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Full text of "Journal du voyage de M. le Marquis de Courtanvaux : sur la frégate l'Aurore, pour essayer par ordre de l'Académie, plusieurs instrumens relatifs à la longitude ; Mis en ordre par M. Pingré ... nommé par l'Académie pour coopérer à la vérification desdits instrumens, de concert avec M. Messier"

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■m. 


Edurore, 


JOURNAL 

D  U 

VOYAGE 

D  E 

M.  le  Marquis  de  Courtanvaux, 

Sur  la  Frégate  l'Aurore,  pour  eflàyer  par  ordre 

Je  l'Académie,   plufieurs  Inftrumens 

relatifs   à  la  Longitude^ 

Mis  en  ordre  par  M.  Pingre,  Chanoine  régulier  de 
S!' -Geneviève,  nommé  far  l 'Académie  pour  coopérer 
à  la  vérification  defdits  Inftrumens,  de  concert  avec 
M.  Messier,  Aftronome  de  la  Marine. 


A     PARIS, 
DE    L'IMPRIMERIE    ROYALE. 


C-M.     D  C  Ç  L  X  V  I 1 1. 
»  c  1. 1  -,  à- 


J 

♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦■ 

PRÉFACE. 

ON  peut  distinguer  trois  parties  dans  l'Ou- 
vrage que  nous  mettons  fous  ies  yeux,  du 
Public  :  l'objet  du  voyage ,  là  relation ,  fon  fùccès.' 
L'objet  eft  expofé  dans  ies  trois  premiers 
chapitres:  nous. avons  tâché  de  nous  exprimer 
de  manière  à  être  intelligibles  pour  toute  forte 
de  Lecteurs.  Qu  entend- 1 -on  par  le  terme  de 
Longitude?  quelle  fèroit  l'importance  de  la  dé- 
couverte d'un  expédient  fur,  facile  &  infaillible 
pour  affurer  la  longitude  des  VaiiTeaux  en  pleine 
mer?  qu'a- 1- on  tenté  jufqu'à  nos  jours  pour, 
arriver  .à  ce  but?  quelles  font  les  Méthodes  qui 
promettent  le  plus  de  fuccès?  voilà  ce  que  je  me 
fuis  propofé  de  traiter  dans  ces  trois  chapitres.  . 
•  :.  Dans  la  relation,  nous  rapportons  ce  que  nous 
avons  vu  &  .entendu ,  autant  que  nous  avons  jugé 
que  les  :  objets  poiivoient  ou  être  de  quelque 
utilité  au  Public,  ou  au  .moins  fatisfaire  la  çuriofîté 
du  Lecteur.  La  relation  eft  extraite  4e  trois 
Journaux  ;  de  ceux  de  M-"  Pingre  &  Meffier',  & 


.  a 


îj  PRÉFACE. 

du  mien.  Nous  n'avons  pas  toujours  vu  tous 
les  trois ,  ce  que  nous  rapportons  ;  mais  nous  ne 
rapportons  rien  qui  ne  punie  être  certifié,  au 
moins  par  1  un  des  trois.  La  navigation  du  Havre 
à  Âmfterdam  eft  û  fréquentée  &  fi  connue,  que 
nous  avons  cru  devoir  paner  très -légèrement  lûr 
là  route  de  notre  Frégate  :  un  détail  circonftancié 
des  manœuvres  que  nous  avons  pratiquées,  des 
bordées  que  nous  avons  courues ,  des  nœuds  que 
nous  avons  filés,  n'auroit  produit  que  de  1  ennui 
pour  le  Lecteur,  fans  être  d'aucune  titHité  réelle 
pjour  le  Navigateur. 

Le  détail  de  nos  obfervations  doit  être  en- 
vîfagé  (bus  un  autre  point  de  vue  ;  il  regarde 
directement  le  fuccès  'de  notre  voyage,  il  eft 
donc  indifpenfable  que  nous  le  donnions  tel  qu'il 
eft  dans  l'original  de  nos  Journaux.  Nous  en  avons 
cependant  retranché  4es  hauteurs  correfpondantes 
du  Soleil ,  fur  lesquelles  nous  avons  réglé  la  pen- 
dule &  les  montres  marines  ;  nous  avons  penfé 
qu'il  fuffiibh  de  donner  feulement  le  midi  vrai 
réfultant  de  ces  observations. 

J'avofc  déjà  donné  un  précis  de  ces  obfèrvaiionô 

«  « 

Si.  de  leur  réfultat,  dans  un  Mémoire  que  je  lus  a 


PRÉFACE.  rç 

la  rentrée  de  l'Académie  de  k;  SaMtr.Majtiii.de 
l'année  dernière,  &  ce  Mémoire  a  été  imprimé 
&&S  aucun  changement.  On  trouvera  ici  quelques 
variantes  ;  on  ne  doit  pas  en  être  furpris ,  j'en  ai 
.indiqué  la  caufe  dans  le  Mémoire  même.  Nous 
avions  fait  à  Amfterdam  des  observations  relatives 

i 

à  la  longitude  de  cette .  Jtdlle  ;  nous  n'en  avions 

pas  encore  .trouvé  de  cojrrefpQodantes  ?  «lorique 

nous  composons  le  Mémoire.  M.  le  Monnier 

nous  en  a  communiqué  depuis  ,  nous  y  avons  eu 

égard,  nous  avons  réformé  la  longitude  .d'Am- 

ilerdam ,  ainfî  que  celle  de  Rotcrdam  qui.  en 

dépendoit:  cette  réforme  en  a  dû  entraîner  né- 

-ceflàirement  une  dans  les  calculs  employés  pour 

la compotem du  Mémoire.  Depius^nous  avons 

revu  à  tête  repofée  rços  calculs  précédens,  cV: 

nous  leur  avons  donné  par -là  plus  de  précujon; 

•au  refte,  les  corrections  occaûonnées  par  cette 

-nouvelle,  revue  des  «calculs  doivent  être,  &  font 

réellement  preique  mfenfîbles. 

Par  rapport  à  toutes. les  obfervarions  du. Soleil 

faites  dans  Jes  mois  de  Mai,  Juin  &  Juillet  nous 

avons  calculé  nous-mêmes  la  déclinaûon  de  cet 
Allre  &  lequatjofl  du  temps  :  moyen  au  temps. 

a  ij 


\ 


•  •      • 


W  P  R  É  FA  C  £. 

vrai.  Nous  ne  nous  fommes  pas  donné  cette 
peine  pour  les  observations  du  mois  d'Août* 
ik.us  avons  pris  ces  Elérhens  dans  la  ConnohTance 
des  Temps  :  comme  nos  premiers  calculs  étoient 
fondés  fur  les  mêmes  Tables  que  ceux  de  la. 
Çonnoiflànce  des  Temps  >  nous  ne  croyons  pas 
que  les  uns  puifiènt  différer  aflèz  fenfibiement  des 
autres ,  pour  occafionner  quelque  erreur  dans  les 
conférences  que  nous  en  tirons  r  fur  la  marche 
des  montres  marines  &  la  latitude  de  nos  Ob*- 
fervatoîres- 

Il  eft  inutile  cTa venir  que  pour  rendre  nos 
calculs  plus  naturels  &  plus  aifc's  à  fài/îr  y  nous 
avons  quelquefois  confondu  un  dixième  de  fe* 
conde  avec  an  douzième  r  ou  même  un  fîxième 
avec  un  cinquième.  Il  n'y  a  fans  doute  perfonne 
affez  déraisonnable  pour  nous  Élire  un.  crime 
d'avoir  négligé  dans  le  calcul  une  précifion  in> 
pofiïbJe  dans,  l'obfervation  ,  &  dont  la  confé- 
quence  ne  peut  être  qu'une  erreur  de  8  toifes 
dans  l'eftime  de  la  Longitude.. 

11  en  eft  de  même  de  la  comparai/on  que  nous 
avons  faite  de  là  marche  des  montres  avec  celle 
de  la  pendule..  U  cil  très-po/fible  que  nous  ayons 


PRÉFACE.  v 

quelquefois  fuppofé  que  la  comparaifon  a  été  faite 
à  midi  précis ,  quoiqu'elle  ne  l'ait  été  que  7  à  8 
minutes  après  midi.  Lorfque  la  diftance  de  midi 
a  été  plus  confidérable ,  ou  même  en  général  lorf* 
qu'il  y  a  eu  le  plus  léger  fondement  de  foupçonner 
qu'une  petite  négligence  pouvoit  occafïonner  la 
plus  petite  erreur  fenfible ,  nous  ne  nous  fournies 
jamais  cru  en  droit  de  nous  la  permettre- 

Avant  que  de  finir  cette  Pré/ace ,  je  crois  quH 
ne  fera  pas  hors  de  propos  de  faire  une  courte 
réflexion  fur  une  erreur  qui  femble  s'être  emparé 
de  quelques  efprks,  au  fujet  des  Sciences  que  l'on; 
peut  confulter  fur  la  détermination  des  Longitudes 
fur  mer.  Sera-ce,  dit-on,  à  l'Aftronomie;  fera-ce 
à  l'Horlogerie  que  la  Navigation  devra  la.  décou- 
verte de  cet  important  fecret  î  Ceux  qui  prx> 
pofent  cette  alternative  ne  font  pas  même  au  fait 
de  la  queflion.    Pour  que  le  Pilote  détermine 
avec  précifion  le  lieu  où  il  fo  trouve  fur  men, 
l'Aflronomie  feule  peut  fuffire,  fans  aucun,  fecouis 
de  la   paît   de   l'Horlogerie  :   l'Horlogerie ,  au 
contraire,  efl  absolument  inutile,,  ii  l'Ail  ro  no  mie 
ne  fait  au  moins  les  trois  quarts  de  l'ouvrage.. 
C'eit  l'Aftronomie  feule,  qui   drefïè  les  Tables 

•  •  • 


4(j  PRÉFACE. 

dont  le  Pilote  fe  fert  pour  déterminer  fâ  latitude; 
c'eft  elfe  qui  lui  fournit  les  moyens  de  s'aflurer 
de  la  drredion  de  ion  aiguille;  c'eft  elle  qui  lui 
fait  connoîtro  l'heure  vraie  du  lieu  où  il  fe  trouve: 
l'Horlogerie  lui  indiquera  tout  au  plus  l'heure  du 
lieu  d'où  il  eft  parti;  &  encore  la  comparaison 
des  deux  heures  ne  donnera-t-etle  quelquefois  la 
différence  des  longitudes  qu'à  cent  Soixante  lieues 
près,  fî  i'Aftoonomie  ne  vient  encore  au  fecours 
en  déterminant  l'équation  qu'il  faut  employer 
pour  réduire  le  temps  moyen  en  temps  vrai ,  ou 
ie  temps  vrai  en  temps  moyen.  La  véritable  ques- 
tion qu'il  faut  propofer ,  eft  donc  fî  1'Aftronomie 
fuffira  feule  pour  la  découverte  du  iècret  des 
Longitudes,  ou  fî  elle  s'afîociera  l'Horlogerie  dans 
cette  recherche.  Dans  ce  fécond  cas  même,  je 
concilierai  toujours  aux  Marins  d'avoir  quelquefois 
recours  aux  Méthodes  purement  agronomiques. 
Quelque  parfaite  que  fbit  une  montre,  elle  peut 
^enfin  fe  déranger  ;  que  le  cas  arrive ,  le  Vaiflèau 
•court  les  plus  grands  rifques ,  fî  queiqu  autre 
Méthode  ne  fait  au  moins  foupçpnner  l'erreur. 


m  w 

VIJ 


TABLE 

Des  Chapitres  contenus  dans  cet  Ouvrage, 

Chapitre  I.  C/ bjet  du  voyage;  définition  des  Longitudes, 

terre fires;  récompenses  promifes  &  accordées  à 
ceux  qui  contribueraient  à  en  rendre  la  recherche 
moins  difficile  fur  mer.  page   il 

Chap.       1 1.  Examen  des  différentes  folutions  dont  le  problème 

des  Longitudes  eft  fufceptible ,  &  premièrement 
de  celles  qui  font  fondées  fur  tAJtronomie.     1 8. 

Chap.      III.  Examen  des  Méthodes  fondées  fur  la  Phyfiqut 

&  la  Mécanique.  36 

Chap.     I V.  Raifons  qui  mont  déterminé  à  faire  faire  une 

Frégate  four  accomplir  le  deffein  que  j'avois 
formé  de  faire  des  épreuves  fur  les  Longitudes. 

55, 
Chap»       V.  Départ  de   Paris  ;  defcription   du  Havre-de- 

Grâce  ;  opérations  &  obfervations  faites  en 
cette  ville,,  relativement  à  l'objet  du  voyage. 

Chap.    'VI.  Route  du  Havre  à  Calais  ;  fejour  en  cette  dernière 

ville,  &  fa  defcription.  90 

Chap.    VII.  Départ  de  Calais. pour  Dunkerque;  fejour  forcé 

en  cette  ville  ;  état  aûuel  de  Dunkerque.     124 


r 


vii}       TABLE  DES  CHAPITRES. 

Chap.   VIII.  Départ  pour  Amflerdam  ;    les  vents    contraires 

obligent  et  entrer  dans  la  Metife  :  arrivée  de- 
vant Roter  dam  ;féjour  à  là  rade  de  cette  ville  : 
voyage  à  Dort.  156 

Chap.      IX*  Route  de  Roterdam  à  Amflerdam,  par  Delft, 

la  Haye ,  Leyde  &  Harlem.  185 

Chap.       X.  Route  de  /'Aurore  de  Roterdam  à  Amflerdam. 

Chap.     X I.  Séjour  à  Amflerdam ,  idée  de  cette  ville ,  fa  pofltion 

géographique;  marches  des  montres  marines; 
voyages  à  Utrecht  &  à  Saenrdam.  z$j 

Chap.  XII.  Route  d 'Amflerdam  à  Helder ,    &    de -là  à 

Boulogne.  .    z  6j 

Chap.  XIII.  Séjour  &  opérations  faites  à  Boulogne ,  defeription 

de  cette  ville  :  retour  au  Havre.  288 

Chap.  XIV.  Récapitulation  de  ce  qui  concerne  les  montres 

marines  de  M.  Leroy,  &  conclufion  de  l'ou- 
vrage* 313 

Extrait  des  Registres  de  l'Académie  Royale  des  Sciences* 

Du  22  Juin  1768. 

IVjEflîeurs  d'Alembert,  Debory  &  Bailly,  qui  avoient  été 
nommes  pour  examiner  le  Journal  du  Voyage  de  M.  le  Marquis  de 
Cour tany aux  en  ayant  fait  leur  rapport;  l'Académie  a  jugé  cet  Ouvrage 
cligne  de  i'impreflion  :  en  foi  de  quoi  j'ai  /igné  le  préfent  Certificat. 
A  Paris  le  22  Juin  1768.  Signé  Grandjean  de  Fouchy  , 

Secrétaire  perpétuel  de  r Académie  Royale  des  Sciences* 


VOYAGE 


3        Sa      +o      3a       2a     10      2        Sa     4,0      3a      20      20        I       So     £0      3a      2i 


JOURNAL 


D  U 


VOYAGE 

D  E 

M.  le  Marquis  de  Courtanvaux, 

Pour  la  vérification  des  Inflrumens  relatifs 
à  la  Longitude. 


CHAPITRE     PREMIER. 
Objet  du  voyage  ;  définition  des  Longitudes  terrejlrts; 
récompenfes  premifes  ér  accordées    à   ceux  qui 
contribueraient  à   en  rendre   la  recherche  moins 
difficile  fur  mer. 

IONNOÎTRE  tOUS  les  jours  fijr  mer  le  lieu  Importance 
précis  où  l'on  eft,  éviter  dans  cette  eftime  connoifiànc* 
des  erreurs  qui  s'accumulent  quelquefois  Lcngimclo 
jufqu'à  cent  lieues  &  au-delà,  ne  plus  fur  mtT\ 
riiquer  d'échouer  dans  l'obfcurité  de  la  nuit  contre 

A 


2  Voyage 

des  terres  dont  on  fe  croit  encore  fort  éloigné ,  déter- 
miner avec  la  plus  grande  facilité  la  pofïtion  des  îles 
que  le  Navigateur  peut  rencontrer,  des  golfes  où  il  fe 
propofe  de  relâcher,  des  écueils  qu'il  doit  éviter,  des 
côtes  dont  il  veut  prendre  connoiflance  ;  tels  font  les 
fruits  qu'on  auroit  lieu  d'attendre  d'une  méthode  à 
l'aide  de  laquelle  on  pourrait  déterminer  les  Longitudes 
fur  mer.   Faut -il  donc   s'étonner  û  depuis   que  les 
Européens  ont  commencé  à  entreprendre  des  voyages 
maritimes  de  long  cours,  un  nombre  prefque  infini 
de  Mathématiciens  célèbres  ont  confacré  leurs  veilles 
à  la  recherche  de  ce  précieux  fecret,  aufli  difficile 
peut-être  à  découvrir,  mais  tout  autrement  eflentiel 
que  les  célèbres  problèmes  de  la  quadrature  du  cercle* 
de  la  duplication  du  cube  &  de  la  trifedion  de  l'angle! 
On  avoit  imaginé  depuis  quelque  temps  de  nouveaux 
inftrumens,  on  les  avoit  préfentés  A  l'Académie  comme 
devant  contribuer  à  la  connoiflance  des  Longitudes  ; 
l'Académie  avoit  jugé  qu'en  effet  ils  pouvoient  faciliter 
la  foiution  du  problème»  c'eft  pour  les  éprouver  fur 
mer  que  j'ai  entrepris  le  voyage  dont  je  rends  compte 
au  public. 
Ct  que  c'eft      La  pofïtion  d'un  lieu  fur  le  globe  terreftre  ne  peut 
^Loi^Uudc!  êtte  fondée  que  fur  la  détermination  de  fa  latitude  éc 

de  fa  longitude  :  la  latitude  d'un  lieu  n'eu  autre  chofe 

\      que  fa  diftance  à  l'équateur;  fa  longitude  eft  fe  diftance 

à  un  méridien  que  l'on  a  choifi  arbitrairement  pour 

être  le  premier  méridien.  On  peut  dire  en  général  que 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  J 

Ton  connoit  ia  longitude  d'un  lieu ,  Jorfquc  Ton  a 
établi  la  diftance  de  fon  méridien  à  quelqu 'autre  méri- 
dien connu  que  ce  puifle  être.  Pour  éçlaircir  ceci, 
qu'il  me  foit  permis  de  me  fervir  d'une  comparaifon; 
on  me  demande  la  pofition  d'une  certaine  lettre  fur 
cette  page  que  j'ai  devant  les  yeux;  on  me  dit  que 
cette  lettre  eft  diftante  de  trois  pouces  huit  lignes  du 
bord  fupérieur ,  ou  de  fept  pouces  trois  lignes  du  bord 
inférieur  de  la  page  ;  voilà  la  latitude  :  mais  cette  con- 
noi (Tance  feule ,  ne  fuffit  pas  pour  réfoudre  le  pro- 
blème ;  cette  condition  ,  d'être  à  une  certaine  diftance 
du  haut  ou  du  bas  de  la  page ,  ne  convient  pas  exclu* 
iîvement  à  une  feule  lettre,  elle  efl  commune  à  toute 
une  ligne,  &  comment  diftinguerai-je  entre  toutes  les 
lettres  de  cette  ligne  celle  que  l'on  me  demande!  je 
le  ferai  très-facilement ,  moyennant  une  féconde  con- 
dition :  qu'on  me  dife  quelle  eft  la  diftance  de  cette 
lettre  au  bord  de  la  page  qui  eft  à  ma  droite  ou  à  ma 
gauche;  ce  fera  la  longitude  de  cette  lettre,  &  le 
problème  fera  incontinent  réfolu. 

Que  je  me  trouve  fur' une  terre  inconnue,  ou  fur 
mer  hors  de  la  vue  de  toute  terre,  &  que  je  veuille 
connoître  ma  pofition  à  l'égard  de  Paris  ou  à  l'égard 
du  port  où  j'ai  appareillé,  il  eft  manifefte  que  ce  feroit 
bien  en  vain  que  je  confulterois  ce  que  je  vois  fur 
notre  globe;  H  ne  fe  préfente  à  mes  yeux  qu'une  im~ 
menfe  étendue  de  mer  ou  des  terres  dont  j'ignore 
abfolument  la  véritable  pofition  :  il  ne  me  refte  donc 

A  i; 


4  Voyage 

d'autre  parti  à  prendre  que  de  chercher  fi  le  ciel  ne 

me  préfenteroit  pas  quelque  objet  fur  lequel  je  puiffe 

me  régler. 

Mouvement      La  Terre  eft  ronde ,  ou  peu  s'en  faut  ;  les  aftres 

du  ciel.     paroifTent  tourner  autour  d'elle  en  vingt-quatre  heures 

d'orient  en  occident  :  dans  cette  révolution ,  ils  con- 

fervent  prefque  tous  la  même  diftance  à  deux  points 

du  ciel   immobiles  &  diamétralement   oppofés;  oi> 

appelle  ces  deux  points  Pôles  du  Monde,  &  les  points 

qui   leur  répondent  verticalement  fur  la  terre  font 

nommés  Potes  de  la  Terre;  un  des  pôles  eft  fitué  au 

nord ,  <Sc  l'autre  au  fud  :  le  cercle  de  révolution  que 

paroît  décrire  un  aftre  également  éloigné  des  deux 

pôles ,  ainfi  que  le  cercle  qui  lui  répond  verticalement 

fur  la  Terre  ,  eft  nommé  Equateur  ou  Ligne  Equinoxialc  ; 

c'eft  la  diftance  à  cette  ligne  que  Ton  appelle  Latitude. 

Détermï-         Ceci  pofé ,  il  eft  facile  de  concevoir  que  l'on  peut 

WStude  *  aifément  trouver  la  latitude  d'un  lieu ,  tant  fur  mer 

*ès-&cile.   qUe  flir  terre:  orï  a  des  inftrumens  avec  lefquels  on 

mefure  avec  aflez  de  précifion  la  plus  grande  hauteur 
des  aftres  fur  l'horizon ,  ou  leur  moindre  diftance  à 
notre  Zénith  ;  e'eft  le  nom  qu'on  donne  au  point  du 
ciel  qui  répond  verticalement  fur  notre  tête:  or  les 
Aftronomes  cûnnoiflent  &  ont  réduit  en  Tables  la 
diftance  de  tous  les  aftres  à  l'équateur  ;  connoiflant 
donc  la  diftance  de  notre  zénith  à  l'aftre ,  &  celle  de 
i'aftre  à  l'équateur,  on  connoîtra  la  diftance  du  zénith 
à  l'équateur,  &  par  conféquent  celle  du  lieu  où  l'on 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  £ 

eft  à  Féquateur  terreftre:  la  latitude  eft  trouvée;  nous 
fcvons  quelle  eft  la  diftance  de  la  lettre  que  nous  cher- 
chons au  bord  fupérieur  ou  inférieur  de  la  page- 

Si  nous  nous  en  tenons  aux  termes  de  notre  com-  Détcrmï- 
paraifon ,  il  femble  que  nous  n'aurons  pas  plus  de  Longitude 
difficulté  à  découvrir  la  diftance  de  cette  lettre  au  bord  **»-*»*• 
droit  ou  gauche  de  la  même  page,  c'eft-à-dire,  notre 
longitude  aétuelle  ;  c'eft  cependant  ce  que  Ton  ar 
cherché  inutilement  depuis  bien  àts  fiècles  :  nous 
avons  facilement  trouvé  notre  latitude,  c'eft-à-dire  > 
notre  pofition  nord  &  fud ,  parce  qu'au  nord  &  au  fud 
nous  avons  découvert  deux  points  fixes,  parce  que  les 
aftres  confervent  toujours  une  même  diftance  de  ces 
deux  points ,  parce  que  la  plus  grande  hauteur  de  ces 
aftres  eft  une  circonftance  qui  nous  afïure  que  ces 
aftres  font  nord  &  fud  à  l'égard  de  nous ,  ainfi  que 
les  pôles:  niais  de  l'eft  à  l'oueft  il  n'y  a  pas  de  point 
fixe  ;  tout,  comme  nous  l'avons  dit,  eft  dans  un  mou- 
vement  perpétuel  ;  c'eft  inutilement  que  nous  portons 
notre  vue  à  droite  &  à  gauche  „  nous  n'y  découvrons 
point  de  marge,  à  laquelle  nous  puiflions  comparer 
la  pofition  de  la  lettre  que  nous  cherchons:  il  faut 
<fonc  ici  que  l'efprit  humain  s'efforce  de  fuppléer  au 
défaut  dé  ce  que  le  ciel  Si  Ja  terre  femblent.  nous 
xèfufer. 

C'eft  de  l'Auteur  de  la  Nature  que  nous  tenons  cet  Recompenfe 
jefprit^  capable  de  pénétrer  jufqu'aux  cieux  les  plus     Ppîrmje? 
ékyés,  A  de  defcendre  jufqq'à  la   profondeur  de    Souwaîn* 

Aiii 


6  Voyage 

i  ceux  qui  dé-  l'abyme ,  pour  y  découvrir  des  vérités  auxquelles  nos 

le  foret  des  fens  ne  pouiToient  atteindre  :  les  Souverains ,  vives 

ngitu  es.   jmages  je  ja  Divinité  fur  terre,  ont  cru  qu'il  étoit  de 

leur  gloire  de  donner  de  l'aétivité  à  cet  efprit,  en 
i  animant  par  l'attrait  des  récompenfes  qu'ils  ont  pro~ 
mifes  à  ceux  qui  découvriraient  le  fecret  des  Longitudes 
fur  mer.  Les  anciens  ont  envifagé  ce  problème  avec 
affez  d'indifférence  ,  cela  n'eft  poinf étonnant  ;  bornés 
k  des  navigations  côtières ,  ils  perdoient  rarement  la 
terre  de  vue  :  l'ufage  même  de  l'aiguille  aimantée ,  dans 
Ja  fuppofition  qu'ils  en  auraient  connu  la  théorie,  leur 
aurait  été  prefque  abfohiment  inutile  ;  «mais  depuis  qu'à 
l'aide  de  cette  même  aiguille  oh  s'eft  frayé  de  nou- 
velles routes  au  travers  des  mers  immenfes ,  la  décou- 
verte des  Longitudes  eft  devenue  le  plus  utile  de  tous 
les  problèmes* 
Prix  Le  Nautonnier,  dans  l'Épître  dédicatoire  de  fa  Âtë~ 

PE?pafgneCn  ^méttie  de  r Aimant,  dit,  d'après  MafFée,  que  le  roi 
*en  de  Portugal ,  Jean  1 1 ,  avoit  engagé  plusieurs  habiles 
Mathématiciens  de  fon  fiècie  à  la  recherche  de  la 
folution  de  ce  problème:  ce  Prince  les  aurait  fans 
doute  récompenfes  du  fuccès ,  mais  il  ne  paraît  pas 
qu'il  fe  foit  généralement  engagé  à  payer  cette  déco** 
verte ,  de  quelque  part  qu'elle  lui  eût  été  adreffée.  Si 
Philippe  II,  roi  d'Efpagne,  propofa  un  Prix  fignalé 
pour  celui  qui  trouverait  la  feience  des  Longitudes , 
comme  le  dit  Morin  * ,  il  faut  fuppofer  que  cette 

h  *  Page  x  de  fon  Fsâum. 


de  M.  de  Court anvaux.        7 

promette  n'étoit  que  vague  &  générale,  &  qu'elle  ne 
fut  point  consignée  dans  les  archives  publiques;  autre- 
ment elle  n 'auroit  certainement  pas  échappé  à  la  con- 
noiflance  de  le  Nautonnier.  Le  même  Morin  (a)  dit 
cxpreffément  que  Philippe  III  fut  le  premier  qui 
s'engagea  folennelkment  à  donner  un  Prix  de  cent 
mille  écus  à  celui  qui  auroit  réfolu  le  problème  :  ce  bel 
exemple  fut  auffitôt  imité  par  les  États  Généraux;  la 
récompenfe  que  ceux-ci  proposèrent  fût  de  cent  mille 
florins  (b).  J'ai  cherché  inutilement  la  date  de  cette 
promeffe  de  Philippe  1 1 1  ;  je  la  juge  poftérieure  à 
Tannée  1603  :  le  Nautonnier  faifoit  imprimer  fa  Mè- 
cométrie  en  cette  année  &  en  la  fui  vante;  il  étoit,  à  ce 
qu'il  femble ,  intérefTé  à  faire  mention  de  cette  pro- 
mette, s'il  en  eût  eu  connoiflance,  &  il  ne  dit  pas  un 
mat  qui  puiffe  y  avoir  rapport.  Dounot,  de  Bar-le-duc , 
profeffeur  de  Mathématique  aux  Académies  du  Roi , 
réfuta  le  Nautonnier  en  1 6 1 1  ;  il  témoigne  (c)  «  qu'on 
n'entendoit  parler  d'autre  chofe  en  Hollande ,  finon  « 
de  personnes  qui  propofoient  leurs  inventions  pour  « 
les  Longitudes ,  y  étant  attachés  par  la  récompenfe  « 


(a)  Scient.  Longït.  pag.  1. 

(b)  Je  fuis  les  plus  anciens 
Écrivains  qui  ont  parlé  de  ces 
promefles ,  fans  prétendre  pour 
cela  contredire  RiccioU ,  qui  dh 
(  Géogr.  réform.  /.  rtll,ft&.  m, 
€%ap.  93.  )  que  «  Philippe  III 
»  avok  promis  un  revenu  annuel 


de  <Jooo  pièces  d'or  à  Louis  ce 
Fonfeca ,  &  un  de  8000  à  «c 
Azias  Loyola;  &  que  les  Hol-  •* 
landois  s'étoient  obligés  à  payer  ce 
j  0000  florin^  à  cetui  qui  ce 
trou veroit  le  premier  le  point  <* 
de  la  Longitude  »•» 
(c)  FoL  jf  l+ 


•»• 


6  Voyage 

»  promrfe  par  les  États:  mais  jufqu'ici,  ajoute-t-iî, 
perfonne  n'en  efl  venu  à  bout-  »  Ceci  paraît  fignifier 
-qu'il  s'éioit  déjà  écoulé  quelque  temps  depuis  la  pro- 
mefle  des  Etats,  &  à  plus  forte  raifon  depuis  celle  de 
Philippe  III  :  ces  deux  promeffes  ont  pu  être  Élites  en 
1 604. ,  ou  bien  peu  de  temps  après. 
Tentatives        Leur  effet  fut  moins  heureux  que  prompt;  il  avoic 

4ofructueuies*  * 

déjà  paru  quelques  mauvaifes  folutions  du  problème: 
l'on  en  publia  bien  davantage.  L'Efpagne  fut  plufieurs 
fois  trompée ,  dit  Morin  (a).  Nous  venons  de  voir 
<ju'on  ne  parloit  d'autre  chofe  en  Hollande;  on  pro- 
pofoit  des  méthodes,  on  préfentoit  des  projets  de 
machines  ;  les  Holiandois  fe  lafsèrent  de  payer  les  frais 
de  conftru&ion  de  ces  machines  ,  dont  aucune  ne 
réufliffoit  ;  ils  déclarèrent  qu'ils  n'en  admettraient  plus 
qui  ne  fût  exécutée  (b).  Michel  Florent  de  Langres  (c), 
Flamand,  crut  vers  1 634  avoir  pénétré  le  fecret ,  il  fit 
hommage  de  fa  découverte  à  Philippe  IV,  roi  d'Ef- 
pagne,  qui  lui  accorda  une  penfion  de  douze  cents 
écus ,  en  attendant  une  plus  grande  récompenfe,  lorfque 
les  tables  de  la  Lune  feroient  perfectionnées  (d). 
Récompcnfa  Nous  ne  trouvons  pas  que  nos  Rois  fe  foient  jamais 
o^momffe  folennellement  engagés  à  récompenfer  celui  qui  aurait 
paFÎInfcisdc  trouvé  l'art  de  déterminer  ks  Longitudes  fur  mer:  au 


(a)  Faflum,  page  1. 

(b)  Morin ,  Scient,  longit.p.  2 . 

(c)  Je  l'appelle  de  Langres, 
ainfi  qu'il  eft  nommé  par  Morin  ; 


il  eu  plus  connu  des  Aftronomes 
fous  le  nom  de  Langrcnus. 
(d)  Morin ,  Faftum,  p.  41 4 

relie 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  9 

refte  il  n'y  a  manqué ,  pour  ainfi  dire ,  que  fa  forme; 
le  zèle  qu'ils  ont  toujours  témoigné  pour  le  progrès 
des  Sciences ,  &  l'ardeur  avec  laquelle  ils  ont  embrafle 
toutes  les  occafions  d'accorder  de  telles  récompenfes , 
étoient  des  garans  bien  affurés  que  leur  générofité  ne 
céderoit  en  rien  à  celle  des  rois  d'Efpagne,  &  des 
Etats  Généraux  :  c'eft  (ans  doute  cette  volonté ,  tou- 
jours permanente  &  fouvent  manifeftée,  qui  a  engagé 
quelques  auteurs  à  nommer  les  rois  de  France  à  la 
tête  des  Princes  qui  s'étoient  engagés  à  récompenfer 
les  inventeurs  de  ce  fecret  fi  défiré  (a). 

Guillaume  le  Nautonnier ,  fieur  de  Caftelfranc  f  fit  L« 
imprimer  en  166  3  fa  Mécométrie  de  f Aimant,  c'eft-à-dire,  récompense, 
fon  art  de  découvrir  les  Longitudes  par  la  déclinaifon 
de  l'Aimant;  il  la  dédia  à  Henri  IV :  le  Nautonnier 
n'étoit  point  l'auteur  de  la  Méthode  qu'il  propofoit; 
Touffaint  Beflard ,  d'Auge  en  Normandie ,  l'avoit  fait 
imprimer  en  1574,  à  Rouen,  fous  le  titre  de  Dialogue 
de  la  Longitude  ejt-ouejt :  cette  Méthode  d'ailleurs, 
d'incertaine  au  moins  qu'elle  étoit  alors ,  eft  devenue 
abfolument  fautive  :  Caftelfranc  fut  cependant  récom- 
penfé  par  ordre  du  Roi  d'une  honnête  penfion  (b). 

Benedetto  Scotto,  gentilhomme  Genevois  (c) ,  fit      Scotto 

débouté. 


\ 


(a)  Fournicr ,  Hydrogr.  lit. 
XI 1,  c.  3. 

(b)  Dounot,  ConfutaU  de  la 
Aîicométrie ,  dans  l'avis  au  Lec- 
teur.  Benedetto  Scotto ,  Ufage 


des  Longitudes,  page  3. 

(c)  C'elt  le  titre  que  Scotto 
fe  donne  ;  mais  il  étoit  de  Gènes , 
&  non  pas  de  Genève. 


B 


io  Voyage 

imprimer  en  1 623 ,  un  ouvrage  intitulé ,  Ufage  ér  Pra- 
tique des  'Longitudes ;  il  prefle  fort  Louis  XIII  de  lui 
accorder  une  récompenfe  proportionnée  à  l'impor- 
tance de  cette  découverte  :  il  paroît  qu'on  lui  avoit 
fait  efpérer  cette  récompenfe ,  s'il  réuffifToit  dans  fes 
recherches  ;  le  confeil  du  Roi  délibéra  en  effet  fur  cet 
objet,  mais  l'invention  de  Scotto  y  fut  jugée  faujje  ir 
pleine  d'ignorance  (a):  il  fuffit  de  jeter  un  coup  d'oeil 
fur  l'ouvrage  de  Scotto,  pour  fe  convaincre  de  l'équité 
de  ce,  jugement. 
Méthode  Jean-Baptifte  Morin,  de  Villefranche  en  Beau- 
Morin ,  -  jolois  ,  dodteur  en  Médecine  ,  profeueur  royal  de 
jrtompVnfée  Mathématiques,  annonça  avec  confiance,  en  1634, 
enfuuc,  qu'il  avoit  enfin  découvert  le  vrai  fecret  des  Lon- 
gitudes, qu'il  avoit  droit  en  conféquence  de  prétendre 
aux  cent  mille  écus  d'Efpagne  &  aux  cent  mille  florins 
de  Hollande  promis  à  l'auteur  d'une  telle  découverte; 
mais  qu'il  croiroit  commettre  un  crime,  fi,  né  Fran- 
çois &  honoré  du  titre  de  Profeffeur  royal ,  il  fàifoit 
hommage  de  fon  fecret  à  d'autres  qu'à  fon  Souverain  , 
le  lai  (Tant  d'ailleurs  l'arbitre  de  la  récompenfe  que 
Morin  croyoit  mériter  (b)  :  le  cardinal  de  Richelieu 
ne  balança  pas  à  faire  efpérer  à  Morin  qu'il  reffentiroit 
tous  les  effets  de  la  générofité  du  Roi ,  fi  fa.  décou- 
verte étoit  jugée  telle  qu'il  l'annoaçoit  ;  une  commif- 
fion  fut  nommée ,  M.  de  la  Porte  f  Commandeur  de 

(a)  Morin,  Faftum,  page  2. 

{bj  Morin,  Scient.  Longit.  &  Fafium paflim. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  II 

l'ordre  de  Malte,  &  Intendant  général  du  commerce 
&  de  la  marine  de  France,  y  préfidoit,  accompagné 
de  M/-  de  Cam,  Treillebois  &  Letier,  Capitaines  de 
vaifleaux;  les  CommifTaires -Juges  étoient  M.rs  le  Pré- 
fident  Pafchal,  Mydorge ,  Beaugrand,  Boulenger  & 
Hérigone;  on  s'affembla  au  mois  de  mars  à  T  Arfenal  :  en 
préfence  d'un  nombre prefque  infini  d'auditeurs,  Morin 
démontra  rigoureufement  plufieurs  méthodes  de  con- 
«oître  les  Longitudes  fur  mer,  par  différentes  pofitions 
de  la  Lune  à  l'égard  des  Étoiles  ;  les  proportions  de 
Morin  étoient  exa&es  *,  elles  font  le  fondement  de 
tout  ce  qui  a  été  dit  depuis  de  meilleur  fur  la  méthode 
de  trouver  les  Longitudes  par  le  mouvement  de  la 
Lune  :  les  CommifTaires  parurent  fatisfaits  ;  ils  don- 
nèrent cependant  quelques  jours  après  au  Cardinal 
leur  avis  abfolument  défavorable  aux  proportions  de 
Morin  ;  celui  -  ci  leur  répondit ,  &  joignit  à  d'afTez 
bonnes  raifons  des  inventives  très-amères,  n'épargnant 
pas  même  le  cardinal  de  Richelieu ,  qui  avoit  cru 
devoir  fe  tenir  à  l'avis  des  CommifTaires.  Ce  que  l'on 
objeéloit  de  plus  plaufible  à  Morin  étoit  l'imperfection 
des  Tables  de  ce  temps,  trop  grande  pour  ne  pas 
influer  fur  la  pratique  des  Méthodes  propofées;  Morin 
répondoit   que   fes    Méthodes    mêmes   conduiraient 

*  Riccioli ,  Géograph.  riform.  lib.  v  1 1 1 ,  fe<fh  I ,  chap.  v  I ,  n.  6 , 
trouve  de  l'erreur  dans  deux  des  démonftrations  les  plus  exa&es  de 
Morin;  mais  c'eft  que  Riccioli  confond  la  longitude  de  la  Lune 
avec  ion  afceniion  droite. 

Bii 


14  VOYAGE 

Tromcflc  En  1 668  (a) ,  un  Allemand  jugeant  ne  pouvoir  être 
Louis  xiv  mieux  récompenfé  par  aucun  Prince  de  l'Europe  que- 
Aiieii.  Par  'e  ro*  ^e  France,  s'adrefTa  à  lui  fur  une  nouvelle 
méthode  de  déterminer  les  Longitudes  en  mer,  & 
obtint  un  brevet ,  par  lequel  Sa  Majefté  payant  feule 
un  fecret  dont  toutes  les  nations  dévoient  jouir ,  don-> 
noit  à  l'inventeur  foixante  mille  livres  comptant,  &  un; 
droit  de  quatre  fous  par  chaque  tonneau  du  port  de 
tous  les  vaifleaux  qui  fe  ferviroient  du  fecret;  le  Rot 
s'obligeoit  même  de  lui  faire  valoir  ce  fecret  huit  mille 
francs  par  an,  fe  réfervant  cependant  la  faculté  de  le 
retirer  moyennant  une  fomme  de  cent  mille  livres,  le 
tout  à  une  feule  condition,  c'étoit  que  l'inventeur  fît 
la  démonftration  de  fon  fecret  en  préfence  de  JVL 
de  Colbert ,  du  célèbre  M.  Duquêne  ,  &  de  M/* 
Hughens ,  Carcavy ,  Roberval  y  Picard  <Sc  Auzout  de 
l'Académie  des  Sciences  :  il  s'agifToit  d'un  Odomètrt 
ou  infiniment  propre  à  faire  connoître  la  quantité  de 
la  route  du  vai fléau  ;  cet  Odomètre ,  dit  l'hiftorien  de 
l'Académie,  étoit  aflfez  bien  imaginé  :  on  fit  cependant 
<Ies  objections  folides  contre  fa  précifion ,  6c  les  cent 
foixante  mille  livres  auxquelles.  l'Allemand  (ouchoit 
déjà  ne  lui  purent  faire  trouver  des  réponfes  fatisfai- 
fantes. 
Autres  L'année  fuivante  (b)  M.  Colbert  renvoya  par-devers 

prétendues 

eC<rnaICrtCS        (a)  ^ct  art'c'c  c^  «xwait  des  anciens  Mémoires  de  l'Académie, 
accueillies,     tome  /,  page  6  y. 

(b)  Cet  article  eft  pris  du  même  volume ,  page  /  /  /  &  fuiv, 


DE  M.  DE  C&U.RTANVAUX.  TÇ 

FAcadémie  un  habile  Àftronome  ,  qui  préiendoit  à 
Fhonnetfr  de  cette  même  découverte:  celui-ci  recou- 
Koit  à  la  Lune ,  dont  il  fuppofoit  le  mouvement  tou- 
jours égal ,  fans  aucune  attention  à  la  parallaxe  &  à  la 
réfraction.  La  même  année  un  Curé  de  campagne  vint 
du  fond  d'une  province  propofer  à  l'Académie  des- 
féveries  aftrologiques  furie  même  objet. 

Ces  mauvais  fuccès  découragèrent  ceux  qui  n'a-  t  Pfomcffc 

i  h  s  r        i  r  •  dcM'  ,cduc 

•voient  pas  de  meilleurs  moyens  a  propofer;  les  alpirans  d'Orléans, 
devinrent  plus  rares,  ou  du  moins  leurs  tentatives  ne  romcbRoh 
font  point  parvenues  jufqu 'à  nous:  on  perdit  même  de 
vue  les  Prix  propoféspar  les  rois  d'Efpagne  &  les  États 
Généraux.  Le  zèle  confiant  de  la  France  ,  pour  une 
découverte  auffi  pFécieufe,  fe  manifeftoit  cependant 
encore  de  temps  à  autre:  en  1722,  M.  le  duc  d'Or- 
léans ,  Régent ,  réitéra  les  promettes  faites  par  les  Rois 
prédéceffeurs  de  Louis  XV  *.  Ce  fut  vers  le  même 
temps  que  feu  M.  Rouillé  de  Meflay ,  ancien  Confeiller 
au  Parlement ,.  fonda,,  fous  le  bon  plaifir  de  SaMajefté, 
un  Prix  annuel^  dont  il  laifTa  le  jugement  à  l'Académie;      ?"*,*. 

I  Académie* 

ce  Prix,  qui  ne  fe  diftribue  plus  que  tous  les  deux  ans, 
doit  avoir  pour  objet  la  perfection  de  la  Navigation* 
En  1765  ,  l'Académie  propofa  pour  fujet  du  Prix: 
de  1 767 ,  la  meilleure  manière  de  mefurer  le  temps  h  la 
mer;  ce  problème,  comme  nous  le  verrons  plus- bas,. 
ne  diffère  prefque  pas  de  celui  de  la  découverte  des 
Longitudes:  le  Roi  a  non -feulement  applaudi  à  ce 

*  Hift.  de  FAcadémie,  1722  ,  page  1  qz. 


N. 


i6  Voyage 

choix ,  il  a  de  plus  daigné  déclarer  qu'il  fàvoriferoit 
puiiïamment  toutes  les  entreprifes  que  l'Académie 
jugeroit  nécefiaires  pour  s'afTurer  des  Méthodes  qui 
lui  feraient  propofées,  relativement  à  cet  objet. 
Prix  promis  De  toutes  les  promeffes  faites  à  ceux  qui  réuffiroient 
en  1714-      à  déterminer  les  Longitudes  furjner,  la  plus  folennelle 

a  été  celle  du  Parlement  d'Angleterre,  propofée  en 
juin ,  arrêtée  par  ies  deux  Chambres  en  juillet ,  & 
approuvée  par  la  Reine  Anne,  le  20  du  même  mois 
de  juillet  1*714.  Parladedu  Parlement,  on  nomme  un 
comité  perpétuel  de  CommifTaires  des  Longitudes,  fur 
l'autorité  duquel  les  fbmmes  promifes  doivent  être 
payées  fans  aucun  délai ,  par  le  Tréforier  de  la  marine. 
Le  Tréforier  eft  même  autorifé  par  cet  aéle,  à  avancer 
fur  Tordre  des  CommifTaires ,  ce  qu'ils  jugent  nécef- 
faire  pour  éprouver  les  inflrumens  dont  on  attend 
quelque  fuccès,  jufqu'à  la  concurrence  de  2000  livres 
fterlings^*^.  La  récompenfe  promife  eft  de  10000 
livres  fterlings  (b) ,  fi  la  méthode  trouvée  afTure  la 
Longitude  du  VaifTeau,  à  un  degré  de  grand  cercle 
près  (c);  de  1 5000  livres  (d),  û  l'exaélitude  eft  renfer- 
mée dans  les  bornes  de  deux  tiers  de  degré  ;  enfin ,  de 
20000  livres  (ej  fi  la  précifion  va  jufqu'à  un  demi- 


(a)  Ou  environ  45700  livres 
de  notre  monnoie. 

(b)  Près  de  228600  livres. 

(c)  Le  degré  eft  de  20  lieues 
marines  de  France  ou  d'Angle- 


terre, ou  d'environ  57000  de 
nos  toifes. 

(d)  Plus  de  343  800  livres. 

(e)  Plus  de  457000  livres» 

degré. 


DE  M.  DE  ÇOURTANVÀUX.  Ï7 

degré.  La  moitié  de  cette  récompenfe  doit  être  délivrée 
aufîitôt  que  les  Commiflaires  ou  le  plus  grand- nombre 
d'entr'eux ,  auront  décidé  qu'à  l'aide  de  la  méthode 
propofée,  les  Vaiffeaux,:font  eh  fureté  à  la  diftance  de 
80  milles  géographiques  *  des  côtes  ;  &  l'autre 
moitié  lorfqu'un  Vaiffeau  envoyé  par  ordre  des  Com- 
mi flaires,  de  quelque  port  de  la  Grande-Bretagne  à 
un  port  des  Indes  occidentales,  choifi  par  les  mêmes 
Commiflaires,  fera  reconnu  avoir  toujours  cûnfervé  fa 
longitude  dans  les  bornes  ci.-defliis  prefcrites.  Si 
quelque  invention  ne  reuffit  pas  au  defir  de  cet  allé, 
&  que  cependant  les  Commiflaires  la  jugent  utile  au 
public  &  à  la  Navigation ,  ils  font  en  droit  d  adjuger 
à  l'Auteur  une  récompenfe  moindre  que  celles  qui 
ont  été  fixées  ci-defliis,  &  proportionnée  à  l'utilité  de. 
l'invention.  Tel  eft  le  précis  de  cet  a6te  célèbre,  en 
Cpnféquence  duquel  l'honneur  de  la  découverte  des 

Longitudes  fetnbloit  devoir  être  réfervé  à  l'Angleterre. 

m  » 

Déjà  1 6  à  1 8000  livres  fterlings  ont  été  délivrées  > 
par  ordre  des  Commiflaires,  entre  les  mains  de  ceux 
dont  les  inventions  ont  été  jugées  utiles  à  la  folution 
du  problème. 

L'Académie  des  Sciences ,  en  propofant  cette  même 
découverte  pour  le  fujet  du  Prix  de  l'année  1767,   propofî^par 
ne  fe  diflimuloit  pas  que  ce  Prix  eft  fort  au-deflbus  ,,Aca£mî*  » 

•    1    .       i  pour! année 

de  ceux  que  le  Parlement  d'Angleterre  a  propofés  en      l767* 

*  Le  mille  géographique  eft  un  tiers  de  lieue  marine  ;  ainfi  8  o 
milles  font  z6  lieues  &  deux  tiers. 

.    c 


Sujet 
du  Prix 


iS  Voyage 

1714;  mais  elle  n'ignore  pas  qu'un  cœur  véritablement 
françois,  eft  plus  fenfrbie  à  l'attrait  de  la  gloire  qu'à 
celui  de  l'intérêt.  Elle  favoit,  d'ailleurs,  que  plusieurs 
Articles  de  Paris  travailloient  depuis*  long-temps  à  la 
Solution  du  problème  ,  &  qu'ils  croy oient  toucher 
bientôt  à  l'heureux  inftant  où  cette  précieufe  dccou* 
verte  devoit  couronner  leur  front  de  lauriers  immortels. 
L'attente  de  l'Académie  n'a  point  été  frufirée ,  <Jc  îi 
y  a  tout  lieu  d'efpérer  que,  quelque  grande  que  foît 
la  multiplicité  des  talens,  l'étendue  des  connoifiances , 
la  profondeur  du  génie ,  l'alfiduité  des  recherches  de  la 
nation  Angloife ,  la  France  ne  fe  verra  pas  contrainte 
de  lui  céder  la  gloire  de  la  première  &  de  la  plus  par* 
laite  folution  du  célèbre  problème  de  la  Détermination 
des  Longitudes  fur  mer. 


■^■^ 


CHAPITRE    II. 

Examen  des  différentes  folutions  dont  le  Problème 
des  Longitudes  eji  fufceptible ,  &  premièrement  de 
celles  qui  font  fondées  fur  tAJlronomie. 

VAftrono;  T  'Astronomie  fournit  des  moyens  fiï  facile»  Se 

"jâufitiirT*  *— '  fi  naturels  pour  déterminer  les  latitudes  tant  far 
«lethofe.    mer  ^uc  ^  terre  ^  q^'jj  n»e^  p0mt  étonnant  que  ce 

foit  la  première  feience  que  tes  Navigateurs  aient  con» 
fultée  fur  la  détermination  des  Longitudes  :  les  répanfes 
n'ont  pas  été  auûj  iàtisfaiiaates  qu'on  l'awoit  defiré» 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  19 

L'Aftronomie  indique  bien  des  méthodes ,  la  plupart 
font  reftreintes  à  des  circonftances  très-rares,  &  l'on 
demande  des  moyens  que  Ion  puifle  employer  tous 
les  jours.  D'autres  méthodes  exigent  dans  ks  inftru- 
mens  une  force  &  une  précifion  à  laquelle  la  Méca*? 
nique  ti  a  pu  encore  parvenir,  &  dans  les  Navigateurs 
des  connoiffances  qui  font  peut-être  un  peu  trop 
rares  parmi  eux.  On  a  donc  été  obligé  de  recourir  à 
d'autres  fciences  ;  la  plupart  fe  font  reconnues  dépendre 
en  ce  point,  de  l'Aftronomie,  &  ne  pouvoir  éclairer 
que  conjointement  avec  elle. 

Nous  avons  dit  en  effet ,  que  dans  l'intervalle  de  „  T°m« 

1  font  fondées 

24.  heures ,  tous  les  aftres  étorent  emportes  autour  de  fa*  la  mcfure 
fa  Terre  >  d'orient  en  occident.  La  circonférence  dtU  u  tcinps' 
Terre ,  ainfi  que  celle  de  tout  cercle ,  eft  divifée  en 
360  degrés;  ainfï  les  âftres  répondent  fucceffivement 
à  ces  360  degrés ,  dans  i'efpace  de  24 heures;  en 
une  heure  ils  paroiffent  avoir  parcouru  la  24,.'  partie  de 
3 60  degrés,  c'eft-à-dire,  1  5  degrés,  &  ainfï  à  propor-. 
tîon.  Il  arrive  de4k  qu'un  aftre ,  le  Soleil ,  par  exemple, . 
arrive  au  méridien  de  Paris ,  une  heure  plus  tôt  ou 
plus  tard  qu'à  un  autre  méridien  liftant  de  celui  de 
Paris  de  15  degrés  vers  l'occident  ou  vers  l'orient; 
&  ce  que  nous  difons  du  méridien  ou  de  la  ligné  du 
midi ,  il  faut  le  dire  auflfi  de  la  Kgne  ou  do  cercle  de 
deux  heures,  de  celui  de  cinq  heures;  en  un  mot»  de 
tous  les  cercles  horaires.  Il  fait  de~Jà  que  fi ,  fous  un 
méridien  inconnu ,  je  compte,  par  exemple  ,  £  heures  ~  I 

C  i;  1! 


20  K-    O  ~Y    A     G    E 

du  foîr ,  &  que  je  veuille  connoître  ma  Longitude ,  il 
fuffit  que  je  puiffe  découvrir  quelle  heure  il  eft  pour 
Jors  à  Paris ,  ou  dans  le  port  duquel  j'ai  appareillé ,  ou 
en  un  mot,  fous  un  méridien  connu  quelconque,  la 
différence  des  heures  réduite  en  temps ,  à  raifon  de  i  y 
degrés  par  heure ,  me  donnera  la  différence  des  Longi- 
tudes. L'Aftrônomie  fournit  des  méthodes  fort  fimples 
&  affez  faciles  pour  connoître  prefque  à  chaque  infbnt, 
l'heure  du  méridien  fous  lequel  on  fe  trouve  :  la 
queflion  fe  réduiroit  donc  à  connoître  l'heure  do 
méridien  de  deflbus  lequel  on  eft  parti,  ou  de  tout 
autre  méridien  connu. 

Cette  queflion  ferait  bientôt  réfblue  fi  Ton  obfer- 
voit  fréquemment  dans  le  ciel ,  des  phénomènes  éckr- 
tans  qui  fe  Ment  voir  par-tout  au  même  infiant 
phyfique ,  &  dont  l'heure  de  rapparition  fût  donnée 
pour  quelque  méridien  déterminé:  telles  font  les 
éclipfes  de  Lune.  La  Lune  s'éclipfe ,  parce  qu'entrant 
dans  l'ombre  de  la  Terre,  elle  cefle  de  nous  renvoyer 
la  lumière  du  Soleil  qu'elle  ne  reçoit  plus;  mais  par 
cela  même  qu'elle  ne  reçoit  plus  les  rayons  du  Soleil  p 
elle  ne  peut  pas  plus  les  renvoyer  à  Pékin  ou  à  Lima 
qu'à  Paris;  robfcurciflement  commencera  donc  en 
un  feul  infiant  phyfique,  &  finira  de  même  pour  tous 
les  pays  qui  ont  alors  la  Lune  fur  leur  horizon.  Les 
Tables  de  la  Lune  font  maintenant  aflez  perfection- 
nées ,  pour  que  Ton  connoîffe ,  à  deux  minutes  près , 
à  quelle  heure  une  éclipfe  <Je  Lune  doit  commencer 


Z>E  M.  DE  COURTANVAUX.  21 

&  finir  fous  un  méridien  connu,  comme  fous  celui 
de  Paris  ;  û  donc  on  voit  commencer  ou  finir  cette 
Eclipfe  une  heure  ou  deux  heures  plus  tôt  ou  plus  tard 
que  le  calcul  ne  l'annonce  pour  Paris,  on  peut  être 
afluré  que  la  différence  entre  le  méridien  fous  lequel 
on  fe  trouve ,  &  celui  deParis ,  eft  à  très-peu-près  d'une 
heure  ou  de  deux  heures,  c'eft-à-dire,  de  i  j  ou  30 
degrés:  on  eft  à  l'orient  de  Paris,  fi  l'Édipfe  a  com- 
mencé ou  fini  plus  tôt  qu'on  ne  l'avoit  annoncée  pour 
Paris  ;  on  eft  au  contraire  à  l'occident ,  fi  ces  phafes 
ont  été  obfervées  plus  tard  :  une  fimple  lunette  de.nuit 
fuffit  fur  mer  pour  l'obfervation  de  ces  Éclipfes;  fi 
i'Éclipfe  eft  totale,  il  eft  difficile  de  fe  tromper  de 
deux  minutes  dans  l'obfervation  de  Timmerfiort  &  de 
i'émerfion  :  ainfi ,  dans  ces  fortes  d'obfervations,  l'er- 
reur totale  ne  peut  aller  à  quatre  minutes  de  temps; 
l'on  aura  donc  mieux  qu'à  un  degré  près  la  longitude 
du  lieu  où  l'on  fe  trouve:  cette  méthode  eft  la  plus 
fimple  de  toutes,  il  paroit  que  c'étoit  la  feule  que  les 
Anciens  connuffent,  encore  ne  pouvoient-ils  l'em- 
ployer qu'avec  un  fuccès  très-équivoque,  vu  l'imper- 
feétiôn  de  leurs  Tables  &  de  leurs  Inftrumens.  L'in- 
convénient de  cette  méthode  confjfte  dans  la  rareté 
des  occafions  de  s'en  fervir*  à  peine  arrive-t-il  fîx 
éclipfes  de  Lune  dans  Tefpace  de  quatre  ans ,  dont 
deux  oïi  trois  feulement  font  totales  ;  de  ce  petit 
nombre  d'Éclipfes  il  n'y  en  a  que  la  moitié  qui  foient 
yiûbles  fur  un  même  horizon ,  &  le  brouillard  ou  ks 


22  Voyage 

nuages  peuvent  encore   empêcher   qu'on  n'obferve 

celles  qui  d'ailleurs  auraient  été  vifibles. 

Écripfes         Autour  de  la  planète  de  Jupiter  roulent  quatre  Lunes 

ddeJupi£?  femblables  à  la  nôtre ,  ai  par  conféquent  fufceptibles 

_,  d'Éclipfes;  on  les  nomme  les  Satellites  de  Jupiter:  nous 

Découverte  r  r 

de  m.  l'abbé  avons  des  Table  $  du  premier  Satellite  ,  portées  à  un 

tel  degré  de  perfection ,  que  le  doute  fur  le  véritable 
inftant  de  ces  Éclipfes ,  à  Paris ,  ne  peut  aller  à  deux 
minutes  ;  d'ailleurs  en  moins  d'une  minute  &  demie 
de  temps  ce  Satellite  a  perdu  ou  recouvré  toute  fa 
lumière;  fes  éclipfes  enfin  font  fréquentes,  elles  fe 
renouvellent  au  bout  de  42,  heures  et  quelques  mi- 
nutes :  les  Tables  du  fécond  Satellite  font  aufli  aflez 
exactes ,  il  met  peu  de  temps  à  perdre  ou  à  recouvrer 
ion  éclat ,  il  eft  éclipfé  deux  fois  par  femaine;  mais  ces 
Satellites  ne  fe  voient  point  à  la  vue  fimpie ,  il  faut 
même  des  lunettes  aflez  fortes  pour  bien  distinguer 
leurs  éclipfes  ;  &  les  môuvemens  du  Vaifîeau  rendent 
l'ufagè  de  ces  lunettes  irtipoflïble  fur  mer.  Il  à'agiroit 
donc  d'inventer  de  nouvelles  lunettes ,  faifant  un  grand 
effet ,  &  faciles  d'ailleurs  à  manier  nonobftant  l'agita- 
tioh  du  Navire ,  ou  même  de  trouver  quelque  moyen 
d'obfferVer  fur  mer  les  éclipfes  des  Satellites  avec  no» 
lunettes  actuelles ,  &  l'on  aurait  rendu  un  fefvice  im- 
portant à  la  Navigation.  M.  l'abbé  Rochon ,  Corref- 
pondant  de  l'Académie  des  Sciences ,  fe  flatte  d'avoir 
fuit  la  féconde  découverte,  il  a  éprouvé  fon  infiniment 
fur  mèr ,  &  il  parait  content  du  fuccès  :  comme  il  ntf 


DE  M.  DE  COU RTANVAUX.  2} 

J'a  pas  fournis  à  notre  examen ,  je  ne  puis  en  juger 
définitivement;  s'il  a  réuffi,  fa  découverte  eft  pré*- 
cieufe,  mais  elle  n'eft  pas  fuffifante.  Les  éclipfes  des 
deux  premiers  Satellites  font,  il  eft  vrai,  alTez  fré- 
quentes; mais  les   oc caftons   de   leg   obferver  font 
quelquefois  fort  rares  :  vers  le  temps  de  la  conjon&ion 
de  Jupiter  au  Soleil  »  il  s'écoule  foovent  trois  mois, 
fans  qu'il  y  ait  aucune  éciipfe  de  Salîtes  vifible; 
durant  crois  autres  mois ,  à  peine  s'en  rencontrera-t-il 
cinq  ou  fix  des  deux  premiers  Satellites ,  &  ces  .cinq 
ou  fix  obfervations  ppflibles  peuvent  être  {raverfées 
par  le  brouillard  ou  par  les  nuages  :  vers  le  temps  de 
l'oppofition  de  Jupiter ,  les  Éclipfes  vifiWes  fe  multi- 
plient; il  s'écoule  cependant  environ  un  mois,  durant 
lequel  il  eu  très-difficile,  &  peut-être  mime  impoflible 
fur  mer ,  de  les  obferver ,  à  caufe  de  Ja  trop  grande 
proximité  de  Jupiter  &  de  fon  Satellite  :  au  refte  l'ufagç 
de  ces  Éclipfes ,  fi  on  a  le  bonheur  de  les  obferver ,  . 
eft  précifément  le  même  que  celui  de$  éclipfes  de 
Lune. 

Durant  le  fîècle  dernier ,  on  agitoit  laqueftion,  û    tctipfo 
ies  éclipfes  de  Soleil  pouv oient  contribuer  à  la  déter-   *CJS, 
mination  des  Longitudes ,  .même  fhr  terre.  II  ne  faut  dj!ttj[es  **" 
pas,  en  effet,  raifonner  fur  les  éclipfes   de  Soleil 
comme  fur  celles  de  la  Lune  &  des  Satellites.  Dans 
celles-ci ,  ia  Lune  ouïe  Satellite  entrant  dans  l'ombre  de 
la  Terre  ou  de  Jupiter ,  cefle  d'être  éclairé  du  Soleil , 
&  ne  peut  plus  en  conséquence  nous  renvoyer  la 


24-  Voyage 

lumière  de  cet  àftre;  c'eft  un  fignal  inftantané  donné 
à  toute  la  partie  de  la  Terre  tournée  vers  la  Lune  ou 
vers  le  Satellite.  Dans  les  éclipfes  de  Soleil,  au  contraire , 
cet  aftre  ne  perd  rien  de  fon  éclat,  fes  rayons  font 
les  mêmes,  il  les  lance  avec  une  même  profufion, 
avec  une  égale  vivacité  ;  mais  la  Lune  fe  trouvant  entre 
le  Soleil  &  la  Terre,  intercepte  ces  rayons,  &  les 
empêche  de  parvenir  jufqu'à  la  Terre.  Or ,  la  Lune  ne 
peut  fe  trouver  au  même  infiant  entre  le  Soleil  & 
Paris ,  &  entre  le  Soleil  &  Pékin  ;  elle  eft  trop  petite 
&  trop  voifine  de  la  Terre  f  pour  cacher*  en  même 
temps  la  vue  du  Soleil  à  ces  deux  villes.  Cette  diffé- 
rence d'afpeiSl ,  qui  fait  que  lorfque  la  Lune  paroît  à 
Paris  couvrir  le  Soleil  ou  une  Étoile ,  elle  en  eft  encore 
à  quelque  di flan  ce  à  l'égard  de  Pékin ,  eft  ce  que 
les  Aftronomesappellent^W/rfxvr.Les  éclipfes  de  Soleil 
(  &  il  en  faut  dire  autant  des  éclipfes  ou  des  occultations 
des  Planètes  &  des  Étoiles  par  la  Lune)  ne  font  donc 
point  des  fignaux  in  flan  tan  es ,  dont  on  puifle  faire  le 
même  ufage  que  des  éclipfes  de  Lune  ou  des  Satellites; 
mais  faut -il  conclure  de -là  que  ces  éclipfes  font 
inutiles  à  la  recherche  des  Longitudes!  C'eft  ce  que 
tous  les  Anciens  ont  cru ,  fur  la  foi  de  Ptolémée  *; 
leur  opinion  étoit  au  refte ,  affez  jufte  à  certains  égards , 
dénués  de  lunettes  &  d'autres  inftrumens ,  ne  connoif- 
fant  que  très  -  imparfaitement  les  mouvemens  de  la 
Lune;  peu  inftruits  de  la  grandeur  de  la  Terre,  de  fa 

*  Geogniph.  ftb.  1,  c.  + 

diftance 


» , 


DE  M.  DE  COU RTAHVAUX.  2$ 

di fiance  à  ta  Lune ,  &  de  la  quantité  de  (a  parallaxe  de 
ce  dernier  aftre,  ils  ne  pouvoient  que  balbutier  fur 
Jes  éclipfes  de  Soleil  :  les  obfervations  qu'ils  en  auroient 
faites,  pour  en  déduire  les  Longitudes  de  quelques 
lieux  un  peu.  éloignés  les  uns  des  autres,  auroient  pu 
les  jeter  dans  des  erreurs  de  25  à  30  degrés  ,  & 
même  plus  considérables.  Kepler  (a),{\  je  ne  me  Ccs,^cIjRrcS 

1  .  '  préférables 

trompe ,  eft  le  premier  qui  ait  ofé  fe  roidir  contre  le  fur  terre 
torrent  :  tout  corps  opaque  préfenté  au  Soleil ,  jette  SatcStcs. 
derrière  lui  une  ombre  fort  mal  terminée  ;  les  bords 
dé  cette  ombre  font  comme  une  ombre  commen- 
çante, qui  fe  fortifie  ou  s'afFoiblit  par  des  dégradations 
infenfibles ,  une  pénombre  enfin ,  pour  me  fervir  du 
terme  des  Aftronomes.  Dans  les  éclipfes  de  Lune  il 
eft  très  -  difficile  de  diftinguer  cette  pénombre  de 
l'ombre  véritable,  &  par  conféquent  de  déterminer 
avec  quelque  précifïon,  les  momens  du  commence- 
ment &  de  la  fin  d'une  éclipfe.  On  en  peut  dire 
proportionnellement  autant ,  des  inflans  de  l'immerfion 
&  de  Témerfion ,  foit  des  taches  de  la  Lune ,  foit  de  la 
Lune  même,  foit  des  fatellites  de  Jupiter  dans  l'ombre 
de  la  Terre  ou  dans  celle  de  Jupiter.  Au  contraire,  Je 
difque  de  la  Lune  fe  trouvant  entre  le  Soleil  &  nous , 
eft  parfaitement  déterminé  ;  on  y  diftingue  même 
les  montagnes  &  les  enfoncemens  de  la  Lune  (b). 

(a)  In  Rudolphin.  cap.  XVI  &  XXXII. 

(b)  C'eft  ce  que  M.  le  prince  de  Croy  nous  a  afluré  avoir  très- 
Jmca  obfervé  à  Calais ,  fur-tout  dans  l'Édipfc  de  1765. 

.    D 


i6  Voyage 

Une  Etoile  entrant  derrière  ce  même  difque ,  fur-tout 
derrière-  fa  partie  obfcure,  ceffe,  en  un  inftant,  de 
paroître;  ie  doute  fur  le  moment  précis  de  Tim- 
merfion  ou  de  i'émerfion ,  ne  peut  durer  une  féconde 
de  temps  :  ce  font  ces  confidérations  qui  ont  engagé 
Kepler  à  préférer  les  obfervations*  des  éclipfes  de 
Soieii  à  celles  des  éclipfes  de  Lune.  L'incertitude  où 
l'on  étoit  alors  fur  la  véritable  quantité  de  la  parallaxe 
de  la  Lune ,  fut  {ans  doute  la  principale  caufe  du  peu 
de  progrès  que  cette  doétrine  a  eu  durant  tout  le  xvil.0 
fiècle.  Maintenant  que  nos  connoifïances  fur  la  véri- 
table théorie  des  mouvemens  céleftes  &  fur  la  parallaxe 
de  la  Lune  fe  font  perfectionnées,  il  n'eft  aucun  Aftro- 
nome  verfé  dans  cette  théorie ,  qui  ne  convienne  que 
les  éclipfes  de  Soleil  &  les  occultations  des  étoiles  par 
la  Lune ,  méritent  toute  préférence  fur  les  éclipfes  de 
Lune  &  fur  celles  des  fatelli tes  de  Jupiter ,  lorfqu'il  s'agit 
de  déterminer  avec  précifion  r  les  Longitudes  fur  terre. 
Jbeonveniens       Sur  mer,   cette   excellente    méthode  a  bien  des- 

de 

•es  Écipfcs.  inconvénient;  ces  éclipfes,  fur-tout  celles  de  Soleil r 

font  extrêmement  rares.  Pour  les  obferver  avec  quelque 
précifion ,  il  faut  des  inftrumens  un  peu  longs ,-  &  par 
conséquent  peu  maniables  fur  mer ,  à  moins  qu'on  ne 
puiffe  employer  à  cet  effet ,  la  lunette  de  M.  V Abbé 
Rochon.  Enfin,  pour  tirer  parti  de  ces  fortes  d'ob«* 
fervations,  il  faut  s'engager  dans  un  labyrinthe  de 
calculs,  où  il  n'eft  peut-être  pas  donné  à  tout  le 
monde  de  pouvoir  pénétrer.  Ceux  qui  ont  le  bonheur 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  2y 

de  poflcder  le  fil  nécefTaire  pour  s'engager  dans  ce 
labyrinthe,  ne  feront  pas  mal  d'en  faire  deux  fois 
le  tour ,  pour  être  aflurés  qu'ils  en  ont  rencontré  la 
véritable  iffue. 

Les  occafions  d'employer  les  méthodes  crue  nous  Mouvement 

if  r         r  r  *-i         n  ii  /       n*  .     ProPre  de  fit 

venons  d  expofer,  font  li  rares,  qu  il  a  fallu  neceflai-  Planètes, 
rement  en  chercher  d'autres  d'un  plus  fréquent  ufage.  uXcouvertc 
On  a  donc  continué  d'interroger  le  ciel ,  on  y  a  lu  ^mritud^ 
que  tous  les  aftres  vîfibles  emportés  par  un  mouvement 
commun  d'orient  en  occident,  confervoient  toujours 
la  même  difiance,  tant  entr'eux  qu'à  l'égard  du  pôle 
&  de  J'équateur,  excepté  fept  feulement,  qui  paroif* 
foient  avoir  un  mouvement  propre  prefque  contraire; 
c*eft-à-dire,  d'occident  en  orient,  s'éloignant  & 
fe  rapprochant  de  i'équateur  du  fud  au  nord ,  & 
du  nord  au  fud,  félon  des  loix  qu'on  a  étudiées  de 
pénétrées.  On  a  eflayé  de  faire  uikge  de  ces  mouve* 
mens  propres  pour  la  détermination  des  Longitudes. 
Par  exemple,  le  Soleil  partant  aujourd'hui  au  méridien 
de  Paris,  eft  à  une  certaine  diftance  d'une  étoile 
fixe  ou  d'une  étoile  qui  n'a  aucun  mouvement  propre; 
demain,  à  la  même  heure  de  midi,  ou  à  fon  partage 
par  le  méridien ,  il  fera  d'un  degré  plus  près  de  cette 
même  Étoile  ;  donc  aujourd'hui ,  à  une  heure  après 
midi,  il  aura  approché  de  deux  minutes  &  demie  * 
de  cette  Étoile ,  de  cinq  minutes  à  deux  heures ,  de 

*  Le  degré ,  ainfî  que  l'heure ,  fe  di vi(è  en  6  o  minutes ,  la  minute 
en  60  fécondes, 

D  ij 


28  Voyage 

Sept  minutes  &  demie  à  trois  heures ,  &  ainfi  de  fuite 
fur  ie  pied  de  deux  minutes  &  demie  par  chaque 
heure.  Si  je  fais  donc  par  les  Tables,  quelle  eft  fcr  dis- 
tance du  Soleil  &  de  cette  Étoile  à  midi  de  chaque 
jour  pour  le  méridien  de  Paris  r  &  que  par  des  obfer- 
vations  je  puifle  connoître  quelle  eft  cette  même  dif- 
tance  à  midi  fous  le  méridien  que  j'habite;  j'en  con* 
durai  l'heure  qu'il  eft  à  Paris ,  lorfque  je  compte  midi , 
&  par  conséquent  la  dlûance  de  mon  méridien  à  celui 
de  Paris.  Cette  Méthode,  excellente  dans  la  théorie, 
ne  vaut  rien  dans  la  pratique;  en  voicr  la  raifon  :  puiS- 
que  le  mouvement  du  Soleil  n'eft  que  d'uiî  degré  en 
24  heures ,  ou  de  deux  minutes  &  demie  par  heure  r 
une  erreur  d'une  demi  -  minute  fur  ce  mouvement  en 
occafionnera  une  de  trois  degrés  trois  quarts  ou  de 
Soixante-quinze  lieues  dans  la  détermination  des  Lon- 
gitudes. Or,  qui  peut  s'afliirer,  au  moins  fur  mer,  que 
la  Somme  de  l'erreur  des  Tables  &  de  l'erreur  de  l'ob- 
Servation  n'excédera  pas  une  demi  «minute  de  degré  ï 
te  mouvement  propre  du  Soleil  eft  donc  trop  Ientr 
pour  qu'il  puifle  être  ici  de  quelque  utilité:  celui  de 
Mars ,  de  Jupiter  &  de  Saturne  eft  encore  plus  lent  que 
celui  du  Soleil  ;  Vénus  &  Mercure  Sont  quelquefois 
plus  prompts,  mais  c'eft  dans  des  circonftances  où  il 
n'eft  pas  poffible  de  les  obferver  ;  d'ailleurs  leur  mou- 
vement* même  lorSqu'il  eft  le  plus  accéléré,  ne  l'eft 
pas  aflez  pour  qu'on  puifle  en  tirer  quelque  cçnclufioa 
fttisfaiSante.   Des  Sept  Aftres  qui  ont  un  mouvement 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  2$ 

particulier ,  en  voici  donc  fix  dont  on  ne  peut  faire 
ufage  pour  ia  détermination  des  Longitudes. 

Le  feptième  eft  la  Lune:  fon  mouvement  eft  de  Mouvement 
douze  à  quinze  degrés  en  24  heures  ,    ce  qui  fait  f*us*^ï£e 
ordinairement  plus  d'un  demi  -degré  en  une  heure ,  &  *  cette  detw- 
plus  d'une  demi -minute  de  degré  en  une  minute  de 
temps  ;  ce  mouvement  peut  être  affez  fenfible ,.  Se  par 
conféquent  fuffifànt  pour  l'objet  qu'on  fe  propofe  ici: 
atrffî  plufieurs  Auteurs  de  ce  fiècle  &  du  fiècle  précé- 
dent n'ont-ils  pas  craint  d'affurer  pofitivement  que  les 
mouvemens  de  la  Lune  étoient  feuls  capables  de  nous 
procurer  la  véritable  méthode  de  déterminer  les  Lon- 
gitudes tant  for  mer  que  fur  terre. 

Dès  le  xvi.e  fiècle,  Oronce  Fine,  Jearv  Vernierr 
Pierre  Apien ,  Pierre  Nunnez  ou  Nonius ,  Gemma 
prifius,  Daniel  Santbech;  &  dans  le  xviLe  fiècle  Jean 
Kepler ,  Chrétien  de  Sévérin  Longomontan ,  Pierre 
Hérigone  &  plufieurs  autres  ont  propofé  différentes 
méthodes  pour  conclure  du  lieu  obfervé  de  la  Lune  ia 
Longitude  du  lieu  où  fe  fait  l'observation  ;  mais  les 
premiers  ont  négligé  abfolument  l'effet  de  la  parallaxe, 
les  autres  ont  fuppofé  que  la  Lune  feroit  obfervée  à 
fon  paffage  même  parle  méridien,  ce  qu'il  ne  paroît 
pas  que  l'on  puiffe  foire' facilement  fur  mer.  Morin  eft 
le  premier  qui  ait  multiplié  les  méthodes,  &  qui  les 
ait  toutes  démontrées  géométriquement;  il  prend  la 
Lune  dans  le  méridien ,  il .  la  prend  ailleurs ,  il  fait 
oîx&rYer  Ha  hauteur ,  fon  azimuth  ,  fa  diftancevaux 

DU* 


3o  Voyage 

Étoiles,  fon  paffage  par- le  vertical  des  Étoiles,  &c 
tout  ce  qu'il  dit  eft  exaét,  mais  toutes  Tes  méthodes 
ne  font  pas  également  praticables  fur  mer  ;  les  deux 
meilleures  que  Ton  puiffe  fuivre  dans  ~un  cours  de 
navigation ,  font  celles  par  lefquelles  on  parvient  à 
connoître  le  vrai  lieu  de  la  Luné  par  fa  hauteur  ou  par 
là  di fiance  à  une  Étoile.  M.  Pingre  a  perfectionné  la 
première  dans  fon  État  du  Ciel,  armée  77//  Jr  fui* 
vantes,  Se  il  Ta  pratiquée  plufieurs  fois  avec  fuccès  dans 
fon  voyage  des  Indes  ;  mais  il  convient  que  chaque 
obfervation  lui  cotitoit  à  peu -près,  deux  heures  de 
calcul.'  Il  eft«  difficile  de  prendre  avec  une  précifion 
fuffifante  la  diftance  de  la  Lune  à  une  Étoile ,  en  ne  fe 
fervant  que  des  inftrumens  connus  jufqu'à  préfent. 
Ategamctre  M.  de  Charnières ,  Lieutenant  des  Vaifleaux  du  Roif 
Charnières,  jeune  Officier  plein  de  zèle ,  de  feience  &  de  talens  f 
vient  d'imaginer  un  infiniment  auquel  il  a  donné  le 
nom  de  Mégamètre ,  nom  grec  ,  relatif  à  l'ufage  de 
Tin Aru ment ,  qui  eft  de  mefurer  de  grandes  diftances:  en 
effet,  à  1  aide  de  cet  infiniment,  on  peut  mefurer  des 
appui fes  de  la  Lune  aux  Étoiles  jufqu'à  la  diftance  de 
dix  degrés.  Je  ne  m'étendrai  pas  fur  la  conftru£iion  & 
l'ufage  de  ce  Mégamètre,  fon  Auteur  ayant  clairement 
expliqué  l'un  &  l'autre  dans  un  ouvrage  imprimé  cette 
année  (  1767  )  par  ordre  du  Roi  :  d'ailleurs  l'appro- 
bation de  l'Académie  ne  doit  laifTer  aucun  doute  for 
l'utilité  de  cet  infiniment.  La  méthode  de  rechercher 
les  Longitudes  par  fe  lieu  de  la  Lune ,  fuppofe  de 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  31 

('exactitude  &  dans  les  Tables  de  la  Lune ,  &  dans 
l'obfervation.  Les  Tables  font  maintenant  portées  à  un 
tel  degré  de  précifion,  que  leur  erreur  n'excède  jamais 
deux  minutes,  &  eft  même  ordinairement  au-deffous 
d'une  minute.  Il  y  a  tout  lieu  d'efpérer  qu'avec  le 
Mégamètre  de  M.  de  Charnières,  on  aura  toujours 
mieux  qu'à  une  demi  -  minute  près  la  diftance  de  la 
Lune  aux  Étoiles  ;  on  viendra  donc  à  bout  de  déter- 
miner par  cette  méthode  les  Longitudes  à  un  degré , 
&  très  -  fouvent  à  un  demi  -  degré  près  ,  &  les  erreurs 
fondées  fur  Teftime  vont  fouvent  jufqu'à  7  ou  8  de- 
grés. Comme  avec  i'inftrument  de  JVL  de  Charnières 
on  ne  peut  mefurer  les  diflances  qu'au-defTous  de  dix 
degrés ,  on  ne  trouvera  pas  tous  les  jours  fur  la  route 
de  la  Lune  des  Étoiles  affez  voifines  d'elle,  &  affez 
éclatantes  pour  qu'on  puifle  fe  fervir  du  Mégamètre  ; 
mais  au  moins  on  trouvera  chaque  mois  plufiew> 
occafions  favorables ,  cç  qui  fuffit  pour  décider  de 
l'utilité  réelle  de  cet  infiniment.  Il  feroit  à  fou  ha  i  ter 
que  ces  obfervations  n'en  traînaient  point  à  leur  fuite 
une  multitude  de  calculs  qui  fembleront  peut-être  bien 
longs  &  bien  difficiles  à  la  plupart  des  Navigateurs  :  on 
pourrait  cependant  épargner  aux  Marins  une  partie  de 
ces  calculs,  en  leur  mettant  entre  les  mains  un  Aima- 
Bach  Nautique ,  tel  que  celui  qui  fe  fait  actuellement 
en  Angleterre  par  une  fociété  de  Savans,  choifis  & 
sécompenfés  par  le  Gouvernement.  M.  de  Charnières 
cfl  actuellement  occupé  à  dreffer  des  Tables  qui  ne 


32  Voyage 

tarderont  point  à  paraître,  &  qui  faciliteront  beaucoup 
i'ufage  de  cette  Méthode  aux  Navigateurs.  Les  récom- 
penfes  décernées  par  les  Commiffaires  Anglois  des 
Longitudes,  en  conféquence  de  Tadte  de  1*714.,  à 
ceux  qui  ont  contribué  à  la  perfection  des  Tables  de 
la  Lune ,  ou  à  leurs  héritiers ,  prouvent  combien  on 
efl  perfuadé  en  Angleterre  que  l'obfervation  des  moù- 
vemens  de  la  Lune  pour  la  détermination  des  Longi- 
tudes fur  mer  efl  au  moins  extrêmement  utile;  &  ces 
récompenfes  accordées  à  des  Allemands  &  à  des 
François  feront  en  même -temps  des  témoignages 
irréprochables  de  Tintégrijté  des  Juges  prépofés  à  la 
décifion  de  cette  importante  affaire. 
Détermina-  On  a  propofé  encore  plufieurs  autres  moyens  pour 
li^îtudcs  I'rer  Part*  de  'a  Luire-  Les  cornes  du  croiffant  font 
&juî?j*nim  ^enfiblement  aiguës  depuis  la  nouvelle  Lune  jufqu'au 

premier  quartier,  &  depuis  le  dernier  quartier  jufqu'à 
Ja  nouvelle  Lune  fuivante;  entre  le  premier  &  le 
dernier  quartier  elles  font  obtufes;  ce  n'eft  qu'aux 
inflans  du  premier  &  du  dernier  quartier  que  la  ligne 
qui  fépare  la  partie  obfcure  de  la  Lune  de  fa  partie 
éclairée ,  efl  véritablement  droite.  Cette  phafe ,  a-t-on 
dit,  doit  arriver  à  Paris  à  une  heure  déterminée  Se 
connue  ;  qu'on  l'obferve  à  une  autre  heure  ,  fous  tout 
autre  méridien,  la  différence  des  heures  donnera  celle 
jdes  Longitudes.  Mais  par  quel  moyen  s'affurera-t-on 
que  la  ligne  de  féparation  de  l'ombre  &  de  la  lumière 
£&  rigoureufement  droite  !  A  la  vue  fimple  on  rifquera 

de 


DE  M.  DR  CQU RT.ANVAUX.  JJ 
de-fe  tromper  au  mOips  d'une  heure  ou  de  15  degrés f< 
fur  la  Longitude  î  Aura-tron  recours  à  des  lunettes! 
La  ligne  de  féparation  interrompue  par  des  ombres  & 
des  progrès  anticipés  de  lumière,  fera  peut-être  d'autant 
plus  difficile  à  faifir;  que  l'oit  emploiera  des  lunettes, 
d'un  pi  lis  grand  effet.  De  plus,  quand  cette  njéthoda 
feroit  fans  défaut,  elle  feroit  toujours  fujette  à  l'in- 
convénient de  ne  pouvoir  être  employée  que  deux 
fois  par  mois,  c'eft-àrdire  ,  aux  inftam  précis  du 
premier  &  du  dernier  quaftier  de  la  Lune,  Un  de  çeé 
deux  quartiers  fe  trouvera  prefque  toujours  invifible. 
fur  l'horizon  fur;  lequel  on  pourrait  obferver,  l'autre  ; 
êi  ce  dernier,  quoique*  vifible,  ne  fera  point  obfervé, 
les  nuages  ou  ie  brouillard  y  mettront  obftacle,  . 
.  Cette  inégalité  de  la  ligne  de  féparation  de  la  lufljiène  Par  h 
&  de  l'ombre  fur  le  difque  de  la  Lune,. a  donné  ^TluL 
naiffance  à  une  autre  idée.  Vers  les  quartiers,  on  voit 
à  quelque  diftânee  de  cette  ligne ,  fes  fommets  de 
montagnes  éclairés,  &  parfaitement  ifôlés  de  toutes 
les  autres  parties  du  difque,  fur  lefquelles  tombe  la 
lumière  du  Soleil.  Ne  pourroit-on  pas,  par  une  fuite 
de  bonnes  obfervations;,: déterminer  les.momens.où 
ces  fomftiets  de  montagnes  commencent  ou  cèdent 
de  nous  renvoyer  ces  premiers  ou  ces  derniers  rayons 
de  lumière ,  &  en  dreffer  des  éphémérides  pour  Paris 
ou  pour  tout  autre  méridien  cojunu!  Ce  feroit. bien 
certainement  un  figrial  klftantané,  yîfible  ;à  tous  ceux 
fur  l'horizon  defquels  la  Lune  fe  trpttveroit  alors,  J 'en 

.  E 


14  Voyage 

conviens  ;  mais  pour  cet  effet ,  il  faudrait  employer 
4c  ttèa-fortes  fouettes,  &  comment  en  reroh-on  ufage 
fur  mer!  Je  dit  plus;  ta  rotation  de  la  Lune  fur  fou 
axe ,  relativement  au  Soleil ,  dure  preique  un  mois. 
£n  conféquence,  1e*  progrès  de  la  lumière  fur  (a 
furfâce ,  font  fort  lents,  le  lever  &  le  coucher  du  Soleil 
durent  chacun  ptos  d'une  heure  ;  les  premiers  rayons 
qui  tomberont  du  Soleil  fur  le  fommet  d'une  montagne 
de  la  Lune ,  ne  feront  probablement  pas  aperçus ,  vu 
Ja  trop  grande  diâance  &  la  foibiefle  de  la  lumière  ; 
à  proportion  que  cette  montagne  deviendra  plus 
éclairée,  on  la  découvrira  d'abord  avec  de  fortes 
lunettes,  entoile  avec  des  lunettes  de  moindre  portée: 
la  progreffion  fera  pareillement  fucceffive  .feion  que 
la  vqp  de  FOhfervateur  fera  plus  ou  moins  perçante, 
&  félon  qu'il  fera  pies  ou  moins  exercé  à  faifir  fe 
premier  point  d'apparition.  Cette  fucceflion  même 
variera  à  l'infini ,  félon  la  différence  de  la  pente  des 
montagnes,  félon  leur  expofition  tant  à  l'égard  du 
Soleil  qu'à  l'égard  de  la  Terre ,  &  même  félon  la  posi- 
tion refpective  des  autres  montagnes  qui  fe  trouveront 
entre  elles  &  le  Soleil  levant:  ce  font-là,  fans  doute, 
les  confidérations  qui  ont  fait  abandonner  cette  mé- 
thode. On  pourrait  ajouter  qu'une  éphéméride  de  la 
première  &  de  la  dernière  illumination  des  montagnes 
de  fe  Lune ,  ne  feroit  probablement  pas  facile  à  cons- 
truire ,  au  moins  û  on  vouloit  lui  donner  la  précifion 
nécefiatrement  requife  pour  l'ufage  qu'on  fe  propo- 


DE  AT.  DE  CoURTAfJVAUX.  $f 

ferait  é'en  fuirez  cette  méthode  eft  cette  que Langrctmui 
imagina  vers  ian  1634,  &  pour  JaqndJe  il  obtint  ds 
Pàiiîppe  IV;  roi  d'Efpagme,  «ne  penûx»  de  1200 
écus ,  rorome  oous  i 'ayons  dit  au  chapitre  précédent. 
Langjneau s  cependant  §*e  pnapafoit  que  d  employer  les 
momens  ait  le  fojnniet  dos  juamag&es  de  la  Lune 
commence  à  iétte  jécfairé  fa).  Cefl  Hevelius  {^/ 
qui  a  averti  que  ^irritant  où  ces  mornes  fooisneb 
ceffent  d'être  éclaieés.,  pouvait  oon-feulement  feiwir  au 
même  ufage  f  mais  que  de  plus  iJ  étoit  iâcile  de  l'oh* 
ferver  &  de  le  faifir  avec  plus  de  certitude  &  de 
précifion. 

Le  même  H«veti«6  Y* J  a  mwKxEê  de  determijaer    ,  p» 

les  cornes 

les  Longitudes  par  Ja  tfuuat  ion  d$s  cornes  &  des  taches  &  les  taches 
de  la   Lune,  mais   ces   méthodes    ont   été  rejetées  UBe' 

comme  d'un  ufage  trop  difficile,  .&  même  comme 
abiblument  infwffifantes.  J^r^  RicdioJi.  {<?). 

