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JOURNAL
SCIENCES MILITAIRES
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SCIENCES MILITAIRES
REVUE MILITAIRE FRANÇAISE
79" ANNÉE
DIXIÈME SÉHIE. — TOME DIX-SEPTIÈME
PARIS
IMPR-IMBRIB ET LIBRAIRIE] MILITAIRES
R. CHil.PELOT & C«
80, Hne et Passage Dauphlne, 80
1903
Tout droite réservés.
JOURNAL
SCIENCES MILITAIRES.
REVUE MILITAIRE FRANÇAISE.
Janvier Î9 03,
-^ — «\>
L'ESPRIT DE LA GUERRE'
IDEE D ENSEMBLE SUR LA TACTIQUE LINÉAIRE.
La guerre, aussi ancienne que l'apparition des êtres animés
jsup la terrCj est la forme par excellence de la concurrence
[vitale.
Les peuples, comme les individus, ne peuvent acquérir,
puis conserver leur unité, leur civilisation et leur caractère
ijiropre, qu't*i la condition de lutter sans cesse et viclorieuseraent.
De notre temps, les luîtes de peuple à peuple révèlent, pen-
[ <îanl de longues période?, le caractère de concurrence politique,
joniraerciale et industrielle ; mai?, lorsque J'élal de tension
lêpasse certaines limites, la guerre éclate, violente, implacable,
>t le plus fort dicte sa loi au plus faible.
* CeUe étnde conâtituc l<!s premières pages d'un livre Aa M. le général
l-VttJkL, qui va paraître sons ce tilre, à la librairie R. Chapelût tt C<>.
b JOURNAL DES SCIBNCBS MILITAIRES.
La puissance guerrière d'un peuple a pour éléments la valeur
individuelle, rorganisation des forces militaires, l'industrie, le
commerce, la richesse du sol, le nombre des citoyens aptes à
combattre, enfin la capacité des chefs.
La bonne organisation de l'armée et le talent du général en
chef ont permis à des nations pauvres et faibles, comme l'était
la Prusse au début du règne de Frédéric II, de dominer les États
voisins, de s'agrandir h leurs dépens et de prendre en Europe
une place prépondérante.
De notre temps, la Prusse n'a-t-elle pas, grâce h la perfection
de son armée, chassé l'Autriche de la Confédération germanique
et, un peu plus tard, reconstitué à son profit l'empire d'Alle-
magne ?
La guerre est une des formes de l'activité d'une race.
On pourrait, en remontant aux civilisations qui ont précédé la
nôtre, démontrer que l'armée a toujours été en rapport intime
avec l'état social, religieux et politique de la nation.
Les Grecs, peuple artiste s'il en fut, eurent une armée
souple, manœuvrière, commandée, le plus souvent, par des
hommes d'une haute originalité.
Les Romains, h l'esprit méthodique, créèrent une tactique
rigide qui fut le triomphe de l'ordre normal.
Cette tactique, exhumée par la Ptcnaissance, s'est continuée
avec des modifications diverses chez les peuples d'Occident,
jusqu'à l'époque de la Révolution française.
Le dispositif de combat dit linéaire n'est, en effet, qu'un dérivé
de l'ordre de bataille d'une armée romaine.
Nous laisserons dans l'ombre, faute de temps, les longues
périodes de l'Histoire ancienne, pendant lesquelles des civili-
sations brillantes se sont succédé.
Pour la même raison, le moyen âge et la Renaissance seront
mis de côté.
Nos travaux seront ainsi limités à l'évolution guerrière qui
s'est accomplie en Occident depuis le XVII« siècle jusqu'à nos
jours.
L'esprit de la gmrre a été personnifié au XVII« siècle par
Turenne, au XVIIl« par Frédéric, au XIX» par Napoléon.
Élève du prince d'Orange, son oncle, du duc de Weymar et
L ESPRIT tiE LA dUERRE. J
'du duc d'Harcourl, le vicomte de Turenne fui fait maréchal de
France en 1643, h l'%e de 32 ans.
A celte époque, la guerre était l'état normal; la paix, l'excep-
tion.
De 1644 à ItJTuj anné? ào sa mort, Tureone a guerroyé pen-
dant vini^l années, et n'a eu de repos qu'entre les années 1658 îl
1667, c'est-îi-dire peudaut neuf ans.
Au XVll* siècle, le systttuie d'entretien des arnnécs par maga-
sins u'était pas anssi perfectionné qu'il le devint au siècle
suivant; néanmoins, une armée était [lourvne de conyois propor-
tionnellement très considérables, qu'il fallait protéger contre les
entreprises de rennemi.
L'art confiislail, dans la guerre de campagne, îi choisir un
camp sur des hauteurs pou accessibles, de telle sorte que
l'armée ennemie fiVt incapable de le forcer et que la position du
camp couvrit une ville, un tlouve, un défilé, tout en permettant
de menacer la communication de l'adversaire avec son territoire
d'origine.
Mais si l'ennemi meoarait h son tour les derrières du camp,
force était de le quitter. Deux solutions sq présentaient alors:
ou bien marcher contre le camp ennemi, en manœuvrant pour
attirer ses troupes en rase campagne et les cornhallre; ou bien
choisir un objectif géographique éloigné, objectif que l'on
s'eflorçail d'atteindre en dérobant quelques marches h ('ennemi.
Les combats et batailles ne se livraient qu'îi la dernière extré-
mité, lorsque tous les autres moyens d'éloigner fennemi du but
de ses convoitises avaient échoué.
Le concept de celte guerre, si étrange pour nous, s'explique
aisément.
Les engagements étaient très meurtriers, en raison de la
grande énergie ambiante et du peu d'eflicacité des armes à feu,
qui permettait aux troupes de s'aborder à l'arme blanche:
d'auli*e part, les armées, levées et entretenues sur la cassette du
souverain, représentaient un capital qu'il ne fallait pas laisser
trop entamer,
La guerre d'alors est toute dynastique, étrangère par consé-
quent aux. peuples qni la font, et la ruse y joue un rôle au moins
anssi considérable que la force.
Turenne fut complètement de son temps.
8
JOVfiNAL DES SCIBNCE8 MILITAIHES.
Son génie se manifesta principalement par le bon emploi des
ressources dont H disposait, par une grande vigueur jointe il
beaucoup de prudence, enfin par l'excellence de ses combinai-
sons siralégiques.
Son armée, généralement for le delo.ÛOO fi 20,000 hommes,
fut disposée, en vue du combat, sur deux lignes, avec une
réserve.
Chaque ligne présenlaîl un centre ci deux ailes, comprenant
de l'infanterie et de la cavalerie ; l'artillerie se déployait en avant
de la première ligne, sous la protection d'une avant-garde de
cavalerie.
On ne constate pour ainsi dire pas do combinaisons lactiques
sur le champ de bataille. Les armées adverses s'abordent de
("ront après une courte canonnade, et le rûîe du commandant en
chef consiste principalement h. réparer les échecs ou h compléter
les succès partiels.
Le centre et les ailes reçoivent ou choisissent, ati début de
l'action, leui- objectif propre et l'atlaquenl avec une grande
vigueur.
Les bois et tes villages jouèrent un rûle important dans tes
batailles de cette époque comme points d'appui, surtout aux
ailes.
Turenne ayant presque toujours eu rinfcriorilé en cavalerie,
chercha une compensation dans l'adjonction de quelques pelo-
tons d'infanterie à ses escadrons.
Ce procédé est vivement combattu par Napoléon dans ses
Commentaires.
Turenne a été surtout grand par sa stratégie, la vitesse de
ses marches, les procédés d'entretien de ses troupes, procédés
bien supérieurs h ceux du XYin** siècle, en ce qu'ils ne fumnl
pas exclusivement basés sur le système des magasins.
Napoléon a pu dire de lui :
« Dans celle campagne (de lt»4R en Bavière) et dans colle de
<( 1646 (dans la Hesse), il parcourut rAlIemagne en tout sens,
" avec une niobililé et une hardiesse qui contrastetit tiFec la
« manière dont la guerre s'est fmte (hpuis ; cela tenait h son
(I habileté et aux bom principes de guerre de cette épogue, ainsi
« qu'au grand nombre de partisans et d'alliés qu'il trouva
(' partout. ■)
l'esprit de la guerre, 9
En résumé, Turennc, grtlcc au faible effeclif de son armée, à
la forte discrpline qu'il sut lui inculquer et k la mélhodc d'entre-
tien basée sur l'cxploilation des ressources régionales, put
imprimer aux opérations une énergie et une rapidité exception-
nelles.
Toutefois, !es procédt^s lactiques qu'il mit en usage ne diffé-
rent pas de ceux de ses adversaires. S'il forme une avant-^arde
de cavalerie, celte troupe est uniquement chargée de reconnaître
et de lâler rennenii ; nul feinte en dehors des marches straté-
giques; le coup droit e( c'est loul.
Nous allons voir Frédéric II employer, dès sa première cani-
pagtie, des avant-gfardcs mixtes^ destinées ?i combattre, pois
employer un dispositif d'approches, dénommé bien à tort
w ordre oblique », grâce auquel il s'elïorce d'attaquer par
surprise une aile, en maintenîint en respect le front et l'aile
opposée de l'ennemi h l'aide d'une démonstration ou d'une
simple menace.
Le procédé frédéricien formera transition entre l'ordre de
bataille parallèle du XVII« siècle et le dispositif arlii:alé et en
profondeur de Napoléon, permettant de développer îi l'cxtrèmc
llinilc le principe fécond de Véconowie des forces.
Entre la mort de Tnrenne (16" 5) et les premières campagnes
de Fréd^'^ric (1740), l'organisation des armées européennes s'était
modifiée dans lo sens d'une ré;^^lemenlalion jilns étroite des
formes linéaires et de la généralisation du système des maga-
sins.
Frédéric utilisa les moyens do guerre existants, sans les modi-
fier atilrement que par une mise en œuvre Irt^s personnelle.
Ayant trouvé la lactique linéaire, il hi conserva, mais lui fit
rendre tout ce qu'elle pouvait donner,
Les pei'fectionnemenls qu'il apporta au tir de Tinfantcrie, h la
capacité nianœuvrière des troupes de cavalerie en parliculier,
forent considérables.
L'infanterie apprit h csëculertrès rapidement des feux de pe-
loton et de bataillon.
iO JOL'RXAL DBS SCIENCES MILITAIRES.
Le pas cadencé, usilf^ déjîi cbe?. les Grecs, fol rétabli et im-
[losé k l'infanterie, même sur le champ de bataille.
La t'oniiaijon tuudamentale de rinfanterie fui la ligne de ba-
taille sur trois rangs.
Les bataillons a[)priren( îi se déployer rapideuienl en bataille
et à se former dans le même ordre sur un de leurs flancs ; maiSj
au combat, ils n'employèrent que les formations de à droite ou
à gauche en bataille par le front des pelotons.
La cavalerie prussienne acquit, sous Frédéric, des qualités de
premier ordre qu'on n'a pas dé^jassées depuis.
Deux généraux hors pair : Seydlitz. et Zîethen, furent les réor-
ganisateurs et les chefs de la cavalerie prussienne.
Sur le champ de bataille, la charge par lignes devint l'unique
mode d'action de cette arme, contrairement au fâcheux usage,
établi depuis la fin du XVH" siècle, qui consistait h. faire lircr la
cavalerie au moment de joindre ou de i-ecevoir l'ennemi.
L'artillerie de campagne comprenait les pièces de régiment et
les pièces de batterie
Les pièces de régiment, ati nombre de deux par bataillon, se
plaçaient h cinquante pas en avant des intervalles de la ligne de
bataille.
Les pièces de balterie, réunies par dix, formaient des brigades
ou batteries, en avant du front ou des flancs.
L'ordre linéaire pur avait pris naissance vers la fin du XVII«
siècle, .sous l'influence croissante des résultats de la niousqucîerie.
Un pj'ogrès d'ordre technique imposait ainsi ù la tactique une
forme absolue, et détruisait rharnionie des conditions de la vic-
toire, parmi lesquelles figure au premier rang l'action de masse
contre une fraction de l'anuée ennemie.
Du temps de Turenne et de Condé, on avait vu parfois, comnje
à la bataille de Nordlingen, les commandants des trois grands
groupes de rarniéo : aile droite, centre, aile gauche, jouir d'une
grande initiative dans l'exécution de leurs attaques. Au XVIII*'
sii^cle, époque de la monarchie absolue, le couitiiandatit en chef
commande seul h sou armée.
Cette circonstance, de nature sociale, jointe k l'obligation,
pour développer le plus de feux po-ssibles, de tenir l'armée tou-
jours prèle h se déployer sur un grand front, amena une rigidité
absolue dans les formes tactiques.
l'esprit de, la GUEnnË. \ |
On en arriva ihôitiq <i constituer un ordre normal de marche
et un ordre normal de combat, qui firent de l'armée une simple,
machine nctioDiiée par un suul liounne.
Une armée «Hail paHagée en deux ailes di- niême compo&ilior».
La cavalerie élail réj>arlie entre les deux ailes, ninis, iivnnt
racliori, elle se portait en œajorilt' au-devani de ruunemi pour
en prendre le contact.
Chacune des ailes, comprenant ia moitié de l'infanterie, se
Ibrmail sur deux lignes déployées; la première liii;ne toujours,
tin peu plus forte que la seconde. La dislance entre les lignes
était de 2^0 t\ :W0 pas.
L'armée marchait à rennemi par ligne ou par aile.
Dans le premier cas, chacune des, detix lignes formait une co-
lonne par peloton ^ intervalle rapproché, la cavulerie en tète et
en queue.
Dans le deLî\i^nle cas^ l'armée formait une coloune par aile et
une colonne du cavalerie en dehors de chaque aile; au total,
quatre colonnes.
Le dt'ploîement de l'armée s'effectuait, atitant que possible,
hors de portée de l'ennemi et. le plus souvent, de sa vue.
Quand la marche d'approche avait eu lieu par ligne, l'année,
qui avait pris sa direction sur î'aiie droite, par exemple, de l'en-
nemi posté et en position, exécutait un changement de direct ion
h droite par ligne, puis se formait en bataille face h. gauche, par
une conversion des pelotoûs, de façon îi présenter un front paral-
lèle «i celui de l'ennemi.
Si, au contraire, l'armée s'était, avancée par aile, chacune des
colonnes conversait h angle droit, aprfes avoir pris des intervalles
.suffisants ; puis se formait fi gauche ou à droite eu bataille par le
front des pelotons.
Les préparatifs d'engagement étaient, on le voit, extrêmement
longs et pénibles. Tout combat de rencontre devait dégénérer,
par suite, en afireux désordre; k la vérité, îl ne &'en présentait
presque jamais, l'un des adversaires attendant généralement l'at-
taque de l'autre sur une position où il s'était déployé par avance.
Généralement l'assaillant ainsi que le défenseur étaient si
empêchés de modifier leurs dispositions, de peur de nuire h la
belle ordonnance dos formations, que les armées une fois en
présence, étaient comme cristallisées.
12
JOURNAL DES SCIENCES MILITAIUËS.
Suivant l'esprcssion imagée de Lloyd, un conlcmporain,
« l'armée était sf^mblablc ?i une garniture de cheminée en por-
celaine que l'on ne remue pas, de peur de la casser ».
Le souci i ni périeiix de conserver intaetft la formation do combal
en lignes rigides fil abandonner l'utilisation des points d'appui
naturels et artiticiels, tels que bois et villages.
On recherchait, pour se poster, dts hauteurs dominantes dé-
pourvues d'obstacles, sauf du côt6 de l'ennemi, et le parti oflensif
renonça souvent k l'allaque lorsque les abords de la posilion
ennemie étaient de nature à produire fa rupture des bataillon?,
déployés.
En résumé, au moment où Frédéric commença ses immortelles
campagnes, la tactique générale se réduisait ouk dispositions
suivantes :
La majeure partie de la cavalerie forme t'avanl-garde ; c'est
k elle qu'échoit le rôle de reconnaître et d'immobiliser l'ennemi;
mais, cet ennemi étant déjà posté par avance, son immobilisa-
lion est purement aubjeetive.
L'armée, forte de 30,000 fi 50,000 hommes, ne forme qu'un
seul bloc dii'igé par le commandant en cliof, et sa division en
ailes n'est que nominale.
L'armée se dispose péniblement par desi évolutions simulta-
nées face îi la posilion ennemie. Son artillerie, protégée par la
cavalerie, ouvre le feu h partir de GOO ou 600 mètres, est bientôt
rejointe par la première ligne d'infanterie, laquelle s'avance
jusqu'il 200 mètres, et conimencD h tirer.
Dl-B que le désordre se met chez l'ennemi, la cavalerie, qui
s'est reportée aux ailes, fond sur lui, suivie bientôt par l'infan-
terie, et une courte mêlée se produit qui décide du griin ou de ia
perte de la bataille.
Une atïaire importante dure tout au plus deux heures depuis
le premier coup de canon jusqu'au moment de sa décision.
La bataille ne comporte qu'un sent acte : le combat décisif.
Ce genre de combat réclamant de tout temps, et quelle que
soit la lactique en usage, un terrain découvert, très accessible
aux (rois armes, pour qu'elles puissent se prêter simultanément
un mutuel appui, on recherche» avant tout, pour livrer bataille,
une plaine rase et sans obstacles,
Toutcela est logique une fois qu'on admet le principe du corn-
t ESPRIT DE LA flUEBElE.
13
mandemenl unique el absolu, ne laissant rien h liniliative des
soiis-ortli'es.
L'ordre linéaire n'est pas en cause.
Cet ordre répondait ]>arfailetneiit h h nécessilé dB mettre en
jeu te plus grand nombre de fusils; mais il suppriranil l'idée de
masse disponible, ou réserve, destinée au choc,
La rigidité de l'ordre linéaire ne provenait pas de sa forme,
mais bien de Tesprit qui animait alors le commandement.
On conçoit faciiement qoe l'ordre en bataille puisse répondre
ît toutes les exigences de h» tactique la plus perfectionnée, si l'on
suppose les bataillons et les compagnies placés suivant un dis-
positif échelonné, ceux du combat de front pourvus d'une indé-
pendance relative leur permettant d'agir suivant les intentions
du commandement, avec rinitiative qui leur est propre.
Constatons dès maintenant, qu'un ennemi posté, incapable de
modifier rapidement ses dispositions, dépourvu d'une forte
réserve, sans points d'appui, présenlail deux points très vulné-
rables : ses ailes.
Frédéric va mettre à profit ceUe constatation, et sa tactique
tendra constamnient li une attaque d'aile, directe ou envelop-
pante, sans pour cela renoncer à la méthode de commandement
en usage de son temps, méthode qui, encore une fois, a été I^
cause efficiente de l'ordre linéaire rigide.
Frédéric réalisa un progrès tactique de première importance
en constituant une avant-garde d'infanterie, forte de 8 ou 10
mtaillons de ses meilleures troupes, pourvue d'une batterie de
)s calibre.
Le rôle de cette avant-garde fut intimement lié l\ la manœuvre,
dite en ordre oblique, que nous allons exposer^
Sans modifier la disposition rigide de l'armée assaillante,
quel procédé permettait d'atteindre le résultat cherché? Les
combats ne pouvaient durer qu'un instant, par suite du nombre
de fusils mis .umutianément en action, de part et d'autre, li oti
la rencontre se produisail.
Cette constatation suffit à indiquer que l'acte décisif devait
produire dès que deux troupes d'infanterie se rencontre-
raient à la distance des feux do mousqueterie efficaces, c'esi-à-
dire à 300 mètres.
11 fallait donc, ou bien combattre de front avec le gros des
d4 JOURNAL DES SGI&NGES MlLITACnES.
forces et faire agir pt^sque aussilûL mm forte réserve ïiir une
aile, ou bien faire attaquer tout d'abord une aile de l'ennemi par
une force supérieure h celle que le déft^nseur pouvait lui opposer,
pendant que le resie tie l'arujée inimoLilisrjraiL le gros de
Tennemi.
L'ordre liof^aire rigide conservé par Frédéric, s'apposait uux
manœuvres d'une réserve en arrièro de la ligue de balailltis
car kl décision eût été obtenue sur le front avant l'arrivée de
la réserve sur l'aile li détruire. D'ailleurs, il y a antinomie entre
l'idée d'une masse de manœuvre, connexe d'enga^aremenls
progressifs sur tout le front, el l'idée mtn- de l'ordre rigide dit
linéaire.
Fr<^déric ne pouvait donc adopter, pour la réalisation du
principe, encore vague cIick lui, de l'économie des forces, qu'iui
dispositif en vi^rtu duquel une partie de ses troupes altaquerait,
en nombre supérieur, une aile de Tennemi, pendant que l'autre
partie, maintenue hors de portée des coups du centre enuemi,
le menacerait d'une attaqu(î brusquée s'il faisiiit mine de changer
ses dispositions pour venir au sucours do son aile engagée.
C'était un moyfm de se constituer une sorte de réserve, d'éco-
nomiser, dans le sens vulgaire du mol, la majorité de ses res-
sources.
D'ailleurs, Vrédéric était trop de son temps pour donner à In
guerre un caracltre différent de celui que lui attribuaient ses
contemporains.
' Lo but de la guerre était apparent el immédiat.
Surprendre une province limitrophe mal gardée, l'occuper, la
fortifier, puis empêcher l'armée ennemie, rassemblée sur ces
entrefaites, de reprendre son bien.
L'idée de destruction totale des forces organisées de l'ennemi
en une succession rapprochée de batailles décisives était trop
radicale pour l'époque.
« Tout risquer tout à la fois w n'est pas le fait de Frédéric,
qui organise sa bataille offensive de façon à n'engager aérieu-
semenl qu'une parlie de ses forces contre une aile de l'ennemi,
- Battre l'ennemi consiste pour Frédéric h le rejeter hors de la
position qu'il occupe, en lui faisant un grand nombre de prison-
niers (autant de recrues ne coûtant rien) et à ramasser beaucoup
de trophées.
l'esprit de la (ilJBRRR< 15
Le concept de Napoléon est (out autre; il (.Jonne à la guerre
"on cachet d'énergie et de violence que ne poiivriient soupçonner
les hommes un XVIll^^ siècle, aux mœurs raffinées.
Clausewiiz dépeint en ces termes l'idée de la guerre napo-
léonienne, sL opposée h la guerre riK^lhodique de Frédéric,
iuissi bien comme opérations slratê^nqufts que sur le champ de
bataille :
<■ Cnmuiencei' par de grands coups, ex|)loi{er ses succès
« pour porter de nouveaux coups, placer toujours et sans
<t cesse tout son avoir sur une carte jusqu\*i ce que la banque
« saule; telle était la mani&re de Bonaparte, et c'est à ciette
« conception juste de la guerre qu'il doil précisément ses
« incroyables succès. «
Pour Napoléon, vaincre ne suffit pas; i! faut prendre on
détruire rennenii.
Ses réserves» pendant les bâtai l (es, sont des réservoirs qu'il
vidflj s'il le faut jusqu'à épuisement complet; eut" il n'hésite
jamais :t faire donner ses troupes jusqu'au dernier homme.
il,
LA STB.iTi;GlE DE FRÉDÉRIC II.
Un général en clief» quand il dispose en maflre des re-ssources
de hi nation, es^l plus indépendant de son milieu, en ce qui con-
cftrnela conduite des grandes opérations, que pour les formes du
combat.
Lii tactique exige, en effet, la coopération de tous et de cha-
cun, tandis que la stratégie, considérée comme Fart par excel-
lence du commandement .supréniCj n'est influencée que par des
éléments étrangers à l'armée oa qui se dégagent d'elle, comme lu
politique, les forces opposées, la valeur intellectuelle et morale
des adversaires, tes conditions géographiques du théfttre de la
guerre, etc. ....
Le génériil en chef ne doit compter que sur lui-même quand
il s'-d'jyh d'élaborer un plan d'opérations. Seul aussi, il prend les
décisions de principe dont les conséquences se font sentir parfois
jusqu'il ta 6n delà guerre.
îé
JOURNAL HKS SCIEKCES HILITAIRES.
Napoléon a écrit :
« Les généraux en chef son l guidés par leur expérience ou par
ft leur génie. i>
Une science s*apprend dans îes traités; l'art est d'essence
Irop subtile pour qu'il soit possible de l'entermcr en des règles
él roi tes.
Nous ferons observer, à ce sujet, que le perfectionnement des
méthodes scientifiques a pour effet de réduire la part quanlila-
live de l'art, sans pour cela lui enlever une parcelle de ses qua-
lités propres,
Frédéric euî. h lutter pendant sept ans coiiLre la France, TAli-
Iriche et la Russie, mais non toujours simultunéraent.
TrÈs supérieur aux homtnes et aux préjugés de son temps, il
sut s'alîranchir, dans une certaine mesure, du système d'entretien
des armées par les magasins.
Ce système, issu d'une réaction violente contre les horreurs de
la guerre de Trente Ans, et conforme, d'ailleurs, îi l'esprit poli-
tique de l'Europe, consistait essentiellement h former successi-
vement, sur la ligne de com nain tcalion d'une armée, des magasins
distants entre eux de quatre ou cinq jours de marche-
Les troupes, au départj emportaient trois jours de vivres el se
faisaient suivre de six rations sur convois régimentaires.
Dès que Tarmée se trouvait à quatre jours de sou magasin, elle
devait s'arrêter el orgfaniser un service de ravitaillement par
roulage.
Si elle avait h. se porter plus en avant, elle formait au préa-
lable un autre magasin à quatre ou cinq jours de marche du pré-
cédent et ne se mettait eu mouvement que lorsque le nouveau
magasin était approvisionné pour quatre ou cinq jours.
On constituait les magasins au moyens d'achats sur place, de
réquisitions, ou bien par des envois de l'intérieur.
La ligne de communication était aussi l'unique artère appor-
tant h l'armée les éléments de son entretien, d'où son importance
et les tentatives faites par rennemi pour la couper.
Par suite également on choisit autant que possible des places
fortes pour y installer des magasins.
Le désir de proléger sa propre ligne de communication et de
s'emparer de celle de Tennemi eut pour conséquence d'augmenter
l'importance des villes fortifiées et d'exiger que l'on fit le sifege
L'ESPfl[T DE LA HLTlJîHK. 17
de celles qui se Irouvaient h proximit»5 de la ligne de comniuni-
caliûR de l'adversaire ou qui abriLaicnt ses magasins.
Ces entraves, ajoutées à celles fjiiî provenaient de la rigidité
des formes tacîiques, devaient donner aux opérations un carac-
tère de minutie et de lenteur tout à la il contraire ïi l'idée qtie
nous nous faisons aujourd'htil de la guerre.
En général, une armé(> opérait dans tm rayon de quatre ou
cinq marches autour de son dernier magasin, et le rapproche-
menl deà armées adverses se faisait peu h peu jusqu'h, ce qu'elles
plissent se rencontrer, chacune a^ant derrière elle, l'i quelques
étapes, un magasin bien pourvu.
L'armée qui battait l'autre était fort incapable de la pour-
suivre au delà de quelques marches, toujours h cause des
magasins, tandis qne l'armée battue, si elle n'avait pas perdu
sa communication, trouvait l'abondance en eDectuaut sa re-
traite.
H suffisait donc, après une défaite, que l'armée vaincue se
retirill sur ses magasins pour qu'elle évitai les allcintesde l'en-
nemi victorieux.
Ainsi opéra Frédéric plusieurs lois, entre, autres aprcs la
bataille de Kollio (28 juin 1157), qu'il perdit complètement.
On est en droit de conclure logiquement du syslL^nie de guerre
employé au XVIU'' siècle que des opérations défensives basées
sur remploi des lignes intérieures — ou navettes — dans son
propre pays, au milieu des ressources faciles à réunir, devaient
remporter sur un système d'opérations oflensives liées élrotte-
ment à des magasins.
liOS faits donucut raison h cette induction théorique.
Les quatre iireniières campagnes de la guerre de Sept Ans
(17SG-i760) montrent mieiiîi que les autres toute la grandeur du
génie stratégique de Frédéric.
A partir de 1160, le roi de Prusse, satisfait sans doute des
résultats obtenus et craignant de les compromettre, se contenta
de faire une guerre de postes.
« Les dernières campagnes de Frédéric, n'ont plus le même
H cachet. Il devient craintif, n'ose plus livrer bataille. » (Napo-
l,BON.)
Même restreinte aux campagnes de 1756-1757, 17a8 et 1759,
l'élude critique des opérations stratégiques de Frédéric nous
J. detSc. mil 10" S. T. \Yll. 2
18 JOURNAL DBS SCIENCES MILlTAIitES.
entraînerait à des développements qui dépasseraient lès limites
du cadre que nous nous sommes tracé.
Nous nous restreindrons, en'conséquence, à la campagne de
4756 et à la première partie de la campagne de 1757.
Napoléon a commenté magistralement les opérations de la
guerre de Sept Ans.
Ses observations sur les manœuvres stratégiques de Frédéric
forment un enseignement de la plus grande élévation, mais les
Commentaires de Napoléon ne sont pas d'une lecture facile.
Dans l'étude que nous allons faire des campagnes de 1756 et
de 1757 en Bohème, nous nous efforcerons de saisir et de
rendre la pensée du mailre des maîtres.
Nous renvoyons ceux qui voudraient connaître en détail les
manœuvres et les batailles de celte guerre, au récit qu'en a fait
le célèbre écrivain militaire Lloyd.
Une traduction de co livre, complétée par des documents
d'origine française, a paru, en 1803, sous le nom de Roux-,
Fazillac.
C'est d'après cette traduction que Napoléon a écrit, ;i Sainte-
Hélène, son précis de la guerre de Sept Ans.
L'œuvre de Lloyd est très remarquable pour l'époque où elle
a été conçue.
Elle est fort curieuse aussi, au point de vue des idées lactiques
qui régnaient avant la Révolution française et de l'influence
insensée que l'on attachait au terrain.
Campagne de 1756 ea Bohême.
Dès l'année 1755, Frédéric apprit que l'Autriche, la Russie et
la France se préparaient à former une ligue pour lui enlever la
Silésie et la rendre à l'Autriche.
Voulant prévenir la réunion de ses ennemis, le roi de Prusse
prépara, dans le courant de l'été de 1756, l'invasion de la
Bohême.
L'Autriche, épuisée par la guerre contre les Turcs, ne pouvait
mettre en ligne que 40,000 à 50,000 soldats.
L'armée prussienne <x)mptait 120,000 hommes de troupes
excellentes.
l'esprit de L.i mjeRRt!:. t9
L'Électeur de Saxe, allié de l'Aul riche, disposait de i H, 00(1
hommes. Frédéric irespéniit pas li> (Irlacbnp de la roalitîon ;
maisj avec de l'habileté, il était possible d'obtenir le désarra*^-
tment de ses troupes et le libre jwssage des Prussiens on
Bohême par Dresde et le col de Pelei'swatde; eo cas de refus, lu
pelUe année saxoune serait, sfirement rejetée dans Uintérieur de
la Rohéme.
Le roi do Pitissi- se résolut k former deux «rmées ;. t'unc
principale de fU.dOtJ liomnies, fious ses ordres, allsiit «e réu-
nir en trois corps h Vi'iiiciiberg, Magdeljotirg et Francfort, sar
IrOder; l'autre, secondaire, de HO, 000 hoûimes, coufiéc au
fmarêchul de Schwerin, se rassemblerait h Schwddtiit?. en Silé-
sie.
Une vini^laine de mille hoinmes devaient former des corps
fd'observatiou sur les fronlicres menacées, autres cpiecelSes de la
Saxe, et de T Au triche,
Le plan du roi paraît avoir été d'euvaliir inopinémetit la Saxi*
ivGc l'armée principale, d'entrer en Bohême cl de marcher sar
[Prague pendant que le maréchal de Schwerin s'avancerait de
jNnchod dans la métue direction.
Le 30 août, les trois corps de l'armée j)rincîpale pénétrèrent
l'en Saxe, et, le 6 sepLcnibre, ils tirent leur jonction auprès de
[Dresde, que les Saxons avaient abandonnée, et ou l'on trouva df
îraudes ressources en vivres et en matériel d'artillerie.
L'année saxonne s'était réfugiée dans le camp dn PiVna.
Ce. camp aftectait la forme d'un triangle avant son sommet îi
Hrna, son côté est formé par TF^lbc, son cûté ouest par un ravin
fh fond marécageux de iO mitres de largeur et sa base protégée
[par la forteresse de Kœnigstein.
Le» faces est et ouest mesuraient 10,000 à lt,000 miilres, et la
Iface sud 4,000.
Celte circonstance imprévue amena le roi à lïîodiller ses
projets.
Le maréchal de Schwerin rerut l'ordre de ne pas dépasser
Anjctft, Il une marche de Kœnîggrœlz.
L'armée principale fut partagée en dernt fractions; l'une, de
-iî bataillions et 10 escadrons, fut chargée de bloquer le camp dé
Pirna ; l'autre de 28 bataillions et 70 escadrons, sous le mar^
fchal Keith, eut à jouer le rôlo d'armée d'observation en se pop-
20 JODBNAL DKS SCIENCES MILItAIBES.
tant en Bohême à quelques -lieues au sud de Peterswalde, sur 1»
route de Prague.
L'investissement du camp de Pirna fut achevé le 24 sep-
tembre.
A la première nouvelle de l'invasion de la Saxe, exécutée en
pleine paix, sans déclaration préalable, l'impératrice Marie-
Thérèse ordonna la réunion des troupes disponibles de l'Au-
triche.
On connaissait îi Vienne la marche du maréchal de Schwerin
sur Nachod.
L'armée autrichienne fut rassemblée en deux corps inégaux,
le plus faible sous le prince Picolomini à Kœniggraetz, le plus
fort commandé par le maréchal Brown à KoUin.
Celui-ci ayant reçu l'ordre de secourir les Saxons, au plus
vite, leva son camp de Kollin vers la mi-septembre, arriva le
23 septembre à Budyn (sur l'Eger), y resta jusqu'au 29 dans
l'attente de son artillerie, puis marcha, le 30, jusqu'aux abords
de Lowositz où il campa, la droite à l'Elbe, ayant sa gauche et
une partie de son front couvertes par des marécages.
Frédéric, en apprenant la marche de l'armée du maréchal
Brown, rejoignit, le 28 septembre, son armée d'observation
postée au sud d'Aussig.
Le lendemain, il commença ses préparatifs pour se porter à la
rencontre de l'ennemi avec les 2o,000 hommes dont il disposait
et, le 30 septembre au soir, il occupa, avec son avant-garde, un
terrain très favorable à l'action qu'il jugeait inévitable le lende-.
main.
Le 4" octobre, la bataille eut lieu sur Lowositz, si l'on peut
donner ce nom k une série d'engagements qui firent tomber le
village en question entre les mains des Prussiens sans ruiner
toutefois l'armée adverse.
Le 2 octobre, le maréchal Brown ramena son armée dans
son ancien camp de Budyn, et Frédéric reconduisit la sienne à.
Aussig.
Le 11 octobre, l'armée autrichienne, qui communiquait secrè-
tement avec les Saxons du camp de Plrna, fit un détachement de
8,000 hommes sur la rive droite de l'Elbe par Randwitz et
Lichtenhayn, pour essayer de rompre le blocus et de recueillir-
l'armée saxonne.
L KSPHIT DE LA «UBllHE.
9t
L'opèralion manqua; les Saxons se rendirent îi discrétion, le
14 oclobre, et furent aussitôt incorporés dans l'aroïée prus-
sienne.
Frédéric rappela ensuite ses troupes en Saxe et en Silésie
■j)Oiir les mettre en quartiers d'hiver.
Les Autrichiens agirent de même, dans leur pays.
Les événements qui précèdent appellent quelques observa-
lions :
i« En ne considérant que l'armée principale du roi de Prusse,
nous îa voyons se réunir en trois masses triis éloignées les unes
des autres, puis niarctier concentriquement sur Dresde pour y
faire leur jonelion.
A colle époque, la couverture, an lieu d'ëfre confiée comme
aujourd'hui h des corps spéciauït postés en face des fronliiires
Tuenacées, était assurée puv l'armée elle-même que l'on réunis-
sait h cet effet en des camps nombreux.
Celte disposition préseutfiit le double avantage de laisser l'en-
nenii dans l'ignorance du point de forcement de la frontière et
de facililer le rassemblement des troupes venant par étapes de
leurs garnisons respectives.
La jonction des divers camps s'eBcctuait ensuite îi proximité
du point de la frontitrc que l'on awiit choisie pour l'envahisse-
ment du lerriloire ennemi.
Dans ces conditions, celui des deux adversaires qui prenait
l'initialive des opératious avait les plus grandes chances de
refouler on de battre les troupes campées à proximité de la fron-
tière envahie sans que Ipii autres corps du parti défensif puissent
lui venir en aide, à cause de son éloignemenl.
Il résultait du dispositif même de couverture, que la concen-
tration générale de l'armée, prévenue par l'iiffensive ennemie, ne
pouvait s'eftectuer que fort loin en arrière.
Sous l'empire des idées actuelles en fait de rassemblement des
armées, la réunion do loules Ivs forces se fera en une seule masse,
plus ou moins largement articulée, que protégeront des troupes
dites de couverture, susceptibles de lui procurer le temps de se
préparer aux premi^^es batailles.
L'idée de couverture on « cordon » spéciale au Xyill" siècle
et qui comporte la répartition des corps de l'armée sur toute
fi JOCHNAL DE% SCIENCES UlLlTAIllIIS.
rélendue des fronlicrea menacées a prôsidc aux premières
opérations de noa ennemis en \'%, 1800, 180S et 1811, tiulre-
meiU dit loiiles les fois qu'ils ont cm dovoir prendre une attitude
{?xpectaiue.
Au coiilraire, en 1809, 1813 cl 1814, Napoléon, n'ayant pu
prendre TîniLiative d'opérations ort'ensives, a foi-nié la couverlurp
de ses raaaeffiblemenls initiaux avec quelques corps de manœuvre
largement pourvus de l'avalcric cl disposant en avant d'tjux un
vaste régeau de sûreté.
C'était faire l'application du principe de récononde dus forces
!i la couverture des moyens de lutte pendant leur période de
réunion.
On pourrait croire qu'après rexpérience des guerres de U
Révolution tit de l'Empire, le système de couverture en cordon
avait détinitivemeut vécu.
Bien nu contraire, les Prussiens en 18GG et les Français en
1870 ont opéré leurs rassemblements d'api'ès les errements du
XVIIIs siècle
Le prinei|ie du rasseuiblemenl en cordon, suivi de In jonction
(les divers corf)s pour former une armée unique, élail tellement
'enraciné en 1870 dans l'état major français que conire toute
vraisemblance une dépêche officielle, envoyée de Paris k Metz la
13 août, exprimait l'opinion que les trois armées allemandes ma-
nœuvraient îi ce moment, dans le but d'opérer leur jonction !
â" Napoléon approuve hautement le roi de Prusse de n'avoir
4>as envahi la Moravie pour atteindre Vienne rapidement.
« Il eût été arrêté par les places d'Olinulz et de Briinn : ar-
« rivé au Danube, il eût trouvé toutes les forces de la monarchie
« réunies pour lui en disputer le passage, dans le temps que
« l'Insurrection hongroise se fut portée sur ses flancs. Une opé-
« ration aussi tétiiér.iire eût évidemment eitposé son armée à une
« ruine certaine. » (Napoléon.)
Le choix du théâtre des opérations a une grande importance.
En général, le parti stratégiqueraent offensif, autrement dit
celui qui possfede l'initiative des mouvements s'efforcera de
porter la guerre dans une région du territoire ennemi que l'ar-
mée adverse ne puisse atteindre que difficilement ou au prix de
longs parcours.
l'esprit DK la ci EfIFtK. 23
Amst, (e débarqueraent de l'arniée alliée en Crimée, à l'une
des exlnîmilés de l'i^nipire russe, fui poni' nos adversaires d'aloi'â
une cause de faiblesse.
Les renforts al les convois russes, .obligés, pour se rendre
il Séba&lopo!, de parcourir sur de mauvaises routes d'immenses
régions très pauvres, et cela même au cœur de l'hiver, à travers
la neige, n'arrivèrent h destination que décimés par la misère et
ht maladie.
Mfjjs, dans bien des circonstances, on n'est pas libre de choisir
à sa convenance le théiftre des opérations : il s'impose.
La pilualion rcctjjroqiie de la Fraure ni de l'Allemagne ac-
tuelles, dont les armées peuvent cire réunies simultanément
à poil de distance de la fronlièro commune, en est un cKempIe,
Napoléon indique en quelques mois le plan que devait suivre
Frédéric :
w Envahir la Saxe, s'emparer de Dresde, désarmer l'armée
H saxonne, entrer en Boliémi', oi'cuper Prague, y hiverner;
a c'était tout ce qu'il pouvait et devait projoler; mais il opéra
w mal. »
3='. ijuivant Napoléon, «< îe camp de Pirna ne contenant que
« 14,000 Saxons, ne pouvait |>as être défendu cffica cément par
H une aussi faible armée. 11 fallait utiliser les ressources de Tar-
« senal de Dresde, préparer plusieurs fausses attaques stir
« chaque face du camp et une seule véritable avec l'appui de
« 100 pièces de canon contre l'un des saillants du ravin for-
« niant la face Oiiesl, y faire pénétrer les deux tiers de l'ar-
« niée prussienne, acculer les Saxons fi la forteresse de Kôni^-
« stein et leur faire mettre bas les armes. C'eût été l'affaire de
« quatre jours. »
Napoléon hii une grande ditrérerice entre une armée de
40,000 hommes enfermée dans un camp tel que celui de Pima.
qui mesurait 25 kilomètres de développement, et une force de
14,000 h 1: 0,000 hommes. Les 40,000 hommes peuvent lutter
avantageusement conlre une armée de blocus forte de 60,000 ou
80,000 hommes, tandis que 14,000 hommes en sont incapables.
f'e qui précède s'applique évidemment ans places pourvues de
forts détachés.
Les forces mobiles de la défense sont susceplibléâ d'immobi-
34 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
tiser pendant longtemps des forces ennemies doubles ; mais elles
n'empêcheront pas une armée trois ou quatre fois supérieure et
largement pourvue en parcs de siège de réduire la place en un
temps relativement court.
40 Abordant la question de la ligne double d'opérations au
sujet de l'envahissement de la Bohême, simultanément par la
Saxe et par la Silésie, Napoléon se prononce énergiquement
contre un tel procédé offensif.
Pour lui, toute l'armée prussienne devait pénétrer en Bohême
par la Saxe.
Le corps du maréchal de Schwerin était supérieur, par le
nombre et par la qualité, aux troupes du prince Piccolomini;
dans sa réunion à l'armée du roi, il devait procurer h celui-ci, sur
le champ de bataille de Lowosil/, une supériorité qui lui eût
permis de battre complètement le maréchal Brown et de pousser
jusqu'à Prague.
On peut toutefois plaider, en faveur de Frédéric, les circon-
stances atténuantes.
Le roi de Prusse étant l'agresseur avait toute liberté pour pré-
parer ses opérations. C'est donc sciemment qu'il a rassemblé
«ne armée de 30,000 hommes en Silésie.
Sa décision nous paraît avoir été inspirée par trois motifs : le
premier d'ordre psychologique; le second, d'ordre militaire; le
troisième, d'ordre politique.
a) Frédéric avait appris h connaître la cour de Vienne et les
généraux autrichiens.
L'impératrice était une femme supérieure, sans contredit, mais
enfin c'était une femme. Son objectivité devait naturellement se
porter plutôt sur les intrigues politiques que vers la guerre, qui
exige, de la part de celui qui la dirige, une vigueur d'esprit
et une force active de caractère peu communes, même chez les
hommes les mieux doués.
Il y avait donc fort à parier que la présence du maréchal de
Schwerin sur la frontière de Silésie amènerait, dès qu'elle serait
connue de la cour d'Autriche, l'envoi d'un corps à Kœniggraetz.
C'est ce qui eut lieu.
b) Mais ce corps serait inférieur à celui du maréchal de
Schwerin, parce que l'ensemble des forces autrichiennes ne com-
L ESPRIT DE LA fiLtEIlHE.
5K
prenant qae 40,000 h. 50,000 homme!?, la plus grosse pari serait
affectée ;^ la délivrance des Saxons.
Bans CCS conditions, Schwerin aurait au plus 20,000 hommes
\h COmballre, et la vicloire serait assurée ;
c) Frédéric devail craindre exlrêmenienl l'invasion do la
fciilésie par un corps autrichien.
Celle province, nonvellement acquise, se soulèverait peut-fitre
>en tavetir de l'Autriche, et, dans tous les cas, l'ennemi, une fois
[cD possession de Bresîau, serait le maitre de la Silésic,
Dans le doute, In roi de Prusse préféra se priver de l'appui
immédiat de 30,000 houniies et provoquer sûrement l'onvoi d'une
forci' autrîfhienno moindre aux environs de Kœniggraelz.
La Silésie ne courrait ainsi aucun ris[(ue et Ton pouvait espérer
que la défaite probable du corps autrichien procurerait bientôt
iti maréchal de Schwerin, toute liberté pour venir se joindre au
"roî, en manœuvrant, c'eat-à-dire en prenant h revers les défenses
que l'armée autrichienne aurait pu élever en face de larraée
principale de la Prusse.
Il n'est pas douteux que le partage des forces prussiennes en
deux armées, séparées par un grand espace, fut une faute, car
le but essentiel de la guerre étant la destruction du gros des
torces organisées de l'cnnerai, la poursuite d'un but secondaire
[âfiaiblit les moyens de Faction décisive et diminue les chances de
l succès.
En juin 1866, le maréchal de Moltkc a reproduit, avec des
forces autrement importantes, le dispositif choisi par Frédéric au
mois d'aoï'ri 1756 pour envahir la Bohème.
hti. siiualiou n'était pas tout à fait la môme.
En nStî, Frédéric entre brusquement en opérations sans avoir
déclaré îa guerre : il fait de l'offensive pure.
En 18613, le rassemblement des armées prussiennes, cora-
tmencé le 16 mai et terminé le 5 juin, précède de dix jours les
hostilités,
V Untùvique officiel pvussim prétend qu'au début la réunion
idcs armées de la Prusse n'avait qu'un caractère purement
Idéfcnsif; l'assertion trouve beaucoup d'incrédules.
En fait, h; maréchal de Moltkc a voulu agir otfensivement
[contre l'Autriche.
S6 JOUBNJU. DES SCIEirCES MILITAIRES.
Il a partagé le gros de ses forces en deux grandes arini>(S
chargées de couvrir, loiit d'abord, Ttine Berlin, l'antre-
Breslau.
Il s fait reposer la couverture des frontières sur l'action
directe des armôcs principales et non sur des corps spéciaux,
procurant à l;i musse le temps et l'espace dont elle a besoin pour
manœuvrer.
Cl II fallait absolument couvrir immMintevient tes marchei»
a (la Lnsace) et la Silésie, et, par consf^ijupnl. on ne poutait
H pas faire aulremi'nt que de far mer deux ttnttéfjt xc'parêes
Il L'armée autrichienne, conrentrée d'arnnce, pouvait venir
« tomber, arec louti^s s«r forces sur l'une (k^ moitiés de l'armée
(( prussienne; mais, quelle que fût la disposition qu'on adoptai,
« rien ne pouvait changer la con fi ê»:u ration clii théftire de la
a grerro on faire qu'il n'y eût pas un nui e mi phuà en Hnhéme
H entre la Lusace el la Silésie. •> (Maréchal de Moltke,}
I-,e maréchal de Holtke avoue, d'antre part, que le parti le
jdiiB avantageux, xil n'y mml pus ph à cofivrir immédiaWmi'nt
Itt LuHitce et ta Silêsti\ consislait à réunir toutes les forces diîfpo-
nibles dans la région de GœriUs.
lie clief du grand état-major prussien n'a pas conçu ou n'a
pas pu faire admettre, en 1806, la couverture indirccle telle qu'il
l'a pi"éparée en vue de la guerre contre îa France dans son
mémoire au roi, qui date de l'hiver de 1868-1 fî69.
Le rû!e de la Hl" armée aîlornande y est bien nianjué, danj> le
sens dfi la manœuvre sur te flanc gauche d'une armée française
qui aurait franchi le Rhin près de Strasbourg, Mais cette idée
de manœuvre est encore incomplète, car il lui manque un élé-
ment essentiel, faute duquel les combinaisons manoeuvriferes
manquent de base et d'assurance ; nous voulons dire « l'avant-
garde slralégiquc ou générale m, appelée aussi « masse de cou-
verture », jusqu'au moment ofi les armées entament les opéra-
tions.
Nous disserterons plus tard, avec les développements qu'ello
comporte, la question si importante des avant-gardes générales.
Qu'il nous sutTise. dès maintenant» de constater que, pas plus en
1870 qu'en 1866, Je marécfaal de Mollke n'en a fait l'emploi.
Liwi'Bn j>ji [<A lUKaiiE.
27
Campagne de 17S7 en Bohême.
La campagne de MÏÏÎ eom prend deux |>érioLl('& :
La premif're, t'ti Bohême, va du 13 in'ril au lo jiiillel; la
iocoiule, en Saxo, <n\ romérfiriic el en Sil<*sie, du lo juillet au
15 décemlire : nous Jie nous occuperons {|(i(? rie la première,
^icmknUuquellc Fri'-iJéni; n'eut, aiïain! qu'il l'Autriche, les autres
puissances coalisées eoulre lui rrélaiU pas priU's,
Au printemps de 1757, l'nirniée prussienne était formée ew
quatre corps :
Le V"^ corps (prince Maurice), h Chemnil?/,
Lo 2« corps (Fr<îi!i5rici, pn^sde Di-c&'Jej
Le 3<^ corps (prince de Bevorn), à Ziltau;
Le i" corps (maréchal de Schwcrin), sui* la frontière de
FSvlésJe,
L'armée ïtulricliieone, ê^alemcnî piirta^^ée on quatre corps,
l'tiiit répartie ;
Le l"" corps (duc d'Areiuberg), k Egm ;
Le 2* corps (maréchal Brown), au camp de Biidyn ;
Le .H* corps icoTiite de Kiienig&eck), fi Rcichenberg;
Le 4" corps (général Sei'belloui), vers Kteniggrîcli!,
L'artnée prussienne comptait IQQ.ÛÛÛ hommes.
L'armée autrichienne t'tait moins nombreuse, moins bien
pourvue et inférieure en qualité.
Le roi de Prusse résolut d'agir éiiergiriuemenl contre l'Au-
triche en profilant des quelques mois de répit que lui donnaient
!(•«> lenteurs de ses autres udversaires.
Il reprit son projet uianqué l'année précédente,
dette fois, Prague fut donnée comme point de rendez-vous des
(jujitre corps.
Mais il fallait d'abord disperser les camps autrichiens placés
h Egra el h Rcichenberij.
Le prince Maurice M" corps prussien) (it faire des dumons-
triitioiis vers Egra, par Plauen, puis se porta sur Commolau eu
deux colonnes.
Le diicd'.Arcmbcrg(l*5'" corps autrichien) craignit d'être coupé
de Prague el se dirigea sur celle ville.
Krédéric(2« corps) franchit les montagnes k Pelerswalde, atlei-
28 JOUBNAL DES SCIENCES HILITAIBES.
gnit Aussig, où il laissa une garnison, fit sa jonction à Linay
avec Maurice venant de Conistaw, marcha à la têle des 1*' et
2« corps sur Lowosilz, Trebenilz, enfin franchit l'Eger à Koschitz
sur un pont de bateaux.
Le roi de Prusse avait jugé prudent d'éviter le camp très fort
de Budyn en allant chercher un passage de l'Eger jusqu'à
Koschitz.
La rivière fut franchie le 26 avril.
Alors, le maréchal Brown ne crut pas pouvoir rester à Budyn ;
il rétrograda sur Prague, où il fut bientôt rejoint par le duc
d'Aremberg (3 mai).
Frédéric, h la tête des \" et 2» corps, marcha sur Prague et
forma son camp au nord et près de cette ville, sur la rive gauche
de la Moldau (2 mai), après avoir fait rétablir le pont de Budyn
situé sur sa communication.
Le prince Charles de Lorraine, qui avait pris, sur ces entre-
faites, le commandement de l'armée autrichienne, fit franchir la
Moldau k ses l»"" et 2« corps, interposant ainsi cette rivière entre
lui et les l»"" et 2» corps prussiens.
Pendant qu'avaient lieu les opérations qui précèdent, des évé-
nements assez importants s'étaient produits à l'est de l'Elbe.
. Le 18 avril, le ¥ corps prussien (maréchal de Schwerin)
pénétra en Bohême en plusieurs colonnes qui se réunirent près
de Kœniginhof (20 avril).
Le 4« corps autrichien (général Serbelloni) replia alors ses
postes et se concentra à KœniggraBtz.
Le 20 avril, le prince de Bevern (3' corps) quitta les envi-
rons de Zitlau et marcha sur Reichenberg (camp du comte de
Kœnigseck).
Après une première attaque infructueuse, les Prussiens dépos-
tèrent, en manœuvrant, le 3« corps autrichien qui se retira sur
Liebenau.
Le prince de Schwerin, ayant appris que le corps autrichien
du comte de Kœnigseck occupait à Liebenau un camp très fort,
marcha de Kœniginhof sur Turnau, par Gitchin, pour l'attaquer
à revers.
Le comte de Kœnigseck, informé du mouvement du 4« corps
prussien, leva son camp de Liebenau (24) et se dirigea sur
Prague, parBrandeis.
L'KSPBIT ÛE h\ UCERRE. Î9
Le maréchal de SchweHo, fiii arrivant à Gitchin, eut coii-
TMiissanct) de la relraUe dn 3^ corps autrichien. Il changea
aussitôt sa route et se porta sur Tlscr, à Iiing-Buzlau, dans Tes-
poirde couper les Autrichiens; mais il arriva trop tard et ne put
que s'emparer d'un grand magasin conlenant quinze jours de
vivres pour oO,000 hommes.
Le prince de Bevern le rejoignit en ce point, et tons les deux
&e dirigèrent sur Brandeis, y pass(>reiit TElhe (4 mai), et campè-
rent prf'S du lleuve en attendant les ordres du roi,
Mais, sur ces entrefaites, le 4" corps autrichien (général Ser-
belloni) était signalé h quelques marches k l'est de Prague,
venant do Kceniggra^t/.
FrédéricvouliU livrer bataille avant Tarrivée de ce renfort,
En conséquence, il fit jeter un pont, le 5 mai, h kilomètres
au nord de Prague, h Podaba, et transporta, sans coup férir, la
iinoilié de ses troupes sur la rive droite de !a Moldau, après avoir
[laissé l'auire moitié, sous îe maréchaL Keith, dans son camp de
fWeissenberg.
Le même jour (S mai) les 3" et 4'' eorjjs prussiens se portèrent
[à Mischilz et campèrent à là kilomètres des troupes du roi.
Le 6 au malinj la jonction se fît, près de Gabel, et l'armée
prussienne prit son ordre de bataille perpendiculairement à la
roule qui va de Brandeis h Praguc.
Le S Diai, eu apprenant le passage d'un corps prussienjde la
rive gauche sur la rive droite de la Moldiui îi Podaba, le prince
Charles de Lorraine avait disposé son armée en l)ataille, la
gauche à Prague, la droite au village de Kej, sur un front de
8,t>00 môtres, et avait laissé 10,000 hommes dans Prague pour
fuire face au maréchal Keith.
Les adversaires avaient» chacun, 60,000 hommes en ligne
sans compter les détachements.
Le déploiement de l'armée prussienne, le 6 mai au matin, se
lût presque perpendiculairement au front autrichien.
Le roi manœuvra par sa gauche, porta sa cavalerie de ce côté
'et contraignit l'armée autrichienne Ji exécuter un changement de
front en arrière sur l'aile droite.
La cavalerie autrichienne fut dispersée au début de l'action
par la cavalerie prussienne, et, après quelques heures de lutte
d'infanterie et d'artillerie, l'armée autrichienne fut rejetée dans
30 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIBES.
Prague alors fortifiée, à l'exception de 12,000 hommes, qui
s'échappèrent par le Sud en remontant la rive droite de la
Moldau.
Le jour de la bataille de Prague, l'avant garde du général
Daun, lequel avait remplacé le général Serbelloni dans le com-
mandement du 4^ corps autrichien, n'était qu'à 8 lieues du champ
de bataille, à Bôhmisch-Brodt.
Ce général recueillit les 12,000 hommes échappés de la
bataille, puis se mit en retraite sur Kollin.
. Frédéric le fil suivre par un corps de 17,000 hommes, dont
12,000 de cavalerie, sous les ordres du prince de Bevern.
Aussitôt après la bataille, Frédéric investit, avec 50,000
hommes, la ville forte de Prague qui contenait 40,000 Autri-
chiens, très démoralisés par leur défaite.
Les pertes avaient été, du côté autrichien, de 18,000 hommes
et de 200 pièces de canon, et, du côlé prussien, de 13,000
hommes.
Le blocus dura jusqu'après la bataille de Kollin, que Frédéric
perdit le 18 juin.
Le généralDaun fit sa retraite jusqu'à Goltsch-Jenikau, et laissa
une arrière-garde (12,000 hommes) à Kuttenberg.
Après avoir reçu des renforts qui portèrent son armée à
S4,000 hommes, Daun, sur un ordre parti de Vienne, reprit
l'offensive le 12 juin, et rejeta le prince de Bevern sur Kollin.
Sur ces entrefaites, Frédéric accourut (le 14 juin) auprès de
son corps d'observation, fit venir des troupes de l'armée d'inves-
tissement et se disposa à livrer bataille au général Daun en posi-
tion près de Sazmuck.
Le 16 juin, le général Daun établit son camp, face au Nord-
Ouest, devant les Prussiens installés près de Kaurzin.
Le 17 juin, Frédéric, avec 34,000 hommes, commen(,'a à
déborder l'aile droite autrichienne, en portant son année dans
la direction de Planiau.
Dans la nuit du 17 au 18, le général Daun, qui avait deviné le
but de la manœuvre du roi, fit exécuter un changement de front
de manière à placer son armée face au Nord.
Le lendemain, 18 juin, Frédéric, croyant les Autrichiens sur
la position de la veille, continua sa marche sur Kollin ; mais
l'armée prussienne défila trop près du front de l'armée autri-
L SSPaiT UE LK GVmWE.
•M
lietme en exécutant une marche de flanc sur plusieurs co-
'lortius.
Elle fui surprise en flagrant délit, attaquée eu l^te de colonne
par la réserve de Dauii el mitraillée sur aou llaiic droit par les
cations autrichiens.
Malgré les plus grandt» efforts, le& doiipesi prussiennes furent
rompues et mises en déroute.
A celle butîiillo, Frédéric perdit un tiomnie sur deux.
A/>rès Jkùlliiije roi de Prusse retourua devant Prague, cm leva
fe bhcu^ iii 19, lit conduire son firlïllefie le luénie jour îi Bran-
Jeis pour y être embarquée, laissa une arrière-garde, le 20,
îvant la plactî cl batliL en retraite avec le gros de ses forces sur
ïitûierilz, où il passa l'Elbe. Il envoya en&uile le prince royal
ivec un coj'ps à Bôhinisch-Leipa- pour couvrir le grand ujygasin
le Zittau.
Le prince Cf)arl(?s de Ijorraîuo qui lia Prague seulemenl U-
1*' juillet, i'rauchit l'Elbe non loin de Brandeis, en amont du
coufluiMil. de rXser, marcha .^ur MuneheiJpr:etz et de lîtsur Gabel,
m il intercepta la communication du prince royal avec Zittau.
tlelui-d arriva le 'i'i juillet devant Zittau, après avoir lait lui
dt'tour, juste au moDicnt où l'armée auîrichienne bombardait la
ville.
Le prince royal de Prusse réti^ograda sur Bnulxen.
Le 29 juilJel, FnkJéric leva son camp de Leitreieril?, et alla
uiûindre le prince royal h Bautzeti.
Ctuetijue temps apris, il porta toutes sts forces sar GroertiLz, où
prince de Lorraine, établi ù Zittau, avait une trarnison.
Le io août, le roi de Prusse s'empara de Gœrlitî et marcha
sur Zittau pour offrir la bataille auLprince de Lorraine.
Mais le camp autrichien tut jugé inaltaqiiable.
Fmléric revint alors à HirschTeld, entre Gœrlilz et Zîltau,
peiuit le coniniandement de l'armée au prince de Bevern el
iarlil, le. iA août, pour la région de la Saale, avec 16 bataillons
fît 3d escadrons, en vue de combattre farméc des princes de Sou-
fi>jse el de Hildburglwnsen,
Les opc' rations qui précèdent ont donné li«u aujt observations
su i vu 11 les :
1" Au tnomenL de la reprise des hostilités, en awil 1757, Io«
32 JOURNAL DES SCIENCES MIUTAIBES.
armées adverses sont réparties, sur les frontières menacées, en
corps de 20,000 à 30,000 hommes, séparés les uns des autres
par des espaces considérables; c'est le système de « couverture
en cordon ».
Ce procédé consiste, on le sait, h déployer l'armée par grosses
unités sur toule l'étendue des frontières ennemies, avec l'arrière-
pensée de les réunir plus tard en une ou plusieurs armées, en
deçà de la frontière envahie.
C'est comme si, ayant à défendre avec 30,000 hommes une
chaîne de montagnes de 60 kilomètres de longueur, présentant
dix passages, on faisait occuper chacun des cols par 3,000
hommes.
L'ennemi ayant forcé un des défilés du centre, par exemple,
quand et oit pourra-t-on réunir les 30,000 hommes pour com-
battre l'envahisseur?
Il doit en être de la garde des frontières comme de la défense
des montagnes.
Des détachements de couverture, protégés eux-mêmes par
leurs avant-postes, occuperont les principaux points de passage
pendant qu'une réserve de couverture se tiendra en arrière,
prête à se porter du côté où la masse principale ennemie aura
pénétré, afin d'enrayer sa marche.
Les forces de couverture auront la mission de combattre
défensivement. Le temps et l'espace qu'elles gagneront ainsi
permettront au commandant de l'armée d'agir en connaissance
de cause et opportunément.
Le déploiement des armées en cordon sur les frontières
menacées dénote la méconnaissance du principe de l'économie
des forces appliqué à la stratégie.
Un tel dispositif, après les immortels exemples donnés par
Napoléon, serait, dans l'avenir, un indice de faiblesse impar-
donnable.
2o Arrivons maintenant aux commentaires que Napoléon a
écrits sur la campagne de 1757 en Bohême.
D'après les intentions de Frédéric, les quatre corps prussiens
devaient se réunir, deux par deux, au nord et à l'est de la
Bohême, pour former deux moitiés d'armée qui s'efforceraient
d'opérer leur jonction sous les murs de Prague.
L ESPRIT DE LA. GUEflUI]:.
•33
Frédéric avait prévn, en effet, que celte ville serait le rendez-
A-Ous général des Autrichiens quand ils se verraient devancés
dans Foiiverture des opérations par les forces prussiennes.
Napoléon blâme le choix de deux lignes d'opérations pour
i^avahir la Bohême, et il pose en principe que ta réunion des
divers corps d'une armée ne doit jamais se faire près de l'en-
Tjemi.
Ce principe nous paraît absolument juste, mais si Frédéric,
poHf des motifs d'ordre jiolilique, se croyait dans l'obligation
de protéger diredsment la Saxe, la Lusace et la Silésie, ne pou-
vail-il pas faire converger ses corps vei-s un point de réunion
assez éloigné de Prague pour que l'ennemi ne put les y préve-
nir t
Le prince Maurice {\^' corps), après avoir fait exécuter quel-
quc* démonstrations vers Egra, cfit marché de ChemnilK sur
Uresde et de Ik sur Lowosilz, pour masquer le camp de Budyn,
pendant que Frédéric, avee le 2« corps^ eiM filé sur Baulxen,
puis, par Lobau et Zittaii, se fût porté sur MunchengraeL/., donné
oomme rendez-vous aux 3« et 4^ corps.
Le 3» corps eftt opéré, comme il Fa fait de Zittau, contre le
F<:anip du comte de Kœnigseck à Reichenbcrg, et le 3" corps autri-
chien eiU été probablement enveloppé.
Les â*, 3* et 4* corps prussiens, une fois réunis "k Miinchen-
^raetz, eussent exécuté leur mouvement d'ensemble sur Prague
par Br-judeis, pendant que le prince Maurice {\^^ corps) se fût
avancé avec prudence sur les traces du S"* corps autrichien, se
retirant sur Prague a la nouvelle de l'approche du roi de Prusse.
Pour concevoir un tel plan, il fallait posséder la notion bien
[définie de l'économie des forces, le prince Maurice (1" corps)
[|>ouvanI être amené li combattre contre les 2" et 3^ corps autri-
U'hiens réunis.
Le mode particulier de combat en retraite, qui consiste îl
retarder un ennemi très supérieur en l'attirant dans une direction
choisie, et pendant plusieurs journées consécutives, étaient tota-
lement inconnu au XVHl* siÈcle.
En fait, ce genre d'action fut ébauché dès cette époque, tant
itsl forte la logique des événements.
La retraite-manœuvre du comte de Koinigseck (3" corps autri-
chien), depuis Reichenberg jusqu'à Prague, en est un eiemple.
J« 4e« Se. mil. 10* S. T. XVII. â
u
iOURHAL 0E8 SCLBNCES MtLITAlAES.
Toutefois, on ne saurait comparer les opérations qui résuLlont
d'une comliiriaison voulue et préparée à celles qu'imposent le&
circonstances.
Napoléon s'êlonne h bon droit que les deux nioitiéade l'armée
prussienne aient pu faire leur jonction le 6 mai h ta pointe du
jour, à 300 loises du camp autrichien, et il ajoute ;
H La fortune se pJut ft combler Frédéric, qui devait être battu
i< en détail avant la réunion des deux armées, et chacune chassée
« iaolémcnL de lu Bohême. »
3» Od se rappelle que, le 5 mai, lorsque Frédéric franchit
la Motdau au nord et près de Prague, il laissa en position, dans
son canifi, un corps de âO,000 hommes sous les ordres du maré-
chal Keilh pour observer Prague et couvrir la communication sur
Dresde.
Napoléon blâme cette disposition.
Suivant lui, Frédéric devait abandonner tnomentanément sa
communication avec la Saxe et se contenter de la route siirZiltau,
passant par Brandeis, que suivaient les 3^ et 4e corps.
(t II (Frédéric) eflt dû foire passer sur la rive droite de la
«1 Moldau le maréchal Keith, le tenir sur son extrême droite,
« couvrant, dans tous les cas^ sa ligne d'opérations .suc Brandeis;
« il eût obtenu trois avantages ;
a) " Toute son armée eûl été réunie H il n'eûl eut rien h
« redouter du prince de Lorraine ;
b) et U eût eu 20,0(JÛ hommes de plus sur le champ de bataille
♦< de Prague : immeiisf arantngf:
e) u Sa ligne d'opéra! ion s sur Brandeis eftt été toujours
« assurée et non compromise comme elle l'a été, »
Bn ctî'ut, la manœuvre par la gauche, que Frédéric lit exécuter
it son armée, découvrit la roule de Dresde h Brandeis.
Kapoléon observe que si le général I)aun, qui se trouvait le
6 mai ù 7 ou 8 lieues du champ de bataille, se fût porté en
avant, l'armée prussienne était ceniôe. Mais l'avant-garde, seule,
du 40 corps autrichien arriva le 6 à Bôhmisch-Brodt, le gros
suivant h une marche de distance.
4* Les critiques de Napoléon à l'adresse du prince Charles de
L ESPRIT OE LA CUKKHK.
as
Lorraine, commandant de l'armée mitrichieiiiie, sonl de pre-
mière imporlance ; en voici le sens exrict :
«) Le prince de Lorraine aurait dû, vers la fin d'avril, mar-
cher avec Ifi ninjorilé des forces qifil a vînt k Prague (1'''' et
corps.) aii-devaiit du comte de Kfonigseck, et, de concert avec
Miiî, livrer bataille sur la rivn droite de l'EIbo :tux corps ^3*et 4")
prussiens qu'anienail lu maréchiil de Schwerin, « pendiinl que le
roî aiirnll loîsé les remparts de; l'raguc ». Le prince pouvait
encore rrJfaquer Frédérit: an nord de Prague et sur la rive gauche
ie la iVloldîiu aussitôt l'arrivée du comte de Kœnigseck, et le
ballre (3 conlre 2) avant que ie maréchal de Schwerin ne fût en
^mesure de IViiiiicbir l'Elbe ;
tf) Le commandant de l'armée autrichienne avait hesoin de
1er deux jours pour permettre au corps du maréchal Daun
h rejoindre En cette circonstance^ sou devoir était de dis-
puler le passage de In Moldan au roi de Prusse et celui de l'Elbe
au maréchal de Schwerin,
Les reproches qu'adresse Napoléon au prince de Lorraine,
lussi bien pour n'avoir pas mÉinœiivré sur la ligne intérieure,
|nand Frédéric et le maréchal de Schwerin élaionl encore
fcparés, qrie pour n'uvoir pu gagner deux jours, en disputant (es
passages de la Moîdau au roi et de l'Elbe à ikliwerin, ces
'reproches peuvent se résumer en un seul : le conim;tndRnl de
l'armée autrichienne a méconnu le principe de t'écooomie des
longes.
Mais si Frédéric en a lait l'emploi inconscienl k force de
jénie, celu n'implique nullement que des géitéraiix duii lalenl
ordinaire aient pu le deviner et encore moins en faire un emploi
iudicieux,
iS'apûléon raisonne comme si les généraux de la guerre de
Sept Ans eussent été pourvus d'un cerveau façonné sur le modèle
du sien.
L'prreu]' d'ordre psychologique que nous signalons de la part
jde Napoléon présente h nos yeux le grand avantage de nous
ionlrer, non pas ce que les adversaires de 1757 auraient dû
', ce (]ui n'était pas possible de leur part, mais ce que lui,,
Napoléon, écrivant en 1810 ou 1818, eût exécuté.
Les critiques de Napoléon ne sont rétrospectives qu'en appa-
rence; elleà visent les moyens de l'époque où elles ont été faites j
3G JOt'iLSAL DES SCIENCES MILITAIRES.
d'où renseignenienl do premier ordre qu'elles conslîluent pour
nous.
Voici une aulre manœuvre dont Napoléon donne l'csqiiissR
et que le prince de Lorraine aurait pu entreprendre, s'il eiU é\é
imbu du principe de réconomie des forces !
« Quand le roi eut passé, dans ia nuit du 5 nn 6, la Moldau,
tt le prince de Lorraine devait, ii 7 hmres du soir, rentrer dans
t' Prague m kmant lo,000 hommes sur sa posilion de Ziska \]
« pour .<e maxq^uer et arriver, à (a petite pointe du jour (le
« 6 mai) sur h pont du roi, te brûler, attaqufr le rmtrécltnî
il Keith, le mettre en déroute, le poursuivre avec dOO escadrons,
« et rentrer le soir dans Prague,
« Le maréchal Daun se serait approché, et, le 7 mai, ils
a auraient attaqué de concert, si le roi les eût attendus » (Napo-
Léon).
Ce passage contient une petite erreur.
Les troupes de Frédéric n'ont pas franchi la Moldau dans la
nuit du 5 au 6, mais le a au matin. Le détail n'a pas d'impor-
tance pour le plan de Napoléon.
11 va de soi que le détachement de 15,000 liommes po.sté à
Ziska devait faire beaucoup de volume, le S, un peu avant ta
nuit, «fin d'attirer Tattention de Frédéric de son côté.
o" A la bataille de Prague, l'armée autrichienne, suivant les
errements de l'époque, fut rangée en bataille de toile sorte que
sa gauche et son centre fussent inattaquables, protégés qu'ils
étaient par une boucle de la Moldau et par des étaugs. La droite
seule pourrait être a bordée -
De nos jours, on profiterait des difficultés du sol pour dimi-
nuer, sur les parties du champ de bataille oii elles existent, le
nombre des défenseurs. On réaliserait ainsi une véritable âco-
nomie que l'on reporterait sur les points où l'emploi des trois
armes peuvent s'exercer en toute liberté.
Le prince de Lorraine, esclave des préjugés de son temps,
crut donc bien faire en mettant à l'abri de toute attaque les
deux tiers de son armée.
• C'est la position, toucbaut la ville, où l'armée au tridneone appuyait son
aile gauche en faisant face au Noi"d, le S au soir.
h ESPRIT UE LA GUERBE.
y-
La simple réHexion devait lui montrer cependant qae si son
centre et sa gauche étaient si bien couverts, ils se trouvaient,
ipso facto, dans rim possibilité de combattre; ce qui eut lieu,
6° Napoléon discute le projet de Frédéric de cerner, avec
SÛ.OOO hommes, la place de Prague contenant une armée de
40,000 hommes qui vient de perdre une bataille.
h G'e&t une des idées les plus vastes et les plus hardies qui
*< jainais aient été conçues dans les temps modernes. »
Napoléon ajoute : « Frédéric ayant à craindre que le blocus
«< ne fut inquiété par le maréchal ûaun, il devait profiter des
c six semaines qu'il avait devant lui pour établir de fortes lignes
V de circonvallatîûn et de contrevallalion. »
Nous ferons observer que, le 1 mai, au lendemain de la
balaiUe de Prague, le roi de Prusse ne pouvait pas savoir que lo
maréchal Daun lui donnerait six semaines de répit.
La critique de Napoléon, faite à posteriori, ne lient pas
compte de l'état d'incertitude de Frédéric, dans les premiers
jours du blocus, au sujet de la date des opérations que pourrait
tenter le maréchal Daun.
Le roi de Prusse fit le nécessaire.
Il envoya le prince de Bevern avec 17,000 hommes h Brandeis
puis à Kollin, à i4 lieues de Prague; mais, suivant Napoléon, il
eut tort de pousser aussi loin son armée d'observation.
« 11 devait la placer à 7 ou 8 lieues dans des posilioiis conve-
" nables, la retrancher, et, au moment où te maréchal Daun se
« fût rapproché pour taire lever le blocus, renforcer son armée
•< d'observation d'une partie de l'armée de blocus, et battre le
«. maréchal Daun, sans que les a&siégés s'en aperçussent. »
(Napoléon.)
Nous ne saurions partager l'appréciation qui précède sur les
dispositions que devait prendre l'armée d'observation.
Pour nous, Frédéric a bien fait de porter le corps du prince de
Bevern h 14 lieues, ou deux marches de Prague, vers Kollin.
11 devait être ainsi prévenu de l'arrivée du maréchal Daun un
jour plus tôt que s'il eût placé son armée d'observation à 1 ou
8 lieues.
Or, il fallait un jour pour réunifies troupes la retirer du î^locus
en vue de renforcer l'armée d'observation.
JOURNAL DES SCTESCES MIUTAIHES.
En supposant que cette armée eftt pu avoir connaissance,
ai henres d'avance, dft l'approche dn maréchal Daiin, elle
entrait en contact avec lui au moment où tes renforts lires du
btocus se formaient.
Le lendemain, l'armée d'observation livrait une série de com-
bats en relraile, dans le temps que les Iroupes tirées du Moctis
exécnlaienl nne marclie, et, le surlendemain, ta bataille décisive
avait lieu sur une position reconnue d'avance et fortifiée, ti 7 ou
8 lieues de Prague.
Pour nous donc, ta bataille devait être préparée îi la distance
de Prague «qu'indique Napoléon, mais l'armée d'observation
était bien placée h Kollin, parce qn'elle procurait ainsi k Fré-
déric te temps et Tespace dont il avait besoin pour faire concou-
rir h colle bataille desi forces supérieures fi farmée de secours.
La manœuvre de l'armée d'observation eùl été basée encore
une fois sur les combats d'usure en retraite qu'une troupe des
trois armes est capable de soutetiir contre une force t^^s supé-
rieure en nombre, ainsi que l'a fait souvent Napoléon, principa-
lement en 1796, en 1809 et en 1814.
La guerre do ISTO-Tl a présenté fi Metz im nouvel exemple,
nutroment grandiose que celui du blocus de Prague, d'une ar-
mée victorieuse investissant une armée batlue dont retTeclif lui
est peu inférieur.
Après la bataille de Saint-Prival, le corps de la (larde, ainsi
que les IV" cl Xil^ i.'orps qui formèrent la IV" année aaraienl
d(t logiquement être disposés sur la rive droil-e de ta Meuse, dans
la région de Dun— Stenay, comme armée d'observation, au
moins jusqu'au ntoment oii la II [<^ armée, en marche de Nancy
sur Paris, aurait alleinL la région de Cliûlons,
Par excès de présomption, le maréchal de Moltke crut devoir
violer, pour cette fois, les principes admis.
Sa fatito eut pour conséquence un désordre inexprimable dans
les 1118 çi ive armées lorsqu'on apprit le 2S aoftt, au grand quar-
tier général allemand, !a présence de Tarmce du maréchal de
Mac-Mahon aux environs de Vouders.
Afin de remédier A F absence d'une armée d'observation, le
maréchal de Mollkc envoya au pi-ince Frédéric-Charles l'ordre
télégraphique de porter les III"* et IX" corps vers la Meuse, de
façon à les avoir, rassemblés, le 28, prfes de Damvitlers.
l'esprit I>E hk OURRRE.
39
Ce point ne marquiut nullement, dans son esprit, le centre
d'une posilion dôfen&ive, mais seulement un lieu de réunion que
les corps do la 1V« armée pouvaient alteitidrt% le 28 août, avant
que l'armée français(i do ChAlons eût pti franchir la Meuse.
Le grand état-major allemand se voyait donc contraint, par
les événements, d'improviser une armée d'obsorvatiou derrière
la Meuse quand il était si simple de la constituer toul d'abord.
La prêseQce di} lu ÎV» armée sur lîi Meuse, en qualité d'armée
tl'observulion, n'eut pas empfiché, au eoitiraire/ie chaugeraent
(le direction de la lit'' armée vers le Nord à dater du !â6 août, car
^ -celle armée d'observation, bien postée, eut procuré au comman-
dement suprême des A!lemai)df4un calme et une $érétùtô qui lui
[ont fait singulièrement défaut, sans compter beaucoup d'autres
avantages trop longs à énumérer ici.
7" Napoléon examine la conduite que pouvait tenir le prince de
Lorraine quand il fui enfermé dans Prague avec 40,000 hommes.
Pendant les dix premiers jours du blocus, rinaclion des Au-
tricbieus est excusiibtc, en raison de leur récente défaite.
Mais après, lorsque le prince do Lorraine connut le délache-
ment du prfncc de Bevern sur Kollin et que le moral de son ar-
in^e se fut relevé, <f son inaction fut coupable }>.
Napoléon pense que le général eu chef autrichien avait le choix
«nlre les deux modes d'action suivants :
(() Agir avpc toute son armée, un Jour contre un des quartiers
le l'ennemi, le battre et rentrer aussil(!)t dans la place; recom*
lencer le lendemain dans une autre direction, et ainsi de suite
)ijs les jours alternalivement sur l'une ou l'autre rive de la Mol-
lau, dn façon fi détruire en détail l'armée pruBsienne;
b) Construire une série d'ouvrages sur les hauteurs de Ziska,
"qui louchent au corps de placCj les garnir de batteries et opérer
^ofleosivemont, h la sape, pour élargir le cercle d'investissement
El contraindre l'ennemi à reculer.
En 1800j Masséna, assiégé dans GéneSj opéra d'aprfcs le prô-
ner des deux modes d'action préconisés par Napoléon, et Tot-
slwn sut employer efiicacement le second à Sébastopol.
Napoléon bUmo fort le maréchal Daun de n'avoir pag pro-
fité de su victoire à Kollin,
40 lODHNAL BBS SCIENCES MILITAIRES.
Ce maréchal rentra dans son camp « oii il resla plusieurs
jours » k chanter des « Te Demn ».
Autant valait ne pas vaincre !
Daun ne se décida à marcher sur les traces de rennemi ballu
que douze jours après la bataille.
L'armée autrichienne fut dirigée vers Va Lusace et alla s'em-
parer de Ziltau-
Napoléon dit très justement ;
« Il eût été plus conforme à l'esprit de cette guerre qu'il (le
t£ maréchal Daun) se fût porté eu Saxe; il eût repris Dresde,
« rallié l'armée du prince de Soubise, peut-être celle du
o duc de Uicheîieu, les Suédois et les Russes; il eût réuni
<t 200^000 hommes à Berlin, a
Eu eiVet, l'objectif d'une campagne n'était pas, à celte époque,
la destnrclion de l'ennemi. On combattait pour s'emparer d'une
ville importante, pour dominer une province, et, du tnomeni que
l'armée ennemie ne contestait plus la possession convoitée, on la
laissait tranquille.
L'esprit de la guerre d'alors autorisait donc les adversaires îi
changer le théâtre d'opérations après une victoire qui venait de
décider en faveur de l'un d'eux.
L'armée prussienne se retire en Lusace; qu'elle y reste! el
nous, marchons sur Dresde; telle aurait dû être, suivant Napo-
léon, la pensée du général en chef autrichien.
On conviendra que l'espnt de cette guerre dilïère du tout au
tout avec l'esprit de la guerre qu'a créé Napoléon.
Eh bien I Frédéric, lui, est un précurseur de Napoléon en ce
sens qu'il fait reposer le succès d'une campagne sur le gain des
batailles.
Seul, de son temps, îl recherche les actions décisives, parce
qu'il a compris qu'une fois les forces actives de l'ennemi mises
hors de cause, tout tombe aux mains du vainqueur.
Après sa réunion au prince royal, à Bautzeu, le roi de Prusse
marche sur le camp autrichien de Ziltau pour tâcher de racheter
par une victoire le désastre de Kollin.
.Le prince de Lorraine refuse la bataille ; alors Frédéric quitte
son armée à la léted'un gros détachement et va porter la guerre-
l'esprit de la guerre. 41
dans la région de la Saale où de nouve'aux ennemis ont fait leur
apparition.
En résumé, nous pensons que le génie stratégique de Bona-
parte s'est formé, pour une bonne part, à l'élude critique des
opérations de Frédéric, qui valent, comme conception, les plus
belles manœuvres de la période napoléonienne.
!^éanmoins, les résultats de chacune des campagnes de Fré-
déric, considérés isolément, ne peuvent se comparer à ceux
qu'ont obtenus les armées françaises de la Révolution et de
i'Empire.
C'est que les guerres de la Révolution avaient fait jaillir du
cerveau d'un organisateur sans égal, le grand Carnot, l'idée
d'économie des forces, idée féconde qui contient en germe
tous les moyens propres à donner aux opérations le haut cachet
artistique et scientifique, en même temps que le caractère de
décision et d'énergie qu'elles ont revêtu sous Napoléon et, plus
récemment, dans les armées allemandes dirigées par le maréchal
de Moltke.
Général Bonnal.
'r^€,5^^
L'ARMEMENT DE LA CAVALERIE
La question de l'armement de la cavalerie a été trop souvent
discutée pour qu'il ne paraisse pas tout au moins prétentieux d'y
revenir.
Et pourtant nous voulons la reprendre cette questim d'avenir,
parce que nous prétendons qu'elle n'a jamais été posée ainsi et
que toutes les discussions oiseuses qui ont été agitées sur la
valeur relative du sabre ou de la lance n'ont été que des digres-
sions, absolument secondaires.
Peu importe l'option pour le sabre ou pour la lance; le pro-
blème doit se poser tout autrement. Ce dont il faut décider, c'est
de la prépondérance à donner au fusil ou h l'arme blanche. Et
c'est urgent, c'est une question de transformation de tactique,
une question d'avenir.
Si, au lieu de faire de cet examen une affaire de tradition, de
goût, de penchant, de préférence esthétique, on veut, au con-
traire, déduire logiquement l'armement à donner h la cavalerie
de l'orientation nouvelle de sa tactique et des missions qui lui
incombent, on est amené à conclure de la manière suivante :
Après le cheval, qui est l'arme primordiale du cavalier, c'est
le fusil qui lui est le plus indispensable et seulement ensuite
l'arme blanche, dont la forme est indifférente pourvu que la
tactique de combat soit réglée en raison de cet armement.
Pour être plus précis, nous dirons même que, dans l'ordre
d'importance, l'armement de la cavalerie doit se classer ainsi
qu'il suit :
Cheval ;
Fusil ;
Canon ou mitrailleuse ;
l'aumement de la cavalerie. 13
Sabre ou lance ;
Revolver.
Le revolver ne se présente que comme une arme brtlariic, (|ui
pêul, en beaucoup de circonslances, être d'une grande utililé,
mais aussi â'un griind danf^er. D'aillenrs, pour justifier le fjiiîili-
ficatir fjue nous lui donnons, il suffit de lappelei' que les essais
du revolver proprement dit ont été abandonni^s ii peu pr&s par
loulesies cavalcrî*»s,ct quo les modèles nouvelleraenl présentés
sont ou des revolvers.- fusils ou des revolvers-sabres.
Nous nous proposons de pîisser en revue les avantages et les
Inconvénients de ces différents modes d'armement, leur valeur
ÏDtrinsÈ'que et relative.
Mais, avant cela, pour expliquer ce classement, qui peut
paraître subversif, nous devons dîi'c qu'il est uniquemctit basé
sur l'ordre d'importance des missions de la cavalerie.
Le clieval reste l'arme primordiale du cavalier, parce que,
récusant toute tendance de la cavalerie vers l'infanleric montéCj
il faut que cette arme soil avant tout a™i]e, mobile, rapide, per-
► i:ante, lît qn'elle conserve cette facuUiî inappréciable et indis-
pensable d'ailleurs h son rôle d'indépendance : de pouvoir
provoquer le combat [»ar une agression inattendue ou de s'y
soustraire par une disparition subite.
11 n'y a que de la cavalerie, vraiment digne de ce nom, qui
puisse agir ainsi. C'est l'avantage que lui donne le chevals en
lui permettant de profiter de toutes les occasions favorables
el d'esquiver toutes les conséquences néfastes d'nn combat qui
tourne mal. Encore faut-ît que cette détermination, ce jugement
du résutlat k l'avance, ce coup d'œil, comme on dit vulgaire-
ment, soit inculqué h tous les chefs do cavalerie, qui ne doivent
pas hésiter un seul instant entre l'audace ou la renonciation,
suivant le cas, suivant leur mission.
Audacieux, le cavalier doit î'étre toujours j téméraire souvent,
parce que la témérité on iuqiose h l'ennemi. Mais, se sacrifier
inulilenient est une faute grave, car, en se sacrifiant, on expose
sa mission et les siens : c'est h sa mission qu'il faut se sacrifier,
et ce courage en vaut bien un aulre. Il est même d'une essence
plus élevée.
Cette lAche est plus difficile pour le cavalier friinçais que pour
tout autre, parce qu'il est dans son tempérament d'être brave
44
JOtrnNAL, DES SCIENCES UlLITAIfiES.
jusqu'il l'excès, el que, dans les circonstances les plus péril-
leuses, il s'exalte et s'exagère le point d'honneur.
Aussi celle abnégation doil-elle Être enseignée, raisonnée.
Encore une fois, elle n'est pas dans notre lempêrament, il faut
l'inculquer.
Le courage du sacrifice, il le faut plus particulièrement h la
cavalerie, et si l'âme du soldat français se nlclame du point
d'honneur dans un monienl d'incertitude sur le parti à suivre,
qu'il prenne pour guide celte formule du dévouement que rien
ne saurait contredira : se sacrifier à sa mission.
Un officier de cavalerie, envoyé en reconnaissance avec quel-
ques cavitliers, a réussi, i] force de ruse, ;\ pénétrer tes avant-
postes de l'ennemi. It a déjà pu envoyer des ren.-;eignemenls
précis sur ses elFectifs. Caché h la corne d'un bois, ses hommes
au fourré, il compte les adversaires, il les tient sous son regard.
Tt les voit s'installer sans déflancc dans leurs catitonnemeuls,
déposer leurs armes et vaquer iratu|uillenient h leurs occupa-
tions; les canons sont dételés, les cavaliers, sans selles et sans
équipement, conduisent les chevaux ît l'abreuvoir, en troupeau ;
les fantassins grouillent dans les champs aux abords du village.
Tout ce monde s'en est remis pour sa sécurité à ces avant-postes
qu'il vient de traverser sans être vu. Quelques patrouilles s'y
rendent ii leur tour, mais marchent indiiîérenles au travers de
ce terrain gardé ; elles ne feront acte de vigilance qu'on arri-
vant sur la ligne des postes.
Il n'y a pas de doute, tous ces gens sont livrés à sa merci ;_
Quelle tentation f
Ce n'est vraiment pas la peine d'avoir tant marché, tant rusé,
pendant un jour el une nuit, pour ne pas protiter d'une si belle
occasion.
Pour arriver jusque-là, il s'est résigné h rûder comme un
espion, h se cacher quand on apercevait au loin quelqiîe cava-
lier ennemi. Il a eu assez de volonté pour ne pas se mer sur une
petite patrouille qui passait si bien h portée qu'elle eût été prise
sans un coup de salire; mais, la voyant courir dans le vide, il
l'a jugée trop insignifiante. Il aurait pu enlever cet ol'ficier
ennemi h peine escorté, qui était venu fouiller l'horizon de sa
lorgnetie, h quelques pas de l'endroit où il était embusqué.
Comme il avait été tenté de se jeter sur lui sabre au clair el de
L AIIMEMENT DE LA CAVALËllIfi. ih
donner à ses hommes le spectacle de sa hardiesse en se portant
5ul en avant. El, pourtant, il Ta laissé s'en aller indemne,
"apr^s avoir constaté qu'il n'avait rien pu voir el qu'il se conten-
lait de n'avoir rien vu. Il a eu assez d'abnégation pour se
hloltir avec ses cavaliers dans une carrière afin de ne pas être
aperçu, comme s'il avait peur. Aussi a-t-il éprouvé le besoin
de se îusiifier en teur ejipliquant que cet officier qui leur
échappait allaif. tacililer Jeur lâche en disant aux avant-postes
ennemis {\n"û n'ava-il rien vu. El comme il avait pensé juste en
arrêtant de le suivre pour pénétrer sur ses pas le rideau des
postes^ îtprès qu'il les aurait rassurés. L'on a prolitê d'un
ravin asseit difficile, mais bien propice, pour se glisser auprès de
la vedette h laquelle t'offîcier ennemi parlait. Et, maintenant, il
voit lûus les campetn(!nts devant lui. A ses pieds, h 200 mitres
seulement, ce village encombré de soldats sans armes. Un mot à
ses cavaliers, et ils bondiront sans danger au milieu de celle
I cohue, y semant la panique î.....
Et après?
A quoi bon cette panique s'il n'y a pas en arrière une troupe
pour en profiler.
Quand il aura tué quelques hommes, il sera cerné, pris, et du
même coup sa mission sera finie.
Or, on sait qu'il est de ce côlé, on compte sur lui, d'autant
plus qu'il a envoyé des renseignements de la plus haute impor-
tance puisqu'il a signalé une agglomération de troupes qu'on ne
soup<,^onnail pas. Mais ce n'est pas tout, il faut faire savoir de
quel côté vont se porter ces troupes qu'il tient en arrêt. Il faut
qu'il découvre, leurs intentions. Sa tâche est loin d'être ter-
minée.
Pourtant quelle belle prouesse lui est offerte! El que! glo-
rieux fait d'armes : un officier avec quelques cavaliers seulement
El réussi h pénétrer dans les cantonnements de toute une division
ennemie et y a jeté la terreur...
C'est a ce moment que doit lui apparaître en lettres de feu
celte formule du devoir : se sacrifier à sa mission.
Il a vu, il faut qu'il continue à voir et qu'il ne se fasse pas
voù", car, en se montrant, il donnerait une alarme plus utile
encore à l'ennemi que n'aurait été le téméraire sacrifice qu'il
voulait entreprendre.
46
JOUB?!AL DES SCIBHCES MlLlTAIltES.
Et si même un délachement s'avance de son cûlé, qu'il se
voie en danger d'ôliT pris, il doil se soustraire sans vergogne à
lin combalquM! peut|iigei' (J'avance Délailc pour sa mission. U
doil fuir, mais non sans esprit de retour, sans <|uoi il ne sérail
pas digne du nom de cavalier. C'est gnlec h ienrs chevaux cl h
leur habilclé équestre que lui et ses hommes pourronl s'acharner
îi leur lâche en profitaot de toutes les occasions favorables et en
esquivant tontes les chances malheureuses.
Cet exemple n'est qn'nn entre mille.
Pour les grandes unités de cavalerie comme (tour les petits
détachemenlSj tout ce qui peut faire réussir Ira mission qu'an a
reçue doit cire tunl»;*, tout ce qui peut la faire échouer doil être
évité.
Cela suffit à d<ltiiontrcr riiuportaiiee du chcvul commo arme
primordiale du cnvatier, nous n'y reviendrons pas, voulant
traiter surtout de l'armement proprement dil.
A cenx qui voudraient nier que le cheval soit une arnift pour
le cavalî^r, nous espùrons démonlrer ]>nr la suite que c'est su
vérilable arme d'agression. Nous voulons éviter de dire arme de
choc; nous ne pouvons pourtant pas dire arme blanche, quand
il s'agit d'uu cheval, bien que certains écrivains mciiiphorisles
aient dit du cheval de cavalerie qu'il élait une arme de jet.
Nous espérons prouver, en un mot, que le cheval est et doit
rester pour le cavalier son arme d'abordage principale et que
Toplion pour le sabre, la lance ou le revolvci' est tout h l'ait
secondaire.
Nous croyons donc pouvoir éliminer maintenant le cheval de
noire iHudc de l'armement.
Quant au canon, il est devenu l'insU-Linjcnt sljalégique par
excellence de la cavalerie plutôt qu'une arme de combat. Nous
en renictlrons rétude à plus tard quand nous parlerons des
auxiliaires de la cavalerie : artillerie, infanterie, cyclistes, télé-
graphistes, etc.
Mais il ne faudrait pas en conclure que nous le déclassons de
rarniement de la cavalerie. Nous répéterons au cotitraire que
dans bien des circonstances, |iarliculit!remenl dans ses missions
slralégiques, la cavalerie ne devra se considérer que comme
l'escorte de ses canons, lout en cherchanl les occasions d'agir
L'AJmBME^*T DE I A <UV\|.KRI(i. 4T
par elle-même. Il restera h dlsculer du genre de canon h adopler ;
canon îi tir rapide ou milrfliUeiise.
Dans toules îes missions ii grande envergure de (a cavalerie
contre les aulres armes, loules les fois qu'elle a son indépen-
dance, et c'est le cas le plus général, il faut ([u'elïe puisse se
suflire h elle-même. C'est-li-dire qn'il Uti friul b. la fois les ôlé-
menls des trois armes : cavalerie, iirlillerie, infanterie.
C'esl pourquoi le fusil, f|uantl lùen mOnie il lui serait contesté
dVtrfi Vùniiti de combat du cavalier , reste son arme stralc'gique
.iti mt''me titre que le canon, et c'est pourquoi nous le classons
au premier rang par importance dans l'armement.
Il ne peut plus faire de doute que !e fusil prend et prendra
une importance toujours croissante dans l'armement de ta cava-
lerie. Aussi commencerons-nous par parler de lui.
Tonlefois nous voulons ffiire bien remarquer que la question
de l'arme est peu de chose I» côté de son emploi. C'est son
emploi qun nous visons d'iitudicr. Presque toules les cavaleries
en elïel sont acluellement armées de fusils et d'armes blanches.
Certaines, telles que la (."t Valérie italienne, ont même tout un
larsenal : fusil, sabre, lance et revolver. L'important n'est pas
fcl'avoïr une panoplie k sa disposition, c'est de savoir s'en servir.
Il vauilrait mieux n'avoir qu'une arme cl savoir en tirer tout le
part! qu'elle offre., en usant d'une tactique qui déjoue les armes
de l'adversaire.
Qu'on n'oublie pas cet axiome : les cavaleries les plus légères
et les moins armées ont toujours vaincu les plus lourdes et les
plus armées.
Surarmer la cavalerie, c'est non seiilemenl détruirp sa con-
liance indispensable dans son arme principale, le cheval, mais
c'est la surcharger. Surcharger la cavalerie, c'est la ralentir,
, c'est diminuer son utilité.
Ceci se rapporte au parallèle de deux cavaleries adverses,
inégalenieut armées. Le point de vue change si l'on ne considère
pas seulement ces éventualités de rencontres de cavalerie. Il est
évideni que les deux cavaleries opposées ayant des missions
identiques seront amenées, sur le champ de bataille même, k
une série d'engagements de cavalerie contrt^ cavalerie; mais
pour être le cas te plus général du cOrabat de la cavalerie, cela
n*implique pas forcéraenl le mfme armement ni le môme emploi.
48
JOURNAL DES SCIENCES HILITAlBGS.
Et, dans ce cas connue dans lous les autres, ce sera l'utilisation
du terrain et des circonstances qui devra diriger le choix des
armes.
Cette considération essentielle nous oblige donc ci étudier tout
d'abord la valeur de chaque espfece d'armement, ensuite la pré-
paration à son emploi, enfin son utifisaliou dans les différentes
circonstances, c'est-à-dire l'adaptation de la tactique à col
emploi.
Mousqueton, carabine ou fusil.
Toutes les cavaleries eurapéennes sont i\ l'heure présente
pourvues d'une arme à feu: fusil, carabine ou mousqueton. Cet
armement est reconnu pour une nécessité inéluctable. Mais
toutes les cavaleries n'en font pas le même usajre, leurs tactiques
étant basées sur des optiques encore différentes bien que visaTit
aux mCraes buts.
Les unes, qui les premières ont accusé leur penchant pour le
feu, l'ont généralisé et préconisent te combat h pied comme le
mode d'action le plus efficace. Elles ont même adopté la baïon-
nette pour en augmenter l'énergie et permettre de le pou.sser
jusqu'à l'assaut.
Les autres, qui n'admettaient hier encore la carabine que
comme arme défensive, ont déj;*! concédé h la tendance opposée
en se monlrant moins exclusives pour l'emploi du feu, mais n'en
continuent pas moins à ne considérer le combat à pied que
comme un expédient.
Les unes et les autres, qu'elles prennent la léte de l'évolution
ou la suivent, n'en fournissent pas moins des preuves Dagrantes
de celte évolution de la tactique de cavalerie.
Cette question de l'emploi du feu |)ar la cavalerie, cependant,
se présente encore sous deux acceptions très différentes :
Les uns, et plus parlicuUferement ceux qui ont adopté la baïon-
nette, le considèrent comme un but ou tout au moins comme le
combat normal, dont le combat à cheval n'est que l'auxiliaire
dans la majorité des circonstances.
Les autres ne regardent le combat à pied que comme une
exception, une ressource h exploiter, le cas échéant, dans dos
<;irconstances particulières.
l'armement [JK la CAVALRniG, 40
tes opinions, sans s'être ralliées, se prôsentenl un pou moins
ïntièros; touJetbis, elîes se trouvent encore divis(5es en doux
camps : les partisans du choc, les partisans du feu. Et ce qui
îsl bizarre, c'est <]ue les uns et les autres reconnaissent h la
savalerie les rDônies niis&îoris et les in ornes rCples stratégiques et
lactiques. Toule !a divergence réside donc dans les procédés de
combat.
Pria ^ un ]>oinl de vue général, le plus grand progrès des ar-
I ruées coDlempo raines est assurément le perfectionnement des
irmes h feu. El ce progrè.s ressort d'autant plus dans la compa-
fraisoii du feu et du choc que l'arme de choc, le cheval, au lieu
de progresser, a diminué de valeur, par le fait de la nécessilé
d'employer toutes les ressources chevalines, étant donné le plusi
crand chitire des crtectifs.
De prirae abord, les partisans du feu semblent donc être dans
Te vrai en oplaiU pour l'arme perfectionnée et en hasaut leur tac-
tique sur son usage. Les raisons qu'ils mettent en avant sont
d'ailleurs péremptoires: causer plus de dommages à l'adversaire
H courir moins dv. risques.
Jl est ccrtniu ijue la cavalerie ne peut pas penser aujourd'hui
|»pposer le choc au feu sans compter sur des pertes considé-
rables, et ses coups de sabre — ou de lance — ne peuvent pas
espérer, les résullals matériels d'une fusillade bleu dirigée.
tJne statistique, quoique déjîi ancienne, en fait foi.
ï^es pertes subies par T Allemagne, pendant toute la guerre de
1870-1871, ont atteint un total de 65,160 morts et ljle.s.sés. De
c«iix-ci, ï!18 seulement furent tués ou blessés par le sabre ou
i\ coups de crosse de fusil. Malheureusement, les blessures ûù
sabre ne sont pas données séparément des autres* mais, en ad-
f mettant que toutes ces blessures soient causées par lui, le résultat
l'on reste pas moins remarquable.
Dans la cavalerie, il n'y eut que 138 hommes qui furent tués
ou lilessés par le sabre sur un total de â,â3t>.
Le point le plus saillant est la très petite proportion entre les
Inès et les blessés. Dans cechitïrede 218 cité plus haut, le nombre
lotat des lues par des blessures de sabre, tout compris, fut de
seulement t..*.. Ceîui des blessés, 212. Dans tous les com-
bats de cavalerie, à Wcerth, k RcKonville, h Sedan ; dans les ba-
ialUes sur la Loire et dans les provinces du iNord; dans tous les
J. dtt Se, mii, 10' s, T. XVll. à
h
senicos d'éïjjloralioo qui s'étendirent presque sur la moUîé de
la Fiame, il n'y cul donc que Ht morls causées par le sabre
[jendanl six mois de campagne, sur 40,000 cavalière.
AvaiU de passer coiidamnaiion, sur celle logique, aux parti -
ijâns du cboc, il faul voir les raisons sur lesquelles ils appuient
leur tactique si diamétralement opposée :
Ils envisagent le rùlc de la cavalerie à un aiUrp ]mr\\ de vue.
Ce qu'ils exploitent avant tout, c'est l'effet moral, dont la charge
est évidemment le plus puissant facteur. Il est certain que retlet
moral provoque plus rapidement que les pertes effectives le dé-
sarroi, et le désarroi est le but «t alteiiiUre d'abord.
Mai& l'efifel moral d'une agression h cheval ne sera-l-il pas
considérablement diminué par les pertes qu'une altaque de cava-
lerie subira tbrcénipiit par le feu? Une ligne, qui verra arriver
sur elle une troupe de cavalerie décimée par son feu, n'éprou-
vera-t-elle pas, au contraire, un senliment de confiance dans la
puissance de son arme? Les Allemands n'onl-i!s pas pnHendu
déjà, après I87tt, que les charges de la cavalerie française, éclair-
ciespar les projeclilcs, avaietil rendu du cœur h leurs fantassins,
an lieu de les démoraliser?
Constatons toutefois que les parlisans du choc n'ont point re-
jeté d'une façon absolue l'usage de la caraline, mais qu'ils foni
du feu nue exception dans le mode d'action du cavalier.
Et il fiiut ajouter également que les partisans du feu, tout en
considérant le cheval principalement comme un moyen de lran.s-
port, exploitent cependant ta mobilité et l'activité do l'anne pour
multiplier et varier leurs attaques dans l'eni^agieraenlj et pouî'
sccepter ou refuser le combat à leur gré, suivant les chances qui
se présentent. Ils ne se contentent pas d'ailleurs du rô!e de com-
parse pour leur cavalerie dans les grandes batailles^ mais comp-
lent y fouruir une participation importante, en jetant soudaine-
ment pied h terre une nouvelle ligne de fusils pour renforcer un
point menacé, pour prolonger à l'improviste un mouvement en-
veloppaut ou parer îi une tentative analogue de l'adversaire, lit
ils comptent user largement de l'indépendance de la cavalerie
pour lui faire exécuter, J» l'aide de son feu, des attaques h grande
envergure qui peuvent, en effet, prétendre h des résultats de la
plus haute importance.
QuelleB que soient les prélentioïSs des deux partis opposés, la
l'armement de la CAVALEHIK. 51
TÎctoii'c, malgré (oiis les progrès de rfifmemetit, restera, c'esJ
îndubitabte, le résLillaLde l'ascendant moral; mais cet ascendant,
la cavalerie robtiendra-l-elli.' mieux par le choc ou par lo feu?
Touto la question est \i\.
Les partisans du choc objetjtcnt qn'il faut en rabattru de In
théorie du combat par le feu, si séduisante soit- elle ^ en
comjitaul la diflicnlté [ii'Eitir|vic de faire des solduts îi la fois
cavaliers et fantassins, et ([ue le fcu de la cavalerie, sauf des
excEplionsi 1res rarijs réalisées, par des contingents spéciaux, est
(e//t*oit!nt inférieur au point de vue efficacité, (]u'il ne doit être
compté qae comme un nouvel élément d'effet moi-al.
Mais, sans viser îi ce ri'sullat extrême d'avoir des soldats h la
fols bons cavaliers et bons fantassins, ne peut on espérer faire
des cavaliers bons tin urs? Et en admettant même que Je feu
lie soit exploité que comme effet moral, n'en obtietidra-t-on pas
un effet plus grand si l'on sait te rendre plus efficace, si l'on
cause des pertes sérieuses h l'adversaire?
L'agression h cheval n'y trouverait-elle pas un puissant auxi-
liaire?
La troupe d'abordage oe pourrait-elle pas, de co l'ait, courir
moins de risques et par conséquent avoir plus de chances de
succès, toot en étant moins nombi'euse?
Il ressort de toutes les ciiscnssionsi qui ont été faites sur ce
sujet, que l'on s'est presque toujours borné à ne considérer que
Je combat de cavalerie contre cavalerie,
li (îsl certaîu qu'il y aura toujours une attirance fatale entre
les armes de même espèce, néanmoins ce oe sera pas sans
exceptions, et l'on peut njéme dire que la cavalerie qui sesenlirfj
contiante dans l'emploi de son arme à feu cherchera îi multiplier
ces exceptionSt en s'altaquant îi toutes les armes.
Pour lu cavalerie qui combat par le feu, tous les terrains sont
propres au combat.
La cavalerie qui combat par le choc est obligée de choisir le
&ien.
La première peut allaquer l'ennemi partout où elle le ren-
contre.
L'autre est obligée de l'attirer sur le terrain qu'il lui fiiut, et de
lai donner en quelque soite un rendez-vous d'honneur.
Ces deux tendances absolument opposées sont Tune et l'autre
u
^ JOCRNAL DBS SCIBNCKS MILITAIRES.
, ^c::z^ivergences de parli-pris. La cavalerie doit, si elle veut
Y^ ^— ^ ^^ sler et conserver son rôle, savoir combattre à pied aussi
, . -^^ ^u'à cheval. C'est inévitable, c'est urgent.
^»^-%^"l. <3 doit s'armer et s'équiper en conséquence. Trêve de dis-
^^^ î. ons, il faut aviser.
-j^^» cirme à feu de la cavalerie doit-elle être un mousqueton, une
Y*^»^*"^® ou un fusil.
-j_^ ^ mousqueton fut donné jadis h la cavalerie parce qu'alors elle
• ^^^r* ployait presque exclusivement que le feu à cheval. Le mous-
çj^^^ton était plus facile h manier. D'ailleurs on le portait pendu
tj^ -xjLn. baudrier par un crochet spécial appelé porte-mousqueton.
Oxï Ti® tarda pas à se plaindre de l'insuffisance de cet armement.
"Un écrivain militaire d'une grande autorité se fit l'avocat de
cet-te cause :
et Les mousquetons de la cavalerie sont trop courts ; ils la
laissent sans défense si elle est exposée h un feu, fût-ce seule-
xtxeni de hussards, sans pouvoir joindre son ennemi. Il faut pour-
tant que toute troupe soit mise en état de pouvoir se défendre
dans quelque occasion qu'elle se trouve, et qu'elle ne soit pas
forcée de s'enfuir faute de pouvoir riposter h l'ennemi. »
■ Aujourd'hui le feu à cheval est à éliminer de la question. Sans
résultat et préjudiciable à l'emploi de la troupe à cheval, il ne
doit être admis que comme signal d'alarme pour les vedettes et
patrouilles.
Le feu à cheval a été partout condamné, sauf chez les Cosaques,
parce que comme les Arabes ils tirent tous bien à cheval.
D'ailleurs, le mousqueton est une arme trop courte.
Quant au feu à pied , il a été la raison qui fit armer autrefois les
dragons du fusil d'infanterie.
Mais la difficulté de porter à cheval le fusil d'infanterie a fait
adopter une arme à feu moyenne, la carabine.
On doit se souvenir que notre carabine actuelle fut présentée
à l'acceptation des chefs de cavalerie plus longue qu'elle n'est
actuellement et que c'est sans doute sous l'influence des idées du
mousqueton qu'ils la firent rogner. Il est d'ailleurs à remarquer
qu'on la rogna sans modifier la hausse qui y était adaptée, ce
qui diminua incontestablement sa justesse.
La carabine est-elle suffisante pour la cavalerie?
L'arme à feu destinée à la cavalerie doit être une arme à longue
L AllMIiJilliAT DE LA HA VALERIE.
m
parce que la cavalerie, le plus souvent, tanl pour la
éeurilé de ses chevaus haut-le-piecl que pour produira une
allaque pur surprise avant d'j^lrc évcnlt^c, dtivrn ouvj'ii' h l'eu de
très loin. Les occasions qui iiti seront oftertes de hh'C usage de sou
feu contre la cavalerie ou l'artillerie, par exemple, ne comporte-
ront en gtinéral que le feu h grandes distances, sinon l'agression
il cheval nurait plus de chances de succès que le coiid)al h pied.
el, en restant à cheval elle courrait moins de risques qu'en niel-
lant pied à terre. Les circonstances du combat à pied coiilrc l'in-
fanterie se présentent encore plus aTfïrmalives dans ce gens, parce
fjiie la cavalerie devra surtout diriger son fcit sur les gi'osses
colonnes d'infanterie pîulût que sur les détachements de sûreté,
en évitant par conséquent de se laisser aborder par eux. Le
combat par le feu contre l'infanterie devra se borner à forcer
celle-ci à s'arrêter ou ît se d<5toiu'ner de son but, ou à se déployer
el à prendre des dispositions de combat. Et la cavalerie ne devra
pas continuer l'engagement trop loniftcuips pour qu'il ne tourne
pas à un combat à courte distance qui deviendrait pour elle une
lutte k armes inégales.
Sans entrer ici dans des détails plus circonstanciés, que nous
i'ej>rendrons en examinant le rûle de combat de la cavalerie, nous
pouvons prétendre que, vu le nombre relativement minime des
tireurs qu'elle peni employer, elle devra conserver dans son
combat h pied, comme dans son combat h cheval, son caractère de
cavalerie, c'est-îl-dire agir surtout par surprise pour amorcer le
combat, provoquer une faute de l'adversaire ou le mettre dans
une condition d'infériorité qu'elle exploitera si In chance lui en
est offerte, ou rompre son aitaquft subitement en faisant le vide
devant la conlre-altaque de l'enncmt pour aller recommencer la
même tactique sur un autre point. Ce sera donc en général de loin
qu'elle engagera l'attaque par le feu, C'eist, 5 plus forte raison, de
loin qu'elle ouvrira le feu pour se défendre d'une attaque dirigée
contre elle, parce qu'il lui faut le temps de remonler îi cheval
pour faire sa contre-attaque ou se sortir d'un mauvais pas.
L'arme îi feu du cavalier doit donc être une arme b. longue
portée.
Quel doit être son approvisionnement eu cartouches?
Si la cavalerie proOte de loules les occasions d'employer avan-
lageusement son feu, elle dépensera beaucoup de cartouches, et
l\'t JOL-RMAL DES SCIENCES UfLITAlUES.
celtes qui n'auront fait que du briUl bien souveni n'aïu'orit pfts
été les moins utiles. Que l'on songe seulement h l'effel moral
produit sur une col on n (3 se croyant en sécurité par une fiisillado
qui éclate fiubilemenl sur ?on tlanc.
D'ailleurs, si c'est le peu de nionitions dont le cavalier est
nctuellemcnl pourvu qui emp6)"lio de l'utiliser plus souveni
comme tireur, cette rfjison suffirait î) augmentée considérablement
son approvisionnement pour engager ^i en faire un plus fréquent
usage,
La surcharge du cheval est l'objection principale mise en
avant. O surcroit de poids, outre qu'il est relalivement peu im-
portant, stirtnut en proportion des n'^sultals !i on tirer, peut ètro
ou partie évité en faisant porter rapproyisionnenientconiplëmeu-
tairc par des chevaux 011 mnlels de mains, échelons lotit indi-
quée entre la troupe et les sections de munitîotis.
Dans le cadre d'une b^taillej le cavalier dépensera peut-être
moins de cartouches que le fantassin ; nuiis dans le cours d'une
campagne, il aura cent fois pkxa d'ocensions que lui de tirer.
L'arme h feu du cavalier doil-elle être une arme h répéti-
tion?
Le cavalier aura plus d'occasions que le fanlassiu d'exécuter
des feux rapides. Le feu rapide devra être la base de sa lactique
de combat h pied : saisir des occasions successives et lâcher d'ob-
tenir rapidement la pkis grande efficacité de tir.
Mais il no faut pas confondre le tir rapide avec le tir à répéta
lion. Celui-ci ne convient qu'aux petites dislances. C'est d'ail-
leurs une véritable utopie qui cause le plus grand préjudice h la
régularité du tir et par conséquent îi son efficacité. De plus,
c'est la porte ouverte au gaspilSa^^e des munitions. Pour la cava-
lerie qui s'éloigne souvent très loin des ressources d'approvi-
sionnement, Ifî gaspillage des munitions doîi être évité avec soin.
Le fusil » magasin est d'ailleurs universellement condamné ^
l'heure actuelle. Quant au fusil h chargeur, c'est celui qui con-
vient, tout on ménageant le tir coup par coup comme ressource
imporlanlc pour viser juste, abattre les ofticiers par exemple.
Car, eu général, le combat ])ar le feu de la cavalcvie logique-
ment procédera tout k fait h l'inverse de celui de l'infanterie.
Ouverture du feu par surprise, par un tir rapide pour jeter la
[démoralisation ou au moins le trouble dans les ranxjjs de ladver-
L.VftMEUBNt DB LA CAVALEBI£.
ss
saîpe, el ensuite lu* Hjusté pour profiter de ce trouble et abaltre
les chefs qui voudryieot rélfiliîîr l'ordre ou prendre la direction.
Et ce sont les gradés el les meilleurs lireiiiA qui doivent se
charger de ce lir ajitMé. Que d'occasions k exploiter ainsi par Iti
cavaîerie qut aura sii tromper le service de eilreté de l'ennemi et
^''embuSiiiiJcr en un point d'où elle tiendra $oiis son feu un état-
major, un gronpe d'ofUcîers, les chevaux d'une hiitterie, le cam-
ïîcmoTit d'une colonne, ne serait-ce que les chevaux de m:iin d'un
<juarlfftr-|çén«^riil î
Une fusillade liien nourrie, des coups bien ajustés, et à cheval
pour disparaître, laissant des gens alVolés pour une lionne
parlîfi de la journée, sans coiiiplor les morts cl le« blessés qui
MUgnieulcnt beaucoup le désarroi, surtout si ce sont des chefs.
I>e plus, ces simples escarmouches peuvent crt^er une belle
occasion de charger et de jeter la panique dans des troupes
&ubiteinenl privées de leur direction.
Et que ne dirail-on pas de l'ulilité du combat h pied el de
remploi du l'en lorsque la cavalerie il le r6!c d'ouvrir la route fi
son infanterie, fit de s'emimrer de points d'appui qu'elle doit lui
conserver.
L'arme h feu de la. cavalerie doit être une arme sérieuse el
bien approvisionnée.
Doit- elle iMrc munie d'une baïonnette'?
Celle iinuo d'abordage est-elle bien h sa place au bout du
fnsll de. cavalerie, el l'assaut, qui est son but, est-il vraiment du
^m fait d'une troupe de cavalîej's,
^f Si nous n'admettons le combat II pied h courtes dislances que
F derrière un olisfucle infranchissable, naturel ou im|trovisé, à
I cause des chevaux haut-le-pied, le point faible, nous n'admel-
I loDs pas la baïonnette parce qu'elle est inutile en ce cas. S'il y a
^■.occasion d'assaut, dans un terrain îion coupé d'un obstacle de
^" ce genn;, cet assaut ou plutôt cet abordage doit se faire ii cheva!
r par la réserve restée en selle bîenlAt suivie de tout ce qui avait
^H »nis pied h terre qui se sera lutté de remonter à cheval.
^P Moralemenl, ou plutôt h cause de son morale le combattant à
pied ne doil pas être éloijçné par trop de sa monture. Donc, il
ne peut pas être conduit comme une lrou[>e d'infanterie qui pro-
gresse par bonds en tirant.
D'ailleurs, nous aurons l'occasion de le dire, nous pensons
S6 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
que la cavalerie doit plutôt s'inspirer de la tactique de feu de
l'artillerie et, comme elle, progresser par l'allongement de son
tir ou changer de position par échelons et au galop de ses che-
vaux. La marche du troupeau des chevaux haut-le-pied derrière
les combattants est une véritable utopie.
Quant à la baïonnette comme arme défensive, elle n'a aucune
signification, parce que l'adversaire qui arrivera sur une ligne
de cavaliers à pied aura tout intérêt h les négliger pour courir
s'emparer de leurs chevaux. Et les cavaliers, seraient-ils abordée
directement, ne tireraient aucun parti de se grouper pour croiser
la baïonnette. Ils ont dû, en mettant pied h terre, chercher
chacun une bonne embuscade et une facilité pour le tir; ils
auront intérêt à y rester ou mieux à ne pas attendre d'être
abordés pour remonter à cheval.
On comprendrait mieux au bout de la carabine du cavalier ce
tube de nouvelle invention qui dissimule la fumée et la détona-
tion. S'il rend le fusil trop lourd pour le fantassin, il n'a pas le
même inconvénient pour le cavalier, qui peut h loisir chercher
un appui pour son arme, n'étant pas lié h un ordre rigide sur un
espace mesuré. La cavalerie, qui pourrait agir ainsi par surprise,
tirant d'une embuscade où son feu resterait invisible, aurait
peut-être des chances de plus d'obtenir les résultats d'efficacité
auxquels elle doit prétendre.
Cependant, comme nous le disions plus haut, le plus souvent
il lui serait encore plus utile d'avoir des fusils qui, en faisant
beaucoup plus de bruit, jetteraient l'émotion dans l'ennemi et
accentueraient la surprise en la généralisant. Ce n'est d'ailleurs
que par la supériorit(3 de bruit que la canonnade est plus
impressionnante que la fusillade, car elle est incontestablement
moins meurtrière ; mais elle est entendue de tous. Et une salve
d'artillerie qui éclatera soudain auprès d'un campement se
croyant à l'abri, y jettera une émotion plus générale et, par
conséquent, plus importante qu'une fusillade sourde faisant
pourtant plus de victimes.
Quel doit être l'équipement et l'habillement du cavalier en
raison de son arme à feu ?
Il suffit de répondre que si les conditions principales de l'em-
ploi du feu par la cavalerie sont la surprise et l'embuscade, il
faut que le cavalier puisse non seulement marcher facilement
l'armement de la cavalerie. 5T
à travers des terrains difficiles, mais y courir pour gagner un
bon poste de tireur, gravir un escarpement auprès duquel il a
laissé son cheval, rester le plus possible invisible à l'ennemi, afin
de profiter plus longtemps de cette sécurité pour tirer sans
être tiré. Il faut donc que son équipement et son habillement
soient allégés et rendus peu voyants. Chaque fois qu'on fait
combattre h pied des dragons, on les voit placer leurs casques
auprès d'eux ; c'est, d'ailleurs, une sage recommandation de
leurs c/je/s. Comment demander d'agir par surprise à une cava-
lerie qui se signale de si loin par l'éclat de ses armes.
Il faut que le cavalier soit h l'aise dans ses vêtements, tant
pour bien épauler que pour se mettre h genoux ou couché pour
tirer, et, surtout, qu'il puisse, le plus rapidement possible,
remonter à cheval, replacer sa carabine et mettre son sabre à la
main.
Quel idéal, un cavalier qui se transformerait instantanément
en fantassin, et un fantassin qui se changerait subitement en
cavalier ! C'est à quoi il faut tendre, et l'habillement et l'équipe-
ment ne sont pas les moindres inconvénients h vaincre : les rou-
tiniers les ont tant de fois invoqués comme excuse de leur résis-
tance !
Lieutenant-colonel Picard.
LE MORVAN
DANS LA DÉFENSE DE LA FRANCE-
« L'art de la guerre est on art simple et
lout d'eiécution ; il n'a rien de vague; toul
y est bon sens ; rien n'y est idéologie. »
(Napoléon, Corresp. milil., t. X, p. 246.)
ir PARTIE.
Géographie du Morvan et de ses marges.
CHAPITRE II.
GÉOGRAPHIE MILITAIRK.
I. — Le Morvan.
Hydrographie.
(mile).
Bassins du Cousin. — ») Premier bassin du Cousin; seuil
de Saulieu; plateau de Collonclièvre ; leurs propriétés militaires.
— De la vallée du Cousin, nous avons déjà dit qu'elle se creu-
sait sur le dernier dos thuringien du Morvan septentrional, du
côté de l'Est, et entre la ligne de faîte de ce dos et son bord
oriental. La ligne de faîte, nous l'avons déjà jalonnée de Grosses-
Pierres à Quarré-les-Tonibes, par les Petites-Fourches et l'huis
» Voir les livraisons de 1900, 1901 et 1902.
LE AtimVAN DASS LA tlKFEfiSE UK LA FHANCK.
no
des Wcuniers; le bord onental, nous l'avons aussi montré se
développant en une ligne conlinue de forêts de Saiilieu, h Sainl-
Léger — Vauljan; il nous faut mainienanh suivre les divers bas-
Iâinà de la rivière enlre ces deiis alignonienls,
■ Le premier bassin étale largement ses chewls, ses étangs cl
parécages, des Grosses-Pierres à la for^l de Brcnil/îi l'appui de
n Tvde du FoUri ; il se prolonge jusqu'aux croupes des Polîtes-
■"ourches (642 > et de rKcornf!'e (60S el 624), qui représentent ici
la ride tii.^Chftieau-Chinon, de part et. d'autre de la rivitre. L'al-
lituïfe du seuil d'échappement des eaux eu Ire les deux croupe?;
«'St de 540 inMres, h peu pl■^s celle du seuil de la Cure (S44)
h son entrée dans le deusiènje bassin sur ta croupe de Monles-
Inre. La similitude du premier bassin des deux cours d'eau, sur
tciii's dos parai IMes, esi, d'ailleurs, coraplfcle; ce sont des fonds
marécageux, capricieusement creusés entre des nmineiona ro-
cheux qui les doujineiU de 80 à 100 in&tres et plus.
Signalons, loulelois, une particularité. Nous avons englobé en
parlie le seuil de SauUeu daus le bassin du Cousin, en donnant
îl ce bassin, pourenceinle orientale, le plaleau de Monlîvent et
les bailleurs de la forci de Brénil. En réaîite, le seuil de Saulieu
parait avoir formé un bassin fermé reciieiilant de.s eaux indc-
«ises eulrc le Cousin, le Ternin et l'Auxols. De ces eaux, il reste
s lîtatigs de Cliailloux et l'élang do chevel du Ternin j d'une
larl. Les premiers ont fini par se déverser dans lo Cousin, en
traversant sous la butte de Bois-Morin (618), la véritable
ceinle de la rivière; les eaux du Ternin, s'inclinanl devant
!a naème ride, au Sud-Est, ont pria, au contraire, leur coni-s
vers l'Arroux. De leur côté, les eaux qui recouvraient la terrasse
sur laquelle s'est construit Saulieu sont restées sans issues ou
ont pris leur cours vers l'Argentale ou le ruisseau de Baigne.
insi s'explique le seuil triangulaire de Saulieu j dominafut
Auxois par son snmmel, Saulieu (S41), ?i peine dominé au Nord et
ait Sud, du cûlé du bois de Bréni!, comme du hameau de Coll on -
ch«?vre, et barré, au conlrairôj suivant sa base, h l'Ouest, par le
bord très net du haut plaleau o(i se forme le Cousin. Ce bord
(018,629,611) commande d'une façon continue, et de 30 à
niMres, le seuil mamelonné. La route do Saulieu h Mont-
Mche l'aborde en s'inclinant devant lui pour suivre, ensuite, le
chenal d'écoulement des éladgs de Cliailloux. Il serait facile
B\
60 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
d'intercepter la route dans le défilé boisé et marécageux où elle
s'engage. A l'ouest de ce long et.dangereux passage, elle fran-
chit successivement le ruisseau de Chailloux (552) et le Cousin
(55 1) ; elle s'élève ensuite, pendant 2 kilomètres, au flanc sud-
est de la croupe boisée qui la conduit au faîte entre Cure et
Cousin.
Un assaillant, maître de Saulieu, peut éviter le parcours désa-
vantageux de la route par deux chemins carrossables. L'un tra-
verse les plateaux qui séparent les étangs de Chailloux du
Ternin, l'autre suit d'abord les hauteurs de la rive gauche du
Ternin et franchit le ruisseau à Saint-Léger de Fourche. Le pre-
mier aborde la ride d'enceinte directe du haut Cousin vers son
point le plus élevé; le second, par une pente plus allongée et
flanquée de bois. L'un et l'autre conduisent au Cousin, sous les
vues du faîte, entre Cure et Cousin, et prêtent le flanc h la dé-
fense du haut Ternin.
Mais le seuil de Saulieu doit-il être défendu en avant, au som-
met de la place d'armes triangulaire qu'il dessine à ce saillant
du Morvan septentrional? Nous venons de poser la question d'une
façon qui laisse pressentir notre réponse. Les places d'armes de
chemin couvert doivent être défendues, c'est affaire à leur gar-
nison et aux troupes d'opération extérieures; quant aux troupes
de défense de l'enceinte, elles doivent tout leur appui k une ac-
tion qui préserve le rempart d'une attaque directe, mais sans
compromettre la solidité de leur résistance sur le rempart lui-
même en danger d'être assailli aussitôt après. Le seuil de Sau-
lieu doit donc être défendu, et nous voudrions y voir un de ces
forts d'arrêt qu'il conviendrait de substituer aux grandes places.
Ce fort, nous l'imaginerions sur le plateau de Collonchèvre (598).
Nous ne lui demandons pas, en effet, de protéger Saulieu et la
voie ferrée qui y touche, voie ferrée que l'ennemi aurait inter-
ceptée déjà, plus au Nord ou plus au Sud, suivant la direction
de son approche ; nous lui proposons de commander au loin les
routes rayonnant vers le seuil et de participer à la défense de
celui-ci à l'intérieur en cas de besoin. Notre fort n'empêcherait
pas la défense mobile de s'établir solidement en avant de Sau-
lieu, sur les contreforts de sa terrasse, à l'aide de travaux du
moment; il appuierait leur résistance de ses canons à longue
portée, protégerait leur retraite et leurs retours offensifs; il con-
I,E MiinVAN 1),INS LA nÉFENSB DE LA FBANCB. (il
courrait, enfin, ;\ revers, à la défense d« rempart, en inlerdisant
;i rt^nnemi le couronnement du chemin converl, c'esl-à-dire l'oc-
<!upation de la ride de gorge du sfînil (611, 629, 6i8), ofl la dé-
fense avancée se serait ralliée sous les vues dominantes du faîte,
cnlre Cure et Cousin (684, &42).
A défaut de fort d'arrêt, c'est h la défense du haut Tcrinn
qu'il incomberait d'organiser et de tenir le plaleati de Collon-
chtvre di' (aran h coo|iérer h la rûsislance de Snulieii au î» couvrir
les monveraents rôlrogrades suivant la direction de l'attaque.
6) iïmrtVmt' bassin du Coumi. Saint-Agnan. — Le deuxième
bassin du Cousin se dérobe sous les difficultés de son accès; il
se développe élroitemeni entre les Petites-Fourches cl rhuis des
Meuniers d'une part, la croupe de l'Ëcornée et le plateau de la
ferme Girard d'autre part, Dans en cndre de hautes enceintes,
la rivière circule encore à travers des fonds larges et sans grandes
pentes; nous l'avons vu sortir de sou premier bassin par
S40 inMres d'altitude; celle alîitudc est encore de 508 îi son issue
lu deuxif-me bassin; pour le même parcourSj la Cure, dans son
parallèle, accuse la diflérctice de niveau : 190, 410, soit une
peule près de trois fois plus forte. C'est que le Cousin est encore
ir le dos thuringienj il n'y reçoit qu'un très polit nomlire de
Hirs d'eau sans importance; en revanche il est suivi par un bon
ïhemiti qui relie la roule de Saulieu h. Saint-Agnan par le pied
les pentes de ta rive droite. De Sain(-Aguan, ce chemin, passant
Sur la rivé gauche, se biftnrque vers Saint-Brisson d'une part,
»l vers Dhun-!es-Places ou Quarré-les-Tumbcs d'autre part. A
>aint-Agnan mfinie^ il est rejoint par un chemin de môme nature
venant de l'Auxois, par Saint-Germain-de-Modéon. Ce chemin est
seul qui aborde le front dôfeusif du bassin; il traverse des
iTorSts continues et peut èlre rompu aux points où il franchit la
>rge escarpée de la Romanée.
A Saiul-Agnan pourrait f'ire posté un parti d'observation du
.chemin de Sainl-Gennaîn ot de la forêt do Saint-Léger.
Le sile de Saint-Agnan est encore intéressant par l'élargissc-
jent qu'y accuse le Cousin. La rivit'ïre, parvenue îi ce point, ren-
:onlre la ride de Chassaygne; eîle dtll .s'épanouir en un vaste
itaog, dont l'étang de Sainl-Agnan reste le témoin. Il semble
'que les eauît s'échappèrent, d'abord, en longeant la ride, par la
{)i lOCKNAL DES SCIENCES HILITÀIBES.
déjiression de la ferme Girard qui les conduisait sur Je versant
natufel du dos Ihuringieii; la vallée dti Vernidurd jalonne le par-
conrs qu'elles durent suivre, Puis, une fissure du rocliei* leur
livra passage; elle s'en foncÈrenl dans l'obstacle par les profondes
et étfoites gorges oii elles circuletil aujourd'hui.
7) Troisième (fûifsin du CamÙK Lo Cousin; !e Trinqttdain. —
N'ous venons de voir le Cousin s'engager dîins son troisième
bassin h travers la ride de Chassaygne; il s'y heurte bientût h b
ride de la forint an Due. Au îiou de s'incliner pnr le ravin de l:i
Pierre-qui-Vire du côté du versant Auxois. il fait, au eonlraîre,
un crochel vers le Sud-Ouesl, du côt(5 du fnUe de la Cure; mais,
c'est pour se redresser presque aussilùt h la rencontre du Trin-
quelain el eouier longuement vers .ses affluenls de droite. Nous
liniileroits ce Iroisif'uie bassin de la Cure entre l'huis des Meu-
niers, Quarré-les-Tonibes, Sainl-Léger-Vauban el la ferme
Girard. Dans ce cadre large de 6 ?i 7 kilomètres, la rivière a
entailla l.i roctia, d'escalier en escaliers, h la punltî de plus de
S mètres par 10 mèitrcs; aasaî n'esf-etle suivie ni franchie pttr
aucun bon chemin. Elle ne reçoit d'autre affluent qne leTrin-
quelain, dont elle prend quelquefois le nom depuis Saint-Agnan.
Le Trinquelain adosse son elievet, prts de Thuis des Meuniers,
dans l'angle de la ride de faite du Cousin et de la ride de Chas-
saygne; son lit se creuse aussitôt tr^^s profondément.
5) Quatrième bmsin du Cousin. Avallonnais. — A son issue de
la ^orge du Trinquolain, le Cousin entre dans le Morvan aval-
lonnais. De grands courants, auxquels ses apfiorts se sont ajoutés,
ont coupé nettement le dos tburingien qu'il a si tîdMement suivi
el ont arrêté ce dos aux falaises Nord-Est Sud-Ouesl de la forêt
de Saint-Léger et de hi forêt au Duc. Toutefois, la rivière reste
sourtiisc encore quelque temps à sonorienlation primitive, h l'in-
fluence morvanaise. C'est que les rides du sy.st6me de la C*>te-
d'Or : celle de Fadray, par Marigny-l'Eglisej Mennemois-Dessus,
Vitliers-les- Poteaux; celle de Lormes, par Saint <iermaiii-des-
Gbanips, Marrault, Magny, ont persisté davantage dans !eur relè-
vement du sol. Quand le Cousin les aura dépassées, à hauteur du
bois de Velotes et de la forêt de Villiers, il s'inclinera, comme
a fait la Cure, dans le sens du remous que nous avons vu projeté
LE UORVAN DAMS LA, DËFENSË US LA FRANCE.
6â
jusqu'aii-deJîi d<* Vozeleiy par la ride de Montbard. Le Cousin a
reçu, à ec moment, les deux rivières : le Creusant el le Toiir-
inesac, qui lui apportent les eaux du versant de raccord du
Morvan et do. TAuxols De ses .mires affluents de droile, nous
ne citerons que les deux ruisseaux qui d6cou|if!iii (e promontoire
du haut duquel Avallon domine la vallée. Les aftluents de gauche
n' on Iqudque développement qu'en aval du coude delà forêt de Vil-
UeTs, alors qu'ils descendenl du faite de la Cure entre Mennenaois-
Dessus eUe bois d'Ozy; parmi eux, nous signalerons de nou-
veau h ruisseau de Marrault, qui s'îiligne, avec ses deux grands
étaogSj dand le prolongement de la Cure ù sa sortie du Morvan,
et, plus prè'S d'A vallon, le ruisseau que suit la nouvelle route
d'Avallon h Loruies par Chastelhîs. A Ponlauberl, en aval
d'Aviilion, letlousin jusque-1^ encasti'é dans les roches de ^Ta-
nulîte qui constituent le sous-sol avallonnais, rencontre l'angle
de Fenvetoppe oolithique du Morvan; il so redresse au Norcl-
Onesl pour contourner le massif déchiqueté que couronnent le
niODlMarte, H57, lenioul !Siètre,33l. H s'enfonce ensuite dans la
falaise calcaire, grossi du Boucliin qui en longe le pied h. droite,
^<*t suivi par la voie ferrée de Sanlien ;i Auxerre, par Avallou. Un
peu plus loin, la riviîire mêle ses eaux à celle de la Cure.
Dans àon bassin avallonnais, le Cousin n'intéresse pas dîrec-
lemenl U défense morvanaise sur laquelle il n'ouvre aucun
débouché utile; il rettive pluliU des opérations à prévoir dans le
qmadrilatèrc bourguignon ; Semur, Avallon, Auxerre et Ton-
nerre. Dans ses bassins morvanais, il joue, comme nous l'avons
dit, le rûle de fossé, en avant dii [larapet du (;ousin cl derrière
le cliemin couvert que nous avons monlré tendu depuis la plafe
d'armcsdeSfiulieu jusqu'à l' Avallonnais, parSaint-Léger-Vauban.
.Mais ce chemin couvert est précède lui-môme d'obstacles autres
i|ue ses grande» forêts. Parmi eux nous citerons d'abord le Tour-
iiesac el sou affluent la Romanée.
1} Le Toitnie.sac et la Homnnée: propriétés militaires. ~^he
Tournesac a une orienlation serai-morvanaise, serai-auxoise. 11
«ieinble^ en effet, iju'nn contrefort projeté par la ride du Folin
devait s'avancer dans TAusois, bien au-dclù de Saulieu, et les
^ninils de Semur en seraient des vesligos.- Né è l'appui de cette
ride, dans la forêt de Brénil qui en est un épanouissement, le
(î'j. JOOaîIAL DES SCTENCKS MILITAIBES.
Tourncsac suivit d'abord rorieiitation de toiUes les rivières du
Morvan seplentrional vers k Nord-Ouest j il tendail, loulefois, ^
provenant da versant oHenial du dos du Cousin, à se redressera
vers lé Nord-Est h la recherche d'un Ihalweg qui put bien être ■
le Serein et qu'il devait gagner par l'Ar^eiilale vrjrs La Roche-
en-Bréiiil. Mais les courants diluviens intervinrent le courbanl
progressivement vers le Nord-Ouest et l'duesl. C'est ainsi qu'i*i
la suite d'un coude brusque, qui parait avoir été déterminé par
rinthience persistante de la ride de la forêt au Duc, il vient
recevoir à l'Ouest la Romanée pour doubler plus loin par uu
coude analogne la ride de Fadray et coulluer avec le Cousin sous
la ride Lormes. ^Ê
Par son premier bassin, leTouruesac appartient à la bande oii^"
les rides du Foliri et de ChiUeau-Chinou enferment les hautes
cuvettes des rivières principales du Morvan sepletitrional. Il
paraît avoir communiqué, ii l'ouest du bois de Brénil, avec les^
étangs de Chaillotix, el, par la dépression qu'il dut suivra, i\ï»^
chemin met en communication les routes d'Avallou h Saulteu et,
de Sauîteu h Moulsauche. Ce chemiu qui permet d'éviter le
seuil de Saulîeu pour atteindre le Cousin débouche sous les vues
de la butte de Bois-Morin en un point qu'il est facile de rendr^
impraticable.
Entre les rides de Châleau-Chinon et de Chassaygne, le Tout
ncsac accentue sa pente et s'enfonce dans des gorges ]>rofondes;
sous ta ride de Chassaygne, en décrivant le coude que nous avonsl
signalé, il forme Tétang de Vannoise. 11 reçoit en aval la Ro-
manée et, un peu plus loin, le Vernidard.
La Romanée prend naissance dans une série d'étangs qui|
s'ouvrent dans l'angle du faîte du Cousin et de la rîde de Châtcau-
Chinon; elle traverse un étang plus important à l'appui de !a
j'ide de Chassaygne^ au moment où la franchit le chemin que
nous avons signalé de La lloche-en-Brénil à Saint-Agnan. Elle
s'encaisse ensuite profondément jusqu'à son con Huent avec ieH
Tonrnesac. ^|
Le Vernidard est ce ruisseau dans lequel nous avons vu mi
ancien cours du Cousin; Tévasement de la large gorge où il
circule autorise au moins à supposer qu'il roula autrefois des
eaux très abondantes.
Du Creusan
I
LE MORVAN DANS LA. DÉFENSE I>E LA FRANCK.
63
Saicl-Léger, nous ne dirons rien sinon qu'il double de près de
sa vallée profonde et marécageuse l'obstacle du cours inférieur
du Tour nesac dans leMorvan avallounais; il conflue directement
a la Cure sous la ride de Loruies.
Nous n'insisterons pas sur les difficultés qu'accumulent devant
le front du Cousin les obstacles parallMes du TournesaCj de la
Romant^e et du Vernidard, compliqués encore de forêts continues.
iLo chemin de Saint -Agnan îi La Rochc-on-Brénil, les traverse
•dans leur grande largeur^ 9 kilomètredi environ- ce ctieiniu est
[lïJîîq^ue et ne peut guère servir qu'à la défense; il lui permet de
communiquer avec l'observalion qu'elle aurait pu installer sur la
longue lerrasse qui sépare le Tournosac et la Roinanée. Celte
terrasse domine généralement le faite parallèle entre Tourncsac
Iel Argentaïe ; elle est desservie par des chemins qui se prolongent
|>son sommet, depuis le Bois-de-Brénil jnsqu'au mont de Lcri-
l|ny, au conlluent des deux riviôres.
, e) Bassin du Serein. — a) Le Serein; t'Ar^entaîe; la Baigne;
Ifropriéte'smiUtnires. — Le Morvan bourguignon, dont Saulieu
leil la capitale, comme Chûteau-Chinon est celle du Morvan
I Hivernais, le Morvan bourguignon se prolonge, sur les confins du
Morvan seplentrioual, au delSi du Tournesac, par un dernier gra-
din, œlui du bassin de l'Argentale. L'Argentale, affluent duSc'
reiû, ainsi que nousl'avonsdit déjà^ recueille une partie des eaux
•in seuil de Saulieu. Ces eaux, sous Id forme d'une suite d'étangs
allongés, s*en foncent dttns l'angle du faite du Cousin par le bois
de Brénil et de l'alignement Saulieu— Semur, prolongement de la
ride du Folin. L'Argentale est bien une rivière morvanaise par
son orientation, ses rives encaissées, épanouies de nombreux
marécages. On peulvoir l'influence de la ride de Chàteau-Ghinon
dans le coude que la rivière décrit h hauteur du bois de Rome-
neau. Le Serein par une courbe symétrique et largement déve-
loppée vient h. sa rencontre à l'Ouest et la reçoit en aval de
Frémoy, sous l'influence de la ride de la forôt au Duc. Le Serein,
ft partir du senil de Précy-sous-Thil, où il traverse Talignenient
Sauiieu — Semur, peut ôtro considéré comme limitant, de ce cûlé,
jusqu'fi son contluent avec l'Argentate, le Morvan bourguignon;
il est plus vrai, pourtant, de laisser îi l'Auxois, dont il présente
uperficielletnonl les terres fortes et la fertilité, le large plateau
/. d^tSe.mil. iO'S. T. XVll. S
G6 lOORNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
qui s'élève insensiblement de la rive gauche de la rivière jusqu'au
faîte où, à un kilomètre de la rive droite de l'Argentale, com-
mencent les forêts et les reliefs plus mouvementés du Morvan.
Vers Précy-sous-Thil se croisent les routes d'Avallon à Dijon et
de Semur à Saulieu, cette dernière accolée à une voie ferrée. La
route et la voie ferrée de Saulieu à Avallon réunissent les deux
premières en empruntant généralement la ligne de faîte entre
Argentale etTournesac; elles forment ainsi la base d'un triangle
(Saulieu — Précy-sous-Thil— La Croisée), d'où la défense morva-
naise peut intervenir par les lignes intérieures contre une agres-
sion qui se diviserait entre Avallon et Saulieu. Cette base d'opé-
rations, protégée en avant par le fossé et les forêts des deux
rives de l'Argentale, est doublée par le chemin carrossable que
nous avons signalé entre le Tournesac et la Romanée; enfin,
le chemin de Saint-Agnan h La Roche-en-Brénil la met en com-
munication avec l'intérieur de la défense.
Telles sont, au Nord, les conditions de l'observation sur les
voies d'accès du seuil de Saulieu; nous croyons devoir en rap-
procher de suite celles qui en seraient le complément au Sud.
Nous avons montré le Serein traversant vers Précy-sous-Thil
l'alignement Saulieu— Semur, prolongement de la ride du Folin;
au sud de cet alignement, nous avons dit que les rides morva-
naises du système de la Côte d'Or s'accusaient encore par des
crêtes imposantes et d'orientation assez nette. Ainsi, nous avons
rattaché au plateau de CoUonchèvre, épanouissement thuringien
du faîte du Cousin, au sud du seuil de Saulieu, la suite de pla-
teaux et de crêtes que suit la route de Saulieu à Autun, par Col-
lonchèvre (o98), Pierre-Écrite (598), Palaizol (516), etc., et nous
avons présenté ce faîte, enceinte orientale du Ternin, comme une
première ride de soubassement de la ride du Folin. Nous avons
montré, ensuite, dans les crêtes qui se poursuivent de Thoisy
(465) à Brazey-en-Morvan, une deuxième ride de soubassement.
De la première h la deuxième, le faîte de CoUonchèvre se pro-
longe par Saint-Marlin-de-la-Mer (531), La Guette (496), le pla-
teau de Sussey (524-529). C'est contre cet alignement thuringien
que s'adossent, au Nord-Est, les affluents du Serein et le Serein
lui-même, en avant du seuil de Saulieu.
Des affluents du Serein, le principal, le ruisseau de Baigne,
vient longer, par son cours supérieur, la ride deSaint-Martin-de-
LE MOayÀN D.UiA LA l>ËF£N:JE D£ LA rRANCE.
67
Ja-Mcr, puis se redresse pour suivre perpendiculaireruent l'aligne-
iieiU Saulieu— Seiuirr. C'est sous celle orietiialiou qu'il coullue
m Sf-roin, après avoir reçu : à gauche, le ruisst;<ui qui cireouïici'il
lerrajîïicde Saulieu; h droile, unelonguc suite de niarécage&el
rjHuugs. Par son cours et ses alfluûnts, la Baigne barre la route
ie Saulieu h Dijon, de [lartel d'autre, d'une grande forêt niaré-
tageu8«. A l'issue ouesl de cette forôl, la route d'Arnay-le-JOuc
E^ Saulieu vient s'unir k la route de Dijon, aprL's avoir lonyé long-
ht;aips, sijr la rive droite de la haute Biiigue, i a crête de 6aiul*
War(în-de-la-Mer.
