunt 
prit  donc  cette  nouvelle  direction,  le  2&  décembre,  avec  trente-deux 
blancs,  trois  Indiens  et  cinq  chevaux.  Chose  à  peine  croyable  I  la  femme 
de  l'interprète  engagé  à  Saint- Louis  était  du  voyage,  et  en  avait  sup- 
porté toutes  les  misères.  Ayant  déjà  avec  elle  deiu  enfants ,  que  sou- 
vent elle  portait,  elle  accoucha  d'un  troisième  sur  la  route,  s'arrêta 
quelques  instants,  puis,  sans  se  plaindre,  rejoignit  la  troupe,  portant 
sur  son  dos  son  nouvel  enfant.  La  marche  était  pourtant  horriblement 
pénible,  dans  le  cœur  de  l'hiver,  à  travers  de  hautes  montagnes  hérissées 
de  roches,  coupées  de  ravines,  au  milieu  de  la  neige  où  Ton  enfonçait 
souvent  jusqu'à  la  ceinture.  Enfin,  après  treize  jours  d'une  pareille  route , 
ayant  gravi  un  dernier  sommet,  le  soleil  reparut,  le  temps  s'adoucit,  et  à 
leurs  pieds,  dans  des  vallées  profondes,  ils  découvrirent  de  nombreux 
troupeaux  de  daims.  Bientôt  Ûs  virent  des  traces  de  chevaux  en  grand 
nombre.  Tout  axmonçait  qu'ils  étaient  entrés  dans  \m  climat  plus  favo- 
rable ,  et  cet  espoir  ne  fut  pas  déçu.  Le  6  janvier  1 8 1  a  ils  arrivèrent 
à  un  camp  d'Indiens  appartenant  à  la  tribu  des  Sciatogas ,  où  ils  trou- 
vèrent la  fin  de  leurs  peines.  Ces  Indiens  vivaient  sous  des  tentes  cou- 
vertes de  nattes,  et  s'habillaient  de  peaux  comme  les  tribus  du  Mis- 
souri. Ils  avaient  des  chevaux  en  abondance;  mais  la  chasse,  jointe  à 


MARS  1838.  169 

marchande  et  faire  respecter  leilr  pavillon.  Ils  doivent  donc  regretter 
vivement  la  perte  d*Âstoria ,  si  bien  placée  sur  la  côte  occidentale  d'A- 
mérique. En  outre ,  le  mouvement  continu  des  émigrants  vers  l'ouest 
les  rapproche  des  montagnes  Rocheuses.  Le  hardi  pionnier  voit  d'un 
œil  impatient  cette  barrière  posée  entre  lui  et  l'Océan,  qu'il  considère 
comme  sa  limite  naturelle.  Dans  cet  état  de  choses,  le  traité  provi- 
soire entre  l'Angleterre  et  les  États-Unis  expire,  comme  nous  l'avons  dit, 
cette  année  même;  et,  si  l'Angleterre  eût  été  tranquille  dans  ses  posses- 
sions américaines,  on  peut  croire  que  le  désir  de  conserver  la  paix  eftt 
fait  encore,  reporter  à  quelques  années  la  question  des  limites.  Mais 
dans  ce  moment  l'insurrection  du  Canada  vient  d'éclater;  et,  si  les 
troubles  ont  quelque  durée  dans  cette  colonie ,  l'Angleterre  se  trouvera 
gênée  pour  soutenir  par  la  force  ses  prétentions  sur  les  districts  de  la 
Colombia.  Tout  porte  donc  à  croire  que  les  Américains  se  montreront 
plus  exigeants  dans  la  rédaction  du  nouveau  traité.  De  là  peut  naître  une 
^erre  où  se  disputera  1* empire  des  cotes  naguère  inconnues  de  l'Océan 
Pacifique  ;  et  dans  cette  guerre  le  cri  de  ralliement  des  Américains  sera 
le  nom  d'Astoria. 

Le  récit  du  long  et  pénible  voyage  de  M.  Hunt  nous  a  fait  connaître 
les  moçurs  des  Indiens  de  l'intérieur  du  continent,  autour  de  la  grande 
chaîne  des  montagnes  Rocheuses;  il  nous  lésa  montrés  hardis  et  cruels 
quand  ils  sont  les  plus  forts,  timides  et  accueillants  quand  ils  sont  oppri- 
més. Le  journal  d'Astoria  nous  donne  sur  les  Indiens  de  la  côte  occiden- 
tale des  détails  qui  complètent  le  tableau  de  ces  différentes  races.  Les  In- 
diens de  la  côte  sont  plus  petits  et  plus  faibles  que  ceux  de  l'intérieur. 
Outre  la  singulière  coutume  d'aplatir  la  tété  de  leurs  enfants,  coutume 
que  nous  avons  déjà  citée,  ils  montrent  une  aversion  marquée  pour 
la  barbe  qu'ils  s'arrachent  poil  à  poil,  tandis  qu'ils  laissent  croître  leur 
chevelure.  Ils  sont  polygames  comme  les  autres  Indiens.  Ib  ont  quelque 
idée  vague  d'un  bon  esprit,  créateur  de  toutes  choses,  lequel  réside 
au  ciel ,  et  lutte  contre  un  mauvais  esprit  qui  habite  le  feu  dans  les  régions 
inférieures.  Leurs  guerres  sont  peu  sanglantes,  et  se  terminent  d'ordi- 
naire par  des  compensations  en  esclaves ,  en  chevaux  ou  tous  autres 
objets  de  service.  Ils  s'amusent  à  danser  au  son  d'un  instrument  gros- 
sier, et  surtout  ils  aiment  les  jeux  de  hasard.  Us  s'y  passionnent  telle- 
ment qu'ils  jouent  tout  ce  qu'ils  ont,  jusqu'à  leurs  femmes  et  leurs  en- 
fants. Ces  traits  principaux  se  retrouvent  chez  les  Indiens  de  Noutka, 
qui  habitent  la  même  côte,  quelques  degrés  plus  au  nord,  et  qui  nous 
sont  connus  depuis  les  voyages  de  Cook  et  de  Vancouver.  Ceci  peut  faire 
penser  qu'ils  ont  la  même  origine.  M.  Irving  trouve  même  assez  d'ana- 


aa 


*' 


MARS  1838.  175 

gie  »  soit  à  TUniversité ,  soit  au  Parlement  »  pour  faire  condamner  toote  autre  pltilo- 
Sophie  que  celle  d*Ânstote. 

a.  Quand  ceux  qui  sollicitent  cette  affaire  n* auraient  pas  le  dessein  de  brouiller, 
il  serait  impossible  qu  un  arrêt  sur  ce  sujet  ne  causât  des  brouilleries  ;  car  il  ne  faut 
pas  s  imaginer  que  tout  d'^n  coup  cet  arrêt  changeât  les  opinions  dea  hommes,  et 
qu*il  fît  embrasser  la  philosophie  d'Arislote  à  ceux  qui  n*y  trouveraient  pas  de  so* 
lidité.  Les  esprits  ne  sont  pas  sf  flexibles  en  des  choses  que  chacun  croit  avoir  Ja 
liberté  de  penser,  et  d'en  croire  ce  qui  lui  plaît,  n*y  ayant  que  les  choses  de  foi  où 
1  on  se  croit  être  obligé  de  soumettre  son  jugement  à  Tautorité.  U  semble  au  con- 
traire que  plus  on  veut  asservir  les  hommes  à  certaines  opinions  que  Dieu  n*a  point 
déterminées  par  sa  parole,  et  plus  ils  se  révoltent  contre  cette  contrainte,  et  se  por- 
tent avec  plus  d*ardeur  à  ce  qu  on  leur  défend  :  Punitis  ingénus  gliscit  auctoritas.  De 
plus,  cet  arrêt  ne  pourra  être  que  général,  n*étant  pas  croyable  que  le  Pariement 
veuille  entrer  dans  la  discussion  des  opinions  particulières  qn*il  sera  permis  ou  dé- 
fendu d'enseigner.  Or  ces  défenses  générales  ne  peuvent  que  faire  naître  des  con* 
testations  et  des  disputes  sans  iin,  parce  que  chacun  lea  interprète  comme  il  lui 
plait  et  les  applique  a  ce  qu  â  veut,  de  sorte  que  ceux  qui  veulent  brouiller  et  qui 
ont  plus  d  mtiigue  et  de  cabale,  s  en  servent  pour  vexer  et  pour  tourmenter  ceux 
qui  n*ont  pour  eux  que  la  raison. 

3.  Tout  ce  qui  8*est  fait  jusqu  ici  pour  obliger  les  hommes  à  tenir  ou  ne  pas 
tenir  une. certaine  manière  de  philosophie,  fait  voir  quil  n*est  pas  possible  d*v 
réussir,  etquon  ne  fait,  quand  on  le  tente,  que  commettre  Tautorité  de  Téglise  et 
des  magistrats.  Le  livre  de  M.  de  Launoy,  de  Vana  AristoteUs  fortunn,  nous  en  four- 
nit des  preuves  bien  conyaincantes.  On  en  marquera  quelques  pointa  en  peu  de 
mots  :  1**  En  1  a 09,  les  livres  d*Aristote  furent  condamnés  et  brûlés  à  Paris,  par  un 
concile  de  Sens,  et  il  fut  lait  défense  de  les  lire  et  de  les  garder  sous  peine  d*excom- 
munication«  a*  Ce  même  jugement  ftitconûrmé  en  la  i5,  par  un  cardinal  légat  du 
saint-siége,  si  ce  n*est  que  les  livres  de  la  Dialectique  de  ce  philosophe  furent 
exceptés.  S*"  En  ia3i ,  le  pape  Grégoire  IX  défondit  encore  les  livres  de  la  Physique 
d*Aristote,  et  les  autres  qui  avaient  été  défendus  par  le  concile  de  Sens,  jusqu  à  ce 
qu'ils  fussent  examinés  et  purgés  de  tout  soupçon  d  erreur,  à"  Nonobstant  tout  cela , 
Albert  et  Saint-Thomas  ne  laissèrent  pas,  quelque  temps  après,  d'enseigner  et  de 
commenter  ces  mêmes  livres  qui  avaient  été  condamnés  par  le  concile  de  oens ,  tant 
ces  décrets,  touchant  des  doctrines  philosophiques,  ont  peu  de  force  pour  arrêter  les 
esprits  même  les  plus  religieux,  qui  croient  avoir  satisfait  à  tout  ce  que  TEglise 
désire  sur  ce  sujet,  pourvu  qu  ils  n'enseignent  rien  qui  blesse  la  foi.  5**  Eln  laGil, 
un  légat  du  siège  apostolique,  nommé  Simon.,  défendit  de  nouveau  la  lecture  det 
livres  d'Aristote  de  la  métaphysique  et  de  la  physique.  6*"  Mais ,  deux  ans  après , 
deux  cardinaux  délégués  par  Urbain  V,  pour  réformer  TUniversité,  ordonnent 
qu'on  interrogera  ceux  qui  voudront  prendre  des  degrés  sur  tous  les  livres  d*Anstote. 
dont  la  lecture  avait  été  auparavant  interdite.  Peut-on  rien  s'imaginer  de  plus  in- 
constant P  'j^  Du  temps  de  François  I",  Ramua  ayant  fait  des  remarques  sur  la  lo- 
gique d'Arisiote,  où  il  lui  reprochait  beaucoup  de  fautes,  fut  accusé,  pour  ce  sujet, 
par  Antoine  de  Gove.-Le  roi  voulut  que  cetle  affaire  fût  terminée  par  une  manière 
d'arbitrage,  ayant  permis  à  l'accusé  ae  choisir  deux  'arbitres  pour  se  défendre,  et  à 
Taccusaleur  autant,  s'étant  réservé  de  choisir  le  surarbitre,  qui  fut  de  Solignat, 
docteur  en  théologie.  Mais  les  arbitres  de  Ramus  s'étant  retirés,  parce  qu'ils  préten- 
daient qu'on  les  traitait  avec  injustice,  et  les  trois  autres  ayant  été  contraires  à 
Ramus,  le  roi  condamna  par  un  arrêt  les  remarques  de  Ramus  et  sa  Dialectique,  et  il 


184  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

distance  sont  d'immenses  dunes  d'un  sable  mouvant.  «Je  n*ai  jamais 
upu  comprendre,  dit  M.  Hoskins,  que  des  caravanes  entières  aient  pu 
«être  englouties  par  des  sables,  avant  d'avoir  vu  ces  monceaux  extra- 
«  ordinaires.  Une  grande  tempête  peut  facilement  les  mettre  en  mouve- 
tt  ment;  et  je  crois  volontiers  au  rapport  des  gens  du  pays,  que  ces  dunes 
a  disparaissent  tout  à  coup,  enlevées  par  les  vents,  et  reparaissent  ail- 
«  leurs.  Cest  sous  de  tels  amas ,  et  dans  ces  mêmes  déserts ,  que  l'armée 
«  de  Cambyse  est  censée  avoir  été  engloutie.  Il  est  pénible  de  penser 
«  que  près  de  la  demeure  de  Thomme  se  trouvent  de  si  terribles  instru- 
b  ments  de  destruction.  » 

Les  voyageurs  reçurent  une  visite  des  scbeiks  et  principaux  person- 
nages du  lieu,  qui  se  montrèrent  fort  polis  et  prévenants;  ils  apportè- 
rent des  fruits  et  un  mouton,  quon  leur  paya  en  argent.  Depuis  sept 
ans,  dirent-ils,  ils  n  avaient  pas  vu  d'Européens.  Le  principal  scheik  of- 
frit aux  voyageurs  de  Jeur  montrer  la  ville:  proposition  qui  fut  acceptée 
avec  joie. 

Les  rues  sont  étroites,  tortueuses  et  obscures,  étant  presque  entiè- 
rement recouvertes  par  les  auvents  des  toits  de  cbaque  côté  :  il  serait 
impossible  à  un  étranger  de  se  retrouver  dans  ce  dédale.  On  quitte  avec 
plaisir  ces  réduits  obscurs  pour  entrer  dans  une  petite  place  où  la  lu- 
mière se  montre  :  cette  place  est  le  bazar. 

Du  bazar,  on  conduisit  les  voyageurs  à  l'un  des  jardins  situés  sur 
le  côté  ouest  de  la  ville;  on  leur  avait  fort  vanté  ce  jardin,  qui  passe 
pour  le  plus  beau  de  l'oasis.  M.  Hoskins  le  trouva  fort  au-dessous  de 
sa  réputation.  Il  contenait  une  grande  quantité  d'arbres  fruitiers,  mêlés 
sans  ordre  et  sans  art.  La  nature  avait  beaucoup  fait,  l'art,  presque  rien, 
que  de  pratiquer  des  conduits  pour  alimenter  le  pied  des  arbres.  Outre 
les  palmiers ,  il  y  avait  des  orangers  et  des  citronniers ,  plus  remarqua- 
bles par  l'abondance  que  par  la  qualité  de  leurs  fruits  ;  des  abricotiers 
cbargés  de  fruits,  et  des  oliviers  dont  les  olives  sont  fort  belles  sur 
.  l'arbre  ;  mais  les  habitants  ne  sachant  pas  les  préparer,  elles  ne  sont  pas 
mangeables  ;  ils  font  cependant  d'assez  bonne  huile  :  il  faut  dire  néan- 
moins que,  ni  l'olive,  ni  la  vigne,  ne  viennent  bien  dans  ce  canton;  la 
chaleur  du  soleil  y  est  si  forte  qu  elle  dessèche  les  fruits  d'un  côté  de 
l'arbre ,  avant  que,  sur  Tautre,  ils  aient  le  temps  de  mûrir. 

Les  maisons  d'El-Khai^eh ,  comme  celles  des  villages  d'Egypte,  sont 
bâties  en  terre  et  revêtues  d'un  toit  plat  :  quelques-unes  sont  grandes , 
et  un  bon  nombre  ont  un  premier  étage.  Elles  présentent  en  généra} 
le  même  aspect  de  pauvreté  et  d'habitudes  malpropres. 

Les  habi^nts  de  cette  ville  et  de  toute  Toasis  n'ont  p^s  (sauf  quel- 


MARS  1838.  185 

ques  exceptions)  ces  traits  fortement  marqués  deTArabedes  bords  du 
Nil  ;  leur  teint  est  plus  clair  que  celui  des  paysans  d^Égypte,  &  la  même 
latitude  ;  mais  ils  sont  principalement  remarquables  par  un  teint  pâle 
et  maladif,  un  air  languissant ,  indolent  et  paresseux ,  un  manque  total 
de  vivacité  et  d*énergie  ;  ce  sont  autant  de  preuves  de  rin^ald^rité  du 
climat,  et  des  fâcheux  effets  dune  ana  oatiAoa.  Cette  pâleur  est  surtout 
sensible  dans  les  femmes  et  les  enfants;  les  borames,  plus  exposés  à 
f influence  d'un  soleil  tropical,  ontTair  un  peu  mieux  portants. 

Leur  maladie  ordinaire,  celle  qui  cause  la  mortalité  la  plus  grande, 
est  une  fièvre  intermittente  qui  Içs  atteint  à  chaque  retour  de  Tété  ou 
de  Tautomne.  Elle  n*est  pas  causée  par  les  exhalaisons  des  champs  de 
riz,  puisque  les  parties  de  foasis,  où  le  riz  n*est  pas  cultivé,  y  sont  expo- 
sées comme  les  autres;  ni  par  la  grande  quantité  de  datles  que  man- 
gent les  habitants,  comme  quelques  voyageurs  Tont  présumé.  M,  Hos- 
kins  pense  que  cette  maladie  provient  de  la  mauvaise  qualité  des  eaux 
qu'ils  boivent  en  trop  grande  quantité  dans  la  saison  des  chaleurs. 
L'ophthalmie  est  une  autre  maladie  qui  cause  de  nombreux  et  de 
graves  accidents. 

Malgré  les  inconvénients  du  climat  de  foasis,  fbabitant  libre  de 
cette  vallée  ne  voudrait  pas  changer  de  condition  avec  celui  des  bords 
du  Nil;  car,  quoique  nominalement  placé  sous  la  domination  du  pacha 
d'Egypte,  il  jouit  en  réalité  d'une  assez  grande  liberté.  Il  n  est  jamais 
forcé  de  quitter  son  pays  pour  devenir  soldat.  Il  est  exempt  des  exac- 
tions et  des  mauvais  traitements  d'un  maître  hautain.  Les  disputes  et 
les  délits  sont  jugés  avec  impartialité  par  les  scheiks.  Un  caîmacan  turc 
réside  dans  Ell*-Khargeh ,  uniquement  pour  percevoir  un  modique  tri- 
but annuel;  mais,  n  ayant  point  de  soldats  pour  le  protéger,  une  bonne 
politique  lui  conseille  de  se  montrer  accommodant,  et  de  respecter  les 
préjugés  ou  les  habitudes  du  peuple. 

Dans  aucune  circonstance,  peut-être,  le  pacha  n'a  montré  autant  de 
bon  sens  que  dans  le  gouvernement  des  oasis  du  désert  libyqué,  qui  sont 
à  présent  sous  sa  domination.  Lorsqu'il  fit  invasion  sur  leur  territoire, 
ses  troupes  trouvèrent  une  résistance  obstinée  dont  ses  armes  triom- 
phèrent; le  fniit  de  sa  victoire  fut  un  tribut  considérable.  S*il  avait  laissé 
des  soldats  dans  chaque  district,  leur  dépense  atu^it  absorbé  une  grande 
partie  des  revenus  ;  leur  conduite  ty  rànnîque  aurait  exôlté  la  colère  des 
habitants,  et,  sans  doute,  beaucoup  de  ses.sQldèts'dérïiieht  tombés  vic- 
tiines  de  l'insalubrité  du  climat.    .*«  .    .    i    » 

>'  Le:pacha«  préféré d«  moiitrer  de  U-  lnt>dératkfn  disriks  la  j^erception 
do  tribut,  et  de  laisser  Ta^lminfJstmfofi'lGleMe'aibtiUaâMidëslcb^^ 


186  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

pftys.  Tant  (fA*â  usera  de  oett^  prudence,  il  n*ji  pas  à  craiodre  ^ueles 
oasis  se  révoltent  contre  son  autorité. 

Beaucoup  de  scbeiks  et  de  marchands  sont  riches  et  indépendants. 
Us  envoient  leurs  dattes  au  Nil ,  où,  d'après  la  réputation  dont  jouissent 
les  dattes  de  f  oasis  î  elles  sont  vendues  un  très-hon  prix  ;  on  rapporte , 
en  retour,  du  blé  dont  manque  V^asis,  des  q;>ioeSf  du  café,  et  divers 
ustensiles ,  tels  qu  armes ,  miroirs ,  colliers ,  eic.  5ur  lesquels  on  fait 
un  grand  bénéfice. 

L'oasis  produit  du  rie ,  mais  intérieur  à  celui  du  Delta  ;  du  blé , 
du  mdlet,  du  dourah,  et  les  fhiits  ci-dessus  mentionnés.  Néanmoins, 
la  grande  source  de  tHX>spérité  consiste  dans  les  forêts  de  dattiers. 

Les  costumes  des  hommes  difi^rent  très-peu  de  ceux  des  paysans  du 
Nil.  Leurs  habits  sont  généralement  plus  simples^  Les  femmes  ne  sont 
pas  obligées  de  se  couvrir  le  visage,  et  il  est  rare  qu'un  excès  de  mo- 
destie les  pousse  à  cacher  leur  beauté.  Leurs  vêtements  sont  plus  riches 
et  plus  recherchés  que  ceux  des  Égyptiennes  ;  la  pâleur  de  leur  teint 
leur  donne  un  air  plus  intéressant^:  leurs  traits  sont  d'ailleurs  plus  ré- 
guliers, et  leur  physionomie  plus  aimable. 

Elles  jouissent  de  beaucoup  plus  d'influence  que  dans  la  vallée 
du  Nil;  elles  sont  plus  respectées  des  hommes  :  ce  sont  elles  qui 
tiennent  l'argent,  et  les  transactions  mercantiles  leur  sont  confiées. 

Durant  son  séjour  dans  l'oasis,  M.  Hoskins  se  donna  beaucoup  de 
peine  pour  obtenir  des  renseignements  sur  la  population  ;  mais  on  ne 
peut  Ëare  aucun  fond  sur  les  dires  des  Arabes  à  ce  sujet.  En  compa- 
rant les  diverses  réponses  qui  ont  été  faites  à  ces  questions ,  il  donne 
comme  un  résultat  asez  probable  que  la  population  totale  de  l'oasis  est 
d'environ  &,3oo  habitants, dont  3,ooo  danslasetde  ville  d'fH-Khargeh. 
Il  se  fonde  sur  le  nombre  des  honunes  en  état  de  porter  les  armes, 
qu'il  multiplie  par  5. 

Telle  est  en  abrégé  la  desQi'iption  de  l'oasis  ;  elle  occupe  les  cha- 
pitres trois ,  quatre  et  cinq  :  avec  le  sixième  commence  celle  du  grand 
temple,  dont  M*  CaiUîaud  nous  a  donné  déjà  une  idée  asses  nette 
dans  son  voyage  à  M^roé  (  1 1).  ' 

Ce  temple  est  i  six  mille»  de  la  yille.  Malgré  les  descriptioas  que 
notre  voyageur  en  avait  luea»  il  fut  agréaUemmt  surpris  k  la  vue  de 
si  belles  ruioea  4ans  un  pays  si  reculé* 

Cet  édifice  est  digne  d'attention ,  non-seulement  par,  son  architec- 
\m»  t  vms  Bnoote  par  las  jK>ulptures  intéressantes  et  les  insoriplîons 
hiét)Q^yphiqHe»  dopt  il  wt  orné»  Il  n'est  pas  moins  remarquable  par 


MARS  1858.  187 

kl  beauté  de  aa  f^osition.  Les  temples  des  bords  du  Nil,  quoique  plue^ 
magnifiques ,  sont  rarement  aussi  bien  situés.  H  est  ombragé  par  âe» 
palmiers  élégants,  des  sycomores  et  des  éMms;  un  couranl d'eau  passe 
entre  les  ruines. 

M.  Hoskins  est  resté  quinize  jom's  à  étudier  ee  temple ,  dessinant  tous 
les  vestiges  d'arcbitecture ,  copiant  les  sculptures  et  autres  inscriptions 
biéroglyi^iiquea. 

Ce  temple  consiste  dans  im  sécos»  avec  un  pronaos  en  avant,  et 
trois  propylons.  La  longueur  totale  est  de  5oo  pieds  ^  ;  mais  les  pro- 
pylons  sont  petits,  et  ils  sont  à  une  distance  considérable  Tun  deTautre. 
Les  piancbes  II  et  III  présentent  Tédifice  sous  deux  de  ses  principaux 
aspects.  Cest  sur  la  partie  restante  du  côté  nord  du  i*  propyion  que  se 
trouve  la  grande  inscription ,  copiée  pour  la  première  fois  par  M.  Cail- 
liaud,  et  publiée  dans  ce  Journal  (novemb.  1 82a);  copiée  une  seconde 
fois  par  M,  Hyde,  et  publiée  de  nouveau  par  sir  Ârchibald  Edmons-» 
tone;  elle  Ta  été  une  troisième,  par  M.  Pacbo,.  et  une  quatrième,  par 
M.  Hoskins,  qui  en  donne  le  texte  dans  Tappendice.  Sur  le  côté  sud  du 
même  propyion,  se  lisent  encore  deux  autres  inscriptions  grecques,  co- 
piées également  par  M.  Gailliaud  :  nous  y  reviendrons  plus  bas. 

La  largeur  de  ce  second  propyion  est  d'environ  ^5  p.  8  p.  (anglais). 
En  avant,  il  y  avait  une  avenue  de  sphinx,  dont  les  piédestaux  seuls 
existent  ;  entre  le  premier  propyion  et  le  second ,  espace  d'environ 
47  p.  également  rempli  par  une  avenue  de  sphinx.  Le  second  est  en 
partie  détruit;  sur  le  côté  qui  subsiste,  on  lit  encore  des  fragments 
dlnscriptions  grecques,  beaucoup  trop  mutilées  pour  que  M.  Hoskins 
ait  essayé  de  les  copier.  Le  troisième  est  à  iSg  pieds  des  précédents, 
de  la  même  forme  que  les  deux  autres,  mais  heureusement  mieux 
conservé,  comme  on  peut  le  voir  dans  la  planche  III,  qui  donne 
l'aspect  le  plus  pittoresque  du  temple,  et  du  paysage  qui  l'entoure.  La 
corniche  est  ornée  du  globe  ailé,  et  la  façade  orientale,  ainsi  que  Im- 
térieur  du  propyion ,  sont  décorés  de  sculptures.  Le  roi  de  Perse ,  Da- 
rius, y  est  représenté  deux  fois,  faisant  des  offrandes  à  Âmmon-Ra, 
Osiris  et  Isis.  Le  temple  parait  avoir  été  dédié  à  Ammon^,  la  grande 
divinité  de  Thèbes. 

A  35  pieds  de  ce  troisième  propyion  est  un  pronaos ,  qui  paraît  avoir 
eu  55  pieds  de  long,  et  35  de  large.  Il  est  décoré  de  corniches,  de 
sculptures  et  d'hiéroglyphes.  Une  des  sculptures  représente  Ammon- 

^  M.  Caillîaud  ne  compte  que  igi  pieds  (  Voyage  à  Méroé,  1. 1,  p.  a3a  )  ;  mais  il 
ne  8*agit  probablement  que  du  temple  proprement  dit. 

ai- 


/ 


1»8  JOURNAL  T>E5  SAVANTS. 

Ra,  qui  reçoit  Aoiyrtée;  ce  roi,  daiu  ManéthoQ,  forioe  &  lui  seul  la 
a8*  dynastie,  oeUe  qui  succède  &  la  dynastie  persane.  Au  reste,  la  leo- 
lure  de  ce  dernier  nom  «st  encore  incertaine. 

Le  sécQs,  ou  le  temple  proprement  dit,  a  1 4o  pieds  de  long.  A  Tei- 
ception  de  la  façade,  ipii  n'a  jamais  été  finie,  tout  l'extérieur  de  cette 
imposante  construction  a  été  couvert  de  sculptures,  qui,  du  reste, 
sont  d'un  intérêt  assez  faible ,  puisipi'elles  ne  représentent  que  des  of- 
frandes. Le  style  en  est  mauvais-,  elles  sont  massives  et  grossièrement 
exécutées.  On  remarque ,  sur  le  côté  sud  de  l'édifice ,  la  représentation 
d'une  girafe. 

  ki  pieds  au  S.  de  l'extrémité  O.  du  temple ,  sont  les  mines  d'un 
petit  édifice,  qui  peut  avoir  servi  d'habitation  aux  prêtres  :  voilÀ  pour  la 
description  extérieure  du  temple.  Quant  à  l'intérieur,  il  est  non-seule- 
ment fort  pittoresque,  maisintéressant  par  de  très-curieuses  sculptures. 
Une  grande  partie  de  l'édifice  a  été  envahi  par  les  sables  :  dans  la  par- 
tie nord,  ils  atteignent  presque  les  chapiteaux  des  .colonnes  ;  le  côté  sud 
en  est  un  peu  plus  dégagé.  Il  paraît  que  les  vents  violents  soufflent 
presque  invariablement  du  nord. 

Quelques  anachorètes  chrétiens' semblent  avoir  établi  jadis  leur 
pieux  séjour  sur  le  sommet  du  temple.  On  voit  encore  une  partie  d'une 
de  leurs  habitations  en  briques. 

Le  côté  sud  du  pronaos  est  orné  de  sculptures  représentant  toujours 
le  roi  Darius,  faisant  des  offrandes  à  Ammon-Ra.  M.  Hoskins  les  a  co- 
piées avec  beaucoup  de  soin,  ainsi  que  les  hiéroglyphes.  Une  tablette 
hiért^ypbique  contient,  quatre  fois  répété,  le  nom  phonétique  de 
Darius  ,  avec  les  titres  de  fils  de  Pharaoh  (Phré),  fils  d'Isis  et  d'Osiris, 
aimé  d'Ammon. 

Le  nom  de  Darius,  qui  se  retrouve  presque  seul  dans  les  hiérogly- 
phes de  ce  temple,  atteste  que  la  construction  de  cet  édifice  fut  entre- 


MARS  1838.  189 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 


Nous  ayons  annoncé  dans  notre  dernier  cahier,  la  perte  immense  que  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-lettres  renait  de  faire  dans  la  personne  de  M.  Silvestre  de 
Sacy.  Ses  funérailles  ont  eu  lieu  le  a 3  février;  et  M.  Jomard,  président  de  cette  Aca- 
démie ,  y  a  prononce  le  discours  suivant  : 

t  Messieurs ,  le  coup  subit  dont  TAcadcmie  est  frappée  lui  laisse  k  peine  la  force 
d'exprimer  sa  douleur;  comment  trouverions-nous  des  termes,  en  cette  funèbre  en- 
ceinte, pour  apprécier  Thomme  émiuent,  le  savant  illustre  qui  vient  de  succomber? 
Quelle  existence  littéraire  fut  plus  féconde,  quelle  érudition  plus  forte,  quelle  critique 
plus  saine,  quelle  intelligence  plus  puissante?  A  l'âge  où  Von  peut  à  peine  compter 
sur  le  lendemain,  M.  le  baron  Silvestre  de  Sacy  publiait  un  de  ses  plus  beaux  ouvra- 
ges «  un  livre  qui  suffirait  à  fonder  une  renommée  :  c'est  dans  sa  quatre-vingtième 
année  qu  il  y  mettait  la  dernière  main.  Un  mois  ne  s*est  pas  écoulé  depuis  que 
Tauteur  déposa  sur  le  bureau  de  TAcadémie  son  Traité  de  la  religion  des  Druzes  ; 
ainsi  la  nouvelle  de  sa  mort  aura  retenti  dans  toute  TEurope,  bien  avant  que  les 
bonunes  avides  de  lire  ses  écrits  aient  reçu ,  ou  seulement  connu  cette  importante 

Croduction.  Que  dis-je  ?  le  jour  même  où  il  a  été  frappé  à  mort ,  il  avait  fait  au  col- 
ige  de  France  sa  leçon  accoutumée,  rempli  à  Tlnslitut  ses  fonctions  académiques, 
jugé  des  manuscrits  offerts  à  la  Bibliothèque  royale;  et,  enfin ,  pour  que  cette  der- 
nière journée  fût^  comme  toutes  les  autres,  exactement  remplie,  il  avait  siégé  et 
pailé  dans  la  cbambre  politique  ouverte  à  toutes  les  illustrations.  On  pourrait  dire 
qu*il  est  mort  debout ,  et  comme  un  soldat  sur  le  champ  d^honneur.  Et,  vous  le  sa- 
vez, messieurs,  qui  jamais  accomplit  tous  ses  devoirs  avec  une  fidélité  plus  reli- 
gieuse que  notre  vénérable  doyen  ?  Cest  qu*il  était  un  de  ces  êtres  à  part,  qui  ap- 
paraissent de  loin  en  loin,  et  chez  qui  la  vertu,  le  talent,  et  toutes  les  forces  con- 
courent pour  former  un  homme  privOégié...  Dès  1781,  il  était  conseiller  à  la  cour 
des  monnaies;  bientôt  après  il  fut  nommé  associé  de  l'Académie  des  Inscriptions  ; 
pendant  nos  jours  d*orages,  il  vécut  dans  la  retraite  et  la  mit  à  profit  pour  composer 
ses  beaux  mémoires  sur  les  rois  Sassanides  ;  dès^i  808,  il  fut  membre  du  corps  législa- 
tif; puis  professeur  au  G}llége  de  France  et  à  TElcole  des  langues  orientales,  membre 
de  la  commission  de  Tinstruction  publique,  et,  depuis,  du  conseil  royal;  ardent 
promoteur  de  Tétude  des  langues  sémitiques  et  de  celle  des  langues  de  la  Haute  Asie; 
inspecteur  de  la  typographie  orientale  ;  Tun  des  plus  laborieux  rédacteurs  du  Jour- 
nal des  savants \  membre  de  toutes  les  grandes  académies;  fondateur  de  notre  Société 
asiatique...  Tous  ces  titres  à  Tadmiration  ou  À  Testime  de  ses  contemporains  et  de 
la  postérité,  et  bien  d*autres  semblables ,  rempliraient  des  pages  entières ,  aussi  bien 
que  la  liste  de  ses  écrits ,  dont  plusieurs  sont  devenus  classiques  ;  sans  parier  de  ce 
qui  ^t encore  son  ouvrage,  et  qui  ne  lui  fait  pas  moins  d^honneur,  je  veux  dire  les 


100  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Mvaats  célèbret  qu'il  forma  ou  acheva  d'instruire  Jk  ses  docles  lieçons  ;  au  detiora , 
les  KosegartCD  et  les  Freytagi  chei  nous,  les  Rémusat,  les  Chézy,  les  Quatremère . 
et  tous  ceux  que  leur  pràenca  ne  iJéilsnd  de  DOmmer.  C'est  ainsi  qa'on  Fa  vu  lour 
À  tour,  pendant  on  demi-sié^,  grammairieD  profond,  savant  historien,  dialecticien 
consommé,  écrivain  plein  de  goût,  (n^s«eur  infatigable,  citoyen  courageux,  pen- 
seur et  homme  dXtat,  modèle  delà  vie  privée,  adoré  d'une  famille  digne  de  lui,  ri- 
gide administrateur,  homme  de  vertu  astique  et  de  piété  sincère  :  (Bi'a-t-il  manqué  à 
sa  gloire,  à  sa  vie  si  pleine?  Bien,  pas  mSme  te  bonheur,  an  prix  miqud,  trop  sou- 
vent, s'achète  la  renommée.  Mais  l'Académie,  comment  se  cons<dera-t-dJe  jamais 
d'une  aussi  grande  perte;  quand  pourra-t-elle  la  r^wrer?  HdasI  eDe  pod  aujour- 
d'hui un  mod^e,  on  appui  et  un  père.  • 

UM.  Hase,  Eogéne  fiamouf  et  Amédée  Jaubert  wtt  ensuite  exprimé  les  regrets 
p«oibQdBdelaBiUiolbèqiieroyaIe,du  Cc^ége  roval  de Franccdel'Ectde  des  langues 
orientale»  vivantM,  de  la  Société  asiatique ,  et  offert  i  la  mémoire  de  U.  de  Sacy  let 
hommages  de  ces  étabUssements. 

Le  34  février,  l'Institut  était  encore  rassemblé  autour  de  la  tombe  d'un  de  ses 
uieml»es,  M.  Thévenin ,  de  l'Académie  royale  des  beaux-arts.  Le  discours  prononcé 
par  M.  Gamier  contient  des  détails  biographiques  que  nous  nous  empressons  de  re- 
cueillir. ■  Charies Thévenin  était  né  k  Paris  le  i  s  juillet  1 76a,  d'une  famille  considérée 
et  jouissant  d'une  heureuse  aisance.  Son  père ,  entrepreneur  des  bâtiments  du  Roi, 
avait  été  chargé ,  sous  la  direction  de  l'arcbitecle  SoulBot ,  de  la  coostriiction  de  là 
nouvelle  église  de  Sainte-Geneviève.  La  carri^  de  l'architecture  semblait  dobc  dès 
lors  devoir  s'ouvrir  pour  te  fils;  mais  un  goût  prononcé  pour  la  peinture  luî  lit  suivre 
les  leçons  de  U.  Vincent,  dont  la  nombreuse  école,  émule  de  celle  de  David,  qui 
romplait  alors  parmi  ses  éJèves  ,  Gérard,  Gros  et  Gîrodct,  pouvait  aussi  présenter 
Meynier  et  Thévenin.  L'aisance  dont  ce  dernier  jouissait  dans  sa  famille  ne  l'empê- 
chait pas  de  se  lîvm  avec  ardeur  à  l'étude  de  l'art  que  lui  avait  indiqué  sa  vocatiOQ. 
Après  plusieurs  essais  distingués ,  il  obtint  le  grand  prix  en  1771,  sur  le  si^et  du 
Départ  de  Ri^ulut  pour  Carthage...  Dès  que  les  années  françaises  eurent  mis  le  pied 
dans  ce  beau  pays  (l'Italie] ,  il  s'y  rendit;  3  y  s^ouma  plusieurs  années  avec  mission 
de  suivre  les  touilles  qui  se  faisaient  à  Portlci.  Par  ce  moyen,  il  avait  tonte  facilité 
d'étudier  et  d'explorer  cette  terre  classique  des  arts  dans  toute  l'étendue  de  Rome  à 
Naples...  A  son  retour,  si  M.  Thévenin  ne  retrouva  plus  la  fortune  qu'il  pouvait  es- 
pérer, il  ne  s'en  livra  qu'avec  plus  d'ardeur  au  travail.  II  fut  chargé,  en  1800  de 
représenter  la  prise  de  Gaéle  par  le  général  Rey.  En  1 806 ,  il  peignit  ce  célèbre  pas- 
sage du  mont  Saint-Bernard  exécuté  par  l'armée  française,  en  présence  et  sous  les 
ordres  de  Bonaparte.  En  1810,  il  représenta  la  bataille  d'Ièna,  fattaque  et  la  prise 


192  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

sur  lesqueHea  on  ae  foade  pour  attribuer  cette  profeMion  de  foi  à  rbistoricD  câèbre 
dont  elle  ne  porte  pas  le  nom,  il  est  ilit  quele  manuscrit  du  Boi  aoi6,  contenant  la 
fie  de  saint  Louis,  par  JoinvîUe,  peut  n'avoir  été  exécuté  que  par  les  ordres  de 
Charles  V.  Cependant  ce  manuscrit  est  daté  :  les  derniers  mois  du  texte  :  qaej'm 
ymiement  veut  et  oyes,  y  sont  immédiatement  suivis  de  ceux-ci,  de  la  mbne  maiu: 
Ce  fa  eicripl  en  laa  de  grâce  mil  ccc  et  ii  ou  moyt  Axtoare.  11  s'en  faut  que  les  remar- 
ques grammalicales  qu'on  veut  opposer  à  une  date  si  positive ,  nous  paraissent  d'un 
trè»-grand  poids.  D'ailleurs  on  n'imprime  ici  qu'une  tradaction,  et  non  le  pur  texte 
du  prétendu  Credo  de  Joînville. 

ttelalioM  iei  ambaaadean  vènitieiu  lar  ks  affairei  de  France,  au  sin*  siècle,  re- 
cueillies et  traduiles  par  M.  N.  Tommaseo.  Paris ,  Imprimerie  royale ,  1 838  ;  3  vol. 
ia-4°,  XII,  565  et83i  pages.  Ces  deux  volumes  font  partie  de  la  collection  de  docu- 
ments historiques,  puUiée  par  M,  le  ministre  de  l'Instruction  publique.  Ds  contien- 
nent le  voyage  d'André  Navageroen  Espagne,  pendant  l'année  lôaS:  la  rdationde 
Marin  Giusiiniano  (i535);....  les  commentaires  de  Michel  Surisno  (i56i)i....  le 
voyage  de  Jéràme  Lippomano  (1577) ,  etc.  etc.  L'éditeur  avoue  que  parmi  les  aa- 
leurs  de  ces  écrits,  it  n'y  a  de  c^èbre  que  Navagero;  mais  il  annonce  CavalU  et 
Suriano  comme  les  plus  Téconds  \  Capello  et  Correro  comme  les  plus  remarquâmes 
par  la  finesse  de  leurs  aperçus. 

Rapport  de  M.  Pardessus,  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  sur  la 
pnidicalion  lies  Assises  de  Jérusalem.  Paris,  Firmin  Didot,  i83Si  1 A  pages io-4V 
—  On  annonce  en  Allemagne ,  comme  première  édition  complète  des  Assises  de  Jé- 
rusalem, celle  que  M.  £.  H.  Kausler  se  propose  de  publier  ; /Rjfifnta  r^ni  kiero4ofy' 
mitani  primum  intégra  ex  genainis  depromta  cûdicibiu  maniucriptii ,  ad/ecta  hctioRwii 
varietate ,  et  prmfatione  cam  gloisario  indicibasque. 

•  n  vient  de  paraître  une  nouvdle  édition  de  la  Mitaphyiiqne  fAristol» ,  par 
M.  Cousia.  Cette  seconde  édition  renrerme,  comme  la  première,  le  Rapport  de 
M.  Cousin  sur  le  concours  ouvert  par  l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques , 
sur  la  métaphysique  d'Aristote ,  ainsi  que  la  traduction  du  premier  livre  de  ce  grand 
ouvrage.  EUe  comprend  de  plus  la  traduction  du  XIII'  livre  de  ce  même  ouvrage , 
qui  contient  la  'Ibéodicée  d'Aristote.  Une  nouvdie  préface  rend  compte  des  travaux 
récents  entrepris  en  France  sur  l'école  péripatéticienne;  io-S*  de  aSo  pages;  clwt 
Ladrange,  i85S.  Pr.  &  fr.  • 

TABLE. 

Pierres  gravées  de  la  cbâsse  de  Sainte-Oiubelh  de  MarburK.  ex|Jiqnées  par  H.  Crouier 


194  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

auquel  il  a  donné  la  plus  grande  part  de  son  temps  et  de  son  travail , 
comme  à  celui  dont  le  sujet  lui  semblait  le  plus  neuf  et  le  plus  intéres- 
sant :  on  y  trouvera  exposé  aussi  complètement^  dans  un  aussi  grand 
détail  que  possible ,  Tétat  des  provinces  méridionale^  de  la  France,  de- 
puis les  commencements  du  x*  siècle,  jilqu^à  la  fm  du  xni*,  c  est-à-dire, 
j usqu*au  temps  où  Texistence  indépendante,  la  civilisation  originale  de 
ces  provinces,  vont  se  confondre  et  se  perdre  dans  Tunité  de  la  mo- 
narchie française. 

Le  long  espoir  et  les  vastes  pensées  sont  aujourd'hui  choses  si  rares  en 
littérature,  qu*on  éprouve  quelque  surprise,  quelque  satisfaction  à  la 
seule  annonce  d'un  tel  ensemble  de  travaux»  et  que  Ton  tient  compte  à 
fauteur,  comme  d'un  premier  mérite,  du  courage  seid  de  l'entreprise. 
De  ces  ouvrages  dont  se  composera  sa  trilogie  historique,  c'est  le  se- 
cond qu'il  a  d'abord  rendu  public.  Peut-être  cette  préférence  n'est-elle 
pas,  pom*  le  moment  présent,  sans  inconvénient.  Quelque  distinctes 
que  puissent  être  les  trois  histoires  de  M.  Fauriel,  on  comprend  qu'elles 
doivent  s'éclairer  mutuellement,  et  que,  par  exemple,  la  connaissance 
exacte  que  doit  donner  la  première  de  la  situation  de  la  Gaule  sous 
les  Romains^  aiderait  puissamment  à  comprendre ,  dès  le  début  de  la 
seconde,  ce  quelle  deyint  par  suite  de  l'établissement  des  conquérants 
germains.  • 

Le  récit  de  cet  établissement  est  conduit  dans  un  premier  vo- 
lume» le  seul  dont  s'occupera  cet  article,  jusqu'à  l'époque  où,  les  pos 
sessions  gallo-romaines  étroitement  resserrées  entre  les  Bretons  indé- 
pendants de  r Armorique ,  les  Visigotbs ,  les  Burgondes  et  Icf  Francs^ 
parait  enfin  ches  ceux-ci,  en  d8i ,  le  chef  puissant  qui,  par  les  armes, 
par  la  politique»  par  l'ascendant  de  ses  grandes  qualités»  et  aussi  l'audace 
heureuse  de  ses  ciimes,  fondera  sur  les  débris  de  ce  qui  reste  de  f  em- 
pire et  ceux  des-nouveaux  royaumes  barbares»  le  plus  ancien  des  étais 
modernes.  Le  sujet  excède  ici  de  beaucoup  les  bornes  où  le  titre  de 
l'ouvrage  semblait  devoir  renfermer  l'auteur.  Il  lui  faut  aller  chercher 
bien  loin  du  v*  siède  et  de  la  Gaule»  dans  l'obscurité  d'un  passé  sans 
limites»  et  dans  le  fond  de  la  Germanie»  ces  populations  appelées  â 
renouveler  le  monde.  B  lui  &ut  les  suivre  dans  leurs  courses  inquiètes 
et  aventixreuses »  dans  leurs  campements  multipliés»  hors  de  la  Gaule» 
en  Italie»  en  Espace»  en  Afrique.  L'histoire  particulière  de  nos  pro^ 
vinces  méridionales,  k  cette  époque»  devient  inévitablement,  par  suite 
de  Taction  réciproque  de  tant  de  nations  les  unes  sur  les  autres»  de  ce 
flux  et  reflux  qui  les  pousse  toutes  ensemble»  comme  des  flots,  d'un 
hout  de  l'Europe  à  l'autre»  une  sorte  d'hisloire  générale  de  l'invasi<Hi 


IM  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

tromeots  aveugles  de  destruction ,  tous ,  plus  ou  moins  Jléaax  de  Dûa , 
voilà  ce  que  reproduisent  sans  cesse  les  annaJeâ  du  v*  siècle,  sous  des 
noms  divers  qu'on  a  peine  à  retenir.  Le  grand  caractère  d'un  Majorien , 
digne  des  beaux  temps  de  l'empire,  l'habikté  militaire  et  politique  d'un 
Stilicon,  d'un  Aetîus,  l'héroisme  d'un  Ecdicius,la  barbarie  colossale 
d'un  Attila,  les  grandes  vues  d'un  Genseric,  la  magnanimité  sauvage 
d'un  Alaric,  les  instincts  de  gouvernement  et  de  civilisation  de  quelques 
princes  visigotbs.d'uaAtauUe,  d'un  Théodoric  II,  d'unËuric,  ne  sont, 
dans  le  fi^acas  monotone  des  révolutions  de  cet  âge,  que  de  trop  rares , 
trop  incomplètes ,  trop  courtes  exceptions.  Prenons-nous  en  à  la  séche- 
resse, A  l'aridité  des  histoires,  ou  plutôt  des  chroniques  du  temps,  qui  ont 
dépouillé  les  Ëiits  de  leurs  traits  caractéristiques.  «  La  composition  des 
ouvrages  historiques ,  dit  M.  Fauriel ,  indépendamment  des  difficultés 
qui  lui  sont  propres ,  en  présentait  alors  d'autres  particulières ,  bien  plus 
eG&ayantes  encore  pour  la  mollesse  intellectuelle  et  la  lassitude  morale 
du  siècle.  Il  était  plus  facile  de  s'étourdir  sur  les  désastres  de  l'empire, 
d'y  fermer  les  yeux,  que  d'en  considérer  les  causes  d'un  ceîl  ferme,  et  de 
les  raconter  avec  suite,  avec  ensemble  et  vérité.  Les  Barbares  étaient 
déjà  là,  il  aurait  fîdlu  parier  d'eux;  or  il  y  aurait  eu  du  péril  k  déplorer, 
à  maudire  leurs  victoires,  et  de  la  bassesse  à  les  célébrer.  On  prenait  le 
facile  milieu,  on  se  taisait  (t.  1,  p.  43  3  ),  o 

Ce  que  n'ont  pas  dit  les  récits  contemporains ,  on  peut  le  retrouver, 
en  quelque  chose,  dans  les  involontaires  confidences  des  autres  monu- 
ments littérai^s  de  l'époque.  M.  Fauriel  n'a  pas  négligé  cette  ressource. 
Il  a  fait  surtout  de  fort  nombreux,  de  fort  heureux  emprunts  au  recueil 
des  poésies  et  des  lettres  de  Sidoine  Apollinaire ,  ce  riche  répertoire  de 
traits  précieux  sur4'histoire  et  les  mœurs  de  la  Gaule  au  v*  siècle ,  comme 
il  l'appelle  qudque  part.  Sidoine  naquit  à  Lyon,  vers  Ixio,  et  mourut 
à  Glermont,  en  489  iilput  connaître  partradition,  et  mieux  encore  comme 


198  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Rogations,  récMmnent  insdhiées  par  Mamert,  évéqae  de  Vienne.  Il  écrit 

sa  saint  fondateur  de  ces  cérémonies  (Uv.  vii,  ép.  t  ]  : 

■  Le  bruit  court  que  lesl^oths  sont  en  mouvement  pour  enrahir  le 
territoire  romain-,  et  c'est  toigoun  notre  pays,  à 'nom,  malfaeurem 
Arvemes ,  qui  est  la  porte  par  où  se  font  ces  imiptions.'Ce  qui  nous  ins- 
pire la  confiance  de  braver  un  tel  péril ,  ce  nie  'sont  -pas  nos  remparts 
caldmés,  notmacbinesde guerre vormouluet,  nos  eréiiemucusésaufrot- 
tement  de  nos  poitrines;  c'est  la  sainte  inatilotion  deH  Rogations.  Voitè 
ce  qui  soudent  les  .arvemes  contre  les  horreurs  <{Di  les  environnent 
de  toutes  parts,  u 

La  vie  antérieure  de  Sidoine,  s^nalée  par  de  ftftoles  succès  lîtté- 
téraires  que  le  goût  ne  peut  avouer,  par  des  variations  politiques 
brusques  et  nombreuses ,  dont  ses  trois  panégyriques ,  réunis  par  lui- 
même  dans  son  recueil ,  ont  conservé  la  trace ,  ne  prépare  point  à 
iénei^e  et  &  la  constance  qu'il  montra  dans  sa  nouvelle  position.  U 
panit  alors  avec  Ecdicius,  avec  cette  population  fidèlç  qu'ils  animaient 
de  leur  patriotisme,  le  dernier  rejHrésentaot  de  l'esprit  romain  dans  la 
Gaule.  Rome  l'ignorait  »u  s'en  souciait  peu.  Au  moment  où  les  Arvemes, 
lassant  l'opiniâtreté  des  Visigoths,  venaient  une  dernière  fois  de  leur 
faire  lever  le  siège,  ils  apprirent,  pleins  de  douleur  et  d'indignation,  que 
le  nouvel  empereur  Julius  Nepoa  traitait  avec  Euric ,  et  que  la  principale 
condition  du  traité  devMt  être  la  cession  de  l'Arvemie  aux  ennemis 
qn'dle  avait  repousses.  Alors  Sidoine  écrivit  à  l'éréqne  Grscus,  l'un  des 
n^ociateurs,  pour  prévenir,  s'il  était  possible,  cet  acte  honteux,  ou 
sauver  du  moins  de  ses  suites  ceux  qu'il  allait  mettre  en  péril ,  une 
lettre  véritablement  fort  belle,  qui  mérite  d'être  cherchée  dans  son 
recueil  (vu,  7),  et  n'est  pas  un  des  moindres  ornements  de  la  narration 
de  l'historien.  M.  Fauriel  l'a  traduite  en  entier,  sauf,  dit-il ,  deux  ou 
trois  traits  de  mauvais  goût ,  heureusement  intraduisibles. 

Cet  éfHSode,  auquel  je  me  suis  com^daisamment  arrêté,  est  plein 


200         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

coDstitutioD ,  à  en  faire  coimaîtreles  membres,  canaux,  ou  décurioiu, 
ou  sénateurs ,  comme  on  les  appelait  en  divers  lieux;  admis,  par  droit 
de  naissance,  originaks,  ou  par  élection,  nominatt;  plus  ou  moins  im- 
portants selon  leur  rang  d'inscription  sur  le  r^;ÎBtre  de  l'ordre  ;  les  uns , 
en  supportant  seulement  les  chaînes ,  monera,  les  autres,  jouissant  de 
ses  distinctions,  honores;  les  premiers,  bomés  k  la  d^ibération,  les  se- 
coods,  investis  delà  puissance  executive,  et  magistrats  de  la  cité,  an 
nombre  de  deux  ou  de  quatre,  selon  les  localités,  daamuiri  ou  ipiataor- 
vvri,  au-dessous  desquels  agissaient,  chacun  dans  leur  sphère,  d'autres 
magistrats  d'ordre  inférieur  comme  les  édiles,  des  officiers  subalternes, 
tels  que  les  greffiers,  notaires,  tabeUîons,  scribes  et  autres,  chairs  de 
la  rédaction  des  actes  municipaux.  M.  Fauriel  donne  de  nombreux  et 
curieux  détails,  la  plupart  empruntés  au  code  tbéodosien,  sur  les  attri- 
butions de  la  curie  -,  les  imes  résultant  de  ses  obligations  envers  le 
gouvernement,  et  dont  la  principale  était  la  répartition  et  la  levée  des 
impôts-,  les  autres  purement  municipales  ,  et  comprenant  l'exercice  de 
sa  juridiction  particulière  en  matière  civile  ou  criminelle,  l'administra- 
tion de  la  police,  des  subsistances,  de  tout  ce  qui  intéressait  l'ordre 
public ,  la  régie  des  biens  et  des  produits  qui  composaient  son  patri- 
moine. Il  y  avait  bien  de  certaines  différences,  M.  Fauriel  prend  soin 
de  le  faire  remarquer,  entre  les  curies  de  l'Italie  et  celles  des  provinces, 
comme  entre  celles  d'une  même  province;  mais  ces  différences  allèrent 
toujours  s' effaçant  sous  l'uniformité  du  régime  impérial.  A  la  fîn  du 
IT*  siècle ,  un  changement  notable  s'introduisit  dans  l'orgaaisation  de 
la  curie  gauloise.  Aux^natnoraîri,  aux  iaamviri,  succéda,  dans  le  gou- 
vernement municipal,  sans  être  soumis  à  l'élection  des  décurions ,  et 
pour  une  durée  de  plusieurs*  années,  d'abord  de  cinq,  ensuite  de 
dix ,  et  enfin  de  quinze ,  un  seul  ms^trat ,  qui  tirait  sa  préémi- 
nence de  son  rang  d'inscription  sur  l'album  curial,  et  qui  prenait  le 


202  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

hooiiéurs  de  la  cité  ;  hommes  libres  distribués  en  corporations  indus- 
trielles; colonslibres  aussi,  i  certains  égards,  bien  qu'A  peu  près  atta- 
chés i  la  glèbe;  clients,  affranchis,  esclaves;  il  passe  toutes  ces  classes 
de  personnes  en  revue ,  et  montre  jusqu'à  ^el  point  elles  étaient 
devenues  romaines  par  les  mœurs,  les  sentiments,  les  idées,  jusque 
par  les  noms.  Sidoine  Apollinaire,  auquel  il  associe  Êéquemment 
&ivien,  lui  révèle  ici,  dans  ses  mille  détails,  la  vie  toute  romaine 
que  menait  la  haute  société  gauloise,  la  seule  de  celte  époque  que  l'on 
puisse  bien  connaître,  parce  qu'on  ne  peut  consulter  qu'elle,  et  qu'elle 
n'a  parié  que  d'elle.  C'était  une  vie  pleine  de  vanité,  de  mollesse,  de 
eorruption;  mais,  comme  M.  Fauriel  le  fait  remarquer,  après  l'avoir 
indiqué  dans  son  récit,  cette  corruption  n'existait  pas  partout  au  même 
degré  :  certaines  provinces  retirées ,  montagneuses ,  comme  celles  des 
Arvemes,  où  la  civilisation  des  Romains  s'était  introduite  avec  plus  de 
lenteur,  avaient  été  moins  dépravées  par  elle;  elles  avaient  conservé 
beaucoup  plus  de  la  sévère  rudesse  de  leurs  anciennes  mœurs,  et  y 
puisèrent  aussi,  quand  il  le  fallut,  pour  défendre,  contre  les  barbares, 
leur  nouvelle  nationalité  romaine,  plus  d'énei^e  et  de  constaniie. 
M.  Fauriel,  faisant  une  sorte  de  départ  des  vices  et  des  vertus  de  l'é- 
poque entre  les  deux  systèmes  de  croyances  religieuses  qui  y  régnaient 
ensemble,  bien  que  déjà  inégalement,  reconnaît  que,  sauf  des  exceptions 
assez  rares,  la  portion  la  plus  distinguée  et  la  plus  noble  de  la  société 
gallo-romaine  était  celle  dont  l'él^ance  tétau  épurée  par  les  mœurs  et 
les  lumières  du  christianisme.  En  tète  iff  celte  élite ,  il  place  à  juste 
titre  le  clergé,  dont  les  hauts  rangs  se  recrutaient,  ou  de  prêtres  savants 
sortis  des  monastères  de  Lerins  et  de  Saint-Victor  de  Marseille,  ou 
d'hommes  considérables,  que  le  vœu  des  populations  appelait,  même 
sans  qu'ils  fussent  clercs,  comme  il  advint  entre  autres  à  Sidoine,  aux 
fonctions  de  l'épiscopat,  et  qui  y  apportaient,  avec  l'éclat  de  leur  posi- 
tion personnelle,  t'influence  d'une  grande  fortune  dépensée  en  bonnes 


soi  JOURNAL  DEâ  SAVANTS. 

de  la  Gaule  du  v* siècle,  la  littérature  pro&oe,  expression  fid^e  c,de  1'^^ 
ganee,  delà  politesse  factice,  de  la  mollesse  d'une  société  dé^oérée  qui, 
achevant  de  se  décomposer,  usait  ses  derniers  efforts  et  ses  derdiecsmo- 
ments  &  s'étourdir  sur  ^e-méme;  »  la  littérature  chrétienne  efle^nime, 
que  le  sérieux ,  la  grandeur  de  sa  mission ,  n'afvaient  pu  consenrer  simple 
et  vraie.  Toutes  deux  étaient  presque  également  {Miennes  par  la  fonne  ; 
la  &ble,  baniùe  des  croyances,  restait,  conmie  elle  le  fiit  paiement 
fdus  tard ,  &  diverses  époques ,  le  langage  de  l'imagination ,  aussi  luùver- 
sellement  reçu  que  y>uvait  l'être  FUiome  dont  on  se  servait  alors ,  le 
latin.  M.  Fauriel  finit  son  chapitre  par  rechercher  dans  queUes  propor- 
tions cet  idiome  se  trouvait  avec  ceux  qui  l'avaient  précédé  dans  la 
Gaide,  et  qui  n'en  avaient  pas  totalement  disparu;  le  greci  qui  avait 
conservé,  dans  les  villes  d'or^ine  phocéenne,  un  reste  d'existence. 
populaire;  le  belge,  le  celtique,  l'aquitain,  dont  les  deux  derniers  se 
sont  perpétués  jusqu'à  nous  dans  le  bas-breton  et  le  basque.  11  montre 
qu'en  dépit  de  quelques  résistances  locales ,  le  latin  était  la  lai^e  géné- 
rale et  nécessaire  de  la  Gaule,  celle  du  gouvonement,  de  la  religion, 
'  de  la  littérature,  langue  pariée  par  les  hautes  classes ,  langue  entendue 
par  les  populations  inférieures  des  villes  et  des  campagnes  que  pré- 
çhaitle  clergé  dans  un  latin  quelquefois  fort  étudié  et  fort  précieux, 
que  divertissaient  des  farces,  des  chansons  également  latines,  lesquelles, 
à  n'en  croire  que  les  censures  de  l'église,  n'étaient  que  trop  bien  com- 
prises. Cette  universalité  du  latin  est  un  dernier  trait  par  lequel  M.  Fau- 
riel achève  de  montrer  à  quel  point  la  civilisation  de  la  Gaule  était 
devenue  rgmaine.  Qu'apporta  à  cette  civilisation  la  barbarie,  germa- 
nique, et  que  lui  emprunta-t-elle?  quel  ordre  nouveau  résulta  du  mé- 
lange? C'est  ce  qu'il  recherche,  avec  la  même  science  et  le  même 
talent,  dans  un  chapitre  correspondant,  digne  de  grande  attention ,  et 
dont  je  dois  renvoyer  k  im  autre  article  l'analyse  et  l'examen. 


20fl  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

avancer  de  beaucoup  l'époque  de  complète  information  philologique 
dont  nous  parb'ons  tout  à  l'heure.  Ellles  peuvent  aussi  diriger  utilement 
cette  information ,  indiquer  un  choix  dans  les  documents,  prévenir  des 
frais  inutiles  et  du  temps  perdu.  Malgré  la  faveur  et  les  secours  accor- 
dés à  la  publication  des  ouvrages  inédits  en  vieux  français ,  il  se  pas- 
sera bien  des  années  avant  qu'on  ait  publié,  par  exemple,  une  collec- 
tion générale  des  mystèret  :  peut-être  même  aurait-ùn  grand  tort  de  la 
publier,  et  n'est-elle  pas  nécessaire. 

Sous  ce  double  rapport,  on  ne  peut  trop  estimer  le  lèle  du  critique 
patient  et  édairé,  qui  étudie,  sur  les  manuscrits  mêmes,  cette  portion 
de  notre  vieille  littérature,  analyse  les  ouvrages,  en  cite  des  fragments 
«t  des  scènes,  et  met  le  lecteur  â  portée  de  juger  lui-même. 

Tel  est  le  véritable  prix  des  Ètades  de  M.  Onésime  Leroy  sur  les 
mystères.  C'est  un  livre  de  conscience,  fait  avec  un  travail  sérieux  et  un 
esprit  juste,  sans  vaines  conjectures,  sans  affirmations  systématiques. 
On  peut  y  relever  seulement  quelques  digressions  inutiles ,  quelques 
OTUements  trop  modernes,  et  de  trop  fréquentes  allusions  aux  théories 
littéraires  de  notre  temps.  L'auteur  pouvait  se  passer  de  cette  ressource  : 
quand  on  a  bien  approfondi  un  sujet  d'histoire  ou  de  littérature ,  il  faut 
y  rester,  et  tirer  de  ce  sujet  même  l'intérêt  et  la  nouveauté.  Cela  vaut 
mieux  que  d'y  ramener  les  nuns  et  les  choses  d'un  autre  temps,  à  la 
laveur  de  comparaisons  toujours  un  peu  forcées.  Mais  venons  à  l'ou- 
vrage même,  et  cherchons  le  résultat  du  travail  et  des  vues  de  l'auteur. 

M.  Jubinal ,  dans  les  deux  volumes  de  mystères  inédits  qu'il  a  ré- 
cemment pubhés ,  n'a  compris  que  des  pièces  du  xv*  siècle ,  et  des  pièces 
toutes  religieuses,  comme  l'indiquent  les  titres:  le  Martyre  de  saint 
Etienne,  la  Conversion  de  saint  Paul,  la  Conversion  de  saint  Denis  et 
de  ses  compagnons ,  le  Martyre  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul ,  les  Mi- 
racles de  sainte  Geneviève,  la  Vie  de  saint  Fiacre.  Ces  drames,  curieux 


A08  -JOURNAU  DES  SAVANTS. 

de  la  cour  de  Bourgogne ,  et  qui  dit  merveilles  de  la  sagesse  et  de  la 
beauté  de  Qotîlde ,  nièce  du  roi  Gondebaud.  Clovis  en  délibère  avec  ses 
chevaliers,  et  charge  le  noble  romain  d'un  message  secKt  pour  Qotîlde  : 

Cm  vateiMDtfl,  pour  tapoiuaiflei , 

Qui  KDt  d'or  U  pmoileru. 

Cet  annd  anui  h  donru , 

De  par  moi  ;  ce  n'est  nul  diflîaxie  ; 

Par  si  qn'tile  sera  ma  femme  : 
Avoir  la  reuil.    " 

Le  Romain  part  aussitôt;  et  vous  êtes  à  la  cour  de  Bourgogne ,  aux 
portes  du  palais  où  se  tiennent  des  pauvres,  qui  font  l'éloge  de  la  cha- 
rité de  Dotîlde ,  en  attendant  qu'elle  sorte  pour  la  messe.  Le  Romain , 
Têtu  comme  eux,  se  mêle  à  leur  entretien;  et,  quand  Clotilde  passe  et 
distribue  ses  aumônes ,  il  lui  boise  la  main.  Glotilde  ne  dit  rien  ;  mais , 
rentrée  dans  son  palais,  elle  fait  quérir  le  pauvre  étranger.  Aurdian  est 
introduit.  D  vient  sous  son  costume  de  meudiant,  et  saisit  cette  occa- 
sion de  &ire  son  message.  Glotilde  ne  veut  pas  même  voir  les  présents 
du  roi  païen,  et  montre  grand  éloignement  pour  ce  mariage.  Toutefois 
elle  ajoute,  pn  personne  discrète  : 

gardei  ^e  cest  chfMe 

A  nul  IxHnme  oe  soit  descIoK-, 

Car  ce  qu'à  monseignear  [daira 

Mwi  oncle  fidre.  fait  sera, 
A  brief  paHçr. 
Aurelian  rapporte  cette  réponse ,  et  revient  en  ambassade  prés  de 
Gondebaud,  qui  enfin  accorde  sa  nièce  au  redoutable  Clovis.  La  jeune 
princesse  part  sous  bonne  escorte  et  arrive  à  Soissons.  Le  cérémonial 
de  l'entrevue  est  simple  et  précipité ,  comme  on  pouvait  l'attendre  de 
Clovis;  mais  quelques  traits  du  dialogue  ne  sont  pas  sans  grâce  : 
Clovis.  Bien  puîuiei  venir,  damolsellel 

De  vostre  venue  ay  grant  joie,  < 

Puisque  toos  devei  estre  njoie  (nùenue) , 


210  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

baptiaé.  €loTis  entre  dans  le»  font»  baptisimvx  cOtaine  aui  premiers 
temps  de  ïÉ^ise;  une  colombe  paraît,  apportant  l'huile  sainte;  l'ar- 
c^eréque  adresse  au  n»i  les  qoesliohs  ucramentdles.  Le  roi  répond  k 
toat ,  et  dit  :  a  Je  requiers  avoir  le  bafiètae  de  sainte  É^e.  »  L'arcfae- 
vèque  coDsomme  la  cérémonie  ;  «t  le  poète  du  xn*  siècle  met  sur  la 
soèôe  toute  la  iitui^e  da  baptême ,  encore  fixa  haidiment  que  Schiller 
n'y  a  mis  la  coi^fession  et'  fextrème-onction. 

Nous  regrettons  encore  ici  que  l'ingénieux  critique,  travaillant  sur 
une  pièce  inédite ,  n'en  ait  pas  rapport  de  plus  longs  fragments.  Je  les 
aurais  préférés  à  des  vers  modernes  sur  le  sacre  assez  inutilement  cités 
et  qu'on  peut  lira  partout. 

Un  autre  mystère  romanesque,  du  même  manuscrit  et  du  même 
temps,  est  plus  longuement  analysé  par  M.  Onédime  Léroj.  C'est  l'fais- 
tt)ire  d'uhe  jeune  femme,  séduite  et  repentante,  qui  meurt  sous  un 
habit  de  moine,  comme  madame  Benavidès,  dans  le  comte  de  Comir^. 
Je  ne  puis  partager  l'admiAtion  du  critique  sur  la  fable  et  les  détails 
de  cette  pièce.  U  y  a  dans  l'étude  du  moyen  Age  un  écueil  toujours  à 
craindre  :  c'est  de  trop  admirer  des  choses  qu'on  a  eu  quelquefois  grande 
peine  à  découvrir.  Je  ne  puis  voir,  dans  quelques  essais  curieux  d'ail- 
leurs et  dignes  d'attention,  les  dévrioppements  prodigieux  donnés  à 
notre  poésie  dramatique  par  ifoel^aes  homaus  sapériears  et  maUiearease- 
ment  inconnas.  Il  n'y  a  guère  ^hommes  de  génie  inconnus.  Quelques  si- 
tuAtions  heurenses,  quelques  rers  nmfV  ne  sont  pas  un  développement 
pfodigieux. 

'  'A  cette  admiration  un  peii  trob'Iorte,  je  crois,  mats  qui  soutient  là 
patience  dans  de  péniblçs  recherches,  M.  Onësime  Leroy  a  joint  un 
autre  sentiment  fort  louable  :  le  zèle  pour  sa  jtrôvirice  natale  et  le  désir 
d'attribuer  à  l'Artois  et  à  la  Flandre  ime  grande  part  dans  l'origine  et 
les  progrès  de  l'art  dramatique  en  France.  M.  Leroy  est  de  Valen- 


AVRIL  1858.  211 

Si  TOUS  a^es  pea  k  manger, 
8i  becnrez  Uen  à  TarenaDt 

à  la  bonne  heure;  mais  après  ce  genre  de  preuves,  on  s'étonne  un  peu 
d'entendre  M.  Onésîme  Leroy,  en  continuant  à  revendiquer  pour  son 
département  le  mystère *de  la  Passion,  s'écrier  :  «Pourquoi  notre  pro- 
vince serait-elle  déshéritée  de  toute  poésie  ?  Il  y  a  poésie  partout  où  vit 
quelque  sentiment  généreux  !  »  et  citer  k  l'appui  ces  paroles  d'un  poëte 
iUustre  de  nos  jours  :  a  Le  midi  et  le  nord  de  la  France  me  paraissent, 
pour  la  poésie,  bien  supérieurs  aux  provinces  centrales.  L'imagination 
languit  dans  les  régions  intermédiaires,  dans  les  climats  trop  tempérés; 
il  lui  faut  des  excès  de  température.  La  poésie  est  fille  du  soleil  ou  des 
frimats  :  Homère  ou  Ossian;  le  Tasse  ou  Milton.  »  Malheureusement 
pour  cette  règle  ,  Racine  est  né  à  la  Ferté-Milon,  La  Fontaine  à 
Château-Thierry ,  Boileau  et  Voltaire  à  Paris,  dans  la  cour  de  la  Sainte- 
Chapelle. 

M.  Onésime  Leroy  n'en  fait  pas  moins  une  digression  très-intéres- 
sante sur  l'esprit  religieux  de  nos  provinces  du  nord,  leur  goût  pour 
les  mystères  et  la  grande  anoienneté  de  leurs  essais  dans  ce  genre  d'é- 
crire qu'elles  cultivent  encore  aujourd'hui,  au  point  même  d'éveiller  la 
soUicitude  épiscopale.  Nous  voyons,  en  effet,  que  dans  une  instruction 
latine  du  i"  juin  i83Af  Tévèque  de  Cambrai  recommande  aux  curés 
de  son  diocèse  de  ne  point  admettre  aux  fêtes  de  Noël  certains  specta- 
cles, tels  que  1  adoration  des  bergers  devant  ia  crèche,  et  d'autres  repré- 
sentations figuratives  de  la  Passion ,  ou  de  quelques-unes  de  ces  cir- 
constances, toutes  choses  qui  sentent  les  jeux  de  la  scène  :  quœ  scenicos 
ladùs  redolent.  Ne  peut-on  pas,  avec  assez  de  vraisemblance,  repprter 
l'origine  des  mystères  aux  lieux  où  leur  durée  est  si  persévérante?  Il 
parait  même  qu'ils  s'y  sont  perfectionnés  avec  le  temps.  Dans  le  dernier 
siècle,  un  curé  de  village  fit,  en  français  moderne,  et  en  grands  vers, 
un  drame  de  la  Passion,  qui  se  joue,  les  dimanches  de  carême,  à 
Halluyn,  à  Comine,  à  Tourgoûi,  et  dans  le  village  de  Lincelles,  où 
subsiste  encore  aujourd'hui  une  confrérie  dite  de$  rhétonciens^  à  côté 
d'une  manufacture  de  tabac.  M.  Onésime  Leroy  rapporte  même  quel- 
ques beaux  vers  de  ce  mystère ,  le  dernier  qu'on  eût  fait  sans  doute 
avant  ceux  de  Byron.  Là ,  par  exemple  (  et  la  situation  est  remar- 
quable ) ,  Ijladeleine  repentie ,  cherchant  à  consoler  Judas  désespéré , 
parie  ainsi  du  Seigneur  : 

Hélas!  dès  que  je  fus  aux  pieds  de  ce  cher  maître. 
Je  eommençai ,  tremblante ,  k  ne  plus  me  conDaître. 

a/ 


21Î         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Je  perdii  U. parole  et  pariu  par  met  pleur*; 
Mais  QD  amour  secret  r^oait  dans  mes  douknn. 

Seulement  cette  citatioD  élt^gne  un  peu  M.  Ooésime  Leroy  du  véri- 
table but  de  son  ouvrage,  et  des  études  d'archéologie  française  où  nous 
voulons  le  suivre.  * 

Après  avoir  très-bien  établi  que,  poétiquement  pariant,  la  Passion 
est  un  admirable  sujet,  M.  Onésime  Leroy  &it  connaître,  par  d'assee 
longues  analyses ,  un  manuscrit  de  Valencîennes ,  qui  lui  paraît  renfer^ 
mer  la  rédaction  la  plus  concise  et  la  meilleure  de  cette  œuvre,  souvent 
remaniée  dans  le  xv*  siècle,  et  connue  surtout  par  la  version  lourde  et 
allongée  de  Jean  Michel.  Les  trois  chapitres  qu'il  consacre  à  ce  manus- 
crit de  Valencîennes  sont  pleins  de  curieux  détails.  La  publication  en- 
tière du  texte,  sur  lequel  il  a  travaillé ,  serait  utile  à  l'histoire  littéraire. 

Après  ce  grand  drame  de  la  Passion,  M,  Onésime  Leroy  descend  à 
des  mystères  d'un  intérêt  beaucoup  moins  grand,  et  où  je  lui  reproche 
de  vouloir  toujours  découvrir  des  points  de  comparaison  avec  nos 
chefs-d'œuvre  classiques.  Dans  une  de  ces  pièces  tirées  du  Vieux  Tes- 
tament, Aman  ,  assuré  de  la  condamnation  des  Juifs ,  s'écrie  : 

Je  voas  aura! ,  très-fière  geat , 
Je  vous  aurai,  despit  commun  , 
Jttvous  aurayl  Pourramourd'oDg, 
Vous  en  seret  trestous  pugnig. 

Trestous  pa^nis  ne  me  rappelle  nullement  les  vers  de  Racine  : 

Ud  seul  osa  d'Aman  attirer  le  courroux, 
Aussilàl  de  la  terre  ils  disparurent  tous. 

Eln  général,  M.  Onésime  ne  peut  trop  se  défier  de  ce  goût  subtil  de 
parallèle  entre  des  choses  sans  rapport.  Plus  de  sévérité  à  cet  égard 
aurait  abrégé  son  livre,  sans  y  retrancher  rien  d'utile,  et  en  aurait  rendu 
ie  dessin  plus  clair  et  mieux  lié. 

Mais  reprenons  la  suite  des  recherches  de  M.  Onésime  Leroy.  Ce 


216 


JOURNAL  DES  SAVANTS. 


àa  bourreaa,  il  y  a  là  quelque  germe  d'horreur  tragique.  Cette  scène 
lapp^e  Sbalcespeare,  sauf  le  génie  de  l'eipression;  et  on  doitremerder 
11.  Onéaime  Leroy  d'avoir  su  U  déterrer  sous  le  £atra>  d'ua  ftirceur  du 
ZTi*  siècle ,  et  d'eo  ptiblier  le  texte  original. 
■'  EXFAHT.  (  oa  (onrrsaB  qui  le  taiiit  :  ) 

Qu'esM  cy, 
J6«ul  et  dont  vient  ceatoultrti'gfl? 
Nom  n'avons  fiiit  aucun  d( 


Lb  boouuc. 


Le  BonujuD. 


En  vostn  fbmt. 

D  von>  fanh. 

Pour  paaier  temps,  monter  li-haolt. 
a*  zxntn.  Hâu  I  et  EaulMl  que  je  *ove 

Hourir  si  genoux  enbnt  1 
Lbtau.bt((Jb  boumait].  Vous  en  aurei  tanstost  autant; 

Et  si  estes  bel  et  mignon. 

Aussi  a]m  sou  compagnon , 

Car  il  m'est  commandé. 

Hâasi 

Chi  nous  TCnt  bien  cher  le  aoulas 

Qu'en  ce  boys  avons  voulu  prendre. 

lies  compagnons,  il  ikult  entendre 

Que  vecy  la  fin  de  nos  jours. 

Nul  ne  nou^  peult  faire  secours, 

Mourir  fault,  sans  nulz  contredits. 

Je  pry  Dieu  qu'en' son  paradis 

Au  jour  d'uy  le  voyou»  tous  troys. 

Adieu,  mes  amis.  (/ci  lejetUk  6oBrr«aa.) 

MauU  le  boys. 

En  vda  jà  ong  despéché. 

Il  n'a  guère  longtemps  presché, 

Mon  maistre. 
LtaoctAZkfj(prtndU:t').  Auplusprèsde  luy, 

Serei  ataché  au  jour  d  uy. 


Lb  bouruaC. 
Le  vaklet. 


218  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

cartent.  Nous  ne  rangeons  pas  dans  cette  classe  les  conjectures  de 
M.  Onésime  Leroy  sur  le  véritable  auteur  de  Tlmitation  de  J.-G.  :  elles 
nous  semblent  ingénieuses  et  appuyées  sur  un  fait  curieux  de  biblio- 
graphie; mais,  en  les  lisant  avec  plaisir^  on  est  bien  im  peu  surpris  de 
les  trouver  dans  le  XII'  chapitre  d'un  ouvrage  sur  Tart  dramatique  en 
France ,  et  à  quelques  pages  d'ime  analyse  de  Tavocat  Patelin.  M.  Oné- 
sime Leroy  pense  que  Tauteur  de  l'Imitation  de  J.-G.  est  le  fameux  Ger- 
son,  chancelier  de  l'Université  de  Paris;  et  la  preuve  nouvelle  quil 
donne  de  cette  opinion  déjà  connue,  il  la  tire  d'un  manuscrit  français, 
conservé  à  Valenciennes,  qui  jadis  aurait  été  destiné  à  la  duchesse  de 
Bourgogne ,  et  qui  renferme ,  outre  deux  sermons  inédits  de  Gerson,  un 
traité  de  llnternelle  consolation  ^  écrit  du  même  style  que  les  deux  sermons, 
et  tout  semfaflble,  pour  les  idées  principales  et  pour  la  forme,  au  livre 
de  limitation.  S'il  en  est  ainsi ,  M.  Onésime  Leroy  aura  fait  une  cu- 
rieuse découverte;  mais  pour  la  démontrer  avec  évidence,  il  aurait  be- 
soin de  multiplier  les  citations  comparées  des  deux  textes ,  d'expliquer 
les  différences,  de  faire  ressortir  une  identité  qui  nous  parait  moins  forte 
iju'à  lui.  Gela  Sait»  il  rencontrera  quelques  contradicteurs,  et  cette  dis* 
cussion  n  est  pas  près  de  finira  Faut*il,  du  reste,  se  donner  tant  de  peine 
pour  découvrir  et  préconiser  le  véritable  auteur  de  ce  beau  livre  sur 
Thumilité  chrétienne  ?  N'est-il  pas  plus  digne  de  lui  de  rester  inconnu 
comme  il  a  voulu  l'être  i  et  n'est-il  pas  bon  de  laisser  cette  différence 
entre  ce  pieux  anonyme  et  les  philosophes,  cités  par  Gicéron,  qui  ne 
manquaient  pas  d'inscrire  leur  nom  en  tête  des  livres  qu*ils  écrivaient 
sur  le  mépris  de  la  gloire  ?  Jpsi  iUi  fhitosophi,  etSun  in  Ulis  Ubellis  quos  ds 
wwUmnenda  ghria  scribmt,  nomen  suant  inscribwU*  (  Pro  Arc.  poeta.  ) 

VILLEMAIN. 


Rak^ORT  sur  deux  pièces  inédites  de  la  Bibliothèque  tvyale  de  Paris, 
relatives  à  F  histoire  du  Cartésianisme,  la  le  2  décembre  iSSy, 
à  F  Académie  des  Sciences  morales  et  politiques. 


SECONn   ARTICLE. 


Xarrive  maintenant  à  la  seconde  pièce  inédite  que  je  dois  faire  con* 
iMttCre  à  l'Académie. 

Le  judicieux  mémoire  que  je  viens  de  transcrire ,  arrêta  le  pariement 
de  Paris ,  et  lui  épai^a  une  nouvelle  faute  envers  la  philosophie  et  la 
sakie  poUtique.  Mais  les  jésuites  ne  se  tinrent  pas  pour  battus.;  ila  étaient 


220  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

cip«ux,  et,  eo  mêmâ  temps,  assignait  à  la  barre  du  paiiementTimiTer- 

sité  d'Angers.  Grandes  difficultés,  grave  conflit-,  que  le  roi  Lonis'XIV 
teimina,  à  sa  manière,  par  un  nouve  arrêt  qui  cassa  celui  du  pariemeot, 
déchargea  l'université  d'Angers  de  '  Tassignation ,  mit  au  néant  l'^poù- 
tîon  du  père  de  l'Oratoire ,  enjoignit  à  ce  père  et  à.  tous  autres  de  sous- 
crire k  la  condusion  et  délibération  des  1 1  et  i  &  février,  ordonna  au  - 
recteur  d'empêcber  qu'il  ne  fût  enseigné  et  soutenu  aucune'  opinion 
fondée  sur  les  principes  de  Descartes:  le  tout  à  ta  diligence  ducon- 
seiHer  d'Etat,  commissaire  royal  dans  la  généralité  de  Tours.  Cet  arrêt 
est  du  3  du  mois  d'août  1675. 

Arrat^  da  Conieil-eCEilat  du  Hay,  qui  confirme  ta  condamnatiiM  de  CartétianUm»,et 
^  ardonn»  aux  Pères  de  rOraloire  de  te  toabanttln  aax  cûnctaiiom  de  VUniversiti 
d'Angertj  en  conséijaente  de  l'ordre  du  Roy. 

Le  Roj  ayant  esté  cj  deraiit  informé  que  dans  l'Université  d'Angers  l'on  y  ensei- 
gnoit  les  opinions  et  les  sentimens  de  Descartes,  et  considéré  que  dans  la  sutlte  cela 

eiuvoit  causer  dans  ce  Royaume  quelque  desordre  qu'il  esloit  bon  de  prévenir,  Sa 
BJesié  auroit,  par  ta  lettre  de  cachet  du  trenliesme  de  janvier  dernier,  donné  ordre 
au  Recteur  de  ladite  Université  d'empêcber  et  faire  deOenses  de  la  part  de  sadite 
Majesté  aux  Professeurs  de  ladite  Université ,  de  continuer  à  faire  leurs  le^ns  sur 
lesditea  opinions  et  sentimens  de  Descartes,  en  qudque  sorte  et  manière  que  ce 
soit,  tout  ainsi  qu'il  avoit  esté  fait  en  l'Université  de  Paris.  En  conséquence  auqud 
ordre  ledit  Recteur  de  celle  d'Angers ,  et  les  principaux  de  ladite  Université  s'estani 
assemblés  le  xi*  febvrier  ensuivant,  ils  auroientcondud  que  ledit  ordre  seroit  enre- 
gistré dans  les  registres  de  ladite  Université,  et  que  les  principaux,  supérieurs  et 
professeurs  en  philosophie  des  collèges  et  maisons  religieuses  d'Angers  seraient 
convoqués  pour  leur  donner  ccmnoissance  de  l'intention  de  Sa  Majesté,  et  en  outre 
qu'il  leur  serait  enjoint  de  présenter  à  ladite  Université  louttes  leurs  thèses  avant 
que  de  les  exposer  en  public,  afBn  d'y  être  examinées  par  le  doyen  de  la  Faculté 
des  arta,  et  les  autres  députtéide  ladite  Université ,  et  d'apporter  pareillement  chaque 
année  leurs  escrils  pour  estre  aussy  leur  doctrine  examinée  à  fonds.  Ensnitte  de  qnoy 
l'assemblée  desdits  dénommés  ayant  esté  faicte  le  iviii'  dudit  mois  de  Éebvrier,  et 
ledit  Recteur  leur  ayant  fait  entendre  tout  ce  que  dessus,  ih  y  auraient  souscrit 


^aa  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

dans  la  décadence  de  f  univenité  de  Paru  et  des  -autres  unÎTersités.  Un 
petit  livre  imprimé  k  Amsterdam',  par  les  soins  de  Bayle',  donne  l'acte 
de  soumission  de  l'Oratoire,  i  savoir  :  ime  lettre  écrite  au  roi  et  signée 
par  Sainte-Marthe,  au  nom  de  l'asseqtblée  de  l'ordre;  cette  lettre ,  est 
du  mois  de  septembre  1 678.  Nous  nous  contenterons  d'en  tirer  les  paa^ 
•âges  suivants  : 

I  Dans  la  physique  l'on  ne  doit  point  s'éloigner  de  la  physique  -ni  dés 
«  principes  de  physique  d'Aristofe,  communément  reças  dans  les  coUégeê, 
«pour  s'attacher  à  la  doctrine  nouvelle  de  M,  Descartes,  que  le  Roi  a 
<(  défendu  qu'on  enseignât ,  pour  de  bonnes  raisons. 

uL'on  doit  enseigner,  1*  que  l'extension  actuelle  et  extérieure  n'est 
«pas  de  l'essence  delà  matière;  3*  qu'en  chaque  corps  naturel  il  y  aime 
«forme  substantielle  réellement  distinguée  de  la  matière;  3*  qu'il  y  a  des 
a  accidents  réels  et  absolus,  inhérents  à  leurs  sujets,  réellement  dîstin- 
R  gués  de  toute  autre  substance ,  et  qui  peuvent  surnaturellement  être 
H  sans  aucun  sujet  ;  4*  que  l'âme  est  réellement  présente  et  unie  à  tout 
«  le  corps  et  à  toutes  les  parties  du  corps  ;  5*  que  la  pensée  et  la  connais- 
<t  sance  ne  sont  pas  de  l'essence  de  l'âme  raisonnable;  6*  qu'il  n'y  a  au- 
«  cune  répugnance  que  Dieu  puisse  produire  plusieurs  mondes  en  même 
c(  temps  ;  7*  que  le  vide  n'est  pas  impossible.  » 

EInfin,  en  1 680,  le  père  Valois^,  jésuite ,  déféra  à  l'assemblée  des  ar- 
chevêques et  évêques  de  France,  la  doctrine  de  Descartes.  Voici  le 
début  et  quelques  morceaux  de  cette  citation  :  uMesseigneurs,  je  cite 
u  devant  vous  M.  Descartes  et  ses  plus  fameux  sectateurs  ;  je  les  accuse 
H  d'être  d'accord  avec  Calvin  et  les  calvinistes  sur  des  principes  de  phi- 
u  losophie  contraires  à  la  doctrine  de  l'Eglise:  c'est  à  vous,  messeigneurs, 
«à  en  juger.» 

Puis ,  rappelant  ee  qu'ont  déjà  fait  le  Roi  et  le  saint-siége ,  il  ajoute  : 
«Vous  ne  hasardez  rien  à  vous  servir  de  votre  autorité,  le  saint-siége 


:i^  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

A  i-»i>iJirt  iMJMrtf  Dans  l'intervalle  de  temps  qui  s'est  écoulé  entre  l'appa- 
viftHMk  uk  c«»  oeux  volumes,  on  sait  quelle  effroyable ^idémïe  a  sévi  par 
■rjimVr  tvi  Sicile  ;  et  l'on  pouvait  craindre  que  ce  fléau,  dont  }es  ravages 
Mkl  «té  plus  aCfireux  iPalerme  que  partout  ailleurs,  n'interrompit  pour 
toi^lemps.  et  n'arrêtât  même  tout  à  lait  le  cours  d'une  entreprise  qui 
oiiljeait  dfes  dépenses  considérables ,  et  qui  n'avait  pas  moins  besoin  de 
temps  prospères  que  de  main»  habiles.  C'est  cependant  au  milieu  de 
circonstHDces  si  contraires,  privé  de  l'assistance  de  quelques-uns  de  ses 
collaborateurs  les  plus  utiles  et  de  ses  amis  les  plus  chers,  que  l'auteur 
a  poursuivi  sa  noble  et  laborieuse  entreprise;  et  un  pareil  exemple 
d'un  dévouement  à  la  science,  qui  ne  recule  devant  aucun  obstacle,  et 
qui  ne  se  refuse  à  aucun  sacrifice,  cet  exemple,  qui  accroît  encore  le 
prix  d'un  bel  ouvrage ,  méritait  bien  d'être  signalé  avant  tout  à  l'estime 
et  k  h  reconnaissance  de  nos  lecteurs. 

Si  nous  voulions  suivre  l'ordre  dans  lequel  se  sont  succédé  tes 
volumes  des  Ant'vfaités  de  h.  Sicile,  nous  devrions  commencer  notre 
analyse  par  celui  qui  contient  les  Monuments  de  Sé^este,  et  qui  est  le 
premier  de  la  collection.  Mais,  malgré  l'importance  qui  s'attache  aux 
résultats  des  fouilles  exécutées  dans  le  théâtre  de  Ségeste,  nous  croyons 
faire  une  chose  plus  agréalile  à  nos  lecteurs ,  en  leur  offrant  d'abord  un 
aperçu  du  travail  de  l'auteur,  conceruant  les  Antiquités  d'Agrigente.  C'est 
là,  en  effet,  que  la  matière,  plus  abondante  et  plus  variée,  a  reçu  encore, 
par  suite  de  fouOles  toutes  récentes,  un  accroissement  considérable,  et 
qu'indépendamment  des  monuments  déjà  connus,  deux  temples  nou- 
veaux ,  découverts  dans  le  cours  de  l'avanl-dernière  année ,  sont  venus 
exciter  au  plus  haut  degré  l'intérêt  des  antiquaires.  C'est  donc  aussi  sur 
les  monuments  d'Agrigente  que  nous  croyons  devoir  appeler  en  premier 
lieu  l'attention  de  nos  lecteurs. 

Des  deux  parties  dont  se  compose  ce  volume,  la  première,  qui 


226  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

iruction,  avec  :»ii  et  avec  W7«m(!««f ,  comoM  l'a  cru  notre  autev,  qui 
a  fait  une  note  exprès  pour  cela  '.  Le  teite  de.Diodore  signifie  donc 
que,  dans  la  contrée  qai  a  porté  dépôts  le  nom  ^Agri^nte,  aa  Um.appelé 
Camicas,  Dédale  constraisH  sar  an  roclur  escarpé,  ane  ville  extrêmement 
forte^;  d'où  il  suit  que  la  vUle  de  Gocaliu,  U  ville  construite  par  Dédale, 
en  iin  mot,  Camicas,  était  située  à  l'endroit  qui  fiit  depuis  l'acropole 
d'Agrigente,  et,  de  cette  manière,  le  témoignage  de  Diodore  s'accorde 
très-bien  avec  celui  de  Polybe ,  et  l'un  et  l'autre,  avec  l'observation  des 
lieux,  de  même  qu'avec  ce  passage  d'Hérodote,  vu,  1 79  :  nixsr  Kâftinar, 
lie  f0.r'  ifù  ÀxfetyamTot  iri/um^.  Contre  un  pareil  accord  de  faits  et  de 
témoignages,  tous  les  raisonnements  de  Gluvier,  qui  voulait  trouver 
ailleurs  que  sur  le  site  même  d'Agrigente ,  l'emplacement  de  la  ville 
de  Cocalus ,  et  qui  se  fondait  principalement  sur  un  autre  passage 
de  Diodore,  xxni,  9,  06  il  est  question  d'une  place  des  Agrigentins, 
nommée  Camicus  :  i^  Kafjnut  naSi  ,  ^(fÙ€*o*  Axfeiyaitnfiàr ,  tous  ces  raison- 
nements, dis-je,  viennent  échouer  d'eux-mèibes,  sans  qu'on  prenne  la 
peine  de  les  combattre,  comme  l'a  lait  notre  auteur.  Le  soin  qu'il  a  pris, 
sans  nécessité,  à  mon  avis,  de  réfuter  cette  erreur  de  Cluvier,  l'a  fait 
tomber  à  son  tour  dans  une  faute  légère,  qu'il  n'a  commise  que  pour 
enlever  k  Cluvier  son  principal  ai^ment,  et  que  je  prendrai  encore  la 
liberté  de  relever,  celle  de  considérer  cette  petite  place  Jorte  da  territoire 
Agrigenlin,  ^e^ûe'^r  ÀnfujAniriir ,  nommée  aussi  Camicas,  comme  étant 
l'ancienne  Camicas,  c'est-à-dire  l'acropole  même  à'Ag^geiUe.  L'ensemble 
du  récit  de  Diodore  prouve  que  ce  ^uvcAn  ÂxfttyLrnrttf  ne  peut  avoir  été 
\acropoU  d'Agrigente;  et  il  était  d'ailleurs  tout  simple  que  le  nom  de 
Camicus  ,  consacré  par  une  ancienne  tradition  et  certainement  fourni 
par  la  langue  nationale,  iiît  porté  par  quelque  petit  fort  du  territoire 
Agrigentin ,  à  une  époque ,  où  déjà  depuis  bien  des  siècles ,  le  nom  bis- 
torique  d'Agrigente  avait  remplacé  le  nom  mythol<^;ique  de  la  ville  de 


228  JOURNAL  DES -SAVANTS, 

des  Grecs.  Il  subsiste  eacore  de  cet  édiBce  les  murs  à  peu  près  entieni 
de  la  ceUa,  jusqu'à  une  hauteur  d'environ  18  palmes;  mais  les  anteg  et 
les  colonnes,  ainsi  que  tout  l'eutableinent,  ont  disparu  certainement  i 
l'époque  où  le  temple  fut  converti  en  une  église  chrétienne ,  puisque 
l'abside  de  cette  église  occupe  )a  place  de  là  façade  antique,  dirigée, 
suivant  l'usage  grec,  à  l'Orient.  L'appareil  ds  cette  muraille  indique 
d'ailleurs  une  belle  époque  de  l'art,  et  le  monument  a  de  l'intérêt  par 
la  simplicité  même  de  son  plan ,  qui  le  rattache ,  d'accord  avec  sa  situa- 
tion sur  l'acropole ,  aux  origines  de  la  cité  grecque.  Je  relèverai  en 
passant  une  légère  &ute  que  commet  ici  M.  le  duc  de  Serradifalco ,  et 
je  ne  la  relèverai,  que  parce  qu'elle  se  reproduit  dans  un  autre  endroit 
de  son  livre ,  h  l'occasion  d'un  autre  monument  d'Agrîgente  :  c'est 
la  dénomination  in  Antes  qu'il  appUque  à  la  forme  du  petit  temple 
en  question;  le  texte  de  Vitruve  porte  tn  Aatis,  et  il  est  évident  que 
toute  autre  leçon  serait  vicieuse. 

En  continuant  de  suivre  le  bord  oriental  de  cette  éniinence  dans  la 
direction  du  midi,  on  arrive  bientôt  aux  ruines  d'un  beau  temple 
dorique ,  qui  s'élève  à  l'angle  méridional  de  cette  enceinte ,  sur  une 
crête  de  rocher,  dont  l'escarpement  relève  encore  l'eûet  pittoresque  de 
ces  ruines  ;  ce  temple  est  celui  qui  est  vulgairement  connu  sous  le  nom 
de  Janon  Laciniai  c'est  un  des  monuments  les  plus  parfaits  de  l'archi- 
tecture grecque  -,  et  le  mérite  qui  le  dislingue,  joint  à  la  place  même 
qu'il  occupe,  rend  aussi  vive  qu'inefFaçable  l'impression  qu'il  produit 
sur  tous  ceux  qui  le  rencontrent  le  premier,  en  abordant,  la  pensée 
pleine  de  souvenirs  et  d'émotions,  au  pied  des  grandes  ruines  d'Agri- 
gente.  C'est  peut-être  aussi  ce  sentiment  que  j'ai  moi-même  éprouvé, 
qui  iàit  qu'on  regrette  d'avoir  ici  à  combattre  ,  dans  cette  dénomination 
même  de  Temple  de  Janon  Lacinia ,  une  de  ces  erreurs  populaires  qui 
ajoutent  k  l'effet  des  monuments ,  surtout ,  lorsqu'à  la  place  d'une  illusion 
détruite ,  ce  qui  n'est  qu'un  assez  triste  profit  pour  la  science,  la  sévérité 


250  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Laissons  àoac  sur  le  seuil  du  temple  Agr^entin  toutes  les  illusions 
que  nous  pouvions  y  apporter,  et  que  notre  auteur,  par  une  sorte  de 
iMe  patriotique  respectable  jusque  dans  ses  erreurs ,  s'efforce  encore 
de  retenir  -,  et  ne  voyons  dans  ce  temple  aujourd'hui  sans  noin ,  comme 
sans  divinité ,  que  l'art  qui  l'a  produit ,  et  dont ,  après  tant  de  siècles ,  le 
culte  a  survécu  à  celui  de  la  religion  qui  le  consacra.  J'ai  déjà  dit  que 
c'est  un  des  édifices  les  plus  parfaits  du  dorique  grec,  et  si  je  me 
permettais  d'adresser  quelque  reproche  à  notre  auteur,  ce  serait  peut- 
être  d'avoir  trop  épargné  les  détails  dans  l'erposition  d'un  monument,* 
dont  ies  moûidres  éléments  méritent  d'être  étudiés  avec  tout  le  soin 
possible.  C'est,  comme  on  le  sait,  un  de  ces  temples  béxastyles,  péri- 
ptères  et  amphiprostyles,  qui  se  reproduisaient  pour  ainsi  dire  à  l'infini, 
d'après  un  type  constant,  et  toujours  avec  des  variétés  nouvelles;  mon- 
trant ainsi  cette  inépuisable  fécondité  de  l'art  grec,  jusque  dans  l'exé- 
cution éternellement  répétée  d'un  même  programme.  Il  a  conservé 
presque  toutes  ies  colonnes  de  son  ptéroma,'  avec  les  murs  de  la  cella 
jusqu'à  une  certaine  hauteur;  ce  qui  est  une  circonstance  bien  rare 
dans  les  temples  grecs.  Mais  presque  tout  son  entablement  a  disparu,  au 
point  qu'il  ne  reste  absolument  rien  de  la  frise  ni  des  frontons  ;  perte 
assurément  bien  fâcheuse ,  mais  qui  peut  être  en  partie  suppléée  au 
moyen  du  temple  voisin,  celui  de  la  Concorde,  qui  a  conservé  son 
couronnement  à  peu  près  intact  sur  ses  deux  façades.  Comparé  à  celui 
de  ce  temple  de  la  Concorde,  l'ordre  diTtentp/e  de  Janon  présente  des 
variétés  et  des  différences  qui  sont  indiquées  dans  le  dessin  de  M.  le 
duc  de  Serradifatco,  mais  qui  méritaient  d'être  exprimées  dans  son 
teste.  Je  signalerai,  entre  autres  choses ,  le  double  filet  que  porte  le 
chapiteau ,  et  qui  manque  au  tempU  de  la  Concorde  ;  c'est  un  signe  d'une 
élégance  appliquée  à  la  mâle  et  noble  austérité  du  dorique,  qui  semble 
annoncer  une  tendance  à  un  goàt  moins  sévère.  Jajouterai,  comme 
une  observation  qui  m'a  frappé  dans  l'examen  très-étudlé  que  j'ai  fait 


252  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

justifiée  par  la  d^eonrerte  ùate  'iepmg,  Jone  jitee  lonMaUe,  eon- 


i  la  même  place,  datu  le  gnûid  temple  de  Sâîoonte,  et  smtont 
par  celle  des  tmU  petites  eeVa  pratiquées  dans  tiatétiear  da  temple  fHer- 
etde ,  k  A^rigenU  m&me ,  dont  l'apparition,  dae  aa  ràoltat  des  dernières 
fouilles,  a  constitué  un  fait  aï  neuf  et  si  curieux  dans  l'architecture 
grecque.  H  est  bien  vrai  que  les  trois  eella  dont  il  s'agit,  ayant  été  ajoutées 
lors  d'une  restauration  du  -temple  grec,  faite  à  l'époque  romaine,  ce 
qui  résulte ,  comme  nous  le  dirons  bientôt ,  de  tous  les  détails  de  cette 
construction ,  on  pourrait  arguer  de  là  que  l'addition  du  sanctuaire  érigé 
dans  le  temple  de  Janon ,  appartiendrait  k  une  restauration  semblable 
eiécutée  à  la  même  époque.  Mais  cet  argument  serait  ici  sans  valeur, 
puisque  la  construction  de  ce  sanctuaire  est  appareillée,  comme  je  l'ai 
dit  plus  haut,  dans  le  même  système  et  avec  les  mêmes  matériaux  que 
leresle  del'édirice,  d'où  il  suit  qu'elle  date  du  même  temps  et  qu'elle 
bit  partie  du  plan  primitif.  C'est  en  effet  ce  que  je  persiste  à  croire,  tout 
en  soumettant  au  jugement  de  M.  le  duc  de  Serradi&lco,  les  observa- 
tions que  je  viens  de  faire ,  avec  la  confiance  que  j'ai  en  ses  lumières , 
et  avec  le  vœu  que  je  me  permets  d'y  joindre,  de  voir  ces  observations 
vérifiées  par  un  nouvel  examen  du  monument  qui  me  les  a  suggérées. 
J'ai  déjà  reproché  à  notre  auteur  l'eitrême  sobriété  de  détails  dont 
il  semble  s'être  fait  une  loi,  dans  la  description  des  monuments  antiques 
qu'il  publie ,  ne  permettant  k  sa  plume  que  l'explication  la  plus  rigoureu- 
sement nécessaire,  et  laissant  à  son  crayon  le  soin  de  tout  dire  aux  yeux 
et  à  l'esprjt.  Cette  méthode  peut  avoir  quelques  inconvénients,  quand 
il  s'agît  de  parties  d'édifices,  ou  de  dispositions  architectoniques  qui  ne 
sont  pas  une  partie  intégrante  des  édifices ,  mais  qui  ajoutent  pourtant 
à  leur  elTet,  et  qui  enfin  existent  sur  le  terrain;  j'en  puis  citer  encore  un 
exemple  qui  serap^rte  à  ce  même  temple  de  Janon,  et  qui  n'est  pas  sans 
intérêt.  On  trouve ,  au  devant  de  la  façade  principale  du  temple ,  une 


254  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

tant  que  par  la  belle  proporticHi  et  par  la  nobl&  simplicité  de  son  en- 
semble. L'appareil  de  la  constructicHi  y  est  d'une  justesse  et  d'une  pré- 
cision admirables,  partout  où  l'édifice,  moins  dégradé  par  le  temps, 
permet  de  voir  à  nu  la  constructioa  primitive.  La  forme  et  le  galbe  des 
colonne?  réunissent  l'élégance,  la  fermeté,  la  noblesse  qui  caractérisent 
l'ordre  dorique  des  beaux  temps  de  l'art;  etc'est,àmonavis,  le  modèle 
le  plus  accompli  de  cet  ordre ,  qui  existe  dans  toute  la  Sicile  et  la  grande 
Grèce;  un  peu  moins  grave  que  celui  du  grand  temple  de  Psestum,  im  peu 
moins  amé  que  celui  du  temple  voisin  de  Janon,  il  oQre  toutes  les  condi- 
tions de  la  perfection ,  à  ce  point  oh  les  arts  s'arrêtent  en  général  aussi 
peu  que  les  sociétés,  à  ce  point  précis  qui  se  trouve  entre  l'acheminement 
aubien  et  la  recherche  du  mieux.  Il  a  conservé  toutes  les  colonnes  de  son 
ptérôma  dans  leur  entier,  son  entablement  avec  le  fronton  sur  les  deux 
façades,  etjusqu'auxmursde  sa  cella,  excepté  celui  qui  séparait  la  ceUa 
du  posticam;  en  sorte  que,  sous  le  rapport  encore  de  la  conservation, 
c'est  un  des  mqapments  les  plus  précieux  de  l'architecture  grecque, 
puisqu'il  n'y  mai^ue  guère  que  le  toit.  M.  le  duc  de  Serradiialco  l'a  re- 
produit dans  tous  ses  détails ,  plan ,  coupes  et  élévation  restaurée ,  avec 
tout  le  soin  qu'il  a  pu  y  mettre ,  pi.  viit-xiv  ;  et  je  n'aurais  à  reprendre, 
dans  la  description  qu'H  en  donne ,  que  l'extrême  brièveté  de  ses  expli- 
cations. Il  y  aurait  peut-être  aussi  une  légère  inexactitude  à  relever  dans 
la  manière  dont  il  interprète  le  témoignage  de  Diodore  àë  Sicile ,  con- 
cernant la  destruction  des  temples  d'^rigente ,  qui  eut  lieu  lors  de  la 
prise  de  cette  ville  par  les  Carthaginois,  en  l'an  Ao6  avant  notre  ère, 
M.  de  Serradifeloo  soutient  avec  raison  que  ce  désastre,  si  gratnd  qu'il 
pût  être,  ne  doit  pas  s'entendre  d'une  destruction  totale  des  édifices, 
d'où  il  résulterait  qu'aucun  des  monuments  d'Agrigente  n'ayant  été  sau- 
vé d'une  ruine  complète,  ceux  qui  subsistent  encore,  plus  ou  moins 
dégradés ,  sur  le  sol  de  la  ville  antique ,  auraient  été  rebâtis  Â  une  époque 
postérieure.  A  cet  égard,  je  suis  tout  à  fait  de  son  avis;  mais  il  me  pa- 


256  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Le  temple  dont  il  s'agita  la  forme  ordinaire  d  un  parallélogramme  rec- 
tangulaire, long  de  2  5g,  2,  8  palmes,  et  large  de  97,  10,  6.  Son  péristyle 
est  formé  de  trente-huit  colonnes  doriques  cannelées,  disposées  de  ma- 
nière qu'il  s'en  trouve  six  sur  chacune  des  deux  façades,  ou  des  petits  côtés, 
dirigés  à  1* orient  et  à  l'occident,  et  quinze,  y  compris  les  colonnes  d'an- 
gles ,  sur  les  faces  latérales ,  avec  un  pronaos  et  un  posticum ,  orné  de  deux 
colonnes  entre  les  antes.  Il  appartient  ainsi  à  celte  forme  de  temples 
hexastyles,  périptères  et  amphiprostyles,  qui  constitue  la  majeure  par- 
tie des  temples  grecs  de  la  belle  époque  de  l'art.  La  longueur  de  la  cella, 
par  rapport  à  sa  largeur  qui  se  trouve  dans  le  rapport  de  a  1/2  à  1 ,  est 
une  particularité  qui  semble  indiquer  une  haute  époque  de  l'art,  d'ac- 
cord avec  la  forme  des  chapiteaux  et  avec  les  détails  de  la  corniche  ;  et 
cette  particularité ,  qui  se  rencontre  dans  les  deux  plus  anciens  temples 
de  Sélinonte  ^  l'un  desquels  a  ofiert,  dans  les  sculptures  de  ses  métopes, 
des  monuments  d'un  art  contemporain  de  l'école  éginétique.  ne  permet 
presque  pas  de  douter  que  le  temple  qui  nous  la  présente ,  n'ait  été  l'un 
des  plus  anciens  et  des  plus  considérables  d'Agrigente.  Si  Ton  joint  à  ces 
motifs  une  autre  considération ,  celle  de  l'étendue  de  ses  dimensions  et 
de  la  grandeur  de  ses  masses ,  qui  pouvaient  se  reconnaître  sur  le  terrain 
même,  jusque  dans  l'état  de  décombres  où  il  était  réduit,  on  ne  sera 
pas  surpris  que  Fazello  d'abord ,  et  ensuite  d'Orville  aient  cru  y  voir  le 
temple  d! Hercule ,  qui  dut  être ,  au  témoignage  de  Cicéron  ,  m  Verr.  iv, 
&3,  g&  :  Hercalis  templam  est  apad  Agrigentinos ,  non  longe  aforo,  sané  sanc- 
tamapud  illos  et  religiosum,  un  des  principaux  sanctuaires  de  la  cité.  Cette 
indication  même ,  donnée  ici  par  Cicéron ,  que  le  temple  en  question 
n'était  pas  loin  du  Foram ,  vient  encore  à  l'appui  de  l'opinion  de  ces  an- 
tiquaires; car,  bien  qu'on  ne  connaisse  pas  précisément  l'emplacement 
de  ï^ora  d'Agrigente,  il  est  du  moins  probable  que  cette  place  pu- 
blique était  située  dans  cette  partie  centrale  de  la  ville ,  qui  avoisinait  le 
plus  la  mer  :  c'est  du  moins  dans  cette  situation  que  les  villes  maritimes 
avaient  pour  habitude  de  construire  leur  Foram,  au  témoignage  de  Vi- 
truve  2  ;  et  le  temple  qui  nous  occupe  s'élève  précisément  à  peu  de  dis- 
tance de  la  porte  antique  qui  conduisait  du  centre  de  la  ville  à  la  mer. 
La  conjecture  de  Fazello ,  admise  par  d'Orville,  me  paraît  donc,  comme 
à  M.  le  duc  de  Serradifalco ,  digne  de  quelque  confiance;  et  je  n'aurais 
qu'une  approbation  sans  réserve  à  donner  à  cette  partie  du  travail  de 
notre  auteur,  si,  en  parlant  des  objets  d'art  célèbres  qu'U  suppose  avoir 

*  Ce^soDi  les  temples  marqués  E  et  F  sur  le  plan  générd  de  Sélinoote  ;  voyei  les 
Jntichità  ii  Selinonte,  t.  II,  tav.  xvm,  xix  et  xx.  —  *  Viiruv.  i,  7,  i.  et  11,  8,  1 1, 


AVRIL  1858.  257 

été  consacrés  dans  ce  temple ,  il  n  avait  commis  une  légère  méprise.  Cest 
au  sujet  de  la  statue  même  du  Dieu ,  qu  il  croit  avoir  été  le  fameux  si- 
mulacre, chef-d'œuvre  de  Myron,  que  les  Agngentins  défendirent  en 
désespérés  contre  les  satellites  de  Verres.  Cette  circonstance  s  applique 
en  eifet  à  la  statue  en  bronze  d'Hercule ,  érigée  dans  ce  temple  :  Gicéron , 
in  Verr.  iv,  /^3,  gU:  Ibiex  œre  simulacrum  ipsius  Herculis,  qno  non  facile 
quidquam  dixerim  me  vidisse  pulchrius.  Mais  le  chef-d'œuvre  de  Myron 
était  une  statue  d'Àpolbn ,  restituée  par  Scipion  aux  Âgi*igentins ,  et  en- 
levée par  Verres  ;  et  cette  statue  de  Myron  était  placée  dans  le  temple 
d*Esculape  :  Gicéron,  in  Verr.  Act.  ii,  1.  iv,  43,  gS  :  Agrigento,  signum 
ApolUnis  pulcherrimum,  cajus  in  femine  Utterulis  minutis  (^rgenteis  nomen 
Myronis  erat  inscriptum,  ex  Msculapii  religiosissimofano  sustulisti;  en  sorte 
que 9  par  une  inadvertance  bien  excusable  sans  doute,  M.  de  Serradi- 
falco  a  confondu  en  un  seul  deux  chefs-d'œuvre  de  Tart  grec,  et  deux 
attentats  de  Verres. 

RAOUL-ROCHETTE. 

(  La  suite  au  prochain  cahier.  ) 


Visit  to  the  great  Oasis  of  the  Libyan  Deseriy  etc.  C'est-à-dire  : 
Voyage  à  la  grande  oasis  da  désert  Libyque...^  par  G.  A.  Hoskins, 
Esq. . .  ;  avec  une  carte  et  20  pL  représentant  les  temples,  le  paysage, 
etc.  exécutés  d'après  les  dessins  finis  sur  les  lieux  mêmes  par  fau- 
teur; m-Z^  de  338  pages.  Londres,  Longmann,  1837. 

SECOND   ARTICLE. 

Tout  prouve ,  ainsi  que  nous  l'avons  vu ,  que  le  temple  d'ESkargeh 
fut  construit  pendant  la  domination  de  Darius ,  selon  toute  appa- 
rence, par  ses  ordres  et  d'après  sa  volonté.  Ce  fait  est  mis  hors  de 
doute  par  la  présence  de  la  figure  de  ce  roi ,  dans  toutes  les  scènes  reli- 
gieuses sculptées  sur  les  diverses  parties  du  monument.  W  n'en  parait 
pas  moins  fort  surprenant  de  voir  un  roi  persan  favoriser  à  ce  point  la 
religion  égyptienne ,  et  permettre  qu'on  le  mêl€  à  toutes  les  représen- 


238  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

tatioQS  religiètues,  qu'on  l6  déifie  daasnn temple,  comme  on  aurait 
pu  faire  d'un  Pharaon,  d'ttn  membre  d'une  ancienne  dynastie.  Ce  fait 
extraordihdire.  bim ieda  d'être  contraire  à  l'histoire  connue,  la  con- 
firme de'tout  point;  On  en  jugera  parle  passage  snîvant  que  noos  tirons 
d'un  mémoire  inédit  stir  FéM  de  tÈjyjfy  pendant  les  derniers  temps  de  ta 
âMtànatianpiiaraamifat'et'aoai  la  domination  persane. 

uToutci  la  conduite^de'Dàrius  k  l'égard  des  Égyptiens  prouve  qu'A' 
sentit  la  nécessité  de  réparer  le  mal  qu'avait  causé  Cambyse.  Les 
^yptiens  ée  révoltèrent  contre  le  satrape  Aryandès,  que  Gambyse 
avait  nommé  gouverneur  de  l'Egypte.  Les  exactions  de  ce  satrape 
lurent  catl«e  de  la  révdte  ^  qui  se  dédara  peti  de  temps  avant  la  gaérre 
des  Perses  eontrela'Otèc».  f)Brius,  »v«nt  d'entreprendre  cette' guerre», 
passa  en  Kgypte  et  vîhl  àMemphis',  è  la  fois  pour  soumettre  les  Égyp- 
tiens et  pour  punir  le  satrape  qui,  outre  ses  exactions,  avait  poussé 
l'insolence  jusqu'à  trancher  du  souverain ,  en  frappant  des  monnaies 
d'ai^ent ,  à  l'imitation  des  dariques  d'or  que  Darius  avait  mises  en  circu- 
lation*. Ce  prince ,  satisfait  d'avoir  puni  l'auteur  de  la  révolte ,  traita  les 
Égyptiens  avec  beaucoup  de  douceur.  «  Détestant  (ce  sont  les  propres 
«  paroles  de  Diodore]  la  fureur  insensée  de  Cambyse  contre  les  temples 
«delïlgypte,  il  s'attacha  à  manifester  beaucoup  de  clémence  envers  les 
ti  hommes  et  de  piété  envers  les  dieux  [du  pays]  :  il  fréquenta  les  prêtres 
«égyptiens,  s'instruisit  de  leur  religion  et  de  tous  les  faits  [histo- 
(I  riques  ]  contenus  dans  les  livres  sacrés.  Il  apprit  quelle  était  la  magna- 
a  nimité  des  anciens  rois  et  leur  douceur  envers  leurs  sujets  ;  il  voulut 
Il  imiter'  leur  conduite.  Âtissî  les  Égyptiens  l'honorèrent  à  tel  point 
«que, 'seul' des  mii.  [perses],  il  rtçut  de  son  vivant  le  titre  de  dieu, 
a  et  qu'après  aa  mort  Us>  lui  rendirent  les  mêmes  honneurs  qu'aux  meil- 
u  leurs  d'entre  les  rois  qui  jadis  avaient  régné  sur  le  pays,  b 

a  Ce  récit  de  Diodore  s'accorde  avec  d'autres  Ëùts  rapportés  par 


240  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

dire  en  passant,  que  toutes  ces  dates  sont  conformes  k  la  chronologie 
fondée  sur  les  anciens  auteurs.  Or,  de  ces  quatre  noms,  il  n'en  est  qu'un 
seul  dontle^iôm  phonétique  soit  précédé  du  cartouche  pi'énom,  comme 
celui  des  anciens  rois  égyptiens  ;  ce  qui  confirme  la  remarque  de  Dio- 
dore,  que  Darius  reçut  de  son  vivant  le  titre  de  dieu ,  de  même  que  les 
rois  du  pays. 

Après  cette  excursion ,  qu'on  nous  pardonnera  sans  doute  en  faveur 
de  l'intérêt  historique  du  fait  observé ,  nous  revenons  au  temple  d'Am- 
mon-Ra,  pour  dire,  d'après  M.  Hoskins,  que  le  sanctuaire  de  ce 
temple,  divisé  en  deux  parties,  ne  formait  jadis  qu'une  pièce.  C'est  à 
une  époque  plus  récente  qu'il  fut  divisé  :  la  preuve  en  est  que  la  sépara- 
tion coupe  en  deux  la  sculpture  curieuse  qui  couvre  les  murs.  Le  toit  est 
formé  de  grandes  masses  de  pierre.  Le  sanctuaire,  comme  tout  le  reste 
du  temple,  est  rempli  de  sable.  Ayant  présumé,  diaprés  un  fragment 
non  enfoui,  que  la  sculpture  devait  être  fort  intéressante,  M.  Hoskins 
le  fit  déblayer  en  grande  partie.  «Comme  les  deux  pièces  étaient  enlière- 
«  ment  obscures ,  dit  le  voyageur,  il  était  égal  pour  nous  de  travailler  la 
«  nuit  ou  le  jour  :  la  nuit  avant  notre  départ  de  Khargeh  ;  je  restai  dans 
(lie  sanctuaire  jusqu'à  trois  heures  du  matin.  Il  faut  avoir  éprouvé  com- 
«bien  il  est  pénible  de  dessiner  tout  le  jour,  sous  un  soleil  du  tro- 
«pique,  pour  apprécier  tout  ce  qu'il  dut  nous  en  coûter  pour  passer 
«  encore  les  nuits  à  travailler  dans  le  sanctuaire.  Ce  n'était  pas,  je  dois 
«  le  dire ,  par  un  désir  égoïste  de  posséder  seuls  les  dessins  de  ces  sculp- 
«tures,  que  nous  endurions  tant  de  fatigues  au  péril  de  notre  santé, 
«  peut-être  même  de  notre  vie ,  mais  pour  remporter  dans  notre  pays  ce 
«  qui  nous  paraissait  propre  à  augmenter  la  somme  des  connaissances 
«  acquises  sur  les  mœurs  et  les  arts  chez  les  anciens.  Nous  prîmes  des 
«  empreintes  en  papier  de  toutes  les  sculptures  ;  ce  sont  celles  que  je 
«  publie.  »  / 

Ces  sculptures ,  représentées  sur  trois  planches ,  peuvent  ôt^'e  comp- 
tées parmi  les  plus  singulières  et  les  plus  curieuses  qu'on  ait  recueillies 
en  Lgypte.  Elles  couvrent  toutes  les  parois  du  sanctuaire.  Chaque  paroi 
est  divisée  en  cinq  zones  horizontales,  occupées  par  uç  sujet  unique, 
ou  par  plusieurs  sujets  séparés  l'un  de  l'autre  au  moyen  d'une  bande 
verticale;  chaque  groupe  de  figures  est  accompagné  d'une  inscription 
hiéroglyphique.  On  ne  peut  rien  imaginer  de  plus  extraordinaire  que 
cet  assemblage  de  figures  de  divinités  dans  les  plus  grotesques  atti- 
tudes, d'animaux,  d'oiseaux,  groupés  d'une  manière  bizarre  et  qu'on 
dirait  toute  fantastique.  Il  est  certain,  cependant,  que  toutes  ces  scènes 
ont  une  signification  précise  et  déterminée,  et  expriment  des  rites  et 


242  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

dans  la  grammaire  hiéroglyphique  de  ChampoUion»  qm  s^imprimç  en 
ce  moment,  ou  dans  ses  papiers  inédits ,  et  quils  ne  sont  pas  ie  fruit 
des  communications  bienveillantes  dont  tous  ceux  qui  Tout  connu 
savent  qu*il  était  si  prodigue. 

2^  Le  reproche  que  Ton  continue  d'adresser  à  GhampoUion  tient  à 
une  question  maintenant  jugée  par  tous  les  hommes  impartiaux.  La 
part  que  le  docteur  Young  doit  prendre  dans  cette  belle  découverte  a 
été  équitablement  appréciée,  quoi  quon  en  ait  dit,  par  GhampoUion 
lui-même.  Cest  ce  qui  a  été  démontré  sans  réplique,  avec  une  com- 
plète impartialité,  par  M.  Arago,  dans  son  éloge  du  docteur  Young, 
et  par  M.  Silvestre  de  Sacy ,  dans  celui  de  GhampoUion.  Pour  toute  ré- 
ponse à  ces  attaques,  nous  nous  bornerons  à  transcrire  le  passage  sui- 
vant tiré  de  ce  dernier  éloge. 

«Je  ne  ferais  point  mention  ici  des  prétentions  qui  s'élevèrent,  dans 
un  pays  voisin ,  en  faveur  d  un  homme  distingué  par  de  grands  et  utiles 
travaux  dans  la  carrière  des  sciences,  et  auquel,  par  un  sentiment  exa- 
géré de  rivalité  nationale,  on  essaya  de  faire  honneur  de  la  découverte 
des  hiéroglyphes  phonétiques,  si  je  ne  craignais  qu*un  silence  absolu 
de  ma  part  ne  parût ,  non  un  aveu  tacite  de  la  justice  de  ces  prétentions, 
mais  la  preuve  qu'elles  n'étaient  pas  sans  quelque  vraisemblance.  Pour 
tout  esprit  impartial ,  elles  ont  été  victorieusement  réfutées  par  Gham- 
poUion lui-même,  dans  son  Précis  historicfae,  avec  tous  les  égards  dus  à 
un  homme  du  mérite  de  Thomas  Young,  ainsi  que  ce  savant  se  plai- 
sait à  le  reconnaître  lui-même  ;  et  U  n'y  a  pas  longtemps  que  l'éloquent 
interprète  de  l'Académie  des  sciences ,  dans  la  notice  qu'il  a  consacrée 
à  l'illustre  savant  anglais,  après  un  examen  scrupideux  des  titres  des 
deux  rivaux,  a  prononcé ,  dans  cette  même  saUe,  en  faveur  de  Gham- 
polUon,  un  jugement  motivé,  dont  sa  position  même  garantissait  l'im- 
partialité, et  qui,  nous  ne  craignons  point  de  le  dire,  sera  celui  de  la 
postérité,  comme  U  est  déjà  celui  de  l'Europe.  » 

En  terminant  la  description  du  temple  d'El-Kargeh,  M.  Hoskins 
reconnaît  qu'il  est  beaucoup  plus  remarquable  par  sa  situation  curieuse 
et  pittoresque ,  au  miUeu  d'un  immense  déseft ,  que  comme  ouvrage  de 
l'art-,  l'architecture  n'en  est  pas  bonne;  la  sculpture  en  est  médiocre. 
Est-ce  un  indice  que  les  arts  égyptiens  avaient  à  ce  point  dégénéré  dès 
l'époque  de  Darius ,  ou  bien  doit-on  attribuer  en  partie  cette  infériorité, 
à  î'éloignement  de  l'oasis,  où  l'art  pouvait  n'être  pas  cultivé  avec  au- 
tant de  succès  que  sur  les  bords  du  Nil?  G'cst  ce  qu'il  serait  peut-être 
trop  hardi  de  décider.  Toutefois,  le  torse  en  basalte  de  Nectanébo, 
trouvé  &  Sebennytus,  et  déposé  au  cabinet  des  Antiques,  est  d'un  tra- 


244  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

servi  peut-étre  à  contenir  une  image.  L'intérieur  représenté  dans  la 
planche  XH  n'est  pas  moins  remarquable.  Le  toit ,  maintenant  en  partie 
tombé,  était  supporté  par  des  colonnes  ou  des  piliers  carrés.  La  croix, 
encore  visible ,  atteste  que  l'édifice  à  servi  d'église  chrétienne.  M.  Hos* 
Uns  observe  que  cette  croix  a  la  forme  du  taa  ^ptien.  Nous  avons  Ëiit 
la  même  ren^que  à  l'occasion  d'un  monument  chrétien  de  l'île  de 
Philes  ',  et  nous  avons  indiqué  les  motifs  qui  avaient  engagé  les  chré- 
tiens d'Egypte  à  employer  ce  signe  du  paganisiqe.  Nos  remarques  ont 
été  confirmées  par  M.  Wilkinson ,  et  l'observation  de  M.  Hoskins  les 
confirtne  de  nouveau.  Outre  la  croix  de  cette  forme,  M.  Hoskins  a 
encore  trouvé  sur  la  coupole  d'une  des  tombes  la  croix^  maltaise. 
M.  Hoskins  est  convaincu  que  cette  nécropole  est  de  l'époque  chré- 
tienne. L'élégance  de  l'architecture  de  la  plupart  de  ces  tombes  nous 
porterait  à  croire  qu'elles  sont  d'une  époque  plus  ancienne,  et  qu'elles 
ont  pu  être  plus  tard  occupées  par  .la  population  devenue  chrétienne. 
Les  Chrétiens  n'ont  pas  dû  mettre  plus  de  scrupule  ji  s'emparer  des 
tombes  des  païens,  qu'à  faire  de  leurs  temples  des  églises.  A»  reste , 
celte  grande  vUle  des  tombeaux  est  une  nouvelle  preuve  que  l'ancienne 
oasis  était  le  centre  d'une  population  nombreuse.  Au  nord-est  du 
temple  d'Ël-Rhargeh ,  il  y  a  deux  tombeaux  creusés  dans  le  roc;  l'un 
d'eux,  qui  n'a  pas  été  terminé ,  paraît  n'avoir  jamais  servi.  A  environ 
cent  pas  au  sud  sonfles  restes  d'un  curieux  édifice  polygone  que 
M.  Hoskins  croit  avoir  été  le  tombeau  de  quelque  gouverneur  romain. 
Dans  le  voisinage,  on  trouve  les  ruines  de  deui^  petits  temples  de 
l'époque  romaine  ;  les  murs  de  l'un  d'eux  ^ontvncore  debout  et  ornés 
de  sculptures  et  d'hiéroglyphes;  malheureusement  la  pierre  est  si 
faible,  que  ces  sculptures  sont  presque  effacées;  on  y  distingue  pour- 
tant encore  les  empereurs  Adrien  et  Antonin  Ëibant  des  oG&andes  à  di- 


246  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Piamuseum  ipii  sont  certainement  de  Tépoque  pharaonique.  On  le 
trouve  aussi  dans  un  monument  de  Djebel  Barkal  en  Ethiopie.  D*après 
la  disposition  du  plan  de  l'édifice ,  M.  Hoskins  ne  doute  point  que 
ce  ne  soit  un  temple,  quoiquil  soit  en  briques,  et  qu'il  ne  porte 
ni  sculptures  ni  hiéroglyphes.  Cette  destination  parait  fort  douteuse. 
M.  Hoskins  aurait  bien  désiré  de  continuer  sa  route  au  sud,  et  de  se 
rendre  au  Darfour.  Diverses  circonstances  l'obligèrent  à  n'aller  pas 
plus  loin ,  et  à  revenir  sur  ses  pas.  En  chemin ,  il  rendit  visite  à  deux 
localités  011  se  trouvent  des  temples  antiques,  Kasr-Zayan  et  Kasr- 
Ouaty. 

Le  temple  de  Kasr-Zayan  est  situé  sur  un  terrain  légèrement  élevé, 
au  milieu  d'une  vaste  plaine.  L'aspect  en  est  charmant,  si  l'on  en  juge 
par  la  planche  XV ,  qui  le  représente  vu  de  loin.  L'enceinte  en  briques 
crues  qui  l'entoure  a  environ  280  pieds  de  long  sur  84  de  large.  Vers 
l'entrée,  sont  des  fragments  de  pierre,  sur  l'un  desquels  est  une  ins- 
cription grecque.  Les  sculptures  de  la  porte  d'entrée  représentent 
l'empereur  Antonin  faisant  des  offrandes  à  des  dix^pités  qui  portent  les 
attributs  de  Cneph ,  Osiris ,  Isis  et  Horus.  L'inscription  grecque  annonce 
que  le  temple  est  dédié  à  Aménéhis  (que  M.  Hoskins  croit  être  Amun- 
Neb  oiii  Amun-Knep)  et  aux  divinitéis  adorées  dans  le  même  temps, 
pour  le  salut  de  l'empereur  Antonin.  Nous  l'avons  donnée  et  expliquée 
dans  nos  Recherches  (p.  288).  La  copie  de  M.  Hoskins  ne  diffère  de 
celles  de  M.  Hyde  qui  nous  a  servi,  qu'en  deux  points  peu  importants ^ 
Ainsi,  dans  cette  circonstance  comme  en  tant  d'autres,  le  nom  de  l'em- 
pereur indiqué  dans  l'inscription  grecque  est  le  même  qui  se  retrouve 
dans  les  hiéroglyphes. 

A  partir  de  Kasr-Zayan,  on  arrive  â  Kasr-Ouaty.  La  planche  XVIII, 
qui  en  représente  les  approches,  montre  que  ce  village  est  situé  sur  une 
éminence  qui  domine  au  loin  le  paysage.  Cette  planche  donne  une  idée 
avantageuse  du  paysage  dans  cette  partie  de  l'Oasis.  Les  murs  en  bri- 
ques qui  entourent  ce  temple  sont  mieux  conservés  qu'ailleurs.  Cet 
édifice  a  beaucoup  d'analogie  dans  son  plan  avec  les  temples  de  Douch- 
el  Qalah  et  de  Kasr-Z*ayan.  La  sculpture  de  la  porte  d'entrée  représente 
un  roi  faisant  des  offrandes  à  Amun-Ra,  Maut  et  Horus.  La  première 
est  la  divinité  principale  du  temple.  Le  seul  nom  de  roi  que  M.  Hos- 
kins ait  trouvé  parmi  les  hiéroglyphes  est  celui  de  Ptolémée  Évergète, 
qui  est  répété  en  divers  endroits  :  on  ne  peut  donc  guère  douter  que 

'  A  la  première  ligne,  TXONEMTPEHS,  leçon  de  M.  Hyde,  doit  désigner  le 
nom  du  lieu.  A  la  ligne  5,  la  leçon  £ni2TATOr,  au  lieu  de  EIIISTPATHrOT 
que  donne  M.  Hyde,  est  entièrement  fautive. 


AVRIL  1838.  247 

ce  temple  n  ait  été  construit  sous  son  règne.  Le  style  de  la  sculpture, 
particulièrement  celle  des  chapiteauK  du  vestibule,  m  aurait  suffi,  dit 
notre  voyageur ,  pour  décider  Tépoque  de  sa  construction.  Mais  la 
lecture  du  nom  de  Ptolémée  Évergète  est  une  preuve  bien  plus  déci- 
sive que  toutes  les  conjectures  fondées  sur  la  comparaison  des  styles. 

M.  Hoskins  s'était  proposé  de  visiter  les  autres  oasis,  particulière- 
ment celle  de  Dakkel  à  Touest  de  la  grande;  et  il  aurait  essayéd*atteindre 
celle  d*Âmmon,  par  le  désert,  en  suivant  la  route  de  l'armée  de  Cambyse. 
La  fièvre  qui  l'atteignit  ainsi  que  ses  compagnons,  le  désir  de  se  trouver 
à  Thèbes  en  temps  opportun  pour  commencer  le  voyage  d'Ethiopie ,  le 
firent  renoncer  à  son  dessein;  il  reprit  la  route  de  TLgypte ,  et  regagna 
les  bords  du  Nil  par  le  même  chemin  qu'il  avait  suivi  en  venant. 

Ainsi,  son  excursion  s'est  bornée  à  la  grande  oasis,  dont  son  livre 
contient,  comme  on  l'a  vu,  une  description  fort  détaillée:  les  cha- 
pitres XI  à  XVI  de  cet  ouvrage  contiennent  celle  des  autres  oasis ,  mais 
tirée  des  récits  des  dilTéreots  voyageurs  qui  les  ont  visitées,  Browne, 
M.  Gailliaud,  Drovelti,  sir  Archibald  Edmonstone,  le  général  de  Mi- 
nutoli.  Comme  ces  chapitres  ne  renferment  rien  qui  ne  soit  déjà  con- 
nu, nous  croyons  inutile  d'en  donner  l'analyse;  dans  ces  chapitres, 
M.  Hoskins  rassemble  le  petit  nombre  d'indications  données  par  les 
anciens  auteurs  sur  les  oasis  du  désert  Libyque.  Quant  à  celle  qu'il  a 
visitée ,  il  fait  observer  qu'aucun  des  monuments  qui  s'y  trouvent  n'est 
antérieur  à  Darius;  qu'un  des  temples  appartient  au  règne  de  Ptolémée 
Evergète,  et  que  les  sept  autres  ont  été  construits  par  les  Romains.  Il 
est  donc  k  présumer  qu'avant  l'époque  de  la  domination  persane  la 
gi*ande  oasis  n'était  pas  peuplée,  ou  du  moins  n'était  point,  comme  elle 
le  devint  parla  suite,  le  séjour  d'une  popidation  nombreuse.    . 

La  richesse  et  l'importance  de  cette  oasis ,  à  l'époque  romaine ,  est 
attestée  par  les  nombreux  édifices  sacrés  qui  datent  de  cette  époque  ; 
elle  ne  l'est  pas  moins  clairement  par  les  deux  inscriptions  grecques 
gravées  sur  le  pylône  du  grand  temple ,  et  qui  sont  des  circulaires  des 
préfets  d'Egypte  aux  gouverneurs  des  nomes,  ou  stratèges  de  l'Egypte. 
Elles  montrent  que  l'oasis  n'avait  pas  moins  d'importance,  aux  yeux  de 
l'administration  centrale,  que  les  nomes  de  la  vallée  du  Nil.  La  lettre 
du  stratège  de  l'oasis  qui  précède  l'un  de  ces  arrêtés,  prescrit  d'expo- 
ser l'arrêté  au  public,  non-seulement  dans  la  métropole,  mais  dans 
chaque  ville  du  nome  ,  [)Sot)Xo^M4  ouf  0%. ..  €r  71  tn  fjtMTfoitix^  nv  vo(jm  i{^ 
«a8'  iv,açyiy  faQ>iiv^^(LiTo  (^  JïinvLyfjtA)  vfo^îrxf . »  *),  Il  y  avait  donc  plu- 
sieurs villes  outre  la  métropole. 

L'ouvrage  est  terminé  par  un  appendice,  formé  du  texte  de  cinq 


248  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

inscriptioDS  que  M.  HoskÏDs  a  copiées  de  nouveau  dans  l'oasis:  À  savoir 
les  deux  grandes  qui  se  lisent  sur  le  pylône  du  temple  d'E^-Khargeh;  et 
un  fragment  mutilé  d'une  troisième,  sur  le  même  pylône;  puis  les  deux 
inscriptions  de  Rasr-Zayan  et  de  Douch-el-Qalah,  dont  il  a  été  question 
plus  haut.  Ces  copies  sont,  en  général,  moins  exactes  et  moins  com- 
plètes que  celles  de  MM.  Cailliaud  et  Pacfao,  qui  nous  ont  servi.  H  y 
a  cependant  quelques  variantes,  dont  on  pourra  tirer  parti  dans  une 
nouveUe  révision  de  ces  textes  mutées.  La  peine  que  M.  Hoskins  a 
prise  de  les  copier  de  nouveau,  ne  sera  pas  tout  k  fait  perdue. 

LETRONNE. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE,  ET  SOCIÉTÉS  UTTÉRAIRES. 

Le  à  avril,  M.  Heraent,  [H^îdeat  da  l'Académie  dei  Beani-Aiis,  a  exprimé  les 
rc^tsdellnstîbit,  aui  fanëraillei  de  M.  Castellan,  académicien  lilM«.  lA  un  goût 

■  pur  et  noUe ,  k  une  rare  capacité  en  plus  d'un  genre  de  connaissancei  pratiques , 

•  théori<(ues  et  hishinques,  recueillies  par  de  sâieuses  études  dans  de  lointains 

■  vt^ages,  M.  Castdlan  réunissait,  sous  le  titre  d*amateur,  plos  d'érudition  variée, 

■  [Jus  de  genres  de  talents  distingués,  qu'il  ne  s'en  rencontre  le  plos  souvent  chei 

■  ceux  qui  font  de  leur  art  l'occupation  exclusive  de  leur  vie.  Dessinateur  ingéoieui. 

■  compositeur  instruit  et  fécond,  littérateur,  il  snt  réanir  un  grand  nombre  de 
«  connaissances  que  la  culture  des  procédés  pratiques  met  si  rarement  l'artiste  k 

*  portée  d'approfondir  et  même  de  soupçonner.  • 

H.  Reinaud,  membre  de  l'Institut,  luccessenr  de  M.  Sihestre  de  Sacy ,  dans  )a 


550  JOCRNAL  DES  SAVANTS. 

que  les  événements  et  les  opinîoas  ou  affections  politiques  eussent  tant  d'influence 
sur  les  délibérations  Bcadëmiques,  surlesdécisiot)8ULtéraires;m(tJsces  assertions  de 
M.  P.  P.  sont  du  petit  nombre  de  celles  qu'il  u'a  pas  eu  le  temps  de  vérifier.  Réta- 
blie en  i8o3,  par  un  décret  impérial,  sous  le  nom  de  Qasse  de  la  langue  et  de 
littérature  fi-ançoise ,  celle  Compagnie  ne  tarda  point  i  substituer  l'ai  à  l'oi  dans  ta 
propre  dénomination  et  dans  beaucoup  d'autres  mots.  H  suiBt,  pour  s'en  con- 
vaincre, de  recourir  aux  pn^remmes,  discours,  rapports,  etc.  publiés  sous  son  nom 
jusqu'en  1816'.  A  cette  dernière  époque ,  une  ordonnance  rojale  lui  rendit  le  ncnn 
d'Académie  ^nuipAÙe  et  aon  fixtnçoiie  ;  en  sorte  qu'il  n'est  plus  élonuent  qu'eUe  ail 
conservé  cette  orthographe  dans  toutes  ses  pu Uication s,  jusqu'en  i83o,' comme  de 
i83oÀ  1887.  On  Y  Ut  de  toutes  parts,  étût,poiiv\il,rtconnAStre,fAibles,elc:iiQ'étmt 
IJk  une  paliiwdie,  elle  daterait  de  plus  de  5o  ans.  Cependant,  M.  P.  P.  nous  apprend 

Îa'au  sein  de  l'Académie /ntufoiM,  les  Français,  en  i835,  n'ont  dépossédé  les 
'roiifoù  9>'d  une  imperc^iblt  majorili.  Nous  manquons  des  renseignements  néoM- 
saires  pouréciaircir  un  tel  point  :  seulement,  c'est  encore  l'ai  au  lieu  de  l'oiquç  nous 
retrouvons  dans  la  plupart  des  ouvrages  particuliers  publiés ,  à  toute  époque  de-  ■ 
puis  i8o3,  par  divers  membres  de  cette  compagnie,  y  compris  même  celui  qui  est 
seul  cité  comme  adversaire  de  cette  prétendue  innovation-,  car  ii  imprimait  en  1808', 
k  ta  vérité ,  avant  d'être  académicien ,  un  Dictionnaire  des  Onomatopées  françiûa,  où 
il  éorivaitfsrAit,  cn/uuît,  prononfAïf,  elc.  Peut-être  n' est-il  pas  inutile  d'ajouter  que 
les  imprimeries  qui  ne  faisaient  point  cet  usage  général  de  l'ai,  l'admettaient  du 
moins  dans  les  noms  de  nations,  fmnpAii,  AnglAÎt.  .  , .  *,  afin  d'en  distinguer  U 
prononciation  de  celle  de  Danoii,  Saédoii,  etc.  —  Nous  devons  nous  borner  au  simple 
exposé  de  ces  faits,  sans  entreprendre  la  discussion  du  fond  de  la  question.  Repré- 
senter la  prononciation  par  l' orthographe,  est  un  problème  plus  compliqué,  plus 
difficile  que  ne  l'ont  cru  ceuiqui.  à  différentes  époques,  ont  entrepris  de  le  ré- 
soudre; et  nous  sommes  d'ailleurs  persuadé  qu'il  n'est  plus  temps  de  s'en  occuper, 
quand  une  langue  écrite  est  fixée,  du  moins  dans  la  plupart  de  ses  éléments,  par 
un  très-grand  nombre  de  livres  classiques  imprimés.  Dés  lors ,  la  meilleure  ortho- 
graphe est  la  plus  étymologique,  celle  qui  retrace  le  mieux  les  origines  des  mots. 
Mais  faut-il  confondre  avec  ces  origines,  les  prononciations  vicieuses,  introduites  au 
moyen  ftge,  abandonnées  en  partie  dès  le  xvii*  siècle,  et  presque  totalement  dans 
le  COUTS  du  xvui*  ?  Td  est ,  à  ce  qu'il  nous  semble ,  le  véritable  état  de  la  question 
par  rapport  a  l'oi,  qui ,  au  surplus ,  ne  correspond  guère  mieux  à  la  vieille  pronon- 
ciation o)-ff,  que  l'ai  à  l'è  ouvert.  S'il  s'agit  d'étymdogie,  avait  (comme  aveva  en 
italien  )  se  rapproche  plus  que  anott  du  latin  fiaboi&t.  Il  est  plus  court  et  moins  témé- 


252  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Un  court  poème  de  M.  Théodore  Lorin ,  intitulé  b  DoeUûte,  et  imprimé  à  SoUtoDj, 
lAiet  Gîbert  ;  in-8°,  se  termine  par  ces  vers  : 

Que  le  doelliile  farouche  Fiétiiatt  ms  sin^anti  lauriers. 

Dans  nos  regards,  sur  notre  honche ,  Et  qne  la  U»,  livre  sa  tiie  îm^e 

Lise  le  dédain  et  l'horreur.  Au  supplice  hoÀteiu  des  llches  meurtriers. 
Qh'une  légitime  iofimie 

Ch^t-d'aavre  de  Shatipeart  [Olfadlo,  Hamiet  et  Macbeth),  traduction  française  en 
regard,  par  HM.  Nisard ,  Lebas  et  Fouinel.  avec  des  imitations ,  en  vers  frençaîa ,  par 
MM.  A.  de  Vigny,  Emile  Deschamps ,  L.  Halévy,  J.  Lacroix ,  de  Wailly .  H™  Louise 
Golet,  et  des  notices  critiques  et  historiques,  par  H.  D.  O'SuUivan,  professetu-  au 
collège  royal  de  Saint-Louis.  Paris,  Belin-Mandar,  iSSy;  636  pag.  in-8'.  Ce  volume, 
qoi  fait  partie  de  la  Bibliothèque  anglo-Française,  se  recommaDae  par  la  correction  des 
textes  anglais,  par  l'élégance  et  la  fiddité  des  traductions,  par  le  caractère  instructif 
desuotesetnolicesdeM.  O'SuUivan.  11  seraitj>ermis  d'admirer  un  peu  moins  ^laks- 
peare.  et  un  peu  plus  les  chefs-d'œuvre  des  poètes  dramatiques  grecs  et  tançais 
mais  le  génie  du  poète  anglais  a  droit  à  de  très-grands  hommages. 

Encyclopédie  det ^eiu  da  monde ,  \otae  IX,  II' partie,  tuANCiPATiON-EsDRAS.  Paris 
ùnpr.  mécaniquedeDuverger,  libr.de  Treuttel  et  Wurtz,  i838;  pag.  Âoi-yQ&.in-S* 
MU  Audi&et,  Benélius,  Hanqui  aine,  Boulatigaier,  Depping,  De  Gérando,  de 
Golbéry,  Jos.  Naudet,  Pontécoulanl  fds,  Reihaud,  deSantarem,  Schnilzler,  Taillan- 
dier. Villenave,  M™  Waldor,  etc.  etc.  ont  coopéré  à  ce  volume.  Les  articles  Eneych- 
pèi^e.  Enseignement,  Ère,  Eradilion,  Eschyle ,  etc.  sont.remarquables  par  leur  étendue 
et  par  leur  importance.  D'autres,  comme  Empranlt,  Enfer,  Entendement,  Epellation, 
^oque,  Éqaatear,  Equation,  etc.  pourront  sembler  trop  succints.  Mais  cette  partie 
du  tome  IX  offre  des  améliorations  sensibles.  La  biographie  contemporaine  y  occupe 
moins  de  placi  ;  les  doctrines  romantiques  et  mystiques  y  dominent  un  peu  moins , 
et  Von  peut  espérer  qu'elles  auront  presque  disparu  de  l'Encyclopédie  des  gens  du 
monde ,  lorsqu'elle  atteindra  les  lettres  M-B. 

H'utoire  anlédituvienne  de  la  Chine,  ou  l'Histoire  de  la  Chine  dans  les  temps  anté- 
rieurs à  l'an  3398  avant  notre  ère,  par  M.  le  marquis  de  Fortia,  de  l'Académie  des 
Inscriptions  et  oeil  es -le  tires.  Paris,  impr.  de  Foumier,  i838  ;  in-13,  xxiv  et 
lAo  pages  contenant  les  chapitres  xi-ixix.  Lorsque,  dans  notre  cahier  de  janvier 
dernier,  pag.  67  et  58,  nous  avons  ajouté  le  mot  (tic)  après  Egiple,  nous  faisions  re- 
marquer cette  orthographe  de  l'auteur,  sans  dire  qu'il  avait  tort  ou  raison  de  l'em- 


254  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Èhge  hùloriqae  de  Joi^h  Faarier,  par  M.  Arago,  lecrétaire  perpétuel  de  l'Acadé- 
mie des  sciences.  Paris,  Finnin  Didot;  70  pag.  in-^*. 

Phitotophied:tartt  dudatin,  par  M.  Maïuie.  Paris,  librairie  de  Parent  Desbures, 
i838iin-8'.  Pr.7rr.  5oc 

De  lafirtuM  pabliiiiu  en  France  et  de  ton  adminùtratioa  :  par  M.  L.  A.  Macarel  et 
M.  i.  Boulatignier,  professeur  d'admiaiAtratîon  publlipie-,  tome  I".  Pans,  impri- 
merie de  Paul  Dupont,  librairie  de  Pourcbet  père,  i83S;  in-S',  xu  et  759paces, 
avec  un  tableau  qui  présente  les  division^  et  subdivisions  des  trois  parties  de  )  ou- 
vrage. Ces  trois  parties  ont  pour  objets  :  I.  Les  ressources  de  l'état;  II.  Les  dépenses 
publiques;  III.  La  comptabilité.  Les  ressources  sont  ou  ordinaires,  se  renouvdant 
chaque  année;  ou  extraordinaires,  ne  s'of&ant  que  rarement  et  après  des  intervalles 
inégaux.  Les  premières  consutent,  d'une  part,  dans  les  domaines  nationaux;  de 
l'autre,  dans  les  contributions  publiques.  Le  volume  qui  vient  d'ftre  publié  ne 
traite  que  des  ressources  comprises  sous  le  nom  de  domaines.  Après  avoir  distingué 
le  domaine  de  la  couronne  de  celui  de  l'Ëtat  proprement  dit,  les  auteurs  considèrent 
■acceMiveraent  dans  ce  second  domaine  :  1°  Les  ùnmeubles  affectés  à  des  services 
publics  ;  ou  non  affectés  à  de  tels  services,  comme  les  eaux  minérales,  les  salines,  les 
forêts;  a°  Les  droits  incorporels  dépêche,  de  bacs  et  bateaux,  de  péage,  de  chasse, 
de  gruerie ,  et  les  renies  nationales  ;  3°  Les  meubles  ,  mobilier  des  administrations , 
établissements  et  services:  Imprimerieroyde,  bibliothèques,  archives;Iescollections 
d'objets  d'art  et  de  sciences  ;  enfin  les  matières  premières  ou  fabriquées ,  destinées 
à  de  grands  services.  Tous  ces  artides ,  ai  méthodiquement  distribués  et  enchaînés. 
M  recommandent  par  l'exactitude  des  détails.  MM.  Macard  el  Boulalignier  nous  pa- 
russent avoir  atteint  le  but  qu'ils  se  sont  proposé ,  de  faire  un  ouvrage  d'utilité 
pratique.  •  C'est  moins ,  disent-ils ,  un  Traité  qu  ils  ont  composé  qu'un  livre  d'expo- 
sition ,  •  dans  lequel  pourtant  ils  n'ont  pas  renoncé  à  exprimer  leurs  propres  idées. 
Souvent,  en  effet,  ils  joignent  à  leurs  exposés  des  observations  qui  complètent  el 
rendent  de  plus  en  plus  profitable  la  riche  instruction  qu'ils  offrent  à  leurs  lecteurs. 
—  L'ouvrage  aura  six  volumes.  Le  second  est  sous  presse.  Prix  du  vol.  8  £:. 

Recherche*  tar  iet  diven  modei  de  pahlictttion  det  hù ,  depuis  les  Romains  jusqu'à 
not  jours,  par  H.  Berryat- Saint- Prix.  Paris,  imprim.  deCraté,  librairie  de  Lan^ois, 
i838;  3o  pages  in-8'.  L'anteor  conclut  de  ses  recherches  qu'il  y  a  eu ,  dans  la  ma- 
nière de  publier  les  lois,  des  progrèscontinuels  et  sensibles,  quelemode  actndestle 
plus  parlait  qui  ait  été  pratiqué,  qu'il  est  cependant  susceptible  de  quelques  améliora- 
tions indiquées  dans  une  note,  pag.  39  et  3o.  —  M.  Bcrryat-Saint-Pnx  a  puUié  en 
1837  des  Recherdunnr  la  ligisùtion  et  l'Miloirt  det  hariien-china^iau.  Paris,  impr. 


256  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

H.  W.FrejUg  annonce  une  collection  complètedeBPnnwriMara&ef  de  Meidani  et 
d'autres  écrivains-,  texte  avec  traduclioo  latine,  notes,  édaircissements  ;  in-8°.  Or 
souscrit  à  Bonn  sur  le  Rhin.  —  Les  Proverbes  de  Heidani  doivent  entrer  dans  U 
Collection  orieBlaie,  dont  le  premier  volume  (Histoire  dei  Mongols]  a  été  annoncé 
dans  notre  cahier  de  novembre  dernier,  p.  697, 

HUSSIE.  —  Aperça  mr  lu  monmuu  rauti,  et  sur  les  monoaies  étrangères  qui  ont 
ew  cours  en  Russie ,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  Jours  ;  par  M.  le 
btronS.  deChaudoir.  Saint-Pétersbourg  (etParis],  Belliiard,  i836:3  vol.in-8*, 
VII  et  a6S  pages;  et  daos  le  deuxième  v<dume,  aSpag.  suivies  de  &3  planches.  Nou» 
reviendrons  sur  cet  ouvrage. 

ANGLETERRE. 

Ouvrages  publiés  par  H.  Charles  Purton  Cooper,  secrétaire  de  la  Commission 
royale  des  Archives  d  Angleterre.  Ltttert  on  ihe  coart  of  Chancery  and  jarUpradence 
f^  Enghmd.  London,  18a  7;  in-8*.  —  Parlianuataiy  proceediags  reipecting  the  court  a/ 
Ckaiteery,  the  houseof  lords  and  the  Tribunal  ofBankruptaj,  1838;  in-8'. —  Notes 
on  the  eitrinsic  forms  of'conveyauces  !□  diflerentcountriesof  Europe,  i83i  ;  in-8*. 
—  On  ihepahlici  records  of  Eagland,  i83a  ;  a  vol.  in-8'.  —  Proposalfor  the  Erection 
^  a  aeneral  Record  o^ee  in  London,  with  plates,  i83a;  io-8*,  dedicated  to  the  laie 
Lora  Dover.  — Proceedingt  of  hu  Siajesty't  commiaionert  on  tke  pablic  Records  oï  the 
Kingdom;  in-8".  —  Paper  and  DoeamenU  apon  the  report  of  the  houm  ofcommons  on 
the  Records  Commiuion,  wîth  an  appendice,  1837;  in-8'.  —  Reports  y  cases  decided 
bjrliord  Chancellor  Braagham,  i835;  royal  in-8°.  —  Plusieurs  autres  opuscules  con- 
cernant les  Archives. imprimés  aussi  à  Londres,  iD-8*,  de  i833  à  1837.  —  M.  Cooper 
a  pris  une  grande  part  aux  volumineuses  et  riches  collections  qui  sont  dues  à  la 
Commission  dont  il  est  le  secrétaire. 

A  nevi  etymological  Dictionary . . . .  Nouveau  Dictionnaire  étymcdogique  des  mots 
anglais  qui  tirent  leiu:  origine  du  grec,  du  latin,  etc.  par  H.  Howbotham.  Londres, 
i838;>n-t8. 


TABLE. 

Histoire  delà  Gaule  méridionale,  par  M,  Fauriel  [arliclede  M.  Patin] Page  igS 

Études  sur  les  Mystères,  par  M.  Onésiaie  Leroy  (ardcledeM.  VUiemaia). ao5 

Raroort  de  M.  Cousin  sur  dcui  pièces  ioédites  relatives  i  l'histoire  du  Cartésia- 


258  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

teigne  Vitnire',  de  la  dispoaition  des  temples  toscans,  donf  la  largeur 
se  dîrîsait  en  dix  partiet ,  six  desqueUes,  k  drnte  et  à  gauche ,  se  dis- 
tribuaient entre  les  deux  eeUa  laténdea,  et  les  quatre  restantes  étaient 
attribuées  &  ta  ceQa  du  milieu.  Cette  disposition  est  précisément  celle 
qui  se  rencontre  ici;  d'où  il  résulte  déjà  une  grave  présomption  que 
l'édiSce  grec  qui  la  présente  a  subi ,  dans  cette  partie  de  sod  plan,  une 
modiiieatioa  due  Mnsdoate  à  l'influence  dsliabituleBrotaBiiies.  Cette 
présomption  se  change  en  certitude  par  l'examen  de  la  construction 
m£me  de  ces  trois  cella ,  ob  la  couleur  des  pierres  et  la  manière  dont 
elles  sont  appareillées  diflïrent  complètement  de  ce  qui  s'observe ,  non- 
seulement  dans  le  reste  de  l'édifice,  mais  encore  dans  tous  les  autres 
temples  d'Agrigente.  Il  me  parah  donc  bien  difficile  de  ne  pas  admettre 
la  conséquence  que  notre  auteur  tire  de  ces  diverses  circonstances, 
c'est  à  savoir  que  le  temple  iHercale ,  qui,  à  raison  de  son  ancienneté, 
avait  pu  avoir  besoin  de  réparations  dans  les  temps  romains ,  reçut  k 
cette  époque  la  disposition ,  étrangère  au  plan  primitif  et  au  système 
grec,  des  trois  petites  cella  dérivées  du  système  toscan.  Or  c'est  là,  je 
le  répète ,  un  fait  neuf  et  curieux  qui  méritait  d'être  signalé  à  l'attention 
de  nos  lecteun,  et  à  l'appui  duquel  M.  le  duc  de  Serradifîdco  n'a  pas 
manqué  de  citer  d'autres  exemples  de  dispositions  à  peu  près  sem- 
blables, qui  nous  étaient  déjà  connues  par  des  monuments  romains, 
ou  d'époque  romaine^.  Toutefois,  je  me  pemwttraî  encore  de  faire 
ici  une  observation  ;  c'est  qu'entre  les  exemples  cités  par  notre  auteur, 
celui  du  tempk  de  Jupiter  Ca^ito&n,  sur  le  Gapitole,  est ,  à  proprement 
parier,  le  seul  qui  oflre,  sous  ce  rapport,  une  analogie  positive  avec 
oMrs  temple  agrigentin.  Les  trou  ckambns  du  tnttfle  de  Japiter  à  Pom- 
ptï'  te  n^ortent,  suivant  toute  a|^>areiice,  àtm  motif  différent,  etls 
dcatmation  en  est  encore  controversée.  J'en  dirai  avtant  du  tempk  de 
JwftHer,  k  Ostie,  oii  les  froù  ceUaiei,  isolées  des  nrars  Utéraux,  au  fond 
de-it  mUi\  a'oiSrent  règlement  avec  les  trait  eetta  du  temple  àHerade, 


260  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

sa  place  dans  l'histoire  de  l'art,  et  dont  les  coBséqueaces,  pour  toute  uue 
clause  de  faits,  qui  se  lient  k  celui-là,  ne  sauraient  manquer  d'être 
graves  et  intéressantes.  On  remarquera  qu'ici  la  couleur  locale ,  servant 
de  fond ,  est  un  jaune  très-chir,  qui  imite  la  couleur  naturelle  que  le 
marbre  et  la  pierre  acquièrent  avec  le  temps.  L^ï)iij«  et  le  kka  sont 
distribués  d'une  manière  qui  doit  tenir  k  un  système  arrêté ,  c'est  à 
saroir,  le  ronge  sur  le  Ustel  qui  couronne  les  mattdes  de  la  corniche  et 
de  la  frise ,  et  le  blea  sur  les  mutales  mêmes.  Les  gouttes,  qui  devaient 
êtres  coloriées  en  hlaac,  si  le  système  suivi  sur  les  monuments  de 
Sélinonle  avait  été  appliqué ,  dans  cette  partie  comme  dans  le  reste ,  k 
ceux  d'Agr^ente,  ne  sont  point  cohrièet,  non  plus  que  les  trigfypket, 
dans  le  dessin  de  M.  le  duc  de  Serradîfalco;  ce  que  j'ai  peine  k  m'ex- 
pliquer,  puisqu'il  ne  me  paraît  pas  possible  qu'un  membre  si  impor- 
tant de  la  frise,  ordinairement  colorié  en  blea,  comme  nous  le  voyons  à 
Sélinonte,  soit  resté  ici  privé  de  cet  ornement.  D'ailleurs,  nous  ver- 
rons bientôt  qu'il  reste  des  traces  de  bleu  sur  les  trigfyphes  du  temple  de 
Castor  et  Pollax  récemment  mis  k  jour.  Si  donc,  la  même  couleur 
n'est  plus  sensible  surles  trigjyphes  du  temple ^^Hercale,  et  si,  par  cette 
raison,  M.  le  duc  de  Serradîfalco  s'est  abstenu  de  tes  indiquer  dans 
son  dessin,  ce  ne  peut  être  là  que  Teffet  d'une  circonstance  tout  k  fait 
accidentelle.  Avant  de  passer  à  un  autre  sujet,  j'ai  encore  quelques 
observations  à  &ire  sur  cette  question  générale  du  coloriage  des  édijices 
qui  vient  de  recevoir,  par  la  découverte  opérée  dans  les  ruines  du 
iempie  d'Hercale,  un  élément  nouveau,  le  plus  complet  et  le  plus  au- 
thentique que  nous  ayons  encore  recouvré-  M.  de  SerradiMco  a  con- 
sacré une  note  particidière ,  pag.  106  ,  74,  pour  constater  ce  ^it,  qu'il 
croit  encore  apparemment  sujet  k  quelque  controverse;  et,  ce  qui 
powi'a  sembler  étrange  k  nos  lecteurs,  c'est  contre  les  doutes  de 
M.  Semper,  partisan  si  déclaré  et  si  absolu  de  ïarchitectare  pofychrâme, 
qu'il  prend  à  tâche  de  soutenir  l'existence  d'une  pratique ,  dont  les  mo- 


262  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

txace  sans  conséquràce ,  dont  on  ne  pouTait  rien  coadnre  contre  un 
&it  posi^,  ni  rien  ai^er  en  fiiveur  d'une  pratique  générale  ;  et  j'aa- 
rais  voulu  que  notre  auteur  n'y  attachât  pas  en  efiet  plus  d'importance 
qae  cela. 