Enfin ,  quelques-tms  ont  cru  que  Centrée  &  la  fortie      Par  te 
des  fatellites  de  Jupiter  fur  de  dffque  de  cette  Pla-  des  Satellites 
nette  f  iOu  mtmt  les  conjonctions  des  Satellites  entre     c  uflWm 
eux ,  pouvoient  contribuer  à  la  découverte  des  Longi- 
tudes-; mars  oufon  peut  employer  fur  mer  des  inftru- 
mens  qui  faflent  dîftinguer  les  Satellites  de  Jupiter,  ou 
cela  eft  impoflïWe.  Dans  ce  fécond  cas ,  la  méthode 

/a)  Riccio!.  Géogr.  réfornou  i.  VULI*  jfr?. ./ ,  Vf.  j» 
(bl)  Bevel.  Selenogr.  cap.  j  £. 
fc)  «evéf.  ibid. 
4$  Riçcidï.  hiQ  inox  citât** 

E  iJ. 


/ 


j  6  V  O    Y  A    G    £* 

ne  pourra  être  employée  ;  dans  le  premier ,  je  conseille 
de  s  attacher  aux  feules  éclipfes  des  Satellites;  il  eft 
bien  plus  facile  de  diflinguer  quand  ils  perdent  ou 
recouvrent  leur  lumière ,  que  quand  ils  entrent  fur  le 
difque,  ou  qu'ils  en  fortent.  Quant  aux  conjonctions 
de  ces  Satellites  entr'eux,  vu  l'imperfection  de  Jeurs 
tables»  la  lenteur  de  leur  mouvement,  &  le  défaut 
d'ufage  dans  ces  fortes  d'obfervations ,  il  eft  poffible 
de  s  y  tromper  de  plufieurs  minutes. 


CHAPITRE    III. 

Examen   des   Méthodes  fondées  Jitr   la  Phyfiaut 

&  la  Mécanique. 

'  a  * 

Propriétés    T    'aimant,  ou  plutôt  l'aiguille  aimantée  eft'  jufqu'à 


de  l'aiguille 
aimantée. 


L 


préfeftt  le  fetil  fecours  que  la  Phyfique  ait  offert 
à  la  Navigation  :  c'efl  vers  la  fin  du  xni.c  fiècle ,  à  ce 
qu'on  prétend,  que  l'expérience  a  montré  que  l'armant 
avoit  deux  pôles,  &  que  fufpendu  librement  il  precioit 
de  lui-même  une  telle  fituation ,  qu'un  de  fes  pôles 
étoit  conftamment  tourné  vers  le  nord  &  l'autre  vers 

# 

Je  fud  ;  la  même  chofe  arrive  à  une  aiguille  touchée 
de  l'aimant,  &  fufpendue  par  fon  milieu  fur  une  efpèce 
de  pivot  :  cette  propriété  de  l'aimant  étoit  trop  natu- 
rellement liée  avec  fes  intérêts  de  la  Navigation ,  pour 
qu'on  ne  fe  foit  pas  bientôt  aperçu  de  cette  iîaifon» 
C'efl  à  l'aiguille  aimantée  ou  à  la  bouffole  qu'on  eft 


DE  M: DE  COURTANVAUX.         37 

redevable  de  la  découverte  du  nouveau  Monde  &  de 
tant  d'autres  pays ,  dont  auparavant  on  ne  foupçonnoit 
même  pas  l'exiftence;  c'eft  à  elle  qu'on  doit  l'art  de 
traverfer,  prefque  fans  danger,  les  mers  les  plus  vaftes 
&  les  plus  éloignées  de  notre  continent  :  les  Marins 
ne  confultent  prefque  que  leur  aiguille  fur  la  longitude 
de  leur  vai fléau. 

En  effet ,  que  Ton  connoifle  fur  mer  la  quantité  de  T  ,u„rag^  , 
chemin  que  1  on  a  fait  du  nord  au  fud ,  &  du  fud  au  pour  i'dtime- 
nord ,  &  que  d'un  autre  côté  on  fâche  de  combien  la  Longue- 
Toute  que  Ton  a  tenue  s'écartoit  de  la  direction  nord 
&  fud,  il  eft  démontré  que  ces  deux  conditions  fuf- 
fîfent  pour  marquer  fur  un  globe ,  ou  même  fur  une 
carte  réduite  le  point  précis  où  Ton  eft  arrivé;  on  faura 
par  conféquent  la  longitude  de  ce  point.  Or  les  mé- 
thodes connues  de  tous  les  Marins  pour  déterminer 
leur  latitude  leur  apprennent  combien  leur  vaifTeau  a 
fait  de  chemin  du  nord  au  fud;  &  leur  aiguille  les 
inftruifant  toujours  de  la  véritable  pofition  du  nord  & 
du  fud ,  ne  leur  permet  pas  d'ignorer  la  direction  du 
iiJIage  de  leur  VaifTeau ,  relativement  à  la  ligfte  nord  & 
fud.  Il  fembleroit  donc  qu'il  ne  leur  refteroit  plus  rien 
à  defirer  fur  la  détermination,  ou,  comme  ils  le  difent, 
fur  Yejiime  de  leur  longitude  :  cela  feroit  vrai ,  s'il  y 
avoit  des  moyens  affurés  pour  déterminer  avec  la  plus 
grande  précifion  l'inclinaifon  de  la  route  du  VaifTeau  ' 

avec  la  ligne  nord  &  fud;  mais  il  n'y  en  a  point, 
plufieurs  caufes  au^contraire  fendent  cette  détermination 

E*  a  • 
11/ 


38  Voyage 

très-difficile  &  très-équivoque  ;  l'aiguille  f  trop  petite» 
ne  marque  que  les  degrés  &  non  les  parties  de  degré; 
fa  véritable  dira&on ,  ou  la  quantité  de  (a  dédiaaifon 
n'eft  pas  parfaitement  connue  ,  du  fer<en  Ton  votfeage 
peut  en  altérer  la  direction  #  le  vent  prenant  le  Navire 
de  côté  luj  imprime  quelque  mouvement  latéral  »  & 
on  ne  peut  eftimer  avec  une  exaltitude  fu&fanfe  la 
quantité  de  cette  -dérive;  enfin ,  tSc  «c'éft  ici  la  principale 
caufe  de  la  faufldté  de  l'eftime,  des  courons  fous  l'eau 
entraînent  le  Vaifleau  dans  un  Tous  dans  lequel  il  ne 
femble  avoir  aucun  mouvement»  ou  bien  ils  accé- 
lèrent ,  retardent  &  modifient  Ton  mouvement  .appa- 
rent, fans  -que  l'on  puiffe  en  avoir  le  moindre  indice: 
auffi  les  Navigateurs»  obligés  de  recourir  à  cette  mé- 
thode faute  d'une  meilleure,  reoonnoiffc«tf-ik  fouvent 
des  erreurs  -énormes  dans  l'eftirne  4e  leur  Longitude; 
on  a  vu  ces  erreurs  s'accumuler  <ju£qu!à  7  à  6  tigrés» 
c'eft-à-dire ,  jufqu  a<i©o  lieues  marines ,  t&  quelquefois 
même  au-delà. 
Dédînaifon       L  aiguille  aimantée  ne  Je  dirige  pus  (tellement  as 

nord  par  un  de  fes  pôles ,  rju'dHe  me  dévie  >im  pea 
de  celte  dtreâion,,  foh  du  icôté  <de  ï'tft,,  fait  du  cfitë 
de  l'oueJt;  c'eft  cette  déviation  que  il'on  appelle  ids/*» 
naifan  de  l'aiguille;  les  Marins  lui  donnent auffi ïe  non 
de  rariariorr*  imats  ce  dernier  lerme  paraît  plus  propne 
à  caraâéfifer  un  nuire  effet  dont  nous  parlerons  phs 
bas.  Je  ne  doute  ipas  qu'on  natt  aperçu  la  ttéclinaiioo 
de  l'aiguille  Jièsipeu  de  temps  après-qu'onâ  commencé 


de 
l'aiguille» 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  39 

à  ta  fore  ufage:  on  fait  cependant  honneur  de  cette 
découverte  à  Gonfahre  Fernand  d'Oriedo ,  &  au  Vé- 
ftftîen  SébafKen  Cabot,  deux  excellais  Pilotes,  ou 
plutôt  Capitaines  de  VaifTeaux ,  qui  ont  fleuri  &  écrit 
tin  peu  avant  ie  milieu  du  xvi.c  frècie:  il  efl  au  moins 
certain  que  ceux-ci  ont  mis  par  écrit  leurs  obferva- 
tions  y  &  ils  font  peut-être  les  premiers  qui  aient  averti 
que  cette  déciinaifon  de  l'aiguille  n'étoit  pas  la  même 
par  toute  la  Terre. 

Cette  propriété  de  la  déciinaifon  de  l'aiguille ,  de    Variation 
varier  félon  les  lieux ,  a  fait  naître  l'idée  que  les  Lon*  déciinaifon, 
gitudes  pouvoient  être  connues  par  la  feule  obfer-  ^cc0ndurï 
vatron  de  cette  déciinaifon  :  on  a  donc  étudié  les  loix  Par  nnvt 

aux 

de  la  variation  ,  on  a  pofé  des  obfervations  pour  prin*  Longitudes. 
eipcs,  on  a  bâti  ià-deffus  des  fyftèmes,  on  a  nié  ou 
altéré  les  obfervations  qui  ne  s'accordoicnt  point  avec 
Thypothèie  embraffée ,  on  a  cherché  mille  prétextes 
pour  rendre  ces  obfervations  fufpeâes  ;  les  plus  foges 
&  les  plus  éclairés,  tels  que  Guillaume  Gilbert,  Simon 
Stevin ,  Dounot  &  autres ,  font  convenus  qu'il  falloit 
multiplier  les  obfervations,  rejeter  tous  les  fyftèmes, 
&  ne  confulter  que  l'expérience  :  en  effet,  l'expérience 
a  montré  qu'il  n'y  avort  point  de  méridien  magné- 
tique, c'eft-  à -dire,  qu'il  n'y  avok  aucun  méridien 
terreftre ,  ni  probablement  même  aucune  ligne  droite 
où  aucun  grand  cercle  le  long  duquel  t'aiguille  ou  fût 
fans  déciinaifon,  ou  en  eût  du  moins  une  uniforme; 
H  y  a  plus  ,  la  déciinaifon  n'eft  pas  même  confiante 


40  Voyage 

dans  un  même  endroit,  c'eft  une  vérité  dont  on  at 
douté  jufque  vers  le  milieu  du  dernier  fiècle ,  on  avoit 
même  dé  ia  peine  à  la  foupçonner  ;  le»  expériences 
ont  été  multipliées  depuis»  l'aiguille  déclinoit  à  Paris, 
il  y  a  cent  cinquante  ans ,  de  7  à  8  degrés  vers  j'eft; 
fa  déclinaifon  efl  maintenant  de  19  à  20  degrés  du 
côté  de  l'oued. 

Tous  les  Phyficiens  conviennent  donc  aujourd'hui 
que  la  déclinaifon  de  l'aimant  varie  non  -  feulement 
d'un  lieu  à  un  autre ,  mais  encore  dans  le  même  lieu 
en  differens  temps ,  &  Ton  n'a  pas  encore  découvert 
bien  décifivement  ia  loi  de  cette  double  variation» 
Voici  donc  à  quoi  fe  réduit  ce  que  nous  penfons  de 
la  déclinaifon  de  l'aimant,  relativement  à  l'affaire  des 
Longitudes:  i.°  il  nous  paroît  impoffible  d'établir  à  ce 
fujet  aucune  règle  générale  :  2. °  il  y  a  des  parages  où 
cette  méthode  efl  abfolument  impraticable ,  vu  que 
dans  ces  parages  un  feul  degré  de  variation  dans  la 
déclinaifon  de  l'aiguille  répond  à  30 ,  40  ou  jo  degrés 
&  plus,  de  variation  dans  la  Longitude:  3.0  il  y  a 
cependant  des  mers  où  cette  même  méthode  peut  être 
employée  avec  fuccès  ,  la  variation  de  la  déclinaifon 
de  l'aimant  y  efl:  prefque  égale  à  celle  de  la  Longitude; 
telle  efl  la  mer  des  Indes,  au  moins  dans  fa  partie 
occidentale.  Les  François  qui  font  voile  vers  l'île,  de 
France,  après  avoir  doublé  le  cap  de  Bonne-efpérance* 
Entretiennent  la  latitude  de  33  ou  34  degrés,  fud, 
jufqu'à  ce  qu'ils  s'efliment  au  moins  vis-à-vis  de  l'ilç 

Rodrigue  , 


DE  M.  DE  COURTANVAUX^         41 

Rodrigue,  ils  portent  alors  au  nord;  &  lorfqu'ils  font 
par  la  latitude  de  Vile  Rodrigue,  la  feule  déclinaifon 
de  l'aiguille  leur  apprend  s'ils  font  au-delà  de  cette» 
île,  ou  s'ils  font  entre  cette  même  île  &.  celle  de 
France  ;  ou  enfin  ,  ce  qui  eft  arrivé  quelquefois  lors- 
qu'ils ont  été  trop  prefles  de  remonter  au  nord ,  s'ils 
ont  manqué  les  îles  de  France  &  de  Bourbon  :  Mais 
comme  cette  pratique  n'eft  fondée  que  fur  les  obser- 
vations précédentes,  il  eft  à  propos  que  les  Naviga- 
teurs ne  confultent  ici  que  les  Voyageurs  qui  les  ont 
immédiatement  précédés  :  le  témoignage  des  plus 
anciens  pouvoit  être  vrai  pour  leur  temps ,  il  ne  le 
feroit  plus  maintenant.  En  1700,  l'aiguille  déclinoit  à 
Rodrigue  de  1 8  à  19  degrés  du  nord  à  l'oueft  ;  cette 
déclinaifon  eft  maintenant  réduite  à  1  o  degrés. 

Je  ne  fais  à  quelle  efpèce  de  fcience' rapporter     Méthode 

fingulière 

un  fecret  des  Longitudes,  que  deux  favans  Anglois  pouriadéter- 
(  M."  Wifton  &  Ditton  )  ont  très -gravement  propofé  Longit°udcs.C$ 
au  Parlement  même  d'Angleterre  dès  l'année  171 4, 
prétendant  avoir  mérité  le  Prix  arrêté  quelques  jours 
auparavant.  II  s'agiffoit  de  fixer  des  Vaiffeaux  fur  mer 
à  la  diftance  de  deux  cents  lieues  les  uns  des  autres  ; 
fur  chaque  Vaiffeau ,  à  l'heure  précife  de  minuit ,  on 
auroit  lancé  en  l'air  une  bombe,  qui,  vu  la  manière 
dont  la  mèche  auroit  été  ménagée ,  auroit  crevé  à  la 
hauteur  de  6440  pieds  ;  il  auroit  été  moralement  im- 
poffible  qu'un  Vaifleau  fàifant  voile  eût  été  plus  de 
huit  jours  (ans  entendre  une  de  ces  bombes  :  cela 

.F 


42  Voyage 

pofé ,  on  eût  eu  la  diftance  du  Vaifleau  voguant  au 
Vai fléau  fixe ,   foit  par  la  hauteur  apparente  de  la 
•  bombe,  foït  par  l'intervalle  de  temps  qui  fe  feroit 
écoulé  entre  la  vue  du  feu  6ç>  le  bruit  de  la  bombe  ; 
connoiflant  donc  la  pofition  de  ce  Vaifleau  fixe,  la 
diftance  où  l'on  eft  de  lui ,  &  la  fîtuation  refpe&ive 
que  Ton  occupe  par  rapport  à  lui ,  &  comparant  d'ail- 
leurs l'heure  du  Vaifleau  voguant  à*  celle  du  Vaifleau 
fixe,  qu'on  fait  être  bien  précifément  celle  de  minuit, 
il  auroit  été  impoflible  d'ignorer  la  Longitude  à  laquelle 
on  étoit  parvenu.   On  doit  être  perfuadé  que  je  n'au- 
rois  fait  aucune  mention  de  cette  méthode ,  fi  le  nom 
de  fes  Auteurs  ne  lui  avoit  pas  procuré  dans  le  temps 
une  efpèce  de  célébrité. 
Méthode        La  Mécanique ,  fcience  fi  utile  d'ailleurs  à  la  Na- 
par  fon**  ;  vigation ,  peut  lui  fournir  de  précieufes  découvertes , 
mfuffifancc.  relatives  à  celle  des  Longitudes  fur  mer.  Une  machine 

qui  feroit  connoître  avec  précifion  la  quantité  du 
chemin  que  l'on  a  parcouru  dans  un  temps  donné, 
contribueroit  efficacement  à.  entretenir  la  véritable  lon- 
gitude du  Navire  :  les  Marins  fe  fervent  à  cet  effet  de 
ce  qu'ils  appellent  \zLoch;  c'eft  une  efpèce  de  triangle 
ou  de  feéleur  de  cercle  en  bois,  garni  par  le  bas  d'une 
lame  de  plomb ,  afin  que  gardant  toujours  dans  l'eau 
une  fîtuation  verticale,  il  puifle  réfifter  plus  facilement 
aux  mouvemens  que  l'eau  tenterait  de  lui  imprimer  :  à 
la  partie  fupérieure  du  Loch  eft  attaché  une  corde 
longue  à  difcrétion ,  on  la  nomme  ligne  du  Loch  ;  la 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         43 

partie  de  la  ligne  du  côté  du  Loch  n'a  point  de  nœuds. 
Le  Vaifleau  imprime  aux  eaux  de  la  mer,  qu'il  di.vife, 
un  mouvement  que  Ton  nomme  remoux,  Se  Ton  juge 
que  ce  remoux  ne  s'étend  qu'à  une  certaine  cl i (lance 
du  Navire  ;  c'efl:  fur  cette  même  diitance  que  l'on  fe 
règle  pour  déterminer  celle  qui  doit  être  entre  le  Loch 
&  le  premier  nœud  de  la  ligne;  les  nœuds  font  ou 
doivent  être  à  la  diftance  de  47  pieds  &  demi  les  uns 
des  autres»  c'eft  la  cent  vingtième  partie  d'un  mille  ou 
d'un  tiers  delieue  :  lorfque  le  Loch  eft  jeté  à  la  nier, 
le  Pilote  file  de  la  corde ,  jufqu'à  ce  qu'il  tienne  le 
premier  nœud  dans  fa  main ,  alors,  en  lai  (Tant  échapper 
ce  nœud,  il  donne  l'ordre,  &  un  Pilotin  renverfe  une 
horloge  de  fable  ,  qui  ne  doit  durer  qu'une  demi- 
minute;  c'efl;  la  cent  vingtième  partie  d'une  heure: 
durant  que  le  fable  s'écoule ,  le  Pilote  file  de  la  corde 
autant  qu'il  eft  poflible,  c'efl;  -  à  -  dire ,  autant  qu'il  enr 
eft  demandé  par  le  Loch  qu'on',  fuppofe  durant  tout 
ce  temps  immobile  près  de  la  furface  de  l'eau  ;  lorfque 
la  demi-minute  eft  écoulée,  le  Pilotin  avertit  le  Pilote 
qui  cefle  au/Iitôt  à  filer  de  la  corde ,  &  qui  compte 
combien  il  s'eft  écoulé  de  nœuds  pendant  la  demi- 
minute  :  en  conféquence  de  l'immobilité  fuppofée  du 
Loch,  il  eft  clair  que  ces  nœuds  écoulés  ou  filés , 
pour  me  fervir  du  terme  des  Marins ,  mefureront  la 
route  du  Vaifleau  durant  cette  demi  -  minute  ;  or  j'ai 
filé  un  nœud  ou  la  cent  vingtième  partie  d'un  mille 
durant  une  minute  ou  durant  la  cent  vingtième  partie 

Fij 


/ 


44  Voyage 

d'une  heure ,  je  ferai  affuré  que  la  vîteffe  de  mon  Vaif- 
feau  eft  telle ,  qu'il  doit  parcourir  un  mille  en  une 
heure  ;  il  parcourera  par  heure  deux  milles ,  fi  j'ai  filé 
deux  nœuds  ;  trois  milles  ou  une  lieue ,  fi  j'en  ai  filé 
trois  ;  en  un  mot ,  autant  de  milles  par  heure  qu'il  fe 
fera  filé  de  nœuds  en  une  demi  -  minute.  Au  lieu  de 
fable ,  je  me  fervois  durant  mon  voyage  d'une  efpèce 
de  Montre  à  rouage,  que  m'avoit  prêtée  M.  du  Hamei 
pour  en  faire  exécuter  une  pareille  par  M.  Berthoud ,  la 
tente  d'un  reffort  fuffifoit  pour  la  monter,  fon  mou- 
vement ne  duroit ,  qu'une  demi -minute,  dont  elle 
marquoit  fucceffivement  les  fécondes.  Par  l'expofé  de 
cette  méthode  de  mefiarer  la  route  du  Vaiffeàu  par  le 
Loch,  il  parort  qu'elle  eft  ingénieufe  &  utile;  mais 
elle  n'eft  rien  moins  qu'exaéle:  eft-on  bien  affuré  que 
le  Loch  eft  réellement  immobile  à  fleur  d'eau!  eft -il 
bien  certain  qu'aux  inftans  où  on  le  jette  il  n'y  a  pas 
quelques  courans  qui  accélèrent  ou  qui  retardent  pour 
peu  de  temps  feulement  le  mouvement  du  Vaiffeàu! 
Les  Marins  joignent  la  méthode  du  Loch  avec  celle  de 
la  direction  du  mouvement  du  Vaiffeàu ,  connue  par 
l'aiguille  aimantée,  &  le  réfultat  n'eft  prefque  jamais 
exaét  ;  il  n'eft  point  rare  que  l'erreur  de  leur  eftime 
fur  la  Longitude  du  Vaiffeàu  aille  jufqu'à  cent  lieues , 
comme  nous  l'avons  dit  ci-defTus. 
odomètret,  Pour  remédier  aux  inconvéniens  du  Loch,  on  a 
«*£'  propofé,  foit  en  Angleterre,  foit  en  France,  d'em- 
ployer  d'autres  machines  auxquelles  on  peut  donner  le 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  45 

nom  iïOdomctre  ou  Mefure-chtmih.  On  a  inventé  des 
Odomètres  affez  ingénieux:  M.  Valois,  Officier  de 
marine,  en  a  préfenté  un  nouveau  à  l'Académie.  En 
arrivant  au  Havre,  au  retour  de  mon  voyage ,  j'ai  trouvé 
des  lettres  par  lefquelles  le  Miniftre  &  l'Académie 
m'invitoient  à  feire  fur  mer,  l'effai  de  cet  infiniment  ; 
mais  M.  Valois, qui  n  a  voit  pu  êtrepréveilu  de  mon  retour 
en  ce  port,  étoit  alors  en  baffe  Normandie,. avec  fon 
Odomètre  :  je  n'ai  pu  pour  cette  année,  faire  Té- 
preuve  que  Ton  défi  roi  t  de  moi.  Ce  qu'il  faut  fur-tout 
cbnfidérer  par  rapport  à  ces  inftrumens,  &  ce  qui  les 
rend  ordinairement  infufîîfans  pour  l'objet  qu'on  fe 
propofe,  c'efl  que  le  mouvement  du  Navire  dépen- 
dant de  deux  caufes,  du  vent  &  de  l'eau,  une  de  ces 
deux  caufes  peut  au/fi  imprimer  un  mouvement  à 
l'Odomètre ,  d'une  manière  &  dans  une  quantité  qu'il 
ne  fera  pas  poffible  d'apprécier.  Je  fuppofe  qu'un 
courant  emporte  le  Vaiffeau  vers  l'oueft,  &  que  le 
vent  lui  imprime  vers  l'eft  un  mouvement  parfaitement 
égal  au  premier,  le  courant  agira  fur  l'Odomètre 
comme  fur  le  Vaiffeau,  &  l'emportera  ou  lui  donnera 
une  impulfion  vers  l'oueft,  que  le  vent  ne  contreba- 
lancera point;  on  en  conclura  que  le  vaiffeau  avance 
vers  l'eft;  &  cela  n'eft  pas,  il  eft  immobile.  Au  con- 
traire ,  fuppofons  le  Navire  dans  un  calme  parfait , 
mais  emporté  par  un  courant  vers  l'oueft  ;  ce  courant 
emportera  de  même  l'Odomètre,  ou  lui  communi- 
quera la  même  impulfion  qu'au  Vaiffeau  '•  l'Odomètre 

TC^     •  •  • 

F  n; 


4$  Voyage 

en  cette  occafion,  fera  immobile  à  l'égard  du  Vaif- 
feau;  on  croira  le  Navire  en  repos,  on  fe  trompera, 
il  eft  emporté  par  le  courant.  On  voit  qu'en  fuppo&nt 
les  forces  du  vent  &  du  courant  inégales,  cela  n'em- 
pêche pas  que  l'Odomètre  ne  puifle  être  la  fource  d'une 
infinité  d'erreurs.  Telles  étoient  les  obje&ions  que  l'on 
faifoit  en  1668,  à  cet  Allemand,  dont  nous  avons 
parlé  au  chapitre  I.cr  :  l'impo/fibilité  d  y  répondre  lui  fit 
manquer  le  prix  de  160  mille  livres,  dont  Louis  XIV 
avoit  promis  de  récompenfer  fa  découverte. 
Horlogcsdc  Les  Marins  fe  fervent  de  Sabliers  ou  d'Horloges  de 
conveniez,    fable  ;  mais  J'ufàge  qu'ils  en  font ,  eft  totalement  étranger 

à  la  recherche  des  Longitudes.  Plufieurs  ont  tenté  de 
réfoudre  ce  célèbre  problème ,  par  des  Horloges  de 
cette  efpèce.  Trois  inconvéniens  s'oppofentau  fuccès, 
&  il  ne  paroît  pas  poffibie  d'y  remédier  ;  les  parties 
du  fable  ne  peuvent  être  afTez  égales  pour  qu'on 
puiffe  aflurer  que  l'écoulement  eft  toujours  uniforme* 
Le  fable  eft  fujet  à  des  degrés  fucceflifs  de  féchereffe 
6c  d'humidité  qui  rendent  fon  écoulement  plus  ou 
moins  lent  :  enfin  le  frottement  du  fable  femble  devoir 
nécefTairement  agrandir  le  petit  trou  par  lequel  il  s'é- 
coule. On  peut  négliger  le  très-court  intervalle  de 
temps  que  l'on  emploie  à  retourner  le  Sablier,  ou  fi 
cette  opération  demande  un  temps  d'une  durée  fen~ 
fible,  on  peut  l'eftimer  fur  une  Montre  à  fécondes,  en 
cas  que  l'Horloge  de  fable  emploie  placeurs  heures 
à  s'écouler  ;  mais  fi  l'écoulement  n'eft  que  d'un  petit 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  47 

.nombre  d'heures ,  le  renverfement  trop  fréquent  du 
fablier  forme  un  quatrième  inconvénient  bien  réel. 
Enfin,  une  Horloge  de  fable  de  peu  de  durée,  feroit 
jencore  expofée  à  un  inconvénient  peut-être  plus 
grand  que  ceux  que  je  viens  d'expofer  (  je  veux  dire 
à  la  négligence  de  ceux  qui  feroient  chargés  de  la 
tourner).  Tycho  avoit  voulu  fubftituer  du  vif-argent 
ou  du  mercure,  au  fable  que  Ton  emploie  ordinai- 
rement pour  ces  Horloges.  Il  donne  *  la  defcription 
du  procédé  qu'il  fuivoit  ;  mais  l'effet  ne  répondit  pas 
à  fes  efpérances. 

De  tous  les  arts,  celui  fur  lequel  on  peut  fonder     UtiKté 
J'efpérance  la  plus  légitime  de  la  découverte  des  Lon-  &  Horfoges 
gitudes  fur  mer ,  eft  celui  de  l'horlogerie.  Une  Montre  Etfo^dS 
ou   une  Horloge  quelconque  f  dont  le   mouvement  Longitudes. 
ieroit  parfaitement  égal ,  conferveroit  toujours  dans  le 
Vaiffeau,  l'heure  du  port  dont  on  feroit  parti,  fauf  les 
congédiions  qu'exigerait  la  différence   du  temps  vrai 
au  temps  moyen;  ces  corrections  font  bien  fimples 
&  à  la  portée  de  tous  les  Navigateurs.  L'Aftronomie 
fournit  des  méthodes  très-faciles  pour  trouver  l'heure 
vraie  fur  un  Vaiffeau ,  prefque  à  toutes  les  heures  de 
la  journée.  On  compareront  donc  l'heure  du  Vaif- 
feau avec  celle  qui  feroit  marquée  par  la  Montre  ou 
par  l'Horloge;  &  la  différence  des  heures  réduite  en 
•degrés,  à  raifon  de  quinze  degrés  par  heure,  donnerait 
-bien  précisément  la  différence  de  Longitude  entre  le 

*  Progymn.  tom.  I,  cap.  11,  pag.  149. 


4$  Voyage 

port  d'où  l'on  eft  parti ,  À  le  lien  où  fe  ferait  cette 
comparaifon. 
H.vioîfs  L'art  de  ITiorloOTie  e£  porté  maintenant  à  m  tel 
Ct^i  degré  de  perfection ,  fur-tout  en  France  &  en  Angle- 
dm*~.  terre,  qu'il  n'efl  pas  rare  de  trouver  des  Horloges 
parfaitement  ifcchvnts,  c'eil-à-dire ,  dort  le  mouvement 
eî!  abfoîument  égal  &  uniforme  en  tout  temps;  mais 
ces  Horloges  font  toutes  à  poids  &  à  pendule  :  or,  il 
ne  parcit  pas  que  les  mouvernens  du  YaHTean ,  prefque 
continuels  &  quelquefois  très-vïolens ,  fbtent  compa- 
tibles avec  la  régularité,  ou  même  avec  le  mouvement 
ofcîllatoire  d'une  telle  pendule.  On  a  propoie  des 
machines  pour  y  remédier.  II  n'y  a  pas  encore  long- 
temps  que  AL  Irwin  en  Angleterre,  a  imaginé  une 
ehaife  ou  une  table  nommée  de  fon  nom ,  la  Chmft 
dbwht  ;  les  fupports  en  étoient  tellement  ména- 
gés, qu'on  croyoit  qu'elle  ne  pouvoit  céder  aux 
moincmcns  du  Navire,  &  que  la  furfàce  fupérieure 
refleroit  toujours  parallèle  à  l'horizon.  Cela  pôle ,  une 
pendule  placée  fur  cette  ehaife  ou  fur  cette  table, 
aurait  toujours  confervé  la  même  fituation,  rien  n'aurait 
dérangé  fon  ifochronilme.  On  aurait  pu  pareillement, 
affis  fur  cette  table ,  obferver  à  l'aife ,  en  employant 
les  meilleures  lunettes  ou  télefeopes ,  &  avec  fa  plus 
grande  précifion ,  les  éclipfes  des  fateilîtes  de  Jupiter, 
&  d'autres  phénomènes  edeftes ,  capables  de  confbter 
la  véritable  Longitude  du  Vaiffeau.  U  faut  que  l'on  n  aie 
pas  tiré  de  cette  invention ,  tout  le  parti  qu'on  en 

efpcroit 


de  M.  db  Court aïi vaux.        49 

efpcroit  d'abord ,  puifque    la  Chaife   d'Irwin  paraît 
maintenant  prefquc  totalement  oubliée. 

Que  des  Horloges  à  roues  &  à  reflbrt  puifTent  P0*}?^ 
conferver  long-temps  leur  ifochronifme ,  c'eft  ce  que  Recherches 
Ton  ne;croyoit  pas  poflible  durant  le  dernier  fièclc; 
on  doutôit  même  «  fi  un  démon  pourrait  faire  une 
Horloge  auffi  jufte  qu'il  feroit  néceflaire  pour  une 
telle  opération,»  c'feft-à-dire,  pour  la  détermination 
des  Longitudes,  difoit  le  Père^Fournicr^//  Norioh£ 
tant;  cette  prétendue  impoffibilité,  plufieurs  Horlogers 
de  ce  .fiècle  ont  voulu  appliquer  leurs  talens  à  la 
découverte  des  Longitudes.  Henri  Sully,  Anglois  (h) , 
s'occupoit  de  cet  objet,  même  avant  i'aéte  par  lequel 
Je  Parlement  d'Angleterre  promettait  de  grandes  récom- 
pensa à  ceux  qui  rcuiïiroient  à  déterminer  les  Lon- 
gitudes fur  mer  :  ce  grand  homme  auquel  la  France 
eft  en  grande  partie. redevable  da  la  perfection  de. fou 
horlogerie,  vint  s'cjtabJir  à  Paris  vers  la  fin  de""  1714.* 
tout  occupé  des  moyens  de .  conftruire  v>ne  Montre 
marine, -fur  laquelle  les  Navigateurs  puflènt  compter 
pourra  détermination  de* leur  Longitude.  Dès  1  annte 
iyi6\  il  préfenta  une  .Montre  de  fon  intention,  à 
l'Académie  des  Sciehces;  elle  fut  approuvée,  i.°  à 
caufe  de  ta  diminution  cônfidérable  des  frottemens; 

fa)  Hydrogr.  fib.  XJf,  fûp.  fj." 

(b)  .Ce  que  je  dirai' de  Sully  eft  pmcipalemerit  extrait  d'un 
Mémofire  de  Julieiï  Leroy,  Imprimée  là  Sri  de  WKeglt  Ar.tificictk 
du  ;Hfc^/.par;S*ityi  iètim  dt  J?$yu  -  !•;.*     ii  *,,.   ;.     >  .:  I 


4  a      «     •         • 


*- 


+    T   A    G    E 

..  ^v  ,m^  î^<t<'cfrottement»  Àoit  par  une 


.vv%- V 


v.  *x**ienré  dans  une  égalité  confiante; 


vv  i  ^rgalité  des  parties  de  la  Montre 
„  ^  v^wcp  de  fàgacité  de  la  part  de  l'Inven- 
^  NVittrttoit  de  plus  grands  fuccès.  Pkifieura 
,AmV^fc  qu'il  eft  inutile  de  détailler  ici»  fufpen- 
,.*-.%  v>  recherches  de  SuUy  ;  mais  rendu  à  lui-même, 
twivttott  toujours  fon  premier  projet  En  1726,  il 
*v  i  Bordeaux ,  pour  eflayer  fes  Montres  marines.  Il 
v*\<ttUoità  les  perfectionner ,  lorfque  fon  zèle  pour 
iv>  Arts  lui  fit  contrarier  en  Oâohre  1728,  une;  fluxion 
Je  poitrine ,  qui  le  conduisit  en  quatre  jours  au  tom- 
beau. Il  eft  enterré  à  Saint  Sulpice ,  vis-à-vis  la  porte  du 
chœur,  un  peu  à  l'occident  de  la  belle  méridienne 
qu'il  avoit  tracée ,  &  fur  laquelle  il  marquoit  les  degrés 
des  Signes ,  peu  de  jours  avant  fa  mort.  Le  célèbre 
Julien  Leroy  avoit  eu  part  aux  fuccès  de  Sully  fon 
ami,  Se  a  perfectionné  depuis  plufieurs  parties  que 
celui-ci  avoit  inventées. 
Montre         En  1726,  Jean  Harrifon  commencent  à  fe  foire 
M.Haïrifon.  connoître  en  Angleterre  ,  par  un  talent  tout- à -fait 

fmgulier  pour  l'Horlogerie;  la  Nature  feule  Ta  formé: 
l'art  de  la  Charpente  &  de  la  Menuiferie  avoit  occupé 
{es  premières  années  :  depuis  1726 ,  l'Horlogerie  feule 
a  fait  fon  occupation  &  fes  délices  ;  l'objet  principal  » 
êc  peut-être  même  épique  de  M.  liarrifon ,  a  toujours 
été  que  le  problème  des  Longitudes  fut  réfolu  par 
Tait  auquel  il  s'étoit  confacré.  Dès  l'année  .174-9  #  ic 


DE  M.  DE  CQURTANVAUX.  $1 

Prix  que  la  Société  royale  de  Londres  adjuge  tous  les 
ans  à  celui  qui  a  fait  la  découverte  la  plus  utile  dans 
les  Arts,  lui  futaccordé»   En   176 1  &   1762 ,  une 
Montre  de  fa  conftrudlion  fut  tranfportée  à  la  Ja- 
maïque ,  &  rapportée  à  Portfmouth  ;  en  cent  quarante- 
fept  jours  elle  ne  s'étoit  dérangée  que  d'une  minute 
cinquante -quatre  fécondes  &  demie  :  dans  un  fécond 
voyage  entrepris  en  1764,  de  Londres  à  la  Barbade» 
il  a  été  jugé  que  l'erreur  de  la  Montre  avoit  été  de 
deux  minutes  vingt  fécondes  en  cent  cinquante  -fix 
jours  ;  en  conféquence  la  moitié  du  Prix  promis  par 
laéte  de   17 14.  a  été  décernée  à  M.  Harrifon,  par 
délibération  de  la  Chambre -baffe  du  Parlement,  en. 
Mars  1765  ;  l'autre  moitié r  ou  les  autres  1  o  mille  livres 
fterlings  réfervées  pour  quand  d  autres  Montres  ma- 
rines ,  faites  fur  le  modèle  de  celle  de  M.  Harrifon  9 
auraient  fubi  les. mêmes  épreuves,  &  auraient  indiqué 
la  Longitude  à  deux  minutes  de  temps  près.  Il  faut 
avouer  que,  félon  les  termes  de  Taéle  de  1714.»  le 
Prix  entier  de  20  mille  livres  fterlirigs  étoit  légitime- 
ment dû  à  M.  Harrifon;  auffi  cet  Artifte  n'a  ce  (Té 
depuis  de  réclamer  contre  ttnjuftice  qu'il  prétend  lui 
être  faite:  fes  plaintes  ont  redoublé  depuis  que  fa 
Montre,  tranfportée  par  ordre  des  CommifTaires  à 
i'Obfervatoire  royal  de  Greenwich ,  y  a  été  ferupu- 
leufement  examinée  pendant  dix  moi»  confécutifs ,  & 
a  été  trouvée  un  peu  trop  fenfible  au  froid  &  au  chaud , 
dans  une  proportion  qu'il  n'efi  pas  facile  de  rapporter 

G  i j 


j 


$2  V    O    Y    A    G     E     m 

à  celle  des  différens  degrés  du  Thermomètre.  M. 
Harrifon  a  donné  aûffi  la  defcription  de  la  mécanique 
de  fa, Montre,  &  on  a  jugé  que  cette  mécanique,  un 
peu  trop  compliquée,  pourroit  excéder  la  mefure  de 
dextérité  de  la  plupart  des  Horlogers.  Si  cela  eft  f  le 
Parlement  d'Angleterre ,  eh  ne  décernant  à  cet  habile 
Artifte  que  la  moitié  du  Prix  promis  par  l'adte  de  1714^ 
fé  fera  peut-être  un  peu  écarté  de  la  lettre  de  cet  aéte; 
mais  ce  n'aura  été  que  pour  en  fu ivre  plus  ponctuelle- 
ment refprit. 

Tentatives      Dans  le  même  temps  que  M.  Harrifon  travailloit 

kur^uS  •  en  Angleterre  à  porter  L'art  de  l'Horlogerie  à  fon  plus 

Épreuves     jj^j  degré  de  perfection  ,  plufieurs  Artifles  de  France 

réfolues.     confacrbient  leurs  veilles  à  ce  même  objet.  M,  Pierre* 
Leroy ,  fils  du  célèbre  Julien  Leroy ,  dont  nous  avons 
parlé  ci-defTus  ;  M.  Berthoud ,  Genevois  d'origine/ 
mais  établi  à  Paris;  JVLrs  Romilly  &  Tavernier  ne  défef- 
péroient.pâs  d'égaler  ôtde  furpafTer  même  M.  Harrifon.: 
Una&e  dépofé  au  Secrétariat  de  l'Académie,  dès 
l'année  1754-,  fait  foi  qu'îl-y  àvoit  déjà  plufieurs  années' 
que  M.  Leroy  travailLoit  à  fa  Montré  marine.. Le  temps- 
déterminé  ,  pour  remettre  a  l' Académie.les  Mémoires  & 
les  Machihes  qui  dévoient  concourir  au  Prix  de  1767, 
étoit  écoulé  ;  plufieurs  Montres  marines  avoient  été 
préfentées  ;  celles  de  M.  Berthoud  &  de  quelques  autres 
Artifles,  n'étoient  point  enebre  ppfctées  à  toute  leur 
pjarfeltion*  &  ne  furent  point  livrées  au  concours.  Un 
accident  fortuit  dérangea,  celle  de  M.  Romilfy.  Entre 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  53' 

Jes  autres ,  une  parut  mériter  une'attention  particulière  ; 
eHe  avoit  été  éprouvée,  &  ne  s'étoit  pas  fenfiblement 
dérangée;  un  Mémoire  qui Taccompagnoit,  expliquoit 
les  principes  de  la  conflruélion  de  cette  Montre ,  <5t 
ces  principes  étoitnt  jugés  clairs/  exa&s,  lumineux, 
fuffifans-  On  fut  fur  le  point  de  décerner  le  Prix  à 
l'Auteur  ;  une  réflexion  fage  perfuada  de  différer  :  cet 
infiniment  étoit  deftiné.  pour  la  mer;  n'étoit-il  pas* 
naturel  de  réprouver  fur  merf  avant  que  de  prononcer 
fur  fa  précifion  !  la  Montre  de  M.  Harrifon  en  Angle- 
terre, n 'avoit  été  jugée  fàtisfaire  en  tout  ou  en  partie, 
au  problème  des  Longitudes ,  qu  après  avoir  été  éprou*- 
vée  plufieurs  fois  fur  mer,  L'Académie  fe  détermina 
donc  à  remettre  le  Prix  à  Tannée  1769  en  le  doublant, 
Se  délibéra  fur  les  moyens  qu'il  étoit  à  propos  de 
prendre  pour  éprouver  fur  mer,  non-feulement  cette 
Montre  *  mais  encore  toutes  les  machines  que  l'on, 
voùdrbit  préfënter  à  l'Académie,  relativement  à  l'objet 
des  Longitudes;  Ce  projet  d'épreuve  aurait  pu  foufFrir 
quelque  obflacle,  ou  du  moins  quelque  délai;  je  levai 
toute  difficulté  en  m' offrant  de  faire  moi-même 
Képreuve  defirée.  On  avoit  dit  que  la  première  erreur 
d'une  minuté  cinquante-quatre  fécondes  &  demie , 
remarquée  dans  la  Montre  de  M.  Harrifon ,  en  fon 
premier  voyage,  pouvoit  être  la  fomme  de  plufieurs 
erreurs  plus  confidérables  qui  s'étoient  mutuellement 
détruites.  Je  n'étois  pas  de  cet  avis»  mais  pour  em- 
pêcher qu'on  ne  fît  la  même  objedion  au  fujet  des 

^\  »  »  » 
.  .  .  .  O  iij 


54  y  o   r  a   g  e 

Montres  dont  je  ferais  chargé ,  je  propofai ,  au  fîeu 
d'un  voyage  de  long  cours,  d'en  faire  un  feulement 
dans  (a  Manche  &  fur  la  mer  d'Allemagne ,  de  manière 
que  dans  les  différentes  relâches  que  Ton  feroit,  on* 
pût  vérifier ,  comme  par  parties,  la  marche  des  Montres 
marines:  ce  projet  fut  accepté.  Je  demandai  de  plus  à 
l'Académie,  un  de  fes  Aftronomes  pour  m 'accom- 
pagner &  m 'aider  dans  les  opérations  que  mon  projet 
exigeoit;  elle  nomma  M.  Pingre;  elle  agréa  de  plus  le 
choix  que  j'avois  déjà,  fait  en  mon  particulier,  de  M. 
Me/lier,  Aflronome  attaché  au  dépôt  des  plans,  cartes 
&  journaux  de  la  Marine ,  des  Académies  d'Angleterre, 
de  Hollande  &  d'Italie.  Sur  les  de/Tins  de  M.  Ozanne, 
Ingénieur  de  la  Marine,  &  fur  un  principe  différent 
de  ceux  de  la  conflruétion  ordinaire,  &  relatif  au  projet 
que  j'avois  de  relâcher  fouvent,  même  dans  les  plus 
petits  ports ,  je  fis  conftruflre  au  Havre-de-grâce ,  une. 
frégate  légère  &  propre  à  cette  expédition;  je  lui 
donnai  le  nom  d'Aurore.  Sa  Majefté ,  toujours  attentive 
à  ce  qui  peut  contribuer  au  progrès  des  Sciences, 
voulut  bien  prendre  toute  l'expédition  fous  fa  protec- 
tion,  &  donner  à  l'Aurore  iç  titre  de  Frégate  de  Rou 
M.  le  Duc  de  Praiïin,  Miniftre  &  Secrétaire  d'État , 
ayant  le  département  de  la  Marine ,  me  donna  toutes  les 
lettres dautorifation  &  de  recommandation  néceffaires 
non-feulement  pour  tous  Içs  ports  de  France  où  nous 
pouvions  relâcher,  mais  encore  pour  ceux  de  Hol- 
lande, d'Allemagne,  de  Danemarck,  d'Angleterre , 
de  Suède,  &  enfin  pour  Péterfbourg. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  55 


CHAPITRE    IV. 

Rmî/ûtis  qui  m'ont  déterminé  à  faite  faire  une  Frégate 
pour  accomplir  te  dejfein  que  /ày ois  formé  défaire 
des  épreuves  fur  les  Longitudes» 

LE  peu  de  fuccès  qu'avoient  eu  anciennement  les 
expériences  de  ceux  dont  j'ai  parlé  au  commen- 
cement de  ce  Journal ,  avoit  fait  regarder  la  détermi* 
nation  des  Longitudes  fur  mer,  comme  une  découverte 
difficile  &  peut-être  même  impoflîble.  Cette  consi- 
dération ne  me  permettoit  pas  d'efpérer  que  Sa  Majefté, 
quoique  très -attentive  à  ce  qui  peut  regarder  le  bien 
de  l'humanité,  voulût  me  permettre  de  monter  un 
Bâtiment  pour  tenter  des  expériences  que  j'entrevoyois 
poffibies  ;  j'imaginoîs  en  outre  que ,  fuivant  le  projet 
de  l'Académie,  il  faudrait  nécessairement  faire  de 
fréquentes  relâches  pour  s'aflurer  de  la  marche  des 
Horloges  t  afin  de  ne  pas  les  expoier  aux  mêmes 
foupçons  qu'on  avoit  formés  d'abord  contre  la  Montre 
de  M.  Harrifon,  Jorfqu'elle  fut  tranfportée  direct©- 
ment  d'Angleterre  à  la  Jamaïque ,  Se  de  la  Jamaïque 
à  Portfmouth  ;  &  qu'en  conféquence  l'attérage  devien* 
droit  dangereux  avec  un  VaifTeau  qui  prendroit  beau- 
coup d'eau;  j'enviiàgeois  de  plus,  la  difficulté  de 
pouvoir  loger. commodément  les  différens  inilrumens 
&  les  différentes  perfonngfc  que  je  defirois  embarquer 


56  V    0     Y    AGE 

■avec  moi.  Toutes  ces  réflexions  me  firent  craindre  de 
faire  au  Miniflre  la  proportion  de  me  confier  un 
Bâtiment;  j'avois  encore  une  refïburce,  qui  étoit  de 
prendre  un  Bâtiment  marchand,  mais  tout  le  monde 
connçît  la  lenteur  de  leur  marche,  la  dcfe&uofité  de 
leur  conftruétion ,  &  que  prefque  tous  ces  Bâtimens 
confiftent  en  des  callcs  propres  àembarquer  beau- 
coup de  marchandises  ;  il  m'en  auroit  coûté  çonfi- 
-dérablement  &  en  pure  perte,  pour  pouvoir  faire  des 
•aménagemens  qui  nous  euffçnt  mis.  en  état  d'être 
'logés  le  moins  incommodément  poffihk.  En  effet., 
-les  chambres  qui  font  dans  ces  fortes  de  Vaifleaux, 
.ne  m'auroient  pas  fuffi,  il  auroit  fallu  néceflairemènt 
y  faire  conftruire  plufieurs  cabanes  (aj  particulières., 
fur- tout  pour  ceux  qui  étoient  dèftinés,à  travailler  &  à 
calculer  nos  opérations. 

:  Je  connoiffois  particulièrement  le  mérite  de  M. 
Ozanne  l'aîné  (h) ,  je  n'ignorois  pas  fon  goût  pour 
la  conflru&ion ,  je  defirois  en  outre  faire,  connoître 
xet  autre  talent  à  M.  le  duc  de  Choifeul,  pouf  Jors 
Miniflre  &  Secrétaire  d'État  de  la  Marine;  je  lui  fis 
-confidence de  mon  projet  ,,&  loi  demaadai  de  vouloir 
chien  fe. charger  de  la  conftruélion  de  cette  Coryette. 


•  (a).  [Terme  ufité  dans  la  marine 
.pour  expliquer  des  petites.cham- 
J>res  à  cloifon  dans  Tentreponi, 
ou  Ton  peut  mettre  une  chaife  & 
tine  table ,  &  où  on  a  une  petite 


(b)  Cet  Ingepieur  étoit  très- 
connu  de  M.  le  duc  de  ChoifeuJ 
par  fes. defllns  &  par  up  ouvrage 
intitule  Afarhte  x Militaire  \'  qu'il 
avoît'dédié  Vcé  Miniffre.       '  ; 


ouverture  pour  avoir  d  a*  jour,    mu.    .     >"  ?  ;;:;  */j.  .m    .      .-'» 

M.  le 


DE  M.  DE  COITRTANVAUX.  57 

M.  le  duc  de  Choifeul  trouva  bon  qu'il  s'en  mêlât, 
&  lui  permit  de  m 'accompagner  dans  le  voyage  que 
j'allois  entreprendre.  Son  amour  pour  la  Marine  ne 
me  fit  pas  languir  pour  les  projets  ,  il  m'en  apporta 
plufieurs  de  fi  bien  combinés,  que  je  ne  favois  auquel 
m 'arrêter  ;  enfin  ,  je  me  décidai  pour  celui  que  je 
joins  ici. 

Je  ne  donne  pas  un  profil  de  fa  coupe ,  mais  feu-  Defcrîptîon 
iement  le  plan  des  aménagemens  ;  je  facrifiai  ,  de  Corvette, 
concert  avec  lui ,  le  nombre  d  artillerie  pour  avoir 
du  logement;  l'arrimage  même  en  fouffrit,  fans  que 
cependant,  malgré  les  mauvais  temps,  nous  ayons 
couru  le  moindre  rifque  ;  mais  nous  avons  perdu 
beaucoup  de  l'avantage  qu'un  arrimage  différent  auroit 
donné  à  cette  Corvette ,  qui  avoit  66  pieds  de  tête 
en  tête. 

Cette  Corvette ,  dont  la  coupe  tient  plus  du  Vaif- 
feau  que  de  la  Frégate  «,  à  caufe  du  fervice  auquel  on 
Ja  deftinoit,  n'a  point  trouvé,  dans  la  campagne,  de 
Bâtiment  qui  lui  ait  difputé  de  vîtefTe  dans  la  marche , 
ni  de  célérité  dans  tous  les  mouvemens  de  révolutions 
que  la  manœuvre  exige,  particulièrement  dans  le  grand 
vent  &  la  groffe  mer  :  la  douceur  dans  le  tangage 
donne  encore  à  cette  Frégate ,  pour  le  maintien  &  la 
conservation  de  fa  mâture,  un  avantage  dont  les  Marins 
feuls  connoiffent  tout  le  prix. 

La  lettre  A  marque  ce  que  Ion  appelle  la  grande  chambre; 
le  goût  que  M,  Ozanne  a  pour  la  perfe<5lion  &  pour  les 

•     .  H 


/ 


58  Voyage 

commodités,  lui  fit  imaginer  de  la  faire  carrée,  &  de  ne  pas 
fui vre  >  ainfi  que  cela  fe  pratique ,  le  contour  du  Bâtiment. 

La  lettre  B  marque  la  chambre  du  Capitaine ,  avec  une 
alcôve,  une  cheminée  &  un  fecrétaire  pour  écrire,  avec  un 
fabord  pour  fenêtre. 

C,  marque  une  garde-robe  pratiquée  à  la  faveur  de  la  cloifon 
de  la  grande  chambre. 

D,  Chambre  pareille  à  celle  de  (tribord. 

E,  Garde -robe  de  même. 

F,  G,  Clavecin  à  bas-bord  &  à  flribord ,  pour  coucher  deux 
perfonnes. 

H,  Sainte-Barbe ,  pratiquée  pour  trois  lits. 

V,  Cuifine  du  Capitaine. 

Ky  Four  ou  Ton  cuifoit  du  pain  tous  les  jours. 

L,  Bouteille  pour  fEtat-major. 

M,  Cuifine  de  l'Équipage. 

Sous  le  pont  du  Bâtiment,  on  avoit  pratiqué  encore 
des  cabanes  pour  les  Pilotes  &  Valets  de  chambre. 

Je  ne  dirai  plus  qu'un  mot  de  cette  Corvette;  elle 
a  été  regardée  avec  admiration  de  tous  les  Étrangers: 
la  façon  dont  elle  étoit  coupée ,  eft  ce  qui  a  plu  fin- 
gulièrement  aux  Hollandois;  fon  gréement  a  beaucoup 
Téuffi  par  fa  légèreté. 

La  figure  de  l'avant ,  que  M.  Ozanne  avoit  trouvé  le 
moyen  d'afTeoir  fur  l'éperon,  donnoit  un  coup  d'œH 
nouveau  pour  les  Marins ,  d'autant  que  l'ufage  eft  que 
ces  fortes  de  figures  foient  attachées  for  le  taiHe-mer, 
ce  qui  fart  qu'elles  femblent  coupées  par  le  milieu. 


fl.it. 


-fa?  •  u&* 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  J£ 

Deux  Tritons  portoient  la  voûte  du  couronnement; 
ces  deux  figures  ,  ainfi  que  celle  de  1  avant ,  furent 
faites  fur  les  deffins  &  modèles  du  fieur  Bridan ,  dont 
la  réputation  efl  connue  par  plufieiirs  beaux  morceaux 
qu'il  a  faits,  &  notamment  par  deux  figures  qu'il  vient 
de  faire  au  portail  de  Metz. 

Je  n'entrerai  pas  dans  le  détail  des  autres  agrêmens 
que  M.  Ozanne  avoit  procurés,  par  fon  génie,  à  la 
grande  chambre;  comme  cela  m'éloigne  de  mon  fujet, 
je  finirai  cet  article  par  une  des  bonnes  qualités  de 
cette  Corvette:  peu  de  Marins  ont  vu  un  Bâtiment 
de  cette  force,  virer  de  bord,  dans  une  groffe  mer, 
avec  autant  de  célérité  &  de  diligence,  fans  perdre  de 
terrein ,  ce  qui  nous  a  heureufement  fervi  en  débou- 
quant  de  Rotterdam. 


CHAPITRE     V. 

Départ  de  Taris  ;  defeription  du  Havre-de-Gràce  ; 
Opérations  et  Obfervations  faites  en  cette  ville  , 
relativement  a  t objet  du  Voyage. 

IL  étoit  décidé  que  notre  expédition  feroit  de  trois     MacWn« 
ou  quatre  mois;  je  crus  donc  ne  pouvoir  différer   a  iZrît ' "; 
mon  départ  dé  Paris,  fort  au-delà  des  premiers  jours 
de  Mai.  Les  mers  que  nous  avions  à  traverfer  com- 
mencent fouvent  à  devenir  dures  <%  dangereufés  dès 
le  mois  de  Septembre.  Les  Horlogers  n'eurent  pas 

Hij     . 


In  Qru  «nens 
nécefîaires 

à  cette 
vérification* 


6o  Voyage 

apparemment  le  temps  héceffaire  pour  mettre  la  dernière 
main  à  leurs  ouvrages,  ou  peut-être  même  ils  ne  furent 
pas  aflez  tôt  infïruits  de  mon  projet  :  deux  Montres 
de  M.  Leroy  furent  les  feules  achevées  au  temps  de< 
mon  départ,  &  par  conféquent  les  feules  dont  j  aie  pu 
me  charger  de  vérifier  l'exadtitude.  M.  de  Charnières 
m 'avoit  aufïi  remis  un  Mégamètre  qu'il  avoit  fait  conf- 
truire  fous  fes  yeux.  Les  Inftrumens  que  je  portois 
d'ailleurs  pour  les  obfervations  aftronomiques  &  autres 
opérations  nécefïaires,  étoient  une  très-bonne  Pendule 
aflronomique  faite  par  M.  Berthoud  ;  deux  Quarts-de- 
cercle  faits  par  Langiois,  de  deux  pieds  &  demi  de 
rayon,  garni  de  leurs  micromètres  &  réticules;  un 
infiniment  des  pafTages ,  conftruit  par  Canivet;  fa 
Lunette  efl  achromatique,  &  a  trois  pieds  &  demi 
de  longueur;  une  Lunette  de  trois  pieds,  dont  l'ob- 
jeélif  achromatique  efl  compofe  d'un  verre  concave  de 
fônt-glafs,  entre  deux  verres  convexes  de  crcwn-glafs , 
elle  appartient  à  M.  Trudaine  de  Montigny ,  Intendant 
des  finances;  une  autre  Lunette  achromatique  de  cinq 
pieds;  un  bon  Odant  d'Hadley,  pour  prendre  les 
hauteurs  en  mer;  deux  BoufFoIes ,  deux  Baromètres 
portatifs,  &  d'autres  moindres  Inftrumens, 
M.  Leroy       M.  Leroy  m'avoit  fait  part  du  defir  qu'il  ayoit  de 

veut  être  du        ,  ,  r         ,  /      .       . 

voyage.         m  accompagner    dans  ce  voyage  ;  ion  but  étoit  de 

fuivre  lui-même  la  marche  d'une  de  {es  Montres,  pour 
être  plus  en  état  de  pénétrer  les  caufes  des  défauts  que 
ie  mouvement  de  la  mer  pourrait  manifefler,  &  d'y 


Instrument  de  J'assoie. 


-EeÀt&T    de    i.  MW  peur  ReJr . 


li 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  6l 

apporter  les  remèdes  les  plus  efficaces.  C'étoit  du 
moins  àinfi  que  je  le  concevois,  &  ce  but  me  paroif- 
foit  trop  légitime  pour  que  je  refufafTe  d  y  accéder. 
Comme  nous  ne  devions  avoir  à  bord  de  V Aurore 
aucune  autre  Montre  marine  à  vérifier,  la  préfence  de 
M.  Leroy  ne  pouvoit  caufer  d'ombrage  à  perfonne.  II 
me  paroît  de  plus,  fort  à  propos  qu'en  pareille  occafion, 
un  Artifte  puifTe  avoir  lui-même  l'œil  fur  fon  ouvrage; 
fi  Ton  y  remarque  des  défauts,  il  eft  convaincu  par 
{es  propres  yeux,  que  ces  défauts  font  inhérens  à  la 
machine;  il  n'eft  point  tenté  de  former  des  foupçons 
injuftes  &  injurieux  contre  ceux  qui  ont  bien  voulu 
fe  charger  du  travail  &  des  frais  de  la  vérification. 

M.  Leroy  partit  avant  nous  de  Paris,  chargé  du     Accident 
tranfport  de  fes  Montres  au  Havre.  Une  d'elles  avoit  *rnvcdca  une 
été  examinée  durant  plufieurs  mois,  par  les  Commif-  fcs  Montrcs* 
faires  de  l'Académie;  on  l'avoit  tranfportée  en  divers 
lieux,  foit  par  terre,  foit  fur  la  rivière ,  &  rien  n'avoit 
paru  interrompre  fon  ifochronifme  ;  dans  le  tranfport 
de  Paris.au Havre,  elle  fut  expofée  à  de  plus  violentes 
fecoufTes  qu'elle  n'en  avoit  éprouvé  aux  environs  de 
Paris  ;  une  de  ces  fecoufTes  rompit  un  fil  de  clavecin  , 
qui  foutenoit  le  régulateur.  M.  Leroy  ne  portoit  avec 
lui  aucun  outil  d'Horlogerie  (  exemple  que  je  ne  pro- 
pofe  pas  à  imiter  à  ceux  qui  pourraient  fe  trouver  en 
de  pareilles  circonftances  ),  il  fubftitua  un  autre  fil  de 
clavecin  acheté  dans  une  ville  voifine,  &  il  répara  le 
mal  autant  que  les  circonftances  du  lieu  le  permirent.    * 

H  ii; 


62  Voyage 

Route  Je  partis  de  Paris  le  1 2  Mai  1767,  avec  M/*  Pingre* 

au  Havre.   Meflier ,  l'abbé    de   Bcaufumé   notre    aumônier,  & 

Dezoteux  Chirurgien-major  du  régiment  du  Roi  :  le 
ciel  fut  pluvieux  par  un  vent  de  fud-oueft.  Nous  arri- 
vâmes le  même  jour  à  Rouen  :  on  fait  que  cette  ville 
eft  une  des  plus  grandes,  des  plus  riches  &  des  plus 
commerçantes  du  Royaume,  mais  elle  eft  mal  bâtie 
6c  mal  percée;  prefque  toutes  les  maifons  font  de 
bois;  fon  pont  de  bateaux  eft  une  des  merveilles  de 
la  France;  il  aborde  en  fon  port  des  Vaifleaux  de 
toutes  les  nations  de  l'Europe:  je  n'en  dirai  pas  davan- 
tage, cette  ville  étant  aflez  connue  d'ailleurs  ;  &  de  plus, 
nous  n'y  avons  pas  féjourné;  j'y  trouvai  deux  de  nies 
amis,  qui  defiroient  l'un  &  l'autre  m 'accompagner  dans 
le  voyage.  Nous  partîmes  le  lendemain ,  de  compagnie  i 
le  ciel  donnoit  encore  de  la  pluie  par  intervalles,  le 
vent  venoit  du  fud-oueft,  &  les  chemins  étoient  très* 
mauvais  ;  nous  ne  pûmes  arriver  au  Havre  que  vers  les 
cinq  heures  du  foir  ;  nous  y  étions  attendus  par  le 
refte  de  notre  compagnie ,  c'eft-à-dire ,  par  M.  Ozanne , 
.  Ingénieur- géographe,  conftruéteur  de  la  Frégate,  & 
à  qui  M.  le  Duc  de  Choifeul  avoit  donné  permiffïon 
de  venir  avec  moi ,  M.  Leroy  &  mon  Secrétaire. 
Dcfcrîption       Le  Havre-de-Grâce  n'eft  pas  une  ville  ancienne  ;  on 

fondation  '  foupçonne  même  avec  aflez  de  fondement ,   que  le 
de  cette  ville.  terrejn  qlie  cette  vj|fe  occupe  maintenant,  étoit  il  y  a 

quelques  cinq  ou  fix  ficelés,  enféveli  fous  les  eaux. 
La  mer  s'étant  retirée,  les  pêcheurs  élevèrent  quelques 


de  M.  de  Court anvaux.       6$ 

chaumières  fur  le  lieu  qu'elle  avoit  abandonné ,  & 
formèrent  un  hameau  dépendant  de  la  paroifle  d'In- 
gouvîlJe  &  du  marquifat  de  Gravifle.  On  y  bâtit  aufli 
une  chapelle  couverte  de  chaume,  fous  le  titre.de 
Notre-Dame- de -grâce ,  &  c'eft  de  cette  chapelle  ftfe  où 
eft  aujourd'hui  i'églife  de  Notre-Dame,  que  la  ville 
a  tiré  une  partie  de  fon  nom.  Il  paroît  que  Louis  XII 
avoit  formé  dès  Tan  1509,  le  deflein  de  conftruire 
une  ville  au  lieu  de  ce  hameau;  mais  ce  ne  fut  qu'en 
15  16  que  François  I.cr  en  fit  jeter  les  fondemens, 
dans  l'intention  d'arrêter  les  incurfions  des  AngIoisf 
qui  venoient  jufque  dans  la  Seine ,  inquiéter  les  pêcheurs, 
&  enlever  les  Navires  françois.  La  première  pierre  fut 
pofée  au  nom  du  Roi,  par  Guion  Leroi,  fieur  de 
Chilfou,  Vice-Amiral  de  France,  &  premier  Gouver- 
neur du  Havre.  On  voulut  d  abord  donner  à  cette  ville 
le  nom  de  Francifcopolis  ou  Françoife^ville ,  en  l'honneur 
de  François  I.er  fon  fondateur:  elle  n'eft  connue 
aujourd'hui  que  fous  celui  de  Havre -de -Grâce.  En 
1 J41  ,  elle  fut  entièrement  fouftraite  par  François  I.er 
au  domaine  des  Marquis  de  Graville.  On  commença 
à  la  paver  en  15+8,  fous  Henri  II,  &  ce  Prince 
d'ailleurs  en  étendit  les  fortifications.  Les  prétendus 
Réformés  s'en  étant  emparés  en  l'année  1562,  avec 
le  fecours  des  Anglois;  ils  la  vendirent  à  ces  mêmes 
Anglois ,  fur  lefquels  elle  fut  reprife  dès  l'année  fui-  ' 
vante ,  par  Charles  IX,  qui  aflifta  au  fiége  en  perfonne. 
Ce  Prince ,  pour  contenir  davantage  les  Anglois  de 


64  Voyage 

» 

ce  côte,  fit  bâtir  une  citadelle  fur  le  bord  de  la  mer* 
au  fud-eft  de  la  ville;  mais  fous  le  règne  &  fous  l'au- 
torité de  Louis  XIII,  le  Cardinal  de  Richelieu,  Gou- 
verneur du  Havre,  ayant  fait  démolir  cette  citadelle, 
y  fit  conftruire  celle  qui  fubfifte  aujourd'hui  ;  c'eft  un 
carré  régulier  &  régulièrement  fortifié  ,  où  il  y  a 
plufieurs  magafins  remplis  de  toutes  fortes  dé  muni- 
tions. Depuis  ce  temps,  nos  Rois  ont  donné  toute 
leur  attention  à  entretenir  &  à  augmenter  nrême  les 
fortifications  de  cette  ville  ;  elle  fut  bombardée  par  les 
Anglois  le  24  Juillet*  1694,  le  dommage  fe  borna  à 
la  deftruétion  de  cent  cinquante  maifons,  qui  furent 
bientôt  relevées;  elle  a  été  bombardée  de  nouveau, 
pendant  la  dernière  guerre,  mais  fans  en  recevoir 
aucun  dommage;  le  port  eft  défendu  non -feulement 
par  la  citadelle ,  mais  encore  par  une  tour  élevée  par 
ordre  de  François  I.cr  fituée  à  l'angle  méridional  de 
la  ville ,  près  la  porte  du  Perrai ,  à  l'entrée  du  port-,  à 
la  naifTance  de  la  jetée  du  nord  -  oueft  ;  cette  tour  eft 
furmontée  d'une  efplanade ,  qui  domine  fur  l'embou- 
chure de  la  Seine  <5c  fur  la  petite  rade;  elle  eft  défendue 
par  une  bonne  artillerie,  les  murailles  de  la  tour  & 
l'efplanade  font  à  l'épreuve  de  la  bombe;  au-deflbus 
eft  un  magafin  à  poudre  ,  c'eft  en  ce  lieu  que  les 
.Vaifleaux  marchands,  qui  entrent  dans  le  port,  dé- 
pofent  leur  canon  &  leur  poudre ,  pour  les  reprendre 
au  moment  de  leur  départ;  c'eft  au/fi  du  pied  de  la 
niême  tour  que  part  une  groffe  chaîne  de  fer  que  l'on 

tend 


DE  M.  DE  CotfRTANVAUX.  6f 

tend  tous  les  foirs  pour  empêcher  les  Vaifleaux  d'en- 
trer pendant  la  nuit  dans  le  port. 

L'entrée  du  port  eft  vers  le  fud  ou  même  vers  lé-  Port,  baffin, 
fud-oueft  ;  cette  pofition ,  combinée  avec  le  gifement  d'Harfieur. 
des  côtes  hors  du  port,  fait  qu'il  eft  auffi  difficile  d'en 
fortir,  que  facile  d'y  entrer  par  tes  vents  d'oueft  &  cfe 
fud  ;  l'entrée  eft  formée  par  deux  jetées ,  qui  peuvent 
être  diftantes  l'une  de  l'autre  d'environ  i  5  à  20  toifes; 
le  port  s'élargit  enfuite  en  entrant  dans  la  ville,  il  tend 
d'abord  vers  le  nord  -  eft ,  &  fci&nt  un  coude  vers  te 
nord -ou  eft,  il  fe  termine  au  badin  du  Roi;  il  peut 
avoir  400  toifes  de  long,  y  compris  te  baffin;  en 
baffe  mer  il  eft  prefque  à  fec ,  le  fond  en  eft  franc , 
vu  les  foins  qu'on  fe  donne  pour  l'entretenir;  l'eau, 
dans  les  grandes  marées,  y  monte  de  *8  à  20  pieds  : 
au  mois  de  Janvier  1749,  elle  monta  de  près  de  25 
pieds,  toutes  les  rues  du  quartier  de  Saint- François 
et  oient  fous  l'eau  ;  mais  ces-  crues  font  extrêmement 
rares  :  le  port  peut  contenir  au  moins  trois  cents  Vaif- 
feaux  ;  le  baffin  imite  prefque  là  figura  d'une  poire ,  il  a- 
environ  80  toifes  de  longueur,  fur  jo  à  €0  de  largeur 
vers  fbn  fond,  c'eft-à^dwe  au  nord;  il  eu  fêparé  d\ï 
port  par  un  cou  de  5  à  &  toifes  de  lurgeur ,  couvert 
d'un: pont  tournant,  &  fermé,  tant  du  côté  du  port  que; 
de  celui  du  baffin ,  par  les  deux  vannes  d'une  éclufe' 
que  l'on  n'ouvre  que  quand  la  mer  eft  pleine  dans  le* 
port;  de  cette  manière  on*  entredent  toujours  environ 
16  pieds  d'eaiu  dans  le  baffin ,  Si  cette  eau  fe.  rafraîchit 

.  I 


66  Voyage 

&  fe  renouvelle  à  chaque  marée  ;  on  a  foin  de  refermer 
l'éclufe,  dès  que  l'eau  commence  à  defcendre;  H  y  a 
ailffi  d'autres  éclufes  deftinées  à  entretenir  &  à  renou- 
veler l'eau  des  foffés  de  la  ville.  M.  le  maréchal  de 
Vauban  avoit  fait  creufer  vers  1665  un  cana'  depuis 
Harfleur  jufqu'au  Havre,  long  par  conséquent  de  deux 
lieues,  pour  amener  dans  le  port  du  Havre  les  eaux 
de  la  rivière  d'Harfleur  ;  fon  intention  étoit  que  ces 
eaux  ,  retenues  d  abord  dans  le  canal  &  dans  les  foffés 
de  la  citadelle,  joignant  enfuite  leur  aétion  à  celle  de 
l'eau  des- foffés  de  la  ville,  pour  fe  précipiter  toutes 
enfemble  dans  le  port ,  au  moment  que  Ton  ouvriroit 
toutes  les  éclufes  en  temps  de  baffe  mer,  baiayaffent 
efficacemenj  le  port ,  &  le  vidaffent  de  tout  le  fable  & 
de  tout  le  caillou  que  le  flot  auroit  pu  accumuler  ;  le 
premier  effai  fut  fait  en  préfence  de  M.  Colbert ,  Se 
réuffit  au  -  delà  des  efpérances  :  cependant  ce  canal  3 
été  négligé  depuis ,  on  travaille  de  temps  à  autre  à 
le  réparer  ;  mais  je  crois  que  l'utilité  qu'on:  en  retire 
aujourd'hui ,  eft  au  moins  extrêmement  médiocre. 
Divifion  Le  port  &  le  baffin  du  JPïavre  féparerrt  la  ville  en 
les  places^ ;  ^eux  parties;  la  plus  grande  efl  à  i'oueft,  elle  eft 
pSdpVux  Prefque  carrée,  on  l'appelle  le  quartier  de  Notre-Dame  ? 
édifices.  Je  quartier  de  Saint  -  Franfob  efl  à  l'orient  du  baffin;  la 
citadelle  eft  au  fud-eft  de  Saint -François  :  ta  ville  eft 
très-peuplée,  on  y  compte  vingt -cinq  à  trente  mille 
habitans ,  y  compris  le  faubourg  d'Ingouville  ;  les  rues 
font  prefque  toutes  tirées  au  cordeau»  fur-tout  dans  le 


*      DE  M.  DE  COURTANVAUX.  67 

quartier  de  Saint-François;  la  plupart  des  maifons  font 
bâties  en  bois ,  il  y  a  cependant  quelques  beaux  édifices 
en  pierre ,  telles  font  les  églifes  de  Notre-Dame  &  de 
Saint-Frtnçois;  la  manufacture  de  Tabac,  fituée  dans 
le  quartier  de  Saint  -  François  ;  l'hôtel  de  la  Douane, 
auquel  il  a  plu  de  donner  le  nom  de  la  Romaine,  parce 
qu'à  l'entrée  il  y  a  une  grande  balance  romaine  def- 
tinée  à  pefer  les  marchandifes  &  ballots;  &  plufieurs 
maifons  particulières:  l'hôtel -de -ville  étoifr  (itué  près 
de  l'entrée  du  port,  &  vis-à-vis  la  place  d'armes,  à 
laquelle  il  faifolt  face,  lorfque  le  Roi  honora  cette 
ville  de  fa  préfence  en  1749;  Sa  Majefté  y  logea, 
c'étoit  alors  un  bâtiment  affez  propre,  conftruit  en 
brique  avec  des  chaînes  dé  pierre  de  taille,  mais  trop 
bas,  trop  petit  &  peu  majeftueux/;  le  nouvel  hôtel- 
de-ville  eft  très-beau,  il  eft  tout  en  pierre  de  taille,  il 
fait  face  à  la  grande  place  :  les  deux  principales  places 
du  Havre  font  toutes  les  deux  dans  le  quartier  de 
Notre-Dame  ;  la  grande  place  ou  le  grand  marché  eft 
au  milieu  de  ce  quartier,  affez  près  de  l'églife  Notre- 
Dame  ;  c'eft  un  carré  un  peu  plus  long  que  large ,  61c 
très  -  fpacieux  ,  on  y  voit  une  belle  fontaine  ,  jetant 
l'eau  par  quatre  côtés,  fur  laquelle  eft  élevée  en  pierre 
bronzée  une  ftatue  pédeftre  de  Louis  XIV,  vêtu  à  la 
Romaine  :  la  petite  place  ou  la  place  d'armes  n'a  point 
de  figure  régulière  ;  elle  eft  à  l'entrée  du  port  près  de 
Isl  tour  de  François  ï.er  :  on  entre  dans  la  ville  par  deux 
portes,  toutes  deux  fituées  dans  le  même  quartier  dç 

in 


4$  Voyagé 

Notre-Dame;  i'une  au  fud  de  la  ville,  près  de  la  tour 
ite  François  I."'.,  ne  conduit  qu'à  ia  jetée  du  nord* 
oueft ,  6c  far  le  chantier  dès  Navires  marchands  ;  eile 
eft  fort  (impie,  6c  n'a  rien  de  remarquable,  on  la 
nonum  pette  dn  Parti;  près  ti'elie ,  à  droite ,  avant 
que  4e  fortir,  eft  l'hôtel  du  Commandant  de  ia  place: 
l'autre  porte ,  au  nord  du  quartier  de  Notre-Dame ,  eft 
nommée  port*  4 'higouville ,  elle  eft  flanquée  de  deux 
fortes  tours,  avec  des  ornemens  d'architecture  do- 
ri  que;  «lie  conduit  à  une  très -belle  avenue,  qui, 
traverfant  un  grand  terrein  marécageux ,  fe  termine  au 
village  ou  faubourg  d'Ingouviile  ;  cette  avenue  eft 
bordée ,  fur  la  droite ,  de  très-petites  maifons ,  accom- 
pagnées de  jardins  d'une  étendue  proportionnée  à  ia 
grandeur  des  maifons  ;  ce  font  autant  de  maifons  de 
campagne  pour  tes  bourgeois  du  Havre  ,  qui  les  ap- 
pellent leurs  Pavillons:  le  quartier  de  Notre-Dame 
communique  à  celui  de  Saint  -  François  par  le  pont 

* 

tournant  ou  par  une  rue  ou  chemin  qui  pafle  entre  les 
murs  de  h  vWie  &  te.  baftin  :  la  citadeHe  a  deux  portes  ; 
l'une  ouverte  fur  le  quartier  Saint  -  François  eft  dite 
forte  Royale;  l'autre ,  nommée  porte  Dauphin* ,  com- 
munique avec  le  bord  de  la  mer  &  la  campagne. 
Corderie ,  Le  long  <ài  mur  de  la  ville  qui  fait  face  au  fud-oueft 
Arfenai.  '  &  à  la  mer,  eft  une  très-bette  Corderie  royale,  entiè- 
rement couverte  de  toutes  parts;  on  y  fabrique  des 
cofdages  pour  les  Vai  fléaux  du  Roi  ;  ù.  longueur  excède 
j  24  toifes.  Il  y  a  deux  chantiers  pour  la  conftru&ion 


de  M.  &£  Court  an  vaux,      69 

des  Vaifleaûx ;,  te  premier  eft  royal,  H  eft  à  la  tête  du 
baffin  :  on  n'y  cortftruk  guère  que  des  Frégates,  le 
port  n'étant  pas  ordinairement  affez  profond  pour 
fou  tenir  de  plus  gros  Vaiffeaux;  on  y  en  a  cependant 
confirait  quelquefois.  Le  premier  qui  y  fut  conftruit 
fut  nommé  le  Routn;  il  étoit  armé  de  foixante-dix 
pièces  de  canon.  A  peine  fut-il  hors  du  port,  que 
ceux  qui  le  conduifoient  manquèrent  le  vent  par  leur 
impéritie,  &  firent  échouer  le  VâifTeau  fur  des  bancs 
de  fable  mouvant,  à  l'embouchure  de  la  Seine,  où  il 
fut  entièrement  perdu  :  vingt  ans  après  on  voyoit  encore 
le  haut  de  fon  grand  mât  au-defliis  de  l'eau.  Dès 
l'année  1538  ou  vers  ce  temps-là  on  avoit,  dit-on, 
confirait  au  Havre,  m  VaifTeau  d'une  faille  énorme; 
fa  charge*  étoit.  de  deux  mille  tonneaux,  les  cables 
étoient  auffi  gros  que  h  jambe  d'un  homme;  il  y  avoit 
fur  fon  bord  un  jeu  de  paume  &  un  moulin  à  vent; 
il  fut  appelé  la  grandt  Françoife;  fa  deflination  étoit 
pour  les  Indes  orientales  ;  en  deux  marées  on  eut  bien 
de  la  peine  à  le  conduire  à  l'extrémité  des  jetées ,  où 
Von  fut  obligé  de  le  détruire  ;  lés  matériaux  furent 
employés  à  la  conftru&ion  d'un  grand  nombre  de 
maifons  du  faubourg  de  la  Barre:  ce  faubourg  étoit 
fitué  où  eft  maintenant  le  quartier  Saint-François.  Or* 
a  depuis  conftruit  des  Vaiffeaux  de  ligne  au  Havre, 
mais  H  eft  rare  qu'ils  rentrent  dan*  le  port,  lorfqu'Hs 
en  font  une  fois  fortis  ;  on  les  envoie  dans  quelque 
autre  port  comme  à  Toulon,  à  Bref!  ou  à  Rochefortr 

lu; 


1 

70  Voyage 

Se  ils  font  cenfés  du  département  de  ce  port.  Lorfque 
le  Roi  étoit  au  Havre,  en  1749,  on  lança  en  fa  pré- 
fence ,  dans  le  badin ,  une  Flûte  deflinée  à  porter  le 
nom  de  Chariot  -  volant  ;  le  Roi  fatisfàit  de  la  promp- 
titude Se  de  la  dextérité  avec  laquelle  l'opération  Ait 
exécutée/  honora  le  Bâtiment  du  nom  de  Chariot-royal. 
On  peut  fur  le  chantier,  conftruire  trois  Vaiffeaux  de 
foixante-dix  ou  quatre-vingts  pièces  de  canon ,  ôc  les 
lancer  à  l'eau  tous  les  trois  enfemble;  à  droite  de  ce 
chantier,  en  regardant  le  port,  ou  fur  le  bord  occi- 
dental du  badin  eft  l'Arfenal,  où  Ton  voit  le  fiége  de  I 
la  juridiction  de  l'Amirauté,  des  Écoles  de  marine, 
d'artillerie,  de  mathématiques,  des  Bureaux  pour  les  ' 
Officiers ,  des  Magafins  pour  l'armement  &  l'équipe-  1 
ment  des  VaifTeaux  du  département,  d'autres  Magafins  1 
pour  les  armes ,  &c.  L'autre  chantier  eft  au  dehors  de  | 
la  porte  du  Perrai ,  fur  la  main  droite  ;  on  y  confirait 
beaucoup  de  VaifTeaux  marchands  :  il  en  fut  lancé  trois 
à  l'eau,  en  i749#  en  préfence  du  Roi- 
Rades*       Au  dehors  du  port  il  y  a  deux  rades;  Tune  appelée 
la  petite  rade,  eft  à  une  bonne  demi-lieue  de  la  tête 
des  jetées ,  vers  le  nord-oueft  ;  la  grande  rade  eft  plus 
à  l'oueft ,  diftante  d'environ  deux  lieues  de  l'entrée  du 
port:  le  mouillage  de  ces  deux  rades  eft  de  bonne 
tenue,  plus  franc  cependant  à  la  grande  rade  qu'à  la 
petite ,  vu  qu'à  la  petite  rade  le  fond  de  bonne  terre 
eft  plus  entre-mêié  de  cailloux  &  de  coquilles ,  qui 
peuvent  endommager  les  cables.  Les  Yaifleaux  ne 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         J\ 

feroient  en  fureté  dans  aucune  de  ces  deux  rades, 
s'ils  y  attendoient  un  coup  de  vent,  vu  qu'ils  font 
expofés  aux  vents  de  fud-oueft,  d'oueft  &  de  nord- 
oueft ,  les  plus  impétueux  des  vents  qui  régnent  dans 
ceparage;  mais  à  la  première  menace  du  coup  de 
vent,  &  même  lorfqu'il  commence  déjà  à  fe  déclarer, 
les  Vaifleaux  peuvent  fe  réfugier,  avec  ia  plus  grande 
facilité,  dans  le  port  La  mer  amène  dans  le  port  & 
fur  les  côtes  voifines,  une  prodigieufe  quantité  de 
cailloux  roulés,  qu'on  nomme  Galets;  ce  n'eft  qu'avec 
beaucoup  de  peine  &  de  dépenfe  que ,  fous  les  foins 
vigilans  de  M.  Miftral,  Commiffaire  ordonnateur,  & 
de  M.  Galon ,  Ingénieur  en  chef,  on  réufîit  à  tenir 
l'entrée  du  port  libre.  Les  Galets  s'accumulent,  fur- 
tout  à  la  tête  de  la  jetée  du  fud-eft,  la  mer  femble  fe 
retirer  de  ce  côté  ;  on  craint  qu'elle  ne  laiffe  un  jour 
Je  port  trop  enfoncé  dans  les  terres,  pour  qu'on  puifle 
facilement  le  nettoyer,  &  empêcher  que  le  Galet 
continuant  toujours  à  s'y  amonceler,  n'en  ferme  enfin 
abfolument  l'entrée. 

Lé  Havre-de-grâce  eft  depuis  Tannée  166$,  le  GouWn*. 
chef-lieu  d'un  Gouvernement  général  militaire,  com-  CoOégjL 
prenant  enyiron  cent  cinquante  paroiffes  dans  la  partie 
occidentale  du  pays  dé  Caux.  C'eft  M.  le  Duc  de 
Saint- Aignan  qui  erv  eft  Gouverneur,  &  M.  le  Comte 
de  Valentinois  eft  Lieutenant  général  :  M.  de  Beauvoir 
commandoit  au  Havfe  lorfque  nous  y  fommes  arrivée 
Il  y  a  de  plus  au  Havre,  bailliage ,  vicomte ,  hôtel-de- 


7*  V  o  r  A  G  M 

ville,  amirauté»  grenier  à  fêl  ;  quant  aux  Belles-Lettres, 
c'eft  une  des  villes  de  France  où  elles  font  le  plus 
négligées.  II  n'y  a  qu'un  méchant  Collège ,  où  deux 
feuls  Maîtres  enfeignent  ce  qu'ils  peuvent ,  moyennant 
des  honoraires  extrêmement  médiocres  :  tous  les  yeux 
font  tournés,  vers  la  mer;  lapaffion  de  navigueF  entraîne 
les  jeunes  gens  »  &  leur  ôte  même  la  capacité  de 
réfléchir  ftir  tout  autre  objet. 
igfifes.  Il  n'y  a  qu'une  paroiffe  au  Havre,  ou  plutôt  il  n'y 
en  a  point  du  tout;  les  églifes  de  Notre-Dame  &  de 
Saint-François  ne  font  que  comme  des  fuccurfales 
de  l'églife  paroiflîale  de  Saint-Michel  d'Ingouviile  ; 
cependant  le  Curé  fait  ordinairement  fa  réOdence  à 
Notre-Dame,  comme  à  la  principale  églife,  &  il 
place  des  Vicaires  à  Saint-François  &  à  Ingouville. 
L'églife  de  Notre-Dame-de-grâce  exiflôit  même  avant 
la  ville;  mais  ce  n'étoit,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut, 
qu'une  (impie  chapelle  couverte  de  chaume  ;.  ce  ne  fut 
qu'en  1 574  qu'on  jeta  les  fondemens  de  l'églife,  telle 
qu'elle  fubfifte  aujourd'hui,  &  elle  ne  fut  achevée 
qu'en  1636.  C'eft  un  afTez  beau  morceau  d'architec- 
ture. L'églife  de  Saint -François,  commencée  vers 
1554,  n'a  été  entièrement  finie  qu'en  1681.  II  y  a 
deux  couvens  dans  la  ville,  un  de  Capucins  dans  le 
quartier  de  Saint-François ,  &  un  d'Urfulines  dans  le 
quartier  de  Notre-Dame:  ce  font  les  Capucins. qui 
dedervent  les  chapelles  de  la  Citadelle  &  de  l'ArfenaL 
Il  y  a  de  plus  dans  le  faubourg  d.'IngQuvtlle ,  un  couvent 

de 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         ?f 

< 

de  Pénitens  du  tiers-ordre  de  Saint-Fiapçois ,  dits  à 
Paris,  Piquepuces.  Enfin ,  à  l'extrémité  de  ce  faubourg, 
fur  le  grand  chemin  de  Paris,  eft  l'hôtel-dieu  ou 
l'hôpital  général  qui  y  fut  transféré  en  1 669  ,  du  lieu 
où  eft  maintenant  l'Arfenal  :  cet  hôpital  eft  fervi  par 
des  Filles  de  la  congrégation  de  Saint  Thomas-de* 
.Villeneuve- 

Dix-huit  ans  prefque  révolus  navoient  pas  effacé 
1  agréable  fenfation  de  l'honneur  que  cette  ville  avoit 
eu  de  pofTéder  fon  Roi  Bien-aimé  dans  l'enceinte  de 
fes  murailles  :  on  avoit  appris  que  j'allois  arriver,  en 
conféquence  d'une  commiffion  particulière  de  Sa 
Majefté ,  pour  une  expédition  qui  pouvoit  être  d'une 
importance  extrême  pour  la  Navigation  :  cette  nouvelle 
rafraichifïant  fans  doute  la  fenfation  précédente,  fut 
apparemment  la  caufe  de  l'accueil  inefpéré  que  l'on 
me  fit  au  Havre  ;  je  trouvai ,  je  penfe ,  toute  la  ville 
fur  mon  partage  ;  les  fenêtres  étoient  remplies ,  &  les 
toits  des  maifons  couverts  de  peuple  curieux  de  nous 
voir  paffer  :  on  fe  portoit ,  fur-tout  autour  du  baflin , 
près  duquel  nous  mimes  pied  à  terre  ;  des  cris  redou- 
blés de  vive  le  Roi ,  partirent  de  Y  Aurore,  Si  furent 
répétés  par  les  échos  voifins  :  des  pavillons  de  diffé- 
rentes nations  étoient  déployés  fur  les  vergues  & 
au  haut  des  mâts  de  la  Frégate.  Quatre  canotiers 
habillés  de  ma  livrée ,  vinrent  au  -  devant  de  nous 
dans  un  canot  magnifiquement  doré  &  furmonté 
d'un  palanquin  de  très -bon  goût.  Je  fus  conduit 


au  Havreé 


74  Voyage 

à  la  Frégate  avec  toute  ma  compagnie,  qui  fe  trouvoit 
alors  complette,  Se  j'y  fiis  reçu  par  le  fieur  Chopin , 
Maître  de  l'équipage.  Quoique  je  fufle  perfuadé  que 
tout  devoit  être  fatisfaifant  fur  un  bâtiment  dirigé  Se 
dans  fa  conftru6liôn  Se  dans  fa  décoration ,  par  le  goût 
délicat  de  M.  Ozanne,  je  ne  pus  cependant  ne  pas 
être  furpris  de  l'intelligence  qui  paroiiïbit  avoir  préfidé 
à  la  diftribution  des  chambres  Se  des  autres  parties  du. 
Navire,  de  fart  avec  lequel  la  dorure  Se  les  ornemens 
avoient  été  ménagés,  de  la  délicateffe  des  peintures, 
Se  de  l'élégance  des  meubles.  Après  avoir  vifité  toutes 
les  parties  de  la  Frégate ,  nous  fumes  defeendre  à  une 
auberge  nommée  Y  hôtel  des  Américains.  Nous  y  étions 
fort  à  Tétroit,  il  n'y  avoit  pas  moyen  de  penfer  même 
à  y  établir  un  Obfervatoire  ;  nous  remimes  au  lendemain 
à  prendre  les  mefures  nécefTaifes  pour  en  trouver  un 
folide  Se  commode,  &  où  nous  puiïions  faire  des 
obfervations  afTez  certaines  pour  fervir  de  bafe  Se  de 
fondement  à  tout  notre  travail. 
Première  Le  jeudi  14  Mai,  le  ciel  prefque  perpétuellement 
de  la  Frégate.  couvert,  ne  nous  permit  de  faire  aucune  obfervation. 