Sorti de la large enlaille des pialeanx de Sussey et Beurrey,
le Serein conflue avec ta Baigne, sous la longue crête qui pro-
longe jusque-là la ride de Thoisy. Il j^agne ensuite le seuil de
tPrécy, sous les hauteurs isolées de Thj[ (47tî) ot de la Montagne
(41i). I)e ses sources k Précy-sous-Thii, la rivière est suivie,
l quelque dislance, h l'Est, par un chemin carrossable qui joint
fe grandes routes menant h. Saulieu, iriinsversalemeni It la
vallée : routes de Seuiuj-el de ViLteaux qui se réunissent k Précy-
sousThil; roule de F'ouilty-en-Auxois, jtar Thoisy- Contre un
ennemi qui su présenieraii simultanéinenL par ces deux direc-
lions et les ehemius intermédiaires, la défense avancée de Sau-
^B heu Irouverail dans la région qui s'étend de Guillenay à Thoisy,
1^ par Lu Motte-T'uniaiit (1-i kdomètres)» de» t'orèts, des hauteurs,
des fonds très favorables à une guerre de délail. Une réserve
cenlraki pourrait rayonner r:ipidemeut de ViUargois. dans toutes
l<5 directions. Les directions d'Arnny-le-Duc et d'Autun relèvent
de la surveillance des forces d'observation du haut Ternin, de
mime que les directions qui lon^sçenl le front du Tournesac rc-
foctil de la surveillance des forces d'occupation de ce front.
• f) Coup-d'aûl iVen.iemf/le ,tur la coit/îaumlion ei hs propriété»
Pilaires du Mût r an septetUriomtL — Nous avons terminé ici
l'étude de l'hydrographie du Morvan septentrionaî.; nous croyons
devoir résamcr brlèvetnent les considérations miUlaires ((ue nous
a inspirées l'examen de chacun des bassins, de chacune des par-
ties de rintéres&ante région.
Dana le bassin du Veynon, riche, large, éloigné des fronts
d'allaque probable, en relation avec Ne vers par une voie fernic,
[nous avons placé les magasins et les troupeaux de la défense, .
68
lODHNAL DES SCIESTCES MILITAIBES.
Dans ce vaste encioB, les approvisionnements ne sont pas se*
lement en sécurité, ils sont au centre de rayonnement naturel
qui convient pour leur expédition, sans croisements, vers tous les
points de l'intérieur ou de l'enceiiile de la citadelle noorvanaise.
Quant h la citadelle, si nous la considérons d'abord face au
Nord-Est, nous savons qu'elle est ainsi constituée : 1*" une gorg^
forte, ce dos de la Gravelle, au centre duquel s'étale le bas
duVeynon et qui vient commander la rive sud des bassins
l'Yonne. Ces bassins forment, de ce côté, le fossé d'enceinte de
la vraie région défensive, et nous avons dit que le fossé se dérobe
par ses retours et ses traverses au:!i tentatives d'accès; 2«au delà
du fossé, l'imposant et large dos de la chaussée romaine, à haute_
et difficile escarpe sur le fossé, partout couvert de forêts ou si|
lonné en tous sens de ravins et de marais, de sommets entt
croisés, accessible seulement par Montsauche et Brassy, qi
marquent approximalivement la ligne d'attache du revers occi-
dental, non moins accidenté et étendu, du côlé du fossé et de la
Cure moyenne ; 3» enfin, ie dos du Cousin îi double rempart, l'un
dominant, delà Cure au Cousin, î'autre commandant encore le
seuil de Saulîeu et bordé plus au nord des fossés successifs de
la Romanéc et du Tournesac. En résumé, dos du Cousin, dos de
la chaussée romaine, tels sont les obstacles qui se présentent de
front fi un assaillant qui prétendrait aborder le Morvan par Sau^
lieu, et nous rappellerons qu'en avant de Saulieu, où se fem
l'évenlail des direclions venant de TEst, un secteur de crêtes, d^
fonds et de forêts s'offre k une lutte avancée, longue et Iruc^
tueuse.
Au Nord-Ouest et au Sud-Est, le massif dû Lormes et la cpêt"
capitale des cimes morvanaises ferment le cadre. L'ensembli
forme un losange h côtés également forts et uniformément hériss
vers l'extérieur, une redoute close aux faces admirablement des"
servies par les dispositions intérieures. En eftet.on doit s'atlendr^ii
tout d'abord à ce que les faces constituées par de grands do^H
seront suivies par une roule, tout au moins, mettant en commn^^
nication leur extrémités, les sommets du losange, les basliou&_
d'angle de h redoute. C'est bien ce qui a lieu. Quarré-les-Tombe
et Sautieu sont joints par une route qui emprunte, de Quarré-
les-Tombes aux Petiles-Fourcbes, le dos du Cousin, et l'on
sait. la succession d'obstacles qui recouvre ce dos du côté
LE MOnV.VN DANS LA DÉrENSE DE LA. FRANCE.
69
i'Est. Aux Petites-Fourches la route atteint ce plateau du Saint-
BrissoTi où devra se débattre une dernière fois la possession du
seuil de Saiilieu. De Sainl-Brissoii h Saulieu la route se confond
avec la grande voie de pénétration par le seuit.
De QuHrré-Jes-Tombes k Lormes et Corbiguy une bonne route
franchit en mille lacels les fractures de la Cure el du Chataux
pour suivre le dos de Lormes. Elle s'unit k Sainl-Marlin-du-Puits
à la roule d'Avallon à Lormes, si facile h interdire ou à inter-
cepler A son passage de la Cure à Chaslelliix; à Lormes, elle
€ro}se la route de Vézelay et Claraecy.
De Lormes h l'huis Prunelle, nous savons qu'une route mo-
derne s'est substituée à la voie romaine de Chalon à Paris, par
ijLutun et Clamecy. Cette roule coupe sur le dos de la chaussée
romaine les routes de Saulieu îi Corbigny par Vauclaix, deBrassy
au bassin du Veynon, de Montsauche au même bassin, enfin, de
Quarré-les-Tombes ou Saulieu par Montsauche àChdteauChinon.
Rappelons que de Lormes par Vaticlaix h Chîïteau-Cliinon, une
roule plus couverte, empruntant tour à tour les dcuK versants
iii l'Yonne, double la route de la voie romaine.
Mais la route de la voie romaine nous a conduit à l'huis-
Vrunclle, sur le dos du Folin. Suivant ce dos, d'abord, puis le
traversant pour s'accoler au cours supérieur du Ternin, une
roule joint l'huis-Prunelle à Saulieu. Elle coupe dans la vallée
du Ternin une roule de Quarré-les-Tombes à Aulun par Saint-
Brisson el les ValiotLes.
Ainsi de Saulieu à Quarré-les-Tombes, de Quarré4es-Torabes
•à termes, de Lormes h l'huis-Prunelle, de t'huîs-Prunelle k
Saulieu, nous avons fermé un losange de roules, s'adaplant très
sensiblement au losange des crêtes de notre redoute, comme
flous l'avions annoncé.
De Saulieu à Lormes ou k Corbigny [lar Vauclaix, de Quarré-
les-Tombes è ChîUeauChinon par PJanchex, à peu de distance
de rhuis-Prunellc, d'autres routes dessinent assez sensiblement
aussi les diagonales du cadre. Ainsi vont être détimités, en arrière
de chacune des faces de la redoute, les secteurs chargés de les
poufvoirs de défenseurs.
Nous avions signalé le triangle Montsauche — Vauclaix — Châ-
tfsaQ-Chinon comme représentant la combinaison des bases de
Ja défense; nous pouvons maintenant compléter celle indication.
TÛ JOURNAL DSS SCIENCES MILITAIEES.
Dans le triangle Hontsauclie — Vaaclaîx — ChAlean-Chinoii, U
roule de la voie romaine dpsstne de l'huis-Dîolo (ou Guyolot) h
Pbuchex une brise inlérieure parallèle Ik la base Vaunlaix-Châ-
teau-Chinon ol h. demi-distance h peu près dti sommet. Celle
hase inl(^riein*e h ses avanta/^es inlrinsèffitfs en joint un autre;
elle marque en bonne place, en arrière de robslacle duChalaus*^
un dernier alignement de résistaiiL-a a^'anl l'évacuation du hassi^^f
de la Cure. Mais de Thuis-Diolo l'alignement se poursuit vers
Lorraes, mettant eu relation directe Montsauche oi Lornies.^^
Cette ronle de Montsauche à Lorraes ferme riveo la roule d^^Ê
Montsanche h Qnarré-les-Tombes, par Dun-les-Places, le sec- >
tntii' Nord-Ouest de la défense, en arrifre de la tacc Quarré-!es-
Tombes— l.ormes. Dansce profond triangle, une base inlérieure,
parallMe îi l'alignement de la face est encoro fi sîf^naler; c'est ta
route Diin-tês-Places— Rrassy, qui martpie en avant de Mont-^
saiiche et à travers un pays difficile, un fronl de «''sistance avan^l
tageux contre l'assaillant qui aurait forcé le premier front dtt^
secteur. Le secteur IN'oriJ-Esl, le secleurde San lieu, s'encadre entre
les routes (Juarré-les-Tombes, Dnn-les-Ptaces, MoiUsaiiche, etl^|
route de Montsauche— Saulîcu, Ici, le seuil de Saulieu forcé^^
c'est sur la roule de Quarré-les-Tomhes, sur le plateau de Saint-
Brisson, que nons avons déj'( indiqué le [)remier front de résis
tance intérieure. Si l'on remarque que te plateau de Saint
Brisson esl relié en arrière h Dun-Ies-PIaces, îi Montsauche et al
Morvan méridional par la route d'Auluu, par les Vallotles, on
voit qu'on peut y faire affluer les forces du centre t?l des ai tes de
la défense, comme aussi bien les dérober commodément en cas
d'échec. ^B
Enfin, le secteur sud-est est encadré entre les routes Saulieu -^B
Montsauche cl Monlsauche^ — PlancheK-l'huis-Prunelle ; c'est le
secteur le moins profond; il esl aussi le moins abordable tant
parce qu'il englobe îa région la plus haute et la plus confuse du
Mopvan septentrional que parce que les rides de soubassements
secondaires : du Beuvray, par Saint-Martin-de-la-Mer, Pierre-
ÉcrilCj Palaizol, Cussy-en-Morvan , Roussillon; de Moutaigu, par
Brazey, Lucenay-l'Évêque, SavîUy, lui offrent des avant-fronts
-difficilement accessibles. L'assaillant d'ailleurs n'aurait que faire
d'allaquer directement; il ne saurait gui'^re se pré.senler que par
les ailes, à Saulieu et à l'huis-Prunelle. A Saulieu, il trouverait
LE MOfiVAN OXHA lA DliFE»âË UË LA FRANCE.
71
la route deSaulieu à rhuis-Pi'imelîe par où il pourrail flanquer
une colojiue de pénétfiUion par Monl&auche. Nous avons prévu
que ruceèé de celle route lui serait disputé par les défenses du
moment ou perman^nles du plateau de Çoloti chèvre. Par rtiuis-
Pmnelte, il pourrait flanquer une niarche d'Autun par Châleau-
Chiuon sur Nevei's. Duns ce cas, le point d'iillaque est extérieur
au losange que nous venons d'étudier autour de son centre,
Monlsauche,
Mais, nous en avons fini avec ce losange. Monlsauche y appa-
raît bien comme l'emplacement tiîiturcl de la réserve générale
de la défense; Brassy, Dun-les-Placcs; Dun-les-Plaees, Snint-
BrJsson comme les; eîn))laecnientâ des réserves locales des faces
Lormt's — Quarré-les-Tombes; Quarré-les-Toiubcs— Saulieu. Sur
la face Saulieu — l'Imis-Prunelle, les Valottes niarquenl le point
d'attache avec la défense Ham^u an le du haut Teruiti; Gieri-sur-
Cure, le point de liaison avec la défense avancée de ChiUeau-
Chiîion, dans la haute cuvetic de la Selle.
ChiUeau-Chinon tai la porte forte du bassin du Veyuon et, au
delà, du Nivernais et de Nevers, si l'ennemi y lend directement
d'AuUiu; luais le site rulùvc du rectangle allongé ]>articulière-
meQt puissant que nous avons indiqué entre rhuis-Pruoelle, le
Préneleyj l'urbrc de Saiut-Lcger, La Fiole. Le rectangle n'est
abordable, du côté sud-est, que par ce seuil d'Arleuf où nous
avons montré un chenal de déversement de la haute cuvette de
l'Yonoe et que suit aujourd'hui la grande route d'Autun h
Nevers par ChtUeau-Chiuon. C'est à Arleuf qu'il conviendrait di-
défendre l'accès du haut bassin de l'Yonne, puis, son issue, h
GhAtrau-Chinon; l'ennemi ne peut évilep ces deux défilés.
Pour y parvenir, il eût dû d'abord parcourir le défilé continu
Jt! U kilomètres que constiluo la roule depuis le bourg de L:i
Selle jusqu'au coî de la CroÎK-dcs-Paquelins, 682 mètres, où
s'ouvre le seuil d'Arleuf. Sur ce parcours, la défense avancée
Jjourrait looglemps l'arrêter : l"» k La Selie, où le massif de ce
nom, relevant de la ride de Monlaigu, barre la roule et le che-
min qui, de l'Iiuid-Prutielle par Anost, [uolouge lu chaussée
«ttiiaine, chemin où nous avons prévu une colon ne latérale qui
fie pouri'ait guère se proposer, en occupant Anost ou rhuîs-Pru-
"elle, que de couvrir le flanc de la route suivie par la coJonne
wïnlrale; â*' à La Verrerie, où le massif du Roussillon et de ta
k^ JOURNAL DES SdENCBS IflLlTAIBES.
foA'^*- de Glaine relevant' de la Hde du Bcuvray, ferme l'éventail
^^ la haute cuvette de la Canche, ainsi que la route et le chemin
i^^j i s'en délacho à gaudie vers les sources de l'Yonne.
jgn somme, si la haute cuvette de la rivière est accessible fi un
assaillant venant d'Autnn, eile ne Test que par la route d'Autun
^ CtiAteau-Chinon et, !?ur cet axe unique les positions dé t'en sivcs
sont marquées par La Selle, La Verrerie, Arleuf (ou le col dea
paftuelîns), Cliàloau-Chinon, tous sites retranchés naturellemenl
piii* If^s '"■'^tîs où ils sont assis el qu'un faible corps su (lirait h
défendre.
Auss^i faut-il présumer que l'attaque préférerait îi la direction
Aulun— Chateau-Chinon, la direction plus détournée Auluu — Luzy,
d'autant qu'une voie ferrée s'y accole. Nous avons diJ que la
jjirection était commandée sur sou flanc par le revers méridional
du dos de la Gravdlo, par le losange de crêtes dont les sommets
sont : le Prénelcy, l'arbre de Saint-Léger, le massif de Mour-
ceauxj le signal de Touteur (ou F Hou leur) dans la forél de Cha-
tillon. Ce losange, continu au quadriblcre allongé, de Chïlteau-
ChJnon, comniunique avec lui par le chemin départemental
Ch.lteaii-Chinon, La Roche-Millay, Lu/y et il n'est abordable
direclemcnl que par la route d'Autun h Vîllapourçon» route qui
circule, de cols en cols, entre les sommets les plus élevés du
Mor\'an, le mont Glandure, le mont Beitvray, le Préneley, la
forêt de Chàtillon. On peut dire de ce losauge qu'il est un rédui
inaccessible, et il est aussi difficile k masquer qu'îi occuper.
S'établir à Villapourron, au cœur du réduit, ou tetjdre des
tknc-gardes de Saint-Léger- aous-Beuvray h La Roche-Mi llay»
Chiddes, Satnt-Honoré, sur le pourtour, demanderait, i*n effet,
à l'ennemi un grand déploiement de forces et comporterait les
risques correspondants.
Sainl-Léger-sous-Beuvray, La Roche-Millay, Chiddes, Saint-
Honoré seraient d'ailleurs les posles avancés^ qui s'imposeraient
aussi h ta défense, mais successivement, tout d'abord.
Sainl-Lé£î;er-Sûus-Beuvray est îi proximité de la ride Mon
taiga-la-Conimelle el non loin de la ride du monl Glandure
et du Beuvray,! alignement de refuge inabordable. De Saint-
Léger on communique par La Grande-Verrière avec La Selle;
par Saint-Prix avec La Verrerie, position de déiense avancée
entre Châleau-Chinon et Aulun, el on peut agir à courte portéai
4
4
LE MOflVAA" DANS LA DEFENSE DE LA FRANCE.
73
ntre la route Aulun— Luzy par un éventail de directions s'éten-
^anl au Sud-Ouest jusqu'ù La ComeJle.
^- De La Roche-Millay, on csl en relations couvertes avec Saint-
^péger-sous-Beuvray e( on peut rayonner vers La Comelle, vers
le seuil do Chillean-Mngny, où hi roule et le chemin de fer
<i'A.ali,in passent dn bassin de l'Arroux dans celui l'Alêne, entre
le peiit massif où la nvif;re prend sa source et le massif du
mont Di'me; enfin, vers Lnzy,
DeC/}/(/des, en commnnication avec La Roche-Millay cl Saint-
Honor*!, on comiTiande la route el la voie ferrée d'Autun, de
Luiy îi Avrt:e.
1^ De Satnt-Honoré, enfin, on couvre le revers du Morvan sep-
^HtctitL'ional ; on peut participer à une résistance organisée en
^^ avant de Nevers, sur TArou ou dans les Amognes.
Entre le s.euil de Luzy el la Loire, nous avons signalé encore-
une région forte. Elle ne peut être abordée que par une agres-
sion aiailresse du Charollais et tendant directement vers Decixe
et Nevers, soit comme aile d'un mouvement s'efiectuant plus au
Nord par le Morvan septentrional, soit comme couverture d'opé-
raJions visant Bourges el Nevers par la rive ouest de la Loire.
Touies les directions d'accî'S rayonnent vers Issy-l'Évêque ou
coTitouriient ce point h petite distance.
Issy-I Évoque est au cœur de la région dite de rApenelle et en
arrière du centre de sa ride capitale, qui est ici, nous l'avons
dit, le prolongement de la ride de Montatgu. Sur cette ride,
nous avons déjà cité le mont Dône, qui barre l'avanL-seui! de
Luiy entre le ruisseau d'Élang et l'Alêne, et qui commando ainsi
la roule et le chemin de ter Autiin ou Mesvres^Nevers, Plus an
Sud. lin chemin mfrie de Charbonimt-sur-1'Arrous îi Luzy; il
aborde la ride entre le mont Dône et te massif de Cuzy, Ce der-
nier massif commande par ses sommets les plus élevés et les
plus confus la route dcToulon-sur-Arroux h Luzy. 11 se prolonge
par des crûtes aussi peu accessibles, dont le mont Gillard et le
mont Dartlon, en avant d'Issy-l" Évoque. A cet alignement se rat-
tachent les massifs de la Commaille, de Montpcrroux, du mont
'anffrin, qui ferment au Sud-Ouest la haute cuvette de la Somme,
u cenli'e de laquelle s'abrite Issy-l'Évéque. Kous savons qu'au
Ord-Ouesl et au Nord-Est l'enceinte est complétée par des crèles
uJ prolongent : les unes, la ride du Folin; qui appartiennent,
74
JOUItNAL DBS SCIENCES MILITAIRES.
pour les autres, h la ride thuriniçienne de Ta7.illy, Si Issy,
communication iivec Bourbon-Luncy, Decize, Liuy, se prête
centraliser la défense de l'ApenellG, c'est qu'il est en relation îi
bonne portée avec les points à défendre, le massif de Cuzy et le
massif dont fait partie le mont Dardon,
Du massif de Cuzy, on couvre Luzy par où qu'on veuille y
accéder. Des massifs du Dardon et de la Comtnaille, un sm-veille
Gueugnon et Digoin, ainsi que les roules de ces points vers
Boupbon-Lancy. Si la résislance doit être parliculitrenient dirigée
de ce côté, la cuve! te dn rui^sean de Valence, contiguê à celle de
la hauLe Sonmie, se pnMo h l'organiser. L'alignement tliuringien
de La Cliapelle-au-5lans et du signal de MoiU que nous avons déjà
signalé, étend ses vues et son comraandemenl jusqu'ti la I-oire.
ÎSous avons envisagé parlicuUî'rcDiruit, dans les lignes qui
préçfedenl, une agression du liant Morvan par sa face sud-estv
On peut imaginer une autre direction h rattacjiie, une direction
directement opposée. Un assaillant maître de loute la rive nord
de la Seine pourrait tenter, de préférence h \me attaque difficile
du massif par sou front de Lorraes et son front de l'Auxois, une
attaque principale visant la gorge de la redoute, le Ea7,ois, par
le l>onz.ioi3 L-t le Nivernais.
Une entreprise ainsi orientée pourrait imposer l'évacualioii
du liaut Morvan, menacé dans ses coniiuniùcations avec la
France centrale, ou, tout au moins, la réduction dn corps d'occu-
pation à quelques forces opérant en partisan.
L'Apenelle, dans cette hypothèse, apparaît non })lus comme
une place d'armes exti'éme du haut Morvan entre Loire et
Arroux, mais, au contraire, comme an ouvrage avancé de l'Au-
lunois. C'est sur L'Autunois, en etîet, que devraient se baser les
partisans laissés h l'occupation du haut Morvan, et l'Apenelle,
détaché de celui-ci par le seuil de Luzy, rapproché de l'Autunois
pour sa région difficile d'Issy-l'Évéque, jouerait le rôle de demi-
lune commandant le passage du haut Morvan h l'Autunois par
la vallée d' Arroux,
Nous termuîerans sur cette indication noire revue des pro-
priétés militaires du Morvan septentrional; elle nous est une
transition naturelle h l'étude du Morvan méridional, qu'il nous
reste h aborder,
BioTTû-r,
{A continuer.) LientenanU-cDlond du 36' rég. d'infanterie^
LES
miBUN AUX D'HONNEUR
DANS
L'ARMÉE PRUSSIENNE '
L'ordonnance royale du 2 mai 1874, sur les tribunaux d'hon-
neur, débute par cette définition, de l'honneur :
« Nous attendons de tout notre corps d'officiers que l'honneur
continue à être pour lui ce qu'il a été dans le passé, son plus
précieux joyau ; le conserver pur et sans tache doit être pour le
corps entier, comme pour chacun en particulier, le plus sacré
des devoirs. L'accomplissement de ce devoir implique l'accom-
plissement parfait et consciencieux de tous les autres devoirs de
l'officier.
« Le véritable honneur ne saurait subsister sans une fidélité à
toute épreuve, une bravoure intrépide, une fermeté inébranlable,
une obéissance pleine d'abnégation, une parfaite sincérité de
parole, jointe à une absolue discrétion quand il s'agit d'un secret;
enfin, sans un entier dévouement dans l'exécution des devoirs en
apparence les plus humbles. L'honneur veut encore qu'en dehors
(le la vie militaire l'officier garde une dignité d'attitude telle
qu'elle convient à une classe d'hommes h qui est confiée la garde
du trône et de la patrie.
« L'officier ne recherchera, pour les fréquenter, que les so-
ciétés où régnent les bonnes mœurs. Quand il se trouvera en
• Analyse de l'ordonnance royale du 2 mai 1874 sur les tribnnauK d'hon-
oeor.
76 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
quelque lieu public, il se souviendra que le monde voit en lui,
non seulement l'homme de bon ton, mais encore le représentant
d'un corps où l'honneur et le sentiment du devoir sont exaltés à
leur plus haut degré.
« Il s'abstiendra soigneusement de tout acte qui pourrait le
discréditer lui-même ou le corps d'officiers et, en parliculier, de
tout excès, de l'ivrognerie, des jeux de hasard, de tout contrat
louche, du jeu de Bourse, de toute participation à des entreprises
financières dont lé but ne serait pas absolument inattaquable et
le renom sans tache, enfin de tout bénéfice acquis par une voie
douteuse à quelque degré.
« Sa parole d'honneur, il ne lui est pas permis de l'engager à
la légère.
« Plus le luxe et le bien-être étendent leurs ravages en d'autres
milieux, plus le corps d'officiers se souviendra que ce ne sont
pas les biens matériels qui lui ont valu ni qui lui maintiendront
la haute considération dont il jouit dans la société. Ce n'est pas
seulement l'aptitude à faire campagne qui serait compromise par
un genre de vie efféminé, mais le sol même sur lequel est fondé
l'état militaire serait ébranlé par la soif du gain et le goût du
bien-être. »
Après ce début, qui est célèbre en Allemagne au même titre
que l'est chez nous l'introduction au Règlement sur le Service
intérieur, le roi exhorte les officiers à entretenir entre eux des
rapports de bonne camaraderie et à éviter les querelles.
En outre, l'officier allemand ayant toujours affecté des airs de
fierté et de dédain à l'endroit du « bourgeois », le roi le met en
garde contre ce défaut : « Jamais le juste sentiment de la dignité
de l'officier ne doit dégénérer'en manque d'égards ou en dédain
envers les autres classes. Plus l'officier aimera son état et en
comprendra ia haute mission, mieux il se rendra compte qu'il a
besoin, pour s'en acquitter, de l'entière confiance de foutes les
classes de la société. »
L'ordonnance royale place l'éducation des jeunes officiers sous
a garde et la responsabilité, non seulement des colonels, mais de
tous les officiers plus âgés « qui doivent surveiller leurs jeunes
camarades et les former à leur niveau ».
« La présente ordonnance a pour objet de maintenir dans le
corps d'officiers les traditions chevaleresques et de fournip une
LES TRIBUKADX D UONNEUIl DANS L ARMEE PBDSSIENNE.
77
procéilurfî r(5gLilière, soil contre rofficier qui a forfait ii l'hon-
neur, soit en faveur de celui qui veut se laver d'un reproche
semblable. »
Le « conseil d'honneur » du régiment' est êleclif,
« En faisanl dépendre la composition des conseils d'honneur
de l'éleclion des camarades, Nous avons eu l'intention de meltrc
îi la diijpo&ition des chefs de corps des insirumenls vraiment
compélents dans les questions souvent délicates de l'honneur;
Nous avoijs voulu aussi que les emplois de conseillers fussent
occupés par deis officiers jouissant, au plus haut degrë, de la
confiance de leurs camarades el capables , par conséquent, de
remplir avec succfes auprès d'eux le rôle de conseillers autorisés
alière d'honneur,.... »
el est le but des jurys d'honneur?
11 est double.
« Les tribunaux d'honneur ont une double Hche à remplir :
réhabiliter par teur verdict celui qui est en butte à d'injuslcf*
scupvons, ou sauvegarder rbonneur du corps entier en agissant
contre ceux de ses membres dont la conduite contredirait au vé-
ritable sentiment de l'honneur ou à la dignité de l'état d'offi-
cier, y)
Siais les conseils d'honneur régimcntairns n'empiéteront-ils pas
^eii certains cas sur les aitriiiutious disciplinaires des chefs de
corps? Les convoquera-t-on souvent?
Voici comment s'exprime, à ce sujet, l'acte royal :
« Nous avons la persuasion que les chefs de corps, jaloux de
Bleuir leur autorité en matière de discipline, ne déféreront
tribunaux d'honneur que les cas qui ne pourront pas être
convenablement tranchés par la voie disciplinaire, et cela dans
l'mlérél même de ces tribunaux et pour ne pas affaiblir le poids
el la portée d'une sentence judiciaire. »
Les afiaires les plus fréquentes portées devant les conseils
d'honneur soiit les duels. Toul officier qui en provoque un autre
en duel ou est provoqué par lui, doit en aviser le « conseil d'hon-
neur B- Celui-ci a robligation de tenter une réconciliation pour
• Il ûe faol pas confondre ci; conseil avec le tribunal d'honnear, dont il
n'edt qu'une délâi^alioD, ainâi qa'oa le verra plus lain ; c'e^t te parquet du
tnbtutal.
78 . JOCRMAL DES SCIENCES MILITAIRES.
peu que les circonstances s'y prêtent, et, si la tentative échoue,
d'obtenir du moins que les conditions du duel ne soient pas dis-
proportionnées h la gravité de l'affaire. Un des membres du con-
seil assiste au duel pour s'assurer que les choses se passent sui-
vant les règles.
Quand le motif du duel est line offense grave faite par un
officier à un camarade, sans que celui-ci y ait aucunement prêté,
le coupable est toujours traduit devant le tribunal d'honneur,
« Car, ajoute le roi, un officier qui serait capable de porter indi-
gnement atteinte à l'honneur d'un camarade Nous le tolérerions
aussi peu dans Notre armée que celui qui ne saurait point venger
son honneur. »
Compétence des tribunaux d'honneur. — Il est donc dans les
attributions des tribunaux d'honneur de proposer, en vue de sau-
vegarder l'honneur du corps des officiers, l'expulsion des mem-
bres indignes.
Mais ce qui différencie essentiellement les tribunaux d'honneur
prussiens des conseils d'enquête tels qu'ils sont instilués dans
nos régions de corps d'armée de France, c'est que ceux-là ont
pour objet, non seulement de préserver l'honneur de l'armée,
mais encore de relever un officier des soupçons injustes qui
pèseraient sur lui.
Un officier accusé d'un crime ou délit tombant sous le Code
pénal militaire et acquitté sur ce chef par un conseil de guerre,
pourra être traduit néanmoins devant un tribunal d'honneur, s'il
est ressorti des débats judiciaires qu'il a commis une faute tom-
bant sous le Code de l'honneur militaire.
Sont justiciables des tribunaux d'honneur non seulement les
officiers de l'armée active, mais encore ceux du Beurlaubten-
stand (réserve et landwehr).
Composition des tribunaux d'honneur. — Il y a deux classes
de tribunaux d'honneur : l'une a pour justiciables les capitaines
et officiers subalternes, l'autre les officiers supérieurs. (En Alle-
magne, les capitaines ne sont ni officiers supérieurs ni officiers
subalternes : ils constituent une catégorie propre.)
Le tribunal d'honneur dont sont justiciables tous les capi-
taines et officiers subalternes d'un régiment est constitué par
THIBDNADX a HON>'BEJR DANS L AHMKE niUSSÏEKNli.
l'ensf'mble des officieris de ce régiment, sous la ppiisidence du
colonel.
Dans chaque région de corps d'armée existe un Iribunal d'hon-
near compose^ de neuf officiers supérieurs sous la présidence d'un
i;ênér;(l; c't'st de ce Ij'ibuual que rel^veol. tous les officiers supi';-
I rieurs du corps d'ai-mée.
I Le président est à la dôsigimtion du commandant de corps
p' armée; los autres membres sont électifs et nommés f»ourun an.
Brous les colonels, lieutenants-colonels et commîtridanls qui sont
Hi résidence dans la région, iirennent part au vote.
I Des comeils (Vhonneur. — A côté de chaque tribunal d'honneur
pnctionm? mi conseil d'honneur.
I Le conseil se compose, pouc un régirupnt,d'un capitaine, d'un
lieulenant et d'un sous-lieu leiuuit. Ils sont élus ]>ar tout le règl-
ent, mais, dans le mode d'élection, les droits de ta hiérarchie
ilitaire sont respectés avec un scrupule qui mérite d'être si-
alé. C'est ainsi que les sous-lieu tenants d(i régiment ne pren-
ïienl poiu! part h l'éloclion du lien tenant membre du conseil, ni
s lieutenants h l'éiection du capitaine. On n'est cUgible, en
autres termes, que par ses supérieurs et par ses pairs.
Le Irihunaî d'honneur du corps d'année, destiné h juger les
fficiers supérieurs, est doublé de même d'un conseil d'honneur,
onslitué par les li-ois officiers : colonel, lieutenant-colonel et
'toinniaudanl, qui, lors de l'élection k ce tribunal, ont réuni le
plos lie voix.
« Quand un otljcier de l'armée allemande commet un acte qui
compromet Thonneur de cette armée, tout autre officier a le droit
de le dénoncer, soit au chef direct de l'intéressé, soîl au conseil
d'honneur auquel celui-ci reseortii, »
Nous soulignons ce passage de l'ordonnance. Il ne fallait rien
moins que l'auiorité du roi pour ôter Ji la dénonciation son ca-
■actère odieux et lui donner le cachet d'un devoir.
Si te colonel juge qu'il y a lieu de faire une enquête sur l'af-
îre, il en cliarge le conseil d'honneur.
Procédure, — Si le rapport de cette commission d'enquête
jnclul h une action judiciaire, le colonel prononce la mise en
Sgement ou adresse fi l'autorité compétente, avfic l'avis du con-
80
JOUIWAL DBS SCIENCES MILITAIRES.
seil d'honneur, un exlrail des feuillets du personnel de l'officier
incriminé.
Ouand il s'agit, en effet, d'un officier supérieur, du grade de
lieutenant-colonel ou de commandant, le général commandant
le corps d'armée a seul qualité pour donner l'ordre de mise en
jugement.
Pour un colonel ou un général, il faut l'autorisation du roi.
(Ce traitj enlro mille autres, fait bien ressortir qu'en Prusse, le
véritable ministre de la guerre, c'est le roi.)
Quand un officier demande lui-môme h être mis en jugement
et t\uQ celle faculté lui est refusée par l'autorité dont il relève, U
a droit de recours au roi.
En principe, l'officier inculpé comparaît devant le tribunal
d'honneur de son propre r<îgiment. Mais si un certain nombre
de juges sont trop directement intéressés dans raflaire pour
juger avec impartialilé, l'affaire est portée devant un antre tri-
bunal.
Les témoins font leurs dépositions devant le conseil d'hon-
neur cbargé de l'enquête préabtble, et acte en est dressé. Si les
témoins ont qualité d'officiers, ils ne prêtent pas serment; ils
s'engagent simplement sur l'honneur à dire la vérité.
Aucun membre du tribunal d'hontieur n'a h droit de s'abs-
tenir de prendre part au verdk't.
Le verdict du tribunal peut se formuler :
10 En une senlenced'acquitteuîent;
2° En une déclaration que î'honneur de l'armée a été simple-
ment compromis, et qu'il y a lieu d'infliger à l'accusé un aver-
tissement, tout en le maintenant an service;
3" En une déclaration que l'accusé a forfait à l'honneur mili-
taire, et qu'il y a lieu de proposer son renvoi pur et simple de
l'armée;
4° En une déclaration qu'il a forfait à l'honneur militaire
avec circonstances aggravantes, et qu'il y a lieu de proposer
sou renvoi de l'armée avec perle de la qualité d'officier.
Le vote a lieu par ordre d'ancienneté en commençant par le
plus jeune.
Le verdict se prononce h la majorité absolue des votants. « Si
aucune opinion n'a réuni la majorité absolue, on ajoute les voix
de ceux qui ont opiné pour la peine la plus sévère aux voix qui
I
se sont prononcées pour la peine immédiatement au-dessous. »>
ÎVotis sommes loin, on le voit, de la minûrilé de faveur admise
par les usages français; ce sont les vois les plus sévôres qui
pèsent Itî plus dans la balance de Thémis. L'honneur de Tarmi^e
avant louL
Le procès-verbal où sont énoncés, avec te verdict, tous les
ii^sidérauts du jugement, est adressé par la voie Mérarchique
au roi, i\m décide.
La sentence du IribuTial n'est notifiée à l'accusé qu'après la
écision royale; et les membres du tribunal, après le verdict
ndu, ont dû être invités par le président, « h peine de forfaire
à un devoir d'état », de garder le secret jusque-lii vis-à-vis de
l'accusé.
I
Ordre royal de 1897.
Pour compléter l'ordonnance rendue par son aïeul» le rot
régnant a fait paraître l'ordre suivant, qui en est le complément
€t qui a pour objet d'arrêter la fureur des duels dans le corps
d'officiers allemand :
« Je veux qu'il soit paré aus duels entre mes oftîciers avec
plus de soin qu'il n'a été fait jusqu'ici. Les occasions en sont
^«ouveot de nature futile, et un arrangement amiable pourrait
«lervenir sans que l'honneur des officiers en souffrît.
« L'ofilcier doit sentir que c'est un tort de léser l'honneur
d'aulrui. Si, dsms un moment d'oubli ou de surexcitation, il s'est
rais dans ce tort, ce sera un acte chevaleresque de sa part de ne
pas s'enléter dans son lort, mais de faire une démarche conci-
liante. De son côté l'offensé ne doit pas être moins prompt à
prendre la main qui lui est tendue, pour peu que l'honneur et le
bon goût l'y autorisent. »
I
CONCLUSION.
Nous arrêtons ici cette analyse, qui suffit h donner une notion
t^xacte des tribunaux d'honneur, tels qu'ils fonctionnent dans
l'armée allemande.
En France, il vient de se constituer, dans le monde civil, des
/. deë St. miU iO« S. T. XVII. «
82 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
tribunaux semblables, qui comptent dans leur sein des mili-
taires éminents, tels que l'amiral de Cuverville.
Souhaitons que cette création récente, qui prête à notre étude
un cachet d'actualité, soit imitée dans nos régiments, où elle
préviendra d'une part l'effusion inutile du sang français, et
d'autre part maintiendra intact le culte de l'honneur, qui cons-
titue, avec le sentiment du devoir, la force principale d'un corps
d'officiers.
Commandant Biswang.
il ALLMlAillIJ!! ulF
AU COMBAT
(Frœsch^viller, Sedan, sur la Loire 'j
SEDAN
(1" SEPTEMBRE).
Le 31 août au soir, le W> corps bivouaquait auprès de Che-
veuges, avec une avant-garde de trois bataillons de la 21« divi-
sion à Donchéry; les pionniers jetaient un pont de bateaux à
4000 mètres à l'ouest de cette dernière localité, en face de l'au-
berge de Condé, et détruisaient, ?i l'Est, le pont du chemin de
fer de Dancourt.
Le V« corps était h Omicourt; les Wurtembergeois h Bou-
tancourt. Le général de Gersdorff a pris le commandement du
XI« corps; le général de Schkopp celui de la 22^ division; le co-
lonel de Kontzki est toujours à la tète de la 43» brigade; la 44«
est commandée par le colonel de Bieberstein, du 83« régiment ;
le colonel du 95®, blessé le 6 août, ne rejoindra que dans le cou-
rant de décembre; plusieurs bataillons sont commandés par des
capitaines.
Enfin, le 94« était détaché, savoir : I" et II» bataillons h Han-
nogne, pour assurer sans doute la liaison avec les Wurtem-
bergeois; le III* bataillon h Yendresse, à la garde du quartier
général.
' Voir les livraisons de juin et d'août 1902.
84 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIBES.
Vers minuit, arrivait l'ordre du prince' royal : « Demain,
l*' septembre, une partie de l'armée traversera la Meuse à Dom-
le-Mesnil et Donchéry, pour arrêter l'ennemi dans le cas où il
projetterait de se replier de Sedan sur Mézières et pour mettre
pbstacle à la continuation de sa retraite.
« A cet effet, les mouvements suivants auront lieu :
« i» Le XI« corps, rompant avant le jour, marchera par Don-
chéry sur Vrigne-aux-Bois et s'y établira, couvert sur son front
parle ruisseau, de manière à mettre l'adversaire dans l'impossi-
bilité de gagner Mézières en passant entre la Meuse et la fron-
tière belge ;
« 2° Le V® corps devait suivre et appuyer le XI^. »
Le XI* corps devait donc s'établir face à l'Est, couvert sur
son front par la Vrigne. Mais, à la suite de nouveaux renseigne-
ments laissant supposer que l'ennemi avait déjà commencé son
mouvement de retraite, l'ordre ci-dessus fut modifié, et, au
lieu d'aller s'établir derrière la Vrigne, le général de Gersdorff
dut recevoir l'ordre de marcher droit au Nord pour attaquer et
bousculer, entre Vrigne-au-Bois et la boucle de la Meuse, les
colonnes ennemies que l'on supposait déjà engagées sur la roule
de Mézières.
Du moins, c'est ce qui semble résulter de la formation de
marche adoptée, ainsi que nous allons le voir.
Le i" septembre, à 3 heures du matin, le XI« corps quittait
son bivouac de Cheveuges et marchait sur Donchéry ; pour uti-
liser les deux ponts — pont fixe et pont de bateaux — on dut
nécessairement former deux colonnes ; nous admettrons que
la 22« division prit parVillers-sur-Bar ; la 21«, par Frénois.
Vers 4 heures, la tête de la 22« division se présentait devant
le pont des pionniers; à 5 h. 1/2, le passage était terminé, et la
division — moins le 94«, resté sur l'autre rive à Vendresse et
Hannogne — se portait au nord de Donchéry, où elle trouvait le
21 « achevant son rassemblement.
Le V® corps avait, vers 3 heures du matin, jeté un pont de ba-
teaux à quelques centaines de pas en aval de celui utilisé par la
22« division, et, à 5 h. 1/2, son avant-garde franchissait le fleuve
et allait s'engager sur Vrigne-Meuse et Viviers -au-Court. Un
épais brouillard couvrait toute la vallée de l.i Meuse.
A 6 heures, le canon grondait vers BazeiH-js; à 6 h. 1/2 seule-
86 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
— ^ — ; la 3» compagnie de pionniers, el les ± batteries suivaient
13* H.
l'infanterie : 32» et 95».
La 44» brigade devait attendre l'écoulement de la colonne du
centre — 6 bataillons, 2 escadrons, 8 batteries, soit plus de
§ kilomètres de profondeur. — Elle comprenait le 83* régiment,
les J . avec le lieutenant-colonel Heudiick, les 2 batteries
13® H.
légères, la 2" pionniers et une compagnie du 94" (5" compagnie),
qui, en fouillant la veille les bois de Vendresse, s'était égarée.
Le 94' régiment ne rejoindra que plus lard ; il franchira la
Meuse vers 40 heures seulement.
Peu après 7 h. 4/2, alors que les tètes des trois colonnes attei-
gnaient simultanément la route de Mézières, de Maison-Rouge à
Vrigne-aux-Bois, le général de Gersdorfî recevait du prince royal
l'ordre de contourner la boucle de la Meuse et de marcher au
canon de manière h prendre l'adversaire h dos; le XI" corps
devait passer par Sainl-iMenges; le V* corps suivrait l'aile
gauche.
Le général de Gersdorft prescrit aussitôt h la colonne de
droite de tourner \\ droite et de s'engager dans le défilé qui
débouche à Saint- \lbert; le mouvement devait être imité par les
deux autres colonnes.
La route sur laquelle allait s'engager tout le XI« corps, suivi
du VS traversait en effet un véritable défilé, le Sugnon, de
2,000 mètres de long, de 100 h 150 mètres de large, limité au
Nord d'abord par la lisière des bois de la Falizette, puis par les
escarpements rocheux du plateau du Ghamp-la-Grange, au Sud
par la Meuse.
Franchir ce défilé constituait une opération fort délicate, sur-
tout dans les circonstances actnelles. L'ennemi allait-il débou-
cher de Saint-Menges et couronner les hauteurs? Nul ne pouvait
le savoir, puisque la cavalerie, toute à son service de sécurité
rapprochée, n'avait pas encore orienté ses patrouilles dans celte
nouvelle direction.
Voici vraisemblablement quelles furent les mesures adoptées :
les escadrons de tête des deux colonnes de droite furent chargés
de fouiller rapidement la partie méridionale des bois de la Fali-
zette et le plateau du Champ-la-Grange; pendant ce temps Tin-
UNE DIVISION ALLEMANDE P IKFAATEHIB AU CUMBAT.
87
fanlerie srj massait par baiaillons eu colonne double, l'uriillerie
serrait par sections. Il ne semble pas que l'on dit dirigé lout
d'abord do l'infaulerie pour prendre possession du plalean.
A 8 hciii"«s, la colonne de droiLe 1^41" brigade) étant ainsi
:"aiéc, s'engHgeail dans le détilé; le gros des deuK escadrons la
cédait de 700 fi 800 m&lres.
Telles furent, selon nous, les raisons pour lesquelles la 41" bri-
i^ade qui Ifnait la tète du mouvement, mit. une heure pour
iitleindre Saiiil-Alberl qui n'est qu'à 3,000 mètres do Maison-
Hoitge.
Ceci étant posé et le XI* corps engagé dans sa direction défi-
nitive, revenons à notre 22" division.
Le gén<5ral de Sehkopjij en même temps qu'il recevait h
Vrigrie-aux-Bois Tordre de touriier iï droite avec sa 43' bri^^ndc,
était invité fi rejoindre personnolleniGnl le général de Gersdortî'
poin" conférer avec lui sur la situation.
Le i^éuéral communique Tordre au colonel de KontzkL et ae
rend auprès du commandant de corps.
Il ftsl boi» de doute qu'en raison de la place occHpée en ce
njouient (7 h, if'2) par les éléments de la Si" division, celte der-
nière était toute désignée pour former la réserve ou la 2' ligne
du corps d'armée : îe 83" régiment qui est à la gaueiie de la
colonne du crsntre et encore il Douchéry, rejoindra par iSriancourt
la 43" brigade h son passage sur la route de lilézières.
Le lieutenant-colonel Heudiick, à Donchéry aussi avec ha
^„'„ , doublera au trot la colonne du centre, ralliera les 3" et
13" H.
A* escadrons de son régiment et Ilanquera h gaucho la 22* divi-
âion engagée dans le Sugnon.
Nous ne savons si ces dispositions furent bien celles adoptées
en commun par les deu:t généraux, mais pour le moment elles
s'imposaient.
Sauf, sur la mission confiée au lieutenant-colonel Hcudiickj
k Relulion ofticieJle du Grand État-Major est nauette sur le r61e
destiné à la 22* division. On comprendra facilement pourquoi
d'après ce qui va suivre.
La 43" brigade^ aussitôt après le départ du général de Schkopp,
lourtiail à droite à Yi-igne-aux-fiois, mais malgré le grand jour
— le brouillard se levait k huit heures, — malgré la proximité
8S
JOUniiAL DBS SCIENCES MILITAlREâ.
des routes voisines couvertes d« troupes, malgré ses deux esca-
drons, malgré le canon qui lonnaiL au-dessus de Saint- Menges à
partir de 9 heures, elle s'égarait, tournait sur elle-même el
finissait par arriver, la gauche en tête vers il heures h Monti-
mont à environ â,50Û mètres de Vrigne-aux-Bois, son point de
dépaiL
Le majiOr de Hahnke porteur de l'ordre du prince royal dut, en
passant h Donchéry, communiquer cel ordre au colonel Biebers-
tein, comraaudant la M" brigade.
Ce dernier pense alors qu'il a luicux k faire que de marquer
le pas derrière l'artillerie de corps, dont les derniers éléments
n'ont pas encore rompu; il engage aussitôt le 83*1 sur la route de
Montiiûont et s'eiî'orce de rejoindre la 41' brigade.
Le lieutenant-colonel Hendùck le précède au Irot, avec les deux
SS balteries légères, et reçoit en roule l'ordre de proîéger le flanc
gauche de la division. 11 attend quelques instants, aux abords
de Maison-Rouge, Tarrivée de ses deux autres escadrons déta-
chés h la brigade Kotitzki; ne les voyant pas venir, il longe aux
grandes allures la route occupée alors par les (éléments de la
colonne du centre, grimpe sur le plateau Champ-Î a-Grange et,
vers 8 h. 1/2, vient se ranger aux côtés des 2 escadrons du
14" hussards qui, précédant la colonne de droite, se sont heurtés
au sortir de Saint- Albert contre la cavalerie française.
Ainsi donc, dès 8 II 1/2, la 22^ division comph>lentenl dissé-
minée, échappait k la direction de son chef : 2 escadrons el
2 batteries étaient à Sâiiit-Alberl; le 83^ régiment, la 2<* pionniers
5* .
el la — venaient de dépasser Maison-Rouge el prenant h travers
les prairies qui bordent la Meuse, allaient s'engager dans le
Sugnon; la 43" brigade avec ses 2 bat(erie& et st>s 2 escadrons,
errait entre Vrigne-aux-Bois et Donchéry; le 94'' était encore
à Hannogne.
Nous allons suivre successivement l'action de ces différents
éléments dont la dispersion va nous permettre d'assister à toutes,
les phases de la bataille à t'ouest de Sedan.
Le iieuienmt-coîonel Heuduck à Saint-Meages et à Fleigneux,
— Vers 8 b. 1/2, le lieutenant-colonel Heudiick, avec ses deux
CNB DIVISION ALLEMANDE D INFANTERIE AU CfiHBAT.
89
escadrons '» „ et ses deux batteries (3^ et 4^ légères) Trient
d'atleindre le versant oriental du plateau Oiamp-la-Grange et
se lient h 300 ou 400 mètres au nord de Saint-Albert.
Le brouillard est dissipé et l'œil pei.it suivre ulors sans entraves
les débuis de la iutlc qui s'engago sur cette partie du cijamp de
balaiUe.
Desbnssards prussiens (14« ri5giment), déployés en fourrageurs
el reculant sur Siiinl-Albert, échangent des coups de feuavtc une
Jigne de cavalerie ennemie déployée dans la plaine ; il y a là des
cuirassiers, des hussards et des chasseurs d'Afrique, soutenus en
arrière par tout un régiment massé, des cuirassiers aussi; la
roule de FI oing est couverte de fourgons t'ilant au grand trot
sur Sedan, bagages delà division Marguerilte; mais l'infauterie
prussienne débouche de Saint-Albert et marche partie sur Saint-
Mengeâ, partie vers le Sud.
La cavalerie ennemie fait aussitôt domi4our et ne tarde pas h
disparaître derrière le village de Floing. Est-ce pour dégager les
vues des troupes en positioUj peut-être, sur cette longue croupe
qui, comrat! un gigantesque écran, barre à moins de 1500 mètres
Thorizon du ISord au Sud (cote 260, le Hauîoy)?
En ce cas, la situation tout ii l'heure va être périlleuse dans ce
défilé du Sugnon enconibré de troupes.
Une compagnie prussienne se dirige cependant sur le bouquet
de bois, parc Labrosse, qui couronne la pointe méridionale;
conirc (ou te attente, personne ne lui dispute le terrain et bientôt
celle compagnie prend pied sur la créle sans qu'un coup de fusil
ait élé tiré.
C'esit lo nioraent de profiter de celte occasion inespérée, de
cette faute capitale de l'adversaire : les deux batteries légères du
lieulenaul-colone! Heudiick traversent Suint-Aibert au galop cl
gravissent rapidement les pentes occidentales du Hautoy; h
9 heures, établies contre la lisière nord-est du parc, elles tirent
leur pi'emiercûup de canon sur les troupes françaises du 7*corps.
La Laiterie qui marchait avec Fancicnne colonne de droite,
lire également en action h 700 ou 800 mètres plus au N^oi'd.
Le soutien immédiat de ces trois batteries si audacieuses était
)nstitué par la compagnie prussienne que nous avons vu
pénétrer dans le parc Labrosse. L'infanterie française était k
90 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
1200 mètres, et les premières troupes prussiennes (deux bataillons
de l'ancienne colonne de droite) se formaient seulement à la
sortie Est de Sainl-Menges (à 1000 moires des batteries de la
2â« division).
Les hussards étaient restés h l'ouest du village.
Soumises aux feux convergents de l'artillerie ennenaie, qui
avait dans le parc Labrosse un excellent point de repère, et aux
feux aux grandes distances exécutés par l'infanterie française
(1000 et 1200 mètres), les deux batteries de la 22« division
subirent en un instant des pertes sensibles ; la 4« légère a trois
pièces démontées, la 3« légère, désemparée, cherche un refuge
derrière le parc; la batterie de la 21< division est plus heureuse
et elle continue son feu jusqu'à l'arrivée de l'artillerie de corps,
à 10 heures.
tWK DIVISION ALLElkLtNDE D'INFASTEME AU ÙÛMUAT. 01
Les Français ne semblèrent pus s'apercevoir da leurs succès.
Les quatre csradroHï^r de hussards, du 13<*et14^ fnrcnl, ?i l*pnlréé
en ligne de rarlillfîrie de corps, envoyés vers Flei^iious^ pour
l^assurer la sécurité du flanc gauche de rRrlil!ene.
Vers 10 h. 1/2. l'infanterie du XI*' corps, "11' division, dans
son mouvement d'extension vers l'Est, arrivait h Fleigrieux et peu
îi peu descendait dans la vallée de la Givonne. A H heures^ Tar-
rivée ^ Olly d\in escadron des hussards de l:i giirde étnblîssait
In jonction des deu\ urinées alleiuHudes. Jusqu'il la tlri de la
jouro(5e, les escadrons du lieulcnantcolonel Heudiick, placés
vers la cole Sli, assistèrent inactifs nu terrible dranie qui se
jjouatt sons leurs yeux.
Lp 83" an parc Labros-ie et à Flohuj, — A H h. 1/2, au moment
oii les premiers coups de feu tirés par le?* hussaids du 14" se
faisaiânt entendre au delà de la lioncle de la Meuse vers Saint-
^Aibert, le 83*= n^ginienl urriviiit h Maison-Rouge et se trouvait
irrèlé par la lèle de la colonne du centre engagée sur la roule
do Sedan.
Le colonel de Biclicrstein fuit descendre son réginieul dans la
plaine, le l'orme pur balailious en eolonne douhle et, longeanî
|la Meuse, s'engage dans le Sugnon. Peu après 9 heures^ il arri-
rail h Suint-Albert, ayant devancé la colonne du centre, qui a dû
ralentir son niouvoment [lour livrer [lassage à rartillerie de
corps appelée sur le Hautoy,
Le l*"" bataillon continuait sur le parc Labrosse, où il arrivait
[vere 9 h. 4S; jïar ordre du commandant du XI"" corps^ les deux
iButres balailJons s'établissaient en réserve au sud de Saint-
[Menges.
La 2*^ pionniers mellait Saint-Albert en état db défense.
lïe la lisière est du parc Labrossc.. si bénévolement négligé ou
abandonné par rennemi, on embrassait d'une façon merveilleuse
l'ensemble et niême les détails de la position française.
Le regard était lout d'abord attiré par le calvaire d'IUy, qui
.Iranchait nettement sur l'horixon et se dressait à "i,ÛOO mètres
[environ dans l'Esl; un peu au-dessous de ce point culmi.nant,
fime ligne sombre descendait sur Sedan, c'était le bois de la
['Garenne; de cette ligne de faite, deux croupes s'allongeaient
[vers l'observateur : Tune, la plus ra]iprochée, venait mourir fi
92 jonaNAL dbs sciences milîtaihes,
800 mètres au sud du parc; l'aulre, plus longue, — cole 538, —
venait dominer de ses derniers escarpemenls le village de Kloing ;
c'est sur ces deux mouvements de terrain qu'était déployée une
pirlie de l'armée française; une constrnetion grisâtre, encadrée
de deux grands peupliers, paraissait occuper le centre de la
position, Terme de Floing,
Presque à rai-côte, une première ligne d'infanlerie tapie dans
des tranchées; en arrière, une longue batterie d'arlillarie; eniJn,
un peu en avant de la crête, une deuxiènnî ligne d'infanterie; les
réserves, invisibles, doivent se tenir en arrière.
A Floing, deux compagnies prussiennes, aventurées dans le
village depuis 9 heures, se défendent avec opiniiUretc dans les
maisons de la lisière occidentale; au-dessus du village, l'ennemî
travaille fiévreusement à l'établissement de tranchées-abris.
Le ^TT avait été arrêté vers la corne ouest du parcLabrosse; il
apportait un appoint sérieux à la compagnie du 87* installée
dans le parc deiiuis9 heures. Des créneaux percés dans les mars
qui regardent Saint-Albert laissaient deviner que cette position
avait tout d'abord été occupée par des troupes françaises (deux
bataillons du 37'' de ligne y avaient, en effet, passé la nuit et
s'étaient retirés h 6 heures du malin).
A 10 heures, toute l'artillerie de corps et celle de la 21« divi-
sion se déployaient à côté des trois pièces encore on action de la
4^ Ijatteric légère; riiiranlerie de la colonne du centre assurait
la sécurité des deux flancs. Une ballerlCj qui n'avait pu trouver
place, vient prendre position sur le revers occidental du mame-
lon 260 et se met en devoir de canotiuer Floing. Des partis
français sortent aussitôt du village et s'avancent sur celte bat-
terie; la — et un peloton de la 4^ compagnie se portent rapide-
ment au saillant sud du parc et ouvrent le feu dans le flanc de
l'assaillanl, qui se voit forcé à la retraite.
Jusqu'il 11 heures, les Allemands, ménageant leur infanterie,
vont laisser à l'artillerie le soin de désorganiser la défense. 14,
puis 24 batteries, déployées du parc Labrosse h Fleigueux,
canûnnenl sans relâche les hauteurs d'Illy et de Floitig,
L'infanterie française, dans ses positions de combat depuis
7 lieures du matin, ne peut plus manœuvrer; elle supporte sans
tNK DIVISION ALLBMAA'DE D mFAM'EHlfi AtT COMBAT.
93
tléfaiUance cet ouragan de fer; bien plus, par son feu, elle inflige
des perles sanglantes aux batteries prussiennes, surtout à celles
de l'aile droite.
à 11 heures, les 7 batteries du 7« corps» écrasées par la formi-
dable supériorité des canons prussiens et h court de munitions,
se retirent du cbflni|) de baUtille; rinfaïUerie allemande va en triir
en Ugne.
Les trois compagnies du ^5- sont, les premières, dirigées sur
Floing; elles descendent les penles du mamelon, pénètrent dans
le village et en occupent la partie Nord, donnant ainsi la main
aux deux compagnies du 87«. Le mouvement, hien qu'exécuté au
pas gymnastique, n'a pas été sans causer des pertes sérieuses,
rennerai établi dans des tranchées, au sud du village, ayant pu
lirer par-dessus les maisons.
Les Ile et III« bataillons restés h Saint-Menges se sont rappro-
chés, et peu il peu leurs unités descendent dans Floing, où la lulle
continuait acharnée des deux côtés dû ruisseau ; ce fut d'abord
la 6" compagnie, un quart d'heure plus tard les 5^ et 7«, puis la
8«j un peu avant midi le III^ bataillon descendait eu entier dans
la partie Est, suivi par six ou sept compagnies de divers régi-
ments de la S"!^ division.
Le défenseur, un bataillon du 37^ de ligne, débordé de toutes
parts et après une résistance désespérée, se retirait en majeure
partie par îe fiud^ vers le ravin de Fraicheau.
L'apparition des compagnies prussiennes sur la lisière Est, au
[pied même des escarpements, provoque aussitôt une offensive
jgénérale des troupes françaises en position sur les hauteurs voi-
ffeines; le 83<^ régiment, que ce combat de rues a passablement
désorganisé, est refoulé sur le centre du village; la 9"^ compagnie
seule, qui occupe le ciraelière résiste victorieusement aux assauts
dirigés contre elle.
Mais du parc Labrosse, le commandant du XI" corps a suivi
toutes les péripéties de la lutte; pour remplacer la 43« brigade
[absente, il a dû demander quelques bataillions à son camarade du
V" corps; ces bataillons, deux du 46^ et 0" de chasseurs, qui
se tiennent depuis 11 h. 1/2 au sud de Saînl-Menges, marchent
aussitôt au secours du 83».
Après avoir dépassé rartillerie en position sur les revers occi-
94 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIBES.
dentaux des pentes, les trois bataillons du V« corps prennent le
pas de course, deux bataillons en première ligne, et pénètrent
dans le village. Un bataillon est d'abord laissé en réserve contre
la face Nord, mais il venait bientôt prendre part, lui aussi, au
combat.
Les Français reculent peu îi peu; à midi et demi, Floing est
complètement abandonné par eux. La lutte a été chaude, et les
compagnies prussiennes sont dans un état tel qu'il leur est impos-
sible de poursuivre, pour le moment, leurs avantages : il y a lîi,
une trentaine de compagnies de six régiments différents des XI«
et V« corps ; le désordre y est extrême, encore accru par la fusil-
lade nourrie qui s'abat sur le village, de l'Est et du Nord-Est, et
aussi par l'intervention maladroite de l'artillerie de la4« division
de cavalerie qui, en batterie vers Montimont, envoie ses obus
dans Floing, au milieu des troupes prussiennes. Les officiers ne
parviennent que difficilement à remettre un peu d'ordre dans les
unités; la situation est périlleuse, elle peut devenir désespérée si
l'ennemi, qui n'a pas encore engagé ses réserves, prend l'offensive,
l'artillerie prussienne de la croupe 260 ne pouvait, en effet, inter-
venir dans les coiïibats qui se livraient autour de Floing, en raison
du masque formé par le parc Labrosse; seules trois batteries
alors en position ;\ l'ouest du parc, auraient pu agir efficacement.
L'entrée en ligne de la 436 brigade, enfin retrouvée, vint tirer
la garnison de Floing de ce mauvais pas.
Nous allons laisser le 83" au milieu de la cohue qui l'enserre
dans les jardins du village; nous le retrouverons plus tard ; à ce
moment, midi et demi, l'ancienne colonne, aux ordres du colonel
Bieberstein, était ainsi répartie : les deux escadrons de hussards
vers Fleigneux; les deux batteries, bien éprouvées, étaient en
action dans la grande ligne d'artillerie de la croupe 260; onze
compagnies du 83« dans Floing ; une compagnie (3®) et un peloton
de la 4® au saillant Sud du parc; la r^r- îi la lisière Ouest en
' 94«
soutien d'artillerie; la 2» pionniers occupait le moulin de
Maltourné, h l'ouest de Floing.
Le cMmp de bataille vers midi et demi. — Avant d'entamer
l'étude des opérations de la 43" brigade et pour mieux com-
prendre la nature des combats qui vont suivre, arrêtons-nous un
UNR m VISION ALUKitANDE IJ'ISFA^a■EaIB AIT COMUAT.
95
rjusUinl el jutons an coup d'œil sur les forces des adversaires en
présence; cela nous est d'autant plus fiidle que, jusque vers
1 heure, une sorle d'iiccalmie se produit suc cette partie du
champ de bataille.
L'HrliUcnc du XI" corps, en aclioti depui.s 10 heures, a en
cfTel vidé presiiue tous ses coiïres et elle aitead, pour reprendre
le feu avec touie sa vigueur, l'arrivée des caÎÊsons que la rapi-
ditt^ de. sa marche a laîs&<:!5 fort loin en arrière ; l'infanterie de
Ftoiag, ifflinobiliaée dans le village, ne songe guère en ce
iiionient îi prendre l'oftensive.
Jusqu'à présent (inîdi cl demi), le combat, du côté allemand,
n'a été qu'une longue lutle d'artillerie, et l'enlèvement de Floing
par l'înfanlerîe prussienne ne fut en quelque sorte qu une
Linesure doîiéeurilé, prise pour éloigner de l'aile droite de rarlil-
[Icrie un voisinage Irop cojnpromettanl,
A partir de 10 h. 1^2, l'artilloriodu V" corps venait se déployer
au sud de FleifJincux; l'infanterie des deux, corps prussiens, che-
minant à l'ahri dfts hauletirs, se formait : celle du XlS arrivée la
jpretnière, aux deux ailes de cette longue batterie, celle du V«,
raas&ée, dans les valions en arrière du centre.
Passons au camp français et voyons ci; qui s'y passe. Le com-
lanJant du 1'' corps, chargé de ta défense du front Nord*Ouest,
avait placé ses S** el 2" divisions (Du mont, l^iébert) en première
ligne et conservé en réserve la If» (Dumesnil) et une brigade du
S* corps (Maussion).
Les troupes avaient occupé leurs eniplacements de combat dès
7 heures, au liruil de la canonnitde de Bay.eilles.
A 9 heures, la lutle d'artillerie commeuçait ; h 11 licures. les
j7 batteries françaises, placées au centre du front, se repliaient,
[4fésem parées; rinfanleric supportait, alors tout U^ poids de la
lutle; rinfanterie prussienne ne s'étutt pas encore montrée.
Ne HM^onnaissant pas là les procédés tactiques jusqu'alors
I employés par rarmëe allemande, et trompé par l'attitude toute
d'expeclalîve de quelques gi-oupes d'infanterie que Ton aperce-
vait vers Fleigneux, le général Ooiiay ne crut pas à l'importance
lies forces qui lui étaient opposées. Entre 11 heures et midi, il
envoie une brigade de sa 3'' division au seuours du 12"' corps, k
Test du champ de Lialaille; à midi, sur une deiuande plus près-
waiitc encore, il se dégarnit du reste de la 3» division et de la
%
jmiaNAL DES SGTINCES HILITAIItKS.
brigade Maussion du 5« corps ; sa seule réserve disponible
(division Diimesnil) se portait alors eu première ligne sur l'em-
placemenl de la 3* division.
Les troupes du général Dutncsnil eurent surtotil à combattre
contre le V" corps et les conlingenls de ta 21" division réunis
vers Fleigueux; c'est sur la 2'-' division (Liéherl) que vont se
porter les efforts de presque lout le XI" corps et des fractions da
Ve, 13 bataillons, moins de 8,000 hommes (7,833 exactemenl),
vont avoir à lutter, à Floing, contre 22 h â3 bataillons prussiens,
représentant plus de d7,000 combattants.
Quant h (a disproportion en artillerie, elle est écrasante ; l'ar-
tillerie de la division Liébert se réduit h sa hatlerie de mitrail-
leuses, qui n'avait pas encore été engagée; devant le front du
7*^ corps, seules les H batteries de la division Conseil-Dumesnil
étaient encore en état de combattre,
A midi et demi, la situation des troupes du général Liébert
était la suivante :
Les S'' et 37" régiments (brigade Guyomar) en première ligne;
le Î5'', pîacé k la droite, canonnc depuis ii heures, depuis la
retraite de l'artillerie française, se mainlenail inébranlable dans
ses tranchées; ses tirailleurs, à mi-côle, infligeaient des perles
sensibles aux balteries les plus rapprochées, et, à colle hetire
même, le général de Gersdorff, commandant du XI« corps,
se tenait sur la lisière du parc Labrosse, était frappé mortel
ment d'une balle en pleine poitrine. Le général mourait qud
ques jours plus tard.
Au 37" de ligne, moins éprouvé par l'artillerie, deux bâti
Ions ont élé en<:?agés successivement dans les combats livrés'
Floing ; le troisième, d'abord en polencej face k la Meuse, s'est
peu h peu rapproché du village et prolonge actuellement la
gauche des deux autres bataillons.
La deuxième ligne (o3", 80", 6* bataillon de chasseurs
deux escadrons), abritée daas les deux vallons qui descendent du
bois de la Garenne, n'a pas encore été engagée.
En raison de l'héroïsme déployé par les admirables troupes de
la division Liébert, ce court exposé de leur situation était néces-
saire.
Entrée en ligne de ta 436 brigade. — La 43» brigade que le
UNE DIVISION ALLEMAKDB Û INFANTEHIB AD COMBAT.
géiiépal de Schkopp avait laissée fi 1 h. l/a, vers Vrigne-aux-
Bois, arrivait plus de \.wh hciiros après à Monliniont. Ayant
enfin trouvé sa voie, le colonel Konlzki se faisait dovancer par
■son artillerie et se dirigfiail vers Maison-Rouge,
Les deux batteries — 3« et 4" lourdes, — retardées dans leur
caapche par l'encombrement régnant dans le Sugnon, ne débon-
i-huîenV & Saint Albert: que vers il heures cl venaient aussitôt
prendre place des deux côtés de la batterie du Xh corps qui, du
versanl occidental de la croupe 260, canonnait Floing depuis
quelque temps déjà.
La brigade, arrôlée à son iour k Maison-Rouge par la division
de queue du V» corps qui défilait sur !a route, s'engage dans les
prairies qui bordent la Meuse et débouche de Saint-Albert un
peu aprfes midi; à Maison-Roiige elle avait été rejointe par les
I II
"TV arrivant de Hannogncj ces deux bataillons prenaient la
S4
gauche de la colonne. Cette dernière marchait dans Tordre t
3" 4«
93', ^î*,Z^ pionniers, 94^; les deux escadrons ' ■- étaient sur
la'* M.
I le flanc droit, le long de la rivière; les bataillons en colonne
I double.
^L On devine sans peine, le soupir âa satisfaction que dût pousser
^Bc général de Schkopp h la vue de ces huit bataillons sur lesqueb
^Pil ne devait plus guère compter.
" Au courant de la position critique des troupes do Floiiig, le
général dirige aussitôt la télé de la colonne vers le Sud pour
« aborder en flanc et à revers les positions de l'adversaire sur
hauteurs. »
telle détermination eut pour la division Liéberi les plus
funestes conséquences : on comptait sur le canon de la place de
fiedaii pour protéger le flanc gauche; or, parait-il» les quelques
pièces en position sur les remparts avaient chacune trois coups
I tirer; i^n tout cas, ce tut là un des moindres s,oucis du général
4le Schkopp.
[)n p6u avant midi ij'î, la colonne était formée sur trois
clignes, face au Sud, la droite appujée k la roule de Sedan; le
en première ligne, le Sa* en seconde, étaient déployés par
Ifemi'bataillons; les deux balaillons du 94% en réserve, étaient en
J. d«t Su. mil, 10» S. T. XS^Il. ï
w
iaVMikL OKS SCIENCKS HlLlTAIRSS.
3«
colonnes doubles; les deux escadrons ella ~ devaionl flanrjiier U
marche h droile.
A niiiJi 1/i!, les huit balaillons sY-bra nient; di's les pre^n΀^^&
|ias, des hnllvr, licéùs h plus d<i ISOO mî'lres vinr-rnl lonilirr dans-
les rangs; la miirche esl accél^pjf*, et ni tjioîn» do dix minutes (a
firpmi^re ligtic vient se ht'urlar aux jardins H im\ clôlures qui
IsorJeiU la riwi droilp du ruîss€«u de Floiîig; les passages y
sont rares et élroil»; — h\ —, au mouiiii do Mallourné dopuiJ
jin^-s d'iinc! licure, a manqué Ui d'initiativu — ; le rnisspau frari-
i-iiil, le 9o« eiisayc de se l'oniifir en colonnes do compagnie, mai!
le feu de l'adversaire est plus nourri, plus ininirlrier; les f>eloU3ï
de tirîîiUeurs soûl lancés en avant et on se remet en tnai-chc, k
b:il;iîllons df'js'i «u parlip dUloriiiés; le Si" !>eml)!e avoir m
avec plus de méthode.
Entre iein|)S, le couiinaudnnt du Xl« corps avait vu du f^
Liibros&e lu nouvelle direçlion donnée aux Iroupes ûv. h iài^div^
slon. Il adressait au chef de la division l'ordre d'envoyer m
Ufigade en réserve & la cote 260; le général de Schkopp se conte
I II
lait d'y dirigL-r sc^ dftus; baluiilons de qnciiii ~ . .
»■**
A oOO mèlres environ du ruisseau quo venait de franchir
'iZ^ brigade et coinpli''icnienl sur la gauchç, se il l'essaient deux
roleatis d'int-gale hauteur, sépari'S par une profonde coupure,
vieilles car^^^^es aux parois verticales qui s'enfonçaient, dispa-
i^iiisAnient vers TEst; au Nord de celle coupure, la crête dowiinaîl
hi plaine dû SO h tîO mclres (cote 338) et les pent^'s abruptes
sillonnées de murs en pierres st'ches, ofiraient l'aspect d'tij
jfiiinnlosque escalier avec marches lianlesd'un h di;ti)t inèlres"
lie- haies toiilVues en ^ariiîssaienl le somrnel; In fusillade y ét^iit
violente el son inlciiMk; comme ses eftels mcurlricrs ne Caisaient
(|ue s'accroiti-e — deii\ baluiilons du H9'' do li^ue venaient pro-
longer la g;Hiehe tfu 37* — ; au Sud au conlrnirc, le |^latMll aux.
pL'tjtes doiH'fts élai! dépourvu de défenseurs et n'élail baitii qu<
pur le feu de la criile plus n« Nord et par celwt très problénial
liqun lie la place.
L(» ^*" i-^igiiuonl, a\irH le passage du rniss^aii de Floing,
niellait en devoir d'^tlecttief un cliangenient de direction
i:>E invJSlOÏ» JVLLRMJtNDE: d'inFASTEIUB au t:i>MUAT, 9l>
*aiK'l:c tîoiir aborder les liaiileiirs sus-nienlionnées; li; mouvc-
Eincnt SG faiftjiil au pas de ooiir.se sur i>s tnlons des peloloiis de
liraillciir?, les compn^nics s'eiïorçanl d'arrivnr ie plus vit(i pos-
s.îUlo au pied des cscarpemonis, oii elles iictisaieut ^c Irouvcr îi
D
epi
9t*
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hk- â2-c^c;=c=iC3q3
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'%=Hu».
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M;t!s II* ni' balJiiil'jn, iiiii toiifti( \i\ g:m« he, nu pivol par con-
«»^quoiJt.t:iUiré par la séourîli'' (jue doivent oîTrir l:^ carrières,
pique droit sur elles, coupant ainsi Li roule aw ÏI- bataillon, qui
se Irouvail eu pai-lîe h. sa di'oîio ; la 11" i-ompagiiie seule a
lourné i\ fjauche, contre la li-îlôi-t^ (Jo Floiuij;.
109 JOURNAL DES SCIENCES MIUTAIRBS.
Le II**' bataillon, depuis le passage du ruisseau, n'était pas
encore parvenu k se reformer ; ses 5« et 6® compagnies tournent
derrière la 11« et viennent la prolouger h droite; les 7« et 8«,
faute de place, vont prolonger la droite du l""" bataillon, où elles
trouvent la 9", venue lîi on ne sait trop comment.
Le 95" était arrêté au pied des pentes et ses pelotons de tirail-
leurs commençaient à gravir les escarpements lorsqu'arrive le
32" régiment.
Ce dernier, soumis h son tour k un feu très meurtrier, avait
pris le pas de course et se dirigeait vers les intervalles laissés
libres par la dispersion des compagnies du 9S«. 6 compagnies se
portaient au nord des carrières, les 6 autres tout k fait au sud,
vers Gaulier. La -- de Maltourné suivait le mouvement, de même
qu'un nombre considérable d'isolés (21e division), qui se tenaient
sur la lisière sud de Floing.
D'une façon générale, la 43« brigade avait 9 compagnies des
95" et 32« au nord des carrières, 3 compagnies du 95* dans les
carrières, 12 compagnies des deux régiments au sud; les 2 esca-
3«
drons et la — s'établissaient à la sortie ouest de Gaulier.
Vers une heure, la brigade toute entière se portait en avant,
première et deuxième lignes confondues.
Les tirailleurs, se couvrant des murs et des haies, avaient déjii
entamé la fusillade vers le sommet du plateau 238; les Français,
fusillés de revers par les troupes du plateau de Gaulier, ne se
retirent que pas à pas ; les compagnies prussiennes rejoignent
bientôt leurs tirailleurs et se lancent k la charge ; elles prennent
pied sur la crête.
A cette vue, les troupes de Floing (8 bataillons environ)
débouchent par toutes les issues et se portent en avant; l'ennemi
résiste énergiquemenl et prend même l'oflensive. Deux batail-
lons du 53* de ligne, lancés dans le flanc de l'assaillant, rejet-
tent les compagnies prussiennes dans le village ; l'intervention
des fractions de la. 43e brigade, qui ont fait k gauche, arrête la
poursuite. Les contingents refoulés dans Floing sont renforcés
par 6 compagnies descendues de la cote 260 et ils s'efforcent de'
nouveau d'atteindre les crêtes du plateau.
« Au milieu des fluctuations de cette lutte indécise, les unités
UNE DIVISION ALLEMANDE D INFANTERIE AU COMBAT.
101
lactiques se désagrt'geaienl de nouveau, des fractions de compa-
gnies el même de régiments divers se groupaient confusément
nulour des oftîciers encore valides et s'efforraient,dan5 une Ssérie
d'actions partielles* de gagner de leur mieux du terrain, (Rela-
tion offieJRlle.)
llepcndant, ta iZ'' brigade a progressé peu h peu vers l'est et
VI \ h. ili B pillées do la 22'' division, escorlées par ta g-r- , que
nous avoas laissée près du parc Labrosse, venaient de mettre en
Iialteric sur h croupe 238, au milieu mCme des compagnies
du 95", prenant ainsi d'fk-tiarpo les troupes françaises autour du
Terme de Floing et sur la croupe plus au Nord.
Charges de hi mralene française.^ Vers i h. 1/2, au moment
si l'on veut où te général Slargiierille, venant reconnRÎtre le ter-
rain de la charf^e, était blessé mortellement k 400 ou 500 môtres
k l'est du Terme de Floing, voici quelle devait être la physio-
nomie du combat :
Une ligne épaisse de tiraiîlcurs prussiens, tenant toute la lar-
geur du plateau 238, avançait lentement dans la direction de
l'Est, exécutant un feu roulant de monsqueterie sur les troupes
françaises, qui no cédaient le lorraiti que pied Ji pied; aftéctant
la forme d'une ligna brisée, selon Fénergie do la résistance
qu'elle rencontrait, celte ligne était à S'tOouBOO mètres h l'ouest
du Terme, avec ensuite un saillant prononcé vers l'Est et un
tlanc en retour face îît Gazai; dans la 43» brigade, les soutiens,
en colonnes de compagnie, suivaient k HOQ mètres environ j h
gauche, au contraire, les pentes au-dessus de Floing élaienl cou-
vertes de troupes qui, plus ou moins bien ralliées, s'eflorçaient
de rejoindre la première ligne.
Les huit pièces au centre du dispositif, face au Nord-Est
(3' lourde, une section de lai» lourde) ; sur la croupe de Gaulier,
les contingents de la 43<' brigade (deux bataillons du 93", six
compagnies du 3S*^) arrêtés à 300 ou 400 mètres de la partie basse
de Caxal, échangeaient quelques coups de feu avec des groupes
ennemis disséminés dans les jardins et sur les remparts.
Il y avait au total, sur les deux plateaux, Gaulier. et cote 238,
quinze ou seize bataillons prussiens et huit canons.
La division Lîôbcrt a porté, vers 1 heurej sa brigade de réserve
\[\i
JOtIRKAL DES SHTEXCES UlLlTACRES.
fil ()r(;mU-i'<' Jîgne; le SI" fsl venu se ftlacerîi lu tli-oîle dir 37* et]
ccst lui qui, en ce momertl, opposti tiiio; rt-^isUinct* si ncliarnrâj
fluiour thi Tcruïft de FJloîng: lo ^Yl" [tar nrth'c s'csl, fn (taHif','
replié siirCaznl ; te 89" tient rncorn dîiiis les hcmqtK'Js «It^ ! <iis;iN
nord-oiHîsl du villai^c, son 3« hnlailloii pliié :iu biid.
I.e ô'' bataillon de chasseurs est «lié pi'OlodgfM* la gauche du'
o'deligriP, menacé |>ar des forces supérieures descendant du
parc Labrosse et de Fleigneux (94* prussien et une brigade du
V« corps).
Ceci étant posé, reprenons le cours de notre récit.
Peu aprbs 1 h. 1/2, des masses de cavalerie française déboii-
client des deux côtés dit bouquet de bois le plus proche de la
l!&îî>re dii Itois de li Garenn« et dcscendeiU sur'Floiug î'i louie
vitesse j au même instant des escadrons nombreux sortent des
plantations au nord de Cazal et parlent U h cliitrgn sur le (ila-
tcau; «m pou plus lard de nouvelles niasses débouchent de la
partie suJ do Cuzal sur la croupe de Gdulier. ;
Tous CCS esciidroiis qui, depuis le nialiri, eiTiiient du Sud au
Nord, de l'Est à l'Ouest, h bi l'eclierclie d'an riliri, se trouvaient
depuis quelques temps, en arrière des iiynes du 7* corps.
On sait que l'ordre de charger fui donné îi la seule divisioiil
Marn;in^nllo ; mais, à la vue des chasseurs d'Atriquc qui dé-
bouclii'ut du bois de la Garonne, lauriers divisionnaires, lms>-
sards et chasseurs de France, enllamniés de touiesles colère:*
raniassées pendant un long mois d inaction désespénnie, cuiras-
siers de Bonnemains qui ont un échec h venger, tous s'élancciil
avec une pareille ardeur dans la niôléo
Les compagnies prussiennes, ;i" la vue de i'avitlanche qui l'ond
sur elles, se déploient en majeure partie: quant atis tirailleurs,
certains groupes, déjh abrités, conservent leurs t'orntalîons; les
autres, en terrain couiplrteineiit découvert (43'' Itrigade), se pelo-
tonnent rapidement, mais bon nombre n'en ont pas te temps. Le
premier choc fut reçu par lea contingenta des %<• et ?t2«. en face
deCa?.»!.
Surpris par la brusque irruption do detiK escadrons de lan-
ciers, débouchant des bouquels du bois, à moin& de BUO raèlres,
les tirailleurs sont renversés ; la charpie pas!>e sur ettK, el, en uq
instant, tombe au milieu àes buit pi6ces de la Sâ<^ division, timnl
104
JOURr^At, DES SCIENCSS HILITAIREâ.
l'A charge venait se briser contre les feux rapides des compagnies
de soulien.
Les escadrons lourbillonnent; les uns vont charger les com-
pagnies du 32* et 95«, qui n'ont que le temps de faire demi-
lour; les autres reprennent du champ pour charger de nouveai*
sur Floîng.
Quelques instants plus tard, des cuirassiers et des chasseurs,
sortis de Ca/al, passaient encore au travers des rangs de la
43* bri|;ade et venaient tomber sur le 5" bataillon de chasseurs,
à peine remis de son alerte avec les lanciers.
Sur le plateau de Gaulier, la killc y étail aussi vive. Des cui-
rassiers et des hussards abordent les compagnies do la 43» bri-
gade et les renversent sur plusieurs points; pour inviter le chot'^
des pelotons entiers d'inlanlerie saulent sur la route de Sedan,
située en contre-bas 1 La charge élait partie de 400 à 500 mètres.
Deux escadrons du!" cuirassiers se sont fait jour au travers du
r^; ils descendent dans la plaine et se trouvent lace à face avec
les doux escadrons du I3« hussards, au nord de ("liiulier. Ici. la
Belation olticielle nous fait, tout comme 'i MorsUronn» assisli
juix savantes manœuvres du chef d'escadrons prussien; faut-
y ajouter la même conûance? Qnoi qu'il en soit, voici cfi que I
le nuijor Griesheim : « Il jette deux peloioms h la renconlre dï
l'assaillant, puis, ramenant le reste de sa troupe *i quelque dis
lance en arrière, il la déploie et la lance en échelons parla droiti^
contre les cuirassiers Iran gais, battus en même temps par les
luuK convergents delà compagnie de pionniers disposée dans les.
prés de la Meuse et des autres troupes d'infanterie le plus h
portée, »
Ce sont les débris de ces deux escadrons qui, parvenus ans.
abords de Saint-Albert, vont provoquer un « certain désordre »
au milieu dos convois du XI" corps.
Vers 2 heures, les escadrons français, rompus, à îiout de
forces, ayant semé par terre la moitié de leur effectif, se repliaient
et disp?it"iissaif;nt vers l'Est.
Lontre toute attente, rinfaiilerie du 7" corps n'avait pas reculé-
d'une semelle (sauf cependant au cejilre du plateau), et la violente
fusillade qui, le dernier cavalier disparu, vînt s'abattre sur la ligne-
pi'ussionne, faisait prévoir la nécessité de nouveaux saeritices.
Les charges de la cavalerie avaient retardé la marche de l'in-
fanleriû allemande d'une demi-heure environ; en bon nombre
d'hommes avaient été conlusionnés, mais la plupart restaient
dans le rang; au 5" batatlloti de chasseurs, les pertes étaient
plus st-rieuses.
Mais ce que la Relation officielle n'avoue pas, c'est !e désordre
cl la coQtusiofi que celte action vigoureuse de la cavalerie
adverse avait jetés dans les rangs de l'infanterie prussienne; nous
en verrons plus tard les etl'ets.
Un peu après â heures, les oompagtiies, tant bien que mat
reformées, se reportent en avant; le plateau de Floing va alors
être le tljêâtrede deux aciions distinctes :
1*» Contre le Terme, puis le bois de la Garenne par une brigade
du V" corps et les troupes de !a 2i" division, parmi lesquelles se
trouvaient te 83" et deux bataillons du 94«. Direction iNord-
Ouest.
2" Contre Ctr/.al, par toute la 43^ brigade appuyée par sîît
balailiotis du V" corps. Direction Sud-Est.
Voyons d'abord la première :
Aclioii contre h' Termt' de Floing et b bois de la Garenne. —
Vers 1 h. 1/2, une brigade du V" corps venant de Fleigneus. et
deux bataillons du Qi» venant de la cole 360, marchaient ti l'at-
tsqiU! des positions des ,1" de ligne et 6" balaillon de chasseurs,
sfir la croupe supérieure de Floing.
Les deux bataillons du 94* descendent les pentes dans la direc-
tion do la sortie est du village, emmenant avec eux les dernières
compagnies du XI" corps encore en soutien d'arlillcric, — ~ — ;
accueillis dès leur sortie du couvert par un feu violent, les
batnillons partent h la course el arrivent, les rangs rompus, le
long du ruisseau; le colonel de Bessol.commandant le régiment,
<i été Liesse mortellement pendant la descente.
Vers a heures seulement, les deux bataillons ù peu près réor-
giitiiéés, commencent à gravir les premières pentes; le 94^ avait
à sa gituche la brigade du Y"* corps (19" brigade), parvenue, après
bien des efforts, sur la route de Floing— Illy, et h sa droite les
contingents du XI» corps et du V" (40 compagnies environ), qui
iOQ . JOURNAL DES SCIENCES UIUTAIOEb.
venaienl de cooibatlre contre la cavalerie française sur le pla-
teau 238.
Les régiments de la division Liéberl (o3«, 6« chasseurs cl o» de
ligne) no cèdent le terrain que pas à pas; au-dessus de Floing,
des retours offensifs énergiques amènenl dos IVacllons du oS"
jusqu'au eiinclicre. Les éléments du XI* corps achèvent de se
désorganiser; seuls les bataillons du V^, que nous avonsvu inter-
venir dès midi (46" el5« chasseurs), sont encore en état de fournir
un dernier eflbrt; ils prennent la tête du mouvement, les chas-
seurs tous déployés, le 46« en soutien.
A3 heures, le Terme est enfin enlevé à la baïonnette; toutes
les troupes sorties de Floing venaient se masser autour do la
ferme, duns une confusion extrême. Les officiers encore valides
essayaient bien de reformer une ligne de tirailleurs pour taire
tête à l'ennemi qui s'est avvHé à 500 mètres, dans un bouquet de
bois; mais l'épuisement des troupes prussiennes est h son comble
et toute oflensive momentanénuHit arrêtée ; les Fiançais ne se
retireront dans le bois de la Gareune qu'Jj l'apparition de deux
batteries du XI" corps qui viennent prendre position des deux,
côtés du Terme.
Sur ces entrefaites le 94« régiment, h la droite de la iS* bri-
gade, parvenait à la naissance du vallon^ air sud du calvaire
d'Illy ; les troupes françaises battues de revers par l'arlillerie un
V* corps, depuis l'évaeualiou du calvaire, avaient abandonné ï:i
croupe supérieure et étaient rentrées dans le bois de la Garenne.
La 19® brigade avait été fort éprouvée pendant ce combal,^ au
éa ses régimeats avait à ee niomeot ses trois bataillons com-
mandés par des lieutenants.
Le colonel commandant cette brigade, Ji la vue du temps d'arroi
marqué dans les opérations autour du Terme, prenait loi attssi
le parti de s'arrêter.
Après 4 heures seulement, le mouvement en avant est repris
sur la route de Floing- QuerimonL, appuyé par deux bataillons
frais du V« corps (11^ brigade). .
Le §' bataillon de chasseurs et fe -^ sont en première ligne ;
fe 55 restait cora^me soutien des deux batteries qrn eanonncn! fa
ou
lisière nord-ouest du bois de la Garenne.
Le 5« clifissoiirs avait ses qualr^^ couipagtiics on Iii*nc, iï lu
almile du -^. Il s'iigissaàt d'aborder le bois do h Garentiej, là
Sa
011 la PCtulfi Cfi/.al— Illy tin forme la lisière; pnr conséqtienl l'îiiro
iPcUangemftnt de direcUon à droite; les deux toaipagiiies Je
, Kl
Mriiilf? des chasseurs, t", 3'' et lo — cKéctilent If^ mouvenienF,
8d
ihi deux itulres compagnies, pciilAlre poit»* protéger le nuno
j^auclie, pousscnl jtisfju'au bof]ueleaLi sur le ehomin de Queri-
inonl: niaid Ji>, elles pourâiiivcnl leur marche, dL-lilent devant le
\innl de la 19'' Ivrigade tmvorc îtrr^lée, entras iienl par leur
|ncm|ilo tes doui. lialailloiïs du 94" et vont donner tlfiiis l'oslrenie
[»»ilbt)l nord du lois de l;i (îarennc. près iJu f:alvjiiri> <î'l|ly
i''êtait lîi do l'iiKlt^pendaiiee poussée h son cxlrcme limili> — ;
lU
c'est Ifi que le — , enfin firj'tvé de Vcndrcsse» vint retrouver les
j 94
[«feus autres bnlnilloas du régiment.
Ouaul au -rr el aux deux compagnies de chasseurs, suivis de
les frac! ion s primilivemenl massées au Terme do Floinj(.
hplraîenl en combattant dans le bois de la Garenne; ronr-
sur [ilusieurs points par les efforts désespérés dos troupf^s
françaises (.■hnsséet^ vers l'Ouest |>:ir la Garde et les Saxons, h"*;
cojupagnies itnissicnnL'S ne font (pic Tort peti de proi^K's; ttiir
irtiede lo seconde tîgne qui » oblique pins h droiio, aborde î(*
'bois de la Garenne par le Sud, le dos. tourné h Sedan ; les cou
lingenLs lUiiK-njis traqués de Ion les piiris, me lient bas les amies.
A 3 heures sculemenl, le combat était Icrminé sur cette partie
|u champ de bataille,
La ^^briijade à Cazat. — Yers 3 bonres, après les charges
b la cavalerie, le colonel de Kontiki s'occupait tout d'abord à
smeltre de l'ordre dans ses unités passablcmenl désorganisées,
surtoiil h l'aile gauche, — '-rr^ — , ^. Il reformait peu h peu su
95 a i
ïigne face au Sud-Est et vers 9 li. 1/3 entamait son ntonvemenl
sur Cazal. Des fraclîons apparJcnaiit aux troupes sorties de
J
108 JOURNAL DES SCIENCES UIUTAIRES.
Floing et rejetées vers !o Sud par la cavalerie, étaient mêlées à
la 43« brigade.
Aprôs un vif combat de mousqueterie, pendant lequel, le lieu-
tenant-colonel commandant le 9o« était tué, l'aile gauche pénètre
dans les bouquets de bois qui bordent Cazal au Nord; le 55 est
us
formé alors en colonne d'attaque el descend, tambour battant, la
10«, 12«
grande rue du village; les , arrêtées depuis 1 heure de
l'après-midi h la crête des carrières, abordent en môme temps
Cazal par l'Ouest.
 3 heures, le village est conquis; la partie inférieure battue
par le feu même de la place, restait aux mains des Français;
quelques groupes qui ont poussé jusqu'au cimetière, se voient
bientôt obligés de rétrograder devant la vive fusillade partie des
remparts.
Sur le plateau de Gaulier, les compagnies du 32« et du ^
ou
tenues en respect par les défenseurs de la place n'ont fait que.
fort peu de progrès; quelques batteries qui viennent s'installer
au milieu du —, essayaient bien de lancer quelques obus dans
Sedan, mais le feu de l'adversaire les obligeait bientôt h se
retirer.
C'est h ce moment, 3 heures, que se place l'héroïque tentative
du 20 escadron du 1«'' cuirassiers.
Le chef d'escadrons d'Alincourt, qui a trouvé les portes de la
ville fermées, veut s'ouvrir un passage par la route de Mézières;
il forme son escadron par 4; les trois premiers rangs sont
formés d'officiers de toutes armes qui veulent tenter l'aventure.
Pendant que le — entrait dans Cazal par le Nord, l'escadron
traversait la partie basse du village et se lançait à la charge sur
la roule de Gaulier; quelques pelotons d'infanterie, de ceux qui,
à 2 heures, ont santé sur la route, sont bousculés, mais on se
heurte aux premières maisons contre une barricade élevée par la
3« '
p. Tout ce qui ne put franchir l'obstacle fut tué ou pris; les
autres allèrent tomber vers Floing.
ONE DIVISIOK D I^FANTEIITE ALLEMANDE AI' COMBAT.
109
A3 h. 1/â, la luUe était terminée k CazaL
Nous citerons, pour ierniîner cet aven de la Relation oPfi-
içieilc :
I « Les régiments composant cette dernière brigade (43*) se
« trouvaient eux-mêmes dans un tel état de confusion qu'après
« la prise de Caïal, le uommaiidanl de lu brigade ne disposait
I « plus que d'une masse confuse, représentant h peu près l'ef-
« feelif d'un bataillon et formée d'hommes de tous les corps w.
JVous reviendrons plus tard sur cet événement.
[ A la nuit, la 22^ division se ralliait aupriis de Floing; les
fractions avancées de Cazal et du bois de la Garenne restaient
sur leurs positions.
Pertei. — Les perles pour la journée étaient de :
32" régiment : 32 officiers, 23S hommes.
9S* régiment : 10 officiers, 195 hommes; le lieutenant-
colonel commandant le régiment était tué.
83* régiment : 17 ofliciers, 234 hommes.
94' régiment (2 bataillons) : 7 officiers, 154 hommes; le
lieulenant-colonel était mortellement blessé.
Les 4 batteries avaient : 1 of licier, 22 hommes et 69 chevaux
lors de combat; les hussards : 2 officiers, iî hommes.
La forte proportion des perles en officiers au 32" régiment,
^provenait do ce que ce régiment qui n'avait eu que \) officiers
hors de combat à Frœschwiller, avait presque tous ses cadres au
complet.
Gbanob,
Capitaine au 48* r^. d'iaf%aterv«.
(j4 continuer. )
GUERRES DANS LES ALPES
Guerre de la Succession à'Autiiche.
Campagnes dam les Alpes (1743, 1744, 1745, 1747),
Chjii'les VI, empereur d'Allemagne, élaiil mort eh 1740, sa
fillo Marie-Thérèse se voit disputer la légitime possession de ses
filais, qui lui avait cependant été garantie par une pragmatique.
La France veut faire proclamer empereur Télccleur do Bavière;
l'Espagne réclame le Milanais, convoite éj^alemcnl par le roi de
Sardaigne, "Charles-Emmanuel III; Frédéric H réclame la Siiésic.
L'Angleterre, toujours ennemie de la France, soutient l'Autriche
et gagije le Piémont à la cause de Marie- Thérf-sc rirailé de
Worms. 14 septembre 1743). Louis XV donne un contingent de
qualor/.o bataillons à l'armée espagnole de la Savoie pour l'oxpé-
dition I rjjctéc contre le Piémont.
1743. ~ Les Franco- Espagnols dans la vallée de la Vraita. —
Ils ('cirment à l'attaque des hauteiws de Pienelongue. — lie-
trait c désastreuse par le col Agitel.
L'armée espagnole, qui occupait la Savoie depuis 1742, était
comniandéo par l'infant don Philippe elxM.de Las-Minas Pour
l'expédition projetée conire le Piémont, l'infanterie est rassem-
bléeît Saint-Jean-de-Maurienne, la cavalerie à Monlmeillau.
L'infanterie part le 5 septembre en deux colonnes : la pre-
* Voir les livrai-ons d'avri', de soptciiilirc d d'cclolre 1902,
ai'ERltES DANS LES Al.l'ES. ]]f
Tuîèrc passp par le col de rAigiiille-Noirc, dans la vallêi* de M-
vacbe^ cl arrive îi Briaix'on le 8 sepleinbre; la deuxième franchit
lo col lin Galibicr et an-ive cgaletiienl h Bnanoott le 8. Pendant
CCS luarche^, deux clélachcments fraTiçais gai-Jaicnt tes cols des
Thm*f'5 cl f!e l'Ècliello : dt's postes do liaison' étaient élafelis aux
crj\s do BnftV're et du Laularet.
Le* rciisoifïiienients sur les étapes avaient été fournis pav
lîourcel, in^éni(;irr en chef h Monfdaiipliin, iiominô niafécfial gé-
iK'ivif des logis do l'afraéc d'Espagne, *]ui avuit reconiiy les pas-
sages avant le départ des colonnes. Les appro vision neraenls
«levaient èlre tirés des magasins de fîriancon.
Lîi cavalerie se porte de Monlmeillan à Guiilestre par Gre-
noble. La Mure et le col Bayard.
I/îirmce es|iag^nol*> eomple W balai lion s et 32 escadi-ons.
Le conlingeiit fraiieais, cûnirnaudù par M. de Marcieus, com-
prend d'abord 12 halaiîlons campés, depuis le 6 sepleintire, à Là
llcssét', pais 14 balaillons, le 13, par sni!e de l'arrivée de deux,
l«:\laillons venus d(i Languedoe,
La grosse arlilleiie, prii^p \\ Grenoble, suit la ronledcLaMare,
n»ais elle avance si îentcment, îi ciiiise du mauvais étiit du caemiii
pl de l'insiiHisance des alluÎHj^es, qu'clli* ne poum i^as ai*rivcr
îi tem|is et qu'on se décidera h la laisser an village des Dignièrcs.
Lrs [Haccs d'Ktnbrun e! de Monldauphin doivent alors fournir
17 ptf'cfs de campagne aux Espagnoîs, Les Franrais oui 1§ pièces
portatives h La Besséi^
ElÎL'ctifdc l'armén comiiitiée : 30,000 hommes.
l*ifijt'ts<h's EsjmjHi)(s. — L'Inlant voulait entrer dans les vai-
lles de lu Dora et de PjnîgL'las ponj' faire le siège dKsilles et de
Fencstrellc avant l'hiver; mais> devant 11 m possibilité d'avoir de
ta grosse artillerie, il est forefi de renoncer l\ ce pi'ojet ît clioîstl
alors, comme vallée d'invasion, la Vrailu,
La vallée de Châleati iJauphin élall occupée, depuis le mois
d'août, par les troupes piémoritaises i^iii avaient élevé de nom-
breux et solides relranchements. La saison élait déjfi Lien avan-
cée, et, d'après les écrivains rairnaires, on ne pouvait choisir
tine ligne d'invasion pins difficile pour ur,e arm^ considérable.
l'remt'tr.i mouvements de (' année eomff in ir. — Le 24 septembre.
il 2
lOtJElNAL DES SCIENCES UILITAIRES.
15 bataillons espagnols se portent de BriaiiQon ii Guilleslre, oii
iU allendent inulilemenl pendant quatre jours les dix-sept ca-
nons d'Embrun et de Montdnuphin ; !e 29, ils sont h Ceillsc; le
30 h LaChalp-de-Saint-Véran. Les 14 balaillons français, arrivés
clGiiille&tre le 28, font les mêmes étapes. Une deuxième colonne,
composée de 19 bataillons espagnols et 8 escadrons de dragons,
Fe porte, le 24 septembre, à Brunissard, par le col Hizouard,
dont le sentier avait été réparé et même rendu praticable pour
i'arlillerie {h celle époque, la combe du Qneyras était suivie par
un chemin datant de 1727), et le 25 h Ville-Vieille. L'Inlani éta-
blit son quartier général à ChâleaD-Queyras. Il envoie 600 hom-
mes h Abrlès et 50 hommes h Ristolas, pour faire surveiller les
cols Saint-Marlin et Lacroix, déj^ occupés par des VaudoiSj et
SO hommes au col Malrîf. Le 23, l'avant-garde espagnole va
camper sur les pentes du col Agnel (on voit encore les traces du
camp) ; elle construit une tranchée au col Vieux pour se défendre
contre les incursions des Vaudois.
Le 3iJ septembre, arrivent h Ville-Vieille douze des dix-sept
canons demandés, et 1000 clievaux.
Le pays est dépourvu de toute ressource. La gelée rend déjîi
les transports si difficiles, et les bêtes de somme sont si rares '
que le commissaire des guerres, M. de Souvigny, a toutes les
peines du monde pour réunir î^ Molines des subsistances pour
dix jours. Des fours sont préparés ît Chftteau-Queyras, Molioes
et Saint-Véran.
M. de ftlarcieux, malade à Guîllestre, a été remplacé par M. de
Cou rien.
Dispositiom des Piémontais. — Depuis le mois de juillet, le
roi de Sardaigne fait garder les cols de la vallée d'Âosle, du
mont Cenis, de la Roue, du mont Genèvre; il a renforcé les gar-
nisons de Bardj tvrée, Suse, Fenestrelle, Pigiierol, Saluées.
Coni, et envoyé des postes avancés à Crissolo, sur le Pô, et
à Pietrapozzio sur la Stura; le régiment de Pignerol, établi dans
le fort de Mirabouc, au col Barrant et nu col Lacroix, garde la
vallée du Pelllce; SOO Vaudois occupent le col Saint-Martin;
200 le village de la Chenal, avec des postes aux cols Agnei et
Sainl-Véran.
A la fin du mois d'août, les Piéraontaisj commandés par le
GUKlUtKS UANiJ LES ALf'ES.
H3
■:
marquis d'Aix, occupenl en force la vallée de la Vrai ta; ils ont
cinq bataillons au bois de la Levée, sur les pentes du mont Yisn,
un peu en amont de Château-Dauphin, couverts par les relr.ui-
chements du Villaret; six bataillons sur la moîitagne de Pierre-
ngue, i*nlre les valliies de Cliianale et de Bellino, protégée par
s retranehemoiUs de Boiidonnir, des postes avanei's aux cols
\gnel et Saint-Véran, reliés par le poste du Patagou, au dé-
bouché des deu\ vallons; tous les groupes postés sur la haute
\ionliignc sont abrités dans des baraques eu pierres sèches. Ils
ont encore cinq bataillons entre Le Villaret et le chrtteau de Pont.
Les opérations commencent après le traité de Worms (14 sep-
tembre 1743).
Le 30 septembre, Cliartes-limmanuel arrive îi Château-Dau-
phin ; il t'ait aussitôt retirer le bélidl et lés Iburiages, el ordonne
rétablissement de deux batteries de 7 pièces à gauche du bois
de la Levée ; il établit le dépût des munitions h Sampeyre; il fait
ai^randir les rcli'anchemcnls du col de la Btcocca et y place des
Iroiipes.
Sachant, d'après les rapports de ses espiotiSj que l'attaque
était dirigée sur la Vraila, il avait lait venir dans celle vallée le
jjîus de tronpes possible el créer des communications laléraîes
vec les vallées voisines.
Sou armée compte environ 15,000 hommes.
Le maniuis d'Aix donne les ordres suivants : les bataillons
seront divisés en pelotons de 50 hommes, commandés chacun
j»ardeuK officiers; dans cha<iue balaillûn^ on formei-a un peloton
tl'écîa ire urff avec les meilleurs marcbeups; les officiers et les ser-
gats quitteront les piques pour prendre des l'nsils; on ne IJrera
pitit par salves, mais à volonté, à courle distance et à coup
sJlr; on roulera des pierres sur les penles diliîdles; les muni-
tions de réserve seront apportées sur la ligne des retranchements.
I
MoïiremsHts des Franco-Espagnols. — Opérations du 2 au
Uai:tobn\ — Le â octobre, les 14 bataillons français et 15 ba-
liulloas espagimts, avec les là canons de campagne et quelques
canons portatifs, vont camper à une demi-heure de marche au
delà de Saint- Véran; 30 bataillons espagnols se porleiit au deh't
de Cosle-Roux (^village en amont de Fontgillarde, aujourd'hui
disparu] ; des postes de communication sûnl placés aux cols
/. dit Se. mit. 10" S. T. XVtl. 8
114 JOURNAL DES SC1E>'CES MILITAIRES.
Traversier cl do la Chamoissière : 50 hommes ont été laissés au
Châtean-Queyras; 230 à Ville-Vieille; 200 à Saint-Véran, et 20
au château de Chalvet-d'Aiguilles.
Le 3 octobre, la colonne de droite campe au col de Saint-Vé-
ran; la journée est employée à réparer les sentiers coupés par
les Vaudois et à faire des reconnaissances : deux détachements
comprenant ensemble 1200 hommes descendent sur le territoire
ennemi, refoulant au delà de la Chianale les postes avancés et
remontent le soir aux cols.
Le 4 octobre, les deux colonnes franchissent les cols Agnel et
Saint-Véran, descendent h Chianale, où elles campent sur trois
lignes, entre le village el le pied de la Torre Réalc ; oi cet en-
droit, la vallée est assez large.
Les 5 et 6 odobre, l'armée séjourne h Chianale, attendant les
douze canons de campagne qu'il est très difficile de descendre
à bras d'hommes sur des sentiers détrempés par la pluie; un dé-
tachement s'avance sur la montagne de Corbière (rive gauche de
la Vraita) pour tirer sur le château de Pont, mais il fait peu de
mal aux ennemis. Les généraux font la reconnaissance et arrêtent
le plan d'attaque.
Le 6, à 11 heures du soir, une colonne, composée des quatre
bataillons de la brigade d'Anjou et de 800 Espagnols, aux ordres
de M. de Corvolan, remonte le vallon de Soustras jusqu'au col
de ce nom (la Lausette), où elle est rejointe par les oOO hommes
du poste d'Abriès; elle doit descendre par le torrent de Valante
et arriver vers le milieu du vallon une demi-heure avant le jour
pour attaquer de flanc la droite du retranchement de la Levée;
une première colonne marchera h droite sur Pierre-Longue ; une
deuxième sur Villaret, en traversant le bois de Sappey au pied
de Pierre-Longue; une troisième sur le château de Pont, par fa
vallée ; la quatrième sur Pont, par le versant de la rive gauche.
Bourcet avait conseillé à l'Infant, mais sans pouvoir lui faire
adopter son avis, d'envoyer de Guillestre même, le 25 septembre,
un fort détachement par le col de Vars et le col Longet, pour
menacer la gauche des positions ennemies.
L'attaque commence le 7 octobre au point du jour; les douze
canons bombardent le château de Pont, qui est enlevé. La co-
lonne de droite gravit les pentes escarpées de Pierre-Longue ;
arrivée à une centaine de mètres de la crête, elle est accueillie
«KJEBItEa DANS ILES ALfËd.
IM
sntnlpinent par le feu trfes vif d'un posle de 50 Piémontais^
biontût renfort'é ; plie (.-orahal cepenrlant Jusqu'à la miil, uiais
sans pouvoir déloger lea ennemis ; elle est forcée de se retirer.
V^TS le soir, le marquis ti'Aix rejDlic son centre en arrière de
PonL L^'^ deux armées pa&sfînt la nuit sous les armes.
M. de Corvofan, après avoir reconnu k*s relrancliemenlà du
bols delà Levëo, fait savoir au {général espagnol qu'ils paraissent
riiHbordahk's, mais qu'il en lt:!fiterit néanmoins l'attaque 1« lende-
main, M. de Las-Minas, croyant, sur des rapports iimlheureuse-
lent inexacts, que les Piémontais^s't'laient repliés sur Chileau-
Danphin, envoie un courritjrii M. de Corvolsin pour J'inforraer
|ue loul jetait fini de sou ciHé et lui dire de rejoindre l'armée
Ponl, par le torrenl de Valante.
Le B, une deuxième attaque esl tentée contre Pierre-Longne
9 hpiires 4a inatiu; elle est encore rfponsscc. llitns Le fond de
vallt^e» les Espagnols ouvrent sur les Piémontwis un feu vio-
hnl d'artillerie et de mouaquelerie. Une colonne lég?'re profile
le celle altaipie pour enlever un poste de 50 ennemis sur les
pcnles de Prerre:-Lonj^ue; elle s'efforce ensuite d'estalader tes
crt^les, mais ellf' est reponssée avec des perles considérables.
M. de Las-Minas, voyant enfin que les Pii'montHis ne s'étaient
p3% retirés aussi Iftii» qu'il l'avait cru la veille, etivoie en tonte
hftte tiîî deuxième courrier à M. de Corvolan; mais c'était Irop
tanl, le i"onrri(?r n'arrive pas à temps. Vers 10 heures du malin,
h coimmc d'Anjou s'an-ètail en toute sécurité près d'un jïi'otijM»
île chalets, non loin des retranchemenls delà Levée; les Piémoii-
(iiis h surveillnient s:ins se montrer. A i heures du soir, elle re-
parlnit tamborirs liallants pour prendre aux p,nuig(is de l'Alpette
k sentier qui se dirige sur Pont, en corttournajjl les pentes, de
Castello: le général ne se doutait pas qu'elle défilait devant U
front des retranchements occupés tomme la veille. Les Pîémou-
tais, sortant soudain de letfrs abris, s'avancent au pas de course
et ouvrent ft lionne portée un l'eu meurtrier; la colonne, surprime,
est jetée dans le plus profond désordre, snna fjonvoir même
■ riposter; seuls, les \U(]neleta parvienneRt cependant h se jeter
[dans une grange et h conlenir un instant les ennemis. Les pre-
fmiera fuyards arrivés h Ponl apprennent î»; désastre au f{éiw3ral
Spagnol, qui l'ail aussitôt partir des grenadiers, des piquets et
canons, pour protéger la retraite; la loWe dure jusqu'il
416 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIBES.
la nuit. La colonne avait perdu 400 hommes; les Piémontais
n'avaient eu que 6 officiers et 70 soldats hors de combat.
Le soir, une nouvelle tentative est faite sur Pierre-Longue; elle
échoue encore.
Les Franco-Espagnols, dont le camp était resté dressé à Chia-
nale, bivouaquent aux environs du château de Pont, pendant la
nuit du 8 au 9.
Le roi de Sardaigne profite de l'obscurité pour reporter sa
ligne en avant ; il envoie des Vaudois au col Lacroix pour ap-
peler dans la Vraita le régiment dePignerol; il fait faire des
chemins pour l'artillerie : cinq canons de plus sont en batterie
le matin du 9.
L'armée combinée recevait journellement le pain de Saint-
Véran, de Molines et deChâteau-Queyras; mais la neige, tombée
le 8 octobre sur les hauteurs, allait rendre les transports très
difficiles. Las-Minas avait fait préparer des fours h Chianale,
mais il n'y avait pas de farines. Les magasins créés dans le
Queyras pouvaient h peine assurer le ravitaillement jusqu'au 13;.
c'était donc la disette à brève échéance. D'un autre côté, le mau-
vais temps arrivait; les 5U0 Barbets du col Saint-Martin avaient
même paru à Âbriès.
Dans un conseil de guerre tenu au château de Pont entre l'In-
fant, M. de Las-Minas et M. de Courten, Bourcet, consulté, fait
remarquer que les positions des Piémontais sont presque inexpu-
gnables de front, et qu'il y a lieu de craindre de voir bientôt les
communications coupées. Les avis pour la retraite sont unanimes.
L'Infant décide cependant qu'on tenterait encore une attaque
contre les hauteurs de Pierrelongue avec 14 bataillons. Un es-
pion (un habitant qui avait été pris pour soigner les blessés)»
caché derrière une cloison, avait tout entendu et allait partir»
dans la nuit du 9 au 10, pour avertir le roi de Sardaigne.
Le 9, l'arrace séjourne encore aux environs de Pont. Le matin ^
le feu recommence dans toute la vallée; mais un brouillard
épais, comme il s'en élève souvent sur le versant italien au lever
du soleil, le ralentit bientôt. A la faveur du brouillard, une der-
nière attaque est dirigée contre les escarpements de Pierre-
Longue ; elle est repoussée comme les premières. A ce moment,
arrive un courrier de Madrid apportant h l'Infant l'ordre de ra-
mener sans relard l'armée espagnole en Savoie.
6UKBRES DA?IS LKS ALPES. 117
La relraile commence dans k nuit du 9 au 10, Une forte avant-
garde va prendre posilion sur los cols Agncl et Sainl-Véran.
Deux hem'os avant le jour, le feu est mis au elnUeau de Pont
avanl ijoe [ps iroupes aient eu le leraps de se retirer du village;
h la lueur de Tincendiet les Piémontais tlrenl plus de 100 coups
de canon qui causent un grand désordre. L'arritre-garde, postée
dans les bois au sud de Pont, est canonnce à son tour en débou-
chanl tle la lisii'^re,
Lariïiée passe la nuit au camp de Chianale sans être inquiétée,
Les Piémontais. après avoir réoccupê le village do PonI, em-
ploient leur temps à recueiîlîr lesLagagcs ahandouués.
Le 11, 00 fait remonter vers le col Agneî l'artillerie, les muni-
lions et les nialiidas, trf's nombreux, par suite des rigueurs de la
maison. Le soir, la pluie détrempe les sentiers, et, dans la nuit,
il tombe 35 eenlimelros de iioige.
Le 1^, relraile générale : les Français par le col de Sainl-
Véran, sur le village de ce nom; les Espagnols par le col Agncl,
sur Costft-Roux — Foutgillarde— Pierre-Grosse — Molines. Après
de grandes difticultés, les canons de ctimpagm.^ étaient arrivés ft
150 raèlpcs de ht frontiôrcj au pied du col Vieux d'Aguel, où pas-
sait un bon sentier; mais on ne possède oi eaheslan, ni cordes,
ni poulies; tout a été perdu dans le désarroi; les mulets se re-
bultînl; vingt conipagnîes de grenadiers sont employées à pousser
<'\ h tirer; mais tous les elTorts sont inutiles. Par surcroît de
Tnulheur, les Va u dois repriraissent i^ar la v.vHa opposée pour tirer
sur le convoi; ils enlèvent 300 mulels, M. de Las-.Minas t'ait
alors enclouer les pièces et les l'ail enfouir sous la neige. Il laisse
au col un poste [leudant deux jours.
Le 13, les Piénionlals, étant montés au col qu'ils prouvent
abantjonné, découvrent les canons; 800 liommes sont commandés
pour les retirer et les descendre !e même jour h t^binnale. Ces
<lfH)7,e canons sont ensuite traînés jusqu'à Turin.
liourcel a écrit que si le jgénéral espagnol avait accepté les
5>ervi(jes des habitants de la va!l(5e d'Agnel qui éiaienl venus
*'ûfirir, il n'aurait |tiis laissé ce trophée au pouvoir de rennemi.
L'is-.Vljtias aurait fait abandonner les canons pour excite)' Tani-
inosiiéde lit France contre le roi de Sardaigne.
Les Espagnols avaient perdu sous le feu 200 hommes; les
f'rantjftis, 2o officiers et 437 hommes. Du 10 au, là, dans les
\'i% JOUIUa.1. D£S BCIENC££ MILITAIRES.
marches tle retraiLCj, de nombreux dtiserleurs avaient passé h
lVnnemi;un grand nombre d'hommes étaient morts de fi-oid.
ïjts ii canons de campagne, 400 inwl<Hs et presfjue tous» les ba-
gai^s élaienl vfs\é& auK mains d'çs PiémoiHais, qui u'avaieal
perdu que 11 otïiciers ei environ 200 hommes.
Ainsi, cette expédition se lerminait par un échec désastreux.
Une année de, 30,000 hommes avait échoué îi l'attaque de Iront
de fortes positions solidcnienl rerilorcées, défendues seulemanl
|>nr 15,000 Piénionlais i^]ui s'étaieni tenus coijsUimment Kur la
(t^^feiisive. Il aurait fallu, comme l'avait conseillé Bourcet, atU-
quei- lout d'îibord le ilanc gauche de ces (wsiiions par la vallée
deBellino ou par les crêtes qui^ du col Lon^et, descendenl: sur
Pierre- Longue; ces crêtes sonl d'ua accès assez dillicile, mais
ne sont pas InabtMPdabJes. D'un aulre wJlé, ia saison ^-lail trop
avancée.
Mmirements iiprén (tf 13 octobre. — Le 18, les Espagnols sont
dans les environs de Chi^leaii-^ineyras; ils purtenl, le 10, pour
rentrer en Savoie par Gntllesfre— Gap — Saint-Bonnel— (Trmiobie
— Montnieillan, Les 14 bataillons français de reïi|:iédilionetde«K
halaillons de miliccrs restent dans les Al|>es ^wur garder la froa-
liferc. Le marquis de Marcieus, revenu d'Enibrnn ii CiiÂleau^
Queyras, établit ses troupes en quartiers d'hiver, savoir :
1 bataillon à Aigiiiiles, avec 5 compagnies h Abribs et -4
d'abord à Ristolas, puis cgalemenl k Abriés;
i bataillon à Ville- Vieille; 4 compagnies à Arviewit; 2 aux.
Meyrit'S, le reste au chiUeau;
1 bataillon de milices à Moliucs; i compai^nies à Gosle-
Koux — Fonlgillarde— Pierre-Grosse ; 4 eonipaiînia^ h
Saiut-Véran ;
1 bataillon de milices au Mouétier, gardant les cols enlr^
la Gnisane et la ClaJrée, et le Laulatxît;
4 bataillons à Briançoti, avec des jxistes à Mootgenèvre—
Névache — Cervières ;
4 bataillons à Embrun; 4 à Montdauphiu et Gtiillestre.
I)ê« Piémôntais de la Vraita ne dépassent pas les cols Agnel et
Sain^Véraa.
(iUEBflES U.VKS LES Arj>ES.
119
Le 16 oclobre, 300 Vaudois viennent piller Rislolas et em-
luènent ])risonnifirs un officier et sis hommes du détfichi*ment,
qnî devaient cire rendus k la fin dti mois, a|)rts une raenate de
représailles ; les quatre compagnies de Rislolas, trop isolées,
sont alors repliées sur ALri^'-s. A cellfi <?poqiio, les communautés
du Queyras p.iyaient tous tes ans un Iribtil de 400,000 francs
aux Vaudois des vallées de Lusenie ^l de Saint-Martin qui leur
assuraient en retour protection envers et contre tous.
De son côté, le roi de Sardai^ne ne larde pas ^ cantonner ses
troupes dans les vallées voisines du théâtre d'opérations : h Ghâ-
toan-Dîiuphin — Bellino — Sampeyre — Frassino — Mette — Venasea
— Brossasco— Ver/nolo — Villaimvellii — Costigtiole (Vraita) —
Crissolo— Sam front --Pacsana (Pô) — Baî'ges ; Prarao — Slroppo
Dronero (Maïra).
11 a 26 butiiitlou£^ sur la i'ronlièrtj.
1744. — 1" Le prince de Conti dans la milée de la Stura. —
Enlivement des Barricades et des hauteurs de Pierre-Longue.
L'Iispagne tenail h réparer l'échec de Tannée précédente dans
la Vraila. Elle entraîne la cour de Louis XV qui lui accorde une
armée de 3lJ|00U hommes, commandée par le prince de Conti.
l/armée espagnole des Alpes comple 17.000 hommes.
Conformément au projet des Espagnols, les opérations vont
ftre dirigées contre le comté de Nice; l'armée combinée s'avan
cera ensuite le long de la rivière de Gènes, franchira l'Apennin
ligurien pour pénétrer en Lombardie et établir dans celle pro-
vince l'infant don Philippe, Du mois de mars au mois de juin,
IfiBàlliés font laconquÈte de Nice et s'avancent jusqu'à Oneglia.
Au commencement de juin, tes Français preuncnl la direction
«1 changent le plan d'invabiou. Le prince de Conli va chercher
à pénétrer en Italie parla Stupa. Le nouveau projet cBt dû. en
gî^^nde partie îi l'ingénieur de Bonrcet, qui connaissait 1res
bleuies frontières et avait fait, d'après les campagnesde Berwick.
(i709-t7i2), une étude approfondie de la guerre de montagne,
dans la région du haut Dauphiné. D'a|)rès tiourcel, les deux
firandes voies d'invasion de ce côté sont : le col du monlGe-
lîèvre et col de Largentièro, praticables au!t colonnes nombreuses
120 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
traînant à leur suite des bagages et de la grosse artillerie; les
gros canons sont nécessaires pour faire le siège des places fortes
qui défendent les vallées italiennes correspondantes; au delà du
mont Genèvre, Exilles et Fenestrelle, reliées par des retranche-
ments construits sur le contrefort de l'Assielte. puis Suse et
Pignerol; au delà de Largentière, le défilé des Barricades De-
monte cl Coni. Knlre ces deux grandes lignes s'allongent paral-
lèlement les vallées de la Vraita et de la Maïra peu accessibles
îi une armée et ne pouvant ôtre utilisées que pour des diversions.
Pour prendre l'offensive, il faut avoir la supériorité du nombre,
posséder de l'artillerie de siège, manœuvrer plutôt que com-
battre, avoir un service de renseignements rapide et bien con-
duit, constituer des approvisionnemenis h Briançon, à Mont-
Dauphin et à Tournoux, concentrer l'armée- sur la ligne de ces
places et manœuvrer au dél)ut de manière h amener les Sardes
h prendre le change, afin de les faire dégarnir une des deux
vallées principales; il sera alors facile de les devancer dans
l'autre vallée; on voit, en effet, que de Briançon à Tournoux, le
chemin à parcourir est trois fois moins long que de Suse h Coni.
Le secret et la rapidité des mouvements sont indispensables.
La deuxième ligne h occuper s'étend de Grenoble à Sisteron par
Corps, Gap, la Durance.
D'après le rapport de M. de Bourcet, le prince de Conti décide
de faire la démonstration sur Exilles et d'engager l'action prin-
cipale dans la Stura, au besoin même dans la Vraita ou la Maïra.
Dès le mois d'avril, les redoutes du col Hizouard, du col
de Yars, de GleysoUes et de Jausiers avaient été réparées, les
chemins aménagés. Des approvisionnements sont réunis h Brian-
çon, Mont-Dauphin et Tournoux.
Du 21 au 25 juin, les troupes sont retirées du comté de Nice ;
î) bataillons seulement, aux ordres de M. de Mauriac, restent
pour garder la ligne du Var.
Au commencement de juillet, elles occupent les positions sui-
vantes :
Saint-Étienne-de-Tinée. 8 bataillons : M. de Caslelar.
Barcelonnette 18 bataillons : le baillyde Givry.
Tournoux ...'■. 14 balaillons : M. de Lautrec,
Embrun 8 bataillons.
GUERBES DAAS LES ALPES.
Guillestru 12 bataillons.
Cervifcres. . . , 5 bataillons.
Hi
En Savoie, 4,000 hommes, élablis entre Monlineillfin et Aii^uc-
btillc, gfirdfsnt les débouchés de la Tarentaise et de la Mau-
rieniie.
L'annt'ïe franco-espagnole compte en tout 70 iiataillons cl
84 escadrons. La cavalerie est répartie sur la deuxième ligne.
PûiUions occupées par les Piémoutais. — Le roi de Sardaignc,
Evec 42 baiaillo ris et 32 escadrons, occupe les vallées- frontières
deStise h Coni. Le uiai'quisde Pallavtcini garde les Barricades di>
laSlnra avec 9 bataillons; la position située entre Preinardo et
Pottlc-Rernardo s'étend de la Montagnetto h la LoubifTC. A l'en-
trée du défilé, qui donne tout juste passage à la rivière '1 h un
chemin de chars, sur un parcours de 100 pas, la vallée w «Hé bar-
rée : 1' par une digue de 9 mètres de développement et de
27 pieds d'épaisseur, «î'ouvei'te par un fossé profond et année de
quatre canons; 2*^ en amont de la digne, par deux parapets avec
palissades ; 3" plus en amont par des êboulements de rochers.
U contrefort des Loulnères, sur la gauche, porte dft bous retran-
mcnts, protégés à distance par le poste de Bocro-Rosso (brique
roiig{i) ; ficus bataillons occupaient les Barricades cl les Lou-
biÈpps, gardant ainsi le chemin de la vnlléc el les débouchés du
vallon do Fer ri ères. Les hauteurs de la Montagnelto, f\ droite,
plus élevées que les Loubières, étaient couverics de retranche-
ments solides occupés par quatre bataillons qui contri huaient
à {,'îirder la vallée, mais étaient surtout destinés h surveiller les
monvements des troupes qui cherchernicnt 'i tourner la position
parles pentes du La usa rot ou par les cols de Servagno el de la
Marta. La montagne, qui sépare laSlura de la Maïra, estgardée
par le poste û'\l fies Sulettes. au col de la Scalelta, ^mssdiîc facile
^ iléfciidre, h Test du lac haut de Ruburcnlj, par le camp des
Gipiferes, établi au pas de laGardelta, et par le camp de Pîanes,
fi la coUelle de Preit (col délia Bandita) ; aus Salettcs et h ta
Oardfile, 1 bataillon; h la collette de Prêt et au camp de Pîanes,
1 balailîon ; au col del Mulo, 1 bataillon.
Lu général de Cumiana garde, avec trois bataillons de milices
et 80 dragons, la route des canons construite eu 1743; cette
12â JOUimAL DES SCIENCES MILITAIRES.
roule, partant du col de la Bicocca, passe au col d'Ëlva. à Sniiil-
Martin, Slroppo, remonte le versant de gauche du vallon de la
Marmora, franchi t le col del Mulo el, par le vallon de l'Arma,
abouUl à DeinoQifi.
Dans la vallée de la Vrai la, 18 halaillotia occupent le bois de
la Lovcc, le chfiteau de Pont, Rubiera, Chiazale, la Gardeile, la
redoule de Môiile-Cavallo, sur les hauteurs tlo Piei're-Longuef
armée de dms. canons el couverte en avant par la tU'ctio de la
Baltagliola et deux bloiiMuius; celle solide position e!?t reliée k
droite au chAteau de Pont, qui a été réparée! armé de noiubrcuk
canons ; à fçauche, h la rodoiilc de fk^llino, arméft de quatre c^-
uons. Au col de la Bicocca s'élève une grande redoute; des ou-
vrages couvrcul également !e plateau de FondovGt, près du col
d'Elva, Les Iroupes réunies dans la vallée sont eommancléea par
le marquis d'Aix.
La haute vallée du Pé est occupée par uu Italaillon do 800 lioai-
iwe^, postés à Crissolo; les vallées dcLusenie et de Sivinl-Marliu
sont g:ir*JéC5 par des Vaudois. I.es garnisons de Fenesl relie et
d'Exilles sont souionues par 10 balaillons aux ordres du baron
de Lautron : 6 au camp de Balbolol; 4 à Siisc.
Lo roi de Sardaigne, se basant sur ce principe qu'il faut oc-
cuper de préférence les vailét^s qui ne sont pas défendues par
des jilaces fortes, parait avoir peu de craintes dune invasion p;ir
le mont Genèvre el par le col de Largcnliére,
La cavalerie est dans la plaltic, entre Coni et Suluces.
L'armée autrichienne est retenue dans le Milnnais,
Mourementa des Frimco-Eapaguols . — Le i8 juin, le comte de
Maillehois et Bourcet se porJonl au col Boussou pour faire la re-
connaissance des positions de Champlas et de Seslrières. Lo
o juillet, fï balaiUous fran<;ai8 et 6 bataillon? espagnols sont
campés à Bousson cl iï Césanne; 4 bataillons espagnols des-
cendant par le col de la Houe, marchent sur Oulx, oU ils sont
rejoints par 2,500 hommes du camp de Bousson- Le prince de
(k>uti, laissant l'Infant cl son général î* Embrun, se rend :\ Brlan-
çûn, d'oii il se porte à Bousson, le 10 juillet, par Le Gourgel,
pour revenir à Briançon le lendemain p^ir te ajonl Genévre. Ces
mouvements avaient pour but d'atlircr raiLentiou du roi de Sar-
daigne du c6té d'Exilles. Mais ces démonstratiouK no produisent
GUEUIŒii CANS LES ALJ'Ei. lî^
[lisTe^el alleridu. Charks-Emœajiuel, tenu au cotiraiil des inten-
liouâ mêmes de sas ennemis, ne dégaruit pas sa gauche pour
mifwcer sa droiie; ii ne luisse raOme tjuc ijualre bataillons aux
d^itoiichés du mont GenùviT. Las-Minas, par esprîl de coiilradic-
tioii et de jalousie, uu lieu de resicr fi Embrun, éiaiJ. monté au
ool de Laj'geuliftre avant le jour ûxô; les ordres de marche que
.«général aiïectait de ne pas tenir secrets étaient contius des
|l*n;flioutai& vingl-qualre lieurcs aprfes. Le roi de Sardaigne ar-
Iriveàétre fixé sur les projets du priuce de Contij le 13 juillet,
il se portera ;'j Chfileau-Daupbin.
Ile prince de Conti, voj'anl que son premier projol a éié éventé,
va reporter la diversion dans la vallée de la Vraita. Les colonnes
degauciie maintiendront la droite de rennemi ; les colonnes du
eenlre pourront être appelées dans la Vrai ta et dans la Stura,
Uil juillet, l'armée fraiico-espagnole est mise ea mouvement
wineuf colûjines, partant de Péonc— Bcuil— Harcelonuetle—Em-
Ibron— Tounwux — GuilîesU'e— Cervières — Lft Bour^el.
Les cinq premières sont dirigées vers la Stura : 35 bataillons;
feiqualre antres cûiupreniietit également 33 baLailloûs sur les
vallées de la Maîra et de la VraJia.
i Les 9«el ^« colonnes. M, de Givry el N- de Campo-Sanlo,
itorles de 13 bataillons, partant du Bourget et de Cervière^, sont :
l« 11 à Arvieuïi; le 12 ;i Ville-Vieille et Molines; le 14 à Ceillac;
le 1^ au col du Longet, paj' les cols Troucbet el du Cristillan.
^■•Lë 13, un détachement, suivi de travailleurs, avait été emroyé de
^■Moliniis pour reconnaître le ro! Agnd, attirer l'atteulion dits en-
^■eemis de ce cùlé et réparer* le sentier; le 14, de GeilUc, des tra-
^^«illeurs, prolégôs par des avant-gardeSj avaient également été
tenvûjéâ aux cobs Tronchet et du Crislilhiii pour aménager les
stMliers, meilleurs i\ celte époque que de iio« jouri. M, de La-u-
Imc, avec 14 bataillons parlant de Tournoux, arrive, le 17,
il'raKao; M. de Gaudtja, 7« colonûe, avec G biilaillontt, se porte
di'Guilîi.'istre à AcceglîOj par le col Maurin(Mary},eii une loarctie,
^_ Le roi de Sardaigne est persuadt; raainleiiant qu'il sera attaqué
^B^Ans la Vraita; il t'ait v^nir 9 bataillons de Coiii ^tBorgo-âaa-
^^ U:dmaA/.û, et rcnlbrce le poste de Bellino.
|^_ Le 10. la 8^ colonoe se porte du col Longel au col d^s. Ira-
H|;Tf»fs (Ji Trrtversej'a) sur Ja montagne qui séj^u-c Ja Vraiia de
" ItcJlmo de la Maïra, par le col de l'Autarel; U 9* au col de l'Au-
:.--î -' i;: ^T-i.:.:'- : i:;.-. .' x - iar-,n.-i.*. :-:aî:r^na!it
■ 'i •"■ i'<ii.ii'— . ■ :: i::.i :■■- : :.• '.'.v-'- -r . :i: iTiit la ao-i *uide.
i-i.' *-!■■;." ■"• 1 i:: -■-• -:i— -::i.".n--r ";i:ili ii ■.••:i. Liï IT,
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-• V IIl.;i.:-.i.-. -'" -■: - :" — ■;.:■:•-:■ '-r î»-!!'!."; il T-.'i.'arrr ^'f RjO-
■ ".M.: :> •:' : i- >ni-'.";i." :";..-•" :• .- .'".■.■ri»tr ■?;;.' PiiHT>^
L :_;■:-' —•:. :• :: :■■ ;.i.-fr-i-:-r - :..-:;i.:. _^* lii-mr ;oii::". .a-.'-jior.ae
;■- '1.1.D ^t.-Si '. **" . ■■r."7'-:i!"'".'i '.<' "' •ir'if'î* ■?* 'r^t-t* il iiiort
? -L" 1 ■-""1. ••! 1"-^— S.I .11 Sr:I I'"!". ^liSI" ^•^■Jijr'l'rî? .ri Pl-iîIlOn-
M..- i: .- • :- .1 ï '-.•.•■.■; i: ?■;." -s l-^i ':•!.> 1 Elvi.
i- /./ , / ■ y,/ /.'. . — "_ : :,î.:i.- i .;h'i .^ tT :^î rv-iïiiJ.
L- li- ■:'"-:n-:': :••:;;. >■:■ :: ^i l'ïi" -ri :;?i-f»:ii-? ça? i-f'ii
■•■■ .:.:-s î " \ '. ";-.-..;.' :;i.'." Mss^ -■• ■:-:i i-^ Barba-
■i.:- :—-::■: :-- ; .- : '■:.;■. s:.* »:■» P^i::i:r:»f*: :d ?.
M :—Il ■■:• : - ^ • ■•: ; .: ■■ v :■? Fer :?i i-?coM-:£ie
i ."•'•..■ ". - : .;■-.• : : ■.'." ^i ii-.î" -s: j-.cJ-^ à li
;■ ■ •. •:.:•'. : '-i. i.: . :- :•; • i ■ - '• . • :: :;■ : ii frui-izl': ^e col
ir L.i.^^'r. :-:-t. r-i:i. :": .■; ■ ; .■. ; :■: 1^ -rir. zn-^s^. ia::» le
~!- '.■". '■ J'.'"'.!-".' -■. "i j'"fr:'i*"; >!.• =' •' ."•\!" :<j-i l.ti<.\:.i^K&
'- : :::- : :• : -■?:•. ■■: ..: ■ i ■?* ;■. lO;:.?. ux. ordres
1- '■( 1 -.'ri.: :"■ :; :.'s-^- .: ' '_.s."C-:îr'.>"v7'i ;•' nrnrche
:: .'- --- z.l.'?' :\ l-i M" ' M-î : ,: :. ■■;t
L; « : ;■■? tI? ■- 11". :-.■ -ï • ; ... ■ :* :::.;-:;:o. .;oi:'iuiie
::i' ^J ir '-i.'":î. : .1 *■. !.. :..:.= . '.T':?: ive c-'jQr
II.:.*- ■. 1' ■• . • : :>:-i - :■•? r; -■■ -■> :■■ .-..:■■; i:a:iiioQ::»*. — le
y.', i-:.: >::.r'i '.t'.yi :-. '-'-.. :•? :'■::•« :■ I ;-:':vrv-frt.;ï. unit
V- : :~.:.^ : -.z.-~::. — : ^ .. :::.•■:: ? .■ ■; :-:t i<i ..njardeUe.
£.::.-"-■-:.:-. : : i ■•• :.r"" ; • .i *;■:;.■. '"■-'. :;arur:t J'Ac-
;-^ . v^- 1 ;: . -V. -.- ■' -■-;■;.: a «sut -Jims le
~\ '.'.'.- ?■■' " -:' ■"-"':.■ . ?■: '. ' ' i. t^. ".■.' . j:..."': ^'JS -i-iUM. •.'ailipS
ir-:':.: .'"t- -" : -:i F :'.-:■• M .' ■ Li .;••:'.■ . i-.'.- Ô bataL.Losis, se
?'i..i '.:.:...' r~. . 1.1 .■■.l'-i".: .■ ; ...^ :.■> :;-'':ùvJaî«îa.t5 par s<?â
•iS'.iii-T .'1- -;\ 1:^-7*1!-" : ':. f :: : :...'■.••: ■.■.i'"?r*? -i-is ecM^niis.
GCEBflES BANS LES ALENES. 125
rnit opposer h une atlaque si bien coordonnée, se décide k éva-
'cuer ses positions dans la nuit du 18, pour se retirer surDemonte
là travers tes monlagues.
■ Le 18 juillet, le prince de Cotiti, voyant le premier succès as-
suré dans ja vallée de la Stura, envoie au bailli de Givry un mes-
sager pour lui apprendre ce résultat et lui dire de ne pas atta-
ftquerv mais ce niessager ne pourra se présenter que le 19, à cause
^tlc la longueur du chemin et de !a pluie.
■ Attaque des hauteurs de Pierre-Longue. — M, de Chevert était
arrêté sur les pentes de Bondormir; un berger se charge de le
conduire sur leâbautcurs de PieiTe-l^ongue, en lut montrant un
Bçnlier qui tourne le pas de Bondorniir. Le bailli de Givry tient
™ftlors un conseil de guerre. Les ordres du prince de Contt lui
prescrivaient de faire une démonstration en £e montrant en face
de Pierre-Longue, de Bellino, de la Bicocca et de n'attaquer que
dans le cas où îc roi de Sardaigne dégarniraîl les vallées de Bel-
lino ou de Château-Dauphin pour porter une partie de ses troupes
dans la vallée de la Stura 5 où s'il se présentait une occasion assurée
de remporter un succès imporlant. Certains mouvements des Pié-
raontais semblaient indiquer des déplacements vers le Sud. Les
8^ el 9^ colonnes, d'un antre côté, commençaient d'être pressées
par le besoin de se procurer des vivres qu'elles ne pouvaient
trouver que dans la vallée de Bellino ; le 17, un parti de Vaudois
Imbusqués au col la Noire, avait mônxe enlevé un convoi de
mulets chargés de pain. Après avoir rélïéchi pour concilier
conduite avec les circonstances, le bailli décide, sur les espli-
alions donnéfs par Chevert, qu'on attaquera, le 19, les retran-
hements de Picrre-Longuf.
M. de Campo-Santo reçoit pour mission de maintenir les défen-
.leurs de la Bicocca.
Le 18 juillet, un ingénieur, guidé par le berger, part avec
travailleurs armés et commence d'élargir les traces du
entier, à 4 heures du soir; le détachement rentre au camp
10 heures. Le 19, de grand matin, les travailleurs repartent cl
parviennent k achever le sentier. La 9* colonne s'engage sur
3tte trace. L'avanl-gardc de Chevert arrive, .'i la fuveur d'un
jrouillard, dans un défilé difOcile, où les hommes ne pouvaient
isser que un par un; à cinquante pas du défilé, derrière un ro-
124 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
taret et aux granges de Cornasco; l'avant-garde, comprenant
1500 hommes, commandés par Chevert, qui avait un bon guide,
avait refoulé les avant-postes ennemis établis au col. Le 17,
l'avant-garde descend, déloge les postes avancés de la Gardette
et de Chiazale, et tente d'escalader les pentes du rocher de Bon-
dormir; h l'approche des Français, le poste ennemi se retire en
coupant le pont qui permettait d'aller de ce rocher sur Pierre-
Longue, seul point de passage existant. Le même jour, la colonne
de Campo-Santo (8«), entreprend de tourner les crêtes du mont
Pelvo d'Klva, en creusant un sentier, pour déborder les Piémon-
tais au col de la Bicocca et sur les hauteurs d'Elva.
.Attaque des Barricades. — L'attaque a lieu le 17 et réussit,
grâce aux combinaisons habiles du prince de Conti.
Le mouvement tournant sur la gauche est exécuté par deux
colonnes : la 1", M. de Caslelar, ayant passé le col de Barba-
cane, descend des bains de \inadio sur les Planches; la 2«,
M. de Mauriac, appelé de Nice, Iranchit le col de Fer et débouche
k Piétraporzio. L'attaque sur le flanc gauche est confiée à la
3* colonne, commandée par M. de Villemur, qui franchit le col
de Largentière, remonte le vallon de Pourriac, passe dans le
vallon de Ferrière et va prendre sur le contrefort des Loubières
une position qui domine les retranchements des Piémontais.
L'attaque de front est exécutée par la 5« colonne, aux ordres
de M. d'Aremburu, qui passe le col de Largentière et marche
contre les Barricades par le bas de la vallée.
L'attaque sur le flanc droit est faite par la 4" colonne, conduite
par M. de Garcia, qui remonte le vallon de TOronaye pour
marcher sur le poste des Salettes qu'il trouve abandonné, — le
col de la Scaletla, bordé de pentes arides et découvertes, aurait
été difficile h enlever, — puis il marche sur le col de la Gardette.
En même temps, un détachement de la 7« colonne, partant d'Ac-
ceglio, remontant le vallon d'Unières (Onersio), passait dans le
vallon de Preit et venait prendre position entre les deux camps
des Gipibres et des Pianes. M. de Lautrec, avec b bataillons, se
porte par le vallon du Preit contre le camp des Pianes.
Pallavicini, tenu au courant de tous ces mouvements par ses
espions qui exagéraient même encore le nombre des ennemis,
craignant de faire périr ou prendre le peu de troupes qu'il pou-
GtlEaHES DANS LES ALPES. 12S
vjit Opposer à une atlaque si bien coordonnée, se décide k éva-
' ses positions dans k nuit du 18, pour se retirer sur Démonte
avers les montugues,
le 1/ï juillet, !e prince de Conli, voyant le premier succès as-
iiurédans ]a vallée de la Stura, envoie au bailli de Givry un raes-
sagorpour lui apprendre ce réauttat el lui dire de ne pas atta-
quer; mais ce messager ne pourra se présenter que le 19, k cause
, de la longueur du cUeniin et de la pluie.
Attaque des kauteur s de Pierre-Longue. — M. dcCbevert était
arrëlê sur les pentes de Boudormir; un berger se charge de !e
conduire sur les hauteurs de Pierre-I.ougue, en lui montrant un
1 sentier qui tourne le pas de Boudormir. Le bailli de Givry tient
un conseil de guerre. Les ordres du prince de Conti lui
rivaient de faire une démo ust ration en se monlnint en face
-Longue, de Bellino, de la Bicocca et de n'attaquer que
liê^cas oïl le roi de Sai'daigne dégaj'uirait les vallées de Bel-
Hitio ou de Château-Dauphin pour porter une partie de ses troupes
[dansla vallée de la Stura, oii s'il se présentait une occasion assurée
[de remporter un succès important. Certains mouvements des Pié-
QûTitais semblaient indiquer des dê|)lacements vers le Sud, Les
lB'et9" colonnes, dïin autre ctMé, commençaient d'être pressées
bar le besoin de se procurer des vivres qu'elles ne pouvaient
jirouver que dans la vallée de Bellino; le 17, un parti de Vaudois
embusqués au col îa Noire, avait même enîevé un convoi de
50 mulets chargés de paiu. Après avoir réfléchi pour concilier
pa conduite avec lei circonstances, le bailli décide, sur les espll-
[cations donniîcs par Chevert, qu'on attaquera, le 19, les retran-
ctiemonts de Pierre-Longtie.
M. de Canqio-Sanlo reçoit pour mission de maintenir les défen-
seurs de la Ricocca.
Le IS juillet, un ingénieur, guidé par le berger, part avec
600 travailleurs armés et commence d'élargir les traces du
sentier, à 4 heures du sosr; le détachement rentre au camp
'ilOlieures- Le 19, de grand matin, les travailleurs reparlent el
parviennent à achever le sentier. La 9« colonne s'engage sur
c(;tle (race. L' avant-garde de Chevert arrive, à la faveur d'un
brouillard, dans un défilé difficile, où les homjues ne pouvaient
I passer que un par un; à cinquante pas du défilé, derrière un ro-
{26 JOUBITAL DES SCIBRCBS MILITAIRES.
cher, étaient postés 400 Piémontais, qui, entendant le brnit des
pas, oavi'ent au jugé un feu violent, mais sans faire beaucoup de
mal. L'intrépide Chevert rassemble les hommes déjà arrivés, Feur
défend de tirer et les tance à l'assauf en lenr récommandant de
pousser de grands cris ; les Piémontais, croyant avoir devant
eux des bataillons entiers, lâchent pied; ils sont pourstiivis si
vivement qu'ils ne peuvent entrer dans le premier bïoekhaos «t
ne parviennent à se rallier que dans le deuxième, snivis pied
à pied par les soldais de Chevert, qui entrent avec eux pèle-
mèle ; ils sortent bientôt et cherchent un dernier refuge dans la
grande redoute de Monte-Cavallo ; cette redoute, formée de para-
pets solide», précédés d'un fossé profond, avec chemin couvert
et palissade, est déjà défendue par cinq bataillons et denx ca-
nons,
Chevert, comptant sur la lerreonr produite par la première dé^
route, envoie d'abord un parlementaire pour sommer les défen-
seurs de se rendre ; les Piémontais refnsenl.