M.  le  duc  de  Serradi&Ico  n'a  pas  été  plus  heureux ,  i  mon  avis ,  dans 
i'en^loi  de  deux  témoignages  qu'il  a  cm  pouroir  aliter  en  pmire, 
que  les  anciens  avaient  parlé  d'éd^es  peints.  Ces  témoignages  sont 
celui  de  Pline,  xxxvi,  a3,  55  ,  sur  l'ertdaif  d'un  temple  d'Élis,  oà  Cen- 
trait du  lait  et  da  safran,  et  celui  de  Plutarque,  m  TTiemistoel.  $  vm, 
concernant  des  stèles  d'un  marbre  blanc  qui  prenait,  soas  le  frottement  de 
fil  maîh,  Al  eoalettr  et  todear  da  safran.  J'ai  eu  occasion  de  m'ex^îquer, 
dans  ce  journal  même',  siu-  la  valeur  qu'on  pouvait  attacher  à  ces 
deux  témoignages ,  et  il  n'y  a  pas  lieu  pour  moi  de  revenir  sur  cette 
discussion.  Il  me  parait  évident  que  c'est  sans  raison  suffisante  qu'on  a 
cherché  dans  de  pareils  textes  des  preuves  à  l'appui  du  système  général 
de  la  pofychrSmïe  ;  on  eût  mieux  fait  de  s'en  tenir  au  silence  absolu  de 
l'antiquité,  qui  ne  prouvait  pas  davantage,  mais  qui  du  moins  se  pré- 
tait mieux  à  l'interprétation.  Mais  un  téAioignage ,  d'une  valeur  positive 
et  d'une  grande  importance,  que  M.  le  duc  de  Scrradifàlco  a  eu  toute 
raison  d'allouer  en  farenr  de  son  opinion,  c'est  cdui  d'une  .belle  ins- 
cription attique,  récemment  découverte  et  publiée  par  M.  Ross',  où 
il  est  question  d'un  modèle  en  bois  destiné  à  la  peinture  encaastùjae  da  tri- 
gfypite  :  li*^i*iyiAA  ^ûXirer  lï;  re/^KÙ^ou  lïc  è*n3Mat»( ,  ainsi  que  de  vases 
renfermant  ia  couleur  noire  et  blanche  qui  devait  servir  sans  doute  è 
peindre,  certains  détails  de  la  corniche ,  comme  on  le  voit  sur  te  larmier 
de  notre  temple  d'Agrigente,  ainsi  que  les  triqlyplies  de  la  frise,  où  les 
caxumx  étaient  ordinairement  coloriés  en  noir  et  tes  goaitei  en  blanc  '  : 

ûmXai^n  if*  fiJk»ûf  /tifioifa inefi  Mon   i/t  fiJkttif.  Voilà,  sans 

contredit,  un  témoignage  attique  de  la  plus  haute  autorité,  et  (fà  suffi- 


264  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

vaii  de  M.  ie  duc  de  Serradifalco,  c'est  celui  qui  concerne  la  place  oc- 
cupée par  les  antéjixes  sur  le  faîte  des  façades  latérales ,  et  généralement 
la  restauration  entière  de  la  cymaise.  C'est  là  en'  effet  un  point  qui , 
comme  toutes  les  questions  relatives  à  la  couverture  des  temples  grecs, 
a  le  plus  exercé  la  sagacité  des  architectes  et  des  antiquaires ,  et  produit 
le  plus  d'essais  contradictoires  ;  et  l'intérêt  qui  s'attache  à  celle  ques- 
tion, dans  l'archéologie  grecque,  me  fait  un  devoir  d'entrer  ici  dans 
quelques  détails.  On  sait  que  les  temples  antiques  étant  restés  tous 
privés  de  toute  espèce  de  toiture ,  et  la  plupart  mutilés  à  une  certaine 
hauteur  de  leur  ordonnance  extérieure,  la  restauration  du  toit  n'a 
été  essayée,  d'une  manière  plus  ou  moins  probable,  qu'à  l'aide  de 
fragments,  qui  avaient  appartenu  soit  à  la  corniche,  soit  à  la  couver- 
ture. Dans  le  nombre  de  ces  fragments  les  plus  précieux  par  l'art ,  et 
les  plus  significatifs  par  l'usage,  figurent  en  première  ligne  ces  espèces 
d'ornements  que  nous  nommons  antéjixes,  du  mot  latin  antejixa,  et  qui 
se  plaçaient  au  rebord  du  toit ,  en  avant  des  tuiles  creuses  qui  y  abou- 
tissaient ,  et  de  manière  à  en  masquer  le  vide.  L'architecture  antique 
fit  un  grand  usage  de  cette  espèce  d'ornement,  qui  fiit  habituellement 
décoré  de  pabnettes  scalptées  ou  peintes,  quelquefois  même  àe  figures  ou 
de  mascfiies  imprimés  en  relief  et  coloriés,  et  qui  contribuaient  puissam- 
ment à  la  richesse  et  à  l'efiet  du  couronnement  des  édifices.  Pline  met  ' 
au  rang  des  plus  anciennes  inventions  de  l'art  grec,  celle  qui  consistait 
à  imprimer  des  masqaes  en  relief  sur  ces  sortes  de  tailes,  qu'il  appelle 
extrendimbrices,  xxxv,  12,  &3.  Primas  (Dibutades)  persoruas  tegularam 
extremis  imhricibas  imposait  (ou  impressit)  ;  et  l'on  sait  que  la  Grèce ,  tou- 
jours enthousiaste  des  moindres  progrès  de  ses  arts,  et  toujours  passion- 
née pour  ceux  de  ses  citoyens  qui  y  avaient  pris  part ,  célébra  par  des 
vers  Byzès ,  de  Naxos  ^ ,  le  premier  qui  eût  l'idée  de  tailler  en  marbre 
ces  sortes  de  tuiles,  et  qui  fût  parvenu  à  constituer  tout  ce  système  de 
«ouverture  en  tuiles  de  marbre.  A  dater  de  cette  époque,  qui  coïncide 
avec  la  5o*  olympiade,  les  principaux  temples  de  la  Grèce  furent  couverts 
en  tuiles  de  marbre  ;  et,  parmi  ceux  où  Pausanias  avait  remarqué  ce 
genre  de  magnificence,  bien  peu  de  nos  lecteurs  ignorent  sans  doute 
qu'on  en  a  retrouvé  deax  de  nos  jours ,  le  temple  £  Apollon,  de  Phigalie, 
et  celui  de  Japiter,  à  Olympie.  C'est  plus  récemment  encore  que  nous 
avons  acquis  la  connaissance  des  mots  qui  désignaient,  dans  le  vocabu- 
laire de  l'art  grec ,  les  diverses  formes  d^antéfixes,  à  raison  de  la  place 
qu'elles  occiqjaient  dans  le  couronnement  et  de  l'espèce  particulière 

'  PauMD.  y,  10,  2. 


366  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

TMnif,  en  Attiqne';  tous  momimeots  câtés  par  notie  aut»ir,  mix- 
queli  il  eût  pu  joindre  le  Temple  et  les  fnfnfUu  itÈUusù^,  restaurés 
d'après  le  même  système.  Or  U  est  certain  que  cette  suppFession  de  ia 
OfntMise.  sur  tout  le  prolongement  des  faces  latérales,  constitue  une  io- 
terruption  de  lignes  droites,  peu  agréable  en  soi,  et  peu  d'accord«vec 
le  génie  grec  ;  que  l'absence  de  cette  partie,  la  cymaise  destinée  à  l'é- 
coâement  des  eaux,  et  pourrue  k  cet  effet  des  têtes  de  lion  qu'on  y  rap- 
portait, est  surtout  choquante  sur  les  faces  latérales ,  où  avait  précisé- 
ment lieu  cet  écoulement  des  eaui  du  toit;  et  qu'enfin  on  conçoit 
difficOeoient  comment  ces  têtes  de  Uoa,  servant  de  ^oattières,  auraient 
'été  placées  seulement  aux  ai^es  ou  aux  extrémités  de  l'édifice ,  sur  les 
côtés;  tandis  qu'elles  auraient  été  supprimées  sur  toute  la  longueur  de 
ces  côtés.  Il  semblait  donc  plus  conforme  aux  vrais  principes  de  l'art 
de  ctHitinuer  sur  les  côtés  longs  du  temple  la  cymaise,  décorée  de  têtes 
de  Utn ,  comme  l'a  feit  M.  Blouet  dans  sa  restauration  du  Temple  d'O- 
fympie^,  et  comme  on  le  voit  à  d'autres  restaurations  d'édifices  antiques 
citées  par  notre  auteur,  notamment  aux  Proj/yUes  de  Priène,  aux  Temples 
de  Thésée  k  Athènes ,  de  Diane  Proftylée  k  Eleusis ,  el  de  Némésis  à 
Rhamciunte.  J'insiste  particulièrement  sur  l'exemple  du  Temple  de 
Diane,  d'Eleusis,  où  la  cymaise,  formant  cMifeou ,  et  continuée  le  long 
des  façades  latérales ,  avait  deux  têtes  de  lion,  sculptées  sur  chacun  des 
morceaux  dont  elle  se  composait,  correspondent  en  laideur  à  deux  des 
tuiles  de  la  couverture  *  :  attendu  que  c'est  l  un  des  éléments  les  plus 
aûtheptiques  que  nous  ayons  recouvrés  de  tout  ce  système  de  toiture 
des  teidples  grecs ,  si  difficile,  si  compliqué,  et  jusqu'alors  interprété 
partant  d'hommes  habiles  d'une  manière  si  contradictoire;  mais  ces 
flifiicultés  et  ces  contradictions  provenaient  en  grande  partie  de  ce  que 
les  morceaux  de  cymaises  recueillis  parmi  les  débris  des  temples  an- 
tiques n'étaient  pas  assez  complets ,  ni  alsez  considérables  pour  rendre 
compte  de  la  disposition  des  têtes  de  lion,  ni  de  celle  des  antéfixes  ;  et 


268  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

de  la  Sicile  et  de  la  Grèce  entière.  On  sait  que  cet  édifice ,  parvenu  k 
un  point  de  la  construction  où  il  ne  manquait  plus  que  la  toiture,  fiit 
surpris  à  cet  état  par  la  guerre  désastreuie  qui  fit  tomber  Agrigente  au 
pouvoir  des  Carthaginois ,  la  troisième  année  de  la  9  3'  olympiade.  Td  il 
resta  toujours  depuis  cette  époque ,  an  témoignage  de  Polybe,  qui  en 
parie,  deux  siècles  et  demi  api^  cet  événement,  comme  d'un  temple 
inachevé ,  mais  comparable,  par  l'invention  et  la  grandeur ,  i  tout  ce 
que  la  Grèce  renfermait  d'édifices  du  premier  ordre.  Tel  le  vit,  un  siècle 
encore  plus  tard ,  Diodore  de  SicHe,  qui  nous  en  a  laissé  une  description 
détaillée;  monument  précieux  A  tous  égards,  et  regardé  avec  rais(»i 
comme  une  des  pages  les  plus  curieuses  de  l'histoire  de  l'art  antique. 
C'est  avec  le  secours  de  ce  texte,  et  &  l'aide  de  ce  qui  reste  encore  sur 
place  de  débris  du  temple  même ,  qu'à  partir  de  1813,  époque  .oà  on 
y  entreprit  des  fouilles  r^uhères,  un  ^rand  nombre  d'architectes  et 
d'antiquaires  ont  essayé  d'en  faire  la  restauration  ;  et  M.  le  duc  de 
Serradifalco  n'a  eu  ici  qu'à  mettre  en  œuvre  des  éléments  déjà  préparés 
par  une  foule  de  mains  habiles ,  et  qu'à  présenter,  dans  une  discussion 
sage  et  lumineuse,  le  résultat  des  faits  acquis  à  la  science,  avec  un 
projet  de  restauration  qui  lui  est'  propre.  11  est  seulement  fâcheux  que 
iM.  HittorfF n'ait  pu  encore  publier  la  partie  de  ses  Antitfttités  de  la  Sicile, 
qui  est  relative  aux  monuments  d'Agrigente.  Les  fouilles  que  cet  habile 
architecte  avait  pratiquées  lui-même  en  quelques  endroits  de  l'Ofym- 
pieion,  l'avaient  mis  en  possession  de  nouveaux  éléments  d'une  restau- 
ration qui  sera  toujours  une  œuvre  très-difficile  ,  et  les  idées  qu'il  avait 
pu  se  former,  d'après  tme  étude  approfondie  du  monument  dans  tous 
les  détails  qu'on  en  connaît ,  auraient  certainement  été  d'une  grande 
ressource  pour  notre  auteur.  Lorsque  je  visitai  les  ruines  d'Agrigente , 
muni  des  plans  de  M.  Hiltorff,  dont  je  devais  la  communication  à  son 
obligeance ,  je  pus  vérifier  sur  le  terrain  tous  les  irésultats  de  ses  explo- 


270  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

vMt  que  auire  encore  au  caractère  grandiose  du  mooument.  Or  ii 
n'y  a  guère  d'autre  moyen  de  parer  à  ces  Décestités  lâcheuses ,  qu'en 
supposant  l'entrée  du  temple  placée  sur  sa  façade  occidentde;  et, 
coÉUne  cette  &çade  est  uij<nw(faui  rcûnée  en  tcrialité,  en  y  rétaUis- 
sant,  par  ta  pensée,  une  porte  unique  qui  occuperait  la  place  de  la 
oolonae  du  milieu  et  des  deux,  entre-colonnemenis  latéraux.  La  seule 
difibculté  que  rencontrerait  cette  ordonnance,  vîend^it  de  la  grande  , 
portée  de  l'architrave ,  qui  aurait  dâ  s'étendre  sur  plus  de  quatre  entre- 
M^onnements.  Mais  il  est  vrai  que,  les  colonnes  se  trouvant  ici  eagfk' 
gées  dans  les  murs,  cette  portion  de  l'architrave,  si  énorme  qu'elle  li^t 
dans  ses  dimensions ,  aurait  eu  dans  la  muraille  même  un  point  d'appui 
continu.  EUifîn  ,  il  est  probable  que  l'architecte ,  voulant  donner  i  la 
làçade  principale  tout  l'eOet  qu'elle  pourrait  Recevoir  d'une  grande 
sidtdité  apparente ,  jointe  à  une  disposition  majestueuse  ,  avait  cons- 
truit ici  une  porte  ornée  de  chambranles ,  avec  un  couronnement 
composé  d'architrave,  de-frise  et  de  corniche  ;  et  c'est  à  ce  parti,  qui 
réonit,  suivant  moi .  toutes  les  convenances ,  et  qui  concilie  toutes  les 
difficultés  que  s'est  fixé  M.  le  duc  de  Serradifatco ,  dans  son  projet  de 
restauration,  pi.  xxvi, 

Les  particularités  si  nouvelles .  si  extraordinaires ,  que  présente  le 
grand  temple  d'Agrigente,  et  qui  tiennent  en  partie  h  l'énormîté  de  ses 
proportions,  me  font  un  devoir  de  m'arrêter  encore  sur  quelques  dé- 
tails relatifs ,  soit  au  monument  jnème ,  soit  à  la  restauration  de  M.  le 
duc  de  Serradifalco.  Le  fait  fe  plus  étrange  est  sans  doute  celui  des 
sept  colonnes  de  la  façade  orientale ,  qui  constitue  une  exception  si  rare 
dans  le  plan  des  temples  grecs.  Cette  exception  n'est  cependant  pas 
sans  modèle  dans  l'architecture  égyptienne ,  ni  sans  exemple  dans  l'ar- 
chitecture grecque;  et  notre  auteur  cite  quelques  monuments  k  l'appui 
de  c^te  double  ohservatioD ,  sans  oublier  le  portiqiu  de  Thoricus,  en 
Attique,  qui  est,  comme  la  soi-disant  Basili<fae  de  Psestum,  un  édifice 


372  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Iiypmihre,  puisque  le  jour  unique  qu'il  eût  reçu  par  1«  porte  d'entrée 
èât  été  insuffisant  pour  éclairer  cet  immense  vaisseau.  Il  suit  de  là  qù« 
tes  deux  lignes  de  piliers  carrés  qui  partageaient  ia  ceUa  en  trois  ga- 
leries, et  dont  il  subsiste  encore  d'assex  considérables  vestiges  sur  le 
terrain,  étaîentliées  par  des  mars  de  peu  d'élévation,  qui  n'étaient,  k 
proprement  parier,  que  des  espèces  de  parapets.  Quant'  aux  figiires  de 
géants,  qui  furent  employées  dans  cette  ord<Hinance,  et  dont  on  sait 
qu'on  a.recueiUi  des  débris  appartenant  à  onze  ^  ces  figures,  les  unes 
mAles,  les  autres  femelles,  alternant  probablement  ensemble,  toutes  de 
3g,g  palmes  de  hauteur,  l'arrangement  de  ces  colosses  au-dessus  des 
pBiers  de  la  nef  principale,  est  encore  un  de  ces  problèmes  qui  ont 
donné  lieu  à  beaucoup  d'faypotbèses  plus  ou  moins  ingénieuses ,  mdis 
dont  la  solution ,  restée  indécise ,  échappera  peut-être  toi^ours  à  nos 
recherches.  On  connaît  depuis  longtemps  la  restauration  de  M.  Co- 
cktrell ,  qui  établissait  au-dessus  des  pilastres  de  la  nef  du  milieu  un  se- 
cond ordre  formé  de  ces  figures  d'Atlantes,  destinées  à  supporter  le 
toit.  Mais  cette  idée  se  trouve  détruite  par  le  résultat  des  fouilles  ré- 
centes qui  ont  prouvé  que  les  piliers  intérieurs,  au  lieu  d'êtred' une  hau- 
teur moindre  que  celle  des  colonnes  du  pieado-ptéroma,  comme  l'exigeait 
la  restanration  de  M.  Cockerdl,  surpassait  au  «Hitraire  cette  hauteur 
de  71°,  4  ^ajmes;  d'o^  il  suit  que  le  second  ordre,  projeté  par  l'archi- 
tecte anglais,  aurait  excédé  de  plus  de  quatorze  palmes  l'élévation  du 
toit.  Des  difficultés  d'un  genre  différent  se  rencontrent  dans  un  autre 
projet  de  restauration  conçu  par  le  docteur  Lo  Presti ,  de  Girgenti,  que 
notre  auteur  soumet  i  une  analyse  critique  très-judicieuse.  Jusqu'ici 
donc  l'avantage  semblerait  acquis  au  projet  d'im  habile  antiquaire  de 
Païenne,  D.  Niccolô  Maggiore,  qui  n'admet  qu'un  ordre  de  piliers,  dans 
la  composition  desquels  entraient  les  figures  d'Atlantes ,  avec  leur  hase 


274  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Avant  de  parler  du  sj  (time  d'instructif»  primaire  satri  en  Chine ,  je 
dois  nécessairement  dii-e  d'abord  queiques  mots  sur  la  langue  chinoùe 
elle-même,  exposerxapidemeBt  sa  stmctuMÔigidière,  et  iiidîquerfe£Eet 
probable  que  cette  langue  doit  exercer  sur  le  travail  de  la  pensée. 
Je  sens  que  je  touche  ià  une  question  délicate  ,  et  les  recherches  que 
j'ai  Eûtes  depuis  quatre  ans,  dans  l'histoire  chinoise,  me  permettent  k 
pçine  de  paraître  un  instant  dans  un  débat  signalé  naguère  par  les  opi- 
nions contraires  de  MM,  Abei  Rémusatet  GuiH.  de  Humboldt.  Aussi  je 
me  bornerai  à  efQeurer  les  principales  sommités  de  la  question ,  en  pro- 
fitant des  éléments  précieux  que  j'ai  pu  ret^ueiilir  dans  les  leçons  de 
M.  Stan.  Jub'en,  ce  savant  si  profondément  initié  à  la  connaissance  de 
la  phraséologie  chinoise.  Peut-être  mon  opinion  particulière  sur  les  dif- 
ficultés opposées  par  la  langue  chinoise  au  travad  de  la  pensée  ne  s'ac- 
cordera pas  entièrement  avec,  le  sentiment  du  savant  professeiff;  mais  je 
me  justifierai  par  une  simple  observation.  Tout  ce  que  je  dirai  dans  ces 
considérations  préliminaires  ne  sera  que  l'image  adoucie  de  l'opinion 
des  savants  anglais  qui  écrivent  dans  le  Qiinese  Repoiitory. 

La  langue  cMnolse  se  distingue  de  toutes  les  autres  par  son  originahté 
singulière.  On  sait  qu'elle  se  divise  réellement  en  deux  langues  distinctes, 
l'une  écrite  et  très-riche,  composée  d'une  immensité  de  <;aractères, 
dont  chacun  exprime  un  mot,  et  qui  se  classent  dans  les  dictionnaires, 
sous  deux  cent  quatorze  caractères  primitifs  ou  cleft  ;  l'autre ,  parlée 
et  très-pAivre,  formée  seulement  de  douze  cents  monosyllabes  d'into- 
nations différentes ,  de  sorte  que  chacune  de  cesintonations  peut  repré- 
senter souvent  quatre  ou  cinq  sens  ou  caractères  différents  dans  la  con- 
versation ,  et  corre^ond  k  un  bien  plus  grand  nombre  de  caractères 
écrits  dans  les  dictionnaires.  Les  caractères,  ou  les  mots,  ne  sont  liés 
dans  la  phrase  que  p^r  un  petit  nombre  de  s^es  grammaticaux,  prin- 
cipalement par  des  prépositions  de  lieu.  (Jn  caractère  spécial  indique  le 


276  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

seule  36o  ou  même  Sgo  mêlions  d'individus  humains,  selon  tes  der- 
niers recensements  officids,  publiés  dans  l'almaUBch  impérial  du  céleste 
empire.  Ce  chifiire  peut  paraître  exagéré,  ctKoiparatiTement  aux  33o 
'  millions  d'hectares  que  comprend  la  sur&ce  totale  de  la  Chine ,  d'après 
les  mesures  des  minionnaires.  Réduisons-le  d'un  tiers  pour  nous  rap- 
procher du  siède  dernier:  supposons  a5o  mHlions  pour  la  population 
chinoise;  à  ce  chi&e  ajoutons  les-habitants  du  Japon,  ceux  dç  la  Ca- 
chincbine  etdu  Tonquïn,  des  royaumes  de  Camboge  et  de  Siam,  où 'la 
langue  chinoise  «tû  bngue  des  dasses  supérieures  et  moyennes,  o^ 
elle  sert  pour  toolss  les  publications;  enfin  les  nombreux  émigrés 
chinois  qui  défrichent  les  côtes  desVes  Philippines,  de  Sumatra, 
de  Java,  de  presque  tout  l'archipel  indien,  et  nous  trouverons  que 
la  lajigue  chinoise  est  la  tangue  naturelle  de  plus  de  3oo  millions  de 
créatures  humaines,  réparties  sur  une  portion  de  la  terre  au  moins 
^ale  à  notre  Europe.  Ces  3oo  miUions  sont  plus  du  tiers  du  genre  hu- 
main ,  et  ainsi  se  trouve  réalisé  pour  ce  iiers ,  dans  son  monde  particu- 
lier, le  phénomène  vraiment  surprenant  d'une  langue  universelle. 

Conmient  cette  langue  singulière  s'est-elle  conservée  dans  sa  forme 
primitive,  pendant  la  longue  suite  des  siècles,  et  parmi  uo  si  grand 
nftyhït*  d'hommes;  ceci  tient  k  trois  causes  principales.  Premièrement 
les  Chinois,  pendant  Icmgtemps,  n'ont  connu,  du  reste  des  hommes, 
que  les  hordes  barbares  et  illettrées  qui  les  entouraient.  Avec  des  termes 
de  cpmparaison  si  inférieurs ,  ils  ont  conçu  la  plus  haute  idée  de  leur 
supériorité  intellectudle,  et  1^  langue  écrite  est  devenue  pour  eux  une 
sorte  d'invention  miraculeuse;  ils  l'ont  regardée  comme  une  œuvre  cé- 
leste qui  ne  pouvai^tre  perfectionnée;  et  sa  forme  semi-idéographique, 
qui  permet  à  l'esprit  un  certain  jeu  entre  la  figure  et  le  sens  des  carac- 
tères ,  leur  a  Eût  prétendre  que  cette  langue  était  le  dépôt  incomparable 
de  tous  les  priacipes  de  la  science ,  de  la  morale  et  de  l'ordre  universel. 
En  second  lieu ,  et  très-probablement,  par  le  développement  de  ces 


278  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

l(^e  à  nos  universités.  Les  &its  contrarieat  étrangement  cette  conjec- 
ture si  plausible .  En  Chine ,  l'enseignement  primaire  est  tout  à  fait  libre  ; 
c'est  un  métier  comàie  un  autre,  et  rien  de  plue. Quiconque  veut  ouvrir 
une  école  primaire  n'a  besoin ,  è  cet  effet,  d'aucun  diplôme ,  et  ne  subit 
aucun  eiamen  préliminaire.  Son  succès  dépend  eoti^meut  de  son 
habileté,  qui  lui  attire  des  écoliers ,  et  lui  fournit  le  moyen  de  vivre  ; 
seulement  cette  habSeté  est  conÇpôlée  par  un  examinateur  en  tournée, 
que  le  mandarin  de  l'arrondissement  envoie ,  deui  fois  par  an ,  pour 
inspecter  les  niutres  des  écoles  primaires.  Ceux  qui  ne  peuvent  subir 
l'examen  sont  tenus  de  fermer  leurs  écoles.  Cette  liberté  de  l'enseigne- 
ment se  lie  assez  bien  avec  l'organisation  des  villages  chinois,  qui  se 
gouvernent  comme  de  petites  communes  indépendantes.  Les  habitants 
choisissent ,  parmi  les  dix  familles  les  plus  imposées  du  village  ,  un  chef 
ou  maire,  qui  dirige  toutes  les  affaires  delà  commune,  répartit  l'impôt , 
en  opère  la  perception,  et  est  chargé  de  la  poursuite  des  coupables, 
lorsqu'un  délit  se  commet  dans  son  canton.  D'après  ce  même  principe 
de  liberté,  il  n'existe  maintenant,  dans  les  campâmes  de  la  Chine,  ni 
écoles  publiques  ni  écoles  de  charité,  défrayées  par  le  gouvernement. 
Les  écoles  ne  sont  fondées  qrfautant  que  les  habitants  du  lieu  sentent  le 
besoin  de  l'instruction  première;  et  puisque  chaque  village  chinois  a  son 
école  qui  se  soutient  par  elle-même,  il  s'en  suit  que  les  paysans  chinois 
raisonnent  certainement  mieux ,  à  cet  égard ,  que  les  cultivateurs  de 
beaucoup  de  parties  de  la  France. 

Les  écoles  particulières  des  villages  sont  appelées  bio-kouan.  D'après 
le  docteur  Morrisson ,  qui  a  résidé  si  longtemps  à  Canton ,  les  enfants 
p'ayei<  un  droit  d'entrée ,  la  première  fois  qu'ils  viennent  à  l'école. 
Ce  droit  varie  de  i  fr.  5o  cent,  à  5  francs,  selon  le  plus  ou  moins 
d'aisance  des  parents  ou  tuteurs  de  l'enfant;  le  maître  compte  sur  cette 
offre,  mais  ne  demande  rien.  Outre  ce  droit,  chaque  écolier  paye,  à 
deuxjours  fériés  de  l'année,  aux  cinquième  et  huitième  lunes,  une  pe- 


MAI  1858.  .       279 

esli^cîale»  et  créée  en  faveur  des  familles  tartares,  4ont  tous  les  en- 
fiints  naissent  militaires.  Sauf  cette  exception»  le  gouvernement  ne 
ficend  à  sa  charge  que  les  frais  des  salles  d'examen,  dites  écoles  supé- 
rieures ,  dans  lesquelles  les  concoixrs  pour  les  grades  littéraires  ont  lieu 
à  certaines  époques  de  Vannée;  et,  comme  ces  concours  fournissent  les 
candidats  aux  emplois  administratifs,  on  voit  que  le  gouvernement 
chinois  ne  s'occupe  effectivement  de  Tinstruction  publique  que  pour 
choisir  ses  employés.  Mais  il  est  vraisemblable  que  ce  système  écono- 
mique est  assez  récenf,  et  que  renseignement  primaire  n  a  pas  toujours 
été  abandonné  à  la  libre  concurrence. 

En  effet,  si  nous  remontons  vers  l'antiquité ,  nous  trouvons  que  dans 
f  histoire  des  trois  premières  dynasties  chinoises,  avant  Tère  chrétienne , 
ks  écoles  se  confondent  avec  des  établissements  destinés  à  recevoir  et 
à  nourrir  les  hoaunes  âgés,  qui  s'étaient  distingués  par  leurs  services; 
et  ces  établissements  étaient  à  la  charge  de  l'État.  Très-probablement , 
les  vieillards  pensionnés  s'engageaient  jnoralenjient  à  exercer  l'enseigne- 
ment gratuit,  suivant  l'usage  qui  parait  se  retrouver  dans  les  anciennes 
institutions  de  l'Inde.  Après  cette  premièce  époque,  les  Han  durent 
Eure  de  grands  efforts  pour  relever  l'institution  détruite  par  les  guerres 
civiles.  Ils  joignirent  aux  gouverneurs  de  chaque  district  des  inspec- 
teurs dbargés  de  choisir  et  de  surveiller  les  maîtres  d'école,  et  sdors 
tous  les  étahlissen^nts  destinés  à  Tinstruction  paraissent  avoir  été  dé- 
frayés par  le  gouvernement,  comme  les  anciennes  maisons  des  vieil- 
lards. Plus  tard,  vers  le  vin*  siècle  de  nolré%re,  les  Thang  instituèrent 
les  concours  littéraires,  et  donnèrent  toutes  les  places  administratives 
aux  candidats  gradués  dans  les  concours.  Cette  institution  s^est  main- 
tenue, comme  on  le  sait,  depuis  ce  temps  jusqu'à  nos  jours,  et  ia  ré- 
compense qu'elle  assure  au  savoir  littéraire ,  doit  avoir  contribué  puis- 
samment à  répandre  ce  genre  d'instruction ,  en  multi[diant  les  candidats. 
Ceux  d'entre  eux  qui  obtiennent  les  grades  inférieurs,  mais  qui  déses- 
pèrent de  subir  les  hauts  examens ,  ouvrent  des  écoles  pour  utiliser  les 
connaissances  qu'ils  ont  acquises,  et  de  là  «ésulte  le  nombre  considé- 
rable d'écoles  réparties  dans  tout  l'empire.  Mais  copiaient  ces  écoles 
livrées  à ,  la  simple  concurrence  peuv^EiWelles  trouver  asçez  d'écoliers 
pour  se  soutenir,  et,  puisque  oes  écoliers  se  trouvent,  quel  est  le  motif 
principal  qui  porte  les  ci^tivateurs  chinois  à  rechercher  si  vivement 
l'instruction  pour  leurs  enfants  mâles?  La  réponse  à  cette  question  se 
trouve  encore  dans  l^institution  des  concours  littéraires.  Devant  ia  loi, 
en  remplissant  les  conditions  des  examens,  tous  les  Chinois  sont  égale- 
ment aptes  aux  emplois  administratifs,  de  quelque  rang  de  la  société 


280  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

qu'ils  sortent;  et,  d'après  lea  renseignements  les  plus  positifs,  la  grande 
ambition  de  tout  Chinois,  riche  ou  pauvre,  est  de  compter  un  fonc- 
tionnaire dans  sa  famSle.  Il  prépfœe  donc  son  fils  pour  le  but  éloigné 
des  examens ,  et  de  là  provient  principalement  cette  haute  estime  ac- 
cordée par  toute  la  nation  au  savoir  littéraire ,  comparativement  à  toute 
autre  espèce  de  connaissances.  La  props^tion  étonnante  de  l'instruc- 
tion primaire  en  Chine  est  donc  le  résultat  direct  et  constant  de  l'ins- 
titution des  concours  littéraires,  qui  crée  chaque  année  un  nombre 
proportionné  de  maîtres  et  d'écoliers. 

L'enseignement  primaire  étant  aujourd'hui  tout  è  &it  libre,  sauf 
l'inspection  plus  ou  moins  soigneuse  des  examinateurs  en  tournée , 
voyons- qudles  sont  les  méthodes  mises  en  pratique  par  les  maîtres. 
L'éducation  des  enfants  Chinois  commence  vers  l'âge  de  cinq  ou  six 
ans.  Ils  entrent  alors  aux  écoles,  pour  étudier  les  caractères  de  leur 
langue,  et  continuent,  même  dans  les  classes  pauvres,  jusqu'à  l'âge  de 
treize  et  quatorze  aiis.  D'après  les  missionnaires  européens  du  xvni*  siècle, 
I>ubalde  rapporte  que  les  maîtres  chinois  présentent  d'abord  aux  com- 
mençants une  sorte  d'A  B  C  ^émentaire ,  composé  de  quelques  cen- 
taines de  caractères,  exprimant  les  choses  les  plus  connues,  les  plus 
ordinaires,  et  tracés  en  gros  traits  sur  des. feuilles  de  papier,  avec  la 
figure  juxtaposée  de  l'objet  que  chacun  d'eux  représente.  Ces  figures, 
dit  Duhalde  dont  j'abrège  le  texte ,  sont  destinées  à  fixer  l'attention  des 
enjfânts  ;  mais  malheureusement  elles  sont  empreintes  des  mêmes  fohes 
superstitieuses  qui  se  retrouvent  dans  les  grandes  compilations  en- 
cydopédiques  des  Chinois  :  le  soleil  y  est  représenté  par  un  coq  à  trois 
pattes ,  placé  dans  un  cercle  ;  la  lune ,  par  un  autre  cercle  renfermant 
un  lapin  qui  pille  du  riz  ;  le  tonnerre ,  par  une  sorte  de  démon  qui  ' 
frappe  sur  cinq  ou  six  tambours.  Ou  conçoit  l'effet  pernicieux  que  de 
semblables  images  doivent  produire  sur  l'esprit  des  enfants;  mais  leur 


283  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

fias  pirfoites,  Iw  pl»*  propres  à  forma  l'ûtstnction  morale  et  Uttik- 
rajre  de  Vhtxantt.  Les  enbnts  doÏTcnt  les  tpfmodre  ptr  cœur,  sans  se 
tromper  d'un  seulcanetire ,  et  cette  âtude  est Jf  .plu» firtigante  tpi'oD 
puisse  imaiiaerï  car  les  HT  eh»,  et  surtout  les  fl|b>otit  d'une  extrême 
difficulté  à  oonprendra;  très-souvent  1*  sens  eanmpoaflîble  à  détanù- 
ner,  sans  le  secom  des  comoientaires.  Or  non-seidcinent  les  en&nti 
oe  fisent  pu  les  cranmentske»  :  le  maître  mime  ne  leur  donne  -.aur 
cune  ezj^catîon,  et  il  est  d'usage  que  le  sens  des  caractères  ne  soit 
expliqué  aux  fnCuits  que  lorsqu'il  les  savent  pat&item«Bt  par  cœur, 
(Jn  tfd  genre  de  tranâ  doit  donc  autant  fat%ner  leur  esprit  que  s'ils 
apprenaient  par  onur  deux  on  trois  milliers  de  logaridimea,  à  neuf 
dédmdes,  tds  que  ceni  de  no»  tables  européennes. 

En  même  temps  qu'ils  forUfient  ainsi  leur  mémoire  aux  dépens  de 
leur  intelligence,  les  enfants  s^  perfectiooneot  dans  l'écriture  et 
prennent  les  plus  grands  soins  pûUr  se  former  une  bdle  main,  genre 
de  mérite  trés-estîmé  dans  les  concours  littéraires.  Lorsqu'ils  con- 
naissent un  asseï  grand  nombre  de  caractères  pour  pouvoir  composer , 
ils  apprennent  les  règles  du  wen  tchuig,  ou  beau  style,  même  dans  les 
écoles  de  village,  fa'prèsM.  Voisin,  et  commentent  des  phrases  isdées 
de  Confncius  et  des  King  que  le  maître  leur  dicte.  Gomme  je  l'ai  dît, 
k  deux  époques  fixes ,  au  printemps  et  en  hiver,  'un  examinatetu-  est 
envoyé  par  te  mandarin  du  district  pouf  inspecter  les  maîtres  et  feire 
composer  les  ^èves.  Ceux-ci  doivent  suivre  les  écoles  pendant  toute 
l'année,  sauf  xm  mois  de  vacances  au  nouvd  an,  pendant  les  grands 
firoids ,  et  cinq  ou  six  jours  de  repos  an  milieu  de  fanoée.  Le  payement 
au  maître  se  &it  au  moins  pour  un  an;  et  généralement,  après  six  ou 
huit  ans  d'études ,  les  enfants  savent  lire  et  écrire  assez  pour  les  besoins 
de  la  vie  ordinaire.  Ceux  qui  se  préparent  pour  les  concours  iittéraîres 
continuent  d'étudier  pendant  un  temps  beaucoup  plus  long. 


284  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

rendre  l'esprit  paresseux  pour  toute  espèce  d'çSort.  L'expérience  ne 
confirme  que  trop  bien  les  indications  fournies  pal*  le  raisonnement. 
Le  Chinois  ne  conçoit  pas  même  ce  que  c'est  que  la  grammaire.  En 
mathématiques ,  il  sait  seulement  assez  pour  acheter  et  vendre.  U  sait 
très-mal  l'histoire  de  son  pays ,  et  en  gé<^r^phie,  il  ne  connaît  généra- 
lement rien  au.  delè  des  limites  de  son  canton.  En  astronomie,  il  est 
d'une  ignorance  comidéte«  et,  suivant  les  renseignements  les  plus  cer- 
tains ,  le  calendrier  impérial  est  encore  aujourd'hui  préparé  par  le  col- 
lée des  missionnaires  Lazaristes ,  qui  est  toléré  à  Péking.  Peu  de  lettrés 
reconnaissent  l'existence  des  langues  européennes ,  et  ils  ne  peuvent 
admettre  que  ces  langues  possèdent  une  littérature. 
.  Pour  airêter  celte  perte  immense  d'inteiiigences ,  les  premiers  eflforls 
doivent  se  porter  naturellement  vers  la  routine  des  écoles  actuelles,  et 
déjà  cette  réforme  est  commencée  avec  quelque  succès  par  les  Chinois 
convertis  au  christianisme ,  qui  tiennent  des  écoles  dans  le  Sse-Tchuen. 
D  est  évident  que  les  enfants  apprendraient  le  chinois  bien  plus  ai- 
sément ,  s'ils  passaient  par  une  série  de  livres  jdont  les  premiers  ne 
comprendraient  que  des  caractères  très-simples,  représentant,  autant 
que  possible ,  des  idées  iamilières  et  arrivant  ainsi  graduellement  aux 
caractères  plus  compliqués.  U  iaudrait  que  le  maître  expliquât  <^que 
mot  appris,  comme  dans  nos  méthodes  européennes;  qu'il  joignît  à 
cette  explication  des  anecdotes  amusantes,  des  notions  utiles,  et  de 
cette  manière ,  afsparaîtrait  une  grande  partie  de  l'ennui  et  de  la  torpeur 
mentale  qui  résultent  de  la  méthode  actuelle.  Mais  l'on  peut  dire  har- 
diment que  le  mal  ne  serait  pas  entièrement  détruit,  à  cause  de  la  forme 
même  de  la  langue  chinoise  qui  ne  se  prête  pas  au  développement  de 
l'intelligence  comme  une-  langue  alphabétique ,  et  c'est  cette  langue 
chinoise  elle-même  qu'il  faudrait  changer. 

-  Pour  atteindre  ce  but ,  un  correspondant  du  Qànese  Bepotitory  pro- 
pose l'introduction  immédiate  en  Chine  d'une  écriture  alphabétique 


286  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

pour  la  propagation  des  connaissances  ùtâès  a^est  éonstituée  k  Macao,  ef 
fait  tradoire  en  chinois  différents  traités  élémentaires  des  sciences  et 
des  arts  de  notre  Europe.  Mais  la  réforme  de  féducation  chinoise  et  la 
transformation' de  ta  langue  semî-idéc^raphiqae  en  langue  alphabétitjne 
seraient  des  conquêtes  bien  autrement  importantes  pour  le  perfection- 
nement intdlectuel  des  'Chinois.  Cette  rért^utîon  ne  peut  s'opérer,  il 
est  vrai ,  que  par  des  efforts  continus.  B  fandra  d'ad>ord  former  des 
lettrés  qui  répandront  l'instruction  parmi  leurs  compatriotes ,  et  très- 
probablement  ces  lettrés  ne  se  plieront  bien  à  cette  étude  nourdle 
qu'autant  qu'Hs  auront  été  convertis  au  cbristiaDisme  et  dégagés  de  la 
masse  de  pr^ugés  dont  tout  Chinois  est  imbu  dès  son  enfence.  Sous  ce 
rapport ,  je  crois  que  les  missionnaires  caAidiques  qui  ont  déjà  pénétré 
dans  le  Sse-Tchuen ,  qui  ont  autour  d'eux  trois  à  quatre  cent  mîUe  néo- 
pbitcB  et  ont  déjà  fondé  d%s  écoles  chrétiennes,  auraient  plus  de  facilité 
pour  former  des  mcûtres  de  la  nouvelle  langue  que  les  missionnaires 
protestants,  dont  les  rites  froids  et  austères  paraissent  peu  convenir  atix 
peuples  asiatiques.  Ceci  estl' opinion  même  du  gouvernement  ang^isdes 
diverses  présidences  de  llnde.  H  appelle  aujounThuï  des  missionnaires 
catholiques.  Certes ,  les  traductions  de  la  Bible  protestante ,  répandues 
par  M.  Gutzlaff  et  d'autres  missionnaires  anglais  sur  les  côtes  de  Chine 
ont  été  bien  plutôt  nuisibles  qu'utiles  k  la  |»x)pagation  du  christianisme, 
les  natiurels  étant  loin  d'être  ]^parés  pour  une  lecture  qui  doit  sembler 
un  peu  étrange ,  quand  la  foi  n'en  couvre  pas  les  nudîtéi. 

Sans  doute,  on  ne  peut  fixer  avec  certitude  l'époque  où  les  vieux 
préjugés  asiatiques  céderont  à  l'influencé  des  idées  européennes.  H  y 
aura  encore  bien  des  peines  éprouvées,  bien  des  sacrifices  accomplis.  Le 
gouvernement  chinois  pourra  fermer  ses  ports ,  s'il  n'a  plus  besoin  de 
l'argent  des  Européens,  et  imiter  l'exem^e  des  Japonais,  ses  voisins. 
Mais  la  Chine  n'est  pas  isolée  comme  le  Japcui  :  les*  missionnaires  pour- 


288  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

édairci,  rectifié  par  la  critique.  Tadte  Ta  écnti  une  époque  oà  la  Ger- 
manie, à  peine  oiverte  aux  Romaiiu  par  la  guerre  et  le  commerce , 
était  encore,  par  leur  curiosité  mal  satÎB&ite,  une  ré^aa  {deine  de 
mystères  et  mêmedeiiierTeâles:  les  notions  nécessairement  impar- 
iàites  qu'il  avait  pu  recueillir  sur  ses  diverses  populatlim,  et  l'en- 
.seoible  de  leurs  mœurs  et  de  leurs  usages,  il  loi  est  arrivé  ;  [««sque  iné- 
f  vïtablement,  de  les  traduire  parles  équivalents  inexacts  d'une  autre 
civilisation,  par  des  apressions  qui,  k  force  d'être  abrégées,  hé  mon^ 
trent  pas  suffisamment  tout  ce  que  vo/oit  l'historien,  ou  bien  qui,  em~  . 
{doyées  par  lui  à  divers  usages ,  laissent  dans  le  doute  sur  le  sens  pré- 
cis qu'il  y  .a  attaché.  Ajoutons  qu'il  les  a'  quelquefois  feussées ,  soit  en 
les  généralisant  plus  qu'il  n'en  avflfee  droit,  soit  en  les  tournant, 
comme  ont  Eût  chez  nous  Montaigne  et  Rousseau  de  l'innocence,  de 
la  pureté  prétendue  d'un  état  de  nature  imaginaire,  à  la  satire  de  la 
corruption  romaine.  Tacite  est  sans  doute  ici,  comme  partout,  un 
fort  grand  peintre  par  la  vigueur  du  dessin,  par  l'éclat  du  coloris  ;  mais 
on  peut,  on  doitmême  se  d^eren  quelques  points  de  son  exactitude. 
G'aat  avec  ce  sage  esprit  de  réserre  que  M.  Fauriel  lui  a  emprunté  les 
traits  par  lesquels  il  a  caractérisé  l'état  primitif  des  conquérants  ger- 
mains de  la  Gaule,  dans  un  tableau  qui  se  fait  lire  avec  Intérêt,  même 
après  ceux  qu'en  a  retracés  un  a.atee  professeur  de  la  faculté  des  let- 
tres, M.  Guizot,  dans  ses  mémorables  leçons  de  18 13,  de  iSaSetde 
1 829.  Tous  deux ,  obéissant  aux  convenances  ou  aux  habitudes  de  l'en- 
seignement, ont  méthodiquement  exposé  des  détails  jetés  par  Tacite, 
avec  une  sorte  de  confusion  qui,  en  un  pareil  sujet,  n'était  pas  sans 
art  :  peut-être  M.  Guixot  a-t-il  mieux  conservé  à  sa  peinture ,  même 
dans  ce  cadre  didactique ,  ce  que  le  modèle  offrait  de  fortuit,  d'incohé- 
rent, de  rude  ;  peut-être ,  chei  M.  Fauriel ,  le  grossier  produit  de  la 
force  des  choses  ressemble-t-il  trop  à  une  organisation ,  comme  lifi- 
méme  l'appeUe  ? 


I 


•     MAI  1858.  289 

meilleure  clef  pour  bien  entrer  dans  Tesprit  de  ces  lois  et  de  ces  cou- 
tumes. Cette  méthode ,  fort  naturelle  et  fort  généralement  suivie ,  n'a 
pas  toujours  été  sans  inconvénients  ;  elle  a  conduit  à  antidater ,  d'après 
des  analogies  trompeuses ,  certains  faits,  certaines  institutions^  M.  Fau- 
rid,  qui  le  montre  fort  bien  par  la  critique  de  plusieurs  opinions  hasar- 
dées, le  montre  encore,  si  je  ne  me  trompe,  par  son  propre  exemple, 
lorsqu'A  va  toucher  lui-même  l'écueil  qu'il  avait  signalé.  Cherchant  à 
mettre  en  reUef  les  caractères  les  plus  propres  à  faire  comprendre 
le  rô|e  iqu' ont  joué  dans  l'histoire  les  Germains,  «des  peuples  toujours 
en  mouvement,  toujours  en  guerre ,  la  faisant  par  besoin  et  par  goût , 
se  la  proposant  comme  un  but;  des  peuples  à  chaque  instant  arrêtés 
dans  le  développement  naturel  de  leur  civilisation ,  par  les  entreprises 
et  les  menées  de  chefs  égoïstes  et  turbulents ,  sur  lesquels  la  société  n'a 
point  encore  de  prise  certaine ,  »  il  s  arrête  avec  raison  à  ce  que  dit 
Tacite ,  comme  avant  lui  César ,  comme  après  lui  Ammien  Marcellin 
et  d'autres  historiens  encore^,  de  ces  chefs  [principes)  qu'entourait  une 
sorte  de  cortège  guerrier ,  de  compagnons  dévoués  à  leur  personne  et 
à  leur  fortune,  associés  à  leurs  projets  [comités),  les  suivant  dans  1* espoir 
du  butin ,  et  pour  la  satisfaction  de  leurs  inclinations  belliqueuses ,  dans 
des  entreprises  souvent  indépendantes  des  affaires  de  la  «ité.  Montes- 
quieu^ voit  là  l'origine  du  vasselage  ;  mais,  après  en  avoir  décrit,  avec 
les  expressions  de  Tacite,  la  forme  première,  il  ajoute  :  «  Il  y  avait  chez 
les  Germains  des  vassaux  et  non  pas  des  fiefs;  il  n'y  avait  point  de 
fiefs ,  parce  que  les  princes  n'avaient  point  de  terres  à  donner  ;  ou  plu- 
tôt les  fie&  étaient  des  chevaux  de  bataille,  des  armes,  des  repas.» 
M.  Fauriel ,  contredisant  Montesquieu ,  suppose  des  terres  à  ces  prin- 
ces ;  ces  terres ,  il  les  leur  fait  donner  par  le  public ,  et  il  attache,  dès  cette 
époque,  à  leur  possession  l'idée  d'une  distinction  politique  ,  d'une  su- 
périorité sociale  ,  Thonneur  attribué  plus  tard  au  bénéfice  territorial , 
à  la  propriété  foncière  (t.  I,  p.  497).  Ce  système,  qui,  je  crois,  appar- 
tient en  propre  à  M-  Fauriel ,  il  le  tire  d'une  phrase  de  Tacite  qu'il  tra- 
duit ainsi:  «C'est  un  usage  des  tribus  germaniques  de  distribuer  de  leur 
gré,  à  chacun  des  princes ,  une  certaine  quantité  de  bétail  ou  de  pro- 
duits de  la  terre  qui  sert  à  leurs  besmns ,  eh  même  temps  qu'elle  est  un 
honneur,  d  II  le  tire  surtout  de  ce  qu'il  ajoute  que ,  selon  toute  appa- 
rence, il  faut  entendre  par  le  mot  latin  f rages,  non  pas  seulement 
comme  il  traduit,  des  produits  de  la  terre ,  mais  des  terres  en  nature. 

'  Voyex,  dans  le  Tache  de  la  bibliothèque  ktioe  de  M.  Lemaire,  t.  V,  p.  11&, 
un  curieux  excartns  de  M.  Nau^el,  intitulé  ae  Conûtihu. — '  E$p,  des  Lois,  liv.  XXX 
eh.  m.  » 

37 


2fl0  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Je  crains  bien  que  M.  Faiirid.  a'ait  beaucoup,  abusé  du  passage  de  Ta- 
cite ,  lequel  est ainai conçu  (Genn.  vr)  :  moi  esCcintatifru  alfro  ac  vùitiM 
confwrt  prmeqiAas  mI  amentorm  v«tfj^am,  ^aod  pn>  honora  eceeptam 
«tûm  DêceuitatAat  «oMicnâ.  Ces  priacipes  paraisieBt  être,  non  pas  ceux 
que  veut  M.Faurid,lesquds  donnaient  à  leun  crautn  et  ne  recevaient 
pasiiinais  leaniagistratoouI(».roisque  Tadte désigne  indiffiiremjnent 

parie  mème'titcie:-ce  ifooi ai^nenlomin  td.Jragnm,  c'est  unelortede 

tribut  en  troupeaux  et  en  crains,  analogue  à  cer  amendes  fiscales  dont  il 
est  dit,  cb.  xn  :  pan  mahim  régi  veî  cioiti^...  txsoioibir,.  payé  i^od* 
tairement  *ltro,  et  par  tête  witùa ,  mot  qui,  d'après  la  plaça  qu'il  oc- 
cupe  dansrla  phrase,  doit  s'entendre  des  contriïuiaUes  et  non  pas  de 
ceux  auxquels  était  destinée  la  coatributi<Hi.  Le  sens  que  je  me  permets 
de  substituer  h  -celui  qu'a  préféré  M.  Fauriel  n'est  pas  nouveau;  je  le 
trouve  dans  les  diverses  traducti(His  de  Tacite  qui  sont  sous  ma  main, 
notamment  dans  une  que  distingue  une  parfaite  inteUigence  du  teite, 
ceUe  de  M.  Bumauf.  Si  Tacite,  comme  le  veut  M.  Faurid,  eût  donné 
ici  des  terres  en  propre  aux  chefs  germains,  il. n'eût  pu,  sans  se  con- 
tredire, aiBrmer  plus  loin,  cii.  xxvi,  qu'on  ne  connaissait  point  en 
Germanie  ces  sortes  de  propriétés.  H  est  vrai  que  M.  Fauriel ,  pins  con- 
séquent quede  le  serait  son  auteur,  n'admet  point  (t.  I,  p.  466)  ce 
.  qu'il  nous  apprend  du  système  d'agriculture  nomade,  en  vertu  dvquel 
de  nouveaux  champs  étaient  chaque  année  occupés  par  les  peuplades 
germaines,  et  distribués.  8d.on  les  rangs,  entre  leurs  membres,  sans  que 
jamais  la  terre  manquât  à  ces  partages  multipliés.  César  cependant,  que 
Tacite  appelle  qudque  part  le  meilleur  des  garants ,  sommât  aactortmi , 
lui  prèl^  ici,  ce  qui  n'est  pas  toujours,  son  autorité;  il  dépose., 
livre  VI ,  ch.  xn  de  sa  Guerre  des  Gaules,  du  même  &it,  dans  des  termes 
^  qui  n'iûnt  rien  d'équivoque  assurément,  et  il  se  d<mne  pour  l'expli- 
rpitîp;  par  des  raisons  politiques  et  mordes,  peut-être  au-dessua'ide 
l'intéllKence  des  baibares  et  de  leur  ébauche  de-société,  une  peme 


292  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

siècle.  Si  l'on  excepte  l'usage  persistant,  du  moins  chez  les  Burgondes, 
moins  avancés  que  les  Viaigoths,  des  compensations  pécimiaires  pour 
toutes  sortes  de  délita,  sans  en  excepter  le  meurtre .  la  sévérité  toute 
germanique  de  certaines  dispositions  pénales,  soit  à  l'égard  des  attentats 
qui  compromettaient  l'honneur  des  femmes  et  l'intégrité  du  mariage, 
aoit  contre  les  inâvctiona  au  devoir  de  rbosjntalifé ,  les  rè^es  de  ce  pa- 
tronage qui  par  des  liens  volontaires ,  mais  fort  étroits ,  dévouaient 
l'homme  au  service  de  l'homme,  et  préparaient  de  loin  les  relations  féo- 
dales de  vassal  et  de  seigneur  au  moyen  âge,  d'autres  traits  moins  sail- 
lantsqui  m'échappent ,  mais  que  n'a  point  omis  M.  Fauriel ,  tout  le  reste 
est  romain  dans  ces  lois  rédigées  au  nom  des  barbares  par  des  Romaine, 
comme  aussi  dans  l'ad minis tration  qu'elles  établissent,  comme  dans  les 
formes  du  gouvernement,  dans  les  oCBces  de  la  cour  des  nouveaux  rois. 
Car  ce  ne  sont  plus  de  simples  chels  de  bandes  «  chargés  de  conduire  et 
de  gouverner,  en  guerre,  des  hommes  qui  ne  les  suivent  qu'aussi  long- 
temps qu'ils  y  trouvent  leur  profit,  leur  plaisir  et  leur  honneur;  ce  sont 
des  chefs  civ88  et  politiques,  des  législateurs  dont  le  soin  principal  est 
de  maintenir  l'ordre  intérieur  de  la  société  ,  et  ne  faisant  la  guerre 
qu'accidentellement,  quand  elle  est  dans  l'intérêt  national ,  de  vérita- 
bles monarques  dans  le  sens  général  attaché  k  ce  mot  chez  tous  les 
peuples  policés  ;  »  disons  de  plus  encore,  avec  les  paroles  de  l'historien, 
que  ces  héritiers  de  l'empire  a  aspirent  à  régner  à  la  rolnaine  et  même  y 
sont  parvenus.  »  Leur  autorité  de  plus  en  plus  absolue  a  fini  par  rempla- 
cer ,  presque  complètement,  cette  volonté  publique  qui  se  déclarait  au- 
paravant dans  les  assemblées  nationales  des  peuplades  germaniques  par 
le  vote  de  chaque  homme  libre  sur  les  aHaires  de  tous.  Ces  inqenui, 
cesnobUes,  ces  principes,  autrefois  représentants  de  ia  cité,  ont  pris  place 
hiérarchiquement  dans  les  fonctions  civiles ,  politiques ,  militaires , 
et  sous  des  titres  pompeux,  empruntés  au  cérémonial  de  Rome  et  de 


294  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

l'existence  d'écrirains  lutins  de-ilatton  gothique  qui  fleurirent  pfol>a- 
blement  de  la  &d  dvciaquième  jièdle  i  cdle  du  sixième,  et  dont, 
plus  probablement  encore  ,  qnelquea-uos  appartiennent  aux' Visi^eths 
de  la  Gaule  ou  de  l'Ës[wgne.  Tels  lont,  entre  autres,  Athanarid,  Hel- 
debald,  Marcomir,  fréquemment  dtéa  par. le  géograpbe  anonyme  de 
Raveone,  qiû  les  qualifie  du  titre  de  philo80[Ae8.  TcJ  est  surtout  un 
bislorien  des  guerres  d'Attila  dans  la  Gaude ,  RoUienusfSuqael  M.  Fau- 
riel  s'arrête  davantage.  D'autre  part  les  Gallo-Romains,  par  une  sorte 
d'émulation,  travaillaient,  pour  le  compte  dflSbariiares,  à  assouplir  les 
langues  qu^ila  avaient  apportées  dans  la  Gai^,  k  le»  plier  aux  psaget  de 
]a  politique.  Sidoine  '  nulle  un  certaîtf  Syagrius ,  brillant  âève  de^Vii» 
gile  et  de  Gicéron,  qui.  devenu  l^islateur  et  même  poète  au  service 
des  Buigondes  et  dans  leur  langue,  leur  Soloo,-  leur  Amphîon,  s'était 
rendu  si  expert  à  manier  l'idiome  germanique,  qu'en  sa  présence  les 
barbares  tremblaient  de  faire  un  barbaiisme,  tepr»tente,formîdatfacere 
Ungaœ  ijub  bariaras  barharisamm.  La  mas»&  elle-même  de  la  popiilati(m 
conquérante  apprit,  ainsi  que'ses  cbe&,  le  langage  dîi  pays  conquis , 
et  finit  par  oublier,  par  pei'dre  le  sien  propre.  lesBurgtmdes  plus  tôt, 
les  Visigotbs  plus  tard,  et  moins  complètement,  coibme  le  lait  remar- 
quer M.  Fauriel,  qui  suit  jusqu'au  vi^  siède  la  trace  du  dialecte  gO' 
tbique.  Le  latin  adopté  par  eux ,  ce  n'était  pjBs ,  l'historien  le  &it  renuTr 
quer  judicieusement,  le  latin  grammatical  enseigné  dans  les  écoles,  écrit 
par  les  lettrés ,  parié  par  les  hautes  classes,  mais  un  latin  rustique,  anté- 
rieure cduiauquelon  donne  d'ordinaire  pour  première  or^ine  l'invasion 
des  langues  gennaniques ,  qui  avait  dû  lésulter  bien  auparavant  du  mé- 
lange des  idiomes  cdtique,  aquitain,  phocéen,  avec  la  langue  in- 
troduîte  dans  la  Gaule  par  la  conquête  romaine.  Sdon  l'c^inion  fprt 
vraisemblable  de  M.  Paurie),  les  C^mains  n'apportèrent  k  ces'âéments 
déjà  anciens  de  la  langue  tom^fe,  seulement  cjue  leur  contingent  de 
nouveaux  mots,  d'aceptions  noavelles.  M.  Fauriel  entre  à  cet  égard, 


296  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

entend  cela  au  propre  de  forteresses  rédlemeot  possédées  par  Aper , 
en  plusieurs  endroits  des  montagnes  d'Auvergne ,  et  -qui  lui  servent 
de  rebutes.  Mais  n'est-il  point  possible  que  Sidoine  ait  parié  au  figuré, 
que  cet  écrivain ,  si  rempli  d'allusions  classiques ,  se  soit  souvenu  de 
cet  asite,  où  Horace,  avant  BoUeau  et  tant  d'autres ,  fuyait  les  ennuis  de 
îa  ville  ; 

Ergo  ubi  mG-ln  montes  ei  in  arcem  es  urbe  reraori  ; 

{Sa(.//,vi,  i6.} 
de  ces  demeures  pastorales  des  montagnes  de  la  Noriquc  que  Vii^le 
peint-  dépeuplées  par  la  contagioiH  et  qu'il  désigne  précisément  par  le 
mot  de  Castella  ? 

,  Tum  sciât  aeriat  alpei  et  norica  siquîs 

CastdIA  in  tumnlù 

Nunc  quoque  post  tanto  videat  desertaque  régna 

PastoFUtn ,  et  longe  saltus  lateque  vacantes. 

[Gwrg.IU,  474.} 

Que  mes  citations  renversent  ou  non  les  châteaux-forts  d'Aper,  peu 
importe ,  puisqu'il  en  reste  à  l'opinion  avancée  par  M.  Fauriel  d'autres 
plus  inattaquables,  où  je  ne  l'inquiéterai  point.  R  est  temps  que  je  ter- 
mine me  analyse  déjà  bien  longue ,  en  indiquant  succinctement  le  su- 
jet des  dernières  pages  de  ce  onzième  chapitre,  si  riche  en  faits  et  en 
aperçys.  L'auteur  y  expose  la  situation  du  clergé  catholique  aux  temps 
et  aux  lieux  dont  il  s'occupe.  Il  le  représente  prêtant  au  gouvernement 
des  barbares,  dans  lesquds  il  voit  avec  ses  chefe  saint  Augustin,  saint 
Prosper,  saint  Ëuclier,  Salvim  et  autres ,  les  instruments  des  desseins 
de  la  Prondence,  l'appui  de  son  autorité  morale  et  de  sa  puissance  po- 
litique; mais  en  même  temps  intervenant  auprès  d'eux,  pour  les  Galio- 
Romains,  avec  dévouement,  avec  habileté  ;  jouant  entre  les  vainqueurs 
et  les  vaincus ,  entre  les  deux  sociétés  violeomaent  rapprochées  par 
l'invasion,  un  rôle  d'intermédiaire  utile  à  tous ,  et  oii  il  trouve  lui-même 


208  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

le  consultera  sans  lyase ,  pour  connaître  l'état  passé  des  systèmes  stel- 
laires  qu'elle  y  trouvera  fixé  si  exactement.  Mais  nous,  contemporains, 
en  soldant  à  cette  gloire  si  juste ,  et  si-simplement  acquise,  n'aurioa»- 
nous  pas  aussi  un  sérieux  enseignemuit  i  recueillir  des  circonstiUteQs 
dans  lesquelles  ce  monument  scientifique  a  été  élevé?  11  sort  d'un  pays 
qui  était,  il  y  a  moins  de  cent  cinquante  ans,  étranger  aux  sciences 
de  l'Europe,  à  ses  arts,  à  sa  civilisation.  Les  moyens  de  l'exécuter,  de 
le  publier,  ont  été  libéralement  fournis  par  la  munificence  d'un  gou- 
vernement dont  nous  sommes  habitués  à  supposer  que  le  principe  et 
l'essence  est  d'être  contraire  à  toute  extension  des  connaissances  hu- 
maines -,  tandis  que  nous,  par  l'inBuence  d'institutions  toutes  différaites, 
nous  sommes  peut-être  et  nous  deviendrons  probablement  de  plus  en 
plus  incapables  de  léguer  à  l'avenir  une  œuvre  pareille  de  science  pa- 
tiente, laborieuse  et  profonde.  Comparez  nos  excitations  fébriles  de  po- 
pularité ,  avec  )a  tranquille  abstraction  de  M.  Struve ,  s  excusant  dans 
son  introduction  d'avoir  été  trop  souvent  contraint  de  quitter  son 
observatoire  de  Dorpat ,  pour  aller  à  Saint-Pétersbourg ,  ce  foyer  du 
pouvoir  et  de  la  faveur,  où  la  juste  confiance  du  souverain  et  de 
ses  ministres  f appelait,  pour  aider  de  ses  conseUs  à  la  création  d'un 
nouvel  et  plus  magnifique  établissement  consacré  aussi  à  l'astronomie! 
Lorsque  les  dignités,  les  richesses,  et  toutes  les  vanités  passagères  de 
la  vie  s'offi^nt  comme  une  chance  accessible  à  quiconque  sait  cap- 
tiver les  r^ards  de  la  foule,  comment  les  esprits  supérieurs,  qui  au- 
raient pu  travailler  pour  l'avenir,  résisteraient-ils  à  la  tentation  de  se 
saisir  du  présent?  et  quelle  abnégation,  quel  courage  ne  leur  faudrait- 
il  pas  pour  le  dédaigner?  Les  grandes  découvertes  scientifiques  f>ar  les- 
quelles un  pays  voisin  s'est  illustré,  en  reculant  h  loin  les  bornes  des 
connaissances  humaines ,  sont  peut-être  dues ,  en  très-grande  partie ,  à 
l'impossibilité  de  fi'anchir  certaines  barrières  de  rangs  et  de  distiiK- 
tions  sociales,  jointeà  l'espérance  presque  assurée  d'un  sort  fixe  ettran- 


500  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

la  ré6exion  d'une  lumière'  artificielle  sur  des  sphères  de  métal  poli. 
D'après  l'immensité  de  leur  nombre,  si  l'on  imagine  un  raycm  visuel 
infiniment  délié,  dirigé  vers  un  point  qudconque  du  ciel,  on  doit 
conceroir  qu'on  trouvera  presque  toujours  une  étoUe,  et  peut-être 
plusieurs,  situées  sur  son  prolftngement.  Or,  en  effet,  on  connaît 
déjà  des  milliers  de  ces  directions  sur  lesquelles  deux  ou  plusieurs 
étoiles  se  voient  simidtanément  presque  au  même  point  des  fils  mi- 
crométriques; quelquefois  à  des  distances  angulaires  si  excessivement 
petites,  qu'il  faut  employer  les  télescopes  tes  plus  puissants,  et,  sur 
quelque&-imes ,  des  grossissements  qui  amplifient  jusqu'à  mille  fois  les 
diamètres ,  pour  résoudre  leur  image  commune  en  deux  astres  distincts. 
On  les  appelle  alors  étoiks  doubles  ou  maUipks,  selon  le  nombre  d'élé- 
ments stellaires  dont  elles  sont  composées;  et  l'on  étend  d'ordinaire 
cette  dénomination  jusqu'aux  groupes  dont  les  éléments  sont  séparés 
par  un  an^e  visuel,  qui  n'excède  pas  trente-deux  secondes  de  degré. 
Les  fils  d'araignée  employés  dans  l'instrument  de  M.  Struve,  et  que  l'on 
amène  sur  l'image  des  étoiles  pour  en  fixer  la  position ,  sous-tendent  à 
peu  près  la  soixante-quatrième  partie  de  cet  intervalle.  On  limite  la  dé- 
nomination d'étoile  double  à  cet  angle  de  trente-deux  secondes,  parce 
qu'il  suffit  pour  comprendre  les  plus  larges  des  groupes  stellaires  jus- 
qu'ici connus ,  dont  les  éléments  ont  présenté  les  caractères  d'une  con- 
nexion physique,  et  que  l'existence  d'une  telle  connexion  semble  moins 
présumahle  à  mesure  que  l'écart  s'agrandit. 

Toutefois,  de  ce  que  deux  ou  plusieurs  étoiles  paraissent  ainsi  très- 
voisines  angulairement,  on  ne  doit  pas  conclure  qu'elles  sont  effecti- 
vement rapprochées  et  encore  moins  dépendantes  les  unes  des  autres. 
Elles  peuvent  encore  être  séparées  par  des  distances  immenses  sur 
chacune  des  droites  où  nous  les  apercevons.  Leur  rapprochement  sera 
alors  purement  optûfoe.  Mais  il  se  peut  aussi  qu'il  soit  réel  compara- 
tivement à  leurs  distances  aux  autres  astres;  et  qu'en  conséquence  de 


502  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

belle  œuvre  peut-être ,  au  célèbre  mécanicàen  ct'optiolen  FrauohoSier. 

L'eiApereur  Alexandre  en  a  enrichi  l'observatoire  de  Dorpat 

Concevez  un  Img  tube-île  métal  ayante  ses  dein  bouts  des  {nrots 
parfaitement  travaillés ,  que  revivent  et  «ontiennent  deV'  trous  oinKi'- 
laires  de  même  diamètre  percé*  dans  des  plaques  fixes.  Puis  supposez 
que  la  droite  idéale  menée  par  ces  points  extriknefi,  est  diiîgée  snivaiit 
l'axe  idéal  de  la  rotation  diurne  du  ciel,-  et  reste  Brrâriablemeiit  mr 
cette  direction.  Si  l'on  atta<die  au  tube  un  cercle  divisé  dont  le  plan  soit 
parallèle  à  cette  ligne,  il  contiendra  dans  son  prolongement  les  deux 
pôles  de  rotation  c^estes  -,  et  si  le  cerde  porte  une  lunette  mobile,  dont 
l'axe  optique  reste  toujours  parallèle  k  son  plan,  cet  axe,  dirigé  ven  Ofte 
étoile  quelconque ,  sera  exactement  i  la  même  distance  an^aire  du 
pôle  visible  que  fétoile  elle-même;  car  les  dimensions,  non-seidement 
de  l'appareO ,  mais  de  la  terre  entière,  sont  comme  nuHes  comparative- 
ment k  la  distance  où  ces  astres  sont  de  nous.  Donc,  une  fois  ces  alige- 
ments  établis,  si  l'on  fait  tourner  le  long  tube  central  au  moyen  d'une 
horloge ,  avec  une  vitesse  de  rotation  angulaire  exactement  égale  è  celle 
du  ciel,  latuiiette,  se  mouvant  coifame l'étoile ,  restera  toujours  dirigée 
sur  elle  -,  et,  ai  l'on  a  tendu  à  son  foyer  des  fils  micrométriques,  l'image  de 
l'étoile  une  fois  amenée  sur  un  point  de  ces  fils  y  restera  toujours ,  pré- 
cisément comme  si  le  ciel  et  la  Innette  étaient  fixés.  On  conçoit  toute- 
fois que  cette  coïncidence  ne  sera  parité  qu'autant  que  l'instrum«it 
sera  parfait  lui-même,  et  rigoureusement  r^é  dans  toutes  lesparlies 
de  son  mécanisme,  aussi  bien  que  la  meilleure  montre.  Mais  tel  est 
celui  de  FVannhoffer.  On  n'y  voit  dans  la.  position  apparente'  de  f  étràc 
que  les  petites  variations ,  impossibles  à  éviter,  mais  cdculables ,  que 
la  réfraction  atmosphérique  produit. 

Les  avantages  d'un  semblable  appareil  sont  évidents.  L'astronome 
n'a  plus  aucune  peine  pour  suivre  l'astre  ou  le  système  d'astres  qu'il 
veut  observer.  Une  fois  qu'il  l'a  amené  dans  sa  lunette,  l'instrument 


504  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

reste  à  raconter.  Je'ies  eitrais  surtout  de  la  lettre  de  M.  Stnive  k 

M.  D'OuvarofF.  Cette  lettre,  par  parenthèse,  est  écrite  en  françaû;  et 

en  bon  français ,  comme  on  a  pu  le  voir  par  le  passage  qne  j  e  viens  de 

citer. 

En  comparant  ses  observations  propres  avec  celles  du  premier 
Herscbell,  M.  StTuve  établit  comme  connues,  en  iSSy, 

58  étoiles  doubles  dans  lesquelles  il  s'est  opéré  un  changement 

de  position  relative  non  douteux; 
39  où  ce  changement  est  probable; 
66  où  il  n'est  qu'indiqué  ; 
en  tout  cent  soixante-trois  nouveaux  systèmes  s<^ires  découverts  de- 
puis l'année  1780. 

Les  étoiles  doubles,  qui  sont  angulairement  les  plus  voisines,  sont 
en  général  celles  où  les  changements  relatifs  sont  l^s  plus  manifestes. 
C'est  un  nouvel  indice  de  leur  production  par  une  force  physique ,  la 
distance  devant  en  affaiblir  l'action. 

Il  y  a  quatre  systèmes  stellaires  doubles  dont  le  temps  de  révtdution 
est  parfaitement  connu,  parce  que,  depuis  les  premières  observations 
de  Herschell,  les  corps  qui  les  composent  ont  décrit ,  et  même  quelques- 
uns  plus  d'une  fols ,  leurs  orbites  entières.  La  forme  de  ces  orbites  et 
les  lois  suivant  lesquelles  eUes  sont  parcourues ,  prouvent  que  la  force 
qui  r^e  les  mouvements  est  dirigée  suivant  la  droite  qui  joint  les  corps 
de  chaque  système,  et  que  son  intensité  est  réciproque  au  carré  de  leur 
distance  mutuelle,  comme  cela  a  lieu  dans  notre  système  solaire  pour 
tous  les  corps  qui  en  font  partie.  On  sait  aussi  très-approximativement 
la  période  de  révolution  de  trois  autres  couples,  parce  que,  depuis 
qu'on  les  observe,  ils  ont  décrit  une  portion  de  leur  orbite  assez  con- 
sidérable, pour  qu'on  ait  pu  calculer  le  reste  suivant  les  mêmes  lois 


306  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ces  j^iéncmièoest se  reproduisent  dans* les  étoiles vdouUes  ou  multiples, 
et  ils  y  soal  généralement  plus  marqués  que  dans  les  simples.  M.  Struve 
les  rapporte  en  détail;  mais,  les  ayant  déjà  décrits  pour  la  plupart  dans 
les  articles  que  j'ai  rappelés^  je  ne  les  répéterai  pas  ici. 

Plusieurs  lui  ont  présenté  aussi  des  changements  d*intensité  progrès*' 
sifs  qu'il  considère  comme  indubitables.  Gela  est  très-conforme  aux 
phénomènes  que  Ton  a  observés  dans  un  assez  grand  nombre  d'étoiles 
simjrfes ,  dont  quelques-unes  même  ont  paru  tout  à  coup  dans  le  del , 
y  ont  brillé  pendant  pluûeurs  années  d'un' éclat  changeant,  mais  en 
restant  fixes  à  la  même  place,  puis  se  sont  graduellement  affidblies  et 
ont  cessé  d*étre  visibles,  s'étant  probablement  éteintes.  Ces  soleils  loin- 
tains peuvent  donc  éprouver  ainsi  d'immenses  convulsions  Jntérieures, 
aceompagnées  de  dégagements  proportionnés  de  chaleur  et  de  lumière, 
qui  expliquent  très*bieif  les  changements  de  coloration  observés  dans 
plusieurs  d'entre  eux. 

Si  les  soixante^euf  millions  de  lieues  qu'embrasse  le  grand  axe  de 
l'orbe  terrestre  ne  sont  pas  comme  xm  point  tout  à  fidt  insensible  com- 
parativement à  la  distance  des  étoiles  les  plus  rapprochées  de  nous, 
les  raycms  vIsimLs  menés  de  la  terre  à  une  même  étoile  pendant  le  cours 
d*une  année ,  doivent  la  projeter  sur  des  points  différents  de  la  sphère 
céleste ,  et  lui  faire  décrire  en  apparence  une  petite  ellipse  dont  la  posi- 
tion ainsi  que  la  grandeur  angulaire  dépendent  de  la  situation  de  l'é- 
toile et  de  sa  distance  à  notre  soleil  ;  en  sorte  que  cette  distance  serait 
connue  par  le  calcul,  si  l'angle  sous-tendu  par  la  petite  ellipse,  et  que 
l'on  nomme  la* parallaxe  annuelle,  pouvait  être  mesuré.  Une  détermi- 
nation aussi  importante  a  naturellement  provoqué,  de  la  part  des  as- 
tronomes ,  les  plus  grands  efforts*  Mais  en  vain  ont-ils  appelé  le  c^oul 
à  leur  secours  pour  connaître  le  temps  et  les  astres  les  plus  favorable»  à 
l'observation;  en  vain  ont-ils  employé  toutes  les  variétés  d'instruments 
lims  ott  mobiles^  et  les  plus  précis  dont  ils  disposent;,  les  erreurs  de 
cas  instruments  et  des  observations  se  sont  jusqu'ici  trouvées  du  même 
ordre  de  grandeur  que  la  quantité  qu'il  fallait  déterminer;  et  l'on  a. pu 
seulement  en  conclure  que,  parmi  toutes  les  étoiles  avxqudles  ces 
épreuves  ont  été  appliquées,  il  n'en  est  aucune  dont  la  distance  au  soleil 
ne  surpasse  plus  de  quatre  cent  mille  fois  cdle  de  cet  astre  à  la  terre. 
Car  pour  une  telle* limite  de  distance,  la  parallaxe  annuelle^ qui  aurait 
été  de  i",  n'aurait  pu  échapper  à  la  délicatesse  desmesures.  M.  Struve 
a  #si«yé  dlappUquer  ila  mâme  recberche  la  puissance  et  les  propriétés 
spéeiales4e  «os  aéaairable  instrument.  Il  a  choisi  pour  cette  appUcatîoo 
la  briliantei  de  la^Lyveç.  maia  tout  mécanis|ne  matériel  deviaot  ^rost 


508  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

plus  fevorables;  et  il  présente,  à  peu  près  comme  je  viens  de  le  faire, 
les  trois  genres  de  conditions  qui  les  recommandent  à  Texamen  des  as- 
tronomes, n  est  d'autant  plus  nécessaire  de  le  dire ,  que  Ton  a  quelque- 
fois attaché  trop  d'importance  au  caractère  tiré  de  Téclat  s^d  ;  et  peut- 
être  les  expressions  employées  par  M.  Struve  lui-même,  dans  sa  lettre 
à  M.  D'Ouvaroff ,  prêteraient  à  cette  interprétation ,  si  la  discussion  dé- 
taillée qu  il  a  Élite  de  ce  point  délicat  d'astronomie ,  dans  l'introduction 
de  son  grand  ouvrage ,  ne  prouvait  que  son  sentiment  est  réellement 
tel  que  je  viens  de  le  présenter.  L'esprit  de  critique  propre  au  Journal 
des  Savants  sort  un  peu  des  habitudes  ordinaires  :  il  aime  beaucoup 
plus  à  faire  ressortir  la  vérité ,  qu'à  découvrir  l'erreur* 

Je  terminerai  cet  article  par  une  réflexion  que  j'ai  vu  jaillir  (}*un  en- 
tretien sur  ces  grands  objets,  avec  un  des  premiers  géomètres  de  notre 
siècle,  dont  je  m'honore  d'être  l'ami. 

Tous  les  mouvements  qui  s'exécutent  dans  notre  système  solaire,  et 
probablement  aussi  dans  le  reste  du  monde ,  sont  réglés  par  l'intensité 
de  l'attraction  qu'exercent  l'une  sur  l'autre  deux  unités  de  masse,  placées 
à  l'unité  de  distance.  Si  cette  intensité  deven^t  plus  grande  ou  moindre 
qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui ,  les  vitesses  absolues  des  mouvements  chan- 
geraient, ainsi  que  la  forme  et  les  dimensions  des  orbites  décrites.  La 
mesure  de  cette  intensité  est  ainsi  empreinte  dans  les  mouvements  eux- 
mêmes  ,  et  le  calcul  peut  la  déduire  de  chacun  d'eux,  en  les  ramenant 
à  des  termes  comparables.  Or,  quelque  phénomène  d'attraction  que 
l'on  prenne  pour  donnée,  parmi  ceux  que  notre  système  solaire  pré- 
sente ,  que  ce  soit  l'action  de  la  terre  sur  les  matières  terrestres  de  na- 
ture quelconque,  ou  son  action  sur  la  lune,  ou  celle  des  planètes 
entre  elles  et  sur  les  comètes ,  ou  enfin  celle  du  soleil  sur  tous  ces 
corps  et  sur  leurs  parties  si  diverses ,  si  différemment  constituées ,  l'in- 
tensité conclue  de  la  force  attractive  se  trouve  toujours  la  même  identi- 
quement. L'induction  la  plus  vraisemblable  porte  à  croire  que  ce  résul- 
tat général  doit  s'étendre  aux  systèmes  stellaires ,  puisque  la  force  qui 
régit  leurs  orbites  suit  encore  la  loi  réciproque  du  carré  des  distances, 
précisément  comme  notre  attraction;  ce  qui  semble  étendre  celle-ci  à 
toutes  les  portions  de  matière  existantes  dans  l'univers.  Voilà  donc  un 
élément  physique,  cette  intensité,  qui  se  trouve  avoir  une  valeur  défi- 
nie, spéciale,  laquelle  n'est  affectée  à  aucune  particularité  des  corps, 
ni  de  leurs  molécules,  puisqu'elle  est  la  même  pour  tous  et  pour  toutes 
sans  exception.  Quelle  raison  suffisante  pourrait  la  leur  attacher  ainsi 
en  commim,  avec  une  valeur  déterminée,  spéciale,  quoique  indépen- 
dante de  lairs  diverses  qualités?  On  n'en  conçoit  aucune;  et,  dans  l'é- 


■■'^. 


310  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Let  pa[rpriia'-étaifat;arnTé8.âans  un  grand -déiordre,  parla  àéf^' 
geiioe  de  ceux  i^M'ttrèient  vendus,  onpar-c^edescmbRUeurs.  Des 
mOTCtaux  &{qMrtgiant  au  naénw  mmiscrit,  «e  tnmvBieDt  souseat  dis- 
persés dans  .pluaiems^caisses;  il  ^Uutiréunir  cesdébris  épnt.  <  A{Kiè> 
cette  pmnière  et  difiicSeiopératioa ,.  bs  papjnis  entiers,  ainsi  que  'les 
moindres' &Bgtaealfl, 'forent  copiés  et  restitués,  mis > en  ordre  et'^- 
Tiscseo  UB  certain  noiniiTe  de  oatégoiies,  d'après  kttaturttdu  si^et. 
Je  puis  dire  que  le  musée- ne  possède  ipas  une  ligne  inédite  de  grec  qui 
n'ait  été  transcrite  de  ma  nttin ,  dans  la  première  moitié  de  l'année  1838. 
La  totalité  de^oes  copies/fonne  une  ctdlection  de  6î  pièces,  quelques- 
unes  d'une  étendue  assez  eonsidéreble ,  ddnt  le  x^Kl  est  plus  oninnns 
curieux t  {dufiieurs  ont  un  trè&haut  intérêt.' 

Une  pareille  colleotieD  méritait  d'être  publiée-,  et  elle  l^urait^été 
depuis  longtemps ,  si  cette  publication,  -qui  exige  )a  gravure  d'un  graad 
nombre  de  fac-timUe ,  ne  devait  ,pas  entraîner  de  grandes  dépenses.  Les 
circonstances  l'ont  retardée  jusqu'ici;  j'ai  pu  en  reprendre  le  projet;  et, 
depuis  six  mois  je  m'en  occupe,  en  y  employant  tout  le  temps  que  me 
laissent  mes  autres  travaux. 

En  attendant ,  j'ai  publié,  à  diverses  reprises,  comme  échantillons  de 
cette  collection  précieuse,  deux  papyrus  de  peu  d'étendue,  curieux  par 
leur  sujet'. 'En  rendant  confie  ,'>danB  ce  journal,  dès  le  mois  de  février 
18a 8,  du  beau  travail  de  M^Peyxon.sur  les  papyrus  du  musée  de  Turin, 
j'ai  annoncé  l'existence  d'une  pièce  importante,  citée  dans  le  grand  pa- 
pyrus dont  il  a  donné^  l'explication -,  cette  pièce,  qu'on  croyait  perdue,  se 
trouve  dans  la  collection  de  Paris;  u  Elle  contient,  ai-je  dit,  69  lignes 
H:de7olettres environ  chacune.  Je  l'ailue ,  c<^iée  et  Fral3tnée'(p.  1 1 0]  ». 
Pendant  Son  séjour  k  Paris,  M.  Peyron^  a  vu  la  copié  decette  pièce ,  ainsi 
que  toutes  les  autres.  Au  reste,  la  coUectfcn  entière  de  mes  copies  a  tou- 
jours'été  à  la  disposition  d«  .ceux  qui  en  ont  eu  bes<rin  et  qui  m'en  ont 


312  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

ce  papyrus?  Cest  ee  que  l'on  comprendra  &cîlenieDt,'  qiund  on  mut* 
que'le  maouscrit,  qui  paraît  appartenir  &  un  Traité  de  diabcfifiu,  con- 
titht,  dans  ce  qui  noua  en  reste,  un  recueil  d'exemple»,  cités  k  l'appui 
des  r^les  exposées  précédemment.  Tous  ces  exemples,  au  nombre  de 
vingl-qaatre ,  et  tirés  d'anciens  poètes,  sont  des  propositions  négatives, 
iÇimfuem  aîaofMTW,  répétées  littà^ment  chacune  deux,  trois,  quatre  et 
jusqu'à  huit  fois,  pour  établir  que  telle  ou  telle  de  ces  propositions-  né- 
gatives est  un  u^imfM  «XnSif,  ou4*<^c  on  bien  tiÂ7tg)t>  vnù,faax,  on 
ni  l'an  ni  Xaatre,  et  qu'on  peut  ou  qu'on  ne  peut  pas  y  opposer  une  pro- 
position a£Brmative,  t^itÊ/M  wmf«inwr. 

Ce  traité  avait  donc  été  rédigé  d'après  les  principes  admis  par  les 
stoïciens,  et  principalement  par  Cbrysippe,  dans  ses  ouvrages  sur  la 
dialectique;  c'est  ce  qu'on  peut  voir  dans  Diogène  Laerce  ' ,  qui  nous 
donne  une  idée  assez  complète  de  ces  distinctions  subtiles.  Je  dévdoppe 
ce  point  dans  mon  coomientaire. 

L'époque  de  ce  manuscrit  est  un  élément  qu'il  importe  de  se  pro- 
curer. Je  puis  au  moins  dqaner  la  limite  inférieure  de  cette  époque. 
Voici  comment  :  le  papyrus  est  opisthographe  ou  écrit  aussi  par  derrière. 
Les  pièces  écrites  de  l'autre  côté,  que  j'appellerai  le  verso,  consistent  dans 
le  récit  de  songes  (^tenus  et  racontés  en  grec  barbare  par  un  égyptien , 
un  v/T»^  ou  inspiré  du  temple  de  Sérapis,  et  dans  des  comptes  tenus 
par  un  personnage  attaché  à  ce  temple. 

Par  des  raisons  qu'il  serait  trop  long  de  déduire,  j'u  acquis  la  certi- 
tude que  le  recto ,  ou  le  côté  qui  contient  les  fragments ,  a  été  écrit  avant 
l'autre.  Les  pièces  écrites  sur  le  verso,  l'ont  été  l'an  ii  du  règne  de 
Philométor,  en  1 60  avant  J.  C.  Le  morceau  sur  la  dialectique  est 
donc  antérieur  à  cette  époque  ;  de  combien  t>  Je  l'ignore.  Mais  un  ma- 
nuscrit grec  du  II*  et  peut-être  du  tu*  siècle  avant  J.  G.  est  à  coup 
sûi^d'ime  antiquité  fort  respectable,  et  que  n'atteignent,  d'une  manière 


514         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

«  cottibien  eit  yrai  cet  ancien  adage  :  Un  lunmnt  bon  ne  saurait  naître  £aa 

«mammit  p^.» 

V.  Col.  lo.  Oùx  iA  mumc  ixÊfûmtt  nfcAv^w.  «  Ce  c'est  pas  «jiui  que 
«  ootis  donnons  la  sépulture  anx  nautoaiers  qni  oot  péri.  »  Ce  vers  est  le 
I  a  6 1  *  de  l'Hélène.  Dans  l'un  des  trois  exemples ,  le  copûte  a  lu  oXd^m/  , 
faute  corrigée  dans  les  deux  autres. 

VI.  Col.  lo.  OvK  tnv  -m  :)fl-\iBni  îSJk»«îAr.  «Nulle  terre  ja'est plus 
((  chère  que  ceUe  qui  nous  a  nourrie,  n  Fiagmoit  du  Piueiùa:,  égale- 
ment conservé  par  Stobée  ', 

VII.  Col  lO^R.  oùx  tçn  oiiif  Jia.  TiXocf '  fuJ^uft^v.  L'auteur  n'est  pas 
désigné;  mais  ce  fragment  doit  être  tiré  dcxchii  de  l'^i^^^  d'Euripide, 
dont  Stobée  a  conservé  ces  trois  vers  -. 

La  phrase  est  tirée  du  dernier  vers'  que  le  dialecticien  a  changé  pour 
l'approprier  à  son  sujet.  Il  youlait  une  proposition  négative  ;  or  le  vers 
commençant  par  ÏoçkXi  et  iitùj\iç  rie  pouvait'  Convenir  à  une  proposi- 
tion absolue  ;  il  a  donc  changé  la  tournure  et  dit  ;  avu  ï«r  owfll»,  x.  t.  x. 
où»  tsir  obligeait  de  mettre  ciJiv»,  qui  ne  pouvait  entrer  dans  le  vers, 
il  a  donc  employé  le  neutre  oùSiv  et  changé  tCJiufuft?  en  tôjiufunTv  que 
la  syntaxe  appelait  nécessairement.  Quant  à  la  forme  où6i»  pour  aCjiv, 
elle  n'est  ni  du  temps  d'Euripide  ni  du  dialecte  attique'.  Cette  pensée 
qu'Euripide  à  reproduite  dans  rAnd/tinuj^ae  *,  et  Sophocle  dans  l'Œdipe 
roi  ^  ainsi  qu'au  commencement  des  Trachiniemnes,  fait,  comme  on  sait , 
ie  fonds  du  discours  de  Solon  à  Crésus ,  dans  Hérodote.  Au  reste ,  il  se- 
rait long  de  rapporter  tous  les  textes  tant  grecs  que  latins ,  où  elle  a  été 
mise  en  œuvre. 

Vni.  Col.  1 3  fin.  OÙk  h;  (tvilp  ct-voDuc ,  otj  9x,tuôi.  Ce  vers ,  cité  comme 


316  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

parie  a  été  élevé  è  Thèbes.  Cette  circoDStance  rend  bien  vraisemblable 
que  c'est  Pmdare  lui-même  qui  s'exprime  ainsi,  et  que  nous  avons  là  un 
fragment  de  quelqu'une  de  ses  odes  perdues. 

On  sait  qu'il  se  met  quelquefois  en  scène  ',  et  qu'il  parie  souvent  de 
Thèbes,  sa  patrie,  à  laquelle  il  donne  des  épithètes  honorifiques  ou 
flatteuses  :  f4iîx0*ffi^,  Ximpo}  ^  mAiîxXMnc*,  comme  ici  ,  MXtrmi  eHCc/;  il 
l'appelle  sa  mère,  /ûmpt/M,..,  jgi«anm  9SCtt'.  Cette  mention  de  Thèbes, 
et  l'élt^e  de  sa  patrie ,  qui  s'y  trouve  exprimé ,  sont  tout  k  fait  dans  le 
goût  de  Pindare. 

Le  style  et  le  dialecte  du  fi^agment  appuient  d'ailleurs  cette  conjec- 
ture. Quant  au  mètre,  ceux  qui  savent  la  difficulté  de  rétablir  celui 
des  fii-agments  isolés  de  Pindare  trouveront  sans  doute  téméraire  tout 
essai  pour  découvrir  celui  de  cette  ligne  poétique.  On  peut  remarquer 
cependant  que  les  quatorze  premières  syllabes  forment  un  vers  construit 
comme  celui  qu'Héphestion  nomme  ÉoUtfae ,  te)  que  celui  de  Sapho  : 

Ôfrawu  figiJtr^  n  fiÀht^'    ïi^Jht ,   ( uv  —uv  -vu  — ),  justement 

comme  :  «imi  /u  Çiraf,  ei!j^'  àJkKfiaret  fuunr. 

Ce  mètre  a  été  employé  par  Pindare  lui-même";  le  reste,  hrniJ^mv 

kAvtù  eîfCt^,  (u u ),  composé  de  deux  épilrites  premiers,  ne 

serait  qu'une  partie  de  vers.  On  peut  couper  encore  la  phrase  de  cette 
auti'e  manière  : 

/Munir  'fnvJiuatu  kXut»*  OSCtf 

Le  premier  vers  sera  identique  avec  celui  d'Alcée(---i/u -«»-««), 
aW,  «  9i^<  ^  )cn  ^(tdÎM^i  et  le  second,  dans  le  mètre  iambique, 
marche  comme  celui-ci  de  Pindare,  cité  par  Strabon'  :  Klyu^ia  M»- 
At«,  Twp'  i^«/*M»[fl<eA««Bf  ] ,  ou  cet  autre,  (www  omtw  f^înt  J"  oû-m-m 

Au  reste,  je  laisse  ce  point  à  ceux  qui  ont  plus  d'habileté  que  moi 


MAI  1858.  317 

lettres  assyriennes ,  si  Ton  en  croit  les  historiens  d'Alexandre  ^  :  «  Man- 
«gez,  buvez,  amusez-vous;  le  reste  ne  vaut  pas  une  chiquenaude.» 
C'est  cette  pensée ,  devenue  célèbre ,  que  Chœrile  avait  mise  en  vers  *, 
et  quÂristote^  ainsi  que  le  philosophe  Chrysippe  avaient  condamnée, 
et  que  Tauteur  de  ce  vers  blâme  à  son  tour. 

LETRONNE, 
(La  suite  aa  cahier  frochain.) 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


î 


LIVRES  NOUVEAUX. 

FRANCE. 

Dictionnaire  Jrançaù'allemand  et  attemand-français ,  de  Henschel  ;  ouvrage  entière- 
ment neuf.  Paris,  impr.  de  Paul  RenoUàrd,  librairie  de  Levrault-Pitois ,  i858; 
a  forb  vol.  in-8*,  ensemble  a 600  pages,  à  deux  colonnes.  Pr.  3a  fr. 

Promèthée,  tragédie  d*Elschyle,  traduite  en  vers  français  par  M.  Puech,  professeur 
agrégé  de  TUniversité,  au  collège  royal  de  Saint-Louis;  avec  le  texte  grec  en  regard. 
Paris ,  imprimerie  de  Firmin  Didot,  librairie  de  Hachette,  i83.8  ;  in-8*. 

Les  origines  da  théâtre  moderne,  où  Histoire  du  génie  dramatique  depuis  le  i*  jus- 
u*au  XVI*  siècle ,  précédées  d*une  Introducticn  contenant  des  études  sur  les  origines 
u  théâtre  ancien  ;  par  M.  Charies  Magnin  (l'un  des  conservateurs-administrateurs 
de  la  Bibliothèque  royale).  Paris,  impr.  de  Henry,  libr.  de  Hachette,  i838;  in-8*. 
Tome  premier  (  l'Avertissement,  llntroduction  et  la  première  partie  :  époque  ro- 
maine ,  génie  dramatique  depuis  le  1*'  siècle  jusqu'au  vu*)  ;  viil,  xxxii  et  5a a  pag. 
Des  recherches  méthodiques  etdHngénieux  aperçus  recommandent  cet  ouvrage  dont 
il  sera  rendu  compte  dans  un  de  nos  cahiers  prochains.  L'auteur  trouve ,  dans  les 
trois  expressions  Opéra,  Théâtre  français ,  Théâtres  des  boulevards,  la  distinction  de 
trois  classes  de  représentations  scéniques  qui  ont  coexisté  au  moyen  âge ,  et  même 
dans  l'antiquité  grecque  et  romaine  :  le  drame  liturgique  ou  solennel ,  l'aristocra- 
tique et  le  populaire. 

Tesoro  del  teatro  espanol  desde  su  origen  f  ano  1 38g  )  hasta  nuestros  dias.  Ce  trésor 
du  théâtre  espagnol ,  publié  par  don  Eugenio  de  Ochoa ,  est  divisé  en  quatre  parties  : 
I.  depuis  i356  jusqu'à  la  fin  du  xvi*  siècle;  II.  Lope  de  Vega;  III.  Galderon; 
IV.  I>epuis  1700  jusqu'au  temps  présent.  La  quatrième  partie  remplira  a  volumes, 
et  les  trois  autres  parties  correspondront  aux  trois  premiers  tomes  ;  5  vol.  in- 8*  à 
deux  colonnes.  On  souscrit  à  la  librairie  européenne  de  Baudry ,  à  raison  de  g  fr.  par 
volume. 

*  Ap.  Strah.  XIV,  p.  67a.  — Arrian.  Anah,  n,  5,  5.  —  *  Cf.  Nàle  ad Chœrii  fragm. 
P-  '97  •<!•  -^  *  Ap.  Cic.  Tttscul  v,  35,  —  Fin.  11,  3a. 


518  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ÉlénuRU  es  PaUogrmAiâ,  parti.  Nat^deWuUy,  chef  du  bonm  deU  sKtion 
■dminiitrative  des  ArchÎTei  do  n^Bunw.  Pari*.  Imprimerie  royale,  i838i  tomel", 
met  716  pagea.  Ce  volame  contient  le*  troùpremière*  parties  deTourrage:  T.  Chro- 
□otogie;  n.  Style  et  fônnules;  tIL  Palét^raphie  proprement  dite,  écritures.  Le 
lomell*,  doat  l  impression  9*adiève,  renfermera  la  4*  partie,  qui  a  pour  objet  l'ëtnde 
des  sceaux;  puis  un  Appendice  compose  d'observatkiDs  inr  les  planches  ijui  le  sui- 
vront. Nous  nous  proposons  de  faire  mieux  connaitre  cet  ouvrage,  qui  nous  semUe 
recommandable  par  Texactilude  des  recherches ,  par  la  dislribnlion  méthodique  des 
matières  et  par  l'élégante  précision  du  s^le.  Le  position  de  l'auteur  aux  Archives  du 
royaume  lui  ap^mb  de  consulter,  sur  chaque  détail,  les  monuments  placés  dans 
ce  vaste  établissement. 

ALLEMAGNE. 

Notilia  hulorico-dmlomatica  Arckhi  et  Uteraliam  capitali  Albeiuis,  Traosilvaniae , 
auctore  Josepho  C.  Kemedi,  membre  erudit«  sodetatis  Hungariœ.  Cibinii,  apud 
bibliopolam W.  H.  Thierry,  i836;  2  vol.  in-S".  371  et  376  pages. 

Die  Aley^andrittiscken  bibUolhekem ,  etc.  ;  les  Bibliothèques  d'Alexandrie  sous  les  rois 
Ptolémées ,  avec  les  poésies  homériques  recueillies  par  Piaistrate ,  la  Chronologie  des 
biUùthécaires  d'Alexandrie,  etc.;  par  M.  Bitscbd.  Breslau,  i838;  in-8*. 

Bibliothèifae  hamorUtiqne  det  dames,  par  M.  Saphir.  Vienne,  i838;  a  vol.  ia-8° 
(en  allemand). 

Veber  die  Verwandickaji  der  indogermanitchen,  etc.  Sur  l'alBnité  des  langues  indo- 
germanique,  sémitique  et  tibétaine,  avec  une  introduction',  par  M.  Wùliner.  Muns- 
ter. Tbessing,  i838;in-8°. 

Fahlet  de  Lokmén,  corrigées  sur  deux  manuscrits  de  la  BiUiolbéque  royale  de 
Paris  et  de  la  BîUiothèque  de  l'Université  d'Oxibrd ,  avec  une  version  française , 
des  remarques  et  un  vocabulaire  arabe-français,  par  M.  Schier.  Dresde.  Amcdd  , 
j838;  in-4°,  a' édition. 

Leibmtzii  imenx pkilotophica  onuiia.  Recensuil  et  pluribus  inedids auxît  E. Erdmann. 
Berolini,  Ëicbler,  i838i  a  vd.  in-4*. 

ifeiie  aach  iJRn...  Voyage  à  l'Altaï  et  iila  mer  Caspienne,  fait  par  ordro  de  S.  M. 
l'empereur  de  Russie ,  en  i8ag,  par  HM.  Alexandre  de  Humboldt,  Gustave  Rose 
et  Ehrenbergi  partîegéodéBique.rédigéeparM.  G.  Rose.  Berlin,  i837;in-4°.  avec 
une  carte  dressée  d'après  les  observations  astronomiques  de  MM.  Wîschenewre ,_ 
Humboldt  et  Ermann. 

Die  Font  Iiueeten.  Les  insectes  des  forêts  ou  figures  et  descriptioD  des  insectes 


520  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

The  Wourukn  of  Geohgy.  Lei  merveilles  de  la  Géologie ,  ou  expositioo  des  phé- 
nomènes gédogiques  el  des  principales  découvertes  des  géologues  modernes ,  par 
M.  Gédéon  Mantelle,  auteur  d'une  g^ogie  du  sud-est  de  la  Grande-Bretagne.  Londres, 
iS38;  3  v(d.  io^*,  avec  des  planches. 

A  gênerai  Treatiie  on  Iiuectt,  bj  James  Wilson.  London,  Simpkin,  i838;  In-^°, 
with  bào  plates  engraved.  Pr.  i5  sh. 

An  introduction  to  tke  moJern  clajnjîcahbn  ofiraeeu,  by  Weslwood.  London,  Long- 
maa,  i838i  in-8'.  —  Cet  ouvrage,  dont  on  a  une  {"livraison,  qui  sera  suivie  de 
onie  autres ,  doit  être  accompagné  de  plusieurs  milliers  de  gravures  en  bob.  Prix 
de  la  livraison  :  i  sh.  6  d. 

An  Eisay  on  ihe  Antiquity  ofHindoo  Médecine.  Essai  sur  l'anliquîté  de  la  Médecine 
liîndoustane,  parM.Forhes  Royle.  Londres,  AUen,  i838;in-8*. 

The  Woris  of  W.  Hogarih.  Œuvre  de  Will.  Hogarth;  recu«l  de  planches  res- 
taurées par  d'habiles  graveurs ,  avec  plusieurs  articles  qui  ne  se  trouvaient  pas  dans 
la  collection ,  et  un  essai  biographique  sur  Hogarlb  et  ses  productions.  Londres , 
Baldwin  el  comp.,  i838,  in-fol.  Pr.  i3  1, 

ASIE.  —  The  second  Report  ofthe  Society  for  diffusion, of  lue/ttl  knowledges  in  China. 
Second  Rapport  de  la  Société  instituée  pour  la  propagation  des  connaissances  en 
Chine.  Canton ,  iSSy;  agpag.  in-8'.  —  Cette  Société  publie  en  chinois  des  Traités 
élémentaires  de  belles-lettres,  de  géographie,  d'histoire,  de  sciences  physiques  et 
roatliémadques.  Le  gouvernement  chinois  a  obhgé  celle  association  de  transporter 
ses  presses  a  Singapour. 

Galdusia  iniichdt.  Rhétorique  pratique  persane,  par  Mannàlàl,  dédiéeàM.Prinsep, 
secrétaire  de  la  Société  asiatique  de  Calcutta  :  imprioiée  à  Calcutta,  en  i836 1  gr.  iu-a*, 
Â8a  pag.>  contenant  des  extraits  de  poètes  persans  et  hindoustans. 

An  Mssajon  the  primitiee  aniverial  Standard  oj  Weighis  and  Meatarti.  Essai  sur  l'é- 
talon primitif  universel  des  poids  et  mesures ,  par  le  capitaine  T.  Jervis ,  membre  du 
corps  des  ingénieurs  de  Bombay.  Calcutta,  i835. 


Non.  On*  peut  s'adresser  i  la  librairie  de  M.  Lbvridlt,  à  Paris,  rue  de  la  Harpe,  n*  8i; 
et  i  Stnisboorg,  roe  des  Juirs,  pour  se  procarer  les  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  Journal 
âa  Saxaab.  Il  but  aflranchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


JOURNAL 


DES  SAVANTS 


JUIN  1838. 


Fragments  inédits  de  Thespis,  (Tlbycus,  de  Sapho,  dAnacréon^ 
de  Pindare,  d Euripide,  de  Timothée,  et  d* autres  poètes  grecs, 
cités  dans  un  papyrus  du  Musée  royal. 

DEUXIÈME    ARTICLE. 

Xn.    Col.    a    :   OTKHNAPAOTe€NnHMA€A€Te€PANAAKNON^'TXH 
N0M0ia)CANAP026)CATIMIA. 

oÔk  iff  cLf'  oùùif  Tnifjt,*  \Xt\j^^  cAcxior 
4u;i^tir  Ofioitàç  iv/^oç ,   iç  ivfua» 

Le  copiste  du  manuscrit  néglige  bien  souvent  les  élisions  ;  il  écrit 
«^  ou^fy  et  Tmfjut  ix.  Le  sens  est  :  a  Ainsi  il  n  est  aucune  douleur  qui 
Cl  déchire  Tâine  d'un  homme  libre,  à  Tégal  du  déshonneur.  »  Ces  deux 
trimètres,  à  en  juger  parla  pensée,  le  style  et  le  rhythme,  pourraient 
bien  être  d*Euripide ,  source  principale  où  Tauteur  a  puisé  ses  exemples. 
Il  ne  désigne  le  poëte,  à  la  vérité,  que  par  l'indéterminé  liç',  mais  c'est 
ce  qu'il  a  déjà  fait  deux  fois  pour  le  fragment  de  la  Sthénobée,  n*iii,  et 
celui  de  l'Augé,  n*  vn. 

XIIL  Col.  5  yfn.  C'est  encore  un  anonyme  qui  a  fourni  cet  hexa- 
mètre d'une  élégante  facture  : 

Ou  ftfi  it'  îùnMXiJhtf  vfjLftàv  fjUXa,  ouf  tv  (JUlkAç. 
«  Je  ne  me  soucie  plus  ni  de  chants  ni  d'hymnes  harmonieux,  » 


522  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

XIV.  Col.  13.  Je  mets  ici  un  autre  fragment  qui  paraît  tiré  de 
quelque  poème  du  cycle  troyen  -,  la  diction  en  est  toute  homérique , 
et  décèle  une  époque  ancfeniM.  Cast  Agunemnon  qui  parle  (  li  Â}a- 
ftif*mr  ùû-mt  (tinpani)'),  OTK€«AMHNAXIAHlXOA6i>ceiNAAKIMONHTO- 
PtfûeMAAernArAWcen€IHMAAAMOI»IAOcHHN. 

Oûc  IpifLtir  Âyg>M  jg^^Mtn  hnufM  *i«p 
nAjCmA*  cwrajAwï*  inviii  /MX*  ftu  f!>-os  far. 

"  Je  ne  croyais  pas  irriter  d'une  manière  aussi  terrible  le  cœur  vail- 
•i  lant  d'Achille,  parce  qu'il  était  mon  ami.  » 

Ces  deux  vers  se  rapportent  évidemment  h  une  dbpute  d'Agamemnon 
avec  Achille;  peut-être  k  celle  dont  il  est  question  dans  l'extrait  des 
Cypriaques  donné  par  Proclus  :  on  y  voit  qu'après  le  départ  de  Phi- 
loctète .  Achille ,  rappelé  à  Troie,  eut  une  querelle  avec  Agamemnon  ; 
Kct/  Ày^u^tùç  vnpar  x^nâtif  JUtfif*Ttu  ^oç  Àjafûftror»^.  Dans  ce  cas,  nous 
aurions  deux  vers  à  ajouter  aux  fragments  si  rares  des  poèmes  cy- 
priaques. 

XV.  Col.  7-  0TKOIiATAAHeecrAPAC»AA€C*PACAI  ;  cette  ligne 
lorme  un  tiimètrc  iambique  :  suk  oÎJk-  TccAndic  ytq  iofttxif  pesu*t, 
«Je  ne  sais;  car  dire  la  vérité  est  un  parti  sûr.»  Ceci  faisait  partie  d'un 
dialogue.  A  une  question ,  l'interiocuteur  répond  franchement  qu'il  ne 
sait  pas;  et  il  motive  sa  réponse. 

XVI.  Col.  II.  Ce  fragment  est  encore  plus  insignifiant  :  OTKASiw 
MlK«NceMerAAAAOrK€Xùj  ;  ce  qui  paraîtrait  devoir  se  lire  :  où*  «^m»  , 
MiKM»,  "•  /ajtiXit  S''  tùx'i^. 

Je  n'en  comprendrais  pas  le  sens ,  et  ne  me  rendrais  pas  compte  de  la 
syntaxe.  Cependant  MiKOïN, répété  troisfois,  ne  peut  être  changé.  D'après 
le  mot («><ix«  qui  suit,  je  lis^xÀr  (ou^xiùf)  pourjuix^r.  Outre  fuxMtt, 
les  Doriens  paraissent  avoir  dit  fûnif  par  un  sévi  »,  puiaqu'on  trouve 
/Miiûf ,  fHiu^ifWH >  vmftfiÎKtç ,  et  les  nom»  propres  mmIm^m/xcAk,  ui~ 


JUIN  1858.  525 

le  dialecte  dorique  avait  été  employé  pour  les  vers  iambiques ,  dans  la 
pièce  d'où  celui-ci  est  tiré;  et,  dès  lors,  que  nous  avons  là  un  fragment 
de  quelque  comédie  dorienne,  peut-être  d*Ëpichamie. 

XVII.  Col.    1 4.  Celui-ci  est  plus  court  et  plus  nul ,  s'il  est  possible  : 

OTKeiAONAN€Ma)KeAKOPAN  5    oU   uJiv    in^Xâet  xofeu.   «Je   nai   pas 

«vu  une  (ou  de)  jeune  fille  rapide  comme  le  vent.  »  C'est  le  dernier 
passage  cité  dans  le  papyrus.  Ce  fragment  paraît  appartenir  au  mètre 
crétique.  Si  je  ne  me  trompe,  nous  avons  ici  la  plus  grande  partie  d'un 
tétramètre;  il  ne  manque,  en  effet,  qu'un  tribraque  au  commencement 
et  un  iambe  ou  un  pyrrhique  à  la  fin , 

pour  avoir  un  vers  tel  que  celui-ci  d'Aristophane  ^ , 

0¥    Cf)PfaL  y  AU  wXoLTetfOV  ÎU    thùtÇVTtVa9(j0lV. 
U     iJ  U    —  —  V       1/1/—     UWw—  t/      — 

m.  Fragments  inédits  dont  les  auteurs  sont  nommés. 

XVIII.  Col.  5.  Euripide.  (eM}%v  EvejnaJ^ç.) 

Dans  ces  deux  vers,  on  reconnaît  pariaitement  ce  poète  :  OYK€r 

rYNAIHITOTCN€ANIACXP€6)NAAA€NCIAHP«IKAI€NOnAOICTIMAC 
€X€IN. 

O^je  ir  yufAi^l  'nvç  rtâu^itu  Jgl^fî*^  y 

«Ce  n'est  pas  dans  les  femmes,  mais  dans  l'emploi  du  fer  et  des 
«  armes  que  les  jeunes  gens  doivent  mettre  la  gloire  et  l'hoaneùr»  n 

XIX.  Col.  7.  Du  Gfclùpe  de  Timothée.  Ce  poète  comique  est  cité  par 
Athénée^,  qui  donne  le  titre  de  deux  de  ses  pièces ,  savoir,  le  Kuveée/or  ou 
le  petit  chien,  dont  il  rapporte  trois  vers';  et  le  KvkXu-^,  la  même  pièce 
d'où  est  tiré  notre  firagmcnt ,  et  dont  il  cite  plusieurs  vers ,  qu'on  n'a 
pas  encore  complètement  restitués^. 

Le  firaigment  ne  consiste  qu'en  ces  quarante  lettres  :  OYTOlTOKrr- 
nCPAMnexoNTAOTPANONClcANABHcei.  C'est  le  Cyclope  qui  parle 
(  f I  KvxXct^  S  Ti/Kio3f6(;  ^oç  jjru  ouivç  im^iivetTo  )•  Il  me  paraît  que 
1  exemple  cité  faisait  partie  d'un  chœur  de  la  pièce ,  et  qu'on  peut  les 
séparer  ainsi  :  ' 

*  Geora.fra^.  n^  16a.  Dind.  —  HepfaKst.D.  73.  —  "  Cf.  Schweîgh.  ëdAthen. 
vui,  p.  3o8,  a.  —  *  VI,  p.  a45.  d.  —  *  xi,  p.  àvb. 


524  JOURNAL  DES  SAVANTS. 


oùfori*  tUvACint. 

u  Certes  tu  ne  monteras  pas  dans  le  ciel,  qui  enveloppe  tout  au-dessus 
ude  nos  têtes,  n  (Le  verbe  û^npct/tm^^Mr  n'était  pas  connu.) 

Le  premier  vers  est  un  archiîochien ,  semblable  à  celui-ci  d'Es- 
chyle :  xpMvTt^iefi  Ji  (jC  X-Tnfj.-^'i  aZfoi^.  Le  deuxième  vers  est  un  de 
ces  dactyliques  trimètres  ,  si  fréquents  dans  les  lyriques  et  tes  tra- 
giques, comme  èJijfivin  x*A«</ki'<»  de  Pîndare^,  et  éÎAior,  «Ajer  hÎtS  de - 
Sophocle'.  Quant  à  tieffà*  «JmraCnVM,  c'est  une  expression  fréquente 
dans  les  poètes*.  Si  l'on  remarque  ce  long  mot,  ce  sesqaipedale  verham , 
ùmfa/tinj^*,  qui  sent  l'aOectation  dithyrambique,  surtout  joint  â  l'autre 
verbe  «WaCifw*,  composé  de  cinq  syllabes,  on  sera  disposé  à  croire 
que  Timotbée  a  mis  dans  la  bouche  du  Cyclope  quelque  lambeau  d'un 
poète  tragique,  dont  il  voulait  railler  l'emphase  et  la  bouffissure.  I^ 
muse  tragique ,  que  Galh'maque  appelait  (o/ùtm  ^nicvSi»  [mase  ampoulée), 
servait  jréquemment  de  but  aux  plaisanteries  des  poêles  de  la  comédie 
ancienne  et  moyenne  ((rajico.. ..  ampaWatur  in  arte,  dit  Horace*). 

XX.  Col.  8.  De  Thespis.  Voilà  un  nom  qui  éveille  l'attenlion  au  plus 
haut  degré.  Si  le  vers  cité  est  réellement  de  Thespis,  ce  sera  peut-être 
le  seul  que  l'on  connaisse;  car  les  trois  que  rapporte  Plutarque'  ne 
sont  probablement  pas  de  lui,  comme  l'a  montré  Bentiey '',  encore 
moins  les  six  autres  qu'a  cités  Clément  d'Alexandrie^.  Tous  ces  vers 
paraissent  être  de  fabrique  récente.  Je  crains  qu'il  n'en  soit  de  même 
de  celui  que  cite  notre  papyrus  ;  ce  vers  est  ce  qu'Q  y  a  de  [dus  insi- 
gnifiant au  monde,  si  même  il  signifie  quelque  chose,  tel  qu'il  est  : 

OTKCSAePHCACOIAAia6)NAecOIA€r6). 
OvK  i^ctSfisKf  e7/'  '   iJit  Ji  m  A*)«, 


JUIN  1858.  325 

«Non.  Je  le  sais  pour  Tavoir  bien  vu;  et  l'ayant  vu,  je  te  le  dis.  »  Le 
composé  i^tt^im  manque  aux  lexiques. 

XXI.  Col.  9.  Ulbycus.  O  iCukoç  i  Tmniiç  oviwç  iTnptuvvn^  Ce  qui  suit 
paraît  être  un  seul  vers  :  OTK€cTlNAno^eiM6NOiczaAc€Ti<i>APMA- 

KON€TP€IN\ 

«  On  ne  peut  trouver  un  moyen  de  rappeler  les  morts  à  la  vie.  »  C'est 
im  vers  tétramèlre  anapestique  càtalectîque. 

Ce  mètre  est  rare  parmi  les  fragments  dlbycus  ,  qui  a  employé  sur- 
tout le  dactylique.  On  trouve  néanmoins ,  parmi  ces  fragments ,  un  ana- 
pestique tétramètre  et  un  dimètre ,  tous  deux  catalectiques  \ 

Il  est  à  remarquer,  quen  retranchant  im  devant  ç^fiiroiÇy  ce  qui  ne 
change  rien  au  ^ens,  on  a  encore  un  vers  hexamètre  : 

XXII.  Col.  1 3.  IXAnacréon,  Fragment  de  trente-cinq  lettres ,  assez  in- 
signifiant pour  nous  :  OTA€TT€MneAOC€IMIOTAACTOlCinPOCHNHC, 
où  J\St'  (soit  oJJ^'  et/r')  ifjumJiç  tlfu^  ovS"*  açtlsn  ^oaiivnç.  Je  n  aperçois  pas 
bien  le  sens  de  cette  phrase  isolée  :  «Allons^  !  je  ne  suis  ni  tenace 
«  (ferme  dans  ma  résolution),  ni  doux  aux  citoyens.  »  C'est  pebt-ètre  Po- 
lycrate ,  tyran  de  Samos,  qui  parle.  Ce  fragment  n'enrichira  pas  beau- 
coup plus  notre  collection  anacréontiquc  que  celui-ci,  que  M.  Ci^amcr'^ 
a  découvert  récemment  :  eu  Ji  (uv  ^finç  iKxjucupienwt ,  où  M.  Bergk  a 
trouvé  la  fin  et  le  commencement  d'un  tétramètre  choriambique  *. 
Notre  fragment  paraît  former  deux  vers  gly coniques  de  même  mesure 
l'un  et  l'autre  : 

Oi  JiHjT*  %fjanJhç  %ifis ,  ( wc;  — — ) 

justement  comme  cet  autre  vers  d'Anacréon:  »  AiuKotTsa,  9v  ^' iCiç^  ^ 
et  ces  deux  autres  d'Euripide  :  UmXieiç  tîç  yâ^v  ^Ador^s  ^t  ;t*'C^ 
tÇovifjut^at  y  non  i^ei90fjut9v%  ^. 

De  Sapho,  Notre  papyrus  contient  deux  fragments  de  l'illustre  Les- 
bienne. Le  premier,  d'un  seul  vers ,  le  second  de  deux  vers  seulement  : 

'  Fragm,  11,  1  et  XLiii ,  éd.  Sclineidew. —  el  Prolegom.  de  Vita  et  carm.  Ibyci,  p.  7G. 
—  '  BuUmaiiD ,  fjexilog,  t.  Il,  p.  a3 1 .  —  '  Anecdota  grœca ,1.  I ,  p.  288 , 3. —  *  Dans 
le  ZeiUcknftfir  die  AlUrAumswissenschaJi,  1*836,  n*  68,  S.  546.  —  '  Fragm.  \\  éd. 
Bergk.  —  *  Jp^f^.  Aal  v.  io44  ;  Bam.  Unxfloç  est  ici  un  spondée ,  comme  en  cfautres 
{passages  (MaUh.  Gramm.  S  8a ,  a.  a.}  —  '  Ead,  v.  1066. 


32C  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

le  dernier  est  le  plus  intéreisant  de  tous  ceux  que  le  papyrus  nous  a 

conservés.  '    • 

XXin.  Col.  lii.  Ce  £«gment  est  aauonci  ainsi  :  ■/  z«grfà  oStwç 
etmfnAi».;  puis  viennent  ces  viiigt>hiiit  lettres  :  OYKOlAOTTieefiUTO 
moitanohmata.  Elles  forment  justement  un  de  ces  vers  Coliques 
(— ^-„v_ut/— Mv^}  qui,  «eloD-  HéphestioB,  avaient  été  employés 
par  Sapho,  dans  toutes  les  pièces  dont  était  composé  le  deuxième 
livre  de  ses  poésies'. 

Oux   aii"'  «TTf  3tM  tue  fut  im  foniMt*  , 

ce  qui  parût  signifier  :  «  Je  ne  sais  en  quoi  m'importent  (  ou  me  con- 
cernent )  les  deux  pensées  du  dieu.  » 
'     XXIV.  Col.  8.  L'autre  fragment  se  compose  des  lignes  suivantes  : 

OTâIANAOKlMOIMinPOCIAOI2AN*AOCAAI(VeccCceAIc:0«IANnAP- 

aeNONeicOTACNAnuxPONONTOiATTAN.  Sans  charter  une  lettre, 
nous  avons  deux  excetlenU  vers  cboriambiques  avec  base ,  mètre  qui 
était  cdui  de  toutes  les  pièces  contenues  dans  le  troisième  livre  des 
poésies  de  Sapho'.  Je  les  lis  et  les  dispose  ainsi  : 

OuJ^'   tta  Aufuïfu  mfitnJlîim»  p*»t  »>^if 


littéralement  ;  h  Je  ne  pense  pas  que,  dans  aucun  temps,  il  puisse  exister 
«  une  jeune  fille  telle  pour  la  science  '.  » 

QvÎ'Im:  je  crois  qu'3  faut  ainsi  lire,  et  prendre  Te»  pour  jwA/,comttie 
Homère  a  dit  itf  ii/mv  pour  /uif.  ifuf^^.  Ouf  ïd»  est  pour  oiA/uar  ea 
prose.  Quant  à  Axjfu7/n ,  la  leçon  n'est  pas  sans  importance.  D'après  un 
grammairien'^,  les  Éoliens  donnaient  la  forme  eniw  Â  Au/d»,  ainsi  qu'à 
iXiv^Cfti  ;  ûs  disaient  Au/ûifu ,  iMv^^S^  s  cette  assertion ,  jusqu'à  pré- 
sent sans  autorité,  a  maintenaat  celle  de  Sapho.  a^je^mw  est  dtmné 


528  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Je  n'ai  pas  (ait  plus  de  bniit  éeê  firagmails  du  XHI*  livre  de  l'Iliade 
(v.  37  a  ^7*,  107  4  1 1 1;  i5i  à  173),  quoiqu'iUsoient  fort  curieux,  au 
moioB  sous  les  rapports  prosodiqne  et  paléognipbique.  Je  les  ai  réservés 
aussi  pour  la  publication  générale.  Il  en  a  été  de  m£me  d'autres  faits ,  hiea 
plus  importants  que  des  rers  isolés  -,  car  ils  mènent  à  la  solution  de  baotes 
questions  historiques,  vainement  débattues  josqu'id.  Si  cette  publica- 
tion tarde  trop  i  mon  avis,  je  promets  de  les  iàûe  connaître  d'avance, 
elfieut-étre  soua  peu ,  dans  un  Mémoire,  préparé  dirais  longtemps,  sur 
rannée  vagae  et  tannée  fxe  iet  anciens  Égyptiens  *.  LETRC^NE. 


Essai  de  classificatiott  ckronohgiqne  des  comédies  de  Plamte\ 


Le  Rheitiîsche  Mtseum  { 1"  année  1 833)  contient  une  étude  cbrono- 
logique  sur  une  partie  du  tbéStre  de  Raute.  L'article  écrit  en  latin , 
signé  de  M.  Windiscbmann ,  et  intitulé  Diêascaliai  Phatiiut,  m'a  si^- 
géré  l'idée ,  et  fonmi  les  premiers  éléments  de  celui-ci. 

'  Ce  n'est  pas  une  étude  d'nne  haute  importance  ,  mois  ce  n'est  pu 
non  plus  une  curiosité  tout  k  fait  oiseuse  que  de  rechercher  les  dates 
approximatives  dA  pièces  de  IHaïAe;  ne  fî&t-ce  que  pour  observer  la 
marche  du  génie  de  l'auteur,  ees  progrès,  ses  chutes,  ou  ses  caprices. 
On  aime  aussi  à  saisir  parfois ,  dans  quelques  inspirations  du  poète ,  le 
reflet  des  événements,  des  opinions  et  des  mœurs  du  temps. 

'  Lorsque  je  fis  lecture  de  cet  uiide,  mon  saTant  confrère,  H.  Lelroane,  me 
donna  connaÏMance  d'une  diuertalioD  de  H.  PeteneR  inr  le  mèma  injet,  iosérfe 
dans  le  Ziittchrift  fàr  dit  AltertÛuMmûmtackaft.  i836,  cd.  60&.619.  Je  l'ai  lue 
avec  Mtn  et  avec  intérit,  aTant  d'imprimer  mon  écrit,  Mxmd  Iftulelbù  je  ne  chan- 
fterairien,  quoique  je  ne  mU  pu  Unijoura  d'accord  avec  H.  Peteneo.  ie  me  bor- 


550  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

remarqué ,  il  est  vrai ,  que  ce  n*était  point  Tusage,  dans  les  didascalies, 
non  plus  que  dans  toute  autre  inscription,  où  les  noms  des  magistrats 
servaient  k  fixer  une  date,  de  mettre  ces  noms  au  nominatif;  mais  il  a 
passé  par-dessus  la  difficulté.  Il  aurait  dû  réfléchir  aussi  que  cette 
manière  d*abréger  les  termes  de  filiation,^/,  ipontjilias,  n*était  point  du 
tout  dans  le  style  ordinaire.  Pourra-t-on  encore  être  satisfait  du  complé* 
ment  supposé  pour  la  lettre  B  œdiks  phbis ,  et  tolérer  Foubli  des  deux 
lettres  A  M?  Nous  n*essayerons  pas  Fimpossible,  c  est-à-dire,  de  tirer  de 
ce  fi:^ment  trop  firuste  un  témoignage  précis;  mais  ce  qu*il  montre  nous 
suffit  pour  assurer  que  les  noms  plus  ou  moins  inexactement  écrits,  ne 
pouvaient  être  que  ceux  des  artbtes  qui  avaient  contribué. à  la  représen** 
tation.  Il  se  pourrait  que  le  B  eût  fait  partie  du  mot  tibiis^  que  TA  eût 
été  un  des  éléments  du  mot  sanranis,  et  que  TM  fût  le  reste  de  totam, 
le  tout  subordonné  au  verbe  egit  ou  egerant  qui  n*existe  plus.  Mais  pré- 
tendre découvrir  là  un  indice  d'année  dans  un  nom  de  magistrat ,  c'est 
se  flatter  vainement. 

L'autre  didascalie,  trouvée  encore  par  M.  A.  Mai  sur  un  feuillet  dé- 
taché dans  un  état  de  conservation  beaucoup  meilleur,  n*a  pas  fourni 
•une  matière  plus  certaine  aux  conjectures  de  M.  Windischmann.  La 
voici  : 

GliaCA  ADELPHOl  IfENANDRU 
Cn.  BaLBIO  C.  TbRBNTIO  iBDILIB.    PL. 
J.  POALILIDS  POLLIO 

Marci  por  (Ojppiï) 

TiBlIS  SARRANIA  TOTAM 
C.  SDLPICIO  C.  AGRBLIO  GONSGLIBOS. 

Le  savant  Italien  était  induit,  par  les  termes  de  ia  première  ligne ,  à 
rendre  cette  didascalie  au  théâtre  de  Térence.  Mais  M.  Windischmann 
se  persuade  qu  il  y  a  eu  erreur  dans  la  lecfure  de  cette  ligne,  parce  qu'il 
est  impossible ,  selon  lui,  d'attribuer  à  une  seule  des  représentations  de 
Térence ,  toutes  les  circonstances  consignées  dans  les  lignes  qui  suivent. 
«  D*abord  PoUion  était  un  acteur  contemporain  de  Plante.  »  Cela  est 
vrai^  (rdePoUioh  ne  se  trouve  nommé  dans  aucdne  des  didascalies  que 
contiennent  les  éditions  de  Térence.  »  Cela  est  vrai  encore;  mais  la  con- 
clusion de  M.  Windischmann  n'est  plus  aussi  vraie.  Car  peut-on  affirmer 
que  ce  soit  chose  impossible ,  que  le  contemporain  de  la  vieillesse  de 
Plante  eût  aidé  la  jeunesse  de  Térence  à  se  produire,  lorsque  de  la  mort 
du  premier  au  début  du  second  il  n'y  a  qu'un  intervalle  de  dix-huit  ans;' 
et'les  didascalies  que  nous  avons  à  présent  sur  les  comédies  de  Térence 

r 

'  Plaut.  BacchiJ.II,  II,  36. 


JUIN   1838.  551 

doivent-elles  faire  supposer  qu^l  n'y  eut  point  d'autres  représentations 
que  celles  qu*on  avait  mentionnées ,  et  que  jamais  d'autres  acteurs . 
que  ceux  dont  elles  gardent  les  noms  ne  remirent  sur  la  scène  et  les 
Adelphes  et  YAndrienne?  Enfin ,  en  citant  cette  phrase  si  connue  d*une 
lettre  de  Symmaque  :  Nonidem  honor  in  pronantiandis  fabnUs  Pablio  Pol- 
Uoni  qui  Ambiviofait^,  comment  M.  Windischmann  n*a*t-ii  pas  compris 
qu*il  rencontrait  là  une  réfutation  plutôt  qu'une  preuve  de  son  assertion  ? 
Car  si  Ton  compare  des  acteurs ,  si  l'on  compare  leurs  succès ,  la  com- 
paraiscm  ne  s'établit  guère  qu'entre  des  contemporains ,  entre  des  ri- 
vaux,  et  le  rival  d'Ambivius  vivait  incontestablement  en  naème  temps 
qtM  Térence.  Mais  au  dire  de  M.  W.  si  l'on  change  le  itkom  de 
Balbius  en  celui  de  Baebius ,  correction  qui  nous  paraît  d'ailleurs  très- 
plausible,  on  rattachera  invinciblement  à  l'amiée  55 &,  cette  didascalie 
qui  s'accorde  avec  Tite-Live  nommant  les  édiles  de  cette  année ,  L.  Té- 
rentius  Massaliota  et  Gn.  Baebius  Tamphilus^  »  et  de  plus  les  consuls 
P.  Sulpicius  Galba  et  G.  Âurelius';  tandis  que  le  poète  Térence  ne  fit 
son  début  que  quarante  ans  plus  tard^.  Votli  de  forts  ai^guments ,  il  &ut 
en  convenir  ;  car  nous  ne  voulons  pas  chicaner  sur  quelques  di£féreaces 
de  lettres  prénominales  dans  la  désignation  des  magistrats.  Mais  les 
festes  consulaires  portent  acLssi  les  noms  des  consuls  Ser.  Sulpicius 
Galba  et  L.  Âurelius  Gotta  sous  l'année  6 1  o,  sans  nommer,  à  la  vérité , 
les  édiles.  PoUion  aurait  été  bien  vieux  alors;  mais  les  Romains  ne 
dédaignaient  pas  les  vieux  acteurs.  Roscius  jouait  dans  Un  âge  assez 
avancé  pour  être  obligé  de  £iire  baisser  le  ton  et  ralentir  le  mouvement 
de  la  modulation  quiré^it  son  débit^.Ésopus  chaussait  encore  le  co- 
thurne quoiqu  affaibli  par  l'âge  ^.  On  vit  une  actrice  centenaire  sur  un 
théâtre  de  mimes;  une  autre  exécuta  des  intermèdes  bouffons  dans  sa  cent 
quatrième  année,  elle  avait  débuté  h  quatorze  ans  ;  et  un  même  danseur, 
nommé  Stéphanion,  parut  dans  les  jeux  séculaires  d'Auguste,  et  dans 
ceux  de  Glaude,  à  soixante-trois  ans  d'intervalle''.  En  dernière  analyse, 
nous  réduirons  la  discussion,  sans  prétendre  rien  décider,  k  ces  questions  : 
Si  l'on  veut  absolument  que  la  didascalie  se  rapporte  à  un  spectacle  de 
l'an  554 ,  ne  serait-il  pas  aussi  probable  de  croire  que  les  Adelphes  au- 
raient été  imités  de  Ménandre  par  un  poète  antérieur  à  Térence ,  que 
de  dire,  sans  voir  le  manuscrit  palimpseste,  que  M.  A.  Mai  a  fait  une 
grosse  faute  en  le  lisant?  etn'est-Ûpas  permis  de  conjecturer  que  PoUion 
a  joué  en  5^0  et  en  6io,  plutôt  que  de  déclarer  falsifiée  la  première 
ligne  de  l'inscription  afin  d'accommoder  l'explication  des  suivantes  ?  Gar 

■  Lib.  X,  ep.  a*.  —  •  xxxi,  5o.  —  *  xxxi,  5.  — *  Il  fallait  dira  31  ans.  —  ^Oc. 
de  Otut.  1 ,  6o.  —  *  Id.  ad  Div.  vu, ep.  i.  -*  '  Plin.  Hist  nat  vn ,  49. 

4a* 


3»  JOURNAL  OES  SAVANTS, 

pour  sortir  tt'embams',' je  neproposerai  pas  d'avoir  recours  i  cette  hy- 
podièse ,  qu'ici  le  nom  Aâelpitoi  seraitl'équivalent  de  S]rRapoÛuusa>ntes  ou 
ComtaorierUti,  titre  d'une  pièce  de  Plaute ,  une  de  celles  qi^on  a  perdues,, 
etque  Térence  lui-même  cite  dans  le  prologue  de  ses  Adelphes  comme 
œuvre  de  son  illustre  devancier ,  mais  imitée  dû  poète  Diphile  ^. 

Rendons,  il  le  faut,  cettadid^scaUe  aux  éditions  de  Térênce,  ciHnme 
le  veut  très-raisonnablement  M.  A.  Mai;  renonçons  k  bâtir,  sur  le 
fragment  informe  de  la  première  didasctdie  de»  argumentations  témé- 
rairea,  et  tâchons  de  retrouver  des  notes  chronologiques  dans  les  comé- 
dies mêmes  du  poète. 

Il  bat  commencer  par  rendre  compte  du  travail  de  M>  Windisc^- 
Diann  eb  par  constater  ce  qui  lui  est  dû. 

La  première  pièce  dont  il  essaye  dedéterminer  la  date  est  le  Pa- 
nnlat  *. 

p  Au  commencement  du  prologue ,  l'Àcktlle  d'Aristarque  se  trouve 
cité.  Cette  tragédie  ne  vint  à  la  connaissance  du  peuple  romain  que  par 
l'imitation  d'Ënnius,  et  l'on  sait  que  le  poète  de  Rudies  ne  vit  Rome 
pour  la  première  fois  qu'en  55o  [ao6),  amené  par  Gatoo,  alors  ques- 
teur. Or  le  Pcenatas  doit  être  postérieur  au  moins  de  quelques  années,  n 

M.  Windischmann  conBrine  son  argumentation ,  et  obtient  un  résultat 
plus  précis  par  ces  vers  de  la  comédie  même  (il  s'agit  d'un  étranger,' 
d'un -voyageur  qu'on  présente  au  maître  d'une  maison  publique  poui' 
qu'il  le  loge)  : 

Advocat.  JVobi  hic  latro  in  Sparia  fait , 
Vt  )f aident  ipte  wAïm  iixit,  apad  Ttgem  Altalam. 
Inia  nanc  aajagit  quorâam  eapilar  oppidam. 
Coll.  Nimit  Upide  de  \atnne,  de  Sparta  optim»'. 

L'allusion  est  ici  évidente  ;  l'auteur  a  voulu  parler  du  siéj;e  et  de  la 


•  JUIN   1858.  353 

du  fils,  lorsquU  désignait  le  roi  qui  avait  eu  dans  sa  garde  le  soldat 
revenant  de  Sparte  après  la  conquête,  c est-à-dire  après  Tan  SSg. 

Qu'on  ajoute  à  cela  deux  autres  citations  tirées  de  la  même  pièce  : 

Neu  disngnalor  prœter  os  obambulet^. 
Prœsertim  in  re  popali  placida,  atque  interfectis  hostibas 
*    Non  decet  tumuUuari  *  ; 

et  Ton  acquerra  la  certitude,  selon  M.  Windischmann,  cjue  la  comédie  a 
été  jouée  entre  Tannée  56i  et  1  année  563.  a  En  effet,  dit-il,  ce  fut  Tan 
56o  que  Scipion  sépara  les  sénateurs  de  la  multitude  au  théâtre,  et  le 
vejrs  nea  dissignator,  etc.  a  trait  à  cette  innovation ,  dont  le  peuple  fut 
très-irrité ,  et  dont  le  poète  n'aurait  pas  osé  parler  quand  roflense  était 
toute  récente.  Re  placida  et  interfectis  hostibas  montrent  clairement 
qu'on  était  dans  un  temps  où  la  guerre  contre  Antiochus  n'avait  pas 
encore  éclaté;  elle  commença  l'an  563.  C'est  dans  les  jeux  romains 
de  l'an  56t2  (car  l'histoire  dit  que  la  nouvelle  distribution  des  places 
eut  lieu  dans  ces  jeux)  que  le  Pœnulas  fut  donné  pour  la  première 
fois.  »  . 

Je  ne  puis  tomber  entièrement  d'accord  avec  M.  Windischmann  sur 
ce  premier  article  de  sa  chronologie.  D'abord  rien  n'est  moins  assuré 
que  les  conséquences  et  les  inductions  tirées  des  deux  dernières  cita- 
tions dont  il  s'autorise.  On  n'avait  point  attendu  que  des  gradins  par- 
ticuliers eussent  été  réservés  aux  sénateurs  pour  créer  l'office  des 
agents  qui  faisaient  ranger  les  spectateurs  dans  la  cavea;  et  nul  signe 
certain  ne  nous  force  à  penser  que  Plante,  par  ces  termes  généraux,  re 
placida ,  interfectis  hostibas,  ait  fixé  l'époque  de  sa  représentation  à  la  paix 
qui  précéda  la  guerre  d' Antiochus,  plus  qu'à  toute  autre  paix. 

Il  y  a  une  note  chronologique  plus  précise  et  plus  explicite ,  c'est  la 
mention  du  siège  de  Sparte  ;  c'est  cela  qu'il  faut  regarder,  en  tâchant  de 
découvrir  des  indications  qui  ont  échappé  au  savant  allemand ,  et  une 
interprétation  plus  exacte  des  passages*  qu'il  a  cités. 

Le  choix  du  sujet,  le  titre  de  la  comédie  (Pœnttîew)  annoncent  assez 
que  l'objet  principal  des  allusions  du  poète  a  dû  être  Carthage.  D  se- 
rait difficile  d'en  douter  après  avoir  lu  toutes  ses  plaisanteries  sur  la 
langue  et  sur  le  costume  d*Hannon  et  de  sa  suite ,  dans  les  scènes  qui 
se  succèdent  après  l'entrée  de  ce  personnage.  Y  avait-il  longtemps  que 
Scipion  avait  battu  Annibal  et  emmené  à  Rome  des  Carthaginois  en- 

*  Prol.  Y.  19.  —  *  Act.  m,  se.  1,  v.  21. 


s»  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

levés  à  lenr  patrie,  lorsque  le  vieillard ,  à  qui  ou  nppdait  la  perte  de 
ses  deux  filles ,  qui  lui  avaient  été  rflnes  dès  leur  bas  flge ,  s'écnaît  '  : 
Pbarimiad  haneouibui 
PtTiervfmeriUberiCmtkagiMl 

Le  militaire  qui  menaçait  sa  maîtresse  de  la  battre,  et  de  la  rendre 
plus  noire  qœ  les  gens  qui  portaient  l'eau  pour  rafraJchir  les  chevaux 
dans  le  cirque  : 

Jam,  poï,  âgo  iUam  pagnit  ttbimfiKÛah,  ai  nt  nonia; 

Ita  repUin  atritate,  atriar  malto  mt  net 

Quam  £gyptii  «nU  foi  cortiiwm  ftr  eimmjinM..i..  , 

ne  désignait-il  pas  les  Africains  esclaves  qu'on  employait  depuis  peu  k 
cet  usage  ?  Les  chants  de  victoire  qui  avaient  célébré  le  retour  des 
légions  d'Afrique  retentissaient  encore. 

Je  lis  dans  Tite-Live  une  phrase  qui,  éclairée  par  qudques  rappro- 
chemenle,  pourra  fixer  nos  incertitudes.  «  Si  la  Un  de  la  guerre  contre 
Garthage  arriva  très  à  propos  pour  qu'on  n'eût  pas  à  combattre  en 
même  temps  Philippe,  la  défaite  de  ce  roi  ne  fut  pas  moins  oppor- 
tune au  moment  oil  Antiochus  dlait  commencer  les  hostilités'.»  Or 
les  vers  cités  plus  haut  :  hic  lotro  in  Spartafait,  etc.  donnent  lieu  de 
présumer  que  la  guerre  contre  le  tyran  de  Sparte  occupait  en  ce  temps 
les  esprits  i  Rome.  Un  autre  vers  de  la  pièce  confinne  encore  cette 
opinion  :  nwra&o  tibi  res  spartiaticas^.  Le  nom  d'Antiochus  n'était  pas 
non  plus  étranger  aux  sujets  de  conversation  de  la  ville.  Le  poète 
savait  sans  doute  qu'il  amuserait  le  public  en  tançant  ce  trait  contre  le 
roi  d'Asie  :' 

Cartr  moBimt 
Quàn  regi  Antiocho  oeuh  earari  toint*. 


556  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

sans  que  la  renommée  eût  appris  à  Rome  la  mort  d'Attale ,  ce  fidèle 
allié,  ce  roi  si  riche,  qui  avait  naguère  dédié  une  couronne  de  2 ko 
livres  d'or  à  Jupiter  Capitolin^ 

Mais  s'il  est  impossible  de  rétablir  Tordre  des  temps  dans  le  récit 
de  la  comédie,  on  y  rétablirait  aisément  l'ordre  des  choses  par  le  dé- 
placement d'un  point  et  par  un  léger  changement  dans  un  mot,  ad  au 
lieu  de  apud,  ce  qui  d'ailleurs  rendrait  le  vers  plus  correct.  Ainsi  on 
remplacerait  la  leçon  vulgaire  par  celle-ci  : 

Hic  loin  in  Sparta  fait. 
Ut  quidem  ipse  nohis  dixit.  Ad  regem  Attalmn 
Inde  nunc  anifugit,  etc. 

Alors  tout  s'explique  naturellement  :  «  Il  était  à  Sparte  comme  sol- 
dat mercenaire,  latro,  »  ce  que  le  poète  n'empêchait  pas  les  spectateurs 
d'entendre  ainsi  :  «le  brigand  était  à  Sparte.  »  Puis,  pour  la  phrase 
suivante  :  «la  ville  étant  prise,  il  s'enfuit  auprès  du  roi  Attale,  »  appa- 
remment comme  transfuge ,  et  selon  les  principes  dé  ces  soldats  mer- 
cenaires, prêts  à  servir  celui  qui  les  payait. 

Ce  calcul  avance  de  trois  ans  la  première  représentation  du  Pœ- 
nalas,  sur  celui  de  M.  Windischmann  ^, 

Quant  au  Trinumas,  qui  vient  ensuite  dans  sa  dissertation ,  je  difière 
encore  d'opinion  avec  lui.  M.  Ritter,  dans  un  article  des  Ephemêrides 
scholasticœ,  avait  dit,  d'après  une  plaisanterie  du  poète  sur  les  Syriens, 
que  la  comédie  était  postérieure  à  la  soumission  d'Antiochus  en  56 A. 
Mais  il  avait  noté  aussi,  dans  la  même  pièce,  un  sarcasme  cruel  dont 
les  Campaniens  étaient  l'objet;  et  M.  Windischmann ,  s'attachant  à  cette 
dernière  remarque ,  demeure  convaincu  que  le  spectacle  dont  le  Tri- 
namas  fi^  partie  dut  suivre  de  près  la  vengeance  des  Romains  contre 
le  peuple  de  Capoue ,  l'an  5hi^. 

Pour  prononcer  entre  les  deux  avis,  il  faut  examiner  le  passage  en 
question.  Un  esclave,  s'efForçant  de  dégoûter  un  vieillard  de  l'acquisi- 
tion d'une  terre,  lui  dit  :  «Les  Syriens  mêmes,  l'espèce  d'hommes  la 
plus  dure  au  mal,  n'y  vivraient  pas  six  mois.  Je  t'en  crois,  lui  répond 
le  vieillard;  mais  maintenant  la  race  campanienne  est  bien  plus  en- 
durante  que  les  Syriens.» 

'  Tit.  Liv.  xxxn  ,37.  —  'M.  Peleraen  ne  parie  du  Pmnulus  que  pour  donner  son 
assentiment  aux  calculs  de  M.  W...  —  '  M.  Windisclimann  dit  54a  ;  il  suit  une  autre 
supputation  des  années  de  Rome. 


538  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

rait  bien  froide  si  dlç  est  trop  tardive,  d  Qu'il  ne  se  figure  pat  cependant 
que  les  GampanienB  fussent  oubliés ,  après  que  les  armes  romaines 
eurent  passé  dans  l'Orient.  Vingt-trois  ans  étaient  révolus  depuis  qu'on 
avait  exterminé  le  s^t  de  Capoue  '  ;  dii-huif,  depuis  qu'on  avait  exercé 
les  dernières  poursuites  pour  consommer  la  confiscation  du  territoire 
campanien",  lorsqu'un  sénatus^consnlte  ordonna,  l'an  565,  qu'il  n'y 
aurait  plus  qu'à  Homed'archives  de  l'état  dvfl  pour  les  Gampaniens: 
on  leur  accoïda,  l'année  suivante,  la  permission  d'épouser  des  femmes 
romaines'.  N'est-ce  pas  en  ce  temps  que  se  place  le  mieux  l'épigramme 
de  Plaute?  Quand  toutes  les  considérations  que  nous  avons  pesées, 
n'auraient  pas  autant  de  force  qu'^es  en  ont  selon  nous ,  il  faudrait 
encOTe  les  adopter  pour  l'honneur  du  poète;  car  il  n'est  pas  permis, 
quand  le  sang  coule  encore  sous  la  hache  des  bourreaux,  de  rire  des 
vaincus  qu'on  ^oi]ge,  ou  qui  ensevelissent  les  restes  mutilés  de  leurs 
pères,  de  leurs  fils,  de  leurs  fi^ères*. 

M.  Windischmann  en  vient,  après,  k  la  comédie  des  Captifs;  et  il 
trouve  les  raisonnements  de  M.  Ritter  si  plausibles ,  pour  ranger  cette 
comédie  parmi  celles  qui  tmt  paru  dans  les  dix  dernières  années  de 
Plaute,  entre  56o  et  570,  qu'il  souscrit  absolument  à  celte  opinion, 

'  Tit  li»,  XXVI ,  1 5 , 1 6,  —  '  Idem ,  xxviii ,  A6.  —  *  Idem ,  xzxvin ,  36.  Campani. 
qaum  eot  ex  S.  C.  qMod  fhctm  trat  pnon  ohm,  cnuorsi  Bomm  eetueri  coêgùunt 
(nom  tmUa  intvtunfvtrat,  afti  Cttuerentar),  petiaivU  ul  tibi  einet  nmamu  Jactra 

nxont  Ueertt rat  impetrata.  —  '  M.  Petecsen  penw,  comme  nous,  que  cet 

ouvrage  est  de  Is  vîefllMte  ds  Hante  ;  il  m  (bnde  k  le  croire  sur  la  tendance  morale 
qu'on  remarque  dam  la  compositioa ,  sur  le*  târada  contre  la  oorruptioD  dea  mœurs, 
sur  le  calme  et  la  gravité  de  l'actiOD.  Mab  noua  ne  pouvons  plus  le  suivre  lorsqu'il 
prétend  fiier  précMment  la  date  ji  l'anuéei  86-568,  d'après  ces  vers^act  I,tc.  11, 
».46); 

si  U  aaripaiut  m^ictr 
Jtvicoroaamdt  ca/nU  k  CapiioUo,  (le. 

U  s'est  soavenu  ia  *«n  d'Horace  : 


540  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

du  parasite ,  compoaés  tout  eaqtrès  pour  jeter  du  ridicule  sur  pltiùeurs 
mets  recherchés  des  gourmands,  et  défendus  par  les  censeurs^. 

Que  le  Jfibs  jlorionu  soit  antérieur  aux  Captai,  ti'est  ce  qu'on  croira 
sans  peine,  quand  même  on  n'aurait  pas  la  preuve  qu'en  donne  M.  Win-  - 
discbunann,  et  qui,  d'ailleurs ,  ne  serait  pas  décisive. 
Car  de  ce  que  le  prologue  des  Captai  contient  ces  vers  : 
Hie  nufiu  peijarai  hno'tt,  nec  mentrm  nula, 
iVefiu  ntilra  gloriom, 

résulte-t-il  que  Plaute  ait  désigné  la  sa  propre  comédie  î*  Il  nomme 
s^^ement  des  personnages  vul^res,  des  r^ea  qui  sC'  retrouvent  dans 
touQikIes  comédies  grecques,  et  non  pas  en  particulier  un  de  ses  ou- 
vrages; de  même  que  Térence  dans  son  prologue  de  iËnnnfiie  : 
Qui  magit  Ucet  curheittes  senvos  sgribebe, 
BoHAS  uiTKQif AS  facav,  uerethices  iulas, 
Parasitcu  bdaceu,  hiliteh  globiosdn'?  / 

de  même  qu'Ovide  dans  ces  deux  vers  ; 

Dam  FALLAz  sBKVtrs,  DCiitii  patbk,  improba  lbna. 
Vivent,  dam  MKt,miihLAna A,  Mmandroteril*. 

Une  note  plus  importante  pour  le  calcul  de  M.  W.  lui  est  founiie 
par  un  passage,  sur  lequel  les  commentateurs,  depuis  le  grammairien 
Festus,  se  sont  beaucoup  exercés. 

^OJH  (M  ooIiMUMiJwR.pwIa  0IM  âauJni  baiian, 

Qwi  Uni  aatodn  temper  totit  horit  futenbant^. 

On  convient  généralement  que  le  poète  latin,  poetm  barbaro,  objet 
de  la  moqueriç  peu  généreuse  de  Plaute,  est  Ncevius,  qui  s'attira,  par 


542  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

famées  du  vin  '.  Je  ne  saû  si  k  comparaison  des  meoceaux  d'ai^eat  du 
militaire  avec  le  mont  Etna*  ne  porte  pas  un  reflet  de  l'éclat  récent  des 
victoires  de  Sicile.  Hais  d'un  antre  c6té ,  lotwjo'une  messagère  d'intrigue 
demande,  avant  d'entrer  en  pourparier,  qu'on  lui  jntuitre  im  signe  de 
ralliement ,  pour  savoir  si  l'on  est  de  la  même  confrérie  des.  Bacchanales, 

Cwlo  aynsm,  n  tuamm  fioceWiuM  a', 
elle  nous  renvoie  après  cette  conspiration  des  Bacdianales,  qui  causa 
un  si  grand  émoi  dans  Rome.  Les  personnages  de  cette  comédie  parient 
souvent  d'âéphants  terrassés,  ou  mt^ent  À  leurs  discours  des  simili- 
tudes empruntées  de  la' nature  de  cet  animal^;  ils  s'adressaient  donc  i 
des  spectateurs  qne  les  guerres  d'Afrique  et  celles  d'Asie  avaient  lami- 
liarisés  avec  ce  genre  d'images ,  et  qui  riaient  sans  doute  alors  de  la  sim- 
plicité de  leurs  pères,'  qui  avaient  appelé  les  éléphants  des  bœufs  de 
Loeanie,  boves  Lnea. 

Nous  nous  ed  tiendrons  au  terme  moyen  pour  la  solution  du  pro- 
blème, et  nous  verrons  dans  \e  Sfiles  ghriosas,  une  comédie  jouée 
d'abord  avant  55o,  et  reproduite ,  avec  qndques  additions  de  détails, 
dans  le  cours  de  l'année  '667,  ou  peu  apiïs  ^. 

Pour  les  Ménechmes,  Haute  a  marqué  lui-même  un  terme  au  delà 
duquel  on  ne  peut  pas  mettre  cette  production. 

Non  «go  te  giuni  Mmmduuut? 

Qai  SyracnâperhAtngnabutuemSieilM, 
Vbirtie  Ag»^UKiet  regnat»rjttit  et  itertun PAùttia, 
Tertiam  tipan,  <fû  in  morte  ngiuBU  Hkrmu  tmdiJit. 

NdHC  HtERO  EST. 

La  pièce  fut  donc  jouée  du  vivant  d'Hîéron  III  qui  mourut  l'an  SSg  , 

'  Netfoe  pTwnaio  pa^nuntum ,  neque  pnnorto  pocahm, 
Neqae  per  mnam  at^nam  ex  me  exoritur  dimiCnR  in  oonmio. 


544  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ne  lïtt  déjà  victorieox;  on  en  douterait  moins  encore ,  si  M.  Windisch- 

mann  n'avait  point  omù,  dans  la  citation,  ces  quatre  vers,  qui  com- 
mencent la  phrase  : 

Ban»  twbto,  >t  viiKife 

Virtatavtra.tfwidfecittitaxtiikùe.  '  . 

Senate  wtroi  Kxù» ,  vêtent  et  ntnei  : 

Aagete  auxilia  vMtrujattit  hgHas. 

Quels  étaient  les  alliés  nouvellement  acquis  ?  Les  peuples  d'Etoile  en 
Grèce  P  Masinissa  en  Afrique?  On  sent  que  la  bataille  de  Zama  devait 
bientôt  arriver,  se  préparait  déjà  peut-être.  La  fortune  était  revenue 
auprès  des  ai^es  romaines'. 

M.  Windiscbmann  arrête  ici  le  cours  de  ses  recherches ,  il  n'aperçoit 
plus  d'indices  asses  manifestes,  il  se  contente  de  jeter  en  unissant  quel- 
ques annotations  fugitives.  Je  traduirai  ses  paroles  :  «  Restent  treixe 
H  comédies  ^,  desquelles  je  pense  que  deux,  furent  jouées  en  temps  de 
«paix,  l'Amphitryon,  si  j'interprète  bien  le  langage  de  Mercure  :  Propte- 
ureapaceadvenio,  etpacem  ad  votadfero^;  en  second  lieu  le  Truculentas, 
iià  cause  de  ce  passage  :  Postremo  in  mo^no  popalo,  in  maltis  hominibas, 
»He  placida  atqae  otiosa,  victis  hostibus,  Àmare  oportet  omneis  fut  qaad 
u  dent  habent  *.  C'est  durant  la  guerre  que  furent  écrites  :  l'Asinaire  (  prol. 
<'V.  lâ:  Ut  vos  item  ut  aliaapariter  nanc  Mars  a^avet.)  elle  Radens  [pTOÏ. 
«  V.  83  ,  VahU  at  hosteis  vostri  diffidatU  sibi).  Dans  lAalahire,  les  Bacchis , 
«  Canalioa,  Épidiqae,  k  Marthcuid,  ht  Mostellaire  et  Slichas,  je  n'ai  rien 
«trouvé,  je  l'avoue,  qui  puisse  en  taire  distinguer  les  dates  conjectu- 
<i  paiement.  Je  les  abandonne  à  de  plus  habiles.  Nous  savons  seulement 
u  qu'ÉpidwfBe  a  la  priorité  sur  les  Baixhis Je  range  Casine  parmi 

'  M.  Pelerseo  (col.  6i4)  fait  remonter  dii  ans  plus  haat  celte  comédie.  Le  vera 
Augete  auxiliM,  etc.  lui  semble  rappeler  le  souvenir  de  l'armement  dei  huit  mille  es- 
dates  après  la  bataille  de  Cannes  (ai 6-538).  Plaute  aurait  mal  choisi  l'objet  de  ^se* 
allusions  devant  un  public  romain.  Mais ,  heureusement  pour  lui,  les  Bomaint  ue 


546  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

(Jn'il  B  eiéeuté  :  «  Dès  mes  premiers  pastlans  l'étude  des  sciences ,  attiré 
«par  te  charme  des  ret^erches  historiques,  je  me  suis  attaché  de  pré- 
«  férence  à  niivre  à  travers  les  siècles  le  développement  de  rÎDtelli- 
«gence  humaine,  et  4  rechercher  dans  les  écrits  des  inventeurs  les 
H  idée^  premières  ipii  avaient  présidé  aux  grandes  découvertes.  Je  dois 
«les  plus  vives  émotions  k  ces  hommes  courageux  qui  ont  su  trans- 
a  former  les  cachots  et  les  hùchers  en  trihunes  de  vérité;  et  j'ai  toujours 
u  cherché  i  connaitre'toutes  les  particutarités  de  leur  vie.  n 

Pour  exécuter  ce  dessein  il  s'est  appliqué,  depuis  longues  années  et 
dans  de  nombreux  voyages,  à  U  recherche  des  manuscrits  en  langues 
orientales  aussi  bien  fpi'en  langues  européennes.  «Je  fus  bientôt,  dît-il, 
«frappé  de  la  multitude  de  faits  curieux,  d'observations  intéressantes 
«  que  contenaient  des  livres  presque  eutièrement  oubliés  de  nos  jours  ; 
net  je  ne  tardai  pas  â  découvrir  une  foule  de  documents  précieux  gisant 
«  inédits  dans  la  poussière  des  bibliothèques  et  menacés  d'une  destruc- 
i(  tion  prochaine,  n  De  plus ,  par  un  examen  rigoureux  et  un  rapproche- 
ment détaillé  des  récits  des  historiens  conmis ,  il  vit  que  l'on  n'avait  pas 
toujours  rendu  justice  à  l'Italie-,  U  se  proposa  de  revendiquer  pour  cette 
belle  contrée,  à  l'époque  où  elle  renfermait  des  républiques  si  brillantes, 
la  plus  grande  portion  des  travaux  qui  ont  amené  la  renaissance  des 
lettres. 

Il  déclare  ensuite  qu'il  ne  s'est  pas  seulement  proposé  un  but  scienti- 
itque  :  il  a  porté  plus  haut  ses  vues ,  et  son  intention  a  été  de  donner 
à  la  jeunesse  de  notre  temps  une  leçon  dont  elle  parait  avoir  grand 
besoin. 

«  J'ai  voulu  tracer  aussi ,  dît-il ,  la  vie  des  savants  illustres ,  et  peindre 
ficet  élan  noble  et  généreux  qui  les  avait  portés  à  poursuivre  sans 
H  relâche ,  et  Â  travers  mille  dangers,  des  vérités  qu'ils  ne  devaient 
«atteindre  qu'à  force  de  privations  et  de  misères.  Cette  lutte  persé- 
«  vérante ,  ce  grand  drame  intellectuel  m'a  paru  renfermer  de  hautes 


548                       JOURNAL  DES  SAVANTS. 
Il  la  sphéricité  et  la  rotation  de  la  teire.  C'est  elle  qui  a  dit  pour  la 
«première  fois  que  le  cours  des  comètes  était  régulier,  et  que  leur 
«  apparition  n'avait  rien  de  menaçant.  Au  reste ,  ces  aperçus  étaient 
u  mêlés  à  beaucoup  de  rêveries » 

Parmi  les  pythagoriciens,  l'auteur  cite  particulièrement  Archytas 
de  Tarente,  comme  ayant  appliqué  le  premier  la  géométrie  à  la  mé- 
canique, et  donné  im  essai  sur  le  fameux  problème  de  la  duplication  du 
cube,  problème  qui  fîit,  comme  l'on  sait,  l'occasion  de  découvertes 
remarquables  sur  les  courbes  autres  que  le  cercle ,  et  de  f  emploi  de 
l'analyse  (dite  des  anciens),  dans  les  recherches  géométriques.  Platon 
reçut  les  instructions  d'Arcbytas,  et  s'empressa  de  se  procurer,  à  prix 
d'aigent ,  les  manuscrits  que  les  disciples  de  Pythagore  avaient  laissés. 
Malheureusement,  tous  ces  ouvrages  ne  sont  pas  venus  jusqu'à  nous  : 
on  en  connaît  à  peine  quelques  fragments.  C'est  Eulocius ,  scoliaste 
d'Archimède,  qui  nous  a  conservé  la  solution  du  problème  de  la  du- 
plication du  cube  par  Archytas,  avec  celles  de  Platon  et  de  plusieurs 
autres  géomètres  anciens  '.    '  • 

Pour  nous,  le  chef  de  l'école  sicilienne  est  Archimède,  qui  nous  a 
laissé  sur  les  sciences  mathématiques  des  monuments  du  premier  ordre , 
d'autant  mieux  appréciés  que  l'on  a  poussé  plus  loin  ces  sciences. 
Leibnitz  disait  :  «  Ceux  qui  sont  en  état  de  le  comprendre  admirent 
H  moins  les  découvertes  des  plus  grands  hommes  modenies.  » 

.Quant  à  te  qui  regarde  le  perfectionnement  de  l'arithmétique  dans 
l'école  de  Pythagore,  un  passage  de  Boëce  a  conduit  quelques  archéo- 
It^ues  à  penser  qu'on  y  avait  connu  des  méthodes  pour  abréger  l'ex- 
pression écrite  des  nombres,  parmllesquelles  ilpouvait  s'en  trouver  une 
analogue  à  celle  dont  on  se  sert  généralement  aujourd'hui,  c'est-à-dire 
où  les  chiffres  prenaient,  outre  leur  première  VBleur,  une  seconde  valeur 
due  à  leur  position.  On  sait  avec  quelle  facilité  cette  notation  peut 
exprimer  les  plus  grands  nomtires.  Elle  's'est  liSe  naturellement  à  la 


550  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

les  divers  termes  de  l'énoncé  du  problème ,  ce  qui.,  en  langage  ordi- 
naire, «'appelle  rémaire  téi/aatioR  '. 