Je  voulus  profiter  du  féj our  que  nous  devions  faire 
au  Havre,  pour  éprouver  comment  fe  comporteroit 
Y  Aurore  à  la  mer:  j'avois  dès  le  13  ordonné  que  tout 
fût  prêt  pour  le  départ;  mais  le  vent  foufflant  de  la 
partie  de  Toueft,  fembloit  vouloir  s'oppofer  à  la  fortie 
de  la  Frégate  :  vers  dix  heures  Se  demie  du  matin , 
lorfqu'on  s'y  attendoit  le  moins ,  le  vent  fauta  au 


de  AL  de  Court anvaujt.       75 

nord  -  oiteft  ;  auffitôt  l'Aurore,  armée  de  fix  canons, 
Si  montée  de  vingt-quatre  hommes  d'équipage,  fans 
compter  M.  Ozanne ,  qui  voulut  être  témoin  de  (es 
propres  fuccès,  fortit,  pour  la  première  fois,  du  baflin 
Si  du  port  du  Havre.  M.  Couradin ,  Capitaine  du  port, 
fe  rendit  fur  le  port  pour  être  préfent  à  la  fortie, 
honneur  qui  ne  fe  rend  qu'aux  Vaiffeaux  du  Roi: 
M.  de  Beauvoir,  Lieutenant  de  Roi ,  &  les  principaux 
Officiers,  tant  de  la  garnifon  que  de  la.  marine,  fuivis 
d'une  multitude  innombrable  de  peuple ,  furent  fur  la 
jetée ,  pour  voir  manœuvrer  V Aurore;  elle  eut  bientôt 
dçpafïe  plufieurs  Batimens  f  qui  avoient  appareillé 
long- temps  avant  elle:  on  jugea  qu'elle  portoit  très- 
bien  la  voile,  qu'elle  étoit  très-fenfible  au  gouvernail, 
qu'elle  viroit  de  bord, avec  toute  la  célérité  &  l'agré- 
ment poffible;  qu'enfin,  pour  la  marche ,  elle  égaleroit 
les  meilleurs  Batimens  voiliers:  on  l'envoya  dans  la 
grande  rade  Si  au  -  delà  jufque  vers  les  quatre  heures 
du  foir ,  que  l'on  vint  mouiller  à  la  petite  >  par  huit 
brafles  d'eau,  fond  de  vafe,  ayant  le  cap  d'Antifer 
au  nord-eft  quart  d'eft,  à  la  diflance  de  cinq  lieues 
&  demie;  celui  de  la  Heve  à  l'oueft,  diflance  une 
lieue  Si  demie;  Si  celui  de  Di\e  au  fud  quart  fud  oueft, 
diflance  cinq  lieues. 

Le  même  jour  14  Mai,  nous  établimes  notre 
Obfervatoire  à  la  tête  du  baflin ,  au  bureau  des  Écri- 
vains  de  la  marine,  de  manière  que  nous  avions  le 
.baflin  au  fud ,  le  chantier  feulement  étant  entre  nous 

Kij 


\. 


y€  Voyage 

&  le  baffîn:  l'Inftrument  des  partages  fut  placé  dans 
une  chambre  ap  rez-de-chaufTée,  fur  un  pavé  de  tuiles; 
nous  nous  fommes  aperçus  que  ce  pavé  n'étoit  point 
affez  folide ,  &  il  ne  nous  a  pas  été  poflible  d  y  remé- 
dier ;  dans  un  angle  du  même  appartement  fut  placée 
ia  Pendule  agronomique;  les  Lunettes  &  antres  Inftru- 
mens  étoient  comme  en  dépôt  dans  une  autre  pièce , 
pour  pouvoir  y  recourir  au  befoin  ;  quant  au  Quart- 
de-cercle  de  deux  pieds  &  demi  de  rayon ,  duquel 
nous  nous  fommes  conftamment  fervis,  il  étoit  dans 
ia  même  chambre  que  1'Inftrument  des  partages  ;  mais 
quand  il  sagiflbit  de  s'en  fervir,  nous  le  faiûons  tranf- 
porter  dehors ,  à  deux  toifes  environ  au  fud  de  la  porte 
du  Bureau  ;  nous  primes  même  la  précaution  de  faire 
enfoncer  en  terre  des  clous  de  fix  pouces  de  long, 
pour  être  plus  aflurés  de  faire  toutes  nos  obfervations 
au  même  lieu  ;  nous  fufpendimes  auffi  nos  Thermo- 
mètres dans  cette  même  chambre  où  étoit  la  Pendule, 
&  où  M.  Leroy  fit  dès  ce  même  jour  tranfportcr  deux 
boites,  dans  lefquelles  il  nous  dit  que  fes  Montres  ma* 
rines  étoient  renfermées.  Quant  aux  Baromètres,  nous 
n'avons  pas  été  heureux  de  ce  côté;  dès  Paris  nous 
en  avions  voulu  consulter  un ,  il  étoit  à  peine  fuf- 
pendu ,  que  l'anneau  de  fufpenfion  s'étoit  rompu ,  4k 
le  Baromètre  avoit  été  brifé.  Au  Havre»  en  voulant 
fufpendre  l'autre ,  il  prit  de  l'air ,  tout  le  mercure  des- 
cendit dans  le  réfervoir.  Le  même  foir ,  nous  mimes 
Ja  Pendule  en  mouvement;  M-  Leroy  la  régla  fur  fk 


PE  M.  DE  COURTANVAUX.         f? 
montre,  &  fa  montre  étoit  réglée  fur  le  méridien  de  * 
Paris ,  &  non  fur  celui  du  Havre* 

Le  vendredi   i<,  M  Aurore  continua  de  courir  des-;  M- Lcrof 

'  foumet    une 

bordées  au  large.   Ce  même  jour  M.  Leroy  remit  de  fes  fAot* 
entre  nos  mains  une  de  fes  Montres  marines  ;  voici  mtn. 
l'aéle  de  cette   livraifon,  tel  qu'il   a  été  dreffé  au 
•Havre, 

«  Cejourd'hui  quinze  Mai  mil  fept  cent  foixante-fept , 
M.  Leroy  Horloger  du  Roi,  fils  du  célèbre  Julien  Leroy,  « 
s'étant  rendu  au  Havre  dès  le  7  de  ce  mois,  avec  deux  « 
Montres  marines  de  fon  invention ,  allant  $6  heures ,  &  « 
dûment  fufpendues  dans  leurs  boîtes  d'environ  un  pied  « 
quarré  de  bafe,  fur  9  pouces  de  hauteur,  nous  a  remis  « 
l'une  de  fes  Montres ,  ainfi  que  le  programme  de  l'A-  « 
cadémie ,  pour  fon  prix  de  1769;  déclarant  comme  « 
le  public  l'a  appris  par  les  Gazettes  &  les  Journaux,  « 
que  cette  montre  étoit  la  même  qu'il  avoit  préfentée  *  # 
au  Roi  le  5  Août  1766,  &  qui  avoit  concouru  pour  « 
Je  Prix  de  l'Académie  propofé  pour  l'année  1767,1c 
fous  la  cote  5,  fur  laquelle  montre,  ainfi  que  fur  le  1C 
Mémoire  qui  l'accompagne,  l'Académie  s'exprime  en  « 
ces  termes  :  Dans  le  nombre  des  pièces  qui  ont  concouru ,  « 
le  Mémoire  N.°  / ,  qui  a  pour  devife,  labor  omnia-vincit  « 
improbus,  lui  a  paru  mériter  beaucoup  déloges,  ér  la  « 
Montre  qui  et  oit  jointe  à  ce  Mémohre ,  a  parfaitement  réuffi  « 
dans  toutes  les  expériences  quon  en  a  pu  faire,  depuis  « 
quelle  a  été  remife  entre  les  mains  des  Juges.  Cependant,  comme  « 
elle  n'a  point  été  éprouvée,  à  la  mer,  mnfi  que  F  exige  la  « 

Kiij 


» 
» 


78  V    0    Y   A     O    E 

n  queJKon  propofîe  $  t  Académie  a  cru  devoir  fufpendre  fon 
»  jugement ,  jufquà  ce  qu'on  ait  fait  fubir  à  cette  montre 
»  t  épreuve  dont  il  s9 agit. 

»  M.  Leroy  nous  a  déclaré  de  plus,  que  cette  montre 
étoit  ie  fruit  de  plus  de  vingt-cinq  années  de  travaux , 
de  recherches  &  de  réflexions  de  fa  part;  que  dès 
»  l'année  17JO  ii  avoit  dépofé  fous  un  papier  cacheté, 
»  au  Secrétariat  de  l'Académie  le  projet  d'une  montre 
»fembiable,  contenant  plufieurs  des  principes  &  mé~ 
»  thodes  employées  dans  cette  dernière;  qu'en  1764  il 
»  avoit  préfenté  à  l'Académie  ce  projet  exécuté  avec 
»  divers  changemens;  que  l'Académie  pour  l'examiner, 
»  avoit  alors  nommé  M/s  Camus ,  le  Monnier ,  de  Mon- 
»tigny,  Deparcieux  &  Bezout;  qu'en  1765  ij  avoit 
»  encore  préfenté  le  même  ouvrage ,  avec  des  change- 
»  mens  &  des  corrections  c on fid érables;  qu'enfin  la 
•  »  montre  qu'il  nous  remcttoit,  avoit  été  par  lui  perfec- 
»  donnée  au  point  que  depuis  plus  d'une  année  qu'il 
»  réfléchiflfoit  fur  ce  fujet,  il  n'avoit  pu  imaginer  aucun 
»  changement  tendant  à  fa  perfection.  Selorr  lui,  rien 
»  ji'efl  à  defirer  dans  cette  machine,  qu'un  peu  plus  de 
»  recherche  dans  l'exécution  de  plufieurs  parties  :  nous 

x  »  avons  cotté  cette  montre  NS  1. 

* 

»  Quant  à  la  féconde  montre,  M.  Leroy  a  déclaré 
,»  qu'il  n'avoit  encore  pu  faire  afTez  d'épreuve  fur  cet 
»  ouvrage,  que  dans  la  fuite  il  pourrait  ie  livrer  à  notre 
»  examen  ;  qu'il  étoit,  quant  à  fes  principes  &  à  la  dif- 
»  pofition    de,  fes  parties ,  exactement  femblable  au 


DE  M.  DÉ  COURTANVAUX.  yç 

précédent;  mais  qu'il  defiroit,  pour  la  raifon  ci-deflus,  « 
&  afin  de  voir  en  fon  particulier ,  l'effet  du  mouvement  «  * 
d'un  Vaifleau,  fe  la  réferver  pour  quelque  temps.      « 

M.  Leroy  nous  a  auffi  remis  un  Infiniment  qu'il  a  « 
difpofé  pour  mefurer  les  diverfes  inclinaifons  du  « 
Vaifleau  :  cet  Infiniment  confifle  premièrement  en  un  « 
pied  triangulaire ,  portant  une  efpèce  de  potence ,  au  « 
haut  de  laquelle  efl  fufpendu  fur  des  pivots,  un  pendule  « 
d'environ  1 8  pouces  de  longueur;  le  pied  triangulaire  ce 
étant  mis  de  niveau,  l'extrémité  du  pendule  marque  « 
zéro  fur  un  limbe  gradué;  &  cette  même  extrémité  « 
s'écarte  du  point  du  zéro,  foit  à  droite,  foit  à  gauche,  « 
d'autant  de  degrés  que  le  tangage  ou  le  roulis  écarte  « 
le  pieddelapofition  horizontale.  Fait  au  Havre,  &c.» 

Pour  donner  plus  de  certitude  ou  d'authenticité  à  Précautions 
notre  travail ,  je  crus  qu'il  étoit  à  propos  d'ufer  de  p^affum 
deux   précautions    que    cette  authenticité    paroiflbit l  autbj°tlcrt* 
requérir.  La  montre  de  M.  Leroy  étoit  enfermée  fous    Pcxamcn. 
clef,  dans  une  boîte  ;  M.  Leroy  s'ofFroit  de  m'en 
remettre  la  clef.  Je  ne  me  défiois  certainement  point 
de  fa  probité  ;  mais  pour  ne  pas  être  foupçonné  moi- 
même  de  trop  de  facilité  dans  l'examen  que  j'étois 
chargé  de  Étire,  je  fis  ajoutera  cette  boîte  une  féconde 
ferrure ,  dont  la  clef  n'a  jamais  été  communiquée  à 
M.  Leroy  ;  la  clef  de  l'autre  ferrure  refla  entre  fes 
mains:  de  cette  manière,  s'il  fût  arrivé  quelque  déran- 
gement, il  n'auroit  pu  foupçonner  que  nous  en  avions 
été  les  auteurs ,  en  touchant  à  fa  montre  hors  deia 
préfence. 


80  Voyage 

Lafeconde  précaution  que  je  jugeai  propre  à  conftater 
l'authenticité  de  notre  travail ,  fut  d'en  faire  dreffer 
tous  les  jours  par  mon  Secrétaire,  un  procès-verbal 
qui  étoit  figné  de  M.ffs  Pingre  &  Me/fier  mes  coopé- 
rateurs,  &  de  moi.  M.  Leroy  ayant  témoigné  quelque 
defir  d  avoir  une  copie  de  ces  procès-verbaux ,  nous 
les  avons  fait  doubles,  &  les  doubles  pareillement 
fignés,  font  refiés  entre  Tes  mains.  Dans  ces  procès- 
verbaux  nous  marquions  l'heure  à  laquelle  la  montre 
marine  avoit  été  remontée  9  l'heure  que  la  pendule 
marquoit  à  l'inflant  du  midi  vrai ,  &  de  combien  la 
montre  marine  avançoit  ou  retardoit  fur  la  Pendule. 
Dans  le  cours  de  cette  relation,  nous  n'ennuirons  pas 
le  Leéteur  par  le  détail  des  heures  auxquelles  les 
montres  ont  été  remontées  :  les  deux  autres  condi- 
tions font  trop  efTentielles  pour  les  omettre. 
Obfervatîoni  Le  ciel  avoit  été  ferein  la  nuit  du  14-  au  i  <  ;  H  le 
Ia*M<mtrcs.  fut  encore  toute  la  matinée  du  1 5,  par  un  vent  de  fud~ 

ouefl  ;  nous  en  profitâmes ,  pour  prendre  vers  8  heures 
du  matin ,  trente-trois  hauteurs  du  bord  fupérieur  du 
Soleil.  On  dira  que  nous  ne  ménagions  pas  le  nombre 
des  observations  :  cela  efl  vrai ,  mais  e 'étoit  alors  notre 
unique  affaire;  en  multipliant  ainfi  les  obfervations , 
nous  avions  plus  lieu  d'efpérer  d'en  faifir  le  foir  quel- 
ques-unes de  correfpondantes  ;  enfin  c'étoit  là  le  pre- 
mier fondement  de  tout  notre  travail ,  nous  ne  pouvions 
Jui  donner  trop  de  folidité.  Le  baromètre  que  M.  Leroy 
jivoit  rétabli ,  mais  fans  feu ,  aidé  par  un  marchand  de 

baromètres 


-» 


DE  M.  DE  CoURTANVAUJt.         Si 

baromètres  qu'on  nous  avoit  indiqué  comme  aflez 
habile,  ne  marquoit  pas  tout -à -fait  28  pouces;  il 
atteignit  cependant  le  foir,  cette  hauteur.  Après  midi, 
les  nuages  s'accumulèrent;  nous  eûmes  cependant  vers 
4  heures ,  la  fatisfaâion  de  prendre  toutes  les  corres- 
pondantes de  nos  hauteurs  du  matin  ;  elles  s'accordèrent 
à  nous  donner  l 'in liant  du  midi  vrai  à  midi  10  minutes 
6  fécondes  r  de  la  Pendule.  Les  Thermomètres 
marquoient  alors  1 5  degrés  {  au-deiïiis  du  terme  de 
la  glace ,  félon  la  graduation  de  M.  de  R  eau  mur. 

Le  famedi  1 6  Mai ,  le  ci>el  couvert  toute  la  nuit ,  le. 
fût  encore  prefque  tout  le  jour  ;  il  plut  même  le  foir , 
le  vent  fouillant  d'entre  le  nord-oueft  &  i'ouefh  le 
Baromètre  fe  foutint  à  28  pouces;  les  Thermomètres 
à  midi  marquoient  14.  degrés,  h9 Aurore  revint  au  port 
vers  1 1  heures  du  matin  ,  on  la  fit  rentrer  dans  le 
baffin  ,  pour  achever  fon  armement. 

Le  Dimanche  17,  on  dit,  pour  la  première  fois, 
la  Méfie  à  bord  de  YAutorc  ;  pluie  continuelle  par  un 
vent  de  nord-oueft.  A  7  heures  du  foirt  baromètre 
27  pouces  10  lignes  i,  thermomètre  12  deg.  |. 

Le  lundi  18,  pluie  ou  temps  couvert  prefque  tout 
le  jour,  par  un  vent  de  nord-oueft.  Nous  eûmes 
pourtant  le  bonheur  de  prendre  des  hauteurs  vers 
10  heures  du  matin,  &  leurs  correfpondantes  vers  2 
heures  du  foir;  nous  en  conclûmes  qua  Tinftant  de 
midi,  la  pendule  marquoit  midi  10  min.  9  fec.  |;  ainfï 
depuis  le  1 $  elle  avoit  avancé  de  2  fec,  |  fur  le  temps 

.  L 


î±  Voyage 

vrai ,  &  par  coaféquent  elle  avoit  fuivi  exactement  lé 
temps  moyen  ,  fur  lequel  elle  avançoit  ,  tant  le  1 5  que 
le  18,  de  14,  min.  8  fec.  i  La  montre  marine,  k 
3  heures  7  du  foir,  retardoit  de  6  min.  9  fec.  i  fur 
la  pendule;  donc  elle  avançoit  de  7  min.  59  fec. 
fur  le  temps  moyen ,  méridien  du  Havre.  C'eft  de  cet 
infiant  que  nous  partons  pour  l'examen  de  la  montre 
de  M.  Leroy.  Baromètre  à  1  o  heures  du  matin ,  27 
pouces  10  lignes  |;  à  midi  &  demi  27  pouc.  1 1  lign.j. 
Les  thermomètres  9  à  ces  dont  mêmc&momens,  étoient 
à  13  degrés. 

Le  mardi  99,  vent  nord-ouelt  tout  le  jour,  ciel 
couvert  jufqu  après  10  heures  \  du  matin.  Quelques 
hauteurs,  prîtes  vers   10  heures  £  du  matin  &  vers, 
une  heure  &   demie    du   foir,  donneraient  midi  à 
o  heure  1  o  min.  10  fec.  de  la  pendule,  ainfi  la  pendule 
auroit  retardé  d  une  féconde  en  vingt -quatre  heures 
fur  le  temps  moyen.  A  3  heures  j  du  foir ,  b  montre 
marine  retardoit  de    5  min.  43  fec.  fur  la  pendule; 
ainfi  en  vingt  -  quatre  heures  elle  auroit  avancé  fur 
la  pendule   de  26  fec.  \.  A  10   heures  \  du  matin , 
baromètre  28  pouces  o  ligne  ~  ;  les  thermomètres, 
l'un  12  d€g.  i.  I  autre  13  deg.  A  2  heures,  baromètre 
28  pouc.  o  lign.  i;  thermomètres  1 3  dcg.  £  &  1 3  |. 
A  1 1  heures  du  foir,  baromètre  28  pouc.  o  lign.  7. 
tut  Le  mercredi  20,  vents  variables  de  nord-eft,  d'eft, 

maitat.     de  fu<l,  d'oHcft  &  de  nord-oueft  Ciel  couvert  tout  le 
matin.  A  midi,  harom.  28  pouces,  thermom.   13  £ 


DE  M.  DE  COURTÂNVAUX.         8£ 

A  1 3  i  :  vers  midi  £  la  montre  marine  retardoit  fur  la 
pendule  de  j  min.  18  fec.  y  ,  ainfi  en  vingt-une  heures 
elle  auroit  avancé  fur  la  pendule  de  24.  fec.  £ ,  ce  qui 
donnerait  en  vingt-quatre  heures  un  avancement  de 
28  fec.  Si  on  fuppofe  que  la  pendule  fuivoit  exacte* 
ment  le  temps  moyen ,  comme  il  eft  certain  qu'elle 
l'avoit  fuivi  depuis  le  1 5  jufqu'au  1 8 ,  la  montre  mariné 
depuis  3  heures  7  du  18,  jufqu'à  midi  &  demi  du  io, 
c'eft-à-dire,  en  quarante-cinq  heures ,  aura  avancé 
de  5 1  fec.  ~ ,  ce  qui  fait  précifément  27  fec.  y  en  vingt- 
quatre  heures.  M.  Leroy  n'étoit  point  étonné  de  cet 
avancement,  ayant  été  obligé  de  toucher  en  chemin 
au  régulateur  ,  pour  la  ràifon  qu'on  a  vue  ci-deiTus; 
&  depuis  fon  arrivée  au  Havre  il  n'àvbit  réglé  fa  montre 
marine  que  fur  fa  montre  de  poche*  Il  nous  offrit  de 
remettre  fa  montre  marine  fur  le  mouvement  moyen 
du  Soleil;  mais  nos  obfervations  précédentes  attroilent 
été  perdues ,  &  le  ciel  prefque  toujours  couvert  nous 
faifoit  craindre  d'être  obligés  de  relier  encore  trop 
long  -temps  au  Havre,  s'il  nous  falloit  recommencer 
tout  de  nouveau  nos  opérations.  Nous  décidâmes  donc 
qu'il  falloit  laiffer  la  montre  telle  qu'elle  étoit,  &  tenir 
compte  de  cet  avancement  journalier  dans  toutes,  les 
vérifications  de  fon  mouvement  que  nàus  pourrions 
faire  dans  la  fuite.  M.  Leroy  en  conféquence  ne  toucha 
pas  même  à  fa  nouvelle  montre  qu'il  gàrdoit  en  fa 
puiflance,  quoique  celle-ci  avançât  encore  de  11  à 
1  2  fec  fur  la  montre  ancienne  qu'il  nàus  avoit  remifë> 

L  ii 


84.  V   (X    Y   A     G    £. 

Les  jours  précédens  on  avoit  embarqué  les  proviV 
fions  néceflaires  au  voyage,  ainfr  que  les  hardes  & 
paquets  des  paflagers.  Le  même  jour  20  Mai  ,  après 
midi ,  on  emballa  tous  les  înflrumens ,  &  on  les 
tranfporta  fur  fa  Frégate.  M.  Leroy  voulut  fe  charger 
lui-même  du  port  de  (es  montres;  je  les  fis  placer  à 
l'arrière  du  Vaifleau,  dans  ia  grande  chambre,  Tune 
,  à  bâbord,  l'autre  à  (tribord.  C'étoit  peut-être  le 
lieu  du  Vai fléau  qui  leur  convenoit  le  moins;  elles 
dévoient  y  être  expofées  à  tous  les  mouvemens  de 
tangage  &  de  roulis  du  Navire  ;  mais  je  faifois  atten- 
tion qu'il  s'agiflbit  d'éprouver  ces  montres,  &  non 
de  s'en  fervir,  M.  Leroy  approuvoit  &  appuyoit  lui- 
même  cet  avis;  il  fut  exécuté:  les  canots  furent auffi 
embarqués  le  même  jour. 
Seconde  Le  jeudi  2i9  le  ciel  fut  prefqne  toujours  couvert  : 
it  v Aurore,  à  deux  heures  7  du  foir,  tout  l'équipage  &  tous  les 

paflagers  embarqués,  nous  fortimes  du  baflin  &  du  port 
du  Havre,  par  un  vent  de  nord  -  nord  -  eft ,  joli -frais, 
toutes  voiles  dehors.  Nous  courûmes  quelques  bordées 
jufqu'à  5  heures  du  foir  ;  ne  voyant  alors  aucun  moyen 
de  pouvoir  doubler  le  cap  de  la  Hève  avant  la  nuit, 
je  fis  carguer  les  voiles,  &  nous  mouillâmes  à  la 
petite  rade;  le. foir,  éclairs  &  un  peu  de  pluie. 

Le  vendredi  22,  les  vents  variables  durant  la  nuit, 
du  nord-eft  à  Toueft,  fembloient  fe  fixer  au  nord-oueft. 
Un  Capitaine  marchand  ayant  mouillé  vers  midi»  près 
de  ia  Frégate ,  fans  être  venu  nous  faire  rapport  de  ce 


de  M.  de  Court anvavx.      8$ 

qu'il  avoit  vu  à  la  mer ,  on  lui  fignifia  de  fe  trans- 
porter à  bord:  il  obéit  fur  le  champ,  fit  Tes  excufes, 
&  nous  apprit  qu'il  alloit  de  Rouen  à  Fécamp  ;  que 
fon  de  (Te  in  étant  de  doubler  le  cap  d'Antifer,  il  en 
avoit  été  empêché  par  un  vent  de  nord-eft  grand  frais  , 
qui  fouffloit  au  large;  &  qu'en  conféquence  il  étoit 
venu  mouiller  en  rade,  en  attendant  un  vent  plus 
favorable:  ce  vent  de  nord-eft  ne  tarda  pas  en  effet, 
de  fe  faire  fentir  fur  la  petite  rade;  &  comme  il  nous 
étoit  abfolument  contraire ,  nous  nous  réfolumes 
d'autant  plus  volontiers  à  rentrer  dans  le  port,  que 
ce  nous  feroit  une  oçcafion  de  nous  afïiirer  plus  pofi- 
tivement  de  la  marche  de  la  montre  marine  dans  un 
même  lieu,  fans  être  obligé  de  prendre  un  fécond 
point  de  départ  à  Calais,  comme  nous  comptions  le 
faire.  Après  avoir  effaye  de  vérifier  la  marche  de  la 
montre  marine  par  des  hauteurs  du  Soleil  prifes  avec 
un  oâant  ;  ce  à  quoi  nous  ne  pûmes  réuffir ,  parce 
que  l'horizon  étoit  gras  &  brumeux,  nous  appareillâmes, 
nous  courûmes  quelques  bordées,  plutôt  pour  eflayer 
ia  Frégate  que  dans  le  de  (Te  in  de  doubler  les  caps,  & 
nous  vinmes  mouiller  vers  5  heures  du  foir,  à  la 
pointe  des  jetées,  l'eau  n'étant  pas  affez  haute  pour 
nous  permettre  de  rentrer  dans  le  port.  A  midi,  les 
thermomètres  étoient  à  1 3  7  &  14.  degrés. 

Le  famedi  2$  ,  l'Obfervatoire  fut  rétabli  dans  l-'état    Suite  <fc$ 
ou  il  etoit  trois  jours  auparavant;  le  vent  tourna  tout       pour 
le  jour  du  nord-eft,  le  ciel   fut  couvert  &:  même  te^nirn, 

L  iij 


86  Voyage 

pluvieux  jufque  vers  le  foir:  à  midi  les  thermomètres 
marquoient  1 3  deg.  &  1 3  deg.  £. 

Le  Dimanche  24,  le  vent  foufHa  encore  du  nord- 
eft;  le  ciel  s'étant  éclairci  vers  9  heures  du  matin» 
nous  primes  vers  9  heures».  &  le  foir  vers  2  heures  i 
un  bon  nombre  de  hauteurs  correfpondantes ,  félon 
lefquelles  la  montre  marine  à  ttnftant  du  midi  , 
marquoit  midi  7  min.  o  fec.  £  ;  elle  avançoit  donc 
de  10  min.  38  fec.  f  fur  le  temps  moyen:  donc 
depuis  le  18  à  3  heures  ~  du  foir,  ou  en  cinq  jours 
vingt  heures  &  demie,  elle  avoit  avancé  de  2* min, 
39  fec.  f;  ce  qui  donne  par  jour,  un  avancement  de 
47  fec.  1 8  lier.  £.  Nous  pouvons  partir,  avec  afltirance 
de  cet  état  de  la  montre  confia  te  au  Havre  par  de 
très-bonnes  observations:  a  midi&  demi  &  à 6  heures 
&  demie  du  foir,  la  hauteur  du  mercure  dans  le  Baro- 
mètre étoit  de  28  pouces  2  lignes  J;  à  midi  &  demi 
les  thermomètres  étoientà  13  deg.  ~  &à  13  degj; 
à  6  heures  j  ils  avoient  l'un  &  1  autre  baifTé  d'un 
degré. 
Latitude  Outre  ces  obfervations  deftinées  à  eonflater  la  marche 
de  (a  montre  marine  ,  nous  en  avions  fait  encore  bien 
d'autre*  relatives  à  d autres  objets:  voici  celles  que 
nous  avons  faites  pour  nous  affairer  de  k  Latitude  do 
Havre  ;  Je  15  Mai  hauteur  apparente  du  bord  fupérieur 
du  Soieif  au  méridien,  59  deg.  40  min. 4.  fec.  donc 
Latitude  de  nôtre  Ohfervatoire  49  deg.  29  min. 
Le  16  Mai ,  hauteur  méridienne  apparente  du  même 


du  HavK. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  %J 

bord,  59  deg.-  54  min.  1  fec.  donc  latitude,  49  deg. 
29  min.  3  fec. 

Le   18,  même  hauteur,  60  deg.  20  min.  56  fec. 
donc  latitude,  4.9  deg.  29  min.  10  fec. 

Le  19,  même  hauteur,  60  deg.  34  min.  1  fec. 
latitude,  49  deg.  29  min.  6  fec. 

Le  20 ,  même  hauteur ,  60  deg.  46  min.  28  fec. 
donc  latitude  du  lieu ,  49  deg^2p  min!  2 1  fec. 

Le  23 ,  hauteur  d'Arflurus  prife  8  min.  après  fon 
paflfage  au  Méridien,  maïs  réduite  par  le  calcul  à  la 
hauteur  méridienne  apparente,  60  deg.  j  j  min.  14 fec. 
donc  latitude  du  Havre,  49  deg.  29  min.  19  fec. 

Le  même  jour,  hauteur  méridienne  de  £  du  Bouvier, 
prife  ôl  réduite  de  même,  55  deg.  15  min.  39  fec. 
latitude,  49  deg.  29  min.  12  fec. 

Le  24  Mai ,  hauteur  méridienne  apparente  du  bord 
fupérieur,  61  deg.  32  nain.  39  fec.  dooc  latitude  de 
l'Obfervatoire,  49  deg.  2,9  mit».  30  fec. 

Le  même  jour»  hauteur  m éf ^tienne  de  £  du  Bou- 
vier ,  55  deg.  ij  mie,  29  fec.  latitude,  49  deg. 
29  min.  22  fec. 

Enfin ,  pour  terminer  ici  tout  ce  qui  peut  concerner 
la  latitude  du  Havre,  nous  avons,  trouvé  à  notçe  retour, 
le  29  Août,  la  hauteur  méridienne  apparente  du  bord 
fupérieur  du  Soleil  de  ja  deg.  io  min.  32  fec.  d'où- 
la  latitude  de  notre  Obfervatoirc  fe  conclut;  de  49  deg. 
*9  min.  i  ft  fec. 

Comparant  maintenant  les   dix   réfultats   de  nos 


$Ô  Voyage 

obfervatîons  fur  là  latitude  du  Havre  ;  &  prenant  un 
milieu  entre  tous ,  nous  croyons  pouvoir  établir  que 
le  bureau  des  Écrivains  de  la  marine  du  Havre,  fitué 
à  la  partie  la  plus  feptentrionale  du  baffin  9  eft  par  la 
latitude  boréale  de  49  deg.  29  min.  14  fec.  &  comme 
ce  lieu  eft  d'environ  170  toifes  plus  boréal  que 
l'églife  de  Notre-Dame ,  la  latitude  de  cette  églife  fera 
de  49  deg.  29  min.  jpfec. 
Sur  Nous  avions  aufli  réfolu  de  faire  des  obfervations 

4u'Haw!C  Pour  conflater  k  longitude  de  la  même  ville,  &  nous 
n'avons  négligé  aucune  occafion  de  mettre  ce  deflein 
à  exécution.  Ainfi,  ie  16  Mai  nous  nous  étions  trans- 
portés à  notre  Obfervatoire ,  pour  obferver  une  émer- 
fion  du  premier  Satellite  de  Jupiter:  aux  approches 
du  phénomène,  le  ciel  étoile  en  partie,  nous  lai  (Toit 
efpérer  quelque  fuccès;  il  fe  couvrit  enfui  te;  au  lieu 
d'obferver  une  Éclipfe,  nous  efïuyames  de  la  pluie. 
Ainfi  ie  19,  lorfque  versai  heures  du  foir,  nous 
nous  difpofions  à  obferver  à  l'Inftrument  des  paffages, 
quelques  Étoiles  qui  étoient  à  peu -près  dans  ie  paral- 
lèle de  la  Lune,  il  furvint  un  brouillard  qui  dura  toutie 
refte  delà  nuit.  II  en  eft  de  même  des  autres  nuits  où  nous 
avions  pris  ie  paffage  de  quelques  Etoiles ,  ies  nuages 
nous  ayant  empêchés  de  prendre  celui  de  la  Lune  ;  il 
n'y  eut  que  la  nuit  du  23  au  24  qui  aurait  pu  nous  être 
favorable  ,  fi  rinftrument  des  partages  eût  été  plus 
folidement  placé.  Arûurus  avoit  pafTé  le  23  au  foir  à 
10  heures  *  j  min.  28  fec.  £  du  Bouvier  à  10  heures 

41  min. 


DE  M.:DRjCQURTàMVAUX.         89 

ijn  min.  y'fec.  i;  le  bord. fuiront  de/la  Luhe-pbfïa  le 
24  au  matin  à  ^ heures  12  min.  o  fec.  7,  &  le  centre 
cfu  Soleil  aie  heure  ia  min.  57  feç.-|,  iè>  tout»  compté 
fur  la  montre  marine,  qui  avançoit  à  >irridi  *de ^imini 
o  fec.  1 1  tierces/,  ainfr  Je  filijnéridieJï  ^tie  U'rnflrument 
étoit  de  4  min;»  57  fec,  trop  à  l'occident,  ce  qui 
n'étoit  point  etonnanf,  puifque  depuis  le  retour  dô 
Y  Aurore  on  m'aVoit  encore  pu-  faire:  aucune!  observation  9 
pour  le  placer.  exactement  dans  le  pian  *lu<  méridien é 
©h  l'aurait  bien  placé  {uvAr/lurus  même ,  fi  la>  crainte 
de  manquer  cette  obfervation  nous. eût  permis  de  aoufr 
aflurer  exactement: de  l'heure  du  p^fTagft  de. l'Étoile; 
Aurefte,  mbyempant  uh  calcul:  uh 'peu  pihrsî long  ^nou» 
ferions  eh  état  <ie  tirer  des  concluais  jabfolu  ment  ' 
précifes  de -cette  obfervation,  fi  efle  ne  nous  fouroif- 
foit  pas  elle-même  une  preuve  de  Tin  fiabilité  du  fo| 
fur  lequel  l^nftrument  étoit  appuyé;,  h 'Variation,  de 4i 
bulle. d'air  du  niveau  nous  avoit  déjà  .convaincu*  dfi 
cette  inftabilité.  Nous  fommes  donc,  pour  le  préfent. 
obligés  de  prendre  ailleurs  la*  Lorigitnde  du  Havre  ;  & 
nous  ne  croyoos,  pas^ouvou^cJioiÇr  ^inç $ito,r^té  «pju^ 
refpediable  que.  celle. <{e  M/1  vÇaffinidans  leur  Méri- 
dienne de  Paris  :  nous  fitppolërons  donc  avec  eux  que 
hè  Havre  eûrdfe  fl  roJn/^tf.Teç.y.deitèmp'Sipbis.oçci' 
déniai  que  ie:  méridien  4e  îl'ObfervatoiJte  royal. 
-  Le  .1 5  Mai ,  vers .  4 ,  heures  £  j  dii ,  fo  ir  ♦ .  h  oux  av  on  a  Dédînaifon 
fait ,  tfveç  Ja  bouflote:,  pjufieurs.rélçvemen&du  centre  do  i't]Al\i\e 
Soleil , , •.  &.cojDpajçant  fies,  E€lh?Ân\m&\*?ec  les.  hauteurs  au  Havre* 

.  M 


•  »T  ■   t 


Sur 


S8  Voyage 

obfervations  fur  la  latitude  du  Havre  ;  &  piç<   55 
milieu  entre  tous ,  nous  croyons  pouvoir  K  jT   Sg 
le  bureau  des  Écrivains  de  la  marine  dû  J^L'X    t-» 

>î      SI?  • 

à  fa  partie  la  plus  feptentrionale  du  b* ■£  1  y- 

latitude  boréale  de  49  deg.  29  min.  ?  -    g   ^  3 

ce  lieu  eft  d'environ    170   toiffS-^-  7    fi  11     "\ 

l'églife  de  Notre-Dame ,  la  iatiti'i  J  £   ;_),  ^  H     ;• 

de  49  deg.  29  min.  |pfec.      /*J  j?   P   ','    Ji  ''        l 


Nous  avions  auffi  réfolu  i  &  %  *   m    9r    »    t 

.!  t!  B |! 


t  « 


fion  du  premier    \f  |  , 

au  phénomène    £  # 

efpérer  quel'    ; 

d'obferver 

Ainfi  le 

nous  c1 

que! 

tèf  .nais  :  Séjour  en  cette  derniht 


yille  j  S"  fi  dejcription: 


»  .i*  i 


^v 


ous  n'c/périons  point  partir  fë  lundi»  25  Mai: 
le  vent  fixé  les  jours  préttèdens  au  nord -eft, 
nous  étoit  favorable  pour  fortir  du  port  ;  mais  abfolu- 
ment  contraire  pour  faire  route  vers  Calais  :  nous  fumes 
agréablement  farpris,  Jorfque  le  jour  commençant  à 


/ 


/ 

« 


DE  M.  D R>  CO UH TA  NVA UX.         9  Ç 

^  ta  paraître,  M.  Couradin  nous  fit  annoncer  que 

,  v-^  t  fouffloit  de  la  partie  du  fud-oueft;  j'ordonnai 

';'*•»  'émoiitâf  fur  ie  champ  i'Obfervatoirej  qu'on 

les  inftrumens,  &  qu'on  fe  préparât  fivféta» 
/    *f  -tindès  ce  matin  même,  àla-marébldef*» 

fut  bientôt  prêt;,  à  7  heures  nous  étions* 

bord  de  VAurort.  Nous  appareillâmes 

-,   '  du  baffin  &  du  port;  les  vents 

tés  au  nord- nord -oueft,  moyen 
'  ites  voiles  dehors  ;  il  fallut  lou- 

m 

nous  eûmes  doublé  le  cap  de 
'  "es  midi  nous  doublâtes  le. 

om  me  le  chef  de  Gaux ;  Ja 
le  vent  foufflànt  grand 
\  le  roulis  &  le  tangage 
montres  marines»  ils 
>  les  partager*,  ;& 
*n  furent  incom- 
v^amp  nous  reftoit  au, 
w  trois  lieues  :•  nous  fai  fions  route 
vjuart  de  nord*    -  *■  ».  .  ^    i 

-^e  mardi  26,  les  vents  Te  rapprochèrent  encore 
plus  de  l'oued,  augmentant  encore  en  fraîcheur;  à 
4  heures  du  matin  ,  nous  relevâmes  la  pointe  des 
Perrées  ou  de  Dungenefs,  fur  la  côte  d'Angleterre.; 
elle  nous  reftoit  au»  nord,  à  la  dlflance  deitrois  lieues. 
A  5  heures  un  Vaifleau  anglois  s  approcha  de  ndus,  & 
nous  demanda  û  nous  avions  beforn  d'un  pilote  pour- 
Aï  ij 


#»•» 
-i 


%6        ••;     :   V  a  V  A  ge 

d'un  des  bords  que  l'on  prenoit  à  uae.  dtitance  con* 
venable  de  la  bouffole,  nous  avons  trouvé  que  la 
déçlinaifon  de  l'biguilie  aimantée  étoit  de  19  deg, 
15  min.  du  nord  à  l'ouefL 

Je  paffe  fous  iilence  plusieurs  autres  opérations  que 
nous  avons  faites  au  Havre ,.  &  que  nous  avons  répé- 
tées dans  toutes  nos  relâches,,  pour  nous  affairer  tant 
de  l'erreur  du  quart -de -cercle  que  de  la  valeur  des 
^évolutions  &  des  parties  de  fon  micromètre.  Nous 
donnerons  toujours  les  hauteurfc  évaluées  &  corrigées 
de  l'erreur  de  l'inûrument,  c'eft-à-rdire,  les  hauteurs 
véritablement  apparentes.  Dans  tout  notre  travail, 
c 'é toi (  ordinairement  M.  Meffier  qui  obfervoit,  M. 
Pingre  comptait  alla  pendule  &  faifok  tous  les  calculs 
néceflaires ,  fans  s'en  rapporter  aux  calculs  déjà  faits 
par  d'autres;  je.fuppléois  dans  le  befoin  au  défaut  de 
Vim  ou  de  l'autre  t,  &  j  avois  l'œil  à  tout. 


.1      1  : 


CHAPITRE    V  L 

Route  du  Havre  à  Calais  ;  Séjour*  en  cette  dernière 

ville*  &  fâ  defeription.   . 

f  .       %.]    ..t    '-r«i;:i  ...»  k 

Nous  n'qfpérions  point  partir  le  lundis  25  Mai: 
le  vent  fixé  les  jours  précédens  au  nord-cft, 
nous  étoit  favorable  pour  fortir  du  port;  mais  abfolu- 
ment  contraire  pour  faire  ronte  vers  Calais  :  nous  fumes 
agréablement  fwpris,  lorfqUe  le  jour  commençant  à 


DE  M.  D&COURTAKVAUX.         $t 

peine  à  paraître,  M.  Couradin  nous  fit  annoncer  que 
le  vent  fouffioit  de  la  partie  du  fud-oueft;  j'ordonnai 
qu'on  démontât  fur  ie  champ  KObfewatoirej  qu'on 
embarquât  les  inftrumens,  &  qu'oç  fe  préparât  fêrçeU* 
fement  à  partir  dès  ce  matin  nfiênie,  à  ta:  matébldef* 
cendante:  tout  fut  bientôt  prêt;,  à  7  heures  nous  étions 
tous  raflèmblés  à  bord  de  Y  Aurore.  Nous  appareillâmes 
à  7  heures  £  hors  du  baffin  &  du  port  ;  les  vents 
étoient  alors  remontés  au  nord -nord- ou  eft,  moyen 
frais,  belle  mer,  &  toutes  voiles  dehors;  il  fallut  lou- 
voyer. En  fix  bordées  nous  eûmes  doublé  le  cap  de 
fa  Hève  ;  à  une  heure  après  midi  nous  doublages  le. 
cap  d'Antifer»  autrement  nommé  le  chef  de  €aux;  J» 
mer  devint  enfuite  houleufe:  je  vent  foufflant  grand 
frais  du  nord-oueft  quart  d'où  eft,  le  roulis  &  le  tangage 
ne  fecouèrerrt  pas  feulement  les  montres  marines ,  ils 
fe  firent  auffi  fentir  à  prefque  tous  les  partager* ,  ;& 
même  à  plufieurs  de  l'équipage  qui  en  furent  incom- 
modés: à  5  heures  du  foir9  Fécamp  nous  reftpit  au, 
fud,  à  la  diftance  de  trois  lieues:  nous  fai fions  route 
au  nord-eû  quart  de  nord.    -  "  .  ■>  \\ 

Le  mardi  26 ,  les  vents  fe  rapprochèrent  encore 
plus  de  l'oued,  augmentant  encore  en  fraîcheur;  à 
4  heures  du  matin ,  nous  relevâmes  la  pointe  des 
Perrées  ou  de  Dungenefs ,  fur  la  côte  d'Angleterre.; 
elle  nous  reftoit  au»  nord,  à  la  diftance  de! trois  lieues, 
A  5  heures  un  VaifTeau  anglofs  s  approcha  de  nous,  & 
nous  demanda  û  nous  avions  beforn  d'un  pilote  pour 

Mi] 


9»        /'.  -o  r.%  K  cr  r  aZ  a.  £  \k  :>  .\ 

£>ouvres;  à  7  heures  nous  eûmes  connoifTance  du 
cap  Grif-nez,  fur  la  côte  de  Picardie,  &  nous  gou- 
vernâmes: à,  l'eft^  fous  nos  quatre;  vûiles  majeures, 
jufqu'à  ce  que  le  cap  fût  doublé  :  à  10. heures  le  pilote 
de  Calais: vint  à  notre  bord„  &  nous  entrâmes  vers  1 1 
heures  du  matin  dans,  ie  port.  M.  Audibert  Capitaine 
du  portf  vint  recevoir  la  Frégate,  &  tous  les  Yaiffeaur 
quufe  trouMokpt  mouillé*  dans  le  port:i  arborèrent 
leur  pavillon..;  - .  ;  ; 

Obfervatîons  - 1  Nous  entrâmes  dans  Calais  vers  raidi*  &  nous  fumes 

loger  à  Thôtel  d'Angleterre;  c'eft  une  belle  &  grande 
auberge,  mais  fo»; principal  n^ériteà  ûosyeùx,  fut. que 
nous  trouvâmes  Je  moyen  d'y  établir  uq •  Qbfervatoire 
àuffi  folicLe  <5c  beaucoup  plus  commode  qu'aucun  de  I 

ceux  que  nous  ayorls  rencontré  durant  tout  le  cours  * 

de  notre  voyage;  il  itoit  fi  tué.  dans  ,une.  vafte  faile 
e&ppfée  au.  midi.,  fife  au  rfez^dc- chauffée,  pavée  de 
bonnes  pierres  f  de  Italie,  riyar>f!  dé  vartt  elle  un  grand 
prdin;  c'étoit  dansi  ce  jardin  i,iau  .bas  d'une  fenêtre 
voifine  de;  la; pendule- &  de -l'inftr  liment  des  paflages, 
que  l'on  plaçoit  le  quart -de -cercle  ou  (les  lunettes  * 
toutes  les;  fois  Iqu't^  s'agiffart.  de  fairç  quelque  »  obfer- 
vation  avec,  tes  inftrumens;  il  en  faut  feulement  excepter 
les  «hauteurs  Méridiennes  du  Soleil  &.  des  Étoiles  qui 
ont  été  obfervées  avec  le  quart- de -cercle,  à  la  porte  | 

&  Sur  kufol  morne,  dè>  la  ftlle-c  comme  cette  pièce 
nbus  fecvdit;  en  même  -  temps  .  diè\  falle.  à  manger, 
j'avois  faît  jentébrer  la  pendule  de  cercles  de:  fer,  qui 


1  . 


DE  M.DB,  COURTANVAUX.  9} 

empêchoient  d'en  approcher  &  d'en  déranger  ie  mou-: 
vement  :  on  a  aufïi  pris  toutes  les  précautions  nécef- 
faires  pour  que  i'affiuence  de  monde  qui  fe  rendoit 
dans  cette  falle,  dans  la  vue  de  nous  faire  des  vifites, 
ne  nuifit  en  .rien  à  la  précifion  de  nos  opérations.  Au 
contraire,  quelques-uns  de  ces  vifiteurs  nous  furent 
très-utiles,  en  nous  aidant  dans  nos  obfervations ,  au* 
delà  de  ce  que  nous  aurions  pu  le  defirer.  Tels  furent, 
entr  autres  ,  M.  de  Fourcroix  ,  Ingénieur  en  chef  de 
Calais,  &  Chevalier  de  l'ordre  royal  &  militaire  de 
Saint-Louis.,  maintenant  Correfpondant  de  l'Académie; 
&  M.'  de  Relingue,  Ingénieur ,  &  pareillementtChevalier 
de  Saint-Louis.  Les  inftrumens  nécefiaires  furent  tranf- 
portés  à  cet  Obfervatoire  le  27  Mai,  lendemain  de 
notre  débarquement  à  Calais. 

Le  vent  avoit  foufflé  de  l'oued  tout  le  ±6;  le  ciel 

« 

avoit  cependant  été  allez  beau  durant  l'après-midi  :  à 
1  o  heures  du  foir ,  le  baromètre  étoit  à  la  hauteur  de 

* 

27  pouces  1 1   lignes  £ ,  &  le  thermomètre  marquoit 
12  degrés. 

Le  mercredi  27,  les  vents  furent  variables  de 
l'oueft  au  n.ord-oueft,  avec  pluie  par  intervalles;  nous 
ne  pûmes  faire  aucune  obfervation:  je  commencerai  le 
détail  de  celles  que  nous  fîmes  les  jours  fuivans,  par 

celles  qui  concernent  la  latitude  de  Calais. 

«         *        »    *  . 

;  X&  28 ,,  fort  beau  temps,  vpnt  nord-nprd-oueft ,  hau-     Latitude 
teutf  méridienne  du  bord  fupérieur  du  Soleil ,  60  deg. 

M  iij 


de  Calais. 


9+  Voyage 

47  min.  23  fec.  \\  donc  latitude  de  Calais ,  50  deg. 
57  min.  24  fec.  nuages  &  pluie  le  foir. 

Le  29 ,  couvert  tout  le  jour;  vent  vers  Toueft. 

Le  30,  vent  du  fud-oueft  &  couvert,  ou  pluie  & 
grêle  le  matin  ;  vent  de  fud  &  beau  temps  l'après-midi  : 
•  hauteur,  méridienne  du  bord  fupérieur,  61  deg.  6  min. 
1  fec.  donc  latitude,  50  deg.  ^7  min.  18  fec. 

Le  même  jour ,  hauteur   méridienne   d'Ardurus, 

59  <feg-  27  min-  l  fec.  7*  donc  latitude  de  Calais, 
50  deg.  57  min.  33  fec. 

Le  3 1  Mai ,  le  ciel ,  d'abord  couvert ,  s'éclaircit 
enfuite  par  un  bon  vent  frais  de  fud-oueft;  hauteur 
méridienne  du  bord  fupérieur  du  Soleil,  61  deg. 
14  min.  45  fec.  latitude  de  Calais,  50  deg.  yj  min. 
24  fec.  j. 

Le  même  jour  nous  primes  les  hauteurs  méridiennes 
des  Étoiles  fui  van  tes:  *.  de  la  Vierge,  29  deg.  7  min* 
20  fec.  latitude ,  57  deg.  57  min.  47  fec. 

5  De  la  Vierge,  29  deg.  39  min.  26  fec.  latitude, 
50  deg.  yj  min.  34  fec. 

fi  Du  Bouvier,  58  deg.  37  min.  23  fec.  latitude, 
jq  deg.  yj  mjn.  48  fec. 

Arâurus,  59  deg.  27  min.  15  fec.  latitude,  jo  deg. 
57  min.  19  fec. 

Le  i.er  Juin ,  fort  belle  matinée  par  un  vent  de  fud- 
oueft;  à  1  heure  j  du  foir  pluie,  vers  3  heures  éclairs, 
tonnerre  &  grêle,  puis  ciel  couvert,  belle  foirée; 
hauteur  méridienne  du  bord  fupérieur  du  Soleil,  61  deg, 


de  M:db  CovrTahvaux.       95 

iz  min.  37  foc.  donc  latitude  de  notre  Obfcrvatoire , 
|o  deg.  yj  min.  28  fec. 

Hauteur  méridienne  de  *  ng,  29  deg.  7  min.  32  fec. 
latitude,  50  deg.  57  min.  35  fec. 

Hauteur  méridienne  de  J  iç ,  39  deg.  39  min. 
21  fec.  latitude,  50  deg.  57  min.  39  fec. 

Le  2 ,  beau  le  matin ,  ciel  couvert  enfuite,  &  pluie 
continuelle  l'après-midi;  vent  variable  du  fud-oueft 
au  nord-eft",  par  le  nord-oueft. 

Le  3,  vent  variable  de  fud  au  nord-oueft,  ciel 
prefque  toujours  couvert,  &  pluie  continuelle  après- 
midi;  hauteur  méridienne  du  bord  fupérieur,  prife 
entre  les  nuages  1  min.  \  avant  midi  ;  mais  réduite  à 
l'heure  de  midi  61  deg.  38  min.  48  foc.  7;  donc 
latitude,  jo  deg.  yj  min.  1.8  fec.  £< 

Le  4,  vent  variable  du  nord-oued  au  fud,  beau, 
temps  le  matin ,  couvert  &  pluie  le  foir  ;  hauteur, 
méridienne  apparente  du  bord  fupérieur ,  61  dcg~ 
45  min.  48  fec.  £;  donc  latitude,  50  deg.  57  min. 
31  fec.f  -      - 

Hauteur  d'<t  de  np,  29  deg.  7  min.  31  fec.  latitude, 
}0  deg.  yj  min.  36  fec. 

Hauteur  d*  Arâurus ,  59,  deg.  26  min.  53  fec.  7; 
latitude»  50  deg.  yj  min.  41  fec. 

Voilà  donc  quinze  obfervations  de  la  latitude  de 
Calais,  qui  paroiflent  s'accorder  fort  bien  enfembie; 
prenant  un  milieu  entre  toutes,  nous  conclurons  que 
te  lieu  de  notre  Obfervatoire ,  à  Calais,  étoit  par  Ja 


$6  .  V  ff  r  a  g  £ 

Jatitude  boréale  #  de  50  ,deg.  57  min,  32  fec.  A 
comme  cet  Obfervatoire  eft  d'environ  40  à  50  toifes 
plus  méridional  que  la  grande  tour  de  l'hôtel-de-villef 
nous  croyons  qu'on  peut  établir  que  Ja  latitude  de 
cette  tour  eft  de  jo  deg.  57  min.  3  y  fec. 
Longitude  Quant  à  la  longitude  de  cette  viUe  f  nous  ne  pouvons 
Calaîs.  guère  la  déterminer  autrement. que  celle  du  Havre;  ce 
n'eft  pas  que  nous  n'ayons  fait  piufieurs  obfervatîons 
relatives  à  cet  objet,  mais  nous  n'avons  pu  jufqu'à 
préfent  nous  procurer  les  obfervatîons  correfpon- 
dantes  néceflaires.  On  établit  ordinairement  que  Calais 
eft  de  1  min.  56  fec.  plus  occidental  que  l'Ob- 
fervatoire  royal  ;  fur  une  immerfion  du  premier  Satel- 
lite de  Jupiter,  obfervée  le.  19  Novembre  1,68 1  .  à 
Calais  à  minuit  45  min.  38  fec.  &  à  Paris  à  minuit 
47  min.  48  fec.  la  différence  des  méridiens  feroit  de 
z  min.  10  fec.  de  temps  :  le  30  Mai  nous  nous, propo- 
sons d'obferver  une  occultation  de  Mars  par  la  Lune, 
qui  deypit  être  -vifible  à  Calais ,  félon  nos  calculs ,  & 
qui  d'ailleurs  étoit  annoncée  dans  les  Ephémérides  de 
M.  Zanotti;  les  nuages  y  mirent  obilacle.  Le  même 
jour  nous  vimes  le  bord  précédent  de  la  Lune  au 
méridien ,  i  ofêc.  |  après  te  paflage  du  centre  de  Vénus; 
nous  n'avons  point  d'obfervation  correfpondante  à 
celle-ci.  Le  31  Mai,  le  même  bord  de  la  Lune  a  pafle 
49  min.  41  fec.  £  après  Vénus  ;  mais  npus  croyons 
avoir  des.  raifons  pour  nous  défier  de  cette  obfervation: 
il  avo/t  fallu,  toucher  g  l'inilrument  entre  les  deux 

paffages. 


DE  M.  DE  COU RTANVAUX.  97 

partages.  Le  30  Mai,  à  9  heures  17  min.  17  fec. 
temps  de  la  pendule,  ou  à  9  heures  14  min.  47  fec. 
du  foir,  le  fécond  Satellite  nous  parut  fortir  de  l'ombre 
de  Jupiter;  il  ne  nous  eft  point  encore  parvenu  d'ob- 
fervation  correfpondante  à  celle-ci:  1  min.  43  fec. 
après  l'émerfion ,  le  Satellite. avoit  recouvré  toute  fa 
lumière.  Le  i.cr  Juin,  autre  émerfion  du  premier 
Satellite,  à  9  heures  54  min.  28  fec.  temps  de  la 
pendule,  ou  à  9  heures  51  min.  41  fec.  temps  vrai; 
nous  avons  coté  cette  obfervation  comme  très -bonne: 
nous  nous  fervions  d'une  lunette  achromatique  de  3 
pieds,  dont  Tobjeélif  étoit  compofé  de  trois  verres, 
&  que  nous  avions  armée  de  fon  plus  fort  équipage. 
A  TObfervatoire  royal  de  .Paris,  la  même  émerfion  a 
été  obfervée  par  M.  Maraldi  à  9  heur.  ^4  mini  29  fec. 
temps  vrai  :  M.  Maraldi  donne  cette  obfervation  comme 
bonne  ;  il  fe  fervoit  à  fon  ordinaire  d'une  excellente 
lunette  de  Campani  de  15  pieds;  ainfi  la  différence 
des  méridiens  entre  Calais  &  Paris  ferait  de  2  min. 
48  fec.  à  moins  que  pour  fauver  la  détermination 
ordinaire,  on  ne  prétendît  attribuer  52  fec.  à  la  diffé- 
rence des  effets  des  deux  lunettes,  ce  qui  n'eft  point 
du  tout  vraifemblable  par  rapport  au  premier  Satellite. 
Cependant  Téclipfe  de  Soleil  du  i.cr  Avril  1764 
femble  décider  abfolument  la  queftion  :  fi  Ton  a  réel- 
lement vu  1  anneau  fe  former  à  Calais  à  10  heures 
36  min.  00  fec.  &  fe  rompre  à  10  heures  42  min. 
S  fec*  comme  le  témoignage  de  M.  le  prince  de  Croï 

.  N 


9&  Voyage 

&  de  detnr  autres  Obfervateurs  intettigens  ne  nous 
permet  pas  d'en  douter  r  il  fuit  que  te  méridien  de 
Calais  ef!  de  i  mm.  yp  fec.  plus  occidental  que  cetor 
de  Paris:  nous  nous  en  tiendrons  à  cette  détermi- 
nation. 
Dédîoaifon  Huit  relèvemens  du  centre  du  Soleif ,  pris  le  5  Juin 
raiguiHe     au  matin,  &  comparés  avec  l'heure  vraie  de  chanue 

à   Calais  / 

obfervation  t  nous  ont  donné  1  p  deg.  $6  min.  pour 
la  décfinaifbn  de  J'aigurfle  du  nord  à  Koueft. 
Marche  D£s  fe  mercredi  27  Mai,  vers  j  heures  du  foir,. 

de  la  montre  '  y 

marine,  nous  avions  mis  la  pendule  en  mouvemerrt ,  .en  tu* 
fàifant  marquer  la  même  heure  que  la  montre  marine. 
Un  grand  nombre  de  hauteurs  correfpondantes,  prrfes 
iè  lendemain  28,  irons  donnèrent  le  midi  à  midi*2  min. 
10  fec.  \  de  la  pendule  ;  6  ou  7  mm.  après ,  la  montre 
marine  aVançoit  de  22  fec.  fur  la  pendule  r  ou  de 
2  min.  32  fec.  j  fur  le  temps  vrai ,.  ou  enfin  de  f  min. 
46  fec.  £  fur  le  temps  moyen.  Le  24.  Mar,  à  midi  au 
Havre,  elfe  avançoit  de  10  min.  38  fec.  |  fur  le  même 
temps  moyen  ;  &  comme  elle  avançoit  de  27  fec. 
18  tierces  j  par  jour ,  en.  quatre  jours  écoulés  ,  du  24 
au  28  ,  elle  auroit  dû  avancer  de  1  min.  49  fec.  £; 
elfe  devoit  donc  fe  28  avancer  fur  le  temps  moyen 
de  12  min.  28  fec.  £,  mais  elle  n  avançoit  que  de 
5  min.  46  fec.  ~;  la  différence  6  min.  41  fec.  |  fêroit 
ta  différence  des  méridiens  entre  Calais  &  le  Havre,  fi 
la  montre  eût  confervé  fidèlement  fa  marclte.  Mais 
comme  H  y  a  apparence   que  cette  différence  des 


DE  M.   DE  CCURTASVAUX.  99 

méridiens  eft  à  très -peu-près  de  6  min,  59  fec.  nous 
concluons,  avec  beaucoup  d'apparence,  qu'outre  les 
27  fec.  j  dont  la  montre  devoit  avancer  chaque  jour, 
Jes  mouvemens  infolits  qu'elle  avoit  éprouvés  iur  la 
Manche  auront  occafionné  dans  fon  mouvement  une 
accélération  d'environ  17  fec.  j.  Le  baromètre ,  à 
7  heures  ~  du  matin  ,  étoit  à  27  pouces  10  lignes  •£>; 
à  1  heure  £  du  foir,  à  27  pouces  *  i  lignes  j\  à  1© 
heures  £  du  foir,  à  28  pouces  o  lignes  |.  Le  ther- 
momètre f  aux  mêmes  heures ,  étoit  à  9 ,    13  &  8 

Le  vendredi  29 ,  peu  de  minutes  après  midi  9  h 
montre  marine  avançoit  de  50  fec.  j  fur  Ja  pendule. 
Le  baromètre ,  aux  mêmes  heures  que  le  2  S ,  étok 
à  27  pouces  1 1  lignes ,  27  pouces  9  lignes  £ ,  27 
pouces  7  lignes  |  :  le  thermomètre  marqiioît  10  à 
10  deg.  j. 

Comme  la  montre  de  M.  Leroy  paroiffoit  avoir  à 
Calais  le  même  mouvement  à  peu  -  près  que  nous  lui 
avions  reconnu  au  Havre ,  &  que  d'ailleurs  nous  foup- 
çonnions  aJors  que  les  17  fec.  £  d'accélération  que 
nous  avions  remarquées  Ja  veille  dans  cette  montre 
pouvoient  être  rejetées  fur  l'incertitude  de  k  longi- 
tude du  Havre  ,  plutôt  que  fur  aucun  dérangement 
furvenu  à  la  montre ,  je  me  crus  obligé ,  pour  fatisfaire 
à  ma  mifiion,  de  rendre  compte  à  l'Académie  des 
opérations  que  nous  avions  faites  jufqu 'alors ,  &  du 
fuccès  que  nous  en  efpérions:  je  le  fis  par  la  Lettre 

N  i j 


■ 

ioo  Voyagé 

ci  -  jointe ,  que  j'écrivis  à  M.  de  Fouchy ,  Secrétaire 
perpétuel. 

Copie  de  la  Lettre  écrite  à  t Académie  le  2jf  Mai  ip '67. 

Lettre  Je  croîs,  mon  cher  confrère,  ne  devoir  pas  laifTer  ignorera 

l'Académie.   l'Académie,  lefpérance  que  nous  avons  conçue  de  nos  pendules. 

Nous  avons  vérifié ,  au  Havre ,  leur  marche  par  des  hauteurs 
correfpondantes ,  à  différentes  reprifes  ;  nous  les  avons  trouvé 
confiantes  dans  leur  marche.  On  ne  peut  rien  ajouter  à  i'acftivité 
de  M.  Pingre  &  de  M.  Meffier:  on  ne  peut  non  plus  donner 
trop  de  louanges  à  M.  Leroy,  qui  a  quitté  Paris  pour  nous 
remettre  (es  pendules;  il  n'a  pas  laiffé  que  de  faire  des  expé- 
riences par  lui-même,  dont  il  rendra  compte  à  l'Académie.  Je 
ne  faurois  trop  me  louer  de  fa  modeftie  &  des  moyens  même 
qu'il  nous  procure  pour  les  mettre  à  toutes  les  épreuves  que 
nous  délirions.  Nous  fommes  fortis  avec  les  pendules ,  que  j'ai 
placées,  l'une  à  flribord,  l'autre  à  bâbord  dans  la  grande  chambre 
de  la  Frégate,  place  que  je  ne  choifirois  pas  fi  les  pendules  étoient 
parfaitement  connues,  attendu  le  roulis  qui  s  y  fait  fentir  avec 
excès,  fur-tout  dans  un  petit  Bâtiment.  Nous  fommes  (  dis- je) 
fortis  le  21  Mai  avec  un  joli  vent  nord- nord -efl;  nous  avions 
toutes  nos  voiles  dehors;  nous  avons  couru  plufteurs  bordées; 
mais  le  vent  ayant  fraîchi  &  étant  devenu  plus  contraire  ,  nous 
avons  été  contraints  de  revenir  mouiller  à  la  petite  rade  du  Havre; 
nous  y  avons  pafTé  la  nuit  jufqu'au  lendemain  5  heures  après 
midi,  que  nous  avons  été  obligés  de  rentrer  dans  le  port.  Nous 
avons  tranfporté  les  pendules  à  terre,  ainfi  que  nos  inft rumens; 
nous  les  avons  examinés,  &  nous  n'avons  pas  reconnu  de  déran- 
gement fenfible,  quoique  le  roulis  fut  devenu  très-confidérable. 

Le  25  ,  nous  avons  appareillé  pour  faire  route,  &  après  quel- 
ques bordées  nous  avons  doublé  le  cap  d'Antifêr;  la  mer  étoit 


DE  M.   DE  COURTANVAUX.         IOI 

aflez  belle;  mais  fur  les  5  heures  le  vent  a  fraîchi,  la  raer  eft 
devenue  patouilleufe  :  fur  le  minuit  nous  avons  diminue  de  voiles, 

6  par  le  travers  des  pérées  la  mer  eft  devenue  fi  forte ,  qu'au 
dire  des  marins  il  n'y  avoit  qu'une  tempête  qui  pût  la  rendre 
plus  confidcrable.  Nous  fommes  arrivés  dans  le  port  de  Calais 
vers  les  10  heures.  II  y  avoit  à  craindre  que  le  mouvement  forcé 
du  Navire  n'eût  dérangé  nos  pendules;  nous  les  avons  portées  à 
terre ,  remis  nos  inftrumens  en  place ,  &  le  28  nous  avons  pris 
des  hauteurs  ;  nous  avons  jugé  ,  M."  Pingre ,  Mefiie*  &  moi, 
qu'elles  alloient  bien,  &  qu'elles  ne  s'étoient  pas  beaucoup  déran- 
gées; mais  nous  avons  trouvé  que  la  longitude  du  Havre  nctoit 
pas  bien  déterminée,  ainfi  que  M."  Pingre  &  le  Monnier  l'avoient 
penfé  anciennement.  Les  mauvais  temps  ne  nous  ont  pas  permis 
de  voir  une  éclipfe  de  Satellites.  Nous  comptons  faire  route  dans 
cinq  ou  fix  jours  pour  Dunkerque,  dont  la  pofition  eft  connue, 
ainfi  que  celle  de  la  Hollande.  Je  me  ferai  un  grand  plaifir  de 
vous  communiquer  ce  qu'il  y  aura  de  neuf  à  ce  fujeu  Vous  cou- 
noiflez  les  fentimens  avec  lefquels  j'ai  l'honneur  d'être ,  &e. 

Le  famedi  30  >  nous  eûmes  midi  vrai  à  midi  2  min* 
27  fec.  jL  de  la  pendule  ;  le  vent  nous  gênoit  beau- 
coup, lorfque  nous  prenions  les  hauteurs  defquelles 
nous  avons  conclu  ce  midi.  II  fuit  que  la  pendule  en 
deux  jours  a  avancé-  de  1  fec.  1  tierce  fur  le  temps 
moyen."  6  min.  i  après  midi  la  montre  marine  avançoit 
de  1  min.  1 5  fec.  £  fur  la  pendule;  donc  en  deux  jours 
elle  aura  avancé  de  54  fec.  ■»  fur  le  temps  moyen.  A 

7  heures  £  du  matin ,  &  à  midi  \,  le  baromètre  étoit 
à  27  pouces  6  lignes  |,  &  le  thermomètre  à  1 1  deg. 
à  10  heures  du  foir;  baromètre,.  27  pouces  8  lignes; 

jhermomètre,  9  deg.  f. 

N  ul 


%oz  Voyage 

Le  Dimanche  3 1 ,  midi  vrai  à  midi  2  min.  3  5  (ec.  -p 
<îe  la  pendule;  donc  en  vingt-quatre  heures  die  auroit 
retardé  de  y  de  fec.  fur  le  temps  moyen:  8  min.  { 
après  midi  la  montre  marine  avançoit  de  1  mîn.  44  fec. 
fur  la  pendule  ;  fon  avancement  fur  le  temps  moyen 
auroit  donc  été  de  28  fec.  -^  en  vingt-quatre  heures: 
fi  Ton  doute  de  l'exaéiitude  du  midi  pris  Je  30,  à 
caufe  du  vent  qui  agi  toit  le  fil  à  plomb,  il  faudra  dire 
que  depuis  le  28  jufqu'au  3 1  la  montre  marine  aura 
avancé  de  1  min.  23  fec.±9  ou  de  27  fec.  —  par  jour, 
A  7  heures  du  matin ,  à  midi  \  &  à  10"  heures  du  foir, 
baromètre,  27  pouces  8  lignes,  27  pouces  8  lignes  j 
&  27  pouces  9  lignes  y  ;  thermomètre  aux  mêmes 
heures,  10,  13^9  deg.  \.  Ce  même  jour,  nous  nous 
aperçûmes  que  le  réfervoir  du  baromètre  étoit  fêlé; 
mais  nous  ne  vîmes  aucun  indice  qu'il  fe  fût  échappé 
quelques  parties  du  mercure  qui  y  étoit  contenu. 

Le  lundi  i.cr  Juin,  nous  avions  pris  le  matin  des 
hauteurs  ;  le  mauvais  temps  nous  empêcha  d'en  prendre 
les  correfpondantes  le  foir  :  mais  en  comparant  des 
hauteurs  correfpondantes  prifes  le  31  Mai  au  foir,  & 
le  2  Juin  au  matin ,  nous  en  concluons  le  midi  vrai  du 
i.cr  Juin  à  midi.  2  min.  43  fec.  ~  de  la  pendule, 
laquelle  auroit  en  conféquence  avancé  de  £  de  fec.  for 
le  temps  moyen  en  vingt -quatre  heures.  A  midi  17 
min.  la  montre  marine  avançoit  de  2  min.  12  fec.  j 
fur  la  pendule;  ainfi  en  un  peu  plus  de  vingt -quatre 
heures  elle  auroit  avancé  de  28  fec.  ~  fur  le  temps 


de  M.  de  Court anvaux.      ioj 

moyen.  Mais  cette  méthode  de  déduire  le  midi  d'ob- 
fervations  ch  fiantes  de  quarante-deux  heures  entre  elles, 
fuppofe  dans  la  pendule  un  parfait  ifochronifme ,  qui 
n'y  eft  peut-être  pas.  Baromètre,  à  7  heures  du  matin 

6  à  midi  £,  27  pouces  10  lignes  J-;  thermomètre  > 
11  deg.  £<5c  i+deg.f 

Le  mardi  2 ,  aulïitôt  après  midi ,.  la  montre  marine 
avançoit  de  2  min.  4.0  fec.  j  fur  la  pendule.  Baromètre , 
à  7  heures  da  matin ,  à  midi  £  &  à  1  o  heures  7  du  foir , 
2/7  pouces  10  lignes  y,  27  pouces  10  lignes,  27  pouces 

7  lignes  ;  thermomètre ,  to  ,  13  deg.  7,10  deg.  £. 
Le  mercredi  3 ,  à  midi  £,  la  montre  marine  avançoit 

de  3  min.  8  fec.  7  fur  la  pendole.  A  7  heures  |  du 
matin,  à  midi  £  &  à  10  heures  £  du  foir,  baromètre, 
27  pouces  6  lignes  £ ,  27  pouces  ^  lignes  j,  27  pouces 
•7  lignes  j;  thermomètre,  11,13  deg.  £,  7  deg. 

Le  jeudi  4. ,  midi  à  midi  3  min.  1 1  fec.  ~  de  fa 
pendule,  laquelle  avoit  par  conféquent  retardé  de  près, 
de  i  fec.  fur  le  temps  moyen  depuis  le  i.*r  du  mois, 
ou  bien  depuis  le  28  Mai  elle  auroit  avancé  de  *  de  fec. 
A  midi  £  la  montre  marine  avançoit  de  3  min.  36  fec. 
fur  la  pendule;  donc  en  trois  jours  âc  treize  min.  elle 
a  avancé  de  1  min.  23  fec.  fur  le  temps  moyen ,  &  par 
conféquent  de  27  fec.  i  par  jour;  ou  en  comparant  le 
28  Mai  au  4,  Juin,  en  fept  /ours,  vingt- trois  min.  la 
montre  marine  aura  avancé  de  3:  min.  14.  fec.  ce  qui, 
à  une  tierce  près ,  donne  pareillement  pour  avancement 
journalier,  27  fec*  j%  li  paroît  donc  que  le  mouvement 


104.  Voyage 

de  la  montre  marine  étoit  un  peu  plus  précipité  à 
qu'au  Havre;  mais  la  différence  n 'étoit  que  d'un  tiers 
de  féconde  par  jour.  Le  même  jour  4  Juin,  à  6  heures  y 
du  matin ,  à  midi  \  ôl  à  1 1  heures  du  foir,  baromètre, 

27  pouces   10  lignes  £,  27  pouces   11   lignes  \  Se 

28  pouces  o  ligne^;  thermomètre,  7 deg. i,  1 2  deg.  y 
-&9tdeg.f 

Le  vendredi  5  ,  à  6  heures  du  matin  &  à  midi  £, 

baromètre,  28  pouces  o  ligne  |;  thermomètre,  8  & 

1 2  deg.   En  voulant  ferrer  le  baromètre ,  nous  nous 

aperçûmes  que  le  mercure  s'échappoit  par  la  fêlure  que 

nous  y  avions  remarquée  le  3 1  Mai.  M.  de  Fourcroix 

voulut  bien  nous  en  prêter  un  autre ,  fait  par  Cappy  à 

Paris ,  également  portatif,  &  dans  lequel  le  mercure  fe 

foutenoit  toujours  2  lignes  plus  haut  que  dans  celui 

dont  nous  nous  étions  fervis  jufqu 'alors,  ainfi  que  nous 

nous  en  étions  affairés  par  plufieurs  comparaifons  faites 

à  Calais  les  jours  précédens.  Ce  baromètre,  le  ^  Juin, 

à  10  heures  ~  du  foir,  étoit  à  la  hauteur  de  28  pouces 

3  lignes.  Il  plut  ce  jour-là  prefque  continuellement. 

Régiment        Nous  étions  arrivés  à  Calais  le  26  Mai  vers  midi . 

à  Calais;    comme  je   l'ai   dit  ci-defTus.    Le  régiment  Royal, 

"nous Tait°n  infanterie,  dont  j'étois  Colonel  durant  la  guerre  de 

«1  cette viifc,  ]}avjère ,  étoit  alors  en  garnifon  dans  cette  ville;  je  ne 

puis  qu'être  extrêmement  fenfible  à  l'accueil  gracieux 
que  j'ai  reçu  de  ce  régiment  :  les  Officiers  vinrent  me 
recevoir  fur  le  port  ;  ils  ne  me  quittoient  prefque  que 
quand  leur  devoir  les  appeloit  ailleurs;  ils  me  forcèrent 

a 


DE  M.  DE  COURTAHVAUX.         105 

à  accepter  de  jour  &  de  nuit  une  fentinelle  devant  ma 
porte;  ils  voulurent  me  traiter,  avec  toute  ma  çom* 
pagnie,  dès  le  lendemain  de  mon  arrivée;  ils  mirent 
un  Grenadier  en  faétion  fur  la  Frégate;  ils  embraftbient 
à  l'envi  tous  les  moyens  que  leur  imagination  pou  voit 
teur  fuggérer ,  pour  nous  rendre  le  féjour  de  Calais 
doux  &  gracieux:  M.  le  marquis  du  Tillet,  qui  pou* 
lors  étoit  Colonel  de  ce  Régiment,  ne  fe  contentoit 
pas  d'approuver.  &  de  féconder  la  bonne  volonté  des 
autres  Officiers,  il  s'efforçoit  même  d'enchérir  fur  eux 
par  les  politefles  dont  il  nous  combloit.  Je  ne  devois 
pas ,  je  penfe ,  à  ces  Meffieurs ,  moins  que  ce  témoignage 
public  de  ma  recoranoiflance.  Leur  exemple  fut-imité 
par  M.  le  Lieutenant  général  de  l'Amirauté,  par  le 
corps  des  Ingénieurs,  par  l'Etat -major  de  la  Place, 
en  un  mot  par  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  diftingué 
dans  la  ville.  Nous  vîmes  auffi  durant  notre  féjour  à 
Calais,  des  Seigneurs  &  des  Dames  de  la  première 
diflindion,  qui  alloient  en  Angleterre  ou  qui  en  re- 
venoient.  Madame  la  comtefTe  de  Chabot,  accom- 
pagnée d'une  de  fes  parentes ,  arriva  de  Paris  à  CaJais 
Je  3  Juin  ;  eHe  honora  Le  même  jour  notre  Frégate  de 
fa  vifite,  &  repartit  le  4  pour  Douvres.  Comme  nous 
avions  terminé  les.  opérations  que  nous  nouis  propo- 
sons de  faire  à  Calais,  je  propofai  à  Madame  la  Com^ 
teflfe  de  la  conduire  à  Douvres  fuc  Y  Aurore,  pour  tâcher 
de  lui  diminuer  la  fatigue  que  caufe  ordinairement  un 
Bâtiment  court  &  rond,,  tels  que  ks  paquebots ,  aux 

;  O 


io6  Voyage 

perfonnes  qui  ne  font  pas  accoutumées  à  la  mer  ;  mon 
offre  ne  fut  point  acceptée.  Le  même  jour  4  Juin, 
M.  le  marquis  de  Conflans,  fils  de  M.  le  marquis 
(maintenant  M.  le  maréchal)  d'Àrmentières f  &  M. 
le  marquis  du  Châtelet-Lomont,  aujourd'hui  Am- 
baffadeur  à  Londres  ,  arrivèrent  d'Angleterre  pour 
retourner  à  Paris. 

Marée  Les  inftans  que  nous  pouvions  dérober  à  nos  ob- 

le  2  Janvier  fervations  aftronomiqires  ôc  horologiographiques  n'é- 

l767*      toient  pas  toujours  des  inftans  perdus;  quelques-uns 
furent  employés  à  vifiter  la  citadelle  „  le  fort  Nieulet, 
&  autres  lieux  dignes  de  remarque  ;  &  nous  faifions , 
comme  de  raifon  ,  nos  réflexions  fur  ce  qui  nous  pa- 
roi  (Toit  les  mériter.  Les  jetées  de  Calais  étoienr  dans 
un  affez  mîférable  état,  rompues  en  différens  endroits, 
dégradées  prefque  dans  leur  totalité  :  l'ardeur  que  Ton 
témoignoit  à  les  réparer,  ne  nous  permettoit  pas  d'at- 
tribuer cette  dégradation  à  la  négligence.  M.  de  Four- 
croix  ne  nous  laiffa  pas  long-temps  ignorer  que  c'étoit 
l'effet  d'une  marée  violente  &  extraordinaire  que  Ton 
avoit  éprouvée  le  2  Janvier  précédent.  C'étoit ,  il  eft 
vrai ,  le  troifième  jour  de  la  Lune ,  &  le  jour  même  du 
périgée  de  cet  aftre  :  mais  les  grandes  marées  n'arrivent 
pas    ordinairement   au  (fi    près  des  folftices.   M.    de 
Fourcroix,  quis'eft  fort  appliqué  à  étudier  cette  matière, 
*    m'a  dit  qu'à  Calais ,  les  vents  du  nord  contribuent 
beaucoup  à  la  crue  des  eaux,  &  c'étoit  le  vent  du 
nord  qui  fouffloit  avec  violence  le  2  de  Janvier  de 
cette  même  année  1767. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.       T07 

Nous  avons  vu  plufieurs  fois  à  Calais  M.  Rigaud,  Défilement 
envoyé  par  le  Miniftre  en  cette  ville,  pour  s'occuper  de  la  merf 
de  plufieurs  objets  relatifs  à  la  Navigation  &  aux  m.  &gaud, 
befoins  de  la  place.  Je  vis  dans  la  citadelle  un  alambic 
dont  M.  Rigaud  &  M.  de  Fourcroix  fe  fervoient  pour 
deflaler  l'eau  de  la  mer,  j'en  donne  ici  la  figure  avec 
l'explication;  les  expériences  ont  été  multipliées  à 
Calais,  appuyées  fur  les  principes  de  M.  Poiffonnrer, 
elles  ont  parfaitement  réufll  :  on  nous  a  afïiiré  que 
l'eau  de  la  mer  devenoit  auffi  douce  &  auffi  potable 
que  le  pourroit  être  celle  d'une  fontaine.  Perfonne 
n'ignore  les  découvertes  de  M.  Poiffonnier,  Dodeur 
en  médecine,  de  l'Académie  royale  des  Sciences', 
fur  le  defTalement  de  l'eau  de  la  mer,  &  le  fuccès 
dont  fes  tentatives  ont  été  couronnées.  Il  faut  avoir 
entrepris  des  voyages  de  long  cours,  pour  connoître 
toute  l'étendue  du  fervice  que  cet  Académicien  a 
rendu  à  la  Marine  ;  ce  fecret  peut  même  être  quelquefois 
d'une  très-grande  utilité  fur  terre,  il  eft  fur-tout  bien 
précieux  pour  Calais ,  où  Ton  ne  peut  boire  que  de 
l'eau  de  citerne,  &  où  cette  eau  venant  à  manquer 
dans  les  circoniiances  d'un  fîége,  la  garnifon  feroit 
obligée  de  fe  rendre,  nonobftantla  plus  grande  abon- 
dance de  toutes  provisions  de  guerre  &  de  bouche. 


O 


io$  v  v  y  a  &  * 

Explication  du  deffin  dune  Cucurbite  à  dijliller  Veau  de  la  mer, 
mife  en  expérience ,  à  Calais ,  en  lytfSir  1767. 

A.  Le  corps  de  la  chaudière» 

Cette  chaudière  eft  compofée  de  feuilles  de  cuivre  rouge 
étamées  par  l'intérieur,  &  aflemblées  avec  des  clous  de  cuivre 
rouge  rivés:  elle  a  de  fortes  foudures  d'étain  .par  le  dedans, 
fur  tous  les  joints  expofés  immédiatement  à  l'aétion  du  feu,  & 
J>ar  le  dehors  fur  les  joints  que  la  flamme  ne  peut  atteindre; 
elle  eft  de  1 5  pieds  de  longueur,  4  de  large  &  2  de  hauteur 
à  fes  flancs  ;  platç  fur  fon  fond ,  mais  bombée  de  3  à  4  pouces 
fur  fa  largeur  par  le  couvercle  dont  le  bombage  *ft  fou  tenu 
par  quatre  arcs  de  fer. 

*  Elle  eft  .pofée  en  pente  de  2  pouces ,  du  devant  a  au  der- 
rière b9  fur  neuf  fortes  traverfes  de  fer  de  2  pouces  en  carré; 
fes  flancs  &  bouts  font  revêtus  de  maçonnerie  de  briques  dM 
jufqu'à  2  pouces  près  du  couvercle,  pour  la  confervation  de  la 
chaleur  du  fourneau. 

Cette  chaudière,  qui  pèfe  environ  1700  livres  étant  vide, 
contient  3750  pintes  d'eau  de  mer;  en  forte \que  ceft  un 
fardeau  de  plus'de  9  milHers,  qui  exige  beaucoup  de  folidité. 

B ,  Le  fourneau. 

Le  fourntau  eft  enfoncé  de  prefque  toufe  fa  hauteur  dans  le 
terrein,  'pour  la  commodité  des  htanœuvres  &  l'économie  de  fa 
maçonnerie  ;  il  eft  compofé  d'une  galerie  Cê  Se  du  foyer  Ù; 
la  paierie  dis  4  pieds  de  large ,  1 2  de  longueur  fous  la  chaudière, 
&  5  de  hauteur,  fert  de  cendrier;  le  foyer  eft  formé  par  cinq 
fortes  traverfes  de  fer,  entaillées  par  le  deffus  en  efpèce  de 
râteau,  fur  lesquelles  font  couchés  en  long  fuffifamment  des 
barreaux  volans ,  d'un  pouce  en  carré ,  &  pofés  fur  leur  diagonale , 
qui  fupportent  le  feu:  les  cinq  traverfes  qui  fupportent  les 


\ 


-    DE  M.  DE  COURTANVAUX.        <!09 

barreaux  font  rendues  tntfbifes ,  au  moyen  d'efpcces  de  créneaux 
pratiques  datfs  la  roaçonnteïte;  on  peut,  avec  des  briques,, 
caler  les  travef fes  plus  haut  ou  plus  bas ,  pour  rapprocher  ou 
éloigner  ile  foyer  du  fond  de  ht  chaudière. 

L'entrée  D  du  foyer  fe  ferme  avec  une  porte  ou  boucI>oif 
de  tôle,  pour  donner  au  feu  ion  tirage  par  le  deïïbus  «de  la 
grille. 

Le  grlllagfe  n'ayant  que  12  pieds  de  longueur,  le  foyer  fe 
prolongeoit  en  maçonnerie  foits  le  refte  de  la  chaudière ,  &  de-là 
jufqu^au  dehors  du  bâtiment  par  un  arc  de  voûte  depuis  le 
derrière  B  de  la  chaudière ,  jufqu  a  la  cheminée. 

Il  fe  trouve  placé  dans  cette  cheminée  une  fou  pape  ou  bafcule 
très  -  utile ,  pour  amortir  fubitement  le  feu  lorfque  l'on  veut 
recharger  la  chaudière;  mais  comme  alors  toute  la  fumée  du 
fourneau  fort  par  les  ouvertures  C  &  D ,  il  auroit  fallu , 
pour  une  exploitation  fuivie  ,  conflruire  une  autre  cheminée  à 
large  botte  fur  cetre  entrée  du  fourneau ,  pour  y  recevoir  & 
difiiper  cette  fumée. 

<E,  Deux  têtes  de  mort  ou  chapiteaux  Amples,  fans  rebord*ou 
gouttière  ,  qui  ferment  les  deux  principales  ouvertures  du 
couvercle  de  la  chaudière ,  &  dont  les  tuyaux  fe  réunifient  en 
un  feul  F,  à  l'origine  du  ferpentin  G. 

Comme  la  mal-adrefle  des  ouvriers  pouvoit  faire  prévoir  les 
fréquentes  réparations  qu'il  y  auroit  à  faire  dans  la  chaudière, 
on  avoit  jugé  ces  deux  ouvertures  indifpenfables ,  ainfi  que  de 
ïeur  donner  18  polices  de  diamètre;  mais  l'on  auroit  pu  txv 
recouvrir  une  par  unfimpfe  couverde  bien  emboîté '&  bien luté, 
&  une  feule  ifliie  auroit  fuffi  pour  les  vapeurs.. 

H,  Le  réfrigèrent  de  maçonnerie,  doublé  de  plomb,  dans 
lequel  étoit  couché  le  ferpentin  G,  bien  foudé  avec  le  plomb 
du  réfrigèrent  à  Ton  entrée  jF*&  à  fa  fortie  Z,  où  Te  trouvoit-uri 

O  ii/ 


/ 


110  V  0    Y  A    G   £ 

-  cuvicr  R,  jaugé  &  gradué  fur  fa  hauteur  pour  recevoir  -& 
raefurer  les  produits  de  la  machine  en  temps  donné. 

L ,  Gouttière  qui  apportait  un  courant  d'eau  de  mer  dan»  le 
réfrigèrent  &  dans  la  chaudière ,  pour  la  charger  par  l'ouverture 
à  bondon  K. 

En  M,  au  bout  le  plus  bas  die  l'un  des  flancs  de  la  chaudière, 
étoient  quatre  différens  robinets ,  dont  un  gros  en  bas  pour  la 
vider  totalement*  &  trois  petits  à  différentes  hauteurs .,  l'un  pour 
ne  la  charger  d'eau  qu'en  fuffifante  quantité,  les  autres  pour 
connoître  fa  diminution  &  le  moment  de  la  recharger  fans  danger 
de  lai/Ter  brûler  le  fond. 

M.  Rigaud  nous  a  communiqué   les  otfervations 

fui  van  tes,  fur  fa  manière  de  deiïaler  l'eau  de  la  mer, 

&  fur  les  épreuves  en  grand  qui  ont  été  faites  dans  la 

citadelle.  On  y  emploie  à  cet  effet  une  cucurbite  de 

*ttfr/bKfe  cuivre  étamé,  de  1 5  pieds  de  long  *  fur  4  de  large,, 

êc  2  de  hauteur  ,  contenant  jufqu'à  20  pouces  de 
fa  hauteur,  12  muids  &  demi  d'eau,  dont  530  pintes 
s'évaporent  par  heure,  le  tout  meiiire  de  Paris;  le 
ferpentin  de  cet  alambic  éft  au/fi  de  cuivre  étamé  (a). 
On  a  remarqué  que  les  premières  eaux  douces 
produites  par  cette  machine  à  chaque*  reprife  de  la 
diftillation ,  ont  une  odeur  forte  &  défagréable  qu'on 
feroit  tenté  de  prendre  pour  une  odeur  métallique. 
M*  Rigaud  nous  a  dit  que  la  même  odeur  accompa- 
gnoit  pareillement  toutes  les  premières  eaux  de  chaque 
diftillation  faite  par  l'alambic  des  Navires ,  dont  les 

(a)  Je  penferois  >  pour  plufieurs  raifons ,  qu'il  4evreh  être  d'âain. 