Chevert voudrait attaquer su r-Ie champ, mais il estime qu'il
doit auparavant rendre compte au bailli de Givry. Le général
lui fait répondre d'attendre : la colonne n'avait pas encore dé-
bouché entièrement. Sachant que leroi de Sardaigwe avait, dès
le il, appelé îi son aide neuf bataillons de Suse et Fenestrelle,
Givry n'hésite pas à ordonner l'attaque de la grande redoute ;
Chevert attaquera de front, la brigade de Poitou sur la droite, la
brigade de Provence marchera entre ces deux colonnes ; le co-
lonel de Salis occupera les pentes qui descendent vers Bellino
pour maintenir à distance les bataillons ennemis établis dans les
ouvrages construits au-dessus de ce village.
Vers 3 heures, les colonnes engagent l'action; mais, dès les
premiers pas, la pente du terrain les jette toutes h gauche; il se
produit une grande confusion. Un brouillard épais permet ce-
pendant aux Français de reprendre la direction primitive et d'ar-
river au pied des palissades; \h. Français et Piémontais vont se
fusiller à bout portant pendant quatre heures, Par trois fois, le
baiïli fait battre la retraite; les soldats, voyant presque tous leurs
officiers hors de combat, s'accrochent au terrain et s'acharnent
contre les palissades ; on avait malheureusement laissé les outils
au camp. Le roi de Sardaigne a fait monter deux bataillons du
château dePonl, ce qui porte à sept bataillons la garnison de la
(îtÊftnES DASS LÈS AtPES.
t27
I
rt?dOHte. Le bailli de Givry esl blessé; le cotnle de Dunois ftiît
battre la relraile pour la qnaTriE'me fois; les soWals s'obstinenl
encorp, reterius par la h on le el la pei'speclivc des dangers plus
grands de lu retraita. A ce moment, Les deux b'jtninona du co-
lûatà (le SoMs, qTiî gardaieEil notre flarrc droit, attaquent h leur
toar la fameuse redouLo; le t'olono! est tué, nuiis son interveti-
fion opportune va décider du succès. Les défensonrs dégarnissent
le front pour se porter sur îïi gauche; les assaiflanls font irrup-
tion dans rintérienr par les brèches el culbutent les Piémontais
qui s'enfuient et sont poursuivis sur k^s pentes abruptes de la
montagne.
Le gi'iiiérât Carapo-Santo a immobilisé le poste de la Bicocca.
Le roi de Sardaignc retire précipilararaenl tontes ses troupes
'sttrSampeyre,
Les Fruriçars vont camper sur le terrain conquis au prix de si
(grands efforts.
Deux heures apr&R le dernier coup de fusil, arrive le messager
'apporlanl !a nouvelle du succès remporté aus BarrieadeS) avec
l'ordre de ne pas. attaquer,
Los pertes étaient grandes des deux côtés, l.a 9" colonne avait
i31 offidprs et TSi soldats tnés, 74 oflicicrs et 763 soldnt-s blessés.
U'* Piémontais avaient perdu leur général, le marquis d'Aix ;
ils luissaient 1300 morts sur le champ de ba^faille ; plus de
30O hommes avaient encore péri dans la fuite fi travers les
rachi?r.>.
1744. ~ 2* Siège et prise de Démonte, — Siège de Com. —
BniniHc {Je Notre- Dame-tM-Ofmo. — Échec devant Coni, —
f^etiaîle de rannèe franco-espagnole.
Apri's l'enlèvement de la fameuse posilion des Barricades, le
prince de Conti fait venir la grosse artillerie rassemblée à Va-
ce el fa cavalerie qui s'était établie sur la lif^ne Grenoble—
Ca]j— Sisteron. En attendant, il décide de descendrf sur De-
iionie pour faire le sicge de celte place. Il fait ouvrir un nouveau
c^Pinin sur le versant des Loubières pour le passage de l'artiU
l«rie, fintre Prèinardo et Ponte* Bernardo. Le 20 juillet, t\irm6o
^ porte k Vinadio; de th, 3:2 bataillons vont camper îi Aisone;
^Ijataillons s'établissent sur les hauteurs de la rive gauche pour
128 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
assurer la liaison avec les troupes de la Maïra et de la Vraita.
Pendant ce temps, le roi de Sardaigne prenait une position de
flanc sur la montagne qui sépare le Pô de la Vraita, en aval de
Sampeyre.
Le prince de Conti fait occuper les hauteurs de Valloria et de
Valdieri pour couvrir le siège de Démonte. La cavalerie étant ar-
rivée, il l'envoie à Borgo-San-Dalmazzo. Le 7 août, M. de Cas-
telar s'empare du village de Démonte; le 40, l'investissement est
complet. La forteresse, bâtie sur un rocher escarpé de tous côtés,
entre la Stura et l'Arma, barrait la grand'route; elle était dé-
fendue par 1200 hommes. Les boulets rouges ayant mis le
feu aux épaulements en fascines, voisins de la poudrière, la gar-
nison, saisie d'une terreur panique, ouvre les portes et se rend
prisonnière au marquis de Maulevrier, le 17 août. Ce résultat
inespéré était très avantageux pour les Franco-Espagnols, car la
forteresse paraissait difficile à réduire par le bombardement.
Après ce succès, le prince de Conti appelle les 8^ et 9» co-
lonnes de la Bicocca et de Pierre-Longue, ne laissant que quelques
bataillons sur ces positions, et marche sur Coni, Le roi de Sar-
daigne, ne craignant plus pour les vallées de la Vraita et du 'Pô,
descend dans la vallée de la Maïra, se porte à Busca et fait
avancer sa cavalerie à Caraglio. L'armée des alliés débouche en
masse sur Caraglio et force les Austro-Sardes à se retirer sur
Saluées. Du 30 août au 9 septembre, elle prend position à la
Madonna-del-Olmo pour couvrir le siège de Coni, du côté de
Saluées; 10,000 hommes s'établissent sur le plateau qui s'avance
comme un coin entre la Slura et le Gesso pour commencer les
travaux du siège; les magasins et les hôpitaux sont à Borgo-
San-Dalmazzo. Coni, bâtie sur un promontoire escarpé,' entourée
de murs solides, ne paraissait abordable que par ce plateau. Le
front de la place, de ce côté, était flanqué de trois bastions : au
centre, celui de Notre-Dame; au Nord, celui de Caraglio; au Sud,
celui do la Piève, précédés de trois demi-lunes et d'un avant-
chemin couvert dont les extrémités s'appuyaient aux deux redoutes
très fortes de la Stura et du Gesso. Le gouverneur baron de Leu-
tron disposait de 8 bataillons et de la partie valide d'une popu-
lation de 18,000 habitants. La place était bien approvisionnée.
Le 16 septembre, le feu est ouvert contre les deux redoutes
du Gesso et de la Slura. Le sol étant rocailleux, les travaux
GUEftUES DANS LES ALPES.
139
(l'approche avancent lentement; il la fin du mois, les assaillants
sont encore à 100 pas des redoutes.
Cependant, le roi de Sardaigne, inquiet sur le sort d'une place
dont la perte aurait été désastreuse pour te Piémont, se prépare
à marcher au secours de Coni.
Le .^0 septenibi'C, un jour plus tôt qu'il ne comptait, il livre In
batailla de la >fadonna-del-Otmo; 11 est battu el contraint de se
replier de nouveau sur Busca et Saluées; mais il est arrivé ft faire
[ierdrc du icmps aux assiégeants et h faire pénélrerdans la place
lâOO hommes de renfort.
En effet, les pluies d'automne commençaient à rendre les tra-
vaux impossibles et les Icutalivos impraticables ; l'armée des
alliés s'épuisait, les vivres n'arrivaient plus que difficilement, les
montagnards soulevés inquiétaient les convois et les postes de la
ligne d'étapes ; l'approche de l'hiver, l'ennemi le plus dangereux,
Inspirait de justes craintes au prince de Conli et au marquis de
tas-Minas, Le 11 octobre, dans un conseil de guerre, les deux
généraux se déterminent à faire d'abord retirer la grosse artil-
lerie, tout en faisant reprendre les travaux avec une nouvelle
aclîvilé ; te 17, dans un deuxième conseil de guerre, ils décident
la retraite générale. Le 23, l'armée tout entière est de nouveau
réunie autour de Démonte, qu'on voulait d'abord réparer pour
y laisser une forte garnison pendant l'hiver, et qu'îi la fin, on
fait démanteler. Du 14 au 17 novembre^ l'armée remonte le che-
min du col de LargenLière, cruellement éprouvée par les intem-
péries de l'hiver, si redoutables dans les Alpes,
Ainsi se terminait celte campagne, commencée cependant sous
de beaus auspices, conduite avec une rare intelligence par le
prince deConti; la fureur de la contradiction de la part de Las-
Minas, les retards de l'arrivée de la grosse artillerie k la bataille
di". Notre-Darae-de-l'Of me lui firent perdre ])tus d'un mois, temps
qui aurait suffi pour faire tomber les défenses de Coni avant le
commencement de la mauviûsG saison.
i74S. — Diveysîon sur Exillcs. — Lmitrec éckouti devant cette
place j il bat les PiéiHotitais à Josseaux.
A la fin du mois de mai, 30,000 Français, commandés par
M. de Maillebois, et 30,000 Espagnols aux ordres de l'Infant,
J^dnSe.mU. I0« S, T. XVII. 9
130
JOUBrrAL DES SCIENCES MILITAIRES,
sont rassemblés dans le comlé de Nice, Conforménicnl au plan
élaboré par le général frnnrais, l'armée va onlrer tin Piémont par
la rivière de Génos, grâce à l'alliance des Génois; elle passe le
col de la Bochelta, enlfeve Torlone ei va meltre le siège devant
Alexandrie.
M. de Maillebois, pour détourner les Piémontais et se créer
une ligne de comraunicalion plus courte que celle de la Bc
mida, ordonne une diversion sur Exilles. Les Français foui^"
nîssent 9 balaillous : pris dans la vallée de Barcelonnetle;
1 h Lyon; 1 <» Grenoble; 1 h Briançon ; les Espagnols, 8 batail-
lons pris en Savoie. Les ordres sont envojfés h M. de Laulrec le
28 août; ce général r^gle les mouvenienls de manière h avoir
toutes ses troupes en position le tî septembre autour d'Exilles;
mais les Espagnols vont par leur relard, comme on le verra, l^
eonlrarier dans l'exéculion de son projet.
Mtircftes de concentration. — Les sis bataillons de la vallée di
Barcclounette se portent, li^ 2 août, l\. Guilleslre; là, ils four-
nissent un détachement de 1000 hommes, approvisionné de six
jonrs de biscuit, suivi d'un convoi de mulets portant des vivres,
des outils, des bagages, qui passe par Châleau-Queyras, le col
Péas^ Le Bourget, le col Bousson, arrive, le 4, au col do Ses-
triferes, où il laisse un poste de 300 hoiunies: le 5, au col de
Gôte-Plane, où il laisse également 300 hommes; les 400 hommes
reslanls se portent au col de l'Assiette le 6 septembre. ^H
Les bataillons sont : le 3 août, h La Besséc; te 4, ^ mont 6w^^
nfevrej le 5, \ Oulx; le 6, à Salbertrand. Les Espagnols, partant
de Modane le 4, devaient envoyer un détachemeni de 800 hom-
mes sur Ghauraont pour couper le pont de la Dora et s'établir
ensuite sur le contrefort des Quatre-Dents; le gros devait aller
camper au col de la Roue le 4 septembre, descendre, le 5, ?i Bar-
dûnnfcche, et aller occuper les hauteurs de Sainl-Colonibaa, qui
dominent le Fort d'Ëxilles. fll
L'artillerie, composée de vingt canons et quatre mortiers pris .
à Mont-Dauphin et à Briançon, escortée par un bataillon, doit
arriver près d'Esilles au momenl où les batteries seront déjà
construites, La garde de Châleau-Queyras est assurée par un
détachement de 150 hommes. A Ceillac se trouve un poste de
50 hommes; à Jausiers un bataillon avec sis causons.
forteresse d'ExHles n'e&t accessible r]ue du côté du viHa|çe;
pour s'en emparer, il faut d'abord se rendre mailre des hauteurs
de Saint-Coloml>an. La place est gardée par 400 hommes, une
compagnie de réserve el W canonniers. Un bataillon dfi troupes
régulières et quelques compagtiies de Vaudois sont campés îi
Jaillon, près de Suse; dix à douze compagnies de Vaudois occu-
pent le village des Planes, la vallée de Pragelas el le col du Pis.
:M. de Lantrce, ayant des forces bien supérieures, semble avoir
un avantage sérieux sur sea adversaires. Mais son plan va subir
de gnives modifications par s^iiite du retard des Espagnols et de
l'arliUerîe. En attendant, il fait occuper par les Français les po-
, silîons réservées auxEspagnoIs, entre autres La Chapeile-BIanche,
Cbaumont el les Qiiatre-Dents; il fait couper le pont sur la
î>ora en amont d'ExiHes, rouipre l'aqueduc qui conduit l'eau
^^ au fort, et enlever aux ennemis le pont de Uhauraont.
^B le 11 septembre seulement, les Espagnols commencent i!i ar-
^B riverj ils campent d'abord à Salbertrand pour protéger rartil-
^Ê leîie. Laulrec occupe alors Deveis, Seaux et Saint-Colomban; il
^1 envoie deux balatlJons espagnols h Chaumont el établit les autres
S Salbertrand, au moul Genèvre, au Botirget et au pas de ta
Coche pour garder les communications; il avait peu de contîance
dans les soldats espagnols. Il fait ouvrir par des paysans venus
du Dauphiné les chciuins nécessaires |jour le passage de l'irtil-
IitTie et préparer les emplacements des batteries. Mais déjà les
ranonsclu fort jettent des boulets sur le village d'Exilles et sur
tes travailleurs; li^a. Vaudois des Planes commencent à menacer
les lignes de communication.
L'artillerie arrive enfin le 24; Lautrec espère canonuer le fort
Mouvements des Piémotitais. — Derom, marchant srir le eoi
^^ SestritTes, cherche à couper awj? Français ta ligne de retraile,
— Lautrec abandoiiHe le siège (l'Etrilles, — Depuis le début des
*p*^tions^ les postes ennemis ont été considérablement ren-
'^"rcés. Le roi dt* Sardaigne, ayant prélevé des détachemenla
daij8 les garnisons de Coni—Pignerol— FenestrtiUe — Aoste, et fait
^ppêlaux Vaudoi*, est parvenu k réunir environ 7,000 hommes
sttr les points menacés. Le plan du {çénéral Derossi consiste à
maintenir les postes français de La CbapeLle^Blanche el de Chau-
1
!
1
132 JOUIINAt DKri SCIENCES »lUTA.inE£.
mont et k marcher au col de Seslrières avec le gros des forces,
pour nous couper la ligne de retraite. Cetlfi marche le rappro-
chera, en outre, de la ligne de communication passant par le
col du Pis.
Le 21 septembre, 4,300 Pîémontais sont rassemblés pr^s du
viliage de Josseaux, au pied du coi de Seslrières. Le 23 sep-
tembre, les ennemis s'emparent du col de Cùte-Plane; ils en sont
bientôt chassés; mats, on se retirant sur les crêtes, ils coupent
les coinraunicalions du poste de 40O hommes, campé au col de
l'Assielte. Laulrec avait établi un bataillon àGaudissart, sur les
pentes de l'Assiette opposées à Sain t-Colom ban, et renforcé le
poste de La Chapelle-Blanche d'un bataillon. Le 2S septembre,
les Piéraontais attaquent ces deux postes : ils sont repoussés ;
le 2G, ils attaquent encore, sans succès, le poste de Côte-Plane,
qui avait reçu un renfort de 250 hommes.
A ce moment, Lautrec, jugeant la situation compromise, fait
repartir Tartillerie pour Briançon. Le S!8, les ennemis reçoivent
de nouveaux renforts dans leur camp de Josseaux; ils occupent
les Traverses, le Plan, le Duc, Pattemouche, l'Aval, et menacent
les cols dû Seslrières et de Cûte-Plane; ils pourraient se porter
facilement sur le flanc et les derrières des Français; mais leur
général manque d'initiative et d'audace; il ne garde même pas
les hauteurs des versants.
Lo 29, Lautrec, voyant la saison déjà avancée et craignant
pour ses communications, abandonne délinitivement le siège
d'Exilles. Il replie ses postes de la vallée à Jouvenceaux, village
bâti sur les hauteurs qui dominent Onlx; Tarrièrc-garde est
quelque peu inquiétée; les Piémonlais sont cependant contenus.
Le 2 octobre, il se relire sur le plaleau de Saint-Sicaire, position
importante, où il pourra rester encore assez longtemps pour con-
tinuer au moins la diversion.
Les Piémontais attaqtient te col de Seslrières; Us sont re-
poitssés. — À ttaqnës dans leur mmp de Josseaux, ils sont com-
plètement battus et s'enfuient par le col du Pis, — Le général
Derossi, ayant envoyé 2,000 hommes contre les retranche-
ments du poste français établi au col de Seslrières et 200 Vau-
doJ5 au col de Côte-Plane, qui venait d'être abandonné, Lau-
trec fait aussitôt marcher cinq bataillons à Ghamptas et renforcer
0CEBBE3 Dkm LES ALPES. 133
Je poste du col de Seslriferes. Les Piémontais sont repoussés; iîs
pedesce rident dans leur camp de Josseaux. A ce moment, leur
effeclif est diminué d'un bataillon envoyé à Céva.
Laulrec, qui ne trouve plus de vivres dans la vallée d'Oulx, se
décideà attaquer, le 11 octobre, le camp des Piémonluis pour
les chasser de la valfée de Pra^elas, dans laquelle it espère re-
icueillir des approvisionnements. 11 forme plusieurs colonnes :
-celle de droite, formée de trois bataillons, part de Saint-Sicaire,
à, 10 heures du soir, gagne la côte Miandette au sud-est de Ses-
iriôres; elle doit dépasser l'Aval, tourner le camp par la gauche
et menacer en même temps le village de Josseaux ; 50 fusiliers
de nionlagne graviront les hauleors pour flanquer la colonne
dans la direction du col dn Pis. La 2*= colonne tournera le camp
par la droite; la 3« atlaquera de front. Deux détachements sont
envoyés en flanc-garde ïiur la gauche; le premier doit dépasser
les Traverses et garder la route de Fenestrelle pour arrêter les
renforts pouvant venir aux ennemis par le fond de la vallée; le
deuxième doit se posler sur les hauteurs de Villar-d'Arnoot
pour s'opposer aux incursions des Yaudois dans les directions
Ju col de Côte-Plane et du col du Bourget.
La marche de nuit de la colonne de droite se fait dans de
bon nés conditions, grâce au clair de lune; néanmoins la colonne
Sf'gare dans les rochers pour ne paraître qu'aprfis l'action.
Les postes avancés sont d'abord refoulés. A 6 heures du
i^tin, le combat est engagé contre le camp et le village, par
<Igvi X colonnes seulement. Le général Derossi est bientôt débordé;
îl ne tarde pas k faire retirer les bagages et les canons par le col
;,du Pis- ses troupes subissent des perles considérables; lui-
nèrne, ne voulant se retirer que le dernier, est fait prisonnier.
Notre colonne de droite arrive au moment ofi l'action est ter-
•ïiitiée; les Piémontais sont en retraite par le col du Pis; si cette
colonne n'avait pas perdu quatre heures dans les rochers, elle
®'^t*ait coupé la retraite aux ennemis; il n'y avait que 200 Vau-
*^^ïs au col du Pis. Les Français, harassés de fatigue, ne peuvent
'engager la poursuite. Nous n'avions perdu qu'une cinquantaine
d hommes; les Piémontais : 130 tués, 3S0 blessés, plus de
400 prisormiers, dont 26 officiers, 2 drapeaux et 7 canons; le
lêu est rais à leur camp qui était resté dressé. Ils se retirent sur
'îïPérouse par la Germanasca.
134
JOUÎlXAt. DBS $aSSCB& MlifTAIBEâ.
La saison étant très avancée, M. <le Lautrec oe tarde puB 4;
mener ses troupes en France; il les établit en quartiers d'hiver"
aux environs de Briançon; à montGeuèvre — La Vachelle— Plam-
pinet — Font-Christiane— Ponl-de-Cervières— Villa r-Sainl-Pan-
crace— Fort ville— Sain t-Chaffrey.
Ainsi se termine celte diversion, qui aurait réussi certainement
si les Espagnoïs n'étuîent pas arrivés si longtemps après le jour
fixés *> l'artillerie n'avait pas mis vingt-deux jours pour faire
trajet de Monl-Daiiphin à Exillcs.
Le siÈge d'Alexandrie continue pendant l'hiver ; mais ùij. graves"
mésintelli^^euces s'élèvent entre les Français et les Espagnols
Les Austro-Sardes leur enlèvent successivement toutes leurs et
quêtes dans la haute Italie, h rexceplion des deux seules places"
de Valenza et Toflone.
Après la bulaille de Plaisance (1746)» gagnée par les ennemis, j
Tarniée combinée se retire dans la place de Gènes, qui est bientôt i
investie.
MOOEFAT,
Lieutenant aa ti" baUtllon de cbaaseaf
(A continuer,)
LE TONKIN
DE r.A
CONQUÊTE DE 1884-1885'
CHAPITRE m.
La TÎe de jaroison à llanoû ^ Le gmétal de Nê^ier.
-^ Le 14 juillet à Hanoï*
L'aFTaire de Bac-Lé.
Hanoï, 3 jain 1884.
J'ai reçu hier votre lettre, venue par le Iransporl Je Tonquin*.
en baie d'Hiilong. Quel plaisir j'en ai ressenti, nioi qui, depuis
bientôt Irois mois, [Hais sans nouvelle de vous t Lu lettre de papa
doit courir lie poste en poste et ne me parviendra peut-âlrc ja-
mais j car le service de la correspondance est organisé ici d'une
façon déplorable. Mais enfin, j'ai une lettre; je suis conleut.
D'autant plus coulent que je n'ai pas été envoyi'i h Phu-Ly. De
nombreux malades étaient évacués de là à l'hôpital d'Hanoï. J'ap-
pris l'arrivée de mon sergent-major, ancien camarade au régiment
de Cherbourg; me réjouissani de servir avec lui, je courus le
voir. Hélas î le pauvre garçon était méconnaissable.
— (t Mon ami, me dit-il, je venais d'être informé de la venue à
la 25*' et j'étais bien bien aise que nous fussions réunis de nou-
veau, quand tout à coup le mal m'a saisi. Si j'en réchappe, ce
* Voir ta livraî-^n de Dovembre 1902.
•On écrit in(iiJT<?remment : Tomj-Kiti, Tonkin, ou Totiquiii ; lu aom àa
transport at écrit avec celte dernière orlhograplie.
136 JOURNAL DES SCIENCES UILITAIBBS.
sera pour rentrer en France. Mais, en France ou au Tonkin, j'es-
père bien que nous nous retrouverons. »
Le lendemain soir, je suivais son cercueil.
Bien d'autres l'avaient précédé, bien d'autres l'ont suivi. Il a
fallu évacuer enfin ce poste, où nos effectifs semblaient fondre.
Le bataillon qui l'occupait, le mien, étant venu à Hanoi, j'ai dû
prendre ma place dans ma compagnie. C'est dans la grande cita-
delle que me voilà caserne dorénavant.
Mais, citadelle ou camp des Lettrés n'offrent ni plus ni moins de
confort. Adieu le bon lit que m'avait procuré le secrétaire du co-
lonel I II faut, dans la chambre des sergents, dormir sur les lattes
de bambou qui vous brisent les côtes.
J'ai repris la vie fastidieuse de garnison.
Tous les matins, à 5 heures, sonnerie du réveil. Je vous l'avoue
toutefois, cela a beau être répété chaque jour, à mes yeux c'est
toujours saisissant, comme ce soleil qui chaque matin se montre
et chaque matin vous réjouit. Les deux actes, lever du jour et
lever des hommes, sont simultanés et s'harmonisent ensemble.
Au clairon de garde de l'infanterie de marine répondent les
clairons de la ligne, de la légion, les noies joyeuses des trom-
pettes de l'artillerie, puis, tous les clairons et tambours des
tirailleurs. Une immense fanfare résonne ainsi dans la grande
citadelle.
Couchant tout habillé, on est vite debout. Je sors pour me dé-
barbouiller sous la véranda; entre les cases du cantonnement
voisin, les Arabes déjà vont et viennent; je rentre pour prendre
mon quart de café bien chaud, et me voilà sorti, mon fusil à la
main.
La compagnie se range sous les vérandas, les hommes, fort
propres, en pantalons blancs, en chemises repassées; sur les
plastrons et les cols tranche la grosse cravate de soie noire.
L'appel commence. Seuls, deux ou trois retardataires accourent,
un peu penauds d'attirer les regards.
Deux minutes après on est en pleine manœuvre. Le soleil, en-
core à l'horizon, est loin de nous envoyer ses rayons torrides;
on sent de la fraîcheur; dans l'herbe, la rosée mouille nos guêtres
blanches.
Mais un tableau attire tous les veux :
LE TONSIN DE LA CONQUÊTE DE 1884-1883. Vàl
Sous la vérandït de sa grande case, notre gros colonel « le
'^japa D y>, comme nous l'appelons tous, vient d'appa-
raître.
I Sa carrière explique sa tenue : 11 débuta comme officier comp-
'uble, devint capitaine trésorier, puis nmjor, enfin le voilîi colonel.
11 est en bras de chemise, sans gilet; deux larges bretelles rouges
descendent de ses vastes épaules sur son énorme verdre. Est-ce
bien là un chef de corps d'inlanterie de marine en campagne,
jeUril, sur sa troupe qui manœuvre, te coup d'œil eu nitiître, le
coup d*œil de raigle?
Les ofticîerSj dans chaque compagnie, se regardent en souriant
et, lorsque le clairon a sonné la pause, que, les faisceaux formés,
on a rompu tes rangs, dans les groupes, quelque Parisien ne
manque jamais de lancer sur le pauvre colonel teï ou tel mot, pas
mécli.int, mais drûlc, auquel l'auditoire répond par un grand
éclat de rire.
Ah I ce n'est pas du général de Négrier qu'on rirait de la sorte I
Envoilîi un soldat!
Quand,sur son grand cheval anglais, il passe devantnous, quand
fiûn^regard pénétrant comme l'acier, vous examine, vous scrute
des pieds à la tèle, on éprouve je ne sais quel frisson _; mais ou
sent bien que, sur un signe de lui, on se jetterait n'importe où.
j'avais pris^ avant-hier, la garde, au blocthaus de la conces-
sion.
« Aux armes I » cria tout h coup la sentinelle. Nous sortons
précipitamment, fusil en main, et vite j'aligne mon poste, je fais
mettre baionuelte au canon.
— <-^ C'est Négrier », me dit le factionnaire.
En effet, le voilà qui s'avance sur la digue, & cheval, en com-
pagnie de son officier d'ordonnance, tous deux au casque blanc
qu'entoure une écharpe bteue,
"Portez armes! » criai-je de ma plus belle voix de com-
mandemect. Et avec plaisir j'entends les dou7,e fusils résonner
d'un seul coup contre l'épaule de mes horames, les douze mains
gauches s'abattre bien ensemble contre les cuisses-
Mais voilà que mon clairon, quij pour un général de brigade,
aurai! dû simplement porter l'embouchure à ses Ifevrcs, sans
.sonner; pour un générai de division, sonner le rappel et rien de
iZS iOUaNAL DES StaKKCES MILITAIBBS.
plus; Je voilà qui se met à somier aux champs, comme pour \ù
commaadaat en chef.
— n Qu'est-ce que c'est que ce cosaque? dit le général de
N^rter, il ne roc connaU donc pas?..... Sei^ent, vous consi-
gnerez cet homme ! »
it Mais, mon Géuéral, avais-je envie de répondre, il voit bien
vos deux éloiles, il vous connaît, nous vous connaissons tous, et
c'est pour cela que nous vous rendons les hotineurft comme au
général en chef, parce que c'est vous le chef que nous suivrions
jusqu'au boni du monde; vous qui, en nous commandant, obtien-
driez plus d'une seule brigade qn'un autre de loul un corps
d'ariitée. »
J'aurais craint de passer pour un flatteur, je ne dis mot. Quand
on eut rompu les rangs : « Cela ne fait rien, je suis rudement
content, me dit le clairon : il m'a parlé. »
— « Oui, répondis-je eu sou fiant, mais pour vous fourrer de-
dans et vous appeler cosaque. »
— « Ali I cela m'est «^gal, 11 m'a parlé, Il m'a parlé! » r(^pétail
le brave garçon tout jojeux.
Et les autres troupiers enviaient ses deux jours de consigne, k
celui qui avait su allirer les yeux du général, tandis que, in^ino-
biles dans le rang, eux n'avaient pas été remarqués.
Hanoï, 13 Juin I88i.
Toujours la mémo vie, toujours le mémo service hébétanl,
Hanoï est devenu Cherbourg. Aussi, mon vif désir est-il de faire
réellement campagne; mais désir bien vain, puisque la paix est
conclue!
Une colonne vient de partir pour Lang-Son. Ce n'est pas une
expédil ion guerrière, mais la simple prise de possession d'une
nouvelle place, h nous cédée, par le traité. Le détachemonl est
sous les ordres du lieutenant- colonel Dugcnne, ancien comman-
dant du 2» bataillon d'infanlerie légère d'Afrique, nouveau
promu. Peut-être va-t-on rencontrer quelques pirates; quelques
coups de fusil les disperseront. Ces petites escarmouches où l'on
n'a aHaire qu'à un ennemi méprisable, cela, j'en ai la conviction,
se produira longtemps encore au ïonkin, et c'est ii ces petits
engagements que désormais tout doit se réduire.
LE TOHKIN DB LA CONQUÊTE DE 1884-1 880. 139
Ehl j'allais oublier une nouvelle. J'ai vu cHijoiird'huî même,
toule une troupo de Paviltons-Noirs, beaux Chinois forlemeiii
bûlis. Près de six cents de ces hommes s'étaient rendus, lorsque
nos troupes occupèrent Tuyen-Quun. Comme on les laissa sous
[es murs de la citadelle, pi-esque sans vivres ni abris, beaucoup
reprirent la brousse; cent cinquante, ceux que je viens de voir,
sotU nestés. On leur a rctirô leurs Heniington, leurs Winchester,
et on les a armés de fusils h pisloti modèle 1843. Voilà qui leur
donnera des idées i^izarres sur la supériorité de noire arme-
ment I
Ils l'orment la 13* compagnie du l^f" tonkinois; 1 lieutenant,
1 fourrier et -isergenls vont leur servir d'instructeurs. On les a
encadrés aussi de sergents annamites : acte de maladresse, car
J'Annamite est méprisé du Chinois. Leur chef a obtenu le grade
\e sous-lieutenant indigène; je l'ai vu, tout à l'heure à cheval,
^ans la citadelle ; il n'a pas mauvais air du tout.
Mais, en toute celle aifaire, j'admire noire candeur. Pareille
icliquc n'aura, je le crains bien,^ qu'un seul résultat :
ipprendre à ces vigoureux PavHlons-Noirs à nous taper dessus
îi la première occasion, avec plus de science; c'est l'avis de
lous les officiers d'iotaruerie de marine, vieux Tonkinois,
Je ne vous en dis pas plus aujourd'hui, afin de profiter du
courrier qui va partir.
llmoï, âO juin ISSÎ.
Je vous éciris au pas gymnastique, étant écrasé de besogne;
lais je n'ai que de bonnes nouvelles h vous donner.
J'ai rencontré ici, comnîe capitaine-major, mon ancien capi-
taine de Lorient, M.Guérin de Fontjoyeuse, que papa a connu,
lorsque j'étais à l'hOpilal, atteint do fièvre typhoïde.
[1 s'est montré fort aimable, m'a chaudement recommandé îi
jon lieutenant, l'un de ses bons amis, et m'a chargé de faire
tous ses complimenta à papa.
Il voulait me prendre comme secrétaire; puis, il a trouvé
ïlus avantageux pour moi de me faire entrer, en cette qualité,
% l'étal-major de ta 2' brigade. C'est sur te papier h lettre du
général que j'écris ma correspondance, et je suis plus heureux
qu'un roi.
Naturellement j'ai dil quitter ma compagnie, et j'habite à la
140 JOURNAL DSS 3CIBNC£S MILITAIRES.
Concession, Dans une chambre voisine de celle de l'officier
d'ordonnance, on m'a donné un lit. J'ai une jolie moustiquaire,
des nattes de paille blanche, des meubles îinnamiles, tables et
fauteuils, armoire, laqués de rouge. Cela ne ressemble guère
au taudis d'ofi je sors.
Dans la pièce voisine, un grand meuble laqué aux filets dorés
me sert de bureau. C'est ]h que je travaille. Et ici, aux heures
chaudes de la sieste, même en écrivant, combien ces heures
sont ag^réahles! Un petit boy, placé sous la véranda, tirant sur
une ficelle, balance au-dessus de moi ce grand évetUail formé de
nattes de paille recouverles de pavilions chinois et suspendues
au plafond, qu'on nomme le panka.
Le soir, je vais prendre lu frais sur le bord du fleuve, qui
coule à cent mttres, au bout du jardin; parfois je reste simple-
ment devant ma porte, sous la véranda pavéo de briques.
Un bassin entouré de superbes plantes aux belles fleurs
rouges, de bananiers aux larges feuilles, se trouve devant moi.
Je m'étends dans un hamac en filet, accroché ù deux piliers de
la véranda; je me balance avec lenleur et passe ainsi une heure
charmante.
Autre chose, plus prosaïque, mais non h dédaigner. J'ai
1 fr. 75 de supplément par jour, cela me fail en tout 2 fr. 85 cl
me permet de me nourrir dans un restaurant tenu, rue des
ïncrusteurs, par des Chinois, mais oft l'on mange 'i la française.
Tous les matins, un planton va, îi ta citadelle, toucher ma
ration de vivres de campagne et la porte au restaurateur, qui
nourril, avec d'autres sous-officiers secrétaires fi rélat-major,
divers employés civils et ne noua prend que lii piastres (48 fr.)
par mois.
Tout est fort propre. Sur les tables, non seulement des nappes
bien blanches, mais des vases de (leurs, et au-dessus, le balan-
cement continuel des pankas, qui donne un peu d'air.
En somme, puisqu'ici, \n la conclusion de la paix, sous-offi-
cier suis venu et sous-officier rentrerai en France, Je ne saurais
me plaindre du bonheur qui m'arrive.
Mais c'est encore au bon papa que je dois d être ainsi tiré
d'alfatres; c'est grâce à l'estime qu'il a su inspirer à mon capi-
laine-major, que ce dernier m'a ouvert ce bon nid.
LE TONKIS." DE LA CONQUÊTE DE 1884-1885.
141
Hanoï, l*"- juillet iSS*.
Voîlà que tout recommence t
La paix, la fameuse paix, n'était qu'un mirage. A l'heure où
j'écris, vous avez su parle télégraphe Priflaire de Bac Lé ' et,
quand vous parviendront ces feuilles, peul-èlre aucez-vous
appris de nouveaiis combats?
Dans mon avvint-dernit'-re lettre, je vous disais un mot du
dèpari de la colonne Dugenne; j'ajoutais : Ce n'est Ih qu'une
siraple prise de possession d'une ville, la paisible arrivée d'une
troupe dans la garnison nouvelle à nous cédée par le traité de
Tien-Tsin.
Eh bien! cette marche, si simple en apparence, s'est brusque-
ment terminée pai' une sanglante rencontre et, chose pires p^r
une défaite.
La colonne Dugenne se composait ainsi : i bataillon, Irfcs
réduit, du 3° régiment d'infanterie de marine : 310 hommes;
1 section du 2" bataillon d'infanterie légère d'Afrique : 25 chas-
seurs; 1 peloton de chasseurs d'Afrique; 43 cavaliers; 1 batterie
d'artillerie de marine : 6 pièces de 4, servies par 90 artilleurs;
1 (lélachement de S4 pontonniers; enfin 2 compagnies de tirail-
leurs tonkinois : 350 indigènes, à peine instruits, encadrés par
âG officiers ou sous-oflîciers enropéens; quelques télégraphistes;
claq gendarmes. Un gros convoi de vivres, composé de près de
mille coolies encadrés de quelques hommes du train, alourdis-
sait la colonne.
La composition du délachemcnt et surtout l'abandon qu'on Gt
de l'artillerie à Phu Lang-Thuong, par suite des difficultés du
ctiemin, tout indiquait bien qu'où no songeait pas îi une sérieuse
rencontre.
Cependant, après avoir dépassé Cau-Souj au delà de Phu-
Lang-Thuong, T avant-garde Jdut pourchasser h coups de fusils
quelques rôdeurs qui tirèrent sur nous; mais ce n'étaient là,
serobloil-il, que des piratons sans importance. Toutefois le lieu-
leiianl-colonel demanda des renforls, et on lui envoya le capi-
taine Maillard, avec 77 hommes du bataillon d'Afrique.
* An Tonkiiî, à cette époque, on n« disait pas h gnH-npfim de Bac-Lf5. Go
ù'^l qu'eu Fraace ijue fut ainsi qualifié le combat du 93 jnia.
{48 JQURKAt BEâ SC1B!7CES ICLItAtttBS.
Le 23 juin, a{»rè& avoir franchi Bac-Léj la colonne s'arrêta aux
bords du Soniî-TfJiHMJg, pour laisser passer lu grande chaleur,
puis reprendre sa marche.
Sur la gauche, nu delîi de la rmère, les hautes falaises à pic
du Nui-Don-N'aï fermaient l'horizon ; h droite, Ja rouio serpen-
tait, en suivant une clairière, aux pieds de maraelons couverts de
bois ou d'une epais.se jungle.
Quelle ne fut pas (a surprise de tous, lorsqu'on vil venir un
parlerocntaife chinois, les yeux couverts du bandeau qu'on (uî
avait rais à notre grand*garde; on l'amenait au colonel.
Qnclle était sa mission?
Les chefs de son armée, par une lettre dont il était porteur,
faisaient les protestations les plus pacifiques; ils disaient vouloir
respecter le traité de Tien-Tsin, c'esl-Oi-dire rentrer dans leur
frontière; mais, ayant besoin que le gouvernement chinois leur
indiquai la roule îr suivre, ils demandaient que l'armée française
suspendit sa marche pendant le peu de temps nécessaire pour
obtenir la réponse*.
Il paraîtra à bien des gens, môme îi ceuK rjtu se di^fiimt le plus,
non sans raison, de la duplicité chinoise, que la meilleure con-
duite, la plus prudente pour le coloneî, c'était d'en référer h
Hanoï, au général cm chef et d'attendre.
D'un caractère 1res énergiqoe, mais trfes emporté, Dugenne
ne vil J:"i qu'une hypocrisie, un traquenard ; loin d'accorder la
moindre temporisation, il renvoya le parlementaire avec cette
seule réponse laconique : « Dans une heure, les troupes fran-
çaises reprendront leur marche, n
On prétend m(}rtie qu'il s'écria devant ses officiers : « J'ai l'ordre
d'aller fi Lang-Son, j'irai. Avec une troupe comme la mienne, je
peux aller jusqu'à Pékin. » Ce n'est là, sans doute, qu'un faux
* C'était bi«n cela ao fond. La lettre disait : « Woua yovilons qqe le Tsûng-
V Li-YameD (It Stinistre des aflkires étrangèrea de C]ime}, nous fixe les moo-
« vementsque uous avons k faire. Noua voua prions dune de vouloir bien,
it roua-oiêjiie, adresser un lêlÉyramnie à Pétin, au Taûiig-Li-Yamt-n. Il ne
Il faudra qne peu de temps ponr la demande et la n^ponse, et aussitôt noas
M évacuerons le territoiriî anuauiile ; car uog denx pays ayant conclu la paix,
« OD m doit pas faire naître de iiouv«lles lutter.
(( Le« eftëft dii camp thinmtf
« Li-Wanû ; Wbi. b
LE TONKIN DE LA CONQUÊTE OE ï88^t-188o.
143
racontar, mais qui na jure point avec le tempéramoQl de
l'homme ; grand, maigre, îl la fois sanguin el LîliBux, inapte E«
la raoindrc diplomatie, mais capable de tout briser, au risquede
se faire briser Ini-mème.
Toujours est'îl quo, 1res oublieux des forces do l'ennemi et (Je
notre faiblesse sous le rapport du nombre, il ordonna de se
porter en avanl.
Mais h peine al-on parcouru un iâlomfctrc, qu'une fusillade
ÎDlense éclate h l'avant-garde ; les mamelons se convient de petits
nuages blancs; une grêle de balles vient pleuvoir sur la colonne.
LfS Ironpes serrent sur la tète, des feux de section et de peloton
répondent aux feux de l'ennemi, qui, à son tour, tirait par salves;
le combat s'engage sur toute Ie ligne.
Dès les premiers coups de feu, les compagnies de tonkinois
s'étaient débandées, enfuies dans la hrousse, comme une volée
de moineaux.
C'e&l donc moins de 600 Français qiù, seuls, vont soutenir le
choc de 6,000 ennemis. Et, pendant pins de Iroîs heures, malgré
des portes énormes, ils tiendront bon, sans céder un ponce de
terrain.
?iéanmoins, qu'elle sera leur résolution fînale?
Roide, les dents serrées, l'œil farouche, le colonel se dressait
parfois sur ses étriers, poui" mieux voir au loin, donnait ses
ordres d'une voix sèche et paraissait décidé h rester là, à suc-
comber avec son dernier homme,
Quelques oftioiers, des braves pourtant, viennent alors et lui
disent : « Vous voyez, mon colonel, rîinpossibililé absolue, avec
cette poignée de troupes, de forcer une armée ; rappelez-vous que
vons avez charge d'âmes, et faut-il que nous allions, sans profit
|»our personne, nous faire tuer jusqu'au dernier? » Ils ne reçurent
que celte répodijC : « Allez-vous-en, si vous voulez; moi je
ns(el f
Mais nos hommes tombaient sous les balles d'ennemis invi-
sibles, cachés dans les hautes, herbes. Le colonel, blême de rage,
se décida enfiQ à ordonner la retraite.
Elle commefiça^ eu très bon ordre, el ce n'est pas ici le cliché
banal et menteur, non, car on enleva du champ de bataille tous
les blessés, même Annamites, el jusqu'aux morts français, afin
de soustraire leur dépouille aux mutilations certaines. Sans nul
144
JOURNAL DRS SCIENCSg MILtTAtBËS.
doute, nos feux de salve avaienl infligé aux Chinois des pertes
sérieuses, car ils ne nous poursuiviretil pas trop, et, le soij% on
put dresser le camp; en arnère, sur un mamelon. Ce qui nrrèta
surtout l'ennemi, ce fut l'héroïsme des hommes du 2' bataillon
d'infanterie légère d'Afrique.
Ces cent-deux zéphyrs élaient \k, sous l'œil de leur ancien chef,
ce terriliie Dugenne, qui, semblable au domjileur, les menait
parfois à coups de cravache. Quel homme ! Un jour, en Afrique,
ayant entendu dire que ses soldats vonlaient en finir avec lui, il
leur ordonna de charger leurs armes, se plaça devant eux, se fit
mettre en joue et les défia de lirer.
Rebut de la société, voleurs, souteneurs, tout ce que l'on
voudra, eh bien! en ce jour, au bord du Song-Thuoug, les
joyeitT sign&rent tous de leur sang une des plus belles pages de
leur histoire.
Leur capitaine, le capilaine Maillard, avait été le camarade de
Dugenne, qui le tutoyait, tuloiement que l'autre se gardait bien
de lui rendre.
— (1 Maillard, lui dit le colonel, tu vas couvrir la retraite avec
tes chasseurs. ïu occupents la rive du Song-Thuong, el, pour
donner ii la colonne le temps de s'écouler, tu ne nous rejoindras,
en ballant en retraite par échelons successifs, que dans deux
heures d'ici. »
Tirant sa montre : « Il est quatre heures- As-tu la même
heure que moi? »
Le capitaine, qui était là, raide, consulta sa montre. — « Oui,
mon colonel. »
— V C'est bien, tu m'as compris. Adieu, donne-moi îa main, n
— « Adieu, mon colonel, »
Et la retraite commença, les hommes valides aidant les coolies
qu'on avait pu maintenir près de soi à porter les blessés. Der-
riÈrc, s'entendail toujours la fusillade, la lutte sanglante que
Maillard et ses cent joyeux soutenaient conire l'ennemi.
Quand, après la tombée de la nuit, le capitaine eut rejoiot la
colonne, qui semblait momentanément sauvée, il était blessé
légèrement lui-même et il ramenait le tiers de son effectif, dont
sept hommes b!e.ssés.
Bientôt la fusillade de nouveau éclata. Une partie de la nuit,
les mamelons furent éclairés par les lueurs de la poudre, tandis
LB TONKIN DK LA CONQUÊTE DE 1884-1885. 145
[ue l'écho des feux de salve se répercutait au loin, dans les
irallôns.
Personne ne dormitj le colonel moins que tout autre. Il rédi-
geait, sur sa cantine, une dépêche pour le général en chef, lors-
<jii'une balle vint fracasser son encrier; il vit, couverts d'encre
son papier et ses mains. Tranquillement, il se relourne vers un
de ses officiers, « Monsieur, lui dit-il, procurez-moi d'autre
encre. » Puis, avec un haussement d'épaule : « Ces cochons-lk
n'auront pas bientôt fini do m'emm ? «
La dépêche fut transmisa parle lieutenant Bailly, de l'infan-
terie de marine, qui suivait la colonne en qualité d'officîer télé-
graphiste; il profila de l'obscurité pour se glisser sur la roule
avec un caporal' et six hommes d'escorte. Pr^s de Cau-SoUj il
put enfin installer son appareil optique, entrer en communi-
cation avec le poste de Phu-Lang-Thuong. Quelques minutes
plus tard, la nouvelle du désastre de Bac-Lé éclatait ù Hanoi
comme un coup de foudre.
Inutile de rendre l'inipression générale; mais le comique se
mêlant (oujours au tragique, quelque chose nous a amusés, nous
les marsouins : c'est la déconfiture des biffins.
Juf^ez donc : Après cinq mois de séjour à peine, ils allaient
rentrer en France et cueilîiL* des lauriers. Déjà ou les avait
désarmés. Vite, on leur a rendu leurs fusils, leurs 120 car-
lOiiches.
Le général de Négrier vient do partir avec le 23«, le 111^ de
ligne, deux compagnies de la légion étrangère, deux batteries
<l'artillerie de terre et des Tonkinois; demain, passant à Bac-Ninh,
il ramassera le 143^; d'autres compagnies do légionnaires le l'o-
joindront-Quant à l'infanterie de marine, on ne sait rien de précis.
Mon Dieu ! si nous pouvions marcher, c'est moi qui aurais vite
■dit adieu îl mon bureau. J'y suis très heureux, mais mille fois
plus heureux serais-jc d'aller voir enfin de près ces fameux Chi-
nois. Si l'on ne voulait pas me lâcher, je ferais quelque sollise.
^Gn qu'on me renvoie à ma coini>agnie.
Le caporal Detaforge, un Parijiou, qui, plas lard, étant soas-offîcier, fut
fTotim SQUii-tieutenanl pour faits de guerre. Aujourd'hai, ctief de bataillon.
J, rfci Se. mil. 10* S. T. XVIL
10
I i() JOURNAL DES SCIEN'CES MILITAIRES.
Hnnoï, 2 juil'cl 188i.
Combien je maudis mon inaclion et ce mélier de grafle-papicr
aïKluel on me condamne, alors que lant U'aulrcs sesonldéj'i
hullus et que la danse va recommencer!
Il y a qualre jours, j'ai conduit deux convois de blessés h la
citadelle.
La cffhonniôre où ils gisaieiit, quelques uns presque mourants,
nrrivii ici vers 10 heures du soir; j'étais déjh couché, qnnnd j'ai
entendu le long siftlemcnt de sa machine.
Sauf les coolies qu'on avait réquisitionnés le jonr et qui allcn-
daicnl, sous la garde de lactionnaires, aucune cscoile commandée.
Un officier de l'élal-major vint à moi : « Lcvc/.-vous tont de
suite, sergent; des blessés arrivent. Vous les conduirez h Thô-
jtital. Les coolies sont prêts avec des civicrcs; vous aurez en
outre des plantons de l'élat-major, (|ue je vais vous envoyer. »
Cinq minutes plus lard, j'étais sur le bord du lleuvc. J'y trouvai
les porteurs et les premiers blessés qu'on venait de descendre.
Un médecin militaire était Ij.
— « Mais, me dit-il d'un ton de reprocîie, vous n'avc/. pas assez
de coolies pour tous mes blessés.
— « Monsieur le Major, lui répondis-je, je ne suis point res-
ponsable, n'ayant reçu aucun ordre antérieur; jo suis seulement
sergent secrétaire de la brigade; 1 on vient de me faire lever cl
de m'envoyor avec ces huit plantons, pour accompagner les
blessés jusqu'il la citadelle.
— « C'est dôsolant! s'exclama le docteur; enfin, vous fore/,
deux voyages. J'ai quarante-cinq blessés. Tour chacun d'eux il
faut quatre homme?. Vous allez d'aborJ conduire avec vos cent
coolies vingt-cin [ de ces malheureux; mais revenez vite chercher
les vingt aulres qui n(! peuvent longtemps attendre.
— « Oui, Monsieur le Major ; au retour on ira au pas gym-
nastique.
— « C'est bien, mon garçon, allez! »
De ce point au nouvel hôpital de la citadelle, il y a 4 kilomètjcs
environ.
Quand je partis, avec les premir rs blessés, dont quelques-uns
étaient si blancs d3 visage qu'ils £cmbl;iienl déjà morts, tout alla
bien. Les planions encadriiient les porteurs, surveillaient leur
[.K TlJ.\hl\ IJli J.\ tXJSyt'KTK HK 'i^84-IKK^.
1
Ijarciic; nuamnlc-L'iiiq misuiles aprï'S nous l'iious îin hiilet, une
Hjis li*5 lik'ssils iJrtns k*s «.nlJcs, un pâ.^ gymn;islii|;n.' nous revln-
je5 :i:i I onl ilu Iteiivo. ilnis nnus iHions tous ôrridli'S, les Annn-
hilOii siii'kiiij, ;i\;inl ]>wU'i im lounl rui-j|r:n(.
Att tiausirîuju uonvoi. p:ii%L"iit.i nu coin u(^ lîi rî»<; lii'S lucnis-
Hirs H Ju lr« rue dus BroJi;urs, j' ou tend s lout h coup ttos cris
(KTçanlii. Lùlaîl un cliasseiii' d'Arriipie, un de cts iinnes chas-
sciii h dti rupititint! de Liipcrritit. îuixipiul:^ f'Iiul ûù, en \x\v\'n\ In
^liii: dé la coîonnc Dugi'iiiïo. ilo ces r:u;iliei-s iiHir-piili*.'^ util
iviiiri'l l'iiiiiiisst' Ils IdrsM's diiiis I;i ! i'<!ns.sf">, h's pl:u;;nU stii' t"nr-
T^tM) du loin* scilc pour ii^s conduire ù l'amhitlîinco cl. rcvpnii* m
clirTfiic't* d'MuIrcs; r'i''loit iiii di^ vi}?, ijûroïfpies sakhils' <|uc los
Lnuaniilcs wiiaiciil du iinsci* Ivriilalcmotil pnr lorre. se sauvant
tnsiiitp ciilii) Ses iM<C!i, s:;(' lo bord do la couh'.
— " HaUc ! Italie I » (.■l'iai-jo. Tout le ronvoi s'arrcla.
Doux des eoolit's iivainnl cppcndnnt û\& niUrapés par un plan-
lion (II* la h^glon, vii^oiimiK Alsacirn, f^iii i?n secouait nude chaqnn
iiiain r.'l me k-s i'îiiiicum, lou^ dtuix ploiiis d'OpouvatiICk loue ohi-
^noit déi.ou*). isurs ohevnti\ codés sur knir fiiriire plciiif! de sueni-,
,i"CMis toi-t id i^raiid lorl, jcravonc; maïs en piiIoiidanHps plninfcs
du clia.-iiiC'Ui' posi'ï sur la voie et qui mo. d;iil la nianclie de sa vcslo
pour ctûullVr .^pï ri-U, J;i i'(}|i.'r«' iiny viiil cl je giffl«i (es deuK
lih'iu's (It'HL'ririii's.
— <( Voii;i ! <'\!>t du h sori»' f[iir- lun colunisf! » dil tnic voix
(uonueiis** doi'fiiM'o tiioi. Jjî nie r..*;ourèh'; deux incî-sicurs ôtaieut
là; l'un ioul jeune, à pou piistlc umii n.^c, l'uulrc un l.oninic
Minr. Lé jrunc, oolut ^fui vouait d"<*l<?vi.'r lii parole, sciait anrk',
'•rr>î&!Uit l(.'"i lu as ma ro£^^rd,:nt d'un air du i\éi\, 1;nidis qm? son
iiiipagnon, piiivoY;nit (JmuIijup al^armlc. le lirait jiarla uiîHiche.
— « Qui (■tcs-vousf kii dini-jp. 0". I juo scribouillard d'admi-
slntfîoii ou quoique luarvJiantl de hoites de conscn'ps Hvarit'esî
Lh î vnu^ totiilic/. iûcn, ni uotis altaqnani, nous qui nous faisons
» Tn .uv-siur, !iji vi iiv *ii -:nv^' i>lii.-k'.u'i W-*^ji, iiv.iH Li,*.] j l:ji et mis eo
•is '.i^ 'ix n-\W lin iti^.ttriii ■!!.! li ni,ri:ie. R 'iit îidîiii ri'iji;viil le rlitjvat;
Itltv. *' ii',ilk*i' l'i tik'i.4i' bMiii- lit Ja!i* 1", crV ; «ï s l.hin >w ^iccoareut. tk>n-
•il* irt'i-i C'iipî lij cir.i")! u ;i!iit L'i Ifjîs II S:i!tl:Mts le- pius prjch's. On vint
Cf riv rJi r 't- 2* ■ l ;>sc r.,l r;iil i''.fv;i'ioi* -k' l:i L ',i. -rt >i ' on nu-.
148 JOCRMÂL DES SaENCES HILITAIBES.
casser la lète pour vous ! Quoi ! vous venez prendre contre vos
compatriotes blessés le parti de ceux qui odieusement les aban-
donnent? Je vous conseille de rentrer chez vous; sinon, je vous
fais fourrer au poste, en attendant que vous donniez demain vos
explications au bureau de la place. »
Il allait répondre; son compagnon l'entraîna. Quant à moi,
j'avais d'autres chats h fouetter ; vivement je rejoignis le convoi
et marchai près du pauvre chasseur à la veste bleu de ciel, que
venaient de charger sur leurs épaules deux soldats français et
deux coolies.
Mais au bout de quelques minutes, que vois-je? D'autres coo-
lies qui, se baissant vers la terre, allaient y déposer leur far-
deau. Si je n'avais usé de vigueur et de rigueur, ce n'eut été
bien vite qu'une affreuse débandade; les pauvres blessés fussent
restés là, mourants sur la route. Je criai à mes hommes éche-
lonnés le long du convoi : « Dégainez, et le premier coolie qui se
sauve, enfilez-le comme un margouillat! » Chacun sortit son
épée-baïonnette. Cette vue donna de la force, même de l'ardeur
aux Annamites. Nous arrivâmes dès lors sans encombre et rapi-
dement à l'hôpital.
Lorsque je retournai k la Concession ijour me recoucher un
peu, il était 3 heures du matin.
Et maintenant, est-ce avec l'ordre du jour où le général
M iliot s'écrie : « Soldats! vous avez égalé les héros de la pre-
mière République! », est-ce avec des phrases si ronflantes qu'il
compte effacer la mauvaise impression de notre défaite?
Dieu merci, pas n'est besoin qu'on relève notre courage.
L'armée française saura faire son devoir; mais l'essentiel est
qu'on lui inspire confiance dans sa propre force et confiance
dans ses chefs. A Bac-Lé, nous étions un contre douze ou quinze;
nous avons reçu une pile : c'était fatal.
Aujourd'hui le rôle du gouvernement et de nos généraux est
de ne plus nous mettre en une aussi évidente infériorité : le pre-
mier, en envoyant les renforts indispensables; nos chefs mili-
taires, en prenant de bonnes dispositions. Tout est là : des actes,
non des mots!
LB TONKIN DB LA CONQCéTK DE 1884-Î885.
U9
KauDï. 15 juillet 1 B&i.
C'était hier la Fête nationale. Op, ce jour où, sur une terre
ennemie, nous aurions dû, FrançaiSj |jIus qu'en nulle aulm occa-
sion nous serrer les eoudes, ce 14 juitiet vient d'être deshonoré,
à Hanoï, par des luttes sanglantes entre marsouins et biffins.
Certes, Je vous l'ai dit, j'aime peu ces culottes rouges, qui,
n'ayant point pariagé avec les mitres les misères de !a cam-
pagne, se donnent néanmoins des airs vainqueurs et reçoivent
en outre tous les bënéllces; mais de Iti h leur fourrer mon épée-
ba l'on nette dans tes côtes, il y a bien loin.
Pris individuellement, ce sont de bons garçons, comme nous,
de pauvres bougres appelés h risquer tous les joufs leur peau.
Payant d'ailleurs déjà risquée, et je trouve ignobles les scî^nes
d'hier.
Il est vrai : dans noire corps, les troupiers pour la plupart
étaient ivres ; voilà h seule excuse, et bien piteuse.
C'est le soir {|ue le contlit éclata, en ville d'abord, ensuite h la
citadelle. Des blessures ont été reçues par plusieurs hommes de
îa ligne; ce qui aggrave le fait, c'est que ces hommes étaient
déjà blessés aux pieds ou malingres j ce sont ceux qui u'ont pu
suivre leurs battiilloiis en observation en ce moment sur la route
de Lang-Son, sous les ordres du général de Négrier. Une
patrouille de la ligne, conimandée par un adjudant-major, a
même dû pénétrer dans notre catitonneraeut, pourchassant des
soldats de chez nous. Le comble, c'est que presque tout le
monde bhlme le sergent de garde de l'infantenc de marine de ne
pas avoir fait sortir son poste pour repousser celte palrouille.
Voye^-vous un combat entre marsouins et bilTms, en armes,
avec leurs fusils? C'est de la folie pure f
Entin il est passé et trépassé ce triste jour. Si l'on en garde
souvenance, que ce soit pour empêcher qu'il renaisse t
CHAPITRE IV.
An MockUaus de la rive gauthe. — Attqne d'un vill-iic par des pirates
anftûinitPs. — Les hùys,
Gia-Um, 95 aoùtl88i.
Voici le mois de septembre qui approche. Dès sa seconde
I.jO joubnal des scisxces militaires.
quinzaine, les chaleur» dimimianl un peu, il nous sera possible
(le reprendre les opérations.
Comme je ne suis pas venu ici, je le répMe, pour gratter dir
papier, j'ai, il y a quinze jours, demandé et obtenu de quitter le
bureau de l'clat-major pour rentrer !i ma compagnie.
Dès mon retour aux mauvaises cases de la citadelle, j'ai eu la
chance d'être détaché au blockhaus do l;i rive gaucho, h Gia-
Lam. M'y voici.
Ce blockhaus, qui garde la roule de Bac-Ninh, est bâti fort
solidement.
II se compose de deux tours carrées, basses, massives, reliées
par une plalc-forme, et — chose qui a son prix au Tonkin — le
tout en maçonnerie.
Au rez-de-chaussée de ces tours logent les hommes. Dans
leurs chambres ils couchent sur de grands lits de camp, au-
dessus desquels sont suspendus les niousliquaires. Mais ces
petites piftces, ne recevant l'air que par les créneaux qui servi-
raient h la défense, sont de vraies étuves. I^'oflicier et le sergent
sont mieux. Chacun occupe un petit pavillon de bois élevé sur
les tours et que de grands toilsen pailloflc protègent de l'ardeur
du soleil.
Entre les deux tours, sur une plate-forme bétonnée, une
vieille pièce de 12, toujours chargée fi mitraille, enfile la roule
de Buc-Ninh.
4 lieutenant, i sergent, 2 caporaux cl 24 fanta.ssins, plus
1 brigadier et 4 artilleurs, forment la garnison de ce fortin,
qu'entoure un fossé planlé de piquets de bambous.
Pour moi, ici, le service est nul. Les hommes n'ont quVi
monter la garde, fournir une sentinelle le jour, trois la nuit, et
les caporaux font les relèves de factionnaires.
Le soir, lorsque tombe la chaleur, je vais faire un tour dans
les environs, presque toujours en compagnie de l'officier, garçon
charmant, quoique sévère, qui s'ennuie tout seul et deux fois
déj^, en huit jours, m'a invité à dincr.
Nous nous promenons sur la digue; parfois on pousse une
pointe dans les villages voisins, où les maires viennent,
empressés, nous recevoir et nous conduire chez eux.
Cela m'amuse beaucoup d'entrer dans ces cases de notables
annamites. Tout y est si propre. Alentour, au dedans, pas un
LK TO.\KIX DE I<A nWQtKTK l>E 1884-1885.
I?i)
brio d'herhe, pas un forain t\e pOHssifcro. Lfs siilos crtV wAcïï
(rHîinoï et il'Haï|)hong firésonlunt un conlraslp peu flaLlctir pour
files aveu ces liïibitnlious villiigeoiscs. t]fi! (mi Franc*', quel cou-
rrasle aussi en Ire iiiiG ferme normîïfido c( b I midis de Ifils et ttils
buvriei's parisiens!
Quand nous ari-ivons, on nous présente pour sîèf^es rJe pelit;;
tabourets de bois laqné, fort bas; sur nn plateau fi incruslalions
en sertie tlif", il .m s des liiss-Ps iiiiuuscules. Je prends qnelque-
foii sur mes i^mioux uu petit I anibiu, touï, nu. dii ces petits
Annamites si g<'(iLîls. ?i la Ifttc rasée, ne t'oiisen'ant qu'une longue
|n^clle de clicveus an sommet, enfanls que leur gros ventre
jc'est, dit-on, le riz qui produit coh) gfiic seid nn peu, nn point
ie vue pliisliqtie; je le fiiis puiiter, je l'enibrîisse, et le mariDot
|ui, d'abord, pou^sc des cris perçants, linil par rire et par tri-
pler de >^es nieiiûtlos les boutons de cuivre de ma vareuse.
JTûule lu fiunillc est dans la joie, et l'on nous accompagne avec
de grHndea révérences.
'. Lorsqu'ils vous voient cari':ssRr leurs enfants, les Annamites
B'imaginenl tous que l'on songe à ceux laissés en France, et,
dans nos enlreliens, — où nous avons souvent recoure îi l'inler-
irfele du poste, un Saïgonnaîs devenu mon ami — , ils mo
(iemandent comljîen j'en ai. Je ris de bon ca-ur: jf; leur réponds
mie je ne suis point niari*', n'ayant d'ailleurs qne vingt El un ans.
Il faut voir alors leur siupnfai'lion. — » OhJ ti gno! (Oh ! tout
cuJietj», disent-ils. C'est tpi ou effet, malgré mes joues im-
Jcrlics cl mon ombre de moustache, les Annamites me donnent
m moins trente ou Ircnlo cinq ans. lins paraissent tous plus
jeunes que leur ;tgc jusqtrs't la quarantaine; mais, dès lors, ils
vieillissent fort vite. La moyenne de l'esistcncc, est d ailîcurs
iffloiiidre chez eux que chez nous. Un borame de soixante ans eu
^pays annamite est entouré de beaucoup plus de re.spect qu'en
-Europe un vieillard de qualre-vitigts ans. Quand on leur parle
■d'un octogénaire, surtout d'un centenaire, ils sont ahuris.
C'est après ces petites promenades que le lieutenant dit Ji son
ûrdounance démettre h table deux couverts, et, ma foi, je ue me
13 (las prier.
Miiis tandis qu'au blockhaus tout est bien calme, il se pré-
|>arc ailleurs de farauds événements.
\M
JOUILNAL DES SCIENCES MILITAIRES,
Les ChÎDois vont nous payer l'aRaire de Bac-Lé. et c'est l'amirat
Courbcl qui a mission de prendre !a revanche.
Oh 1 avec celui-lJi, tout va marcher.
Six compagnies d'infanterie de marine, complétées chacune ;
150 hommes, partent dn Tonkin pour rejoindre l'escadre.
Six autres quittent la Cochinchine, et l'amiral, qui, on l'assure,
disposera encore de bataillons venus de France*, aura ainsi,
avpc les compagnies de débarquement de l'escadre de quoi agir
h terre'.
En altendant mieux, un ordre du jour vient de nous apprendre
la destruclion, à Sheï-Poo, de navires de guerre chinois, grands
croiseurs el canonnières construits en Europe ; nous les avons
torpillés. Le même ordre du jour annonce la destruction des
forts de la rivière Min et le bombardemenlde l'imporianl arsenal
de Fou-Tchéou.
Mais des renforts sont bien nécessaires contre les n^iUiers et
iniltierft de Chinois qui se niassent en avant de Lang-Son
parmi lesquels, suivant les on-dit, se trouveraient de nombremi
officiers européens.
Le bataillon du 111^ de lignCj qui se rendit Ji Hué pour
couronnemenldu nouvel empereur d'Annam, — un enfanl, qi
succède à l'empereur défunt, — le 111° reste h Haï [>h on g, pr
à être embarqué sur l'escadre de Chine.
Pour nous tenir en haleine^ nous avons eu, hier soir, une'
attaque de pirates dans un village voisin du blockhaus.
' Pour ses opératioDs cootra Formostf, lo vic^'ainiral disposa d'une brigade
placée Bons le TOmmandernent du culonfll DuchÊue, de la légion ttraugère.
celai qui efT^ctua, avant de quitter Le Tooki», le preuik-r dtibloqueitieut de
Tuyen-QuHn, doat nous parlous plus loin.
La, hr\gM\c Diidi€ti« forniitit, en troupes d'Afrique (1 ba.laillon de légion^
1 bataillon d'infanterie lég^t'ru) et en (rmipes de marine (3 butaillons 3 batle-
ries), un total de 4,000 boinmea.
* Une seule foi» lea marins descendirent à terre, fi Tamsui lilede For-
mose). lli furent si viverucut ramenés vers leurs cmbaircations q^ii'ils faillirent
laisser une piùce de l>5 millimètres enire les mains de l'ennemi. Après celle
triste riJëditîon du combat dn PLu-Hoaï (là même où avait élé tué le comman-
dant Hivièrç), le vice-aniiral Courbet, qui aimait les trDD|.<ej et était adorù
d'elles, recommanda bien, au coalre-nmîral Lespès, qui nr:iit fait opiirer ce
débqrquemertt, de garder dorénavant les marins à Leur burd. Seul*;, à ([élani'K
marsouins, artilleivs, légionnaires et joyeux, se batlireot à terre»
LB tONKLV DE LA CONQUÊTE DE 1884-188S. 153
était minuit, lorsque les tam-lain, les gongs, les hurlements
iScs, chiens, les cris perçants des feniraesj quelques coups de feu,
nOLiiî réveillèrent.
Bientôt une lueur rouge éclaira rhori7on; une case brûlait j
les flammes s'élevèrent, se communiquant à d'autres toils de
paîllej leurs reflets dansaient sur les nïîèrcs.
Pouvions-nous rester là impassibles?
t< — mon lieutenant, dia-je h l'officier, Jaisscx-nioi sortir avec
cin<ï ou six hommes; je prendrai cette escorte de passage, le
«sergent indigène et les douxe Tonkinois qui sont dans la case
au pied du blockhaus. Je tomberai f^uv le dos des pirates, ce
^^ra une bonne œuvre, et puis, je serais si heureux! Il esl pro-
^■àbleque les assailltints ne sont armés que de mauvais sabres et
^ue vieux fusils; nous les aurons vite mis en déroule.
« — Comment, merëponiit-il, vous qui connaissez les villages
annamites, ces dédales de sentiers bordés de haies de bambou
^impénétrables, vous voudriez entrer là, de nuit, avec quelques
Hlommes? Mais, mon ami, avant que vous eussiez pu vous mettre
im garde, vos têtes ne seraient plus sur vos épaules. Et, ajouta-t-il
||^|eii rianl, j'en aurais grande aftliolion, particulièrement potir vous,
^paiis compter que soixante jours d'arrêts de forteresse me récom-
■^pfinseraicrit bientôt de vous avoir permis une telle imprudence. »
^H Le lieutenant avait raison. Mais comme on se ronge les poings
^P^ne pouvoir agir! Devant nous motitaient tes flammes; nous
t'nlendions les détonations des bambous éclatant au feu, !cs cris
de désespoir : Ohi yaolif o'ille! Oh! tjaf oïUel! et les coups
sourds du tam-tam a)>pelant à l'aide, — une aide qui ne venait
^" Le lendemain matin, uotis connûmes le fond de ce drame : de
ptirs brigands annamites avaient fait irruption dans le matheu-
rsiix hameau, pillant les cases des Nfiaqué (habitants de villages),
*" incendiant plusieurs, tuant deux hommes qui résistaient et
enlevant quatre jeunes femmes et siîc buffles. Ces bandits
^'^^ienten nombre; deu-i cents, nous dit-on. Nous risquer contre
^l'^i c'était vouloir nous faire assassiner par derril^re.
Aht ils ont raison d'opérer la nuit, ces pirates 1 Sans cette pru-
*l*nce et eussent-ils été cinq cents contre nous, quelle danse
'te garnison de 32 hommes, avec son lieutenant, leur
danser]
13'» JOCnN'AL DKIS SCIE.\Cii;S MILITAUIBS.
Gia-'ani, 30 août 1884.
Je VOUS écris do lu tcrrasso d'mio dos loiirs du blockhaus,
sous le vaslc loil qui ra'abrile du soleil.
Jai fail sortir une petite lable par mon boy. cl jo regarder le
grand fli-iive aux eaux rouge:\!roà, sur leijuel g'issc loiilcment une
canonnière venant d'Haïpliong, qui évolue pour prendre son
poslo de mouillage. Les eaux sont lr^s haules; le navire sembh;
surplomber la campagne de sa masse blanche, et Ion dirait que
de sa hune le canon-revolver plonge dans les villages riverains.
Mais je viens d'écrire un mot qui vous étonne sans doute : « Mon
boy ». En efft.'t, le lendemain d'une visite au village annamite,
t'interprète est venu m'avcrtir qu'un indigène désirait me parler.
J'allai voir; c'était un hommo déj;i vieillissant, portant un
maigre, mais lo-ig bouc au menton, et ayant l'air d'un notable
par sa tenue digne, ses habits très propres, son long keao
blanc, recouvert d'une soie noire, transparente, aux dessins
moirés, et sur la tête un turban de crépon grps bleu.
Il avait constaté, me dit l'interprète, combien j'aimais les
«nfants, combien je paraissais bon ; c'est pourquoi il me priait
de prendre son fils h mon service. Je lai donnerais selon mon
désir, peu, même rien; mais on me serait très reconnaissant de
lui apprendre le français. Le père, tenant beaucoup îi ce ^ésullal,
ne voyait que ce moyen. Il avait bien songé aux missionnaires;
mais les missionnaires exigent, ce qui est naturel, que leurs
élèves se fassent chrétiens, et, en outre, ils ne leur enseignent
pas un mot de notre langue, à peine quelques bribes de latin
pour servir la messe.
J'acceptai. Le petit bonhomme, de on/c h dou/.e ans, paru!
bien un peu effaré, lorsqu'il resta seul avec moi. Mais il est déjà
apprivoisé et gentil au possible. Au bout de trois ou quatre essais
comiques, il répèle fort convenablement les noms de tous les
objets que je lui désigne et s'en souvient à merveille.
Quel malheur que ces enfants n'aient, pour ainsi dire, aucune
fidélité'. Si on les traite avec trop de douceur, ils se moquent
de vous et ne font plus rien.
* Cela dëpcn<l bcancoup, il est vrai, de la fiçon dont on Ie< g<mvemc, et
j'eus, plas tard, cumme officier, un boy très fidùle, auqud je dois la vie.
LK TOSKtX DE LA i;0\OUKTB DK 1884-188S.
ITi
Lt! jour où ils oui qiiolt(ti!'s sons-, ils |irenn(^nl un boy et si;
"•on fonlenl do iraiisirii^ld'e vos onlri's h l aiilro cîilîinL, qn\ leur
ob«34 comiiio un |.ielit c'iien. Ci- cJmiKit'nic Loy, h son tour, ini
prend bicntùt un IroisiLMur, c!, iilors, poni' nvoir soulomcnt un
vefï"'^ tl'eau, il vou> faiU assisliT ;i iifit; tr.nti!>mission dn commun-
luiiicnls tliiLs lIHii Ion roguc, el aLIcutln! nu ijniirL dlif^uri.'.
C<ih du i'(i jusqu'au jour ofi, imj>alit'.nto, vous ll,in(jiicz tout lo
TÈontlt' H la porlc, ii coups de piod au derriî'pc.
<;jtifi!tjucftjîs ils u'nUondenL |>;ts et} dûuouemcnt. Nous avons
,■11 |ilusiciirs Ijovs ;i lit compai^nic, cl j'ai vu ce qu'ils valfinL
l^or-.^fiitc l'im d'ciiA a àl(\ Jiabillé p:ir vous do vos nippes, qu'il
|":ril recoupLT et riifislolLT fi sa taille; Inràrpril Imrng'ouinc vin ptiu
voli'i' lîinjfuc et suit iin ptîii sopvii', uni} aniMlion di-mesur.^;? le
.^diitîf cl il vous abandonne paur nUiT chn/. un oliicior ou nu
itivil t|tii lo paiera davantage.
Lr> jour ofi vous l j vo yo/- nrrivcr avac nue ouibrclle, sij^ne
t^iAliiictif du boy de bonne iiriison, c'est le présagiî d'une pro-
[l'tîaine i'uilff. Par exemple, en rL'merciement de vos houles il
\ous emportera loujours quelque petit souvenir.
Mais, que dîs-je? Est-ce bien juste? Pas pour tous, assuré-
ment; car je suis très satisfait de mon petit bonlioiume.
Chaque jour, je lui donne six soii.> pour nehetei' poulet, reul's.
poissons, vognoii3 un porc, foii;, bannnes, auniuis, niandarincs
soyavfis, etc .. Avec uclajoinlà la vinnde de bœuf de ma ration,
il nie fait une cuisine comme chez Brébîîul 11 a bien observé le
<nùsinier àv rofticier cl a su l'imiter aussi tût. Eu outre, i! mu
tini't j^ l«blc, fait mon lit, cire mes souliers, blanehil mon casque,
l.iïf! tout mou lin^e (un pantalon par jour, nuf; chemise el nn
l>cuo blanc lous les deux jours). Pendant ia sieste, il viciil
'"'éventer.
Ah! il n'a pas lo lenips de s'amuser, celuilù. De six heures
du uintin à sept heures el demie du soir, il travaille dur; miiis,
aussi, songe?, un peu h la paie qu'il reçoit ; dix sous lous les
cinq jouriv !
La première pi&cc que je lui donnai — justement une pièce
toute neuve — ru mis dans une immense joie Lo pauvi-e petit
bonhomme a couru tout rtanl chez une njurehande qui se lient h
realcco du poste; puis, je l'ai vu revenir, apportant, sur une
assiette, un ananas el quelques bananes. Il s'esi avanci'' vers
156
iocunâl des sciences militaibbs.
moi, s'est agenouillé, m'a offert ces fruits en présent e
trois fois, a fait ses fays, c*est-îi-dire quo, \q& mains jointes en
avant, i! baissait son front contre terre. J'étais surpris r-t (^mu. Je
l'ai relevé et, lui frappant amicalement la joue, je lui ai fait
comprendre que je ne voulais pas que l'on s'agenouillât deva
moi, et je lui donnai alors une seconde piécette.
J'ajoute qu'en dehors de la questiom d'argent, il y a une ques-
tion d'honneur. Boy d'un sergent français, quelle mflucncel Les
oncles vont ceriainemenl entrer dans le Conseil des notables et
le ptre devenir le rival du Li-Truong (le maire du villageV
Comme tous les Nha çîié^ (villageois) doivent admirer un enfan;
qui a su si bien faire son chemin 1
Sérieusement parlant, je suis surpris de ses progros; je peux
me promener avec lui dans les villages; il me sert d'inlerprMe.
Je longe la digue, regardant les Annamites, qui, avec leurs
gros buftles grisAtres, labourent pai&iblement leurs ri'/tères cou-
vertes d'eau. Homme et bète pataugent dans la houe et s'écla-
boussent réciproquement. Mais le pauvre Imboureur craintif o*est
pas si occupé de sa besogne qu'il ne me voie, cl bien vile il
relire le grand et grossier chapeau de paille qui le protège
contre l'ardeur du soleil.
Nous tournons alors à droite; en une minute on est au village?
Une solide porte de bambou dût l'ouverture laissée dans la haie
impénétrable et qui, le jour, reste ouverte. Noua entrons. Des
que j'arrive devant les cases, c'est une fuite précipitée de Ions
les marmots, nus comme des vers, et de toutes les femmes.
S'ils mangent, ils interrompent le repas; on pose les hagueltes
qui servent h prendre le riz bouilli et à l'enfourner dans la
bouche, Elles servent aussi, ces baguettes, à saisir le poisson,
les petits morceaux de volaille, la salade, tes sauterelles rôties,
les crevettes, qui remplissent séparément des soucoupes. Tout
cela est placé sur une petite table très basse, les convives étant
assis sur de pelits tabourets ou même par terre.
On nous regarde d'un air territié ; les enfants se sont blottis
sous les lils de camp recouverts de nattes ; les femmes, qui se
sont eofuiesdans les pièces voisines, risquent un œil par l'entre-
bftillcment d'une porte. Seul, le niiittre de la maison, souvent un
vieux î'> barbiche blanche, vient s'incliner profondément devant
nous.
n
eTH
LE TONKIN DE LÀ CONQUÊTE DE 1 884-1 88S.
157
Mais, d'un air souriant, je fais signe h tout ce monde de ne
pas avoir peur; mon boy dit bien haut que ]ft suis un ami; sou-
dain tout le monde revient.
Chez [es notables, ou se trouble moins. Entre-t-on dans [purs
maisons, basses comme tontes les autres, mais mieux prot<*gées
,sur Ifur fa<;ade par de larges nattes et des panneaux eu lattes
Je bambou, jamais ilsnemaiirpient de servir le thé.
Il est délicieux, ce thé vert, qu'on prend dans des tasses minus-
cules. On vous le présente sur un plateau de bois noir, incrusté
de nacre. Si, d'abord, ies femmes se sont sauvées, vite elles re-
j^viotinent et, enhardies par mon air bon enfant, elles palpent
^Kfivec curiosité la laine de ma vareuse.
^p Puis on me préscntft la pipe, cette grosse pipe de porcelaine,
^^resque semblable à une théière rondf]'. Dans un trou latéral, on
enlbnce un bambou creux; h l'ouverture supérieure on place
une pincée de tabac, que l'on allume avec une brindille cnflam-
^^fnée ; on aspire de toute sa force, te plus longtemps possible, et
^B'on rejette ensuite la fumiJe ?i gros flocons.
^H Puisque j'en suis h vous peindre les mœurs de ce peuple, laîs-
"^cz-moi ajouter ce trait :
Hier soir, nous rentrions au poste avec le lieutenant le long
de la berge du fleuve, lorsque d'un sampan amarré à la rive
Karlent des cris de douleur. On s'approche et l'on voit une ba-
10 (vieille femme, se prononce bailla) qui lirait les cheveuîi,
uonnait des coups h une conguïe (jeune femme) tenant uo petit
enfant dans ses bras.
Ma prcmi&re impulsion fui de courir au secours. — « Pas si vile J
^■tite dit Tofficier; j'ai plus que vous t'expérience de ces gens-là.
^^oyons s'ils ne jouent pas une comédie pour nous extorquer quel-
ques sous. Remarquez bien : l'homme qui est sur l'avant reste
impassible, ce qui est peu naturel; la vieille m'a l'air de simuler
H des coups de poing, et !a jeune crie, mais n'a pas une larme, >'
i C'était vrai. Je me mis h rire; l'officier de rire k son tour, et la
battue nous cria d'une voix lamentable ; a Oh ! Ong qnan ha'i
(Monsieur le lieutenant), Oh! Ong doï (Monsieur le sergent),
donne/, sapec, sapec k congaïo ! n
Sapec (petite monuaie)^ voîlii donc tout ce qu'on attendait de
filous. Un gros mol annamite, que je leur lançai, moitié rieur,
îoitié colère, leur prouva que nous n'étions point dupe.
loS JOURNAL OSS SCIENCES MU.IT.\IU£.S
Telles soiil mes promonades, les pelils incidcnis qui en coiipciil
la monoîoiiio.
.Mais il faiil rciilror. Nous francliissoiis, t>urun pclil ponHovis,
le lossé qui prolf^^e le l.lockhaiis. La nuit louibc. Là-Las, l;i
ii:onl:ip;ncdos Pins Pai'asoisdispnraît clans la I.Hiiik). Scnlem<.'u;,
.•I sou sommet, Iji-illc un pciit poiiil l.ianc : cost li, à 26 kilo-
imMi'cs de HOU:*, (lu'mi poslc optique csl installé. Tout à I Imu-o,
.jUaud il lera nuit noire, de ma terrasse je verrai des jets do
lunu.'-rr. Langue éiecliii(uo. dont j ignore le sens, qu'anuoiico-
i-olle? U.ie liOiivelle vieloirc do 1 amiral Courhçl ? Un comliat
livre pur do Négrier? Lst-ce lavcrlissement qu'on nous envoie
(les rcn!'orls? Et <{uand, sur l'autre rive du FIcuvo-Roiigo, la
haule tour d'Hanoi s'illuminera, pour qui sci-ont ses édair.s
iiH-oiupr.'liensiiiles h nos regards : pour Phu-Laug-ïluioiii;?
|> 'lir Hué ? oîi poar Paris ?
Fri'déne Garoi.v,
.•'iii-ii'M i (Ulcnaiit li'inranlirie de isiarim-.
{A continuer.)
Qss^'tVS'îe^S
LES LIViUvS MILITA 1RI«
FubHésOTa la Cirectinn du 2' Bureau dû rÈlat-Maj r <îo rArmée.
— L'Armée aîlflmaiide. — Etude d organisation, y.m- VéU\ Munin.
t_*lit'l iltj l):i|,iilt n [inviïlô nii l'i" ro^iiii'-» I. diiir-nifric, cl F. t'o^T.
c-ajirlaÎEiô (l'nptillcne lnvvolc a rEtat-Mnj'nr tir. l'Ariiiré. — I \u'. iii J*
• 1c SSn [iiis^cs nvcc cnilL\ — l'aiK II. Clia['(*!at et O.
Le 2" tluriiu Hi; J'Eli( Major <Ie lArunii^ \i''« L de | iibli'T, fous I ^
Ni;;nitiiros (lu CHuinitafi 'atil, Mai'lin i] thi ca|niaiiiu i'oitl, ré[iî(i<: h plus.
«•oni|il<iic t'iit'iic jnst]U'îi co jour do l'or;; nn Isa lion de l'afirn^c nllcm:tiul4>.
le moiiictil II ]inru [■roiiici; pour <lif micr uii Ul-lcau d'cnscftilJe (L,'
rrlle ;k'i» «■; m l'JIcN !a ilernîiMc loi org^nnique ito rcni|ûre d'Allcningtu?
fOrle la l'nic itti f.'j mnrs J8fi!J: s-os mCi^iircs d"a|iphralion, (]Ht rlcv-^rcti t
■s't-lotidrc jri:-r|ii fi lu lin de jîUh:', ï-on! à I liriiT sirli» lie t'nlifTcnicMl Um'-
1.0 <(**vcloppcmrnl ile l'armi'c nllcmamle sul>il i!>!iic nu Icnip* d'arrf'L
•Insis S;i marclin astconilaiilG, cri j.lleidntU la incientaliO!! nu Hcîrhs'a^
tl'une nouvelle loi dniU Irsarlii-Ios r'c pro^sr — în liccs jirneursi.'tirs —
o 1 dcif) donné crrlainos d spostlioTi'^.
it SI 11" paraU riéccs-iiiirL' d'i-siioSL-r l' ; 'ftii d'^itmljln qui a servi di;
lias.' f\ Cl llféliido, iiidisiien^nSiIftA loitsrcajt qino.l bfsoiii de coiwiailn?
rs-saclrment IVUt ncUiol de l'aruiée ;il { miUile
0,.r^^i lnprt*rïi["reparlic: ire ;njteur-i se soiil elFoer/'s d'in lifcupr cotiTmenl
î'ariiu'o alloni-iriilo. or^nnîsi'o npi^s tes t^vcncmcnls di' iSTi>j esî uclue!-
OniCilt ivctutœ, etiriidrée, iiii r^rtlt!. EMc ccmprend les utiapïlrcs sui-
xrtRls :
|D Orfffifù'mtii/îi im'tUnirc t/i^ i'i:n'jnr du ÎS71 n iOOi (lois mililairos
ou biidgf'l liros f|ui su 50nl succedO df|i[i!s l>7i, lulalioii-î nrci's>ai e-»
«■ni cxisleol Ofilrt} îe l'.irlemcnl ci l'annOp):'-* Lv rtcruUnmut : l\'' Lps
hinnmes th lioi'p^. 'i*» fw)r<s ■lab'i'ioufs; -t" Lis iffirur.-; ;'." /.ei mâ-lrtitif,
r.es ha-st's suc lesfpk-ilo>i re[iOte l'orjiajdsniion 'o rruinco alfcmaiido
rtai. l fliiiï! ili'Iuf ii]iiii'i"s, il i-rSlR ;t moiilicr fOiintiL'id iL'sdjvprs rlt'ifi nb
■onl n*^)» lii^s pour l'fjMncr des jjrui'peiiicîds i rrincliJUit à l'ciisi inido
tJ'iMre ûnîotinô C'I o'jïinis^ m vue 'c? *on luii iJtiil : forîïicr iiii puissanl
c«l«J de jîucrre.
iVcsi Ifi l'ol'j'-l lie l.T diïisiL'me pfirlio,f|ui comprend imis dnpiircs :
Le rliapilrç Vil, le c'iiiiuuintkuteht et ^es fWf-.^, înd rjuc It3 or^intios.
[inriripiiuï do flirOiiiOii el d'iiilrnhiislral ou. cl nu^ lioiiac le iKTsoiiiifl
|i|a 1' aupira d'iMix pour I s aH'^islti' dtns lt?ur m^s im; lo cli.i|dlre Ml',
I jf.rj iinnL's. cl U- cliiipdre IX, /*■>' niTkt-^, Ltotinfnt Ti r^suiisation acliic I %
li-> flîfïclifs, les |>arlicii!nriK'"< il^; i:lia'{Ue iinnû < u sciv c.
l'iitlut pfKir pR-icnliT i!!i liiblrflu e^jiuplet dL» h puiiî-^aic-c mildaîic do
rAli'.iiiflgi.o, un App nJii'G do !it) s u-* le Idrc: Lu Munns ni vinnu'h tt.
fva /'lui lK4 de jii'iiivvLurui, u > n\swiiio tl<) lorgai.iKdiiJii le la iii:iriiiL", de
lî?e* lrO'J;cs cl <f.s iroancs a i>p..lct'tara.>. — K t!-
160
JO0BNAL DES SCJENCBS MlUtAlbES.
La Gaerre napoléonieiiiie. — Précis des Campagnes, par le com-
mandanl Cxmok, firofess^ur d*arl militaire à TÉcoie d'application de
l'arlilleric et Hu pènit^. — 2 vol >n-8 avec ptaocbes el Croquis. — J
Paris, R, Chapdol et C*=.
Le commandaul Camon vient de puWier sous ce Litre la substance du
cours d'histoire militaire qu'il prole^se avec tant de science à l'Ëcotc
d'application île FonUiioebleau,
Après de nombreux Iravaux prcparaloires, il nous donne aujourd'hui.
800S le titre de : Guerre najiuU'omenfie, une llidorie complète de cette
guerre.
L'ouvrage comprendra trois parties.
1" Partie : Précis des CamjmQnes.
2* Partie : Les Bataities.
3* Partie : Théorie et Technique.
La première partie qui vrent de paraître consliLue, d'ailleurs, un
compfet el bomogèue. ne sufTisant culièrcmeut à lui-même et dont la
hnute valeur didactique est indisculable.
En récrivant, le but de l'auteur a éiù de mettre en lumière, pour
cbaque opération, l'idée directrice de Napoléon.
Ce qui empécbe de déveloijper Tliisloire militaire, c'est qu'on ne la
sait pa$. Et on ne la sait pas parce qu'on ne l'embrasse pas d'ensemble,
parce que trop de détails cacheul les idéen mai tresses.
Avant d'entrer dans le délail d'une campagne, il est uiîcessaire d'en
voir bien nettement !a charpente. Aussi le commandant Hamon s' est-il
eftorc<5, par des divisions bien nettes et basées sur les optirations, h
diviser chaque campagne en périodes et en actes.
Sa méthode consiste h dégager, pour chaque opéralion, l'idée dîree-
Iriee de Napoléon du ri^cît des événcmenls; cette idée directrice, c'est i*
Napoléon lui-même que l'auteur l'a demandée, en exirayant de sa cor-
respondance les véritables intention* da grand couilucteur d'hommes.
Par la disposition typographique elle-môme, i'auteur s'est elfoi'cé
d'ajouter encore h la clàrié du texte ; les diflérents actes d'une campagne
sont indiqués par des caracliires très distincts, et tes extraits delà cor-
respoudnuce de Napoléon traneheot neLtemeot sur le texte de l'auteur.
Cet ouvrage de synthèse ne dcmaudaît pas de cartes trop détaillées,
mais dc^ cartes de travail, .«impies et complètes; de nombreux croquis,
d'une exécution très soignée et Iris claire, ont été dressés manière de
à éviter au lecteur toute recherche pénible.
Tout cela fait de ce Précis des Guerres napoléoniennes un ouvrage
indispensable h la parfiMte camprcbea^ion du génie de l'Empereur, et
qui recevrai nous n'en doutons pas, le plus favorable accueil. ^ B. M.
Le Propriétaire-gérant : R, Ghapeuot,
Paria,— lm|jrimcriÈ R. CaiftLoT el C», roc Christine, *.
JOURNAL
SCIENCES MILITAIRES.
REVUE MILITAIRE FRANÇAISE,
Février Î903.
LA TREBIA ET NOVI
DOCUMENTS INÉDITS
On trouve dans les cainipagiies de 1799 de grands enseigiie-
lents de guerre. C'est l'oftensive à oulranee poussée par Sou-
rarow qui arrivait en Italie le 14 avril, lorsque déjà l'armée
iutrichienne, commandée par Kray, avait vaincu Scherer. Ce
''sont les manœuvres lentes, mais bien ordonnées et toujours pru-
dentes de rarebiduc Charles garnissant les lignes du Rhiu,
Opposés à ces deux chefs d'armée, que voil-on ? Masséna, qui su il
les enseignements fi lui donnés en 1796-1797 par Bonaparte, va
garder au cœur de la Suisse un camp Ibrlirié d'où il s'élance le
*ô septembre pour gngner la mi^raorable victoire de Zurich.
en *'***'*it d* SouttarwtJ en /taiw, écrit d'après des dotumcntii inédits paiaés
talie^ en Âatricbe, en Rtiflsie, h Munich et dans les Aruljives frantaises.
i/, ikt Se.
10» S
LS. TEIEBIA ET MOVI-
163
e la Section liistorique française. Parmi ces dûcumenU figurenl
en premier lieu ies rapports de M. de Mêlas.
Le rapport sur la bataille de La Trébia est très circonstancié;
il lionne .le détail des mouvements et des opérations >de l'armée
austro-russe pendant les trois joni-nées. C'est une pifcce capiljtie
encore inédile qu'il y a intérêt à faire coniiaiire en Prince.
Aussi reproduisons-nous ci-après ce rapport textuel lemeut,
après ravûir seulenae*it traduit, car l'original est en langue alle-
nande.
I
I
RELATION DBS COMBATS QUI EUHENT LIED LES 17 ET 18 JUIN DE
OBTTE ATÏNÉE ET SUR LA BATAILXE 00 19 PRÈS DU FLEUVE
TREBIA SE HAPPORTAXT A l'aILE GAUCHE DE L'aRMÉE DES
ALLIÉS EN ITALIE ^
Déjà, dans In nuit du 15 au 16 juin, une palrotiille ennemie altaqua
San-DomTno, do cûlÉ de Borgo, quand les avant-postes da feld-marédiial-
lieutenant Ott étaient placés près de la Mura. Les officiers faits prison-
niers dans ce combat confirmèrent la nouvelle que reunemi, fort de
13,000 hommes, s'approchait, venant de Parme, et qu'il était disposé à
attaquer la division du feld-maréclial-lîeutenant Oit près Plaisance.
L'attoque eut lieu le 16, à dix heures du malin, par deux colonnes qui
s'avanyfirerit de l'arme jusqu'à San-Laxaro, !i travers les brouEsailIes.
jCne iroiyrème colonne suivit en masse par le chemin dans la même
direction.
Comme le feld-maréchal-lieutenant Ott avait reçu de moi l'ordre de
ne'pns faire front k un ennemi supérieur en nombre avant Tarrivée de
r»rmée austro-russe, il se retira en éprouvant peu de pefttis, poursuivi
par une division ennemie à travers Borgo San-Antonio et le fleuve
Trebia, dans la position de Castel SBO-Giovanni et pSaça ^es avant^
[ postes le long du Tidon^ après iivoir foi'mé la garnison de k citadelle de
Plaissnce de trois compagnifcs Prohlich, 2 compagnies du 6* bataillon
Banaler, troupes ]>l actes sous le commandement du major Keinwal, du
I" régiment.
IPentianl ce temps, l'armée austro-russe s'avançait par Broni, Stra-
tlefOa, et envoyait un détachement de troupes impériales russes pour cou-
vrir son flanc: drott à Bobbio et dans la vallée supérieure de la Trebia,
près lu wiontflgne Certta-Croce.
K. «. K. Erimfi Arthiv,, Dossier IX, piêna 990,
l6i JOURNAL DBS SClKNCKS MILITAIRES.
Marchant aussi dans celle direclion. ta têle de l'armée des alliés^
arriva !e 17 à Cast^'l San-Giovanni. Elle étail (!ompos<îe seutemenl des.
troupes impériales et royales,
i'y appris la nouvelle que l'ennemi, toul de suite après avoir rcm-
porLé, près de Modène, une vicloirc sur îc général c.omie d'Hobcnnol-
lern, s'avançait à marches forcées contre la division OU et qu'il l'avait
déjà repouasée au delà du Tidon el que son chef conliniiait sa marche à
la Iftle d'une Force de 33,000 hommes.
L'ennemi avait attaqué les avant-fiostcs échelonnes près du Tidon et
|)tacés sous le cominniidemcnt du colenel d'Asprcïi Forme en deux,
colonnes, ii manifestait l'inlcnlion d'occuper avec une colonne le chemin
dePavie et, avec sa gauche, de mana'uvrer contre notre flanc droit, vers
Motta?,iana. Son Sllaque avait été faite avec une grande pri'cision, sans
qae les nôtres aient pu éviter le combat. Après trois heures de ri'sislance,
les AutrichieTJS du général OU baltiiient en retraite. Cet échec, étant
dannée la fatigue de l'armée de secours, pouvait devenir très gravi*,
crainte qui me lor<;a de renforcer Ott de deux bataillons et de m'avancer
avec son corps vers le Tidon pour arrêter l'oiïensîve de Fenneinî.
Il était i heures de l'aprés-midi quand l'approche d'une grande
force uunemie m'indiqua que le premier aecoura était insuffisant. Mais
la TL-sistauce de nos troupes, toujours prêtes à braver le danger, permît
d'allendre le moment où une partie de l'armée de secours pouvait se
mettre en bataille.
Par ordre de Son Excellence le feld-maréchal comte Souvarott, on]
envoya, pour renouveler le combat, Irois demi-bataillons d'infanferie'
impériale el royale, le régiment de cavalerie hussards Arcbiduc-iosepJi
el deux régiments de Cosaques. Ces troupes, opérant avec une grande
valeur et rapidité, causèrent à l'ennemi des perles considérables el lui
tirent plusieurs centaines de prisonniers. Une division d'infanlerîc russe
se jeta sur l'aile droite de l'ennemi et l'oLligpa, malgré sa résistance
opitdâlre, à la reiraîte, de façon que, à !a cliule du jour, nos troupes
élaienl mnitresses du champ de balaille et de la rive gauche du Tidon.
Le 18, on devait attaquer l'ennemi sur trois colonnes. La première
colonne, ou l'avant-garde impériale russe, placée sous le conjmande-
menl du prtnee Bagration, composée de deux bataillons de chasseurs.,
dequatri' bataillons de grenadiers, de Iroîs régimenisde Cosaques, lrou[)0
appuyée par la général-major Raraschay conduisant son propre régiment,
devait forcer le Tidon prÈs de Brcno, avancer par ]Mazzalorla,(lasalliggîo,
Tuna, et passer la Trebia au-dessus de Hivalta, afin de pousser jusqu'à
San-Gîorgio de la Nura. Les opôrationi^ de celle colonne devaient être
souleiiui's par la division du liculenant-gcnéral russe Scliweikowski et
parla division Frohlich ; cette dernière élaii placée sous In commande-
ment du générdl prince Liechtenstein, (-es Iroupes devaient i?e former sur
LA TREPrA ET XOVI.
165
•leui lignes pour attaquer l'ennemi à la baïonnette. Son Excellence
le fold-maréchal croyait que celte colonne livrerait l'attaque princi-
pflle,
La deuxième colonne était composée de la division impériale russe
f'orsler. Appuyée parle rL^giment de dragons Levenher, elle devait tra-
verser la rivièrf près de Motloziana et s'avancer, par Campremoldo el
tsetlima, jusque sur la Nura, apn'is avoir passé la Trcbia.
La troisième ™lonne, compo>^ée <Je la division du feld-maréchal-lieu-
tenani Ott, avec un régirnenl de Cosaques, devait s'avancer sur le chemin
principal de Plaisance, passer le Tidon, passer la Trebia prè£ de Borgo
San-Aotooio et s'avancer tout de suite vers Ponle-Xura.
Chargé de «commander l'aile gauche dan? celte attaque, convaincu
que reoDemi avait rassemblé des forces considérables sur le point où je
maretierais, alin de pouvoir séparer l'ennemi de la lis;ne du Vu qu'il
pouvail garder, et redoutant de voir la faible division Oll rejioussre ou
même même détruite, je fus obligé do moditier le plan primitif en rele-
teaant !a division Frohlich.
1/altaque ne lïit faite que vers le soir; dans mon aîle, vers 6 heures.
Le général Ott attaqua l'ennemi priïs de Santimento. Le feu ouvert, j'or-
donnai à quatre bataillons d'avancer à droite et à gauche du chemin
pendant qu'un autre bôitaillon, formé en masse suivait ledit chemin pour
appuyer ces troupes. La cavalt;rie ne pouvait être employée que par
petits détachemenls. Le général [prince Liechtenstein, qui commandait
la division Frotilich, suivait Oit à quelques centaines de pas et appuya
plusieurs fois ses opérations. L'ennemi fut repoussé jusqu'à la Tret>ia
avec une rapidité incroyable. 11 nous abandonna ainsi le champ de
batailfc. £t, pendant i|ue la division Ott manœuvrait contre le tlanc droit
du corps ennemi placé sur la rive gauche Ju fleuve, la division Liech-
lensloiti attaquait de frOiit le même corps, le repoussait encore, au deU
de la Trebia, lui causant des pertes considérables, et ne terminait le
eombai qu'assez tard dans k nuit, après avoir fait 300 prisonniers.
Les mouvements de l'ennemi faisaient prévoir qu'il préparait une
Attaque pour le jour suivant. Avant lii lever du soleiij je me suis aperçu
»\nè les Français se dirigeaient vers mon aile gauche. Une vedette de
rtMraemi, il cheval, passa même le lleuvej s'arrêta sur la rive gauche La
mauvaise disposition du terrain où je me trouvais exigea la mise en
ttaltfirie de douze canons, artillerie qui me permit de repousser l'ennemi
qui s'oUstinait à garnir la rive.
N'ayiint reçu, jusqu'à midi, aucun ordre, je restai dans l'ignorance
des projets formés par Son Excellence le feld- maréchal Souvnrow. Seu-
lement jtar une communication faite au feld-maréehal*lîeuten.inl Oit par
îe général ujarquis Cliasteler, j'appris qu'il était décidé fi risquer une
nouvelle attaque. D'ailleurs, ( elle attaque aurait dû être laite cinq heures
166
JOUnNAL DES SCJEKCES MILITAIRES.
plus tôt et dirigi!e, en Irais colonnes, de la Trcbia sur laNura. De nou-
Teau, on devait porter la divisior t>oh)ich dans l'ajle droite.
Lorsque, plus lard, on se prépara pour exécuter Tordre (que j'avais
appris par hasard), les troupes sq trouvant épuisées p&r le manque
d'alimentation qui durait dcpuÎ!) quatre jours, reniiemi passa la Trebia,
avt'C 2,000 clievaux et avec une telle rapidité qu'il repoussa les premières
troupes mises en bataille. Une colonne française s'empara du chemin de
San-Nicolo. Une deusiùme paissa la Trebia vers î5on embouriiure, et. de
ce cûté, repoussant aussi nos Lroupes, la situation devenait (;riiique.
Je rassemblai vile toute ma cavalerie, dont l'attaque décidée obligea
reunemi i se retirer avec des pertes considérables.
Le générHl-lieti tenant impérial russe Korster, qui se trouvait au centre
de l'armée, s'avança a-vec une partie de son infanterie pour me soulemr.
J'eus aussi l'apjjui des hussards do l'Arctiiduc-Joscph, dcdeux escadrons
de Levenher et surtout l'appui du régïuient de dragons de LohkowiU,
conduit par le géuéral prince Lieclilenstein. Ces renforts (îécidèrent ia
victoire de mon cùlë; mais l'attitude embarrassée de î'aLie droite de
Tarmée impériale et royale Qous cm(}échâ de nous établir sur la rive
droite de la Trfibia.
Au moment où j'étais victorieux, on m'avait annoncé qu'une divisioQ
ennemie, forts de S balaîlloos et de 3,000 chevaux» avait entouré notre
aile gauche et l'accablait de coups J'ordonnai aussitôt à 9 compagnies
d'infiinterie, à 1 escadron Lobkowitz, k 200 Cosaques, h I escadron de
hussards, de marclier de ce côté, point sur lequel le général prince
Liechtenstein conquit de nouveaux lauriers. Non seulement il fit3S0 pri-
sonniers, mais il repoussa les Français au delà de la Trebîa..
Une batterie placée sur li rivH' gauche et les charges de la cavalerie
formée en escadrons causiVrent de nouvelles pertes à l'enuetni, qui gaf^
nissait la rive droite. Le combat se termina h ht nuit. Plus de 3,0U0 pri-
sonniers restés entre nos mains et les nombreux cadavres qui couvraient
le terrain, sur plus d'un milbî italien, indiquaient las grosses partes
faites par nos adversaires,
Tout étatt préparé, le 20 juin, pour livrer un nouveau combat. On
deviiit forcer le passage de la Trebia en employant tes troupes de la
colonne impériale russe (qui n'avaient pas été engagées le jour précé-
dent) et la cavalerie. Mais l'eimemL s'était retiré à la faveur de l'obs-
curîlé, de sorte que le matin on ne voyait dans le camp que son arriârd-
garde, laquelle, poursuivie par noire cavalerie^ dut abandonner les
prisonniers faiis le jour précédent.
À (] h, f/â du matin, j'arrivai à IMaisance où je trouvai 7,600 blessés
ennemis. Parmi eux, les généraux Olivier, RuscSi Salme, Cambray,
plusieurs chefs de brigade, quatre adjudants généraux, une très grande
quantité d'oiïîciers.
LA TRHBlAi. ET NOVT. WÎI'
L-'armée alliée s'avami^aJors vers laNura pendanl que l'avant'g.arde
se portait rapidement à, Ponte-Nura, prenait cinq canûjis, faisait lîOl) pri-
souaiers, s'emparail d'une parlie des tentes de l'enûemi obligé ii une
rutraite précipitée,, partie vârs Parme,, partie veraSeatri.
Mêlas.
Général, de- cavuleriti.
IVOA^I
Moreau n'a pas su secondes les opiira lions de Hacdonald dont
il recueille rarmée, h. Gènes, la l'a juillet. Sur les ordres du
Diwettjire, on préi>ai'&' une offensive ver^s Turin. Des eontingenls
mes de Nice portenl îi 48,00i) hommes l'armée dTlalie, que
iliert va de nouveau commander, car Moreau est appelé sur
le Rhin.
JouLerl arrivait à Cornegliano le 6 août; Sucbet était son chef
d'i^lal-mîijor. Ils préparaient une marche sur Novi. I,es11„lâ,
13. et.l4 aû(U,,celte marche éUtitiefifectuôe par les doq; divisions
aclivesi Joubart croytiil que la sifige de Manlûiie occupaîl' (ou-
jouis- Muay:. lorsque dé'ih ce général avait rejoint Sou vanow. Oes-
rapj>orl« n'élevaient les force* enneniies qu'à' âSjOOO' honimcs;'
01*; ces- forces étaient réellement de 3S,lB2'combalLants. CHîith'-
pionnet, commandant la nouvelte armée dfes Alpes, chargé
d'opérer une diversion par le Mbnt-Cenis, manqua au rendez-
vous. Le 15' août, à 4 "heures du matin, Kray attaqua ta gaucho
française commandée par Pérignon, devant Pasluraiia. Jouberl.
fui blessé mortellement, à d h... Î/St,. en. dirigeant une colomiD
d'attaque. Moreau, assistant, reprit le coramandemeot. et. ne
mollira, daoa celle sanglante journée aucune inilialive. Toute
la:seieace' de Saint-Gyr' qni commandait noli'C droite, toutes les
b0lle& manœuvres de Watririj tout l'héroïaraed-e Gardanno'chargé'
ite d-éfendre Novi, furent inutiles. Les fbrces énormes dc& Ailîés^
écrastrcTit l'armée française qui perdit, dans Pastunina, 18' ca-
nons et 22' caissons. Néanmoins, les troupes républicaines se
rallièrent le soir devant Gavi et atilour de Tassarolo, montrant
ainsi, après leur défaite, un grand courage et une admirable dis-
cipline.
M. de Mêlas écrivit fc l'empepau* Enangois U un» rapport, qui
16S
IOUHNA.!. DBS SCl&MCBS MILITAIRES.
indique les principales manœuvres exécutées pendant celte
journée si mémorable pour l'armée austro-russe.
Nous avons également relevé ce rapport dans les Archives de
la guerre de Vienne. C<ymme le précédent, l'original est en langue
uUemande; comme le précédent, il est inédîl et apporte une
utile et intéressante contribution îi l'histoire de la campagne di
1799.
RELATION DE LA BATAILLE QUI FUT LIVBÉE LE 15 AOUT 1798
PHÈÛ NOVI*.
Après la prise de la forteresse d'Alesandrie et la reddition du chileau
de SeravalJe, rfirmée impériale el royale, de même qu'une partie du
corps auxiliaire russe, était campée dans la plaine qui s'étend entre
Bivatla et Poîïolo-Forinigaro. Un corps respectable assiégeait la cita-
delle de Tortone el observait les mouvemcnls de l'ennemi. Derrière ce
corps, l'année se préparait à tenter une attaque contre te territoire de 1^
côte de Gênes.
L'ennemi prolita derimtnobilité des alliés pour rassembler dea troupes
éparses entre la rivière de G^nes et Nice et s'avancer vers la Boc-
chetta. L'arrivée du général Joubert communiqua une grande ardeur à
ces troupes. On savait que le gouvernement fran^^ais avait la plus entière
conlîance dans ce nouveau ebef envoyé en Italie pour délivrer la forter,
ressc de Tortone el reconquérir les plaines de la Lombard ie.
Le ta du mois d'août, l'attaque de l'ennemi contre nos avant^postes,'
devant Novi, fut des plus sérieuses, et l'on remarqua que de gros con-
tingents suivaient la route d'Acqui, dans la vallée de la Bormida. Le 13,
renncrni avait rassemblé ses colonnes, les avait placées dételle sorte, pour
l'attaque, que la pfcraiêrc devait s'avancer par Spigno et Acqui dans la
vallée de la Bormida. La deuxième devait menacer les vallées de Erro el
Orba, et la troisième colonne se rassemblait dans les vallées du Lemmo et
déjà Scrivia. Cbaque colonne avait «ne force de 10.000 hommes, de sorte
que la force entière de l'ennemi pouvait être évaluée à 40,000 hommes
environ. L'approche des Français faisait prendre au feld-maréchal
Souvarow la résolution de rappeler ta division du fuld-oifiréchal-lieule-
nant comte BeUegarde qui se trouvait près d'Acqui, d'abandonner à l'en-
nemi les hauteurs de Novi et de concentrer toutes ses forces entre l'Orba
et la Scrivia.
LA TaEUlA ET NO VI.
169
Cette décision étant prise, le corps du feld-IkuteDant-marëchal baron
Kray se mettait en marche vers Fresonara. Dans ce bouFg, il forma
l'aile droite de Tarmée alliée. Le centre étsit fonné'par les trou pea impé-
riales et royales russe» du général Derrelclen, et l'aile gauche par le corps
qui se trouvait près de Kivalta; après s'être assuré que l'ennenji ne
pouvait Taire débouelier dans la plaine loutes ses colontieB avec la même
rapidili? cl dans un temps égal, il l'ut décidé qu'on tes attaquerait avant
leur réunion. En conséquence, le feld-lieutenant-mHréchal baron Kray
reçut t'ordre d'attaquer l'ennemi le 14 au matîn, avec son eorps renforcé
par la division Bellegarde. Maïs la fatigue des troupes et ta longueur des
préparaliTs nécessaires pour livrer combat forcèrent de reniellre l'attaque
au jour suivant.
L'ennt:mi avait profilé de lajournéedu. 14 pour rassembler ses colon nés
et les placer dans une position si forte qu'elle était presque imprenable.
Son aile gauche s'étendait jusqu'aux (nonlagnes près de Pa&turana, pro-
tégée par un grand nombre de canons. Le centre tout entier se ironvait
près les montagnes de Novi et Seravalle, Il devait couvrir la cilé de
Novî el les hauteurs immédiates, [/aile droite s'i^lendalt définis tes mon-
tagnes jusqu'à Seravallc; elle était arrivée dans cette ville te 14 août.
Quoiqu'on eût, à la fin, décidé de ne pas empêcher la marche de l'cn-
oemi vsrs la plaine, cela pour profiter d'un terrain favorable k l'ar-
tillerie et à la cavalerie, toutefois dans la crainte qu'il arrivai parla suite
(les évi?nements fâcheux, le feld- maréchal décida qu'on nltaquerail la
position ennemie le 15.
D'après les dispositions prises, le reld-lleutenant-maréchal baron Kray,
qui commandait l'aile droite de Parmée, devait attaquer l'aile gauche de
l'ennenni et l'écarter pendant que huit bataillons russes, laissant Novi à
droite, menaceraient le flanc droit de l'ennemi. Le corps d'armée, campé
à Rivalla, devrait prendre aussi part à l'uttaque en poussant quelques
délachemeni.s sur te flanc droit de l'ennemi, sans cesser de se tenir en
expectative pour assurer au besoin le résultat de l'attaque.
Le corps du feLd-lieutenant-maréehÉil baron Kray se mit en mou-
vement dans la soirée du U pour se trouver le lendemain, au lever du
jour, en vue de l'ennemi. Les avanl-postcs de l'ennemi étaient, pendant
U nuit, attaqués et repoussés si loin par le colonel Dobay que, de bonne
heure, le ttros des deux partis se trouvèrent en présence.
Le feld -maréchal ordonna alors d'attaquer sur deuic lignes. L'aile
droite fut CD otiée au t'eld-marécbal-lieutetianl comte Bellegarde; l'aile
gauche au feld-marécb^l-iieuteuant Oit. La cavalerie des deux ailes était
placée sou a le commandemcot du général-major comte Palfy.
Ce fut l'aile droite, commandée par ie feld-lieulenanl-maréclial comte
Bellegarde qoii commença l'attaque; elle put s'emparer de bonnes posi-
tions prises par l'ennemi; mais dans le moment où les troupes, élec-
no
iouhnal dss sgjekcbs militaioës.
trisées par un premier «uccfa. vouJaiônl encore avwtoer,,!*» oortis. fran-
çais qui se croyait seulement aUaqu** à son aile gauclie, lira des troupes
(le sa droite et obligea le baron fcray à abandoiinor les pos^itions con-
quises.
Pendant cette action, le corps impj^rial et royal russe, conduit par los
généraux UagralioiL et Miloradovvitch, était entré en. ligne. Maïs son
action 3C lixniia 'i uue attaque dâ front dirigée conLie Ja ville de N'ovi el
contre les hauteurs t[ul Iei. eoiivrenl. Le coi"p$ russe fai. repoussé apjièï
avoir éprûiuiî de grossos pertes, et lecor|isdy feld-lÎGutiAoantrinaréclial
baron Kray sévit obligé d'ajûiunerune aJlaque préparée t;t de garderie
terrain qu'il accupait.
Comme le feld-mar^ehal reconnut la nécessik^ de renforcer les troufe&
engagées, on m'oi donna, d'avancer nu plus vite, a^eft le liorps campd h
Rivalta, pour favoriser une nouvelle atLique. 1^ corps laisBti k Bivfdla
m composait de In division dij feld mar<^clml'lir>uletuinl Frolieh D'alioiid,
je JisiMJaai ce corps en deux colonnes : la preipiôre s'avatu^erait pac Iai
rive gaucîje de la Scrivia; la deuxit^nie avancerait par la rive droite.
Les troujJËS impi^rialcs russi^es qui siï trouvaient canipt^e^ à Hiv4:tLta
$oos le commandant du gtJniiral Derlclden furent envoyées à. No vî pour
apimyer l'action des autres troupes russes.
PsndanI qoe jo formais mes colonnes, le feld-lieutcnanL-mankîlial
barou Kray, appuyé par deux bataillons russes, recûmraeni.»a l'altaquoj
mali;ré toute la bravoure des soldats, il n'arriva jioinl à s*amparer dna
hauteurs. Comme la secondé attaque des troupes rusnea îi^aiL été auBsii'
repousscii, je reçus l'ordre du feld-niarëclial, d'avanuer sivet mes troupes
contre Novij de réunir aux miina les bnlaillona russes repousses et de
recommencer l'attaque de front.
En obgervaui les po&ilioos ûa l'ennemi, j'eus bieniôl reconnu que son
aile droite élail^ au centre, impossible à fupcer. Alors, ne pouvunl axé-
culer l'ordi'e rei.iu, je dirigeai seulement quelques bataillons sur Novi,et
du reste de ma division je formai trois cotonnea pour opérer dan» le
Qanc droit des Frani^aia.
Le général Nobili fut envoyé à Yignole avec la pr^miàre colannevpour
observer ia rive gauche de la Scrivia cl diîlivrer la forteresse de Sera-
valle^ assiégée depuis deux jours, et cnlin occuper Arquata avec un
bataillon. La deuxitnie colonne, placée soubi la dir«<Uion du fcld-iinipé-
chal-Heutenant Froiich, ayanl les brigades Mîtrowski, Lusiguaui et
Laad on, .devait longar la rive droite de la.St'riviB et, après la réunioit
des trouftes du général Nobili, s'avancor vers lo c*iomin de Gaivi pour
couper la retraite à l 'ennemi >.
Le feld-maréchal ordonna la troisiùme attaque générale, elon v-eKade
ccLordre lefflld-lieulenanl-niarécluil bai;on.lkray aiuaique toutes les .troupe*»
ruàses se préparèrent, à mareher, Moa- colonnes avançant toujoura vera
Li TUEUIA. ET ÎTOVl,
171
W
lus poînlaquc j'avais mdiq^éâ. le fBldrmaréchd-lieiUânïUlt Fj*otHidi se
trouva engagé le jjremier avec l'enriemi. Le général Mîtrovvski, mac-
chanl l'ODlre le On ne droit de nos adversaires. &'ein()fira des lia u leurs le»
plus abruples. Le g'^aéral Landonj avec sa hrigade de grenadiers, tour-
nait le flàtic droit de l'euiiiiini. La brigade du içéfléral comte Lusignan
marchait sous un feu terrible et prenait aussi des liauteurs. Le succès
au rail été complet, si le général Lusignai), après avoir reçu trois bles-
sures et perdu ^on chevaL n'avait été t'ait prisonnier,
La colonne du ccnlrej dont je pris le commandement, attaqua de nou-
veau l'ennemi qui s'était avancé jusqu'au piel de la montagne. Avec !c
secours des troupes russes, nous refoulâmes les Français dans leur pre-
mière position, ce qui permit aux autres colonnes de gagner aussi du
terrain.
Le général prince Liechtenstein profita d'un moment favomble pour
faire ch irger sa cavalerie; il remporta de gri^nds avantages sur rennemi.
Lorsque ma colonne eut occupé une partie de la moniagoe, je fis alla-
.qacr les hauteurs de Novi par le bataillon des grenadiers de Paar, lequel
■«xéçuLa cette attaque sous mes yeux, en déployant la plus grande bra-
voure. Sous un feu roulant, it s'empara des hauleurs. Battu à son aile
(droite, rennemi se relira précipitamment par le chemin d'Ovada, et,
ïmme le feld-lieutenacit-maréchal baron Kray se trouvait, après notre
'âuccfts, tout à fait dégagé, il recommençait l'attaque, avec avantage
celte foi. s.
Le commandant Devay, des hu&sards ArcliTdiic-Josepli,!e commandant
Kees, des dragons impériaux, et le 3° bataillon Slaray, placé sons les
ordres du capitaine Pnkony, qui avaient été employés depuis le com^
mencemcnt de l'action sur le tlanc gauche de rennemi, tirèreut un grand
, protît de lii confusion de celui-ci. En cliar^îcant son arrière-garde, ils
^birirent 2,U[)U prisonniers avec le général CoHij plusieurs canons et vûi-
^Bnres à muuitions. , ,
^B Mêlas.
^B^H Général de cavalerie.
^jdro
jnartier général de Felitmoo, SO aoAt 1799.
Mais la victoire de Novi resla jjoiir les Alliés sans résultai.
Vainqueur, Souvarow ne put occuper la Ligurie ni le col de
Tende. Pour des raisons politiques, le- ministfere aulrichien
envoya l'illustre guerrier en Suisse où Lecourbc et Molitor.
postés Jatis le Golhard, lui ôtèrent sa réputation de géttérut loii-
nours vainqueur.
172 JOURNAL DES SCiBNGES HILITAIRBS.
Et M. de Mêlas, qui commandait l'armée autrichienne d'Italie,
tu camper ses troupes autour d'Alexandrie, prenant là, dès sep-
tembre, des quartiers d'hiver, qu'il ne devait lever qu'au prin-
temps de l'année 1800 pour aller assiéger dans Gênes l'héroïque
Masséna.
Edouard Gachot.
r r
PROCEDES USUELS DE COMBAT
DES ARMÉES FRANÇAISES
^SOUS LA REVOLUTION ET L'EMPIRE
B Quand ou éludie, d'une façon m crae générale, même superfi-
cielle, l'histoire des guerres de la Révolution et du Premier Em-
kpîre, il est un fait qui saute tout d'abord aux yeux, qui demeure
le sujet d'étoiinf^mcnt le plus singulier de cette extraordinaire
pénode, c'est la constance des succès remportés par nos armées,
la coûtiniiité dans la victoire, obtenue par des troupes neuves
opposées à des soldats rompus aux exercices et aux manœuvres;
par des officiers d'occasion vis-à-vis d'officiers de carrière ; par
' des procédés de combat, nés du hasard et de l'indiscipline, mis
■ en face d'une tactique savante, d'une tactique qui avait valu à
H Frédéric ses plus belles victoires,
H Un tel résultat est tellement surpmnant qu'il déroute la raison
H et n'a pu être expliqué jusqu'ici d'une façon plausible.
^ Toutefois, comme les événements ne découlent jamais que de
1. causes naturelles et rigoureusement logiques, comme ce que
H nous appelons exlntordinatre ou surnaturel est simplement un
W fait qui dépasse la portée de l'enlendenient humain, il doit exis-
ter h ce résultat, en apparence anormal, une origine rationnelle
que nous n'avons pu découvrir encore.
Il se pourrait donc que nous pussions expliquer raisonna-
blement les succès des armées républicaines ou impériales, si
nous arrivions à démontrer, par exemple, que le problème, tel
qu'il a été envisagé jusqu'ici, était posé d'une faron erronée; si
174 jr>i'n>AL UES scrBsnEs MiLiTvittes.
nous faisions voir que les armées françaises, louLes novices
([u'elles parussent Hm, demeuraient, en réalité, mieux exercées
que leurs adversaires ; si nous prouvions, surtout, que cette tac-
tique révolutionnaire — les tinûlleurs en grandes bandes, par
exemple, — 5DV)n cnoil née du hasard, de rioexpÉriefice et de
l'iiidiscipHnej eonstiluail nn procédé de combat mùremenl étu-
dié, médité, pratiqué par nos troupes depuis de longues années.
Sans doute, la |X)siLion de la question dansTces termes nou-
veaux déroute la plupart des idées jusqn'ici admises sur la
maliî're; nous voudrions cependant faire voir quelle est la véri-
lable. B'aillenrs, nous n'avons pas le inérite d'être le .premiei'
îi la présenter sous celte forme inattendue, et notre rôle se borne
ici à vulgariser une vérité qu'un écrivain militaire distingué
avait entrepris de démontrer il y h une cinquiintaine d'années,
'w On a écrit souvent, disait, en 1857, le général belge Renard*,
on a écrit souvent — et c'est l'idée la plus accréditée — que les
méthodes de guerre de la R,épnl»ltque sont IVeuvrc du hasard et
de l'exaltation révolutionnaire. (Jette idée est prolcfisée ton* :les
jours par les écrivains de l'Allemugnfij et lus écrivains fmni;«tis
eux-mêmes se sont plu î» la propager. Rien cependant n'e&t plus
contraire h la vérité. Non, le conibal de tirailleurs soutenu ,par
des réservea, les attaques à la baïonnette, nn i^otonnee de Isatail-
lon, au pas de charge ou au ]>as de course, ne sont pas le résul-
tat d'une heureuse inspiration ni de l'esprit de hlierlé qui ani-
mait les volontaipus.de cette époijue et les portait à se jeter en
avant ù. la débandade. €elte manière de combattre appartcaait,
au contraire, h un système de lactique dont les méthodes avaient
fait pendant vingt années l'otijet des méditations de tous les
militaires expérimentés de la Francei Le maréchal de Broglie, le
vainqueur de Sundershausen el de Borgen, en était le panlisan le
plus déclaré, et il les avait exécuter aiui canipH de Metz et de
Vaussieux ËQ 1778 » *.
Au moment où nous allons essayer de dire les méthodes om-
ployées par les armées de la Révolution et du Premier Eimpire,
> Le (féuÉral Renard, aide do canon iJ" ™i dûs Belges, chet du i;m'ii8.£l'îital-
* CMiidèraUt>m>»ur lin Tueti^Heile titifantarie tn Europe, 'Paris, Domaine
18S7, p. î&.
PHOCBDRS DE CITMBAT OK 1792 A I^O,
•176
est indispensable que nous nous arrêtions un moment snr k
pt*0|iORition formulée par le général Renard.
•Ancun officier n'i^ore les discnssions auxquelles avait fionri^
lien la tactique pondant la seconde, moitié du XVin« siècle;
les deux écoles qui s'étaient groupées, l'une autour de Mesnil-
thirand, l'autre autour de Guiberl : do Mesnil-Durand. l'auteur
<l'im système de guerre qu'il appeltail St/stèmc fmnçùis ou pir-
petidieutaire, et qui défendait ta colonnp; de Gnihert, le pflrtisan
de l'ordre linéaire, mince ou prussien, prônant avant ton! la
puissance des feux. Homme il arrive souvent dans des discus-
sions de ce genre, la lutte avait engendré 1 entolement, avait
poussé les champions aux extrêmes, el chacun s'élail cantonné
dans son opinion, sans céder sur un seul point, alors qu'avec
quelques concessions de part et d'autre, le litige eut pu se ré-
soudre à l'a mia Lie. Ce litige, pour bien comprendre les pages
qui vont suivre, il est néeeissaire que nous en retracions rapide-
ment les grandes lignes, et l'on verra alors, de Texposé même
es faits, découler lumineusoment la vérité énoncée par le gé-
néral Ttenard, h savoir que la tactique des soldats de la Révolu-
tion et du Premier Empire, résulte tout entic^^re des principes
6b par Mesnil-Durand, de î'ordre perpendiculaire, du système
français.
Au temps de Frédéric H, qui demeure le grand tacticien du
XYIII*^ siècle. Tordre de bataille était uniforme et intangible.
L'irifantCTÏe, sur trois rangs, était répartie sur deux lignes \ la
cavalerie était massée aux ailes, railillerie semée sur tout le
Iront. Aucune répartition en brigades ou divisions; chaqae ligne
formait une ossature xigide, opérant d'un bloc; un tout qui dé-
. jjendnit d'un seul chef. Un officier génôral commandait la |tpe-
I —
^H ■ » AujonriJ'htti, l'ordre habituel d'une armi^e rst sur deox^ ligiiea, Tinfaii-
j^Berieati rentre en ordre déploya! n'ayaot entre ses IjatîLilloJis ijue de très \ieliis
mif!r>vsllu«, ta L'avalarin a us uilcs, Cbr deu\ liifnes sont bifir droit&s «t bien
«lilgTiées, et laissant entre t' lie» nne distacioe de l'eat toûes {iOi) mètres) an
mons ponv tie pa^ irop exposer la deuxiémr au fou de reonemi pendant lr>
corabut de la jii'emiêre ». (CoVertUnt dfs ilivertm piéett tl mémoiret luassuiràn
^■finu)- firlwrer d'instniire la yrnuile affaire du taettifiie cl danner its diTiitern
J^mtoltiifaitâftnentx sur tovdre fran^aka propoai!. AmFiterdiiiu, t780, S vul, in-H,
^■t. I, p. iO). Cette Volleeéimi, poblitle jiir MçsniUDurand, ooiitient l*expua«'de
^■MOd systùmï, dernière manière. C'est fe elle ijue uous référerons dans kv* divi.-rs
^^T envois de ce lrav*ll.
176
lOORKAL DES SCIE.\CBS MILITAIRES.
mi&re ligne, un aulre officier général commandait la seconde
ligne '. It n'y avail point de résene; loiit ;tu moins, ce qui en
tenait lîeu n'était jamais constitué que par quelques èâcadrons
de cavalerie, parfois par un on deux hataillous d'inlanlerie. Pas.
davantage de lirtiilleurs. La force da dispositif eonsislait dans la
valeur des lignes, et l'on planait toujours en première ligne les
roeiHeures troupe?, « Le soldat est soudé dans le rang comme le
peloton au b&laillon et le Imlaîllon dans la ligne .>i. Devant len-
nemi, onne manœuvrait que par lignes ou par fraction de ligne,
et k dislance enti&re; jamais de niasses ni de formations com-
pactes. Celait le triomphe de la ligne déployée et du feu d'infan-
terie, envisagé comme nnique moyen d'action, de destruction et
de choc.
Sur le champ de bataille comme sur le terrain de manœuvre,
l'ordre linéaire procédait presque uniquement par des mouve-
ments processionriets el des formations en liataille (même sous
le feu rapproché de l'ennemi i.
Ce sera la gloire de Mesnil-llurand d'avoir rejeté le premier ce
système, non pas parce qu'il étail élranger. mais parce qu'il ne
correspondait point au génie français, parce qu'il attribuait au
fusil et aux feux de celle époque une valeur démesurée * ; parce
qu'il ne tenait pas compte d'un facteur qui demeurera toujours
prépondérant sur le champ de bataille : la puissance du choc et
la vigueur individuelle du combattant.
Mesuil-Durand, nous l'avons dit, eut le tort do demeurer trop
absolu dans le maintien de ses premières idées, dans la défense de
sa colonne; mais ses partisans, entre autres le maréchal de Bro-
glie, le général français le plus éminent de la Im du XVIU*' siècle ■",
Rochambean, Joly de Maizeroy, Bohanj le chevalier de Réralio,
directeur de l'École militaire de Paris, avaient élargi ses pre-
' Cet ordre fui âauvEUt, enrore employô iwtidAnt la Râvolutioti, Voyez par
exeuifile, l'ordre de tiataille de VA.rTa^a de Lui^kiH'i', en mai )79â, que nous avons
dijiinè (lins noire étude : Les Prélivimairei de Valmtf: La prtmien invminn
de ia Betsiiiiif. i'uria, Perrîn, 1«03, în-8. p. Ït3.
* RbnaBd, Taclitjue de i'ùtfnnterie eii EunijM', p. iO.
^ On sait coiiiljiAQ était imparfait le fusil modâln 1777 arec lequel les
troupe» de la ttËVûlatiou et de l'Empire tlrtint la. guerre et qui, ea dehors de
^a pelitii [lorléc, de sa mlnte jiénètraUoD, ûtait inntîliiialile en temps de pluie.
* << Celui-ci (ie inarèchol de Brogtie) n'ofTriiil [loiiit une auréole de gluire
PtinnÈDBS DE CflMBAT [<K 1792 A 1813. 177
jMHÎej's principes, en avaient élagué ce ([«'ils contenaient d'absolu'
f-ct y avaient introduit des lempéi-ametits qui, sans modifier pro-
fondément l'espi'it, le rendaient supérieur à (oui ce qui existait
alors de similaire en Europe. D'ailleurs, le duc de Brogliej qui
avait expérimenté priUiquemenl. au camp de Vaubsieux, le
syslf'me de Mesnil-Durand, n'avnit pas été le seul à adopter
UQ éclectisme qui mettait en lumière la justesse de son jus^e-
raeiit.
Rûchambeau auissi^ qui lui avait été opposé dans ces manœu-
vres, avec mission d'employer uniquement les formations prô-
nées par GuibertjSe garda bien de se conformer h ce programme
étroit. Il n'hésita pas, en diverses circonstances, k emprunter
Ji Mesnil-Durand plus d'un de ses Ijpes, et toujours il s'en trouva
bien. « On vit au camp de Vanssieux, écrit h cet égard le colonel
Carrion-Nisaij, le maréchtU de Bro^lie dans une attaque qu'il con-
duisait lui-même, le jour du passasse de la petite i-ivifu-e de Seule,
contre lïnfanterio de M.deRochamboau poslét^ sur les hauteurs
•de Villicrs-le-Sec, arrêter ses colonnes, engager le combat par
comparable a ct-lle de Frédéric ; c'-laît, touÈtfoid. en fait di> jfueiTe, un mérite
liés réel, et înconteslabtement la premiiVe réputation de Kniice. " (Coloiié] C*H'
«Khx-NisAB, Esèai sur l'Hidaiw généntie de l'art milUaire, l*aris, i82i, t. ![,
i Mesnît-Durand avait d'abord hasd sou système sur la 1:^631101] de colonnes
de Âeize raif)j^s de profondeur (éqnivalant â. deux iiataillons en culorme de
pdiitons iriassés l'un derrière l'anlrR), (ji**it avait appidéa Plttuionx; tnaH il avait
l(ji-iii«rae niodifit' lrr>s i^ssuniiidieinfiit ses premières propositions. Il n'est donc
pas jtinle, corume le Rreiit .'es rimt'iniî, (!on)ine fii'Mit miîiiie certains do sea
parti-^aiH, comme (jtianttté d'êL-rivaius militaires le fuiit encore atijùurd'l]ui,do
voir toujoars et seulement en tui, l'auteur des ftésiuns, des plé:^ionettes et
des Hianclieltes".
Dlios le dernier ouvrage sur su» syat^me, la Coltedioii tUs diverses pièees, ttc,
h laquelle nous mms sointnc'i rff té dèj k à la pa^e prérédenle e( qni est nu
ab^ê^'é nie toot ce [fii'nvBÎt éarit Mesiiil-nnrand dppuis 1753, l'iiutotir du sys-
li*nie perpend'ifiulatre parlant de stis premiers é':rilïi, u*}tammeot de suri Pi'ajvt
d'un oi'ttre (rançaU en laclifitw (1^5;^) s'exprime de la facou suivante : h Ce«
premiers ouvrages oc :iout plus absolu méat néresuLiires p^ur eon naître.
|fj' et praliquer le nouveau j:y*.tèirie, itiieax développe dans les otivraj^os
poslvrieurs. Je crois cepeiMliint qn'après en avoir prb, par les derniers, pleine
cou nai ii^aitce , on sera tenté de vnir ans^i les prornier*. ne fùt-i-e que pour
remarquer la marche H (e proam âei ith-et... Miis on sent bien que rianî cette
ehaudie i.iii ti'ùuii'ni loiittfHt II ithriur. Surtout H faut fulièrement nyln' !f
chapitre i II da. projet... >i {Colk<;lioii.eie., t. I, p. 38.)
' î.e» mMClies ûu maachettiiS, dih> l'iiiicien tïogïfe miUluIre, itifëal l^s ailes dti
|\ lialaJDon.
J. dit Se. mil. iû' S. T. XVII. IS
178 JOCRMÂL DES SCIENGBS MILITAIRES^
la.mousqiieterie et. ne marcher à l'ennemi qu'après l'avoir battu
une demi-heur» par un feu très- vif »•*. Et Guibert nous- avoue
lui-même que, œ même jour, Rochambeau « employa les co-
lonnesj les entremêla et. les combina avec des- bataillons- dé-
ployés » *, ce qui était incontestablement un excellent procédé,
uHi procédé qui eût dû montrer à l'auteur de l'Essai général de
tactique que tovLt n'était pas à blâmer dans l'ordre perpendieu-
laire.
Au contraire de l'ordre linéaire, qui n'admetlaitiquft laifonna-
tion en ligne % le système perpendiculaire comportait deux for-
mations en bataille, l'une déployée sur trois rangS). conformé-
ment aux errements de l'époque *, l'autre, la plus habituelle, en
colonnes- serrées- de bataillon ": ce dernier dispositif était re-
commandé pour manœuvrer, marcher, attaquer. Dans la ligne
déployée, les compagnies de grenadiers et de chasseurs ' que
comptaient alors les halaillonsj demeuraient formées- en colonne
par section à vingt-cinq pas en arrière et du centre. Dans- l'at-
taque exécutée par les bataillons en colonne, ces- compagnies
se portaient sur les flancs et paraient aux menaces qu'eût pu
tenter l'ennemi de ce côté, en se déployant rapidement en tirail-
leurs.
Cette dernière idée de Mesnil-Duraud, la pré tentiondo' faire
marcher les grenadiers autrement qu'au « pas ordinaire »
et « l'arme au bras », ne fut point upe des moiiidres causes
' Colonol Garrion-Nisas, Essai historique, etc., t. Il, p. 359. Ge passage
est copié mot à mot clans GmBERT, Défense du système de guerre moderne,
Paris, an xu (180?), t. I, p. 207,
* GoiBERT, Défense du système de guerre moderne, t. 1, p. 218;
' Gomme formation d'attaque (ivulerament. Il est bien enteniu; en effet,
que la colonne était acceptée par Gnihert, mais seulement comme dispositif de
manœuvre, comme moyen de locomotion, et non de combat.
* 11 ne manquait cependant pas d'esprits clairvoyants qui déjà demandaient
l'ordre sur deux rangs. Voyez dans la Théorie de la guerre, de Joly de
Màizeroy (Nancy, 1777, in-8, p. 138), ce qne cet écrivain pense dn trmsième
rang.
> Mesnil- Durand ployait toujours sa colonne sur le centre. Le maréchal de
Broglie la formait indistinctement la droite ou la gauche, en tête.
® Les ordonnances des 2â mars et 31 mai 1776 avaient établi qne-chaqao
bataillon (2 par régiment, sauf celui da Roi, qui en avait 4) comprendrait
4 compagnies de fusiliers, et qu'il y aurait, par régiment, 1 compagnie de gre-
nadiers, 1 de chasseurs, i auxiliaire. Ce fut avec cette organisation qu'on
manœuvrai Vaussieux. (Voir Roosseu, Etat militaire de 1777, p. 14S et sniv.)
friOCBDBS IJE (iflMBAT DE 1792 A. l81Ei. 179
d'amhres cri liq lies-. Faire courir des gens, aussi graves que des
greiiadior.'r pamissaii alors, une monslmosilé. Et, comme non
salislitits d'une tonlalive aussi ou dfjliors des usages, Jcs panlisîins
do Kordiie perpendiculairtî déclaraient ne pas vouloir lenir coiiiple
des « pi'«5âéancos dtv itîgiracnl ou d« Ijataillou », qu'ils préleuT
dâient aussi l'aire combatlre à gaucho — si l'occasiou s'en pré-
senluil — des- gens qui, dti tumps iraménaonal, avaient eu la
prérogative de tenir la droite, ils furent sigpalés par certaines
gcnèoûmme des novateurs danj^erouxi.
Toutes ces objections, qui nous pai-aisscul futiles aujourd'hui,
avaient, J) celle époque, une j^ruvité qui apparaît au.pnmderplan
dans toutes tes- pûIéQiiqut'ii du temps. II s'écrivit des ceiilaiuçs de
volumes pour les i-éruter,,!'!, h voir l!aigi'cnr de ('crlaines de ces
allaque^, on sent quci la lutte avait atteint, un dogré CMlrôme de
vivacité et de chaleur.
Miaisii revenons il Texposilion rapide dea idéus de MtisniJDur
raiid, do ses principales fonnalioiiB. L'ordre perpendiculaire
admettait, pour la manœuvre seulement». des- colomies de plu^
sîeiirà bataillons disposés l'un derrière l'autre; h la guerre, il
prenait des ûokmnes d'un seul bataillon et disposait ces colonnes
mup la- même: ligne (lignes de bataillonït on colonne de divi^-
sion) '.
Pour les marches, jamais de formations déployées, qui sont
peu maniables, impossibles k maintenir alignées, qui produisent
des flottements et souvent du désordre*. Toujours des baltiillons
enoolûnneiroanœuvr^tit au commaudemenl du chef de bataillon.
qui conduiti se» unîtes- au point* indiqué, pan- le chemin le {dus-
>L.i cokmiip <]« itimioni letle. qaVf)e ex^iïitmt daiiu h i-èglemcut. «)e 17BI,,
bm il fut fttit uti'USiLife coniitJUit, cùmiae ou le v-tcrniiiliui IoIq,. sens.lË..
nè««4iilioii et I* Preimer l^tnpirc; arsabsitté dau» notre ariDw jaMcju'iiit rûgle-
inmrX dp 18ttU. KU« »e coinpuJiitil d'unti cnlorine de demi. cinn|u^riieii,dË fruot,.
1fe« autres éléments de k ridonne (daux--' c»mpa|;ni6«). oq Ugtii'< juitu portées)
fàijéa- 6n acrîér^ ù. demi-dûtaucf, c'^at^-t-dire ii lai dj<itasca <]u frout d'une
oainpai^nir an ligne: Hjti ti^iii«â' *!« iitAmfarre, une 'livisinn étfpîvniait à deux
i.'cnnp&tcnie» iaKtttpOâée», im patotonéquirulait ù une rampapnii*.
*' Poujif.Mre iMBVoirà tfoH poUil l'eaprit d* [wrli peiii.(^gi*ri"r' Im Iwwnies
lM<pkuiëi!]ftirêâ. il nfliH $iifftrAd9 dire que (jiiilktrl ottlniuiit que li. marcha
d^dnolifne déplay^e était plus aiséu que-reile diuiia lif^ric do Loloiines m»' Lai
riratrcbe on- tiataille- d'une W^itt de culûiiiioa cai sot moins âuââi lente ?qii« colle
d une li((ne de bala.Jltoii(déplDjéi?)et etisest LêiUTOupi>lua djfJîrile ». {Définie
duiffitente de (marrr wDtk'rnt, ^, iùl.)
180 JOURNAL DES SCIENCKS ^ILITAIKES.
court nomme on le voit, c'est le bataillon devenu unité tactique,
c'est l'éveil des idées modernes; nous sommes loin des lignes de
bataille, oliéissant h un seul officier général.
Eufm, l'ordre perpendiculaire mettait en avant les principes
suivants qui constituaient une véritable révolution lactique.
Kon seulement la première ligne en possédait en arrifsre d'elle
une seconde, formée, comme la première, de colonnes, mais
elle était encore fortifiée d'une réserve dont le rôle était nouveau.
Cetle réserve, constituée d'après les idées de Bohan, beuucou|>
plus foi'le qu'elle n'avait jamais été, avait la mission non seule-
ment de soutenir les deux premières lignes, mais d'otécuter dos
contre-atlaques, des crochets offensifs, des attaques décisives.
Celait essenliellement une ligne de manœuvres. A cet égard, on
ne peul manquer d'être frappé de la ressemijlance que présen-
tenl CCS principes de Mesnil-llnrand avec ceux qu'a mis en avant
noire actuelle Éeoie de régiment \ et pourtant nous n'oserionj^
aftirmer que tous les auteurs du règlement de 1889 ont tous li
le Projet d'un nouvel ordre français, de 1755.
A propos des feux, les partisans de l'ordre perpendiculaire
affirmaient que l'expérience, notamment celle de la guerre de
Sept Ans, avait démontré que, sur le champ do bataille, les feux
de ligne produisaient peu d'effet'. Ces feux devaient donc h l'ave-
1^1
I
' flAle doa lignes, École de Rét/imcni.
' Oij lit dan* Bblow : G«ist des neuen Kriegsiysiémf non eineni ehernuUg.
prettuitehe^n Offiziere , Irad, de Tranchaut-Luvergne, Fai'îs, Bomardi, etc., 1801
iri'S, p. 137 : <t Si l'on m'awuiait d'avoir écfit un paradoxe, j'appelteriiis à
mon secours ie livre înlitulé CoiDiidémiions mr l'Art de la ynern; n<jnt l'au-
teur, ifui a fuit la gperro de !>ept Ans', »'«s prime du la manière suivante sur
les combats d'iurauferie de cetto guerre cèlûlire : h 11 n'a jamais élé possible
L( de compter sur un feu régulier dt- peloton, dii division ou de liatailltin; f'est
(t à peine ai i'on tirait avec uidre une seule fuis, et incontinent apnia s'éta,-
n blîssait It: feu irrégiili«ri i]ui ali[B,it suivant l'habileté de 4:ha£Dn à mant>^r
« son arnve. Souvent le# raugjj de derrière arrivaiflnt ?vr les épaules de ceux
(I de itevaiiL Jaiuai^i le pi'einier rang ne a'eil rnîa à. genoux; ]& troupe se
i< fitrmait ireile-niéme sur cinq ou bïx rangj p]as ou moins; la. ligue devenait
« uuR masse >iana oidrâ, et les offÎL'iers et généraux attendaient patïi^irimeat
«I ce qui en résulterait et si cela finirait par la pfrteou !e gaiti de la bataille.
u C'était rinfanttrrie prussienne ni^me qui oirruit ce tableau, ce qui mt à
« retiiarqurr m. Ainsi donc, puisque d^ns ]ùs bat^tilles le feu de l'infanterie de
lijjne Gnit par dégénérer en tiraillerie (qu'où me passe ce terine), je ne vois
pa.i pourquoi je ne serais pas eu droit de dire qu'il faut dresser le soldat à.
> D'aprâi Voit Dsn Gouti, Bosùack ft Htm, p. 161, cet auteur leratt Bâlirendorf.
PBOCRDKS PE COMBAT f>E 1792 A 1815.
181
demeurer l'exception, et, quanfl on serait réduit k tes pres-
crire, on les ferait toujours exficutér îi ['abri d'une levée de terre,
d'un épauJenient, d'un obstacle naturel du terrain.
Il n'existe qu'un feu efficace, disaient Mesnil-Durand et ses
amis : c'est ie feu des tirailleurs, c'esl-îi-diro le feu exécuté par
des soldats bien exercés, maîtres d'eux-mêmes et de leur arme,
libres de leurs mouvements. Le feu exécuté par les tirailleurs
doit être nourri et incessant; non seulement il inquiète l'ennemi,
lui cause des perles sérieuses, mais il empêche l'adversaire de
porter son attculiou sur le mouvement des lignes de manœuvre
ou d'attaque. Les tirailleurs constituent donc îi la fois un masque
et un moyen de combat. En conséquence, aucun mouvement du
champ de bîitaille ne sera exécuté que sous la protection des
tirailleurs. Soit que les lignes entament leur marche d'approche
loin encore du point où doit se produire le ctioc, ?oit que l'ins-
Ltant du choc Boil imminent, les tirailleurs seront toujours [h.