Cependant,  malgré  cette  teinte  arabe,  Talgèbre,  lorsqu'elle  s'in- 
troduisit en  Europe ,  lut  regardée  comme  venant  de  l'Inde.  C'est  ce 
qu'affîrraent  plusieurs  auteurs  du  moyen  âge,  que  M.  Libri  a  cités. 
De  plus,  on  a  trouvé  dans  ces  derniers  temps,  des  traités  d'algèbre  et  de 
géométrie  composés  par  des  Hihdous,  et  qui,  en  effet,  montrent  un 
caractère  original;  mais  il  reste  à  déterminer  l'époque  de  leur  com- 
position, ce  qui  est  un  point  difficUe*. 

Le  livre  de  Mohammed  ben  Musa,  composé  sous  le  califat  d'Aima- 
mon  [vers  la  moitié  du  ix*  siècle) ,  étant  le  plus  ancien  et  le  plus  déve- 
loppé des  traités  d'algèbre  orientaux  parvenus  à  la  connaissance  des 
Européens ,  est  pour  nous  le  vrai  point  de  départ  de  ta  science  moderne. 
Cette  considération  a  porté  M.  Libri  à  reproduire,  dans  la  la'  note 
finale  du  volume ,  la  version  latine  de  la  partie  de  l'ouvrage  de  Moham- 
med qui  est  contenue  dans  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du 
roi.  On  y  pourra  comparer  le  texte  publié  h  Londres,  en  i83i,  par 
M.  Kosen. 

La  note  li  contient,  en  69  pages,  le  Liher  aagmenti  et  diminatio- 
nù  vocatas  numeratio  divinationis ,  ex  eo  quod  sapientes  Indi  posnemnt,  quem 
Abraham  compilavit  et  secandàm  Ubram,  qai  Indoram  dictus  est,  composait. 
Au  bas  des  pages,  M.  Libri  a  mis  la  traduction  des  opérations  en  carac- 
tères algébriques  modernes. 

Ce  manuscrit,  imprimé  pour  la  première  fois,  attribue  bien  positi- 
vement, comme  on  le  voit,  aux  Hindous  l'invention  de  l'algèbre;  mais 
on  désirerait  connaître  l'époque  de  la  composition  de  l'ouvrage ,  et  quel 

'  Dans  le  deuxième  volume .  page  âo6 ,  M.  Libri  fait  i«mMt|uer  que  les  mâmex 
terme*  étaient  employés  pour  désigner  la  rédaction  des  membres  démia  ou  fraclurés. 
—  *  Voici  les  titres  de  leurs  traductions  en  anglais  :  Bija  Gaitita,  or  iba  algebnt  of 


352  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

«qu'il  avait  pu  tirer  d'Euclide,  il  a  voulu  composer  un  ouvrage  en 

<t  quinze  chapitres  pour  instruire  les  Latins  dans  cette  science,  n 

Ce  prologue,  dont  le  texte  se  trouve  dans  b  i"  note  finale,  est  suivi 
de  la  table  des  chapitres  de  l'ouvrage,  dont  voici  le  premier  article  : 
De  coQiiitione  lumem  ^araram  Yndorum  (sic)  et  tfnaliter  cunt  cû  omnU 
nanuris  scribatur,  et  (ftà  Romeri  et  tjoalUer  retineri  debeant  in  montiiu  et  de 
introdaciiomi  (sic)  Abbaci.  Dans  ce  passage,  surtout  en  le  fottiHant  de  ce 
que  l'auteur  a  dit  dans  le  prologue,  ne  s9mble-t-il  pas  que  Fibonacci 
s'attribue  franchement  l'introduction  en  Europe  du  système  arithmé' 
tique  indien  P 

La  note  3*  fait  connaître  le  contenu  de  la  Prac6ca  ^eometrim  campo- 
aUa  a  Leonarâo  Piscmo  de  fiVis  Bonacci,  aaao  mo.  Ce  livre  contient, 
comme  son  titre  l'indique,  des  règles  pour  mesurer  les  champs,  les 
hauteurs  ,  et  de  plus  des  méthodes  pour  extraire  les  racines  cairées  et 
les  racines  cubiques;  mais  c'est  dans  la  note  3*  que  M.  Lîbri  a  publié 
le  quiniième  chapitre  de  FAbbacas,  qui  renferme  spécialement  l'algèbre; 
voici  le  sommaire  : 

Incipit  capitaban  (fuintaindecimam  de  regnlis  geametrÙB  pertinentihaa  et 
de  aaœstionibas  algebrœ  et  abnadtabUte.  Partes  hajas  atibni  capitati  sant 
Ires ,  aaaram  ana  ent  de  proportionibas  triant  et.  ifoataor  tfoodrincitaram  '  ad 
aaas  mufta  qaœstionam  geomelrÙB  pertinentiam  soiationes  redi^antar.  Se- 
conda erit  sohtione  qaanundam  quastionam  geometricaliam  :  tertia  erit  saper 
modam  ai^ebrœ  et  almachabilae. 

Ce  chapitre,  imprimé  pour  la  première  fois,  occupe  1^3  pages.  On 
n'en  avait  encore  parlé  que  vaguement  dans  les  histoires  des  mathé- 
matiques, excepté  dans  l'ouvrage  pubhé  par  M.  Cossali,  sous  le  titre 
d'Origine,  trasporto in Italia. .  .  deU  algebra,  Parme, #797,  3  vol.  in-4°. 

Ce  savant,  en  critiquant  quelqfiefois  avec  trop  d'amertume  notre 
Montucla,  avait  fait  connaître  des  pages  du  livre  de  Fibonacci,  tra- 
duites avec  les  signes  algébriques  en  usage ,  ce  qui  en  faciUte  beaucoup 


,.--rrSrt.3#- 


cs^^m^M 


»»' 


«°°"'' I  coi"»"  «.tome»':"'  ,!.•■'•«*  \t,tal«'î'°' 


556  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Dis  Alexamdbiihschb  Mosbuh;  eine  von  der  kônigl.  Akademie  der 
■  Wisseiuckafien  zaBerOn  imJali  iSSy,  gekr6nte  Preiischrifi,  von 
G.  F'artbey,  I>",  etc.  —  Le  Mcsioii  d'Alexasdhie  ,  Mémoire 
couronné  par  f Académie  royale  des  sciences  de  Berlin,  en  jaillet 
i837;fHirG.  Pardiey,  IX.  avecaaplan  tt Alexandrie,  het^n, 
à  la  libraiiie  de  NicoUi,  i838i  un  volume  iii-8*,  330  pages. 

L'auteur  de  cet  ouvrage.  H'.  Parthey,  est  déjà  connu  des  lectieurs 
de  ce  Journal  par  une  intéreasante  monc^rapfaîe  dont  nous  avons  rendu 
compte  ' ,  intitidée  de  Fftilis  Insah.  Cette  nouv^'e  production ,  cou- 
ronnée par  l'Académie  de  BerGh,  ne  peut  qu'être  digne  de  l'honneur 
qu'elle  a  reçu  de  la  part  d'un  corps  qui  compte  dans  son  sein  tant 
d'hommes  éminents  et  d'habiles  connaisseurs  dans  les  diverses  branches 
de  l'antiquité. 

'  Cet  ouvrage  est  le  fruit  d'une  lecture  étendue ,  élaborée  par  un  es- 
prit judicieux.  Elle  contient  la  réunion  de  tous  les  &it3  qui  peuvent  être 
de  quelque  intérêt  dans  l'importante  histoire  du  Muséum  d'Alexandrie. 
Dsy  sont  présentés  avec  une' grande  netteté  et  une  concision  que  plu- 
sieurs trouveront  excessive  et  taxeront  peut-être  de  légèreté ,  mais  qui , 
nous  l'avouerons,  ne  nous  déplaît  pas ,  k  cette  époque  où  l'on  fait  tant 
de  gros  livres  qui 'renferment  fort  peu  de 'chose. 
'  Le  plan  suivipar  M.  G.  Parthey  est  très^îmfde.  Après  une  introduc- 
tion sidistantielle,  U  donne  des  détails  but  la  topographie  delavillei  sin* 
sa  fondation ,  ses  édiûces  ,  sa  bibliothèque  ;  il  traite  successivement  des 
diverses  branches  des  connaissances  humaines  dont  on  s'occupait  dans 
le  Muséum,  à  savoir  :  la  critique ,  la  grammaire,  la  métrique ,  la  musique, 
là  mythographîe,  la  poésie,  l'histoire,  la  chronologie,  rhistoiw  natu- 


558  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

siège  de  l'école  alexandnne  fut  détruit;  mêine  depui»ceU£  d^trwtKUH,  dfe 

beaux  talents  continuèrent  de  s'y  développer;  cette  école  biiUa  eDcoi« 

pendant  lon^emps  de  L'édat  empruDlé  i  sa.  gloire  première ,  jusqu'à 

ce  qu'enfin,  après  une  durée  de  près  de  ouille  ans,  lora  de  l'Invasion 

des  Arabes ,  elle  fut  enveloppée  dans  le  grand  naulrage  de  l'antiquité 

classique. 

Ces  réBoions  préliminaires  de  net»  auteur  sont  suivies  de  considé- 
rations sBr  les  communications  de  l'Egypte  «t  de  la  Grèce,  avant  l'é- 
poqne  d'Aleiiandre.  Nous  en  présenterons  un  extrait. 

Les  rapports  antérieurs  des  deux  pays  n'avaient  été  que  fort  l^ers 
et  sans  effet  durable.  Jusqu'à  la  guerre  des  Perses ,  l'Egypte  était  restée 
è  peu  près  dans  son  is<dement  de  l'étrangerj  et,  depuis  ce  temps,  les 
Grecs  Airent  trop  occupés  de  leurs  propres  affaires  pour  tourner  leurs 
regards  au  dehors.  Le  secours  que  les  Ioniens  et  les  Cariens  portèrent 
à  Psammitichus ,  te  port  libre  établi  pour  les  Grecs  À  Naucratis,  la  ré- 
volte d'Inaros,  l'expédition  hardie  d'Agésilas,  laissèrent  peu  de  traces 
profondes.  Les  Grecs  étant  alors  dans  tout  le  développement  de  }eur 
force  intellectuelle,  ne  pouvaient  exercer  une  influence  décisive  en 
dehors  d'eax-mémes. 

Jusqu'à  l'époque  des  conquêtes  d'Alexandre,  la  mythologie  si  éton- 
namment variée  des  Hellènes,  leur  histoire  héroïque,  n'étaient  point 
sorties  de  la  Grèce;  elles  étaient  restées  un  fondfi  inépuisable  pour  les 
conceptions  de  ses  poètes  et  de  ses  artistes.  Mais  alors  cette  religion 
se  trouva  en  contact  avec  les  cultes  des  peuples  de  l'Asie  occidentale  et 
moyenne  :  la  sagesse  des  brabmea  et  des  gymnosophiftes.  les  dogmes 
des  adoratetirs  du  feu,  ceux  des  Gbaldéens,  le  culte  de  \^  nature  cbe>  les 
Syriens ,  et  la  science  mystérieuse  des  prêtres  de  l'Egypte  fiirent  conque 
des  Hellènes  bien  mieux  qu'ils  n'avaient  pu  l'être  jusqu'alors  par  les 
rapports  de  qudques  voyageurs  iscdés.  Pour  la  première  fois,  les  Hel- 
lènes devenaient  cenqu^antst  ils  soumettaient  à  leur  domination  un« 


360  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

avant  Alexandre ,  un  art  ilistinct  :  elle  avait  atteint  le  plus  haut  point  de 
splendeur  avec  Démosthène  et  ses  contemporains  ;  après  eux  se  perdit 
sa  valeur  politique  ;  le  rhéteur  prit  la  place  de  l'orateur.  Rarement  des 
discours  furent  improvisés ,  comme  auparavant ,  dans  le  premier  feu  de 
l'inspiration,  encore  moins  pour  stimuler  le  peuple;  mais  ils  furent 
longtemps  élaborés ,  et  lus  ou  récités  par  CŒur.  Sans  doute  il  ne  iaut  pas  . 
méconnaître  ce  qui  a  pu  être  produit  d'excellent  en  ce  genre  ;  maie  on 
doit  convenir  que  cette  éloquence  qui  remue  les  masses,  qui  les  &çonne 
et  les  entraîne  à  la  volonté  de  l'orateur,  n'a  trouvé,  dans  l'époque  alexan- 
drine,  aucune  occasion  de  s'exercer. 

M.  G.  Parthey  passe  en  revue  de  cette  manière  les  autres  branches 
de  la  science  et  de  la  littérature  grecque;  puis  il  arrive  aux  E^ptiens, 
sur  lesquels  il  fait  les  réflexions  suivantes  : 

La  religion  de  l'Egypte  était  intimement  liée  avec  la  nature  de  ce 
fleuve  étonnant  auquel  le  pays  doit  sa  formation.  Mais  on  y  chercherai! 
en  vain  les  fictions  ingénieuses  et  riantes  de  la  mythologie  hellénique , 
et  CCS  jeux  d'esprit  inépuisables  qui  confondaient,  d'une  manière  si  sé- 
duisante ,  le  nom  et  la  personne ,  le  mot  et  l'idée.  Les  dieux  de  l'E^pte , 
autant  que  nous  pouvons  les  comprendre,  semblent  k  peine  montrer 
quelque  chose  de  plus  que  cette  opposition  du  bon  et  du  mauvais  prin- 
cipe, qui,  sous  la  forme  du  Nil  fécondant  et  du  désert  aride,  était 
toujours  et  immédiatement  sous  les  yeux  de  l'habitant  du  pays.  Quand 
on  entre  dans  le  détail,  tout  est  obscur  et  incertain,  et  c'est  en  vain 
qu'on  s'est  elTorcèjusqu'ici  de  percer  cette  obscurité  profonde. 

On  ne  sait  rien  des  progrès  de  l'Egypte  dans  le  champ  de  la  littérature. 
Le  peuple  auquel  les  Grecs,  d'une  voix  unanime,  ont  attribué  l'inven- 
tion de  l'écriture ,  n'a  laissé  aucun  ouvrage.  Nulle  part  oh  ne  trouve  la 
moindre  indication  qu'une  branche  de  poésie  ait  été  florissante;  et  quand 
on  accorderait  que  les  Égyptiens  ont  eu  des  rapsodes  qui  chantaient  les 


3(iâ  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

des  Grecs*  un  modèle  de  dùpoaitioo  sociale.  Le  repos  de  b  vie  politique 
dbez  les  Égyptiens ,  où  une  seule  famille  de  rois  se  transmettait  le  trône 
par  un  héritage  non  interrompu,  et  agissait  toujours- dans  le  même  sens, 
formait  le  plus  remarquable  contraste  avec  ces  états  si  morcdés,  dont 
chacun  parcourait,  au  moins  une  fois,  comme  un  certde  inévitable,  en 
passant  de  la  démocratie  à  l'aristocratie  et  à  la  tyrannie ,  pour  revenir 
Jt  ïocfalocratie. 

Cette  introduction,  dimt  nos  lecteurs  ont  maintenant  nne  idée  asseï 
exacte,  prépare  convenablement  aux  recberches  contenues  dans  l'ou- 
vrage même;  die  dessine  nettement  ces  traits  caracténsliques  des  deux 
peuples-,  elle  fixe  l'état  et  la  nature  des  rapports  qui  avaient  pu  exister 
ento«  eux ,  bu  moment  de  la  fondation  d'Alexandrie.  •  . 

Le  premier  point  dont  s'occupe  l'auteur,  c'est  la  topographie  de  la 
ville,  et  la  recherche  de  l'emplacement  qu'occupaient  ses  élablisHements 
scientifiques ,  principalement  le  imuenin.  Par  malheur,  tout  ce  qu'on 
peut  dire  à  ce  sujet  ne  s'élève  pas  au-dessus  de  la  conjecture  ;  et 
M.  G.  Parthey  n'a  peut-être  pas  mieux  réussi  que  ses  prédécesseurs  : 
nous  nous  hâtons  d'ajouter  que  ce  n'est  point  sa  faute.  Le  sol  actuel  a 
été  tellement  remué,  depuis  les  temps  anciens,  qu'il  a  conservé  à  peine 
quelques  vestiges  d'anciens  édifices;  et  si  l'bn  excepte  le  phare ,  les  deux 
obélisques  placés  en  avant  du  Cesaream,  et  la  coloone  de  Pompée,  il 
ne  reste  plus  aucune  trace  des  magnifiques  monuments  qui  embellis- 
saient ^exandrie.  Le  trait  le  plus  saillant  de  son  ancienne  topographie 
a  entièrement  disparu,  puisqu'on  ne  peut  maintenant  retrouver  même 
la  place  de  celte  ancienne  colline  élevée^  dont  parle  Sirabon  ' ,  appelée 
Pansam,  et  du  sommet  de  laquelle  on  découvrait  toute  la  ville.  Il  est 
donc  &  peu  près  impossible  de  découvrir  dans  cette  plaine,  qui  s'étend 
entre  la  mer  et  le  lac  Maréotis,  des  traits  auxquels  od  puisse  apfdiquer 
le  peu  de  renseignements  que  nous  donnent  les  anciens.         • 


364  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Strabdn compte ,  pour.k  lai^^eur  de  l'iAthme,  7  oirS  stades',  Josèphe' 
et  Phflon'  10  stades.  Cette' différence  peut  s'expliquer  par  levpoints 
diyérsauxquelsles  mesures  se  rapportent;  l'une  est  un  mûtiimim,  l'autre 
est  un.  iKosûnoiR.  Toutes  les  deux ,  appliquées  sur  le  terrain ,  sont  beau- 
coup .trop  courtes,  prises  même  en  stades  olympiques  ;  mais  il  est 
bien  vraisemblable  que  les  attérissements  ont  agrandi  l'islbme  du  côté 
du  làc -Kbréotis.         - 

Si.Diodore  *  donne  4o  stades  d'une  porte  à  l'autre,  c'est  apparemment 
qu'il  aura ,  pair  erreur,  compris  la  longueur  de  quelque  faubourg  de 
diaque  côté.  Les  3^  stades  d'Etienne  de  Bysance  peuvent  se  rapporter  à 
une  époque  diOfêrente.  Il  n'y  a  pas  de  preuve  certaine  que  les  dimensions 
d'^exaiidrie  aient  été  données  dans  un  autre  stade  que  l'olympique  : 
et  nous  sommes  de  l'avis  de  M.  Parthey  qu'on  n'est  pas  suffisamment 
autorisé  Â  dire  que  Strabon  n'a  donné,  sur  Alexandrie,  <fae  défausses  me- 
sures, parce  qu'il  n'a  pas  connu  tai-méme  la  valeur  des  divers  stades  qa'it 
employait.  , 

Nous  avons  déjà  dit  que  l'emplacement  même  du  musée  ne  peut 
être  indiqué  que  par  conjecture.  M.  Parthey  trouve  que  deux  des  prin- 
cipaux renseignements  sont  en- contradiction  l'un  avec  l'autre. 

Au  rapport  de  Strabon ,  dit  M..  Parthey ,  le  musée ,  avec  sa  bibilio- 
thèque,  n'était  pas  voisin  de  la  mer,  puisqu'il  nomme  d'abord  tous  les 
édifices  qui  bordaient  les  ports,  et  cite  plus  tard  le  musée,  comme 
faisant  partie  du  palais  des  rois.  D'une  autre  part,  la  bibliothèque  qui 
fut  détruite  par  l'incendie  de  la  Qotte,  devait  être  située  immédiatement 
sur  le. bord  de  la  mer.  Poxu-  concilier  ces  deux  notions,  on  pourrait 
dire  que  l'édifice  du  musée;  après  l'incendie,  lut  reconstruit  à  une  autre 
place,  où  il  ^tait  au  temps  de  Strabon;  mais  pendant  les  xi  ans  qui  se 
sont  écoulés  depuis  le  siège  de  la  ville  par  César,  jusqu'au  voyage  de 
Strabon,  a-t-on  pu  exécuter  un  si  grand  travail? 


im  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

NOUVELLES  LITTERAIRES. 


..IMSirrCT  ROYAL  itfÉ  PRASÇE. 


RAvfMlir  in  steritaira  papétael  êe  tAèaiélUiè  -det  iiaer^fimu  0t  heMêg- 
Uttrés,  sâr  .les  traoaax  des,  ùmnduiàns  &cittè  Académie  petldétt  ie 
premier  semestre  ie  l'année  i83ô;  la  âant  h  séance  âa  igjain. 

A  rtaeolple  de  mon  illustre  et  i  jamais  respectable  prédëcetseur' ,  je  comprendrai 
Wut«s  les  puMications  entreprises  par  l'Académie  dans  l'exposé  des  trava*»  d*  ses 
ConunissïoDS  diverses. 

lie  pnmîer  des  recueils  qu'dle  publie,  celui  de  sesproprei  Mémoire»  est  parrenu 
aux  tcnnes  XII  et  XIII  de  la-  nourdle  série*,  La  seconde  et  dernière  partie  du  trei- 
ùimesort  aujourdiiui  même  de  l'Impriinerie  royale*;  l'autre  a  paru  en  1887 ';  el 
la  deuxième  du  loffleXIIe'n  iS36,  e»  attendant  la  première  i]ui;  réservée  à  lllis- 
tairv  io  l'Acadénie  depa^  le  ctttnmamieuipnf  ite  i^i  jssqu'jt  ta  fin  de  1837,  ne 
iMt  être  paUiée  tpi'apri»  Aoat  le  tom»  XIII.  Je  crois  ponvoir  annoocer  qa'al«  le 
sera  en'i83q'. 

L'Académie  a  destiné  le  tome  XI  n  une  table  alphabétique  des  matières  traitées 
dUiA  lek  ilîx  précédents.  La  copié  de  cette  talâe*  jusqu'à  la  lettre  K  indasfrenent  est 
Uvtéè  et rem^Kra  envirbb  »o  pi^bsdont  11b  iont  unpritoées.  Je  Ctrai  caqni  Kni 
ea  ni«a]loimnr{)Oi»iqM  té  TOJtiSM  «tUler  e'«dtèv«  aussi  dans  le  cdurs  d«  l'année 


568  JOURNAL  CES  SAVANTS. 

eVeàU»  lèsquds  «e  rencontrent  cebt  qui  cooctrotet  Motthîea  de  VeadAme ,  abb^  de 
IWéA^DAoU  et  tégent  du  nijaume;  RoWf  deLaùnicbetl  a^tétite  de  la  t^théd.r^ 
d'Amiens;  le  &anciKain  Jean  de  ftume,  i  qpi  l'Evangile  i^mel  b  iké  attribué;  Gé- 
iMAi  «vèqae  d'Angers ,  elc.  etc.  I^na  dé  cinquante  dtt  arlîblw  à  placer  éprès  ceu'x-)i , 
cnt-à^^diVé  loosles  années  iago'k  i3oo ,  sont  rédigés:  Il  figài«nt ,  entre  atttrei  pei^ 
Mniiages,  Ëlienne  de  Salatibac,  Hîchel  Scot,  PienreJean  drOtive^--  Guillaume  de 
Morbtta.Boger  Bacon....  Dans  la  série «hroAologique  dea  tronbadoun ,  M.  ^téric- 
David  a  préparé  des  IVoticea  sur  la  vie  et  lea  ouvrages  de  Giraud  de  Cabrière ,  AmAid 
de  MaHAn,  Anutnien  des'Ësoû,  mn^tlT,  roi  d'Aragon,..-' Jean  Ectéve;  etc.;  et 
M-  AmauT^  Durd  s'est  occiipé  iei  nombreux  tronvères  qni  ont  écrit  sons  le  règne 
do  Philîppe-le-Bel  jusqu'en  i  îoo.  Il  esl  donc-i  prtsûm«  que  ce  vingtième  volume 
verra  le  jotir  vers  la  fin  de  1 84o  '.       "         ' 

Les  rtapports  de  M.  de~Sa(^  onf  indiqué  tont  le  contenu  dn  tome  XX  de  la  col- 
lectfo»  dm  Hiatoriens  de  France'.  Le  corps  du  volume  est  imprûné  en  entier*.  La 
r^dat^n  des  taMes  sera  bien làt  ïennî née:  cdiedes  préliminaires  est  «ttreprîse^  et 
les  sis  derniers  'mois  de  i83S  suffiront  sans  donte  pour  achever  la  publication. 
'  'OanS  la  partie  orientale  du  nouveau  Recueil  des  Historiens  des  Croisades,  les 
exlraîls  de  la  Chronique  arabe  d'Abou'Iliéda  remplissent  environ  aoo  pages,  en 
bonnes  feuilles ,  ou  en  épreuves,  on  en  copie.  C'est  tout  ce  que  l'éditeur,  M.  Rei- 
naud  ,  se  propose  de  tirer  de  celte  Chronique.  Il  prépare  l'Extrait  d'Ibn-Alallr  qui 
doit  la  suivre  et  qui ,  sans  doute ,  éprouvera  moins,  de  retards  typographiques  après 
la  session  des  Chambres. 

L'impression  de  la  porlifl  grecque  dn  même  Recueil  pourra  commencer  avant  le 
i"  janvier,  par  des  Extraits  de  Zonare.  d'Anne  Comnène,  de  Jean  Cinname,  de 
Nicélas  Chonîates  ;  que  H.  Hase  a  rnllarioani'm  sur  plusieurs  manuscrits ,  et  dont  il 
a'  revu  les  versions  latines^  il  j  joindra  qudqnes  pièces  inédites. 

La  partie  latine  et  frauçaise  de 'cette  même  collection  d'Historiens  des  Croisades 
est  plus  avancée.  La  copie  entière  d'un  premier  tome  a  été,  depuis  plus  d'un  an, 
livrée  a  l'Imprimerie  royale  par  l'éditeur,  M.  Beugnot,  qui  a  reçu  78  cahiers  en 
bonnes  feulltes,  et  8  autres  en' épreuves,  en  tout  6S8  pages,  contenant  les  qualone 
premiers  livres  de  Guillaume  de  Tyr,  en  latin  et  en  fiwiçais ,  avec  dix-neuf  chapitres 
dn  XV'.  Tout  ce  qui  suit,  jusqu  à  ia  fin  du  livre  XXII.  et  j  compris  ce  ou  on  a 
du  XXIU* .  doit  remplir  environ  aoo  pages ,  outre  les  préliminaires  et  les  taUes  ou 
appendices  du  volume.  La  publication  ne  pent  manquer  d'avoir  lieu  dans  le  cours 
de  l'année  iSSg. 

Le  tome  XX  de  la  collection  des  Ordonnances  des  Rois  de  France,  est  imprimé 
juoqu'À  la  page  530 ,  où  il  atteint  le  mois  de  mai  i4g6*.  L'éditeur,  M.  dePastoret,  a 


570  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

térienn  dn  mèiii*  g>an,  H.  de  Sky  'MI  [^int,  à  {diuiavs  reprises,  de  I'um^ 
ipii  s'iirtroduisKt  de  ne  deouDder  Al  Académie  qnede>  légende»,  et  d'arrêter,  mq» 
Is  coDiulter,  la  GonuMMÏtioa  dn  types:  >d'où  il  résulte,  duait-il,  qu'il  est  quelqae- 

•  Ibis  imposriUe  de  raira  ctmcorder,  comme  il  serait  à  désirart  lea  dem  parliez  qui 

•  concourent  à  l'exprassion  de  la  pensée  qoe  les  monuments  doirent  tcansnwttre  k 
la  postérité.  ■  Tai  dû  adresser  les  mêmes  obs^Yations  à  II.  le  ministre  d«  Vinté- 
rienr,  en  lui  présentant  les  inscriptions  qu'il  avait  demandées,  et  réclamer,  pow 
l'Académie ,  l'une  de  ses  fdu  anciennes  albîbulioas ,  cdie  que  rOrdonnaoce  rayak 
de  1701  exprimùt  en  ces  tenues:  FoiW  la*  mÀbillM,  vtiUerà  A»/cr  fw /wb(  cm- 
tribiuriùurptifKlioii,  tant  poar  rinwntiai  4t  Ui  Dtsatnstfo»  pour  la  intcriptioiu  et 
les  légendet. 

Depnis  la  dernière  séance  publique  de  l'Académie,  vingl-sept  ouvrages,  opuscules 
ou  Hémoiree,  tant  imprimés  que  manuscrits,  ont  été  envoyés  à  la  Commission  des 
Antiquités  de  la  France.  Deux  de  ces  ouvrages  concernent  les  possessions  Cnmçnse* 
dans  le  aord  de  l'Afrique  :  ils  décriveot  des  monuments  antérieurs  à  la  conquête  dn 
pays  par  les  Arabes  ;  ils  joignent  à  ces  di'iail*  de.t  observations  curieiues  sur  l'em- 
placemont  des  anciennea  «îUot  ot  ranrerment  aussi  beaucoup  d'inscriptions  latines 
recueillies,  soii  dons  l'intérieur  du  territoire,  soit  sur  divers  points  du  littoral. 
D'autres  Ûémoires  offrent  la  description  d'e'"^'''^<  de  retranchements  qu'on 
Tait  remonter  aux  siècles  qui  précédèrent  la  domination  romaine  dans  les  Gaules; 
quelques-uns  expliquent  des  monumenb  qui  datent  de  cette  domination  même. 
Mais  le  plus  grand  nombre  des  écrits  examinés  par  la  Commission,  retracent  des  éta- 
blissements on  des  tradidons  du  moyen  âge  :  ce  sont  des  précis  historiques  sur  plu- 
sieurs villes,  châteaux,  églises,  abbayes;  des  notices  de  monuments,  d'archives 
communales  ou  proviociidcs  ;  des  recberclies  et  des  commentaires  sur  des  poèmes 
en  langue  romane ,  on  sur  des  manuscrits  relatifs  à  l'histoire  de  France.  Ces  produc- 
tions diverses  viennent  de  donner  lieu,  au  sein  de  la  Commission,  à  des  Rap'ports 
particoliers  qni  vont  Fournir  les  éléments  du  Rapport  général  qu'entendra  Ùenlôt 
l'Académie.  On  désire  qu'il  ne  se  borne  point  à  faire  connaître  les  ouvrages  auxquels 
les  médailles  sont  décernées ,  mais  qu'il  distingue  aussi  par  qndque  mention  les 
travaux  qui,  sans  avoirélé  jugés  dignes  de  ces  récompenses  solennelles,  mériteraient 
d'autres  encouragements.  J'ajouterai  que  rAcadémie  a  ptit  deux  fins  la  résolutiou  de 
publier ,  sous  le  titre  de  Mémoftes  êet  iOmuiU  étrangers,  une  collection  des  meilleurei 
dissertations  historiques  et  archéologiques  qui  lui  ont  été  ou  lui  seront  présentées. 
Des  considérations  si  graves  conseiltent  cette  publication ,  qu'dle  ne  pourrait  être 
différée  oue  par  l'absence  des  moyens  de  l'cxéculer. 


572  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

■  739),  dans  lequd  3  emploie .  pour  comparer  M  mesurer  les  interrtlles  miuicftiu , 
un  *T*l^e  dé  l^arithmes  dont  U  bon  est  a  :  trente-cioq  ans  après ,  le  géomètre  ^ 
IiBiiiDert  fit  paraître,  dans  les  recueils  de  l'Académie  de  Berlin,  on  mémoire  sur  le  * 
iempérammt  m  mati^as  où  les  inlerralles  musicaux  sOnt  comparés  et  mesurés  par 
l'emploi  d'un  système  de  logarithmes  dont  la  base  est  \fi  ;  ces  systèmes  de  Ion- 
rithmes.  désignés  par  le  nom  de  Jogarithma  acouitiquei .  ont  été  adoptés  par  les 
deux  géomètres  sosuMumés,  parce  que,  entre  autres  propriétés,  3s  ont  ceUe  de 
donner  l'ènondatîon  immédiate  des  valeors  des  interrt^es  musicaux,  les  umléi 
d*interv^les  étant  l'octave,  pour  le  système  d'Euler,  et  le  77  d'octave,  ou  ekronw 
majvn,  pour  celui  de  Lambert:  les  logarithmes  vulgaires  sont  bien  loin  d'o&rir  de 
pareils  avantages;  car,  eu  les  considérant  comme  oeoiu/tfau,  il  fiiudrait  prendre  pour 
unité  l'intervalle  dont  le  rapport  cans^tuant  est  ^ ,  et  dont  la  valeur  est  de  3  oc- 
taves -{^^-i  ce  qui  est  inadmissible '. 

«  M.  le  baron  Blein ,  dans  la  première  édition  de  son  traité ,  n'a  Tait  aucun  usage 
des  logarîtluneB,  et  ne  les  a  même  pas  mentionnés;  il  a  voulu  suppléer  cette  lacune 
dans  sa  nouvelle  rédaction  ;  mais  malheuivuiNMucui,  au  lieu  da  suivre  reiem[de  re- 
marquable qu'Ëuler  et  Lamliert  lui  avaient  donné ,  en  employant  les  systèmes  k^a- 
rithmiques  spécialement  adaptés  aux  calculs  musicaux,  il  leur  a  substitué  les  1(^- 
rithmes  vulgaires.  Une  communication  qu'il  a  faite  à  la  commission,  postérieurement 
à  l'envoi  de  son  manuscrit  à  l'Académie,  semblerait  annoncer  l'intention  de  faire  à 
son  mode  logarithmique  des  améliorations  fort  désirables. 

>  L'expOsîUon  de  la  génération  harmonique  commence  par  la  génération  de  l'ac- 
cnd  parfait  majeur  que  M.  le  baron  Blein  déduit  de  la  triple  résonnance  d'une  corde 
sonore  qui  fait  entendre ,  avec  le  son  principal ,  l'octave  de  la  quinte  et  la  douUe 
octave  de  )a  tierce,  ou,  en  teçne  équivalent,  la  la*  et  la  17* aiguë  du  son  géné- 
rateur. 

(  Rameau  avait  déduit  l'accord  parfait  mineur  des  phénomènes  observés  sur  trois 
cordes  sonores,  l'une  montée  au  ton  du  générateur  at,  et  les  deux  autres  respective- 
ment i  la  la*  et  à  la  17*  graves  de  ce  générateur;  si  l'on  fait  résonner  la  corde  ul, 
les  deux  autres  frémissent  sans  résonner  et  leurs  ondulations  les  divisent,  savoir  : 
cellequiest  montée  à  la  1  a' en  trob  parties  séparées  par  deux  points  de  repos,  et 
celle  qui  est  montée  à  la  17*  qn  cinq  parties  séparées  par  quatre  points  de  repos.  On 
a  aussi  déduit  l'accord  parfait  mineur  de  l'accord  parntit  majeur,  en  rendant  la  tierce 
de  ce  dernier  génératrice  de  la  quinte  par  son  abaissement  d'un  demi-Ion.  M.  le  ba- 
ron Blein  trouve  les  trois  sons  de  l'accord  par&it  mineur  dans  la  triple  résonnance 
d'un  cylindre  de  fer  suspendu  verticalement,  etqui,  frappé,  donne  pour  jténérateur 


574  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

montra  de  lrè»-bouoe  beore  uoe  votatioD  ptonoooée  pourle*  arti;  il  étudia  d'abord 
sous  la  direction  d«  M.  Devosgcs,  fondateur  de  l'Académie  de  Dijon ,  école  jnaie- 
ment  renomni^.  que  David,  notre  grand  peintre,  et  le  c^bre  statuaire  Julien  , 
conaidénûent  cmnme  la  jplus  imborlante  de  France  aprèa  c^e  de  Pari*.  Avant 
obtenu  d«ns  cette  école  dbonorabW  succ^/Qaud»  JUni^,  entraîné  par  le  déair' 
de  se  perfectionner  dans  son  art  j  et  farâlant  d'essayer  M*  force»  dans  uae  arène  j^s 
vaste ,  vînt  à  Paria  en  ij^  avec  ses  amis  intimes,  Prndhon  et  Naigeon.  M.  Gois 
père,  statoaire,  iqniît  fut  recommaiMlé,  se  oha^ea  del«  diiiger. dus  ses  étude* , 
et  Claude  Bamey  ne'  tarda  paa  A  se  plaeer  en  première  ligne  panni  les  élève*  de 
l'Académie.  Son  séjour  à  Paris  liit  marqué  par  nne  suite  non  interrompue  de 
triomphes.  En  moins  de  deux  ans  il  obtint  successivement  toutes  les  récompense* 
oSertes  à  l'émuletroii  des  âèves,  et  enfin  le  grand  prix  de  Home,  objet  de  ses 
coDslants  eflbris.  Pendant  son  séjour  en  Italie,  il  prépara  par  de  nombreuses  études 
les  éléments  qni  devaient  servir  k  fonder  sa  réputation ,  et  puisa  dan*  cette  patrie 
des  beaux-arts  de  niAAtis  inspirations.  Do  retour  en  France  en  1787,  Claude  Itamej 
se  livra  d'abord  à  des  travaux  particuliers  qui  lui  forent  confiés  dans  sa  ville  natale 
par  H.  de  Montignv,  son  fimt»rb>i>r  et  juste  appréciateur  de  ses  talents.  Il  revint 
ensuite  à  Paris,  m\  H  commença  le  modde  d'une  statue  de  soldat  mourant,  ouvroge 
qu'il  destinait  k  sa  présentation  à  l'Académie,  mais  que  la  marche  des  événements 
l'empêcha  d'achever.  Nous  ne  suivrons  pas  cet^rtisle  dans  toute  l'étendue  de  sa 
laborieuse  carrière  ;  nous  nons  bornerons  k  citer  sommairement  les  principaux  ou- 
vrages auxquels  il  a  dâ  la  réputation  méritée  qu'il  s'est  acquise.  Appelé  a  participer 
aux  premiers  encouragements  qui  furent  accordés  aux  arts  par  le  gouvernement , 
après  les  grands  événements  de  1784,  il  exécuta  dès  lors,  et  successivement,  deux 
pendentifs  pour  le  Panthéon  nationu ,  une  statue  en  marbre  représentant  Sapho . 
plusieurs  bustes  des  grands  hommes  de  l'antiquité.  Sous  l'empire  il  fit  pour  le  ■ 
palais  du  sénat  un  statue  de  Scipion  l'Afiicain,  une  autre  du  général  Kléber,  et  la 
bdle  statue  en  marbre  de  l'empereor  Napoléon,  qui  fait  aujourd'hui  partie  de  la 
collection  des  galeries  historiques  de  Versailles,  où  l'on  voit  également  de  lui  la 
statue  du  prince  Eugène  Beaubamais  en  costume  de  grand  dignitaire.  Parmi  ses 
autres  ouvrages,  nous  citerons  encore  une  naïade  pour  la  fontaine  Uédicis  auLuxem- 
bourg,  la  statue  de  la  Prudence;  placée  au-dessus  de  la  porta  d'entrée  de  la  Banque 
de  France ,  et  faisant  pendant  ■  celle  de  la  Justice ,  exécutée  par  son  ami  Cartelier. 
Il  lit  en  outre,  pour  1  arc  de  triomphe  du  Carrousd,  un  bas-ralief  en  marbre,  dont 
ujet  est  l'entrevue  des  deux  empereurs  k  Austaditi;  la.statue  colossale  du  cardi- 
de  Bichelieu,  [dacée  aujourd'hui  dans  la  grande  cour  du  palais  de  Versailles; 
les  bustes  de  la  famille  de  Prasiîn ,  et  enfin  la  statue  en  marbre  de  Pascal ,  dont  le 


le  sujet 
naldel 


576  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

L'Académie  rappelé  qu'elle  décernera ,  s'il  j  a  lieu ,  dans  sa  séance  publique  de 
t84o,  un  prix  sur  cbacnne  des  questioDS  soivantes: 

I.  Queù  *ORtlet  progrèiqueUarait  dugeiua^iti  enEaropedepBitbipaixde  We$t- 
plai(â?H.  Diterminer  ki  moymtàVvàâe  iesqaebon  peut  tmutater,  mte  h  phu  de  cer- 
titude. In  vèriti  dafailt  qm  tant  lobjet  Jei  débats  jndiciaira ,  toit  m  matiireâviU,  mt  ni 
matiin  erimiiulh.  Comparer  let  diven  modei  de  procéda  emphyés  pour  obtenir  ce  réiat- 
lit,  efuzUtpetifletUtplu*  eivUûèt;  en  faire  mniudtre  let  inaûaéiûetitt  et  lei  avantages. 
Chaque  pris  est  de  la  somme  de  çiunze  cmt«  francs. 

Les  mémoirei  devrontètre  parreniu  an  secrétariat  de  l'iDatitut,  le  3i  décembre 
1839. 

L'Académie  devait  décerner,  dans  sa  séancede  i838,  im  prix  sur  la  question  tni- 
y»ale:  Lonqu'oM  nationie  propose  d^ètabUr  la  liberté  damitwuTce,  oade  modi^eriali- 
gislatioR  sar  les  douanes ,  tjueb  sont  lei/aits  qa'elif  doit  prendre  en  considération  pour  cor- 
cilier,  de  la  manière  la  plat  éqaitahte,  kt  intérêts  des  prodttcleart  et  ceax  de  la  nuuie  det 
«womnuiteanPCeLle  même  question  avait  été  proposéeen  i83â;  aucun  des  mémoi- 
res n'ayant  encore  rempli  les  conditions  exigées  par  le  programma.  l'Académie  re- 
tire ta  question  et  la  remplace  par  la  suivante  : 

■  Il  T  a  peu  d'années  encore ,  un  gouvernement  du  nord  de  l'Allemagne  a  conçu  la 

•  pensée  de  procurer,  k  tons  les  états  qui  l'entourent,  les  avantages  mutuels  d'une 
■  association  commerciale ,  en  reportant  toujours  eux  frontières  extérieures  te  cordon 

•  des  douanes  des  états  ainsi  coalisés,  et  livrant  k  la  liberté  complète  le  commerce 

•  intérieur  de  l'association.  L'Académie  propose,  comme  sujet  de  prix,  de  déterminer 

•  qudleest  déjà  l'influence  produite,  et  quelle  sera  l'îa&uence  future  de  l'association 

•  commerciale  demande:  1*  Sur  le  prospérité  des  peuples  associés,  sur  le  dévelop- 

•  pemeut  de  leur  industrie,  sur  l'extension  de  leur  commerce  extérieur;  a*  surl'in- 

•  dustrie  et  le  commerce  des  antres  nations  1  3*  quelles  associations  analogues  pour- 

•  ront  naître  par  l'eSet  de  cet  exemple ,  et  par  la  nécessité  de  ci^r  ud  nouvel  équi- 

•  libre  dans  le  négoce  des  nations  ;  A"  quels  changements  devront  résulter  de  ces  es- 

•  péces  de  confédérations  commerciales,  dans  le  système  des  lois  économiques  qui 

•  régissent  aujourd'hui  les  nations  ?  ■  Ce  prix  est  de  trois  mille  francs. 

Les  mémouïs  devront  être  déposés  à  I  Institut,  le  3i  décembre  i83g. 

L'Académie  rappelle  qu'eKe  décernera,  s'il  y  a  lien,  en  i83g,  le  prix  sur  la  ques- 
tion suivante  :  De  l'abolilion  de  Veiclava^e  ancien:  1*  Par  ijutllei  causes  et  comment  fes- 
cùtoage  ancien  a-t-il  été  aholi;  3*  à  quelù  époqae  cet  esclavage,  ayant  entièrement  cessé 
dansfEarope  occidentale,  n'eitil  reité  que  la  lervUade  de  la  glihe?  Ce  prix  est  de  la 
somme  de  qainze  oenlt  francs. 


578  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

correclioo>,  de  n^iigencei.  restaienl  dans  l'aBCieoDe  verskm  ItUiDe,  œavra  primi- 
tive de  Itaphaet  ViMalerraniu  et  d'André  Divus  ;  «lies  ont  dispani  dans  la  nouv^c 
et  sont  remplacées  par  une  explication  claire  et  précise.  Toutes  les  fois  que  peur 
faciliter  Tintelligeace  de  certains  passages  difficiles  on  a  dà  insérer  dans  la  traîduc- 
tioa  des  mots  nécessaires  qui  ne  se  trouvaient  pas  dans  l'original ,  on  a  pris  soin  de 
mettra  ces  mots  en  caractères  italiques.  Partout  la  diction  homérique  eat  conservée 
scrupuleusement,  aiasi  que  la  marche  des  périodes.  C'est  ce  qui  manquait  proMn- 
palement  aux  anciennes  traductions;  et  cependant  c'est  de  U  liaison  plus  ou  moins 
étroite  des  membres  de  chaque  phrase  que  résulte  l'apprëciatioi^^e  l'ancietuioté  re- 
lative des  différentes  parties  des  poésies  homériques.  Longtemps  la  question  du 
cycle  épique  fut  agitée  en  Allemagne ,  et  elle  était  loin  d'être  décidée ,  même  lorsque 
parut,  en  1827,  le  premier  recueil  des  fragments  de  ces  poètes,  contemporains 
d'Homère  pour  la  plupart.  Après  plusieurs  tentatives,  M.  WâdterpnUia,  en  i835 
l'ouvrage  le  plus  profond  et  le  plus  complet  sur  le  Cyci^  qui  eût  paru  jusqu'alors. 
A  l'aide  de  cet  ouvrage,  il  devenait  possible  de  coordonner  les  poèmes  qui  compo- 
saient ce  Cycle,  et  d'accroître  encore  par  de  nouvelles  recherches  le  nombre  des 
fragments,  déjà  considiruUwi ,  recueillis  par  M.  Welcker.  Cest  ce  qui  a  été  fait  avec 
succès  dans  l'édition  publiée  par  MM.  Didot.  Beaucoup  de  fragments  inédits  ont 
accru  la  collection  donnée  par  Welcker,  et  ont  rendu  la  nouvelle  édition  d'autant 
plus  précieuse  que  le  texte  en  a  été  corrigé  en  plusieurs  endroits.  La  traduction  de 
tous  ces  fragments  n'existait  point  encore.  L'examen  du  premier  chant  de  l'Iliade 
(celui  de  tous  dont  l'ancienne  traduction  avait  été  le  plus  soignée)  démontre  la  su- 
périorité de  la  nouvelle.  Nous  nous  bornerons  à  citer  quelques  exemples. 

V.  3.  Le  mot  irpaia^**,  traduit  jusqu'alors  par  pnrmafarè  misit,  n'a  jamais  eu 
cette  signiËcation.  n^'  n'a  pas  ici  d  autre  valeur  que  dans  proptUere.  Ne  pouvant  tra- 
duire le  mot  grec  TpaîaJfit  par  promittere,  qui  n'a  point  une  signi&catiou  semblable, 
on  a  employé  l'expression  dont  s'est  servi  Virgile  :  âemittere. —  V.  i5.  Xpvaiwàfd 
raMT'^w  avait  été  traduit  par  aam>  cnm  tceptm.  Jamais  eàà  n'a  eu  la  signification 
de  cam>  mais  bien  c^e  de  super,  ou  du  moins  de  in.  Comme  les  mififut-ra.  étaient 
suspendus  au  sceptre  d'où  ils  tombaient  flottants,  on  a  dd  traduire  ici  tk  iceptro 
(snspensas);  on  aurait  pu  mettre  aussi  in  leeptn  /lupannu.  —  V,  39.  Xapitrr'  titi 
nif  ift-\M  avait  été  traduit  par  templam  comnavi ,  contre  l'autorité  de  tous  les  meilleurs 
grammairiens.  Apollonius  dit  même  :  xjixtit  i"  i-nAnua  -ri  anfôiur*;  et  Platon, 
dans  la  paraphrase  qu'il  donne  de  ce  passage ,  l'explique  ainsi  :  i?  ri  ■xânen  i  iV 
tetùf  «'iKaJhfioitteir  m  *r  ltf.pt  fluff/iur  xixapirftitai ,  k.  t  *■  — V.  I^.  S'm'EtKrrn'  \tulairn 
ne  doit  Doinl  être  traduit  par  peclore  fanhando  :  xeUm  xîip  n'ofire  point  ce  sens,  — 


584  JOURNAL  DES  SAVANTS.      • 

Geichichfe....  Hbtoire  de  la  littérature  fran^'w  ntoderae,  par  H.  Mager.  Berlin, 
Heymana,  18381  a  vol.  in-8*. 

ANGLETERRE. 

Aa  History  ^ englùh  Hhyikmt.  Histoire  de  Rhytbmes  anglais,  depuis  le  v*  siècle, 
par  M.  Idwin  Guest.  Lpndres,  Pickering,  iS38  ;  3  vol.  in-S°> 

The  hiographiad  Treatary.  Trésor  biographique  comprenant  des  mémoires ,  es- 
quisses ou  courtes  notices  sur  la  vie  de  plus  de  ia,ooo  personnages  célèbres  de  tous 
les  siècles  et  de  tons  les  pays ,  depuis  les  temps  historiques  les  plus  reculés  jusqu'à 
nos  jours,  avec  environ  3,5od  maximes  ou.  préceptes;  par  M.  Samuel  Maunder. 
Londres,  Longmann,  i838;  in-8*. 

Qiteen  EliziAeth  and  her  Times.  La  reine  Éliiabeth  et  son  temps  :  Recueil  de 
letlres  origindes,  choisies  dans  la  correspondance  inédite  de  lord  Burglej,  comte 
deLeicester:  psrM.Th.  Wright.  Londres,  Colburn,  i838;  a  ïol.  in-8*. 

The  Hmiory  oj  Eattent  InSia.  Histoire,  antiquités,  topographie  el  statistique  des 
Indes  Orientales ,  d'après  les  documents  origiuaui  des. Indes;  par  M.  Montgommery 
Martin.  Londres ,  Allen,  i8a8;  a  vol.  in-8',  avec  des  planches.  D  y  aura  un  troi- 
sième tome. 

Utapia.  L'Utopie  de  Thomas  Morus ,  atec  la  Nouvelle  Atlantide  de  Bacon ,  l'analyse 
de  la  RépuMique  de  Platon  ;  des  notes,  etc....;  par  M.  A.  S.  Jolm.  Londres,  Rickerby, 
i838;4¥ol.  in-8*. 

ITALIE.  —  Lexicon  epigraphicum  morcetlianum  ,  auctore  Schioui.  Bononis  . 
i835-i838;  i5fa3cic.in-4*.  Pr.  i8lire,  i5*. 

Elemenli  di  Anaiomia  Jîiiologica ,  ï^éments  d'Anatomie  physiologique  appliqués 
aux  beaux-arts  ,  par  M.  Bertinatti.  Turin  ,  1837,  i838  :  a  vol.  in-8*,  avec  un  atlas 
in-Ibl.  contenant  i5  planches.  Pr.  36  lire. 


\oTA.  On  peut  s'adresser  à  la  librairie  de  M.  Letr&dlt,  à  Paris,  rue  de  )a  Harpe,  n*  Si; 
el  i  Strasbourg,  rue  des  Juifs,  pour  se  procurer  les  divers  ouvrages  annoncés  daas  le  Joarnol 
du  Smûnts.  Il  faut  afinnchir  les  lettres  et  le  prix  présuinc  des  ouvrages. 


TABLE. 


5SB  JOURHAL  DES  SAVANTS. 

conlemporams,  vers  le  panëgyiique  ou  la  satire?  Ajoutons  que  le  gou- 
vernement d'alors,  ari>kr«# sûnrèaké  itt  ^sevààoas  même  liltéraires, 
ne  laissait  ni  à  Téloge ,-  m  ni  bUkié  }  otm  Inéépfendance  qui ,  usant  les 
préjugés  contraires,  eût  bientôt  amené  les  esprits  k  une  appréciation 
du  passé  plus  désintéressée  et  fdus  juste.  Il  a  Ëilln  le  cours  du  temps, 
ravéfi^4Êl'1bcce|M' dflà  gélîâniojft  etrKdées '^iv%itts,^un:{Aas 
grai^^tatftemfsTq**  PP^>  ^  pljp^rain  souci 4(e  ra^èj|irfl  p»s  de 
franchise  dahs  le  dâta^cobtniaictoire  des  opinioàs  "enfin  'émancipées 
par  l'essai  et  l'établissement  d'un  gouvernement  libre,  pour  que  le 
XTin*  siècle  prit  sa  place- panni. les  époques  désonnais  accomplies, 
que  la  postérité  peut  jng^;  non  pks'mc'ihdiflérence,  mab  sans  fa- 
veur et  sans  colère.  Quand  M.  Viliemain,  qui,  dans  son  enseignement 
â  la  &culté  des  lettres,  parcourait  depuis  quelques  années  les  divers 
âges  de  notre  littérature,  est  "amvé.  conduit  par  l'ordre  chronologique. 
k  retracer  l'histoire  des  lettres  françaises  au  xviii'  siècle ,  il  a  profité , 
en  la  hâtant)  de  la  maturité  du  sujet;  il  l'a  traité,  je  n'ai  pas  besoin  de 
cBre  àvW:  beaucoup  de 'savoir  élde^ûl,  'd'esprit  et  ^^loquencè,  inâis 
avéÉ^'i&é  KébàVfoi,  jjrié  difidrétt(hi  fort  ÉÈlhSé's  et  fort  iriéritolréfe  'dans 
tth  mot^étrt  bù  \ël'  dmU^  dVâ  ^ôti^oir  i  -qui  rfaîstoire ,  là  philoso- 
phie, les  lettres  elles-mêmes  étaient  devenues  suspectes,  où  le»  )âéi)ccu~ 
pations  politiques  d'un  immense  auditoire ,  fort  avide  d'allusions ,  d'appli- 
,  catidUuux''cllDSbslpknéikhtvs ,  aanfent  Antement  tchangé  nos  princip^es 
tAaniisnén'hibènMipidrfti^'i'  Gomme  ceux  de  ses  coÂègueb  qui  furent 
^tftBVWeé'idlid'tflmC  «Fm  eaipreiiement«iflatteurv  M.  Vittednia  m 
éèlaifçer'iMt  dinigélh'deBapoim)8nlté,«tVenaser-qù'aii{)k«fitdc!N>n 
^itnsé^ifMinnt.  GcmWlantles&itsenhiMmien.les  jageaitten  monKvte 
)e^  mk  )<9ritlqtif ,  'dÏMVt'  iout  enseoible  fc-  bien  et  ie  mal ,  hiélent  à  fan- 
thoi«ilAsdte<4é«e»  élOgei  ià  sévérité -de  sescemure»,  ^leifc  la  vérité 
.■6ttfqx'ltoilvMiflhceM'tMg*èret''de  tannidsion.,  faabtleili  dédohcerter,  bmds 


588''  JODRNAË  DES  SA\HNTS. 

'"L'*AniAtÏMt*fert  l^|iUiAe>;  mus  trop  ^nrdtuîve,  d^:  nos  iefa«&. 

d'IÉtltMiltt^rniVs,  et  encore  dé  ceux  seaîetnôS'  qui  iwietvt  ftit  notre, 
^t^dans  tes  dèui  demjtrs  sièdu,  le  mépri»  des  prodivïtiotw  étran* 
gères, '^dubli  d«  l'antiquité,  aVaieat,  il  y  a  qndqbës  années,  siognli^ 
rement  restreint  le  point  de  Tue  de  la  critique.  Elle  ne  voulait  rien 
comprendre- hïm  de  nM  habitudes  ariiitrairement  érigées  jur  elle. en 
IttfAéipéà'de^l''art.DelàbcAiic(>upde  prétenduekrègles  dont,  par T^tnde 
cctHpKréedeelHtéretupes,  M;ViHealaillaébranlé^«ltorité,nonpaspcut- 
fttre^4e''plremier,'inais  |âus  efficacement  que'  d'aotres,  parce  qu'il  fa  &ît 
avec  plUB  dé  HÔeneé  et  de  memire.  S'il  rejetait  Is  joug  imposé  parla 
pratiqtiéVCie'n^étaitpBS  pour  subircelui  des  théories  spéculatives  cons- 
trttfMT^  priéri,%n  dire  de  iebrs'  anteui*s  du  moins,  par  un  esprit  de 
symènaeavénhirAUs,  qui  ne  prét«idaît  A  irien  Hwins  qu'à  tout  renonre- 
lék-,  ttiéitte  ce  qui  dé  peut  changer,  ce  qui  est  immuable  comme  la  na- 
ture de  fhoniime.  A  part  ces  queli^es  lois  de  notre  esprit,  qui  doivent 
k  r^gter  dans  tonteis  ses  oeuvres ,  quelles  qu'en  soient  la  dfite  et  la  patrie, 
M^  Ville«iiiin  ne  crut  et  n'apprit  à  croire  qu'à  l'inspiration-  puissante  et 
fj>«Ottd»deS''beâuic  wodèdes'^.dcs  grands  événement,  des  sujets'Iibre- 
nUBttt^et'banlimmi  choisis,  de  la  passion,  du  talent,  du  travail,  qu'à 
clfjmtiart'^éerire.WfDtae  B  dit  sans  eesse,  et  .ce  n'est  point  sa  mtniu 
WtiWlKçdn,  ave«>  l'ijcoënt  eooraiQcnd'un  honlm«  tpii  le  respecte  et  le 
iMatffftteï'etqtlî'sril  bien  qoedamce  setd  mot  sont  comprises  toutes 
teàltâs  Mtiilidilenwnt' obligatoires  de  la  littérature.  De  là,  pour  faire 
Ik  pl0H!dtt'l^oPigitadiH^|et  des  procédés  de  l'imitation,  pdur  distinguer  le 
vrai  du  convenu  et  le  beau  du  fiuïtiae,  une  justesse  d'appréciation  éga- 
lÀiïht  ^oignSe'eVdaTekpeot  sert  lier  des  poétiques,  bien  passé  de  mbde 
i|iintff«it(i;  etv«e^  éstphts  ordinaiirë  aujoui>d;hui(  dé  eettps  reobervhe 
QTguelHeus«ineM  subtile  de  beautés  et  de  vices  occultea,  dont  U'  déooo- 
varttf  vous 'vépa^ 'du  peuple  desijùges-et  de  l'auteur  lui-iDéme,qH(i' ne 
Atiéfarit^pasiontéi".'!  'î  '  ••■■  >'■  "■'':  •     ■-■:■  i-  '■/.'■.; 


900  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ùi'falio,  Bayle  déoeuvre  à  attiSiieertitiide  àm  ûùts,  b  vanité  des  doct 
trioes,  les  petttesiei  du  gàue,  ébranle,  en  se  jootnt,  toute ccrttliide,  «t 
met  en  pièc«i  la  crédulité  et  la  ^airt.  » 

L'esjffït  dn  xni^  «ède,  qui  n'était  paa,  ob  irïdnt  de  le  voir,  t«tri  i 
frit  nouveau,  ne  k  montre  d'abord  que  discrètamant.  Il  prélude  à  aca 
bMdie8ae8,dansla«ntique,  par  lei  paradoxe!  de  Fonttnelle,  deLamotte, 
de  Tovataon;  dans  la  morale  et  la  pditique,  pyr  les  utopies  de  fabbé 
de  Saînt-Pieire;  tandis  que  les  tradîtioas  de  l'âge  précédent  se  perpé- 
tuent avec  moins  de  génie  dans  les  écrits  des  MasûUMi ,  des  d'Aguesseau, 
des  Vertot,  des  HoUin,  des  Lesage,  des  Prévost,  des  L.  Racine,  des 
J.  B.  Rousseau,  par  l'esprit  sérieux  et  régnlief  de  leurs  œuvres,  par  la 
pureté  de  leur  goût,  par  l'abondance  et  le  nerf,  U  simplicité  et  îe  na- 
ture de  leur  style.  Ce  n'est  pas  que ,  même  chez  cas  continuateups  du 
siècle  de  Louis  XIV,  on  ne  puisse  surprendre  quelques  signée  du 
changement  des  esprits ,  entrevoir  l'anuoace  d'une  ire  nouve^e. 
a  L'^oquenoe  de  la  i^aire  commence  i  remplacer  la  foi  par  la  aaorale , 
ta  chanté  purement  religieuse,  par  un  e^irit  de  douceur  et  de  justice 
soejade.  UassiUon,  dans  la  chapelle  de  Versailles,  parle  de  l'élcetioo 

des  rois  et  des  droits  du  peuple Le  poète  él^ant  et  timide,  fils  du 

grand  Racùip,  traduk  avec  entbousiasine  Milton ,  que  BoUeau  peut- 
étte  n^avait  jamais  entendu  nommer A  l'initation  du  sublime  reli- 
gieux se  màe,  dans  les  écrits  de  J.  B.  Rousseau,  la  licence  eC&énée 

des  <maenra O  snbUme  n'est  pour  loi  qu'une  forme  de  style  étran- 

igtrs  i  l'ftme..,..»  D'autre  part<  comme  par  coinpensa^n,  au  mflieu 
«ieaolffîDements  de  pensée  et  de  langage,  ^pe  BoSeaif  et  Racine  avaient 
déjà  condamnée  ches  Fsatenelle,  et  qui  depiûi  avaient  fait  école, 
qudque  chose  du  geàt.  sain  et  pur,  de  la  single  élégance ,  d^  la  ba- 
^esse  aîaée  qui  tivaient  «eoçmmandé  l^es  éerivains  d'une  époque  apte- 
neuM,  se  conserve  chea  les  novatews  qoi  as[Mi«|at  à Vouvrir  d'autres 
mies,  et  p3aticuMérsmeo,tchei;le  |dus  hardi',  ie  phis  puissant,  celni 


JUILLET  1858.  501 

flnènoes  réiciprdqiies  qui  du  siècle  de  Louis  XIV  avaient  &it  sortir  le 
«ècle  de  là  reine  Anne ,  et  de  celui-ci  tirèrent  notre  xvm*  âècle.  VoU9ire 
flàrtoutlui  sert  comme  d'intermédiaire  entré  ]e6  deux  pays,  le0  deua 
sociétés  ;  avec  lui,  il  passe  et  repassie  le  détroit  t  et  après  avoir  fait  poser 
en  quelque  sorte  devant  un  si  cutieiix,  un  si  ardent  c^ervateur»  tant 
de  séduisantes  nouveautés,  le  jeii  du  gouvernement  pariementaijrte ,  la 
Kberté  illimitée  de  ia  controverse,  Tempire exercé  sur  lopinion  et  aur 
le  pouvoir  par  la  littérature  sérieuse,  un  nouvel  entendemeni  humain, 
un  nouveau  système  du  monde,  une  autre  poésie ,  un  théâtre  indoniiu 
et,  pour  un  Français,  bien  étrai^,  il  le  montre  qui,  k  son  retour,  s'em» 
presse  de  repitNkire  pour  ses  compatriotes  tout  ce  qui ,  dans  le  gou- 
vernement et  les  mœurs,  la  philosophie,  les  travaux  scientifiques  «  Ja 
littérature  de  l'Angleterre,  a  frappé  sa  vive  imagination  ;  louant  avec 
enthousianne  ses  orateurs  et  ses  hommes  d'état;  expliquant rartiiice  de 
sa  constitution  et  le  caractère  de  ses  lois  ;  commentant  Newton,  Locke, 
Bolingbrocke ;  dérobante  Thompson  et  à  Pope  le  secret  de  cette  poé- 
sie qui  demande  aux  vérités  morales  et  aux  découvertes  de  la  science 
de  graves  inspirations  ;  cherchant  à  introduire  sur  notre  scène  quelque 
chose  du  mouvement  et  des  grands  effets  de  la  scène  anglaise  ;  en- 
seignant à  la  France,  qui  les  ignorait  encore,  les  sublimes  beautés  et 
presque  le  nèm  de  Shakspeare,  de  ce  poète  quil  devait  plus  tard,  dans 
un  jaloux  caprice,  traduire  en  ridicule,  après  lavoir  recommandé  là 
Tadmiration ,  dont  il  devait  renverser  outrageusement  la  statue  énigée 
par  lui^nème. 

M.  Vfflemain,  qui  fait  voir  à  quel  ^int  Vcdtaire  a  profité  d*autrui, 
est  bien  loin  de  le  rabaisser  au  rôle  d'imitateur;  il  ne  Tappelle  point 
ainsi  sans  dke  ingénieusement  que  a  limitation  fait  partie  de  son  êti^  ori- 
ginal. «>  Du  reste,  un  des  résultats  qui  sortent  le  plus  fréquemment  de 
se8analyses<,  c'est  que  jamais  le  génie  de  Voltaire  ne  se  montre  avec 
phis  davantage  que  loittque,  dégagé  du  soin  de  répéter  un  modèle 
étrangler,  ou  de  se  plier  à  des  formes  convenues ,  il  sabandonne  à  s^ki 
loatarel,  et  «'exerce  sur  *des  idées  et  des  sentiments  qui  lui  sont  propres. 
Vdtaîre,  si  plein  de  raison  et  de  goût,  si  ami  'du  sknpLe  et  du  vraî^ 
pei*d  quelquefois  de  ces  qualités,  lorsqu'il  Sait  efibrt  ;pour  atteindre  «ux 
grands  effets  de  l'éloquence ,  pour  donner  à  ses  drames  cette  pompe 
et  cette  dignité  un  peu  factices  qu'on  reproche  avec  quelque  raison  i 
notre  théâtre,  ou  bien  encore ,  lorsque  dans  im  sujet  tout  moderne  il 
suit  servilement  la  ti*ace  de  l'antique  épopée.  Il  les  retrouve  tout  en- 
tières ,  quand  ses  sentiments  et  sa  conviction  panonnelle ,  les  paÉbiotos 
et  tes  -idées  de  aoù  temps,  se  produisent  se«s  fsa  plume,  sout  dans  fe 


592  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

mouvement  entrainant  d'une  scène'  ^Uiétiqu»,  «oit  dam  f  expression 
grave  et  touchante  de  ces  idéeS'moraW  à  ladëfeose  destpieUès'il  vons 
son  talent,  soit  duu  la  '  vîvb  expoùdon  des  vérités  arrachées  par  ht 
génie  dei'homme'aox  mjstèt^s  de  la  nature,  soitidans  l'abandon  facile 
de  ses  poésies  fugitives,  dé  ses  pampUets,  de  Us  lettres. 

M.  Vîllemàin,  en  vingt  endroits  de  son  livre,  caractérise  cergéoib 
mol^e,  qoi  recevait  tant  d'impressions  divenes^  seînontraitsous  tant  de 
formes;  il  excelle  k  saisir  ce  prêtée  an  milieu  de  ses  métamorphoses; 
i  le  fiiire  paraître  sous  ses  traits  véritables  avec 'les.  mérites  qui  le  dis- 
tinguent particulièrement,  la  netteté  de  «a  pensée  et  de  son  expression, 
ses  grAoes  simples  et  naturelles ,  sa  vivacité,  sa  chalear,  «a  rapidité, 
sa  verve  emportée  et  moqueuse. 

Mais  k  ces  éloges/généraux,  souvent  ramenés  par  l'éxameo  des  di^. 
verses  productions  de  Voltaire ,  il  mêle  de  sévères  critiques. 

En  louant,  comme  il  le  devait,  l'artifice  habite  de  ses  tragédies,  le 
sentiment  moral  qui  y  préside,  les  développements  pathétiques  qui  les 
animent,  il  fait  voir  par  d'intéressants  parallèles  que,  dans  l'expression 
des  sentiments  dé  la  nature ,  dans  la  peinture  des  caractères  individuds 
et  des  passions  populaires,  l'auteur  d'OEdipc,  deBrutus,  de  Zaïre,  de 
k  Mort  de  César,  enchaîné  par  nos  habitudes  dramatiques ,  n'a  pas  tou- 
jours atteint  à  la  vérité  naïve  de  Sophocle,  à  fénergie  et  à  la  profondeur 
de  Shakspeare. 

Rapprochant  la  Henriade  des  vraies  épopées,  il  montre  qiie  son 
auteur,  dénué  des  fortes  passions  qui  les  ont  inspirées,  écrivant  au 
mâîeudes  dissipationa  du  monde,  pour  une  société  frivole,  ne  consi- 
dérapt  un  poème  épique  que  comme  un  accident  passager  de  sa  destinée 
littéraire,  ne  pouvait,  ne  méritait  pas  d'accomplir  une  de  ces  œuvres  qui 
sont  l'occu^tion  d'une  vie  tout  entière,  la  ^oire  d'une  nation,  et  dont. 


5M  .    JOURNAL  DES  SAVANTS. 

iM  deroient  même  avoir  de  noms  qoe  beaucoup  pltu  tard  et  presque 
de  nos  jours.  EMais  le  génie  de  Uontesquieu  se  peut  loaglempi  demeurer 
captif  «u  milieu  de«  séductions  de  ce  monde  curieux  et  diso^ ,  qu'it 
(aôt  d'oljovd  amuser  pour  acquérir  le  droit  de  l'initciiirc.  Il  l'en  afirai»- 
chit  par  les  rw^ages  et  la  retraite;  il  visite  l' Angleterre;  il  parcourt  FEu- 
nroe;  il  ajoute  aux  coanaiasanceB  qu'il  a  rasaemUéea  par  l'érudition , 
l'AtmotieB  vivante  de  la  politique  active,  l'étude  des  gonvcmements  et 
dtfthemnies.  Puisils'enferiBeàLaBrèdeety  [wépswesilencieusejnent,. 
lentement  les  grands  monuments  qui  doivent  étonner  ses  cootempo-' 
rakis  et  âlustrer  son  nom  dans  la  postérité.  L'étude.de  cette  vie ,  de  ces 
travaux,  de  leur  origimlité,  de  leur  valeur  et  de  leur  influence,  de  la' 
potémiqne  qu'ils  ont  provoquée  et  qui  dure  encore,  a  permis  à  M.  Ville- 
inaAide  renouveler,  sans  se  répéter,  dans  tf  intéressantes  et  inetrue^ 
tîv4keçon9,  un  sujet  qu'il  avait  déjÀ  traité  avec  édal  bOus  une  autre- 
forme.  C'est  ainsi  que  sa  revue  historique  et  critique  de  la  littérature  an- 
^sdse  fa  engagé  avec  lui-même  dans  une  lutte  dangereuse,  et  où  c'é- 
tait beaucoup  &ire  que  de  laisser  la  victoire  indécise  >.  La  dignité  fdu» 
soutenue  de  qnebjuefr-uDs  de  ces  inorceatis,  l'aBure  plus  libre  de  le- 
çons sorties  de  la  parole,  et  qui  ont  gardé  quelque  chosé~de  leur  ori- 
gine ,  mettent  d'ailleurs ,  entre  les  uns  et  les  autres ,  des  diHéreneea  d^ Jr 
reaaarquées  par  un  critique  d'un  jugement  pénétrant  et  délicat^. 

Dan«  ce  livre,  ordonné  comme  un  tableau ,  et  qui  en  porte  le  nom , 
les  êgana  de  Voltaire  et  de  Montesquieu  occupent ,  pour  aijui  dire ,  les 
dovaats  de  la  compositioD  ;  |dus  lois,  sur  des  pians  divees ,  se  groupent 
lA»Dombpeux  écrivains  d'une  époque  a  où  ^eajHÎt  des  lettres  faisait  partie 
«de  l^e^rrt  du  monde,  o^  l'art  d'écrire  était  puùsant  et  à  la  mode^  n  et  qù 
teiM,  par  conséqamit ,  servent  ii  l'ei|^iquer.  Je  ne  nommerai  paa  celle 
foula,  souvent  illustre,  que  M.  Ville^uin  passe-  ea  revue,  qu'il  ewantérise 
eCJHg»  avec  une  brièveté  pleine  de  féns,  poètes  tragiques ,  eomiqN«set 
autrae ,  moralistes ,  métaphysiciens ,  bisterieps ,  érudïls  patients  eb  uo- 
.  ffeote»,  savants  mondaibs  et  parés^  antews  de  tontes,  sortes ,  tous  utile» 


5M  JOURNAL,  DES  SiVANTS. 

toire,  etoù  s'ourreoti  tout  instant,  sur  les  lUtératopes de  l'antiquité  et 
des  tienipt  modernes,  sur  la.  littérature  actuelle  elle^nëine,  de  ricbes 
per^teMives,  Fauteur  ne  suit  absolument  ni  l'ordre  des  dates,  ni  l'ordre 
des  genres;  il  les  alterne  ou  les  associe  et  les  coi^nd  avec  une  liberté 
qui  produit  la  variété  et  l'intérêt,  et  qui  au  fond  exprime  mieux  quIiHie 
tnéthode  {dus  sévèrement  didactique,  la  diversité  complexe  de>Bon  siijtt. 
SoD  livre  est  d'une  lecture  &cde  etattirante;  maïs  l'agritaient  de  la  fbnne 
n^  dtére  point  la  solidité  du  fond  et  ne  la  cacherait  qui  des  lecteurs 
superficiels. 

Si  l'on  demandait  quelle  ^t  sur, le  zvm*  siècle  la  condusion'  gé^ 
nérale  de  M.  Villemain.  je  répondrais  que,  sans  l'avoir  expresaément 
énmioée  A  lafinde,ces  volumes, ilfa  çà  etlà  exprimée,  par  exemple, 
dans  ces  lignes  que  je  transcris  comme  un  éloge  de  l'impartialité,  de 
l'élévation  de  ses  vues  : 

« Cherchons  comment  le  mal  et  te  bien,  Fégoïsme  épicurien  et 

l'amour  de  l'humanité ,  l'esprit  vague  de  licence^t  l'esprit  généreux  de 
réfonnese  sont  trouvés  parfois  confondus.  Étudions  surtout  comment 
la  philosophie  du  xviu*  siècle,  instable,  multiple,  parlant  des  langues 
diverses,  s'est  combattue  et  corrigée  elle-même,  et  voyons  si,  malgré 
ce  qu'on  lui  reproche  de  faux  principes  et  de  lausses  conséquences ,  ce 
n'«8t  pas  d'elle  que  sont  sortis  un  meilleur  ordre  politique,  une  législa- 
tion plu?  équitable ,  des  mœurs  plus  douces ,  l'égalité  civile  et  la  liberté 
publique  de  la  pensée,  ces  grandes  choses,  en  un  mot,  maintenant 
obtenues ,  ou  demandéat  ou  souhaitées  partons  les  peuples  civilisés.  » 

Ce  qu'il  ya  dans  le  livre  de  M.  Villemain,  et  d'histoire  et  de  consi- 
dérations ii^nieusement  vraies  suries  diverses  manières  d'écrire  l'his- 
*' toire,  iàit  préji^w  bien  favorablement  de  la  composition  historique. 
qu'0  prépare  depuis  plusieurs  années,  et  qui  sansdoute  ne  se  fera  pas 
longtemps  encore  attendre.  Elspérons  toutefois  que  M.  Villeiftain  ne  fait 
pas  ,,par  les  deux  volumes  que  bous  venons  d'analyser,  ses  adieux  à  la 


■  5W  J0URIIA4>  OEB  SAVANTS. 

Massyles  et  les  Masiéayles -étaient  les  premiers  peu^es  nomades  qui  se 
fuBsent  offerts  aux  regards  des  Bomaios,  el,  quoique,  depuis,  Massinissa 
eit  BÏ»  ««dt.cn  ouvra  pourles  ameiter-l  u»  gSUe  de  vie  plus  Jac- 
odvd  avec  les  progtès  tle  ta  oîvilÎMitiQn,  copendiAt,  sous  lé  rè^e  «le 
KHI  pettt-^,  aiasi  que  k  &it  observer  SaUotte',  tb  étaient  toujoors 
beinooiq)  phis-  ocoupéa  dn  «oin  de  leurs  troupeaux  qu«  de  tout  autK 
(^]^i  «t,  suîiHaat  fasbertàon  du  mmat  éc^^ain^  i  l'époque  de  b 
guMre  de  JugoMia,  tes  Gétules,  «titre  peuple  pasteur,  étaient  encore 
preHpie  incoonuK  aux  Romains.  Pdybe,  voûtant  désigner  d'une  lûa- 
niAve  ocractéiBstiqne  ces  bontmes  'OOurageuK  et  endurcis  è  la  £itigiie, 
qui  aicdeiit  été  pour^Home  des  alliés  si  utflM  ou  des  ennemis  si 
dai^ereux,  leur  donaa  l'^ithète  de  N«p«'Ac.  Les  Romains,  en  faisant 
passer  ce  mot  dans  leur  langue,  le  reproduisirait  sous  une  forme  in- 
solite, ceUe  de  iVomiib-  Ce  dernier  nom, adopté  par  les  historiens  latins, 
SaUuste ,  Gésar,  Tite-Lûrc  et  autres ,  resta  attaché  aux  peuples  qui  ha- 
bjtwent  une  partie  -de  l'Afrîqut  eeptentrioDde.  La  Numidie  foroM  une 
ditision  Importante  du  territoire  i[ue  les  Romains  occupaient  daascette 
partie  <d«  monde,  et  ce  Aom  se  perpétua  jusqu'à  4poque  où  la  puissance 
romaine  céda  aux  «nnea  victorieusea  des  Arabes  musulmans.  11  est 
micne  extrêmement  reioarquable ,  ^Knque  le  Eût  n'ait  été  signalé  par 
pectoane,  quie  jusqu'à  nos  jours,  dans  ia  langue  des  Arabes,  les  peuples 
imbgèalH  qtf  habitent  le  nord  de  l'Afrique  sont  désignés  par  un  nom 
qid  retrace  paHaîteroent  ctivi  %k  Nq^ûAc.  Comme  cette  assertion 
peM,  au  preoKelr  abovd,  sembler  un  paradoxe,  je  me  hâte  de  Iburnir 
les  .pietrves  tnt  lesquelles  est  appuyée  mon  opinion.  La  laïque  que 
pnleittlestiidtîtBntsiDd^nesdunordilel'Afnt^  est  souvent  désignée 
ftr  le  DOm-  de  Ouamia  ^  tiu  Sclmviak*  ;  et  les  peuples  ches  qui  elle  est  en 
uH^  sont  également  nommés  iSoAaiMs,  Jif^w.  On  lit  dans  l'histoire 
d'^|f|)te  de 'M«lutli^  qu'un  vixir  du  royaume  de  Fei  koplora  le 
sepouKB'des  &lil«v  etlenrenTOyades  sommes  d^arge^conaidérables. 


400  JODRNAL  DES  SAVANTS. 

traitables  conservaient  lea  mœurs  et  les  habitudes  de  letirs  ancêtres,  les 
dés^èrent  par  un  nom  qui  exprimait  ces  habitudes  pastorales  ;  et 
cda,  probablement,  sans  se  rappeler  que ,  dans  des  temps  fort  anciens, 
les  pères  de  ces  mêmes  hommes  avaient,  pour  la  même  raison,  reçu 
des  conquérants  grecs  et  romains  une  dénomination  qui  exprimait  une 
idée  parÈdtemenI  analc^e. 

Je  ne  m'étendrai  point  ici  sur  ne  qui  concerne  l'histoire  des  NumidesT 
cette  histoire,  presque  entièrement  dénuée  d'intérêt,  n'oQre,  comme 
on  sait ,  qu'une  suite  de  guerres ,  d'incursions ,  de  scènes  de  carnage  ;  et 
je  ne  pourrais  offrir  h  la  curiosité  de  mes  lecteurs  aucun  fait  nouveau 
et  d^e  de  leur  attention. 

Mais  il  est  un  point  qui ,  si  je  ne  me  trompe,  mérite  une  discussion 
un  peu  approfondie.  M.  Gesenius,  dans  plusieurs  passages  de  son  sa- 
vant ouvrage  sur  les  inscriptions  phéniciennes ,  ^  pri^tendu  que  la 
langue  punique  était  la  langue  que  parlaient  jadis  les  Numides.  Comme 
je  ne  saurais  souscrire  à  celte  opinion,  je  vais  examiner  les  raisons 
sur  lesquelles  cet  érudil  si  estimable  et  si  judicieux  a  cru  pouvoir  ap- 
puyer son  hypothèse. 

1°  Sulluste,  dans  le  récit  de  la  guerre  des  Romains  contre  Jugurtha, 
traitant  de  l'origine  des  Numides,  atteste  que  les  reose^ements  dont 
il  donne  le  précis  se  trouvaient  consignés  dans  des  ouvrages  puniques 
qu'il  s'était  fait  expliquer,  et  qui  avaient,  disait-on,  pour  auteur  le  roi 
Hiempsal. 

a*  Gcéron ,  dans  un  de  ses  discours  contre  Verres  ',  rapporte  que 
la  flotte  de  Massinissa,  ayant  enlevé  du  temple  de  Junon,  situé  dans 
rOe  de  Malte,  des  dents  d'ivoire  d'une  grandeur  extraordinaire,  ce 
monarque  les  fit  remettre  à  leur  place,  et  ordonna  de  graver  sur  le 
monument  une  inscription  en  caractères  puniques,  attestant  que  ce 
vol  sacrilège  avait  été  commis  à  l'insu  du  prince ,  et  que  la  resti^ption 
avait  été  el^tuée  immédiatement.  Or,  -suivant  le  récit  de  Valère- 


402  JOURNAL  DpS  SjAV^NTS. 

t'On  cni'Â  cette  époque  les  Prussiens,  tes  Suédgis,  les  Russes  et  les 
Turcs  n'avaient  ^as  d'aufr^  langage  ^e  le  français?'  Si  un  voyageur, 
arrivant  dans  le  Âiyauùie  '<le  Lahore',  entendait'' commander  f  exercice 
en  Ifti)|^é"^ran'çai8e,  Sërait-it  aut6rîs£'&~adm«tfré  cdtnibe  ceitain  que 
l'idibibe  dtiPebdJfJb  esi  identité' avec  çéloi  que  Ton  parle  en'France? 
n  est  à  croire  que  les  Numides,  n'ayant  &  leur  disposition  qu'une  langue 
rude,  ^rossièra,  imparfejte,  employaient  de  préférence  le  langage  poli 
et'éfégaht  que  f  on  parlait'  i  Carthage.  C'est  ainsi  que ,  depuis  la  conquête 
de  l'Afrique  par  les  Arabes,  les  hoinmei!  instruits,  parmi  les  peuples 
de  cette  omtréé,  ont  étudié  avec  empressement  fidiome  de  leurs  vain- 
queurs, ctijiie,  sauf  nn  petit  nombre  fexoeptîoiM,  les  ouvn^efl  com- 
posés pardeséorirainsd'origine'berbère  oiit  été  rédigés  en  langue  arabe. 
Le  passage  de  Valère>-Maximie;  rapproché  de  celui  de  Cicéron,  ne 
prouve  pas  davantage.  D  est  probable  que  l'inscription  gravée  par  ordre 
de  Massinissa  dans  le  temple  de  Malte,  était  en  caractères  puniques  ; 
car  il  est  douteux  que ,  sous  le  règne  de  ce  prince,  les  Numide*  eUsIsent 
une  écriture  particulière.  La  langue  de  l'inscription  jpouvait  être  la 
langue  numide  ;  mais  il  n'est  pas  même  nécessaire  d'admettre  ce  fait; 
et  l'on  peut  croire  que  Massinbsa  employa  de  préférence  le  tangage 
comme  le  caractère  puznqœ.  Vslère-Maxime  ayant  lu  dans  des  écri- 
vains antérieurs  qu'un  monument  avait  été  gravé  par  ordre  de  Massi- 
nusa,  a  conciu  naturellement  que  ce  prince  avait  dû  faire  usage  de 
l'éa^be^  et  deJà  langue  usitées  pctrmi  ses  st^«ts. 
'  biiitseriptian  numidique ,  dont  on  invoque  le  témoignage  avec  tant 
de  CompUisande ,  en  supposant  qu'dle  ait  été  bien  lue,  bien  eipliquée, 
dit-^e-réellementce  qu'on  lui  fait  dire  P  Pour  moi,  je  ne  puis  me  per- 
suader' qu'un  '  monument  d'un  style  si  hideusement  barbare  ait  été 
élevé  aux  frais  et  par  ordre  d'un  roi  de  Numîdie,  d'Un  6ts  de  Massi- 
nissa. Sans  doute,  on  est  en  droit  de  ci'olre  que  les  Numides,  entière- 
mentlivi^s  k  la  vie  militaire  où  à  la  vie  pastorale,  étaient  de  mauvais 


''      JUILLET   1858.  405 

dénominations  phéniciennes  adoptées  réellement  par  les  Numides 
n'avaient  éprouvé  aucune  altération.  Les  noms  Adherhal,  iBomilcar,  etc. 
attestent  suffisamment  l'opinion  que  je  soutiens.  Donc ,  le  nom  de 
Hîëmpsal,  qui  a  une  physionomie  tout  à  fait  étrangère,  n'a  rien  de 
commun  avec  le  motHakembaal  et  ne  peut  pas  être  regardé  conmie 
ayant  lihe  origine  punique. 

D'ailleurs,  Texisteiice  d'inscriptions  punicniçs  dans  le  royaume  des 

|kT  ,        .  J     ■  .  '•'''•fil'  *  ,        I  1  '  1 

INumides  ne  prouverait  pomt  quelles  eussent  été  gravées  par  les 
ordres  cTindividus  natifs  de  cette  contrée.  Il  existait  sans  doute  à  Cirtha, 
et  dans  les  autres  villes  des  états  de  Syphâx  et  de  Massinissa ,  un  assez 
grand  nombre  de  Carthaginois ,  que  les  chances  de  la  guerre ,  les  af- 
faires commerciales  bu  d'autres  motifs  y  avai,ent  amenés,  et  qui,  sur 
cette  terre  étrangère,  avaient  conservé  l'usagé  de  leur  alphabet  et,  de 
leur  langue  maternelle. 

Quant  au  mot  qui ,  suivant  M.  Gesenius ,  représente  le  nom  des  Mas- 
sésyles  ou  Massésyliens ,  son  étymûlogie  me  p^trait  fort  douteuse. 
A-t-on  jamais  vu  un  nom  de  peuple  commençant  par  un  mot  qui  si- 
gnifie Opem^facta?  Je  dirai  tout  à  Theure  ce  que  je  pense  de  l'origine 
de  ce  nom. 

Tous  les  noms  propres  de  personnes',  tels  qu'ils  se  trouvaient  chez 
les  Numides,  ceux  du  moins  dont  les  historiens  grecs  et  latins  nous 
ont  conservé  le  souvenir,  sont,  malgré  l'assertion  4e  M.  Gesenius, 
étrangers  à  la  langue  phénicienne.  Les  mots  Massinissa  ^  Gulussa, 
Hiempsal ,  Jugurtha ,  Massiva ,  Gauda ,  Massugrada ,  Narava ,  Nab  - 
dalsa,  etc.  ne  peuvent,  j'ose  le  dire,  être  ramenés  à  des  racines  hé- 
braïques. Les  efforts  qu'a  faits  à  cet  égard  le  docte  écrivain  que  je 
combats  n'ont  abouti, qu'à  deç  résultats  peu  satisfaisants.  Si  Fon  veut 
examiner  les  noms  des  villes  situées  dans  l'étenàue  de  l^eqapire  des 
Numides,  on  trouvera  également  qu'ils  offrent  des  formes  tout  k  fait 
insolites,  qui  ri'pnt  pas  le  moindre  rapport  avec  la  langue  punique.  Il 
faut  toutefois  excepter  la  capitale  du  royaume  des  Numides ,  la  vule  de 
Cirtha,  dont  le  nom  est  i^hénlcien  et  signifie  vilie.  Mais  ce  fait  peut 
s*expfiquer  d*\me  manière  fort  naturelle.  A  l'époque  où  Syphax  fonda 
cette  ]^lace,  les  Numides,  adonnés  jusqu'alors  à  la  vie  pastorale,  ac- 
coutumés à  vivre  exclusivement  sous  des  tentes,  n'avaient  point  dans 
leur  langue'  un  mot  qui  expriipât  ndée  de  ville.  Aussi,  lorsque  leur 
souverain  voulut  se  créét  une  capitale,  il  dut  emprunter  h  la  langue 
des  peuplés  voisins','  c'est-à-dire  des' Carthaginois ,1e  nom* qui  allait  dé* 
signer  la  nouvelle  ville.  C'est  ainsi,  et  par  le  même  motif,  que  les  Ber- 
bères, ne  trouvant  point  dans  leur  idiome  uq  mot  qui  indiquât  une 

5r 


404  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ville ,  ont  adopté  le  mot  arabe  médinah,  iUj*>w* ,  dont  ils  ont  l^èrement 

modifié  la  forme. 

An  rapport  de  Salliute  ' ,  la  ville  de  Leptis  Magna  devait  sa  fondation 
auxSidoniens;  mais  les  habitants,  ayant  contracta  de  nombreux  ma- 
riages avec  les  Numides ,  avaient ,  par  suite  de  ces  alliances ,  altéré  leur 
langage.  Donc,  dans  fopim'on  de  l'historien  latin,  la  langue  des  Nu- 
mides était  complètement  diJIérente  de  l'idiome  phénicien. 

Enfin ,  le  monument  bifingue  qui  existe  i  Thugga  vient  encore  à 
Tappui  de  mes  assertions,  fji  efiët ,  comme  ce  monument  se  trouve 
dans  une  viUequi  faisait  partie  de  Tancien  royaume  des  Numides,  il  est 
probable  que  l'inscription  inconnue  qui  accompagne  l'inscription  pu- 
nique est  véritablement  numide.  Or  il  n'est  guère  à  présumer  que  les 
deux  inscriptions  soient  tracées  dans  la  même  langue  et  seulement  en 
caractères  différents.  On  peut  croire ,  avec  beaucoup  plus  de  vraisem- 
blance, qu'une  des  inscriptions  est  la  traduction  de  Fautre.  Ce  monu- 
ment, autant  du  moins  qu'on  en  peut  ji^er  paf  les  copies  imparfaites 
qui  en  ont  été  publiées  jusqulci ,  est  une  pierre  tumulaire  élevée  en 
l'honneur  d'un  Numide,  dont  elle  ofiipe  la  longue  généalc^e.  Je  dis  que 
le  personnage  dont  le  cippe  nous  a  conservé  le  souvenir  était  un  Nu- 
mide ;  et  en  effet,  l'inscription  punique  parait  avoir  été  gravée  avec  une 
n^^gence  qui  tient  de  la  barbarie,  tandis  que  Finscription  correspon- 
dante ,  quoique  fiiiste  et  incomplète ,  a  été  tracée  avec  infiniment  plus 
de  soin  et  d'exactitude;  et,  pour  le  dire  en  passant,  cette  circonstance 
opposera  toujours  un  grave  obstacle  au  déchiffrement  entier  de  Tîns- 
criptioo.  En  effet,  les  noms  que  nops  ofi&e  cette  pierre,  appartenant  à 
la  langue  des  Numides,  présentent  des  formes  étt^ngères,  inconnues, 
qui  n'ont  pas  le  plus  léger  rapport  avec  ces  dàiominations  significa- 
tives dont  les  monuments  phéniciens  et  puniques  nous  retracent  de 
nombreux  exemples. 

n  est  certain  que  longtemps  avant  l'établissement  des  colonies  phé- 


406  JouRWiït  6E^  Savants. 

Essu  ;(!«  ç/oMJjïcafîoR  cibron^  dfiPk^fite.. 

...  il         .OlrâlàlB    AEIICLB.    ■  ,  ., 

Nous  reprenons  le  travail  où'  M.  WincUschmann  l'abaodoniiÊ'  is»ét 
avappé  déji.-,^papa#^en(t^sn9Uf  çstfo^oudeceux  auquel» il lexède, 
sag{tcioribm:^l^aç;  Afai8,nqu)  profiterons  de  l'avantage  qae  nous  donne 
po|re  cOEficfierpp  ;^f)tînie  do.plu^jeifrs  années- ay«p,ie  poète  lui-oiéDie<. 

..Onjroit^^i^^^ÎH^i^^ffif'ii'iétùtfatigué-àJa^ 
d  estfaçiic^'ep  jitgçf^à  l'inattention  aveclaqudlesavueapaesé  sur  les 
endnïits.qv'il  a  notés.  Le  vers  du,  prologue  d'Amphitryonoe  saurait  être 
une  ^joDoncede^  paix  publique',  etl'esjiression^poefaram/utf^  veut 
dire,  non  pas. que  Pkute.^if  à  lajlear  êe  sonâge  quand  il  éctivît  la 
Ctfsiviêf  maÎBiqu'ililocisfiait  et  ^rUlait  entre  tous  les.poètes.. 

CeprolegUje.£|it  daosup  temps  où  Plaute  avait  cessé  de  vivre,  où  ses 
ouvrages  cofpptaiei)f,déjà  panqi  les  ouvrages  anciens  ^ ,  ne  nous  appreod 
rieq.spr^répoqi^e. probable  de  la  première  représentation,  sinon  que 
l'a^^lir  Jopjst^  .f^OKs  de  tovt  l'éclat  d«i  sa  renommée.  Il  avait  atteint 
proinablement  ^ue  d.e5,  di;(  d^nù^es  années  de  sa  vie;  car  on  était  venu 
à  ces  joursdeqif^dpins,le;quebla'V!ieiUe8selatûft-|4çliaitde  repousser 
par  tot;ta  ^es  moyjens  possible^,  et  surtout  parie  ridicule,  les  bouvelles 
modes  grecque^.  (Jn  libi^rtin  dan»  cette  comédie, s'écrie  avec  un  fier 
dédain,  m^jgiie  ironie  du  poète  satirique  :  «  Qu'on  m'apprête  im  festin 
q^pi'enivre,  uçi,,n^gaifigue, service,  je  ne  veuK plus vivce  comme  un 
La|tin.:  ni/  jiutror  hoFhtujxQ  rUa  etsa.  »  Et  quand  jg  )ù  ce  dùdogue  d'un 
n>ari  tout.  ç^ii^iSj.tou^troufalé  en  présencé^de  sa  {«mne^quilui  avait 


nos  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

<^UMf w  imeapù6i  na,  fwufw  ùutftHify; 
Bt  *ti  ionù  DM  tottmqne  onuMÙ  MRfut 
Uàadfùtnvebû ,. 


Lnermmmtpermii»voiinitmpernlf»tiit'.,ak. 

BtagoH  fwfor  d>  vcHà  tt  npsUÏM*. 
EtaiUeun: 

Fô^li  Jimit  (Jofilvr)  m  tielpnH  imm*. 
Ce  monologue  d'Alcmène  est  encore  bien  remarquable  : 

Sotaimmilû  nuac  videor  ipàa  ille kine  abit ,  qwmtyo  aiM prmlêr omimi ; 

Plm*  mgri  tx  abiOt  viri,  ^wmn  ex  mfcMfn  wluptatù  oipi. 

Sodioe  ma  htat  laîltm,  ^woi  perdm^Uit  vidt ,  ttdonim 

LmmSt  eompot  maùt,  id  wlutw'tt;  altit.  ibutinwdo 

LtÊÀiftrtmêomMMraàfMttf.firttm  tt  pttjtrtan  aiqut 

AUtwffi  ejat  aidmoforti  atqut  e^^nnaio ,  id  modo  h  mercodit 

Datiu-  Mik',  mt  nieof  melorvir  belH  claMt,  ntù 

MUù  eue  daetm:  virtat  jmiminm'tt  optuman. 

VirtMt  ORuibu  rehoi  antnt  profoelo. 

LAtrlai,$almM,  vita ,  ra ,  partHteû , 

Pmlriaetproyaati  tatoHtar,  MreaRtw; 

VtrfluonuuainM  Aoitft.-onwtaailHMtiona,  fMmpmtw  eitvirlv*. 

C'est  l'ftme  du  sénat  romain  qui  a  dicté  ces  vers.  Voilà  par  quelle 
fermeté  il  soutint  et  répara  le  désastre  de  Cannes ,  et  comment  Û  triom- 
pha d'Annibal  par  rinâ>ranlable  constance  de  Fabius  Cunctator ,  aidée 
de  l'épée  de  Marcdlus ,  en  attendant  le  génie  de  Scipion. 


kie  JOURNÎHi  D15S'  SAVANTS. 

Sl^ftlir«n  eni/idnttis,  «D'taAp  «&MrMi./Mi 


Sm  iMMc  bgmui,  eapim  extreitatqae  eorvm 

Vi,  jMgtuuido,  pmjiaiû  nottriâ,  «uge,  potiti. 

ïd  viriSte  hujat  eojûeg»  mtoqua  comitat* 

Factmm'it^ 
Cela  ne  reuemble-t-il  pu  à  ce  coimnencemeatdu  rapport  d'un  coostd 
vainqueur  au  sénat  :  P.  C.  (food  beUe  annuque  in  Latio  agendnmfait,  id 
jam  denm.  beni^nUaie  ac  virtaie  militam.  adjmem  veiàt;  cœsi  ad  Pedam  As- 
taraitufae  mat  exercitas  hostiiim\  etc.? 

Mais  qudlle  expédition  Ï^Utie  avaitit  «n  tue  ?  C'est  ce  qu'9  est  im- 
possible dé  deviner;  et,  pour  (H)itibIed*enibaiYas,fl  se  rencontre  dabs  la 
comédie  un  vers  interpolé  qui  nous  retmrraît  à  plus  de  dix  ans  après  ta 
mort  du  poète.  Une  conrtisane  déclare  qu'3  lui  faut  de  l'argent  comp- 
tant ;  [larce  qu'on  ne  lui  feit  crédit  ni  cbee  le  boulanger  ni  chet  le  mar- 
chàhd  de  vin  : 

Grmoa  netaùnmrfida, 

QmmapiÊtorepaiumemmMt,  wbaMe»anopotio; 
et  Pline  assure  qu'il  n'y  eut  point  de  commerce  de  boulangerie  à  Rome 
juM[a'à  la  guerre  contre  Persée  :  pistores  Ronue  non  fœre  ad  Persicam  as- 
qae  beUam,  annis  ab  urie  condita  saper  dlxxx^;  et  le  témoignage  de 
Pline  dâmble  confirmé  par-  celui  de  Varron  :  nec  pistoris  nomen  erat, 
aUi'éjiu  qtn  ruriJHrpinseBat,  nominati  ab  eo  (foodpinseret*. 

U  faut  renoncer  A  toute  conjecture;  à  moins  que,  saisissaot  le  Bl  le 
plus  mince  pour  se  conduire,  faute  de  mieux ,  on  ne  remarque  d'abord 
dans  le  prolc^e  l'expression  vortit  barbare  qui  indiquera Topposition  des 
Romains  et  des  Grecs,  et  qu'on  n'insiste  sur  ces  vers  : 

Qmatrid^am  hoc  aman  modo  rota  opvramadtidaain  dedi, 

Damr^eriam.QmQVMVrgt  AROBicmii  il»  FomBs', 


4112  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

nSùl  tnvcnwM,  si  ce  n'est,  oe  que  tout  le  monde  tait.  qu'É 

plus  ancien  que  les  Bacchis^. 

Mais  en  quelle  année  lesjeiu  scéniques  furent-ils  égayés  par  Jes  plai- 
santeries d'Ëpidique  ? 

C'était  une  année  dans  laquelle  les  plaintes'  du  peuple  s'élevèrent 
avec  plus  de  force  contre  les  injustices  commises  au  profit  des  familles 
privîl^ées,  ou  furent  exprimées  plus  hautement  par  une  voix  puissante. 

Lorsque  les  soldats ,  malheureux  déhris  del'armée  de  Cannes,  relégués 
en  Sicile ,  vinrent  demander  k  Marcellus  qu'il  leur  fi^t  permis  au  moins 
dé  mourir  encombattantpourlarépublique.aulieu  de  languir  inutiles 
sous  le  poids  d'une  condamnation ,  ils  disaient  : 

«  Nous  savons  que  les  autres  qui  ont  échappé  comme  nous  au  car- 
II  nage  et  qui  furent  nos  tribmis  militaires ,  briguent  et  obtiennent  des 
«honneurs,  exercent  des  commandements.  Etes-vous  donc  indulgents 
net  faciles  pour  vous-mêmes,  P.  C.  sévères  seulement  envers  nous, 
"êtres  vils?  Le  consul,  les  premiers  de  l'Etat  pourront  fîdr  sans  igno- 
»  minie  quand  il  nVf  aura  plus  de  ressource ,  et  les  soldats  sont  envoyés 
n  au  combat  pour  mourir,  quoiqu'il  arrive  ^  I  m 

Ces  paroles  ou  d'autres  équivalentes  se  répétèrent  sans  doute  plus 
d'une  fois  dans  les  conversations  de  la  multitude,  lorsque  Caton  revint 
de  sa  questure  d'Afrique ,  où  Û  n'avait  pas  été  lié  avec  Scipion  par  cette 
affection  filiale  qui ,  dans  les  idées  des  Romains ,  devait  unir  le  questeur 
au  prêteur  ou  au  consul^.  Lorsqu'il  fut  ensuite  lui-même  promu  au  con- 
subt,  ces  accusations  prirent-plus  de  hardiesse  et  de  consistaoce.  Nous 
aurons  lieu  d'observer  plus  d'une  fois  le  poète  comique  faisant  cause 
commune  avec  le  sévère  antagoniste  des  novateurs  et  des  privilégiés. 
C'est  ce  que  nous  voyons  déjà  dans  Épidique  : 

Epidiccs.   Quid hmlû nûilerJiUlU ? vaUl?^BUruo. Pagibct a/f ne afAbh'ce^ 
&ID.  Vobiptabilei»  miki  twatiam  tmo  auntioailalati.  Sed  oii 

Esta?  Th.  Ad^iûtimal 


JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Mbgaookds.  Nulla  igitar  £çKt  :  eqtâJ^  «ioMm  ad  te  o^tefi 
Myorem  nadio,  tibi  qnam  erat  ptcuiù». 
Enm  niihi  quidam  mqaom'it  pcipdrui  atq»a  AOHUH  don, 
Anâliai,  bwIm,  aaUoMt,  pe£t»^aai, 
SaUuigeraiotpwni,  VBBicnu  qui  yehar. 
Edglio.  Vl  nufronarvin  kicjaclaperymnitpn^! 
HiGADOftus.  Nivc.  fnofBovfiiùu.^rfupIspdroramÙKediiu 
ViJeai  qnam  ruri,  quiado  ad  viBam  vm^is. 


StalJuUo.phiygio.aurifuc.lanarfat. 
Caupoiuipalagiarii' ,  «te. 

Suivent  doiue  vers  tout  remplû  de  noms  d'ouvriers  et  de  marchands 
occupés  de  la  toilette  des  dames.  Mais  les  termes  de  la  loi  Oppia,  auram , 
parparam,  véhicula,  n'auront  pas  été  mis  là  sans  dessein  et  sans  à-propos  ; 
et  le  mot  piaastroram  laisse  voir  que  le  luxe  alors  n'avait  pas  encore 
fait  assee  de  progrès  pour  qu'on  distinguât  bien  dans  l'usage  les  voi- 
tures de  ville  et  celles  qui  servaient  aux  exploitations  agricoles:  le 
carrosse  de  plus  d'une  patricienne  était  encore  un  chariot,  quoiqu'il 
y  eût  déjà  quelques  chars  ornés  d'ivoire,  ebarata  vehicuia^.  Ce  n'était 
pas  assurément  la  femme  de  Caton  qui  se  faisait  voiturer  ainsi;  mais 
les  élégants  avaient  ramené  pour  les  leurs  des  ouvrages  de  charrons 
grecs ,  chars  de  triomphe  pour  la  coquetterie  et  la  vanité. 

Quant  aiix  Bacchis ,  dont  l'âge  est  consigné  dans  la  pièce  même ,  du 
moins  relativement  à  Épidique,  en  quel  temps  les  placer P  non  loin, 
sans  doute,  d£  l'année  qui  vit  paraître  Épidique.  Ne  serait-ce  pas  lors- 
qu'on se  plaignait  des  vices  introduits  dans  les  laimlles  romaines,  dans 
l'éducation  de  la  jeunesse  par  les  légions  revenues  de  Grèce  et  surtout 
d'Asie?  Le  pédagogue  Lydus  n'aurait  été  que  l'interprète  des  mécon- 
tents, qui  s'affligeaient  de  l'oubli,  du  mépris  dans  lequel  tombait 
l'ancienne  discipline,  l'aDcienne  éducation^.  Et  cette  saillie  de  Gbrysale  : 


JCILLET  1858.  415 

d*aiUeur8  ce  qu*il  y  avait  de  glorieux  dans  ia  victaÎTe  avait  été  conquis 
d'avance  dans  la  journée  des  Thermopyles^  Quelque  retentissement 
de  rémeute  des  Bacchanales ,  ou  des  bruits  précurseurs  de  cet  événe- 
ment, semblent  se  faire  entendre  dans  ce  vers  : 

Bacchides  !  non  Bacchides,  sed  Bacchœ  snnt  acerrumm  *  ; 

comme  dans  ce  passage  de  TÂululaire  peut-être,  lprsqu*un  cuisinier 
s*en(uit  de  chez  Tavare  qui  le  bat  : 

Neqne  ego  nnquam,  nui  hodiead  Bacchas  veni  in  Bacchanal  coqninatum , 


Atat,  perii,  hercle,  ego  muer,  Aperit  BacchanaL 

Les  deux  comédies  ne  furent  pas  séparées,  je  crois,  par  un  très- 
long  intervalle;  elles  ne  remontent  pas  beaucoup  en  deçà,  et  ne  vont 
guère  au  delà  de  l'année  55g. 

Alors  se  consommait  cette  grande  révolution  dans  la  vie  privée  et 
dans  les  habitudes  intellectuelles  de  Télite  des  Romains,  révolution 
commencée  par  la  conquête  de  Syracuse,  étendue  par  la  conquête  de 
la  Grèce,  décidée  par  la  conquête  de  l'Asie.  Les  autorités  ne  manquent 
pas  à  cette  assertion.  Écoutons  d'abord  Plutarque  en  prenant  Amyot 
pour  trucheman*  : 

«  Au  demourant ,  Marcellus  estant  r'appellé  par  les  Romains  pour  la 
«guerre  qu'ils  avoyent  dans  leur  pais  et  à  leiu^s  portes,  s'en  retourna 
«  emportant  quant  et  luy  la  plus  grande  partie  des  plus  beaulx  tableaux, 
«peinctures,  statues  et  austres  tels  ornements  qui  feussent  à  Syracuse, 
«en  intention  d'en  embellir  son  triumphe,  et  puis  après  en  parer  et 
«  orner  la  ville  de  Rome ,  laquelle  auparavant  n'avoit  ny  ne  connoissoit 
«  rien  d'exquis  ny  de  singulier  en  ^els  ouvrages  :  car  ceste  polisseure 
«  et  ceste  grâce  et  gentillesse  d'ornements  de  peincture  et  de  sculpture 
il  n*y  estoit  point  encore  entrés ,  ains  estoit  seulement  pleine  d'armes 
«  barbaresques ,  de  hamois  et  de  dépouilles  toutes  souillées  de  sang .  .  . 

tt et  pourtant  en  acquit  encore  Marcellus  de  tant  plus  la 

«  bonne  grâce  et  la  faveur  du  commun  populaire,  pour  avoir  ainsy  embelli 
«  et  esguayé  la  ville  de  Rome  des  ingénieuses  délices  et  élégantes  vo- 
«  luptez  des  Grecs;  mais  à  l'opposite  Fabius  Maximus  feut  plus  agréable 
a  aux  vieulx  pour  n'avoir  rien  emporté  de  semblable  hors  de  la  ville 

«  de  Tarente,  quand  il  la  print • et  au  contraire 

«les  gents  d'honneur  reprenoyent  Marcellus,  premièrement  pour  ce 
«  qu'ils  disoyent  qu'en  ce  Élisant  il  avoit  suscité  une  grande  haine  et 

*  Tît.  liv.  XXXVn ,  59.—  »  Act  m ,  se.  I ,  v.  4.—  •  Édit.  de  Bastien ,  t.  lU.  p.  i  a  1 . 


4IÔ  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

«  envie  contre  la  ville  de  Rome et  puis  pour  ce  qu'il  avoit 

«  empli  le  commun  populaire  de  curiosité  oisifve  et  de  babil,  atteudu 
«  qu'il  ne  ^isoit  plus  austre  cbose,  ta  pluspart  du  jour  que  de  s'amuser  A 
«  causer  et  deviser  de  l'excellence  des  ouvriers  et  de  leurs  arts  et  ou- 
(c  vrages ,  là  où  auparavant  ils  n'avoyent  accoutumé  que  de  labourer  ou 
«  de  faire  la  guerre,  sans  sçavoir  que  c'estoit  dedélices  ny  d'oisifve  su- 
«  perfluité.  »  ' 

Les  vieux ,  comme  dit  IHutarque,  avaient  horreur  de  la  Grèce  et  de 
l'Asie,  ils  les  confondaient  dans  une  même  haine.  Les  Grecs ,  pour  eux 
étaient,  non  pas  seulement  dans  la  Grèce  proprement  dite  {parva 
Grmcia^),  mais  aussi  dans  les  royaumes  des  successeurs  d'Alexandre, 
dans  les  cités  de  l'Ionie  et.des  Ëes  delà  mer  Égie,  d'où  étaient  venus, 
d'où  venaient  saps  cesse  ft>ndre  au  sein  de  Rome  les  fléaux  corrupteurs. 
Gaton  devait  frémir  quand  on  lui  disait  que  Fulvius  Nobilior  avait 
consacré  aux  Muses  les  dépouiUes  de  la  guerre  ^.  Aussi  lui  reprochait-il 
d'avoir  mené  parmi  les  légions,  sous  sa  tente,  des  aventuriers,  des 
parasites.  Ce  parasite,  c'était  Ennius^.  Caton  ne  cessait  point  de  décla- 
mer, oupourgarder  l'expression  toute  romainede  Tite-Live*,  d'aboyer 
contre  Scipion,  le  chef  du  parti  des  Hellènes,  qui  s'était  plu  â  porter 
le  pallium  et  à  chausser  le  brodequin  en  Sicile  =*,  et  il  rassemblait  sous 
son  étendard  tous  ceux  qui  pensaient  que  la  vertu  romaine  ne  pouvait 
se  conserver  qu'avec  la  rusticité  et  l'ignorance  des  ancêtres.  Caton  ne 
se  contentait  pas  de  signaler  l'introduction  des  arts  et  du  luxe  comme 
un  signe  de  déct^deuc^e,  selon  le  langage  que  lui  a  prêté  Tite-Live, 
studieux  explorateur  de  ses  écrits;  /a  Gneciam  Asiamqne  tnmsceadmas , 
onmibas  libidinam  iOecebris  repletas,  et  Tegias  etian  attrectOmas  gazas  ;  eo 
plas  horreo  ne  illiE  magU  res  nos  cepejiitt,  ijnam  nos  illas.  Infesta,  mihi  cré- 
dite, signa  ab  Syracasis  iUaia  sai^t  kaic  arbi.  Jajn  nimis  maltos  audio 
Corintkiet  Athenaram  ornamenta  laadaniet  mirafltesijue ,  et  antejixa  fictilia 
deoram  romanorum  ridentes  ".  H  éclatait  en  invectives  bien  autrement 


418  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

entre  les  Romaiiu  appdaient  Les  ^réaUes,  les  plaùaïUB,  les  citadins , 

scarrœ  : 

ToaRÎrii.fu  WnnlilaJatim.ftniiicafntnuR  ia>ia, 
i... .  omMÛmMâmiah iolmn'. 

n  .fallait  qu'il' y  eût  alors  une  grande  animosité,  que  les  partis  fus- 
sent en  présence  et  pour  ainsi  dire  sous  les  armes  ;  la  pièce  serait  ainsi 
riiiikdiée  aux  demien  temps  de  la  vie  de  I^aute.  Un  renseignement 
plus  précis  ne  laisse  plus  de  doute  sur  l'année  même.  Un  des  person- 
nages.an  donnant  les  adresses  de  différentes  espèces  d'habitants  de  Rome, 
dit  qu'on  trouvera  les  libertins  et  les  dissipateurs  près  de  la  basilique , 
soft  wuîKca  (jaœrito*;  on  n'en  comptiiit  alors  qu'une  seule  à  Rome,  et 
nous  avons  d^à  vu  qu'elle  fut  bâtie  par  Caton  pendant  sa  censure ,  l'an 
5^0 ,  au  de\k  duquel  Plante  ne  prolongea  pas  sa  carrière. 

Dans  Psettdobu,  figure  un  niais,  messager  d'un  mijitaire;  et  ce  mi- 
litaire est  un  Macédonien,  détesté  des  deux  amants  qu'il  désole^  Le 
dikcouTs  du  grand  machinateur  d'intrigues  est  semé  de  mots .  de  phrases 
grecques.  Ce  fourbe  veut  se  faire  passer  pour  un  esclave  d'une  autre 
maison  que  la  sienne ,  et  le  nom  setd  de  Synis ,  qu'il  s'avise  de  prendre, 
ina^dre  k  l'inteiiocuteur  une  déBance  qui  Édt  rompre  brusquement  l'en- 
tretien. 

>  Habpax.  —  CommeDt  t'appelles-ta  ? 

«  PsEDDOLDS,  à  part,  Bfdlioa  a  un  etcUve  nommé  Sjnu.  Je  dirai  que  c'est  moi. 
I  (Baal.)  Je  me  nomme  Syrus. 

tHABP.  —  Syrusl 

■  ^EDD.  — '  Oui ,  c'est  mon  nom. 

•  Hakp.  —  Asseï;  caus^.  Si  ton  maître  est  diei  lui,  lus'4e  venir,  pour  que  je 
«  m'acquitte  de  mon  message,  qud  que  «nt  lenomqoetu  porte**.  > 

Dans  une  autre  scène,  Pseudolus  entendant  le  fripon  qu'il  emploie 
comme  auxiliaire  mêler  à  ses  impostures  une  maxime  de  philosophie , 
s'écrie,  comme  certain  désormais  du  succès  de  ses  complots  :  Le  voilà 


420  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

plus  n^ligées  de  Haute  ;  et  cepeDdant  «lies  Tiennent  dans  l'ordre  des 
temps  à  la  suite  de  ses  chefs-d'œuvre. 

En  ce  qui  concerne  ^ûhas,  je  ne  veux  pas  tirer  un  argument  dé- 
cisif de  la  chanson  loute  grecque  chantée  par  un  des  convives. 

nmir'k  m',  n  rpU  mît',  9  fii  ntlttf»^. 

■  Je  n'allouerai  pas  comme  preuve  convaiBcante  la  mention  des  dan- 
seurs ioniens'. 

Mais  lorsqu'on  lit  dans  Tite-Live  que  les  vices  des  nations  étrangères 
furent  apportés  à  Rome  parles  années  d'Asie,  que  ce  lurent  les  sc^dats 
de  ces  armées  qui  introduisirent  les  lits  d'airain,  les  couvertores  pré- 
cieuses, les  tapisseries  au  petit  point  et  les  autres  tissus  et  les  meuhles 
de  tuie;  que  ce  lut  depuis  ce  temps  qu'on  connut  dans  les  festins  les 
joueuses  de  harpe,  les  joueuses  de  luth  et  tous  les  artistes  dont  la  pré- 
sence ajoutait  à  l'agrément  des  festins  :  liprimam  lectos  araios,  vestem  stra- 
ÎaJam  pretûtsam,  plagalas  et  alia  textilia advexerunt.  Tanc  psaHria  tam- 
acistnaqtte,  «t  conoivalia  ludionam  oblectamenta  addUa  epolis* ;  etlorsqu'on 
Ut  ensuite  dans  les  scènes  du  poète  cette  description  des  richesses  rap- 
portées d'outre-mer  par  le  maître  de  Stichus: 

Tmni  Babyhnica  perùtromata.  eonsuta^ne  Uipetia 

Advexil  ntminm  bonm  rti 

fidicinas,  tibicinat. 

Samiueiitat  atbiexH 

Ptutea  angiKitla  multigeneram  malta*. . . 

alors  il  devient  comme  évident  que  le  luxe  asiatique  était  entré  k 
Rome  avant  que  Stichas  se  montrât  sur  le  théâtre  des  Romains ,  peut- 
être  un  peu  après  Pseadolas,  qui  a  aussi  sa  nomencUrture  de  beaux 
ouvrages  d'Orient  : 


M2  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Q  faut  prévenir  une  objection.  Tout  sa  commencement  de  )a  pièce , 
un  honnête  campagnard  dit  ii  on  fripon  de  citadin  :  «  Tout  le  monde  ne 
peut  pas  sentir  les  parfums  étmugers ,  olerv  sngumta  exadca.  ■>  Si  l'auteur 
voulait  rappeler  ici  l'ordonnance  des  censeurs,  de  565,  ce  ne  serait 
qu'une  addition  faite  dans  une  seconde  ou  dans  une  troisième  repré- 
sentation. Mais  il  est  possible  que  les  plaintes  des  moralistes  sévères, 
les  sarcasmes  des  nufici  contre  les  luhaid,  aient  |vécédé  de  long-  ' 
temps  l'ordcmnance. 

En  récapitulant  les  articles  de  la  discussion  qui  précède,  on  peut 
établir  entre  les  pièces  de  Plante  l'ordre  chronologique  suivant  :  trois 
'  de  ses  meiUera^s  compositions  dramatiques  auront  été  des  premières  en 
date:la3fo5(cZfcirw,  vers  fan  SSy;  Amphitryon,  peut-être  un  an  ou  deuS 
après;  les  Ménechmes , vers  SSg  ou  Sâro.  Puis  viennent  entre  5AA  et 
5^8  te  Rudens  et  le  Mercator;  le  Mile»  ghriosas  es\  à  peu  près  du  même 
temps,  5^9,550.  La  Cûfe/bria  a  paru,  peut-être  plus  tard  de  deux  ans, 
bien  inférieure  Ji  ses  aînées.  Le  Persan,  comédie  fort  médiocre  d'in- 
vention, dutétre  donnée  en  555  ou  en  556.  Mais  le  Ptenuku  venait 
avec  Epidique  et  l'Aulutaire  soutenirla  réputation  du  poète  en  ce  temps 
(559)  ;  c'était  l'année  du  consulat  de  Gaton.  Dans  les  années  suivantes  , 
de  56o  à  568,  Plaute  prenait  sa  revanche  d'une  manière  encore  plus 
éclatante,  en  produisant  Pseadolas,  peut-être  l'Asinaire,  le  Tiinamas  et 
les  Baxclàs.  Stichau  et  le  TracaUntas  se  mêlent  à  ce  groupe,  quoique  peu 
dignes  d'y  tenir  leur  |^ace.  Gasine ,  a  suivi  aussi  l'an  566,  sans  se  feire 
}>eaucoup  attendre.  Enfin  un  ouvrage  Ëiible,  Curculion ,  une  belle  inspi- 
ration de  morale  et  de  poésie,  les  Captifs ,  terminent  les  travaux  de  l'au- 
teur, presqu'en  même  temps  qu'il  cesse  lui-même  de  vivre,  l'an  5^o. 

Ainsi ,  sur  cette  liste ,  les  œuvres  du  poète  se  succèdent;  non  suivant 
une  progression  constante,  régulière,  idéale,  mais  avec  les  intermit- 
tences ,  les  inégalités ,  les  écarts  du  génie  de  l'homme ,  et  d'une  manière 


424  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

importé  récemment  à  Rome  germait,  florissait  dans  ce  petit  cercte 
d'hommes  d'élite.  Mais  Ptaute  ne  vivait  pas  dans  la  compagnie  des 
gens  de  bon  ton,  des  élégants.  Il  se  moquait  de  l'urbanité  dans  tes 
satires  comiques ,  il  vantait  les  mœmv  rustiques ,  les  moeurs  antiennes , 
l'ancienne  simplicité.  B  garda  les  formes  du  vieux  langage,  parce  qu'il 
était  du  parti  plébéien ,  du  parti  de  l'antique  Latium ,  du  parti  de  ceux 
qui  se  vantaient ,  comme  Marius  s'en  vanta  plus  tard  encore ,  de  ne 
savoir  pas  les  lettres  grecques,  et  qui  montraient  au  doigt  les  disciples 
des  lettrés  et  des  philosophes,  en  disant  :  u  Celui-ci  c'est  un  Grec,  c'est 
un  '  écolier  '.  u  Ces  gens-là  ne  changeaient  point  leur  ignorance  et  leur 
grossièreté  romaine  contre  les  délicatesses  des  Grecs;  changer,  selon 
eux ,  s'était  se  corrompre ,  et  on  les  flattait  en  leur  disant  comme  le  pro- 
logue de  Casine  :  «vous  aimes  les  vieilles  comédies,  tes  vieilles  expres- 
sions, de  même  que  vous  aimei  le  vin  vieux,  a 

NAUDET. 


Opinions  populaires  et  scienti^ques  des  anciens  sar  les  éclipses'. 

On  s'étonnera  peu  sans  doute  qu'Hérodote  et  ses  contemporains, 
ayant  de  si  étranges  idées  sur  le  soleil  et  ses  mouvements,  aient  ignoré 
la  véritable  cause  des  éclipses.  Les  historiens  des  mathématiques  et  de 
l'astronomie,  en  rapportant  quelques  preuves  de  l'ignorance  des  Grecs 
sur  ce  sujet,  même  à  des  époques  assez  récentes,  en  ont  témoigné 
leur  surprise;  ils  ont  presque  douté  de  la  réalité  des  laits;  dans 
tous  les  cas ,  ils  n'ont  su  comment  accorder  ensemble  l'état  des  connais- 
sance's  positives,  et  l'imperfection  des  théories.  Cela  vient  encore,  à 


42(^  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

pas  ikit  meotion  s'il  l'eût  connue.  C'est  dans  l'optique  seulement  qu'il  eo 
parie,  sans  toutefois  en  marquer  la  quantité,  ce  qui  a  donné  lieu  de 
présumer  ^  que  le  phénomène  ne  lui  a?[«t  été  connu,  qu'après  la  com- 
position de  l'Almageste. 

On  ne  s'étonnera  donc  pas  que  Pline  ne  puisse  comprendre  que  la 
lune  s'éclipse  lorsque  les  deux  astres  sont  k  la  fois  sur  l'boriion,  et  qu'il 
regarde  le  Ëiit  comme  merveilleux,  presque  comme  un  prodige  qui 
s'est  produit  une  seule  fois  k  sa  connaissance^. 

Quant  à  Ptolémée,  il  n'en  dit  pas  un  mot  dans  le  long  chapitre  qu'il 
consacre  à  la  théorie  des  édipses  de  lune.  Certainement  il  ne  pouvait 
en^orer  l'existence,  puisque  le  phénomène  se  reproduit,  pour  les 
édipses  de  lune,  une  fois  pendant  chaque  période  lunaire.  Maïs  un  tel 
ph^omène  aurait  fort  embarrassé  sa  théorie,  et  peut-être  a-t-il  jugé 
plus  sûr  de  n'en  pas  parier  du  tout.  C'est  le  parti  que  d'autres  astro- 
nomes avaient  adopté  ;  car  Gléomède ,  qui  écrivait  un  siècle  après  Pto- 
lémée, assure  que,  jusqu'à  son  temps,  aucun  mathématicien  ou  philo- 
sophe, égyptien,  chaldéen  et  autre,  n'avait  jamais  fait  mention ,  dans 
ses  catal<^es ,  de  pareilles  éclipses ,  quoiqu'on  y  eût  consigné  un  si 
grand  nombre  d'éclipsés  totales  et  partielles  '.  Cet  auteur  assure  que, 
de  son  temps  encore,  il  y  avait  des  gens  qui  combattaient  le  système  de 
l'interposition ,  en  lui  opposant  le  fait  des  édipses  horizontales  *.  Embar- 
rassé lui-même  de  l'objection,  il  ne  sait  d'abord  comment  en  sortir  :  il 
prend  enfin  le  parti  de  douter  de  la  réalité  du  fait;  il  n'est  pas  même 
éloif^é  de  croire,  avec  d'autres,  qu'on  l'a  inventé  tout  exprès  malicieuse- 
ment pour  tourmenter  les  pauvres  astronomes^;  comme  poussé  à  bout, 
il  se  hasarde  à  conjecturer,  supposé  la  réalité  du  fait,  qa'il  pourrait  bien 
être  causé  par  quelque  propriété  de  l'air,  et  être  analogue  à  ce  qui  se 
voit  quand  on  met  une  bague  au  fond  d'un  vase  :  cachée  par  les  parois 
quand  il  est  vide ,  die  devient  visible  lorsqu'on  le  rempUt  d'eau  *.  C'est 
là  l'explication  véritable  qu'on  trouve  exprimée  plus  dairement  encore 


428  JOURNAA-  DES  SAVANTS. 

A  «ette  expUcatioD' app^ilient  l'eipression  qu'I^n^ère  emploie  â 
prMK»,  d'une  éclipse  de  soleil  :  fliAisc  À  evoveû  t$«un^«Xi.> ,  sol  de  cah 
peritt.  Le  sens  que^e  poète  at^die'Â  r,e;xpreq9ipn  «ùotraû.^fçK^AMAi  est 
expliqué  par  deux  autres  passages  'i 

D'après  l'idée  que,  pendant  les  éclipses,  les  astres  monraient  ou  quit- 
taient le  ciel  niQnieotanément,  ces  phénqmèntis  ^usaient  une  extrême 
teiT«ur,j.D8«B  un  passage  trèsrreiparq^able,  f^lularqiie  cite,  les  anciens 
poètes  Uùanenue,  Çyd^  (incipnnM].  Arcbilqque:,  Stésichore  et  Pîn- 
dare,  qui,  à  l'occasion  des  éclipses,, 9e  laro^lçnt,  pendant  que  l'astre 
lumipeujL  est  démbé  du  ciel  ^.  Le  passage  dçPiudane  anquelU  £iit  allusion 
a  été  conservé  par  Denys.  flllalicarnas^  *  ;  ceux  des.  autrej^  poètes  ùtés 
sont  perdus.  Ainsi,  entre  le  vii*  et  le  v*  siècle  avant  notre  ère,  l'idée 
que  le  soleil  et  la  lune  étaient  (î^ra^^i  [K}>%-!flîfii>u),  eidevé$  du  ciel  lors 
des  éclipses,  se  présentait  naturelleuient  à  la  pensée  des  poètes,  et 
iàisait  partie  des  préjugés  dominants.  Cela  est  coafirn>é  par  un  texte  de 
Pline  ^  qui  rappelle,  sans  les  citer,  les  yers  de  Pindare  et  de  Stésichore. 

On  s'imagina  que  ce  déplacement  op  cette  destruction  momentanée 
de  l'astre  pouvait  être  l'effet  de  la  volonté  particulière  des  dieux, 
ou  de  procédés  magiques  qui  avaient  la  puissance  d'éteindre  l'astre  ou 
de  l'attirer  sur  la  terre.  Les  femmes  de  Thessalie,  magiciennes  con- 
sommées, furent  censées  spécialement,  ji,avesties  de  ce  pouvoir  mallai- 
sant,  qu'elles  exei'çaient  principalement  sur  la  lune. 

Tiedemanp  ^  pense  que  .cette  superstition  n'a  pris  un  véritable  crédit 
que. vers  le  temps  d'Mexandre;  mais  une  .çi^yance  a^ssi  absurde  ne 
peut  oaîuenise  développer  à  l'époque  où  les  sciences  se  perfËCtiounenti 
il  fiuit,  Au  contraire ,  qu'elle  ait  été  de  bonne  heure  earacinée  dans  les 
esi^ts  duvulgaii^e  pour  résisterensuite.aux  progrès  des  connaissances; 
elle  y  reste  «lara  comme  un  souv9nir^pi;aibf)dqu''eutratieim^ntles  fic-i 
tions  et  les  alluaions  des  poètes.  Jf^  penpedpuc  qup.  c^t^  sup.erstiiiQn  est 
primitive,  et  probablement  aussi apclenoe, que  U  çroyaqçe  ^  la  nécro- 


450  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Ménandre  Tavâit  employée  dans  sa  Thessalienne  ^  et  il  en  est  &it  men- 
tion souvent  dans  les  poètes  anciens  ^. 

C*est  à  cette  superstition  que  se  rattache  Tusage  de  produire  un  grand 
bruit,  au  moment  d*une  éclipse,  soit  en  frappant  des  vases  de  métal\ 
soit  en  faisant  crier  des  chiens  pour  empêcher  les  paroles  magiques  de 
parvenir  jusqu'à  Tastre,  et  Taffranchir  de  Tinfluence  quelles  exerçaient 
sur  hii,  ou  le  délivrer  de  l'animal  qui  voulait  le  dévorer.  Cet  usage  tient 
k  ridée  que  Tastre  est  im  être  animé  qui  peutnnourir  comme,  tout  autre. 
n  faut  qu'elle  soit  bien  naturelle  à  l'homme,  puisqu'on  a  retrouvé  cet 
usage  dans  l'Inde,  en  Chine,  chez  les  Arabes,  les  sauvages  de  l'Amé- 
rique septentrionale,  les  Péruviens,  les  Caraïbes,  etc. 

Cette  superstition,  très-répandue  parmi  les  Grecs  et  les  Romains^, 
se  retrouve  encore  à  des  époques  fort  récentes.  Plutarque  la  représente 
comme  existante  et  habituelle  de  son  temps  ^;  en  efifet,  sous  le  règne  de 
Tibère,  les  soldats  de  Pannonie  employèrent  ce  moyen  lorsqu'une 
éclipse  vint  les  firapper  d'effroi  au  milieu  de  leur  révolte  ^;  et  nous  voyons 
par  les  homélies  de  S.  Maxime,  évêque  de  Turin,  que  les  Chrétiens  eux- 
mêmes  n'étaient  pas  délivrés  de  cette  superstition  au  v*  siècle  ^. 

Les  opinions  des  anciens  Grecs  à  l'égard  des  éclipses  paraissent  donc 
s'être  réunies  dans  l'idée  que  l'astre  abandonne  momentanément  le 
ciel  :  le^  uns  y  voyaient  l'effet  de  la  volonté  des  dieux  ;  les  autres  ime 
influence  magique^ 

JTai  montré  qu'à  l'égard  du  mouvement  propre  du  soleil,  Hérodote 
était  placé  sous  l'influence  des  préjugés  populaires.  11  devra  paraître 
tout  naturel  que,  relativement  aux  éclipses,  il  n'ait  pas  été  beaucoup 
plus  avancé. 

Cet  historien  parle  quatre  fois  de  l'apparition  d'éclipsés  de  soleil  ;  et 
les  expressions  dont  il  se  sert  attestent  que  le  nom  d'éclipsés  lui  était 
inconnu;  aucune  n'indique  qu'il  sût  la  cause  du  phénomène.  Dans  l'un, 

'   . . .  Fahalam,  compUxam  ambages feminarum  ietrahentiam  lanam.  Plia.  XXX,  3. 

—  Cf.  Meineke,  ad  Menandr.  et  Philem.  reliq.  p.  76.  —  *  Sosiphan.  ap.  Sclioi  Apoll. 
Rhod.  m,  533.  —  Anthol.  Adetp.  ii3.  —  Virg.  Ecl  vm,  69.  —  TibaQ.  1, 11,  3a. 

—  Horat.  Epod.  v ,  46.  —  xvu ,  73.  —  Lucan.  VI ,  5oq.  —  Martial ,  ix ,  3o.  —  Sii. 
Ital.  Vni,  &00.  —  Qaudian.  innuf.  1,  i47-  —  'Plin.II,  12.  ,\  .et in  lana  veneficia 
argaente  mortalitate  et  ob  id  crépita  dissono  at^iliante.  —  Plut.  Dejacie  in  orbe  lanœ, 


—  Titliv.  XXVI,  5.  Quàlis  [œns  crepitus]  in  defectalunœ,  sîlenti  nocte,  ficri 
soLET.— Cf.  Juven.  Vi,  443,  ibique  Rupert.  —  *  Tacit.  Annal  I,  a8.— *  8.  Maxim. 
flomil  p.  703,  c.  P'aris,  1618. 


452  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

que  du  spirituel  et  judicieux  Thucydide,  qui,  de  flLu&;  avait  suivi  les 
leçons  d*Ânaxagore  ^ 

On  doit  remarquer  que  Thucydide  parle  séalement  d'éclipsés  de  soteil, 
et  qu'il  ne  dit  rien  de  celles  de  lune;  et  cependant -elles  avaient  du  être, 
bien  plus  nombreuses  que  les  autres^  dan^  le  >même  espace  de  temps. 
Évidemment  les  éclipses  de  lune  n'étaient  pas  pour  lui  des  présages  ou 
des'signes-  de  la  colère  céleste;  il  ne  lesx^omptait  pas  au  nombre  de  ces 
Jléaux  accidentels  dont  il  signale  l'apparition.  Et  ici  se  montre  le  premier 
exempte  de  la  différence  ^ue  l^S'  anciens  ont  mise  si  longtemps  entre 
les  deux  genres  d'éclipsés.  Celles  de  soleil  n*é(aient  donc  pas  encore  dea 
phénomènes  purement  naturels;  mais  on  oominençait  î  se  Adre  mne 
idée  plus  juité  de  la  eause  des  éclipses  de  lune.  Si  Thucydide  n'est  pas 
sAr  que  les  unes  ne  puissent  arriver  que  dans  la  néoménie,  il  sait  fort 
bien  que  les  autres  n'arrivent  que  dans  l'opposition  ^.  C'est  pour  lui  un 
événement  naturel,  dont  il  ne  tient  pas  même  compte.  Aussi  Dion, 
le  disciple  de  Platon,  lors  de  son  expédition  en  Sicile^^,  ne  se  laissa 
pas  effrayer  par  une  éclipse  de  lune;  dont  ia  cause  physique*  lui  était 
connue.  MslÎè  la  t^onnaissance  de  cette  cause  n'était  pas  tellement 
répandue  que  ce  phénomène  n  inspirât  plus  aucun  effiroi  aux  es* 
prits 'superstitieux. 'C'est  ainsi  que  celle  du  dy  août  4i3  firappa  d'é- 
pouvante les  Athéniens^  prêts  it  quitter  'Syracuse ^.*La^  oraîpta  gagna,  le 
faible  et  superstitieux  Nicias  qui ,  écoutant  plus  les  devins  que  la  raison , 
attendit?  pélftr  partir  le  retour  de  la  pleine  lune  stiîvante  ^;  mais  il  était 
trop  tdrd,! et  Tannée  fut  détruite. 

(In  sièdle  plu»  tard,  Alexandre,  le  disciple  d'Aristote,  quoique  selon 
toute^appdrence  au-dessus  des  préjugés -populaires,  fiit  obligé  de  s'y 
soumette  ''pat  prudence ,  lors  de  Téclipse  de  lune  qui  eut  lieu  onze  jours 
avant  la  bataille  d'Arbèles.  H  fit  tin  sacrifice  à  la  lune,  au  soleil  et  à  la 
terre,  divinités  dont  on  dit,  selon  les  termes  d'Arrién  •.-que  l'éclipsé  est 
ronvnAgé.  Il  *cotis^Lllta  le  devin  Aristandre  qui  lui  annonça  qu'une  bataille 
aurait  lieu  dans*  le  mois  :  en  ceci  le  jongleur  ne  devait  pas  craindre  de  se 
compromettre;  caries  Grecs  avaient  déjà  passé  leT^re,  et  les  deux  ar-' 
raées étaient  ieh  présence.  Eh  leur  prédii^nt  la  victoire,  il  ne  s'avançait 
pas  non  plus  beaucoup;  d'ailleurs,  il  ne  faisait  que  diriger  contre  les 
barba^efii  tsur  propre  .superstition ,  qui  ne  devait  pas  être  inconnue  des 
Grees^'depois'  longtemps  ils  avaient  appris^  d'Héradotei  que  les  Perses 


^ 


'  *^Ahtyifuâ'ip-  Marcell  Vit  Thwyi.  $  la.  —  *  VII,  5o  :  ...  n  ïïixm  ix^frjnt' 
Mfyaîi  TAP  taraYçihnfoç  ovffa.  ^ —  *  Mut.  iVi  ïfic.  c."  a4. . —  ^  ITiucyd.  Plutarch. 
I.  I.  —  -Troll  fou  neuf  jours.  —  £vu€  tj»  n  jt\)ïr»f  kcu  irtàt  tiMcù  zut  tm  >»,  cr0f 
To  ipyw  TovTo  Koyoçiifûu  Kamx*'»  Aman.  Anab,  ill,  vu,  9. 


ftU  JOURNKtfc  DBS'SATANTS. 

bevédipsM  vrmmUew  ^itari  cetfoo^^vvaalt  è'sebotieher  i»mm^^ 
mtmi.  *:  n  est  daîr  ipie  k'ph3(nophc  potrrait,  i^uwi  )Men>  ^'H^vodotéVt 
liffirigain»,  drer  des  pféwyyJ'wml'tjMaowtfig'-.'  Qar,  dnu  «oh'by|«»- 
AJM  oeaune  ^â«in  t'ei^ic«tkMii  po^ulaira,  k  tisuse  lutunâle  ébËM 
MécMinue,  il  iMhùt  bieii' admettre' 'qti'une  volmitié-  niprên«'  enlemit 
CtutR  desafdiMemilMBt^ifmveftore.  -  <•  >    ■ 

La  même  ofcserVfttioD  s'iyf^ique  aiu  hypdfièsea  il'aittres  j^sieinn; 
Pwm^icle  et  Avtl^fkam  -ewmiiatit  ime-  U  taHe  Mt>tin  «orps  itinmMMt 
p»r'lui'ni£meM>émocritt*'««ifaisntMusiuD  odrpsign^,  comme  \és<y 
leil  :  c'est-JHlipe  que  lesM!»  et  lA  autres  D'vnient  mtUe  iilée' érita  aàMe 
de»-  léoUiiaés.  Xéiit^rfwiie  regarédt  W«4i  1e5>>«ilRB  ewnbieltlé»  nMiiea 
vaêimmés;  qui  s'éteignaient' et' m  raHaanent  le  smp  et  le  matiA;  'tt 
expliquait  de  la  même  manière  les  éclipses  *  :  Dîa^ne  d' ApoUonie ,  dïs- 
cî^  d'Anasitnéne ,  «t  eoBtemporairi  d'Anongore  oa,  selon  d'autres, 
iAhve  de  ce  dernier*,  appliquait  à  oe  phénomène  son  système  suf  le 
freid  et  le  chaude  â-eroyfeiH  que  l'édipse  de  soleil  avait  liea  Ibrsqne'le 
froid,  Pempttftant  sifflechaMA^  éteigaait  oe'granlfluminatPs^  Hèrsclitv, 
et  depuis  Épicure,  pensèrent'  que  le  soleil  A  iadiuie  ont  une  face  con- 
vexe el  wie  autre eoaeave,  Vune  opaque,  i'mtr»  lunrineuse,  et  que  les 
éclipses    ont    lien  qoand  «es  aslrec   ttfomeilt  Vers   notis   leur  face 


L'opinioR  4e  Tbm7dfd»,iYippor«ée  phts  haat;|donn«  lieti  de  doâter 
que  PérielièB.  cb[B«e>pèn8bnteio*ron*tet  Hutai^e*  conttût  la  véri- 
table cause  des^édipses^  de Weil.  Selon  Gic^von ,  il  ar*«it  ptfjsé  «ëtte  con^ 
naissance  dans  les  leçons  #^iai«gore.  Il  fm  ^tituc  pKis  heureux  que 
lliacydide,  auquel  ;^axegore' n'en' BvaK rien  dit;  dti  moiiw.l'Mstorien 
n'en  a  rien  sa.  Ceci  knA  douter  qu'Anar^ore  fâraiiMi  avancé  que  ces 
auteurs-fbnl'cni.  ■  '■    '  ■■i"'  '        '■    ■■•■•■■■•>    ■        i  ■'■■    ■■ 


456  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

d'accord  sur  U  ré^té  de  l'astrologie  ou  gtoéAlàlogie.  là  divination 
chaidéenne  par  ezceUeoce.  On  dtut  expliquer  par  U  tes  données  eoB,- 
tradjctoir^  qui  nous  ont  été  transmises  parle*  anciens  sur  les  OpinioM 
dfsidéennes  ;  et,  en  particulier,  la  diffiârence  entre  l'opinion  que  Vitrùrei 
Géomède  et  le  fiiux  Plutarque  attribuent  4  Bérose,  et  celle  que  Dîo- 
d^reprèteaqx  Chaldéeus.  Quand oa  Toudrait  sni^KisM-que  ce  fut  Ui  um 
opinitm  partictdière  k  un  Individu,  <m  n'en  sentit  pas  moins  foroé  de  re- 
GOnniitre  que  la  co8m(^;raphie  cluddéenne  était  bioi  impar&i  te  puisqu'un 
astronome,  et  Bérosel'était,  avait  pus'attacherencoreàune  idée  siétrai^. 
Ce  qui  prouve  que  Bérose  n'a  point  professé  une  doctrine  qui 
lui  fl^t  propre,  c'est  que,  sdon  le  même  Diodore,  les  Chaldéens, 
qui  prédisaient  à  point  nommé  les  éclipses  de  lune ,  «  donnaient  de 
très-mauvaises  raisons  des  édipses  de  soleil ,  et  n'osaient  ni  les  pré- 
dire ,  ni  assigner  avec  précision  l'époque  de  leur  retour  ^  »  Il  résulte 
de  ce  passage  remarquable ,  que  si  les  Cbaldéens  connaissaient  la  pé- 
riode lunaire  ^,  et  s'en  servaient  pour  prédire  asses  exactement  le  re- 
tour des  édipses  de  lune ,  ils  ne  croyaient  pas  pouvoir  l'appliquer  aux 
éclipses  de  soleil,  parce  qu'elles  leur  parurent,  de  même  qu'aux  Grecs, 
oSirir  la  plus  grande  irrégularité  :  cela  seul  {H-ouve  qu'ils  étaient  bien 
loin  de  l'idée  de  les  rapporter  au  centre  de  la  terre  :  et ,  en  effet,  com- 
ment auraient-ils  pu  avoir  cette  idée,  puisqu'ils  croyaient,  ainsi  qu'He- 
raclite et  Ëpicure,  que  la  terre  est  concave  comme  la  lune.  Diodore 
nous  apprend  aussi  que  les  Chaldéens  donnaient  de  mauvaises  explica- 
tions des  édipses  de  soleil;  c'est  assez  dire  qu'ils  n'en  connaissaient  pas 
plus  que  les  anciens  Grecs  ia  véritable  cause,  aussi  les  regardaient-ils 
comme  des  présages  de  l'avenir.  H  en  était  de  même  des  mages,  leurs 
voisins.  Au  témoignage  de  Diodore ,  les  Cluddéens  croyaient  la  terre 
crème  et  concave  (luiXn  ^  mt^omfiit) ,  et  apportaient  beaacoap  de  bonnes 


4M  J0URWA!LiDÏÎ*"8AVANTS. 

^eriltieà»;pow  'éterer  les  icoi^céiesM  jtnqa'ft  dh\'kioaÉK*i,  nftn 

euk;  lèpliu  parftit  de  «nu;Witeflt^iiMgînélVsirteiiee  (fane  lérM;  file 

ftiartde ;  iwifciyé  fat Itf 'leii.  et ntfU^ Wife  aprt»  liiyi^e'fli'faMafew|rit^ 
viter  sueeeMitCittent  la^laae.ic  soteO.lea  riiiq|dMitt^,«tle'ciiâm- 
làaik,  «doc  enxi  un  diii^é'eorfrt*,  sjvtèttw  «^.'poot' le  rappeler «B 
pakMtit',  n'arienâecooimtttsreeceftâ'de  Gfl^ierme,  attqàd-oo-ft'ioiM 
ptntvfiir  lis  emparer.  Quant  1  fenr  ftmetne  ttntBcMtone,  eHe  n'k-  |hu 
(f  autre  origine  que  celte  que  Je  \m  aitribue ,  c'est-à-dire  une  simple  etm.^ 
«Méràtloni  tirée  de  ia  puissttnee  des  nombres.  Ce  ccHps,  en  passant  eiiti<i: 
ktltane  etle'ioleil.était'censé^prodQire  la  pins  ^Wide  partie  des ^cUtMes 
d«  Ibiie;  mais  comnie  l'interposition  d'un  seul  corps  ne  suffisait  pas  ^ 
paremment  pour  expliquer  la  fréquence  de  ces  éclipses,  d'autres  py- 
ângericiens  imaginèrent  qu'il  existait  plusieurs  antiehthooes  invisîMea, 
deirt  l'interposition  ramenait  plus  fréquemment  ce  phénomène. 'Nevs 
avons  vu  (p.  435)  qu'Anaiagore  avait  eu  la  même  idée.  C'est  l'autenr 
dn- Traité  du  àd  qui  nous  f apprend,  u  Quelques-uns  pensent,  dit-il^, 
qulil  peut  j  avoir  j^sieurs  corps  qui  gravitent  autour  du  milieu 
[occupé  parie  feu],  ce  que  l'interposition  delà  terre  nous  empédie 
d'epe»voir;  6'est  pour  cela,  disent-ils,  que  les  éclipses  de  lune  sont 
plui  fréquentes  que  celles  fe  soleil  :  dans  cette  hypothèse ,  ce  ne 
serait  pas  aedement  la  terre,  ce  serait  ainsi  chacun  de  ces  corps  qui 
«apêdierait  la  lumière  du  soleil  d*aiTTrer  à  la  lune.n'Delambre,  qui 
(^e«e  passage^,  anribne  cette  opinion  à  Aristote,  parce  qu'il  n'a  pas 
rémahpiéie  verbe  9»9t  :  a  Aristote ,  dH-il ,  raisonne  comme  un  homme 
qui  n'a  aucune  idée  bien  nette  des  mouvements  célestes.  »  Mais  Aris- 
tote ne  fait  pas  ici  de  raisonnement;  il  rapporte  celui  des  autres,  et  il 
était  si  loin  d'approuver  ces  rêveries,  qu'O  reproche  aux  pythagoriciens, 
en  eet  endroit  même,  de  «cfaerdier  beaucoup  moins  à  subordonner 


450  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

importante  pourU  prédsion  d'une  tdleannonoe,  la  connaissance  dei 
distances  rétives  de  la  lune  et  de  la  terre  au  soleil.  Aiistarque  ftit  le 
pMnier  qui,  un  siède  après  IHaton,  «MUfa  dé  la  d^itaminer  pu-  me 
médiode  trto-ingénieme  en  principe,  maïs  dont  l'application  est  iÎMt 
âi£Ëcile.  Aussi  trouva-t-il  la  distance  de  la  terre  au  soleil  dix-oeuf  fois 
(au  lieu  de  quatre  c«it8  fois)  plus  grande  que  celle  de  la  lune  i  1» 
terre'.  Cette  erreor  énorme  était  pourtuit  i  peu  près  inévitable.  Il  ad- 
mettait encore  que  la  lune  n'a  point  de  parallaxe  sensible,  puisque*,  se- 
lon lui,  la  terre  n'est  qu'un  point  par  ra}^rt  &  la  sphère  de  la  lune. 
Hipparque  démontra  que  ceOe  paraUaze  est  d'environ  un  d^ré  {Sf; 
^evarie  de  5 &'&  61')  iij^ns  forte  raison  Aristarque  supposait-S  qu'3 
en  était  ainsi  du  soleil,  dont  la  parallaxe,  qui  est  d'un  peu  moins  que 
9"  { 8"  8&),  a  toujours  échappé  aux  moyens  d'observation  des  an- 
ciens.  Hipparque,  qui  ne  sut  jamais  précisément  si  elle  était  nulle  ou 
sensible,  la  fit  de  3',  par  pure  hypothèse'.  On  juge,  d'après  cda, 
entre  qu^es  limites,  un  siècle  avant  Aristarque,  H^con*  a  dû  cir- 
conscrire la  prédiction  qu'il  fit  d'une  éclipse  du  soleil,  à  moins  que  le 
hasard  ne  soit  venu  en  aide  k  sa  sci«ice.  Car,  sans  la  connaissance  des 
pandiaxes,  les  éclipses  de  soleil  ne  peuvent  se  calculer.  Hipparque 
lui-même,  un  siècle  après  Aristarque,  n'aurait  pu  encore  aniver  à 
qndqae  précision.  D  ne  se  trompait  que  de  quelques  minutes  sur  la 
pardîaxe  de  la  lune  ;  mais  â  faisait  celle  du  soleil  beaucoup  trop  forte  ; 
etdeidas,  il  admettait,  entre  les  distances  relatives  de  la  terre  et  de  la 
lime  au  soleil,  les  mêmes  rapports  qu' Aristarque'.  Elnfin,  Ptolémée, 
qui  nous  présente  toutes  les  méthodes  d'Hippwque,  perfectionnées  par 
deax  sièdes  d'observations  et  de  calculs,  était  évidemment  hors  d'éUt, 
par  l'erreur  de  ses  parallaxes,  de  faire  des  prédictions  d'édipses  6ê 
soleil  avec  une  certaine  précision  et  avec  quelque  assurance,  comme 
l'a  démontré  Deiambre  *  dans  l'analyse  du  VI*  livre  de  l'Alnugeste. 


452  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

•  de*  travaux  do  premier  ordre.  En  eOiét.deiRecAeTtA«inrIa  dccoMpontim  Msiwlk 

•  deimaltrMqiliéUbliTentleapieiiuJrMbÉietdBUctiInliqaecUnliqae.  Prenae 

■  atuaitM  qD'il  les  eAt  pnUiés .  3  décoorrit  lecAlDrarv/czote.  etmoslra  i  looi.par 

•  tes  griTCs  accîdenis  dont  il  fiit  deux  foi*  Tidime.  que  deux  fins  il  avait  en  lecoa- 

•  rage  d'afirooter  la  mort  m£me,  pom-  cODqaërir  à  la  ideDce  le  composé  le  plaa 

•  dangereux  qu'elle  poscède.  H  mit  fin  à  de  longue*  discnsaions  âevée*  parle*  >avBrii 

•  le*  ^lu  dislingoéi  AT  U$ tùmbÔÊajotu  JmjÀMfkmr  ateeTaxyyhtâ-.ea  mèmeten^ 

•  qu'D  dÀrrivit  1  acide  hypopkaipkortas  dont  l'eiistence  n'avait  jamais  été  soupçonnée. 

<  Dans  un  travail  dod  moins  remarqoaUe  que  le  précédent ,  il  rév^a  aux  clumisles 

<  les  propriété*  d'un  corps  (  VaciJ»  kypomtriijMe  )  qne  tout  le  monde  croyait  cOnoaitre , 

•  et  que  pourtant  personne  n'avait  étudié  sous  sa  vëritaUe  Ibrme.  L  aci^  tUMlifM» 
'  uni  à  l'onde  de  jHaaA  n'ajant  présenté ,  i  Fanaljfe  on'3  en  fit .  <p.t  de  Toxygéne 

•  et  du  carbone  ma  hydrogène ,  il  partit  de  ce  iait  et  ne  la  composition  de  Toiidate 

■  de  chaux  poor  se  livrer  à  des  considérations  aussi  inattendues  qu'imputâmes  sur 

•  des  acides  ternaires  :  enfin  il  évalua .  autant  qu'il  est  possible  de  le  faire  anjonr- 

•  d'haï ,  l'influence  chimiqne  de  Foxygéne  dans  la  respiration. 

•  Qui  donc  fnt  pins  dîgne  d'entier  dans  la  section  de  chimie  que  l'auteur  de* 

•  travaux  que  je  viens  de  rappder?  et  cependant  parmi  eux  ne  se  trouvent  pas  des 

•  recliacbe*  qui,  quoique  dn  domaine  de  la  physique ,  fournissent  à  la  chimie  les 

•  donnée*  les  idtis  positives  qu'dle  possède  maintenant  pour  pénétrer  dans  la  c<uis- 

•  tilutkm  la  plus  intime  des  corps.  Les  écrits  de  M.  Dulong  ont  encore  un  autre 
'  '        el'in.  -  ■         -•  -       ■■ 


•  mérite  que  rimporlaoce  de  la  matière  ;  car.  modèles  de  rédaction ,  ils  se  recomman- 

•  dent  au  maître  comme  à  l'élève  par  une  darlé  et  une  simplicité  qui  n'ont  pu  naître 

•  qne  du  savoir  le  plus  profond  dans  les  sciences  ma diématiques  et  physiques ■ 

\f.    Thenard:  *  La  perte  que  nous  déj^oroos  aujourd'hui  est  grande,  irréparaUe 

•  peut-être  ;  die  devient  pour  nous  plus  douloureuse  encore  en  nous  rappdant  cdle 

■  des  Malus ,  des  Petit ,  des  Fresnd ,  des  Fonrier ,  de*  Ampère  qni ,  comme  Dulong , 

•  cultivaient  la  physique  avec  éclat,  et  qui ,  connue  lui ,  se  sont  éteints  au  mi&eu  de 

■  leur  brillante  carrière 

•  Dulong  n'était  pas  seulement  un  savant  physicien  ;  c'était  encore  l'un  de*  cbi- 

•  mistes  les  [dus  distingués  par  la  finesse  et  I  élévation  de  ses  vues.  Cétait  en  même 

•  temps  un  écrivain  dont  les  mémoires  doivent  être  diés  comme  des  moddes  de 
.sli^e 


454         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

espace*  de  phoque*  et  des  groupet  génériquef  entre  lesquels  ^es  se  partagent, 
t.  Ai;  De  la  sociabilité  des  animaux,  t.  XŒ.  Les  Annales  des  sciences  naturelles  ont 
publie  aussi  plusieurs  mwceaus;  et  entre  autres,  par  extrait,  un  Mémoire  sur  les 
genres  gerb(Hse  et  gerbille ,  qui  doit  panltra  produunenient  en  entier  dans  les  lit- 
moires  de  la  Société  toologique  de  Londres.  La  plupart  des  articles  Mammahqw, 
dans  le  Dictioanaire  des  sciences  naturelles,  ont  été  rédigés  par  H.  F.  Cuvier,  ainsi 
queTartide  Intûnct. 

M.  P.  Gavier  était,  depuis  i83i,  un  des  sateun  du  ioumal  des  Savants  (V.cahHn 
d'août  i83i,  noTCmbre  i83a,  fêvrier  et  décembre  i833,  février  t834.  février  «t 
décembre  i83&,  mars  et  juillet  iSSy ,  et  janvier  i838  ]. 

Outre  ses  travaux  scientifiques,  qui  ne  se  bornent  pas  à  ceux  qui  ontétépuidiés, 
car  3  existe  dé  lui,  sur  l'inslinct  des  animaux,  de  curieux  mémoires  qui  devaient 
servir  de  base  k  ses  liitures  te^ns  au  Muséum  d'histoire  naturelle,  M.  F.  Cuvîer  a 
rédigé. un  grand  nombre  de  rapports  sur  les  écoles  primaires  de  l'Académiede  Paris, 
et  fniis  tard  sur  presque  toutes  les  Universités  de  France  qu'il  a  parcourues  comme 
inspecteur  générd ,  rapports  dans  lesquds  on  trouve  l'iDdication  d'un  grand  nombre 
d'améliorations  qui  se  sont  déjà  réalisées,  et  d'un  nombre  plus  considérable  encore 
qu'il  serait  bon  d'introduire  dans  l'enseignement  de  tous  les  degrés ,  et  qui  témoi- 
gnent que  leur  auteur  élait  doué  de  l'esprit  le  plus  élevé  en  nxkme  temps  qu'il  était 
animé  du  plus  ardent  amour  du  bien. 

—  L*A(»démie  des  sciences  morales  et  politiques ,  dans  sa  séance  du  7  juillet, 
a  du  U.  Passy  en  remplacement  de  M.  le  prince  de  Talleyrand. 

M.  Dumont  a  été  du ,  le  3 1  du  même  mois ,  par  l'Académie  des  beaux-aris ,  en 
pemplacement  de  M.  Ramey  père. 

LIYRES   NOUVEAUX. 

FRANCE. 

Mémoint  miliuUns  relatifs  à  ia  saccetlion  d'Efpagna  $ov  Loait  XIV,  extraits  de  U 
correspondance  de  la  cour  et  des  généraux,  par  le  lieutenant  général  de  Vault,  direc- 
teur général  du  dépôt  de  la  guerre,  mort  en  lygo;  revus,  publiés  et  précédés  d'une 
iiitroducdon ,  par  le  lieutenant  général  Pelet ,  pair  de  France ,  directeur  général  du 
dépôt  de  la  guerre.  Tome  III.  Paris,  Imprimerie  royale,  i838;  in-i*  de  io5Â  pages. 
Seveodcbei  Firmin  Dîdot.  Pr.  13  fr.  le  volume.  Ce  volume  fait  partie  de  la  première 
série  des  Documents  inédits  sur  rhbtoîre  de  France,  puMiés  par  ordre  du  Roi.  11 


056  JOURNAi.  DES  SAVANTS. 


France ,  pendant  la  première  moitié  du  xu'  siècle.  Paris ,  F.  Didol ,  1 838  ;  in-8*  de 
ia4  pages. 

Dutertalion  sar  qitelifues  poinli  curieux  de  VHittoire  de  Fraïue  et  de  l'Hitloirt  Utti- 
raire ,  par  Paul  L.  Jacob,  bibliophile.  —  N°  i  :  sur  la  mort  tragique  de  la  coaitCMe 
de  Chfiteaubriaat ,  in-8*  de  88  pages.  —  M*  5  ;  la  vérité  sur  les  deux  procès  crimi- 
nels du  marquis  de  Sade;  iA-S*  de  3^  pages.  Paris,  imprimerie  de  M"  Poussin; 
lUn-airie  de  Técfaener,  i838. 

Mémoire*  d'agriculcurv ,  d'économie  rurale  et  domatique,  publiés  par  la  Société 
l'Orale  et  centrale  d'Agricidlure ;  année  iSS^.  Paris,  imprimerie  et  librairie  de 
M"  Huxard;  in-8'  de  534  pages. 

Lettres  inédites  de  Fénehn  au  marécbd  et  à  la  maréchale  de  NoaiUes.  Paris ,  Adrien 
Ledere,  i838;  in-8°  de  6o  pages. 

Histoire  de  Lille ,  capitale  de  la  Flandre  française ,  depuis  son  origine  jusqu'en 
i83oi  par  M.  Lucien  ae  Rosny.  Imprimerie  de  Prignet,  éi  Valencteanes  ;  à  Paris, 
chei  Téchener,  i838;  in-S*  de  a84  pages.  Pr.  5  fr. 

Etudes  archiologitiues ,  historiques  et  italistiijues  sur  Arles ,  contenant  la  description 
des  monuments  antiques  et  modernes ,  ainsi  que  des  noies  sur  le  territoire ,  per 
M.  Julien  Estrangin.  Imprimerie  d'Cttive,  à  Marseille;  librairie  d'Aubin,  à  Ais,  i838; 
in-8*  de  Ai6  oaees. 


458  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Ânhh  der  Geteîbchqfijàr  âlltr»  dmli^  Gach«Auiui>df.  Arehlvai  de  la  société 
pour  l'histoire  aqcienne  d'Allemagoe  ;  par  Parti.  6  vidumet  in-S*.  Hanovre,  Haba, 
i836-i838;  CBb.  V.etVIda6'  v<diime  ( dernier} ;  i  nd.6gr. 

Gachickte  der  UtzUa  sytlmu  der  f^huofAu,  etc.  Hiitràv  dn  dernien  ijatànes  d« 
philotopliie  en  Allemagne,  deputi  Kant  jiuqu'i  Hegdi  par  L.  Hichdel.  In-S*. 
Beiiin ,  Duocker,  1 838 1  tome  II  (et  deroier)  ;  U  ni. 

ANGLETERRE. 

Eari^  mytteriei  and  othar  lalin  poenu  i^fhe  twelJA  attd  thirteentk  eenluria.  Ait- 
dans  mystères  et  aotres  poèmes  Istini  du  ui*  et  du  xiii*  siède,  puUiés  â'a[His  les 
numnscrits  originaux  du  Musée  Imlanniqne  et  des  Inbliothèquet  d'Oxfbrd ,  de 
Cambridge,  de  Paris  et  de  Viaine;  par  Thomas  Wright  Londres,  Nichols  et  fih, 
i838;  in-8*de  ixniiet  i35  pages. 

TrateUin  theweiUm  Caacatia.  Voy^  au  Caucase  occidental  fait  en  i836,  avec 
une  excursion  en  Mingrélie,  Turquie,  Moldavie,  Gallicie,  Silésie  et  Moravie;  par 
£dm.  Spencer,  auteur  de  Traveh  in  Circattia.  Io-8*.  Londres ,  Colbum ,  1 838. 