DE  M.  DE  COURTAtfVAUX.         ni 

x 

Serpentins  font  même  du  plus  fin  étain  d'Angleterre.. 
On  a  de  plus  obfervé  à  Calais,  que  ces  premières* 
eaux  charient  toujours  une  pouffière  grife  &  brillante  r 
qui  leur  donne  un  air  laiteux,  avec  des  nuances  de 
couleur  d'iris.  Lorfque  la  diflillation  a  duré  quinze  à 
vingt  minutes,  ou  lorfqu'elle  eft  dans  toute  fa  force r 
l'eau  devient  claire  &  nette,  fans  aucune  pouffière,. 
fans  aucune  odeur  ;  fi  on  laiflfe  refroidir  <Sc  repofer  la 
première  eau,  îa  pouffière  qu'elle  a  chariée fe  précipite 
au  fond  du  vafe.  En  fàifant  démonter  les  têtes  de  mort 
de  la  cucurbite,  &  pafler  de  l'eau  bien  nette  dans  le 
ferpentin,  on  a  vu  qu'il  s'y  étoit  amaffé  beaucoup 
de  cette  pouffière  que  Ton  a  retirée;  &  foit  par  les 
fédimens,  foit  par  les  filtres,  on  en  a  rafTemblé  une 
affez  grande  quantité  pour  la  foumettre  à  plufieurs 
expériences;  mais  toutes  les  tentatives  faites  jufqu  a 
préfent  pour  connoître  la  nature  de  cette  pouffière 
ont  été  inutiles  :  comme  on  foupçonnoit  d  abord  que 
c 'étoit  une  érofion  ou  limaille  métallique  enlevée  par 
la  violence  du  courant  de  ia  vapeur,  on  en  a  trituré 
très  long-temps,  mais  en  vain ,  avec  le  mercure.  Il  ne 
paroît  pas  non  plus  que  cette  pouffière  puiffe  être  une 
chaux,  du  moins  c'efl  bien  vainement  qu'on  a  tenté 
plufieurs  fois  de  Ja  revivifier  avec  le  fuif ,  j'huile 
d'olive,  le  charbon  pilé,  &c  :  les  acides  la  diflfolvent 
fort  aifément.  En  voulant  rafTembler  de  cette  pouffière^ 
M.  Rigaud  mit  une  grofTe  flanelle  fous  l'orifice  du 
ferpentin;  l'eau  qui  fortoit  étoit  bouillante^ elle  teignit 


lia  Voyage 

la  flanelle  en  forte  couleur  brune  de  Capucin  :  en 
foi  Tant  bouillir  de  la  même  flanelle  dans  de  l'eau  de 
'citerne,  cette  flanelle  bruniffoit  auffi.  Les  flanelles 
neuves  contiennent  beaucoup  de  matière  crétacée, 
mais  celle  qui  faifoit  le  fujet  de  ces  expériences  avoit 
été  bien  lavée  dans  un  acide  édulcoré  &  bien  rincé, 
avant  que  d'être  expofée  fous  l'orifice  du  ferpentin; 
fi  la  pouflière  qui  teint  ces  premières  eaux  étoit  une 
pouflière  métallique,  &  fi  la  teinture  de  la  flanelle 
étoit  pareillement  due  à  des  parties  métalliques,  les 
eaux  de  la  mer  diftiliées  dans  des  vafes  étamés, 
paroîtroient  exiger  de  nouveaux  examens  quant  à  leur 
falubrité. 
Dcfcrîption  Calais  n'étoit  encore  qu'un  village,  au  commen- 
ces, cernent  du  treizième  fiècle;  ce  ne  fut  qu'en  1222, 
ou  félon  d'autres,  en  1228,  que  Philippe  de  France, 
fils  de  Philippe  Augufte  &  comte  de  Boulogne  le  fit 
entourer  de  murs  :  les  fuccefleurs  de  Philippe  s'appli- 
quèrent tellement  à  agrandir  &  à  fortifier  Calais, 
qu'en  peu  d'années  elle  devint  une  ville  confidérablc 
&  extrêmement  forte.  Edouard  III,  roi  d'Angleterre, 
ayant  gagné  le  26  Août  13^6,  la  bataille  de  Créci 
fur  Philippe  de  Valois  ,  mit  auflitôt  le  fiége  devant 
Calais;  mais  défefpérant  de  prendre  la  ville  par  force, 
il  réfolut  de  la  réduire  par  famine;  il  fit  tirer  autour 
de  la  place  quatre  lignes  de  circonvallation  régulière- 
ment fortifiées,  tandis  que  fa  flotte,  compofée  {clon 

les  Anglois ,  de  fept  cents  voiles  ,   tenoit    la     ville 

bloqua 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        1 13 

bloquée  du  côté  de  la  mer.  Le  Gouverneur,  Jean 
de  Vienne  fut  inutilement  fommé  de  fe  rendre,  il 
défendit  la  ville  jufqu'à  fa  dernière  extrémité;  elle 
avoit  été  invertie  vers  le  29  Août  1546,  elle  ne  fut 
rendue  que  le  3  Août  de  Tannée  fui  vante.  Edouard,  irrité 
d'une  fi  longue  réfiftance,  confentit  bien  à  laitier,  par 
la  capitulation,  la  vie  fauve  aux  affiégés,  mais  ce  ne 
fut  qu'à  condition  que  fix  des  plus  confidérables 
d'entre  eux  pâyeroient  de  leur  tête  l'opiniâtreté  de  la 
défenfe,  &  il  leur  lai  (Ta  la  liberté  du  choix  des  fix 
viâimes  qui  dévoient  être  immolées  à  fa  fureur.  II 
n'eût  pas  été  pofîibie,  fans  doute,  de  s'accorder  fur 
un  choix  aufli  inhumain,  fi  le  célèbre  Euflache  de 
Saint-Pierre  n'eût  donné  à  Jean  d'Aire,  Jacques  & 
Pierre  de  Wiflam  frères ,  &  à  deux  autres  de  fes  con- 
citoyens ,  le  glorieux  exemple  de  fe  dévouer  pour  le 
falut  de  leur  patrie  :  l'offre  ne  fut  acceptée  qu'avec 
peine;  les  fix  viétimes  fe  rendirent  têtes  &  pieds  nus, 
en  chemife  &  la  corde  au  cou  au  camp  d'Edouard* 
Ce  prince  alloit  les  facrifier  à  fa  cruauté  barbare,  fi  la 
Reine  fon  époufe,  frappée  d'un  fpeélacle  fi  touchant, 
n'eût  obtenu  par  fes  larmes ,  encore  plus  que  par 
fes  prières,  la  grâce  de  ces  fix  héros  véritablement 
magnanimes.  Les  Anglois  fe  vantèrent  d'avoir  en  leurs 
mains  les  clefs  de  la  France  ;  ils  relièrent  maîtres  de 
cette  importante  place  jufqu'en  1558,  que  le  duc  de 
Guife  la  fit  rentrer  fous  l'obéiflance  de  la  France  :  il 
l'afiiégea  le  i.er  Janvier,  emporta  la  citadelle  d'affaut, 

•  P 


ii4  Voyage 

&  força  le  Gouverneur  de  capituler  dès  le  8  du  même 
mois.  Par  le  traité  de  Cateau-Cambrefis,  conclu  l'an- 
née fuivante ,  il  fut  ftipuié  que  Calais  refteroit  durant 
huit  ans  au  pouvoir  de  la  France  >  &  que  ledit  terme 
expiré,  le  roi  de  France  ou  reftîtueroit  la  ville,  ou 
payeroit  une  fomme  de  i  million  500  mille  livres  à  la 
reine  Élifabeth,  les  parties  contractantes  reftant  toujours , 
durant  cet  intervalle,  fidèlement  alliées,  fans  prêter 
aucun  fecours  à  leurs  ennemis  réciproques.  Il  eft  affez 
fmgulier  que  plufieurs  auteurs  Ânglois  aient  accufé 
la  France  d'infidélité  dans  les  traités ,  parce  qu'elle  n  a 
point  reftitué  Calais  dans  le  terme  convenu,  comme 
fi  les  chroniques  angloifes  même  ne  fàifoient  pas  foi 
qu'Eiifabeth  avoit  contrevenu  la  première  au  traité  de 
Cateau  -  Cambrefis  ,  en  fourniffant  des  fecours  aux 
Religionnaires  François  révoltés,  en  achetant  d'eux  la 
ville  du  Havre ,  &  en  défendant  feule  cette  ville  contre 
Charles  IX  r  qui  l'affiégeoit  en  1563  ,  après  la  pre- 
mière paix  de  Religion.  En  1596,  l'Archiduc  Albert 
prit  Calais  pour  TEfpagne,  après  quinze  jours  de  tran- 
chée ouverte  :  la  capitulation  portait  que  les  habitant 
de  la  ville  auraient  la  liberté  d'y  demeurer ,  avec  la 
jouiflance  de  tout  ce  qu'ils  poffédoient  auparavant. 
Deux  familles  feules,  confentirent  à  vivre  fous  une 
domination  étrangère;  oa  a  remarqué  que  de  ceux 
qui  font  iffus  de  ces  deux  familles ,  aucun  n;'a  encore 
été  admis  à  exercer  dans  Calais  le  moindre  office  de 
Magiflrature.  La  ville  fut  rendue  à  la  France  par  le 


] 


DE  M.  DE  COUkTANVAUX.        IIJ 

traité  de  Vervins,  en  1598.  Les  Anglois  étant,  vers 
la  fin  du  dernier  fïècle ,  en  humeur  de  bombarder 
toutes  nos  places  maritimes ,  ils  bombardèrent  Calais 
fc  13  Avril  1696,  mais  prefque  fans  aucun  fuccès. 
'  La  ville  de  Calais,  y  compris  la  citadelle,  forme 
une  efpèce  de  carré  long,  qui  s'étend  de  Teft  à  l'oueft;, 
le  port  eft  au  nord;  la  citadelle,  Ctuée  à  i'oueft,  eft 
féparée  de  la  ville  par  fon  fofle ,  une  demi -lune ,  & 
fon  chemin  couvert  ;  le  tout  peut  avoir  600  toifes  de 
i'eft  à  I'oueft,  &  250  toifes  du  nord  au  ftid  :  la  vilfc 
feule ,  fans  la  citadelle,  n'a  pas  plus  de  tzoo  toifes 
de  circonférence  :  elle  a  deux  enceintes  ;  l'ancienne 
enceinte  %  dont  nous  venons  de  donner  les  propor- 
tions, eft  intérieure;  ce  n'eft  qu'un  mur  carre  long, 
défendu  en  dedans  par  fon  rempart,  en  dehors  par  un 
bon  foffé,  revêtu  &  efpacé  d'un  grand  nombre  de 
tours  ,  dont  la  plupart  fubfiftent  encore  :  la  nouvelle 
enceinte ,  ou  l'enceinte  extérieure  ar  été  élevée  fous  le 
règne  de  Louis  XIII  &  le  miniftère  du  Cardinal  de 
Richelieu  :  elle  eft  compofée  de  huit  baftions  inégaux 
Se  inégalement  diftribués;  trois  font  du  côté  du  nord, 
ôl  ne  font  défendus  que  par  le  port  &  le  fort  du 
Rjfban ,  qui  eft  à  l'entrée  ;  les  deux  qui  font  au  fud , 
vers  l'intérieur  des  terres,  ont  pour  défenfes  de  bons 
fofTés  bien  revêtus  ,  deux  demi  -  lunes  ,  un  chemin 
couvert „&  un  fécond  foffé  au-delà  du  glacis:  enfin, 
la  tête  ou  l'attaque  de  Gravelities,  c'eft  ainfi  qu'on  appelle 
la  partie  orientale  de  la  ville ,  eft  défendue  par  trois 

pi] 


n6  Voyage 

battions ,  avec  un  bon  cavalier  qui  couvre  toute  la 
largeur  de  la  ville,  par  des  fofles,  par  deux  demi-lunes, 
par  des  contregardes  &  par  deux  chemins  couverts 
avec  leurs  glacis.  C'eft  fur  ce  cavalier  que  je  viens  de 
nommer,  qu'étoit  placée ,  il  y  a  quelques  années ,  la 
fàmeufe  coulevrine  de  Nanci,  avec  laquelle  on  lan- 
çoit,  a-t-on  dit,  un  boulet  du  poids  de  i  j  à  18  livres 
jufqu'à  une  lieue  en  mer  :  on  a  jugé  ce  meuble  plus 
curieux  que  véritablement  utile;  on  l'a  fondu  il  y  a  peu 
d'années.  A  l'oueft  de  la  ville  eft,  comme  je  l'ai  dit» 
la  citadelle;  elle  commande  la  ville  à  l'efl ,  le  port  au 
nord-eft ,  la  mer  au  nord ,  la  campagne  à  l'oueft  &  au 
fiid  ;  elle  eft  abfolument  irrégulière ,  fa  forme  eft  celle 
d'un  carré  long ,  dont  la  plus  grande  longueur  eft  du 
fud  au  nord  ;  ce  n'étoit  d'abord  qu'un  ouvrage  avancé 
pour  la  défenfc  de  la  ville  ,  cet  ouvrage  fut  converti 
en  citadelle,  peu  de  temps  après  la  prife  de  Calais  par 
Je  duc  de  Guife  :  on  donne  à  la  citadelle  870  toifes  de 
circonférence  ,  on  y  peut  diftinguer  deux  enceintes 
comme  dans  la  ville  ;  la  nouvelle  eft  un  ouvrage  du 
chevalier  de  Ville:  la  citadelle,  à  l'eft,  eft  fortifiée  de 
deux  baftions,  d'une  demi-lune,  &  d'un  chemin  cou- 
vert qui  fe  termine  dans  la  ville;  c'eft  par  cette  demi- 
June ,  &  par  la  courtine ,  vis-à-vis  de  laquelle  elle  eft 
fituée ,  que  l'on  peut  entrer  de  la  ville  dans  la  cita- 
delle :  la  partie  du  nord  eft  défendue  par  un  bon  cava- 
lier ,  une  efpèce  de  demi -baft  ion  ,  un  fofle  large  dt 
profond,  &  un  chemin  couvert;  la  mer  eft  au- delà  1 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        1 17 

la  défenfe  au  nord-oueft  eft  formée  par  deux  tours, 
entre  iefquelles  il  y  a  une  efpèce  de  baftion  détaché, 
élevé  fur  les  ruines  du  palais  où  les  rois  d'Angleterre 
fàifoient  leur  réfidence:.  toute  la  partie  de  J'oueft  eft 
couverte  par  un  marais  toujours  plein  d'eau  ,  au 
moins  dans  le  temps  de  la  haute  mer;  cette  partie 
fe  termine  à  un  baftion,  où  la  partie  du  fud  com- 
mençant, va  rejoindre  la  partie  de  l'eft  à  un  des 
deux  baftions  qui,  comme  nous  l'avons  dit,  fervent 
de  défenfe  à  cette  dernière  ;  cette  partie  du  fud , 
outre  fa  vieille  enceinte  6c  les  deux  baftions  dont  nous 
venons  de  parler,  eft  foutenue  par  le  nouveau  rempart, 
fon  foffé,  une  demi-lune,  un  chemin  couvert  &  un 
glacis.  Outre  ces  fortifications,  Si  quelques  autres 
que  j'omets,  la  ville  eft  entourée  de  plufieurs  canaux 
remplis  d'eau  ainfi  que  les  fofles  de  la  ville,  &  com- 
municansà  la  mer;  on  affaire  qu'en  ouvrant  feulement 
deux  éclufes  ,  l'une  conftruite  à  Calais  même  en 
^70 1 ,  &  l'autre  fife  au  fort  Nieulai ,  en  moins  de  vingt- 
quatre  heures ,  ou  dans  le  temps  de  deux  marées  con- 
fécutives,  tout  le  pays  fera  fous  l'eau  jufqu'à  Saint- 
Ômer ,  c'eft-à-dire ,  jufqu'à  huit  lieues  de  Calais. 
Outre  la  porte  de  communication  que  nous  avons 
mentionnée  entre  la  ville  &  la  citadelle,  il  y  en  a  une 
féconde  à  la  partie  méridionale  de  la  citadelle,  qu'on 
appelé  {à  porte  du  Secours,  ou  la  porte  de  Boulogne,  elle 
eft  d'une  affez  belle  archite&ure  :  en  dedans  de  la 
citadelle  &  au  milieu  d'elle,  larfenal  doit  fur- tout. 

P  iij 


Il8  V   Q    Y   A    G    E 

fixer  l'attention  des  curieux  ;  c'eft  un  des  plus 
beaux  qui  foit  en  France,  c'eft  une  grande  cour 
entourée  de  bâtimens ,  entre  lefquels  on  remarque  fur- 
tout  deux  belles  falles  remplies  d'artillerie  &  d'armes 
de  toute  efpèce  très-bien  entretenues  ;  il  y  a  de  quoi 
armer  12  mille  hommes.  Dans  une  troifième  faite, 
on  voit  toute  forte  d'eipèce  de  machines  propres  à 
l'attaque  &  à  la  défenfe  des  places;  une  des  ailes  de  ce 
vafte  bâtiment  renferme  des  greniers  &  des  fours  pour 
conferver  &  préparer  toutes  fortes  de  munitions  de 
bouche  néceftaires  dans  un  fiége  :  dans  le  milieu  de  la 
cour,  eft  une  grande  &  vafte  citerne,  précaution  bien 
néceffaire  pour  une  ville  fkuée  comme  Calais.  J'ai 
au/fi  admiré  les  fouterrains  de  la  citadelle,  ils  m'ont 
paru  beaux ,  grands  &  bien  folides. 

Le  fort  Nieulai  eft  à  une  bonne  demi-lieue  à  l'oueft 
de  la  citadelle  ;  c'eft  un  carré  plus  long  de  l'eft  à  l'oueft 
que  du  nord  au  fud,  fortifié  de  quatre  baftions,  de 
foftés,  demi-lunes,  lunettes,  chemin  couvert  &  glacis, 
excepté  du  côté  du  fud  où  le  fort  eft  fuffifamment 
défendu  par  un  marais  Se  par  une  redoute  qui  domine 
fur  ce  marais;  du  côté  de  l'oueft,  il  y  a  de  plus  un 
ouvrage  à  corne.  Toutes  ces  fortifications  ont  été 
conftruites  fous  Louis  XIV,  pour  défendre  l'éditât 
dont  nous  avons -parlé  ci-deffus;  les  deux  portes  de  ce 
fort,  fituées  l'une  à  l'eft,  l'autre  à  l'oueft,  font  fort 
belles  &  bien  ornées  :  l'arfenal ,  les  magafins,  les 
fputerrains  font  bien  pratiqués  &  bien  entretenus,  II 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         Iiû 

* 

règne ,  du  fort  Nieulai  à  la  citadelle  ,  un  bon  mur  de 
communication  défendu  par  un  foffé  du  côté  de  la 
campagne,  &  fortifié  vers  fon  milieu  par  un  fort  ou 
une  redoute  que  l'on  nomme  le  fort  des  Crabes,  Il  y  a 
de  plus  quatre  ou  cinq  autres  forts  deftinés  à  défendre 
les  approches  &  l'entrée  du  port  :  quelques-unes  de 
ces  fortifications  font  maintenant  prefque  enterrées 
dans  le  fable. 

On  peut  diftinguer  Calais  en  trois  parties;  la  ville 
proprement  dite,  le  Courgain  &  la  baffe  ville  ,  ou  le 
faubourg  Saint  Pierre;  la  ville  eft  affez  bien  percée, 
les  rues  y  font  droites,  elles  font  pavées,  mais  affez 
mat;  les  maifons  y  font  prefque  toutes  conftruites  en 
brique,  elles  n'ont  pour  la  plupart  qu'un  étage,  outre 
le  rez  de  chauffée  &  la  cave ,  qui  pour  l'ordinaire  eft 
habitée.  Courgain  eft  au  nord-eft  de  la  ville  ,  hors  de 
la  vieille  enceinte,  en  dedans  d'une  efpèce  de  grand 
baftion  :   cette    partie    n'eft    habitée    que    par    des 

■  » 

matelots  &  des  pêcheurs  ;  la  plupart  de  ces  pêcheurs 
ne  s'occupent  que  fur  le  bord  de  la  mer,  ils  y  pèchent 
de^  petits  poiffons  &  les  vendent  à  d'autres  pêcheurs 
qui  s'en  fervent  en  pleine  mer,  comme  d'appât,  pour 
amorcer  des  poiffons  plus  gros  &  de  meilleur  débit. 
On  conçoit  qu'un  tel  commerce  doit  être  bien  peu 
lucratif;  &  c'eft  de-Ià,  à  ce  qu'on  nous  a  affwré,  que 
cette  partie  de  la  ville  a  été  appelée  Courgain ,  ou 
Court-gain;  le  faubourg  eft  au  fud  de  la  ville,  en  dehors 
de  toutes  les  fortifications: il  contient,  dit-on,  plus 
de  400  familles..       ~ 


\ 
\ 


120  Voyage 

II  n'y  a  que  deux  portes  à  Calais,  Tune  au  nord # 
conduit  fur  le  port;  I  autre  au  fud ,  communique  à  tout 
l'intérieur  du  royaume  :  Tune  &  l'autre  eft  fort  (impie» 
c'eft  de  la  pure  maçonnerie,  fans  aucune  architecture. 
Vers  le  nord  de  la  ville  eft  la  place  d'armes;  elle  eft 
grande  &  belle,  elle  eft  bornée  au  fud,  en  partie  par 
rhôtel-de-ville ,  qui  n  a  de  remarquable  que  fa  tour, 
du  haut  de  laquelle  on  peut  découvrir  au  loin,  tant 
fur  terre  que  fur  mer.  II  y  a  dans  cette  tour  une 
horloge  dont  le  carillon  n'a  rien  de  merveilleux;  avant 
que  l'horloge  fonne,  deux  figures  équeftres  qu'on  voit 
au  bas  du  cadran,  du  côté  de  la  place,  le  cafque  en 
tête  &  la  lance  en  arrêt,  s'éloignent  l'une  de  l'autre , 
&  fe  choquent  réciproquement  autant  de  fois  que 
l'horloge  doit  fonner  de  coups  :  ces  deux  figures  repré- 
fentent,  dit-on,  Philippe  VI  de  Valois,  &  Edouard  III, 
roi  d'Angleterre  ;  plus  bas  eft  une  Lune  mouvante  qui 
repréfente  les  diverfes  phafes  de  la  Lune,  comme  la 
Lune  de  Sorbonne  le  fait  à  Paris. 

On  ne  compte  que  cinq  ou  fix  mille  habitans  à 
Calais ,  y  comprenant  même  Courgain  &  la  baffe 
ville;  la  paroiffe,  qui  eft  unique,  eft  fous  l'invocation 
de  Notre-Dame  :  c'eft  une  fort  belle  églife ,  la  chaire 
eft  un  morceau  de  fculpture  digne  d[être  remarqué; 
l'orgue ,  le  grand-autel  &  celui  de  la  Vierge  peuvent 
aufli  fixer  quelques  inftans  l'attention  du  Voyageur 
curieux.  Outré  cette  églife  principale ,  il  y  a  à 
Calais  quatre  couvens,  deux  d'hommes.  Capucins 


DE  M.  DÉ  COURTANVAUX.         121 

&  Minimes;  &  deux  de  filles,  Bénédictines  &  Domi- 
nicaines; celles-ci  deflervent  l'hôtel-Dieu. 

L'entrée  du  port  de  Calais  gît  nord-oueft  &  fud-eft, 
elle  eft  formée  par  deux  jetées  de  bois  qui,  comme 
je  lai  dit,  ayoient  été  fort  maltraitées  par  la  marée 
extraordinaire  du  2  Janvier  1767;  lorfque  nous 
fommes  repafles  à  Calais,  vers  le  commencement  du 
mois  d'Août,  le  dommage  étoit  prefque  entièrement 
réparé.  Le  port  même  eft  Eft  &  oueft,  il  y  a  une 
efpèce  de  baffin  qu'on  nomme  le  Paradis,  lequel  peut 
contenir  une  trentaine  de  Vaiffeaux  de  500  tonneaux, 
H  eft  à  fec  au  temps  de  la  baffe  mer;  l'eau,  dans  le 
flot,  peut  s'élever  jufqu'à  1 8  ou  20  pieds  à  (a  tête  des 
jetées,  mais  jufqu'à  14  ou  15  feulement  dans  le  port* 
Au  refte,  cette  crue  de  l'eau  n'eft  point  uniforme, 
elle  dépend  beaucoup  des  fàifons,  &  fur-tout  de  la 
qualité  &  de  la  force  du  vent;  la  plus  forte  eft 
ordinairement  l'effet  des  vents  du  nord.  Deux  bancs 
rendent  l'entrée  du  port  affez  difficile,  les  gros  Vaiffeaux 
ne  fe  hafardent  pas  de  la  franchir;  la  rade  eft  de  bon 
mouillage,  &  à  l'abri  des  vents  d'oueft;  mais  elle  n'eft 
pas  à  couvert  des  nords,  qui  fouvent  fur  cette  plage 
font  les  plus  impétueux  de  tous  les  vents  :  c'eft  fans 
doute  à  ces  inconveniens  qu'il  faut  attribuer,  au  moins 
en  partie,  le  peu  de  commerce  qui  fe  fait  à  Calais, 
quelque  avantageufe  que  foit  d'ailleurs  la  fituation  de 
cette  place;  il  n'y  en  auroit  peut-être  même  aucun, 
fi  cette  viHe  ne  fe  trouvoit  pas  naturellement  placée 

•  Q 


122  Voyagé 

fur  le  chemin  de  Paris  à  Londres.  En  temps  de  paix, 
il  part  régulièrement  par  femaine  deux  bâtimens  appelés 
Packet-boats ,  ou  Paquebots  de  Calais  pour  Douvres, 
&  autant  de  Douvres  pour  Calais  ;  le  trajet  en  droiture 
eu  de  2 1 363  toifes ,  ou  de  7  lieues  marines  de  France, 
ces  paquebots  m'ont  paru  fort  propres  &  très-com- 
modes :  ce  bras  de  mer  refferré,  par  lequel  la  Manche 
communique  avec  la  mer  d'Allemagne,  a  toujours  été 
appelé  Pas  de  Calais ,  ou  Détroit  de  Calais ,  même  par 
les  Hiftoriens  &  les  Géographes  Anglois  :  quelques 
auteurs  de  cette  nation  ont  voulu ,  dans  ces  dernières 
années,  lui  donner  le  nom  de  Détroit  de  Douvres,  tant 
il  eft  vrai  que  la  petiteffe  eft  de  tout  pays,  comme 
elle  a  été  de  tous  les  temps.  Au  fud  de  la  ville ,  eft  un 
canal  qui  communique  à  Saint-Omer,  à  Gravelines,  à 
Dunkerque,  à  Bergues  &  à  Ypres,  &  qui  par  confé- 
quent  peut  être  d'un  grand  fecours  pour  favorifer  le 
commerce  de  Calais  :  ce  canal  fe  décharge  dans  les 
fofles  de  la  ville,  &  de-là  dans  la  mer. 

Il  n'y  a  point  de  fontaines  à  Calais,  on  n'y  boit  que 
de  l'eau  de  citerne;  plufieurs  maifons  ont  des  citernes 
particulières,  il  y  en  a  deux  publiques,  l'une  chez  les 
Minimes,  l'autre  plus  belle  &  plus  grande  près  l'églife 
de  Notre-Dame,  dont  elle  reçoit  les  eatix  par  des 
canaux  de  plomb.  A  une  certaine  heure  du  jour,  on 
fait  la  diftribution  de  l'eau  aux  particuliers  qui  n'ont 
point  de  citerne,  ou  dont  les  citernes  font  taries:  nous 
avons  parlé  plus  haut  de  la  citerne  de  la  citadelle,  & 


de  M.  de  Court anvaux.      123 

de  la  manière  dont  on  réuflit  à  y  deffaler  l'eau  de  la 
mer. 

Durant  notre  féjour  à  Calais,  on  nous  fît  voir  une  Jt  ExtMÎK 

x  d  une  gaze 

gazette  Angloife,  dans  laquelle,  après  avoir  annonce  Angioife, 
notre  départ  du  Havre-de-Grâce  &  le  motif  qui  nous 
avoit  engagés  à  entreprendre  ce  voyage,  le  gazetier 
ajoutait  qu'on  favoit  parfaitement  bien  que  ce  motif 
n 'étoit  qu'apparent;  &  que  fous  ce  prétexte  fpécieux, 
nous  voilions  notre  véritable  deffein ,  qui  étoit  de  vifiter 
&  de  relever  les  côtes  d'Angleterre ,  de  Hollande  & 
d'Allemagne ,  &  d'en  étudier  toutes  les  approches , 
d'en  fonder  les  rades  &  les  ports,  &c.  J'étois  con- 
vaincu que  ces  idées  fingulières  ne  pouvoient  partir 
que  de  quelques  imaginations  oifives,  &  que  tput  ce 
qu'il  y  avoit  de  gens  fenfés  en  Angleterre,  c'eft-à- 
dire,  la  plus  grande  partie  de  la  Nation  étoit  extrê- 
mement éloignée  de  donner  dans  des  vifions  aufli 
déraifonnables  que  celles-là  ;  cependant  la  crainte  de 
rencontrer  quelque  accueil  défavorable  de  la  part  d'une 
populace  toujours  facile  à  prévenir,  me  fit  abfolument 
renoncer  à  tout  defir  d  aller  vérifier  notre  montre 
marine  dans  quelque  port  d'Angleterre, 


/ 


Qij 


1 


de  Calais. 


124  Voyage 


CHAPITRE     VIL 

Départ  de  Calais  pour  Dunkerque;  fi  jour  forcé  ni  cette 

ville;  état  aftuel  de  Dunkerque. 

Départ  \TON  but,  au  fortir  de  Calais,  étoit  de  me  rendre 
1  ▼  A  plus  tôt  à  Amfterdam  ;  je  comptois  bien  débarquer 
à  Dunkerque,  mais  pour  y  refter  feulement  deux  ou 
trois  jours  ;  &  pour  éviter  les  retardemens  que  l'entrée 
Si  la  fortie  du  port  pourraient  nous  occafionner ,  j'avois 
décidé  que  Y  Aurore  mouilleroit  dans  la  rade,  à  la 
diflance  d'une  bonne  lieue  de  l'entrée  du  port;  des 
canots  dévoient  nous  conduire  à  Dunkerque  &  nous 
ramener  à  la  Frégate,  dès  que  j'aurois  terminé  le  peu 
d'affaires  que  j'avois  dans  cette  ville.  Nous  fortimes  du 
Paradis  de  Calais  le  6  Juin ,  vers  les  6  heures  ~  du 
matin  ;  à  7  heures ,  étant  hors  des  jetées ,  nous  appa- 
reillâmes; les  vents  d'abord  au  fud-eft  petit-frais,  ne 
tardèrent  pas  à  fouffler  du  fud  joli-frais ,  en  peu  de 
temps  nous  fumes  par  le  travers  de  Gravelines  :  nous 
allions  entrer  fur  les  bancs  qui  rendotent  Dunkerque 
le  port  de  France  le  plus  redouté  des  Anglois ,  il  nous 
falioit  un  pilote  bien  expérimenté  pour  nous  tirer  de 
cette  efpèce  de  labyrinthe  dans  lequel  nous  allions 
être  engagés;  le  fil  d'Ariàdne  nous  y  auroit  été  d'un 
trop  foible  fecours.  M.  Bernier,  Commifïàire  ordon- 
nateur à  Dunkerque ,  m'avoit  envoyé  à  Calais  un  pilote 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        125 

de  confiance ,  nommé  Dépêtre  *  ;  il  connoiflbit  par- 
faitement toutes  les  mers  où  je  me  propofois  4e 
naviguer ,  mais  il  n'étoit  pas  pilote  du  port  de  Dun- 
kerque.  M.  Bernier  m'avoit  fait  efpérer  qu'il  m'en- 
verroit  à  l'entrée  des  bancs  un  vrai  pilote  du  port, 
fous  la  conduite  duquel  V Aurore  feroit  autant  en  fureté 
dans  ce  Dédale,  qu'elle  pourroit  l'être  en  pleine  mer, 
&  nous  étions  convenus  par  lettres,  de  fîgnaux  de 
reconnoiiïance.  Arrivés  par  le  travers  de  Gravelines, 
nous  courûmes  quelques  bordées  à  l'eft  fud-eft  &  à 
l'oueft  fud-ouefl,  en  attendant  le  pilote;  il  ne  tarda 
pas  à  paraître,  il  nous  reconnut  à  nos  fignaux,  nous 
le  reconnûmes  de  même  :  vers  1 1  heures  -i,  il  fauta 
fur  notre  bord ,  &  nous  nous  mimes  en  route  au  travers 
des  bancs.  Notre  nouveau  pilote  avoij  prefque  perpé- 
tuellement la  fonde  à  la  main ,  &  nous  faifoit  diminuer 
de  voiles  à  mefurè  que  nous  nous  approchions  de 
Dunkerque  ;  avant .  midi ,  nous  reçûmes  à  bord  M. 
Caudebec ,  Capitaine  du  port ,  qui  venoit  dans  un 
canot  à  notre  rencontre  :  à  1  heure  j ,  nous  mouillâmes 
par  fix  braffes  d'eau,  fond  de  coquillage  noir  &  rouge; 
le  lieu  du  mouillage  étoit  à  une  bonne  lieue  du  port, 
nous  defeendimes  dans  deux  canots  qui  nous  conduis 
firent  à  Dunkerque ,  où  je  logeai  avec  M/s  Pingre  & 

*  M.  h  duc  de  Praflin ,  toujours  attentif  à  ce  qui  peut  encourager 
le  commerce ,  &  donner  de  l'émulation  aux  bons  fujets ,  accorda 
au  fieur  Deperre,  à  notre  retour  en  France,  les  Lettres  de  Capi- 
taine Marchand ,  qu'il  ne  devoit  efpérer  que  dans  quelques  années. 


/•  ~ 


126  Voyage 

Meflier  à  l'Intendance ,  chez  M.  Bemier  ;  les  autres 
logèrent  dans  des  maifons  voifines  de  l'Intendance. 
Journal  Sur  \€s  <>  heures  du  foir ,  on  affourcha  fur  la  corvette. 

qc  I  Aurore*  ' 

&  I  on  para  la  grande  ancre;  à  8  heures,  il  y  eut  une 
grande  quantité  d'éclairs  dans  le  fud-oueft  &  dans  le 
nord,  le  temps  étoit  brouillé  &  couvert  de  tous  les 
côtés  :  fur  les  1 1  heures ,  le  vent  commença  à  fouffler 
grand-frais  de  l'oued  nord-oued.  Le  lendemain  matin, 
les  vents  paflerent  au  nord  nord-ed  joli-frais,  le  ciel 
s'éclaircit,  il  y  avoit  apparence  que  le  beau  temps 
continuerait. 

Du  dimanche  7  Juin  à  midi  au  lundi  8 ,  beau  temps; 
mais  les  vents  étant  enfuite  paffés  au  nord-ed  &  à  l'eft 
nord-ed,  la  mer  groflit  beaucoup. 

Du  lundi  8  au  mardi  9,  vents  nord  nord-ed  très- 
forts,  &  mer  fort  groffe  toute  la  nuit. 

Du  mardi  9  au  mercredi  10,  grands  vents  de  la 
partie  du  nord,  mer  Ci  groffe  qu'elle  s'embarquoit  à 
chaque  indant  fur  le  pont  par-deffus  le  plat-bord. 

Du  mercredi  10  au  jeudi  1 1 ,  vent  du  nord-ed  au 
nord,  toujours  très-violent,  mer  extrêmement  groffe/ 
le  pont  toujours  couvert  d'eau;  on  ed  obligé  d'amener 
les  vergues  &  le  grand  mât  de  hune ,  &  de  mouiller  la 
maîtreffe  ancre  :  on  chaffoit  fur  les  autres. 

Du  jeudi  1 1  au  vendredi  1 2 ,  continuation  de  temps 
&  de  pluie  prefque  continuelle ,  quelques  éclairs  le  1 1 
au  foir  dans  l'oued;  la  mer  paffe  par-deffus  le  gaillard 
d'avant. 


DE  M.  DE  COU RTANVAUX.        127 

Du  vendredi  12  au  famedi  13,  les  vents  varient  du 
nord-eft  au  nord-oueft,  leur  force  fe  ralentit,  la  mer 
tombe  un  peu;  il  y  avoit  quatre  à  cinq  jours  que  toute 
communication  nous  étoit  coupée  avec  notre  Frégate, 
aucun  canot,  aucun  bâtiment  même  n'ofoit  fe  hafarder 
à  fortir  du  port.  Enfin ,  le  1 3  au  matin  ,  le  fieur  Chopin 
vint  avec  quelques  mateldts  nous  donner  des  nouvelles 
de  notre  Bâtiment  &  de  ce  qu'on  y  avoit  fouffert.  Le 
canot  qui  les  portoit  avoit  reçu  plufieurs  -coups  de  mer 
en  entrant  dans  le  port  :  auffi  leur  fut-il  impoffible  de 
retourner  le  même  jour  à  la  Frégate: ils  avoient  amené 
avec  eux  quelques  officiers  de  bouche ,  ou  domeftiques , 
qui  avoient  l'air  de  vrais  déterrés.  Comme  il  s 'étoit 
dérangé  quelque  chofe  au  four  de  la  Frégate,  on  y 
avoit  envoyé,  auffitôt  notre  arrivée  à  Dunkerque,  un 
ouvrier  pour  réparer  le  dommage;  à  peine  cet  ouvrier 
fut-il  à  bord,  qu'il  fe  fentit  incommodé,  le  mauvais 
temps  furvint  :  cet  homme,  après  avoir  reftc  quatre 
à  cinq  jours  fans  manger,  fans  dormir,  fans  remuer 
&  par  conféquent  fans  rien  raccommoder,  a  voulu 
profiter  de  la  première  oc cafi on  qui  s'eft  préfentée  de 
fortir  de  la  Frégate,  promettant  avec  les  expreffions 
les  plus  pathétiques,  qu'il  ne  retourneroit  de  fa  vie  fur 
quelque  Vaiffeau  que  ce  puifTe  être ,  dût-on  lui  faire  fa 
fortune  &  lui  donner  même  un  royaume- 

Du  famedi  13  au  dimanche  14,  vents  variables  du 
nord-eft  au  nord,  bon-frais,  mer  fort  grofTe,  les  flots 
recommençant  à  s'embarquer  à  ftribord  &  à  bâbord, 


128  Voyage 

&  paffant  même  par-defFus  le  gaillard  d'avant  ;  ciel 
çbuvert,  avec  quelque  pluie. 

Du  dimanche  1 4.  au  lundi  1 5 ,  vent  du  nord-nôrd  eft 
grand- frais  ,  mer  toujours  groffe  ;  éclairs  dans  Teft  au 
lever  du  Soleil,  ciel  toujours  couvert,  &  pluie  par 
intervalles. 

Du  lundi  1  5  au  mardi  1  (?,  continuation  de  vent  & 
de  temps ,  la  mer  groffiflant  plutôt  qu'elle  ne  diminuoit, 
&  continuant  de  s'embarquer  par-defTus  le  plat-bord. 

Enfin  ,  le  mardi  1 6 ,  vers  midi ,  la  fureur  du  vent 
6c  des  flots  commença  à  s'appaifer,  le  temps  devint 
beau  ,  le  vent  cependant  continuoit  à  foufHer  du  nord 
nord-eft.  Vers  les  4  heures  du  foir  je  conduifis  à  bord 
M.  le  prince  de  Robecq,  Commandant  de  la  Flandre 
maritime;  M.  le  chevalier  de  Chaulieu,  Maréchal -de- 
camp  ,  Commandant  à  Dunkerque  ;  M.  de  Montau- 
fier,  Colonel  du  régiment  d'Orléans;  plufieurs  autres 
Officiers  ;  M.  le  comte  de  Growenftein ,  Officier 
général  des  États-généraux ,  &  deux  Dames  de  Bruxelles, 
qui  étoient  venu  voir  M.  le  prince  de  Robecq.  On  avoit 
relevé  le  grand  mat  de  hune ,  hifTé  les  baffes  vergues , 
grayé  les  perroquets,  &  déployé  tous  les  pavillons  aux 
extrémités  des  vergues.  Auffitôt  que  nous  fume?  à 
Lord ,  l'équipage  monté  fur  les  vergues  &  les  hunes , 
falua  la  compagnie  de  fept  cris  de  vive  le  Roi;  ce  falut 
fut  répété  une  heure  après ,  lorfque  nous  quittâmes  le 
Bâtiment;  on  tira  fept  coups  de  canon ,  on  mît  bas  les 
pavillons,  &  l'on  dégréa  les  perroquets.  Le  vent  varia 

enfuite 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        I2p 

enfuite  entre  le.  nord-oueft  <5c  l'oueft-fud-ouefl,  joli- 
frais  ,  le  temps  continuant  à  être  beau  jufqu'au  jeudi  1 8 
<jue  l'on  embarqua  au  matin  tous  nos  inftrumens  d' Af- 
troriomie,  quoique  les  vents  commençaffent  à  vouloir 
retourner  du  eôté  du  nord. 

Le  vendredi  1 9  Juin ,  au  mâtin ,  nous  nous  embar- 
quâmes, les  vents  étant  variables  du  fud-oueft  au  nord; 
iorfqu'il  y  eut  affez  d'eau  pour  pafler  par-deflus  les 
bancs  qui  bloquent  le  port  de  Dunkerque ,  le  vent 
nous  étant  abfolument  contraire,  nous  força  encore  à 
différer  notre  départ  jufqu'au  famedi  matin.  Étant  donc 
arrivés  à  Dunkerque,  dans  le  defTein  de  n'y  féjourner 
que  trois  ou  quatre  jours  au  plus,  nous  nous  fommes 
vu  forcés ,  par  la  confiance  &  la  violence  des  vents  de 
nord  &  de  nord-eft,  à  y  refter  depuis  le  6  Juin  juf- 
qu'au 20  du  même  mois. 

Dès  le  6  du  mois ,  j'avois  heureufement  fait  venir  Obfcrvatiom 
a  terre  nos  inftrumens  d'Aftronomie.   Nous  établîmes    t  E^ude 
notre  Obfervatoire  dans  l'orangerie  de  l'Intendance,  Dun^ecr  u 
au  bout  du  jardin  ;  c'eft  un  bâtiment  qui  tombe  abfo- 
lument en  ruine,  mais  il  étoit  fitué  aufli-bien  que  nous 
pouvions  le  defirer;  les  hauteurs  fe  prenoient  en  dedans 
du  jardin ,  tout  près  &  vis-à-vis  de  la  porte  du  milieu 
de  l'orangerie.   M.  Bernier.  nous  procuroit  d'ailleurs 
tout  ce  que  nous  pouvions  defirer  pour  l'aifance  &  le 
fuccès  de  nos  obfervations.  , 

Le  7  Juin,  la  hauteur  méridienne  apparente  du  bord 
fupérieur  du  Soleil  fut  de  62  deg.  o  min.  55  fec,  ce 

.  R 


t$b  Voyage 

qui  donne,  pour  Ja  latitude  de  notre  Obfervatoire , 
ji  deg.  i  min.  41  fec. 

Le  même  jour»  nous  obfervames  la  hauteur  méri- 
dienne de  «  du  Bouvier,  de  58  deg.  33  min.  17  fec. 
celle  de  \  de  la  Vierge,  de  26  deg.  42  min.  20  fec. 
celle  de  a  de  fa  Balance,  de  23  deg.  56  min.  14 fec. -j. 
Ces  trois  obfervations  nous  (nettoient  par  la  latitude 
de  5 1  deg.  1  min.  54  fec.  5 1  deg.  1  min.  57  fec.  & 
5 1  deg.  2  min.  o  fec. 

Le  8  Juin ,  hauteur  méridienne  du  bord  fupérieur, 
$£  deg.  6  min.  26  fec.  donc  latitude,  5 1  deg.  1  min. 
48  fec. 

Le  même  jour ,  hauteur  méridienne  de  *  de  b 
Vierge,  29  deg.  3  min.  24  fec.  de  n  du  Bouvier, 
}8  deg.  33  min.  22  fec.  de  0  du  Scorpion,  19  deg. 
ji  min.  36  fec.  de  t  du  Scorpion,  20  deg.  10  min. 
14  fec.  de  4"  du  Serpentaire,  19  deg.  32  mm.  19  fec. 
donc  latitude ,  5 1  deg.  t  min.  43  fec.  1  min.  49  fec. 
1  min.  50  fec.  1  min.  52  fec.  1  min.  49  fec. 

Le  9  Juin ,  hauteur  méridienne  du  bord  fupérieur, 
€2  deg.  1 1  min.  54  fec.  donc  latitude,  5;  1  deg.  1  min. 
33  fec. 

Le  10  Juin,  hauteur  méridienne  du  même  bord» 
€2  deg.  16  min.  37  fec.  £-;  donc  latitude,  51  deg. 
1  min.  39  fec.  la  hauteur  méridienne  d'Amans,  que 
nous  n'avons  trouvée  ce  même  jour  que  de  1 3  deg. 
7  min.  52  fec.  donneroit  51  deg.  %  min.  16  fec.  de 
latitude. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         131 

Le  17  Juin,  hauteur  méridienne  du  bord  fupérieur 
du  Soleil ,  6z  deg.  38  min.  46  fec.  celle  à'Arfiurus, 
59  deg.  22  min,  46  fee.  donc  latitude,  5 1  deg.  1  min* 
jj  fec.  &  1  min.  53  fec. 

En  prenant  un  milieu  entre  ces  quinze  détermina- 
tions ,  on  peut  fixer  la  latitude  de  l'orangerie ,  qui  eft 
au  fond  du  jardin  de  l'Intendance  à  Dunkerque,  par 
51  deg.  1  min.  51  fec.  au  nord;  &  comme  iagrofle 
tour  de  Dunkerque  eft  d'environ  160  à  170  toifes 
plus  boréale  que  ne  l'étoit  notre  Obfervatoire ,  la 
latitude  de  la  tour  fera  de  51  deg.  2  min.  1  fec. 

On  a  coutume  de  mettre  Dunkerque  à  2  min.  Longitude 
23  fec.  de  degré,  ou  à  9  fec.  -j  de  temps  à  l'eft  du  Dunkerque. 
méridien  de  Paris ,  &  je  penfe  que  cette  détermination 
eft  à  peu-près  exacte.  Le  10  Juin,  nous  vimes  Antarcs 
pafler  au  méridien,  18  min.  32  fec.  après  le  premier 
bord  de  la  Lune  ;  M.  Caffini  nous  a  communiqué  une 
obfervation  femblable,  qu'il  avoit  faite  le  même  jour: 
félon  cette  obfervation,  l'intervalle  entre  les  deux 
pafiàges  n 'avoit  été  à  l'Obfervatoire  royal  que  de  1 8 
min.  3 1  fec.  \ ,  la  différence  entre  les  deux  obferva^ 
tions  eft  donc  d'une  demi-féconde.  J'avoue  que  pour 
trouver  Dunkerque  par  9  fec.  \  de  temps  à  l'eft  de 
Paris,  il  faudrait  que  la  différence  fufdite  n'eût  été 
trouvée  que  d'un  tiers  de  féconde ,  mais  dans  de  telles 
combinaisons,  peut-on  répondre  d'un  fixième  de 
féconde  fur  le  total;  pour  le  pouvoir  faire,  il  faudrait 
être  affuré  que  les  deux  obfervateurs  n'ont  pas  pu  fç 


132  Voyage 

tromper  même  d'un  douzième  de  féconde ,  l'un  en  un 
fens,  I  autre  en  l'autre  s  l'obfervation  telle  qu'elle  eft* 
donnerait  13  fec.  £  de  temps  entre  l'Obfervatoire 
royal  &  le  nôtre. 

Le  8  Juin,  M.  Meffier  obferva  avec  l'excellente 
lunette  de  Dollond,  appartenante  à  M.  Trudaine  de 
Montigni,  Timmerfion  du  quatrième  fatellite  de 
Jupiter,  à  1 1  heures  24  min.  4  fec.  du  foir,  temps 
vrai.  Cette  même  immerfiôn  fut  obfervée  à  l'Obferva- 
toire royal ,  par  M.  Maraldi ,  avec  une  bonne  lunette 
de  Campani  de  i|  pieds  feulement,  à  11  heures 
20  min.  6  fec.  par  M.  Caffini,avec  une  lunette  de 
Dollond  de  1 2  pieds  avec  fon  équipage  de  terre ,  on 
avec  trois  oculaires,  à  1 1  heures  22  min.  44  fec.  à 
l'Obfervatoire  de  la  marine,  par  un  neveu  de  M. 
le  Paute,  avec  un  télefcope  Newtonien  de  4  pieds  j9 
qui  groffit  foixante  fois ,  à  1 1  heures  22  min.  26  fec. 
enfin  au  même  Obfervatoire,  par  un  élève  de  M.  de 
la  Lande,  avec  un  excellent  télefcope  Grégorien  de 
32  pouces,  qui  groffit  cent  quatre  fois,  à  1 1  heures 
23  min.  56  fec.  Cette  dernière  obfervation  mettrait 
Dunkerque  à  8  fec.  de  temps  à  l'eft  de  l' Obfervatoire 
de  la  marine,  &  par  conféquént  à  10  fec.  à  l'ouefl 
de  TObfervatoire  royal.  Des  conféquerices  de  cette 
efpèce,  tirées  des  obfervations  du  quatrième  fatellite 
cfe  Jupiter  t  peuvent  quelquefois  fe  rencontrer  avec  la 
vérité  ,  mais  nous  ne  croyons  pas  qu'elles  pijiflent 
jamais,  fournir  des  preuves  bien  convaincantes. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         133 

Le  même  jour  8  Juin ,  le  premier  fatellite  parut 
fortir  de  l'ombre  de  Jupiter  à  1 1  heures  47  min.  54 
fec.  à  1 1  heures  49  min.  24  fec.  il  avoit  recouvré 
toute  fa  lumière  ;  M.  Meflïer ,  pour  cette  obfervatibn , 

•  _ 

fe  fervoit  encore  de  la  même  lunette  :  à  l'Obfer- 
vatoire  royal  ,  M.  Maraldi  ,  avec  la  lunette  de 
Campani  de  1 j  pieds ,  revit  le  fatellite  à  1 1  heures 
46  min  41  fec.  ce  qui  donneroit  i  min.  13  fec. 
de  différence  entre  les  méridiens  de  Paris  &  de 
Dunkerque  ;  mais  il  eft  à  remarquer  que  Jupiter  étoit 
alors  fort  bas,  qu'on  ne  diftinguoit  plus  {es  bandes,  & 
qu'outre  ces  deux  raifons  communes  aux  deux  Obfer- 
yatoires,  il  y  avoit  encore  alors  un  crépufcule  fenfible 
fur  l'horizon  de  Dunkerque. 

Le  9  Juin,  nous  avons   trouvé  la  déclinaifon  de  Dédînaîfon 
1  aiguille  aimantée  à  Dunkerque,  de  18  deg.  33  min.     raiguiiic. 
du  nord  à  i'oueft. 

Le  7  Juin  après-midi ,  M.  Leroy  fut  à  bord  de  la  Marcbe 
Frégate,  pour  débarquer  fes  montres  marines;  elles  marine. 
furent  extrêmement  roulées  dans  le  canot  qui  les 
apporta  à  terre,  le  trajet  étoit  de  près  d'une  lieue: 
Jorfqu'elles  furent  débarquées ,  deux  matelots  les 
apportèrent  fur, une  civière  à  l'Intendance;  ce  fécond 
tranfport,  qui  dura  environ  une  demi-heure,  fut  fait 
-avec  une  négligence  qui  déplut  beaucoup  à  M.  Leroy, 
il. crut  même. devoir  nous  en  porter  des  plaintes. 

Ce -même  jour,  la  pendule  à  midi  vrai,  marquoit 
;n  heures  57  min.  j  fec.  Peu  après  6  heures  du  foir, 

R  ii) 


134-  V    O    Y    A    G    £ 

Ja  montre  marine  avançoit  de  9  min.  57  fec.  \  fur  la 
pendule;  le  lendemain»  nous  eûmes  midi  vrai  à  1 1  heur. 
57  min.  z6  {ce.  de  la  pendule;  ainfi  le  7,  peu  après 
6  heures ,  la  montre  marine  avançoit  de  7  min.  7  fec. 
fur  le  temps  vrai ,  &  par  conféquent  de  8  min.  47  fec.  j 
fur  le  temps  moyen»  méridien  de  Dunkerque,  ou  de 
10  min.  54  fec.  méridien  de  Calais:  le  4  du  même 
mois»  elle  n 'avançoit  que  de  9  min.  1  fec.  -j-;  donc  en 
trois  jours  &  fix  heures»  elle  avoit  avancé  de  1  min. 
52  fec.  j  fur  le  temps  moyen;  à  raifon  de  27  fec.  j- 
par  jour»  elle  n'auroit  dû  avancer  que  de  1  min.  30  fec. 
il  refle  donc  un  avancement  extraordinaire  de  22  fec.  f , 
qu'on  ne  peut  attribuer  qu'au  roulis  de  la  rade  de 
Dunkerque  »  à  celui  du  canot  qui  a  conduit  la  montre 
dans  le  port»  &  principalement»  félon  M.  Leroy»  aux 
mouvemens  infolites  que  cette  montre  a  éprouvés  dans 
le  tranfport  à  bras ,  depuis  le  port  jufqu'à  l'Intendance. 
A  8  heures  j  du  matin  »  baromètre»  28  pouces  5  lignes  ; 
thermomètre»  1 3  deg.  |  :  à  1  heure  du  foir»  baromètre  » 
28  pouces  5  lignes  ~;  thermomètre»  15  deg.  à  10 
heures  »  baromètre  »  2  8  pouces  6  lignes  7  ;  thermomètre  » 
1 3  deg.  f 

Le  8»  à  midi  25  min.  la  montre  marine  avançoit  de 
10  min.  14  fec.  fur  la  pendule;  donc  en  dix-huit 
heures  &  un  quart»  elle  avoit  avancé  de  24  fec.  fur  le 
temps  moyen  »  ce  feroit  à  raifon  de  plus  de  3 1  fec.  £ 
par  jour.  Baromètre»  à  7  heures  du  matin»  28  pouces 
7  lignes  :  à  midi  £»  28  pouces  7  lignes  j  :  à  minuit. 


DE  M.*DE  COURTANVAUX.        135 

28   pouces  6  lignes  ~;  thermomètre»  aux  mêmes 
inflans,  13,  16,  12  deg. 

Le  9 ,  à  midi ,  la  pendule  marquoit  1 1  heures  57  min. 
47  fec.  j;  ainfi  elle  a  encore  avancé  de  10  fec.  en 
vingt* quatre  heures  fur  le  temps  moyen  :  4  min.  après 
midi,  la  montre  marine  avançoit  de  10  min.  35  fec.  £ 
fur  la  pendule  f  elle  avoit  donc  avancé  de  3 1  fec.  £ 
fur  le.  temps  moyen,  en  un  peu  moins  de  vingt- quatre 
heures.  A  7  heures  du  matin #  baromètre,  28  pouces 
6  lignes  j:  à  1  heure,  28  pouces  6  lignes:  à  1 1  heures | 
du  foir,  28  pouces  $  lignes  j;  thermomètre,  aux 
mêmes  momens,  13,  15,  it  deg.  ~. 

Le  10,  à  midi  \>  la  montre  marine  avançoit  fur  la 
pendule  de  10  min.  j(5  fec.  Nous  eftimons  que  la 
pendule  a  avancé  de  r  1  min.  \  en  vingt -quatre  heures; 
dans  cette  fuppofition»  la  montre  marine  aurait  avancé 
fur  le  temps  moyen  de  3 1  fec.  {  en  vingt-quatre  heures 
deux  tiers.  A  9 heures  du  matin,  baromètre,  28  pouces 
4  lignes  \\  thermomètre,  1 1  deg.  f:  à  midi  £,  haro- 
mètre  ,  28  pouces  5  lignes  ;  thermomètre ,  1  3  deg. 
à  1 1  heures  du  foir ,  thermomètre ,  1 2  deg.  •£-. 
-  Le  1 1 ,  nous  efti  marnes  que  la  pendule  en  vingt-* 
quatre  heures  avoit  avancé  de  1 1  fec.  f  fur  le  temps 
moyen.  Vers  1  heure,  la  montre  marine  avançoit  de 
if  min.  15  fec.  fur  la  pendule  :  à  ce  compte,  en 
vingt -quatre  heures  6c.  un  quart  >  elle  auroi  t  avancé  fur 
Je  temps  moyen  de  30  fec.  |  :  à  8  heures  ±  du  matin , 
Jbaramètre/a8  pouces  2  lignes  £:à  midi  de  même- 


i$6  Voyage 

thermomètre,  12  deg.  à  1 1  heures  du  foir,  baromètre 
de  même. 

Le  1 2 ,  nous  fuppofons  que  la  pendule  a  avancé  fur 
le  temps  moyen  de  12  fec.  £  en  vingt -quatre  heures. 
20  minutes  après  midi,  la  montre  marine  avançoit  de 
1 1  min.  30  fec.  •£  fur  la  pendule;  ainfi  en  vingt -trois 
heures  y,  elle  aura  avancé  de  27  fec.  |fur  le  temps 
moyen.  A  8  heures  du  matin,  baromètre,  28  pouces 
2  lignes  £  ;  thermomètre ,  1 2  deg.  £  :  à  midi  £ ,  baro- 
mètre, 28  pouces  2  lignes  £;  thermomètre,  12  deg. 
à  1 1  heures  du  foir ,  baromètre ,  28  pouces  2  lignes  |. 
Nous  primes  ce  même  jour,  durant  1  après -midi, 
plufieurs  hauteurs  du  Soleil. 

Le  13 ,  durant  l'après-midi,  nous  primes  un  grand 
nombre  de  hauteurs  du  Soleil ,  correfpondantes  à  celles 
que  nous  avions  prifes  pareillement  après  midi;  les  7, 
9  &  12  de  ce  mois, par  le  calcul  de  ces  hauteurs, 
nous  nous  afïurames  que  la  pendule  avoit  avancé  fur  le 
temps  moyen  de  1  min.  8, fec.  depuis  le  7;  de  48 
fec.  depuis  le  9  ;  &  de  13  fec.  |  depuis  le  1 2  ;  c'^eft  fur 
ces  obfervations ,  que  nous  avons  eftimé  les  jours 
précédens  l'état  de  la  pendule.  Le  1 3 ,  à  2  heures  j 
après  micJr,  la  montre  marine  avançoit  de  11  min.  49 
fec.  fur  la  pendule  ;  ainfi  en  vingt-fix  heures ,  elle  avoit 
avancé  fur  le  temps,  moyen  de  32  {ec.  \\  depuis  le  9, 
en  quatre  jours  deux  heures  ~  ,  elle  avoit  avancé  de 
2  min.  2  fec.  | ,  ce  qui  donnerait  à  peu  près  30  fec. 
pour  avancement  journalier.  A  8  heures  au  matin* 

baromètre , 


DE  M.  DE  Cû'URTANVAUX.         137 

Baromètre,  28  pouces  1  ligne  \\  thermomètre,  11 
deg.  à  midi  £,  baromètre  de  même;  thermomètre, 

1 1  deg.  à  10  heures  du  foir,  baromètre,  28  pouces 
1  ligne  £  ;  thermomètre ,  1  o  deg. 

Le  14,  peu  après  midi  £ ,  la  montre  marine  avançoit 
de  12  min.  4  fec.  j  fur  la  pendule  :  à  7  heures  \  du 
matin,  baromètre,  28  pouces  1  ligne;  thermomètre, 
10  deg.  à  midi  \9  baromètre,  28  pouces  1  ligne  «•; 
thermomètre,  1 1  deg.  |  :  à  10  heures  du  foir,  baro- 
mètre, 28  pouces  1  ligne;  thermomètre,  9  deg.  \. 

Le  1 5  ,  à  i  heure  y,  la  montre  marine  avançoit  de 

12  min.  22  fec.  fur  la  pendule;  des  hauteurs  corref- 
pondantes  du  Soleil,  prifes  le  13  au  foir  &  le  17  au 
matin ,  nous  ont  donné  pour  le  1 5 ,  midi  à  o  heure 
o  min.  9  fec.  de  la  pendule,  laquelle  auroit  par  consé- 
quent avancé  fur  le  temps  moyen  de  2 1  fec.  j  en  deux 
jours  ;  ainfi  la  montre  marine ,  en  quarante-fept  heures, 
auroit  avancé  de  54  fec.  \  fur  le  temps  moyen;  ce 
feroit  fur  le  pied  de  28  fec.  en  vingt  -  quatre  heures. 
Mais  on  voit  que  nous  fuppofons  ici  que  la  marche 
de  la  pendule  a  été  égale  depuis  le  13  jùfquau  17, 
ce  qur  n'eft  peut-être  pas  vrai.  A  7  heures  du  matin, 
baromètre,  28  pouces  o  ligne  y;  thermomètre,  10 
deg.  £:  à  midi  ^,  baromètre,  28  pouces  o  ligne  £; 
thermomètre ,  1 1  deg.  à  1  o  heur.  £  du  foir ,  baromètre, 
28  pouces  1  ligne  j;  thermomètre,  10  deg. 

Le  16,  à  1  heure  10  min.  la  montre  marine  avan- 
çoit de  12  min.  42  fec.  fur  la  pendule.  Baromètre,  à 

,  S 


138  Voyage 

8  heures  du  matin,  28  pouces  x  lignes;  à  midi-, 
Z%  pouces  2  lignes  7  ;  à  1 1  heures  £  du  foir *  28  pouces 
3  lignes:  thermomètre,  aux  mêmes  inflans,  10 ,  11, 

9  deg- 

Le  17,  par  des  hauteurs  prifes  le  matin,  &  com- 
parées avec  les  mêmes  hauteurs  prifes  le  7,  nous  nous 
femmes  aflurcs  que  le  17  à  midi  vrai ,  la  pendule  de  voit 
marquer  raidi  Q  min.  54.  fec.  ~,  &  qu'en  dix  jours  elle 
avoit  avancé  de  1  min.  y  1  fec,  -^  fur  le  temps  moyen. 
A  1  heure  24  min.  la  montre  marine  avançoit  de  1  ; 
min.  6  (ec.  £  fur  la  pendule;  ainfi  en  deux  jours  elle 
auroit  avancé  de  1  min  4  fec.  £  fur  le  temps  moyen; 
ou  plutôt,  comme  le  raidi  ohfervç  le  1 5  n'eft  pas  bien 
affaire,  en  comparant  l'état  de  la  montre  le  17  à  1  heure 
24.  min.  avec  celui  ou  elle  étoit  le  7,  5  ou  6  min. 
après  6  heures,  il  fe  trouvera  qu'en  neuf  jours  dix-neuf 
heures  dix-huit  minutes ,  eUe  aura  avancé  fur  le  temps 
moyen  de  4  min.  57  fec.  i;  c'eft  fur  le  pied  de  30  fec.  j 
par  jour.  Baromètre ,  à  7  heures  du  matin ,  i  midi  £  & 
à  1 1  heures  du  foir,  28  pouces  3  lignes  ~;  thermo- 
mètre, ioj,  12  j,  9  deg.  £. 

Le  1 8 ,  à  7  heur,  du  matin ,  }  1  heur.  &  à  1 1  heur.  £ 
du  foir,  baromètre,  28  pouces  3  lignes  £,  28  pouces 
3  lignes,  iSpcruces  2  lignes  j  ;  thermomètre,  13,  15» 
1 1  de^ 

Le  1 9,  à  7  heures  du  matin,  haromètre,  28  pouces 
alignes;  thermomètre,  12  deg.  Les  montres  matines 
ont  été  auiîkôt  après  reportées  à  bord. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  139 
La  néceffité  de  refter  k  Dunkerque  plus  long-temps  Occultions 
que  je  ne  me  1'étois  propofé  ,  ne  pouvoit  m'être  Dunkerque* 
agréable  ;  j'envifageois  que  ce  retardement  m'empê- 
cheroit  de  pouffer  mon  voyage  auffi  loin  que  je  l'avois 
projeté:  n'étant  cependant  pas  le  maître  de  commander 
aux  vents  &  à  la  tempête,  je  tâchai  du  moins  de  rendre 
mon  féjour  forcé,  le  plus  utile  qu'il  étoit  pofiïble» 
J'étois  fouvent  fur  le  port  ;  j'en  trois  dans  les  V  ai  fléaux; 
je  m'entretenois  avec  les  Capitaines  &  les  Pilotes  ;  je 
m'infbrmois  de  leurs  voyages  ,  &  des  obfervations 
qu'ils  avoient  faites  dans  leurs  diverfes  navigations;  je 
tirois  d'eux  toutes  les  lumières  qui  pou  voient  m'être 
de  quelque  utilité,  foit  dans  ce  voyage,  foit  dans  ceux 
que  je  croyois  alors  pouvoir  entreprendre  dans  la  fuite. 
A  terre ,  je  confultois  les  conftru&eurs  &  autres  gens 
à  talens;  je  vifitois  les  ruines  des  ouvrages  qui  ren* 
doient  autrefois  Dunkerque  une  des  plus  fortes  villes 
&  un  des  plus  célèbres  ports  de  l'Europe,  M/*  Pingre 
&  Meffier  imitoient  mon  exemple  ;  nous  faifions  re- 
gistre de  tout  ce  qui  nous  paroiffoit  marqué  au  fceau 
de  l'utilité. 

M.  Bernier  nous  préfenta  un  Prêtre  qui  croyoit  avoir      prêtre 

•    •      • 

pénétré  la  vraie  méthode  de  déterminer  les  Longitudes  ^'JS?/01' 
en  mer.  Comme  fes  prétentions  ne  fe  bornoient  pas  à  '?  fec.ret  ,dcs 

r  r  Longitudes. 

ce  fecret,  &  que  le  mouvement  perpétuel  n'étoit  pas 
même  la  plus  curieufe  de  fes  découvertes ,  nous  n'é- 
tions pas  fort  difpofés  à  l'écouter:  mais  cet  homme  en 
avoit  impofé  à  la  populace;  il  paffoit  à  Dunkerque 

S  ij 


i+o  Voyage 

pocr  en  prodrze  de  génie;  fi  Foo  n  aroct  point  encore 
récorrpenfé  fes  talens  émîner»,  c'etoct.  difiNt-an,  par 
wi  e£ct  de  la  baffe  plo^Ge  eue  tes  GfikicK  de  la 
marine  x*wtTX  conçue  ccr.trc  ï-jL  >L  Bernier,  poiff 
n'être  point  expofé  a  de  pareils  propos,  oc  même  pour 
les  faire  cefïer  contre  les  autres,  nous  pria  d'accueillir 
favorablement  ce  Prctre.  Nous  ie  âmes;  il  nous  dit, 
avec  beaucoup  de  confiance,  qu'après  avoir  mûrement 
réfléchi  fur  le  fecret  des  Longitudes,  il  avoit  reconnu 
que  la  méthode  la  plus  fûre  pour  y  parvenir  étoît  une 
montre  parfaitement  exaâe  ;  nous  applaudîmes  à  fon 
idée ,  mais  nous  lui  repréfentames  qu'elle  n'étoit  pas 
neuve,  puifque  M/5  Harrifon  &  Leroy  travaiiloient 
depuis  tant  d'années  à  l'exécuter.  Le  Prêtre  fe  retira 
aflez  content  de  nous,  mais  fâché  de  ce  que  cette  idée 
fe  fftt  préfentée  à  d'autres  avant  lui. 
Nhrezn  Venons  à  quelque  chofe  de  plus  utile.  Lorfque  nous 

*k  debJT  arrivâmes  à  la  rade  de  Dunkerque ,  nous  y  trouvâmes 
dTb*™*.   *  I  ancre  un  Vaifleau  Anglois,  qu'on  ne  croyoit  pas 

pouvoir  faire  entrer  dans  le  port,  on  penfoit  qu'il 
tiroit  trop  d'eau  ;  les  jours  fuivans  ,  la  mer  ayant 
baucoup  groffi ,  le  Capitaine  Anglois  ne  £e  crut  pas 
en  fureté  à  la  rade ,  il  efTaya  d'entrer  dans  le  port,  il  y 
réuffit  le  1 3  Juin ,  non  cependant  fans  courir  rifque  de 
fe  perdre  en  entrant  :  nous  fumes  le  17  Juin  à  fon 
bord,  il  nous  reçut  très-poliment  Nous  vîmes  à  fon 
oétant  une  efpèce  de  niveau  inventé  depuis  peu  en 
Angleterre,  pour  fuppléer  au  défaut  de  l'horizon» 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         141 

lorfqu'on  ne  le  voit  pas  à  la  mer;  ce  niveau  coûte 
quatre  guinées  en  Angleterre,  il  étoit  défendu,  fous 
des  peines  très-févères ,  d'en  faire  pafler  dans  les  pays 
étrangers  ;  auffi  quelques  offres  que  j'aie  pu  faire  au 
Capitaine,  il  ne  me  fut  pas  poffible  de  l'engager  à  me 
céder  le  fien.  Pour  le  peu  de  temps  que  nous  avons  pu 
le  voir,  voici  l'idée  que  nous  nous  en  fommes formée: 
c'eft  un  niveau  à  bulle  d'air,  fitué  fous  le  petit  miroir 
de  i'oétant;  pour  qu'il  foit  bien  placé,  deux  conditions 
nous  paroiffent  requifes,  fon  axe  doit  être  bien  parallèle 
au  rayon  vifuel,  c'eft-à-dire ,  à  la  ligne  qu'on  fup- 
poferoit  tirée  du  milieu  du  petit  miroir  au  trou  de  la 
pinnule  où  l'on  applique  l'œil  ;  &  de  plus ,  il  faut  qu'une 
ligne  abaiffée  du  miiieu  du  petit  miroir. fur  le  milieu  du 
niveau  foit  exactement  perpendiculaire,  tant  au  même 
rayon  vifuel  qu'à  l'axe  du  niveau  :  entre  le  milieu  du 
niveau  &  la  partie  non  étamée  du  petit  miroir,  eft  une 
loupe  dont  le  foyer  eft  au  petit  miroir.  Nous  fuppofons 
que  lorfque  l'oélant  eft  dans  la  difpofition  convenable 
pour  faire  une  bonne  obfervation,  la  bulle  d'air  du 
niveau ,  laquelle  eft  ronde  *  &  a  environ  quatre 
lignes  de  diamètre,  peint  au  travers  de  la  loupe  fon 
image  derrière  la  partie  non  étamée  du  petit  miroir  ; 
ainfi  cette  bulle  peinte  fur  le  petit  miroir  peut  tenir  lieu 

*  Selon  l'Idée  que  nous  expofons  ici ,  fi  la  bulle  eft  ronde ,  fon 
image  reçue  fur  une  furface  inclinée  de  4  5  degrés  fera  elliptique  ; 
mais  le  rayon  vifuel  incliné  pareillement  de  45  degrés  fur  ia  même 

furface  rendra  à  l'image  fa  rondeur  apparente. 

S*  •  • 
11; 


\+l  VOYAGE 

d'horizon.  Comme  nous  n'avons  pu  jeter  qu'on  coup 
d  œil  fur  cet  infiniment,  il  eft  très-poffible  que  nous 
n  ayons  pas  ùiû  toutes  les  cbrcon fiances  de  fa  conf 
traction;  mais  nous  croyons  que  ce  qui  vient  d'être 
dit,  peut  fuffire  pour  que  les  Ingénieurs  d'inftrumens 
de  Mathématiques  eflaient  d'en  faire  de  femblables, 
ou  même  de  plus  parfaits,  avec  les  plus  légitimes  cfpé~ 
tances  d'un  fuccès  favorable.  On  aperçoit  aifément 
que  lorfque  l'horizon  paroît ,  il  n'eft  rien  de  plus  facile 
que  de  vérifier  la  pofition  du  niveau;  elle  eft  exaâe,  fi 
l'horizon  vu  directement ,  coupe  fenfiblement  en  deux 
parties  égales  l'image  de  la  bulle  d'air,  finon  il  faut 
rectifier  la  pofition  du  niveau  à  l'aide  des  vis  pratiquées 
à  cet  effet.  J'ai  appris  à  mon  retour  9  qu'il  étoit  poflîble 
d'avoir  de  ces  niveaux,  mais  que  ceux  qui  faifoient  les 
û&ans,  n'avoient  pas  la  permiflion  de  faire  les  niveaux, 
le  privilège  exe  lu  ûf  en  étant  réfervé  à  l'inventeur  *. 
Origioe  Dunkerque  n'étoit  d'abord  qu'un  hameau  de 
Duntoquc  pêcheurs;  vers  le  nord-eft  de  la  ville,  on  nous  montra 

une  petite  chapelle,  dite  Notre-Dame  des  Dunes,  elle 
éft  maintenant  hors  de  la  vHIe,  mais  elle  étoit  en 
dedans  des  anciennes  fortifications  :  des  béquilles 
fufpendues  dans  le  chœur,  des  tableaux  dans  la  nef, 
repréfentant  des  V  ai  fléaux  prefque  fubmergés,  des 
naufrages,  des  dangers,  &c.  beaucoup  de  cierges  allumés 

*  J'en  fais  venir  un  d'Angleterre ,  qui  eft  encore  plus  ingénieux 
que  celui  que  nous  vîmes  à  bord  de  ce  Bâtiment ,  les  Anglob  ayant 
adapté  une  lunette  à  h  place  de  la  pinntdc. 


DE  M.  DE  COIÏRTANVAVX.  143 
&  du  monde  en  prière  à  toutes  les  heures  du  jour, 
attellent  la  dévotion  que  l'on  a  dans  le  pays  pour  cette 
chapelle ,  qui  d'ailleurs  eft  fort  petite.  On  dit  qu'elle 
fut  bâtie  par  Saint  Éloi ,  pour  la  commodité  des 
pécheurs  raffemblés  dans  le  hameau  ;  on  ne  doute 
point  d'ailleurs  que  ce  ne  (bit  cette  chapelle  qui  a 
donné  le  nom  à  Dunkerque  :  Kirk  ou  Kcrk,  en  langue 
.Teutonique ,  lignifie  ÉgJift;  &  Dm,  en  vieux  Gaulois , 
fïgnifje  une  kaiuew  ou  un  tettre;  les  hauteurs  ou  collines 
qui  font  le  long  de  la  mer  au  nord-efl  de  Dunkerque , 
fe  nomment  encore  aujourd'hui  les  Dunes,  ainfi 
Dunkerque  n'eft  autre  chofe  que  l'églife  des  Dunes. 
Baudouin  le  jeune ,  troisième  comte  de  Flandre  ,  fit 
entourer  Dunkerque  de  murs  défendus  par  des  tours, 
&  il  en  fit  ainfi  une  efpèce  de  petite  ville  en  960: 
ia  ville  s'eft  accrue  depuis,  &  ceux  qui  en  étoient 
poffeffeurs,  en  ont  de  temps  à  autre  augmenté  les 
fortifications.  En  1558,  le  maréchal  de  Termes,  à 
ia  tête  d'une  armée  Françoife  ,  prit  Dunkerque 
d'affaut,  peu  de  jours  après  avoir  ouvert  la  tranchée 
devant  cette  ville  »  qui  fut  prefque  entièrement  ruinée; 
elle  fut  rendue  à  l'Efpagne,  par  le  traité  de  Cateau- 
Cambrcfis.  Dunkerque  ae  tarda  pas  à  fe  relever  de  fes 
ruines ,  la  bonté  de  foo  port  &  l'éclat  de  fon  commerce 
y  attirèrent  beaucoup  d'étrangers.  Le  nombre  de  fes 
habita»!  s'accrût  tellement,  que  vers  l'an  1 635  il  fallut 
peu  1er  à  l'environner  d'une  nouvelle  erjceinte:  les 
fortifications  de  cette  nouvelle  enceinte  n'empêchèrent 


144  V   O    Y    A    G    B 

pas  le  duc  d'Enguien ,  depuis  prince  de  Condé ,  d'y 
mettre  fe  fiége  en  Septembre  1 646  :  la  ville  fut  vigou- 
reufement  défendue  ;  mais  les  efforts  des  afTiégeafis 
.  prévalurent  fur  ceux  des  affiégés;  ceux-ci  furent  enfin 
contraints  de  capituler,  la  place  fut  rendue  dix-fept 
jours  après  l'ouverture  de  la  tranchée.  Les  Efpagnols 
la  reprirent  en  1652.  Mais  en  1658,  en  conféquence 
d'un  traité  fait  avec  l'Angleterre  dès  1 655 ,  le  vicomte 
de  Turenne  mit  le  fiége  devant  Dunkerque  ^tandis 
que  la  flotte  Angloife  ten'oit  le  port  bloqué  pour 
empêcher  qu'il  n'y  entrât  du  fecours  :  la  tranchée  fut 
ouverte  le  4  ou  le  j  de' Juin:  l'armée  Efpagnole, 
commandée  par.  Don  Juan  d'Autriche ,  tenta  vaine- 
ment de  faire  lever  le  fiége  ;  elle  fut  mife  en  déroute 
le  14  Juin,  à  la  célèbre  bataille  des  Dunes,  &  Dun- 
kerque fe  rendit  le  23  du  même  mois.  Louis  XIV 
ayant  pris  poffeffion  de  Dunkerque  en  perfonne,  remit 
auflitôt  cette  ville  aux  Anglois,  comme  on  en  étoit 
convenu  par  le  traité  ;  mais  ce  ne  fut  que  pour  peu  de 
temps.  En  1662,  Charles  H,  roi  d'Angleterre,  ayant 
befoin  d'argent,  vendit  Dunkerque  à  la  France  pour  la 
fomme  de  cinq  millions;  on  en  prit  poffeffion  poiir  le 
roi  de  France  le  27  Novembre  de  cette  même  année. 
Depuis  ce  temps  les  ennemis  de  la  France  ont  inuti- 
lement effayé  de  la  bloquer,  de  la  bombarder  ou  de 
s'en  rendre  les' maîtres,  foit  de  vive  force,  foit  par 
furprife  ;  tous  leurs  efforts  ont  échoué  contre  les 
nouvelles  fortifications  que  Louis  XIV  y  avoit  fait 

conftruire 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.^      I4.J 

eonftruire  fous  la  direction  du  maréchal  de  Vauban ,  & 
contre  l'attention  que  l'on  apportait  d'ailleurs  à  dé- 
fendre l'entrée  du  port. 

Ce  port,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  étoit  Port. 
alors  le  meilleur  de  toute  la  France  &  peut-être  du  Dunkerque» 
monde  entier;  deux  belles  jetées  de  8  à  900  toifes  de 
longueur  en  formoient  l'entrée,  &  des  forts  bâtis  à  la 
tête^les  jetées  &  aux  environs,  en  défendoient  l'ap- 
proche; douze  ou  quinze  bancs  de  fable  rangés  comme 
par  art  vis-à-vis  du  port ,  ne  laiffoient  entre  eux  que  des 
efpaces  fort  étroits,  &  n'étoient  eux-mêmes  féparés 
que  par  de  femblables  efpaces  de  plufîeurs  autres 
bancs  qui  s'étendoient  à  droite  &  à  gauche  jufqu'à 
Gravelines  &  jufqu'au  -  delà  d'Oftende  :  ces  bancs 
fubfiflent  encore.  On  ne  peut  voguer  entre  eux  que 
la  fonde  à  la  main ,  &  encore  faut-il  avoir  fur  fon 
bord  quelque  pilote  du  port ,  bien  expert  dans  . 
la  chorographie  de  ces  bancs;  en  temps  de  guerre, 
les  Puiflances  qui  fe  nomment  maritimes,  ne  pou- 
voient  bloquer  tous  ces  bancs  à  la  fois,  &  il  y 
auroit  eu  ,  pour  leurs  gros  Navires  ,  de  la  témérité 
à  s'engager  dans  les  détours  de  ce  labyrinthe  :  en 
conféquence,  ils  ne  pouvoient  couper  le  chemin  aux 
Vaiffeaux  François  qui  entroient  dans  le  port  ou  qui 
en  fortoient.  Les  Anglois  comptent,  que  dans  îes 
douze  ans  que  dura  la  guerre  de  170 1 ,  les  VarfTeaux  de 
guerre  &  armateurs  du  port  de  Dunkerque  firent  fur 
eux  plus  de  feize  cents  quatorze  prifes,  eftimées  30 

.  T 


i+6  Voyage 

millions  500  mille  livres  de  notre  monnoie,fans  compter 
les  autres   prifes  qu'ils  ont  pu  vendre   en   d  autres 
ports  de  France  &  d'Efpagne*  Pour  que  les  Vai fléaux 
de  guerre  pu  fient  toujours  être  à  flot,  Louis  XIV 
avoit  fait  creufer  vers  l'extrémité  du  port,  un  grand 
&  magnifique  baffin,  féparé  du  port  par  une  éçiufe; 
fes   bords  étoient   défendus  par   de   bons  ouvrages 
de  maçonnerie  >  les  quais  étoient.  larges  &   bordés 
de  magafins  bâtis  en  brique  ;  un  des  côtés  pris  félon 
la  longueur  du  baffin,  eft  occupé  par  la  corderie, 
longue  d'environ    1 20  toifes  ;  de   l'autre  côté  ,   un 
bâtiment  d'environ   160  toifes  de  longueur,  fait  face 
à  la  corderie  :  il  étoit  deftiné  pour  fervir  de  magafin, 
on  y  renfermoit  toutes  les  provifions  appartenantes  à 
la  marine  du  RoL 
Dcdruffion       Les   Ahglois,   fenfibles  aux  pertes  qu'ils  avoient 
fortifications  efluyées  de  la  part  des  Vaiffeaux  fortis  de  Dunkerque, 
Dunk«rquc.  &  profitant  d'ailleurs  des  avantages  qu'ils  avoient  eus 

dans  la  guerre  de  1701  ,  ftipulèrent  par  le  traité 
d'Utrecht ,  que  toutes  les  fortifications  de  Dunkerque 
feroient  démolies,  &  la  démolition  commença  dès 
1*713.  Toutes  les  fortifications  furent  rafées  y  les 
fofles  &  le  baffin  furent  comblés,  les  éclufes  furent 
détruites,  les  jetées  démolies,  on  conftruifit  entre 
les*  jetées  un  batardeau,  pour  couper  toute  com- 
munication entre  la  mer  &  le  port;  la  plupart  des. 
habitans  de  Dunkerque  transférèrent  leur  fortune 
ailieur s  ;  heureufement  pour  ceux  qui  reftoient  „  une 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        14.7 

marée  exceflive  &  violente  rompit  en  17ZO  le  batar- 
deau,&  procura. aift  Vaifleaux  marchands  une  affez 
libre  entrée  dans  le  port ,  Dunkerque  fembla  fe 
relever.  En  1740,  le  Roi  donna  des  ordres  pour 
qu'on  en  rétablît  les  fortifications;  par  le  traité  d'Aix- 
la-Chapelle  ,  on  convint  que  les  fortifications  fub- 
fifleroient  du  côté  de  la  terre ,  celles  du  côté  de  la 
mer  furent  rafées  :  cependant  les  privilèges  que  Sa 
Majefté  avoit  accordés  aux  habitans  de  Dunkerque  J 
attiroient  tous  les  jours  de  nouveaux  citoyens  à  cette 
ville.  Les  Anglois,  par  les  prifes  que  contre  le  droit 
des  gens  ils  ne  cefToient  de  faire  fur  nous  en  pleine 
paix,  ayant  allumé  le  feu  d'une  nouvelle  guerre,  le 
Roi  fe  crut  libre  des  ehgagemens  pris  à  Utrecht  & 
à  Aix-la-Chapelle,  il  ordonna  en  1756  de  rétablir 
le  port  &  le  baffin  de  Dunkerque;  mais  fa  ten- 
drefTe  pour  fes  peuples  fatigués  d'une  longue  guerre, 
l'engagea  en  1762  à  confentir ,  par  le  traité  de 
Verfailles,  que  toutes  les  fortifications  de  Dunkerque 
feroient  abfolument  démolies  :  nous  avons  vu  dans 
cette  ville  trois  CommifTaires  Anglois,  chargés  de  la 
part  de  leur  Gouvernement,  de  veiller  à  l'exécution 
ponctuelle  de  cet  article.  La  marée  extraordinaire 
du  z  Janvier  1767  ,  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut ,  s'eft  fait  fentir  à  Dunkerque ,  aufti-hien  qu'à 
Calais;  mais  à  Calais,  on  peut  réparer  le  mal:  il  eft 
(ans  remède  à  Dunkerque;  il  fuivra  peut-être  de  cette 
marée,  que  bientôt  Dunkerque  ne  fera  plus  un  port* 

Tij 


t+S  Voyage 

ix*  *3u«i        Actuellement ,  le  port  peut  recevoir  des  VaifTeaux 

qui  ne  tirent  que  1 1  à  1 2  pieds  d'eau  ;  il  n'eft  pas 
_  poffible  d'y  entrer  en  baffe  mer,  &  en  conféquence 
il  n'eft  pas  permis,  nous  a-t-on  dit,  d'approcher  de 
la  rade,  lorfque  la  mer  defcend,  à  caofe  des  dangers 
occafionnés  par  les  baffes  :  cette  rade  eft  à  près  d'une 
lieue  du  port;  eHe  eft,  dit-on ,  excellente;  elle  peut 
être  en  effet  de  fort  bonne  tenue  ;  mais  nous  avons 
éprouvé  qu'elle  n'eft  pas  trop  à  couvert  des  fureurs  du 
vent  du  nord  :  c'eft  celui  qu'on  paraît  craindre  le  plus 
dans  ce  parage.  It  y  a  fur  le  port  101  bon  nomhre  de 
pilotes ,  entretenus  par  l'Amirauté  ;  ils  vont  au-devant 
des  VaifTeaux ,  les  font  entrer  dans  le  port ,  &  les 
eonduifent ,  à  leur  départ ,  jufqu'au  -  delà  de  la  rade. 
Dès  qu'un  V  ai  fléau  a  mouillé  dans  le  port,  le  Capi- 
taine ,  ou  quelqu'un  en  fon  nom  ,  eft  obligé  de  fe 
tranfporter  au  bureau  de  la  Potache,  ôid'y  déclarer  d'où 
H  vient,  ou  il  doit  aller  au  fortir  de  Dunkerque,  & 
quelle  eft  fa  charge.  On  tient  en  ce  bureau  un  regiftre 
exa6l  du  jour  de  l'arrivée  des.  VaifTeaux ,  de  celui  de 
leur  départ,  de  leur  port,  des  lieux  de  leur  deftination, 
&  du  nom  des  pilotes  qui  les  ont  fait  entrer  dans  fe 
port  ou  qui  le»  ont  aidés  à  en  fortir  :  ce  bureau  eft 
joint  à  une  tour  que  l'on  nomme  la  tour  des  Pilotes ,  St 
d'où  l'on  découvre  affez  loin  en  mer.  Le  port  eft 
franc,  c'eft  -à-  dire  >  qu'on  a  pleine  liberté  d'y  im- 
porter r  d'y  vendre  Si  d'en  exporter  toutes  fortes 
de  marchandifes»  même  étrangères.  Les  habitans  de 


DE  M.  DE  COURTAtIVAUX.  14^ 
Dunkerque  font  exempts  des  clafles,  c'eft-à-dire,  que 
pour  avoir  la  liberté  de  fervir  fur  mer,  ils  ne  font  pas 
obligés  de  fe  faire  enregiftrer  dans  les  clafles  du  Roi , 
&  de  faire  un  certain  nombre  de  campagnes  fur  les 
Vaifleaux  de  Sa  Majefté,  ce  à  quoi  on  efl  tenu  par-tout 
ailleurs.  Ce  font  ces  privilèges  qui  ont  contribué  à 
repeupler  la  ville.  En  1697,  on  y  trouva  ^e,ze  cents 
quarante  maifons  &  treize  mille  deux  cenfs  habitans. 
Pïganiol  de  la  Force ,  dans  fa  nouvelle  defcription  de  la 
France,  n'y  comptoit  plus  que  fix  mille  âmes.  Un 
auteur  Anglois,  qui  écrivoit  en  1761  ,  aflure  que 
l'année  précéderrte  fe  nombre  des  communians  avoit 
excédé  douze  mifle,  &  nous  ne  croyons  pas  que  ce 
nombre  ait  beaucoup  diminué  depuis. 

Au  nord-oueft  de  la  ville,  au --delà  du  port,  il  y  Citaddf* 
avoit  une  citadelle  irrégulière ,  il  eft  vrai ,  mais  bien 
fortifiée.  Démolie  en  conféquence  du  traité  d'Utrecht, 
elle  n'a  point  été  rétablie  depuis  ;  c'eft  maintenant 
comme  une  nouvelle  ville  ou  un  faubourg  :  le  feu  y 
avoit  pris  quelques  jours  avant  notre  arrivée ,  &  nous 
y  aperçûmes  encore  de  la  fumée  ;  l'incendie  avoit 
eonfumé  plufieurs  maifons. 