Sfj'esl seulement quand les colonnes d'attaque s'éiancent à Tas-
saul que les tirailleurs dégagent le front; ils se portent atorSt ou
plutôt ils se rangent sur les flancs pour parer à toute contre-
attaque.
Évidemment Mesnil-Durand exagérait en avançant que, seul,'
le feu de tirailleurs était efficace; mais, qui voudrait prétendre
qu'il n'y eût pas, dans ces idées, le germe des méthodes de com-
le inanAge, et ponrqunî je ne préférerais pas un corps de lirai i leurs orijanist^
4 eelui qoî *lcvieni tel par la force des eîrconstani'^is n.
Notim^ en passant que le tra>lucieiir du GeUI dei neuen Krifguifitffms pre-
nait I inforlunë Bulow pour le tidiiéral Bulow : w L'auteur de l'ouvrage dont
J'offre la traduction au publie, dit Tranchant-Lai'cr(fne, e^t un officier géui'ral
prusiieo, rlbtiogiié par aea connnissanies mîtitaires, et tiouord de l'arni lié d'un
prince lia Nord de l'Allemtigne... " De la part d'un traducteur, la méprise ne
laisse pas d'être [ikîsante.
Sur l'eflii.ai'îté du l'aii-ieii feu de liaiaille compan'^e à celle des feux de
tirailleurs, on peut encore riter ce passage da géuiTal Dul>c*ine : ti Va offlâer
/raofais qui aenraii peradiinl l'avani-Jernière guerre ctiei les Autricliii-its, m'a
conté quB piir les ftiux dVm buitaiHon français qui s'étail avancé jusqu'à cetil
pue du iîen, sa comfjap;ine ne perdit que tnd-i oa quatre lionimes, tandis que
dn.os le même temps elle en eut plu» de trente tuÉJ ou blessés par un groupo
de tirailleurs qui étaient d»iia un ptilil [m< sur leur tlune, à plus de troi>i
ci«iits pa!« Au passage (tu Mincio. en 1801. le deuJiiÈirie bataillon de la Si'
reçut lin feu de iMaîlluti du régiment de Ureivsi, et no perdit qu'un homme;
Ifsa tirutl leurs de celle Ir^ioii y lui^rent plus de trente hûiume* en quelques
iniitates, on soutenant la reirnitp de lour corps, » {Etiai hùlorique t^tr l'Infan-
terie légère, Paris, iSli, p. 3i4.)
182
lOURNAL DBS SCIENCES MltlTAmBS.
bat révolutionnaires cl impériales — bous 'dirons plus, celui des
méthodes actuelles?
L'ordi'e perpendiculaire n'avait pas négligé les dîspositionss
contre les troupes îi cheval, et sa formation de prédilection, hi
colonne, lui pormcUait de s'étaljlir en carré 'beaucoup plus
rapidement ^jue ne, pouvait le taire l'ordre linéaire. Il prO|)osiill
deux carrés, î'un plein, l'autre vide. Ce carré vilie était une fùr-
mation identique à celle du règlement de 1869, c*esi-h-tlire que
rélénjent de lèle ne bou^eunt pus, les compagnies du centre en-
traient en li^ne p:ir des conversions a droite ou ii gunclie, pen-
dant que le dernier éiénietvl serrait en faisant demî-lonr. 'Quant
au carré plein, c'était noln; actuelle ctJtoniic contre la cavcllerîc :
rélément de tète demeurait face en avant; celui de queue s'er-
rait et faisait demi-tour; les compagnies du centre désignaient,
il droite ei k gauche, un certain nombre de tlles pour iioucher
les intervalles; les files non employccs restaient îil* intérieur, ap-
puyant L'ontre'les deuxième et troisième faces. En résumé, Kordre
perpendiculaire présenLatl, soil comme formation préliminTiire
de combat, soit comme fornuUion d'attaque, tantôt une li{{ne dé-
ployée, up|)uyée pardescolomies ','tant'ôt unelif^ne de colonnes',
et elle couvrait toujours sa prcmîiVe ligne d'une nuée de tirail-
leurs. Elle comportait des dispositifs spéciaux contre la cava-
lerie {deux carrés), cnlin elle utilisait rarlillerie non plus p^ar
n pûtils pnquels «, comme on l'avait (oujours .fait iusiiuc+là.
mais ,par groupes d'une certaine injportanee. Cet « ordre 'fran-
Q4iis » étîiit. k n'en pas doulei;, supérieur à l'ordre prusaiea; il
'C'était k propos We 1:6118 'fomia l -on Û'oriirerTerperidi«i taire mlliiffi ^e
linéaire, fiiniialiun adoptée iiu le maiécliat de UrogH«, à Vaii-sietn, que
Guibert pallaiit da Iq irutinifuTre 'fh' Vilticrs-le-Bec, éirivait cet h' [itirase ;
Il Ce n'était plus le syatèmp do M. He'Meinil-Durand, L"Ptail Ip Taîfnioenr Idr
Bepj;Pn et ite Sundershaii!'«i p^iflnl• ce système n son talpiil et tneiinnl '(Ois
moderne, t. I, [t. Î07.)
' It est hkn cCTtarn — nMsyTPTfPTWJiisàdBssein (rneTorthe ]i<>éafr«
juinipttîiit au.'si )a i-olomie (<t dt-vait 'l'inscrrre thns (e règleflnenl rte*!70l:
mais h graadK tiffTtiiriire efllre Ifs tJ tins systèmes, ceUiî «jn'iliif ^sut 'psu)
perdre devof, est que la céliinno (l*mt'urnt unrijueini'nt'tiTfe formation Me
manœuvre, (jri'un alian'JoRnnit aiis^ilôt qu'on apptoétiait iie'tprm(>tni, 'Irnldis
que. i| api'ês'tea ftïfrejj de 'Mesmt-DimmJ, lacotonne était ii la'foîs uti dî-'p**-
âitir de manœuvre et de combat, tt de coiuliat plus encore qve de (uat)™iivr«.
PBOCÉDËS DE COMBAT DE 1792 A 1815.
183
lit |)lus maniable, plus en rapport avec te progrès Lactique
Péporfue. Pt pourtant il ne t'uL po in [accepté.
îous avons dit ailleurs l'engouement doiil laiFrance s'élait^i-
bitenient éprise pour Frédéric; il fut décisif aupoint devuodn
sort réservé aux tentatives de Mestiil-Diirand. Ericon': tpie du
CiJlé de ce dernier se trouvassent te maréchal de Broglie,
Bohan, Joly de Matzeroy, Kéralio, « tous les anciens officiers et
Kresquft tons les écriraiiis niiliiaîres de répoqne ' », l)ien ijue du
Ôté de Gtiiliert l'on ne lrouv:ît que les jeunes admiraieurs du
roi' de Prusse, qu'on désignait ^ celle époque sous ie nouj de
« faiseups * », le systilmuMinéaire remporta.
Cet ongouempnt pour les étratigors a toujours été un malheiur
diins notre. pays; il avait sévi déjJl au XV 11^: siècle; il fut plus en
honneur encore au XVHI", H'^ec celte différence que la favfiur
a(_xorcJéo à la coterie prussionne avait i^e côté pénililn et froissunt,
pour l'amour-propre nulional, de iiouj^ taire fléchir le genou de-
vanl. le vainqueur de llosbach. Au temps de Gniberl. cet engoue-
ment dépassa ccpendar.t toutes les liornes, et ce ne fut pas seule-
inçril dans l'armée qu'on le constJiUi, couiuift l'indiquent les
relation!) tic Frédéric avec Voltaîie, avec d'Alembert, avec Innt
d'uitlres deMios philosophes. (]hez les militaires, il lit ta fortune
de nombre' d'intrisfunLs, Joniini raconte quelque part* qu'il suf-
fisait, alors, de porter un nom tudesque pour' voir- tontes les têtes
.s'incliner devant soi, et i! nous cile ne (e Pirch », ancien ]>agctde
Frédéric rats à la porte de Berlin pour indélicatesse, qu'on fut
— Ueurpux de voir, k Paris, accepler un, ré^ginienl, uniquement parce
P^e SOU' uoiîi avilit une consonance barbarcet qu'if avjiit indiqué
nu procédé v pour aligner des bataillons sur les drapeaux n.iCes
^irch, eesjJahro' et aulras « faiseurs » étaient génériilement de
Bpftuvres • gs pri t.s . u Le moyen ordinarre decââ cJia r la tant^ était
d'invunler de petitos et bizarres observances prônées un moment
par leurs compères coainie des nmyeus sublimes, et(|u'ils abtin-
donnaionl pour en préconiser d'aut^l^s. sitôt. qu'elles avaient été
■^optéos |>ar les troupes françaises. Plus ces pratiques éluîant
' ' Cotoiiel CAfliuos-NiSÀS, onv. dté. t. Il, p. 348.
* Idem »'* if iule m,
* JtiiiiNl. Gwireii de la liéi'olutiû», M. bolge, t. l, p. 04. «*'!- 1-
* Auteor du règlement du 1777,
184 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
absurdes, à la fois inutiles et vexatoires pour le soldat, plus elles-
étaient adoptées avec chaleur par les faiseurs français qui pen-
saient, à la faveur de la sévérité avec laquelle ils les feraient
observer, mériter un avancement dont la paix n'offrait aucun
motif légitime *. »
Guibert était le seul homme de cette cabale qui eût une valeur
personnelle, et, si haute que fût cette valeur, il faut bien con-
venir qu'il avait dépassé la mesure dans ses attaques ; qu'il s'était
fourvoyé dans ses critiques ; qu'il avait manqué de clairvoyance
en ne discernant pas tout ce qu'il y avait de vrai et de pratique-
dans les idées de son adversaire. Mais chez Guibert le carac-
tère n'était pas à hauteur de l'esprit. Une confiance démesurée
en lui-même, un mépris injuste de ses contradicteurs, une façon
erronée d'envisager la cause des victoires de Frédéric, bien des-
motifs l'engagèrent à persévérer dans un système qu'il avait fait,
trop absolu. Ses succès littéraires, notamment son admission
k l'Académie française, la vogue dont il jouissait dans le monde
lettré et philosophe au milieu duquel il vivait, créèrent autour
de lui une atmosphère d'encens qui nuisit à sa perspicacité, et
il profita de sa situation au Conseil supérieur de la guerre pour
rédiger et faire adopter par le roi ce règlement de 1788, devenu
bientôt celui de 1791, qui, tout supérieur qu'il fût à ce qui avait
été écrit dans ce genre jusque-là, contenait à la fois des superfé-
tations nombreuses et des lacunes profondes.
Le règlement de 1791 , dans son esprit général, était la copie-
de la tactique prussienne, et c'était surtout par ses contextes
qu'il était supérieur à ses devanciers. On y trouvait encore le
changement de front sur deux lignes perpendiculaires ou obli-
ques, les passages de ligne, les passages de défilé par peloton,
les échelons directs ou indirects, les carrés de plusieurs batail-
lons. Par une sorte de condescendance pour les partisans dfr
l'ordre perpendiculaire, Guibert avait introduit à l'article 13 de
la Y* partie de l'École de bataillon, la colonne de peloton et la
colonne d'attaque; mais on n'avait tiré aucun parti de cette
innovation, qui ne figurait plus là où elle eût été surtout utile,
c'est-à-dire dans les évolutions de ligne. C'était aux soldats de
* Garrion-Nisas, t. II, p. 318.
l'ROCÉDÊS BE COMBAT DE 1792 A 1813.
48B
la Révolution et du Premier Empire k démontrer v que celte
formation, eu quelque sorte déd;iignée, renfermait en elle une
révûlulion taclique '■ ».
« L'ordonnance de 1791, a écrit le maréchal Gouvion-Saint-
Cyr, avait été rédigée par des hommes instruits, mais qui
pour la plupart n'avaient pas fait la guerre; elle était plus
propres faire briller les troupes dans les manœuvres d'apparat
qu'elle n'était ajiplieable devant l'ennemi '. »
Le lieutenant général Duhesme écrivait encore, sur le même
sujet, en 1814 : « Presque toutes les évolutions de ligne ne
sont, en général, que de IjcIIcs paroles Notre ordonnance,
compilée avant la Révokilion sur les manœuvres que le roi de
Prusse Faisait exécuter dans ses camps de parade, et rédigée par
des gens qui n'avaient jamais fait la guerre, ou qui ne l'avaient
jamais vue que d'un angle très rétréci, peut-elle s'appliquer
h DOtre genre de guerre actuel? Quel général, quel manœuvrier
pourrait dire qu'il a fait agir ou combattre une division ou une
brigade par les manœuvres de t'ordonnance? Quel champ de
bataille préparé exprbs dans une belle plaine découverte pour-
rait le permettre?
« Dans quelles batailles enfin de la dernière guerre a-ton fait
usage de ces changements de front sur une ou deux lignes, de
ces grands déploiements, de ces grandes formations de co-
lonnest Que les colonels de régiments de ligne soient de
bonne foi; ils avoueront qu'ils ont très peu fait manœuvrer sur
les ebampâ de bataille, quoique en faisant beaucoup de mouve-
ments, et que leurs manœuvres se sont bornées k des formations
en colonnes serrées et des déploiements par balaillons ^ »
Non; le règlement de 1791 était de la tactique de cabinet, une
série de manœuvres d'antichambre, et comme le bon sens ne perd
jamais ses droits, comme il existe une logique des choses qui vient
forcémenlîl bout des faux systèmes et des idées préconçues, il ad-
vint ce qui devait arriver, à savoir que, dès le début des guerres
de la Révolution, notn; tempérament naturel fit table rase Âti
' Général Hes/^kd, Conxiddralioni, etf., p. 19.
* GouviûN'Saist-Cyii, Mémairex si/r /fs Campagne* de l'armdti du Rhin, t^ I,
tntrodiK'tion, ]>. XLIll.
i Général Ditheswe, Eumi sur l'iafanlfri*- légère, Parig, t8i4, p. ÎIO.
f§6 JO[;it?!AL DSa SIÎIBNIÏËS MILITATHS;».
système '(les « faiseur* » el quele n^gtement de 1791, mstaiiLa-
némenl délaissé, na fut — eoîiiiue diuDuhoisïiie — pralifiuti que
sur le champ de mtinœavrc, t|Uciud on avail le lemps, quand
on fivaitdu temps!) jjffrdre.
Maks, |iou5sés, pressés par les citT:oiislam!(}a, les géiidraux de
la Révohitioii, ceux qui eurent, au dtîbul, à faire ftee ft l'rai-
tierai, udoplî^renl d'aiiord nue laGti(]Ufi qui ■élail c. dans l'air).,
pour fiinss dii'e. une fiinon tlf corn Iwittre dont ils avaient i-nti'ndu
prôner les avautHgTf?s : les liriiilleiiTSi el ta colonne,- tactique rela-
tivement fucilo, paTce qn'cHe 'Utilisait tïts qualités natives du
tioidflt el qu'elle s'éloigimit du formalisme d'école.
Ils choisirent, tout naturel IpuihiU, pour les jeter en ovmil
d'cax dune une formai! on -qui paraissait, ô •culte époqire, 'du
désordre, les troupes îos moins rompues au pas eoui passé et aux
manœuvres rigides, gordunl les balaîllouA de l'ancit^une iimiik
pour la ecilxïniie régulière chiargét' ■ die pofter.ie'ïîoutt' décisif. 'Et
eneore, celte façon de fairi! ii'(51ail-dllc p<as s^ntirnle, alvsolue.
'Dès le di^huldeki Révolution, nous voyous des guni^'aux dL'si-
gner de vieux soldats, dos soldais ;qi|>artonant aux régimenls
de ligne, pour les grouper eu unilt?s dost.iiir'i;'ft îiopérer unique-
menlen tirailleurs, pour leur farre'faire ce que l'on iippelaitotors
<«'le service d'itifanlefie Itigt-re i) C'est ainsi qu'an sitige il e Tou-
lon, en 1793, « on choisit dans une dtMui-brigade — c'est Mas-
Çiéna qui phcoiiIc le fait' — les H)(J meilleurs lireui>s donf'on
forma uocMinijagnie teuiporairc d'éelairenre, qui duliître eou-
âtammonl au complet comme cade des ^nniadiers. Ces Adai-
reurs, auxquels on nedonnait qu'une paire dc'souHoiis en grji-
titîcatiou par mois, devinrent htonltH uiie troupe pxcclleute.
'Aussi agiles et plus intrépides que les Bafhels, Ils 'furent le
ftèau et la terreur'dc l'enueitii. 11
Pendant les premières années dï'hvfli'-voîution, l'es- tîluîfs mlli-
Ifdres qui eonraiandaient nos armées avaient éié Rn grande
p4Tf lie officiers géui?raiKx ou 'loiU.'OU nioiTTSioffieiers -aujH'rieurs
ou BuballeTues -SOUS' l'ancien régime '; ils eotiiiiiissaîpnt donc les
théories de Guiberl et celles de Mesnil-Durand, et connue —
* OfficirTs g^enérauK : La PiyL>lio, Du ni on riez, Kellermsna, Gwatinp. Cati-
laincourt, Woreton, Valence, Û'IlarTiîle et cent autres ; ôïftriers supcrieitrs '
s rnvons vu —'Tordre linéaire n'rwailà peu ppfesjaucunpar-
isan dans l'arméej on peut alTirm^r rju'au jotir où oee hommes
iffurent pu silualion de l'aire aclf d'inilitilive, lils ueleifinint pas
pour appliquer des princîiies conlrairw h leurs scnlinieuls.
Les géntVpaux, même, qu'on vil un peu ])!iis;[at'd ù la léte de
los armées, ceux qui rravaieniéléqiic sous-officiers souslamo-
llar(!i)ic, iiKits qui t^taienl dcineua's ioufçtemps dans ce grade,
ceux qui, comme Hociie, Jonrdan, Lccuurbe eL lanl. dautrcfi,
Uvaicnt cuqdoyé leurs loisirs à étudier, & discuter les rfeglements
U s'étaient tenus au courant des rjnerelles qui passîonnaieal
leuTS dfficiers, avaient nniurellemflnl ado|)té leur manière fit:
roir, plutôt que celle des « faiseurs ». On le vit bien à Itiurs
Ktes.
'^Bonapiirtc lui-même, qui, en fait de manœuvres dlinfanterie,
Blailâans doute d'une capattitt'' niWiocn: et qui avait d'ailleurs
luire chose à faire qu'à les apprendre, 'ne pouvait être au fond
lu cœur qu'un MmitU-Durnudi-^te convairtcn. A l'École mililaire
lie Paris, renseignement tiiclique, sous les ordres du chevaliar
Jp'Kénllio, un des partisans les plus ardents de l'ordre profond,
pe [touvait élre qu'opi»osé nu syst^ille linéaire, el si le fulurem-
pereur avait pu -puiser quelque chose dans ces lecqiK de sa
rrinie jeunesse, c'fitait la canvidlioa que ia colonne était, ii'cette
poqoe, le seul ordre rationiitH du Champ delxitaille.
fRii'u ti'esl 'instructif, pour démoiUrer quelles étiiîenl les ten-
aiices latiliques au moment do la 'Ttévolilion, comme une
tslructioii de -Stîhérer, alors (1793) commandanl en diof de
iTWJée d'Italie, citée dans les Sour^nirn wilituii'fls du gthiéml
o^uel : « 11 est néeessaire, disait Schérer dans og document,
Ntdblir un ordre t[ui n^^unisse le doulde avantage (h l'ordtT
tnae et th rordri' profond.
<i f/hlf(Jtiterie eu eûlonnfi fi dfuni'-dktmjce ne doit psm craindre
unecharge de cavalerie, et elle rfw/f vmverser iameiUeun^mffin-
tmc du moMrf*', même si celte infanterie reste sur Iniis de hau-
ti'iiiv Quaiii fi 'l-intïin(erte ([ui coovro la marche desi eoloimes,
f^imme êtk datt s^éparpittej- en (imii/iwtM.ilest nécessiiireque
J'Han^eitt, Deâprês-Crassïer, Sâriirier. fiuval, d'Aboville, Ht., ttcOfflciers
«nbiUerriea : ItaToot, S^ttércr, Kléber, Dommartm, Martiiïnûld, Hc, elc, Jt
'aodrail un livie pour taa citer tuuâ.
188 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
ses rangs soient très ouverts; si quelques pelotons de cavalerie
viennent à charger, elle se jettera lestement dans les intervalles
des colonnes qui, n'étant qu'à 25 toises Sauront bientôt repoussé
cette cavalerie, car il faut que notre infanterie, placée en co-
lonne, sache qu'elle peut même attaquer la cavalerie dans cet
ordre *. »
A propos des formations favorables pour attaquer l'infanterie,
Schérer émettait les prescriptions suivantes qui eussent fait
frémir Guibert : « Le feu de la mousquelerie ne doit être d'au-
cun usage pour l'infanterie de ligne, lorsqu'elle marche à l'en-
nemi pour l'attaquer en plaine Je désire que l'infanterie
attaque celle de l'ennemi h l'arme blanche Il est impossible
de trouver l'ordre de bataille parfait, remédiant h tous les incon-
vénients; je pense que celui que j indique est le moins mauvais
et qu'il favorise singulièrement l'attaque à l'arme blanche, la
seule qui nous convienne '. »
En somme, cette instruction de Schérer donne le type des for-
mations suivies pendant toute la Révolution et l'Empire : les co-
lonnes d'attaque profondes, précédées et flanquées de tirailleurs;
c'est absolument le dispositif de l'ordre perpendiculaire.
Et précisément Schérer n'appartenait à aucune des catégo-
ries d'officiers dont nous parlions tout à l'heure. Né à Délie, en
Alsace, officier pendant onze ans dans les troupes allemandes,
plus tard dans l'armée hollandaise, Schérer eut pu ignorer les
querelles qui avaient divisé Guibert et Mesnil-Durand. Mais ce
litige avait dépassé, et bien au delà, nos frontières; il avait pas-
sionné les militaires de tous les pays, et il n'en était guère qui
n'eussent pris parti pour l'un ou l'autre des adversaires. De
l'autre côté du Rhin comme en France, la majorité des officiers
avait accepté la théorie de l'ordre perpendiculaire, sauf en
Prusse, où les victoires de Frédéric et l'orgueil national empê-
chaient de renier des traditions caduques. Ce n'était très certaine-
ment pas le hasard qui dictait à Schérer des formations absolu-
ment contraires à celles que prescrivait le règlement.
Si nous parcourons l'histoire des campagnes de 1792 à 1815
' Cinquante mètres.
' Souvenirs mililaires du général Roguet, t. I, I^èces justificatives, p. 485.
' Idem in ibidem.
PROCÉDÉS DE COMBAT UJi 1792 A 1815. 189
)us ne voyons partoul qu'cîsemples mettani en lumière celle
férité que le règlement de 1791 fui lettre morle pour les gens
qui éLiiienl chargés de rappliquer. Nous n'apercevons que feux
exéculés le plus souvent par d(!S lîraiileurs ou par des unités se
déployiint \mm- faire feu après avoir chargé à la baïonnette, co-
lonnes d'attaque formées de masses plujs ou nioina profondes,
carrés pleins et carres vides, en on nioî, tous les mouvements
appliqués h Vaussieux par le maréchal do Rroglie'.
Peiidftrit les dix premiers jours qui précédèrenl Jcmappea —
exactement du 2T octobre au 4 novembre — les actions journa-
lières qui mirent aux prises Autrichiens el Frauçais furent uni-
fc uenaent des combats de tirailleurs '. L(î 4 novembre, à l'attaque
de* bois deSars et du moulin deRoussu, le cotnbut en orJre dé-
ployé fut exécuté par S, 000 hommes ^ A Jemappcs même, le
6 novembre, Dumouriez lit égalyment engager l'action par de
nonibreus, tirailleurs *, landîs que Ferrand se portait sur Quare-
gnon el Jenmppes eu colonne par bataillon, et que, à la droite,
d'HarvîIle marchait dans une formation similaire sur les hau-
teurs de Berlaimont'.
On trouve des procédés identiques de combat k Hondschoote,
à WaltJgnies et ii Fleurus. A la bataille de h Roer, gagnée pai*
^ïurdan, ie 2 o(;lobrel793, sur l'armée impériale commandée par
k' A la fin de 1793, s'il faut en rroire Duhesme, nos armées auraient com-
lemeiit renoncé à la. manœuvre en liffne, cVst-à-dire à ronscrver (luelques
upt's fûtupactes, et n'auraiefit agi qoo par masses de tirailleurs. Ëa dépit
de l'itutorité de Dybe^me, de nombreux documents peraïf tient d'affirmer qw
CCA li railleurs (fiaient tatijOiirs s^nii tenus par des masses. L'auteur de ÏEmii
mr Vhtfanlerie léyèn' se contreilil d'aiHeiir.i liii-niénie dans ce qu'il avance
ici, puisqii'i la page suivante il irr'it : v Fal(ait-il aller à repoemî, attaffuer
BU posLe? On dëlachàit des îiataillons un-' )mrtie en lirailleuri; le te&ln tnai'-
cbail eu bataille, n'ébranlait ensuite àUi course, sans garder les rangs » (p. llS).
Ce dé^ordrp des réserves était impiilaltle au manqae d'instructron, mais oMn-
(irmatl pa.;* la volonté des gênérBus d'agir en masse par leurs déosiL-inea l^nes.
Diibesme a dit en outre, pi IIB : « Mureau et Maedouald savaleut m<^nafer iea
tirailleurs, riiâervaril leurs cfTûrts pour le^ niùayetnentâ dêi;isîrïi, el les aoulenïr
fr rie rinfanterif «* maise. "
• CuimcET, Jeniappta, p. 86.
* Ouniûuriez à Morcton, i novembre 17\t4 ^Archives hiàtoriirnes de ta
juerre, Arnit^e du Nord, h. la date).
* K 11 lance, dit liiihenas {fnfanlerie lég<!re, p. 110), des bataiUuns tout
«Qtiers en tiroillHura ",
* lojâtm, Buioire d^tgnerrei de la Révolution, éd, belge, Bruxelles, 18il,
[l,p. 179,
ISIO JOURKAU DES SCIEKGSS MILITAIHB&i.
Kl^ayt; les- mêmes théorie» sraffirment d'une façoa plus nette
encoroi Les:lieutenants-de Jourdan:: Schérerà-, l'aile droite,.Kléber
h l'àile gauche, étaient tou& deux d'ancien» officiers ; les forma-
tions- qa'ils- adoplent sont conformes aux principes^qn'il&avaient
apprisi à» trouver les meilleurs-.. A, Mondo.vi^en 1796,.mômea dispo-
sition&. « Ârnivés en face de Mondovi, écrit Maranont.dans ses
Mémoires, nous trouvâmes environ 8^000 Piémontais- occupant
une assez belle position, aiTOé& d'une nombreuseiartillerieiSérur
rier pritiaussilôt la résolution de les attaquer. Ses dispositions
forent faites en un instant. Former ses troupes en trois: colonnes,
se mettre à la tête de celle du centre i«fi faire, pnéeéden pan une
nuée de iiraiUiurs' et marchen au pas de obarge, L'épée à<lR
main, à dix pas en avant de sa colonne,. voilà ce qa'il; exéauiai.
Bfeaui spectacle, que' celui d'un vieux général résolu^ décidé^ et
dont la vigueur était ranimée par la présence de reamemi.. Les
actions énergiques d'un bomme vénérable ont: une autojité en-
traînante à laquelle rien ne résiste '. »
Commandant de Sèrignan.
{A continuer.)
* Marmont, Mémoires, t. 1, p. 162.
m L'CTtLITÊ ET DE L'INTÉltÈT
QUE PHIiSENTE POUR TOUS LES OFFICIERS
L'ETUDE DE LA- STRATEGIE
île sujel que j'aborde esl du plus haut et du plusgraiid'iiitérôt:
suj^tqui soiuble devoir être rosftrvfi auK môUi la lions des gOnécaux
I' fil ciief oL qui doit, à tout le moins,, être l'objet de l'élude de
ceux donlla missioTi sera de nous conduire un jour aux. glorieuses
revaofîhes,
Je vais |iar)er sur la stratégie.
Si oetle science a été choisie pour faire le fonds de cette étude,
'c'e&l que j*ai eu la pensée de la l'aire eiiirevoir sous un tel jour
'lue ceux qui se seraient arrêtés devant son étude par l'idée de
' yiditê, des difficultés de lu Stratégie, ou qui l'aurHieiil placée
<^*Hns leuf.esprii connue une bmuche trop éïe\ée de l'art njili-
laire et réservée aux seuls initiés, n'y voient plus que les jpuis-
*>tinGos intellectuelles qu'oHe procure, qu'elle promet connue toute
Science initiale, et le plaîsii- qu'elle oïlre comme toutes ces (îeurs
**t)iit les artistes s'évertuent à compliquer les corolles eiià.modi-
**'*'' les couleurs,
^s n'ai pas l'audace de vouloir rien apprendre..
^1 a dit avec raison : « Un générnl en chef a seul autorité
P^'Ur- faino prévaloir ses idées en pareille matière, n
^loii Lut n'est pas d'éuieltre di*s idées originales, de chercher
laij-c part de conclusions particulières. Et je n'hésilo pas à
'^Péter que je sotdiaile simplement d'càsayer de donner h ceux
*^aféfeone faite à ta Réaràon dfs Officieras d";\lj,<cr (>ii ISAl'*,
192 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
qui ne l'ont pas, le goût de celle élude si attachante et si simple
qu'ont obscurcie, comme à plaisir, un grand nombre d'écrivains
qui s'en sont occupés.
Ils auraient dû se borner au programme que Napoléon exposait
ainsi au maréchal Gouvion-Saint-Cyr : « Je voudrais doter les
généraux de l'avenir d'un ensemble de préceptes stratégiques
destinés à les empêcher de commettre des fautes graves. »
Il ne songeait pas à présenter des solutions toutes faites aux
problèmes donnés îi la guerre, problèmes pour la solution des-
quels il faut faire état de facteurs moraux et matériels très divers;
il entendait simplement déduire de l'élude des campagnes des pré-
ceptes qui, bien connus, eussent empoché, en 1870 par exemple,
des généraux en chef de se placer dans des situations fâcheuses.
La Stratégie, suivant la définition de Rustow, « est l'art de
diriger les armées sur les vastes régions où elles sont appelées
à marcher, h stalionnner et à combattre. Elle embrasse l'organi-
sation des troupes, les plans de campagne généraux, les combi-
naisons qui doivent amener les armées opposées en présence. »
C'est donc plus qu'un art, c'est une science, et, comme toutes
les sciences, elle a des principes simples, géométriques, dont les
inspirations de génie tirent des conclusions élégantes, ainsi que
nous disions autrefois de la solution des problèmes de géométrie.
En stratégie, il est vrai, un certain nombre de considérations
morales entrent en jeu qui viennent parfois modifier les solutions
des problèmes qu'elle pose et qu'elle résout. Il est vrai encore que
ces problèmes et ces solutions ont occupé ces grands conducteurs
d'hommes qui s'appellent Alexandre, Hannibal, César, Turenne,
Frédéric, Napoléon, de Moltke. Mais, si les trois premiers n'ont
pas appris la stratégie, s'ils ont bien plus résolu les cas par
intuition et par génie, pour les autres l'étude profonde a guidé
leurs conceptions. Et, si les affreux malheurs de notre patrie ont
eu des causes bien étrangères ci l'art militaire, on reconnaîtra
qu'ils eussent été moins graves si les opérations de V Année ter-
rible eussent été basées sur les données simples de la science qui
nous occupe.
Eh bien! cette science ne semble pas, en France, attirer les
esprits. A l'École supérieure de guerre pendant un temps on l'a
professée, puis on l'a supprimée comme étant d'essence trop
supérieure. On l'y a rétablie, définitivement, je pense, car sans
DE l'utilité de l'étude 11E LA STRATÉllIE.
193
«île il n'est pas possible do devenir un bon chef d'êtat-major en
campagne. Et j'ajoute qu'elle devi-ait ^tfe enseignée à Saint-Cyr
et h Sainl-Maixcnt avec toute la si ni p licite voulue, et que, dans
ces écoles, jamais Ton ne devrait étudier une campagne, la déve-
lopper, sans la faire précéder ou la faire suivre des enseigne-
ments stratégiques qiiNilli; comporte, et sans déduire ces vérités
incontestables :
Que c'est par la lictoire stratégique que débute toiUe campagne
teureme;
Que ta t'icloire tactique suit généralement la victoire straté-
gique, ou
Qtielte ne produit pas de fruits si cafte dernière n'est pas tout
d'abùrd assurée.
J'en donnerai deux exemples :
La campagne de 1870 a débulé par la victoire stj-até(fique des
Allemands. Par le seul fait de leur concentration straiéyique sur
le ilanc gauche de l'année française qui devait franchir le Rhin,
en menaçanl ainsi sa ligne de comjmmicatiûns, ils ont arrêté
l'essor possible de celte armée, ils ont déjoué le plan de cam-
p(jgne; ils ont remporté la victoire stratégique. Du mtîrac coup ils
ont slratégiquement annihilé les défenses des Vosges.
Et, plus tard, du 14 au 18 août, ils ont encore remporté la
rif^toire stratégique : ils ont renouvelé contre nous V ordre oblique
<lii graïul Frédéric. Ils oui mis tous leurs ciïorls k couper ks com-
mmicntions de l'armée du Rhin ; li la séparer slralégîqitement
des ressources de la mfere-palrie; h l'obliger, ^oit à changer sa
iifjne li' opérations, chofio toujours périlleu5i% soii à s'acculer vers
'ï* Belgique, et, ce résultat obtenu, ils l'ont écrasée et ne lui ont
laissé aucune ligne de retraite par où elle pat essayer derassera-
'il«i'ses noembres épars et de se refaire pour la France.
Les batailles du 14 et du 16 août, peut-être non voulues h ce
woinent par le grand étal-major, mais inspirées h ceux qui les
ont engagées par des considérations rr<(iment stratégiques^ ont
«onuoui'u au but tînal : elles ont assuré la nctoîj'e .stratégique.
^iJpposf!Z que le 18 aoilt se fut terminé pour nous sur une vic-
toire tacîiqm, quel en eût été le résultat?
L'ennemi auraîl mené sa reli'aite ^iratégiquenmH, sur su ligne
"^^ l'Hraite, sur sa ligne de coinmitnications assurée par tes ponts
de la Moselle et par la présence en arrière de certains corps et de la
/. de» Se. mil. 10- S. T. XVtt.
13
lîH
JÛChîî.Al. DBS SCIDfCBS lUUTÂIMSS.
Ul« armée; mais il ne Teut pas menée bien loio, car U «vait ài^
pu se rendre compte {Je l'încJipacité ^Lralégique dit gc aérai issime
irançais; îl eut conlÎDiié h couper lescDiumuiûciitioiiB de i'armée
do Rhin, fl la valeur de nos troupes ne nous eût pas i*(Hidu ce
que uoas avait fait perdr-e ïabsmcedidé^i straté^ques qui faisail
alors, conmic on pourrait le montrer trop facilement, le fonds
(Je la science militaire de ceux qui dirigèrent nos armées.
Faut-il d'avilrcs exemph's de Timportance de la stratégie^
Un seul encore, parce qu'ii est bien typique, parce qu'il esi
douloureusement gravé dans tioâ mémoires!
Vmméede l'EH exécutait uns* marche ayant un but stratéffiquf
tille devait débloquer Belfort et se jeter sur tm ligtieê de cottuitU'
nicalioiis de» AUfmawlis ; conception tardive, maifi vraimeni
âcienlitique.
Malheureusement la concetitraiion fut mal conduite el leBle.
Manltiuflel put se jeter sur les communications du général lîour-
baki, el, à partir du 18 janvier, on le voit renouveler la marck
odliffue destinée à séparer slratéguiueiMnl l'armée de l'E&i des
ressources du pays; à r.accitler à une frontière- Sa viclûit^ tira-
Irf^ique lui procura sans grande bataille VanêaMissetneut laàiqun
de cette jeune el vaillaule armée.
L''on a dit que les chemins de fer et le téîéijraphe avaient, sinon
détruit, du moins grandement diminué la valeur des doanéesde
rexpérit'nce, et que si Napoléon revenait sur celte terre peut-^ire
ne pourrait-il plus conduire ses belles campagnes. Napoléon sentit
toujours Napoléon, et son vaste génie trouverait l'emploi mer-
veilleux des ressources présentes.
L'intervention de ces moyens d'action, tout en augiDentant les
diliicullés de certnincs opérations et en diminuant les danger^J'-
quelques autres, ne fait tomber en désuétude aucun dus /^riwci/w*
fonda menlmu' de la stratégie.
Il est certain que la bonne organisation des chemins de fer, <n
vuedu transport rapide des hommes el du matériel pour bi »w/rt-
iimtiùH el lu eon cent rat ian, est un facteur très important de Uiule
puissance militaire. Il est certain que la supériorité numérique
qu'elle peul donner au début des opérations a une imporluuot^
très (grande, car elle permet de prendre Voffetiêive straléijiqm' .
nous no le savons que trop, hélas I La fuLblesse relative de noli^
réeeaB l'erré^ le désordre de nos transports stratégiques, furetJlle*
Û£ L'L'TILt!n£ UE «•'ÉTUDE DE L4 STOATKr.IE. l^S
cau^e-s iniiiîiles de nos désastres, carrenneiiii put nous surprendra
en Hagrant délit d'organisiitiaii,,. que tlis-je? de désorganisatioii !
L'emploi raLîoniieJ des chemina de fer peut eiicore <( exercer
^on inHuerice sur Ja nalui-e des opéra lions en donnant aux géné-
^Braux en chef les moyens d'amener nipidemenl dans la région où
^■doît être frappé le coup décisif, des troupes diepouibLes qtii eu
^MOnt encore très éloignées et dont il aurail été impossible au're-
^^■fois de r If clamer le concours ».
Les exemples aboudent, aoitdafis la guerre de Sécession, soit
Hiénie dans la guerre franco-allemaode.
Mais encore fant-d que ces transports de Iroupes soieni sage-
ment pré|jaré&, exéeulés avec ordni:, oL qu'ils répondejU h une
nécemté stralêtfique simple et évidente,
I Faul-il encore taire ressortir rimportauce des ligues ferrées
I pour le ti'aus|jorl de Iroupos eu relniile? pour le ravitîiilleuienl
en vivres el^en munilions?
.Vi-JD bnsûio d'uisister pour luonlrcr qu'ellee élargissent les
htms d'opthatiQiu ?
Won 1 j'énonce ces idées pour ne pas diminuer i"él(3udue de lu
laeelion «[ue j'ai ainsi soulevée, mais j'ajoute que les prutdpes de
i^rutégie restent intacts.
Èvidemnieut des conibinaiscms géniales qui ont été suivies de
jraiïds Buccès risqueraient fort aujourd'hui d'avorter ou de ne
jnnorque desTDsultntÈ imparfaits.
En 1197., si rarchiduc Charles avait pu disposer des chemins
fer qui relient rAUeniagne et TAutriche fi l'ilalîe, Botuifiarte
BR \'i\\ trouvé en face d'un antre problème, mais U eût eu daulres
soiu'cc^. Et j'avoue que je trouve un peu eufiiolines les «pé-
ibltons Ihéoriqucs sur ce qui serait arrivé en iSûSsi l'tn'inée
Houlogiie, la Grande Armée, avait eu des chemine de fer k
ishion, et si Rutusolî avait pu mettre eJi wagons les
;, : _. destinés h àhiok. Laf> armées ennemies se fussi^nl Cûii-
ffw» plus rapidement, et, comme elles n'eussent pas manœuvré
Tant dffvanl l'autre fit traîtts de {•jK'mins de fev-, le génie l'eut
iicore (Miiporté sut J'iia|>értiie, et Mact eut fait d'autres Xaulcs
•dM< .aurail prolité Napoléon.
Ce qui est vrai, c'est que (es diemùts de fer constituent upe
force nouvcHc, qu'ils inodi tient les faiédiiianK de tm^a : luaia Iês
ïmoiorJolics iournëes de 1814, entre Ui Saine ot la ilajne, mais
196
/OUiLXAL DES SCI£KC£S HILITAIRES.
celles d'iéna et d'Auerslaedt auraient encore lieu, car, une fois
leurs armées concentrées, CQJow eL Schwarzenberg se divisô-
raient encore et laisseraient à Napoléon sa ligne iiHérieure, et
Napoléon, aprfes avoir assuré sa base et la direction de sa ligtie
de cûmmunicaliom, saurait encore par sa marche oblique venir
se placer sur la ligne de communications des Prussiens el, après
avoir remporté d'un coup la mctoire stratégiqite, leur infliger des
désastres dont le souvenir nous aide à nous consoler el noos
permet d'espérer des jours meiUeurs.
Quant au télégraphe , il me serait facile de donner des aperças
identiques, de montrer l'ordre de 7nobili»alion aîlanl en un iustaril
prévenir les auLorilés les plus éloignées de la capitale; les rec-
seigneraents arrivant avec plus de rapidité; les commimicalioas
poussées jusque sur le champ de balaitle; les combinaisons d'an
Lazareff facilitées par rétablissement d'une ligne pendant l'exé-
cution d'nn mouvement tournant îi grande envergure; d'exposer
enfin que les surprises de ilack et de Mêlas n'eussent pas (Hf
aussi exiraord inaires.
Mais le télégraphe a4-il inspiré h Benedeci; qu'il pouvait battre
les Prussiens au sortir des défilés, se servir d'une ligne iïitéiieure
admirable et empêcher les Prussiens d'exécuter leur morne-
ment tournant utratégique double?
Le télégraphe a-t-il ouvert les yeux sur la dissémination de nos
corps d'ai-mée de Belfort h. Metz en présence de la concentrnim
allemande et notre base en chapelet u'avaît-elle pas, en regard
de la base en êquerre des ennemis, tous les dêl'auts inhérei
à de telles conceptions?
Et, d'ailleurs, pourquoi parier de la ftflsc d'opérations de l'ar"
mée française? On n'avait alors ni plan ni base, et celte igno-
rance desprincipes fondamentaux de la stratégie était telle alors
qu'elle diminua les résultats de la bataille de Conlmicrs, qu'elle
amena la perle de l'armée de l'Est et qu'elle plaça, pcodaal
Tarmislice, nos pauvres armées dans des conditions telles qi
si l'on eut dû reprendre les opérations, on se fut de nouveai
trouvé acculé sans base, s.a.as ligne de communications, sans m
plan permettant de jouir des avantages qu'avait pu nous donner
cette suspension des hostilités pour la reconstitution des corps
de troupe et l'éducalion militaire des nouveaux.
C'est à dessein que, chaque fois que j'en ai eu Foccasion, j'ai
DE l'dtiutk »e l'Étude de la stiiatéuik. 191
écrrit des mois qui, depuis longtemps, nn sont plus étrangers :
plan 'ft> r.ampfttjne , base d'opérations^ ligne intérieure, mouvement
to nriimit stratégique double, (igné de communications, etc.
il eiî esl d'aulres encore donl l'énoncé évoquerail immédiaLe-
metil tians les csprils les idées qu'ils représentent : déploie-
mtitit stratégique ; offensive otidéfeimve stratégiques; percemetU
du front stratégique, etc., eic.
Aussi liien ii'ai-jo pas l'intention de faire un cours de stra-
tégie ; je n*ni pas l'aulorilé pour ceUi, et c'est déj?i beaucoup
d'avoir pu soulever quelques coins du voile qui semble recou-
VTiP des choses sacrées, d'avoir pu parcourir quelques sentiers
spcrels.
Toutefois, pour atteindre le but que je me suis fixé, je vou-
(irais montrer encore, par quelques autres exemples, l'utilité et
j' igtérèt pratiques que pn'isentc l'étude de la strulc'gie.
^bDu peu que j'en ait dit ressort l'importance des lignes de corn-
^tftm'cations, et l'on a pu écrire que w toute armée dépend de
ses communicalious»; ce que Napoléon avait ainsi formulé : « Le
scci'et de la guerre est dans le secret des communications. » Par
mrei, it ne faut pas entendre Vignorance où peut se trouver l'ad-
fersaire des points par où passent les commun icat ions, mais le
g*''uie qui préside au cboix de ces lignes, à leur orgamsation,
,i leur protection.
ï Lorsque l'on parle des commîinications , l'on dit indifférem-
ment la ligne, les lignes de communimtions . C'est que cette ligne
peut, et même doit, ne pas se composer d'une roie unique; ce
pEui être un faisceau de voies de communications ayant entre
elles des rctaLions faciles : des roules, des canaux, des chemins
<ie 1er surtout, le long desquels sont installés les hôpitaux pour
wce\ûir les blessés, les magasins, les dépôts de vivres et de mu-
C lotions, et pai" lesquels l'armée peut se reporter en arrière pour
« réorganiser, se reliure, se recompléler, se reposer h l'aise et
•'^prendre le moral nécessaire aux opérations ultérieures.
Ainsi, aprf\s les batailles du 6 aoflt, quelles devaient être nos
wjnes fis communicfttions? Devait on s'en tenir aux relations avec
Paris? Non t La retraite générale vers le Sud-Ouest, sur les fronts
BHr-!e-Dnc— Neufcbîiteau-Épinal, Troyes — Ghaumont— Vesoid
•^Belfort s'imposait, parce que, grâce aux lignes de communica-
t^ns faciles, on se serait appuyé sur les forces vives du pays,
198) jouamL nm scibi«ces mtlitalrks.
piiîTe «jn« l'oti numit eu la disposilion les pessources générâtes
<le la FnirïCf; parce que, enfin, on mmiil trouvé des ar(nUafff:<
stralé'jitfues en s« plaçant sur le finnc (faache des commun u^ttiom
de l'enneroî, s*tl ^vait voulu marcher sur Paris, el, s'il avait,
poursuivi nos forces en retraite dnns b dii'^îelioii indiquée, il eiit
prêté le flanc droit tie mt coMnmnkatiom aux forces organisées
vers la capitale» et cela en étendant ses lignes, en les affaiblis-
sant, en les laissant par conséquent en luitle h toutes tes ntliwiies
des partisans vigonrenx sortis du sein de nos chtlTes^ populations
d'Alsaee- Lorraine. C'est ce que Napoléon avait indiqué par celte
phrase : " Pour couvrir Turin, il ne faut pas se trouver sur la
roule de celle ville », et c'eiît encore' t:e que conseilla le maré-
chal Canrobert, en 18oâ, pour iraniobiliscrGiuhjy.
H L'histoire démontre, dit loi^énéral rusi^e Lcer, qnu, d;iiis les
crises ((«'isives, rfissentiel est di: sauver l'année jikilùt qu'une
portion de lenitoii-e ou La capitale elle-m*^me.
« Ainsi, en f8l2, après Sa bataille do \.\i Moskowa, le général
en chef russ(j Kutusofi se trouva placé dans celte allernative
on do sacrifier l'armée pour sauver Moscou ou de sacrifier la ca-
pitale pour sauver l'armée. Il n'hésita pas ?i preiidru ce dentiep
parti, car il comprit avec raison que, tant que l'année exisLail, la
partie n'était pas perdue.
« Badot/ki agit de même en 1818. Surpris par le soitJèvemcnl
général qui avait éclaté dans la Lombardie et la Vénélie et paisle
passage du Tessin du fait de l'armée sarde, forte do 60>U00 botu-
mes, sans déclaration de eçuerre, il n'avait iraniédiateraent soua
la main des "O.QOO horanaes disséminéa sur toute la surface du
pays, que litiît bataillons avec trente pièces do canon. Il résolut
avant tout de réunir sou armée. En conséquence, il abandonna
k Charles -Albert sans coup férir .Milan et toute ta Looibardie, et
se retira dans le quadrilalùrft fonné par les places de Pi'schiera.
Manloue, Vérone et Negnago, afin d'y réunir ses troupes dispo-
nibles et d'arttendre les secours que lui amcnnit le gîén^ral Na-
gent. Il se réservait de prendre ensuite Toffensive.
ft Le succès qui a couronné finalement la détermination tU
Kuta.wtï et de Eladetzki confirme, mieux qtiB' tûul raisonne^
ment, cette vérité capitale, ;\ savoir que le terrain que l'oa, cède
k renneuii quand on se replie pour augmenter ses forces n*e&t
perdu <|iie momenlanômcnt, et que rieni n'est compromis, tant
DE L tJTlLITE DK L ETPDE DE LA STHATEdlE.
199
qoe l'arméG conserve son (énergie e.l ses moyens de combattre, »
La l'onciusion du générril Leer [laraUra cerlaiiierwent exceUente,
mais on la trouvera aussi incompîfîl&; car que firent Radelzki el
KiitUMlf» sinon rester en relations avec les ressanrces du pays;
s-inon encore no prisabandotmecet ne pas laisser au hasard d'iitiR
t bataille la sécurité de leurs lignex de communimtiom ?
Le général Harlmann, de l'armée allemande, ancien coranian-
danl de la It»* division de cavalerie, expose ainsi qu'il Kuit quel
anrait dû être le rôle de l'armée du maréchal de Mac-Mahoo :
t> L'ouvrai^e du Grand Élal-Major allemand sur la guerre de
1870-71 dit que l'armée réunie h GKfllons, après la délaile de
FrtBschwiller, sousi le conmiandemcnl du maréchal de Mac-
Wahon, au milieu d'août 1870, aurait dû couvrir Parts; que le
^ moyen le plus simple el le pins sûr de remplir cette mission eût
^Hélé de Sfî portnr jusque dans le voisinage Je cette capitale pour
^"offrir la bitlaiUe ?i l'envahisseur en s'aidnnt des ressources et en
Si'appiiyftnt aux fortitications de cette grande place. Si ['ariiiéie
frïinraise était battue, elle ponvail se soustraire rapidement ?i la
Kiour&uile, et l'envahisseur n'aurnit guère pu cerner Paris eu pré-
ence d'une armée qui complaît encore plus de 100,000 hommes
Je troupes de ligne,
! « On peut accepter cette assertion, mais se demander si la
France n'aurait pas pu tirer un meilleur emploi de ces
tOO.OOO hommes que de les placer dans Paris ou pr*'s de Paris,
(f La stratégie recommandée ci-dessus n'aurait abouti, en
définitive, qu'à une défense passive ou k empêcher Tinvestisse-
ment de Paris. Nous croyons, au contraire, que tant qu'une
«rmée Française, active et vigoureuse, aurait tenu la campagne,
il ne restait pas aux armées allemandes assez de forces dispo-
nibles pour agir contre elle et cerner Paris en même temps. Noua
^^sommes d'avis que le moyen le plus ot'tîcace (Je tenir Paris ouvert
^^KÛlétéde renforcer le plus possible l'armée destinée h tenir la
^^cam pagne au dehors. i;t li imprimer aux opéra liou.s do cfille
armée la plus grande activité. En rassemblant les forces i^onfiées
au maréchal de Mac-3Iahon en avant de Langres^ sur le flanc de
ia ligne d'opérations des Allemands vers Paris, on pouvail d'au-
tant mieux paralyser les [ir ogres de ces derniers vers l'Oueftt
que la nécessité de bloquer Metz et d'assiéger Strasbourg les eût
obligés à marcher contre cette armée de Langres, »
200 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
Voilfi la vérité; voilà de la vraie et bonne stratégie. Et cela
confirme encore l'importance des lignes de communications.
L'idéal est donc, à la guerre, de s'emparer des communications
de son adversaire : ce qui constitue la victoire stratégique, el
de se rendre ainsi l'arbitre du point où on l'attaquera, sur son
flanc, en tête ou en queue, à moins que, par une fuite rapide, il
n'échappe au combat, abandonnant du premier coup ses con-
ceptions initiales, laissant entre les mains de l'ennemi bien des
ressources et des soldats, et marquant ainsi sa défaite straté-
gique.
Il importe encore de distinguer la ligne de communications de
la ligne d'opérations et de la ligne de retraite.
Ces lignes peuvent évidemment se superposer. Mais, sans
vouloir entrer en des définitions oiseuses, pour faire sentir les
différences il suffira de rappeler cette question que tout chef doit
se poser avant d'adopter une ligne d'opérations : « Si je suis
battu, mes communications seront-elles coupées? »
Elles seront d'autant moins facilement coupées que l'on aura
choisi une base d'opérations plus large, en tenant compte que
« ce n'est pas l'étendue de la base, mais l'angle des lignes tracées
des extrémités de la base h l'objectif qui donne l'idée précise de
la sécurité des communications. »
Un exemple le fera tr^s bien comprendre.
Au début de la campagne de 1812, Napoléon voulait s'arrêter
à Vilna. Sa base était étendue, et Vangle était large. Mais, entraîné
par des considérations encore inexpliquées, il étendit son objectif,
le fixa tout d'abord à Smolensk, puis à Moscou. La base restant
la même, son objectif s'éloignant, Vangle diminua à ce point que
ses communications ne furent plus assurées et qu'il subit le grave
échec que-l'on sait.
D'ailleurs il oublia de se créer, durant cette invasion, au far
et à mesure de ses progrès, de nouvelles bases et de flanquer son
unique ligne.
Je sais bien que l'on pourrait dire encore qu'il négligea son
grand principe que l'objectif principal et primordial dans une
campagne, c'est l'année de l'adversaire, et le premier but la
destruction des forces ennemies.
Et l'on peut s'étonner, à bon droit, des fautes commises alors
par un tel capitaine qui considérait comme un coup de génie le
DE L UTILITK OE L ETDDË DE Lk STRATÉGIE.
201
siège de Tyr, |iar Alexandre, sif>ge qui, se terminant par la prise
de la ville, facilitail les comniunications des Macédoniens avec la
Grèce, clmngeait la ligne d'opérations et donnait une nouvelle
basCj plusi assurée et plus forte, mieux reliée avec la mère-patrie.
Je crois avoir rempli une bonne partie du programme de cette
i^lude el avoir montré, pur de «ombreux exemples, cités rapi-
dement parce qu'ils sont Lien connus, l'irHérÉl et l'utilité de
l'élude de la stratégie par tous les olficiers. Et je dis par tous les
officiers, car, eu tous tenips, l'on a vu les hasards de la guerre
porter au commandement des chefs qui n'y paraissaient pasdes-
linéSj et, comme l'on n'a pas toujours des guerres comme celle*
de la Révolution ol dfî T Empire pour en recevoir des cnseigne-
raents directs, encore faut-il savoir profiter des leçons du passé
el les avoir présentes à la mémoire.
Pour terminer, je voudrais esquisser les éléments de la solu-
tion d'une question bien grave, qui, certainement, a déjà préoc-
cupé : celle de savoir ce que noiis ferons iars de la prochaine
guerre: si nous nous maintiendrons sur la defenske stratégique;
si nous prendrons, au contraire, des dispositions ]>our une offen-
sive stratégique; en un mot, quel déploiemetit stratégique sera le
niMre ?
J'ose aborder ce sujet si important [jour essayer de continuer la
démonstration que j'ai entreprise et qui fait le fonds de cette étude,
ft On ne périt que par la défensive ", a dit le maréchal de Vil-
lars. Il eut dû ajouter pmske, car il est des cas oft il faut rester
sur la défensive, par exemple quand l'ennemi a la supériorité
numérique; quand cette supériorité numérique est affirmée par
une concentration plus rapide et mieux ordonnée. Alors le dé-
fenseur doit réunir SCS masses, créer ou profiter des obstacles
qui obligent l'assaiUant ^ diviser ses forces, tandis qu'ils faci-
litent au défenseur les moyens de tomber avec ses masses réu-
nies sur le groupe principal de son adversaire.
Tel est l'aspect de la défensive stratégique.
Biilow va nous la faire encore mieux entrevoir :
« Dans une guerre défensive, dil-il, les armées doivent, ii l'aide
d'un rideau, tel que cours d'eau ou chaîne de montagnes, des-
cendre la périphérie d'un arc concave pour se porter sur le flanc
cl les lignes de communications de l'envaliisseur.
305 laCHNAL DES SCTBNCE9 UatTAtBÏS.
« Ce prot;étié doit ^ire employé notamment «yiiund on n'a
pu dpfendre la frortluTe ellivmônie, ce qtii se piiSseiUB qnaii
nlle a une forme convexe vers rcmipmi, iittendu qu'une fronlièi
convexe n'est pas défendalile en premti're ligne. Pour y remé-
dier, il n'y a qu'un uioyen : i'N.'sl ûi: se créer, <i l'intérieur, unc^J
base d'opérations de forme conciive. » ^|
Si l'on veut bien jeter les yeu\ sur la forme de tmtrp frontît^n'. '
on remarquera que, en la trarant coiuine ils l'ont fatt, les AHe^
mands ont oMi aux considérations de Bûlow. Ils ont voulu nt
donner uno frùntièrf cmtrexe en se donnant une baxp conntrf,
pour nous Mi ger à la (h'ftmîm stmtéijiipw, csp^anl ainsi nou^
voir jiUandonner d»'^s l'abord une partie de notre territoire
escomptjint, pour leurs succf's futurs, l'impression momte elpeii
être trop vive qu'en devrait res-seiilir la France.
De notre cOté, qu'avons-nous Fait? Nous avons, par celle série
de forts d\arréts et de pinces, par celle ligne d'ob?tarles qui
s'étend du Verduti h Relfort, pivpiiré, et nous ncus sommes im-
posé, pour ainsi dire, la création d'une hase caneave en arrière
do ces obstacles qui ont pour but de. diviser les forces de notre
futur adversaire, pour nous donner les moyens de tombftr avec
nos masses réunies sur son grou|)e principal, saisir ses comiBU-
nications, en partant d'une aile de ladite base eonam'.
Mais, d'autre part, il faut avoir grand soin de donner une àase
étendue h nn^ armée qui agit sur le liliancde l'ennemi» aiin qu'elle
ne puisse pas être tournée par celut-ci et acculée h une froatièi
ou il un obstacle naturel infranchissable.
Or, on ne peut éviter de considérer que la base concave en
question est limitée îi droite et II gauche par les fr-ontières de la
Suisse et de la Belgique, et, h moins que l'on ne viole ces deux
neutralités, chose grave et otTrarit des eoinplications iuatleiidues,
il faut examiner quel est le /hinc de (a àftst' concoi'e le ]>lus pro-
pice, celui, t'n un mot, duquel il serait préférable de partir poor
tomber sur l'ennemi divisé par les obstacles.
Le flanc Sud-Est parait s'imposer, car il laisse à la disposition
toutes les ressources de la France, des lignes docommunicalions
nombreuses, une ligne de retraite assurée pour venir an centre
Je la France reprendre de nouvelles lorces pour de nouvi
i'ombais.
De ce que je. Tiens d'exposer, il résertleraît donc qaft Iîi forr
m h UTIUTB DE L ETUDE DK LA STRATEIJIE.
203.
■ ÛQ notre fronlière nous impose, dûs ledébuL, la défemire strcUé-
(jique, la création fJ'uae hme cattcarer flûiit le liant; droit sevail le
mieux garni; ce tjui répondriiit ù Ui règle émhe par M. le gé-
néral Pierron : « Lorsqu'il s'agit de mouvoir plusieurs centaines
de raille hommes, il est indispensable de les rêpai-tir en plusieurs
arraées; alors l'ordre en équerrc s'iibpotie puui* la défense stra»-
Itégique. a
Mais c'est le dpploietnent ttritteffique qui permet de donner k
Vwtaée sur la défensive te groupeiUL'Ut et la forme parliculière
qui convienntmt aux uireonslauces.
Il a donc une très h aille ira po fiance pnr l'aclion qu'il exerce
aar les opéralious ultt^rieures,
H II est (.oui d'abord soumis h cette nécessité q.us la caiicffHtni'
I tion doit être opc'réf! tin dehors des attemtes df l'cnnenèi. En 187Û,
I les A-lleraands l'ont opérée à une moyenne de cinq journées de
B mai-che de lit imulLèi-c.
™ D'autre part, si Ton tient compte des exemples du passé, des
disposilioQS prises [liir Napoléon (*ti 1809, par de Mollke en 1810,
on Toit qu'ils n'adoplf'nMil pas pour leur déplttiemenl; straté-
_ ijique le lorrain sur leqrjci ils voulaient livrer une ImlinUe défenr-
H «Vo, mais celui d'où ils voLdaitjnt partir pour commencer leurs
o|jérdUonR.
Knfln,si l'on n'oublie pas les quelques principes déjk êinis, on
Vûil que le déploiement atralépque doil remplir les tondilions
saivianles :
S'éflecUxer le plus rapidement posahle ;
S'effectuer- ù une dislance de la frtjnlière lelle t^ue rennemi ne
puisse pus entraver Topéralion;
Couvrir la masse des ressources du pays de manière k ne pou-
voir pas en être coupé ni acculé îi une ffontiôre;
Avoir des appuis sur les Ûancs;
Atïecler la t'omie en éqin^rru ou conc-ave de manière à per-
meUce d'aborder l'ennemi de front et de flanc avec toutes les
forcws réuûies.
On a d«î:jà tiré toutes les conclosions qu« comporte cal ex-
posé rapide dans lequel je n'ai eoirevu que la défensive slralé-
Kiquc.
Maie, en prépanint la défemire stratéffiqws, l'oa ne ferait qu'ap-
pliquer le pponiier p<nm\^ûàiiVo{fmai^estPat4QV^titu principe que
204 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
Napoléon formulait ainsi : « Il ne faut tracer un plan offensif
qu'après avoir pourvu à la défensive. »
C'est ce que dans son mémoire de 1868-69 le général de Moltke
avait fait.
« M. de Moltke, dit le général Leer, examine les diverses hypo-
thèses stratégiques et a soin de commencer par les plus défavo-
rables à son armée avant de passer aux chances favorables. Il
s'occupe longtemps de la possibilité oti elle pourrait être d'ac-
cepter la défensive avant de considérer ce qu'elle devrait faire
dans l'offensive. Quand il discute l'emplacement sur lequel il
convient de rassembler les armées allemandes, il part également
des hypothèses les plus défavorables pour elles, afin de voir si
cet emplacement est le plus convenable, et il admet même la sup-
position presque invraisemblable où les Français passeraient de
suite la frontière avec 150,000 hommes. Aussi le plan de M. de
Mollke est-il empreint du caractère d'un calcul profondément
médité qui laisse le moins possible au hasard. »
Mais, en abandonnant tout d'abord une partie du territoire de
l'Allemagne et en prenant ses dispositions pour la défensive
stratégique, de Moltke prévoyait l'offensive stratégique et, fidèle
disciple de Napoléon et de Clauzewitz, avait assigné des objectifs
bien définis aux armées de son souverain.
Le premier « était de chercher la principale armée de l'ennemi
et de l'attaquer là où on la trouverait »,
Et le second, de mener cette attaque « en tendant à refouler
au Nord le gros des forces françaises pour les couper de Paris ».
Ainsi, le premier objectif était Varmée ennemie. Pourquoi?. . .
Clauzewitz va nous le dire :
« Qu'est-ce que l'Etat ennemi? Quels sont les facteurs de sa
puissance au point de vue de la guerre?
« C'est, avant tout, sa force armée ; en second lieu, son terri-
toire.
« Viennent ensuite quantité d'éléments auxquels les circons-
tances du moment peuvent donner une importance plus ou moins
grande, tels, par exemple, que la situation politique extérieure ou
intérieure qui aura parfois plus d'influence que tout le reste.
Mais, quoique la force armée et l'étendue du territoire ennemi ne
soient pas cet État tout entier et ne représentent pas toutes les
ressources de cet État pour faire la guerre, ce n'en sont pas
DK L UTILITE DE L ËWDË DE LA ^sTIUTlïtilE.
âOS
noÎQs ces deux élémenls Loajours prédominants qui surpassent
mmensénjeul, en importance, tous les autres.
<( La force armée a pour mission premtèi'e de protéger le ter-
liloireetde conquérir celui de l'ennemi; de son côté, le territoire
Snlretient la force armée, la nourrit et pourvoit sans cesse à son
ecrutement. Ces deux éléments se soultenuent donc uiutuelle-
iient l'un l'autre, marchent de pair, et leur réaction l'un sur
aulre est éi^ale.
« Mais il y a une grande différence à faire dans leur impor-
ance réciproque.
« Si la force armée est anéantie,... la perte du territoire s'en
luit ipso facto, tandis qu'il peut parfailemenl se faire que de la
du territoire ne résulte pas l'anéantisseraenl de la force
ée, »
C'est donc la force armée ^\x\\ faut atteindre tout d'abord.
ais, où?. . . Je l'ai déjîi indiqué: « La victoire stratégique ne se
emporte que sur la ligne de communications de l'ennemi. »
Après avoir préparé la défensive stratégique il faudra donc
l'occuper de rolîensive stratégique ^\^\ devra lendre à gagner les
iqnes de communications de l'adversaire.
Elles ne seront connues, dira-t-on, qu'une fois sa concentration
effectuée ? Cela est vrai. Mais son déploiement strqtégiqtie pourra
donner d'utiles indications.
Et si nous avons préparé de bonnes tête^i de pont, comvae il y a
lieu de penser que le soni Ses places de Belfort. Épinal, Toul et
Verdun, il sera peut-être facile de s'en servir en passant Vobstade
nir la ligna la plm courte pour aller déborder l'ennemi en le
retenant sur son front par des démonstrations, détruire ses
IrraétîS et prendre les dernières revanches qu'il nous reste à
rendre.
Commandant Godchot,
Major du IS&o réginjent d'infanterie.
l5l
A RASTATT
DOCUMENTS NOUVEAUX
La remtu'qaable îiclivité qu'im bûmmp aussi timinent qi
teldzeugmeister L. von W^tzer avait so communiquer aux offl-
ciars^soiis ses ordt^es, ne sfitiibk pas devoir se ralentir depuis que
le général- ma] or Woinovich a élé apptlô & occupor la place que,
vaincu par la fa ligue Qt l'fîucc&s de travail, le MdMnginoster se
décida h ubaudonner, Irop lùl pour (otia coux qui l'onJ, vu à
l'cBiivre, coiBHie j^ouj ceux qui ont pu rendre ju&li ce h ses rares
qualités, rien que par les piiblicatiojis aussi belles que oom-
h-euses qui ont marqué son passage à Ja tôle de la Section his-
torique (lulricliienne. Tout permet heureusement d'atïii'mer
atijottrd'hui que le feld-^eugmetster von Wetzer a trouvé un suc-
cesseur digne de lui dans la personne du général Woïnovicii.
Pliacé depuis un an à peine :\ ta tète de cet important et diffi-
ctte service, 'le nouveau dirccleur des Archives impérîtles «et
royales de la i^ucrro a âvideiuiuenl tenu et, qui pluii est, tréosËi
à prourV-ei' que la Section historique de l'élat-major autrichien
.conlinuerail à marcher diiiis la vole que lui avait tracée s(
illuslrc prédécesseur. Il suffit, pour s'en convaincre, do jeler
coup d'œil sur ce que le Kritgs Archiv a produit depuis la_
l'etraite prématurée du feld^eugraeister von Wetzer.
Aux 5" et 6*^ volumes du magistral travail que la Section hist{
rique consacre îi l'élude de la Guerre de la Suevemon d' AVr-
trkhe, au 1*"" volume de la nouvelle série des MittlieUuHgen des
K. n K. Kjiegs Ârchirs^ aux deux premiers volumes de
L'ASSASS^AT des MTHISTBES ™AKgAIS -k i,ASTATT. 307
diictîon de la Guerre tureo -russe de iHll-iBll8tréd\gét parla
Commission d'hisloire militaire du Grand État-Major impérial
russe, vient de s'ajouter an iifiuveaii volume des Miithe.itwigen
lies À rchites de ta (ruerre de Yiemte. C'est à ce volirme, le 2« de
la 3" séfie, que ûûqs f'mjiru!itoi]&. grùce à raulorisalion qu'a
Lieu voulu uous donner le capilaiue Crisle, les quelques docu-
ment nouveaux (dont dciiK sont tirés de nos Archives natio-
Maleà)qi!i coutinueul el corrobonmt de h façon la plus heureuse
l'un des poinltr les plus essenliels de riiitéressaiite el curieuse
étude qu'il avail consacrée h Taesassinat des ministres français à
ftatilaU.
Un ancien Officier supéicur.
m
Parmi les pifcces qui figuraient dans le livre : UAsuassimtt des
^Jllimstres fraHpm à Rnsdilt, rime des plus imporlaiites, si ce
M'est mÉme la phis in)|)orU'inte de toutes, était assurément le pro-
■ktcele de l'enquête de Villingen, ce protocole, qu'on avait |>en-
Paaiit si longlcnip,s cherché en vain et qui, encore plus que les
autres documents, devait servir et a servi h établir rinnoceuce
des hussards de Siiekler, rinanlté des accusations portées uonlre
eux.
■ L'apparition de^oe livre a été diversement accueillie par la cri-
tique. A i'ùtù de ceux que ces doeumf^nts avaient convaincus, de
ceux auxquels sa lecttire avait déiuoiitré qu'il était désormais
iRijiOssiUie d'admettre en bonne conscience la culpabilité des
hussards, on trouvait, il est vrai, des esprits sérieux qui se refu-
*aieni a accorder pleine créance aux pièces aulbenliquos qu'on
bétiait de publier pour ta proniifîre fois. Ainsi, pour ne cilei' que
^eux historiens d'une haute valeur, deux des hommes qui uni
plus parliculièreiiient étudié et approfondi celte question, alors
que le baron von Helfert proiitait de la pubhcalion de cet ouvrage
)iour réunir les nouibreux el précieux travaux qu'il avait con-
fcacré* à l'assassinat de Uastatt, pour déclarer que la qut^slion
tli semblait désormais tranchée dans un sens négalil', c'esl-à-
iiH? qu'on savait désormais que les hussards n'étaieni pas les
mcurlriers, Hfruiann lliiiïer trouvait, au contraire, que te baron
boa Ueilerl, loul comme l'auteur du travail en question, avaient
208 JOOBNAL DES SCrBNCES MlLlTAinES.
tous deux attaché au protocole de ViUingen une imporUince. que
cette [litce lui soniblait loin de mûriler.
Il semble donc, comnic on l'avait d'ailleiiirii prévu el formelle-
ment énoncé dans ta Préface de V Assassinat des Ministres fran-
çais à Rasiatt, que si ce dernier travail n'a pas réussi h donner
la solution comphMe de cetlfi inextricable énigme, il a du moins
quelque peu contribué à ébranler la foi de quelques-uns de ceux
qui croyaient jusque ili h la culpabilité des Szekler.
C'est li un résultat qu'il importe de constater, non pas dans
rintérèt des infortunés hussards, — comme affectent de le dire
ceux qui ne veulent voir dans ce travail qu'une tentative inoppoi^
tune de réhabilitation des Szekler, — mais bien dans l'inlérèt de
la vérité historique, que, Ei Tinstar de tant d'autres, les officiers
allacbés au A", u. K, Archiv ont à cœur de rechercher et d'éta-
blir. Il est hors de doute, en effet, que la chose serait élucidée
depuis longtemps si, uu lieu de s'accrocher k lliypolhfese, de
tout tcnjps peu vraisemblable, mais aujourd'hui fortement com-
promise, en vertu de laquelle les seuls S/.okleront pu se rendre
coupables de ce crime, ou avait eu dès le principe le soin de
suivre d'autres pistes, des pistes qui assurément n'auraient pas
abouti au camp de Tescadî'Oîi du capitaine Burkhard.
Aussi, intimement convaincu que la discussion de nouveaux
documents relatifs aux. événements du 38 avril 17&9 ne saurait
amener la découverte des véritables assassins de Bonnier et de
Roberjot, ne nous esl-il pas venu un seul inslanL îi l'esprit de
reprendre ici les appréciations portées sur noire travail, pas
plus celles qui nous ont valu des éloges et des encouragements
que celles qui, tout en accueillant avec bienveillance la publica-
tion de ces pièces inconnues jusqu'à ce jour, n'ont pu toutefois
se défendre de juger avec quelque scepticisme la contribution
que nous apportions îi l'histoire de cet attentat.
Toutefois, comme, probablement îi cause des difticullés inhé-
rentes à l'œuvre que nous avions entreprise, on paraît avoir mal
compris certaines parties de notre travail, mal interprété cer-
tains désirs que nous avions cru devoir formuler, il nous semble
indispensable de consacrer quelques lignes îi la justification de
nos intentions, ^ l'explication de la méthode {|ue nous avons
adoptée.
Quelques critiques nous ont reproché d'avoir fait un usage
l'assassinat de* MISISTHES FflAKÇMS A HAST ATT. â>)9
exagéré de la polémique. Nous leur répondrons que c'étaïtj à
nos yeux, le seul moyen d'exposer clairement une question aussi
compliquée que l'assassinai des ministres h des lecteurs moins
familiarisés qu'eux avec les nombreux ouvrages consacrés à cet
événement; que nous avons cru utile, indispensable même, de
faire passer sous leurs yeux certaines fables qui, primitivement-
deslinées h prouver la culpabilité des hussards, ont été rejelées,
il est vrai, plus lard, tout au moins en partie, par les historiens
qui les avaient imaginées : que nous avons été obligé de pro-
céder de la sorte parce qu'il importait de mettre en lumière les
arguments spécieux, les indices invraisemblables qui avaient
servi de basCj de point de départ h l'accusation portée contre
tes Szekler. S'il nous est, parfois peut-éire, échappé quelque
mot trop vif k l'adresse de ceux qui ont dépensé jadis tant de
ièle, tant d'éloquence en faveur de ces mêmes fables, on nous
le pardonnera d'autant plus facilement, nous l'espérons du
^noins, qu'on n'a pas épargné des critiques bien autrement
BévËres et cruelles aux rares et courageux écrivains qui osèrent
présenter en faveur des Szekler des arguments reposant cepen-
dant sur des bases réelles et sérieuses. Pourquoi doue cet accès
subit de susceptibilité en présence d'une critique qui n'était, ne
pouvait et ne devait être qu'impersonnelle, mais qui ne pouvait
^e]iendant s'interdire de faire ressortir l'indiscutable crédulité
Hont certains historiens ont fait preuve dans ce cas?
On s'est étonné aussi que nous nous soyons appliqué & mettre
en lumière l'attitude manifestement hostile de certains diplo-
mates de ce temps, — et nul cependant ne songe h contester un
fait paient, le parti considérable que les adversaires de la poli-
tique autrichienne ont tiré du uieurlre deBonnier et de Roberjot.
H^n ne saurait nier néanmoins que la mise en valeur, fort natii-
^elle d'ailleurs, d'un événement aussi foncièrement désavanta-
geux pour l'Autriche, a dû sérieusement contribuer à porter
atteinte au caractère même des événements, h modifier leur phy-
sionomie et leur aspect? Et l'on voudrait contester h l'auteur
d'un travail fait et conçu en dehors de toute arrière-pensée, de
luult) passion politique, le droit de réagir énergiquement contre
certaines tendances qui se sont manifestées au lendemain du
crime et de les signaler dans ses critiques î Croit-ou donc que
auteurs de la Relation authentique n'ont eu souci que de
J, deiSc. mi7. iO"S. T. XVII. 14
fSfiO
JOtJItttAL HKS -iCIRNCES SIILlT.Wfll{!i,
iïi'Vérilé hk'tof'iffue lorsqu'ils orit'iTnx'aiHéîVKuTéJaclïwn 01 qu*ils
n'onl pas, rm contniTrc, «herohi^ h firn* \p ]>^tTs grand pnrii po§-
-sibk" d'xiii t»¥ÔJiement qui, finpvenu au Twornenl h; plus oiipoHittj.
D'étRÎt assHTémcnt'pas 'dénature à Joor- déphire? "Niit n'<a éU*
jusqii'à "diiv. iffu-ilK aient sricmmcnl ■cl volonluii'euipnl menii;
■tHiais 'ûfif.\ cliiii' oomme-lc joar qu'il.'; ne so^nl uniifuetripnt. Rppli-
qwés il i'tt'tra imfntion, iV tenir osflujfirte des seotes- circonslîviices
«ipiîi tfwktjvaien! 't^hJir^CT les Jinssards.
En rnlevïïrit ces tails^ en appelant l'nttenlion srrr eirx dnfis -un
travail d-an s lequel nons avions unk|upmerit' pour Lmji d'^amT**»'
ik Iti.rucdnslilarliûii, à la découverte /du la vérité hiMoriqtve, nou*
ji'ia'¥ons Imt, croyons-Tious, qiwiTeini^lir'notn! devoir,
Ofiia m&mc. vouiu ■voir dans un siwqde idésir, dans wn vceu
iiien mat-urel, )ii manil'eslalinn-d'iHi reproche exprimi^ 'h m©ts
couverts; «li hous a supposé rinlcnlion de ■piticr conlre cer-
taines «rrchives l'iwccusyljwsrn dv se n fuser- ïi ta conimiMMcalioii
léeitiocu monts ïju'çWes possidenl ipeut-t^lre et d'où pourrait jaiUir
lia vérité.
iBiçm KouveiH, rhistonei], mil ne l'îjçnore, mt trouy*;- dnns frai-
ço&sibililé de coneulter les pfèces dgarrhives ([ui faciliteraient
»Sfes études et ses recherches, Kn' traça» fies lignes qu'on •» jncri-
Buim^s, nous ne fassions qnVxpiimer le désir bien conipi«éh'en-
'siible d'uppoier ratlemlion «nr ain 'wén^meiit sur Jeqtiel 'iious
pensions avoir 'réussi A jelçr un joufr tio«w»n, d^-fiigndJcr'à la
«uriowiLé'das cherelîeurs des docwH^entfi pent-ftre encore iru5di(s
et inconnus el auxquels on n'ay ait jusqu'à ce joor -altntTlïé
«Btcttue 'importance. Tel était si'hieu notre véritatoLe d^«ir -qne
•BOUS in'bêëitOTis pas .îi le 'fonBBîter à'anMfVftau eti inwis'Q#ressan(
tiette.fois même iswxx. archives'fKiTlionlièrna qui peuve.nt|wuW*ii'e
lwiefl*ra»feriwer daas teurs papcrs «Je familk^ îdffnsi tews-scorres-
pondaHet^ privées/dos 'IctiraE dams «lesquelles rkm 'à^iwpfoUe
•qil'il Ëoil qii&slïOTi des événeMeDte d^' Riuslailt.
jEejsem {MTolisblonient le seul «loyem i«te fjirirei'la-h»n>iijFe sar
tatteiiusolablri éwigme, et c'est dans ce'ijat qiieiiiaufi i|iviw»s
MijoiHdi'diui h la publicth': qu«lqiieB aboL'unnwrtS' contftilémoiitaireï!',
mus nnlrae nous occuper de eoaudérer sMls ii(wsl ou «on ifiro-
Les.'Aailrid'MeiiË, décrit âBnfiteriii ftogeRt4ieL,«de>FMK()fert, 1«
l'assassinat des MlXtSTKES KlU>'ÇAtS A llA.STATT. 211
7 prairial an vn (âônuii 17^9]', ont fait graver l'atroce assassinat
de Rastalt. Us ont fail habiller les assassins e» émigrés. Il sérail
nécessaire de faire graver cet évéïiemenl en France et d'observer
le cotslatire des hussards de Szekier, de faire voir dans le lointain
le colonel Barhaezy, le capilaiûe Burkhaiïl et surtout cens qui
étaient derricre le rideau. En faisant rcpandrt^ cette gravure
dans l'intérieur de la France et en m'en faisajit parvenir un
ballot pour l'Aileniagne, on itginif sur les sens extérieurs, ce qui
«st la boune manière d'électriser les peuples... »
Si les husâurds de Szekier sont réeUemeat les auteurs du
■leartre, si c'e&t du goaverne^niont atiti-ichien qu'est partie l'idée
de r&présenler dans la gravure les assassins habillés en éniigrés.
il l'audrait en conclure que l'Autriche a voulu par ià rcjcler sm*
ces derniers la responsabdlilé de son crime. Une semblalde re.pro-
dHclion du fait par la voie de limage consliloerail un mensonge
voulu, iijlentionnel, dont la tendance ne serait que trop maioi-
feBte et donl il importerais de tenir conapte en procédant k
l'exitmen critique, à la discussion de révéneraenl. D'autre pari,
011 ne saurait s'empêcher non plus de bliiner bivec une égale
éévéïilé la cojjfeclion de la gravure que le faonoux esjjion fran-
<jais Bâcher désirait voir publier cl dans laquelle on .aurail
représenlé non -seule ment le colonel Barbaczy el le capilaiiic
Burkliard, mais .aussi les instigateurs présumés de l'assassinai,
les personnages restés derrif're le rideau, l'empereur François,
l'archiduc Charles, le minitilre Thugiil, se réjouisaan! de Pcauvre
crirB-inelle accomplie par les hussards, de reconnailre que la
publication de |iareille gravure n'est rien moins qu'un mensonge
ile mi'Oie nature et contre lequel on ne saurait trop vivement
(ïiiolejiler. 5s'ous n'avons d'ailleurs reproduit cettepièce, h Jaqnciie
on aurait tort de vouloir attacher une i m portanco qu'elle n'axas,
que pour prouver .par un nouvel exemple que, des le ieudeiiiiiin
4k l'évéaementj on eut recours ii tous les moyens, au k :iBeD-
sdnges mérae les plus prémédités, |>our s'en servir conlre l' Au-
triche et en tirer eonlre elle des avantages politiques,
,L3 .ptèce suiwaibte, une leltrc écrite par uji cmi^é qui iré-
iîli
JQUttKAL CBS SClUftCK!^ UlLlTAlUËâ.
quentiiit cIjlv. d'Autlré el Dantcati, a, au contraire, une réelU
iniporlance ' :
« Au moment où lu meurtre fui commis, écrit, le IS fruclidt
an xn (6 septembre 1804). cet émigré, dont on «'a pu uialheiiveu-
sement retrouver le nom, M. li'Andrê él;\it k Augsbourg, Il avait
autour de lui plusieurs personnes qu'il employait. L'ex-générat^
Danican était du nombre. Celui ci ne logeait pas dans la vîMe,
mais absokimenl h ta poiie, en sorte que, quoique non muni d'une
permission, il passait cependant le jour entier dans la ville.
« Uu malin, la personne qui donne cette tiote accompagna une
dame de sa connaissance che?, la femme de Danican. Celui-ci dit
dans la conver.sation, comme une nouvelle qu'on lui écrivait,
que les députés avaient été assassinés par les Autrichiens. Il
paraît que cela lut échappa iuvolontairemen!, car, aussitôt, H
éleva un doute sur cette nouvelle, nous engagea ii n'en pas-
parler, parce que cette nouvelle pouvait jeter de la défaveur sur
les émigrés, que Ton pouvait en accuser. Il mît à cette recommaii-
dation une tel le adresse et un air de négligence que nous ne son-
geilmes plus à cela et que nous n'y vîmes aucune importance.
<c Le soir même, sur les six heures, il s'était rassemblé chez
d'.\ndré plusieurs émigrés, au nombre de douze îi quinze, qui
étaient admis chez lui îi celte heurc-lfi. On y prenait du thé;
c'était l'nsage de tous tes jours, et on y raisonnait toujours poli-
lique elon y débitait les nouvelles. C'était [^ ce qui y attirait. Le
rédacteur de celte note faisait partie de ces émigrés.
« Il entra quelqu'un (j'eu ai oublié le nom) qui, d'un Ion d'im-
portancej s'empressa d'annoncer la nouvelle de l'assassinat des^
députés (la poste venait d'arriver et tout ce qu'on avait pu savoir
jusque-là de cette nouvelle n'avait pu èlre appris que par des
moyens particuliers).
« Celte nouvelle, dite tout haut, attira tous les regards sur celui
qui la disait. Mît sans doute par ce que d'André en avait dit te
matin, je jetai les yeux sur lui sans autre motif et je le surpris, re-
gardant le général Daîiican, qui de son côlé le regardait. Ce-
regard réciproque me parut un regard d'intelligence qui sem-
1 Ariîhives uationiilefi. F. T. Uâ/J8- Kotc relative h Vtmnisia&t des [iléuipo-
UDtiaires ffatiçaÎB u ttoslatt.
l, ASSASSINAT DES MtNISTRKS FftAKf-AIS A HASTATT.
213
blait dire : « Voilk le moment. Voyons sur qui tomberont les
t« soupçons, "
(' On n'est pas maître de croire ou de ne pns croire ; mais, dès
çf moment, il ne me resta aucun don le que d'Andrfi et Danîcan
ne fussent les nuleurs du crime commis i\ Ras>lalt. Je crois que
Wickham était alors à Augsbourg; mais je ne m'en souviens pas
positivement.
m « Je pris «luelques informations et je sus que Danican s'était
Bnbsentét je crois, trois jours avant celui où tut commis Tassas-
sinat. A la vérité, il avait reparu ii une npoque très rapprochée
Ju jour du nifturtre; mais jo calculai pourtant qu'on avait pu
prendre des moyens pour le ramener de Rastalt fi Augsbourg
dans cet espace de temps,
r« On parla lous les jours el longtemps de cette nouvelle. Chaque
fois qu'on en parlait chez, d'André, je croyais remarquer qu'il fin
parlait avec une adresse étudiée, et Danican, de son ntilure! très
bavard el causant beaucoup, en pariait d'une manière, puis
d'uuii auLre, en aorte que l'inconséquence de ses propos pouvait
tire également le résultat de son bavardage ou une manière de
epas laisser pénétrer sa façon de penser,
tt II paraîtrait queDanican avait eu des affidés qui, vôlus d'uni-
formes de hussards de Szekler, avaient exéculé renlreprise el
E"Me lui-même avait d'abord attaqué Jean Dcbry, si j'en juge par
jargon, moitié françatSj moitié allemand, que l'on dit avoir
' employé en apostrophant Jean Dcbry,
(c Les agents alors employés en chef par l'Angleterre et par
tils XVlll étaient réunis ci Aujçsbourg : c'étaient d'André, un
abbé qui n'eu portait pas te costume, que je crois être né en
SavoyOi dont le nom était André, mais qui était connu sous le
nom d'abbé de Lamarre ; M. deVezet et M. de Précy. Ces deux
derniers étaient plutôt les agents du conUe de Lille (Louis XVIII),
«j les deux premiers Tétaient plus particulièrement de l'Angleterre.
B ti Ils étaient bien censés tous les quatre n'être que tes agents du
^B^le de Lille, et l'Angleterre ne faire et ne payer que ce que le
comte de Lille décidait; mais il n'eu était rien, et, quoique cette
îtgcnce s'assemblât assez fréquemraeni alors, elle ne marchait
pas du iBême pied. D'André décidait tout. Il était assez d'accord
■avtc l'abbé de Lamarre el l'on cachait aux deux autres habituel-
lént ce qu'il y avait de plus important, et, comme le résultat
214 JOURNAL DES SCnWCKS MILITAIBH8-.
des conférences de cette agence était envoyé à Mitlani il en
résultait que le comte de Lille était trompé et que #André,
l'abbé de Lamarre et Wîckham, avec Tair de la franehise, n'en
avaient aucune. D'ailleurs, ils se sentaient bie» supévisHPS- en
moyens pour intriguer et ett esprit aux deux autres- agents et
avaient h cet égard pour eux «ne sorte de mépri's-j qn-'ils lais-
saient bien apercevoir. Il est certain que MM. de Vezet et de
Précy, et, par conséquent, le comte de Lille, n'ont jamai» été
instruits de la vérité sur les coupables de l'assassinat de Rastatt
et qu'ils n'y ont pas du tout participé.
« Si ce n'était pas Wickham qui était alors à Àugsboarg,
c'était un M. Talbot; mais je crois que c'était Wiekhai».
« Je n'ai aucune autre preuve à donner. On vwif qae c?e8t
une simple conjecture de ma part ; mais je suis resté perstMdé.
Je n'en ai jamais parlé h personne.
« Nota. — Je me rappelle encore avoir ouï raconter l'aven»-
ture de Rastatt avec trop de vérité sur les détail* et les-cireons-
tances par les personnes soupçonnées pour que me* senpçon»-
ne soient pas accrus ».
Sans constituer une preuve, cette lettre n'énorit^ qu'une pré-
somption, ne formule qu'un soupçon, mais un soupçon- si forte-
ment ancré dans l'esprit de cet émigré qu'il est impossibi^-
d'admettre qu'il ait ajouté la moindre créance aux « preuves »
écrites ou gravées qui, parvenues à sa connaissance, devaient
établir la culpabilité des hussards. N'est-il pas absolument
remarquable, presque même probant, de voir préctséœent un
émigré, en relations avec d'André et Danican, intimement con-
vaincu que ces deux personnages ont trempé dans Taffiaire et
que Danican lui-même est un de ceux qui ont perpétré le crime?'
K'esl-il pas curieux et intéressant de constater que, juste au
moment où se commettait le meurtre, Danican mmt disparu
d'Augsbourg; que d'André reçut la nouvelle de l'assassinat de
Bonnier et de Roberjot avant que la poste ne fût arrivée à Augs-
bourg, avant que personne n'en eût eu vent; enfin, qu'il ait cra
nécessaire de recommander la discrétion et le silence à ses amis .
« parce que l'on pourrait sans cela incriminer les éra^rés »?
Les émigrés ! Mais, s'il faut en croire le document capital, la
Relation authentique, on avait déjà, dès le 28 avril 1799 au soir.
l'assassinat avh- mstnfu^a ritAJvg.\i» a ortSTATT. 2d|j
ihlè'de façOTi ab^iumenl certaine- giie.sesks les Sxeklef clrién
le tes.SwHcler avaieni coiamis le crime I Hkklgrii cda, d'AridiFéi
IJ reçoit le premier de tous à Augsbourg la nouvelle de IVil-
)lalyi]*iti tg. reroit pan vxjîe: spéciale, soit parun,eourriepe«pédié
tOet effet, soit pair Danican lut-iiièBie-, n'en. recotMMtt [las moins
1$ iiêeessrtii d'irjivlliir ses araisâ a'en rien djre. Puis, pifiiÀ;ipe*i..
BlAndré^et ptaa, encore lo htivrird.DantcansQ mellenl îi racoiater
^ti détaiisde l'êvéneiiîGnt, dt» détails qjiii stup^ffient raiHetir ilc^
ta lellrej parce qn'îb iiei p&uvMit (Hi-c cocitiUï que de fPiix q^mi
■nt (^(é t^ésenl» sur le ilwftltn; dui ccitne.
■ Snns vouloir allrrljiier h celte lettre iiftfc iaipiortrin^C! qii'oti
poorrîiiL taxer d'oxn ^é ratio u, îi noast setnbb pourtaiLl t^ii'en la
iBi^traiil et eir la coîiî.prant mtx présoinptiotïSi &D;pposi.t(ons:el
■j^iottièfleS' itont l'hisloire de l'assassin'aL des miiiiatrcS) est.déjjt
Piirio[ieiHi3nl pourvTje, on eu tireca au rawins iino pretive iticon-
leslai>l*ï;, celle que. au lendeiïiain de révérienient, on élavi loin du-.
JH3H'e;eii tous lieuï iu laiLnlpabililédestiussards^Celte loltci! (î«t,
■diloal' cas^ un doeuaiacnt préciaux en ce qu'elle fournît un été-
menL sérieux de' rcfuitalioii cri tique de la fi<!fat/oii(mtfmdifjH^.
^ NousipuWierOKs m;tînAftnan.l;Lj]m aiilr.c' pitcc, dont, nous (itjvofJSi
■teonïoiAiiûcatio'R rV un offieiiM' aussi" cOTinU' par ses bfKuux faîU
^'armea qiw par ses noiMbriMix lpa:¥aux d'iristoirc lailitairR; aui
îuienant-eolonfil Amam vwn Trtumfet.
Voici ce qoe raeonte le IJeatetiaiH- colonel :
il Ett i7uI)liaiKt; en 1S78; rtiisljanquedii régiment* inspérial et
lyal de hussards ii«"l I, aoujourd'hui régiment duj prince J«>seplii
eWiDcfeo h grartz j mais qu i , de 1 7 ë 2 : .V ■ l'8a S-, a été le ré g i me ni
ifiiBnirikilairee d«s hiiasards de Szekicri je disais, page 182y
paflBUt de rassasBinal'des ministtee français ài;R!aatali,.,!e
avril 1709 : « Ou peut aflirmoi' de façon positive que les Ima-
kgai'ds d(î Sïekler n'ont pas été les auteurs da criûi«.)>iEt j'ajou-
len ttobv: «• L'an tem* iJe cet bis-torique a eu l'occasioft, îLyia*
itrenle ans, de recueillir hi ce- propos dés inForiiiâiions qui lui
joat é<tj fournies par des. lémoiïis encore vivants îi cetlfvépoqu»
so réserve de livrer' eni le-mpa- opparlun h la pubUcîté- la
ppartie de cos lémoàgtiageaqni a tPitit 5. rtiisloriqttftdeice régi-
'•laent. »>
« L'heure a soam^ aiainteniuilT pirisque b. pu^blieaLion deijMôces
516 JO^JR^fAL des scibnces uilitaihes.
lenues secrètes jusqu'ici m'a prouvé que ïues inlerloculeur^
avaient conservé le souvenir lidèle des fails et m'avaient dit /
%
vérité.
« Promu, le 1«f mai 1845, après quatre ans de service en
qualité de cadet au rf^giment d'infanterie de ligne n*» 31, cotnte
Leiningen Weslerburg, au ^rado de sergent-major et envoyé îi
la division de grenadiers en garnison à Hermannstadt (Transyl-
vanie), j'y fis, peu de temps après mon arrivée, la connaissance
d'un maréthal des logis chef des hussards de S'£ekler venu dans
cette ville pour y régler quelques affaires et auquel j'accordai
avec plaisir, sur sa demande, l'hospitalité dans la chambre que
j'occupaiy & la caserne. La médaille d'argent pour la valeur et la
croix du mérile militaire brillaient sur sa poitrine, et, malgré son
âge avancé, il était encore très robuste, puisqu'il était venu ti pied
de son pays jusqu'il Hermannsladt, ,1e lui tenais volontiers com-
pagnie le soir et nous parlions nfilurellemetit de ses campagnes,
des batailles et comlials auxquels il avait assisté et qui présen- ^
talent tant d'intérêt pour un jeune soldat tel que moi. Au courjH
de ces causeries, il .me raconta que son entrée au régiment avait
été pour lui l'époque la plus malheureuse et la plus effroyable^
de sa vie. Comme plusieurs de ses camarades, il avait étèjH
quoiqu' innocent, accusé lui aussi de vol et de meurtre, cl avait
été emprisonné pendant un temps asse?, long nvant d'être euBn
rendu k la liberté. Comme l'assassinat des ministres français ifl
Uastatt, dont mon pfere avait souvent parlé devant moi quanJ^
j'étais enfant, avait été, disait-i!, la cause de son inearcération,
je priai mon ancien de me narrer dans le plus grand détail et le
plus exactement possible tout ce qui lui était arrivé, tout ce qu'il
avait vu à ce moment. Il me répondit que ses souvenirs étaient
aussi précis, aussi vivants que si l'événement était survenu la
veille. H
« J'avais été enrôlé au commencement de l'année 1799, miB
raconla-l-il alors, et je me rendis avec un détachement à mon
régiment, que je rejoignis en Allemagne, où je fus versé au
l*"" escadron du colonel, qui se recrutait parmi les gens de mon
pays. Depuis la guerre contre les Turcs, cet escadron était sous
les ordres du capitaine Burkhard, un des plus anciens ofticters
du régiment, très sévère dnns le service, mais malgré cela trf^s
paternel envers ses subordonnés et, par suite, très aimé de s€
(.'assassinat URS MINISTHKS KHANÇAIS A HASTATT. Hl
'"ilc'iil soldais. Burkhard, quoique né en Allemagne, avait servi si long-
'*<lii!;l teinps au régiment qu'il parlait parfaîlement le hongrois. Il
<jtïiit tellement au fait de nos mœurs et tic nos coutumes, qu'on
n'aurait pas pu Ni distinguer d'un véritable Szeklei.
t* Peu de temps après mon arrivée, l'escadron reçut l'ordre
ile marcher sur Rastatt et d'occuper cette ville, parce qu'on
avait appris que les Français postés sur l'autre rive du Rhin
méditaient de s'y installer par surprise. A Rastatt, l'escadron
s'établit au bivouac devant la porte de la ville et l'on se mil aus-
mdt a faire la soupe. On donna h manger aux chevaux et on
poussa quelques patrouilles jusqu'au Rhin, dont noire Ijivonac
était peu éloigné. Vers le soir, on m'envoya vors le Rhin en
compagnie de plusieurs hus.sards, sous les ordres du brigadier
Moïse Nagy, bien connu pour sa bravoure, avec la mission de
surveiller les mouvements de l'ennemi el d'en rendre compte
immédiatement. (La réputation de bravoure du brigadier Moïse
^agy était pleinement justifiée. Le 23 septembre 179S, au combat
de Handschuchsheim, dans lequel les Szekler contribuèrent efti-
cacenient à la victoire des Autrichiens, Nagy avait, rien qu'avec
six hussards, chargé une batterie ennemie, enlevé deux canons,
iDis en fuite les servants et ramené douze Français prisonniers.
*^e fait d'armes avait valu à Nagy la médaille d'argent pour la
valeur.)
« Il faisait un temps épouvantable. La pluie et la neige tom-
baiei-i.t sans interruption. Nous explorâmes les bords du Rhin
s^ns apercevoir le moindre bateau, ^ans remarquer rien de sus-
pect _ Lorsque le soir vint, l'obscurité était si profonde qu'on ne
pourrait môme pas reconnaître son voisin.
« XSotre mission étant achevée, nous nous rcporiUmes vers
l'esceiclron par la roule qui mène à la ville. J'étais d'avant-garde
avec un camarade, précédant de peu le brigadier, que suivait h
un ÎTïlervalle un peu plus grand le reste de la patrouille. Nous
marchions au pas, lorsque, à un tournant du chemin, nous
vimos venir vers nous plusieurs torches allumées. Nous nous
entr'ittnmes de cette apparition, ne pouvant comprendre com-
meiil, surtout par un temps pareil, quelqu'un pouvait songer à
passer le Bhin de nuit. Nous n'avions pas quitté des yeux les
torches, qui continuaient h s'approcher, lorsque nous les vîmes
tout k coup s'arrêter, puis s'éteindre, h l'exception d'une seule.
Mêêêê
it^ lOCIlNAL, DCS i^IEItUBB- MfUTAtltES.
Puits aossiiûl nous onlendlnieâ du bruôl* des cm^ d<7s apf^lii de-
secours. Convaincus f[uo les Français avaient poivrianl réussira:
pa^ei' le Htiin et qiCih e>:écutai(^iit uq e(Kip de iiiirin, le briga*-
dior commanda : Sséro... timiul et :.Au troi,.. marvfie/ eLncms
nous port*naes l'ajpidwnuiitvïrs k' ihéfilre de la sarprâe/
« ArriTi-s surk>a !ieint,]iouairtpen;ÙDieft,à.lalueur lie làitorcb*"
qui brâtait. encore, plu aJtMip»- voitiartjs arrêtées ■ en file!; mmt»
vJmes. plusitiiir& f6ii'rut!s sauter cormno dés otobres té' fossé' de- Nti
roule et dispamitre dans- la forrt. Le bipigadim* Nui^y nous^
owiimna aii-sfiilAl d€ li^paairsuivrciel deles raiwener'. Mon eara»-
radn el moi' nous satiUlmM le t'osaé et; naus enliilfflws daiisle
boisv MïUs, ari'èlfe- iMtr IVpaisaeMiF diii InilHs,. noti.% nr> \>(\ijms
avanteeri, et, comme rob.scivi'ili nous- empéchiil de dpoooiiTPii" an-
obeini», force n©ws fol de rirvenir saor' la mule el di'îmnoTn:^*^^»
bri^idier qii'O iiofts avait p.t'ériiBpoS'Sible dèpéjiéltprtians le bois.
« Pendajït* ce temps,- les porteurs de inrcbes (;!l di'ini»trtts gons-
q.«i 'auraient .coiiuniensié ]>ar ^'enfuir éèaiimrl reverms. On avait i-aii^
bjmw; les torcÎKatit nous aperçûmes^ à cAté des v-aitu»es dcwx
iîOPi>& iTOrrihlemittnl m utile s qui gisuient morts s»r la ro«ftfe. Les-
iadividuiv qm êlftHntt revx^ia* étajetil |)élcilaés|>ar ITépowvaMte,
C'étaiiQiit des Français; ii TM)«i«é*»t impossiWe-et de. nous fiiwe
comprendra d'enx. et d'ea Iferrr le moindre renseignemnolreialif
ti rallenlal el à la sctno du meurtre. Coninio les femmes restées
évm une voiture airètée k côté d'un des eadavi'es.n^-cessriient
de se lamenter et de crier, le brigadier Najçy se dtonnflftwitfS'léa
[wiinos du. (inonde pour le** mssww et leur lȉre conv^wendro rfM
nous étions des II ussapds impériaux el que nelre appiirili«« avail
fail fuir les assassins. Mais tous ses effout* furent iawtiliis; C&fiit
SBnleraieQi loreqne, pour t«ur prouver ses iniefliioiMi pacifFf|ues,
il leur leuàil ^3rCHuUera* j)leine de- vi», qu'elles' refusèrent d'aâl-
leuirs de Im-re, qu'elles s&calraèront un- pea?.
« Pluiieurs personnes, et pa.rrai elles un- officier sn péri aiw
aAleffliand, arrivèrent un peu plus tard dfr RusUil, oiiinows>relK>UB«-
nftmes alors.
' Cf. DL*posttiaai du lifigadigr'Na^y.
B'islatl. \\, 27.i el 273,J
{UA^issvmt tbtmmitMirtfê'franfamjà
* Goardï de caitipugne en bois dont on se sert en Tlranayivaaie/
» Cf. RKwil fait pur M*»» Debry.
L ASSASSIffAT DEa SHM^TAKS FIïAWJAIS A ItASTATT.
*ïff
*' Dans 1 intervalle, le briifadier IN«|çy aTail déjà envoyé iiiï
hussard au cafii laine Burktiafd pour l'infornier de l'événennin'l;
A notre arrivée au bivouac, le cap-ilaine nous y altcnti-ail avec
les ot>ït;terB, et, lorsque le brigadier Nîigy lui eut frtil un rnppart
détaillé, (jH nou'? soumit tans îi une visite niinutieusCj mais sans
rien trouver, puisqu'aucuti de nous n'avait Louché aux voilurea.
On inspecta surtout trèa allenlivement ks sabres et les manleHUTC,
car, si l'urv de uous avait mis les morts dans cet ri mu van table
étal, on aurait sans aucun doute relevé des traces de sang sur
ces objHSj donl on constata au contraire l' absolue pmppelè.
» Le. Ipnduniain, un officier de l'escadron condinsi-t le convoi
des voitures au bac du Rhin, Le mintslre, qui vivait encore el qwi
après avoir reçu un- léger coup de sabre- a^ait fait le mort et
s'étiiilenlni dans le bois, refliercîîi l'officier et donna nne gratifi-
cation aux liussards ijui nous le raeoiilèreflt à leur retour, et,
apj'èscela. nouscon&idëriona Taftaire comme lerminée.
« A u'Otrp surprise el à noire é[>ouvaulev loi's^iiic notre esca-
dron rentra au régimenl, ou nous enleva, par ordre supéfieuT,
iws-aTm«s et nos chevaux; or» nous emmena sona escorte &■ Yil-
If'nifen, on nous arrOla H on nous atlribua la solde et la ration
*^s priiîonniers. Il éiait désormais évidi^nl pour nous qu'on uous
'"Onsidérait comme lef meurtriers des ministres, qu'un triste sort
J^o«» attendail, puisqu'on avait mis ù l'ordre de l'armée, et bien?
^endu du rétament, qw tout homme convaincu d-i! vol oa d'as^
l^'sssïTiat serait fusillé dans les vingt-quatre heures. Malsçré cela.
Ne sentiment de noire complète iimoctmcc, qu'on iinil tinlhi par
P^connailn} et qui finit par être démontrée, nous soutint tous
jBsq uVut bout.
"^ -Après l'arrivée h Vitlingeu d'une commission chargée de
'àipe- iwveemfuf^le judiciaire, on nous fit comparaître sépar^meni-
*lajs^ au lieu d'élre interrogés par l'andilenr de notre régiment
î**' parlait hongrois, nous eûrftes à répondre h un capitaine
auditeur d'un régiment allemaii«l, îhk[Ug1 on avait adjoint un
'nterprfeie.
^'^ i^ious racontâmes tous et en détail ce que nous avions vu cl
'-'nien^u, et i:|ueil€ avait été notre altitude dans celle- aftaire. Ou
enLeràtjitégtdemen! notre capitaitic el Irs ofhciera de rescadron,
^ nciûnie notre commandant de régiment, le colonel Barbac^.y.
**^^ permeltait de croire que, gn\ce à celte inslruction, on
iiO JOURNAL DES SCIENCES UILITAIBES.
devait avoir acquis la conviction que nous n'étions pas les assas-
sins.
« Malgré cela, nous restâmes encore longtemps en prison. On
nous remit enfin en liberté ; on nous rendit nos armes et nos
chevaux', et on nous fil rentrer dans notre pays sous la conduite
du brigadier Nagy, que, pour le récompenser de ses loyaux ser-
vices, pour le dédommager de la longue et injuste détention
qu'on lui avait fait subir, le colonel promut maréchal des logis
chef.
« Nous traversâmes rAllemagne et la Bohème, où nous res-
tâmes quelque temps; puis F Autriche et la Hongrie et enfin la
Transylvanie, où, quand nous fûmes rendus dans notre pays, à
la station de notre escadron, à Ditro, on nous libéra immédiate-
ment du service et on nous renvoya dans nos foyers. »
« Le lendemain, ajoute encore le lieutenant-colonel von Amon,
j'invitai le maréchal des logis chef h la table des sous-officiers.
Il y fut salué et fêlé par un de ses compatriotes, sergent-major à
la division de grenadiers du régiment d'infanterie baron Tursky
no 62. (Le bataillon de grenadiers se composait des divisions
des régiments comte Leiningen n", 31 , archiduc Charles-Ferdi-
nand n« 51, et baron Tursky n» 62.) Pendant le dîner, on reparla
de l'assassinat de Rastati et le sergent-major, nous raconta que
le frère de son père avait, lui aussi, fait partie de la patrouille
du brigadier Nagy, qu'il avait souvent parlé de cet événement et
même qu'il avait, peu de temps avant sa mort, déclaré qu'il vou-
lait jurer sur son salut éternel que les hussards de Szekler, loin
de commettre ce crime, avaient au contraire fait fuir les assas-
sins et sauvé la vie des survivants. Ce sous-officier raconta les
faits tels que son oncle les lui avait souvent narrés et son récit
fut en tous points semblable à celui que m'avait fait le maréchal
des logis chef.
« Connaissant l'intérêt que mon père, grand ami du capi-
taine auditeur qui avait conduit l'instruction*, portait à tout ce
* Les chevaux drs hussards des confins militaires étaient la propriété per-
S'nnelie de res cavaliers.
* Le père du lieatenant-colonel von Amon avait servi longtemps au régi-
ment d'infanterie Kerpen, auquel apppartenait, on le sait, le capitaine audi-
teur Pfifïer. (Cf. L'Assassinat des minislres français à Raslatt, p. 243.)
^
L ASSASSINAT BKS MINISTRRS FnAMJ.-ilS A HASTATT. 221
qui avaîl traita l'assassinat des ministres, dont il m'avail parlt''
lanl de fûts, je lui écrivis, h lui qui, après avoir fait depuis
Tannée 1800 toutes les campagnes contre la France, avait [jris
sa rrlraile comme major et résidait à Sanct-Pcilten, ce que
venaient de mt! communiqner les deux Szekler. Mon père me
répondit qu'fi la suite de rcnr(uète l'auditeur avait été absolu*
ment convaincu de rinnocence des S/.ekler ; qup t'assassinai
n'avait olé qu'un acte de vengeance préiTiédité et admirablement
préparé, puisque les meuririeriî avaient parlé fraiu;ais et que
ridée tl'en accuser les Szekler était due au changement imprévu
el si l'apide qui s'était produit sur ïc (béiltre même de la scfene.
Le crîiaie avait été commis en quelques instants, et les assassins
allaiâtit commencer à piller au moment oii l'apparition des
SzekleT les obtigea à s'enfuir précipilammeni dans le bois, ofi,
cQiûLiiç ips faits l'ont prouvé, les hussards devaient être dans
Hmpossibilité de les joindre,
* Il me semble résulter de tout ce qui précède qu'en écrivant
l'histoire de ce beau régiment, j'avais bien le droit d'aftirmer
qup los hussards de Szekler n'avaient pas commis l'assassinat
t^<^l^îtslatL »
L& caractère et lu réputation du personnage auquel nous
devons cette intéressante communication devraient suffire pour
en îiixgfnonter l'importance et la valeur. Elle émane, en effet,
flun ïiiicien officier supérieur, respecté de tous, déjà âgé il est
vrai, inajg g^ pleine possession de toutes ses facultés intellec-
tuelles, d'un ancien oflicier supérieur qui continue à travailler
avee iijig remarquable activité el qui a eu l'occasion de s'entre-
lenin de l'événement avec un homme qui a vu les cadavres
mulil^3 et encore chauds de Bonnier et de Hoherjot, avec un
boni i:ije qyj ■[ entendu les cris de désespoir des femmes.
Le j.5^.[i (iy vieux hussard concorde en tous points avec les
'"t^''i'Ogatoires des accusés Mais, de même que 1 on a contesté
L ^*^tJienticité, la valeur réelle du « protocole de Villingen », di^
nîrtie anssi ou se refusera peut-être h ajouter foi au récit du
lussa^tj,
^^^Xqui doulent de rcxaclitiide du (t protocole de Villingen »
pensetxi évidemment, les uns que les hussards ont nié leur parti-
c'pa ti^ Il au crime dans la crainte d'fitre punis, d'autres que leurs
^3
JOURNAL &BS SCIBK^lKS MILITAHIRS.
I
feux lémoi^nages liMir ont élé diclôs et imposés par leiij*s supé-
rieurs. D'« litres enfin di^nieHt louLe valeur ît co protocole, parce
q-Q'h leurs yeux ce dooinBetiL eel feux, parce qu'Us le coniiidèrenl
(Minute Tuiuvre Je laudileur; fuircc j^we, d 'après eux, an a dû
anéantir le vérilable jircKocolt!, la pièce qui, iHaLlissant In eul-
patïtlJiH des ihuftsardH, faisait connaître Rgalemenl les moibiles,
lesiBûlife qui les avaient ittoHés au ermie.
(in seul coup d'tieîl miBl pour dfttnoiilrer l'inanité de cel
derm^re appréciation. N'est-il pas éviotenl, en ell'et, que «i 1 •
avait confectionné un faux jirotocolc deslin/' à prouver rinno-
cenee des liu3&aj'd&, *i»u ee serait bâlé de la livrer ii !a publicité 1
On n'en a rien fait. Il ^ a donc m d'aivlres raisons pour garder
ie^ecret Rir cette pif'ce, el ce sont ces raisoiis mèûies que nous
avons fait connaître 4ans notre Iravfiil. Sons rintlutince de la
comiBuniciLliion 'ffae lui avait faite si*i] chcl'«l'6lal-major, de eelte
cûnim uni cation qtie nous avons reproduite daos natre première
étude, rarchiduc Charles ne croyait.pas h i'eiiacliluile, à la ^in-
eérité des 4*^posil.iûn&, et -«a dixiitore s'oppôsait h ia publica-
tion d'un protocole dont la vérité lui paraissait cofllestable, dmi-
teuae.
Mais, malgré tout, il est liors de doute que le h protocole
Villîngen » n'a pas élé hhnqaé pour tes besoins de la cause
R:eslBnt'i<wic les deux a.ulreft liypoliièses, le mensonge ^ponUini^
des hussards «u la |ipeflsïon exercée .sur leurs dépositions pir
leurs supérieurs.
En ailwettajoii pour m\ moment que ces hyjJolh&eeSj que nouej
«TOns ohwché h dâlruire par j:les pimives lors de lu publicalîai^M|
Ai\ notre livre, puiasenl élre admises, il convient toutefois aujoui^^
d'hui de «e poser k ce propos une nouvelle t|ueslion :•« ëoml-
oe les Bîôntjfis causes qui, ion|ïtem]:ts pUis tard, nom bru d'années
apr^s î'^^vénement, ont pu pousser le vieil hussard à dénier towle
■pariiieLpalion au eriino lors de la conversation toute intime qu'il
eutravec le cn:de( vou A.mon? » j^H
(Xii pourrait peui-èLi*e pn'U(tiidre, 4ans le premier casi, que 1^^
'fsaÏHte d'élreii inouveau poMTsïuivis «andéeidé les hussards h pgr — ''■
sisler dans leurs dénCÎ'yutions, et, diins le second cas, qu'oc lewr^
av«jtiiifmché par ies ■menaces les ^ilusépouvantabies la ;pi»Mtess^^'
^e Hier jusi|u'^ leur mort le c<rime «(^u'ik avaient .B.ocâiiuaJi
ondre.
i«]H
LA^ASSnUiT DBS •'SiimJSTOES FRANÇAIS 'A 'lUSTATT.
m\
iMais'i»ea'lHm crofre sérieusenreTll qu'-un pai^il soflAcr, qwe des
5n3©ft« tiù\k si anciwiies nient conspt^'é loule leur force ppn-
rtit tsnl(l.'«nnées, aient pa les obsMfir pendanf toute leur vie?
fesl-il pas, au contrairej plus imtnrel de peneerquefle TJ^piitard
'«pi^ttré *e ' fefleotn ûft rfrre la vhiU' fair une a-ctioïi'^u'it'Hnraît
'emniftîge dans sa jifuiiesse, soil ayec 'hon'eur, isoit jiar cr«,iuté'«»u
i7i^itlît<^, fioit libi'ement et voiontairpmçnl, soit par ordre ; --qHll
•Jéfirouvé le besoin de dire la vérilé, isoil-^our se vanlpr ôe ses
■auts fails, st>i) pour soulager sa conscience d'un poids qui
KVHit Iwi fesi?r d'au tant plus lourlf^ment qu'il s^pprodiAit,
Et voilà précisément ce vieillard qui a la 'bonne forOane de «e
rencontrer avec un homme pour lequel il l'éprouve une réelle
âympalliie, qu'il respwte parce qu'il est son supérieur, mais qui
ne saurait, en raison même de sa grande jeunesse, rintiniidor;
Iivec un homme auquel il peut confier les souvenirs de sa vie de
toldat, avec toute la juiej. toute la salisfaction qu'éprouve Ion-
(kars un vétéran heureux de voir un jeune militaire écouter avec
admiration ses récils de campagne. Or, lorsque le vieillard en
vient k la narration de ceKe nuit de carnage, qui donc était Ui
pour le pousser à dire que lui et ses camarades avaient été injus-
Ètnent accusés j quel mobile, quelle raison l'obligeait h narrer
)nt le drame h son jeune auditeur? Si ce souvenir lui était
ânible, ne dépendait-i! pas de lui de n'en pas parler ou seule-
lent de l'eftleurer ? Si, an conlraire, sa conscience était en
epos, puisqu'il n'aurait fait qu'agir par ordre, ne lui suffisait-il
38 de dire, en raison même de l'impression qui lui sérail restée :
lOtii. nous les avons lues, ces , parce qu'on nous l'avait
D'tJonné, » Ne pouvait-il pas enfin, pour dos raisons qu'il est
BUlile d'énoncer, inviter son jeune camarade à garder le silence
à [le pas parlev de ses révélations? Le cadet von Amon se
fi'îiit tialurellomeiil bien gardé de mentionner dans son Journal
' fécit du vieux soldat.
Enfin, que dire de cet autre vieil hussard qui, sur son lit de
Hûrl, se déclare prêt à jurer que lui et ses camarades sont înno-
^'«nts du crime dont on les a âoiipt;onnés l A-l-il menti, lui
LflUssi t
m Des hommes simples, comme le sont les Sïekler, craignent
" *out ce qui est au delft de celle vie bien plus que des honames h
m iOCRMAL DES SCIENCES MIUTAIRES.
l'esprit cultivé, qui trouvent toutes sortes de prétextes pour em-
porter avec eux leur secret dans l'éternité ; ils tremblent bien
plus qu'eux à la pensée de se présenter devant le Juge suprême
avec une grosse faute sur la conscience.
Pour s'en convaincre, il suffit d'entendre le lieutenant-colonel
von Âmon raconter comment le vieux hussard, le vétéran accusé
d'assassinat et incarcéré de ce chef pendant plusieurs moi^,^
levait les mains, s'écriait et affirmait : « Nous étions inno-
cents ! »
Doute alors qui le voudra, qui le pourra, de l'exactitude de ce
récit. Quant à nous, nous croyons fermement à la sincérité, à la
véracité du vieux Szekler.
Capitaine Oriste.
SERVICE DE DEUX ANS
SECONDE PARTIE
REGRUTEHENT DES OFFICIERS DE EËSERYE.
i^ous n'insisterons pas sur la nécessité d'assurer (e recrute-
i^nt des otïk'iers de rt^serve, et sous le rapport de la qualité et
Us le rapport de la quanlilé, indispensabies l'une el l'autre
ur l'encadrement de nos corps actifs et surtout de nos unités
réserve dans lesi^uelles ces oflieiers entrent pour une pi-opor-
des trois quarts,
'exlension énorme de nos formations de campagne depuis
a considérablement accru nos besoins en officiers de corn-
ent,
lalheureuseraent cette augmentation du nécessaire â précisé-
coïncidé avec Tapplicalion de la loi de 1889, qui, par la
,res&ion du volonlarial, est venue tarir la source d'oii nous
s la grande majorité de nos officiers de réserve,
n'imposant anx dispensés de l'article 23 aucune obligation
lange des deux ans de service dont ils sont exonérés, la loi
lie a creusé dans nos cadres de complément un déficil dont
lions montrer loule la gravité.
' les litraisons d'octobre et de aovemljre 190t.
\de$Sc. mil iO* S. T. XVfl.
15
Î26 JOURNAL DES SCIENCES M[L[TATRBS.
Sur un nécessaire Je 19. 191 , les diviîrscs armes ont un incom-
plet de 8,1 '"î- Duns ce chiffre, l'infanterie seule figure pour on
nécessaire clfi '12,906 et un déficit de 7,344, c'est-à-dire qu'il
manque dans celte arme oo p. 1 00 du cadre des officiers de réserve
(Rapport de M. Berleaux.)
Loin de diniinuer, le nombre des vacances lend h atigmenfêT
chaque jour.
Les candidats devenant de plus en plus rares, nous subies
fatalement In loi de l'offre et de la demande; par suite, no^
voyons s'affaiblir encore la valeur moyeune, déjîl insuffisante, di*^
ces officiers. Nous sommes obligés, par la pénurie des
sourcf'S, de conférer In galon de sous-lieutenant à d'ass
médiocres caporaux ayant servi dix moiS; h la suite d'un examen
sonimaire subi après une fvénode d'instruction. En outre,
nous sommes privés de l'espoir do voir !eur instruction tech-
nique et pratique se perfectionner sensiblement dans l'avenir.
L'échec lamentahle des efforts tentés dans ce sens par la création
des écoles d'insti-nction a démontré qu'on ne saurait attendre de
l'immense majorité des officiers de réserve aucune bonne volonté
pour se rendre k des réunions t'acullatives, alors que beaucoup
d'entre eux. subissent déj?i avec peine l'obligation des convoa-
lions bfsannudles.
11 y a donc, incontestablement, diminution de qualité, c'est Ta
eonséqueTice inévitable de la rareté des candidatures.
On ne saurait pourtant faire ii l'administration de la guerre le
reproche d'étro resti'ïe indifférente en présence de ces déplo-
rables résultats. Nous ne citerons pas les innombrables règle-
ments ou circulaires qui ont eu pour but d'améliorer cette
situation et nous nous contenterons de les classer en cinq caté-
gories :
l* Mesn»*es ayant pour objet l'entretien et le perfectioTinemem
de l'instruction des officiers : stages volontaires ou obligatoires,
écoles d'Instruction.
ïl est inatilc de rappeler l'insuccès complet de ces disposi-
trons. Quant aux stages obligatoires, on se garde bien de les
appliquer, de peur de provoquer des démissions,
2" Mesures tendant à adoucir les obligations des officiers pour
enrayer les démissions : recommandations pour aec^oi-der plus
5KRVÎCE PE PEUX ANS. 227
faciJenient dfs ajournemenls, des dispenses de période, des chan-
gements de lieu et d'époqm; (te oon vocation, faculté d'accomplir
^Jes périodes en plusieurs tractions dat;s le cours de la tnênie
^Bnnée.
^m Tout cela n été îri utile.
^V 3* Mesures perioettant d'accorder une plus Ijtrge part d'avau-
cemeiit et de déco ni fions.
4° Mesures tendant h donner une insiructioîj sp(5ciale aux
jejuiies soldais du eonlitigeiH aptes à devejiir plus tard oi'ticiers
de réserve.
Ici, nous devons signaler un progrès considérable. On a enfin
compris que ces jeunes gous, possédant tous une certaine édu-
cation, une culture intellectuelle assez développée, doivent être
instruits fi part et au moyen de mélhodps spéciales poor donner
I tout le rendement dort ils sont stiacoplibles. Noyés dans lit masse
^hu coiittngeni, ils perdaient un temps précieux ti recevoir, en
^nmême temps que leurs camarades moins bien doués, le dressage
du soldat, que leur intcltigence leur permettait de s'assimiler en
fort peu de jours. Quant .'i rinslnictiori spéciale qui leur était
donnée ensuite pour développer leurs aptitudes au commstude-
tueut, elle se réduisait à fort peu de chose et (consistait surtout,
^^uivant lii vieillo routine, dans les conuaissauces nécensaires au
^ftradé iusitrucleur.
^P On a compris également que eette instruction spéciale devait
' avoir surtout iin caractère pratique.
L'officier de réserve n'a pas besoin d'être uu iuslructeur ni uii
jucalcur. il faut, et il suffit, qu'il possède les connaissancee et
iptitude au commandement indispen^bles h un chef d'unité eu
impa^ne.
Enfin, en réunissant ces jeunes gens dans des pelotons spé-
on a obl(>nu un résultat qui n'a peul-t^(re pas été voulu,
Il qui constitue (Mur eux uue amélioration considérable. Que
v^uîiln ou non l'avouer, le jeune floldftt qui a. passé &a jeii-
sse dans un certain milieu a tine répugnance in^àncible pour
hïimljrée. Les autres exigences du service militaire le laissent
indilTérent: il supporte sans se plaindre le froid, Js chaleur, les
interopéries, les fatigues» ta discipiîtie, mais la vie en comuiun
dans les chambres avec certains de ses citmaradcs lut est fort
pénible. Ce seatiment est jieut-élre peu déniocrntiqu«, muiâ il
l
OH JOlftXAl. DE> àClEXCES HILITAIBE5.
en sera toujours ainsi tant qoe la société comportera des ditté-
rences de fortuce et d'éducation.
En réunissant les dispensés aptes au grade d'officier de réserve
et en leur évitant le contact permanent avec leurs camarades, la
création des pelotons spéciaux rend le service militaire moins
désagréable à ces jeunes gens et permet d'espérer peut-être une
légère augmentation des candidatures.
Mais il ne faut pas se leurrer d'un vain espoir; cette augmen-
tation sera bien faible, car le principal obstacle au recnileroent
des officiers de réserve réside dans la regrettable omission com-
mise par nos législateurs dans la loi de 1889.
Le prestige du galon a, en grande partie, disparu et l'attrait
offert par le grade ne peut plus, dans l'esprit de nos jeunes gens,
entrer en balance avec la perspective des obligation imposées
aux offlciers de réser>'e.
Cette considération a dicté au gouvernement le projet de loi
suivant, déposé le 14 janvier 1902 :
5» Projet d'astreindre les dispensés de l'article 23 h une période
de six semaines pendant la disponibilité, et à quatre périodes
d'instruction dans la réser>-e.
Cette disposition parait en théorie, des plus logiques, c'est l'ap-
plication même du principe naturel suivant lequel 1 Élat doit im-
poser dos obligations en échange des avantages qu'il accorde,
principe perdu de vue par la loi de 1889. Mais ce projet fût-il
volé par les Chambres (et il y a lieu de supposer qu'il rencon-
trera une assez vive opposition), nous manquons de confiance en
SCS résultats.
On nous dira : c'est la carte forcée ; les dispensés, étant
astreints ?» cinq périodes, préféreront certainement faire les
quatre dernières en qualité d'officiers.
Or, il n'est pas prouvé que le nombre des candidatures ne se
ressentira pas de la mauvaise humeur qui sera causée aux privi-
légiés par cet accroissement de charges militaires. Ils aimeront
peut être mieux, comme actuellement, rester tranquillement
sous-officiers, cette situation comportant pour eux moins de tra —
vail, d'obligations, de responsabilité et de dépenses. :
Et d'ailleurs, dans la pratique, sera-t-il bien facile d'exige«r
ces obligations des dispensés, article 23. Parmi ces jeunes gens- ,
nous avons déjà les membres de l'enseignement, qui remplisse». *
SERVICE DE DEUX ANS. 329
ilos fondions ailles el nécessaires h l'État el qui s'engagent, par
i^oiitral, fi dix fins de service, em échange de teur dispensa.
Serait-il bien éqiiilable de leui' imposer on pareil surcroil de
charges? E&t-il bien certain, d'autre part, que le Parlement
<:oiisentira k se déjuger en augmentant la nombre de leurs
fHTiodes d'instruction, alorsqu'il vient jiistementde voter, en Ifîur
/iiveai*, le dégrèvement de l'une des trois auxquelles ils sont
actuellement astreints'? Par cette brèche, d'autres catégories
arriveraient certainement i\ conquérir des priviSèges analogues
it la loi resterait stérile.
Knlin cette loi aurait le défaut d'être impuissante :t Tiîgurd des
fispensés, article 21. Assex nombreux sont les jeunes gens de
cette catégorie qui seraient susceptibles d"(Hre officiers de ré-
sen-vcet tout moyen coercîtif échappe au Miniaire ponr les obliger
A poser leur candidature.
Eln dernier lieu le problème devient complètement insoluble
si l' on adopte le service de deux ans Si l'on astreint les dispensés
ficti.iels au même temps de service que les autres hommes du
ooràtingenl, nous ne voyons pas le moyen de leur imposer des
i^ha rges supplémentaires pour les forcer, en quelque sorte, h sol-
liciter le galon d'otllcier de réserve.
H ffnU donc, soit avec la législation actuelle, soit en vue du
séi'vice de deux ans, rechercher une solution qui ne soit [)as un
pa 11 lalif, un expédient voué d'avance à l'insuccfeSs mais un remède
^réeiifjment efficace.
f-Zréati07i des remowcês, — Sons le rapport de la quantité, dans
'I^GlIe classe de la société pourrons-nous trouver les ressources
"''<^cssaires?Sera ce seulement parmi lesdisponsésderarticlfl i!3?
*^st bien évidemment, et quel que soit le titre auquel ils sont
T* irielés sous les deapeanx, parmi les jeunes ^ens possédant à la
'f'«>i uns lionne instruction générale, une certaine éducation cL
'""• *3 certaine aisance.
ÏjCS deux premières conditions sont nécessaires pour leur per-
*^ lire de ne pas se trouver déplacés dans un milieu d ofticiers et
V'*^Air compenser, par leur prestige vis-à-vis de la trûu|)e, leur
'" ^'ëriorilé sous le rapport des con naissances militaires forcé-
"^^^nt incomplètes.
En un mot le principe :
230 JOURNAL DES SCIBNCSS MILITAIRES.
« Dans la nation armée, l'officier doit être recruté parmi l'élite
« de la société », est bien plus vrai encore pour l'officier de
réserve que pour le professionnel.
Il y a également intérêt à rechercher les jeunes gens ayant une
situation aisée, ils auront, en effet, plus de loisirs et plus de faci-
lités, soit pour développer leurs connaissances techniques, soit
pour accomplir, sans trop de préjudice pour leui-s intérêts (et
par suite plus volontiers), les nombreuses périodes d'instruction
auxquelles ils sont astreints.
Mais, pour cela, il faut attirer les candidats par des avantages
sérieux et réels, en échange d'un contrat qui les lierait vis-à-vis
de l'État.
En conséquence, nous proposons le projet suivant :
Ecoles militaires d'officiers de réserve d'infanterie.
I. — Il serait créé plusieurs écoles d'officiers de réserve
d'infanterie (deux, ou trois par exemple, nombre à déterminer).
II. — L'admission à ces écoles aurait lieu :
i° Par voie de concours :
Les candidats seraient âgés de 19 ans au moins, de 20 ans au
plus le premier janvier de l'année du concours.
Ils seraient pourvus de certains diplômes ou certificats d*étude
(à déterminer) ; ils devraient remplir les conditions d'aptitude
physique exigées par la loi pour le service militaire. Les épreuves
du concours comprendraient notamment des notions de langues
vivantes, de dessin, de topographie, d'histoire et de géographie
militaires ;
2» Sans examen et sur leur demande :
A. — Jusqu'à l'âge de 2S ans (en cas de sursis accordé par la
loi de deux ans) : les jeunes gens remplissant les conditions
actuellement exigées par la dispense de l'article 23.
B. — Les jeunes gens déclarés admissibles à Saint-Cyr et à
l'École polytechnique, mais ayant échoué aux examens définitifs.
Ces jeunes gens devraient, bien entendu, être possesseurs des
diplômes requis au paragraphe 1».
III. — Les élèves admis devraient contracter, avant l'entrée
à l'école, un engagement de trois ans.
SEUVIGE ÛE DEUX ANS, |3f
lY. — Les cours de l'école commenceraient le i^f avril de
chaque année.
Leur durée serait cFun an, intoiTonipuo du 20 aortt ati 30 sep-
tembre. Pondant cetle période d'un mois les élèves seraient en-
voyés comme cajjoraux ' dans différents corps de lron|i(', dans tes
rangs desquels ils prendraient part aux manœuvres d'automne.
V. — Lu première partie des cours serait surtout consacrée îi
l'inslructioii individuelle et à Tacqulsîtion des connaissances
nécessaires au caporal,
La seconde pt^riode, du 1" octobre nu l^ raars^ serait employée
ti l'enseignement dos notions indispensables A l'exercice des fonc-
Lions d'officiers de section. Cet enseig-nemeot, essenlielleinent
pratique, comprendrait : la manœuvre, le service encampagiiej
le tir, la topographie, la taetic|ue (étode nûtionnée et dévpioppôe
des règlements), des notions d'administration de la compagnie
en oauipaguc et de fortification, cutin des données somnuiires
sur lecauon de campagne et les .proprié tés tactiques des diverses
armes.
YL — L'année d'éludés î^erail terminée par un examen de
sortie.
Les élèves n'ayant pas subi cette épreuve avec succès auraient
îi compléter les deuK années de service qu'ils devraient encore h
rÉtat et seraient versés dans un corps de troupe, soit comme
sous-ofticiers, soit comme caporaux, soit même (en cas d'incon-
duite) comme sim|)lcs soldats.
Dau£ certains cas spéciaux, ils pourraient être autorisés, ii
litre exceptionnel, k recommencer une année d'école,
VIL — Les élfcves ayant satisfait aux examens de sortie se-
raient promus au ^vndeprorisoireifaipirnut, et seraient envoyés,
à la date du 1**^ avril, dans un corps de Ironpe pour y accomplir
six mois de service actif,
Ylil. — Le grade d'mpirmit ne comporterait pasTassimîlatron
fivec les sous-lieutenants, mais aenlcment le traitement de ce
* Le Sëiiiit ?iï!nt ju^tumentiie vuler une lui |.eruielUnl Jt' aainmei' va^oral
'*l Soldai au bout de quatre mois de service.
iSâ J0UB;«AL des SCIB2ÎCES MILITAIRES.
dernier grade. Les aspirants vivraient à la table des officiel
Toutefois, leurs prt^rogativcs, h déterminer par un règlement
spécial, ne leur conféreraîenl de droits au commanderaent ni sur
les adjudants ni sur les sergents -majors, mais seulement sur les
îéergents.
IX. — La tenue des aspirants serait celle d'oftkier, avec des
insignes spéciaux. ■
Par exemple : képi avec galons montanls du métal des bon-
lODS et galon de turban du métal opposé, épauletles du métaî du
bouton avec galon rouge sur le corps, brides d'épauletles et galon
des maoches du métal opposé. ■
X. — Pendant les si\ mois à passer dans un corps de troupe
(du l" avril au l"" octobre), les aspirants exerceraient les fonc-
tions d'ofQciers de section. Toutefois, ces fonctions seraient limj
tées à l'exercice des attributions incombant au chef de seclion
pour tout ce qui concerne l'inslruclion militaire proprement dite;
les aspirants n'auraient pas h s'immiscer dans les détails da ser^
vice intérieur.
XI. — Au 1"' octobre, c'est-à-dire après dix-huit mois de sn^A
vicse actif (un an à l'école et six mois de fondions d'aspirant), les
aspirants seraient renvoyés dans leurs foyers avec le certificat
d'aptiiude au grade de sous-lieuienant de réserve.
Ce gi-flde leur serait conféré, à litre définitif, sous les con-
dttiom suivantes :
Xn. — Signature d'un engagement comportant les danses ^
ct-après : ^M
L'aspirant promu sous-Iieulenant de réserve s'engagerait» ei^^
corapens-alion des avantages qui lui ont été octroyés par l'Elal»
à s'acquitter de toutes ks obligations de ce grade pendant un
miûîniuui de dix années.
L'officier perdant son grade avant l'expiration de ce délai, p^r
suite de démission volontaire ou de révocation, serait rappel*^
ft l'aclivité et tenu d'accomplir intégralement, en qualité de sou»'
officier, caporal ou simple soldat (suivant le cas), les dtx-fiui'
mois de service actif dus à l'Étal en vertu de l'engagement cofl
tracté avant l'entrée a l'école.
SEHVlCB t)B DEUX AKS.
233
XUÏ. — Les aspirants qui ne consentiraient pas h signer le
con Irat stipulé ci-deasus, el cens, qui, n'ayant pu obtenir le cer-
f i Jfîoat tl'fiplilude, ftiraient, en raison de leur conduite ou do leur
i noapacitéj l'objet d'un rapport spécial de leur chef de corps, se-
j-aîc^nt envoyés dans un autre corps de troupe pour y terminer,
<îOETi"iTne sous officiers, leurs trois années de service actif.
>£.IV. — Les aspirants qui, par suite de certaines circonstances,
jri.''£».^jraient pu obtenir le cerlitîcat d'aptitude au grade d'ofllcier
<lfâ réserve fi l'expiration de leurs six mois de fonction.s, seraient
aut-orisés, exceplionnelleinent, <i accomplir un nouveau stage de
siat mois dans les mêmes conditions que le premier.
>£-V. — Les dispensés (art. 23) reçus docteurs en médecine ou
pluai'niacîens de l''^ classe, incorporés seulement aprts l'âge de
2S tins par suite de sursis accordés pour leurs études (projet de
loi <je service de deux ansj voir ci-dessus '), pourraient bénéfi-
cier-, sur leur demande, des dispositions suivantes :
"I ^ [ncorporalion dans une section d'infirmiers, un an.
ï*endant les sis premiers mois, ils rempliraient les fonctions
**' i ir» ternes dans les hôpitaux militaires.
ï*endanl les six derniers mois, ils suivraient des cours spé-
'*-^i.ix pour apprendre les connaissances micessaires aux officiers
***-» service de santé en temps de paiitet en campagne, dans les
*^'^ï~|js de troupe, hôpitaux, ambulances el autres formations sa-
*** ••î:*.ires;
^* A l'expiration de leur première année de service actif, ils
'Cîi-Qjgnt envoyés, en qualité de mMecim auxiliaires, dans un
*^<^r-|3sde troupe pour y exercer, pendant si.v raols, les fondions
*^**^ ides-majors de 2« classe (avec la solde do cet emploi).
-^près ces six mois, ils seraient renvoyés dans leurs foyers
^^<^c le grade d'aido-iuaior de réserve qui leur serait conféré
*îo «a s les mêmes conditions que celles prévues ci-dessus pour les
**^^i:»irants nommés officiers de réserve.
234 JOURKiiL DES SCIBNCBS MILITAIRES.
Discussion.
I. — Création d'une école. — Par l'institution récente des pelo-
tons spéciaux de dispensés, l'opinion est toute préparée à ac-
cepter la création d'écoles pré|jaratoires. Il est, en effet, bien
reconnu qu'il est impossible de laisser les futurs candidats con-
fondus dans le rang pour leur donner l'instruclion intensive et
toute spéciale qu'ils doivent acquérir.
On nous objectera que l'on pourrait faire à ces écoles le re-
proche d'être peu en harmonie avec les, idées égalitaires. Mais,
en lisant le Rapport de M. Berteaux, on peut y voir {Documents
parlementaires, pdige 1498) une proposition tout à fait analogue.
Les opinions bien connues de l'honorable rapporteur ne nous
permettent pas d'admettre qu'un semblable projet soit de nature
à choquer les sentiments démocratiques.
Nous signalerons même, à ce sujet, un détail intéressant de la
proposition de M. Berteaux, relatif à l'installation des écoles
d'officiers de réserve dans les locaux des écoles militaires pré-
paratoires d'enfants de troupe, établissements dont il demande
la suppression.
IL — Le principe de l'école, une fois admis, it est tout naturel
d'en assurer le recrutement, en faisant appel îi toutes les res-
sources que possède la nation en jeunes gens instruits. Si l'on
considère les avantages de notre projet, consistant h éviter la
caserne proprement dite et à obtenir la réduction certaine du
temps de service à dix-huit mois (dans le cas du service de deux
ans); si l'on envisage surtout l'attrait offert par la situation i3'as-
pirant dans les six derniers mois ; il n'est pas douteux qne Taf-
fluence des candidats serait considérable, et qu'ils seraient tous
de bonne volonté.
Parmi les candidats entrant par voie de concours, oo compte-
rait beaucoup de dispensés de l'article 21 qui, ne pouvarrt être
astreints à aucune obligation en échange de leur dispense, ne
fournissent maintenant aucune ressource;
Nombre de dispensés (art. 23) seraient ainsi débarrassés du
souci de poursuivre et d'achever, sans aucune vocation, cer-
taines études, dans le seul et unique but de se sousitraire à deux
années de service.
I
^uticb iws itEux ans. 235
Ce serait un bénéfice ponr l'année qui profilerait de la sélec-
tion causée par la loi de Coffre et de la demande. Ce serait aussi
un bienfaii pour la société qui verrait se désencombrer les car^
rières libérales, pour le plus grand bien des entreprises commer-
ciales el iudusti-ielles, les plus utiles au développement des forces
vivit-s du pays.
D semble tout natorel de ne pas soumettre aux épreuves du
concours leS' dispensés de Tarlicie 23 qui, ayant obtenu (projet
de loi de deux ans) un sursis d'iucorporaliou jusqu'^ 25 ans, se-
raient pourvus k cet Age des diplômes, prix, etc., requis par la
loide188!).(>us4ii auraient ci'i'tainemeot des vocations sérieuses
pour les carrières libérales, et entrant i l'école de bonne volonté,
après avoir acquis pius de maturité par leur âge el leurs études^
feraient, à n'en pas douter, d'excellents oftiders de rései*ve.
Enfin, pour les candidats malheni-eux à Saint-Cyr et à Poly-
technique, il paraît sage de les admettre également sans exa-
men, d'abord parce qu'ils présentent des garunlies suffisantes
au poinl de vue de l'instmction ; ensuite, pour que leur vocation
militaire ne soit pas entièrement perdue pour l'armée.
m. Engagement de itok ans. — La nécessité de faire con-
Iracter aux candidats un engagement de trois ans en entrant
àrécole s'explique d'ellc-mèuiie. 11 faut, cii effet, lier ces jeunes
gens par un contrat qui permettra de leur imposer de justes
obligations en retour des avantages offerts.
I
Hav
ÏV. DaU d'entrée à i' école. — Nous proposons le 1" avril pour
plusieurs moUfs :
(• La saison suffisamment clémente h cette époque el les jour-
nées plus longues permeltraien! de donner aux élèves, rapide-
«nent et pas trop péniblement, rinstnujlion individuelle el tecli-
nique, ainsi que l'entraînement qui leur sont indispensables pour
fissister aux manœuvres d'automne ;
2» La pc^sibilité d'assister avec le grade de caporal î"* ces
ûiêmes manceavres, dans les rangs d'un corps de troupe, four-
nirait au\ élèves une excellente occasion de prendre pari aux
épreuves les plus intéressantes de la vie militaire, côte k cùte
avec le soldat;
i30 JODENAL oas SCIENUËS MILITAIRES.
3" II resterail alors aux élèves les six mois d'hiver, moins pro-
pices aux exercices n]iHtaii-e&, pour acquérir les connaissances
techniques nécessaîros au grade d'officier.
V. Progrmmm iVétudea. — Le programme d'études n'a pas
besoin d'être jiisli fié; nous répclerons seulement qu'il doit ùlre
essentiellemcnl pratique et rompre résolument avec la rouline
do la récitation de la théorie.
VIÏ k X. Slaije fies canilidtKnfiii qualité d'aspirants. — Ici se
pîacc le point délieat du projet; il paraît difficile de créer ce
nouveau i^rade d'aspirant, sans assimilation avec l'otTicier, ne
comportant pas de droits au commandement sur les emplois sn-
périeurs de sous-officiers. Ce serait cependant, à notre avis, la
disposition la plus importante et la plus féconde en résultats. Il
faut bien reconnaître, en eflel, que le système actuel ne donne
aucune garantie de la valeur de l'officier nouvellement promu.
Après dix mois de service (dont rarement deux ou trois mois
de grade de caporal), le candidat rentre une première fois dans
ses foyers, pourvu d'un certificat donné après un examen trop
sommaire, et sans avoir pu, en faisant acte de commandement,
révéler ni développer ses qualités d'aptitude.
Après une première période d'instruction, au bout de laque! Ih
il n'est pas davantage possible de l'apprécier sérieusement, il
est nommé sous-ofncier et retourne de nouveau dans ses foyers
avec un certificat obtenu à la suite d'un examen de quelques
minutes.
Faui-il s'étonner, appfcs cela, que beaucoup d'officiers se mon-
trent inférieurs <i leurs fondions? Il n'est pas difficile non plus
de s'expliquer, parcelle raison, la froideur manifestée k l'égard
de certains d'enireoux parleurs camarades de l'armée active.
Voyons maintenant ce qui se passe dans l'artillerie, qui pos-
sède, depuis qu'elle reijoît les élèves de l'École centrale, un corps
d'officiers de réserve remarquable,
Ces jeunes gens arrivent, il est vrai, dans les régiments avec
le ^rade de sous-lieutenant, mais ne sachant que forl peu de
choses, surtout au point de vue pratique, Cependant, ils se per-
fectionnent 1res rapidement par TexercJce du commandement et
acquièrent l'aplomb et l'autorité voulus par l'exercice même
SEHVttE DE DEUX ANS, 237
des fonctions auxquelles ils sont destinés. En outre, vivant eti
commun avec les officiers de l'active, partageant leur existence
pendant une année entitre, ils contractent avec etiK des relations
de cordiale camaraderie qui ne se perdent plus. Désormais, ils
sont de la famille militaire, et c'est avec plaisir et avec la certi-
tude d'être bien accueillis qu'ils reviennent jilus tard au régi-
raenl pour les périodes d'instruction qu'ils ont ultérieurement
ri accomplir.
C'est h obtenir un semblable résultat pour l'infanterie qu'il
nous semble nécessaire de viser. Sans être aussi efticace que
Vannée entière passée dans les régiments parles élèves de l'École
centrale, le stage de six mois de nos aspirants augmenterait sin-
gulièrement la valeur professionnelle des futurs officiers de ré-
serve. Il ferait certainement naître entre eux et leurs camarades
de l'active des liens do cordialité etd'^ sympathie bien autrement
intimes que ceux qui ont pu être obtenus jusqu'à présent, quels
que soient les efforts tentés dans ce sens.
Enfin, il est ?i peine besoin de dire pourquoi nous proposons
pour le stage des aspirants la période d'avril fi septembre inclus.