Hitîory  oflhe  arrivai  <^ Edward  IV  ia  England,  Histoire  de  l'arrivée  d'Edouard  IV 
en  An^eterre  et  de  la  restitution  de  ses  royaumes  à  Henri  VI  en  i47i;par  J.  Bruce, 
In-Jl*.  Londres,  )838.  ■ 

Memoirt  of  the  lifi  and  character  aj  Henri  V,  as  prince  of  Wales  and  Idng  of  Ea- 
gland.  B;  tbe  Rev.  J.  Endfll  Tyler.  B.  B.  a  vol.  ip^',  Londres,  Bentley,  i838. 


BUREAO  DU  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Pkésidekt  :  M.  Barthe,  garde  dçs  sceaux. 

AssiSTAKTS:  MM.  QuatremèredeQuincy,  Lebmn,  secrétaire  du  bureau  et  édi- 
teur dn  Joumsl,  Lacroix.  Et.  Quatremère,  membres  de  J'Iostitut. 

Auteurs  :  MM.  Daunoo,  Bioi,  naoul-Bocbeile ,  Cousin,  Letronoe,  Cbevreul, 
Eug.  Burnouf,  Fburens,  Naudet,  Villemain,  membres  de  l'Institut; Patin,  profes- 
seur k  la  faculté  des  lettres..... 


JOURNAL 


DES  SAVANTS 


AOUT  1858. 


Prométeuée  ENGHAtNé,  tragédie  d* Eschyle,  traduite  en  vers  français, 
par  J.  J,  Puech,  professeur  agrégé  de  F  Université  au  collège 
royal  de  Saint-Louis,  traducteur  des  Coéphores;  in-8®  de  1 28  p, 
Paris,  i838. 

Cette  antique  tragédie,  si  unanimement  admirée  aujoip*d*hui,  que 
M.  Andrieux\  M.  Lemercier^  ont  célébrée  à  Tégsd  de  M.  Schlegel', 
que  M.  Puech  s'appliquait  à  traduire  dans  le  temps  où  M.  Quinet^  la 
renouvelait,  la  transformait  à  la  façon  de  Shelley,  par  un  hardi  n^ 
lange  didées  empruntées  au  christianisme  et  à  la  philosophie  mo* 
derne,  a  été  longtemps  l'objet  d'un  mépris  tout  aussi  unanime.  En 
vain  le  peuple  athénien ,  juge  compétent  et  éclairé  de  ses  plaisirs  litté- 
raires et  du  mérite  de  ses  poètes,  l'avait  honorée  d'une  couronne;  en 
vain  Âristote  l'avait  citée  comme  le  modèle  du  genre  dans  lequel  son 
sublime  auteur  s'est  exercé,  il  a  longtemps  plu  à  nos  critiques  de  la 
faire  descendre  du  rang  où  l'avait  placée  l'antiquité ,  de  n'y  voir  qu'une 
production  bizarre ,  irrégulière ,  monstrueuse.  Ce  qu'il  y  a  de  singulier, 
c  est  que  cette  prévention  contre  un  des  chefe-d'œuvre  du  théâtre  pri- 

^  Dissertation  sur  leProméthée  eDchainé  d*Eschyle,  lue  par  M.  Andrieux,  àTAca- 
demie  française,  en  i8ao,  et  insérée,  le  mois  de  juin  de  la  même  année,  dans  la 
Revue  encyclopédique ,  tome  VI. — *  Cowrs  analytique  de  littérature,  tome  I.  — '  Cours 
de  Uttératare  aramatique,  tome  I.  —  *  Promèthée,  poème,  par  M.  Edgar  Quinet. 
Paris,  i838. 

57 


460  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

milird'AthèQes  n'était  pas  l'erreur  particxilière  de  quelques  détracteur» 
auperficîelâ  d&ia  tragédie  grecque,  de  quelques  admirateurs  exclusi& 
de  notre  tragédie.  Dacier,  ce  disci{de  superstitieux  dés  anciens ,  décou- 
vrait,  dans  le  Prométhée,  des  choses  qui  n'étaient  pas  moins,  disait-il, 
contre  la  naiare  qae  contre  tort:  U  l'appelait  un  monstre  dramatique*. 
Bmmoy^,  plus  réservé  dans  ses  expressions,  ne  le  jugeait  pas  avec 
beaucoup  plus  de  iaveur.  Lefranc  de  Pompignan^,  Rochefcnt^  Barthé- 
lémy' m^aitet  &  leurs  éloges  des  censures  semblables.  Faut-il  s'étonner 
du  ton  dédaigneux  de  Fontenelle,  de  Voltaire ,  de  Laharpe  en  parlant 
d'un  ouvrage  abandonné  par  les  plus  ardents  défenseurs  de  l'antiquité? 
«  On  ne  sait  ce  que  c'est,  disait  Fontenelle',  que  le  Prométhée  d'Eschyle. 
D  n'y  a  ni  sujet  ni  dessein,  mais  des  emportements  fort  poétiques  et  fort 
hardis.  Je  crois  qu'Elscbyle  était  une  manière  de  fou,  qui  avait  l'imagi- 
nation très-vive  et  pas  trop  réglée.  »  Voltaire  n'y  faisait  pas  tant  de 
laçons;  il  n'adoucissait  sa  critique  par  aucun  éloge;  les  compositions 
d'Eschyle  n'étaient  pour  lui  que  des  pièces  6ar(are5.  «Qu'est-ce,  ajoutait- 
il^,  que  Vulcain  enchaînant  Prométhée  sur  un  rocher  par  ordre  de 
Jiqjiiter  ?  Qu'est-ce  que  la  Force  et  la  Vaillance  qui  servent  de  garçons 
bourreaux  à  Vulcain?  »  Remarquons  en  passant  que,  dans  l'ouvrage 
dTlschyle,  Vulcain  n'a  pas  de  garçons  bourreaux;  c'est  lui  au  contraire 
qui  sert  d'exécuteur  aux  ordres  de  la  Force ,  et  de  cette  autre  divinité 
fdlégorique  qu'd  plaît  au  critique  ou  plutôt  au  parodiste  d'appeler  la 
Vaillance,  s^ais  ipie  le  poète,  d'après  Hésiode,  nomme  plus  raisonna- 
blement Kp^c,  la  Puissance,  comme  l'on  traduit  aujourd'hui.  On 
ne,  pouvait  attendre  de  Laharpe  beaucoup  d'indulgence  pour  ime 
jgèce  si  maltraitée  par  Voltaire  qu'il  n'avait  guère  l'habitude  de  contre- 
dire, dont  le  plus  souvent  d  adoptait  de  confiance  et  coomientait  les 
jugements.  Comme  son  maître  il  estimait  fort  peu  le  Prométhée,  et , 
sans  même  daigner  s'arrêter  k  lui  faire  son  procès,  il  se  contentait  de 
lui  prononcer  son  arrêt  en  ces  termes  :  t  Cela  ne  peatpas  même  s'offeler 


462  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Hâment-ils  dans  cette  pièce  l'usage  du  merveilleux,  ou  seulement  la 
nature  particulière  de  ce  merveilleux?  Dans  l'un  et  dans  l'autre  cas  ils 
auraient  montré  peu  de  connaissance  de  ce  qu'était  la  tragédie  chex 
les  Grecs.  Le  merveilleux  faisait  essentieUement  partie  de  ce  genre, 
né  au  milieu  des  cérémonies  du  culte,  auxquelles  il  ne  cessa  de  se 
mêler,  et  consacré  dès  l'origine  à  célébrer  les  dieux,  qui  y  remplirent 
tonjours  un  rôle  très-important.  Ce  ne  fut  point  un  caprice  d'Eschyle 
qui  l'introduisit  dans  la  tragédie.  Eschyle  l'y  trouva  tout  établi;  il  fit, 
avec  plus  de  génie  seulement,  ce  qu'on  avait  fait  avant  lui ,  ce  que 
firent,  dans  l'enfance  de  notre  scène,  les  autem^  de  mystères:  â  trans- 
porta dans  ses  drames  les  aventures  que  lui  fournissaient  les  landes 
du  polytbéisme ,  les  prenant  coimne  les  lui  donnait  la  religion ,  comme 
dles  étaient  dans  la  croyance  commune ,  ne  craignant  pas  qu'on  lui 
demandât  compte  de  leur  invraisemblance  ou  de  leur  absurdité,  qui 
ne  le  cboquaient  peut-être  pas  beaucoup  plus  que  son  public,  ne 
songeant  qu'à  tirer  de  ce  fonds ,  qui  n'était  pas  de  son  choix ,  et  dont  il 
n'était  pas  responsable,  des  tableaux  pathétiques  et  sublimes,  dignes 
de  son  génie  et  de  ce  peuple  d'artistes  qu'il  voulait  émouvoir.  Y  a-t-il 
réussi  dans  le  Prométhée?  C'est  ta  seule  question  que  la  critique  litté- 
raire puisse  légitimement  élever.  U  appartient  à  uae  autre  critique 
d'expliquer  la  fable  mytholc^que  sur  laquelle  repose  cette  pièce.  Que 
cette  fable  soit  obscure  pour  nous,  même  après  tant  d'ingénieuses 
interprétations,  dont  le  nombre  s'est  encore  augmenté  dans  ces  der- 
niers temps',  qu'elle  l'ait  été  même,  comme  je  le  croîs,  pour  les 
Athéniens,  il  sv{B.t,  et  l'on  n'en  peut  douter,  que  le  culte  public  la 
consacrât,  pour  que  le  poète  pût  s'en  emparer  et  en  faire  le  sujet 
d'une  tragédie;  à  celte  condition  toutefois,  qu'il  en  tirerait  une  ceuvre 
véritablement  dramatique.  Lucien,  dans  des  dialogues  satiriques  oix  il 
s'est  piu  à  parodier  quelques  scènes  de  cette  tragédie,  a  bien  pu  se  mo- 
quer du  merveilleux  sur  lequel  elle  se  fonde;  mais  sa  spirituelle  cri- 
tique ,  qui  fiiit  si  finement  ressortir  les  absurdités  reçues  du  paganisme, 


AOUT  1838.  465 

Pourquoi  Jupiter  punit-il  si  cruellement  dans  Prométhée  le  protec- 
teur de  la  race  humaine,'  celui  qui  a  dérobé  pour  elle  le  feu  du  ciel , 
qui  lui  a  enseigné  les  arts  et  les  sciences?  Gomment  les  innocents  efforts 
de  la  civilisation  naissante  peuvent-ils  être  i objet  de  la  jalousie,  de  la 
colère,  de  la  vengeance  des  dieux?  Je  ne  le  comprends  pas,  et  nul  mo- 
derne, croyant  à  la  providence  divine,  ne  le  peut  comprendre;  mais 
c'était  un  dogme  de  la  religion  des  anciens,  qui  se  perpétua  dans  leurs 
croyances ,  et  dont  on  retrouve  la  trace  jusque  dans  des  monuments 
poétiques  bien  voisins  du  christianisme,  les  odes  d'Horace,  par  exemple. 
Le  dogme  admis,  comme  il  Tétait  parles  spectateurs  athéniens,  et  comme 
nous  devons  l'admettre  littérairement  pour  juger  comme  eux,  il  m'est 
impossible  de  ne  pas  être  vivement  frappé  du  génie  avec  lequel  Eschyle 
l'a  exprimé;  de  ce  tableau  énergique  de  la  tyrannie  qui  écrase  à  plaisir 
sa  victime,  et  de  la  liberté  indomptable  qui  résiste  à  l'oppression.  J'ad- 
mire ce  caractère  de  Prométhée  si  habilement  développé ,  et  que  font 
si  heureusement  ressortir  les  personnages  secondaires  dont  il  est  en- 
touré ;  j'admire  ce  plan  simple  et  fécond ,  où  une  seule  et  unique  si- 
tuation se  représente  cependant  sous  des  aspects  toujours  nouveaux,  où 
la  variété  des  détails,  même  les  plus  épisodiques,  ne  sert  qu'à  faire  plus 
fortement  resl^ortir  l'unité  imprimée  à  l'ouvrage.  A  ces  marques,  je  re* 
connais  le  grand  poëte,  le  poète  dramatique,  le  fondateur  d'un  art 
simple  encore,  mais  accompli  dans  sa  simplicité,  que  d'autres  génies 
créateurs  ont  pu  agrandir  et  renouveler,  mais  qui ,  dans  cette  première 
forme  qu'il  avait  reçue  d'Eschyle ,  avait  atteint  à  une  élévation ,  à  une 
grandeur,  à  une  gravité  sévère,  à  une  imposante  régularité,  qu'il  n'était 
pas  possible  de  surpasser. 

Ce  sujet  même  de  Prométhée,  si  étrangement  impénétrable  à  qui 
veut  en  percer  les  mystères ,  a  dans  son  obscurité  quelque  chose  qui 
plaît  à  l'imagination.  Il  la  transporte  par  delà  les  temps  historiques , 
par  delà  les  temps  fabuleux,  à  cette  époque  primitive  dont  les  cosmo- 
gonies  présentent  un  si  confus  et  si  attachant  tableau;  où  le  monde  ve- 
nait de  se  former;  où  les  forces  de  la  nature,  à  peine  dragées  du  chaos 
et  abandonnées  à  leut  irrégulière  énergie ,  luttaient  encore  entre  elles  ; 
où  les  divinités  qui  les  représentaient  se  disputaient  l'empire  de  l'uni- 
vers ;  où  la  race  mortelle ,  qui  ne  faisait  que  de  naître ,  proscrite  en  nais- 
sant par  des  puissances  jalouses  et  ennemies ,  pleine  d'ignorance  et  de 
(àiblesse ,  n'avait  point  encore  une  histoire  qui  pût  être  chantée  par  les 
poètes.  Le  dieu  qui  la  protège,  qui  cherche  à  l'élever  au  rang  qu'elle 
doit  un  jour  occuper  dans  Tensemble  des  êtres,  qui  lui  donne ,  avec  le 
feu  du  cid  qu'il  a  ravi  pour  elle ,  cet  esprit  de  vie  d'où  doit  sortir  la  civi- 


464  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

lisfttioo  humaine,  ce  dieu  est  te  héros  qu'Eschyle  ose  produire  sur  la 
scène.  H  nous  le  représente  puni  de  ses  bienfaits  envers  les  houuoeB, 
pour  lesquels  il  s'est  déroué  k  d'inévitables  tortures.  Quelle  source 
profonde  d'intérêt  dans  cette  conception  où  TertuUien,  où  Lactance  et 
d'antres  encore  n'ont  pas  craiut  de  voir  une  sorte  de  pressentiment 
confus  du  plus  grand  myst^  de  notre  religion  I  II  n'y  a  dans  cette  tn^ 
gédie  que  des  dieux;  mais  c'est  la  cause  de  l'humanité  qui  s'y  plaide j 
Prométhée  en  est  le  représentant,  et  excite  en  nous ,  par  le  tableau  de 
son  infortune,  la  plus  vive,  la  plus  douloureuse  sympathie.  En  même 
temps  quel  monde  poétique  Eschyle  découvre  à  notre  vue  par  la  puis- 
sance sumatur^e  de  son  artl  Ce  ne  sont  point  ici  de  ces  dieux  machines 
auxquels  le  spectateur  ne  peut  croire,  parce  qu'il  les  confond  involon- 
tairement avec  les  personnages  mortels  auprès  desquels  chi  les  lui 
montre,  et  dont  rien  ne  les  distingue.  Ici,  par  un  heureux  accident, 
dont  aucune  pièce  fondée  sur  le  merveilleux  n'oifrirait  un  autre  exemple, 
l'illusion  est  complète;  rien  ne  la  trouble,  rien  ne  l'altère;  tous  les  per- 
sonnages sont  du  même  ordre,  tous  nous  sont  donnés  pour  des  dieux, 
et  la  manière  drat  le  poète  les  fait  agir  et  parler,  la  liberté  avec  laquelle 
il  s'écarte  pour  de  tels  acteurs  des  vraisemblances  ordinaires,  nous 
po^uadent  de  leur  nature  divine.  Les  choses  ne  se  passent  pas ,  en  effet, 
dans  cette  tragéilie  comme  entre  de  simples  mortels;  le  commerce  de 
ces  êtres  merveilleux  qui  s'y  produisent  k  nos  regards  est  aussi  mer- 
veilleux qu'eux-mêmes.  Ds  communiquent  ensemble  des  extrémités  de 
l'univers  aussi  rapidement  que  par  la  pensée.  A  peine  Prométhée  a-t-il 
été  attaché  au  Ëit^  rocher  que  toute  la  nature  est  troublée  de  son  sort  ; 
le  marteau  de  Vulcain  se  fait  entendre  jusqu'au  fond  des  mers;  les  Océa- 
nides  et  l'Océan  lui-même  arrivent  en  un  instant  auprès  de  leur  infor- 
tuné parent,  et,  quand  celui-ci  a  proféré  contre  Jupiter  cette  menace 
terrible  qui  le  Ëùt  ô^mbler  au  sein  de  sa  puissance  tyrannique ,  le  maître 
des  dieux  en  est  instruit  au  moment  même;  son  messager  paraît  tout  k 


466  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

des  équivalents,  et  n'y  apporterait  point  un  peu  de  cette  chaleur  que 
donne  la  créationi  Traduises  le  grand  artiste,  comme  celui-cî  a  tra- 
duit la  nature,  avec  amour.  La  fidélité,  la  ressemblance  suivront  d'elles- 
mémea,  et  sans  cette  gêne,  cette  froideur  qui  trahissent  le  calcul.  Les 
beautés  que  vous  devres  rendre  vous  seront  moins  un  obstacle  qu'un 
secours;  vous  vous  sentires  soulevé,  soutenu  par  elles. 

Je  crois  donner  une  grande  louange  à  M.  Puech ,  en  disant  que ,  s'il 
n'a  pas  atteint  à  cet  idéal  de  la  traduction,  il  en  a  du  moins  appro'cbë 
beaucoup,  presque  autant  peut-être  que  le  pouvait  un  traducteur  d'Es- 
chyle. Car  â  y  a  double  difficulté ,  je  dirais  volontiers  double  impossi- 
bilité à  traduire  parfaitement  Eschyle  en  notre  langue,  en  notre  langue 
poétique,  en  notre  langue  tragique  surtout.  Le  style  de  notre  tragédie, 
t^  que  l'ont  fait  pn^;ressivement  Racine  et  Voltaire ,  et  le  goût  de  la 
société  irançaise ,  est  dans  ses  hardiesses  d'une  réserve  et  dans  sa  vérité 
d'une  dignité  qui  lui  rendent  presque  impossible  de  suivre  les  allures, 
h  la  fois  singulièrement  hautes  et  familières,  de  la  tragédie  grecque, 
et  surtout  de  la  tragédie  d'Eschyle.  Comment,  d'une  part,  atteindre  k 
ces  figures  d'une  grandeur  démesurée,  d'une  audacieuse  incohérence, 
à  ces  mouvements  tumidtueux  et  désordonnés,  à  ce  langage  enfin  extra- 
ordinaire  et  inouï,  par  lequel  Eschyle  tâche  de  se  proportionner  au 
gigantesque  sujet  de  la  lutte  de  l'homme,  et  quelquefois  des  dieux, 
contre  la  destinée?  Comment,  d'autre  part,  se  rabaisser  à  ce  ton  naïf, 
simple,  voisin  des  entretiens  ordinaires,  qui  est  comme  le  point  de 
départ  du  poète,  le  sol  d'où  son  vol  d'aide  s'élance  ?  Je  sais  bien  que 
nous  sommes  en  quête  aujourd'hui  d'un  sublime  et  d'un  naturel  inconnus 
è  nos  pères;  mais  nous  ne  les  avons  pas  encore  trouvés,  et,  en  atten- 
dant cette  découverte  qui  tarde  un  peu,  M.  Puech  a  fait  sagement  de 
s'en  tenir  aux  procédés  de  versification  et  de  style  qui  sont  dans  le  génie 
et  les  habitudes  de  notre  langue,  au  risfpie  de  paraître  quelquefois,  ce 
qu'il  m'a  paru,  je  dois  le  dire,  et  je  ne  lui  en  fais  pas  un  bien  grave 
reproche,  car  il  était  difficile  qu'il  en  fût  autrement,  tantôt  trop  timide. 


t98  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

k  pitee,  est  qndqtiefois  bien  fimôlike  :  <fttt  peut^tre  f étende  le 
'^iDimaaniQaUe  qa'«n  j^oïMe  citât  d*  oms  nstUcie  tTH  laipi^  le> 
■42«wt<«TMHit  tirier.latoBd»letu^oavngN.  I^pofiM.^MU  lafto 
Wvt»  «t'ia  {du  tniltlkM  prodadioa  dont  fliutràw  au  ihÛtre  cdMttiitt 
te  ibwrattlc,  m  omM  fai  de  s'af>p*eober  'du  limitH  de  fa  iHtoiSe. 
iOft  imliiMiiii .  li*  ^eclumpMrit  jet  fair  téitoJjleaamt  dm  tei  ww 
^  je  vauttuMinn,  M  qui,  convive»  fe  oendtttexM  (v.  S35^58)', 
•ocmpaniKm  qo*  ohMia  pent^dn  eti^Jt)  nwcooteMéd'ittdSquèr, 
ntootmaietitt  je  eroù,  avec  éndénce,  oottunent,  tooM  le  séiiem  et'k 
dignité  d'un  lainage  trop  conforme  k  celui  de  notre  tragédie,  s'dT- 
went  et  di^paraiuant  et  le  Bienubge  dea  «tffireé  gén&ansea  fiùtos  par 
Tégiûstfl  ettunîde  Océan,  et  la  taSlerie  de  PrOméthéa,  qui  n'est  pcdnt 
M  dupe*  la  part»  comiqua  de  k  ingédie,  ai  l'on  peut  s'ei^triiner 


De  tout  M  que  j'ai  bU,  eomqilîca  tndadens. 
Tnmlu  ïnipnnii  ..>•■■  Gomfaîe&tii  foi  haimial 
Haù  MSM  de  TOidoir  fléchir  ca  dien  terriUe. 
fb'n'en  dtliaidns  rien  :  aoncœurest  inseniibla,, .. 
ly^poonni*  Uen gémir  d'âtra  vena  Ten moi  I 

L^OcÉiK.         Tb  canMÀIlei,  and,  les  autresmieox  qae  toi, 

feaai,  densUm  malhenr,  tue  preuve  certaine. 


Mais  ne  répriiM  pat  le  lèle  qui  m'entraîne. 

Jfif ,  j'en  HBitAr,iei«Dmnti.imraiix, 

T'a£GraiiclÙEa  himitAl  àm  osa  injaatea  Bwids. 


PtenÉttfc.    ieloMatJ«IoaarBtMij«iiniu*ibe«aiâe. 
Aux  deroirs  d'an  ami  tu  n'ea  pai  infidèle.  ' 
Mail  nefiÛBrienpoor  moi;  cor,  malgré loD  dénr. 


Tes  Kénéreux  effiMis  ne  pourraient  me  Hrrir. 
Aràbri  du  danger  defiMure  «rec  prudence. 
Je  mil  Uen  UalheantB,  olaii,  tûdgié  ma  fOBflraeee , 


470  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

M.  Vendd-beyl,  par  une  coDJecture  qu'il  soutient  d'une  manière  spé- 
deuse,  a  essayé  de  mettre  tout  le  monde  d'accord  en  parts^eant  le  mor- 
ceau entre  l'Océan  et  Prométhée.  A  qudc[uej)ersonnage,  du  reste,  qu'il 
^é  ie  donner,  il  marque  l'extrtme  lunite  oix  parvient  quelquefoit.  itàa 
dea  famSUiarités  de  son  dialogue,  l'audacieux  génie  d'Elschyle  ■,  ii  nous  ser- 
▼ira  &  montrer  dans  quelle  mesure  il  a  été  possible  i  M.  Puech  de  repro- 
duire cette  autre  &ce  de  son  modèle. 


Crois-inoî,  je  plainsleaortdenioafiràre.d'Allu, 
Qui.  ddbout  SOT  la  rire  où  s'éteint  la  lutnière, 
flgpporte  inceMMnment  et  le  cid  etU  tore, 
GotDaM  ïndaitniGtiUa  et  brdaMi  si  peunt  I 

Je  pleiiu  Misti  ISmbon,  oemonatmeux  géant. 
Qui  delà  Q&àé  hantait  le»  retraites. 
Et  dont  on  bras  paissant  a  conHié  les  cent  tètes. 
SmA  des  dieux  conjor^  3  arrêta  l'eQnt. 
De  sa  boodie  en  sfflaotaortail  un  bruit  de  mort; 
De  ses  yenx  iaUliwait  oa  n^ard  de  Go^one  ; 
Déjà  de  Jupiter  3  renvenait  le  trAnei 
Mais  ce  trait  vigilant  qui  part  do  roi  dea  deux , 
Cette  fondre  qui  tonabe  en  Tomiuant  dea  feux , 
ËloufEa  son  orgueil  et  sa  menace  altiére. 
Jusqu'au  fond  du  cour  menu  atteint  par  le  tonnerre . 
Il  perdit  sa  vigueur  et  tomba  badïïojé. 
Uaintenant .  vain  débris ,  il  languit  tout  brajré 
Prfa  d'un  étroit  passaee  entrouvert  par  les  ondes , 
Et  sootient  de  l'Elna  ks  racines  profondes. 
Sur  le  sommet  Vulcain  frappe  le  &r  brAlaot , 
Et  de  ces  monts  nn  jonr,  en  fleuve  se  roulant, 
La  flamme  doit  bondir  dans  la  [daine  fertile 
£t  de  ses  flots  ardeuts  dévorer  là  Kdie. 
Par  ces  traits  embrasés ,  par  ces  torrents  de  bas , 
Sans  apaiser  jamais  ses*  tiansporls  furieux, 
Encor  tout  calciné  par  la  cdeste  fluune, 
TjpboD  exhalera  le  couirouxde  son  Ane. 


479  JOURNAL  DfiS  SAVANTS. 

Vnt  tefle  cntrepiise ,  qui  a  peu  de  chancetaqjoonllutt  d'attirer  l'at- 
tention des  gens  du  monde ,  •ara  hda  doute  encouragée  par  les  sof- 
iiages  des  iectenrs  sérieux;  elle  obtiendra  ^approbation  de  l'unirenîté 
qu'dle  hoii(n%.  E31e  arait  tenté,  il  y  a  quelques  années,  ta  Htt^ 
membre  de  ce  corps,  aux  essais  trop  t&t  interrompus  du^el  on  me  pM^ 
donnoa  de  cottisacrer  quelques  lignes  en  finissant  Fen  M.  Anc^vt* 
jeune  honmie  plein  de  saToïr,  de  tcUnt  et  de  modestie,  dont  la  courte 
existence  s'est  ren&mée  tout  entière  dans  l'enceinte  des  ctâl^es^oùji 
obtintdessuccèsbriUants.de  l'École  normal^  qui  le  compta  au  nombre 
de  ses  meilleurs  élÀrea,  de  l'unÎTersilé,  qui  fondait  sur  lui  des  espé> 
rances  bientôt  détruites  par  une  mortpiématuréc,  dans  les  loisirs  qoc 
lui  laissaient  les  fonctions  defenseignement  auxquelles  il  se  livrait  avec 
un  iile  qui  a  osé  ses  forces  et  alirégé  sa  vie ,  s'occupait  à  traduire  quet 
qnei  morceaux  choisis  des  tragiques  grecs.  Plusieurs  de  ces  traductions 
que  m'avaitconfiéessouamitié  sont  restées  entre  mes  mains;  une,  entre 
autres,  qui,  k  peu  près  inédite,  et  je  crois  tout  à  fait  inconnue,  peut 
se  placer  naturellement  à  la  fîa  de  cet  article  auquel  elle  donnera 
quelque  valeur.  C'est  la  traduction  de  ce  fragment  précieux  queles  vers 
d'Attius,  ou  |dotôt  de  Gicéron  lui-^ême,  on  peut  le  conclure  de  ses 
propres  paroles,  nous  ont  conservé  de  la  tragédie  par  laquelle  se  tenni- 
naitla  trilogie  de  Prométhée.  Prométhée  qui,  après  une  loi^e  suite 
d'années ,  &  reparu  k  la  lumière ,  et  a  été,  par  l'ordre  de  Ju{»teT,  attaché 
au  Gujcase  et  livré  à  la  &im  insatiable  d'un  aigle  qui  dévore  ses  en- 
traides toujours  renaissantes ,  y  décrit  ainsi  ses  souffrances  aux  Titans 
ses  frères  qui  sont  venus  le  consoler  : 

0  ne*  das  Titans,  par  ta  (àti  an&nUe, 
Vous  que  le  nœud  du  lane  unit  à  Prométhée, 
VoTci-lâ  sur  ce  roc  où  lei  oienx  ]'oDt  fixé , 
Ta  qofi  la  frtie  esquif,  pu  lc«  vents  mviaot, 
Qn'ftraspect  d'une  Doitoù  s'amuse  l'onjce 


AOUT*  185«.  475 

Il  «{^raohe ,  3  ■  abaisse ,  fl  ooiine  «a  ▼iotimei; 

Seaoogles  recourbés  medéchiffeDtlssflaacs; 

0  dévore  à  bisir  mes  membres  palpitants  : 

Las  enfin  de  creuser  ma  poitrine  vivante , 

B  pousse  un  vaste  cri,  d  une  aile  triomphante 

fie  joue  «n  lemonlant  au  séjour  éihéré , 

Et  8*apfdaiidit  du  sang  dont  il  est  enivré. 

Mais  quand  juon  cceur  songé  croit  et  se  renouveUa, 

Le  monstre ,  que  la  iaim  aiguillonne  et  rappelle, 

\^ent  chercher  de  nouveau  son  horrible  festin. 

Se  renais  pour  nourrir  l'implacaUe  assassin 

Qu*iiB  tmn  a  durgé  d'éterniser  mes  peines» 

Râas  I  vous  le  voyei,  esdave  dans  ces  chaînas 

Dont  Jupiter  sur  moi  fait  peser  le  fardeau. 

Je  ne  puis  de  mes  flancs  écarter  mon  bourreau. 

Inutile  à  moi-même ,  il  faut,  sans  résistance , 

Subir  de  moi»  rival  TinflexiUe  vengeanoe. 

J*implQre  «nfin  la  mort  et  je  ne  loblieas  pas  ; 

Jupiter  à  mes  vœux  interdit  le  trépas  : 

Rien  n*assoupit  mes  maux;  par  les  ans  amassées 

Ces  antiques  douleurs  dans  mon  corps  sont  fixées. 

Jouet  d*un  !âdie  oi^gueil ,  ce  cadavre  animé 

Se  dissoat  aux  rayons  d*uu  scleil  enflammé, 

Et^  sous  Tastre  em:iami  qui  le  perce  et  Tembrase , 

D*une  sueur  sanglante  arrose  k  Caucase. 

Dans  cette  énergique  traduction ,  M.  Puech  reconnaîtra  le  système 
d'éiégante  fidélité  qui  lui  a  si  bien  réussi,  et  dont,  plus  heureux  que  son 
prédAcesaeuTv  il  a  été  appelé  à  faire  sur  l'oeuvre  entîk^e  d'Esdiyle  une 
application  plus  complète. 

PATIN. 


MEMOIRES  pour  servir  à  une  description  géologique  de  la  France , 
rédigés  par  ordre  de  M.  le  Directeur  de  ^administration  des  ponts 
et  chaussées  et  des  mines ,  sous  la  direction  de  M.  Brochant  de 
Villiers,  inspecteur  ^général  au  corps  royal  des  mines;  par 
MM.  Dufrénoy  et  Elle  de  Beaamont ,  ingénieurs  des  mines. 
Tomes  II,  III  et  IV.  Paris,  F.  G.  Levrault,  libraire,  rue  de 
la  Harpe,  n^  8i  ;  Strasbourg,  rue  des  Juifs,  n^  33.  —  i834, 
i836,  i838. 

L'idée  de  représenter  la  constitution  minérale  d'im  pays  au  moyen 
de  cartes  géographiques  et  de  coupes  verticales  donnant  l'ordre  de 
la  superposition  des  diverses  couches  terrestres  appartient  à  Guettard , 


474  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

memlire  de  l'aDcienne  Acadéoue  des  scienoes,  qni  s'était  fonné  dans 
i'art  d'observer  la  nature  à  l'éode  dn  célèbre  Réaumur.  Cette  idée  est 
ai  simple  qu'elle  se  présenta  sans  doute,  avant  Guettard,  i  l'esprit  de 
tous  ceux  qui  donnèrent  quelque  attention  k  la  configuration  du  sol  et 
i  sa  nature  minérale;  mais  de  la  concevoir  et  d'apprécier  l'utilité  dont 
sa  réalisation  pouvait  être,  il  y  avait  loin  à  la  mettre  k  eiécutioa, 
parce  qu'il  fallait,  pour  y  parvenir,  non^-seùlement  6tre  au  conrant  de  ■ 
toutes  les  connaissances  minéralogiques  du  temps ,  mais  encore  avoir  fiât 
une  étude  spéciale  et  approfondie  du  pays  dont  on  voiUait  dresser  la 
carte  minéralc^ique.  Aussi  n'est-ce  point  au  début  de  sa  carrière  que 
Guettard  eut  la  pensée  de  publier  un  atlas  minéralogîque  de  la  FVance  ; 
lorsqu'il  paria  de  l'entreprendre,  î!  avait  inscrit  ses  titres  de  naturaliste 
dans  plusieurs  volumes  de  mémoires;  de  nombreux  voyages  lui  avaient 
appris  à  connaître  la  structure  minérale  des  contrées  qu'il  voulait  dé- 
crire, et  l'attention  publique  était  Gxée  par  ses  travaux  mêmes  sur  l'im- 
portance des  résultats  que  devait  avoir  la  publication  de  l'ouvrage  qu'd 
projetait.  En  eOet,  l'identité  de  nature  des  terrains  de  la  côte  du  sud 
de  rAn^eterre  et  de  ceux  de  la  côte  du  nord-ouest  de  la  France ,  avait 
déj  été  démontrée  par  Guettard,  et  ce  fait,  cinq  ans  après  avoir  été 
publié,  était  devenu  pour  Desmarets,  qui  suivait  de  près  Guettard  dans 
la  voie  qu'il  avait  ouverte,  un  des  arguments  sur  lesquels  il  appuyait 
l'opinion  qu'avant  les  temps  bistoriques  l'Angleterre  tenait  à  la  France  : 
enfin  Guettard,  à  la  simple  vue  des  matières  employées  par  les  Cliinois 
à  la  &brication  de  leur  porcelaine,  ayant  pu  indiquer  plusieurs  localitéi 
de  la  France  où  l'on  en  trouve  de  semblables,  et  l'eipérience  étant 
venue  d'ailleurs  confirmer  ce  qu'il  avait  avancé  sur  la  possibUité  de 
faire  cette  belle  poterie  en  Europe,  ïl  avait  donné  ainsi  une  preuve 
incontestable  de  la  grande  utilité  qu'il  y  a  de  connaître  les  minéraux 
d'une  contrée.  M.  Bertin,  ministre  secrétaire  d'Etal,  qui  avait  dans 


476  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

volume  ont  été  pour  M.  Tessier  le  sujet  de  deux  articles  imprimés  dans 
le  Journal  des  Savants:  l'un  fait  partie  du  cahier  de  mai  i83.o  ;  il  est 
consacré  i  lu  travail  de  M.  Elie  de  Beaumont,  intitulé  :  Observatûau 
géohgùfaei  sur  Jes  différentes  formations  qui,  dans  le  sj'stème  des  Vatjei, 
séparent  la  formation  houUière  de  céUe  àa  Sas;  l'autre ,  inséré  dans  le 
cahier  de  février  iSSa,  concerne  trois  mémoires  de  M.  Du&énwf  :.  le 
premier  traite  de  l'existence  du  gypse  et  de  divers  minerais  métalÛfèrei 
dans  la  partie  supéKeure  du  lias  du  sud-ouest  de  la  France;  le  second 
comprend  des  considérations  générales  sur  le  plateau  central  de  la 
France,  et  particulièrement  sur  les  teirains  secondaires  qui  recouvrent 
les  pentes  méridionales  des  massiJËs  primitifs  qui  le  composent  :  enfin 
le  troisième  a  pour  ohjet  la  relation  des  terrains  tertiaires  et  volcaniques 
de  l'Auvei^e. 

Dans  le  compte  que  noas  allons  rendre  des  trois  derniers  volumes, 

'   nom  ne  suivrons  point  l'ordre  chronologique  des  publications,  mais 

aatantqnepossihle,  l'ordre  des  matières;  nous  examinerons  d'abord  les 

mémoires  concernant  les  terrains  non  volcaniques,  et  ensuite  ceux  qui 

se  rapportent  à  l'histoire  des  terrains  produits  par  les  feux  des  volcans. 

Ce  premier  artîde  sera  consacré  k  quatre  mémoires  de  M.  Du- 
frénoy  qui  ont  les  liaisons  mutuelles  les  plus  intimes,  puisqu'ils  ont 
rapport  à  la  diaîne  des  Pyrénées ,  une  des  limites  de  la  carte  géologique 
de  France. 

Mémoire  sot  les  caractères  partîcaliers  qœ  présente  le  terrain  de  craie  dans 
îe  sad  de  la  France,  et  principalement  sur  la  pente  des  Pyrénées;  par 
M.  Dufrénoy.' 

Longtemps  on  considéra  le  terrain  de  craie  comme  presque  unique- 
ment composé  d'un  calcaire  tendre,  blanc ,  dont  la  masse  n'est  inter- 
rompue que  par  quelques  lits  minces  de  silex.  Depuis  une  vingtaine 
d'années  les  géologues  anglais  ont  réuni  à  ce  terrain  im  qrès  vert  qui, 


478  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

qofen  se  soolevaot  aies  plièrent  les  couches  de  la  craie,  qui  alon 
^ient  homontales,  et  leor  âonnèrent  U  position  inclinée  qu'elles  ont 
aujonnUmi  sur  leurs  contre-forts,  non-seulement  du  côté  de  la  France, 
mais  encore  du  côté  de  l'Espagne;  en6n,  par  suite  du sotdèvement,  des 
masses  calcaires  isolées  ont  été  levées  au  centre  même  de  la  chaîne. 

C'est  après  que  le  hassin  de  craie  da  Midi  fut  limité  au  sud  par  les 
Pyrénées,  qae  le  fond  reçnt  les  dépôts  tertiaires  qui  recouvrent  une 
grande  partie  de  la  craie,  en  ne  laissant  à  découvert  que  deux  bandes, 
presque  parallèles,  courant  è  peu  près  de  Test  à  l'ouest.  Ces  bandes, 
quoique  plus  étendues  qu'un  ne  l'avait  admis  avant  M.  Dufrénoy,  sont 
Iran  d'occuper,  relativement  aux  terrains  tertiaires ,  une  étendue  propor- 
tionnelle aussi  grande  que  cdle  qu'occupe  le  terrain  craïeux  du  hassin 
du  Nord,  relativement  aux  terrains  tertiaires  de  Paris  qu'O  entoure 
presque  complètement. 

Si  maintenant  nous  examinons  chacune  de  ces  bandes,  nous  verrons 
que  celle  duNord  s'appuie  immédiatement  sur  le  terrain  jurassique,  dont 
les  couches ,  ainsi  que  les  siennes,  sont  horizontales  (sauf  quelques  ex- 
ceptions] ;  que  l'étage  inférieur  de  cette  bande  est  de  grès  ^ceux  vert, 
et  que  l'étage  supérieur  présente  un  calcaire  qui,  semblable  àla  craie  des 
environs  de  Paris  dans  quelques  endroits,  est  dans  d'autres  dur  et  cris- 
tallin. Enfin,  cette  bande  contient  trois  séries  de  fossiles  :  la  première  série 
comprend  les  espèces  qui  se  trouvent  aussi  dans  la  craie  du  hassin  du 
Nord  ;  la  seconde  comprend  les  sphinUites,  les  hyparites,  etc.  qui  sont  par- 
ticuliers au  bassin  de  craie  du  Midi;  la  troisième  comprend  les  mlioUtes, 
les  nammuUies,  les  mékmies,  etc.  qui,  jusqu'au  travail  de  M.  Dufrénoy, 
avaient  toujours  été  considérées  comme  appartenant  exclusivement  aux 
terrains  tertiaires.  Enfin  cette  bande  renferme  plusieurs  masses  gyp- 
seuses,  qui  paraissent  devoir  être  associées  au  terrain  qui  la  constitue. 

La  bande  de  craie  du  Midi  repose  sur  l'étage  mférieur  du  calcaire 


480  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

trouvent;  c'est-à-dire  qu'ils  n'appartiennent  pas,  selon  lui,  àla  forma- 
tion du  calcaire  dans  lequel  ils  sont  enclavés.  Tons  présentent  cette  cir^ 
constance,  qu'ils  sont  voisins  de  roches  granitoïdes  et  que  le  calcaire 
qui  les  accomp^e  est  cristallin. 

M.  Dufrénoy  pense  que  leur  formation  est  postérieure  à  celle  du 
terrain  de  craie  et  antérieure  è  celle  du  terrain  tertiaire.  Il  lui  semble 
probable  qa'elle  ccnneide  avec  le  soulèvement  de  la  chaîne  des  P;f  r^ 
nées. 

Quant  au  groupe  du  Ganigou,  il  est  d'une  formation  plus  moderne; 
son  apparition  a  été  simultanée  avec  celle  de  l'opliîte,  qui,  comme 
nous  l'avons  vu,  a  eulieulongtemps  après  les  dépôts  tertiaires. 

Enfin ,  le  calcaire  saccharoïde  blanc  de  Vicdessos  appartient  à  l'étage 
inférieur  du  calcaire  jurassique ,  et  le  calcaire  saccharoïde  de  la  vallée 
de  Suc  était  dans  l'origine  un  calcaire  à  fossiles.  C'est  le  voisinage  du  gra- 
nit qui  lui  a  donné  sa  texture  cristalline.  Ces  calcaires  sont  donc  plus 
modernes  qu'on  ne  l'avait  pensé. 

MEMOIRE  sur  la  nature  et  la  position  géohgitfoe  des  marbres  âéti^nés  som  le 
nom  de  calcaires  amygdalins  ;  par  M.  Dufrénoy. 
Tout  le  monde  connaît  le  marbre  griotte  et  le  marbre  campaa.  Tous 
les  deux  contiennent  un  schiste  ai^eux ,  mêlé  au  carbonate  de  chaux; 
ce  schiste  est  rougeâlre  dans  le  premier  et  verdâtre  dans  le  second. 
Tous  les  deux  présentent  souvent  des  noyaux  arrondis  ou  amandes 
calcaires ,  qui  leur  ont  fait  donner  le  nom  de  calcaire  amygdalin.  Ce 
calcaire  fait  partie  des  terrains  de  transition  anciens:  H  se  trouve  non- 
seulement  dans  les  Pyrénées,  mais  encore  dans  la  montagne  Noire 
située  au  deli  de  Carcassonne,  àla  limite  du  département  de  l'Aude. 
E^  bien ,  M.  Dufrénoy  a  lait  l'observation  que  ces  noyaux  ne  sont 
autre  chose  que  de  la  matière  calcaire  qui  s'est  moulée  dans  des 
coquilles  de  nautiles,  d'où  il  tire  cette  curieuse  conséquence:  qu'à  l'é- 


482  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

publiés,  par  ordre  da  roi,  par  le  comte  Solar  de  la  Marguerite, 
premier  secrétaire  ttÉtat  pour  les  afaires  étrangères.  Turin, 
i836;  cinq  vol.  in-i". 

Ces  qiu&e  oamges,  qui  ODtpani  succesÛTement  à  Turin,  se  ratta- 
chent à  une  grande  coUectÎDn  historique  qui  se  publie  par  ordre  du 
roi  de  Sardaigne.  Dès  l'année  iSSa ,  MM.  Gîbrario  et  Promis  furent 
chargés  par  le  gouvernement  de  visiter  la  Savoie,  la  Suisse  et  une 
partie  de  la  France  pour  y  chercher  des  médailles,  des  sceaux,  des 
documents  de  tout  genre  relatiis  à  fhistoire  de  la  maison  de  Savoie. 
En  quatre  mois  ils  examinèrent ,  un  peu  k  la  bâte  peut-être,  les  archives 
et  les  bibliothèques  de  dix-huit  villes  principales,  parmi  lesquelles  on 
compte  Berne,  Bâle,  Strasbourg,  Paris.  Lyon,  Besançon,  Au  et  Gre- 
noble' ;  et  le  résultat  de  leurs  recherches  fiit  la  publication  de  deux 
des  ouvrages  dont  nous  devons  rendre  compte.  En  1 833  le  roi  Charles 
Albert  créa  ime  commission  chaigée  de  publier  une  collection  d'écrits 
inédits  ou  rares  appartenant  à  l'histoire  du  Piémont  et  de  iormer  un 
code  diplomatique  des  Etats  Sardes.  Cette  commission  a  fait  paraître, 
il  y  a  deux  ans,  le  premier  volume  des  Chartes  (dont  M.  Daunou  a  déjà 
donné,  en  iSSy,  ime  savante  analyse  dans  le  bulletin  de  ce  journal), 
et  elle  vient  de  publier  cette  année  un  volume  de  Statuts  municipaux. 
Pendant  qu'on  préparait  ces  deux  volumes  le  comte  Solar  de  la  Mar- 
guerite, ministre  des  affaires  étrangères,  a  donné  en  cinq  volumes 
les  Traités  de  la  maison  de  Savoie  avec  les  puissances  étrangères,  de- 
puis la  paix  de  Cateau-Cambrésis.  Avant  d'examiner  ces  quatre  ou- 
vrages confiés  &  la  direction  de  différentes  personnes,  mais  qui  tendent 
évidemment  k  un  même  but,  il  ne  sera  peut-être  pas  inutile  de  jeter  un 
coup  d'oeil  sur  les  collections  historiques  italiennes  qui  ont  précédé 


48&  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

digieiu  accroissemeDt'.  Ce  pape  prot^a  aussi  le  grand  ouvrage  de 
Banmitu'  dans  tequd  on  a  &it  on  si  fréquent  uaage  des  anciens  docu- 
ments comme  prenres  de  lliiatoire,  et  qui,  malgré  ses  imperfectÎMis  et  le» 
mtic[ues  dont  il  a  été  l'objet,  est  une  mine  féconde  oii  l'on  trauTe  mi 
grand  nombre  de  ^lartes  et  de  monuments  du  plus  haut  intéréL  Avant 
BaroniuB,  un  illostre  érudit,  S^oniiU,  avait  fouillé  dans  toutes  les 
bibliothèques  et  les  archives  de  l'Italie  pour  écrire  son  histoire,  da 
Regno  ItaliéB^,  et  ses  recherches  sur  l'histoire  de  Bologne;  mais  on  fit 
dors  peu  attention  à  ses  travaux  sur  le  moyen  âge,  et  le  savant  de 
Modène  ne  dut  sa  grande  célébrité  qu'à  ses  redierches  sus  lee  an- 
tiquités romaines. 

Malgré  de  tels  exemples,  cette  méthode  d'écrire  l'histoire  par  les 
documents  ne  fut  pas  généralement  adoptée ,  et ,  sauf  un  petit  nombre 
d'ecclésiastiques,  tels  que  Giaconio ,  dans  ses  Vies  des  Pontifes  *,  Ughdii, 
dans  son  Italia  tacra^,  Ghirardacci",  dans  son  Histoire  de  Bologne,  on 
continua  k  né^er  l'étude  des  anciens  monuments  qui  seids  peuvent 
donner  de  l'autorité  à  l'histoire  ^.  Toutefois  on  doit  faire  une  men- 
tion spéciale  de  Pellegrini  ^  qui,  dans  son. travail  sur  le»  princes 
lombards  du  royaume  de  Naples,  fit  connaître  plusieurs  documents 
et  chroniques  intéressantes,  et  deGuichenon,  qui,  lié  avec  les  plus 

'  La  dernière  éditian  du  BnHariaiR  (RonuB,  lySg-M)  est  en  a8  Tcd.  in-fol.  ;  et 
l'on  a  imprimédepuis  plusieurs  volumes  de  Bupplément -^ 'Le  premier  volume  de 
Baroui us  parut  d'abord  à  Rome  en  i588.  —  *  Bouonlee,  ib-jà\in-{ol.  Sigonius  pu- 
Uia  en  1576  le  catalogue  àea  archives  qu'il  avait  examinées  et  des  chroniques  quiil 
avait  consultées.  —  *  La  première  édition  de  Gaconio  parut  à  Rome  en  1601  ;  [dus 
tard  Aleandro,  Vitlorelli,  etc.  l'eDrichirent  de  nomlKvuses  additions.  La  meilleure 
édition  est  celle  de  Rome,  1677,  en  &  vol.  in-fbl.  auxquds  il  faut  ajouter  les  deux 
vdumes  publiés  parGuarnaccï,  en  ijSi.  —  *  L'/fofùi  sacra  fut  publiée  d'abord  en 
16&&;  die  a  paru  de  nouveau  à  Venue,  en  1717  (10  vol.  in-fol.),  avec  les  addi- 


AOUT  1838.  485 

savants  Bénédictins  français,  inséra  un  grand  nombre  d*anciennes 
dbartes  dans  son  Histoire  généalogique  de  ia  maison  de  Savoie  ^ 

Quant  aux  collections  diplomatiques  publiées  au  xvii*  siècle  en  Italie» 
il  n'y  en  guère  qu'une  (  le  BuUarwm  Casinense  ^  de  Margarini  )  qui 
mérite  d'être  citée,  et  elle  ne  peut  soutenir  nullement  la  comparaison 
avec  quelques  grands  recueils  formés  dans  le  même  siècle  au  dehors , 
parmi  lesquels  se  distinguent  spécialement  les  Acta  Sanetorum,  ap- 
pelés communément  les  Bollandistes ,  et  les  immenses  travaux  de  Ma- 
billon,  de  Baluie^  et  de  Leibnitz,  qui  ont  illustré  plusieurs  des  points 
les  plus  importants  de  l'histoire  de  lltaiie. 

Au  xvin*  siècle,  c'est  encore  à  l'étranger  que  paraissent  d'abord  les 
collections  les  plus  volumineuses  sur  l'histoire  italienne.  Les  Acta  de 
Rymer,  publiés  par  ordre  du  gouvernement  anglais,  la  collection  de 
Dumont,  celles  de  Martène  et  Durand,  le  Thésaurus  novissimas  de 
Petz,  renferment  bon  nombre  de  pièces  sur  l'Italie.  Enfm  le  Trésor 
des  histoires  de  l'Italie  par  Grsevius  et  Burmann^,  le  Gode  diplomatique 
de  Lunig^,  complètent  cette  belle  série  de  travaux  faits  au  dehors  sur 
l'histoire  de  la  péninsule. 

Enfin  le  zèle  des  savants  italiens  se  réveilla,  et  il  sortit  du  col- 
lég&  Ambroisien  de  Milan,  magnifique  institution  créée  par  la  libé- 
ralité du  cardinal  Borromée^,  l'homme  qui  devait  donner  une  nou- 
velle direction  aux  études  historiques  de  ses  concitoyens''  :  cet  homme 
fat  Muratori.  Déjà,  vers  la  fin  du  xvn*  siècle,  il  avait  fait  paraître 
quelques  volumes  d'Anecdotes^  tirées  de  la  bibliothèque  Ambroî- 
sienne;  et  ce  ne  fut  qu'en    172 3  qu'il  entreprit  la  publication  des 

'  Lyon,  1660;  in-fûl.  La  correspondance  autographe  de  Guichenon,  où  il  est 
souvent  question  de  ses  travaux  historiques ,  se  conserve  à  Paris ,  à  la  biblio* 
thèque  de  rinstilut.  —  *  Venetiis,  i65o;  a  vol.  in-fol.  —  '  Les  Miscellanea  de 
Baluae  ont  paru  de  nouveau  à  Lucques,  en  1761 ,  en  4  vol.  in«foL  Mansi  a  enrichi 
cette  édition  d'une  foule  de  pièces  relatives  à  Tllalie. —  *  Lugduni  Batavorum,  1 704 
^seq.;  45  parties  in-fol.  —  '  Codex  Italiœ  diplomaticus.  Francofurti,  1736;  4  vol. 
în-fi)l.  -^  *  Ce  bel  établissement  est  trop  peu  connu  de  nos  jours;  c'était  une  espèce 
d'institut  avec  une  bibliothèque  immense,  un  musée,  une  imprimerie  orientale ,  etc. 
etc*  Le  collège  ambroisien  était  très-largement  doté,  et  les  membres  de  ce  collège 
devaient  travailler  à  l'avancement  des  sciences  et  des  lettres.  C  est  là  que  Giggeius 
a  préparé  son  beau  lexique  arabe,  et  Ripamonti  et  Argelati  leurs  grands  travaux 
historiques.--—  '  Parmi  les  causes  qui  conduisirent  à  l'étude  du  moyen  âge  en  Italie, 
il  faut  compter  les  discussions  de  différents  États  italiens  avec  l'empereur  et  le  pape , 
sur  leur  indépendance.  De  ces  contestations  sont  nés  l'ouvrage  de  Spannaghei,  inti- 
tulé :  Notizia  délia  vera  libertà  Fiorentina  (  17^14;  3  part.in-fol.)  ;  YImperii  Germanici 
Jus  ac  possessio  in  Genaa  Ligustica  (Hanovera,  1761  ;  in-4'*)i  et  plusieurs  écrits 
intérestants  sur  Naples  et  sur  la  Sicile. — ^  Anecdota  ex  codicib.  bibL  Ambrosianœ.eruta, 

60. 


48ft  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

SerijOotvs  rtram  itaUcarum,  dont,  grâce  k  son  infatigable  activité,  3 
fit  paraître  en  quinte  ans  vingt-sept  volumes  în-rdio  ' .  Malgré  quelquei 
imperfections  de  détail,  cet  ouvrage  est  l'un  des  plus  beaux  monn- 
ments  historiques  qui  existent;  il  fut  suivi  des  Antuiaitates  medii  œtâ\ 
où  Mura  ton  discuta  les  points  les  plus  importants  de  l'histoire  de 
l'Italie,  et  où  il  inséra  des  chartes  inédites  et  quelques  nouvelles  chro> 
niques.  L'exemple  de  Muratori  anima  les  savants  italiens,  qui  depuit 
lors  se  livrèrent  avec  ardeur  à  l'étude  des  monuments  du  moyen  âge. 
A  Naples  et  en  Sicile ,  parurent  successivement  les  recueils  historiques 
de  Caruso*  et  de  Gîordano*;  les  recherches  de  Mongilore  sur  l'église 
de  Païenne';  le  Codex  diplomaticas  de  Giovanni';  l'Histoire  du  Mont- 
Cassin,  par  Gattola^;  l'Histoire  ecclésiastique  de  Noia,  par  Remon- 
dini';  celle  des  Chartreux  par  Tromby';  les  Annales  diplomatiques 
de  Meo^";  et  deux  recueils  "  fort  intéressants  de  chroniques  napoli- 
taines. A  Rome,  la  nouvelle  édition  d'Anastase,  parBîanchinî",  et  celle 
du  BuUariam;  la  collection  commencée  par  Asseniaitjii '^  sur  l'histoire 
du  midi  de  l'Italie,  et  les  travaux  de  Cenni'*  et  de  Gancellieri  firent 
connaître  beaucoup  de  pièces  inédites.  Dans  les  légations,  Sa^ti'^Trom- 
bellî"  et  Savioli'^  travaillèrent  sur  difTérents  points  de  l'histoire  di< 
plomatique  de  Bologne.  Frizzi  réunit  beaucoup  de  documents  inédits 
sur  l'histoire  de  Ferrare  ",  et  Colucci  fit  paraître  une  belle  collection  de 
chroniques  et  d'antiquités  du  Picenum'",  en  dix  volumes  in-folio. 

En  'Toscane,  après  les  recherches  de  Della  Rena  sur  les  anciens 
ducs  et  marquis  de  cette  province  (  recherches  dont  la  partie  la  plus 

Mediol.  1697-98;  a  vol.  ia-A*.  II  publia  admî  des  AneeJota grwea.  En  1717,  Mura- 
tori commenta  la  publicsdon  des  Antiifaitatei  esleiuei ,  où  se  Irouvent  des  docn- 
menta  fort  importanta.  —  '  Le  dernier  volume  des  Scriplom,  qui  contient  qudquea 
additions  et  dès  tables  trop  peu  développées,  fut  publié  par  Ai^ali,  en  i75i,a(nii 
la  mort  de  Muratori.  —  *  Medîolani,  1788  et  seq.;  6  vol.  in-fol.  — -*  Bibliathtea  Aû- 
toriea  regai  Sicilim.  Panormi,  17:13  ;  a  vol.  in-fol.  —  *  Deleetat  leriplor.  itr.  NeapoUt. 
Neapolî,  1735;  in-fbl.  —  *  MoDgitore,  BMm  et  iiatnmmUt  Paaortiùlmm  eccknm. 


488  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ments  de  l'élise  de  Venise,  collection  précieuse  et  trop  peu  connae,  oà 
M  troarent  réaniei  des  milliers  de  àâites  eccléHastiqaes;  et  MittordU 
donna  pooT  la  odlectioa  de  Miuatori  un  sapplément  qui  est  dereon 
prefqoe  iotnniTBble^.  Ses  annales  des  Camaldtiles*.  â  ridies  en  ancâeat 
dipkiânes  inédits ,  son  catalogue  des  manuscrits  de  l'abbaye  de  Mnran, 
seront  loqoim  consultés  arec  fimit 

En  même  temps  Lupi  publia  son  beau  code  difdomatiqoe  de  Ber- 
game  \  et  Rossi  *  ses  monuments  de  l'église  d'Aquilée.  Les  marches  de 
Trérise  et  de  Vérone ,  l'histoire  des  Eccelins  furent  étudiées  par  Verci^ 
qui  lit  connaître  tine  foule  de  chartes  inédites.  A  Milan,  Argelati,  éditeur 
de  ^onîus  et  collègue  de  Muratorî,  mit  au  jour  ses  ti^vaux  sur  les 
érairains  de  cette  ville*  et  sur  les  monnaies''  d'Italie,  qui  fiireat  ensoite 
continuées  par  Zanetti*.  Caiii  donna  ses  Antiquités  itidiennes  du  moyen 
Age',  et  Giulini  rassembla ,  en  douze  volumes  in-W,  une  collection  pré- 
cieuse d'actes  publics  ou  privés,  et  de  monuments  figurés  sur  l'histoire 
de  la  Lombardie  '".  Enfin  les  moines  de  Cîteaus  publièrent  les  Antiquités 
tombardo-milanaises  ",  qui  furent  suivies  plus  tard  des  Institutions  et 
Code  diplomatique  '^. 

C'est  à  Milan  aussi  que  Tiraboscbi,  connu  principalement  par  son 
histoire  littéraire  do  l'Italie,  se  présenta  d'abord  au  public  avec  des 
travaux  diplomatiques.  Ce  savant,  qui  a  produit  un  ai  grand  nombre 
d'eiccllents  ouvrages,  fit  paraître,  en  1766,  ses  VeUra  hamiUatoram 
monumenta  ".  Nommé  plus  tard  bibliothécaire  du  duc  de  Modëne ,  il 
donna  l'histoire  de  l'abbaye  de  Nonantola,  où  se  trouvent  beaucoup 
de  chartes  des  rois  lombards  et  caHovingicns  '*,  et  le  Code  '^  diploma- 
tique de  Modènc.  A  la  même  époque  ASb  insérait  dans  son  histoire 

'  MiUaroll!,  adtcriplor.  rer.  ilalic.  acceuionet  kitt. Faventiam.  Venet.  1771;  in-fbl. 
^  '  Mittorclli,  Annalei  Camaldaleiua.  Venet.  1755;  tf  vol.  in-fol.  — *  Lnpi,  Codex 
diphmaticat  crvilalU  et  eccleiia  Dergomatit.  Berg,  1 7S4  ;  a  vol.  în-rol.  ~-  *  De  Bubeis, 


490  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

parut  en  1 8 1 3 ,  et  bientôt  la  princesse  quitta  ses  États  :  maïs  i'tmpul- 
sion  était  donnée,  et  jusqu'à  l'année  1837  il  a  été  publié  dix  volumes 
in-&*qui  ne  sont  pas  asseï  connus  en  France.  Cette  publication ,  cepea- 
dant,  éveillera  l'attention  des  érudits  lorsqu'ils  apprendront  que  les  ar- 
chives de  Lucques  contiennent  environ  quatre  cents  chartes  originales 
du  vm*  siècle  et  un  nombre  bien  plus  considérable  encore  des 
sièdes  suivants.  Ces  chartes  doivent  paraître  pour  la  plupart  dans  cette 
excellente  collection,  dont  nous  hâtons  de  tous  nos  vœux  la  continuation. 

Cette  énumération  trop  longue  peut-être,  et  cependant  fort  incom- 
plète, d'ouvrages  importants  et  volumineux  (auxquels  on  pourrait  ajou- 
ter une  multitude  incroyable  d'histoires  ecdésiastiques  ou  municipales, 
de  catalogues  de  manuscrits ,  d'histoires  littéraires ,  de  biographies ,  de 
dissertations  et  de  mémoires  sur  différents  points  de  l'histoire  du  moyen 
âge)  nous  a  semblé  nécessaire  pour  montrer  quels  avaient  été  l'origine 
et  les  développements  de  l'histoire  diplomatique  en  Italie,  et  afin  que 
l'on  pût  mieux  comprendre  quels  sont  k  présent  dans  cette  contrée  les 
besoins  des  érudits. 

En  suivant  ce  rapide  exposé  on  a  pu  voir  les  historiens  italiens  né- 
gliger d'abord  les  sources  et  les  preuves  de  l'histoire ,  puis  reproduire 
les  diplômes  et  les  chartes  qu'ils  rencontraient  sans  en  discuter  l'authen- 
ticité. Plus  tard,  les  progrès  de  la  diplomatique  permettent  de  choisir 
les  documents,  d'en  déterminer  l'âge,  et  de  les  soumettre  à  une  critique 
sévère.  Enfin ,  une  époque  arrive  06  non-seulement  l'historien  discute 
les  sources,  mais  où  il  veut  aussi  que  le  lecteur  assiste  à  cette  discussion  : 
alors  on  donne  des /ac  simile  des  pièces  les  plus  importantes,  et  on  les 
décrit  toutes  avec  le  soin  le  plus  minutieux.  Un  nombre  prodigieux  de 
documents  a  été  publié  ainsi  en  Italie;  souvent  même  les  éditeurs  y  ont 
joint  de  savants  commentaires;  mais  ce  qui  manque  surtout,  c'est  l'en- 
semble, ce  sont  des  collections  générales  qui  réunissent  des  pièces  dis- 


m  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

seuleveot  au  Pié[non^  Un  ouvrage  de  ceHe  nature  sera  consulté  par  lea 
érodits  de  toutes  tes  nations  :  or  3  peut  arriver  qu'une  pièce  importante 
soit  Irifrrépandue  k  Tuiio  >  où  elle  aura  été  insérée  dans  un  petit  oa- 
vrage  récent,  et  qu'elle  soit  absolument  inconnue  à  PétersboiUK  ^^  ^ 
Lisbonne,  où  ne  parviendront  que  les  volumes  de  la  commission;  et, 
quant  i  la  rareté,  il  nous  semble  qu'on  n'a  pas  même  cberché  à  détor- 
miner  le  sens  de  ce  mot ,  .qu'il  est  si  difficile ,  au  reste ,  de  bien  définir. 
Eu  efièt,  on  ne  donne  presque  jamais  la  bibliographie  du  document 
que  l'on  publie,  et  quand  on  le  fait,  c'est  d'une  manière  incomplète  : 
comment  donc  juger  si  une  pièce  est  rare  ou  ne  l'est  pas  ?  Pour  en  citer 
un  exemple ,  dans  le  volume  des  Chartes  ',  on  trouve  un  diplôme 
d'OtboD  I",  daté  du  3o  juillet  g63,  et  l'éditeur  dit,  en  note,  que  ce 
diplôme  a  été  publié  par  Guicbenon.  Nous  ajouterons  qu'il  se  trouve 
aussi  dans  le  Codex  ItaUœ  diplomaticiu  de  Limig  ^,  et  que ,  si  l'auteur 
avait  consulté  ce  recueil ,  il  aurait  pu  en  tirer  quelques  bonnes  variantes. 
Cette  charte  est  citée  aussi  par  Muratori  et  par  Terraoeo  :  elle  passe 
pour  apocryphe,  et  on  ne  saurait  l'appeler  rare.  De  même  un  diplôme 
de  967,  publié  par  Lun%  '  et  par  Moriondo .  est  reproduit  ici  sans  citer 
le  savant  allemand.  Puisqu'on  donne  des  documents  si  souvent  publiés, 
pourquoi  né^iger  des  pièces  plus  anciennes,  comme,  par  exemple,  la 
charte  d'Ad^gisus,  de  l'année  8do,  qui  avait  été  publiée  par  Ughelli  *, 
et  tant  d'autres  pièces  du  même  genre  ?  En  général ,  on  indique  trop 
rarement  les  auteurs  °  qui  ont  déjà  publié  plusieurs  des  documents  re- 
produits dans  cette  collectiou  ;  et  cependant  la  plus  stricte  justice  vou- 
drait  que  l'on  citât  toujours  les  éditeurs  plus  anciens,  afin  d'attribuer  à 
qui  de  droit  le  mérite  d'avoir  publié  le  premier  une  pièce  intéressante, 
et  pour  ne  pas  faire  supposer  à  tort  que  les  documents  inédits  sont 
très-nombreux  dans  la  nouvelle  publication.  Souvent  des  originaiu  qui 
existaient  encore  il  y  a  on  siède  ont  péri  depuis,  et  l'on  n'eu  possède 


AOUT  1838.  495 

maintenant  ^e  des  copies  plus  ou  moins  ineucte»;  d*autrès  fois  l'origi- 
nal existe  encore,  mais  il  a  été  détérioré,  et  on  ne  petit  phisie  lire  en 
entier.  C'est  swtout  alors  qu'il  est  indispensable  de  recourir  aux  éditions 
précédentes  «  et  si  elle  avait  pris  ce  parti,  la  commission  piémontaise  au- 
rait pu  donner  quelquefois  un  texte  plus  correct.  Pour  ne  ther  qu'un 
seul  exemple  àlappui  de  notre  remarque,  si  Ton  avait  consulté  le  Codex 
de  Lunig  ^  pour  une  charte  qui  a  été  reproduite  à  Turin  d'après  une 

copie  fautive  ^,  au  lieu  de  rattis peticiànibus ,  qu'on  a  imprimé  et  qui 

ne  présente  pas  de  sens,  on  aurait  trouvé  reetis.,,.,  petitioniba^,  qui  est 
la  véritable  leçon. 

.  H  serait  facile  de  midtiplier  ces  réflexions  et  de  i^noler  beaucoup 
d'autres  faits  qui  prouvent  que  les  différents  membres  de  la  commis- 
sion historique  piémontaise  ont  travaillé  sans  s'astreindre  à  suivre 
aucune  rè^e  coinmune.  Il  en  est  résulté  dans  l'ouvrage  une  grande 
inég^é ,  suite  nécessaire  de  l'inégalité  deis  moyens  de  chaque  colla- 
borateur. Si  l'on  avait  formé  un  phn  généitd  de  travail ,  les  différents 
membres  de  la  commission  auraient  fait  un  écbarig^e  continuel  de 
leurs  lumières ,  et  la  collection ,  dirigée  par  les  plus  halnles  et  les  plus 
exercés,  n'aurait  pas  offert  le  spectacle  singulier  de  deux  confirères  qui 
viennent,  dans  la  même  page ,  soutenir  des  opinions  diamétralement 
opposées  '. 

Des  recueils  de  chartes  et  de  diplômes  n'offrent  pas  une  lecture  bien 
attrayante  :  il  faut  donc  que  l'éditeur  facilite  le  travail  du  lecteur,  et 
qu'il  signale  lui-même  les  faits  les  plus  remarquables.  Des  notes 
courtes,  mais  substantielles,  des  citations  exactes  et  faites  d'après  un 
système  uniforme^,  des  indications  sur  les  particularités  (|U6  peut  pré- 
senter l'écriture  du  document  original ,  des  fac-similé  pour  les  cas  les 
plus  singuliers  ;  la  description  des  sceaux ,  une  bonne  table  analytique , 
un  dictionnaire  géographique ,  et  une  introduction  générale  destinée  à 
résumer  et  à  coordonner  les  faits  les  plus  saillants^ contenus  dans  les  do- 
cuments que  l'on  publie;  voilà,  à  notre  avis,  quels  sont  actuellement 
les  éléments  nécessaires  d'une  bonne  publication  diplomatique.  Or, 
excepté  la  table  (qui  est  beaucoup  trop  restreinte),  rien  de  tout  cela 

*  Tom*  ïïl ,  col.  9 1  g.—--  Chartar.  lomu  1,  cd.  aoi .— '  Voyet,  à  la  colonne  8&îi  dn 
vduxoe  de»  Chartes,  la  discussion  qui  »  est  élevée  entre  deux  mtaBbitBs  de  la  com- 
mission sur  les  origijaesdu  dialecte  sarde. — ^  Il  faudrait,  outre  la  page  et  le  volume, 
citer  toujours  Tédîtion  dont  on  s*est  servi.  La  bibliographie  n*est  pa»  seulement  un 
amusement  dispendieux;  c'est  aussi  un  excellent  instrtunent  de  travail.  En  citant 
toujours  avec  soin,  non-seulement  Fauteur  rend  service  au  lecteur,  mais  il  8*astreint 
Iui*méme  à  vérifier  lès  faits,  à  ne  pas  citer  de  mémoire,  et  à  ne  pas  faine  de  Téru- 
dition  de  seconde  main. 

6i. 


4«4  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

ne  se  trouve  dans  le  premier  volume  des  Chartes.  Dansla  savante  in- 
troduction  de  M.  Sclopîs,  au  volume  des  Statuts ,  on  lit,  il  est  vrai;  on'  - 
exposé  très-bien  fait  des  divers  systèmes  de  Sigonius ,  de  Muratori  et  de 
Léo,  surl'or^ine  des  municipalités  modernes.  Ce  morceau  est  trè»- 
intéressant;  mais  on  aurait  aimé  beaucoup  &  voir  le  savant  oi^ane  de  la 
coomiission  développer  les  motifs  qui  ont  fait  choisir  certains  statuts  de 
préférence  aux  antres,  et  l'on  aurait  surtout  désiré  de  trouver  dans' «ta 
résumé  de  ces  statuts  une  esquisse  de  lliîstaire  de  la  législation  en  Pié-- 
mont.  On  doit  regretter  aussi  que  l'on  n'ait  pas  publié  un  plus  grand 
nombre  de  ces  lois  municipales.  Avec  un  autre  vcdume  on  pourrait^  pro- 
bablement faire  paraître  tout  ce  qui  reste  des  anciens  statuts  du  PîémcuQt. 
Peut-être  on  aurait  dû  insérer  dans  cette  collection  les  Stati^  Sabaadùt, 
rédigés  à  différentes  époques  par  les  ducs  de  Savoie.  Ces  lois  pouvaient 
servir  beaucoup  à  éclaircir  un  point  fort  obscur  de  l'histoire  du  moyen 
âge  -,  savoir,  comment  dans  les  états  monarchiques  on  disait  marcher  de 
front  les  droits  du  prince  et  les  droits  municipaux  de  chaque  vUle. 

Quant  i  la  table  des  mots,  ou  pour  mieux  dire  au  glossaire,  nous  fai- 
sons des  vœux  pour  que,  dans  les  volumes  suivants,  on  lui  donne 
beaucoup  plus  d'extension.  Ce  latin  barbare  du  moyen  âge  semble  bien 
facile  parce  que  tous  les  solécîsmes  y  sont  permis;  mais  la  difficulté 
vient  d'autre  part,  et  elle  n'est  pas  petite.  Chez  tous  les  peuples  le  latin 
se  ressentait  alors  de  la  langue  vulgaire,  et  il  lui  faisait  de  nombreux 
emprunts  de  formes  et  de  mots.  Cest  ce  qui  rend  si  difficile  l'intelli- 
gence de  certains  passages;  c'est  ce  qui  augmente  si  considérablement 
le  volume  des  glossaires,  car  ils  sont  une  espèce  de  collection  de  mots 
de  toutes  les  langues  et  de  tous  les  patois. 

Nous  voudrions  donc  que  les  personnes  qui,  pour  la  première  fois, 
publient  des  textes  latins  du  moyen  âge,  eussent  le  soin  de  former  une 


AOUT  1858.  495 

Piémont  ofiBriraient  un  grand  nombre  de  mots  que  Du  Gange  et  Car- 
pentîer  n'ont  pas  connus ,  et  qu*on  aurait  dû  citer  dans  les  tables.  Les 
Sùdata  SahaàdieB,  que  nous  avons  mentionnés ,  en  présentent  un  plus 
grand  nombre  encore.  Nous  ne  citerons  à  ce  propos  que  le  mot  debar- 
latio^i  qui  s  y  trouve  employé  à  propos  de  certains  jeux:  ad  propnaram 
facuUatam  deburhtionem,  aUenaram  snbstractionem.  Il  est  évident  qu*ici 
dehwrlatio  ne  vient  nullement  du  mot  burla,  qui,  en  italien  et  en  langue 
romane,  veut  dire  farce  ou  niche.  Ce  mot  vient  du  verbe  milanais  borlà , 
c  est-à-dire  tomber,  miner.  Debtxrlatio  propriaram  facuUatam  signifie  donc 
la  raiM  de  son  propre  patrinwine.  Les  mots  et  les  locutions  de  ce  genre, 
qui  tiennent  souvent  aussi  à  des  usages  particuliers  de  chaque  contrée,  ne 
sauraient  être  expliqués  avec  justesse  que  par  les  personnes  du  pays ,  et 
c*est  poiu*  cela  surtout  que  Ton  doit  désirer  qu'elles  veuillent  bien  s  en 
occuper. 

Dans  ce  premier  artide ,  nous  nous  sommes  renfermé  dans  les  géné- 
ralités :  nous  examinerons  plus  tard  chacun  de  ces  ouvrages  en  parti- 
cidier.  Les  importantes  publications  de  la  commission  piémontaise 
doivent  exciter  l'attention  des  savants  :  elles  mériteront  tous  les  suf- 
frages, si,  comme  on  doit  Tespérer,  elle  parvient  à  mettre  plus  d'en- 
semble dans  ses  travaux  et  à  faire  prendre  la  même  direction  à  tous  les 
collaborateurs. 

G.  LIBRL 


Sar  la  prétendue  communication  de  la  mer  Morte  et  de  la  mer  Roage. 

Une  importante  question  de  géographie  physique  a  été  soulevée  pour 
la  première  fois  dans  ce  journal  (octobre  i835,  p.  896-602  ),  et  re- 
commandée aux  recherches  ultérieures  des  voyageurs  en  Orient.  Des 
observations  récentes  ont  fait  faire  à  cette  question  des  progrès  qui  en 
avancent  beaucoup,  si  même  ils  n'en  décident  pas  tout  à  fait  la  solu- 
tion. Je  pense  que  nos  lecteurs  me  sauront  gré  de  les  tenir  au  courant 
d'une  discussion  qui  s'est  produite  sous  leurs  yeux. 

Ils  peuvent  se  souvenir  qu'elle  s'est  élevée  à  l'occasion  de  l'intéres- 

ce  nest  que  dans  les  contrées  où  allèrent  s'établir  autrefois  les  peuples  sortis  des 
Gaules  que  Ton  trouve  les  sons  de  ïu  et  de  Yœa,  qui  manquent  à  tous  les  autres 
dialectes  italiens.  «^-  '  Sêatuta  Saboadim.  Taurini,  i53o;  in-fol.  f.  xLViii. 


490  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

sant  et  beau  voyage  de  MM.  Léoa  de  Laborde  et  LiiMUit  dans  L'Anbie 

Pétrée.  C'est  la  carte  jcSnte  A  oe  voyage  qui  eo  a  fiEwmi  les  élémenU, 

Cette  eaite  donne  avec-  de  grands  déta^  la  vaUée  étroke  et  longue 
qui  court  presque  du  nord  au  aud ,  de  l'extrémité  de  la  àaa  Uoîrte 
jusqu'à  la  mer  Rouge,  angoUb  de  l'Akaba.  Cette  vallée,  dont  on  n'avait 
aucun  indice  avant  le  voyage  de  Seetien  eo  1 808 .  fut  d^uis  rocoimiie 
par  Burekbardt  en  iSia.'etsucceaaivementpar  MM<  Baoket,  Mw^w 
et  Irby,  Léon  de  Laborde,  Linant  et  C^er. 

Aucun  de  ces  voyageurs  n'a  parcouru  cette  vsilée  dans  tei^  ton 
étendue  :  les  uns  n'en  ont  vu  que  la  partie  septentrionale,  i  l'endrait 
où  elle  déboudie  dans  la  mer  Morte;  ics  autrca  seulement  la.  paitie 
méridionale,  du  côté  de  la  mer  Rouge.  Burckhardt  n'avak&itqne  la 
traverser  vers  le  milieu. 

Néanmoins,  d'après  la  direction  de  cette  vallée  étroite,  qui  semble 
n'être  que  le  prolongement  de  la  mer  Morte  et  l'aneîeu.  lit  d'un  fleuve, 
Burckhardt  n'bésita  point  &  la  considérer  comme  ayant  jadis  servi  d'é* 
coulement  au  Jourdain,  qui,  seitnt  celte  bypotbèse,  aurait  seulnaent . 
traversé  la  mer  Morte  pour  terminer  son  cours  dans  la  mer  Rouge. 

Cette  conjecture  de  &uckl)ardt  est  si  naturelle  et  si  vraisemblable, 
qu'elle  fut  adoptéeparlesavant  éditeur  de  ses  voyages,  M.W.M,  L^ake, 
par  M. Cari  Ritter,  M.  deHoff,  MM.  Léon  de  Laborde  et  Linant,  etc.  Elle 
était  devenue  une  opinion  à  peu  près  générale  parmi  les  géographes  ; 
au5si,  sur  la  plupart  des  certes  récentes ,  le  fond  delà  vallée  est  qualifié 
d'Ancien  cours  du  Jourdain.  C'est  qu'en  effet,  outre  son  extrême  probabilité 
sous  !e  point  de  vue  géographique ,  cette  opinion  avait  encore  l'avantage 
de  paraître  se  lier  assez  uaturellement  avec  le  récit  de  Moïse,  sur  la 
destruction  des  villes  de  la  Pentapole ,  considérée  comme  llefTet  d'énqi- 
tions  volcaniques  et  de  tremblements  de  terre  siu-venus  dans  le  bassin 
de  la  mer  Morte.  Rien  ne  pouvait  être  plus  séduisant  que  de  ramener 
ainsi  dans  une  époque  historique  un  de  ces  phénomènes  dé  géologie 


498  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

daas  l'hypothèse  que  je  soumis  à  nos  lecteurs ,  ne  fût-ce ,  comme  je  le 
disais,  que  pour  donner  à  quelque  voyagem',  muni  des  moyens  né- 
cessaires, le  désir  de  résoudre  définitivemeot  cette  question  intéres- 
sante. J'indiquai  que  le  moyen  d'y  parvenir  était  de  parcourir  la  vallée 
dans  toute  sa  langueiu"  pour  s'assurer  si  elle  est,  comme  je  le  pense, 
partagée  en  deux  versants  (p.  6oi). 

M.  Callier  fut  chargé  par  la  Société  de  géographie  de  rédiger  quelques 
instructions  pour  M.  le  comte  de  Bertou,  qui.  dans  une  lettre  écrite  de 
Jérusalem,  le  29  avril  iSSy,  annonçait  l'intention  de  parcourir  les 
hords  de  la  mer  Morte.  M.  C^ier,  non  moins  désireux  que  moi-même 
de  voir  nos  doutes  s'éclaircir  dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  indiqua  au 
vwfageur  les  recherches  à  faire  pour  la  solution  de  lu  question  impoi^ 
tante  qui  nous  avait  occupés.  Il  lui  eiposa  nettement  en  quoi  consistait 
la  difficulté.  Je  dois  ajouter  que  M.  de  Bertou  était  d'autant  plus  apte 
à  cette  exploration,  qu'il  partageait  l'opinion  commune;  il  devait 
donc  se  montrer  plus  difficile  sur  les  preuves  de  l'opinion  contraire. 
Son  témoignage,  s'il  nous  était  favorable,  n'en  pouvait  avoir  que  plus 
de  poids. 

Ce  voyageur  vient  de  transmettre  le  résultat  de  ses  recherches; 
M.  Callier  en  a  fait  un  exposé  très-intéressant  dans  une  note  insérée  au 
Bulletin  de  la  Société  de  géographie,  et  dont  voici  un  extrait  sommaire. 

Deux  faits  principaux  ressortcnt  de  ces  obsei'vations  ;  tous  deux  con- 
courent à  démontrer  que  le  Jourdain  n'a  jamais  pu  couler  dans  la  mer 
Roiige. 

Le  premier  est  l'existence  bien  constatée  d'im  point  de  partage  dans 
la  vallée,  qui  la  divise  en  deux  versants,  comme  je  l'avais  présumé, 
situé  à  environ  aS""  a5'  de  la  mer  Morte,  et  iS''  35'  de  la  mer  Rouge, 
beaucoup  plus  pr^s  de  la  première  que  de  la  deuxième. 

Je  cite  les  paroles  du  rapporteur  :  u  Après  avoir  marché  durant  trois 
heures  le  long  des  montagnes  de  l'Ouest,  d'où  s'écoident  un  grand 
nombre  de  torrents  qui  se  rendent  dans  la  nier  Morte,  notre  voyageur 


AOUT  1858.  499 

se  rendre  d'un  côté  dans  le  lac  Âsphaltite,  de  Tautre  dans  le  golfe 
d'Élana.  Les  Arabes  ont  appelé  ce  lieu  es  Saté,  le  toit,  pour  désigner 
les  deux  versants. 

«  Après  avoir  ainsi  reconnu  Texistence  d'un  point  de  partage  dans  la 
vallée,  M.  de  Bertou  a  lui-même* renoncé  à  fopinion  tju'il  adoptait 
comme  tous  les  géographes.  )> 

Ainsi  lextrémité  de  la  mer  Morte  n*est  point  une  vallée  ouverte  par 
où  le  Jourdain  aurait  pu  prendre  librement  son  cours  du  nord  au  sud. 
C'est  au  contraire  une  vallée  fermée ,  dont  l'inclinaison  est  en  sens  in- 
verse du  cours  du  Jourdain. 

Ce  fait  positif  résout,  à  ce  qu'il  semble,  la  question  que  j'ai  soidevée, 
et  confirme  tout  ce  que  M.  Callier  et  moi  avions  conclu,  lui,  d'observa- 
tions recueillies  sur  les  lieux,  moi,  de  la  carte  de  MM.  Léon  de  Laborde 
et  Linant,  combinée  avec  les  remarques  de  Setzen  sur  la  direction  de 
tous  les  cours  d'eau  qui  tombent  dans  la  mer  Morte  à  son  extrémité  mé- 
ridionale. 

Un  autre  trait  bien  remarquable,  récemment  observé,  est  une  dé- 
pression considérable  dans  le  bassin  de  la  mer  Morte,  constatée  par 
les  observations  barométriques  de  MM.  Moore  et  Beke ,  suivies  de  celles 
M.  de  Bertou.  M.  Callier,  en  calculant  ces  observations,  démontre 
qu'elles  sont  incohérentes,  difficilement  comparables,  et  certainement 
entachées  d'erreurs,  puisqu'il  y  a  environ  200  mètres  de  différence 
entre  elles.  On  ne  peut  donc  compter  sur  l'exactitude  de  la  mesure  ;  elle 
exige  d'autres  observations  faites  avec  de  meilleurs  instruments.  Mais 
le  fait  même  de  la  dépression  résulte  de  trois  observations  indépen- 
dantes  l'une  de  l'autre,  on  peut  donc  le  considérer  comme  prouvé;  la 
quantité  seule  est  incertaine.  C'est  un  fait  entièren^ent  analogue  à  celui 
qui  est  constaté  pour  la  mer  Caspienne.  Un  premier  nivellement  avait 
donné  5 1  toises  au-dessous  de  la  mer  Noire;  le  nivellement  qu'on  vient 
d'exécuter,  par  des  moyens  qui  ne  permettent  pas  d'admettre  une  er- 
reur de  plus  d'un  mètre,  réduit  la  dépression  à  i5  toises  g  dixièmes. 
La  quantité  seule  était  incertaine ,  mais  le  fait  était  constant. 

Il  en  sera  de  même  de  la  différence  de  niveau  de  la  mer  Moite; 
cette  difiérence  sera  très-probablement  fort  inférieure  aux  607  mètres 
qu'ont  trouvés  MM.  Moore  et  Beke ,  d'après  le  degré  d'ébullition  de 
l'eau,  et  même  aux  l\o6  mètres  qui  résidtent  de  l'observation  baro- 
métrique de  M.  de  Bertou.  M.  Callier  pense  qu'une  dépression  de 
a  00  mètres  n'est  peut-être  pas  fort  loin  de  la  vérité.  Quand  elle  n'aurait 
pas  plus  de  100  mètres,  et  elle  ne  peut  guère  être  moindre,  elle  serait 
encore  le  triple  de  celle  de  la  mer  Caspienne. 

6a 


500  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

D'après  cette  nour^e  considénti<m ,  l'écoidement  du  lonrdam  dana 
la  mer  Rouge  eat  rendu  encore  moûu  probable;  elle  résout  la  qaestkni 
dana  le  sens  que  nous  arons  annoncé  ;  on  voit  maintenant  qtw,  «t  fane 
dea  deux  mers  a  jamais  coidé  dans  Fautre ,  ce  sera  [dutôt  la  mer  Rcmge. 
Mais  tout  indique  que  les  deux  bassins  sont  séparés  depuis  la  ooosti- 
tution  défiutÎTe  de  toute  cette  région ,  et  j'ai  mtmtré  que  letextqdela 
Bible ,  bien  examiné .  est  plutôt  &Torable  que  contraire  k  ceUe  aohittàa. 

Je  tenninerai'cet  artidé  en  rappelant  la  condosion  géniérde  que  je 
tirais  des  bits  qui  m'étaient  alors  connus;  je  n'ai  pas  un  ftiot  à  y 
changer. 

«  Les  circonalances  diverses  de  géograpbie  pbysique  qt^ofik*  oette 
r^on  semblent  donc  se  réunir  pour  attester  que  le  vaste  réceptade  de 
la  mer  Morte  est  le  centre  d'un  grand  bassin  où  se  rendent  toutes  les 
eaux  du  a;fBtème  montagneux  qui  s'étend-de  vingt-cinq  ou  trente  lieues 
plus  au  sud;  qu'il  tient,  par  conséquent,  à  la  constitution  même  du 
pays;  qu'il  est  contemporain  du  soulèvement  des  montagnes  qm  fen- 
vironnent,  et  qu'il  ne  saurait  dépendre  d'un  mouvement  volcanique  lo- 
cal ,  td  que  cdui  qu'on  suppose  avoir  eu  lieu  lors  de  la  destraction  des 
villes  de  laPéotapdie  (année  i8S5,  p.  6oa}.n 

Un  peu  auparavant  j'avais  dit  (p.  601}  :  u  Le  châtiment  de  direc- 
tion des  vallées  latérales  et  le  double  versant  de  la  grande  vallée  ne 
peuvent  être  dus  au  simple  soulèvement  d'tm  bourrdet  montagneux; 
Ua  doivent  tenir  è  la  conatitution  même  du  système  des  montagnes  dont 
les  eaux  ae  déversent  dans  cbacune  des  deux  parties  de  1'^  Ghor.  Evi- 
demment, aussitôt  que  les  hauteurs  qui  le  fcffment  furent  soulevées, 
les  eaux  qui  descendent  dans  la  partie  nord  coulèrent  vers  la  mer  Morte, 
et  y  formèrent  l'amaï  d'eaux  dont  la  masse  subsiste  depuis  une  époque 
géologique  dont  il  est  impossible  d'assigner  la  date  absolue,  mais  qui  se 
reporte  nécessairement  au  ddà  des  limites  de  l'histoire.  * 


AOUT  1858.  501 

Histoire  des  Mongols  de  la  Perse  ,  écrite  en  persan  par  Raschîd- 
eldin;  publiée,  traduite  en  français,  accompagnée  de  notes  et 
d'un  mémoire  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Fauteur,  par  M.  Qua- 
tremère,  membre  de  F  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres , 
professeur  au  Collège  royal  de  France  et  à  FEcole  spéciale  des 
langues  orientales.  Tome  I**. —  Paris,  Imprimerie  royale,  1 836  ; 
in-folio  de  clxxv  et  45  o  pages. 

Un  décret  du  a  2  mars  1 8 1 3  avait  ordonné ,  sur  les  fonds  de  ïim- 
primerie  nommée  alors  impériale ,  l'impression  dune  suite  d*ouyrages 
inédits,  écrits  dans  les  différentes  langues  de  l'Orient.  Plus  tard,  en 
1824,  une  décision  royale  statua  que  ce  projet  serait  repris-,  enfin,  en 
i833,  un  rapport  de  M.  Barthe,  garde  des  sceaux,  en  en  proposant 
au  Roi  l'exécution , .  désigna^  les  ouvrages  qui  devaient  entrer  dans  la 
collection  dite  orientale,  ainsi  que  les  savants  chargés  de  les  traduire 
et  de  les  annoter.  Le  premier  qui  ait  été  publié  est  l'Histoire  des 
Mongols^  de  Perse,  par  Rachid-eidin^ ,  ou  simplement  Rachid;  et  cet 
ouvrage  méritait  d'autant  plus  la  préférence  dont  il  avait  été  l'objet, 
que  c'est  un  des  monuments  historiques  de  l'Orient  musulman  les 
plus  importants,  et  que  le  savant  auquel  ont  été  dévolues  sa  publi- 
cation ,  sa  traduction  et  son  annotation ,  est  un  des  érudits  les  plus 
distingués  de  l'Europe,  un  des  hommes  dont  s'honore  justement  la 
France  et  que  l'étranger  lui  envie. 

Le  premier  volume  de  cette  histoire  et  de  toute  la  collection  a 
paru  il  y  à  déjà  quelque  temps.  Ceux  qui  l'ont  vu  n'ont  pu  qu'admirer 
le  luxe  vraiment  oriental  de  l'impression ,  des  titres ,  imités  des  unwân 
^ty^  orientaux ,  et  des  vignettes  qui  l'embelUssent.  C'est  au  zélé  ad- 
jninistrateur  de  l'Imprimerie  royale  qu'on  doit  le  soin  et  la  recherche 
qui  régnent  dans  cette  publication,  une  des  plus  belles  qui  soient 
sorties  dans  ces  dernières  années  des  presses  françaises.  Ce  sera  un 
utile  ornement  aux  principales  bibliothèques  royales  ou  publiques 
de  l'Europe,  et  ce  volume  pourra  contribuer  à  répandre  le  goût  des 


'  Ou  Mogol,  diaprés  Torthographe  persane.  Rachid-eddin  écrit  Jyt*  au  lieu  de 
,  qui  est  plus  usité.—*  M.  Quatremère  a  conservé  lorthographe  arabe  en  écri- 
vant RaschidreldiR,  au  lieu  de  suivre  la  prononciation  comme  on  le  fait  lorsqu'on 
écrit  Rachid-eddin. 

6a. 


502  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

études  orienfalet  :  oa  doit  lealeiDcnt  regretter  que,  par  aoa  fannat 
et  son  prix  nAlareUement  éleré,  il  ne  aott  ni  Jun  mage,  ni  d'une 
acquîfttioD  bcfles  i  la  pinpart  des  orientalistes.  Qooi  qa'fl  en  scit,  3 
ne  doit  pas  rester  igaorè  aux  lecteurs  du  Jonmaldes  Sarants,  dont  les 
rédacteurs  rendent  fidUement  compte  des  [windpaDx  ouvrées  de 
science  on  d'érudition  qui  paraissent  en  Eurï^. 

Le  magnifique  Tolume  dontil  ^agit  commence  par  la  vie  de  Badnd. 
C'est  le  morceau  de  biographie  et  de  bîblit^raphîe  orientale  le  plus 
étendu  et  le  plus  soigné  que  je  connaisse.  B  est  écrit  dans  on  s^le 
élevé  et  les  faits  y  *<»it  souvent  accompagnés  de  réflexions  judicieuses. 
M,  Qaatremére  l'a  divisé  en  deux  parties.  Dans  la  [vemiïre,  il  nous 
fait  connaître  Rachtd  comme  homme  d'état;  dans  la  seconde,  comme 
historien.  Je  n'essayerai  pas  de  le  suivre  dans  ses  savants  aperçus, 
dont  les  matériaux  lui  ont  été  fournis  par  de  nombreux  ouvrages 
orientaux,  la  plupart  manuscrits;  fl  me  suffira  d'indiquer  les  points 
les  plus  essentiels.  D'après  les  calculs  de  M.  Quatremère,  RacÛd  na- 
quit en  6^5  de  l'b^ire  [nàj  de  J.  C),  dans  ia  ville  de  Hamadan. 
n  pratiquait  la  médecine,  et  ce  fut  son  habileté  dans  cet  art  qui  lui 
donna  accès  à  la  cour  des  sultans  de  Perse  et  lui  attira  leur  Uveur. 
Il  passa  une  partie  de  sa  vie  au  service  d'Abaka-khân ,  sultan  tar- 
larc  de  Perse,  de  la  dynastie  des  Houlacides  (ou  descendants  de  Hou- 
lagou),  et  de  ses  successeurs.  Enfm  Gazan-khân,'  qui  aimait  la  litté- 
rature et  les  sciences,  et  qui  avait  su  apprécier  la  haute  capacité  de 
Hachid,  releva  A  la  dignité  de  vizir,  dans  l'année  697  (1397-98). 
Rachid  fut  maintenu  dans  ce  poste  par  le  frère  et  le  successeur  de 
(lazan,  Oldjaitou,  autrement  dit  Khodabendeh;  et  non-seulement  il 
conserva  auprès  de  ce  souverain  la  même  laveur  dont  il  avait  joui 
sous  son  prédécesseur,  mais  encore  il  fut  de  sa  part  l'objet  d'une 
libéralité  sans  bornes,  telle  qu'aucun  souverain  n'en  avait  jamais  dé- 
I)Ioyé  de  pareille  à  l'égard  d'un  sujet.  C'est  ainsi  qu'il  s'exprime  lui- 


504  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

parce  qu'il  fut  coupable,  mais  parce  que  sa  dépouille  a  tenté  la  cupi- 
dité d'un  despote  avide.  » 

M.  Quatremàre  a  ajouté  sous  forme  d'appendice,. &  la  première 
partie  du  mémoire  sur  Rachid,  ce  qu'il  a  pu  recueOlir  sur  la  rie  des 
enfants  de  cet  historien,  homme  d'état.  Pour  abr^r  je  ne  le  suivrai 
pas  sur  ce  temun. 

Dans  la  seconde  partie,  ai-je  dît,  le  savant  académicien  a  considéré 
Rachid  comme  littérateur  et  comme  écrivain.  Il  nous  apprend  que  cet 
homme  recommaadable  avait  cuUiyé  la  médecine,  l'agricidture,  l'ar- 
chitecture, la  métaphysique  et  la  théologie;  qu'il  savait  le  persan, 
l'arabe,  le  mongol,  le  turc,  l'hébreu  et  même  le  chinois.  II  pandt  quil 
avait  surtout  une  grande  facilité  à  écrire  ;  car  dans  l'espace  de  onie  mois, 
au  toilieu  des  obstacles  et  des  distractions  que  lui  occasionoaient  les 
devoirs  de  sa  charge,  il  écrivit  trois  grands  ouvrages,  un  traité  sur 
l'ignorance  de  Mahomet  et  une  foule  de  lettres  et  d'opuscules  variés. 
M.  Quatremère  cite,  parmi  les  ouvrages  de  Rachid ,  un  traité  d'économie 
rurale  en  vingt-quatre  chapitres  et  plusieurs  ouvrages  de  philosophie 
religieuse  où  sont  examinées  les  questions  les  plus  intéressantes  pour 
l'humanité  ;  celle  du  bien  et  du  mal;  la  vie ,  la  résurrection  des  corps 
f  éternité  bienheureuse  et  malheureuse,  l'inspiration,  la  révélation,  etc. 
etc.  Il  nous  fait  connaître  les  précautions  que  Rachid  avait  prises  pour 
empêcher  la  perte  de  ses  ouvrages  et  pour  en  multiplier  les  copies,  et 
it  remarque  que  ces  précautions  n'ont  pas  eu  un  plus  heureux  succès 
que  celles  que  l'empereur  Tacite  imagina  pour  assurer  la  conservation 
des  écrits  de  son  illustre  parent. 

Ce  fut  Gazan-kh&n  qui  chargea  Rachid  de  composer  une  histoire  des 
Mongols  en  langue  persane.  Il  lui  parut,  avec  juste  raison,  que  cet  ou- 
vrage devait  être  d'un  grand  intérêt,  non^seidement  pour  les  Mongols, 


506  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

montre  «inc^Teineait  attaché  &  la  religion ,  d'un  auti-e  côté  il  évite  avec 
soin  les  déclamatioua  inutiles,  et  déploie  partout  une  impartialité  tou- 
jours estimable,  surtout  chex  un  historien.  Admirateur  des  Hongcds,  il 
vante  leurs  prodigieux  exploits,  etraconte  sans  dissimulation,  mais  aussi 
sans  exagération,  les  cruautés  atroces  exercées  par  ce  peuple,  le  sac  des 
villes  les  plus  florissantes,  le  massacre  de  populations  nombreuses  for- 
gées de  sang-froid  ;  fl  peint  même  avec  calme  et  réserve  les  pro&nationa 
commises  par  les  Mongols  dans  les  mosquées  de  BoLhara  et  d'antres 
cités » 

M.  Quatremèce  expose  les  motifs  qui  l'ont  déterminé  h  se  borner, 
comme  l'amionce  le  titre  même  de  son  ouvrage,  à  donner  l'histoûe  des 
Mongols  de  la  Perse.  11  fait  ensuite  connaître  tes  manuscrits  qui  ont 
servi  à  son  édition.  Os  fourmillent  des  erreurs  communes  A  la  plupart 
des  manuscrits  orientaux  -,  erreurs  qui  font  le  désespoir  des  éditeun ,  et 
dont  je  connais,  aussi  bien  que  tout  autre,  les  graves  inconvénients. 

Nous  avons  h  nous  occuper  actuellement  du  traV9il  de  Raclûd.  U 
commence  par  une  préface  en  prose,  entremêlée  de  vers,  et  écrite, 
comme  tons  les  morceaux  orientaux  de  ce  genre ,  dans  un  stfle  pom- 
peux, et  avec  un  surcroît  de  métaphores  et  d'allégories  souvent  peu 
intelligibles  pour  les  lecteurs  européens.  Heureusement  le  savant  tra- 
ducteur a  reiidu  ces  figures  le  plus  clairement  possible,  et  il  en  a  sou- 
vent expliqué  le  sens  dans  des  notes  où  se  développe  la  plus  vaste  éru- 
dition.  On  sait  que  les  auteurs  musulmans  commencent  toujours  leur 
avant-propos  par  les  louanges  deDieu  et  du  prophète.  Rachid  s' est  con- 
formé Â  l'usage  établi,  si  ce  n'est  qu'il  n'a  consacré  que  quelques  lignes 
à  cet  objet,  tandis  qu'il  a  longuement  célébré  les  princes  ses  protec- 
teurs-, et  ses  louanges  dépassent  toutes  les  bornes  de  l'exagération.  En- 
core M.  Quatremère  nous  a-t-il  sagement  fait  grâce  d'une  autre  préface 
où  Bachid  a  inséré  spécialement  un  éloge  fastidieux  du  sultan  Gazan.  Je 
ne  m'occuperai  pas  de  ces  louanges  ridiculement  hyperboliques-,  mais 


AOUT  1858.  507 

Or  il  eiiste  deux  genres  de  traditions  :  Tune  continue ,  qui  est  complé- 
tement  instructive,  et  ne  peut  laisser  matière  à«aucun  doute;  c*est  amsi 
que  nous  connaissons ,  par  une  tradition  directe ,  Texistence  des  pro- 
phètes ,  des  rois ,  des  hommes  illustres  qui  ont  vécu  dans  les  siècles  pas- 
sés ,  ainsi  que  Texistence  des  villes  et  des  contrées  éloignées ,  comme  la 
Mecque,  TÉgypte  et  autres  pays  également  reculés  et  célèbres,  et  qui , 
sans  que  nous  les  ayons  vus,  nous  sont  connus  parfaitement,  et  de  ma- 
nière à  ne  laisser  dans  notre  esprit  aucune  incertitude  ;  l'origine  de  toutes 
les  religions  et  de  toutes  les  sectes  repose  aussi  sur  cette  tradition  con- 
tinue  

((Il  existe  une  seconde  tradition  non  continue,  et  que  Ton  nomme 
isolée,  qui  admet  la  vérité  et  Terreur,  qui  est  susceptible  de  variations 
et  de  contradictions.  Les  faits  historiques  et  les  événements  dont  les 
hommes  écrivent  le  récit  appartiennent,  pour  la  plupart,  à  ce  genre  de 
tradition  non  immédiate.  Or  nous  savons  de  science  certaine,  et  par 
une  expérience  indubitable,  qu'un  événement  qui  s'est  passé  hier,  s'il  est 
raconté  aujourd'hui  par  la  personne  qu'il  concerne ,  ne  se  présente  pas 
à  son  esprit  d'une  manière  exactement  conforme  à  la  réalité,  et  que, 
dans  chaque  réunion  où  cet  homme  en  fait  le  récit ,  les  mots  et  les  ex- 
pressions qu'il  emploie  offirent  des  changements;  delà  vient  que  dans  les 
choses  mêmes  qui  touchent  la  religion ,  quelque  soin  qu'on  y  apporte , 
il  se  glisse  de  nombreuses  variations;  et  cependant  on  ne  doit  pas 
rejeter  entièrement  ce  qui  est  controversé,  car  ce  scepticisme  pour- 
rait, dans  le  cœm*  de  celui  qui  le  manifesterait,  affaiblir  le  sentiment 
religieux. 

((  On  sait  parfaitement  que  les  histoires  de  tant  de  peuples  différents , 
de  tant  d'époques  éloignées ,  ne  sauraient  être  connues  avec  une  entière 
certitude;  que  les  récits  qui  nous  ont  été  et  nous  sont  encore  transmis 
sur  cette  matière  n'ont  ni  une  autorité  légale ,  ni  une  vérité  incontes- 
table ;  que  chacun  écrit  les  faits  suivant  ce  qui  lui  a  été  transmis  par  une 
tradition  immédiate ,  ou  suivant  le  récit  qu'on  lui  en  a  fait;  que  souvent 
le  narrateur,  au  gré  de  son  caprice,  ajoute  aux  faits  ou  en  retranche, 
et,  même  quand  il  ne  ment  pas  ouvertement,  il  met  quelcjuefois  dans 
ses  expressions  un  peu  de  recherche  et  d'exagération  qui  peuvent  four- 
nir matière  à  contradiction 

(«  D'après  cela ,  si  un  chroniqueur  voulait  se  faire  une  loi  de  ne  racon- 
ter que  des  faits  certains  et  à  fabri  de  toute  objection ,  alors  il  ne  pour- 
rait écrire  aucune  histoire ,  car  tout  son  récit  doit  être  appuyé,  ou  sur 
le  témoignage  d'hommes  importants  et  témoins  oculaires  des  faits ,  ou 
sur  des  traditions,  ou  puisé  dans  la  lecture  de  livres  plus  anciens;  et 

63 


508  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

tous  ces. cas ,  ainsi  que  je  viens  de  le  dire ,  peuvent  ouvrir  la  porte  k  bien 

des  incertitudes 

«  Le  devoir  d'un  historien  consiste  à  réunir  les  laits  et  les  événements  - 
qui  concernent  chaque  peuple  et  chaque  classe  d'hommes ,  suivant  ce 
qu'eux-mêmes  racontent  dans  leurs  livres;  à  puiser  ces  renseignements 
dans  les  livres  les  plus  célèhres  qui  aient  cours  chez  ces  peuples,  et  dais 
le  témoignage  des  hommes  les  plus  connus  et  les  plus  distingné»  de 
chaque  nation,  en  leur  laissant  la  responsabilité  du  récit....  en  sorte  que 
le  bien ,  le  mal ,  le  blâme  et  la  louange  lui  sont  complètement  étrangers, 
puisqu'il  n'a  fait  que  transcrire  tes  faits  et  les  récits  tels  qu'ils  luiont  été 
contés ,  sans  avoir  eu  aucun  moyen  de  vérifier  les  opinions  et  de  s'as- 
surer de  leur  exactitude.....  » 

Après  cet  avant-propos  vient  la  table  détaillée  des  matières  du  Jàaù 
lUtawârikh,  matières  dont  j'ai  dooné  plus  haut  un  aperçu,  etlapréËtce 
particulière  du  Tarikh-i  gâzâni,  dans  laquelle  l'auteur  fait  connaître  les 
sources  où  il  a  puisé,  et  la  manière  dont  U  a  exploité  les  documents  divers 
auxquels  il  a  eu  recours.  Vient  cnfm  l'histoire  complète  de  Houlagou  ^, 
qui  occupe  trois  cent  trente-huit  pages  de  ce  beau  volume.  ¥31e  est  di- 
visée en  trois  parties.  La  première  contient  la  généalogie  de  ce  prince, 
le  dénombrement  de  ses  femmes ,  de  ses  enfants,  dé  ses  petlts-enËuits  et 
de  ses  gendres.  La  seconde  contient  ce  qui  a  précédé  ï'avénement  de 
ce  prince,  les  divers  événements  qui  signalèrent  son  règne,  les  com- 
bats livrés  k  différentes  époques,  et  les  victoires  remportées  par  ce  mo* 
narque.  La  troisième  partie  enfin  roule  sur  les  qualités  de  Houlagou , 
les  maximes  et  sentences  qu'il  a  prononcées,  les  règlements  qu'il  a  pro- 
mulgués ,  les  faits  et  les  événements  qui  ont  eu  lieu  sous  son  règne,  mais 
qui  n'ont  pu  trouver  place  dans  les  deux  parties  précédentes. 

Houlagou  était  petit-fils  de  Genghii-khân.  RacMd  expose  sa  généa- 
logie, mais  il  ne  donne  pas  la  date  de  sa  naissance,  Houlagou  eut  un 


510  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

la  suite  de  quelques  faits  d*armes,  Khour-schâh  se  soumit,  il  baisa  la 
terre  devant  Houlagou ,  et  ce  prince  le  reçut  avec  bonté  et  Fencouragea 
par  des  paroles  bienveillantes.  Khour-schâh  était  accompagné  de  plu- 
sieurs personnages  distingués ,  entre  autres  duKhâja-nacir-eddin-Toucî 
dont  Rachid  cite  deux  vers  qu'il  fit  à  cette  occasion.  —  Ce  Nacir- 
eddin  n  est  autre  que  le  célèbre  astronome  de  ce  nom  à  qui  on  doit 
le  traité  de  morale,  intitulé  t^j^^  o^^"^'  Akhlâqu-i  nacirî^.  Ce  fut  pour 
lui  que  Houlagou  fonda  Tobsei^vatoire  de  Maragah ,  édifice  célèbre  qui 
a  été  l'objet  d'un  mémoire  de  feu  M.  Jourdain,  et  auquel  Rachid  con- 
sacre un  chapitre  entier  de  son  histoire. 

Mais  revenons  à  l'infortuné  Rokn-eddin  Khour-schâh,  fils  d'Ala-eddin, 
dernier  roi  de  Ismaéliens.  Après  l'avoir  comblé  d'honneurs  et  l'avoir 
marié  aune  fille  mongole ,  Houlagou  le  fit  partir  pour  la  cour  du  Gaân. 

Le  souverain  mongol  envoya  un  émissaire  qui  fil  mettre  à  mort  ce 
malheureux  prince  sur  la  route  même;  bien  plus,  ses  parents  et  toutes 
les  personnes  de  sa  suite,  jusqu'aux  femmes  et  aux  enfants,  fiirent  im- 
pitoyablement massacrés. 

Ensuite  Houlagou  marcha  contre  Bagdad ,  où  régnait  le  khaUfe  Mos- 
tacem,  prince  sans  capacité.  On  était  alors  dans  le  à!"  mois  de  l'année 
655  de  l'hégire  (laSy).  Houlagou  envoya  des  ambassadeurs  au  kha- 
life pour  lui  ordonner  de  se  soumettre  ou  de  s'attendre  aux  terribles 
effets  de  *sa  colère.  D'abord  Mostacem  ne  se  laissa  pas  intimider  : 
«  J'ai  à  ma  disposition ,  lui  fit-il  répondre ,  des  millions  de  cavaliers  et 
de  fantassins  propres  à  la  guerre,  et  qui,  lorsque  le  moment  de  la 
vengeance  sera  arrivé,  anéantiront  les  flots  de  ton  armée.»  Nouveau 
message  de  la  part  de  Houlagou  irrité,  qui  signifie  au  khalife  qu'il  va 
marcher  contre  Bagdad ,  à  la  tête  d'une  armée  aussi  nombreuse  que  les 
fourmis  et  les  sauterelles.  La  résolution  de  Houlagou  trouble  enfin  le 
khalife;  il  prend  conseil  de  son  vizir,  qui  l'engage  à  céder  aux  désirs  du 
prince  mongol,  et  à  lui  envoyer  de  riches  présents  en  lui  adressant  des 
excuses  ;  à  offrir  de  faire  la  khotba  ^  et  de  frapper  monnaie  au  nom  de 

^  On  peut  voir  ce  que  j*ai  dit  sur  cet  ouvrage,  au  commencement  de  ma  notice 
sur  YAkklaqa-i  mahcini,  dans  le  Jourqal  asiatique,  année  1837.  —  *  La  khotba, 

*^*^^  équivaut  aux  prières  du  prône.  Elle  a  lieu  le  vendredi  à  midi.  On  y  prie  poijr 
le  souverain  régnant  de  droit  ou  de  fait  (  voyez  la  traduction  des  principaux  prônes 
dans  mon  Eucologe  musulman  ).  Il  est  bon  de  faire  observer  ici  que  les  chrétiens 
orientaux  ne  nomment  jamais  dans  leurs  prières  publiques  le  sultan  de  Constanti- 
nople,  qui  est  cependant  leur  souverain.  Ils  prient  seulement  pour  les  rois  chrétiens, 
^^J\JaXi\  iÛyi} ,  ainsi  qu*on  peut  le  voir  au  canon  de  la  messe  de  la  liturgie 
grecque-arabe. 


AOUT  1858.  511 

ce  prince  ;  mais  les  émirs  ayant  eu  connaissance  de  ces  dispositions  en 
détournèrent  Mostacem,  qui  leur  céda  et  réunit  une  armée  considé- 
rable. Toutefois  il  finit  par  lui  envoyer  quelques  présents,  en  faisant 
néanmoins  menacer  Houiagou  de  la  colère  divine,  s*ii  cherchait  à  ren- 
verser le  trône  du  vicaire  de  Mahomet.  Ces  menaces  accrurent  au  plus 
haut  point  la  colère  du  prince  mongol.  Il  répondit  au  député  du  khalife 
par  trois  vers,  dont  M.  Quatremère  nous  donne  la  traduction  suivante  : 

«  Bâtis  autour  de  lui  une  ville  et  un  rempart  de  fer,  élève  une  tour 
«  et  une  courtine  d*acier,  assemble  une  armée  composée  de  démons  et 
«de  génies,  ensuite  marche  contre  moi,  tout  enflammé  du  désir  de  la 
«vengeance.  Quand  tu  serais  dans  le  ciel,  je  t'en  ferai  descendre,  et, 
«  malgré  toi,  je  t'amènerai  dans  la  gueule  du  lion,  o 

Aussitôt  après,  Houiagou  s'occupa  à  équiper  et  à  organiser  son  armée. 
Il  se  mit  ensuite  en  marche,  et  il  s'empara  d'abord  des  environs  de 
Bagdad  ;  mais  il  ne  voulut  pas  s'avancer  contre  cette  ville  sans  consulter 
son  astrologue,  afin  qu'il  lui  indiquât  le  moment  favorable  pour  se 
mettre  en  route.  Celui-ci,  bon  musulman  et  peu  courtisan  de  son  na- 
turel, répondît  en  propres  termes  que  les  rois  qui  avaient  osé  attaquer 
le  vicaire  du  prophète  avaient  perdu  le  trône  et  la  vie  ;  que  si  le  prince 
persistait  dans  sa  résolution,  ses  chevaux  mourraient  et  ses  soldats  se- 
raient attaqués  de  diverses  maladies  ;  que  la  pluie  ne  tomberait  pas  ; 
que  des  vents  violents  soufileraient  ;  que  des  tremblements  de  terre  se 
feraient  sentir;  enfin  que  le  grand  monarque  mourrait  avant  la  fin  de 
l'année.  L'astronome  Nacir-eddin  fut  d'un  avis  contraire,  et  rien  ne  put 
arrêter  désormais  Houiagou.  «Le  cœur  du  roi,  dit  Rachid,  reprit  une 
énergie  comparable  aux  couleurs  qui  parent  la  tulipe  dans  les  pre- 
miers jours  du  printemps.  » 

Après  quelques  négociations  inutiles,  Houiagou  vint  camper  à  l'o- 
rient de  Bagdad  le  1 1*  jour  de  muharrem,  i"  mois  de  l'année  656 
(i  2  58).  Bientôt  les  tours  et  les  remparts  fiirent  renversés,  et  les  soldats 
mongols  pénétrèrent  dans  la  ville.  La  garnison  fut  égorgée  sans  misé- 
ricorde. Le  khalife  abandonna  sa  capitale,  et,  suivi  de  ses  trois  fils  et 
des  principaux  personnages  de  l'état ,  il  alla  se  présenter  devant  Hou- 
iagou. Ce  prince ,  pour  mieux  cacher  sa  perfidie ,  bien  loin  de  témoi- 
gner aucune  colère,  reçut  le  khalife  avec  douceur  et  bienveillance,  et 
lui  dit  d'ordonner  aux  habitants  de  Bagdad  de  déposer  leurs  armes  et 
de  sortir  de  la  ville.  Le  khalife  obtempéra  aux  volontés  de  Houiagou; 
mais  comme  ses  pauvres  sujets  désarmés  sortaient  de  la  ville,  ils  étaient 
mis  à  mort  par  les  Mongols.  Le  mercredi,  7*  jour  de  safar  656,  la 


512  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

ville  de  Bagdad  fut  entîèreineat  livrée  au  meurtre  et  au  pillage.  HoU' 
lagou  entra  dans  le  palais  du  khalire ,  et  le  mallieureus  Mostaccm ,  cpi'il 
fit  amener  devant  lui,  fut  forcé  de  lui  découvrir  tous  ses  trésors.  Ces 
lichesses,  que  les  khalifes  avaient  amassées  durant  cinq  cents  années, 
furent  amoncelées,  dit  l'historien,  comme  des  montagnes,  autour  de 
la  lente  du  prince.  Il  serait  trop  long  de  rapporter  toutes  les  atrocités 
que  commirent  les  Mongols  ;  ils  mirent  le  sceau  à  leurs  cruautés  en 
faisant  mourir  le  khalife  et  presque  tous  les  membres  de  la  (àmille 
d'Abbas. 

Pour  ne  pas  dépasser  les  bornes  que  je  dois  m'imposer,  je  ne  dirai 
rien  des  autres  laits  militaires  de  Houla^u  et  de  ses  généraux  et  des 
actes  barbares  qui  les  accompagnèrent.  Je  ne  parlerai  pas  de  la  prise 
d'Arbèle,  ville  célèbre  par  la  bataille  que  Darius  y  pei'dit  contre 
Alexandre,  de  celle  d'Alep  et  des  autres  villes  de  Syrie;  de  l'expédition 
d'Egypte,  où  les  armes  mongoles  éprouvèrent  enfin  un  échec.  Je  ne 
dirai  rien  non  plus  des  dissensions  qui  éclatèrent  entre  Iloulagou  et  son 
frère  aîné  Bérikai,  dissensions  qui  eurent  pour  résultat  de  sanglantes 
batailles.  Les  exploits  de  Houlagou  eurent  enfin  un  terme;  et  ce  terme 
lîit  son  décès  :  «  le  gain  de  la  vie ,  a  dit  un  poète  persan  célèbre ,'  n'est 
autre  chose  que  la  mort.  »  —  En  rébi  preniiei-,  3'  mob  de  l'an  de  l'hé- 
gire 663  (i  a65] ,  Houlagou,  après  avoir  consacré  plusieurs  jours  à  la 
chasse  et  aux  festins ,  tomba  malade.  Les  médecins  lui  firent  prendre 
une  potion  qui  bientôt  lui  causa  un  évanouissement  auquel  succéda 
l'agonie  et  la  mort.  Ce  prince  était  3gé  de  liS  ans.  Au  moment  des  funé- 
railles de  Houlagou,  on  jeta  dans  sa  tombe  une  immense  quantité  d'or 
et  de  pierreries,  puis  on  y  enterra  plusieurs  belles  filles  parées  de  magni- 
fiques ornements,  afin,  disent  les  historiens,  que  le  khân  n'éprouvât 
pas  l'ennui  de  la  solitude. 

Actuellement  que  j'ai  fait  connaître  les  principaux  faits  contenus 
dans  les  pages  de  Rachid,  que  M.  Quatremère  a  rendues  dans  un  style 


AOUT  1858.  515 

sur  la  divination  et  sur  lusage  de  certaines  pierres  pour  obtenîi'  de  la 
pluie,  p.  267  et  428;  celles  sur  les  différentes  espèces  de  papier  usitées 
dans  rOrient,  p.  ^32  et  suivantes. 

Dans  celle  sur  Zoliak,  p.  62,  nous  y  apprenons  qu*il  faut  prononcer 
Zahhâk  le  nom  de  ce  tyran  fameux;  dans  celle  sur  le  poëte  Ânsaii, 
p.  64,  que  ce  nom  doit  être  prononcé  Onsori. 

A  la  p.  2 1 ,  M.  Quatremère  explique  le  mot  urdâ  ^y^L  On  sait  que 
ce  même  mot,  qui  signifie  camp,  est  employé  par  les  musulmans  de 
rinde,  pour  désigner  le  dialecte  hindoustani  du  Nord  qui  fut  effective- 
ment formé  au  milieu  des  camps  mongols  :  on  le  nomme  proprement 
^^j\  fj\jj  zabân-i  ardu  (langue  de  camp),  et  simplement  aussi  nrdâ.  — 

Nous  apprenons,  p.  6 ,  les  divers  sens  du  mot  jbL^  bayâz.  Dans  TLide , 
il  signifie  simplement  aïbum* 

Il  y  a  une  note  très-intéressante  sur  le  mot  hhân  yW ,  p.  84  et  sui- 
vantes. Aux  observations  fort  justes  de  M.  Quatremère,  je  puis  ajouter 
que  dans  l'Inde  on  donne  actuellement  ce  titre  à  tous  les  Pathans,  de 

même  quon  donne  à  tous  les  Mongols  le  titre  d'acd  b)  ou  Uï,  nom  que 
les  souverains  mongols  prenaient  aussi  autrefois.  Tous  ces  titres  ont, 
du  reste,  beaucoup  perdu  de  leur  valeur.  Eln  Turquie,  on  nomme  tout 
le  monde  sultan.  Dans  Tlnde,  le  titre  de  «fA.>lio  saihib  qui  se  prend  pour 
empereur  dans  l'expression  Tippou  sàhib  (  le  sultan  Tippou) ,  par  exemple, 
ce  titre ,  dis-je ,  équivaut  tout  à  fait  à  notre  mot  mx^nsieur.  Le  mot  schâh 
(  roi  )  lui-même  se  donne  aux  faquirs;  à  la  vérité  on  doit  alors  le  mettre 
avant  le  nom  de  l'individu  ^  :  enfin ,  il  n'est  pas  jusqu'au  titre  pompeux 
de  khalife  qui  ne  s'y  donne  aux  tailleurs  d'habits  et  aux  cuisiniers. 

La  note  sur  le  lion  est  un  véritable  mémoire  plein  d'intérêt.  Aux 
preuves  que  M.  Quatremère  a  données,  que  le  lion  est  presque  in- 
connu dans  la  presqu'île  de  llnde,  je  puis  ajouter  que  le  nom  persan 
du  lion  j^  schir  {  ou  scher  d'après  la  prononciation  indienne  ) ,  s'y 
donne  au  tigre.  Le  mot  sanscrit  f^fe  sinqh,  qui  désigne  réellement  le 

lion  y  est  quelquefois  même  employé  en  hindoustani  pour  indiquer  le 
tigre;  d'ailleurs,  on  l'emploie  surtout  comme  un  titre  honorifique  signi- 
fiant teî/i^aeax,  brave;  il  est  alors  synonyme  de  bahâdur  j^\^,  mot 
que  M.  Quatremère  nous  apprend  être  mongol  d'origine. 

A  propos  des  Cosaques  (Kazzak),  M.  Quatremère  fait  observer, 
p.  406,  avec  juste  raison,  que  ce  n'est  pas  proprement  un  nom  de 

*  Voyez  mon  Mémoire  sur  la  religion  mufolmaiie'  daoi  Tlnde,  p.  2 1 . 


514  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

peuple-,  mais  que  ce  mot,  guide  la  langue  des  Turcs  orientaux  a  paué 
dans  l'idiome  des  Persans,  depuis  les  conquêtes  de  Tamcrian ,  signifie, 
d'après  le  dictionnaire  original  intitulé  LogtU-i  Turlct,  «  un  voleur  de  grand 
chemin.  »  A  l'appui  de  cette  citation,  je  dois  dire  qu'en  faindoustani  ce 
mot,  qui  est  très-usité,  n'a  pas  d'autre  sens,  et  que  c'est  même  la  seule 
expression  qu'on  emploie  pour  désigner  ce  que  les  Persans  nomment 
rtJtrxan  (jj  *j  (coupeur  de  chemin). 

M.  Quatremère  explique,  p.  /ia6,le  mot  (jS^î^jS^par  le  salât  tfii'on 
faità  nn  souverain.  Ce  mot  a  pris  dans  l'Inde  un  sens  plus  vague;  il  si- 
gnifie simplement  salutation.  On  le  prononce  komisch  et  au  pluriel 
konfàchât. 

Je  ne  pousserai  pas  plus  loin  cet  examen.  Ce  que  j'ai  dît  me  parait 
suffisant  pour  prouver  l'intérêt  réel  de  l'ouvrage  dont  il  s'agit,  je  dis 
plus,  pour  convaincre  le  lecteur  qu'il  est  sans  contredit  une  des  publi- 
cations les  plus  importantes  parmi  celles  qui  ont  été  faites  concernant 
l'Orient. 

GARCIN  DE  TASSY. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


mSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 


516  JOURNAE;DES  SAVANTS. 

ne  scroDt  rtçot  qoÊbjùtiiaêni-i'i-^amar  i83g.  hu  ooms  des  auteurs  demot  nrtur 
incotmos. 

n.  UneanMaoaunaâe  6,ooolnaosfl8t  dcstio^à  réooiDpeiiHrlMDieHIatira* 
traductîoM  d'ooTTUgei  de  marda  qni  ■eraienl  puldUm  d'ici  aa  l'janner  1839.  le 
prix  sendéoemddanalaiéaace  pnUiqae  du  mois  de  mai  1839. 

m.  L'Acadànie  arait  proposé  en  i83i  un  prix  de  10,000  francs  pour  la  mail. 
learetngédie.onpourlameUlvure comédie, en  ranq  aclesateaven,  compnéapar 
ns  Praiiçais,  ifi^éeenlfe,  imprimfe  et  puUîée  en  France,  qui  serait  morale  et 
ap[ri«ufie.Ge«M)coaMestprorô^iasqu'aa  1'  janvier  i84o.  L'Acadésiio  ne  s'oo- 
copera  do  jilgementd'^rèsle^udwpris  sera  décerné,  qu'un  au  an  [dus  tdl  après 
la  ddtnre  du  ceocours. 

Prix  exItnarJàutbvfondipar  M.  bbanAGobârL  — A  partir  du  aa  mars  i84o. 
l'Académie  s'occupera dn  jugement  du  grmipriM  fondé  par  H.  le  baron  Gobert, 
pour  le  moixeaa  leplju  iloqaent  d'M^toiiv  de  France  (expressions  textuelles  du  testa- 
ment). Ce  prix,  conformément  a  l'intention  du  testateur,  se  composera  des  neuf 
dixièmes  du  revenu  total  qu'il  a  légué  à  l'Académie,  etqui  est  évalué  à  10,000  francs  ; 
l'aum  dixième  étant  léservé  pour  l'écrit ,  sur  l'histcire  de  France ,  qui  aura  le  plus 
amnoché  du  prix.  L'Académie  comprendra  dans  son  examen  du  prix  à  décerner, 
s  il  y  a  lieu,  dans  la  séance  puUimie  annucJla  de  18Â0,  les  écrits  historiques 
qui  auront  paru  depuis  le  8  aoàt  i83A,  époque  de  l'acc^tation  régidiàre  du  legs. 
Les  ouvrages  couronnés  conserveront  le  prix  annud ,  d'après  la  velouté  expresse  du 
teslaleor,  jasqn'i  dédaration  de  meilleurs  ouvrages. 

ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES. 

La  séance  publique  de  l'Académie  des  inscriptions  et  bdles-lettres  a  eu  lieu  le 
loaoât,  BOUS  la  présidence  de  H.  Jomard.  Apiès  un  rappwt  de  H.  le  comte  Alex. 
deLabwde  sor  les  mémoires  envoyés  au  concours  relatif  aux  antiquités  nationales. 
M.  Daunou,  secrétaire  perpétud  ,  a  lu  une  notice  surla  vie  et  les  ouvrages  de  M.  le 
baron  Siiveitre  de  âacy,  M.  Emeric  David,  un  mémoire  sur  la  dénruninatbn  et  les 
caractères  de  l'architecture  gothique,  et  M.  le  vicomte  Le  IVérost  d'Irsv,  un  mémoire 
concernant  l'influence  de  la  Grèce  en  généni.etde  Conothe  en  particulier,  sur  les 
arts  de  l'Etrurie  et  de  Rome  même,  dans  le  cours  du  vu*  siède  avant  l'ère  vulgaire. 
L'heure  trop  avancée  n'a  pas  permis  d'entendre  les  mémoires  de  Kl.  Pardessus  sur 
les  caravanesde  commerce  dont  parient  lespro[diilea  hébreux,  etdeH.  Naudelsor 


518  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

demie  des  tnicriptioiis  et  belles-lettrea,  comme  à  l'Académie  frui^se,  un  capital  doof 
l'inlérit  eat  èralué  approximativemeiit  à  10,000  francs,  a  demandé  que  les  neuf 
dixièmes  decetioUi^t  fussent  proposés  eu  prix  annud  •  pour  le  travaille  |dus  savant 
•  ou  le  plus  profond  surrhistcure  de  France  e(  les  études  qui  s'y  raUacbent;»  «t 
l'aulre  dixième  pour  celui  dont  le  mérite  en  approchera  le  plus.dédarant  vouloir  en 
outre  aque  les  ouvrages  gagnants  continuent  a  rece^-oir  chaque  année  leurs  pris, 
•jusqu'à  ce  qu'un  meSleur  ouvrage  les  leur  enlève,  et  qu'il  ne  puisse  être  présenté  (à 
■  ce  concours)  que  des  ouvrages  nouveaux.!  L'Académie  décernera,  dans  sa  séance 
puMiqne  d«  i83q,  le  prix  fondé  par  le  baron  Gobert,  à  l'ouvrage  sur  Hùstoirede 
France  elles  études  qui  s'y  rattachent  qu'elle  jugera  ■  le  plus  savant  ou  le  plus  pro- 
«  fond  ■  parmi  ceux  qui  auront  été  puUiés ,  en  français  ou  en  latin ,  depuis  le  1"  jan- 
vier i838  jusqu'au  1"  avril  iSSg,  et  déposés  au  secrétariat  de  l'Institut  avant  ce 
dernier  terme. 

L'Académie  des  inscriptions  el  bdies-lettres  a  élu  H.  Garcin  de  Tassj  en  rem- 
placement de  M.  le  prince  de  Talleyrand. 

ACADÉMIE  DES  SCIENCES. 

L'Académie  des  sciences  a  tenu  sa  séance  puUique  annuelle  le  lundi  i3  août. 
I^  président,  H.  Becquerd,  a  lu  un  discours  intitulé,:  Rechercha  lar  le  dég^ement 
lie  ut  chmUar;  et  M.  Flourens ,  secrétaire  perpétuel,  l'Eloge  historique  de  H.  uiurent 
de  Jussieu.Les  résultais  des  concours  elles  sujets  proposés  ont  été  proclamés  comme 
il  suit  : 

Sciences  matbéiutiques.  —  L'Académie  annonce  que  le  grand  prix  des  sciences 
mathémathiques  sw  la  rétistanct  du  li^aidst,  proposé  au  concours  pour  i838,  et 
le  prix  extraordinaire  lar  rapplicatioit  Je  la  vapeur  à  h  navigation,  seront  décernés, 
s'il  y  a  lieu ,  dans  la  prochaine  séance  publique. 

La  médaille  fondée  par  Lalaode  a  étié  décernée  en  1S37  à  H.  Guiuand  hls,  pour 
les  succès  qu'il  a  obtenus  dans  la  fabrication  du  flint-glass  exqmpt  de  stries  et  de 
bulles,  et  cela  à  l'aide  de  procédés  dont  plusieurs  menuires  de  l'Académie  ont  été 
témoins. 

D'aprèa  un  rapport  de  M.  Coriolif  sur  le  concours  pour  le  mù  de  mécanique  de 
ta  fondatiou  Mon^on ,  l'Académie  p  décidé  qu'il  n'y  avait  pomt  lien  i  décerner  le 
prix  cette  année. 

Le  prix  de  statistique,  fondé  par  Uontyon,  a  été  partagé  entre  M.  Vicat,  pour  ses 
Recherches  statistiques  sur  les  substances  calcaires  proinvs  k  fournir  des  chaux 
hydrauliques  et  des  ciments  dans  les  bassins  du  Rhdne  et  de  la  Garonne,  et 


AOUT  1858.  519 

t  taUes  numériques  existantes ,  on  puisse  calculer,  d*après  ces  séries,  le  lieu  d*une 
«  jdanète  à  toute  époque  donnée.  •  Pour  les  déYcloppements  de  cette  question ,  voyez 
notre  numéro  de  septembre  1837.  Les  mémoires  devront  être  arrivés  au  secrétariat 
de  TÂcadémie  avant  le  1*'  mai  i83g.  Les  noms  des  auteurs  seront  contenus,  comme 
à  Tordinaire ,  dans  des  billets  cachetés. 

La  médaille  de  635  francs,  fondée  par  Lalande,  sera  décernée  en  i83g ,  comme 
les  années  précédentes,  à  la  personne  «qui,  en  France  ou  ailleurs,  aura  fait  Tob- 
«^servation  la  plus  intéressante,  le  mémoire  ou  le  travail  le  plus  utile  aux  progrès  de 
•  Fastronomie.  • 

En  vertu  de  Tune  des  fondations  de  Montyon,  TÂcadémie  adjugera  en  1839  une 
médaille  d*or  de  la  valeur  de  5oo  fir.  en  faveur  de  celui  «  qui  s*en  sera  rendu  le  plus 
f  digne  en  inventant  ou  en  perfectionnant  des  instruments  utiles  aux  progrès  de 
«  Tagriculture ,  des  arts  mécaniques  et  des  sciences.  • 

Un  prix  de  53o  francs,  fondé  par  M.  de  Montyon,  sera  de  même  adjugé  en  1839 
«  au  meilleur  ouvrage  concernant  la  statbtique  de  la  France.  • 

Sciences  physiques.  —  L* Académie  avait  proposé  pour  sujet  du  grand  prix  des 
sciences  physiques,  à  décerner  en  iSSy,  la  question  suivante  :  «Déterminer,  par 
«  des  recherches  anatomiques  et  physiques ,  quel  est  le  mécanisme  de  la  production 
«  du  son  chez  Thomme  et  chez  les  animaux  vertébrés  et  invertébrés  qui  jouissent  de 
«cette  faculté.  •  Cette  question  n  ayant  point  été  résolue,  l'Académie  la  remet  au 
concours  pour  Tannée  1839,  en  la  restreignant  dans  les  termes  suivants:  «Déter- 
«  miner,  par  des  recherches  anatomiques,  par  des  expériences  d'acoustique  et  par 
«  des  expériences  physiologiques ,  quel  est  le  mécanisme  de  la  production  de  la  voix 
«  chez  Vhomme  et  chez  les  animaux  mammifères.  •  Le  prix  consistera  en  une  médaille 
d'or  de  la  valeur  de  3, 000  francs.  Les  mémoires  devront  être  remis  au  secrétariat  de 
l'Académie  avant  le  1*'  avril  1839. 

Le  prix  de  physiologie  expérimentale ,  consistant  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  895  francs,  a  été  adjugé  à  M.  Bernard  Heyne  jeune ,  de  Wurtzbourg,  pour  son 
ouvrage  intitulé  :  Recherches  expérimentales  sur  la  régénération  da  système  osseux. 

Le  prix  Montyon  de  médecine  et  de  chirurgie  n  a  point  été  décerné  cette  année. 
Des  médailles  d'or  de  5oo  francs  ont  été  accordées  à  titre  d'encouragement  à 
MM.  Tuefferd,  Brisset,  Fiard,  Perdrau  et  Bousquet. 

Le  prix  Montyon  relatif  aux  arts  insalubres  a  été  également  réservé. 

L'Académie  rappelle  qu'en  vertu  de  la  fondation  laite  par  M.  Manni,  professeur  k 
l'université  de  Rome,  eBe  a  proposé  pour  sujet  d'un  prix  de  i5oo  francs  qui  sera 
décerné,  s'il  y  a  lieu,  dans  sa  séance  publique  de  1839,  la  question  suivante  : 
«  Quels  sont  les  caractères  distinctifs  des  morts  apparentes  ?  Quds  sont  les  moyens 
«  de  prévenir  les  enterrements  prématurés  P  • 

L  Académie  propose  pour  sujet  du  grand  prix  des  sciences  physiques  qu'elle 
'  distribuera,  s'il  y  a  lieu ,  dans  sa  séance  publioue  de  1839  ,  la  question  suivante  : 
«  Déterminer  par  des  expériences  précises  queue  est  la  succession  des  changements 
«  ohimiaues ,  physiques  et  organiques ,  qui  ont  lieu  dans  l'œuf  pendant  le  développe- 
«  ment  au  fœtus  chez  les  oiseaux  et  les  batraciens.  Les  concurrents  devront  tenir 
«  compte  des  rapports  de  l'œuf  avec  le  milieu  ambiant  naturel;  ils  examineront  par 
«  des  expériences  directes  l'influence  des  variations  artificidles  delà  température  et 
«  de  la  composition  chimique  de  ce  milieu.  > 

Le  pri;^  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  3,ooo  francs.  Les  mé- 
moires devront  être  remis  au  secrétariat  de  TAcadémie  avant  le  i*'  avril  1839.  Ce 
terme  est  de  rigueur. 


520  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

L'Académie  propose  pour  sujet  d'tin  prix  de  1 0,000  francs  qui  tén  décerné ,  s*3 
y  a  lien ,  dans  sa  séance  puBliôae  de  i849 ,  la  question  suiTante:  •  lia  vertu  préaer- 

•  vative  de  la  vaccine  est-elle  absolue,  ou  bien  ne  serait-dJe  qne  temporaire?  Dana 
t  ce  dernier  cas ,  déterminer  par  des  eiqpériencet  précises  et  des  faits  antheodqiieB 
■  le  temps  pendant  lequel  la  vaccine  préserve  de  la  variole,  he  cowpox  e-^S  une 

•  vertu  préservatlve  plus  certaine  ou  ^us  peisistante  que  le  vaccin  d^ A  employé  éi 

•  un  nombre  plus  ou  moins  considéraÛe  de  vaccinatîoas  soccessives  ?  En  siiRNiâBnt 
«que  la  qualité  préservative  du  vaccin  s'afiaiUisie  avec  le  temps,  budndnl  leR- 
<  nouveler,  et  par  quds  moyens  i  L'intensité  plus  on  moins  grande  des  phéDomènes 

•  locaux  dn  vaccin  a-t-dle  qndque  rdation  avec  la  qnalité  préservative  de  la  variole? 
«E^t-ii  nécessaire  de  vacciner  plusieurs  fois  une  même  personne,  et,  dans  le  cas 

•  de  l'affirmative ,  après  combien  d'années  faut-îl  procéder  k  de  nonv^es  vaccina- 

•  lions?!  Les  mémoires'  devront  être  remis  au  secrétariat  de  l'Académie  avant  le 
I"  avril  18A3 ,  terme  de  rigueur. 

LIVRES  NOUVEAUX. 

FRANCE. 

/  Manoieritti  italiani  délie  re^ie  bibliotache  di  Patigi,  etc.  Manuscrits  italiens  des 
bibliothèques  royales  de  Paris ,  décrits  par  le  docteur  Marsand ,  professeur  émérite 
de  Itlniveisité  de  Padoue.  Paris,  Impnmerie  royale;  tome  II,  v  et  5 1 4  pages  in-^*. 
Le  premier  volume ,  publié  en  i835,  également  aux  frais  de  l'Etat,  contenait  les 
notices  de  703  manuscrits  de  la  Dibliotbéque  du  roi.  Ceux  dont  le  nonveaa  voinme 
donne  la  description  sont  au  nombre  de  363,  savoir  :  ig3  appartenant  à  la  Biblio- 
thèque du  roi,  99  à  celle  de  l'Arsenal,  44  à  celle  de  Sainte-Geneviève,  et  37  à  la 
bibliothèque  Mazarine.  On  pourrait  s'étonner  qu'une  bibliothèque  qui  a  eu  Maiarin 
pour' fondateur  renfermât  nn  si  petit  nombre  de  manuscrits  italiens,  si  l'on  ae  se 
rappelait  qu'en  1668.  Louis  XlV  a  ordonné  d'échanger  contre  des  livres  imprimés 
de  la  Bibliothèque  du  rot  plus  de  3,000  manuscrits  de  la  bibliothèqne  Maiarine, 
parmi  lesquels  il  s'en  trouvait  nu  grand  nombre  dans  la  langue  italienne.  Nous 
avons  lieu  de  croire  mainlenanl  exact  et  complet  Tinventaire  rait  dans  nos  quatre 
grandes  bibliotlièques ,  par  le  savant  et  consciencieux  professeur.  Cest  un  service 
rendu  à  la  fois  à  notre  pays  et  au  sien.  Une  table  des  matières  Ibrt  bien  conçue 
ajoute  H'utilltéde  cette  puolication. 


AOUT  1853-  521 

'  MétMif^M  comtpendances  0t  manmmtr  d^  giiUnd  t^ayetU,  publiés  pM>  sa  fo- 
niiBe.  Six  volumes  io^S*»  Pam,  Fournier,  i838.  Les  IrcMs  dernien  volumes  viepoeut 
de  paraître. 

De  f Épopée  a»ant  Virgik  et  de  VÉniide;  leçon  d'ouvertore  à  la  Faculté  des  hitreik , 
par  M.  Patin  (  a*  semestre  i838  ).  In-4* ,  i a  pages.  Imprimerie  de  Paul  Dupont 

Le  miracle  de  Théophile,  mis  ea  vers  au  commeDCçment  du  xni*  siècle,  par  Gau- 
tier de  Coinsv;  publié,  pour  la  première  fois,  diaprés  un  vieux  mamisor^  de  la 
biUiothèqUe  de  Rennes,  par  P.  Maillet,  Rennes,  imprimerie  de  Vatar,  librairie  de 
ilolliex;  m-8 . 

Nueva  relacion  que  contiene  bê  viaget  de  Tomas  Qage  en  la  Nueva  Espana.  Paris, 
imprimerie  d*Everat,  librairie  de  Rosa;  i838.  Deux  volumes  in-ia,  ensemble  de 
690  pages.  Pr.  7  fr. 

Histoire  de  Lille,  capitale  de  la  Flandre  française,  depuis  son  origine  jusqu*en 
i83o;  par  M.  Lucien  de  Rosny.  Imprimerie.  dqPrignet,  à  Valenciennes.  A  Paris, 
diei  Téchener,  i838.  In-S*"  de  384  pages.  Pr.  5  fr. 

Études  archéologiqaes ,  historiques  et  9tatistiqaes  sur  Arles,  contenant  la  description 
des  monuments  antiques  et  modernes,  ainsi  que  des  nçtes  sur  le  territoire,  par 
M.  Jean- Julien  Estrangin.  Impr.  d*(Hive,  àMarse31e;libr.  d*Aubin,  à  Aix,  ^838. 
In-8'  de  Ai 6  pages. 

'  Mémoires  aagncuUure,  d'économie  rurale  et  domestique,  poUiës  par  la  Société 
royale  et  centrale  d*agriculture.  Année  1837.  Paris,  imprimerie  et  librairie  de 
M**  Huzard.  In-8*  de  b^à  pages. 

Traité  des  droits  Jt auteur,  dans  la  littérature,  les  sciences  et  les  heaux-arts,  par  Au- 

gistîn-Charles  Renouard,  conseiHer  à  la  Cour  de  cassation.  Paris,  imprimerie  de  Paul 
enouard,  librairie  de  Jules  Renoucp^;  tome  I*,  48o  pages  in-8*.  L  ouvrage  doit 
former  deux  volumes,  t  Le  premier  comprend  Thistotre  du  droit  des  auteurs ,  expose 
l'état  des  législations  françaises  et  étrangères  et  la  théorie  philosophique  de  ce  droit. 
Le  second  est  consacré  à  Fexamen  des  questions  pratiques  de  Jurisprudence,  t  Le 
nom  de  l'auteur,  qui  a  d^à  publié  un  Traité  des  brievets  d^invention ,  de  perfection- 
nement et  d'importation ,  Tautorité  que  sa  position  ajoute  à  celle  que  Im  donne  la 
spécialité  de  ses  études,  et  les  circonstances  au  milieu  desquelles  pûrait  oet  ouvrage, 
tout  concourt  à  lui  donoer  mi  haut  degré  dlntérét 

ANGLETERRE. 

Correspondence  of  William  Pitt,  eatl  qf  Çïa^n^;  Correspondance  de  William  Pitt , 
comte  de  Chatbam,  publiée  par  les  exécuteurs  testamentaires  de  son  fils  John, 
comte  de  Cbatham,  d'après  les  manusciits  originaux.  ]U>ndres,  Murray,  i838- 
Tome  I";  în-8*  de  A80  pages. 

An  expmtm  of  Disoofmy  inlo  ikp  intmjptt  ^  Afriput  «Ip-  V^^^age  d*eKpktteiioM 
tiùs  l'intérieur  oe  l'Afrique. en  .l837  , . par  b.  capitaine  J.  £.  Alexandre*  Londies , 
Qdbum,  1838.  Deos toi.  ii^\ 

PAYS-BAS. 


•    •    •       • 


BMioihéoaReaeeiuîana.  Descriptif  atquéèâidliC.têeuutns,Ktt:  doct,  musei  anfiq. 
neerkaid,  coneervatcr  primarius;  prtffyifnf  editpne  fpiêtola  de  vita  Reuvemii.  Lugduni 


522         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

B«lawnm,aimdS.9tJ.Lathtmaia,aead.typo^.etC.C.VmdefIlMk;  iS38.  la-A* 
de  Lsxv  et  &o8  pages.  La  vente  des  lÎTres  de  cette  bibUolhèqm,  riche  9oi1oat«n 
oavrageB  archéou^ues,  aura  liea  à  Lej^de,  le  8  octobre  i838.  Gaspard  JacqoH 
Christian  Reurens,  né  à  la  Haye  en  1793,  professeur  d'archéologie  a  lllamnité 
de  Le^de ,  est  mort  Ji  Rollerdam  en  i835.  Il  a  publié,  entre  autres  écrits  estiméi: 
CoUtctaïua  Ulteraria,  riv«  conjectara  in  Attiam,  Diomedem,  Lacilium,  lydmn,  tte. 
Lugd.Bat  i8i5;in-8^.  —  DiipBfatw  ée  nniBlacrû  fntianJam  tympanonm  PotAê- 
noiut,  tic.  (dassicd  jomnd.n'LV,  s^tenuber  1833.)  —  L&ttm  à  M.  LÊOmmptr 
}upaoyrathUbtgfUt»t gréa,  et larifMhfMi  autre*  numameRti  gria>-égyptitiu da  Mmtèê 
d'imbtfaititdeiUnivtmtéàeLeyde.  Lejde,  l83o;  va-k'- 

ITALIE. 

Le  Fahbriche  e  i  monamenti  conkui  £  Veneaa.  Édifices  et  monuments  remar- 
quables de  Venise,  illustrés  par  Leopoldo  Cicognara,  Antonio Diedo  et  ^annan- 
tonio  Sdva.  Seconde  édition ,  avec  des  additions  et  des  notes.  Venise ,  Guiseppe 
Antonelli,  i838;  grand  in-folio;  tome  I  [  i"  et  a*  livraisons].  —  La  première  édi- 
tion de  cet  important  ouvrage  avait  paru  a  Venise  chei  AlvisopoH,  de  i8i5  à  i8ao, 
en  a  volumes  in-folio.  Gct^ara,  que  les  arts  viennent  de  perdre,  avait  puUié, 
entre  autres  ouvrages  estimés,  une  histoire  de  la  sculpture  en  8  vol.  io-8*  avec 
adas,  une  histoire  de  la  cidct^aphie  et  des  nielles,  et  un  catalc^e  des  livres 
d'art. 

PUica  âei  eorpi  ponJerabili,  oaia  tratlato  delta  coiutitazioTie  générale  de'  cOffi.  Phy- 
sique des  corps  pondérables,  ou  traité  de  la  constitution  générale  des  corps,  par 
M.  Amédée  Avogrado,  profêsseor  de  physique  k  l'université  de  Turin.  Turin,  Impri- 
merie royale,  18371  tomel';iD-8*  de  utxii  et  gio  pages,  avec  a  planches. 

Dirilto  nalurale  privato  e  pabbSco.  Droit  naturel  privé  et  pubuc,  par  le  docteur 
Helro  Baroli,  professeur  de  philosophie  k  l'onivenité  de  Pavie.  Crémone,  Guiseppe 
Feraboli,  1837:  6  vol.  in-8*  de  xyi  et  3A4,  356,  x  et  3ai,  4a6,  vin  et  373, 
374  page». 

Les  tomes  I  et  II  contiennent  le  droit  naturel  privé,  les  tomes  Illet  IV  le  droit 
naturel  public  interne ,  et  les  tomes  V  et  VI  le  droit  nalurd  puUic  extom. 


524  JODHNAL  DES  SAVANTS. 

l'écoulement  des  eaux ,  présentait  déjà  du  temps  des  Romains  de  grandes 
difficultés.  Après  une  longue  suite  de  tentatives,  qui  n'eurent  pas  tou- 
jours un  résultat  satisfaifaiit,  I||.  Foaeon^JfDDl  fut  chargé  de  la  directioo 
de  ces  travaux,  et  il  acheva  le  desséchétneot  de  cette  province  qui  est 
maintenant  une  des  plus  fertiles  de  l'Italie.  On  aime  à  voir,  k  quarante 
ans  de  distance,  le  même  M.  Fossombroni,  devenu  premier  ministre 
du  gri)j(id-iji)p  de  T^scane^  portçjr  sef'vueç^les  Moremmes,  efuser 
de  son  indtjënce  -pour  filire  ap^iqu^r  à  octtç  conU^e  les  ^iéifles  prin- 
cipes qui  Juî  avaient  servi  ailleurs  si  utilement.  Bien  que  (comme  nous 
le  verrous  plus  loin] ,  sous  le  rapport  fiDancier  et  sous  celui  de  la  salu- 
brité ,  )a  bonification  des  Mar^niney  ne  scfnble  pas  devoir  ofirir  les 
avantages  qu'on  s'était  promis,  on  doit  cependant  reconnaître  que 
M.  Fossombroni  a  poursuivi  la  réalisation  de  ses  desseins  avec  une 
persévérance  et  une  vigueur  d'esprit  peu  communes ,  et  qu'il  a  montré 
des  connaissances  théoriques  et  pratiques  très-étendues  dans  le  mé- 
moire qui  fait  partie  de  l'ouvrage  dont  nous  devons  rendre  compte. 

AJalI^oureusetïient  il  n'en  est  pas  toqt  à  f^t  ainsi  de  ta  relation  rédi- 
gée par  M.  Tarlini,  qui  a  parlé  de  ces  grands  travaux  plutôt  en  ama- 
teur qu'en  homme  du  métier;  et  l'on  doit  vivement  regretter  que  le 
gouvernement  toscan  n'ait  pas  suivi  les  sages  conseils  de  M.  de  Prony, 
qui,  dans  un  excellent  rapport  lu  à^TAcadémie  des  sciences,  le  37  no- 
vembre 1 837,  s'exprimait  en  ces  termes  : 

u  II  serait  à  désirer,  lorsque  l'assainissement  des  Maremmes  sera  com- 
plètement terminé,  qu'on  publiât  sur  cette  grande  et  bdle  entreprise 
un  ouvrage  détaillé  dont  la  rédaction  ne  pourntit  être  mieux  confiée  qu'à 
ceux  qiM  ont  conçu  les  projets  et  dirigé  l'exécution  de  la  boni&cution.  » 

Certes ,  si  l'on  avait  écouté  les  avis  de  M.  de  Prony,  on  aurait  eu  une 
relation  historique  qui  eût  fait  connaître  toutes  les  parties  délicates,  et 
pour  ainsi  dire  intimes  de  cette  difficile  opération;  mais  le  rédacteur  de 
cet  ouvrage  s'est  trop  souvent  borné  à  des  généralités  peu  utiles,  et. 


526  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Sous  le  rapport  hiatorique,  la  question  n'est  pas  moins  compliquée; 
car  c'est  surtout  dans  les  provinces  qui  paraissent  avoir  été  autrefois 
les  plus  peuplées,  les  plus  florissantes,  que  règne  à  présent  le  mauvais 
air.  En  Toscane ,  c'est  dans  les  Marenunes,  où  l'on  voit  encore  les  restes 
de  plusieurs  des  principides  vSles  étrusques  :  dans  les  États  du  pape , 
c'est  dans  i'A^ro  Roman»,  c'est  autour  du  Capitole  que  l'air  se  trouve, 
à  certaines  époques,  si  chaîné  de  miasmes  pestilentiels.  Or,  bien  que 
quelques  passages'  d'anciens  auteurs  semblent  prouver  que  surtout 
dans  certaines  parties  du  littoral,  qu'à  Rome  même  l'air  était  mal- 
sain, il  est  impossible  cependant  de  croire  que,  si  ces  qualités  n'a- 
vaient pas  empiré ,  la  population  eût  pu  être  si  nombreuse  autrefois, 
là  où  elle  ne  saurait  demeurer  à  présent  sans  s'exposer  aux  plus  graves 
dangers.  Maïs  l'histoire  ne  nous  apprend  ni  comment  ni  à  quelle  époque 
s'est  opéré  ce  changement,  et  c'est  en  cela  surtout  que  réside  la  plus 
grande  difficulté.  On  sait,  il  est  vrai,  que,  par  les  invasions  des  barbares, 
plusieurs  des  villes  principales  de  la  péninsule  furent  dévastées;  que 
les  routes,  les  canaux,  que  tous  les  grands  travaux  publics,  en  un  mot, 
forent  négligés,  et  l'on  voit  dans  les  lettres  de  Cassiodore  que  Théodoric 
faisait  de  vains  efforts  pour  arrêter  le  mal.  Plus  tard ,  les  eaux  se  ré- 
pandirent dans  les  plaines,  les  campagnes,  se  couvrirent  de  forêts,  et  la 
plus  grande  partie  de  l'Italie  devint  inculte.  Mais  on  comprend  diffi- 
cilement pourquoi ,  lorsqu'au  sortir  de  la  barbarie  on  recommença 
à  défricher  les  terres  et  à  régler  de  nouveau  le  cours  des  rivières, 
certaines  provinces  seulement  purent  reprendre  leur  ancienne  pros- 
périté. Parmi  les  contrées  malheureuses  qui  furent  vouées  à  la 
stérilité,  il  faut  compter  surtout  les  Marenunes  de  la  Toscane, 
dont  l'état  économique  et  physique  n'a  fait  qu'empirer  depuis  le 
moyen  âge.  Cette  riche  province,  qui  s'étend  sur  le  littoral  depuis 
les  environs  de  Lîvourne  jusqu'aux  frontières  des  États-Romains ,  a  été 
partagée  successivement  entre  une  multitude  de  maîtres;  elle  n'a  été 
définitivement  cédée  tout  entière  à  la  Toscane  qu'à  une  époque  assea 


528  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

les  personnes  appelées  à  les  dir^er.  AÎAsî,  on  ne  sautait  indilTéreni- 
ment  combler  d'abord  une  portion  quelconque  de  teirain;  et  il  est  & 
craindre  souvent  qu'en  comblant  des  marais  inférieurs,  l'eau  ne  remonft 
et  n'inonde  des  campagnes  plus  élevées.  D'ailleurs,  on  ne  peut  employer 
que  des  eaox  assez  chargées  de  limon  pour  que  les  atterrissements 
s'effectuent  dans  un  temps  assez  court  :  autrement  l'opération  deviest 
trop  dispendieuse ,  et  l'on  court  risque  de  combler  les  canaux  avant  que 
la  colmata  soit  achevée  ^.  Ces  prises  d'eaux,  ces  détournements  de  ri* 
vières ,  peuvent  rarement  s'effectuer  sans  compromettre  le  système  d'é- 
coulement qui  existait  déjà;  mais  avec  du  soin  et  de  la  persévéraDce 
on  surmonte  ces  difficultés  et  on  évite  ces  inconvénients.  D'ailleors, 
ces  travaux  s'exécutent  bien  plus  facilement  dans  un  pays  comme  la 
Toscane,  où  depuis  plusieurs  siècles  on  ne  cesse  de  s'y  livrer  et  où 
ils  paraissent  avoir  pris  naissance.  En  effet,  im  passage  de  Pline,  plu- 
sieurs fois  cité,  semblerait  indiquer  que  les  Etrusques  ont  connu  au- 
trefois ce  procédé  ^.  Il  est  vrai  que.  chez  les  Romains  on  ne  trouve 
aucune  trace  de  ces  espèces  d'alluvions  artificielles  ;  mais ,  comme 
elles  sont  déjà  mentionnées  en  Toscane  dans  des  statuts  du  xn*  siède^ 
et  que  d'ailleurs  on  ne  les  voit  adoptées  à  cette  époque  par  aucun 
autre  peuple,  on  est  conduit  à  penser  que  l'invention  en  est  due  aux 
Toscans,  et  qu'au  lieu  d'être  une  découverte  des  siècles  barbares, 
les  premières  colmates  ont  été  exécutées  par  les  Étrusques,  si  célèbres 
par  leurs  connaissances  hydrauliques.  Frère  Ptolemée  de  Lucques* 
parie  dans  sa  chronique  ,  à  l'année  1 1 8  » ,  des  Urrm  cobiuUa  d>  aqma 
PiscUe,  et  l'on  peut  remarquer  à  ce  sujet  que  ce  mot  colmata,  qui 
est  tantôt  adjectif,  tantôt  substantif,  et  qui  désigne  une  des  plus  im- 
portantes applications  de  la  science  des  eaux,  ne  se  trouve  pas  dans  les 
meilleurs  glossaires  de  la  basse  latinité.  Depuis  la  renaissance,  les  col- 
mates sont  fréquemment  citées  par  les  historieùs  de  la  Toscane.  Laurent 


550  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

résultat  scientifique ,  et  qu'ils  seronl  toujours  étudiés  avec  fhùt  par  les 
ingénieurs.  Mais  après  la  question  hydraulique  reste  la  question  éco- 
nomique et  celle  de  l'assainissement;  car  le  gouvernement  toscan  n'a 
pas  eu  seidement  poiu-  but  dans  les  Maremmes  de  combler  des  marais 
'  pour  montrer  les  eOets  des  atterrissements ,  comme  on  ferait  des  expé- 
riences en  grand,  mais  il  a  dû  se  proposer  aussi  d'assainir. cette  pro- 
vince, et  de  Ëiire  un  utile  emploi  des  sommes  très-considérables  qu'A 
y  a  versées.  Le  mémoire  de  M.  Fossombroni  prpuve  que,  sans 
croire  à  un  assainissement  complet ,  on  a  espéré  atténuer  beaucoup 
l'infection,  et  que  l'on  a  cru  faire  une  magnifique  opération  finan- 
cière ,  en  rendant  à  la  culture  des  terres  depuis  longtemps  devenues 
stériles;  mais  les  chiffres  que  l'on  trouve  dans  les  tableaux  statisti- 
ques et  dans  la  relation  rédigée  par  M.  Tartini  démontrent  que , 
jusqu'à  présent ,  il  n'y  a  pas  eu  d'amélioration  dans  l'air  des  Marem- 
mes; et  Ûs  prouvent,  de  plus,  d'une  manière  péremptoirc  que,  consi- 
dérée sous  )e  rapport  financier,  la  bonification  de  cette  province  a  été 
une  opération  désastreuse  pour  la  Toscane.  Les  développements  dans 
lesquels  nous  allons  entrer  montreront  .clairement  la  vérité  de  ces  deux 
assertions. 

Nous  avons  déjà  vu  qu'outre  les  émanations  des  marais ,  il  existe  dans 
les  Maremmes  un  autre  principe  d'insalubrité  dont  on  ne  connaît  ni 
l'origine  ni  la  nature,  et  qui  cependant  se  manifeste  par  les  effets  les 
plus  pernicieux.  Dans  le  rapport  déjà  cité,  M.  de  Prony  dit  que  cela 
dépend  d'une  action  chimique  exercée  par  l'atmosphère  sur  les  pre- 
mières coucbçs  du  sot  :  M.  Fossombroni,  qui  a  consacré  un  long  cha- 
pitre de  son  mémoii'e  à  la  recherche  des  causes  de  l'infection  des 
Maremmes,  après  avoir  parlé  des  émanations  des  marais  et  du  mélange 
de  l'eau  douce  avec  l'eau  de  la  mer,  signale  comme  cause  de  l'insalu- 
brité des  lieux  non  marécageux  une  couche  qui  se  serait  formée  au  fond 
de  l'eau  par  la  décomposition  des  débris  oi^aniques,  lorsque  ces  endroits 


SEPTEMBRE  1858.  551 

pays  malsains  qui  depuis  les  temps  historiques  n'ont  jamais  été  sub^ 
mex^és.  D'ailleurs ,  cette  théorie  repose  nécessairement  sur  la  suppo- 
sition que  l'exhaussement  du  littoral  des  Maremmes  n'est  dû  qu'aux 
atterriss^ements  et  aux  alluvions  ;  et  cependant  plusieiu^  circonstances 
pourraient  faire  croire  que  le  sol  de  quelques  parties  de  l'Italie  a  été 
partiellement  soulevé  depuis  les  temps  historiques  par  des  forces 
souterraines,  et  que  cela  a  donné  lieu  à  des  phénomènes  analogues  à 
ceux  qu'on  a  observés  dans  le  royaume  de  Naples  au  temple  de  Sérapis. 
Si  pareille  chose  avait  eu  lieu  pour  les  Maremmes,  il  en  résulterait  de 
graves  objections  contre  l'opportunité  des  travaux  entrepris  dans  cette 
contrée;  car  on  ne  parviendrait  en  tout  cas  qu'à  combler  des  bas-fonds 
qui,  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long,  se  retrouveraient  dans  les 
circonstances  primitives ,  si  la  lisière  du  littoral  était  de  nouveau  soule- 
vée. Mais ,  sans  poursuivre  ces  idées  théoriques  auxquelles  nous  avons 
été  conduit  par  l'examen  de  l'hypothèse  de  M.  Fossombroni,  nous  fe- 
rons remarquer  que ,  d'après  les  tableaux  statistiques  officiels  insérés 
dans  l'atlas  de  cet  ouvrage ,  depuis  le  commencement  de  la  bonification, 
les  maladies  ont  augmenté  en  été  dans  le  rapport  de  cinq  à  deux , 
tandis  que  dans  la  même  saison  la  population  a  augmenté  à  peine  d'un 
tiers  ^  Nous  ne  voulons  pas  déduire  de  là. que  les  travaux  déjà  exé- 

^  Dans  le  septième  tableau  statistique  inséré  dans  Tatlas,  on  trouve  que  la  popu- 
lation de  la  partie  malsaine  des  Maremmes  a  augmenté  en  été  de  la  manière 
suivante  : 

1825 15187 

^  .  ^  ,  i8a8 16188  ....   , 

En  été.   (    ««^  ^,«>  habitante. 

i835 19548 

1837 20683 

On  voit  aussi  parle  huilième  tableau,  dont  nous  allons  reproduire  les  résultats, 
que  dans  ]es  trois  mois  deté,  juillet,  août  et  septembre,  le  nombre  des  malades 
admis  dans  Thôpital  de  Grosseto  a  été,  pour  les  mêmes  années,  toujours  en  aug- 
mentant : 

Années.  Juillet.  Août.  Septembre.  Total. 