La  ville  eft  grande;  fon  mur  avoit  269F  toifes  de  Villes 
circuit,  fans  y  comprendre  la  baffe  ville,  qui  eft  fi  tuée 
vers  le  fud-oueft,  entre  les  canaux  de  Bergues  &  de  la 
Mœre  :  les  rues  font  aflez  bien  percées  ;  les  maifons 
bien  bâties ,  prefque  toutes  en  brique  :  toutes  les  caves 
font  habitées,  elles  reçoivent  du  jour  par  une  porte  à 

f  rp    •  •  • 

T  uj, 


150  Voyage' 

deux  bat  tan  s ,  qu'il  faut  lai  (Ter  ouverte  pendant  le  jour, 
tant  qu'il  y  a  du  monde  dans  ces  appartemens  (buter- 
rains:  les  noms  des  rues  font  marqués  à  chaque  carre- 
four; de  plus  toutes  les  maifons  d'une  même  rue  font 
numérotées  :  il  y  a  plufieurs  belles  places  ;  les  princi- 
pales font  la  place  d'Armes  ou  la  place  Royale  ;  la 
place  Dauphine  &  la  place  Dubois  :  la  première  peut 
avoir  60  à  70  toifes  de  long,  fur  56  de  large;  elle  eft 
entourée  de  belles  maifons  :  la  place  Dauphine  n'eft 
guère  moins  vafte.  On  met  dans  les  rues ,  les  jours  de 
Fête  &  de  Dimanche ,  une  efpèce  d'ornement  affez 
fingulier;  ce  font  comme  des  aflemblages  de  guir- 
lande, compofées  de  fleurs  artificielles  de  différentes 
couleurs ,  efpacées  &  foutenues  à  peu-près  comme  ie 
font  nos  lanternes  -à  Paris  :  ces  guirlandes  fe  réunifTant 
au  milieu  de  la  rue ,  forment  des  efpèces  de  dais , 
defquels  pendent  plufieurs  morceaux  de  verre;  pour 
peu  qu'il  y  ait  un  fouffle  de  vent,  ces  morceaux  de 
verre  agités  s'entrechoquent ,  rendent  un  fon ,  &  for- 
ment une  mufique  qui  vaut  bien  celle  des  tambours  de 
bafque  &  des  caftag nettes  de  Languedoc.  La  jeunefTe, 
de  l'un  &  de  l'autre  fexe,  fe  raffemble,  après  l'Office 
Divin ,  pour  danfer  fous  ces  guirlandes.  L'horloge  de 
la  ville  a  un  carillon  qui  nous  a  paru  fort  fupériëur  à 
celui  de  la  Samaritaine. 
Tour.  Près  de  la  place  Royale ,  vis-à-vis  l'églife  paroifliafe , 
eft  une  tour  fort  élevée,  elle  a  160  pieds  6  pouces 
de  hauteur;  du  haut  de  cette  tour,  on  découvre  fort 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        151 

loin  en  mer,  on  voit  jufqu'aux  Vaifleaux  qui  fortent 
du  port  de  Calais.  Le  6  Juin,  à  l'infant  que  nous 
appareillâmes, au  fortir  de  ce  port,  on  nous  découvrit 
de  la  tour  de  Dunkerque;  on  nous  perdit  enfuite  de 
vue  dans  la  brume;  nos  fignaux  nous  firent  reconnoîtte 
une  féconde  fois,  ôc  Ton  envoya  ordre  à  la  corvette 
du  pilote  de  fortir  du  port ,  pour  venir  au  -  devant 
de  nous. 

L'églife  paroiflïale  de  Dunkerque  eft  dédiée  fous 
l'invocation  de  Saint  Éloi ,  elle  eft  vafte ,  très-belle  & 
bien  ornée;  elle  eft  entourée  de  quinze  chapelles  bien 
entretenues;  on  admire  dans  cette  églife  plufieurs 
beaux  tableaux  des  plus  grands  peintres  Flamands, 
&  fur-tout  un  qu'on  nous  a  dit  peint  par  François 
Pourbus;  il  représente  le  martyre  de  Saint  George,  il 
eft  de  toute  beauté  :  on  nous  affura  que  pour  l'avoir, 
îes  Anglois  avoient  offert  autant  de  guinées  qu'il  en 
faudroit  pour  le  couvrir  *  :  il  a  environ  10  pieds  de 
hauteur,  &  deux  côtés  plians  pour  le  fermer  &  appa- 
remment pour  le  tranfporter  plus  commodément.  Cette 
églife  de  Saint  Éloi  avoit  été  réduite  en  cendres  en 
1  j 58  Jorfque  la  ville  fut  emportée  d'affaut  par  le  maré- 
chal de  Termes;  etle  a  été  reconftruite  en  l'état  où 

*  Pourbus  a  réellement  peint  le  combat  de  Saint  George  contre 
Satan ,  &  h  décollation  de  ce  Saint  :  ce  tableau  étoit  autrefois  dans 
la  maifon  de  Pourbus  à  Bruges  ;  H  aura  été  fans  doute  tranfporté 
de-là  dans  l' églife  de  Dunkerque ,  car  il  ne  paroît  pas  douteux  que 
ce  ne  foit  le  même  tableau» 


152  Voyage 

elle,  eft  aujourd'hui,  &  cela,  dit-on , par  le  produit  des 
fanas-filets.  Les  pêcheurs  de  Dunkerque,  pour  attirer 
ia  protection  célefte  fur  l'exercice  de  leur  profeffion  f 
s  etoient  avifés  daflbcier  en  quelque  forte  Dieu  à 
leur  commerce;  lorfqu'ils  partoient  pour  ia  pêche, 
ils  féqueftroient  un  certain  nombre  de  filets ,  auxquels 
ils  donnoient  le  nom  de  faimsfilets;  tout  le  poiflbn 
pris  avec  ces  faints  filets,  étoit  cenfé  appartenir  à 
Dieu,  il  étoit  mis  à  part,  Se  le  produit  de  fa  vente 
étoit  donné  à  l'églife  de  ia  paroi  (Te  :  ce  qui  n 'étoit 
d  abord  que  l'effet  d'une  dévotion  libre  &  volontaire» 
devint  dans  la  fuite  une  obligation  d'une  néceflité  indif- 
penfable;  les  comtes  de  Flandre  ordonnèrent  qu'aucun 
bateau  de  pêcheur  ne  fortît  du  port  de  Dunkerque, 
fans  embarquer  au  moins  un  faint filet,  &  ce  fut  du 
produit  du  poiflbn  pris  dans  ces  faints  filets ,  que 
l'on  a  bâti  la  belle  églife  paroifliale  de  Dunkerque , 
telle  qu'elle  fubfifte  maintenant. 

Xouvew.  Il  y  avoit  ci  -  devant  un  collège  de  Jéfuites  à 
Dunkerque;  il  y  a  actuellement  dans  cette  ville  des 
Récollets,  des  Minimes  &  des  Capucins,  de$  Béné- 
dictines Angloifes,  des  filles  Angloifes  de  Sainte- 
Claire,  des  Rccollettes,  des  fœurs  de  la  Conception 
&  des  fœurs  Noires  :  l'arfenai ,  l'Intendance  &  quel- 
ques autres  lieux  principaux  ont  aufli  des  chapelles 
particulières. 
Autres         Les  bâti  mens  les  plus  considérables  de  la  ville  font 

**imen$t   U  maifon  de  ville,  labourfe,  l'arfenai,  les  cafernes, 

l'hôpital 


DE  Af.  DE  COURTAWVAUX.      153 

l'hôpital  royal,  &c.  outre  ia  cordcrie  &  les  magafins 
dont  nous  avons  parlé  ci-deffus. 

Dunkerque  eft  du  diocèfe  d'Ypres,  (a  juftice  y  eft  Dépendances, 
adminiftrée  par  un  bailliage  reflbrtifTant  au  Confetti 
fouverain  d'Artois  ;  cette  ville  a  au/fi  un  Gouvernement 
particulier,  duquel  dépendent  fix  villages  :1a  langue 
la  plus  ufitée  eft  la  langue  Flamande,  il  eft  cependant 
|>ien  rare  de  trouver  une  perfonne  arféç  qyi  ne  puiffe 
s'exprimer  en  françois.  JLorfque  nous  arrivâmes  à* 
Dunkerque,  nous  trouvâmes  la  garnifon  compofée 
des  régimens  d'Orléans  &  Royal-Bavière  infanterie. 

*  • 

La  marée  à  Dunkerque  vient  du  nord,  en  fuivant  Marfes. 
ia  côte  orientale  de  l'Angleterre  ;  nous  foupçonnions 
cependant  que  la  marée  ayant  dans  la  Marçche  un 
cours  de  l'oued  à  l'eft,  il  pouvoit  en  venir  par  le  pas 
,de.  Calais,  &  que  de  ces  deux  marées,  venant  l'une 
dii  nord,  l'autre  du  pas  &  diverfement  combinées 
il  de  voit  réfulter  tant  à  Calais  qu'à  Dunkerque  une 
marée  fouvent  irrégulière.  M.  de  Fourcroix  nous 
avoit  détrompés  par  rapport  a  Calais,  mais  il  étoit 
convenu  qu'on  éprouvoit  à  cet  égard  une  irrégularité 
fenfible  à  Dunkerque;  en  effet,  on  nous  affura  que 
dans  ce  dernier  port,  généralement  parlant,  l'heure 
de  la  plus  haute  mer  étoit  à  midi  moins  un  quart, 
.&  que  les  plus  greffes  eaux  fe  fàifoient  ordinairement 
remarquer  dans  les  fyzygies.de  Mars  de  de  Septembre, 
mais  que  ces  deux  règles  n'étoient  pas  fi  générales, 
au'cjlçs  ne  fouffriffent  des  exceptions  bien  marquées* 

.Y 


154  VOYAGE 

Le  2  Janvier  1767,  deux  jours  après  une  fytygfe 
folfticiale,  ia  mer  avoit  monté  plut  haut  qu'elle  ft'a 
coutume  de  faire  près  des  équinoxes»  &  quart t  à 
l'heure  de  la  haute  mer,  qu'on  fixe  à  midi  moins  uft 
quart,  nous  avobs  été  témoins  que  fe  iè,  de  Juin, 
jour  auquel  ia  Lune  avbit  été  pleine  >  vers  y  heures  £ 
du  matin ,  la  met  à  1 1  heures  «avoit  déjà  baifTé  d'un 
pied;  Je  14  du  même  mois,  elle  nous  a  femblé 
pleine  entre  t  heure  J  &  une  heure  £  après  midi; 
fe  foir,  elle  nous  fembleit  perdre  encore  à  8  heures; 
un  quart  d'heure  après ,  nous  jugions  qu'elle  remon- 
tait :  le  lendemain»  elte'pefdôit  encore  à  S  heures  £, 
tnais  bien  peu;  la  retraité  qu'on  fottna  alors  rrotis 
força  de  nous  retirer.  Ce  n'eft  pas  là  là  marche  que 
la  marée  fuit  ordinairement  ;  d'habiles  pilotes  que 
nous  consultâmes  convinrent  des  faits ,  mais  ils  n'en 
voulurent  attribuer  là  caufe  qu'aux  vents  &  fur- tout 
aux  nàrds.  Je  laifTe  à  juger  aux  Phyficie'ns  fi  k  cboe 
&  ia  combinaison  des  deux  marées  dont  j'ai  parlé 
phi  s  haut,  ne  pourroit  pas  contribuer  en  partie  à  k 
production  de  ces  irrégularités. 
Eau  de  Hors  de  ia  ville ,  à  i'eft ,  font  deux  grandes  mam 
Dunkerçue.  ,4^.  foffqfe  nùm  fcs  vîmes,  on  lâvoit  dans  l\iïie, 

on  puifoit  à  force  dans  l'autre  :  c'eft  prefque  fer  cette 
feule  eau  que  les  habitons  de  Duhkêrqee  peuvent 
compter  pour  leur  ufage ,  ce  n'-eft  à  proprement  pârtet 
qtie  de  l'eate  de  citerne.  L'eau  de  phiie  fe  ràffemlriè 
dans  les  foffés  de  là  yiMe ,  &  coule  par  des  cafett* 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        155 

de  plomb  dans  les  deux  mares,  &  cela  eft  entretenu 
aux  dépens  du  Roi;  d'autres  tuyaux  de  plomb, 
construits  &  entretenus  aux  dépens  d'un  particulier 
qui  en  conféquenqe  en  eft  çenfé  propriétaire ,  con- 
duiront cette  môme  eau  en  difTérens  quartiers  de  la 
ville  &  même  dans  des  maifons  particulières.  On 
peut  puifer  de  l'eau  gratis  dans  les  mares  ;  pour  en 
avoir  d'ailleurs ,  il  faut  payer  un  droit  au  particulier  qui 
s'eft  chargé  de  la  conduite:  cette  eau  eft»  dit -on, 
très  -bonne  pour  le  pays. 

On  a  creufé  piufieurs  canaux  de  communication , 
par  lefquels  on  peut  ,  à  peu  de  frais ,  voyager  &  faire 
conduire  des  marchandifes  par  eau  en  piufieurs  villes 
d'Artois  &  de  Flandre,  comme  à  Bergues,  à  Furnes, 
à  fiourbourg ,  à  Saint-  Orner ,  &c. 

J'avois  fait  venir  d'Angleterre  un  baromètre  portatif 
de  Si  (Ton  ;  il  étoit  arrivé  à  bon  port  à  Calais  :  nonob- 
&nt  les  attentions  de  celui  qui  étoit  charge  de  le 
porter  de  Calais  à  £>unkerque,  il  étoit  caffé  avant  que 
d'être  hors  des  portes  de  la  première  de  ces  deux 
villes.  J'avois  commandé  qu'on  me  renvoyât  de  Paris 
celui  qui  avoit  été  cafle  avant  notre  départ,  après  l'avoir 
fait  raccommoder;  il  eft  encore  arrivé  caffé  à  Dun- 
kerque.  J'ai  averti  plus  haut  que  dans  ce  voyage  je 
n'avois  pas  été  heureux  en  baromètres  portatifs. 


Canaux 

de 
communi- 
cation. 


Vij 


156  Voyage 


CHAPITRE     VIII. 

1 

Départ  pour  Amjlerdam  ;  les  vents  contraires  obligent 
et  entrer  dans  la  Meufe;  arrivée  devant  Roterdam  ; 
féjour  à  la  rade  de  cette  ville  ;  voyage  à  Dort. 

Départ      T    E  1 9  Juin ,  après  avoir  fait  embarquer  les  montres 
Punkcrquc.  •*— i  marines,  &  tout  ce  qui  reftoit  à  terre  d'inftrumens 

d' Aflronomie ,  nous  rejoignîmes  enfin  V Aurore.  La 
mer  n 'étoit  pas  calme,  les  montres  roulèrent  non- 
feulement  dans  le  trajet ,  mais  lorfqu 'elles  furent  à  bord; 
ie  vent  fouffloit  d'abord  de  l'oued ,  puis  du  fud-oueft; 
il  remonta  bientôt  au  nord-oueft;  vers  midi  il  fe  remit 
au  nord  :  nous  ne  jugeâmes  pas  à  propos  de  profiter  de 
la  marée  de  trois  heures,  comme  nous  l'avions  pro- 
jeté. La  foirée  fut  fort  belle  par  un  vent  d'ouefl ,  mais 
la  mer  étoit  trop  baffe  pour  que  nous  puflions  nous 
engager  fur  fept  bancs  de  fable,  par-deffus  lefquels 
nous  devions  paffer.  Le  20,  par  un  beau  temps  &  un 
vent  d'ouefl  joli -frais  ,  nous  appareillâmes;  il  étoit 
3  heures  £  du  mâtin  ;  nous  fîmes  pendant  quelque 
temps  route  valant  le  nord-nord-efl,  mais  nous  n'étions 
pas  encore  quittes  des  vents  du  nord  :  nous  ne  pûmes 
aller  auffi  droit  chemin  que  nous  le  defirions. 
Perte  Vers  3  heures  j  du  foir ,  nous  eûmes  la  connoifîànce 

HdlandoU.U  d'un  Dogre ,  c'efl-à-diré1  d'une  Felouque  de  Pilotes; 

nous  lui  fîmes  fignal ;  il  approcha:  un  Pilote  d'Amfter- 


DE  M.  DE  COURTAHVAUX.        157 

dam  monta  fur  notre  bord  ;  il  fe  faifoit  à  î  6  lieues 
(  vingt -une  lieues  marines  de  France  ) ,  du  Texel  :  il 
nous  dit  qu'environ  une  dejni- heure  auparavant,  urt 
Navire  Hoilandois ,  deftiné  pour  Oftende  f  &  un  Vaif- 
feau  Anglois  s'étoient  rencontrés;  que  celui-ci  n 'avoit 
'pas  voulu  fe  détourner  de  fa  route ,  quoiqu'il  pût  le 
iàire  facilement ,  &  que  dans  le  choc  des  deux  Vaif- 
féaux,  le  Navire  Hoilandois  plus  foible,  &  peut-être 
heurté  plus  défavantageufement ,  avoit  cédé  &  coulé 
prefque  aufïitôt  bas.  Un  petit  Bâtiment  Hoilandois 
qui  fe  trouvoit  heureufement  près  du  lieu  où  cet  acci- 
dent arriva,  fauva  l'équipage,  qui  étoit  compofé  de 
vingt-deux  perfonnes.  Nous  avons  appris  depuis  que 
cet  équipage  avoit  porté  Tes  plaintes  à  l'Amirauté  de 
Roteirdam  ;  mais  que  peut  faire  cette  Amirauté  !  Ce 
Vaiffeau,  nous  a-t-on  dit  à  Roterdam,  eft  le  fixième 
qui ,  depuis  peu  de  temps  ,  périt  en  de  femblables 
rencontres.  On  s'eft  plaint  ;  l'Amirauté  d'Angleterre  ~ 
a  condamné  hautement  ces  faits ,  &  a  promis  de  punir 
les  coupables ,  fi  on  Içs  lui  faifoit  connoître.  Comme 
f  ai  appris,  depuis  mon  retour,  que  cette  hiftojre  avoit 
été  racontée  de  plufieurs  façons,  j'ai  cru  devoir  la 
rapporter  telle  qu'elle  eft,  priant  le  JLeéieur  d'être 
perfuadé  que  ce  qu'il  vient  de  lire  eft  conforme  à  la 
plus  exaéte  vérité. 

Le  vent  cependant, après  avoir  été  quelque  temps      Entrfe 
peu  favorable,  devint  prefque  ahfolument  contraire;    kivkufe, 
nous  courions  des  bordées ,  la  mer  étoit  clapoteufe, 

y  iij . 


158  Voyage 

nous  allions  fort  à  la  bande,  les  canons  de  ftribord 
&  de  bâbord  étoient  alternativement  plongés  dans 
l'eau;  nous  étions  le  20,  vers  fept  heures  du  matin, 
par  les  travers  de  l'embouchure  de  la  Meute ,  il  falloit 
fe  réfoudre  ou  à  entrer  dans  cette  rivière  vers  laquelle 
le  vent  nous  portoit ,  ou  à  louvoyer  jufqu'au  Texel 
par  une  mer  affez  groffe  :  on  m'engagea  à  prendre 
le  premier  parti;  nous  cinglâmes  vers  la  Meufe,  un 
pilote  de  la  Brille  vint  fur  notre  bord ,  le  fieur  Deperre 
lui  céda  le  timon ,  &  nous  arrivâmes  vers  neuf  heures 
du  matin  vis-à-vis  de  h  Brille. 

Le  fieur  Deperre,  dont  je  viens  de  parler,  était 
un  excellent  pilote  de  Dunkerque  &  très-grand  pra- 
ticien de  toutes  ces  mers;  M.  Bernier,  comme  je 
l'ai  dit  plus  haut,  me  l'avoit  envoyé  à  Calais,  je  l'ai 
gardé  dans  tout  le  voyage;  je  puis  dire  que  par  fon 
intelligence  Se  fon  activité ,  il  a  dégagé  plus  d'une  fois 
notre  Bâtiment  de  pas  affez  gliflans.  Il  y  avoit  eu  un 
autrç  changement  fur  notre  bord;  M.  de  Guerchi, 
Colonel  du  régiment  du  Roi,  avoit  cru  la  préfenee 
de  M.  Detoteux  néceflaire  à  ce  régiment,  &  lui  avoit 
en  conféquence  fignifié  de  ne  pas  nous  accompagner 
au-delà  de  Calais;  j'avois  pris  à  Punkerque,  pour 
Chirurgien-major,  M.  Barré  que  M.  Bernier  m  avoit 
pareillement  adreffé ,  &  qui  vivoit  à  Gravelines ,  retiré 
du  fervice. 
Anrivét  Vis-à-vis  de  la  Brillç,  le  pilote  Hollandois  qui 
nous  ayoit  fait  entrer  dans  la  Meufe,  nous  quitta, 


i  Rocerdain. 


de  M,  x>£  Court  ah  vaux»      159 

e\  un  autre  pilote  fe  chargea  de  nous  conduire  à 
Roterdam, .  Nous  mouillâmes  vers  11  heures  £  dans 
le  canal  même  de  la  Meufc,  prefque  *is4«vis  de  la 
partie  orientale  de  NaKe-Hooft-,  ou  de  ia  nouvelle 
jetée  *,  fur  cinq  bluffes  &  demi  d'eau;  je  ne  crus 
pas  devoir  aller  à  terre ,  fans  m'étre  abouché  préala- 
blement avec  f  Agent  9e  la  marine  de  Fonce  t 
M*  Potin  porte  ce  titre,  TObis  c'eft  maintenant  un 
Vieillard  o&ogénaire  qui  ne  toit  ptus ,  6l  dont  les 
forces  ne  font  pto*  ce  qu'elles  om  tété.  Les  fondions 
<fe  Conful  font  exercées ,  à  \\  fatisfàetion  de  tous 
les  François  qui  fréquentent  ce  port ,  par  M»  Van- 
derhoeWen  de  Tïenoven;  il  était  alors  abfent,  & 
ne  de  voit  revenir  que  fort  tard.  Il  fut  à  peine  de 
retour,  qu'il  vint  me  rendre  vifite,  il  me  fit  offre 
<fè  fon  temps,  de  fes  foins,  de  fon  crédit*  en  un 
tnot,  de  tout  ce  qui  pouvoit  dépendre  de  foi  :  le 
cceùr  partait,  les  effets  Ont  pleinement  répondu  aux 
promettes. 

A  *j  heures  \  du  foir ,  le  baromètre  étoit  à  bord  a 
28  pouces  1  ligne  J. 

Dès  l'entrée  de  la  Meufe ,  la  Hollande  nous  avoit  Vues  de  h 
paru  un  pays  charmant  ;  la  campagne  aufli  WTe  que 

•     *  Hooft  v  1  proprement  ptrkr*  fignrfit  tâe  tou  tvp.  Cfe  q*fe  fox* 
appelle  de  ce  nom  à  Roterdam,  eft  uoe^fpèce  4t  4o\j/blc  ftetée  y 
avec  un  canal  au  milieu  ;  c'étoit  ordinairement  dans  ce  canal  que  •  ' 
nous  menions  pied  à  terre.   On  peut ,  fi  Von  veut ,  appeler  ce 
irirïrdbçfois ,  là  nouvelle  tête. 


160  Voyage 

J'eau  de  la  rivière ,  fe  laiflbit  voir  de  deflus  notre 
bord,  &  formpit  les  payfages  les  plus  rians,  des 
villages  très-propres  ,  des  maifons  de  campagne  & 
des  jardins  fymétrifés  dans  toutes  leurs  parties,  de 
fort  belles  avenues  à  pale  de  vue,  des  prairies  grattes 
où  paiflbient  des  troupeaux  fans  nombre  ;  mille 
autres  objets  agréables  &*  diverfifiés  ne  nous  laif- 
foient  d'embarras  que  fur  le  choix  de  ce  que  nouç 
devions  le  plus  admirer,  &  ne  nous  permettoient 
pas  d'efpérer  une  vue  plus  fatisfàifante. 

Nous  en  trouvâmes  cependant  une  encore  plus  iïat- 
teufe  devant  Roterdam  ;  elle  étoit  d'un  côté  terminée 
avantageufement  par  la  ville,  elle  fe  perdoit  de  l'autre 
dans  des  campagnes  de  toute  beauté ,  &  fur  la  rivière 
même  qui  a  en  cet  endroit  près  d  une  demi-lieue 
de  large,  les  Vaifleaux,  les  barques,  les  yachts, 
les  canots  qui  fe  fuccédoient  continuellement  les 
uns  aux  autres,  formoient  comme  une  féconde  ville 
flottante,  qui  groupoit  parfaitement  avec  tout  le  refte: 
d'ailleurs,  ce  même  jour  21  Juin,  la  férénité  du  ciel 
ajoutoit  un  nouveau  luftre  à  toutes  les  parties  de  cette 
vue  charmante. 

Le  22  au  matin,  le  temps  fut  encore  beau  par  un 
vent  d'oueft;    il  plut  un  peu  l'après-midi  ,    le  ciel 
redevint  ferein  le  foir,  par  un  vent  de  nord-oueft. 
Rues  M.  Vanderhoewen  revint  nous  rejoindre  dans  la 


dcRotertfam 


Koterdam  nous  parut  un  Vrai  bijoux;  les  rues  y  font 

de 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  \6l 
de  la  plus  grande  propreté,  le  milieu  de  toutes* les 
rues  efl  pavé  de  cailloux,  &  fe  relève  en  chauffée, 
c'eft  par -là  que  doivent  pafferx  les  chevaux  &  les 
voitures;  &  comme  ce  pavé  eft  fort  dur,  pour  que 
les  chevaux  sy  tiennent  plus  fermement,  les  deux 
extrémités  de  leurs  fers  font  relevées  au  moins 
d'un  pouce;  les  fardeaux  font  ordinairement  tirés 
par  les  chevaux,  non  pas  fur  des  charrettes  ou 
autres  voitures  de  cette  efpèce,  mais  fur  de  (impies 
traîneaux;  fur  le  devant  du  traîneau,  efl  un  petit 
tonneau  plein  d'eau  &  percé  de  deux  trous;  l'eau 
s'écoulant  par  ces  trous,  rafraîchit  le  pavé ,  &  empêche 
que  le  frottement  ne  mette  le  feu  au  traîneau.  A 
droite  &  à  gauche  de  ce  pavé  régnent  deux  autres 
efpaees,  pour  l'ordinaire  auffi  larges  que  Je  pavé 
du  milieu;  ces  deux  efpaees,  pour  la  commodité 
des  gens  de  pied ,  font  pavés  de  briques  pofées  de 
champ,  &  fouvent  ces  briques  font  tellement  difpofées, 
qu'elles  forment  entre  elles  des  efpèces  de  compar- 
timens;  le  long  de  ces  pavés  de  briques  régnent 
deux  ruiffeaux,  pour  recevoir  l'eau  des  rues  &  pour 
Jes  teni*  toujours  propres  :  ces  ruiffeaux  font  taillés 
dans  de  la  pierre  &  font  couverts  en  grande  partie: 
entre  eux  &  les  maifons,  règne  ordinairement  une 
efpèce  de  plate-forme  pavée  de  marbre,  de  3  à 
4.  pieds  de  large,  féparée  affez  fouvent  de  la  rue 
par  une  baluftrade  de  fer  ;  quelquefois  H  y  a  des 
perrons  au  iieu  de  cette  plate-forme. 

•  X 


i6i  Voyage 

Ahifons.  Les  maiforis  font  prefque  toutes  featiés  de  briques  f 
&  ces  briques  cîiverfement  cblorééi  f  forment  fouvent 
des  deffihs  ;  d'ailleurs ,  j'ai  remarqué  fort  peu  de 
goût  de  bonne  architecture  dans  ces  maifons;  les 
pignons  s'élèvent  quelquefois  par-deffus  les  toits, 
comme  en  forme  d'efcalier,  &  cachent  abfolument 
la  vue  du  toit.  A  Roterdam ,  ces  pignons  ont  fouvent 
une  autre  forme;  il  y  a  d'âuttes  villes  en  Hollande f 
comme  Dordrecht ,  où  il  eïl  très-rare  de  trouver  un 
pigrton  fous  une  autre  fohne  que  fous  celle  d'efcalier: 
au  rerte ,  les  efpèces  de  degrés  t^ui  Fôrrhéht  cet  efcalfer 
ne  font  qu'au  nombre  de  quatre  ou  ciftq  de  chaque 
côté;  ils  peuvent  avoîr  iB  à  20  pôucès  Me  hauteur, 
fous  une  largeur  à  peu  -  près  égalé.  Les  mufs  des 
maifons  penchértt  fenfibternènt  par  te  haut ,  en  dedans 
de  la 'rue;  cette  pente  var  jufqu'à  4  à  5  pfeds;  on 
nous  a  dit  que  le  motif  de  dette  conftruélion  iinguKère 
étoit  d'empêcher  que  l'eau  qui  tombe  des  toits  ne 
tachât  tes  compartiment  des  murs  f  en  coulant  defTus  ; 
mais  nos  gotrttrères  nfe  prodilirôieht-efies  pas  te  même 
effet  î  les  croiféés  font  grandes ,  &  les  vitres  entretenues 
dans  une  grande  propreté  :  dans  beaucoup  de  maifons , 
au  premier  étage  ou  au  tez-de-chaufféfe,  il  y  a  des 
miroirs  aux  deux  côtés  des  Fenêtres  ;  ton  fait  incliner 
ces  miroirs  en  différons  feris,  félon  qu'on  le  juge  plus 
commode  pour  qu'ifs  ptiiftent  repréfentter  tout  ce  qui 
le  paffedâns  la  rue:  tes  portes  des  maifons  font,  pour 
Ja  .plupart ,  peintes  en  vert ,  &  ornées  de  clous  on  <fe 


de  M.  ùë  Court anvaux.      163 

boutons  de  cuivre;  en  dedans,  tout  eft  de  la  plus 
grande  propreté,  les  appartenons  font  frottés  avec 
foin  ,  le  pavé ,  pour  l'ordinaire ,  eft  de  marbre ,  les 
murailles  font  couvertes  de  fayence  blanche,  diftrib«ée 
par  carrés  de  4  pouces  eftviron  de  côté  :  le  milieu  de 
ia  largeur  des  efcaliers,  ainfi  que  le  fol  de  plufieurs 
appartemens ,  eft  couvert  de  tapis,  ou  au  moins  de 
quelque  étoffe  ou  de  quelque  toile,  pour  le  garantir 
de  ia  malpropreté  qu'on  pourrait  y  occafionner  en 
marchant  deffus.  C'eft  en  Hollande  une  incivilité 
groflière,  que  de  cracher,  dans  les  maifons,  fur  le 
carreau  ou  fur  le  plancher,  quelque  malpropre  qu'il 
puifle  être  d'ailleurs  :  les  appartemens  font  quelquefois 
ornés  de  tableaux  ou  de  porcelaines  ;  j'en  ai  vu  extrê- 
mement peu  où  il  y  eût  quelques  meubles. 

Comme  certains  ballots,  tels  que  des  provisions 
de  paillp,  de  foin  ou  d'autres  femblables,  pourrai  en  t 
nuire  à  la  propreté  des  efcaliers ,  fi  on  les  introduisit 
dans  lie  grenier  par  cette  voie ,  on  a  recours  à  l'expé* 
dient  fuivarit  :  on  pafle  une  corde  autour  d'une  poulie 
tout  au  haut  de  la  maifon ,  le  fardeau  s'attache  à  un  des 
bras  ou  pendans  de  la  corde;  après  avoir  fait  paffer 
l'autre  bras  autour  d'un«  féconde  poulie  fixée  vers  le 
ba$  de  la  maifon ,  on  y  attelle  un  cheval ,  le  cheval  en 
^'éloignant  tire  la  corde  &  fait  monter  le  fardeau  ;  il 
&ut  fuppôfer  qu'on  n'a  recours  &  ce  moyen  que 
forfqirtl  y  a  un  certain  nombre  dé  ballots  à  monter1: 
i'affcflee  &  la  promptitude  4e  ce  fervjce  pourraient 

X  y 


ify  Voyage 

bien  être  les  feules  caufes  qui  1  auraient  fuggéré. 
Canaux,         La  ville  eft  entrecoupée  de  plufieurs  canaux,  dont 
poms-iVvis.  les  plus  grands  forment,  3  proprement  parler,  le  port 

de  Roterdam;  il  pourrait,  en  cas  de  néceflité  ,  y 
entrer  des  Vaifleaux  de  guerre  :  les  quais  qui  bordent 
ces  canaux  font  pour  la  plupart  fort  agréables,  ils 
font  pavés  comme  les  rues;  une  rangée  d'arbres  du 
côté  du  canal ,  &  fouvent  une  féconde  du  côté  des 
maifons,  forment  fur  ces  quais  comme  autant  de 
cours,  où  la  promenade  eft  très-agréable  :  les  diffé- 
rentes parties.de  la  ville,  divifées  par  les  canaux,  fe 
communiquent  par  des  ponts-levis;  lorfqu'un  VaiflTeau 
fe  préfente  pour  paffer,  le  fervice  des  ponts  eft  égale- 
ment prompt  &  facile;  un  feul  homme  ou  une  feule 
femme,  en  tirant  une  corde  ou  une  chaîne  qui  corn* 
munique  à  la  moitié  du  pont,  lève  cette  moitié  fans 
aucune  peine,  un  autre  de  l'autre  côté  lève  pareille- 
ment l'autre  demi-pont  :  lorfque  le  Vaiffeau  a  pafle  f 
les  deux  parties  du  pont  defcendent  par  leur  propre 
poids,  aidé  feulement  du  poids  de  la  perfonne  qui 
a  levé  le  pont. 
Yachts.  Outre  les  VaifTeaux  marchands,  on  voit  fur  ces 
canaux  un  nombre  prefque  infini  d'yachts;  ce  font 
des  Bâtimens  légers,  fort  commodes  en  dedans,  par 
la  diftribution  des  appartenons  qui  les  compofent; 
ils  ne  tirent  prefque  point  d'eau,  ils  voguent  à  l'aide 
de  deux  voiles,  Tune  carrée  &  l'autre  latine,  qui  ne 
font  en  quelque  forte  qu'un  feul  continu;  iorfqu'ils 


de  M.  de  Court anv aux.     165 

"  veulent  virer  de  bord»  ils  fe  contentent  de  tranfporter 
d'un  bord  à  l'autre  l'extrémité  d'une  vergue  à  laquelle 
la  voile  eft  attachée  par  le  bas  ;  cette  feule  manœuvre , 
aidée  du  gouvernail ,  oriente  les  voiles  &  fait  en  un 
inftant  virer  le  Navire  :  ces  Yachts  vont  fort  près  du 
vent;  je  crois  qu'ils  vont  mieux  qu'à  deux  rhumbs:  il 
y  a  à  bâbord  &  à  ftribord  deux  ailes  de  bois  appliquées 
par  leur  plat  fur  les  côtés  du  Va i fléau ,  &  mobiles  fur 
un  petit  axe:  lorfque  l'on  eft  obligé  d  aller  vers  l'ori- 
gine du  vent,  on  laifle  defeendre  dans  l'eau  l'aile  qui 
*ft  fous  le  vent,  &  cela  doit  nécessairement  anéantir 
ou  du  moins  diminuer  confidérablement  la  dérive.  Un 
des  premiers  endroits  où  M.  Vanderhoëwen  nous 
mena  à  Roterdam  ,  ce  fut  à  l'Yacht  des  États  ;  il  eft 
d'une  propreté  charmante  ,  &  très  -  commodément 
diftribué  ;  c'eft  le  plus  joli  Bâtiment  que  nous  ayons 
vu  à  Roterdam;  il  a  68  pieds  du  Rhin  de  l'étrave  à 
i'étambot.  Nous  vimes,  un  des  jours  fuivans,  l'Yacht 
du  Prince  Stathouder;  il  eft  aufli  très-propre  &  pariai* 
.  tement  décoré  :  celui  des  Etats  nous  avoit  paru  plus 
commode.  Ces  Yachts  font  montés  de  fix  ou  huit 
pièces  de  canon ,  mais  d'un  quart  de  livre  ou  tout  au 
plus  d'une  demi-livre  de  balle.  Il  eft  peu  de  particuliers 
aifés,  qui  n'ait  fon  Yacht;  outre  qu'ils  s'en  fervent 
pour  fe  promener  fur  les  canaux  &  fur  la  Meufe ,  ils 
les  emploient  aufli  comme  voitures  pour  conduire  & 
décharger  les  marchandifes  à  leur  porte. 

Les  villes  de  Hollande  fe  reifemblent  toutes  ;  ainfî 

X... 
ni 


1 66  Voyage 

Vfflcf      ce  que  je  viens  de  dire  de  Roter  dam  peut  s'appliquer 

Hollande;    à  toutes  les  autres  ;  il  n'y  a  de  différence  que  du  plus 

prééminence  ou  moinSt  Qe  qUj  djftjngue  Roterdam  des  autres,  ce 

Rotcrdam.    n'e£  p0jnt  fon  antiquité,  elle  n'eft  devenue  ville  qu'en 

1 170;  ce  n'eft  pas  non  plus  le  rang  qu'elle  tient  entre 
les  villes  de  la  Hollande,  elle  ne  paffe  que  pour  la 
feptième  vil  je  de  cette  province:  mais  quant  au  nombre 
de  fes  habitans,  qui  fe  monte  à  environ  foixante  mille, 
quant  à  la  beauté  de  fa  fi  tuât  ion  ,  quant  à  la  bonté  de 
fon  port,  quant  à  l'étendue  &  à  la  richefle  de  fou 
commerce,  elle  ne  le  cède  qu'à  la  capitale  feule, 
c'efl-à-dire,  à  Amfterdam;  on  peut  dire  même  qu'elle 
remporte* de  beaucoup  fur  cette  dernière  ville,  par 
rapport  à  la  fituation  commode  de  fon  port ,  à  la 
propreté  de  fes  rues  &  de  fes  canaux:  elle  efl  bâtie, 
au  moins  en  partie,  fur  pilotis,  fur  la  rive  droite  & 
Septentrionale  de  la  Meufe ,  à  l'embouchure  de  la 
petite  rivière  de  Rote  qui  fe  jette  dans  la  Meufe  entre 
{es  deux  petites  jetées  qu'on  nomme  dans  le  pays, 
Oude-hooft  ou  la  Vieille-tete ,  &  qui  forme  ce  que  Ton 
peut  proprement  appeler  le  port  de  Roterdam  ;  c'eli 
auffi  cette  rivière  qui  donne  le  nom  à  la  ville, 
Roterdam,  en  langue  du  pays ,  ne  lignifiant  autre  chofe 

Amirauté    que  digue  ou  chaujflc  fur  U  Rote.  L'Amirauté  de  la 
c*  Meufe  a  fon  fiége  à  Roterdam ,  c'eft  la  première  de 
toute  la  province  ;  l'Amiral  de  Hollande  moqte  tou- 
jours un  Vaiffèau   de  cette  Amirauté  :  le  chantier 
de  cette  Amirauté,  qu'on  appelle  aufli  le  chantier 


ÛE  M.  DE  COURTANVAUX.         167 

des  États ,  eft  fitué  à  la  partie  orientale  de  la  ville; 
il  eft  fort  vafte;  nous  y  fumes  au  fortir  de  ¥  Aurore , 
oh  y  ttavailloit  à  une  Frégate  de  trente  -fix  canofw, 
tjui  étoit  fort  avancée. 

Au  fortir  de  l'Amirauté,  M.  Vanderhoetven  nous  vifitei. 
fcohduifit  chez  M.  Afcyners,  premier  Bourgmeftre 
&  Directeur  de  la  Compagnie  ffes  Indes  Orientales. 
Le  principal  motif  de  cette  vifite*  étoit  d  obtenir  un 
lieu  où  nous  puflrons  faire  nos  obfervations.  M. 
Meyners  nous  reçat  avec  toute  la  politefle  imaginable, 
&  nous  fit  les  plus  grandes  offres  de  fervice.  Sur 
l'expofé  que  nous  lui  fîmes  de  ce  que  nous  projetions 
d'obferver,  il  crut  que  nous  ne  pouvions  être  mieux 
placés  qu'à  l'Amirauté  même,  à  la  tête  du  chantier 
dont  je  viens  de  parler;  fur  fou  confeii,  nous  fumes 
rendre  vifite  à  M.  Vanderherân ,  autre  Boutgmeftre  9l 
Secrétaire  de  l'Amirauté.  Gomme  on  nxras  avoit 
dit  que  la  fortie  de  la  Meufe  était  difficile,  que  les 
Vaiffeaux  étoient  quelquefois  obligés  d'y  attendre 
Jong-temps  un  vent  favorable,  &  qu'il  ne  ferait  peut* 
être  pas  impoflibie  de  conduire  notre  Fréga*e  de 
Roterdam  à  Àmfterdam ,  par  les  canaux  dont  tout  ce 
pays  eft  traverfé ,  j'entretins  auffi  fur  rcet  ofejet  M. 
Vanderheim ,  qui  me  promit  le  plus  gracieufemerit 
du  monde  de  propofer  au  Confeil  qui  s'affcmbloit  le 
lendemain ,  le  deftr  que  j'avois  d'établir  mon  Obser- 
vatoire à  l'Amirauté  même,  6l  de  faire  le  voyage 
d' Amfterdam  par  les  canaterx  ;  il  ajouta  qu'il  fe  faifoit 


i68  Voyage 

fort  d'aplanir  les  difficultés  qu'on  pourroit  foire,  fur- 
tout  fur  ce  fécond  projet,  &  qu'il  m'informerait 
au  (fi  tôt  du  fuccès.  Quant  à  1  établi  (Te  ment  de  notre  Ob- 
fervatoire  à  l'Amirauté,  cela  fut  réglé  fans  difficulté; 
M.  Vanderhoewen  nous  apporta  le  lendemain  avant 
midi  une  permiflion  par  écrit  d'entrer  fur  le  chantier 
à  toutes  les  heures  du  jour 
Statue  De   chez   M.   Vanderheim  ,    M.    Vanderhoewen 

nous  mena  dîner  chez  lui  ;  il  loge  fur  la  plus  grande 
place  de  la  ville,  elle  eft  en  grande  partie  formée 
par  un  pont  le  plus  large  &  le  plus  long  qui  foit  dans 
Roterdam;  fur  cette  place,  près  du  pont,  eft  un  monu- 
ment érigé  à  la  gloire  éternelle  de  la  ville  &  de  {es 
M  agi  fl  rat  s  :  c'eft  une  ftatue  en  bronze  du  célèbre 
Érafme,  repréfenté  debout  fur  un  piédeftal,  d'une 
taille  plus  haute  que  la  naturelle,  habillé  en  doéteur, 
&  tenant  en  fa  main  un  livre  ouvert  :  les  faces 
du  piédeftal  font  décorées  de  plufieurs  inferiptions 
latines  en  lettres  d'or.  Près  de  là,  on  montre  la 
maifon  où  Érafme  naquit  en  1467;  on  a  lait  graver 
un  diftique  latin  au-deffus  de  la  porte. 
Cabinets  Après  le  dîner,  nous  fumes  conduits  chez  M. 
M.Biifchop.  Biffchop  négociant.  Sa  boutique  fort  étroite,   dans 

laquelle  on  vendoit  en  détail  du  fil  &  d'autres 
menues  marchandifes,  ne  nous  donnoit  pas  l'idée 
des  beautés  que  nous  allions  voir  :  je  doute  qu'il  y 
ait  dans  l'Univers  un  cabinet  qui  furpafTe  celui  de 
M.  Biffchop,  Quoiqu'il  ait  deux  maifons  abfolument 

pleines 


OE  M.  DE  COURTANVAUX.         169 

pleines  de  raretés ,  l'efpace  lui  manque  encore  pour 
contenir,   ou   du    moins   pour    arranger  toutes   Tes 
richeffes  ;     c'eft    un    magafin    de    Porcelaines    les 
plus  grandes ,   les  plus   belles  &  les  plus  délicates 
qu'on  puiffe  imaginer,  de  Laques   de  la  Chine   en 
grand  nombre  Se  plus  précieux  qu'on  n'en  voit  com- 
munément, de  Verres  gravés  avec  la  plus  grande 
délicateffe,  de  dents  entières  d'Éléphans  très-joliment 
fculptées  ,    de   Coquilles   rares  bien  conditionnées , 
arrangées  avec  goût  &  intelligence;  )'y  remarquai  fur- 
tout  une  très-belle  fealata,  un  eft  &  oueft,  &  une  autre 
coquille  qiii  n'a  point  de  nom,  &  que  M.  Biffe  hop 
croit  être  la  feule  de  fon  efpèce  qui  exifle  dans  les 
cabinets  des  Curieux.    Nous  paffames  de -là  à  une 
très-belle  fuite  de  magnifiques  gravures,   de   deffms 
originaux  des  plus  grands  maîtres,  &  fur-tout  à  une 
ample  collection  de  Tableaux  dont  nous  ne  favions 
fi  nous  devions  plus  admirer  la  quantité  ou  la  qualité; 
après  un   coup  d'œil   donné  fur  les  parties   de  ce 
tréfor,  il  aurait  fallu  plufieurs  jours  pour  l'examiner 
en  détail.  M.  Biffe  hop  fit  venir  une  bouteille  de  vin 
de  Tokai,  préfent  du  feu  Empereur;  &  après  avoir 
rempli  les  verres ,   il  me  porta  la  fanté  du  roi   de 
JFrance,  pour  lequel  il  eft  rempli  d'une  vénération  fi 
profonde ,  qu'il  porte  continuellement  fur  fa  poitrine 
une  médaille  fur  laquelle  eft  gravée  l'effigie  de  ce 
Monarque  bien-aimç.  Je  ne  crois  pas  qu'on  puiffe 
trouver  un  caractère  plus  naturel,  plus  ouvert,  plus 

.Y 


.» 


170  V    O     Y    A     G    E 

uni,  plus  obligeant  que  celui  de  M.  Biflchop  :  ce 

refpeétable  vieillard  étoit  âgé  de  88  ans. 

HôteWe-viiic;      Nous  vîmes  auflî  ce  même  jour  l'hôtel-de- ville  > 

Bourfc.     qUj   n'a  rjen  je  remarquable,  la  poiffonnerie  &  la 

bourfe;  ce  dernier  édifice  eft  bâti  à  la  moderne  en 

pierres   de   taille,   c'eft  après    quelques   églifes,  ce 

qu'il  y  a  de  plus  noble  à  Roterdam;  il  forme  un 

carré  long,  fort  vafte;  la  place  qui  eft  en  dedans  eft 

environnée  de  galeries ,  ce  qui  forme  un  total  aflez 

femblable  à  nos  cloîtres  :  les  piliers  qui  fépareni  les 

arcades  nous  ont  paru  d'une  feule  pierre;  ces  arcades 

ont  environ  80  pieds  de  large,  &   la   largeur  des 

galeries  ou  des  péri fty les  eft  d'environ  60  pieds* 

Obfervatoire.      Le   23 ,  le  ciel  étoit  ferein   le  matin;  il  furvint 

enfuite  des  nuages ,  le  vent  fouffloit  d'entre  i'oueft 
&  le  fud-oueft  ;  hauteur  du  baromètre ,  à  7  heures  * 
du  matin,  &  à  2  heures  du  foir,  28  pouces  4» 
lignes  :  à  1 1  heures  £  du  foir,  28  pouces  3  lignes  £; 
thermomètre  aux  mêmes  inflans,  15,  17  &  17  deg. 
J'achetai  ce  même  jour  un  nouveau  baromètre  por- 
tatif, pour  nous  fervir  en  cas  d'accident;  comme  ce 
nouveau  baromètre  étoit  divifé  en  pieds  &  pouces 
de  Rhynlarrd,  nous  nous  fommes  contentés  de  le 
comparer  fouvent  avec  celui  de  M.  de  Fourcroàc, 
mais  nous  n'avons  tenu  un  compte  exaél  que  des 
variations  de  celui-ci. 
Marche  Vers  1 1  heures  du  matin ,  ayant  reçu  tes  ordfes 
mar^T*  néceflaires  pour  pouvoir  entrer  librement  à  toute  heure 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        \J\ 

dans  le  lieu  deftiné  pour  nous  fervir  d'Obfervatoire  , 
nous  fumes  le  voir;  c'étoit  une  chambre  au  premier 
étage  avec  un  balcon  de  pierre,  foutenu,  à  ce  qu'on 
nous  a  ait  entendre,  fur  un  cul-de-lampe  en  voûte 
êc  expofé  au  midi  :  le  foir ,  nous  y  fîmes  tranfporter 
les  deux  montres  marines,  le  quart-de-cercle  &  la 
lunette  de  M.  de  Momigni  ;  nous  crûmes  ces  inftru- 
mens  ûiffifans  pour  le  temps  &  pour  le  lieu. 

Le  24,  vent  fud-oueft,  beau  le  matin,  nuages 
enfuite,  le  foir  vent  violent,  on  ne  doutoit  pas  qu'il 
n'y  eût  un  coup  de  vent  au  large;  le  matin,  vers 
7  heures  •£,  nous  primes  vingt  hauteurs  du  Soleil; 
nous  ne  pûmes ,  il  eft  vrai ,  prendre  le  foir  les  corref- 
pondantes,  les  nuages  y  mettant  obftacle,  mais  ces 
hauteurs  du  matin  étoient  précifément  les  mêmes  que 
nous  avions  prifes  le  8  Juin  matin  à  Dunkerque  :  il 
nous  a  été  facile  de  conclure  par  un  calcul,  un  peu 
long  peut-être,  mais  fondé  fur  des  principes  fûrs, 
quelle  avoit  été  la  marche  de  la  montre  marine  entre 
le  8  Juin  &  le  24  du  mêrrje  mois,  c'efi-à~dire,  en 
feize  jours.  Le  réfultat  de  ce  calcul  çft  que  dans  cet 
intervalle,  la  montre  marine  avoit  avancé  fur  le  temps 
vrai  de  $  min.  9  fec  ~;  elle  auroit  dû?  félon 
l'équation  du  temps,  aywnç^r  de  3  min.  18  fec»  ■&; 
donc  die  avoit  retardé  de  9  feç.  &  «&  fur  le  temps 
moyen.  Pour  conclure  de-là  la  marche  réelle  de  la 
montre  marine,  H  ferqit  néieiTaîre  de  déterminer  la 
différence  deatre  les  méridien*   4e  Dunjtercjue  <St 

Y.j 


i7*  Voyage 

de  Roterdam,  &  c'eft  ce  que  nous  ne  pouvons  Eure 
Longitude  par  nos  obfervations.  Ce  même  jour  24.  de  Juin, 
Roterdam.  nous  nous  proposons  d'obferver  une  émerfion  du 
premier  fatellite  de  Jupiter;  le  temps  abfolument 
couvert  ne  nous  ie  permit  pas;  &  d'ailleurs  qu'aurions- 
nous  pu  conclure  d'une  feule  obfervation  de  cette 
efpèce  !  il  faut  donc  recourir  à  d'autres  moyens  pour 
établir  la  longitude  de  Roterdam  ,  &  confuiter  les 
autorités.  Le  P.  Hell ,  dans  fes  Éphémérides ,  met 
Roterdam  à  l'orient  d'Amfterdam;  c'eft  une  faute 
manifefte  qui  lui  a  échappé.  L'Encyclopédie ,  aux 
mots  Amjlerdam  &  Roterdam ,  place  la  première  de 
ces  deux  villes  à  l'orient  de  la  féconde ,  comme  cela 
doit  être,  &  ne  met  que  1  min.  12  fec  de  temps 
pour  différence  entre  les  méridiens  de  ces  deux  villes. 
Dans  les  Cartes  de  feu  M.  de  rifle,  dont  on  con- 
noiffoit  Texaditude  à  raffembler  de  bons  Mémoires» 
&  l'intelligence  pour  les  apprécier  ,  Roterdam  eft 
placé  1  min.  35  à  36  fec.  à  l'oued  d'Amfterdam.  Les 
États  de  Hollande  ont,  depuis  quelque  temps,  fait 
lever  des  Cartes  fort  exaltes  de  leur  province  :  or  j'ai 
fous  les  yeux  de  nouvelles  Cartes  de  la  Hollande, 
gravées  en  Hollande  même,  fur  lefquelles  la  diftance 
des  deux  méridiens  eft  marquée  de  22  à  23  min.  de 
degré,  c'eft-à-dïre,  de  1  min.  28  à  32  fec.  de  temps. 
Je  crois  qu'en  fe  tenant  à  1  min.  30  fec.  on  ne  peut 
s'écarter  beaucoup  de  la  vérité.  Or  nous  avons  trouvé 
que  le  méridien  d'Amfterdam  eft  de  10  min.  12  fec; 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         173 

plus  orientai  que  celui  de  Paris  ;  donc  Roterdam  fera 
de  8  min.  42  fec.  plus  orientale  que  Paris  ,  &  par 
conféquent  de  8  min.  32  fec.  j  plus  orientale  que 
Dunkerque.  En  fuppoiânt  que  la  montre  marine 
avançât  de  30  fec.  \  par  jour,  comme  nous  avons  vu 
ci-deflus  qu'elle  avançoit  à  Dunkerque ,  il  s'enfuivroit 
qu'en  feize  jours  elle  auroit  dû  avancer  de  8  min. 
j  fec.  j,  &  que  pour  la  différence  des  méridiens  elle 
devoit  retarder  de  8  min.  32  fec.  7:  elle  devoit  donc 
retarder  de  27  fec.  £  ;  elle  ne  retardoit  que  de  9  fec.  ■— : 
voilà  donc  encore  un  avancement  de  17  fec.  £-  occa- 
sionné par  les  roulis  *. 

Le  baromètre  reflé  fur  la  Frégate  étoit  haut  de  28 
pouces  3  lignes  à  6  heures  7  du  matin  ;  de  28  pouces 
2  lignes  7  à  2  heures  &  à  10  heures  du  foir.  Le 
thermomètre  étoit,  à  2  heures  du  foir,  à  20  deg. 
fur  la  Frégate;  à  5  heures  il  n'étoit  qu'à  16  deg.  7 
près  des  montres  miarines. 


*  Ceux  qui  compareront  cette 
Relation  avec  le  Précis  que  j'ai 
lu  à  la  rentrée  publique  de  l'Aca- 
démie, &  que  j'ai  fait  aufîitôt 
imprimer ,  pourront  remarquer 
quelques  différences  entre  les 
deux  ;  elles  (ont  fort  légères,  & 
lie  viennent  que  de  ce  que  de- 
puis l'impreffion  du  Prétis  on  a 
eu  le  temps  de  perfectionner  & 
de  combiner  les  calcul*  s  ici  la 


différence  ,  un  peu  plus  fenfible 
qu'ailleurs ,  vient  de  la  longitude 
d'Àmfterdam  que  j'avois  (up- 
pofée  dans  le  Précis  ,  d'après 
des  autorités  étrangères.,  &  que 
je  fonde  ici  fur  nos  propres 
obfervations  ,  comparées  avec 
celles  de  M.  le  Monnier  :  nous 
n'avions  pas  encore  celles  -  ci , 
lorfque  je  lus  le  précis  le  14 
Novembre  1767. 

Y  iij 


1 

i74  Voyage 

Divcrfes        M.  Stéphane  Hoogendy ck ,  Horloger ,  vint  ce  même 
&  moulins,  jour  nous  prendre  dans  fon  Yacht ,  &  nous  conduifit 
d'abord  chez  lui  :  il  nous  y  fit  voir  le  modèle  d'un 
moulin  à  vent  deftiné  à  élever  les  eaux  ;  quatre  roues 
qui  tournent  enfemble  ont  en  dedans  d  elles  plufieurs 
conduits  faits  en  fpirale  ,   qui  viennent  fe  réunir  au 
centre  de  la  roue;  l'eau  que  ces  roues  puifent  par  des 
ouvertures  faites  à  leur  circonférence,  coule  par  ces 
fpirales  jufqu'aù  centre  de  la  roue,  &  de -là  elle  fe 
vide  dans  un  canal  pratiqué  exprès  :  on  conçoit  que 
par  ce  mécanifme  les  roues  ne  peuvent  élever  l'eaii 
que  jufqu'à  la  hauteur  de  leur  demi-diamètre ,  qui  ne 
peut  guère  excéder  cinq  pieds  ;  mais  cette  eau  peut 
couler  de -là  dans  un  réfervoir  voifin ,  où  elle  fera 
reprife  par  une  féconde  machine ,  &  enfuîte  par  une 
troifième  &.une  quatrième.  Nous  avons  appris  depuis 
qu'on  penfoit  férieufement  à  profiter  de  cette  machine 
pour  defTécher  la  mer  d'Harlem ,  dont  nous  parlerons 
plus  bas.  M.  Hoogendyck  nous  montra  au/fi  un  globe 
de  cuivre  de  fon  invention  ;  un  rouage  pratiqué  en 
dedans  fait  mouvoir  en  dehors  une  image  du  Soleil 
autour  d'un  cercle  qui  repr4fcnte  l'Édiptique.  Nous 
vîmes  auffi  un  pyromètre  extrêmement  fenfible;  l'ha- 
leine feule ,  poirflee  tin  infiant  contre  une  petite  barre 
de  fer,  mettoit  en  mouvement  l'aiguille  du  pyromètre: 
cette  «n?cJiine  portoitauffi  un  thermomètre,  pour  que 
l'on  pût  .juger  des  différens  effets  de  ia  chaleur  fur  lec 
Inftrumens.  Nous  Aimes  de-4à  à  un  moukn  fort  élevé* 


.     DE  M.  DE  COURTANVAVX.        175 

comme  le  font  prefque  tous  les  moulins  du  pays, 
précaution  néeeflaire  ou  du  moins  très-utile,  lorfqû'on 
ne  peut  conftruîre  les  moulins  fur  des»  terreins  éleyés: 
celui-ci,  dans  lequel  nous  fommes  montés,  &  que 
nous  avons  par  conséquent  examiné  de  plus  près ,  efl 
comme  divifé  en  deux  parties  ;  l'inférieure  efl;  *  de 
brique,  en  forme  de  cône  tronqué ,  de  45  pieds 
environ  d'élévation;  en  dedans  Un  y  a  que  l'arbre  du 
moulin  au  milieu ,  &  trois  échelles  ou  efcaliers  pouc 
monter  à  la  partie  fupérieure  qui  contient  véritable- 
ment le  moulin:  cette  féconde  partie  efl:  cylindrique, 
à  peu-près  au/fi  haute,  que  la  première,  &  bâtie  pareil- 
lement de  briques:  entre  les  deux  parties  règne» 
comme  en  forme  de  couronne,  tout  autour  du  moulin, 
une  plate-forme  de  planches  foutenues  fur  une  bonnç 
charpente,  de  10  pieds  environ  dç  largeur:  on  jouit 
d'une  vue  charmante  tout  autour  de  cette  plate -for  me; 
ce  font  de  tous  côtés  des  payfages  riants ,  ;  qui.  s'étejx* 
dent  à  cinq  ou  fix  lieues  à  la  ronde. 

Au  fortir  de  ce  moulin  ,  nous  enfilâmes,  un  grand 
chemin  donc  le  milieu  étoit  pavé  de  .briques;  des 
maîfons  de  campagne  affez  petites  le  horjloient,  à 
droite  &  à  gauche  ;  des  fotfés  d  eau  ftagnante  .& 
corrompue  entouraient  plufieurs  de  ces  maifons,  ce 
qui:  ne  faifoit  pas  un,  bon  effet.  Nous  arrivâmes  à 
un;  rooqlia  où  Ton  {ci^it  des  planches,;  tandis  que 
quelques  roues  font  occupées  à  faire  agir  les  ijcies* 
l'échappement  d'une  :  autre  roue  fert  à  foire  aDDuver 


176  Voyage 

à  fur  &  à  mefure  les  poutres  contre  les  fcies  qui 
doivent  les  réduire  en  planches  :  il  y  avoit  tout  près 
de  là  un  autre  moulin  deftiné  à  pulvérifer  du  tabac  , 
&  pluïieurs  autres  employés  à  différens  ufages. 

M.  Hoogendyck,  après  nous  avoir  fait  traverfer 
une  corderie  fort  longue ,  nous  mena  enfin  à  un  petit 
moulin  exécuté  fur  le  modèle  que  nous  avions  vu 
chez  lui;  il  le  fit  jouer  en  notre  préfence,  le  fervice 
en  eft  fur  Se  très-prompt. 
Dclfifaaven.  Le  foir ,  quelques-uns  de  ma  compagnie  furent  fe 
promener  le  long  de  la  droite  de  la  Meufe.  Entre 
des  maifons  de  campagne  très -jolies,  des  jardins 
char  m  an  s ,  des  avenues  riantes ,  dès  prairies  agréables , 
ils  furent  jufqu'à  Dclfshaven,  ou  au  port  de  Delft; 
c'eft  un  village  ramafTé  &  aflez  confidérable ,  il  eft 
beau,  propre,  bâti  à  peu  •près  fur  le  même  modèle 
que  Roterdam,  &  entrecoupé  de  quelques  «anaux; 
un  de  ces  canaux  va  jufqu  a  la  ville  de  Delft  :  Delfs- 
haven  eft  à  une  bonne  demi-lieue  de  Roterdam. 

Le  1 5  de  Juin  -,  ciel  perpétuellement  couvert ,  avec 
quelque  pluie  par  intervalle  ;  il  avoit  beaucoup  plu 
durant  la  nuit*,  vent  entre  M'oueft  Si.  le  fud-oueft. 
Baromètre ,' à  3  heures  du  matin,  28  pouces  3  lignes: 
à  2  heures  du  foir,  28  pouces  3  lignes  5:  à  10 
heures  f  du  foir,'  28  pouces  3'  lignes  \  :  à  2  heures 
du  foir;  le  thermomètre  auprès  des  montres  étoif  à. 
1  ç  deg.  *■  .  .    .  c 

Voyage     -   A'  m  heures  dti  matin,  M.  Hoogendyck  vint  me 
à  ÏMnAu  '  chercher 


DE  M.  DE  COU RTANVAUX.         177 

chercher  dans  fon  yacht,  pour  me  mener  à  Dort  ou 
Dordrecht,  avec  M.  Pingre  &  M.  Leroy;  il  étoit 
accompagné  de  M.  Pieter  Storm  &  de  M.  Van- 
Jienden  le  jeune;  chemin  faifant,  nous  continuâmes 
de  voir  de  belles  campagnes  &  plufieurs  villages  :  les 
façons  hollandoifes  de  M.  Hoogendyck  me  plurent 
Jbeaucoup,  je  voyois  que  c'étoit  un  homme  franc  3 
qui  avoit  le  cœur  fur  les  lèvres.  , 

Dordrecht,  à  trois  iieues  environ  de  Roterdam*  fur 
la  rive  gauche  de  I4  Meufe  ,  eft  une  des  plus 
anciennes  villes  de  Hollande,  elle  tient  le  premier 
rang  dans  les  Etats  de  cette  province  ;#c'eft  une  fort 
jolie  ville,  moins  grande,  moins  peuplée,  moins 
remuante  que  Roterdam;  les  rues  pour  la.  plupart 
ibnt  moins  larges,  mais  les  maifons  m'ont  paru  plus 
telles  que  dans  cette  dernière  ville  :  la  grande  églife 
<Ie  Dordrecht  eft  de  toute  heauté,  le  chœur  y  con- 
ferve  encore  fes  ftalles  inutils,  on  la  converti  en 
une  école,  en  conféquence  le  milieu  eft  rempli  de 
bancs  pour  les  enfans;  il  eft  tout  environné  de  cha- 
pelles, dont  les  autels  font  démolis;  la  chaire  eft  un 
ouvrage  parfait.,  elle  eft  d'un  heau  marhre  blanc, 
moucheté  ou  veiné  de  noir  &  travaillé  en  relief: 
quatre  Vertus  très-bien  fculptées  foùtiennent le  noyau; 
ce  morceau  eft  très- moderne,  ayant  été  achevé,  je 
penfe,,  en  1753.  On  nous  conduifit  aufli  à  une  efpèce 
xfarfenal  très-long,  rempli  d'affûts  de  canons  &  de 
mortiers    tant  anciens    que   nouveaux,   &    de  bois 

.  Z 


178  Voyage 

é  \varris  deflinés  à  multiplier  encore  ces  affûts;  ce 
n'efl  pas  en  ce  feul  endroit  que  j'ai  vu  que  les 
Hollandois  ne  font  pas  une  Nation  que  Ton  puiffe 
facilement  prendre  à  l'improvifte  :  la  ville  efl  entre- 
coupée  par  trois  canaux,  dont  un  même  n'entre  pas 
en  dedans  des  murailles,  il  leur  fert  comme  de  fofle 
<du  côté  du  fud.  Dordrecht  eft  bâtie,  non  fur  pilotis 
comme  Roterdam,  mais  fur  un  terrein  folide  &  ferme, 
dans  une  ifle  formée  par  la  Meufe  feule,  quoiqu'il 
ait  plu  à  quelques  Géographes  d'enfermer  cette  ville 
entre  quatre  rivières,  la  Meufe,  la  Merwe,  le  Vahal 
&  l'Élinge.  Lorfque  la  Meufe  arrive  à  Dordrecht,  il 
y  a  dé]k  long-temps  qu'elle  a  fait  perdre  fon  nom  au 
Vahal,  en  recevant  fes  eaux  au-deflus  de  Worcum; 
une  demi-lieue  plus  bas,  quatre  ou  cinq  lieues  au- 
deflus  de  Dordrecht,  l'Elinge  ou  plutôt  le  Ling  fe 
jette  dans  la  Meufe  à  Gorcum  :  ce  fleuve  fe  divife 
en  deux  branches  à  Dordrecht,  &  forme  au-deftbus 
de  Dordrecht  l'iffe  d' Yffelmonde  ;  quelques  -  uns 
donnent  à  la  branche  feptentrionale  le  nom  de 
Merwe  ou  de  Méruve,  &  à  la  méridionale  celui 
de  vieille  Meufe.  La  Merwe  >  après  avoir  reçu  le 
Leck ,  paffe  à  Roterdam ,  ce  qui  n'empêche  pas  tous 
les  Géographes  de  placer  Roterdam  fur  le  bord  de 
la  Meufe  ;  enfin ,  une  lieue  au-deflbus  de  Roterdam , 
les  deux  bras  fe  réunifient  fous  le  nom  de  Meufe,  En 
14.21 ,  le  19  de  Novembre,  la  Meufe  ayant  rompu 
fes  digues,  &  s'étant  conûdérablement  enflée ,  lorfque 


DE  Af.  DE  COURTANVAUX.         179 

ia  marée  montoit  avec  violence,  Je  pays  voifin  de 
Dordrecht  fut  inondé ,  plus  de  cent  mille  perfonnes 
périrent;  quinze églifes à  clochers,  plusieurs  châteaux, 
foixante- douze  villages  furent  renverfés:  on  en  voit 
encore  de  triftes  débris  en  temps  de  baffe  mer.  II  fe 
forma  au  fud-cft  de  Dordrecht  une  nouvelle  mer  qu'on 
nomme  le  Bicfbos;  cette  mer  communique  avec  ia 
vieille  Meufe  &  avec  la  pleine  mer,  c'eft  ce  qui 
forme  l'ide  où  Dordrecht  eft  fituée.  Dans  le  défaflre 
général  de  cette  inondation ,  un  enfant  feul  fe  fauva; 
il  étoït  porté  dans  fon  berceau  fur  les  eaux,  un  chat 
de  la  maifon  fe  mit  fur  le  bord;  lorfque  le  berceau 
inclinoit,  la  peur  rendoit  le  chat  alerte,  il  fautoit  du 
côté  le  plus  élevé ,  &  par  le  contre-poids  il  rétabliffoit 
l'équilibre  :  on  vit  de  terre  ce  manège ,  on  attendit  ce 
berceau,  &  l'on  fauva  l'enfant.  Sans  les  obligations 
que  nous  avons  à  M.  Vanderhoewen  ,  je  n'aurois  pas 
rapporté  ce  fait;  c'eft  fur  fon  autorité  que  je  l'avance, 
il  y  eft  trop  intéreffé,  pour  que  je  n'y  prenne  pas 
moi-même  intérêt  :  c'eft  à  cet  enfant  que  M.  Van- 
derhoewen doit  fon  origine  paternelle. 

Revenant  à  Roterdam,  nous  vimçs  une  demi-lieue  Village 
au-deffous  de  Dordrecht  un  village  mouvant;  c'étoit 
comme  un  grand  traîneau,  ou  plutôt  un  aflemblage  de 
plufieurs  traîneaux  formés  par  des  bois  de  charpente  & 
de  conftrudtion ,  équarris  &  non  équarris  ;  on  dit  que 
ces  traîneaux  venoient  de  cent  ou  cent  cinquante 
lieues,  &  peut-être  de  plus  loin.  Il  y  a  AU-defTus  des 

Z  ij 


180  Voyage 

cabanes  avec  toits,  portes,  fenêtres  &  cheminées,  le 
tout  en  charpente,  hors  les  cheminées;  ce  font  les 
habitations  de  ceux  qui  conduisent  les  traîneaux  :  ils  y 
font  jufqu'à  leur  cuifine.  On  ne  hrûle  en  Hollande  que 
de  la  tourbe,  rarement  du  bois;  on  vient  en  certains 
temps  de  Tannée  chercher  les  cendres,  elles  font 
cédées  gratis,  tranfportées  en  Gueldres  ou  ailleurs, 
&  employées  à  engraifler  les  terres. 

Le  z6  Juin,  grand  vent  de  fud-fud-oueft ;  il  sap- 
paife  le  foir  en  paflant  à  Toueft  :  ciel  couvert  tout  le 
jour.  Baromètre,  matin  &  foir,  28  pouces  2  lignes  |r 
thermomètre,  fur  la  Frégate,  14  degrés  à  8  heures  dir 
matin ,  1 9  deg.  à  2  heuresdu  foir ,  1 5  deg.  à  1  o  taures  |  ; 
celui  qui  étoit  auprès  des  montres  marines  était  3 
4  heures  du  foir  à  17  deg.  \. 
Cabinet  Le  matin,  notre  fidèle  guide,  M.  Vanderhoewen, 
M.  Gccvcrs.  nous  mena  chez  M.  Abraham  Geevers,  Bourgmeftre 

&  Direéteur  de  la  Compagnie  des  Indes  Orientales, 
Se  M.  Geevers  le  fils  eft  Direéteur  de  la  Compagnie 
des  Indes  Occidentales  :  ces  deux  titres  font  bien 
favorables  pour  raflembler  un  beau  cabinet  d'hiftoire 
naturelle  ;  auffi  M.  Geevers  a-t-il  réuffi  à  en  former  un 
des  plus  curieux  qui  foit  en  Europe  :  il  y  a  trente  ans 
qu'il  travaille  à  le  compléter.  Pour  la  partie  des  co- 
quilles, le  cabinet  de  M.  Geevers  eft  fort  fupérieur  2 
celui  de  M.  Biffchop:  au  milieu  du  cabinet  eft  une 
table  qui  a  cent  trente  tiroirs,  &  c'efl  dans  ces  tiroirs 

que  font  les  coqijilks;  elles  y  font  arrangées  dans  va 


DE  AL  DE  COURTANVAUX.         iSi 

ordre  qui  ajoute  un  nouveau  mérite  à  la  colleétion  : 
dans  d'autres  tiroirs  ,  &  dans  des  armoires  range* 
autour  du  cabinet,  nous  vimes  d'autres  fuites  de  pa- 
pillons ,  de  fauterelles  ,  de  fearabées ,-  de  mouches 
d'Afie,  de  plufieurs  autres  infeétes,  d'oifeaux  étran- 
gers.  Les  colleétions  de  marbres ,  de  cailloux  ,•  de 
minéraux,  de  pierres  herborifées,  de  pétrifications, 
font  peut-être  un  peu  moins  complètes;  mais  elles 
font  belles  &  renferment  bien  des  morceaux  précieux*; 
il  faudrait,  je  penfe,  un  mois  pour  fuivre  ce  cabinet 
en  détail,  M.  Geevers  nous  dit  que  l'on  travailloit  à 
en  faire  le  catalogue;  s'il  eft  rendu  public,  il  donnera; 
au  moins  une  idée  détaillée  de  ce  qui  forme  cette 
riche  &  immenfe  collection  ;  &  Ton-  ne  faura  ce  que 
Ton  doitle  plus  admirer y  oir  des  Fichefles  de  la  Nature 
qui  a  produit  toute  cette  variété ,  ou  du  zèle  &  de 
l'intelligence  de  M.  Geevers ,  qui  a  fu  la  raflembler 
&  lui  donner  i'ordre  le  plus  çpnvenable. 

Je. fus  l'après-midi  voir  M.  CofTart  Bûurgfmeftre f     Maifotf 
à  fa  maifon  de  campagne;  fur  la  porte  font  gravés    C    &'* 
ces   mots ,  rufi  en  Iuft,  ils    fignifient  repos  ir  p/ai/îr.  Mt  Co  **** 
Tout  au  dedans  répond  à  cette  devife ,  tout  y  reflfent 
i'aifance  &  la  fatisfadion  ;  le  caractère  de  M.  &  de 
Mmc  Coflart  &  de  toute  la  famille  y  eft  également 
aïïbrti ,  on  chercherait  en  vain  ailleurs  une  plus  grande 
tranquillité  d'ame,  plus  de  douceur  dans  le  caraélère, 
des  manières  plus  affables  &  plus  engageantes.  Je  Vis* 
dans  cette   maifon    plufieurs    oifeaux    étrangers   qui 


182  Voyage 

paroiiïbient  participer  du  même  cara&ère.  II  m'invita 
à  dîner  le  furlendemain  avec  M.  de  Vanderhoewen  & 
une  partie  de  ceux  qui  étoient  venus  avec  moi. 
Synagogue.  Le  foir,  nous  fumes  à  la  iynagogue  des  Juifs,  leur 
chant  étoit  une  efpèce  de  mufique  Italienne  qui  ne 
nous  a  pas  déplu  ;  je  ne  parlerai  pas  de  leurs  contorfions 
ni  de  leurs  cérémonies,  elles  font  fans  doute  expofées 
fort  au  long  dans  d'autres  ouvrages.  Les  Juifs  en 
Hollande  font  divifés  en  deux  feétes ,  celle  des  Juifs 
Portugais  &  celle  des  Juifs  Allemands  :  les  premiers 
font  les  plus  riches  &  les  plus  confidérés ,  ils  donnent 
à  leurs  cérémonies  plus  d'éclat  &.  de  Juftre,  la  Iyna- 
gogue que  nous  vifitames  leur  appartenoit,  elle  eft 
fur  le  Boomptes ,  c'eft  ainfi  qu'on  nomme  à  Roterdam 
un  très-beau  quai  qui  s'étend  le  long  de  la  Meufe, 
entre  la  vieille  &  la  nouvelle  tête. 

Le  27,  la  rivière  avoit  repris  tout  fon  calme, 
le  ciel  étoit  couvert,  le  vent  foufflant  d'abord  du 
nord-eft,  fe  mit  bientôt  au  fud,  la  pluie  tomba  en 
abondance;  vers  midi,  le  tonnerre  &  les  éclairs  fe 
joignirent  à  la  pluie,  le  ciel  fut  couvert  le  relie  du 
jour  par  un  vent  d'oueft.  Le  baromètre  à  midi  étoit 
haut  de  28  pouces  1  ligne  i  :  à  1 1  heures  £  du  foir 
de  28  pouces  2  lignes  |;  le  thermomètre  fur  la 
Frégate  étoit  en  ces  deux  inflans  à  14  &  à  11  deg. 
à  4  heures  du  foir,  près  de  la  montre  marine,  le 
thermomètre  étoit  à  1 6  deg, 

M.  Vaoderheim  avoit  parlé  à  l'Amirauté  de  notre 


de  voyage 

jur 
les  canaux. 


de  M.  de  Court anv au x.     183 

projet  de  gagner  Amflerclam  par  les  canaux,  les  Projet 
difficultés  étoient  aplanies  de  ce  côte,  il  nous  falloit 
un  pilote  pour  exécuter  ce  deffein;  celui  auquel  on 
nous  adreffa  repréfenta  le  trajet  comme  difficile  & 
comme  pouvant  durer  un  mois  ou  davantage,  fi  le 
vent  s'oppofoit  à  notre  route.  Mon  but,  comme  je 
l'ai  dit  plus  haut,  étoit  d  arriver  par-là  à  Amfterdam 
en  moins  de  temps  que  par  le  Texel ,  je  renonçai 
donc  à  ce  deflein;  M.  Vanderhcim  m'offrit  un  yacht 
de  l'Amirauté  pour  me  conduire  par  les  canaux , 
tandis  que  la  Frégate  iroit  par  la  Meufe  &  par  le 
Texel  :  j'étois  affez  d'humeur  à  accepter  cette  offre, 
mais  je  ne  voulois  pas  confentir  à  me  féparcr  de  la 
montre  marine,  foumife  à  notre  examen;  enfin  on 
repréfenta  le  paffage  du  Texél  comme  fi  dur  &  fi 
ennuyeux,  que  je  me  laifTai  vaincre  par  les  représen- 
tations &  les  inftances  de  tous  ceux  qui  m'accompa- 
gnoient.  Il  fut  réfolu  que  s'il  étoit  poffible  de  prendre 
le  lendemain  des  hauteurs,  nous  partirions  le  29 
par  les  canaux;  que  cependant  la  Frégate  partant  le 
même  jour  par  la  Meufe,  la  montre  marine  refteroit 
fous  les  yeux  de  M.  Pingre  qui  s'étoit  offert  de 
l'accompagner,  &  fous  ceux  de  mon  Secrétaire  que 
je  chargerais  de  continuer  les  procès-verbaux  :  M. 
Leroy  voulut  auffi  accompagner  fes  montres,  il  fut 
décidé  qu'il  partirait  auffi  fur  Y  Aurore. 

Le  28  enfin,  nous  eûmes  beau  temps  tout  le  jour,     Marche 
le  vent  fouffiant  de.l'oueft  le  matin,  du  nord-oueft   *2xfc*** 


1S4  Voyage 

à  midi  &  du  nord  au  foir.  À  8  heures  du  matin, 
baromètre,  28  pouces  3  lignes  ^;  thermomètre,  près 
de  la  montre  marine,  1  +  deg.  |:à  1  heure  du  foir, 
28  pouces  3  lignes  y;  thermomètre,  16  deg.  X  midi, 
la  montre  marquoit  o  heure  1 3  min.  5 1  fec.  En 
comparant  les  hauteurs  du  matin  avec  celles  du  matin 
du  24.,  qui  éloient  les  mêmes,  nous  trouvons  qu'en 
quatre  jours  la  montre  avoit  avancé  de  3  min.  2  fec  — 
fur  ie  temps  vrai ,  ou  de  2  min.  1 1  fec.  y  fur  le  temps 
moyen  ;  c'eft  fur  le  pied  de  32  fec.  \  par  jour. 
Latitude  Le  même  jour,  hauteur  méridienne  apparente  du 
oter  am.  j>orj  fUp£rjeur  Ju  Soleil ,  61  deg.  40  min.  1 1  fec.^; 

donc  latitude  de  l'amirauté  de  Roterdam ,  ^  i  deg. 
54  min.  56, fec.  C'eft  l'unique  obfervation  de  cette 
efpèce  que  nous  ayons  pu  faire  ;  mais  nous  croyons 
pouvoir  la  donner  comme  fort  cxa#e. 
Dcciînnifon  Six  relèvemens  du  centre  du  Soleil ,  pris  entre 
aigui  c.  ^  hçjjj.^  &  ^  heures  \  du  fojr,  nous  ont  donné  19 

deg.  pour  déclinaifon  de  l'aiguille  aimantée  à  Roterdam, 

Le  28  Juin  1767,  auffîtôt  après  les  hauteurs  du  foir, 

les  montres  marines  &  les  aufres  inftrumens  ont  été 

reportés  à  bord. 

Environs        Nous  fîmes  enfuite,  avec  M.  Storm,  tout  le  tour 
4c  oxci  am.  je  ja  vjjje   en  j^Qpg .  ce  ne  font  qUe  maifons   de 

campagne  les  unes  fur  les  autres  :  la  plupart  font  fort 
petites;  y  compris  même  le  jardin  qui  les  accompagne- 
un  aflemblage  de  ces  maifons  nous  parut  reflembJer 
/fort  à  une  Chartreufe,  fauf  que  le  cloître  n'étoit  pas 

carré; 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         I  85 

carré  ;  il  ne  s'étend  qu'en  longueur ,  &  il  eft  fort  étroit  : 
c'eft  un  chemin  dont  les  deux  extrémités  font  fermées 
par  des  portes,  dont  chaque  propriétaire  a  la  clef:  la 
porte  de  chaque  jardin  donne  fur  le  chemin,  le  jardin 
eft  carré,  &  n'excède  pas,  je  penfe,  le  quart  d'un 
arpent;  la  cellule  eft  au  fond  du  jardin:  un  foffé  de 
4  à  5  pieds  de  large  &  profond  d'environ  3  pieds 
au  -  deflbus  de  la  furface  de  l'eau ,  entoure  toute  la 
chartreufe,  tant  dans  fa  longueur  que  dans  fa  largeur: 
on  ne  Iaifle  aucun  meuble  précieux  dans  ces  mdifons  ; 
une  troupe  de  voleurs,  qu'on  n'a  pu  diftiper  depuis 
trente  ans,  vient,  de  temps  à  autres,  faire  fa  vifite, 
&  avertit  ceux  qui  ont  biffé  quelque  meuble  de  prix 
d'être  moins  négligens  à  l'avenir  :  comme  ces  voleurs 
mettent  en  pièces  les  portes  qui  leur  forment  obftacle, 
M.  Storm  a  imaginé  un  expédient  efficace  pour  con- 
ferver  les  fiennes ,  c'eft  d'y  biffer  toujours  les  clefs. 

CHAPITRE    IX, 
Route  de  Roterdam  à  Amflerdam ,  par  Delft,  la  Haye, 

« 

Leyde  éf.  Harlem. 


N 


ous  partimes  le  29  Juin,  de  Roterdam ,  à  6  heures      Départ 

1  •  1  •  i        ?     ■>  a  /  a     deRotcrdai 

du  matin,  dans  un  yacht  de  1  Amirauté,  extrê- 


mement fatisfaits  de  l'accueil  gracieux  que  nous  avions 
éprouvé  dans  cette  ville  ;  M.  Vanderfioewen  voulut 
nous  accompagner ,  fa  préfence  ne  pouvoit  nous  être 

•  Aa 


i86  Voyage 

que  très  -  agréable  &  très -utile,  fur- tout  dans  un  pays 
dont  nous  n'entendions  pas  la  langue  :  après   deux 
heures  de  chemin ,  nous  trouvâmes  la  ville  de  Delft. 
Delft.       Delft  eft  une  ville  affez  belle  &  affez  grande,  fondée 
en  1071  fur  le  bord  d'une' petite  rivière  nommée  la 
Schle:  elle  eft  traverfée  d'un  grand  nombre  de  canaux , 
Je  long  defquels  il  y  a  quelques  quais  affez  jolis  ;  pour 
tout  le  refte,  elle  eft  calquée  fur  le  même  moule  que 
Roterdam  ;  mais  elle  lui  cède  en  beauté  &  en  gran- 
deur: elle  tient  le  troifième  rang  entre  les  villes  de 
Hollande:  la  grande  place,  vers  le  milieu  de  la  ville, 
eft  très-belle,  un  de  fes  côtés  eft  occupé  par  la  maifon- 
de-ville,  &  le  côté  oppofé  par  la  grande  églife  ou 
l'églifc  neuve  ;  cette  églife  eft  vafte ,  noble  &  bien 
bâtie,  il  lui  manqueroit  cependant  une  voûte,  ou  du 
"moins  un  plafond;  le  chœur  fubfifte  encore,  au  moins 
on  voit  les  colonnes  qui  le  foutenoient  &  le  féparoicnt 
de  la  nef  &  des  bas  côtés  ;  mais  les  ftalles  &  autres 
ornemens  ont  difparu:  ce  lieu  eft  devenu  celui  de  la 
fépulture  des  princes  d'Orange;  au  lieu   du  maître- 
autel  oh  voit  un  très-beau  monument  de  marbre  blanc, 
tombeau  de  Guillaume  I.cr,  prince  d'Orange,  aflaffiné 
dans  cette  ville  en  1584,  par  Baltazar  Gérard,  Fran- 
comtois:  quatre  Vertus  en  bronze,  la  Foi ,  la  Juftice, 
la  Patience  &  la  Liberté,  de  taille  naturelle,  or  h  en  t  les 
quatre  coins  du  tombeau ,  fur  lequel  eft  couchée  la 
ftatue  de  Guillaume,  en  inarbre,  la  tête  placée  du 
côté  du :  peuple  ou  de  l'intérieur  de  régîrfe  ;  à  (es 


DE  M.  DE  CCTURTANVAUX.         187 

pieds eft  l'effigie  d'un  chien,  qui,  dit-on,  inconfolable  de 
la  mort  du  Prince ,  ne  voulut  plus  prendre  de  nourriture 
&  mourut  peu  après  fon  maître  :  derrière  la  tête  eft  une 
autre  effigie  en  bronze,  du  même  Prince,  repréfenté 
affis.  Sur  toutes  les  colonnes  &  les  murailles  de  ce 
chœur,  ajnfi  que  fur  toutes  celles  des  autres  églifcs  ou 
temples  de  la  Hollande ,  au  lieu  d'images  de  Saints ,  on 
a  fufpendu  de  grands  tableaux,  où  fur  un  fond  noir  qn 
a„  repréfenté  les  armoiries  de  ceux  qui  font  enterrés 
dans  Téglife,  avec  leur  nom  &  la  date  de  leur  mort: 
la  tour  de  cette  églife  eft  fort  haute ,  il  y  a  un  carillon 
le  plus  beau  de  toute  l'Europe;  on  aflure  qu'il  n'entré 
pas  moins  de  huit  cents  cloches  dans  fa  compofitiôn  : 
c'eft  ce  que  je  ne  prétends  pas  garantir.  Aflez  près  de 
la  même  place  eft  un  autre  temple,  nommé  V Eglife 
vieille ,  &  décoré  de  plufieurs  beaux  monumens:  le 
plus  majeftueux  eft  celui  du  célèbre  Amiral  Martin 
Harpert  Tromp ,  qui  ceffa  de  vivre  ir  de  vaincre  *  le  i  o 
Août  1653 ,  âgé  de  cinquante-fix  ans;  il  eft  de  marbre 
blanc  ,  & ,  à  ce  que  l'on  dit ,  de  pierre  de  touche 
enchâffée  dans  le  marbre;  l'effigie  de  Tromp  eft 
couchée  fur  un  gouvernail  de  Navire,  &  fa  tête  repofe 
fur  un  canon  ;  des  trophées  de  toute  efpèce  ornent  le 
monument.  D'un  autre  côté  on  voit  le  maufolée  en 
marbre  blanc  de  Pieter  ou  Pierre  Hein,  fils  d'un 
pêcheur,  &  qui  de  fimple  matelot  étoit  parvenu  par 

*  J'emploie  fexprçffion  même  d'un?  des  inicription*  gravées  fur 
ce  tombeau. 

Aa  ij 


188  Voyage 

degrés  à  la  charge  de  grand  Amiral  de  Hollande;  il 
avoit,  en    1628,  intercepté  &  faifi  une  riche  flotte 
des  Efpagnols ,    qu'on    nommoit   la  flotte   d Argent. 
L'année  fuivante  il  fut  tué  fur  fon  bord ,  dans  le  temps 
même  qu'il  remportoit  une  viétoire  contre  les  mêmes 
ennemis.  On  nous  dit  que  les  Etats  firent  une  dépu- 
tation  folennelle  à  la  mère  de  Hein ,  pour  la  com- 
plimenter fur  la  mort  de  fon  fils;  cette  femme  n'étort 
point  fortie  de  fa  première  condition  :    «  Je  l'avors 
»  bien  prévu,  répondit -elle  aux  Députés,  que  Pierre 
»  périroit  comme  un  miférable  qu'il  étoit;  il  aimoit 
»  trop  à  courir  ;  je  le  lui  ai  dit  cent  fois ,  il  n'a  pas 
voulu  m 'écouter,  il  n'a  que  ce  qu'il  mérite  ».   Un 
troifième  tombeau  qui  flatte  la  curiofité,  eft  celui  de 
Mmc  de  Sainte- Aldegonde ,  morte  en  161 1,  âgée  de 
quatre-vingt-trois  ans,  née,  nous  a-t-on  dit,  une  heure 
après  la  mort  de  fa  mère,  tuée  d'un  coup  de  tonnerre: 
cette  Dame  étoit  apparemment  l'époufe  de  Philippe 
Marnix  du  Mont- Sainte -Aldegonde,  mort  en  1598, 
âgé  de  près  de  foixante  ans ,  qui  avoit  appuyé  effica- 
cement de  fon  éloquence  l'union  des  Provinces,  fa 
conftitution  de  la  République ,  &  le  fuccès  des  alliances 
que  l'on  eut  à  faire  pour  la  foutenrr.  Enfin,  on  montre 
dans  ce  même  temple  un  marbre  en  relief  qui  repré- 
fente  la  tête  du  célèbre  Leuwenhoeck;  ce  marbre  eft 
enchâffé  dans  une  colonne. 

La  maifon  du  prince  Guillaume  Lcr  eft  'extrêmement 
fimple;  on  montre   dans  Ja  muraille,  auprès  de  la 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         189 

porte,  un  trou  qu'on  prétend  avoir  été  fait  par  la 
balle  du  fufil  qui  a  tué  ce  grand  Prince.  L'arfenal  eft 
un  morceau  très-curieux,  il  y  a  plus  de  cinquante 
mille  fiifils  bien  entretenus ,  &  des  armes  de  plufieurs 
autres  efpèces;  j'y  ai  fur-tout  remarqué  deux  pièces 
de  canon  de  48  livres  de  balle,  ornées  de  moulures 
d'un  grand  fini  &  d'une  propreté  fmgulière  :  cet 
arfenal  appartient  à  la  province,  &  non  à  la  feule 
ville  de  Delft;  il  y  a  de  plus  en  cette  ville  une  manu- 
facture de  fayence,  qui  ne  le  cède  guère  en  beauté 
à  la  véritable  porcelaine.  Le  commerce  de  Ja  ville 
eft  entretenu  par  un  grand  canal  qui  communique  à 
la  Meufe  à  Delfshaven,  dont  il  a  été  parlé  ci-deffus  : 
il  y  a  de  très  -  belles  promenades  aux  environs  de 
Delft. 