C'est, en eftet, h ce moment que l'on exécute l'école de section,
de compagnie, de bataillon, de régimenljCt enfin les manoeuvres
d'automne. En un mol, c'est là période la plus favorable pour
donner l'instruction rraiment pratique et pour faire acquérir
l'habitude du comman lement h des jeunes gens qui sont appelés
N devenir, non pas rfw instrudetirs, mais des chefs aptes à con-
duire une section en campagne.
Ainsi, nous te répétons, nous attachons la plus grande impor-
tance h. la création de ce grade d'aspirant. Si Ton estime que
celle dénomination, empruntée î» !a marine, ne convient pas h
l'armée de terre, que l'on en prenne une autre. Le but essentiel
et indispensable est d'arriver à placer les élèves sortant de l'école
dans les conditions que nous avons décrites ci-dessus.
Ce serait le seul moyen d'obtenir, outre les qualités militaires
voulues, la camaraderie et la confiance réciproques entre les
ofriciers de l'active et de la réserve.
La réalisation de ces deux conditions si nécessaires et qui
laissent aujourd'hui si fort k désirer, ne pourrait avoir que les
plus heureux, efiels au point de vue de la cohésion et du solide
encadrement de nos formations de campage.
X à XIll. — Contint ù fHixser arec t'Etat. — Nous n'avûns }jas
besoin do ju&lîfier les (ier»ii?rs })aragrapbes de notre projet qui
sUpaJfQt tout iiatureUemeut des obligations eiivers 1 Étal:, ^u
èfkiingt.' des aranlages consentis,
l^Jus ces avanUgcA st'roiU réels, plus TÉlat aura le droit d'être
i'\igc;.irit sous Je rapport des clauses du contrat quïl impose.
Nous u'avons pas besoin d'expliquer les paragraphes teh.'
tifs aux docteurs en médecine et ptiarinaciens de i'* clause,
lu projet analogiie serait le corollaire iodispensable de la loi
do deux ans, et il serait coiilr^itri? U la logique d'utiliser autreioeul
ces jetines gêna dont les connaissances techniques i^eiivent rendre
de si grands services h notre corps luédieaL
Enfin noire [irojet u l'avantage de s'appliquer, non seulemeoi
au régime de la loi de deux ans, mais eucore à la toi de recrote-
menl aoliiellf- FI n'est pas conlestahle, en etîei, que beaucoup de
jeunes |j;(mis iiimcront uiienx. s'acquilter de ieur dette niilitiiire,
dans de tyenibJabks conditions, que de s'astreindre, sans vocation
déterminée, h ferlâmes études, de courir les chances des exa-
mens cûuféraot la clispiînso de rarlicle ;â3,ei de s'exposer à être,
en cas d'échec, rappelés pour deux ans sous les drapeaux*
Cette nouvelle source de recrutement, tout en comblaïit
rénoruic dctii'il que nous avons signalé ci-dessus, nous permet-
trait de n'avoir plus recours que dans des conditions de sévère
sélection, aux catégories de suppléants officiers visés par ^^
règlement actuel, et d'exiger, parcoiiséqueul, deces deruiers, àe
meilleures i^aranties de temps de service el de capacité.
Les adjudants de réserve sont un expédient dangerensî il ***
faut pas oublier, en eflet, qu'ils ne sont astreinls qu'à de*-*^
périodes d Instruction. Us ont donc d'autant pLuà Jiesoîu déLre ^
hauteur de leurs fonctions à la tin de leur service actif, ({u'i^^
n'ont pas, comme les officiers de réserve, l'occasion d'eulreteiW'
et de perfectionner tous les deux ans, leurs connaissaoces oii*''
taires.
H. B.
Cipîtaioe Ureraté d'étal-major-
lE JJiïlSl ALLEMI l'IÎIIMïERIE
AU COMBAT
(Frœsch-willer, Sedan, sur la Loire ').
SEDAN
(1" septembre).
(Fin.)
OBSERVATIONS.
Combat de la Division.
-'^f'iction du commandement. — La 22® division coupée en deux,
" "^^ heures du matin, à Donchéry, échappait ainsi à l'action de
^^ *^ chef dès le début de la journée ; le commandant de la divi-
^^*^^"ii prenait la direction de la colonne de gauche (43« brigade,
"^^*ax escadrons, deux batteries).
-^o retour de la convocation à M adressée par le chef du
^^^ corps (7 h. 1/2), il attend vainement sa colonne qui est
P^ *^iue.
^ntre midi et 1 heure, la brigade apparaît enfin à Saint-Al-
'^'^ »t, renforcée de deux bataillons. Le général de Schkopp, dont
^'*- patience devait être à bout, la lance incontinent sur la ligne
^^ combat.
Le commandant du XI« corps, général Schachtmeyer, depuis
^^ blessure du général de Gersdorff, qui, pour toute réserve, ne
' Voir les livraisons de juin et d'août 1902 et d-.' janvier 1903.
\
i240 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
possède qu'un ramassis de compagnies, tirées de tous côtés,
expédie l'ordre de diriger une brigade en réserve générale à la
cote 260 ; le général de Schkopp répond que sa première ligne
est déjà sous le feu et ne peut être retirée; il envoie cependant
ses deux bataillons de queue au général en chef, qui dût s'en con-
tenter.
Peu après, la 43« brigade entrait en ligne tout entière ; le rôle
du général de Schkopp comme divisionnaire était terminé ; ce fut
court, mais décisif.
Dans l'étude du combat de la 22» division, à Frœschwiller,
nous nous sommes refusé à attribuer au mouvement du même
général sur Morsbronn toute influence heureuse sur la marche
générale de l'action.
A Floing, c'est autre chose. Le général de Schkopp, durant ses
longues heures d'attente, n'avait pas dû tenir les yeux exclusive-
ment tournés vers Saint-Albert, ni vers Montimont, et, s'il ne
connaissait pas, à midi et demi, les intentions du nouveau gé-
néral en chef, — sa façon d'agir ne laisse aucun doute à ce sujet,
— il était parfaitement au courant des pénibles événements dont
Floing était le théâtre ; il avait pu h loisir étudier les approches
de la gauche française et reconnaître que c'était par là seule-
ment qu'on pouvait espérer triompher de la résistance jus-
qu'alors victorieuse de l'ennemi.
Et, de fait, quand on songe au combat si furieux et si long-
temps indécis qui se livra sur ce versant nord de la croupe 238,
combat de front contre un seul régiment français (SS^), exécuté
par les troupes sorties de Floing et par les bataillons frais qui
descendent à tout instant du parc La brosse, on est forcé de re-
connaître que le mouvement de la 43® brigade, en retenant, en
fixant, pour ainsi dire, deux régiments français (37« et 89»), en
face de Cazal, eut une importance décisive.
En admettant, ce qui est à peu près certain, que le général de
Schkopp, après avoir lancé sa 43« brigade au sud de Floing,
ait pris la direction suprême et de cette brigade et des troupes
entassées dans le village, son impulsion ne pouvait plus être que
purement morale; n'ayant plus de réserve, par suite de la préci-
pitation du 32e à se fondre dans le 9o«, il ne peut plus manœu-
vrer; son rôle comme commandant de division était donc bien
terminé.
DNE DIVISION ALLEMANDE D'iSPANTEHrE AU 0*.iMBAT. 241
^snvB observation pour finir. On a souvent décrit et discuté l'ha-
hileté avec laquelle les généraux prussiens savaient, sur le
champ de bataille, ménager leurs efforts, ils laissaient leur pre-
mière ligue fournir son maximum de rendement, et, le plus sou-
vent, ce n'élail que lorsque cette preiiiitre ligne était usée, inca-
pable par elle-même de faire un pas de plus, que des renforts
survenaient et reprenaient le combat, renforcés h leur tour lors-
qu'ils avaient perdu tout élan.
Celle lactique, qui réussit à merveille en 1870, réussirait-elle
contre un ennemi audacieux et égal en nombre? Il est permis
d'en douter.
Les combats qui se livrèrent autour de Floing olYrent un exem-
ple remarquable de cette succession des efforts.
Dès 9 heures, deux compagnies prussiennes luttent dans le
village; peu après lO heures, il y avait au parc Labrosse un total
de 32 compagnies.
Vers 11 heures seulement, trois compagnies (83*) descendent
tout dVbord dans Floing.
A 11 h. 1/2, 15 compagnies sont laissées successivement dans
le vidage.
A midi, il y a, tant au parc qu'au sud deSaint-Menges, 24 com-
pagnies; mais les affaires tournent mal sur la premii-re ligne;
12 compagnies sont envoyées h la rescousse.
A 1 heure, des vingt compagnies de réserve, six descendent
encore dans la mêlée.
A 1 h. 1/â, dix autres vont prolonger la première ligne, dont
huit du 94^.
Les quatre dernières rompaient peu après 2 heures.
Artillerie. — Le déploiement audacieux de rartillerie du
M" corps et plus tard du V", dans la matinée du V septembre,
est devenu un exemple classique.
Mais combien plus audacieuse encore fut la mise en batterie,
îï 9 heures du malin, des deux batteries légères de la 22" divi-
sion, amenées h Sainl-Mengespar le lîeutenantMi-olonel Hendùck.
Quoi qu'on en dise, !*artillerie de corps du général de Gers-
dorff arrivait bien ii 10 heures sur la croupe du Hautoy ; mais
deux bataillons d'infanterie (87«) étaient déjfi entre Sahit-Menges
*t Fleigncux, et le 83« en entier était h mi-chemin entre Saint-
J, des Se. mil. 10« S. T. XVIL 16
242
JOURTfAL V^ SCIENCES UILITAUtES.
Menges el le parc Labrosse; c'éUiil, en somme, un total de cinq
halaiUons, disposés en arrière des deux ailes d'une ligne qui ne
tlépas&îiil pas 900 à lûÛÛ mètres; c'était, on l'avouera, un sou-
lien respectable: l'arlilltTie du V'- corps se mil en ballerie à peu
près dans les mêracs conditions (10 h. 1/!2).
Les deux baileries légères de la 22* division, au contraire,
lirwent leur preminr coup de canon à 9 heures, n'ayant comme
soutien qu'une seule compagnie établie dans le parc.
Nous savons quels déplorables résultats eut cette ouverture
prématurée du fou; quelques instaolB après, trois pièces seules
étaient encore en élat de tirer.
Serrons la chose de plus près. A Boroy, nous l'avons vu dans
l'étude précédente, l'arlillerie, qui précédait la 3" brigade d'in-
fanterie, canonne les troupes françaises que l'on supposait en
retraite, fwur les forcer à faire face et accepter la bataille ; l'in-
fanterie adverse se prêle fort bien à la chose el prend niènio l'of-
fensive.
Passons à Gravelotle, le surlendemain. Tout le monde ou à peu
près est tombé d'accord pour blâmer la canonnade intempes-
tive des campements de Ja cavalerie française, canonnade qui
pouvait amener l'armée finneniie h pousser de l'avant et ô mellre
dans la plus fâcheuse posture les troupes [trussienncs.
A Beaumont, la précipitation de rartilleric du IV* corps à ou-
vrir le ft^u faillit gi\tei' les an'aires.
Au parc Labrosse, le danger était pire.
L'ennemi était en position; on lui avait prêté, dans la nuit,
l'intention de nutrcher sur Mé?.ières, et, craYon$-noiis, rien ne
jîrouvaiL au coramandanl des deux batteries prussiennes, simple
capitaine, que les Français eussent complètement renoncé à leur
projet. Ouvrir le feu, alors qu'on n'était pas en mesure de s'op-
poser (i une attaque sérieuse, c'était une provocation des plus,
dangereuses, surtout pour les troupes qui encombraient le défilé
du Sugnon ; était-ce pour signaler plus vite aux camarades qui
luttaient à Baz.eilles, aux chefs des deux armées allemandes que
la voie de l'Ouest était barrée à l'armée française ?
C'est encore possible; mats d'abord, celte voie n'élail pas en-
core barrée et ce pouvait être le seul moyen d'empêcher qu'elle
le fût jamais.
Prendre position à la cote 26Û«, charger les pièces et attendra
UNE [llVISroN AM.KMASllE d'iNFAIITEIUE AU COMBAT. 343
eût été mieux. Mais allei! donc raisonner de cette fRçon avec des
gens grisés pai- nn mois de succès iuinterronjpns, habitii<i(S h voiv
dans l'ennemi un adversaire pat;stf qui ne songe qu'à occuper de
belles posiiions et h s'y maintenir !
Le capitaine Gosslf!!", qui n'a tait que répéter, sur une moindre
échelle, tes manœuvres des généraux Kamecke, Montbarry,
Gollz et Redern, h Forbach, Frœschwiller, Borny et Gravelotie,
trouvera cerlainement des imilateurs dans la prochaine cam-
pagne; cela promet :i notre cavalerie, et h nous aussi fantassins,
de riches trophées.
Examinons un instant la mise on batterie, vers I h. 1/2, d'une
partie des 3*^ et 4" lourdes sur la ligne mémo du combat de Tin-
fa nterie.
Nous ne parlerons pas de l'etTel moral considérable produit
en pareil cas sur les comtialfauEs; l:i cause est entendue.
A peine les premiers coups tiré.s, el mali!;ré le voisinage de
Iroopes d'infanterie, la batterie fui chargée et enveloppée d'une
nuée de cavaliers; pendant une demi-heure, des escadrons nom-
breux lou^^illonn^^e!lt autour des pit'^ces abandonnées par les
servants; lorsque la rafale fut passée, les huit canons étaient
toujours lîi el le feu reprenait aussitAt,
Cet épisode ne conlîrme-t il pas, jusqu'à un certain poinl, les
conclusions de certains de nos cavaliers qui déplorent, dans le
combat de la division de cavalerie, l'alfeclation d'un soutien
aux batteries de la division ?
Vainqueurs, disenl-ils, on retrouvera toujours rariîllerie ;
vaincus, cette dernière sera, dans tous les cas, la proie assurée
de l'adversaire.
Terminons en signalant l'analogie qui existe entre le déploie-
ment des V« et XI" corps, le 1" septembre, et les déploiements
sur les champs de bataille futurs, tels qu'on se plaît h les envi-
sager actueilemeut. Les Allemands, d'ailleurs, ne sont-ils pas
disposés en principe îi n'avoir plus que de l'artillerie division-
naire, trouvant que l'arlillei'in de corps, reléguée au centre des
colonnes, interviendrait toujours trop tard ?
Que voyons-nous le '!•'' septembre? Tonte l'artillerie se por-
tant en tôle des colonnes cl cnlaniftnt raclion sous la prolection
de la cavalerie de sûreté; les premières troin«es d'infantério se
portant hâtivement aux deux ailes, au fur et à mesure de leur
Î44 JOïïHNAL DBS SCIENCES JHUTAIHES.
arrivée; c'esl h ce dernier point de vue que nous envisageons la
qtiGslion. A Sedan, ta 21* division tout entière fui employée
lout d'abord à servir de soutien d'artillerie; les régiments, les
balaillons mêmes, se partageaient ea deux pour aller prendre
posilioïi aux deux extrémités d'une ligne qui ne tardait pas
h avoir 3,300 mMres d'étendue.
L'action du commandement supérieur était considérablement
réduite, et, sauf au parc Labrosse, oft se tenait le commandant
en chef, celle des cliefs de compagnie devenait presque partout
prépondérante.
11 y a ïh un étiueil qu'il étail bon de signaler,
Cavalerie. — Deux des escadrons du 13* hussards, avec le
lieulenarit-colonel, parviennent, de Donchéry et malgré rencom-
hrement du défilé de la Falixelle, à rejoindre les escadrons de
lèle du XI« corps h Saint-Menges.
Employés toute la journée comme soutien d'artillerie, les hus-
sards, à partir de 10 heures, eurent un rôle très effacé.
Dans leur progression vers l'Est, ci mesure que se développait
la ligne d'arltUerie, ces escadrons ne furent pas sans apercevoir
se profiler sur la longue croupe de Fleigneux, les fractions fran-
çaises qui, se dérobant h l'étreinte, chcrcbaient à gagner les bois
limitrophes de la frontif're belge; plus Lard, vers 11 heures,
c'élaienl des escadrons entiers de cavalerie ennemie qui, fliant
par le couloir de la Givonne, esquivaient la captivité finale; ces
derniers, en particulier, lurent signalés par tes vedettes du
'I4« hussards, qui accompagnait le 13", A ce moment, la cava-
lerie prussienne, massée auprès de Fleigneux, comptait dix esca-
drons, l'infanterie, vingt-quatre compagnies.
Quelques escadrons, hlchés dans la forêt, y eussent fait, scm-
l)le-t-il, de la bonne besogne. Mais on ne peut leur en faire un
crime; tout entiers au spectacle empoignant qui se déroulait sous
leurs yeux, dans te Sud, les hussards laissèrent s'échapper l'oc-
casion.
Ces escadrons français, ainsi dédaignés^ allaient servir à for-
mer le noyau le plus solide de toute la cavalerie de l'armée de la
Loire.
UN£ mVlSIOM ALLKHAKÛE d'iNFÂ^TERIE AU UOUBAT. 245
Combat des petites unités.
Ainsi qu'on a pu s'en convaincre-jî! n'y enl pas dans la 22« di-
vision, h proprement parler, de combat de la division; engagés
successivement selon lenr ordre d'arrivée sur le champ de ba-
taille, les régiments échappent, dès le début, h l'action du com-
nianderaent; il n'y eût, en somme, que des combais de régiments
et un combat de la brigade. Tous ont été exposés en détail dans
les pages précédentes; nous ne ferons ici qu'en souligner les
particularités essentielles.
Rappelons d'abord qu'à la suite des pertes excessives subies
par rinfanlerie prussienne dans la première moitié du mois
d'août, un ordre du roi Guillaume, en date du 16, avait proscrit :
1" L'emploi du demi-bataillon pour la première ligne;
â« Les uitaques de l'infanterie insuffisamment préparées par
rartillerte.
83^ réfjiment. — Nous avons supposé que le colonel de Bie-
berstein, commandant la 44« brigade, était, de sa propre auto-
rité, parli de Donchéry sur les traces de la colonne de droite.
Voici la raison qui nous a fait émettre cette supposition.
Lo commandant du XI» corps recevait, à 7 h.if% seulement,
vers Briaucoui't, l'ordre de faire à droite et de marcher sur Saint-
Menges; les instructions destinées h la 44" brigade ne pouvaient
sflreraent pas parvenir h Donchéry (4 kilomètres) avant 8 heures;
or, à 8 h. 1/2, le 83" régiment était déjîi h Maison-Rouge, à près
de 5 kilomètres de son point de rassemblement; il avait dû
rompre vers 7 h. 1/1 En agissant ainsi, le chef de La 44'' brigade
obéissait k une sainfj logique, laquelle lui disait : en allant de
suite k Maison-Rouge par le chemin le court, le 83* ne peut dé-
ranger en rien les projets du commandement; là, en effet, plus
qu'fi Donchéry, il lui sera facile de prendre telle direclion qui
lui sera indiquée.
Arrivé lin, est-ce par ordre du commandant du XI^ corps que le
régiment prenait h travers les prairies, pour arriver plus vite au
débouché du Sugnon ? N'oublions pas que sur la roule elle-
même .se trouvait toute une brigade d'infanterie qui avait déji
ce même objectif.
246 JOURNAL DES SCIESCES MILITÂIHËS.
Ou faut-il ne voir, dans celli! conlinuation du niouvement du
83*j qu'une preuve de plus de l'énergiquo iuiliatfve de son clief?
Ce dernier cas esl irirmimenl probable el ne nous étonii
rait pas.
Plus heureux que les «nu 1res régimeulsqui se présentaient npr
lui, a la soriie de Saint-Albert, le 83« re&tuit réuni dans la main
de son chef, au sud de Saînt-Menges. Le P'' bataillon, cepen-
danlj couratit au plus pressé, se portait vivement au parc La-
brosse.
Vers 11 heures, trois compagnies de ce bataillon descentlaieul
à la fois sur Floing, en ligue de colonnes de compagnît*; dks
pré&enlaient une masse trop vulnérable et furenltrès éprouvées,
La leçon profila : lorsque, quelques instants plus lard, les deux
autres balaillons furent appelés dans le village, les compagnies
y furent envoyées successivement et, croyons-nou^, dépbvéf^.
Une demi'heure plus tard, les scènes de désordre el de confu-
sion, déjà vues le 6 aoùl, se reproduisaient; nous n'y re^LCftrJ
drons pas. ^M
43^ brigade. — La 43'- brigade loui-ne à droite à Vrigne-suit-
Bois, à 7 h. 1/à, et arrive vers 11 heures b. Montimoiit, h moiJis
de 2, oOO mètres de son point de départ,
La relation officielle avoue que celle bii^ade s élail égarée
mais vraiment on se demande comment une brigade, fianqa
de plus de 200 cavfdîers, a pu errer pendant trois longues lieurtîs
en plein jour, dsns un terrain aussi circonscrit que rélail <:elui
ofi elle se trouvait. Si elle a marché sur Donchéry, puis sur Moû-
timont, elle pouvait parvenir h. ce dernier point à 10 heuroij iW
plus lard, partout ailleurs, elle se heurtait aux troupes desV'ei
XI* corps, dojit elle n'avait qu'il suivre ou à longer les coionnei.
Le colonel de Kontzti, ^ rencontre du colonel Bîdberstfiit^-
n'aurait-il pas plulùt attendu la confirmation d'un ordre qty^
croyait avoir mal compris?
Quoi qu'il en soit, la 43^ brigade, la gauche en lÉte, déboach»
à Saint-Albert vers midi.
Dirigée sur les hauteurs, au sud de Floîng, la brigade prenais
sa formation sur deux lignes; chaque ligne, composée d'un régi-
ment, était par demi-bataillons; les mitrailleuses dft la division
Lîébert, qui commencèrent à tirer, à partir de 1700 mètres, P^
UNE DIVrSION ALLEMANDE D'iNFASiTBRtB AU COMBAT. 247
raissent avoir causé certains ravages dans celte brmalJon trop
dense.
Apn^'S le passage du l'uisseau de Floing, îi 500 ou 600 rafttpes
des crêtes, le iV^gimenl de première ligne se forme en ligne de
colonnes de compagnie ei pr^ud le pas de course poui' se tuettro
li l'abri au pied deshaiileurs; le régiment de asconUe ligne y ar-
rivait sur ses talons, Jusf[iie-là, le mal n'était pas grand; les
deux lignes étaient confondues, c'est vrai, mais rien n'6l;iit plus
Jacile de les séparer de nouveau en portant le seul Qo"- en avant,
sur les traces de ses tirailleurs, parvenus presque au sommât.
Personne n'y songea, et, h la reprise de la marche, les viugt-
quatre compagnies de la brigade, sur une seule ligne, s'élevèrent
sur les pentes.
Donc répétition de ce que nous avons vu h Frœschwiller, dis-
parition prématuri^e de la deuxif-me ligne dans la première.
Il peut être intéressant de comparer les perles subies par les
régiments de la division Liéberl avec celles infligées par ces der-
niers aux troupes prussiennes.
Nous ne dous occuperons que de l'intanterie.
La division Liébert. eut îi lutter conlre la 22« division toiil en-
tière, conirc la moitié de la fl^ et contre sept bataillons du
V corps ; on peul ajouter : loutes ciîs troupes prussiennes lul-
tèrent exclusiveraenl contre les treize bataillons du général Lié-
hert.
Les pertes totales en infanterie des corps allemands énnmé-
rées ci-dessus s'élèvent, en chiffres ronds, à 100 officiers et
â,000 honmins de troupe ; la division française perdait 114 offi-
ders, 2,400 borames, sur un effectif de 26â officiers et 7,8S0
liommes.
Il y a, dans cette constalalion, une chose consolante : à chaque
instant, dans le cours du récit, la Relation officielle, pour expli-
quer, pour atténuer les reculades des contingents prussiens,
leur exlr<^me négligence dans certains cas, en rejette la cause
sur la pénurie des officiers valides, sur les pertes sanglantes
éprouvées par les troupes.
Croît^on que nos régiments étaient en meilleur état? Et, ce-
pendant, (|uel contraste avec leurs adversaires !
Prenons la 43^ brigade, par exemple. Voici une brigade qui
a eu la chance de conserver son autonomie, qui n'est au feu que
/OUaSAL DES SCIENCES MILITAmBS.
depuis midi et demi, et qui, sur un effectif de IS officiers a
5,300 hommes, a perdu, en lout, îi 3 h. 1/t, 32 officiers et
430 hommes.
Eh bîeni cette brigade est dans un état tel, qu'aprÈs la pnae
de CfizaJ, le colonel de Konliki ne disposait pîus que d'unu
tuasse confuse représentant h peu près l'effectif d'uu bataillon,
de l'aveu même de la Relation officielle. Oi'i était donc passû tout
le reste? Sans doute, une bonne partie des manquants erraient
à droite et h gauche du village, mais soyons certains que c'est
par centaines que Ton aurait pu compter ceux qui étaient cachet]
dans les carrières de Fraicheau; ils s'y étaient jetés au moment
des charges de cavalerie et n'en étaient pas sortis.
Il se passait là ce que nous avons vu dans le Kiederwald,
6 août, au moment ofi tes renforts, à leur passage au milieu des^
bandes d'isolés, d'embusqués, étaient accueillis par des phrase^
comme celle-ci : « En voilà encore qui veulent se faire taei'! *'i
(Général Bonnal, Fnmchwiîler.)
En face, que voyons-nous? Deux régiments français (37*
89^), dont l'un a combattu, dès 9 tjûures du matin, dans Floing,
qui, sur un effectif total de 118 officiers et 3,B62 hommes de
troupe, perdent 58 officiers et plus do 1300 hommes; il est œP"j
tain que bon nombre des survivants se réfugièrent ensuite dansj
les fossés de la place; mais la majeure partie des deux régi*
meuts figurait encore h A heures du soir dans les combats qui se
livrèrent àBalau.
La 43* brigade eût-elle été capable d'un pareil effort? Nous^
doutons.
Et le o3« de ligne, au Terme, était-il poussé par des troupe
fraîches, lorsque, après les charges de la cavalerie, faisant dt
core plier devant lui les lignes prussiennes, il arrivait, à p'"-!'
sieurs reprises, jusqu'au cimetière de Floing? Et, cepend»int. ^^
régiment comptait, h lui seul, 4d0 hommes hors de corabal suri
un effectif de 1430 hommes I H
La vérité est que le soldat allemand ne se bat bien que lorS'~
qu'il est directement sous l'œil de son chef, et l'ordre dispci'*^'
00 l'avouera, n'est pas fait pour l'améliorer sous ce rappor'-
Poussé, menacé an besoin, par son chef de peloton, il poiur''
être héroïque", que l'officier disparaisse, élan, entrain, tout i>t'ï'^
fondre; les plus braves courent au peloton voisin; les autres,'
UNE DIVISION ALLEMANDE d'iNFANTERIE AU COMBAT. 249
c^G&i\e plus grand nombre, s'arrêtent; peut-être suivront-ils
(j-u. piques pas les unités encore organisées qui les dépassent; mais
fin.o-lement, ils s'embusqueront derrière le premier abri sérieux
dL'oû ils ne bougeront plus.
Il est difficile d'expliquer autrement l'énorme disproportion
constatée maintes fois entre l'effectif d'une troupe à son entrée en
ligne et le chiffre des combattants disponibles après une lutte de
quelque durée.
Grange,
Capitaine an 48" rég. d'infanterie.
(A continuer.)
\
INSTRUCTION ET ÉDUCATION
MILITAIRES
I.
LB SERVICE MILITAIRE OBLIGATOIRE-
La guerre a pour objeciif lepuisomenl d'un peuple. Faitr
même dans tin but d'intérêt secondaire, elle vise :i îa tuint-'
totale dfi l'adversaire. Il sVnsuit que tout citoyen, même celui
qui déti?ste le plus vivement hi guerre, sent robliE^ation de se
donner en{i(!.'rement k elle, dès que le triomphe mi la défnitedf
sa patrie est en jeu. îl n'est pas jusqu'à la masse du publicqui
ne sente, dans certaines circonstances, la nécessité de la guerrf^
avec tous les mau>L et tous tes sacrifices qu'elle comporte.
Tout peuple, s'il veut vivre, doit, sans se tenir aux limilps
étroites des besoins jonrnaliers. tendre à réaliser un idéal \^oïi-
tique et civilisateur. Toute grande nulion aspire à jouer le rûlf
prépondérant. Le progrès est pour les peuples la premitre Je^
oonditions de vie. Mais les exigeuces de l'êgoïsme national
rendent les contlils inévitables, et l'histoire nous montre que»
dépit des progrf'S de la civilisation la guerre est le seul moyeti
de trancher les différends, l'inévitable solution des contlitssus^
cités par îa concurrence, sans cesse ])lus vive, des intérêts. L)'
guerre est une calamité, mais pour longtemps encore la meiwce
en restera suspendue sur nos têles.
C'est donc une condition nécessaire de sécurité pour un peuple
que de se tenir prôt en tout temps h défendre son indépetiiinn'^'*'
l'épée à la main. La souveraine sagesse politique consiste, tout pi'
ne négligeattt aucun de.s grands intéréls nationaux, à travaill'ï''
sans relâche k perfectionner l'organisation militaire nationale.
INSTHCCTIOS ET ÉDWCA'liOK MILITAIRES. , Ml
Aussi, tous)es progrès failsparîa science ou l'industrie sont-ils
1 1 lifisés et exploités dans le but de la destruction de l'homme par
1 "homme. Les énûrmes dépenses qu'entraîne l'armement peuvent
j>ourlant faire naître un ôpuiscment préjudiciable h la vigueur el
?!. la valeur guerritres; d'un autre côté, l'amour du luxe et des
j Puissances jieut anéantir le sentiment du devoir. Il en résulte
4q|iie Pambition nationale tend t\ n'avoir plus d'aiilre Imt que de
^aranlir la sécurité du territoire. C'est alors le moment où le
<3anger est le plus grand de la perdre. Aussi est-il nécessaire de
<;onlribuer, par Texemple, par la parole, par les écrits, à res-
serrer le lien national, h développer l'amour passionné de !a
jaalrie.
Le problème s'est posé d'amener la nation à pouvoir baser son
existence même sur son organisation militaire, de rendre parai-
^^ Mes l'accroissement de la puissance militaire et le progrès de la
^fcivilisation. L'adoption du service obligatoire a fourni la solution.
^l,a société accortte k tous la même protection et les mêmes avan-
tages ; elle a le droit, en échange, d'imposer à tous lesmènies obli-
gations. Par le service obligatoire, la nation ne soustrait que
temporairement au travail les hommes sous les drapeaux et rend
pourtant tous les hommes valides capables de participer il la
défense de la patrie.
Les devoirs politiques elles devoirs civiques dans notre société
moderne sont connexes. Quiconque accomplit son service mili-
taire fait son devoir, mais acquieH des titres. CTest Taccomplis-
^tsement du service militaire qui consacre la qualité de citoyen.
^1 A chacuji de se soumettre îi cette dure exigence de la solidarité
^Knationale. Les Jultes commerciales ne sont pas des luttes paci-
fiques. C'est en exigeant de la nation tout ce qu'elle peut donner
en bonnes armées et en bonnes Hottes de guerre c|u'il faut sou-
H^enir son commerce. Serait-ÎI démontré que la permanence des
^^armées est funeste au développement des sciences, ^ l'expansion
des lettres, aux njanîteslalions Je l'art, — qu'elle absorbe une
partie des forces vives et intelligentes de la nation, qu'elle con-
^BStilue une entrave ii toutes les carrières et va h rencontre des
^nécessités agricoles, induslrielles ou commerciales, qui réclament
des bras el des intelligences, — tout doit s'incliner devant le
grand but qui est non pas s^iulement la défense de la pairie,
iaai& la conservation de sa grandeur.
£52
JOmiNAL DES SQIENCES MILITAIRES.
H,
DE LA FONCTION SOCIALE DE L'ARMÉE.
Si l'armée est une perle pour l'induslrie, pour le commerce,
pour ragriculture, pour les éludes libiirales, la nation ne peut-elle
mcheter par la culture du prilriolisme, de l'énergie et do la mo-
ralîté sociale, ce qu'elle perd en leraps el en argent, en forces
vives? Tous les jeunes hommes vont h la caserne apprendre,
en prévision d'une guerre possible, le mélier de soldat. Ils s'y
soumettenl b la discipline qui est Técole de la morale et da devoir,
à la discipline qui a pour but, au régiment comme ailleurs,
d'augmenter le rendement moral de l'individu. De cette éducation,
qui vient de la vie en commun sous une discipline, îl semble na-
turel que nos jeunes gens doivonl rapporter l'amour de l'ordre,
le goût du travail, le respect de la loi et de Taulorilé. Créée pour
défendre les fron titres, l'armée a^ par la force des choses, m
mission différente.
Plus lourdes sont les chargas militaires, plus précise est l'obi
gation sociale de faire servir l'armée au développement du véi
table esprit nalionaljà l'apaisement des osprilsjà la reslatiratioî
de la vitalité dans notre pays. La tdche lui est facile. L'esprit de
discipline, d'abnégation, de sacrifice qu'évoque l'amour du dra-
peau, n'est-ce pas l'apogée des vertus humaines?
La santé et la force d'im peuple reposent, avant loul, sur l'Iiy-
giène et la morale. Quelle est, i\ cet égard, l'influence de l'armée?
C'est par l'étude de l'armée, envisagée nécessairement au point
de vue unique de la préparation h la guerre, qu'il est possible
de définir ta nature de l'influence morale qu'elle exerce sur les
jeunes générations. Cette élude nous donnera la foi dans sa
mission éducatrice. Nous voudrions montrer que cette mission
éducatrice est pour l'armée une suffisante raison d'être.
m.
LES CONDITIONS DU SUCCÈS A LA OUERHE.
L'enjeu de la guerre moderne est formidable, puisque le
de la guerre n'est rien moins que l'anéantissement de l'ennemi.
Il en résulte que la guerre actuelle a pour principe de faire usage
de tous les moyens dont elle peut disposer,
La politique compte au premier rang des conditions du suc-
cès, non seulement la politique extérieure, mais la politique au
[ s«ns le plus large du mot, d"où dépend la vigueur morale el phy-
I sique de l'État.
L'influence du crédit de la nation va sans cesse grandissante.
Les ressources en hommes s'épuisent lentement à la guerre. Tant
que la nation a des armes et de l'argent, l'espoir ne lui est pas
interdit^ même après de sérieux revers, si le sentiment du devoir
peut encore lui rendre le ressort moral, l'uplitude aux efforts qui
préparent la revanche.
La nation groupe ses forces militaires en armées dont lob-
jeclif est Tanéantissement des forces militaires ennemies. L'ins-
trument du succès, c'est la force^ produit de deux facteurs : le
nombre et l'organisation. Mais le nombre esî subordonné h la
volonté, ii la bi-avoure, au sang-froîd, à l' intelligence. La valeur
individuelle est une composante de la force morale de l'armée,
élément prépondérant it la guerre. La force morale de l'armée
suppose le nombre, mais elle le sptrîtualisc.
Le succfes, il est vrai, ne repose pas uniquement sur la valeur
des troupes. C'est le commandement qui crée la victoire. Mais, h.
mesure que se développenEréducation,rinsiruction, les nobles
sentiments d'un peuple, à mesure que grandit l'amour de la pa-
trie, l'organisation des armées se perfectionne, le commandement
s'élève. C'est de la pensée de la nalioti qu'émane l'inlelligence
guerrière qui est nécessaire h. tous les degrés de la hiérarchie et
iqui, au sommet, doit être si haute et si ferme.
Toute armée possédera un bon commandement qui est formée
dans des conditions saines et bonnes. Les mauvais généraux
n'arrivent que lorsque la souplesse et la soumission sont plus
estimées que la sincérité et la fidélité h des convictions person-
nelles. De bonnes armées et de bons chefs ne font qu'un.
La valeur d'une armée se traduit par la force morale, qui est
une force de cohésion, d'unification. Elle a sa source dans l'union
des âmes, dans la confiance des uns dans les autres. La base eu
est la discipline, qui trouve elle-même son fondement dans la
conscience du devoir envers la patrie.
Wi
JOURNAL l>Sâ bTIBMCES MJTJTiVIRE?.
IV.
LA DISGIPI^XE.
La discipline est la condition essentielle pour que tous les
efforts individuels plussent èlre réuniseti un faisceau et dirigés par
la main duchefYei'S le but h atteindre. Elle consiste dans l'obéis-
sance et la soumission, et même dans l'obéissaDce passive. Mais
la discipline n'exij^e pas senlcmentdes vertus négatives; le soldai
n'est pas uniquement une force niaiérielle La volonté du chef ne
s'adresse pas au corps, mais h la volonté et h rînk-ltigfince du
subordonné, lî ne s'agît pas de se conformer ci la lettre d'un
ordre donné, mais d'en saisir et d'en épouser l'esprit. Pour
attûindni effectivement lu but assigné, un ordre sommaire ostj
à déveîop[jer, et il en faut imaginer les moyens el les détaîh
d'exécution. A son tour et dans sa splif-rc, il y a lieu de prendr«
des décisions et d'accepter sa i^art de responsabilité.
11 ne s'atçit donc pas simplement d'obéissance aveugle, mais
aussi d'intelligence et de ilévouemont. La discipline n'est pas ui
lien purement extérieur et matériel. C'est l'initiative obéissante'
Elle suppose la confiance des subordonnés dans leur chef. Elle
exclut la recherche des prouesses individuelles et le souci de sa
[iropre gloire. Elle exige une étroite iiaison entre les différents
organes du commandement, l'accord de toutes les parties, Ta
commune abnégation des individus en face de la pensée du chef
suprême et du but commun. Il tant que les individus emploient^
leur valeur h agir de concert avec le tout dont ils font partie. L
chef doit pouvoir compter sur ral)so]ue docilité et le dévoilement
de ses troupes, te soldat doit ftre persuadé que le chef est le_
dévoué serviteur de la cause connnune.
Le grand ennemi dn soldat est l'instinct de la conservatiofl'
personnnlte. Le soldiit discipliné en triomphe, La discipline exige
le sacrifice de la vie pour vaincre l'ennemi. Elle demande dei
choses extraordinaires; elle tend à les rendre naturelles.
Dans la guerre moderne, le chef ne pourra prévoir toutes IflS^
circonstances dans l'immense élendue du cham|> de bataille. Il
n'enverra que des ordres sommai l'os, qui ne pourront indiquer
tous les moyens, qui n'arriveront même pas toujours. Le soldat
pourra perdre son chef de vue, ft En dépit du feu le plus nieiir-
MSTRDCTIO.N ET ÉiH'CATJON MlLlTAIflES. 2S5
trîerj lancé d'une distance inconnue par une matn invisible », il
devra être capable de dfivoueinentj d'abnégation spontanée. On
ne lui promet même pins le regard du chef. 11 doit agir et non
attendre. Il doit se sacrifier sans témoins et sans action d'édal.
Ou attend du soldat qu'il soil un liéros,
V.
LE DEVOIR MILITAIRE-
L'instinct de l'action, la joie de braver le danger et de (rioui-
pher des difficultés, l'ambition de se distinguer, une noble et
i^énéreuse émulation sont des facteurs puissants de la valeur
individuplle. La fierté d'une urmée, la conscience qu'elle a de sa
valeur peuvent assurer la victoire, aifime dans les circonstances
les plus difficiles. L'entraînement cjue suscite un chef capable,
ferme et bienveillant, objet d'admiration et d'amour, est un
instrument de succès d'une force incalculable.
Mais en campagne, tout est fait pour calmer l'ardeur guerrière.
La bouc est un adversaire dangereux de tout enthousiasme. î*es
combats sont une période d'efforts surhumains qui anéantissent
l'âme et îui permettent à peine d'avoircouscience de lii grandeur
du moment. Les soiifl'rancosdo îa guerre peuvent vaincre jusqu'îi
^a crainte de la mort, La qualité interne de la troupe tend d'ail-
leurs .'i baisser peu li peu pendant une campagne. La mort
^3ppe tonjours les mei Meurs, et la lassitude, même au cours
" «me guerre heureuse, tend ^ devenir générale.
Que restera-t-il, dans la mftlée des champs de bataille, de
' 'nsiruction professionnelle, de la disdpHne matérielle'? Senlf,
' 'dé« du devoir peut, dans de telles conditions, déterminer la
concluite de l'homme. C'est te sentiment dn devoir qui constitue
la for*ce morale pur excellence.
^*cîat ce sentiment qui inspirera h nos troupes la ferme volonté
aev^^ncre — volonté de ne pas reculer malgré les pertes les plus
gfaincles, — volonté qui se traduira par la poussée en avant,
î'^'' l'attaque fi Tanne blanche, condition nécessaire [lour faire
^Ei^tre chex l'adversaire la conviction que sa cause est pordue.
^« devoir militaire est une oljligalion morale absolue, enga-
fit la conscience, et non pas seulement une contrainte imposée
&S6 JOUHNAL DES SGIBNGES MILITAIRES,
par Taulorilé el les circonslances. Le soldat n'a pas simplement
h sauver rhonaeur, il esl responsable envers la patrie. S'aban-
donner soi-môme, c'e^jt trahir la patrie.
Le principe dn devoir raililaire est la patrie^ le mobile qui sol-
licite la volonté du soldat, c'est l'amour de la pairie. Sans le
dévoiieraentj, l'obéissance est sans dignité el sans beauté. Elle est
même inefficace. La constance, l'abnégation, la volonté indom-
ptable de réussir qui caracLériscnt la véritable obéissance, ne se
peuvent puiser que dans l'amour. Un bon soldat esl un homme
de devoir et un homme de cœur.
Aussi la formation dti soldat est- elle affaire d'éducation et non
d'inslruction. L'instruction, sans doute, est nécessaire, mais elle
ne peut suffire. C'est l'éducation, en oilel, qui dojine à l'homme
sa véritable valeur, et cette éducation doit venir des mœurs et de
la société tout enlifere. Commencée dans la famille, elle doit se
poursuivre h. l'école et au régiment. Elle doit se donner par l'en-
seignement, les conseils et surtout l'exemple, Si le patriotisme,
le courage, l'audace sont un patrimoine commun h. tous dans
notre pays, la résignation aux sacrifices nécessaires, l'endu-
rance à supporter les priviUiona, le dévouement complet sont,
au contraire, des facultés qui se développent ou se créent par
féducation.
Dans le souvenir de la postérité, toute distinction de classes
disparait, La vénération qu'inspirent les grandes actions s'étend
à tous ceux qui y contribuèrent, fùl-ce à la dernière place. Faire
son devoir de soldat, c'eslvouloiréti-e l'objet de la reconnaissance
de son pays pour avoir sacrifié -^on intérêt slnclement personnel
à l'intérêt commun. Au chef, il appartient de conquérir le
cœup de ses soldais; à tous, il appartient de puiser dans
l'amour passionné de la patrie, surtout aux moments suprêmes
où se jouent ses deslinéeSi rabiiégation absolue et la volonté
inébranlable qui assureront son triomphe.
VI.
LÀ CASERNE.
L'armée est l'école oti tout homme valide vient apprendre le
métier de soldat. Faire connaître au soldat ses devoirs moraux
ISSfHL'CTlOM ET ÉDUCATION MIUTAIHES. SS7
et ïui enseigner les vertus militaires, lui donner l'instruction pro-
fessionnelle, telle est la double tâche qui incombe aux cadres de
l'armée. Le jour où la patrie aura b. défendre son indépendance,
chacun se trouvera prâl k y prendre part au rang et à la fonction
que ses aptitudes lui auront assignés. L'âme de l'armée, le souffle
qui anime chacun de ses rouages, c'est l'idée de la préparation U
la guerre. Être prêt h la guerre est le but suprême vers lequel
tendent tous les efforts.
A l'époque de la vie o£i Ton entre dans l'armée, l'uniforme a
presque pour tous les jeunes gens un attrait irrésistible. Le
service militaire n'eilraye pas. Aussi le jeune homme qui vient
d'être incorporé est-il plein de bonne volonté. L'uniforme qu'il
endosse pour la première fois le relève h ses yeux. 11 n'est plus
un enfant, il est un homme accomplissant Je plus grand des
devoirs : il offre h la patrie, sous les plis du drapeau, son temps,
sa liberté, toute son activité, et il est prêt à lui faire le sacrifice
de sa vie.
Il trouve h la caserne une règle inflexible dont il ne peut
s'écarter. Certains détails de son existence ne lui appartiennent
plus. Le l'f'glement a pensé k tout. Les manœuvres, les instruc-
tionSj les corvées ne lui laissent, dans la journée, aucun répit. Il
n'a fi perdre aucun moment s'il veut assurer la bonne tenue de
ses effets. Son corps est soumis à une gymnastique d'assouplis-
sement qui lui fait regarder le repos du soir comme le but de !a
journée, parce qu'il lui donne le sommeil réparateur.
A côté de ces occupations sans trêve, le jeune liomme trouve
également k la caserne une liberté comme, peut-être, il u'en a pas
encore joui. Le soir après la soupe, le dimanche, le jeune homme
est libre de ses mouvements et de ses actes, loin de sa famille,
dans un lieu de garnison où il ne connaît souvent personne. La
fecultéd*user de permissions augmente encore sa liberté. Il n'est
responsable qu'envers sa conscience de !a façon dont il en use. La
seule recommandation qu'on ail pu lui faire est de respecter son
uniforme. A lui de se tracer une règle de conduite et de s'y con-
former. Cette liberté considérable est pour lui l'apprentissage de
la vie. Elle fera de lui un homnac, s'il a reçu dans sa famille et à
récote une éducation virile, s'il trouve à la caserne une atmo-
sphère morale qui le soutienne.
Il trouve à la caserne les anciens soldats et les camarades
/. det Se. mit. 10* S. T. XVII. H
im
niLUHAU Ù&S SCIERCBâ UlUTAlRe».
arrivés eu même temps que lui. Les iitis ci les autres sont ilc
loules condilioiis, englobés dans une promisciiilé de vie el una
commiinaulé de devoirs. Le aoldnl, Ir&s jeune déjà, se trouve
encore rajeuni par cette vie coiiuniiiie. S« nature est foncière-
ment bonne et naïve; maïs il est éniineoimetitapte à s'approprier
les idées des anciens et à se laisser entraîner par leur exempt*!.
La troape constitue un milieu dont l'esprit tond à se tran&mellre
d'une année k faulre par faction puissante des anciens sur \&
jeunes; mais cet e*prit kii-mème est soumis durant le cours de
l'nnni^eà l'inlluencc de rolTicier,
L'oiticier représente l'cléiuent durable de l'nrmée. C'est iui
qui perpétue la Iradilion. Son autorité, parce qu'elle repose sar
la loi. éi;happe h tout compromis. L'officier, comme !o soldul,
se soumet à la discipline, et les inlcréls de l'un el de laulre sont
âomblaLles. Âlasl tout concourt h dégager rindépendancc per-
Aonnelle et le désintéres,sement de l'action de l'oftlcier. C'est ce
qui en l'ail la force.
Par une parole opportune, par une l'éconijteRse ou un châti-
ment, pai' SCS causeries, il est possible à l'officier de créer aulotir
du soldai un milieu moralisateur et de Ini rnndre ù la caserne
une famille et une putrle.
Quand l'officier prononce une parole sobre, incisive el sentie,
elle a utiG action édacatricc efficace, car elle aoquiorlii la CBaertte
nue immcnae autorité. L'officier qui parle h ses subûrdanj[ié&,
recueillie, silencieux, reçail plus qu'il ne donne; et son carâ^lère
se trempe. Ainsi rofficier peut-il tendre à deviaiir le prêtre. de la
Patrie et l'apûtredu Devoir. Aifisi pourra-t-il donner au& Bâldftte
réduciition militaire, non moins indispensahle que l'infitruction
professionnelle.
VU.
LA. MANŒUVEK.
Les jeunes s<9ldals sont soumis, dès leur arrivée au régiment,
k des exercices de gymnastique el d'assûuplisâemenl qui éc
poursuivront pendant toute la durée de leur préstinoe au.corp».
Ces exercices ont pour but le développemeut de leur vigueur
physique. Us conlribuont à Leur enlever Loule gêne aiipaseLiitt?,
indice d'un malaise physique ou mojral.
En mfime temps commencent les prËmiÈre& mftn<ett«re$ îi
i
JNsrnt^nTlLt^ et KiiucATinN militaires.
âSW
|)ied. La oianœuvre ii pied seule prociirt k l'homme Ti m pression
de la piilasance de l'enspinble. Elle est, d'aiilrp part, indiapen-
sable pour lui inculquer la première nolion de discipline, sous
la forme d'obéissance immédiate et non ra.isonnée. Un mouve-
ment est-il compris, son exfculion est-elle correcte? — il y a
lieu d'en rechercher l'exécution mililaire, ce qui vfiut dire que
la manœuvre est dfis lors une éducatiou de j-eflexes, L'homiue,
tout entier h celui qui commande, oliéil iustantai)ômenl. Une
troupe estdéjh disciplinée, quand, h la manœtivre, son âme col-
lective s'idenlifio nvcc colle du chef. Par son maintien, par ira
Riol, le chef a pris possession de ses hommes. Au commande-
ment, nu couranl électrique semble passer dans les corps : le
mouvonient est exécuté. Le commandement n'a pas paru passer
dans le cerveau des hommes. C'est sanB réHexion, mais par une
attention concentrée que la troupe manœuvre, et manœuvre
comme on h commande. La manœuvre est plus qu'une expro-
priation temponiire de la volonté des hommes, c'est la substilu-
tion de la volonté imp6rietise du chef h chacune des volontés
individuelles.
L'idée de manœuvre n'a pas pour corollaire la réduction du
rôle de l'homme k celui d'une machine. La manœuvre n'est pas
le but, mais un moyen. Elle est nécessairement précédée de
rinslruction iudividuelle qui s'adresse h l'intelligence. En elle-
même, elle suppose ciier Fhomme un effort de volonté considé-
rable. C'est cet effort qui rend la manœuvre extrêmemenl fati-
gante. Aussi doit-elle èlre coupée par des repos fréquents. Ces
repos sont mis h profit pour expliquer aux hommes les mouve-
menls qu'on leur fiiit taire et leur en donner la raison.
L'obéissance inslanlanée qu'exige la manœuvre est chose es-
sentielle pour arriver h Tobtenlion rapide de résultats, condition
même du service h court terme. S' agît-il d'apprendre à monter
à cheval? L'homme mis d'abord quelque peu en confiance sur
ion cheval, obéit bientôt aux indications de l'inslrucleur svins rai-
sonner ses actes. Il obéit quoi qu'on lui commande, et l'instruc-
teur lui-même s'étonne de ses succès. Si l'homme, au contraire,
icberche à comprendre, le moment de l'exécution est retardé» e!
cette exécution, si elle a lieu, peut se faire îi faux.
L'eiîécution immédiate des ordres reçus, exécution où lavoloïité
Let la raison n^ont point part, est, ft un antre ]ioinl de vu*, une
im
iUUtlNAL 0gS SCIKNCKS MILITAÎRES.
condition nécessaire dft ia préparalion h la guerre. Les hommes
dojveijl être assez, rompus aux exigences de leur nn5lier pour
pouvoir remplir leur rôle en dépit de toutes les émotions. Sur le
champ de bataille, il ne resle des exercices du temps de paix que
ce qui est devenu une habitude, et, pour ainsi dire, un ioslincl.
Aussi ritislniclion n'estelle poussée assez loin que lorsque fes.
actes qu'elle r^gle sont devenus [)uremeni mécaniques et irréflé — ■
chis. L'étude des mouvements ou manœuvres h faire sur le champ— ^
de bataille doit être poussée au point oii rhomœe les exécute=5q
machinalement.
La griserie de la poudre, le bruit des feux, pourront, dès lors_j
rendre la t^che du chef plus facile. Le danger peut être un mer —
vcilleux auxiliaire de la discipline. Quand tous sont exposés^
chacun se cramponne au chef capable de donner des ordres ois-
un exemple salutaire. Si celle prise de possession de la troupe
par son chef est assurée par une longue préparation, la volonli'*
du cheff aux minutes graves, prédominera sur l'instinct de con-
servation et, au moment suprême, décidera de la fuite en avant,
de la charge ;\ la baïonnette.
VI II.
LES INSTRUCTIONS INTÉRIEUBES.
Indépetidamraent de la manœuvre, il faut instruire le soldat
de tout ce qui concerne la vie militaire el le rendre apte S rem-
plir tous îes devoirs qui lui incomhenl. Abrs même qu'il s'agil^
par exemple, des devoirs d'une sentinelle ou de l'alimentation de
la troupe on campagne, avant de passer aux exercices pratiques
sur le terrain, et pour faire rendre à ces exercices toute leur uti-
lité, il est indispensable d'en exposer le but aux hommes et de
leur en expliquer le mécanisme. Cet enseignement peut, en
grande partie, se donner dans les chambres; il comprend tout
ce que l'homme doit savoir, indépendamment des diverses ma-
nœuvres : telle est Torigine des instructions intérieures el exer-
cices pratiques qui constituent une part si importante de la vie
du soldat à la caserne.
Les instructions intérieures sont une délente pour le soldat. Si
l'on s'attache à en obtenir, dfes que l'instructeur a prononcé sou
nom, une attitude militaire, el que, lorsqu'il parle, la voix soit
5TRUCTI0N ET KDUCATIO.N MrLirAIIlKS.
m\
avec la franchise clans le regard et la correction
s'aUache en même temps ci le faire réfléchir,
^.A la manœuvre, il doit être fait appel, aussi
'"tile. à l'intelligence de rhonime par l'expli-
Nnis qu'on lui fait faire. Aux instruclions
"vi atteindre lui-même qui est pour une
|Ies hommes, de développer leur inlet-
.de leur former la volonté et le
lans ces instructions intérieures,
ses devoirs moraux, qu'on lui en-
donne, on eflet, aux hommes la notion de dis-
istriiction plus rapide, met !a Iroupo, dans la
ïhef, elle ne constitue cependant que le dressage,
ter de la forme extérieure dans la formation du
it s'exposer, au cas où la troupe viendrait à perdre
vue, aux plus redoutables paniques. Aussi, h côté
'es et instructions proprement dites, la nécessité
e d'un enseignement moral qui éclaire d'une même
îs coordonnant, les divers actes de la vie militaire
but h atteindre.
t pourtant être question, dans les instructions rnté-
urs de morale, L'éducation du soldat doit résulter
t, par la force des choses, du milieu dans lequel il
actes de la vie militaire dérivent des nécessités de
1 ît la guerre et ont pour origine tous les nobles
l'enferme l'idée de Patrie. Le bon exemple doit
soldat et le forcer au bien. A l'enseignement moral
il de la caserne doivent suffire de simples interro-
npagnées d'esplicalions aussi brèves que pos&ible.
istruclion militaire n'est à négliger qui permet, en
nlion sur ce que chacun a pu voir d'analogue chez
• la raison d'une règle de conduite, d'éconoraie
1 d'hygiène. Si un discours n'est pas admissible
;c. il faut, h l'occasion, par un mol dit k propos,
otion de morale. Il faut frapper les hommes par
inoncée au bon moment, qui grave la lei^on dans
1^ l'homme à faire son lit conformément au règle-
^60
iUL'HNAL l>E5 StriEXCFS MILITAIBKS.
coiidilion nécessaire de la préparation à la guerre. Les hommes
doivent être assez, rompus aux exigences de leur métier pour
pouvoir remplir leur rôle en dépit de toulcs les éiuolions. Sur le
champ de balaîlte, il ne reste des exercices du temps de paix que
ce qui est devenu une habiludCj et, pour ainsi dire, un instinct.
Aussi rinslrucUon n'est-elle poussée assez loin que lorsque les
actes qu'elle règle sont devenus purement mécaniques et irréflé-
chia. L'étude des mouvements ou manœuvres à faire sur le chamfv
de bataille doit être poussée au point oh Thoinme les exécute
machinalemenl.
La griserie de la poudre, le bruit des feux, pourront, dès tors,
rendre la tâche dn chef plus facile, Le danger peut Être un mer-
veilleux auxiliaire de la discipline. Quand tous sont exposas,
chacun se cramponne au chef capable de donner des ordres oti
un exemple salutaire. Si celte prise de possession de la troupe
par son chef est assurée par une longue préparation, la volonlô^
du chef, aux minutes graves, prédominera sur l instinct de cou^
servalion et, au moment supr<}nief décidera de la fuite en !
de la charge h la baïonnette.
VllI.
LES INSTRUCTIOXa INTÉRIEURES.
Indépendamment de la manœuvre, il faut instruire !e soldat
de tout ce qui concerne la vie militaire cl le rendre apte à rem-
plir tous les devoirs qui lui incombent. Alors môme qu'il s'agil,
par exemple, des devoirs d'une sentinelle ou de raliuienlalion de
la troupe en campagne, avant de passer aux exercices pratiques
sur le terrain, et pour faire rendre h ces exercices toute leur uti-
lité, il est indispensable d'en exposer le but aux bommes et de
leur en expliquer le mécanisme. Cet enseignement peut, en
grande partie, se donner dans les chambres; il comprend tout
ce que l'homme doit savoir, indépendamment des diverses ma-
nœuvres : telle est l'origine des instructions intérieures et exer-
cices pratiques qui constituent une part si importante de la vit;
du soldat h la caserne.
Les instructions intérieures sont une détente pour le soldat. Si
Ton s'attache à en obtenir, dfes que l'instructeur a prononcé son
nom, une attitude militaire, et que, lorsqu'il parle, la voix soi l
INSTBUCTION ET EDUCATION MILITAIBES,
±m
haute et ferme, avec la franchise dans le regard et la coireclion
dans la tenae., on s'attache en même temps h le faire r^'^fléchir,
fi le fnire penser. A la manœuvre, il doit être fait appel, aussi
largement que possible, îi l'intelligence de l'homme par Texpli-
calion des mouvements qu'on lui fait faire. Aux instructions
iolérieures, c'est le but h atteindre lui-niême qui est pour une
très large part d'inléreaser les hommes, de développer leur intel-
ligence et, mieux encore, de leur former la volonté el te
^^cœur. G*est, en grande iKirtie, dans ces instructions intérieures,
^■Qu'on fait connaître an soldat ses devoirs moraux, qu'on lui en-
^Keigne tes vertus militaires.
^m Si la manœuvre donne, en effet, aux hommes la notion de dis-
cipline, rend l'instruction plus rapide, rael la troupe dans la
main de son chef, elle ne constitue cependant que le dressage,
el se contenter de la forme extérieure dans la formation du
soldat ce serait s'exposer, au cas où la troupe viendrait à perdre
soii chef de vue, aux plus redoutables paniques. Aussi» h côté
^des manceuvres et instructions proprement dites, la nécessité
^fc'impose-l-elle d'un enseignement moral qui éclaire d'une même
^njmiftre, en les coordonnant, les divers actes de la vie militaire
^et définisse le but k atteindre.
^H il ne saurait pourtant être question, dans les instructions inté-
^T'ieures, de cours de morale. L'éducation du soldat doit résulter
principalement, par la force des choses, du milieu dans lequel il
vit. Tous tes actes de la vie militaire dérivent des nécessités de
I la préparation h ta guerre et oui pour origine tous les nobles
sentiments qu'enferme l'idée de Patrie. Le bon exemple doit
envelopper le soldat et le forcer au bien. A l'enseignement moral
proprement dit de la caserne doivent suffire desimpies interro-
gations, accompagnées d'explications aussi brèves que possible.
Mais aucune instruction militaire n est à négliger qui permet, en
a|)pelant l'attention sur ce que chacun a pu voir d'analogue chez
soi, de donner la raison d'une règle de conduite, d'économie
domestique ou d'hygiène. Si un discours u'est pas admissible
dans le service, il faut, à l'occasion, par un mot dit h propos,
tk'laîrer une notion de morale. Il faut frapper les hommes par
«ne parole prononcée au bon moment, qui grave la leçon dans
j»r mémoire.
Apprcndre à l'homme h faire son lit conformément au règle-
Ma
JOCaKAL oaS SCIBKCBS MtLlTAlHffî.
moiû, h confectionner sur les planches un paquetage net tîl
carré, à s'habiller proprfvtnenl el correctement, c'est lui donner
l'amour de l'ordre. C'est éveiller l'idée du devoir que d'imposer
l'habitufle de tout faire avec soin, que dexigftr la ponclualitt'^
vis-à-vJb des soins de propreté et de bonne tenue dos effets, la
ponctualilô h s'acquitter des moindres détails du service.
Hygiffne du corps, ealretien des armes, bonne leaue des
cliatnbres, respect de l'unifornje, il n'est pas une instnictioiî
qui ne puisse être roccasion d'une parole visant droit â réducaj
tion.
C'est le devoir de l'ofiicter subtillerne, et en parliculier du"
lieiUetianl, que deconnailre tous les hommes qui sont sous son
comman dément. Ans instructions intérieures, le chef et les sol-
dats» se trouvent rapprochés et apprennent h se connaître. L'ofli-
cier, sans lomber daus la l'amiliarilé, y acquiert la faculté de
savoir parler son langage à chacun d'eux, après avoir [lénétré
ses aspiriilions et son caractère. Par ses questions, par une sur-
veillance iricesisante que la caserne rend possible, l'oflicier arrive
aisément h une connaissance profonde de leur moral. L'homme,
de son côté, se prend d'iiffection pour ses chefs, parce qu'il sent
que ceux-ci s'intéressenl k lui, que toute punition qu'il encourt
ne les laisse pas indîfléretils* Ainsi se crée une estime réci-
proque, d'où naîtra la conhanco des uns dans les autres, fondt
ment de la valeui* d'une armée.
Les diverses qualités mililairea germent spontanément. La ca-
maraderie résulte d'une idée simple, accessible h tous. Elle est
insfiticlive. Ne devons^nous pas assistance au voisin, h celui qui
obéit aux mêmes lois, parle la même langue, éprouve les m(>mes
joies el souftre des mêmes peines? C'est au nom de la camara-
derie que les uns feront bonne garde autour du bivouac pen-
dant le reposdes autres. Néeà la caserne, la camaradei-ie grandit
devant lu péril commun el est un des éléments les meilleurs de
la discipline. Elle franchit le régiment pour rapprocher tous ceu.s.
qui, quel que soit l'uniforme, ont pour t;\che de défendre la
patrie.
Le sentiment de la solidarité se développe par ces services de
toutes sortes que chacun est tenu de rendre aux camarades, par
cette idée rialurelle que tous les soldats d'nne même comftagnic
sonl responsables les uns des autres. Ce qui est dit k la louange
-3Î31
INSTRttCTfOK RT KTUTOATION «FLITAIRES. 263
'lÎR r«n d'enlre eux, est [iofIi? ci l'actiFtle la compagnie comme If
ihhI qu'a pu faire un autre rv^jnilîit siin* les camarades, lis sont
intéressés eux-mêmes h. la bonne leiiue de l'ensemble, h faire
pour ainsi dire enK-raêraes la police chez eux. L'hontiêtcté, la
haine du mensonge, la crainte de l'ivresse, pénl'lrent l'atmos-
plière d'un lel milieu. UniUoge, un blâm?, une parole d'encoura-
gement donnés par roftlcier en présence des camarades exercent
uno influence considi^rable.
Ainsi peul on habituer les homm-es <i l'idée de discipline, irJçD
triinc contrainte dans l'intérêt commun, dans la pensée d'êlre
plus torts tous (ensemble. En tpuips de guerre, la diKcipline exige
le sacrifice de la vie, parce que le sacrifice de l'individu assure
lia lionsorvation de la masse. Faute de s'y soumettre, le danger
l'acerotl pour tous, même pour celui qui n'a pas fait son devoir.
Quelle aide anrail-il h attendre celui qui a craint p«ur sa peau
d et son tour serait dans le danger?
Il suffit de parler au nom de la patrie pour obtenir de nos
soldats l'a bîH^£i;a lion que r^clatire le métier militaire. La patrie
^^Isesoin du coucoursde tous ses enfants pour maintenir sa gran-
9ur el l'inlégriti'^ de son territoire. D^i ]h viennent leurs devoirs,
k nëcesisilé de snpportef sans broncher de rudes épreuves,
I d'éprouver sans ujurmure la faim on la soif, de se montrer
courageux, éoLM'giques et ca|)able!» an besoin du dévouement
^Bïoussé jusqu'à la mort.
^Ê. Le r<^giment pos.sNJfa un drapeau, image vénérée delà patrie.
Uo n'est passimplcmenl un syml^oledu devoir et du dtH'ouenient.
Ceat le signe de ralliement qun les obus ou les balles peuvont
déchiqueter, mais qui flolte au vent tant qu'il est un homme en-
core assez valide pour le porter. Sens ses plis, aux jours des
Intles glorieuses, les anciens se sont groupés et beaucoup sont
morts pour la patrie. Les noms de ces batailles y sont inscrits.
Par rhisloire du régiment, par le récit des exploits auxquels les
andens ont participé, par celui des actions d'éclat qu'ils ont ac-
complies, son imagination sera séduite, son onthonsiasnie (Rela-
iera à ees^récits de j^uerre, et il aura à coeur de travailler sans
r«SAcheii se montrer le digne successeur de ces héros. Ainsi nat-
Irdfitet se développeront chc7. les hommes Tcsprit mililaire. les
senti ments d'honneur personnel elde dignité i^ue symbolise l'uni-
forme. Kl si, dès lors, il consenfe une Ion un correcte» mùmc au.
^»4 is
:â64 JOURNAL DES SCIENCES HILitAIUËS,
village, loin de ses chefs, c'est que ces sentlmenls lui auront
donné l'orgueil de cet uniforme qu'il veut conserver exempt de
toute souillure.
IX.
COMMENT s'acquiert LA DISCIPLINE
LesJ reialions qui s'élabïissent entre officiers et soldats pendant
le travail d'instruction, en permettant au chef d'affirmer la supé-
riorité de ses connaiissances militaires, constituent son principal
moyen d'action, îiii point de vue moral, sur les soldats. Une partie
de la confiance qu'une troupe prend en elle-ra^me et en son chef
s'acquiert pendant les manœuvres, t^ette confiance est en rapport
avec le degré de correction et le degréde rapidité qu'elle y atteint.
Dans les armées démocratiques, où rolficier ne se distinguo
pas du soldat [lar la naissance, nul ne peut instruire et diriger
les hommes, s'il ne leur en impose par ses connaissances, ses
qualités, sa valeur personnelle, s'il ne les amène h reconnaître
que l'homme qui les commande est réellement au-dessus d'eux.
La discipline est, dès lors, la conséquence d'une plus grande va-
leur personnelle de rolficier, et l'autorité ainsi acquise est plus
solide et plus durable que celle de la naissance, Cliacun obéit
non seulement par habitude, mais parce qu'il en a senti la né-
cessité.
La discipline est le rappel et l'erablème de la discipline mo-
rale, de la -soumission des volontés, do ta subordination de tous
à la fin commune. Elle résulte de la confiance que chacun met
en ses camarades et en ses chefs. Mais il faut une loi assez sé-
vère pour donner le caraclfere d'une immuable nécessité à ses
prescriptions essentielles.
Le règlement, la discipline matérielle ne sont pas tout. Mais
les lois ont une réelle et profonde action sur les mœurs, sur les
habitude.s, sur les dispositions de l'âme. Les lois sont choses pré-
cises et concrètes qu'il dépend de nous d'instituer et de faire
exécuter. En accomplissant la loi, nous nous identifions avec
elle et nous voulons ce qu'elle nous impose. Le règlement, parce
qu'il exprime le devoir, en inculque Tidée et lo sentiment.
La désobéissance doit donc être châtiée ponctuellement etsuf-
âsamment partout où elle se manifeste. La stricte application ei
I
lîHiiTHl^UTIitK ET KliUCATION MILITAIBES. 36S
"ûbservalion de la loi est la base de la discipline. Grands el petits
dans l'armée sont lerius h une égale obéissance. L'exemple exerce
tineacUon bien plus efficace que la loi écrite ei la parole. Le soldat
fè^le son obéissance sur celle qu'il voit pratiquer à ses supé-
rieurs, il appartient à ces derniers de donner l'exemple et d'esi-
ger une obéissance constante vis-à-vis de tout ce que commande
le service, de pénétrer le soldai de celte idée que rien ne doit
lui être plus sacré que les exigences de son métier.
tl en résulte la nécessité pour TolBcier d'apprendre à obéir
avant de commander, afin de pouvoir commander d'une façon
intelligible, et ne commander que ce qui peut être exéculé. 11 en
résulte aussi la nécessité de connaître h fond les choses les plus
simples et les plus basses. C'est sur elles que beaucoup le juge-
ront.
Pendant le travail d'instruction et (es manœuvres, la conviction
naîtra chez l'homme sous les armes que sonofticier ne le quittera
pas. que la troupe est une famille n'ayant que des intérêts com-
muns et dans laquelle existe une union inébranlable devant le
danger. Il aura confiance, 11 avancera avec calme sous les
balles, parce que son voisin en fait autant, parce que son chef
est en tète, et qu'il ne lui est pas possible de faire autrement.
Celte puissance secrète subsistera dans la lutte, alors qu'il ny
aura plus de contrôle et que l'ordre et la discipline venant de la
loi ne seront plus, La résolution de ne pas être inférieur aux ca*
marades, le sentiment de Tbonncur, l'amour de la patrie, feront
des héros. -
X.
LES PUNITIONS.
Les punitions sont indispensables pour donner aux prescrip-
lions de la discipline le caractère de loi immuable. Tant d'ailleurs
qu'il y aura des soldats qui prétendront ne pas obéir, il y aura lieu
de recourir k toutes les méthodes ordinaires de répression, et si
elles ne suffisent pas, les moyens exceptionnels s'imposent : il
faut faire disparaître les natures rebelles. Mais la punition reste
le dernier et le plus mauvais moyen de eouimandement.
L'obéissance du soldat est souvent raisonnée. Aussi faul*il
savoir le prendre. Il faut, avant tout, gagner sa confiance. Avec
la rigueur seule, on n'en tirera rien. La fermelé est la première
O
266
;OtIRNAL DiCS SCiratOSS MILITAJBKS.
qualité pour gouvepner les hommes, mais la justicR est son coni-
plément indispenKiible. L'in%ale juslice les démoralise, eielle ne
Ifts pousse !t la rtvolte. El surtout qu'aucune faute nn reste iiji-
punie s'ils peuvent soupçonner qu'il n'en est ainsi que parce qae
te chef ne veut pas d'histoires. '
Il faut demander à chacun ce ^u'il peut donner d'après ses
dispositions et ses apliludes ÎDdividuelles. II ne f^nl pas jeter
dans la tristesse, ou endurcir et exaspérer des gens qui, ^ l'ori-
gîne, n'ont peul-«,^lre montr«qiiede la légèreté. Des fnulesgraves
peuvent résulter d'une première punition infligée injustement ou
à la lé|ï;&re, k défaut, le plus souvent, d'une eonnais&ance suffi-
sante de l'individu qu'elle frappe. Le degiM? de culpabilité varie
avec le degré d'intelligence, avec le faract&re, rinstruclîon, Itt
conduite cnnK^rinurf:! de l'homme. Le l'cntcdt; doit être dosé d 'après
le lempérauienl du malade, de façon h ne pas le transformer en
poison. Un soldat, aemble-t-il, ne devj*ait pouvoir êtro puni que
pai' SOS chefs naturels, tout autre que ceus-lh se contentant de
signaler la faute.
La colèro est souvent mauvaise conscitlfere en niîilif're de puni-
tion. Elle donne le change h rinférïeiir sur le sentiment auquel a
obéi le supérieur en punissant, Ette peut le lui faire s^upposer plus
blîimahie encore qu'il ne Test en réalité. \u contraire, ta puni-
tion infligée aprôs coup ne court pas le risque d'être al (ci buée,
par l'inférieur, h un sentiment d'impatience ou à un manque de
niflexion ou d'information.
Cela est vrai surtout des gradés inférieurs. Leur frottement
continuel avec les hommes, dans l'intérieur du quartier, peut être
l'occasion do chocs qui ont besoin d'être amortis. Or il est plus
dangereux pour la discipline d'avoir à casser le jugement d'un
gradéquo d'avoir k le redresser pour lui donner la forme vonhiu.
Donner tort ou vertement îi un gradé, c'est porter atteinte ft l'au-
torité. Le soutenir raidgré tout, c'est contrevenir îi la justice.
Il se peut même qu'un gens emgéré de la responsabilité ou un
désir ini modéré de se couvrir vicnnPj an prix de l'immolation
d'une victime de rang inférieur, prendre, dans l'exercice du droit
de punir, une part qui seraconstalée par rinférieur. Il en r^isulte
une révolte intime et parfois un écart de langage ou de conduite,
soun:c d'une punition plus grave que la première. Le gradé qui
u'a pas fait son métier, qui a réprimé la non^^xécu lion des ordres
iKaniucrjuN et souPATroN m((.]taibk(<.
333
donnés* mais qni n'en a ]>bs assiu'é rexéculîon par sa présence
h ùùià des exâculanls, ce gradé ne doit pas pouvoir se couvrir en
|iunissant des inrérietirs.
Le commandant d'unité doil donc exereer une surveillance
i'itj;ourQase auj- toutes les punitions qui passent sous ses yeux.
It peut exiger de ses sous-ofticiers qu'ils ne tassent usage do leur
droit de punir qu'après lui en avoir rendu compte. Le conimnn-
daut d'unité peut, dès lors, chercher à connaiire exactement les
eirconstanciïs qui peuvent [uodifier la gravité de la faute com-
mise. It peut redresser l'erreur, si elle se rencontre, sans porter
atteinte au principe d'itutorité. Il peut amener le sous -officier k
une plus saine appréciation des faits et couiribtier ainsi h son
i'-ducation.
Il faut de la discrétio» dsiiâ les punitions, du discernement et
du scrupule. Cela n'est pas de la faiblesse. Cela est seulement la
possession de soi, signe et condition de force. La véritable fai-
blesse, celle qui engendre le mépris du subordonné, c'est la peur
de passer pour faible.
La semonce est souvent d'une efficacité suffisante. Elle met le
cœur du chef en communication avec celui du coupable, car elle
lui explique ses torts et elle le laisse dans la gitualion d'un véri-
table débiteur. Mais il faut éviter de traiter de mauvais soldat un
sujet même médiocre, car ce serait l'unnihiler par la perte de
son moral.
Quand les fautes ont un caractère de récidive ou d'inertie, la
semonce ne suffit plus. Mais les nombreuses petites punitions
habituent les hommes îi voir diuiinuer, chez eux, l'impression
produite au début par un événenient de ce genre, C'ewi au coup
de massue qu'il faut avoir recours, — jamais, cependant, aux
peines qui humilicnl et sont accompagnées de mépris, car elles
éveillent, chez les camarades, la haine du supérieur.
Donner la raison d'une prescription, convaincre l'homtne de
l'intérêt qu'il a à se soumettre, c'est s'obliger à contrôler l'op-
portunité des ordres donnés, c'est préparer une plus facile obéis-
sance. Notre tempérament frondeur nous porte h nous insurger
contre Tautorité. Mais à qui sait exploiter habilement contre lui
notre vanité, il sera facile de nous persuader que nous voulons
ce qu'il nous ordonne.
La condition essentielle pour qu'une punition soit efficace est
268 JOUBMAL DBS SCIEMCES MILITÂIBBS.
que celui qui la subit s'incline et reconnaisse son tort. C'est ce que
notre soldat ne fera pas devant un reproche ou une punition qu'il
ne croit pas mériter. Il accepte un coup frappé trop fort, jamais
un coup portant à faux. D'où la nécessité d'entendre l'homme et
de le convaincre. Le but de la punition est l'expiation, l'amende-
ment. La punition qui profite à la discipline est un petit malheur,
sinon c'est une calamité.
Girard.
(A continuer.)
u'iTîf
PROJET DE CHAUSSURE
fc A L'USAGE DE L'INFANTËBIE
Etude des modifications ou perïecttonnements à
apporter aux cliaussures en usage dans l'ia-
faaterie *.
De norabr«uses observations recueillies sur les pieds des fan-
issins à la suite des marches et manœuvres, permettent decoii-
Slaler que les blessures les plus fréquenles se prod irisent :
Au tendon d'Achille;
Sous le talon et sous la plante des pieds.
Examinons les parties correspondantes de la chaussure, nous
"y irouverôns la cause du mal, et nous chercherons, en même
temps, les moyens d'y remédier. Nous indiquerons, en passant,
tjueiques autres modifications qui auront pour effet d'améliorer
laisance et le bien-aller de la chaussure.
I, — Quartier; Blessures au tendon.
Elles sont produites par la partie arrière du quartier, qui
inonle en ligne droite verticale au lieu de s'inlléchir en suivant
la courbe en S que forment le tendon et le talon de l'homme.
270
JOUnKAL DES SCIBNCBS MILITAlUËJ.
Une chaussure lalioûnelle doit avoir la forme du pied. Lesî
t:l]au&&ures cou feclion nées pour officiers et civils sont cambrées
ou coupées en arrit're de manière à se plier à la forme du pied.
Il esl au moins aussi nécessaire qu'il en soit de même pour les
brodequins du fantassin. -Quand ta partie arrière du quartier
monte en ligne droite, il se forme des replis du cuir pendant la
marche, puis ce cuir, durcissant, irrite répiderme par un frolle-
menl duulûiJrcu^ jusqu'au moment où se forme une plaie qui
nécessite U Thomnie plusieurs jours ou plusieurs semaines de
repos.
Donc, il convient de donner au quartier une formeincurvée que
l'on obtiendra, soit par cambrure, soit par une conpe appropriée.
La forme incurvée, que l'on oblient par cambrure oi'dinaire,
disparaît par les manipulations que l'on Imjjose au cuir pendanl
la cfinfection. 11 est nécciiefiirc d'imprimer une courbe qulne dis-
paraisse pas, ou d'avoir recoors au dËUxi^ me moyen, ta coupe.
Dans ce dernier ca&, le quartier sera formé de deux parties ïéu-
nies à l'arrière par une coulure bien aplanie à rînlêriftiir pour
ne point blesser, ou même recouverte d'une languette de cuir
mince ou de lissu piqué.
On reprochera peuL-élre à ce modèle que la coulure de l ar-
rière esleusceplibie de blesBer ou de se ddfaire; mais, si In con-
fection esl exécutée avec le soin voulu ,^ ces inconvénienlB se pré-
senteront rarement et, en tout cas, ils seront beaucoup moindres
que ceux que Ton trouve dans un quartier inoolant en ligne
dvoitc. On a bien maintenu Ick coutures qui retient le quartier fi
l'om peigne.; elles sont fcoui aussi sujettes h blesser et bien plus à
se 'défaire, .parce qu'elles Rupportont plus de fatigue peddant la
nmrcfae.
Les économies de coupe que l'on peulohteniren confectionnant
le quartier en deux morceaux au lieu d'un seul, diminuent le
prix de revient de fr, 30 à fr. 40 par paire de chaussures,
D'après les prescriptions contenues dans le cahier des charges
du 4 octolire 1899, B, 0. — i', s., le quartier doit être légèreflient
cambré, mais il n'y paraît rien quand les chaussures sont Iwréw
atrx corps de troupe. La question est cependant assev. impor-
tante puisqu'il 8'agit d'éviter des blessures et de diminuer le
nombre des réparations; il importe qu'elle soit résolue par l'un
des deux procédés qui viennent d'être indiqués.
paOJBT DK CHAUSSURE POrm L l«PANTBUIK.
271
Laçage. — La manière de lacer indiquée ici est eniprunléc <î un
Iravail très remarquable sur la chaussure de f^^uerre du fiinLasshi,
publié en 190 1 par M. le médecin-niajûi' de 1" classe Berlhier :
Les bor^s du quartier portent do bas en haiil : Irois œillets,
trois crochets, un œillet. Le lacet en cuir est bien serré dans la
zone des trois œillets du b^s, puis arrélé par un nœud. Ce sorragi^
doit maintenir rigoureusement talou et eou-de-pied en contact
avec la chaussure, de telle sorte qu'il ne puisse se produire aucun
batloUemonl du pied. Plii£ haut, le laçage le long; des erochels
eal serré à volonté et pourra ^tre maintenu Idche de façon h per-
mettre une venlilalioo suffisunln du pied. Il se lernaine, en haut,
par uii œiilet qui donne plus de fixité & la fornielure.
Dans Ik zone des œillets, le lacet en cuir est liiissé h demeure.
EPouj' ôler la chaussure, il suffit de dénouer et de desserrer. Pour
«ê chausser, le soldat n'a qu'fi tendre fortement le lacet dans la
zone des œillets et h arrêter la constriction par un nœud. Au-
dessus, le lacet est conrltiil rapidement le long des crochets.
■L'ajustage serait plus long s'il n'y avait que des œillets. Getle
loélbode permet un laçage rapide mfme en marche, même dans
l'obscurité, au cauloniicmcnl ou au bivouac.
IL — Talon.
A chaque pas que fait un fantassin chargé, ses talons en posant
k terre subissent alterna livement un choc brusque de l'a force
d'environ cent kilos. Je dis « choc brusque « k dessein, parce
que les talons des chaussures rautiquent d'élasticité. Après
40,000 chocs de ce i^nre qui correspondent à une marche de
:iO kilomf'tres, tous les hommes sont fatigués et une proportion
d'au moins S p. 100 ne pourraient continuer la roule plusieurs;
jours pour cause de blessures, notamment sous le Itrlon.
Tout observateur a remarqué que des marcheurs aux pieds
sensibles cherchent îi éviter la chaussée de la route, pour mar-
cher sur le cùlé ou sur le gaïon de bordure où les pieds se posent
inoÎDs durement.
Quand des troupes niaiThent sur des routes détrempées par la
pluie, les blessures sont plus rares que par marches sur routes
afeafaes et dures. Les longues marches exécutées penéant les
guerres du premier Empire el celle de 1871, citées h iHre
27â JOUBNAL DES SCIBMCBS MILITAIRES.
d'exemples dans tes cours de taclique, ont été effectuées, pour I»"
plupart, par temps pluvieux.
Ceci revient à dire que si l'on donnait au lantassin des chaus-
sures à talons élastiques, on lui épargnerait bien des souflrances:
on obtiendrait de lui, des élnpes plus longues fi plus nombreuses,
et l'on aurait moins de traînards.
Une autre raison encore plaide en faveur de la raodificaUot»
proposée, c'est !a diminution de fatigue physique et morale.
Les commotions brusqiie:s éprouvées à chaque pas ont leur
répercussion dans les jambes, la colonne vertébrale et jusque
dans le cerveau, d'où fatigue et amoindrissement d'énergie
morale. Tous les chefs ont eu certainement à constater cela.
L'excès de faliijue va même jusqu'à produire une diminution
temporaire de la taille des individus. Ce fait assez connu des
jeunes gens dont la taille variait entre 1™54 et l^ST, qui dési-
raient se soustraire au service militaire, était avantageusement
mis à profit ces dernît>res années. Avant de se présenter devant
le conseil de revision, ils marchaient beaucoup pendant quatre
ou cinq jours et arrivaient assez souvent à être réformés pour
taille au-dessous de 1"i54.
L'adoption d'une chaussure i talons élastiques permettrait
d'atténuer notablement (a somme de fatigue et de restreindre,
f sinon de supprimer, les excoriations dans la région correspon-
dante du pied.
Il est clair, en effet, que si le talon de l'homme reposait sur
une surface compressible, tout choc brusque serait supprimé et
remplacé par une pression progressive, et, de ce fait, les ampoules
et blessures qui, pour la plupart, étaient créées par défaut d'élas-
ticité, ne se produiraient plus. En outre, les commotions qui se
répercutaient dans l'ossature jusqu'au cerveau seraient trfis sen-
siblement atténuées ; d'où meilleure couservatiofi de l'énergie
physique et morale.
Ce problème mérite d'être résolu.
Je propose ta solution suivante :
Le talon de la chaussure serait creux et garni intérieurement
d'une talonnette en caoutchouc épaisse d'environ 20 millimèlres.
DescriplioiK — Le bon-bôut ou pièce du cuir de talon repo-
sant sur le sol et le dernier som-bout seraient laissés à peu
*u
JOChKAL OXS àCIBSC«£ ttlLtTAtltfœ^
Lof]gB€«ir el largeur, S centintètres Piiviimu.
La talonnelle que cet évidenienl contiendrait serait d'une seu
pièce. Elle aurait h la parlie supérieure les mêmes longueur
largeur que la boilej de manière h former obluration, el, à lu
parlîe inférieure, un peu moins pour permettre l'emboUage et lo
jeu d'élasticité. La hauteur serait légèrement plus forte de ma-
nière îi dépasser d'en\'iron i millimètres le niveau întérieifr
de la chaussure, cl cela afin que le lalon de Thomme appuie
bien sur ia talonnette dont ïe^ arêtes seraient leoues adoucies sur
le pourtour supérieur, ainsi que celles da la^emcnl correspon-
dant. Afin d'aniçroenter la conTpressibililé de la talonnelle, (oa^fl
en diminuant son poids et par suite son prix de revient, on mé-™
nagerait dans le caoutchouc des évi déments verticaux de forme
cylindrique, dout l'ouverture serait sur la base de la talonnelle.
Ils seraient au nombre de dis à douze convcnableraenl placés en ^
quinconce. Leur hauteur sérail de 16 h i% naillimÈtres et leuPM
diïtmèlrù de 4 h S luillimfeiros. *
La talonnette sera recouverte d'un tissu de toile formant ca-
lotte, solidepient cdlé et engagé sur le pourtour, pour présenter
plus de fixité.
Il m"ii êlé permis d'examiner k la Section technique de l'bifan-
terie les diflérenls niodfles de chaussures qui ont été proposés
jusqu'eû mai 190S. Mon attention a éié appelée sur une <'lut's
relative à ïamMittraiAm mécanique H phftê6lêfi§»te de Ui marclf
par lëchmissiire à ialomt eî/adîigues, pvéteBlèe, le 37 mai 1891.
par M. le raédfrirhiiiiijor de fl^cksse Cffllrâ,^ fait ressortir,
avec une couipKhuw fi une avlsrilé tÂn aiqïérieures fi 1^
mienne, la nécessité d'appuyer les taletis sar mie matière élas-
tique pour é^^ter les contusions et un éfsra^lemmt trop sfWîiM''
à )iOH organrii.
Ma talonnette en caoutchouc remplit îcméme but, mais quel-
ques détails k ditlérencierit de celle de M. le docteur Colin.
Ainsi, j'ai ménagé des vides dans te caouchouc pour obtenir une
comprossibilité plus grande, et j'ai recouvert le dessus de la
talonirelte d'un tissu solide et fortement adhérent pour isoler le
caoutchouc du pied, an lieu de le recouvrir d'un morceau rfi'
cuir qui, s'il est fixé à fintérieur de la chaussure, doit s'opposer
P«U]ET HK CHAlTSâl'fte fOUR L LNFÂM'liUlË.
â75
►
jeu d'élasticité, et, s'il a'esl pas fixé, peut former des replis
jDendaiU la marche et occasionaer des blessures.
I
Arfvmdi é» t<tion, — M 7 a lien s à moo avis, de modifier la
:tforrae extérieure du talon actael, dont le contour inférieur est
iformé en arête y'iwe à la partie arrière. Les tnareh«urs ont pu
remarquer qu'ils éprouvaient moins de fatigue avec des chaus-
sures légèrement éculées qu'avec des talons neufs. D'ailleurs,
<ette arèle vive s'émousse et s'use rapidement, pour laiiiser appa-
raître des effiloc hures du cuir disgracieuses. Il est préférable de
donner, k l'arrière du talon, une forme de pan arrondi. On t'ob-
Itiendru en coupant eu biseau l'arrière des deux ou trois der-
niers sous-bouts que l'on recouvrira du bon-bout qui, lui, ne
sera pas entamé.
Talons et êemeltes à base plus grande. — 7'alom plus bas. —
Beaucoup d'horames marchent en iippujant le pied fartemenl
dia côté eulcrieur; quelques-uns, plus rareà, l'itppuient forleraent
dn côté intérieur. Avec les chaussures acluellemeut en usage,
cela produit un dévers^ïment de la chaussure et du pied sur l'un
des côtés et, en même lejjaps, nue usure plus rapide et uue mise
hors service prématurée. Cet inconvéuiejit disparaîtrait si Ton
■■ga^eoltiil la surface de base de la chaussure, sjjrtoul vers
l'eïlérieur, Amsi le talon serait de 5 millimèti^s plus long vers
l'avant et de S millimèlres pins large, avec Hine l^èi'eûbMquilé
vers l'extérieur, La semelle déborderait la couture de l'empeigne
de 8 à 9 niillimèlres au lieu de 5 à 6 millimèlres seulement.
n n été Cait aux semelles débordantes des reproches que la pra-
tique ne justitïe pas. Les avautages pratiques qm teiir emploi
a donné lieu de constater, sont :
1 De s'opposer au déversement du pi-ed ;
2' De diminuer renfoncement des pieds dans testerrefj laboii-
j'éesct détrempées j
S" De s'user moîuis vite.
La iiâuteiir des l«lous, au lieu d'être unifbrraémeflt de Sceiili-
mètres pour toutes les pointures, pourrait être de 2 cenlim. 1/2
seuleracnt pour les pointures 26, â7 et 28, et de 3 oenlira. pouj-
les autres,
La marciie sera ainsi ^À^i& aisée et le pm de revient diiuîjiué.
I
I
I
I
rorBJTAL om SfOxstxs mujMMâ.
in. — Semeliea,
Je rappelle qoe la semelle d'ensemble du brodeqGin actaelie-
ment en u&age, comprend eâsentieltement :
1» Une semelle iniérieure, diie première, sur laqaeUe sont
fixés : rempeignc, lequartier, le talon et la ^melle, dile seconde.
Elle est la base de la cbaossure ;
2" Une semelle extérieure, dite seûonde, qui repose snr le sol
par sa partie anlérieure ;
3* Une autre semelle d'entre-deux, appelée aussi double, de
même largeur que la seconde, et cousue avec les deux déjà dé-
nommées;
4» Une cambrure ou pièce de cuir moins large que les autres
semelles, placée entre la première et la double, sans être cou-
sue.
Le principal inconvénient de cet ensemble de pièces est une
trop grande rigidité. Une chaussure bien comprise doit se prêter
à tous les mouvements du pied pendant la marche, et non pas
les contrarier. 11 faut en même lemps que la semelle tende t")
adhérer constamment dans toutes ses parties au pied de l'homme.
Les chocs et les frottements s'en trouveront diminués.
Dan.s la décomposition du pas sans chaussures, le talon du
pied qui est en arrière se soulève de 8 à 10 centimètres, alors
que la partie antérieure est encore posée à plat, Si le pied esl
dans un brodequin à semelle rigide, il se produit h. chaque pas
disjonction entre le talon de rhomme et le talon de la chaussure,
forte pression du cou-de-pîed contre le haut de l'empeigne, d'où
quelquefois blessure ou compression douloureuse, et enfin puis-
sant etlorl musculaire vers l'avant du pied pour faire lever le
talon de la chaussure quand même, d'od surcroît de fatigue.
Je propose de remédier h ces principaux inconvénients en sup-
primant la rigidité des semelles par l'adoption de pièces élas-
tiques et compressibles en caoutchouc, qui remplaceraient la
double ou entre-deux et la cambrure. Elles auraient la même
forme et seraient placées de la même manière. L'épaisseur de la
double en caoutchouc serait d'environ 5 millimètres ; celle de la
cambrure, de 3 millimètres. Les dimensions en longueur et en
largeur varieraient suivant les dimensions des chaussures.
PROJET DE CHAUSSrHB POUR L'iKFANTEniîE. 277
Afin d'augmenter la compressibilité de ce nouveau semelage,
tout en diminuant son poids el par suite son prix de revient, on
ménagerait dans le caoutchouc des évideraenls convenablement
disposés.
Outre que les semelles des chaussures ainsi confectionnées se
ploieront plus aisément et adhéreront mieux aux pieds de l'homme
pendant la marche, elles présenteront les avantages très appré-
ciables qui suivent :
Compressibilité. — Les pieds au lieu d'appuyer de tout le poids
du corps et du chargement (soit environi 100 kilos) sur une sur-
face dure, se poseront presque moelleusemcnl sur une surface
souple el compressible, et l'on évitera ainsi la plupart des acci-
dents ou malaises de marche : pieds aggravés, ampoules, exco-
riations au-dessous du premier métatarsien, etc.
Moins (t'htimidité, — Parce que le caoutchouc est ptus imper-
méable que le cuir et s'applique mieux et plus hermétiquement
[-contre la première intérieure et la Irépointe,
Moins de chaleur en été, moins de froid en kîr^er. — Il est îi
! remarquer que l'élé, par soleil ardenl, le sol des roules absorbe
beaucoup de chaleur et sa température s'élève dans les environs
de 50 degrés. Avec les chaussures actuelles, cette chaleur se com-
munique viteau cuir et aux pieds de l'homme. Avec !a chaussure
dont je préconise l'emploi, la chaleur ne se communique pas, le
caoutchouc étant mauvais conducteur. Pour la même raison, en
hiver, le froid du sol ne se communique pas, et la chaleur du
^ pied se conserve plus longtemps.
Durée plus longue. — Pour le quartier, cela provient de ce que
[a partie arrière élant incurvée au lieu d'être droite, il ne se pro-
duit plus de plis qui se coupent et mettent cette pièce hors d'état
»de continuer un bon service.
Pour la semelle, la durée sera plus longue parce que les chocs
sur le sol et sur les aspérités caillouteuses sont beaucoup moins
durs qu'avec les chaussures actuellement en usage, h cause de
l'élasticité du cHOutchouc qui, absorbant une grande partie de ta
force vive, retarde sensiblement la désagrégation et l'usure du
cuir.
378
JtiCBSAL PBS SCIBÎTCES MILITAIRES,
te talon durerfi plus longtemps, ponr la même raison et aussi
h cjrme du pan arrondi qui reinplace l'are le vive de rarrlÈre,
Ces avantages de longue durée se traduiront par tineécononiic
fort appéciûble de 30 i\ 40 p. 100, Cela compensera, bien ao^delè,
le STircroPt «les dépenses qu'entrainera la valeur élevée du
cao-iTtehouc. M
Lf'gèreîe plus grande. — La densité du cuir batlJ] pour sem^lks
est de 1,150, celle du caoutchouc qu'il convient d'employer est de
Ù,Wi5. Cela explique une diminution de poids à laij-ueUe il coti'
vient f,r ajouter la diflëreone du poids ties clous ou chevilles em-
ploya dans l'un et dans l^tutre cas, ainsi qiie nous allons le voir.
Ctouage^ — Si l'on cou servait l'ancien procédé de clouftge, U
semelle de caoïitchouc serait en paj'lie traversée, ce qui aurait
pour efi'ot d'amoindrir ses propriétés. Celte difficulté sera évitée
si L'on effectue le clouage de la seconde extérieure avant Àf la
coadre avec la trépointe, de mauitre à river les i^oiales du côU'
opposé en faisant porter ce côté suf une surface dure (f&i foate.
pierre, etc.).
Les clous actuelleinenl en Bsir^b sont loards et fali^ent If
cuir. Il y aurait avantage h les remplacer par un nouibte égal de
chevilles en fer galvîimsées de la longneur de 9 à lÙmilliBoèlres,
^!, rivées à rinténear, ne tomberaient plws et prolégi;rai«iit ^
cuir jusqu'à uiiure comp(('^te de leurs tiges.
ï*w côté du talon, on peut réduire de plus d'un tiers le nombct
des ehevilles. ■
Ce nouveau genre de eloaa^e permettra d'obtenir par paire Je
brodequins une économie de 1 1 ài 12 centiimes dans !e prix de
revient et d'environ 20<t graramea pour le poids. La semelle et le
felon se trertiveront suffisamment prolt%és,el lenrd urée sera même
Irfes sensihlemenl plus grande q«e dans les brocfequ'ins acfueli&.
Wtttrs avons déjà vu po^rqiielle raiscn. h
Couiurs de la stnnêHe, — Si la eotttute se fxit ài la main, le
eaoutcfaooc se referme sur lui-même qmsid on relire lalfene, et
la soie se replie ensuite sans traverser. 11 est nécessaire de «^
servir ^'aigailles de sellier, courbes^ en remplacement des seées,
et le travail dievicnt aussi facile et a,iMsi rapide aprfrs qeeiq^ues
heures de pratique.
PROJBT DE CHAllSSDRR POUR L INFASTEIIIE.
fTO
Il ne faut pas serrer trop fortenteot les points de coutuFe, paui-
ne pas comprimer oult'e mesure la semelle de câoiitchoac enlve
la semelle e-xlérieure et la tréfwirite, cela aûa que te eaautiihoute
produise louptirs toute son éfa&licité.
Le tll des coulures se conserve ln>s liîen dans le caoutchoue el,
en raison de l'élasticité de cette matière, il nedevient f>ûint cassant
même après plasieurs annt^es d'usage de la chaussure. Cette ppo-
priélé de cooservatiou des coulures ptermet trait de les faire k h
machine, ce qui pro^iurerait des avantages d'économie en lemps
tt^iuaire et de rapidité de confection pour le temps de guerre.
IV. — Résultats d'expériences.
Les brodequins que j'ai fait coufecttonner en mars 1900,
d'après les données générales sus-iudiquéeSj m'ont permis de
('onstater fous les avantages émimêrés. Ils m'ont servi fiendant les
marciies, les manœuvres de ]9(H>, de t90l et jusqu'en juin 19)2,
sans qu'il ait été nécessaire d'y faire ni ressemelage, ni la moindre
réparriLîon. Au mois de juin seulement, j'ai fait remetire des
semelles en cniirel refaire des talons. Cela m'a permis de constater
le bon étal de conservation des coulures el des profiriétés du
raonichonc. Mes chaussures d'expérience se août bien comportées
pendant les deraières manoeuvres d'automne t902 et penTeat
certainement fourivir encore une année d'usage.
Neuves, elles pesaient 1 kilog. HOO; alors que celles qui sont
réglementaires pèsent» pour une pointuni correspondante
Un' 27. 'J, 1 k. 700, soit une économie de poids de 400 grammes
• par paire.
CmiUchoue à emploijei; — 11 doit Hte souple, résistant, léger
el de conservation facile.
Toutes ces qualités se trouvent réunies dans un caoutchouc de
îbâix.^ dii Para n&rmmL.
Il conserve, ies qualités de sauplesee et de résistance à coftdi-
lion de le maintenir à l'abri de l'air sec et de ki lumière. Il se
Itrouye précisément dans ces condilions lorsqu'il a été employé
pour ccn-feciionner des chaussttres, Ces; derni&res peuvent donc
rentrer dan& k couâLituUou des approvlâioauemeuts de La vé&erve
de guerre.
290 iOCR5AL DES SCfEKCKâ MtEJTAïaE^.
Confection de» pièces. — Le mode de cônfectioti le plus pra-
tîqne, le plûs rapide el le plus écoiïomique des tatonueltes et dea
seineltes en caouCchouc, consisLe Si mouler la matière dans des
moules de grandeurs proportionnées aux pointuises des chaus-
sures.
En raison de Télasticilé du caoulchouc, les semelles conFec-
lioDoées d'après les dimensions d'une pointure quelconque,
s'adapteront très facilement à la pointure immédia It^ment supé-
rieure et aux quatre subdivisions en largeur de chaque série de
pointure. Ainsi, il suffirait de faire construire trois moules pour
semelles d'en Ire-deux, chacun d'eux ayant les dimensions des
pointures 20, 28, 30.
On évitera ainsi loui déchet de coupe, puisque Ton obtiendra
des pièces de dimensions exactes, et comme on n'aura plus qu'à
les fixera leur place, sans avoir Ji les retailler et k les battrey
ainsi que cela a lieu pour les semelles en cuir, on aura réalisé
pour Ifi confeclion une économie de temps, d*où une économie
d'argent.
Prix de revient. — Le pris actuel du caoutchouc « para nor-
mal » est de 20 francs le kilogramme. Mais cette valeur est ap-
pelée à diminuer d'environ 50 p. 100 d'ici quelques années, ea
raison des grandes plantations qui ont été entreprises et de
l'essor considérable que prend l'exploitation de cette matièr*>.
Les quantités qui rentrent dans la confection d'une paire de-
chaussures de pointure moyenne, sont ;
Pour deux doubles et deux cambrures. 130 grammes.
Pour deux talonnettes 70 —
Soit
Dont te prix atteindra 3 francs.
200 grammes.
De cette somme, il faut déduire environ i fr. 20 pour le cuir
non employé * par le fait de l'emploi du caoutchouc, de l'abais-
' Le caij' non employé roiiiprenJ : deux cBmbfure:^, (Feux semeLLes, d'entre-
deux et 6 à 8 sous-liouti provenant du talon. Ces aous-houts ont eacoro une
certaine valeur, l'iodiistrU' ponvatil les employer pour talons de cliauasupe^
de dames ou d'entants.
PROJET DE CHAUSSURE POUfl l'iHFANTERIE. 28Î
Bernant du talon et pour l'écoiiomie résultant du clouage avec
chevilles au lieu de clous, et 30 à 40 centimes pour la coupe ar-
jifere du quartier.
De sorte que le prix d'une paire de brodequins du nouveau
modèle semble être de i fr. SO plus élevé que le prix de l'ancien
modèle. Mais cela n'est encore qu'apparent. Il y a lieu de tenir
corupte, en effet, de ce que le caoutchouc provenant des chaus-
sures usées et hors de service pourra être régénéré, sinon pour
servir au môme usage, tout au moins pour être employé comme
caoutchouc do moindre qualité. Il aura encore une valeur mar-
chande appréciable.
Je ne cite que pour mémoire la diminution de prix qui pour-
rail encore être obtenue par le fait que les semelles peuvent
être cousues à la machine.
Enfin, si l'on considère que les chaussures que je présente sont
susceptibles d'une durée d'au moins un tiers plus longue que
les autres, et que les dépenses des réparations seront réduites
dans la même proportion, on sera amené à conclure que, même
au fjûint de vue économique^ un avantage très sensible sera en
faveur du modèle dont j*ai l'honneur de proposer l'emploi h titre
d'essai d'expérience.
Comme mesure transitoire d'essai, et afin de n'occasionner
ucttne dépense au Trésor, j'ai l'honneur de proposer que les
'Tûdequins des unités administratives soient pourvus de semelles
El de talonnettes élastiques en caoutchouc, au compte des fonds
particuliers, au fur et ti mesure qu'ils seront remontés.
La même opération pourrait aussi s'effectuer aux chaussures
des troupes de Vlnfanterie coloniale.
^^ résume, les modificaliotis à apporter aux brodequins dé-
t^rite au Bulletin officiel h la date du 28 septembre 1891, sont :
*" An quartier : Donner à l'arrière une courbe analogue
a celle formée par le talon el le tendon de l'homme;
Weltre des œillets el des crochets qui, judicieusement placés,
Pftftnettronl d'ajuster la chaussure au cou-de-pied el de ne la
*efrer dans le haut qu'à volonté ;
^° Am talon : Pourvoir l'intérieur de talonnettes en caout-
chouc •
JQ1IBJIAL DBS SCTBJSCES^ inLITAIRIS.
TenMDer la paràe arrière en pan aorrondi et non en are
vive;
Donner aux talons une base plus grande pour êTÎler les tk
versements ;
3» A la semeUe : Remplacer ïentre^deux et la cambrure p«
des pièces analogues en caoutchouc;
Remplacer les clous par dfes cherifïes rivées h l'envers die la
semeïle seconde- extériewre;
Cooper ïes semeîles plu« larges pour les rendre Fégèremen
d'iéfcord'airtes.
Castets,
Lientenanr au 99" rffg. cTînfanferîe^
LA
M lA SBCfiESSIOI D'AÏÏRim'
(1740-1748).
CAMPAGNE DE 1741-1743.
irrÉiiATEorfs wiitaibes aàfa la iL^tiB-ACTSiaiE ht ux baviëhs.
IX.
LES AUrRICEIEXS EN BAVIÈRE.
{miite,]
Seitte» de loule cette année, fes tro-tipes q»e Bârnklan ffrait
l'amenées de Miiaicb n'avaieot cessé, avec les hussards de
Metizel, de battre le pays, de taire du mal h rennenii, d'assurer
la levée el la renlrée des contribulions. d'imposer la crainte et
^m reâpeet aux populatious., c^e la retraite de ktieveahiïMer
■Bcourageail dans leurs idées de révolte et de résistance.
W Los hussards de iMenzel avalent dispersé Les rassemblemeats
des bannières iialionaies du côté de Landsberg ; un antre déta-
^leinenl, passant par Mirsbach et Scliliersee, avait poussé vers
^ôl:i, où il âe rËioignili avec lea patadours de Trenck. Mais,
lorsque Trent'k voulut continuer sa mart;he, H lai faftul Kvtçv
un combat de près de cinq heures ii un millier de paysans a.rmi?ri
lui s'éLaieni relranebés daus une bonne pot»ition k Langgrieg.
§84 JOUBNAL D£S SCIEIÎCES MILITAIRES,
Barnklaii avait, à peu près h la raftnie époque, conçu le projet
(Je faire enlever à Friedber^ un convoi d'artitlerie française don
on lui avait signalé la marche de la Souabe vers le DanubeT
Mais il avait élé prévenu trop lard, la dislance, k parcourir était
trop considérable, et, lorsque son détachement arriva k Fried-
berg, il y apprit que le convoi avait déjîi dépassé Gingen.
La pointe hardie faite par Bârnklaii sur Friedljerg avail du
moins servi h jeter ralanuc dans tout le pays. Pendant quatre
jours, on tint les portes rigoureusenienl fermées k Raiii; on
envoya h marches forcées quatre bataillons de Neuburg h
Donauwôrlli; on se liAta de luetlre Landsbergen état de défena
et le Conseil aulique de la guerre bavarois d'Augsburg expédï
courriers sur courriers ît l'empereur Charles VII, h Francfort, el
au feld-maréchal Tôrring.
Entre temps, dès les premiers jours de juin, Frédéric avaî
donné suite au projel qui, depuis Czasiau, n'avait cessé de hanter
son esprit. A partir du jour de son établissement au camp de
Kuttenberg, son armée ne bougea plus et le roi ne songea plus-
qu'à n pouvoir tirer au plus tût possible son épingle de ce jeu^
parce qu'il n'en augure rien do bon et que cela ira mal)''.
Comme il le dira h Podewils quarante-huit huit heures plus tard,
le 9 juin, « des circonstances imprévues qui viennent d'arriver
avec les troupes françaises en Bohême »' l'obligent d'ordonner \k
Podewils de trailet incontinent sur les conditions que, par î'in-
• Correipamiance politique ^ n" 876. A Padewils, Camp do M;ile»chau, 7 jiiiiv
1743.
* Correfpûndaime jfoKtique, n^ 881. À Podewili, Camp de Ualeâchau, 9 jan-
vier 17iâ. Dans urtc di'p^die qu'Eirhel écrivit par ordre du Roi à Podewils.
(,Con'etpOii>dQnce politique, n" 891). on trouve ujhj oppriioialion Lien triste et
bien sévère da l'ùtot de l'armée françajsfî dfi Boljêcne.
Àprèî avuir annoncé t l'odewils i(iie Les hussards autrichiens ont enlevé*
Broglie son nrjreiiterie el 40.000 livres, il loi dit :
« C'«st iIq reste leur faute. Nos of liciers, qui ont marché aver «dx, sont
èpûBvanlés du désordre, ii« U confusion «fui rdgae dans celte armée qui o'*
aucune idée de ce qn'esl la distiipSine, la subordiuaticm. Chaque officier niarcJw
pour son cooipte, comnie et où boa lui senilitc. L'oflU-ier a' occupe aussi p«o
de jtes soldais que ces derniers de lui. Depuis quelque.s jours, iU ne savaient
pa& et ne cherchaiuiit même pa.s à savoir, où était l'ariuee Autrichienne; hloii
qu*it kur imr.iït é|è f^L'ile de su faire rcns^ii^ner par l6s fenis du fiays, JU se
contentaient dt» Ihs intL-rroger légèrement et on passant, sans fHÏre attention à
leurs réponses, saus a'aasurer d'eux, et en les taÎAtant etistnite libres d'»Il(!r
où leur cctur leur en djsail ».
>
L.V GUERRE DE L\ SUCCESSION D AUTRICJifE. 285
{ermédiaire de lord Hyndt'ord, la reine de Hongrie lui oÔVe pour
faire la paix avec lui.
Et le 11 juin, en effet, après une discussion aussi longue
(^ti' orageuse, Podewils ol lord Hyndford avaient signé les préli-
minaires de Breslau, dont la gravité et la portée étaient d'autant
(tlus sérieuses pour la France et la Bavière qu'on y avait réservé
il la Saxe, qui s'empressa d'en profiter, la possibililé d'adhérer à
celle paix momentanée.
Si Mapie-Tliérèiîe, pour se déliarrasser de son plus redoutable
eutieini, avait dû consentir h la cession du comté de Glalz et
«l'une partie de la Silésie, elle conservait encore, lorsque, le
n juin, elle pressait une fois de plus Khevenhiiller de reprendre
l'offensive et d'anéantir le corps de secours frani;ais désormais
absolument isolé, l'espoir d'arriver k conclure avec Charles VII
une paix qui aurait donné h rAulriche la vallée de l'Inn, le
%i;omté de Chlam et le Haut-Palatinat. Elle comptait, en effet,
laire accepter ces conditions d'autant plus facilement k ce
prince, qu'elle se proposait, pour peu qu'il s'engageât à renoncer
à l'alliance avec Louis X.V, de lui offrir certains dédommage-
fflCDts à ces cessions forcées de territoire et de lui promettre une
compensation que la France aurait eu à supporter,
haas les derniers jours de juin, KhevenhûUer semblait, du
reste, disposé h sortir enfin de sa torpeur et h marquer la reprise
de ses opérations offensives par une attaque contre le camp
iengersberg. Il avait, k cet effet, réuni ù Plein tin g, le 30 juin,
41 bataillons, 17 compagnies de grenadiers» S2 escadrons, les
hussards de Menzel et de Palffy, et les pandours de Ti-enck,
Les dispositions étaient non seulement préparées, mais expé-
tlîées. Il ne restait plus à fixer que la date de l'expédition, lorsque
les dires des déserteurs, annonçant que d'Harcourt venait de
i^cevoir des renforts vissez considérables, rapprochés de bruits
d'après lesquels Broglie n'aurait jeté dans Prague que son infan-
î^rie et aurait chargé sa cavalerie de tomber, par Eger et le
flaut'Palatînat, sur les derrières de son armée, décidèrent Khe-
venhûUer h modifier une fois de plus ses projets.
Au lieu de l'attaque générale qu'il avait médité d'exécuter, il
^ TOntenla de montrer les Croates du général Herberstein sur
Je froni de la position et de pousser une colonne aux ordres de
^âfnkiau, par Aussernzell, contre la gauche de d'Harcourt. Mal-
^6
JOrRSAL DES SCTBSCES itlLltAlHli?.
gré l'alaniie que l'Apiiarition de ces IroufMSâ jeta duiis lus eaïupa
français, où l'on replia les tentes et ofi l'on retrvoyn les bagag»
e» arrière, Khcv^nhiUler s'en tint h celte simple et platoniqin?
dérnonstralion qu'il tx>ndarana d'atileurs lui-nième (il csovienl
au moins de Ini rendre celte justice) dans le rapport qu'il adf«sss
h h Reine*.
Malgré les critiques qu'il ne s'épai^nail pas à iui-mênie, le fdd-
maréchal n'en continua pas moins k rester sur la défensive, el,
cepeiKlàTit, p<?ndant ce temps, le prince Charles, arrivé l«njttiii
à Pil&en, avait de là pris sa dîR'Clion eur Prague. Le 2S,sdd
armée étail en viie de celle ville et, le 37, elle était établie M
entière dans un camp &iUiê entre Sliwenetz et la Moldau, &w:eaB
Nord-Ouest, prête ît s'étendre sur la rive droile de la Moldanet
cl procéder an commieiieenient derinveslisseraenlj aussiiliôtJijjrès
l'achèTenient du pont qu'on jetait à K&nigsaal.
L*nrmée prussienne avait commencé à. évacuer la Bohème. Le
18 join, les Saxons, qui s'étaient tenus jusque-là derrière l'Éger,
se replièrent devant le délachement de Nadasdy et rcnlrèrent
dans leurs pays dans les premiers jours de juillet Prague, Égef
et \e chAtcau de Frauenberg <Haient, par suite, à la fin dt
juin, les seuls points de la Bohême qui ne furent pats eûow*
retombés an pouvoir des Au Inchiens.
D'Harcourt el Tômng étaient restés immobiles pendant toati*
t«mps dans leurs camps d'Heni^ei'sberi^ et de Plattîiug. Et t«
n'étaient certes pas les nouvelles de plus en plus dëfavorail»
venant de Bohême qui les auraient amenés k modifier litl*c
qu'ils s'étaient faite de leur situation, oiême si h ce raouieni ii
leur eut été possible de tenter avec certaines chances de sua'*'*
la réalisation du plan de Bclle-Isle.
11 semble, du reste, que l'empereur Charles VII renom;i, ^
les premiers jours de juin, à la reprise de l'offensive en Baviîirc-
Le coup de main de Biirnklau sur Friedberg J*avail en tout c**
inquiété h un tel point qu'il avait résolu de détacher des(i«lï'«*
armées de d'Harcourt et de Tôrring on corps qui, sous i«
ordres du prince d'Hildcburghauseo, allait êtrechargé fiepd*"
' Kriegs Archir (Fcid-Acten Daviùre), f7*3. KheTenholler à Mari*-'''''''
rèae. Camp de I*leiDtu^-Hofkiri:bËn, 7 jiuJJ^t, n^ 174i, VU, 31.
LA ODERBIÎ HE LA SUOCEriSlÔK l» AUTHICJ1E.
la. l'igné du Lech à Tabri d'attaques é\'eDtuelles prirLislde Mqa-
Ces craintes v«ïiaieMt îi peine de m calmer quriquae pe« à k
si3ii1«<fe la rentrée de flëi'TikJaii à Munich, lorsque le ïnaœ%Mïitienit
lu prince Charles sur Pilsen causa de nouvelieB inqoiétodes à
dfUarcoiTrl el au cabinet -de Ver&aiUes.
.Sains ordres de sa (Iouf, tie saciiant s'il devait aUendre une
attaque & Alteich oii se rep&rler plws en avaiil-, d'HartîOurt prit
lirie réaolatioii logique et ration:rte'lle parfaitement adaptée aux
ôvcnliialilcs qui pouvaient se pn^senler en j-epliant son train «1
sets magasins sur Donauworth, en renvoyant sa cavajlerio <ie (a
iKaab sur "Slraiihing.
Pendant que d'Ifarcourt cherchait par ses dispositions h parer
unie attaque venant du Nord, la rai^een route de la plus grosso
|>artie de la garnison de Munich, qui allait rallier lu caimp de
i;*leiulingH, avait fait redouter h Tôrring une oftératifflfl dirigée
coate'e lud. (îette fois encore Torriivg et d'Harcourt ne parvia-
pas h se mettre d'accord. Le Bavarois, après avoir ■envoyé
■oonvois h Straubing , voulait (■enir bon K Plaltling, si on lui
Bgnnil une brig-ftde d^î cîi valent, taudis que d'Harcoiiirt, crai-
les conséquences d'un éch«c essuyé à PlatMing, essayait
«afcstrnéiseTit de le décidifir (^ prendre position à Deggendorff, Il
ta'avait pas encoi-c réussi h couv-aincre le feld-maréchal lors^
qu'il reçut et de sa Cour et de Charles VIT des instructions qui,
oatureliemcnl et comme toujours, se contredisaieîît conaplèie-
iwnt,
Charles VII insistait h nouveau sur la reprise de l'offensive au
sud du Danube, tandis que la Cour de Versailles, lui défendant
ûirraellemenl de risquer son armée dans une affaire, lai prescri-
vait de se préparer h la retraite et de tout disposer pour aller re-
joindre en Bohême Broglie, qu'on Irûavail indispensaiile desou-
içnir et de renforcer.
D'IIarcourl essaya une fois de plus de satisfaire tout le monde,
au moins en apparence. Il poussa, de Straubing à De^gtendoff,
<lix escadrons chargea de recueillir Tôrring, renvoya ses armes,
Ses bagages, ses bateaux, son parc de s.ii!ige, plaça ses hôpitaux
îi Straubing et se justifia de fa prolongaLi^Ofi de son séjour h Flen-
gersberg par la nécessité de couvrir ses magasins, le Haut Pal a-
" "ses communications avec la Bohême. En soxuuae, d'Har-
^38
lOURNAL DES SCréNCES MtLlTAIIlKS.
court resta, h peu de chose près^ immobile sur les positions qu'il
ûccupâil depuis k tin de mai.
A la suite de la reconnaissance exécutée le 1" juillet par
Bârnklau contre sa gauche et en présence de quelques démons-
trations esquissées, le 4 juillet, par les Autrichiens, il ordoana
toutefois à sa cavalerie établie à Deggendorf et k quatre batail-
lons d'infanterie palatine de le rejoindre k Hengersberg, tandis
qu'il donnait aux Hes&ois attendus, le 1, à Bogen l'ordre d'ailer
opi^rer, le 10 au plus tard, leur jonction avec les Bavai'oiide
Torring.
Le cardinal de Fleury approuva ces mesures parce qu'elles îai
semblaient de nature à donner à Charles VU, comme à îa Gourde
Vienne, le change sur les véritables intentions de la France.
Renonçant k diriger d'Harcourt vers la Bohême, désespérant
d'amener la ûa delà guerre par un succfes décisif, cessaol de
se préoccuper de l'Empereur et des traités conclus avec lui, k
cardinal songeait aux moyens de faire revenir les armées fran-
çaises de Bohème et de Bavière ' ,
C'était dans cet esprit, dans ce sens qu'était conçue ladépêclie
que Breleuil adressa le 10 juillet à d'Harcourt. On lui prescri-
vait, tout en ayant soin de laisser croire h sa marche prochaine
sur la Bohême, de rester sur ses positions tant qu'il pourrait le
faire sans danger, d'attirer à lui les troupes hessoises et pala-
tines, et de tout disposer dans le plus grand mystère pour
ramener sa petite armée en France h une époque qui lui serait
indiquée ultérieurement et qui dépendait du sort de l'armée de
' Cf. Cûrrespon^danre poUHqite, — âOâ. A Podewils, camp de Kuttfûki'ï.
■20 Juin 1742. n..^ Borcke (il s'agit id Don pas du ministre de FrédHiric, umiî
au eo]4)ne[ Jh mt'mc nom, aide du i;sLmp da roi), envoya à Pam pour v porter
la nouvelle de la victoire de Ciiaslai], est revenu de PiirÎB. Autant qi'ilf"
peat juger, il lui a para qu'on était fort las de ia guerre en Prance pI <\At jf
n'ai piis tont à. fait m:il pris mim ti^mps pour me tirer hora de rembarrai ^"
je me suis trouvé.
(f La chose est en elle même séante. Je ne crains qae pour te^sûrtlesdeEDM
nooTélles conquêtes, pour tesquelle-s cepeûdant je prendrai les meilleni's arran-
femerits que je pourrai, en faisant fortifier avec promptitude et vigneof, ^
augmentant l'armée et rangeant les finances et en contrîtetant des alUïnM^F
dont Itss garanties me doonent du ndief envers mes voisins,,.
(I Le prince Charles ne pousse point du tout le vieux; Broglic qui s'est tapi
aoBs les canons de Prague. Il serait bon que ces t'pns-là se battissent ttim
comme ii faut... »
LA aUEHHK DE L,\ SLC(;k.«SIO>- u'ArTRICflE. 389
Eroglie et de la tournure que prendraient les négociations qu'on
menait d'entamer avec Marie-Thérôse. D'Harcoiirt devait toute*
ibis se replier sans attendre d'autre ordre, dans le cas où il
apprendrait que l'armée de Broglie aurait été obligée à capituler.
Bnfln, ra^me dans le cas où le leld -maréchal SeckendorfF, qui
allail prendre le coniniandement des troupes hessoiscs et pala-
tines, cédant aux instances de Charles YII, se porterait avec Tôr-
rjng contre Tarmée de Khevenhidler, Breteuil ordonnait h d'Har-
court de conserver une attitude expeclante, de rester toujours
sur !a défensive et d'éviter à tout prix de s'engager sérieusement
el de s'exposer h. un échec.
La marche du prince Charles sur Prague, la sortie inattendue
de Frédéric el des Saxons de l'alliance avec la France, avaient
en eRet décidé le gouvernement français h chercher, lui aussi,
le moyen de se tirer d'embarras et à faire des ouvertures à
TAulriche.
Jusque vers la mi-juin, on avait encore pensé qu'il serait pos-
sible de rétablir les affaires en envoyant la plus grande partie du
corps de d'Harcourt en Bohême et en laissant à Tôrring le soin
d'occuper Khevenhiiller.
Mais on avait dû renoncer à cet espoir dts te jour où l'on sut
que Broglie était enfermé dans Prague, où Von oonslata llnuti-
lité du mouvement de d'Harcourt sur la Bohème et l'impossibilité
de faire arriver encore en temps utile de nouveaux renforts, et
se résigner dès îors k avoir recours à l'action de la diplomatie.
On ne perdit du reste pas une minute et les négociations
s'ouvrirent presque simnllanément, h Versaîlins entre Fleury et
Stainville, le plénipotentiaire du grand-duc de Toscane, au camp
de Prague, entre Belle-Isle et le feld-maréchal Kônigsegg. Le
cardinal et le maréchal affirmèrent tous deux que ia France
ne désirait rien plus que de conclure la paix avec la Reine, et le
premier alla môme jusqu'il faire entendre h Stainvrlle que
Louis XV était toutdisposé h s'allier avec Marie-Thérèse contre la
Prusse', « dont le roi ne cherchait qu'à s'agrandir aux dépensdc
ses alliés »,
Belle-lsle de son côté, lors de l'entrevue qu'il eut au château
* Cf. Correiponâatice jiolUitjue. — 905. A Podewila, camp dfi Kullcnljerg,
^3 juin i7i3. «... Tout « qui pourmit arriver de plas fî'icliewx pour noua
/. cTm Se. mil. iO- S. T. XVII
10
£90 tôUItffAL OKS SGIKNCES MILITA mSS.
de Koinoran, le 2 juillet avec Konigscgg, déclara que la Fvsuax
ne (Jcmaiidait pas nueux que d'évacuer la Bolième.
Mjirie-Théràsc iit la sourde oreille à toutes ces ouverture^
rejeUi loules les proposiljous et, pour mieux marquer que s»
résolution était formellu et irrévocable, elle fil établir une
n réponse fi prescrire à M. le coûile de Sl;iiiiville, pour être lue
aux ministres de France et communiquée en Angleterrej Hol-
lande, au roi de Sai-duigiie et en Russie' «.
Bien ()ue les teruirs, dans kisquels était conçu ce niaoife&lc,
ne dussfiiîl laisser aucun doute sur U-s intentions de la Reiae, le
cabinet da Versailles ne se décida pas îi rompre de suite les
négociations. Les ell'orts qu'il tenta jie lui valurent que de nou-
velles humiliations. On coramenra par refuser à Bclie-lsle un
second entrelien qu'il demandait h Kuuigsegg, et, non contente
de laisser sans réponse une nouvelle lettre de Fleury, -Marie-Thé-
rtse ordonna de la communiiîuer au cabinet de Sainl-james.
Le rejet absolu et presque brutal des propositions de paix
Êaitea par la France ne pouvait avoir pour conséquence que
l'abandon complet de l'armée de Broglic et la retraite du corps
de d'Harcourt ou la réunion de forces nouvelles à Taide des-
quelles le cabinet de Versailles cbercherail à rétablir ses aflaires.
Aimsi, bien qu'elle s'attendit h voir la France s'»irrèter au pre-
mier de ces deux partis, Marie-Tliérèse n'en prit pas moins de
suite toutes ses mesures pour parer h ta seconde de ces éventua-
lités. Elle ordonna en conséquence à Khevenliuller de poursuivre
vigoureusement et de malmener le coj'ps de d'Harcourt, dès
qu'il commencerait le mouvement de retraite qui semblait devoir
être la conséquence procliaine des préparatifs dont on avait pu
constater l'exécution. Uans le cas, peu prol)able du roste, où
d'Harcourt chercherait à se porter sur la Bohême, le fcld-niaré-
chal devait s'opposer fit l'exéculion de ce projet, soit en toinbanl
de suite sur le corps do d'Harcourtj soit (?n comliinant ses opéra-
dons avec l'armée du prince Charles, de façon ci le pj-endre Oitre
deux feux.
d,-ina l'avenir serait la lîj^ue de la France et de ta reine de ItoDgrie, maïâ en c^
caJi iintiâ auiionj PAugteterre, la Hollnndt', la Ftiissio et beaucoup d'antres
pri nées pour noua,., 11
* Srif^i Archiii (Feld-Aclen Bavière), Vtl. ad, 3.
r-A ol:erhe de la succession D'ADtmCHE. MM
Khevenhûller, craignant de voir iJ'Harcourt se dérober al
Éécamper sans bruit, ne se contenla pas de redoubler de vigi-
ince. Il résolut d'occuper etTlaines posiliûna suf les flancs de
son adversaire, de s'assurer d'un cdlé la possession d'un point
<le passage de l'Isar en amont de Plattling; de l'autre, de se
*endre maître au nord du Danube de certaines localités eîtiiées
HU' la route qui va de Deggeudorf en Bohême, et chargea de
T'exécutiori de celte mission le l'olouel Menzel, qu'il dirigtea sur
Landau, et les pandours de Trenck, qu'il poussa vers Grafenau.
tLe 14 juillet, Men/.el arrivait à Landau et s'y établissait dans
n camp situé sur la droite de l'Isar, sur une hauteur au nord de
la ville. De leur vMé, Jes Franco-Bavarois avaîcjU répondu h
€ette d<5motislration en délachant le général Miniizzi, qui vint,
avec 5,000 ibommes, camper en face de Menzel l\ PLlsiing, mais
se boi'tia ^ obsener de la les posJlious de Menzel. Celui-ci reala
presque immobile jusque dans les premiers jours d'aoât, el de
de ce cùté lout se borna h des escarmouches, en somme insi-
gnifiantes.
Trenck s'était, h la même époque, porté avec ses pandours,
penfore^^ de SOÛ fantassins, avec 4 pièces de 12 et 2 mortiers,
contre Diessenstein, dont le cbilteau servait de point de rallie-
ment aux partisans bavarois et dans lequel se trouvaient eu outre
Jes deux principaux, chefs de l'Insurrection nationale, le lieute-
fcint-colonel Dreseles et le baron Scliroak, lous deux adver-
saires déclarés et ennemis acharnés de l'Autriche.
Apres deux jours de siège et vingt-quatre heures de ijombar-
deiueul, les défenseurs du château, qui avaient vainement essayé
do forcer l'investissement, durent se rendre h discrétion. Une
Ëlosion de poudre, survenue après la reddition du chiiteau,
it failli coûter la vie k Trenck, qui s'en tira avec quelques
,,. jures, mais dul momentanément quitter son commaudement
toeur aller se faire soigner k Passau.
Bpe fait d'armes et la modération inaccoutumée dont il fit
^^uve lors de la capîlulalion, valurent îi Tronck le grade de lieu-
tenant-colonel, bien (pic le Conseil auliqiie delà guerre n'eût
pas manqué de critiquer la douceur des couditions accordées k
la garnison de Diesseustein, composée exelusivemeol d'insurgés,
de rebelles, qu'on aurait dû, ïi son avis, traiter avec la dernière
fueur.
'ii^'i
MimSAL DES SCIENCES MILTTAIUES.
11 ne restait plus h Khevenhi'iller, aprl'& la prise de Diesscns-
teiri et l'occtipalion de Landau, qu'à, se préparer en vue de I»
reprise des oi>é ru lions. Il enireprit, fi cet effet, une série de
reconnaissances de la position de d'Harcourl, toujours établi à
Alteich-Hengersberg. 11 donna, en conséquence, l'ordre h Bsirn-
klan d'aller camper sur la ligne Gschwend — Meiking, clans
l'espoir que d'Harcoiirt se déciderait à sorlir de son canop et h
venir l'altaqucr, et proposa i^i la Reine l'exécnlion d'une
manœuvre qui forcerait d'Harcourt h quitter ses posilions, 11
conseillait, h cet effet, de détacher de l'armée de Bohême Feste-
Itcs et ses Ooates, de le diriger de Prague sur Bischofteinila
(six étapes), de ih sur Cham cl Donauslauf, pendant que Khe-
ven huiler, h la nouvelle de son arrivée sur ce dernier point,
passerait de son cûté l'Isar. Ce nouveau plan (KhevenhuUer s'y
attendait du reste) n'eut, pas plus que les précédents, le don de
convenir à Marie-Thérèse. Presque exclusivemcnl préoccupée du
siège de Prague et cessant de demander à Khevenhfdler de re-
prendre l'offensive, la Reine lui recommanda seulement d'avoir
roeil ouvert sur les mouvements de d'Harcourt, auquel le t'eid-
maréclial s'était pendant ce temps attaché h fermer la route de
Bohème.
Après avoir t'ait sauter les. châteaux de Diessenstein et de
Bcruâicin, Khevenhiillet', afin de donner des inquiétudes h d'Har-
court, avait résolu de faire exécuter quelques petites dénions-
irations contre les abords de la position de Deggcndorf. Trenck,
quoique ù p'ïine guéri, n'en prit pas moins le commandement de
ce détachement, qui se porta, le 8 août, sur Weissenstein (An).
Le 11 août, le lieuienant-colonel s'engagea à 3 lieues de dis-
tance de Weissenstein, contre des partis appartenant & des com-
pagtties franches françaises, établies au château d'Au, et les
malmena à un tel point que la garnison du château entama aus-
sitôt des négociations en vue de l'obtention d'une capitulation
acceptable, Les Français seuls firent des difficultés, et l'on n'était
pas encore parvenu h se mettre d'accord, lorsque Trenck, informi*r
de l'approche d'une colonne de secours, dont on évaluait la foi-cfî-
h 3,000 hommes, se replia sur le château de Weissenstein et
donna avis de tout ce qui se passait à Barnklau, Craignant tou -
tefois d'être cerné et coupé avant l'arrivée de ce renfort, TrencU-
alla s'établir sur une bonne position en avant du chAteau et par-
LA UlfEURR DE LA SUCCESSION D AUTRICHE.
mi
\inl à repousser une attaque tenlée par les conipagiiiGs franches.
Rejoint peu après par 300 hommes envoyi5spar BârnSilan/frenck,
se coiUetitanL do la leçon qu'il veuail de donner h ses adver-
^Maires, crut plus prudent de les laisser se retirer sïins les in-
^■quiéter.
H Pendant qu'il faisait exécuter ces petits coups de main, Khe-
venhûller avait en vain cherclié à découvrir et à démêler les
Jnt(-ntions de son adversaire, ù s'assurer du degré de créance
<iuil convenait d'accorder aux rumeurs d'après lesquelles le
^Lcomte de Saxe devait succéder à d'Harcourt et le feld-maréchal
^corate Scckendoriî Ji Tôrrin^. La question présentait d'autant
plus d'intérêt pour Khcveuhiiller que les chiuigemenls dans le
<;ommanden]ent ne pouvaient manquer d'exercer une influence
considérable sur les opérations de.s troupes qu'on s(' disposait,
•disait-on, à leur confier. Le grand-duc, auquel Khevenhiiller
s'iilail adressé k cet effet, se contenta de lui dire, par une lettre
-en date du 30 juillet, quts Maurice de Saxe venait de quitter la
Saxe pour se rendre à l'armée de d'Harcourt et de lui conseiller
tle le faire enlever on route.
En Bohèmej le grand-duc François de Toscane, qui, après
avoir fait, dès le 3 juilletj passer le corps de réserve sur la rive
droite de la Moldau, avait été rejoint vers le 15 par son parc de
siège, puis un peu plus lard par différents renforts, disposait
Vers la fin de ce mois d'une armée de3S,000 hommes. D&s le 26,
il transporta le camp du gros de cette armée de Kônigsaa! sur
le Weisse Berg, fit passer les 4,000 hommes que Feslclicslui
avait amenés des environs de Troppati sur la rive droite de ta
Moldau, et procéda h parttr de ce moment à des attaques en
«•ègle contre le front ouest de Prague. L'armée de Broglie, qui
^fcommençait déjà à soufirir du manque de vivres et de fourrages,
^«'étaljlit presque tout entière sur le même front et miiîliplia ses
sorties, qui gênèrent sensiblement, surtout celles des 18 et
22 aoftt, les travaux d'approche des assiégeanis.
La petite garnison de Frauenborg avait capitulé dans l'inler-
valle, le 217 juillet. Mais, tandis que le siège de Prague (rainait
en longueur, tandis qu'on n'arrivait pas î\ faire naître en Bavière
l'occasion de porter îi d'Harcourt un coup décisif, on avait reçu
k Vienne et aux quartiers-généraux du grand-duc et de Kheven-
hûUer, la confirmation d'une nouvelle à laquelle on s'étnit refusé
mi
jOtTHMAL DES SCtEXCES UILIT AIRES.
cl croire dans le princrpe, cdle d* la marche vers la Bohéoie de
l'armée de Westphalie du maréchal de MiûUebois*
Le 10 juillet, après l'insuccès définifif de* négociations qu'on
avait tenté de nouer avec l'Autriciie, le cahitiet de Yei'sailles
ayatl, nous l'avons dit, commencé par donner l'ordre confiden-
tiel h d'Harcourt de tout disposer pour ramener son corps en
France. Quelques jours après, on avait changé d'idée. On avait
voulu reprendre t'offensive et ordonné à cet eltet îi Broglie d*;
sortir de Prague avec sa cavalerie, d'opérer sa jonction avec
d'Hareouj't et d'atlaquer RhevenhaHer avec toutes les troupes
réunies entre Hengersberg el Plattling. Enfrn» qu&lques jours
plus tard, on avîtit définitiveuient adopté un autre plan, dont lî_
paternitt' pourrait bien être attribuée au marquis de Féneloti,!
représentant de Louis XV k La Haye. Fénelon, garantissant ài
roi la neutralité compli>le de la Hollande, soggêra l'idée tle
pousser sur ta Bohème l'armée désormais disponible de Mairie-
bois, Désapprouvé par Fleury, ce projet agréa au roi, qui espé-
rait que la nouvelle &enle de la marche de celle année suflirail
poui' amener TA u triche k accepter les propositions qu'il lui
avait l'ait faire sans succès.
Le 26. juiitel, un expédiait h Maillebois ses ordres dfrmoirïf-
nient elj le 2 août, Louis XV écrivait à l'empereur pour lui faire
part de la résolution qu'il venait de prendre.
L'objectif donné îi Maillebois était EVague, elj pour être fili
sûr de la réussite de ce plan, dont l'idée générale avait ét*^ fiîi^'
par Louis XY lui-même, Maillebois devail commencer par se^
faire rejoindre par le corps en position sur le Danobe, D
jonction devait, pensait-on, s'opérer dans le Haut-Pablinal.
ne se dissimulait pRs les difficultés de la tâche încombunl i
l'armée du Danube, et, corarae on ne croyait pas à Versitilles
que d'Harcourl possédât les qualités nécessaires pour exercer li'
commandement dans des circonstances aussi délicates, on ;i\'3i'
décidé de le remplacer par Maurice de Saxe, qui arriva à Niod''T'
Alteich le 5 aoftl. A peu près h la même époque, le feld-niflf'^
chat comte Scckendortt succédait à Torring h h tète des iroope^
bavaroises et palatines, qu'il rejoignit seulement le 21 août.
Dans les insiir actions qm Louis XV fit adresser k Mailicb^i''
le roi le laissait libre de choisir comme point sur lequel s'opé-
rerail la jonction de son armée et de celle du comte de Saxe,soil
lA Q€ERRB EUS LA SUCCESSION & ALiTRIGllE.
^5
^
^
ijrnberg, ssoit PiUcri. Envisageant le cas où Prague aurait
ouvert ses portes avant l'arrivée de Mrtillebois en Bohême, It*
roi orJounaiî une retraite générale de ses armées vers le Rhin,
e comte de Saxe remontanl le Danuba et Maillcbois marchant
par la Haute-Franconic sur Spire.
Le roi prescrivait d'autre part à Maurice de Saxe de rester
sur la défensive en Bavière et de procéder, lotit en continuant
de couvrir le Haut-Palatinat, h l'établissement de dépôts et de
magasins de vivres datis les pays qu'il aurait k traverser pour
tttieT se joindre à Maitlebois.
UH son arrivée k Allcichj Maurice de Saxe inspecta miiig-
tieusement les camps français, porta remède aux inconvénients
qui lui parurent Iciî plus graves et les plus pressants, rwonnut
Une position aux environs de Deggeiïdorf et alla conférer à Plat-
tling avec Torring, en vne surtoul d'assurer la protcctioiï de
sa ligne d'étapes d'Ingofstadt h Amherg. he maréchal bavaro-is
lui deujatida en vfiin de mettre 3,liOO hommes à Ingolstadl, 3,lX)0
?* Straubing et 1000 à Nuremberg, Kehlbeim et Donauwôrth.
Waurice de Sa\(.' lui déclara f]u'i! no iHisserail de troupes fran-
<çnises qah Ingolsiadt; que, du reste, dès que les dam armées
françaises auraient opéré leur jonction, KhevenhSileTj loin dé
rester en Bavière, serait obligé de serrer sur l'armée du grand-
^DC et que, par suite, l'armée bavaroise serait, à elle sente,
assez forte pour couvrir les États héréditaires de Charles Vil.
Maurice de Saxe fit tenir en même temps à d'Estrées', h Eger,
tes dîsposîtiouiî qu'il importait d(' prendre pour proféger la
fetare ligne d'étapes. Il lui prescrivît d'envoyer à cet effet quatre
bataillons de roiUced'Kgerh Amberg, point vers lequel il dirigeai
les isolés et les convalescents, an nombre de prt-s de 4,000, pro-
venant de ramiée de Broglie, ainsi que les e^nscnts el les chc-
vrnis de reirionle rassemblés jusque-là dans an camp près ete
Nuremberg, et qu'on devait encadrer et exercer k Amberg.
Pendnnt que Maurice de Saxe déployait une activité h laqnelle
rarmée du Danube n'était pîis habituée, l'armée ée Aïaillebois
arait quitté les environs de JDiisseldorf le 9 avril, passé le Rhin
' D'EstJYcs i'i;ftis& d'envoyer à Amlieig lus quatre liatailloiis de niilicti et
Sl«nrice de Saîre h's remplacu par une compugnie (rancht; tirée du camp de
PQrtli.
296
JOURNAL DEâ SÛlËNCfiS MILITAIRES.
îe 10, îi Cologne, et continué sa marche en qimfre échelons se
suivant h un jour d'intervalli;. Elle arriva sans Irop grande perte
de temps à Biebérehrcu, où le maréchal recul enfin les inslruc-
lions de la Cour.
KhevonhùUer apj^^irir presque en même temps que, rarHvée de
Maurice de Saxe ît Alleich, la décision prise par Louis XV
à regard de l'armée de Maillebois, résolution dont on lui fil
donner communication aux environs du 10 août par Gundel,
le cliargé d'affaires d'Autriche à Paris, el qui lui fui de plus
envoyée de Francfort par Cobenzl, de Bruxelles par lo comte
Harrach.
Ne sachant pas queTarmée de Alaillebois avail déjà commencé
son mouvement à celle date^ il considérait encore celte nouvelle
comme un simple moyen d'intimidation ii l'adresse de rAutriche.
L'arrivée de Maurice de Saxe le préoccupait davantage. Et,
bien que le général français prit des mesures qui semblaient ré-
véler plutôt ta préparation d'un mouvement rétrograde, il n'en
renforça pas moins de trois bataillons el de quelques cavaliers
ses troupes de la rive gauche du Danube. Enfin, ce qui l'alarmail
par*dessus tout, c'était te choix de Seckendorlï, « non pas comme
il récrivait au grand-duc, à cause de ses talents conome général,
mais surtout h cause de son esprit d'intrigue, du fait qu'il reve-
nait de Berlin el des cours de différents princes de l'Einfiire, chez
lesquels Dieu sait ce qu'il a pu machiner w ',
Marie-Thérèse, il faut bien le dire, avait accueilli avec le môme
septicismeet la même incrédulité que Khevenhiiller les premières
nouvelles de la destination donnée k l'armée de Mailleboif^, Elle
n'en reconnut pas moins la nécessité d'aviser au moyen de réunir
au plus vite une armée dans tes Pays-Bas autrichiens.
Aux â5,000 hommes que la Reine y avait depuis longtemps,
étaient déjà venus s'ajouter 16,000 Anglais. Un conlingeiU de
6,000 hommes à la solde de l'Angleterre et Tarmée hanovrienne,
forte de 16,000 hommes, avaient, peu de temps auparavant, reçu
l'ordre d'entrer dans les, Pays-Bas, oii la Reine n'allait pas tarder
à disposer, par suite, de 60,000 hommes. 11 ne fallait plus,
pour pouvoir commencer les hostilités presque immédiatement.
' Kritys ArclUc {Feld-Acteu Bavière), F. M. comte Kliuvenbùlter au grand-
duc François. Camp de Pleinling, 17 aoât 17^3.
LA ÛU£HRË tm L\ £UGGE;$SIO.\ D AUTRICHE.
297
W.
que l'Angleterre raontràl un peu de boQ vouloir à Marie-Thé-
rèse, sûti alli«5e.
La Reine s'en ouvrit de suite îi Robinson, l'anibassadeur d'An-
gleterre ft la Cour do VlennCj en môme temps qu'elle informait
de ses démarches Wasner h Paris, le duc d'Arcnberg, i;om-
niaridanl de l'armée des Pays-Bas, et Ruschach, son miiiislre
k Francfort. Il convient de dirCj du reste, que, pour se tirer d'af-
faire, elle coniplail moins sur le concours de TAngletûrre que
sur le résultat prochain des opération.^ de Bohômc, sur la capitu-
lation do Prague el enfin sur un échec significatif infligé au comte
Je Saxe.
Ce fut dans ce sens qu'elle écrivit le IS août h KhevenhilHer
et, pour le mettre plus h. même de battre complfctement Maurice
de Saxe, elle le prévint qu'elle avait ordonné au conseil aulique
de la guerre de le renforcer îi l'aide de ce qui restait encore de
troupes disponibles ii rîntérieur de la monarchie',
Khevenhiilier n'avait pendant ce letups cessé de molester son
adversaire par une série de petites entreprises dirigées contre
nés flancs.
11 avait également obtenu gain de cause, au moins en ce qui
avait trait h l'une de ses propositions, et Ton avait fini par se
décider h préparer la destruction de certains points de la roule
allant de Deggendorf en Bohême.
Marie-Thérfese venait k peine d'expédie^r sa dépêche du \o,
par laquelle ^clle pressait une fois de plus Khevenhiilier d'atta-
quer son adversaire, lorsqu'un changement inattendu se pro-
duisit dans la situation des deux armées,
Profitant d'un épais brouillard, Maurice de Saxe avait fait
décamper son corps lont entier dans la nuit du 19 au 20 aoiH et
réus&i h l'amener, sans qu'on eût remarqué son mouvement, sur
la position qu'i! avait choisie près de Deggendorf. Ce fut te
malin seulement qu'on s'aperçut de son départ, lorsqu'on cons-
tata qu'il n'y avait plus personne au château de Win7.er.
Khevenhûller fil aussitôt prendre les armes à toute son armée
et chargea Barak l au de poursuivre les Français. Malgré toute la
' Kriegi Arehîv [Feld-Acten Uavièie), u" 174:2. Marie-TIiérèsfl à Klieveii-
hiitler, Vienne, 18 août 17i3, VIJI. Et Comeil auliquQ de lu guerre, au
mime, Nieane, 3S arrit 1713. Vtll. 10
298 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIKES.
diligence qu'il fit, il parvint d'autant moins à inquiéter la retraite
de Maurice de Saxe que, non content de couper et de barrer les
routes à l'aide d'abatis, le général français avait dé plus fait
élever de iOOO en lOCO pas des redoutes dont la prise coftta pa«
mal de temps aux Autrichiens.