1825 63 111    133 397 

'^^^ '5° ^^*    **o ^^'      \  malades. 

i835 101 179   i33 4i3 

1837 333 366  356 744 

Ainsi,  avant  le  commencement  des  travaux,  il  y  avait  en  été  16187  habitants 
et  297  malades,  et  en  1837,  après  neufannées  de  dépenses  et  de  travaux,  la  popu- 
lation était  de  2o683  âmes,  et  le  nombre  des  malades  s'était  élevé  à  7M1  par  une 
progression  toujours  croissante.  Nous  avons  pris  pour  base  de  ces  calculs  la  popu- 
lation de  toutes  les  communes  soumises  à  Tinfluence  du  mauvais  air,  parce  que 
toutes  ces  communes  envoient  des  malades  àThôpital  de  Grosseto.  Si  Ton  ne  prenait 

66 


5»  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

eûtes  doÎTent  nécessairement  rendre  le  clnnat  ploi  nulsaÎD-,  mait, 
certes  on  est  loin  de  pouvoir  en  eoadare,  comme  l't  fait  M.  Tartim' 
dam  sa  relation ,  que  ces  traram  aimt  contribué  déji  à  l'aisaïmssemteift 
des  Maremmes,  puisque  les  chiffivs  t^ficiels  démontrent  positivement 
le  ccmtraire.  Ainsi,  qoant  i  l'assainissement,  il  est  fort  douteux  qa'on 
paisse  y  parvenir  en  comblant  les  marais  et  en  Cusant  diapandb*  Im 
eaux  alitantes;  et  cependant  fl  est  reconnu  que,  sans  ftire  ceiker 
Finsalubrité  du  climat,  toute  autre  amélioration  deviendra  inotBe*;  car 
ce  qui  manque  dans  les  Maremmes,  ce  n'est  pas  la  terre,  ce  sont  les 
hommes;  et  la  population  ne  pourra  jamais  augmenter  d'une  maniiR 
permanente,  tant  que  le  climat  ne  sera  pas  devenu  meSlear. 

Toutefois ,  nous  le  répétons ,  le  gouvernement  toscan  n'a  pas  pu  voa- 
loir  dépenser  plusieurs  millions  pour  faire  seulement  une  expérience 
hydraulique;  il  faut  donc  chercher  un  autre  but  à  ces  travaux,  et  nous 
croyons  que  c'est  surtout  dans  un  but  financier  qu'ils  ont  été  entrepris. 
Mais  en  examinant  les  résultats  qu'on  peut  obtenir  et  les  dépenses  qui 
ont  été  déjà  faites  (auxquelles  il  faudra  en  ajouter  beaucoup  d'autres 
dans  la  suite],  on  voit  facilement  que  les  grandes  sommesqu'on  a  jetées 
dans  les  Maremmes  doivent  être  considérées  à  peu  près  comme  perdues. 

CD  coDsiddratioD  quo  la  population  de  cette  localité,  on  parviendrait  à  des  résultats  ana- 
logues, puiique ,  d'apréï  le  scpticme  tableau ,  la  population  de  Grasseto  était,  en  1 8a  5 , 
de 756  flmcs,  et  quen  1837  il  y  en  avait  1  io3.  —  '  A  plusîeun reprises,  H.Tartioi 
dit  que  te  climat  des  Maremmes  est  devenu  moins  insalubre  depuis  les  derniers  Ira- 
vaux  ;  et  il  parle  toujours  avec  une  grande  assurance  de  l'assainissement  total  auquel 
OD  doit  arriver.  Voici  quelques-uns  des  passa^  auiquds  nous  faisons  allusion. 
•  Sonpressi  i  centri  délie  pcmiciose  esalaiioni ,  resa  sicura  la  vita  unjana  dai  pericoti 

*dclla  mal'  aria Liberati  in  gran  parte  i  terreni  Haremmanî  dalla  invasions  di 

<  acquc  pestUenùali  c  cosl  atlenuate  le  cause  délia  mal'  aria,  non  poleva  non  destarsi 

■  corne  da  letargo  la  popolazione Perché  mi^ioratoil  climai  uvorantî  si  tratten- 

■  gonoin  Maremma  senta  perieolo Ma  oracheqaesti  eSetti  salutarivinceodo  ogni 

1  aiSîcolià  si  sono  ottonuti  e  son  falli  palesi ,  tutlo  cambia  d'aspetto.  Qudla  terra  de) 


554  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Aé}k  cultÏTés:  ce  sont  des  vignes,  des  bois,  des  pâturages,  etc.',  tandû 
que  les  terrains  comblés  sont  dénués  de  toute  culture;  et  certes  c'est  se 
tenir  au-dessous  de  U  réalité  que  d'estimer  dans  le  rapport  de  s  à  3  la 
valeur  des  terres  en  friche  aux  terres  déjà  cultivées  et  productives*. 

Ainsi .  lorsque  toutes  les  opérations  seront  terminées ,  si  les  terrains 
comblés  lui  appartenaient  en  entier,  le  gouvernement  pourrait  retirer 
an  plus  de  ces  travaux  &0000  livres  de  Toscane  par  an;  c'est-i^dïce, 
moins  de  35ooo  francs.  Or,  les  dépenses  qui  ont  été  faites  jusqu'à  pré- 
sent s'devant,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  à  environ  sept  miUions de 
francs,  il  en  résulte  que  l'on  aura  placé  l'argent  à  moins  de  cinq  pour 
mUU,  ou,  ce  qui  revient  au  même ,  à  moins  d'un  demi  pour  cent  par  an. 
£t,  si  l'on  tient  compte  des-  dépenses  qu'on  devra  faire  encore,  de 
fintérêt  de  l'argent  déjà  déboursé ,  des  terrains  qui  ne  sont  pas  sus- 
ceptibles de  devenir  productifs  ou  qui  appartiennent  à  des  particidiers, 
et  des  indemnités  qu'il  faudra  payer  aux  propriétaires,  il  en  résultera 
sans  aucun  doute  une  diminution  telle  dans  les  intérêts  de  la  somme 
totale  dépensée,  qu'on  n'en  retirera  pas  uiKfaartjioarcent  par  an;  c'est- 
à-dire,  que  le  capital  sera  réduit  à  un  vingtième.  L'n  placement  de  ce 
genre  est  toujours  mauvais;  mais  il  le  devient  davantage  dans  un  pays 
comme  la  Toscane,  où,  par  diverses  circonstances,  l'agriculture  étant 
en  souffrance  et  l'industrie  peu  développée ,  le  gouvernement  est  forcé 
d'appauvrir  des  provinces  plus  pittoresques  que  riches,  pour  aller  ense- 
velir des  millions  dans  de  stériles  marais.  Il  est  à  regretter  qu'on  n'ait  pas 
songé  à  faire  ces  calculs  avant  d'entreprendre  les  travaux,  et  surtout  que 
les  évaluations  préventives  se  soient  trouvées  si  inexactes';  les  dépenses 
jusqu'à  présent  ont  plus  que  triplé ,  et  le  produit  n'est  pas  le  cinquième 

ml  bonijtcamento  Jtlk  Maremme  Toicane,  n.  388  cl  293).  Il  est  vrai  qu'A  FoUooica 
on  a  aliéné  936  carrés  pour  i3g5  livres  de  renie,  et  qu'ailleurs  on  a  vendu  &819 
carrés  pour  lôoooo  livres.  Mais  celaient  des  bois,  et,  si  l'on  en  dédutlfle  prix  des 


556  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Uqehiavd.  dan»  ion  histoire  de  Floreooe  dédiée  au.  pape  Qi- 
meot  Vn,  ne  s'occupe  que  de  pditlque  et  de  guerre-,  il  ne  niHnny 
qu'une  ibis  le  Dante,  pour  dire  que,  par  les  conseils  de  cet  homme,  la 
seigneurie  dont  il  était  meoihre  arma  le  peuple  et  beaucoup  d'habitants 
des  campagnes  contre  la  laction  des  Noirs.  Mais  aujourd'hui  qnel 
historien  de  Florence  s'arrêterait  là,  en  paiiantdu  Dante?  Qui  ne  serait 
tenté  de  lui  donner,  dafis  l'histoire  de  son  temps,  un  viAe  proportionaé 
  sa  g^(Hre  dans  la  postérité?  et.  si  les  détails  manquaient  pour  cda, 
qui  ne  voudrait  du  moins  mêler  i  son  récit  quelques  cooudérationa 
nouveUes  sur  h  dwint  comédie,  sur  le  génie  du  poète .  sur  l'influence  6t 
l'ouvrage?  Que  sera-«e  des  beaux-arts,  dont  Machiavel  ne  dit  pas  uo 
mot ,  et  qui  sont  juijourd'hui  l'inséparable  cort^e  du  nom  de  Floroice  1 
D  faut  donc  chercher  l'histoire  de  la  Toscane  ailleurs  que  dans  l'éloquent 
Florentin,  et  la  demander  à  quelque  moderne  qui  aura  déchîiTré,  dé- 
pouillé, comparé  les  monuments  originaux  de  toute  sorte,  pour  en  tirer 
une  histoire  complète  et  détaillée,  telle  que  nous  la  concevons  aujour- 
d'hui. Heureux ,  s'il  joint  à  ce  mérite  le  talent  d'abréger  et  d'éclaircir  en 
racontant,  et  s'il  est  animé  de  cette  chaleur  qui  répand  l'iotérêt  et  la  vie 
dans  l'histoire!  Pour  un  tel  peintre  nul  sujet  ne  saurait  être  mieux 
choisi,  plus  attadiant,  plus  varié.  Mais  que  de  conditions  ne  doit-U 
point  réunir,  depuis  la  connaissance  de  l'oi^anisation  obscure  et  com- 
pliquée du  moyen  âge,  jusqu'à  cette  imagination  qui  en  ressuscite  les 
brillants  tableaux ,  et  depuis  l'intelligence  de  tous  les  détails  de  com- 
merce, de  finances  et  de  guerre,  jusqu'au  goût  exquis  et  à  la  vive  sen- 
sib^ité  pour  les  arts  ! 

Cette  réunion  de  talents  divers,  cette  variété  de  connaissances ,  ces 
coups  d'œil  opposés ,  pour  ainsi  dire ,  nous  les  imaginons  diCQcitement 
dans  un  même  historien  :  nous  pouvons  les  espérer,  je  le  crois,  de 
l'homme  d'état  célèbre  qui,  dans  sa  carrière  récemment  interrompue, 
avait  montré  tant  de  vigueur  et  de  facilité  d'esprit,  et  qui,  o^aintenant 


558  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

époques  et  des  événemeoU  dont  il  a  déjàpaiié;  par  exemple,  la  fatale 
peste  de  i3à8,  qui,  décrite  d'abord  dans  le  récit  chronolc^que,  repa- 
raît ensuite  avec  de  nouveaui  détails  et  de  singulières  anecdotes  dans 
le  chapitre  s^iécialcmcnt  consacré  Â  la  peinture  des  moeurs.  H  n'y  a  pas 
là  cependant  répétition  et  double  emploi  :  M.  Delécluze  sait  toujoun 
ajouter  quelque  chose  à  bes  premiers  récita,  cl  on  ne  voudrait  rien  re- 
trancher des  Ëiits  et  des  détails  de  son  ouvrage  ;  mais  il  est  certain  que 
cette  méthode  de  couper  en  deux  parties  l'histoire  a  de  graves  incon- 
vénients qui  sont  sensibles  même  sous  la  plume  incomparable  de  V(d- 
lairc.  Les  laits  se  trouvent  d'un  côté ,  les  explications  de  l'autre  ;  on  lit 
dans  un  volume  les  événements  de  la  guerre  ;  on  voit  dans  le  volume 
suivant  comme  elle  se  dirigeait  et  se  préparait.  Les  grands  historiens 
de  l'anliquité  ne  connaissaient  pas  ce  défaut,  ou,  si  vous  voulez,  cet 
abus  de  la  méthode  moderne  :  tout  se  suit  et  se  soutient  dans  leur  récit, 
de  manière  k  expliquer  les  faits  et  h  les  peindre  k  la  fois,  sans  faire  de 
disserlatious  isolées.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  remarque ,  chacune  des 
deux  parties  du  Lravail  de  M.  Delécluze  offre  un  mérite  distinct  et  réel. 
Le  récit,  qui  scmlilc  bien  resserré  pour  une  histoire  si  longue,  n'en 
renferme  pas  moins  beaucoup  de  circonstances  peu  connues  ou  mon- 
trées sous  un  jour  entièrement  neuf;  quelques-unes  même  des  singula- 
rités de  la  démocratie  de  Florence  sont  mieux  expliquées  dans  cette 
partie  de  l'ouvrage  que  dans  le  chapitre  ex  professa  sur  le  gouvernement. 
L'auteur  s'attache  moins  aiu  guerres  et  aux  transactions  politiques 
de  Florence  avec  le  reste  de  l'Italie,  qu'aux  vicissitudes  intérieures  de 
l'état  florentin  ;  et  plusieurs  de  ses  récits  ont,  sous  ce  dernier  l'apport, 
un  grand  caractère  d'intérêt  et  de  vérité.  Nous  citerons  surtout  l'é- 
poque inscrite  par  M.  Delécluze  sous  ic  nom  de  monarchie,  et  succé- 
dant ii  celle  qu'il  appelle  oligarchie,  mais  où  déjà  dominaient  les  pre- 
miers Médicis.  lUcn  de  plus  curieiuc  pour  les  détails  que  le  meurtre 
du  grand-duc  Alexandre,  assassiné  par  Lorcnzino,  son  parent,  bel  es- 


SEPTEMBRE  1858.  559 

profonae  apathie  du  peuple  de  Florence  après  le  meurtre  du  grand-duc 
Alexandre ,  prouvent  que  f  ordre  de  sentiments  qui  animaient  Loren- 
lino  n*était  nullement  populaire ,  et  appartenait  tout  au  plus  à  quelques 
lettrés  pervertis.  Quand  Rienzi  avait  également  évoqué  d'antiques  sou- 
venirs, et  s'était  fait  tribun  par  réminiscence,  il  avait,  quelque  temps 
du  moins,  agité  et  gouverné  le  peuple  des  sept  collines  :  il  retrouvait 
une  image  du  forum  ;  mais  Lorènzino  des  Médicis  assassinant  dans  une 
ruelle  son  cousin  le  grand-duc,  attiré  sous  prétexte  d*un  rendez-vous 
galant,  puis,  le  crime  commis,  s'enfuyant  de  nuit,  sans  autre  effort, 
sans  projet,  avec  mi  seul  complice,  cela  n'est  qu'un  crime  de  petite  cour, 
ou  une  vengeance  italienne,  et  non  le  symptôme  sérieux  d'un  fanatisme 
politique  conservé  chez  un  peuple. 

Soixante  ans  auparavant,  la  conjuration  des  Pazzi  avait  été  un  attentat 
bien  autrement  caractéristique  et  mémorable.  Là  s'était  montrée  non 
pas  la  scélératesse  empruntée  et  vaniteuse  d'un  sophiste,  mais  une  haine 
d'aristocrates  et  de  prêtres  florentins  encouragés  par  les  conseils  et 
fabsolution  de  Rome.  Mais  aussi  qu'était-il  arrivé?  toute  la  fureur  du 
peuple  s'était  tournée  contre  les  conspirateurs  :  c'était  le  peuple  qui  les 
avait  saisis  au  sortir  de  l'église,  lieu  de  leur  embuscade;  et  la  mort  de 
Julien  de  Médicis  n'avait  fait  que  consacrer  la  dictature  de  son  frère 
Laurent.  11  était  donc  visible  que,  dans  cette  époque  spécialement  qua- 
lifiée d'oligarchie  par  M.  Delécluze,  déjà  la  révolution  des  esprits  était 
faite,  et  le  pouvoir  d'un  seul ,  et  d'une  seule  famille,  accepté  de  préfé- 
i*ence  aux  orages  de  l'ancienne  république.  Cette  vérité  frappe  dans 
quelques  pages  éneipques  et  simples  de  M.  Delécluze  sur  la  mort  des 
Pazzi,  l'exécution  de  leurs  complices  et  l'acharnement  qui  poursuivit 
jusqu'à  leurs  cadavres.  Mais  il  faut  voir  tout  le  tableau  de  la  conspira- 
tion dans  un  écrit  latin  de  Politien,  heureux  et  élégant  génie,  devenu 
l'historiographe  de  la  nouvelle  monarchie  populaire  fondée  par  les 
Médicis,  bien  avant  qu'ils  aient  pris  le  titre  de  grand-duc.  On  sent,  par 
le  noble  et  ingénieux  langage  de  Politien,  le  progrès  des  arts  et  du 
goût  qui  concourt  avec  l'établissement  des  Médicis,  et  va  faire  partie  de 
leur  puissance;  les  scènes  sanglantes,  les  passions  forcenées  du  moyen 
âge  s'éloignent  :  elles  ont  jeté  leur  dernière  fureur  dans  quelques  crimes 
inspirés  par  l'ambition  des  familles  pontificales ,  mais  elles  ne  souille- 
ront plus  Florence;  la  politesse  des  mœurs,  le  luxe  des  arts,  le  goût 
des  savants  loisirs ,  vont  y  régner  sans  partage  ,  et  de  là  se  répandront 
sur  Rome,  en  portant,  avec  Léon  X,  le  goût  et  la  protection  des  lettres 
dans  cette  chaire  pontificale  que  l'espagnol  Borgia  avait  remplie  de  ses 
corruptions  et  de  ses  crimes.  Cette  influencé  de  la  civilisation  floren- 

«7 


4M  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

litle  s'éti^t  marquée  dès  le  temps  même  où  le  moine  Savonarole  arah 
osé,  presque  seul,  dénoncer  les  crimes  d'Alexandre  VI;  mais  Savona» 
rôle,  démocrate  austère,  prêchant  à  la  fois  la  réforme  du  gouvernement 
et  celte  des  mœurs ,  avait  succombé  dans  sa  double  lutte  contre  les 
vioes  de  Rome  et  contre  les  Médicis.  Laurent  le  Magnifique ,  au  eon>- 
traire,  réussit  à  augmenter  du  même  coup  sa  puissance  et  la  civilisa^ 
tion  de  son  pays.  On  sait  avce  quel  soîn  et  quel  succès  populaire  un  sa* 
vant  anglais  a,  de  nos  jours,  retracé  cette  époque.  Les  griefs  des  patriotes 
florentins  duxvi*  siècle,  énergiquement  reproduits  par  M.  deSismondi, 
Â*ont  pas  prévalu  sur  l'intéressant  tableau  que  William  Roscoe  a  fait  de 
fadministration  des  Médicis.  Là,  comme  ailleurs,  les  souvenirs  litté- 
raires en  ont  effacé  beaucoup  d'autres  -,  et  le  bien  que  les  Médiois  oM 
feit  aux  arts  a  justifié  leur  mémoire. 

Talia  Fœsuleo  quondam  medilabar  in  antro» 
Rare  suburbano  Medicum ,  qua  mons  aacer  urbem 
Msoniam  longique  vdiamina  despicit  Arni. 

Ces  vers  harmonieux  semblent  retracer  l'image  qu'on  se  fait  encore 
aujourd'hui  de  FJorencc ,  sous  les  premiers  Médicis. 

dette  impression  n'est  nullement  combattue  par  M.  Delécluzc  qui, 
dans  un  récit  fort  abrégé  et  dans  les  réflexions  plus  étendues  qui  s'y 
rapportent,  a  su  cependant  caractériser  par  des  traits  nouveaux  Cosme 
et  Laurent  le  Magnifique  ;  mais  il  n'en  remarque  pas  moins  que  le  génie 
de  Florence  les  avait  dès  longtemps  précédés  ;  et  c'est  au  Dante  qu'il  aime 
i  en  reporter  la  gloire.  Il  lui  attribue  le  principe  même  des  grandes 
découvertes  maritimes  du  xv*  siècle  ;  et  il  placerait  volontiers  le  génie 
qui  les  inspira  sous  cette  constellation  de  la  croix  du  sud,  que  la 
prescience  du  poète  devinait  à  Thorizon,  avant  que  les  yeux  des  navi- 
^teurs  Teussent  aperçue. 

((Dante,  ditM.Delécluse,  a  été  pour  Florence,  pour  la  Toscane,  pour 
toute  ritaliemême,  ce  qu  Orphée,  Homère  et  Pythagore  furent  pour  la 
Grèce  antique  :  un  poète  religieux,  national,  qui  féconda  les  germes  de 
toutes  les  connaissances  humaines  dans  sa  patrie ,  et  fixa  la  langue  du 
pays  »  etc.  » 

M«  Delécluse,  s'attachant  &  cette  idée,  montre  par  d'ingénieux  détails 
combien  de  notions  élevées ,  combien  de  vues  et  de  souvenirs  préoc- 
cupaient la  pensée  du  peuple  auquel  la  lecture  du  Dante  était  univer- 
sdlement  familière  ;  et  il  explique  par  là  d'une  manière  ^orieuse  pour  le 
poëte rintelligtnce  supérieure  de  ses  concitoyens,  et  ce  mouvement  d*i- 


54*  JOURNAL  lÏES  SAVAtH-S. 

d'exister  à  Florence  est  surtout  le  sujet  qu'il  »  voidu  connaître  «t 
peindre.  Comment,  au  milieu  de  cette  singulière  ville,  l'esprit  de  tmafl 
et  d'^pu^e  se  tnâlait  au  goût  de  la  pompe  et  des  fêtes  ;  comment  la 
merreâiense  activité  de  Tindustrie  était  incessamment  traversée,  nom 
être  interrompue ,  par  la  turbulence  des  factions  publiques  ou  privées  ; 
comment  la  place  publique  et  le  marché  étaient  dérangés  par  des 
émeutes  tana  cause,  sans  nom,  qui  semblaient  tenir  à  une  îcHe  vivacité 
deshabitants,  quoiqu'ilseussentd'ailleurs  tant  de  constance  pour  amasser, 
tant  de  sérieui  dans  le  travail,  tant  de  génie  dans  les  arts  :  voilà  ce  que 
H.  Ddéduze  paraît  avoir  finement  apprécié ,  et  ce  qu'il  reproduit  avec 
force  dans  quelques  tableaux  de  son  histoire.  Les  critiques  de  détail, 
méine  les  plus  fondées,  ne  détruiraient  pas  ce  mérite.  L'ouvrage  laisse 
souvent  h  désirer  plus  de  concision  et  de  pureté  dans  l'expression.  H 
serait  facile  d'indiquer  à  cet  égard  quelques  changements  nécessaires 
pour  une  autre  édition;  mais  l'auteur  qui  aime  son  sujet,  et  le  connaît 
bien,  écrit  avec  nature  et  intérêt  :  cela  répond  et  supplée  k  beaucoup 
de  choses. 

11  est  un  autre  caractère  marqué  dans  le  livre  de  M.  Deléclute,  et  qui 
mérite  d'être  relevé ,  à  une  époque  où  le  paradoxe  et  la  vanité  gâtent 
souvent  l'bbtoire  :  c'est  le  goût  du  vrai ,  et  cette  probité  de  îesprit  que 
l'effet  ne  séduit  pas,  qui  n'exagère,  ne  dissimule  rien,  et  rend  les  faits 
dans  leurs  justes  proportions  :  c'est  aussi ,  et  plus  encore ,  ce  sentiment 
moral  qui  se  mêle  k  tout,  et  cette  rectitude  d'impressions  et  de  juge- 
ments qui  inspire  confiance  au  lecteur,  en  faisant  estimer  l'homme  dans 
l'écrivain. 

VILLEMAIN. 


Du  Stopa's  (  Topes  )  oder  die  arckitectonUchen  Denkmale  an  der 


fi&4  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

eette  période,  ie  bouddhisme  dominait  à  l'ouest  de  l'Iodus,  eo  oppoai' 
tktn  BU  brahmanisme  qui  régnait  i  f est  de  ce  fleuve ,  et  sur  les  bon}* 
du  Gange.  Le  plateau  de  rAfghaniatan  actud,  au  delà  de  Caboul  jusqu'à 
Bamiyan.  et  vers  le  pasaage  de  l'Hindu-khau ,  se  couvrit  de  ces  fKtnatnic- 
'  tions  colossales,  inconnues  jusqu'à  ces  derniers  temps,  dans  lesquellet, 
furent  découverts  ces  trésors  de  monnaies  avec  l^endes  romaines* 
greeqnea>bactriennes,  grecquea-iado-Bcythiquea,  sanscrites  et  pdilvi». 
qui  ont  excité  un  ékmnement  général^  dans  le  monde  savant. 

Vers  la  fin  de  cette  période,  lorsque  la  dynastie  des  Thaog  (6 1 8-907 
de  J.  C  ) .  déjk  attachée  au  bouddhisme  (  le  culte  de  Foë  ] ,  monta  sur 
le  trône,  Bamiyan  se  montra  dans  les  annales  chinoises,  mais  pen- 
dant peu  de  temps.  Vers  l'an  637,  il  y  est  bit  mention  d'un  prince 
de  Bamiyan  (Pan-yan-na)  qui  envoyait  son  tribut  h  l'empereur  de 
Chine.  On  ignore  combien  de  temps  dura  ce  tribut;  mais  il  pe  put  sub- 
sister beaucoup  au  delà  de  celte  époque,  puisque  les  Arabes,  dès  l'an  63g, 
sons  Omar,  paraissent  déjà  en  conquérants  dans  cette  contrée,  et 
commencent  leurs  guerres  avec  les  pays  turkestan  et  tubétains. 

Dans  ces  mêmes  annales ,  comme  aussi  dans  d'autres  ouvrages  chi- 
nois, le  nom  de  Fan-yan-na ,  et  les  pays  voisins ,  se  présentent  au  jour 
det'hisloire.  DepuisLe  iv*  siècle  jusque  vers  le  milieu  du  vu',  les  prêtres 
bouddhistes  de  la  Chine  accomplirent,  à  dilTércntes  reprises ,  des  pèle- 
rînages  dans  le  pays  de  leurs  patnarcbes,  en  suivant  diverses  routes  à 
travers  l'Asie  moyenne.  Des  relations  détaillées  et  exactes  de  cet 
>Koyages  nous  ont  été  heureusement  couscrvées  dans  la  collection  des 
écrits  religieux  et  des  histoires  bouddhiques.  L'une  de  ces  relations, 
objet  d'un  remarquable  travail  d'Abel  Hemusat,  pubhé  après  sa  mort, 
conduit  le  pèlerin  Fa  Hian,  vers  l'année  &00  de  notre  ère ,  à  travers  le 
Kholan  (Yarkend)  et  le  Kaferistaa,jusqu'àla  rivière  de  Caboul;  l'autre, 
trouvée  plus  tard  par  J.  Klaprolb,  conduit  te  pèlerin  Hîûan  Tshang, 
entre  les  années  633  et  65o,  à  travers  la  Bactriaoe,   et  Fan-yan-na, 


5â6  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

duise  de  Balkh  à  Caboid.  M.  A.  Burnes  est  le  premier  Europ^n  qui  loîl 
parvenu  dans  la  vallée  deBamiyan,  le  a  a  mai  i839,  en  venant  du  sud; 
maUicureusetnent  il  ne  put  y  rester  qu'un  seul  jour;  aussi  n'en  np- 
porta-t-îl  qu'une  connaissance  très-superficielle.  L'année  suivante. 
M.  Charles  Masson  y  séjourna  plus  longtemps,  il  y  fit  des  fouilles^ et 
découvrit  plusieurs  idoles.  En  i834,  M.  Honigberger,  se  rendaot.ft 
Bainiyan,  se  disposait  à  y  faire  des  recherches  et  des  fouilles,  lorsqn'3 
excita  les  soupçons  du  gouverneur,  et  fut  enfermé  dans  la  fortereaié 
d'Akrohal;  il  dut  s'estimer  heureux,  après  avoir  recouvré  la  liberté, 
de  pouvoir  continuer  sa  route  vers  Bokkarah. 

Ce  qui  attire  surtout  l'attention  dans  ce  lieu ,  cç  sont  les  sculptures 
de.  deux  figures  colossales  nommées  But  (idoles),  nom  par  lequd  le 
lieu  est  encore  désigné  dans  tout  le  Klioraran  :  la  plus  grande  partie 
de  la  population  habite  maintenant  dans  des  grottes  creusées  sur  le 
Qanc  de  montagnes  escarpées.  On  prétend,  dans  le  pays,  qu'elles 
sont  l'ouvrage  d'un  roi  nommé  Jalal.  Les  habitants  appellent  ce  lieu 
Chulgala  ou  Gkal^ata.  DéjÀ  M.  Wîlford  avait  donné  ce  renseignement. 
Beaucoup  de  ces  grottes  doivent,  par  leur  grandeur,  avoir  été  des  tem- 
ples, mais  sans  colonnes ,  ornés  seulement  de  niches  etde  seul  pturcs.  U  y 
a  aussi  des  peintures  fort  endommagées  par  la  fumée;  les  sculptures  ont 
été  mutilées  par  les  musulmaiis.  La  grandeur  et  l'importance  de  ces 
ruincsscntattestécs.parleplus  récent  des  explorateurs  de  cette  région, 
le  général  Court. 

M.  A.  Bûmes,  en  désignant  une  montagne  conique ,  près  de  Bamiyan , 
par  répitbète  honeycombed  (percée  comme  une  ruche  à  miel),  fait  sou- 
venir d'un  passage  où  Abulféda  décrit  une  montagne  près  de  Bamiyan, 
d'o6  l'on  tirait  de  l'argent,  et  qu'il  appelle  Bangakir;  il  dit  :  incoîœ  Ban- 
gakir  fecerant  forum  saam  in  cribram,  obmaltas  (jaas  ibifecerantfoveas;  il 
parle  de  la  grande  richesse  des  mines  d'argent  de  cette  montagne. 

M.  A.  Burnes  ne  parle  nullement  de  cette  dernière  circonstance.  La 


5W  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

premifere  description  exacte  et  le  premier  dessin  qu'on  en  ait  eus  sont 
dus  k  M.  A.  Buroes.  Ces  idoles  gigantesques  sont  taillées  dans  la 
paroi  Torticde  de  la  montagne.  L'uneVeprésente  un  homme;  l'autre,  k 
ceqne  croit  H.  Bûmes,  une  fenune.  Dans  f état -oà  ils  se  trouTent.O 
est  impossible  de  rien  décider  à, cet  égard.  Selon  les  bouddhistes,  ee 
sont  Sluthuma  et  son  disciple  Sabtda;  selon  les  Hindous,  ils  représeotent 
ffm  et  sa  femme,  personni^es  rattachés  aux  aocienoes  traditions  dm 
P^ulnides^  les  ennemis  des  Brahmes;  les  Persans  mahométans  les 
nomment  K^~Umarvdi  \Ka)'omorti  du  Zend-Avesta).  Ils  sont  tournés 
vers  l'orient  ;  les  gens  du  pays  assurent  qu'ils  sourient  au  lever  du  soleil 
et  s'attristent  à  son  coucher.  Ce  qui  est  plus  «ùr,  c'est  que  la  face  de  ces 
adosses  est  entièrement  méconnaissable.  Les  musulmans  ont  depus 
longtemps  l'habitude  de  ne  jamais  passer  devant  ces  6gures  sans  leur 
tirer  des  coups  de  fusil  ;  et  l'on  raconte  qu'Aureng-Zeh ,  le  destructeur 
des  monuments  païens ,  passant  avec  son  armée  dans  cet  endroit,  mn- 
tila  la  tête  de  ces  idoles  k  coups  de  canon. 

Le  grand  colosse  a  i  30  pieds  de  haut  et  70  pieds  de  large;  ii  est 
taillé  en  haut  relief  dans  une  espèce  de  niche  ^  Ses  membres  ont  été 
mntilés  par  le  canon  ;  tous  les  traits  de  la  figure,  au-dessus  de  la  bouche, 
ont  disparu  ;  ses  oreilles  sont  longues  et  pendantes ,  comme  dans  toutes 
les  figures  de  Bouddha.  La  tête  paraît  avoir  été  oniée  d'une  tiare.  Le 
corps  était  couvert  d'un  manteau,  revêtu  d'une  espèce  de  stuc.  On 
voit  encore  une  infinité  de  chevilles  de  bois  qui  ont  dû  servir  k  faire 
tenir  l'aidait.  Les  contours  en  sont  grossiers.  Les  deux  mains  ont 
disparu. 

L'autre  idole ,  que  les  gens  du  pays  appellent  tantôt  la  femme ,  tan- 
tôt le  frère  de  la  plus  grande,  et  qui,  d'après  les  traditions  boud- 
dhistes, doit  représenter  le  disciple ,  quoiqu'un  peu  mieux  conservée,  est 
encore  si  mutilée  que  M.  Bûmes  avoue  ne  pouvoir  en  rien  dire  de 
positif.  Sa  hauteur  est  de  70  pieds  ;  les  nombreux  trous  carrés  creusés 


550  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

kyik,  les  ndn  de  qoiiixe  antres  destnielioiis  enfonne  de  dône,  qn'i 
cause  de  leur  état  de  ecMistniction  (m  fNHiTait  de  Imd  praadre  pour  des 
moDlicides  naturels.  En  fouillant  la  ^upart  de  ces,  topes,  U  recnejlit 
un  grand  nranbre  de  oHMmaies  et  d'antres  objets  d'antiquité ,  analogoes 
i  cens  qa'on  avait  trouTés  dans  le  premier  tope  de  Uanikyala ,  avec  4>-  . 
venes  înscriptîoiis  en  caractfa«s  qu'on  ne  peut  encwe  décfaafiçr.  I*'hB 
de  ces  topes  a  encore-âo  ft  70  pieds  de  baot.  Cest  là  que  M.  Court  dé- 
cooTiit  le  vase  de  bronze  qui  renfermait ,  entre  autres  objets  pcécievx , 
des  monnaies  nnnainea  appartenant  aux  derniers  temps  de  la  répur 
byqne  '.  Les  plus  récentes  des  monnaies  trouvées  dans  f  un  et  l'autre 
de  ces  topes  paraissent  cdles  de  l'époque  sassanide,  sur  lesqudies  se 

*  lia  descriptkm  de  cette  découverte  te  trouve  dans  l'eKtrail  d'an  mémoire  de 
M.  le  général  Court,  sur  l'ancienne  Taxila,  extrait  publié  dans  le  Journal  0^  (A« 
tuioHc Hxuly  i^Bengal,  novembre  i83A,  t  Ui,  p.  536.  M.  BaouI-RocheUe  adonné, 
anr  celte  découverte  et  sur  le*  médailles  que  M.  Court  a  iroarées  dans  ce  tope ,  des 
détails  fort  intéressants  [deuxième  supplément  à  In  Notice  sur  quelques  médailles 
grecque* ,  etc.  p.  Oettaiv.  Journal det  Staanlt ,  i836,p.  70 et  suit.).  Les  objets  pré> 
cienz  trouvés  oans  ce  tape  par  M.  le  général  Court,  ayadt  été  réceîament  o&rt*  au 
roi  de  la  psri  de  cet  ofiicîer  général ,  et  donnés  par  le  roi  au  Cabinet  des  antiques, 
où  ils  sont  maintenant  exposé* ,  il  ne  sera  pat  inutile  de  rappeler  ici ,  d'après  le  récit 
même  du  général  Court ,  les  circonstances  curieuses  qui  les  concernent. 

En  foaillant  le  tope  de  ManiLyala ,  H.  Court  rencontra,  à  la  prorondeur  de  3  pieds, 
une  [rierrc  carrée  sur  laquelle  étaient  déposées  quatre  monnaies  de  cuivre,  dont  une 
do  roi  Mokadphiièse  (ou  Kadpbiiéi};  les  trois  autres  de  Kanerkès.  A  10  pieds  plus 
bat ,  il  trouva  une  cellule  de  u  (bnne  d'un  parallélogramme,  solidement  bâtie  en 
pierre*  bien  appareillées,  unies  par  du  mortier;  les  quatre  câl^  répondaient  aux 
ouatre  point*  cardinaux.  Elle  était  couverte  par  une  seule  pierre  massive  dont  la 
face  inférieure  porte  trois  iascriptions  en  caractères  qui  paraissent  pebivis.  [  Cette 
pierre  a  été  offerte  au  roi,  qui  l'a  donnée  au  Cabinet  de»  antiques,  où  die  est  exposée. 
Les  inscriptions,  au  nombre  de  trois,  qui  la  couvrent  senties  plus  longues  que  l'on 
connaitse;  elles  appdlenl  toute  l'attenlion  des  orientalistes ,  qui  peuvent  maintenant 
!«■  étodier  1  loisir.) 


SEPTEMBRE  1838.  551 

Toit  la  tète  de  Sapor  II(3ioà38ode  notre  ère) ,  quoique  les  légendes 
en  pehlvi  qu*elles  portent  n'aient  pas  encore  été  déchiffrées. 

Une  troisième  espèce  de  monnaies  découveiie  dans  ces  deux  grands 
topes  comprend  celles  qu*on  a  nommées  indjo-scytliiqnes ,  parce  qu'elles 
oCËrent  des  têtes  de  rois  qui  semblent  appartenir  à  la  race  des  Scythes ,  à 
en  juger  d'après  le  costume  et  les  attributs.  Les  légendes  grecques  qui  les 
accompagnent,  les  noms  de  Kanerkès  et  de  Mokadphisèse  (ou  Kadphisès), 
exprimées  en  caractères  grecs ,  excitent  l'intérêt  au  plus  haut  degré. 
L'art  grec,  quoiqu'en  décadence,  se  montre  dans  le  type  de  ces  mé- 
dailles; elles  attestent  que  Tinfluencede  la  civilisation  grecque  subsistait 
encore  à  la  cour  de  ces  princes  indo-scythes ,  probablement  Gètes  ou 
Saces  qui ,  un  siècle  et  demi  avant  notre  ère,  mirent  fin  à  la  monarchie 
gréco-bactrienne ,  et  étendirent  leur  domination  jusqu'à  l'embouchure 
de  rindus,  au  nord-est,  et  au  delà  de  l'Hypanis  jusqu'au  Gange.  Us 
furent  repoussés  des  environs  de  ce  fleuve  par  Vicramadityas,  avec  le- 
quel commence  la  nouvelle  ère  indienne ,  mais  ils  dominèrent  encore 
longtemps  à  l'ouest  de  l'Indus.  Leur  histoire  ne  subsiste  plus  pour  nous 
que  dans  quelques  noms  isolés.  Les  contrées  oii  ces  médailles  se  trou- 
vent répondent  à  l'Afghanistan  actuel,  et  s'étendent  au  nord  jus- 
qu'au passage  de  l'Hindu-khau,  vers  Bamiyan.  Ellles  comprennent  aussi 
tout  le  Kaboulistan,  ou  le  plateau  de  Kaboul,  jusqu'à  Peschawer  et  à 
Jelalabad ,  jusqu'à  la  plaine  de  l'Indus  ,  près  d'Attock.  A  l'orient  de  ce 

une  espèce  de  pâle  ayaot  la  couleur  de  terre  d'ombre,  et  qui  commençait  à  se 
pénétrer  de  vert  de  gris.  La  pâte  était  légère ,  sans  odeur  et  encore  humide. 

Dans  cette  pâte ,  et  autour  de  la  boîte  d'argent,  M.  Court  trouva  sept  médailles 
romaines  d'argent,  rangées  circulairement.  (Ce  sont  les  médailles  du  temps  de  la 
république  dont  M.  Raoul-Rochette  a  donné  la  description  et  l'époque  (  deuxième 
supplément ,  p.  7-9  ) .  La  septième ,  dont  l'empreinte,  d'après  le  dessin  de  M.  Prinsep , 
lui  avait  paru  trop  effacée  pour  pouvoir  en  reconnaître  le  type,  est  une  médaille  fort 
connue  de  ]a  famille  Julia.  E^lc  rentre  ainsi  dans  l'époque  assignée  aux  six  autres.  ) 

Enfin,  dans  la  boîte  d'argent  s'en  trouva  une  plus  petite  en  or(o"'  o35  de  haut, 
o"  oa5  de  diamètre  )  avec  un  couvercle,  contenant  quatre  médailles  d'or  d'un  poids 
égal  de  37  grains  (  1^,96)  chacune,  parfaitement  conservées. 

Avec  ces  quatre  médailles ,  se  sont  trouvées  quatre  peries ,  une  améthyste  du 
poids  de  a 8  grains  (  i'',A8) ,  et  un  saphir  pâle  du  poids  de  ao  grains  (  i'',o6). 

Tous  ces  objets  sont  maintenant  exposés  au  Cabinet  des  antiques ,  ainsi  que  d'au* 
très  objets  analogues  trouvés  par  le  général  Ventura,  dans  le  tope  de  Manikyala,  et 
donnés  au  roi  par  le  général  Allard.  Ds  consistent  en  deux  vases  en  pierre  oUaire , 
dont  Tun  contenait  une  boite  en  cuivre  :  celle-ci  une  autre  en  argent ,  et  une  troi- 
sième en  or,  ou  Ton  avait  renfermé  des  fragments  d'os  calcinés  dans  une  feuille  d'or 
battu  ;  l'autre,  une  boite  en  cuivre  :  celle-ci  une  autre  en  or,  contenant  de  petites 
periet  et  des  os  calcinés  dans  une  feuille  d  or  battu. 


552  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

fleuve,  BtMtlei  groupes  de  topes  à  Manikyik,  «éopt  les  deu  prÏB^ 
paux,  dit  M.  Bitter,  sont  connue  les  premiers  gnods  pylônes  d'iae 
l<iQgue  suite  de  plus  de  cent  momuDSots  pareil*  pUe^  des  deux  éMa 
de  û  grande  route  royale .  a 

Les  diverses  espèces  de  monnaies  découvertes  dans  ces  topes  oat 
été  classées  et  décrites  ea.détail*dans«e  jounui,  par  ootrflsavwtf  «al- 
loue M.  Raool-Rochette;  nbos  devons  nous  contenta:  de-Tcav^yferà 
stm  travail,  et  nous  borner  k  l'analyse  des  conaidérati<»is  bùtoruf^ 
développées  par  M.  C.  Bitter,  fur  l'origine  et  le  vrai  oaractère  de  cet 
Quriëux  monuments. 

B  en  distille  quatre  groupes  principaux  à  l'iHiest-de  l'Indusi  odui 
de  Manili^ata  est  &  l'est  de  ce  fleuve. 

Le  premier  groupe  existe  à  Peschawer,  à  l'ouest  d'AUock,  dans  le 
bassin  de  la  rivière  de  Kaboul.  Les  topes  de  ce  groupe  sont  moins  con- 
nus que  ceux  de  Maniky^a,  quoique,  d'après  les  observations  de 
MM.  Gérard ,  Hom'gbei^er  et  Bûmes ,  il  s'y  trouve  un  des  plus  gnoids 
tope»  counus,  plus  grand  peut-être  que  celui  de  Manikyala.  On  n'en 
possède  pas  encore  de  description.  La  mort  de  M.  Gérard  l'a  empêché 
de  publier  les  notes  qu'il  avait  recueillies. 

C'est  près  de  Peschawer  que  M.  Court  a  découvert  dans  une  fouille 
un  masque  en  bronze,  grand  comme  nature,  avec  une  inscription 
pehlvi.  Ce  monument,  unique  jusqu'à  présent  dans  son  genre,  est  des 
plus  curieux  par  le  travail ,  le  caractère  et  les  détails.  Les  cbeveiu.  sont 
ramenés  au-dessus  de  la  tète ,  où  ils  forment  un  nœud  attaché  ^  la  base 
par  un  serpent  qui  relève  trois  têtes  sur  un  seul  tronc;  les  oreilles  sont 
pendantes;  les  yeux,  à  demi  fermés,  ont  les  prunelles  incrustées  en 
argent.  La  lèvre  supérieure  est  garnie  d'une  moustache,  le  menton  cou- 
vert d'une  barbe  fort  courte  ,  dont  les  poils  sont  artistemeot  peignés. 
Sans  cette  particularité ,  on  aurait  pu  voir  dans  ce  masque  une  figure 
deBouddba.  II  est  probable  quec'est  un  portrait  de  roi,  dont  le  nom 


SEPTEMBRE  1858.  555 

de  maison.  M.  Â.  Bûmes  pense  que  ces  groupes  formaient  autant  de 
villages  distincts.  On  les  attribue  dans  le  pays  aux  Cafres  ou  infidèles. 
M.  Ritter  ne  doute  point  que  ces  grottes,  comme  celles  de  Bamiyan, 
n'aient  servi  d'habitation  à  des  communautés  de  bouddhistes,  dans  le 
voisinage  desquelles  les  nom^ireux  topes  de  Jelalabad  ont  été  élevés  en 
rhonneur  de  leur  culte.  Jelalabad  doit  être  dans  le  royaume  de  Tholy, 
que  le  bouddhiste  Fahian  a  traversé  en  /ioo,  et  qu'il  décrit  avec  des 
détails  qui  conviennent  à  cette  ville  et  à  ses  environs. 

Les  topes,  au  nombre  de  So  k  peu  près,  qui  entourent  cette  ville, 
ont  été  vus  superficiellement  par  MM.  Moorcroft  et  Trebeck ,  et  plus 
à  loisir  par  le  docteur  Gérard.  Les  gens  du  pays  les  appellent  harjs 
(mot  arabe  qui 'signifie  taar)\  ils  sont  voisins  les  uns  des  autres, 
des  deux  cotés  du  Surkh-rud  qui  descend  du  Sufaid-khau,  et  arrose  la 
partie  septentrionale  de  la  vallée.  Ces  topes  ont  été  entièrement  noircis 
par  le  temps.  Dans  la  plaine ,  on  voit  les  ruines  d'un  grand  nombre  qui 
ne  sont  plus  que  des  monceaux  de  pierre.  Jusqu'à  M.  Honigbei|;er,  la 
main  des  hommes  ne  les  avait  pas  touchés.  Ce  voyageur  en  a  fait  fouiller 
plusieurs.  Dans  la  plupart,  il  existe  à  la  hauteur  du  sol  une  petite 
chambre  carrée,  dans  les  angles  de  laquelle  ont  été  placées  diverses  re- 
liques. La  grandeur  de  ces  monuments  varie  depuis  3o  jusqu'à  5o 
pieds  de  haut,  depuis  80  jusqu'à  1 10  pieds  de  circonférence.  Aucun 
ne  paraît  atteindre  la  dimension  de  ceux  de  Manikyala. 

Le  troisième  groupe  existe  dans  les  environs  de  Caboul.  Cest  à 
M.  Gh.  Masson ,  au  docteur  Gérard  et  à  M.  Honigberger  qu'on  doit 
toutes  les  recherches  dont  ce  groupe  a  été  l'objet.  Les  topes  sont 
situés  le  long  de  la  chaîne  qui  supporte  le  plateau  de  Caboul.  La  plaine 
adjacente  a  été  évidemment  le  bassin  d'un  lac.  C'est  là  qu'en  1 833 ,  le 
docteur  Gérard  trouva  un  bas-relief  très-curieux,  représentant  Bouddha. 
(La  figure  en  est  donnée  par  le  Journal  of  the  asiat.  society  of  Bengale 
t.  m,  pi.  26,  p.  liàQ.)  Le  dieu  y  est  représenté  assis,  les  jambes  croi- 
sées ,  les  mains  réunies ,  dans  cette  position  tranquille  que  lui  donnent 
toutes  les  sculptures  indiennes;  plusieurs  groupes  de  figures  l'en- 
tourent, et  des  flammes  sortent  de  ses  épaides  :  particularité  qu'on 
n'observe  sur  aucune  des  figures  connues  de  Bouddha,  et  qui  parait  être 
un  symbole  d'inspiration  ^  Ce  bas-relief  fut  trouvé,  non  dans  un  tope, 
mais  dans  une  masse  de  briques  et  de  débris  qui  ressemblaient  aux 
ruines  ordinaires  d'une  ville  détruite;  en  fouillant  cette  masse,  on  par- 

'  Mon  savant  confrère,  M.  Bumotif,  m'a  dit qoe  plusieurs  textes  expliquent  très- 
bien  cette  particularité. 


554  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

vint  à  nue  chambre  en  pierre,  parlaitemeat  cooservée,  dont  les  mon 
étaient  oniés  de  pierres  coloriées  et  de  dorures  :  selon  toute  appareoce, 
elle  fiusait  partie  d'un  temple  de  Bouddha ,  ou  d'un  oratoire  flans  ime 
tnaÎMHi  particolière  qui  fut  abandonnée  lors  de  la  destruction  de  la 
ville.  L'image  elle-même  a  été  partidlement  mutUée  -,  les  télés  des  fi- 
gures accessoires  ont  été  frappées  par  le  marteau.  On  reconnaît  dans 
ces  mutilatioiis  la  main  des  musulmans,  auxquds  on  dut  sans  doute  la 
destruction  de  la  ville. 

La  découverte  de  ce  monument  a  de  l'importance,  en  ce  qu'elle 
donne  une  preuve  directe  de  l'mstence ,  en  ce  même  Heu ,  du  culte  de 
Bouddha.  Les  fouilles  exécutées  par  M.  Honigbei^er  dans  plusieurs 
topes  de  ce  groupe  ont  été  décrits  par  feu  Jacquet ,  dans  le  Jouma] 
Asiatique  (3*  série,  tome  H,  p.  3  54  etsuiv.)  M.  Ritter  en  donne  un  ré- 
sumé fort  exact.  Nous  renverrons  à  la  narration  originale  que  chacun 
de  nos  lecteurs  peut  consulter  facilement. 

Le  quatrième  groupe  est  celui  de  Bc^bram ,  au  nord  de  Caboul ,  et  tout 
à  fàitau  pied  del'Hindu-khau,  à  l'entréedu  passage  qui  conduit  à  Bamiyan. 
Ce  groupe  est  jusqu'à  présent  le  moins  connu  de  tous.  M.  Ch.  Masson, 
le  seul  qui  ait  exploré  ce  canton,  n'en  donne  qu'une  description  insuf- 
fisante. C'est  en  juillet  i853  qu'il  partît  de  Caboul  pour  explorer  les 
cantons  au  nord  de  cette  ville,  à  la  base  desmontagnesdel'Hindu-khau, 
avec  l'întenlion  surtout  de  déterminer  l'emplacement  d'Al&randria  ad 
Caucojam.  11  fut  récompensé  de  ses  peines  par  la  découverte  d'un  grand 
nombre  d'objets  intéressants;  0  découvrit  l'emplacement  d'une  ancienne 
ville ,  d'une  immense  étendue ,  dans  la  plaine  appelée  maintenant  Begb- 
ram.  H  apprit  bientôt  qu'un  grand  nombre  de  médailles  étaient  conti- 
nuellement trouvées  dans  la  plaine  de  Beghram.  Il  s'en  procura  lui-même 
1 865  en  cuivre,  et  i  li  tant  en  or  qu'en  argent;  il  estime  que  l'on  n'en 
trouve  pas  moins  de  3o,ooo  par  an  dans, les  environs  de  cette  ville, 
indépendamment  des  sceaux,  anneaux  et  autres  ornements.  Mais  les 


SmF.Mfc^,     ..  557 


Poèmes  islandais  [Vôhspâ,  Vahhnjj^^. 
FEdda  de  Sœmand,  publiés  avec  ut,. 
un  glossaire,  par  F.-G.  Bergmann,  r/.,.J  . 
tique,  Paris,  1 838;  Imprimerie  rovaU   s. 


ïii 


1» 


Dai]s  l'ardeur  qui  anime  les  jeunes  savants  i,f,,^, 
ratures  étrangères,  l'islandais  ne  pouvait  être  nMttf<   '  •*" 
depuis  quelque  temps  faire  des  incursions  dans  vmu.^^,    " 
occupe  en  outre  plusieurs  savants  distingués  d'AUeniaj;f,r  '"*^*'''  "" 
les  anciennes  compositions  islandaises  ont  un  intérêt  sii^</^  '"" 
des  rap|)orts  qui  existent  entre  ies  traditions  Scandinaves  ai  «i.  *    *  *  *  •  ' 
entre  le  génie  des  peuples  du  Nord  et  celui  des  peuples  du  iic'*''^'* 
l'Europe.  Pour  les  contrées  méridionales,  la  littérature  islanij.  [*  ^ 
peut  être  quun  objet  de  curiosité,  et  qu'un  moyen  d'apprécier  W-  ^-  ^ 
les  mœurs,  l'imagination,  les  idées,  enfin  l'état  intellectuel  et  inorai  IT 
anciens  Scandinaves.  Il  y  a ,  du  reste,  si  loin  de  la  littérature  ancien'* 
des  peuples  du  Nord  à  celle  qui  fait  le  charme  des  peuples  mérldio 
naux;  la  première  a  quelque  chose  de  si  rude,  de  si  étrange,  que  les 
traductions  qu'on  fait  de  ses  compositions  paraissent  ou  obscures  ou 
bizarres,  et  que  ce  n'est  qu'en  les  défigurant,  pour  ainsi  dire,  qu'on  par- 
vient à  les  faire  goûter  à  des  lecteurs  habitués  à  suivre  les  règles  classi- 
ques. La  poésie  du  Nord  se  ressentait  de  l'état  âpre  et  nébuleux  de  son 
climat.  A  la  vérité,  des  images  hardies ,  des  expressions  énei^iques, 
des  traits  d'imagination  vraiment  poétiques  viennent  de  temps  en  tenips 
étonner  le  lecteur  ;  mais  ces  beautés  sont  entourées  de  passages  qu'on 
ne  ptmt  comprendre  sans   un  commentaire,   à  cause  des  allusions 
vagues  et  obscures  qu'ils  renferment,  ou  de  passages  qui  n'offrent  que 
peu  d'attrait  pour  des  nations  à  qui  les  objets  dont  ils  parlent  sont 
étrangers  ou  indifférents. 

Cette  observation  s'applique  surtout  aux  poèmes  de  l'Ëdda,  qui  abon- 
dent en  traits  relatifs  aux  croyances  des  anciens  Scandinaves.  Dans  les 
temps  modernes  on  a  recueilli  et  rassemblé  ces  traits  pour  en  composer 
un  système  mythologique,  à  l'aide  duquel  on  parvient,  non  sans  peine 
pourtant,  à  expliquer  les  poèmes.  Cependant  il  est  évident  que  le  sys- 
tème ne  peut  être  complet-,  car  les  poètes  n'ont  pas  tout  dit.  Devant 
supposer  la  mythologie  du  Nord  familière  k  leurs  compatriotes,  ils  se 
sont  contentés  souvent  de  vagues  allusions  qui  pouvaient  suffire  à  leurs 
auditeurs;  mais  ce  sont  des  énigmes  pour  nous  qui  les  lisons  six  à  huit 

69 


556  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

sièdes  après  leur  composition ,  et  longtemps  après  l'extinction  totale  de 
la  religion  des  païens  septentrionaux.  Des  noms  propres  et  des  épithètes 
qui  en  sont  formées  remplissent  ces  poèmes;  il  faut  des  paraphrases  pour 
reproduire  ces  expressions  dans  les  langues' du  Midi;  encore  est-il  très- 
dilBcile  de  produire  exactement  par  une  circonlocution  le  sens  d'une 
èplthète  allégorique.  D'ailleurs ,  le  langage  poétique  des  anciens  Scandi- 
naves admettait  beaucoup  de  licences-,  mais  d'un  autre  côté  leurTersi' 
fîcation  s'astreignait  A  des  règles  qui  tenaient  à  l'idiome  islandais,  et  qui 
produisaient  des  beautés,  ou  du  moins  ce  que  l'on  regardait  comme 
td.  Malheureusement  elles  se  perdent  dans  une  traduction.  Les  Alle- 
mands ODt  qudquefois  essayé  de  les  reppoduire;  leur  idiome  s'y  prête  : 
en  français,  ces  imitations  sont  impossibles ,  ou  manquent  leur  but. 

Il  résulte  de  toutes  ces  observations  que  les  poésies  de  l'Ëdda  plairont 
difficilement  en  France,  et  que  les  savants  qui  ne  se  laisseront  pas  re- 
buter par  les  difficultés,  pour  les  étudier,  auront  encore  besoin  d'un 
commentaire  qui  leur  aplanisse  la  voie ,  et  écarte  une  grande  partie  des 
épines  dant  eÛe  est  hérissée.  Pour  ceux-là,  l'ouvrage  de  M.  Beigmann, 
qui  donne  le  texte  avec  une  traduction,  beaucoup  de  notes  et  un  glos- 
saire, vient  à  propos  :  c'est  même  le  premier  ouvrage  de  ce  genre  que 
l'on  ait  tenté  en  France.  H  avait  bien  paru  des  traductions  et  même 
le  texte  de  quelques  parties  de  l'Ëdda,  mais  dépourvu  de  i'apparèil  des 
explications  et  des  gloses  nécessaires  pom'  l'intelligence  de  poèmes  aussi 
difficiles. 

Cependant  on  sera  surpris  d'abord  que  M.  Bergmann,  sur  environ 
trente-six  poèmes  dont  se  compose  l'Ëdda  de  Ssemund,  n'en  donne  que 
trois,  et  que  ces  poèmes  ne  forment  qu'une  faible  portion  du  volume 
qu'il  publie.  Nous  ne  recevons  donc  ici  que  la  douzième  partie  de 
l'E^da-,  et  si  l'auteur  voulait  la  donner  tout  entière,  en  conservant  la 
même  proportion  entre  te  texte  et  les  notes  que  dans  ce  volume-ci,  H 
en  fendrait  encore  six  à  huit  autres.  Dans  sa  préface,  l'auteur  s'excuse 


558  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

héroïques  qui  forment  le  second  volume  de  cette  édition,  ni  le  HâDomâl, 
poème  éminemment  propre  à  faire  connaître  Tétat  sodsi  et  la  mora- 
lité des  peuples  du  Nord  à  cette  époque. 

Laissant  donc  de  côté  tout  ce  que  M.  Bergmann  n'a  pas  donné  de 
l'Edda,  voyons  le  travail  entrepris  pour  les  trois  morceaux  qu'fl  en 
a  extraits. 

L'auteur  s'est  cru  obligé,  comme  je  l'ai  d^à  indiqué,  h  les  lâire 
précéder  d'une  introduction  générale  sur  la  langue,  la  littérature  et  la 
mythologie  islandaises,  et  sur  le  recueil  de  l'Edda.  Déjà  plusieurs  savants 
avaient  cherché  h  prouver  que  Ssmund  ne  peut  avoir  &it  le  recueil 
de  poésies  qu'on  luialtribue.  M.  Bergmann  produit  de  nouveaux  argu- 
ments dans  cette  cause.  Sœmund,  surnommé  frode  (sapiens),  vivait 
au  xi'  siècle ,  c'eat-à-dirc  dans  le  i"  siècle  après  l'introduclion  du  chris- 
tianisme, et  il  était  prêtre.  Or  est-îl  probable  qu'un  prêtre  chrétira, 
quelque  amour  qu'on  lui  suppose  pourl'ancienne  poésîede  ses  ancêtres, 
se  soit  occupé  à  recueillir  et  h  transcrire  les  monuments  poétiques  de 
la  superstition  païenne  à  peine  étouffée,  sans  y  ajouter  aucun  correc- 
tif, sans  y  mêler  aucune  expression  d'un  sentiment  chrétien  ?  M.  Berg- 
mann  trouve  aussi  dans  les  remai^iues  en  prose,  jointes  k  quelques 
poèmes  de  l'Edda  pour  les  expliquer,  ime  preuve  que  Ssimund  n'a 
pas  làdt  ce  recueil.  Ces  passages  intercalés  sont,  selon  lui,  delà  mauvaise 
prose  qu'un  homme  réputé  savant  n'aurait  pas  faite ,  et ,  comme  la  prose 
intercalée  dans  les  vers  doit  avoir  pouriautcur  le  même  qui  a  formé 
le  recueil,  on  ne  peut,  dit  M.  Bcrgmann,  attribuer  l'une  et  l'autre  i 
Ssemund.  Cet  argument,  susceptible  d'être  contesté,  n'est  pas  aussi 
fort  que  le  premier  qui  a  paru  sufiîsant  aux  savants  du  Nord. 

M.  Bergmann  va  plus  loin;  il  soutient  que  l'Edda  de  Ssemund, 
quoique  appelée  vulgairement  l'ancienne  ou  la  vieille ,  l'est  moins  que 
celle  de  Snorro,  composée  par  un  grammairien  du  xiii'  siècle  pour 
établir  les  règles  de  l'art  poétique  et  métrique  d'après  les  anciens  mo- 


500  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

d'autres  ^crivainB  ont  «dopté.  Voilà  susai  ce  qu'a  fait  l'auteur.  StMi 
orth<^nipbe  diSitre  de  celle  qu'où  a  suivie  tant  dans  l'édition  de  Co- 
penhague que  dans  celle  de  Stockholm.  Daoak  première,  par  exempte, 
on  a  écrit  av  au  lieu  d'Ô,  parce  que  lea  Islaudais ,  avant  d'adopter  gioé- 
ralement  l'ô,  exprimaient  cette  voyelle  ou  diphtongue  par  av.  M.  Bog- 
mann  se  sert ,  comme  l'éditeur  de  l'Ëdda  de  Stockholm,  de  l'ô,  ainu  qoe 
du  H  que  les  Islandais  ont  emprunté  des  AngjoSaxons,  et  &  la  ]dâce 
duquel  l'Ëdda  de  Copenhague  a  toujoiuv  la  sim{^  lettre  d,  qnoiqu'^e 
ne  représente  pas  tout  à  fait  le  S  ou  dA.  H  est  vrai  que  dans  la  pronon- 
ciation le  d  et  le  S  ont  souvent  dû  se  confondre,  et  que  dans  le*  ma- 
nuacrits  les  deux  lettres  sont  mises  l'une  pour  l'autre.  Cependant  puia- 
qu'on  a  conservé  le  [i  ou  A,  il  convient  aussi ,  pour  l'exactitude  étymo- 
logique, de  maintenir  le  S.  C'est  ce  qu'a  fait  l'éditeur  de  l'Ëdda  de 
Stoddiolm,  ot  M.  Bergmann  a  eu  raison  de  suivre  son  exemple.  D'un 
autre  côté,  celui-ci  rejette  le  z,  te  f  et  le  c,  lettres  qui  manquent  A 
l'alphabet  runique,  et  qui  dans  les  inscriptions  sont  remplacées,  la 
première  par  ds,  ^s,  ou  ts,  la  deuxième  et  la  troisième  par  k.  Par  la 
même  raison  l'auteur  aurait  voulu  supprimer  1^  comme  ayant  été 
inconnu  aux  anciens  Islandais,  mais  il  n'a  pas  vo^n,  pour  le  moment, 
pousser  la  réforme  jusque-U;  il  ne  dissimule  pas  en  général  qu'il  médite 
une  réforme  plus  comjdéte,  mais  qu'avant  d'y  procéder  pour  la  suite 
de  son  travail  il  désire  connaître  l'avis  des  savants.  D  parait  même 
vouloir  étendre  cette  réforme  sur  toutes  les  langues,  et  dans  une  note 
on  le  voit  proposer  d'écrire  en  français  bôf,  ôf,  soi,  pour  bœuf,  œuf, 
setd.  Je  ne  me  crois  appelé  à  prononcer  ni  sur  cette  réforme,  ni  sur 
la  proposition  que  fait  l'auteur  d'écrire  les  langnea  orientales  en  carac- 
tères européens. 

M.  Bergmann  n'a  pas  eu  pour  le  j  le  même  ménagement  que  pour 
1'/,  et  il  rejette  cette  lettre,  quoique  Bask  l'ait  en^d(^ée  constamment 
dans  l'Ëdda  de  Stockhidm,  et  quoiqu'dle  soit  maintenant  en  us^  tant 


SEPTEMBRE  1858:  561 

runique  exprime  par  f ,  et  qui  représenté  un  son  intermédiaire  entre 
Vé  et  ri,  se  rapprochant  toutefois  plus  de  Yi  que  de  IV.  Par  cette  der- 
nière raison ,  il  vaudrait  mieux  «  ce  me  semble ,  conserver  Vi  comme 
fait  Talpfaabet  runique,  et  indiquer  par  qudque  signe  la  modification 
dû  son. 

Enfin,  dans  la  transcription  des  poèmes  islandais,  M.  Bergmann 
suit  Texemple  des  frères  Grimm,  qui  mettent  en  quatre  vers  les 
strophes  que  Rnh-Magnusen  et  Rask,'  dans  leurs  éditions  de  TEdda ,  ont 
écrites  en  huit.  M.  Bergmann  réfute  les  arguments  de  Rask  en  faveur. 
de  la  dernière  méthode  ;  celle-ci  s'accorde  mieux  avec  la  popularité  de 
la  poésie,  car  de  petits  vers  sont  faciles  à  retenir;  cependant  pour  les 
manuscrits  on  a  souvent  préféré  la  première  méthode.  Le  poème  des 
Nihelangen  est  en  strophes  de  quatre  vers  doubles ,  et  le  chant  teuto- 
nique  sur  la  victoire  remportée  par  Louis  le  Bègue  en  Vîmeu  sur  les 
Normands,  chant  qu'on  a  retrouvé  récemment  dans  la  bibliothèque  de 
Valenciennes ,  est  écrit  d'une  manière  semblable. 

Pour  faire  voir  la  différence  entre  le  texte  islandais  des  deux  éditions 
de  TEdda,  et  la  leçon  adoptée  par  M.  Beremann,  je  vais  transcrire  les 
deux  premières  strophes  de  Vôluspâ.  Voici  d'abord  le  texte  d'après  les 
deux  éditions  de  l'Édda  : 

ÉDITION   DE  STOCKHOLM.  ÉDITKW   DS  O0PBMHA60E. 

Kmj6\is  U]i  ek  aUar  Blieds  bid  ec 

Helgar  kindir  Allar  kindir 

Heiri  ok  minni  Mein  oc  minnî 

Mavgo  Hemi)>a]lar  Mavgo  Heimdallar. 

Vildo'atekVdrav>ur  Vildo  ît  ec  Valfavdvr 

Vêi  framteljak  Vel  fyr  telia 

Fornspiôll  fira  PornspiôH  fîra 

pau  ek  fremst  of  nam.  |>au  er  fremst  um  man. 

II.  Ek  mai)  jôtna  Ec  man  iotna 

Ar  of-boma  Ar  vm  borna 

^  er  for]H>in  pa  er  fordom  mie 

Mik  frcadda  hôf^  :  Fôdda  hofdo. 

Nio  man  ek  keima  Nio  man  ec  heima 

Nio  ivij>i  Nio  ividi 

Rejotvi]>  mœran  Hiôtvid  môran 

Fyrir  mold  ne]>an.  Fyri  mold  nedan. 

M.  Bergmann  écrit  ces  deux  strophes  ainsi  qu*il  suit  : 

HiiôSs  hiS-èk  allar  hdgarkin<fir 
Meiri  ok  minni  môgu  Heim]>anar; 
Vi]da*êk  Val-fôSur  jQ  framtelia 
Fom-spi^  fira  yau  êk  fremst  oF-nam. 


X 


562  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Ek  maa  lôtna  âr  of-borna 
]>A-ër  ibr^um  mik  frccdda  bôiSu  : 
Niu  mao-êk  heima,  nlu  îvidï 
UiôtriS  nueran  fyrir  mold  aCdan. 

On  peut  remarquer  que  ses  variantes  portent  non-seulement  sur  for- 
thographe ,  mais  sur  les  mots  mêmes.  L'auteur  cherche  à  justifier  dans 
les  notes  les  leçons  qu'il  a  adoptées  de  préférence  à  c^es  de  l'une  ou 
l'autre  des  deux  Ëddas  imprimées,  et  quelquefois  de  toutes  les  deux'. 

Avant  de  clore  son  introduction,  M.  Bergmann  expose  tout  le  sys- 
tème de  la  versification  islandaise.  Le  mécanisme  de  cette  versification 
avait  déjà  été  expliqué  par  plusieurs  auteurs  danois  et  suédois,  ainsi 
que  par  quelques  savants  d'Allemagne.  En  France,  M.  Bergmann  est  le 
premier  qui  fasse  connaître  cette  matière  avec  autant  de  détails  et  d'une 
manière  aussi  approfondie.  Il  ne  se  borne  pas  à  répéter  d'autres  auteurs; 
on  s'aperçoit  qu'il  a  fait  lui-même  une  t-tude  de  cette  versification  assez 
singulière,  dont  une  des  gènes  et  des  beautés  consistait  dans  l'obliga- 
tion de  l'allitération ,  c'est-à-dire  de  la  simple  ou  double  répétition  d'une 
même  consonne  en  deux  hémistiches  consécutif.  Les  Anglo-Saxons  et 
les  Finnois  aimaient  comme  les  Scandinaves  cette  répétition  de  con- 
sonnes ou  de  syllabes:  les  poésies  de  ces  deux  peuples  en  fournissent  la 
preuve^.  On  essaya  de  l'introduire  même  dans  la  langue  latine^,  et  il  y 
a  de  vieilles  poésies  slaves  qui  en  contiennent  aussi  des  traces*.  Ce 
genre  de  beauté  a  ddhc  été  goûté  par  des  peuples  d' origine  diver&e;  mais 
il  a  fini  par  céder  au  plaisir  que  donnait  la  rime. 

'  Le  texte  de  Vôluspà ,  tel  que  le  donne  M.  Bergmann ,  se  rapproche  davantage 
d'une  seconde  veraion ,  que  l'édileur  de  l'Edda  de  Copenhague  insère  au  supplément 
sous  le  titre  de  AdiUtamenlam  conlineiu  apographum  carminit  Vôla^  hacleiuu  in- 
editam,  seJ  a  ntiqais  ordine  différent.  On  pourra  en  juger  par  la  première  strophe  que 

Hhàda  bid  «c  allar 
Hdgar  kindir 
Meiri  oIi  miori 


SEPTEMBRE  1838.  565 

Il  faut  maintenant  aborder  les  poèmes  islandais  pour  lesquels 
M.  Bergmann  a  fait  son  ouvrage.  Le  premier  est  Vôluspà,  assuré- 
ment une  des  compositions  poétiques  les  plus  remarquables  que  le 
Nord  nous  ait  conservées  ;  c'est  aussi  celle  qu'on  a  le  plus  souvent  tra- 
duite ou  imitée  *.  Un  des  traducteurs  et  commentateurs  la  compare  à 
une  voix  mystérieuse  qui  frappe  notre  oreille  dans  le  silence  d'une  nuit 
obscure  ^.  La  vision  d'une  vah  ou  prophétesse  qui ,  en  termes  souvent 
douteux  et  en  phrases  pleines  d'allusions  mythologiques  et  dont  les 
transitions  nous  échappent  quelquefois,  chante  l'origine  du  monde,  la 
création  de  l'espèce  humaine,  les  travaux  des  dieux,  l'arrivée  du  génie 
du  mal ,  la  perversité  des  hommes  qui  en  est  la  suite,  le  renouvelle- 
ment futur  de  funivers  et  le  rétablissement  de  la  justice:  voilà  un  sujet 
éminemment  poétique  et  un  document  important  pour  l'histoire  des 
cosmogonies  et  mythologîes  anciennes. 

Les  opinions  les  plus  diverses  ont  été  mises  en  avant  sur  cette  com- 
position. Tandis  que  les  uns  attribuent  à  Vôluspà  une  très-haute  anti- 
quité et  y  voient  l'écho  des  accents  prophétiques  d'une  sibylle  grecque 
ou  les  débris  des  doctrines  théosophiques  de  l'Orient*,  d'autres  ont  cru 
y  reconnaître  des  traces  d'idées  chrétiennes,  et  devoir  admettre  que 
ce  poème  est  de  la  fin  du  paganisme,  ou  que  du  moins  les  chrétiens 
y  ont  fait  des  interpolations;  c'est  ainsi  qu'on  a  vu  le  jugement  der- 
nier, tel  qu'il  est  annoncé  par  les  livres  chrétiens,  dans  la  strophe  sui- 
vante qui  est  la  65'  dans  l'édition  de  Stockholm,  la  58*  dans  celle  de 
Copenhague,  et  la  59'  dans  le  texte  de  M.  Bergmann  : 

^&  kêmr  inn.  RSki  at  Regin-dômi    Alors  il  vient  d'en  haut  présider  au  jugement  des 

grandeurs , 
Oflugr  ofan ,  sâ-êr  ôUu  raeSr  Le  souverain  puissant  qui  gouverne  funivers. 

Semr  hann  dôma  ok  sakar  leggr,     II  tempère  les  arrêts,  il  calme  les  dissensions, 
Vé-skôp  setr  )>au-êr  vêra  skulo.       Et  donne  des  lois  sacrées,  inviolables  à  jamais. 

Cette  strophe  manque  en  effet  dans  le  manuscrit  en  parchemin  que 
l'on  possède  à  Copenhague^. 

D'autres  ont  vu  même  ie  mot  de  religieuses  dans  l'épithète  donnée 
aux  Valkyries  : 

Nu  êro  taldar  nonnor  Herians 

Gôrvar  at  rîSa  grund  Valkyrior  (vers  io3  et  lOÂ  ) , 

^  Voyez,  sur  les  diverses  édifions  et  tradiiclions  de  Yôluspa,  Lindfors,  Jnledning 
till  islànâska  Litteraturen ,  cap.  i.  —  *  Studach ,  Sœmnnds  Edda  des  Weisen,  ans 
dem  Islànd.  àbenetzi  uni  mit  Ânmerkungen  begleitet;  part  I.  Nuremberg,  183g;  in-4*. 
page  4.  —  ■  Voyez  la  prélace  d*A&e]ius,  Edda  de  Stockholm,  1818.  —  *  Voyez  les 
notes  sur  Vôluspé,  Edda  de  Copenhague,  t  III. 

70 


564         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

que  M.  Bergmann  traduit  ainsi  ; 

Voilà  énumérâes  lei  lervanlei  du  Combattant, 
Ln  Vidkjnef  prauéet  de  voler  dans  là  campagne. 

Dans  l'Edda ,  édition  de  Copenhague ,  on  avait  traduit 

Jam  >unt  receuita 
ATj'mpftaHtirianù  (Othini). 

Cependant,  M.  Studach  dans  sa  traduction  allemande,  aussi  littérale 

que  possible,  avait  mis  : 

GeoBnnt  sind  ddd 
n^sng  Nonnen 
Walkûren  gerùstet 
Zum  RiUaufErdeu'. 

«Les  voilà énumérées,  les  nonnes  dHérian,  les  Valkyries,  etc.»  Et 
M.  Geier,  historien  suédois,  regarde  comme  positive  la  mention  des 
nonnes  ou  religieuses ,  dans  le  poëme  de  Vôluspà  *.  M.  Studach  a  pour- 
tant averti  dans  ses  notes  qu'U  ne  faut  pas  se  tromper  sur  le  mot  de 
nonnes  (nônnnr,  pluriel  de  nanna,  femme},  mot,  dit-il,  plus  ancien  que 
le  christianisme.  H  cite  en  effet  un  grand  nombre  de  langues  anciennes 
et  modernes  qui  ont  ce  nom  ou  un  mot  approchant,  mais  dans  des 
acceptions  bien  différentes  les  unes  des  autres^.  L'Edda  de  Copenhague  a 
aussi  une  note  sur  ce  mot,  en  avertissant  que  nonna,  singulier  de  mnnor, 
n'a  rien  de  commun  avec  le  mot  de  nanna,  nonne,  religieuse  *. 

M.  Bei^mann  ne  fait  pas  d'observation  sur  le  passage  du  poème  qui 
contient  le  mot  de  nénnor.  Dans  ses  remarques  générales  sur  Vôluspé , 
il  déclare  n'y  avoir  trouvé  aacan  vers  fja'on  paisse  soupçonner  de  n'être  pas 
aaikenti<iB€.  Il  croit  voir  tant  dans  le  fond  que  dans  la  forme  de  ce  poème 
la  preuve  que  Vôluspi  est  un  des  plus  anciens  monuments  de  la  litté- 
rature Scandinave ,  et  qu'il  a  été  composé  à  une  époque  où  le  paganisme 
Scandinave  était  encore  en  pleine  vigueur,  mais  où  se  manifestaient 


SEPTEMBRE  1858.  565 

contre  la  religion  4e  son  siècle,  et  espérant,  en  patriote  etenjAilosophe^  voir 
un  jour  la  justice  présider  aux  destinées  du  monde. 

Cependant  rien  n'annonce ,  à  mon  avis ,  Tintention  du  poète  de 
prédire  sous  forme  de  prophétie ,  comme  dit  encore  M.  Bergmann ,  la 
chute  de  Tancienne  religion  Scandinave.  Voulant  exposer  la  cosmo- 
gonie du  Nord ,  il  était  amené  naturellement  à  parler  de  Tintroduction 
du  mal,  et  de  Tespoir  de  voir  le  bien  triompher  un  jour  dans  l'univers. 
Toutes  les  religions  ont  énoncé  cet  espoir  ;  les  Scandinaves  ont  à  cet 
égard  partagé  les  idées  d'autres  peuples  du  paganisme.  S'il  est  donc 
parlé  dans  Vôluspà  des  jours  futurs  qui  verront  le  génie  du  mal  dompté 
et  la  justice  reprendre  ses  droits,  je  ne  crois  pas  qu'on  doive  y  voir 
d'autre  intention  que  celle  de  manifester  l'espoir  de  la  régénération  du 
monde  coiTompu. 

MM.  Studach,  Finn-Magnusen  et  d'autres  savants  ont  supposé  que  la 
vala ,  qui  est  censée  prédire  l'avenir,  prononça  ses  paroles  mystérieuses 
dans  une  grande  solennité  religieuse,  celle  qui  se  célébrait  au  solstice 
d'été  ;  que  la  mention  d'Heimdall,  père  des  hommes,  dans  la  première 
strophe ,  y  fait  allusion ,  et  que  la  prédiction  du  dépérissement  du  monde 
s'unit  ici  à  une  allégorie  relative  au  dépérissement  de  la  chaleur  et  du 
jour,  qui  commence  après  le  solstice  d'été.  C'est,  comme  on  voit,  une 
simple  conjecture,  fondée  sur  l'opinion  que  la  religion  Scandinave  était 
allégorique,  ce  qui  reste  à  prouver. 

Le  défaut  de  liaison  entre  quelques  strophes  a  irappé  l'attention  de 
plusieurs  traducteurs  et  commentateurs.  Herder  regardait  Vôluspà 
comme  des  jfragments  de  très-vieilles  traditions  qui  nous  sont  parvenues 
dans  un  ordre  qui  laisse  beaucoup  à  désirer^. 

Les  manuscrits  n'ont  pas  en  effet  la  même  suite  dans  les  strophes  dont 
quelques-unes  ont  même  paru  incomplètes.  Aussi  les  éditeurs  les  ont 
rangées  différemment;  et  M.  Bergmann,  s'autorisant  de  leur  exemple, 
établit  un  nouvel  ordre  qui  lui  semble  être  le  plus  convenable  ;  mais , 
pour  cet  arrangement,  il  est  obligé  de  mettre  six  à  sept  vers  dans 
quelques  strophes,  au  lieu  de  quatre  qu'ont  toutes  les  autres.  Dans  un 
poème  aussi  obscur,  il  est  permis  de  chercher  à  mettre  un  peu  de  clarté 
à  l'aide  de  la  transposition  des  idées,  pourvu  que  l'on  ne  pousse  pas  cet 
effort  trop  loin.  Cependant,  jusqu'à  ce  que  l'on  sache  si  le  poème  est 
complet  ou  s'il  y  manque  des  passages,  on  ne  pourra  décider  si  tel  ou 
tel  arrangement  est  le  meilleur.  On  pourrait  parvenir  à  une  disposition 

*    Volkslieder,  t.  II,  p.  igS. 

70. 


568  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

très -raisonnable   des  strophes,  et  s'éloigner  pourtant  beancoap  de 

l'original. 

Le  deatiime  poème  que  M.  Bei]gaiann  a  reproduit  est  le  VaJ^irid- 
mtmàl,  ou  l'entretien  entre  le  Jote  ou  géant  IVafthràdnir  avec  le  dieu 
Odin.  Gdui-cî  descend  chez  le  géant  sans  se  faire  connaître,  loi  demande 
rhospilalité  et  lui  propose  une  lutte  de  science.  Ld  proposition  est 
acceptée,  avecla  condition  que  celui  qui  succombera  perdra  sa  tète.  Le 
géant  adresse  à  l'étranger  des  questions  mythologiques  qui  sont  prompfe- 
ment  résolues  par  le  dieu  déguisé.  A  son  tour  Odin  propose  des  énigmes 
que  le  géant  devine  toutes ,  à  l'exception  de  la  dernière  dans  laquelle  il 
reconnaît  le  savoir  d'Odîn  :  aussi  est-il  forcé  d'avouer  sa  défaite. 

Ceux  qui  sont  pénétrés  d'admiration  pour  toute  l'Edda  ont  fait  ressortir 
l'exposition  dramatique  du  sujet,  la  rapidité  et  la  vivacité  du  récit,  )a 
simplicité  du  langage:  ils  y  ont  même  vu  une  allégorie  de  la  lutte  entre  la 
doctrine  my  stique  des  Jotes,  Jettes  ou  Finnois,  et  du  peuple  goth  qui  finit 
par  rester  vainqueur  ' .  M.  Beipnann ,  tout  en  choisissant  ce  poème  de 
préférence  à  beaucoup  d'autres ,  le  regarde  pourtant  comme  un  des 
moins  beaux  de  l'E^da.  Il  convient  de  quelques  beautés  que  d'autres 
savants  y  ont  reconnues  :  il  accorde  même  au  poète  de  la  délicatesse 
dans  les  pensées,  di-  la  finesse  dans  les  expressions;  mais  il  ajoute  :  «  Ce 
n'est  ni  soiis  le  rapport  de  la  dbposition  ou  du  plan,  ni  sous  celui 
des  pensées  ou  du  fond  que  notre  poème  laisse  beaucoup  à  désirer; 
c'est  dans  le  style  que  réside  le  principal  défaut  de  Vafthrûdnismâl. 
Le  style  en  est  généralement  trop  prosaïque,  et  les  mêmes  phrases, 
qui  reviennent  dans  presque  chaque  strophe ,  répandent  sur  tout 
le  poème  quelque  chose  d'uniforme  et  de  monotone.  T  est  vrai  que  le 
dialogue  comporte  un  style  moins  poétique;  mais  toujours  faut-îl  que 
dans  un  poème  le  langage  se  soutienne  au-dessus  de  la  prose  ordinaire. 
D'un  autre  côté,  il  faut  convenir  que  les  répétitions  proviennent  en 
partie  de  la  nature  même  du  sujet  de  Vafthrûdnismât.  Comme  les  mêmes 


SEPTEMBRE  1858.  567 

M.  Berginann  pense  que  Vafthrûdnismâl  est  du  x' siècle,  comme  il 
suppose  que  Vôluspà  a  été  composé  dans  le  siècle  précédent.  Ce  sont 
de  simples  conjectures,  fondées  plutôt  sur  un  sentiment  vague  que  sur 
quel([ue  chose  de  positif. 

L*auteur  a  terminé  son  choix  par  le  poëme  de  Lokasenna,  qui,  dans 
Tédition  de  Stockholm ,  s  appelle  Lohaglepsa,  et  dans  celle  de  Co- 
penhague Aegisdrecka,  Le  poète  y  fait  rassembler  tous  les  dieux  au  fes- 
tin donné  par  iflgir,  et  arriver  le  génie  du  mal ,  Loke ,  qui  se  plaît  à  apos- 
tropher rudement  les  dieux  et  les  déesses,  à  adresser  à  chacun  d'eux 
une  méchanceté  ou  une  malice,  jusquà  ce  qu  enfin  Thor,  le  dieu  puis- 
sant, mette  fin  à  ce  scandale,  en  menaçant  Loke  de  son  marteau  re- 
doutable. C'est  assurément  une  composition  très-singulière  :  la  chro- 
nique scandaleuse  de  TOIympe  Scandinave  y  est  révélée  avec  une  malice 
grossière,  mais  qui  n'est  pas  entièrement  dépourvue  d'esprit. 

Le  peu  de  ménagement  que  le  poète  garde  pour  les  dieux  du  paganisme 
a  fait  penser  qu'il  vivait  à  une  époque  où  la  mythologie  avait  cessé  d'être 
un  objet  de  culte  dans  le  Nord^  M.  Bergmann  est  aussi  de  cet  avis.  Il 
présume  que  Lokasenna  aura  été  composé  peu  de  temps  avant  que  le 
christianisme  eût  triomphé  en  Islande  ;  il  voit  dans  le  poëme  le  per- 
siflage de  la  mythologie,  et  dans  le  poète  un  incrédule  et  un  esprit  fort. 
Je  ne  sais  pourtant  si  l'auteur  a  raison.  Voyez  les  mystères  qu'au  moyeu 
âge  on  représentait  sur  le  théâtre.  On  y  met  quelquefois  dans  la  bouche 
du  diable  des  discours  dans  le  genre  de  ceux  que  le  poète  Scandinave 
fait  débiter  par  le  méchant  Loke.  Dira-t-oa  que  l'auteur  dramatique 
tournait  la  religion  chrétienne  en  dérision,  ou  que  cette  religion  était 
arrivée  au  terme  de  sa  décadence?  Non,  certes-,  le  poète,  dans  sa  sim- 
plicité, croyait  devoir  charger  le  rôle  de  Satan  de  toute  la  méchanceté 
de  son  caractère.  Ne  serait-il  pas  possible  que  le  poète  islandais  eût  eu 
aussi  l'idée  de  mettre  en  scène  les  mauvaises  inclinations  de  Loke ,  l'en- 
nemi des  dieux?  Il  faut  convenir  toutefois  qu'il  y  a  mêlé  de  la  malice, 
et,  comme  cette  qualité  ne  s'accorde  guère  avec  la  naïveté  du  pre- 
mier âge,  on  est  toujours  réduit  à  supposer  que  le  poêle  vivait  dans 
les  derniers  temps  du  paganisme,  sans  qu'on  puisse  dire  avec  M.  Bei^- 
mann  que  Lokasenna  a  dû  être  composé  dans  les  dernières  années  du 
X*  siècle. 

  r^rd  de  la  traduction  qui  accompagne  le  texte  des  trois  poèmes , 

'  «  Cfleterum  moncndum  est,  cannina  Lokaglepsa  et  aHegoriam  Harbarzli6cl , 
■  omnibus  in  rébus  mytliologicis  fide  et  auctorilate  îere  deslituta ,  ignobilioretn  œvi 
«  feturam  redolere,  •  dit  un  peu  crûment  M.  ARtelius,  dans  la  préface  de  TEdda, 
<^dit.  de  Stockholm. 


568  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

l'auteur  a  cbercbé,  comaie  il  en  aTCrtit  dans  l'avant-propos,  à  la  rendre 
ausfî  fidile  que  possible  ;  il  a  pris  en  effet  beaucoup  de  peine  pour  doa- 
iier  l'équivalent  d'eipressions  quelquefois  lrès-dii£ciles  à  rendre  en 
français.  Il  n'y  a  que  quelques  passages  qui  pourraient  donner  lieu  4  de 
l^ère»  remarques  critiques  ;  par  exemple,  lorsque  te  poêle  de  Vôluspâ. 
<!n  pariant  du  mouvement  des  étoiles,  se  sert  de  l'expression  gdmJo 
jôngo,  qui  signifie  littéralement  vieille  marcbe  ou  route  ancienne, 
M.  Beigmann  traduit  cette  expression  par'  orbites  éUmeBes.  Le  mot  or 
hite  suppose  des  idées  astronomiques  que  les  Scandinaves  ne  possédaient 
|>as.  Le  passage ,  i^ggtt  uetr  hxtrfjrir,  est  rendu  par  :  car  l'homme  en 
colère  ne  craint  pas  le  ^bte.  La  mention  du  diable  est  un  anachronisme. 
L'aulcur  a  mieux  traduit  dans  les  notes  :  >  Homme  en  colère  n'hésite 
devant  rien.  »  Vreyr  ër  bestr  allra  hallnSa  «  Freyr  est  le  meilleur  de  tous 
les  preux  chevaliers.  »  Cette  expression  rappelle  trop  la  chevalerie  chré- 
tienne pour  pouvoir  convenir  à  la  mythologie  Scandinave;  niais  ces 
taches  sont  légères  en  comparaison  des  grandes  dillicultés  que  l'auteur 
a  eu  k  vaincre  poiu*  rendre  les  expressions  islandaises  en  français  sans 
l'éloigner  du  sens  ainsi  que  du  génie  de  l'idiome  Scandinave. 

Il  me  reste  à  parler  du  glossaire  qui  termine  l'ouvrage,  et  qui,  étant 
précédé  aussi  d'une  introduction,  contient  une  théorie  complète  à 
laquelle  l'auteur  paraît  avoir  donné  beaucoup  de  soin.  M.  Beigmann 
remonte  à  l'origine  du  langage  et  explique  la  signification  primitive 
des  voyelles  et  consonnes,  en  se  servant  de  la  connaissance  des 
langues  anciennes  de  l'Qricnt;  et  cette  explication  très -détaillée  a 
pour  but  d'amener  la  théorie  des  thèmes  qui,  comme  dit  l'auteur, 
forment  la  charpente  oa  le  corps  des  mots,  et  sous  lesqueb  il  a  rangé  les 
mots  islandiiis  qui  selon  lui  en  dérivent  :  il  les  compare  aux  mots 
d'autres  langues,  soit  orientales,  soit  occidentales  qui  paraissent  être 
de  la  même  famille.  L'aulcur  pense  ([u'on  en  viendra  à  ranger  tous  les 
glossaires  dans  cet  ordre ,  et  que  si  l'on  trouve  d'abord  quelques-unes 


SEPTEMBRE  1858.  569 

rielle  ) ,  percevoir  (signification  moitié  matérielle ,  moitié  métaphorique  ) , 
et  voir  (signification  entièrement  idéale);  et  de  ce  thème  il  fait  dériver 
en  latin  spicere,  et  en  islandais  spakr,  spakligr,  prudent,  sage,  spaki, 
prudence,  sagesse,  spâ  [pour spaka),  vision,  prophétie,  comme  dans 
le  mot  vélspa,  vision  de  mystère,  prophétie. 

La  théorie  de  l'auteur,  dont  la  discussion  exigerait  une  connaissance 
presque  universelle  des  langues ,  est  au  moins  fort  ingénieuse ,  et  les 
développements  que  M.  Bergmann  donne  à  son  système  annoncent 
des  connaissances  philologiques  extrêmement  étendues.  En  général  la 
publication  de  ce  volume  est  un  beau  début  de  la  part  du  jeune  savant, 
et  autorise  à  espérer  des  résultats  plus  importants  encore  de  ses  tra- 
vaux d'érudition. 

DEPPING. 


MÉMOIRES  pour  servir  à  une  description  géologique  de  la  France , 
rédigés  par  ordre  de  M.  le  Directeur  de  F  administration  générale 
des  ponts  et  chaussées  et  des  mines,  sous  la  direction  de  M.  Bro- 
chant de  Villiers,  inspecteur  général  au  corps  royal  des  mines, 
par  MM.  Dufrénoy  et  Elle  de  Beaumont,  ingénieurs  des  mines. 

DEUXIÈME    ARTICLE  ^ 

Les  trois  mémoires  dont  nous  allons  rendre  compté  dans  cet  ar- 
ticle concernant  les  terrains  tertiaires  du  midi  de  la  France  et  plu- 
sieurs formations  des  terrains  tertiaires  du  nord  du  même  pays ,  nous 
avons  pensé  qu'il  serait  convenable  de  rappeler  les  idées  principales 
que  l'on  a  émises  sur  la  constitution  générale  des  terrains  tertiaires  dé 
Paris,  afin  de  lier  les  travaux  de  MM.  Élie  de  Beaumont  et  Dufrénoy 
aux  recherches  antérieures. 

Tout  le  monde  sait  que  MM.  Cuvier  et  Al.  Brongnîart  on  fait  époque 
en  géologie ,  par  le  parti  qu'ils  ont  su  tirer  de  la  considération  des  es- 
pèces de  fossiles  que  recèlent  les  terrains  parisiens  dont  les  matières 
constituantes  ont  été  amenées  par  les  eaux,  ou  bien  se  sont  déposées  de* 
leur  sein  à  la  place  qu'elles  occupent  actuellement;  et  c*est  surtout  sous 
ce  point  de  vue  que  la  Description  géologique  des  envîroAs  de  Paris , 
en  devenant  classique  pour  tous  ceux  qui  ont  voulu  étudier  à  fond  To- 

'  Voir  le  premier  article ,  dans  le  cahier  du  mois  d*août  i838. 


570  JOL'RNAL  DES  SAVANTS. 

rigine  des  couches  terrestres  formées  par  la  voie  humide ,  a  acquis  dans 

le  inonde  savant  la  célébrité  dont  elle  est  si  justement  en  possession. 

A  partir  de  la  craie,  dernière  assise  des  terrains  secondaires,  les 
terrains  tertiaires  de  Paris  se  composent  de  couches  horizontales  *  de 
diverses 'matières  superposées  dans  un  ordre  déterminé  par  l'époque 
de  leur  formation  respective ,  de  sorte  qu'une  couche  plus  ancienne 
qu'une  autre  ne  se  trouvera  jamais  assise  sur  cclle-cn  ;  mais  si  dans  on 
lieu  quelconque  on  fait  une  coupe  verticale  qui  mette  la  superposition 
des  couches  tertiaires  à  découvert,  depuis  la  surface  du  sol  jusqu'à 
la  craie,  il  arrivera  bien  rarement  de  trouver  réunies  toutes  les  cou- 
ches qui  constituent  le  terrain  tertiaire  de  Paris  considéré  dans  son  en- 
semble. Il  y  a  plus  ,  les  terrains  de  diverses  formations  n'y  soni  pas 
superposés  de  manière  que  les  couches  récentes  couvrent  toujours 
complètement  les  anciennes  ;  on  voit  même  des  couches  plus  nouvelles 
que'  d'autres ,  qui  dans  l'ordre  de  superposition  géologique  devraient 
conséquemment  être  placées  sur  ces  dernières,  occuper  pourtant 
une  position  moins  élevée,  comme  le  remarque  M.  d'Omalius.  Au 
reste,  on  ne  doit  jamais  perdre  de  vue  que  les  couches  d'un  même 
terrain  sont  rarement  continues  lorsqu'elles  occupent  une  grande 
étendue,  qu'elles  peuvent  se  trouver  à  des  hauteurs  très-différentes, 
enfin  que  dans  un  mf  me  bassin  les  couches  d'un  terrain  inférieur  à  ce- 
lui qui  te  recouvre  en  général  peuvent  dans  quelques  endroits  paraître 
à  nu;  par  exemple,  la  craie  est  presque  k  découvert  près  de  Meudon, 
de  Bougival,  à  Beaumonl  ;  on  voit,  pour  ainsi  dire  à  la  surface  du  sol, 
le  calcaire  grossier  à  Bicêtre,  etc.  et  le  gypse  à  Ménilmontant ,  à  Ro- 
mainville,  etc. 

Si  nous  considérons  maintenant  l'origine  des  couches  des  terrains 
tertiaires  relativement  à  la  nature  des  eaux  qui  les  ont  déposées,  nous 
voyons  que  la  distinction  des  terrains  d'eau  douce  et  des  terrains  ma- 
rins, établie  comme  l'ont  fait  MM.  Guvier  et  Al.  Brongniart,  d'après  la 


.  SEPTEMBRE  1858.  571 

par  exemple,  pour  concevoir  de  la  même  manière  mi  (ait  particulier 
aux  terrains  tertiaires  parisiens ,  fait  qui  consiste  en  ce  qu*ils  se  com- 
posent de  plusieurs  superpositions  alternatives  de  terrains  marins  et  de 
terrains  d'eau  douce.  Ainsi  MM.  Cuvier  et  Brongniart  reconnaissent , 
en  partant  de  la  craie , 

i"*  Un  premier  terrain  d'eau  douce,  comprenant  Targile  plastique, 
des  lignites,  un  premier  grès.  Avec  Targue  plastique  on  fait  de  la 
faïence  fine,  des  creusets ,  des  poteries  rouges ,  des  poteries-grès ,  etc.; 

a"*  Un  pi^emier  terrain  marin,  comprenant  le  calcaire  grossier  et  le 
grès  qu'il  contient  souvent  :  le  calcaire  grossier  fournit  à  la  ville  de 
Paris  la  plus  grande  partie  de  la  pierre  à  bâtir  qu'on  y  emploie; 

S""  Un  deuxième  terrain  d'eau  douce,  comprenant  le  calcaire  siliceux, 
le  gypse  à  ossements,  les  marnes  d'eau  douce; 

4^  Un  deuxième  terrain  marin,  comprenant  les  marnes  gypseuses  ma- 
rines, le  troisième  grès,  un  sable  marin  supérieur,  un  calcaire  et  des 
marnes  mannes  supérieures  ; 

5"*  Un  troisième,  et  dernier  terrain  d'eau  douce,  comprenant  les  meu- 
lières non  coquillières ,  les  meulières  coquillières ,  les  marnes  d'eau 
douce  supérieures  ; 

6"*  Un  terrain  de  transport  et  d^^aUaciùn,  comprenant  des  cailloux  rou- 
lés, le  poudingue  ancien ,  un  limon  d'atterrissement  ancien  et  moderne , 
des  marnes  argileuses  noires ,  des  tourbes. 

Suivant  MM.  Cuvier  et  Brongniart,  après  que  la  craie  se  fut  dé- 
posée du  sein  d'une  mer  qui  couvrait  tout  le  bassin  de  Paris  et  qui 
nourrissait  des  espèces  d'animaux  que  nous  représentent  les  fossiles  de 
la  craie,  cette  mer  se  retira,  et  le  terrain  marin  qu'elle  laissa  fut  occupé 
par  des  eaux  douces  qui  donnèrent  lieu  à  des  dépôts  d'argile  plastique, 
de  coquilles  (tl'eau  douce  ) ,  de  végétaux  terrestres  qui  sont  devenus  des 
lignites  :  ces  eaux  disparurent,  et  une  seconde  mer  vint  couvrir  le  terrain 
d'eau  douce  et  déposer  des  bancs  puissants,  en  grande  partie  formés 
des  enveloppes  testacées  de  mollusques,  tous  différents  de  ceux  de  la 
craie.  Cette  mer  s' étant  retirée,  le  sol  qu  eUe  laissa  découvert  fut  envahi 
par  des  eaux  douées  qui,  insuffisantes  pour  le  couvrir  complètement, 
inondèrent  les  parties  basses  seulement  et  formèrent  des  lacs  au  sein 
desquels  se  déposèrent  des  couches  alternatives  de  gypse  et  de  marne 
qui  enveloppèrent  à  la  fois  et  des  débris  d'animaux  habitant  ces  eaux 
douces,  et  des  ossements  d'animaux  terrestres  qui  erraient  sur  leurs 
bords.  Soit  que  l'eau  de  ces  lacs  eût  disparu,  soit  qu'elle  s'y  fût  conser- 
vée, MM.  Cuvier  et  Brongniart  admettent  l'inondation  d'une  troisième 
mer,  qui  déposa 'successivement  quelques  espèces  de  coquilles  bivalves 

7* 


fi72  JOUAliAL  IfflS  SAVANTS. 

«tide  orMfiiUes  turlnaéM:.  dealmîtres,  pak' une  grande  muse  de  êàhie 
«lMQluai>Cikt.dé^iiivaa  deiôssilea,  eitim^èa'coquiUa.  Cette  mer  se  rOifa 
emuM>lu4ii|rM(.et  leé;  caTités dtt. j«l  yTellelnMin  k dfcoii?ert <e  wb>- 
[dùent  d'tfonc Jowis.dxuleifaeUeiie  fiumiccBt  dei  d^âti  Janâuv, 
qui,  fossiles  aujourd'hui,  occupent  les  soaamets  des  coteaux  tertivraB 
duiMHiif  dé.paris;  enfin,  il  but  admettre  enoorscpiedei'eeia  vinrent 
«SÂmNtJ  ctt  sol,  ik  d4gnidn':daiiB'{duaîew«|iiBlie^,  et  ydépqfér  dis 
çi^pi^- routés»^  lavaM,  du  linu». 

H.  Constant  fîrerost,  feappé  d'abord  dea  .objections  qne  t'-ôta  peut 
&evotfioàttele»akBmatae>Âe  rebmU  et  de  rettmr  ie  lamer^  iet  eoMX 
iaaces  iaM.«i  mimi  Um,  quand  méinë  B  existerait  vue  limite  abs^- 
nMuttrandbée  entre:lea;d4pôtsdes  fossUes  mirina  etdesfiMsflcsd'eau 
douce,  a  dû,  à  plus  forte  raison,  rqeter  fopinioa  qui  «dmetcea.alter- 
mativesi  vft^  que.  ses  propres  obseirvatious  lui  eurent  appris  qu'il  y  a  de 
fréquent*  eaentples  d'une  même  localité  où  ces  diffîreots  or^ei  de  fos- 
siles sont  pour  ainsi  dire  pêle-mêle  ;  dès  ion ,  il  a  exfdiqué  la  formatk» 
dMtercaiiis  tertiaires  par  i'fypoihè$e  ia  (Clients,  ou,  en  d'autres  termes, 
pwr  des  eoMxdoases  f«  afflaèrent  à  certaines  époques  dans  le  bassin  de 
Paris,  qui,  suivant  lui,  comprenait  le  sud  de  l'Angleterre,  lesbassins  de  la 
$0ioe  et^lalioire,  et.s'étcâdait  au  sud  juaqu'aux  hauteurs  du  phtteau  de 
rAn¥fu;g;nQ.  Joi:Sque  la  craie  s'y  déposait  au  son  d'une  mer  pnàirade.  Le 
uiveau  de  la  mer  s'étant  abaissé.,  la  forme  des  bords  dn  bassin  changea, 
et  des  eaux  des  continents  voisins,  prenant  un  nouveau  cours,  purent 
y^doboucber  et  y  déposer i'aifplie  plastique  qu'elles  tenaient  en  suspen- 
sjoiL,  Ce  dépôt  M  proloi^gea  pendant  ceux  de  l'argile  sid)leuse  et  dn  cal- 
cwine-  grossier  inférieur.  A  cette  ^que,  des  mdluaques  de  rivage 
vivaient  aur. les  bords  du  bassin  en  même  temps  ^'il  se  fbimait  des 
dép<Sta  littoraux  et  des  dépôts  pâagiens.  La  mer  du  bassin  de  Paris, 
continuant  de  s'aibaiBter,  ne  forma  plus  qu'une  lagune  saumàtre;  c'est 
alon<que.le  bassin  de  Paris,  proprementdit,  fut  séparé  du  bassin  de  la 


&74  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

8<mt  pHcMMe-diBi  une  mânW'eoudift,-fl  &ut  avoir  jgard  anx  obier' 
vadons  ^e  M.  G.  Prévost,  en4ant  qv'ui  les  &it  porter,  non  contre  k 
lédâé'iTiiB'.pEioe^.'maùiiirrip^icatîon  qu'on  peut  faire  de  oe  prin- 
cipe à  uoeM  perticulin.  Quant  aux  exidiottions  que  M.  C.  Prvreit 
{«opoM  de  aubstkuer  k  celles  de  MM.  Guvier  et  &î)ngniart,  3  est  pla- 
ûmniptiats^fttXBnitaiii  une  discuMion.  si  l'espace  qui  noua  est 
aoeordédanseejoomal  n'était  pas  limité..  Nous  dterions  desiiMeajde 
M.  Hendidi  le  ffib.qui  sont  aussi  celles  de  M.  ^ie  de  Beaumont,  rdaii- 
veinent:i  t'influence  qaepeut  avoir  eue,  confbrna^entàla  théorie  de 
Dduci  l'abaistemcait  du  terraîn  qui  servait-de-fend  aux  eaux  dans  les- 
quelles ««.fennaient  des  dépôts-,  enfin  nous  examinerions  i  qud  point 
sont  sàtisbisantes ,  pour  f explication  des  phénomènes  géologiques,  les 
nstinu  que  l'on  a  piises  en  avant  rdativement  k  la  composition  chi- 
mique des  eaux  qui  ont  pris  part  A  ces  phénomènes.  Peut-être  aurons^ 
nous  J'occasion  de  revenir  sur  ce  sujet. 

Après  les  travaux  suivis  avec  tant  de  persévérance  par  M.  G.  Pré- 
vost dans  l'intenticMi  de  ramener  l'explication  de  la  formation  des  ter- 
rains tertiaires  i  des  causes  qui  agissent  encore  de  nos  jours,  nous  cite- 
rons un  opuscule  extrèosement  remarquable  de  M.  J-  DesDoyers,  qui, 
au  grand  r^ret  des  amis  des  sciences  d'observation ,  semble  avoir  alûn- 
donné,  pour  l'érudition ,  la  carrière  de  l'histoire  naturelle  où  il  a  débuté 
d'une  manière  ai  brillante.  M.  J.  Desnoyers  pense  que  tous  les  bassins 
tertiaires,  loip  d'être  contemporains,  (mt  été  formés  successivement, 
probablement  par  de  fréquentes  osdllatîons  du  sol  produites  par  les 
agents  vcdcaniques.  Ces  bassins  ont  été  èoBoite  successivement  remplis 
par  des  dépôts  qoi  présentent  la  [dus  grande  diversité ,  soit  que  Ton 
considèreiâ  compositi<m  chimique  des  eaux  douces  ou  salines  qui  rem- 
plissaient ces  basions ,  soit  que  l'on  «>nsidère  la  diversité  spécifique  des 
matières  qui  se  déposaient ,  soit  enfin  que  Ton  ait  ^rd  à  la  diversité 
des  états  molécnlaues  où  une  même  matière  pouvait  se  trouver  suivant 


SEPTEMBRE  1858.  575 

kcuatre  de  Paris ,  il  a  été  conduit  à  reconnutre  au  mœns  trois  périodes 
géologiques,  y  comprise  Tépoque  actuelle. 

La  période  la  phs  ancienne  qui  succéda  immédiatement  à  la  formation 
du  terrain  lacustre  supérieur  de  Paris ,  et  qui  est  antérieure  au  creuse- 
ment de  la  {dupart  des  vallées  actuelles ,  est  la  plus  vaste  et  la  plus  va- 
riée dans  ses  produits  ;  elle  comprend  des  dépôts  marins ,  fluviatiles 
et  lacustres. 

Les  dépôts  continenianx ,  c*est-à**dire  ceux  qui  ont  été  formés  sur  les 
continents,  comprennent  des  brèches  osseuses  et  ferrugineuses,  plu- 
sieurs des  dépôts  que  M.  Buckland  a  aj^lés  mdédilaviens. 

Les  dépôts  marins  comprennent  le  crêg  du  Norfolk,  du  SuflTolk  et 
d'Essex ,  les  tufs  marins  du  Cotentin ,  les  fiiluns  de  la  Loire  et  de  Dax , 
le  cahaire-mùeUan  et  les  sables  marins  de  THérault,  la  molasse  coquiliière 
des  bassins  du  Rbône  et  de  la  Suisse ,  etc. 

Le  bassin  de  la  Loire  présente  la  couche  la  plus  ancienne  de  cette 
période  reposant  sur  le  terrain  lacustre  du  bassin  de  la  Seine. 

Les  terrains  de  cette  formation,  quelle  que  soit  leur  origine,  sont  sur- 
tout caractérisés  par  les  ossements  de  grands  mammifères  qu'ils  ren- 
ferment,  et  par  le  mélange^  variable  avec  les  bassins,  d'espèces  fossiles 
inconnues  réunies  à  des  espèces  analogues  &  celles  qui  vivent  dans  des 
contrées  voisines. 

La  période  moyenne,  postérieure  à  la  forme  générale  de  nos  continents 
actuels ,  commence  immédiatement  après  la  destruction  en  Europe  des 
grands  mammifères  ;  elle  cdmprend  des  terrains  marins  et  des  terrains 
formés  hors  des  mers. 

Les  premières  ne  renferment  que  des  fossiles  marins  identiques  avec 
les  espèces  actuellement  vivantes. 

Les  secondes  comprennent  une  grande  partie  du  dépôt  que  M.  Buck- 
land a  appelé  dilavinm. 

M.  Desnoyers  pense  que  le  changement  de  niveau  des  mers ,  qui  a 
donné  lieu  à  nos  bassins  actuels,  a  déterminé  la  période  moyenne,  la- 
quelle a  été  plus  rapide ,  plus  tourmentée ,  plus  torrentielle ,  dit-il ,  qu'au- 
cune autre. 

Enfin  la  période  moderne  ou  contemporaine  présente,  suivant  M.  Des- 
noyers, des  phénomènes  géologiques  tout  à  fidt  analogues  k  ceux  de 
la  période  précédente  ;  pour  s'en  convaincre  il  suffît  d'examiner  les 
travertins  d'Italie,  ceux, de  1* Auvergne ,  les  dépôts  des  lacs  de  Hongrie, 
des  lacs  d'Ecosse,  la  formation  des  tourbes,  les  alluvions  des  grands 
fleuves  9  etc.  etc.  Les  diffîrences  ne  portant  guère  que  sur  l'intensité 
des  effets,  on  est  conduit  k  admettre  la  liaison  la  plus  grande  entre 


57ft  JOURmVL  IMBSr  SAVANTS. 

lesiÎMTD^tiaH  wtanpamlii»  eties  fotinitioiis  ée  faipériode  mofttuirJ< 
dès  lors  (Hi  ne  peut  se  refuser  tie  rtioonnaîtK  ilne  grande  analojps  sillte' 
Is»  jeaoMti  qui  tgMoitactaaileKiaitet  cidi«ff.«[iD'ODt'agi  "amrafai;  Hbê 

la  fiifiiiBtîon:'dMtafnita»par  b  T«ie  faottiMe.  '■■'-'• ' '' '^ 

-  fMÈa  M.  Deihayes,  qui  BemUcaTtoir  cotuaci^iia  "vie  k  i^étaèti'ém 
aoqaâlMiia  MiMndoit,  par  leiamen  ajqtedfiïniUidB'oolJes  «pii'avtHMM 
vont  à  l'étet  fossile  dans  les  couches  tertiaires ,  à  établir  trois  éMqgMçMÉR» 
le.bMÛ  4e  Paiis  necontiHit  qoeles  drax  prônera;  réftdttttMl  i 
fait  confetme  k  la  manière 'd&  Toir  de  M.  Deanoyers.  '  ' 

Les  détaflsdanskscpicJsncmayeBonsidîairtiw-pariaeWBiK'dfetinMfr' 
wr-MipMeiiiMit  lés  trois  mémoires  atnqafAi-fM  aii|î«l«  eet  coftswié, 
pnùqpd  tafflt«  kfA  préieiiteruQe  cMTid  ant^fW'poiir  qae'nMieii* 
leoniwflfiBeBtieS'Tiçports-qu'flieBtat'ecleAtnivMxeMéineârs.  -' 

.!.)lUifpm^^nr.-je5  ten-aiiu  teitiairê*  da^aJUR  (2a  BÙiiidt  fa  Fraapa^. 
par  M.  Dufrénoif. 
M;  IfhA«étt6y,  eprès  avoir^appelé  lu' travaux  les  ^as  remEâMjâa- 
UM  dent  4^  terrains  de  Paris  ont  é«é  iH  stijet.  signke  fe  griiti  ftu 
fpUf4^iBmi*ft^tthittAfè kïHnâB  déa  t^tilins tèrtîbft^  éa-  j|itttâM' 
par  lâ>WlVaât[de  Abus' «Tons  analysé;  8*4^  Tefcoudatt'^tit^lqaéticfeutc-- 
titudes,  il  en  attribue  la  cause  ji  la  nécessité  où  s'est  troiiVé  Fautetir'tfi 
s'ennfp9rtc»S'p«ur  Uâ  assëc'grand  n^(»ttbt<e'd«9ocidk^,'à^e  «ftii^es 

deB«i4ptfMW  ér-nM  à  Ms  propres  bbservatiôiis. " 

M.iDbfrénè;  M!hn«t  derm  étages  de  terrains  tertiairee^anB  Iti  basaih 
de  Paris: 

b^MrtfMrnM,  eotUptifté  d«'rtlr^|Fbséi^^A^^  de  la 

piem  à  pfâtre;  '         -,  -^   ....-.-'  i 

■(IèJ&  AscoMï.r  cbitipotf^dîf  ^  da  ^IMtimeètofli  éflâ^fhnl&Hireigfailfi^ 

attociées  à  âucaJadre  d'eaa  doace.  "  '  '      '       ^   -       - 


578  JOUBNAL  DBS  SAVANTS. 

V  Le  «JaOT-Mflfflw  de  Montpcffier; 

5>|jiMoiiM«aifniUUrr  deBnufsetde  Bordeau,  qui  générdaseot 
cat  WDee  et  pCD  dérdoppée; 

£*  Lm>Iw  ie$  Laaîet ,  ■wnMihlw  i  eraz  de  b  Toanioe  :  ib  nW 
oqieat guère  qoe  ici  partie»  beifw  da  terrain  tertiaire; 

S*  Dea  wg3u  «aHiwawuff  et  dea  mammfnm^Maxt  JeH|Mia  aflptf 
reoHiqiiafale»  eneeqa'^s  lôgnii«entlaplBsgraDde  partie  dea  nÔMnôi 
qni  aUmenteol  noa  foires.  Bs  forment  dea  dépota  mincea  aor  ka  co- 
teanx  de  cnôe  et  de  calcaire  jurato^oe  dn.  F^rigord.  de  la  flahitnngr 
etdn  Qnerof. 

Loaaqne  le  tenain  d'eau  dooee  exiate,  le  calcaire  finne  raasM  inB- 
rieure  de  féti^  moyen  ;  3  txmtient  aouTent  dea  coudiea  de  aaUe  ou 
d'aigfle.  SU  manqoe,  n  eat  Boarent  remplacé  par  la  nudaaae  qui  re- 
pose alors  comme  lui  aur  le  calcaire  grossier. 

La  molasse  coquillière  eat  toujours  supérieure  an  calcaire  d'eau 
douce-,  fl  en  eat  de  même  dea  &lnns ,  qui  ont  avee  die  la  pins  grande 
andogie. 

Le  calcaire  d'eau  douce,  à  Agen  et  i  ViUenenre  d'Agen,  présente 
deux  Taiiétés  :  Tupe  eat  blanche,  de  dureté  variable,  f antre  est  colorée 
par  du  bitume  en  gria-bleuAtre.  A  BeaumiHit,  le  calcaire  d'eau  douce 
eat  mêlé  d«  rognon»  sfliceur,  et  même  de  pierres  meulières. 

Le  calcaire  d'eau  douce  de  Outres  renferme  de  nombreuses  concré- 
tions  calcaires  cylindroîdes  qui  sont  caractéristiques  pour  la  fornialî<m 
de  tous  les  gisements  de  calrâire  qui  en  présentent  de  semblables. 

M.  Dnfrâioy,  après  avoir  fait  remarquer  la  nature  calcaire  Jes  galets 
disséminéa  au  miÛeudesaigileaetdespoudingaes  tertiaires  dana  tonte 
la  bande  4ea  terrains  de  celte  fixmaUon  qui  smt  déposés  au  pied  des  Py- 
rénées, tandis  que  les  galets  de  la  molasse  qui  s'appuie  contre  les  mon- 
tagnea  de  la  Vôufée  et  du  Umousin  tirait  leur  origine  des  terrains 


SEPTEMBRE  1838.  579 

dans  les  autres  ;  résultats ,  comme  on  le  voit,  tout  à  fait  conformes  à  ceux 
de  M.  Desnoyers. 

M.  Dufrénoy  pense  que  les  argiles ,  les  minerais  de  fer ,  les  sables 
qui  couvrent  la  plupart  des  plateaux  des  terrains  secondaires  de  la 
France  centrale ,  se  relient  d*une  manière  continue  aux  couches  su- 
périeures des  terrains  de  Paris ,  notamment  aux  argiles  ocreuses  de 
Meudon  et  des  bois  de  Montmorency,  qui  renferment  du  silex,  delà 
craie  et  des  blocs  de  meulière.  En  -conséquence,  il  ne  regarde  point  les 
minerais  de  fer  du  Nivernais ,  du  Berry ,  de  la  Dordogne ,  comme  des 
produits  ctallavion,  mais  commr^  appartenant  à  la  partie  supérieure  de 
rétage  moyen  des  terrains  tertiaires. 

L'étage  moyen  tertiaire  du  bassin  du  Midi  correspond,  suivant 
M.  Dufrénoy ,  au  grès  de  Fontainebleau  et  aux  meulières  du  bassin  de 
Paris  ;  cette  formation  recouvre  donc,  d'une  manière  presque  continue, 
tous  les  terrains  secondaires  de  la  France;  et  en  Espagne  et  dans  la 
partie  basse  de  la  Suisse  elle  a  encore  une  étendue  considérable. 

Enfin  M.  Dufrénoy  pense  qu'on  pourrait,  jusqu'à  un  certain  point, 
distinguer  deux  assises  dans  cet  étage  moyen  : 

1**  Le  calcaire  d'eau  douce  associé  à  la  molasse,  au  grès  sUiceux  et 
aux.  ailles  avec  minerais  de  fer. 

a""  La  molasse  coquillière  et  les  faluns. 

III.  Etage  supérieur. 

S'il  recouvre  des  surfaces  très-étendues,  il  est  presque  toujours  très- 
mince,  et  alors  il  a  été  longtemps  confondu  avec  le  terrrain  d'alluvion; 
lorsqu'il  a  une  certaine  épaisseur,  il  contient  des  coquilles  nombreuses, 
et  dans  ce  cas  il  est  identique  avec  le  terrain  tertiaire  des  collines  sub^ 
apennines.  Il  se  distingue  d'ailleurs  parfaitement  de  l'étage  moyen;  car, 
dans  le  ravin  de  i'Infernet,  près  d'Aix,  la  brèche  calcaire  du  Tolonet, 
qui  fait  partie  de  cet  étage  des  terrains  tertiaires,  se  Ihontre  en  couches  in- 
clinées par  suite  du  soulèvement  des  Alpes  occidentales,  tandis  que, 
chose  remarquable ,  l'étage  tertiaire  supérieur  est  placé  au-dessus  eu 
couches  horizontales. 

Suivant  M.  Le  Play,  la  séparation  des  deux  étages  est,  en  Elspagne, 
encore  plus  évidente  que  dans  le  bassin  du  midi  de  la  France. 

L'étage  supérieur  est  encore  distinct  de  l'étage  moyen  dans  les  pay» 
de  plaines,  et  dans  cette  circonstance  encore  la  considération  des 
fossiles  conduit  à  la  même  conséquence  que  les  considérations  pure- 
ment géologiques. 

7a 


5fiO  JOOENAL  DES  SAVANTS. 

Les  temdiu  de  i'élage  supéneor  renferment  des  ossements  des  umb»- 
miières  antédiluviens,  et  des  coquilles  d'espèces  difTérentes  de  cdies  de 
l'étage  moyen ,  et  qui ,  pour  la  plupart,  se  retrouvent  dans  les  men  ac- 
todles.  Quoiqu'il  en  soit  de  cette  identité,  M.  Dufrénoy  recomiaâlt 
«recM.  ÉliedeBeaumont,  que  cet  étage  supérieur  des  terrains  tertiairet 
a  été  fiurmé  avant  le  soalèvetnent  de  la  traîne  principale  des  Alpev; 
sontèvonent  qui  est  la  douôème  o^  dernière  révolution  que  le  ^be« 
éprouvée,  et  qui  a  donné  lieu  au  ^tavium. 

L'étage  supérieur  tertiaire  est  principalement  composé  de  dépôts  dt 
galets,  de  coaehei  de  s<diles,  d'toyiles gnisièns  et  sabbnneases;  dans  les 
Apennins,  il  présente  en  outre  des  marnes  calcaires;  enfin,  dans  qudqncs 
partiest  un  calaûre  d'eaa  douce  terreux ,  grossier,  recouvre  des  ssîiles  ma- 
rins grossiers,  et  termine  cette  formation.  Il  est  bien  important  de  ne 
pas  confondre  ce  dernier  calcaire  d'eau  douce  avec  la  molasse  coquil- 
lière  de  l'étage  moyen. 

Dans  le  bassin  tertiaire  du  nord  de  la  France,  on  dirait  que  l'étage 
supérieur  manque,  si  l'on  ne  pouvait  citer  quelques  dépôts  de  galets 
qui  recouvrent  les  sommités  de  plusieurs  collines  jurassiques  de  la  Nor- 
mandie (Calvados  et  Manche). 

Dans  le  centre  delaFVance,  les  amas  de  galets  de  Charlieu  (bassin  de 
la  Loire)  appartiennent  à  l'étage  supérieur  tertiaire,  car  ils  sont  iden- 
tiques à  ceux  de  la  Bresse;  il  en  est  de  même  du  tuf  à  ossements  de 
Boulade  et  de  Perriers ,  près  d'Issoire ,  et  probablement  des  matières 
qui  remplissent  les  cavernes  à  ossements. 

L'étage  supérieur  tertiaire,  dans  la  partie  du  bassin  du  Midi,  qui  se 
termine  au  Rhône,  ne  constitue  qu'une  simple  pellicule;  mais  aux  envi- 
rons de  Perpignan  il  a  une  certaine  épaisseur.  Dans  la  Bresse,  au  con- 
traire, les  dépôts  d'argile  et  de  galets,  appartenante  cet  étage,  sont  très- 
puissants,  quoiqu'ils  le  soient  moins  encore  que  dans  tes  collines  sub- 
apennines. 


SEPTEMBRE  1838.  B84 

les  deux  premiers  étages  du  bassiïi  tertiaire  du  Midi ,  et  quil  consi- 
dère les  terrains  de  la  Loire,  y  compris  les  faluns  de  la  Touraine, 
comme  correspondant  à  la  formation  du  grès  de  Fontainebleau  et  aux 
meulières  coquillières  de  Meudon  et  de  Montmorency.  En  cela,  il 
s'éloigne  de  Topinion  de  M.  Desnoyers ,  qui  regarde  le  bassin  de  la 
Loire  et  une  partie  du  bassin  de  la  Gironde,  y  compris  les  faluns 
des  Landes,  comme  appartenant  à  l'étage  supérieur  des  terraîirfs 
tertiaires. 

Observations  sar  Vétenduo  du  système  tertiaire  inférieur  dans  le  nord  de  la 
France,  et  sur  les  dépôts  de  Ugnites  (jui  s'y  trouvent,  par  M.  Élie  de 
BeaumonL 

L'objet  principal  de  ces  observations  est  de  démontrer  que  le  terrain 
crétacé  ne  limite  point  au  nord  le  bassin  tertiaire  de  Paris,  comme  on 
pourrait  le  penser  lorsqu'on  se  dirige  des  environs  de  Gisors  et  de 
Chaumont  vers  Épemay ,  en  passant  par  Beaumont-sur-Oise ,  Clermont 
en  Beauvoisis ,  Nesle,  Ham ,  La  Fère ,  Laon ,  Craone  et  Reims  :  en  effet, 
si,  à  la  droite  de  l'observateur,  les  plateaux  du  calcaire  grossier  semblent 
être  la  fin  du  terrain  tertiaire  aboutissant  à  une  suite  de  plateaux  moins 
élevés,  composés  de  craie,  ou  de  terrains  carbonifère  et  ardoisier,  ou 
bien  d'un  dépôt  meuble  continu  avec  celui  qui  recouvre  une  grande 
partie  de  l'intérieur  de  la  France,  et  qui,  suivant  l'auteur,  appartient  à 
l'étage  moyen  du  terrain  tertiaire,  cependant ,  en  regardant  avec  quelque 
attention  à  gaucbe,  il  aperçoit  des  tertres  d'une  étendue  variable,  for- 
més de  sables  qui,  analogues  à  ceux  qu'il  peut  voir  à  la  base  des  plateaux 
du  calcaire  grossier ,  se  rapportent  réellement  à  l'étage  inférieur  du 
terrain  tertiaire. 

Ces  tertres,  au  milieu  des  sables  qui  les  constituent  principalement, 
offrent  à  l'observateur  des  grès  renfermant  des  moules  de  coquilles 
bivalves  rappelant  les  tellines  ou  les  cythérées.  Les  sables  sont 
blancs,  jaunes,  rougcâtres,  on  enfin  verts  lorsqu'ils  contiennent  de  la 
chlorite. 

Le  terrain  qui  constitue  ces  tertres  a  été  observé  en  Belgique  par 
M.  d'Omalius  d'Halloy;  il  s'y  compose  de  sable,  d'argile  plastique,  de 
lignites  et  même  de  succin. 

C'est  encore  à  ce  terrain  que  l'auteur  rapporte  les  minerais  de  fer, 
appelés  improprement  d'albivîon,  qui  donnent  lieu,  dans  les  Ârdennes, 
à  un  grand  nombre  d'exploitations. 

Les  tertres  dont  nous  venons  de  parler,  appartenant  à  l'étage  in- 
férieur tertiaire  du  bassin  de  Paris,  et  se  retrouvant  en  Belgique  et  en 

7a. 


582  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Angleterre  où  on  les  appelle  oatfyers,  sont,  suivant  M.  ciîe  de  Beau- 
mont,  des  témoins  de  l'étendue  primitive  de  ce  bassin. 

M.  Élie  de  Beaumont  rapporte  encore  au  même  étage  les  lignites  du 
plateau  du  bois  de  Vermand ,  près  de  Holnon  ,  ceui  qui  se  trouvent 
dans  le  Saissonnais  k  découvert,  parce  que  probablement  les  couches 
qui  les  recouvraient  dans  l'origine  ont  été  enlevées  par  les  courants  di- 
luviens auxquels  un  soulèvementdusola  donné  lieu.  En  conséqueai^. 
ces  lignites  sont  analogues  à  ceux  de  Marly ,  comme  l'avaient  pensé 
déjà  MM.  Cuvier  et  Brongniart. 

Enfin,  M.  Élie  de  Beaumont,  en  allant-dé  Reims  à  Ëpernay  et  Â 
Vertus,  a  observé  que  le  calcaire  grossier  est  peu  à  peu  remplacé  par  des 
marnes  verdâtres  dans  lesquelles  il  finit  parne  plus  apparaître  qu'en  larges 
masses  lenticulaires,  au  sein  desquelles  on  aperçoit  un  développement 
progressif  de  calcaire  siliceux  et  de  meulières,  conformément  à  ce  que 
M.  Dufrénoy  a  observé  sur  les  confins  du  nord-ouest  de  la  Brie,  en  ap- 
prochant de  Paris,  ainsi  que  nous  allons  le  voir  dans  l'analyse  du  mé- 
moire suivant. 

MéyoïRE  sar  la  position  géologique  da  terrain  siliceiur  de  la  Brie  et  des  mea- 
lières  des  environs  de  la  Farté,  par  M.  Dufrénoy. 

Si  l'on  examine  au-dessus  de  Paris  la  vallée  de  la  Seine,  on  voit 
que  le  calcaire  grossier  d'origine  marine  arrive  presque  exclusivement 
au  jour  sur  la  rive  gauche  du  fleuve ,  tandis  que  les  formations  d'eau 
douce  constituent  les  collines  de  la  rive  droite;  et,  à  quelques  lieues 
de  cette  ville,  au  nord-est,  le  calcaire  grossier  ou  les  sables  marins  ne  s'y 
voient  plus  qu'accidentellement;  car  le  calcaire  d'eau  douce  devient 
prédominant,  surtout  dans  le  plateau  de  la  Brie  que  limitent  la  Seine  et 
la  Marne.  Mais  ce  calcaire  d'eau  douce  est  loin  d'être  pur,  car  presque 
partout  il  est  tellement  pénétré  ou  mélangé  de  silice,  que  M.  Brongniart 


SEPTEMBRE  1858.  585 

vent  sur  les  sommets  de  Meudon  et  de  Montmorency;  mais  c'est  à  la 
ressemblance  minéralogique  que  s'arrête  Tanalogie  mutuelle  de  ces 
pierres  siliceuses;  car  les  meulières  da  calcaire  siliceux  sont  d'une  for- 
mation géologique  toute  différente  de  celle  des  meulières  coquilUères  de  Meu- 
don et  de  Montmorency ^  et  cette  différence  d'origine  est  le  point  princi- 
pal que  M.  Dulrénoy  s'applique  particulièrement  à  démontrer  dans  le 
mémoire  que  nous  analysons. 

M.  Dufrénoy  pense  que,  la  silice  s' étant  déposée  en  même  temps  que 
le  calcaire  d'eau  douce,  la  formation  résultant  de  ces  deux  matières 
constitue  l'assise  supérieure  de  l'étage  inférieur  du  terrain  tertiaire  pa- 
risien ,  tandis  que  les  meulières  coquiliières  de  Meudon  et  de  Montmo- 
rency appartiennent  à  la  dernière  assise  de  l'étage  supérieur  du  même 
bassin  (  étage  qui  n'est ,  bien  entendu ,  que  l'étage  moyen  des  terrains 
tertiaires). 

Si  l'on  a  été  longtemps  incertain  sur  la  position  géologique  qu'on 
devait  assigner  au  calcaire  siliceux,  il  faut  en  attribuer  la  cause  à  l'ab- 
sence du  gypse  dans  la  plus  grande  partie  du  pays  que  ce  calcaire  re- 
couvre, et  il  est  remarquable  que,  lorsqu'on  croyait,  avant  le  travail  de 
M.  Dufrénoy ,  observer  à  Saint-Ouen  que  le  calcaire  siliceux  étaîtinférieur 
au  gypse ,  on  assimilait  au  terrain  le  plus  moderne  de  Paris  les  meu- 
lières de  La  Ferté,  qui  ne  sont,  comme  nous  lavons  dit,  qu'une  dé- 
pendance de  la  formation  du  calcaire  siliceux. 

M.  Dufrénoy  a  observé  la  superposition  du  calcaire  siliceux  sur  le 
gypse  à  Fontenay -sous-Bois,  à  Nogent,  à  Quincy.  Cependant  il  n'en 
conclut  pas  que  toute  la  formation  du  calcaire  siliceux  de  la  Brie  est 
plus  moderne  que  celle  de  la  pierre  è  plâtre;  il  est  disposé,  au  contraire, 
à  admettre  que  celle-ci  est  enclavée  dans  ce  même  calcaire. 

Le  calcaire  siliceux  est  certainement  plus  ancien  que  le  grès'maiin 
supérieur;  car  celui-ci  repose  sur  le  premier,  non-seulement  à  Pantin , 
comme  M,  Llie  deBeaumont  l'a  remarqué  le  premier,  mais  encore  dans 
la  forêt  de  Gros-Bois  et  à  la  Butte  des  Griffons,  suivant  l'observation 
de  l'auteur. 

Enfin,  si  tous  les  caractères  géologiques  s'accordent  pour  établir 
l'identité  de  formation  entre  le  calcaire  siliceux  et  le  silex  carié  de  La 
Ferté  et  de  Montmirail,  on  peut  voir  à  Flagny  et  à  la  Cour  de  France, 
dans  une  même  coupe  de  terrain,  les  deux  formation^-  de  meulières 
séparées  l'une  de  l'autre  par  le  grès  marin  supérieur. 

E.  CHEVREUL, 


JOURNAL  DES  SAVANTS. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


mSTmjT  EOïAL  DE  FRANCE. 


M.  Perâer,  membre  de  l'Académie  des  beani-arts,  est  mort  le  5  septembre.  Un 
discours  a  été  prononcé  à  ses  funéraillei  par  M.  Lebas.  Nous  en  eitrairans  qudqnei 
détails  biographiques.  _^    - 

■  M.  CbànesPercieruaqsitÀPaTisen  i76&.Lainadestfrfiirtimedeu>npèrenelBi 
permit  pas  de  recevoir  les  bienfaits  d'une  brillante  éducation  ;  mais  la  nature  el  son 
génie  surent  y  suppléer.  Une  vocation  marquée  pour  l'architecture  détennina  sa 
famille  k  le  confier  ani  soins  de  M.  Peyre.  Après  s'être  constamment  distingué  datis 
les  concours  del'Ecole  royale  d'architecLure,  il  obtint  le  grand  pris  de  Rome  en  1766. 
n  partit  alors  pour  l'Italie ,  où  la  vue  des  chefs  d'oeuvre  des  grands  maîtres  produisit 
sur  soQ  esprit  une  telle  impression .  que  cette  terre  dassique  des  beaux-arts  devint 
ponrinitme  idole  au  cullc  de  laquelle  il  a  consacré  sa  vie  entière,  et  dont  le  souvenir, 
à  ses  derniers  moments,  était  seul  capaUe  d'apporter  quelque  adoucissement  k  sea 
souffrances.  Ce  n'est  qu'à  la  vue  des  admirables  et  nombreuses  études  qu'il  y  a  Ules, 
que  l'on, peut  juger  de  toute  leur  imporlaucc.  De  retour  en  France  k  une  époque 
bien  désastreuse  pour  les  arts  et  où  tant  de  monuments  furent  détruits,  il  s'appliqua 
BvecuneardeurcoDSlaDteàreproduire,  parle  dessin,  les  plus  remarquables  édifices 
de  notre  patrie.  La  colleclion  qu'il  en  a  faite  devient  d'autant  plus  précieuse  qu'elle 
nous  conserve  le  souvenir  de  monuments  ijamais  perdus.  U  ne  servait  pas  seulement 
les  arls  par  ses  travaux;  mais,  par  sa  parole  brillante  et  animée,  il  savait  communi- 
quer aux  autres  l'iafatigable  ïèlequil  animait;  de  sa  conversation ,  toujours  féconde, 
jaillissaient  des  traits  de  Itmière.  Ses  connaissances  profondes  et  variées ,  une  mé- 
moire des  plus  âdèles,  el  une^oquence  aussi  naturelle  que  persuasive,  lui  avaient 
acquis ,  au  suprême  degré,  l'art  de  faire,  partager  son  noble  enthousiasme  aux  per- 
sonnes qui  l'approchaient,  et  particuhèrement  asea  nombreux  élèves.  Aussi  de  qud 
respect.dequeHe  reconnaissance  n'élait-il  pas  entouré  l^  Combien  sa  vie  n'a-t-elle  pas 
été  emb^ie  par  l'amitié  des  artistes  les  plus  célèbres  ?  Happellerai-jeicî  ce  nom  qui 
vient  se  placer  sur  toutes  les  boaches,  le  nom  de  cet  ami  que  cherchent  tous  les  jeux. 


586  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

de  VIII  et  a58  pages,  avec  5  gravures.  On  se  rappelle  qu'en  1819.  M.  MaioiB,  dans 
UD  ouvrage  dédié  à  M.  Percier,  que  le*  arta  viennent  de  perdre ,  nous  avait  fait  con- 
naître, soua  le  litre  de  Palais  de  Scaurnt,  tous  les  détails  de  la  maisoD  de  ville  des 
Romains ,  l'atrium ,  le  gynécée ,  la  pinacothèque ,  l'eièdre.  elc.  M.  Haudebourt  noas 
initie,  h  son  tour,  à  tous  les  secrets  de  la  villa  romaÏDe.  Son  livre  est  un  ingénieux 
commentaire  de  l'épitre  svii'du  second  livrede  Pline  le  jeune,  où  cet  écrivain  donne, 
en  termes  asseï  obscure,  la  description  de  sa  maison  de  campagne  située  près  de 
Laurente.  C'est  en  même  temps  un  tablean  piquant  et  fidèle  des  mœurs  de  la  société 
antique  à  l'une  de  ses  plus  bnllantes  périodes. 

BiojTttphie  uitivertelle  ancienne  et  moderne.  Supplément,  toniG  LXV  (GAAI^ 
GOZ).  Paris,  imprimpric  de  Paul  Dupont  et  compagnie,  librairie  de  Michaud.  i838; 
in-8*  de  57a  pages.  MM.  Artaud,  Capefigue,  Deppioç.  DunMoir,  Eckard,  Eyriés, 
F.  Piilet,  Micbaud  jenne ,  Parisot.  Benan)din,de  Reiffenberg,  Tabarand,  Viliûiave, 
Wnlckenaer,  Weiss,  etc.  etc.  ont  coopéré  à  ce  volume.  Parmi  les  articles  les  fdus 
remarquables  par  leur  importance  ou  par  leur  étendue,  nous  citerons  ceux  de  Gail 
et  de  M™  de  Genlis  par  M.  Duroioir ,  de  Gcil  par  M.  Renauldin ,  de  Ginguené  par 
H.  Michaud,  de  Goethe  par  M.  Parisot,  de  Gosselii)  par  M.  Walckenaer. 

Mémmres  de  la  Société  dei  aatiquairet  de  l'Oaeit.  Tome  IIl;  1837.  A  Poitiers, 
imprimerie  de  Saurin,  librairies  de  Fradet  et  de  Barbier;  àParis.  chez  Derache; 
i838.  — In-8'de  3à8  pages,  7  planches.  Ce  volume  contientle  compte  rendu  delà 
séance  publique  du  ao  août  1837,  et  onze  mémoires,  dont  les  principaux  sont: 
un  essai  sur  les  monuments  celtinues  de  l'arrondissement  de  Loudun  ;  —  des  notices 
de  M.  de  la  Massardière,  sur  le  Vie ox-Poi tiers  ;  —  de  M,  de  Cliergé ,  sur  le  château 
et  la  sainte  chapelle  de  Champigny;  —  de  M.  de  la  Fonlenelle,  sur  le  duc  d'Aqui- 
taine ,  Guillaume  Fier-à-Bras ,  et  la  duchesse  Eœrae ,  etc. 

Mémoire»  el  analyses  des  travaux  de  la  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences 
et  arts  de  la  ville  de  Mende,  cbef-lieu  du  département  de  la  Loière;  i835,  i836. 
lotS*  de  ao  pages.  Imprimerie  d'Iguon ,  à  Mende. 

Mémoires  de  la  Société  royale  des  sciences,  de  l'agriculture  et  des  arts,  de  Lille: 
années  i836,  1837  et  première  partie  de  i838. 10-8°. 

Connaisfance  des  temps  ou  des  mouvements  célestes,  à  l'usage  des  astronomes  et 
des  navigateurs,  pour  l'an  18A1;  publiée  par  le  Bureau  des  longitudes.  Paris,  Ba- 
chdier,  i858;  in-8°,  41701  178  pages.  Pr.  5  fr. 

Aanaairepoar  l'an  t838,  présenté  au  roi  par  le  Bureau  des  longitudes.  Paris, 
Bachelier,  1837  (i838];  in-i8,  63a  pages.  Pr.  1  franc— Lespi^es  aai-6i8  cod- 
tiennent  des  notes  scientifiques  par  M.  Ar^,  sur  le  tonnerre. 


JOURNAL 


DES  SAVANTS 


OCTOBRE  1838. 


Des  journaux  chez  les  Romains;  Recherches  précédées  (fan  mé- 
moire sur  les  Annales  des  pontifes,  et  suivies  de  fragments  des 
journaux  de  Fancienne  Rome;  par  J.  Yict.  Leclerc,  membre  de 
F  Institut  de  France,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  de^  Paris. 
Un  volume  m-8®,  iii-44o  pages. 

Il  y  a  dans  la  science  de  Thistoire  deux  sortes  de  doute  et  de  cri- 
tique; Tune  inspirée  par  un  oi^eii  ambitieux,  l'autre  née  d'un  pur  désir 
du  vrai  :  celle-ci  prudente,  sincère ,  sans  amour-propre,  sans  parti  pris 
d'avance  pour  ou  contre  aucune  idée,  soumet  tout  récit,  toute  assertion 
à  un  examen  rigoureux,  mais  en  ne  cherchant  qu'à  s'instruire,  et  ne 
se  laisse  imposer  par  aucune  autorité,  si  grande  qu'elle  puisse  être, 
mais  en  accordant  au  sens  commun  des  hommes  qui  nous  ont  précédés 
un  juste  crédit;  l'autre,  souverainement  dédaigneuse  de  toute  croyance 
générale  et  ancienne,  sgrmée  de  défiance  contre  tout  ce  qui  est  tradition, 
passionnée  pour  le  paradoxe ,  enthousiaste  d'innovation ,  et  se  flattant 
d'innover  en  renouvelant,  par  l'exagération,  des  singularités  déjà  vieilles, 
finit  par  tomber,  du  haut  de  son  mépris  pour  l'opinion  d'autrui,  dans  la 
plus  étrange  créSulité  en  soi-même,  et  par  s  attacher  avec  une  conviction 
opiniâtre  à  ses  propres  systèmes  et  prendre  pour  authentique^  les  fan- 
taisies d'une  érudition  vaste  et  hasardeuse.  Ambition  de  renomofiée,  que 
ce  doute  hypercritiquel  Vanité,  que  ces  systèmes  de  découvertes  J  fl.est 
bien  à  souhaiter,  quand  ces  conjectureurs  aventuriers,  d'autant  pli9s,& 

73 


588  JOURNAL  DES  SAVANTS. 


matières  en  apparence  très-diverses  de  nature  et  d'intérêt,  sont  cepen- 
dant liés  ensemble  par  des  rapports  intimes,  de  manière  à  former  les 
parties  nécessaires  d'un  seul  et  même  ouvrage',  et  non  pas  un  simple 
recueil  de  pièces  détachées  ;  et  la  double  publication  revient  à  une  par- 
faite unité  de  sujet,  en  niuntrant,  dans  la  succession  des  yoomaaj:  aux 
Annales  des  pontifes ,  la  perpétuité  d'une  rédaction  ofiicieile,  année  par 
année,  jour  par  jour,  des  éléments  de  la  narration  historique  cbei  les 
Romains,  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  la  décadence  de 
l'Empire.  Des  deui  mémoircB,  le  plus  considérable  et  par  son  étendue 
et  par  son  importance  n'est  pas  celui  dont  le  nom  frappe  les  yeux  d'abord 
au  irontispice  de  l'ouvrage,  et  qui  semble  là  vouloir  primer  sur  fautre 
parla  différence  même  des  caractères  d'imprimerie,  quoiqu'il  ne  vienne 
que  le  second  par  l'ordre  chronologique  des  faits  et  daos  la  disposition 
du  livre.  Je  n'aurais  pas  remarqué  cette  espèce  d'interversion  dans  le 
titre,  de. peu  de  conséquence  au  fond,  et  sauvée  d'ailleurs  par  l'habile 
emitexture  de  la  phrase,  si  je  ne  voyais  dans  le  petit  artifice  d'impri- 
meur et  de  libraire  auquel  l'auteur  a  eu  la  complaisance  de  se  prêter, 
uB  exemple  des  sacrifices  que  les  meilleurs  esprits  font  au  goût  du  public 
et  &  la  frivolité  du  commun  des  lecteurs  ,  même  dans  les  plus  graves 


OCTOBRE  1858.  589 

relativement  aux  moeurs,  aux  institutions  de  Rome  et  des  nations  ita- 
liennes; mais  je  ne  peux  pas  m'empêcher  de  réclamer  contre  l'extrême 
sévérité  des  expressions  tout  au  moins.  Sans  nier  les  fautes  qu'il  a  com- 
mises ,  on  doit  penser  à  l'immense  lacune  que  ferait  dans  l'histoire  ro- 
maine la  perte  de  ses  récits.  Nous  avouerons  que  Caligula  le  traitait 
d'écrivain  verbeux  et  négligent;  il  faut  aussi  qu'on  se  souvienne  qu'îV 
se  faisait  nommer  le  Pompéien  dans  le  palais  d'Auguste. 

Revenons  aux  Annales  des  pontifes.  Dans  tout  pays  ou  règne  ime 
forte  aristocratie,  l'histoire  écrite  prend  naissance.  L'ignorance  pourra 
être  profonde  dans  la  nation,  les  mœurs  de  la  multitude  et  même 
des  grands  peuvent  être  encore  barbares  ;  mais  il  y  a  des  familles  inté- 
ressées par  orgueil  et  par  politique  à  garder  la  trace  des  événements, 
la  gloire  des  ancêtres,  l'autorité  des  exemples  utiles;  il  y  a  un  corps  de 
noblesse  toujours  occupé  de  maintenir  sa  domination  par  la  force  mo- 
rale en  même  temps  que  par  la  force  matérielle,  et  qui  s'entoure  soi- 
gneusement de  l'illustration  des  souvenirs  nationaux  en  même  temps 
qu'il  affecte  la  possession  exclusive  et  jalouse  des  dignités  civiles  et  des 
commandements  militaires.  Que  les  castes  ou  les  classes  à  qui  appartient 
l'empire  soient  sacerdotales,  et  dès  lors  nécessairement  assez  éclairées, 
assez  instruites  pour  assurer  leurs  prérogatives  sociales  par  une  supério- 
rité spirituelle,  ou  simplement  guerrières,  mais  du  moins  assez  opu- 
lentes pour  avoir  des  lettrés  à  leurs  gages,  "^ou  bien  qu'elles  cumulent» 
comme  dans  la  cité  romaine ,  les  magistratures  et  les  armes  avec  les  of- 
fices religieux;  toujours  comprennent-elles  le  besoin  de  traditions,  non 
pas  livrées  aux  vagues  souvenirs  et  aux  imaginations  du  vulgaire ,  mais 
précises ,  impérissables ,  consignées  sur  le  bois ,  ou  la  pierre  ou  l'airain , 
en  un  mot,  d'archives  à  elles,  qu'elles  produisent  quand  il  le  faut,  et 
qu'elles  se  réservent  comme  un  des  mystères  de  la  souveraineté.  Pour 
cette  œuvre ,  quelque  peu  avancée  que  soit  la  civilisation ,  la  science  en 
propre  ou  d'emprunt  ne  manque  point  à  l'aristocratie.  Ainsi  l'histoire 
commence  par  les  historiographes,  conservateurs  officiels  des  actes  et  des 
mémoires  de  là  vie  publique  au  profit  de  l'ordre  prééminent  dans  l'état.  . 
Avant  d'être  un  art,  un  emploi  du  talent,  une  expression  du  génie, 
l'histoire  est  un  instrument  de  la  puissance,  et;  comme  le  dit  naïvement 
Vopisque ,  sans  se  douter  de  la  portée  de  ses  paroles ,  et  avec  d'autant 
plus  d'énergie,  un  privilège  du  gouvernement,  pontîjices,  pênes  quos  scn- 
bendœ  historiœ  POTESTAs/oà^.  Car  les  pontifes  étaient  les  élus  des  patriciens, 
étaient  membres  des  familles  patriciennes.  A  la  religion,  cegageloi^- 

'  In.  Taeito.  c.  i 

73. 


\ 


590  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

.  temps  révéré,  longtemps  inviolable  du  pouvoir  politique  de  U  noblesse 
romaine,  les  l^slateurs  attacbérent  l'histoice,  comme  pour  mettre  à 
la  fois  au  service  des  privilégiés  tout  ce  qui  pouvait  consacrer  dans  les- 
esprits  leur  usurpation,  les  souvenirs  et  les  croyances.  On  saitavec 
quelle  opiniâtreté  les  patriciens  se  tinrent  armés  de  superstitions  simu- 
lées ou  réelles  pour  repousser  les  prétentioas  du  peuple  aux  droits  de 
la  liberté  et  au  partage  de  tadminislration  publique  ;  comment  ils  re- 
fiisèrent ,  pendant  près  d'un  siècle  et  demi  après  l'expulsion  des  rois ,  le 
consulat  aux  plébéiens,  de  peur,  disaient-ils,  défaire  un  sacrilège  en  lais- 
sant tomber  les  auspices  dans  des  mains  profanes.  Ces  fonctions  sacrées 
exigeaient  dans  ceux  qui  les  possédaient  des  connaissances  spéciales  et 
une  certaine  culture  d'esprit.  Sans  doute  les  nobles  romains  se  glori- 
fièrent longtemps  de  leurrusticité,  d'une  rudesse  sauvage.  Les  lettres  et 
les  arts  comme  ornement  de  l'intelligence,  comme  amusement  de  la 
vie ,  furent  en  grand  mépris  chez  les  Romains.  Ils  dédaignèrent  la  science 
purement  spéculative.  Mais  la  science  usuelle, pratique,  indispensable 
pour  les  affaires,  les  patriciens  ne  manquèrent  point  de  l'acquérir^  Dès 
la  plus  baute  antiquité  le  sénat,  on  le  sait,  entretenait  perpétuellement 
dans  les  villes  d'Étrurie  douze  enfants  de  familles  patriciennes  pour 
apprendre  les  cérémonies  et  les  rites  des  augures.  Cette  coutume  avait 
rendu  la  langue  étrusque  familière  k  beaucoup  de  jeunes  Romains,  et 
quelquefois  les  consuls  profitèrent  de  cet  avantage  pour  faire  des  re- 
connaissances ou  envoyer  des  espions,  dans  les  guerres  contre  les  Tos- 
cans*. A  plus  forte  raison  les  patriciens  savaient-ils  presque  tous  écrire, 
puisqu'il  y  avait  des  écoles  élémentaires  fréquentées  parles  fils  des  plé- 
béiens même,  bien  des  années  sans  doute  avant  la  mort  de  Vii^inie, 
qui  fut  rencontrée  par  l'agent  du  décemvir  en  se  rendant  à  l'école. 
Ainsi  quelque  conséquence  qu'on  ait  voulu  tirer  de  la  déclaration  de 
Tite-Live  sur  f  état  des  études  élémentaires  à  Rome  dans  le  premier 


5«2  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

à  un  certain  Godius,  peu  célèbre,  à  ce  qu'3  paraît,  V^ieTtc,  û  dé- 
montre de  plus,  qu'ils  ne  disent  point  ce  qu'on  prétend  qu'ils  assurent; 
par  exemple  :  «  qu'on  n'avait  point  d'annales  faites  avant  l'irrupti<m 
des  Gaulois,  et  que  celles  qui  portaient  le  nom  des  prêtres  ou  des 
magistrats  de'  l'ancienoe  Rome  étaient  des  ouvrages  supposés,  n  On 
ne  trouve  rien  de  cela  dans  les  passées  allégués,  qui  d'ailleon, 
eussent-Us  toute  cette  portée,  seraient  contre-balancés  par  les  textes 
assez  dairs  de  Denys  d'Halicarnasse,  de  Diodore,  de  Polybe,  et  par 
les  témoignages  plus  eipiicites  et  plus  positifs  de  CicéroQ.  Mais  tout 
ce  qu'on  en  peut  raisonnablement  déduire,  c'est  que  les  tables  généslor 
giques ,  les  éloges  fimèbres  et  les  monuments  particuliers  d'histoires 
de  famille,  &briqués  après  l'invasion  des  Gaulois  et  l'incendie  de 
Rome,  avaient  dû  altérer  le  récit  des  faits  généraux,  et  que  beaucoup 
d'écrits  où  se  conservait  la  mémoire  des  temps  primitifs,  avaient  été 
détruits  dans  ce  désastre.  Mais  de  prétendre  que  tout,  absolument  tout, 
archives  publiques  et  pnvées,  avait  péri,  c'est  ce  qu'on  ne  aurait 
accorder  aux  sceptiques  modernes.  U  ne  faut  pas  non  plus  accepter  sans 
restriction  l'assertion  peu  mesurée  de  Tite-Live  lui-même:  Si  (fum 
in  conutuntariis  pontijicam  aUisijae  pahiicis  privatis(fae  erant  monimentis, 
PLERAQDE,  incensa  urbe,  interiere.  Non,  les  mémoires  des  pontifes  ne 
*  s'étaient  pas  perdus;  non,  les  autres  monuments  historiques  ne  res- 
tèrent pas,  poer  hi  plupart ,  ensevelis  sous  les  ruines. 

Sans  parier  des  antiquités  d'art ,  soit  celles  que  les  barbares  ne  purent 
point  anéantir,  comme  le  rempart  d'Ancus  et  la  cloaca  maxima  de  Tar- 
quin,  soit  celles  qui  furent  aussitôt  restituées  après  leur  retraite,  comme 
le  poteau  de  la  sœur  d'Horace ,  restauré  d'âge  en  âge  (  hodie  ifaoqne  pulUce 
semper  refectam  maneO) ,  qu'on  veuille  seulement  examiner  les  monuments 
écrits  :  combien  y  en  avait-il  qui  survécurent!  Énumérons  ici  sommaire* 
ment  ceux  dont  il  est  resté  trace;  on  trouvera  dans  le  livre  de  M.  Leclerc 


594  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

particuliiremeDt  tes  vases  sacrés,  les  instruments  du  culte  nationsL 
Les  pontifes  ne  manquèrent  pas  sans  doute  k  leur  devoir,  et.  parmi 
les  objets  de  leurs  soins ,  ils  ne  purent  oublier  les  tableaux  sur  lesqnds 
ils  traçaient  la  chronique  de  Rome  et  auxquels  s'attachait  un  donUe 
intérêt,  politique  et  sacré.  Us  auraient  été  avertis  d'ailleurs  par  l'exemtde 
des  précautions  que  prenaient,  dans  cette  alarme,  de  simples  partioa- 
liers  pour  tes  (ocra  de  leurs  foyers  domestiques,  comme  cet  Albious 
qui  recueHlit  les  vestales  sur  sa  route  en  luyant.  On  ne  demandera  point 
comment ,  sauvées  alors ,  les  Annales  échappèrent  ensuite  aux  ravagea 
du  temps.  Ces  pages  vénérables  étaient  écrites  sur  des  planches  de 
bois  coloré  de  blanc,  aïbnm,  tabalœ  dealbatœ;  mais  la  matière  fragfle  et 
périssable  devenait  immortelle  par  l'attention  si  diligente  des  Romains 
k  garantir  de  tout  accident,  à  rajeunir,  à  renouveler  au  besoin,  avec 
une  scrupuleuse  exactitude ,  les  titres  de  l'Empire.  Une  telle  conserva- 
tion serait-elle  plus  difGcile  h  comprendre  que  celle  de  tant  de  manus- 
crits sur  des  parchemins,  sur  des  papyrus?  que  celle  des  comptes  de 
Philippe  le  Hardi  et  de  Philippe  le  Bel  sur  des  tablettes  enduites  de  cire  ? 
lesquelles  ont  assurément  traversé  plus  de  siècles  que  les  Annales  des 
pontifes  n'en  vécurent  poiu'  arriver  aux  temps  de  Fabius  Pictor,  de 
Caton,  de  Cicémn  même. 

Ce  n'est  point  sur  des  analogies  et  des  probabilités  seulement  que 
s'appuie  l'opinion  de  la  transmission  authentique  des 'Annales,  elle  se 
vérifie  par  des  textes  précis.  Les  personnages  que  Cicéron  fait  parier  dan» 
ses  dialogues  philosophiques,  allèguent  en  maint  endroit  les  Annales 
comme  existantes  encore.  Cicéron  lui-même  les  invoque  en  son  propre 
nom ,  dans  ses  traités  des  Orateurs  célèbres  et  da  Soaverain  bien;  il  att^te 
qu'on  possédait  encore  dans  son  siècle  les  lois  de  Numa ,  certainement 

plus  anciennes  :  qaas  m  momnéntis  kahemas qaas  scitis  exstare  '.  Pour 

nier  la  durée  des  Annales ,  il  faut  admettre  que  Cicéron ,  Terentius  Var- 
ron,  et,  avant  eux,  Sempronïus  Asellio,  et  Caton  le  Censeur,  etPolybe, 


S««  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

sîlifmPSi,  en  sa  qualité  â'étraiigier<  et  n'ayant  pas,  comme  Polybe,  une 
re<ïommandation  toute  puissante,  il  n'obtint  pas  la  commtinicaticm  des 
Annale»,  ft  ne  laisse  pai'^norer  qu'd  suit  les  traces  des  écrirains  fins 
heureux  qui  les  avaient  lues  -,  il  les  a  désignées  souvent  en  termes  noti 
équivoques  :  Uç^ç  Ji^reity  hiwn'aie  ânt^af  «Te  ,  rir  Uef^earir  yç^ptil , 
lu-t.  '  A.  Ce  n'est  que  depuis  Vespasien,  qui  rassembla  comme  dans  un 
nrasée historique,  dans  le  Gapitole,  tous  les  monuments  écrits  de  l'an- 
tiquité romaine,  que  les  Annales ,  ainsi  que  les  autres  pièces  des  archives 
publiques,  devinrent  un  objet  d'érudition  offert  aux  hommes  lettrés  et 
studieux,  au  lieu  d'être  une  propriété  mystérieuse  du  gouvernement. 
DéjÀ  le  pontificat  du  plébéien  Coruncanius ,  en  l'année  5o  i ,  les  avait 
rendues  plus  aboi-dables,  mais  sans  faire  tomber  les  barrières  parles- 
qudles  la  politique  les  défendait  de  tout  contact  vulgaire. 