De  Delft  à  la  Haye,  il  y  a  environ  cinq  quarts      Ch-en 

...  r       1         *  •  «  .        né  d'un  ours» 

de  lieue;  fur  le  chemin,  nous  vîmes  un  gros  chien 
'noir  &  blanc  qui  fuivoit  un  carroffe;  comme  nous 
remarquions  quelque  chofe  de  fingulier  dans  ce  chien, 
M.  Vanderhoewen  nous  dit  que  c'étoit  le  fruit  d'un 
ours  &  d'une  chienne,  ce  dont  on  ne  pouvoit  douter, 
puifqu'il  étoit  né  à  la  fuite  d'un  voyage  de  long  cours 
fur  un  VaifTeau,  fur  lequel  il  n'y  ayoit  aucun  autre 
animal  que  la  chienne  &  l'ours. 

La  Haye,  en  hollandois  s'Gravenhage ,  c'eft-à-dire,  LaHay* 
la    Haye -du -Comte ,    n'étoit    originairement    qu'une 
maifon  de  chaffe  des  comtes  de  Hollande;  elle  eft 
devenue  leur  féjour  ordinaire  depuis  le  xin.e  fièclé: 

A  a  iij 


->j  fi 


192  Voyage 

je  penfe,  en  héritage  de  {es  ancêtres,  ils  font  curieux; 
nous  y  avons  remarqué  une  ample  eolleftion  -de 
coquilles,  de  papillons,  d'araignées ,  de  feorpions, 
de  tarentules,  de  mille  autres  infeéles,  des  oifeaux 
foit  empaillés,  foit  confervés  dans  l'efprit  -  de  -  vin , 
de  ferpens,  &  entre  autres  un  ferpent  à  fonnettes, 
qui  a  vécu  trois  mois  à  la  Haye,  un  ver  fol i taire, 
des  tigres,  des  martres,  des  finges,  la  tête  d'un 
rhinocéros,  deux  tatous,  un  pareffeux,  un  mouton  à 
deux  têtes,  un  crocodile,  un  pélican,  des  perroquets 
Se  des  faifans  de  toute  efpèce,  de  très-beaux  coraux, 
des  minéraux  précieux,  des  pierres  fines,  des  marbres, 
des  criflaux,  une  pierre  d'aimant  très-groffe,  un  canon 
garni  d'argent  &  de  cuivre  doré,  d'une  ftrudlure 
fingulière,  monté  fur  un  affût  de  couleur  bleu-célefte , 
de  deux  livres  de  balle  au  plus,  trouvé  chez  le  roi  de 
Candis,  lorfque  les  Hollandois,  il  y  a  quelques  années, 
le  forcèrent  de  fe  réfugier  dans  le  milieu  de  fon  iiïe 
de  Ceylan ,  un  couteau  avec  fa  gaine ,  &  un  fabre  avec 
fon  fourreau,  l'un  &  l'autre  d'or  mafïïf,  excepté  la 
lame,  &  enrichi  de  pierreries  ;  enfin,  un  cordon  de 
chevalerie  avec  fon  bijoux  en  or:  ces  trois  derniers 
articles  envoyés  en  préfent  au  prince  Stathouder  par 
le  roi  de  Candis,  après  fon  rétabliffement,  en  gage  de 
réconciliation  fincère  &  d'amitié  durable. 

La  grande  falle  des  États  eft  fort  vafte,  elle  a  été 
bâtie  par  l'ordre  de  Guillaume,  comte  de  Hollande, 
élu  roi  fies  Romains  :  cçft  comme  le  veftibule  des 

falles 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         193 

fa  H  es  011  les  États  s 'aflehiblent  ;  il  n'y  arien  de  curieux 
que  la  collection  des  drapeaux,  étendards  &  pavillons 
pris  fur  les  ennemis  en  temps  de  guerre:  à  droite  & 
à  gauche  on  voit  des  boutiques  de  Libraires ,  fort 
iïmpJes.,  &  garnies  de  quelques  vieux  livres  brochés 
ou  relies  en  parchemin ,  fans  aucun  vendeur  ni  ache- 
teur; on  nous  dit  que  c'étoitxlans  ces  boutiques  que 
fe  faifoient  les  ventes  publiques  des  Bibliothèques. 
Les  fades  des  États  font  belles,  vailes,  ornées  de 
belles  peintures  ;  je  ne  les  ai  pas  trouvées  de  la  der- 
nière magnificence:  ce  qui  nous  a  le  plus  frappé , 
c'eft  une  taptfTerie  en  perfonnages ,  fort  ancienne ,  fur 
laquelle  l'aiguille  a  prefque  égalé  le  pinceau  ;  il  y  a ,  * 
for -tout  en  haut,  une  galerie  qu'au  premier  coup 
d'œil  on  feroit  tenté  de  prendre  pour  naturelle.  On  a 
prétendu  auffî  nous  faire  admirer  une  fuite  de  tableaux» 
où  font  repréfentées  les  guerres  des  Romains  contre 
les  anciens  Bataves. 

Comme  on  permet  en  Hollande  l'exercice  de  toute  Égtife*. 
religion,  pourvu  qu'elle  n'intéreffe point  l'État,  il  y  a 
à  la  Haye  des  églifes  pour  toute  forte  de  Seules:  les 
deux  principales  font  confacrées  à  l'exercice  de  la 
religion  dominante ,  qui  eft  la  Prétendue  réformée  : 
J'une ,  nommée  la  grande  JEglife,  étoit  autrefois  l'unique 
paroiffe  de  la  Haye,  fous  le  titre  de  Saint  Jacques; 
on  y  voit  plufieiiFs  tombeaux,  <8c  entre  autres  le  mo- 
nument de  l'Amiral  Jacques  de  ^affenaer,  Baron 
4'Qpdam:   je  dis  Jbn  monument,  je  ne  puis  dire  fan 

.  Bb 


i94  Voyage 

tombeau,  pu  if  que  {es  cendres  n  y  repofent  pas.    En 
1665,  'e  fcme<ii   13  Juin,  un  combat  naval  s 'étant 
engagé  entre  la  flotte  Angloife  &  la  flotte  Hollan- 
doife ,  un  boulet  parti  de  la  flotte  Angloife ,  ou  félon 
d'autres  un  canonnier  Anglois  qui  fervoit  fur  le  Vaif- 
feau  Amiral  Hollandois  mit  le  feu  aux  poudres  de  ce 
Vaifleau ,  &  le  fit  fauter  en  l'air  avec  l'Amiral  Opdam 
qui  le  commandoit ,  &  tout  l'équipage.    Les  Etats 
reconnoifTans  firent  élever,  à  la  gloire  de  leur  Amiral, 
Je  monument  que  nous  vimes  dans  la  grande  églife  de 
la  Haye  ;  fon  éloge  &  fes  exploits  font  gravés  fur  le 
marbre;  un  des  bas -reliefs  repréfente  ia  trifte  circons- 
tance de  fa  mort.    La  tour  de  cette  églife  eft  très- 
élevée  ;  nous  ne  pûmes  y  monter  ,  les  clefs  ne  fe 

» 

trouvèrent  pas. 

Une  autre  églife,  que  l'on  nomme  ta  Neuve  ou  la 
Nouvelle,  ne  fut  bâtie  que  dans  le  dernier  fiècle  ;  elle 
eft  en  forme  de  rotonde  :  il  y  a  dans  l'enceinte  même 
de  la  cour,  fur  le  bord  du  vivier,  une  troifième  églife 
réformée;  c'étoit  autrefois  la  chapelle  de  la  Cour,  on 
Ta  agrandie,  &  on  Ta  cédée  aux  François  réfugiés; 
on  la  nomme  en  conféquence  Yéglife  Françoife.  H  y  a 
d'autres  temples  pour  les  Luthériens ,  pour  les  Angli- 
cans ,  pour  les  Anabaptifles  ou  Mennonites ,  &c.  Les 
églifes  catholiques  n'ont  ni  pignon  fur  rue,  ni  clo- 
cher ;  d'ailleurs  elles  font  au/fi  connues  que  les  autres. 
S/nagogucft    Enfin,  les  Juifs  ont  àia  Haye  deux  fynagogues,  l'une 

pour  les  Portugais ,  l'autre  pour  les  Allemands  ;  k 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.         I$>$ 

première  eft  la  plus  confidérable.  On  nous  montra  un 
Juif  Portugais ,  ci -devant  ami  des  Chrétiens,  il  les 
fréquentoit  volontiers,  ne  faifoit  aucune  difficulté  de 
s'affeoir  à  leur  table,  &  mangeoit  fans  difcernement 
tout  ce  qui  lui  étoit  préfenté;  fon  caraélcre  d'ailleurs 
le  faifoit  aimer  &  defirer  par -tout:  il  fut  dénoncé  au 
Sanhédrin  particulier  de  la  Haye  ;  ori  ne  le  menaçoit 
de  rien  moins  que  de  le  chaffer  de  la  fynagogue,  & 
cette  expulfion  lui  auroit  impofé  la  née  édité  de  ne 
plus  penfer  à  de  grandes  &  riches  fucceffions  ,  aux- 
quelles fa  naiffance  lui  donnoit  droit  de  prétendre.  II 
fit  de  férieufes  réflexions  fur  cette  conféquence ,  elle 
lui  parut  trop  dangereufe ,  il  prit  le  parti  de  reconnoîtrç 
fa  faute  &  de  l'avouer.  On  lui  fit  grâce ,  mais  ce  fut  à 
condition  qu'il  fe  foumettroit  à  une  pénitence  dont  on 
lui  di£ia  les  articles  :  le  principal  étoit  qu'au  premier 
jour  d'aflemblée  il  fe  coucheroit  fur  le  dos  à  la  porte 
de  la  fynagogue,  &  qu'en  cette  poflure  il  s'aceuferoit 
de  fon  crime,  &  en  demanderoit  pardon  à  tous  les 
Ifraëlites,  à  mefure  qu'ils  entreroient;  cela  fut  exécuté, 
&  félon  la  convention,  chaque  Ifraëlite  en  entrant  lui 
cracha  fur  le  vifage ,  en  le  traitant  de  réprouvé  mangeur 
de  porc.  Depuis  ce  temps  le  Juif  converti  n'ofe  plus 
approcher  des  impurs  Nazaréens. 

On  compte  à  la  Haye  environ  quatre  mille  maifons      Autres 

'  ...  .,  i  particularités* 

&  quarante  mule  âmes;  il  y  a  peu  de  commerce, 
c'efl  plutôt  une  ville  de  Nobles  que  de  négocians; 
il  n  y  a  pas  de  ville  en  Hollande  où  un  François 

Bb  ij 


11)6  Voyage 

puifle  mieux  fe  faire  entendre  qu'à  la, Haye,  la  langue 
françoifê  y  étant  celle  de  la  Noblefle  &  de  tous  les 
gens  aifés:  les  armes  de  la  Haye  font  une  cicogne, 
cet  oifeau  paffe  d'ailleurs  comme  pour  facré  dans 
toute  fa  Hollande;  nous  vimes  à  la  Haye  quatre 
cicognes,  pensionnaires  de  la  ville,  il  y  a  un  homme 
gagé  pour  en  avoir  foin  &  pour  les  nourrir;  elles  font 
familières  &  fe  biffent  facilement  approcher.  On  voit 
dé  plus  à  la  Haye  un  affez.  grand  nombre  d'hôpitaux 
ou  de  maifons  de  charité  pour  des  malades  ou  des 
pauvres  de  toute  forte  de  religion,  un  hôtel-de-ville , 
un  hôtel  de  la  Compagnie  des  Indes ,  &c.  mais  nous 
n'avons  pas  eu  le  temps  de  tout  voir. 
La  maifon  En  fortant  de  la  Haye  par  la  partie  orientale,  on 
entre  dans  un  bois  dont  nous  avons  déjà  fait  mention  ; 
à  un  bon  quart  de  lieue  de  là,  on  trouve  dans- le  bois 
un  château  appartenant  au  prince  d'Orange,  on  le 
homme  la  maifon  du  bots  :  l'arc hite&ure  n'eft  pas 
magnifique,  mais  les  dedans  en  font  charmans;  ici, 
ce  ne  font  que  des  peintures  depuis  le  bas  de  l'appar- 
tement jufqu'au  plafond  inclufivement;  là,  c'eft  une 
cheminée  de  marbre  furmontée  de  bas-reliefs  d'un 
fort  beau  travail,  &  d'antres  bas-reliefs  tiennent  lieu 
de  tableaux;  les  plafonds  même,  quoique  de  (impie 
plâtre,  font  fi  délicatement  travaillés  en  bas -relief, 
qu'on  feroit  tenté  de  croire  qu'ils  font  aufli  de 
rtiarbre.  Entre  les  peintures,  on  reconnoît  facilement 
le  pinceau  des  plus  grands  maîtres,  tels  que  Rubens, 


DE  M.  DE  COUflTANVAUX.         197 

Vandyck  &  autres;  d'autres  font  de  la  Stathoudère,. 
mère  du  Prince  actuellement  régnant;  celles-ci  repré- 
fentent  ou  des  portraifs,  ou  différens  fiijets  tirés  de 
Molière  6c  d'autres  poètes  du  théâtre  frqnçois  :  la 
grande  falle  ou  la  falie  d'Orange,  exécutée  par  les 
ordres  de  la  veuve  du  prince  Frédéric-Henri,  troifième 
Stathouder,  eft  un  morceau  achevé;  on  y  voit,  tant 
fur  les  murailles  que  fur  la  voûte  d'une  efpèce  de 
dôme,  les  hauts  faits  de  Frédéric-Henri,  repréfentés 
en  grand  par  un  pinceau  également  fort  &  touchant; 
les  jardins  qui  accompagnent  la  maifon  du  bois,  font 
beaux  &  bien  diftribués ,  le  bois  même ,  comme  nous 
l'avons  dit ,  forme  dans  la  belle  fàifon  une  promenade 
très-agréable. 

A  une  bonne  demi-lieue  au-delà  de  la  maifon  du  LcpctU-Loo. 
bois,  eft  le  petit  Loo ,  c'efl  la  ménagerie  du  Prince; 
le  Prince  n'y  veut  point  d'animaux  méchans  &  dan- 
gereux pour  le  voiûnage ,  d'ailleurs  il  tâche  de  fournir 
fa  ménagerie  d  animaux  rares  &  curieux.  Nous  y  vimes 
tout  en  entrant  Yoifeau  trompette;  c'eft  un  animal  des 
Indes ,  de  la  groffeur  d'un  faifan ,  les  plumes  d'un  noir 
ardoifé,  les  pattes  longues,  le  bec  &  le  cou  affez 
"  courts,  blanchâtre  fous  le  ventre,  fans  queue,  du 
moins  lorfque  nous  le  vimes,  &fans  aucune  qualité  exté? 
rieure  qui  le  rende  recommandable,  fauf  fa  douceur; 
fon  maintien  approche  de  celui  du  coq  d'Inde,  il 
paraît  aufïi  bête  :  on  fe  met  devant  Jkij ,  on  lui  répète 
la  fyllabe/w,  poo,  cela  met  en  firçin  1  animai ,  il  fépare 

Bb  iij 


i9S  Voyage 

un  peu  fes  ailes  de  fon  corps,  &  regardant  fixement  la 
perfonne  qui  lui  dit poe , poo ,  il  imite  le  même  fon  avec 
fon  ventre ,  c'eft  d'où  lui  vient  fon  nom  ;  un  oifeau 
de  couleur  rouge  de  feu ,  avec  un  long  bec  prefqùe 
de  même  couleur  &  pointu,  de  la  groffeur  d'un 
pigeon,  a  été  appelle flamengo :  nous  fumes  pourfuivis 
par  des  oifeaux  gros  comme  des  coqs  d'Inde ♦  noirs, 
tête  blanche,  prefque  fans  queue  &  très-familiers;  on 
leur  a  donné  le  nom  àepoyos  ou  corbeaux  des  Indes.:  nous 
vimes  un  grand  nombre  de  faifans  du  Japon,  de  la 
Chine  &  d'autres  pays;  un  mouton  de  Maroc,  portant 
une  queue  qui  s'élargit  en  defeendant ,  &  fe  termine 
en  une  efpèce  de  ceintre;  fi  celui-ci  n'avoit,  comme 
on  nous  le  dit,  qu'une  petite  queue,  en  comparaîfon 
de  celle  que  ces  animaux  portent  dans  leur  pays,  je 
ne  fuis  pas  éloigné  de  fou  fer  ire  à  ce  que  j'ai  lu  quelque 
part,  que  les  moutons  de  Barbarie  ont  befoin  d'une 
brouette  pour  traîner  leur  queue  derrière  eux;  le 
membre  de  cet  animal  eft  auflî  d'une  longueur  plus 
que  médiocre,  c'eft  ce  qui  a  donné  lieu  à  la  fable, 
que  ces  moutons  avoient  cinq  pattes.  II  y  avoit  aufli 
des  moutons  du  cap  de  Bonne-efpérance  ,  defqoels 
on  dit  qu'ils  portent  du  poil  au  lieu  de  laine;  leur  laine 
eft  en  effet  fort  droite,  &  non  crépue  comme  celle 
de  nos  moutons  :  à  la  vue ,  on  la  prendrait  pour  du  poil; 
au  tait,  c'eft  de  la  véritable  laine.  A  ces  animaux 
fuccédèrent  une  biche  de  Bengale,  de  couleur  fauve, 
mouchetée  de  blanc,  très-familière,  d'autres  biches  ou 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  Ipç 
chevreuils  de  Surinam  &  du  Gange,  un  cprf  &  cinq 
ou  fïx  biches  ou  jeunes  cerfs,  excellent  fauteurs;  ils 
paroiffoient  voler,  chaque  faut  les  avançoit  de  12  àf 
1  5  pieds,  des  gazelles  de  Guinée,  une  autruche,  des 
oifeaux  couronnes  de  Banda,  portant  fur  la  tête  une 
aigrette  de  couleur  de  feu,  le  corps  couleur  d'ardoïfe, 
de  la  grotTeur  d'une  oie  r  différentes  poules  Afiatiques, 
un  chat  d'Aftracan  à  longue  queue ,  gris  moucheté  de 
noir,  un  chat  mufqué,  une  civette,  des  fingcs,  des 
perroquets ,  un  hibou  de  Barbarie ,  une  aigle  qui  paroît 
vieille,  <5c  dont  le  cri  imite  la.  parole  muni,  un  autre 
oifeau  de  proie,  qu'on  nous  a  dit  être  le  roi  des 
pouvons;  il  paroît  méchant,  il  jure  comme  un  chat, 
il  alonge  le  cou  qui  efl  de  couleur  rouge,  &  femble 
le  faire  rentrer  enfuite  dans  une  efpèce  de  palatine  de 
couleur  d'ardoife  qui  l'environne  à  fa  naifTance;  le 
corps  de  l'oifeair  efl  blanc  &  noir,  un  peu  plus  gros  que 
celui  de  l'aigle;  il  vient  des  Indes  Orientales,  &c. 

Au  fortir  du  Loo ,  nous  revînmes  à  la  Haye,  &  nous      Rout* 
primes  la  route  de  Scheveling;,  c'eft  peut-être  la  plus   Scheveiîng*. 
belle  de  toute  la  Hollande,  c'eft  Guillaume III ,  depuis    Zorgvlied* 
roi  de  la  Grande-Bretagne  qui  la  fit  ouvrir  &  pratiquer 
même  à  travers  les  dunes;  .depuis  on  l'a  fait  paver 
en  briques  :  à  droite  &  à  gauche  r  font  quatre  ou  cinq 
rangées  d'arbres  qui  forment  de  ce  chemin  une  avenue 
délicieufe;    le  village   de    Scheveling  dans  le  fond 
termine  agréablement  la  vue  :  cette  avenue  peut  avoir 
une  bonne  lieue  &  demi»  de  long  ;  en  l'enfilant  au 


2oô  Voyage 

fortir  de  la  Haye  on  paye  un  droit.  Environ  à  moitié 
chemin ,  nous  quittâmes  la  route  &  nous  fumes  voir 
le  charmant  féjour  de  Zorgvhed ,  on  prononce  en 
françois  Sorfîu;  le  mot  hoilandois  fignifie  fuite  du  Jouet: 
le  château  eft  fimple,  mais  propre  &  commode  ;  il  eft 
fitué  entre  l'orangerie  &  le  jardin.  M.  de  Rhoon, 
comte  de  Bentinck,  Premier  Préfident  des  Etats* 
Généraux  après  ie  Prince,  informé  que  nous  étions 
chez  lui  ,  vint  à  notre  rencontre  ,  &  nous  fit  tout 
i 'accueil  que  nous  pouvions  defirer.  Son  orangerie 
eft  fort  abondante ,  les  caiffes  y  font  placées  dans  un 
ordre  que  le  bon  goût  feul  peut  avoir  di£lé  ;  bornée 
d'un  côté  par  la  cour  du  château,  elle  eft  terminée  des 
autres  côtés  par  une  galerie  circulaire  qui  fert  en  hiver 
à  garantir  les  orangers  &  antres  pilantes  étrangères  des 
rigueurs  de  ia  faifoft  ;  cette  galerie  eft  couverte  à  une 
terraffe  ou  plate -forme  garnie  de  baiuftrades:  M.  le 
comte  de  Bentinck  nous  y  fit  voir  des  machines  dont 
l'effet  dépend  de  deux  rangées  de  poulies  ,  chaque 
rangée  de  cinq  .poulies.,  toutes  roulant  fur  un  .même 
axe  ;  l'invention  eft  de  M.  le  Comte  lui  -  même ,  ou , 
je  penfe ,  de  M.  fon  fils  ,  capitaine  de  Vaiffeau  de  la 
République;  lufage  eft  de  déraciner  les  arbres  les  plus 
forts.  M.  le  comte  de  Bentinck  nous  montra  dans  fon 
^arc  des  :lieux  où  l'expérience  avoit  été  faite  &  où 
elle  avoit  réufli:  le  jardin  &  le  parc  font*  dans  le  goût 
Anglois ;  le  goût  Hoilandois  eft  trop  uniforme,  &  en 
quelque  forte  'monotone  ;  41  n'eft  -aucun  homme  de 

goût, 


DE  M<  D£  ÛOURTANVAUX.        201 

goût,  qui  après  avoir  vu  une  partie  des  beautés  de  la 
Hollande,  ne  foit  enchanté  en  entrant  dans  le  parc 
de  Zorgvlied  ;  c'eft  pour  lui  un  objet  tout  neuf:  ce 
parc  doit  tout  fon  être  à  I  art,  &  il  ne  paroît  rien  tenir 
<jue  des  mains  de  la  Nature ,  ou  plutôt  l'art  ne  paroît 
avoir  été  employé  que  pour  faire  fortir  la  Nature 
dans  fon  plus  grand  éclat  :  le  terrein  n'efl;  point  uni  f 
cela  procure  à  l'extrémité  du  parc  une  vue  des  plus 
agréables  ôc  plus  variée  que  les  vues  ne  le  font  ordi- 
nairement dans  cette  province  ;  les  allées  inégalement 
alignées  perfuadent  fouvent  qu'on  eft  dans  le  plus 
beau  des  déferts:  les  arbres  ne  font  point  taillés;  mais  x 
Jeurs  têtes  majeftueufes  s'émbraflant  par  le  haut,  for- 
ment des  berceaux  impénétrables  aux  rayons  du  Soleil: 
les  gazons  font  d'une  hçrbe  extrêmement  fine,  on 
croirait  marcher  fur  des  tapis  ;  mais  pratiqués  avec 
réferve,  ils  ne  femblent  employés  que  pour  contribuer 
à  la  variété. 

Nous  quittâmes  ce  lieu  de  délices,  &  continuâmes 
notre  route  vers  Scheveling.  C'eft  un  village  fur  le 
bord  de  la  mer,  habité  par  de  (impies  pêcheurs,  où 
cependant  tout  refTent  la  propreté  &  laifance  ;  on  y 
vend  des  coquilles  étrangères ,  refteside  celles  qui  ont 
été  apportées  des  Indes  par  les  vaiffeaux  de  la  Com- 
pagnie, après  le  choix  que  les  Amateurs  Hollandois 
ont  fait  des  plus  rares  &  dçs  plus  belles  :  qb  conferve 
à  Schevejing  un  'chariot  fait  du  temps  du  prince 
Maurice;  par  ie  çéjèjçe  SîmoA  Sttvjn;  ce  chariot, 

•  L  c 


V    O    Y    A    C    & 

tjui  pouvait  contenir  vingt^iatt  peribrmes,  étoit  garni 
de  mâts  &  de  voHes  comme  un  Vaifleau,  A  c 'étoit 
le  vent  tjni  ie  faifoit  avancer  for  le  (àble  ie  long  des 
•côtes  de  la  Hollande  :  là  promptitude  étoit  telle,  qu'en 
deux  heures  de  temps  il  écoit  porté ,  dittoh ,  de  Sche- 
veling  à  Petten ,  village  imaé  prefqae  à  d'extrémité  dfr 
ia  Nort-hoilande  ;  la  diâance  iùr  ie*  cartes,  eft  de  ij 
iieaes  marines  de  France. 

Le  lendemain  30  Juin>noïrs  comparons  continuer 
tfc  voir  fes  environs  de  ta  Haye  ;  dès  Ce  matin  M.  k 
comte  de  Bentinck  m'honora  d'une  vifiee ,  Se  me 
rethtit  à  dîner  avec  toute  ma  compagnie.  Nous  fumes 
amplement  dédommagés  du  peu  qui  nous  reftoit  à 
voir  autour  de  la  Haye  >.  par  les  charmes  de  la  oonvep- 
fction  de  te  Seigneur  ^  par  l'accweiï  gracieux  qu'il  nous- 
fit  »  par  tes  politefies  &  les  comptoifânees  qu'il  acca- 
mula,  pouf  nous  rendre  jpfos  gracieux  4e  féjotrr  de 
Zorgvlied  :  après  le  dîner  il  me  conduifit  à  Detit,  pour 
m'y  faire  voir  i'afferral  dont  j'ai  parte  ci-deflus.     , 

En  chentm»  nous  «"urnes  la  vue  du  beau  château 
de  RyfVick ,  célèhre  par  la  paix  qui  y  fut  conclue 
en  1697  :  'ly  a>ufr  volage  prefque  contigu  au  châ* 
«eau,  &  portant  le  même  nom. 
Départ  Dans  toutes  nos  courfes  à  1a  Haye  8c  aux  environs, 
*  *  ^e*  nous  étions  accompagnés,  i»on-ièulement  de  M.  Van- 
derhoewen ,  mais  encore  de  M»  Defriv&u*  ,  chargé 
pour  lors  ^es^fFarres  de  France  près  des  États-Généraux. 
Ce  poAe  ne  pouvott'  manquer  ie  foi  donàet  à  1a  Haye 


DE  M.  DS  CûURTAHVAUX.        A&3 

du  crédit  &.  de  la  confidératron  ;  il  en  ufa ,  pour  nous 
obliger  en  tout  ce  qui  put  dépendre  de  lui  :  il  nous 
t>btint  un  yacht  des  États  pour  nous,  conduire  à  Hae- 
Jem.  Nous  nous  embarquâmes  dans  ce  yacht  le  1  " 
Juillet  au  matin  :  le  long  de  la  route ,  depuis  la  Haye 
jufqua  Leyde,  nous  eûmes  perpétuellement  fur  notre 

gauche  de  belles  maifons  de  campagne,  accompa- 
gnées de  jardins»  dont  les  arbres  taillés  avec  goût 
formoient  des  allées ,  des  berceaux ,  des  cabinets  de 
verdure ,  des  efpèces  de  grottes ,  des  boulingrins ,  des 
ba/fins,  des  (tatues,  des  fphères  armillaires  dorées,  de 
deux  à  trois  pieds  de  diamètre,  feront  de  cadrans; 
des  donjons  fort  propres  fur  le  bord  dû  canal  $  tout 
cela  formoit  un  fpeélacle  qui  ne  nous  permsttoit  pas 
de  nous  ennuyer  :  à  une  lieue  &  demie  de  h  Haye 
nous  traversâmes  Leydfewfam  ;  c'eft  un  joli  village., 
fon  nom  fignifie  la  digue  de.  Leyde  \  les.  eaux  du  ccVté 
de  Leyde  font  plus  hautes  que  du  côté  ^e  Delff  & 
de  la  Haye  ;  abandonnées  à  leur  cours  naturel , 
elles  inonderoient  le  pays  :  elles  font  retenues  à  Leyd- 
fendam,  par  une  éckiCe  par  laquelle  nous  paflàmes; 
pour  éviter  les  frais  ôc  le  retard  qu'osceafipojoe  né- 
ceflairewent  l'ouverture  de  cette  éclufe ,  les  barques 
ordinaires  de  voyage  s'arrêtent  ûu-rdeffous,  les  voya- 
geurs mettent  pied  à  terre ,  &  vont  au-defiiis  de  i'éclufe 
reprendre  .d'autres  baraques  ique  l'on  trouve,  toujours 
prêtes  à  partir.  L'eau  à  Leycjfendam  cft  4rè>poifïbii- 
am£e  ;  on  y  pêche  ibr/àout  beaucoup  de  perche£  : 

Ce  ij 


1 


2ro4  Voyage 

dans  la  belle  faifon  ies  cabarets  du  village  font  toujours 
remplis  de  compagnies  ,  même  choifies,  qui  viennent 
de  Delft ,.'  de  la  Haye  &  de  Leyde ,  pour  fe  régaler 
en  poifforr. 
leyde..  A  deux  lieues  de  Leydfendam ,  trois  de  Delft  &  de 
la  Haye,  efl  la  ville  de  Leyde,  qui  ne  tient  que  fe 
quatrième  rang  entre  les  villesde  Hollande,  quoiqu'elle 
foit  peut-être  la  plu*  ancienne  de  toutes r  puifque 
Ptolémée  en  fait  mention;  elle  eft  d'ailleurs  la  plus 
grande  &  la  plus  peuplée  de  toutes  après  Amfterdamr: 
on  y  compte  foixante  mille  habitans*  Nous  y  trou- 
vâmes M.  Alamans  Suiflè  de  rraiflance,  &  très-habile 
Profefleur  de  Philofophie  dans.  l'Univerfité  de  cette 
ville  :  nous  l'avions  déjà  vu  à  Paris  à  quelques  féances 
de  l'Académie  r  &  nous  avions  renouvelé  connoif- 
fance  à  Zorgvlied  chez  M.,  le  comte  de  Bentinck. 
;M.  Alaman  fe  chargea  de  nous  foire  voir  ce  qu'il  y 
^av^oitàLeyde  de  plus  digne  de  remarque  :  cette  ville 
eft  bien  percée  ,  les  rues  font  belles  ;  plusieurs  canaux 
traverfent  la  ville ,  quelquesruns  font  fort  beaux ,  tous 
d'une  eau-  très-claire;  entre  ces  canaux,  deux  portent 
Je  nom,  l'un  du  vieux  Rhin r  1 'autre  du  nouveau  Rhin: 
ils  fe  réunifient  enfembk  fous  le  feul  nom:  de  Rhin*; 
que  le  le&eur  ne  s'imagine  pas  que  c'eft  ici  cette 
célèbre  rivière  qui  arrofe  &  fertilife  FAlfàce  &  une 
«-partie  de  l'Allemagne  &  des  Pays -bas,  ce  rétoit 
autrefois,  :eé  n'en  eft  plus  aujourd'hui  que  l'ombre. 
:Ge  fleuve  fe<  diyiie  dans  les  Pays.^ bas  en  pluûeu» 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        205 

Branches  qui  prennent  difFérèns  noms  :  une  de  ces 
branches  conferve  le  nom  de  Rhin  ;  il  portoit  au- 
trefois le  tribut  de  fes  eaux  à  fa  mer  au  -  deflbus  de 
Leyde;  les  Romains  avoient  même  élevé  près  de  fon 
cmliouchure  un  fort ,  fous  le  nom  de  Arx  Britannica  r 
parce  qu'ils  paffoient  de-là  dans  la  Grande-Bretagne; 
l'effort  d'une  tempête  furieufe  renverfa  la  fortereffe  r 
&  amoncela  une  fi  grande  quantité  de  fable  à  l'entrée 
du  Rhin ,  que  les  eaux  de  ce  fleuve  obligées  de  refluer , 
s'écoulèrent  par  les  antres  bras  ,  &  fe  pratiquèrent 
même  de  nouvelles  iflues  :  le  Rhin  n'eft  plus  à  Leyde 
qu'un  ruiffeau,  qui  à  une  lieue  de-là  va  perdre  Jbn 
nom  &  fes  eaux  dans  Le  fobie,  au  bas  des  dunes  près 
.de  Catwick-fur-mer.  Les  quais  (e  long  du  Rhin  & 
de  quelques  autres  canaux  font  plantés  d'arbres ,  & 
forment  d'agréables  promenades  ;  mais  les  propriétaires, 
ou  locataires,  des  maifons  voifines  doivent  en  fouflrir; 
ieurs  fenêtres  étant  abfolument  ofFufquées  par  le  bran- 
chage des  arbres,  dont  Le  tronc  n'eft  éloigné  que  de 
deux  ou  trois  pieds  au  plus  des  murailles  de  ces  mat- 
fans.  M.  Alaman  nous  fit  remarquer  une  rue  qu'on 
nomme  le  long-pont ,  elle  eft  bien  nommée  ;  elle  e£t 
appuyée  fur  une  voûte  ou  arcade  d'un  quart  de  lieue 
de  long ,  fous  laquelle  eft  un  ruiffeau  qui  entraîne  au 
dehors  toutes  les  immondices  de  la  ville.  On  navige 
plufieurs  fois  par  an  fur  ce  canal  fouterrein ,  pour  le 
vifiter ,  le  nettoyer ,  de  manière4  qu'il  ne  vienne  jamais. 
k  s'engorger  :  la  yiUe  nous  femJjloit  déferte  &^ela: 

c  hj, 


zo6  Voyage 

devoit  être;  elle  n'eft  habitée  que  par  des  manufacturiers 
&  des  écoliers  ;  les  écoliers  étoient  alors  en  vacance 
pour  les  mois  de  Juillet  &  d'Août  ;   ceux  qui  font 
occupés    aux  manufactures,    ne  paroiflent  dans  les 
rues  que  les  Dimanches.  Les  principales  manufactures 
font  de  drap  &  d'étoffe  de  différentes  efpèces.  Il  y  a 
de  belles  églifes  à  Leyde  :  dans  la  grande  on  voit  le 
tombeau  &  le  monument  du  célèbre  fioërhaave;  c'eft 
un  piédeftal  de  marbre  noir,   ponant  une  urne  de 
marbre  blanc ,  plu  fi  eu  r  s  têtes  cifelées  ornent  cette  urne; 
fur  une  des  faces  du  piédeftal  ,  efl  un  médaillon  repré- 
fentant  le  bu  fie  de  Bocrhaave ,  &  plus  bas  fon  cachet, 
autour  duquel  eft  ladevife,  Sigillum  veri  cujlos ,  &  qu'on 
peut  traduire ,  fieau  ou  cachet  Jépojùaire  de  la  vérité.  On 
a  auffi  gravé  fur  ce  même  piédeftal  la  date  de  la 
naifTance  de  ce  Savant,  le  3  1  Décembre  1668 ,  &  d'un 
autre  côté  la  date  de  fa  mort  le  23  Septembre  1738. 
Cette  églife,  avant  la  réforme,  étoit  dédiée  ibus  l'in- 
vocation de  Saint  Pierre ,  dont  elle  porte  encore  le 
nom- 
Unfrerfité      Ce  qui  relève  le  plus  la  vide  de  Leyde,  c  efl  fans 
^difficulté,  l'Académie  ou  l'Uflfverfité  qui  y  fut  établie 
<en  1^75;  ce  fut  Guillaume  I.er,  prince  d'Qraoge  qui 
la  fonda,  mais  comme  Gouverneur  de  la  Hollande» 
au  nom  de  Philippe  II  roi   d'Efpagne;  le  prétexte 
étoit  de  récompenfer  la  vifle  de  Leyde  de  fcs  fervices 
3c  de  fon  fidèle  attachement  à  fon  Prince  :  elle  avoit 
«Vgpfïet  donné  fout  -récemment  «ne  pgeu^e  bien 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        ZOJ 

fenfibfe  de  fa  fidélité,  en  fermant  Ces  portes  aux 
troupes  de  Sa  Majefté  Catholique  +  en  foutenant 
contre  elles  un  fiége  long  &  opiniâtre,  6c  en  préférant 
les  horreurs  de  la  femme  à  l'obéi  fiance  due  à  fort 
légitime  Souverain  :  les  Efpagnols  furent  obligés  de 
lever  le  fiége  ie  3  Oéiobre  1575.  Cependant  01* 
avait  rappelé  le  fanguinaire  duc  d'Albe  ;  fon  fucceffeur 
donnoit  des  efpéranoes  d'an  gouvernement  plus  doux  „ 
on  ne  défefpéroa  pas  de  mettre  fin  aux  troubles  qui 
agitaient  ces  provinces:  ce  fut  dans  ces  conjonctures  r 
<pie  Guillaume  crut  qu'il  étoit  à  propos  d'ouvrir  une 
Univerfité  à  Leyde,  fe  flattant  que  Philippe  confen- 
tiroir  plutôt  à  laitier  à  cette  Univerfité  fon  existence  „ 
<jaa  la  lui  donwer. 

Cette  Univerfité  elî  devenue  très-floritfante ,  elle 
t  eu  un  grand  .nombre  de  Profefleurs  du  premier 
mérite  ;  on  ne  fait  aucune  difficulté  d  y  conférer  les 
grades  à  des  Catholiques,  fi  ce  n'eft  en  Théologie: 
quant  à  ce  qui  regarde  les  Ppofeifeurs,  on  eft  pks 
Scrupuleux  fur  1  aiîtde  de  la  religion  ;  il  fuit  de-la  que 
beaucoup  de  parens  Catholiques  refwfent  de  confiée* 
f  éducation  de  leurs  enfans  à  dcê^  ProfefTeurs  d'une 
autre  religion ,  ils  aiment  mieux  les  envoyer  à  Louvatn  *. 
Ou  dans  queiqu  autre  Académie  Catholique  des  Pays-* 
bas  :  cela  caufe  à  la  ville  «n  préjudice  «r es -réel  ^ 
préjudice  auquel  H  feroit fecirfe  de  remédier,  en  éla- 
blHTant  un  frofeflewr  Catholique  dans  chaque  Faculté  ; 
M.  lAferaan  ne  4éfefpè*e  fas  4e  voir  hkmfk  ee/emède 


*o8  Voyage. 

employé,  il  n  y  a  que  la  Faculté  de  Théologie  dans 
laquelle  il  n'y  a  pas  d  apparence  que  l'on  puiffe  admettre 
un  tel  changement 

M.  Alaman  nous  fît  voir  tous  les  tréfors  de 
l'Académie,  fon  cabinet  de  phyfique,  celui  d'hiftoire 
naturelle,  celui  des  antiquités,  le  magnifique  jardin 
des  plantes,  les  ferres  chaudes,  &c.  L  abfence  de  AL 
Lulofs,  Correfpondant  de  l'Académie  des  Sciences, 
ne  nous  permit  pas  d'entrer  dans  l'Obfervatoire;  il 
eft  fort  élevé,  mais  bâti  fur  bois  feulement.  Outre 
le  cabinet  de  phyfique  qui  eft  à  l'Univerfité,  M. 
Alaman  en  a  un  particulier  chez  Jui,  il  eft  afTez  bien 
monté,  cela  lui  épargne  la  peine  d'aller  donner  des 
leçons  particulières  à  l'Académie.  Au.refte*  il  nous 
montrait  toutes  ne$  richefTes ,  non  pas  d  une  manière 
sèche  &  faftidieufe;  il  raifonnoit  fur  la  nature,  les 
propriétés,  les  effets,  les  ufages  de  tout  ce  qu'il  nous 
montrait,  &  il  le  faifoit  avec  aifance,  juftefle  &  foli- 
dité:  il  paraît  fur-tout  ennemi  décidé  de  tout  fyftème, 
c'efi-à-dïre #  de  toute  hypothèfe  phyfique;  il  voit  les 
faits,  il  les  fait  voir  à  fes  écoliers,  il  leur  montre  la 
liaifon  des  expériences  ,  il  les  rend  attentifs  fur  la 
{liftintfiion  des  circonftances  efTentielles  d'avec  celles 
qu'on  ne  doit  regarder  que  comme  accidentelles; 
fouvent  il  leur  explique  les  eau  fes  particulières  & 
immédiates  de  plufieurs  effets;  mais  quant  aux  caufes 
phyfiques  générales,  il  leur  propofe  quelques-unes  de 

celle;  que  d  autres  Pbyficiens  ont  imaginées,  il  leur 

fait 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        209 

fait  fentir  l'arbitraire  &  le  foible  de  ces  fyftèmes,  & 
finit  par  leur  inculquer  que  ces  fortes  de  caufes  ne 
parviendront  probablement  jamais  à  notre  connoif- 
fance,  au  moins  durant  le  cours  de  cette  vie.  Il  me 
paroît  qu'à  Leyde,  on  conçoit  ce  que  c'eft  que  la 
véritable  Phyfique. 

De  Leyde  on  compte  cinq  lieues  jufqu'à  Harlem.      Mer 

0.  ,  .  ,  .  ...  ,     de  Harlem» 

5i  on  en  excepte  les  environs  de  ces  deux  villes,  la 
route  n'eft  pas  aufli  agréable  que  celle  de  la  Haye  à 
Leyde;  les  maifons  de  campagne  y  font  plus  rares.  Le 
canal,  à  une  lieue  de  Leyde,  fait  un  coude,  &  pafle 
entre  les  dunes  &  la  mer  de  Harlem  :  cette  mer  de 
Harlem,  en  holiandois  Harlem-meer,  ç'eft-à-dire,  lac 
de  Harlem,  n'eft  en  effet  qu'un  lac  d'eau  douce  de 
fix  lieues  au  moins  de  long,  fur  plus  de  deux  de  large: 
c'étoit  autrefois  un  pays  habité,  il  y  avoit  plufieurs 
villages  qui  ont  été  fubmergés;  il  y  a,  dit-on,  beau- 
coup de  poiffon.  Les  habitans  des  villages  qui  font 
fur  le  bord  de  cette  mer,  en  trouvent  la  navigation 
fort  utile  pour  leur  commerce  mutuel  ;  on  n'y  eft 
cependant  pas  à  l'abri  des  tempêtes,  les  exemples  de 
naufrages  n'y  font  pas  rares  :  mais  quand  cette  navi- 
gation ferait  beaucoup  plus  fûre  &  plus  utile  qu'elle 
ne  Teft  réellement,  cet  avantage  ne  fauroit  contre- 
balancer le  préjudice  que  caufe  cette  mer;  elle  occupe 
actuellement  trente  mille  arpens  de  terrein,  &  elle 
prend  tous  les  jours  de  nouveaux  accroiffemens  :  que 
de  flerrein  perdu ,  dans  un  pays  où  l'on  connoit  fi  bien. 

.  D4 


2io  Voyage 

la  valeur  dû  terrein  !  On  a  parlé  fouvcnt  de  deffcchcr 
ce  lac  ;  des  particuliers  fe  font  offerts  pour  faire  cette 
entreprife  à  leurs  frais,  ne  demandant  d  autre  récom- 
penfe  que  la  propriété  du  terrein  qu'ils  auraient  def- 
féché:  leurs  offres  ont  été  rejetées.  Comme  cependant 
Je  lac  fait  continuellement  de  nouveaux  progrès,  il 
paroît  que  la  Hollande  penfe  enfin  férieufement  à  ce 
projet.  Nous  avons  vu  chez  M.  Aktrnan  un  plan  de 
defsèchement,  propofé,  je  penfe,  parce  Profeffeur, 
&  prefque  agréé  par  les  Etats  de  la  Province.  Selon 
ce  plan ,  on  ouvriroit  les  dunes  vis-à-vis  de  Leyde, 
pour  y  pratiquer  un  lit  au  Rhin  jufqu/à  la  mer;  &  à 
l'aide  de  moulins  formés  fur  le  modèle  de  ceux  que 
M.  Hoogendyck  nous  a  montrés  à  Roterdam ,  oa 
videroit  le  lac ,  &  on  Le  feroit  décharger  en,  partie 
dans  le  Rhin  &  en  partie  dans»  l'Ye.  Trois  Provinces 
feroient  intéreffées  à  cette  entreprife,  la  Hollande, 
Utrecht  &  la  Gueldre  ;  la  dernière  regarde  ce  projet 
d'un  œil  abfolument  indifférent  ;  la  féconde  paroît 
vouloir  s'en  mêler  fort  peu;  mais  la  Hollande,  qui  y 
eft  la  plus  intéreffée  des  trois  ,  penfê ,  dit -on  ,  bien 
férieufement  à  foire  mettre  la  main  à  l'œuvre,  en 
attendant  que  les  États  -  Généraux  décident  fur  la 
queftion  de  la  cotifation  des  deux  autres  Provinces. 
Harlem.  Harlem  tient  le  fécond  rang  entre  les  villes  de  la 
province;  elle  eft  grande  &  belle,  traverfée  par  la 
rivière  de  Sparre ,  qui ,  à  une  demi-lieue  de-là ,  va  fe 
perdre  dans  l'Ye,,  &arroféepar  plijûeurs  autres  canaux: 


de  M.  de  Court anvaux.      211 

Paul  IV  Térigea  en  Évêché  en  1 557,  honneur  qui  n'a 
été  fait  à  aucune  autre  ville  de  Hollande;  elle  n'a  eu 
que  deux  Évêques  depuis  l'érection  jufqu'à  la  réfor- 
mation :  on  a  prétendu  rétablir  cet  Évêché  de  nos 
jours,  l'Évêque  fait  fa  réfidence  à  Amfterdam.  Il  y  a 
dans  Harlem  onze  églifes  ou  chapelles  Catholiques; 
les  Catholiques  ont,  pour  la  plupart,  ou  le  Fronton  ou 
un  des  montans  de  leur  porte  marqué  d'un  C  ;  on 
nous  a  dit  que  c'étoit  un  avertifTement  qu'on  donnoit 
par-là  aux  Miniftres  Réformés  de  ne  point  entrer 
dans  ces  maifons  pouT  faire  ia  collecte;  les  Curés 
Catholiques  ont  par  cela  même  un  avertifTement 
contraire,  &  de  plus  ils  font  moins  expofés  a 
fe  tromper,  lorfqu'ils  portent  le  Vénérable  chez  les 
malades  :  dans  beaucoup  de  villages  de  Hollande,  ce 
n'efl:  pas  un  C ,  mais  une  croix  qui  diftingue  les 
maifons  catholiques;  à  Leyde  &  ailleurs,  ces  dif- 
tintions  font  inconnues:  à  Amfterdam,  ce  font  aii 
contraire  les  maifons  des  Prétendus  réformés  qui  font 
marquées  d'une  L. 

La  principale  églife,  dédiée  fous  le  nom  de  Saint  Grande 
Bavon,  fervoit  d'églife  cathédrale  avant  la  réforme; 
c'eft  une  des  plus  belles  &  peut-être  la  plus  grande 
églife  de  toute  la  province:  la  grille  du  chœur,  en 
cuivre  jaune,  eft  d'un  beau  travail;  les  hauts  ftalles 
du  chœur  fubfiftent;  au  lieu  de  bas  ftalles,  il  y  a, 
&  il  n'y  a  peut-être  jamais  eu  que  des  bancs;  l'aigle 
eu  confervé:  au  heu  de  grand-autel,  c'eft  à  l'ordinaire* 

D  d  i; 


2i2  •  Voyage 

un  tombeau;  l'orgue  eft  magnifique,  c'eft  un  trente- 
deux  pieds  parfait;  il  eft  foutenu  par  un  beau  morceau 
de  fculpture  en  marbre  blanc,  repréfentant  la  mufique 
&  l'harmonie ,  fous  l'emblème  de  plufieurs  perfonnages: 
à  la  droite  de  l'orgue  (  à  la  gauche  de  l'Organifte) 
eft  repréfenté  le  roi  David,  jouant  de  là  harpe;  pour 
pendant   de   l'autre   côté,   eft  une  figure  tenant  un 
violon;   encore  plus   en   dehors  &  plus  haut,  deux 
renommées  embouchent  la  trompette.  Outre  le  prin- 
cipal orgue,  il  y  a  deux  autres  buffets,  l'un  à  droite* 
l'autre  à  gauche;  fous  celui   qui  eft  à  l'aile  gauche 
de  l'églife,  eft  fculptée  une  tête  d'homme  arrachée: 
celui  qui  nous  dit  que,  félon  la  tradition  du  pays,  cette 
tête  étoit  celle  du  duc  d'Albe,  arraché  par  le  diable 
&  pofée  en  ce  lieu,  n'ajoutoit  apparemment  pas  plus 
de  foi  que  nous  à  cette  tradition.  De  l'autre  côté,  à 
droite,   prefque  derrière  la  chaire  du   Miniftre,   on 
montre  un  boulet  de  canon  enchâfle  &  comme  (celle 
dans  le   mur;  il  étoit  parti    de  l'armée  Efpagnole, 
afliégeant  Harlem  en   1 572  &   1 573 ,   il  étoit  entré 
par  la  fenêtre,  avoit  paffé  fort  près  du  Miniftre  qui 
prêchoit  alors,  &  avoit  été  s'enchâfler  au  lieu  où  on 
le  montre  comme  une  curiofité. 
Hôtel-dc-vîllc.      L'hôtel-de-ville  eft  biçn  bâti ,  il  n'a  cependant  rien 

de  brillant  à  l'extérieur;  nous  aurions  voulu  pouvoir 
y  entrer,  pour  voir  le  livre  qui  a  pour  titre,  Spéculum 
hwnanœ  falvationis ,  imprimé  en  144O  à  Harlem,  par 
JLaurent  Cofter;  on  le  conferye  bien  précieufemenf 


DE  M.  DE  COU RTANVAUX.     '    213 

dans  une  caffette  d'argent,  enveloppée  d'un  voile  de 
foie  :  la  ftatue  de  Coder  eft  auprès  de  la  caflette.  II 
paroît  cependant  confiant  que  l'imprimerie  de  Cofter 
n'étoit  autre  chofe  qu'une  gravure  en  bois,  invention 
utile,  il  eft  vrai,  mais  fort  inférieure  à  celle  de  la 
véritable  imprimerie  en  caractères  détachés  &  mobiles, 
qui  fut  imaginée  peu  d'années  après  à  Mayence;  au 
refte,  rien  n'empêche  de  diftinguer  plufieurs  degrés 
dans  l'invention  de  cet  art  fi  précieux,  &  dont  on 
abufe  fi  fouvent  de  nos  jours  :  Cofter  aura  inventé 
les  planches  à  Harlem,  Guttemberg  &  Fauft  auront 
détaché  les  caractères ,  &  Schoëffer  aura  fubftitué  des 
caraétères  de  fonte  à  ceux  de  bois. 

Il  y  a  quelques  années  qu'il  n'y  avoit  point  à  Harlem  juflice. 
de  tribunal  de  juftice,  lorfque  les  États  reconnurent 
Guillaume IV  père  du  prince  régnant,  pour  Stathouder 
héréditaire;  les  Harlémois  n'étant  point  de  cet  avis 
chafsèrent  les  troupes  des  États  de  leur  ville,  &  pen- 
dirent quelques  -  uns  de  ceux  qu'ils  jugèrent  les  plus 
affeétionnés  mu  Prince  :  la  fédition  fut  cependant  ap- 
paifée,  &  expiée  par  le  fan  g  defes  principaux  auteurs; 
on  établit  une  Juftice  à  Harlem  ,  &  depuis ,  les  chofes  , 
n'en  ont  été  que  mieux;  la  ville  eft  plus  peuplée 
qu'elle  ne  l'étoit,  on  n'y  compte  cependant  que  feize 
mille  habitans  ;  le  prix  des  maifons  en  conféquence  a 
beaucoup  augmenté  :  nous  fommes  entrés  dans  une 
jnaifon  qui  fut  achetée  alors  pour  douze  à  quinze 
cents  florins;  le  propriétaire  nous  a  dit  qu'il  ne  feroit 

Dd  iij  . 


N 


£14  Voyage 

pas  embarrafTé  d'en  trouver  maintenant ,  dix  -  huit  a 
vingt  mille  florins,  quoiqu'il  n  y  ait  fait  aucune  aug- 
mentation. 
Commerce.       Le  principal  commerce   de  Harlem   confifte  en 
toiles  ;  les  bfanchifleries  forment  un   objet  digne  de 
l'attention  des  Curieux,  elles  font  un  peu  éloignées  de 
la  ville.  II  s'eft  fait  autrefois  un  autre  commerce  célèbre 
à  Harlem ,  celui  des  fleurs  ;  un  feul  oignon  de  tulipe 
y  a  été  vendu  quarante  ou  cinquante  mille  livres ,  & 
même  au  delà  :  ce  commerce  fubfifte  encore ,  mais 
avec  beaucoup  moins  de  vigueur  :   les  Curieux  qui 
paflent  par  cette  ville  en  Avril  ou  Mai ,  ne  doivent  pas 
oublier  de  voir  les  jardins  que  Ton  cultive  à  Voorhelm  & 
€i\  d'autres  lieux  ;  ils  font  alors  couverts  des  plus  belles 
fleurs.  On  peut  acheter  les  fleurs  fur  le  lieu  même,  on 
marque  la  fleur  choifie,  &  l'oignon  qui  Fa  produit 
eft  délivré  en  temps  convenable  à  l'acheteur,  ou  à 
celui  qui  eft  chargé  de  fa  procuration  :  ce  commerce 
jefl,  dit-on,  pratiqué  avec  toute  la  bonne  foi  poflible; 
on  ajoute  qu'il  n'eii  cependant  pas  hoK  de  propos  > 
que  celui  qui  a  ainfi  acheté  des  oignons  y  ait  l'œil , 
foit  par  foi  -même ,  foit  par  quelque  perfonne  affidée. 
Maiïon        Sur  la   grande  place   d'Harlem,  outre  la  grande 
«glife  &  l'hôtel-de-ville,  on  fait  remarquer  aux  étran- 
gers la  maifon  de  Laurent  Cofter,  avec  une  infeription 
pompeufe  fur  la  porte,  gravée  en  lettres  d'or;  le  fens 
de  cette  infeription ,  eu  que  c'eft  méconnoître  Dieu 
jnéme ,  que  de  feindre  de  ne  pas  connoître  Cofter* 


DE  M.   DE  COU RTANVAUX.       21  J 

La  Hollande  a  produit  de  grands  hommes  en  différens 
genres;  les  honneurs  qu'elle  rend  à  leur  mémoire, 
font  comme  un  germe  qui  doit  néceflairement  en 
reproduire  d'autres  :  on  nous  fit  auffi  entrer  dans  la 
boucherie  qui  eft  fituée  fur  cette  même  place  ;  c'eft 
une  efpèce  de  halle  couverte  &  fort  propre  :  la  bou- 
cherie des  Juifs  n'eft  pas  éloignée  de  celle  de  la  ville, 
elle  eft  plus  petite  &  abfolument  neuve;  les  Juifs 
n'ayant  obtenu  que  depuis  un;  très  -  petit  nombre  h 
d'années  ,  &  même  avec  affez  de  peine,  la  permiffiôn* 
de  s'établir  à  Harlem. 

Entre  les  hôpitaux  il  y  en  a  un  d'une  efpèce  fingu-  f  Efpèce 
lière ,  û  cependant  on  peut  lui  donner  le  nom  d'hôpital  ;  °pi  * 
un  grand  jardin  quarré  long ,  occupe  le  milieu ,  il  eft 
prefque  tout  en  fleurs;  il  y  a  quelques  arbres  fruitiers, 
quelques  légumes  :  quatre  grandes  allées  fablées  au- 
tour de  ce  jardin ,  fervent  de  promenade  ;  le  long  de 
ces  allées  r  règne  une  enfilade  de  petites  maifons  fort 
propres  ,  qui  n'ont  que  le  feul  rez-de-chauflee  :  chaque 
maifon  eft  compofée  de  deux  ou  trois  petites  pièces, 
d'un  grenier  &  d'une  très-petite  cour,  avec  une  fortie 
erv  dehors  ;  de  la  maifon  même  on  entre  dans  le  jardin 
commun  :  lorfque  l'une  de  ces  maifonnettes  eft  va- 
cante f  un  homme  &  fa  femme",  ou  deux  frères ,  ou 
deux  amis,  ou  même  une  feule  perfonne  fc'achettent  à 
vie  pour  environ  cinq  mille  florins  *,.  plus  ou  moins, 

*  Le  florin  de  Hollande  vaut  environ  quarante -deux  fols  de 
autre  monnoie*. 


216  Voyage 

félon  l'âge  &  le  nombre  des  acheteurs  :  alors  il  n'a 
plus  qu'à  fe  meubler,  à  fe  vêtir,  &  à  fë  fournir  devin 
s'il  veut  en  boire ,  tout  le  refte  lui  eft  abondamment 
fourni  aux  frais  des  Adminiflrateurs,  &  la  nourriture 
dont  on  nous  a  fait  le  détail ,  y  eft  abondante  &  délicate. 
Les  habitans  de  ces  maifonnettes  fortent  quand  ils 
veulent  ;  plufieurs  ont  même  des  maifons  de  campagne , 
où  ils  paflent  une  partie  de  l'année,  ce  qui  tourné  au 
profit  de  la  manfe  ou  des  Adminiflrateurs  ;  il  eft  au 
refte  inoui ,  à  ce  qu'on  nous  a  dit ,  qu'on  fe  foit  encore 
plaint  de  l'adminiftration  :  le ,  premier  chez  lequel 
nous  entrâmes  étoit  un  amateur  de  porcelaines;  la 
prodigieufe  quantité  qu'il  en  avoit  contraftoit  fingulière- 
ment  avec  la  petiteffe  de  {es  appartenons  :  nous  crûmes 
qu'il  en  faifoit  commerce,  on  nous  détrompa. 

Promenades.  On  peut  fe  promener  dans  Harlem ,  comme  dans 
Le  Bois.     les  autres  villes  de  Hollande,  le  long  des  quais  Se  dans 

df  Hrf"5  *es  nies  P^^es  d'arbres  :  hors  de  la  ville  il  y  a  d'autres 
promenades  ;  la  principale  eft  celle  qu'on  nomme  le 
bois.  Les  bois  font  rares  en  Hollande ,  c'eft  un  grand 
agrément  quand  on  peut  en  rencontrer  au  vo if) nage 
d'une  ville  :  le  bois  eft  réellement  un  petit  bois  fitué 
vers  le  fud  -  oueft  de  la  ville ,  à  quelques  deux  à  trois 
cents  toifes  des  murailles  :  ce  bois  eft  travaillé  de 
manière  à  rendre  la  promenade  la  plus  agréable  qu'il 
foit  poffible,  bien  entendu  que  le  goût  Hollandois, 
doit  néceflairement  y  percer.  Quelques  allées  font  fort 
étroites  &abfolument abandonnées  au  foin  de  la  Nature, 

d'autres 


de  M.  ùe  Court anvavx.      217 

d  autres  beaucoup  plus  larges  font  taillées  en  berceau , 
le  plus  léger  rayon  du  Soleil  ne  fauroit  y  pénétrer; 
enfin  les  plus  grandes  allées  font  façonnées  en  forme 
de  rues ,  le  gazon  au  milieu  tient  lieu  de  gros  pavé  ; 
deux  larges  lifières  fàblées  le  long  des  arbres,  imitent 
les  deux  trotoirs  de  brique ,  qui  font  le  long  du  gros 
pavé;  les  arbres  tailles  à  pic  font  les  maifons,  &  leur 
foramet  façonné  en  triangle,  repréfente  le  pignon  des 
maifons.  Derrière  ce  bois,  le  long  du  Sparre  eft  une 
longue  enfilade  de  très  -  jolies  maifons  de  campagne  ,. 
elle  s'étend  jufqu'à  la  ville:  on  appelle  celieu,  le  paradis 
des  Anabaptijïes ,  parce  que  la  plupart  de  .ces  maifons 
appartiennent  à  des  perfonnes  qui  font  profeffion  de 
cette  religion,  laquelle  eft  une  des  quatre  religions 
dominantes  en  Hollande  :  les  trois  autres  font  la  Pré- 
tendue réformée,  Ja  Catholique  &  la  Juive  ;  l'exercice 
de  celle  -  ci  n'êft  pas  permis  dans  toutes  les  villes. 

Nous  parti  m  es  de  Harlem  le  2  de  Juillet  au  matin ,  .    R©"«e 
après  avoir  pris  congé  de  M.  Vanderhoewen ,  qui  re-         à 
prenoit  le  chemin  de  Roterdam;  à  une  lieue  d'Harlem  #  Ainfterdanu 
nous   mimes  pied  a  terre  #   pour  paffer  à  pied  une 
forte  digue  qui  fépare  la  mer  d'Harlem  de  l'Ye  :  00 
peut  faire  communiquer  ces  deux  mers  par  le  moyen 
de  trois  éclufes  pratiquées  dans  la  digue. 

Près  de  Jà ,  on  voit  à  droite  le  château  de  Swanen- 
bourg ,  lieu  d  affemblée  des  États  de  Rheynland  *  ;  ce 

*  On  appelle  Rheynland,  un  petit  pays  qui  comprend  Lcyde, 
Harlem  &  plusieurs  villages  circonvoifiro. 

.  Ee 


21$  Voyage 

château  eft  petit,  joli  d'ailleurs  &  d'ordre  ionique; 
au-delà  de  la  digue,  on  retrouve  un  fécond  canal  où 
l'on  s'embarque  pour  Amfterdam,  le  trajet  eft  d'une 
lieue  &  demie. 

Mon  premier  foin,  en  arrivant  à  Amfterdam,  fut 
d'écrire  la  lettre  ci-jointe  à  M.  de  Fouchy,  Secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  Royale  des  Sciences. 

J'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire,  Monfieur,  &  de  vous  mar- 
quer le  contentement  que  nous  avions  de  nos  pendules,  pour  en 
faire  part  à  l'Académie;  elles  continuent  toujours  de  bien  aller: 
il  leur  eft  cependant  arrivé  un  petit  accident  en  route,  que  nous 
foupçonnons  être  un  dérangement  de  mercure  dans  les  thermo- 
mètres, qui  les  fait  avancer  de  deux  fécondes  par  jour;  mais 
toujours  également.  Dans  cette  pofition ,  nous  nous  trouverons 
forcés ,  après  nos  obfervations  ici ,  de  retourner  défarmer  au 
Havre ,  pour  ne  pas  perdre  le  fruit  de  nos  travaux;  Se  M.  Leroy 
trouvera  très  -  biert  le  moyen  de  mettre  le  mercure  en  état  de 
ne  plus  s  échapper  à  L'avenir;  petit  inconvénient  pour  le  moment, 
puifqu'il  a  mis  cet  habile  Artifte  dans  le  cas  de  prévenir  tous 
les  accidens  que  la  mer  pourroit  occafionner  fur  fa  montre, 
&  de  connoître  par  conféquent  les  mpyens  qu'il  faut  employer 
pour  y  remédier,  ce  que  nous  vérifierons  Tannée  prochaine  avec 
les  autres  :  le  voyage  que  nous  avons  fait  ne  fera  donc  pas  inutile, 
puifqu'il  met  M.  Leroy  en  état  de  connoître  les  diiférens  mou* 
vemens  de  la  mer  fur  un  Vaifîeau. 

Permettez-moi,  Monfieur,  &c. 

Je  m'informai  en  même  temps  de  l' Aurore,  elle 
n'étoit  pas  encore  arrivée  dans  Je  port,  elle  avoit 
rencontré  des  obftacles  que  je  n'avois  pas  prévus;  h 
traverfée  de  JRoterdam  à  Amfterdam  fera  la  matière 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.       219 

du   chapitre  fuivant:  comme  je  n'étois  pas,préfent, 
ce  fera  M.  Pingre  qui  tiendra  la  plume. 

CHAPITRE     X. 

I 

Route  de  /'Aurore  de  Roterdam  à  Amjlerdam. 

Nous  appareillâmes  le  29  Juin  à  6  heures  \  du  Route 
matin ,  par  un  vent  de  nord-eft  qui  fe  mit  bientôt  dc  RTr.dam 
au  nord,  beau  temps;  thermomètre,  près  des  montres  ,a  Bri,,e* 
marines,  15  deg.  \.  Notre  route  fur  la  Meufe  ne  fut 
pas  fans  apparence  de  danger,  le  Pilote  hollandois 
que  nous  avions  pris  pour  nous  conduire,  s'étoit  mis 
dans  un  état  tel  qu'il  n'auroit  pu  fe  conduire  lui- 
même,  il  étoit  d'ailleurs  opiniâtre  &  méchant;  il 
penfa  nous  faire  échouer  fur  un  banc  x  peu  s'en  fallut  * 
qu'il  ne  nous  fit  donner  par  le  travers  fur  un  Navire 
Hollandois  qui  faifoit  une  route  oppofée  à  la  nôtre;  ces 
deux  dangers  furent  évités  par  la  prudence  &  J'a<flivité 
de  nos  gens:  mais  il  n'en  fut  pas  de  même  à  l'égard 
d'un  bâtiment  Angfois  qui  venoit  à  notre  rencontre, 
pouffé  par  la  marée:  TAnglois  fit  tout  ce  qui  dépen- 
doit  de  fui  pour  éviter  fe  choc,  il  fila  fes  cables  pour 
le  rendre  moins  rude;  comme  ils  étoient  peu  de 
monde,  notre  contre- maître  fauta  dans  leur  Navire 
pour  les  aider;  enfin,  vu  fa  bonne  conduite  des 
Angfois  Se  des  nôtres,  nous  fumes  touchés,  mais 
fatis  aucun  mal;  le  Capitaine  Angtois  eut  fa  poriteffe 

e  ij 


220  Voyage 

de  nous  renvoyer  notre  contre-maître  dans  fa  chaloupe 
de  fon  Vaifleau ,  avec  deux  matelots  Anglois  que  nous 
régalâmes  dé  notre  mieux,  &  qui  s'en  retournèrent 
contens.    Le    vent   qui    s'étoit   fait    nord-oueft,   ne 
nous    permettant  pas   de    débouquer   de    la  Meufe, 
nous  mouillâmes  vers   io  heures  du  matin  vis-à-vis 
de  fa  Brille  fur  trois  bràfTes,  fond  de  vafe.  À  midi, 
thermomètre  près  des  montres,  13  deg.  £  :  à  3  heur. 
15   deg.   £  :   à  7  heures  £r   1.4.  deg.  |.  Vers  midi, 
nous  reçûmes  la  vifite  du  Capitaine  d'un  VaifTeau  de 
Rouen  y  du  port  de  cent   quarante  tonneaux  ;   parti 
de  Roterdam  le  21  de  ce  mois,  il  attendoit  depuis  plus 
de  huit  jours  un  vent  favorable  pour  pouvoir  fortir 
de  la  Meufe. 
La  Brille»       Le  foir,  nous  fumes  à  terre.  De  la  Meufe  on.  entre 
dans  un  canal  affez  long,  qui  forme  le  port  de  la 
Brille  :  ce  canal  fe  divife  en  deux  dans  la  ville,  &  fur 
les  quais  il  y  a,  comme  ailleurs,  de  belles  promenades, 
non  pas  cependant  dans  toute  l'étendue  de  leur  Ion* 
gueur.  La  Brille  eft  une  ville  affez  grande,  mais  peu 
peuplée  ;  des  jardins  potagers  occupent  la  plus  grande 
partie,  de  fon  enceinte  :  elle  eft  cependant  une  des 
dix-huit  villes  qui  ont  droit  de  députer  aux  États  de  la 
Province,  &  elle  y  occupe  le  onzième  rang.   Les 
maifons  ne  font  pas   û  hautes,  qu'à  Roterdam   &  à 
Dordrecht,  mais  elles  font  propres,  quoique  la  plupart 
n'appartiennent  qu'à  de  fi mples  pêcheurs:  la  principale 
églife  n'eii  pas  fort  grande,  elle  <dt  prefque  carrée;  on 


HE  M.  DE  COU  RTANVAUX.        22» 

y  voit  un  très -beau  monument  en  marbre,  érigé  à  la 
gloire  de  l'Amiral  Philippe  Van-AImonde  ;  &  c'eft, 
je  penfe ,  tout  ce  qu'il  y  a  à  voir  dans  la  Brille  :  lès 
remparts  forment  une  belle  promenade,  mais  folitaire. 
Cette  ville  eft  fituée  dans  l'île  de  Voorn ,  formée  par 
les  bras  de  (a  Meufe  :  on  la  regarde  comme  le  berceau 
de  la  République.  Guillaume  de  Lumay,  comte  de  la 
Marck ,  revenant  d'Angleterre  en  Hollande  f  fut  jeté 
par  la  tempête  contre  cette  place  ,  &  l'enleva  aux 
Efpagnols  :  le  duc  d'Albe  apprenant  cette  nouvelle , 
dit  que  ce  n'étoit  rien;  la  perte  de  fept  belles 
Provinces  prouva  que  c'étoit  le  commencement 
d'un  grand  événement.  L'île  de  Voorn  eft  abondante 
en  blés. 

Le  20  Juin  au  matin,  thermomètre,  14  deg.  f;  à      Vifite 
midi,  15  deg.  £;  au  foir,  14  deg.  \.   Le  vent  fouffla  du\égirïïn* 
tout  le  jour  d'entre  le  nord-oueft  &  l'oueft-fud-ouefh    ^Sa,ve- 
Nous  ignorions  quand  le  vent  nous  permettroit  de 
débouquer  de  la  Meufe,  &  comme  nous  avions  vu 
tout  ce  qu'il  y  avoit  à  voir  à  la  Brille,  nous  envifagions 
notre  féjour  futur  à  la  rade  de  cette  ville,  comme  une 
fource  d'ennui ,  dont  il  n'étoit  pas  poiïible  d'entrevoir 
la  fin.  Nous  fumes  heureufement  trompés  dans  cette 
attente  défagréable.   Dès  le  30  Juin  au  matin  nous 
vîmes  arriver  à  bord  de  Y  Aurore  M.  Douglaff,  Écoffois 
de  naiffance,  Colonel  du  régiment  de  Salve-Marine  ;* 
M.  de  Brakell ,  Lieutenant  -  colonel  ou  Colonel  en* 
fécond,  fils  de  ce  M.  de  Brakell  qui,  en  1745,  avoit! 

e  ni 


*2i  Voyage 

fi  bien  défendu  Tournai ,  dont  il  étoit  Gouverneur; 
M.  Je  comte  de  Byland,  Major;  M.  de  Rieux,  François 
d'origine,  &  d  autres  Officiers  de  ce  même  régiment, 
qui  étoit  alors  en  garnifon  fur  l'île  de  Voorn.  Ces 
Meffieurs,  plus  recommandabies  encore  par  les  qualités 

« 

de  leur  efprit  &  de  leur  cœur ,  que  par  leur  rang  & 
leur  naiffaoce*  nous  offrirent  leur  compagnie  pour 
lout  le  temps  que  Je  vent  nous  retiendroit  à  la  Brille, 
&  nous  ne  pouvions  en  defirer  une  plus  agréable:  ils 
nous  procurèrent  aufîi  la  connoiflance  de  M.  Royer, 
penfionnaire  de  la  Brille,  fils  du  premier  Aumônier 
du  prince  Stathouder  ,  &  petit  -  neveu  du  célèbre 
M.  Huyghens.  Beau  temps  tout  le  jour;  couvert  le 
foir,  avec  menace  d'orage, 
îfledc  Le  j  cr  je  Juillet,   vents  de  Toueft-nord-oueft  & 

jRofenbourg. 

de  l'oueft,  bon-frais,  beau  temps*  A  7  heures  {  du 
matin,  thermomètre,  14  dcg.  j  :  à  3  heures  du  foir, 
16  deg.  à  8  heures  j  du  foir,  14.  deg„ 

Nous  fumes  nous  promener  le  foir  fur  l'ifle  de 
Rofenbourg,  nous  étions  mouillés  entre  cette  îfle  & 
la  Brille;  prefque  toutes  les  cartes  géographiques  que 
}'ai  vues  font  en  défaut  par  rapport  à  ta  pofition  de 
l'iUe  de  Rofenbourg  :  félon  ces  cartes,  la  Meufe  a 
toute  ià  largeur  vis-à-vis  de  la  Brille ,  de  manière  que 
de  la  Brille ,  on  devront  voir  Maëflandffaiys ,  ôc 
de  Maëflandfluys  la  Brille;  ÏUlt  de  Rofenbourg  eft 
marquée  plus  haut  :  telle  étoit ,  en  effet ,  autrefois  la 
pofiùon  des  lieux ,.  mais  elle  a.  changé  depais  plufiears 


DE  M.  DE  COU RTANÏAUX.        liy 

années.  A  la  pointe  occidentale  de  Tifîe,  il  y  avoit 
un  banc  qui  a  tellement  augmenté  en  hauteur,  que  la 
Meufe  ne  le  couvroit  plus  que  dans  les  fortes  marées: 
les  HoIIandois ,  fi  juftes  appréciateurs  de  la  valeur  du 
terrein,  ont  tiré  parti  de  ce  nouveau  terrein  que  la 
Providence  fembloit  leur  offrir  ;  ils  l'ont  entouré  de 
digues;  bientôt,  par  leur  induftrie,  il  a  produit  d'ex- 
cellens  pâturages,  &  cette  nouvelle  partie  de  rifle  leur 
eft  maintenant  aufli  précieufe  que  l'ancienne  :  l'ifle 
de  Rofenbourg  peut  avoir  maintenant  cinq  quarts  de 
lieue  de  longueur,  ou  un  peu  plus,  fur  une  bonne- 
demi-lieue  dans  fa  plus  grande  largeur,  &  fa  pointe 
occidentale  defcend  dans  la  Meufe,  un  peu  plus- 
bas  que  la  ligne  droite  qui  feroit  tirée  de  la  Brille  à 
Maëllandfluys.  Nous  vîmes  fur  cette  ifle  une  quantité 
prodigieufe  de  gros  bétail  qui  y  trouvoit  une  fub- 
fi  flan  ce  abondante. 

Le  2,  vents  du  fud-oueft,  afTez  beau  le  matin  ;  pluie    Navire»* 
continue  le  foir.  Thermomètre  ,  à  8  heures  j  du  matin  , 
14  deg.  i;  à  midi  ,15  deg.  ^;  à  3  heures  \\  17  deg. 
à  8  heures  ^,   16  deg.  j.  Nous  n'étions  pas  les  feuls 
que  la  confiance  des  vents  d'oueft  retenoit  à  la  Brille.. 
Le  vaiffeau  anglois ,   qui  nous  avoit  touchés  en   arri- 
vant en  cette  rade  voulut  partir  le  2  :  il  vint  à  bout,. 
il  eft  vrai  ,  de  doubler  tous  les  bancs,  mais  ce  ne  fut 
pas  fans  avoir  donné  plufieurs  fois  du  talon  ;  le  Pilote 
hoHandois  qui  l'avoit  conduit  au  large ,  nous  rapporta, 
qu'il  l'avoit  laiffé  en  très-mauvais  état,  &  qu'il  n'oieroiti 


224-  Voyage 

-en  répondre  :  puifle-t-il  ne  lui  être  arrivé  aucun  mal* 
3a  nuit  fuivante ,  la  violence  du  vent  rompit  le  cable 
<Tun  Navire  hollandois  f  mouillé  près  de  nous;  le 
«navire  fut  emporté  par  l'effort  de  la  marée,  &  échoua 
fur  un  banc  :  nous  étions  heureufement  en  baffe-mer, 
il  fe  releva  à  la  marée  montante:  le  3,  un  autre  Navire 
anglois  ayant  tenté  de  fortir,  échoua  en  temps  de 
•haute-mer;  nous  craignîmes  pour  lui,  il  eut  cependant 
le  bonheur  de  fe  remettre  à  flot  à  la  marée  fuivante,  & 
prit  le  fage  parti  de  rentrer  dans  la  Meufe. 

Le  3,  vents  de  Poueft  &  de  I'oueft  -  fud  -  oueft , 
grand  frais  ;  pluie  par  intervalles;  le  (bir  pluie,  grêle, 
vent  furieux.  Thermomètre,  à  8  heures  7,14  deg.|; 
à  midi ,  1  5  deg.  £;  à  10  heures  du  foir  ,  1  5  deg.  f 
Après  dîner,  M.  de  Brakell  nous  conduifit  à Hellevoet- 
Hdievoctfluys.  flL1yS  $  diftance  de  deux  lieues  de  la  Brille  :  nous  étions 

dans  un  chariot  traîné  par  deux  chevaux,  que  Ton 
conduifoit  &  dirigeoit  par  le  mouvement  du  pied, 
appuyé  fur  je  ne  fais  quels  refibrs  :  la  vokure  n'étoit  pas 
des  plus  douces ,  mais  nous  allions  bon  train ,  en  cinq 
quarts  d'heure  nous  fumes  à  Hellevoetfluys.  Cet  en- 
droit ,  eft  un  port  bordé  de  maifons  &  de  fortifications; 
ces  fortifications ,  plantées  d'arbres  t  forment  dagréables 
promenades,  &  renferment  des  cafernes  pour  les 
foldats  qui  y  font  en  garnifon  :  ce  port  eft  à  l'entrée  d'un 
golfe  qui  communique  avec  le  Biefbos,  dont  nous  avons 
parlé  ci  -  deflus;  il  eft  formé  par  un  canal  affez  étroit  $ 
mais  profond  ;  les  plus  gros  Vaifleaux  peuvent  y  entrée 

De 


DE  M.  DE  Couhtanvaux.      ZZ% 

De  tous  le*  peuples  Européens  »  on  ne  voit  guères 
que  les  Anglois  à  Helievoetfluys ,  auffi  y  entend -on 
aflez  facilement  leur  langue;  le  françois  y  eft  abfolu- 
ment  inconnu.  Tous  les  Navires,  même  les  Vaiffeaux 
de  guerre  d'Amfterdam ,  paffant  vis-à-vis  d'Hellevoet- 
fluys ,  font  tenus  de  payer  un  certain  droit  ;  c'eft 
apparemment  ce  droit  qui  empêche  bien  des  Vaiffeaux 
de  fortir  de  la  Meufe  par  Hellevoet ,  ce  qui  feroit 
quelquefois  plus  facile  &  plus  avantageux  que  de  paffer 
vis-à-vis  de  la  Brille,  au  rifquedy  attendre  le  vent  un 
mois  ou  fix  femaines.  De  quatre  amirautés  que  Ton 
compte  dans  les  Provinces-unies,  la  première ,  eft  celle 
de  la  Meufe  ;  fon  fiége  eft  à  Roterdam ,  mais  c'eft  à 
Helievoetfluys,  qu'elle  fait  conftruire  fes  plus  gros 
Vaiffeaux  :  lorfque  nous  y  fumes ,  il  y  avoit  dix  Vaif- 
feaux de  guerre ,  dans  une  efpèce  de  badin  au  fond 
du  port  Le  long  de  ce  baffin,  eft  un  arfenal  ou  un 
magafin  très-long;  il  (contient  des  voiles,  des  cordages, 
des  cables ,  des  caps  de  mouton  ,  en  un  mot ,  tout  ce 
qui  compofe  les  agrès  des  Navires  appartenans  au  port; 
tout  eft  arrangé  avec  la  plus  grande  propreté ,  entre- 
tenu avec  foin ,  &  diftribué  de  manière  que  chaque 
Équipage  trouve  à  ttnftant  &  fans  confufion  ,  ce  qui 
eft  du  fervice  de  fon  Navire.  Entre  cet  arfenal  &  le 
port,  cinq  ou  fix  cents  pièces  de  canons  de  fonte, 
font  rangées  dans  le  plus  bel  ordre:  on  nous  fit  monter 
fur  un  belvédère ,  de  deffus  lequel  la  vue  s'étend  fort 
join  ;  on  y  découvre  une  grande  étendue  de  mer ,  & 

.  Ff 


226  Voyage 

beaucoup  d'iiïes  de  la  Hollande  &  de  la  Zélande.  Nou$ 
entrâmes  dans  un  petit  yacht  de  plaifance,  de  30,  ou 
je  penfe,  de  36  pieds  au  plus  ,  de  tête  en  tête;  toutes 
les  autres  dimenfions  font  proportionnées  à  cette  Ion- 
geur  :  la  chambre  d'aflemblée-  eft  très-propre  ;  mais 
pour  y  être  debout,  il  faut  paffer  la  tête  &  les  épaules 
par  l'écoutille;  c'eft  par  ce  feul  endroit  que  la  chambre 
reçoit  du  jour  :  cette  chaloupe  pontée,  je  ne  puis  lui 
donner  d'autre  nom  ,  venoit  cependant  d'arriver 
d'Angleterre ,  conduifant  un  Seigneur  anglois  ,  qui 
comptoit  s'en  retourner  par  la  même  voiture  :  le  trajet 
eft  au  moins  de  vingt  lieues;  fur  la  route  de  la  Brille 
à  Hellevoefïuys ,  on  trouve  deux  villages ,  Niewenhorn 
&  Hellevoet,  ils  n'ont  rien  de  remarquable. 
Curé  Le   4.,    nous  fîmes   une  nouvelle  connoifTance, 

de  la  Brille* 

celle  de  l'abbé  Cret  ,  Curé  de  la  Brille;  il  nous  ren- 
dit vifite  à  bord  :  c'eft  le  feul  Eccléfiaftique  catholique 
de  Tiffe  ;  l'exercice  de  fon  miniftère  eft  pénible  :  les 
Dimanches  &  Fêtes,  il  célèbre  l'office  à  Hellevoet- 
fluys  &  à  la  Brille;  en  hiver,  les  chemins  font  impra- 
ticables aux  chevaux  Si  aux  voitures,  il  eft  obligé  d'aller 
&  de  revenir  à  pied.  Vent  violent  le  matin  ,  plus  mo* 
déré  le  foir ,  foufflant  toujours  du  même  côté  ;  pluie 
le  matin  &  le  foir;  beau  pendant  la  journée.  Ther- 
momètre, à  8  heures  15  min.  du  matin,  14.  deg.  A 
demi;  à  midi ,  14.  deg.  i;  à  4  heures  45  min.  16  deg. 
à  10  heures  &  demi  ,   1  5  deg.  i. 

Le  5 ,  vent  oueft  grand  frais,  le  foir  vent  defud-eft 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        22J 

petit  frais  ;  rivière  trop  baffe  pour  partir  ;  beau  temps 
interrompu  par  quelques  pluies  légères.  Thermomètre, 
à  9  heures  ~  du  matin,  1 5  deg.  |,  à  midi  de  même; 
à  9  heures  &  à  10  heures  du  foir,  15  deg.  <£. 

Ce  même  jour,  M.  Leroy  remit  entre  les  mains  dé     Sccon<fc 

9         *  *  montre  ma- 

M.  de  la  Chapelle  fecrétaire,  repréfentant  M.  le  Marquis,  *«*  foumife 

1  a  notre 

Si  entre  les  miennes ,  fa  féconde  montre  marine ,  nous  examen, 
déclarant  que  s'il  ne  nous  l'avoit  pas  plus  tôt  remife* 
c'eft  qu'il  avoit  plus  de  confiance  en  la  première ,  & 
qu'il  avoit  remarqué  dans  la  féconde,  quelques  inéga- 
lités d'un  jour  à  l'autre,  comparaifon  faite  ayee  la 
première  montre;  inégalités  cependant  peu  confidéra- 
fcles  :  il  ajouta  qu'au  Havre,  \z  féconde  montre  avançoit 
tle  1 1  fécondes  fur  la  première  en  vingt-quatre  heures  , 
&  qu'alors  elle  n 'avançoit  phis  que  de  j  fécondes  : 
à  midi ,  la  féconde  montre  fut  mife  fur  la  même  heure 
que  la  première.  Nous  drefîames,  M.  de  la  Chapelle 
Se  moi ,  un  procès-verbal  de  tout  ce  qui  s'étoit  dit  &  fait 
ace  fujet;  &  depuis  nous  avons  eu  l'œil  également 
attentif  fur  les  deux  montres. 

Le  6  ,  le  vent  retourné  à  l'oueft,  grand  frais,  beau 
temps  ;  il  y  avoit  eu  durant  la  nuit ,  un  coup  de  vent  qui 
avoit  caufé  quelque  rumeur  dans  l'équipage  :  après  midi 
-très-fceau  temps;  lèvent  appaifé,  foiifflant  toujours  de 
l'oueft.  Thermomètre,,  à  9  heures  £  du  matin  ,  prefque 
1 6  deg.  à  midi  1 5  deg.  £  ;  à  8  heures  du  foir  ,  1 6  deg. 
à  1 1  heures  45  min,  du  matin ,  la  féconde  montre 
avançoit  fur  la  première ,  de  4.  fortes  fécondes. 

Ff  ij 


228  Voyage 

Tentative        Malgré  l'aimable  compagnie  de  M/9  les  Officiers 

pourfortir    du  régiment  de  Salve  &  de  M.  le  Curé  de  la  Brille, 

laMcufc.  notre  jong  féjour  à  l'embouchure  de  la  Meufe  nous 

ennuyoit  beaucoup ,  &  nous  comprenions  par  les  lettres 
de  M.  le  Marquis ,  qu'il  ne  s'ennuyoit  pas  moins ,  de 
ne  nous  point  voir.  On  épioit  donc  tous  les  jours  le 
moment  de  la  haute  -  mer ,  pour  profiter  du  moindre 
vent  qui  nous  aurait  permis  de  partir  :  la  nuit  du  6  au  7, 
le  vent  s'étant  mis  au  fud-fud-oueft ,  un  pilote  de  la 
Brille  vint  à  bord  vers  3  heures  du  matin ,  &  nous  ap- 
pareillâmes auiïitôt  :  nous  avions  déjà  départe  dix 
bouées*,  lorfque  malheureufement ,  le  vent  fe  remit 
à  Poueft:  notre  canot  penfa  fe  perdre ,  un  matelot  qui 
étoit  dedans  tomba  à  l'eau  ,  &  s'en  fauva  heureufe- 
nient  à  laide  d'un  autre  matelot,  qui  s'étoit  jeté  pour 
cet  effet  à  la  mer.  Un  Navire  hollandois  toucha  la 
Frégate  lorfqu'elle  reviroit  de  bord  ;  il  ne  nous  fit  aucun 
mal,  &  nous  lui  en  fîmes  très-peu  :  lé  vent  penfa  nous 
jeter  fur  la  côte ,  &  nous  étions  probablement  échoués, 
fans  l'intelligence  &  la  préfence  d'efprit  du  fieur  le 
Peyre  :  enfin  il  fallut  fe  réfoudre  à  retourner  fur  nos 
pas,  &  à  regagner  la  rade  de  la  Brille  :  nous  y  mouil- 
lâmes à  8  heures. 

Un  feul  VaifTeau ,  de  quinze  environ ,  qui  étoit  vis* 
à-vis  de  la  Brille ,  avoit  appareillé  avec  nous  ;  il  étoit 

*  Les  bouées  font  des  cfpèces  de  fignaux,  à  fleur  d'eau,  qui 
enfeigncnt  le  chemin  qu'il  faut  tenir  ,  &  indiquent  les  écucils  qui 
faut  éviter. 


j 


-    DE  M.  DE  C0UR7ANVAUX.       Z2ty 

HoIIandois  :  forcé  ainfi  que  nous  de  revenir  fur  fes 
pas  ,  ii  remonta  plus  haut  que  ia  Brille ,  apparemment 
pour  faire  le  tour  de  Fille  de  Voorn ,  &  paffer  par 
Hellevoetfluys  :  javois  déjà  propofé  cet  expédient;  une 
lettre  de  M.  ie  Marquis  ,  reçue  le  6  au  foir,  nous  afïu- 
roit  de  la  poffibilité  de  l'exécution  ,.  M.  le  Marquis  ne 
parloit  que  d'après  des  marins  HoIIandois»  qui  étoient 
inflruits  de  la  pofition  des  lieux  &  des  circonftances 
de  cette  navigation.  Il  fut  donc  décidé  que  le  fieur  le 
Peyre ,  s'informeroit  de  ces  circonflances  à  la  Brille  f 
durant  la  journée  du  7,  &  que  fi  le  vent  s'obftinoit 
à  nous  fermer  la  fortie  de  la  Meufe ,  nous  prendrions 
le  lendemain  ,  le  chemin  d'Hellevoetfïuys.  Le  refultat 
des  informations,  fut  que  ce  partage  étoit  pratiquable; 
mais  qu'à  l'efl  de  rifle,   nous  trouverions  un  canal 
étroit,  où  le  vent  nous  ferait  prefque  auffi  contraire 
que  fur  la  Meufe,  &  que  dans  cette  circonftance  d'un 
vent  contraire,  on  faifoit  aller  le  Navire  par  des  hom- 
mes qui  marchoient  le  long  du  riyage  :  notre  Équipage 
étoit  affez  nombreux  pour  cette  opération  :  ainfi  il  fut 
décidé   que  nous  partirions  fans  faute  le  lendemain , 
foit  par  un  chemin,  foit  par  l'autre.  Thermomètre, 
à  7  heures  du  matin,,  16  deg.  £;  à  10  heures  du  foûy 
16  deg.  | ,  très-beau  temps  tout  le  jour  :  le  foir,  vent 
d'eft  prefque  calme. 