Rhevenhûîler avait entre temps fait occuper l'ancien camp des
Français, relevé le pont de Pkintrng et ordonné d'en jeter un
à hauteur du couvent de Nieder-AIleich.
Le 21, son armée remonta le Danube par les deux rives jus-
qii'îi Osterhofen et Winzer; le 2^, on s'occupa du piquetage d'un
nouveau camp, d'un côté du Danube, entre le couvent de Nieder-
Alteich et Hengersberg, de l'autre entre Plerndorf etAicha qu'on
relia par deux ponts.
L'armée de Khevenhûller s'y établit le lendemain. Mais dès
le 23 au soir, à la nouvelle de l'arrivée de Seckendorff qvte Fui
apporta un déserteur bavarois, pendant qu'il reconnaissait la
nouvelle position des Français, le feld-maréchal, craignant que
le nouveau commandant en chef de l'armée bavaroise ne voulût
sans plus tarder tenter quelque opération contre lui, crut plus
sage de renoncer pour le moment à son mouvement projeté sur
Deggendorf et de recommander h son aile gauche de redouWer
de vigilance, et de se tenir prête à tout événement.
Major Z...
(il conlinuer.)
GUERRES DANS LES ALPES'
(hierre de la Succession d'Autriche.
(Fin.)
il il. — Bataille de F Assiette.
lieptth la fin de Tannée 1746, les Franco-Espagnols sont
enfermé;* dans Gênes; les Austro-Sardes ont investi \n place e(
en font le siège.
Dans le courent du mois de jain 1717, le maréchal de Belle-
Isle, comm^indant k's (roupes snr le V;ir, forme, de concert avec
son Frère, le chevalier de Belle-Isîe, lo projet d'une diversion
par la frontière du Danphiné, sur Exi lies ou sur Bemonte, Ce
Jjfojet csl accepti^ par L;is Minas cl a^réé par la coxr de France.
L'objectif choisi est la forteresse d'Exiîles, après discussion,
cependant; car on se souvenait encore de l'insuccès de M< de
l^a Qtree en 174S, On espf^re ainsi faire lever le si^ge de Gènes.
Pre^niers mouvempnts dm troupes, de Sdinf-Miirtm-de'Ltm-
^o^çiig /f QiiUtt;iire, — 20 balailloiis ; 18 français e! 2 espagnols,
*^<5tachés de l'armée du Var, se concentrent d'abord Ji Lan-
^osque, ponr remonter ensuite dans le Danpiiiné en quatre
*^olounes : la première, Forte de S bataillons, arrive fe 29 juin h
^*^li'/Àéas; irouvaiit le col du Lanzanier trop manvais, elle passe
^*^ t'iémont par le col de Pourriae, eolève un poste de 40 moula-
^'lî^rds et rentre en France par le col de Iiargenli^^e ponr vf^nir
*^^Htper a Larche, le 8 juillet; la deuxième, comptant 4 batail-
lo
ïis, part le 30 juin, franchit le cot du LauzanJer et arrive k
Voir les Tnrraisoiis de 1902 Pt celle de janvier I90S.
300 JOUHSAL DES SCrENCEhi MiLlTAIRES.
Larchc le 9 juillel; la troisième, composée de 4 hataîllons, arrive
le 10 juillel, après huit joui's de marche, à Jausiers, par Rou-
/.iéas et le col de Pelouse; la qualriènie.'î baladions^, partie !p 1,
arrive, par le même itinéraire, \ï Jausiers le 12 juillet, l«
troupes avaient eu h soutî'rir du mauvais vouloir des habitants
de la vallée de la Tinée.
Depuis un mois de grands préparatira étaient faits à Briauçon,
Mont-Dauphin et Tournoux ; on espérait laisser le roi de Sar-
daigne dans l'incertitude au siijel de l'objeclif de l'expédition ei
l'amener h partager ses forces entre les places de la Dora et ili^
la Stura; 40 pièces de gros calibre étaient déjà réunies au pare
du plan de Phazy; M. d'Aultanuc, gouverneur de Tournoiix,
taisait réparer les chemins du col de Larchc cl du col deVars.
Le chevalier de Belle-lsle, arrivé le 10 & Tournoux, apprend que
les Austro-Sardes ont déjîi levé le siège de Gènes; d'après les
renseignements fournis par M. d'Aruaidt, gouverneur de Briati-
çon, il apprend aussi que les Piémontais font de grands Iravaiix
surleconlrefortdel'AssieUe; il est également informé qnelavall«c
de la Stura est faiblement occupée, ce qui lui permet de jiifÇiT
que les ennemis n'ont pas pris le change sur le double obJGCii'
avoué du projet de diversion, H marchera néanmoins surExilles,
Mais il perd deux jours k Tournoux, d'où il ne repart que le 11
pour se rendre k Guillestre. Les 30 bataillons, aprî-s iivoif
campé le 11 à Vars, descendent le V2 îiGuillestre.Le 13, séjour;
le chevalier attend une lettre de son frère. D lient un cousoiN""
guerre. En cominunifjuant les renseignements reçus sur les posi-
tions et les mouvements des ennemis, il exprime des craiiilfi»
pour son entreprise; il décide, néanmoins, qu'il y a lien i'*"
marcher sans plus tarder. Sa décision est conGrmée par lii
réponse du maréchal, arrivée le 14^ portant approbation défini-
tive de la diversion, de la part de M. de Las Minas.
Dispo&àioHîi H IraiYtiLT des PiémoHtais. — Le roi de Sar-
daignCj Charles-Kmmanuel IIl, a un service de renseigneiiaiiils
si bien organisé qu'il apprend dès le 3U juin, vingî-q^a'""*'
heures après, les inouvementiî des Friiiirais dans la Tinée; ii sst
tenu au courant, au jour le jour, de la position et de la force de
nos colonnes et même des décisions dos généraux. Ainsi ren*
seigné, il n'a pas pris le change sur les mouvements de rîti'i'l-
f
^P^l^ll^riançon sur Mont-Dauphin el l'appArition de 9 batail-
lons au col de Largentière. De plus, (Tatguanl (leti pour les
vallées de la Stura el do la Vraita avec les travaux fitits depuis
1744, il consacre tousses soins k celles d'Exilles el de Fenes-
trellc. Cependant, il esl un peu surpris, car ses forces sont dissé-
minées ; i! Il 13 bataillons au siègf; de Gènes, 16 sur les
fciontagnes de la Ligune, des garnisons dans ditîérenles places
"loignéps; il no lui reste que [(uelques balailtons et sa cavalerie
comme troupes disponibles.
Pour garder Exillcs, il faudrait occuper les hauteurs deSaint-
Colonihan, la montagne des Quatre-Donts, la Bru nette, Chau-
mont el les hauteurs de l'Assiclte. Pour garder Feneslrelle, il
faut s'établir sur les hauteurs de l'Asisiette et au col de Ses-
IritTes. N 'ayant pas asse?. de Iroupes pour les diviser, Charles-
Kni manuel donne l'ordre au comte de Bricherasio de faire
fortifier le plus vile et le plus solidement possible les crêtes entre
le col de l'Assiette cl le col Seran ; cette posilion, très forte, cou-
vrira en même temps Exilles et Fenestrelle ; elle ne peut être
tournée. eHe couvre les communications et la ligne de retraite
^ur la Brunette, sur Fenestrelle et sur le camp du Pré-Catinat.
Ba cavalerie surveille les débouchés entre Coni et Saluées, et
consume les vivres de la région. Tous les approvisionnements
prouves dans les villages voisins du mont Genèvre sont emportés
BSuso et h Fenestrelle. Des milices et des Vaudois sont postés k
aainl-Sioaire, h Chaniplas, aux cols du Pis, de l'Albergian et de
Saînl-Martîn. 2 balaillons vont d'abord camper sur les crêtes de
l'Assiette; les hommes de ces bataillons, aidés de 1200 monta-
gnards, commencent, dès les premiers jours de juillet, des tra-
vaux très importanls f]ui sont poussés activetisenl jour el nuit.
Les ouvrages couronnenl les hauteurs diftlcilement abordables
qui s'étendent de la tête de l'Assiette au col Seran, Le front est
formé par une teuaiîle construite à la tète de l'Assiette, dont les
parapets, en roches el fascines, ont 18 pieds de hauteur; la
tenaille se relie par deux lignes parallèles, hautes de 6 k 8 pieds,
formant chemin couvert avec places d'armes, à la redoute cen-
Irale du plan de l'Assiette ; de chaque côté de celle-ci s'éten-
dent deux branches longues de 400 k 600 toises, formant crochet
en arrière et terminées par deux redoutes très solides, hautes de
16 pieds : ces deux branches couvrent le campement du plan de
303
lOUBXAL PES Sf:iKMC«S MlLITAi&ES.
l'Assiette. Celle première partie des ouvrages est tlanquée &
droite par les redoales des ruines de Riobaccon et à gauche iJâj"
des tranchëes k crémaillère. Deux lignes de relrancliecnenls
parallèles relieûl les redoutes de t'Assielte à l'ouvrage Ir^s solide
du Seran, enveloppant ainsi le campement des Gramniit la Ugue
de droite est ronforcée par deux redoutes, celle de gauche par
la redoute de Cérogne: elles uni loules les Irois de lo à 1$ pkdfi
de hauteur.
Le roi de Sardaignc ne peul, pour le moment, réunir plus de
10 liataillons de ses Iroupes. Sur sa denmndf., -i Ivalaillons -aulri-
< [liens, aux ordres de Coltoredo, viennent du Milanais el cam-
\teni provisoiremeJit à Pignerol. Le sitge de Gènes ayàoî été levé
le 7 jtiillcl, il rappelle 10 balailîons du corps d 'in vesiis.se ment
(ces derniers irarriveronl pas pour îe 19). Les 4 bataillons de
Olloredo ne (ardeut pas à monter k rAssîelte ; ils sonl rem-
placés h Pigoerol par 3 autres venus de Coni et Borgo-Sau-Bal-
maz/wo; les 4 régiments de dragons remoulent vers Feneslrelle.
Charles-Emmanuel éprouve de graves isiquiétudes en appre-
nant pai' ses espions que, le 15 juillet, rarmée française, forte
de 30,000 hommes, se porte vers la frontière; il ne peut dis-
poser pour le moment que de 7,400 hommes.
M-out'etmnis des Frimpais ilu iimt iSjmlkt. — Le 14 juillet,
Tarmée. complélée par des balatllons pris dans le Dauphiné, se
met en mouvement ■ 1" La colonne de droite, commandée par
M. de Villemur, comptant 14 bataillons avec 4 catious de moa-
tagne, va camper le 14 à Arvieux, le 15 à Cerviores, au elle est
renforcée dos volontaires de Gantf^s venus de Brianron; l'avant-
garde se pûi'te au Bourget et au col de Bousson. Le l(i, l'avant-
garde arrive à Gharaplas-du-Col el refoule les Vaudois; la
colonne s'avance h Bousson et KouUières par les cols Bousson et
€habaud; deux diHachemcnls sont euvoyés, l'un au Sauze de
Césanne;, l'autre îi Thures, pour observer les vallées do Largen-
tière el de Thures; un poste a été laissé au col Bousson pour
garder les comraunieaHons avec Cervières. Le 17, l'avanl-garde
franchit le col de ëestrif>res, repousse .^00 Ei 600 Vaudois poslês
à JosaeauîC, qui se retirent aux cols du Pis, de l'Albergian, de
Côte-Plane el h Fenestrelle, el s'avance jusqu'aux Traverses el
h PatUeniouche; ta colonne vk camppr nu Duc el à Chaxal; un
OUfiRRCâ DAJSS LES ALE'ËS.
3i)a
iéladiemcnt va occuper le pic de l'Aigle, sur la gauche, dans la
direclioti du col du Bourget»
â*» La colonne da cfiiitre, commandée pai' Je cheviUier de
Relle-IsJe et M. de Mallly, forte de 13 lialalllonsj 5 escadrons,
avec a canons de campagne et 3 pièces de montagne, va camper
le 14 Ji l'AbeÈsée; k m(injejour, Bello-Islc se rend îi Briançon
[avec 9 compagnies de grenadiers, les dragons et les 3 canons
de montagne, pour donner les ordres à M, d'Arnault, qui doit
commander Tavanl-garde do ki colonne; le 15, ravanl-garde,
comprenant 3 compagnies de grenadiers, 6 bsilaillons pris h
Brianroa et les 3 canons, passe le col du raonl Genî'vre, descend
;\ Césanne et monte sur le plaleim de Saint-Sicaire, d'où elle
chasse le poste des Vaudots; la colonne campe à La Vachette.
Le 16, Tavant-garde s'avance à Oulx el envoie des; postes au
Sastze d'Oulx, à Jouvenceaus et au pont Ventoox, qui est
rt'labli; k colonne arrive à Césanne.
3" Une troisième colonne, coraraand(!e par M. d'Escars, comp-
lut 6 compagnies de grenadiers et 6 piquels prélevés sur les
6 bataillons stationnés à Briançon, passe^ le IS juillet, le col de
rÉchelle et arrive à B^ardonuècbc, où elle est renforcée de
i3 bataillons espagnols, venus par le col de la Roue, environ
500 hommes ; le Idj, elle monte à Rocheoiolle par le torrent de
Valt'roide ; le 17, elle fuit séjour îi Rochemolle. Cette colonne
(levait se porter sur la monlagne des Quatre-Denis, position d'où
elle couvrirait sur la gauche les opérations ]>rojelées contre la
forteresse d'Exilles. Un seul bataillon ennemi gardait Saini-
Colomban, La Touille et La Chapelle- Blanche. Mais on va voir
que le premier projet sera changé; l'cuuemi occupant les hau-
teurs de l'Assiette, il faut, avant d'entreprendre le siège d'Exilles,
se rendre maître de ces hauteurs. Les relations françaises et
ilaSiennes tie disent rien des mouvements de cette troisième
colonne après le 17 juillet.
Arrivé à Césanne, le chevalier de Belle-lsle apprend que les
retraûchements de l'Assiette sont déjà très forts, qu'on y tra-
vaille toujours et que, sous peu, ils seront défendus par 18 batail-
lons. Il envoie au comte d'Argenson, ministre de la giierrej. un
rapport dans lequel U lui fait part de ses appréhensions. Au lieu
de marcher directement contre Exilles, il se voit dans la néces-
304
JOCnitAL DBS SCIEKCES MILITAIRE».
site d'atlaquer les hauteurs de l'As^^ietlc, dont il sa propose (i«
faire lui-même la reconnaissance le 17 juillet.
Le n, Favanl- garde tout entière est répartie dans les trois
postes de Jouvenceaux, du Sauze d'Ouls et du pont Yenloux; la
colonne s'avance à OnI\. Sous la protection des grenadiers et
des piquets, Belle-lsle, d'ArnauU, de Mailly montent an col da
Bourgel. Un épais brouillard couvre la montagne. Les grena-
diers ayant refoulé tin poste ennemi, BoUe-IsIe peut s'avancer
jusqu'au col de (idlc-Plane: li, il est surpris par un orage de
neige et de grêle ; désespérant, peut-être un peu trop vite, de ne
rien voir, il redescend sur Onix h une heure de raprfe-inicîi.
C'est de ce village que, malgré une reconnaissance incomplète,
sur les judicieuses propositions de Bourcet, î\ envoie à M. de
Villemur l'ordre de faire marcher, le matin du 18, une avant-
garde sur le co! du Bourget et d'aller prendre position avec k
gros de sa colonne sur les tlancs de la montagne, entre Feiies-
trelle et le col de Fatti(?res; M. d'ArnauU doit, avec son avanl-
garde, partir k 2 heures du matin ponr rejoindre celle deVii-
leraur au col du Bourget : les deux avant-gardes réunies r»;ir-
cheront contre les ouvrages de l'Assiette, que le chevalier
attaquera p^r la gauche. Bourcet estimait que, pour s'emparer
des lignes de l'Assiette, il fallait seulement faire une démonstra-
tion sur le front cl le liane droit des retranchomentsj jugés inex-
pugnables h cause du manque de grosse artillerie, et tourner
avec la plus grande partie des troupes la position sur la gaucbe»
en s'emparant des cols de la Fenêtre et de FatliÈres.
A S heures du soir, Villemur fait répondre que la longueurs'
les difticullés de la marche ordonnée ne lui permettront proba-
blement pas d'arriver en un jour au point indiqué, qu'il n'y»
réellement que 9 bataillons ennemis dans les ouvrages, et qu'il
y a encore 4 bataillons h Fenestrelle.
iS juillet. — Le projet d'attaque établi pour le 18 est moiliSt'
le soir même du 17. Belle-lsle, voyalit que les Piémontais n'onl
]ias encore reçu des renforts considérables, espère avoir le temps
de les prévenir el de les battre en retardant l'attaque d'un jour.
Il décide que la journée du 18 sera employée seulement à ra|i-
procher les troupes et ît monter les canons. En effet, l'avant-
garde de M. d'ArnauU, comprenant 14 compagnies de grena-
GUERRES DANS LES ALPES.
30'
1
<Jiers, 12 piquets el 3 canons de montagne, monte le 18 au col
du Boiirget; elle est rejointe par celle de M. de Vilîemur; îes
iltHiït avanl-£fardes marchent ensuite sur Côte-PJane; le gros de
colonne de Belle-Isle monte par la forêt du Sanzn d'Oids,
hassant les Piémonlais abrités derrière des abalis, el arrive sur
in crête; !a colonne de droite y arrive également ; toutes les
Ipoupes campent à Côte -Plane, couvertes par des avnnl-postoâ'
dans la direction de l'Assictle. MaÎK les 7 canons de montagne
senlcmeiit oiU été amenés: les pièces de 4 longues, r|iiî auraient
rendu de fjrands services, ont été laissées en route. Un détache-
ment garde le camp d'Ouk; un autre reste dans le fond de îji
vallée du Chisone, aux Souchfcres-Bas.ses, pour garder le col de
^fiestrières.
If Dernières âhpQsiliQm dea Piémontais, — En appreuatit la
marclie des Français, ïe cnmte de Briclierasio envoie en recon-
naissance des olficiers chargés d'observer minutieusennenl les
mouvements de ses adversaires. Il connaît ainsi h chaque inslant
la position el l'elïectifde nos Iroupes.
^Pour tenir tête à 20,000 Français, il n'a que T.iOO hommes
Ous la main, et pas un canon; les bataillons appelés de Gênes
ne pourront pas arriver en temps opporton, même à marches
^jbrcées ; les retranchements ne sont pas achevés; 7,400 hommes
Seront k peine sulïisanls pour les fçarnir, et il faudra il occuper
"d'autres points pour éviter un investissement: il n'y a pas d'ap-
provisionnemetit.s de vivres etde munitions. Abandon iior lesrelrfiii-
ehements, c'est céder une positiori trfes importante aux Français
qui pourront ensuite facilement s'emparer d'Exilles, do Fenestrelle
et même de Suze avant l'arrivée des secours. Ayant tout consi-
déré, le comte de Bricherasio, homme énergique, t'ait occuper
Jes ouvrages, déterminé ît s'y défendre h outrance.
Il aurait certainement perdu ses positions s'il avait clé attaqué
dans la matinée du 18, suivant le premier plan du chevalier de
Bello-Isle. Lo 18, en elfel, les Français sont h Côtc-Plane. el Bri-
cherasio n'arrive h placer toutes ses troupes que dans la soirée ; il a
encore le temps de faire monter 3 hataillons de Fcnesirolle. 1 ba-
taillon est placé dans la tenaille de la Télé de l'Assielte, i hataillon
au, plan de l'Assiette, 2 bataillons aus lignes du plan des Grammi,
â bataillons en réserve entre ce^ lignes, 1 bataillon enlre ce plan
J. dftSc, mil. 10" S. T. XVtl. y — ■ SOi
306
JOUHNAL DES SaiBKCBS MIUTAIBBS,
et le Seran, S balaillûns h la redoute du Graud-Seran; à l'exlif-
rieur, 1 balaillon au col d'Orgueil, 1 bataillon au col du vallon
des Morls, 1 bataillon h la Valette. I balaillon aux cols de Faî-
tières et de la Fenêtre; un dernier balaillon appelé de Suze ne
devait arriver que lo 19. Les 9 bataillons de l'Assielte sont campés
ea deux, groupes : an plan de rAssietle et au plan des Grammi ; des
avant-postes surveillent les crêtes dans la direction de Cûto-Ptane.
Dans la nuit du IS au 19, h 3 heures du malin, Talarme est
donnée dans les camps : les Iroupes vont oxîcnper leurs emplace-
ments de combat; mais ce u'élait qu'une fausse alerte.
J 9 juillet. — Les Français échouent à r attaque des reir(mchf-
ments (ff l'Assiette. — Le 19 juillet, à 5 heures du matin, Belle-
Isle cherche h reconnaître les positions et les ouvrages de l'en-
nemi; les avant-postes de la droite ayant été repoussés, il se rend
compte de l'importance considérable des retraiicbemeiits dont il
ne peut cependant voir qu'une partie.
Il donne ses ordres ot dispose ses Iroupes en trois colonnes
d'titlai[iie : celle de droite, conduile par M. de Villcmur, marchera
par le flanc de la montagne, hors de la portée de la mousijue-
torie, sur le col Seran, que Beile-Isle croit faiblement occupé;
celle dn centre, aux ordres du chevalier et de M. d'Arnault> atta-
(juera la len.iilie de l'Assielte, de iVûnt; celle de gauche, com-
mandée par M. de Mailly, se dirigera contre la branche de droite
et les redoutes de Rjobiiccun. Les colonnes du centre et de gauche
s'approchent h 300 on 600 mètres des ouvrages, après avoir
repoussé une grand'gardc ennemie, postée sur un monticule, eii'
avant de la tenaille., puis s'arrêtent; les 7 cnnons de montagne
ouvrent alors le feu sur la tenaille, mais sans produire aucun elVet.
Belle-Islea calculé que la eoïonne de droite n'arriverait pas avant
4 heures de l'après-midi. Il est midi, A ce moment, les Piémonlais
reçoivent un bataillon de renfort.
A4 h. 1/4, Relle-Isle estimant que la colonne de droite est
arrivée, donne le signal de l'attaque. Colonne de gauche ; M. de
Mailly la partage en deux groupes; le premier, précédé d'une
avanl'garde, s'avance vers le rentrant ; mais Ta va rit -garde n'a
pas fait cent pas qu'elle est écrasée entiôrenienl par des feux, du
front et de flanc; uu bataillon la remplace, il subit le même sort;
le deuxième groupe parvient li passer entre les retranchements
tltîEIl«ES DAW T.ES ALl'Rïi. 3ÛÎI
[et ta redontede Iliobacron, d'oiiil chasse les Pîémontaisquisoal
Ireciroinis par fc bataillon de l'Atp d'Orgueil; une nouvelle
poussée ùih arriver les troupes en masse an pied des retrîinche-
menls, mais elles sont écrasées par une décharge meurlri^ft*.
M. de Mailly bal en retraite, pour ne ])as lai&seï' anéanlir toufe
sa colonne; il parvient h rallier h pou près 400 homniea qu'il
forme en ligne, sur doux l'angs seulement, hors de la portée de
la mousqueterie ; an montrant ainsi une ligne d'un Iront étendu,
H il espère an moins tromper l'enncmî sur les torces qui lui restent.
Colonne du centre: 7 bataillons. Rassemblée d'abord en arrière
du monticule occupé par li\ battcriOj cefte colonne débouche en
IcJeuK groupes qui s'avancent h une allure rapide et parvieuneni,
fcn un bond, au pied de la t*»iiaill«. M. d'ArnaQlt ayant été tué,
ïes soldats reculent; Relle-Isle réussit h les rallier et à tes rameiiPr
contre les retninchcments; ils s'eiïoreent d'arracher les fascines
etd'escalad'er les parapets; mais c'est en vain : ils n'ont ni outils
ni (échelles; les Piémontais les fusillent à bout portant ou les
assomment a coups de pierre. Fielie-Iale, bless<^ d'abord au brus,
^kn'en continue pas moinsîi animer ses troupes; mais il est bienlôt
tué. Tous les efforts les plus énergiqu^^s sont inutiles ; il est im-
possible d'escalader la redoute. Le terrain est jouché do morts et
^Hie' blessés. ApHJseinq assauts infructueux, M. d'Andlau fait baUre
ta retraite. M. de Mailly, h qui revient !e commandement en l'ab-
sence de M, de Villcmur, accourt et parvient h rallier les débris
de la colonne.
Troisième colonne de droite. L'attaque dont cette eolonne était.
chargée devait être décisive, si les nioiivemenls avaient éÈé pins
i^pides et plus énergiques. Au moment où la lutle était le plus
^'ive à la Tète de rAssielte, vers 6 h. 1/2, la coJoim^î arrive au
■pied de la redoute du Grand-Seran, qu'elle essaye par (rtiis fois
<i*emporter. Bricherasio, jugeant avec raison que le col Seran
«si la clef de sa ])osilion, appelle sur ce point 4 bataillons tenus
•^n réserve; il envoie même au général qui commandait k. l'As-
sieltc Tordre d'abandonner la tenaille et de venir à son aide;
mais ce dernier n'exécute pas l'ordre reçu et empécbii ainsi les
l'rançais d^e pénétrer dans les retranchements de l'Asisiette.
\illeninr, n'ayant que 7 bnlaiîloms Ji fnire marcher contre des
ouvi-ages solides défendus par des forces maiiilcnaiU égales, fait
ballre la retraite; il se retire en assuE bon ordre dans la diree-
i
308
lOUHNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
lion de C6te-Plane. Revenu nu point de départ, où il apprend la
mort du chevalier de Belle-Isle et l'insuccès général des attaques,
il prend le commandement et raroÈne sans retard les Lronpcs
sur le plateau où elles avaient rampé la nuit précédente, laissant
une forte arritre-garde pour relever les blessés et contenir tes
ennemis; vers miuiiil, il replie l'armée au col de Côle-Plane. Les^j-
Piémonlais n'engagent pas la poursuite. fÊ
Les pertes de la journée étaient grandes : il y avait en 94 offi-
ciers tués et 331 blessés, el plus de 4,S00 hommes hors de
combat; M. de VÎMemur évaluait le nombre des soldats lues
à 1400. Les pertes les plus considérables ont été subies par la
colonne de gauche, qui avait marché dans un rentrant sous le
feu de lignes trfes étendues, sur un terrain en pente dépourvu
d'abris. Une grande partie de^ blessés est relevée par les troupes
de rarrière-garde; ceux qui étaient trop près des ouvrages son!
recueillis par les Sardes, d'après une convention. Le corps du
chevalier de Belte-lsle, déjN dépouillé, est rendu aux Français
pour être inhumé provisoirement dans le ctmetîcre d'Oulx.
Les Austro-Sardes n'ont perdu que âÛÛ hommes.
Retraite de i' minée française. — Organisation de nomt
positions dans le Btiançoimaù .^-he 20 juillet, les 13,000 hommes
restant des 20,000 qui avaient pénétré en Piémont cinq jour?
avant se retirent, partie au Sauze d'Onls, partie aux Traveriieî
dePragelas; 700 hommes sont laissés au col du Bourgct pour
observer les hauteurs et établir la comraunicalion. La brigade
d'Escara arrive à son tour le 20 h Ouk. La journée du 21 est
employée à hospitaliser les blessés non transportables, h réunif
le matériel et fi laisser reposer les troupes.
Le 22 juillet, l'armée rentre en France par les cols de Boussoii- \
de mont Genfsvre et de l'Échelle, poursuivie, mais de loin seul'"-
ment, par des bandes de Vaudois, qui n'enlèvent que quelque-'^
traînards ; des postes sont établis au mont Gcnèvre, au Boui^eti
h Cervi^res et k La Vachette. Les 2 bataillons espagnols rentre-
ront ensuite en Savoie par le Galibier.
M. le lieutenant-général d'Argouges prend alors le comman-
dement de toutes les tronpes du Daupliiné,
Les bataillons ennemis rappelés du siège de Gènes arrivent en
ce moment dans la vallée de Feneslrelio, Les Piémontais perlée-
gueures dans les alpes.
309
tîoiinent liiss ouvrages de l'Assiette^ s'étalilissent dans des cîimps
à La Pérouse, h Bal bolet et ci Se s trières 5 et se montrent môme
bientôt îi la frontière,
^k D'Argouges prend aussitôt des mesures pour parer aux dan-
^^gers d'une invasion imminente ; des redoutes, hautes de 7 pieds,
sont constrnitos aux cols deThures, de FÉchelle, des Acles, du
mont Genèvrc et de Bousson, ainsi qu'à Planipînet et ^Cervitres;
les cols de Buffère, de Granon, de Cristol et les hauteurs acces-
sibles du rocher de l'Olive sont barrés par des lignes de retran-
chements ; une grande redoute avec abris, pouvant contenir
SOO hommes, est construite sur les crêtes de rini'ernet, reliée
par un bon sentier au fort du Randouillet. Comme il y avait lieu
de craindre des mouvomenls ofîensifs du côté de Largentière,
une nouvelle répartition des troupes est faite h. la tin de juillet ;
des camps sont établis à Tournoux, Larche^ Jausiers, Gusllestre-
Mont-Dauphin. Des postes sont pîacéb aux cols Péas et Hizouard,
pour relier Le Bourgetet Cervières avecChAteau-Queyras.
Le 30 août, les Sardes attaquent les postes des cols de l'Échelle,
du mont Genèvre et de Bousson; mais ils sont repoussés. Vers
le milieu de septembre, les Autrichiens franchissent le col de
Largentière et s'avancent jusqu'à Certamusset; les troupes du
camp de Tournoux. parviennent h les repousser au delà de la
frontière.
Au commencement d'octobre, la neige tombe en abondance ;
les opérations dans !a montagne sont désormais arrêtées; les
I troupes entrent en quartiers d'hiver,
V Le roi de Sardaîgne a un service de renseignements habile-
^■ttent conduit : il est informé presque au jour le jour. Ce service,
de notre côté, faisait à peu près complètement défaut h Briançon ;
ainsi M. d'Arnault n'avait pas pu avoir des renseignements suffi-
samment exacts sur les forces, les emplacements et les ouvrages
des Piémûntais; de plus, les informations parvenaient générale-
ment trop lard.
Il jf a lieu de remarquer la clairvoyance du roi de Sardaigne,
Htjui sait discerner les véritables intentions des généraux français,
fît l'énergie déployée par le comte de Bricherasio dans la cons-
BemarquQs.
310 lOVRHÂL. D£S SCrSKCES MIUTAiRES.
tritcliori si rapide de relranchemeufs formiiLililfis et danr. la
\%uekir de la défense.
La |>olîli(jue, les hêsilations el les conlradictions de la cour
d'KiS paient', stii-loiU de Las iliiiaî, fonl perdre trois jour* daiis la
niarchede rarraée de TourûOLis. Ù Oulx-Sestritires. Bdle-Islie perd
encore iin jour ea n'aîHaqïiant pae, le 18, cohjjjio il a«.riu.t pu k
fttifi?.
Le plan, établi d'après le mémoire de ringéuieur Bourcel,
la date du 1" juillet, avail pour objectif immédiat Je eoiUr(îJ<j
de l'Assielte^ piiis Es,ille& et même FeneslreUes; ce plan ippivf
être suivi jusqu'au 17 pour les luaj'ches; mais le uiémoirii, à„
caiise du itetard des renseignements, ne meulioiiuait pas le
ouvrages 4e rAssiDtte. Ln constr-uclion de ces retraochemerUs
esl .aiQJîoncée seuleraent le il juilieL, h Toui'iioiix, au diÊvality^
de Belle-lsle, qai ne de\'ail arriver à en reconaaitre loule J'ii
poptanoe que le malin nièmt! du 19. llourcet donnait cemnie'
objectif secondHire, pouî* l'aij'e tomber en notre pouvoir k nias^if
de l'Assiotte, Je -col de 'Faliières el le col de la Fenêlre, situés
plus h l'Est; il estimRÏl qu'en exéculaat à teraps le mouvemeall
taurnanl qu'il proposait sur ces deux cols, et en masquant sou-'
lenienl les hauteurs de l'Assiette, la position principale aurail
éié enlevée &atis qu'il y ait en besoin de tirer un cou^p de fusil.
Mais le clievalier de Belle-Isle modifie son plan le 18. Des éLi*i-
vaiùs miiilaires disent, eu fiduiettanl même la connaissance
tardive de la force des retranchements .par Le général, que celui- ci
commit une faute en se heurtant de frûnt, avec des canons île
monlagne d'une puissance presque itiaignifiante, contre Jt?^
redoutes hautes de 18 pieds, sans outils ni échelles; en eng'«"
géant sur îa gauche une colonne dans un rentrant battu ie tous
c6tés, fit «urleMit en faisant connraeiicer vingt-qiiali'e heure* (rf>!'
tard, à Ja viiede l'enoemi. le mouvomenl tournant par la droit^^
Gtmire ie col SerBa,fjni devait être le prbicipal. flriclnftr»sM>
arait eu le temps de se rendre compte de l'im'fKîrtatice capitaJ*?
de la redoute du (iraud-Seran et de renforcer cette position-
On reproche eucofe à Belle-Jsie de n'avoir lormé <^ije trd**
colonnes d'attaque; avec 20,ûr)0 hommes, il pouvait en former^
sept ou hîiit ; en les espaçant convenablement, il pouvait ameiu'''
l'adversaire -è dégarnir certains poiols, par où quekjnes-uaes**'
c€s colonnes aaraient p« pénc tirer dans les OHvrageBn
GUERRES DANS LES ALPES. 311
On voit que les Piéraontais ont su, dans le cours de cette
longue guerre, tirer un parti très important des ouvrages de for-
tification improvisée, même avec des forces relativement bien
inférieures à celles des Français.
Dans les guerres passées, ils ne construisaient généralement
<ie grands ouvrages de position que dans le cours des opéra-
lions, suivant les besoins des circonstances. De nos jours, pour
parer à toutes les éventualités, ils accumulent dans toutes les
vallées et sur les crêtes lés plus élevées des retranchements, des
batteries, des redoutes solides en terre, pierres sèches, fascines,
troncs d'arbres, et ils entourent ces positions de baraquements
ou de simples abris en pierres pouvant loger des postes d'un
effectif assez fort.
MODRRAT,
Lieatenant an 14° bataillon de chasseurs.
(A continuer.)
LE TONKIN
DE LA
CONQUÊTE DE 1884-1885'
CHAPITRE V.
Heloar i la citadelle. ^ Misùre de l'ijifaulcrie d*- mari ne. — Heiilrtf
ËB France du pm^ral Wilhit. ^ Arrivée dos renfoiMs.
Kaaoï, iï septembre 1881.
Ma garde au blockhaus est finie, et je le regrelte fort, car
doute que jamais, an Tonkin, il me soit possible d'èlre aussi
heureux que drins ce petit poste.
En outi-c, M mieux qu'à Hanoï, j'ai pu voir de près la popu-
lation annamite. Je la tmtive intéressante; aussi, mon sëjoiir
h Gia-Lani restera comme le plus riant souvenir de ma ni\^-
pagne.
Nous commençons enfin îl recevoir les renforts indispensables
?i la reprise des hostilités. Sous peu, le corps cxpédilionûaii*
comprendra 16,000 hommes de iroupes européennes ou arabes
sans compter les bataillons qui sont h bord de l'escadre,
Ce n'est pas beaucoup, quand on songe aux masses des Chinois-
et, si ees derniers sont assez malins pour concenlrer 100,000 w
150,000 hommes sur hi frontière du Quang-Si> il est bion !i
craindre que nous ne soyons réduits à une altitude purenieiiL
défensive, ce qui ne convient guère au caractère français.
D'un jour à l'autre je m'attends îi partir. Nous prenons totilfl
1 Voir le* liYraifotis de 1902 et celle do janvier 1903.
LK Tl>NKIN VE LA CONQUÊTE DE 18S'l-188î:
313
es dispositions nécessaires; mîtis, franchement, on se trouve
Mans de bien njauvaises conditions.
Par exemj^le, bcauconp d'hommes sont nu-pieds, et ne prenez
>as cela pour une fii^nn.' do rhôioriqiic ; c'est dans le sens littéral
ît brûlai que je dis : ils sont nn-pieds. Le matin, h ia corv<5'e,
i^ous les voyez entre les cases^ arracliant les herbes pour appro-
prier le oanlonncment ; c'est leur iravail !c plus uiilol A l'heure
3e l'exercice, Ions ont disparu ; on les en dispense. Vous les trou-
fc^eriez alors dans leur chambrées, assis sur leurs lils de camp et
louant nux caries. AhJ ils bénissent, dans ces moments, l'inc-
nairable incurie du Tadministration de la marine qui leur crée de
tels loisirs; ils recevraient mémo asscx mal quelqu'un îeu rappor-
tant une paire Je godillots.
Et dire que parmi ces malheureux il y a des troupiers qui ont
soixante-cinq cl soixanle-siîc mois de présence au corps 1 Dire que
nous avons ici plusieurs cenlaines d'hommes ajipartenanl k la
«lasse 1S7H, libérée en France depuis un an! Un leur alloue la
lïaute paye, mais des farceurs ayanl voulu se coudre un chevron
sur la manche, on le leur a détendu. Enfin, ils vont parlir.
Et les hommesquionl des chaussures son!-ils beaucoup mieux,
■parlagés? Une moitié d'entra eux portent des souliers en cuîr
annaoïite, vrai carton qui se détrempe dans l'eau et, même en
garnison, ne dure pas fjuinze jours. C'est si bien que les com-
mandants de fompai^nie ont renoncé à contraindre les hommes
d'en prendre sur leur masse.
Cette siluaiion vu-t-elle durer? On nous affirme que le minisy-
lère est averti et qu'on va recevoir de France 45,000 bonnes
paires de chaussures. Pour moi, j'ai encore mes souliers d'or-
donnance presque intacts. Rien !à d'étonnant pour un nouveau
débarqué. Du reste, je conserve comme la prunelle de mes yeux
les beaux et excellents brodequins que vous m'avez donnés à
Paris. Je les chausserai en colonne.
J'ai en outre la chance de me porter îi merveille. L'hiver, qui
Va venir, nie sauvera de toule maladie. L'hiver, ah ! comme on le
Souhaite, dans ces pays où les chaleurs vous tnentf Sans doute,
■i midi, h l'ombre, !e thermonjfetre ne monte pas h plus de 39"* ou
40" ; mais il descend de 4" ou ii'> h peine, durant la nuil. Ce n'est
qu'un peu avant le lever du soleil que la température devient sup-
portable.
3H JOUBKAL SES ântENCES MILITAltm^.
En ce mois de septembi-e, un peu de Fraîcheur nous permettra
lie dormir. Avec quel délice on se verra coniraint de nietlre un
couvre-pied àur ses janilies, aîors qu'on vient, durant de longs
mois, de cuire comme dans un four^
Ce sera la bonne saison pour les colonnes. Tout leur devit
favoraWe; Jes arroyos qui ont nionlé permettent h passage des
canonnières, et, lien que l'on dohe s'éloigner du DeJta, on aura
nn moins une sérieuse base d'opératiOTis. ^
Mais renforts, équipements attendus et arrivant enfin, saiaon
propice, concours des cannoumères, tout cela servirait de bien
peu, si nous n'avions un chef, un homme vraiment apte à guida
les troupes. Par bonheur, double bonheur, nous allons ètn^
délivrés du général de division Mi Ilot, et Bnère de l'isle, le plus
ancien des deux brigadiers, prend le commandement en chef.
Oui, Millot, décidément, va partir. Nous sourions ici, en lisartl
nombre de journaux qui le portent auxuues; je crois même que
si papa disait à ses amis combien ToTi a'aveugle, on ne l'éMU-
lerait point. Ce mili luire a su flatter l'opinion. Son dernier ordre
du Jour en est la preuve. 11 faut que je vous eu cite les passages_
principaux. Écoute?. :
Officiers, aous-officîecs, soldais et marias.
Allongé par le gonvernement à rentrer eu France, je vous remercie
du (loncours que vous ra'avT?. prèle, de l'énergie elderentmin rfuevun
avoz mis en me secondant dans raccomplissenient de ma mission, k «H
plais k reconntUre qtie vous ave? été aussi braves devant l'ennem^nB
disciplinés dans vos cantonuemenls. ....
Après avoir commandtS dans TROIS affaires Capitales qui «ml diàii
de la conquête du Tonkin, après avoir dirigé, dans quarante-skpt cû*"
BAT8 plus ou moins importants, je lous quitte, malade de chagrin el^
d'autant plus désolé que nous sommes restés en face les uns des auim
sans peur el sans reproche, bien qu'on ait eu le trîsie courage dedéB
lurer ralïaire de Lang-Sûn ' où vous avez cepeadant fiiit preuve d'u
' Que le lefllenr nti tomlie pas dans une grosse méprisa. Ne pas confo"^*
en qui est devenu ai cetèbre sous U> nom d'affaire (f<î Limi)-Son et qui eut l"'
huit mois jdns tard, avec celle que m^riticrnnH ici te général Millot. H W**_
pjirlcr de r.ttTaii'e où le IteiilBnant-i^olonel Dugeuuâ jaua k prinoî^ ^*
l'fiffalre de Bat-Lè, sur lu foule de Lang-Son, Ktius avons raconté cette J*
nit^Te ; noas purteroDs de i'nutre plus loin.
Lis Tl»SKL\ DE LA CoSftUBTiî M! lSS4-ifi8o.
315
iciié si remirquable que voas rasauriejî ceux qai aimenl l'arniôe et
ir pavs. . —
Av qufirfieP^énéraL à ffanoï, le i^^- septembre iS84.
Le gênerai de divisionf commandant en cheft
Il IL LOT.
(.jiù uc savent pas vont JrèB sincÈsrenient dire, sans doute ;
VoUit bien le &orl des héi-os. I Ils volent de victoire en vkloii'c,
puis on les abreuve d'amertume. Mais nous qui sav&ns, l'étalage
Ide toiites CCS actions guerrières nous fait sourire.
l Où dfliûc trouver les trm ûffuire^ capitalm ?
I I! y a bien celle d* liac-Nînh, la plus sérieuse, où il y eut de:
gros etlficliis engagés; mais ou ue saurait donner k DOm de Im-
laille, grand combat, a/faire capHaie, en un mol, à celle où nous
n'eûmes qu'une quurimtaiue d'hommes plus ou moins grièvement
^attôiiils.. La seconde att'aire seraît-ce celle de yun^-Hoa, où il
■y oui pas nu seul blessé et trois noyés seulement? Soit ! Je
«Hîux bien. Mais la (poisième ?.-.,. Tout le monde la cherche,
rsûune ne la trouve, à moins que ce ne goit la douloLifcuse
«•prise de Bac-Lé 1 Mais le général spécifie les <iâaires où il
'cmmnnda et, \h, il ne çonimandail point.
Et les quarante-sept combats donc?
Môme en comptant toutes les petiles attaques de convois e^t les
moindres escai-moucliea, eu cotcptmil l'atraire du -blockhaus de
Gxa-Lam, que j'ai rax;ontée, et où nous n'avons boui^é ni pied ni
patte, pas. briilù une carloucbe, il e-st impossible d'arriver au
^hitî're quarante-sept.
P CerteSi, on s'est bien battu an Tonkin; on a porté aux Chinois
<ïes coups terribles, mais sons l'amiral Courbet, et il ne faut pas
confondre Courbet et Millot. C'est le jour et la nuit. L'amiral, je
^aais l)ien, e&t très catholique et, dll-on, légilimiste; oui, mais
lui ne se souvient, avec un rayon au cœur, de ce chef qui a toii-
]'>«i's traité les entants dti peuple comme ses propres enfants, et
l^ii, eu les merjanl il la victoire, cherchait à lear énarsner toute
tiaiigjç superflue? Nous sommes assox nombreux, ici, les en-
'ftJiEs dont les pères ont combattu pour la République du 1848
*t Tes grands pères pour celle de 1792, eh bien! tons tïous «i-
iet vénéroiK Courbet, maie nous n^ saurions avoir de syni-
3t6 JOUIlNAL DES SCIKifCES SULlTAIftSIS.
pathie pour le général soi-disanl républicain el libre penseu*.r,
qui ne recula jamais devant les privations inutiles h infliger fnix
Iroupes. Courbet, Millot t Nul parallèle possible. D'aillea vs,
ils n'ont pas agi en commun; le preoiier partail, quand le
second arriva. Ce dernier pari k son tour : a Bon voyage, iin on
général I » Tel est le cri de toute l'armée.
Laisse?, que je vous donne d'autres bonnes nouvelles : le li eii-
tenant-colonel Chaumont arrive ici auTonkin. Vous savez que
je l'ai PU pour chef ^ Cherbourg, quft je l'aime bien et que jtî îuï
fus recommandé par le général Yallière. Sa venue me d<>nne
quelque espoir. D'autre part, le lieuteuant avec qui j'étais au
iilockhaus a parlé de moi h mon eapi(aine et m'a averti q ne,
malgré mes innombrables punitions, ce capitaine est si bien
disposé en ma faveur, qu'il me considère comme susceptible
d'être proposé pour sous-lieutenant.
Kh t tenez! je vais avoir pour sous-lieutenant dans raa compsi-
gnie, un de mes anciens camarades, plus âgé que moi. Comme
mes fanles viennent en partie de ma mauvaise tête, mais ^n
partie aussi de la brusquerie de certains chefs, et comme *^
sous-lieutenant, tout en étant juste, sera affable, j'ai confiar» *^
que les choses iront bien pour moi.
Vienne donc une bonne occasion 1
Désireux d'en profiter, îi l'exemple de nombre de mes c^^^'
pains, je me suis fait faire un petit drapeau tricolore. C'est ce
qui peut joliment servir, si l'on arrive un des premiers dans u
assaut. En colonne, je le porterai dans ma ceinture. Et en avani
Surtout, n'allez vous inquiéter de rien.
HaDOÎ, S4 septembre 1884.
Deux courriers, un anglais et un français, m'apportent, d'ur^*
seul coup, cinq lettres. Jamais je n'ai été si heureux.
Les premiers renforts sont arrivés avant-hier soir; mais ils se^
composent presque exclusivement de troupes de l'armée à^'
terre. Je signalerai, dans ce nombre, 400 légionnaires et BOC^
turcos. On les voit errants par toute la citadelle, dès qu'ils ont
une heure de libre.
Nous n'avons reçu, avec plusieurs officiersj que 100 hommes
lia
LE TONKIN DE LA COKQURTE DE 1884-1 88S. 317
d'infanlerie de marine. Le lieutenant-colonel Ghaiimonl — je
vous ai parlé de IqI — a pris le connu an dément de tous les
marsoins ; il a sous sa coupe directe les cinq compagnies pré-
sentes à Hanoï-
Le RiO'iVegfO, grand steamer des Chargeurs-Rëimis, est
allendu; il doil amener 800 hommes du même corps.
B Sitdt les effectifs au complet, en route t
On a reçu de France tout le nécessaire et procédé h notre
Tiouvel équipement : pantalon de toile teint en noir^ camisole
annamite noirCj casques recouverts de coiifes noires. Inutile de
dire que le Ijut de cette tenue sombre est que nous échappions de
loin li la vue de l'enuemi. En outre, c'est peu salissant.
Ou ronlera sur le sac la vareuse, le pantalon de flanelle bleu
et le couvre-pieds. Avec le fusil Jes vivres, les cartouches, nous,
les sous-officiers, nous portons l^ ou 13 kilogrammes. Les
hommes, qui ont des ustensiles de campement, des oulils porta-
tifs et, en outre, vingt paquets de cartouches au lieu de six, sont
chargés de IS ou IfJ kilogrammes. Ce serait peu s'il ne i'allait
marcher sous le soleil tonkinois.
^ Nous avons tous bon courage.
B Le général Brière de Lisle qui nous commande est un homme
de tête, un organisateur. Il l'a prouvé au Sénégal; il le prouvera,
Étous l'espérons, mieux encore au Tonkin, où le tbéfltre est plus
taste, et, il faut l'avouer, l'action bien plus dramatique.
C'est peut-être pour cela, me direz-vous, les conditions étant
outes ditïérentes, que ces antécédents du général ne prouvent
pas grand'chose. Ici, c'est la grande guerre.
Pardon, s'il n'a commandé en chef que quelques centaines de
■soldats contre quelques milliers de noirs, ses qualités ne s'en
ilont pas moins développées.
Voyez son illustre devancier, qui fut également colonel-gon-
verneur au Sénégal, voyez Faidherbel Brière de Lisle marchera
sur ses traces, personne n'en doute ici.
Je présume que, dans ma prochaine lettre, j'aurai îi vous ra-
_conter plus d'un nouvel événement.
Frédéric Garcin,
{À eantinuer.) Ancien lieatonant d'infanterie de mcirin«.
LES LIVRES MILITAIRES
Publié sous la Direction du 2- Bureau de l'Ètat-Maior ds r&rmée
— La Guerre Sud- Africaine, par le capi laine FotKiyiÉK, de l'Elal-
Major de l'Armée, — Tome H. — 1 vol. in-8 avec 1,4 cartes ëL iir(X|uia.
— Paris, R, Cliafielot el C",
On n'a pas oublié le succès rem|iorlé, dès gon apparition par le pre-
mier volume dj; la Guerre Sud-Afticaùte.OulrQ un vil iiiléréld'aclualitt!,
puisque, lors de sa publicalion, la lutte durait encore dans l'Alriquc do
Sud, l'ouvragt de M. le capitaine Fournier constituait un hisloriqnc si
liliiir et si complet de la première partie de la guerre, apportait une-lefk'
abondance de dusunncnLs ioédile, que ie public militaire en âlCendatl
impatli-mmciit !a suite.
Le È" vjjlume qui paraît iiujourd'hai contient le rêdt de Li seconde
période de la guerre sud-africaine. Remplie surtout par leaécbecs reten-
tissants de<( Anglfiis, elle embrasse les événements les plus iinjjoHtinls
de la cBinfiagnc. Slormberg, Maggersfontein. tlolcnso, i^uivis des échecs
répélès du général Buller sur la Tuj^ela à Spîon-Itop, Vaal-Krantz, eU;,
maniueiil Jos étapes suiicesaîvcs de celte deuxième période.
fendant trois mois et demi, les Boers résistent auseilort'i des Angolais,
jusqu'à ce que l'otlensivede lord Uoberls, mieux coniJuile, fat-se tomber
d'uu seul coup la résialance sur lu Modder, entraînant comme consé-
quencs l'abaïKloa du s'iè^e de Ladysmitli et l'évaauiitioa d>i Nalul, Lu
capiluljition de (ironjecL In prise de Bloemfontein causent une (irotonde
dépression morale pirnù les troupes républicaines, mais elles se ressai-
siront bien vite, eL la duraière parlLede la campagxifl, longue guerre,
vigoureuse et habile, de partisans, prendra un caraclère taut différeûl
de la lutte initiale.
C'est pourquoi, sans nier les oaseignenienis qui se dégageront de
cette dernière partie de la lulte^ M, le cajjitaine Fourniei- a ju^à qu'il y
avait, dCs !a prise de Ladysmith qui lernune ce â* volume, les élément^
suffisants pour se loriner une opiaion sur lea enseignements de la Guerre
Sud-Africaine.
Il a donc écrit pour ce volutne une prérace magistrale oùj de l'éiude
des événements, il tire des enseignements de deux espÈccs ; 1" Ceux
qui touchenl à la iiidure même de la guerre; 2» Ceus qui touchent à
l'apparition d'armes et de procédés noaveaux. Avec une vara compé-
tenci;, ui]e remarijuable jaBlesao de vue, il ramène les laits cl leur juste
appréciation; il délruil bieti des erreurs et bien des illusions, tant au
point do vue philosophique, stratégique et tactique, qu'au sujet d« la
mise en œuvre des moyens matérieTs de la lutte. Cette préface, écrite en
toute cou naissante de cause, n'esL |ias loin de donner le dernier mol sur
une question qui soulevû naguère tant de discussions passionnées,
Ij'après la métlrode Itabiluellement suivie à rÊtat-Major de l'Armée,
les documeuis h l'appui sont cités intégralement et réunis à la lin de l'ou-
vrage. De nombreuses cartes et croquiâ racilîtent l'intelligence des opë-
LK!! LlVaBS MILITAIRES. Mlî>
ralioûs et conti-ibu^jui à faire de ce livre riiUlorique le plus doccinonLé,
partanl le plus précieux, de Iti lulti; où succomba la vaillant peuple
boer, — F. C.
Citoyen et Soldat. — Étude sur l'Armûe nationale, par Marcel Demon-
ghûTt lieutetieot de chasseurs ii pied, avec un avant-propos de P. et
^— V. MABCLUBiTrË, — 1 vol. de 267 pages. — Paris, Flammarion.
^Hi Existe-t-il aotiriomie enlre la dt'mocralie et l'armée ? demande l'auteur;
^^BLnipond non cl eherche à le prouver.
^B^ L'armée est nécessaire ; c'tst par elle que la nation conserve aa part
' d'influence dans les groupemenls poliUqucs et retient d'utiles idliances.
La nation, par son armée, assure sa liberté; elle conserve un fadeur
utile pourson di^Seloppeiiient économique.
L'année d'aujourd'hui n'esl plus l'armée d'hier; elle a subi révolution
des tt'mps et est devenue unî<"fHemcnt un instrument de défense nationale.
Son esprit doit résuticr surtout de celui des chefs. Le chef doit fsiire
' comprendre In discipline et la faire accepîer; i! doit être un instructeur
I et un éducateur et exercer son action dans l'ordre moral, social et
civique. Pourcela il doit former le caractère de ses subordonnés et déve-
lopper leur conscience; i! ne doit pas hisser partir un soldat do la
caserne sans lui avoir appri'i le minimum de connaissances iudispen-
I sables pour vivre utilement ; enfin, il doit éduquer les couscicnces imli-
viduelles des citoyens dont le toiai forme la nalioo etiuspirer le respect
de la loi, lu justice, etc.
Après avoir traité ces différents sujets. M, le lieatenanl Denfionseot
reconnaît que des obstacles sont k vaincre : la routine, la jalousie d au-
lorité, rambition, etc., et il expose ime méthode pratit^ue pour passer de
la Ihéorie k la pratique des faiLa.
Nous avons exposé seulement ce que contenait Citûym et Soldat, Ctsl
Xine œuvre qu'un commentaire amûÏDdrîraîtj car elle vaut d'être lue et
méditée. — L, IL
Cahiers de vieux soldats de la Révolution, et de l'Einpire, publié» et
aimutés par F. Giiiuel rt le capitaioe Iticiuaii. ^ Illustrations de
I E, GiiiDEL. — 1 vol. in-8 de 186 pagesj avec gravures. — Paris,
l R. Chapelet etC«.
^B Les rédacteurs de ces cahiers sont deux modestes troupiers : Jean
^^Chatton, soldat à la il' demi-brigade de ligne; Jean-Nicolas Leclcrc,
brigaiiier au 17*= régiment de dragons.
) Le cahier de Ghaltoi» est complet. ChattoH n'est ni un intellectuel ni
; un lettré ; il narre sans style, mais sans prétention ; aussi ce qu'il raconte
il le cachet de la vérité; on sent que les faits ont été vécus, qu'Us ont
frappé le cervenii et s'y sont gravés^ et, par suite, la publication est une
Utile cnntribulioîi à l'higloire de Ifl vie du troupier sous la Uéjiuhlique,
des misères endurées et gaillardenieot sa(>i)ortées, parce i^u'alors on se
battait pour une chose sainte, que la gramieur de la Patrie et de la
Tlépubli(|ue faisait vibrer les cœurs; pour elle tout se sacritiait, devant
elle tout s'eBaçait.
Ni plus lettré ni plus styliste n'étail le dragon Leclère. Son cahier est
- - -w -JV-
3i0 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
incomplel, mais il concerne une nnlre ptîriode : les fM-eniifcres annticsiie
rEmpîre. Prisonnier de pfuerre dovanl Ulm. en 1805, rendu en 1801),
repris en lëÛ7, Lettre rentre à son régiment le li janvier 1808 *H il
commence à ré(lig»ir son cahier le 30 mai suivanU
C'est le récit, îour par jour, isauf qnelTues feuillets manquant», agré-
nienlé d'anecJotes it de choses vues, de la marche depuis la capture par
l'ennemi jusqu'à la rcnlréj au régiment; puis le cahier reprend Je
2i août pour se clore le 29 ocloUre, jour de l'arrivée du 17' dragoosi
Hagucnau el époque de la liWration do narnilcur.
C'est une bonne fortune d'avoir reneonlré ees deux cahiers ; c'est anc
heureuse idée de les avoir [tubliés, et en leur laissant lear conlcxtareÊt
par suite leur mérite.
Des noies crudités ducs h la collaboration de M. le capitaine Hicliari
l'auteur a[iprccié d'œuvres niériloires, et de E. Grîdel, le vaillant ca[iL-
laine de la mobile fie la Sleurthe, ccluirent le lecte. Des desains k
rehaussent encore, das au crayon de ce délicat et csccUeni artiste qu'ctiil
E, Gridel,
Enfin le volume est fort bien impritnii ; il est coquet el réunit l'agrcublc
îi rutile. — L. H.
Lo songea takUscher AQÎgai)«n,par le lieulenanL-colonel de I-Uuscdil
— Berlin, Mittler el fils.
Cette broehure est intéressante h consulter, ear elle cioniient îes
lions raisoonées des llièmes lacliquea donnés à l'exainen d'admissian A
l'Académie de guerre de Berlin, ue t88fi à Utdl, traitées par un officier
d'une grande autorité, le lieutflnant-colonei allemand de Hausdiil'l^
détaché à l 'état-major général de l*arm<^e turque el professeur ■! i'Erole
d'état-major de Conslantioopic. L'examnn de CfUe série de thèmes m-
Uques intéressera non seulement nos candiiklsà l'Ecole de guerre, mais
tout officier curieux de voir ce qu'on demande aux officiers alkownil*)
candidats à l'Académie de guerre. — A. N.
Dis Wirren in Chioa, par voh MuLLEfi, lieutenant du déittchenitiil
de l'Alrique orientale allemande. — Berlin, LiebeL
Ce deusiéme volume contient les opérations du corps expéditîowtftif'^
inlernational dans le l'etchili et des ttussesen Mandehouric. Cette [laftii?
est traitée avec beaucoup de soin, d'après des récits de témoin? ocu-
laires, et éclairée de nombreux croquis. Les derniers cliapiîrefî soiil
relatifs à rorganisalioti et au fonclionnemeni des divers services et A de*
ajipréciatioiis sur les troupes qui ont opéré sous les veux des AllT"
mands. — A. N.
n
Le Propriétaire-Gérant ; R, Chapelot,
l'ai il. -^ Impritoerie R. CaifËLoT cl C*, S, roc Chrlsljoe.
"^
JOURNAL
SCIENCES MILITAIRES,
REVUE MILITAIRE FRANÇAISE,
Mars (903,
LA
RECENTE GUERRE SUD -AFRICAINE
SES ENSEIGNEMENTS.
Benie (les i)eu.v- Mondes du 15 juin dcniicr a publié, sous
le litre : k Les KuseigiiPiiienls de la Guerre Sud-Afncatne », un
article anonyme qui u eu, en France et à rélranger, un cerlaîri
relenlissement.
Au cours do cet arlicle écril avec beaucot!j> de verve, l'auleur
^ Smel des apprécialions diverses, dont les unes sont partagées par
la plupart des militaires, et les aulreStptus ou moins contestées.
La présente élude est une analyse de l'article en queslion,
lequel, indéjjendamment de sa valeur propre, olTre sur lejs publi-
cations siniilain_*s l'avautagc précieux de conleutr les notes d'un
Cin des luttes qui ont eu les plaines de l'Orange pour Ibéàlre.
mme toute analyse, l'étude qu'on va lire reproduit les pas-
/, rfe* Se. mil. lÔ' S. T, XVII. 21
IMi JOCRNAL DBS SCIENCES MILITAIRES.
sages essenliels de l'arlicle de la Revue des Deux-Mondes en les
faisant suivre de coranientaires.
L'article de la Revue des Deux-Mondes, du IS juin 1902, se
divise en trois parties :
Une introduction de quelques pages résume l'évolution de la
guerre depuis Frédéric II jusqu'à nos jours;
La première partie est consacrée aux mœurs et aux aptitudes
guerrières des Boers ;
Dans la deuxième, l'auteur expose les procédés de combat des
Anglais, d'octobre 1899 à février 1900, puis il passe la plume îi
un témoin des opérations sur le Veld ;
La troisième partie contient les conclusions de l'auteur en vue
de la prochaine guerre d'Europe.
INTRODUCTION.
La guerre sud-africaine comporte-t-elle des enseignements dont les
armées continentales pcuvenl tirer pnrfit?
Assurément, surtout au point de vue des propriétés désormais
bien connues du fusil de petit calibre, h tir sans fumée et à tra-
jectoire très tendue, d'où résulteront des dispositions tactiques
accentuant l'évolution qui se manifeste depuis un siècle dans le
sens delà succession des efforts et de l'économie des forces.
Certains professeurs d'art militaire le nient, et particulièrement ceux
qui, voyant dans l'histoire des campagnes napoléoniennes l'évangile de
la science stratc'giquc nt mâme tactique, s'obstinent à vouloir appliquer
avec les armes nouvelles les procédés d'autrefois.
L'auteur refuse h certains professeurs d'art militaire tout sens
d'adaptation.
Le reproche est sans doute mérité, car il y a deux genres de
professeurs d'art militaire : ceux qui font apprendre leur cours
fait à coups de ciseaux, et ceux qui, ayant de la personnalité,
s'efforcent de développer chez leurs élèves les qualités d'obser-
vation, de jugement et de décision, si nécessaires à Tbonuiie de
guerre.
Le vrai professeur d'art militaire est, avant tout, un éducateur
LA BKCENTE GfKIÎIli: Jl Il-AlHICAlîiE, 323
|ai attribue une faible part à renseignement didacJicjue, con-
sacre ses plus grands elloHs h l'élude des cas concrcls et se
montre r^fraclaire anssi bien aux évangiles qu'aux théories spé-
culatives,
C'est aÏQsi qup, Jaos la plupart des grandes mauœuvrescuropéenaes,
on voit encore, apris une préparation par le feu pla& ou moins loogue,
des attaques « diti'S décisives " exécutées par dus iDlaiileneB en masses
compactes, dirigfies droit sur l'adversaire, au s^on des inu.-iques et des
tambours, battant la clmrge. Décisives? Certes: depuis le 18 aoûi 1870,
ces sortes d*a'ta(yucs l'ont élé pour les troupes qui les oui icutiies. Sans
exception, elles se sont terminées par de sanglants désastres.
Si les méthodes d'instruction des grandes unités présentaient
un caractère vraiment pratique et si le sens tactique, h tous les
dftgrés de la lïiérîirchie, était plus développé, nos grandes ma-
nœnvres pourraient, jusqii'h un certain point, oiïnr T image de
la guerre.
Nous disons : Imtjtià un certain point, parce que, cîi raison du
petit nombre dheun^s dont on dispose charpie jour de rencontre
pour le combat proprement dit, les grandes manœuvres ne
peavent être que l'esquisse des opérations du champ de bataille.
C'est dans les xçarnisons et dans les camps d'instruction que
compagnies, bataillons, régiments et brigades doivent être
exercés k se comporter comme ils le feraient erï présence de len-
fiemi. Lk au moins on discerncj d'où j viendraient les coups,
tarïdia qu'an^t très grandes manœuvres c'est impossible.
Les Jurandes manœuvres ne seraient-elles que des épreuves
d'endurance pour les troupes et des exercices pour les divers
services, qu'il faudrait les ccnserver.
Les attaques en masse sans préparation suFtisante sotit con-
damnables.
Sous Napoléon I«^ le rôle d'une masse d'attaque était bien
moins d'aborder renncroi avec des troupes compactes que
d'exploiter à l'extrême un premier succès obtenu au point décisif,
grflce h radion combinée de nombreuses hatleries et {le troupes
d'infanterie combattant en tirailleurs. La masse d'attaque eotisli-
ioatt doiic comme un réservoir où tron paisîiH les élêraenls de
nouveaux eftorts pour élargir la brèche et transformer un succès
irlicl en victoire.
324 iOUfliNAL DEH StlRNCHS MEUTAIRES.
Si l'altaque en masse dirigée contre un adversaire encore en
possession de h plupart de ses moyens est un crime, elle suftîl
h immortaliser legénérul qui, l'ayant su préparer, l'a tait réussir,
D'uprès l'auteur, l'attaque décisive des Alleinands contre
Sainl-Privat, le 18 août 1870, se serait terminée par un san^^lani
déaaslre. C'est pourtant celle attaque, faite à la nuit lombante.
qui leur a procuré la victoire et a décidé du sort de la campa^we,
La critique vise sans doute l'attaque avortée de la V^ divisiou
de la garde prussienne, un peu avant 6 heures du soir. Celte
attaque esl, en effet, l'exemple le plus fi'appant que l'on puisse
invoquer en faveur de la combinaison nécessaire des feux: d'ar-
tillerie et d'infanterie pour faire brèche en un point du front
ennemi.
Dans la eirconslancc, aucune des conditions du succès n'ayatil
été remplie, le désastre de la 1''^ division de la garde devait ètro
complet, et il l'a été sans enlraînei* toutefois la fuite des troupes
qui la composaient.
Mais le§ desservauls du cullu impérial n'admettent pas les traosiorJ
tnaUons. Us préconisent la guerre de masses du commencement lîu
siÈcle;.., iis méconnaissent de parti pris le principe posé par te maître;
<( Une arrjiéc doit changer de lactique Ioub les âix ans. »
Les desservants en question ne peuvent être dans l'esprit de^
l'auteur que certains professeurs; c'est entendu.
Plus de guerre de niassesl C'est facile ît dire, mais parquet
procédés remplacera-ton l'ensemble des dispositions connues(
consacrées par l'expérience pour faire vivre, manœuvrer etcon
battre un million d'hommes opposés à un autre million d'hortiinB
sur uit théâtre d'opérations relativement restreint?
Le principe que l'auteur attribue à Napoléon est inexacteme?
reproduit; le voici te! qu'il a été exprimé : « /( faut chait^er
tactique de la ijtmre tom les dix ans, ni l'on reut conseni
quelque supériorité. »
L'expression « la tactique de la guerre » prend sous
plume de Napoléon un sens Irfts général qui s'applique bien
plus h la préparation stratégique, telle que nous l'entendons
aujourd'hui, qu'aux opérations d'ordre laclîque.
L'auteur se plaint ensuite de la résistance au progrès qu'offrent
ta!
armées
spectre d'Iéna, en se plaçant bien entenJu an point de vue alle-
mand. Mais si les Prussiens ont clé batlits h léna, c'est que Fré-
rdérie était mort et Napoléon bifin vivant.
Ccpondsul, la puissance du fusil manié par ie Urailleui' constiluidluit
facteur qui venait d'appiiraitre. Frctléric ne l'avail pas uliltsé, car, de
son temps, le feu comptait pour peu de chose. L'arme blaoehe décidait.
Ce n'est pas la puissance du fusil, h silex et ft balle ronde,
manié par le lirailleur qui a donné aux Iroupes de ia Révolution,
fi partir de 1794, une sopéfiorilé écrasante suc tes armées figées
|dans Tordre linéaire.
Les tirailleurs de la période révolulionnaire s'établissaient à
distance de combat devant lo front ennemi rigide el formé de
balaillonssui' Irais rangs, tes hommes coude ;\ coude.
Dans ces conditions, les tirailleurs clairsemés avaienl en face
i'eux un but très vulnérable, alofs que la majorilé des balles de
l'ennemi frappaient dans le vide. Maiscen'élail l?i qu'un avantage
secondaire eu caniparaison de celui que procui-ait aux armées
républicaines le jeu des réserves.
En effet, l'ordre linéaire comportant le déploiement, en ligne
rigide el compacle, de la presque totalité des troupes, taudis que
l'emploi des tirailleurs n'exigeait qu'une partie des forces variant
du quart h la moitié de l'etTecliÉ', les généraux républicains dis-
posèrent de foi'les réserves qu'ils surent faire donner, au moment
favorable, sur les points (saillant du front ou aile)dontla prise de
possession devait faire tomber l'ensemble.
Devant le front linéaire, fort partout mais relativement faible
au point, dit d'attaque, sur lequel viendraient converger les eil'orls
de troupes des trois armes très nombreuses, les tii'iiilUmrs for-
luaut rideau enlevaient îi l'cu-lioii par le fou le caractère de déci-
sion rapide qu'elle avail au temps de Frédéric el gagnaient
ainsi, au profit du commandement supérieur, le leni|iS que né-
cessitent les manœuvres et les dispositions préparatoires ;i l'acle
décisif.
La victoire s'obtint, dès lors, eu livrant sur tout le front de
l'ennemi une série de combats partiels menés p:n' les lirailleurs
el en produisant, au bon moment, un effet d'écrasement sur nn
point convenablement choisi.
lomtHJkt Des scmiGBS htlitatres,
Uire que Friîdéric n'a pas hl'ûhô Se feu, c'est montrer un*' e.ù
naissance imparfaite des batailles qu'il a livrées. Jamais, peut-
être, la puissance de la niousqueterie ne s'est manifesta d'nm
façon atissi décisivo qu'aux batailles de Prague, rfe Kollin elde
Lfuthen,
Une éWie d'orfîciers, tels que BourceL et le baron du Theil, profes-
seurs de Bonaparte à Auxoiine, préparaient cependant !a tactique del«
Révolution qui remplaça celle de Guiberl et de Gribesuval. ^H
La tactique de la Rih'olutton est née puis s'est développrc
sous l'empire des circonstances et des dures iiécessîlés du nio-
menL A <jiii fera-l-ou accroire fjue les gi5néraux de la ïlévoUb
lion, tous plus ou moins improvisés, dépourvus, pai' coiiséqueat,
de toute inslruclion ujililaire, aient pu s'inspirer dés rccherc
d'un Bourcet ou d'nn Mesnil-Ourand?
Quant 'i Gribeauval, nous ij^norions jusqu'il présent qu'il efti
été an éminent tactictenj sa {gloire d'avoir créé un sysltme d'ar-
tillerie très homogène nous ayant toujours paru être celle d'un
lechnicicu.
Une autre erreur, celle-là combaLUie par la science psycholo-
gique contemporaine, consiste à penser que le baron du Teil
ait pu Hre le jirot'esseur de Bonaparte,
Un homme lel que Napoléon n'a jamais eu de inaîtrc, 11 s'est
formé tout seul, par l'observation directe et raisoniiée des éfé-
iiements auxquels il m pris part et gnice h son aptitude excep-
tionnelle à faire passer le conscient dans rinconscienl.
t'û génie comme Annibal ou Napolêou donne son empreinte i ''
science militiire de son époque et lu porte au plus liaut degré de per-
fection qu'elle peut alors atteindre. H montre p^r des exemples admi-
rables les dispositions qui convienneiit aux constitutions cl aux aiorens
de son temps, rien de plus. Il est donc inutile de vouloir fes intiler
aujourd'hui que nos instrumeuta (ie guerre ditïèretit al>solumeDt de
$ietis<,
Laissons de côté Annîbal et ia science militaire de son époque,
le terme de Ssciencc supposant un de^ ré de ciiUore jnlelleclaeile
que les généraux carthaginoise ne poi^sédaient probablement ya»,
et arrètonsiious h Napolénii.
LA BÉL-ENTK lillKllBK àL D-Al lilCAlKC. 387
L'auteur est persuadé que cekii-ci a porté au plus haut degré
de perfection la science militaire.
Lui, et ïui seul, a p^r&onniflé l'art mitilairede son lemjjs, après
avoir étouffé les initiatives des sous-^ordres, paralysé l'e&sor des
lioiinnfis supérieurs et si coraplètemetit éuiasculé le haut com-
mandement que ses lieutcnanls, une fois livrés à eus mêraes,
h partir de 1813, devinrent une proie facile pour des généraux,
eu ne mis de second ordre.
Trouve-t-on trace en France, apnH Waterloo, de la science
militaire à laf|uel[e Napoléon aurait donjié son empreinte ?
Seuls, en Europe, les Prussiens ont su profiler des leçons poa-
IhumeB du maître, et c'est par elles qu'ils ont pu conduire, avec
lîi science que Ton sait, les campagnes si fructueuses de 1866 et
Ile 1870^1871.
Nos inslrumenls de guerre actuels diflereul de ceux, dont dis-
Ijosait Napoléon, mais pas d'une manière absolue. L'art, en
lemps de pais, est d'apprécier ii leur juste valeur tes modifica-
tion a apportées îi l'orgiinisalion de rarmée. U ses moyens de
transport el de communications, enfin k l'armement, et d'ensei-
gner à tous, comme ù chacun, les méthodes les meilleures pour
1 arriver au but suprême, qui est la victoire.
^KL» tactique fie l'avenir dépendra plus encore de l'élat moral de la
nation au début de la guerre et de l'énergie individuelle du soldat qu&
lie ta paîssancc de Tarmement.
^■^ci tactique de demain, un peu diHérento de celle d'hier, don-
^^'ra de bons résultats si notre corps d'officiers, bien composé,
vigoureux et animé du fi^u sacré, a |ui acquérir le sens des réa-
lités du champ de bataille et su donner aux hommes de troupe,
moralement et pratiquement, une solide éducation militaire.
Le Feu désarmes k tii" rflptdo et sans liimi^c a forcé les Anglais k
l'abandon lolat de leurs aucicits procédés. Une tactitpje nouvelle, com-
plÈlcmenl différente de celle aduelleTiienl appliquée dans la plupart de&
L^fwées européennes, s'est improvisée et par la suUe s'est imposée.
Chacun sait que, dans le t:or|is d'officiers aniîlais, lesdiverit
rts sont plus en honneur que les Irnvaus de Tespril.
c niveau intellectuel s'en ressent, et, d'nutre part, rofticiep
3i8
JOURNAL DES SCIENCBS llILITAlItES.
anglais csl Irop absorbé par ses oblîgalions mondHÎncs ou spor-
tives pour consacrer beaucoup de temps h sfi troupe. En dépit
de ces fâcheuses conditions, l'espril pratique et la force de carac-
tère inhérents h la race anglo-saxonne dcvaienl bientôt amener
le commandement anglais h découvrir, puis ^ mettre en œuvre
une tactique appropriée au genre spécial d'ennemis qu'étaieç
les Boers,
Le même fait s'est produit an dêbnt de la conquête deTAlgérie?
A ta suite de nombreux échecs dus h des dispositions lactiqnes
mal adaptées aux conditions parliculières de la guerre en pays
arabe ou kabyle, les généraux français, ot, le premier de toas»
le maréchal Bugeaud, surent choisir le mode d'action spécial
qu'il convenait d'employer pour vaincre, et leurs succès furent,
d&s lors, constants.
Mais, en 1870, lorsque nos généraux formés îi l'école àa
campagnes d'Algérie eurent à combattre les troupes allemandos,
ils ne purent pas modifier, faute d'une préparation convenabli-,
les procédés qui leur étaient chers, el leur infériorité profession-
nelle devint flagrante par rapport à des adversaires qiù avsiettt
cultivé avec ardeur les traditions de la grande guerre et leaUj
compte des progrès matériels réalisés dans toutes les brancbesj
de l'activité humaine.
L'anleur s'élève contre les critiques adressées, durant la guerre
sud-africaine, au commandement anglais et Si ses troupes. Son
principal argument en faveur de l'armée anglaise consiste i^dii*
que le corps des officiers anglais a prodigué son sang el que les.
trotipes de IB09-I9[IO étaient exccUontes. i
En août 1870, les officiers français el leurs soldais ont rnontn^
eux aussi, lUic bravoure à toute épreuve, el, pourtant, larBift!
française de cette époque n'a pas su vaincre un seul jour, roêaie
lorsque, par suite de circonstances favorables, elle a lutté,
comme k Spicheren, îi Borny et à Mars-la-Tour, contre un
ennemi nuraériquenienl inférieur,
Les critiques adressées aux généraux et ans Iroupus dftj
l'armée anglaise visent, non leur défaut de bravoure, mais bien
leur insuffisance taclique. |
Jusqu'à l'arrivée di? lord Robert^? au Cap, tes Anglaisent fait
de la pure tactique linéaire, à la façon des Français de 1870, el,
comme eux, ils en ont subi les conséquences rocheuses.
LA aKCEUTE GLKHUF, SUD-AFIUGAINK,
329
PREMIÈRE PARTIR.
es dix pages consacrées par l'auteur à la nature, au carac-
e, aux moeurs et îi h\ manière de combattre des Boers résu-
menl ijai-failenient tout ce qui a été dit ou écnt sur ce peuple
lique en son genre,
le Boer est dans toute la force du terme « un chasseur îi
leval )i, qui sait merveilleusement tirer j^iarii et de sa monture
son fusil.
s ta jîue'rrede partisans, tes Boers se sont monlr(5s inconi-
li'ahles; mais, au cours de? opérations réglées du début de la
■lierre, ils n'ont su que défendre des positions naturellement
les fortes sans jamais passer h la conlre-attafiuei lorsque la
i|"*êrionté de leur feu avait livré en quelque sorte l'adversaire
l<?nr merci. Enfin,, les Boers, individurdisles k l'excès, sans
scjplitie et dépourvus de toute capacité manœuvrif^re, n'ont
'^■^aîs pu parer Iv une attaque enveloppante, laquelle a toujours
' pour eu\ le signal d'une retraite désordonnée.
DEUXIÈME PARTIE.
t-' au leur raconte qu'en 1899 eurent lieu, au camp d'instruc-
^ de Salisbury Plniti, des niancsîiivres précédant de quelques
*r-s seulement le dépai-t pour l'Afrique australe de certaines
^U pes y ayant pris part :
■Jri pul y constater que les mélhode'S de combat étaient, à peu de
^S-c prèSj celles en up.if;e dans la plupart dos armées européennes,
'^ un particularisme pcul-ûtrc plus accentué de lii cavakrie et de
^•.illerio.
Cj^ue routeur ait été de bonne foi lorsqu'il écrivait les lignes
* préci'dont, per.sonne n'en doDlera; mais les officiers étrau-
**"s qui ont assisté, un peu avant la guerre sud-nlricaine, à des
"^-nœuvres anglaises en onl rapporté une impression moins
''^ arable.
^J'aulre part, le générât sir Red vers Bu lier, qui a dirigé des
3âU mCKKAL DES SCIKSCfiS MILITAIRES.
manœuvres en -tSOO, quelque temps avant son départ pour
l'Afrique du Sud, s'est montré moins optimiste, et les criliquei
qu'il en a faîtes font ressortir le défaut d'instruction tactique
des troupes anglaises.
Cet officier lîénéral constate l'insuffisance de préparation des
Hilaques, rembaîlement des troupes, l'absence d'unité dans fac*
lion et l'ignorance qui vè^ne dans chaque arme au sujet de ia
tactique des r^rnies-sœurs. ^|
Le général Bullerditde la cavalerie et de i 'infanterie ang-lais^^
« (jU elles mreat comment elles (foivent procéder, main (fueilct
iffiiorcnt ce qu'elles ont à faire ». ^Ê
En d'autres termes, les troupes anglaises savent prendrr» le^^
formes réglementaires, mais sont incapables de 1^ adapter atiï
circonstances variables du combat.
L'incapacité tactique ne peut se détinir, en termes polis, il" une
façon plus claire,
Api'&s avoir exalté les aptitudes nianœtJVTières de l'a
anglaise, l'auteui' conduit le lecteur au combat de Talana-
livré le 20 octobre I«ÏI9:
Le général Symons, disposant de 4 bataillons, 3 batteries, 1 régi-
inonL de cavalerie et une parlîe Je k police du Nalfti, 4,500 hominK
environ, avait étahli son camp à l'ouest et près de la petite ville d*
Oundce. A 4,501) niMrcs, à portée de canon au nord-est, se trouve une
li-^nc de hauseurs, TaUna-Hill, Impatî-Mount, dont la vdle est sfpMfe
par un ravin asi.sez profond.
Lo g<ÎTii^ral riymons se rouvrait dans la direction de l'ennemi parte
avîint-posics placca scr cfis hauteurs...
Les troupes campées, ainsi couvertes à près de 5 ttilomôtriH. *!?
croyaienl en sûreté Elles ne tenaient pas compte de ce fflit qu'une
tîgtie d'avant-posteSj quoique bien [jlacée, est surprise toutes les fuis
qu'elle est attaquée dans sa formation de sûreté. C'est pour ce rnolif
ijuc !*; marériiEil Bugeaud orgiaolsait son service d'embuscades, quîf""''
mettait de transformer à temps la ligne d'avant-iiostes en ligpe de
combat.
D'autre part, nous lisons dans l'excellente et très cûroplt'fr
relation de la guerre sud-nlricaino publiée sous la direction du
3« bureau de l'État-Major de l'Armée ;
Bien qtte dominant le camp angUia h portée de canon (4,(M)0 (bH^^
n
LA EBCESTE GUEURK SVD-AFRICAIIîE,
331
'environ), ces hauteurs (Ttilatua-HiU, Impati-Hount) n'avaient été occu-
pées dans la lîuil du i\) au ÎU oelcibre que par uu petit posle d'ui-
fanlcric monléc.
Voilll donc à quoi se réduisafL la ligne d'avanUpostes placée
sur les hauteurs qui dominaient à 4,000 mètres le catnp anglais.
Les commentaires dont l'ituleur acconipagnû le psendo-place-
ment d'iint-. Hgne d'avant-postes &ur les iiaufeurs, à Test du
i%Tiiip anglais, perdent dès lors tonte valeur instructive et relfe-
venl uniquement de la li Itéra Iwre.
D'ailleurs, ces commentaires expriment uno îd<5e fausse, car
des avant-poste? bien placés, intelligemment articulés et dont
les divers éléments font bien leur service, ne peuvent cire sur-
pris.
Qae. penser du système d'embuscades du maréchal Bugeaud
qui permettait de transformer h temps la ligne d'avant-postes
en ligne de combat?
L'aiitfiur n'eût probablement pas écrit cette phrase s'il se fût
reporté su chapitre des oeuvres de Bugeaud relatif au mode de
sOreté en stalian, la nutt, pour un détachement complètement
isolé '.
' Revenons au combat de Talana-dî!!,
!■ Les commandos aux ordres du général Lucas Mayer occupent
tk hauteur de Talana-Hill à 3 h. 1/3 du tuatin, n^foulent le petit
jDOslft ennemi et ouvrent le feu de leurs cinq canons, à 5 heures
environ, sur le camp anglais.
Surprise, cfl'arement, puis réunion des troupes eu bon ordre
«t riposte de rarlillerie anglaise just[u'à 7 h. l/â.
■ Trois bataillons anglais, sur quatre, se portent alors en forma-
tion dft combat, directement, contre les Boers qui occupent la
hauteur de Talana-Hill, et, vers 1 heure du soir, après des péri-
péties diverses, rejettent l'ennemi hors de sa position.
Pendant le conihat, un escadron de hussards anglais, envoyé
isolément sur les derrières de l'adversaire, est enveloppé et pris.
)-'-'"*-"•'"■ "—
' liCui.res fitilltairei du tmirrrhal Bityeuml. réunies et mises eu ordre par
^EiL, ancien catitUine Un oavîïterîp, poee 98 ot saîvtttitt'B. — Liliraiiie
Idhili
tHga.
33S JOURNAL DES SCIENCES MILITATBBS.
troupe tués, 20 officiers et 16S hommes de troupe blessés, 9 of
ciers cl ill hommes de troupe prisonniers.
L'auleur de l'article de !a Revue des Deur-Mondes dît, t propo
de ce combat :
L'action commença et se déroula d'aprfra les principes réglemen-
taires.
Où donc at'on vu qu'un règlement, fftt-il anglais, prescrild'al
laquer le taureau par les cornes?
Les règlements donnent des formes, parmi lesquelles ie chef
fait son choix, et encore peut-il les modifier en raison desd^
conalances; mais il n'y a et ne saurait y avoir de ri-glemeiil .
tactique. ^Ê
Toutefois, notre rÈ-gleraent du 28 mai 189a sur le service lics^^
armées en campagne donne, au sujet du comhat, des coiisdls |
que le général Symons se ft'lt bien trouvé de suivre et qui si'
résument à distinguer dans toul combat mené par une unili'^
isolée : la préparation ou action sur tout le Iront de TennemiJji
décision obtenue par un effort violent concentré sur point couvfi-
nablement choisi, enfin l'achèvenient.
C'est ce qu'a très bien mis en lumière ta rclalion du â^biiresi
de r Étal-Major général s'exprimant ainsi :
Les fortes pertes éprouvées par l'infanterie anglaise pendaUt iA\
marche d'approche en terrain découvert n'otil rien qui doivciH sur-
prendre, en pri''siTice des effets connus de l'arinemeut moderne. Elles
montrent l'jivantage qu'il y aurait eu k manceuvrer nu lieu d'attai|UCJ' '^^
front. Orienté et couvert par un combat d'avanl-gardCj,-,. le général
Symons aurait peut-filre pu chercher à déloger l'eptiemî par «"^
manœuvre sur l'on de ses flancs.
Du côté des Roers, perles niiniracs, mais passivité coinp!''''^
jointe ^ un emploi très habile des feux.
L'autour se garde bien de décrire le combat d'Elandslaagk\
qui eut lieu le lendemain 2] oclobre et oii le général Freudi
obtint un beau succès en combinant mie action d'avant-gardi^J
avec une manœuvre enveloppante dans le but de. vaincre l^H
résistance du détachement boer nux ordres du général Kocb.
C'est que ce combat est en contradiction avec l'auteur f]t
LA UKUENTK GlEBRE SUl>-AflVlCAliNE-
333
herche à établir, en vertu d'une idée préconçue, qiielespro-
éflés tactiques des Anglais se sont transformés d'une façon con-
înue &OUS l'empire des événements, depuis les débuis de lacani-
mgne jusqu'il la prise de Bloeinfontein.
Ensuite, l'article de la Rerue des Deux-Mondes donne un résumé
tbs succinct des combats du mois de décembre 1899 et du mois
:e janvier ItlÛO, tous plus oa moins défavorables aux armes an-
taises.
Suivant l'auteur ;
Les troupes anglaises se heurlenl à l'enneini sans avoir i!claîrd leur
ituatlon par un combat de reconnaissance. Elles eniploîcut des forma-
Ions profontîes, formées de panneaux, successifs qui recueillent tout le
lomb envoyé par l'adversaire.
Qu'est'il dom; ce combat de reconnaissance dont l'absence
egretlabîe est signalée, sinon /e tmnbal d'arant-gard'' dont [q
terme répugne tant à l'auteur?
D'aprî's hii. c'est seulement le 90 janvier 1900, au combat de
Venlers-Sprui!, que le changement de tactique se dessine, attendu
ïue,cejour-l&,lesdeux bataillons de tète de la brigade Woodgate:
So forment en longues tigaes minces et progressent par bonds. Us
rrivent jusqu'au plateau, qui forme un glacis de 900 mètres environ,
it essaîeal d'y pénélrer. Mais \k, après des perles consîdt^rables, ils
Scliouent. Cc^ troupes ne saveoL pas encore comment ge peuvent mener
es attaques.
Lord Robortij va ipciiquer une antre voie. L'évolution tacliqne s'achève.
Ile aura pour théâtre l'État d'Orange.
Ainsi, le âO janvier 1900 les troupes anglaises ignorent les
moyens propres à réussir une attaque, mais un mois plus tard
eur évolution lactique est terminée griiceà lord Roberts, et cette
évolution a ceci de pariiculièreraent remarquable que toute ren-
contre avec les Boers se terminera désormais par la victoire des
ft^nglais.
On le croira sans peine quand on saura que tes troupes de
ord Roberts, huit à dix fois plus nombreuses qtie celles qui leur
furent opposées, ont opéré à la façon d'une armée de rabatteurs.
Le 18 février, le général Kronje ne s'élaiU pas retiré assez tôt
334 JOURNAL DE* SCIEW.SS MlLlTAJUES.
ni ismï, vUe vers l'Est avec ks 4,SO0 Boers qn'il commandail, fui
entouré, pn?6 du gué de Paardeberg-Drifl, sur la Modder, pari
les divisions de lords Roberls.
L'inveslisstîmenl. du camp boer fui terminé k midi. L«fS Anglais)
auraient dil se bornef, ce jour-là, k le re'^serrer par «n combat
d'approche général el raélliodique, mais leurs divisionnaires,
échappant h la direction supérieure, crurent bien faire en |>ous-
sant des attaquas k fond, chacun pour Ifur compte, au moment
qui leur parut favorable. Ces attaques partielles échou(>rent sons
le feu des Boers et donnèrent lieu à des perles con&idérables,
sans le moindre profit pour l'ensfîmble.
On voit donc que 11, comme partout, les généraux anglais,
ainsi que leurs troupes, ne connaissaient qu'une seule forme de
combat : l'attaque décisive.
Celte ^Dj^lante afiaire du là fi^vrîer esl la i^ernière dans laqudl^ï les
Anglais aient cherché à forcer uae position en employ&nt les anciennes
méthodes.
L'auteur aurait mieux fait de diro : « I^urs aucieunes
méthodes », car, dans les autres ai-mées européennes, « l'at-
taqne décisive » n'était pas, comme chez les Anglais, Valpha et
Vomégn de la tactique,
Après la capitulation de Kronje (27 février 19Û0), le corpB
d'investissement, fort d'environ 43,000 hommes, dont 1:2.000 à
cheval, avec une nombreuse artiderie, reprit sa marche vers le
Nord fl Iravers le Veld, sous l'habile direrlîon de son chef,
lord Rol)orls, et adopta un dispositif d'approche Men adaplé aux
circonstances.
Les 4,000 11 5,000 Boers que l'on pouvait rencontrer en posi-
tion sur les kopjes |jarseniant la plaine ne savaient combatti'e que
par le feu, à l'exclusion de toute manœuvre.
IK's lors, il était avantageux de marcher déplojé sur nn larga
front, et cela d'autant mieux que, le mouvement étant orienté sur
Bloemfonlein, capitule de l'Orange, on avait la certitude rjuc
Tennerai viiMidrait s'interposer entre cette ville el renvajiissenr.
Suivant Tauleur, le front do marche a ï^ouvenl dépassé 20 kilo-
mètres.
Le corps d'armée s'avançait en ligne de brigades, et celles-ci,
LA HÉCETtTE fiVEflRK SDK-AraiCMWE. 33S
au nombre de huit, couvraient, chacune. <^n y comprenant de
larges intefVuUes, un front de 2 à 3 tilooîf'tres eL une profondeur
égale.
■ Pour passer de la formation d';ipproche à la formation prépa-
ratoire de combat, il snffisail d'augmenter les dislances entre les
divers éléments.
■ L'avant-garde était fournie par les troupes h cheval accompa-
gnées d'artillerie légère.
D'après l'auteur également, les quatro biftaillous composant la
brigade d'infanlorie angolaise formaient une sorte de colon ae
double ouverte, chac|ue bataillon ayant s€s buil compagnies les
ânes derrière les autres, k 100 mfetres de distance, et, dans
chacune d'elles, les hommes sur un rang avec trois ou quatre pas
^i'intcrvalle.
Ctiaque lioloiiDC (fïe brigade) était cumpost'e de manière à avoir la
rpériorilé numériqtie sur l'adversaire qu'elle pouvait rencotitrer.
A dix contre un, la condition était facile à remplir.
L'auteur nous dit également que, sur un aus.si large frûut
(20 kilomètres et plus), les colonnes rencontrant l'ennemi en
position s'arrêtaient et ouvraient le feu h f;rande distance, pendant
que les autres» celles qui n'avaient rion l'cnconti'é du tout, conti-
nuaient à avancer, puis se rabattaient sur les derrières du défcn-
rur.
Nous pourrions nous en tenir là de noire analyse.
Les moyens employés piir lord Robcrts pour venir à boLit di's
résistances de renuemi, pendant la marche sur Bloemfunlciii et
plus tiu'd sur Pretoria, sont ingénieux et parfaitement appro-
priés à la situation. On ne peut que louer ce maréchal de
s'être débarrassé des formes usitées à la guerre entre armées
européennes pour en adopter d'autres inspirées par la oatiire
du pays et la tactique de ses adversaires.
Notes d'un témoin.
L'auteur de l'article de la lirvup des Deux-Moudea a lait un
large emprunt aux noies personnelles d'un officier qu'il désignt'
le titre modeste de « témoin » .
336
JOCtIKAL OSS SCIBKCBS IflLITAIlUtS.
Ce fragraeni ofire un très vif inlérêl, parce qu'il es^prime avec
un grand accenl de sincénlé des choses vues.
PcndanL lu marche de Paardeberg sur ËloeDifoDlelni, Je géné-
ral Frencl] commandait l'avanl-garde composée d'une divisioti
de cavalerie à Irois brigades, d'une division d'infanterie monlée
i deux brigades, de sept balteries â cheval et de quelques sec-
lions volanles de iDitrailleuses. ■
Celle avanf-garde, plus ou moins fraclionnée, précédîiîlt'arra™
à IS ou 20 kilomètres de distance. C'est d'elle et d'elle seule qu'il
s'agit dans tes lignes qui vout suivre : ^Ê
Généralement, la tâche de mener le combat de front iiumiiai^
à l'infanterie montée. Elle metlait pied à terre derrière des lAr
tm's 2,U00 mètres, y laissait ses chevaii.rt puis, formant ses tigfi
de tirailleurs, elle s'efforçait de gagner du terrain.
L'avance des combattants ' ne se faisait pas en général en dedaiit
de la zone de ROO mètres, oit le feu prend une précision extrmi,
ijrdve à l' absence de fumée et au eantclhe dénudé du terrain.
H semtflait que vers 800 mètres on trouvait une tninièrt'
presque infranchissable.
En terrain découvert, chaque modèle de fusil comporte une
distance, dite des feux efficaces, qui correspond à la leiisiûtid^
sa trajectoire.
Celle distance avec le fusil de 18"" k balle sphérique était dî
ISO h. 200 mfctres.
Elle a atteint 300 mètres lorsqu'on a tiré dan» le niènie fusi'^j
mais rayé, des balles tronconiquesselbreantparévidcmenlpo^
térieur.
En 1870, la dislance de combat a varié entre 330 et 4îîÛ nièlr*!^'
et elle aurait tHé de 500 mètres si les Allemands n'avaient en u"
intérêt majeur à se rapprocher jusqu'à 40Û niÈlres. en raison de
la trajectoire du dreyse beaucoup moins tendue que celle iJi
chassepot.
' Celte plitase rfui âcmLle Iradinle Je l'anglais gagne il être conslruiW ci^mih*
il suit : a Les assaillants ne pouvaient pus, on gênera!, s'approflitr hIp ''*y
Il vcrsaira à iitciiii» de 800 màlies, distaiico à taquifile le feu preiiii une »"'"
H cactté eiitrÉDie, gnlce à. l'at^aciice de fumce et au caracli^re dênndii du t«''l
« rain. ■<
LA BECESTE RUERHË SUD-AKBIGAiME.
337
Si nous avions fait la guerre avec le fusil modèle 1874 ?i ear-
louclie mfHalliquc, l.'i dislance tîe combat aurai! élé de 600 (iiMrcs.
Avec le fusil aclLiellement en service dnns la plupart des
armées, !a distance de combat correspond atil aux feux efficaces
serait de 700 à 800 mfetres, et l'expérience de la guerre aud-
africiiine vient confirmer cette îiiduclion théorique rju'uppuient
d'ailleurs les résultats de polyt^one.
C'est à cette distance que l'on peut l'âîsonnableraenl cherdier
h obtenir clfi conserver la supériorité du feu lorsque cotte condi-
tion est reconnue riéccssaîre.
11 va de soi que Li puissance du feu augmente aux dislancès
inférieures & celle; do 700 h 800 mMres, considérëc conmu; la
distance minimum h laquelle une troupe en tirailleurs abrités ou
couchés peut esécnter un combat de feux vraiment efficace sans,
I pour cela, s'exposer il la ruine.
ft Sauf le cas d^ilistacles ou de couverts facilitant raccès de la
^feone en def;ïi de 8ii0 mitres, une troupe d'infanterie en tirailleurs
Bie pourra donc progresser dans celle zone que si le feu de Ten-
Bheml a été plus ou moins éteint, soit par le tir de rartiUerie, soit
^par le tir de mousqueterie ou, mieux encorcj par les feux com-
binés de CCS deux armes.
La (ormfttion adoptée pour iraterscr lo zone de 2,000 mètres à
iOO mètres êlait une formation sur un rang à trois ou quatre pm
Vinlerratie, mnn sontiens ni réserres. Tout le monde élmt, en
ligne. On ne cherchnit pas d'alHeurs à produire sur cette portion
!u champ de balaille un effort riolent.
On comptait mr raction des aUes, sur l'effet de t'firtillcrie,
^iifin sur ïunivée des diinsions. Ou cherchait surtûut à gagner du
mÊempa et, le plus souvent, la cktUe du jour mTétait l'attaque de
^ron( avant quelle eût atteint le seuil de la zone de 800 tnètres.
■ Les troupes montées aux ordres du général French étaient
^^paHies en trois groiipes : celui du centre, très fractionné en
Pi*6viâion du combat d'avant-garde, destiné h reconnaître et h
"^er l'adversaire ; ceux des ailes, concentrés en dehors des vues
^^ l'ennemi, dans le but d'agir sur ses flancs, une fois ceux-ci
*|'^Uinités par les fractions de l'avant-gardc opérant sur toute
Bkéteu(jQe j^ ffonl.
^^H i. det Se. mil. 10* S. T. XVII,
3â8 JiOt;ilNAl. D£S âCI£Mbl^â MlUÎAtbKï.
Ce dispositif élatl judicjeuK, ëlatU doQnê que l'avant-
dans, son enstiniblo, était numénquenicnl supérieure à reiitiemî
etqueceiui-ci rcâtail invHriableiuenl rivé â ses positions.
Contre un adversaire immobile on peut tout oser, sauf de&
atUcjues de front pnîmaturécâ.
Jm marche avait alterné atsc h ffu et n'était faite d'un aki
Vauh'f. Le terrain rf^rojfivrJ! était étité non seulement pour y itff
îiôuner, tnnin eiicort* pour It' (rarermr.
Les combats et hataillfis tic, hi guerre de 1870-71 présentent, i^
côté allenuind, des procédés d'approche identiques à ceiixfii
viennent d'èlre décrits.
La progression se faisait par groupc& plus on moins forts,
d'abri en aliri, à Tesclusion de tout formalisme, la notion du biil
à atteindre dictant le choix des moy&ns.
Presque tous les officiers prirmt l'habitude â^em-'Otjer â l'aM
mitimt desgrade'â on des fiûmmes de bonne volonté, tittuHn */«i'*
HurtieiUakiii le moureineHt (k leur groupe. La conlwfiutt ikj
l'exemple a loujours été un ressort plus puissanl pour mouroir if^
hommes en avant ^iCnne poussée tenue de Carrière,
Cette pratique n'est pas neuve j elle était en usage il n'y» j
longtemps et continue sans doute li IV^tre dans un do, noscorp*'
d'armée que nous pourrions citer, avec cette différence qu'ici lei>
chefs de section se portaient seuls h Tabri suivant, puis faisaient
signe à leurs hommes de les rejoindre.
Le procédé ant^lais nous semble préférable, en ce qu'il perûwt
à l'ofticier de veiller au dépari des retardataires, toujours l®<
mômes.
La ligue de tiraiUêiO's, telle qu'elle était constituée au itM.
ne lardait pas à se briser sous f influence du terrain. Par l'i^U*-
rance qu'ils exerçaient sur tout ce qui to approchaient, ten éff^
régissaient les intenmltes et fixnimt la forme de la ligfHf il'
L'attirance des abris a été également constatée par les oIM'
LA HHi;B.>iT»: (iUKUItK Si iJ-Ab'QJCXlMil.
3^9
ciers d'inlanlerie, Français el Allemands, sur tous les champs de
bataille de 1870-71.
■ Le combat de prixe de contact a maintenant fi.ré l'ennemi sur-
son frûtU. V action de l'mtïilene l'a oampé sur sea detLr aileif.
L'ennemi ne f/ûHfjeaut pm^ l'attaque eMetoppante va pretulre mm
rvergure considérable.
Ce comkiL de prise du coiitiicl n'est titilre que le cûmtutt
d'avaut-gardfi tel que nous 1g connaissons, et, dans l'espace, dft
simples p;il rouilles mixtes auraient suffi, puisque l'ennenii, par
deslinaLion, se fjxniE de liii-mCnie.
L'action de l'artillerie h cheval sur les deux ailes résulte de
ce fail que les batteries ont été systématiquement réparties entre
Jes deux groupes de cavalerie ou d'infanterie montée, disposi'iii
en arrière des ailes du groupe central, lequel élait chargé du
conihat de front.
tiuand ce combat paraissait mûrj les groupes des ailes, trac-
f ionnés par pelotons, gagnaient do terrain en dehors des flancs
de l'ennemi, se réunissaient, puis les hommes mettaient pied li
terre et reformaient les unités tactiques qui allaient se loger sur
les (lançs pour ouvrir le S'eu de ntousqueterie, A ce moment, la
journée touchait habiluelleraent h sa fin, et les Boers, se voyant
ilébordés, commençEiienl h liatlrc en relraite.
W La poursuite lie honmit à ijKefqites obus lancés sur les convois,
i^fndani ce temps, l'aifaifue de front {combfit d' avant-garde sur
tout îe front) arait rtH/li- >ffîî prorfrèn mr le recul da défenseurs ^
€tu Hi'U de précipiter lear tetniiU- pur une offemire décidée.
On a don lié comme ereuse it ce reîiiehement (dam in iiour^iiile)
fétat de fatigue des hotuiiiea et des cheraux, ou t'approche de la
i}7iit. En réalité, il eut dû *'t l'épuisement neru-y^; ta tension
itio raie causée par le danger prtiduil une fatigue pluf^ique felle tjiie
eertnins fiomiues, i/m n'ont pan boutiè de tome uni' journée, main
ont été soumis pendant de lontjues heures à ta fmillude, sont hor^
d'état d'un effort quelconque. Avec les armes nouielleSj cette tension
l'.tt plnii (jntnd'' {(létiuhefnis, el (es dépressions sont aussi pinx
grandea.
i
JOURTfAt DBS SCIENCES MILITAIRES.
340
On conçoit, îi la rigueur, que les Iroupes anglaises employées,
au conibal de front, longtemps soumises k nn fcti de nioustjiie-
terie erficnce, aienl él('î trop déprimées pour se jeter sur TenneinL
au moment de sa retraite; mais les antres troupes d6lîit.:h(.'!es auîc^
ailes et dont l'înlervrntion avait tité aussi soudaine que tardive^
pourquoi ne poursuivîiient-elles ]>as l'ennemi?
C'est que, ayant laissé leurs chevaux loin en arrif're, le^
troupes d'aile (^laîenl tncapahles do tout mouvement rapide.
Cette cousl;il:\tion suffit k condamner le procéd(5 consistant
faire mettre pied à terre h toute la cavalerie, même lorsque, e'
raison de circonstances parllculitres, son action principaL
réside dans le eonihiit de feux.
Arrivons maintenant au phénom^nc d'épuisement nerveii—
constaté ctiez la plupart des hommes d'infanlerîe montée co
hiUtant do front ol qui étaient exposés durant plusieurs heures
la fusillade, aux distances voisines de 800 mfctrcs.
t'el état (j'énervemenl est bien connu, et les officiers qui oi
pai'licipê aux lialailles de la guerre franeo^a demande se so"!
viennent d'avoir observé cbez leurs hommes, qutind ceux—
étaient fortement engagés îi la distance du lir efficace de f'époqm
(400 niL'trcs environ), une dépression morale et physique alJa.
en augmentant avec la durée du combat.
En pareille occurrence, le soldat est comme rivé au sol et i=. ^i
lire c'est en vertu de l'iuslinct de la conservation qui le pous. s i
h tuer pour ne pas èlre tué.
La guerre sud-africaine ne nous apprend rien de particulier:^— à
ce sujet; mais elle démontre que la distance de combat efficf» -^e
atteint uitJQurd'hui 800 mètres, au lieu de 400 roÈtrcs qu'es ^K le
était en 1870.
Cette conslalalion du doublement de la distance de comt^ af
permet de dire que les attaques insuffisamment préparées -et
dont les objectifs auront été mal choisis amîncronl des hé*^ <23-
lorabes plus sanglantes et non moins inutiles que par le pas5«:^-
L'art du haut commandement en deviendra plus délîcal ^^t
plus difficile, soiti
Mais ne voit-on pas dans toutes les branches de raclivif ^
humaine le perfectionnement de l'outillage exiger des organe?-*
directeurs jjIus habiles?
Si la loi moderne de la division du travail a eu pour effet àc
h
LA ItliCIiNTË t'rUEJlBK StD-AKlUGAJNE. ^i-U
développer h l'cMlrOme chez l'arUsaiï les réflexes rjécossaires
à rcxécution de la Ulche qui lut csl dévolue, elle demande beau-
CDup d'art pour Ineii diriger un «tablissemeiil industriel, agri-
cole ou coniiiiprcial et, h plus forte riiisoo, pour bien comuiauder
une grosse utiilé di-slrois armes, rippelée h lutter, non seulement
contre des dillicu liés niaUîrieiles, njais encore el surtout contre
un ennemi pourvu de moyens d'action très pnîssanls.
Les phénomènes de dépression psyi.'ho-piiysiijue déjà constatés
en 18704871 et en 1877-1878, chez les tirailleurs comballant
à la distance des feux eflicaces, ne pourront que s'accentuer dans
l'avenir avec la réduction de la durée du service actif et en raison
de l'absence de liiméfî t|ui rend les objectifs peu visibles et fait
que les balles arrivent souvent on ne sait d'où.
CciLe éonsta talion de preniîj'Te importance milite en laveur de
'engagemenl progressif et parcimonieux des unités d'infanterie
de première ligne.
On sera môme amené, pensons^nous, à retirer du combat cer-
,aines unités Irfcs éprouvées par le feu lorsqu'elles auront pu être
■ejointes par d'autres unités fraîches ".
Des troupes d'irdanlerie sérieusement engagées durant plu-
sieurs heures auront, en effet, perdu toute capacité combative
t ne seront plus qu'un élément de démoralisation pour les ren^
brts qui leur arriveront.
Il faut en conclure que, pour nourrir le combat de front, tout
n jour, peut-être iui>me, pendant plusieurs journées consccu-
ives, récheloniiement des forces en profondeur, aulrcuient dit
ordre perpendiculairt^, est plus nécessaire que jamais et s'oppose
rextcnsiou des fronts qui semble, îi première vue, découler
les porfectionncincnls apportés à l'armenienl.
Cette action ilt-s troupes montées, formant de tmntfremes araiH'
'ardes-, suffi.'HiU soutent pour frayer ki route aux divisions d in-
fanterie....,: ntdi^ il arrira par fois que cette action n'amenait pna
résidtat (ifteudu, soit que l'ennemi tint bon, soit que su ligne
ie défetifie eût un trop tjmud développement.
• Le l'ail se^t produit en plusieurs circonslances dp la gii-Tri' dt- 1870,
lotainmetit nu VIII'' corps prussien, le IBaoùt, à. ta fermûSatiit-IIiil>ert et sur
luiére orientale du ravin de la Hance.
Ui
JUÎILVIL i^EJ iŒSCtes lÊlUt.xiMMS.
Le lémoin atiqaet sqdI empruntées les UgiMS <|ui pr
n'faé^te pas à employer le lermê d'atant-gardes pour dé^D^
les troupes Jtlgères chargées de racoDDaitre rennemi, de fe fiier
sur (oul£ l'étendue de son front, parfois même de h manceavrer
6ur ses ftancs.
L'anteur, lui, a paur le mot ataat-yarde uae phohia fnvikn-
Uère dont la cause noas échappe.
Les notes du témoin décrivenl ensuite le déploieioenl de l'ar-
mée, précédé de mouvements obliques par les colonnes des
ailes, l'entrée en action des artilleries divisionnaires, la marche
d'approche, l'entrée dans la zone du feu d'artillerie (entre 4,009
et 3,001) infetres), enfin Tarrivée îi 2,000 mètres de rennemi.
À cette distance, les f/lessès pouvaient encore être recueiHis et
transportés, (en of/tciers montm s'approcher dev troupes
Vers loOiJ mètres, l' attaque commenratt le feu.
Le tir s'erécutait indiridueilement dans la position du tirent'
rouché, en utilisant le mn-anismc ii répétition. Pour faire moim
de monrempnls, fe tireur n'appliquait à charger en restant en jottf,
L'ourerture du feu uuirqttait un ralmlissmient dam les prs-
tjrès de t* attaque. Dès que ta marche était reprise, tout deveMt ,
un prétcTte pour s'arrêter de no ur eau et reprendre le feu:éi
hommes ondes officierx atteints, an (ihri favorable, un arrÛ 'frtj
fompûgnies voisines, etc....
N'oublions pas que nous sommes sur le Veld, prairie immense
que barrent de distimce en dislance des rangées de kopjes.
Malgré celle condition défavorable pour la marche d'approcbc,
on ne peut louer Pintanterie anglaise d'avoir ouvert le feu ù
1500 niMi'cs du défenseur.
Aujourd'hui comme au leraps du maréchal Bugeaud : a Tirer
de loin est le fait d'une mauvaise infanterie. »
f*nr « tirer rie loin », il fatil entendre le tir exécuté à une dis-
tance sensiblement plus grande que la distance du l'eu eflicace,
laquelle, de 200 nièlres jusqu'en 18fK), est passée tout au maints
m France à 400 mètres en 1867, à 000 mMres en 1874 et ï
800 mètres eu ISisû.
Dans te» balaillom, le besoin de prendre part au tir et de
LA nKflG:<TE. *;i RnUB SUD-AtmilAINi;,
3^3
>rM contittuef à snhir tien peitem fnm essa^r d'en mfiiffn atissi,
\ menait sur la ligne (tk eomàaî) les rompagnies de l'arrière. Ainsi
te pfodimait, sam twdres nfémanx, le dépUtemmt des cofotmes,
I'^' arrivée dune nouvelle t:ompiignie ne déterminait pas d/i pOHSSéP
f« avant, car tes now>eauT rmtis, presséi de s'abriter et de tirer,
'arrêtaient aux obstack.i qui l'eimaimt ta première ligne.
Les iiK^mcfi pliénoraènes ont été ofaservéa en 1870-1811 chez
«s Allemands dans roffensîve.
A cette époque déj?l lointaine, les compagnies de sonlîenj
uand elles ne disposaient d'aucun abri et se trouvaient exposées
^iiR feux dirigés surla chaîne, avaient iinfi tendance trfis accusée
*i se joindre aux compagnies déployées en ttrailleurs, afin de
participer au tir.
L'arrivée d'une nouvelle compagnie sur la chaîne provoquait,
parfois, un bond en avant, mais pas toujours, et c'est h tort,
K îi noire avis, que nos règlements de 1875 et de 1884 ont posé en
^ règle alisolue que tout renforcement de la chaîne doit être le
signal d'un nouveau bond ofiensif.
K Pour en revenir auv Anglais, les fréquents arréls de leur pre-
^^ mîêrR ligne aux distances comprises enlre lijOO et lÛOO mi^tres,
ne témoig^netit pas d'un bien grand esprit offensif. Que serait- t-i[
advenu si les Boers avaient disposé d'une nombreuse artillerie
■ h lir rapide?
Au fond, la passion g'nerrière n'aniraait pas le soldat anglais,
leqtiel se ballant uniquement par devoir professionnel, cher-
chait avant tout îi conserver sa précieuse ex latence. A chaque
combat, le chifire des pertes en officiers, hors de proportion avec
l'effeclit" de la troupe, montre bien d'ailleurs que !es soldats
manquaient de mordant.
I
Les quatre dernières com<pugnim de diafjue bataillon étttitnt
fùfiserrées à aUO mètrfs >'ii nrrièrf. Elles fùrmaieitt une ligm
déployée sur un rang, occupant uu front égal à (a ligne de combat.
Le bataillon anglais étant composé de huit compagnies de
100 hommes environ, sa ligne de combat, h raison de quatre com-
pagnies sur nn rang^ devait mesurer de 300 ù 400 métrés.
344
JOUtlNAL DES SClBNCeS UIIJT AIRES.
Les quatre compagnies restantes suivaient à 500 mfelres el
occopaient é;çalementiiii front de 300 îi 400 mètres.
Dans tontes tes l'ornialions d'fipproclie el de combat que l'on
vient d'analyser, il n'est nullement question de marches par le
flanc (les subdivisions ol de marches en file indienne.
Celte conslfitalion est honne îi i-etenir.
Les réserres si' teitaient n 1500 ou 2,000 mètres de ces coinjitî- '
gnie.t: les fmUtilhns qui les composaiefit gardaient leur foniisHm
de marche en cohimes formées dfi compagnies dêphyées mr im j
ranff avec ùiterrafle entre chaque fiomme. Mais les distances eiitrt
les mmpaaniifs variaient sans cesm, donnant l'impression du jïk I
dti muffh'f d'un ne.cordéon, réijlé par '.enarcidents du sol. En dîn-
geaut leur tir (d'artillerie) sur cette formai ioii, les iiointeun s
enrmnis deraieut élre déconcertés par rimpréeisiùn du but renda
plus insaisiftsaffle encore en raison de ta teinte kttktj des fêle- '
jnents emctement fondue avec celle du Vetd. .
Ce tapis humain â large trame présentait sur toule sonétendut \
une rmiiith-abUitè êgalemeut faille. Aucun point n'nttirail ji'fM'''
spécialement l'atCcndon, et te fractionnement de l'objectif, rèinii
à Vétat dépoussière humaine, produisait ta dispersion et rédMi- i
sait ainsi l'efficacité du feu. ^À
Il ne faut pas perdre de vue les condilions spéciales dans les-
quelles s'est cffecluik! la marche dos Anglais ft travers le VeW'
Eu premit'r lii'u, reniiemi est dis fois moitis nomln'euxqu"
l'année d'invastori. En second lieu, il fait de la défensive pas-
sive et ne noanœiivre pas; enfin, son artillerie est réduite S. quel- J
ques cations, répartis, par pîtce, sur une vaste étendue. H
Assurément, lord Koberls a résolu le problème qui consistait
h diminuer les pertes au niinimnra, mais ct^la au prix de la pertfij
des liens tactiques et en émietlrmt ses troupes au point de le
réduire à l'état de « poussière humaine ».
On raconte qu';"! hi manœuvre de brigade, couimandée pî^f
Tempereup d'Allemagne, le 29 mai dernier, snr le lerrain i^
Tempelhof, il a été procédé k une petite espérience qui n'a pn^l
manqué d'intérêt. ^
Le bataillon d'avant-garde avait pris la formation d'essai, dé'
nommée, par antithèse, « Boerstunn »>, qui consiste fi placef
LA HK.CENTE GUEHKE StlD-AmiCAIS'E,
34S
h 100 OH 150 mètres les unes derrière les aulres les quatre com-
pagnies déployées eti tirailleurs avec intervalles.
Celait bien le dispositif des Anglais sur le Veld.
Totil alla 1)1(^11 d'abord ; mais, au cours de sa raarche d'ap-
(iroclic, le baiaillon fut assailli de flanc par quelques escadrons
rJcbouchanl par surprise d'un pli de terrain.
La cavalerie parcourut librement les espaces ménagés d'une
compagnie t'i l'autre et l'on compta qti'cHe avait reçu, au total,
une douzaine de coups de fusil. En réalité, elle aurait renversé
les lignes de tirailleurs comme capucins de cartes.
En cette occasion, si Guillaume U a voulu donner iiux offi-
«tors de sa garde une lionne leçon de choseSj il a complètement
xéussi. Le fait montre d'autre |>arl que nos voisins de l'Est ont
l'œil ouvert siti' les procédés tactiques employés h l'étrauger,
rnôme quand ils revêtent un caniclèrc très spécial, el qu'ils n'hé-
sitent pas il les mettre en expérience, quitte li les condamner
s'ils ne satisfont pas ans conditions de la guerre d'Europe. D'an-
très expériences plus sérieuses ont été faites au caïup de Dobo-
ri la; il en sera question plus loin.
^H *Si la set'Biide lUpie emprunlait non imwuniiê ù sa fonnaliou,
^^Har ligne de combat In limil mrlout du teiTain, Les abris désor/ja-
' ni^ûieut look' symélrie sur la ligne, réglaient les ûitenaties etiti'e
f^s fffoupt's H (es demités des tireurs. Eseottades^ sections, compa-
gnies entières vemtie»t se pelotonner derrière eux suirant lenrs
il e-fne usions. Us e.Terçfiient une irrésislibie fascination sur les
L'ui! Usa lion des obstacles a pris un Ir&s grand développemenl
dans les combats et batailles de 1870-71, comme en font foi les
ti't'^s nombreuses monographies françaises et allemandes publiées
^^ lendemain de la guerre.
Une fois l'engagement de front établi, on ne voyait de part et
^ ^Utre que des lueurs et un peu de fumée parce que les tirail-
leurs des deux parties étaient embusqués derrière des obstacles,
*"^ bien couchés.
Les lignes de combal n'apparaissaient visiblement qu'au mo-
|**ïntdes aliaques partielles ou générales. Il est évident que Tuti-
^^sation des couverts et des obstacleB sur la lijjne de feu aura
:«6
JOL'BNAL DEË SÛIBNCGS MtUTAtftE?.
dans l'avenir une importance d'aulant plus grnnde que lo canoti
el le fusil seront plus puissants.
Ce di-^postilif 'ff'ftpprot'h)^) HftJt t^onneiré jusqu'à nitff zone tfm',
parmi etiiitirùme w^linctif, fondé sur t/Hetifues Uiûices, on eati-
mait à emiron lOOO ou 800 mètres (i« i'ndrermire.
Ces indkes qui^ à défaut de Vomemi toujours invisible ^ gui-
4aient dans Vnpprécintion de la distance, étaient tes suivants :
Tout mouvement collectif sur ia ligne ds feu provoquait un
reâmiblemciit df* In ftmilUidf ennemie.
Le fuâil MHuaor de """",7 et à chargeur dont les Boeps élaieul
pourvus est une arme exceptionnellenient ]mi&sai)te, qui periaet
j'otitenif une elfiuuciU'^ redoutable, h la distance de 1000 à
800 mètres, contre des buts très restreints, mais, en l'espèce,
l'acuilfî visuelle des Bocrs a joué un grand rùle, el il a^t permis
de croire que des tireurs européens seraienl iuciipMbtes J'en f^iiro
autant.
On conçoit que Ton puisse periccliouuer le fuijil tant et si bîeu
qu'à la distance de lOûO mètres, par exemple, il permette le lir
contre uir petit groupe de trois ou quaire hommes couchés avec
la mÈnie probabilité de l'aUeindre qu'aujourd'hui îi 400 mètres
avec le fusil en service, mais le tireur européen issu d'un village
agricole ou d'une vitlf: industrielle verra-t-il, à 1000 mîitreS:, un
objectif aussi mince?
A partir de 800 mètre-if commençmt le dertmr acte de In balaiile,
Le» fractiomqni avaient sur leur front un terrain découvert s'ar-
rHnirnt, entrHfnaifini In fu!<iUade >'t s'en mnetlnient à ce qui
allait se passer snr leurs flancs
Lex étt'ments qui disposaient au contraire (fun terrain coupé on
courert d^olMai-lei emifinuaient à ^e rapprocher
fjH marrfie enartint dmis la zoue inférieure à 800 mètrei est î&
problème le plus ardu qu'on ait eu à résoudre". A partir du mo ■
ment oii l'on s'enffdfffaïf dans cNte ::one, hs obdacîea farorisarmt
inégakmenl le^ différentes fractions. (JnelqueS'Unes ponraîent se
trouver inopinément rapprochées de V ennemi, tandis que d'anirea
en étaient encore à grandes distances, La ligne de combnl affectait
alors des sinuosités qui ta mettaient à la fais à 400, 000, KOO,
oOO mètres de m ligne de dèfen«e.....
LA nSL'KSTB «L'KflKB Si:!>-Ant10A]NK.
347
C'est bien ainsi que doit être compris le corubal offensif sur
but le front : une poussée continue des éléments de première
ligne jusqu'à la limite des obstacîes ou dns couverts les plus rap-
prochés de rcnncmi dans le but de le fixer, de le déprimer en
lui infligeant des pertes, et de préparer de la sorte l'action des
troupes fraîches chargées de briser sa résistance en un point
choisi.
Celte notion du combat de front e&t devenue familière à la plu-
part des offieiers, gri\ce aux travaux de certains professeurs,
n'en déplaise îi l'auteur dft l'article de la Reime des Deux- Momies ;
c'est Ifi un résultat des plus heureux.
Ce genre de combat est exclusif de tout formalisme; l'impor-
tant est de loger des fusits jusqu'à saturation de^ri^rc tous les
obstacles et couverts du terrain d'approche en laissant vides les
espaces nus ou bien en les faisant occuper par des fractions
maintenues h 800 mètres au moins de l'ennemi.
Les divers offfciers qui ont pm part û cea combats rapprnchét
~fflirmctit que If tir lUreclion eut nholwneiit hom de fa innin (fei^
ijéupraur Pt den officiers super i(mr<i. EHc iw repose que sur t'inl-
tiatire des som-offteÀérs et des soldats, aecidenteUemetit guidas
par le geste ou par f exemple fJ'un officier subalterne.
Il en était déjh ainsi aux batailles de Î870, et si le témoin,
tuteur des notes que nous analysons ici, croit énoncer un Tait
nouveau, il se (rompe.
Le rôle des fçénérauK et des officiers supérieurs na consiste pas
îi diriger le combat de tirailleurs proprement dit ; c'est l'affaire
<les capitaines el des lieutenants.
Une troupe d'infanterie engagée échappe à toute direction
supérieure ot elle est incapable de manœuvrer autrement qu'en
avainjant ou en reculant. D'autre part, cette troupe s'épuise, se
coHitmne assez rapidement, et sa puissance d'action deviendrait
bien lot iShisoire, si l'on ne prenait des mesures pour la renforcer
au moyen de fractions fraîches venant en quelque sorte lui
infuser un sang nouveau.
C'est alors qu'interviennent les officiers supérieurs, ainsi que
les généraux, par le juste emploi des soutiens et des rêaervfts.
A cela sfi borne leur intervention dans le combat de tirailleurs
34R JOURNAL DES SCIENCES UIMTAlllE».
qu'ils «nourrissenU, suivant le lerme consacré, et par là même
ils exercent une aclion constidérable sur les résu liais de la lutte.
Dans cette action violente, chaque homnu' engage sn rie et s'ap-
ptique surtout à se courrir, U ne tire que hts^ïtll s'est assure' te
coureri d'un abri. Quand il est assez prêt de l'adversaire pour
teiHrer-oir fienihut r/'clair d'un bond à toute co,use, t'itomme ne
songe {/uére à ses chefs ni à ^ea voii^iits. It ne de'sire l'arrirf'e
d'aucun renfort qui attire un redoublement du feu de feimmi.
La qunliiè di^ l'ahri importe plus que tout le reste.: it iinniQbiliie
lltovinif, main le rend aussi moins accessible au.r impres^ftonstiiù
pourraient l'inciter à battre en retraite. Il a en effet vomieiencr
que, d'''.i qu'il le quitte pour se porter en avant ou pour ftnr, le
danger eut le me'me, Catle adhérence à l'abri, surtout au.r petite»
distancea, a été un fait constant avec lequel le comvtandemeiit
avait () compter.
Le pai'fiiit <'^|,'OÏ&rne du soldat anglais, qui est im caract^^e de
sa race, ressort bien des lignes précédentes.
Assurénient le soldai anglais a montré dans cette campagne,
comme au sificle dernier en Espagne, une grande bi'iivoiire alliée
ù heaucoiip de sang-froid et de ténacité. Mais U est avant tovil
individualiste, et celte qualité, excellente dans le commerce, est
moins bonne ix la guerre, qui réclame une grande abnégation,
La devise russe : « Péris, mais sauve tes frères », ne sera
jamais comprise des Anglais et encore, moins appïiquée par eux.
Le lirailleur français sera heureux de l'arrivée d'un renfort,
dut celLii-ci provoquer un redoublement d'activité dans le lir de
l'ennemij parce qu'il y voit un gage de succès.
L'Anglais, lui, se place fi l'unique point de vue du danger que
lui lait courir tout renfoi'cctnent.
Dans tes différents combals dr front, ce fut toujours llnUiatire
de certains groupes de tirailleurs qui amena le mecès.
En aucun cas, il ne fut donné par une poussée renne de l'ar-
rière.
Sur le Ve(d, les Boers, au nombre de. 10,000 h 12,000, ont
défendu successivement des lignes de kopjes, offrant p;irfois une
étendue de 20 kilomètres.
LA BÉCEKTE GL'EfltîE SUD-AFIIICAINE.
349
II n'est donc pas dtonnant que certaines fractions anglaises
aient pu forcer, en tel ou tel point, le front ennomi et détermi-
ner, pur leiii' irruption dans la position, la l'Ctrailo des groupes
liniitrophcs des points enlevés, retraite qui gagnait de proche en
proche toute la ligne de défense.
Les fucct'ïs sur le front ayant été obtenus par les tirailleurs
seuls, indépendamincnt du haut commandement anglais, lequel
n'avait pas discerné et encore moins indiqué los points d'at-
taque, 1(3S. poussées venues do l'arrière ne pouvaient se produire.
La silu,ntion serait tout autre sur un champ de bataille où
lutteraient des troupes européennes fortement organisées. Lîi,
des succ("^s partiels obtenus par quelques groupes de tirailleurs
n'auraient aucun eUcl sur l'ensemble, et, pour vaincre, il fau-
drait, comme par le passé, lutter longuenieut avec une extrême
énergie sur tout le front et combiner les combats de front avec
une (ou ptnsieurs) attaquo sur la zone choisie par le liaot com-
mandeitieiit, attaque opérant par surprise et pourvue de moyens
trf'S supérieurs à ceux que l'ennemi pourrait lui opposer.
H arrivait aussi quelquefois que Vinterrention de troupes appa-
raissant inopinémetit sur îtne portion du champ de balaiUe, restée,
jusqu'alors pim ou moins en dehors de l'action, décidait du
_cmnbat.
Les flancs de l'adversaire servaient d'oltjf'ctif et pouraient ainsi
U trouver entre deux feu:r.
L'attaque par surprise d'un flanc ennemi réalise une des con-
ditions les plus favorables pour obtenir le succès. Les Anglais y
ont eu recours aussi souvent qu'ils ont pu. Cela ne leur était pas
difficile, en raison de leur énorme supériorité numérique.
P L'irruption se produimit parfois mir un tout autre point (que
le fîanc). Il était surtout important que les troupes eussent pu
s'arnnmr à l'abri des feux, gardant intacts kur élan et leur force
d'action.
Ce qui déterminait leur ûireclion de marche et Imr objectif
était non pas (elle particidarité de la ligne de d/^fenfie, mais sim-
plement l'orientation et le débonché du couloir topographique qui
avait favorisé leur approche. Ainsi, l'issue de la lutte était soit-
reat le résultat d'un incident de ta bataiite. au iieu détrt ttmenr
ftar une série é^ efforts tonreriftnïs et 4'ênerqit cr^ismat^ *iiri^t
par le commandement supt^riettr.
La condition essenlielle de loule alUtqae décisive esl qu<? le>
troupes qui en sont chargées ariiveat^ en possession do tooi:
leurs moyens, à courte dislaoce du poinl à eclev^ ce qui
revient à dire que ces lrou|>es, déjà cou reries pur le combâl #
front formant rideau, doivent trouver dans le terrain des (m-
lilês d'approche particulièreroent favorables.
Si Douâ avons bien compris le sens du le:ilc ci-dessus^ ie^
Iroupes angliilses de seconde ligne qui rencontraient sur leur
parcours un cheminement favorable s'y eoubieut d'elles-mêmes,
consme l'eau va k la rivière, en suivaient les sinuosités jusque
iion débouché h courte dislance de l'caneinl et partaient de là^
IVrllaque, par surprise, de la partie du iront défeosir la pks
proche.
Le célèbre écuyer Baucher répétait souvent : « L'é|ierôn es^
couime un rasoir cnlrR les luains d'un singe -i. cl il recomioa'i''
dait aux cavaliers médiocres d'enlever leurs éperons avant ^'^
monter k cheval.
Les généraux qui ne se sentent pas la force d'organiser, ***
préparer, puis de lancer une allaque décisive au bon moment *■ ^^
au bon endroit, doivent avoir la sagesse de renoncer à ce niO<J"'
d'action Ires pprillenx.
C'esl le parti qu'adoptèrent les généraux anglais diiran l
seconde phase de la campagne.
Après avoir ignoré lolalement, dans la premièrfi partie de ^*
i^uerre, les avantages du combat de front H s'être attiré d^^^
échecs graves par leurs attaques brusquées faites sans disjcern^
ment, ces méniùs généraux lAclièrent plus lard la bride îi leur"**^
troupes et se conlenliïnent d'assister de loin à des cotnbnisil ■
soldats.
En face de Boers luttant îi raison d'un contre dix, de IdI^
errements ne pouvaient amener pour les Anglais des coiisé"
quences f^chenses, et ils présentaient l'avantai^e de limiter be.iii'
coup les pertes; mais il ne faudrait pas ériger en règles appli-
cables sur les champs de bataille d'Europe des procédés aussi
simplistes.
LA lietïFNrR tîUGnilK SlU-AKttlOAIMi;.
351
serait le a DélirouiHex-vous » légendaire érigé en règle.
chacun sait où conduisenl de telles pratiques quand l'adver-
saire est bien organtst', fortement itislruil et supérieurement
commandé,
HZnt comùfRaifion d'Hit vombal sut- le front arec une intsrrmitioti
^^tr uue «i7i?j ou une irruption sur im antre point, ne murait être
cmuidèrée comme une gtavintie de succès dans l^ offensive, fi a été
remarqué, en effet, que, dès que la d/fen/te peut faire face à ces
liQuvcKes directions ê'iittaque, elfe (es transforme aussitôt enatta^
/jues de front, qui se trouvent rapidement paralysées.
R^'est Ik unw vfTÎté aussi vieille que l'art de combattre,
iUne altaque d'aile ou une attaque centrale n'ont chance de
iissîr que si Tune des conditions suivantes, ou toutes les deux,
ont été rompHcs, savoir :
tï* L'action par surprise, excluant l'intervention en temps
portun des réserves ennemies;
2-^ La mise en œuvre de moyens très supérieurs eu artillerie ,
en infanterie, parfois même en cavalerie, contre le point d'at-
taque, moyens tels que la dt^fense soit impuissante à rétablir
l'équilibre en ce point.
k commentaires dont nous avons fait suivre les notes frag-
res du témoin dispensent, h la rigueur, d'analyser les
f'ûnclusions que tire de ces notes Tautenr de l'arliclede ItiRerue
des Deur-Mondex du 15 juin 4902.
Nous allons cependant examiner un (orlaiîi nombre de ses
conclusions.
L'auler.r, prenant son désir pour une réalité, fillribue h la
plupart des oftîciers anglais ayant participé k Ui guerre sud-afri-
caine un courant d'idées qui les porteraient h réformer de fond
en comble la tactique aujourd'hui en usa^e dans les armées
européennes.
Nous ne croyons pas ta g^uérattid des ot'tlciers anglais suscep-
tibles de raisonner sur une question aussi haute, attendu que
leur éducation lactique a été jusqu'à ces derni(?rs lenipa passa-
blement négligée.
TROISIEME PARTIE
3o2 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
Examinons les principales réformes préconisées par l'auteur.
La guerre de masses du commencement du XIX* siècle, actuellement
en lionneur Hans la plupart des armées européennes, va se trouver rem-
placée par la guerre de rideaux et les opérations combinées de nombreuses
colonnes mixtes.
On doit supposer que l'auteur ne s'est pas très bien exprimé
et que, dans sa pensée, la guerre de masses sera remplacée par
la guerre de rideaux, obtenue grâce aux opérations combinées
de nombreuses colonnes mixtes.
En d'autres termes, l'auteur semble vouloir répartir les
grosses avant-gardes d'autrefois en un grand nombre de petites
avant-gardes mixtes, destinées à combattre sur toute l'étendue
du front ennemi.
Ainsi restreint, le vœu de l'auteur n'aurait rien d'excessif et
marquerait seulement une tendance que justifie jusqu'à un cer-
tain point la puissance de l'armement actuel.
Mais, si les masses passent la main aux avant-gardes — ou
rideaux — durant la période des combats de front, — ce qu'elles
ont toujours fait depuis un siècle dans les armées bien comman-
dées, — leur action ne reste pas moins indispensable pour
amener le dénouement.
Les généralisations hâtives sont le propre des esprits superfi-
ciels, et tirer des enseignements fermes pour la guerre d'Europe
de l'expérience de la guerre sud-africaine, c'est conclure du
petit au grand d'après un cas particulier.
La puissance du fusil et l'invisibilité des buts rendent les fronts difii-
cilement abordables par des attaques brusquées.
Pendant la campagne 1870-71 les attaques de front brusquées
furent toujours repoussées par le feu avec de grosses pertes pour
l'assaillant.
Il suffit de rappeler les échecs subis : a) dans la matinée du
6 août 1870, à la bataille de Wœrth, par les avant-gardes du
II« corps bavarois, du V» et du XI* corps prussiens; b) le 16 août,
à 4 h. 30 du soir, par la 38» brigade d'infanterie prussienne;
c) le 18 août, parles VIP, VIII«, IX» corps et la garde prussienne,
lors de leurs tentatives pour faire brèche dans la ligne de dé-
LA aÊÛEKTE GUERBË SIJD-AFBICAINB. 353
fense; d) Les 13 et U janvier 1871, par les nombreuses attaques
françaises lancées conlre les défenseurs de la Lisaiiie.
Aujoiîrd'hui, plus encore qu'autrefois, le front de roniu'mi doit
être abordé avec beaucoup de précautions on y ujeltant le lemps
nécessaire ot en procédant plutôt par des feux d'usure de plos
en plus rapprochés que par des coups de force.
La di^dision un comb.it doit 6trc cherchée dans la coiîibinaîaon des
feux de trcint et d'ccliarpe (ou de flanc).
Le feu de raousqueterie n'a jamais suffi à déterminer la retraite
de troupes braves et bien commandées.
Pour faire évacuer à l'ennemi sa position, il est de loute néces-
sité que l'infanterie assaillante s'en approcbc h. distatK-e d'assaut.
A ce moment l'adversaire fie voit obligé sous peine d'ahordagc
de se découvrir pour [irer ; c'est alors que l'arlillerie de prépa-
paration accable sous ses rafales les défenseurs qu'elle lue,
blesse ou disperse, ouvrant atnsi la voie h son infanterie. La
manœuvre enveloppante facilite la décision du combat puisqu'elle
a pour etTct de |)rendre entre deux feux, l'aile de reiinûnû qu'on
a pu déborder. Cette vérité est vieille comme la guerre.
L'auleur envisage le cas où le d<5fenset)r, prévenu de l'enve-
ioppementqui le menace, a envoyé ses. troupes h la rencontre des
troupes assaillantos. Celles-ci, ne rencontrant plus alors une aile
découverte, se voient obligées de lutter de front contre la ligne
que l'ennemi vient d'improviser et, dit l'auteur : w sout amenées
à chercher lu décision dans le combat de front ».
Dans ce combat {de front), la sujiériorité numérique n'est plus le
fiicteur décisif. Il {ce factear) réside essenlieHemeat dans les marches
d'approche protégées par des feux combinés d'îirlillerle et de mousque-
lerie, et soigneusement défilées. Alors, quand la zone des feux rap-
proctiés &'^l atteinte, la valeur individuelle du combattant, dont l'ini-
tiative et Is courage s'exercent librement et ?ans contrôle possible,
devient la coadilion du succès,
B ' Ainsi, plus de choix du point d'atlaque principal, plus de ma-
nœuvres antérieures pour réunir h l'emiroit convenable les
troupes des trois armes appelées i frapper le coup décisif, plus
de préparation grandiose de l'événement, plus rien que des sol-
/. dei Se. mil. 10' s. T. XVIL 25
3S4 JOUONAL 0£S SClBNCKIï lULITAIBE;*..
data dont rinitiulive el le courage s'eKcrcent libremeat. Mais c'est
['(f[ie d'or dejt géaéram: qu'on nous promet.
Notre iafantûne ne ^'esl pas battue autri^uient, k rÂLnia^ h
Inkennann, k iMagi^uta^ à Solférmo,et elle a été viclorieuse; par
maElieur, les événements ont pris une tout autre lou mure quand
elle a eu affaire auK PruàâeDs de i%lù.
Celte fois, la bravoure et rinitiative dn soldai français ne suf-
firent plus, et l'on dut se conYaiacre dans notée armée que le com-
matidcinent, ;t tous îes degrés, exerçait, quand il était fort, une
iniluence prépondérante sur les résultais de la lutte.
Après cette guerre notre corps d'officiers s'est mis au travail
dans l'es poil' d'égaler, siBon de surpasser, ses adversaires de la
veille et, grâce à des efforts soutenus, ses progrès éclalenl aux
yeux des moins clairvoyants.
Aujourd'hui, sous le prélexle que la seconde partie de la guerre
sud-africaine a donné lieu de la part des troupes anglaises h cer-
tains procédés combats adéquats aux conditions exceptionnelles
de la bitle, ou voudrait réiohttmmer nos uiélhodes, au lieu de
les perfectionner par voie d'évolution sagement conduite, el l'on
semble ne pas s'apercevoir qu'en agissant ainsi on porte le
troublf! dans les esprits et que l'on risque d 'arrêter le mouvement
i[ui s'opère depuis quinze ans en faveur ih l'unité de doctrine.
Fort henroHsementtrien ne prévaut contre le bon sons, et il en
sera des ibéories de rauteur comme do tous les produits idéolo-
giques que rorguuisntc militaire s'est toujours obstinément rerufiAifl
à s'assimiler. ^
La cavalerie est restée l'arme des rapides TnQUVGmenl.s cnvetoppatits,
des poursuite? et des arrière-gardes.
(L'auteur emploie le terme d'arrière-garde, lui quia horreur
de celui d'avant-garde ; aurait-il été eti peine de trouver te néolo-
gisme faisant opposition au mot de rideau qu'il aflectionne tant?)
SûTî imporlance n'a fait que grandir, mais soa mode d'acHion s'est
complèlemûnt tcinsfonné.
Le temps ûù^ grandes chargea est prissi^ Il l'ctail déjà en 1870. CcMe»
qui furent lenLéfS à celle époque, aussi bien du cùlé allemand que ilu
cdté t'rauçais, n'uboiilireat qu'à d'inuLlIes hécaiombes.
. Nous pensons au contraire que Itt guerre de l'avenir verra se
LA HKGRKTK GUERIlE itL'D-AFikIC!\IXË. 35S
^produire de Irba grandes charges de i-avaterie, même conlre Tin-
fa ritme el l'artnierie, eL que le résultat de ces chai'ges dépendra
presque unifiiiemeiil de la valeur des chefs qui les auront com-
mandées.
Dans toute baiaille, en eflet, on voit des troupes faiblir It Iftl oti
iel insbiDt de ia lutte. Si, dans tm pareil momertt, une masse de
lavaleriese précipite, comme l'oiseau de proie, sur une infan-
terie ou une artiîlerie plus ou raoïnss démoralisées ou manquant
de munitions, elle cueiftera do beaux lauriers sans coiirir de
rands risques.
Que serait-il advenu Je l'infanterie du 2" corps françaisj le
16 août 1870, quand, après la perle de Vionville el de Flavi^y,
il fut contraint par tes obus allemands à reculer en désordre, si
la 6* division decavalerie allemande s'était trouvée où elle aurait
dh être el avait ehai'gé en temps utile snr les fuyards?
Les Allemands reconnaissent l'insuftisance de leurs généraux
^^vaîe.rie do 1870 et ils font les pins grands eiïorls, deptiis de
lies années, (lour développer che?. leurs oflicicrs supérieurs
généraux les quatités si rares du chef de cavalerie.
McniG en 1870, malgré l'ïiOirmalive de l'auteur, certaines
charges de cavalerie n'ont pas été que des hécalonibes. Dans lu
jonrnée du 16 aoftt, la ehaj^gc Bredow et (a charjïe dn 1" dra-
gons de la garde prussienne ont pleinement obtenu les résultats
cherchés; enHn, le même jour, les charges du |>Ialeau d'Yron ne
furent pas imiïîles non plus, car elles contribufîrenl îi arréUM-
l'otîeusive du corps Ladiuiraull, si dangereuse pour l'aile gauche
allemande.
Aucune troupe de civaierb, niiïme d'uu t'âible efitictir, uc peut plus
pnruître h ran;;s serrés dans la zaae d'acliun du canoti cl à [dus forle
ruison du fus>ii.
Gela était déj.î vrai en IS70 ; mais rinipossibitité où se trouvait
la cavalerie de stationner, h distance de tir, en vue de l'artillerii'
el de rinfanlerie ennemies, ne l'a pas empêchée h cette époque
de faire son service qui consiste à reconnallre les haiics de l'en-
nerai, à protéger les ailes do son armée, à surveiller de grands
intervalles vides et à intervenir dans te combat, quand roccasiou
s'en présente, |>arce que les terrains de l'Europe centrale étant
tous, pius on moinft accidentés, il n'est pas decbamp de bataille
356 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
qui n'offre des masques susceptibles de couvrir les unités de
cavalerie à faible distance en arrière des troupes engagées.
Le service de reconnaissance, arrêté h grande distance par la longue
portée des armes et la rapidité d'un tir dont l'origine ne se voit pas, ne
peut plus faire connaître que les points où l'ennemi n'a pas été ren-
contré à une heure donnée.
De nombreuses reconnaissances explorant sur un large front
et qui reçoivent des coups de fusil à grande distance sans qu'il
leur soit possible de voir d'où ils partent, délimitent quand môme
l'emplacement et l'étendue de la position ennemie, « en côtoyant
la zone dangereuse », suivant l'expression de l'auteur.
Il n'est jamais venu à l'esprit de personne, déjà en 1870-1871,
de faire pénétrer les reconnaissances de cavalerie à travers les
mailles d'un réseau d'avant-postes mixtes bien constitué.
C'est en opérant sur les flancs de l'ennemi en marche ou en
station que les reconnaissances peuvent avoir l'espoir, si elles
sont habilement conduites, de s'approcher d'assez près pour
voir de grosses colonnes ou de grands bivouacs.
Mais n'est-ce pas un résultat important que d'avoir pu côtoyer
la zone dangereuse du fusil sur toute l'étendue de la ligne occu-
pée, soit par les avant-postes de l'ennemi, soit par ses forces
principales?
Encore ce résultat ne sera-t-il obtenu que partiellement et au
prix de beaucoup d'adresse, si l'adversaire dispose d'une cava-
lerie nombreuse et active faisant le vide autour des troupes
qu'elle est chargée de couvrir à grande distance.
D'après l'auteur, l'exploration que le capitaine Gilbert a qua-
lifiée de « négative » est la seule qui puisse donner aujourd'hui
des renseignements précis. L'assertion est inexacte, attendu
qu'en 1870, malgré la crainte que leur inspirait le chassepot,
— arme à tir rapide et à longue portée, — les reconnaissances
de la cavalerie allemande ont su, particulièrement du 26 au
31 août, recouper la marche des colonnes de l'armée de Châ-
lons, reconnaître ses bivouacs et donner au grand état-major
des renseignements très utiles.
On répondra que la cavalerie allemande a eu beau jeu, par
suite de la mauvaise répartition de la cavalerie française et de
LA RÉCBSTË (ÎUEUUE SLTD-AFBlCAtNE,
3ST
son incapacité en matiùre d'exploration. C'est exact; mais, h la
guerre, les deux adversaires ne s'équivalent jamais, et le plus
fort ou ic plus habile l'emporte sur l'autre, sans quoi il n'y au-
rait ni vainqueur ni vaincu.
Cette failliie da la cauakrie au s espérances fondées sur elle pour le
service d'eiploratioa fut si absolue que les troupes cessèrent de faire
reposer leur sécurité sur celte arme.
L'auîeiir manie le sophisme avec une dextérilé sans égale.
Qu'on an juge !