Ici  M.  Levesque  s'est  flatté  de  triompher  en  mettant  Tite-Live  en 
contradiction  avec  Cicéron.  «  Le  grand  pontife ,  dit  l'auteur  du  traité  de 
Oratore,  exposait  dans  sa  maison  cette  table  blanchie,  ahn  que  le  peuple 
eût  le  moyen  de  la  consulter  :  pofejfiu  ut  essetpopalo  cogiiascenJi.  Et,cheE 
l'historien ,  le  tribun  Canuleius  commence  ainsi  une  ai^umentation  :  Si 
noas  ne  sommes  admis  à  consniter  ni  lesfaste.s,  ni  les  Annales  des  pontifes,  etc. 
M.  Lecierc  observe  judicieusement,  en  passant,  que  Tite-Live ,  qu'on  veut 
opposer  bien  vainement  à  Cicéron ,  apporte  ici  au  moins  un  témoignage 
de  plus  pouri'antiquité  des  Annales;  le  fait  est  de  l'an  i\o.  Mais  la  difficulté 
principale  se  résout,  selon  M.  Lecierc,  toujours  un  peu  sévère  pour  Tite- 
Live,  en  luiimputant  une  confusion  de  temps.  «  Les  Annales  qu'il  suppose 
encemomentinaccessiblesaupeuple  l'ont-elles  donc  toujours  étéPL'tdée 
de  publicité  était  tellement  inséparable,  k  certaines  époques,  des  actes 
des  pontifes,  que  le  même  Tite-Live  racontant,  d'après  une  tradition 
vraie  ou  fausse,  que  le  roi  Ancus  Martius  fit  promulguer  par  le  grand 
pontife  les  ordonnances  de  Numa ,  s'exprime  ainsi  :  Pontificem  in  aSmm 
relata  proponere  ia  pablico  jubet,  ce  qui  s'accorde  merveilleusement  avec 


5ft8  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

éolaircissenients  donnés  sur  cette  partie  du  vocabulaire  bibliographique 
des  Romains  :  Annahs  pontijicam  et  pontijicales ,  ponttjwii  Libri,  Lihri  sacer- 
doUim,  etc.  etc.  H  explique  aussi,  d'une  manière  très-naturelle  et  tout  i 
£ût  conraiDcante,  comment  l'Annuaire  despontifes,  qui  consistait  d'abord 
en  relations  écrites  sur  des  tables  de  bois  peintes  en  blanc,  sans  autre 
ohlre  que  la  succession  chronolt^que  des  faits,  prit,  depuis  qae 
les  grands  pontifes  en  eurent  discontinué  la  rédaction  l'an  6a  3,  la 
foiine  de  volumes,  et  se  divisa  en  livres  au  nombre  de  quatre- 
vingts,  selon  Servius;  de  même  que  Vargunteius  divisa  en  dix-huit 
livres  les  Annales  d'Ënnius,  et  Octavius  Lampadio  celles  de  Nsevius 
en  sept  livres.  Ces  changements  ne  portent  nulle  atteinte  à  l'opinion 
qu'on  doit  avoir  sur  les  Annales  des  pontifes.  Que  peut-on  effective- 
ment en  inférer?  sinon  que,  quand  ce  mémorial  eût  été  mis  dans  un 
pins  grand  jour  et  qu'il  eût  cessé  d'être  une  occupation  obligée  d'ar- 
chivistes comptés  parmi  les  chefs  de  l'oligarchie  romaine,  il  devint  un 
objet  d'étude  archéologique  pour  les  lettrés  et  les  savants,  et  fut  en 
conséquence,  recueilli,  ti-anscrit,  conservé  dans  plusieurs  copies  avec 
un  soin  tel  que  pouvaient  l'inspirer  lepatriotismeetTamour  delà  science. 
L'existence  des  Annales  une  fois  démontrée,  quelle  peut  être  leur 
valeur  historique?  C'est  ce  cjue  M.  Leclerc  examine  dans  la  troisième 
partie  de  sa  dissertation.  De  ce  qu'elles  ne  comporteraient  que  de 
simples  indications  fort  sommaires  et  fort  arides  des  consulats  et  des 
autres  magistratures,  des  guerres  et  des  traités  de  paix  ou  d'alliance, 
des  édifications  de  temples  ou  d'autres  bâtiments  publics,  des  fa- 
mines et  des  éclipses,  doit-on  en  conclure  qu'elles  n'ont  pas  été  d'un 
grand  prix  pour  les  historiens,  et  qu'elles  n'ont  pas  beaucoup  éclairé 
l'histoire  ?  Il  s'y  mêlait  bien  des  fables ,  des  fables  ridicules ,  mais  de  ce 
mélange  n'a-t-il  pas  été  possible  d'extraire  des  vérités  essentielles, 
fondamentales,  une  série  défaits,  sinon  universellement  incontestés 


«00  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

DocuMENTi,  Monete  e  Sigilli  appartenenti  alla  storia  délia  monar- 
chiadiSavoia,  raccoltiinSàvoia,  in  Isvizzera  ed in  Frauda,  per 
ordine  iel  Te  Carlo  Alberto,  daLaigi  Cibrario ,  socio  dplla  R. 
Academia  délie  scienze  di  Torino,  ecc.  e  da  Domenico  Casùmn 
Promis,  conservateredelMedagliere  di  S.  M.;  pabblicati per  ordine 
di  S.  M.  — Torino,  1 833  ;  un  vol.  ïd-S"  de  1 3  i  et  389  pages, 
avec  une  planche.  4 

Sigilli  de'  principi  diSavoia,  raccolii  ed  illastrati  d'ordine  del  re 
Carlo  Alberto,  dalcav.  L.  Cibrario  e  da  D.  C.  Promis,  deputati 
sopra  gli  stadj  di  storia  patria.  ■ — Torino,  i834;  un  vol.  in-i" 
de  KV  et  37Ï  pages,  avec  33  planches. 

HlSTORLE  patriœ  monamenta,  édita  jussa  régis  Caroli  Alberti.  — 
Chartaram  tomus  1.  —  Augustae  Taurinorum ,  1836;  un  vol. 
in-fol.  de  cxm  et  i  766  col. 

MoNUHENTA  Aw/onœ  patriœ,  édita  jassu  régis  Caroli  Alberti. —  Leges 
Municipales. — Augustae  Taurinorum,  i838;  un  vol.  in-fol. 
de  XXIV  pages  et  1994  col. 

TRAirés  publics  de  la  royale  maison  de  Savoie  avec  les  ptûssances 
étrangères,  depuis  la  paix  de  Ckâteaa-Cambrésis  jusqu'à  nos  joars; 
publiés,  par  ordre  da  roi,  par  le  comte  Solar  de  la  Marguerite , 
premier  secrétaire  d'Etat  pour  les  affaires  étrangères.  Turin, 
,i836;  cinq  vol.  in-i". 

SECOND    ARnCLE^ 

Après  avoir,  dans  un  premier  article,  rendu  compte  en  général  des 


602  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

et  Promis  n'avaient  recherché  que  des  manuscrits  importants  et  vciur 
mineux  concernant  i'histoire  du  Piémont,  comme  ces  manuscrits  sont 
toujours  en  petit  nomhre,  ils  auraient  pu  espérer  de  prendre  connais- 
sauce  des  plus  intéressants  ;  mais  leur  but  a  été  principalement  de  ras- 
sembler des  chartes  et  des  pièces  détachées.  Or  d'ordinaire  il  n'existe  pas 
de  catdt^e  détaillé  de  ces  pièces;  elles  sont  réunies  par  milliers  dans 
les  archives  et  dans  les  bibliothèques,  et  quelquefois,  surtout  en  pro- 
vince, elles  ne  sont  pas  même  classées.  11  en  résulte  donc  une  impos- 
sibilité absolue  de  découvrir  et  de  copier  les  plus  importantes  lors- 
qu'on n'a  que  quelques  heures  pour  les  examiner.  Atissi  le  voyage  de 
MM.  Gibrario  et  Promis  n'a-t-il  produit  qu'une  centaine  de  chartes 
qu'on  a  pu  découvrir  au  hasard  et  en  courant,  tandis  qu'on  peut  affir- 
mer qu'il  existe  en  France,  à  Paris  surtout,  plusieurs  milliers  de  pièces 
inédites  relatives  h  l'histoire  de  la  Savoie  et  du  Piémont. 

Au  reste ,  si  les  deux  érudits  Piémonlaîs  ont  parcouru  trop  k  la 
hàle  les  villes  dont  ils  voulaient  connaître  les  richesses  littéraires,  il 
est  probable  que  la  faute  en  est  aux  personnes  qui  les  ont  chargés 
de  cette  mbsion ,  et  qui  leur  ont  accordé  trop  peu  de  temps  pour 
l'accomplir.  Bien  que  l'on  n'ait  pas  jugé  k  propos  de  publier  les 
instructions  qui  leur  lurent  remises  avant  de  quitter  Turin  ' ,  cepen- 
dant une  pbrase  qui  résume  ces  instructions  a  été  reproduite  et  elle 
prouve  que  les  recherches  dont  ces  érudits  fiu'ent  chargés  avaient 
moins  pour  objet  d'érJaircir  l'iiistolre  du  Piémont  que  de  satisfaire  à  la 
vanité  d'une  famille.  Nous  avons  déjà  cité  celte  phrase  :  elle  porte  «  que 
les  deux  voyageurs  devront  chercher  les  monuments  propres  à  illus- 
trer l'histoire  des  premiers  temps  de  la  monaichie  de  Savoie.  Or,  nous 
demanderons  s'il  est  possible  de  faire  remonter  la  monarchie  de  Savoie 
jusqu'au  temps  où  les  ancêtres  des  princes  actuels  du  Piémont  n'étaient 
que  de  petits  feudataires  sans  aucune  importance  politique,  et  fort 
soumis  à  leurs  puissants  voisins^?  Quoique  à  la  rigueur,  î'étymologie 


60i  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

se  rappoTteat  à  c«  illustres  guerriers.  Une  collection  de  m  genre ,  qui 
comprendrait  tout  ce  qui  a  été  écrit  par  ces  mains  victorieuses,  forme- 
rrit  sans  aucun  donte  la  plus  belle  iUuslration  de  cette  maison.  Mais, 
comme  on  a  voulu  Â  toute  force  célébrer  d'obscures  gloires,  pour  ne  pas 
faire  trop  pâlir  les  comtes  de  Savoie,  on  s'est  bien  gardé  de  mettre  en 
avant  leurs  célèbres  successeurs,  qui  n'ont  pas  fourni  un  seul  document 
M  recueil  dont  nous  parlons.  De  cette  manière,  un  voyage  qui  deraif 
servir  k  i'élude  de  la  diplomatique  est  devenu  un  moyen  de  faire 
des  généalogies;  l'histoire  du  pays  s'est  effacée  devant  celle  d'une 
famille,  et,  par  suite  de  cette  tendance,  on  a  rapetissé  encnre  le  Pié- 
mont en  séparant  son  histoire  de  celle4e  l'Italie ,  dont  on  semble  avoir 
oublié  qu'il feit  partie'. 

L'histoire  ne  doit  pas  être  entendue  dans  un  sens  si  borné;  il  ne 
faut  pas  non  plus  qu'elle  devienne  un  panégyrique ,  car  elle  perdrait 
alors  son  caractère  principal ,  celui  de  servir  d'ense^emeiit  à  la  pos- 
térité. Elle  doit  raconter  comment  Emmanuel  Philibert,  placé  entre 
deux  puissants  rivaux,  sut  recouvrer  ses  états,  et  chasser  les  étrangers 
de  son  pays;  maïs  el|e  doit  aussi  perpétuer  le  souvenir  des  cruautés 
exercées  par  Charles  Emmanuel  envers  les  Vaudois,  cruautés  qui 
émurent  jusqu'à  cette  âme  impassible  d'Olivier  Cromwell^.  Ces  faits, 
répétés  aux  descendants  de  ces  princes ,  doivent  leur  Inspirer  l'amour 

'  Dans  les  actes  des  anciens  comtes  de  Savoie,  le  aom  de  Vllalie  se  trouve  sou- 
vent répété:  Sabaadim  cornet  et  marchio  initaliaesl  le  titre  que  prenaient  les  uicèlfea 
des  princes  tictuels;  mais  depuis  quelque  temps  on  semble  craindre,  à  Turin,  d£^^ 
proDODcer  ce  nom.  —  '  On  ne  connaît  que  trop  les  malheurs  de  ces  montagnards 
inébranlables ,  ai  atlachés  à  leurs  privilèges.  Cromwell  s'intéressa  vivement  au  sort 
de  ces  infortunés.  Il  écrivit  en  leur  faveur  a  presque  toules  les  puissances  du  conti- 
nent, et  envoya  un  ambassadeur  à  Turin  pour  arrêter  les  massacres.  IMusietu's  de 
ses  lettres .  avec  les  réponses  des  souverains  qu'il  avait  sollicités  en  faveur  des  Van- 


606  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

ils  auraient  pu  consulter  l'original  qui  se  conserve  aux  Archives,  et  qui 
aurait  fourni  plusieurs  leçons  plus  correctes  '.  Au  reste,  toutes  les  per- 
sonnes qui  fi^queDlent  les  dépôts  littéraires  de  Paris  savent  combien 
de  richesses  restent  encore  à  exploiter;  et  nous  verrons  bientôt  que 
MM.  Gibrario  et  Promis  sont  bien  lom  d'avoir  épuisé  cette  mine  fé- 
conde. * 

Après  la  relation  du  voyage ,  on  trouve  dans  le  volume  dont  nous 
parions  une  section  que  les  auteurs  appellent  Docaments,  et  que  l'on 
pourrait  à  plus  juste  titre  nommer  Généaiogie.  En  eflet ,  bien  que  leur 
but  fût  de  rendre  compte  des  documents  qu'ils  ont  insérés  dans  ce  vo- 
lume, d'çn  raîi%  connaître  l'origine  et  l'importance,  de  les  anidyser  et 
d'en  donner  le  résumé,  ils  n'ont  consacré  à  cette  tâche  qu'une  ving- 
taine de  pages ,  après  en  avoir  donné  presque  le  triple  h  la  recherche 
de  l'origine  de  cet  Humbert  qui  est  considéré  comme  la  souche  de  Ja 
maison  de  Savoie.  Aux  différents  systèmes  qui  avaient  été  proposés 
jusqu'ici,  les  auteurs  se  sont  efforcés  de  substituer  une  autre  hypo- 
thèse d'après  laquelle  Humbert  serait  le  fruit  d'un  premier  mariage 
d'Irmengarde,  qui  épousa  depuis  Rodolphe,  roi  de  Bourgogne,  avec  un 
comte  Manasse,  qu'on  suppose  avoir  été  comte  de  Savoie  et  de  Nyon. 
Nous  ne  nous  arrêterons  pas  sur  un  point  hypothétique  et  de  fort  peu 
d'importance;  car  on  ne  doit  pas  trop  se  prêter  aux  exigences  des  gé- 

numéro  du  volume,  ni  le  fonds  où  ce  registre  se  trouve,  ne  nous  a  pas  permis  de  le 
retrouver.  Quant  au  second  document,  il  est  tiré  d'une  copie  insérée  dans  le  second 
voltune  du  Trésor  des  Chartres  [Cibrai-io  e  Promis,  Documenti ,  monete  e  ligilli ,  f.  i5o 
et  ao3).  .— '  'Nous  allons  donner  ici  le  commencement  de  celte  pièce  ea  mettant 
le  texte  publié  par  MM.  Cibrario  et  Promis  en  regard  de  celui  que  nous  avons  (îré 
du  document  original  qui  se  trouve  aux  Archives  du  royaume  { Trémr  des  Chaiim . 
J.39ii,n*8). 

TUTB  TOiLlÈ  À  TDSIN.  DOCDIUNT  OBIOIMAL. 

Nos  Thomas  et  Amedciu  de  Sthasdia  filii  Nos  Thorou  0I  Amedeni  de  Sabaudia  filii 


608  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

roi,  dans  le  fonds  Gairambaud',  et  qui  passe  pour  un  des  plus  com- 
plets, nous  y  avons  trouvé  l'indication  d'un  grand  nombre  de  pièces  rela- 
tives à  la  Siavoie,  au  Piémont  et  i  Gènes;  pièces  dont  GuHhenoane 
semble  pas  avoir  connu  l'existence ,  et  qui  ont  échappé  aux  ret^erches 
de*  deux  érudits  Piémontais.  Cette  facile  découverte  nous  a  conduit  na- 
turellement aux  Archives  du  royaume,  où,  grâce  à  l'ordre  qui  règne  dana 
ce  vaste  établissement,  nous  avons  pu  prendre  connaissance  d'environ 
trois  cents  pièces^  historiques  du  genre  de  celles  que  cherchaient 
MM.  Cibrario  et  Promis,  et  dont  quelques-unes  remontent  au  comi- 
mencement  du  iiii*  siècle.  Ces  pièces  sont  pour  la  plupart  originales  et 
inédites,  et  elles  oflrent  toutes  des  particularités  dignes  d'intérêt.  Les 
faits  curieux  sur  les  usages  et  les  mœurs  de  cette  époque  y  abondent. 
Sans  nous  arrêter  k  en  faire  ici  l'analyse,  ce  qui  nous  entraînerait  trop 
loin ,  nous  donnerons  en  note  le  catdogue  des  plus  anciennes^  et  nous 
nous  bornerons  à  en  reproduire  une  qui  est  fort  curieuse  pour  le  fond 

'  Milanges,  vol.  S^S. — 'Nous  devons  surtout  à  1  extrême  obligeance  de  M. Teulet, 
employé  aux  Archives ,  et  l'un  des  secrétaires  de  la  Société  de  l'Hîsloire  de  France  ,  ■ 
d'avoir  pu  consuher  ces  pièces ,  doot  il  avait  formé  ud  catalogue  à  part ,  qu'il  a  bien 
voulu  mettre  à  Dotre  disposidon.  —  *  Voici  l'indication  des  principales  pièces  anté- 
rieures a  l'année  i35oqui  se  trouvent  aux  Arcbivea  et  que  nous  avons  examinées. 

13IO.  —  La  comtesse  Adélaïde  de  Piémont  prêle  hommage  au  dauphin  de  Vienne. 
—  Tre»ordej  Cftarfrei,  J.  609,  o'  1'  (copie  authentique  en  latio). 

isaS? — Lettres  par  lesquelles  le  podestat  et  la  commune  d'Asti  promettent  de  ne 
pas  molester  les  sujets  du  roi  de  France.  —  Tréior  des  Chartrti,  Reg.  xxi ,  f.  cxvi, 
n°  XI  [en  latin]. 

ia5o? —  Lettres  par  lesquelles  Amédée,  comte  de  Savoie  et  marquis  en  Italie, 
prie  l'évéque  de  Toulouse  et  deux  autres  nobles  de  l'aidera  arranger  quelques  affaires 
pécuniaires.  —  Tréjorrfei  Cftortrei,  J.  ïio.  n*  Sq  (en  latin). 

1370. —  Lettres  par  lefquelles  Hugues ,  duc  de  Dourgt^e,  reconnaît  avoir  re^u 
ouïe  mille  livres  viennoises  de  Philippe,  comte  de  Savoie,  et  d'Alix  sa  femme.  — 
Tréior  des  Chartres,  L  aiy,  n'  37"  (eo  français). 

1 1  -]o.  —  Alix ,  comtesse  palatine  de  Savoie  et  de  Bourgogne,  reconnaît  tenir  les 
fiefs  de  Dôle  et  de  Rochefort  à  foi  et  bommaj^e  du  duc  Hugues  de  Boni^ogne.  — 


610  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

année,  en  la  possession  du  vicomte  de  Maulevrier ,  qui  avoit  esté 
donné  à  ses  prédécesseurs  par  les  roys  de  France,  n — GuîcheooD  ne  dit 
pas  que  les  ancêtres  d'Ame  VIII  s'élâient  dessaisis  de  ce  fief  pour  payer 
un  mémoire  de  fourreur.  Voici,  au  reste,  ce  curieux  document. 

Ratyicatio  obligacionis  facte  in  CasteUeto  Parisim  a  domino  Eadaardo  comiu 
de  Savoia  erga  GiUbertam  scotam  ctvem  Parisiensem. 

n  Philippus  Dei  gracia  Francorum  rex  notum  facimus  universis  tam 
presentibus  quam  futuris  nos  infrascriptas  vidisse  litteras  formam  que 
sequitur  continentes  : 

«A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront  et  orront,  Hugues  de 
Crusy,  garde  de  la  prevosté  de  Paris,  salut  :  Nous  faisons  assavoir  par 
devant  nous  vint  et  fu  personelment  en  propre  personne  très-haut , 
noble  et  puissant  homme,  Mons'  Edouart,  à  présent  conte  de  Sa- 

ia83.  —  Acte  relatif  au  mariage  du  bâtard  de  Thomas  de  Saluces  avec  la  fille 
d'Henri  d'ÉSéna.—  Trésor  de*  Chartrts.  S.  5o8,  n*  a  {en  latin). 

1386.  —  Acte  par  lequel  Amédée,  comte  de  Savoie,  prend  tous  u  pro(ecti<»]  apé- 
claie  les  habitants  de  Lyon  avec  leur»  lamîiles.  —  Trénr  des  Chartret,  i.  a6a,  n'  6 
(en  latin). 

lagi.  —  Ratification  de  l'hommage  prél^  en  laio  par  la  comleue Adélaïde  au 
dauphio  de  Vienne. — Trèior des  Chartret ,  J.  609,  n'i'  (copie  aulhentîque  (en  latin). 

1395.  — Lettres  par  lesquelles  on  notifie  les  conventions  relatives  au  mariage  qui 
doit  avoir  lieu  entre  Jean,  marquis  de  Monlferrat,  et  Marie,  fille  de  Robert,  comte 
de  Qermont. —  Trésor  des  Chartres,!.  4o8,  n*  8  [en  latin). 

i3o4-  —  Philippe  le  Bel  assigne  dix  livres  tournois  par  jour  au  comte  de  Savoie. 
—  Trésor  des  Chartret,  Reg.  zsxvi,  pièce  cczvix  (en  français). 

1 3o4.  —  Philippe-le-Beï  donne  en  fief  a  5oo  livres  de  rente  à  Amédée  de  Savoie.— 
Trésor  des  Chartres,  Reg.  xixvi,  pièce  ccxvni  (en  français). 

i3o4-  —  Trois  lettres  d'Amédée,  comte  de  Savoie,  concernant  le  château  de 
Châteaiineuf  en  Maçonnais,  et  la  ville  de  Sainte-Marie-au-Bois ,  que  le  roi  lui  avait 
donnés.  —  Trésor  des  Chartres ,  J.  5oi,  n*  6  (en  français). 

i3o4- — Amédée,  comte  de  Savoie,  prèle  hommage  au  roi  pour  les  35oo  livres  de 


OCTOBRE  1858.  611 

voie,  aflerma  en  bonne  vérité,  confessa  et  recognut  endroit  lui  de- 
voir et  estre  bonnement  et  loyalment  tenuz  et  obligiez  envers  son  bon 
amé  Gillebeit  Lescot,  pelletier  et  boui^eois  de  Paris,  à  ses  hoirs  et  à 
tous  ceulx  qui  ont  et  auront  cause  de  lui,  et  à  cbascun  par  soi,  pour  le 
tout  en  la  somme  de  dis  mile  livres  de  bons  petis  tournois ,  bonne  et 
forte  monnoie,^  tant  de  la  vente,  bail  et  délivrance  de  pelleterie  bonne, 
vraie ,  loel  et  bien  marchande,  et  d'argent  sec  preste  dudit  Giiebert  pour 
grant  besoing  et  paie  à  plusieurs. personnes  marcheans  pour  raison  de 
plusieurs  denrées  vendues,  livrées  et  baillées  pour  feu  mons' Âmé* 
jadis  conte  de  Savoie,  père  du  d.  Édouart  ou  temps  qu'il  vivoit,  duquel 
Diex  ait  Tame,  comme  pour,  le  d.  M' Édouart  pour  ses  livrées  prises  et 
eues  pour  lui  de  ses  gens ,  depuis  Tan  mil  ccc  vint  et  deus  darreniere- 
ment  passées ,  et  de  certain  et  fin  compte  fait  dudit  Mons'  le  conte 
Edouard  audit  Giiebert  sans  nulle  fraude ,  decevance  ou  erreur  et  sans 
nul  villain  acquest,  si  comme  Mons'  le  conte  Edouard  le  confessa  et 

fortifica lions  de  son  château  de  Saint-Laurent,  qui  ont  été  détruites  par  les  troupes 
du  roi. —  Trésor  des  Chartres,  J.  5oi ,  n*  7  ;  et  Trésor  des  Chartres,  Reg.  xui ,  pièce  vi"* 
y  (en  latin). 

i3i  a.  —  Elnquête  faite  à  la  demande  des  Àvignonais,  sur  certains  droits  imposés 
nouvellement  parles  Génois. —  Trésor  des  Chartres,  J.  ^96,  n*  10  (en  latin). 

i3ig. —  Lettres  par  lesquelles  Jean  de  Cabillot,  du  consentement  d*Amédée  de 
Savoie,  renouvelle  et  amplifie  les  franchises  Villœ  Torscoderensis, — Trésor  des  Chartres, 
J.  a6o,  n*  5  (en  latin). 

1 3a  3.  —  Louis  de  Savoie ,  sire  de  Waud ,  reconnaît  s'être  accordé  avec  Eude,  duc 
de  Bourgogne. —  Trésor  des  Chartres,  J.  a 48,  n*  a4  (en  français). 

i328.  —  Edouard  de  Savoie  abandonne  à  Giliebert  Lescot,  pelletier  de  Pa- 
ris, le  vicomte  de  Maulevrier  en  payement  de  six  mille  livres  tournois  pour  pellete- 
ries fournies  à  Amédée  de  Savoie. —  Trésor  des  Chartres,  Reg.  lxvi,  pièce  lUi"  ix  (en 
français). 

1 3a8.  —  Edouard ,  comte  de  Savoie ,  confirme  les  libertés  et  les  franchises  octroyées 
à  la  ville  d'Ayriac  par  Jean  de  Chaudiac.  -p-  Trésor  des  Chartres,  Reg.  vi"  xvii,  pièce 
Gin.  (en  latin). 

i33o.  —  Demandes  du  dauphin  pour  lui  et  ses  adhérents  contre  le  comte  de  Sa- 
voie.—  Trésor  des  Chartres,  J.  377,  n*  i4  (en  français). 

i33i.  —  Aimon  de  Savoie  confirme  les  franchises  accordées  à  la  ville  d*Ayriac. 
—  Trésor  des  Chartres,  Çeg.  vi"  xvn,  pièce  cni  (en  latin  ). 

i333.  —  Lettres  par  lesquelles  le  vicaire  à  Gènes  du  roi  Robert,  et  ÏAtbate  du 
peuple  de  Gènes  nomment  deux  ambassadeurs  pour  traiter  avec  le  roi  de  France. 
-^  Trésor  des  Chartres,  J.  497 ,  n*  1 1  (en  latin  ). 

1333-1396.  — Un  cahier  de  cinquante  feuillets  in-folio  contenant  vingt-sept  pièces 
relatives  aux  affaires  de  Gènes.  U  y  a  des  procurations  données  à  différentes  per- 
sonnes par  la  commune  de  Gènes  pour  traiter  avec  le  roi  de  France  ;  Àe  consentement 
de  plusieurs  particuliers  génois  pour  la  cession  de  Gènes  à  la  France;  Tinstrument 
de  cette  cession,  etc.  etc.  "'--  Supplément  aa  Trésor  des  Chartres,  J.  990  (en  latin). 

i334. — Leitates  de  Philippe  le  Del  au  comte  de  Savoie,  vicomte  de  Madevrier, 

76 


ffla  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

s'en  tint  k  bien  paiei  «t  i^reei  ;  et  pour  ce  que  la  droite  et  pore  volenté 
eitoit  dudit  Mon^  Edouard  acquitter  l'ame,  les  debtes  et  le  fait  de  son 
dit  cher  père,  lui  auui  et  la  dicte  aomme  dei  dictes  dis  mile  liTrei 
toamois  paier  au  dit  Gàebert  à  ses  hoirs  et  i  ceulx  qui  ont  et  auront 
cause  de  lui ,  si  comme  afferma  de  vérité  estre  y  tenus  de  faire  ;  lui,  sur 
ce  lùen  orisé,  de  son  bon  gré  et  de  sa  certaine  science,  pour  son  grant 
etérident  pnnifit  et  par  son  oonsefl  o  grant  dâibération  pour  ce,  yceUni' 
monsieur  Édouart,  présent  et  establi  par  derant  nous ,  recognut  et  cm- 
fessa  endroit  lui  avoir  baillé ,  quictîé ,  octroie  et  du  tout  en  tout  dé- 
itiasié  au  dit  Gilebert  Lescot,  h  aea  hoirs  et  à  ceus  qui  ont  et  auront 
amie  de  lui ,  dès  ores-  endroit  transporté  jnsqnes  ou  temps  au  jour  et 
à  l'eure  que  ycellui  GBebert,  ses  hcôrs  ou  ceusqui  ont  et  auront  cause 
de  lui ,  seront  du  tout  entièrement  et  parfaitement  paiec  et  agrées  des 
dictes  dis  mile  livres  touniois  deues  pour  les  causes  devant  dictes  et  des 
cous,  despens,  doinages,  mises,  journées  et  interest  qui  fiôs  et  encou- 

qaiacc(»t)eotledn)itÀliiieti  tousleshabiUats  de  ce  vicomte  de  reMortîr  dn  psrie- 
ment  de  Paris.  —  TWwrtEMCAorlrM,  J.  5oi,ii*  g  (en  fraoçais). 

i335.  —  Frédéric  de  Salucet  mvetlit  Antoine  de  Brandi  de  la  moitié  deCarma- 
gmla. — TVdMrdw  ChrtrM.  J.  &o6,  n*  3  (en  latin). 

i335.-^FVédéricdeSalnoesinveilitBerrettio  dé  Brandi  de  la  partie  qm  loi  reste 
de  CarmagDidfl.—  Tr^torJaCkartreM.J.  5b8,  d*  3.  (en  latin). 

1 335.  —  Hommage  fait  an  roi  de  France  par  le  marquis  de  MontHarrat,  pour  mille 
florins  de  Florence  éprendre  sur  le  trésor  royal.  —  Tréior  Jsi  Cluaiiwi,i.  âao.n*  aa 
(en  français). 

1337. — Accord  fait  entre  le  roi  et  les  communes  de  Gênes  etdeSaYoie,  —  7W- 
JOr^CfcarAnuiReg.  Lxxi,  pièce  xxTi  (en  latin). 

1337.  —  Ordonnance  dn  roi  de  France  luples  marchands  de  Gânea  et  de  Savoie. 
~  Trùor  Ja  Ckartm,  Reg.  lxxi,  pièce  xxi,  et  K,  i6fi.  n*  4  (en  latinj. 

i338. — Accord  par  devant  le  prévôt  de  Paris  entre  l'ambassadeur ae  la  riUe  de 
Géoeaetlenri.— TWMrdaiCïarfru,  J.  ^97,  n'  i3  (en  français). 

i338. — Privilèges  accordés  par  Philippe,  roi  de  France,  aux  marchands  génois 
à  Ntmes, —  Trétorda  0uirire$,  Reg.  i.xxi,  pièce  Vii"  ix  (en  latin). 

i338. — Accord  entre  les  f;ens  du  roi  de  France,  et  les  ambasûdeon  de  la  cran- 


614  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

notre  aire  demander.  Et  voult  et  acwda  le  dît  Mons/  le  conte  Edouart 
que  à  euls  tous  ses  subgez  et  justissables  obéissent,  et  paria  teneur 
de  ees  présentes  lettres  leur  manda  et  conunenda,  mande ,  commende 
et  enjoint ,  requéraDt  aua  autres  que  il  y  obéissent  en  ce  faisant  tout  au- 
tant et  aussi  comme  au  dit  Mons.  le  conte  se  il  y  estoit  présent,  pour 
la.  .cause  devant  dicte.  Et  est  assavoir  que  ledit  Mons/  le  conte 
Edovart  Bccoida,  promist  et  enconvenança  au  devant  dit  Gilebert,-  4 
ses  hoirs  et  ft  ceux  qui  de  lui  auront  cause,  que  U  mectra  et  establîra 
pour  sa  justice  et  seigneurie  que  il  a  aus  dix  lieus  garder,  deflendre  et 
exercer  ses  droits ,  ses  causes  et  ses  querelles,  ou  nom  de  lui  etipour  li, 
par  tout  oà  il  appartendra,  regaidans  Içs  dictes  choses  et  les  dépen- 
dances d'icdles  aus  périls  de  dit  Mons.  le  conte  Edouart,  haillif,  pro- 
cureur et  autres  geni  sans  le  droit  du  dit  Gilebert,  de  ses  hoirs  et  de 
tous  ceus  qui  ont  et  auront  cause  de  lui  amenuisier  et  sans  leur  condi- 
cion  estre  pire,  mais  pour  proufîter  et  amender  ycelles,  bonnes  per- 
sonnes et  loyaus,  agréables  audit  Gilebert,  à  ses  hoirs  et  k  ceus  qui  ont 
et  auront  cause  de  lui  et  non  autres ,  qui  bien  et  souffisament  garde- 
ront, deffendront  et  exerceront  la  jurisdiction  et  les  drois  du  d.  Mons.' 
le  conte  et  les  drois  des  dessus  dis  establis  par  tout  le  temps  dessus 
dit  aus  propres  cous,  periii  et  despens  du  dit  Mons/  le  conte;  li  quiex 
baillis  et  autres  establis  de  par  le  dit  Mon»/  le  conte  feront  sairement 
au  dît  Gilebert,  à  ses  hoirs  et  à  chascun  par  soy,  à  leur  commandement 
ou  à  ceus  qui  cause  auront  de  euls ,  que  riens  ne  recevront,  nene  recel- 
leront  des  choses  dessus  dictes  baillées,  ne  empescheront  ou  amenui- 
st^ront,  aÎDçois  leur  esdarcîront  leur  droit  et  leurs  amendes  par  toutoà 
elles  seront .  ne  point  oe  les  targeront,  ne  délaieront,  ainçois  les  taxe- 
root  et  jugeront  ou  feront  jugier  et  taxer  selonc  la  cotfttume  du  pais  et 
serviront  et  s'i  porterait  bien  et  loialment ,  appelle  avecques  euls  le  re- 
ceveur des  dis  Gilebert,  de  ses  hoirs  et  de  ceus  qui  ont  et  auront 
cause  de  lui,  sanzlequdâ  ne  le  peuent ,  pourront  ne  ne  devront  dire. 


ttIO  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

cbascune  par  soy  ledit  Mons.'  le  coote  promist  par  son  Bairement  Ji 
faire  loer,  gréer,  ratefier,  aprouver  et  confenner  A  nostre  S' le  roy  de 
France  par  ses  lettres  pendaux  et  soui  son  seel  i  greigneur  coufirnur . 
ckm  et  aeurté.  Ensenr  que  tout  voult  et  acorda  et  i  ce  se  obi%a  le  dit 
MoAs.'  le  conte  que  par  Toie  de  execucion  U  et  ses  biens  soient  ood- 
traios  par  la  main  du  Roy  nostre  sire,  pa^  les  justices  d'icellui  seigneur 
espedalment ,  sans  aocpne  exception  de  bit  ou  de  droit  et  sa&i  pœtt 
décliner  la  juridiction  du  Roy  nostre  seigneur  ne  des  justioei  d*icdhu 
seigneur  et  justices  en  aucune  manière,  à  faire  enterignier  et  acomplir 
les  choses  dessus  dictes  et  chascune  d'icelles  de  point  en  point,  bien  et 
loyaloaent,  en  la  manière  qu'il  est  ci-dessus  devisé  et  escr^it,  et  quanti 
toutes  les  choses  dessus  dictes  et  chascune  par  soy  tefiir ,  garder ,  ente- 
rigner,  loi^ement  et  fermement  acomplir,  sans  jamès  veoir  ne  &ire 
venir  encontre  par  aucun  art,  engin,  cautele,  lésion  ou  autrement, 
comment  que  ce  soit,  ledit  Mons/le  conte  obliga  et  soumist,  oblige  et 
souxmet,  sans  aucune  exception  de  fait  ou  de  droit,  k  lajurisdiction  du  Roy 
notre  sire  tous  ses  biens  et  les  biens  de  ses  hoirs  meubles  et  non  meubles, 
présens  et  avenir ,  où  que  il  soient  et  puissent  estre  trouves  et  espécial- 
ment  sa  chastellenie  visconté  de  Maidevrier,  le  ressort  et  les  apparte- 
nances d'icelle ,  pour  estre  prins,  saisis,  arrestei,  levez,  vendux  et 
exploictiei  par  le  prevost  de  Paris  et  par  quelconques  autres  justices 
du  Roy  nostre  sire  qu'il  plaira  au  porteur  de  ces  lettrés.' Pour  ces  lettres 
du  tout  enterigner  et  pour  les  couz,  frès,  despens,  dommages,  jour- 
nées et  iniéreits  il  voult  et  acorda  expressément  qui  soient  creus ,  ou  le 
porteur  de  ce^  lettres,  pour  tout,  par  leur  simple sairement  sans  chaîne 
d'autre  preuve  &ire  ou  contraire,  ne  autre  déclaration  taire  ne  taxa- 
tion de  juge  avoir  ne  demander,  auroieot,  feroient  ou  encouiToient  par 
défiante  des  acors,  promeses,  condicions  dessus  dictes  non  tenues,  non 
gardées,  non  enterignées ,  non  acomplies,  et  que  iceux  couz,  despens  et 
domages  soient  demandez,  euz  et  exploictiez  par  voie  de  execucion. 


620  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

principaux  prirUéges  iccordés  en  férrier  1377  P^'^  ^^  ^*^^  ^^  France 
aux  marchandi  italiani,  et  acceptés  par  Fidcoo  Gaci,  leur  mandataire 
spécial,  phu  d'une  année  Kpeii.  On  ne  voit  dono  ptft  comment  aunât 
pu  avoir  lieu  la  grande  perséeutktQ  que  Villanî  plac«  au  1  /i,  avril  1 17^. 

Ces  pièces  mériteraient  sans  doute  de  figurer  dans  les  volumes  des 
Cbart8»ique  publie  b  coaunission  historique  piém<Hitaise,  <M  U  est.^ 
désirer  qu'on  les  fasse  copier  exactement  sur  les  origiiiHux  poiirles  m« 
sérer  dans  les  volumes  qui  doivent  suivre  le  premiM*.  Après  avcùr 
exploité  les  Archives  du  roifaume,  on  devrait  compulser  les  chartes,  et 
les  différentes  collections  de  la  Bibliothèque  rojale  et  des  autres  bi* 
bliothèques  de  Paris  :  les  fonds  Clairambaud,  Colbert,  Béthune,  Du' 
puis ,  etc.  etc.  donneraient  une  riche  moisson'  de  pièces  relatives  au 
Piémont  et  è  la  Savoie. 

Si  nous  ne  cramions  de  dépasser  les  limites  qui  nous  sont  pres- 
crites ,  nous  montrerions  par  de  nombreux  exemples  que  MM .  Cibrario 

civea  eîutdem  civîtatis.  Si  quia  autem  de  nniversitate  predicU  aul  de  funilJii 
eorundem  crimen  qnod  penam  mortis  exigat  commiseril,  in  posie  dicti  Honûai 
régis  qnod  tiait,  coauniteoteni  nllra  l^em  patrie  in  qui  indicari  defaebit,  non 
permittet  idem  dominus  rex  ïd  persona  vel  in  rebus  gravari,  nec  pro  lubrico  camis 
aliquU  eomm  punietur,  niii  fuerit  de  raptu  vd  adulterio  accuMttone  Intima  précé- 
dente convictus.  Sa  iniuria  rel  rapina  (acta  tiierit  dicio  domino  régi  vej  diquibas  de 
regno  suc,  per  alîqoos  de  commuoi  civitalum  predictarum  aut  p^  ipaum  com- 
mune, nonfvopterhoc  arrestBrifacielidemdominusrex  alîquem  de  dicta  universitale 
maneate  apud  Nemausum  qui  luper  hoc  cnlpabilis  aut  merito  «uspectus  non  fueril. 
ve)  rel  ipvtos;  set  si  commune  reqniiilam  in  defectnm  fuerit  emendandi  quod 
(nerit  emendandum ,  poterit  iUos  de  civitate  mde&coruin  huiusmodi  de  regno  «uo 
expellere.  ConceMO  sibi  unius  anni  et  quadraginta  dierum  ipatio  reccdendi  itaht, 

S[uod  débita  sua  recoUigant  et  valeant  ans  negotia  eipedire.  Concessit  preterea  pre- 
ftlUR  dominas  rex  qaod  omnibtti  et  singulis  de  dicta  universitate  licitum  ail  habere 
tabulam  ctHnpsoriam  et  stationem  in  dicta  civitate  Nemausi  aicut  habent  in  nundi- 
nis  Campanie,  usaria  ceisanlibus  omnino ,  débita  vero  ipeorum  mercatorum  bona  et 


622  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

procédé  de  M .  Colas,  qui  a  été  employé  avec  succès  dans  des  publications 

numismatiques  récentes ,  et  qui  donne  aux  Bgures  un  relief  si  frappant. 

Ce  volume  est  aussi  divisé  en  deux  parties  :  la  première  est  destinée 
à  faire  connaître  l'origine  des  sceaux,  leur  em^oi  au  moyen  Age,  les 
diverses  substances  dont  ils  étaient  formés ,  leurs  différences  suivant 
les  personnes  qui  les  emjdoyaient,  les  modifications  et  les  altératioiis 
qa'ûs  (Hit  subies,  et  en  g^iéral  toutes  les  circonstances  k  l'aide  de»- 
quelles  la  connaissance  des  sceaux  peut  servir  à  jeter  du  jour  sur  l'é- 
poque à  laquelle  appartiennent  les  chartes  ou  les  documents  que  l'on 
veut  examiner  et  sur  la  discussion  de  leur  originalité.  Ces  reniarques 
et  ces  observations  générales,  que  MM.  Cibrario  et  Promis  ont  em- 
pruntées souvent  au  Nouveau  traité  de  Diplomatiquedes bénédictins,  sont 
suivies  de  recherches  spéciales  relatives  aux  sceaux  des  princes  de  la 
maison  de  Savoie.  Ici  les  auteurs  ont  rapporté  plusieurs  faits  inté- 
ressants sur  ibistoire  des  arts  en  Piémont  et  surtout  sur  celle  de  la 
broderie,  qui  à  cette  époque  appartenait  aux  arts  du  dessin  par  la  per- 
fection à  laquelle  ^e  était  parvenue.  On  y  trouve  à  la  fin  les  chapitres 
de  l'ordre  du  collier  de  Savtrye ,  écrits  en  français  en  i/iog,  etl'onnecom* 
prend  pas  i>ftn  par  qudle  raison  on  les  a  placés  après  ïlntrodaction,  sans 
aucune  transition,  ni  pourquoi  on  a  reproduit  un  fragment  des  Novelle 
anticke,  tiré  d'un  fabliau  très  connu  où  l'on  raconte  gravement  comment 
Saiadïn  fut  armé  chevalier  par  Hugues  de  Tabarie. 

La  seconde  partie  contient  la  description  des  sceaux  qui  sont  publiés 
dans  l'ouvrage,  au  nombre  de  deux  cent  neuf  Le  premier,  qui  est  pro- 
bablement apocryphe,  est  relatif  à  la  comtesse  Adélaïde  de  Suze,  qui, 
au  onzième  siècle ,  apporta  en  dot  aux  comtes  de  Savoie  une  partie  du 
Piémont.  * 

A  ce  propos  tes  auteurs  s'expriment  de  la  manière  suivante  :  «  Notre 
recueil  commence  heureusement  par  le  sceau  de  cette  femme  im- 
mortelle dont  le  nom  est  si  grand  dans  l'histoire  du  xi*  siècle,  n  Une 


624  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

nombre  d'archives  et  de  Inblio^èquee ,  cette  marche  rapide  était  absolu- 
ment incompatible  avec  lelravail  lent  et  pénible  qui  est  nécessaire  ponr 
préparer  un  recu«l  diplomatique.  Les  livres  de  ce  genre  ne  sont  pas  des 
œuvres  d'ims^nation,  et  les  connaissances  paléograpbiques  les  plus 
étendues  peuvent  à  peine  abréger  quelques  heures  de  travail.  La  plus 
sévère  exactitude  doit  présidera  ces  publications;  car  ce  sont  U  les  maté- 
rianz  de  l'histoire,  et'fouvebt  nn  itom  mal  lu  dans  une  charte,  nue 
abréviation  mal  interprétée ,  peuvent  induire  en  erreur  sur  un  feit 
important'.  Le  temps  est  un  élément  indispensable  de  succès,  et  celui 
qui  n'a  pas  la  force  de  volonté  nécessaire  pour  se  livrer  à  un  travail  in- 
grat et  opiniâtre,  ne  doit  pas  publier  de  Cartulairee.  Les  mots  et  les 
lettres  qu'il  &ut  reproduire  si  scrupuleusement  sont ,  dans  la  diploma- 
tiqueT  comme  les  chiOres  qui  ont  tant  d'importance  dans  les  ohserva- 
tion^météorologîques.  Il  ne  &udrait  pas  ,  sans  doute ,  que  des  honmies 
supérieurs  se  livrassent  exclusivement  k  ces  travaux;  mais  il  est  utile  de 
ne  pas  méconnaître  ce  genre  de  recherches ,  car  elles  sont  un  complé- 
ikient  indispensable  au  véritable  savant,  fpi' elles  habituent  à  l'exactitude 
et  à  la  patience.  Quelques  esprits  dédaigneux  semblent,  il  est  vrai, 
prendre  en  pitié  les  hommes  qui  se  vouent  à  im  si  rude  métier.  A  leurs 
plaisanteries  on  peut  répondre  par  l'exemple  de  Leibnitz  qui ,  certes , 
ne  manquait  ni  d'esprit  ni  d'intelligence,  et  qui  ne  trouva  pas  au^es- 
sou,s  de  sa  dignité  de  se  faire  l'éditeur  d'une  collection  de  chartes  et 
de  documents  historiques. 

G.  UEBJ. 


ScRlPTUiL€  Hngaœgae  Pkœniciœ  monamenta  quotquot  sapersunt . 
édita  et  inedita .  âd  aatograpkoram  optimoramgae  'exemplarium 
fidem  edidit.  additUtfue  de  scriptara  et  lingaa  Phœnicam  com- 


626  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

chaux,  ou  bien,  placés  sur  des  balistes,  des  catapultes,  ont  servi  en 

guise  de  projectiles  pour  battre  les  murs  de  la  place ,  ou  écraser  les  ba- 
taillons des  assaillants'.  Aussi  il  est  remarquable,  que,  sauf  un  petit 
nombre  de  médailles ,  aucun  monument  phénicien  n'a  jusqu'i  pr^nt 
été  découvert  dans  la  Phénicie. 

Quant  &  la  ville  de  Garthage ,  dont  les  ruines  sont  aujourdliui  l'objet 
des  «t|dorations  savantes  de  plusieurs  amateurs  éclairés  de  l'archéologie , 
il  est' douteux,  ce  me  semble,  qu'elles  puissent  récompenser,  par  des 
découvertes  importantes,  le  sèle  et  le  courage  de  ceux  qui  fouillent 
avec  tant  de  persévérance  ces  respectables  débris.  Sans  doute  si  Gar- 
thage, après  sa  destruction,  était  restée  ensevelie  sous  ses  ruines,  on 
serait  presque  certain  de  pouvoir,  en  faisant  des  fouilles  plus  ou  moins 
profondes,  exbumer  des  monuments  antiques,  qui  retraceraient  à  nos 
yeux  le  souvenir  des  conquêtes  ou  des  opérations  commerciales  des 
compatriotes  d'Annibal.  Mais  une  cité  romaine  s'était  élevée  sur  l'em- 
placement de  l'ancienne  rivale  de  Rome ,  et  était  devenue  la  seconde 
ville  de  l'Empire.  Il  est  bien  k  présumer  que  les  ruines  de  l'ancienne 
cité  avaient  dû  servir  de  carrière,  avaient  été  fouillées  dans  toutes  les 
directions  par  les  nouveaux  colons  qui  y  trouvaient  de  magnifiques 
matériaux  tout  taillés  et  tout  prêts  à  être  mis  en  œuvre.  Il  est  donc 
difficile  de  croire  qu'aucun  monument  antique  ait  échappé  à  des  re- 
cherches actives,  dirigées  par  le  besoin  et  la  cupidité.  Les  Vandales 
et  ensuite  les  Arabes  continuèrent,  k  coup  sûr,  à  exploiter  ce  terrain. 

Aussi  on  peut  penser  que  les  recherches  entreprises  de  nos  jours 
n'auront  d'autre  résultat  que  la  découverte  de  monuments  contempo- 
rains des  Romains.  Je  sais  qu'à  l'époque  de  la  domination  romaine,  il 
existait  k  Garthage  même,  et  sur  son  territoire,  une  population  indi- 
gène qui  parlait  la  langue  punique.  Mais  cette  population  se  compo- 
sait d'individ||s ,  et  n'odrait  point  une  communauté,  guidée  par  un 


OCTOBRE   1838.  627 

tion  romaine»  et  qui  présentent  des  inscriptions  en  langage  punique; 
mais  il  n'y  faut  pas  chercher  autre  chose  que  des  formules  insignifiantes, 
des  noms  de  personnages  obscurs.  Car,  si  je  ne  me  trompe,  les  monu- 
ments connus  jusqu'à  ce  jour  n  offrent  à  nos  regards  le  nom  d'aucun 
personnage  connu ,  d'aucun  général ,  d'aucun  magistrat  dont  l'histoire 
ait  conservé  le  souvenir.  Du  reste,  il  est  peu  probable  que  l'on  puisse 
découvrir  ou  un  décret  public ,  ou  un  monument  de  quelque  impor- 
tance. Si  je  propose  ici  mes  doutes,  je  n'ai  point  dessein,  comme  on 
peut  croire,  de  décourager  ceux  qui  s'occupent  avec  tant  d'ardeur  à 
explorer  le  sol  de  Garthage.  Je  désire  même  qu'un  événement  heureux 
vienne  donner  à  mes  prévisions  im  démenti  complet.  D'ailleurs ,  si 
Garthage  et  ses  environs  éprouvaient  à  un  trop  haut  point  l'influence 
de  la  domination  romaine,  cette  influence  se  faisait  sans  doute  moins 
sentir  dans  l'intérieur  des  terres ,  où ,  suivant  toute  apparence ,  la  po- 
pulation punique  avait  conservé  avec  moins  d'altération  son  caractère, 
ses  usages  et  sa  langue. 

Après  ces  observations  préliminaires,  auxquelles  je  crains  d'avoir 
donné  un  peu  trop  d'étendue,  je  m'empresse  de  revenir  à  l'examen  que 
je  dois  faire  du  travail  de  M.  Gesenius.  Le  premier  volume,  qui  ren- 
ferme le  texte  de  l'ouvrage ,  puisque  le  second  ne  contient  que  les 
planches,  se  divise  en  deux  parties,  composées  de  quatre  livres,  et 
formant  un  total  de  48 o  pages.  L'auteur,  dans  sa  préface,  se  plaint 
d'abord  avec  assez  de  raison  que,  depuis  le  milieu  du  dernier  siècle , 
époque  où  Swinton  et  surtout  l'illustre  abbé  Barthellemy  commen- 
cèrent ,  par  des  travaux  sérieux ,  par  des  explications  savantes ,  à  attirer 
sur  les  monuments  phéniciens  l'attention  des  philologues  et  des  anti- 
quaires ,  ce  genre  d'étude  a  fait  peu  de  progrès  d'une^in^ortance  réelle; 
il  atteste  que,  sur  quelques  points,  la  science,  en  ce  genre ,  a  plutôt  re- 
culé qu'avancé;  que  des  érudits  modernes,  se  laissant  guider  par  une 
imagination  capricieuse  plutôt  que  par  les  calculs  d'une  exploration 
sage  et  méthodique,  ont  hasardé,  pour  Texplication  des  monuments 
phéniciens,  des  hypothèses  vagues,  incohérentes,  et  dont  le  seul  ex- 
posé sufQt  pour  faire  sentir  leur  invraisemblance. 

Parmi  les  causes  qui  ont,  jusqu'aujourd'hui,  arrêté  les  progrès  des 
études  phéniciennes ,  l'auteur  signale  l'extrême  imperfection  des  copies 
que  retracent  à  nos  yeux  la  plupart  des  légendes  gravées  sur  les  pierres 
ou  sur  les  monnaies  antiques.  Il  atteste  combien  il  a  été  frappé  de  ce 
défaut,  en  comparant  les  gravures  aux  originaux.  Aussi  M.  Gesenius 
n'a  rien  négligé  pour  éviter  un  défaut  aussi  grave ,  et  pour  représenter 
les  iiiscriptions  de  ces  monuments  avec  une  fidélité  scrupuleuse.  Dans 

78 


618  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

cette  vue,  l'vuteur  se  transporta  à  Londres  et  à  Leide,  où  il  examina  à 
loisir  ies  monumeiiCs  eux-mêmes ,  et  en  prit  des  empreintes  exactes  en 
l^ifre ,  en  souffre  ou  en  papier  mouillé.  Le  temps  ne  lui  ayant  pa»  per- 
f»i»  ée  visiter  les  antres  vÔle»  dont  les  cabiaets  renferment  des  mona^ 
ments  plus  ou  moins  précieux,  il  a  trouvé  d'utiles  secours  dans  la  com- 
plaisance de  pluHeivs  savants  dont  il  cite  les  noms  avec  honneur,  et  qui 
ont  mis  4  sa  disposition  toutes  les  empreintes  qu'3  pouvait  désirer. 
Aussi  M.  Gesenius  s'est  vu  en  état  d'oflrir  aux  regards  des  savants  une 
collection  complète  et  exacte  de  toutes  les  légendes  phéniciennes  et 
puniques  qui  ont  échappé  aux  ravages  du  temps  et  de  la  baiiiarïe. 
Lorsque  deux  gravures  d'un  même  monument  présentaient  des  diffé- 
rences essentielles,  l'auteur  a  cru  devoir  placer  en  regard  ces  diverses 
copies ,  et  les  comparer  l'une  à  l'autre.  Toutes  les  médailles  dont  l'ou- 
vrage ol&e  les  légendes  ont  été  dessinées  avec  le  soin  le  plus  minutieux 
surles  originaux  eux-mêmes.  Grâce  à  tant  de  recherches,  l'auteur,  comme 
il  l'atteste,  a  pu  réunir  dans  son  recueil  77  inscriptions  phéniciennes, 
et  environ  60  légendes  de  médailles.  Il  a  pris  soin  d'indiquer  dans  quels 
lieux,  dans  quels  cabinets  existent  ou  sont  déposés  les  monuments  qui 
ont  été  la  matière  de  ses  observations. 

Parmi  les  causes  qui  ont  produit,  dans  Vexplicatîoa  des  monuments 
phéniciens ,  d'assez  nombreuses  erreurs ,  l'auteur  en  signale  deux  que 
Je  ne  dois  point  passer  sous  silence.  La  première  est  le  peu  d'attention 
que  l'on  a  fait  aux  règles  de  la  paléographie,  le  peu  de  soin  que  l'on  a 
pris  Ae  rapprocher  et  de  confronter  les  monuments  phéniciens  des 
différents  pays .  des  diflérents  âges ,  pour  constater  les  Ësrmes  que  chaque 
lettre  a  reçues  de  ia  main  des  graveurs;  les  ressemblances  ou  les  diffé- 
férences  que  i'qp  peut  observer  dans  ia  figure  d'un  même  caractère. 
3°  La  hardiesse  arbitraire  avec  laquelle  on  a  réuni  pêle-mêle  les  mots 
des  différents  dialectes  orientaux,  pour  en  composer  des  légendes  qui, 
comme  on  voit ,  pêobent  par  leur  base ,  et  ne  peuvent  soutenir  l'exa- 


650         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

d'Énée  et  de  ses  compagnons  que  les  Carthaginois  parlassent  un  ou 
plusieurs  idiomes;  mais  biUngaes  signifie  (lun  homme  qui  sait  varier  à 
son  gré  son  langage,  aûn  de  tromper  les  autres,»  et,  par  suite,  a  un 
fourbe,  im  perfide.  »  De  même,  quand  Silius  Italiens  '  s'exprime  en  ces 
termes  : 

Dùcicctos  inter  Libyu,  populosque bilingues, 

l'épithète  de  biUjigaes  doit  également  se  traduire  par  :«  fourbes ,  per- 
fides. »  Kus  loin  ^ ,  lorsque  Scipion  dit  à  Massinissa  : 

Dimitte  bilingues 
Ex  animo  socios , 

il  Êiut,  je  crois,  traduire  :  «  vos  perfides  alliés ,  »  et  non  pas  «  vos  alliés 
qui  parlent  simultanément  deux  langues,  n  C'est  dans  le  même  sens,  si 
je  ne  me  trompe,  qu'il  faut  entendre  l'épithète  bisalcilingaœ ,  que  Plaute 
applique  aus  Carthaginois.  Le  troisième  chapitre,  dont  l'objet  est,  à 
coup  sûr,  d'une  haute  importance,  présente  un  système  complet  de 
paléographie  phénicienne.  L'auteur  prend  chaque  lettre  en  particulier , 
en  présente  la  forme  qui  est  présumée  la  plu^  ancienne,  expose  les 
changements ,  les  altérations  que  sa  figure  n'a  pu  manquer  de  subir  dans 
la  suite  des  âges.  Il  indique  avec  soin  tous  les  monuments ,  lapidaires 
ou  numism  a  tiques ,  sur  lesquels  nous  retrouvons  chacune  de  ces  va- 
riantes. Il  indique  les  sigles ,  les  abréviations  que  l'on  trouve  quelquefois 
sur  ces  inscriptions.  Il  fait  observer  que,  dans  la  plupart  des  monuments, 
les  mots  sont  tracés  de  suite  et  sans  aucune  séparation.  Il  remarque  avec 
raison  que  les  Phéniciens  ne  paraissent  point  avoir  eu  de  signes  particu- 
liers pour  exprimer  les  voyelles,  et  que  les  lettres  qui,  chez  les  Hébreux, 
remplissent  les  fonctions  de  voyelles  longues ,  de  lettres  de  prolongation , 
sontsouvent  omises,  même  dans  des  endroits  où  elles  sembleraient  assez 


652  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

M.  Gesenius  lui-même,  dans  son  Histoire  de  la  langue  hébraïque ^ 
Quant  au  caractère  hébreu  proprement  dît ,  l'auteur  n'en  &it  pas 
remonter  l'origine  au  delà  du  m*  siècle  de  notre  ère.  J'aurais  de  la 
peine  i  admettre  ce  fait.  Sans  doute  la  tradition  juire  qui  re§|arde  ce 
caractère  comme  originaire  de  Babylone,  et  en  attribue  t'iotroductioo 
parmi  les  Juifs  à  Ësdras  lui-même,  eet  peu  certaine,  n'étant  appu*^ée 
que  flor  des  témoignages  bien  postérieurs  à  cet  érénement;  d'aÛIeurs 
aucun  monument  trouvé  à^abylone  ne  nous  représente  une  écriture 
semblable  on  tant  soit  peu  analc^e  au  caractère  hébraïque.  On  pour- 
rait donc  soupçonner  que  les  Juife  empruntèrent  leur  nouvelle  écriture 
non  pas  aux  BaJjyloniens,  mais  aux  Syriens.  Les  Hébreux,  k  leur  retour 
de  la  captivité,  se  trouvèrent  environnés  de  nations  syriennes  d'or^ine. 
Ces  peuples  pariaient  la  langue  syriaque,  et  possédaient  une  écriture 
particulière,  probablement  dérivée  de  l'alphabet  phénicien.  On  peut 
croire  que  cette  écriture  se  retrouve,  sinon  dans  sa  forme  primitive, 
du  moins  avec  peu  d'altérations,  sur  les  monuments  palmyréniens.  En 
pénétrant  chez  les  Juifs  de  la  Palestine  et  chez  ceux  de  l'j^pte,  elle  y 
donna  naissance  au  caractère  hébraïque  et  à  celui  que  nous  retrouvons 
sur  l'inscription  de  Garpentras  et  sur  quelques  fragments  de  papyrus. 
Mais  rien  ne  nous  oblige  à  croire  que  ce  dernier  caractère  ait  été  eh 
usage  à  Jérusalem,  et  soit  l'origine  de  l'alphabet  paimyrénien.  Il  est 
plus  vraisemblable  que  tous  ces  alphabets  étaient  contemporains,  et 
dérivaient  tous  d'un  autre  plus  ancien-,  et  l'on  conçoit  très-bien  com- 
ment les  Juifs  ont  pu  donner  à  leur  caractère  d'écriture  le  nom  à'écri- 
tare  astyrienne  '*nt^X  Dn3-  Cette  dénomination  ne  nous  oblige  pas  k 
voir  dans  les  Babyloniens  les  inventeurs  de  cet  alphabet.  Mais  des  au- 
teurs d'une  époque  qui  n'est  pas  extrêmement  ancienne  ont  pu  facile- 
ment se  tromper  en  confondant  le  mot  assyrien  avec  celui  de  syrien; 
et  l'on  sait,  en  effet,  combien  de  fois  cette  erreur  a  été  commise  par 
les  hbtoriens  grecs  et  latins.  Lé  caractère  hébraïque  a  pu  s'introduire 


654  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

s'apercevoir  si  son  style  conserve  une  régularité  parfaite  ,  une  forme 
entièrement  analogue  aui  règles  d'une  syntaxe  minutieuse.  Mais,  dans 
des  inscriptions  dont  le  langage  est  prosaïque  au  dernier  point,  on  ne 
saurait,-je  crois,  à  moins  d'en  avoir  la  certitude  entière,  admettre  une 
anomalie  aussi  frappante.  Je  préférerais  don» l'ancienne  leçon  T13V. 

En  second  lieu,  il  est  un  point  sur  lequel  je  ne  puis  partager  l'opi- 
nion du  docte  philologue.  Lorsque  je  publiai  l'interprétation  de  quatre 
inscriptions  puniques  découvertes  sur  l'emplacement  de  Carthage,  je 
supposai  que  les  deux  mots  ^"^J  ^H  devaient  se  traduire  par  hoc  qaod 
lovit;  que  le  mot  WH  était  ime  abréviation  du  terme  *^|^i|t<  qui,  dans 
la  langue  hébraïque,  répond  au  foi  relatif.  M.  Gesenius  n'a  pas  cru 
devoir  se  rendre  aux  preuves  par  lesquelles  j'avais  appuyé  mon  hy- 
pothèse, n  pense  qu'il  faut  lire  1"I3  lî'X  pour  TIJ  tî^'t* ,  et  traduire 
vir  vovens  (est).  Il  objecte  que  la  suppression  du  *1  à  la  fin  du  mot 
présente  une  difficulté  réelle ,  et  qu#  le  fait  serait  sans  exemple.  Mais 
je  répondrai,  ainsi  que  je  l'ai  fait  précédemment,  que  les  Hébreux, 
dès  le  temps  où  leur  langue  était  le  plus  florissante,  avaient  re- 
tranché la  première  et  k  troisième  lettre  du  mot,  qui  se  trouvait  ré- 
duit à  la  seule  lettre  ïf.  Or  la  forme  li'X  est  précisément  la  forme 
intermédiaire  entre  le  mot  primitif  ^^N  et  l'abréviation  ^.  Se  ne  vois 
donc  pas  que  cette  supposition  présente  réellement  une  difficulté  in- 
surmontable. D'ailleurs,  dans  une  inscription  punique  dont  je  donne- 
rai plus  bas  la  gravure  et  l'interprétation,  on  lit  également  n3  ^H, 
et  la  personne  qui  a  fait  le  vœu  est  une  femme.  Peut-on  réellement 
admettre  que,  devant  le  nom  de  cette  femme,  on  eût  placé  les  mots 
vir  vovens  est  ? 

La  seconde  inscription ,  qui  est  l'objet  des  savantes  observations  de 


"^^f 


0»  JOURNAL  DES  SAVANTS. 


proprement  mère  de  (a  conJaBum,  pent  se  prendre  par  extension  dans  le 
sens  de  pacUca,  et  être  regardé  comme  un  nom  propre  de  feaiine.  Le 
mot  7V33J1,  (jui  signïBe  la  ^râce,  la  faveur  de  Baal,  nous  représente 
le  nom  du  célèbre  général  carthagiooù.  Quant  au  dernier  mot  de  l'ins- 
cription, les  interprètes  ont  cru  unanimement  devoir  lire  17D12; 
niius  j'avoue  que  j'aurais  bien  de  la  peine  à  admettre  dans  une  ins- 
criptioa  phénicienne  la  forme  ^3,  qui  est  évidemment  syriaque  ou 
chfddaîque.  J'ai  eu  occasion  de  me  convaincre  que,  sur  quantité  de 
monuments  phéniciens  ou  puniques,  l'ouvrier  chargé  de  graver  iins- 
oiption  a  omis  le  aïit.y.  En  effet,  cette  lettre,  ne  présentantque 
la  figure  d'un  très-petit  cercle,  a  pu  souvent,  aux  regards  d'un  artisan 
peu  habile,  passer  pour  un  siiàpU  j>oint  ou  pour  un  accident  du  mo- 
dèle qui  était  sous  ses  yeux.  Dan^  le  cours  de  ces  recherches,  j'aurai 
plus  d'une  fois  occasion  de  faire  diserver  l'absence  du  oïn;  et  partout 
on  reconnaîtra  d'une  manière  évidente  que  la  faute  doit  êti*e  attribuée 
à  celui  même  qui  a  gravé  l'inscription  sur  la  pierre.  D'après  cela  je 

n'ai  point  hésité  à  restituer  un  oin  «t  à  lire  "yÙ  *I3V ,  le  serviteur  de 
Moloch. 


JOURNAL  DES  SAVANTS. 


Li^ion  a  bonneiir. 

IV.  Tthiiids  prix,  db  Gbavvsb  en  taille  doscx. — Le  saJBt  du  concoors  éltïl  : 
1*  Unejigare  demitie  taprit  Vantiqae;  a°  om  figure  demnie  -^aprit  naimrt  tt  gruoie 
aa  burin.  Le  premier  graad  prix  a  été  remporté  par  M.  Victor-Florence  Pollbt,  né 
à  Paris,  le  3a  novembre  iSi  t ,  élève  de  M.  Richomme,  membre  de  l'Institut,  che- 
valier delà  LéKÎoD  dlboaoeur,  et  de  M.  Paul  D^J^rocbe,  membre  de  l'Institut,  offi- 
cier de  Ib  Légion  d'honneur.  Le  deuxième  premier  grand  prix  a  été  remporté  par 
H.  Charlei-Victor  NoRUAND,  né  i  Paris,  le  a3  mars  181  &,  élève  de  MH.  Richomme 
etDrôUiàg,  membres  de  l'Inititnt,  chevaliers  de  la  Légion  d'honneur.  Le  second 

rnd  prix  a  été  remporté  par  M.  Auguate^ThomâirMarie  Blanchard,  né  à  Paris, 
18  mai  1819,  élève  de  M.  Dlanchard,  son  père.  Le  deuxième  second  grand  prix 
a  été  remporté  par  M.  Charles -Joseph  Rousseau,  né  à  Paris,  le  a6  seplembre  1818, 
élève  de  M.  Pigeotet  de  M.  Paul  Delaroche.  membre  de  l'Institut,  officier  de  la  Lé- 
gion d'honneur. 

V.  GnANM  PRIX  DE  CoHKHiTioN  HOsiGALi. —  Le  sujet  du  coucours  a  été,  con- 
formément aux  règlements  de  l'Académie  :  1*  pour  I  admission  des  candidats  à 
eoDGOurir  :  un  sujet  de  (iigue  à  quatre  parties,  à  un  ou  deux  contre-sujets,  et  un 
morceau  vocal  en  chœur  avec  accompagnements;  3°  une  cantate,  d'après  laquelle 
les  grands  prix  sont  décernés.  Le  titre  de  la  cantate  est  la  Venubita;  les  pan^ 
MKtt  de  M.  le  comte  de  Paslorel.  Le  premier  grand  prix  a  été  remporté  par  M.  Ange- 
Cçctrge -Jacques  Bocsqcbt,  né  h  Peipignaa,  figé  de  ao  ans,  élève  de  M.  Berton, 
meurtre  de  l'Institut,  officier  de  la  Légion  d'honneur,  et  de  M.  Lebome,  pour  le 
contre-point.  Le  second  grand  prix  a  été  remporté  par  M.  Edme-Marie-Emst  Del- 
DBva,  de  Paris,  âgé  de  ai  ans,  élève  de  H.  Berioa,  membre  de  l'Institut,  officier 
de  la  Légion  d'hooneur,  et  de  M.  Hatévy,  membre  de  l'Institut,  chevalier  de  la  Lé- 


'■■■■^w 


JOURNAL  DES  SAVANTS. 


La  Société  royide  des  science»  à  Goettiague  propose,  entre  autres  sujets  de  prix, 
la  question  suivante:  «Quoiaue  Jean  Backinann  et  d'autres  écrivains  aient  fourni  des 
ma térian^t estimables  [X)ur  TnistcHre  de  la  culture  de  la  pomme  de  terre  en  Europe, 
ce  sujet  n'a  pouiiarfFpas  encore  élé  traite  d'une  manière  complète.  Il  n'existe  pas  non 
plus  de  recherches  satisUsantes  sur  les  changements  qu'a  produits  cette  branche  si 
importante  de  l'agriculture.  La  Société  demande  donc  une  histoire  aussi  complète 
que  possible  de  l'introduction  de  la  culture  de  la  pomme  de  terre  dans  les  divers 
pty»  d'Enrope ,  avec  sn  exposé  de  l'infiuence  que  la  propagation  de  ce  tubercule 
a  «œrcée  sur  l'agriciJkre  européenne.  •  Le  prix  sera  de  douie  ducats  \  les  mémoires 
devront  être  envoyés  avant  ie  i*'jnin  i8io. 

Paimi  les  questions  que  la  Société  dite  de  Jablonowski .  à  Leipzig,  a  mises  au  con- 
cours pour  les  années  1 839  et  1 84o ,  on  remarque  la  suivante  : 

■  Les  grandes  acquisitions  que  la  géométrie  a  faites  dans  notre  temps,  grfice  aux 
eObrls  surtout  des  malhémaliciens  français  et  allemands ,  motivent  la  question  de 
savoir  ce  ([u'il  faut  et  ce  que  l'on  peut  en  admettre  dans  les  éléments-,  si  Ton  peut 
faire  entrer  ce  surcroît  dans  les  doctrines  élémentaires  ,  sans  nuire  à  leur  forme  systé- 
matique, ou  si  les  nouvelles  méthodes  exigent  une  réforme  complète  du  [rfan  delà 
géométrie  d'Euclide,  et,  en  ce  cas,  quelle  est  la  réforme  nécessaire.  >  Les  méaioin» 


642         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Mémoires  th  TAeadàitu  mak  éet  tàenen  i«  l'itutitul  deFnatce.  Tomes  XIV,  XV  et 
XVI.  Paris,  imprimerie  de  Firmin  Didot  trèrei,  i838;  3  «J.  in-4*  de  CXXXVI11-71&, 
xxxis-65i ,  et  cciixis-555  pages,  avec  5  tableaux  et  i4  [daiiche*.  Le  tome  XIV 
contient:  Éloges  hiitoriques  de  Georges  CaTÎer,  par  M.  Fhttrmi.  et  de  JoMpb  Poo- 
rîer,  par  H.  Arago.  Notice  de  M.  PaitiaiU,  sur  les  opérations  géodésiques  et  astro- 
nomiques qui  servent  de  fondement  à  la  nouvelle  carte  de  France.  Mémoires  de 
U.  Dulnehet.  sur  l'osage  physiologique  de  ro]^gène  considéré  dans  ses  raroorts 
avec  les  excitants  ;  sur  le  mécanisme  de  la  respiration  des  înseclM  ;  —  de  IC  LAri, 
sur  l'intégration  des  équations  linéaires  aux  différences  du  second  ordre,  et  des 
ordres  supérieurs  à  coemdents  constants  ou  variables  ;  —  de  H.  Tuqim ,  sur  ïor- 
gaaogénie  et  la  physicdogie  des  végétaux,  considé^  comme  étant  de  grandes  asso- 
ciations de  végétaux  plus  simides,  confervoïdes  ,  et  simplement  agglutinés;  —  de 
M.  SiagettdU ,  sur  l'origine  des  bruits  nomiaux  du  cœur;  —  de  M.  Lamjr,  sur 
les  effets  consécutifs  des  plaies  de  la  télé  et  des  opérations  pratiquées  à  ses  différentes 
parties;  de  M.  PoÛKtn,  sur  le  mouvement  d'un  corps  soude;  —  de  MM.  Serrei  el 
Nonat,  sur  la  psorenlérie  ou  le  choli^ra.  Rapport  de  M.  Biot,  sur  les  expériences  de 
H.  Melloni ,  relatives  à  la  chaleur  rayonnante.  Tome  XV.  f^oge  historique  de  Jean- 
Antoine  Cliapta] ,  par  M.  Floareas.  Deux  mémoires  de  M.  Aagusle  de  Sainl-Hilaire , 
sur  la  structure  et  les  anomalies  de  la  fleur  des  rësédacés.  Rapports  de  M.  Da- 
troctiet,  sur  un  mémoire  de  M.Coste  intitulé:  Recherches  sur  lagéuération  des  mam- 
mifères; développement  de  la  brebis;  —  de  M.  Poncelel ,  sur  un  mémoire  de 
MH  Robert  et  Morin,  capitaines  d'artillerie,  concernant  les  expériences  faites  à 
Meli  en  1 834 .  sur  la  pénétration  des  projectiles  dans  divers  milieux  résistants ,  et 
sur  !a  rupture  des  corps  par  le  choc.  Mémoires  de  M.  Biol,  sur  des  méthodes  mathé- 
matiques et  expérimentales,  pour  discerner  les  mélanges'et  les  contbinaisons  chi- 
miques définies  ou  non  définies,  qui  agissent  sur  la  lumière  polarisée  ,  suiries  d'ap- 
plications aux  combinaisons  de  l'acide  tartrique  avec  l'eau,  l'alcool  et  l'esprit  de 
bois;  —  de  M.  Dutrocket,  sur  l'endosmose  des  acides;  —  de  M.  Tarpin,  sur  l'élude 
microscopique  comparée  de  la  harégine  de  M.  Longchamp,  observée  dans  les 
eaux  thermales  sulfureuses  de  Baréges.  et  de  la  barégine  recueillie  dans  les  eaux 
thermales  sulfureuses  de  Néris,  par  M.  Robiquet;  —  de  M.  Chevreal  sur  la  tein- 
ture: introduction  et  considérations  générales;  —  de  M.  Tumn,  sur  un  organe 
nouveau  placé  entre  les  vésicules  du  tissu  cellulaire  des  feuilles  dans  un  certain 
nombre  d'espèces  végétales  faisant  partie  de  la  famille  des  aroides,  et  auquel  l'au- 
teur propose  de  donner  le  nom  deBiforine:  —  de  MM.  /.  Damât  el  P.nouhyfib, 


«M  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

r^crîtureoccidenUde, aubdivbée  en  alphabetsgrec,  latin,  tiidetqueetalave.  M.  Paa- 
thier  s'est  surtout  attacbé  i  exposer  l'orinme  et  la  fonnatîoii  des  écritures  fi^ntâres 
ésyptieone  et  chinoise.  En  présentant  la  s^tbèse  de  la  formation  et  du  dévelop- 
pemeot  linùlure  de  ces  écritures,  comme  une  étude  persévérante  de  la  tangue 
idiinoiie  actudlemenl  pariée  l'autorise,  dit-il,  à  la  concevoir,  l'auteur  croît  avoir 
donné  une  démonstration  irréfragable  et  décisive  du  véritable  système  de  récritara 
hiérog^jl^iique  expliquée  par  Cbampollion. 

Voyag»  en  ItUmàt  et  ae.  Groenhnd,  exécuté  pendant  les  années  i&35  et  i836,  sor 
la  corvette  In  Bachenhe,  commandée  par  H.  Tréhouart,  lieuleaant  de  vaisseau ,  dans 
le  butdedécouvrirlés  traces  de  IaZ>iIioiie;puUié,  par  ordre  du  roi,  sous  la  direction 
de  M.  Paul  Gaimard.  Géologie  et  minéralogie,  par  D.  Eugène  Robert.  Atlas, 
i" livraison,  iSplanches.  Paris,  imprimerie  deRîgnoux,  librairie d'Arthus  Bertrand. 
Pr.  i^fr.  la  livraison. 

Recherchai  lur  torigine  de  rànpdt  ea  Pnmee;  par  U.  Polherat  de  Thou,  Paris, 
Levrault,  i838;  in-8*. 

Mémoire  sar  U  ckoîéra-morhat  asiatiijae  qrïi  ar^^é  à  Toulon  pendant  l'année  i835i 

KM.  IleynBud,  docteur  en  médecine,  premier  chirurgien  en  chefde  la  marine,  elc. 
is,  Imprimerie  royale,  aoûl  i838;  iSg  pages  in-8*. 

Quatrième  lettre  tar  Ihittoire  âei  Arabes,  avant  ViiJamisme,  par  Fulgence  Presnel. 
Paris,  Imprimerie  royale,  i838;  m  pages  in-8°.(Exlraildu  Journal  asiatique,3'série.) 

Mémoire  mr  la  condition  de  la  prvpriété  territoriale  en  Chine,  depuis  les  temps  an- 
ciens, par  M.  Ed.Btot.  Paris,  Impnmerie  royale,  18381  8Â  pag.  in-8*.  (Extrait  du 
Journal  asiatique ,  3' série.  ) 

M^oirv  jor  (e  goilt  (iM /inrN  chez  lei  Orieataax ,  par  M.  Quairemère,  membre  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Paris,  Imprimerie  royde,  i858; 
^8  pag.  in-8*.  (Extrait  du  Journal  asiatique,  3*  série,) 

ffote  sar  la  comnùuion  ej^lorative  et  KientiSqae  d'Algérie,  présentée  à  M.  le 
minblrede  la  guerre,  par  le  colond  Bory  de  Saint- Vincent,  de  l'Institut.  Paris, 
imprimerie  de  CossoQ  ;  i838.  Brochure  in- V. 

Calalogae  général  det  livret  conqtoiant  lot  Ubliothèi/uei  da  dépariement  de  la  marine  et 
(JmcoIoium.  Tomel.  Tbédogie-,  — légidation  et  administration  delà  marine;  législa- 
tion et  administration  en  général  ;  —  sciences  et  arts  relatifs  a  la  marine.  (  N"  i  à 
35o&.)  Paris,  Imprimerie  royale.  i838.  I11-8*  de  ixiv  et  â68  pages.  Ce  catalogue, 
conçu  d'après  un  système  ingénieux,  et  exécuté  avec  soin,  fait  connaître  les  richesses 


ehS  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

I^iiea.  L'auteur  s  atUche  à  décrire  les  aoliquité*  romuDee  de  la  TraniirlTaiiM.  leflea 
qga  n^daâlea.  iiMcriplion*.  Mulptores,  rMlea  d'édifices.  Miuieiin  nKinaiiiento 


Car.  Caspari',  lipsis.  Baum^aertener ,  it(âH;in-4'. 

Hepertonam  bibUographicam ,  in  qtio  librî  omnei  ab  arte  hrpt^raphica  invenla 
uMTue  ad  annum  M.  D.  typii  npreasi ,  ordine  alphabetico  rd  simplîciter  eaume- 
rantur,  vel  adcuratiut  recenientar ;  opéra  Lud.  Hain.  Stutgardice,  .i836-i833, 
Aval.  in-8*;i  Sluttgaitl,  cbeiCottd;  à  Paris,  chez  J.  Henooard.  Pr.  A8  Er. 

Begeila  sive  rerum Bolcorum  aulograplia,  e  regai  Kriniis  fiddiler  in  annuDacOD- 
tracta;  éd.  iePreyberg.Monad;tjp.reg.  i838;yol.  VIT. 

BmcAf  ûber....  Compte  rendu  de*  mémoires  lus  à  l'Académie  des  sciences  de 
Bei^io, et  destiDésila  publication.  Mai  et  juin  i838;in-8*. 


RUSSIE. 

Mèmotrt*  de  VAcaiUmie  impériale  detieieiwet  de  Saint-Pèter^urg,  vi'  eitie.  Sciences 
politMRies,  histoire,  philolo^e,  lom.  IV,  3*  livraison.  Pétersbourg  i838;  in-4*. 

Ce  cahier  contient  deux  mémoires  de  M.  Fraehn ,  orientidiste ,  l'un  en  allemand . 
■'«utre  en  lalin.  Le  mémoire  allemand  traite  des  anciennes  tombes  de  la  Sibérie  mé- 
ridionale ,  dont  les  foutHes  ont  fourni  des  descriptions  d'une  date  certaine.  L'auteur 
rappdle  dans  l'introduction  que  le  long  des  rivières  Ischim,  Irtvich,  Jémsey.  Se- 
lenga  jnsqn'an  cours  moyen  de  rAmtur,  et  même  au  dàk  de  la  frontière  de  la  Si- 


650  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Maariet,  lu  à  la  séance  anniverMire  du  jeudi  ik  août  iSSy,  par  H.  Julien  Om- 
jardins,  secréUire  et  l'un  des  membret  (bodateuTB  de  cette  société;  membre  hono- 
raire de  l'iiutîtotion  littéraire  et  acientififiiie  du  cap  de  Boaae-Espàimce,  delaSo- 
ciélé  anatiqne  de  Odcutla,  etc.  Maurice  ;  imprimerie  de  Uamarot-et  compagnie,  i  837. 
Ce  rapport  présente  le  résumé  d'obaerratîoni  météorologiques  faites  par  M.  J.  Dcs- 
jardina  dan*  son  habitation  d'Argy  an  quvtier  de  Flacq ,  k  30  milles  de  Port-Louis  ; 
det  extraits  de  le  topographie  medicde  de  l'ile  Haurice.  par  M.  Desnoyen;  un 
examen  de>  ouvrages  récenunent  puUiés,  on  des  fiuls  lecueiliis  dana  ces  derniers 
lempa,  anr  la  botanique  et  la  aodogie  de  celle  de.  L'auteur  du  r^tport  annonce  la 
prooi^ne  poUication  d'un  Horm  numraoùuwi  par  H.  W.  BDJer,, membre  de  la 
société. 

ÉTATS-UNIS. 

Tht  eradit  mfMn ,  «te.  Du  système  de  crédit  en  France ,  daos  b  Grande-Bretagne 
et  aux  Étatfr-Unis,  par  H.-C.  Carey,  auteur  des  Principes  d'économie  pditique. 
Philadelphie,  librairie  de  Gorey,  Leaei  Kanchard;  Paris,  Galignani,  i&38;  in-8* 
de  i3o  pages.  Après  des  considérations  sur  l'origine  elles  prt^rès  du  crédit  en  gé- 
néral, I  auteur  examine  l'état  actuel  du  crédit  en  France,  en  An^eterce  et  aux 
Etats-Unia.  La  principale  conclusion  qu'il  tire  de  cet  examen  c'est  que  {dus  un  gou- 
▼erneœent  met  de  restrictions  à  la  liberté  des  transactions  commerciales .  moins  il 
y  a  de  sécurité  pour  les  capitaux ,  et  par  conséquent  de  richesse  puUîque.  Le  sys- 
tème finuider  des  Etats-Unis  parait  à  M.  Carey  oien  préférable  à  celui  de  l'Angle- 
terce  et  surtout  de  la  France,  où,  suivant  lui,  uoe  défiance  excessive  arrête  les 
progrés  de  l'industrie.  Enfin,  paimiles  divers  étals  de  l'Union,  il  n'y  en  aucun  où 
le  crédit  public  soit  aussi  florissant  que  dans  te  Massachusetts  et  le  nhode-Isiand , 
parce  que  tes  cpéralioDs  de  banque  et  de  commerce  y  sont  affranchies  de  tout 
contrôle. 


NOTL  On  peot  l'adresser  i  la  librairie  de  M.  Lbtb&olt,  i  Paris,  rue  da  la  Hane,  n*  61; 
«t  i  StiadMurg,  rtie  des  Juifs,  pour  se  procurer  les  divers  ouvrages  amioncés  danslc  Joarnal 
itt  Smanti.  Il  but  aŒranchir  les  lettres  et  le  prix  présomi  dei  ouvrage*. 


652  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

M.  Prichard  s'est  proposé  deax  principaux  objets  :  le  premier,  de  mon- 
trer que  toutes  les  races  humaines,  quelque  êifférence  actuelle  qui 
les  distille,  descendent  les  unes  des  eatres,  et  toutes  d'ona^  «t 
le  second ,  de  chercher  à  fixer  le  nombre  de  ces  races  actneUèmJint 
distinctes. 

Lfr  ^estien  de  l'nitrf  primànv  des  race»-  hmnames  ionme  aian  la 
prenkère  putie  de-ïàuvoige  de  M.  Prichard,  et  ce-qu'on  poorraît  en 
appeierla  partie  conjecturale,  du  moins  par  rapport  à  l'autre ,  qni  en 
est  assurément  la  partie  positive,  et  qui  est  aussi  celle  qui  va  m'occuper 
d'abord. 

Camper  est  le  premier  qui  ait  cherché  des  caractères  précis  pour  la 
distinction  des  races  humaines  dans  l'étude  comparée  des  têtes  osseuses. 
Ses  observations  sur  les  rapports  opposés  du  crâne  et  de  la  face,  ou,  k 
parier  plus  exactement ,  du  front  et  de  la  mâchoire  supérieure ,  dans  le 
iràjre  et  dans  le  hlanc ,  lurent,  pour  l'histoire  naturelle  de  l'homme  un 
progi'ès  réd.  Dans  le  n^jre,  le  front  recule  et  la  mâchoire  supérieure 
avance:  c'est  tout  le  contraire,  du  moins  relativement,  dans  l'homme 
de  race  blanche;  ce  n'est  plus  la  mâchoire  supérieure,  c'est  le  front  qui  se 
porte  en  avant  et  qui  fait  saiUie. 

On'a  beaucoup  abusé  sans  doute,  et  dans  plus  d'un  sens,  des  obser- 
vations ingénieuses  de  Camper.  On  a  voulu  tirer  de  sa  K^ne  faciale  une 
mesure  prédse  et  presque  mathématique  de  la  capacité  du  crâne ,  et 
par  suite  du  développement  du  cerveau ,  et  par  suite  du  degré  de 
rintd%enoe.  Or,  la  U^nefaciak  ne  donne  aucune  de  ces  choses;  eàle  ne 
donne  que  la  saillie  relative  du  fivnt  et  de  la -mâchoire  supérieure, 
c'est-à-dire  un  simple  caractère  anatomùjoe,  mais  un  caractère  anatomùfue 
précieux,  et  qui,  pour  nous  en  tenir  ici  k  ce  qui  regarde  l'espèce  hu< 
maihe,  e^tl'un  de  ceux  qui  distinguent  le  plus  nettement  là  race  nègre 
de  la  race  bhnc^.  Malheureusement,  ce  caractère  onatonufoe  ne  s'ap- 


654         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

une  signification  beaucoup  trop  rettreinte,  car  ni  toutes  les  nati<Hu  do 
race  eaacatiifae  n'habitent  le  Qatca$e,  ni  toutes  cdles  de  rase  mongok-mê 
doivent  des  peuples  nioi^;<ds  u  sdmiraMement  décrits  par  Pi^i  il 
substitue  à  ces  dem  déncsninatioiiB,  inexactes  sans  contredit,  cet  dont 
autres ,  qui  n'offrent  guère  jdua  d'exactitude  penVétre ,  savov ,  odl0  de 
rao0  inuumne  pour  la  race  eaneonçi»,  et  cdie  de  race  tansmiie  pour  k 
race  aumgolt^i  Dm»  le  sens  strict  de  l'histoùe  naturelle,  las  rUmkàm 
dénominatioi»  de  ces  dem  grande*  races  sont  cdles  de  ram  ikauè»  «t 
de  ncejabne. 

Je  reprends  l'examen  des  sept  races  proposées  par  M.  Prichard. 
Les  trois  premières ,  ia caaeasiqae ,  Izmongob  etla  r4^,  sontessmtid- 
lement  distinctes,  comme  je  viens  de  le  dire:  il  en  est  de  même  de 
ïamirieaitu.  M.  Gurier  dit,  à  b  Térité,  que  aies  Américains  n'ont  pas 
de  caractère  &  la  fois  préds  et  constant  qui  puisse  en  fidre  une  raœ 
particulière^.»  Mais,  outre  que,  comme  on  le  verra  bientôt,  l'appa- 
reil fy^nuRtal  de  leur  peau  constitue  ce  caractère  à  la  fob  précis  et  ooni - 
tant  que  demandait  M.  Guvier,  les  caractères  mêmes  tirés  du  crâne  et 
delà  &ce  suCBraient  seids  pour  marquer,  dans  le  ^pe  américain,  un 
type  spécifique  et  propre.  Les  principaux  caractères  de  oe  type  sont  le 
volume  de  la  partie  postérieure  du  crâne,  ta  saillie  des  os  du  nei,  la  lar- 
geur des  orbites,  etc. 

M.  Prichard  a  supprimé  la  race  malaise.  Il  est  vrai  que  le  type  ffuini 
manquait  jusqu'ici,  même  dans  M.  Blumenbacb  'qui  l'a  établi ,  de  ca- 
ractères précis.  J'ai  cru  trouver  ces  caractères  sur  deux  têtes  de  noire 
musée,  l'une  de  Javanais,  l'autre  de  Madarais:  deux  têtes  singulière- 
ment remarquables  parla  largeur  des  bosses  pariétales,  et  surtout  par 
la  manière  dont  l'occipital  s'aplatit  brusquement  au-dessous  de  cet 
bosses. 

Les  Papous  forment  aussi  une  race  distincte.  Selon  MM.  Quoy  et 
Gaimard ,  qui  les  ont  étudiés  avec  soin ,  les  Papoas  k  tiennent  le  milieu 


65â  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

pigmentai  ou  de  ccdonticHi  setroure  dans  la  peau  de  l'homme  de  mce 
raage  ou  améneaint,  comme  mea^nomrdleB  lecherebes  l'ont  ^gaimiBM 
montré.  M.  Guvier.^  dît.qu«  «lea  j}iméricam8io'«nt  paa  de  '<»''— *^ 
k  la  fiuB  précû  et  constant,»  et  qui  ajoute  «qaa  laôr  imtf'nnytMb 
cumt  o'enest  pas  on ^,b  eût  asancémeot  penaé  tout  le  ceotrun  Vil' 
eût  su.qoa  ce  ttmt  rao^  dt  eiîpra.  dépendait  d'un  eppaieil  fartàeaàitKn 
^vn  appai^UjgiWatfikpii,  HtjmO'Kwmitme  powwifcjiaoâar.et àél$\ ■ 
cher  die  toutealev  antres  partÎBa.de  la  peau.  ■    m 

Xavoue  que  ces  ndterchee  sur  la  structure  de  la  pëau^  que  je  cite  ici, 
ne  a'étendant  eaactxe  qu'aux  trou  race*  que  je  viena  de  nommer,  ne 
décident  rien  pour  Jeaautret  raeea.  H  e«t  pourtant  «iié  de  voir  que  le 
noOibre  totid  des  races  humainetividonné  par  la  stactev  de  la  peau, 
sera  nécessairement  beaucoiq»  plu»  restreint  que  cdni  de  ces  mêfOM 
races,  donné  par  tescaractères  secondaires  tù^sde  ia/onu  desillag 
osseuses.  H  est  aisé  de  voir  aussi  que  cet  appareû  qui  manque  dans  la 
peau  de  certaines  races ,  et  qui  existe  dans  la  peau  de  eertames  autres  , 
sera  une  difficulté  de  plus  pour  l'opinion  que  soutient  M.  Prichard,  de  la 
transformation  successive  de  touteslfes  races  humaines  les  unes  dans  les 
autres.  Qudque  influence  que  l'on  veuille  accorder  à  toutes  ces  causes 
externes,  et  les  seules  agissantes  pour  la  transformation  des  races,  le 
dimat,  le  r^me,  les  habitudes ,  etc.  il  est  dffîcile  d'admettre  que  cette 
influence  puisse  aller  jusqu'à  donner  ou  retrancher  un  appareil. 

Au  reste,  pour  bien  entendre  toute  cette  quesâon  delà  trmgfoma- 
tien ,  ou  { ce  qui  revient  au  même ,  puisque  ces  races  sont  actuellement 
distinctes  )  de  Vmité  primiiee  des  races  humaines ,  il  iànt  commencer 
par  en  bien  poser  les  teimes.  Vetpèce  humaine  est  une;  car  ce  qui  cons- 
titue Xespèee  est  la  succession ,  et  la  succession ,  ou  filiation  combinée , 
est  constante  peur  tous  les  rameaux  de  l'espèce  humaine.  Les  races  ha- 
maines  sont  seules  molt^fef. 

Ceux  qui,  comme  M.  Prichard,  soutiennent  l'opinloB  que  ces  races 


NOVEMBRE  1858.  657 

preuves  directes;  mais,  à  défaut  de  ces  preuves,  tout  ce  qu'un  esprit 
méthodique  et  profond ,  aidé  du  savoir  le  plus  vaste ,  peut  faire  pour 
édairer  une  question  dun  intérêt  aussi  élevé,  M.  Prichard  Ta  fait.  D 
réunit  les  témoignages  de  Thistoire  à  ceux  des  sciences;  il  s'attache  sur- 
tout à  l'étude  des  modifications  que  les  causes  externes,  le  climat,  le 
r^ime,  les  habitudes;  Tempire  de  Hiomme,  etc.  fonli subir  aux  ani- 
maux, et  particulièrement  aux  animaux  domestiques.  C'est  là,  c'est  dans 
le  rapprochement  de  tant  de  modifications  singulières  et  variées, 
éprouvées  par  les  animaux  domestiques,  que  M.  Prichard  triomphe.  Ce 
qu'il  a  rassemblé  sous  ce  rapport,  et  pour  démontrer  une  opinion  qui 
n'est peùl-étre  pas  démontrable ,  de  faits  piquants  et  nouveaux,  forme 
presque,  dans  son  livre ,  im  livre  à  part,  et  qui  mérite  un  examen  par- 
ticulier. Cet  examen  fera  le  sujet  d'un  second  article. 

FLOURENS. 


Theory  of  the  inverse  ratio  wkich  sabsists  between  tke  respiration 

and  irritability y  in  ihe  animal  hingdom.  — ^Théorie  dé  la  raison 

inverie  gai  existe  entre  la  respimtion  et  ^irritabilité  dans  le  règne 

.  animal;  par  M.  Marshall-Hall,  membre  des  Sociétés  royales  de 

Londres  et  if  Edimbourg.  Londres,  i833. 

Duvemey  est  le  premier  qui  ait  nettemant  vu  ce  grand  fait ,  savoir, 
que,  quelque  variées  que  soient  les  modifications  qu'éprouve  le  méca- 
nisme respiratoire  dans  les  différentes  espèces ,  le  but  de  ce  mécanisme 
est  toujours  le  même ,  de  présenter  le  sang  à  l'air,  et  de 4e  présenter  par 
la  plus  grande  surfac-e  possible. 

Ge6t  en  effet  de  l'étendue  de  cette  surface  par  laquelle  le  sang  est 
présenté  à  l'air,  c'est,  en  d'autres  termes,  de  la  quantité  de  sang  qui  res- 
pire, que  dépend,  dans  chaque  animal,  l'énergie  de  toutes  ses  autres 
facultés,  de  sa  sensibilité ,  de  ses  mouvements,  etc. 

Dans  les  reptiles ,  oà  il  n'y  a  qu  une  partie  du  sang  qui  respire ,  parce 
que  la  circulation  pulmonaire  n'y  est  qu'une  firaction  de  la  circulation 
générale,  toutes  ces  facultés,  la  sensibUité,  le  mouvement,  etc.  ont  peu 
d'énergie;  elles  en  ont  beaucoup  plus  dans  les  mammifères,  où  tout  le 
sang  respire ,  où  la  circulation,  où  la  respiration  sont  complètes,  où ,  en 


658  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

en  mot,  tout  le  sang  de  la  circulati(m  génénde  passe  dans  la  droulatioii 
pulmonaire;  et  elles  en  ont  beaucoup  plus  encore  dans  les  oiseaux,  où 
non-seid«nent  la  respiration  est  comjdète,  mais  double;  où  noD'ienl»- 
ment  l'air  pénètre  dans  les  poumons,  mais  passe  des  poumons  dans  des 
cellules  particidières  de  l'abdomen,  et  jusque  dans  les  cavités  des  oa. 

n  y  a  donof  dans  les  différentes  espèces,  un  rapport  général^  un 
rappcôt  constant  entre  la  quantité  de  sang  qui  respire  et  l'éneigie  de 
toutes  les  autres  lacidtés  ^  ;  rapport  qui  a  été  admirablement  expmé  par 
M.  Cuvier  dans  ses  Leçons  d'anatomie  comparée  ',  et  qui  fonne  assuré- 
ment l'une  des  {dus  bdles  lois  de  l'éctHiomie  animale. 

Et  cette  belle  loi ,  développée  surtout  avec  détail  par  M.  Cuvier,  pour 
les  animaux  aériens,  peut  être  suivie  aujourd'hui,  et  presque  avec  au- 
tant de  détail ,  jusque  dans  les  animaux  aquatiques ,  dont  le  mécanisme 
respiratoire  conmience ,  en  effet ,  à  être  beaucoup  mieux  connu. 

Je  viens  de  dire  que  le  but  final  de  tout  mécanisme  respiratoire  est 
de  présenter  le  sang  à  l'air  par  la  plus  grande  surlàce  possible.  Or,  cda 
posé,  il  est  aisé  de  voir  que  ce  mécanisme,  pris  en  totalité,  se  divise 
et  se  décompose  en  qudque  sorte  en  deux  autres ,  l'un  par  lequel  s'ef- 
fectue le  déploiement  de  l'organe  qui  reçoit  l'air,  et  l'autre  par  lequel 
s'opère  le  renouvellement  de  cet  air  pins  ou  moins  dtéré,  plus  ou 
moins  vicié  par  l'acte  de  la  respiration. 

Dans  les  vertébrés  aériens,  ou  à  sacs  pulmonaires ,  les  mampiifôres, 
les  oiseaux,  les  reptiles,  le  déploiement  de  l'organe  respiratoire  se  Eut 
par  l'air  même  qui  pénètre  dans  cet  organe;  et  le  renouvellement  de 
l'air  se  fait  par  le  jeu  d'un  appareO  extérieur,  qui  est  le  tborax,  quand 
le  thorax  est  mobile,  comme  dans  les  mammilères,  comme  dans  les 
oiseaux ,  et  qui  est  l'appareil  l^oidien ,  quand  le  thorax  est  immobile , 
comme  dans  plusieurs  rutiles,  et  nommément  dans  les  tortues,  dans 
les  grenouilles,  dans  les  crapauds,  etc. 


860  JOUftNAL  DES  SAVANTS. 

il  y  a  deux  oureitares  distiitctes  h  U  cavité  branchiale,  l'une  pour  ren- 
trée et  Tautre  pour  la  sodTtiede  l'eau. 

C'est  ce  qa'on  sarût  d^à  ^Hine  mamire  génénle  pour  la  plupart  dm 
cnutacés  ^apodes,  et  ce  que  M.  Mitne-Edwards  vient  de  montrer 
avec  détail  pour  tons  ces  animaux'.  C'est  aussi  ce  qui  a  lieu  pour  les 
moUas^aes  e^Aakfoiei.  Duis  tous  ces  nwUoppus,  la  iêiàte,  le  eabnar,  le 
poaipe,  l'eau  qui  va  respirer  pénètre  dans  le  sac  des  branchies  par  l'ou- 
verture même  de  ce  sac;  et,  après  avoir  respiré,  elle  en  sort  par  l'ou*' 
verture  de  l'entonnoir  '. 

Dans  les  pmsions,  dans  les  enutacéi  âécapoâes ,  dans  les  molliufiies  c^ika- 
lopodes,  c'eatA-dire  dans  tous  les  animaux  les  plus  âevés  parmi  ceax  qui 
ont  des  braocbies,  il  y  a  donc  deux  ouvertures  branchiâdes  distinctes, 
l'une  poiu-rentrée,  et  faatre  pour  la  sortie  de  l'eau.  D'où  il  suit  que, 
dans  tous  ces  animaux,  l'efiet  définitif  de  larespiration  se  trouve  comme 
doublé.  Dans  les  animaux  aériens ,  l'expiration  se  &isant  par  la  même 
ouverture  que  l'inspiration,  le  temps  de  l'expiratioD  est  perdu  pour  la 
respiration.  Dana  les  animaux  aquatiques  dont  je  viens  de  paHer,  il  n'y 
a  point  de  temps  perdu  :  l'eau  qui  a  respiré  sort  par  une  ouverture 
distincte;  l'inspiration  n'est  point  retardée  parTexpiration;  l'inspiration 
est  presque  continue ,  ou ,  en  d'autres  termes ,  et  comme  je  viens  de  le 
dire, la  respiration  est  presque  doublée. 

La  respiration  de  ces  animaux ,  comparée  à  celle  des  autres  animaux 
aquatiques  à  branchies  également  doses,  mais  à  une  seule  ouverture 
brancluale  donnée,  s(Ht  pourTentrée,  soit  pour  la  sortie  de  l'eau,  est 
donc  une  sorte  de  respiration  double;  et  ces  animaux  k  respiration 
wfuatùjoe  double  sont  aussi,  de  tous  les  animaux  aquatiques  ou&  bran- 

'  Voici  les  deux  princqwiix  rindtats  des  recherdiet  de  M.  MUoe-Edwards  : 
r  Des  deux  ouYertares  bnneliiidflB  des  erattacéi  décapodei,  Yomwtan  affermie, 
placée,  comme  oDsait.deobastnecAté  de  la  bouche,  a  seule  une  positioa constante; 


662  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Ta  voir ,  qa'dle  n'est  que  li.  Maïs  commençcHU  par  exposer ,-  en  pe& 

de  mots,  la  théorie  même  de  M.  Marshall-Hall. 

Sdon  loi ,  oa  a  confondu  jusqu'ici  dans  un  seid  mot ,  le  mot  àrrâiH 
biSié ,  deux  propriétés  distinctes  :  Tune,  VactivUi,  c'est-i-dire  ïéngiyit 
du  mouvement,  et  l'autre,  VirritabiUié  propre  de  la  fibre.  Or,  de  ces 
deax  propriétés ,  la  première  seule  est  en  raison  directe  de  la  quantité 
de  respiration  ;  la  seconde  est  en  raison  luTerse.  Les  animanx  qui  ont 
le  plus  d'actimté  de  mouvement,  les  obeaux  comparativemmt  anx 
mammifères,  les  insectes  comparativement  aux  mollusques,  etc.  sont 
ceux  qui  ont  la  plus  grande  quantité  de  respiration.  Les  animaux ,  an 
contraire,  qui  ont  le  plus  d'irrUabilité  mascabdre ,  les  mi^uaqaês 
comparativement  aux  insectes,  les  reptiles  ouïes  poissons  comparati- 
vement aux  mammifères  ou  aux  oiseaux ,  dans  tontes  les  dasses  le 
fœtus  comparativement  k  l'animal  adulte,  sont  ceux-  qui  ont  la  plus 
petite  quantité  de  respiration. 

Ainsi ,  deux  échelles  inverses  :  l'une ,  de  ïactwité  de  mouvement , 
qui  croît  des  mollusques  aux  insectes ,  des  reptiles  aux  oiseaux,  etc. 
du  fœtus  à  l'adulte;  et  l'autre  ,  de  ViirUahiUté  de  la  fibre,  qui  croît  au 
contraire  de  l'insecte  au  mollusque ,  de  l'oiseau  au  reptile ,  etc.  de  l'a- 
dulte an  fietus. 

Dès  lors  toute  contradiction  disparaît.  Quand  M.  Cuvier  dit  qœ  ia 
J3)re  tire  de  la  respiratwn  téner^ie  de  son  irritah^té,  c'est  de  Vactivité  du 
mouvement  qu'il  veut  parier  ;  et  quand  M.  Marshall-Hall  dit  que  l'im- 
iahilH^  est  amené  de  la  respiration  ,  c'est  de  Xirritahiliti  propre  de  la  fibre 
qn'3  parie. 

Toute  contradiction  disparaît  sans  doute ,  si  ïactisité  da  mouvement  et 
VirritabiHté  sont  en  effet,  et  comme  le  dit  M.  Marsfaail-Hall,  deux  pro- 
priétés distinctes.  Mais  si,  comme  je  le  disais  tout  à  l'heure,  il  n'y  a, 
an  fond ,  qu'une  sede  propriété ,  si  ïiTTitahiiité  est  l'unique  source  du 


ou  JOURNAL  Ï>BS  SAVANTS. 

expérieam  pla>  enrieuses  aocore  de  TremUay  sur  les  pf^^pes  àùea» 

douce. 

L'énergitet  la  pernrtance.de  ïirrUabdité  tiennent. donc  à  des  cond»- 
-tiont  ergnâques  divoves;  l'nneest  donc  indëpend«ate  de  l'autre  ;  l'une 
peut  donc  suÏTre  la  raison  directe  de  la  respiration  ,  et  l'autre  la  raison 
inverH;  et  oe  n'est  pas,  conuoe  le  dît  M.  Uutsludl-Hall,  'VTi'tnHiitf 
toatflaliin,«'wt  la  ^wnûtan»  seuiéde  rirritabâiti  qui  est  en  amoa 
ÎDTene  de  ia  quantité  de  respiration. 

Considérée  de  ce  point  de  vue,  la  théorie  de  M.  Marshail-Hall  pa- 
raîtra peut-être  perdre  une  partie  de  son  originalité,  mais  eUe  n'aura 
certainament  rien  perdu  de  son  importance.  La  loi  qui.  .ilans  les  difii^ 
rentes  wpèties,  règle  le  rapport  de  la  respiration  et  de  l'irritabUité,  eit 
une  des  premières  bases  de  toute  la  physiolc^îe  comparée.  Or  cette 
toi  n'était  pas  encore  nettement  posée.  Il  fallait  beaucoup  de  sagacité 
pour  arrirer ,  comme  l'a  ^t  M.  Marahall-HaJl ,  à  la  poser  d'une  ma- 
nière plus  précbe;  il  eu  fallait  même  beaucoup  pour  s'apercevoir 
qu'elle  l'était  mal.  Au  reste,  cette  sagacité  ingénieuse  est,  si  je  puis 
ainsi  dire,  lereasort  actif  de  tous  les  travaux  de  M.  MarabaU-Hadl;  elle 
brille  dans  cet  écrit  que  je  viens  d'examiner ,  dans  son  ouvrage  sur  la 
CSrealation  datang  dans  les  vaiasetuix  a^tilltùres  des  reptiles  et  des  poissons  ', 
dans  ime  foule  d'expériences  sur  le  système  nerveux ,  et ,  plus  encore 
peut-être  que  partout  ailleurs,  dans  son  dernier  ouvrage  sur  les  Fonc- 
ent réflexes  de  la  jMelie  épinière^,  ouvrage  de  l'ordre  le  pkis  élevé  en 
physiol<^;ie ,  et  dont  je  me  propose  de  rendre  compte  dans  un  second 
artide. 

FLOURENS. 


Des  jodbnadx  chez  les  Romaim,  etc.;  par  Jos.  V.  Leclerc,  doyen 


666  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

arides  annales  des  pontifes  à  l'art  de  Tite-Live  et  de  Taâte..QueU« 
maigre  pâture  pour  les  sabbasiSeani,  les  sabrosùmù,  les  conaficola,  le* 
aprici  itnes  ',  ces  flâneurs  des  basiliques,  des  environs  de  la  tribune  et 
du  forum  !  Q  y  eut  donc  des  incrédules ,  même  dès  la  première  iftpari- 
tion  de  ce  trésor  archéologique.  Bdais  beaucoup  de  trèsnloctes  person- 
nages s'en  servirent  comme  d'une  valeur  véritable,  et  allèrent  jusqu'à 
vouloir  corriger,  avec  le  secours  de  ces  fiiusaes  lumières ,  et  Suâone  frt 
Tite-Live,  précisément  les  auteurs  auxquels  le  bbricsateur  anonyme 
avait  dérobé  le  plus  de  lambeaux  pour  composer  son  œuvre.  De  nos 
jours  encore,  malgré  les  discussions  qui  avaient  commencé  à  dévoiler 
le  mensonge ,  on  a  vu  allégua  le  témoignage  de  ces  Âcta  popaU  roouvu 
dans  des  écrits  estimables.  H  ne  sera  plus  permis  maintenant  de  tomber 
dans  une  telle  erreur  après  la  critique  péremptoire  de  M.  Lederc.  Cest 
un  spectacle  aussi  intéressant  pour  les  lecteurs  studieux  qu'bonorable 
pour  son  érudition ,  de  le  voir  examiner,  article  par  article,  les  prétendus 
journaux,  noter  les  anachronismes,  les  erreurs  de  topographie,  les  in- 
vraisemblances ,  déchirer  tout  ce  travestissement  dont  s'était  afl'uUé 
l'imposteur  plagiaire ,  le  lui  arracher  pièce  à  pièce ,  et  restituer  à  chacun 
son  bien,  ce  morceau  à  Cicéron,  cet  autre  à  Pline,  celui-ci  è Tite-Live, 
celui-là  au  grammairien  Asconius  :  justice  tardive ,  mais  enfin  complète. 

Demandons-lui  compte  è  présent  des  vrais  journaux,  des  Aeta  popali, 
Acta  arbis,  Acta  diarna,  dénominations  diverses  d'une  seule  et  même 
publication. 

Un  passage  de  Suétone  a  beaucoup  embarrassé  la  question  de  la  nais- 
sance des  journaux.  Ceux  qui  tenaient  pour  la  découverte  apocryphe 
donnèrent  un  démenti  à  l'historien ,  ou  essayèrent  de  changer  son  texte; 
car  il  n'y  avait  pas  moyen  de  faire  concorder  le  nouvelliste  de  l'an  585 
de  Rome  avec  le  récit  qui  attribuait,  selon  la  version  généralement 
reçue,  la  création  du  journal  à  Jules  César.  £mesti,au  contraire,  a  pris 
avec  d'autres  savants  la  défense  de  Suétone,  et  ne  veut  point  absolu- 


OT8  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

fàîtimiptioii  itttuietabttlarhm  sacré,  ettes^t&untdu  pn^té'dHia  Vèm^ 
aemUée  du  sénat,  les  pontife^  renonicèp»it  ii  écrire  leuratinuBiK:,  iftâ' 
n'était  déaonnais  que  de  l'histoire,  qui  n'dtdit  jplua  iuii^mlèg«^  tfli^^ 
poUToir,  peMftfoos  scriiiendie  historimpoUitasfait^.  Udmoeim  Aotoe'lfieH 
démontré  per  le  témoignage  d'Asellio  que  le  DîatàaA,  dans  leqiiiel  3  Ctt 
impontble  de  voir  autre choseqae  ïaAeta  dnftwrv  deraHS^ile  pi^^tfti 
stèdcie eonsulatde  JideS'Gésar.  Maib que ftâi« alonrdapvnM^^eSffA- 
tode?  ce  que  M.  Lederceu  s-&it,  llnterptéter  conrMltlbIemeBt:'/r^ 
honore,  primni  omniam  iiutitaît,  Dt  TA»  senatas  QCiK  popidi  diama  aéta 
cat^érentar^ ,  et  pabRcaretttiir;  u  il  introduisit  f  usage  de  rédiger  rA.  de 
piJ>Iier  les  actes  du  sénat  aaasi  hien  ijae  ceux  du  peuple ,  #  et  noil'  pMs 
«  leb  actes  du  sénat  et  ceur  du  peuple.  »  En  effet  cette  dernière  version 
prête  k  Suétone  trop  gratuitement  une  double  erreur  qu'il  n'a  pas  pu 
commettre  ;  d'abord ,  ceUé  que  nous  venons  de  relever  quant  dux  actes 
du  peuple,  ensuite  celle  qui  touche  le  sénat-,  car  il  faudrait  supposer 
qu'on  ne  rédigeait  point  les  actes  de  cet  ordre  avant  César,  ni5fifoif  at 

tant  senatns acta  conjicerentar ,  ce  qui  n'a  pas  besoin  d'être  discuté; 

tandis  que  Suétone  n'a  point  eu  d'autre  intention  que  d'établir  unepa- 
rite  entre  tes  acAi  senatas  et  les  acta  popati  pour  la  publicité,  pd&Itcorenter,- 
et  c'est  en  cela  seulement  que  consistait  l'innovation  de  César.  H  impor- 
tait au  consul  populaire,  à  l'héritier  de  Marins,  au  futur  empereur  par 
la  force  démocratique ,  d'exposer  aux  regards  de  tous  la  vie  intérieure 
de  l'oligarchie,  et  d'énerver  sa  puissance  morale  en  lui  ôtant  le  secret  de 
ses  délibérations. 

Qu'étaient-cc  que  les  journaux?  Cest  la  question  qui  s'élève  tout 
d'aboitl,  une  fois  que  l'ancienneté  de  leur  origine  est  avérée. 

M.  Leclerc  nous  avertit  de  ne  pas  nous  imaginer  qu'il  y  eût ,  diès  le 
temps  de  la  république ,  ou  même  sous  l'empire ,  «  des  entrepreneurs 
de  feuille» véritablement  quotidiennes,  quoique  le  mot  de jOumalisIe 


670  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ou  un  proscrit?  et  que  même  aux  portes  de  Rome ,  dans  leurs  vitia'jiè 
Tusculuni  ou  de  Tibur,  les  chefs  de  cette  greode  nation,  gourefnte 
par  les  conùces,  n'eussent  pqs  soin  de  se  faire  apporter'dtaqse-yiBr 
le  bulletin  des  discours  de  Sstununu»,  le  nombre  des  voix  obtMuai 
par  Valinius  ou  par  Giton  ?  ff  -  ' 

(I  C'est  ce  même  besoin  des  esprits ,  ces  même*  solHrihidie»  dé^la-TW 
publique,  qui  firent  naitre  k  joHfttir  vénitienne,  dUiord  maniwcrifv 
et  qui  ches  nous  ont  &it  circider  les  nouvelles  k  là  main ,  longtemps 
avant  que  l'imprimerie  pût  librement  répandre  le»  &itsde  chaque  jour, 
de  chaque  heure ,  avec  une  prodigieuse  rapidité.  » 

Après  l'entraînement  de  cette  ayante  etspiritudie  ai^vmcntatioiiv' 
si  je  tourne  en  arrière  mes  r^ards ,  je  m'aperçois  que  je  suis  ramené , 
prob^lcment  par  ma  faute ,  parce  que  je  presse  indiscrètement  les  ex- 
pressions de  l'auteur,  ou  parce  que  je  ne  saisis  pas  asseï  nettement  les 
nuances  fines  de  ses  idées  ;  je  suis  ramené ,  sinon  tout  A  lait  au  même 
point,  du  moins  sur  la  voie  d'où  l'on  m'avait  détourné  d'abord. 

Je  devais,  disait-on,  me  garder  de  transporter,  par  ime  méprise 
d'imagination ,  dans  Rome  antique  ,  notre  organisation  moderne  du  ser- 
vice des  journaux  ;  et  cependant  on  me  fait  entrevoir  l'intérêt  privé 
spéculant  sur  le  besoin  de  la  communication  des  nouvelles  entre  le 
peuple  romain  et  les  provinces ,  entre  les  chefs  de  la  république  ab- 
sents et  le  sénat  et  leurs  partisans  ;  en  un  mot ,  la  publicité  quotidienne 
de  tout  ce  qui  se  passait  dans  la  ville  et  au  dehors  parvenant  r^alière- 
ment,  exactement,  aux  riches  dans  leurs  villa,  aux  généraux  dans  leurs 
camps ,  aux  gouverneurs  des  provinces  dans  leurs  prétoires,  aux  pu- 
blicains  dans  leurs  biu-eaux. 

C'est  un  tort ,  je  le  confesse,  de  chercher  une  précisitm  excessive 
dans  ces  connaissances  auxquelles  on  n'arrive  que  par  des  inductions , 
sui'  des  indices  fugitiCs ,  épars ,  au  défaut  d'explications  expresses  et 
formelles ,  que  les  anciens  n'ont  pas  songé  à  nous  laisser.  Mais  il  reste 


«72  30URHAL  ©BS  SjWANTS. 

:Ce  n'est  pas  que  despotOmiagés  ^sotnrs,  des  pwticid«ritéaTii|§Mn 
ne  prinent  quriquefeis  place  àkaa  les  Aeta;  mus  née  paitiimlafitéiifty 
introduisaieat ,  non  comme  aigets  de  'OoiiTeUfii,  mm  k  la  maiHt^tAÉtt 
gnvea  on  remarquables -{lumi  les  autres  circDnBlMicw.>l4M  Actenaïae 
départaient  point  de.leur caractère  de  chroaïqQe  offioîdle  et  pdilfafae. 

Sans  doQte  ïe  t:erete  ide  ienrs  narmkaM  a'étawlit  frie  ptoyAiii^l^ 
temps,  et  kur  ferme  ne  ^meura  ^oint  inmmMitj  he'Diâiam,timm 
lequel  Sempronitts  AselUo,  rers  l'an  63o;  he'voyait  qve  des  nom 
sonmiaires  d'événements  et  de  dates ,  et  eo  quelque-  sorte  deiimples  ta- 
Uettes  chroncdogiques  ..dont  il  opposait  la  sédiioreaseBUK  enaeignemcnlf 
développés  de  l'iiutatre,  dbl  allonger  ses  pages  eldmneràianitylewM 
prolixité  nouvelle  pour  se  convertir  en  ces  Acta  oà  \é  ^mmakien  A*- 
oonius  puisa  tant  de  commentaires  sur  la  partie  historique  des  plaid<y^tBs 
de  Cicéron,  et  d'où  Mncien  extrayait  onee  livres  de  «Uscoora  d'hoauatt 
d'état.  La  révolution  du  gouvernement  changea  aussi  rM^t'desaAcAi 
sous  les  Césars ,  et  beaucoup  de  «^oses  qui  n'étaient  autrefois  qu'acces- 
soires devinrent  les  principales ,  et  ceHes  qui  avaient-  &it  d'abord  la 
substance  nécessaire  ne-Airent  plus  que  rares  etacoidesteHes.  Les  nou- 
velles politiques  s'effacèrent,  les  anecdotes  de  curiosité  obeuse  occu- 
pèrent la  plus  grande  place;  il  ne  s'agissait  plus  de  donnerxommuni- 
cation  aux  citoyens  des  affaires  et  des  destinées  de  la  république,  Mais 
d'eflrayerla  haine  oo'd'arauserle  désoeuvrement  des  sujets,  tandis  que 
le  gouvernement  se  renfermait  dans  l'intérieur  et  dans  le  secret  du  pa- 
lais de  Tibère  ou  de  Domitien.  Au  lieu  de  ces  débats  judiciaires  du  fo- 
rum quiavaient  ému  tout  un  peuple,  au  lieu  de  ces  querelles  où  s'était 
décidé ,  par  la  force  de  la  parole  et  souvent  par  k  violence  des  eiwes , 
le  sort  des  nations  avec  la  fortune  des  tribuns  et  des  consuls ,  d'un  Cu- 
ruHi  et  d'un  Pompée ,  d'im  Olodius  et  d'un  Milon ,  les  Aaia  étaient  rem- 
plis alors  de  détails  descriptifs  de  constructions  Uiéâtrales,  de  récep- 


674  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

qui  auraient  tenté  de  spéculer  sur  la  malignité  ou  ia  curiosité  publitpie 

et  de  diriger  l'opinion? 

vCc-n'est  pas  à  l'homme  psrdu  dans  la  foule  que  le  jonroaliste  va  s'attt- 
quer;  il  &ut  qu'il  heurte  les  puissants.  Dans  Athènes  il  aurait  triOm^ii, 
il  eût  été  brisé  à  Rome.  Gicéron  a  marqué  ainsi  la  différence  des  d«ux 
républiques  :  «  Péridèsiut  impunément  dil&mé  par  des  poêt^  satiriqnea 
sur  la  scène,  c^a  n'aurait  pas  été  toléré  i  l'yard  de  Scipion  ou  de  Caton,  » 

-L'aristocratie  romaine  avait  en  effet  pris  ses  précautions  dès  fan  3o9 , 
dans  les  Doiue  Tables.  Panni  le  petit  nombre  de  crimes  entraînant  peine 
de  mort,  on  inscrivit  l'injure  faite  par  des  écrits'.  Parla  suite  l'énormité 
de  la  peine  lut  tempérée,  mais  l'histoire  nous  appreid  que  l'effet  suivît 
toujours  la  menace  des  lois.  Névius,  pour  des  épigrammes  contre  Scîpîon 
et  contre  les  Métellus ,  faillit  périr  en  prison ,  et  alla  finir  ses  jours  dans 
l'exil.  Le  poète  Accius,  dans  le  vu'  siède,  fit  condamner  tm  auteur  de 
mimes  qui  l'avaitjoué  sur  la  scène.  U  est  vrai  que  le  chevalier  Lucilius 
ne  put  obtenir  ta  même  réparation  d'un  même  tort  ^.  Cette  inconstance 
dans  l'application  de  la  loi  pourrait  s'expliquer  aisément  sans  se  justifier; 
d'abord  ce  n'ébit  pas  :1e  même  préteur  qui  prononça  les  deux  ji^- 
ments;  ensuite,  le  poète  de  Pezzaro  était  inoffensif  et  jouissait  d'une 
grande  considération  dans  la  bonne  compagnie  de  Rome;  tea  patriciens 
étaient  ses  amis.  Lucile  avait  pour  lui  sa  dignité  équestre,  mais  contre  lui 
ses  satires  '.  S'il  y  eut  un  interrègne  de  la  l^iîslatioa  répressive  pendant 
les  tribunats  de  Gracchus ,  de  Satuminus  et  de  leurs  successeurs  jusqu'à 
Marins,  Sylla  vainqueur  la  rétablit  pour  frapper  tout  audacieux  sans 
pouvoir*.  Auguste  lui  rendît  une  vigueur  nouvelle ',  et,  après  lui,  les 
Césars  montrèrent  bien  qu'ils  n'étaient  pas  dans  linteution  de  la  laisser 
tomber.  Auguste  avait  donné  le  premier  l'exemple  de  brûler  un  écrit 
par  la  main  du  bourreau,  c'était  l'histoire  de  Lahiénus;  chose  inoiûe, 
dît  Sénèque  le  père,  une  exécution  de  livre,  supplicia  de  stadnt  sami*. 


676  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Le  métier  de  journaliste  était  trop  dangereux  ;  et  qui  aurait  pu  l'en- 
treprendre? des  affranchis?  des  Grecs?  de  petits  plébéiens,  qui  auraient 
voulu  faire  ainsi  ieur  fortune  ?  car  tout  ce  qui  ressemblait  de  pris  ou 
de  loin  à  l'état  de  tcrihe  répugnait  k  l'oigueil  du  citoyen  Tomain.  Mais 
le  profit  n'était  pas  asses  brillant  pour  éblouir  la  crainte.  Celte  industrie 
aurait  eu  À  combattre ,  comme  toutes  les  autres  industries,  une  concur- 
rence invincible  dans  l'esclavage  domestique.  On  cite,  comme  un 
exemple  de  modestie  rare  en  son  temps,  Caton,  qui,  menant  avec  lui 
son  fiJs  pendant  la  guerre  civile,  n'avait  que  doute  esclaves  à  sa  suite*. 
Et  pour  donner  une  idée  de  la  pauvreté  k  laquelle  Scaunis  se  trouva 
d'abord  réduit  lorsque  mourut  son  père,  on  dil  qu'il  ne  possédait  pas 
plus  de  dix  esclaves*.  Tous  les  services,  qui  sont  k  présent  des  objets 
de  spéculations  industrielles,  étaient  alors  des  offices  d'esclaves  dans 
chaque  maison.  H  n'y  avait  pas  d'homme  un  peu  dans  i'aisance  qui 
n'eût  ses  Ubrarii  (  écrivains ,  copistes } ,  ses  tahellarii  (  porteurs  de  mes- 
sages). L'entrepreneur  n'aurait  pu  otTrir  que  ce  que  chacun  faisait  faire 
par  ses  gens ,  copie  de  la  chronique  officielle  ;  toute  autre  fcuiUe  eût  été 
sans  crédit,  sans  valeur,  sans  garantie,  d'une  exécution  im^saîble  d'ail- 
leurs, soit  quant  k  la  nature  des  matériaux  dont  elle  se  composerait, 
soit  pour  l'envoi  périodique  des  exemplaires.  Seulement  frivde  et  aneo- 
dotique,  elle  n'avait  pas  un  intérêt  assez  fort,  assez  général;  politique 
et  sérieuse,  die  ne  pouvait  se  passer  du  secours  de  l'autorité  pour 
circuler  publiquement,  ou  d'agents  innombrables  pour  passer  clandes- 
tine. Et  quelle  fortune  aurait  suffi  k  l'entretien  seulement  des  messa- 
gers pour  courir  dans  lllalie,  dans  la  Gaule,  dans  l'Espagne,  dans  l'A- 
frique, dans  l'Asie?  Toutes  les  fois  qu'il  est  parlé  des  Acla  dans  les 
lettres  de  Cicéron ,  dans  celles  de  Pline ,  je  vois  toujours  une  correspon- 
dance officieuse  d'amis  qui  envoient  ou  qui  demandent  des  copies  : 
Credo  te  ex  eorum  literis  cognoscere,  qui  ad  te  Acta  debent  perscri- 


678  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

vinces,  c'était  parl'épée  qu'on  gouvernait  l'opinion  des  sujets  de  l'em- 
pire, et  non  parla  parole.  En  disant  un  appel  à  leurs  affections  ou  & 
leurs  haines,  on  eût  mis  en  question  leur  asservissement.  Grande  est  la 
dîfTércnce  des  rapports  de  Rome  ancienne  avec  les  provinces,  et  de 
ceux  de  la  capitale  avec  les  autres  parties  du  royaume  dans  les  états  mo- 
dernes. Mais,  au  défaut  d'estafettes  du  gouvernement,  y  avait-il  dei 
particuliers  qui  se  fussent  chargés  de  transcrire  et  de  porter  les  nou- 
velles par  spéculation  d'intérêt?Pour  des  communications  accidentelles, 
particulières,  en  petit  nombre,  cela  s'est  pu  feire.  Pour  des  comraimî- 
cations  générales ,  constantes,  régulières,  pour  un  service  en  grand, 
nul  récit  n'autorise  A  penser  qu'il  ait  rien  existé  de  pareil;  nul  ne  fait 
soupçonner  la  concession  d'un  tel  privilège  par  le  gouvernement  à  des 
particuliers,  car  elle  eût  été  nécessaire,  indispensable  dans  l'esprit  de 
l'administration  romaine,  autant  que  dans  toute  espèce  de  gouvernement 
despotique.  Nous  avons,  au  contraire,  des  motifs  de  nous  décider  pour 
la  négative.  S'il  y  avait  eu  des  entrepreneurs  de  nouvelles  publiques, 
que  signifieraient  ces  oiTrcs'et  ces  demandes  de  copies  de  journaux  si 
fréquentes  dans  les  correspondances  de  Cicéron  et  de  Pline,  et  tout  ce 
commerce  de  pure  et  gratuite  obligeance?  En  vérité,  ces  hommes,  qui 
ne  regardaient  pas  à  cent  mille  francs  pour  quatre  colonnes,  et  à  vingt 
mille  pour  une  table  de  citronnier,  auraient  été,  dans  ce  seul  genre  de 
dépense,  d'une  ladrerie  bien  déhontée,  d'importuner  leurs  amis,  et 
d'attendre  de  leur  complaisance  une  satisfaction  précaire,  s'il  leur  eût 
été  foisible  de  prendre  un  abonnement  chez  Chrestus.  Que  serait  de- 
venu aussi  l'office  des  crieurs,  prœcones,  ces  voix  publiques,  ces  gazettes 
parlantes,  qui  disparaissent  devant  les  gazettes  qui  se  lisent?  Cependant 
on  ne  saurait  douter  qu'ils  n'aient  continué  toujours  d'être  nombreux 
et  très-occupés.  On  ne  voit  jamais  que ,  quand  les  empereurs  voulaient 
porter  quelque  chose  à  la  connaissance  du  peuple,  ils  l'aient  inséré  dans 
le  journal.  On  voit,  au  contraire,  qu'ils  employaient  toujours  à  cet  ef- 


NOVEMBRE  1838.  679 

de  la  publicité  des  Acta.  Rien  qui  ressemble  au  mouvement  incessant 
de  divulgation  chez  les  modernes,  à  cette  publicité  ardente,  infatigable, 
qui  se  répand  dans  les  rues,  sur  les  places,  dans  les  promenades,  qui 
court  au-devant  des  curieux,  qui  poursuit  les  indifférents  à  domicile,  et 
qui  s'étale  en  vente  dans  des  boutiques  de  lecture;  rien  qui  se  puisse 
comparer  à  ces  volcans  en  éruption  permanente,  épanchant  leur  lave 
par  des  milliers  de  canaux  régulièrement  ouverts  chaque  matin.  La  pu- 
blicité telle  que  l'entendit  César  lui-même  pendant  son  consulat  factieux, 
telle  surtout  que  l'entendirent  avant  lui  l'aristocratie  romaine,  après 
lui  Auguste  et  les  empereurs,  n'avait  qu'une  demi-activité.  Distinguons 
deux  parties  dans  les  Acta  :  celle  des  décrets,  des  ordonnances,  des  rè- 
glements, de  tout  acte  entraînant  une  exécution  immédiate,  se  notifiait 
à  qui  de  droit,  seulement  à  qui  de  droit;  pour  le  reste,  qui  consistait 
en  matériaux  de  la  chronique  politique,  cWile,  judiciaire,  urbaine,  dé- 
pôt de  souvenirs  authentiques  plutôt  qu'instrument  de  notification,  il  y 
avait  une  publicité,  pour  ainsi  dire  passive,  répondant  à  quiconque  la 
consultait,  mais  attendant  qu'on  vînt  la  chercher.  De  ce  fonds  sortaient 
les  nouvelles,  mais  extraites  ou  copiées  par  les  amis  ou  les  operarii  des 
Célius,  des  Gomificius,  des  Cicéron,  des  Pline,  et  transmises  avec  ad- 
ditions et  commentaires.  Voilà  ce  qui  se  recherchait  dans  les  provinces, 
dans  les  villes,  dans  les  camps,  au  dire  de  Tacite  :  Huma  popali  romani 
per  provincias,  per  exercitas  caratius  leguntur^\  publicité  semblable  à  celle 
qui  avait  eu  lieu  pour  les  Annales  des  pontifes ,  potestas  ut  esset  populo 
cognoscendi^\  seulement  plus  Libre,  plus  ouverte,  plus  communi- 
cative. 

Enfin,  pour  se  former  une  idée  assez  nette  du  caractère  de  cette  pu- 
blicité des  Acta,  s'il  fallait  une  comparaison  prise  des  choses  modernes, 
on  pourrait  considérer  chez  nous  la  publication  des  actes  de  l'état  civil , 
qui  s'affichent  à  la  porte  des  mairies  pour  être  lus  par  tout  venant,  pu- 
blication, s'il  m'est  permis  de  me  servir  de  ces  termes,  sédentaire,  et 
non  ambulante,  tant  quelle  demeure  dans  son  état  officiel  ;  et  qui  peut 
entrer  ensuite  dans  la  circulation  des  nouvelles  du  jour  par  des  copies 
ou  des  analyses,  ouvrages  de  l'industrie  ou  de  la  curiosité  privée,  sans 
uniformité  textuelle,  sans  conditions  de  garantie;  bien  entendu  encore 
que  la  similitude  n'est  admise  que  par  rapport  à  la  forme  de  la  publica- 
tion, et  non  pour  fétendue  et  la  variété  des  sujets. 

Je  n'oppose  pas»  je  soumets  ces  idées  à  M.  Leclerc;  car  je  le  tiens  ici 
pour  l'autorité  qui  prononce;  il  s'est  acquis,  par  la  supériorité  de  ses 

'  Ann.  XVI,  xz,  aa.  —  *  Voyei  le  cahier  précédeat,  p.  5g6. 

% 


680  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

deux  mémoires,  le  domaioe  éminent  des  Annales  et  des  Jbonuuu;  chex 

les  RooiBias  ;  i  lui  désonnais  appartient  la  décision  souveraine  eo  cette 

matière. 

NAODET. 


Manoscbitti  inediti  di  Torqaato  Tasso  ed  altri  pregevoli  doca- 
nenti....  —  Manmcritt  inédits  de  Torqaato  Tasso,  et  aatres 
docaments  intéressants,  relatifs  à  sa  biographie,  possédés  et  iUat- 
trés  par  le  comte  Mariât»  Alberti,  avec  gravures  et  fac-similé. 
Lucques,  i837-i838,  quatre  livraisons  in-folio  de  53  pages 
et  xxiii  planches. 

Tbattato  délia  dignità  ed  altri  inediti  scritti  di  Torqaato  Tasso... 
—  Traité  de  la  dignité  et  aatres  écrits  inédits  de  Torqaato  Tasso, 
avec  une  notice  sur  les  manuscrits  italiens  qui  se  trouvent  dans  les 
bihliothèqaes  du  midi  de  la  France,  etc.;  par  le  chevalier 
Costanzo  Gaziera.  Turin,  i838;  ia-8°de  ao3  pages,  avec  un 
fac-simile. 

L'annonce  récente  d'écrits  inédits  du  Tasse ,  de  lettres  qui  semblaient 
destinées  k  dévoiler  enfin  la  cause  de  ses  malheurs,  a  dû  etcitcr  l'at- 
tention de  tous  ceux  qui  s'intéressent  encore,  en  Europe,  aux  destinées 
d'un  grand  poète.  Tant  de  génie  et  de  si  longues  souffrances,  ses  amours 
mystérieuses,  son  ardente  dévotion,  sa  fin  prématurée  au  moment  où 
on    lui  préparait  des  couronnes  au  Capitole,  tout  concoiut,  dans  le 


682         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ses  poésies,  et  une  lettre  de  cette  Eiéonore  d'Est  qui  semble  avoir  exercé 
une  si  grande  influence  sur  la  vie  du  poète.  Ces  difiérentes  pièces  sont 
reproduites  en  fac-similé;  on  y  a  joint  plusieurs  portraits,  et  les  dessins 
des  broderies  ou  des  tableaux  à  laiguille  que  Ton  assure  être  Touvrage 
des  deux  sœurs,  Eiéonore  .^t  Lucrèce  d'Est. 

Tous  les  biographes  ont  parlé  de  l'intérêt  que  portaient  au  Tasse  ces 
deux  princesses;  plusieurs  écrivains  ont  même  pensé  que  les  relations 
du  poëte  avec  Eiéonore  avaient  amené  le  duc  de  Ferrare  à  sévir  si 
(îrucllement  contre  lui.  Cependant,  jusqu  à  présent,  ce  n  étaient  là  que 
des  inductions,  assez  probables  sans  doute,  mais  sans  aucune  preuve  di- 
recte. Au  moment  de  l'apparition  des  Manoscritti  inediti  de  M.  Alberti/ 
on  annonça  que  ce  mystère  allait  être  éclairci,  et  que  Ton  saurait  enfin 
quelle  était  TÉléonore  que  le  Tasse  avait  aimée  ;  car  on  en  citait  jusqu'à 
trois.  Mais  il  faut  avouer  que  tous  les  doutes  sont  loin  d'être  levés  par  les 
parties  que  nous  connaissons  de  cette» publication.  La  lettre  de  la  prin- 
cesse, qui  envoie  au  Tasse  ime  broderie  qu'elle  avait  faite,  est  sans  doute 
fort  aimable  ;  elle  laisse  n^pie  percer  un  petit  grain  de  jalousie  contre  sa 
sœur,  qui,  dit-elle,  «  est  plus  habile  dans  ce  genre  de  travaux,  et  qui  sait 
(c  mieux  que  moi  les  rendre  très-précieux  à  Votre  Seigneurie  ^  »  ;  mais 
cette  lettre  ne  sort  pas  des  limites  d'une  coquetterie  spirituelle ,  et  ne 
ressemble  nullement  à  la  correspondance  de  deux  amants.  Si,  malgré 
les  boucles  de  cheveux  que  Lucrèce  Borgia  envoyait  dans  ses  lettres  au 
cardinal  Bembo ,  comme  on  peut  s'en  convaincre  en  visitant  la  biblio- 
thèque Ambroisienne  de  Milan,  il  s'est  trouvé  des  historiens  qui  ont 
douté  des  amours  du  savant  cardinal  avec  cette  femme  trop  célèbre , 
on  doit  avouer  que  le  doute  est  encore  plus  raisonnablement  permis 
après  la  lecture  des  pièces  publiées  par  M.  Albeiti.  Le  madrigal,  la  note 
écrite  au  dos  d'une  lettre  oii  le  Tasse  dit  qu'il  gardera  jusqu'à  la  mort 
le  présent  d'Éléonore ,  la  lettre  où  il  parle  de  la  blessure  qu'il  a  reçue 
à  une  campagne  où  cette  princesse  était ,  ne  semblent  pas  non  plus  ajouter 
beaucoup  à  ce  que  l'on  savait  déjà.  Il  est  difficile  de  ne  pas  croire  que 
le  Tasse  ait  fait  la  cour  à  Eiéonore,  et  peut-être  à  sa  sœur  aussi;  mais 
les  lettres  dont  nous  parlons  ne  tranchent  pas  la  question  de  ses  amours. 

Et  ici  nous  demandons  la  permission  de  dire  un  mot  sur  ime 
question  qui  a  été  agitée  dernièrement  par  deux  érudits  italiens  et 
que,  par  une  singularité  assez  étrange,  on  a  voulu  faire  juger  par  l'Ins- 
titut de  France.  M.  Rosini ,  dernier  éditeur  des  œuvres  du  Tasse ,  avait 
cru,  avec  beaucoup  de  probabilité,  que  les  malheurs  du  poète  devaient 

'  Manoscrittiinediti  di  Torqaato  Tasso;  fascicolo  III,  tav.  xvi. 


08ft  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

ctv'iprts Savoir  In,  le  faiî  renroyer  ennclii  dn  tmrtil  de  les  nains, 
«'cvait  |daa  iîm  à  rèfoser  à  iltdniiiie  avec  qiiî«lle  en  uuit  ràn. 
Un^  MM  ToùlairTappder  une  fode  d'evnqikfl  qoi  ■prooTent  «pi'att 
en'  Mètdela  ^mâfltR-  det  £enmes  était  moins  famaobc  qs'i  priMBl, 
0t  (|u'ellBs  -pouTsient  alon,  mi»  trop  se  conipromettre ,  parier  tout 
Édindé  Infei^'imè  ùmuse  ne  lienraitfHB  même iin  «o  secwt  su- 
lourd'hoi.  abmemiàjKxom  la  qoestioa  iottftm«rtre]KUt<leT«e, 
KpR  est  le  plus  important  pow  la  pud^catioD  doit  îl  »'*git.-     ' 

Noos  le  disons  à  regret,  maÎB  mribeaTeaefenKnl  il_  n'est  tfoe  trop 
Trai  qu'une  partie  notaUe  du  publie ,  qne  deiliovmes  édakés,  ont 
aeouoUi  avec  défiance  la  publication  de  M.  Alberti.  Sans  attaquer  di- 
rectement l'antiientidté  des  lettres  du  Tasse  {que  f  on  doit  cnûre  an- 
t^raphes'  pniiqae  tant  de  personnes  bcoiorablefe  i'afBnnent  ) ,  on  a  jeté 
du  doute  sur  les  pièces  accessoires,  qui  forment  la  partie  la  plus  «uriense 
et  k  pltiB  impoitaiite  de  cet  onrrage.  Ces  broderies ,  oes  lettres  d'f3éo- 
nore  ont  paru  suspectes .  On  a  eu  surtout  de  la  peine  i  se  persuader 
que  îe  LabyrinAe  d'Ànumr  fât  le  livre  que  la  princesse  avait  emprunté 
au  Tasse.  A  la  vérité  ce  ne  sont  là  qne  des  doutes,  et  il  nous  est 
impossiMe  de  les  édaircir  à  trois  cents  lieues  de  distance;  mais  ces 
doutes  ont  produit  une  ISchense  impression  sur  bien  des  esprits ,  et  ils 
otH  empêché  que  ees  manuscrits  allassent  prendre  place  dans  une  des 
fia»  riches  bibliothèques  de  l'Itdie.  Peut-être  oes  craintes  sent-dles 
exagérées;  toutefois  il  est  de  l'intérêt  de  M.  Alberti  de  les  dissiper, 
et  jusqu'à  présent  il  ûy  a  répondu  que  par  des  certificats,  très-hono- 
rables il  efl  vrai,  mais  aussi  très-circonspects,  et  qui  n'attestent  que 
l'authenticité  d'un  petit  nombre  de  pièces.  M.  Alberti  en  promet  beau- 
coup d'autres,  et  c'est  pour  celles-là  princ^MÙlement  que  l'on  est  dans 
l'incertitude.  Le  puMic  a  le  droit  d'être  éclaircî  sur  un  pmnt  »  dé- 
licat :  M.  Alberti  a  pu  se  tromper;  on  a  pu  le  tromper.  U  faut  donc, 
dans  l'intérêt  de  sa  publication,  et  pour  dissiper  ces  doutes,  qu'il  fasse 


686  JOURNAL  DES  SAVAWTS. 

bibliothèque  Albam^  fut  adieté  par  la  bibliothèque  delaP^coité  de 
médecine  de  Montpellier,  et  c  est  là  que  M.  Gazzeta  l'atrouvé.  Il  vient 
de  le  publier  à  Turin  avec  d'autres  pièces  du  Tasse  égsdement  inédites, 
ai  y  ajoutant  une  introduction  desdnée  principalement  i  fidre  con- 
naître les  manus<^it5  relatif  à  Tltalie  qui  se  trouvent  dans  le  midi  de  la 
France.  Les  renseign^nents  qu'il  donne  sont'  en  générd  fort  exacts^, 
et  doivait  intéresser  tous  ceux  qui  aiment  la  littérature  italienne. 
M.  Gazsera,  qui  du  resté  se  montre  fort  reconnaissant  de  l'accueil 
qu'il  a  reçu  partout,  semble  surpris  et  méconjtentde  rencontrer  dans 
le  pays  qu'il  a  parcouru  tant  de  manuscrits  et  de  monuments  littéraires 
qui  ont  dû  nécessairement  sortir  d'Italie.  Ces  plaintes  seraient  légitimes 
si  la  conquête  et  le  droit  du  plus  fort  avaient  seuls  fait  sortir  de  la  Pé- 
ninsule ces  objets  précieux;  mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi;  et  il  ne 
faut  pas  se  plaindre  des  étrangers  lorsqu'ils  se  sont  procuré,  à  des  prix 
quelquefois  excessifs,  des  manuscrits  qu'on  n'a  pas  su  conserver  en  Italie. 
Parmi  les  pièces  publiées  pour  la  première  fois  par  M.  Gaszera,  on 
trouve  un  plan  de  la  Jérusalem  A^livrée,  telle  que  l'auteur  l'avait  ima- 

«Tasso,  de  vulg<m  eloquio  sive  iâiomate,  ssec.  xv,  memb.  8.»  (  Haenel,  catalogi 
col.  166.  )  —  n  est  inutile  de  dire  qu'un  manuscrit  du  xv*  siècle  ne  peut  pas  con- 
tenir un  ouvrage  du  Tasse,  et  tout  le  monde  comprend  qu*il  s'agit  ici  d*un  écrit  fort 
célèbre  du  Dante.  Nous  ajouterons,  pour  achever  la  rectification ,  que  nous  connais- 
sons le  manuscrit  dont  parie  M.  Haenel  ;  qu  il  est  du  xiv*  siècle,  et  que  c*est  un  in-4*. 
^  Plusieurs  de  ces  manuscrits,  qui  arrivèrent  en  France  d*und  manière  presque 
mystérieuse,  furent  achetés  par  la  bibliothèque  de  Montpellier;  d'autres  ont  été 
vendus  aux  enchères,  à  Paris,  et  sont  devenus  la  propriété  de  différents  particuliers. 
Le  rédacteur  de  cet  article  en  possède  un  certain  nombre,  parmi  lesquels  il  se 
bornera  à  indiquer  ici  le  manuscrit  autographe  de  la  traduction  de  l'Enéide,  par 
Annibai  Caro,  en  deux  gros  volumes  in'4^  On  sait  que  cette  célèbre  ti*aduclion  fut 
publiée,  pour  la  première  fois,  en  i58i,  à  Venise,  après  la  mort  de  Caro.  Le  ma- 
nuscrit autographe  porte,  presque  à  chaque  page,  d'importantes  et  nombreuses 
corrections  inédites.  Gela  prouve  que  le  manuscrit  sur  lequel  a  été  faite  l'édition 
de  1 58 1. était  antérieur  à  celui  dont  pous  parions  ici,  et  auquel  le  traducteur  n'a 
cessé  de  travailler.  Mous  reviendrons  probablement,  dana  une  autre  occarion,  sur 
les  manuscrits  de  la  bibliothèque  Albani  q>ie  nous  avons  pu  rassembler.  —  *  Nous 
nous  permettrons  cependant  de  relever  une  légère  inexactitude.  Aux  pages  2  3 -a 3 
de  la  Noiizia  placée  en  tète  de  son  livre,  M.  Gazzera  parle  de  lettres  autographes 
de  Galilée  qui  se  trouveraient  à  la  bibliothèque  de  Garpentras.  Le  rédacteur  de 
cet  ai'ticle  est  resté  longtemps  dans  cette  ville  pour  étudier  les  manuscrits  de  Peiresc, 
et  il  croit  pouvoir  affirmer  que  les  lettres  dont  parie  M.  Gazzera  ne  sont  que  des 
copies  que  Peiresc  avait  fait  faire  pour  les  conserver  dans  sa  collection.  Tous  les 
recueils  manuscrits  du  xvii*  siècle  contiennent  des  copies  des  lettres  les  plus  impor- 
tantes de  Galilée  et  de  ses  contemporains.  Les  manuscrits  de  Peiresc  qui  sont  à 
Garpentras  ne  renferment  guère  que  des  copies;  sa  correspondance  originale  a  élé 
dispersée.  H  en  existe  des  volumes  à  Rome,  k  Montpellier,  à  Paris,  etc. 


ft88  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

verriL  qu'elle  a  été  écrite  dbû»im  de  ces  îmtant»  de  bmheiir  qui  fiumit 
si  r8u?es  dans  la  vie  du  Tasse.  Il  rend  compte  de  Taccaeil  favotable  que 
Tôd  a  fiât  à  Rome  aux  douze  premiers  chants  de  son  poëme  qu'il  y  avidi 
envoyés  manuscrits.  Il  se  dit  très-occupé;  il  parle  de  la  &vrar  du  duc 
et  de  i'envie  de  ses  ennemis.  Voici  ses  paroles  :  «  Je  siûs  sans  cesse  avec 
le  duc,  que  j  accompagne,  tantôt  dans  lesf  lagunes  de  Comacc^o»  tantôt 
dans  les  bois  et  dans  les  campagnes.  Mes  ennemis  me  portent  envie, 
mes  amis  sont  dans  la  joie;  mais  je  ne  la  partage  pas,  car  je  voudrais 
pouvoir  m'occuper  de  la  correction  (de  mon  poème),  et  Jai  très-peu  de 
temps.  Je  ne  crois  pas  pouvoir  commencer  Timpression  avant  NoêK  La 


vil»  e  MdiafiitU,  nmettendomi  pet  dà  àraltmi  (ttr)  giodide,  ch* io m qnetU moteria  non  ttehopimto. 
Blanderè  ie  ftanxe  oome  ôa  venota  una  copia  dei  dodici  primi  canti ,  ch  aspetto  dî  Roma ,  onae  altri 
notrà  fiicflmente  tnscriveile ,  ne  pu6  tardar  ana  settîmana  k  venire.  Dal  mio  originale  sarebbe  imposâ- 
Jwe ,  ck*  dtri  db*  io  medeamo  le  cavaMe ,  ne  vonrei  qnesta  fatica  in  tante  mie  occnpatiom.  Che  fooo  la  re- 
▼isione  dal  libro  e  l'esser  coi  Daca  oontinoamcnte  (smitandoh  ho\  il  qoal  seguîto  hora  per  le  lacune  di 
Gomacchio ,  hor  per  selve  e  per  campagne ,  oon  invicua  degli  emmi ,  con  allegreua  degli  amici ,  ma  non 
mia ,  cke  vorrei  poter  attenoere  alla  reriaione ,  e  v'  ho  pochus**  tenqw.  Si  cfae  non  spero  di  eeminciaM  la 
stampa  inanzi  Natale.  1  favori  son  grandi,  gli  gusto,  ma  non  me  ne  inebrio  :  vorrei  qoalche  cooa  più  di 
lodo.  Deddero  di  pailar  oon  V.  S.  uianii  cb  efia  n  parta  e  com*  habbia  letto  totto  il  libro  al  Duca ,  cbe 
•arà  aH'  amvo  de  dodici  canti  o  pooo  poi ,  ipero  cbe  potrà  involanniii  otto  o  dieci  giomi,  i  quali  tutti 
voglio  spender  con  V.  S.  h6  da  confemic  moite  cose  mtomo  alla  somma  délia  mia  vita,  et  alcune  intomo 
d  givdido  che  ri  fit  dd  poema  in  Roma ,  il  qmde  in  iomma  è  taie  (  perdonate  voi  la  vanità ,  che  ne  lete 
cagione  perch*io  voglio  nsare  que*  iermini  à  punto  ch*  esri  uuno)  ammirano  (i'ele)  i  ooncetti ,  Vdocutione 
e  k>  stile  in  ogni  parte ,  sdvo  ch*  in  dcuni  pocbi  luogbi  notati ,  par  loro  ck*  il  numéro  per  dtro  stimato 
heroico  ri  poiesie  addoldre.  Délia  favola  sporuio  bene  e  lodano  il  principio ,  ma  non  affermano  oon 
donna  dd  tulto  si  che  non  ne  babbiano  visto  il  tutto.  M^banno  dimandato  Targomento  in  prosa,  et  io 
rbo  mandato  loro,  Lodano  fl  procedere  cosl  (  Pho  Vh  )  )o  cblamano  poetico  et  heroico ,  sperano  che  non 
debba  mancar  k  cnietto  poema  A  diletto  che  si  trova  ne*  romand.  Non  dioono  qudlo  à  punto,  ma  emitva> 
lente.  NThanno  sin*  d  decimo  (che  più  oltra  non  ho  nova  c*  habbian  visto)  fàtto  quatre  oppositioni 
(  BiM  a  Vep  )  la  prima  ad  dcune  stanae  die  seguono  alla  propositione  (  b  (jnai  )  eshortatorîe  à  i  prindpi 
-christiani ,  le  qudi  non  vorrebbono  in  qud  luogo  (  î/),  la  seconda  k  un  episodio  corne  à  pooo  ligato  con 
la  ihvola ,  la  ierza  d  costume  ch*  in  un  luogo  par  che  Goffitedo  non  sia  simile  à  se  stesso ,  ma  a  questa 


Di  V.  S.  M.  M. 
Aff~  ser  :  ToRQ.  Tasso. 

Nous  avons  donné  cette  pièce  en  cansenrant  autant  que  poMiUe  l*orthograpbe  et 
les  corrections  que  le  Tasse  a  faites  en  écrivant;  les  mots  entre  parenthèses  et  en 
italique  représentent  ces  conections*  Nous  disons  t  anlant  que  possible  »,  parce  que 
quelquefois  les  irrégularités  d*un  manuscrit  exactement  copié  passent  pour  des  im- 
perfectioùs  même  à  des  yeux  exercés.»  et  disparaissent  an  tirage.  C'est  à  des  circons- 
tances de  cette  nature  qu'il  faut  attribuer  les  S  capitales  du  mot  Sabaudia,  qui  se 
trouvent  dans  la  colonne  du  Documsnt  original,  et  les  D  du  mot  Dei,  qui  sont  dans 
les  deux  colonnes  à  la  fois  dé  la  note  (  '  )  de  b  page  606  du  cahier  d'octobre  de  ce 
Journal,  ces  S  et  ces  D  ne  devant  pas  être  des  capitales.  11  est  à  peine  nécessaire 
de  faire  remarquer  que  dans  le  même  article,  à  la  fin  de  la  page  6a  1 ,  il  manque 
ces  mots  :  poar  les  chartes  françaises ,  et  qu'à  la  troisième  ligne  de  la  note  (  *  )  de 
la  page  6a3 ,  il  manque  le  mot  six» 


690  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Nous  ne  voulons  point  renouveler  ici  des  regrets  déjà^si  souvent  ex- 
primés et  toujours  superflus.  Mais  nous  n  hésitons  pas  à  dire  que  la 
perte  de  cette  véritable  encyclopédie,  rédigée  sous  la  forme  ethnogra- 
phique, se  fait  sentir  journellement  à  tous  ceux  qui  vivent  dans  Tétude 
de  1  antiquité.  Sans  doute  le  style  actuel  d*Etienne  de  Byzance  est  par- 
fois obscur  et  pèche  souvent  par  le  manque  de  pureté  ;  mais  Forigine 
de  ces  dé&uts  est  facile  à  indiquer.  Hermolaus  et  ses  propres  abrévia- 
teurs  se  sont  permis  de  retrancher  une  grande  partie  des  citations ,  et 
n*ont  pas  eu  le  soin  de  rétablir  les  liaisons  devenues  nécessaires  par  de 
nombreuses  coupures.  Ils  voulaient  d*ailleurs  éviter  la  monotonie  des 
formes  explicatives  dans  les  différents  articles  d'un  dictionnaire  et  la  ré- 
pétition de  termes  dont  l'emploi  multiplié  serait  devenu  fastidieux.  De 
là  cette  foide  de  pronoms  relatifs  beaucoup  trop  éloignés  de  leurs  sujets 
et  même  sans  sujet.  De  là  aussi  ces  doubles  emplois,  tels  que  2ap^9«i, 

^(UJ^fjm-vu  et  2i/p/4«7««;  Ilapai^c»  npct7(79C  et  Ufleua9Ç  i  BÙfJiCeAÇ  et  TiCteAC  y 

VûtJhLVùvaiûL  et  VoJkfovM\  doubles  eny>lois  très-concevables  dans  le  tra- 
vail original  de  fauteur,  parce  que  dans  le  principe  cetle  variété  d'ortho- 
graphe était  justifiée  par  des  exemples. 

Les  travaux  de  Thomas  de  Pinédo,  d'Holsténius  et  de  Berkétius  ont 
contribué,  nous  l'avouerons,  à  améliorer  le  texte  d'Etienne  de  Byzance; 
mais  ils  ne  suffisaient  plus  aujourd'hui.  Depuis  lors,  en  effet,  la  philologie 
et  la  critique  littérale  ont  fait  tant  de  progrès  et  poussé  si  loin  leurs  dé- 
couvertes, tant  de  passages  ont  été  remaniés,  tant  de  corrections  pro- 
posées et  adoptées ,  qu'on  sentait  généralement  le  besoin  d'une  édition 
nouvelle ,  refaite  entièrement  d'après  les  travaux  antérieurs  et  qui  pût 
tenir  lieu  de  toutes  les  autres. 

Cette  tâche ,  si  pénible  et  si  difficile ,  vient  d'être  remplie  en  partie 
par  un  savant  professeur  de  Leipsick,  M.  Westermann,  déjà  connu  dans 
la  science  par  plusieurs  ouvrages  remarquables  sous  le  rapport  historique 
et  philologique.  Son  dernier  travail  est  du  genre  de  ceux  qui  ne  peuvent 
être  appréciés  qu'après  un  long  examen  et  par  un  usage  de  chaque  jour. 
Aussi  n'avons -nous  pas  la  prétention  de  porter  un  jugement;  nous  vou- 
ions seulement  attirer  l'attention  du  monde  érudit  sur  ime  pubUcation 
si  longtemps  désirée»  et  examiner  avec  l'éditeur  lui-même  quelles  sont 
les  sources  qu'il  a  consultées,  s'il  n'en  a  point  oublié,  s'il  a  bien  fait  toutes 
les  coiTections  nécessaires,  enfin  si  le  travail  qu'il  nous  donne  aujour- 
d'hui peut  tenir  lieu  de  ceux  des  éditeurs  précédents. 

Et  avant  tout ,  nous  professons  une  sincère  admiration  pour  le  savoh^ 
et  les  profondes  connaissances  du  nouvel  éditeur;  et  si  parfois  nous  ne 
sommes  pas  du  même  avis  que  lui,  si  nous  trouvons  que  son  attention  ne 


NOVEMBRE  1858.  691 

s^eftt  pas  toujours  soutenue  et  s'est  lassée  quelquefois  au  milieu  de  cet 
énorme  farrago  de  leçons  et  de  variantes  dont  ii  parle  dans  sa  préface , 
nos  observations,  faites  toujours  sous  la  forme  dubitative,  ne  peuvent  en 
rien  diminuer  le  mérite  de  son  livre.  Les  réserves  d*tm  assentiment 
d'ailleurs  bien  réel  disent  souvent  beaucoup  plus  que  les  phrases  iauda- 
tives  d'un  enthousiasme  préparé  à  l'avance.  L'intérêt  seid  de  la  science 
et  de  la  vérité  historique  doit  guider  la  critique ,  et  nous  nous  esti- 
merons heureux:  si  nous  parvenons  à  attirer  de  nouveau  l'attention  de 
M.  Westermann  sur  certains  passages  peu  corrects,  selon  nous,  et  si 
nous  pouvons  le  ramener  quelquefois  à  notre  opinion. 

Le  volume  dont  nous  allons  rendre  compte  se  compose  de  3  58  pages  ; 
savoir  3 1 9  pour  le  texte,  1 5  pour  la  table  des  matières  et  xxiv  pour  la 
préSaice.  Les  passages  des  différents  auteurs  cités  par  Etienne  de  Byzance 
sont  indiqués  au  bas  des  pages ,  sans  notes  ni  variantes.  Nous  concevons 
très-bien  que  l'éditeur  ait  pu  réserver  ses  commentaires  pour  les  volumes 
suivants ,  qui  doivent  aussi  comprendre  les  variantes.  Nous  aurions  pré- 
féré cependant  de  trouver  ces  dernières  au  bas  des  pages ,  afin  que  le 
lecteur  pût  au  premier  coup  d'œil  comparer  les  éléments  fournis  par 
les  manuscrits  et  le  texte  refait  par  M.  Westermann.  Cette  addition ,  du 
moins  nous  le  pensons,  n'aurait  pas  beaucoup  augmenté  les  frdâs  du 
volume,  et  tout  le  monde  y  aurait  trouvé  un  avantage,  que  le  système 
adopté  par  le  libraire  ne  peut  compenser  en  aucune  manière.  Nous 
regrettons  aussi  que  la  table  des  matières  soit  incomplète  ;  ii  y  manque 
une  partie  bien  importante,  à  savoir  les  noms  mentionnés  dans  les 
différents  articles  de  l'ouvrage  d'Etienne  de  Byzance,  et  en  dehors  de 
l'ordre  alphabétique.  Cette  table  avait  déjà  été  donnée  par  les  éditeurs 
précédents,  Thomas  de  Pinédo,  Berkélius,  et  même  par  l'édition  de 
Bâle;  nous  nous  expliquons  donc  dîfficUement  l'oubli  de  M.  Wester- 
mann. 

Nous  disions  plus  haut  que  l'éditeur  avait  réservé  ses  notes  et  ses 
commentaires  pour  les  volumes  suivants  ;  mais  nous  avons  éprouvé 
une  juste  crainte  en  lisant  page  n  de  la  préface  :  «  Quippe  noluit  imprse- 
sentiarum  quicquam  redemptor  honestissimus  prseter  nudum  texium  a 
me  curari;  quem  ubi  satis  multi  ftiissentqui  emerent,  tum  demum 
adnotationem  criticam  ad  instar  appendicis  a  me  scribendam  se  redemp- 
turum  esse  mihi  recepit  [sic).  »  Nous  espérons  que  le  libraire  éditeur  du 
travail  de  M.  Westermann  reviendra  de  cette  décision  un  peu  irréfléchie  ; 
et  il  comprendra  que  même  son  intérêt  matériel,  sans  parler  de  l'intérêt 
8cientific[ue ,  exige  la  prompte  publication  des  commentaires.  C'est  le 
seul  moyen,  en  effet,  d'assurer  le  débit  d'un  livre  qui,  ainsi  réduit  à  un 

86 


692  JOUfiN^L  DES  SAVANTS. 

texte  pur,  présente  beuicotj|)  moiiu  de  ressouroea  aui,  «avant».  Etieiin 
de  Byiance  est  peut-être  l'auteur  dont  Fouviage  a  suH  le  jdus  d'idtén- 
tiona,  et  parcettenÙMa  cet  ouvrage  est  peutritre  aussi  celui  qui.nHUDé 
par  une  mainh^iieà  sa  pureté  primitive,  s'âoigne  le  {dus  des  textes 
fournis  par  les  manuscrits.  Nous  ne  comprenons  donc  pas  commenlfl 
seavit  possible  de  se  passer  du  commentaire,  puisque  chaque  leqon!. 
dhaque  correction  a  besoin  d'Aire  justifiée,  soîtparun  manuscrit,  loit 
par  une  note  ex|dicative. 

Dans  cet  état  de  choses,  la  nouvelle  édition  d'Etienne  de  l^zance , 
sans  notes  et  sans  variantes,  édiappant  àfexameiDet&lamtique,  nous 
serons  ob^gk  d'attendre  la  puUication  du  conuMptaire  de  M.  Wester^ 
mann  pour  être  &  même  d'examiner  si  l'éditeur  a  tiré  tout  le  parti 
possible  des  travaux  antérieurs,  Aes  manuscrits  existants;  et  qad  peut 
être  le  nombre  des  corrections  qui  lui  sont  personnelles,  c'est-à-dire 
qui  sont  dues  à  son  jugement,  à  sa  critique  éclairée,  ainsi  qu'à  ses 
connaissances  en  fût  de  géographie,  d'histoire  et  de  philologie.  Cepen- 
dant, ce  qui  résulte  pour  nous  de  la  lecture  de  son  volume,  c'est  un 
nouveau  texte,  épuré  autant  que  possible,  préférable  de  beauc<Hip  à 
cdui  des  éditions  précédentes  ;  mais  pour  qu'il  ait  force  de  loi,  pour 
qu'il  puisse  être  cité  en  toute  confiance,ildoîtêtreappuyé  parle  savant 
commentaire  de  M.  Westermann.  D'après,  finsistance  que  nous  y 
mettons,  le  libraire  comprendra  toute  l'importance  de  cette  publication, 
et  nous  nous  estimerons  heureux  si  nous  contribuons  &  le  faire  revenir 
d'une  décision  prise  avec  trop  de  précipitation. 