Nous  avions  accepté  la  veille,  mais  folis  condition  ,     7°,^' 
une  offre  que  M.  Royer,  Penfionnaire  de  la   Brille  &àiaHay* 
nous  avoit  faite  de  nous  conduire  à  la  Haye;  M.    Mff?°* 

JFfiij 


2}o  Voyage 

Royer,  informé  que  la  Frégate  remontoit  à  la 
Vint  à  bord,  dès  que  nous  eûmes  mouillé,  &  nous 
partîmes:  notre  canot  nous  conduifit  à  Tifle  de  Rofen- 
bourg,  que  nous  traverfames  fur  un  chariot  de  pofte, 
haut  monté,  fans  impériale  &  fermement  appuyé  fur 
fes  effieux;  il  nous  fallut  une  échelle  de  6  ou  7 
échelons ,  pour  pouvoir  entrer  dans  ce  phaëton  ;  nous 
allions  affez  yîte,  nous  mimes  cependant  plus  d'une 
demi-heure  à  traverfer  Tille  :  la  digue  qui  nous  fervoit 
~de  chemin  avoit  été  élevée  pour  fervir  de  barrière  à 
l'eau  de  la  Meufe ,  elle  eft  maintenant  à  une  aflez  grande 
diftance.  Après  aVoir  traverfé  l'autre  bras  de  la  Meufe 
au-delà  de  Tifïe,  nous  arrivâmes  à  Maafîandfluys; 
c'eft  le  fécond  village  de  la  Hollande,  ou  le  premier, 
après  la  Haye  :  il  eft  en  effet  très-confidérable ,  plus 
commerçant ,  plus  vivant ,  plus  peuplé  que  la  Brille;  les 
quais,  les  rues,  les  mai  fo  ri  s  font  aufli  belles  qu'à 
Dordrecht;  le  port  eft  formé  par  plufieurs  canaux  qui 
entrecoupent  le  village,  il  n'étoit  pas  garni  de  Navires, 
prefquetous  étoient  partis  pour  la  pêche  du  hareng  :  les 
rues  étoient  pleines  de  monde ,  c'étoit  un  jour  de  foire. 
II  y  a  des  voitures  d'eau  pour  aller  à  Delft  &  à  la 
Haye,  mais  nous  étions  preffés;  nous  louâmes  un  autre 
chariot  de  pofte ,  un  peu  plus  tolérable  que  celui  de 
Tifle  de  Rofenbourg  :  nous  fuiyimes  au  moins  jufqu'à 
ï)elft  une  levée  ou  une  digue  élevée  fur  le  bord  du 
canal;  le  chemin  n'eft  pas  droit,  il  eft  fort  étroit; 
deux  voitures  qui  fe  rencontrent  ont  de  tr  peine  à  ft 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.       23  I 

frire  place,  il  y  a  même  des  endroits  où  cela  ne  leur 
eft  pas  pofïible;  alors  il  faut  dételer  les  chevaux,  les 
atteler  au  derrière  d'une  des  deux  voitures,  &  la  faire 
reculer  en  arrière,  jufqu'à  ce  que  Ton  trouve  un  lieu 
aflez  large  pour  que  les  deux  voitures  puiffent  fuivre 
des  routes  oppofées  ;  ces  chemins  fur  des  digues  font 
unis,  mais  impraticables  en  hiver,  il  faut  alors  fuivre 
les  canaux,  ou  dans  des  barques,  ou  à  laide  deç 
patins,  fi  les  canaux  font  gelés.  Entre  Maaflandfluys 
&  Delft,  on  rencontre  jyiaafïand  &  Schipluyde,  deux 
villages  qui  ne  fixent  point  l'attention  lorfqu'on  fort 
de  celui  de  Maaflandfluys:  près  de  Schipluyde,  eft 
un  vieux  bâtiment  formé  par  quatre  tours,  on  dit  que 
c'eft  un  ouvrage  des  Romains.  Je  n'entrerai  point  dans 
le  détail  de  ce  que  .nous  vimes  à  Delft  &  à  la  Haye, 
&  ce  ferait  une  répétition  de  ce  qui  a  été  dit  dans  le 
chapitre  précédent. 

Le  vent  pafla  durant  la  nuit  au  nord -eft  &  au  nord-  Route 
oueft;  le  8  au  matin,  les  vents  étant  remis  au  fud-fud-  *ur*x^3|ft 
oueft  de  la  bouflble,  ou  prefque  au  vrai  fud,  nous 
tentâmes  une  féconde  fois  de  fortir  de  la  Meufe  ;  nous 
appareillâmes  à  quatre  heures  du  matin,  un  Navire  qui 
ne  tirait  que  fix  pieds  d'eau  nous  précédoit,  quinze 
autres  nous  fuivoient:  nous  étions  prefque  dehors,  le 
vent  regagna  la  partie  du  fud-oueft,  un  tour  de  force 
nous  fit  heureufement  dépaffer  la  dernière  bouée, 
&  nous  nous  vimes  enfin  au  large;  ce  vent  de  fud- 
oueft,  contraire  à  la  fortie  de  la  Meufe,  nous  deyenoit 


232  Voyage 

favorable  pour  gagner  le  Texel ,  il  fouffloit  aiïez  bien; 
ie  crel,  beau  d abord,  fe  couvre,  il  tombe  quelque 
pluie,  le  vent  mollit,  ie  roulis  &  le  tangage  fe  font 
fentir:  vers  deux  heures  du  foir,  furvient  un  grain  qui 
fait  fraîchir  le  vent  de  la  partie  de  loueft ,  nous  allons 
grand  train,  toutes  voiles  dehors,  &  nous  mouillons 
à  6  heures,  par  huit  braffes  d'eau,  vis-à-vis  la  pointe 
orientale  de; l'île  du  Texel,  le  vent  au  fud-oueft,  grand 
frais.  Ce  même  vent  de  fud-oueft,  qui  nous  avoit  été 
fi  favorable  pour  gagner  la  rade  du  Texel ,  étoit  alors 
contraire  pour  continuer  notre  route  jufqu'à  Amfter- 
dam;  il  fallut  encore  ici  nous  armer  de  patience.  Nous 
avions  à  peine  mouillé,  qu'il  nous  vint  à  bord  un 
Capitaine  Hollandois  ,  envoyé  d'Amfterdam  pour 
attendre  Y  Aurore  au  Texel,  &  pour  nous  fournir  tout 
ce  dont  nous  pourrions  avoir  befoin  :  c'étoit  à  M.  de 
Ryneveld  ,  gros  Négociant  d'Amfterdam  f  que  nous 
avions  obligation  de  cette  attention. 

Le  8 ,  à  6  heures  du  matin ,  thermomètre,  1 6  deg.  i; 
à  8  heures,  16  deg. -j-;  à  11  heures  £,  16  degrés; 
à  5  heures  &  à  7  heures  £  du  foir,  encore  16  degrés* 
A  1 1  heures  ~  du  matin,  la  féconde  montre  avançoit 
fur  la  première  de  1 1  fec.  j. 

Le  9 ,  à  8  heures,  thermomètre,  1  j  deg.  peu  pafTé; 
à  midi ,  à  3  heures ,  à  7  heures  &  à  10  heures  du  foir 
à  très-peu  près  de  même.  X  midi  £  la  féconde  montre 
avançoit  de  14.  fec.  fur  la  première. 

La  nuit  du  8  au  9  ne  fut  pas  tranquille,  ie  vent  Je 

fud-oueft 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        2JJ 
fud-oueft  fouffloit  avec  la  plus  grande  violence,  une  .  F*dc . 

r  '  r  GU^TcxA 

lame  courte  &  fréquente  occalionnoit  un  roulis  &  un 
tangage  fort  défagréables.  X  minuit  £,  notre  pilote 
d' Amfterdam ,  que  nous  avions  pris  prefque  au  fortir 
de  Dunkerque  ,  d'un  ton  de  voix  effrayant  fonna 
l'alarme;  plufieurs  furent  épouvantés,  c'eft  que  nous 
chaffions  fur  notre  ancre,  on  rifquoit  de  la  perdre; 
on  en  mouilla  une  féconde  ,  il  n  y  eut  aucun  mal. 
La  journée  fut  un  peu  moins  dure  ;  mais  à  la  nuit,  il 
furvintun  autre  coup  de  vent;  la  mer  faifoit  voltiger 
notre  Frégate  autour  des  ancres;  les  cables  fe  crok 
sèrent  &  s'embarrafsèrent,  quelques-uns  crurent  encore 
que  tout  étoit  perdu ,  on  leva  une  ancre ,  &  le  mal 
ne  fut  pas  plus  grand  que  la  veille  :  le  ciel  cependant 
étoit  affez  beau,  avec  quelques  grains  de  pluie;  le. 
vent  toujours  vers  Toueft-fud-oueft  ou  le  fud-oueft. 

Le  i  o ,  à  8  heures  du  matin  ,  thermomètre ,  1 5  deg.  Départ 
très-peu  paffé  ;  à  midi ,  1 3  deg.  |  ;  à  2  heures  j ,  1 3  deg.  f;  cxc  " 
à  7  heures,  14  deg.  j  :  à  midi  quelques  minutes,  la 
féconde  montre  marine  avançoit  fur  la  première,  de 
17  fec.  7.  Vent  oueft-fud-oueft  le  matin;  la  Frégate* 
quoique  très  -  agitée  l'était  moins  que  la  nuit  précé^ 
dente  ;  beau  temps ,  entre-mêlé  de  grains  de  pluie  : 
tous  ces  contre -temps,  avoient  altéré  fenfiblemênt  la 
fan  té  de  M.  Leroy  &  du  Secrétaire  de  M.  le  Marquis;, 
ils  avoieni  la  fièvre  l'un  &  l'autre,  ils  partaient  de  fe 
faire  tranfporter  à  terre ,  pour  gagner  par  iterre  Amfter- 
dam ;  les  fignaux  avoient  été  faits ,  un  yacht  étoit  venji 

.  Gg 


234  Voyage 

pour  les  prendre,  le  marché  étoit  prefque  conclu,  lorf- 
que  peu  après  10  heures  du  matin,  le  vent  commença 
à  fouffler  du  vrai  oued;  on  eut  bientôt  rehifle  les 
vergues  &  préparé  tout  pour  le  départ;  on  leva  l'ancre 
à  1 1  heures  7.  Le  partage  du  Texel  au  Zuyderzée  eft 
difficile;  c'eft  un  chemin  étroit,  bordé  de  bancs  à 
droite  Si  à  gauche  ;  pour  guider  plus  fûrement  les 
navigateurs  ,  les  Hollandois  ont  fait  mettre  des  batifes 
Si  des  bouées  de  diftance  en  diftance  ;  pour  qu'il  foit 
même  plus  aifé  de  fe  reconnoître,  aux  endroits  les  plus 
difficiles ,  on  a  mis  en  guife  de  bouées ,  des  tonnes 
vides  &  bien  foncées  diverfement  colorées.  Ce  partage 
feroit  véritablement  dangereux  pour  des  navigateurs 
qui  ne  fer  oient  pas  bien  au  fait  de  la  difpofitîon  de 
tous  ces  fignaux  :  mais  nous  n'étions  pas  dans  le  cas  ; 
notre  pilote  d'Amfterdam  ,  connoirtbit  parfaitement 
tout  le  local  de  ce  partage,  il  tenoit  le  timon,  &  de 
Peyre  le  fecondoit ,  on  ne  peut  mieux  :  vers  deux  heures , 
nous  étions  par  le  travers  de  rifle  de  Wieringen ,  où 
nous  vimes  une  allège  hollandoife  échouée  fur  un  banc  ; 
mais  comme  il  étoit  alors  bafle -mer,  nous fuppofons 
que  la  marée  l'aura  relevée  :  aurtitôt  après  nous  laif- 
ikmes  fous  le  vent,  Se  nous  dépaflames  un  Navire 
anglois ,  qui  avoit  paffé  la  veille  au  foir  au  Texel ,  Se 
qui  n'eft  arrivé  à  Amfterdam ,  que  quatre  jours  après 
Itàusl  Avant  ^  heures,  nous  voyons  à  notre  droite 
Médenblyck  la  dix-feptième ,  &  plus  loin  Enchuyfen 

Ja  quatorzième  yillc  de  Hollande,  &  à  notre  gauche, 


DE  M.   DE  COURTANVAUX.        2^% 

Staveren  en  Frife  :  à  4-  heures  j,  nous  avions  un  peu 
dépaffé  Enchuyfen ,  &  nous  voyions  devant  nous  Tiffe 
de  Urch  :  nous  allions  "cependant  toujours  au  plus  près 
du  vent,  qui  étoit  un  peu  defcendu  vers  l'oueft-fud- 
oueft,  &  nous  faifions  route,  valant  le  fud-quart-fud- 
oueft.  Quand  nous  fumes  dans  le  Zuyderzée,  il  étoit 
néceffaire  que  nous  fuiïions  encore  plus  à  l'oueft,  ce 
qui  n'étoit  pas  poffible  :  nous"  fumes  obligés  de  lou- 
voyer ,  en  ferrant  le  vent  autant  que  la  conftru6lion  du 
Navire  le  permettoit ,  l'amure  alternativement  à  bâbord 
Se  à  (tribord.  Comme  le  vent  étoit  très-fort ,  la  Frégate 
'étoit  extrêmement  à  la  bande  :  M.  Leroy ,  à  f'aide  d'un 
infiniment  qu'il  avoit  fait  conftruire  à  cet  effet,  trouva 
qu'elle  inclinoit  quelquefois  de  25  degrés,  aufli  les 
canons  étoient  dans  la  mer ,  l'eau  paffoit  jufque  par 
deffus  le  vibord ,  &  la  culaffe  même  des  canons  étoit 
quelquefois  plongée  :  ce  fut  à  7  heures  du  foir ,  qu'on 
commença  à  courir  des  bordées  :  nous  étions  alors 
abfolument  fous  le  vent  du  Pampus;  delà  partie fud- 
oueft  du  Zuyderzée,  il  fe  détache  un  golfe  de  dix 
à  onze  lieues  de  profondeur ,  qui  fépare  la  Nort- 
hollande  de  la  Sud-hollande  ;  l'entrée  de  ce  golfe  eft 
ce  qu'on  nomme  le  Pampus,  le  fond  fe  nomme  ^ 
apparemment  en  conféquence  de  quelque  rapport 
que  Ton  a  trouvé  entre  la  forme  de  ce  golfe  &  la 
lettre  Y. 

Le  11,  à  5  heures  du  matin  /  nous  étions  dans  le     Arrivée 
Pampus ,  ayant  à  notre  gauche  la  ville  de  Naerden ,  Amflerdami 


2}6  Voyage 

célèbre  par  le  maffacre  de  tous  fes  citoyens,  exécuté 
en  i  572 ,  par  l'ordre  de  Frédéric ,  fils  du  duc  d'Albe, 
quoique  ces  pauvres  gens  fuffent  la  plupart  bons 
catholiques.  Prefque  vis  -  à- vis  de  nous,  nous  voyions 
Udam  ou  Vytdam ,  Ôc  plus  loin  les  tours  d' Amfterdam  ; 
à  notre  droite  étoit  Tille  de  Merken ,  Se  fa  tour  de  feu  ; 
c'eft  une  tour  au  haut  de  laquelle  on  fait  du  feu  pen- 
dant la  nuit,  pour  fervir  de  fignal  :  le  vent  de  fud-oueft 
ne  nous  permettoit  pas  d'avancer  beaucoup ,  nous  nous 
foutenions  feulement ,  jufqu'à  ce  que  la  marée  qui 
devoit  commencera  remonter  vers  9  heures,  nous 
aidât  à  gagner  le  port;  vers  9  heures  ~,  il  furvint  un 
orage  avec  tonnerre,  éclairs  &  grande  pluie: peu  après 
on  ferra  les  voiles ,  le  canot  mis  à  la  mer,  &  aidé  de  la 
marée  nous  traîna  plus  près  de  terre  :  nous  mouillâmes 
à  1 1  heures  1 5  min.  du  matin. 

A  5  heures,  thermomètre,  15  deg.  à  9  heures  j, 
1  c  deg.  y;  à  10  heures  45  min.  du  matin,  la  féconde 
montre  avance  fur  la  première  de  2 1  fec  j  :  dès  que 
nous  eûmes  mouillé ,  nous  fumes  avec  beaucoup  de 
fatisfadion  rejoindre  M,  le  Marquis  ,  &  lui  rendre 
compte  des  circonftances  les  plus  importantes  de  notre 
traverfée. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        2jy 


CHAPITRE     XI. 

Séjour  à  Amjlerdam ,  idée  de  cette  ville ,  fa  pofition 
géographique;  marche  des  montres  marines;  voyages 
à  Utrecht  &  à  Saeurdam. 

Depuis  notre  arrivée  à  Amfterdam  ,  le  2  de  Vifite* 
Juillet,  jufqiTà  celle  de  V Aurore  le  1 1  du  même 
mois ,  il  me  fut  impoflible  de  faire  aucune  opération 
relative  à  l'objet  de  notre  voyage,  nos  inftrumens 
étant  à  bord  de  la  Frégate  :  ce  temps  fut  néceflaire- 
ment  employé  à  voir  la  ville  &  fes  environs.  Je  com- 
mençai par  rendre  vifite  à  M.  Maillet  du  Clairon, 
Commiflaire  de  la  marine  de  France ,  &  je  lui  remis 
les  lettres  du  Miniftre ,  relatives  à  notre  expédition  : 
je  fus  aufli  voir  M.  Jean  Van-Ryneveld  f  riche  négo- 
ciant d'  Amfterdam  ;  on  m'avoit  adrefle  à  lui,  comme 
à  un  véritable  honnête  homme,  franc,  droit,  fi  ne  ère, 
généreux  &  extrêmement  obligeant:  on  ne  m'en  avoit 
point  impofé,  M.  de  Ryneveld  &  fon  neveu  M. 
Hartfinck  m'ont  rendu  tous  les  fervices  que  j'ai  pu 
defirer ,  &  ont  contribué  de  tout  leur  pouvoir  à  me 
rendre  le  féjour  d' Amfterdam  agréable. 

Amfterdam  n'a  que  le  cinquième  rang  entre  les    Grandeur, 
villes  de  la  province ,  mais  on  ne  fait  pas  de  difficulté  rucs?annaûx 
de  la  regarder  comme  la  Capitale ,  non-feulement  de  d' Amfterdam. 
ia  Hollande,  mais  mên»e  de  toute  la  République  des 

G  m  •  • 

g     "/ 


238  Voyage 

Provinces -unies;   ce  n'eft   pas   une   ville  ancienne, 
elle  n'a  été' pour  la  première  fois  entourée  d'un  mur 
de  bois  que  vers  le  xin.e  fjècle  :  la  commodité  de 
ià  fituation    pour  le   commerce    lui  a   procuré   des 
accroiffemens  fucceffifs,  fur-tout  depuis  que  les  fept 
provinces  fe  font  fouftraites  à  la  domination  de  l'Ef- 
pagne;  fa  .forme  eft  prefque  celle  d'un  demi -cercle, 
fa  longueur  de  l'eft  à  l'oueft  eft  d'environ  dix-neuf  cents 
toifes ,  &  fa  largeur  du  midi  au  nord  de  mille  toifes  ;  fon 
enceinte  eft  défendue  par  vingt-fix  baftions ,  il  n'y  a 
point  de  baftions  au  nord ,  la  ville  de  ce  côté  eft  affez 
défendue  par  l'Ye  qui   forme  fon   port,  La  rivière- 
d' Amftel ,  après  avoir  partagé  la  ville  en  deux  parties , 
verfe    tes   eaux   dans   l'Ye;  c'eft  cette   rivière   qui 
donne  le  nom  à  la  ville,  Amfterdam  fignifiant  digue  ou 
chauffée  fur  l' Amftel  ;  on  compte  environ  trente  mille 
mai  fon  s  &  trois  cents  mille  habitans  dans  cette  ville,  les 
rues  n'y  font  pas  fi  belles  ni  fi  propres  qu'à  Roterdam , 
quoiqu'on  ait  foin  de  les  laver  de  temps  en  temps; 
Jes  canaux  font  en  très-grand  nombre ,  mais  l'eau  n'y 
eft  pas  par-tout  également  claire;  il  y  a  un  grand 
nombre  de  ces  canaux ,  dont  l'eau  croupi  (Tant  offenfe 
également  la  vue  &  l'odorat  :  les  maifons  font  pour 
la  plupart  de  briques,  quelques-unes  font  bâties  en 
pierres  de  taille,   toutes  font  couvertes  de   briques 
rouges  $c  noires  ;  elles  font  plus  hautes  que  dans  les 
autres  villes  de  Hollande,  j'en  ai  vu  peu  qui  euiïept 
plus  de  trois  étages,  non  compris  le  rez-dç-chauffée : 


DE  M.  DE  COVRTANVAUX.        239 

à  chaque  maifon ,  il  y  a  une  poulie  pour  introduire  les 
fardeaux  par  les  fenêtres,  on  ménage  par-là  la  propreté 
des  maifons  qui  eft  extrême  en  dedans:  le  rez-de- 
chauflee  eft  ordinairement  "pavé  de  marbre  ;  dans  les 
appartemens  &  fur  les  efcaliers ,  on  ne  marche  que  fur 
Jes  tapis,  &  avec  tout  cela,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs, 
il  n  y  a  pas  de  meubles.  La  Hollande  eft  de  tous  les 
pays  du  monde  celui  où  il  eft  le  plus  facile  de  favoir 
de  quel  côté  fouffle  lèvent,  prefque  toutes  les  maifons 
ont  leur  girouette,  la  plupart  de  ces  girouettes  fervent 
à  deux  fins:  au-defTus  des  cheminées,  s'élève  comme 
un  toit  de  tôle  ou  de  quelque  autre  matière  qui  en 
imite  la  couleur;  cette  efpèce  de  toit  eft  incliné  à 
l'horizon  de  quarante-cinq  degrés,  plus  ou  moins: 
de  la  partie  fûpérieure,  il  s'élance  prefque  horizontale- 
ment  une  plaque  de  même  matière,  très-longue  & 
pofée  de  champ,  cette  plaque  fert  de  girouette,  & 
tend  toujours  à  l'oppofite  du  vent;  en  conféquence,  la 
tôle  fe  trouvant  toujours  du  côté*  du  vent,  l'empêche 
deibuffler  dans  la  cheminée,  &  de  ternir  par  la  fumée 
la  propreté  des  appartemens:  on  ne  brûle  guère  que 
de  la  tourbe  en  Hollande.  Amfterdam  eft  entièrement 
bâtie  fur  des  pilotis  extrêmement  ferrés  ;  on  affure  que 
fix  mille  trois  cents  trente-quatre  troncs  d'arbres  ont 
fervi  de  pilotis ,  feulement  pour  établir  les  fondemens 
d'une  tour  que  l'on  projetoit  de  conftruire  -vis-à-vis  de 
Féglife  de  Sainte-Catherine  :  quelle  doit  donc  être  la 
forêt  qui  fert  de  fondement  à  toute  la  ville  ! 


2+o  V    O    Y  -A     G    E 

Report.  Le  port  d'Amfterdam  eft  un  des  plus  grands,  des 
plus  fur  s  &  des  plus  fréquentés  qu'il  y  ait  dans  le 
monde.  La  mer  du  Nord  ou  mer  d'Allemagne  forme 
au  Texel  l'ouverture  d'un  grand  golfe,  qu'on  nomme 
Zuyderfée  ou  mer  du  Sud,  &  le  Zuyderzée  jette  une 
efpèce  de  bras  dans  les  terres ,  auquel  on  a  donné  le 
nom  d'Y*;  c'eft  fur  ce  bras,  à  fept  lieues  environ  de 
fa  naiflance ,  qu'eft  le  port  d'Amfterdam  ;  il  eft  féparé 
de  la  ville  par  une  paliftàde  de  pieux  fichés  dans  le 
fond  du  poFt,  &  joints  par  des  poutres  placées  hori- 
zontalement ,  il  y  a  d'efpace  en  efpace  des  ouvertures 
pour  lai  (Ter  un  partage  libre  aux  canots ,  aux  yachts  61c 
même  aux  gros  navires ,  û  le  cas  y  échoit  ;  ces  ou- 
vertures font  exactement  fermées  tous  les  foirs ,  au 
fon  d'une  cloche  qui  en  donne  le  fignal;  vers  le  milieu 
du  port  un  canal  affez  large  entre  dans  la  ville ,  &  s'étend 
jufqu'à  la  bourfe;  on  peut  le  regarder  comme  la  fin  de 
l'Amftel,  les  Hollandois  le  nomment  Demrack ,  c'eft 
une  efpèce  de  port  particulier,  couvert  d'un  grand 
nombre  d'yachts  &.  de  quelques  vai fléaux  :  il  y  a  auffi 
un  port  particulier  à  la  partie  orientale  de  la  ville, 
vis-à-vis  du  lieu  de  notre  mouillage;  celui-ci  appar- 
tient à  l'Amirauté  &  à  la  Compagnie  des  Indes 
Orientales  ;  nous  y  vîmes  lancer  à  l'eau ,  le  1 1  de 
Juillet ,  une  frégate  de  trente-fix  canons  :  M.  le  comte 
de  Groonsfeld,  Préfident  ou  Chef  de  l'Amirauté» 
nous  avoit  ait  placer  dans  le  badin  même,  fur  VAmf» 
tardant,  Vaifleau  de  foixante  à  foixante  -  dix  pièces  de 

canon; 


DE  M.  DE  COURTÂNVAUX.        2+1 

canon  ;  l'opération  fut  exécutée  avec  autant  de  célérité 
que  de  dextérité.  Le  pampus,  c'efl;  comme  il  a^té  dit 
plus  haut,  l'entrée  de  l'Ye,  n'a  prefjque  pas  de  pro- 
fondeur ;  les  gros  Vaiffeaux  n  y  trouvent  pas  affez 
d'eau;  c'efl;  le  plus  grand,  &  même  le  feul  incon- 
vénient du  port  d'Amfterdam  :  ce  n'eft  pas  qu'il  ne 
foit  poflible  d'y  remédier;  on  a  propofé  plus  d'une 
fois  de  le  faire,  la  propofition  a  été  rejetée,  on  trouve 
une  utilité  très -grande  dans  cet  inconvénient,  c'eft 
qu'une  flotte  ennemie  ne  peut  approcher  d'Amfterdam. 
Quant  aux  gros  Vaiffeaux  que  l'on  conftruit  à  Amfter- 
dam ,  il  y  a  toujours  des  chameaux  prêts  pour  les  voiturer 
dans  le  baflin  de  l'Amirauté  ;  ces  chameaux  font  des 
Vaiffeaux  plats,  cependant  affez  hauts  de  bord,  tirant 
peu  d'eau  par  eux-mêmes  :  un  Vaiffeau  qui ,  avec  tout 
fon  left  &  fes  agrès ,  tireroit  2 1  pieds  d'eau ,  n'en 
tirera  que  1 2  ou  1  5 ,  û  avant  d'être  chargé  on  Je  fait 
couler  entre  deux  de  ces  chameaux  le  fié  s  d'eau,  & 
communiquant  entre  eux  par  des  cordes  lâches,  fur 
jef quelles  eft  le  Vaiffeau  ;  en  faifant  roidir  ces  cordes 
dans  le  temps  même  qu'on  pompe  l'eau  des  cha- 
meaux, on  fait  néeeffairement  monter  le  Vaiffeau.  Les 
Vaiffeaux  de  guerre ,  fortis  du  pampus  à  l'aide  de:  ces 
chameaux ,  ne  prennent  leur  left  &  leurs  agrès  qu'ait 
lexel ,  qu  du  moins  ç'eft  au  Texel  qu'ils  achèvent  de 
jfe  charger.  ; 

Toute?  tes  Religions  font  tolérées ,.  ou  même  per-  Religion* 
TOÎfes.  i  Amftexdara ,  pQuryu  qrttes  n'intéreffenfc  pas   %«&$• 

•  Hh 


2+i  Voyage 

le  Gouvernement  :  les  quatre  dominantes ,  font  fa 
Prétendue  réformée,  c'eft  celle  du  Gouvernement; 
la  Catholique ,  qui  eft  peut-être  plus  nombreufe  que  la 
première;  la  Juive  y  a,  dit-on  ,  environ  quarante  mille 
fe&ateurs;  &  celle  des  Mennonites  ou  Anabaptiftes: 
celle-ci  s'étend  plus  dans  la  campagne  que  dans  la 
ville;  il  y  a  au  (fi  un  affez  grand  nombre  de  Luthériens. 
Les  charges  de  Magiftratures ,  ne  peuvent  être  confiées 
qu'à  des  Réformés:  ceux  qui  profeflent  une  autre  reli- 
gion ,  peuvent  prétendre  à  tous  les  emplois  militaires 
&  à  ceux  de  la  marine  :  je  penfe  cependant  qu'on  en 
excepterait  les  Juifs, 

Les  églifes  des  Réformés  font  fort  belles  :  la  prin- 
cipale, que  l'on  nomme  l'églife-neuve,  étoit  autrefois 
dédiée  fous  l'invocation  de  Sainte-Catherine  :  elle  eft 
grande ,  haute ,  belle  ,  mais  non  voûtée  ;  il  y  a  double 
rang  de  bas  côtés  :  le  chœur  eft  entier;  il  y  aune  petite 
chaire  au  milieu  ;  il  n'y  a  plus  de  dalles,  mais  un  dou- 
ble rang  de  bancs,  l'un  fupérieur,  l'autre  inférieur, 
qui  pourrait  très -bien  fuppléer  au  défaut  des  ftaljes: 
l'orgue  eft  un  beau  morceau  :  la  grande  chaire  dans  la 
nef  eft  curieufe,  vafte  en  elle-même;  elle  eft  furmontée 
d'un  dais  encore  plus  vafte,  &  le  tout  eft  de  bois 
feuipté  à  jour,  avec  mille  figures  délicatement  travail- 
lées &  fans  aucune  confufion:  au  fond  du  chœur, 
au  lieu  du  maître  -  autel ,  eft  le  fuperbe  tombeau  de 
l'Amiral  Michel  de  Ruyter,  mort  le  29  Avril  1676, 
d'une  bleflure  qu'il  ayojt  reçue  le  21  du  même  mois* 


JD£  AI.  de  Court anv aux.     i+y 

dans  un  combat  naval ,  contre  M.  du  Quêne  :  ce 
monument  a  environ  30  pieds  de  haut,  fur  13  de 
large;  il  eft  de  marbre,  &  les  figures  en  font  d'un  bon 
travail;  fous  l'effigie  de  Ruyter  repréfenté  de  grandeur 
naturelle,  le  bâton  de  commandement  à  la  jnain, 
&  la  tête  appuyée  fur  un  canon ,  eft  une  irifcription , 
accompagnée  de  deux  autres,  à  droite  <5c  à  gauche, 
gravées  toutes  les  trois  en  lettres  d'or ,  fur  des  pierres 
de  touche  :  dans  la  même  églife ,  on  doit  auiïi  jeter 
un  coup  d'œil,  fur  le  maufolé  de  l'Amiral  Jean  de 
Galen  d'Eflen,  mort  le  23  Mars  1653 ,  d'une  bleflure 
qu'il  avoit  reçue  le  1  3  ,  au  fein  même  de  la  vidtoire  f 
dans  un  combat  naval ,  où  il  défit  une  Efcadre  angloife  * 
près  du  port  de  Livourne. 

Les  églifes  catholiques  à  A mfterdam ,  font  au  nombre 

/de  vingt-deux  :  quoiqu'elles  n'aient  ni  clochers  ni 
entrée  fur  la  rue ,  elles  font  connues  de  tout  le  monde  : 
on  y  célèbre  l'office,  avec  toute  la  décence  &  la 
folennité  poffibles;  plufieurs  ont  un  orgue,  quelques- 

,  unes  même  une  mufique.  Le  nom  &  le.  nombre  des 
Prêtres  attachés  à  chaque  églife ,  eft  connu  du  Magif- 
trat:  il  eft  ftriétement  défendu  de  laifTer  célébrer  tes 
divins  myfteres  à  aucun  autre  Prêtre,  fi  le  Magiftrat, 
préalablement  prévenu ,  n'y  a  donné  fon  confentement  ;* 
mais  cette  permiffion  s'accorde  toujours,  lorsqu'il  n'y  a? 
aucun  reproche  perfonnel  contre  le  Prêtre;  le  motif 
le  plus  puiftant  du  refus,  feroit  que  le  Prêtre  fût 
Membre  d'une  Société  qui  n'eft  point  aimée  de  la 

Hh  ij 


*44  '  Voyage 

République,  &  qui  ne  fubfifte  plus  en  France.  Les 
Juifs  ont  clans  cette  ville,  deux  fynagogues  principales, 
une  pour  les  Portugais ,  l'autre  pour  les  Allemands  : 
ia  première  eft  la  plus  curieufe  des  deux;  auffi  les  Juifs 
Portugais ,  font-ils  bien  plus  riches  &  dans  un  bien  plus 
grand  nombre  que  les  Allemands, 
i/hôtei-       L'hôtel -de -ville   d'Amfterdam  eft   fitué  vers   le 
centre   de  la  ville,  dans   une  efpèce   de   place   qui 
renferme  en  outre  l'églife  de  Sainte  Catherine  &  ia 
bourfe;  cet  hôtel  eft  un  chef-d'œuvre  en  fon  genre, 
c'eft  un  vafte   édifice   de   280  pieds  *  environ  de 
longueur,  fur  240  de  largeur  de  l'eft  à  Toueft,  &  90 
de  hauteur,  depuis  le  fol   jufqu'au  haut  de   l'enta* 
blement  du  fécond  étage;  un   rez-de-chauffée   fort 
{impie  &  peu  élevé,  fervant  comme  de  piédeftai  à 
tout  l'édifice,  porte  deux  étages  magnifiques  d'ordre 
corinthien  l'un  &  l'autre  :  aux  façades  de  l'eu  &  de 
t'oueft,  le  pavillon  du  milieu  eft  furmonté  d'un  fronton 
couvert  de   très -belles  fculptures   allégoriques;    des 
ftatues ,   emblèmes  de  différentes  Vertus ,  ornent   les 
angles  de  ces  frontons;   celle  qui  eft  au-deflus    du 
fronton     de    la    face    occidentale    repréfente    Atlas 
portant  fur  fes  épaules  une  fphère  de  dix  pieds  de 
diamètre:  comme  l'Atlas  eft  creux,  on  peut  par  la 
cavité  de  fon  corps  entrer  en  dedans  de  la  fphère, 
on  y  jouit  d'une  vue  charmante;  on  peut  fe  procurer 

*  II  s'agit  ici  de  pieds  d'Amfterdam  :   1 00  pieds  de  roi  font  113 
pieds  \  d'Amfterdam. 


DE  M.  DE  GOURTANVAUX.        2+$ 

à  moins  de  frais  le  plaifir  de  cette  vue  ,  en  montant 
fur  la  tour  qui  couronne  le  fronton  de  la  face  orientale  ; 
cette  tour  eft  au/fi  d'ordre  corinthien ,  l'entablement 
eft  furmonté  de  fix  ftatues;  la  lanterne  eft  couronnée 
d'un  dôme  renfermant  un  horloge  à  carillon  :  l'entrée 
de  l'hôtel-de-viile  eft  au  milieu  de  la  façade  de  l'eft, 
elle  n'eft  pas  belle,  ce  font  fept  petites  portes  de  1 1 
pieds  environ  de  hauteur,  fur  5  ou  6  de  largeur;  ces 
fept  portes  repréfentent,  dit-on,  les  fept  provinces; 
&  d'ailleurs,  en  fubftituant  ainfi  fept  petites  portes 
à  une  feule  belle  qu'on  auroit  pu  faire,  on  a  évité 
la  confufion  &  l'embarras  que  fe  feroient  caufés  réci- 
proquement ceux  qui  entrent  dans  l'hôtel  &  qui  en 
fortent. 

Je  ne  prétends  pas  entreprendre  ici  un  détail  circonf- 
tancié  de  toutes  les  beautés  que  renferme  ce  palais,  il 
feudroit  un  volume  entier  pour  en  ébaucher  feulement 
fe rdefcri ption ,  je  me  contenterai  d'avertir  qu'il  ne  fout 
pas  le  quitter  fans  avoir  vu ,  s'il  eft  poftîble ,  au  rez~ 
de-chauflee  les  prifons  ôc  le  Tribunal ,  ou  la  Chambre 
criminelle;  cette  chambre  eft  ornée  de  fculptures  & 
de  tableaux  relatifs  aux  opérations  qu'on  a  coutume 
d'y  faire  :  on  trouve  au  premier  étage  les  galeries  & 
fe  grande  falle,  celle-ci  a  de  l'eft  à  l'oueft  120  pieds 
de  long,  fur  56  a  57  de  large,  elle  eft  tout  en  marbre; 
tes  galeries  qui  l'environnent  ont  200  pieds  de  long 
du  fud  au  nord,  &  1 20  de  l'eft  à  l'oueft,  fur  près  de 
*i*  pieds  de  larges,  le  tout  pavé  &  revêtu  de  marbre  & 

Hh  iij 


2+6  Voyage 

d'ordre  corinthien ,  ainfi  que  les  dehors  :  au  milieu  de 

la  grande  falle  on  voit  fur  le  pavé' un  planifphère  de 

20  pieds  de  diamètre,  repréfentant  la  partie  fepten- 

trionale  du  ciel,  projetée  fur  le  pôle  de  l'écliptique; 

en  deçà  &  au-delà,  font  les  deux  hémifphères  de  la 

mappemonde  ,  d'un   diamètre  pareil  ;  le  planifphère 

célefte  méridional  eft  tracé  fur  le  plafond ,  au  -  deflus 

de  l'hémifphère  feptentrional  ;  ce  plafond  eft  décoré 

d'ailleurs,  ainfi  que  les  murs,  de  feftons,  d'oifeaux,  de 

divers  traits  de  l'hiftoire  mythologique ,  &  de  figures 

emblématiques  des  Vertus  morales  &  politiques  :  il 

faut  voir  de  plus,  tant  au  premier  qu'au  fécond  étage, 

la  fàlle  des  Dix -huit,  celle  des  Bourgmeftrês,  celle 

de   Juftjce  ,   celle   du   Conféïl   général  ;  elles   font 

toutes  ornées  de  beaux  &  grands  tableaux ,  il  y  en  a 

fur  les  cheminées  &  au-deffus  des  chambranles  des 

portes  qui  imitent  fi  bien  le  bas -relief,  qu'on  voit 

peu  de  perfohnes  qui  n'y  foient  trompées  :  c'eft  au 

rez-de-chauflee  de  cet  hôtel ,  qu'eft  la  célèbre  Banque 

d' Amfterdam  ;  mais  on  ne  peut  voir  que  1?  porte  dé 

ce  précieux  tréfor, 

La  bourfe.      De  l'hôtel-de-ville  on  va  à  la  bourfe  ;  c'eft  un  vafte 

bâtiment  carré-long,  une  cour  occupe  le  milieu  :  c'eft 

dans  des  galeries   qui  environnent  cette  cour ,  que 

s'aflemblent  les  négocians  de  toutes  les  Nations  t  pour 

décider  de  tout  ce  qui  peut  concerner  leur  commerce: 

chaque  pilier  eft  étiqueté»  comme  appartenant  à  une 

Nation  p  ou  du  moins  à  ceux  qui  s'attachent  à  une 


DE  M.   DE  COURTANVAUX.        Zâfl 

branche  déterminée  du  commerce  :  les  famedis ,  le 
concours  eft  moins  grand,  vu  labfence  des  Juifs;  ii 
ne  faut  pas  qu'un  négociant  manque  trois  ou  quatre 
Jours  de  fuite  à  venir  à  la  bourfe,  ou  du  moins  à  y 
envoyer  quelqu'un  qui  le  repréfente,  ii  feroit  foup- 
çonné  d'une  faillite  prochaine.  Vu  le  nombre  pro- 
digieux de  ceux  qui  s  y  rendent  chaque  jour,  on  feroit 
porté  à  croire  que  les  tours  de  main  y  font  fréquens; 
il  y  en  arrive  en  effet  quelquefois,  mais  ils  font  aflez 
rares ,  au  moins  vis-à-vis  des  nationaux  :  comme  ils  y 
font  tous  également  intéreffés,  ils  fe  prêtent  un  fecours 
mutueL;  le  filou  pris  en  flagrant  délit  eft  faifi  fur  le 
champ,  on  le  traîne  hors  de  la  bourfe,  on  le  jette  dans 
un  canal,  Se  avec  des  crocs  de  navire  on  l'empêche 
de  remonter  ;  peu  après  on  le  retire ,  on  l'étend  fur  le 
quar,  de  on  sèche  fes  habits  à  grands  coups  de  canne, 
pour  le  rejeter  enfuite  à  l'eau;  on  réitère  ce  jeu  jufqu'à 
ce  qu'il  arrive  un  Commiflaire ,  qui  retire  le  coupable 
des  mains  du  peuple,  &  le  fait  conduire  en  prifon  pour 
vingt-quatre  heures  :  s'il  arrive  que  le  filou  meure  des 
coups  qu'il  a  reçus ,  ce  qui  n'eftpas  rare,  fa  mort  n'eft  pas 
pourfuivie ,  &  l'exemple  intimide  ceux  qui  voudroient 
marcher  fur  les  mêmes  traces.  Il  y  a  à  la  bourfe,  & 
même  dans  les  autres  lieux  publics,  des  gens  qui 
favent  fe  faire  fur  le  public  une  rente  légitime;  ils  font 
Juifs  pour  la  plupart:  ils  fe  rendent  à  la  bourfe,  & 
s'y  promènent  avec  deux  tabatières  dans  leur  poche  > 
pleines ,  l'une  de  tabac  râpé,  i'autrç  de  tabac  d'Efpagne; 


348  Voyage 

m' 

les  négocians  qui  ont  oublié ,  peut  -  être  même  de 
deflein  prémédité,  leur  tabatière,  s'adreflent  à  eux; 
ils  préfentent  poliment  de  l'un  &  de  l'autre  tabac  :  au 
bout  du  mois  on  leur  donne,  par  reconnoifTance,  un 
efcalin  ;  au  jour  de  l'an  des  étrennes:  il  en  eft,  nous 
a-t-on  dit,  à  qui  ce  petit  commerce  rapporte  jufqu'à 
quinze  cents  ou  deux  mille  florins  *  de  profit  annuel. 

Le  bâtiment  de  la  bourfe  a  250  pieds  de  long  ,  fur 
140  de  large  ,  il  eft  appuyé  fur  trois  arches,  fous  les- 
quelles coule  J'Amftel,  :  l'entrée  e#  d'ordre  ionique  ; 
au-deflus  des  galeries,  eft  un  étage  auffi  d'ordre  ioni- 
que en  dedans  de  la  cour  :  c'eft  une  efpèce  de  halle, 
où  Ton  vend  toute  forte  de  draps. 
Amirauté.        Au  nord  -  eft  de  la  ville ,    eft  un  vafte  enclos  qui 
dcsTnîï  appartient  à  l'Amirauté  &  à  la  Compagnie  des  Indes 
Obfcrvatoirc.  Orientales.  Il  y  a  plufieurs  chantiers  :  fur  les  uns ,  on 

confinât  des  Va i fléaux  de  guerre ,  fur  les  autres ,  des 
Vai fléaux  de  la  Compagnie  ou  des  particuliers*  A  1? 
partie  orientale ,  eft  une  belle  double  corderie ,  dç  la 
longueur  au  moins  de  220  toifes  de  France,  une  de 
ces  deux  corderies  appartient  à  la  Compagnie,  l'autre 
à  l'Amirauté  :  au  fudoueft  de  cet  emplacement,  eft 
ie  magafin  ou  arfenal  de  l'Amirauté.  Une  grande  cour 
carrée  occupe  le  milieu ,  elle  a  au  moins  1 00  pieds 
(  d'Amfterdam  )  de  côté  :  elle  eft  environnée  d'une 
galerie  d'environ  9  pieds  de  profondeur  ,  &  d'un 
beau  bâtiment  à  la  moderne,  de  64  piçds  environ  dp 

*  Environ  3 1  jo  ou  4*00.  livres,  de  notre  monnaie. 

profondeur  i 


de  M.  de  Court anvaux.      24.9 

profondeur,  y  compris  la  galerie,  excepté  au  fud-eft 
que  la  profondeur  n'eft  que  d'environ  38  pieds:  le 
total  a  environ  228  pieds  du  fud-oueft  au  nord -eft, 
&  plus  de  200  du  nord -eft  au  fud-eft.  Au  refte> 
cet  arfenai  eft  en  grand,  ce  que  celui  d'Hellevoetfluys 
eft  en  petit  ;  la  différence  n'eft  que  du  moins  au  plus  ; 
c'eft  d'ailleurs  le  même  ordre,  la  même  difpofitron * 
la  même  propreté  :  ce  fut  dans  la  cour  de  ce  magafin 
que  nous  établimes  notre  Obfervatoire ,  à  l'angle  fep-r 
tentrional  de  la  galerie  qui  environne  la  cour.  Les 
magafin  s  de  la  Compagnie  des  Indes  Orientales ,  font 
auffi  dans  ce  même  emplacement,  vers  l'eft,  près  des 
corderies. 

II  n'y  a  à  Amfterdam  ,  aucune  place  qui  puiffe  méri- 
ter la  moindre  attention ,  c'eft  l'unique  ornement  qui 
manque  à  cette  ville;  il  y  a  d'ailleurs  de  beaux  hôpi- 
taux ,  de  belles  tours ,  de  beaux  ponts ,  de  belles 
portes,  &c.  mais  comme  quelqu'un,  je  penfe,  l'a  dit 
avant  moi ,  pour  voir  toutes  les  beautés  d' Amfterdam , 
il  faut  plufieurs  jours;  pour  les  décrire,  il  faudroit  plu- 
fieurs  volumes. 

On  voit  aux  environs  de  la  ville,  de  charmantes  Environs 
maifons  de  campagne ,  il  y  en  a  des  enfilades ,  comme 
près  de  Rotterdam ,  mais  elles  font  plus  propres ,  & 
les  ruelles  qui  les  bordent  ne  font  ni  fermées  par  les 
deux  bouts,  ni  environnées  d'eau  croupiffante.  M. 
Hartfinck,  venoit  quelquefois  nous  prendre  après  dîner 
dans  deux  ou  trois  carrofTes ,  &  nous  conduifoit  à  une 

-.  Ii 


d'Amiterdam* 


250  Voyage 

lieue  de  la  ville,  ou  même  plus  loin,  par  des  chemins 
tracés  entre  mille  maifons  de  campagne ,  qui  fe  difpu- 
toient  le  prix  de  ia  beauté  :  il  nous  fit  entrer  dans 
quelques-unes  qui  appartenoient  à  fa  famille  ;  nous  ne 
pouvions  concevoir  comment  dans  un  terrein  qui 
paroi  flbit  petit  à  l'extérieur ,  on  pouvoit  ménager  des 
parterres ,  des  baffins ,  des  boulingrins  ,  des  jardins 
fruitiers  Se  potagers,  des  ferres  chaudes,  des  allées 
d'arbres,  des  bois  &  des  labyrinthes  :  les  bords  de 
l'Amftel ,  vus  fur-tout  de  deffus  le  pont  qu'on  nomme 
de  FAmjlel ',  préfentent  une  vue  tout-à-fait  féduifante; 
la  rivière  coule  majeftueufement  au  milieu ,  dans  un  lit 
afTez  large ,  &  qu'on  fe  perfuaderoit  avoir  été  aligné 
avec  toute  la  précifion  poffible ,  fon  eau  claire  Se  lim- 
pide laifTe  entrevoir  le  fond  de  fon  baffin  :  à  droite 
&  à  gauche,  la  vue  s'égare  dans  un  grouppe  de  mai- 
fons, de  bois,  de  parterres,  de  grillages  &  deflatues 
de  marbres. 
Route  Cet  afpe&  ,  fe  foutient  même  en  tout  ou  en  partie, 
depuis  Àmfterdam  jufqu'à  Utrecht.  M.  le  comte  de 
Groonsfeld  ,  chef  de  l'Amirauté ,  dont  je  n'oublierai 
jamais  les  politefles  ôc  les  complaifances ,  m'avoit  fait 
un  portrait  engageant  de  cette  route  :  if  voulut  m'obli- 
ger,  jufqu'à  me  mettre  en  état  d'en  juger  par  moi- 
même.  Nous  partîmes  avec  lui  le  1 6  Juillet  matin ,  fur 
un  yacht  de  l'Amirauté  :  le  trajet  eft  de  fept  à  huit 
lieues.  Nous  remontâmes  l'Amflel,  l'efpace  d'environ 
cinq  quarts  de  lieue  jufqu'à  Ouderkek,   entre  deux 


d'Utrccht. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX*  2JI 
enfilades  de  maifons  de  campagne,  telles  que  je  les 
ai  décrites  ;  nous  y  remarquions  de  plus  des  vafes ,  des 
ailées  proprement  taillées  ,  des  boulingrins  &  des 
grottes ,  où  des  afTemblages  de  coquillages ,  de  grains 
de  verre ,  &  de  pierres  diverfement  colorées ,  formoient 
par  leur  arrangement  des  compartimens  fymétriques. 
Nous  entrâmes  enfuite  dans  un  canal,  &  les  maifons 
de  campagne  devinrent  plus  rares;  après  avoir  pafle  par 
les  villages  de  Moolendrecht ,  Huys-te-Abcoude, 
Bambrudge  &  Sloot,  nous  tombâmes  dans  le  Vecht  au 
fort  de  Niefwerfluys,  ayant  fait  un  peu  plus  de  la 
moitié  du  chemin  fur  les  bords  de  cette  rivière,  qui 
eft  un  bras  du  Rhin ,  les  maifons  de  campagne  fe  mul- 
tiplièrent :  nous  entrâmes  dans  une  de  ces  maifons, 
au  fortir  du  beau  village  de  Maerfen ,  elle  fe  nomme 
Luxembourg,  &  appartient  à  M.  Pareyra  Juif  Portugais, 
qui  vint  au-devant  de  nous  avec  fon  aimable  famille  , 
nous  conduifit  dans  fes  jardins  &  nous  fervit  une  très- 
belle  collation  :  nous  pourfui vîmes  notre  route,  très- 
fat  isfait  des  politefTes  de  M.  Pareyra. 

Utrecht ,  archevêché  &  capitale  de  la  Province  Utrecfcc. 
de  ce  nom,  la  cinquième  des  Provinces  -  unies ,  eft 
une  grande  ville ,  bâtie  fur  le  modèle  des  villes  de 
Hollande ,  mais  fur  un  fond  un  peu  élevé  &  folide  : 
elle  a  la  figure  d'un  quarré  long  :  elle  n'eft  arrofée 
que  de  deux  canaux ,  formés  par  les  bras  du  Vecht , 
qui  fournit  aufli  de  l'eau  à  fes  foflTés  :  fous  les  quais,  le 
long  du  Vecht,  on  a  creufé  des  efpèces  de  maifons; 


*52        .     —     VOYAGE 

*ta  incommodent  fort  les  maifons  bâties  fur  le  quai, 
par  Ja  fumée  dont  elles  les  ofFufquent.  On  compte 
à  Utrecht,  environ  quarante  mille  âmes,  cette  ville 
peut  avoir  cinq  quarts  de  lieue  de  circuit,  elle  n'eft 
pas  à  beaucoup  près  auiïi  peuplée  &  aufli  remuante 
qu'Amfterdam  :  l'çglife  .cathédrale  eft  fort  belle ,  il 
n'en  fubfifte  plus  que  ce  qui  en  faifoit  autrefois  le 
chœur  :  contre  le  mur  du  fond ,  au  lieu  d'autel  eft  le 
tombeau  de  l'Amiral  Guillaume  -  Jofeph  de  Gendt, 
tué  le  y  Juin  1 672 ,  au  combat  naval  de  Soulfbaay  : 
le  tombeau  eft  en  marbre  blanc,  Y  Amiral  eft  couché 
deffus,  des  bas-reliefs  repréfentent  fes  exploits  &  les 
circonftances  dp  fa  mort,  une  épitaphe  fait  fon  éloge. 
Près  de i'églife  fubfifte  encore  un  cloître,  dans  lequel 
on  tenait  alors  une  foire  qui  n'étoif  pas  des  plus  bril- 
lantes :  pn  nous  montra  uh  Saint-Martin,  &  quelques 
filtres  jp^ges  âç  ftatues  de  Saint*  fort  communes , 
qu'on  fftétçfidoit  nous, feire  admifçr  comme  des  pièces 
rates  $.wrtevfes:\  la  nef  dç  Yç^liÇe  a  ét4,  il  y  a  long- 
temps, renverfée  par  le  Rhin,  lôrfque  ce  fleuve  encore 
*?  dans  toute  ;fa  force  en  arrofpit  les  murs  :  le  temps 
Dpus^  prefloât ,;  rtou^  qç  vimes  rien   autre    chofe  à 

Retour      .   Pou*  rçv€nif;A  rAmftçrtlaâ,  npus  fuivimes  le  cours 

Amfterdam.  diuV^çht  jufqu'4  :Wefe£;  cette  route,  un  peu  plus 

Wefep.     l.QngMe/  3V<?   l'autre,  eft   plus  agréable,   vu    qu'elle 

e$  prefque;  perpétuelle me  lit  bordée  de  maifons  de 

camoagfle;  nous  4e,fçendi^ies  à  tefre  pour  entrer  à 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        25$ 

Lœnem ,  c'efl  une  terre  appartenante  à  M.  le  cornu 
de  Hompêche;  le  château  efl  petit  &  carré,  il  n'y  a 
que  cinq  croifées  de  front  en  tout  fens,  &  cependant 
il  y  a  beaucoup  de  logement;  le  jardin  efl  vafte  & 
joliment  entretenu  ,  M.  le  Comte  y  étoit  avec  fa 
famille;  nous  nous  confirmâmes  dans  ridée  que  nqjw 
avions  déjà  formée  en  Hollande,  que  les  agrémens 
les  plus  délicats  de  la  politeffe  ne  forment  pas 
le  caraélère  exclufif  d'une  feule  nation  particulière. 
Wefep  ou  Weefp,  où  nous  nous  arrêtâmes  enfuite, 
efl  une  petite  ville  d'environ  quatre  mille  habitans; 
elle  efl  affez  jolie,  bâtie  dans  le  goût  des  autres  villes 
du  pays,  fans  fortifications,  dans  une  ifle  formée  par 
le  Vecht  :,  outre  les  deux  grands  canaux  dans  lefqueis 
la  rivière  fe  divife,  un  troifième  plus  petit  traverfe  la 
ville  prefque  parallèlement  aux  deux  autres,  &  un 
quatrième  achève  de  l'environner  au  fud-oueft,  où  il 
y  a  quelques  maifons  hors  de  l'île  ;  nous  vimes  à 
Wetep  une  fonderie  qui  y  efl  établie  par  M.  le 
comte  de  Groonsfeld.  Plufieurs  princes  d'Allemagne, 
à  l'occafion  des  dernières  guerres,  ont  fait  fondre  & 
ont  diflribué  dans  les  provinces  des  efcalins  &  d'autres 
pièces  de  monnoie  d'un  très -bas  titre;  toutes  ces 
pièces  font  envoyées  à  la  fonderie  de  Wefep ,  on  y 
fepare  l'argent  des  autres  métaux ,  &  cet  argent  n'excède 
guère  le  tiers  du  total  :  M.  le  Comte  a  pareillement 
établi  dans  la  même  ville  dont  il  efl  feigneur,  une 

çianufa&ure  de  porcelaine  qui  ne  peut  manquer  de 

I*  *  >  « 
1  12/ 


2j4  Voyage 

réuffir,  la  porcelaine  nous  a  paru  belle  &  fine:  c'eft  de 
Wefep  que  l'on  conduit  de  l'eau  douce  à  A  m  (1er  dam, 
&  cette  eau  n'eft  même  pas  encore  bien  excellente. 
Nous  quittâmes  le  Vecht  à  Wefep,  &  un  canal  nous 
conduisit  dans  l'Amftel,  prefque  à  la  porte  d'Amfter- 
dam  :  il  y  a  deux  fortes  lieues  ou  deux  lieues  &  demie 
d'une  ville  à  l'autre. 
Cabinet$,&c       Outre  les  beautés  permanentes  d'Amfterdam  &  de 

fon  voifinage,  dont  j'ai  parlé  jufqu'à  préfent,  il  en  eft 
d'autres  que  l'on  peut  appeler  pafTagères,  elles  font 
aujourd'hui,  demain  elles  peuvent  être  difïipées;  tels 
font  les  cabinets  de  tableaux,  de  phyfique,  d'hiftoire 
naturelle,  les  ménageries,  &c.  En  ce  genre,  nous 
vimes  le  4  Juillet  la  ménagerie  d'un  particulier  dont 
je  ne  me  rappelle  pas  le  nom  :  outre  plufieurs  animaux 
étrangers  qu'il  avoit  raflemblés,  il  nous  montra  deux 
figures  de  trois  pieds  environ  de  hauteyr ,  repréfentant 
un  berger  &  une  bergère  aflis  &  jouant  divers  airs  de 
flûte;  les  doigts  ne  marchoient  pas  feuls,  leur  mouve- 
ment régloit  celui  des  yeux  de  ces  deux  automates; 
nous  nous  rappelâmes  avec  plaifir  que  l'on  s'étoit 
efforcé  d'imiter  l'automate  de  notre  confrère  M.  de 
Vaucanfon.  Le  7,  nous  admirâmes  la  magnifique 
collection  de  tableaux  de  M.  firaamkamp,  elle  eft 
arrangée  dans  fix  ou  fept  falles  bien  ornées,  &,  ce  qui 
n'eft  pas  ordinaire  en  Hollande,  fort  bien  meublées: 
cette  difpofition  eft  un  grand  avantage  que  le  cabinet  de 
M.  Braamkamp  a  fur  celui  de  M.  Biffchop  à  Roterdamf 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        255 

&  peut-être  n'eft-il  pas  le  feul  :  il  y  a  auffi  dans  ce 
cabinet  des  laques,  des  porcelaines  du  Japon,  des 
figures  travaillées  en  ivoire,  &c.  Le  8,  on  nous  con- 
duifit  à  i'Obfervatoire  de  M,  Van  Wall;  il  efl  folide, 
&  conftruit  avec  intelligence;  mais  il  eft  hors  de  la 
Ville,  &  à  une  trop  grande  diftance  du  port,  pour  que 
nous  ayons  été  tentés  d'en  demander  l'ufage  à  M.  Van 
4Wal  :  cet  Obfervatoire  eft  pourtant  le  feul  qui  foit  à 
Amfterdam.  Le  19,  nous  vimes  le  cabinet  de  Phy- 
fique  de  M.  le  Profeffeur  Heenftra,  &c. 

Quoique  la  Frégate,  &  par  conféquent  nos  inftru-  Obfervatoire  ; 
mens  fuffent  arrivés  dès  le  1 1  du  mois,  nous  ne  pûmes  a  alltude* 
établir  notre  Obfervatoire  que  le  1  5.  On  nous  avoit 
offert  plufieurs  emplacemens;  tout  mûrement  con- 
sidéré ,  nous  n'en  trouvâmes  pas  de  plus  convenable 
que  la  cour  même  du  magafin  de  l'Amirauté.  Il  y  eut 
quelques  obftacles;  tout  fut  aplani  par  les  foins  obii- 
geans  de  M-  le  comte  de  Groonsfeld:  on  fît  fermer 
de  planches  une  arcade  de  la  colonnade  qui  environne 
Ja  cour ,  nous  y  établîmes  notre  Obfervatoire  ,  les 
inftrumens  furent  placés  le  1  5 ,  dès  le  grand  matin. 
M.  le  comte  de  Groonsfeld  fît  expédier  les  ordres 
néceffaires,  pour  que  nous  puffions  y  entrer  aux  heures 
convenables;  deux  perfonnes  étoient  chargées  de  nous 
recevoir  ,  avec  ordre  de  nous  fournir  tout  ce  qui 
pouvoit  nous  être  néceffaire. 

Ce  même  jour ,   1 5  Juillet ,  la  hauteur  méridienne 
apparente  du  bord  fupérieur  du  Soleil  fut  de  59  deg. 


35+  Voyage  y 

réunir ,  la  porcelaine  nous  a  paru  belle  &.  fine  :  <£„   ^ 
Wefep  que  l'on  conduit  de  l'eau  douce  à  Aj0f  «     *** 
&  cette  eau  n'eft  même  pas  encore  bief^jg 
Nous  quittâmes  le  Vecht  à  Wefep,  &^ *^  S    £.    *=> 
conduisit  dans  l'Amftei,  prefque  à  1%   ^   -•  ^."B 
dam  :  il  y  a  deux  fortes  lieues  ou  à 


^2-2.8     _     o 


/ 

/ 

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I 

I 

i  t 


d'une  ville  à  l'autre.  .■  fr  g   ^  -     S    ?? 

CaKnet$,&c      Outre  les  beautés  permanc  *T  %  "    t?  "    &■  ~ 

nvoifinage,  dont  ;  ai  pari  i  £   g   e  •  ^  ?»    §    " 
d'autres  que  l'on  peut  ar£  2  J.  §"*  ^  ë=  ^ 
aujourd'hui,  demain  eW/  £  î  §>""l  &  "-L  §    ^-  IL   ? 
font  les  cabinets  de  %  C  § '  0-  J  "     5   Ç^  5  ^     ^ 
naturelle,  les  mén:  J       £."§•  SI   o-  £  *    ?     H 
vîmes  le  4  Juilfr/  f.       i  g  ^   "   f  f    *•   r. 


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je  ne  me  rappel  -f  a 

étrangers  qu,^  %.  9  0 

figures  de  *^        ^f" 

un  berge'  |.£. 

flûte  ;  ' 

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•    •»■ 


-»-"*<■  juiqu  a  une  tm 

-  uu   difque  ;  des  nuages  furvinrent ,  & 

.^i»  privèrent  du  plaifir  de  profiter  de    cette  belle 

occafion ,  pour  déterminer  la  longitude  d'Amfterdam  : 

nous   fumes  donc  obligés   de  recourir  à  une  autre 

méthode,  aufli  certaine  dans  la  théorie  ;   mais  tout 

autrement 


DE  M.  deVourtanvaux,      2*7 

l  ^  \tment  délicate  dans  l'exécution  :  nous  primes  le 

,  ^  ^  Un  au  matin  ^oule  19,  félon  la  manière  aftrono- 

è.  ^  •  4e  compter  le  temps  )  ,  les  hauteurs  fuivantes 

.    ^  m  iupeneur  de  la  Lune. 

\  ^       ^  *ures  9  min'  +2  ^ec-T»  temps  de  la  pendule, 

^.-s^    ^  1res    18  min.  52  fec.  {,  "temps  moyen  , 

^   V-\\.  ^  \mfterdam  ,   hauteur  apparente  du  bord 

Lune,  53  deg.  44  min,  50  fec; |  :  donc 
olus  oriental  que  Paris,  de   10  min. 

min.  46  fec.  temps  de  la  pendule, 

lin.    j6fec.  t~>  temps  moyen, 

1,52  deg.  24  min.  50  fec.  £  : 

n.  43  fec.  à  J'eft  de  Paris. 

'    *  n.  2  fec.  de  la  pendule,  ou 

c.  tô  ,  temps  moyen  ,  même 

o  fec,  j  :  donc  différence 

fec.  de  temps. 

fec.  ou  23  heures  57 

g.  28  min.  59  fec.  £; 

Ty  min.  53  fec.  \  de  la  pen- 
y  neures  59  min.  1  fec.  ^,  temps  moyen, 
^auteur  apparente  du  même  bord,  32  deg.   14  min* 
50  fec.  £;  d'où  on  conclut  pour  différence  des  méri- 
diens ,  10  min.  31  fec.  de  temps. 

En  prenant  le  milieu    entre  ces  cinq  réfultats ,  on 
a  pour  différence  de  longitude ,  entre  TObfervatoire 

.  Kk 


256  Voyage 

28  min.  51  fec.  £  ,   ce  qui  donne  pour  latitude  de 
l'Obfervatoire,  52  deg.  21  min.  40  fec. 

Le  17  Juillet ,  même  hauteur ,  59  deg.  8  min. 
56  fec.  donc  latitude,  52  deg.  22  min.  o  fec. 

Le  18  Juillet ,  hauteur  méridienne  du  même  bord, 
58  deg.  58  min.  38  fec.  donc  hauteur  du  pôle, 
52  deg.  21  min.  58  fec. 

Le  20  ,  hauteur  méridienne  du  bord  fupérieur , 
$8  deg.  36  min.  43  fec.  £;  donc  latitude,  52  deg. 
22  min.  8  fec. 

Le  21 ,  même  hauteur,  58  deg.  25  min.  36  fec.  £; 
donc  latitude,  52  deg.  21  min.  52  fec. 

En  prenant  un  milieu  entre  ces  cinq  réfultats,  la 
latitude  de  la  cour  du  magafin  ou  de  l'arfenal  de 
l'amirauté  d'Amfterdam  fera  de    52   deg.   21    min. 
56  fec.  l'hôtel- de -ville   eft  prefque  fur  le  même 
parallèle  ;  ainfi  on  peut  regarder  cette  latitude  comme 
celle  de  l'hôtel-de-ville  d'Amfterdam. 
Longitude        II  devoit  y  avoir ,  le  1 6  au  matin  ,  une  occultation 
de  l'Étoile  A  des  Poiflbns  fous  le  difque  de  la  Lune: 
ne  pouvant  entrer  de  nuit  à  l'Amirauté ,  nous  avions 
fait  reporter  à  bord  les  montres  de  M.  Leroy  ;  nous 
fumes  alertes ,  nous  fuivimes  l'Etoile  jufqu'à  une  ou 
deux  minutes  du   difque  ;  des  nuages  furvinrent ,  & 
nous  privèrent  du  plaifir  de  profiter  de    cette  belle 
occafion,  pour  déterminer  la  longitude  d'Amfterdam: 
nous   fumes  donc  obligés   de  recourir  à  une  autre 
méthode,  aufli  certaine  dans  la  théorie  ;   mais  tout 

autrement 


DE  M.  deXIourtanvaux.      257 

autrement  délicate  dans  l'exécution  :  nous  primes  le 
20  Juin  au  matin  ^oule  19,  félon  la  manière  aftrono- 
mique  de  compter  le  temps)  ,  les  hauteurs  fuivantes 
du  bord  fupérieur  de  la  Lune. 

A  21  heures  9  min.  42  fec.  |f  temps  de  la  pendule, 
ou  à  21  heures  18  min.  52  fec.  y,  'temps  moyen  , 
méridien  d'Amfterdam  ,  hauteur  apparente  du  bord 
fupérieur  de  la  Lune ,  5  3  deg.  44  min.  50  fec.1  j  :  donc 
Amfterdam  eft  plus  oriental  que  Paris,  de  10  min. 
16  fec.  de  temps. 

A  21  heures  21  min.  46  fec.  temps  de  la  pendule, 
ou  21  heures  30  min.  56  fec. -7^,  temps  moyen, 
hauteur  du  même  bord ,  52  deg.  24  min.  50  fec.  i  : 
donc  Amfterdam,  9  min.  43  fec.  à  J'eft  de  Paris. 

A  22  heures  10  min.  2  fec.  de  la  pendule,  ou 
22  heures  19  min.  1 1  fec.Tô,  temps  moyen  ,  même 
hauteur  46  deg.  24  min.  50  fec.  £  :  donc  différence 
des  méridiens,  10  min.  23  fec.  de  temps. 

A  23  heures  48  min.  18  fec.  ou  23  heures  57 
min.  26  fec.  -f,  hauteur,  32  deg.  28  min.  59  fec.  ~; 
donc  longitude,  10  min.  4  fec. 

Enfin,  à  23  heures  49  min.  53  fec. \  de  la  pen- 
dule, ou  23  heures  59  min.  1  fec.  ts,  temps  moyen, 
hauteur  apparente  du  même  bord,  32  deg.   14  min.    * 
jo  fec  7;  d'où  on  conclut  pour  différence  des  méri- 
diens, 10  min.  31  fec.  de  temps. 

En  prenant  le  milieu  entre  ces  cinq  réfultats,  on 
a  pour  différence  de  longitude ,  entre  l'Obfervatoire 

.  Kfc 


• 


258  V  o  r  a  x?  e 

royal  de  Paris  y  6c  notre  Obfervatoire  d'Amfterdam, 
10  min.  12  fec.  en  temps,  ou  2  deg.  33  min.  o  fec. 
nous  croyons  même  pouvoir  affurer  que  fi  des  ebfer- 
vations  plus  favorables ,  donnent  occafion  de  réformer 
cette  diftance,  ce  fera  plutôt  ea  la  diminuant  qu'en 
l'augmentant;  <5c  comme Fhô.tel-de-vilie  eft  d'environ 
850  de  nostoifes  plus  occidental  que  notre  Obferva- 
toire ,  la  longitude  de  l'hôtel -de  -ville  d'Àmfterdam, 
fera,  de  10  min.  6  fec.  de  temps  orientale,  à  l'égard 
du  méridien  de  l' Obfervatoire  royal  de  Paris. 

Cette  détermination  eft  fondée  fur  la  comparaison 
de  nos  obfervatiQns  „  avec  une  obfervation  faite  letf 
même  jour  à  Paris  par  M.  le  Monnier  :  à  i'obferva- 
toire  de  M.  le  Monnier,  cour  des  Capucins,  rue  Saint- 
Honoré,  de  près  de  deux  fécondes  de  temps,  plus 
occidental  que  TObfervatoire  royal ,  le  fécond  bord 
de  la  Lune  a  paffé  au  méridien  à  19  heures  24.  min. 
33  fec.  j,  temps  moyen,  ou  à  19  heures  24,  min. 
3^  fec.  -j,  temps  moyen  ,  méridien  de  l' Obfervatoire 
royal  ;  Tafcenfion  droite  de  ce  bord  étant  alors ,  com- 
paraison faite  avec  des  étoiles  qui  avoient  étéobfervées 
la  nuit  précédente  au  méridien  &  au  même  parallèle, 
de  48  deg.  $6  min.  35.  fec.  &  le  demi-diamètre  en 
afcenfion  droite,  1.7  min.  6  fec.  Au  temps  de  ce 
partage,  la  diftance  apparente  du  bord  de  la,  Lune  au 
zénith  ,  étoit  de  25  deg.  52  min.  40  fec.  d'où  /ai 
retranché  z  fec.  7,  àcaufe  de  la  demi-épaifleur  du  fil 
que  M.  le  Monnier  a  coutume  de  mettre  tout  entier 


DE  M.  DE  COURTÂNVAUX.        259 

furledifque  :  tels  ont  été  nos  élémens,  je  n'ennuierai 
point  mes  Je&eurs  par  le  détail  des  calculs. 

Le  même  jour  20  Juillet,  feptjelèvemens  du  Soleil   Dcciinaïfbn 
pris  à  fa  bouflble,  n'ont  donné  que  17  degrés  &  demi    aimantée. 
du  nord  à  1'oueft*   pour  la  déclinaifon  de  l'aiguille 
à  Amfterdam. 

« 

Le  12  ,  très -beau  temps  le  matin,  vent  fud-oueft:      Mardics. 

*  1  ,     1  .  1  >  »  des  montres 

a  10  heures  ^  du  matin;  thermomètre  jydeg,  orage  marines* 
avec  tonnerre  :  à  midi  ^,  la  féconde  montrç  avance 
de  26  fec.  fur  la  première;  vent  variable  du  fud-eft 
au  fud-oueft  &  fort  beau  temps  jufqu'an  foir  :  ayant 
voulu  faire  ufage  du  baromètre,  nous  nous  fommes 
aperçus  qu'il  avoit  pris  Pair. 

Le  13  ,  beau  temps  tout  le  jour,  par  un  vent  de 
fud  -  oueft  :  à  3  heures  -  du  foir  ,  la  féconde  montre 
avance  de  3 1  fec.  fur  la  première. 

Le  14,  vent  dû  fud-oueft  au  nord -oueft;  beau 
temps,  entremêla  de  grains  de  pluie  aflez  fréquens; 
à  1 1  heures  du  matin  la  féconde  montre  avance  dé 
24  fec.  i  fur  la  première  ;  thermomètre ,  1 6  deg.  £. 

Le  1 5 ,  vent  du  nord-oueft  à  l'oueft,  &  beau  temps. 
L'Obfervatoire  ayant  été  monté  dès  le  matin ,  nous 
primes,  entre  7  heures 7  &  8  heures,  dix-huit  hauteurs 
du  Soleil,  &  les  ayant  comparées  avec  leurs  corref- 
pondantes ,  prifes  le  foir ,  nous  trouvâmes  qu'à  midi 
vrai  la  pendule  marquoit  1 1  heur.  54.  min.  59  fec.  |: 
8  min.  après,  la  première  montre-avançoit  de  30  mun 
22  fec.  fur  la  pendule ,  &  la  féconde  montre  avançoic 

Kk  if 


zdo  Voyage 

de  3  1  min.  3  fec.  i";  ainfi  la  féconde  montre  avançoit 
de  41  fec.  7  fur  la  première  :  thermomètre,  16  deg. 

La  pendule  ,  à  midi ,  retarde  donc  de , .  .  . .       j'     o*  J. 

La  première  montre  avance  fur  la  pendule  de .....  .  30.      2  |. 

Donc  elle  avance ,  fur  le  temps  vrai ,  de 25.21;. 

Le  28  Juin  elle  avançoit ,  à  midi ,  de •  13.    5  1. 

Donc  en  dix  -  fept  jours  elle  a  avancé  fur  le  temps  vrai 

de ; 11.   3  o  f 

Selon  l'équation  de  l'horloge,  elle  a  dû  avancer  de.  •      2.   45. 

Elle  a  donc  avancé ,  fur  le  temps  moyen,  de 8.   46. 

A  raifon  de  32  fec.  \  par  jour,  en  dix-fept  jours  elle 

a  dû  avancer  de ...... . 9.    1 8  \. 

Pour  la  différence  des  méridiens  entre  Roterdani  & 

Amfterdam,  elle  a  dû  retarder  de 1.   30. 

Donc  elle  a  dû  avancer,  (ur  le  temps  moyen,  de.  ...      7.   48  £. 

Elle  a  réellement  avancé  de .  . .       8.   4 5. 

C'eft  57  fec.  \  d'avancement  qu'il  faot  mettre  fur 
le  compte  des  roulis  de  la  mer  &.  du  Texel.  Si  on 
vouloit  répartir  également  cette  accélération  fur  tous 
les  jours  qui  fe  font  écoulés  depuis  te  28  Juin  jufqu  an 
1  5  Juillet,  on  trouveroit  que  l'accélération  journalière 
de  la  première  montre  auroit  été  de  36  (ec.  ^;  alors 
celle  de  la  féconde  montre,  depuis  le  j  jufqu 'au  1  j, 
auroit  été  de  40  fec.  f.  Mais  il  y  a  plus  d'apparence 
que  l'accélération  de  la  première  montre  a  varié  à 
proportion  que  la  mer  a  été  plus  dure;  elle  n'aura  été, 
les  premiers  jours,  que  de  33  &  34  fec.  &  les  der- 
niers de  37  &  38:  dj»ns  cette  fuppofition  f  qui  paraît 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        261 

très-vraifemblable ,  la  féconde  montre ,  depuis  le  jour 
qu'elle  a  été  remife  entre  nos  mains ,  aura  avancé  ,  par 
jour,  de  4.1  à  42  fec.  puifqu'en  dix  jours  elle  a  avancé 
de  41  fec.  7  fur  la  première. 

Les  montres  marines  avoient  été  tranfportées  en 
canot  à  PObfervatoire ,  peu  avant  midi;  elles  ont  été 
reportées  le  jour  même  à  bord,  pour  fervir  à  Tobfer- 
vation  de  l'occultation  d'une  Étoile,  fi  le  ciel  eût  été 
ferein  :  le  17  on  les  reporta  à  l'Obfervatoire.  Tous  ces 
tranfports  ont  été  fans  roulis,  on  les  a  faits  avec  tous 
les  ménagemens  poffibles. 

Le  16,  vent  nord-oued  le  matin ,  nord-eft  le  foir; 
beau  temps  tout  le  jour.  A  6  heures  du  matin ,  la 
féconde  montre  avançoit  de  43  fec.  £  fur  la  première. 

Le  17 ,  vent  du  nord-eft  à  J'eft,-  beau  temps,  ther- 
momètre, à  10  heures  du  matin,  15  deg.  à  midi  16 
deg.  à  midi  vrai,  la  pendule  marquoit  11  heures  55 
min.  40  fec.  |  *  elle  a  donc  avancé  en  deux  jours  de 
40  fec.  £,  fur  le  temps  vrai,  &  de  29  fec.  y,  fur  le 
temps  moyen;  à  10  heures,  9  deg.  ou  10  min.  la 
première  montre  marine  avançoit  fur  la  pendule  de 
31  min.  8  fec.  &  la  féconde  de  31  min.  58  fec.  ^;  donc 
en  quarante -fix  heures  elle  auroit  avancé  de  1  min. 
14  fec.  fur  le  temps  moyen  %  ce  qui  feroit  à  raifon  de 
38  fec.  ji  en  vingt -quatre  heures,  l'accélération  jour- 
nalière de  la  féconde  montre  feroit  de  43  fec.  les 
hauteurs  de  ce  jour ,  17  Juillet ,  ont  été  prifes  un  peu 
près  du  méridien.  » 

Kk  iij 


F 


/ 


/ 


260  Voyage 

de  31  min.  3  fec.  £';  ainfi  la  féconde  montrer   ^ 
de  41  fec.  7  fur  la  première  :  thermomètaf  21 


** 
<* 


3.   ^ 


<T> 


t> 


La  pendule  ,  à  midi ,  retarde  donc  de «  h 

La  première  montre  avance  fur  la  pendule  d^  P    2,  •—*     r-s 

^  *-^    ^  2       - 

Donc  elle  avance ,  fur  le  temps  vrai ,  de .  J   3;  ^  ^  © 

*^  _/^     o  S. 

Le  28  Juin  elle  avançoit,  à  midi,  de,   g    ?  *£>  "*  n> 

Donc  en  dix-fept  jours  elle  a  avance  ^    #'  ^  K.  2 

de v *g    *  ^.  ?  g 

Selon  l'équation  de  l'horloge,  ff'z$.nm  g    S  " 

Elle  a  donc  avancé ,  fur  le  te*/  '    çf  *"•    §  2-   £  -3       ^ 

A  raifon  de  32  fec.  £  par/  |  ^  ïî'  ^  g  *•     £  *" 

a  du  avancer  de...  ,  ^  <*   $,  ^  o    S"  £î    -  — .      t<* 

Pour  la  différence  *     S  e    $  §£%.  *  §."§     8 


_,        ^ 


Donc  elle  a  dû  vj },       &    " 
Elle  a  réeilemft'  v  ,- 

C'eil  / 
le  cor 
vouJ 
le- 


-  -•**>  de 1'  40"*. 


w  ue  l'horloge ,  elle  auroit  dû  avancer  de. .  0.25^. 

*  donc  avancé  fur  le  temps  moyen,  en  cinq  jours, 

de i.    ïj£. 

A  midi  8  minutes  la  première  montre  avançoit  fur  la 

pendule  de  .  . , a  2.   t  x» 

Le  1  j ,  à  la  même  heure ,  elle  avançoit  de 30.  2.21. 

fyi  quinze  jours  elle  a  avancé  fur  la  pendule  de .... .  1.  jq. 


\ 


de  M.  de  Court aUvaux.      2.6-1 

**v  >endule  a  avancé ,  fur  le  temps  moyen ,  de 1'    i  j"  -. 

%,  ^U  'a  montre  a  avancé,  en  quinze  jours ,  fur  le  temps 

r?:    ^  n,  de 3.      jj. 

r.  "w  'or*  de  3  7"  |  par  jour. 

u  "c.    ^  ^  *ir  20,  la  féconde  montre  avançoit,  à  la 

"s?  "o  "c-  w  >  far  ta  pendule,  de u.  17. 

c.  \  ■%.  *^.  ncoh  que  de .  .  . 3,.  3  I. 

V  ^  "5.  **.  avancé  fur  la  pendule  de. . , . . .      a.  i?i. 

:  *^.   *i    .      **.  r  le  temps  moyen  de 2.   20  i. 

■^   ■**    t-  «*                      -  *      y  * 

<■  %  '".    i.     '  eft  donc  de. A1  * 

>;   %.       X''   ~  être,  près  des  montres  marines,, 

:•  't  "'„       S  H\^  Tus  du  terme  de  ,aS'ace,  c'eft 

•r    ',  '->        *'  nous  ayons  obfervée  durant 

28  pouces  o  ligne, 
left  violent ,  pluie  pre£ 
"inée  :   à  9  heures  du 
y  lignes  \  ;  à  midi  £,. 
ndule,  de  $1  min- 
i  fec.  ^  ;  thermo- 
-s  înltrumens  furent  reportés 
.  u.  nord  de  la  Frégate. 
_e    mauvais  temps  que  M."  Pingre  &  Leroy  ,      Deprr 
avoient  éprouvé  à  la  rade  du  Texel,  &  furie  Zuyder-  de Ia Frésat0" 

/  \        ..   \  1     ni        1  .  Tortue- 

zee ,  nous  engagèrent  a  gagrw  le  Texel  par  terre  :  je 
iaiflài  mon  Secrétaire  fur  la  Frégate ,  pour  veiller  fur 
les  montres  &.  pour  foire  les  procès-verbaux  de  ce  qui 
fe  pafferoit.  M.  Ozanne ,  voulant  au/fi  s'en  retourner 
par  mer,.    Ce   chargea  de  remonter  les  pendules  en 


\ 


262  Voyage 

Le  18  ,  ciel  couvert  jufqu  a  midi ,  par  vent  de  fud 
&  de  fud-oueft,  après  midi  beau  temps,  vent  du  nord- 
nord-eft  :  à  10  heures  8  à  10  min.  la  première  montre 
marine  avance  fur  la  pendule  de  3 1  min.  27  fec.  &  la 
féconde  de  32  min.  23  fec.  A  midi ,  thermomètre, 
17  degrés  ^;  à  1  heure  du  foir,  le  baromètre  rac- 
commodé marquoit  28  pouces  2  lignes. 

Le  1 9  ,  vent  variable  de  l'oueit  au  fud  &  au  nord, 
beau  le  matin,  pluie  après  midi,  beau  le  foir;  à  10 
heures  10  à  12  min.  du  matin,  la  première  montre 
marine  avançoit  de  3  1  min.  4.8  fec.  j  fur  la  pendule, 
&  la  féconde,  de  32  min.  48  fec.  £;  thermomètre, 
1 6  deg.  £. 

Le  20 ,  vent  Eft  le  matin  ,  fud  à  midi ,  fud-ouefl  le 
foir,  beau  temps  jufqu'à  midi,  nous  en  profitâmes 
pour  prendre  un  grand  nombre  de  hauteurs;  après  midi, 
temps  variable ,  cependant  nous  pûmes  prendre  affez 
de  hauteurs  correfpondantes  à  celles* du  matin,  pour 
avoir  le  midi  vrai  à  1 1  heures  56  min.  4.0  fec.  £. 

Ainfi ,   en  comptant  depuis  le  1  j  ,  la  pendule  avoit  avancé  en 
cinq  jours,  fur  le  temps  vrai ,  de 1'  40*  \. 

Selon  l'équation  de  l'horloge ,  elle  auroit  du  avancer  de.  •      0.25^. 

Elle  a  donc  avancé  fur  le  temps  moyen,  en  cinq  jours, 

de  .  .  , 1  •    1  5  j. 

À  midi  8  minutes  la  première  montre  avançoit  fur  la 

pendule  de 32.    12. 

Le  1  j ,  à  la  même  heure ,  elle  avançoit  de 30.  22. 

fyi  quinze  jours  elle  a  avancé  fur  la  pendule  de .  •  • .  •      1,   jo# 


te 


de  M.  de  Court anvaux.      263 

La  pendule  a  avancé ,  fur  le  temps  moyen ,  de 1'    1 5"  j . 

Donc  la  montre  a  avancé ,  en  quinze  jours ,  fur  le  temps 

moyen ,  de  . • . . . .  * .      3 .      j  y. 

C'eft  à  raifon  de  17*  \  par  jour. 

Le  même  jour  20  ,  la  féconde  montre  avançoit,  à  la 

même  heure,  fur  la  pendule,  de 3  j.    17. 

Le  1  $  ,  elle  n'avançoit  que  de  ................  •  31.      3  £. 

En  cinq  jours  elle  a  avancé  fur  la  pendule  de.  .... .  2.    1 3  £• 

Et  par  conféquent  fur  le  temps  moyen  de. ...... .  3.  29  |*  • 

L'avancement  journalier  eft  donc  de. .  .  »» 41  f- 

À  midi ,  le  thermomètre,  près  des  montres  marines,, 
étoit  à  19  degrés  au-deflus  du  terme  de  la  glace,  c'eft 
la  plus  grande  hauteur  que  nous  ayons  obfervée  durant 
tout  le  voyage  :  baromètre,  28  pouces  o  ligne. 

Le  2 1  Juillet ,  vent  fud-oueft  violent ,  pluie  pref^ 
que  continuelle  toute  ia  matinée  :  à  9  heures  du 
matin  ,  baromètre  ,  27  pouces  10  lignes  i  ;  à  midi  £,. 
h  première  montre  avance  fur  la  pendule,  de  3  1  min- 
34  fec.  &  la  féconde ,  de  3  3  min.  42  fec.  ^  ;  thermo- 
mètre, 16  deg.  j  :  tous  les  inftrumens  furent  reportés 
vers  le  foir ,  à  bord  de  la  Frégate. 

Le    mauvais  temps  que  M.TS  Pingre  &  Leroy  ,      Deprr 
avoient  éprouvé  à  la  rade  du  Texel,  &  furie  Zuyder-    e  a  regat°' 

Tortue— 

zée ,  nous  engagèrent  à  gagn€r  le  Texel  par  terre  :  je 
Jaiffai  mon  Secrétaire  fur  la  Frégate ,  pour  veiller  fur 
les  montres  &  pour  foire  les  procès-verbaux  de  ce  qui 
fe  pafferoit.  M.  Ozanne ,  voulant  aufiï  s'en  retourner 
par  mer*  fe  chargea  de  remonter  les  pendules  ea 


264  Voyage 

préfence  de  mon  Secrétaire  ;  YAurorâ  appareilla  le  22, 
vers  10  heures  du  matin.  M.rs  Pingre  &  Leroy  étoient 
partis  le  20  matin  pour  voir  Harlem,  Leyde  &  la  Haye; 
ils  revinrent  le  23,  très-fatisfaits  de  leur  voyage,  &  fe 
louant  beaucoup  de  l'accueil  gracieux  qui  leur  avoit  été 
fait  par  M.  le  comte  de  Bentinck  à  Zorgvlied  ,  par 
M.  le  profeffeur  Allaman  à  Leyde  ,  &  par  M.  &  Mm! 
des  Rivaux  à  la  Haye;  lorfque  ces  M.rs  étoient  à  Zorg- 
vlied ,  M.  le  comte  de  Bentinck  ,  reçut  deux  belles 
tortues  de  mer  vivantes  :  il  eut  la  complaifance  de 
m'en  deftiner  une ,  je  la  reçus  le  23  du  mois  au  matin, 
h  coquille  feule  de  deffus  avoit  3  pieds  6  pouces  de 
long ,  fur  2  pieds  3  ou  4  pouces  de  large  :  cela  ne 
fait  pas  un  monftre;  mais  on  n'en  voit  pas  fouvent  de 
femblables  en  Europe.  Je  voulus  l'apporter  en  France, 
&  en  effet,  elle  arriva  faine  &  fauve  à  Boulogne:  elle 
y  fut  tuée,  nous  ne  trouvâmes  pas  dans  fa  chair  cette 
délicateffe  fi  vantée  par  quelques  auteurs  de  relations 
de  voyages. 
Vîfites  Durant  tout  le  temps,  que  V Aurore  étoit  reftée  vis- 

a  a    régate.  ^  ^  d'Amfterdam  ,  on  venoit  de  toute  part  en  foule 

pour  la  voir  ;  de  jour  elle  étoit  prefque  continuelle- 
ment entourée  de  cinquante  à  foixante  canots  qui  ne 
fe  retiraient  que  lorfque  ceux  qui  les  montoient 
avoient  eu  le  plaifir  de  voir  le  dedans  de  la  Frégate  : 
quoique  Ton  ne  laiflat  entrer  lç  monde  qu'à  fur  & 
à  mcfure ,  on  remarqua  que  le  nombre  de  ceux  qui 
étoient  fur  ce  Bâtiment  le  faifoit  quelquefois  caler  de 

trois 


DE  M.  DE  COURTAWVÀUX.      z6$ 

ttois  pouces  au-deffus  de  la  ligne  d'eau  ordinaire ;> 
cette  affluence  de  monde  nous  incommodoit  fort,  il 
nous  étoit  impoflible  de  calculer  nos  obfervations  : 
niais  lejfe&ollandois  avoiept  pour  nous  toutes  les 
çomplaifances  potfjbles  ;  il  étoit  jufte  de  les  payer  de 
quelque  retour  :  je  ne  mets  point  au  nombre  de  ces , 
vifites  incommodes  celles  que  j'eus  l'honneur  de  rece- 
voir de  M.  le  comte  de  Bentinck  ,  de  M.  le  comte 
de  Groonsfeld ,  de  M.  le  comte  de  Reneval ,  de  M. 
de  Ryneveld ,  de  M.  Hartfinck ,  de  M.  &  M.mc  des 
Rivaux  Se  de  plufieurs  autres  perfonnes  diftinguees  par 
leur  rang  &  par  leur  mérite  :  il  y  eut  de  la  poudre  de 
brûlée,  je  ne  pouyois  témoigner  trop  de  reconnoif- 
ferice  à  M."  les  comtes  de  Bentinck  &  de  Groonsfeld. 
Il  arrivoit  d'ailleurs  fouvent  que  les  yachts  de  l'Ami- 
rauté paflant  près  de  la  Frégate  ,  faluoicnt  de  leur 
artillerie  la  flamme  du  Roi  ;  je  leur  faifois  rendre  le  falut 
à  deux  coups  de  moins  félon  l'Ordonnance  :  la  Frégate 
partit,  comme  je  lai  dit,  le  22  Juillet,  en  ialuant  une: 
ville  où  nous  avions  été  û  favorablement  accueillis. 