Tout fi l'heure, il nous disait que le serviee de reconnaissance
se troitrrtnt arrf'té par les balles à gronde (h'staitce ne peut plus
faite connaître que les points oh l'ennemi n'a pas cte rencoHlrè,
Maintenant, la faillite de la cavalerie on matière (i'fjriiloralion
a e« pour cou séquence d'enlever aux troupes toute confiance
dans le rôle de neeuiiié confiée à cette arme.
Faillite de la cavidarie !
Le mot est hien gros; il ne s'applique d'ailleurs qti'ît la cava-
lerie ani;laise opérant contre les Boers, tous cavaliers et loua
tireurs hors ligne.
Chaque fois qu'une cavalerie européenne s'est trouvée en lutte
avec un peuple cavalier, elle a dû renoncer aux petits détache-
ments de dt^couverte.
Le fait s'est produit pour la cavaleriû française lorsqu'elle a eu
affaire aux Cosaques en 1807, 1812, 1813 el 181 i.
Il en a été de même eu Algérie, duraiil les prennères années
de la conquête, jusqu'au moment où des goums ralliés h la cause
de la France ont éclairé les colonnes mobiles el ont déchargé
notre cavalerie du service d'exploration.
L'auteur explique ensuite que la cavalerie anglaise, quittant
ses lances et peul-élre aussi ses sabres, a pris le fusil et s'est
transformée on infanterie montée. Grand bien lui fasse t
Il faudrait voir cette cavalerie opérant eu Europe d'après les
mêmes principes; mais on ne le verra pas, les Anglais ayant
trop de bon sens pour commettre jamais une pareille excentri-
cité.
L'arlitlerie lient à cûrabJncr les effela de pièces très puissantes avec
ceux de rarttllone Wgôre à lir rapide, Elle cherche à établir sea but-
358
JOUII>AL DES iSCliJNCBS HILiTAlHËS.
lerics sur un granH front, toul en foisaot converger ieor tir sur un btil
unique, de manière à. le baùre en même teoips de front et d echarpe.
Le iémnin^ dont nous avons analysé précédemment les notes,
ne dit pas un mol de l'artillerie établie sur nii grand front; il
racûDle, au contraire, que les batteries s'élaljlissaient aux ailes
quand J'avant-garde opérait ii grande dislanccdu corps principal
et que l'artillerie se déployait, soit aux ailes, soit dans les inter-
valles des Ijataillons, lorsque les dÏT/isions d'infanterie élaienl en-
gagées-
D'autre part, les divers enseignements apportés dn Sud afri-
cain concordent sur ce point que, si l'artillerie anglaise s'est tou-
jours motilrée d'une grande bravoure, elle a le plus souvent
opéré pour son prapre compte et en masse sans paraître se
douter des conditions qu'exigeait de sa part la préparation
d'une attaque d'infanterie.
Le morcellement systématique des forces dont l'auteur semble
^tre un apôtre nrdent, dénolCj che7, lui et ses coreligionnaires,
un étal d'esprit qui s'est manifesié dans la conduite des attaires
militaires à l'époque de la Terreur,
On avait déployé les quatorze armées de la Tlépubliqn« sur îes
frontières menacées (elles l'étaient toutes) qu'elles couvraient en
cordon, et, dans chaque armée de 20,000 li 35,000 hommes, les
troupes étaient également en cordon.
Aujourd'hui, le rideau remplace le cordon, mîiis au fond c'est
la même chose : faihlesse partout ol défaite assurée en cas d'at-
taque de l'ennemi sur te point qu'il aura choisi.
A vrai dire, les armées de la première Coalition se montrèrent
si pusillanimes et agirent avec une telle mollesse que la France
échappa, cette fois, au démembrement.
Les résultais obienus par les gros projectiles chargés de Ijddite
(mélirjîlf) oui éié fnibles.
Cela se conçoit, les Roera n'ayant jamais défendu des localités
et s'étant presque toujours abrités dans des tranchées profondes
OH derrière des rochers.
Au contraire, l'eftel des schrapnels a toujours été redouté,
A rapprocher de la phrase (page 748) suivante de l'auleur :
LV nÉCÊNTE GUEnilE SrD-APRIC\TNE.
389
Les projectiles de rnrtïllerieaiiglaisH n'avaient qu'une effrcacHé imuf-
lîsanle. Nos schmpnels font pear aux Btrera, mats ne les Inenl pus, éeri-
Taitiord llethuen; kurs balles maitqDenl, de vitesse*
Bans les citalions qui vont suivre nous allons conslator de plus
en plus chez rauteui* une imagination lui faisant prendre ses
idées pour des faits :
Le morcelleiment de l'arlilIePie est devena la règle.
Nous avons monlré précédeaimeot ce qu'il faut en pens«r>
Toute troupe ri'inl'antcrie, ménie faible, iloil être eti jifijtcipe accom-
pagnée de cavalerie pour l'éclairer et de c-anona pour prûtéger sa
marche.
Sur les champs de bataille de la deuxième partie de la guerre
sud-africaine on ne trouve pas trace de petites colonnes d'in-
fanlerie anglaise accompagnées de cavalerie et d'artillerie; or il
s'agit ici du combat.
Il en csl tout autrement des colonnes mobiles opérant isolément
dans le but de dominer le pays et de donner la chasse aux
groupes de partisans. Dans ce cas, elles veulent Être constituées
avec des éléments pris dans les trois armes.
L'ancien axiome : ^< Le feu attire te feu « se trouve moflifié ainsi :
1' La visibilité atiire le feu. n
Soit 1 maîfS c'est jouer sur les mots.
L'înFanlerle ne p&ut plus combattre que couebée.
La nécessité poitr rinfanteric de prendre la position couchée
s'était déjà imposée en 1870-71.
L'autour explique ensuite que pour progresser en rampant ou
par bonds rapides, le fantassin doit ôtrc sans sac, ne conservant
pour tout équipement que la musette, la marmite individuelle et
Ja couvprturf^ roulée en sautoir.
Aux batailles de Spicheren, de Wis.sembourg, de Frœschwiller,
de Borny, de Mars-la-Tour el de Saint-Prîvat, Français et Alle-
mands ont combattu sans sacs.
Les quelques patrouilleurs du V® corps prussien faits prison-
niers pendant la bataille de Frœscbwiller étaient pourvus de
360 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
Vétui-musette, avaient la capote en sautoir supportant à la partie
inférieure la marmite individuelle et étaient coiffés du bonnet
(mûtze), le casque étant suspendu par les jugulaires à la poignée
de la baïonnette.
Quoi qu'on veuille, les batailles chaudement disputées exigent
que le fantassin soit débarrassé du sac lourd qu'il porte habi-
tuellement.
D'où la nécessité du sac divisé en deux parties séparables,
l'une destinée h ne jamais quitter le dos de l'homme, l'autre sus-
ceptible d'être chargée sur la voiture de compagnie ou sur tout
autre véhicule.
L'auteur souhaite pour notre infanterie la bandouillère à car-
touches, un uniforme khaki et, pour coiffure, un chapeau mou
couleur de terre à larges bords, relevé à gauche. Il demande
même que les boutons soient en corne.
L'auteur approuve beaucoup lord Roberts d'avoir armé du
fusil les officiers, même les capitaines, et de les avoir habillés et
équipés comme leurs hommes.
A propos de coiffure voyante, il nous souvient qu'au lendemain
de la guerre de 1870-71 , nos officiers d'infanterie furent unanimes
à demander que l'on remplaçât le képi rouge par le képi bleu,
attendu que leurs hommes, en tirailleurs couchés, avaient géné-
ralement eu la précaution d'ôter leur képi rouge, jugé par eux
trop voyant, et de le déposer à côté d'eux.
En 1872 ou 1873, des commissions furent réunies pour déli-
bérer sur la question de savoir s'il convenait de remplacer le
képi rouge par le képi bleu, et elles fonctionnèrent longtemps;
quant au résultat on l'attend encore.
L'auteur a horreur du panache et ne cache pas son dédain
pour ceux qu'il traite d'esthètes du costume militaire.
L'uniforme de ses rêves se compose sans doute d'une blouse
masquant la maigreur ou les difformités du torse et d'un cha-
peau à larges bords cachant les yeux.
De cette manière, les gens mal bAlis ou laids n'xiuront rien à
envier aux beaux hommes, car les uns et les autres seront égaux
dans l'horrible.
A ce propos, le Voyage aux bords du Rhin, de J.-J. Weiss,
contient un bien joli chapitre où il est question de la tenue d'un
çfficier de hussards prussien et qui se termine par la constata-
LA «ÉOKNTE GUEBRE SUD-AFUtCAlKK. 361
lion, dans Tarmée française contemporaine, d'un vrai phéno-
mène : « le hussard mclancolique ».
Quelques années avant la guerre de 1870, un mhiislre,
pourtant de haute valeur, snpjH-înia les compagnies d'élite,
i>nleva aux hussards la sabrelache, à l'artillerie et aux lanciers la
t'ourt-agt^re, donna la tunique aux dragons et licencia les musiques
I d'arlillerie et de cavalerie.
B C'était mal connaître la nature humaine.
Pour anieuer les hommes sur la ligne de feu, les oHlclera se servenl
de formaliom étroUa, siTuteuses et profondes, Souvent, ils font mage de
la /ile inilierjuit [tarce que, disonl-ils, i'iiomme suit, plus facilement son
chef de Glu qu'il ni; se dirigerait lui-môme.
B A notre connaissance, aucun des documents recueillis de la
Louche ou de la plume d'officiers anglais ayant combattu en
Afrique aiislnilc no mentionne de formalions étroites, ni de lilc
indienne pour arriver sur remplacement de tir.
(Les Anglais ont exécuté leurs marches d'approche par lignes
de tirailleurs successives, et pas autrement.
A 1000 mfclres, une balle de fusil traverse qunlre hommes
placés l'un derrière l'autre.
Ce seul fait d'expérience indique que les formations étroites et
les files indiennes, admissibles pour progresser sous le feo dt;
l'artillerie aux grandes distances, ne sont plus de mise dans la
marclic exposée au feu de la mousquelerie.
^" L'invisibilUc de renncmi est h facteur nouveau dont l'iaslruction des
combattants avait omis de s'occupçr jusqu'alors.
H' Les Buors, tapis dans leurs tranchées profondes, étaient invi-
ncibles h 1000 mètres; c'est Ih un fait indéniable j mais nos soldats
^^sont pourvus eux aussi, et depuis longtemps, de poudre sans
. fumée, en sorte que la très faible visibilité de l'ennemi, aux
Bjgrandos et movennes distances, leur est devenue familiiire duns
les exercices et manœuvres à double action où l'on fait usage de
cartouclies k poudre.
B Avec ta faeatlô d'acoij lu ration de tir que donne l'arme à répétition,
un ^eul bominc tirant rapidement peut produire le mûme cÛct. que dix
Tfm JùmSAL WS acnBUCm HtLIT.VtlLK».
lirears cfleeinant on tir Donn«l, e( il esl Impassible de jcger de La é(~^
férence.
Celle as&erûoQ montre à quelle erreur rimagiiiaUoQ peut con-
duire quand elle a'est pas conlenue par lexpérieDce.
Un ^l<iat exercé lire normal lement six ou sepl coups d^i lui^
par minute.
D'après raatear, le même sotdat, en se preâââot, pourrait lij
bOÎxanlt; coups dans une minute, aulrement dit, un coup defnl
par seconde.
Or, c'e^i lout bu plus si, en faisant n^agê du mécantstne I répé-
lilion ou d'un char^teur, un tireur exercé qui vise petit lancfr
doujte balles par minute, et encore sera-t-îl à bout de forces aprts
irois ou quatre minutes d'un feu pareil. Tous les officiers à'in-
fanterie savent cela.
L'aoteor signale l'aUirance de l'abri et l'adhérence au sol comifttl
deux X grands ennemis qoi parilysenl l'action et affaiblissent le >
du cotnbaiiADi n, el il ajoute :
u Uédtication morale de i'Kofrunç et YinstrucOan techmq*te du filial
^nl les deux leviers qui permettent de détaclier le nomballaQl de l'»btl
et de le porler en avant. "
Jl y aurai! donc une éducalion morale de l'homrae, dislinû
de l'inslruction technique du soldat ?
C'est Ici une grave erreur d'ordre psychologique. Non! k
soldai ne se dédouble pas,
il arrive au régiment avec des qualités et des défauts qu'il lienl
surtout de l'hérédité el un peu de i'éducalion qu'il doit i^
l'aniille et h sos maîtres.
Du jour où il entre dans la vie militaire, ses chefs eillrt.'-
prènnenl de développer ses qualités, de corriger ses défauts el
de lui inculquer, outre les connaissances techniques nécessaire),
l'amour du drapeau, Tespril de dévouement à ses camarades, 1*
conliance en ses chefs, l'i^sprit de corps, une grande émulalion
et le désir de 5e distinguer il la guerre, uicme au sacrifice.^
vie.
Le concept du citoyen-soldut est dn domaine de la mélapiiy-
sique. 11 hanie ie cerveau des idéologues excilés par le désirde
fonder un ordre social purement ralionaliste, sans lenir compie
l'A R^ÏCENTE Gl'RRRE liîUD-AFIUUAtNE. 363
de l'hérédilé, des l!*adiLions el des habîludes qui font de toul
homme l'esclave du passé,
L'autf^nr entraîne ensuite le lecleiir dans un ordre d'idées
à«!sex éloignées de la lactique, en cherchant k démontrer que
TAnglelerre, ]>ar le seul fait qu'elle est frilmtaire de rexlérieur
pour son alimentation, n'est guère pluii puissanle aujourd'hui
W^a'U y a cinquante ans,
Pou]' le prouver, il nous dit que 240,000 Anglais luttant contre
12,000 Bocrs, ces forces disproportionnées se font équilibre,
^h A ce compte-làs un Boer vaudrîiit vingt soldais anglais; c'est
Hpeu flalteur pour « Tommy j^.
V A vrai dire, l'arlicle de ia Revue ries Deux-Mondes du IS juin
a dû être écrit avant la coDclusîon de la paix, dans un moment
où l'autfïur croyait que la guerre sud-africaine durerait toujours.
Mais, dès le mois d'oelobre <900, la campagne était virtuelle-
ment terminée.
Suit une amplification littéraire de l'idée fort ancienne qu*î> îa
guerre Je fer pèse le même poids que l'or.
Revenant ^ la tactique, Tauteur dit :
^B Rendons-nous compte que les armes actuelles porlcnt à son point
culminant le combat de tirailleurs sous une tormc nouvelle où cAnyue
soldai dûit a^ir mdiridui.'U^iite}ii, daim l/i plcnilude de ia volonté <•( de
^Efoii ùaiéfcndance pour Joindre i'entiemi et le détraire.
WL C'e&l le relour pur et simple h la barbarie avec ses hordes
dépourvues d'organisation, de commandement et de discipline.
Kt voilk l'idéal qu'on nous offre ? Grand nii^rci !
b L'auteur expose ensuite tes difficultés que l'on éfirouve acluet-
lement h former de bons soldats, en raison du bien-être croissant
, du peu])le et de l'intellectualisme des gens raftinés, el il cite tt
K l'appui de sa thî^se le soldat chinois méprisant la mort et lAche au
^ combat, mais ce qu'il oublie de dire c'est que tel Chinois, qui a
fui honleusemenl sous les balles lorsiju'il était commandé par un
ivil mandarin militaire, devient un 1res brave soldat quand
il passe sous les ordres d'un bon chef européen.
Pour en iinir avec les citations de rauleur ;
La pfliir est une maladie; comme les autres, elle a sa prophylaxie
(MoiBo, Physiologie de l't Peur), Elle consisle (la prophylaxie) dans te
364
JOCnSAL DES SCIENCES MlLITAinKS.
d43veIop{jemcnl méthodique des apliludes physiques, delà volonliS, de
l'énergie chez Venfunt el le jeune komme.
Dans cet ordre d'idées, lii mère de famille d'abord, le moitre d'école
ensuile, doivent exercer un virîktble s^cerduce. Le régiment est impvii-
sant à faire naître ces qualités ; l'esprit de sacrifice ne s'acquiert [HU
avec des théarieî dam les chambres. L'action des of/îciers ne fait que le
développer en donnant l'itatruction technique et en se gardnnt de dim-
nuer, soia prétexte de discipline ^ l'inilialive ei Vindividuahsmt' du Jeam
homme devenu soldat.
La peur n'est pas une maladie ordinaire, car, étant Ip plus
souvent d'origine ancestralc, elle- est intimement liée aux qna-
liti^s «Je race et de t'aniille.
Napoléon, qui devait s'y connaître, a écrit :
La brrtvûiue est une qualité ùmée: on ne se la donne pas.
Les officiers qui ont mené pour la premii'^re fois une Iroupeau
feu se souviennent de la surprise que leur a causée l'altitiided^
certains soldats, liien différente alors de ce qu'elle êlait aupan-
YHnt. Tel lier-ii-bras s'éclipse, alors que tel cljélif brille au pT^
niier ran^.
Nous ne voulons pas dire par U* qu'il soit inutile de développe
chez l'homnie la forée el l'adresse, ainsi que Ténergic et la puis-
sance de volonté.
Ces qualités contribuent it antriruniter le courage par la con-
fiance en soi qu'elles provoquent, mais elles sont impuissantes â
k donner quand il n'est pas dans le sang.
L'éducation du physique, de Ténergie et de la volonté peul
évidemment commencer dt;s le jeune fige, au grand profil de
la nice.
Sous ce rapport, l'éducaliou anglaise devrait nous servir J^—
modèle, mats nous en sommes eticore loin malgré les tentatiTJ^P
fort honorables faites récemment sur divers points du lerriioif^^
par M. Demolins et ses disciples.
En l'état actuel, Sa plupart des mères françaises gâtent leni"»
enfants, el les maîtres d'école, de par leur éducation piireraent
livresque, ont une répugnance marquée pour tout ce quitouc
de prf-'s ou de loin, à la force physifpui.
C'est donc une utopie que de vouloir allribuer aeluellemeii
UK nÉGBNTE GUERHE SUt}-AFAtCAJN&. 365
la mère de famille et au maîlie d'école l'exercice du sacerdoce
dont parle Fauteur.
Plus tard , lorsque les méthodes actuelles d'éducation se
seront Iransforméfis du tout au tout, il devleudra possible d'es-
pi^rer quelques succès de ta pai'ticipalion de l'I'tiiversité au déve-
loppeuiejit du physique vX du caractère chez l'enfant et l'adoles-
cent.
ÉLes sociétés de sçymnaslique el de tir esterçeraicnt une salu-
îire inHucnce sur la jeunesse si elles étaient plus nombreuses et
urlout mieux composées, mais les fils de bourgeois marquent
a leur endroit un iirotond dédain et les campagnards n'en ont
cure.
Actuelleraent, il n'est pas de milieu plus favorable à réducalion
^jjhysique el morale du jeune Français que le régiment, h Ja con-
H^ition que les oflicîerscl lessous-officiers soient pénétres de leur
^■iDission et s'en acquittent avec le zfcle et la compélenco qu'elle
»exige pour Ctre bien remplie.
L'atileur refuse au régiment toulc mission éducatrice el lance
cette boutadtj :
i
L'esprit de sacrilîce ne s'acquiert pas avec des Ikcûries dans les
chambres.
^
La méthode misérable des théories dans les chambres serait-
elle la seule qu'il connût?
La dernière phrase de la citalion empruntée îï la lierue des
Deux-Mondes, da 15 juin, corrobore, en la renforçant, l'idée pré-
édemment émise par l'auteur d'après laquelle l'oflîcier doit être
réduit au simple rùle de technicien. On ne veut plusque l'officier
exerce sur sa troupe une aclion entraînanle, qu'il en soit la tète
et le ceeur, el l'on compte sur l'instituteur pour façonner des
hommes capables de braver la mort sur le champ de bataille.
Que l'on sache bien qu'une unité tactique ne vaut que par ses
chefs et que ceux-ci n'ont le pouvoir de la maîtriser au feu qu'îi
la condition de l'avoir formée physiquement, moralement et
techniquement, df'.s le temps de pais, en se formant eus-uiêmcs.
Il y a trente-cinq ans, on admettait eu France que le matlre
d'école prussien avait gagné Ja bataille de Sadowa.
A la môme époque, les idéologues si nombreux et si écoulés
dans notre pays menaient une campagne contre ce qu'on nomme
366 JOURNAL am scisKCfis uiLiTàiaE».
iiujourd'hiii le militRrisme, Jisant que, en cas degiterrCj il suflî-
rait> comme en 1793, de frupper le sol pour tn faire surgir des
armées. A la discipline el fi l autoraalisme prussiens ils voulaieal
qu'on opposât des baïmneUeè inteUigente» el des retnparis
miiscks.
Oa connaît Tépitogue.
Faute de cultiver les (raditions, une génération succède k une
autre sans profiter de sou expérience, en sorte que des utopies
condamnées par les faits renaissent <i intervalles fixes et. loin
d'être combattues, rencontrcat un accueil favoi-able de la pirl
des jeunes qui ne savon t rie^n d'un passé relativeuienl récent.
En résuttié, rarticle de la Revue ârs De u.r- Mondes, du 15 \m
1902, s'appuie sur un grand nombre d'observations relei'
durant la guerre sud-africaine, les unes judicieuses, les an Ires
contestables, pour essayer de détruire les doctrines tacfijM's
issues des campagnes de Napoléon et, plus récemmejfitj ik ki
guerre franco-ailemaDde.
A ces doctrines ù eoup sûr perfectibles, l'auteur oppose
guerre de ritteimx, alimentée par de pelites colonnes mixlcâ
nombre considérable.
Le procédé est simpliste; par cela mûniej il doit plaire u
ignoranls.
CONCLUSIONS.
Nos propres conclusions tirées de la guerre sud -cdricaitie awiL
un peu diiïérentes :
1" L'abseEce presque complète d'artîUerifï du cùté^desBocrï
ett faussant Ifôî conditions de la luUe, i>e permet p^is de se t'ail
une idée précise de la physionomie que présentera le combat a||
début d'une guerre ciitrw puissances européennes.
Ainsi, h uuurhe d'approelic des troupes, de dt^ujiièuie lign
anglaisi's, telle qu'ello s'est elï'ecUiée sor le Veld eût été défec-
tueuse, on peut prevSqticdire irapo&siblé, ea lace d'une iionibreu
artillerie h tir rapide.
S*" La puissance du fusil acluei reporte la distaece normale i
combat d'infanterie ;i 800 mètres environ, au lieu de 400 mèlr
LA RÉCENTS OUKRaE SLD-AFaiCArNB.
aG7
qu'elle était en 187Ô et de (iOO mètres qu'elle eût éli avec le fusil
u modèle 1S74.
P 3» La faible visibilité de l'ennemi, ri^sultant de la poudre sans
fumée et de l'eimploi lr6s étendu de la fortification de champ de
bataille, rend tes approches très longues, très lahoi'ieuseset eon-
court,avec racoroisseiuent des efleclifs, à donner une durée beau-
coup plus gi'aûde qu'autrefois auK engagements et, par suile,
_aux batailles elles-mêmes.
H 4" La puissance actuelle de l'armement conduit h morceler les
avant-gardes, avant qu'elles ne soient exposées au feu eftîcace
dé rartillerie, en fractions deâlinées h engager le combat de
reconnaissance, lequel s'étale devant le front de l'ennemi et
amorce te combat d'usure sur tout le front.
- o" L'épuisement nerveux consstaté de tout temps, mais plus
rapide aujourd'hui en raison de la moindre durée du service
actif, de la faible visibilité do^^ objeclifii cl de la puissance de Tar-
mcmenl, ftxige, d'une pari, que le combat soit progressivement
nourri par l'arrivée opportune et périodique sur la ligne de feu
de troupes fraîches en iiouibro strictement calculé el, d'aulro
part, (jue les troupes non engagées soient soustraites, le mieux
possible, à la dépression causée par des perles inuliles en les
tenunt ?t l'abri de^* vues et des coups de l'ennemi par un emploi
judicieux des couverts el des inégalités du sol.
■ 6" La longue duréedes batailles qui embrasseront peutéti'e plu-
^sieurs journées, la nécessité de nourrir le combat sur tout le
front et peut-être de relever, a[n'és cinq ou six heures de lutte,
Ries fractions vivement engagées, toutes ces considérations eon-
■ duisent îi admettre que, dans roBensive tout au moins, le fronl
d'action d'un corps d'armée encadré ne devra pas dépasser les
■dimensions admises jusqu'à présent, el qui varient entre 3 et
IB kilomètres.
P 7** Le morcellement des unités an combat de front, la néces-
sité impérieuse d'uliliser les plus minces abris du terrain et.
^ défaut, de tirer couché; enfin, l'impossibilité pour lesoftîciers,
ans la plupart des circonstances, de commander leur troupeau
i€n se tenant debout deïriêre elle, ont pour conséquence d'exi-
Wt de la pïirl du timillenr, un moral encore plus fort que par
ptssé.
Lessoldalsausquels une lorteéducalioii luilitaire, d6velopf>ée
368 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
par l'exemple, par l'exercice et par une bonne discipline, aura
inculqué une confiance absolue en eux-mêmes, en leurs cama-
rades et en leurs chefs, ces soldats-là se battront bien, en dépit de
leur isolement momentané et, s'ils doivent succomber, leur mort
aura coûté cher à l'ennemi.
S» Par suite de la puissance de l'armement de l'artillerie et
de l'infanterie, le front de combat est devenu inviolable sur la
presque totalité de son étendue ; mais un général habile saura
découvrir une zone d'approche et de rassemblement favorable
à l'attaque, ou bien, chez l'ennemi, un point faible qui sera, soit
un saillant du front mal flanqué, soit une aile mal appuyée ou
difficile à protéger.
L'inviolabilité du front, même pour des forces sensiblement
supérieures à celles qui le défendent, conduit k chercher la déci-
sion du combat dans une action par surprise, puissante, bien
préparée, enfin exécutée sur le point jugé le plus favorable.
L'action, par surprise, très forte, suppose la concentration
clandestine, à courte distance du point d'attaque, d'un ensemble
de moyens très supérieurs à ceux que l'ennemi peut déployer en
ce point.
La préparation est le fait de nombreux tirailleurs gagnant du
terrain vers l'objectif avec l'aide de nombreux canons, lesquels,
après avoir fait taire l'artillerie opposée, s'efforcent d'atteindre
l'infanterie de la défense.
L'exécution est la dernière phase du combat. Elle comporte la
mise en mouvement de la masse d'attaque chargée d'exploiter
à l'intérieur de la position un premier succès obtenu par les
tirailleurs, progressivement renforcés, lesquels, avec l'aide de
l'artillerie, se sont emparés du point îi enlever.
De plus longs développements sur les procédés de l'attaque
décisive nous feraient sortir du cadre que nous nous sommes
tracé.
Le capitaine Gilbert, dont la mort survenue en octobre 1901,
est une perte irréparable pour l'art militaire, a laissé une œuvre
posthume ayant pour titre : La Guerre Sud-Africaine.
Ses conclusions, qui sont aussi les nôtres, débutent ainsi :
« Conduite sur un théâtre et avec des moyens tout diff'érenls
« de ceux qu'on verrait dans l'Europe centrale, la guerre du
LA mCUENTK GCeRnB SDD-ÀFBICAJWE. 369
Sud africaîii ne peut évidenin^cnt éclairer d'une bien vive
(f lumière les mysl&res des guéries h venir.
« Entre ces chocs des grandes nations, devant lesquels l'ima-
(t gination recule, et la résistance héroïque d'une poignée de
« paysans, la diiïêrence est plus grande encore qu'entre îes
((! guerres do Veudcc et ceUes du Premier Empire- L'emploi,
n même de nos armements perfectionnés, s'y est fait sur une
« trop ])etite échelle et avec trop d'inexpérience, la couslaUi-
^^K tion des résullals est encore trop peu documentée pour qu'on
^pi puisse eu inlcrer des conclusions fermes de taclique élé-
~« men taire. »
^^P Pendant les premières années qui suivirent la guerre de 1870-
1871, la question du combat d'approche de l'infanlerie en lejrain
ilécoiiverl préoccupait, au iiionis autant qu'aujourd'hui, les oftî-
ciers d'infanterie, français et allemands, qui avaient participé
aux grandes batailles de celte campagne.
Les t'ormalions diluées pour franchir les espaces privés d'à bris,
la reconstitution des unités sur les positions successives de lir
elles moyens d'acquérir ta supériorité du feu furent l'objet de
recherches expéj'imentales aussi nombreuses que variées.
^^ Ces expériences prirent fin en France aprfcs Tadoplion du
^•ri'glemenl de 18TS, et eu Allemagne un an plus tai-d, quand
parut le l'èglemenl de 1876.
Kl Le général prince de Hohenlohe-Ingelfingen racoi)le,dans une
^de ses Lcllres sur f Infanterie (1885), que, parmi les formations
expérimenlées au lendemain de la guerre de 1870-1871 en vue
de l'attaque en terrain mi, on put observer les dispositions les
Pplus étranges, cl, entre autres, celle-ci :
Tel balaîllon couvrait enlièrement un carréde 300 pas de côté
avec des tiles de deux homnies, et il ajoute : « On était en droit
u de se demander si te mure-qui-peut (jémral n'ctaJl pas érigé
« de ce fait à la hauteur d'un principe, »
L'auteur émineut (43)' de l'étude: L'Ordre nouveau, en tac-
clique, qu'a publiée la lievue mitUaire de l'Étranger^ eu octobre
* Capitaiiie Cabdot, devejia l'officier général que tout lu monde eounait.
* L'Ordre nanveaii en lafliqitt' a knt Tobjut di« Iroiï arlicli^s pa,Tua dans li!i
namêroii du li ocLotirt.', du Itî ortolire et du l(] novembre 1874.
J.detSt.miL 10" S. T. XVll.
370 JOUt?(AL DKS SOUfGKS KU^ITAIBES.
1874, résumaît eu ces termes les principes adioiisr & Tégal
d'a&ioQies, dans l'armée allemande de cette époque :
« Le combat en tirailletirs, l'ordre dispersé, l'ordre indivi-
m duel, qu'on l'appelle comme on i^oadra, est l'unique formation
* de combat de l'infanterie,
a L'action des iLraitleurs engage, prépare et décide le
* combat
«t L'attaque de la chaîne n'est plus possible que par approcheii
« successives et h l'aide dun feu de plus en plus nourri et sans
« intermillences sensibles.
« Li's tirailJeuiâ s'avancent par fntefifmx, par bonds iHceessif*
* trèst courts, au pats de course et s'embinquetH oH se jettent à plat
« ventre: ils sont suivis, renforcés et soutenus par les autres
" fractions de l'avant-ligoe' qui emploient pour se porter en
« avant des procédés analogues.
i( Le gros du bataillon se conforme au tnouvemenl, se frac-
a tionriarU al prenant au besoin des formai ions ttu reries si Tîn-
H tcnsitédu feu ou la configuratiundi) terrain l'y obligent...., .1
Et l'auteur concluait ;
« La France arrivera la dernière, et c'est pour les officiers
i( français qu'il importe de résumer en trois lignes les principes
« tant de fois répétés dans cette élude et qui vont encore lui
« servir de conclusion : .
« La loi du combat moderne, c'est Talliance indissoluble des
« feux et de roffeasive, eu d'autres termes, du choc et du feu,
« le mélange intime, l'alternance incessante entre la marche en
« avant et le tir de mousquelerie sous toutes ses formes.
ff Uerpression de cette loi, sa tmnif estât ion, c'est le combat
« de tirailleurs, le combat dispersé, l'ordre individuel; le nom
M ne fait rien à la chose.
« La formule, — s'il faut une formule, — c'est ta colonne df
« compagnie ou, plus exactement, le système des sous-unitf^s
<i du bataillon.
« La Vf tract ér i.ft t^ Me , c ' es 1 1' in dir idu 1 ism e . <*
En 1874, le souvenir récent et Irt's vivace des échecs qu'avait
* En AUcrtiagne, dans un balaillou au fen, aa appelle « a\^jit-tign« » U
ligne fortnée par tes cocopînjiiiea dites, su FraucA, de i" ligue, el k ligm-
principale » h ligne rormée par les compagnies dites, eo Fmace, de 3^ liai».
lA BéCBNTE ûi'EaBB AUD-Aj-BIUAIK*.
371
subies, quatre ans plus lût, les attaques d'infatitej'ie Insufllsam-
iDcnt |>réparées par le feu, dtclaU,on le voil, des principes pour
le coQibal identiques ïi ceux que la gueri-e 8ud-africaine semble
avoir fait découvrir, cl ces principes ont éié appliqués on France
aussi longtemps qu'a régné le règlement du 1* juin iSla, qa'cst
venu dél flâner le règlement rt^lrograde du 29 juillet 1884.
Mais il faut aux armées, de temps à autre, un coup de fûuef
qui les réveille; sinon, elles se laissent glisser sur la pente qui
mène à rinditference et perdent peu ri peu le sens vrai de la guerre.
A défaut de campagnes venant stimuler leur énergie, les
armées qui somnolent depuis longtemps dans les délices de la
pais trouvent un excitant dans l'étude de toute guerre meur-
trière faite en dehors d'elles, et c'est ainsi que la guerre russo-
lurque de '1878 et fout récemment la guerre snd-africaine ont
tbarni aux armées de l'Europe occidentalo l'occasion de se
rfiti'cmper en quelque sorte et de trouver un nouvel élément à
leur activité guerrière.
A ce tilro, les brochures ou articles parus l'année dernière en
Allemagne et consacrés aux enseignements que l'on peut tirer
(le la deniière guerre du Stid africain sont intéressants \ con-
uattre. Nous allons les passer rapidement en revue :
La première en date de ces publications est la Conférence faite,
'le S mars tOUâ, à Berlin, par M. le lieutenant-colonel de Lin-
denau, ciiofde section au grand état-HKijor prussien.
L'auteur étudie spécialement les procédés d'atlaque de l'infan-
terie en terrain découvert d'après tes enseigrienients de la guerre
iiud-africainc et il les résumé en ces termes :
(( Sî nous jetons un regard d'ensemble sur le combat d'infan-
[« lerietel que le montre la guerre sud-africaine, nous voyonsque
|h toute tentative pour faire progresser une alLaquo par des mou-
vements mécaniques ou n^gulicrs échoue misérablement,
« L'allaque n'avance slirenient que si elle est soutenue par un
feu incessant et conduite patiemment de position de tir enpojt-
Hoii tk tir Tontes les fois qu'au Tnmsvaal ou ne put trouver
de serablablcs positions, l'attaque en terrain découvert tourna
en échec. Il fallut alors ou bien créer arliticielleraent uni>
positioTi de tir avec la bôche pendant la nuit, ou bien rester
immobile dans l'attente du succès obtenu sur une autre partie
du terrain plus favorable.
372
JOUtlNAL DES SCIENCES!. MILITÂIStif.
ft La guerre des Boers montre uù peuvent conduire avec l'ar-
« mement actuel les atlaques trop précipitées..... ïl s'agit de iw
« pas suivre les errements des Anglais qui attaquaient l'ennemî
« bien plus avec leurs jambes qu'avec leurs fusils. »
Et le lieutenanl-colonel Lîndenuu conclut :
« Plus que jamais, l'attaque d'infanterie devra h l'avenir et
« dans toutes ses phases, revêtir mi caractère plus individuel.
« Tantôt bondissant, tantôt coucliés cl immobiles, lantùt mar-
.« chant, tant<H courant, mais utilisant sans cesse le terrain, les
« assaillants s'avanceront peu h peu, soutenus par des feux pro-
H venant de points d'appui bien choisis et d'ailes bien orga-
-(( niséeti. Ils auront souvent li lutter pendant des heures entières,
« immobiles, pour obtenir la supériorité du l'eu
« Ce sera grAce à une ténacité et à une persévérance inêbraii-
« labiés plutôt que par une poussée désordonnée que l'attaque
« pourra progresser, et elle avancera d'autant mieux que tout
<f aura été préparé avec calme et méthode
« Dans l'avenir, comme par le passé, l'attaque d'infanterie
<f douée d'une force destructive immense restera pour le chef le
« moyen le plus silr de cueillir les lauriers de la victoire. »
Les considérations qui précèdent ne manquent pasj d'une cer-
taine justesse, mais elles sentent trop la théorie pure et ne tiennent
pas assers compte des nécessités qu'imposent le but tactique et
l'unité d'action.
Le général de Scliorf bien connu pour ses nombreux et remar-
quables ouvrages de philosophie et d'art militaires, a répondu
au lîeutenant-co!oti.el de Lindenau dans une brochure intitulée;
Ensemble ow hidiviflualisme dans raltague.
Le général de Scherf est partisan des formations d'attaque
jiormales. Sous ce rapport tl va un peu trop loin, bien que d'une
façon générale les dispositifs d'attaque décisive que peut prendre
une unité déterminée ne puissent être très variés, en raison même
des conditions étroites que doit remplir toute attaque lancée
comme un boulet sur la troupe à faire voler en éclats.
Mais sur ce sujet ou s'entend rarement, parce que le point de
vue auquel chacun se place diflère de celui du voisin.
Pour nous, la fragmentation des troupes d'attaque peut ôlre
poussée aussi loin qu'on voudra, îi la condilion que la masse,
destinée à prendre pied sur la brèche pour l'élargir ut convertîr
LA BECEXTE OUKURE SIJU-At'HICAISE.
373
eii victoïi-e un succès partiel, soil organisée très solidement, com-
pacl6 et prête à manœuvrer ou à se déployer en tous sens,
Il Le général de Slieler, dans les Jdhrbiicher d'octobre 1902, esl
TOoins exclusif que le général de Schorf, mais il veut mettre en
garde les jeunes officiers contre leur engouement pour des pro-
cédés d'allaquepar trop ai'tificieJs.
Voici quelques-unes de ses réflexions :
I
k'
^^<
u Ce qui fait divaguer k l'infîni sur les événements de la
'« guerre syd-africaine c'est qn'on ignore la psychologie du
4.( combat.
I « Ni les cibles ni les tireurs de Técole de Spandau', non plus
w que tes Boers du Trarisvaal, ne subissent d'impression psy-
« chique.
H Si les cibles répondaient au feu, îes pour cent baisseraient
*■« singulièrementj el si les Boers abrités dans leurs tranchées et
K h peine incommodés par le feu de l' ennemi avaient eu ii subir
(! de plus fortes impressions morales, les Anglais, malgré leurs
k formations, n'auraient pas éprouvé des pertes aussi considé-
rables,
a On arrive îi se convaincre que dans le combat la meilleure
y inanu'^re de se couvrir ne se trouve ni dans le terrain ni dans
« les formations plus ou moins compliquées.
^L « Elle réside dans la conduite dufea.
^m a II faut s'assurer la aupériorilé du feu, faute de quoi on
^Bit n'avancera pas plus que les Anglais.
^B n C'est (a tactique du feu qu'il faut surtout Iravaillcr,
^B « La « lactique boer » fait perdre un lemps précieux avec
^Bi toutes ses fantaisies.
^M « On fragmente la troupe en infiniment petits, on triîurc ces
^^ molécules dans tous les sens, on pousse 1 une en avant, on
« arrête l'autre» la voix du cbef est entendue (I), on intercale les
w unités les unes dans les au 1res ^ on se partage le corn m and e-
^_ft ment, les troupes quittent le couvert h un signal el s'élancent
^Kt en avant.
^^ « Ce n'est pas la guerre.
314
JOUHKAL DBS SCIENCES MILITAIHEâ.
(( Ceux qui l'ont faite savent combien rofBcier a de peine à
a extraire sa Ironfic du moindre couvert pour la porter en avant.
« Dans une armée d'un ruillion d'honimes qui n'ont jamais fait
« k guerre il n'y a pas que des héros. Le plus ardent patrie-
Cl tisme a souvent besoin d'être complété parla discipline quand
« il ^'îigil. de jouer sa vie.
M Seules, la discipline, la cohésion et l'habileté dans le tîr
« nous conduiront dans les rangs ennemis. >•
Le général de Slieler montre ensuite que sur le champ do
bataille on ne reçoit pas les coups toujours d(3 face et que telle
tbrniation, peu vulnérable quand les projectiles sont diriges sur
elle nornialeniout, devient au contraire fort dangereuse quand
elle reçoit dt^s coups de flanc.
La conclusion du général de Slieler est que, sur le cbamp de
bataille, quand les balles sitïlcnt aux oreilles, on u'a jamais pu
porter en avant que des troupes en oiaîn et bien Cûmmatidf'jes.
Un officier a fait paraître sous le voile de l'anonymat, en
juillet 19U2, une brochure ayant pour litre : Le Comfint de llti'
fanterie allemande, d'après les es;]iéfiencGS faites au camp de
DosberiLZj prH Berlin, en mai 19Û2.
L'auteur comuienCR par établir qu'en terrain découverl les
troupes de preini&rc ligne s'avancant contre un ennemi en posi-
tion doivent enqdoycr des formations et user de procédés qui
leur pernieilent d'atteindre avec le minimum de pintes la pre-
mière position de tir choisie k 300-800 mètres de î'advcrsaire.
Dans ce but, il préconise, dès tes grandes dislances, des chaînes
de lirailîeurs espacés de Sh -19 nn>tros, progressant par j^roupes
(escouades), lesquels exécutent des bonds de 20 ^ 30 mètres,
voire même la marche rampante (à quatre pattes), le fusil sup-
porté par la bretelle aux dents (!),
L'auteur t'Xpo.8e ensuite une méthode d'instruction dans ce sens
pour r homme, la fde, le groupe (escouade), le itelotou ' et la
compagnie.
Le groupe qui arrive le premier sur la position de tir initiale
se terre et attend avant d'ouvrir le feu que, les autres groupes
< La itompiignie prussienne est formée da trolii pcloloiis, commandés
chacun par un oîlitiét.
LA KMBJITE arSHRE SUP-AFIIICAINB. 37S
même pelolotï l'ayant rejoint, le chef de peloton en donne
'ordre.
Pendant la marche d'approche qui préctde l'occupatiori de la
première posiLion delii-, les groupes échelonnés en profondeur
ne dûivenl pas exécuter leurs bonds en même temps.
Les soulietis oni ploient les mûmes procédés pour atteindre les
(.'îiipiacemeiits qui correspondent pour eux k la première position
_ de tir.
■ Avant rengagement, les officiers supérieurs el les capitaines se
portent rapidement ;'i cheva! vers un point favorable à Tobserva-
Ption et y accèdent « avec des précautions d'apaches ».
- Si le terrain offre des cheminements favorisant la marche
d'approclifî, on les utilise en moulant les formations sur les
formes du sol,
■ Quand le moment est venu, on gagne les positions de tir suc-
cessives h occuper en se rapprochant de l'ennemi d'après les
mêmes principes, les fractions restées on arrii-re prolégeaut, par
leur feuj celles qui se portent en avant.
L'atîteur appuie ses propositions sur un certain nombre de
manœuvres qu'il dêcrif avec soin et dans lesquelles on voitj en
rtsftet, procéder avec le plus grand éclectisme, à l'esclusion de
toute forme schématique.
Ces manœuvres, exéculées avec la participation de l'atiteur au
camp de Dœlierit?, on mai 1903, semblent avoir été fortement re-
vues et corrigées; mais leur intérêt n'est que plus grand au point
de vue des tendances qu'elles espriraent.
En dernière analyse, l'auteur ne voit pas la nécessité de Réviser
•le règlement d'exercices. 11 se borne h l'interpréter dans le sens
de l'élasticité et de la fluidité des élémeuts de première lignes
■.soumis en terrain découvert au feu de mousqueterîe, quand il
s'agit pour eux de lîagner la première position de tir et, plus
tard, une fois la supériorité du feu acquise, les positions succes-
sives de tir plus rapprochées dont la dernière marque la ligne
_ d'où Ton part pour aborder l'ennemi,
H Les idées de l'auteur, tout en ayant obtenu un certain succès
auprès du public militaire allemand, ont été co.mbaltues par
quelques organes, entre autres le Miiitfir WochenblnU) lequel,
dans son numéro du 13 septembre 1902, critique, sous la signa-
ture du major d'IIurl ;
.^76 JOURNAL DES SCIEKCES MILITAIRES.
Les bonds par groupes (escouades) ;
La dispersion des soutiens.
Celte appréciation ne manque pas de justesse, car le méca-
nisme que préconise l'auteur anonyme de ['Infanterie allemande
en 1902, pour la marche des troupes de première ligne en terrain
découvert et sous le feu de mousqueterie, paraît plus théorique
qu'applicable à la guerre.
En résumé, les recherches et expériences faites l'année der-
nière en Allemagne sur les modifications que les enseignements
de la guerre sud-africaine sont susceptibles d'amener dans la
tactique actuelle, concluent unanimement au maintien du règle-
ment d'exercices en vigueur, mais elles ont eu pour résultat
d'exciter l'activité intellectuelle des officiers et de les porter
à choisir, dans chaque cas particulier, les dispositions les mieux
appropriées pour atteindre le but désigné au prix de pertes
minima, sans abandonner pour cela une parcelle de leur maî-
trise sur la troupe, condition essentielle de l'unité d'action,
laquelle est la clef du succès îi la guerre.
Aujourd'hui, en Franco, les opinions en matière de tactique
sont plus tranchées que partout ailleurs et forment deux courants
d'idées bien distincts.
D'un côté, les tacticiens de l'école historique, de beaucoup les
.plus nombreux, sont restés fidèles aux traditions de la guerre
napoléonienne, péniblement renouées dans notre armée à la
suite des événements de 1870-1871, et analysent les faits de
guerre récents dans le but de faire évoluer la tactique dans le
sens des modifications qu'impose la puissance croissante de J'ar-
mement.
Dans le camp opposé, les tacticiens rationalistes, qui rachètent
leur faiblesse numérique par une ardeur quelque peu tapageuse,
veulent révolutionner la tactique actuelle, autrement dit en faire
table rase et lui substituer une autre tactique entièrement
neuve, qu'ils intitulent la « tactique de l'avenir ».
Révolution est synonyme de remède violent capable de tuer le
malade, et son emploi ne se justifie que dans les cas désespérés.
La tactique actuelle est loin de réclamer un pareil traitement.
Général H. Bonnal.
DE COjMT
DES ARMÉES FRANÇAISES
SOUS LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE*
Pi?nUant toute coite campagne de !796, dïins laquelle troupes
■•{ officiers avnk'ut acquis une expérience et une solidiu^ qui leur
donnaient une incomparable valeur, « on vit, dans les attaires, les
l -divisions toujours en colonne et en mouvement, marcher en cora-
baltant ou arriver h marches forcées pour attaquer tfe suite,
souvent même sans se dt^-ployer ' w. Le général Duliesme. auquel
-nous emfjrunlons celte citation, dit encore de l'armée de Rivoli
'et dn Castigliorie i « Lo!> manœuvres do ['arniée étaient simples :
peu ou point de déploiements; !ea brigades de lii^nes serrées en
masse par division sur trois ou six bataillons de hauteur, heur-
yient Tennemi de front comme un bélier, tandis que l'infanterie
ire gagnait les flancs, couronnait les hauteurs, portîut le
trouble et la confusion, par ses tirailleurs, sur les derrières de
l'ennemi, gênait et souvent interceptait sa retraite ^ »
L'armée de 1796, devenue après son séjour à Bonlogne, en
1804, ta Grande Armée, devait appliquer en Allemagne les prin-
cipes qui l'avaient rendue victorieuse on Ftalie.
Et l'on retrouve bien, noiamment sur les champs de bataille de
180S et I80(j, les formations dont vient de nous parler Duhesme.
' Voir la lirraîsnn de férrit'r 1 903.
" liéiu^ral nri)ES»E, E^mikiitoriiine sur l'Infante7-ie liiyÈre, p. lltt*
* Idem, ibidem, p. 119.
ïïia
JOURNAL »Sa SCIENCES MILITAIRES.
A Austcrlil?.,, Soult maiotienl toni d'abord ses troupes dans le
ravin de Ponlowil?., massées sur deux lignes de bataillons en
colonnois par division h demi-dislance ', cl ce fnt dans cette for-
mation qu'elles se portiïîrcnt à l'altaque*, A la gauche de Soult,
Bernadolte marcbe h l'assaut de BlasGwitz, formé lai aussi sur
deux lignes, l'une de butaîllons déployés, soiilcnue au\ ailes par
des colonnes, l'autre iiniijuemenl composée de bataillons en
colonne. Enfin, à la raéme bataille cncorcj « les dix bataillons de
la division des grenadiers (OudJnol) et cens delà garde impériale
destinés h fournir la réserve, étaient en colonnes serrées par
bataillon, avant dans les iniervalles rardllerie de la gHl^de^ «
En toutes ces circonstances les lirailleurs ouvraient le feu,
engageaient la Uille, causant à rennetni des perles toujours sen-
sibles. Ce combat en tirailleurs, pour lequel on a créé de nos
jours, une éducation préparatoire si minutieuse, si ingénieuse,
pour leqinM on enseigne rmilisation du lerraiii, !e clioîx du but,
la naaniérc de faire feu, la façon de se porter bidividuelienient
en avant o» en retraite, le nNglemenl de 1791 n'en soufflait mol,
et cependant nos soldats de l'Kmpire possédaient, comme d'in-
stincl, toute cette science à un degré que pentèlre nous n'attei-
gnons pas aujourd'hui. Un beau jour —c'était celui de Friedland
— ^un jeune capitaine du génie, passani parbasard en arriére du
champ dt* baUiilte, eut l'occasion de conlem|)ler ce speclaule, nou-
veau pour lui, du début d'un engagement, et ît nous a laissé, de
ce qu'il vil alors, un tableau pittoresque : « iïes milliers de
tirailleurs, — nous dit le cajiitaîiie, depuis général Paulin, — lanl
à pied iju'ti chevalj agissaient des deux eûtes comme k iiuc
immense chasse. Ce prélude pendant lequel les généraux opposés
éUidieul et lâchent de dovinoi' leurs projets, marche souvent h
l'avenlure, mais décide parfois, néanmoins, du plan d'attaque
définitif, Dans ces feux îi volonté, les bidles sifflent souvent h vos
oreilles et viennent avec un petit bruit sec s'enterrer à vos
pieds, lorsqu'elles ne vous atteignent pas, car on est h ce feu
* Roci^uEvcauriT, Arl iHÎlitiiirf, t. Ht. p. 137.
* if Lu ilivi-iinn Lc^raiid qui formaîl l'estr(''iuitô de l'nilô ilroile do. 4" eorps
fut lahe tu muiivemeuL en rotoaiiei} par division. » ^SoucwhVj lie gwrrr du
ijénérni -hnron Pouyet, p. 70.)
' (iétièrat Famuf) des OaoAhm, p. 73.
PROCi^uÈiit HE mMbxr nK. 1792 a ISIB.
379
presque toujours ajusté. Les coups arrivent de devant, de droite
el de gauche. Il suftîl de voir l'agilité, le tact et le sang-froid des
sottials fraijçais pour aflirmer qu'ils n'ont pas d'égaux dflns co
genre de combat où tout rjutérét d'un émouvant spectacle se
joint anx émotions de chance de mort. Il n'y a pas un trou, une
dépression de lerniin oh ne se blottisse le fantassin. Là, immo-
bile, il charge son fusil avec précaution, prend son temps et,
i(uand il a bien ajusté, tire avec la presque certitude que sa
balle ira au but; les bouquets d'arbres, les pans de murailles,
les broussailles, les fossés, tout est bon comme abri pour ces
petits soldais des compagnies du centre dont, en lisîuiî, on ne
donnerait pas deux liards. Là ils sont tenaces; on les dirait
cloués au terrain. Mais aussitôt que la cavalerie, qui a longtemps
couru oa et l«, entreprend une charge sérieusu pour ramasser
toutes ces mouches qui piquent, ces norabreus essaims, épars
jusque-là, se pelotonnent, quittent leurs cachettes au pas de
course pour se replier sur les petiles éminences, et alors, aussi
réguliers et compacts qu'ils avaionl été disséminés et sans ordre,
ils arrêtent dans sa course cette cavalerie qui, par expérience,'
sait bien que les balles du petit t^iutassiu savent ralloindre
avant que son gi'and sabre uit pu le toucher'. »
Si hahilemeul jouée que fût cette n grande partie de barres* «,
comme l'appelle encore le général Paulin, si vigoureusement que
fiit mené ce combat de tirailleurs, il n'était cependant pas décisif
et devait être complété par le choc de masses judicieusement
conduites el, quand on le pouvait, secrèlijnient conduites h
proximité de robjectif h enlever. C'était avant tout un combat d^-^
préparation, d'usure. Au général h deviner, h discerner le mo-
ment où la tutte d'hommes <i hommes devait pn'tidrc lin, l'itistant
où rcRort 0joral était produit, la minute où le coup de marteau
final devait ôlre porté.
(Juand l:i prépanition par le fcLi de l'artillerie n'était pas suf-
fisante, ou bien quand les tirailleurs essayaient de donner eux-
mêmes el prémaliirémenl l'assaut ou enfin quand cet assaut
* Idem, ibirlmi, [i. tî7.
et 07.
380
JOtlnNAL DES SCIENCES MlLITATllEg.
n'était point soutenu par des cobnnes, des masses, des réserves
assez piiiâsantea, lo choc échouait la plupart du temps.
En Espagne, de iSÛS à 1814, les Anglais avaient adopté, à
notre égard, une tadique qui leur donna souvent de bons résul-
tftts, un procôdn de combattre qui deaieurail, en réalité, un véri-
table stralaiçème de guerre et qui consistait à se iaîre attaquer
en tirailleurs, tout au moins par des masses désunies, sans
cohésion, sur une position choisie, de telle sorte que cetlo attaque,
faite d'eiïorls successifs et incertains, devait ("alalemeut échouer.
Ils choisissaient généralement un plateau peu étendu, k pentes
abruptes, et disposaient h la crête par où devait venir notre
altacjue une ligne de lirailleurs, une avant-ligne, la plupart du
temps mince. En arrirre de ces tirailleurs, sur le plaleau nifmc,
oii préfûrablemont sur le versant opposé, les ri^serves étaient
massées, dissimulées dans les anfractuosités, les plis du terrain.
Nous arrivions alors en face de l'ennemi, et nous lancions en
avant une nuée d'éciairenrs, chargés de préparer la voie aux ba-
taillons marchant en formation serrée. Mais qu'arrivait-il? Il
"advenait que, grAce à la forme du terrain, nos lirailloiirs, tirant
de bas en haut sur un ennemi qu'ils apercevaient à peine, lui
causaient généralement peu de mal, alors qu'ils subissaient eux-
mêmes des perles souvent énormes. D'où préparation insuffi-
sante, en dépit du temps souvent long qu'on lui consacrait. De
jîlus, quand les colonnes elles-mO'mes commençaient leur mouve-
ment, la difficulté dos pentes, leurs aspérilés, leurs anfractuo*i
sites, causaient H nos hommes des faliguoii esccssives. Glissant, ^
s'abatlant. se relevant, faisant deux pas en avant et un eu ar-
rière, ils étaient bientôt épaisés. En outre, la désunion ne tar-
dait pas ^ se mettre dans les rangs et, avant que l'on arrivât
à portée de l'ennemi, cctie désunion était du désordre. En dépi|
des obstacles, nos tètes de colonne rejoignaient cependaùl nos^
tirailleurs, les recueillaient et marchaient avec eux sur le pre-
mier échelon anglais, dont on avait la plupart du t«mps rai-
son. Mais, h l'instant même où l'on atteignait la crête, au
moment oit nos colonnes prenaient pied sur le plateau, épuisées,
sans souffle, éreintées, elles voyaient tout d'un coup fondre
sur elles des masses profondes, fraîches, en bon ordre — les
réserves anglaises — qui débouchaient au pas de charge de leur
abri, les foudroyaient h bout portant et, les chassant hardiment
PHOCÉDÉs; BE 4;(lMI*AT DE l'i^"! A 181o.
381
h la baïonnelte, les rejetaient en dehors de la position. La bataille
de Btiaaco, livn5c le 27 septembre 1810 par Massèria au général
Wellington , e&t l'esemplc peut-être le plus cai-actérij^tique de
cette façon de combattre des Anglais en Espagne, tactique ty-
pique, qui est à étudier ici, puisque, afrdce h elle, nos ennemis
vinrent h. bout d'une formation d'attaque qui, jusqu'alors, nous
avait toujours élé favorable.
Busaco est un misérable village portugais, situé dans les mon'
tagnes d'Alcoba, orientées Nord-Sud, sur là rive droite du Alon-
tlêgû, entre Porto et Coi'mbre. On contrefort de celle chaîne, ta
sierra Je Busaco — h laquelle le village a donné son nom ~
a environ 10 kiiomèlres de long. « Sur la droite, au Sud-Esl, dit
le colonel anglais Napior^ dans sa célèbre Histoire de- ta guerre
de kl Péninsule, la sierra de Busaco aboiilit au Mondégo et se lie
li gauche avec la sierra Caramula par un tej'raîn nioutijgneux et
sauvage, entièrement inaccessible à la marche d'une année. Le
chemin qui régnait autour de la crête de Busaco fournissait une
communication très facile, et, justement en arrière de l'extrémité
droite, se trouvait un gué au moyen duquel il était facile aux
troupes de se poi-tcr en quelques heures sur la Murcelha, derrière
l'Alva, Le versant de Busaco est escarpé, hérissé d'anfracluo-
sites et propre l'i la défense. Placée sur des positiojis favorables,
rartillerie des alliés pouvait jouer librcinent sur tout le front de
la position; le sommet de la montagne formait un plateau per-
nieUant d'y placer un petit corps de cavalerie. Celle de l'ennemi
(Masséna), ainsi que son artillerie, était, au contraire, engagée
dans un fort mauvais chemin. L'infanterie avait il lutter contre
toutes espèces de difticultés, et l'approche de la position était
très défavorable pour l'armée attaquante '. » Du isonimel du
plateau et de la crête, dit un autre témoin oculaire*, on aper-
cevait toute l'armée française campée au pied de la montagne;
pas un de ses mouvements ne pouvaient échapper à Toeit de la
défense. Cette position était tellement forte, les Atiglais étaient
lellemenl assurés d'y défier toutes nos tentatives que certains
' Colonel Napieh, Gufrre df. la Pénimute. Trad. du lieiilenant-géaéfal
Slalliîwi-lJHmtis. — Paris Treuttel et Wuitï, 1834, t. Yl, p. IS et 18.
^ Wjllium LaWhkxlë, Mcmoitet d'un gvfttcidiei' aut/Uiin, Trad. de 11. Gau-
tliier-Vitlars. — Paris, Ploa. 18tf7. p. 7«.
S^ JOVtOiàl. DES SOlEA'CKâ IIILITAUIES.
d'eotre eux n'avaienl plus qu'use crainte, celle de voir Massém
renoncer k t'emporler. Mais WeUinglon esUmail avec raison que
Masséna, « un commandant aussi célèbre * », comme rappcHv
Napier, n'hcsilerail point h. attaquer ce posle uniquemenl parce
qu'il élait difficile à enlever. Il prit donc de longue main ses dis-
positions pour y résisler.
A l'extrême droite, le général Hill occupa diagoaaleraent le
chemin conJuisanl à Pena-Cova; à sa gauche, le fiénôral Leilh
prolongea la ligne de défense, ayant pour réserve la légion lusi-
tanienniî. Picton, avec la troisième division, soutenue par la bri-
gade de Champlemond, formait le oeiilre. conjointement avec le
général Spencer, établi à la Chartreuse de Busaco ; enhn, la qua-
trième division couvrait un senlicr menant îk Milhéada, près d'une
sorte de plaine^ de plateau plulùt, où la cavalerie pouvait ma-
nœuvrer. Un seul régiment de gros.se cavalerie était en résen*é
sur te sommet du plateau. La brigaile de Pack, formant avant-
ligne, fut portée h mi-cûte, el la division de troupes léjgères eul
l'ordre d'occuper, en avant de Pack, un saillant spacieux qui
^'étendait environ 1 130 mètres plus bas. Des tirailleurs furent
répandus sur tout le froul de la montagne, et 50 pièces
lerie furent réparties sur les points dominants *.
En somme, ce dispositif donnait d'une façon générale ;
Une avant-ligne de trois brigades, déployées et couvertes
des tirailleurs;
Une ligne de résistance^ forte de quatre divisions en colonne
massées, à l'abri des vues, sur le plateau ou dissimulét
les ravins avoisinants ;
Une réserve, forte d'un régiment de grosse cavalerie.
Masséna, dit le général Roch dans les Méamtt's qu'il a rédij^és
sur les pafiiers du niaréchaU « Ma&séna élait tellemenl persuade
que Wellington n'accepterait la bataille que sous CoUnbre, qu'il
donna l'ordre à ses quatre corps d'armée de s'y porter dirwle-
ment par quatre roules » '. Mais un premier engageoienl, U'rr»^
îù 24, démontra que les Anglais étaient décides à tenir h Busaco,
el, le 26 au malin, les deux armées étant en présence, le général
' Napum, u VI, p. a,
* Mrmoim de M^utémi, t. Vil, |t. iUÂ.
HlÙCÉUÈsi DE l'.OMBAï DE '1792 A
383
français prit ses tlisposUions pour altaquer le â7.Les instruc-
tions données à ses liculenanls furent les suiviinte^; :
Le général Merîe, co m mandant la 1" division du 2" corps, de-
[Tail former ses divisions au pied de la montagne, en masses, par
bataillons; le généra! Foy devait faire occuper San-Anlonio par
le 31 «léger et tenir l'autre régiment de sa, brigade en colonne
j serrée derrière ce village. Ordre fut donné au général Tirlet de
placer l'artillerie du S*' corps sur les points les plus favorables
à son action. Le général Hcudelet, avec la seconde britçade de sa
["division et la cavalerie légère affectée au 3« corps pour former
réserve 1 l'attaque de gauche, devait les tenir en masses par
bataillons et escadrons en arrière du village de S;m-Antotno-do-
Canlaro.Le G* corps (Ney) reçut l'ordre d'aborder Busaco dîrec-
lomcut parla roule de Viseu h Coîmbre, qui passe par Moira, au
ÎSord-Ûue&t de la Chartreuse, Il devait ëlre formé par brigades
sur les iiHiUours, en arrif-re de Moirn, la division Marchand
à droite, celle de Loison à gauche, la division Merraet h tîOO iniV
tres en ari'itre comme réserve. Cette dernière avait, derrière
elle, la brigade de cavalerie légère du général Lainotte dé-
ployée. Le 8" corps devait lever ses bivouacs de (3arri! ix G heures
du matin et se former en arrière du 6'^ en masse par brigade pour
servir de réserve générale '.
I Le i7,à 7 heures du matin, la lf« division du s!« corps se porte
k l'attaque de h» Chartreuse en deux colonnes de brigade. Celle
de gauche, conduite par le général Craindorge, se dirige sur
l l'extrême droite de la ligne anglaise, celle de droite, ayant h sa
It^le le générai de division Merle, niarcbc sur l'espace compris
entre Spencer et Piéton, qu'on voudrait séparer l'un de l'autre.
Graindorge gravit heureuNcraent la pente très escarpée qu'il
a devant lui, atteint les avant-postes ennemis, culbute les pre-
mières troupes qu'il trouve devant lui et piTud jtîed sur le [pla-
teau en dépit d'un feu extrêmement violent d'arlilierie ',
Mais k l'instant même où les Français débouchent sur le pla-
teau, Picton, qui coiistalc que les Iroupes du général Graindorge
*■ Mé/tmirei de Masséna, t. VU, p. 103 <?t 134.
* « Six pièces de cunoii char^Ëeâ à mitrailla bftlayiiîcnt le revers de 1a mOD-
[;ta{ïDe aans toutefois paneoirà arrâtei- les Francaîâ. » (N^^isn, ibid,^ p. ÎS.)
384
JOUflNAL DES SC[ENCes MILITAIRES.
sont décousues el fiottanleg, s'élance sur elles h la tête des 88» et
iS» bataillons britanniques '. Celle troupe, qui bondil en df^hors
^le son abri, eiicore massée, se déploie inslantanénieiïl, fiiîl
à quinze pas une décharge générait"!, puis se jette à la baïonnette
sur les survivants qui, harassés, exténués, essoufflés, redes-
cendent en coin-ant la pcnto qu'ils viennent de Irauchir au prix
de tant d'etTtirta. Dans cette retraite, ils laissent sur le tei'raiu
leur chef, le général Graindorge, blessé h mort, les deux colo-
nels, les adjudants-comniandants Pinoleau et Baurot, plusietîrs
chefs de bataillon, nombre d'ofticiers et plus de 600 sous-ofli-
ciers on soldats.
Presque en même temps tjue le général Picton obtenait sur
notre extrême gauche ce succès décisif, îi sa gauche le général
Leith exécutait une attacjue identique sur la brigade conduite
par le général Merle. A peine Merle aj)parait-il à la crête du pla-
teau que Leilh déploie instanbinément la division qu'il amène
depuis une demî-lienrc, et par des chemins creux habilement
choisis, vers le point menacé. Aussitôt le bataillon de tête dé-
ployé, — il était en colonne serrée *, — il exécute à bout portant
un feu qui jetto à terre le général Merle et, avec lui, un nombre
considérable d'officiers; puis il charge îi la baïonnette et par-
vient (* rejeter toute la brigade de l'autre côté de la ci-ête.
En vain, le général Reynier, qui a rallié les divisions au bas
de la pente, prescrit-il au général Sarrut de reformer ses bataiU
Ions et de renouveler l'attaque en la combinant avec la réserve
du général Foy, massée comme on l'a vu à Siui-Amonio. Sarrut
ne peut réunir qu'un nombre infiine d'hommes. Quant k Foy, il
s'élance sur les pentes de la Chartreuse avec le même entrain
qu'avaient montré les premiers assaillants; mais il n'est pas ar-
rivé à la moitié de sa course qu'il est chargé impétueusement
par le 74*^ auiiflais, les 9« et ^i^ portugais, qui dévalent au pas de
course sur lui, la baïonnette haute. En dépit de leur solidité, nos
troupesiépuisées^ haletantes, attendent à peine l'assaillant; elles
redescendent en désordre et regagnent précijiilamnienL le pied
de la montagne.
* NAi>iGa, ibid., p. 35.
MtlJCâDÊS DE COMBAT DE 1792 A 1815.
385
Pendant qu'à noire gauche ces événeraeiils se passaienl^
h noire droite le 6' corps, qui avait commencé son niouvemenl
avec deux heures de relard, progressait dans la direcdon fixée,
c'est-à-dire en essayant d'aborder la CharlreusD de Busaco par
le Nord-Uuest. La marche d'approche s'effeclua sans arrêt,
quoique avec d'immenseâ difficultés, et, vers 9 heures, la brigade
de gauche de la division Loison, commandée par le générât
Simon, en venait aux mains îi Moira, avec le 3" régiment portu-
gais. Encore qu'éprouvées par une asçeuèion dos plus pénibies»
ces troupes délogèrent l'enueuii de Moira et s'apprêlèreiit h se
porter immédiatement en avant. Il eut cependant été prudent de
remeUre quelque ordre dans les têtes de colonne, d'assurer la
direction, de se faire éclairer; on ne fit rien de tout cela.
Entraîné par sou ardeur et suivi seulement d'une poignée
d'hommes, le général Simon enlève tout d'abord une batterie
anglaise et, toujours courant, continue son mouvement en
avanl; mais il se heurte bientôt h une muraille vivante qui lui
Barre le passage.
C'était le gémirai Crav^fford qui, h la vue de l'échec du
3" portugais et de la prise de Moiru^ avait jugé le moment
opportun pour se porter en avant et qui, effectivement, arrivait
à l'instant où nos troupes, encore désunies, fatiguées, ne pou-
vaienl plus lui opposer la résistance dont elles eussent été
capables en d'autres circonstances. * Tout d'un coup, dit Mas-
séna, le général Crawford, débouchant du ravin avec le& 43*61
S2« britanniques, tombe sur les vainqueurs essoufflés, gui n'ont
pas de réserve. La légion du Midi et la légion hanovriennc
résistent pourtant k ce choc; mais, bientôt enveloppées parles
Anglais, elles éj)rouvent des pertes irréparables. Le général
Simon, grièvement blessé, est l'ait prisonnior, presque tous les
officiers supérieurs sont mis hors de combat, et trois décharges,
à quinze pas de distance, achèvent de porter la confusion et la
motl dans la masse, qui regagne eu désordre le point de
départ >i '.
Cet échec devait avoir des conséquenses décisives pour nos
différentes attaques de droite. Eirectivement, malgré tous leurs
" Mémoiretde MtiSitfiut. t. Vil, p, 197 et IDg.
/. de* Se. mil. 10" S, T. XVII.
fô
386 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRE::,
efforts, nî le général Forey, de l'autre brigade, ni la division
Marchand, qui occupait l'extrême droite, ne vinrent h bout de
n5tablii- le combat. Cette tlerniÈre fut elle-même écrasée, au point
de laisser sar le terrain plus de la moitié de son effeclif.
Telle fut celle journée désastreuse de Biisaco, où le manque de
pii'éparation, — h tous les points de vue, — l'absence de réserves,
le choix de tormalions non appliquées au terrain, nous valurent
un retentissant échec, sans compter 8,000 hommes demeurés sur
le champ de bataille*.
Comme loujours, la critique est plus aisée à formuler ici à lêlc
reposée que ne le fut jadis la conduite qu'eussent dû tenir M as-
séna et ses lieutenants pour aboutir h un succès, Toulefois, il est
permis do rappeler que des contemporains bien en mesure d'ap-
précier les faits furent jadis sévères poui'le vaincu de Busaco :
« Celle balailie, dit Jlarmonl', si légèrement donnée et livrée
d'une manitire extravagante *, sera un objet éternel de critique
pour Masséna et les généraux qui dirigèrent celte opémlion. On
n'est pas digne de commander d'aussi braves soldats quand ou
en fait un si mauvais usage et quand on les emploie aussi incon-
' Le général Oraimlorge blessé a mort, les gënfraux Simon lilessé et fait
prisonuifr. Merle. Ft>y blessés; les coloin'I.s ^Itimier t!t Amy tués, Mstle,
B^ctiikudj Lavittni'. Desgravierâ Lleesês, lei adjmlaiitv'i'ominaiiilatits Pinotettu et
Baurot ble-isès, une grande i|uantitB d'officiers !;u|iérîcur!! tués ou blessés. Le
4" Ugër éUH rcJuil à 99H liotiinies sur 3,01)0, el lu iS" à 859. Le.s états de
situalioD iKirii ut seulement le» pertes k 5,000 liornnies, miiiii il était dans les
haljitoiles (le iliiuiDuer sensiblemeut les rhiffres sur les situations, après un
uombal, (le uiôinr? qu'on les majorait avaut. Napoléon aii))-iit leii gros elfecUfs
eomliattauls p1 tcsi cliîlTrea re^itreiiits q^uand ïl s'agîtujajt des pnrle». Il él^it
servi à sautiait. (Voir BEtiTKK:xt::NB.)
* Marmont, Mi^miiires. t. IV, p. 33.
^ [| eiti^tait un iias:;!ige qui eut poruiis àù tourner comptélémcnl. la posiliaii;
le fait est relaie par Maniiont; le ïoloiiel Noijl, léjnuin ocnluire, écrit de
même dam i^ûii Journal ù la itate du ^è ; <i Qn fiitL aprùij l'âchec du iÙ
{c'eal le Î7) ce quVn aurait dû camincHcrr par fjire : ret^ottuaHr^ le pijit
Ou aurait dafouveil avant ce i]u'oh découvre npri's, uu passage qui tourne ks
posîtiuH:) de bujacu i>. (Cotonel Noël, Soutenin, p. H 8.) Enfin on lit 6j;aletaeiit
dans la celaMoii di^ la campsigno de Portugal, pultiièu Jai.s laSpfctatfur mili-
taire, par le ^l'néral baroji Fririon : a Un paysan portugais qui s'otaît caché
pour lie pua s'oloiguer de t>es foygn;, fit conaaltj-c aux ufTidiïrâ de sa iiutioD qui
étaient attachas & l'état'iULijor gôiiÉnil (de ftlasséna) son étoaitemunt de Ttiir
les Français s'obstiner à passer ]»ar la route de Busaco pour arrivi^r a Cuîmhre
tanilij iju'il y cii avait uuc [dus farile, sur la droite, par Avelnus de Cima;
il s'olTril à sii'vir de giUde*. , n (Siiediiteur miiitaire de mai 18 il, Cumjxnjiw
de Portugat, t. XXXI, p. 183.)
PROCÉDÉS DE GOMllAT DE 1192 A 181 S. 387
sidérémenl. On asure môme que Masséna fut, pendant cette
journée, occupé et, pour ainsi dire, absorbé par d'autres soins
indignes d'un vieux soldat comme lui » '.
Quoi qu'il en soit, il est certain que la lactique de nos troupes
en Espagne semlde avoir été moins conforme qu'iiilleurs aux tra-
ditions qui noua avaient donné la victoire partout ailliiurs en
Europe. Peut-être le fait venait-il de réloignemcnt de l'Empe-
reur, peut-être tenait il k la configuration du terrain qui eût
demandé un dispositif tiouvcaii, approprié à des circonstances
et des conditions nouvelles.
Et tandis qu'en Espagne on tondait de plus en plus aux forma-
tions désunies qui indiquaient un manque de direcliou, dans les
troupes soumises au commandement direct de Napoléon on ma-
nifestait une lendiinco h condenser les dispositifs oL h opérer par
masses. C'était un autre défaut, mais c'en était un, La fameuse et
légendaire colonne de Wagram marqua d'une façon éclatante
cette manie, sans que tes contemporains paraissenls'élre aperçus
de son danger.
La colonne de Wagram, destinée, comme on sait, h enfoncei'
le centre de l'archiduc, ne compi-it pas moins de vingt et un ba-
taillons, dont huit déployés (divisions Laraarque cl Broussîn),
soutenus par treize autres formés en colonne serrée, sur les ailes.
Cet immense carré était précédé d'une batlerie de 100 pit^ces de
canon et fermé par les divisions Seras et de WrÈde. Sur les
flancs marchaient les cuirassiers de Nansouty ei la division Du-
rultc, tandis que, en arrière, suivait Napoléon en personne, avec
la Garde.
' « Ma.^sÉna. dans celte L'ampagne^ tratnail avM Uiî une femme, cause sou-
vent d'enibaiTas, ce 'nii n'était pas fait pour relever son (jrestige «. {Colonel
NuEL, Sùuvenirt miUlaireë p. 140)
Oq tit, d'autra pari, dans îe* Sùuienirt du géuâral Roch G ndart : it Le
quartkr t[i^iièrid du prinre li'Bsiljng m:$ta à Giiiirda jusqu'au Ht (mars 1311)
où ïd manqua être erili-vé par l'eunemi, iiotuiumeril: aa, lnall^(;:^^e pour la
sécmîtù de laqueUe il l'allcit sa Lattre dans lest enviruiis et aux porter de la
ville, taodi.s qu'elle a'occupait à faire aes puqm'ts et â mouler ëd voiture. »
{Mé-moiret ia fiénérAl Uiub Godiirl. — Paris, t'Umniarion, s. d., p. 1S3.)
— De méûie, on lit, dans le* Sonveiùn du maréchal CBiirû.l[iert : » Mas^éna,
4a le tait, train» it av«c lui diiiis la caïupagnë de. Purtug»! une femme mariée
à un oSîiciRT de dragoiiii ou du t^aiu. Elio fut souvent i>oar lui et [tour sou
armée une véritable entrave, VA, ceiKîydanl, il n'avait amrt'ptû le eominaode-
xneot de rarmi'e qu'à cunditiou de remmener. (Rwjt du raiJÎtaiiic Âymoain,
4^09 Le nmrét'hal Canrebert, par Geruiaia Bapst, 1. 1, p. lOtf.)
388 ' lOUUNJtL DES SCJKNCES U1L1TAIHES.
Cette agglomération énorme, forcément figée dans sa masse,
ne pouvait allei' loin. Tout d'abord, l'étonnemenl que produisit
son volume inusité lui permit de faire quelques pas; mais, arri-
vée devant SiJssenbrfin, elie dul arrêter sa marche embarrassée.
Dans ce court espace, elle avait fait des pertes énormes. De
la,(}00 hommes, eUo était réduile à iaOO I ',
La colonne de Wagrara était l'exagération d'un principe vrai et
bon; mais, en toute chose, l'excès est un défaut, et peu s'en
fallut que le dispositif imposé à Macdonald ne nous fit perdre la
bataille. Comme nous le verrons plus loin, quand nous reparle-
rons de cette fameuse colonne à propos du rôle spécial qu'y joua
l'artillerie, la siluaUon de Napoléon eût été fort précaire au centre,
si îes succès de Davout et d'Oudinot en d'autres points n'eussent
rétabli l'équilibre.
11 est encore une colonne profonde qu'il convient de citer quand
on parle des guerres du Premier Empire, colonne monstre comme
son ainée, mais qui eut un sort plus malheureux encore ; nous
voulons palier de la colonne de Waterloo.
A Waterloo, vers 1 h. 30 de l'après-midi, au moment oii
d'Érlon reçut de Ney l'ordre de se porter h l'attaque de la Haye-
Sainle et du plateau du Mont-Sainl-Jcan, il forma ses quatre divi-
sions en autant de colonnes, chaque colonne composée de balaîl*
Ions déployés et serrés en masse l'un derrifcrc l'aulre. Il obtint
ainsi quatre phalanges d'environ 130 mètres de front sur vingt-
quatre hommes de profondeur qui auraient peut être été excel-
lentes au temps d'Épaminondas, mais qui, îi Waterloo, furent
une des causés prépondérantes de notre défaite*.
On se porta ainsi en avant dans la direction de la Haye-Sainte;
mais dans la marche les rangs se resserrèrent jusqu'au conlacl,
de telle sorte qu'au moment où le choc ayant été impuissant à
rompre les lignes anglaises on voulut se déployer, la manœuvre
* Mémoire:! ite Masîéna.
' On n*a jamais sa qui avait ordonné cette iliaposiltoïi Ijkaire. Nej
d'Erlon s'en sont dcfcndus l'un et l'autre, et Napoléon a fait commis Ney et^
U'Erlon. La vérité est qti'iitb parut (itrangi; ii iuui le mande, et cËux-lil nitimd
qui la prirent n'ûj) au j.'U rirent rien de ban sur lu moment. Le pasteuf gene-
vois Martin, à. cette époque tietitenant au 42"* (division Mivrœgnet t'-' corps),
■écrit à. cet égard la plirase suivante ; <( La troL'jlHimc diviiiion, a^Uù de Marco-
gnet, dont faisait partie notre résinent, devait laweehet comme lea autres par
PBOQKmiâ DE caMBAT DE 1793 A 1815.
38»^.
fiU impossible. Le premier rang seul piil faire .usage de ses
armes et avec lui quelques hommes des (laucs extéi'iei»r&. Mais
les eftorla désespérés des soldats du contre, essayant de sortir de
celte fournaise ofi ils sentaient les balles lesalleindre sans qu'ils
eussent la possibilité dû se défendre, produisirent alors une pous-
sée formidable sur les quatre faces qui finirent par éclaten
Ce fut un tumulte horrible. 11 y eut des scènes affreuses de
violence el de désespoir.
Tout récit écrit sur le tard par un historien traçant ce pénible
tableau d'après des documents, demeure nécessaireraeni pâle
devant ta tiarratioti d'un témoin oculaire. Nous préfénms donner
la parole h un sous-lieutenant du -iâ*", division Marcognelj acteur
cl témoin dans ce grand dnime et nous prenons son récit à Tins-
tan l oii la massive colonne formée par le l*"" corps se porte h
l'assaut du plateau du Mont-Saint-Jean.
« Enfin, dit le jeune officier, notre tour est arrivé. A l'ordre
d'attaquer répond un cri frëiicliquo de « Vive l'Empereur I » Les
quatre colonnes s'ébranlent et descendent, l'arme ^u tiras et les
rangs serrés, la pente du vallon, puis elles remontent le versant
opposé doul les Anglais gravissent le sommet et d'où leurs; bat-
teries nous foudroient. Sans doute la dislance n'est pas grande;
un piéton ordinaire ne mettrait pas plus de cinq ou six minutes
pour la franchir; mais les terres molles et détrempées et les
hauts seigles que nous traversons ralentissent singulièrement
noire marche^ en sorte que rarttllerie anglaise h tout le temps
d'exercer sur nous son œuvre de destruction.
« Toutefois nous ne faiblissons pas, et lorsque nous sommes
prûts enfin i\ assaillir la position, la charge bat, le pas se préci-
pite, et c'est encore aux cris tnillû t'ois répétés de <i Vive l'Empe-
reur! » que nous nous élançons sur les batteries.
« Un obstacle se présente : des bataillons anglais, embusqués
dans un chemin creux se lèvent loul à coup el nous fusillent à
bitlaillons déployés, se suivant à qaalM p&a seulement ; diâpadUon étrange et
f]ui atLiit Jîûus cuvHer dier, rar nous dg pouvions noas former en i-arrés poor
nous défendre de la ravalerie, et l'îtrtiUerie en réserve aurait à nous laLuiirer
•iar viojjit raiij^ d'épaisseur, A qui le l'^''' ccrps di\t-il i-elte mattjeurtase for-
mation, qui fui une des causes de -soa insuccès «■( peut-tilre la princiitaluf
personne ne le suit, h {J, M4ii7i:s, Soiifvnim d'un ex-of^cier, iSlS-lbi5), —
F^nèTeel Paris, Cherbulieiî, IBli?, p, 91*3.)
390 JOURNAL DES SCIENCES militaiuks.
quelques pas*. On lea chasse à la balonnelte, on monte encore,
on Iraverse les portions de haie vive qu'ahritfiient leurs pièces»
on est sur le plateau, on crie victoire. Mais par i'eflet même de
noire élan, Jes rangs se ti'ouvent confond uii et, a noire tour, nous
sommes assaillis à la baïonnette par de nouveaux ennemis*; la^
lulte recommence et il s'en suit une effroyable mf-Iée.
f Dans cette sanglante confusion, tes olïîciers cherchaient,
coramec'élail leur devoir, k rétablir un peu d ordreetà reformer
les pelotons, car une troupe en désordre ne peut rien faire et
n'avance h rien. Au moment où je poussais dans les rangs un de
nos soldais, jn le vois tomber h. mes pieds d'un coup de sabre. Jô i
me retourne vivement,, ,, c'était la cavaloriu anglaise qui péné»'
trait de toutes parts au milieu de nous ei nous taillait en pièces.
« S'il est diflieile, pour ne pas dire impossible, h la meilleure
cavalerie d'enfoncer des fantassins formés en carré et qui se
défendent avec sang-froid et intrépidité, une fois qu'elle a pénétré
dans les rangs rompus, la résistance est inutihi, et il n'y a plus
Ih pour elle qu'une tuerie presque sans danger. C'est ce qui arriva.
En vain nos pauvres soldais se dressaient sur leurs pieds et al/on-
geaicftt les bras, ils ne parvenaient pas h percer du leurs baïon-
nettes ces cavaliers montés sur de puissants ciicvaus, ellei» quel-
ques coii|)S de fusils qui se tiraient dans celte foule confuse, deve-
naient aussi souvent funestes aux nOlres qu'aux Anglais. Noti.s
rcalâmes sans défense contre un ennemi acharné qui, dans l'eni-
vrement du combat, sabrait sans pitié jusqu'aux tambours et
auît fifres.
« C'est Ifi que notre aigle fut prise, et c'est Ik que j'ai vu la mort
de bien pri^s, car mes meilleurs amis tombaienl autour de moi,
et j'attendais te même sort tout eu agitant niachinalemeat moQj
épée' ».
La seule chose qu'on peut ajouter h propos de cette désastreuse'
colonne de d'Erlon,c*est qu'elle demeurait la dernière expression,
l'amplification outrée, exagérée d'un système d'attaque qui per-
sonnifiait la lactique ollensive des armées du Premier Empire.
Suivant un vieux ]>ro verbe, toujours vrai, le mieux est souvent
' CVsl toujours, comme on voit, k tactifiue de Busico.
* Entxtre un»- fuis Busaco.
s AUuTiff. Souvenirs d'un ex-offieler, p. 887 à î89.
PROCÉDÉS DE CÛJtfUAT l*K 1702 A 1815.
391
renaemî du bien, et, en exagérant une formation excellente,
on en Rrrivait î\ faire un dispositif monstrueux qui n'avait plus
gu&re que des défauta.
EfTeclivemenl, on en arrivait i supprimer presque complète-
ment l'action du tir, dont la valeur, an commencement du dernier
sièclft, snns i^tre prépondérante, demeurait cependant considé-
rable et l'on tendtiil de plus en plus h compter uniquement sur
la puissance individuelle et înlriusèque du combatlaot, précisé-
ment au moment où cette puissance allait s'artaiblissant davan-
tage, à. rinstanl où nos armées se remplissaient de recrues
inexpértmentces, à peine formt^es physiquement.
Ces feux, dont on avait l'air de faire fi, h l'heure où nos adver-
saires les utilisaient avec une précision toujours croissante,
étaient toujours cens proscrits par rordonnance de 1791, c'est-
ft-dire ceux de bataillon, de demi-balaillon, de peloton, feux h
commandement ou h volonté. Les feux d'ensemble étaient tou-
jours ex(5ciilés sur trois rangs — formation normale de l'inlan-
terie — et ils le furent de celte manière jusqu'en 1813. L'Empe-
reur, à celte date, dans la pensée d'étendre ses fronts, c'est-à-
dîre d'induire l'ennemi en erreur, peut-i^lre pour se tromper
lui-môme, prescrivit que l'infanterie ne se formerait plus et ne
tirerait plus dorénavant que sur deux rangs, n J'ai pris un ordre
du jour, écrîv!iil-il lo 13 octobre' h Murât, pour ordonner que
toute mou inlVnitcrie fût placée sur deux rangs; meiiex-le sur-le-
champ h exécution; je ne veux plus qu'on soit sur trois rangs :
le feu du troisiènio rong, les baïonneltes du Iroisif'me rang sont
insignifitinls.,. Quand on se placera eu coloune par division,
chaque bataillon se trouvera former une colonne do six rangs*,
iUlre les trois rangs de serre-files. Cela est plus que suffisant et
la a le grand avantage qu'un bataillon do SOO hommes
paraîtra à l'ennemi être de 750 ^ »
En réalité, le premier motif invoqué par Napoléon, — la nul-
lité des feux du Iroisif'^mc rang;, — tout juste qu'il fût, demeurait
' Quatre jours avant L4<i)izjg.
* Dejmiï itlDë les hiUaillons étaient à sis. compngnies ; ïa cuIouhp serrée par
peloton jinfsiîntiiil donc sîx rangs séparés de deuic en deux pur la dtitiiiice d'un
front de [ttloton.
* Corivsp(Hitlniii'P miUlrtire d*" JV'ywJ*'»», t. IX, n. ISS7.
392 JÛUENAL DES SCIENCES MlLITArRES,
un prétexte dans sa bouche; la viînté élaîl dans la dernière
ligne ; in cëtidtî renenum, disaient les anciens.
Un autre prétexte nus en avant par l'Enipereur pour l'adoption
de la formation snr deux rangs fut les nombrpuses mulilations
qu'on avait eonslalécs chez les jeunes soldats appelé!* en 1813.
Ces nuililalions, on les attribua d'abord à une cause volontaire;
mais on pat bienlùl se convaincre qu'elles provenaient unique^
ment de la maladresse de jeunes gens, d'éphfîbes, sachant à
peine manier leur fusil'. Beaucoup se blessaient en ouvraul oti
rabattant le bassinet; beaucoup blessaient ou tuaient leurs
camarades des deux premiers rangs en leur passant l'arme
chargée '.
Au reste, personne ne s'y méprit. « Ce jour-là même (14 oc-
tobre), écrit le .sous-lieutenant Martin k propos de la formation
nouvelle, et pour la ]>reniii6re fois, finfanlerie fut mise sur doux
rangs au lieu de trois, sans doute parce qu'elle présentait une
plus longue ligne aux yeux de l'ennemi et put ainsi le tromper
sur notre nombre^. »
Et, parlant de l'impression que produisit cette innovation die?,
nos soldais, le môme officier raconte qu'on lui trouva des avan-
tages et des inconvénients. Elle donnait moins de solidité à lîi
troupe quand il s'agissait de résister aux charges de cavalerie,
et comme, prôcisiïmont, on était plus exposé que jamais, dans
ces vastes plaines saxonnes, à voir se produire des attaques de
ce genre, il sembla fi certains que le moment était mal choisi
' Voir JlAnaoNT, t. V, p. 129. Voir aussi tes d^ox anecdotes sur les coJKTiti
de 18M, idrm, i. IV, p, 31. Gouvion S;iint-Gyr, partisan dêcidd de l'ordre sur
deux rangs, dit (îgalemimî à ce sujet : « A Ja hatuille de LilUen, il y eut une
ai grande quanlité de soldats d'inriintLTté blessés ans. doigta;, qu'on â'îmag'ina
que le plus grand nombre s'étaî^îfit mutilL^s pour i!tre léfaritu/s. Napolé'in vouhit
ea faire fusiller quelques-uns; des ctiirurgîeDs avaieui été nommés pour cxa<
iBÎQer les liless«i9 et lui foire un rapport. Heurensfineut aucun de ces oflii*iefs
no voulut as-iurer qu'eltes Eiv.^fent étij faites à dessein, et le projet de NapoIcLUi
n'eitt aucune suite; mais rûvcit élait dontiil, îieaueiiup de militaires cherdièrent
ix expliquer comment il {«nuvuit se trouver tant dhimimcs blesË^i) aux doigts
et ï la main; bientôt on ne dotitn plus qu'ils fétuioit pnr leu soldats des der'
niers rangs pendant qu'ils élevaient la main pour plarer îa baguette daiis le
iiaiiun du fusil ou qu'iU la rttîraiont pour la reniettffl en place». (Ijouvros
Saint-^Iyh, Mif'niaireu mf le Diretfaire, lu Cumulijt. ci l'Empire, i, l, p, 17 •)
' L*liomDie du troi.^iéiQe rau^r ne tirait pas; il chargeait t'arme de son chef
de file du sei;oniJ rang, et la )ui pos^iait une fois ctiargde,
^ 1. MaSitis, SottKenir^ d'un ex-officm; p. 108.
PROCÉDÉS DE COMUAT DE 1792 A 1815.
393
)our enlever son troisifeme rang îi l'infanterie. « Sous ce rapport,
ajoute J. Martin^ nous éprouvions un peu l'impression d'un
homme qui Ôlerait son paletot quand la bise souffle*, u D'autre
part, tout le monde convenait que, pour le feu, il y aYait «n
avantage h supprimer ce troisième rang, destiné seulement à
charger les armes du deuxif^me, fonction dont il ne s'acquittait
[•tien qu'il Texercice. « Devant l'ennemi, ce n'était plus qu'un
emmélafjie qui n'était pas sans danger*. »
Il n'y avait tîonc, de ce fait, qu'à se louer de la mestire.
Quant au danger d'avoir une ligne trop mince pour recevoir, en
carré, la cavalerie : « Il ne restait qaU remplacer le rang man-
quanl jiar un redoublement do fermeté \ n
Cette formation en carré était, h cette époque, un juste objet
de préoccupation pour nos officiers; on remployait fréquem-
ment dans les batailles, et il n'était pas pour ainsi dire d'enga-
gement où un régiment, un bataillon n'eût 'i s'en servir, souvent
plusieurs fois. La campagne d'Egypte avait attribué à ce dispo^
sitif défensif une réputation légendaire, et Napoléon, en particu-
lieiv lui accordait une préférence bien connue : c'était sa forma-
tion favorite. « La fornialion en carré par bataillon, écrivait-il à
Mîirmont le 17 avril 1813, est la manœuvre la plus importante;
c'est le seul moyen de ie mettre h l'atiri des charges de cava-
lerie et de sauver tout un régiment*. » Le a seul moyeu », beau-
coup do généraux l'eslimaient tel, avec Napoléon. Toutefois,
celte opinion n'était pas unanime, et plus d'un officier, môme li
' k cette époque, ne prisait poiut 5 un si haut degré une disposi-
tion qui no permettait à T infanterie que d'user d'un tiers ou
même du quart de ses feux. A Auersladl, Giidin et Morand
résistèrent aux asisauls réitérés de la cavalerie de Blùcher dans
une formation où les carrés alternaient avec les lignes dé-
ployées.
Au combat de Bosco^ en Italie, le la novembre 1799, Gouvion-
Saînl-Cyr délia tous les efforts de la cavalerie autrichienne en
léployanl et formant en ligne les sept bataillons auxquels il
' Pastear J. MAaTtîii, Soutvniri d'un ex-ùfficivr' , p. 109.
* Idem, ibidem, p. 108.
* Idfjtt, ibulein, p. 169.
* Napiili^oti ti Marmoiit, 17 uvril 1813,
394 JODBNAL D£& SCISKCSS mLtTAlhSâ.
était réduit*. Ce général, un. des meilleurs tacticiens du premier
Empirôj fut loiitt3 sa vie opposé aux carrés el il a écrit à ce sujet
une page qui ne laisse aucun doute sur son avis dans la matière.
« Napoléon , dit-il, était, en général, fort partisan des carrés, et
ils sont devenus dans l'armée française d'un usage journalier. Ce
système ma toujours semblé absurde el» pf^ridaiit environ vingt-
cinq ans que i'iii fait la guerre, je n'ai jamais rencontré une cir-
constance où il m'ait paru nécessaire de remployer. J'ai ouï dire
à ceux qui s'en servaient que c'était dans le bnt de donner h
l'infanterie de la force contre la cavalerie et d'augmenter sa
confiance; j'ai toujours pensé que cela devait produire le con-
traire, puisqu'on lui ôte de son feu qui fait su force, el son mou-
vement, ce qui est un ineonvénient gnive surtout pour l'infan-
terie fran4;aise. qui doit être très agissante*. >» Bons ou mauvais,
les carrés furent, comme nous l'avons dît, journellement em-
ployés pendant les guerres de l'Empire, cl, si Ion voulait en eitei-
des exctnplus. on n'aurait assurément que l'embarras du choix.
Nous n'en connaissons pas cependant de plus dignes d'être rap-
portés que ceux forntiés en 1814 par la division Paclhod dans
une circonstance îi jamais niémorablo. Le 24 mars, la division
Pacthod, du corps du maréchal Mortier, battait en relraile de
Dei'gëres (Marne) sur Valry, quand elle fut allelnte par la cava-
lerie de Bliichcr, forte de 20,000 chevaux. Son eflectif à elle ne
dépassait pas 4,000 hommes, tous conscrits de l'année 181S' ou
gardes nationaux sans aucune instruction.
Formés en carré sous le feu de plus de SO pièces de canon qui
les mitraillaient à courte distance, chargés sans interruption par
des cavaliers exaspérés de la résistance que leur opposait cette
poignée d'hommes, ces bataillons firent 28 kilomètres toujours
en- combattant, sans avoir été entamés. Quand Pacihod, jugeant
perdu tout espoir de résister ou plutôt de s'écha|iper, rendit à
Blûcher son épée, qu'il tenait difficilement de son bras fracass^
par un boulet, il lui restait à peine ISOO hommes*.
^ Ménwiyti du marf'cltal Oûuviûn Hiiittl-Ci/r. Caiiipdgucï du CiuL^iul.it et diï
l'Kmpiru, {, f(. p. 38.
^ hlm, ibidum Cimpagne de 1813, p. 34, en nain.
^ Lel das<c (ji> IHIS avait èlé appelée? par anlicipqtioa. CesconscriU a'avaieni:
donc que dh-hn t an*.
* Voir îiuïArehîveâ de la Gnerra ta relation du gën<5rat D?tort, nn dea bri-
PROl^KDÈS DE COMUAT UK 1792 A 181 5.
395
La cavalerie, au début de la Révolution, était une arme sur
remploi de laquelle on n'avait encore que des notions extrême-
menl vagues, fit c'esl incûntcstablement aux grands caviiliers de
î celte époque que l'on doit les idées exactes acceptées depuis, en
la matière, dans toutes les armées d'Europe. Sans doute, avant
eux, Guslave-Adûlplifi, Turenne, Charles XII, Frédéric avaient
;eu l'intuition que la force de la cavalerie résidait surtout dans la
fat'ullé de se mouvoii' avec rapidité, et c'était là incontestable-
ment un progrès, une révolution si l'on veut, îi une époque où
l'on considérait encore les armes à cheval comme une infanterie
montée. Mais dos hommes comme Steingel, comme Kellermann,
Lusalle, Colbert, Monlbiun, Nansouly, Milliaud, Pajol, Delortj
■Grouchy ont fuit davantage en dix ans, pour fixer la lactique de
la cavalerie, que no l'avatenl Fait, en prts de deux sifecles, Guslave-
Adolpbe el Frédéric.
Au début de ta RévokiliûJi, le règlement en viguetir dans les
troupes de cavalerie était celui delISSj on le modifia en 1804,
23 septembre, sans que les formations perdissent beaucoup de
leur raideur'. L'escadron, unité lactique, était divisé en deux
compagnies de cinqutinte-quatre iiles; il exécutait, comme nia-
ïiœnvres, toute une série de mouvenients compliqués, donl les
trois quarts étaient impraticables sur le champ de hatailîe. Il
'existe cl cet égard, dinis de Brark, une phrase sii^nificativc. Ou
sait que Les Avant-postes de carulerie légère de cet écrivain sont
rédigés par demunde et réponse figurant un colloque cnlre de
Brack et un cavalier de sou régiment. Ûr, h une question posée
par son soi disant inlerloculenr : « Sur le vrai terrain y a-t-il
un choi>L h t'itiro entre les évolutions qu'enseigne la théorie? »,
de Brack n'hésite pas h répoudre ; « Oui, certainement, car plu-
sieurs de ces évoiuliom paurraient nom cûtnpromeUre dange-
rt'metnent * , » Ainsi pensaient les maîtres de de Brack, lesgrands
Igadiers de PcictlLOi, rflation publiée dans la Sabreiache du 31 mai IdOl, Ce
Delorl n'eil pas le dimionaaire de ca^ralerie qoi s'tLluâLra un Espagne et à
\\ atci'ioa.
' Vuir Sp^tUitear imlilnire d'avril I8tt7 : Les Ètabltiuments mUilshvm du
Pmttier Empire, p. lUH,
' liûlonel im Ur^ck. Aeant-poftei de an'aierii^ ii'9'^'e, Pi^ris, 1831, p. *31 :
Il faut de pUiâ nuler 4{iie lu irigleiiieiit dt? niiiuiinreï ;iiiqu«i) w rétiVc de
Cractc fil jièoes.siiinîin'iil celui de 182'.*, eu vigueur au moment où il écri-
vaiL Qu'(?ùl-il dit de roiJûiimuici) de 1 T88 ?
398
JOURNAL BE5 SCIENCES MILITA (Il ES.
cavaliers dont nous citions toul à l'heure les noms, et ils ne se
firent pas fanle, pendant leurs chevauchi? es légendaires à travers
l'Europe, de metlre de côlé ees mouvements caducs et com-
pliqués qui n'eussent abouti qu'à arrêter leur élan.
Sur les champs de bataille de il9^ h 1815, n hi colonne serrée
fut la formation la plus eraployf';e, parce que, entre autres avan-
tages, elle avait celui de tenir dans la main du chef toutes les
forces rassemblées et de se pi'èter fort bien aux déploiements les
plus Qsilt%, en échelons sur deux lignes' », Celait lîi eflective-
ment le dispositif en faveur pour le choc. De la charge célèbre
exécutée par Kellermann h Marcngo jusqa'îi colle conduite par
Pajol h iMoutereiiUj on trouve cent exemples de celle formation
d'attaque. Parfois encore, la cavalerie empruntait une disposi-
tion que nous avons vue en faveur dans rinfitnlerie : îa ligne
déployée, soutenue aux ailes par des unités en colonne. A la ba-
taille de Fuentes de Onoro, livrée le 5 mars 1811 par Masséna
à Wellington, le général Motitbrun disposa ses escadrons de la
façon suivante : en tète, formant une soi'te d'avant-garde, un
escadron de hussards, suivi de l'artillerie îi cheval; derrière ce
premier échelon,, deux lignes k 300 mMres l'une de l'autre, la
première constituée par des dragons déployés, flanqués ïi droUes
et à gauche par des hussards en colonne serrée par escadron et
à intervalle de déploiement.
La prescription actuelle aux termes de laquelle le terrain de la
charge doit être, autant que possible, reconnu, n'était pas tou-
jours appliquée h celte époque, et l'on pourrait citer plus d'un
exemple d'attaques malheureuses dont l'insuccès n'eut pas
d'autre motif, t. a fiuncuse charge de Waterloo échoua, comnae
on sait, pîir la rcucontre d'un ravin oti vinrent culbuter inopiné-
ment la première ligne et successivement les autres.
Pour l'exécution de la charge même, on partait généralement
à une allure modérée et l'on accélérait, au fur et à mesure qu'on
approchait de l'ennemi. Il n'y avait rien non seulement de précis»
de formel, mais même rien d'indiqué à cet égard.
A Mareugo, Kellermann chargea à 60 mclres; Curély, îi Alta-
fuila, à 50 mfttres; Lasallc, à Zehdenick, h 10 mètres (dix mfe-
fBOOÈDéS DE COMnAT OE 1793 A 18IJJ.
391
I
I
1res). Quelques généraux faisaient mettre [e sabre h la main dès
que la troupe s'ébranlait'; mais la plupart ne tij-aient leurs
armes que lorsqu'ils étaient sur l'ennemi. Le flambloiement
d'une J'orfit de lames liréoâ iustantanénienl du fourreau à prosi-
niité et soas les yeux mêmes de l'adversaire constiluait un élé-
ment de succès que recommaudaient k's maîtres du général de
Brack et qu'il a [inJrio après eux : « Tirer son sabre, a-t-il écrit
dans &e$ Avant -postes de cavahrh légère, appliquer les éperons
au ventre de son cheval, frap|Kîi* l'ennemi * ». doivent être un
mouvement unique, simultané, instantané.
Si, au commencement de la Révolution, il n'existait pas de
tactique Ineu définie pour la cavalerie, la même lacune pouvait
être signaléej et à un degré bien plus frappant pourrarlillerie.
Jusqu'à Gribeauvaî, on s'était contenté d'amener ks pièces sur
le champ de bataille, en un point donné. Les charretiers déte-
laient alors leurs attelages, se retiraient en un coin éloigné du
terrain de la lutte et y demeuraient. . . . ., à moins, ce qui arri-
vait souvent, que, sous l'impression de la peur, ils ne décam-
passent sans esprit de retour. Depuis riuveiilion de la prolonge,
les pièceii pouvaient exécuter, sans chevaux, quelques petits
mouvements, mais les déplacements un peu éloignés n^élaient
guère possibles, étant données les diflicultcs do cette traction
& mains d'hommes. Pour les changements d'emplacement un peu
considérables il failaiti de toute nécessité, faire revenir les atte-
lages et, comme nous l'avons dit, il était sauvent malaisé, impos-
sible de ramener sur un terrain dangereux des cliarretiers civils
.sur lesquels l'autorité militaire avait peu d'action.
La création du Ira in d'artillerie el la traction soît du matériel
soit des pièces par des servants militaires', modifia radicalement
et heureusement la situation et, de ce jour, rarlilleric acquit
une mobilité qu'elle n'avait jamais connue jusqu'alors.
Dés lors, le général put compter que les ordres donnés par lui
' Pour la charité brillante çu'exÊcuta le colouel de Gonneville le 25 octobre
1811, pn}s de Valence, <iut voit les cuîrasaicrs mettre le .■(abie ù. l<i, main au
seul regard de leur capittiinc, leur fai^atU ûoraprewire qu'ils vont se porter ix
l'attaque. (SouccwiVs du eolonst de Gotuievitlt:, p. 208.)
S De Urâck, p. 2S3.
* Création dé janvier IHOO (13 uiyàse an vin).
398 JOURNAL DES .Si:iESCES NILITAtBKi».
seraient exécutés et, de fait, sous lu direction de chefs comme
Marmont, Sénaniiont, Songis, Sorbier, d'Aboville, Lu Riboisicic,
Droiiol, ils te fui-eui désorniais avec intelligence el exactitude.
Grâce i cette mobilité» rarliUerie put prendre place dans les
colonnes d'infanlerie sans les gôncr; parfois niônic, elle put les
précéder pour aider à leur déploiement el les proléger: « Mon
artillerie, écrit le généra! BoLilaH, à propos de la bataille d'Os-
U'olewnka, mîirchaiten tète de la premif're brigade de lu diviaiou,
pour se porter sur la ligne de bataille, et, de ma personne, je
l'avais devancée pour reconnaître le terrain '. »
La relation de& guerres du Premier Empire nous montre l'ar-
tillerie, surtout l'artillerie h cheval — les votante, comme on les
appelait' — prenant une part de plus en plus active aux enga-
gements. Toutefois, îi pari ce que nous en dit Gassendi, nous
avons peu de renseignemenls sur bien des questions dont la
solulion serflil intéressante à connaître. Comment rarlillerie
déboilait elle pour aller se mettre en position? Quelles étaienl
les règles, loul au moins les idées, pour le choix des emplace-
ments? s'élablisisail-elle sur les crêtes, en arrière ou en avant
des crèles? Comment appréciait-on la distance? Quelles étaient
les règles de lir? Les mémoires du Premier Empire noua ren-
seignent très vaguement h cel égard, comme il advit?nl de bien des
détails que les contemporains négligent d'enregistrer parce qu'ils
sont connus de tous, et snr lesquels, au bout d'une génération
ou deux, l'ombre la plus épaisse ne larde pas h s'étendre.
La seule chose qu'on puisse affirmer, c'est la tend li née des géné-
raux, en particulier de Napoléon, à grouper un nombre considé-
rable de batteries elà agir par niasses de plus en plus importantes.
Eu dépit du calibre puissant des pièces, le tir était h cette époque
si incertain» la trajectoire si peu tendue, 1 eclalemcnldes projec-
tiles creux si problématique^, qu'il fallait un nombre énorme de
boulets pour produire un résultat.
1 Mcmoii'fs du 'jifnéi'iti Hottltirt, Jl. iSi .
* Souvenir i iniUttUrci du colonel Noél. p. S 9.
* Celait l'heureux temps où a,u moment de )a rhute d'ttti projeclitç ûu
avait lu lem|>s d'arrachei' la miVJie cnQummiïo da faioo qu'il ji 'éclatât pluï ;
Il J't^tai!} dans cetlQ contemplcnion quand an otias autrîfUkn vint tûQttvef à
trais pas de moi. Je me JËtiiî venlrË <l terre pour aUendre dans une certaine
aoïiét^ soa explosioiij quand an chasseur de mod nf'giment a'èlaucant sur In
PnOCÊDÉS DE COMBAT DB 1792 A 179S.
309
Celait répoque où rartillerie agissait surtout par son effet
monil, où, suivant le mot de Shakespeare, elle taisail h beaucoup
de bruit pour rien ». Sauf quand elle tirait h mitraille à
100 mètres, à 50 mètres, à brûle-pourpoint, ["artillerie du Pre-
mier Empire faisait surlout du tapage, et pour oblenir les résul-
lats atteints de nos jours par une seule pièce de 90 ou de 75, il
fallait les projectiles de quatre ou cinq batteries.
Nous avons parlé, à propos de la colonne de Wagram, de la
batterie qui fut mise en tète du corps de Macdofiald dans sa
marche sur Siissenbrûnn. La plupart des historiens qui, depuis
M. Thiers, nous ont parié de cette batterie se sont étend us sur ses
effets foudroyants. En réalité, ces résultats furent médiocres et,
si les succès d'Oudiiiol et de Davout n'avaient pas contraint l'ar-
chiduc à se retirer, la batterie de cent pièces y eût perdu sa
poudre. Non seulement les relations autrichiennes sontlormelles
à cet égard, mais les relations des témoins oculaires français ne
permellenl pas qu'on ait de doutes sur ce point. Le colonel Bou-
lart, depuis gt^néral, qui fut témoin et acteur dans cette attaque
mémorable, a laissé d'elle un récit qui mérite d'être cité: « Tout
à coup, dit-il — c'est au moment où l'artilierie de la Garde rfH'oit
l'ordre de se porter en avant — une grande agitation se manifeste
autour de nous ; le l:imbour, la Irompetlc se l'ont entendre;
en moins d'une minute, tout ic monde est à son poste; la Garde
entiferOj formée en une seule masse, part et se meut sur la gauche.
L'arlillene prend le galop et la devauce; d'Aboville est en tôle
avec l'arlillerie h cheval ; je le suis avec deux halterics de 8 ;
Pommereuil vient après moi ; la marche est fermée par Drouot
qui est h la tète de la réserve de 12. A peine avons-nous marché.
tiOO moires, Farlillerie ennemie nous maltraitant déjà beaucoup,
le colonel d'Aboville se met en batleric, j'en fis autant ît sa
gauche, Pommereuil se déploya h la mienne, tandis que, au con-
traire, Drouot alla se déployer k droite de l'artillerie à cheval.
Dans celle position, noire formidable batterie battait tout l'inler-
valle entre les villages de Bretenlee et Siissenbrûnn et secondait
même l'attaque de ce dernier village... Nous quittâmes un instant
ijiijctiti qui devait mettre le feu h lii iioudrcs, l'iinacba eu se lirùlaiit ita mûia et
me dît : i< Uelevcï-voi]â, mon cotond. il n'y u (lius du Jaiigei'. » (iSuut'eniVi de
S/Herre dttgenêml PaiiSit^ p. 144.)
400 . . JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
cette position pour nous porter un peu plus en avant jusque sous
la mitraille de l'artillerie ennemie^ mais nous ne pûmes notis y
tenir, nous dûmes bientôt rétrograder. C'est dans cette circons-
tance que le colonel d'Âboville eut le bras droit coupé près de son
articulation avec l'épaule et que fut aussi mortellement blessé le
capitaine Martin, commandant une de mes batteries.
« Le feu dura ainsi plusieurs heures ; l'artillerie ennemie
au moins aussi nombreuse que la nôtre nous faisait un grand
mal et nous enlevait d'instant en instant hommes et chevaux *. »
Comme nous l'avons dit, les succès de Davout et d'Oudinot
contraignirent l'archiduc à se retirer enfin : toutefois, dit encore
ici Boulart, « il ne paraissait pas se hâter; les troupes et l'artil-
lerie qu'il avait en face de nous conservèrent leur position* ».
Quand, un moment après, notre grande batterie voulut essayer
une seconde fois de se porter en avant, cette tentative « nous
attira de l'ennemi une prompte riposte d'un feu aussi nourri
qu'avant et aussi meurtrier» ».
Dans cette bataille de Wagram, où notre artillerie « lira
le nombre prodigieux de 96,000 coups de canon*, cette arme fit
des pertes sans exemple' ». Toutefois, quand Boulart visila le
champ de bataille et reconnut le terrain où il avait combattu
la veille, il trouva que « le mal n'était pas proportionné à la con-
sommation et au bruit... Et pourtant, jamais artillerie aussi nom-
breuse n'avait fait retentir l'air d'un bruit aussi nourri, aussi
continu, aussi effroyable, et ceux qui entendaient ce vacarme au
loin auraient pu croire que les deux armées s'entre-détrui-
saienl' ».
Bien d'autres exemples pourraient être cités de l'innocuité du
canon sous le Premier Empire, soit du nôtre soit de celui
dont nos ennemis se servaient contre nous, mais, pour ne pas
tomber dans la prolixité, nous n'en retiendrons qu'un seul, tiré
de la guerre d'Espagne. En 1808, la Garde impériale venait
d'arriver dans la vallée de l'Èbre et cantonnait aux environs de
* Mémoirei du général Boulart, p. iîi.
s Id£m, ibidem, p. 223.
» Idem,- ibidem, p. 226.
* Idem, ibidem, p. 227.
> Idem, ibidem, p. 227.
« Idem, ibidem, p. 227.
l'aûCÉDÉri DE COMBAT DE J'92 A 1813.
401
LogronOj quand, de l'autre cûté du fleuve, à environ SOO mètres
de nous, les Espagnols commencèrent sur nos avant-postes un
feu de moiisquelerie heureusement moins meurtrier que bruyant.
Le même fait se renouvela le lendemain et le surlendemain. « Le
soir du 30 octobre, nous dit encore ici te général Boulart, excité
par des liraillements plus répétés qu'à l'ordinaire et par les bra-
vades de l'ennemi, j'essayai de lui Urer un coup de canon. Ce fut
pour lui comme un signal; il me répondit de toutes ses bouches
cl feu — il pouvait en avoir une douzaine — et continua h tirer.
Ce n'était pas te cas de refuser la partie, je lui lis immédiatement
répondre par deux batteries, et voilà la canonnade engagée. Elle
dura environ une heure et, par un hasard miraculeux, je n'eus
personne de btcssé et je perdis seulement un cheval '. »
Douze pièces de canon tirant pendant une heure, à quelques
centaines de mètres, sur un but comme deux balteries et ne
tuant qu'un cheval, c'était un mince résultat, un résultat
imprévu, même avec rarlilterie d'il y a un siècle.
Quoi qu'il en soit, la canonnade de Logroiïo démontre bien le
peu d'efficacité des engins de cette époque et l'on comprend,
aprÈs avoir constaté la tendance de plus eu plus marquée chez
Napoléon à. constituer ces énormes balteries de Friediand et
de Wagram, que l'Empereur cherchait h gagner en effet moral ce
qu'il ne pouvait obtenir en eflet utile. Il n'y a sans doute
pas d'autre explication à celte tactique.
Commandant de Sérignan.
* Général BcutLAiiT, JHémoirni, p. 201 .
J, tkiSe. mil. 10" S. T. XVIU
16
INSTRUCTION ET ÉDUCATION
MILITAIRES'
XI.
LE CORPS DBS OFFICIKRS.
De l'esprit du corps des officiers dépend l'esprit de l'armée
entière. La camaraderie, l'unité de sentiments et- de tendances
permettent de dégager l'âme unique donnant à toute l'armée
l'impulsion et la vie. C'est de l'énergie et de la valeur du corps
d'officiers que dépend ce qu'un peuple a de plus précieux : son
honneur et son indépendance. Il a pour lâche, et c est sa préoc-
cupation constante, de maintenir l'armée prête à la guerre, en
tout et à toute heure.
En temps de guerre, il appartient à l'officier de donner
l'exemple de l'accomplissement du devoir, de ne pas craindre
d'exposer sa vie pour enflammer le courage des hommes et
éveiller ainsi dans leurs cœurs les nobles instincts, d'avoir assez
d'énergie et de force de volonté pour rester capable de penser et
d'agir de sang-froid dans les circonstances les plus difficiles et
les plus critiques.
£n temps de paix, en raison des lenteurs imposées à une
ambition bornée, dans l'impossibilité où il se trouve d'accu-
muler des richesses, l'officier s'efforce simplement de se pénétrer
d'un profond sentiment du devoir, de cet esprit militaire qu'il a
pour mission de répandre au cours de chaque année parmi les
jeunes gens qui viennent sous ses ordres apprendre le métier de
soldat.
t Voir la livraison de février 1903.
INSTItCCTlO-N BT É&UCAtïOtf MILITAI Uë^. 403
En face de la mort, rofticier doit guider une masse d'homnies
et conserver son influence sur elte. Celle influence, il fatil l'ac-
quérir, df's le temps du paix, parle juste emploi des qualités
supérieures de re&prît et du caractère, en instruisiinl et en for-
mant le soldat. Le but de l'oflicier est de prendre cet ascendant
moral sur les hommes, de préparer leur foi préconçue en leurs
chefs en cam|jagne. Il s'agit de rendre le soldat, partout et dans
toutes les circonstances du service, docile à la voix de son chef,
attentif à ses commandements et confiant en lui.
Ce n'est pas seulement par les manœuvres et les exercices cor-
porels que l'officier remplira son rôle éducateur. Mais c'est par
la dignité Je sa tenue et de sa conduite, par l'étendue de ses
connaissances, par la justesse et l'inteltigencG de ses observa-
tions, de ses causeries, de ses travaux. C'est ég.ilcment par sa
justice impeccable.
L'obéissance de notre soldat s'attache plutôt it la personne
qu'au chef. Elle est slrictemenl limitée à sa confiance dans les
talents do comniitndement et la connaissance du mélier dont le
chef a t'ait preuve. Notre soldat veut avoir confiance pour obéir.
Il aime ce qui flatte sa vanité, n'accorde son estime et son res-
pect qu'au caractère. Mais il prodigue son dévouement II celui
qui* exigeant par esprit de devoir, ne se croyant pas d'une
essence supérieure à la sienne, laisse deviner par ses résultats
plutôt qu'étaler dans ses manifeslalions, de la sollicitude poui-
ses besoins et ses inlérèls.
Le contentement des hommes est nécessaire pour qu'une
itrmée soit réelleuienl solide, et il s'obtient eu nsesuranl éqijjta-
bfement le labeur et le hien-Stre. L'influence de l'oflicier qui
borne son rôle h commander baisse peu h peu. Les hommes
réunis ont un iiisltncl infaillible pour sentir qui les aime, et la
première condition pour être aimé du soldat, pour obtenir sa
conSance, est île l'aimer soi-même. Ce sont des timides el des
méliants. La cordialité les ouvre, la brusquerie les referme. Il
Jaut prouver aux hommes l'intérêt qu'on leur porte, non seule-
ment par des par<ïles, mais par des preuves directes. Les plus
grandes fatigues sont faciles à supporter avec un chef qui pos-
stisde l'amour de ses soldats. Les moindres exigences paraissent
exorbitantes à qui n'agit que forcé, sous le joug d'une discipline
lyranniqac. La force du chef est dans l'amour de ses soldats, de
404 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
ceux qui, d'après les termes du Règlement, préparent ses succès
et assurent sa gloire. L'officier peut devenir un Dieu pour lequel
le soldat se fait tuer,
Le service obligatoire, en mettant dans l'armée et au même
rang toutes les classes de la société, a rehaussé le niveau intel-
lectuel de la troupe et l'a fait bénéficier de ces qualités d'éduca-
tion qui font accepter la discipline par conviction et par devoir.
L'uniforme militaire identifie l'aspect des soldats de toutes les
provinces de la France. La discipline identifie leur caractère
militaire. L'officier respecte soigneusement les qualités natives
de chacun pour les donner en exemple. Les qualités morales du
soldat se révèlent comme qualités natives chez les natures les
plus vulgaires. Si l'amour-propre semble être le seul mobile
susceptible de vibrer chez certains esprits primitifs, cet amour-
propre est facile à transformer en un point d'honneur d'où l'on
voit surgir toutes les vertus qui ont fait la gloire de nos armées.
Xll.
DU COMMANDEMENT.
Le fonctionnement d'une armée repose tout entier sur le prin-
cipe d'autorité. L'armée a absolument besoin d'obéir à une
impulsion unique permettant d'opposer à des événements sou-
dains des résolutions soudaines et les mouvements immédiats
qui en découlent. Une volonté unique, une responsabilité unique
en constituent l'indispensable moteur.
.Mais une armée est un mécanisme si complexe qu'il serait au-
dessus des forces d'un homme d'en mouvoir tous les rouages.
Aussi le commandement des masses considérables est-il basé tout
entier sur l'initiative des chefs à tous les degrés de la hiérarchie,
sur leur indépendance dans des limites déterminées, sur les res-
ponsabilités qui en sont la conséquence. Tous ont dû acquérir, à
la suite d'un travail commun sérieux, la faculté de saisir à chaque
instant la pensée du chef suprême. Les intelligences subordon-
nées sont au senice de l'intelligence directrice, si celle-ci, comme
elle le doit, a illuminé celles-là et les a orientées vers le même but.
Un chef supérieur ne doit jamais rien faire de ce qu'un subal-
terne peut faire pour lui. 11 ne doit même pas donner d'ordres pour
INSTRUCTION ET ÉDUCATION MlLlTAmtîà.
40S
des choses qu'il est convaincu de voir faites sans qu'cllns soient
Cûttimand(!'es. Il doit exercer un contrôle incessant, mais n'a pas
à fixer les détails. Il est nécessaire de donner h. chacun la pacl
d'iniliative qui lui revient, de faire naître îi tous les degrés de la
hiérarchie l'amour des resj30nsabilités. Il est nécessaîrCj chez
Ions les chefs des plus petites unîtes, depuis la compagnie jusqu'Ji
la patrouille et le poste avancé, de développer l'aptitude k se
débrouiller. La manière de s'y prendre et la raison pour laquelle
on doit agir de telle ou telle façon, ont dû être [lounée.s en
instruction dans des exercices pratiques sur le terrain; mais,
dans le cas général, il y a lieu simplement d'indiquer le but k
atteindre elles conditions îi remplir. Il importe que chacun puisse
^ régler dans de eertuines limites son service comme il l'entend.
chacun osl responsable, mais maître de son affaire et libre de
's'arranger à sa guise. C'est de cette recherche continuelle du
mieux, de l'honneur d'avoir adopté telle solution ou obtenu tels
résultats que nail l'amour du métier.
L'intervention prématurée deti chefs a pour résultat de détruire
l'amour et le goiït pour le métier au lieu d'en favoriser le déve-
loppement. Elle empêche réctoaiou de l'initiative et de l'indivi-
dualité. Les supérieurs qui s'ingèrent dans les petits détails du
service et voudraient pouvoir les régler, tombent falalcmeiil,
comme le dit le règlement allemand, dans l'étroitesse d'esprit et
ne s'élèvent pas à la hauteur des fondions qu'ils auront ii remplir
un jour.
Les chefs, du petit au grand, doivent avoir une confiance
absolue dans leur droit de commander, doiveul posséder l'haln-
tude du commandement et en avoir l'orgLieil. L'hésitation dans
le commandement se produit nécessairement dans l'exécution
les ordres,
Le mi'itier militaire demande du coup d'œîl, de la volonté et
"surtout la rapidité h prendre une décision. L'homme vraiment
militaire est un homme d'action. N'avoir pas reçu d'ordres n'est
pas une excuse. Tout acte d'initiative, il est vrai, est fatalement
exposé à l'erreur. Car l'initiative consiste ii agir et jamais en
parfaite connaissance de cause. .Mais la peur des responsabilités
est un fléau qu'il faut écarter à tout pris. L'obligalion d'engager
sa respousaliililé toujours, sans espoir de récompense, môme
avec la certitude du coutraire, ne souffre aucune eKceplîon.
400 XOCaNAL DBS 5GIEN0Ë^! MIUTA.mB&.
L'idée de ta uécessilé de l'aolion doit pénétrer les esprits au point
de supprimer 1 hésitation et de refouler l'angoissa. Sur le champ
de bataille, il n'ost qu'une faute impardonnable el lafaniaDte,
rindiffèrcnce ou l'inaction.
L'initiative agit dans le champ d'actiop oITert par les cir-
constances ou laissé libre [lar le défaut de dîrecition. FJle est uno
aide indispensable au commandement qui ne peut être partout el
à tout instant. Elle seule, parce qu elle est acte d'intelligence
et non pas force avsugle, permet aux elïorts de s'ajouter. Aussi
t'aut-il la développer sans mesun;. L'arbitraire n'est pas k
craindre, car il résulte seulement de l'égoï^me. L'indépendaDce
tire son droit de ce qu'elle tend à la réalisation du but commuo.
XIII.
LES SOD8-0FFICIEH8.
Le soldat a pour instructeurs le sous-orticîer et le caporal.
LeurrÔlc fxigeJa connaissance îipprofondie dir uiéiieretdLi! soldat,
un travail soittenu, de îa méthode et de la patteiice, de l'inlellî-
gence et du tact. Ils sont les auxiliaires itiira^'diats de l'officier
qui surveille el dirige, qui leur réserve leur [larl d'initiative el
ménage leur amotir-propre.
L'instruction militaire est rnultielle. Elle part du sommet de la
hiérarchie pour arriver au soldat. L'inatrnclion des gradés se
poursuit (on le Tannée. C'est la fonction propre de rolTicier. Il
s'flgit de donner aux cadres inférieurs une connaissance com-
plète de ce qu'ils seront chargés de transoicltre aux soldais, de
les pénétrer de l'esprit militaire et, par une survettlance étroite,
accompagnée de bienveillance cl de boute, de les aider h vaincre
les prennfTes dilficullés.
La formation des cadres est une dos questions vitales de
l'armée, La réduction de la durée du service en a&ingQli^rement
augmenté la difticulté. La nécessité oti l'on se trouve de sou-
mettre les hommes ,'i un travail aussi prolongé que |>ermettenl
leurs forces, (ont en évitant le surmenage el en leur accordant le
temps que réclament les soins journaliers divers, — la solidité
de l'inslnicLion h leur donncjv plus complexe que jamais, plus
délicate en raison des armes perfectionnées dont ils disposent.
INSTRUCTION KT KDUnATJOS MlUTAtHK:*. 407
— h question d'éditcalion par-dessus tout qui doit leur donner
le moral qui les transforme pI produit Tsmiéc hoînog^ne par Va
notion de MÎitliifité, — toutes ces conditions exigent la formation
de cadres qui se distinguent par l'instruction, par l'inieliigence,
par les quaiilpa morales. Ces cadres doivent s'eftbrccr de gagner
la confiance du sofdal, de le persuader, de lui rendre le métier
nnssi attrayant qu'il peut l'être et de Un inculquer avant tout le
s.entiinent du dt'voir.
Il imporle h l'oflicicr et aux sous-otTiciers de chercher fii rendre
les instructions aussi intéressantes que possible, h les varier, à
savoir interrompre une séance de manœuvre par dfs inlerroffa-
tions qui reposent. Veiller avec un soin scrupuleux sur la correc-
tion de la lenire, sur la propreté, ijpargner aux recrues les
railleries du puMic afin de sauvegarder te respect de l'uniforme;
éviter de se perdre dans les d(?1ails et d'enseigner des choses
inutiles ou supfrtlues; s'attacher à développer l'intelligence
du soldai, crnitidre de vouloir aller trop vite, tout cela est affaire
de l'instrucleur. La patience est sa qualité mallresse. Elle s'ac-
compagne de la poliLcssc qui, vis-;Vvis des inférieurs, est une
preuve de I ton lé de cœur.
Le gradé kuI alterne n'a pas simplement & remplir le rôle d'ins-
tructeur. En dehors des exercices, instructions ou manœuvres, le
sou8-ot"ficier doit exercer une surveillance constante sur les
hommes qu'il commande. Il vît en contact permanent jivec eux,
il doit ce[iendanl conserver fonte son influence, tout son prestiiifc.
Il pcul avoir 'i faire acte d*aulorilé:"i tout instant. Il ne lui appar-
tient pas piécisénïcnl de donner des ordres, mais d'en assurer
l'exécution, L'offidcr surveille de trf's pI•^s les instniclions, le ser-
vice intérieur du sous-oftîcier échappe plus facilement fi son con-
Ipôle. C'est ce qui rend la lâche da sous-officier si délicate. C'est
fjourquoi l'on ne saurait trop rechercher les qualités morales
quand il s'ngil de les choisir. S'ils ne mettent pas à remplir leurs
fonctions le fçoût et te tbXè que fait naître l'amour du métier, s'ils
n'accompagnent pas d'un peu de douceur et de bienveillance
Texercice d'un rôle parfois ingrat, s'ils ne donnf*iit pas eux-
mêmes le bon exemple, l' action de l'officier risque fort d'être inef-
ficace,
La vie Ji la caserne, 6Î l'on n'y prend fçarde, tend k rendre les
hommes indifférents h ce qui se passe autour d'eux. L'habitude
408 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
d'être toujours commandés pour ce qu'ils doivent faire et généra-
lement au moment même où il faut agir, la crainte qu'ils ont à
leurs moments de liberté de recevoir tout à coup l'ordre de faire
une corvée, ont tendance à les rendre extrêmement apathiques,
dès qu'ils sont livrés à eux-mêmes. Les jours se succèdent
aux jours remplis par des besognes semblables. Mais il suffit,
pour rompre la monotonie de la vie à la caserne, de le vouloir.
11 suffit de prendre pour règle absolue de donner toujours la
raison des choses qu'on commande. L'homme doit connaître sa
manœuvre. L'homme n'est pas simplement une machine et ne
<loit pas être considéré comme tel. L'initiative a sa place partout,
dans tous les actes humains les plus simples elles plus minutieu-
sement réglés d'avance. 11 n'est pas d'ordre, si simple soit-il, dont
l'exécution ne puisse donner lieu à aucune observation. Aussi la
tâche est-elle facile de réveiller les hommes, de faire appel à leur
initiative et à leur volonté. Ce sont là partie des préoccupations
constantes des chefs. Il s'agit pour eux de conduire l'éducation
et l'instruction vers le développement de la volonté et de l'intel-
ligence.
XIV.
LES GRANDES MANŒUVRES.
Il ne faut rien enseigner qui ne puisse être d'une utilité directe
h la guerre. Mais, en temps de paix, il faut demander le plus
pour obtenir le moins en temps de guerre. Il en résulte qu'on ne
saurait trop exercer la troupe à la manœuvre : la manœuvre est
un moyen indispensable d'assouplissement et de discipline, et
• c'est à la façon dont une troupe connaît et pratique son règle-
ment de manœuvre qu'il est possible d'apprécier à quel point
cette troupe est vraiment disciplinée et dans la main de son chef.
Quand la troupe a été instruite, à la caserne et sur la
place d'exercice, de toutes les connaissances qui lui sont néces-
saires, elle passe à des exercices d'application sur le terrain.
Ainsi apprend-elle pratiquement à utiliser le terrain, à vivre dans
des conditions qui la rapprochent des conditions du temps de
guerre. C'est chose excellente en soi que la participation intégrale
de la troupe aux grandes manœuvres dans lesquelles tout a été
combiné de façon à rapprocher son service, autant que cela est
possible, de celui qu'elle aura à faire en campagne.
INSTRDCTCON ET EDUCATION MILITAIHES.
409
C'est dans ces manœuvres que la notioti de solidarité achève de
s'imposer, que la fralernité réciproque, ("|iie la camaraderie s'éta-
hlissent iniiniomenl enlre tous ie& élémenls d'une même iroupe.
^ C'est Ih égnlemenl que se développe rapLiludo ci se débrouiller,
qui est une dos caractéristiques du soldat français. C'est là
encore, mieux pcut-ûtre qu'à la caserne, en raison du rapproche-
ment et de la vie en commua, que le soldai apprend h connaître
ses chefs, à les aimer, à avoir confiance en eux,
Déjli, aux grandes manœuvres, les soldais ont les yeux fixés
^ sur leur capitaine eX reflètent les sensations et les sentiments que
traduisent sii physionomie et ses paroles. S'ils emportent cette
opinion qu'«avec lui, on se débrouille toujours », h l'heure du
danger ces soldats témoigneront de leur affeciion et de leur
confiance en lui. Fort de leur dévouement, le chef montrera
alors celte sécurité comraunicalive qui fait sftrs d'eux-mêmes
celui qui commande et ceux qui obéissent. La force morale du
chef sera double, faisant sa propre valeur et celle de ses
soldats.
Daos les corps en campagne, rhomogénéité, l'entraînement
sont indispensables [lour résister à l'action dissolvante des fi.iti-
.gués et des dangers. Pour résister aux. épreuves de la guerre, il
■faut avoir été accoutumé U ses exigences comme k ses déboires-
Le calme et le sang-froid résultent des épreuves subies souvent
et en conmiuii. Lus grandes manœuvres sont une école où ces
■qualités se révèlent déjà. La force de supporter les privations est
'une des plus belles vertus du soldat, et c'est une vertu sans
laquelle il ne saurait y avoir d'armée vraiment solide.
On ne pourrait se dispenser, durant la paix, de tous les exer-
cices qui éventuellement peuvent amener des accidents. Ce
serait aflaiblir l'armée et, îi la gucrn;, les pertes seraiuJiL accrues.
Aussi doil-on maintenir la tradition des marches longues et fati-
gantes. S'il est des épreuves qu'il faut éviter, parce qu'aucun
entraînement n'y est possible et que le meilleur état général est
la meilleure condition pour les surmonter h un momeut donné
en temps de guerre, il faut cependant que de tenqjs h autre on
exige des troupes quelques coups de collier qu'une pré paru lion
minutieuse rend sajis danger, mais qui oui le grand avantage de
donner h la troiq)e, même à celle qui n'y a pas directement par-
ticipé, de la confiance en elle-même.
410
JOt7B3(JJ. »ES ^CTKSCKi HIUTIHIBS.
L'année^ durant ta goerre, sobil d'inuombrabtes influeiices
psychologiques. Le mauvais temps, te froid, la boae, l€s rumeurs
venues on ne ^ail d'où, la rendent méconnaissable d'un moment
à Tautre 11 app«rlieul au commandement de connaître le cœur
de Sfô goldats, pour savoir îi tout moment ce qu*iL peut leur
demander. Mais il feul des eïloris extraordinaires pour avoir le
succès. Qui ne demande jamais que la niojrenne n'obliendra
jamais que la moyenne. C'est le moral de la troupe qui permet
de letles otigences. Les plus grandes fatigues se peuvent
demander quand le cceur y est. La vigueur physique relève direc-
tement de la force morale.
XV.
LES HÊSEBVISTES.
On n'instruit pas les hommes pour leur inciilqner des connais-
sances (éphémîTes. Il est indispensable que Ifis connaissaJices du
soldat soient ass**?. afiprofondies pour persister : plus lard, il
doit repîtrailre dans l'armée comme réserviste, encore asse?:
formé pour pouvoir être remis au courant trf^s promptemenl.
Quel que soit le Icmps écoulé depuis sa libération, il iloil Tire en
mesure, au jour du dauffer, de revenir inopinément prendre s<i
place dans le ran|^. Il doit encore garder de son séjour au régi-
ment une impression forte et durable. Rendu îi la vie civile, il
doit conserver rcsprit militaire.
Ce n'est pas la juxtaposition d'éléments quelconques qui con-
stitue une troupe, c'est la solidarilé. Toute troupe en formation
doit posséder un noyau de soldats complets chargés de l'amal-
game de tous ses éléments. Les armées qui papiiciperont anx
futures campajîn es se composeront d'hommes de l'active cl de
la réserve C est aux réservistes à reprendre les habitudes de
leurs camarades de l'active et d'en suivre l'exemple, Ils ne leur
sont pas intéi'ii'ui-s- Us ont même acquis avec l'Age des qualités
précieuses et, au point de vue physique» une plus grande résis-
tance. Mais ils ont quitté le service depuis longtemps, Hs peu-
vent faire maînlenanl partie d'unités dont ils ne connaissent pas
les chefs et ils sont quelque peu désorientés.
De là rim porta nce des convocations de réservistes. Ces dei'-
INSTRUCTION BT EnnCAimN MILITA IRES.
411
I
niers ne se trouvent pins h l'âge où l'on aime les changements
de plRce et do ^cnre de vie. Ils ont pu quitter des f'tros qui leur
sont chers. Ils ont peut être laissé en soufFrance des intérêts de
premier orJrn. Il est donc essentiel que les quatre semâmes que
les réservistes viennent passer au corps soient consacrées entière-
ment à les retremper diins les exigences du métier militaire et h
parfaire leiTr rtdueation. Malheureusement, rinstniction des
jeunes soldats prlnje !a leur et avec raison. Ils participeront aux
corvées el peul-^tre, penseront-ils, plus souverjt qu'à Ipur toar.
Il appartient k la vigihmce des officiers de ne pus laisser sup-
poser au^ réservistes que ces corvées ont été la ^ai^on de leur
appel.
L'âge et l'espérience ont transformé le soldat qui nous revient
au corps comme réserviste. Son esprit plus rênêchi, son liesoin
de comprendre «t de comparer, son désir de eonuRttre rapide-
ment et fi foud ce qu'il peut ignorer encore, le rendant extrême-
ment attentif, et la tâche de l'inslrucleur chargé de le mettre au
courant des exigences du service en est singulitTemenl facilitée.
Alors même que les règlements ont changé, que rîirmenient a
été modifié, quatre semaines ont jusqu'ici suffi h le remettre au
point.
La question éducation est un peu plus complexe. Le réserviste
peut appartenir à cerUiins milieux dans lesquels il a été peut-
être hautement proclamé que tout acte d'autorité e?l perfide^ que
tout acte de rébellion est saint. Si l'assouplissement complet et
réfléchi du cariieii'^re h la subordination n'est pas îa conséquence
de l'éducation dnns la famille aussi bien que du tempérament par-^
Ikulier et des idées, il peut se produire que le réserviste arrive
au régiment ptutùt pour regarder que pour apprendre. Prompts
fi la crili<{ue, qijfdqiicK-nns prennent des notes pour se moquer
ensuite de ce qu'ils croient avoir vu. Il faut ramener ces esprits
h une plus juste appréciation des choses; ils sont plus h môme
que le jeune soldd de saisir la portée et le but des enseigne-
menis, de posséder à fond l'esprit du métier ni i lu aire. T/cst ce
dont l'officier doit bien se pénétrer. Par rutilij-atinri entière de
leur temps en vue de leur instruction el de leur éducation, il est
possible de jeter dans la société les germes d'un bon esprit mili-
taire national.
Au régiment, le réserviste s'habituera de nouveau à la surbor-
4iâ JOUBNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
dinalion, en comprendra les nécessités et le profit pour tous. Il
saura voir le spectacle des volontés individuelles annihilées dans
la pensée unique de la patrie. Du petit au grand, tous les élé-
ments de l'armée ont leur part d'initiative dans ce grand con-
cours de dévouements qui est la garantie de tous les moyens effi-
caces pour obtenir plus tard la victoire. La sentinelle qui veille
sur le camp endormi a une responsabilité aussi grande et remplit
un devoir aussi important que le général qui le lendemain com-
mandera à des milliers d'hommes. C'est à ceux qui ont reçu
l'éducation la plus solide qu'il appartient de donner l'exemple,
en faisant le sacrifice d'un orgueil mal placé quand il s'agit du
service de la France. Parmi toutes les obligations du métier
militaire, il n'en est pas d'inutiles ni d'indignes. Dans l'exécution
d'un ordre, il y a place pour le zèle, pour l'intelligence, pour le
cœur. Savoir se subordonner par devoir, c'est, h tous les degrés
de la hiérarchie, la meilleure preuve de cet esprit militaire si
nécessaire pour assurer l'union des efforts vers la réalisation du
but commun.
XVI.
DE l'Éducation militaire.
La valeur d'une armée dépend d'une pari de son organisation,
de son armement, et d'autre part de l'instruction et de l'éduca-
tion militaires des soldats. xMais c'est dans l'élément moral qu'est
le fondement même de la valeur d'une armée. Si la valeur a pu
quelquefois suppléer à l'infériorité matérielle, le contraire ne
s'est jamais vu et ne se verra jamais. Il en résulte la nécessité de
ne pas s'attacher seulement au côté technique dans la formation
du soldat, mais surtout au côté moral. C'est à développer la dis-
cipline, la confiance, l'esprit de dévouement et de sacrifice, la
volonté, qu'il faut avant tout consacrer ses efforts.
La victoire réside dans le courage des troupes. Pour l'obtenir,
le soldat doit être convaincu de sa propre valeur, avoir la certi-
tude de sa supériorité sur l'adversaire : il doit mépriser l'ennemi.
Il doit également sacrifier sa vie à la mission qui lui est con-
fiée, négliger son existence devant le succès auquel il est chargé
de contribuer. Le supérieur, de son côté, ne doit commander
qu'en raison de l'obéissance qu'il doit lui-môme au règlement et
à ses chefs, rien qui ne soit dans la pensée du chef suprême.
INSTftUCrrOK et éducation MILITArnES.
413
La prépondérance des exigences morales sur les exigenccis
lechniquDs du niomenl, conduit h faire passer en habiUides tous
les acies utiles que la guerre exige. De \h découle le caractère de
rinslruction professionnelle du solJaL. Mais celle prépondérance
des e^igeitcos ujorules conduit également à faire table rase des
habitudes que pourrait engendrer la vie militaire qui tendraient
à miner le sentinient du devoir par l'apathie ou la négation.
Les rtglemenis donnent les moyens, mais non la nianière de
manœuvrer et de combattre. Ils ue peuvent donner la solution
d'un seul cas particulier. Celte solution est affaire de notre în(el-
ligence, Aussi les manœuvres du temps de paix doivent-elles
constituer un entrainement intellectuel, en même temps qu'elles
doivent être l'apprentissage pratique de la confiance et de la dis-
cipline, parle développement de l'esprit d'offensive et l'applica-
tion du principe de l'action à tout prix. Ce qui donne lavicîoire,
ce sont les pertes morales de l'ennemi , non pas ses morts, mais
ceux qui se sauvent. Toute instruction, toute manœuvre doit
tendre à faire surmonter k l'homme le sentiment du danger.
Tout exercice est à écarter qui favorise le sentiment de la con-
servation personnelle. C'est la force morale qui permet ci t'homnie
et k la troupe de faire face h l'imprévu, rapidement, sans hésita-
tion, sans agitation. Cultivera outrance la fos'ce morale, telle est
la vraie préparation à la guerre.
La caserne n'est donc pas seulement une école pratique d'in-
.stniction militaire. Elle est sans aucun doute une école d'entraî-
nement physique, mais aussi d'enlrutnoment intellectuel et moral.
Elle suppose dans la nation la culture intense du véritable esprit
militaire.
Il fut uu temps où. l'esprit militaire consistait dans un goCkt
prononcé pour la guerre, ses travaux et ses aventures. En temps
de paix, il se traduisait par la satisfaction de se croire supérieur
aux autres hommes ut par la fierté de s'en distinguer par l'uni-
forme. L'armée était une caste dans la nation, et, de militaire ci
civil, ce n'étaient plus les mêmes façons de comprendre, de
penser et de sentir. Actuelleracut tout le monde est soldat, la
guerre est affaire de nations. L'esprit militaire qui doit animer
nos soldats n'est plus qu'une forme de l'esprit civique, Le devoir
civique sous-eatend le devoir mililatre.
La Patrie menacée a di'oil de la part do tous à un sacrifice
414
lOCaNAL DES SCIENCES MILiTAlIIB».
absolu, sacrifice de lu liberté, de la volonté, de la vi6. Kn teœ]
de paix, il faut apprendre ce qu'on aura besoin de savoir en
temps de guerre : le mélier des armes. 11 y a iiécessilé de co(
donner tous les eflorts, oécessité pour chacun d'exécuter cons
ciencieuisement sa tàcbe^ selon les indica lions du ceux qui ont
qualité pour la diriger, nécessité de plier son esprit auxeiigencêâ
quelquefois pt^nibtes du métier. C'est là le sentimeut raisonné d^
devoir. C'est là l'esprit militaire qui doit pénétrer nos âmes.
XVIK
DE l'HOSTIIJt£ CONTHE le service OBLlGATûm£.
Le service militaire obligatoire, accepté comme une nécessité
imposée par les circonstances, a été bientûl t'olijet de récrimina-
tions qui se sont accentuées & mesure que s'afTaililissait l'impre s-
âion proituite par les événements do la dernière guerre. ^H
La loi de recrutement, base de l'édillce nnlilaire, touche à de^^
intérêts p:trticuliejrs comme à la défense du pays. Sociale et mili-
taire, elle a cherché k équilibrer l'intérêt miliUiire el l'intérêt
social.
Une ialerruplîoTi d'un an dans les études peut être regardée
comme un repos, et la loi se contente d une année de présence
sous les drapeaux pour certaines catégories de jeunes gens. Gela
est indispensahle. Quand on approche de vingt-cinq ans, la coi
tinuité du travail est véritablemenl obligatoire. Seule, elle
permet de réaliser l'approvisionnement iutpllecluel indispensable
à un grand nombre de carrières et surtout au développement d'"
l'in&lrucUon supérieure, si nécessaire poui* la gloire et la prospé-
rité du pays.
Si, pour certains jeunes gens, une année de présence sous les
drapeaux est jugée suffisante, pourquoi non serait-il pas ainsi
pour tous? i^onnuent définir le service militaire rationnel? Mais,
avant toute di&cu&ston, s'impose la nécessité de ta caserne. Jl ne
suffit point à une nation de posséder l'instinct guerrier qi
produit les volontaires au moment de la guerre, car le coura^
non discipliné n'est pas proË table au pays. Seul l'esprit militai
fournit les bons soldats et assure une armée solide ; seuî'
ii iospii'e confiance. 11 conduit à la caserne, et c'est pour cela que
¥
r
rerlaina
la France a acquis.