Quelque  &stidieuse  que  doive  être  la  lecture  suivie  des  difiérents 
articles  d'un  dictionnaire,  nous  n'avons  pas  craint  cependant  d'entre- 
prendre ce  long  et  pénible  travail  pour  avoir  une  idée  un  peu  exacte  du 
mérite  de  l'édition  donnée  par  M.  Westermann.  Toutefois  il  nous  est 
impossible  de  noter  les  rectifications  heureuses  qu'U  a  introduites  dans 


«M  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

mot  àv/ia  et  qui  se  trouve  dans  le  manuscrit  Goidin,  n*  3i8,  eti'ftotre 
intitulé  iCieiof.  et  conservé  par  ConstantiQ  Porphyrogéuète  >.  Un  ttoi- 
siime  fra^nent,  sur  la  Sicîle,  est  donné  par  le  même  auteor*,  ipn  l'a 
extrait  presque  mot  pour  mot  d'Etienne  de  Byiance. 

Le  premier  de  ces  fragments,  que  M.  Westermann  a  introduit  dans 
le  texte  en  im^imant  dans  la  préface'  la  même  partie  tdle  qa'ett»  Aait 
dans  les  ëditions  |ffécédentes,  se  trouve,  comme  nous  Teoons'  de  le 
dire,  dans  le  manuscrit  Coîslin,  n"  218.  Ce  manuscrit,  lu  et  consulté 
si  souvent,  ne  l'a  pas  été  avec  toute  l'attention  désirable.  Ainû,  dans  le 
ièuillet  coupé,  donné ,  page  1 1  a  de  l'édition,  sous  fbnne  defac-simie,  on 
distille  encore ,  ligne  s  5  :  jffiùem  Sme*»r-  EÏ^  auUeu  de  «pûm  fliicw».  E/$ 
%.  26,  M*  pouraw}  lig.aS.piùnupouTivfWi  lig.  3o,  t  «cpour*r;  lig.Sy, 
>î  poiUM,  et  lig.  â3,  ^rpour  ôr.  Puis,  pag.  1  i3,lig.  a  &,  on  lit:  iiinmc 
aim  vAu  f  au  Ûeu  de  la  phrase  simple  immnt  «%»>  donnée  par  toutes 
les  éditions. 

Lesecohd  fragment  iCnfitu,  imprimé  aussi  dans  le  texte,  a  été  col- 
lationné  -par  nous  sur  les  deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  royale, 
n"  3009  et  3967,  qui  contiennent  l'ouvrage  de  Constantin  Porphyro- 
géoète,de77t«manSD5,  et  d'après  lesquels  nous proposerionsles corrections 
suivantes  :  Pag,  1 43,  lig.  6,  iviMna.  au  lieu  de  Zn-<tr/<( *;  lig.  \S,  ion  •»< 
ÎCneft  ^riMi  au  iieu  de  èaù  tw  ÎCn^t  j**"tMç,  comme  plus  bas,  Itg.  35, 
in-Pity*»x»({Cne^ihg.i-j,  les  deux  manuscrits  ajoutent  :  •Ciw-  «/Atfi;^?* 
(1^.  tv^ygt)  fàf  ctif  ^'  i(ff{  Tïùc,  X,  T.  A.  Cette  rectification  est  d'autant 
jdus  importante  qu'Athénée^  cite  effectivement  l'écrivain  Phylarque, 
sans  indiquer  toutefois,  comme  ici,  le  livre:  c5n  ^iifi.afygtP»att  SiaApor.... 
fnn  A,  ic^  ibOc,  k.  t.  X.  toujours  le  même  Phylarque. 

Le  troisième  fragment,  imttJtt ,  se  trouve  réimprimé  pag.  xi  de  la 
préËice  ;  nous  rétablirons  une  ligne  qui  a  été  omise.  Au  lieu  de  îiifant 
^d^H,  ZjiiXJa  iMXiSin,  i(,  lisez  :  Zn^cvo;  y^a,  SixtAi'a  n  râatt  Zjjc^fn 
«•«Twer  ùf»/M?vn ,  ht*  Xix(X/«  ôktJin ,  k.  t.  A. 


NOVEMBRE  1858.  695 

Vient  ensuite  la  liste  des  articles  contenus  dans  le  livre  XI  ou  XIV , 
liste  conservée  par  le  même  manuscrit  du  fonds  Coislin ,  commençant 
aumotEc^K  et  finissant  à  £^«poc.  Il  est  échappé  à  Tattentionde  l'éditeur 
quelques  fautes  typographiques,  que  nous  allons  rectifier.  Ainsi  :  è&^i 

pour  ECo^;  EXatisA  fpeu^  pour  EXttiêûL  ^pouecor  ;  £XCoi77(  pour  EXCw^ç^ 
BXUiùL  pour  ÈXtyêtAf  enfin  tïxitpnm  j^q  Kc^ixor  limç  pour  tottoi. 

Un  grand  nombre  de  manuscrits  ont  été  consultés  par  M.  Wester- 
mann ,  ainsi  qu*il  le  dit  dans  la  préface;  nous  regrettons  toutefois  qu'il 
n*ait  pas  eu  connaissance  des  deux  qui  appartiennent  à  la  Bibliothèque 
royale,  et  qui  portent  les  numéros  idiiii  et  i4i3.  Nous  croyons  donc 
nécessaire  d'en  dire  quelques  mots  et  d'attirer  sur  eux  Tattention  du  sa- 
vant éditeur,  qui  certes  n'aurait  pas  négligé  ce  moyen  d'améliorer  son 
édition,  s'il  avait  pu  penser  que  ces  documents  n'avaient  point  été  con- 
sultés sérieusement.  Et  cependant  c'est  là  l'exacte  vérité,  comme  nous 
espérons  le  démontrer. 

Ces  deux  manuscrits ,  de  format  in-&^  et  tous  deux  écrits  à  Florence, 
sont  du  XV*  siède.  Nous  nous  contenterons  de  donner  le  titre  et  la  sous- 
cription de  chacun  d'eux.  N^  i  &  i  s,  titre  :  :^npdfov  Bu^dniou  me}  7nXt«r  j(^ 
JifiMf.  Souscription  :  TfXo(  riu  mek  w  viXîmv  l'npdfou  •  &tou  td  Jhitpof  j(^ 
nifoç  Ms^iXou  Afyiiov.  T^^h  C9  ^Xtéf%rn(f.T^  itiXnj  cf  itm  Ç"  ^  f  ^f  (Miv\ 

N^  i&i3,  titre  :  Hit^ttfW  Bu^âurnov  m^  ifiXtuf  ^  </^^r  ie^tA  ^t^of 

(sic),  11791  ^gnÀ  iXfelCm^v,  ifx^  "^^  ^*  Souscription:  Tixoç  ni  me)  TriXîoêyj^^ 

B%f  ^eAÇ.  Èr  ^Xtêftrnif,.  Ce  dernier  est  moins  incorrect  que  le  précédent; 
toutes  les  citations  d'auteurs  y  sont  écrites  à  l'encre  rouge. 

Nous  n'avons  point  entrepris  la  collation  de  ces  deux  manuscrits  ;  mais 
nous  les  avons  consultés  dans  quelques  passages  douteux,  et  nous  avons 
acquis  la  certitude  que  le  travail  complet  pourrait  donner  un  résultat 
satisfaisant.  Voici ,  par  exemple ,  plusieurs  observations  ou  corrections 
qui  nous  ont  été  suggérées  par  un  examen  rapide  : 

Pag.  8,  1.  4o  :  iç  ^y^nctîfu  cf  r^  ^i  *  *  i ,  «•  t.  X.  Le  manuscrit 
n"*  1 4 1 3  remplit  très-bien  cette  petite  lacune  :  iç  Su^narm  c#  t^  meÀ 
wAf  çoiX'^^t  comme  on  le  verra  à  leur  ordre  alphahétitiae. 

Pag.  73,  1.  27,  les  manuscrits  donnent  pnoir  au  lieu  de  paatvy  leçon 
qui  me  semble  préférable  en  rapportant  ce  mot  à  Strabon  de  la  ligne 
précédente,  lequel  accuse  effectivement  Ântiphane  d'avoir  débité  des 
mensonges. 

Ibid.  1.  35  :  xiy^nu  pour  Xi^rm  dans  les  manuscrits,  leçon  qui  pourrait 


AM  JOURNAL  DES  SAVANTS, 

se  BOUtenir  :  xiyum  \ 
ftwrt  BipiWMMAi. 

1^9. 98i  L  3.  Je  Ktniichans  b  ooi^onetioii  »^i  comine4Un>Ja* 
mHUKritB.Âuiiioyetrde  cdte  mppreasioa  l'irlid»  denendnit  cwplql 
et  D«-se:tenmaerait  pas  par  une  pbcaM  inadievée. 

Pag.  1  SA, ii  »^:  ftpif-i  ti»UvK  XjtfMK,  «0  immimt^hnèdi&M^fié^ 
cédeubu^fortaieaimS'i'mim,  et  la  cMrectiiWk  aâoplé«.parMK\V'Ailer- 
mann,  est  de  Thomas  de  Pioédo.  Cependant,  em  exanniaantce  piiit^gft 
etlacitatian  dePau«anias,  donnée  aussi  parTluKaasdePinéda,  je  soup- 
Çooaaîs  que  le  mo}  xa^NiAX  pouvut  bien  être  ii»e  corraptioa  de 
OATZANIAS,  ce.  dernier  mot  ayant  été  d'abord  éaît  en  ab«^  comme 
tantdenomftd'auteun.  Cette  observation  m'a  &it,  àtoutbasturd.ieco»- 
rîr  aux  manuscrits,  et  j'aî  été  heureux  de  voir  ma  conjecture  vérifiée 
dans-  le  manuscrit  i  ^  i  ^,  où  ïon  trouve  effectivement  naww/<r ,  et  ii  la 
marge  z^dciaf-  H  me  semble  qu'il  ne  peut  y  avoir  de  doute  sur  cette,  cor- 
rection, puîsqu'cm  lit  dans  Pausanias'  :  E<v  w  ic  Katfuiv  Kd/*£timt  ei 
ifyififaTM  t(^  Oftsô&0(  nmi,  k.  t.  X. 

Pag.  167,.!.  II.  Le  même  manuscrit:  èr  Kwpt».  Taânt. û oUn-nfu 
Ko^/tw,  au  lieu  de  ô*  Kûn'pfi.  ^i  tftn  *  *  Tct/nc  à  BÎ)(ii''wp  Ktfmémç.  La 
première  leçon  me  semble  préférable  puisqu'elle  donne  un  sens  .coaL- 
plet.  Si  cependant  on  voulait  faire  usage  des  éléments  ^f{  •tf'rm  fournis 
par  quelques  manuscrits,  il  ne  serait  pas  impossible  de  supposer  que  la 
particule  )»  a  été  prise  pour  le  chiffre  y'  et  de  lire  >^  j»  rawwf,  m.,  t.  A. 
On  ne  comprend  pas  d'ailleurs  comment  le  mot  tç'rn  peut  itré  justifié 
puisque  l'auteur  dit  immédiatement  :  X^  t(g\  Wxif ,  &.  t.  x.  ;  iî  aurait  dit  : 
i[^  TTropi*  n'éxif,  K.  T.  ^. 

Pag.  173,  1.  1.  A  la  maige  du  manuscrit  i&i3  on  Ut  :  KuArlet,  tm 
rvt  Xom,  synonymie  du  moyen  âge  dans  laquelle  on  retrouve  le  nom 
moderne  de  la  Canée. 


eW  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ItnioW «n nr T^mA- M;w« )[^  j>a:e(  met'  Sf.fMia^{^^t!n|tbiwJL', 

iM>  novw,  nyifM,  ^fiXifantt  ^(^«^'h.  «ut»  j(^  «c^,  ci^nrv,  .,., 

Passons  mainteiiant  à  l'examen  du  texte  et  voyons  s'il  ei|t  J)iscept3^ 
de  quelques  autres  amélioratioDS,  après  avoir  deioandé  i  M.  W^rter- 
mano  la  perpùssion  de  lui  soumettre  encore  nos  scrupules  et  nos  ob- 
servations sur  plusieurs  passages  qui  nous  semblent  peu  corrçct».  ,.  . 

L^nombre  des  différences  introduites  par  l'iotacisme  dam  l«  noiU 
et  principalement  dans  les  noms  propres  est  infini.  Mais  c'est  Ujwdesi 
privilèges  de  la  critique  littérale  de  pouvoir  ramener,  autant  q^e  pos-. 
sible,  les  textes  à  leur  pureté  première  et  indiquer  certaines. oomsctHMu 
qui  n'ont  pas  besoin  d'être  justifiées  par  des  manuscrits.  Qn  sait^  par 
exeinple,  combien  les  mots  eïxMt  et  om^m  ont  été  confiiodus  p^r  les  co-, 
pistes;  ne  pourrions-nous  pas  profiter  de  cette  observation  et  Ure  pag.  h, 
lig.  13  :  ic^  A/Mrnrnt^JurarQeuÛMr,  au  lieu  de  i[^  ^fucn/rar  fWiHBV.'Ofiuîar, 
passage  de  Gallimaque  qu'Etienne  de  Byzance  rappelle  au  mot  jLtktrH» , 

en  disant: i.vl  Tfatai  Mnritrwr 'aKIZMBNH,  KaifJfutyft  ift»rmmr  ■ 

(wnr  ÇHoir.  Puis  on  poiinait  écrire,  pag.  aS,  1.  aa ,  ovrfîxnn  au  Ûeu  de 


NOVEMBRE  1858.  690 

entre  Tethnique  et  le  prototype.  Gomme  aussi,  pag.  2  &5, 1. 1 2 ,  SttMimroc 
au  lieu  de  2«eMtrTVFoc;  pag.  a3o,  i.  27,  Iltppcumfpof....  Aav»éAvoç  au  lieu  de 
lUffOdotiviç,...  Anttfnvoç,  d'autant  mieux  que  M.  Westermann  donne  lui- 
même  Tethniqùe  Àffutùflroç  au  mot  Xmpior  ;  pag.  sSo,  1.  3o,  Stinroi  pour 
ZitTJivo}  et  pag.  3oo,  1.  16,  ^ùfoCftvmiifoçy  leçon  fournie  parle  manuscrit 
iÀi3,  au  lieu  de  OopoCpiPTATuyoc* 

Puis,  à  cause  de  la  confusion  fréquente  de  Ti  et  de  Tu ,  on  écrirait, 
pag.  1 16, 1.  16,  liv  l^ov  AAyifîrif,  au  lieu  de  liv  ^oy  ActT/r/W,  puisque 
Etienne  de  Byzance  dit  au  mot  Attjtvia  :  To  tdyixèr  Aayivatsoç  j(^  Aa^vinç 
KOf  tnXvxSç  AâK)tytvç.  Cette  correction  d'ailleurs  se  trouve  déjà  indiquée 
dans  le  Thésaurus  de  M.  Didot.  Et  à  cause  de  Tt  et  Yùu  sans  cesse  con- 
fondus, je  lirais,  pag.  65, 1.  si5,  AtiXodSitu  au  lieu  de  AixiS-nu,  afin  de 
mettre  en  rapport  Teûinique  et  le  prototype,  comme  dans  Suidas  :  aûa<i/, 
iiifHùf  KiAjjutf^  irXnmv  Tifowu  *  01  oîxtSimç  AÙXadSiwt.  Ne  pourrait>on  pas 
aussi ,  pour  la  même  raison ,  adopter  la  correction  proposée  par  Berké- 
lius  au  mot  ivy^yet  qu'il  lit  ZvyoifAy  léger  changement  qui  rétablirait 
Tordre  alphabétique  interverti  en  cet  endroit:  lov^ç,  Ivywa^  Ivyaniç. 
Ce  nom ,  avec  la  diphthongue  «/,  est  effectivement  cité  par  Ptolémée  : 

fovçy  Zuyûuvovy  k.  t.  X.  M.  Westermann  a  eu  sans  doute  quelque  luison 
particulière,  à  nous  inconnue,  pour  ne  pas  adopter  cette  correction. 

Puisque  nous  en  sommes  sur  les  mots  qui  intervertissent  l'ordre 
alphabétique  dans  l'ouvrage  d'Etienne  de  Byzance,  nous  ferons  observer 
qu'il  en  est  plusieurs  dont  la  modification  pourrait  rétablir  un  ordre  qui 
ne  paraît  pas  régulier.  Ainsi  ÂXa^iç,  placé  entre  ÂXA^Aoi  et  /x&t,  indique 
évidemment  que  l'auteur  a  dû  écrire  dans  l'origine  ÂXojufoç,  comme  cer- 
tains géographes,  tels  que  Ptolémée  et  Marcien  d'Héraclée  ^  XfuXôf^ 
Âfi49Wy  A(juaiç\  au  lieu  A'Kfuvw,  je  lirais  Iqjufm^  d'autant  plus  que  Teth- 
nique  est  Â/emmoc  y  comme  aussi  on  pourrait  corriger  ArntL  au  lieu  A'&reta 
placé  entre  &mfjufùt,  et  Am^vtti.  On  trouve  encore  AtxOawoi,  venant 
après  AîXptfêop  et  avant  At^etfuyeti  y  d'un  autre  côté  on  lit  dans  Tacite  ^  : 
«  Contra  Messenii  veterem  inter  Herculis  posteros  divisionem  Pelopon- 
nesi  protulere,  suoque  régi  Dentkeliatem  agrum  in  quo  id  delubrum, 
cessisse ,  »  etc.  Thomas  de  Pinédo,  au  moyen  d'Etienne  de  Byzance,  veut 
corriger  ce  passage  de  Tacite ,  et  lire  DeUhaniaiem  au  lieu  de  Denthelia- 
tem.  n  me  semble  qu'il  serait  plus  logique,  au  contraire,  de  corriger 
Etienne  de  Byzance  par  Tacite  et  de  lire  AirOoAiei  au  lieu  de  AtxOctriM  ^ 
on  y  trouverait  le  double  avantage  de  rendre  à  peu  près  uniforme  l'or* 

'  Page  100  de  notre  édition.  —  *  Annal.  IV,  43. 

87 


700  JODJRNAL  DES  SAVANTS. 

thographe  dans  les  deux  écrivains,  et  de  rétablir  Tordre  alplmbétiqiie 
dans  l'ouvrage  du  géogi*aphe  byzantin.  Entre  Àépict  et  ^if-mr  on  voit 
encore  à%^ot ,  Sfixtov  tOroc  il^Jbnc  Atpowiot/c  «ûtqiSc  fwat¥.  n  est  évident 
qu*il  &ut  lire  ÀippAiei  au  lieu  de  Ai^^^of  ;  Hérodote  lui-même  indique 
cette  correction  en  écrivant  MfMnuç.  On  sait  effectivement  que  dans 
certain  dialecte  on  changeait  volontiers  un  des  deux  p  en  r,  comme 
dans  Ava-^jgof  pour  At;pp«;^or.  De  même  le  mot  Kaaàf/^HA^  par  sa  posi- 
tion alphabétique  entre  Karace  et  Ktf^mrrnu,  doit  être  écrit  KMwlpd^mm^ 
comme  dans  les  écrivains  grecs  et  latins  ;  et  Tarticle  entier  doit  être 
modifié  d'après  cette  dernière  orthographe.  Nous  pourrions  sou* 
mettre  à  la  même  analyse  critique  tous  les  autres  mots  qui  dans  le 
leiique  semblent  occuper  une  place  irrégulière  :  peut-être  trouverions* 
nous  le  moyen  de  ramener  soit  ces  mots ,  soit  les  mots  qui  les  avoisinent, 
à  leur  véritable  forme,  et  rétablir  Tordre  alphabétique  si  fréquemment 
interverti;  mais  nous  craindrions  d'allonger  notre  artide,  déjà  trop 
étendu,  et  ces  exemples  suffisent  pour  montrer  qu'il  y  a  encore  beau- 
coup à  faire  sur  le  géographe  byzantin. 

Nous  signalerons  aussi  quelques  petites  négligences  qui,  sans  dimi- 
nuer le  mérite  de  M.  Westermann,  dirent  cependant  son  travail,  si 
estimable  d'ailleurs.  Ainsi,  nous  aimerions  à  trouver  de  Tuniformité 
dans  Torthographe  du  même  mot  répété  à  différents  endroits  ;  à  ne  pas 
lire  par  exemple,  pag.  75, 1.  a  i,  StCtrim^  et  pag.  a 48, 1.  ail,  StClm/T»;; 
pag.  33,  1.  Ai»  UmiiJraùç,  et  pag.  aa  1,  1.  11,  lUMc&^oc;  pag.  36,  1.  3i 
et  pag.  78,  1.  i3,  Mmm^,  ^tp%-  198,1*  i3,  Mt^oma;  pag.  18,  I.  9, 
BpÊra^ntiç  et  ailleurs  hfrfjàvui.  D'autres  fois  un  mot  écrit  avec  une  ma- 
juscule commence  ailleurs  par  une  minuscule;  ainsi,  pag.  190,  1.  i3; 
pag.  198, 1.  8  et  pag.  a83, 1.  3,  on  litoniSr,  tandis  que  partout  ce  titre 
d'ouvrdge  est  écrit  AlitSv.  De  même  le  mot  ifvbpi.  J^ttaw  est  tantôt  écrit 
avec  un  É  tantôt  avec  un  I.  Puis  ce  sont  les  accents,  pag.  57, 1. 9.  PvfJkuSi, 
et  pag.  Â7,  1.  h^  et  pag.  1/16,  1.  3,  'PvvMk»\  pag.  7^,  1.  36;  'PvpJlUw; 
pag.  noo,  1.  33,*Pc;rc/kxoVs  pag.  i63,  I.  35,  Afi>^,  et  partout  ailleurs 
i^Ce^;  pag.  79,  1.  8,  »uvomtkfax79ç  au  lieu  de  nwcm^ptToçj  ce  qui  change 
le  sens;  ou  bien  les  esprits,  pag.  1 5 1 , 1. 1 9,  ATfcor,  et  pag.  a3, 1.  ao,  A]|iof  ; 
ou  bien  encore  les  iota  souscrits,  pag.  3o6,  Lu,  Âx^oç,  et  pag.  aaA, 
1.  a,  X;|rtA«!foc.  A  propos  des  iota  souscrits,  nous  remarquerons  que  Tédi- 
teur  ne  les  met  jamais  dans  les  noms  propres  adverbiaux,  comme  XO9- 
r)M»,  ift«r«A.;  il  écrit  aussi,  suivant  l'usage  adopté  en  Allemagne,  les  deux 
pp  sans  esprits,  comme  dans  les  mots  nJppct,  àvffa^gof.  Quant  au  r  eu- 
phonique ,  il  est  partout  très-bien  observé.  Nous  n'épuiserons  pas  la  cri- 
tique du  manque  d'uniformité  sans  dire  que  les  chiffres  dans  l'article 


NOVEMBRE  1858.  701 

Ji<wû99smfiA  ne  sont  pas  accentués ,  tandis  qu'ils  le  sont  partout  ailleurs. 
Peiit*âtre  aussi  aundt-on  pu  ramener  à  la  seule  forme,  icuXtùç^  les  mots 
iiXMÇf  pag.  i47f  1*  37,  et  ïauXk»Çy  pag^  1 13«  1.  28,  puisquil  est  bien 
évidemment  question  du  même  écrivain  dans  ces  différents  passages. 

Voilà  sans  doute  bien  des  détails  minutieux ,  mais  on  nous  les  par- 
donnera en  considération  du  soin  scrupuleux  avec  lequel  nous  av<»is 
kl  le  livre  de  M.  Westennann.  On  sait  que  la  correction  typographique 
est  bien  difi&dle ,  pour  ne  pas  dire  impossible ,  à  atteindre ,  et  on  nous 
saura  gré,  nous  Tespérons,  d'avoir  cherché  à  contribuer  avec  M.  Wes- 
tennann à  Tamélioration  du  texte  d*£tienne  de  By  sance  Nous  continue- 
rons notre  examen ,  et  nous  soumettrons  encore  au  savant  professeur 
plusieurs  observations  qui  pourront  peut-être  modifier  quelques-unes 
des  notes  destinées  à  entrer  dans  son  commentaire. 

Pag.  6 ,  1.  11.  Au  lieu  de  Bpr/}/«e;,  le  manuscrit  grec  n°  909  porte 
ACesiidç ,  leçon  préférée  par  Rochefort  ^  :  ÀCfnivn  n  ÂCfrflnrw  x^  Mv- 

Pag.  a8 , 1.  A.  tJ)>ov9u.  Cette  ville  étant  appelée  rJ)>oZç  par  Etienne  de 
Byzance  à  son  ordre  alphabétique ,  peut-êti'e  pourrait-on  lire  ici  T«/^oDf 
au  lieu  de  T«/)>o3fl«.  Il  est  en  effet  possible  de  supposer  que  Terreur  vient 
d'un  copiste  qui  aura  pris  le  A  du  mot  suivant  pouir  un  A ,  dans  un  ma- 
nuscrit en  majuscules ,  où  ces  deux  mots  étaient  écrits  TAPCTSAEro- 
MENH  y  et  qui  aura  ajouté  une  lettre  par  inadvertance ,  comme  il  en 
avait  retranché  une  à  l'article  ÂTiàu^iç  ,  que  les  éditions  précédentes 
lisaient  o^ç  ÂffiATlof,  au  lieu  de  OPOS2APMATIAS. 

Ibid.  1.  1 1 .  Le  manuscrit  grec  n*  902 ,  extrait  mot  pour  mot  Etienne 

de  Byzance  :  Axfetyarroç ,  ^roXic  2iX«Xi«y,  i'jro  ^nrrtfiov  TKtfetjifiomç.  ^n^/  yàf 
àùvcAÇ  oTt  od  '7rX%7ç€if  iSv  S/itiA/fr  (  leg.  2#ictX£r  )   iroXttèf  in  iSv  m'ntfiSv 

Axfetyarr7voç.  '  ' 

Pag.  ikf  1.  5.  Dans  le  même  manuscrit  :  A>^CeAS%ç  (sic),  cftroc  Si^va- 
«awiof  r«A«nf«of •  ïloXvùof  Aàtw  i  yçif^t  'n  Xv^Ce^Cfc  (  sic  ).  Voyez  aussi 
Theognostus,  dans  les  Aneciota  grœca  de  M.  Cramer,  t.  II,  pag.  ào. 

Pag.  37,  1.  ^3.  Les  mots  «9'  «r  ne  sont  pas  bien  amenés.  On  pour- 
rait peut-être  rectifier  ce  passage  au  moyen  de  YEtymobgicum  inagnum  : 

Pag.  38,  1.  3.  Après  le  mot  fkautftagiçle  manuscrit  grec  9011  ajoute  : 

*  Notices  et  Extraits  d$s  manascrits,  tom.  I ,  pag.  1S6. 

87. 


702  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Cmtoc,  iCri«  Àauu^iç;  phrase  qui  paraît  extraite  d'Etienne  de  Byzance. 

Pag.  li^ ,  i.  ko.  Au  lieu  de  KctWIii ecor  on  trouve  KaWItuiifecor  dans 
les  scoliastes  d*Homère^  qui  semblent  avoir  copié  Etienne  de  By tance: 
ÂfîfuiA  j(f{  A^^/ftf£;r,  9«f^  70  ieg^7«i>f  fttdw  ct^o  79S  Kflt7D9r7iV7«pioui  Ce  dernier 
mot  nous  paraît  aussi  de  bonne  formation ,  et  c'est  également  dans  le 
même  sens  qu*on  lit  dans  le  scoliaste  d'Euripide  ^  :  Sxootà^  duïir  ^«01 W 
KATOnTETTHPIOK  tvtidk,  ovtw  ^c^ouffitror»  oxr  cr  nfl^retov^  Hgnvjflêtia-of  ÂvéX-' 
x^f  TDK  A^Xfir  n0,7niÇ%y0t9.  Le  TA^ioanu  de  Londres  indique  le  mot  K«- 
tKfInfscçy  comme  étant  employé  par  Strabon;  mais  la  citation  est 
sûrement  inexacte  ,  car  je  n'ai  pu  découvrir  ce  passage* 

Pag.  A8  , 1,  1 9.  Au  lieu  d'  Â^afoç,  il  paraîtrait  qu'on  peut  lire  Â^a^tê^^ 
si  l'on  en  croit  le  manuscrit  902 ,  qui  se  sert  du  mot  A!^ç  pour  exemple  : 

i(ff  79  Â^»ç  fMix4çoypA^5  y  UÇ  70  Âânfç.  Cette  dernière  orthographe  se  trouve 
vérifiée  par  Pbilothée ,  patriarche  de  Constantinople ,  manuscrit  grec , 
n^  4i ,  fol.  a  ,  verso  :  Oî  h^sl^'ni  nof  imfvfioê  ,07%  H^^exWc^,  ô  QîffwXa- 

fiunçj  0  KvÇiKoVf 0  ^nXvCfiat,  l  AllPû)  0  Afjut^tJhç^  x.  r*  A*  D'après 

l'exemple  donné  ensuite  par  Etienne  de  Byzance ,  la  leçon  a<69»oç  parait 
cependant  avoir  aussi  quelque  probabilité* 

Pag.  Sa,  L  1 8.B  serait  bien  possible  que  la  synonymie  \ifjtan  (àt  une 
corruption  du  mot  Af^nt  donné  par  Tsetzès  (  în  Lycophr.  vs.  6o3  )  : 

H  Ji  AfyifêTrmt ,  tfo^ç  toS  àêùfJtiJhuç ,  fMTfxXifd»  ÂfiouXoic  APIIOI.  Le  nom 

AfTm  est  certainement  d'usage  très-ancien  ;  car  la  légende  des  mé- 
dailles, quelques-unes  d'une  très -haute  fabrique,  est  APriA,  APIIA- 
N02  (rétrograde),  ouAPHANON. 

Pag*  68,  1.  4i.  X4«p7?cAç.-.  V7F0  A-^ufTw.  Peut-être  doit-on  lire  ivi 
au  lieu  de  ôvi ,  selon  la  méthode  adoptée  par  l'auteur  ;  comme  aussi 
pag.  2  25 ,  1.  35 ,  MTTo  ui^ ,  au  lieu  de  û^ro  niç^v. 

Pag.  69, 1.  19.  On  trouve  ici  un  assez  grand  changement*  M.  Wes- 
termann  retranche  inKan^iv»  (  ^ttXtuonunnv  dans  nos  manuscrits  ) ,  et 
remplace  ce  mot  par  av^U  oofou.  A  moins  que  Téditeur  n  ait  trouvé 
cette  dernière  leçon  dans  un  manuscrit ,  ne  pourrait-on  pas  lire  sim- 
plement :  uvofut  'mtXùuoiwTPV  BaCuXiitoç  >  ^nujtç,  BnKou  a9Çmid7W  P 

Pag,  1 1 1 , 1.  9.  A  la  marge  de  ïexemplaire  de  Huet ,  on  lit  :  10»^  * 

ipd^'i'nu,  i  Tnt^ifaA,  àuJhiVûuof  XùiXxâTùp*  cf  i^^  XiCnrof.  Sen$9â  est:  Ex 

eo  /juod  templamJovis  Dodonœi....,  ortiun  est  proverbiam,  Ms  Dodonaum. 
*  lUad.  U,  5a  1.  —  *  Phmn,  v».  a&o.     . 


NOVEMBRE  1858.  703 

In  aUo  Menedemonis  (sic)  exemplari,  pro  eo,  â>Xài  tfiinJkç  mn^ùç j  legitar 
kiCwra^  i  ^linJkç  noMou^»  Huet  a  fait  un  nom  propre  de  fùf  i  An^r. 
Pag.  iili,  1.  i8.  Huet  proposait  :  '^amç*  koJ  ftot  fiw\m  jt  ^têvtvç  i»if 

Ibid.  1.  3o.  Xécrirais  Tifjim  au  lieu  de  Ti/jma,  comme  on  lit  à  la 
marge  de  l'exemplaire  de  Huet. 

Pag.  1 1 5,  1.  22.  ÈJiCnaiç.  Ce  mot  ayant  pour  ethnique  ÉJiCnv^vç  et 
ÉJ^ffffiùÇf  doit  être  BACnmç^  comime  dans  la  liste  donnée  pag.  xx  de 
la  préface. 

Pag.  1 1 8 ,  1.  3g.  Kaf[iK]o(4*fj,ç7Tu.  Puisque  ce  mot  est  en  rapport  avec 
son  prototype ,  je  proposerais  de  n*y  rien  changer,  et  de  lire ,  pag.  1 58, 
1.  38  :  KofiKOfjiâfJifÎTwij  au  lieu  de  KofOfUfÂ^ÎTWL. 

Pag.  i32,  ].  i3.  MvxJ^poç;  ne  pourrait-on  pas  corriger  MvyJhvoç, 
comme  pag.  171,  ].  2  5. 

Pag.  iSg,  1.  16.  Cette  épigramme,  qui  nous  a  conservé  le  nom  du 
père  d'Hérodote,  commence  ainsi  dans  les  diiférentes  éditions  d'Etienne 
de  Byzance  et  dans  les  scolies  d'Aristophane  ^  : 

D'un  autre  côté  on  lit  dans  Tzetzès  ^  : 

et  sur  ce  mot  O^ixov  une  scolie  qui  est  bien  certainement  de  fau- 
teur lui-même,  et  dans  laquelle  il  corrige  le  mot  Ô^vXov  en  SvXw, 
d'après  la  même  épigramme  citée  plus  haut.  Voici  la  scolie  entière 
telle  qu  elle  a  été  publiée  par  M.  Cramer'  :  Sixov  mtç  H^Jhitç  y^c^" 
fupcf  lifiCKeùv  ifxfiCeL><ov  OTroitfov  A7  ypiipHf*   Aot/xicerq»  A  xtûmf  ôodSç  ^gJ^ 

ifAfjup (fort.  ivttfx^ivCn'mç)  y^^ofjf  ouk •i^rei^fMif  *  pnv)  yàp  H^Atw 

SuXùv  Tvr  AXtitdfveLavi^v  *  077  m^^et^u  '^vJhy^pû*  iTreiffùiiiv  A  iç  H(;Aou  Mi 
ypipetv  ckTux^f  tdut^  [t£]  hiryfa/jLfjMV  y  ou  Zrfr«fr  cf..«.  rii^fr^  iSn  tvdvrâr 

'HpiJ^QY  STAl'CX  Kpirïï%ê  nim  nVi  AùUtortA, 

Ao^/V^C  <V  varrpaç  ^Ktu%f  t'  «evo  *  fàç  [  sic  ]  yàf  irKurrw 
MéSfMf  umxTpo^vyctr  0ovp<or  tf^  r**r. 

ix  Tot/TW  J^Xov  077  SuXov  J\j  ypoipHV  xaj  ùVK  O^JAoc;. 

^  In  Nubes,  ys.  33i.  —  *  GhiL  I,  ig.  —  '  Anecdot  gr.  tom.  III,  pag.  35o. 


70a  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Le  paMage  de  Lucien  ^  cité  ici  par  Txetzès  porte  Ao^ev  dans  la  plu- 
part dêft  éditions;  mais  bien  certainement  les  manuscrits  dont  s'est  servi 
Tsetzès  donnaient  SvXov^  et  plusieurs  critiques,  tels  que  Gronovius  et 
Ursinus^,  préféraient  cette  dernière  leçon  quils  introduisaient  smssi  daps 
répigramme,  après  avoir  eu  entre  les  mains  un  des  manuscrits  de 
Tzetzès  qui  contenait  ces  détails.  Cest  probablement  Tun  des  deux  ma- 
nuscrits qui  sont  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  royale ,  et  qui  portent 
les  n**  a6/i&  et  2750.  Du  reste,  ces  deux  versions  différentes  de  la 
même  épigramme ,  rapprochées  Tune  de  Tautre ,  peuvent  oUrir  quel- 
que intérêt  sous  le  rapport  historique  et  philologique.  C'est  ce  qui  m'a 
engagé  à  m*étendre  un  peu  sur  ce  passage  d'Etienne  de  Byzance. 

Pag.  1  A3, 1.  27.  Sur  lexemplaire  de  Huet  on  lit  :  Magnum  aXufuiâ 
ilUc  viietar  inesse  vitium,  qmd  ita  fartasse  sanaveris  :  To  (àv  iCnf  AÀ  J^'o 

Pag.  i4A«l*  i4.  iJ)ftit»  peut  être  i^Umç^  comme  pag.  127,1.  10  et 
2 1  ;  de  même,  pag.  2 1 A ,  1.  19,  M/rMoc  pour  M/rM,  comme  pag.  1 75, 
1.  2.  En  effet,  làViECïl  est  la  leçon  des  monnaies  de  Carie  frappées 
par  le  roi  Idriéus  ;  et  cette  leçon  numismatique  est  certainement  de  la 
plus  incontestable  authenticité. 

Pag.  i55, 1.  34.  Je  proposerais  :  ip^  tZ  f«Xif3ir9«r  Kee/A^etroi,  au  lieu  de 
la  répétition  zTjo'fict iitTiffOnativ, 

Pag.  168, 1.  3*3.  Sur  l'autre  exemplaire,  qui  contient  quelques  notes 
manuscrites  d'un  savant  anonyme ,  on  lit  :  tUp  uot»  y  oiaSr ,  au  lieu  de 
vZ  ùnçfifiùç.  II  faudrait  alors  laisser  âmà  w  au  lieu  de  i>x'  ai'nSp. 

Pag«  1 96 ,  i.  5.  Huet  propose  :  i^?^oyçj  au  lieu  de  i^iixo^pç. 

Pag.  2  10, 1.  3&.  UêJtiov,  iuifim  Aîy.  M.  Westermanu  n'a  pas  répété  le 
mot  xMfm  f  sans  doute  parce  que  le  nom  resté  dans  les  écrivains  arabes 
dérive  de  Nixiec;  ;  c'est  ce  qui  l'a  empêché  de  faire  la  correction ,  comme 

fjàg.  9,  L  iS^5  ;  iy^^c^  7ri?aç,  [mXiç]  Asyfiwicu  ;  et  pag.  2  33 ,  1.  23,  IlniUv 
[troAi^],  ^oXiç  Kofiag.  Voyez  aussi  les  articles  n«vof  ndfim  et  UoÊiç  wiXêç. 
Je  ferai  observer  de  plus  qu'Etienne  de  Byzance  retranche  quelquefois 
le  mot  wôxtçj  comme  à  l'article  X^up^ov  »  qu'il  écrit  :  Xêufiçvy  voTaç  Aîr 

Pag.  219,  1.  6.  J'aimerais  mieux  ÀJ^anxif,  au  lieu  d'X/^iMOK,  et 
^À  pour  snei* 

Pag.  222 ,  1,  37.  Ces  mots  ïlanmiç  ifumç  t$  ^«Tomr^  sembleraient 

'  De  Domo,  20.  —  *  Voy.  les  DOtes  de  Tédition  de  Lucien,  par  M.  Lehmann  , 
tome  VIU,  pag.  &01  et  452. 


NOVEMBRE  1838.  705 

indiquer  qu'on  doit  lire  Udo^efmùç  au  lieu  de  ïla^m^  à  moins  que  Tautenr 
n*entende  ici  par  prototype  le  nom  du  fondateur  :  ce  serait  alors  une 
eiception  à  la  règle  suivie  par  Etienne  de  Byzance, 

Pag.  1&6,  L  I.  l,tiifAfiùv  Bfvrléa^êa^j  peut-être  Bptrl/iv? 
.  P^.  a&g,  1.  II.  "tîXtvziCmXùç j  véxsç  luplat  nXfi^or.  Diaprés  la  mé- 
thode adoptée  par  Fauteur,  je  soupçonne  une  lacune  après  ce  déniiez 
mot ,  quoique  f  éditeur  ne  l'indique  point  ;  voyez  les  articles  s/pir , 
S^fi^)  ^ictyfa,  TfâfjLTTva.  Peut-être  doit-on  lire  :2tAHi«oCflXec,  voTat  Se/* 
fiac  9rA«nor  [  Aapimc  ]  >  suivant  la  position  que  lui  donne  Ptoléméè. 

Pag.  a53,  l.  8.  (uytKt^  «oA^r»  ^  jaimerais  mieux  Mi>«A^i  pour  indiquer 
un  liom  propre. 

Pag.  a 58, 1.  i6.  SoXJ^Btfuç  ng>.ùvii»fQvç  ^iAA«r  M«u0BfXop.  Je  ne  com- 
prends pas  le  mot  ^oftktm^  donné  aussi  par  les  éditions  précédentes. 
Saumaise  proposait  vofix^'ort^u  Le  texte  d'Etienne  avec  'TroftTsAm 
(  comme  avec  'jroftK^irr^ç  )  n*offire  certainement  aucun  sens  ;  il  y  a  là 
une  lacune.  Quant  au  nom  de  Maussolle ,  la  véritable  leçon  est  MAT2> 
SHAAOT,  d'après  Torthographe  des  médailles. 

Pag.  262 , 1.  56.  KiAixic^;  peut-être  doit-on  lire  2ix«a/^. 

Pag.  278,  1.  38.  X^-o  ^J^Xifc  ;t^p/ou  i^  Tior  ifiUf  ^  mnptfùif  B/Aaiot 
$i(J>e/  «ififleavoicf  iCAfjmMrm.  Puis  au  mot'i'i/Vict,  pag.  3o4»  !•  a5  :  Âvt 
^vAAif c  ;^«p/oi;  %U  tIov  TroXtv  ^  ne7«fcoy  B/Aoïor  saAct  9r'.  D  y  a  évidemment 
erreur  dans  Tune  des  deux  citations  ;  j*ai  déjà  concilié  ces  deux  passages 
d*Etienne  de  Byzance,  dans  mes  notes  sur  Marcien  d'Héraclée,  p.  106. 

Pag.  288,  L  22.  Tpc/AuA«,  etc donné  par  nos  d^ux  manuscrits  , 

au  lieu  de  TptfiiAïf ,  est  peut-être  la  véritable  leçon. 

La  table ,  quoique  incomplète ,  ainsi  que  noua  en  avons  averti  le 
lecteur  au  commencement  de  cet  article ,  nous  semble  faite  avec  le  plus 
grand  soin.  Toutefois  nous  ferons  observer  qu'elle  ne  donne  point  le 
nom  d'Anacréon  cité  à  l'article  Titêç  ;  nous  y  remarquerons  encore  une 
&usse  indication  dans  l'article  de  Sophocle  :  AetcA^mioêç,  pag.  3 1 1, 1.  2  3, 
lisez ,  AtifjLflûu^  s  et  une  légère  omission  dans  l'article  consacré  à  Âsinius 
Quadratus ,  où  son  Histoire  romaine  n'est  point  mentionnée ,  bistoire 
citée  cependant  par  Etienne  de  Byzance,  aux  mots  :  XVdior,  Ô^JC/oi  et 
Sût'^i7n?a(.  Au  nombre  des  améliorations  introduites  dans  le  texte  par 
le  nouvel  éditeur  j'indiquerai  un  passage  du  poète  Catlinus,  pag.  282 , 
1.  33  ,  faussement  attribué  dans  les  éditions  précédentes  à  Gallimaque. 
Cette  correction  me  semble  très-judicieuse,  parce  qu'Etienne  de  Byzance 
n'aurait  pas  écrit  71»^  Yiai^fiMxj^  mênr^ ,  mais  simplement  ^mfà  KoMi- 
M^Xf  9  comme  on  peut  le  voir  dans  tous  les  endroits  où  il  cite  ce  der- 


706  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

nier  écrivain.  La  restitution  du  nom  de  Gallinus  a  de  plus  l'avantage 
d'augmenter  le  nombre  des  sources  où  a  puisé  notre  géographe  ^ 

Telles  sont  les  observations  que  nous  a  suggérées  la  lecture  du  livre 
de  M.  Westermann.  Nous  pensons  qu'il  approuvera  notre  franchise , 
et  qu'il  ne  trouvera  point  notre  examen  critique  trop  minutieux.  Le 
texte  d'Etienne  de  Byzance  est  loin  d'être  correct,  et  il  exercera  encore 
longtemps  la  sagacité  des  philologues,  avant  qu'il  soit  arrivé  à  sa  dernière 
perfection.  En  attendant  le  commentaire  qui  doit  faire  suite  au  texte 
d'Etienne  de  Byzance ,  et  qui  ne  saurait  manquer  d'être  digne  du  sa- 
voir de  l'habile  éditeur,  nous  croyons  dévoir  remercier,  au  nom  de  la 
science ,  M.  Westermann  du  grand  travail  qu'il  vient  de  nous  donner. 
La  première  partie  a  été  achevée  d'une  manière  très-honorable ,  et  nous 
avons  tout  heu  d'espérer  que  la  fin  répondra  au  commencement^. 

E.  MILLER. 

'  Afin  d'enrichir  la  liste  des  écrivains  de  Tantiquité ,  je  consignerai  ici  les  noms 
de  deux  auteurs,  Tun  égyptien  et  Tautre  babylonien,  inconnus,  je  pense,  jusqu'à 


V*,  un  autre  astrologue  nommé  •  ^A  APENTINOS 


n;  us.  n;   p.  lOi,  i.  do,  o^'/t  ;  ns.  avn;  p.  loi,  l.  4«  aparté;  us.  wpcûra;  p.  aa4, 
1.  39,  Il  ;  lis.  n  ;  Saumaise  proposait  Kai\  p.  a 3 8,  1.  8,  ïlAvtrtipKeu;  lis.  UaLVffapxùu; 

P.  353  , 1.  26,  ùLvnn;  lis.  avnion  Avm  ;  p.  278,  1.  36,  xT/rlnV;  lis.  xt/W;  p.  3ii, 


NOVEMBRE  1858.  707 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

M.  Broussais,  membre  de  rAcàdémie  des  sciences  morales  et  politiques,  est  mort 
le  ao  novembre.  Des  discours  ont  été  pronoiicés  à  ses  funérailles  par  M.  Droz ,  pré- 
sident, au  nom  de  l'Académie;  et  par  M.  le  baron  Larrey,  au  nom  des  membres  du 
conseil  de  santé  des  armées.  Nous  en  extrairons  les  détails  biographiques  suivants  : 

4  L'homme  dont  noâs  déplorons  la  perte  prématurée  laisse  un  nom  qui ,  depuis' 
trente  ans ,  retentit  en  Europe,  et  qui  ne  périra  jamais.  Né  avec  de  rares  talents, 
que  secondait  un  caractère  capable  de  vaincre  tous  les  obstacles,  M.  Broussais  a 
vécu  au  milieu  des  discussions  soulevées  par  la  hardiesse  de  ses  vues  ;  et  le  nombre 
de  ses  antagonistes,  autant  que  celui  de  ses  enthousiastes,  constate  sa  renommée.  . . 
n  était  dans  la  destinée  de  M.  Broussais  d'avoir  k  lutter  sans  cesse  contre  de  grandes 
difficultés.  C'est  au  milieu  des  camps ,  lorsqu'il  avait  une  vie  toute  de  fetigues,  de 
privations  et  de  dangers  ,  qu*il  sut  trouver  le  temps  de  se  livrer  aux  méditations  qui 
devaient  bientôt  donner  un  si  grand  éclat  à  son  notn ....  M.  Broussais,  professeur  à 
la  Faculté,  membre  de  l'Institut  et  de  l'Académie  de  médecine,  commandeur  de 
Tordre  royal  de  la  légion  d'honneur ,  naquit  à  Saint-Malo  eu  177).  Après  avoir 
reçu  une  excellente  éducation ,  sous  les  yeux  de'son  père,  chirurgien  dbtingoé  de 
cette  ville ,  et  après  avoir  servi  quelque  mois  comme  volontaire  dans  les  amiées  de  la 
république,  il  étudia  la  médecine  et  particulièrement  l'anatomie,  sous  les  auspices 
de  deux  hommes  célèbres ,  Duret  et  Billard,  officiers  de  santé  en  chef  de  la  marine 
au  port  de  Brest.  Ses  progrès  furent  rapides.  Nommé  successivement  chirurgien  de 
3*  classe  et  de  a*  classe ,  u  fut  embarqué,  en  cette  dernière  qualité,  sur  un  des  vais- 
seaux de  l'État.  De  retour  en  1 800,  il  se  rendit  à-Paris ,  où  il  entendit  les  leçons  des 
grands  médecins  et  chirui^ens  de  cette  époque ,  tels  que  Pinel ,  G)rvisart ,  Halle , 
oabatier,  Desault  et  Bichat.  En  180&  il  fut  nommé  médecin  militaire,  et  ût plusieurs 
campagnes  en  Belgique ,  en  HoUiande  et  en  Allemagne,  c  Nous  l'avons  vu ,  a  dit 
M.  Làrrey ,  prodiguer  ses  soins ,  après  la  tûémdraide  bataille  d'Austeriilz ,  aux  ma- 
lades frappés  d'une  épidémie  meurtrière  (le  typhus  nosoconrial)  qui  se  déclara  prin- 
cipalement parmi  les  prisonniers  russes  et  autricidens.  M.  Broussaîé  fiit  ensuite  en- 
voyé en  Italie,  et  chargé  de  la  direction  médkale  des  hôpitaux  d*Udine.  C'est  là 
qu'il  recueiHttles  matériaux  du  plus  célèbre' db  ses  ouvrages  t^FHistoii^  des  phleg- 
masies  chroniques.  En  i6og  M.  Brotissals' fàt  etivoyé  comme  médecin  principfd 
.  aux  armées  d'Espagne.  B  fut  nommé  en  iSiil  second  professeur  de  Thàpitid  dms- 
tructîon  du  Val-de-Grftce  ;  et,  en  1830,  médecin  en  chef  du  même  hôpital,  parla 
démission  de  M.  le  baron  Desgenettes  ;  c'est  dans  ces  doubles  fonctions  qtie  sa  di- 
ni<{ue  acquit  tant  d'importance ,  ^t  attira  la  foule  des  élèves  de  Fécole  et  des  hô- 
pitaux de  Paris.  M.  BfouSsaié,  après  avoir  Slùstré  renseignement  pendant  longues 
années ,  fut  appelé,  en  r836 ,  à  faire  pVtie  du  conseH  supérieur  de  santé.  D  était 
membre  de  l'Académie  royale  dç  mé<lécine'  depuis  182  3 ,  prbfesseur  de  palliolofi;ie 
générde  à  la. Faculté  depuis  18S1 ,  et  inembre  dé  l'Acadénâe  des  sciences  moraes 
et  politiques ,  Ofi  sés'  travaux  sur  la  métaphysique  l'avaient  &it  admettre  à  Tépoque 
du  rétablissement  de  cette  Académie ,  en  i832.  ■        ' 

88 


70»         JOURNAL  D8&«JjLV)/Vt^TS. 

ACADEMIES  ÉTRANGÈRES. 


«lu  Clic  aYaib  uv3ca  cw  i  vo«j:-«  ju  ^^^qncx^i^  «yqMasivucyuu'  i4(^9<44U«9iLriiuu« 

sur  les  institutions  municipales  en  Italie  depuis  ia  chute  âe  Tempire 

jusquà  lafiA  jd6  la  domidation  <i9  la  maison  d^.S0UAbe,(Hpb€»sjtAubD)  (  de  676  à 
ia&'/l)>  L'^adécnie  désire  spécialement,:  Qu*«près  avoir  Ait  un  réftqoié /des  der- 
rières iastiiuiiocis  Aiuaiçipales  4e Home,  on  distingua  les  chongement»  <)iù  se  «ûi«t 
succédé  dans  les  àiy^9e$  ÀaIs  de  VJtf^i^o^is  Jes  jQoths^  «oias  las  Gi»cs.  spw.b^ 
IiQOtbardfht  soia^  las  Cadovii^aik,  pend^l.  la:péEiQ^  pàlep  ppf¥m  iU^Â^M  .(fran- 
çais etialiemands  sadisputèrwl  Vauiorité»  eftten&o  seusins'empevf^rsetlQ»  roisides 
de<»c  mmonB  d»  Fraii&oai4  et  4e  âooabe,  Quapt  à  3a  ^uesIjiQn  de  ia  diestovc^Qn 
plus'ou  4|ioins<c<Nnpièkedes>i«stitiitifins.  ropiaioes,  on  devra  examiner  i?fi  Ofûojpns 
oui  oftt  éié  émifies  »  dans  l*un  «ou  Vautne  aen3 .  ipar  les  «ÇRii^ues ,  et  notamment  par 
$ig(MPiiA,  Fumfigalii,  Lupi,  SÎMOndi,  Muralx^dt  âa^gpiy,  Léo  et  iPagnojç^eeUi.  Leis 
omiGurpeaU  devcy^if^fi^uyer  leur  difpiissiop  ^  Mla^it  que  :pqs6U)le,  sur  des  dÀplôines 
io^énau)(>et  autK»vohAD(es  potrtaut  cpnoessi^»  ae  droite  imunidipasx.,  ou  établissait 
que  cerlaiuesv  villes  ont  joui  de  ces  .droits|;.âan9  en  avoir  o]>tenu;Ja.oa<tqes^c)si.  lie 
ppûx.  fiOra  um  m^Mh  >a*pr  d^  la;  ;vf4e|»ryçte  ^%  ^nis  ,livr4s.  Les  ménMMres  «  écrits  en 
italien ,  ea'irançaifi  ou  en')titiii«'devrpnt  être  adfesaéa  i^  TAjcadomie  uvanilafin  de 
décembre  iiSÂg*  Is  jiigevàent  aec^  prononcé  dans  ieprender  J^imeatred^  IVik- 
née  j&ào* 


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,  l,e  Livre  des  Hoisy  par  Aboulkasiiia  FirdousL,j|iblié,  traduit  .«t  ^mxneniê.par 
M.,Jules  MpU,  tpo:)^  I..fanpi|iœeriero](ale,'iS38.,  ii\-iM«  de  xGii.e|t56g  pagc^.. 
.  jCe  yduiDe.  iai.t  ^partie  ,dç .  1^  .cqU&^ïx  <  oneaLale,  qpi  »  ité  ^  pomm^npée ,  en  !  iâS  7 , 
par'laJbf8Uqr#ljiion.4jQ'VHi^»We,,des,^  de  i^  tew^ipiil^liçpipar  a|.  Q^alra- 
,<QèBe.  JL.a  pqp^lani^ji^am^^eifflopit  Ji^^^jen  Qriçnf>ïciLji?^e^fRQis  a. nftept,i  depuis 
ioqgtemps<fi^.Çm)pe,^(jl^xu]^  ^^^  ^aduQtÎPm^adiffiérfsi^tes 

llaqgjues  mentirent  rdn;fpres»emeat  ((gt^eJes^s^v^fit^Ade  to^s  Ips  pa]^  .qot.mis  a  s-pfi 
.ojcc^per.  Lejiyre.^es,  fiU>Û4,ç\utr^  son  piérile.,çpw>ne,.cefvre  pôét^e,  .est  .*d*,^n 
^4tnd  ii>tèré;t[pQur,jLa  soient  sous  deux  «irÇppqrliPp  jd'abjord.ji^axçe  ^e  ç'e^t  un/e  éfo- 
pée.BaMionâle.i.iqvi  Goiunit  d^  dpf»ées  îfidiiypf^i7^»fdj^  ^.^^^oîvp  4^  .la  p^ie 
épioue,,  «ij^^vii  * .ajÇ8;j^  i^nf^  gjr^e fifnjf»f;t^ce,4^      qqei  w.^  iCpmPooipé.a 

>éi^ierleig^pie.4^<?ei:^^/4^P9;^^  prodjuctfços  pipimtiYeq^i^nsuitp [parce. ^^ il 
^iiHntifi.cécifl  le.){4\^j'çoii|ipl/ç^queîeafpriei^a;^\.n(^^  ^^J'ancieny^ 

4ii«)pi|ie,4fe Jb  ?««»?'4J  S; agit.dQnç:dc^  déiJèmiiiiàBI^à:^fl\^à|i^  l-WJgW  f tkoajtur/9(4w 
irfi4Uion^^q>^'  ooua  FowpM  Iç/I^vf^  des  Bq^  ,<  de  IV^V^  i^^'  r4f i^^IPPur  Tfaistw^ 
4mcimfi€i,  i4v  %M  fi«f^  9<f  ^I^:.^&;«9  pr;é£eLçe  de  la  pD9p^èi|e,4ç  pe^  §iA?a(i(»i^  e^ 
donnant  une  esquisse  de  Thistoire  dqs  tfàditions^tf4e.lajpaési9.^pi/i|i^  ea.P^rat^ 


710  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

du  xiii*  siècle ,  avec  une  table  chronologique  des  chartes  et  des  personnes,  et  une 
table  alphabétique  des  noms  de  pays  et  de  lieux; — de  M.  Benjamin  Guèrard  sur  le 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  du  roi  coté  46aé  A  (recueil  de  pièces);  —  de  feu 
M.  Raynonard  sur  Fïamenàa,  poème  provençal,  manuscrit  de  la  bibliothèque  de 
Carcassonne ,  n*  68  ;  —  un  Lexique  de  synonymes  grecs ,  publié  d*après  un  manus- 
crit de  la  Bibliothhèque  royale,  par  M.  Boissonade;  —  une  notice  de  M.  Jules 
Berger  de  Xivrey  sur  la  plupart  des  manuscrits  grecs,  latins,  et  en  vieux  français, 
contenant  Thistoire  fabuleuse  d'Alexandre  le  Grand,  connue  sous  le  nom  de  Ptoudo- 
Callisthènes ,  suivie  de  plusieurs  extraits  de  ces  manuscrits;  enfin,  le  volume  doit 
ôtre  complété  par  une  notice  de  MM.  Bochoii  et  Tasta  sur  un  atlas  en  langue  cata- 
lane de  1  an  iSyA»  conservé  parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  roi.  Cette 
dernière  notice  ne  pourra  être  publiée  qu'après  le  i*'  janvier  iSSg. 

Discours  philoeophiques  d'Épictète  recueillis  par  Arrien,  et  traduits  du  grec  en  fran- 
çais par  A.  P.  Thurot.  Paris;  imprimé  par  autorisation  du  Roi,  à  l'Imprimerie  royale, 
i838,  xxni  et  490  pages  in-8*;  se  trouve  chei  L.  Hachette,  libraire  de  iTJni- 
versité.  Il  n'existait  qu'une  seule  traduction  française  des  discours  d'Épictète ,  celle 
de  Jean  Goulu ,  général  des  Feuillants,  publiée  il  y  a  plus  de  deux  cents  ans  (Paris, 
1 63o ,  in- 1  a  ) ,  faite  sur  un  texte  inexact ,  et  fort  peu  intelligible^  M.  A.  P.  Thurot  a 
bien  mérité  des  amis  de  la  science  philosophique  en  dormant  une  nouvelle  version 
de  cet  ouvrage  d' Arrien ,  précieux  monument  de  l'état  de  la  philosophie  stoïcienne 
dans  le  11*  siècle  de  notre  ère,  et  l'un  des  restes  de  l'antiquité  qui  nous  font  le  mieux 
connaître  la  morale  du  Portique.  Le  texte  grec,  que  M.  Thim>t  n'a  pas  cru  devoir 
joindre  à  sa  traduction,  a  eu  un  grand  nombre  d  éditions,  dont  les  meilleures  sont 
celles  de  Schweighœuser  (Leipsick,  1799  ♦  ^  ^^^*  îû-8')  et  de  M.  Goray  (Paris,  Eber- 
hart,  1827',  in*8'). 

Biographie  dcf  M.  l'amiral  comte  Truguet,  pair  et  maréchal  de  France ,  par  M.  de 
Norvins.  (Extrait  des  Annales  maritimes.]  Paris ,  Imprimerie  royale ,  novembre  i838, 
in-8'  de  34  pages. 

Tableau  général  du  commerce  de  la  France  avec  ses  colonies  et  les  puissances 
étrangères  pendant  l'année  1837.  Paris,  Imprimerie  royale,  novembre  i838,  in- 
fol.  de  xxxu  et  58a  pages. 

Lettre  sur  l'histoire  des  Arabes  avant  l'Islamisme,  de  l'époque  du  petit  Zobbà,  du 
siège  de  Médîne  et  de  Tintroduction  du  judaïsme  dans  l'Yaman  ;  par  M.  Perron ,  D. 
M.  P.  Paris,  Imprimerie  royale,  i838;  67  pages  in-8*,  avec  un  tableau.  [Extr,  du 
Joum.  asiat.  3* série.) 

Grammaire  égyptienne,  ou  principes  généraux  de  l'écriture  sacrée  égyptienne 
appliquée  è  k  représentation  de  la  langue  parlée ,  par  GhampoUion  le  jeune  ; 
publiée  sur  le  manuscrit  autographe  par  l'ordre  de  M.  Guûeot,  ministre  de  Tinstruc-* 
lion  publique,  deuxième  partie.  Paris,  typographie  de  Firmia  Didot  frères;  i838, 
pages  a45  à  46o,  petit  in-folio.  Cette  deuxième  partie  contient  1a  fin  du  chapitre  ix, 
traitant  des  signes  numériques:  le  chapitre  x,  des  pronoms;  le  chapitre  xi,  des 
adjectifs;  le,  chapitre  xii,  des  verbes  etde  la  conjugaison;  le.  chapitre  xiii,  des 
particules.  L'exécution  typographique  et  lithographique  de  cet  ouvrage  important 
nous  parait  s'améliorer  encore  k  mesure  qu^il  avance  vers  sa  fin.  L'éditeur,  M.  Gham- 
poUion Figeac ,'  annonce  qu'il  sera  terminé  dans  quelques  mois ,  et  suii^  du  glossaire 
de  tous  les  Mgnes  et  groupes  employés  comme  exemples  dans  largrammaire,  avec 
leur  interprétation.    ,  . 

Cours  Je  rhiftoire  d^  hphitosffhie  m^mle,  professé  en  Ï819  à  la  faculté  des  letlreK 


NOVEMBRE  1858.  711 

de  TAcadémie  de  Paris ,  par  V.  Cousin  ;  première  partie,  école  sensualiste,  publiée 
par  M.  Vacherot,  agrégé  de  philosophie,  docteur  ès-lettres.  Pans,  imprimme  de 
Grapelet,  librairie  de  Ladrange ,  iSSg  (  i838)  ;  in-8*  de  xi  et  35&  pages.  Cet  ouvrage 
coniient  dix  leçons  de  M.  Cousin  sur  Locke,  Helvétius /Saint-Lambert  et  Hobb^. 
L'éditeur  y  a  joint  .une  introduction  où  il  rend  compte  de  la  nature  de  son  travail ,  et 
résume  la  doctrine  renfermée  dans  les  leçons  du  savant  professeur  de  la  Sorbonne. 
«Dans  un  cours  qui  comprenait  les  années  181  g  et  i8ao,  M.  Cousin  conçut  et  réa- 
lisa un  vaste  plan.  Toute  la  philosophie  morale  du  dernier  siècle  se  résume  en  trois 
grandes  doctrines,  savoir  :  le  sensualisme  d*Helvétius  et  de  Saint-Lambert,  le  spi- 
ritualisme timide  de  Técole  écossaise,  le  spiritualisme  absolu  de  Técole  allemande. 
Cest  de  ces  trois  doctrines  que  M.  Cousin  entreprit  Thistoii'e  et  la  critique.  Le  volume 
que  nous  publions  ne  traite  que  des  systèmes  moraux  de  la  philosophie  française;  il 
comprend  aussi  Tanalyse  et  l'appréciation  des  doctrines  morales  et  politiques  de 
Hobbes ,  le  plus  rigoureux  publiciste  de  Técole  de  la  sensation.  »  (  Introduction,  ) 

Études  philosùphiques»  par  M.  C.  Mallet,  ancien  élève  deTckx^  normale ,  docteur 
ès-lettres,  agrégé  des  classes  supérieures  des  letties  et  de  philosophie.  Imprimerie 
de  Prudhomme,  à  Grenoble,  et  de  Baudry,  à  Rouen.  Paris,  Maire-Nyon,  i836- 
i838  ;  3i&  et  vi«a70  pages  in-8*.  Le  premier  volume  de  cet  ouvrage  traite  des  ma- 
tières suivantes  :  Du  caractère  actuel  de  la  philosophie  en  France;  de  la  parole  dans 
ses  rapports  avec  la  pensée;  du  raisonnement;  delà  volonté,  de  ses  caractères  et  de 
ses  rapports  avec  la  sensibilité  et  rintelligence  ;  école  ionienne  ;  Epicure.  Deuxième 
volume  :  De  la  certitude  et  du  scepticisme  ;  des  signes  et  de  leur  relation  avec  la 
pensée  ;  du  fondement  de  la  morale  ;  de  Tobjet  de  la  philosophie  et  des  médiodes 
philosophiques;  Protagoras;  Pyrrhon.  Les  chapitres  consacrés  à  Epicure,  à  Prota- 
goras  et  à  Pyrrhon  mentent  d'être  particulièrement  distingués. 

Coûts  de  littérature  allemande,  professé  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris  par 
M.  Eichhoff,  docteur  ès-lettres  de  l'Académie  de  Paris,  1 836-1 837,  semestre  d  hi- 
ver. Paris ,  imprimerie  de  Mocquet  et  compagnie ,  librairie  de  G.  Ange  et  compagnie , 
i838,  in-8*  de  3a a  pages.  Ce  volume  comprend  les  vingt-six  premières  leçons  do 
cours  de  M.  Eichhoff,  qui  ont  pour  objet  la  littérature  allemande  depuis  le  vin*  siècle 
jusqu'à  la  fin  du  xiii*. 

Commentaire  historique  et  chronologique  sur  les  éphémérides  intitulées  :  Diumaîi 
di  messer  Matteo  di  Gîovenazxo,  par  H.  D.  de  Luynes,  membre  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres.  Paris,  typographie  et  librairie  de  Firmin  Didot  frères, 
i83g  ^i838),  Lixeta37  pages  in-d*.  La  chronique  connue  sous  le  nom  deDiumali , 
et  attribuée  à  Matteo  Spinello  di  Giovenazzo,  donne  d'importants  détails  sur  les 
événements  qui  se  passèrent  dans  le  royaume  de  Naples  depuis  les  dernières  années 
de  Frédéric  II  jusqu'au  règne  de  Charies  d'Anjou  (  iad9-ia68).  Ce  document,  im- 
primé |rfusieurs  fois,  présente,  dans  tous  les  manuscrits,  des  difficultés  de  chro- 
nologie dont  les  savant»  n'avaient  pas  encore'  trouvé  la  sdution.  M.  de  Luynes, 
en  reproduisant  le  texte  des  Diumali  d'après  un  manuscrit  de  laBiUiothèque  royale, 
l'accompagne  d'une  introduction  et  d'un  commentaire  où  il  discute  avec  beaucoup 
d'érudition  différents  points  de  chronologie  et  d'histoire,  et  fixe,  d'après  de  savantes 
recherches,  la  date  vraie  ou  probable  de  la  plupart  des  événements  racontés  parle 
chroniqueur.  Nous  consacrerons  bientôt  un  article  à  l'examen  de  cet  ouvrage. 

Mémoires  et  dissertations  sur  les  antiquités  natiom^s  et  étrangères,  publiés  par  la 
socyiété  royale  des  antiquaires  de  France,  nouvelle  série,  tome  IV.  Paris,  de  l'impri- 
merie de  Duverger,  au  secrétariat  de  la  société,  rue  Taranne,  la,  i838,  in-8*  de 


1  iS  JOUIWAL  »BS'  SAVANTS. 

cmii  «I  9^  l^gesv  «^  lO  i^ttttéhé^.  Ce  Vôltfttfè  coi(iittëbeé']Hi<i  â^it  t^p^îs  sctr 
les  »amUK  dé'la  société  pendant  l«ê^  atinéé>»-  iS3^  éi  1CIS7,  j^ttT  MM.  clef  lÀaffoû^ 
et  Beattiiéa ,  stiivîê  d  «oe  n'oïfce  néért)l6gîq4ie  ëttP  M.  E.-H.  Ldoglôfe  de  Kouén ,  pai' 
M.  Giflierl.  Vîénnérit  èttsuité  ^à  itiétooires,  ndtîtes  du  dissei*talion5'pftarttoile9quds 
on  ]{>»eut  citer  u<i  j^upplénSem  rtu  téeit,  fitft  par  Chorier;  des!  dé*M*és  <|ui  accom- 
ptfgnètéttt  en  i56»  Fôtclipafton  âé  Orenotlé  paf  Ui  pyotéSfantiJ ,  paf  Hâ.  BffftaU 
samt'Frw:  une  note,  trop  peu  dévdepjiée,  sur'les'dîéwjt  enipèeerf  dé  ttttyîagefe  ttsité^ 
chez  leè  Romains?  et  che»  lei  Francs ,  par  M.  L.  èft  Mdsld&ief:  ufi  fwfeièwtf  artîdé 
de  M.  ÂUom,  swles  fA-méS  et  rfrmùres  aWtfioyetf  âgié,  et  uti  t^pOrtdW  ISf.  Depping 
SÛT  le  tome  I  des  charlfés  feisaùt  partie  dé  la  coHeedon  historique  puWîée  à  Turin  psbC 
ordve  dtf  ^î  de  Sai»daighe.  Le  volurte  ew  terminé  par  U  listé  des^  itittnbfcs  dè^hi  so- 
ciété evi  décèinbnè»  1 83S. 

AÂalectes  historiques,  ou  documents  inédits  pônif  servir  âl*lîist6iré  des  faits  ^  des 
mœui^â  et  de  là  littérature,  recueillis  et  annotés  par  le  docteur  Le  (îlay.  De  Timpri- 
a¥érie  de  Ùariel,  à'Lille.  Parîs,  Téchener.  ^838.  In-ë*  de  268  pa'gfe!^,  avec  quatre 
faé'SiMilê.  tes  pi^es  ptdîHées  da-as  ce  recueil  sont  extraites  des  richei»^  archives  dii 
dépMeiAent  du  Nord,  plàcéëà\  comme  on  le  sait',  sous  là  direction-  de  M.  Le  Glay. 
Ces  documents  sont  divisés  eA  trois  catégories  :  Itistoire  liftétairé^  Histoire  ékrmœarls, 
Hiê^if^  ckilé.  La  première  partie  renferme  tingt-cîûq  documents  des  années  i&i  i 
à  i^Qî'v  pTirhû  fesquels  on  peut  citer  une  lettré  de  Jean  Lemaîre,  historiographe  de 
Bolirgôgoe^  à  rarchidtichessé  irfarguerite ,  et  quelques  ettraits  de  la  éorrespondanée 
de  Gtiiilefroy,  archiviste  de  la  chÉttnbre  des"  éÉtaiptes  de  Lille,  avce  Secousse,  Cârpen- 
tîéfr,  Foppen»  et  Brfquigtty.  La  secondé  catégorie  contient  neuf*titres^de  1  a  3o  à  i  Aôj , 
concernant  priiicipi&lément  les  dueié  judickh-e^,  les  droits  d'ârsrfn  et  d'abkttis  de  mai- 
sons usités  en  Flandre,  et  ttùe  rioticë  de  Tédîteur  sur  le  royaume  des  Estimauit ,  ddilg 
là  châldléniè  de  Lille.- Ekifitl ,  dans'la  trobième  catégorie,  on  IroBve  as  pièces  de 
i356  à  161  fr,  dont  ÀoélqucB-itties  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour  Thiatoire  âû 
XTi*  mède«  Moss^  quel  4fX9  soit  le  mérite  d«  ce»  Analectes,  nom  espérons  que 
M*  Le  Glay  tronvera,  dairt  le  grand  dépôt  qui  hri  eat  eonfié,  matêètfe  à  des  publications 
plue  importnates  ci  phis  instructives  ético^ë.  Noas^  souhaitons  surtout  qu*il  puisse 
mettre  bientôt  à  exécution  le  projet  qu*il  a  conçu  de  faire  imprismer  Texcellent  in-* 
ventaire  analytique  des  titres  do  la  chambre  des  compiles  de  L^le»  par  Gpdefroy. 

Relation  deè  Mongoh  oa  Tartaresj  par  le  frère  Jean  Du  I^aa  de  Carpîn  «  de  Tordre 
des  frères  mineurs,  légal  dû  Saint-Siége  apostolique >  nonce  en  Tartarie*  pendant  les 
années  ia4l5,  is^B,  ta/l7>  et  ercbevéqne  d*Antivari  :  première  édition  complète, 
pubKée  d  après  les  manuscrits  de  Leyde,  de  Paris  et  de  Londres,  etc^,  par  M.  d'Ave- 
zac.  Paris,  imprimerie  de  Bourgogne  et  Martinet t  tifarairies  d'Arthus^rtrand  et  de 
Doàdey^Dnpvé ;  i83Bt  în'4*  de  39a  pages,  avec  une cairte^  Gèt  oavtBge,  dont  nt>us 
noué  propeèohs  de  rendre  compte^  a  été  imprilné  aux  irais  de  la  société  de  géographie 
de  Pari^,  et  fall  partie  de  seii  Hecoeil  de  voyages  et  mémoires. 

Essai  séJi^  les  Cctberhês  à  ossèlhents,  et  sur  les  causes  qui  les  y  ont  accumulés  ;  par 
Marcel  de  SeH*es ,  eonseilléf  et  professeur  de  tninéràlogie  et  de  géologie  à  h  faculté 
des  ^èiènées  dé  Mètitpelliér,  ete.  Troisième  édition ,  rerue  et  considéraUement  aug- 
ihenlée.  De  Timprimerie de  O.  Rossary,  à  Lyon.  Paris,  J.  Baillière;  i838.  In  8*  de 
XVI  et  Ai^  pèrges. 

Ètadei^  irt^  FOri^rriè  âé  k  LànffUètt  ete  Romtàdès  espajnàl^,  ptûp  E.  RôsseuAV-Saint- 
Hflaire.  Parift,  iinprirherie  de  Guiràudet  et  Jouaust  ;  18S8;  33  pages  in-4*  (thè^é 
poiirle  dCK^ôrat). 


ifh  Vnyif^yei^JSIfirnçfi.  J^^n4'ouY;WlHiîBi4uçqym  de  poésie  l<>ti«c  à,}^;BliQW}té 

gelorum  ;  opus  EmanueHs  Swedenborg.  Ed.  IV.  J.  F.  J.  Tafel.  ,Vq).  .loVl*  Tl^Milgfe . 
1^38.  ,^|i-:CuUeab,eij;,4P-8!.  Xje.D'.  Xeifc]l,,-pi^inQleur^l^  idfl»  4ctctrwGa \d^ Swe- 
4w]bQi^,  ,fi,fifttrepds,ii^  I9U  .ttqe  éditiop  ep  iWp,  fit  |ipe^whe,?fi  4l€»B^4.»,fle» 
écrits  du  visionnaire  suédois.  Les  six  premiers  volumes  contiennent. ile.ç.Qpa|;nf^ 
taive  delà  Genèse, et  de  r&ode.  A  la  un  du  9ixièii^e  içplume  on  trouve  upe.coprte 
notice  luojgrapbîdijyeM^r  .SWèdeiiborg/écri  par  lui-^épiQ.  li^'I^.'TàTél  a  pùbUéep 
même  temps  un  écrit  ap61ogé(iqîie  sous  le  titre  sdivant  :  Swedenborg  uni  seine  ge- 
gner,  etc.  Swedenborg  et  ses  antagonistes,  ou  Examen  des  doctrines  de  Swedenborg. 
Tubingue,  i838.  In-8". 

Ueher  die  Masik  der  neuereîi  GHechen,  etc.  De  la  musique  des  Grecd  modernes,  avec 
des  Réflexions  sur  la  pausique  des  ancieps  Égyptiens  et  Grecs  ;  par  R.  G.  Kjese- 
wetter.  teipsiçk ,  Î8.S8 .  iQ-A* ,  avec;8  jJlap^es. 

' Nfifle^ Jaakmérke  àtu'Màneheri.. UQuyeAUTL  Qviyragés  d^  pej^ntpre^^ç  ^Mupich ,  oj* 
choix  ,9e  48  tijiléaii^  .i\ôuveaux  des  prindpaiix  artistes  de  MtiPiéli,  '.U^bogrjBipbiéft 
par  Pr.  H<Jhe ,  «et  autres  ;  avec  une  introduction  traitant 'des  pnS^s' de' ^a^ntufe 
moderne  à  Munich ,  et  des  notices  biographiques  sur  les  artistes.  Mufiièh ,  i^8S8,  in- 
-fol.  ,^hier:'I.X>ecahîer«oiilient»lr6i9j[^1andh<^:  )fr4ète  tte  KempieFelii^fVédéric  éar- 
•bercrnsse  à'Mftyence,'par  J.  Sèhnerr;  -le  retour  d'une 'fomi&e ^d'Athènes  «daiiBtfes 
foyers  après  la  guerre ,  par  P.  Hess  ;  une  vue  de  Sicyone ,  de^Çe^inthe  et  dèl-lsthme, 
par  Rottmann. 

Beschreibung  der  Stadt  Rom.  Description ^-la  ville  de  Rome;  par Hatner, Bunsen, 
Gerhard,  Rœstell  et Ulrichs.  Vol.  111,  contenant  les  Sept-Collines ,  le  mont Pincio , 
le  Ghamp-de-Mars ,  et  Transtevère.  a*  section.  Stuttgart,  i838,  in-8\  avec  trois 
planches.  <Eià  pr^mîère^see^on  «lu'lroîéièbie' volume  Ue  ee'^^aéd  ocmiage,  auquel, 
ont  coopéré  pltrflettrt  sécants  archéologues,  coMieiit  la;ré^ta]g|râtioB-(*6mplèt3e  du 
Forum  de  Rome:'Bàh^  la  seconde  ée<dtion  oh  troiive  décrites  les 'belles  construc- 
tions de  Jules  César,  d'Auguste ,  de  Domitien ,  de  Nerva  et  de  Trajan. 

SUÈDE. 

De  nummis  Gothlandicis  disseiiaiiè,^'f^jMckf  préside  mag.  J.  H.  Schroeder,  p.  p. 
auct.  G.  J.  Bergmai^.  Upsal.  1837;  16  paees  in-8*,  avec  une  planche  qui  repi^ 
selîte  plusieurs' mônà(dès'4hédities  du  flkôyen  %e,  ptWénànt  de  file  suédoise  de 
Gùlhland,  partic«(Sèi^ÀieÀt  delà  VUe  de'Wîs9y<'ttoill'%  po)^t  ^tt^lin  d^  phts 
cdttiraerçantsde  la  Baltique.  <        '>.>itT  :  ;.i  ;i  - 

"Descrizione  del  frititti  viûggio  fatto  a  Rbma  dalla  rêgiha  di  Sdezia,'  Cristina-Mu' 
ria,  etc.  Description  du  premier  voyage  l^siità  Rome  par  la  reine  de  Suède,  Chris- 


b 


t- 


^'i 


714  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

tine*Marie,  convertie  k  la  religion  cathoUque,  etc.  ;  ouvrage  inédit  du  père  Sfona 
Pallavicino,  publié  d'après  un  manuscrit  de  la  bîbliotibèque  Albani.  Rome,  Sa!- 
viuoci,  i838.  In-8°  de  1 18  pages.  Cet  ouvrage  est  accompagné  de  notes  de  Tabbé 
Tito  Gcconi ,  éditeur. 

Notizie  hiografiche  e  htterarie  él^li  scrittori  JêgU  stati  Estenti,  Notices  biogra- 
phiques et  littéraires  sur  les  écrivains  des  Etats  de  la  maison  d^Este.  Reggio,  i833- 
i838  ;  5  vol.  in-A*.  Cet  ouvrage  est  annoncé  comme  étant  la  suite  et  le  ccnn^ément 
de  cdui  que  Tiraboschi  a^  publié  en  1781 ,  sous  le  titre  de  BAhotheca  Modenete. 
Modène,  6  vol.  in•A^ 

Del  Petrarca  e  dette  sue  opère.  De  Pétrarque  et  de  ses  œuvres  ;  par  Baldelli.  Se- 
conde édition.  Florence ,  i838  ;  a  vol.  in-8*.  Cette  seconde  édition  contient  des  addi- 
tions notables. 

SvUabttS  mascorum,  etc.  Tableau  des  mousses  connues  Jusqu^ici  en  Italie  et  dans 
les  iies  voisines  ;  par  M.  J.  de  Notaris ,  médecin.  Turin,  io38  ;  33 1  pages  in-8^ 

ANGLETERRE. 

Carioàties  rf  literature»  by  /.  étisraeli,  Ulastrated,  etc.  Les  curiosités  de  la  lit- 
térature, de  dlsraeli,  illustrées  par  Bolton  Corney.  Seconde  édition.  Londres, 
R.  Bentley,  i838.  In-8*,  de  xi  et  a56  pages.  Ce  livre  est  une  vive  critique  des  Curio- 
sités de  la  littérature ,  recueil  d*anecdotes  et  de  remarques  biUiograpniques  fort  ré- 
pandu en  Angleterre. 

A  statiitical  account  of  ike  BritUh  empire.  Tableau  statistique  de  l'empire  britan- 
nique; par  J.  R.  Mac-Culloch.  a*  édition,  i**,  a*  et  3*  parties.  Londres,  Knight, 
i838.  In-8'  de  733  pages. 


Nota.  On  peut  s^adreaser  à  la  librairie  de  M.  Lbvradlt,  k  Paris,  rue  de  la  Harot,  a*  81; 
et  à  Strasbourg,  rue  des  Juifs,  pour  se  procurer  les  divers  ouvrages  annoncés  dans  le  Journal 
des  Savants.  Il  faut  a£Granchir  les  lettres  et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE. 

Recherches  sur  Thistoire  naturdle  du  genre  humain  (  article  de  M*  Floorens  ) . .  •  '  Page  65 1 

Eseai  sur  la  circulation  du  sang»  par  M.  Marshall  (  article  de.  M.  Floorens  )•••..  667 

Des  journaux  chex  les  Romains  (  3*  article  de  M.  Naudet  )...•«  b  •  *  •  é^  »•••.•• .  664 

Traité  de  la  dignité ,  et  autres  écrits  médits  de  Tor^uato  Tasso  (  art.  de  M.  Lîbri  ) .  680 

Nouvelle  édition  d*Étieane  de  Byiance  (artide  de  M.  Miller) 689 

Nouvelles  littéraires , ,...,., •  • 707 


PIN    DE   LA   TAQLE. 


JOURNAL 


DES  SAVANTS 


DÉCEMBRE  1838. 


Db  L'INFLUENCE  dcs  circonstances  politiques  et  morales  sur  la  litté- 
rature, et  particulièrement  sur  la  poésie  chez  les  Romains,  depuis 
Auguste. 

Un  grand  homme  a  dît  qu'il  fallait  éclairer  les  lois  par  Thistoire , 
et  l'histoire  par  les  lois^.  N'est-il  pas  vrai  aussi  de  dire  que  la  littéra- 
ture et  l'histoire  se  prêtent  des  lumières  mutuelles  ?  La  poésie ,  chex 
tous  les  peuples ,  est  une  partie  considérable  de  leur  civilisation ,  un 
des  traits  les  plus  saillants  de  leur  physionomie  morale.  On  connaîtra 
mieux  les  Romains  après  avoir  lu  leurs  poètes  -,  on  ne  pourra  bien 
apprécier  leurs  poètes  que  si  l'on  connaît  la  condition  politique  et 
l'état  social  de  Rome. 

D  y  a  des  circonstances  particulières  qui  déterminent  la  vocation  de 
chaque  auteur  et  qui  règlent  la  destinée  de  ses  ouvrages;  c'est  un  sujet 
de  notices  biographiq[ues.  Il  y  a  des  circonstances  générales  qui  donnent 
le  ton  et  la  coideur  à  tous  les  écrits  d'une  époque  ;  c'est  un  objet  d'ob- 
servations du  genre  de  celles  qui  vont  se  produire  ici  relativement  à 
l'âge  de  décadence  de  la  poésie  latine. 

Sans  entrer  dans  aucune  discussion  littéraire,  je  crois  pouvoir  avan- 
**cer,  comme  une  vérité  généralement  reconnue ,  que  la  littérature  la- 

^  Montes^  Espr.  des  Lois. 

89 


716  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

line ,  principalement  la  poésie  à  cette  époque ,  est  marquée  par  tous 
les  genres  d'affectation ,  une  recherche  puérile  de  jeux  d'esprit  et  d'ar- 
tifices de  paroles,  un  luxe  fastidieux  d'ornements  superflus  et  de  faux 
brillants,  un  grandiose  gigantesque  où  la  déclamation  se  donne  pour 
de  l'éloquence  et  l'enflure  pour  de  la  sublimité  ;  un  pathétique  outré , 
qui  choisit  dans  les  objets  de  terreur  les  détails  les  plus  aflreux ,  et 
se  complaît  à  les  accumuler  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  au  dégoût  par  l'excès 
d'horreur,  ou  au  ridicule  par  l'iavraisemblance  ;  enfin ,  tous  les  dérègle- 
ments d'une  imagination  ambitieuse ,  qui ,  selon  l'expression  de  Mon- 
taigne ,  s'abat  par  l'extravagance  de  sa  force. 

Tel  est  levait  que  tous  les  critiques  ont  constaté.  Tout  en  reconnais- 
sant les  causes  accidentelles ,  individuelles  ,  comme  les  inspirations 
propres  et  la  tournure  d'esprit  de  certains  auteurs ,  ainsi  que  la  puis- 
saiice  de  leur  exemple  sur  la  foule ,  il  est  impossible  de  ne  pas  aper- 
cevoir des  causes  externes  et  communes,  à  l'action  desquelles  ces 
hommes ,  qui  servaient  de  modèles  à  tous  les  autres ,  étaient  soumis 
eux-mêmes. 

Sans  doute  ce  fut  un  événement  d'une  grave  conséquence ,  que  l'ar- 
rivée de  la  famille  des  Sénèque  à  Rome  ;  ce  n'était  rien  moins  que 
l'invasion  du  génie  espagnol  avec  sa  vigueur  native,  mais  avec  ses 
défauts.  De  leur  école  sortirent  et  Lucain,  et  Florus,  et  Juvénal;  elle 
imprima  sa  direction  à  Stace,  l'élève  des  muses  grecques  de  Naples ,  et 
à  Silius,  admirateur  passionné  de  Tite-Live. 

Mais  fous  ces  écrivains ,  et  les  deux  I^ine ,  et  Tacite  lui-même ,  cette 
grande  exception  d'une  originalité  puissante,  reçurent  plus  ou  moins 
l'empreinte  du  siède  où  ils'  vécurent. 

Essayons  de  noos  y  traasporteri  avec  eux. 

SI.-—  lafluence  du  gouvétnement  «t  des  emperetirs. 

Souvent  i«s  princes  dont  le  règne  fut  signalé  par  les  succès  les 
plus  édaStants  eurent  à  regretter  d'avoir  trop  prolongé  leur  carrière; 
etf  au  lieu  de  s'ensevelir  daAs  la  gloire  et  la  prospérité,  ils  finirent  en- 
veloppés d'alai^mes  et  de  chagrins,  après  avoir  vu  tout  ce  qui  faisait 
l'espoir  de  Leur  maison  et  l'illustraticm  de  leur  empire  tomber  succes- 
sivement autom*  d'eux.  Ainsi  Auguste/  sous  la  main  de  Livie,  et  en- 
touré des  funérailles  de  ses  petits-fils,  descendait  au  tombeau* 

H  sdrvéôut  i  ces  brillants  géiiies  dont  les  productions  lui  avaient** 
acquis  l'honneur  de  nommer  de  son  nom  un  siècle  qui  devait  être  une 
des  époques  les  plus  mémorables  dans  l'histoire  de  i'esprit  humain ,  et 


J)ÉCEMBRE  1858.  717 

de  ces  chantres  hannonieux  il  ne  resta  plus  après  lui  que  la  voix 
plaintive  d'Ovide ,  faisant  retentir  du  fond  de  Texil  jusqu'à  Rome  les 
accents  de  sa  tristesse,  et  près  de  s'éteindre  en  gémissant.  Mais. tout 
ne  périssait  point  avec  la  génération  qui  passait.  Elle  avait  légué  aux 
races  futures  des  traditions  et  des  exemples.  11  existait  des  établisse- 
ments littéraires,  des  institutions  encourageantes.  Plusieurs  biblio- 
thèques ,  amassées  non  sans  beaucoup  de  soin  et  de  dépenses,  offraient 
les  modèles  du  goût  et  les  trésors  de  L'esprit.  Des  récompenses  et  des 
honneurs  excitaient  une  vive  émulation.  Les  écrivains  aspiraient  à 
placer  dans  le  temple  du  mont  Palatin  leurs  œuvres  et  leur  image  ; 
c'était  le  panthéon  de  la  poésie,  objet  d'une  heureuse  ambition,  quoique 
l'intrigue  y  eût  fait  entrer  quelquefois  de  faux  dieux  ^ 

Je  sais  qu'une  philosophie  sévère,  ennemie  des  préjugés,  ne  veut 
point  qu'on  attribue  aveuglément  à  un  homme  le  bonheur  des  circons- 
tances, et  le  concours  des  talents  qui  peut-être  fleurirent  spontanément 
autour  de  lui,  et  furent  ses  contemporains,  et  non  ses  créatures;  mais- 
n'est-ce  point  pécher  par  un  excès  contraire,  que  de  nier  absolument 
l'influence  des  gouvernements  et  des  gouvernants  sur  la  littérature  ? 
Qu'on  ne  reconnaisse  point  en  eux  la  puissance  de  créer,  on  ne  contes- 
tera pas  du  moins  qu'ils  aient  la  force  de  gêner  ou  de  détruire.  La  na- 
ture jette  en  tout  temps  dans  le  monde  intellectuel,  comme  dans  le 
monde  physique,  des  germes  qui  ne  demandent  qu'à  se  développer  et 
à  fructifier.  Si  une  main  prudente  et  active  s'applique  à  les  attirer  en  un 
centre  vivifiant,  leur  fécondité  sera  en  quelque  sorte  son  ouvrage.  Une 
coupable  négligence  pouvait  les  laisser  mourir  dispersés  ;  une  cruauté 
jalouse  et  ombrageuse  les  aurait  étouffas  au  moment  d'éclore. 

Comparez  les  règnes  d'Auguste  et  de  Tibère;  les  faits  parlent 
d'eux-mêmes.  Sans  doute  la  postérité  n'a  point  absous  l'heureux  Au- 
guste des  crimes  du  sanguinaire  Octave;  et  Tonne  disconviendra  point 
qu'en  tout  ce  qui  pouvait  toucher  les  prérogatives  de  l'empire  et  l'au- 
torité de  Tadministration  il  ne  possédât,  il  n'exerçât  un  pouvoir  des- 
potique; mais  il  affectait  la  simplicité  des  formes  républicaines  >  que 
tempérait  une  aimable  urbanité.  Si^  selon  la  maxime  d^un  philosophe , 
l'hypocrisie  est  un  hommage  rendu  par  le  méchant  à  la  vertu ,  les  ma- 
nières douces  et  civiles  d'un  maître  nouveau  sont  un  tribut  qu'il  paye 
aux  ressouvenirs  de  liberté.  Auguste  voulut  captiver  par  une  illusion 
séduisante  les  Romains  éblouis.  C'en  était  assez  pour  l'inspiration  des 
poètes ,  qui  ne  pénétraient  pas  dans  les  ressorts  secrets  de  la  machine 

*  Beatut  Fantifus^elc.  Horat.  Sot,  i,  A,  ai. 

89. 


718         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

politique ,  et  se  contentaient  de  l'opulence  paisible  de  Rome  et  de  la 
facilité  apparente  du  gouvernement. 

Horace  vivait  dans  le  commerce  intime  et  familier  du  prince.  Le 
prince  recherchait  et  courtisait  Virgile.  Il  faisait  plus  que  les  protéger 
et  leur  prodiguer  ses  grâces  et  ses  bienfaits  ^  il  leur  laissait  à  leur  gré 
l'indépendance  de  la  retraite.  Dans  le  palais  du  fils  de  Jules  César, 
Tite-Live  était  impunément  pompéien;  la  première  des  bibliothè- 
ques publiques  venait  occuper  le  vestibule  du  temple  de  la  Liberté  ^  ; 
et  peut-être  l'idée  de  TEnéide,  véritable  apothéose  des  antiquités  de 
Rome ,  fut-elle  conçue  dans  le  même  temps  qu'Auguste  relevait  la  sta- 
tue de  Pompée ,  et  consacrait  dans  le  double  portique  de  son  forum 
les  images  de  tous  les  héros  qui  avaient  illustré  la  république  '. 

Mais  quand  le  peuple  romain  eut  changé  de  maître ,  une  tristesse  si- 
lencieuse, une  sombre  terreur  remplirent,  environnèrent  la  demeure 
impériale,  qui  ne  s'ouvrit  qu'aux  serviteurs  de  Livie,  aux  favoris  de 
Séjan.  Pour  quelques  vers  indiscrets,  Elius  Saturninus  est  précipité 
du  Capitole  ^,  et  Sextus  Paconianus  étranglé  en  prison  *.  M.  Scaurus , 
accusé  d'avoir  voulu  dénigrer  l'empereur  Tibère  ,  dans  sa  tragédie  d'A- 
gamemnon,  faite  du  vivant  de  l'empereur  Auguste,  subit  la  peine  ca- 
pitale * ,  et  l'historien  Crémutius  Gordus  se  laisse  mourir  de  faim  pour 
échapper  au  supplice.  Quel  fut  son  crime  ?  D'avoir  appelé  Brutus  et 
Cassius  les  derniers  des  Romains ''.  C'était  le  règne  des  délateurs.  Les 
Muses  n'avaient  plus  d'autels,  plus  de  foyers,  plus  d'asile.  Si  le  tyran 
laissait  quelquefois  amuser  ses  loisirs  par  les  distractions  de  la  littéra- 
ture ,  il  semblait  ne  s'en  occuper  que  pour  la  pervertir.  Des  érudits 
futils  et  pointilleux  étaient  les  seuls  gens  de  lettres  qu'il  affectionnât  ;  et 
il  les  assemblait  pour  lehr  proposer  de  ces  questions  :  a  Quelle  avait 
été  la  mère  d'Hécube?  Quel  nom  de  fille  avait  porté  Achille  pendant  son 
déguisement  ?  Quels  étaient  les  sujets  des  chansons  des  sirènes^?» 

Ce  n'était  pas  là  ce  qu'Auguste  demandait  à  l'auteur  des  Odes  et 
des  Épitres  et  au  chantre  d'Énée.  Tel  n'était  pas  son  goût  dans  les  arts 
de  l'esprit. 

Les  particularités  propres  à  faire  connaître  le  caractère  de  ces 
hommes  qui  ont  agi  sur  les  destinées  des  nations  ne  paraissent  point 
des  détails  oiseux  de  l'histoire  ;  et  le  curieux  Suétone  est ,  sous  ce  point 
de  vue ,  intéressant  à  étudier.  C'est  lui  qui  nous  apprend  qu'Auguste  ai- 

*  HoratiivitiiapadSaetoniam.ïloT9X.  Ep,  i,  7,  34.  —  *  Ovid.  Trist  m,  1,  71; 
Suet  in  Aag.  ag;  Plin.  Hitt  nat.  vu,  3o.  —  '  Suet  in  Aug.  3i.  —  *  Dîo,  tvii,  aa. 
—  ■  Tac.  Ann.  yi,  Sg.  —  *  Ihii.  g.  —  '  Ihid,  iv,  34.  —  *  Suet.  in  Tih,  70. 


DÉCEMBRE  1858.  719 

mail  le  style  élégant  et  simple ,  qu'il  fuyait  le  clinquant  des  pensées  ex- 
travagantes, et  rafiectation  de  ces  vieux  mots  qui»  selon  son  expression, 
sentaient  le  rance.  8on  plus  grand  soin  était  d'énoncer  le  plus  clairement 
possible  SCS  idées.  ...  Il  blâmait  également  deux  excès  opposés,  la 
manie  du  vieux  langage  et  rafieterie  d'un  néologisme  précieux.  Il  ne 
pouvait  souflrir  qu'on  écrivît  plutôt  pour  étonner  que  pour  être  en- 
tendu. Souvent  il  critiquait  son  cher  Mécène;  il  le  persécutait  même 
au  sujet  de  ce  qu'il  appelait  sa  frisure  parfumée  ,  et  il  contrefaisait  les 
défauts  de  son  style  pour  les  tourner  en  ridicule.  Il  reprochait  à  Tibère 
son  amour  pour  les  mots  insolites  et  surannés,  espèce  d'obscurité  bi- 
zarre dans  laquelle  le  tyran  futur  se  plaisait  déjà  à  s'envelopper  et  à  se 
séparer  du  commerce  des  vivants.  Enfin,  Suétone  a  transcrit  cette  phrase 
d'une  lettre  d'Auguste  à  la  jeune  Agrippîne,  sa  petite-fille  :  «Tâchez 
surtout  de  parler  et  d'écrire  naturellement  ^  »  Il  cultivait  lui-même  la 
poésie,  et  fit  une  tragédie  d'Ajax  furieux.  Mais  il  était  poète  pour  aimer, 
pour  apprécier  les  ouvrages  des  autres;  et,  ce  qui  est  bien  plus  rare,  il 
savait  juger  les  siens  sans  complaisance  et  sans  faiblesse.  Des  courtisans 
s'informaient  avec  un  tendre  intérêt  de  ce  que  devenait  sa  tragédie  : 
«Mon  Ajax,  leur  répondit-il,  s'est  percé  d'un  grattoir.  » 

Ainsi ,  au  lieu  de  discuter  des  problèmes  puérils  d'antiquité  mytho- 
logique ,  et  de  ramasser  la  poussière  d'une  latinité  morte  avec  les  géné- 
rations passées,  comme  fit  Tibère  après  lui,  il  travaillait  de  tout  son 
pouvoir  à  mettre  en  crédit  un  langage  pur,  franc  et  ouvert.  Au  lieu 
d'étouffer  les  talents,  il  s'était  efforcé  d'alimenter  leur  lumière.  Ses 
vues  s'étendaient  dans  l'avenir,  et  il  voulut  du  moins  couvrir  ses  at- 
tentats de  la  gloire  des  lettres.  Son  successeur  ne  travailla  que  pour 
jouir  en  paix,  dans  le  repaire  de  la  tyrannie ,  de  l'effroi  des  hommes. 
Si  le  règne  d'Auguste  fut  pour  la  littérature  latine  un  temps  de  splen- 
deur et  de  fertilité  ;  si  une  morne  et  stérile  obscurité  s'appesantit  sur 
les  Romains  pendant  tout  le  règne  de  Tibère;  ces  deux  effets  si  divers 
et  si  rapprochés  proviennent-ils  seulement  de  causes  fortuites?  Mécon- 
naître l'ascendant  des  puissances  souveraines  sur  l'esprit  comme  sur  la 
fortune  des  peuples,  ce  serait  affaiblir  pour  elles  les  obligations  des 
devoirs  et  de  la  responsabilité. 

La  folie  brutale  et  féroce  de  Caligula  ne  fîit  pas  plus  propice  aux  arts 
de  Tesprit  que  la  vieillesse  atrabilaire  et  farouche  de  son  aïeul.  Mais 
les  princes  qui  vinrent  après  eux  ouvrent  une  ère  nouvelle  pour  la 
poésie.  Alors,  quoiqu'elle  soit  déchue  de  la  perfection  où  elle  s'était 

*  Suet  inAug.  85-86. 


720  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

élevée ,  quoiqu'elle  ait  laissé  altérer  la  pureté  de  ses  formes  en  même 
temps  que  la  noble  simplicité  de  sa  parure,  elle  déploie,  dans  ce  dé- 
clin de  son  existence ,  une  vigueur  et  une  activité  non  moins  fécondes 
qu*aux  jours  de  sa  plus  brillante  jeunesse. 

Cependant  cette  époque  est  signalée  par  Tignominie  de  l'imbécile 
Claude,  par  les  atrocités  de  Néron,  par  la  domination  féroce  de  Do- 
mitien.  Mais  Vespasien  et  Titus  et  Trajan  ranimaient  par  intervalle  les 
Romains  aballus  et  flétris,  et  les  faisaient  respirer  de  leurs  maux.  Et 
même  parmi  les  tyrans,  quelques-uns  s'étaient  annoncés  par  d'heureuses 
prémices,  qu'ils  démentirent,  il  est  vrai,  dans  la  suite,  mais  qui  avaient 
toujours  secondé  pour  un  temps  le  mouvement  des  esprits.  Faut-fl  aussi 
l'avouer?  Il  semble  que  la  poésie  n'ait  pas  besoin  toujours,  comme 
l'éloquence,  de  l'atmosphère  de  la  liberté  publique.  Bercée  parles  rêves 
de  son  imagination,  plus  adonnée  aux  enchantements  des  sens  qu'aux 
méditations  de  la  politique ,  enivrée  par  les  faveurs  de  la  cour  ou  par 
les  douceurs  de  la  solitude  champêtre,  compagne  recherchée  des  grands 
et  des  heureux  du  monde,  elle  peut  s*abuser  elle-même,  se  laisser 
étourdir  par  les  concerts  de  l'adulation ,  par  le  tourbillon  des  plaisirs 
sans  cesse  renaissants  dans  un  séjour  privilégié,  et  croire  à  la  félicité  des 
sujets,  parce  quelle  prend  part  aux  voluptés  des  maîtres,  ou  qu'elle 
contemple  leur  faste  et  leur  magnificence.  C'est  le  faible  du  cœur  humain , 
que  chaque  homme,  chaque  état  se  fasse  avec  réflexion,  ou  même  in-^ 
volontairement,  centre  de  tout  dans  ses  idées  et  dans  ses  affections;  la 
poésie  n'exempte  pas  ses  adeptes  de  cette  préoccupation  trop  commune. 
Si  on  la  protège.,  si  on  la  récompense,  si  on  lui  prodigue  des  dis^ 
tinctions,  tout  se  peint  en  beau  à  ses  yeux;  l'erreur  de  la  reconnaissance 
et  de  l'orgueil  excite  en  elle  un  véritable  enthousiasme.  L'horreur  du 
despotisme  disparaît  sous  l'or  et  les  fleurs  dont  il  se  couvre  dans  ëon 
comn^erce  avec  elle;  elle  est  sous  le  charme  des  illusions.  Claude, 
stupidc  emperem\  se  piquait  d'être  littérateur  savant.  Il  coniposa  une 
pièce  grecque  pour  les  jeux  de  NapJes ,  en  l'honneur  de  Germanicus , 
son  frère,  dont  il  célébrait  en  toute  occasion  la  mémoire  chérie  des 
peuples.  Il  essaya  même  de  réformer  l'alphabet,  en  y  ajoutant  des 
lettres  nouvelles,  et  il  déposa  dans  le  musée  d'Alexandrie  ses  histoires 
de  Carthage  et  des  Étrusques.  II  assistait  fréquemment  aux  jeux  publics, 
et  se  levait  avec  la  multitude  à  l'arrivée  des  magistrats  présidents  du 
spectacle,  pour  leur  rendre  hommage.  Tant  il  affectait,  lorsque  sa  raison 
le  conduisait t  la  douceur  obligeante  d'un  prince  libéral!  Il  aurait  animé 
la  littérature  par  les  inspirations  d'un  gouvernement  généreux  et  popu- 
laire ,  s'il  avait  pu  régner  par  lui-même ,  et  non  par  ses  épouses  et  par 


DÉCEMBRE   1838.  721 

ses  affranchis.  Néron»  ce  persécuteur  fougueux  du  sénat,  ce* bourreau 
dénaturé  de  tous  les  siens ,  avait  été  d*abord  les  délices  de  Rome ,  et 
ne  fut  jamais  fennemi  des  arts  ni  des  lettres.  Sa  somptuosit-é  et  son 
propre  exemple  excitaient  les  Romains  à  les  cultiver^  Tandis  qu'il  as* 
sassinait  Thraséas  et  Gorbulon ,  il  invitait  à  ses  festins  et  à  ses  fêtes  les 
écrivains  et  les  artistes,  qui  le  voyaient  se  mêler  aux  combats  de  mu- 
sique instrumentale,  de  chant,  de  déclamation  et  de  poésie,  et  les 
égaler  à  lui  par  cette  concurrence.  Les  sages  Romains  s'en  affligeaient 
tout  bas,  mais  la  foule  chantait  ses  louanges,  et  peut-être  dans  le 
temps  que  Lucain  le  préconisait,  le  poète  se  figurait  qu  il  unissait  sa  voix 
à  celle  du  peuple  romain.  L'amour  des  vers  fit  leur  liaison,  comme  ii 
causa  ensuite  leur  inimitié.  Domitien ,  dont  on  ne  peut  voir,  dans  les 
livres  de  Tacite  et  de  Pline,  le  portrait  sans  firémir,  Domitien  qui  bannit 
de  l'Italie. les  philosophes,  et  dont  les  proscriptions  envoyèrent  en  exil 
ou  à  la  mort  tant  d'illustres  et  vertueux  sénateurs ,  avait  institué  des 
concours  littéraires  et  reproduisait  à  Rome  tout  l'appareil  des  anciennes 
solennités  olympiques.  Dans  les  jeux  capitolins  de  sa  création,  qu'on 
célébrait  tous  les  cinq  ans,  dans  les  quinquatries  annuelles  de  Minerve, 
dont  ii  voulut  rehausser  l'édat,  il  décernait  lui-même  les  prix  et  les  cou- 
ronnes aux  vainqueurs.  Stace  remporta  trois  fois  la  palme,  et  fiit  admis 
au  banquet  impérial  ^ 

Domitien  tâcha  de  réparer  les  pertes  éprouvées  par  les  bibliothèques 
publiques  dans  les  fréquents  incendies. qui  avaient  dévoré  entièrement 
des  édifices,  des  quartiers  de  Rome,  entre  autres  les  portiques  d'Octa- 
vie  avec  tous  les  livres  qu'ils  contenaient.  Il  fit  ramasser  de  toutes  parts 
des  exemplaires  et  envoya  des  copistes.. au. dépôt  d'Alexandrie,  ne  mé^ 
nag&dint  ahicunsfirais  p&or-  f«*ocurer  aux  Romains  studieux  ces  secours 
qu'ils  regrettuent.  Ce  n'était  pas  qu'il  attachât  un  grand  prix  à  cette 
sorte  de  richesse  ;  il  y  avait  dans  sa  munificence  plus  de  faste  que  de 
vrai  zèle  poiu*  la  science.  Suétone  rapporte  qu'il  faisait  sa  lecture  unique 
et  assidue  des  mémoires  et  des  journaux  de  Tibère;  digne nsianuel  d'un 
tel  étudiant.  Mais  on  peut  croire  qu'il  lisait  aussi  du  moins  les  panégy- 
riques faits  en  son  honneur. 

J'ai  quelque  peine  à  montrer  les  rapports  de  ces  princes  odieux  avec 
les  poètes,  mais  les  témoignages  de  l'histoire  ne  se  peuvent  dissimuler; 
et,  sans  vouloir,  assurément ,  calomnier  la  poésie  en  lui  imputant  aucune 
complicité ,  aucune  sympathie  avec  les  fléaux  de  l'humanité ,  sans  vou- 
loir donner  aux  actes  de  ces  tyrans ,  h  l'égard  des  gens  de  lettres ,  et  en 

'  Stat  Sylv.  m,  5,  iia  ;  Suet  in  Domit  4. 


722  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

particulier  des  poètes ,  plus  d*importance  qu'ils  n  en  méritent,  on  ne  sau- 
rait s'empêcher  de  reconnaître  que  les  soixante  années  qui  s'écoulèrent 
depuis  la  mort  de  Galigula ,  et  qui  remplissent  dans  l'histoire  de  Rome 
des  pages  si  tristes  et  si  sanglantes ,  virent  s'élever  une  génération  de 
poètes ,  héritiers  non  tout  à  fait  indignes  de  la  gloire  de  Virgile  et  de 
ses  contemporains.  Quelle  conséquence  déduira-t-on  de  cette  obser- 
vation ?  Qu'il  restait  encore  dans  le  sol  poétique  du  Latium  une  sève 
assez  abondante  et  assez  forte  pour  résister  aux  orages  funestes  et 
nourrir  des  plantes  vivaces  et  fertiles?  Je  serais  tenté  de  me  ranger 
de  cette  opinion ,  tant  je  répugne  à  penser  qu'aucun  bien  puisse  naître 
sous  l'influence  de  la  tyrannie.  Mais  ne  peut-on  pas  conclure  aussi 
qu'au  milieu  des  fureurs  qui  désolaient  l'empire  et  les  familles  puis- 
santes ,  les  Césars,  par  des  dispositions  spéciales,  résultant  des  calculs 
de  leur  amour-propre  ou  de  l'instinct  d'un  goût  particulier,  contre- 
balancèrent, à  regard  de  la  poésie  seulement,  l'effet  général  de  l'op- 
pression destructive  ?  comme  ces  torrents  grossis  par  une  tempête , 
qui,  en  répandant  l'effroi  sur  leur  passage ,  portent  dans  quelques 
endroits,  avec  le  limon  de  leurs  eaux,  des  aliments  à  la  v^étation 
d'un  terrain  plus  fortuné ,  dont  la  moisson  compense ,  du  moins  en 
partie ,  les  calamités  des  campagnes  environnantes. 

Cependant  tous  les  poètes  n'étaient  pas  fascinés  ;  il  y  en  avait  dont 
le  génie  se  nourrissait  d'amertume  et  de  colère,  et  qui,  confiant  au 
papier  leur  douleur  comprimée ,  n'attendaient  pour  la  faire  éclater  que 
des  temps  moins  contraires.  Nerva  et  Trajan  ramenèrent  cette  séré- 
nité qui  devait  enhardir  l'essor  des  talents.  Trajan ,  plus  occupé  de 
conquêtes  que  d'écrits ,  plus  désireux  de  faire  le  bien  que  d'être  encensé 
comme  un  Dieu,  .n'attira  pas  les  poètes  à  sa  cour.  Ils  jouirent  en  com- 
mun avec  le  peuple  de  la  protection  qu'il  étendait  sur  tous,  celle 
qu'on  doit  le  plus  souhaiter  pour  accroître  les  ressources  et  pour  sou- 
tenir la  dignité  de  l'esprit  humain ,  la  paix  avec  la  liberté.  Mais  la  gloire 
de  la  poésie  fut  éclipsée  en  ce  temps  par  celle  de  la  prose,  qui  dut  cet 
avantage  aux  productions  d'un  seul  homme,  philosophe  et  poète  à  la 
fois  dans  le  style  sévère  et  simple  de  Thistoire ,  et  présentant  aux  re- 
gards des  hommes ,  dans  ses  narrations  éloquentes  ,  un  spectacle  aussi 
sublime,  aussi  tragique  ,  aussi  frappant,  qu'aucun  de  ceux  qui  furent 
jamais  étalés  sur  les  plus  grands  théâtres. 

Le  successeur  de  Trajan  s'appliqua  plus  particulièrement  à  exciter 
les  travaux  littéraires.  Il  s'entoura  de  grammairiens,  de  rhéteurs,  de 
philosophes,  de  savants,  de  poètes;  il  s'essayait  dans  tous  les  genres,  en 
vers,  en  prose,  en  grec  et  en  latin;  il  proposa  des  questions,  et  les  résolut 


DECEMBRE   1858.  725 

lui-même  dans  le  musée  d'Alexandrie;  il  fonda  un  athénée  à  Rome,  dans 
lequel  se  faisaient  entendre  des  poêles  et  des  orateurs.  Cet  établisse- 
ment subsista  longtemps  après  lui;  dans  le  siècle  suivant,  on  voit  l'em- 
pereur Alexandre-Sévère,  et  plus  tard  encore  le  jeune  Gordien ,  paraître, 
l'un  comme  auditeur  bénévole,  et  l'autre  comme  auteur  de  déclaipa- 
tions  oratoires,  dans  l'athénée.  Mais  Adrien  encourut  le  reproche  d'avoir 
trop  affiché  la  prétention  de  réussir  et  de  primer  dans  les  différents 
exercices  de  l'esprit.  Il  oubliait  le  devoir  de  prince  pour  jouer  le  rôle 
d'homme  de  lettres.  Il  s'abaissait  aux  petites  jalousies  d'une  misérable 
rivalité,  oubliant  qu'à  l'empereur  appartenait  d'exciter  l'émulation  des 
écrivains,  sans  vouloir  être  leur  émule,  et  de  se  placer  au-dessus  d'eux 
comme  protecteur  équitable,  et  non  comme  vainqueur  privilégié.  Cette 
manie  l'empêcha  d'être  utile  autant  qu'il  aurait  pu  l'être;  il  le  fut  toute- 
fois, et  l'instruction  publique  lui  dut  de  notables  accroissements.  Elle 
reçut  encore  d'autres  améliorations  des  deux  princes  qui  le  suivirent , 
et  avec  qui  la  sagesse  et  la  vertu  semblèrent  être  assises  sur  le  trône. 
Mais  la  bonté  d'Ântonin ,  la  gravité  de  Marc-Aurèle  sympathisaient  peu 
avec  les  grâces  de  la  poésie.  Antonin  se  divertissait  volontiers  aux  scènes 
grotesques  des  mimes ,  amusement  populaire  des  Romains ,  et  (|ue  n'au- 
rait pas  approuvé  la  délicatesse  d'un  goût  épuré,  Mare-Aurèle.  était 
livré  tout  entier,  quand  il  se  délassait  des  soins  du  gouvernement,  aux 
spéculations  de  la  pliilosophie  stoïcienne.  Les  dis  positions  et  la  sçllicitude 
de  l'un  et  de  l'autre  tendirent  également  à  augmenter  et  assurer  le  bien- 
être  du  peuple,  et  non  à  rehausser  leur  renommée  par  les  prestiges 
d'un  règne  éclatant.  Leur  philanthropie  communiquait  à  toutes  les  pro- 
vinces de  l'empire  les  dons  d'une  éeonomie  paternelle ,  et  ne  voulait 
point  tout  rapporter  au  luxe  de  la  capitale,  encore  moins  aux  jouis- 
sances du  monarque.  Ils  pourvurent  à  l'enseignement  élémentaire  des 
lettres  et  de  la  philosophie  dans  tous  les  pays  soumis  à  leur  administra- 
tion ;  l'histoiie  ne  dit  point  qu'ils  aient  offert  des  récompenses  et  des 
honneurs  aux  poètes  et  aux  artistes. 

Marc-Aurèle  fit  payer  trop  cher  aux. Romains  le. bonheur  de  ^n 
règne ,  puisqu'il  leur  laissa  son  fds.  L'imaigination  s'épouvante  au  récit 
des  hideuses  saturnales  de  Commode ,  lorsqu'on  le  volt  convertir  le 
palais  impérial  en  un  gouffre  de  prostitution,  s'y  abandonner  à  tous  les 
débordements  de  la  luxure  la  plus  dégoûtante ,  au  milieu  de  trois  cents 
concubines  et  de  trois  cents  malheureux  enfants  arrachés  à  leurçi  &- 
milles,  ou  ramassés  dans  des  lieux  infâmes,  et  sortir  de  ces  orgies  abo- 
minables pour  faire  le  gladiateur  dans  l'arène,  où  il  combattit  sept 
cent  trente-cinq  fois,  et  où  il  tua  plusieurs  millier^  de  bêtes  féroces,  et 

90 


7i24  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

plusieurs  centaines  d'hommes ,  pendant  qu'un  yil  afiranohi,  Pérennn, 
siégeant  au  Prétoire ,  massacrait  sénateurs  et  citoyens ,  et  pillait  leurs 
maisons ,  et  que  Cléandre ,  qui  supplanta  Pérennis ,  surpassait  encore 
ses  méchancetés  et  sa  licence.  Gomment  les  Romains  purent-ils  souf- 
.  fHr,  durant  douze  années  entières ,  un  tel  scandale  de  luhricité  furieuse, 
une  telle  débauche  de  tyrannie,  sans  être  tombés  au  dernier  degré  de 
la  corruption,  de  la  stupidité  et  de  Tabrutissement?  Que  devenaient 
en  ce  temps  les  lettres  latines?  Que  devenait  la  poésie?  Et  que  purent- 
dies  devenir  encore  après ,  sous  des  empereurs  africains ,  asiatiques, 
ou  goths,  pour  qui  la  langue  latine  était  une  langue  étrangère?  On 
s'étonne  qu'après  tous  les  déchirements  de  l'empire ,  dans  le  tumulte 
presque  continuel  des  guerres  civiles,  Rome,  qui  ne  se  reposait  des  con- 
vulsions de  l'anarchie  que  sous  l'épée  du  despotisme  militaire,  pût  con* 
server  encore  dans  son  sein  des  écoles  pour  la  jeunesse,  des  gymnases 
pour  les  savants  et  pour  les  écrivains  ?  On  s'étonne  d'entendre  encore 
proférer  cette  acclamation  dans  le  sénat,  à  l'élection  d'un  empereur  : 
M  Qui  est  plus  capable  de  commander  qu'un  prince  lettré  !  »  Qais  melias 
qnam  litteratas  imperet!  Mais  on  peut  juger  du  goût  de  la  littérature  latine 
à  cette  époque  par  une  phrase  de  ce  prince  lettré  au  sénat  :  «  Rappelez- 
vous  ,  disait-il,  ces  monstres  qui  ont  souillé  la  pourpre ,  les  Néron,  les 
Héliogabale,  les  Commode,  ou  plutôt  les  éternellement  incommodes, 
sea  potius  semper  încommodos  ^  !  Que  fakaient  les  beaux  esprits ,  si  telle 
était  la  gravité  d'une  harangue  impériale?  Les  chants,  les  jeux,  les  spec- 
tacles ,  et  même  les  déclamations  et  les  lectures  publiques  n'étaient  pas 
interrompus  par  les  désastres  ;  le  sang  fumait  encore ,  on  venait  à  peine 
d'éteindre  les  incendies ,  qu'on  courait  au  cirque  ou  à  l'athénée.  L'em- 
pereur Gàilien  femporta  sur  cent  poètes  grecs  ou  latins  «  qui  chan- 
tèrent des  épithalames  aux  noces  de  ses  neveux;  et  le  sénat  décréta 
des  statues  au  césar  Numérien ,  comme  au  meilleur  orateur  de  son 
temps.  Les  littérateurs  ne  manquèrent  point  à  Rome  dans  sa  caducité; 
et  ils  osaient  encore  nommer  Gicéron  et  Vii^e,  comme  les  sénateurs 
nommaient  €irmille  et  Sdpion  ^. 

Le  Gode'  renferme  une  loi,  antérieure  de  quelques  années  à  Gallién, 
qui  seniblerait  donner  lieu  de  penser  que  la  poésie  avait  été  l'objet 
d\me  défaveur  particulière;  ce  serait  une  erreur.  Gette  loi  porte  :  «  Les 
pôët^s  ne  jouissent  d'aucime  exemption  des  charges  civiles.  »  On  le»  sé- 
pare ainsi  des  professeurs  d'arts  libéraux ,  de  médecine,  et  des  autres  qui 

,  *  Vopisc,  in  Tacito.  —  "  I^aoïprid.  in  AUxaniro;  Jul.  Gapit.  in  Gord.;  Spart,  m 
Ge(a.  —  *  lib«  X,  tit  ui,  I.  3. 


0 
1 


DÉCEMBRE  1858.  725 

enseignaient  dans  les  chaires  publiques.  Cette  loi  n'a  rien  que  de  juste 
et  de  prudent.  On  ne  pouvait  accorder  des  privilèges  qu'à  des  profes- 
sions authentiquement  exercées.  Mais  de  quel  déluge  de  privilégiés  la 
fortune  des  cités  n aurait-elle  pas  été  grevée,  si  à  l'attrait  de  composer 
facilement  de  mauvais  vers  on  eût  joiiit  Tappât  des  immunités.  Une 
ordonnance  contraire  eût  été  préjudiciable  à  la  poésie  même ,  elle  eût 
hâté  son  dépérissement ,  en  la  rendant  plus  sordide  et  plus  vulgaire. 

Dioclétien ,  et  Constantin  après  lui ,  rétablirent  l'ordre  dans  l'empire , 
en  même  temps  qu'une  certaine  stabilité  dans  la  puissance.  En  ce  temps 
le  christianisme  commença  la  plus  grande  et  la  plus  importante  révo- 
lution que  le  monde  ait  jamais  éprouvée.  Mais  ces  causes  générales  de 
restauration  intellectuelle  ne  purent  prévaloir  sur  les  causes  particu- 
lières de  dégradation  et  de  ruine  qui  frappaient  l'Italie  et  Rome  :  je 
veux  dire  la  translation  du  pouvoir  souverain  k  Constantinople ,  la 
prééminence  de  l'empire  grec ,  les  invasions  des  hordes  scy thiques , 
le  règne  des  Suèves  et  des  Vandales  au  Capitole.  Le  génie  romain  allait 
s'affaîssant  toigours  de  plus  en  plus  ;.la  langue  se  dénaturait;  des  Grau- 
lois  et  des  Égyptiens  soutinrent  seuls  les  lettres  et  la  poésie  à  Rome  ;  et 
Ton  regarde  avec  surprise,  comme  des  phénomènes  singuliers,  deux 
poètes  que  paraissent  encore  inspirer  les  muses  latines  au  milieu  de 
cette  barbarie ,  Claudien  et  Rutilius. 


S  II.  -^  Influence  des  moeurs  publiques  et  privées. 

Jai  tâché  jusqu'ici  d'indiquer  par  quelques  traits  comment  la  con- 
duite des  chefs  du  gouvernement  romain  contribua,  soit  à  retarder, 
soit  à  précipiter  la  décadence  de  la  littérature;  mais  les  principes  de 
vie  ou  de  mortalité  qui  affectent  les  facultés  du  corps  social  ne  dé- 
rivent pas  tous  de  la  tête  ;  il  y  en  a  aussi  d'inhérents  aux  membres  qui 
le  composent ,  et  ceux-là  sont  les  plus  actifs ,  les  plus  invincibles. 

S'il  est  de  toute  nécessité  que  les  idées  acquises  par  les  pratiques  du 
premier  âge  modifient  et  colorent  Tesprit  de  chacun ,  même  celui  des 
hommes  supérieurs;  si  les  écrivains  sont  forcés  par  le  désir  du  succès, 
ou  entraînés  même  à  leur  insu  par  l'impulsion  des  habitudes ,  à  se 
conformer  au  goût  du  public ,  nous  méconnaîtrions  la  plus  puissante 
des  influences  auxquelles  a  été  soumis  le  génie  des  poètes  latins,  si  nous 
prétendions  les  juger  en  faisant  abstraction  de  l'état  des  mœurs  à  Rome, 
mais  à  Rome  seulement  ;  car  elle  dominait  sur  les  idées  comme  sur 
l'existence  politique;  et  elle  attirait  tout  à  elle  des  provinces,  elle  al^^ 

90- 


726  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

sorbait  tout ,  aussi  bien  les  talents  des  hommes  que  les  productions  du 
sol  et  de  Tindustrie. 

Qu  on  se  figure  donc  ce  géant  des  cités,  avec  ses  vastes  portiques 
entourés  de  milliers  de  colonnes,  avec  ses  statues  colossales  sur  toutes 
les  places,  avec  ses  cirques  et  ses  amphithéâtres  que  la  population  de 
plusieurs  villes  aurait  peine  à  remplir,  avec  ses  palais  qui  embras- 
sent des  bois  et  des  campagnes  dans  leurs  enclos  immenses,  qu  on  ap- 
pelle des  jardins.  Voyez  ces  viviers  et  ces  lacs,  ces  bains  magnifiques, 
ces  longs  et  riches  portiques  servant  de  promenades  couvertes ,  ces  er- 
gastules  enfermant  des  centaines  d'esclaves,  tout  cet  appareil  d*un 
faste  si  imposant  dans  des  maisons  de  simples  citoyens  ;  les  pierres  les 
plus  rares,  les  bois  odoriférants  tirés  des  pays  lointains,  Fivoire,  lor, 
la  pourpre  décorant  les  lambris  et  les  meubles  des  appartements,  et  les 
péristyles  et  les  vestibules  ;  d'autres  demeures  de  plaisance ,  bâties  sur 
les  bords  de  la  mer,  que  les  digues  ont  envahie.  Puis,  considérez 
dans  les  quartiers  obscurs  et  fangeux,  et  dans  la  forêt  d'Aricie,  et  même 
auprès  des  habitations  somptueuses ,  cette  foule  de  masures  ouvertes 
aux  injures  des  vents  et  de  la  pluie ,  misérables  asiles  d'un  peuple  de 
mendiants.  Dans  Rome,  tout  est  énorme ,  exorbitant  ;  tout  est  sans  pro- 
portion, sans  mesure ,  le  luxe  et  l'indigence,  l'orgueil  et  la  bassesse. 
Là,  des  milliers  d'hommes  vivent,  comme  dit  Sénèque,  pour  moins  de 
deux  as  (  lo  centimes  )  par  jour  ^;  là,  des  particuliers  surpassent  l'opu- 
lence des  rois ,  et  le  prince  est  un  dieu  ^. 

Le  jour  commence  à  luire ,  et  déjà  les  rues  sont  inondées  d'une  foule 
empressée.  Tous  ces  hommes,  vêtus  avec  soin,  se  rendent  à  leur  office 
de  tous  les  jours ,  de  tous  les  matins  ,  le  premier  de  tous  les  devoirs  et 
le  plus  ponctuellement  rempli ,  ils  vont  saluer  le  patron  ;  et,  s'il  est 
riche,  leur  roi^  ;  c'est  ainsi  que  le  nomme  la  troupe  nombreuse  qui  lui 
fait  la  cour.  Que  demandent-ils  ?  L'un ,  une  tunique,  une  toge*;  l'autre, 
un  repas;  celui-ci,  un  legs  dans  un  testament;  cet  autre,  une  recom- 
mandation, un  emploi  ;  tous  de  l'aident,  s'ils  peuvent  en  arracher.  La 
servitude  de  la  clientèle  remonte  de  degrés  en  degrés,  depuis  le  chétif 
plébéien  jusqu'au  candidat  à  la  préture  et  au  consulat.  Le  métier  de 
courtisan  et  de  parasite  est  une  profession  patente,  reçue,  universelle. 
Le  patricien ,  le  sénateur,  l'ex-commandant  de  province  ou  de  légion , 
assiègent,  avec  les  autres,  la  porte  de  l'affranchi  puissant,  du  publicain 
superbe ,  ou  du  célibataire  possesseur  d'une  grande  fortune.  Ils  se  font 

'  Sen.  Epia,  18.  —  »  Suet  m  Domit.  i3.  —  '  Columell.  Prmf.  Ub.  I.  —  *  Mait. 
Epig.  vin,  a8. 


DECEMBRE  1858.  727 

nommer  par  Tesclave  nomenclaieur,  s  ils  ne  sont  pas  encore  bien  connus  ; 
ils  escortent  leur  ami  protecteur  quand  il  sort  de  chez  lui  pour  se 
rendre  à  ses  affaires  ou  à  ses  plaisirs ,  ou  peut-être  seulement  pour  mon- 
trer la  troupe  de  serviteurs  qu'il  promène  à  sa  suite.  Plus  tard ,  à 
Theure  du  repas ,  ils  reviendront  chercher  leur  salaire  ;  ils  tendront  la 
main  en  suppliant  pour  recevoir  la  sportule  en  argent  ou  en  nature  ^ 
Des  nobles ,  des  magistrats  ne  rougiront  pas  de  gueuser  sous  la  pourpre 
la  desserte  des  Apicius  pour  eux  ou  pour  une  famille  supposée ,  et  de 
montrer  une  litière  fermée ,  dans  laquelle  on  porte ,  disent-ils ,  leur 
épouse  malade,  attendant  sa  part  de  laumône^.  Quy  a-t-il  que  des  Ro- 
mains ne  fassent  pour  satisfaire  la  gourmandise  qui  les  presse  ?  Cest 
leur  passion  la  plus  ardente ,  la  plus  impérieuse  ;  le  pauvre  endure 
les  humiliations  et  les  mépris,  et  ne  croit  pas  payer  trop  cher  une  place 
entre  les  convives.  Le  riche  consume  son  patrimoine  à  diversifier  et  à 
raffiner  les  jouissances  de  ce  genre  de  sensualité.  Un  cuisinier  habile 
est  sans  prix,  et  ils  envoient  leurs  esclaves  à  des  écoles  publiques  ap- 
prendre la  dissection  des  viandes  qu  on  sert  sur  leur  table  ^?  Ils  useraient 
volontiers,  à  savourer  ces  plaisirs,  toutes  les  facultés  de  leur  être,  si 
la  luxure  ne  revendiquait  sa  part ,  et  ne  venait  même  se  mêler  aux  fes- 
tins. Ici  la  pudeur  jette  un  voile  sur  le  tableau.  Nous  verrions  dans 
les  cirques,  dans  les  théâtres,  jusque  dans  les  temples  et  dans  les 
fêtes  religieuses,  jusque  dans  le  secret  de  Tappartement  nuptial,  par- 
tout la  prostitution  flagrante  ,  si  nos  regards  pouvaient  supporter  sans 
effroi  la  peinture  des  dérèglements  dont  la  réalité  leur  est  familière.  On 
jugera  sans  peine  qu'une  telle  vie  doit  amollir,  énerver  Tâme^et  que 
l'enveloppe  matérielle,  s'épaississant  tous  les  jours,  étouffe  la  sensibilité 
morale. 

Chez  les  anciens  Romains,  Gaton  le  Censeur  tonna  contre  les 
dames  qui  avaient  osé  se  montrer  en  public ,  et  solliciter  l'abolition 
d'une  loi  gênante  pour  elles  ^.  La  sévérité  des  coutumes  les  tenait 
dans  l'ombre  des  foyers  domestiques  occupées  des  soins  de  la  fa- 
mille. Rome,  sous  les  empereurs ,  leur  accorde  plus  de  liberté.  Les 
hommes ,  ne  s'adonnaat  plus  tout  entiers  aux  débats  du  forum  et  du 
sénat ,  et  dispensés  des  soucis  de  la  politique  par  l'autorité  suprême , 
qui  se  charge  de  pourvoir  aux  affaires  de  l'état  et  de  tout  ordonner, 
n'ont  désormais  de  devoir  que  l'obéissance ,  d'occupation  que  les  in- 
térêts privés  et  les  amusements.  Il  reste  plus  de  loisir  pour  le  com- 

*  Suel.  inDomit.  7. —  *Juven.  Sat,  i,  v.  100-1  a5.  — '  Senec.  de  Vitabeat  17, 
Epiit.  k'].  —  *  La  loi  Oppia. 


728  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

merce  de  la  société ,  que  les  femmes  animent  et  embdlissem.  Leur 
fréquentation  devrait  donner  aux  mœurs  plus  de  douceur,  aux  ma« 
nières  plus  de  politesse ,  au  langage  plus  de  délicatesse  et  de  réserve. 
On  les  respectera  autant  qu'elles  se  respecteront  elles-<mémes.  Pins 
elles  se  mêlent  aux  hommes  dans  les  relations  vulgaires  du  monde  ^ 
plus  leur  sexe  doit  se  distinguer  par  une  scrupuleuse  décence ,  qui  &it 
une  partie  de  leurs  charmes ,  et  qui  leur  procure  un  ascendant  si  ho- 
norable pour  elles  et  si  utile  pour  les  hommes ,  qui  s*y  soumettent  sans 
déroger.  La  mesure  des  conversations  se  réglera  sur  ce  quelles  peu-* 
vent  entendre.  Elles  exerceront  ainsi  dans  le  monde  une  police  .ai- 
mable ,  une  censure  gracieuse ,  qui  tournera  au  profit  de  Télégance  de» 
formes  et  de  Thonnêteté  du  discours. 

Les  Romaines  sont-elles  dignes  de  remplir  cette  noble  fonction,- 
attribut  naturel  des  femmes  dans  une  société  civilisée?  Prenons  des 
exemples  parmi  celles  que  leur  rang  et  leur  fortune  autorisent  k  donner 
le  ton  et  à  prescrire  les  convenances.  Ekitourées  d'esclaves ,  perverties 
par  les  habitudes  violentes  d*un  commandement  absolu,  comment  en- 
seigneraient-elles la  bonté  à  leurs  époux ,  à  leurs  fils  ?  elles  sont  elles* 
mêmes  sans  humanité.  Quune  des  infortunées  qu'elles  possèdent  pour 
leur  service  brise  un  vase  dp  quelque  prix,  réussisse  mal  à  disposer 
les  plis  de  leurs  robes  ou  les  boucles  de  leurs  cheveux,  elles  enfoncent 
dans  son  sein,  dans  ses  bras,  les  longues  épingles  qui  soutiennent  l'édi- 
fice de  leur  coiffure,  ou,  de  sang-froid,  elles  puniront  la  maladresse 
involontaire  par  une  flagellation  sanglante;  elles  ont  à  leurs  ordres  un- 
bourreau;  c'est  un  des  esclaves  de  leur  maison  ^  Faut-il  s'étonner 
qu'aux  jeux  de  l'arène  quelques-unes  se  passionnent  pour  des  gladia- 
teurs, et  que  d'autres,  comme  des  furies,  demandent,  du  geste  et  de 
la  voix,  la  mort  du  vaincu?  Mais  dans  une  condition  médiocre  elles 
seront  moins  hautaines,  moins  dures.  Auront-elles  plus  de  modestie^ 
*  conserveront-elles  leurs  yeux  chastes  et  leurs  oreilles  pures?  leur  pu- 
dique retenue  imposera-t-elle  aux  hommes  des  bienséances  plus  sé- 
vères? C'est  l'heuïe  des  bains.  Parcourons  avec  le  poète 'Martial^  et 
l'historien  Pline  ^  les  étuves  publiques.  Quelle  affluence!  comme  on  se 
presse  !  à  peine  le  pied  trouve-t-il  l'espace  nécessaire  pour  se  poser. 
Mais  qu*apercevons-nous?  Dans  ce  lieu,  le  sexe  et  l'âge,  tout  est  con- 
fondu. L'impubère  et  le  vieillard  se  lavent  dans  les  mêmes  eaux,  se 
promènent  dans  la  même  enceinte  que  la  matrone  et  la  fille  nubile ,  et 
pour  s'empêcher  de  rougir  elles  n'ont  d'autre  voile  que  leur  tranquille 

*  luv.  Sat.  VI,  476.  —  ■  Lib.  III,  E^ig.  3,  5i,  87.  —  *  HùL  nat  xxxni,  la. 


.      £>ÉGEMBRE  1858.  12^ 

«fironterie ,  ne  8*effrayant  pas  plus  des  nudités  qu'elles  étalent  que  de 
eeUes  qui  devraient  Ûesser  leurs  regards.  Rien  ne  doit  plus  surprendre 
à  présent.  Si  nous  entrions  dans  les  écoles  du  premier  âge,  nous  nous  ré- 
crierions moins  d'y  trouver  inèlés  ensemble  les  en&nts  de  lun  et  Tautre 
sexe^  Il  nous  serait  aisé  de  comprendre  comment  les  Romains  n'ap- 
préhendent pas  d'altérer  la  timidité  native  de  leurs  filles,  par  les  ma- 
nières décidées,  brusques ,  hardies,  qu'elles  contractent  dans  leurs  jeux 
et  dans  leurs  études,  ni  de  flétrir  cette  fleur  d'innocence  virginale,  et 
la  pureté  d'une  heureuse  ignorance ,  en  mettant  dans  leurs  mains  les 
poèmes  trop  souvent  obscènes  de  leurs  vieui  auteurs  comiques^.  Triste- 
ment aguerries  contre  la  pudeur,  presqu'au  sortir  du  berceau,  elles  ne 
font  qu'augmenter,  parle  progrès  des  années,  cette  funeste  assurance. 
La  licence  des  Lupercales  ne  les  empêche  point  de  se  répandre  dans  les 
mes.  Elles  se  disputent  les  places  au  spectacle  de  la  danse  lubrique  des 
courtisanes  dans  les  fêtés  de  Flore.  La  mère  avec  sa  fille  adolescente 
applaudit  aux  immondes  bouffonneries  des  mimes ,  aux  représentations 
hideusement  fidèlesde  tous  les  détails  de  la  prostitution  et  de  l'adultère'; 
elles  se  pâment  de  plaisir  lorsqu'un  pantomime  efféminé ,  sous  le  masque 
d'Ariane,  de  Danaé,  ou  de  Vénus,  outrage  par  ses  grâces  lascives  les 
mœurs  et  la  religion  à  la  fois,  et,  le  dirai-je?  lorsque  la  fable  des  abomi* 
nables  amours  dePasiphaé  se  réalise  sur  la  scène  dans  toute  son  hor- 
reur ^  !  De  quels  propos ,  sur  quel  ton ,  les  hommes  et  les  femmes  s'en- 
tretenaient*ils  dans  les  cercles,  dans  les  assemblées,  au  sortir  de  ces 
spectacles  qui  avaient  excité  leur  enthousiasme  ? 

Il  y  a  de  singulières  inconséquences  dans  l'esprit  humain.  Auguste 
lui-même ,  suprême  censeur  de  la  république,  avait  toléré ,  avait  en- 
couragé de  pareils  jeux;  et  il  allégua  pour  prétexte  de  la  condamnation 
d'Ovide  la  publication  de  FArt  d'aimer,  et  il  adressa  ime  lettre  de  re- 
proches à  un  jeune  chevalier  pour  avoit*  blessé ,  disait-il ,  les  bienséances 
et  l'honnêteté,  en  rendant  une  visite  à  sa  fille  aux  eaux  de  Baies!  Cette 
austérité  ne  profita  guère  aux  deux  Julie ,  et  l'on  sait  qu'elles  fiirent 
moins  dociles  à  ses  avis  qu'aux  leçons  des  mimes.  Maintenant,  Mar- 
tial nous  demande  si,  toutes  les  fois  que  la  témérité  de  ses  saïUies 
et  la  crudité  de  ses  expressions  nous  révoltent ,  c  est  sur  lui  que  retombe 
tout  le  blâme!  il  nous  demande,  au  nom  de  son  ami  Juvénal,  dont 
on  est  tenté  si  souvent  de  rejeter  les  écrits  tout  pleins  d'affreuses  vé- 
rités, qui,  de  son  siècle  ou  de  lui,  nous  devons  accuser  des  souillures 

'  Mim.  de  VAcai.  des  inscr.  t.  IX,  p.  Ai  i ,  a*  série.  — -  '  Gc   de  Orat  m,  la.  -— 
'  Ovid.  Tritt  n ,  5oi.  --  *  Mart  de  Speet.  1^.  5. 


750         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

qui  déshonorent  son  talent.  «Avant  de  prononcer,  nous  dit-il,  voyes 
les  Romains  au  théâtre ,  et  vous  deviendrez  sinon  plus  faciles  à  l'é- 
gard des  ouvrages ,  puisqu'une  meilleure  civilisation  vous  le  défend , 
du  moins  plus  indulgents,  plus  justes  envers  les  auteurs.» 

Cest  au  théâtre  qu'il  faut  observer  les  peuples ,  et  surtout  les  peuples 
anciens,  les  Romains  encore  plus  que  les  Grecs  peut-être,  car,  depuis 
les  empereurs,  les  jeux  et  les  spectacles  étaient  la  moitié  de  la  vie  des 
nobles  et  des  plébéiens ,  des  riches  comme  des  pauvres.  Une  fois  que 
les  fils  dégénérés  de  Romulus  eurent  cessé  de  distribuer  les  faisceaux , 
et  qu ils  eurent  abdiqué  la  puissance,  ils  vouèrent  leur  existence  aiuL 
amusements  de  l'oisiveté;  la  chaleur  et  la  véhémence  avec  lesquelles 
ils  avaient  traité  la  politique   se  reportèrent  aussitôt  sur  les   occu- 
pations frivoles,  et  aucune  ordonnance  de  leur  prince  ne  fut  suivie 
d'une  plus  prompte  et  plus  entière  obéissance  que  celle  qui  leur 
prescrivit  de  se  tenir  étrangers  à  toute  affaire  sérieuse ,  recevant  une 
nourriture  gratuite,    et  ne  songeant  qu'à  se  réjouir  sans  travail,  sans 
prévoyance.  Désormais  il  n'y  eut  que  la  faim  et  les  jeux  qui  pussent  les 
tirer  de  leur  indolente  inertie.  Les  cirques ,  les  théâtres ,  les  arènes ,  de- 
vinrent leur  forum,  le  centre  de  leur  vie  active,  le  foyer  de  leurs  pas- 
sions, leur  unique  objet  d'intérêt  public.  Enfin  il  n'y  a  plus  de  peuple 
romain  que  là.  Tel  est,  je  ne  dirai  pas  l'amour,  mais  la  fureur,  la  rage 
de  ces  divertissements,  que  des  chevaliers,  des  patriciens,  des  femmes, 
et  même  quelques-mies  d'illustre  maison,  se  montrent  sur  la  scène, 
ou  dans  la  lice  des  combats,  malgré  la  flétrissure  imprimée  par  les 
lois  à  tous  ceux  qui  se  livrent  à  de  pareilles  professions  ^  On  a  vu, 
depuis  qu'un  sénatus-consulte,  rappelant  la  sévérité  des  anciennes  cou- 
tumes ,  eut  interdit  sous  peine  de  l'exil  ces  exercices  à  toute  personne 
de  condition  npble ,  des  fils  de  famille  encourir  volontairement  une 
condamnation  infamante,  afin  de  briser  les  liens  de  leur  état  ori- 
ginaire ,  et  de  se  prostituer  impunément  parmi  les  histrions  et  les  gla- 
diateurs ^. 

Si  nous  voulions  nous  arrêter  à  une  contemplation  oiseuse,  Ovide , 
et  Martial,  et  Juvénal,  et  Tacite,  et  les  deux  Pline,  et  Dion,  et  Sué- 
tone, et,  plus  explicitement  encore,  des  érudits  modernes,  ressuscite- 
raient devant  nous  les  apprêts  divers  des  fêtes  romaines.  Mais  nous  ne 
perdons  point  de  vue  le  but  de  nos  recherches.  C'est  toujours  aux 
destinées  de  la  poésie  latine  que  s'attachent  nos  pensées.  Nous  tâchons 
de  découvrir  une  des  causes  de  ses  vicissitudes  dans  l'esprit  du  peuple 

*  Tac.  Ann,  xv,  3a  ;  Dio ,  un ,  3a ,  liv,  a.  — r  *  Tac.  Ann,  ii ,  85  ;  Saei.  m  Tih,  35. 


DECEMBRE  1858.  751 

romain.  Le  spectade  ne  nous  intéresse  que  par  les  impressions  qu'il 
fait  sur  les  spectateurs.  Leurs  froideurs  et  leurs  transports ,  leurs  pré- 
dilections et  leurs  dédains  signaleront  les  dispositions  de  <^ette  puis- 
sance populaire ,  souveraine  modératrice  des  poètes ,  et  en  général  de 
tous  les  écrivains. 

Les  jeux  athlétiques  et  les  jeux  équestres  de  la  Grèce  ont  été  trans- 
portés à  Rome,  mais  accompagnés  d'accessoires  nombreux  et  de  dé- 
corations splendides  qui  leur  donnent  une  forme  toute  nouvelle.  La 
simplicité  grecque  se  perd  dans  la  somptuosité  romaine.  Pour  com- 
bien auraient  pu  compter  les  pompes  d'Olympie  dans  les  fêtes  seulement 
d'un  édile  ou  d'un  préteur?  Chez  les  Hellènes,  les  idées  du  beau  pré- 
sidaient aux  exercices  du  corps;  l'agQité,  la  souplesse,  la  vigueur,  l'a- 
dresse des  concurrents,  faisaient  tout  l'ornement  de  la  solennité;  des 
couronnes  de  chêne  étaient  les  seules  récompenses.  Chez  les  Romains, 
la  richesse  de  l'appareil  doit  éblouir  les  yeux,  et  l'on  jette  de  l'or  aux 
vainqueurs  ^  Il  faut  aux  Romains  des  plaisirs  plus  tumultueux,  plus 
terribles.  Les  naumachies ,  qui  rougissent  les  lacs  ou  la  mer  du  car- 
nage de  plusieurs  milliers  d'hommes ,  après  qu'ils  ont  salué  l'empe- 
reur et  l'assemblée  en  partant  pour  s'entr'égoi^er,  ave,  moritwri  te  sala- 
tant^;  les  joutes  de  gladiateurs  où  les  instruments  et  les  accidents  de 
la  mort  sont  variés  par  ime  cruauté  ingénieuse  ;  les  chasses ,  dans  les- 
quelles ,  tantôt  on  met  des  condamnés  aux  prises  avec  les  bêtes  fé- 
roces ,  tantôt  on  procure  aux  spectateurs  Tapement  de  tuer  eux-mêmes 
les  animaux  en  lançant  des  traits  du  haut  des  gradins  ;  voflà  leurs  récréa- 
tions favorites,  leurs  fêtes  nationales,  celles  qui  leur  font  pousser  des 
huriements  de  joie,  et  dont  l'excès  continuel  ne  saurait  rassasier  leur 
soif  de  meurtre  et  de  sang.  Ne  citons  point  les  prodigalités  extrava- 
gantes des  Caligula,  des  Héliogabale,  remarquons  seulement  les  con- 
cessions des  empereurs  les  plus  modérés.  Le  sage  Marc-Aurèle  sa- 
crifie en  une  seule  fois  cent  lions;  dans  un  jour,  Titus  donne  une 
naumachie,  des  gladiateurs,  et  une  chasse  où  périrent  cinq  mille 
bêtes  fauves  de  toute  espèce.  &  n'y  a  pas  de  réjouissances  brillantes  et 
complètes  pour  le  peuple  romain  sans  combat  dans  f  amphithéâtre ,  et 
elles  paraîtraient  mesquines,  si  plusieurs  centaines  de  gladiateurs  n'en- 
sanglantaient pas  l'arène. 

Dans  une  ville  si  curieuse  de  spectacles ,  ceux  de  la  scène  n'ont 
point  été  oubliés  ,  quoiqu'ils  ne  tienneitt  pas  le  premier  rang  au  juge- 
ment des  Romains;  mais  les  nations  civilisées  y  trouvent  tant  de  res- 

'  Jul.  Capit  in  Jlfarco  phiht.  p.  37  (  «d.  Sabn.  in<foI.  )  —  '  Snet  in  Claud.  3 1 . 

9> 


752  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

source»  I  A  Rome ,  ils  se  sont  accrus  côm»e  sa  puissance.  Mais  cet  ac^ 
croissement  oxêcne ,  qui  n*est  pas  de  la  grandeur,  atteste  la  rudesse 
naturelle  de  ce  peuple  et  la  perversité  de  son  goût.  G*e9t  là  qu*on  voit 
tous  le»  efforts  d  une  imagination  malade  et  d*uo  esprit  bla$é  pour  tour- 
menter d'intarissables  richesses  et  pour  vaincre  la  satiété.  C'est  là 
qu*oo  peut  se  convaincre  combien  est  faible  la  part  qu'ils  donnent  à 
rintelligenee  dans  leurs  plaisirs,  et  que  pour  les  savourer  ils  n  ont  que 
des  sens.  Les  concerts  des  instruments  voluptueux  ou  bruyants,  la 
mélodie  des  voix  ravissent  les  oreilles ,  V  opulence  des  habits  et  des  dé- 
corations ,  les  prestiges  merveilleux  des  machines  étonnent  les  yeux ,  et 
lodorat  même  est  charmé  par  des  rosées  de  parfums ^  Des  théâtres  se 
dressent  pour  des  pièces  de  tout  genre ,  et  pour  de$  acteurs  de  toutes 
les  langues  ^  ;  on  montre  des  pantomimes  »  des  bateleurs  ,  des  chan* 
teurs,  des  musiciens,  dea  mimes,  des  acrobates»  des  voltigeurs  à 
cheval,  ou  d'autres  sur  des  murailles  luttant  avec  des  ours;  au  milieu 
de  tout  ce  Ibaoas,  on  cherche  la  comédie  et  la  tragédie  ;  elles  se  traînent 
langui&samment  sur  la  scène  obstruée  par  la  foule  des  saltimbanques. 
Des  mœurs  de  leurs  ancêtres  les  Romains  n'ont  conservé  que  la  rusti- 
cité ,  d'autant  plus  choquante  à  présent ,  qu'elle  se  couvre  de  richesse 
et  se  pare  des  raffinements  du  luxe.  La  véritable  comédie,  la  tragédiepure, 
n'osant  presque  plus  se  produire  en  public ,  se  sont  réfugiées  dans  les 
théâtres  domestiques  des  hommes  édairés  et  opulents.  Ils  ont  des  co- 
médiens au  nombre  de  leurs  esdaves  ou  de  leurs  affranchis;  et,  pen- 
dant leur  repas,  ou  dans  la  soirée,  on  leur  joue  des  dran>ea  grecs  ou 
latins  d'anciens  poètes ,  et  des  pièces  aussi  de  poètes  contemporains , 
mais  elles,  sont  rares  ^.  Gomment  la  poésie  draoïatique  sç  soutiendait- 
elle  dans  lés  théâtres  ouverts  au  peuple  ?  elle  tombe  soius  l'attirail  du 
spectacle  dont  on  l'accable.  Ghes^  les  particuliers,  dépouillée  de  ses  illu- 
sions et  de  sa  dignité,  privée  de  la. chaleur  électrique  des  grande/»  assem- 
blées* étouffée  dans  une  enceinte  trop  étroite,  elleperd  touten  perdant  sa 
vie  pqbUque.  Quoique  chétif  encore  que  soit  -ce  secours  offert  à  la  poésie 
dramatique  dans  sa  disgrâce,  tous  les  dches  ne  le  lui  arcc<>rdeatpas.  Un 
tel  pa3se-!temps  est  trop  sérieux  à  leur  gré.  Quand  de  comédien  arrive , 
beaucoup  de.  ci)iKvives  désertent  la  salle  du  festin^  Aussi  ne  parait-il 
que  dans  les  maisons  des  hommes  tempérants  et.  judic^qw.  La  mode 
veut  qu  autoyr  dé  la  salle  viennent  folâtrer  des  baladij)9 ,  et  qu'on  soit 
égayé  par  les  agaceries  des  bouffons  obscènes ,  ou  par  les  sottises  des 

« 

*  Horat.  Art.  poei.  aoa  ;  Epist  ii,  i,  i87;'Senec.  EpisL  qo;  Vopisc.  in  Carino, 
—  ■  Suet  inAay.M.  —  *  P\in.^  EpisL  i,  i5;  lu,  i.  —  ^Jbia.ix,  17. 


DÉCEMBRE  1858.  755 

niais  et  des  fous  ^  Qu'est-ce  qui  peut  donc  plaire  au  théâtre?  Les  mimes , 
par  leur  licence  et  leurs  grossières  plaisanteries  ;  les  atellanes  par  leurs 
langage  grotesque  et  leurs  parades  de  divinités  champêtres  et  pétu- 
lantes; les  pantomimes,  seuls  acteurs  dun  genre  noble,  par  la  réunion 
de  la  musique ,  du  chant,  de  la  danse  et  de  tous  les  artifices  pompeux 
de  la  représentation.  On  a  vu  un  Hercule  enlevé  au  ciel  sur  un  taureau  ; 
on  a  vu  les  rochers  et  les  forêts  s'émouvoir  autour  d'un  Orphée,  et  s'ap- 
procher de  lui  avec  les  animaux  apprivoisés  et  les  oiseaux  qui  gazouil- 
laient doucement  dans  le  feuillage  ^.L'ancien  répertoire  u*est  pas  tout  à 
£adt  abandonné  ,  mais  les  effets  comiques  ont  besoin  d*être  soutenus  et 
couronnés  par  les  effets  matériels  du  spectacle.  On  donne  VIncendie , 
comédie  togata  du  vieil  Âfranius  ;  mais,  à  la  fin,  on  meltra  véritablement 
le  feu  aux  maisons ,  et  les  comédiens  auront  la  permission  de  les  pilier 
et  d*emporter  pour  eux  les  meubles  qu'ils  auront  pris  ^.  Si  le  sang  coule 
dans  les  jeux  scéniques ,  faction  devient  plus  piquante  pour  les  Ro- 
mains, et  rien  ne  manque  à  leur  satisfaction.  Un  Icare  tombe  du  haut 
des  airs,  et  soudain  un  ours  s'élance  et  le  dévore.  Lauréolus,  dans  la 
pièce  de  ce  nom ,  finit  par  subir  le  supplice  des  esclaves  pour  toutes 
ses  friponneries;  Domitien  fait  réellement  clouera  une  croix  un  Lau- 
réolus ,  et  \me  bête  féroce  déchire  le  patient  aux  yeux  des  spectateurs. 
Que  le  dévouement,  de  Mucius  Scévola  fournisse  le  sujet  d'une  panto- 
mime; un  condamné' sera  contraint,  pour  se  racheter  de  la  mort,  d'a- 
chever le  rôle  -de  Mucius,  et  de  brûler  sa  main  sur  le  foyer  de  Por- 
senna.  Cet  indigne  peuple ,  et  ces  princes  plus  indignes  encore ,  ne 
trouvaient  dans  les  souvenirs  de  l'héroïsme  antique  rien  qu'une  occa- 
sion d'outrager  rhumanité ,  et  de  mêler  le  supplice  profana  du  crime 
aux  fêtes  de  l'empire.  Et  c'est  le  poète  Martial  qui  retrace ,  qui  admire , 
qui  célèbre  de  pareils  spectacles^.  Ainsi,  tournant  sans  cesse  dans  un 
cercle  vicieux  de  dépravation,  oii  le  mal  réagit  sur  ses  propres  causes 
pour  les  empirer  encore,  les  Romains  ont  perverti ,  par  leurs  brutales 
férocités,  tous  les  jeux  publics,  et  les  jeux  publics  irritent  leur  férocité 
et  contribuent  à  les  abrutir.  i 

Si  l'arène  et  le  théâtre  corrompant  les  cœurs  des  hommes,  au  moins 
l'élite  de  la  jeunesse  qui  fréquente  les  écoles  pourra-t-elle  s'y  former 
l'esprit,  et  puisera-t-elle  dans  l'enseignement  public  des  idées  saines, 
solides,  vraies?  Ici,  un  écrivain  de  l'époque  .même ,  spirituel  observa- 
teur, nous  conduit  parla  main  dans  un  de  ces  gymnases  .littéraires,  et 
c'est  lui  qui  prend  la  parole  ^  : 

*  Win.  Epist  IX,  17.  —  '  Mari,  de  Spect  Epig.  16 ,  ai.  —  "  Suet.  in  Néron,  11. 
—  *  Mark,  de  Spect  Epig.  7  ;  lib.  X,  a5.  —  '  Petron.  Saftr. 

9»- 


754  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Est-ce  donc  un  autre  genre  de  manie  qui  possède  vos  dédamateurs  lorsqu'ils 
s*écrient  :  •  Voyez  les  blessures  reçues  en  défendant  la  liberté;  cet  œil  perdu  pour 
vous  :  donnez-moi  donc  un  soutien  qui  me  ramène  à  mes  enfieuats ,  puisque  mon 
îarret  coupé  ne  peut  plus  me  porter?  >  Encore  si  ces  lieux  communs  menaient  à 
Vâoqnence  !  Mais ,  et  de  cette  exagération  dans  les  faits  et  de  ce  vain  bruit  de  sen- 
tences, tout  ce  qui  résulte  est  que,  en  arrivant  au  forum,  les  élèves  se  trouvent 
dans  un  monde  tout  nouveau  ;  et  c*est ,  à  mon  avis«  ce  qui  dans  les  classes  tourne 
la  tète  aux  jeunes  gens  :  ils  n*y  entendent ,  ils  n'y  apprennent  rien  de  ce  qui  est 
d'un  usage  nabituel;  mais  ce  sont  toujours  des  pirates  enchaînés  sur  la  rive;  des 
tyrans ,  dont  les  édits  commandent  à  des  enfants  a  apporter  la  tète  de  leur  père  ;  des 
oracles  ,  qui,  pour  apaiser  la  peste,  ordonnent  d immoler  plus  d'une  vierge; 
enfin,  des  périodes  doucereusement  arrondies,  des  termes  et  des  traits  que  partout 
le  sésame  et  le  pavot  assaisonnent.  J^éduit  a  cette  nourriture ,  on  ne  peut  pas  plus 
se  former  le  goût  qu'on  ne  contracte  une  bonne  odeur  dans  la  cuisine.  Professeurs, 
souffrez  que  je  le  dise  :  vous ,  les  premiers  de  tous ,  avez  perdu  Téloquence.  For- 
mant, par  des  sons  vides  et  légers ,  je  ne  sais  quels  jeux  fantastiques ,  vous  avez  fait 
que  le  corps  du  discours  tombât  énervé. 

Le  maître  se  défend  : 

A  qui  donc  attribuer  le  blâme  ?  Aux  parents ,  qui  ne  veulent  point  d'une  sévérité , 
seule  profitable  à  leurs  fils,  et  qui,  de  ces  chères  espérances,  conune  de  tout  le 
reste ,  font  un  sacrifice  à  leur  ambition.  Dans  le  désir  de  hâter  la  fortune ,  ils 
envoient  au  barreau  des  fiiiits  d'étude  encore  verts;  et  du  manteau  de  l'élo- 
quence ,  cette  parure,  de  leur  aveu ,  si  superbe,  ils  prétendent  revêtir  des  enfants  à 
peine  nés.  S'ils  donnaient  le  loisir  de  marquer  des  degrés  au  travail ,  afin  que  par 
des  lectures  sérieuses  Tardeur  d'un  jeune  homme  studieux  se  réglât,  et  qu*il 
formât  son  esprit  par  les  conseib  de  la  raison ,  qu'il  travaillât  ses  expressions ,  qu'il 
écoutât  longtemps  avant  de  choisir  un  modèle ,  et  n'admirât  rien  de  ce  qui  séduit 
les  enfants,  alors  reparaîtrait  cette  gravité  majestueuse  de  la  grande  élocution. 
Mais  aujourd'hui  on  passe  l'enfance  à  badiner  dans  les  classes ,  la  jeunesse  à  se 
faire  siffler  au  barreau  ;  et ,  ce  qui  est  encore  pis ,  nul  dans  sa  vieillesse  ne  veut  con- 
venir d'avoir  été  mal  élevé. 

Cette  critique  ingénieuse  de  la  doctrine  des  rhéteurs  n'était  que 
trop  exacte ,  et  malheureusement  l'éloquence  n'avait  plus  d'autre  école. 
Depuis  qu'au  forum  la  tribune  n  existait  que  comme  un  vieux  monu- 
ment, ou  était  masquée  peut-être  par  la  boutique  d'un  changeur  ou  d'un 
marchand  d'essences,  depuis  qu'au  sénat  on  ne  s^évertuait  qu'à  ima- 
giner des  tournures  nouvelles  de  flatterie,  l'art  de  la  parole  s'était 
changé  en  exercice  de  parade,  en  ridicule  jonglerie.  Il  ne  s'agissait  plus 
de  persuader,  mais  de  briller.  Les  sujets  des  exercices  oratoires  étaient 
des  fictions  bizarrement  compliquées,  et  non  plus  des  intérêts  réels.  On 
faisait  étalage  de  sentences,  de  périodes,  d'antithèses,  d'épigrammes. 
On  s'escrimait  dans  les  classes,  dans  des  auditoires  bénévoles,  comme 


DÉCEMBRE  1858.  735 

des  athlètes  dam  une  palestre.  Les  orateurs  avaient  disparu  ;  en  leur 
place  on  voyait  pulluler  les  déclamateiurs. 

Les  sciences  mathématiques  n'entraient  point  dans  le  cercle  de  Tins* 
truction.  Les  professeurs  d'arithmétique  et  de  géométrie  étaient  exclus 
par  les  lois  des  immunités  auxquelles  participaient  les  professeurs  de 
grammaire,  de  rhétorique  et  de  philosophie ^  Les  grammairiens  s'at- 
tachaient à  enseigner  les  subtilités  de  l'érudition  philologique  et  les 
finesses  de  la  mythologie ,  plus  qu'à  &ire  sentir  les  beautés  des  auteurs 
qu'ils  expliquaient.  Une  philosophie  plus  spéculative  que  morale ,  plus 
disputeuse  qu'instructive ,  donnait  aux  esprits  une  .occupation  sérieuse- 
ment frivole  et  sans  fruit.  «  Nos  instituteurs  font  de  nous  des  discou- 
reurs, et  non  des  hommes,  d  disait  Sénèque,  non  vitœ,  sed  scholœ  disci- 
mus.  On  n'étendait  point  par  le  progrès  et  la  difiusion  dés  connaissances 
positives  la  sphère  des  idées  actives  et  substantielles ,  et  moins  on 
avait  à  dire  plus  on  apprenait  à  parier. 

Que  si  l'on  me  reprochait  d'avoir  fait  dans  ce  discours  une  satire  au 
lieu  de  tracer  un  aperçu  historique ,  j'invoquerais  le  témoignage  des 
Romains  eux-mêmes. 

J'ai  présenté  ici  la  vérité  dans  son  eCBrayante  laideur  ;  mais  il  n'y  a 
pas  un  seul  trait  du  tableau  qui  ne  soit  fourni  par  un  auteur  contempo- 
rain. On  ne  peut  pas  révoquer  en  doute  les  fiireurs  du  despotisme,  l'im- 
pudicité  et  la  barbarie  des  spectacles,  les  dé&uts  de  Téducation  publique , 
l'immoralité  de  la  vie  privée  des  riches ,  le  stupide  désœuvrement  de  la 
multitude.  Il  est  vrai  que  ce  débordement  de  vices  odieux  n'était  point 
sans  compensation.  Et  comment  la  société  aurait-elle  pu  subsister  au- 
trement? On  croit  encore  à  la  probité,  à  la  sagesse ,  en  lisant  la  cor- 
respondance de  Pline  avec  sas  amis.  Les  noms  de  Barea  Soranus, 
dllelvidius,  d'Agricola  et  d'autres  gens  de  bien,  non  moins  estimables , 
quoique  moins  célèbres,  qui  se  rencontrent  dans  les  pages  de  Tacite, 
consolent  un  moment  ses  lecteurs;  et  lorsqu'il  prétend  que  Néron  avait 
éteint  la  vertu  dans  Rome  avec  Thraséas ,  lui-même  suffirait  pour  prou- 
ver quelle  survivait  à  ce  grand  homme.  Mais  ,  il  faut  l'avouer,  dans  la 
constitution  vieillie  de  ce  corps  politique  les  éléments  salutaires  étaient 
rares,  les  causes  de  dépérissement  avaient  une  e£froyable  prépondé- 
rance. 

Les  Romains  avilis  recueillaient  l'héritage  des  injustices ,  des  violen- 
ces ,  des  rapines  de  leurs  ancêtres.  Rome  avait  dévoré  la  substance  des 
peuples  ;  Rome  avait  englouti  leurs  richesses;  les  dépouilles  du  monde 

'  Jtfém.  de  VAoad,  àm  imcr.  t.  IX,  p.  AaA  (nouvdle  série). 


736  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

entier  s*étaient  accumulées  au  sein  de  cette  ville  despotique  pour  lui 
servir  de  parure  dans  ses  triomphes.  Mais  ces  dépouilles  devinrent 
funestes  aux  spoliateurs  ;  elles  étaient  comme  empoisonnées  ;  elles  por- 
taient en  elles  la  mort.  Avec  elles  aussitôt  là  cupidité,  le  lute,  la  soif 
de  commander,  la  vénalité ,  la  perfidie ,  le  mépris  des  dieux ,  des  ser- 
ments ,  des  lois ,  tous  les  vices  et  tous  les  crimes  infectèrent  la  superbe 
Rome.  Le  peuple,  oisif  et  voluptueux,  se  vendit  pour  des  spectacles  et 
du  pain  à  des  maîtres  qui  le  revendirent  à  une  soldatesque  avare  et 
sanguinaire.  Ainsi  se  consomma  Tœuvre  de  la  destruction ,  et  les  dé- 
bris de  l'univers  retombèrent  sur  les  dévastateurs.  Les  guerres  civiles 
firent  justice  des  guerres  de  conquête  ,  et  Tasservissement  du  peuple- 
roi  vengea  les  injures  de  la  nature  humaine.  Il  succomba  sans  di- 
gnité, sans  consolation,  flétri  et  dégradé  par  lui-même;  et  de  ses  gran* 
deurs  insolentes  il  ne  lui  resta  qu'une  &stueusè  opulence ,  qui  le  livrait 
en  proie  aux  brigandages  des  armées  mercenaires,  et  la  paresse  avec  la 
vanité,  qui  le  rendirent  incorrigible. 

Tels  furent  Tétat  politique,  les  mœurs  privées  de  la  cité  romaine, 
tandis  qu  elle  déclinait  vers  la  décrépitude  ;  c'est  ainsi  que  la  littérature 
fut  pervertie  par  l'influence  des  hommes  qui  n'écrivaient  pas. 

J.  NAUDET. 


Troisième  supplébcent  à  la  Notice  sur  quelques  médailles  grecques 

inédites  de  rois  de  la  Bactriane  et  de  PInde. 

Lorsque  je  publiais,  au  commencement  de  l'année  1 836,  un  second 
choix  de  médailles  grecques  et  bilingues  de  rois  de  la  Bactriane  et  de 
rinde,  qui  faisaient  partie  de  la  collection  de  M.  le  général  Allard,  en- 
trée à  cette  époque  dans  notre  Cabinet  des  médailles ,  j'énonçais  l'espé- 
rance que  cette  branche  de  la  numismatique  grecque,  restée  si  longtemps 
pauvre  et  statipnnaii'e,  mais  devenue  tout  d'un  coup  d'une  richesse 
qui  était  un  événement  et  presque  un  embarras  pour  la  science,  ne 
manquerait  pas  de  recevoir,  par  l'effet  de  ces  découvertes ,  commencées 
avec  tant  de  bonheur  et  poursuivies  avec  tant  de  tèle ,  de  nouveaux  et 
considérables  accroissements.  Cette  espérance  n'a  point  été  trompée; 
et  trois  années  s'étaient  à  peine  écoulées,  que  nous  nous  trouvions  déjà 
en  possession  de  deux  collections  qui  augmentent  encore  notre  liste  de 


DECEMBRE  1858.  737 

rois  de  la,  Baetriane  Qt  de  Tlnde»  et  qui»  par  cette  multiplicité  de  règnes 
et  de  noms  de  princes  appartenant  à  des  contrées  voisines  et  à  des 
époques  contemporaines»  ajoutent  auxidiiBcultés  du  problème  en  même 
temps  qu*aux  ressources  de  la  science.  Ces  deux  collections  formées , 
dans  Y  Afghanistan  et  le  Pet^ab ,  par  deux  hommes  dont  le  nom  et  les  ser- 
vices scientifiques  ne  sont  étrangers  à  aucim  de  nos  lecteurs,  M.  Masson 
et  M.  le  général  Court,  ont  été  apportées  en  Eitfope  pour  y  recevoir 
toute  l'illustration  qu  elles  méritent.  La  première ,  devenue  la  propriété 
de  la  Compagnie  des  Indes  Britanniques»  se  trouve  maintenant  à  Londres  ; 
elle  se  monte  à  plusieurs  milliers  de  médailles,  dontla  plus  grande  partie, 
à  la  vérité ,  consiste  en  répétitions  de  pièces  de  bronse ,  de  la  fabrique 
la  plus  commune,  et  dont  un  choix,  pris  parmi  les  monuments  les  plus 
rares,  au  nombre  de  tx'ente-cinq,  vient  d'être  publié  par  le  célèbre  pro- 
fesseur Wilson»  dans  un  numéro  du  JVamûnuUtc  Jour  nul,  january  1 838, 
Sxvm,  p.  i&À'-i8i.  La  seconde  a  été  envoyée  à  Paris  pour  être  pro- 
posée au  gouvernen>ent  français  :  elle  se  compose  denviron  quatre  cent 
cinquante  pièces ,  dont  les  deux  tiers  seulement  appartiennent  aux  séries 
grecques  bactriennes  etindo-scythiques,  et  le  reste,  aux  suites  des  rois 
Parlhes,  Arsacides  etSassanides,  avec  quelques  pièces  arabes,  persanes 
et  indiennes.  C'est  cette  seconde  collection  que  j  ai  eu  la  faculté  d'exa- 
miner à  loisir,  et  dont  je  vais  faire  connaître  les  pièces  principales  à 
nos  lecteurs ,  pour  compléter,  autant  qu  il  peut  dépendre  de  moi ,  leur 
instruction  sur  ce  point  d'antiquité,  l'un  de  ceux  qui,  dans  le  coiu*s  des 
dernières  années ,  ont  le  plus  vivement  excité  l'intérêt  de  toute  l'Europe 
savante. 

Mais  avant  de  donner  la  description  de  ces  médailles,  et  d'y  joindre, 
suivant  notre  usage,  le  petit  nombre  d'éclaircissements  qu'elles  com* 
portent,  nous  devons  mettre  nos  lecteurs  au  courant  de  quelques  tra- 
vaux dont  ces  monuments ,  envisagés  sous  fdusieurs  aspects ,  ont  fourni 
la  matière  aux  savants  de  Tlnde  et  de  l'Europe.  En  premier  lieu,  je 
signalerai  à  leur  intérêt  les  mémoires  que  l'habile  et  zélé  secrétaire  de  la 
Société  Asiatique  du  Bengale,  M.  James  Prinsep,  a  continué  de  publier 
dans  le  Journal  de  cette  société,  et  qui  se  lisent  aux  tomes' ÏV,  n"  Aa  et 
4 7,  et  V,  n**  57.  A  l'avantage  d*avoir  fait  connaître  le  premier  par 
des  dessins  aussi  satisfaisants  que  possible  des  monuments  si  remar- 
quables à  tant  de  titres,  avantage  qu'il  devait  à  sa  position,  ce  savant 
a  joint  le  mérite,  qui  lui  appartient  en  propre,  dWvrir  la  voie  au  dé- 
chifiBrement  et  à  l'interprétation  des  inscriptions  en  caractères  indo- 
bactriens ,  qui  ont  été  pour  la  science  une  source  non  encore  épuisée 
de  révélations  aussi  nouvelles  qu'inattendues.  M.  Masson  s'est  acquis  un 


758  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

titre  presque  égal  à  la  reconnaifisance  des  antiquaires  par  son  zèle  à  re- 
cueillir dans  les  localités  voisines  de  Cahoal,  particulièrement  sur  le  site 
classique  de  Beghram ,  les  médailles  qui  formaient  sa  belle  et  nombreuse 
collection,  et  à  publier»  dans  le  même  Journal  de  la  Société  Asiatique  du 
Bengale ,  celles  de  ces  médailles  qui  o£Braient  le  plus  d'intérêt  sous  le 
double  rapport  de  la  philologie  et  de  l'histoire ,  par  les  noms  nouveaux 
qu  elles  présentent  et  par  les  titres  qui  les  accompagnent  ^  A  mesure 
que  ces  publications  de  llnde  arrivaient  en  Europe,  et  que  quelques- 
uns  des  monuments  mêmes ,  tels  que  ceux  de  la  collection  Honigberger 
et  de  la  collection  du  général  AUard,  publiés  par  nous,  servaient  à  les 
compléter  sur  plusieurs  points  et  à  les  rectifier  sur  quelques  autres ,  des 
antiquaires  de  profession  s'efforçaient  d'établir,  dans  cette  foule  de  monu- 
ments numismatiques  sortis  inopinément  du  sol  de  Tlnde  et  pour  ainsi 
dire  en  dehors  du  domaine  de  l'histoire,  une  classification  qui,  dans  le 
temps  comme  dans  l'espace ,  sous  le  rapport  de  la  chronologie  comme 
sous  celui  de  la  géographie ,  devenait  de  plus  en  plus  difficile  et  com- 
pliquée. Parmi  ces  savants  qui  se  sont  livrés  à  cette  œuvre  laborieuse 
avec  le  plus  de  mérite  et  de  succès ,  je  citerai  principalement  feu  notre 
compatriote  M.  Jacquet,  aux  premiers  travaux  duquel  je  m'étais  plu  à 
rendre  un  hommage  ^  qui  s'est  converti  en  regrets  depuis  que  la  fin  pré- 
maturée de  ce  jeune  {Pologne  nous  a  privés  de  la  suite  de  ses  re- 
cherches, imprimées  dans  le  Nouveau  Journal  de  la  Société  Asiatique  de 
Paris  ^.  Je  citerai  en  second  lieu  deux  savants  allemands,  M.  Grotefend , 
le  fils,  et  M.  Arneth,  qui  se  sont  occupés  l'un  et  l'autre,  avec  un  soin  digne 
de  la  haute  expérience  numismatique  qu'ils  possèdent ,  de  la  dassification 
de  nos  médailles  bactriennes  et  indo-scy thiques ,  le  premier,  dans  le 
Journal  Numismatique  qu'il  publie  à  Hanovre^,  le  second,  dans  les  Annales 
littéiwes  qui  s'impriment  à  Vienne  ^.  Presque  dans  le  même  temps, 
deux  savants  bien  recommandables  à  des  titres  divers,  M.  Wilson  et 
M.  K.  Ott.  Mûller,  se  livraient  à  une  appréciation  raisonnée  des  monu- 
ments déjà  connus ,  d'après  les  publications  de  M.  J.  Prinsep  et  d'après 

^  Voyez,  dans  le  Joam.  oftheAsiat  Societ  i836,  deux  Mémoires  de  M.  Masson , 
Onthe  ancient  Coins  foani  at  Beghram,  t.  V,  p.  i-a8,  pi.  wv,  et  p.  537-554.  pl*  xxxv. 
—  •Voyez,  Journal  de$  Savants,  février  i836,  p.  70,  i).  —  '  Journal  Asiatique, 
septembre  i836,  p.  334-277;  Dovembre  1807,  p.  4oi  -44o;  février  i838, 
p.  163-197.  Ces  trois  articles,  qui  ne  complètent  pas  encore  le  travail  de  M.  Jac- 
quet, sont  relatiis  aux  Dicouoertes  archéologiques  au  1/  Honigberger  ;  la  Notice  des 
médailles  de  la  collection  de  M.  le  général  Allard  se  trouve,  ihid. ,  février  i836, 
p.  laa-igp;  et  cette  partie  même  du  travail  de  M.  Jacquet  est  restée  iocomplète.  — 
^BlàtterzurMànzkunde,  i835,  n.  xiv,  et  i836,  n.  xxvi.  -»  *  Wien.  Jakrb.  d.  Littéral, 
Bd.  LXXX. 


DÉCEMBRE  1858.  739 

les  nôtres.  Le  traTaîl  de  M.  Wilson ,  inséré,  comme  je  Tai  dit  plus  haut, 
dans  le  septième  numéro  du  Journal  Numismatique  de  Londres,  arait  été 
entrepris  à  Toccasion  de  Tenvoi  feit  en  Angleterre  de  la  collection  de 
M.  Masson ,  et  il  était  accompagné  d'un  choix  de  médailles ,  les  plus 
neuves  et  les  plus  importantes  de  cette  collection ,  distribuées  sur  trois 
planches ,  sans  aucun  égard  à  un  ordre  chronologique  quelconque.  Les 
observations  de  M.  K.  Ott.  MûUer,  rédigées  d'une  manière  infiniment 
plus  critique ,  et  portant  sur  la  suite  entière  des  monuments  connus  jus- 
qu'à cette  époque,  particulièrement  d'après  les  travaux  de  M.  J.  Prinsep 
et  d'après  les  miei»,  sont  intitulées,  ùalcatta  and  Paris ^  et  elles  rem- 
plissent plusieurs  numéros  du  Joumsd  Scientifique  de  Gœttingue  ^ .  Le  sa- 
vant auteur  s'y  est  principalement  proposé  pour  objet  de  tirer  de  cette  suite 
nombreuse  de  monuments  numismatiques ,  bactriens-grecs ,  grecs-indo- 
scy  thiques  et  indiens ,  les  résultats  qui  peuvent  être  admis  avec  le  plus 
de  sûreté  et  qui  intéressent  le  plus  l'histoire  et  la  succession  des  dynas- 
ties ,  la  connaissance  des  faits  et  des  systèmes  religieux;  et  déjà  quelques- 
uns  de  ces  résultats  ont  passé  dans  la  science,  comme  le  prouve  l'usage 
que  vient  d'en  Ëdre  l'âlustre  M.  Fr.  Creuzer  dans  sa  docte  Dissertation  sur 
le  ilfîffcr^iuii réeenunent découvert  à  Neuenheim^.  Mais,  pour  en  revenir 
aux  travaux  de  MM.  Wilson  et  K .  Ott.  Mtdler ,  l'un  et  l'autre  de  ces  savants 
se  sont  trouvés  naturellement  dans  le  cas  d'exprimer  sur  plusieurs  points 
des  idées  différentes  des  nôtres,  en  s'autorisant,  soit  de  monuments  dé- 
couverts postérieurement  à  ceux  que  nous  avions  feit  connaître ,  soit 
de  considérations  qui  leiu*  étaient  propres;  et  nous  aurions  nous-même 
plus  d'une  rectification  et  plus  d'une  vue  nouvelle  à  proposer,  au  sujet  de 
quelques-uns  de  ces  monuments,  qui  d'abord  n'étaient  venus  entre  nos 
mains  qu'en  un  ou  deux  exemplaires  trop  maltraités  par  le  temps ,  et  qui , 
depuis ,  ont  apparu  en  nomHre  plus  ou  moins  considérable  et  en  un  bien 
meilleur  état  de  conservation.  La  science  avait  donc  gagné  beaucoup  au 
travail  de  M.  K.  Ott.  Mûller,  et  elle  se  trouvait  encore  enrichie  par  celui 
de  M.  Wilson.  Je  ne  parie  pas  de  la  publication  faite  par  M.  Mionnet, 
dans  le  huitième  volume  de  son  Supplément,  des  principales  médailles  de 
la  suite  bactrienne  de  notre  Cabinet,  et  qui,  ne  consistant  qu'en  une 
simple  description  de  monuments ,  tous  déjà  connus ,  et,  du  reste,  sans 
aucune  vue  systématique ,  n'avait  apporté  aucun  élément  nouveau  à  la 
question  qui  concerne  la  distribution  chronologique  de  ces  monuments. 

^  Gôitinguche  gelehrte  Angeigen,  Februar  i838,  St.  a  1-97,  S.  aoi-a5a.  —  *  Das 
Mithrêum  von  Nêuenh$im  hei  Éeideïkerg  êrïâutert  von  U  Fr.  Creuzer.  Heidelberg, 
i838,  S.  17-38,  Anmerk.  17),  S.  68. 

9a 


740         JOURNAL  DES  SAVANTS. 


Mais  je  signalerai  enà&nmr  \ién  deux  outrage»  importants  qui  se  rat- 
tachent directement  à  rintdyiigeneé  de  m^  médailles  et  à  ihistoire  des 
dynasties  dont  elles  sont  Touvrage  :  c'est  celui  de  M,  Ch^  Ritter,  sur  les 
Stupas  ou  Topes,  dont  un  de  nos  savants  coofrèrea  a  déjà  commencé 
à  donner,  dans  ce  journal  même  ^  une  analyse  raisonnée,  et  le  livre 
de  M.  Lassen  wr  Thistoire  des  rois  grecs  et  indo-seythiquea  de  la  Bac- 
triane  et  de  Tlnde^,  livre  où  le  savant  auteur  s  est  principalement  attaché 
à  fixer  Talphabet  des  légendes  haotriennes,  et  à  tirer  du  déchiflrementde 
ces  légendes  des  notions  historiques  qui  pussent  servir  au  rétablissement 
et  à  la  classification  des  dynasties  dont  nos  médailles  sont  presque  les 
seuls  monuments  qui  se  soient  conservés  sur  la  terre*  Je  me  home  à  citer 
ici  le  livre  de  M.  LÂssen,  sur  lequdj  aurai  plus  d'une  fois  à  revenir  dans 
le  cours  de  mon  travail. 

Il  s  agit  maintenant  de  faire  connaître  à  nos  lecteurs  les  principales 
médailles  de  la  collection  de  M.  le  général  Court  que  j*ai  eues  à  ma 
disposition.  Plusieurs  de  ces  monuments  ont  été  déjà  publiés  par 
M.  J.  EVinsep  dans  le  Journal  Asiatique  de  Cidcutta,  soit  d'après  lexem- 
plaire  même  de  cette  collection,  qui  se  trouvait  alora  et  qui  est  encore 
unique  aujourd'hui,  soit  d'iqvès  une  seconde  médaille  du  même  coin, 
provenant  d'autres  collections  formées  dans  Tlnde  ;  mais  la  publication 
due  aux  soins  de  M.  Prinsep,  dans  un  journal  tel  que  celui  de  la 
Société  Asiatique  du  Bengale,  qui  s'imprime  à  Calcatta  et  ne  circule  en 
Europe  que  dans  un  trop  petit  nonaibre  de  mains,  e^  nécessairement 
trèa-bomée;  sans  compter  que  l'habileté  des  dessinateurs  de  l'Inde  est 
souvent  en  déSaut,  quand  ila'agit  de  reproduire  des  monuments  de  fart 
antique,  d'une  conservation  presque  toujours  aases  défectueuse;  en 
sorte  qu'à  plusieurs  égards  les  monuments  que  je  publierai  après 
M.  J.  Prinsep  seront  nouveaux  pour  beaucoup  de  nos  lecteurs.  Û  en 
sera  de  même ,  à  plus  forte  raison ,  de  quelques  autres  de  ces  médailles 
de  la  collection  de  M.  le  général  Court,  qui  sont  encore  tout  à  fait 
inédites,  et  qui  ajoutent,  soit  des  éléments  absolument  nouveaux  à 
notre  numismatique  gréco^bactrienne ,  soit  des  circonstances  nouvelles 
h  des  faits  déjà  connus  ;  et ,  sous  ce  double  rapport ,  j'ose  me  flatter  que 
la  descripticMi  que  je  vais  donner  de  ces  monuments  si  précieux  et  si 
rares  sera  de  quelque,  intérêt  pour  nos  lecteurs  et  de  quelque  profit  pour 
la  science.  Je  ne  regrette  qu'une  chose,  dans  ce  double  intérêt,  c'est 

'  Joam.  des  Sav,  septembre  i838,  p.  54a-55Â.  —  *  Ce  livre  est  intituié:  Zur 
Geâchichte  d$r  Griechisehe  and  Indoskythiscien  Kânige  in  Bdctrien,  Kahal  and  Indien, 
darch  Entz^erttug  der  altkahalischen  Legenden  at^f  ihren  Mûnzen,  von  Cbr.  Lassen. 
Bonn,  i838,  S.  i-vi ,  i-a84 ;  in-8^ 


742  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

il  en  résulte  une  présomption  de  plus  à  l'appui  des  rapports  qui  lient 
la  dynastie  d'Apollodote  et  d'Eucratide  à  celle  d'Euthydème ,  et  les  deux 
premières  entre  elles.  Deux  autres  médailles,  récemment  découvertes, 
d'Euthydème,  confirment  encore  ces  rapports,  en  y  ajoutant  un  élé- 
ment nouveau.  La  première  est  un  beau  tétradrachme ,  qui  se  trouve 
dans  le  cabinet  du  îy  Swiney,  et  qui  a  été  publié  par  M.  J.  Prinsep  *. 
On  y  voit ,  d'un  côté  ,  un  portrait  de  Roi  qui  paraît  jeune  et  imberbe,  la 
tête  diadémée  et  toiunée  à  gauche ,  le  commencement  du  buste  vêtu  de  la 
chlamyde;  au  revers,  une  figure  d'flercafe,  nu,  debout,  de  fece,  portant 
de  la  main  gauche  la  massue  et  la  peuu  de  Uon,  et  tenant  de  la  main  droite 
une  couronne;  dans  le  champ,  de  chaque  coté  de  la  figure,  se  lit  l'inscrip- 
tion grecque,  BA2IA£û£  EYeYAHMOY,  (monnaie)  du  Roi  Euikydème, 
avec  la  lettre  ^ ,  gravée  près  des  pieds  de  la  figure.  Or,  ce  qui  est  firap- 
pant,  au  premier  aspect  de  cette  belle  médaille,  pour  toute  personne  ver- 
sée dans  la  numismatique,  c'est  l'analogie  de  style,  de  travail  et  de  fa- 
brique qu'elle  offre  avec  notre  superbe  tétradrachme  d'Agathocle.  Cette 
analogie  serait  sans  doute  encore  plus  forte  et  plus  sensible,  si  l'opération 
malheureuse  qu'on  fit  subir  à  ce  médaillon ,  en  le  mettant  au  feu  pour 
s'assurer  qu'il  était  bien  d'argent ,  n'en  avait  pas  altéré  la  surface  et  défi- 
guré un  peu  le  profil ,  de  l'aveu  de  M.  Prinsep  lui-même.  Mais ,  tel  qu'il 
est ,  il  appartient  évidemment  à  une  fabrique  si  semblable  à  celle  d'Aga- 
thocle qu'on  pourrait,  au  premier  aperçu ,  et  abstraction  faite  de  l'ins- 
cription ,  qui  ne  permet  pas  de  méconnaître  son  attribution ,  le  regarder 
comme  faisant  partie  de  la  suite  même  d'Agathocle;  et  ce  qui  vient  encore 
à  l'appui  de  cette  analogie  si  frappante ,  c'est  que  la  lettre  ou  mono- 
gramme ^,  qui  se  lit  dans  le  champ  du  revers,  est  le  même  signe  qui 
s'est  déjà  rencontré,  précisément  à  la  même  place,  sur  notre  tétradrachme 
d'Agathocle  et  sur  notre  charmant  trioboie  de  Démétrius  ^.  Ce  signe  mo- 
nétaire ,  empreint  sur  la  monnaie  d'Euthydème  et  reproduit  siu*  celle  de 
Démétrius ,  devient  une  preuve  palpable  des  rapports  historiques  qui 
lient  ces  deux  souverains  de  la  Bactriane,  dont  l'un  était  le  fils  de  l'autre  ; 
et  le  même  signe  gravé  sur  la  monnaie  d'Agathocle  devient  aussi,  avec  la 
fabrique  et  le  travail ,  un  élément  numismatique  de  plus  à  l'appui  des  re- 
lations qui  durent  exister  entre  Agathocle ,  le  fondateur  présumé  de  la 
première  dynastie  des  Grecs  de  la  Bactriane,  et  la  fiaimille  d'Euthydème, 

*  Journ,  qf  the  Asiat,  Soc,  of  Bengale,  t.  V,  p.  72 1,  pi.  xlti,  n*  3.  —  *  Deuje. 
Supplém.  planche,  n"  a ,  p.  16.  Le  type  du  tétradrachme  précédemment  décrit  d*Eu- 
thydème  était  déjà  connu  par  la  drachme  d*argent  de  notre  Cabinet,  que  j*ai 
publiée ,  Prem,  Sappl  pi.  n ,  n"  3 ,  p.  6.  Mais  la  lettre  L,  empreinte  sm*  cette  pièce , 
diffère  de  celle  qui  se  trouve  sur  le  tétradrachme  du  D*  Swiney,  et  qui  est  un  4. 


DÉCEMBRE   1858.  745 

successeur  d' Agathocle  et  père  de  Démétrius.  D'après  cet  exemple ,  on 
peut  apprécier  Timportance  qui  s  attache  aux  signes  monétaires  dont  il 
s  agit,  quand  il  s  y  joint,  comme  dans  ce  cas-ci,  les  indices  fournis  par 
la  fabrique  et  par  le  style  des  monuments. 

L'autre  médaille  d*Euthydème,  récemment  acquise  à  la  science,  que 
j*ai  dû  signaler  ici  comme  offrant  une  nouvelle  preuve  de  ces  rapports 
numismatiques ,  qui  deviennent  autant  de  témoignages  directs  de  la  re- 
lation historique  des  princes  auxquels  elles  appartiennent,  cest  une 
pièce  de  bronze  ayant  pour  type  principal  une  Tête  barbue ,  tournée  à 
droite ,  qui  parait  laurée,  et  au  revers ,  un  Qieval  galopant  à  droite ,  avec 
la  légende  grecque  :  basiaeûS  EreTAHMOY.  Trois  exemplaires  de  cette 
rare  médaUle,  provenant  de  Beghram  et  de  Jelahbad,  se  trouvaient  dans 
la  collection  de  M.  Masson  qui  les  a  publiés  ^;  le  même  type  existe  aussi 
sur  des  médailles ,  pareillement  de  bronze ,  mais  de  moindre  module  ^, 
dont  un  exemplaire,  &isant  aussi  partie  de  la  collection  de  M.  Masson ,  a 
été  reproduit  d'une  manière  plus  fidèle  ou  d'après  un  meilleur  dessin , 
par  les  soins  de  M.Prinsep.  La  Tête  barbue,  qui  forme  le  type  de  ces  mé- 
dailles et  qui  est  décidément  laurée  dans  le  dessin  cité  en  dernier  lieu, 
ne  permet  pas  de  méconnaître ,  au  lieu  du  portrait  d'un  de  ces  rois ,  tou- 
jours représentés  imberbes  sur  les  monnaies  que  nous  en  possédons,  une 
tête  idéale  de  Dieu ,  et  conséquemment  de  Jupiter,  à  qui  seul  peut  convenir 
le  caractère  de  cette  tête  barbue  et  laurée.  Cela  posé,  on  saisit  ici  un  nou- 
veau rapport  entre  la  monnaie  d'Euthydème  ayant  pour  type  cette  tête 
de  Jupiter,  et  celle  d'Agathocle  où  làjigvu^e  de  Jupiter,  debout,  forme  le  type 
du  revers;  et  quant  au  Cheval  déjà  connu,  mais  à  îétat  de  repos,  sur 
d'autres  monnaies  de  bronze  de  la  Bactriane ,  frappées  sous  Eucratide , 
sous  Hermaeus  et  sous  Vononès^,  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  remarquer  la 
signification  symbolique  de  ce  type,  lié  au  culte  du  soleil,  dont  il  s'est  con- 
servé tant  d'applications  sur  les  médailles  des  villes  grecques  de  tout  âge, 
précisément  sous  la  même  forme  et  conçu  de  la  même  manière  qu'on  le 
voit  sur  notre  médaille  d'un  roi  grec  de  la  Bactriane,  c'est-à-dire ,  augalop, 

N"  a .  Tête  de  Roi ,  imberbe ,  tournée  à  gauche ,  coiffée  d'une  dé- 
pouille d éléphant,  avec  les  cheveux  ceints  d'un  diadème  noué  ^diT  derrière, 
et  le  commencement  du  buste  vêtu;  revers ,  Hercule  debout,  de  face,  en 
attitude  de  poser  sur  sa  tête  une  couronne  de  peuplier  qu'il  devait  tenir  de 

^  Journ,  of  the  Asiat  Societ,  of  Bengale,  t.  V,  p.  a  i ,  pi.  n ,  n^  i .  —  *  Ibid. 
n*  a .  —  '  Deas.  SuppUm,  p.  3o ,  i  ) ,  et  p.  60,  vign.  11 ,  n**  a  1 .  La  médaille  citée  ici 
en  premier  lieu  est  cdie  qui  est  publiée  dans  le  Joam,  oj  the  Asiat  Soc.  t.  IV,  pi.  zxi , 
n.  8 ,  mais  sans  attribution  certaine;  voy.  aussi  ibid.  t.  V,  pi.  xxxv,  n^  1 1 .  Nous  allons 
retrouver  le  même  type  du  Cheval  libre  sur  des  médailles  d^Hélioclès. 


744  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

la  main  droite ,  mais  qui  manque  parce  que  cette  partie  de  la  figure  est 
eSacée  ;  portant  de  la  main  gauche,  autour  de  laquelle  est  rpulée  la  peau 
de  lion,  sa  massue  élevée;  légende  grecque,  distribuée  en  deux  lignes  , 
BA2ÎAECX1  AHMHTPIOT,  (monnaie)  du  Roi  Démétrius:  dans  le  champ, 
le  monogramme  KPA s  tétradrachme  dune  belle  fabrique,  mais  d'une 
conservation  médiocre;  pi.  i,  n""  a.  Ce  médaillon  est  le  même  qui  fut 
publié  par  Tychsen  et  par  M.  de  Kôhler  ^ ,  et  qui  fut  longtemps  regardé 
comme  unicjue  ;  il  continuait  de  Tetra,  même  k  l'époque  où  je  publiai  ma 
Notice  et  mes  deux  Premiers  Suppléments^;  et  les  nombreuses  découvertes 
opérées  dans  le  cours  des  dernières  années,  sur  plusieurs  points  de 
YAfghanistan  et  du  Penjab,  n*en  avaient  point  encore,  à  ma  connaissance, 
procuré  un  second  exemplaire.  Celui-ci,  qui  fait  partie  de  la  collection 
de  M.  le  général  Court,  a  pour  nous  cet  avantage  de  reproduire  une  pièce 
du  premier  ordre ,  appartenant  à  la  plus  haute  époque  du  royaume 
grec  de  la  Bactriane  ;  et  c'est  par  cette  raison  que  j'ai  cru  devoir  publier 
de  nouveau  cette  médaille  d  un  si  grand  prix  et  d'une  si  excessive  rareté; 
elle  fut  acquise  dans  le  Penjab,  où  elle  circulait  encore,  munie  d'un  bé- 
lière;  et  cette  particularité,  qui  explique  l'état  dans  lequel  elle  se  trouve» 
la  rend  encore  plus  intéressante.  Une  circonstance  numismatique  sur 
laquelle  je  crois  devoir  appeler  particulièrement  l'attention  des  anti- 
quaires ,  c'est  le  monogramme  kpa  ,  gravé  dans  le  champ  du  revers. 
Ce  monogramme,  qui  se  voit  aussi  sur  l'exemplaire  publié  par  M.  de 
Kôhler,  s'était  déjà  rencontré  sur  un  beau  tétradrachme  d'Ëuthydème , 
de  la  collection  Honigberger,  que  j'ai  fait  connaître  ';  et  il  en  résulte 
ainsi  une  grave  présomption,  pour  ne  pas  dire  une  preuve  positive, 
à  l'appai  du  témoignage  historique  qui  donne  Démétrius  pour  fils  à 
Euthydème.  Or,  il  eût  suffi  de  cette  seule  considération  pour  éviter  à 
M.  Mionnet  la  fausse  combinaison  à  laquelle  il  a  eu  recotœs,  afm  de  se 
rendre  compte  des  variétés  apparentes  de  la  monnaie  de  Démétrius ,  en 
créant  un  second  Démétrius ,  différent  du  fds  d'Ëuthydème,  et  complète- 
ment inconnu  dans  l'histoire,  prince  qui  aurait  r^;né  dans  l'Inde  et  non 
dans  la  Bactriane ,  à  une  époque  bien  postérieure  à  celle  du  premier  ^.  La 
fabrique  de  notre  médaillon  de  Démétrius,  d'accord  avec  le  mono- 
gramme, signe  monétaire  emprunté  des  tétradrachmes  d'Ëuthydème, 
assigne  positivement  cette  pièce  diu  fils  d' Euthydème ^  seul  prince  du  nom 
de  Démétrius  qui  soit  connu  par  l'histoire  des  Grecs  de  la  Bactriane  ;  et 

• 

*  Tychsen,  Comm.  rec.  Gotting,  t.  VI,  p.  lO-iAt  Kôhler,  Si^lém.  aux  méd.  de  la 
Bactriane,  p.  i-8.  —  *  Notice,  p.  5,  4):  Prem,  Sa/^lém.  p.  3.  —  '  Prem.  SuppUm. 
pi.  I,  n*  3,  p.  3.  —  *  Mionnet,  Sof^lém.  t.  VIII,  p.  473  la). 


DÉCEMBRE  1858.  745 

le  style  purement  grec  de  ce  monument,  sans  compter  Tabsence  d  une 
inscription  bactrienne ,  ne  permet  pas  de  l'attribuer  à  me  époque  posté- 
rieure, qui  est  celle  où  se  produisirent  ces  sortes  de  médailles  bilingues , 
communes  en  argent  et  en  bronze ,  à  partir  des  temps  de  Ménandre  et 
d'Âpoilodote. 

N^  3.  Éléphant  en  marche  à  gauche;  type  entouré  de  trois  côtés  de 
la  légende  grecque ,  basiabox  aikâIÔt  HAlOKAEét;^,  (monnaie)  du  Roi 
Juste  Hélioclès;  revers ,  Bœuf  bossu,  tourné  à  gauche;  type  entouré  aussi 
de  trois  côtés  d  une  inscription  en  caractères  baotriens ,  qui  se  trouve 
aujourd'hui  presque  totalement  eSkcée  par  Teffet  de  la  vétusté;  pièce  de 
bronze,  de  forme  carrée  et  de  fabrique  ordinaire;  pi.  i,  n"*  3. 

C'est  là  une  pièce  inédite  et  encore  unique ,  du  plus  grand  intérêt, 
malgré  le  métal ,  qui  est  commun ,  et  la  fabrique ,  qui  est  médiocre  ;  mais 
elle  porte  le  nom  da  Roi  Juste  HéUoclès,  dont  on  ne  possédait  encore 
quune  seule  médaflle  d'argent,  du  module  de  tétradrachme,  et  seule- 
ment en  trois  ou  quatre  exemplaires  ^  ;  et  encore  n'était-te  que  par  con- 
jecture qu'on  avait  assigné  à  un  prince  de  la  Bactriane  ce  médaillon 
d'Hélioclès,  resté  sans  attribution  certaine  aux  temps  de  d'Ennery  et 
d'EckheL  Cette  conjecture,  qui  appartient  à  M.  Mionnet,  et  qui  est  cer- 
tainement une  des  idées  les  plus  heureuses  dont  la  science  soit  redevable 
à  son  expérience  numismatique,  n'avait  guère  éprouvé  de  contradictions 
que  de  la  part  de  M.  W.  de  Schlegel  ^,  dont  les  doutes  semblaient  encore 
en  dernier  lieu  partagés  jusqu'à  un  certain  point  par  M.  Wilson*;  ce  sa- 
vant reconnaissait  toutefois  qu'un  second  exemplaire  du  médaillon 
d'Hélioclès,  rapporté  de  Bofcfcara  par  le  docteur  Honîgberger,  devenait 
pour  ce  prince ,  d'ailleurs  inconnu  dans  l'histoire ,  un  titre  assuré  au 
royaume  delaBactriane.  Mais  ce  titre,  quelle  qu'en  fiit  la  valeur  véritable, 
était  bien  loin  de  la  preuve  directe,  authentique,  palpable,  que  nous 
acquérons  à  présent  par  la  pièce  que  je  décris  ;  car  cette  pièce ,  d'une 
fabrique  proprement  et  indubitablement  bactrienne,  de  cette  forme 
carrée  qui  ne  s'est  encore  rencontrée  que  sur  les  monnaies  bilingues , 
frappées  dans  la  Bactriane  et  dans  l'Inde ,  avec  une  double  empreinte , 
VÉUphant  et  le  Bœuf  bossu ,  qui  ne  peut  appartenir  qu'à  ces  régions  de 

^  Le  médaôHoaf  de  notre  Cabinet,  qai  venait  de  cdiii  de  d*Ennery,  fut  longtemps 
regardé  comme  unique.  Feu  sir  Rien.  Payne  Knight  en  possédait  un  second ,  qui 
est  décrit  dans  ses  Nummi  veteres,  p.  19^,  et  qui  a  passé  depuis  dans  le  Musée  Britan> 
nique.  D  s'en  trouve  un  troisième  dans  le  cwiuet  de  H.  Dupré,  à  Paris;  et  le  mé- 
daulon  rapiporté  de  Bcàht^a  par  le  ly  Hoikiçberger  serait  le  quatrième  ;  j*ignore 
s'il  en  existe  d*antres  dans  les  collections  de  l*Inde  et  de  FEurope.  —-  *  Voyez  ma 
Notice^  p.  4i  5).  — '  Numism.  Joum.  n*  vu,  p.  i54. 


746  JOUHNAL  DES  SAVANTS. 

la  Haute-Asie ,  porte ,  au  revers  du  titre  royal  et  de  l'épithète  connue 
d'Héliociès,  une  inscription bactrienne,  malheureusement  eiFacée,  mais 
qu^on  peut  toujours  espérer  de  voir  reproduite  en  meilleur  état,  sur  un 
second  exemplaire,  mieux  conservé,  de  la  même  médaille  ^  Il  n*est  donc 
plus  douteux  qu  Hélioclès  ne  f&t  un  de  nos  rois  grecs  de  la  Bactriane;  et 
la  pièce  de  bronze  firappée  avec  le  nom  de  ce  prince ,  que  nous  venons 
de  recouvrer,  et  qui  est  le  second  monument  numismatique  de  son 
règne,  ajoute  un  élément  nouveau  à  la  détermination  chronologique  de 
ce  r^ne,  par  cette  même  inscription  bactrienne,  par  sa  fiibrique,  par 
son  double  type  indo-bactrien,  qui  tendent  è  la  classer  dans  la  série  in- 
termédiaire entre  les  pièces  de  bronze  carrées  d'Agathocle  et  celles  de 
même  forme  de  Ménandre  et  d'ApoUodote. 

Mais  ce  n'est  pas  là  le  seul  avantage  que  nous  aura  procuré  la  décou- 
verte de  cette  rare  médaille.  Nous  lui  devrons  encore  le  moyen  de  fixer 
avec  plus  de  certitude  l'attribution  de  quelques  autres  pièces  de  bronze , 
dont  la  détermination  était  restée  indécise ,  et  qui  sont  autant  de  mo- 
numents numismatiques ,  nouvellement  acquis  à  la  science ,  du  règne 
d'Hélioclès  dans  la  Bactriane.  Deux  de  ces  médailles  ont  été  publiées  par 
M.  Masson^  ,et,  d'après  lui,  reproduites  par  M.  Mionnet^  comme  mon- 
naies barbares  attribuées  à  Hélioclès;  elles  ont  pour  type,  sur  la  face  prin- 
cipale, une  tête  de  Roi,  imberbe,  tournée  à  droite,  les  cheveux  ceints 
d'un  diadèm£  dont  les  cordons  tombent  par  derrière ,  le  commencement 
du  baste  véta  de  la  chkmyde  ;  au  revers ,  un  Cheval  libre ,  marchant  à 
gauche ,  et  une  légende  grecque,  distribuée  de  trois  côtés ,  mais  formée 
de  caractères  h  peu  près  illisibles  :  baciaby.  HmiABY.  haiiait;  ou 
bien  :  IIAEII .  lAiiA ....  AIIAIYI.  Ces  pièces  sont  de  bronze,  de  grand 
module ,  d'une  fabrique  qui  parait  purement  grecque ,  comme  l'inscrip- 
tion qu'elles  portent,  et  qui  doit  appartenir  à  une  assez  haute  époque 
du  royaume  grec  de  la  Bactriane ,  malgré  une  certaine  imperfection 
de  travail,  qui  dénote  déjà  l'influence  delà  barbarie;  c'est,  du  moins, 
ce  qu'on  pouvait  induire  de  l'aspect  de  ces  monuments ,  tels  qu'ils  sont 
représentés  dans  les  dessins  de  M.  Masson;  et  c'est  ce  que  je  puis 

'  C'est  peut-être  uo  second  exemplaire  de  cette  médaille,  si  ce  n^est  le  même, 
qui  est  venu  à  la  connaissance  de  M.  J.  Prinsep,  et  dont  il  fait  mention  dans  son 
Joum.  Asiut,  t.  VI,  p.  987,  au  nombre  des  médailles  communiquées  à  la  Société  par 
le  général  Ventura  :  «  Among  the  coins ,  besides  a  number  of  ApolloJotus  and  Me- 
■  nander,  silver,  were  a  smsol  silver  Lysias,  a  copper  coin  of  Hélioclès,  unique.  » 
Malheureusement  il  n*indique  pas  le  type  de  cette  médaUle  unique.  **  *  Journ.  of 
tke  Asiat.  Societ.  t.  III,  pi.  x,  fig.  37;  et  pi.  xi,  iig.  48.  —  '  Sapplém.  i.  VUI, 
p.  672 ,  n*'  3a  et  33. 


DÉCEMBRE   1838.  747 

dire  avec  plus  d*assurance ,  maintenant  que  j*ai  80us  les  yeux  une  de 
ces  médailles  apportée  récemment  en  Europe ,  et  acquise  pour  notre 
Cabinet ,  dont  on  trouvera  le  dessin  joint  à  cette  notice ,  pi.  i ,  n*"  3.  Le 
portrait  du  Prince  office  assez  d'analogie  avec  la  Tête  du  médaillon  d*Hé- 
lioclès,  pour  qu*on  puisse  y  reconnaître  cette  Tête,  malgré  un  travail  qui 
tient  déjà  un  peu  delà  barbarie;  la  fabrique  est  certainement  grecque , 
bien  qu'elle  sente  aussi  la  décadence  ;  mais  c  est  surtout  Tinscription 
grecque  du  revers ,  toute  défigurée  qu  elle  est  par  les  mains  à  demi  bar- 
bares dont  elle  est  Touvrage ,  qui  prouve  que  ces  médailles  appartien- 
nent bien  réellement  à  Hélioclès.  Cette  inscription  se  compose  de  trois 
lignes ,  distribuées  précisément  comme  elles  le  sont  au  revers  du  mé> 
daillond'Hé]ioclè5;cestà  savoir,  à  droite,  derrière  ie  Cheval,  .aiiaecxI; 
à  gauche ,  devant  ianimal,  HAloKAEoTS;  et  à  Texei^ue ,  au-dessous  du 
Cheval,  AlKAloY.  Ce  qui  a  rendu  ces  deux  derniers  mots  méconnais- 
sables jusqu  ici  pour  tout  le  monde  ,  et  ce  qui  a  produit  les  leçons  bar- 
bares rapportées  plus  haut,  cest  Tabsence  des  omicron,  dans  le  nom 
HAIOKAEOTS,  et  dans  le  mot  aikaiot  j  mais  cette  absence  tenait  à  ce 
que,  dans  le  principe,  cette  lettre  ayant  été  représentée  sous  une 
fom>e  infiniment  plus  petite  que  les  autres,  avait  dû  finir  par  dispa- 
raître tout  à  fait  sous  les  mains  des  graveurs  inexpérimentés  qui,  dans 
la  décadence  de  la  civilisation  grecque  de  la  Bactriane ,  furent  chargés 
de  copier  cette  inscription  ;  car*,  d'ailleurs  ,  tous  les  éléments  de  la  lé- 
gende grecque ,  BA2lAEns  hai[o]kae[o]t£,  (monnaie)  da Roi Héliodès 
le  Jaste,  se  retrouvent  ici  d'une  manière  certaine  ;  et  il  résulte  de  cette 
inscription  ,  d'accord  avec  la  téte^  du  Roi  diadémée,  avec  la  fabrique 
purement  grecque,  et  avec  l'absence  d'une  légende  bactrienne,  une 
preuve  positive  en  &veur  de  l'attribution  de  ces  médailles  à  Hélioclès. 
Nous  acquérons  une  preuve  nouvelle  de  la  certitude  de  cette  attri- 
bution ,  en  même  temps  qu'un  nouveau  monument  numismatique 
«du  règne  d'Hélioclès,  dans  une  autre  médaille,  publiée  aussi  par 
M.  J.  Prinsep,  qui  ne  l'a  cependant  pas  reconnue  pour  appartenir  à  Hé- 
lioclès. Mais  peut-éti^  n'avait  •  il  pas  vu  le  monument  original  qu'il 
cite  comme /aÎ5an^  partie  de  la  collection  de  M.  CouH,  et  qu'il  donne 
d'après  un  dessin  qui  lui  en  a  été  communiqué  ^.  Quoi  qu'il  en  soit ,  c'est 

'  Jofirn.  of  tke  Aêiat,  Societ.  t.  V,  pi.  zxxv,  n*  4»  p.  55o  :  «  Is  taken  £nom  a 
«  drawing  by  M.  Court,  who bas  been  forlunate  in  fioding  a  new  type  of  this  curious 
«  copper  coin ,  the  reverse  of  which  usually  présents  the  figure  of  a  naked  horse. 
«  (  oee  voK  IV,  p.  343.  )  >  La  médaille  a  laquelle  renvoie  ici  M.  Prinsep,  et  qui  se 
trouve  gravée,  t.  IV,  pi.  xxi ,  n**  la ,  est  celle  qui  vient  d'être  précédemment  décrite. 
£31e  se  trouve  accompagnée,  même  planche,  n"*  la  et  i4i  de  deux  autres  pièces  de 

93 


748  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

la  médaille  même  que  j'ai  ene  entre  les  mains ,  et  dont  je  publie  à  mon 
tour  un  dessin  exact  ;  en  voici  la  description  : 

N""  5.  Tête  de  Roi,  imberbe,  tournée  à  droite,  les  eheveui  ceints  d'un 
diadème  noué  par  derrière ,  le  commencement  du  basie  véta  ;  type  en- 
touré d'un  cordon,  imité  d'une  bandelette  à  flocons  de  laine,  tel  qu'on  le 
voit  habituellement  autour  de  la  tète  du  prince ,  sur  les  tétradrachmeÈ 
des  rois  de  Syrie;  revers,  Japiter  debout ^  de  face,  vêtu  d'une  tunùjne 
courte ,  s*appuyant  de  la  main  gauche  levée  sur  la  haste  pare ,  ou  le 
sceptre ,  tenant  de  la  droite  abaissée  un  foudre  ;  inscription  grecque  dis* 
posée  sur  trois  lignes,  c'est  à  savoir,  à  droite  de  la  figure ,  •  axiabox; 
Ik  gauche  .  Ai[o]KAE[d]r2;  au-<lessous,  à  fexergue,  aikai[o]t;  et  dans  le 
champ,  un  monogramme;  pièce  de  bronae,  du  même  module  que  la 
précédente ,  et  de  la  même  &brique  grecque ,  sdtérée  d'une  manière  qui 
accuse  pareillement  l'influence  de  la  i>arbarie ,  ou  le  progrès  de  la  dé* 
cadence ,  pi.  i ,  fig.  5. 

Il  suffit  de  jeter  les  yeux  sur  cette  médaille  pour  se  convaincre  qu'elle 
appartient  réellement  à  Héliodès.  he  portrait  da  Roi  s'y  montre  encore 
plus  reconnaissable ,  et  le  cardon  qui  fenioare  ,  et  qui  est  imité  de  la 
monnaie  des  rois  de  Syrie ,  existe  en  effet  sur  le  médaillon  d'HWoclès, 
Le  type  du  revers ,  consistant  en  la  figure  de  Jupiter  debout,  appuyé 
d'une  main  sur  le  Sceptre ,  et  tenant  de  l'autre  main  le  Foudre,  est  préot* 
sèment  le  même  qui  se  voit  au  revers  de  ce  médaillon  d'Hélioclès ,  avec 
une  légère  altération  dans  le  costume  grec^  qui  se  rapproche  des 
formes  scythiques,  et  qui  tient,  comme  l'exécution  du  monument 
même ,  h  l'influence  du  voisinage  des  nations  scythiques  qui  détrui* 
sirent  ce  royaume  grec  de  la  Bactriano.  Enfin ,  l'inscription  grecque , 
toute  défigurée  qu'elle  est  par  la  suppression  de  ïomicron,  dans  les 
mots  HAÏOKAEOT2  et  AIRAIOT ,  n'en  est  pas  moins  visible  dans  tous 
ses  éléments';  en  sorte  que  cette  pièce  de  bronze ,  d'un  module  qui 
égale  celui  du  tétradrachme  d'Hélioclès ,  en  est  la  reproduction  k  peu 

bronze,  de  moindre  module,  offiraiH  le  mkne  type  sur ia face  priodpale  et  sur  le 
revers ,  avec  une  imperfection  de  trarail encore  plus  forte,  qtti  accuse  plus  eensiUe- 
méat  la  barbarie,  et  avec  les  âément»,  pareillement  allérég,  mais  toujours  reconnais- 
sablés ,  de  la  légende  grec(^ûe  :  BASIAEns  HAIOKAEOrS  AlKAIOr.  Les  deux 
fetits  bronzes  dont  il  s*agit  ici  existent  aussi  dans  la  coUeclion  de  M.  le  général  Court  ; 
ai  fait  dessiner  le  mieux  conservé  des  deux;  et  on  en  trouvera  le  dessin  joint  à  cette 
notice ,  pi.  i ,  n*  5.  —  *  Le  pàtKam  dont  est  vêtu  le  Jupiter  du  médailloà  a  Hâioclès , 
de  style  purement  grec ,  se  trouve  ici  converti  en  une  tumque  courl»,  qui  appartenait 
au  costume  scytbique;  et  c'est  là  un  de  ces  symptômes  de  barbarie ,  dus  au  voisinage 
des  nations  scytbiques,  qui  ne  pouvaient  manquer  de  se  produire  sur  des  médaiOes 
de  laBactriane,  d'une  époque  de  décadence  plus  ou  moins  avancée. 


DÉCEMBRE  1838.  749 

près  exacte,  sauf  k  dîffài^noe  du  métdi  et  T^tératioa  du  travail,  qui 
tient,  comme  je  Tai  dit ,  à  f ÎBfluencMt  de  plus  esx  phia  croîssante  de  la 
barbarie.  On  ne  sera  cependant  pas  sorpris  qve  ni  M.  Masson ,  ni 
M.  J.  Prinsep,  n'aient  pu  reconnaître  ici  une  médaille  d*Hdioclès;  ia  lé- 
gende B£iABa2  BÀsiAEYS ,  qu'ils  avaient  cru  trouver  dans  les  deux 
mots  gravés  à  droite  et  à  gauobe  de  ia  figure ,  n  était  pas  propre  à  les 
éclairer,  mais  seulement  à  leur  inspirer  des  doutes  sur  cette  inscr^tion 
même ,  qui  nottrait  aucun  sens.  Les  lettres  aIIAIY,  lues  à  Veaergue,  et 
que  M.  J.  Prinsep,  par  une  conjecture  heureuse  i  croyait  provenir  de  la 
corruption  du  mot  AlKAior ,  It  may  fouibfy  6#  onfy  a  perversion  ofihe 
epiAet  AïKAieT ,  auraient  pu  mettre  ce  savant  sur  la  voie  ;  mais  le  type 
même  qu'il  interprétait  par  la  figure  du  primoe,  tenant  ane  branche  d'olwier 
et  ane  lance ,  symboles  de  paix  et  de  guerre ,  au  lieu  d'y  reconnaître  Japiten 
appuyé  sur  ia  haste  et  tenant  le  fciidre  »  achevait  de  mettre  en  défaut  sa 
sagacité  habituelle  ;  et  cdia  uniquement  faute  de  connaître  le  médaillon 
d'Hélioclès ,  dont  le  seul  exemplaire  qui  ait  apparu  récemment  dasis  ces 
végions  de  la  Haute-Asie  »  celui  qui  fiit  acquis  à  Balàiara  par  le  I>.  Honig- 
bet^er,  n'avait  sans  doute  jamais  passé  sous  ies  yeux  de  M.  Prinsep,  rési- 
dant à  CalcaUa.QvL(A  qu'il  en  soit,  j'imagine  qu'iljie  saurait  plus  subsister 
maintenant  dans  l'esprit  d'aucun  de  noê  leeleurs  ie  moindre  doute  cpie 
la  médaille  de  bronze^  décrite  ^i  dernier  lieu ,  &k  réellem»it  partie  de 
la  suite  d'Hélioclès,  dont  elle  reproduit  dans  tous  ses  éléments,  mais 
avec  une  exécution  défectueuse,  le  célèbre  tétradracbme  d'argent  Voilà 
donc ,  avec  les  deux  autres  monnaies  de  bronze  précédemment  dé- 
crites ,  trois  monuments  nouveaux  de  ce  règne  d'Hélioclès  dans  la  Bac* 
traane,  qui  était  encore,  il  y  a  quelques  années,  tm  problème  dans  la 
numismatique  et  dans  l'histoire  ;  et  voilà  certainement  une  des  con- 
quêtes les  plus  précieuses  pour  la  science  qui  soient  sorties  récemment 
de  ce  sol  de  l'Inde ,  si  riche,  contre  toute  apparence,  en  monuments 
d!antiquité  griecque ,  et  qui  n'a  pas  sans  doute  livré  enems  à  nos  re- 
cherches tout  ce  qu'il  recèle  de  trésors  en  ce  genre.  Je  terminerai  cet 
article  des  monnaies  d'Hélioclès  par  une  deamière  observation.  Toutes 
ces  monnaies  de  bronae ,  pius  ou  moins  altérées  dans  le  type  et  dans  ia 
légende  ,  paraissent  provenir  d'une  &brique  barbare ,  établie  aitteurs 
que  dans  le  siège  même  de  la  dynastie  <f  Héliociès.  Or,  c'est  là  un  fait 
complètement  analogue  à  celui  que  nous  avaient  déjà  fait  connaître  les 
tétradracfames  d'Eutbydème ,  de  fabrique  barbare,  qui  se  recueillent  de 
nos  jours  assez  communément  sur  le  territoire  de  l'anciemie  Sogdîane, 
et  que  le  commerce  poHe  à  Bohhara.  On  sait  d'ailleurs,  et  j'ai  eu  d^à 
plus  d'une  occasion  d'en  faire  la  remarque ,  conabieia  ii  existe  dans  nos 


1 

750  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

cabinets  de  tétradrachmes  d'Mexandre  et  des  rois  de  Syrie ,  eontr^Giits 
de  la  même  manière ,  de  ces  tétradrachmes  qui  formaient  pacidant  toute 
ia  période  séieucide ,  et  plus  tard  encore ,  la  principale  monnaie  qui  efti 
cours  dans  les  régions  de  l'Asie  moyenne.  B  paraîtrait  donc  qu'à  une 
certaine  époque  du  royaume  des  Grecs  de  la  Bactriane  y  il  exista,  dans 
une  des  contrées  limitrophes,  un  atelier  monétaire  où  se  fabriquaient 
des  pièces  d'argent  et  de  bronze ,  imitées  des  tétradradimes  d'Eùthy- 
dème  et  des  bronzes  d'Hélioclès  ;  et  c'est  k  cette  circonstance  que  j'attri- 
buerais l'émission  des  monnsdes  de  bronze,  de  febrique  barbare,  au  type 
d'Hélioclès,  qui  ont  été  récemment  découvertes ,  et  dont  Tesûstence , 
de  quelque  manière  qu'on  l'explique ,  devient,  en  tout  cas ,  la  preuve 
positive  du  règne  d'Hélioclès  dans  la  Bactriane. 

N^  7.  Tête  de  Roi,  imberbe,  tournée  à  gauche ,  coiffée  d'un  castfue,  le 
coomiencement  du  buste  véta  de  la  chlamyde  ;  inscription  grecque ,  dis- 
posée de  trois  côtés,  •  A2iABns  saTHPO£  menanùpot,  (monnaie)  da 
Roi  Saavear  Ménandre;  revers,  Bouclier  rond  macédonien ,  ayant  pour  in- 
signe, hrie^fMf,  une  tête  de  Méduse ,  de  face  ;  légende  bactrienne,  distribuée 
aussi  de  trois  côtés  ;  pièce  dé  bronze,  de  forme  carrée  et  de  belle  fabrique; 
pi.  I,  fig.  7.  Ce  bronze  de  Ménandre  est  remarquable  par  son  type, 
qui  n'est  pas  absolument  nouveau^,  et  par  sa  fabrique ,  qui  se  distingue 
entre  toutes  celles  des  monnaies  de  bronze,  connues  jusqu'ici,  du  règne 
de  Ménandre.  Ce  type  de  Méduse  se  rapporte  ici,  comme  la  Chouette  qui 
s'est  déjà  rencontrée  au  revers  d'autres  médailles  de  Ménandre^,  au  culte 
de  Minerve,  dont  la  figure  debout,  en  attitude  de  Promoc^s,  telle  qu'elle 
était  réprésentée  sur  la  monnaie  autonome  de  la  Thessalie  et  sur  celle 
des  rois  de  Macédoine  et  d'Épire,  forme  le  type  habituel  des  drachmes 
de  Ménandre ,  vingt-kait  dcsqudles  existent  dans  la  seule  collection  de 
M.  le  général  Court,  toutes  avec  des  variantes,  et  dont  quatre,  choisies 
sans  doute  dans  un  nombre  ausâi  considérable,  viennent  d'être  publiées 
par  M.  Wilson  ^.  Je  remarque  encore,  au  sujet  de  ce  masque  de  Méduse, 
servant  d'emblème  sur  le  bouclier  de  la  PaUas  macédonienne ,  que  le 
travail  y  rappelle  tout  à  ftât  celui  du  même  emblème  qui  forme  le  type 
de  toute  une  nombreuse  classe  de  monnaies  de  bronze  autonomes , 
appartenant  à  des  vâles  de  la  Papblagonie  et  du  Pont,  telles  quAmastris, 
Amisus,  Chabacta,  CoMana,  et  d'autres  encore. 

^  La  même  médaille,  ou  du  moins,  utie  pièce  semUable,  mais  où  le  type  est  rendu 
méconnaissable  par  la  faute  du  dessinateur,  est  publiée  par  M.  Prinsep ,  Joum.  of 
the  Atiat.  Soc.  tom.  V,  pi.  xlvi,  n*  5,  qui  décrit  ainsi  le  type  en  question,  p.  733  : 
The  circalar  shield  of  minerva  with  Médusas  head.' —  *  Ibidem,  n.  6.  —  '  Joam. 
iVomiim.  pi.  1 ,  n*' 3 ,  ^ ,  5  et  6. 


DÉCEMBRE  1858.  751 

N"*  8.  Figare  virile,  la  tète  couverte  dun  casque ,  vêtue  de  la  taniqae 
Cùorte  et  chaussée  de  brodeqains ,  debout ,  de  fiace ,  se  tournant  à  gauche , 
la  main  gauche  appuyée  sur  un  javelot  posé  obliquement;  type  entouré 
de  trois  cotés  d'une  légende  grecque  :  BA2iAEnx  aikaiot  .  .nanàpoy, 
(monnaie)  da  RoiJaste  Ménandre;  dans  le  champ,  un  monogramme; 
revers.  Panthère  se  dressant  à  droite  sur  ses  pattes  de  derrière;  type 
entouré  de  trois  côtés  d'une  l(%ende  bactrienne  ;  pièce  de  bronze ,  de 
forme  carrée  et  de  belle  fabrique,  pL  i,  fig.  8.  Tout  est  nouveau  pour 
nous  dans  ce  beau  ckalkoas  de  Ménandre,  le  double  type  et  Tépithète 
de  Juste ,  qui  n  avait  pas  encore  apparu  sur  la  monnaie  de  ce  prince , 
constamment  quahiié  Sauveur.  Or>  Temploi  de  cette  épithète,  qui 
avait  été  dans  le  principe  affectée  particulièrement  par  Héhociès, 
semble  établir  quelque  relation  entre  ce  prince  et  Ménandre ,  en  même 
temps  qu il  vient  à  îappui  du  témoignage  historique  de  Plutarque,  sur 
fadndnistratim  juste  et  paternelle  de  Ménandre ,  roi  de  la  Bactriane  ^ .  Le 
^pe  de  la  Panthère,  qui  est  celui  des  chalkous  d'Âgathocle^,  forme  encore 
une  présomption  en  faveur  des  relations  qui  purent  exister  entre  Mé- 
nandre et  les  princes  de  la  dynastie  d'Agathode ,  à  laquelle  devait  se  rat- 
tacher Hélioclès,  par  la  £ad>rique  et  par  le  type  de  ses  médailles.  Quant 
à  laFi^ur^  virile  armée,  qui  forme  le  type  de  cette  médaille  de  Ménandre , 
je  ne  crois  pas  me  tromper  en  y  reconnaissant  le  dieu  Ma^^s  lui-même , 
au  lieu  de  la  figure  du  prince,  sous  les  traits  de  Mars,  attendu  que  Tu- 
sage  constant  des  premiers  rois  grecs  de  la  Bactriane  fut  de  placer  au 
revers  de  leurs  médailles  la  figure  en  pied  d*un  dieu ,  tel  que  Jupiter  sur 
les  monnaies  d*Agathocle  et  d'Hélioclès,  Hercule  sur  celles  d'Euthydème 
et  de  Démétrius,  Apollon  sur  celles  d' Apollodote ,  les  Dioscnres  sur 
celles  des  deux  Eucratides  ;  et  que  T  usage  contraire  ,  celui  de  repré- 
senter le  prince  sous  les  traits  et  avec  les  attributs  d'un  dieu,  est  d  une 
autre  époque  que  celle  à  laquelle  appartiennent  nos  médailles  grecques 
de  la  ^ctriane  '. 

*  Hularch.  Reipnbl  ger.  Pracepi.  t.  IX,  p.  aôS-g.  Rcisk.  Voy.  mon  P/vm.  SappL 
p.  x4.  —  *  Voye»  mon  Pfem.  Supplém.  pi.  i,  fig.  i  ;  Joam,  ofthe  Asiat.  Societ,  t.  III, 
pi.  IX,  fig.  1 7  ;  t.  V,  pi.  xxxY,  fig.  g  ;  Journ.  Nunùsm.  pi.  m ,  n*  3 1 .  —  '  L'usage  grec 
de  représenter  la^iyure  d'un  Dieu,  au  revers  de  la  tête  du  Prince,  durait  encore  au 
temps  de  la  dommation  d*Azès  ;  témoin  la  belle  médaille  dé  ce  monarque  indien , 
avec  le  type  du  Neptune  debout,  on  pied  appuyé  sur  la  figure  de  V Indus,  médaille  que 
j*ai  (ait  connaître  le  premier.  Deux.  SuppUm,  n*  17,  p.  45-46,  et  qui  a  été  aussi 
publiée  dans  le  /oam.  ofthe  Asiat.  Soc.  t.  IV,  pi.  xxiii,  n*  i4;  et  je  fais  cette  obser- 
vation, parce  que  M.  de  Cbaudoir,  qui  possède  la  même  médaille,  et  qui  Ta  publiée 
de  son  côté,  dans  son  SuppUm.  aux  Correct,  et  Addit.  pi.  iv,  n*  4a ,  y  a  vu  le  Roi  lui- 
même  en  costume  de  Neptune  :  ce  qui  me  paraît  contraire  à  la  vérilé. 


752         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ti"  9.  Figurevirik  qui  paraît  vêtue  d'maa^^rides,  chaïuféede  hrodeqmns 
et  vètiie  d'une  chlmnyde  tombant  par  dernère  >  avec  un  c^msis  sus  it 
dos,  debout,  tournée  à  gauche  «  s  appuyant  de  la  main  ganohe  sur  uia 
«lie  poflé  en  terre,  et  tenant  de  la  naain  droite  une  flèche,  type  enfermé 
dans  un  canré  fonné  de  globules  aliongés ,  avec  Tinscriptian  grecque , 
gravée  en  dehors  de  ce  carré ,  et  distribuée  de  trais  cotés,  mais  ineomn 

plète ,  BASI ABHS  BA AXio  AA«Â«T«T ,  (  monnaie  )  da  Rai  (des  Rois} 

ApùQcdote;  revers.  Trépied;  dans  le  champ,  un  gywiole  qui  parait  être 
une  enseigne  miUtaire  ;  type  enfermé  dans  le  même  >camé  qui  se  voit  à  la 
face  principale  ;  légende  bactrienne,  distribuée  de  trois  côtés,  maïs  eo 
partie  effacée;  pièce  de  broiue,  de  forme  carrée,  de  moyen  module,- 
et  dune  fabrique  médiocre  ;  jd.  i,  n^  9^  Ce  bronze  d'Apc^odote  est 
encore  inédit ,  et ,  sous  ce  rapport ,  il  se  recommande  à  f  attention  ées. 
antiquaires.  La  figure,  qui  forme  le  type  de  la  face  principale,  ne  peul 
être  qu*i4po{(oii,  type  constant  des  monnaies  ^ApoBodote,  certamement 
par  aÛusiôn  au  nom  de  ce  prince  ;  mais  ici  la  figure  du  dieu  est  conçue 
d'une  manière  différente ,  c'est  à  savoir  vitsbe^  et  non  pasnoe,  ce  qui 
s*^oigne  des  traditions  grecques»  et  i^Knedans  «m  coalume  scy  thique,  ce 
qui  se  rapproche  des  habitudes  locales.  Le  titre  baziabos  BAoïAavir,  qui 
ne  s'était  pas  encore  produit,  à  ma  connaissance,  sur  les  monnaies 
d'ApoUodote,  est  une  autre  innovation  qui  accuse  de  plus  en  plus  cette 
influence  d'une  civilisation  étrangère,  et  qui  ne  peut  appartenir  qu'à 
une  époque  j^us  récente.  Tout  se  réunit  donc  pour  nous  £ure  consulé* 
rer  cette  médaille  comme  un  des  derniers  monuments  numismatiqnes 
du  règne  d'ApoUodote.  Une  particularité  sur  laquelle  je  crois  devon* 
appeler  l'attention  des  numismatistes,  c'est  la  forme  du  carré  à  gblnles 
allongés,  qui  doit  être  emprunté  de  la  bande ktte  à  floœns  de  kine,  usitée , 
coiimie  il  a  été  observé  jdus  haut ,  sur  la  monnaie  des  rois  de  Syrie. 
Cette  sorte  de  bandekUe  était  essentiellement  propre  au  culte  delphique^; 
et  de  là  vint  qu'elle  dut  figurer  sur  les  médailles  des  Séleucides,  dont  le 
type  le  plus  habituel,  fourni  par  le  culte  national  de  ïApolhn  de  Daphné, 
était  la  figure  d'ApoUoa  assis  sur  tomfhalos.  Il  était  donc  naturd  que  la 
même  bandelette  fôt  employée  de  la  même  manière  sur  la  monnaie 
d'ApoUodote,  en  même  temps  que  ce  prince  adoptait  pour  son  propre 
compte  le  type  de  la  monnaie  séleucide. 

N""  10.  ii^Usn,  iiB,  debout,  de  bce,  la  tète  toucoée  à  droite»  s'ap- 

'  G  est  une  noiion  qu*il  m*est  permis  de  dire  que  Taî  contribué  moi-même  à 
étaUir,  puiique  les  observatioiis  que  i*ai  faites  dans  ma  Lettre  à  M.  le  due  de  Lnynes, 
p.  20,  au  mijei  de  la  hendektte  ielphi^uê»  figurée  sur  des  médailles  grooquet,  ont 
d»lenufas8entimefttdeM*  Fr.  Gieaier,  twGemmetibÊndejS.  ao3,  afii* 


DÉCEMBRE  1858.  755 

puyant  de  la  main  gauche  sur  un  arc  posé  en  terre,  tenant  de  la  main 
droite  \me flèche;  dans  le  champ,  un  monogramme;  inscription  grecque 
distribuée  de  trois  côtés,  baSIAEOS  AlloAAoAtfToYZaTHPoX,  (monnaie) 
du  Roi  Apollodote  Saaveur;  revers,  Trépied  entouré  de  quatre  côtés  d un 
grainetis  formé  de  globules  ;  dans  le  champ ,  un  monogramme  ;  l^ende 
bactrienne  distribuée  de  trois  côtés;  pièce  de  bronze,  de  forme  carrée, 
de  moyen  module  et  de  belle  febrique;  jd.  i,  n""  lO.  G*est  là  une  des 
médailles  d' Apollodote ,  du  type  le  plus  ordmaire,  mais  de  la  plus 
belle  fabrique  que  nous  ayons  encore  recouvrées.  La  conservation  de 
la  légende  en  caractères  bactriens  est  à  peu  près  aussi  parfaite  qu'on 
puisse  le  désirer;  elle  ofire  donc  aux  travaux  des  philologues,  pour  le 
déchiffrement  de  ces  l^endes ,  une  base  plus  sûre  qu'aucune  autre ,  et 
ce  motif  m*eût  paru  suffisant  pour  reproduire  cette  pièce  déjà  connue , 
bien  que  de  coin  toujours  varié,  et  d'une  fabrique  excellente,  qui  la 
range  parmi  les  meilleurs  monuments  numismatiques  du  règne  d'A- 
pollodote,  si  je  n'avais  eu ,  d'aflleurs ,  pour  publier  cette  médaille,  une 
raison  déterminante  dans  l'analc^e  qu'elle  offre  avec  une  antre  pièce 
inédite  d'un  roi  de  la  Bactriane ,  qui  sera  décrite  plus  bas ,  et  qui  me 
parait  d'un  grand  intérêt. 

RAOULROCHETTE. 

(  La  suite  aa  cahier  prochain.) 


Le  Livre  des  Rois,  par  Aboulkasim  Firdousi,  publié,  traduit  et 

commenté  par  Jules  Molli.  —  Tome  V'. 

PRCMIEA    ARTICLE. 

Considérations  sur  Tancienne  histoire  de  la  Perse. 

L'empire  des  Perses  a  jeté  sur  la  scène  du  monde  le  plus  brillant 
édat.  Ses  conquêtes  et  ses  revers  ont  été  l'entretien  de  notre  en&nce 
comme  de  notre  âge  mur  ;  les  monuments  gigantesques  tievés  par  ce 
peuple  sont  encore  en  partie  sur  pied  ;  même  dans  leur  état  de  dégra- 
dation ,  fls  conservent,  après  tant  de  siècles ,  la  physionomie  la  plus  im- 
posante ,  et  semblent  défier  la  main  du  temps  et  les  efforts  de  la  bar- 
barie ;  ils  ont  vu  cent  fois  et  voient  tous  les  jours  croider  autour  d'eux 


754  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

ces  édifices ,  plus  brillants  que  9(dides ,  élevés  par  des  monarques  d  an 
âge  beaucoup  plus  récent,  et  dont  la  magnificence  éphémère  ne  trans- 
met qu*à  un  petit  nombre  de  générations  le  souvenir  des  princes  dont 
ils  sont  louvrage.  Il  est  bien  naturel  que  la  curiosité  s'attache  à  tout  ce 
qui  concerne  une  nation  si  justement  célèbre  :  que  Ton  recherche  avec 
un  soin  scrupuleux  les  &its  qui  rappellent  son  histoire ,  ou  retracent  ses 
mœurs  ,  ses  habitudes ,  ses  opinions  religieuses  ;  que  des .  savants  en 
fassent  avec  prédilection  le  sujet  de  leurs  doctes  et  patientes  investi- 
gations ;  que ,  dans  Fespoir  d'atteindre  ce  noble  but ,  ils  interrogent  tous 
les  monuments  littéraires  que  le  temps  a  épargnés.  Les  .secours  que  la 
critique  et  l'érudition  peuvent  mettre  en  œuvre  sont  de  deux  espèces  : 
1  *^  les  historiens  grecs  et  latins,  2 "*  les  historiens  orientaux.  Malheureu- 
sement ces  deux  classes  d'écrivains  sont  loin  de  s'accorder  ensemble  ; 
bien  au  contraire,  leurs  narrations  présentent  les  différences  les  plus 
considérables ,  les  contradictions  les  plus  choquantes  ;  en  sorte  que  l'on 
serait  à  chaque  pas  tenté  de  croire ,  si  l'on  n'avait  la  certitude  du  con- 
traire ,  que  ces  récits  nous  présentant  l'histoire  de  deux  peuples  qui 
n'ont  eu  l'un  avec  l'autre  que  peu  ou  point  de  rapports.  Auxquels  de 
ces  écrivains  doit-on  donner  la  préférence  ?  C'est  la  première  question 
qu'on  doit  se  faire;  et  elle  offre  une  très-haute  importance ,  puisque  de 
sa  solution  dépend  le  plus  ou  le  moins  de  confiance  que  doit  inspirer 
l'historien.  Quelques  modernes  se  sont  déclarés  pour  les.  écrivains 
grecs  et  latins ,  dont  ils  ont  reproduit  fidèlement  les  récits  ;  d'autres  ont 
pris  pour  guides  les  écrivains  orientaux;  d'autres  enfin  ont  essayé,  en 
appelant  à  leur  secours  l'érudition  et  la  sagacité  la  plus  patiente ,  de 
coordonner  ces  matériaux  disparates,  d'éluder  les  difficultés,  de  con- 
cilier les  nombreuses  contradictions  qui  se  présentent  sur  chaque  fait , 
de  rétablir  la  chronologie  si  méconnue ,  si  grossièrement  altérée  par 
les  écrivains  orientaux  ;  de  composer  avec  ces  éléments  hétérogènes 
une  narration  suivie ,  bien  liée  et  bien  authentique.  Mais  ces  tentatives, 
sans  doute  très-méritoires,  n'ont  produit  jusqu'ici  aucun  résultat  bien 
satisfaisant.  Et,  malgré  les  efforts  de  tant  de  savants  hommes ,  la  question 
n'est  pas  aujourd'hui  beaucoup  plus  avancée  qu'elle  ne  l'était  jadis* 

11  existe  pour  l'histoire  des  monarques  de  l'ancienne  Perse  une  source 
de  renseignements  beaucoup  plus  sûrs  que  tous  ceux  dont  les  écrivains 
grecs  ou  orientaux  nous  ont  transmis  la  mémoire.  Je  veux  parler  des  ins- 
criptions cunéiformes,  gravées  sur  des  rochers  ou  des  monuments  d'ar- 
chitecture ,  à  l'époque  même  de  la  domination  des  rois  dont  elles  rap- 
pellent les  noms  et  les  exploits.  Lorsque  ces  légendes  précieuses,  qui  sont 
aujourd'hui  Tobjet  des  investigations  de  plusieurs  savants  distingués,  au- 


DÉCEMBRE   1838.  755 

ront  été  laes ,  déchifirées  et  interprétées  de  manière  à  ne  plus  laisser  de 
prise  au  doute,  elles  mettront  sous  nos  yeux  une  longue  suite  de  faits  con- 
temporains, racontés  au  moment  même  de  leur  existence  par  ordre  de 
Tautorité  publique ,  exposés  aux  yeux  des  hommes  qui  en  avaient  été  té- 
moins, qui  avaient  pu  y  prendre  une  part  active.  On  sent  bien  que  de 
pareilles  inscriptions  ont  un  caractère  d'authenticité  qui  les  met  com- 
plètement hors  de  ligne ,  et  que  sont  loin  de  partager  les  histoires  les 
plus  véridiques.  En  attendant  que  le  déchi£Erement  de  ces  précieuses 
légendes  nous  révèle  la  suite  des  exploits  des  souverains  de  la  Perse,  les 
ordres  qu'ils  promulguaient  pour  la  sûreté  et  la  prospérité  de  leurs  vastes 
états ,  nous  sommes  réduits  à  choisir  entre  les  récits  des  historiens  grecs 
et  les  traditions  orientales.  U  me  semble  que  tout  homme  qui  examinera 
la  chose  avec  une  attention  scrupuleuse,  qui  pèsera  les  raisons  que  Ton 
a  alléguées  de  part  et  d'autre,  n'hésitera  pas  à  se  prononcer  en  feveur 
des  historiens  grecs.  Seuls,  ils  ont  écrit  aux  époques  qui  virent  naître  les 
événements ,  ou  peu  de  temps  après.  Hérodote  avait  parcouni  une  par- 
tie de  l'Orient ,  avait  conversé  avec  des  Perses  versés  dans  la  connais- 
sance de  leur  histoire  nationale;  Gtésias  avait  vécu  à  la  cour  des  rois  de 
Perse ,  avait  consulté  les  archives  de  cet  empire  :  par  conséquent  ils 
avaient  l'un  et  l'autre  été  à  portée  de  recueillir  ime  foule  de  &its 
dont  la  mémoire  était  encore  toute  fraîche  ;  tandis  que  les  écrivains 
orientaux,  séparés  par  un  grand  nombre  de  siècles  des  événements  dont 
ils  ont  entrepris  de  ressusciter  la  mémoire ,  ne  prenant  pour  guides  que 
des  histoires  incertaines,  ou  des  traditions  fabuleuses;  entraînés  par 
cette  passion  pour  le  merveilleux ,  contre  laquelle  les  habitants  de  l'O- 
rient ont  tant  de  peine  à  se  prémunir  ;  ne  tenant  aucun  compte  de  la 
vraisemblance ,  commettant  de  sang-froid  les  erreurs  de  chronologie  les 
plus  choquantes ,  ne  peuvent  nous  offrir,  pour  ce  qui  concerne  l'an- 
cienne histoire  de  la  Perse  ,  que  des  récits  vagues ,  incohérents ,  qui  ne 
sauraient  soutenir  l'examen  d'une  critique  judicieuse  et  impartiale.  C'est 
ce  que  je  prouverai  plus.bas,  lorsque  je  rapporterai  de  quelle  manière 
ont  été  écrites  les  premières  relations  des  faits  qui  concernent  la  Perse. 
C'est  donc ,  je  crois ,  uniquement  chez  les  écrivains  grecs  que  nous  de- 
vons chercher  l'histoire  de  Cyrus  et  de  ses  successeurs.  Je  dis  à  dessein 
l'histoire  de  Cyrus  et  de  ses  successeurs ,  car  ce  prince  fîit  en  effet  le 
fondateur  de  l'empire  médo-perse.  Mais ,  avant  cette  époque ,  même 
sous  la  dénomination  des  Mèdes ,  il  existait  sans  doute  dans  l'Asie  orien- 
tale plusieurs  royaumes,  plus  ou  moins  étendus,  dont  les  princes  re- 
connaissaient pour  leur  souverain  le  monarque  qui  siégeait  à  Ecbatane. 
Du  temps  même  de  Cyrus ,  nous  trouvons  dans  l'histoire  un  roi  de 

94 


750         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

rArmétiiîe ,  un  roi  de  la  Baotriane ,  un  toi  de  la  Susiane  ,  etc.  On  peut 
donc  x^f  oire  que  la  province  de  Perse  avait  aussi  ses  rois  ;  que  Caœbyse 
et  Gy  rus  étaient  les  descendants  de  cette  dynastie  et  occupaient  le  trône 
de  leur  patrie  :  car  fl  est  peu  présumable  que  le  puissant  Aslyage  eût 
été  choisir  un  Perse  d*tine  naissance  obscure  pour  lui  donner  sa  fille 
en  mariage.  H  est  probable  que  le  récit  fait  à  Hérodote  avait  été  ima- 
giné par  quelques  Mèdes ,  qui,  mécontents  d*avoir  un  Perse  pour  roi, 
cherchaient  au  moins  pu*  des  propos  mensongers  à  rabaisser  CjC  prince, 
et  à  le  représenter  comme  un  parvenu ,  que  ses  intrigues  et  son  ambi- 
tion avaient  seules  porté  a%i  trône.  Les  historiens  orientaux  s  accor- 
dent à  nous  peindre  une  suite  li'anciens  rois  qui  dominèrent  sur  la 
P<erse.  Les  noms  de  plusieurs  de  ces  rms ,  tels  que  Kaîoumors,  Uou* 
seheng,  Djernschid  et  autres,  nous  ont  été  non-seul^nent  conservés  par 
4es  traditions  constantes ,  unanimes ,  mais  ils  ont  été  consacrés  par  la 
rdigion  ,  et  se  trouveol  cités  k  chaque  page  dans  les  livres  sacrés  des 
Perses;  par  conséquent  leur  existence  me  parait  appuyée  sur  des  mo- 
numents dont  Tautorité  ne  saurait  être  révoquée  en  doute.  On  peut  donc 
croire  que  ces  rois-là,  dont  il  est  difficile  de  fixer  le  nombre ,  ont  été  les 
prédécesseurs  de  Gyrus.  Mais  on  dbit  admettre,  ce  me  semble,  que  ces 
prétendus  dominateurs  de  l'Asie  étaient  des  monarques  peu  puissants , 
et  n'avaient  sous  leur  empire  que  la  seule  province  de  Perse.  Dès  1  e- 
poque  où  commence  l'histoire ,  nous  voyons  des  rois  établis  dans  cette 

contrée.  Nous  lisons  dans  ia  Genèse  ^  que  le  roi  de  Élam, ,  loh^V  réuni  à 

T 

trois  autres  princes  ,r  vint  porter  la  guerre  dans  les  provinces  qu'arrosait 
le  Jourdain ,  vainquit  le  roi  de  Sodome  et  ses  alliés  ;  et  que  ces  mêmes 
princes ,  enflés  de  leur  victoire  s  furent  surpris  et  complètement  battus 
par  Abraham.  On  sait  que ,  chez  les  écrivains  hébreux  d'une  date  fort 

ancienne  «  le  mot  Ùam  IDv^V  désigne  la  Perse  proprement  dite.  Les 

Assyriens  ayant  établi  leur  domination  sur  l'Orient,  les  petits  souv>erains 
de  la  Perse  se  soumirent  sans  doute  à  l'empire  de  ces  puissants  monar- 
ques. Nous  voyons ,  il  est  vrai ,  Ninus  porter  la  guerre  dans  la  Bactriane  ^ 
et  éprouver  là  une  résistance  opiniâtre.  Mais  le  midi  de  la  Perse  recon- 
naissait probablement  la  souveraineté  du  roi  assyrien.,  car  Sémiramîs 
put  conduire  ses  armées  jusque  sur  les  bords  de  Tlndus ,  sans  avoir 
rencontré  sur  sa  route  aucun  corps  ennemi ,  sans  avoir  livré  \ui  combat, 
ni  entrepris  le  siège  d'aucune  place. 

La  puissance  des  As^riens  fut  renversée  peur  les  forces  combinées 

*  Gip.  XIV,  vs.  I.  —  *  Diodor.  Sicul.  Bibliatheca  histonca,iib.  H,  cap.  v-vi  ;  t.  II, 
p.  18,  ao  ot  sitiv.  éd.  Bipont 


DÉCEMBRE   1858.  757 

des  Mèdee  et  des  Babyloniens.  Ces  deux  nouveaux  empires  rempla- 
cèrent celui  de  Nînive.  B  est  probable  que,  durant  les  r^yolutMtts 
(jui  bouleversèrent  une  partie  de  l'Orient,  les  rois  de  la  Perse  ne  pa* 
rurent  nullement  sur  la  scène  de  Tbistoire,  ou  n  y  jouèrent  qu*un  rôle 
insignifiant.  Suivant  toute  apparence ,  ili  se  trouvèrent  plus  d*une  fois 
engagés  dans  des  guerres  avec  les  princes  de  leur  voisinage*  Mais  ces 
débats ,  auxquels  l'imagination  des  Orientaux  a  dans  la  suite  donné^  ta^ 
d'importance,  avaient  sans  doute  alors  bien  peu  de  ret^tissement 
au  milieu  des  grands  intérêts  qui  s'agitaient  à  Ecbatane,  ou  s«ir  les 
bord  du  Tigre  et  de  fËuphrate.  Il  nest  donc  point  étonnant  que  le 
nom  de  ces  princes  de  la  Perse  soit  resté  inconnu  aux  |>eup}e»  de 
TAsie  occidentale ,  et  ne  sok  point  parvenu  jusque  dans  la  Grèce.  Mais 
on  doit ,  je  crois ,  regarder  comme  une  grave  erretu*  lassertiion  ées 
écrivains  orientaux  qui  ont  prétendu  que  Nabucbodonosor  n'était  qu'un 
satrape  soumis  à  la  domination  des  monarques  de  la  Perse. 

Cyrus,  par  une  longue  suite  de  victoires  et  d'intrigues  ^  vtet;  à  bout 
d'éta'blir  dans  l'Orient  une  monarchie  médo^erse ,  doi^t  l'existence  eut 
un  3?  grand  éclat ,  dont  le  souverain  prenait  le  titre  de  roi  des  rois,  ou 
de  grand  roi.  Darius ,  fils  d'Hystaspe ,  acheva  Fouvrage  commencé  par 
Cyrus,  ft  fut,  après  ce  prince,  le  plus  illustre  monarque  de  TOrient, 
Mais ,  en  constatant  Thistoire ,  on  reconnaît  facilement  que  cet  ampirt 
perse ,  ou  plutôt  médo^perse ,  parvenu  au  plufi  haut  point  de  sa  spkn* 
deur,  n'avait  qu'une  grandeur  apparente ,  et  que  sa  force  ne  répondait 
point  à  sa  vaste  étendue.  C'était ,  on  peut  le  dire ,  un  colosse  aux  pieds 
d'argile.  C'est  ce  que  prouvent  évidemment  les  fidts  de  l'histoire.  Cyrus, 
le  célèbre  fondateur  de  la  monarchie  perse,  ayant  voulu  porter  la  guerre 
i^ei  une  nation  voisine,  les  Saces  ou  les  Massagètes ,  périt,  avec  toute 
son  armée,  dans  cette  entreprise  conçue  et  exécutée  de  la  manière  la 
plus  imprudente.  Le  souverain  de  la  Perse  ne  pouvait  se  rendre  de  Suse 
k  Echatane  sans  payer  un  tribut  annuel  aux  (xiena ,  ce  peuple  sauvage 
qui  occupait  les  défilés  par  lesquels  il  &lla9t  nécessairement  passer^. 
Ainsi  une  petite  tribu  de  montagnards! -dictait  des  conditions  au  roi 
des  rois,  dans  le  cœur  même  de  ses  états.  Le  petit  tyran  de  Milet» 
Hystiée,  tint  longtemps  en  ^cfaec  toutes  les  forces  de  la  Perse.  Les 
Scythes  et  les  Athéniens  bravèrent  avec  succès  la  puissance  de  Darius, 
et  une  belle  armée  perse  vint  trouver  son  tombeau  daqs  les  plaûies  de 
Marathon.  Ce  même  n^onarque  fut  arrêté  durant  vingt  mois  sops  les 
murs  de  Babylone,  et  ne  dut  qu'èr  la  trahison  la  prise  de  cette  ville.  Tout 

^  Anianas,  de  ExpeiitioM  Al/BManiri ,  p.  219,  éd.  Raphel. 

94. 


758         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

le  inonde  connaît  Texpédition  de  Xerxès  et  ses  funestes  résultats.  Mar- 
donius,  qui  joignait  l'expérience  à  la  bravoure,  étant  resté  en  Grèce,  à 
la  tête  d'une  armée  d'élite,  périt  sous  les  armes  des  Grecs  k  la  cé- 
lèbre bataille  de  Platée.  On  se  rappelle  les  victoires  brillantes  que 
Cîmon,  fils  de  Mildade ,  remporta  sur  les  armées  perses.  L'Egypte  ayant 
voulu  secouer  le  joug  du  grand  roi ,  ce  ne  fut  qu'après  des  efforts  inouïs, 
de  longs  combats ,  que  l'on  put  forcer  cette  nation  à  subir  une  seconde 
fois  le  joug  :,or  on  sait  que,  cuiinne  les  Indiens,  les  Égyptiens  ont  été 
de.  tout  temps  un  peuplé  très-peu  guerrier,  qui  a  toujours  été  assujetti  a 
ceux'qui  ont  voulu  le  soumettre.  Artaxerxe-Mnémon,  ayant  voulu  tenter 
de  contraindre  les  Gaduàiens  à  reconnaître  sa  souveraineté ,  &illit  périr 
avec  toute-  soû  armée  sous  les  traits  de  cette  nation  courageuse  et  in- 
domptable ^  La  retraite  des  dix  mille  révéla  de  la  manière  la  plus  cer- 
taine la  Noblesse  de  l'empire  perse.  Quand  on  se  représente  qu'une 
poignée  d'hommes ,  engagée  au  cœur  de  ce  royaume ,  dans  un  pays 
coupé .  par  .des  rivières  profondes,  par  de  nombi'eux  canaux,  attaquée 
ei»  tête  par  les  peuplades  les  plus  belliqueuses  de  l'Asie ,  et  en  queue 
par  une  armée  de  plu^eurs  éentaines  de  mille  hommes ,  put  effectuer  sa 
fariilanle  retraite ,  traverser  hardiment  ces  contrées  inhospitalières  et  re- 
gagner la  Grèce  sans  presque  avoir  éprouvé  aucune  perte ,  on  se  persuade 
facilement  que  le  peuple  qui  ne  sut  pas  arrêter  ces  braves  guerriers ,  les 
exterminer  ou  les  forcer  à  se  rendre ,  n'avait  au  fond  ni  puissance,  ni  force 
réelle.  Agésiias ,  à  la  tète  d'une  petite  armée ,  fit  trembler  l'empire  des 
Perses ,  l'ébraûla  jusque  dans  sa  base ,  battit  successivement  ses  meil- 
leures trdupés,  et  aurait  probablenietit  renversé  cette  oi^gueiileuse 
monarchie ,  si  l'intrigue  et  la  corruption  n'avaient  arrêté  les  suecès  de  ce 
prince ,  et  ne  lui  avaient  arraché  des  mains  une  victoirei  qui  ne  pouvait 
lui  échappei(.  Plus  tard ,  Alexandre  réalisa  ce  rêve  brillant  ;  et  l'empire 
de  Dariufi  croula ,  comme  par  enchantement ,  sous  les  armes  du  con- 
quérant macédonien.  Il  parcourut  rapidement  toutes  les  contrées  qui 
avaient  formé  naguère  la  puissante  monarchie  des  Perses  ;  et ,  pour  me 
servir  de  l'expression  de  l'Écriture  sainte ,  toute  la  terre  se  tut  devant 
lui.  Rien  ne  s'opposa  à  sa  marche  victorieuse ,  et  peu  d'années  lui  suf- 
firent pour  organiser  un  des  plus  vastes  empires  dont  l'histoire  ait  con- 
servé le  souvenir.  Sans  doute  la  rapidité  prodigieuse  de  la  marche 
d'Alexandre  explique ,  jusqu'à  un  certain  point ,  ces  conquêtes  qui  ont 
quelque  chose  de  fabuleux.  Les  peuples  ,  frappés  de  l'activité  inconce- 
vable du  héros  macédonien ,  de  son  audace  plus  qu'humaine,  de  la  har- 

*  Plaiarchi  opéra»  1. 1,  p.  iol3*ioa4,  éd.  Rualdo. 


DÉCEMBRE  1838.  759 

diesse  avec  laquelle  ce  priûce  et  son  armée  franchissaient  les  plus  longs  es- 
paces, traversaient  des  défilés,  réputés  inaccessibles,  arrivaient  comme  la 
foudre  au  cœur  des  pays  qu'ils  voulaient  soumettre,  Q*avaientpas  le  temps 
de  se  mettre  en  défense  ;  et  d'ailleurs,  stupéfaits  à  la  vue  des  meiTeilles  de 
cette  valeur  brillante,  ils  croyaient  ne  pouvoir  mieuxfaire  que  de  se.sou- 
mettre  volontairement  au  joug  de  celui  qu  ils  r^ardaient  plutôt  comme 
une  divinité  que  comme  un  simple  mortel.  Mais ,  lorsque  la  mort  de 
ce  conquérant  eut  dissipé -la  pr^atigA  rpiî  g^j&taî»  auarh^  ^  ses  armes; 
lorsque  les  sanglants  démêlés  de  ses  généraux  viarent  renverser  Tédifice 
élevé  par  la  valeur  du  héros  macédonien ,  les  peuples  qui  avaient  com- 
posé la  monarchie  perse  ne  profitèrent  nullement  des  divisions  dé 
leurs  ennemis,  etnefireni  aucun  effort  pour  chasser  ces* étrangers  in^ 
commodes,  qui,  tout  oecupés  à  se  déchirer  mutuell^xient ,  qe  son- 
geaient point  qu'ils  foulaient  un  sol  mal  affermi ,  d'où  pouvait  les  ex- 
pulser le  réveil  des  peufdes  à  peine  soumis,  et  peuhabitués  au  joug.  Hé 
bien ,  ce  réveil  n'eut  pas  lieu.  :Séleucus ,  Eumëne ,  Aritigone ,  purent 
impunément,  avec  de  Êiibles  atmées,  traverser  dans  tous  les  sens  1q 
territoire  de.  l'ancien  empire  perse ,  se  livrer  sodr  m  territoire  des  com- 
bats acharnés ,  sous  les  yeux  des  po^ulatioM,  tfpd  atfmblaient  rester  in- 
différentes au  succès  dei'un  ou  de  l'autre  des'pai^is  et  ne  pas  se 
douter  que  la  possession  de.  leur  pays  devait  èttre  le  prix  de  ces  luttes 
sanglantes. 

On  peut,  si  je  ne  me  trompe,  assigner  la  cauaa<la  pliM:réelle  de  cette 
faiblesse  qui  caractérisait  la  monarchie  des'  Perses*  SêXès  doute  ^  quand 
on  se  représente  cet  empjgè  (gi^tesque ,.  ifùt  ranfamaal  dao^  ^^s  vastes 
limites  TÂaîe  jpirèsque  tout  entière,  l'Egypte,  la  Thntee^.etc.,  on  eat 
porté  à  croire  qu'une  pareiUe  puissance  était  inatlaqiiaUé  »  «t  pouvaiib 
achever  la  conquête  du  reste,  du  monde.  Et  toutefois,  comme- nous  l'a- 
vons vu,  il  se  trouva  hors  d'état  de  ranger  sous  ses  lois  les  petite^  répu- 
bliques de  la  Grèce,  et. succomba' sans  grande  résistance  jsous  les  efforts 
d'armées  très-peu  nombrefuses.  Il  fallait  donc  que  ceiooloise,  malgré  sa 
masse  et  sa  ioDce  extérieure,  port&tau  dedansideluf-^même  un  principe 
de  destructionl  Or,  si  je  ne  metrompe,;iLn'est  pas  l^'ès-difficile  de  clé- 
couvrir  cette,  cause  de  ruine.  L'epipire  des.  Perses!  r^  composait  d*ùne 
foule  de  nations  qui.n^avaient  entre  elles '*aiicun^r|pport  d'origine,  de 
langage,:dei6is,  d'intérêts.  Réunies,  soit  volmitatreaient,  soit  involon- 
tairement,, fdies  formaient  un  amalgame  ;d'élém«aits  Iiétérc^ènes ,  mal 
combinés  entre  eux,  et  qui  pouvaient  ati  'm^dre  choc  ise  séparei! 
pour  ne  plus  se  rejoindre.  Il  y  avait  donc  das  masses*  dondividus  agglo-, 
mérés .  tiemponôrement ,  mais  il  n'y  aVail  point  poupi^W  un^  paUîe 


762  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

Lassés  bientôt  de  combattre  sans  savoir  pour  qui,  ils  ne  tardaient  pas  I 
accepter  les  offres  d'un  vainqueur  qui  leur  témoignait  une  estime  mé- 
ritée, et  auprès  duquel  ils  étaient  sûrs  de  trouver  journellement  Tocca* 
sion  de  signaler  leur  valeur. 

Il  parait  que  les  monarques  de  la  Perse  allaient  souvent  chercber 
parmi  les  nations  alliées  de  leur  em^re  des  hommes  courageux  qu'ils 
mettaient  à  la  tète  de  leurs  armées,  et  dont  les  eiploits  contribuaient 
puissamment  à  la  gloire  du  souverain  sous  les  drapeaux  duquel  ils 
avaient  combattu.  Une  de  ces  nations  qui  fournirent  à  la  Perse  une 
pépinière  de  héros  ^t  celle  des  Saces.  Ces  hommes,  dont  le  nom 
dans  la  langue  des  Perses  signifie  chien,  habitaient  à  loiient  de  la  Bac- 
tnane,  et  leur  nom  s*est  conservé  jusqu'à  nos  jours;  car  le  mot  de 
Saghestan  ^\XmJ^  ou  pays  des  Saces ,  changé  par  les  Arabes  en  celui  de 
Se^èstan ^\jimijfs y  a,  par  ime  seconde  altération,  pris  la  forme  Seîstan 
^\XMêJiMi.  Ce,  peuple  était  éminemment  beltiqueux,  et  les  femmes  le 
disputaient  aux  honnnes  sous  le  rapport  de  la  capacité  militaire  et  de 
rintrépidité.  Une  reine  de  ce  peuple,  Zarine,  l'amante  de  Striangée,  a 
été  célébrée  par  l'historien  Nicolas  de  Damas  ^  Ce  fut  au  milieu  de  ces 
hommes  indomptés  que  Cyrus,  si  l'on  en  croit  Ctésias,  vint,  après  tant 
de  triomphes,  trouver  une  mortfimeste  et  peu  honorable.  On  pourrait 
soupçonner  que  ce  peuple  parlait  un  dialecte  de  la  langue  persane  que 
nous  connaissons  ;  car  c'est  dans  cet  idiome  que  s'expliquent  aisément 
les  noms  propres  usités  chez  cette  nation,  et  dont  l'histoire  nous  a  con- 
servé le  souvenir.  Le  mot  Zarin  (j^x)  signifie  d'or.  Striangée  parait  ré- 
pondre  au  mot  «^  a;^^^*  la  petite  étoile.  Enfin  le  nom  de  Roxanaqae,  que 
portait  la  capitale  de  ce  peuple,  dérive  du  mot  roschan,  (j^x)  brillant. 
Les  Saces ,  comme  on  peut  croire,  n'avaient  jamais  plié  sous  le  joug  des 
Perses ,  qui,  ne  pouvant  les  assujettir,  se  contentaient  de  les  avoir  pour 
alliés  et  de  leur  demander  des  soldats  indomptables ,  de  vaillants  capi- 
taines. Il  paraît  qu'à  une  époque  reculée  il  existait  chez  cette  nation 
une  famille  de  princes  qui  s'était  fait  imc  haute  réputation  par  la  valeur 
la  plus  brillante.  Ces  hommes  avaient  été  plus  d'une  fois  le  fléau  de  la 
Perse,  où  les  attiraient  la  soif  du  jùUage  et  la  certitude  de  ne  pas  rencon- 
trer des  adversaires  qui  fussent  dignes  de  se  mesurer  avec  eux.  Les  mo- 
narques perses ,  qui  avaient  appris  par  une  longue  et  fiineste  expérience 
tout  ce  qu'ils  avaient  à  craindre  en  conservant  pour  ennemis  ces  re- 
doutables voL<;ins ,  mirent  tout  en  œuvre  pour  attirer  sous  leurs  dra- 

*  Nicolai  Dcunasceni  Historîaram  fragmenta ,  p.  3o,  éd.  Orell.  Ctesiœ  Cniiii  cperum 
reUquiœ,  p.  ààj*  Mémoires  de  l'Académie  des  belles-lettres,  t.  II,  p.  67  et  saiv. 


DECEMBRE  1858.  765 

peaux  ces  nobles  guerriers^  en  offrant  à  leur  «courage  aventureux  la 
perspective  de  nombreux  dangers,  d'exploits  signalés  qui  ne  pouvaient 
manquer  d'accroître  leur  renommée  et  d'augmenter  leur  territoire.  Ces 
princes  obéirent  à  la  voix  de  Tbonneur,  accoururent  à  la  cour  des  mo- 
narques perses,  guidèrent  les  armées  de  l'Iran,  qui,  sous  la  conduite 
de  ces  vaillants  héros,,  marchèrent  presque  constamment  à  la  victoire, 
repoussèrent ,  après  des  combats  sanglants ,  les  hordes  des  Scythes  et 
des  Turcs,  et  forcèrent  les  Hyroaniens^  les  Tapir»  indomptés  de  courber 
pour  la'  première  fois,  et  au  moins  pour  un  temps,  la  tète  sous  le  joug. 
Il  est  probable  que  le  chef  et  le  plus  illustre  de  cette  race  de  guerriers 
portait  le  nom  de  Rustem.  C'est  ce  prince  dont  les  exploits,  conservés 
avec  admiration  dans  les  chants  des  peuples  du  Saghestan ,  ornés  de 
toutes  les  couleurs  de  la  poésie  et  de  tout  ce  que  peut  {produire  d'exa- 
gération la  brillante  et  vagabonde  imagination  des  Orientaux,  ont  été 
adoptés  par  les  Perses,  qui  ont  revendiqué  comme  le  plus  beau  titre 
de  leur  ^oire  nationale  des  hauts  fiiits  qui  ne  leur  appartenaient  réelle- 
ment pas,  et  qui  étaient  l'ouvrage  non  d'un  compatriote,  non  d*un 
sujet,  mais  d'un  allié. 

J'ai  dit  plus  haut  que  l'empire  perse ,  composé  d'éléments  hétérogènes 
et  imparfaitement  amalgamés ,  était  loin  d'avoir  la  force  réelle  que  sem- 
blaient annoncer  sa  vaste  étendue,  ses  nombreuses  conquêtes;  qu'il 
portait  au  dedans  de  lui  un  principe  de  destruction,  principe  actif, 
toujours  subsistant,  qui  pouvait  èlre  comprimé  momentanément,  mais 
qui,  dans  des  circonstances  critiques.,  ne  devait  pas  manquer  d'exercer 
une  influence  funeste^  de  paralyser  les  efforts  des  bons  citoyens,  et 
d'opposer  au  >»lut  de  l'empire  des  obstacles  insurmontaUes.  Il  eût 
fallu  qu  un  homme  de  génie ,  un  homme  d'un  esprit  vaste  et  éclairé , 
qui  ne  reculât  devant  aueime  difficulté^  qui  marchât  à  son  but  avec 
une  opiniâtreté  infatigable,  vint  d'une  main  puissante  pétrir  et  amalga- 
mer ensemble  ces  éléments  divers  et  d'une  nature  oppiôsée;  contraindre 
ces  peuples  rivaux  et  ennemis  de  se  réunir  intimement  de  manière  à  for- 
mer un  seul  empire;  persuader  à  ces  hommes  grossiers  et  indomptables 
qu'ils  ne  devaient  plus  se  considérer  comme  des  êtres  isolés,  mais 
comme  les  mie!ndi>res  d'une  imnïense  &mi)le;  que  leurs  e£Ebrts  de  cou- 
rage ,  au  lieu  de  se  perdre  dans  des  entreprises  individuelles ,  devaient 
avoir  pour  but  l'intérêt  général;  que,  dès  le  moment  où  Tétat  se  trou- 
verait menacé,  tous  les  membres  de  la  société  devaient  oublier  leurs 
haines,  leurs  jalousies  particulières,  accourir  à  la  défense  du  voyiLume, 
et  lui  ^crifier  sans  regret  ieurs  biens  et  leur  existence.  Changer  è  ee 
point  les  habitudes ,  les  sentiments  de  populations  sauvages  et  rivales 

95 


7M  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

était  sans  doute  une  tâche  dffî<âe;  mai»  ette  n'^aél  paa^  impossible  v  et 
un  homme  8' était  rencontré  qui  allait  résoudre  ce  problème  poMtiqoe , 
dont  la  solution  aurait  eu ,  sans  doute ,  sur  la  destinée  de&  empires  de  l'an- 
tiquité une  influence  dont  il  est  impossible  d'apprécier  tdute  la  puissance . 
Cet  homme  était  Alexandre  le  Grand  ;  prince  doué  d'un  regard  d'aigle,  d'un 
génie  puissant  et  infatigable,  il  se  proposait,  conune  on  sait,  d'établir  à 
Babyione  le  siégedeson  empire.  Cette  ville,  admiraUement  placée,  allait 
être  tout  k  la  foi^  la  capitale  d'un  royaume  immense,  et  l'entrepôt  du 
plus  vaste  commerce,  puisqu'elle  aurait  reçu  i  la  fois  les  marchandises 
de  rinde,  de  l'Afrique  et  celles  des  côtes  de  la  Méditerranée.  Alexandre, 
qui  avait ,  pour  ainsi  dire ,  abjiu*é  les  mœurs  des  Grecs  pour  adopter 
les  usages  de  l'Orient,  allait  ressusciter  l'empire  perse,  mais  le  rétablir 
sur  des  fondements  bien  plus  grands ,  bien  plus  solides.  Toutes  les  na- 
tions beUiqueuses  et  indomptables  de  la  Haute*Asie ,  réunies  à  la  voîjl 
de  leur  puissant  monarque,  lui  auraient  fourni  une  pépinière  inépui- 
sable de  Vaillants  soldats ,  qui ,  pour  la  première  fois ,  se  seraient  fah 
honneur  de  combattre  pour  leur  maître  et  pour  la  patrie.  Mais,  il  faut 
le  dire,  Alexandre  en  devenant  le  monarque  de  l'Orient  aurait  porté  ' 
un  coup  funeste  à  la  Grèce,  et  aurait  réalisé  le  rêve  de  Xerxès.  En 
effet,  la  Grèce,  édipsée  au  milieu  de  ce  vaste  empire,  n'en  aurait  plus 
formé  qu'une  satrapie  é\(Âgaée  et  peu  importante.  EUe  aurait  perdu  la 
supériorité  que  lui  assuraient  ses  lumières,  car  Alexandre  n'aurait  pas 
manqué  d'attirer  à  Babyione,  sa  capitale,  tous  les  hommes  distingué» 
par  tous  les  genres  de  talents ,  et  de  les  récompenser  avec  une  mu- 
rrificence  roysile.  U  aurait  eu  à  cœur  de  répandi'e  et  de  Êdre  fi*Qctifier 
dans  ses  états  la  culture  des  lettres,  des  sciences,  et  de  tous  les  ai^s 
utiles.  La  Grèce,  isolée,  éloignée  du  centre  du  gouvernement,  n'aurait 
pas  même  «conservé  l'avantage  qu'elle  avik  sons  la  domination  des  mo- 
narques perses ,  celui  de  foiu*nir  des  soldats  beBiqueux  et  disciplinés , 
que  les  rois  d*Asie  s'empressaient  de  prendre  à  leur  solde.  B  est  impos- 
sible de  se  représenter  d'une  manière  fidèle  toute  l'influence  que  l'éta- 
blissement de  l'^npire  d'Alexandre  aurait  eue  sur  la  civilisation  de  l'O- 
rient. Ces  résultats,  probablement,  eussent  été  immenses.  Mais  ces 
rèvès  d'une  noble  ambition  devaient  s'évanouir  en  un  instant.  Alexandre, 
à  peine  âgé  de  trente-deux  ans ,  disparut  de  la  scène  du  monde  où  il  avait 
pani  avec  un  éclat  si  imposant  ;  et  les  longues  et  sanglantes  querellea 
des  successeurs  du  héros  macédonien  ne  purent  manquer  d'urrèler  le 
progrès  des  lumières ,  et  de  faire  i^culer  l'Orient  vers  la  barbarie ,  à 
laquette  tine  main  bienfaisante  et  fenne  avait  entrepris  de  )'arracfaer. 

QUATREMÈRE, 


DÉCEMBRE  185«.  765 

■V>w"t'.  ■  l'i  '   If     I.  .1  .t  i'   I  r  I    .  '   I    I      I    t.M   .    I     I    i .        Il     iijii       '       I    Inr  I  ■■  i,    I     I  il  iji» 

NOtJVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL-JiR- FRANCE. 

L* Académie  des  scmoes  a  perdu,  dans  la  nuil  da  3o  novembre  i838,  M.  Ha- 
lard,  Tun  de  ses  membres.  A  ses  funërsiflles,  qui  ont  eu  Heu  le  3  décembre,  M.  ie 
baron  de  Silvestre  a  prononcé  un  discours  dont  voici  qudques  extraits  :  «  M.  Jean- 
Baptiste  Huzard  était  né  à  Paris ,  le  3  novembre  1755  ;  appartenant  à  une  famille 
peu  aisée,  il  avait  reçu  les  premiers  éléments  de  Tinstruction  chez  les  Petits-Pères, 
auxquels  ses  rares  dispositions  Tavaient  recommandé.  Il  entra  ensuite  comme  âève 
vétérinaire  à  Fécole  d*AHbrt;  il  y  remporta  tous  les  prix  et  y  reçut,  quelques  arinées 
après  sa  sortie, dans  un  concours  général  d^artisles  vétérinaires,  la  médaille  d*hon- 
neur  qnui,  à  cette  époque,  était  une  décoration  permanente.  Le  célèbre  Bourgelat 
était  alors  directeur  de  Técole  d*Alfort;  il  apprécia  le  jeune  Busard,  qui  n  oublia 
jamais  Taffisction  éclairée  de  cet  habile  maitre  auqud  n  devait  plus  tard  succéder 
dans  Tealime  des  savants  lodogbles  et  vétérinaires.  A  la  sortie  de  Técole ,  Huzard 
fut  employé  par  le  ministre  de  la  guerre  à  la  suite  des  années  pour  y  diriger^  le 
choix  des  chevaux  de  remonte  de  la  cavalerie.  La  pratique  de  Vart  vétérinaire  était 
Tobjet  principal  des  occupations  de  IL  Huzard,  et  il  ne  négligeait  pas  de  publier  les 
résultats  de  ses  observations  sur  les  maladies  et  le  traitement  des  animaux  domes- 
tiques; ses  travaux  furent  appréciés  comme  ils  méritaient  de  Tètre,  et  il  fut  chargé 
de  la  direction  de  Técde  royue  d*Alfort,  place  dont  il  avait,,  pendant  plusieurs  an- 
nées, rempli  gratuitement  le^  fonctions  dans  le  seul  but  de  souli^ger  M.  Chabert , 
auquel  un  âge  irès-avancé  ne  permettait  pas  de  les  exercer  convenablement  Parmi 
les  écrits  de  M.  Huzard  on  a  pu  remarquer  surtout  ses  mémoires  sur  les  maladies 

3ui  affectent  les  vaches  laitières,  ses  recherches  sur  les  moyens  de  guérir  la  morve 
ans  les  chevaux  et  de  prévenir  Tinvasion  de  cette  maladie ,  son  instruction  aur  les 
affections  inBammaioires  épisootiques,  soa  ouvrage  sur  ramélioration  des  chevaux 
en  France»  ses  comptes  rendus  sur  rétablissement  rural  de  Rambouillet,  ses  ins; 
tructions  sur  les  maladies  des  animaux  d(»nes tiques ,  le  résultat  de  ses  nombreuses 
expériences  sur  le  traitement  du  claveau  et  son  inoculation  dans  les  bétes  à  laine. 
n  a  aussi  contribué  pour  beaucoup  à  la  rédaction  des  notes  savantes  qui  ont  été 
ajoutées  ilaneuvdle  édition  du  Théâtre  d'agriculture  d*(Hivierde  Senres,  pvkiià 
par  la  Société  royale  et  centrale  d'agriculture  et  d*histoire  naturelle,  et  i^ux  Diction- 
naires d'agriculture  et  d'histoire  naturelle,  ainsi  qu  au  Cours  complet  et  aux  Annales 
d'agriculture  françabe.  Sous  le  rapport  littéraire ,  M.  Huzard  peut  être  considéré 
aussi  comme  l'un  de  nos  plus  habiles  bibliographes  :  0  a  publié  plusieurs  disserta- 
tions savantes  à  cet  égard,  et  il  était ,  vers  la  fin  de  sa  carrière,  parvenu  à  un  but  qu'il 
s'était  proposé  dès  sa  plus  tepdre  jeunesse ,  cdui  de  former  une  grande  bjUiotbèque. 
Cette  collection ,  qui  se  compose  d'environ  quarante  mille  volumes ,  est  atis^i  remar- 
quaUe  par  le  choix  des  livres  rares  que  par  celui  des  éditions  ,  et  par  les  complé- 
ments qu'il  avait  su  y  j<Mndre ,  en  recueillant  avec  soin  tout  ce  qui  avait  rapport  ou 

95- 


766  JOURNAL  DES  SAVANTS. 

poovait  faire  suite  aux  ouvrages  principaux.  M.  Huzard  était  membre  de  l'Académie 
royale  des  sciences  dellnstitut,  et  de  celle  de  médecine,  de  la  Société  royale  et  cen- 
trale d'agricuUure,  Tun  des  fondateurs  de  la  Société  d'encouragement  pour  l'in- 
dustrie natioDcde ,  vice-président  de  la  Société  philanthropique,  et  associé  d  un  grand 
nombre  d'autres  sociétés  savantes  françaises  et  étrangères.  Il  était  inspecteur  géné- 
ral honoraire  des  écoles  vétérinaires,  membre  du  conseil  supérieur  d'agriculture 
et  de  celui  de  salubrité  ;  enfin  il  était  chevalier  de  l'ordre  cie  Saint-Michel  et  de 
celui  de  la  Légion  d'honneur.  » 


LIVRES  NOUVEAUX. 

FRANCE. 

« 

Compte  général  de  t administration  de  la  justice  crinûnelle  en  France  ftendant  Vaxmàe 
i836,  présenté  au  roi  parle  garde  des  sceaux,  ministre  secrétaire  d'Etat  au  dépar- 
tement de  la  Justice  et  des  cuites.  Paris,  Imprimerie  royale,  décembre  i838;  in-4* 
de  XXXI  et  a  8a  pages. 

Ewamen  critique  de  Voworage  vUtinlé  :  Die  altpersischen  KeiUmchriften  von  Persepolis, 
etc.  von  ly  Christian  Lassen  ;  auivi  de  nouvelles  recherches  sur  le  système  gra- 
phique des  caractères  persépolitains ,  par  M.  E.  Jacquet  Paris ,  Imprimerie  royale , 
i838 ;  1&7  pages  in-S"".  (Extrait  du  Journal  Asiatique ,  5*  série.) 

Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  M.  le  baron  Silvestre  de  Sacy  ;  par 
M.  Daunou ,  secrétaire  perpétuel  de  TAcadémie  des  Inscriptions  et  belles-lettres. 
Imprimerie  royale,  décembre  i838;  a 6  pages  in-4'.  Cette  notice  a  été  lue  à  la 
séance  publique  du  lO  août  i838. 

Discours  prononcé  pour  Touverture  du  cours  d'histoire  de  la  philosophie  ancienne 
à  la  Faculté  des  lettres,  par  M.  Vacherot ,  professeur  suppléant ,  le  5  décembre  1 838. 
Imprimerie  de  Crapelet.  a  a  pages  in-8''.  lîe  sujet  du  discours  de  M.  Vacherot,  choisi 
cette  année  par  M.  Cousin  pour  le  suppléer  dans  la  chaire  de  l'histoire  de  la  phi- 
losophie ancienne ,  à  la  Faculté  des  lettres^  de  l'Académie  de  Paris ,  est  l'utilité ,  la 
nécessité  même  de  l'histoire  de  la  philosophie.  Parmi  les  divers  avantages  qu'il  lui 
attribue,  le  savant  professeur  fait  particulièrement  ressortir  ceux  qui  se  rapportent 
aux  besoins  de  notre  siècle.  Selon  lui,  les  principales  maladies  qui  travaillent  notre 
époque  sont  le  scepticisme  avec  son  contraire  la  crédulité,  une  foUe  tendance  à  l'o- 
riginalité, etc.»  et  l'histoire  de  la  philosophie  a  un  remède  sûr  pour  chacune  de  ces 
infirmités. 

Speusippi  de  primis  rerum  principiis  placita,  quaîia fuisse  videantur  ex  Aristotele.  Dis- 
.sertatio  academica.  Parisiis.  Firmin  Didot,  i838;  4&  pages  in-S**.  (Thèse  pour  le 
doctorat,  soutenue  par  M.  Faix  Ravaisson  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris.) 

Dh  Thahitude,  par  Féli.^  RaVaisson.  Paris,  Fournier,  i838  ;  iS  pages  in-8".  (Thèse 
pour  le  doctorat.) 

Annuaire  historique  uiûversel  pour  1837 ,  avec  un  appendice  contenant  les  actes 
publics,  traités ,  notes  diplomatiques ,  papiers  d'état  et  tableaux  statistiques ,  finan- 
ciers ,  administratifs  et  nécrologiques;  une  chronique  ofirant  les  événements  les  plus 
piquants ,  les  caques  les  plus  célèbres,  etc.,  et  des  notes  pour  servir  à  l'histoire  des 


DÉCEMBRE  1838.  767 

sciences,  des  .lettres  et  des  arts;  par  M.  Ulysse  Tencé,  avocat  à  la  cour  royale  de 
Paris.  Nouvelle  série.  Paris,  imprimerie  de  Terzuolo;  librairie  de  Thoisnier-Des- 
places.  In-8*  de  1,096  pages. 

jEhoî  sur  t analyse  physique  des  langues,  ou  de  la  formation  et  de  Tusfige  d*un 
alphabet  méthodique,  par  Paul  Ackermann.  Paris,  imprimerie  de  Terzuolo;  librairie 
de  Dondey-Dupré.  A  Leipzig,  chez Brockhaus  et  Avenarius  ;  i838.  Iq-8*  de  xvi  et 
44  p^ges.  L*auteur  chercne  dans  ce  mémoire  «  à  exposer  le  fondement  naturel  des 
alphabets  et  à  montrer  quel  parti  la  philologie  comparée  pourrait  tirer  d*un  alpha- 
bet philosophique;  il  examine  si  toutes  les  prosodies  sont  identiques,  dans  leurs 
fondements,  à  la  proaodÎA  butine *,  enfin ,  il^sMiy^cU  cUtermîner  diaprés  quel  prin- 
cipe naturel  les  lettres  s*altèrent  dans  les  mots  qu*un  peuple  emprunte  à  un  autre 
peuple,  ainsi  que  dans  les  langues  qui  se  modifient  par  leur  propre  mouvement.  » 

Conseils  aux  mères  sur  les  moyens  de  diriger  et  d*instruire  elles-mêmes  leurs 
filles  ;  par  M.  A.  Théry,  proviseur  du  collège  royal  de  Versailles.  Paris,  Hachette, 
1837-1 838.  Grand  in-8^  à  3  celonnes,  de  xxiv-384-v  pages,  avec  un  tableau.  Ces 
Conseils  aux  mères,  inspirés  par  une  raison  supérieure  et  une  grande  expérience  de 
Téducation ,  font  partie  d*un  Cours  complet  d'éducation  pour  les  filles  dont  la  publi- 
cation est  commencée,  et  qui  doit  comprendre  trois  catégories  :  éducation  élémen- 
taire, éducafion  moyenne,  éducation  supérieure.  Avec  les  G)nseils  aux  mères,  qui 
se  rattachent  à  la  seconde  de  ces  catégories,  Téditeur  a  publié  des  exercices  de 
mémoire  et  de  lecture,  et  une  série  de  leçons  de  grammaire,  d'arithmétique,  de 
géographie ,  d'histoire ,  de  physique ,  d'histoire  naturelle  et  de  musique ,  pour  servir 
à  râucation  moyenne,  celle  des  jeunes  filles  de  10  à  i4  ans. 

De  Vinfluence  du  principe  religieux  sur  l'homme  et  sur  la  société ,  cours  professé  a 
TAthénée  royal  de  Paris,  1837-1 838  ;  par  M.  J.-A.  Dréolie,  etc.  Paris,  imprimerie 
de  Moquet;  librairie  d'EIbrard.  i838.  In-8*  de  viii  et 4i6  pages. 

Fables  littéraires  de  don  Thomas  fYriarte,  traduites  en  vers,  par  Charles  Bru  net  ; 
Paris ,  imprimerie  de  Duverger  ;  librairies  de  Ledoyen  et  Brockhaus  et  Avenarius. 
i838.  VIII  et  160  pagèsin-13. 

Extrait  des  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Metz,  années  1837-1 838.  In-8'*  de 
16  pages.  Imprimerie  de  Lamort,  à  Metz.  Cet  extrait  contient  des  notices  nécrolo- 
giques de  M.  JE.  A.  Bégîn ,  sur  le  bénédictin  dom  Grappin ,  né  à  Ainville  en  1 737  , 
mort  à  Besançon  en  i834;  sur  le  médecin  Thouvenel,  et  sur  M.  Commerier.  Une 
autre  notice  fait  connaître  les  diverses  antiquités  trouvées  à  Mandeure ,  et  dont  la 
découverte  est  due  à  M.  Léonard  de  Parrot,  mort  à  Montbéliard,  en  i836,  à  l'âge 
de  81  ans. 

Rapport  sur  les  monuments  anciens  exbtants  dans  le  déparlement  de  la  Moselle , 
et  sur  les  archives  de  l'Académie  royale  de  Metz,  pour  Tannée  1837-1 838  ;  par 
M.  Victor  Simon.  Imprimerie  de  Lamort,  à  Metz.  In-8*'  de  32  pages,  avec  une  pi. 


ALLEMAGNE. 

Abhandlumen  der  Kœn.  Akademie  der  Wissenschajften  zu  Berlin. — Mémmres  de 
l'Académie  des  sciences  de  Beriin ,  pour  i836.  Berlin ,  i838 ,  in-4*.  Après  une  courte 
introduction  et  la  liste  des  membres  viennent  les  mémoires  des  trois  classes  de  ce 
corps  savant. 


768  JOURNAL  DBS  SAVANTS. 

La  nrenûère  partit  contient  dks  mémoires  de  Mil.  de  Bach  (tttr  laaepiMvca)  « 
Ehrenbei^  (sar  tm  cm(^omérai  d^infiisoiroi ,  dane  iee  aidoiiee  de  Jaétraba  en  Hon- 
grie); Klug,  MûUer  (sur  le  dévdoppement  des  organes  sexiifls  dans  le»  animaux 
vertébrés]  ;  liak  »  Wtiss  (  sur  les  oristaax  de  roche,  tournés  k  droite  ou  à  gauche)  ; 
Rose  (sur  le  rapport  qui  exista  entre  k  ferme  et  la  petarHé  âeetrique  des  crîataib)  ; 
et  Lichtenstein  (sur  le  genre  iMpkUis);  la  section  des  mad)ématif|ue6  a  foumi  dea 
mémoires  de  MM.  ÇkeWe,  Dirskaen »  Poseiger,  Enche  (sur  les  conièlas  de  itô5)  et 
Steiner. 

La  troisi^ne  et  dernière  partie,  4;elle  de  la  elasse  phâesophique  et  hiatorique  de 
l'académie,  est  la  plus  considér8J>le  de  toutes.  FJIe  ronfiBorme  des  mémoires  de 
MM.  Sftvigny,  Boeek  (sur  les  insoriptions  décourerles  à  Thera);  -Hoffinann-,  Kitter 
(sur  la  coimeissaQce  géographique  des  preduita  de  la  nature) ;  ZumpC ,  Lachmann , 
Bekker  (sur  les  scoUes  de  deux  harangues  d^Eschine)  et  Gerhard  (Aichémoros  et 
les  Hespérides  »  et  sur  les  miroirs  métalliques  des  Étnisques). 

SUÈDE. 

• 

Diphmatariam  suecanum,  collegit  et  edidit  Job.  Gust.  Liljegren.  Holmise,  iSao^ 
i837,  a  vol.  in-V.  Le  premier  volume  contient  les  chartes  et  diplômes  relatib  i  la^ 
Soèae,  depuis  Tan  817  jusqn*en  13 85;  en  tout  goa,  avec  des  fac-similé  des* 
écritures  de  quelques  dipldmes  remarquables.  Le  deuxième  volume,  divisé  en 
deux  sections,  renferme  des  chartes  de  1286  à  i3io,  également  avec  des  fac» 
simile;  le  nombre  total  des  chartes  est  de  177a.  Elles  sont  toutes  en  latin,  et 
précédées  d*un  sommaire  en  suédois.  On  a  en  soin  d'indiquer  pour  chaque  charte 
le  dépôt  où  se  trouve  loriginal ,  ou  la  collection  imprimée  ou  manuscrite  où.  eMe  est 
insérée.  Dans  le  a*  volume  on  trouve  aussi  comme  supplément  les  monwnenta  m- 
nica  ou  inscriptions  runiques,  au  nombre  de  plus  de  a,ooo. 

ESPAGNE. 

Coleccion  de  Cortes  de  toi  Reyim  de  Le(m  y  de  CastiUa.  «—  CoDedion  des  oortée 
des  royaumes  de  Léon  et  de  CastiUe,  pubuée  piir  rAcadémie  reyaW  d'histoire. 
Madrid,  i836,  in-4*'  Ce  volume  n  est  que  Je  commencement  d*une  collection  que 
l'Académie  d*histoire,  à  Madrid,  se  propose  de  publier,  et  pour  laquelle  elle  a 
fait  un  appel  à  tous  le  savants  du  royaume.  Le  premier  volume  contient  lesoorlès 
de  Léon  de  Tan  loao;  de  Covanza  (aujourd'hui  Valencia  de  D.  Juan)  de  Tan  io5o; 
deValladolid,  de  Tan  i3a5;  deToro,  1371;  de  Madrid,  iSag;  d'Alcma  de  Henares, 
1 S48  ;  de  Léon ,  1 3^9  ;  de  Valladolid ,  1 385  ;  de  Burgos ,  1 37g  ;  de  Soria ,  1 38o  ;  Aê 
Ségovie,  i386;  de  Guadalajara,  1390,  avec  les  ordonnances  faites  par  ces  certes. 

GRÈCE. 

2TOIXEIA  $/xo^oç/W,  evrra^Mrra  vW  N.  Bamba.  Eléments  de  philosophie, 
disposés  par  N.  Bamba.  Athènes ,  i838;  in-8*,  19  et  3&7  pages.  M.  Bainba  dénie  ce 
volume  k  la  mémoire  de  son  illustre  compatriote  G>ray  ;  il  le  destine  aux  jeunes  étu- 
diants grecs ,  et  il  avertit  qu'il  l'extrait  presque  entièrement  de  lexcellettl  traité  de 


DÉCEMBHE  185S.  769 

fila  li.  Tlmrol,  iatiiolé:  /«inufaclîon  àVétud»  de  la  phiiôicpkiê  (ou  de  TEnlende- 
moul et  deU  Haisoi^\  Tontafois  qnehymi  «rtkdes  du  irrre  grec  qui  vient  d*étre  pu- 
Uié  sont  tirés  des  Éléments  de  la  phik»ophÎ0  de  Tesprit  humain  de  Dngald  Stewart , 
de  ridéûlogie  de  Mdchior  Gioga,  de  la  Logique  de  Fr.  Jacquier.  Peut-être  une  pure 
et  aimple  traduction  de  Touvrage  entier  deThuroteût-dle  offert  k  la  jeunesse  grecque 
une  instruction  plus  complète  et  plus  homogène.  Quoi  qu*il  en  soit ,  ces  ofémenls 
grecs.de  philosophie  sont  divisés  en  trais  parties^  La  première  concerne  les*  facultés 
de  Tâme  et  les  partage  en  deux  ordres ,  selon  qu  elles  semblent  ou  primitives  ou 
dérivées  :  d*jane  part,  les  sensations  ;  de  Tautre,  lea sentiments,  Timagination,  Tatten- 
tion ,  les  impressions ,  Vb.?b'i"de  ■  f*te.  I^  r^^^^  «^wâ»*!»  n«»  At^iAt^tênt  empruntés  de 
M.  Thurot  ;  ils  correspondent  à  la  sectîoa  de  son  ouvrage  dans  laqudle  il  trace  This^ 
toiredes  faits  ou  des  actes  par  lesquela  nons  aequérons  la  connaissance  d'objets  quel- 
conques. Ce  même  philosophe  a  donné  le  titre  de  seienee  à  une  deuxième  section  qui 
embruse  la  théorie  des  abstractiodia  et  du  langage ,  des  notions  et  des  coneeptions , 
l'analyse  de  la  proposition  ,  les  bases  de  la  grammaire  génércde  et  Texplication  de 
{duaieurs  termes  employés  par  les  méteahvsiciens.  C'est  à  peu  près  la  madère  des 
premiers  chajpitree  de  la  seconde  partie  de  M.  Bamba,  ou  il  s'agit  des  progrès  et  des 
moyens  qui  font  acquérir  la  science.  Chez  M.  Thurot,  la  troisième  section  est  un 
traité  éàikvùlontè,  enrichi  d'observations  profondes  sur  les  sentiments  et  les  passions, 
sur  la  Sympathie,  sur  la  perception  monde ,  sur  le  sentiment  religieux ,  sur  son  in- 
fluence et  sur  CQ&e  des  institutions  politiques.  Presque  tout  cet  enseignement  se  re- 
treuve  encore  dans  le  noaveau  livre  grec  ;  il  y  forme  une  troisième  partie,  qui  porte 
le  titre  de  Mùraie,  et  qui  se  termine,  sans  assez  d'à-propos  peut-être,  par  quelques 
pages  sur  la  méthode  analytique  et  synthétique.  Ce  dernier  chapitre  est  k  peu  près 
tout  ce  que  M.  Bamba  extrait  de  la  secondé  partie  de  l'ouvrage  fran^râ,  savoir  de 
celle  qui  traite  de  la  raison  ,  c'est-à-dire  de  l'application  exacte  et  régulière  des  &- 
cultes  de  connaître,  de  mesoit  et  de  voahir,  qui  constituent  I'entenûement.  D  y  avait 
là  d'utiles  leçons  à  recueillir;  malgré  cette  omission ,  c'est  encore  une  bien  riche  ins- 
tmctiott  que  M«  Bamba  présente  à  ses  jeunes  compatriotes. 


TABLE 

Des  Articles  et  des  principaks  Notices  ou  Annonces  que  contiennent  les 

dossu  cahiers  de  1858  dm  Journal  des  Savants. 


L   LlTTBBATOaE  ORIENTALE. 

Le  Diwan  d'Amro'lkals ,  précédé  de  la  vie  de  ce  poète,  accompagné  d'une  traduc 
lioii  et  de  notes;  par  le  baron  Mac-Guddn  de  Slane.  Paris,  1807,  in-A* :  article  de 
M.  Silveslre  de  Sacy  ;  janvier,  1  i-aa. 

'  Paris,  imprimerie  de  Foumier,  fibrairie  df Aimé  André,  i83o-i833',  s  vol.  io-8*.  Voveii 
ioarnal  iu  3mmf§,  nui n jaillel  i83e,  p.  269,  S76,  ^99,  ^7. 


DÉCEMBRE  1858.  771 

Mémoire  sur  le  système  grammatical  des  langues  de  quelques  nations  indiennes 
de  l'Amérique  du  Nord;  par  M.  P.  E.  du  Ponceau,  i838,  in-8^  avril,  3  5o. 

II.  Littérature  grecque  et  ancienne,  littérature  latine. 

Fragments  de  Thespis,  d'Ibycus,  de  Sapho,  d'Anacréon,  etc.,  cités  dans  un 
papyrus  du  musée  royal  :  articles  de  M.  Letronne  ;  mai ,  809,  3 1 7  ;  juin ,  Sa  1 ,  3a8. 

....  Homerî  Carmina  et  CycH  epici  reliquiœ,  graecè  et  latine  ;  grand  in-8';  juin, 877. 

Promélhée  enchaîné,  tragédie  d'Eschyle  traduite  en  vers  français  par  M.  Puech; 
i838,  în-8';  mai,  317:  article  de  M.  Patin;  août,  469-473. 

Difi4?nnrft  philoaophM|uoo  d^Épîctètc  «  traduits  eu  frauf^ais  par  A.  P.  Thurot.  Impri- 
merie royale ,  1 838 ,  in-8'  ;  novembre  ,710. 

Longini  quae  supersunl....  (Scriptorum  graecorum  nova  collectio)  ;  par  A.  E.  Egger, 
1837  :  artiae  de  M.  Naudet;  mars,  147-1 54. 

Dissertation  sur  le  fragment  de  Longin  contenu  dans  la  rhétorique  d'Apsine  ;  par 
M.  Séguier,  i838;  in-8*  ;  octobre ,  645. 

Dîodore  de  Sicile  ;  par  M.  Miot ,  i838  ;  tome  VII  ;  juin ,  38o. 

Œuvres  d'Apulée;  par  M.  Bétolaud,  tome  IV  et  dernier,  i838,  in-8';  juin,  379. 

De  l'influence  des  circonstances  politiques  et  morales  sur  la  littérature,  et  parti- 
culièrement sur  la  poésie,  chez  les  Romains  depuis  Auguste:  article  de  M.  Naudet  ; 
décembre,  715-736. 

Essai  de  classification  chronologique  des  comédies  de  Piaule  :  articles  de  M.  Nau- 
det ;  juin  ,  3a8-345  ;  juBlet,  4o6-424. 

Théâtre  de  Plante,  par  M.  J.  Naudet;  t.  IX  (et  dernier),  i838,  in-8*;  février,  127. 

Stephani  Byzantini. . .  Nouvelle  édition  d'Etienne  de  Bysance,  par  M.  Westermann. 
Leipsick  :  article  de  M.  Miller;  novembre,  689-706. 

m.  Littérature  moderne. 
1*  Grammaire j  Poésie,  Mélanges. 

Cours  de  littérature  française;  par  M.  Villemain,  i838,  in-8^  :  article  de  M.  Patin, 
juillet,  385-396. 

La  philosophie  du  langage  exposée  d'après  Aristote;  par  M.  Séguier,  i838,  in-8'; 
octobre,  645. 

Éléments  de  Paléographie;  par  M.  Natalis  deWailly,  i838, 1. 1*';  mai,  3i8;  t.  II; 
octobre,  64 1. 

De  Torigine  et  de  la  formation  des  différents  systèmes  d'écritures  orientales  et 
occidentales;  par  M.  G.  Pauthier.  Paris,  i838,  in-4*;  octobre,  645. 

Elssai  sur  1  analyse  physique  des  langues  ;  par  Paul  Ackermann ,  in-8* ,  1 838  ; 
décembre,  767. 

G)ur8  de  littérature  allemande;  par  M.  Eicbhoff. . . .  1 836- 1837,  în-8*';  no- 
vembre ,711. 

Lexique  roman. ...  par  M.  Raynouard,  i838,  in-8';  1. 1";  avril ,  a5i. 

Les  originesduThéâtremodeme...  par  M.  Charles  Magnin,  i838,in-8*';  mai,3i7. 

Etudes  sur  les  Mystères...  et  sur  divers  manuscrits  de  Gerson. , . .  par  Onésime 
Leroy,  1837,  în-8*;  article  de  M.  Villemain;  avril,  2o5-ai8. 

Le  miracle  de  Théophile,  par  Rutebeuf;  publié  par  M.  Achille  Jubinal;  jan- 
vier, 57. 

Le  même,  mis  en  vers,  au  commencement  du  un*  siède,  par  Gautier  de  Coinsy; 
publié  pour  la  première  fois  par  P.  Maillet.  Rennes,  in-8*;  août;  59 1* 

96 


772  JOtJRNAÎ.  DES  SAVANTS. 


Le  it>i  delà  BttÉoche,  poème  l«lm  inédit;  tradtHtpar  M.  C.  Bréghat  du  Lot;  i838. 
in-8*;  avril,  a 5i. 

Le  Roman  de  Brut,  par  Wace....  publié  par  Leroux  de  Lincy,  tome  II,  i83$,  in-8*; 
juillet,  àbb. 

Etudes  sur  Torigine  de  la  langue  et  des  romances  espagnoles;  par  E.  Rosseow- 
Saînt-Hilaire ,  1 838 ,  in-A*  ;  novembre  ,71a.. 

Tesoro  del  teatro  espanol  desde  su  origen  (ano  1389)....  pardon  Eugeoio  de 
Ochoa,  in-8^;  mai,  317;  octobre,  64A* 

Manoscritti...  Manuscrits  inédits  de  Torqaato  Tasso....  par  le  comte  Mariano  Âl- 
berti,  Lucques.  i837-iH38.î— TraHnto.  .  Troîié  de  la  dignité/ et  autres  écrits  iné- 
dits du  même....  par  le  chevalier  Costanzo  Gaziera.  Turin ,  i838:  article  de  M.  libri  ; 
novembre,  680-089. 

Poèmes  islandais...  tirés  de  TEdda  de  Soemund;  publiés  avec  une  traduction  pAr 
F.  G.  Bergmann,  Paris,  i838,  1  vol  in-8*:  article  de  M.  Dqpping;  septembre,  555- 
BBo. 

Chefs-d  œuvre  de  Shakspeare.*.  avec  traduction  françase  en  regard  ;  par  MM.  Ni- 
sard,  Le  Bas  et  Foainet,  1837, in-8'*;  avril-,  a5a. 

>Encyclopédie  des  gens  du  monde  «  vol.  XVII;  janvier,  57;  tome  IX,  a'  partie  ; 
avril,  aôa;  tome  X,  i** partie;  juin,  383. 

Biographie  universelle.  Supplément,  tomeLXV,  i838,  in-8*;  septembre,  586. 

a*  Sciences  histotiqaes. 

1 .  Géographie  et  voyages. 

Cours  méthodique  de  géogrâJ|[>hie ,  par  H.  Cliaucfaard  et  A.  Mûntx,  în-8',  cartes; 
avril,  a5a. 

Sur  la  prétendue  communication  de  la  mer  Morte  et  de  la  mer  Rouge  :  article  de 
M.  Letronne;  aoât,  495-5oo. 

Nouvel  Atlas  communal  de  la  France....  dressé  par  Gharie...  i838,  in^-f*;  octobre 
644. 

Relations  des  Mongols  ou  Tartares ,  par  le  frère  Jean  du  Plan  de  Car|»B....  pre- 
mière édition  complète,  publiée  par  M.  d*Avezac ,  i838,  in-8*;  novembre  ,71a. 

Voyages ,  relations  et  mémoires  originaux  pour  servir  à  Thisloire  de  la  découverte 
de  r Amérique,  L  Vil,  VIII,  IX  et  X;  octobre,  645. 

Voyages  eh  Islande  et  au  Groenland,  sur  la  corvette  la  Recherche  (i835  et  i836). 
Atlas,  1"  livraison;  octobre,  646. 

Voyages  en  Corse,  à  Tile  d^Elbe  et  en  Sardaigne,  par  M.  Valéry,  1837,  a  vol. 
in-8*,  septembre,  585. 

Voyages  historiques,  littéraires  et  artistiques  en  Italie,....  par  M.  Valéry.  Paris, 
i838,  3  vol.  in-8*;  septembre,  585. 

An  Expédition  of  cuscdvery  into  the  interior  of  AIrica,  etc.  Londres,  iâ38,  a  vol. 
in-8*;  août,  5a  1. 

Nueva  relacioh  que  contiene  los  viages  de  Tomas  Gage  en  la  Nueva  Espana.  Paris, 
1 838 ,  a  vol.  in- 1  a  ;  août ,  5a  1 . 

Reiâè  in  Abpsinien,  etc.  Voyage  en  Abyssinie,  par  A.  von  Katte,  i838,  in-8*; 
octobre,  647. 

a.  Chronologie  et  Histoire  ancienne. 

Le  monde  :  Hisloil^  de  tous-  les  peuples....  par  MM.  Sainl-Prosper  et  A.  Vouré, 
iii-8*;  avril,  a^l. 


774         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

shington  Irving .  1 836 .  in-8'  :  articles  de  MM.  Biot  et  Edouard  Biot  ;  février,  99, 1 08  ; 
mars,  161,  170. 

5.  Histoire  littéraire.  -—  Bibliographie. 

Histoire  littéraire  de  la  France  au  moyen  âge;  par  M.  Henrion,  1837,  in-8'î 
juin ,  38a . 

Histoire  littéraire  de  la  France,  tome  XIX,  suite  du  xiii'  siècle,  i838,  în-A'; 
juillet,  A55. 

Geschichte Histoire  de  la  littérature  française  moderne;  par  M.  Mager,  i8a8, 

in-8';  juin.  38A. 

Les  mantiscriis  françois  dé  la  bibliothèque  du  Koi  ;  par  M.  Pcttdm  IW» ,  knne  II , 

1 83a,  in^*";  avril,  2^9. 

Lettre  au  directeur  de  Y  Artiste  touchant  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Berne , 
n'  43i,  perdu  pendant  a8ans par  M.  Ach.  Jubinal,  1 838 ,  in-8' ;  février,  137. 

Mélanges  publiés  par  la  société  des  bibliophiles  français  :  Credo  de  JoinviUe  ;  1 837 , 
in-8'  max.  ;  mars ,  1  g  1 . 

Catalogue  général  des  livres  composant  les  bibliothèques  du  département  de  la 
marine  et  des  colonies  ;  tome  I ,  Théologie  ;  1 838 ,  in-8'  ;  octobre ,  646. 

Catalogue  général  des  livres  qui  ont  paru  en  Allemagne  depuis  la  foire  de  Saint- 
Michel  1837  jii!»qu  à  Pâques  i838 ,  ln-8';  juin ,  383. 

Encyklopoêdisches  Lexikon,  etc.  Dictionnaire  encyclopédique  de  la  littérature 
moderne....  in-8',  i838;  juillet,  457. 

Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  M.  le  baron  Sîlvestre  de  Sacy;  par 
M.  Daunou,  i838,  in-A**;  décembre. 

....  Notice  sur  la  vie  de  G.  Niebuhr  (en  allemand) ,  t.  P',  1 838,  in-8';  juin,  383. 

Notizie  biografiche....  Notices  biographiques  et  littéraires  sur  les  écrivains  des  états 
delà  maison  d'Esté.  Reggio,  1 833-1 838,  in-4*;  novembre,  71 4. 

Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Charies  Botta;  janvier,  56. 

J,  Manoscritti  italiani....  Manuscrits  italiens  des  bibliotlièques  royales  de  Paris, 
décrits  par  le  docteur  Marsand,  t.  II,  in-â*;  août,  5a o. 

6.  Archéologie. 

Visit  to  the  great  Oasis  of  the  Libyan  désert,  etc.  par  G.-A.  Hoskins ,1837,  in-8' , 
articles  de  M.  Letronne;  mars,  180-188;  avril,  a 37 -a 48. 

The  Bromes  of  Siris....  by  Ch.  Bronsted ,  i836,  in-P;  mai,  319. 

Vulcain.  Recherches  sur  ce  Dieu ,  etc.  par  M.  T.  B.  Eméric-David  ;  janvier,  59. 

Inscripdones  Pompeians,  1 838, in-8';  mai,  319. 

Le  Laurentin,  maison  de  campagne  de  Pline  le  Jeune....  pat  L.  P.  Haudebourl, 
architecte.  Paris,  i838,  in-8';  septembre,  585. 

Troisième  mémoire  sur  les  antiquités  chrétiennes  des  Catacombes....  par  M.  Raoul- 
Rochette ,  1 838 ,  in-4' ;  octobre ,  6A6-647. 

Ricerche....  Recherches  de  M.  Edouard  Gerhard  sur  les  noms  des  vases  antiques  : 
troisième  et  dernier  article  de  M.  Letronne  ;  janvier,  1-10.  (Voir  novembre  et  dé- 
cembre 1837.) 

Le  Antichiti  ddla  Sicîlîa,...  par  M.  le  duc  Serradifalco,  1 1,  EgesU ,  i834;  1. 111 , 
Agragante,  1837,  »«^*^  •  articles  de  M.  Raoul-Rochette ;  avril,  aa5-a37;maî,  aô?- 
375. 

Le  Fabbriche  e  i  Monumenti  cospicui  dî  Venezia....  par  Leopoldo  Gcognara.... 
Venise,  i838,  gr.  in-P,  1. 1;  août,  5aa. 


DECEMBRE  1858.  775 

Chartes  latines  sur  papyrus,  du  vi*  siècle  de  Tère  chrétienne,  publiées  par 
M.  QiampoHion-Figeac  ;  janvier,  55. 

Das  Alexandrin ischc  Muséum....  Le  Muséum  d* Alexandrie  ;  par  G.  Partliey,  i838, 
in-8*  :  article  de  M.  Letronne  ;  juin ,  356-365. 

Zur  Gemmenkunde  ;  antike  geschnittene  Steine....  Pierres  gravées  de  la  châsse  de 
Sainte-Elisabeth  de  Marburg....  par  Fr.  Creuzer  :  articles  de  M.  Raoul-Rochetle; 

février,  85*99;  mars,  1  a 9-1 47- 

Das  Mithreum...  Monument  de  Mitlira,  trouvé  àNeuenheim;  par  le  docteur 
Frédéric  Creuzer.  Heidelberg ,  i838 ,  in-8*  ;  octobre,  648. 

Die  Stupas...  Les  Stupas  (Topes)  ou  les  monuments  architectoniques  sur  la  roule 
royale  inilu-liAcuîeuuc  elle»  colosses  de  Bamiyan  ;  par  Cari  Ritter,  1  vol.  In-8^:  article 
de  M.  Letronne;  septembre,  542-554. 

Troisième  supplément  à  la  notice  sur  quelques  médailles  grecques  inédites  de  rois 
de  la  Bactriane  et  de  Tlnde  :  article  de  M.  Raoul-Rochelte-,  décembre,  736-753. 

Histoire  du  cabinet  des  médailles....  par  M.  Dumersan ,  in-8*;  avril,  a  53. 

Mémoires  et  dissertations...  publiés  par  la  société  des  Antiquaires  de  France, 
tome  IV,  1 838 ,  in-8*  ;  novembre  711. 

Du  système  monétaire  des  Francs;  par  M.  G.  Guérard  ;  janvier,  60. 

3*  Philosophie  :  Sciences  morales  et  politiques.  —  (Jurisprudence,  théologie.) 

Métaphysique  d*Aristolc  ;  par  M.  Cousin  (nouvelle  édition):  mars,  19a. 

Cours  de  Thistoire  de  la  philosophie  morale,  professée  en  1819...  par  V.  Cousin , 
1 838,  in-8';  novembre,  710. 

Rapport  sur  deux  pièces  inédites  de  la  Bibliothèque  royale  de  Paris ,  relatives  à 
rhistoire  du  Cartésianisme;  articles  par  M.  V.  Cousin;  mars  170-180;  avril,  ai8- 
aa3. 

Leibnitzii  opéra  philosophica  omnia,  i838,  in-4''  ;  mai,  3 18. 

Utopia.  L'Utopie  de  Thomas  Morus....  par  M.  A.  S.  John ,  i838,  in-8*;  juin,  384. 

Dissertation  sur  Tétat  de  la  philosophie  naturelle  en  Occident,  i838,  in-8*; 
juiUet,  456. 

Geschichte  der  letzten  Système . .  Histoire  des  derniers  systèmes  de  philosophie 
en  Allemagne,  t.  II,  1 838;  juillet,  458. 

Etudes  philosophiques;  par  M.  C.  Mallet. . .  1 836- 1 838,  in-8*;  novembre,  711. 

. .  .Éléments  de  philosophie,  par  N.  Bamba,  en  grec;  Athènes,  i838,  in-8*; 
décembre,  768. 

L*éducation  progressive. . .  .  par  M"**  Necker  de  Saussure,  t.  III,  1 838,  in-8*; 
juillet,  457. 

Recherches  sur  lorigine de  Timp^t  en  France ,  par  M.  Potherat  de Thou ;  i838, 
in-8*;  octobre,  646. 

De  la  fortune  publique  en  France  et  de  son  administration  ;  par  M.  L.  A.  Macard 
et  M.  J.  Boulatignier ,  1. 1",  1 838,  in-8*;  avril,  a 54. 

Compte  général  de  Tadministration  de  la  justice  crimindle  en  France  pendant 
Tannée  i836,  in-4*;  i838. . . . 

Tableau  décennal  du  commerce  de  la  France  avec  ses  colonies  et  les  puissances 
étrangères,  1837  à  i836,  a*  partie,  gr.  in-4'' ;  juillet,  454. 

Le  même  pour  Tannée  1837  ;  novembre  ,710. 

The  crédit  System,  etc.  Du  système  de  crédit  en  France,  dans  la  Grande-Bretagne 
et  aux  États-Unis  ;  par  H.  C.  Carrey ,  Philadelphie  et  Paris ,  1 838 ,  in-8*  ;  octobre ,  65o. 


776         JOURNAL  DES  SAVANTS. 

A  sUtittical  account...  Tableau  staliitiqiieâe  leiopiretrbritaiiniqtte;  fêr  J.  R«Mac- 
CuUoch.  ii'édiiibn,  Londres,  i838,  in-S*";  noveinbpe,7J;4. 

Rapport  de  M.  Pardessus  sur  larpubiioatîoQ  des  Assiaea  da  Jérusalem,  i836,  îa-A*; 
mars,  19a. 

Ménoire  sur  la  condition  de  U  propriété  territoriale  de  Qune....  par  M.  Éd.  Biot, 
i838,  in-8';  octobre,  6A6. 

Abrégé  de  la  Bible;  par  M.  Micbel  Berr,  a*  édition  ;  >ayril ,  2bà. 

Vêtus  testameotun^grœcum.  • .  Prospectus  d*  une  nQHYeHe  éditkwi  des  Septaote, 
devant  former  deux  grands  volumes  in-8**,  eik  .teile  grec  pufalié  séparénaeni  ea  un 
volume;  septembre,  585. 

. .  .Œuvres  de  saint  Jeaa  Cbryaostomo.  tomus  XI,  pars  altéra,  in-8*,  Paris, 
i838;  août,  5ao. 

4*  Sewnces  phyài/Ufes  et  mathématiqaes.  ^»  (^Arts.) 

Researches. . .  Recherches  sur  Tbistoire,  naturelle  du  genre  humain;  p^r  James 
Cowles  Prichard.. . .  vol.  I,  Londres,  i836  :  article  de  M.  Flourens;  noveo^bre, 
651-657. 

Œuvres  d*histoire  naturelle  de  Goethe  •  par  M.  C3ir.  Fr.  Maxtins;  janvier,  61 . 

1.  Précis  élémentaires  d*histoire  naturelle,  etc.  par  J.  Delafosse,  a  vol.  in-ia.  — 
a.  Qéments  d'histoire  naturelle«  etc.  par  Sauçerotte,  1  vol..io-8^  .m-  3.< Règne 
animal  disposé  eu  ttiUeaux  luétbodique» ,  etc.  par  J.  Achille  Comte.  —  4.  Leçons 
âémentaires'd'hist.  nat.  etc.  par  F.  ikMDbert,  a  vol.  în->]a..  '—  5.  Hiy tîologîe  pour 
le8ecdlégeB,.etc.  par  J.  AohiUe  Comte,  eahier  i»4*«  -««'G.'Elémealideioeiogie;  par 
M.  Edwards,  1  vol.  in-8*  de  1066  pag.  —  7.  Traité  tiémentaire  d*hist.  nak.  par 
MM« Martin  Saint^AngO' et  Guérin  :  articlede  M.  F.  Cwpter;  janvier,  do4i • 

Cours  sur  la  génération,  lovolegie  et  Tembryologie;  par  Mj  Flourens,  in-4*,  Paris, 
i836  :  article  de  M.  F.  Cuvier;  janvier,  44-53. 

Theory....  Théorie  de  la  raison  kiverse  qui  existe  eBtrela^'respiralion^trirritabi- 
lité  dans  le -règne  animal,  par  M.  Marsnall4IaU...  Londres,  i^a  :  artîde  de 
M. Flourens;  novembre,  657*664. 

Elxperimentele  untersuchungen....  Recherches  expérimentales  sur  la  physiologie 
de  Torgane  derouie;ipar.M.J.  Muller*  Bertin,  ^838^10*4*;  octobre,  647. 

Elementi  di  Anatomia  fisiologica ,  1837-1 838,  in*8*,  ave&  atlas  in-P)  juin,  384. 

Anatomie  microscopique;  par  le  docteur  Louis  Mandl,  18B0,  io^P  t  octobre,'647. 

-Mémoires  pour  servir  è  une  description  géologiqtte  de  la 'France;  par  MMi  Du- 
frénoy  et  Èiie  de  Beaumont,  t.  II,  III  et  IV,  Paris,  i834,  i836,  i838  :  articles  de 
M.  Chevreul  ;  août,  47^^481;  septembre ,  569-583. 

The  wonders  of  geology....  i838,  in-8*;  mai,  3ao. 

Essai  sur  les  cavernes  aessements par  M.  Maroe^  de  Serres  rS*  édition,  f838, 

in-8';  novembre,  71a. 

fieognôstiache  und  phyaihalisohe,..v  Observation»  géegnostiqiiea  et  physiques  sur 
les  volcans  du  plateau  de  Quito  ;  par  Alex,  de  Humboldtf  i838,  in4*  ;  octobre,  647. 

Memorie md  bonificamento  drilelfaremme Toscane....  par  M.'Ferdinand Tarttni, 
Florence,  i838,  1  vol.  in-8*,  avec  allas  in-f  :  article  de  M.  Lîbri;  septembre, 
ôa3-535. 

De  Tinfluence  des  arbraasarla  foadre;pa0M.  HéricartdeThnry,  i438riii*8*; 
avril,  a 53. 

(!foaîté  du  Corail.....  (onvnge  mauuserit);  par  le  9  de-Peyssouael  :  tftiele  de 
M,  Flourens;  février,  108-1  a  a. 


DÉCEMBRE  1838. 


^m  ^»  ^m 

//  / 


Histoire  des  sciences  mathématiques  en  Italie par  G.  Libri,  i838,  iii-8"  :  ar- 
ticle de  M.  Lacroix;  juin,  545-355. 

Aperçu  des  méthodes  en  géométrie  ;  par  M.  Chasses  ;  janvier,  61 . 

Opinions  populaires  et  seientitîques  des  anciens  sur  les  éclipses  :  article  de 
M.  Letronne,  4^4-450. 

Observations  astronomiques....  publiées  parle  Bureau  des  longitudes;  avril,  a53. 

SteJlarum  duplicium  et  multiplicium  mensur»  micrometricae,  etc....  1837,  in-f*  : 
article  de  M.  Biot;  mai ,  297-309. 

Connaissance  des  temps...  pour  Tan  i84  i  »  publiée  par  le  Bureau  des  longitudes, 

1 838 .  in-8'  :  septembre .  .^»fi 
Annuaire  pour  Tan  ]838,  présenté  au  Roi  par  le  Bureau  des  longitudes,  1837 

(  i838) ,  in-i8;  septembre,  586. 

Institut  DE  France.  —  Académiet,  sociités  Uuéraires. — Journaux. 

Académie  Française  ;  séance  publique  présidée  par  M.  de  Salvandy,  prix  décernés 
et  proposés;  août  5i4. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Mort  de  M.  Ch.  Fréd.  Reinhard  ;  jan- 
vier, 55.  Rapport  de  M.  Silvestre  de  Sacy  sur  les  travaux  des  commissions  de 
cette  académie  ;  février,  123-127.  Mort  de  M.  Silvestre  de  bacy  ;  février,  127.  Discours 
prononcés  sur  sa  tombe;  mars,  189-190.  Rapport  de  M.  Daunou  sur  les  travaux  des 
commissions  de  celte  académie  pendant  le  premier  semestre  de  i838;  juin,  366. 
Séttuce  publique  :  prix  décernés  et  proposés.  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  M.  le 
baron  Silvestre  de  Sacy,  par  M.  Daunou;  août,  3 1 6-5 18.  Élection  de  M.  Garcin  de 
Tassy,  5 16. 

Notices  et  extraits  des  manuscrits,  tome  XIII,  i838,  in-4*;  novembre >  709. 

Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  M.  le  baron  Silvestre  de  Sacy;  par 
M.  Daunou,  i838,  in-4* ;  décembre. 

Académie  des  Sciences.  Mort  de  M.  Tessier;  discours  prononcé  à  ses  funérailles 
par  M.  de  Silvestre;  janvier,  53-54-  Eloge  historique  de  Joseph  Pourier;  par 
M.  Arago,  in-4';  avril,  2  54.  Extrait  du  rapport  sur  un  ouvrage  de  M. 4e  baron  Blein, 
intitulé  :  Principes  de  mélodie  et  d'harmonie ,  imn  ,371.  Mort  de  M.  Dulong,  discours 
prononcés  à  ses  funérailles ,  par  MM.  Arago,  Chevreul  et  Thenard;  45 1 -452.  Mort 
de  M.  Frédéric  Cuvier  ;  453.  Séance  publique:  prix  décernés  et  proposés;  discours 
de  M.  Becquerel ,  intitulé  :  Recherches  sur  le  dégagement  de  la  chaleur.  Éloge  de  M.  Lau- 
rent de  Jussieu,  par  M.  Flourens;  5i8-520.  Mort  de  M.  Huzard;  discours  prononcé 
à  ses  funérailles  par  M.  le  baron  de  Silvestre;  décembre,  765. 

Mémoires  de  l'Académie  royale  des  Sciences  de  Tlnstitut  de  France ,  tomes  XIV, 
XV  et  XVI  ;  octobre ,  632 . 

Mémoires  des  savants  étrangers,  publiés  par  ordre  de  FAcadémie  des  Sciences, 
tome  V,  i838,  in-4*;  novembre,  709. 

Académie  des  Beaux-Arts.  Mort  de  M.  Thévenin  ;  discours  prononcés  sur  m  tombe; 
mars,  190.  Mort  de  M.  Gastellan,  académicien  libre;  248.  Mort  de  M.  Ramey  père, 
discours  prononcé  à  ses  funérailles  par  M.  Peiitot;  juin,  473.  Élection  de  M.  Dumont 
en  remplacement  de  M.  Ramey  père  ;  juillet,  454.  Mort  de  M.  Percier:  discours  pro- 
noncé à  ses  funérailles  par  M.  Lebas  ;  septembre ,  584.  Séance  publique  :  éloge  de 
M.  le  baron  Gérard  par  M.  Quatremère  cle  Quincy  ;  distribution  des  prix;  octobre, 
637-638. 

Académie  des  Sciences  morales  et  politiques.  Mort  de  M.  Ch.  Fréd.  Reinhard  ;