Les attaques încessanles des gens de désordre et adversaires
de l'ordre social démontrent l'utilité sociale de l'armée. L'armée
est un obstacle h l'accomplissement de leur œuvre de cJeslniction,
el ils la redoutent. Ils cherchent à opposer l'esprit militaire
Il Tesprit eivil, alors que le service obligatoire en^dobe tout
le monde. I!s cliercheul à mettre en optiosition l'inlêrêt des popu-
lations el ceiui de l'armée, comme si à présent les deux ne se
trouvaient pas confondus dans la nation armée.
Toute distinction de classes disparait dans l'armée. L'armée est
une et par l'unité de pensée dans l'obéissance au règlement el
jtar t'unilc de dévouoinent pour le service du pays. On ne s'y
occupe gufîre de la naissance. La fortune y crée des dissem-
blances, mais eile»s ne nuisent pas au service, ni m<^me h la cama-
raderie. S.iiis doute, il s'y trouve des inégalités, mais les inéga-
lités sont partout dans les choses humaines et s'imposent h nos
^'olontés. Les musiciens, les ouvriers d'arlitlerie et du génie, les
•niavécbaux, boulangers, ouvriers tailleurs^ cordonniers, conti-
nuent dans l'armée leur profession et s'y perfectionnent. Le ser-
vice militaire esi un avantage pour eux : ils deviennent plus
habiles et plus tard seront des ouvriers recherchés. Mais si
quelques-uns tirent de leur séjour au régiment un protit maté-
riel immédiat, tous sont appelés h en tirer les bénéfices d'une
éducation virile et française.
La vie en commun, la vie à la chambrée, est, malgré tout ce
qu'on a écrit, une épreuve profitable sinon aux individualités,
du moins à la coUeclivité. L'hostilité contre le" service obliga-
toire lient surtout au développement du bien-f:tre. On se trouve
bi(?n ctiez soi et l'on ne veut pas êtrr dérangé. Mais la vie au
régiment peut être considérée h juste titre comme une réaction
salutaire contre cet amour excessif du bien-être et ce besoin
incroyable des îiises qui tendent h déprimer le caractère de*
nouvelles générations.
Le service obligatoire univei-sel lend à détruire l'esprit mili-
taire en donnant l'apparence d'une corvée au plus éminent des
devoirs. Mais la valeur des occupations humaines vient de la fin
vers laquelle ailes tendent. La Patrie rehausse et sanctifie
l'obscur labeur dont elle Urcra sa gloire. Devant !a sublimité de
416
lOL'RNAL DES SCIBNCES MILITAIRES.
l'abjet commun, tous sont (''i^aux. L'obéissance n'est pas humi-
liante quand cHe s'adresse à un homme qui est lui-même l'obéis-
sant serviteur du devoir commun. Le commandement lui-même
a un caractère désintéressé et idéal.
XVI [ï.
HYGIÈNB MOBALE.
On peut voir dans le service militaire une des causes de la
diminution de la natalité et de la perte de forée sociale qui en
résulte, eu raison de l'empêcheraent qu'il met aux. unions pré-
coces et du trouble qu'il apporte dans les projets des familles et
rétablissement des individus. Mais on se convainc encore aisé-
ment tjue, w de leur passage dans l'armée, un grand nombre de
jeunes gens rapportent dans Jcur famillo un sens moral diminué,
le dédain de !a vie simple et laborieuse, et, dans l'ordre phy-
sique, des habitudes- d'intempcrancf^ et un sang vicié qu'ils
transmettent ». La cause, on la trouve dans le caractère pré-
tendu licencieux des conversations de chambrée et dans la pré-
sence à proximité des casernes de véritables bouges. On a pris
prétexte d'un cri d'alarme qui n'a pas été inutile pour s'attaquer
h nos irtslilulions militaires.
A la caserne, le soldat n'a pas assez de temps h lui pour pou-
voir prendre des habitudes d'oisiveté. La dépravation y est
impossible en raison de la liberlé dont il jouit, La gouaillerie de
chambrée n'est qu'une fanfaronnade de sceplicisme, et les propos
de soldats ne sont certainement pas pins licencieux que ceux de
toute réunion de jeunes gens. Plus que tout autre, le soldat se
laisse empoigner par l'Idée, et, s'il n'est pas moralement aban-
donné de ses chefs, il évitera, ci coup sûr, les écueils sur lesquels
îl est censé devoir se perdre. Au régiment, la vie est douce aux
hommes de bonne volonté, et quiconque sait conserver sans
morgue sa dignité propre inspire bicnlùt le respect.
11 est vrai qu'^ ses heures de liberté, le soldat est exposé à
faire de longues poses à ta cantine. Lîi, presque t l'abri de toute
surveillance, dans la tenue débraillée que comporte le che^ soi, il
peut se laisser entraîner k boire. Peut-être devrait-on n'auto-
riser dans les cantines que le comptoir et doter par contre
chaque unité, comme cela existe déjà presque partout, d'un local
$
k
I
chauffé r hiver, où les hommes pussent se rassembler et faire
leur correspondance.
Il serait encore pins ntile de aupprimer aux abords des
casernes tous ces cabarets où le poison est débité à des prix
dérisoires. Ce n'est malhenreuscmcnt guère possibte. Leur pré-
sence est due surtout, dans toute garnison, à remplacement
eKcentriqjuc des casernes. Le soldat les fréquenle en partie. Mais
le soldat qui a franchi la porte de la caserne ne sait que faire.
Après avoir promené son désœuvrement par les rues, il ne peut
qu'aller s'échouer près du gite, dans ces cabarets borgnes qui le
guettent au passage.
Aussi serait-il à désirer qu'une partie des fonds que les familles
envoient ît leurs enfants soldats, même au prix de dures priva-
tions, fussent consacrés à la création d'étatilissemcnls capables
d'offrir aux militaires, à leurs moments de loisir, un refuge contre
l'oisivelé. Ces établissements seraient k créer à l'extérieur des
cascrnies, pour forcer les hommes à en sortir et endosser leur
uniforme. L'accès pourrait peut-être en fitre permis h l'éléraenl
civil dans de certaines conditions. Créés en dehors de tout patro-
nage pour qu'aucun prétexte n'empêchât qu'on les fréquente, la
troupe devrait pouvoir y trouver des jeux de toutes sortes à l'in-
lérieur et en plein air, un café, une bibliothèque et m^me une
salle assez vaste où il serait possible k Toecasion d'organiser un
spectacle ou de fiiîrc des conférences.
Certains régiments ont essayé, au moyen de conférences,
d'aider les honimes à compléter leur instruction sur certains
points purliculiers pendant leur passage sous les drapeaux. Ces
conférences, dans leur ensemble, ont pour fin un travail général
d'éducation. Elles le permollent, parce que les hommes aiment
qu'on les fasse réfiéchir sur des questions d'ordre général, qu'on
les élève de temps en temps au-dessus de leur condition intel-
lectuelle et morale. Elles peuvent sembler sans raison dans
l'armée. Ce n'est pas le rôle de rarniée, en efîet, que d'aider les
jeunes gens à compléter leur instruction. Mais l'armée ne saurait
se désintéresser de tout ce qui peut élever le moral du soldat,
augmenter sa foi dans la Patrie, car cela entre en ligne de compte
dans la valeur des troupes. Ces conférences, entièrement faculta-
tives pour le soldat, sont admissibles, lorsqu'elles sont faites avec
tact et ne nuisent en rien aux intérêts du service.
/. deiSc, mil. lO'S. T. XVII.
n
418 TOUnilAL DBS SClElf{:£S aiI£,ITALB£S.
En exigeanl du soldat une exactitude méticuleuse vis-îi-vîs de
tout cecjuj regarde Ih propreté corporelle el lui en expliquaûlla
nécessité dans des séances d'inslpuclion intérieure, rolilcier vul
garise les notions et la pratique de l'hygiène, tl serait possible
dans des conférences faites îi la troupe, de donner îi cet enseign
ment une plus grande extension. Il serait peut-être possible éga
lement, par le même moyen, d'attaquer l'alcoolisme.
Les préoccupations d'ordre moral sont à l'ordre du jour dans
l'armée. L'armée, |>ar la conscience qu'elle a acquise de sa res
ponsabilité vis-à-vis de tout ce qui regarde la moralité sociale,
est devenue par cela mf^rae une école de moralisalion. Par un'
connaissance a|iprofondie du caractère de chacun des homm
qu'il commande, par la connaissance de sa position sociale, di
de son instruclionj de ses projets d'avenir dès son arrivée a
régiment, rofiicier sutiallerne peut se rendre un compte cxflc
des sentiments qui agitent la conscience du soldat et ea suiw
l'évolution petidanl son séjour h la caserne. Ainsi l'îiirniée peut-
elle permettre de regagner en [iioralité, eu liienfails t^énéraux
d'éducation, ce que la Patrie fait de sacrifices pour remplir son
rôle de grande nation. Éducation militaire n'est autre chose
qu'éducation nationale et bienfait social.
ne ■
CONCLUSION.
Leâ générations nées aux environs de Tannée terrible ont
imprégnées de Fidée douloureuse d'une diminution de la FranceJ
de son niutilemenl Dis te berceau, nous savons que la Patrie a'
perdu un bien qui lui appartenait depuis des siècles. Elle ne l'a
pas encore retrouvé, elle ne peut se consoler de cette [lerle sana
déshonneur. Il iuudi-a un jour ou l'autre risquer son esislenci
nationale dans une lulle suprême. lyoii la nécessité de la ferml
union du peuple entier dans un seul sentimeut, celui du palrto-'
tismeprét à tous les sacrifices. D'où l'obligation pour chacun Je
nous d'être avant tout soldat. Pour tout homme de cceur, c'es
un devoir impérieux d'y consentir ; ht Patrie l'exige.
Mais les années s'écoulent sans amener la réalisation de noii
secrets débirs. Aujourd'hui encore, l'heure des luttes prochaine
INSTRUCTION ET ÉDUCATION MIUT.IÎBES. '419
resle indécise et probléroalique. Nous voudrions dire : l'heure
viendra, l'heure est proche 1 Et colie pensée même nous est dou-
loureuse. Ce qui fut le rêve de nos jeunes années ne serait il
qu'un rêve? L'adoption du service obligatoire a pourtant doté la
France d'une armée nombreuse, actnellement pourvue d'un arme-
ment incomparaliîe- Mais la guerre apparaît à nos yeux comme
un événement redoutable, et encore tout imbus de nos g^loires
passées, nous couvrons notre déchéance morale d'un masque
hypocrite de sentiments humanitaires. D'aucuns parlent de res-
titutions pacifiques comme de chimères réalisables.
Pour ceux qui, esclaves du devoir, simples unités dans l'armée
nationale, allendent auprf's des hommes qu'ils ont k instruire
rheure sainte des prochains combats, ceux-là puisent dans leur
dévouement au service la foi dans les succ^s Cutni'S. Ils espèrent,
parce qu'ils croient au patriotisme. Leur unique pensée est la
préparation à la guerre; toute autre leur paraît sacrilège.
Mais une armée soHde ne suffit pas h îa grandeur d'un ])ays.
Les peuples luttent entre eus au point de vue industriel et au
point de vue commercial. Ils se disputent tes p}iy& vierges pour
en tirer les mati&res premières. Ils kiHent d'inlluence pour s'em-
parer du commerce des nations lointaines. Ils luttent encore au
point de vue intollocluel comme au point de vue moral, cherchsml
à réaliser l'idéal qui leur est propre, k gagner la suprcmalîe dans
les idées, k imposer leurs mœurs, leur langue, leur littérature.
Mais la Pairie n'existe que par l'union de tous ses enfanis, SI les
classes de la société ne participent pas toutes h l'oeuvre commune,
mais se livrent à des luttes fratricides, qu'adviendra-til de la
Patrie elle-même ?
L'inégalité des rangs dans la société est insupportable tant
qu'elle n'est conçue que comme une suite de la lutte des indi-
vidus pour l'existence et la domination. Elle se fond en harmonie
quand on pense que hi Patrie a besoin de serviteurs placés
à différents postes. La grandeur de la Patrie est faite des dévoue-
ments les plus humilies comme des plus éclatants. Il fanl pousser
en haut et non ramener en b;is pour bien inlerpréler le principe
d'égalité. L'égalité absolue, c'est l'aridité décevante qui veut
régler la marche de la société sur le plus faible, qui s'otï'cnse h. la
vue d'une capacité, d'une intelligence, d'une valeur physique ou
morale quelconque. Si chacun, par son initiative, doit être
420
JOURNAL b£S SCIBlfCES HIUTA.1RES.
le principal artisan de sa position sociale, si chacun doit garder
le soin et la responsabilité de défendre ses intérêts, — sans
l'esprit d'ordre et de discipline, sans le respecl de la loi el de
l'autorité, sans solidaritf^ et sans charité, il ne saurait y avoir éi
place que pour le désordre et l'anarchie.
Voilà pourquoi l'armée peut être l'instrument de notre régéné-
ration. Les jeunes gens, en quittant le service, entrent dans la
vie pour y Jouer un rôle personnel, exercer leurs droits, mesurer
l'étendue de leurs devoirs. Le service militaire a eu pour tdche
non seulement de donner Tinstruction militaire, mais encore de
discipliner les esprits, de former les âmes, de tremper les cœurs.
(Comment n'en seraieiil-ils pas devenus meilleurs et miepx pré-
parés aux exigences de la vie ?
L'armée est la seule école où s'appreud la nécessité sociale de
la discipline, du respect, de l'abnégation. Lh seul est le terrain
favorable où peuvent germer les semences fécondes de la solida-
rité, de ta réconciliation, de l'effort en commun. Par la pacifica
tion des esprits soumis au régime mililaire, rendus plus réfrae-
taircs à la haine de classes, par Je souvenir que chacun en
rapporte d'une autorité bienfaisantCj juste, respectable, l'arméC-—
est la sauvegarde de la nation, fl
Au point de vue physique, par son existence méthodi(|ac e!
régulière, par ralimonlalion bien comprise, les exercices piiy-
sîques progressifs et la vie en plein air, le service mllilai réactive
là nutrition et le développement du corps et augmente la résis-
tance vitale, 11 entraîne pour les jeunes gens sains un bénéfice
réel, et ce bétiéfice individuel, par hérédité, retentit sur la rM
entière. Le service militaire assure également k la nation k
bienfait tangible qui résulte de la vulgarisation des nolioB^
d'hygiène et de leurs applications.
Au point de vue moral, en raison du respect dont on entooi
au régiment tout ce qui est la propriété de rÉlat. le service
taire donne une conception plus élevée de nos devoirs et de iîû«
droits vis-à-vis de la collectivité. Il tend îi rendre l'homnie aussi
probe dans ses rapports avec l'État que dans ses rapports avet*
les particuliers.
Le service militaire enfin inculque le sentiment du devoir, Oiil
accepter la discipline en en démontrant l'objet et suscite des
dévouements qui vont jusqu'il la mort. L'armée est vouée tout
lîîSTRLXTION ET EDCCATION MILITAIRES.
421
Bpécialemenl îi la pratique des verlus tes plus vitales: le courage,
l'eiidurarice physique, l'énergie.
L'armée fournit à l'énergie humaine des modèles, des exer-
îicps, des occasions et des buts. Tout concourt, dans l'armée, à
affermir les Ames : les manœuvres, les marches^ la discipline,
l'habiliide de vivre pour un but désintéressé. Si tous n'ont pas
pleine conscience'du but b atteindre, de la tradition à conlinuer,
de la Patrie h défendre, bon nombre y seiilent naître le désir de
faction, le besoin de se signaler ou de se dévouer. Par la
compression et la contrainte qu'ils y subissent, tous y gagnent en
énergie : obéir, c'est apprendre à vouloir. Par la pratique du
devoir nuilitairo, les ûmcs peuvent acquérir une fermeté invin-
Hcible.
Nos jeunes gens ont besoin d'un endurcissement des vertèbres
qui les rende fidèles h la mission confiée. La volonté indomptable
de réussir est la vertu propre du soldat, La foi dans le succès et
la ténacité qui assure ce succès, voilà ce que donne le service
militaire. L'armée est l'école où s'apprend la vertu essentielle des
héros, qui n'est ni la justice ni la sagesse, nnais la volonté,
la force d'itme. L'armée, c'est le foyer de l'énergie nationale.
Aussi voyons-nous avec émotion les fronts se découvrir au pas-
sage du drapeau du régiment. C'est là la preuve de notre solida-
rité nationale. L'armée, f c'est la tribu sainte, ouverte el toujours
renouvelée, que traversent l'une aprbs l'autre, comme pour leur
baptême viril, les jeunes générations ».
GiaAnn.
LA
BRIGADE MIXTE LAPÂSSET
AVANT-PROPOS.
La brigade Lapasset, séparée du 5» corps à la suite des événe-
ments du 6 août 1870 et rattachée au 2* corps, comprenait, outre
ses deux régiments d'infanterie, de la cavalerie et de l'artillerie.
Grâce k celte composition mixte et à la valeur personnelle de son
chef, elle joua, dans les événements qui se déroulèrent autour de
Metz, un rôle particulièrement important et caractéristique.
Comme l'a dit quelque part le général Lapasset lui-même, c'était
une « division au petit pied », toujours chargée de missions spé-
ciales et difficiles.
Placée à l'extrême gauche à Rezonville (16 août) et à Sainl-
Privat (18 août), à l'extrême droite dans les deux sorties de Ser-
vigny (26 et 31 août), elle ne se laissa jamais déborder par l'en-
nemi. Toujours à l'arrière- garde dans les marches rétrogrades
de Sarreguemines à Mercy-le-Haut (du 7 au 13 août), de Mercy
à Rezonville (14 août), de Saint-Privat à Longeville (19 août), de
Colombcy à Montigny (l*"" septembre), elle sut, par sa ferme atti-
tude, en imposer à l'adversaire. L'affaire de Pellre (27 sep-
tembre), où elle agit presque seule, fut un des rares succès de
cette campagne.
Aussi l'étude des opérations de la brigade mixte est-elle h la
fois pleine d'unité et intéressante au plus haut degré.
Avant d'entrer dans le récit des faits auxquels elle prit part,
il n'est pas inutile de dire quelques mots sur celui qui en fut le
chef, sut lui inspirer une inébranlable confiance et lui acquérir
un universel renom.
LA BftiaA.BE MIXTE LAPASSET. 423
Le gtîmîral Fei-dinanJ-Auguste Lapasset était né le 29 juillet
iSn à Saint-Martin-de-Ré, d'une ftimille mililaire. Apr^s être
passé pai' le Prylanée militaire, il fut reçu it Saint-Cyren 1835,
fjen sortit deux ans plu» lard et entra h l'Écoled'ajîplication d'élat'
major qu'il quitta en 1840. Il partit alors pour TAIgérie, où il
resla \îrjgt-sept ans, presque sans discontinnité, taisant h peu
près toute sa carrière jusqu'au grade de général tie brigade dans
les Affaires indigènes. Il prit part h loutns les l'cpres^ions d'in-
surrections et rendit ù la colonie d'immenses services, tant au
point de vue militaire qu'administratif. En 1868, il revint en
France et prit le commandement d'utio brigade h Lyon. C'est là
que le surprirent les événements de 1870.
Au retour de la captivité, il fut de nouveau envoyé en Algérie
pour participer h la répression de la grande insurrection de 1871.
L'année suivante, il fut appelé au commandement d'une division
d'infanterie i^ Perpignan, puis k Toulouse, où il mourut en ISIS.
On a publié récemment la correspondance du général Lapasset
à sa femme, h ses chefs el à ses amis, ainsi que des notices qu'il
avail écrites, tntilantde !a coIor>tsation de celte terre algérienne,
à laquelle il donna tant de lui-même '.
Ces lettres nous font connaître sa pensée intime et le rehaussent
encore ?i nos yeux, Celles qui furent écrites durant la campagne
de 1870 et la cajjtivîlé sont pleines dinfinie prévoyance et de
profondes réflexions, Dfes le délnil tic la campagne, il semble
prévoiries suites irrémédiables du désarroi qui régnait en France.
Le S3 juillet, il écrivait de Bitche h sa feniuie : « Drôle de [peuple
que les Français; d'une mobilité extrême dans les idées et rouli-
niers en diable dans les faits, croyant toujours posséder ce qu'il
fy a (Je mieux, aurlotil an organisation mililaire, et n'en possédant
qu'une fort déff^ciueiise. J'avais la prescience de ce qui arrive;
aujourd'huij je touche du doigt des énormîlés. Notre légf;retë se
ril de tout cela : nous souffrons et nous plaisantons » El,
quelques jours après, le ■!«''aoùt : « Ahl que les novateurs mili-
taires ont fait de mal îi l'armée! Avec toutes ces organisations,
ces économies, ces changements, ces congés, ces semestres, on
semé le désordre et tant soit peu d'indiscipline. Il faudra quel-
' Le Qi'nérat Lapattet, Alyertf-Metz, par un oiïtcier d* lafraé« du Rliiii.
jire aussi sur legènér)*! I^apasset, U Notiee bimjaiphiqutf du général Wabsst,
424 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIBES.
ques exemples et une main ferme pour remettre le tout en ordre.
Dieu veuille que cela ne nous coûte pas un peu cher en commen-
çant! »
Ce fut surtout durant le siège de Metz qu'il se montra à la hau-
teur des circonstances, surélevant son âme, suivant sa propre
expression, conservant jusqu'au dernier jour l'espoir de faire sa
trouée. Nous verrons à la fin de cette étude l'activité qu'il déploya
7)our faire admettre de Bazaine ses projets de sortie : « Jusqu'au
dernier moment, écrit-il î» l'instant de s'embarquer pour la cap-
tivité, je voulais faire ma trouée Mais l'ennemi qui crai-
gnait de voir sa proie lui échapper, avait resserré et fortifié ses
lignes de plus en plus ; les généraux en chef que je vis
ainsi que les autres me remontrèrent que c'était inutilement faire
couler le sang, que l'œuvre était impossible, que c'était- donner
à l'armée l'exemple de la sédition, que n'ayant été vaincus que
par la famine, il ne fallait pas l'être par les armes. Ces considé-
rations me vainquirent à la dernière heure et, comme les autres,
je dus courber la tête »
Ce soldat discipliné et droit ne put croire à la trahison de
Bazaine : « Non, dil-il, le maréchal commandant en chef et ses
commandants de corps d'armée n'ont pas trahi. Ils ont eu deux
torts : mêler la politique à l'action militaire ; s'être laissé acculer
dans une impasse et avoir manqué de résolution pour en sortir
coûte que coûte ' ».
Mais, si le général Lapasset ne put soustraire ses soldats à la
captivité, ses drapeaux, du moins, n'ornèrent pas le triomphe du
vainqueur. Ce fut, eh ces jours de deuil, sa suprême consola-
tion i
• • Lettre écrite le S décembre de Dusseldorf. [Le général Lapasset, par ua
officier de rarmée du Rhio, t. Il, p. 140). -
LA BRIGADE MIXTE LAPASSET.
4S5
I.
LA BBIGADE A SARREGUEMIKES.
(Dtt 3 ail 7 aoiU 1870).
La brigade Lapasset (Iw de ta division L'Abadie d'Aydrein,
S* du 5« corps) fut formée aa moment de la mobilisation avec
les 84« ei 97" régiments d'infanterie et le lA*^ bataillon de chas-
seurs. Elle ne se trouva rassemblée en totalité que le A août; le
84.8, en ^fi^i^ avait été provisoirenifint maintenu h Plialsbourg et
k Bilche,ûù il tenait garnison au moment où s'ouvrirent les hos-
lililés'.
A la date dn ât juillet, le o"^ corps, concentré h Bilche et h
Haguenau, ayant reçu du major général l'ordre de se porter
sur Sarregucniines*, mit en route deux de ses divisions de
Bitche sur Sarreguemines, et sa troisième de Haguenau sur
Bitche.
19 juillet. - — Le 3' lanciers, colonel Torel, qui devait plus
lard l'aire partie de la brigade mixte Lapasset, était arrivé i\ Sar-
reguemines dès le li», venant de Lîinéville. Il avait poussé quel-
ques reconnaissances dans [a direction de Sarrebrucb et était
ailé s'élablir & Rohrbach sur la route de Bitche.
24. juillet. — Le 97", colonel Copmarlin, fort de 61 offieiers
et 14] liommcs, venant de Bitche, était arrivé à Sarregue-
mines le 24, ?i 3 heures du soir, après une marche assex
pénible.
26 juillet. — Le 26. le 97« est, avec le W- bataillon de chas-
' Au moment de la déclara lion dû la gaerre, le t'ûntral Lnpa^sct cummao-
datt une brigade à Lyon. Il quilU ceUe ville le 18 juillet avec le 97" et la
14" bataillon de chasseurs et arrivn le surlendemain L bitche. Le 84" qjai u-
nait garnison à btitetie et à Plialsbourg leur fut alors adjoint.
* «Il (le t' corps) avilit ordre d'occuper cette ville centre de granda appro-
visionnements, lie .w relier an 2" corps en appuyant à droite H de proléger
la ligne de cliemin do fer du NiedtThronn à Surrt'gueniincs. » (liênëral UK
Faillï, Oiiéiiiliftiit et marehfs du H* corps, l
426 JOCIUÎAL DES SCIENCES MIUTAîP.ES.
seurs (commandant Planck), envoyé à Grossbliederstroft, tête
de pont sur la Sarre, à 9 kilomètres au nord-ouest de Sarregue-
mines. Le but de ce déplacement est de fermer la trouée existant
entre le 5* corps et le corps du général Frossard*. Le service
d'avant-postes est immédiatement organisé ; mais de rares
patrouilles de ublans sont seules encore en vue. Les jours sui-
vants, des détachements sont envoyés reconnaître les ponts en
aval de Sarreguemines et opérer des destructions îi la gare de
Kleinblittersdorf*.
l'' août. — Le 97« conserva jusqu'au 4 août ses positions,
qu'une batterie d'artillerie (la 7^ du 2^ régiment, capitaine Dulon)
vient renforcer le 4«' août \ Les hommes de réserve de la bri-
gade ne commencent à arriver que le lendemain. Ils doivent
l'augmenter de 1600 hommes et la porter à 5,000 hommes
environ.
2 août. — Le 2 août, le 5« corps fait une reconnaissance au
deW de la Sarre pour appuyer le mouvement du 2« corps sur
Sarrebrûck ; la brigade Lapasset et la batterie demeurèrent en
réserve sur les hauteurs au nord de Grossbliederslroff.
3 août. — Le 3 août, à 3 heures du soir, les le' et 2e batail-
lons du 84« et deux compagnies du 3», sous le commandement
du colonel Benoît, arrivèrent à Sarreguemines venant de Phals-
bourg, qu'ils avaient quitté la veille à G heures du soir. Le régi-
ment ne fit que traverser la ville et alla camper sur les hauteurs
enire Welferding et Sarreguemines.
4 août. — Le lendemain malin, à 8 h. 1/2, les compagnies du
84e en garnison à Bitche rejoignirent leur corps, elles avaient
passé la nuit à la ferme de Wising.
Le régiment ainsi au complet et fort de 66 officiers et 1683
hommes reçut, vers 11 heures, l'ordre de rejoindre le reste de
. ' Le général Lapatset, loc. cil., t. II, p. 113.
. * La brigade Fauvart-Bastoul, du 2« corps, était installée à 5 kilomètres à
peine à l'ouest de la brigade Lapasset.
' /-c général Lapasset, t. II, p. 117.
Ï.X BIIIGADF. HIXTE LAfASSET.
4â7
»
brigade près de Grossbliederslroff. Le camp fut aussitôt levé
'sous les yeux mcrae du général de Faîlly et le 84^, après une
marche des plus difficiles, ;Uteignit le campement du 97* vers
3 heures; Les deux régimenUSj que la destinée devait réunir
ensuite d'une façon si étroite, se firent une réception pleine de
cordialité. Les officiers du 97« invilfTent k leur table ceux du Si",
les hommes offrirent le café h. leurs camarades.
Cette réception est brusquement interrompue, vers 5 h. 1/2,
par un ordre enjoignant à la brigade de reprendre immédiate-
ment la route de Sarreguemines. Des forces ennemies sont, en
effet, signalées à Deux-Ponta ' ; on craini qu'elles ne pressent
leur marche, et la brigaJe Lapasset doit se porter h Neunkirch *,
sur la rive droite, pour proléger la ville, tandis qu'une partie du
5* corps s'apprcle à reprendre la route de Bitche pour appuyer
le 'Isi" corps.
Le camp est levé à 6 h. l(^. La nuit \ient avant que l'on
atteigne la place et la marche se fait lente et pénible. Apr&s
avoir traversé Sarreguemines, la brigade s'engage sur la route
de Bilelie et, après avoir marché 2 kilomMres, se porte ^ gauche
dan:s les champs. Aprf^s une heure d'ajtenle, !a m.^rche est
reprise, le village de Neunkirch traversé, el les régiments s'en-
gagent sur la route de Deux-Ponls. Arrivé sur une hauteur qui
se trouve h environ 1300 mMres du village, le 84^ déboîte à
gauche et se déploie par bataillon, sa droite appuyée k la route.
Le 3* bataillon de ce régiment est laissé en réserve au débouché
est de Neunkirch. Le 97''» de son côté, se porte à droite de la
foutc. Il est 1 h. 1/2 du matin. Par suite des ?i-coiips, d'arrêts
non motivés et de l'obscurité, on a mis sept heures pour faire
12 kilomètres.
Les hommes bivouaquent sur place. Une compagnie est
déployce en tirailleurs sur le front de chaque balailioa. Comme
tous ignorent absolument ce qui se passe, les jilus graude.s pré-
cautions sont prises ; le silence est absolu, aucun feu n'est
allumé.
* Celait rrivanl-ganlp du IV° fnips pnissien.
' i^a kigînk' .Mttussiitn (ï" (lo la division fAbadîe d'Aydrein), devait aussi
kruidre ]io;ittuii nux aboris de Neankirfli,
428
lOCBJtAL DES SCIEtCES MILITAIRE.^.
5 août. — Au jour» ta position de Ja brigade est améliorée
reclifiée; des peiîls postes sont envoyés sur le versant ouest de
la Blies vers Frauenberg afin de surveiller la frontière bava-
roise. Les non velles les phis contradictoires circulent : on s'at-
tend d'un moment à l'autre à une attaque de Sarreguemînes.
Cependant, le gros du IV* corps ennemi n'est encore qu'ât-
Deux-Ponts, avec son avant-garde à Nea-Hornbach. Mais des
pointes de cavalerie envoyées par la brigade von Bredow (V^ divi
sioo de cavalerie), qui la veille a percé la frontière entre Sarre
guemines et Pirmasens, se montrent sur différenls points. L'une
d'elles, qui s'est avancée jusqu'il Frauenberg pour reconnaître
le petit poste du 84 « placé sur la route, est accueillie à coups de
feu. Dans l'après-midi, une patrouille de chwau-légers bava
rois, qui s'était montrée en avant de Neuntirch, fui repousses
par des cavaliers français. Le résultat le plus pratique obtea
par cette cavalerie d'exploration fut, dans la nuit qui suivit, la
destruction sur plusieurs points du chemin de fer doBilckà
Sarreguemînes. I
Tandis que la brigade Lapassel s'apprêtait ainsi k défendre le
passage de la Sarre, de graves événements se passaient au
$" corps. A la suite de l'échec de Wissembourg (4 août), l'eni-
pcreur avait, on effet, réuni entre les mains du maréchal Mac-
Mahon le commandement des i^', S'' et 1" corps. De ce fait, ie
général de Failly avait reçu des ordres du major général pour
reporter son corps d'armée sur Bilche. D'autre part, Mac-Mahoti
mandail par des lettres et des télégrammes, qui se firent de plus ^.
en plus pressants dans la Journée du q, le S^ corps h Frœsch^^H
willer. ^1
En exécution de ces ordres, le général de Failly mil ses
troupes en marche dès le 5 au malin, la division Go/,e en tête, la
brigade Maussion (2' de la 2*" division) en queue. Mais l'incertt
tudc dans laquelle on se trouvait sur les mouvements de l'e
nemi fil marcher avec la plus extrême lenteur. Au soir, la divi
sion Go7-e fitteignait Bilche, mais la brigi^de Maussion ne dépâï
sait pas Rohrhach,
Quant à la brigade Lapasset, qui, avec la brigade Maussio!
formait la di\i5Îon L'Abadie d'Aydrein.elle devait :
1^ Continuer h protéger Sarregueminos contre les attaques
possibles de l'ennemi jusqu'à l'arrivée de la division Monlaudoi
LK. BTtIGADK ÏIIXTE LAPASSET.
4â9
I
du 3" corps, qui devait sg pofler de Pultelange sur Sarregiie-
mines;
'S.'> Convoyer ensuite jusqu'à Bitche le train du S* corps, com-
prenant les vivres, les munitions, les ambulances et Ift trésor.
Pour proléger cet immense convoi de plus de 600 voilures on
ftvail adjoint aux deu^ régiments d'infanterie de la brigade, une
batterie d'artillerie, le Z^ lanciers, et deux escadrons du 12^ chas-
seurs. Quant au li^chassewrs h. pied, il était fjarliavec la brigade
Maiission, laissant seulement une compagnie h Sarreguemîties,
destinée, en principe, i\ la garde de la batterie d'artillerie.
Donc, landis que la brigade Lapasset, continuait à protéger ie
passage de la Sarre, le reste du ^^ corps délîlait sur la route de
Bitche. Il ne restait plus au général Lapasset qu'il attendre l'ar-
rivée de la division Monlaudon. Cette dernière n'arriva à Sarre-
guemines que vers 5 heures du soir. Toujours dans la crainte
d'une attaque probable des Allemands, on n'osa, à cette heure
avancée, mettre en marche le grand convoi dont le départ fui
remis au lendemain à la première heure. En attendaDl, le 84" et
97^ gardèrent leurs positions.
Quant à la division Monlaudonjelle s'était mise en mesure, le
soir même, de veiller à la sécurité de la ville. Elle avait établi
son campement sur la rive droite de la Sarre (une brigade au
nord-ouest de Keunkircli, l'autre au sud-est) el envoyé ses
grand'gardes jusqu'à la Blies.
Il semble que pendant la imit du 5 au 6, comme d'ailleurs pen-
dant tout le temps qu'elle protégea Sarreguemines, la brigade,
peu ou pas renseignée par la cavalerie française et trompée par
les pointes multiples de celle de renncmi, se soit constamment
crue sur le point d'être attaquée. Gela fut cause d'une foule d'inu-
tiles déplacemenls, rendus extrêmement pénibles par la pluie et
l'obscurilé, et de travaux de campagne entrepris dans des
circonstances tout à fait déplorables.
C'est ainsi qu'à la tombée de la nuit, vers 8 heures, l'ordre
arriva <i la brigade de se tenir prèle à se reporter en arrière, sur
Neunkirch, Les hommes attendirent, sous une pluie torrentielle,
l'ordre de dépari, qui ne fut donné qu'ù minuit. Les difficultés
de la marche furent si grandes qu'on n'atteignit Neunkirch qu'à
2 heures du matin. L;i, les troupes se barricadèrent, crénelèrent
les mars el mirent le village en état de défense.
■i!10 JOUONAL DES ÂC[£?iCKS MILITAIHËS.
Lft division Montaiidori, <''g;ileiiicnt trompée |iai' les reconnais-
sances de lii cavalerie eiinetnîe, s'éUit, vers niiiiiMl, reporté»^ en
arrière, sur la rive gauche de la Sarre afin d'occii|>er les hau*
leurs dominant cetle l'ive. La brigade Laimsset re-slait seule à
Neuntirch.
6 août, — An jour, l'ennemi ne s'éîant pas raonlré, la divi-
sion Montaudon revint occuper ses positions Je la veille et relever
déflniliveinonl lu brigade Lapasset. Celle-ci dut se porter plus au
Sud, le lon|^ de la grande route de Bilche, afin d'être h. même de
protéger efficacement le convoi, qni, parqué dans les champs à
proximilô et au sud de la route, devait se mettre en marche à
8 heures.
A l'heure fixée, le convoi s'engagoa siu- la ronle de Bitcbe,
escorté seulement par quolffuei* cavaliers et quelques gmidarmes.
C'était là nne grave imprudence, étant donné le nombre des
palrouilles ennemies qui, la nuit précédente, avaient déboucht:
des ponts de la Blies et menaçaient les voitures dont les conduc-
teurs étaient, pour îa plupart, des paysans réquiailionnés.
C'est ainsi que, peu après le départ, quelques voitures accom-
pagnées de deux gendarmes et d'un chasseur à cheval, qui
s'élaiont engagées dans le chemin de Folperswiller, en faisant un
crochet au nord de la grande route, furent altaquées par les
uhlans. Un escadron du 3» lanciers et un liataillon du 97« furent
anssittH envoyés dans la direction du village et réussirent aisé-
ment îi disperser les cavaliers ennemis.
D'un autre cûté, d'autres uhîaus étaient venus caracoh^r jusque
devant le 8i«et avaient liraiilé sur ses bagages et sa musique.
Un peu plus tard, on apprit qu'une reconnaissance allemande,
forte de deux bataillons, trois régiments de cavalerie et d'une
batterie d'artillerie s'était montrée sur hi roule de Bitche'. Le
général Montaudon, par prudence, retarda le départ de la brigade
Lapasset el fit rétrogi'ader sur Sarreguemines le convoi do
5* corps.
Vers 11 henrea, on commença & entendre le canon dans la
direction de Forbach. A 1 heure, le général Montaudon reçut, ft
• Commandant Rousset, La Guerre ft-mvii-alhiiinnâe, I. 1, p. iOÛ.
lA BRIGADR MIX.TK LAPASSET.
131
Sarreguemines, un télégramme du major général, venant de
Melz fît lui annonçant (jn'il devait s'altondro également à êlre
^ attaqué. La 1'" division du 3" corps s'apprêta h défendre la posi-
-lion qu'elle occupait sur le rive droits de la Sarre, position dont
Ncunkirch était Icf^entre. Quant à la brigade Lfjpasset, elle reçut
l'ordre de se porter sur la gauche et d'occuper les hauteurs de
Wolferdiog (cotes 249, 28S, 262) que le 84» avait dêjîi occupées
le 3 août, afin de se placer en réserve cl de protéger, le cas
échéant, la retraite de la division JKontaudon.
Telle était la silnation quand, à 2 h. 40 du soir, le générai
Montaudon reçut de Saint-Avold un ordre du maréchal Bazaine
lui enjoignant de se diriger sur Grossbliederstroftet de marcher
au secours du 2" corps, assailli à Spickeren. La division Mon-
taudon se porta alors on arrière, relraversa Sarre^ruemines, non
s:ins une cerliune conHisiou, et en débouclia à 5 hmires du soir.
Mais, au lieu de prendre la grande roule de Sarrebruckje général
préféra couper pur Houhling; la nuit le surprit dans ce village et
il duls'arrét'?r.
• La brigade Lapasset restait donc seule en arrière [lonr défeiidri^
la ville et les immenses approvisionnements qui s'y Irouvaienl
accumulés. D^s ce moment, elle ne devait plus songer îl rejoindre
le 5*^ corps, la cavalerie ennemie interceptant eompltlemcnl tes
communications elle passage de la rivière à Sarregnetnînes se
trouvant h la merci de l'ennemi si elle se portait vers Bitehc.
La brigade prit donc ses dispositions pour défendre ie piissago
de la rivière. A droite, le Ô7« met en élal de défciiae ie pont du
chemin de fer; h gauche, une compagnie du 8'»'^ occupe Welfer-
ding et s'apprête à défendre le passage du gué et du pont de ce
village. Du cùlé de l'ennemi, la cavalerie devient de plus eu plus
agressive; c'est ainsi que dans la soirée un régiment vient fuire
une réquisition de chevaux et de fourrage Ci Gross^blicdersti'oiï.
Mais les événements de cette triste journée n'étaient pus encore
connus quand, à 11 h. 1/2, un officier d'étal-major, aide de eamj)
du général Pressa rd, vint apprendre le désastre de Spickeren.
Le li* coi'ps battait en retraite sur Sarreguemines, la division
Vergé par Alsting et Grossbliederstrolî, les divisions Laveau-
eoupel et Ba(:iille par OElingen, Behren, Bousbach et Wel-
ferding.
ersiâ h. 1/3, le généra! Frossard arriva avec son état-major;
433 JOUfOAL DKii SCrENCES MILITAIRlilS.
sa déception fui grande quand il apprit, par Iti hoiiche de l'offi-
cier qui commandait la grand'garde du 84«, h Wetferding, que le
B"^ corps s'étail, la veille, dirigé sur Bitche. Ses projels se trou-
vaient ainsi renversés. Derrière lui et dans un ordre relatif la
retraite s'opérait. Toute h nuit et toute ta matinée du lendemain
les troupes de !a brigade Lapasset virent défiler vers Sarregue-
mines les régiments décimés du 2" corps.
Le général Frossard, ne trouvant pas l'appui sur lequel il
comptait, n'ayant aucune iastruclion du maréehal Bazaine et
craignant d'être pris entre deui armées allemandes, donna Pulte-
lange comme nouvel objectif à ses troupes. De son côté, la divi-
sion Montaudon qui avait campé sur les hauteurs, entre Caden-
bronn et Ronhling, apprenant la retraite du 2^ corps, s'était
elie-raôme, h 11 heures du soir, porté sur Puttelange.
7 août. — La brigade Lapasset s'apprêtait elle-même h quitter
ses positions, vers 7 heures du malin, et redescendait vers la
ville quand elle reçut avis du généra! Frossard qu'elle était défi-
nitivement adjointe au 2* corps et qu'elle était chargée d'en pro-
léger la retraite sur Puttelange. Elle devait reprendre ses posî-
lions sur les hitutetirs de Welferding, laisser écouler toutes les
fractions du 2*= corps battant en retraile, ainsi que les convois
rassembl<;s dans Sarregucmineset former l'extrôrae arrière-garde
de l'armée.
Voici eommenl le général Frossard, dans son rajtporl sur les
opérations du 2» corps, relata ce fait : sf Le commandant du
26 corps prescrivît au général Lapasset de suivre le mouvement
de son corps d'armée et il ne fit en cela que [irévenir l'ordre qu'il
reçut, dans ce sens, de Bazaine, dans la journée du T. . . «.et il
ajoute, un peu plus loin : « Atlachée accidentellement au 2^ corps,
celte brigade mixte ne cessa plus d'en faire partie et elle en fut
un des éléments les plus utiles •. »
A 4 heures du soir seulement, la brigade Lapassel put se meltrê
en marche et remplir avec honneur une lûche qui se prolongea
jusque sous les murs de Metz. Une heure aprts le passage des
dernières troupes françaises dans Sarreguemines, un régiment
LA bniGADE MIXTB LAI>ASâKT.
433
de hussards prussiens, le 17", de la brigade Raiich (Vl^dîvision de
cavalerie), qui depuis la veille observait la ville cl avait rendu
compte qu'elle était fortement occupée, en prit possession. U y
trouva des approvisionnements considérables en vivres ainsi que
quelques locuraotives'.
Si la présence de la brigade Lapasset et des troupes décimées
du 3" corps s'était prolongée ù Sarreguoraines leur position eût pu
devenir critique. En effet, le grand étal-miijor allemand, croyant
que Mac-Mahoii battrait en retraite par Bilche, avait donné Tordre,
au commandant de la II" armée, de porter son aile gauche' et sa
cavalerie sur Rohrbacli et de s'emparer de Sarreguemines. k Dans
le cas où rcrinemi résisterait vigoureusement à Sarre^ueminea,
ce point ne devait pas être attaqué sérieusemenl par l'Est; on
avait, au contraire, l'iutention de le faire aborder du Nord par
le III*^ corps, qui se trouvait déjti sur la rive gauche de la
Sarre*, n
Les circonstances qui avaient rendu nécessaire l'udjonclion de
la brigade Lapasset au 2« corps, circonstances que nous avons
(jiiuméfées, s'étaient encore aggravées par ce fait que l'armée de
Mac-Mahon battait en retraite sur Chalons. A partir du 7 août,
k brigade prit le nom de brigade mixte Lapasset et fut composée
ainsi qu'il suit :
84^ d'infanterie (colonel Benoît);
97« d'infanterie (colonel Gopmartin);
7* batterie du S* d'artillerie (capitaine Dulon);
3* lanciers* {colonel ïorei);
1 escadron du 1 2" chasseurs et 1 du 5" hussards* ;
2» compagnie du 14" chasseurs à pied;
Le train, les ambulances, le trésor, h prévôté du o« corps.
De plus, une compagnie du 46" de ligne et une section du
' l-c princfl Fr<SJéric-Gli!iiIea y établissaU son quartier générât le leademaiD.
» 1V° «t X"= i.:Orp*.
* La Guerre fraitca-aUL-mauds; Relation, de l'Ètai-Major alleinundi Trailuc~
ûaa CusTJi DE Cehua, p. 'AW.
*■ Aujtiiuvl'liui liî* draguas.
• Cbs ilt'im is8(!tiJrons, comme le 3» laiifiors, lipiiaTLonaient i la divisîrin de
cavalerie BrsiLatit,ita K" curjis. Ik élitient spécialL'Uieut «.'harpes de la ^arde du
coavoî qu'itil aci'ompa puèrent à, MvLz,
/, cfes Se. mil lû« S. T, XVil.
28
434 JOURJSAL DES SCIENCES MILITAIRES.
même régiment, de garde, le 4 août, l'une chez le général de
Failly, l'autre à la gare, ainsi que deux compagnies (une du 11"
et une du 86<>) oubliées en grand'garde» furent adjointes au 3" ba-
taillon du 97" ; .
Enfin, 350 réservistes du 46«, arrivés à Sarreguemines après
le départ du régiment, furent versés dans le 84».
La situation de la brigade au départ de Sarreguemines est de
180 officiers, 5,160 hommes de troupe, 861 chevaux.
II.
LA RETRAITE SOUS METZ.
(Du 7 au 11 août.)
La retraite des 2«, 3« et 4® corps, après l'affaire du 6 août, se
fit, on le sait, sans plan nettement arrêté, au milieu de tergiver-
sations sans nombre, d'ordres et de contre-ordres successifs.
Tout d'abord, l'empereur avait songé à concentrer les trois corps
d'armée et la Garde à Saint-Avold et à les jeter sur le flanc droit
de l'adversaire. Puis il résolut de faire opérer, au camp de Châ-
lons, la jonction des armées de Bazaine et de Mac-Mahon et de
reprendre l'offensive avec toutes ses forces réunies. Ce projet fut
abandonné dès le 7 au soir, et il fut décidé que l'on défendrait la
ligne de la Nied française entre Pange et Les Étangs.
Quelques jours après, d'ailleurs, le 10, on devait revenir à la
conception d'une retraite générale sur Châlons *.
Le commandant du 2« corps avait reçu, dans la journée du 7,
l'ordre de se retirer sur Châlons, après avoir rallié l'armée sous
Metz *. Mais le surlendemain, conformément au changement
de plan de l'état-major, il marcha sur Remilly et Courcelles-sur-
Nied.
7 août. — Dans la matinée du 7, les divisions du 2« corps
s'étaient portées de Sarreguemines àPuttelange. Elles marchaient
dans l'ordre suivant : la division Vergé en tète ; puis la division
> RoussET, La Guerre franco-allemande, t. I, p. 328 h 334.
* Général Fkossahd, Opêratiom du â** corps, p. 6S.
LA IIIIIGADE MIXTE LAl'AfiSET, 481)
ataîlte. suivie de fa division La^caucoiipet e! dn la division de
erie Vatalirègiie. A o heures du soir, luLirs friu-tions av;iif^nt
'^«n près Ion les éUibli leur campement au sud de PuHelange,en
■arrière du ruisseau le Morderbach. Elles avnient trouvé dana ta
petite ville les divisioas Montaudon et Melman, du S" corps, arri-
vées dans la imUinée.
■ La brigfide Lapassel, l'ormanl l'arrièFe-garde, ne put qiiiltei-
!Mîs positions nviirit 4 heures du soir, par suilp de I;i nécessité où
elle se trouvait de laisser écouler sur la route le convoi du
5'' corps et les traînards du â". Le 1^' bataillon du 97*, appuyé
pur un peloton du 11" lanciers, fournit rexlri^mc arriiTe-gnrde. La
majeure partie du 3» lanciers avait été employt^e comme escorte
de rarlillerio du 2* corps. Mais le général Lapasset avait vu sa
cavalerie fçrossir provisoirement pur l'adjonelion de trois pelo-
tons du 10*- chassenrs de la division Aletmnri, qui, envoyés eu
arrière des bagages cl des traînards de la division, s'étaient ral-
liés à Sarreguemines h la brigade mis.le. Celte cavalerie coopéra
activement aux opérîilions d'arrière-garde jus^^u'îl némilly '. Par
suite de rencûnibreraent de la route, la marche se fait avec une
lenteur déscs[iérante. A la tombée de la nuit, la brigade vietil
camper au sud du village d'Ernestwiiler, h 3 kilomètres au nord
de Pultelange, la droite h la granderoule, el se tient prêle à toute
éventualité. L'ennemi ne se montre pas. Des uhians sont cepen-
dant signalés vers 'i heures du malin h Woitslwiller, *i 4 kilo-
inî'tres nord-est des positions de ia brigade. Une reeoti naissance,
forte d'un escadron du 3'' lanciers et de deux compagnies du 97"
est envoyée dans cette direction el revient it i heures du malin
sans avoir rencontré l'ennemi.
S août. — Le 8 au matin, les divisions Montaudon el Melrnaii
i(uiltèreul Putlelange et se dirigèrent sur Pange par F:iij!c[uc-
niontj tandis que le 2"^ corps abandonnait son bivouac h 5 heures
pour pj'endre la route de Chi\leau-Saîins et aller établir son cam-
pement sur la ligne Ristroff, Gros-Tenquin, Krstroll, AllroH.
Vers 8 heures, !:i brigade mixte quitta Erncatwiller, le Hi"
marchant il rexlrême arriére-garde. Elle ne dépassa pas Hol-
:436 JOL'BNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
limer, à o kilomètres à l'est de Gros-Tenquin où elle établit
son bivouac à 3 heures du soir, reliant ses grand'gardes à celles
de la cavalerie du 2» corps campée à Altroff. Des uhlans vinrent
presque aussitôt reconnaître nos avant-postes et provoquer une
-fausse alerte qui mit sur pied toute la brigade. On se trouve
d'ailleurs sans aucun renseignement sur la poursuite de l'ennemi
qui semble se faire avec mollesse, Dans la soirée, cependant, on
aperçoit des feux de bivouac dans la direction de Saint-Jean-^
Rohrbach et Puttelange. Ils appartenaient à la 5« division de
cavalerie (de la II» armée), qui reprenait le contact perdu depuis
Forbach.
Craignant une attaque le lendemain à la première heure, le
général Frossard, qui avait reçu la veille l'ordre de gagner la
Nied française, décida de se dérober par une marche de nuit.
Les impedimenta du corps d'armée quittèrent le camp du 2« corps
dès 8 heures du soir et se dirigèrent sur Brulange. Les troupes
devaient se mettre en marche à minuit, tandis que la brigade
d'arrière-garde ne quitterait Hellimer qu'à 1 heure du matin.
9 août. — En raison de l'obscurité, du mauvais temps, du
mauvais état et de l'encombrement des routes, le mouvement de
retraite du i2« corps ne put se faire qu'avec une extrême lenteur.
A 7 heures seulement, les dernières troupes du corps du général
Frossard avaient levé leur camp. Quant à la brigade Lapasset,
qui avait quitté Hellimer à l'heure fixée, elle vint se heurter, à
Gros-Tenquin, aux divisions du 2® corps qui n'avaient point
encore opéré leur retraite, et dut s'arrêter.
De Gros-Tenquin à Brulange, on peut suivre deux itinéraires:
l'un au nord, l'autre au sud de la voie ferrée Metz — Sarrebourg.
Celui du nord, par Landroff, est de beaucoup le plus direct;
mais les divisions du 2^ corps préférèrent suivre la grande route,
de Château-Salins jusqu'à Baronville, et remonter de là sur Bru-
Jange. Cela permettait d'engager les troupes sur des voies plus
larges et mieux entretenues, sérieux avantage, étant donnés l'obs-
curité et le mauvais temps. Toutefois le général Frossard, avec
la brigade Valazé de la division Vergé, suivit, de sa personne,
le chemin de grande communication de Landroff pour couvrir
le flanc droit de son corps d'armée.
La brigade Lapasset, après avoir stationné de longues heures
^
Lk BRIiiADB MIXTE LAPASSET. 437
h Gros-Tenquin, se mit en marche à son tour, suivit également,
îi partir de Berig, le chemin de Landroft et parvint à Brulange
avant le gros du 2« corps. Chose inconcevable, le nioiivement
rétrograde n'est pas couvert par la division de cavalerie; le
même fait d'ailleurs s'était produit la veille et l'avaiit-veillc.
Le chemin parcouru par la brigade mixte longeait le ruisseau
kl Rolle, affluent de la Nied. Il se trouvait dans le plus mauvais
élat et les hommes pataugeaient dans une boue épaisse. Au
Nord, sYHeodaienl des bois qui eouvraienl tout le versant de la
vallée. Le général Lapasset, craignant qu'ils ne fussent occupés
par l'cnncini, les fit fouiller par des compagnies de flanc-garde.
Le bivouac du 2^ corps devait primitivement être installé à
Brulange. Mais, pendant la roule, le général Froaaard avait reçu
des ordres du maréchal Bazaine, lui prescriviint de hflter sa
marche sur Remilly et de gagner si possible Coureetles-aur-Nied
pendant la nuit. En conséquence, le 2« corps, après une grand'-
halle de deu\ heures à Brulange, reprit sa marche et vint établir
son camp fi roues t de Rerailly, au nord de la voie feri-ée. entre
6 et 7 heures du soir.
La brigade Lapassel, toujours h l'arrière gai'de, arriva vers
7 h. 1/2, à Aubécourt, <i 4 kilomètres h l'est de Remilfy, el
élablil son camp non loin de l'embranchement des lignes de
chemin de fer Metz— Sarreguemines, Melz— Sarrebourg,
[ Celle journée du 9 avait été pénible entre toutes. Partis h
1 heure du malin pour arriver à 7 heures du soir, les homme!*
n'avaient pas h. la vérité couvert plus de 'S% à H3 kilomètres, mais
si l'on tient compte de la Senteur même de la marche, de la pluie
qui n'avait pas discontinué, du mauvais étal des chemins et dos
diftkuUés que les hommes avaient éprouvées pour se nourrir,
malgré rinderanité de fr. 80 qui leur avait été allouée, on
conçoit que leur élat d'exténuation devait Être grand '.
Pendant la marche du 9, le général Lapassel semble s'être
rendu compte de la direction que prenaient les têtes de colonnes
de la 11« armée. On lit, en effet, dans le rapport du général Fros-
sard: « Arrivé h Brulange, le général Frossard y est informé par
* Pendant quatre jours, aucune distrîlintion n'avait êli faite, et beaucou]i
d'hommes inaraudaieiU ou tendaient à se débander. {Lf général Lnpavtrt, t. 11.
p. 119.)
4^ JOUaNAL DES SCIEMCliSS MlLITAlREâ,
ie corainaniiant de son amfre-garde que les fore<5S prussiennes
coftsaient de suivre le 2* corps et ))re!iaieiiL sur sa gauche la divec-
tion de- Poni-à-Moussoii, l'ciisoignement conlirmô le soir par les
gens du pays". »
10 août. — Le lendemain 10, le '2'' corps acheva son mouve-
lïienl, de concentration et vint occuper la ligne Ars-Laquenesy —
La Basse-Bévoy; la division Bîitaîllo s' i5t(n;idiiit entre Mercy-le-HaiU
ol Ars-Laquenexy, la division Vergé entre ilercy et La Basse-
BÂvoy, la cavalerie entre les fermes do La Haiilo et La Basse-
Révoy et le chemin de fer de Sarrebnick, la division Laveau-
coupel en réserve en avant du fort Queuleii,
La brigade Lapassel. elle, avait quitté son citmpeinonl d'Aubé-
courl à t) henreâ du matin; elle vint prendre jtositîon en avant
dfi 2» corps, l'ace h la Kicd, entre le village tFArs-Laiîncnexy
d'une part, et les viMaj^es de Laquenexy et Villers-Laqni'nexy de
l'autre. Les grand 'gardes devaient occnper solidement et forlilier :
celles du 97", Laquenexy; celles du H4«, Villers-Laquonexy et le
[lOiit de la route de Faidquemont. Quant à la lialterie d'artillerie
de la brigade, elle devait s'installer sur la croupe qui coupe la
route 'i i kilomèlre îi l'est d'Ars. Malgré la fatigue, )a pluie el\a
boue, les hommes travaillèrent acilvemeni à creuser tles tran-
chées, h faire des abalis elà barricader rentrée des villages.
La nuit ee passa sans incident. La [""a ^rmée allemande, qui
atteint Saint -Avold, ne dépasse pas ce point. La Il« armée
s'avance lentement sur la route de Sarregiiemines k ChiUeau-
Salins et semble vouloir se diriger sur Ponl-ri -Mousson,
C'est dans celle journée du ÏO qu'un conseil de guerre tenu à
Pange. sous la présidence de l'enqjereur Napoléon, décida la
relraite générale des i«, â«, 4* corps cl de la Garde sur Chûlons.
Mais, comme nous le verrons plus loin, le mouvemenl ne fom-
mença que le 14-
a août. — ^ Le H au malin, les positions du S** corps furent
légèrement modifiées. Les divisions Bataille et Vergé vinrent
occuper la ligne Mercy-le-Haut (division Vergé), Peltre, Miigny-
LA BRIGADE MIX.TK LAPASSET. 439
sur-Seille (division Bataille); la division Laveaucoupet restait en
deuxième ligne entre La Basse-Bévoy et la route de Strasbourg ;
l'état-major du 2« corps à Mercy-le-Haut.
Quant à la brigade Lapasset, qui avait quitté son campement
à 6 heures du matin, elle rentra dans les lignes et arriva à
Grigy-sous-Metz îi 10 heures du matin. Elle y établit son campe-
ment à la gauche de la division Laveaucoupet,
En arrivant sous Metz, le général Lapasset avait sollicité et
obtenu d'envoyer dans la place les 1600 hommes de réserve qui
à Sarreguemines étaient venus grossir les rangs de la brigade.
« La constitution des réserves, l'abus des congés, des semestres
renouvelables, dit-il dans une lettre à sa femme, ont énervé
l'armée, et cela à un tel point qu'ayant dans ma colonne 1600
hommes de cette catégorie, j'ai demandé comme une faveur de
les laissera Metz". »
La mission de la brigade d'arrière-garde se terminait tout à
son honneur : la marche du 2« corps ne fut jamais sérieusement
inquiétée.
« Si là retraite du corps Frossard, dit le général Ambert,
s'opéra tumultueusement, l' arrière-garde fit l'admiration de tous
par sa discipline, son attitude militaire, son calme et sa fer<
meté. »
Dans sa déposition au procès du maréchal Bazaine, le général
Frossard a dit : « J'étais tranquille, la brigade Lapasset était
là*. »
LOY,
Lieutenant au 84" rég. d'infanterie.
{A continuer.)
t Le général Lapaiset, t. II, p. liO.
• Général Ambert, Récits militaires. L'Invasion, t, I, p. 183.
IVOTE!
NOUVEL ÉQUIPEMENT DU FANTASSIN
Ce qui rend une troupe supérieure à la guerre, c'est tout d'a-
bord, semble-t-il, son courage, son ardeur, sa confiance en elle-
même et en ses chefs ; en un mot, c'est son moral.
Mais il est nécessaire que la force physique réponde à la force
morale.
Formons des âmes courageuses, mais que ces âmes comman-
dent à des corps capables de les servir.
Serait-il animé du patriotisme le plus ardent, le meilleur sol-
dat, si la fatigue le terrasse, n'est bon qu'à ftlre évacué.
Vouloir ne suffit pas, c'est pouvoir qui est tout.
Que de fois, en manœuvres, avons-nous vu des hommes arri-
ver sur le terrain des opérations, harassés, incapables du moindre
effort. Au commandement de : « Couchez-vous 1 », ils se lais-
saient tomber, accablés. De quel appoint eussent-ils été sur un
champ de bataille? Quelle justesse, quelle efficacité espérer du
tir d'hommes qui n'ont plus la force, nous ne disons pas d'ajus-
ter, mais même d'épauler.
Et qu'ont donc fait ces hommes pour être en quelque sorte
hors de combat ? 25, 30, 35 kilomètres, route un peu longue,
sans doute, mais qu'il n'y a pas un excursionniste, pas un chas-
seur, qui n'ait faite vingt fois et sans haltes horaires.
Ce n'est donc pas la longueur du trajet qui abat le soldat, c'est
le chargement qu'il porte.
Alléger ce chargement, voilà donc le problème, problème
NOUVEI- BQUrPEMENT Df KANTASSm.
441
capital et dont peut dépendffi, au jour du danger, !a Yiotoire,
c'esl-adire !e salut de la Pairie.
Deux soliilions se présentent pour ce problème.
La première serait de diminuer le poids du fardeau. Cette solu-
tion est si peu pralicabîe que, au contraire, ou augmente sans
ce&se le contenu du sac. Depuis trois ans, on lui a encortî ajouté
le bonnfit de police, l'éiui qui renferme les souliers, le pantalon
de treillis, etc..
La spconde solution serait de modifier l'équipement, de telte
sorte que le chargement fftl plus facile h porter.
C'est celle seconde solution que nous allons étudier.
LE SAC.
Depuis queli|ues années déjà, divers modèles de sacs ont été
présentés. Les uns afïeetaient la forme du dos, les auires por-
laient sur les reins, d'autres étaient mous, etc..
Tout d'abord, ces sacs présentaient un grave défaut : ils
étaient presque tous entièrement nouveaux et leur adoptiou eût
été fort coûteuse; elle entraînait forcément la mise hors de ser-
vice de tous les sacs existant dans nos approvisionnements et la
construction de sacs nouveaux pour nos efFeclit's de mobilisation.
D'ailleurs, aucun de ces sacs ne présentait une solution satis-
faisante.
Le sac portant sur les reins occasionne une fatigue de cette
partie de l'organisme d'où peuvent résulter les troubles les plus
graves. Le sac rigide, adoptant la forme du dos, est plus spé-
cieux.
L'amélioration qui en résulterait n'est cependant qu'appa-
rente. Le cadre s<ml, en effet, conserve la forme du dos; très
vite, le paquetage intérieur reprend la forme convexe qu'il a
dans le sac ordinaire.
Le sac mou n'est rien moins qu'un perfectionnement. En réa-
lité, notre sac actuel n'est autre chose qu'une moditication du
sac mou. Le cadre de bois, qui d'ailleurs ne touche en aucun
point le dos de l'homme, ne doit pas faire illusion ; on en a doté
le sac mou, pour lui permettre de contenir plus et de ne pas
442 JOCTHNAL DES SCIENCES MlUT.VItlES.
s'arrondir en un simple ballot. H ne faut pas, sous prélfxle ilt*
perfectionnement, supprimer ceux déjïi acquis et revenir un
siècle en iirrière.
Reste le sac en deux parties, l'une portée en lout temps,
l'autre, conten:int des eBets de moindre utilité, portée autant
que possible par les voitures.
Sans entrer dans le dtilaiU la dîtficutlé de son utilisation dans
les grandes armées, à cause du surcroit d'impedimenta, le con-
dainno, mt'me en admellantque le soldat ne se débarrasse pas
de la seconde partie à l'insu de ses chets. |^H
Du re&le, le prnblffme est ujie ipioslion d'équilibre. ^^
Lorsqu'avanl de partir on conseille aux hommes de mi^nter el
do serrer leur sac lu plus possible, c'est parce que le fardeau est
moins lourd lorsqu'il porte sur le haut des épaules. Mais Téqui-
lihre n'étant pas stable, il glisse et ne reste pas en position.
Ce qu'il faut trouver, c'est le «îoyen de le maintenir en équi-
libre stable sur le haut des épaules, sanis que les bretelles, trop
serrées, entravent le jeu des poumons et paralysent les muscles
dos bras. C'est le moyen que nous proposons par notre dispo-
Bltif:
■ Incotivmients du port du sac actuel. — Les principaux incon-
vénients du port actuel du sac sont leji suivants i
. 1* Le dos du sac est une surface plane, parfois convexe,
lorsque le sac est complètement chargé. Le dos do rhomme est
une surface convexe.
Par suite, le contact absolu entre ces deux surfaces ne peut
guère exister que sur les omoplates. Ainsi la pression qu'elles
supportent, par unité de surface, est très supérieure à ce qu'elle
serait si le sac pouvait coïncider sur tons les points avec le dos
de l'homme.
1° Cette forme défectueuse qu'affecte le dos du sac l'empêche
en outre de prendre une position d'équilibre stable sur Je dos de
riiommo ; il tend constamment î'i touruer. Or, les bretelles s'op-
posent ^ ce mouvement, transmettent aux clavicules et aux mus-
cles pectoraux une )>ression violente, assez, forte souvent pour
provoquer une douleur aiguë. C'est pour éviter cette douleur
que l'homme donne de temps en temps un coup d'épaule qui
remonte le sac.
lerme, cause de \a gc
Bients de démoralisation.
3" Dans le [tort acluel du saCj, les épaules de rhorame sonl
violemment tirées en arrière, tf^ndis que les omoplates soiil
énergiquement oomîirini(5es en sens contraire. L'homme, ne pou-
vant arrondir le dos pour nimener Ins ('épaules en avant, éprouve
une grande gêne dans le tir.
L'adjonction au sac acliifl du dispositif que nous proposons a
|)onr but de supprimer tous ces inconvénients.
DesnipUon du dispositif. — ?\olre dispositif &c compose essen-
tiellement :
l** D'une rcgle coudée, en acier, fixée au sau au moyen de
petits boulons qui le traversent de part en part. Cette rf-glc
maintient, à l'aide de lacets, une sangle qui forme avec la partie
supérieure du sac une surface concave susceptible de coïncider
avec le dos de l'homme (fig. 2).
2' Le système d'atlache est également modifié : les bretelles
êùnl plus larges, et leur forme (fig. 1) convient mieux aux parties
oAi corps sur lesquelles elles portent.
Riç.
C^
Leur extrémité inférieure vient se fixer ru bas de la r^gle
coudée qui soutient la sangle.
3' Pour répondre h l'impérieuse nécessité de pouvoir tirer
aisément dans la position couchée, par suite de la nouvelle lac-
tique employée devant les effets foudroyants de rartillerie
actuelle, nous avons compltlomeiit supprimé le paquetage supé-
rieur du sac (Je^^i^re la télé de l'homme; les soulîei's, convena-
444 JOURNAL DES SCIENCES MILITÂIBES.
blement liés ensemble avec la courroie de capote, sont fixés, non
plus sur le sac, mais en dessous, à l'aide des courroies extrêmes
de la patelette. Ces courroies, légèrement rallongées, passent près
Fig. 2.
Fig. 3.
Sac modiBd.
Sac actoel.
des talons après avoir fermé la patelette et viennent se fixer à deux
petites boucles disposées à la partie inférieure du dos du sac.
La musette qui enveloppait les souliers maintenant abrités sous
le sac devient inutile, et sa suppression réalise une économie
deO fr. 85 qui réduit à presque rien la transformation proposée.
Restait encore la gamelle, particulièrement gênante dans le
tir couché. Nous avions tout d'abord pensé à la mettre dans la
musette; bien que la chose ne soit pas absolument impossible,
il nous a cependant paru préférable de l'assujettir au sac au
moyen de la courroie de charge de gauche.
Ainsi placée sur le sac, la gamelle ne vient plus toucher la.
lête de rhoitime; celui-ci n'éprouve donc plus aucune gêne à
prendre la posiiion couchée.
Il est f) remarquer que celte nouvelle disposition des souliei's
ne coule rien. En efTetj les courroies de la palelette peuvent ôtre
rallongées îi l'aide de la courroie de charge du milieu dont la
grande dimension est devenue inutile, maintenant qu'elle ne
relient plus la gamelle. Les deux boucles nécessaires pouvant
être prises sous le sac oii dlcs existent inutilisées, les bretelles
rs'accrochant désormais à notre dispositif.
Nota. — Nous aviofia d'abord pensé h recouvrir d'une gaîne
de cuir ou de drap la règle métallique qui soutient !a sangle du
côté droit, afin d'éviter de détériorer l'arme quand on la porte à
la bretelle; l'espértence nous a fait juger cette préeaulion inutile,
f L'adjonction de ce dispositif au sac n'en augnaente le poids
H que de 150 il SOO grammes envirouj en tenant compte de la sup-
H pression de la musette, de sorte que le sac modèle 1893 ainsi
V modifié pfese encore moins que le sac actuellement en service
dans presque tous les corps.
Gel inconvénient n'est d'ailleurs qu'apparent, puisque, comme
nous le montrei'ons plus loin, l'homme ressent une fatigue infi-
H liîraent moindre, malgré l'augmentation de poids*
^ C'est ainsi qu'un iiomme porle plus commodéinent deux seauK
d'eau en ajoutant ïi leur poids celui de deux bretelles et d'un
B cerceau.
™ Celte transformation rend le sac plus volumineux. Que cela
non plus ne soit pas une ohjeclion, car, pour les transports par
eKcmplf, on peut parfaitement recevoir séparément les_ sacs
et les dispositifs, et ne les monter que dans les magasins des
corps.
Le charf^ement de la voiture de cotnpagnie avec des sacs
ainsi modifiés pourrait paraître un peu moins pratique. Cepen-
dant, en les mettant téte-bèche, les dispositifs disparaisseut faci-
lement dans l'intervalle laissé libre en face des courroies par les
objets de campement, qui tiennent les sacs éloignés les uns des
autres. L'on pourrait, sans doute, faire tenir le même nombre de
sacs sur la voiture, bien que le besoin ne s'en fasse plus autant
sentir.
En tenant compte du prix de la muselle devenue inutile, soil
446 JOUBMAL DES SCIENCES MILITAIBES.
fr. 85, cette traiosformation ne reviendrait pas à plus de 0fr.30
par sac, sans parler des bretelles, dont la modification — qui
n'est pas essentielle — ne s'imposerait que pour des sacs de
nouvelle fabrication ; leur prix, d'ailleurs, ne dépasserait celui
des anciennes que de fr. 20 environ.
Ce prix et cette augmentation de poids ne peuvent pas être des
inconvénients très sérieux si Ton tient compte de la grande dimi-
nution de latigne qui en résulte pour l'homme.
Il est bon, h ce propos, de rappeler que le seul fait de chan-
ger de place les souliers et la veste a augmenté le poids de
230 grammes et d coûté fr. 85 (poids et prix de ta muselle qui
enveloppe la chaussure) ; que l'adoption du petit bidon en alu-
minium actuellement en essai coûterait un supplément de
2 francs par unité.
Démonstration du rôle du dispositif. — La position du sac sur
le dos n'est pas indifiérente. Plus il est remonté, moins il parait
lourd.
Fig. 4.
Si nous considérons le sac dans cette position élevée {fig. 4),
nous remarquerons qu'en tournant sur les omoplates, il s'est
KtH'VEL KUt'lfBMKNT DC ^'ANTAdSfN.
447
lé^temeni. écarté du don dans sa partie infériâure; mais il tend
h revenir coiistanitneiit dans sa ])osil.ion primilive, formanl ainsi
levier et faisant supporter ce trdvaii aux. clavicules et aux mus-
cles pectoraus., — points d'application de la résistance, — et
aux omoplates qui servent de pivot.
Si doue nous maintenons le sac dans cette position élevée au
moyen du dispositif {^g. 4), nous supprimons son action de
levier ; le sac se trouve alors dans une position d'équilibre
stable, il ne peut plus tourner, les épaules n'ont plnsi îï supporter
le surcroît d'effort créé par ce mouvement et sont ainsi complè-
tenuent soulagées.
De plus. Je poids du suc est réparti sur une beaucoup plus
grande surface, et la pression supportée par l'un lié de surface est
diminuée en proportion.
Par la suppression de ce pivotement du site sur le dos de
Ihonime, Jioiis avons é^slement fait disparaîlre h gène des
organes de la respiration. On peut, en effet, comparer la cage
llioraeique au corps mort dont se sert le maçon pour soulever
une pieri'e avec son levier; la pression qn'il supporte, très forte
lorsque l'ouvrier appuie sur le bras du levier, devient Irf^s faible
lorsqu'il cesse d'agir dessus. La caf^e thoracique cesse également
d'èlre comprimée quand le sac, n« pouvant plus tourner, cesse
d'agir comme un levier.
! Les avantages qui résultent de l'adoption de bretelles plus
larges, de forme excentrique, et surtout du changement apporté
dans [a posilion d(t leur point d'attache inférieur, ont également
une très grande importance.
Les speîctres des lignes de résistance que nous avons repré-
.senlés (jîg. i) montrent que, grâce fi leur forme excentrique, les
nouvelles bretelles agissent suivant plusieurs lignes qui s'épa-
louissent sur répaulo, tandis que les anciennes n'afçissaien t que
imnt leur ligne médiane.
La compression des artères et des veines du bras est ainsi sup-
primée; les bretelles n'entravent pas la circidalion du sang et
font complètement dispaniitre la gène que l'homme éprouvait
soos les bras.
Graphiste des pressions^ — Ponr donner une idée de la diffô-
[l'ence de fatigue supportée par l'homme suivant qu'il est porteur
448 JOURNAL DES SCIENCES MIUTAIHES.
d'un sac muni ou non du dispositif, nous avons construit un gra-
phique.
Pour l'obtenir, nous avons fréquemment mesuré, au cours des
marches, à l'aide d'un dynamomètre spécial, la pression sup-
portée par l'homme aux points les plus intéressants, et nous
avons fait la moyenne de ces pressions pour chaque sac et pour
chaque point en particulier.
Nous avons élevé ensuite, en chacun de ces points, des ordon-
nées proportionnelles aux moyennes obtenues et nous avons
joint leur extrémité dun trait continu : plein pour le sac ordinaire,
pointillé pour le sac muni de notre dispositif.
Le graphique obtenu est celui que nous représentons.
Son examen permet de voir immédiatement, qu'avec notre dis-
positif, la pression transmise par le sac à la partie antérieure des
épaules et aux clavicules est diminuée de moitié ; elle est encore
amoindrie dans une plus grande proportion sous les bras et sous
les omoplates, tandis qu'elle subit une augmentation assez con-
sidérable à la naissance des lombes.
On peut également se rendre compte du mode d'action de ces
deux sacs.
Le sac actuel agit fortement sous les bras par l'intermédiaire
des bretelles.
Les muscles, n'ayant à cette partie du corps, aucun point
d'appui pour résister à leur action dans le sens où elle se produit,
sont obligés de supporter passivement tout son effet. — Le sac
agit de même très violemment sur les omoplates, partie osseuse
et de surface restreinte; c'est en effet à la pointe de l'os que
nous avons enregistré le maximum de pression. On comprendra
par là la sensation d'écrasement qu'éprouve l'homme à la longue,
et le besoin qu'il ressent de donner de temps en temps un coup
d'épaule pour se soulager.
La pression enregistrée à la naissance des lombes, comme
celle enregistrée à la partie antérieure des épaules, nulle au début
d'une marclie, devient très notable à la fin.
Celte différence de pression est la conséquence du pivotement
du sac autour des omoplates; ce pivotement augmente encore,
dans une certaine mesure, la pression supportée par toute l'épaule.
Le contour de la ligne brisée montre au contraire qu'avec
notre dispositif, la pression est uniforme.
NOUVEL ÉQUIPEMENT DU FANTASSIN. 449^
En outre, elle est diminuée dans les plus grandes proportions
aux parties du corps les plus sensibles : aux omoplates et sous les
bras, où les muscles n'ont point d'appui pour réagir dans le sens
de la pression. Elle est au contraire augmentée à la naissance
des muscles lombaires, solidement appuyés de tous côtés (pou-
vant par conséquent réagir), d'ailleurs mieux faits que l'omoplate
Fig. 5.
b/ i***£. 4MKi|'j
i^^Z/
pour supporter un surcroit de charge. De plus, l'effort qu'ils
supportent n'est pas violent, la pression leur étant transmise par
une large sangle qui n'a avec le dos de l'homme qu'une légère
adhérence, facilement détruite par les secousses de là marche.
En résumé, il ressort de l'examen de ce graphique qu'avec
notre dispositif, la pression, déjà uniformisée par la disposition
d'équilibre stable du sac sur le dos de l'homme, est encore dimi-
nuée dans de grandes proportions par l'augmentation de la sur-
face de contact.
Avantages du dispositif.— Les avantages que procurerait l'em-
ploi de notre dispositif ressortent de l'étude qui précède.
Nous nous bornerons à les énumérer brièvement :
1° La nouvelle forme du sac, en lui permettant d'épouser par-
J. de$ Se. mil. 10» S. T. XVII. 29
iÈO' tOUKKAL DES SCIETfOIS WtLÎTAfRBS.
Jaj^f^^^ent le dos de f homme, double îa sttrface de contact, de
sorte que îa pression supportée par unité de surface est dimî-
nttéede moHié;
â"» La posilton d'équiîibre stable du sac supprime son pivote-
niènl sar le dos de l'homme et, par suite, tous tes eflForis inutiles
qui en résultaient. Elle permet en outre d'obtenir une action
douce et uniforme sur toute la surface de contact;
S** La nouvelle forme des bretelles et surtout le changement
apporté dans leur mode d'attache, ont coraplÈlement fait dispa-
raître la douleur éprouvée sous les bras. De plus, comme elles
ne comprinieul plus les artfcres elles veines des br;is, il s'ensuit
que k circulation du sang n'est plus entravée, et l'homme est
motus prédisposé au coup de chaleur. La suppression de la com-
pression qu'elles exerçaient sur les muscles du bras, qui sont
inspirateurs, rend éi^aleniont la respiration normale ;
4" Le vide existant entre îe bas du sac et le dos de l'homme
permettant h Tair de circuler, tous les inconvénients provenant
de l'ini perméabilité du sac, que nous avions signalés au début
de notre étude, ont complrtemerit disparu ;
^^ Les omoplates n'étant plus, pour ainsi dire, écrasées par le
sac, tandis qu'en même temps les épaules étaient violeramenl
tirées en arriére, la gène éprouvée, de ce fait, dans les difTérenls
mouvements du tireur a disparu, et l'homme peut lirer très com-
modément, même dans la position couchée, oh il n'est plus gêné
par le paquetage supérieur du sac.
Il est ù remarquer que tous ces avantages résultent plus encore
de la réalisation de la position d'équilibre stable du sac sur le
dos de rhomme que de raugmentiilion de la surface de contact,
de sorte qu'ils disparaîtraient presque eomplèlemeiit avec cet
équilibre.
C'est ce dont nous avoas l^iit l'expérience nous-mémc en por-
tant allernativement l'un el l'autre sac au cours de marcbes
pénibles, en prenant plaisir à soulager ITiomme exténué en sub-t
stiluant simplement notre sac au sien,
€e que nous voudrions, c'est que l'on comprenne rimportancaj
capîlale d'une modification apportée au sac.
Nous ne serons contredits par personne en disant qu'une
marche moyenne de 2S îk 30 kilomètres qui n'est rien pour un
homTOG convenablement chaussé, devient un véritable supplice
XOUTBL BQaPEMEXr I>D FAXMSBIf,
451
trop
pour le même homme pftnnra de çhaussnres trop étroites,
fines du allant mal, en un mol, impropres à ta marche.
Personne ne niera qao le simple choix d'une poinlure en pins,
par exemple, suffirait pour faire du même bomme un bon mar-
chani'.
Pourquoi? Parce que tout le monde marche, tandis que tonl le
monde ne porte pas le sac. Eh bien f notre sae peut être comparé,
■pour le dos de l'homme et ses ponmons, à ta chanssure pour ses
pieds, Le porl ficluel du sac, coirespond au pori de chaussures
impropres h la marche, comme le port de ceini que nous préco-
nisons au port de chaussures allant convenablement.
De même qu'en surreillanl de près )a chaussore de l'homme,
l'on peat diminuer le nombre des éclopés, de même l'adopiioit
de notre disposilif pourrait nous rendre on partie nos invalides
qui arrivent journellement exténués et hors d'hateine.
Ajoutons qu'il n'est peut-Clre pas excessif de dire que la ma-
jorilé des malades, qui ne sont pas écloppëSj ont des maladies
engendrées par le port du sac. Qu'on réfléchisse nux graves
conséquences qui peuvent résulter pour l'organisme tout entier,
lorsque journellement, plusieurs heures durant, le jeu des pou-
mons se trouve entravé paria compression de la cage thoracique
et la paralysie des muscles inspirateurs; que Ton songe que pen-
dant le même temps la circulation sangaîne se trouve ralentie
par la compression du système circulatoire brachial et de ses
ramifications.
Que l'on se représente les souflrances que Thomme endure par
suite de ces défectuosités de l'équipement : on n'hésitera plus à
rompre quelque peu avec l'usage consacré pour y porter remède.
Maintenant que tous vont é^jalement passer deus ans sous les
drapeaux, moditier le sac n'est plus seulement une question mi-
litaire, c'est une question d'humanité.
II.
ÉQUIPEMENT PItOPBEMENT DIT.
Ce n'est pas seulement le sac qui gêne et fatigue le soldat, c'est
aussi le reste de réi|uiperaeni.
Lorsque la colonne esl en marche par la grande chaleur, poor
iSâ JOPRNAI, DES SCIENCES MILITAIBES.
fiiCïliter la respiration, on commande : « Ouvrez les capotes »,
Le soldat se dégrafe au col, ouvre un ou deux boutons. Est-il
soulage ?
Lu cage thoraciqne peut-elle se soulevé»' et s'abaisser Ubrc-
brement? Rien moins : sou action est encore entravcic. Par quoi?
Par les courroies de bidon et de muselle. Elles conopriment et
serrent la cage thoracique, empêchent d'ouvrir vraiment la cai>ote,
et le soulagement donné aux hommes par le léger entrebâille-
ment du vêtement est purement illusoire.
Eu eftetj ta circulation du sang est plus libre sans doute; la
carotide est dégagée; mais par le rabattement des revers de la
capote, l'épaisseur de drap qui pèse sur la poitrine se trouve
doublée, el la cage Ihoracique est, en fait, deux fois plus com-
primée qu'auparavant.
Quel remède & cela? Celui qui consislerail k supprimer le
Fiji. 0.
Fis. 7,
Fi-. 8.
%>
U I ff,..- \:-IV\
1 .1 ' y
FiK. s.
bidon et la muselle? Il ne faut pas y songer. Que peul-o» faire?
Tenter Je supprimer les bretelles de su&pension. Est-ce difficile?
NOUVEL EQUIPEMENT DU FANTASSIN.
483
Rien moins, et c'est ce que va montrer le dispositif très simple
que nous proposons.
Il consiste à assujettir une plaquette de cuivre au-dessous du
bouton du crochet de chacune des trois bretelles de suspension,
entre le bouton et le revers de la bretelle, bien entendu, comme
le dessin ci-dessus.
De la plaque de derrière partent deux courroies, l'une à droite
pour soutenir le bidon, l'autre à gauche pour soutenir la mu-
sette ; de chacune des plaquettes de devant partent deux autres
courroies qui viennent rattraper, l'une le bidon, l'autre la mu-
sette.
Afin que les bretelles de suspension ne soient pas écartées
Fig. 10.
Fig. 11.
Équipement actuel.
Equipement modiflé.
Dégagement de la poitrine.
par les poids qui leur sont ajoutés, deux petiles courroies réu-
nies par un S en cuivre et partant de chacune des plaquettes pré-
4S4
laCBHàS, DBS SClEXCfiS jnLlTAtBSS.
citées, viennent les rapprocher au-dessus de la plaque du cao-
liiroii.
Âiosi.la poilrine eâieolièreiueDt libre; b capote peut s'ouvrir
réeUeiiieut jusqu'au qualrtème bouton. Bidon et niuselte, en
marche ou en manoÊUvre, restent k leur place, au lieu de vetiir
enlravei- lit marche de l'homme en glissaiil devant ses jambes.
La inuselle est Diëme retenue sufâsammeni ea arrière par la
courroie poali^rieiire, pour que l'iioroiuo puis&e se coucher sur le
cdté très rapidement (!t saiis aucune gène.
Dans quelques ca;^ particuliers où l'on ne veut faire usage que
du bidon ou de la musette, on se resservirait des bretelles exis-
ianlesf ijiie l'on c'a aucune raison de détruire; le f^urpluâ,deslifié
Hux etiecïifs de motiilisalion, suffirait amplement h la confection
dos cûurroiôs ncccsHil^es par la n^forme proposée.
Donc celle modificalion de l'équipunieul tic présente aucun
inconvénicnl sf^rieux. Or L'Ile offre de nomlireiix avantages.
D'alvord la cago tlioracif]ue est délivrée de ces deux courroies
f|ui pesaient sur elle; ensuite, remarquons que désormais, le
bidoii port*? non plus sur l'rpaule giiuche, comme auparavant,
mais sur l'épaule droite, et la musette porte sur Tf^pante i^auche;
ainsi le poids le plus léger se trouve du côté du fusil et Téquilibre
est rétabli.
Il n'y a donc pas h craindre la déviation des épaules, probable
pour un certain nombre d'hommes, si, comme il a été proposé,
on leur su«ipendait du côté droit le t'usil. la nuisetle et le bidon,
soit une dizaine de kilos de plu» que du cùle gauche, san^
compter la gène qu'occasionneraient ces deux derniers accesi
soirc'S dans le lir.
• Enfin, l'ajustage du bidon et de la musette se fera d'une ma-
îiièrc parfaitement uniforme.
L'homme ne sera plus contraint de tirer sans cesse sur ses bre-
telles de bidon ou de musette, mouvement qui lui coupait les
épaules tout î» fait inutilement, puisque, le sac empêchant les bre-
telles de glisser, lo moment d'apri^s il était contrmîiU de recom-
mencer. Oj) uertiverra plus l'homme, en marche ou après les tirs
C'ouch<^j obligé de renvoyer d'uîi coup de main son bidon ou sa
musplte à leur place. Son équipement ninsi le faligiiera moins.
ei surtout l'eiuburrassera moins; ii sera pius à ratse pour se servir
de ses armes.
NOUVEL ÉQUIPEMENT DU FANTASSIN. 4o5
CONCLUSION
Nous savoiLs à quelle immense difficulté nous nous heurtons en
présentant ce nouvel équipement. Nous proposons une réforme
facile à accomplir sans doute, mais une réforme, et toute réforme,
si légère soitelle, effraye.
Pourquoi vouloir changer ce qui existe, pense-ton? Pourquoi
ne pas se contenter de ce dont se sont contentés ceux qui nous
ont précédés?
Non, il faut sortir de cette torpeur; il faut songer que, depuis
dix ans, de l'autre c6té du Rhin on a modifié deux fois, trois
fois, l'équipement, surtout le havresac, cherchant toujours, pré-
cisément ce que nous cherchons aujourd'hui, à soulager le soldat
de manière à le présenter sur le champ de bataille frais et dispos ;
preuve évidente que c'est là une question capitale. La quiétude
est douce. Soyons inquiets; cherchons, cherchons sans cesse;
transformons, ne nous rebutons pas; d'autres cherchent aussi et
ne se rebutent pas
Qu'iqiportent nos aises, notre quiétude; il faut que la France,
la grande semeuse, debout, dans l'aube rayonnante du siècle qui
s'élève, puisse répandre librement sa divine semence que mois-
sonneront les générations de l'avenir.
Lacombb,
Lieutenant au 46' rég. d'infanterie
GUERRES DANS LES ALPES'
Guerres de la Révolution.
1793, — Postes d'hiver dans les vallées du Queyras et de Barce-
lonnette à la fin de 1792. — Organisation de la partie de la
ligne de défense occupée par la droite de l'armée des Alpes, de
Briançon à Puget-Théniers ; camp de Tournoux. — Escar-
mouches au col de Largentière. — Les Austro-Sardes en Savoie.
— Kellermann les force à rentrer en Piémont.
En 1792, Monlesquiou avait fait la conquête de la Savoie, et
Anselme s'était emparé de Nice. En 1793, les opérations vont
continuer contre la forte position de Saorgio; Briançon e.t Tour-
noux servent de point d'appui et de liaison entre le Var et la
Savoie.
Le roi de Sardaignc, Victor-Amédée III (1773-1796), voyant
Kellermann, commandant de l'armée des Alpes, occupé à réprimer
le soulèvement de Lyon, va chercher h pénétrer dans la vallée de
rUbaye pour couper les communications entre l'armée des Alpes
et l'armée d'Italie.
Au mois de décembre 1792, des postes nombreux couvraient
Briançon, Montdauphin et Tournoux. Le Queyras était gardé par
deux bataillons dont les compagnies étaient cantonnées dans les
hameaux ou villages d'Abriès, Ristolas, La Monta, La Chalp, Le
Roux, Valpreveyre, La Montette, Molines, Pierre-Grosse, Fontgil-
larde, Coste-Roux, Saint-Véran, Aiguilles, Fort-Queyras, Arvieux.
Dans rUbaye, un bataillon de chasseurs à huit compagnies, gar-
dait Maurin, Fouillouse, Saint-Paul, les redoutes de Tournoux et
GleysoUes, La Condamine, Le Châtelard, Jausiers; un bataillon
' Voir les livraisons do 1902 et celles de janvier et février 1903.
fifKBHES DASS LKS ALPES, 4j7
était k Larche; un bataillon en réserve était cantonné à Faucon
et Barcelonnelle,
Kelleriiiann, nommé au commandement de l'armée des Alpes,
s'occupe de refaire celte armée et de "la porter à l'effcclif de
40,000 hommes.
Ail mois de février it visite les cantonnements de la Savoie; le
â5 février il arrive ii Embrun. Ne pouvant pas faire des recon-
naissances sur les montagnes couvertes de neige, il arrête ses
dispositions d'après la carte et les rcnseîgnemenls fournis par
l'ingénieur Lapeyrouse, de Montdauphin, qui connaissait très
bien la région. Il chargea cet ingénieur de faire réparer, en temps
iCtppûrtun, le sentier du Galibier, et de rendre praticable, pour
l'artillerie, le chemin du col de Vars, en le prolongeant h partir
du col jusqu'à la Reyssple, par un nouveau chemin à conatj-nire
sur les pentes do Vallon-Claus, de faire également mellre en état
les voies de communications entre l'Ubaye et la Tinëe, le Var, le
Verdon; il donne des ordres pour Ifi mise en défense des places
de Briantjon, Montdauphin, Fort-Qiievras, Saint- Vincent, Seyne,
Colmars, Eiitrev^'îux, Sisteron. A celte époque Briançon était
déjà entouré de six forls.
Il éprouve les pins grands embarras pour réunir des approvi-
sionnemenls en quantilés suffisantes; la région des montagnes ne
pouvant fournir aucune ressource, toutes les subsistances, ache-
tées déjà fort cher en Provence et dans la vallée du Rhône,
reviennent il des prix exorbiladts par suite de la difficulté des
transports.
Au mois d'avril il achemine ses troupes sur les points de con-
centration qu'il a choisi. 11 a réparti ses forces en trois divisions:
!■* l'avant-garde est chargée d'occuper la Tarentaise et la Mau-
rienne; 2' la division de gauche occupe le nord de la Savoie ;
Carouge, Annecy, Chambéry; 3" la division de droite, forte de
20,0t)0 hommes, aux ordres du général Antonio Rossi, gardera
la frontière de Briançon, ît Puget-Théniers, et assurerai la liaison
avec l'armée d'Italie. Au mois de juin, 4,500 hommes sont réunis
à Brïaneon, 1 ioO h Montdauphin, 2,000 au camp du Roux dans
îc Queyras, 7,000 au camp de Toiirnoux, 1600 ii Colmars et
Entrevanx, 3,000 Si Grenoble. Les troupes du camp du Roux
étendent leur surveillance du col Péas au col Agncd (on voit encore
sur on plateau voisin de ce col les traces du camp). Les troupes
JOUHNAL DES SCIEKC£S 11JLIT1.JBES.
(le Tûurnûux ont k garder la rronlJètM? du col Longel aux cû\& d!u
Liiuzanieretde Pelouse; un halaillon occupo Larche, souteDu |Mir
deux autres établis fi Samt-Ours-Meyronues; un bataillon élabli
k Maurin, détache des postes h Fouillousc H au Ctislellet pour
surveiller le vallon de Fouitlouse ot assurer la liaison uvec Saint-
Ours, par le col de Mirandol; deux bataillons, placés à Lan» et
Fours» gardcjil !cs cols de PeloutiC, Rostefand, la Cayolla. Le
général Caniillo Hosï^Î, comiuandanl à Tournoux, fait répareriez
cbemios qui rayonnent de GJeysolIes à Sereone. Larche^ JâQ-
siers.
Amtro-Sardes. — Les ennemis sont cn<;r>re maîtres des cols du
petit Sainl-Bernard, du mont Genis, de Tende. L'armée austro-
sarde, partagée en quatre divisions, occupe : l" la vaUée d'Aoste,
avec des postes au peist Saint-Bernard, àlaTtiuile, à Saîtit-Dîdter,
k Conrmayeur, la Salle et Morgex; 2» les vallées de la Dora
Ripariii, du (>hisone, de la Germanasca et Hn Pt'llice avec un
camp sur le plaleau du monl Cenis, des postes k Bardonnèche,
Oulx, Clav^^^es, Scstrières, Praly, Villanova, Suse, Exilles,
Feneslrnlle, Pigneral servant de points d'appui; â'^les vallées du
Pô : Crissolo, Paesana, lîevel, Sahiues; d(? la Vraïta : Chftteau-
de-Pojit, CiKfttPatt-Dauphîn, Sampeyre, la Bicocca, Pierrelongne.
Bellino ; de la Haïra : Dronero, Acceglio, la Cliiapera ] de la SUira :
d'aboM Coni, Cîiraglio, Savié^liano, Borgo San-DalniaiïO,
Deraonle , Berspzio , Sambuco, Saint-Êlienne de Tinée^ puis
Enlraiguea. Denionle, Vînadio, Bains de Vinadio, Sanbernoni,
Sanla-Anna, Saniiiueo, Pielrapor/io, Ponte-Bernardo, près des
Barricades, Bersexio, Largentière, Ferriftre, vallon de Pourriac;
4" les Alpes maritimes.
Au mois de juin, Kellcmiann ayant reçu Tordre de marcher
contre Lyon, avec des troupes pn^levées sur l'armée des Alpes,
le roi de Sardaigne va profiter de son éloigiiement pour chercher
k pénéti-er dans riîhaye et couper les co m nui nie a lions entre
l'armée des Alpes et l'armée d'Italie.
E^ctirr/iouchi^s mt col de Largentière. — Le g(^n('-ral piémontais
Strassoldo, connuaiidant la division de la Slura, établit d'aliord
un poste en avant du col de Largentiftrc, dans une redoute anuiie
de quatre spîn^rdes, et ud deuivième poste sur Jo senlier du col
de la Scal&Lla. Le 16 juin, un détuchenienl français envoyé de
tiUEaUKti llA.NS l,KS AU'KS.
4^
Larcfae^, enlÈve une des graud'gardes ennemiâs; Strassoldo.pour
appuyé*' de plus prts le posie du col de LargentïÉre, place un
bataiilou aux Grângcâ, eu arnîTe du lac de ia Ma(iel4^ine} et fait
élaj^ir le chemin près du col, pour le passage de l^artillerie. Le
21 juin, le génériti Camillo Rossi attaque les PiéinouLiis avec
3,000 hommes partis eu deux coiojtuoâ : 1** de Saial-Paul, par
les cols du Valioan«t, de ta Portiolette et de Rubureut; ^ de
Tournoux et Larclie, parla vîillée de IThayelle; uo détachement
devait renionler 1q vallon du Lauzanier, mais il est arrêté par le
torrent tlébordL^, La colonue de droite surprend les postes du col
de Large tttière, le^i rejelie en désord ro sur Hesretranchemenls des
Granges dont les défenseurs s'enfuient h leur tour dans ie vallon
ie Poumac; de là, sous la protection d'une flaiic-jiçarde envoyée
"^dans les bois qui couvrent les pentes de la droite, elk' arrive au
village de Largetitière qui est livré au pillage. La colonne de
gaucÎ2e, de son oûtë, descend par le vallon de Hu burent. Les
troupes ennemies êlablies à Largentière se replient sur les hau-
teurs qui s'élèvent en arrière du torrent de RulinrenL
Mais Strassoldo et le prince de C^arignan foni aussitôt avancer
.les réserves de Berïexio par la vallée et par les versants, tiossi,
pcraignaot d'(Mre (ournt*, se retire d'abord au col de Largenliére.
Strassoldo, remontant ensuite la vallée avec six bataillons, chasse
les Frauv'aia et dcsceiiJ jusqu'au village de Maison-Méanc, qu'il
fait briller et piller en représailles du sac de LargecUère* 11 tou-
draJt marcher sur TournouK, mais la vallée lui paraît trop bien
défendue pour qu'd puisse réussir par un coup de main. U établit
alors ses troupes au catnp de la Madeleine, de concert avec le
duc ri'Aoste, ap|>elé au commandement de &a division. De son
côté, ilossi fait camper une partie de ses bataiiloiis sjf le plaleau
ie prairicâ qui domine CerL-^mussat, entre les torrents du Pijiet
'et de Rouchouse (eni placement actuel di' la batterie de Mallemort),
avec a van l-posle& .sur la rive droite du torrent de Roucliouse, et
Ë Larche.
Le 2S juin, Strassoldo enJéve Larchc et dirige une colonne
contre le plateau de Malleuiort. Le colonel Sanlerrc envoie aus-
sitôt ïk)0 liooimes de renfort aux avaut-posleg et un bataillon sur
Lai-che; les cnoemià sont repoussé.** et so retirent apr^ avoir
cependant mis \e feu au village de Larçlie.
Sur ces entrefaites. Je général Ro&si est remplacé parle général
4b0 XOL'RKAL DES 5CIENGRS MILITÀIBES.
Carcaradec. Kellermann vient lui-même li Toiirnoiix et, de con-
cerl avec le général Gouvion, appelé de Brîançon pour com-
mander provisoiremont le cnmp de Tournoux, donne de nouvelles
insiructions pour la défense. II établit deux bataillons au camp
de Mallemort, on bataillon h Meyronnes et Cerlamussat, un ba-
taillon à Saint-Ours, et un poste au col de la Portioletle. Ea cas
de revers, îl décide que ces trodpes se retireront sur le Castellet
de Saint-Paul parle col de Mirandol, sur Gleysolles et sur le plan
et la Croix (batlorie acUietle de Roche-Lacroix).
Camp di's Aiistro Sardes. — Les généraux ennemis ont fait éle-
ver deux grand es redoutes sur les hauteurs sud du col de Largen-
tière, deux flèches et une demi-redoule armée de cinq canons en
avant du col, pr^s du chemin, deux lignes de retranchements
échelonnés sur les pentes Nord, des retranchements avec abris
pour un bataillon sur l'Alpette entre les torrents de la Pisse etdu
Lauzanier; ds fout camper tes troupes sur le versant Est, en
arrière de la crête. Ils ont déjfi un poste au col de la Scaletta;
ils en envoient deux autres sur le flanc droit: le premier nu sommet
de rOronaye, sommet coté 2770, à l'ouest du coude de l'Oronaye j
le second au col de ViJladel, pour assurer les communicalious
avec ceux des Monges et du Satitron fournis par les troupes de
Pfovera; ils eu envoient également aux cols de Pourriac, du
Lauzanier, de Fer, h Ferrière et il Salzo Morcno.
Carcaradec voulant s'assurer un point d'appui solide sur sou
flanc gauche, en face du Saulron, des Monges et de l'Oronaye,
envoie, dans la nuit du 17 au 18 juillet, un bataillon avec deus
canons en avant de Larche et SOO hommes vers le col du San-
tron. Sous la protection de ces avanî-gardes, le général Gouvion
dirige une colonne contre le poste ennemi de Maison-Méane et
une deuxii^me sur la montagne de Tète-Dure; une troisième suit
en réserve, La deuxième arrive sur îe sommet de Tête-Dure sans
être aperçue; elle marche ensuite contre le poste du Bec-dc-
Liiivre ou de i'Oronaye, mais elle est arr(>tée par le feu d'au
canon que tes Picmontais étaient parvenus à hisser sur la crfte.
Vers le même temps (malin du 19 juillet), les ennemis repre-
naient Maîson-Méane. Mais d'un autre côté les 500 hommes
envoyés sur la gauche massacraient le poste piémonlai& établi an
col du Sautron. Vers midi, deux bataillons partis du camp d«
GUEURES DiXS LES ALPES-
461
Mallemort chassenl de Maison-Méane la compagnie ennemie qui
s'y était inslalléo le malin; cette compagnie se retire sur la posi-
lion de l'AIpette pour démasquer le tir des batteries du col; le
feu de ces batteries arrête les Français qui se replient sur ilal-
boisaet et Larehe. Le général Carcaradec fait au&sttût construire,
sur la pointe et la pente sud de Téte-Dure, des redoutes qu'il
arrae de quatre canons; il établit uti poste au sommet et un camp
sur les penles; il fait construire une batterie à Rio-Cliiosa et une
redoute sur les luuUeurs, entre Larehe et Malboissel. Le camp de
Mallemort est couvert, à distance, par une grande tranchée de
forme convc.ve; les postes avancés du camp sont abrités par des
flèches.
Strassoldo établit alors un nouveau poste k la Platasse, sur le
sentier du col de Villadcl, pour mieuK assurer "ses commiinîca-
lions avec la vallée de la Maïra.
Carcaradec ne pouvait pas songer h enlreprendro une nouvelle
attaque : trois bataillons du camp de Tournoux venaient d'être
détachés pour renforcer le corps de siège de Lyon. Mais Stras-
soldo, ayant appris ces mouvements par ses espions, faîl attaquer
noire poste de Tôte-Dure, dans la nuit du 12 au 13 août ;
130 hommes menacent le camp inférieur par le vallon de Rou-
chouse au INord-Esi, tandis que trois groupes de 50 hommes
chacun, parlant du Bec-de-Liôvre, marchent sans bruit contre
le poste du sommet de Tète-Dure, surprennent les sentinelles,
massacrent les quarante hommes de la redoute et font rouler
dans le ravin les deux canons..
Carcaradec fait alors évacuer les retranchements de Tète-Dure
en ordonnant une fausse attaque en avant de Larehe; il fait
ramener le matériel .'i iV3eyronnes et établit les troupes au camp
de MaLlemort, k Font-Vive, Meyronnes, au col de llirandol et
dans le bois de la Sylve.
Les Piémonlais recommencent leurs attaques cl descendent
jusqu'à Certamussat, mais, obligés ù leur tour d'envoyer des ren-
forts dans le comté de Nice, ils s'arrêtent là. et n'osent plus rien
entreprendre contre Tournoux.
Le ï" septembre, les troupes du camp de Tournoux, augmen-
tées de deux bataillons appelés d'Entrevanx, occupent les empla-
cements suivants : k Tournoux, environ 2,000 hommes, à
Meyronnes, 900, Mirandol, 700, Gleysolles, 40, Serenne, 700,
418 joiTjuuL Dt& âcnsMCEs miutahies^
SaÎQl-Pau), 600, Les Prads, 90j laasîers, 800; en Unit emiroii
6,500 hommes.
Ainsi, du côté de lUbaye, tes entreprises àts Aosfro-Sardes
n'abouti-ssaJenl pas h un jç^rand résultai. Le général Devins, Stti-
vant encore les principes de l'écolR allemande, se bornai! à faire
une guerre de cordons, qui consistai I à occuper tons \e& points
accesâbies de la frontière avec des postes pins on moins forts,
sans oser percwr m un point déiemiiné avec de grosses colonnes.
Ce système n'était pas approuvé par le prince de Carignan et par
le duc d'AosIe, qui auraient vonlu profiter de Pélendue de la
ligne française pour porter un grand coup.
Le marée tial de Beaulîeu se laisse entraîner el donne lordro
au duc de Montferral, qui coramandail dans le nord du Piémont,
de donner une partie de ses litoupes pour une invasion en Savoie.
Au mois de mai, les Français avaientdëjà tenté, mais en vain,
de s'emparer des retrant:!ienients da mont Cenis.
Le soulèvement, de Lyon, qui avait fofTi'* Kellerroann h s'éloi-
gner, offrait ane bonne occasion de recon{;uérir la Savoie.
L'armée des Alpes n'était pas trts forte à ce moioent : la droite,
-au camp de Tonrnoux, ne pouvait que surveiller avec de faibles
détachements, les vallées de la Stura,de la Maira pl delaVralVa
occupées par 4,U0Û Sardes; le centre, h Bnançon, était dans l:i
même situation fin face des vallées voisines da mont Ue-n&vre; h
gauche, le {général Bagdelaune n'avait qnc 7,000 hommes pour
garder la Maurienne et la Tareotaise.
L'expédition projetée contre la Savoie commence le 18 aofll,
18,000 Austro-Sîirdes franchissent les cots du petit Saint-Ber-
nard et du mont Cenis; les Franrais sont forttésde reculer jusqu'il
Contlans et Aiguebelle, mais en opposant une résistance éner-
gique. Dans la Maurienne, les ennemis ne parviennent pas î»
enlever le pû?^tc de Valloire, point important de noire ligne de
coixitnumciilions. Arrêtés devant les positions d'AigtiebcUe et de
ConÛans, ils se jettent vers le Nord, s'avancent h Sallanches,
Bonne^ille, Carouge, cherchant h rappeler, mais sans soccèâ, Ws
populations à leur ancien souverain. Bagdelaune les contient
pendant plus d'un mois. Enfin, Kellermann, n^mplaeé au siège
de Lyon, revient en Savoie; il reprend vigoureusement roffen-
sive el, après plusieurs combats très meurlriers, force les An*-
tfO'Sardes à repasser en Piémont.
GlfBRRBS DA."SS LE*' ALPK3. 463
L'hisloriert ilalien Pinellt, en recherchant les canses de Téchec
de cette expéditiorij estime que (es moiivemenls ne se firent pas
assez rapîdcrafrnt, qt^Ton commit nne grande faute on laissant
Valloire aux Français, et one deuxième, plus grande encore, en
ne combrnant pas Tentreprise avec une action sininltanée surle
Var. Il admire l'inlelligeiice et l'énergie du KeUerrnann, qui, en
moins d'an mois, avec 7,000 hommes seulement, parvenait à re-
pousser ISjOOO Austpo-Sardes,
Les ennemis gnrdent encore les eoïs du petit Saint-Bernard
et du mont Cenis, dt^Fcndas par de solides redontes.
Cantonnement^! d'hiver de la division du général Petit-Guil-
laume, commandant îa droite de l'armée des Alpes :
Briafiçon environ 1 ,600 hommes.
Moiitdauphin — 1,250 —
Embrun.... — 750 —
Barccloonelle — Jans-
srers— Gleysolles — 1,900 —
Digne ~ 650 —
Valence — HOO —
Monl(Mimar. .,...,... — 1,6S0 —
/ 794. — Les Français s emparent des cols du petit Saint-Ber-
nnré et du mont Cf^nis : escarmouches dans tes valiét^s de la
VraUa^du Pdlece, de la Dora Riparia. — Rémmé des opéra-
tions dfi l- armée (fflalie : dirersion dans la Stum et la Vrailn.
Au commencement de î'année, tes Au «jtro -Sardes ont 45,00t}
f)ommes sur les Alpes; 13,000 dans les Alpes maritimes; 7,000
dans la valféo de la Stura; 9,000 dans les vallées de la Waïra, de
la Gnina et de la Vratta ; 3,000 dans la vallée d'Estlles et h Suze;
10,000 dans la vallf'e d'Aoste; 4,000 hommes de cavalerie à Pi-
guerol, Cavour, Savigliano ; 7,000 entre Alexandrie et Savigliano.
L'hiver ayant été très rigoarenx snr les montagnes, les troupes
res^tent cantonnées jusqa'ft la tin da mois de mars dans le bas
des vallées; des postes occtipaient cependant les villag^es ou ha-
meaux voisins de la fron titre-
Les Allemands, pen habitués à la guerre de montagne, ne prê-
taient pas un concours bien actif ni bien empressé.
464
JOURNAL D£S SCIKNCES MlLlTAtAË^^.
Caraol, appelé au Comité de Salut public, a renforcé l'armée
des Alpes, qui comple maintenant 43,000 hommes. Après la
campagne de 1793, Jes Français avaient été cantonnés dans les
vallées de la Tarenlaise, de la Maurienne, delà Durance et de
rUbaye; ils avaient eu beaucoup h souffrir du froid cl des priv^
liotiâ de toute sorte. ^H
Les hostilités recommeoceut au mois de mars, au milieu dt^s
neiges. Le g(}néral Dumas, commandant à Briançon, dirige deux
colonnes sur les retranchements du raotîl Cenis. La première,
forte de 2,200 hommes, sous les ordres du général Sarrct, doit
marcher sur !e col ; la deuxième, un peu moins forte, a pour miij-
sîon d'attaquer les redoutes du petit mont Cenis, Le généra!
Sarret met un temps très long à gravir les pentes couvertes d'une
neige épaisse et gelée, et, au lieu d'arriver dans la nuit suivant
ses prévisions, il ne parvient au col que vers midi. Il forme néan-
moins ses colonnes d'assaut et les lance contre les ouvrage."»; une
lutte furieuse s'engage : les Français allaient pénétrer dans les
retranchements lorsque le général tombe frappé d'une balle au
cœur; l'élan est arrfité; les Piémoutais font une sortie à la baïon-
nette; les Français reculent, et sans la fermeté et le sang-fj-oid
du général Camin, la retraito aurait été changée en désastre. La
deuxième colonne, arrivée plus tôt que la première, n'avait pu
qu'échanger quelques coups do fusil, et s'élait retirée en désordre.
Le général Dumas ne renonce pas à son projet; sachant qu'une
attaque générale devait avoir lieu dans les Alpes maritimes au
mois d'avril, il se prépare à renouveler sa tentative. Mais, dans
rinlervalle les Piéuiontais ont renforcé les postes du monl Cenis
de trois régiments appelés de Suso. Dumas, ayant eu connais-
sance de ces dispositions, fait seulement prononcer uue démons-
tration contre le front des ouvrages, et envoie le général Caurîii
au passage difficile de Cavanettes pourles prendre de flanc; mais
ce dernier point était gardé par un bataillon sarde, lequel, mar-
chant à la baïonnette contre tes assaillants, les forçait à se retirer.
Dans le même temps, une colonne de 800 Français gravissait la
pente escarpée du rocher de la Mail, situé entre les deux cols,
et, malgré la neige, s'élaneait contre les deux compagnies de
grenadiers qui gardaient le passage ; les Piémonlais reculent
d'abord; mais, ayant été renforcés par un gros détachement
venu de la Ramasse, ils exécutent uue contre-attaque vigoureuse
GUBHBES DANS LES ALPES. 46S
et repoussent les assaillants. La colonne chargée d'aLtaquer le
col du pelU mont Cenis est également forcée de battre en retraite.
Nous avions perdu, dans cette afîaire, une quarantaine d'hommes
lues on blessés et 23 prisonniers.
Quelques jours après, Dumas fait tenter par les généraux. Bag-
dnlaune et Aimeras une attaque contre les retranchements du
petit Saint-Bernard, qui sont enlevés après une manœuvre et un
combat remarquablement bien conduits,
.Maître du petit Saini-Bcrnard, Dumas renouvelle l'attaque du
mont-Cenis le 12 mai. 11 marche lui-même, avec 400 grenadiers,
contre la redoute du Villaret, pendant que deux autres colonnes,
fortes respectivement de 900 et 600 hommes, s'avancent contrôla
redoute du Rivet. L'altaque prononcée contre le Villaret échoue,
mais quelques groupes d'hommes ayant pu pénétrer dans le Rivet
pour y jeter le désordre, les deux colonnes se réunissent pour
eenier celle redoute que les Sardes abandonnent avec précipita-
tion. Les canons du Rivet sont aussitôt retournés contre le Vil-
laret, que les Piémontais ne tardent pas à évacuer égaloraenL
Pendant ce temps, Dumas se portait rapidement, par un chemin
détourné que lui montrait un guide, sur les derrières des en-
nemis et faisait prisonnier un bataillon de 600 hommes. Le
général sarde, avec les défenseurs qu'il pouvait ramener, allait
s'enfermer dans le fort de la Brunetle, sans être poursuivi.
Ainsi, au début de la campagne, les Austro-Sardes ont perdu
les deux grands débouchés du petit Saint-Bernard et du mont
Cenis que les Français, conduits pur des chefs énergiques, ont
réussi à leur enlever.
Pour faciliter l'attaque du mont Cenis, le général Dumas avait
ordonné une diversion dans les vallées de la Stura^ de la Vraïta,
du Pellîce et d'Exilles.
Le 8 mai, une colonne avait enlevé les barricades de la Stura;
1200 hommes ayant franchi le col Agnel encombré par les neiges,
étaient allés surprendre le poste de laChianale; une troisième
colonne, secondée par des Vaudois, s'emparait, le 9 mai, du
fortin de Mirabouc, faisant prisonnière la garnison, composée de
100 hommes du régiment de mercenaires suisses qui gardaient
la vallée du Pellice; le 10 mai, elle faisait sauter le fort îi la
mine, puis, ayant établi un poste sur les hauteurs du col Bar-
■rant, elle descendait îa vallée de Luserne; mais elle était ar-
J. ^ïSe.tn(i. iO^S. T. XVIL 30
Am
JOUIINAL DES SRllNCES MILITAinES,
rçtée à Villar par Ifts Suisses qui défendaient le passage. Enfin,
3,000 hommes, appelés le 1 mai du camp dû Toitniowx, pur le
coi Hizouafd fi'aiichissaieQt le mont Genèvre, s'eiuparaieul du
village d'OuU, di'^fendu seuletueril par deux comiiagoies de gre-
nadiers aux ordres du major Dal[emague, qui se relirait d'abord
sous la protection du fort d'Esilles, Avec les renforls venus de
Chaimiont, le major se portait etisiiîte sur les hauteurs de l'Aa-
sieltt' i>our rouvrir en uiènic temps Feoestrtlle; les Français,
menacés de lla»c, exécutaient un mouvement rétrograde comme
pourballre en retraite; Dalleroagne n'engageait pus la poursuite
et abandonnait mèiue bientôt les fameux relraocheoïents da t'As-
sîette poiii' rentrer à Chaumont eu laissant îi la garni son d'Exilleit
le soin de se défendre elle-même si elle était allatfuéo.Les Fran-
çais, reprenant alors le mouvement otîensif, avançaient de iioa-
veau etinvestissaieut la forterusse. Le général sarde Fontanieux,
pour conserver hm t;oiiHUunieations entre Exilles et Suse, faisait
occuper par 1S00 hommes in montagne des Quatre-I>eota et les
hauteurs situées au nord dt* Chnuiiiont et envoyait 2S0 hommes
dans le haut de la vallée de la Giihimbrtu Le général Cai*cai*adec
parvenait h enlever ce dernier poste, maii il éciiouait dans ses
tentatives contre Exilles, n'ayant pas l'artillerie nécessaiie pomr
faii*e le sif'ge de la forteresse; il revenait eu&uite ci La tête de la
vallée, aux environs de Césanne.
Rémmé dm opérnliom de l'armée dltalk. — Au début de t»
campagne, l'armée d'Italie, commandée par le généra! Duinerbion,
occupe une ligne s*étendant des sources de la Tinée à Menton.
La gawehe est commandée par Serurier, le centre par Macquart^
la droite par Masséna, rartiiierie par Bonaparte, général de brî*
gade depuis le siège de Toulon. Bonaparte avait proposé d'envahir
le Piémont parle littoral en traversant le territoire de Gênes; son
projet est adopté par la Convention, mais ne peut pas encore être
exécuté.
Le centre de la ligne ennemie est â Saorgïo, la gauche occu)«
les hauteurs fortitiées de Ponte di Navu, CoMe ArdyiUe, col de
Tanarello, aux sources de la Taggia et du Tauaro ; la droite garde
les montagnes entre ta istura, la Tinée et la Yésubie,
Pendant les mois d'avril et de mai, les Françaîâ enlèvent sue-
GUfiBlUiS D.V>S LK:? AT.PES.
467
ccsdvemcnt, aprt-b de nombreuii cambats, toutes les posilioiii^
occupées par rcuneaii sur la IVûntière. ih sont HÎnisi maîtres nuin-
lenanl de tous les débouchés, du lac de Genève au col de Tende.
C'est à ce aioment que Bonaparte, soutenu par Robespiei-re
t jeune, fait accepter par la Convention le phin d'une marche
concentrique sur Coni» par lu Stura et la Verm«gnana. Le général
sarde Cûlli occupe aux environs de Borgo San-Dalma77.o, avec
âOjOOO hommes, un solide camp retranché marquant le centre de
la ligne de défense des Austro-Sardes : vallée d'Aoste, Coni.Ceva,
A la fin de juillul^ le i^cucral PctiL-Guillaume, commandant ù
Briançon, envoie Chambaud dans la Stura, Vaubois dans la
Maira, Gouviorï Saint-Cyr dans la Vraïta; Dumerbion envoie
Masséna contre Ceva, puis il fait marcher la division Macquart
par la Vernu-'gniiiia dans la valliUî du Gesso, avec un uiairriei de
aiégô considérable. Les têtes de colonnes étaient arrivées devant
1 Deoionlc et Borgo Sïtn-Daliuazzo, lorsque le 9 thermidor arréla
L les opérations. Les Français se retirent, [toursuivis par Irois
^H colonnes ennemies dans les vallées de Valdieri, Vînadio et de la
^H Vermegnana, sans éprouvée de pertes sensibles,
^y Au mois de septembre, pour éloigner de Savone les Aastro-
' Sardes tjui convoiluient, avec l'appui des Anglais, cette ville
appartenant à la République de Gênes, qui lous fournissait des
subsistances, Dumerbion décide d'attaquer la gauche de l'armée
ennemie ean]pé« à Ceva. Pour favoriser i'altaque.il demande au
général Petit-Guillaume de faire faire une diversion dans les
vallées de la Stura et de la Vraita.
Trois CDloiinL'.& descendent dans la Slura pour menacer Dé-
monte : la première se dirige sur le poste des Planclies par le
vallon, des Travcrncs; la deuxième sur Vinadio par le vallon de
Srtnta-Auuaf la troisième sur Sarabuco pur le col de Largcn-
lière. Elles arrivent devant Démonte; n'ayant pas de canons à
leur suite, elles ne peuvent faire qu'une démonstration devani
eette place trop forte pour pouvoir être enlevée par un coup de
main. Dans le même lemps, un détachement pénétrait dans le
val Grana, par le col del Mulo.
Le 14 ssnplendyre, une tentative sérieuse est faite dans la Vraîta.
11 pleuvait et la montagne était enveloppée dans les nuages
comme il arrivesouvent eu automne, A la faveur des brouillards,
les Français descendent, un peu avant la nuit, des eah Àgtiel et
468 /OCRNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
Saiot-Véran, enl&vent les deux postes piénoonlais qui gardaient
les vallons et marchenl sur la Chenal; arrivés près de ce village,
ils sont accneillis par le feu à mitraille de trois canons de mon-
tagne en batteiie sur les hauteurs ; mais dans la nuit les boulets
sont envoyés au hasard; l'avanit- garde, sans tirer un coup de
fusil, cerne la batterie et le village, puis fond h la baïonuelle sur
les ennemis et en fait prisonniers la moitié. Le 15, l'avant-garde
s'avance sur Rua-Gensana et s'approche de ChAteau-de-Pontj
un détachement prenant un sentier dans le bois, sur la droite,
coupe la retraite au poste de Rua, lue quii)7-e hommes et l'ait
vingt prisonniers. Château-de-Pont étant occupé par un bataillon
de chasseurs ennemis, l'avanf-garde revient à Rua-Gensana; le
gros reste à la Chenal. Le 16, la colonne s'apprête à marcher
contre Châleau-de-Pont; mais dans la niuit les Piémontais ont
envoyé un renfort de 500 hommes; les habitants de la haute
vallée commencent d'ailleurs à se soulever. Le commandant de
l'expédition n'ayant pas des forces suffisantes pour pouvoir atta-
quer, avec des chances de succès, une position bien défendue,
ordonne la retraite. Cette incursion coûtait aux ennemis 120 tués
et 100 prisonniers; les Français ramenaient tout le bétail des
hameaux envahis, ainsi que soixante-neuf tentes. La colonne
rentre à son camp du col Agnel.
Comme il a élé dit, les Austro-Sardes, campés dans les environs
de Ceva, d'accord avec les Anglais qui tenaient la mer, deman-
daient Savone aux. Génois, qui refusent de livrer celle ville.
Dumerbion ne laisse pas aux ennemis le temps de s'en approcher.
Il franchit l'Apennin avec Bonaparte, bat les coalisés à Dego et
envoie Laharpe s'emparer de Savone.
La mésinlelligence rfjgne entre les généraux ennemisj mais
l'hiver approche. Dumerbion, ae voyant un peu aventuré, retire
ses troupes de l'aile droite; Masséna laisse aux cols de Melogno
et San-Giacomo des postes protégés par de bons retranchements,
auxquels deux mille hommes travaillent pendant plusieurs jours,
puis vient s'élablir ît Finale.
Vaubois fait une incursion dans la vallée d'Exilles pour in-
quiéter î'ennemî et ramener des vivres. Les troupes campées
dans la vallée do la Stura rentrent en France, abandonnaul les
Barricades que les ennemis ne tardent pas h réoccuper.
L'armée des Alpes continue à garder les passages du petit
(iL'EBHKS DAXS LES AU'ES. 409
Saint-Bernard au col de Largenlitre ; l'armée d'Ilalie s'étend par
sa droite jusqu'à Finale,
En comparant l'énergie, l'acUvilé des généraux fi'ànçais et
l'ardeur de nos soldats avec ta mollesse des Auslro-Sardes, on
peut croire que si le 9 thermidor n'nvait pas arrête les opérations
commencées, le projet d'invasion conseillé par Bonaparte aurait
réussi. C'est ce projet qu'il reprendra et qu'il exécutera en 1796,
en s'élendant un peu plus vers l'Est.
1795, ^ Le yénértft sanfe Tltaon de Rt'vel tféiermme les posîtiona
de dêfmse à occuper en arrière de ia frontière, du mont Cenis
au mont Viso. — Escarmouches au col du Mont. — Les Sardes
all(i>]Ui'nt par le col de Tende : ils sont repoussés. — Combat du
monl Genèrre. — Victoire de Lonno.
Au conjmencemenl de 1795, le Piémont est dans une siliiation
critique : le trésor est épuisé; le peuple est mécontent et tie dis-
simule pas ses goûls pour les innovations politiques; l'armée,
battue, est démoralisée; le cotilact des Autriciiiens lui est funeste,
La nation désire la paix; le rot de Sardaigne n'ose pas la
demander à la France républicaine ; il craint d'être sacrifié par
r Autriche. A la fin, il se résout à suivre encore les conseils de la
cour de Vienne iitii le pousse à continuer la guerre. Les géné-
raux autrichiens, sardes et ansçlais, réunis îl Milan, étahorml un
plan de campagne i mais ils s'entendent peu. Les Sardes voudrait' lit
reconquérir Nice et la Savoie et pour cela agir par le col de Lar-
gentif^re afin de séparer notre armée des Alpes de l'armée
d'Italie; les Âutricliiens, de leur cûlé, veulent attaquer par
l'Apennin et, avec le concours des Anglais, frapper un grand
coup sur Gènes. Ces hésitations font subir de grauds retards ^ la
concentration de leurs troupes qui, même au mois de mat, ne sont
pas encore prêtes \\ entrer en campagne.
Le général sarde Thaon de Revel ayant fait, dans le courant
du mois d'avril, une reconnaissance détaillée de la frontière, du
monl Cenis au mont Viso, estime qu'il faut, en présence des
Français qui occupent maintenant tous les cols, choisir en arrière
[ de la frontière des centres de défense, fortilier les positions qui
! défendent le mieux l'accès des vallées cl garder, avant tout, les
L
470 JOUfl>AL a^& âciKNCES militaires.
communications en Ire laBrunelte, Exilleset Fenestrelle; les deux.
premières places sont les plus exposées, étant comme les poînl
tl'inlerseclion do nomhreusps voies d'invasion; Fcneslrelle seraif"
moins exposée à èlrn investie. Lés cols de la Traversette el del
Porco, aux sources du Pô, peuvent èlre gar(l& pur 150 hommes;
nn posliî doit Clro placé au col Luisas, entre !e Pô et le PeUice,
pour surveiller le col de Seyliferes. Le col Barrant, occupé en
n9i par les Français, et la créle des Blancetli, r|iii descend de
Punta la Bruna sur Yiîlauova, sont les deux positions les plus
tories pour garder Ventrée de la vallée de Luserne. En adrat?ltfint
*|ue les Français soient parvenus h se glisser dans le vallon des
Charbonniers, le poste de Barrant ne devrait pas s'en inquiéter,
car les groupes ennemis n'ayant pas de communications faciles
avec la frontîc're manqueraient bientôt de vivres. Il faudrait placer
un liataillon. avec quelques milices, sur criacune de ces deux,
positions et tenir un Iroisitme bataillon en réserve fi Villanova,
(De nos Jours, les Italiens ont construit des baraquements sur
les iientes de la pointe Cournour, au plateau des Treize Lacsj pour
garder on mémo temps les vallées de Luserne et de Sainl-MaHin.)
La vallée de Saint-Martin se garde d'elle-même par ses montagnes
et par ses habitanls, d'humeur belliqueuse, Fcneslrclle n'est donc
abordably que par le Chisone, la crête de Falouel qui descend
du mont Pclvo au sud du co! de la Fenêtre, et le Pré Calinat :
la crête de Falouél doit être fortifiée et occo|iée par un poste
chargé de barrer le chemin dUsseaiix au Pré Câlinât; il faudrait
également construire des redoutes aux cols de la Fenêtre et de
Fatti^reâ, La force de la place réside dans le tort des Vallées; le
fort Saint-Charles est inutile.
Pour la défense éloignée d'EslUcs, Thaon de Revel estime qu^
la meilleure position est celle du Saulze d'Oulx ; les troupes cam*
pées sur les hauteurs voisinos i'nverraient des postes î» Bousson,
Sainl-Sicaire, MeleTtct, Bardonnî'che. Si Patlaque descend parle
mont Genfevre ou le col Bousson, se porter au mont Fraîtêve; si
nlle vient par la vallée de Bardonncche, occuper les hauteurs de
Millaures, Oulx, Pout-VentouXj Salbertrand, Deveis; si l'attaque
a l'avantage, se retirer d'abord à Saint-Colomban, et en dernier
lieu, au fond du Grand-Vallon, garnir les redoutes du col de la
Tuglia et des QuatroDcnts, pour garder les communications
avec Suse. On peut remarquer qu'il ne parie pas de la position
nUBfritES DANS LES ALPEii.
47Î
(les fameux retrancheHienls deTAssielle, consiruils en 1747, pour
couvrir en mi^me Ifmps Exilles el Feneslrftlle. — Pourgai'cJer
Suse du CiMc du nioiilCctiis, il projMse de faire occuper la ligne
de Tufbhinc, contrefort entre iaClarea et la Cenisij-hia, — l'Arcan-
gera, Molaretio, Vcnaiis, H le contrefort desccndaiif du Roche-
melon sur Vciiaus. — Il juge nécessaire d'approvisionner tons les
postes de quatre jours de vivras; les signaux se feront au moyen
de feux alhimi^s sur les hauteurs; les milices prises parmi les
faaliilîints nii-raes de la montagne seront chargées des reconnais-
sances et de la protection des colonnes.
Le duc d'Aosfe ayant approuvé ce rapport fait occuper les
positions indiquées par Revel.
Pendant que les génf^raux ennemis, réunis à Milan, perdent
leur temps &. discuter, le içéuéral Moulin, qui commande l'armée
des Alpes, fait tenter un |)remier coup de main sur la col do
Mont, \oisin du polit Saint-Bernard, de manière h pouvoir tonrner
les positions de Morgex et de Courmayeur; mais l'entreprise ne
peut pasï'tre menée à bout k cause de la neige encore trop abon-
dante. Keliermann, ayant pris, le 8 mai, le commandonienten chef
des deux armées des Alpes et d'dalîe^ ordonne une nouvelle ten-
tative. Le général Aimeras fait d'abord faire sur la Thuileunc
démonslralion qui réussit; puis, dans lu nuil du 11 au 12 mai,
avec 2,âOU hommes répartis en trois colonn*'s, il franchit le col
du mont au milieu d'une violente tempête, en I6ve le poste ennemi
com|)osé de 200 hommes, pt?is remonte an col pour le mcltre en
état de défense. Les Piémonliùs csécntcnt plusieurs retours
offensifs, mais sans succès.
Schêrer était à l'armée Lritalie de|>iiis la fin de ramure 179t.
An printemps de 1'9o, le FMrecloiro voulait lui faire prendre l'of-
fensive. Sur les irisiances de Masaéna, le général fait remarquer
que son nrmêe est toutii fait trop intérieure en iiombre ponr lui
perméHre de tenter un attaque; le Directoire, r-^connaîssant la
justesse de ses ohserva lions, le laisse sur la défensive.
Les deux armées, Ji cel te époque, cnmptaienl h peine irï.OOO hom-
mes. Cette des Al|.es en avait 15,000 seulement, rtqjariis en trois
divisîous : la gauche, commandée parle général VoiJIot, gardait
la frûnlif*:re du pflJl Saint-Reniard au mont IJ-nis; le centré, aux
ordres de Petit-Guillaume, occupait le Briançoimais, se reliant
avec la gauche par des postes établis aux cols de l'Ours et de la
472 JOUBNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
Roue, avec la droite, par Cervières, le col Hizouard et Fort-
Queyras; la droite, commandée par Vaubois, était au camp de
Tournoux, défendu par 20 pièces de grosse artillerie et protégé,
du côté du col de Largentière, par un fort détachement posté
dans le bois de la Sylve (la carte au 1/80000 porte le camp
occupé) ; la liaison se faisait avec l'armée d'Italie par le col de
Pelouse et Saint-Delmas-le-Sauvage. L'armée d'Italie forte de
30,000 hommes environ s'étendait de Saint-Delmas à Savone.
L'armée austro-sarde, échelonnée de la vallée d'Aoste aux
sources de la Bormida, comprend 65,000 hommes. Profitant de
la supériorité numérique, Devins attaque la droite de l'armée
d'Italie et lui fait subir deux défaites, à San-Giacomo et à Sette-
pani ; Kellermann fait reculer cette aile en arrière de Borghetto
sur les hauteurs de la rive droite de l'Aroscia. Le général autri-
chien songe à poursuivre l'attaque contre notre droite, tandis
que Colli, peu d'accord avec lui, fait approuver de son côté, par
le roi de Sardaigne, un plan personnel dont il entreprend aussitôt
l'exécution, croyant forcer l'Autrichien à lui venir en aide.
L'expédition dirigée par Colli contre le col de Tende et Saint-
Martin de Lantosque échoue complètement; Devins, déjà mé-
content d'avoir été à peine consulté, n'envoie pas de renforts et
laisse au général italien toute la responsabilité de l'insuccès.
Pour détourner l'attention et maintenir l'armée des Alpes, les
Sardes ont fait plusieurs tentatives sur la frontière de la Savoie et
du Dauphiné, La plus importante est celle qui a été ordonnée par
le duc d'Aoste contre le mont Genèvre. Le col de ce nom et le
col de Bousson étant fortement occupés par les Français, le duc
faisait marcher, le 17 août, contre le poste de la Coche, près du
■col Gimont, 300 hommes qui faisaient prisonniers les défenseurs
de ce poste au nombre de 50; les 300 hommes redescendaient
sur Clavières, mais surpris par 600 Français, venus du mont
Genèvre, ils abandonnent leurs prisonniers et se retirent sur
Césanne. Le colonel sarde Dallemagne accourt avec son régi-
ment pour arrêter la poursuite.
Le duc d'Aoste organise alors une nouvelle expédition avec
des forces plus considérables ; le 30 août, il met quatre colonnes
en mouvement; la première comptant 800 hommes doit se porter
à droite de Fenils sur Clavières; la deuxième, au centre, forte
de 800 hommes, venant de Pragelas, doit monter au col Bousson
GVEttRES DANS LIÎS ALl'KS. 473
et attaquer les postes de la Coche et dn Bœuf, pour se réunir
ensuite h (a première; la troisif'me, îi gauche, comprenant
ëOO hommes, doit marcher par le col Chabaud sur les postes du
Bourget et de Lachau; la quatrième esl en réserve à Césanne. Un
poste de Vaudoisest lancé dans leQueyras. La première colonne
perd une heure par suite d'nne attaque d'apoplexie survenue à
son chef; des paysans ont le temps de prévenir les Français éta-
blis au coi qui sont bientôt renforcés. L'avant-garde ennemie
accueillie par un feu violent est forcée de s'arrêter; le major
Castet-Vecchio parvient h rétablir un iuslant le combat, mais le
inéral Valletle, arrivé de Briançon avec 3,000 hommes, enve-
ïppe la colonne qui est presque entièrement faite prisonnière, La
deusièrae colonne, conduite par le colonel Dallemagne, enlève et
reperd plusieurs fois les positions occupées par les postes du
Bœuf et de la Coche, défendues avec une rare énergie parle
capitaine Labafour avec 140 grenadiers seulement; le colonel
ayant été blessé grièvement, le désordre se met dans les rangs
des Piémontaisqui se retirent sur Césanne; la troisième colonne
qui s*est égarée en route ne parait pas h la frontière; la qnalrième
reste dans l'inaction et ne cherche même (las îi proléger la
retraite.
Le 23 septembre, 300 Vaudois montent au col Lacroix (La
Croix) et chassent le poste français qui se replie sur la Monta;
500 hommes envoyés de Briançon réoccupent lo col. Dans cette
affaire, les Vaudois avaient pris 21 Français; le sergent-major
Janneria leur tend mie embuscade avec 6 hommes, seulement
délivre les prisonniers et capture même les 30 barbets qui les
emmenaient.
Quelques escarmouches se produisent encore sur divers points
de la frontière, mais les Français repoussent partout lesennemis.
Au mois de septembre, Augeroau appelé d'Espagne, vient ren-
renforcer l'armée d'Ualie de sa belle division. Kellermann pro-
pose au Directoire un plan qui consiste à manœuvrer de façon à
séparer les Autrichiens des Piémontais en envahissant le Piémont
par le Tanaro. Le Directoire n'approuvant pas les. moyens d'exé-
cution, le laisse sans réponse et se propose même de le rem-
placer. Au mois d'octobre, en effet, Kellermann est renvoyé îi l'ar-
mée des Alpes, et Schérer est appelé au commandement en chef
des deux armées. Ce général reprend le projet de son prédéces-
474
JOURNAL DES SCISNCBS MiL.rTA.IIlES.
seur et par d'habiles mftTiœuTTesgagneia bataille de Lonno av«
36,000 homiTH'S (centre 45,000 Aoslro -Sardes.
Kfilleroinnii, de retour ii Chambéry, ne songeait qu'à faire
réussir le plan. Il faisail inquiéter les ennemis sur tous ks points
de la frontifife, dans les vallées de la Slura, de la Maïra. de la
Vraîta, du Pellice, d<* la îiora Riparta eld'Aoste; la cobune da
montCetiis, eondaile pair Vaubois, délogeait les postes de la
Novaltiise; la colonne envo?éft par la col de Lar|*eniiî-Po élaff.
capendaiil. rppousst^ avec des perles considérables. Maïs k c»?
moment (fin de novembre) la neige commence à lomber et met
une trôve aux escarmonches,
Kelterniann était arrive k son but ; retenir les Sardes établis
en face lui et les empêcher cift renforcer l'armiSe alliée qui opé-
rait dans les Al[>es maritimes et sur l'Apennin,
I/hivcr ne larde pas h opposer nne barrière de neige infran-
chissable et met ainsi une fin k k campagne de 1793. La frontit^rr
de Savoie et du Daupliiné a été le lliéfllre des escarmouches el
des petits combats; les grandes opérations se sont déroulées sur
les montagnes du littoral.
•1796. — B^nfiparff cnupp en dcuT f(jnn<'r nvMro-sardf! et farce
ie roi de Sardaigiie à .ugmr Varmùtice de Chermco,
Le Direcloire. n'approuvant pas les plans de Schérer qui
montrait de rhêsilation, désigne Bonaparte pour le remplacer.
Le jeune général va exécuter, avec une profonde inlelligence et
une grande énergie Je plan qu'il avait conçu en 17S4, d'aprfts
l'élude des Mémoires de Maillebois, et qu'il a conaplélé. Il arrive
k Nice le 3G mars.
Ketlermanu, .M'armée des Alpes, garde la frontière du pelil
Sainl-Bernard au col de Largentiére; il a devant lui In prince
de Carignan qui occupe tes vallées du nord dw Piémont avec
fO.OOU hommes.
L'armée d'Italie, forte de 30.000 hommes, s'étend des sources
de la Vésuhie îl Loano ; ââ.UOO Sardes, aim ordres de GollJ,
sont campés k Ceva,- 32,000 Autrichiens, commandés par le ma-
i-échal de feulieu, s'avancent de Milan sur GèuPA; mais il y a peu
d'entente entre les deux généraux, Colli voudrait encore Alt
r.I-ERBES DAKS T,ES Ar^ES.
m
qner les Français par !e col de Tende et lorafcer ainsi sur le fliwic
gauche de l'armée d'Italie, que Beaulieu, de son côté, devrait
allaqtifr en iti^nie temps sur le fl,inc droit. Beiiiilieu, persnaJtS
d'après tes brnits répandus dans Gênes, que Bonaparle songe
fi ftUaqner par la Bochella, ne se préoccnpe que de garder les
passages au nord de Gfnes.
Bonaparle, tenu au courant de ces hf^sîtalions, ai^it rapide-
ment; dti 6 avril au 28 du même mois, il coupe en deui l'amit^c
des alliés fi Monlenolte, écrase les Piémontais aux comlials de
Miilcsîmo, Dego et Mondovi, entre à Cherasco cl désarme le
Pit^mont par l'arniislice sirène dans eelle place le ^8 avril, aux
condi lions suivantes : Tarmiie française garde ses conquêtes en
Piémont, au sud de la ligne Denionte^Alexandrie; Coni et Tor-
tone seront remises aux Français avec lotit le nutlt^riel de guerre
et les subsistances; la frontii^re est ouverte aux courriers et aide«
de camp.
Le Pii^mont subissait noire loi. Bonaparle, en eu\'aliissant par
l'Apennin, avait ('■vite les places fortes qui barraient les débou-
chés des vallées de la Dora et de la Stura.
Le 17 juin, les Français entrent dans Alexandrie; le^juin,
ils prennent possession des forts de laBrunetle, H'Esiltes et de
Denionle, qu'ils s'apprêtent k démolir. Au mois de juillet, ils
Font sauter îi fa mine deux courtines des remparts de Turin.
_1798. — Le général Jmtbert étabiit à Turin un gouverne ntent
provisoire.
Au mois de décembre, les Français occupent Suse, Asti, ol
ft'élablisseul dans la citadelle de Turin. Les représeuLanls du
Directoire Ibrccnl le roi de Sardaigne l'i renoncer h ses États do
lerre ferme. Le général JouberL, coniniaiidanl les troupes d'oc-
cupation, entre >t Turin et organise un gouvernement provisoire.
Charles-Eraraauuel se retit'ê en Sardaigiie.
1799. — Souwarott chansç les Français du Piémont.
Unadeuxifirae coaliliou est formée contre la France. Souwa-
row nous force k évacuer le Piémont; tlagi'alion nous enlfeve
476 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES .
Suse, la Brunette, Exilles, l'Assiette, Césanne; le général Lan-
geron marche contre Pignerol, Fenestrelle, et pénètre dans les
vallées vaudoises ; les Yaudois se soulèvent pour nous secourir,
mais les Cosaques ont partout l'avantage ; dans la vallée du Pel-
lice, un dernier combat se livre près du col Lacroix : 300 Fran-
çais blessés sont recueillis par les barbets. Les Cosaques pé-
nètrent même dans le Dauphiné.
Le général Duhesme, qui gardait avec une division la fron-
tière du petit Saint-Bernard au Queyras, descend par le mont-
Cenis, disperse les troupes ennemies rassemblées à Suse et à
Pignerol, et arrive à Saluées pour donner la main à Championnet;
mais Championnet, ayant été battu à Genola, avant que la jonc-
tion ait pu s'opérer, Duhesme est à son tour séparé, par les
réserves austro-russes, de la colonne du général Kister qu'il
avait envoyée h Savigliano pour se garder sur son flanc gauche.
Kister parvient cependant h se dégager et k rentrer en France
par le col Agnel ; Duhesme, après une retraite habilement con-
duite à travers les montagnes sous le feu des barbets, parvient
à rejoindre la division Grenier à Borgo-San-Dalmazzo.
Le général Frœlich nous enlève Coni le 3 décembre, puis De-
monte, et nous force à repasser le col de Largentière.
1802. ^ Le Piémont est annexé à la France et forme les six
départements de la Doire, de la Sesia, du Pô, de Marengo, de la
Stura et du Tanaro.
MOCRRAT,
Lieutenant au 1 4*' bataillon de chasseurs.
TABLE DES MATIERES
DU TOME XVII DE LA W SÉRIE
BIOTTOT (lieutenant-colonel).
Le Morvan dans la Défense de la France (suite) 58
BISWANG (commandant).
Les Tribunaux d'honneur dans Vannée prussienne 75
BONNAL (général).
L'Esprit de la Guerre 5
La récente Guerre Sud- Africaine et ses Enseignements. . . 321
CASTETS (lieutenant).
Exposé d'un Projet de Chaussure à l'usage de l'Infanterie. 269
CRISTE (capitaine).
L'Assassinat des Ministres français à Rastatt. — Docu-
ments nouveaux 206
GACHOT (Ed.).
La Trebia et Novi. — Documents inédits 161
GARCIN (F.).
Le Tonkin de la Conquête de 18 84-1 885 (suite) .... 135, 312
GIRARD.
Instruction et Éducation militaires 230, 40a^
478 JOURNAL DES SCIENCES MILITAIRES.
GODCHOT (commandant).
De r Utilité et de V Intérêt que présente pour tous les offi-
ciers l'étude de la Stratégie ' 491
GRANGE (capitaine).
Une Division allemande d'Infanterie au combat (Frœsch-
willer, Sedan, sur la Loire) (suite) 83
Sedan 83, 239
H. B. (capitaine).
Service, de Deux ans. — Recrutement des Officiers de ré-
serve {fm) 225
LACOxMBE (lieutenant).
Note sur un nouvel Équipement du Fantassin 440
" LOY (lieutenant).
La Brigade mixte Lapasset 422
MOURRAT (lieutenant).
Guerres dans les Alpes (fin) 410, 299, 456
PICARD (lieutenant-colonel).
L'Armement de la Cavalerie 42
■ SERIGNAN (Commandant de).
Procédés usuels de combat des armées françaises sous la
Révolution et l'Empire 173, 377
Z. (major).
La Guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748)
(suite). -* Campagnes de 1741-1743. — Opérations
militaires dans la Haute -Autriche et en Bavière
(suite) 283
TAULE DES MATIÈRES. 479
Comptes rendus de livres militaires.
A. N.
Losungen taktischcr Âufgabea (de Hauschild) 320
Die WirreQ in China, t. II (von Muller) 320
B. M.
La Guerre napoléonienne. — Précis des Campagnes (Camon). . . . 160
F. C.
L'Armée allemande. Élude d'organisation (Martin et Pont). . . . 159
La Guerre Sud-Africaine, t. II (Fournier) 318
L. H.
Citoyen et Soldat (Demongeot) 319
Cahiers de Vieux soldats de la Révolution et de l'Empire (Gridel
et Richard) <, 319
Cartes, planches et figures.
Une Division allemande d'Infanterie au combat (4 croquis) 83
Exposé d'un Projet de Chaussure à l'usage de l'Infanterie (2 f)g.)> 269
Note sur un nouvel Équipement du fantassin (1 1 figures) 440
Le Propriétaire-Gérant : R. Chapelot.
Paris. — Imprimerie R. Cuapelut cl C', f, ruo Cbristine.
:.;