Le  même  jour,  22  Juillet,  M.  &  M.me  Hartfinck K    Voyage 

f  «  1  1  à  Saeurdaoi» 

vinrent  nous  chercher  dans  un  yacht  pour  nous  con- 
duire au  village  de  Saeurdam,  fuué  au-delà  de  i'Ye,  à 
l'embouchure  de  la  rivière  de  Saen  :  il  eft  très-peuple  h 
peu  large,  mais  extrêmement  long,  s'etendant  prinçî- 
paiement  le  long  de  Saen;  fur  les  bords  de  la  même 
rivière ,  en  fortant  de  Saeurdam ,  on  entre  dans  un 
ou  deux  autres  villages  qui  pourraient  pafler  pour  la 

•  Ll 


i6±  Voyage 

préfence  de  mon  Secrétaire  ;  Y  Aurore  arppareiWf  m 

vers  10  heures  du  matin.  M.rs  Pingre  &  Le*   6  ^5 

partis  le  20  matin  pour  voir  Harlem,  Leyj£  £    fT  f* 

ils  revinrent  le  23,  très-fàtisfàits  de  le? :  &  &    {'4  *'  1 


»     4 


louant  beaucoup  de  l'accueil  gracieur  $.  „    p 


si'1   '•» 


fait  par  M.  le  comte  de  Bentin/  £?  A  fj  ^ 
M.  le  profeffeur  Allaman  à  Le*.|  *  't  ri  ;! 
des  Rivaux  à  la  Haye  ;  Iorfqu'jf£  fr  r<    t'    ^    '^ 


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viied ,  M.  le  comte  de  P/|*  jj  *    tf    j.     F 
tortues  de  mer  vivantes/ 5n   R     .    \\    x\    .,    ' 


M  Si 


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m'en  deftinerune,  je  J^  /*  r    |     ,J 
la  coquille  feule  de /p  'j   'j    lf    »■    : 
long  ,   fur  2  pied  /  ^  f  '" 
fait  pas  un  mor ;  / 
femblables  en^ 
&  en  effet , 
y  fut  tué- 
délicat' 
de  v 
Vïfites  .^  c^iue  qu'on  nomme  /*^ 

a  la  Frégate.  %  vQ|Cj  j'ofigi^  qu'on  donne  à  ce  nom  ; 

w\*re  en  eft  repréfentée  fur  un  tableau  dans  l'égfife 
non?  :  un  taureau  furieux  faifit  une  femme  grofie  & 
ci  ida  fort  haut  en  l'air;  il  maltraita  auflî  cruellement 
un  homme  :  la  femme  accoucha  en  1  air  &  retomba 
avec  fon  enfant  ;  celui  -  ci  vécut  un  mois  >  l'homme 
it  la  femme  moururent  au  bout  de  trente-fk  heures. 
Le  foir  >  lorfque  nous  voulûmes  partir,,  l'yacht  £e  trouva 


Z>E    M  DE  CotXRTAMVAUX.       l6v 

*avé;  ow\  réuflît,  quoi  qu'avec  peine,  aie  remettre 

'  Je  vent  ctoit  contraire  &  violent,  nous  allions 

%  ''■;  •   -  ^ès ,  l'yacht  étoit  à  la  bande ,  il  penfa  fe  brifer 

tos  VailTeau  :  nous  crûmes  qu'il  feroit  plus  ' 
iffer  la  nuit  à  l'ancre  au  milieu  de  ITc, 
à  Amfterdam  le  lendemain  matin. 


+ 

', 


•0 


J0S 


PITRE     XII. 

Helder,  et  de-là  à  Boulogne. 
^erdam  &  de  toute  la  Hol-  \  Départ 

.         r  ,.  .     •-.     d'Amilcrdam 

n  les  derniers  adieux  de  M. 

rmck ,  nous  nous  embar- 

Tuillet,  à  9   heures  du 

M.   Hartfinck   nous 

" ,  &  pour  veiller  a 

fa  Nort-hollande  : 

_.i  voir  que  cette 

^.t  ;  après  un  trajet  d'une  lieue 

..vas  quittâmes  l'yacht  à  Saeurdam  f  le  vent 

^jt  fud-oueft;  nous  primes  un  autre  yacht  pour 

-remonter  la  rivière  de  Saen ,  le  vent  devenu  fu<f f 

1  -  nous  étoit  toujours  favorable  :  nous  laiffions  à  droite 

éc  à  gauche  des  villages  qu'on  nous  difoit  être  fort 
jolis,  mais  nous  n'avions  pas  le  temps  de  nous  arrêter; 
^près  avoir  paffé  entre  Knoliendam  &  Marken  ,  nous 
quittâmes  le  Saen ,  pour  entrer  dans  un  canal  qui  nous 
icondtiifit  à  Aicmaer. 

hl  ij 


i66  Voyage 

continuation  du  premier  ;  le  tout  enfemble  à  une  bonne 
lieue  &  demie  de  longueur  :  derrière  ces  villages , 
on  voit  une  prodigieufe  quantité  de  moulins  à  blé, 
à  élever  l'eau,  à  fcier  des  planches,  à  pulvérifer  du 
tabac ,  &c.  on  dit  que  leur  nombre  eft  de  onze  cents, 
&  je  n'ai  pas  de  peine  à  le  croire  :  ce  qui  rend  le 
village  de  Saeurdam  renommé ,  c'eft  l'extrême  pro- 
preté qu'on  y  affeéle;  on  porte ,  dit-on ,  les  étrangers 
à  bras  lorfqu'on  le  juge  néceffaire ,  pour  ménager  la 
propreté  d'un  efcalier  ou  de  quel  qu'autre  partie  de  la 
maifon  :  chaque  maifon  a  deux  portes,  une  des  deux 
relie  toujours  fermée,  on  ne  l'ouvre  que  dans  deux 
circonftances ,  lorfque  l'on  introduit  les  nouveaux 
mariés,  &  lorfqu'il  s'agit  d'exporter  un  corps  pour  la 
fépulture  :  nous  y  vimes  des  boutiques  auflï  bien 
fournies  que  celles  d'Amflerdam,  tout  y  refient  la 
richefTe  &  l'aifance  :  un  trait  iingulier  de  propreté  , 
éft  de  colorier  les  troncs  des  arbres  pour  qu'ils  fymé- 
trifent  plus  avec  les  autres  ornemens  des  jardins  : 
on  nous  fit  entrer  dans  une  églife  qu'on  nomme  fégfift 
du  taureau  :  voici  l'origine  qu'on  donne  à  ce  nom  ; 
l'hiftoire  en  eft  repréfentée  fur  un  tableau  dans  l'égiife 
même  :  un  taureau  furieux  faifit  une  femme  groffe  & 
la  jeta  fort  haut  er>  l'air;  il  maltraita  aufli  cruellement 
un  homme  :  la  femme  accoucha  en  1  air  &  retomba 
avec  fon  enfant  ;  celui  -  ci  vécut  un  mois  >  l'homme 
&  la  femme  moururent  au  bout  de  trente-foc  heures» 
Le  foir  >  lorfque  nous  voulûmes  partir, l'yacht  (e  trouva 


DE  M.  DE  CO&RTANVAUX.        l6f 

i 

èngravé;  on  réuflît,  quoiqu'avec  peine,  à  le  remettre 
à  flot  :  ie  vent  étoit  contraire  &  violent ,  nous  allions 
au  plus  près ,  l'yacht  étoit  à  la  bande ,  il  penfa  fe  ferifer 
contre  un  gros  Vaifleau  :  nous- crûmes  qu'il  ferait  plus  ' 
prudent  de  pafler  la  nuit  à  l'ancre  au  milieu  de  i'Ye , 
nous  rentrâmes  à  Amfterdam  le  lendemain  matin. 


CHAPITRE     XII. 
Route  (TAmflerdam  à  Helder,  à*  de-Ià  à  Boulogne. 


T 


RÈs-fatisfait  cT Amfterdam  &  de  toute  la  Hoï-    ,  Départ 

vv  >  f         r        •  i  •  \     *  r     d'Amllcrdan* 

lande ,  après  avoir  reçu  les  derniers  adieux  de  M. 


dé  Ryncveld  &  de  M,  Hartfinck ,  nous  nous  embar- 
quâmes fur  un  yacht,  le  25  Juillet,  à  9  heures  du 
matin  ,  avec  un  Capitaine  que  M.  Hartfinck  nous 
donnoit  pour  nous  fervir  de  guide ,  Se  pour  veiller  a 
ce  qu'il  ne  nous  manquât  rien  dans  la  Nort-hollande  : 
1a  féparation  me  fut  fenfible  ,  &  je  crus  voir  que  cette 
fenfibilité  étoit  réciproque  :  après  un  trajet  d'une  lieue 
&  demie,  nous  quittâmes  l'yacht  à  Saeurdam  ,  le  vent 
étoit  fud-oueft;  nous  primes  un  autre  yacht  pour 
remonter  la  rivière  de  Saen,  le  vent  devenu  fud, 
nous  étoit  toujours  favorable  :  nous  laitfions  à  droite 
&  à  gauche  des  villages  qu'on  nous  difoit  être  fort 
joîis,  mais  nous  n'avions  pas  le  temps  de  nous  arrêter; 
après  avoir  paiTé  entre  Knoliendam  &  Marken  ,  nous 
quittâmes  le  Saen ,  pour  entrer  dans  un  canal  qui  nous 
conduifit  à  Akmaer. 

J-I  ij 


a6B  Voyage 

Alcmaer  ou  Alcmar ,  une  des  principales  villes  de 
la  Nort  -  hollande  ou  "Weft-frife,  a  Je  douzième  rang 
aux  afTemblées  de  la  province  de  Hollande;  elle  tient 
un  rang  plus  distingué  dans  l'hiftoire  de  l'Aflronomie: 
c'efl  à  Alcmaer  que  les  télefcopes  ou  lunettes  d'ap- 
proche furent  inventés  par  Jacques  Métius ,  vers  Tan 
1 609.  La  ville  eft  aflez  grande  ,  propre  »  bien  bâtie; 
les  canaux  font  beaux,  les  rues  bien  percées:  la  mai- 
fon-  de  -  ville  eft  affez  belle,  il  n'y  à  point  de  place 
vis-à-yis ,  elle  donne  directement  fur  une  rue ,  au  bout 
de  laquelle  eft  la  grande  églife  :  cette  égiife  eft  vafte 
&  belle;  l'orgue  n'eft  pas  un  morceau  indifférent; 
nous  n'y  remarquâmes  aucun  monument  tel  que  nous 
en  avions  vus  dans  les  autres  églifes  de  Hollande. 
Alcmaer  eft  une  des  plus  anciennes  villes  de  la  pro- 
vince,, fon  commerce  n'eft  plus  ce  qu'il  étoit  autrefois» 

>    Âmfterdam  l'ayant  prefque  entièrement  abforbé  :  on 

y  a  vendu  autrefois ,  ainfi  qu'à  Harlem  ,  des  oignons 

de  tulipes  à  un  prix  exorbitant.  Aie  nia  er  eft  à  environ 

fix  lieues  d' Amfterdam» 

Amvée       Après  avoir  jeté  un  coup  d'œil  fur  cette  ville,  nous 

r*  nous  rembarquâmes  fur  un  canal ,  ce  ne  toit  plus  le 
vent  qui  nous  pouflbit,  notre  barque  ou  notre  yacht 
étoit  traîné  par  un  cheval.  Le  vent  étoit  toujours  vêts 
le  fud  ou  le  fud-fud-eft  :  vers  cinq  heures  nous  fumçs 
.aflaillis  d'un  fort  orage  >  avec  tonnerre.  Le  canal  nous 
conduifit  le  long  du  Zype ,  jufqu'à  un  endroit  auquel 
on  donna ,  je  crois ^  le  nom  de  Saut:  le  chemin 


/ 


DE  M.  DE  CQUflTAfifVAUX.        269 

n'étoit  plus  fi  agréable  qu'avant  AIcmaer,  les  maifons 
.de  campagne  devenôient  rares,  nous  ne  voyions  plus 
que  des  chaumières-  On  appelle  Zype ,  un  grand 
terrein  occupé  autrefois  par  les  eaux»  défendu  main- 
tenant des  incurvons  de  la  mer  par  de  fortes  digues*, 
entrecoupé  de  fofTés  &  de  levées  avec  fymétrie,  & 
/hué  vers  l'extrémité  feptentrionale  de  la  Nort-hol- 
iande:  il  a  environ  deux  lieues  &  demie  de  long,  fur 
une  de  large*  Nous  defcendimes  à  un  cabaret,  où 
pendoit  pour  erifeigne  la  tour  couronnée  iï  AIcmaer  ; 
ce  cabaret  eft  en  même-temps  le  lieu  où  Ton  fournit 
des  chariots  de  pofte  :  de-là  à  AIcmaer  il  y  a  environ 
quatre  lieues.  Deux  chariots  de  pofte»  l'un  couvert  & 
l'autre  découvert  nous  conduisent  fa  Saut  à  Hekfer 
en  trois  houres  &  un  quart  de  temps  ;  nous  efluyames 
deux  orages  violens ,  nous  traversons  des  mares  d'eau 
&  des  fables,  fans  voir  notre  chemin  autrement  qu'à 
la  lueur  des  éclairs.  Ce  pays ,  entre  le  Zype  &  Heider, 
eft  nommé  le  Coegras,  c'eft  la  partie  la  plus  fepterv- 
trionale  de  la  Hollande.  Enfin  ,  nous  arrivâmes  à 
Heider  à  onze  heures  du  foir.  Nous  avions  appris  à 
Saut  que  Y  Aurore  avoir  mouillé  ce  même  jour  à  la 
petite  rade  du  Texel ,  vers  onze  heures  du  matin. 

U  Aurore  avoit  appareillé  à  Amflerdam  le  22  Juillet,      Route 
vers  1  o  heures  du  matin ,  comme  je  1  ai  dit  ci-deuus;  dvAmAerdan» 
le  vent  étoit  fud-oueft  grand-frais.  A  2  heures  du  foir,    au  TflxfL 
le  Zuyderzée  étant,  traveifé  r;on  mopiUapar  trois  braftes 
d'eau %  fond  de  fable  vafeux,  9  [entrée  du  canal  du 

'    "     "     •     Lliij 


27»  y  Ô    Y  A    G    E 

Texef,  près  l'ille  cTUrch;  la  mer  fut  grofle  tout  le 
foir  &  toute  la  nuit,  le  vent  foufflant  violemment  de  la 
partie  de  l'oueft-fud-oueft. 

Le  23 ,  la  mer  étant  devenue  un  peu  plus  tranquille, 
on  leva  l'ancre  vers  1 1  heures  &  demie  du  matin, 
&  à  j  heures  du  foir,  on  mouilla  dans  la  rade  du 
Vheter,  en  vue  de  l'ifle  de  Wieringen  par  trois  brafles 
d'eau,  fond  de  vafe  &  de  fable,  les  vents  reliant 
toujours  entré  roueft  &  le  fud-oueft  grand-frais. 

Le  24.,  le  vent  fud-oueft  joli -frais,  on  appareilla 
à  9  heures  &  demie  du  matin  ;  un  Navire  marchand 
Hollandois  appareilla  en  même  temps,  faifant  même 
route  que  V Aurore.  A  10  heures  &  demie,  on  paffa  à 
peu  de  diftânoe  «d'un  Vaiffeau  de  guerre  Hollandois 
de  foixante  canons,  qui  ctoit  à  l'ancre  *  le  Navire 
marchand  n'ayant  pas  arboré  fon  pavillon,  on  lui  tira 
•du  VaifTeau  de  guerre  un  coup  de  canon  à  boulet,  le 
pavillon  fut  auflitôt  arboré  ;  un  fécond  coup  de  canon 
Suffi  à  boulet  avertit  le  Navire  marchand  de  {e  mettre 
en  panne,  pour  attendre  la  chaloupe  du  Vaifleau  de 
guerre  qui  faifoit  force  de  rames  après  lui  ;  ce  fécond 
coup  étant  inutile,  fut  fuivi  d'un  troifième  dont  le 
boulet  tomba  à  peu  de  diflancè  de  l'arrière  du  Vaifleau 
•marchand  qui  continua  fa  route  en  forçant  de  voiles: 
ces  boulets,  qui  font  ainfi  envoyés  par  des- Vai fléaux 
de  guerre  aux  Vaifleaux  marchands ,  doivent  être  payés 
par  le  marchand  fur  le  pied  d'environ  un  louis  de 
notre  monnoie  pour  chaque  boulet,  t*e&  fans  doute 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        ZJ% 

à  ce  payement  que  le  Navire  marchand  a  prétendu 
fe  fouftraire  ;  mais  le  Capitaine  du  Vaifleau  de  guerre 
fi'tura-t-ii  pas  pris  fes  mefures  pour  fe  faire  payer  au 
Texel  ,  &  même  pour  faire  réprimander  le  Capitaine 
marchand!  c'eft  ce  que  nous  ignorons.  À  z  heures 
après  midi ,  Y  Aurore  mouilla  dans  la  grande  rade  du 
Texel  par  huit  brafles  d'eau,  fond  de  vafe  &  de  fable, 
vent  fouffiant  toujours  du  fud-oueft  grandirais. 

Le  25,  à  9  heures  du  matin,  la  Frégate  appareilla, 
le  vent  toujours  au  fud-oueft ,  &  vint  mouiller  fur  les 
1 1  heures  à  la  petite  rade,  à  une  demi-lieue  environ 
du  village  d'Heider,  par  onze  brafles  d'eau,  fond  de 
vafe  &  de  fable ,  vent  aty  fud -fud-oueft  grand-frais.      > 

Helder  n'eft  qu'un  fimple  village,  fitué  fur  le  bord  HcWcr. 
de  la  mer,  au  milieu  d'une  pointe  qui  s'avance  vers  Hrçrfl«fn* 
rifle  du  Texel ,  qui  en  eft  diftante  de  trois  quarts  de 
lieue  au  nord-eft  ;  une  partie  du  village  eft  bâtie  fur  la 
digue  &  par  conséquent  fur  le  fable;  on  a  pris,  fans 
doute,  des  précautions  pour  que  les  maifons  puflent 
réfifter  à  la  violence  des  vents  qui  eft  grande  dans  ces 
quartiers:  à  une  demi -lieue  à  l'oueft  d'Heider,  eft 
un  fécond  village  fitué  au  bas  des  dunes,  &  nommé 
Huyfdiàne,  il  eft  g,  peu  près  aufli  gros  qu 'Helder,  mais» 
la  plupart  des  maifons  y  font  couvertes  de  chaume  ou 
plutôt  de  joncs;  elles  ont ,  malgré  cela,  un  certain  air  de 
propreté  que  n'ont  point  nos  chaumières  de  France  ; 
on  compte  dans  les  deux  villages  environ  1500  babi- 
tans,  il  y  a  des  Catholiques,  des  Prétendus  réformés*, 


2ji  Voyage 

des  Anabaptiftes  ;  les  premiers  font  au  nombre  de 
cinq  à  fix  cents,  les  Anabaptiftes  font  les  plus  riches 
de  tous  :  il  .n'y  a  qu'un  feul  Cure,   ii  célèbre  la  meffe 
alternativement  dans  les  deux  villages,  ii  n  a. de  revenu 
que  fon  cafuel  f  &  ce  cafuel  va  jufqu'à  fept  ou  huit 
cents  florins:  les  femmes  quittent  toutes  leurs  mules 
en  entrant  dans  Féglife,  &  rfeftent  perpétuellement  à 
genoux,   même  durant  la  grande  meffe  &  les  inftruc- 
tîons;  le  Curé,  M.  de  Vynck,  paroît  un  Eccléfiaftique 
d'un  vrai  mérite,  il  efl  abftème,  fon  averfion  pour  le 
vin  a  penfé  lui  faire  manquer  fa  vocation  ;  on  lui  a  fait 
effayer  de  tous  les  vins,  le  feul  vin  de  Confiance  (du 
cap  de  Bonne  -  efpérance  )  a  pu  fymp^thifer  avec  fon 
ëftomac,  c'èft  avec  ce  vin  qu'il  dit  la  meffe. 
Digues  Ce  qui  mérite  le  plus  l'attention  des  Curieux  à 

h  Hollande.  Helder  :  ce  font  les  digues,  que  Pinduftrie  infatigable 

des  Hoflandois  a  fu  élever  contre  içs  incurfions  de  la 
mer  :  je  ne  fais  pas  difficulté  d'avancer  que  ces  digues 
font  la  plus  grande  merveille  de  la  Hollande  :  de 
deffus  ces  digues,  il  cft  facile  de  voir  que  la  campagne 
eft  plus  baffe  que  la  mçr:  Jes  eaux  venant  de  la  mer  du 
nord  dans  Iç  canal  du  Texe|„  acquièrent  un  mouve- 
ment d'autant  plus  furieux  qu'il  eft  plus  refferré  par  les 
ifles  &.les  bancs  de  fable  dont  ce  parage  eft  rempli: 
la  pointe  delà  Nort  -  hollande  où  eft*  Helder,  feroit 
ia  première  expofée  à  la  violence  des  flots,  A  cet 
obftacle  une  fois  rompu  ,  toute  la  Nort-hollande  feroit 
jnondée  :.  à  l'oueft  du  Zype  &  du  Coegras ,  des  dune? 

de 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  27J 
de  fable  amoncelées  par  ia  mer  même  &  aflfez  élevées, 
femblent  mettre  le  pays  à  couvert  ;  on  n'a  pas  laiffé 
cependant  de  pratiquer  des  digues  artificielles  ,  aux 
endroits  où  la  prévoyance  des  HoIIandois ,  ne  croyoit 
pas  devoir  s'en  rapporter  à  la  feule  Nature  :  ces  dunes 
finiffent  près  de  Huyfduyne,  à  l'entrée  du  canal  du 
Texef,  c'eft-à-dire,  au  lieu  où  l'impétuofité du  flot 
commence  à  menacer  de  renverfer  tous  les  obflacles 
<ju'on  pourroit  lui  préfenter  :  pour  obvier  à  ce  danger» 
on  a  d'abord  pratiqué  le  long  du  rivage  un  bon  nombre 
de  batardeaux  ou  d'éperons  qui  rompent]  la  violence 
de  l'eau:  au  bord  de  la  mer  entre  les  batardeaux,  Se 
même  quelquefois  le  iong  des  batardeaux  du  côté  du 
flot,  on  a  fiché  des  pieux  dans  ie  fable,  &  on  les  a 
revêtus  de  planches  ou  entrelaffés  de  branches  d'arbres , 
pour  former  comme  des  efpèces  d'encaiffemens  dans 
iefquels  on  a  verfé  de  groffes  pierres  conduites  exprès 
de  Norvège  :  tout  Va i fléau  hollandois ,  qui  va  corn* 
mercer  en  Suède  ou  en  Norvège ,  eft  tenu  à  fon  retour 
defe  charger  en  forme  de  left  d'un  nombre  déterminé 
de  ces  groffes  pierres  :  l'eau  roulant  fur  ces  encaiffe- 
mens ,  perd  néceflàirement  le  peu  de  force  que  les 
batardeaux  lui  avoient  laiffé  :  en  différens  endroits  dans 
l'intérieur  des  batardeaux ,  &  le  long  des  encaiffemens 
du  côté  de  la  terre,  règne  un  parapet  de  quinze  à  dix- 
huit  pieds  de  hauteur,  &  depuis  cinq  pieds  jufqu'à 
douze  de  largeur  :  ces  parapets  ne  font  formés  que 
par  de  fimple  goémon  que  l'on  entaffe  fans  aucune 

.  Mm 


274  Voyage 

façon  ultérieure  ;  ce  goémon  s'affaiffe  par  fon  propre 
poids;  à  mefure  qu'il  fe  pourrit  il  fe  convertit  en  terre 
&  forme  une  maffe  affez  folide:  c'eft  derrière  ce  para- 
pet qu'eft  la  véritable  digue,  elle  s'étend  depuis  Huyf- 
duyne ,  jufqu'à  un  petit  port  qui  efl  à  une  petite  demi- 
lieue  à  l'eft  d'Helder,  dans  un  efpace  de  plus  de  deux 
mille  toifes;  en  largeur  elle  s'étend  jufqu'à  huit*  à  dix 
toifes  &  même  quelquefois  au  -  delà ,  elle  eft  élevée 
d'environ  deux  toifes  au-deffus  de  la  plus  haute  mer, 
mais  elle  eft  de  quatre  à  cinq  pieds  plus  baffe  que  le 
parapet,  de  goémon:  le  long  de  la  digue  font  des 
poteaux-  numérotés,  diftans  pour  l'ordinaire  l'un  de 
l'autre  de  40  à  4.5  toifes;  leur  ufage  eft  d'indiquer 
à  ceux  .qui  font  prépofés  à  l'entretien  des  digues,  la 
partie. qui  eft  confiée  à  leurs  foins:  la  digue  n'eft  for- 
mée que  de  fable ,  le  vent  pourrait  y  faire  bien  du 
dégât;  pour  remédier  à  cet  inconvénient,  on  a  fait 
croître  des  joncs  &  des  rofeaux  fur  ce  fable ,  cela  le 
retient  ;  où  il  n'y  a  point  de  rofeaux  on  plante  dans  le 
fable  des  torchons  de  paille  qui  fortenrt  de  terre  d'en- 
viron un  pied,  les  hommes,  les  beftiaux,  les  voitures 
qui  partent  fur  la  digue  étendent  cette  paille  r  elle  pro- 
tège le  fable,  on  a  foin  de  la  renouveler  de  temps  en 
temps;  des  joncs  voifins ,  liés  enfemble,  comme  nous 
lions  nos  cardons  &  nos  chicorées  pour  les  faire  blan- 
chir, produifent  aufli  le  même  effet,  &  cet  effet  eft 
plus  durable  :  û  nonobftant  ces  précautions  le  vent 
enlève  quelque  fable ,.  il  en  reftitue  fouyent  d  autre 


Ï>E  M.  DE  COURTANVAUX.        275 

qu'il  enlève  de  la  mer  fur  la  digue ,  &  qui  y  eft  retenu 
par  Ja  paille  &  les  joncs. 

A  l'extrémité  orientale  de  la  digue  eft  une  jetée  qui  Jetée, 
s'avance  dans  la  mer,  &  forme  un  batardeau  pour  Lrinj* 
garantir  un  petit  port  qui  eft  fur  la  droite,  mais  ou  il 
ne  peut  entrer  que  des  yachts  ou  autres  petits  Navires: 
cette  jetée  eft  affez  large,  formée  de  fimple  goémon 
bien  en  c  ai  (Té  ,  foutenue  à  gauche,  à  droite  &  en  devant 
par  de  forts  éneaiffemens  de  pierres  de  Norvège,  fans 
compter  d'autres  pierres  qui  appuient  ces  encaifle- 
mens  à  gauche  ou  du  côté  du  flot.  \J Aurore  étoit 
mouillée  à  un  bon  demi-quart  de  lieue  à  l'eft-nord-eft 
de  cette  jetée. 

II  y  avait,  dans  la  même  rade,  une  Frégate  hollân- 
doife  de  trente -fix  canons,  &  de  deux  cents  foixante 
hommes  d'équipage,  deftinée  pour  la  Guinée,  &  de-là 
pour  Surinam  :  nous  en  avions  connu  Je  Capitaine  à 
Amfterdam  ;  il  eft  frère  de  M.  May ,  habile  conf- 
trudeur,  qui  nous  avoit  rendu  plufieurs  fervices  durant 
notre  féjour  en  cette  ville.  M.  May  le  Capitaine, 
nous  dit  que  Tannée  précédente  1766,  il  avoit  ob- 
fervé  la  latitude  de  l'extrémité  orientale  de  la  digue, 
&  que  de  quarante  obfervations ,  faites  avec  tout  le 
foin  poflible,  à  l'aide  d'un  excellent  o étant,  &  s'ac- 
cordent toutes  dans  le  terme  d'une  minute,  il  réfultoit, 
en  prenant  un  milieu ,  que  cette  extrémité  étoit  par 
53  <feg-  1  min-  7^8  fec.  de  latitude  boréale.  Helder 
veut  être  de   15  ou  18  fec.  plus  feptentrional  que 

Mm  i\ 


zj6  V  o   r  A   6   e 

cette  extrémité  de  la  digue  ;  ainfî  la  latitude  d'Helder 
fera  de  53  deg.  1  min.  25  fec*  Nous  n'avons  pu  nous 
aiTurer  par  nous-mêmes  de  la  précifion  de  cette  déter- 
mination, dont  nous  ne  doutons  pas;  d'ailleurs  dif- 
pofés  à  profiter  du  premier  vent  qui  nous  permettrait 
de  fortir  de  la  rade  du  Texel ,  nous  ne  voulions  pas 
être  retardés  par  l'appareil  du  tranfport  de  nos  inftru- 
mens,  lefquels  même  auraient  pu  nous  être  d'une 
très* médiocre  utilité. 

Autres         La  terre ,  autour  d'Helder,  eft  couverte  de  pâturages 

particularités  •/*•/•■ 

du  pays,  qui  paroiflent  fort  gras;  la  mer  elt  poinonneuie ,  la 
poiflbnnerie  ne  demande  pas  beaucoup  d'entretien: 
tous  les  matins,  excepté  les  Dimanches,  yers  huit  00 
neuf  heures,  on  apporte  le  poiffbn  fur  la  digue,  vis* 
à-vis  de  l'auberge  où  nous  logions;  on  l'étend  fur 
l'herbe,  chacun  choifit  &  fait  fon  prix,  ou  plitfôt,  à 
ce  qu'il  nous  a  paru,  le  vendeur  propofe  un  prix  qu'il 
rabaiffe  enfuite ,  jufqu'à  ce  qu'il  trouve  un  acheteur 

Au-deffus  d'Huyfduyne,  au  haut  des  premières 
dunes,  on  allume  toutes  les  nuits  un  fanal  pour  fervir 
de  fàre  aux  Vaiffeaux  qui  chercheroient  pendant  la 
nuit  l'entrée  do  Texel;  ce  fanal  n'eft  autre  choie 
qu'une  efpèce  de  gril  ou  de  grand  réchaud  carré 
qu'on  charge  de  gros  blocs  de  houille,  il  n'eft  élevé 
que  d'un  pied  &  demi  ou  de  deux  pieds;  mais  il  fe 
trouve  au  haut  d'un  monticule  de  charbon ,  élevé  de 
dix  à  douze  pieds  fur  le  fommet  de  la  dune  :  «* 


1 


DE  M  DE  COURTANVAUX.  277 
allume  ie  foir  cette  houille  ,  elle  rend  un  feu  très* 
éclatant  &  qui  fe  voit  cfe  fort  loin. 

Aflez  près  de  ce  fanal ,  fur  la  pente  des  dunes  du 
côté  de  la  mer ,  un  exemple  terrible  de  juftice  efl  pré- 
fente  aux  yeux  des  matelots  HoHandois  qui  fortent  du 
Texel:  il  y  a  quatre  à  cinq  ans  que  l'équipage  d'un 
VaifFeau  hollandois  fe  révolta  contre  le  Capitaine  ât 
les  Officiers;  les  rébelles  s  étant  emparés  du  Navire, 
le  conduisirent  à  Lilbonne  ;  la  République  réclama  & 
le  Vaiffeau  &  les  criminels,  ils  furent  livrés,  conduits, 
jugés  &  punis  au  Texel  :  on  a  entouré  leurs  corps  & 
tous  leurs  membres  d'anneaux  &  de  cerceaux  de  fer» 
afin  que  leurs  corps  plus  long-temps  confervés,  inftrui- 
fjflent  ceux  qui  feroient  tentés  d'imiter  leur  exemple, 
que  la  République  n'eft  pas  moins  févère  'pour  punir 
le  crime,  que  généreufe  &  magnifique  pour  récom- 
penfer  la  vertu. 

Notre  féjour  à  Helder  fut  plus  long  que  nous  ne  le  %  Séjour 
penfions  ;  pour  fortir  du  Texel ,  il  faut  avoir  le  Cap  à 
i'ouefl  &  au  fud-ouefl,  &  même  un  peu  au  nord  de 
i'ouefl,  &  c'étoit  de  ces  côtés  que  le  vent  fouffloit 
conftamment  :  if  arrivoit  tous  les  jours  des  Vaiffeaux 
d'Amfterdam ,  ils  jetotént  l'ancre,  dans  l'attente  d'un 
vent  favorable;  nous  crûmes  que  nous  attendrions  ce 
vent  plus  tranquillement  à  terre  que  fur  fa  Frégate; 
mais  nous  étions  défcenvrés  tout  le  jour,  le  pi  ai  fi  r  de  fa 
promenade  étoit  fe  feul  qui  nous  fut  permis  :  la  plaine 
étoit  couverte  de  lapins,  la  chafle  en  étoit  interdite, 

Mm  iij 


2?$  V    O    Y    A    G    E  .- 

on  s'amufoit  quelquefois  à  tuer  des  hirondelles  de 

mer.  J'ai  dît  que  l'efpérance  de  partir  d'un  moment  à 

l'autre  nous  empêchoit  de  penfer  à  établir  un  Obfer- 

vatoire  ;  nous  fîmes  les  obfervations  fuivantes  à  terre , 

le  thermomètre  étoit  placé  dans  une  chambre  où 

nous  croyons  pouvoir  fuppofer  que  la  température  de 

l'air  ne  différait  pas  énormément  de  celle  que  les 

montres  marines  éprou voient  dans  la  grande  chambre 

«le  V  Aurore. 

Le  26  Juillet,  vent  de  fud-oueft  &  d'oueft,  temps 

couvert  &  pluie  fréquente  tout  le  jour.  A  9  heures 
du  foir,  baromètre,  28  pouces  jufte;  thermomètre, 

« 

j  5  degrés  au-deffus  de  zéro. 

Le  27,  vents  de  l'oueft  -  fud  -  oueft  à  l'oueft-nord- 
oued,  beau  temps.  A  8  heures  du  matin,  à  midi,  à 
9  heures  i  du  foir,  baromètre,  28  pouces  1  ligne  y, 
28  pouces  2  lignes  7,  28  pouces  2  lignes  |;  thermo- 
mètre, 14  deg.  1,  15  deg.  ±,  15  deg.  J. 

Le  28»  vent  de  l'ouefl  au  fud-oueft  bon-frais,  mer 
grotte,  toute  communication  coupée  avec  la  Frégate , 
quelque  pluie  le  foir.  A  8  heures  du  matin,  baromètre, 
28  pouces  1  ligne;  thermomètre,  15  deg.  X  1  heure 
après  midi,  baromètre,  28  pouces  o  deg. i;  thermo- 
mètre, 1  j  deg.  j.  X  10  heur,  £,  baromètre,  28  pouc. 
;j  ligne;  thermomètre,  15  dêg.  j. 

Le  29,  vent  de  fud-oueft  grand-frais,  groffe  mer, 
ciel  couvert,  quelque  pluie;  après-midi,  vent  de  fud; 
yen  le  foir,  on  diftinguoit  aux  nuages  deyx  vents,  l'w 


de  M.  de  Court anvaux.     vj$ 

du  fud,  violent  &  inférieur,  l'autre  fupérieur  venant 
de  Foueft:  baromètre,  28  pouces;  &  thermomètre, 
1 5  dcg.  tout  le  jour. 

Le  30,  vent  de  fud-oueft  bon -frais,  mer  moins 
groffe ,  communication  rouverte  avec  la  Frégate,  ciet 
perpétuellement  couvert.  A  8  heur,  du  matin,  à  1  heure  £ 
&  à  9  heures  |  du  foir ,  baromètre ,  27 pouces  1 1  lignes , 
27  pouces  1 1  lig  7,  27  pouces  10  lignes  £;  thermo- 
mètre,  16  deg.  16  deg.  i,  16  deg. 

Le  3  1 ,  vent  variable  du  fud  à  t'oueft,  ciel  prefque 
continuellement  couvert  &  quelque  pluie.  A  8  heures 
du  matin,  baromètre,  27  pouces  10  lignes  £;  à  iof 
heures £,  27 'pouces  9  lignes  |;  à  midi  &  à  2  heures, 

27  pouces  9  lignes  7^7  heures,  27  pouces  10 
lignes  j;  à  10  heures,  27  pouces  1 1  lignes:  thermo- 
mètre, à  8  heures  du  matin;  17  deg.  à  midi  £,  16 
deg.  i;à  10  heures  du  foir,  1  f  dèg.  £;  la  baffe  mer 
fut  obfervée  vers  4.  heures  ^  du  foir. 

Le  i.er  Août,  vent  nord- nord -ouefl,  puis  nord- 
ouefl,  joli-frais;  ciel  prefque  couvert  le  matin,  beau 
temps  après  midi.  À  8  heures  £  du  matin ,  baromètre, 

28  pouces  2  ligne$  |;  à  midi^  28  pouces  3  lignés  £; 
à  10  heur,  du  foir ,  28  pouc.  |  lignes  :  thermomètre  , 
aux  mêmes  inflans,  1  j  deg..  if  deg.  £,  14.  deg.  ~. 
Haute  mer  à  10  heures  |*  du  matin;  baffe  mer  de 
5  heures  à  5  heures  £  du  foin 

Le  2,  vent  de  JToueft  au  fud- oueft;  très -beau 
temps.  Baromètre,  28  pouces  5  Iigne%;  à  10  heure» 


/ 


278  F   0:K.il.C    .£/ 

on   s'amufoit  quelquefois  à  tuer  des  hiroiylf.   t», 

mer.  J'ai  dit  que  l'efpérance  de.  partir  d'u|T  §~ 

l'autre  nous  empêchoit  de  penfer  à  éta|?  3   ^    ^ 

vatoire  ;  nous  fîmes  ies  obfervations  f  f*   §   5;    *** 

le  thermomètre  étoit  placé  dan%  g 

nous  croyons  pouvoir  fuppofer./  g  g 

l'air  ne  différait  pas  énorm^  v  $,  &       %   X? 

montres  marines  éprouvoierf  g  £   %        p    c| 

Le  26  Juillet,  vent  <5  J"!   J  **"  ?'  6-1? 

couvert  &  pluie  fré£     1  g  \s  £  3  3    * 

du  foir,  baromètre  ;,.     ï  S-  S-  S  «  S    - 

:,  ;  degrés  au-de^l      f  f  g  V  |  ?j   2    », 

Le  27,  venv;|-|>      f  r  *?-  *•  :i        "      J     ~ 
oueft,  beau,/^  $  <* 
o  heures  -V  - 
28  pou»-' 
mètre 

J 


t/»  •  »  • 


*  * 


—  âiuii  neues. 
xuC  4,  le  vent  fouffloit  de  l'eft-nord-eft  &  de  Tell, 
mais  bien  foiblement  :  à  midi  nous  avions  fait  18 
lieues  au  fud-oueft  5  degrés  oueft,  depuis  8  heures 
du  foir  de  la  veillé  ;  la  hauteur  méridienne  du  Soleil 
nous  mettoit  par  52  deg.  1 1  min.  de  latitude,  ce  qui 

saccordoit 


*y 


/ 


\ 

DE  M.  DE  CûURTANVAUX.        zSl 

^  lordoit  affez  avec  notre  eftime  :  à  1 1  heures  i  du 

w  rla  féconde  montre  marine  avançoit  de  i  min. 

^  i  fur  la  première  :  le  ciel  fut  ferein  tout  le 


..  c^  nous  voulûmes  effayer  les  montres  marines    Épreuves 

<s*\  ^  auquel  elles  font  deftinées  :  la  féconde     marines. 


«V 


o  ^.^  meures  3  min,  4.6  fec.  le  Pilote  de  Peyre, 

Z      \  \  v  teur  du  centre  du  Soleil  de  29  deg.  30 

^     m  \  \  i  ous  eftimions  par  50  degrés  j  minutes 

^  V       ^\  *  ?tte  hauteur,  défalquant  2  minutes  pour 

•^/^      \  \   •  ?il  fur  l'horizon,    nous  conclûmes 

ornent  de  robfervation ,   4  heures 
»  mps  vrai;  que  la  montre  avançoit 

-   ^  \  \  le  temps  vrai  ;  que  depuis  le  20 

•   m  it  avancé  en  quinze  jours  quatre 

i ,  de  18  min.  3  fec.  j,  &  furie 

min.  13  fec.  £;  &  enfin  que 

c.-j  par  jour,  elle  n'aurait  dû 

35  fec.  nous  devions  être 

T  à  l'occident  du  méridien 

tendant, 
.  ,narquoit  6  heures  2  min. 
* w  neur  de  Peyre ,  avec  un  autre  odant ,  obferva 
ie  bord  inférieur  du  Soleil  élevé  de  20  deg.  19  min* 
fur  l'horizon,  la  latitude  du  Navire  étant  de  52  deg. 
%  min.  -félon  J'eîlime;  il  fuit  qu'il  étoit  alors  5  heures 
14,  min.  P  fee..  tejiips  vrai ,  &  que  nous  étions  de 

♦  Nn 


•% 


a8o  Voyage 

du  foir,  28  pouc.  4  lign.  \\  thermomètre,  à  7  heur.  \ 
du  matin,  14  deg.  £;  à  midi,  15  deg.  £;  à  10  heur. £ 
du  foir ,  1 6  deg.  |. 

Le  3  ,  calme,  puis  petite  fraîcheur  du  nord-eft,  & 
très -beau  temps.  X  8  heures  j  du  matin,  baromètre, 
28  pouces  3  lignes  |:  thermomètre,  16  deg.  A  midi  y, 
baromètre,  28  pouces  3  lignes;  thermomètre,  17  deg. 
X  1 1  heures  £  du  matin ,  la  féconde  montre  avançoit 
fur  la  première  de  1  min.  53  fec. 
Départ  Le  vent  étoit  foible,  je  voulois  attendre  qu'il  fe 
fît  ;  voyant  cependant  que  tous  les  Navires  quittoient 
fuccefïivement  la  rade ,  je  me  déterminai  à  les  fuivre. 
Nous  abandonnâmes  enfin  l'ennuyeux  féjour  d'Helder, 
&  nous  appareillâmes  à  quatre  heures  du  foir,  après 
avoir  falué  la  Frégate  commandant  en  cette  rade ,  du 
pavillon  &  de  fept  coups  de  canon.  M.  May  me  fit 
rendre  exactement  le  même  falut ,  conformément  à 
la'  parole  qu'il  m'en  avoit  donnée  la  veille.  Nous 
étions  précédés  d'une  trentaine  de  Vaifleaux ,  nous 
en  dépaflames  un  ou  deux  dès  le  jour  même  ;  le  len- 
demain nous  étions  à  la  tête  de  la  flotte.  Le  3 ,  à  huit 
heures  du  foir,  l'île  du  Texel  nous  reftoit  au  nord-eft, 
à  la  diftance  de  huit  lieues. 

Le  4,  le  vent  fouffloit  de  reft-nord-eft  &  de  l'eil, 
mais  bien  faiblement  :  à  midi  nous  avions  fait  18 
lieues  au  fud-oueft  5  degrés  oueft ,  depuis  8  heures 
du  foir  de  Ja  veille  ;  la  hauteur  méridienne  du  Soleil 
nous  mettoit  par  52  deg.  1 1  min.  de  latitude,  ce  qui 

s'accordoit 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        i8l 

s'accordoit  affez  avec  notre  eftime  :  à  1 1  heures  \  du 
matin ,  la  féconde  montre  marine  avançoit  de  i  min. 
55  fec.  7  fur  la  première  :  le  ciel  fut  ferein  tout  le 
jour. 

-  Le  foir,  nous  voulûmes  effayer  les  montres  marines  Épreu*« 
fiir  l'ufàge  auquel  elles  font  deftinées  \  la  féconde  marines* 
marquant  5  heures  3  min.  46  fec.  le  Pilote  de  Peyre, 
obferva  la  hauteur  du  centre  du  Soleil  de  29  deg.  30 
min.  \\  nous  nous  eftimiûns  par  50  degrés  5  minutes 
de  latitude,  de  cette  hauteur,  défalquant  2  minutes  pour 
h  hauteur  de  l'œil  fur  l'horizon ,  nous  conclûmes 
qu'il  étoit,  au  moment  de  l'ohfervation ,  4  heures 
1 5  min.  45  fec.  temps  vrai  ;  que  la  montre  avançoit 
de  48  min.  1  fec.  fur  le  temps  vrai  ;  que  depuis  le  20 
Juillet  à  midi ,  elle  avoit  avancé  en  quinze  jours  quatre 
heures,  fur  le  temps  vrai ,  de  1 8  min.  3  fec.  3-,  &  fur  le 
temps! moyen,  de  18  min.  13  fec.  £;  &  enfin  que 
comme  à  raifon  de  4 1  fec.  £  par  jour ,  elle  n  aurait  dû 
avancer  que  de  10  min.  35  fec.  nous  devions  être 
alors  de  7  min.  38  fec.  £  à  l'occident  du  méridien 
de  notre  obfervatoire  d'Amfterdanu 

Lorfque  la  même  montre  marquoit  6  heures  2  min» 
36  fec.  lé  fieurde  Peyre,avec  un  autre  o&ant ,  obferva 
le  bord  inférieur  du  Soleil  élevé  de  20  deg.  19  min. 
fur  l'horizon,  la  latitude  du  Navire  étant  de  52  deg. 
%  min.  -félon  i'eltime;  il  fuit  qu'il  étoit  alors  5  heures 
14  mjn.  p  fec..  tcgnps  vrai ,  &  que  nous  étions  de 

.  Nn 


•» 


282  Voyage 

Le  lendemain  j  do  mois,  étant  à  1  ancre  par  y  1  deg. 
14  min.  de  latitude,  le  même  pilote  obferva  la  hauteur 
du  bord  inférieur  du  Soleil,  lorfque  la  même  montre 
marquoit  10  heur.  2  min.  yj  fec.  ~  avant  midi;  félon 
cette  obfervation ,  il  étoit  9  heures  10  min.  22  fec. 
temps  vrai ,  &  nous  devions  être  à  1 1  min.  47  fec. 
de  temps  à  l'oued  d'Amfterdam.  Ces  trois  détermi- 
nations s  accordoient  bien  avec  notre  eftime;  quelques 
fécondes  de  doute  pouvoient  être  auflï-bien  rejetées 
fur  les  obfervations  &  l'incertitude  de  l'eftime,  que 
fur  le  défaut  de  la  montre.  Au  temps  de  la  troifième 
obfervation ,  la  tour  de  Dunkerque  que  Ton  voyoit  au 
fud-eft,  à  la  difiance  de  cinq  à  fix  lieues,  ne  nous 
permettoit  pas  de  douter  de  notre  vraie  poûtion.  Nous 
préfumames  donc  que  la  féconde  montre  ne  s'étoit 
pas  dérangée  fenfiblement  depuis  Amfterdam ,  &  la 
préfomption  pouvoit  même  s'étendre  jufqu'à  la  pre- 
mière montre,  fur  laquelle  la  féconde  avoit  avancé, 
Tune  portant  l'autre ,  de  3  à  4  fec.  chaque  jour. 
Épreuve  -  Le  4  au  foir,  nous  profitâmes  de  Tunique  occafion 
mégamètre.  <P"  s'e^  préfentée  durant  tout  le  cours  de  notre  voyage , 
d'éprouver  le  mégamètre  de  M.  de  Charnières  :  ce 
n'efl  pas  que  ces  occafions  doivent  être  extrêmement 
rares  fur  mer;  mais  fur  les  mers  que  nous  parcourions» 
les  crépufcules  extrêmement  longs  né  nous  permet* 
toient  pas  de  découvrir  les  Étoiles:  d'ailleurs,  nous 
avons  eu  fur  mer  très-peu  de  jouç  fereins  ;  ces  joins 
font  fréquens  fur  les  grandes  mers.  Enfin ,  -nets  émm 


DE  M.  DR  COURTANVAUX.        28} 

plus  fou  vent  fur  terre  que  fur  mer,  les  vents  contraires 
nous  retenant  quinze  jours  &  pius  en  des  lieux  où 
notre  premier  deflein  étoit  de  féjourner  très-peu  de 
temps  :  or  ,  ce  n'étoit  point  à  terre  qu'il  s'agiffoit 
d'éprouver  l'initrument.  La  féconde  montre  marine 
jnarquoit  9  heur.  44.  min,  58  fec.  iorfque  le  méga- 
mètre  a  donné  17  révolutions  62  parties,  ou  2  deg, 
27  min.  8  fec.  de  diftance  entre  l'étoile  du  cœur  du 
Scorpion  &  le  bord  Je  plus  éloigné  de  la  Lune.  Nous 
nous  eftimions  alors  vers  51  deg.  52  min.  de  latitude; 
nous  fuppofons  d'ailleurs  que  nous  étions  de  9  min. 
12  fec.  plus  occidentaux  qu'Amfterdam  ,  &  qu'à 
l'heure  de  i'obfervation  la  féconde  montre  avançoit 
de  49  min.  45  fec.  fur  le  temps  vrai.  Le  temps  étoit 
calme ,  cependant  le  flot  fâifoit  rouler  la  Frégate  ; 
M.  Me(fier,  qui  faifoit  I'obfervation ,  perdoit  fans  cette 
l'Étoile:  l'inftrument  étoit  moins  maniable  qu'il  ne 
i'eft  à  préfent ,  M.  de  Charnières  ayant  trouvé  depuis 
le  moyen  de  donner  pius  d'aiiànce  à  fes  mouvemens, 
M.  Méfier,  en  conféquence,  ne  donnoit  cette  obfer~ 
vation  que  comme  incertaine:  nonobfiant  cette  incer- 
titude, il  nous  a  paru  utile  de  calculer  I'obfervation*. 
Nous  avons  tiré  le  lieu  &  la  latitude  de  la  Lune  de  la 
Connoiffance  des  Temps.  M.  fe  Monnier  nous  a 
communiqué  des  obfervations  de  la  Lune  faites  au 
méridien  le  même  jour:  en  conféquence  de  ces  obfer- 
Vations,  nous  avons  ajouté  8  fec.  àfafcenfion  droite» 
4t  retranché  27  fec.  de  la  déclinaifon  conclue  de  la 

Nn  ij 


284  V    O    Y   A    G    £ 

Connoiffance-  des  Temps,  &  le  réfultat  des  fuppo- 
fitions  &  du  calcul  a  été  que  la  diftance  de  l'Étoile  au 
bord  éloigné  de  la  Lune  devoit  être  alors  de  2  deg. 
27  min.  46  fec.  c!eft-à-dire,  de  38  fec.  feulement 
plus  grande  qu'elle  n'avoit  été  obfervée.  Nous  ne 
doutons  pas  que  la  précifion  n'eût  été  bien  plus  grande, 
fi  la  Frégate  eût  moins  roulé»  &  û  le  mégamètre  eût 
été  plus  maniable, 

La  même  montre  marquait  9  heures  58  min.  21 
fec.  la  diftance  a  été  trouvée  de  17  révolutions  11 
parties ,  ou  2  deg.  22  min.  48  fec.  M. Pingre,  quia 
fait  cette  féconde  obfervation ,  dit  n'avoir  pu  prendre 
la  diftance  que;  comme  à  la  volée ,  &  la  donne  en 
conféquence  comme  très  -  équivoque  ;  cependant  en 
laiffant  fubfifter  les  mêmes  fuppofitioas  ,  le  calcul 
donne  pour  la  diftance  qu'il  falloit  obferver ,  2  deg. 
•23  min.  55  fec*  Terreur  efl:  de  1  min.  7  fec.  : 
Aurore  Le  même  foir ,  il  y  eut  une  aurore  boréale;  dès  le 
coucher  du  Soleil ,  ou  4  à  5  min.  après ,  M."  Mefiier 
Si  Leroy ,  s'aperçurent  que  du  lieu  où  le  Soleil  avoit 
touché  l'horizon,  s'élevoient  comme  deux  arcs  de 
couleur  d'eau ,  ou  plutôt  de  couleur  de  bleu  de 
Prufle,  celui  qui  étoit  à  droite  fe  courboit  du  côté 
du  nord,  l'autre  s'élevoit  prefqûe  verticalement  :  cfc 
phénomène  avoit-il  trait  à  l'aurore  boréale  qui  parut 
après;  c'eft  ce  .  dont  je  laiffe.  la  dé  ci  (ion  aux  Phyfr- 
.riens  !  après  l'obfervation  de  la  Lune,  l'aurore  boréale 
étoit  abfolument  décidée;  on  vit  d'abord  des  jet»  qai 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.       i&% 

l'élançoient  vers  le  zénith  ;  enfui  te  îè  phénomène  fé 
réduifit  à  la  (impie  fournarfe,  de  7  à  8  degrés  dé 
hauteur  au  plus  :  fon  centre  étoit  au  -  deflbus  de  ia 
tête  de  la  grande  Ourfe ,  ou  plutôt  entre  le  carré  de 
la  grande  Ourfe  &  l'Étoile  polaire. 

Le  temps  fut  très  -beau  ,  tout  ce  jour  du  4  Août ,  s£tc 
vent  de  nord-eft,  bien  foible  le  foir  :  ie  5  au  matin,  u  navigation. 
le  vent  varioit  du  word-eft  aii  fud-eft,  vers  8  heures 
&  demie»  le  vent  faute  à  l'oueft - fud - oueft ,  6l  nous 
fait  faire  chapelle  * ,  nous  gouvernâmes  au  fud  :  preA 
que  auflitôt  le  vent  fe  remit  à  l'eft-nord-eft,  mais  il 
étoit  fi  foible  qu'il 'ne  faifoit  pas  la  plus  légère  impreff 
fion  fur  les  voiles  :  nous  mouillâmes -donc  par  vingt 
brades  d'eau  fur  un  fond  de  gravoU , .  pour  éviter  d'ëtrtf 
portés  en  arrière  par  la  marée  qui  étoit  alors  dans 
toute  fa  force  :  peu  après  11  heures  nous  levâmes 
l'ancre  pour  profiter  d'une  petite  frakheurijqr  venoit 
de  l'eft::  à  midi  &  demi,  la' féconde  montre  avançoit 
de  1  min.  59  fec.  fur  la  première;  ia  hauteur  du  Soieil 
prifeàmidi,  nous  mettoit  par  ^r  deg.  13  -min.  de 
longitude  :  à  4  heures  &  un  quàit  \.  ù  tomba,  na 
peu  de  .pluie  ;  urie  demi  -  heure  après  \  le  tonnerre  fe 
fit,  entendre  au  loirr  :  nous  étions  dans, \  le . pas ,  mais  H 
lie  nous  étoit  plus  poffible  d'arriver  à  Boulogne  de 
tette  marée;  nous  primes  le  parti  de  tourner  ie  cap 

*  Lorfqué  le  vent  faute  tout -a -coup  à  Pavartt  du'  Valfleàû  ;  et 
tat  enfler  les  voiles  comré[  les  mâts  Vert  Yikûkit  du-  Narire,  bti 

âb  ^  en  termes  de  œ*riûcy  jjm  là  Vxd$cm\fa)t  xfapHl*  -    .      : 

Nn  iij 


$$&         V  V  O    Y   A-  G  \E 

à  la  rade  de  Calais  ,  où  nous  mouillâmes  vers  7 
heures  par  onze  brafles  d'eau ,  fond  de  fable  vafeux  : 
orage  avec    tonnerre  à  8  heures  ,   éclairs   pfefque 
toute  la  nuit  ' 
.  Arrivée         Nous  nous  étions propofé  de  lever  l'ancre  à  minuit, 

»  Boulogne. 

le  calme  y  mit  obftacle;  le  6  au  matin  ,  voyant  le  calme 
plat ,  &  par  conféquent  l'impoflibiJité  de  faire  route , 
j'allai  à  terre  pour  voir  M.  le  prince  de  Croy  «  &  iàtis~ 
faire  à  la  curiofité  que  j'avôis  de  vifiter  la  côte  depuis 
Calais  jufqu'à  Boulogne  ;  je  pris  avec  moi  un  Officier 
qui  connoifToit  parfaitement  le  local ,  &  je  me  rendis 
ie  foir  à  Boulogne ,  comptant  d'y  trouver  le  Bâtiment  : 
Je  vent  s'étant  élevé  vers  1  o  heures  du  matin ,  il  appa- 
reilla à  1 1  heures ,  le  vent  fouffloit  de  l'oueft ,  & 
étoit  contraire  ;  en  fèpt  bordées  ie  cap  de  Blancnez 
&  celui  de  Grifhez  furent  doublés;  vers  2.  heures 
du  foir»  la  féconde  montre  avançoit  de  2  min.  1  fec. 
fur  la  première  :  le  vent  fe  mit  au  nord ,  il  fouffloit 
bien  fbibiement  :  à  deux  lieues  de  Boulogne  on  tira 
deux  coups  de  canon ,  &  l'on  fit  les  fignaux  conve- 
nus. J'envoyai  deux  canots:  cependant  un  orage  Je 
fbrmoit ,  les  éclairs  fe  multiplioient ,  le  tonnerre  gron- 
doit  au  loin:  les  canots  arrivèrent  à  la  Frégate  vers 
8  heures  &  demie  du  foir  :  nos  Autonomes  y  des- 
cendirent avec  tout  le  refle  de  la  compagnie  :  le  vent 
fraichiflant  auflîtôt ,  on  mit  les  canots  à  Ja  remorque  : 
le  fieur  de  Peyre;  exhorte,  cependant  la  compagnie 
à  remonter  pour  fe  mettre  à  couvert  de  l'orage  qui  va 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        lîf 
fondre  ;  un  des  deux  canots,  dans  lequel  et  oit  M.  Leroy, 
perd  fon  amarre,  on  lui  en  jette  une  autre,  elle  eft 
iâifie  heureufement,  dé  manière  cependant  que  le  canot 
va  fe  [mettre  précifément  fous  l'avant  de  la  ÏYégate"; 
le  danger   ne   flouyoit  être  plus,   preffant ,  le  canot 
étoit  perdu ,  û  le  fieur  de  Peyre  n'eût  fait  précipitam- 
ment mafquer  les  voiles  ,  le  Bâtiment  s'arrêta ,  devint 
comme  immobile ,  &  le  canot  eut  le  temps  de  fe 
retirer  :  à  peine  M.  Leroy  êtoit-il  remonté  que  l'orage 
fe  déclara  par  un  grain  furieux  •  le  vent  fouffloit  avec 
violence  de  l'oueft-fud-oueft,  il  fallut  s'éloigner  des 
côtes  &  gagner  le  large  :  le  roulis  &  le  tangage  de- 
vinrent  très  -  fenfibles ,   les  vents  firent  le  tour  dit 
compas  :  le  lendemain,  la  mer  s'étant  appaifée,  on  reprit 
ia  route  de  Boulogne  par  un  vent  variable  du  fud-oueft 
au  nord  -  oueft,  &  on   mouilla   heureufement  dans 
le  port  vers  i  o  heures  du  matin ,  après  avoir ,  félon  là 
coutume ,  falué  Notre  -  Dame  de  Boulogne  de  cin<J 
coups  de  canon:  à  9  heures  £V  ta  féconde  montré 
avançoit  de  2  mm.  3  fec.  fur  la  première. 


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CHAPITRÉ    XIIL 

Séjour  à4  opérations  faites  À  Bûulognc;defcriptian 
■  •'  ■  ■        a?  cette  ville.  Retour  m  Havre. 

«  i 

Obfcmtoire,  TlyTxsDEMoiSELLEs  Dezoteux,  chez  lefquelles  j'étois 

f^T*  defcendp  dans  la  liante  ville  de  Boulogne,  trou- 
yèrentle  moyen  de  loger  tpu$  ceux  de  rçia  cpmpagnie 
dans  Iç  voifin^ge  de;leijr  m^ifQn  :  irçaj/s  il  ne  leur  fut 
pas  également  facile  de  nous  procurer  un  Qbferva^ 
toire  :  faute  de  lieu  commode  dans,  la  ville  hgufe ,  if 
fallut  pn  cjiercjier  jur>  dans  la  vjlle  baffe;  M.  Jean- 
François  Cpillot ,  npus  offrit  graçjeiffement  une  partie 
de  fa  maifon  ;  elle  eft  fitu.ee  très-près  du  port,  au  nor4 
pu  nord^oueft  de  la  baffe  viljp;  qous  y  fîmes  ftinf* 
porter  nos  jnftrurrçens  le  8  Apyt  :  ce  JQiir,  verspiidi, 
la  féconde  mpntre  avançoit  fur  Ja  première  de  % 
njinytes  3  fécondes  ;  l'une  &  l'autre  fut  tranfportcç 
à  TObfervatpire  le  mémç  jour  jkx  heures  du  foir» 

Obfemdotti       Javois   reçu  à  Calais    le  baromètre   portatif  de 

iwx  momrcj  Siffon  ,  que  j'avois  renvoyé  de  Dunkerque  en  Angle-» 
pannes,     terre  pQur  je  fajre  rgpargr .  j*eft  avois  auffi  reçu  un 

autre'  de  Paris  ;  ces  deux  baromètres  ,  &  celui  de  M. 
de  Fourcroix ,  dont  nous  avions  jufqu  alors  fait  ufage , 
furent  fufpendus  chez  M.,,c*  Dezoiejjx  :  le  7  Août 
à  1 1  heures  7  du  matin ,  celui  der  Si  (Ton  étoit  à  la 
hauteur  de  27  pouces  9  lignes  «—  ;  les  deux  autres 

Soient 


DE  M.  DR  COURTANVAUX.        289 

autres  étoient  à  très-peu  près  à  la  même  hauteur ,  ils 
montèrent  à  27  pouces  1 1  lignes  ,  Si  fe  foutinrent 
à  cette  hauteur  les  deux  jours  fui  van  s. 

Le  8 ,  le  ciel  fut  couvert  par  un  vent  de  fud~oueiL 
Le  9 ,  le  temps  fut  très-beau,  nous  en  profitâmes; 
vingt- deux  hauteurs  du  Soleil  prifes  le  matin  vers  8 
heures  \  ,  &  leurs  correfpondântes  prifes  le  foir ,  nous 
donnèrent  midi  vrai  à  1 1  heures  f6  min.  55  fec.  f 
de  la  pendule  ;  un  demi-quart  d'heure  après  midi ,  la 
première  montre  marine  avançoit  fur  la  pendule  de 
57  min.  16  fec.  &  la  féconde  de  59  min.  19  fec.y; 
le  thermomètre  étoit  à  1 8  degrés. 

Le  20  Juillet,  à  Amfterdam,  la  première  montre  avançoit  fur  la 
pendule  de 32'    12* 

Sur  le  temps  vrai ,  de 28.  5  2  £• 

Sur  le  temps  moyen ,  de ;  23 .  4. 

Le  9  Août  die  avance  fur  la  pendule  de, 57.  1 6* 

Sur  le  temps  vrai ,  de , 54.  1 1  |. 

Sur  le  temps  moyen»  de ...........  49.  4  J. 

Ainfi ,  en  vingt  jours ,  elle  a  avancé  de 26.  o  j. 

Différence  des  méridiens ,  entre  Amfterdam  &  Bon* 

logne,  de •  •  ♦ 13.      y. 

Avancement  réel ,  en  vingt  jours,  de. , 12.    j  j  j. 

A  raifon  de  3  7*  |  par  jour ,  elle  auroit  dû  avancer , 

en  vingt  jours,  de. 12.   22  £• 

Erreur ,  en  vingt  jours ,  de ; . .  o.  3  2  £. 

Ou,  fi  Ton  veut,  la  montre  aura  avancé  par  jour  de...  o.  3  8  |, 
La  féconde  montre  avançoit,  le  20  Juillet,  fur  la 

pendule  de,.  ..,,..•. ., .- 33.   17. 

,  O  o 


290  V  O    Y   A    G    E 

Sur  le  temps  vrai ,  de.  / • ap'    J7* 7. 

Sur  le  temps  moyen , de.  ...  ». • • 24.      9. 

Le  9  Août  elle  avançoit  fur  la  pendule  de.  ......  •  59.    19  \. 

Sur  le  temps  vrai,  de „  . . .  j6.    14  f. 

Sur  le  temps  moyen,  de .. .  5  r.     7  y. 

Ainfi  elle  a  avancé ,  en  vingt  jours ,  fur  le  temps  moyen , 

de 26.    j8f. 

Elle  a  dû  avancer,  pour  la  différence  des  méridiens» 

de  • 13.      $- 

Avancement  réel,  en  vingt  jours ,  de 13.  y 3  |. 

Sur  le  pied  de  4 1  "  £  par  jour ,  elle  a  dû  avancer  de  •  .  13.  5  6  | . 

£rreur ,  en  vingt  jours ,  de •••«•+ o  3. 

.  Dans  ce  calcul ,  j'ai  fuppofé  la  longitude  d'Amfter- 
clam.,  telle  que  nous  lavons  déterminée  par  nos 
obfervations ,  &  celle  de  Boulogne,  telle  qu'elle  efl 
dans  la  ConnoiiTance  des  Temps. 

Le  10,  beau  temps,  vent  de  fud-oueft  &  d'oueil: 
baromètre,  27  pouc*  11  lign.  ^  Je  matin;.  28  pouc 
o  lignai  le- foir>. les. hauteurs -du  Soleil  donnent  midi, 
à  1 1  heures  }6  min.  57  fec.  ^  de  la  pendule,  laquelle 
par  conféqueflft  a  avancé  en  vingt  -  quatre  heures  de 
2 ,  ïbc.  j  fur  le  temps  vrai*,  &  de  1  o  fée.  |  fur  le  temps 
moyen  :  un  demï-qûârt  d'heure  après  midi ,  la  première 
montre  avançoit  de  57  min.  43  fec.  £  fur  la  pendule, 
&  la  féconde,  de  j$  min.  jo  fec.  £;  ainfi  la  première 
avoit  avancé  en  vingt-quatre  heures  fur  le  temps  moyen, 
de  38  fec.  \\  &  la  féconde  de  41  fec.  §  :  thermo* 
mètre ,  auprès  4e&  montres  marines.  1 7.  deg.  £. 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.  291 
Le  11  ,  beau  temps  &  vent  de  fud-oueft  :  le  foir, 
baromètre  deSifïbn,  28  pouces  0,6  lignes,  celui  de 
Paris  ,  28  pouces  1  ligne  ,  celui  de  M.  de  Four  croix, 
28  pouces  i  ligne  |  :  les.  hauteurs  correfpondantes 
prifes  vers  10  heures  du  matin  &  2  heures  du  foir, 
donnent  le  midi  vrai  à  1 1  heur.  56  min.  59  fec.  \  dç 
la  pendule  ;  elle  a  avancé  en  vingt-quatre  heures  d'une 
fec.f  fur  le  temps  vrai ,  &  de  10  fec.f  fur  le  temps 
moyen,  un  demi  -  quart  d'heure  après,  la  premrèrç 
montre  avançoit  fur  la  pendule  de  58  min.  9  fec.  f; 
&  la  féconde ,  de  1  heure  o  min.  2 1  fec.  ainft  la 
première  en  vingt-quatre  heures ,  a  avancé  de  36  fec.y, 
&  la  féconde ,  de  4 1  fec.  \  ;  thermomètre ,  1 6  deg.  \* 
Le  12,  ciel  couvert,  &  pluie  vers  midi,  même 
vent  :  baromètre  de  Sillon,  28  pouces  o  ligne  i;  de 
M.  de  Fourcroix,  28  pouces  2  lignes  j;  de  Paris,  28 
pouces  2  lignes  :  les  hauteurs  du  1 1  aufoir,.  comparées 
avec  celles  du  1 3  au  matin  ,  donnent  le  midi  du  1 2 ,  à 
1 1  heures  56  min.  59  fec.-f;  ainfi  la  pendule  en  vingt- 
quatre  heures ,  a  avancé  d'un  quart  de  féconde  fur  le 
temps  vrai,  &  de  9  fec.  f  fur  le  temps  moyen;  up 
demi  -  quart  d'heure  après  midi ,  la  première  montre 
avançoit  de  58  min.  34-  fec.  7 fur  la  pendule,  &  j$ 
féconde,  de  1  heure  o  min.  52  fec.  };  donc  en  vingts 
quatre  heures ,  la  première  avoit  avancé  fur  le  temps 
moyen,  de  34  fec.  j,  &  la. féconde,  de  41  fec.  f; 
thermomètre,  17  deg. 
Le  2  3 ,  aJSez  beau  temps  tout  le  jour*  quoique  Je* 

Ooij 


!<)%  V    O    Y   A     Ô    E  " 

baromètres  defcendiflent  un  peu  :  vent  toujours  vers 
i'oueil  :  les  hauteurs  prifes  le  matin ,  dont  les  corres- 
pondantes n'ont  pu  être  prifes  le  foir,  comparées  avec 
celles  du  1 1  au  matin  ,  donnent  à  la  pendule  un  avance* 
ment  de  j  de  féconde  fur  le  temps  vrai ,  ou  de  près 
de  20  fec.  fur  le  temps  moyen  ;  ce  feroit  10  fec.  en 
vingt  -  quatre  heures  :  un  demi  -  quart  d'heure  après 
midi ,  la  première  montre  avançoit  de  59  min.  2  fée.  y, 
Se  la  féconde ,  de  1  heure  1  min.  24  fec.  fur  la  pen- 
dule :  elles  avoient  donc  avancé  en  deux  fois  vingt- 
quatre  heures  fur  le  temps  moyen ,  l'une  de  1  min, 
,13  fec.  Se  l'autre  de  1  min.  23  fec. 

Le  14,  quelque  pluie  le  matin,  pluie  Se  temps  cou- 
vert tout  le  foir  :  les  baromètres  ont  defeendu  de  3 
lignes  durant  la  nuit  &  continuent  de  defeendre  :  des 
hauteurs  prifes  le  matin ,  Se  comparées  à  celles  du 
13  &  du  1 1  au  matin ,  confirmèrent  que  la  pendule 
avançoit  par  jour ,  de  1  o  fec.  affez  précifément  ;  peu 
après  midi ,  la  première  montre  avançoit  fur  la  pen- 
dule, de  59  min.  29  fec.  Se  la  féconde  de  1  heure 
i  min.  57  fec.  l'une  avoit  avancé  fur  le  temps 
moyen,  de  36  fec.  £en  vingt-quatre  heures,  l'autre 
de  43  fec.  Sept  heures  Se  un  quart  après  cette  première 
obfervation ,  les  montres  avançoient  fur  la  pendule , 
l'une  de  59  min.  36  fec.  £;  l'autre  de  1  heure  2 
min.  7  fec.  ce  feroit ,  relativement  au  temps  moyen , 
fur  le  pied  de  34  fec.  \  ,  Se  de  43  fec.  en  vingt-quatre 

heures  :  ce  même  jour ,  au  foir ,  J'initrument  de% 


i 


de  M.  peCourtanvavx.      293 

paffages  &  le-  quart- de -cercle  furent  rembarques. 

Le  1 5  ,  vent  violent  du  fud-oueft  &  de  l'oueft-fud- 
oueft,  temps  fort  inconitant,  Soleil  &  pluie  alternatif 
vement  ;  le  coup  de  vent  empêche  ia  Frégate  de 
fortir  du  port,  comme  je  Pavois  projeté  ;  peu  avajit 
midi  âc  demi,  les  montres  avancent  fur  la  pendule, 
l'une  de  59  min.  56  fec.  £,  1  autre  de  1  heure  2  min, 
29  fec.  j  ;  ainfi  en  vingt-quatre  heures  &  un  tiers,  la 
première  a  avancé  fur  le  temps  moyen,  de  37.  fec  j; 
Si  la  féconde  de  42  fec.  j-  :  c'efl;  en  vingt -quatre 
heures  36  fec.  |  pour  la  première,  &  41  fec.  -Ji 
pour  la  féconde  :  thermomètre ,  1 6  deg. 

Le  16 ,  même  vent,  copvert  le  matin,  pluie  après 
midi  ;  à  la  même  heure  que  le  15,  la  première  montre 
avance  de  1  heure  o  min.  24  fec.  &  la  fecopde, 
de  1  heure  3- min.  o  fec.  j  fur  la  pendule;  fi  le  mou* 
vement  de  la  pendule  a  été  unjforme ,  il  fuit  qu'en 
vingt-quatre  heures,  la  première,  montre  a  avancé  de 
37  fec.  i,  &  la  féconde,  de  41  fec.  thermomètre, 
j 5  deg.  f 

Le  17,  même  vent,  fort  beau  le  matin,  puis  cou-' 
vert  :  baromètre  de  Paris,  le  matin,  27  pouces  10; 
lignes  \  ;  le  foir ,  27 pouces  8  lignes  ~  ;  peu  après  midi  * 
Ja  première  montre  avançait  fur  la  pendule,  de  1  he\ire 
o  min.  5 1  fec.  j  ;  &  la  féconde ,  de  1  heure  3  min* 
3  3  fec.  donc  fi  le  mpuyement  de  la.  pendule  n'a  pas, 
varié,  en  vingt- quatre  Jieurej  moiji$ 1 5  ou  20  rainutçs^ 
Ja  première  montre  aura  avancé  de  37  fec,  ^,  &  ^ 

Oo  iij 


294.  Voyage 

féconde,  de  42  ûc.%  :  thermomètre,  15  degrés;  ce 
même  jour,  M.  Leroy  fît  porter  la  féconde  montre, 
fur  une  civière  du  lieu  de  notre  Obfervatoire  jufqu'à 
l'cvêché,  fitué  à  l'extrémité  de  la  haute  ville;  là  elle 
fut  ouverte  en  notre  préfence  ;  M.  Leroy  en  expliqua 
fa  conftruéfciôn  &  les  mouvemens  en  préfence  de  M, 
l'Évêque  de*  Boulogne  ;  la  montre  fut  refermée  & 
reportée  à  i'Obfervatoire  ;  vers  le  foir,  je  fis  démonter 
la  pendule ,  elle  fut  rembarquée  :  nous  comptions  appa- 
reiller le  lendemain ,  le  vent  ne  le  permit  pas. 

Le  18,  vent  oueft,  petit -frais,  beau  temps  tout 
le  jour  :  baromètre  de  Paris ,  matin  &  foir  ,  27  pouces 
8  lignes  j;  à  midi  £,  la  féconde  montre  avançoit  de 
2   min.    50  fec.  £  fur  la   première  ;   thermomètre , 

» 
Le   19,  même  vent  ;   baromètre ,    27  pouces  8 

lignes  \  le  matin,  le  foir  27  pouces  8  lignes  £,  beau 

tout  le  jour  ;  à  8  heures  {  du  matin  ,  la  différence  dei 

montres,  eft  de    2*  min.   54.  fec.  f;  thermomètre, 

14  deg.  le  baromètre,  tranfporté  de  la  haute  ville  fur 

la  Frégate  monte  de  deux  lignes,  &  bai  (Te  d'autant 

*  « 

forfqu'il  feft  reporté  dans  la  haute  ville ,  chez  M.,,e4 
Dèioteufc  ;  par  rapport  au  lieu  de  notre  Obfervatoire, 
fa  différence  n'étoït  que  d'une  ligne  deux  tiers. 

Le  <lo,  pluife  le  matin ,  puis  ciel  couvert,  vent  fod- 
oueft;  baromètre,  à  11  heures  du  matin,  27  pouces 
7  Kgnes^Và  ^Heures  du  foir,  27  pouoes  7  lignes:  à 
it  -heures,  2^ polices 7 lignes £;  peu  après  fi  heure» 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        29$ 

du  matins  la  féconde  montre  avance  fur  ia  première 
de  3  min.  1  fec;  thermomètre,  14.  deg. 

Le  2-1,  beau  temps,  vent  nord -oueft;* baromètre > 
à  9  heures  du  matin*  27  pouces  10  lignes:  à  1 1  heures 
du  foir,  27  pouces  1 1  lignes  %:  à  .11  heures  £  du 
matin,  différence  des  montres,  3  min.  7  fec.  î;  ther- 
momètre., 14.  deg.  Ce  même  jour,  les  deux  montres 
furent  reportées  à  bord.  '..,'..• 

Le  22,  beau  le  matin,  enfuiteL pluie  cçntmuç,  vent 
ouefl  &  fud-oued;  baromètre  le  matin,  28  pouce* 
o  deg.  tô.  À  8  heures  du  foir,  27  pouces  10  lignes  i: 
vers  11  heures  7  du  matin,  la  féconde  mçntre  avance 
de  3  min.  11  fec.  i  fur  ta  première.  . ,    ,  :  î 

.  Le  23,  pluie  &  coup  de  vent  le  matin,  beau  1$ 
foir,  vent  du  fud-oueft  au  nord-queft;.  baromètre* 
de  27 pouces  i  o  lignes,  descend  à  27  pouces  9  {ignés  7 , 
&  remonte  à  27  pouces  10  lignes -j-  :«  peu  avant  midi, 
différence  des  montres,  3  min.  1 5  fec.  £. 

Le  24,  beau  temps,  vent  fud-ouefl&  ouefl.  A  rq 
freures  du  matin ,  baromètre ,  27  pouces  1 1  lignes  •£: 
&  10  heures  du  foir,  28  pouces  1  lignie;  vers  midi, 
différence  des  montres,  2  min.  iafec.  ;£;  le  fojr> 
aveic .  J 'agrément  de  M.  de  Surtaville,  Commandant 
ii  Boulogne,  je  fis  annoncer  la  fête  .de  notre  ftoj 
Bien -aimé,  par  fept  coups  de  canon,     . 

Lie  25  >  pareille  fajye./îut  faite  à  5  heuuej  dut  matin, 
|i  midi  6ç  à  7  heures  4^,(9^;; je  c#éi>rai  d'diNeur» 
ia  fête  chez  M.  de  Surlayiile,  avec  te*  Chevaliers 


2g6  Voyage 

de  Saint-Louis,  qui  font  à  Boulogne  en  affez  grand 
nombre:  beau  temps,  vent  variable  du  nord  -  oueft  au 
fud-oueft.  Baromètre,  28  pouces  1  ligne  £  à  1 1  heures 
du  matin;  à  1 1  heures  du  foir,  27  pouces  3  lignes: 
vers  midi,  différence  des  montres,  3  min.  23  fec.  f 

Le  26,  vent  très-foible  du  fud-eft,  puis  de  Toueft 
Sl  du  nord-oueft,  beau  temps.  Baromètre,  à  10 heures 
du  matin,  28  pouces  3  lignes  ~;  leibir,  28  pouces 
3  lignes  |;  vers  1  heure  du  foir,  la  féconde  montre 
avance  fur  la  première  de  3  min.  28  fec.  f  :  on  nous 
aflfure  qu'au  large,  le  vent  eft  Eft  &  nord-eft. 

Le  27  enfin,  nous  partons  .vers  midi  &  demi, 
beau  temps,  vent  nord-oueft  dans  le  port,  puis  nord, 
nord-eft  6c  eft V  peu  après  midi,  la  différence  des 
montres  eft  de  j  min.  32  fec.  \. 
Latitude  «  Nous  avons  fait  auffï  quelques  obfervations ,  pour 
Boulogne  déterminer  la  tatitudè  de  Boulogne;  le  9  Août,  la 
hauteur  apparente  du  bord  fupérieiir  du  Soleil  fut 
obfervée  de  5  j  deg.  26  min.  57  fec.  il  fuit  que  la 
latitude  de  notre  Obfervatoire  étoit  de  50  deg.  43  min. 
20  fec.  Lé  lendemain ,  cette  même  hauteur  fut  de 
55  deg.  9  Tnin.  34  fec.  f  :  donc  latitude  de  TObferva- 
toire,  50  deg.  43  min.  18  fec.  En  pfenant  un  milieu 
entre  ces  deux  obfervations ,  la  maifon  de  M,  Coillot 
à  Boulogne,  (huée  fort  près  du  port,  fera  par  50  deg. 
43  min.  19  fec.  de  latitude  boréale:  le  clocher  deia 
cathédrale  peut  être  d'environ  20  fec.  plus  méridional 

que  cette  maifon» 

Le 


T>Ê  M.  DE  COURTANVAUX.        Mtf 

Le  9  du  mois  d'Août ,  par  cinq  relèvemens  que  nous  D&Rnaifon 
fîmes  du  centre  du  Soleil  avec  la  bouffole ,  nous  trou-  2LmSc- 
vames  que  l'aiguille  déclinoit  de  17  deg.  26  min.  du 
nord  à  l'oueft* 

Si  Boulogne  efl  la  même  ville  que  celle  que  les  Antiquités 
Romains  nommaient  Geffbriacum,  ou  fi  ces  deux  villes  Boulogne. 
étoient  féparées  Tune  de  l'autre  par  la  rivière  de  Liane ,  Tour  d'ordre* 
fi  le  Partus  Iccius  où  Céfar  s'embarqua  pour  palier 
dans  la  Grande-Bretagne ,  ne  diffère  pas  du  port  de 
Boulogne,  ce  font  deux  queftions  fort  controverfées; 
heureufement  leur  décifion  intéreffe  peu  la  tranquillité 
<Ie  l'Etat.  Il  eft  au  moins  certain  que  Boulogne  étoit 
une  ville  bien  connue  dès  le  temps  d'Augufte:  l'Em- 
pereur Caïus  Caligula  fit  bâtir  fur  une  montagne  voifine 
une  tour  qui  commandoit  l'entrée  du  port,  c'étoit  en 
même  temps  un  farc,  d'où  un  fanal  allumé  toutes  les 
nuits,  dirigeoit  les  Navires  qui  vouloient  entrer  dans  le 
port;  cette  féconde  defti  nation  lui  fit  donner  le  nom 
de  turris  ardens ,  ou  tour  ardente  :  on  la  trouve  enfuite 
nommée  par  corruption,  turris  ordans  ,  &  de  cette 
dernière  expreffion  ,  on  l'a  appelée  en  franc  ois ,  tour 
d  ordre;  cette  tour  étoit  de  forme  o<5togone,  chaque 
côté  ayant  environ  27  pieds  de  longueur,  elle  étoit 
comme  compofée  de  divers  étages,  lefquels  diminuant 
de  diamètre  à  mefure  qu'ils  s'élevoient ,  donnoient  à 
la  tour  une  figure  pyramidale;  la  maçonnerie,  diver- 
fifiée  dans  fes  couleurs,  formoit  un  afpeâ  agréable: 
fur  trois  affifesde  pierres  de  couleur  de  fer,  telles  qu'on 

.pP 


î$8  V  o  r  a   û  £  *  " 

en  trouve  abondamment  dans  te  pays,  étoient  pofees 
deux  autres  aflifes  dé  pierre  jaunâtre,  &  celtes  -  ci  fôu- 
tenoïent  deux  rangs  de  briques  fort  rouges ,  de  deux 
pouces  d'épaifleur  fur  un  bon  pied  de  long  &  & 
demi-piéd  aîi  moins  de  large;  dette  alternative  d'af- 
fifès  étoit  exécutée  depuis  te  pted  dé  la  tbôr  juf^u'e» 
haut.  La  tour  d'ordre  fubfiftoit  encore  en  entier  an 
xvi.e  fiècle ;  Henri  VIII,  roi  d'Angleterre,  s'empara 
tïe  Boulogne  en  i  5*44.  :  ce  p'rince  fit  fortifier  la  four, 
en  élevant  autour  quatre  bons  'battions  revetos  de 
pierre;  le*  Bdulonois  ayant  depuis  ouvert  des  carrières 
îlans  le  roc  qui  fôùtenoit  ce  terrain ,  Sl  les  eaux  de  la 
mer  dyant  achevé  de  le  miner,  là  tour  &  le  fort  écrou- 
lèrent le  29  de  Janvier  1644  en  plein  midi:  oft  voit 
cependant  encore  des  reftes  de  l'un  &  de  i'auffe,  & 
des  vertiges  de  la  tour,  il  eft  facile  de  conclure 
que  ce  n'étoit  point  un  des  moindres  ouvrages  des 
(Romains  dans  les  Gaules:  on  voit  de  plus  eritrela 
*our  d'ordre  &  la  baffe  ville  quelques  ruines  d'un  autre 
Tort  qu'Henri  VIII  avoit  auffi  fait  contraire  fous  le 
nom  dé  fort  rôuge. 

Ville  haute      Boulogne  eft  cortipofée  de  deux  villes  bien  diftirnîtes; 

«  d*       -la  haute  ville  eft  fur  le  haut  d'une  colline  dominée, 

Boulogne.  ^ 

mais  à  une  certaine  diftance,  par  des  montagnes  affez 

'élevées  :  cette  partie  de  la  ville  eft  beaucoup  pte 

ancienne  que  l'autre,  elle  étoit  la  feule  <Iu  temps  dts 

:Romains  &  des  comtes  de  Boulogne ,  mais  elle  étoit 

-alors  beaucoup  plus  étendue  qu'elle  ne  reft  aujourd'hui, 


DE  M.  DE  C$UftTAJ4VAUX.  299 
ç\\o  a  été  plufieurs  fors  détruite  &  rebâtie  enfin  telle 
qu'elle  eft  maintenant,  lorsqu'elle  fut  rçftituée  à  la 
France  par  Édoua?d  VI ,  fils  &  fucceffeur  d'Henri  VIII  : 
la  plus  grande  partie  des  fortifications  a  cependant  été 
démolie,  elle  n'cft  maintenant  entourée  que  d'un  mur 
&  d'un  rempart  qui  forme  une  promenade  agréable, 
tin  grand  nombre  de  tourelles  fubfi fient  encore  tout  le 
long  de  {'ençeintç;  cette  enceinte  a  la  forme  d'un 
carré  long  de  cent  quatre-vingts  toifes  environ  de  lon- 
gueur de  l'eft  9  l'oued,  fur  cent  quarante  de  large. 
A  la  pointe  la  plus  orientale,  eft  le  château  bâti  en 
IZ51  par  Philippe  de  France,  comte  de  Bpulogne, 
fils  4?  Philippe- Augufte,  il  eft  environné  d'un  bon 
fofîe;  l'Évéque,  les  Chanoines,  les  Officiers,  tant 
militaires  que  ceux  de  la  ville,  &  prefque  toute  la 
Nobleffe  de  Boulogne  demeurent  dans  la  haute  ville: 
on  y  compte  trente  mgifons  de  bonne  Nobleffe,  I3 
fociété  y  eft  cjiarfn^nte,  nous  levons  éprouvé  de  I3 
part  de  M.  de  Surlaville,  Maréchal-de-camp,  Corn-; 
mandant  9  Boulogne;  de  Af.  de  Pern  &  4e  M,  de 
Jt  qc  qui  gni  fpn  gçndre,  iffus  l'un  4e  l'autre  d'anciennes 
maifons  de  la  province  ;  de  M.  le  Major  de  la  place , 
dç  AL  'e  Dauphin  4'HaIinghen ,  Préfident  au  Préfidial 
de  la  ville  &  de  plufieurs  autres  :  on  compte  environ 
quatre  cents  nrçifons  dans  la  ville  haute  de  Boulogne  ; 
çn  fort  par  deyxpprtes,  l'une  conduit  ^  pf lais,  l'autre 
9  1g  b^fle  vijle. 

1#  ville  b$e  /i'e#  #pajé$  dç  ja  haute  que  par  une 

Ppij 


joo  Voyage 

l*  ville  defeente  de  cent  pas  environ  de  longueur  hors  de  h 
yille;  d'ailleurs  on  commence  à  defeendre  avant  que 
de  fortir  de  la  ville  haute,  &  on  n'a  pas  encore  atteint 
Je  bas  de  la  montagne ,  lorfqu'on  entre  dans,  la  ville 
baffe.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  le  mercure  dans  le 
baromètre  fe  foutient  à  la  haute  ville  deux  lignes  pré- 
cifes  plus  haut  qu'au  port;  ainfi  la  haute  ville  doit  être 
élevée  d'environ-  20  toifes  au  -deffus  du  niveau  de  la 
mer. 

La  ville  baffe  eft  très-moderne,  elle  n'exiftoit  pas 
en*  1544,  lorfque  les  Anglois  prirent  Boulogne,  elle 
n'eft  pas  même  entourée  de  muraille*;  mais  elle  eft 
bien  plus  grande,  plus  peuplée  &  plus  commerçante 
que  la  ville  haute;  elle  s'étend  le  long  de  la  Liane 
Fefpace  de  plus  de  trois  cents  toifes,  elle  a  prefque  la 
forme  d'un  triangle  équi latéral ,  dont  un  fommfet  feroit 
placé  près  de  la  viHe  haute:  elle  eft  bien  percée,  les 
maifons  font  bâties  de  pierres  de  taille,  elles  n'ont 
qu'un  étage,  outre  le  rez-de-chauffée,  on  en  compta 
environ  douze  cents;  il  y  a  autour  de  fept  mille  cinq 
cents  habitans  dans  les  deux  villes ,  cinq  mille  &  plus 
dans  la  ville  baffe  r  le  refte  dans  la  haute. 

ÉgRfe  L'églife  cathédrale,  dédiée  fous  le  nom  de  Notre- 
cattèdraie.  Dame  &  fituée  dans  la  ville  haute,,  eft  fort  belle;  la 
table  du  grand-autel,  les  baluftrades  qui  l'environnent, 
Si  le  pavé  du  fanétuaire  font  de  marbre,  le  jubé  eft 
auffi  fou  tenu  fur  des  colonnes  de  marbre ,  dont  le  trop 
grand    nombre   occafionnê  .  quelque   confufion ,   le 


DE  M.  DE  COUHTA#VAUX.        301 

clocher  eft  ridiculement  petit;  on  voit  dans  cette  églife 
une  ftatue  d'argent  de  la  Sainte- Vierge ,  portée  dans 
un  vai fléau  de  même  métal:  les  Boulonois  ont  une 
extrême  vénération  pour  cette  image,  qu'ils  tiennent 
pour  fort  ancienne,  &  à  laquelle  ils  attribuent  un  grand 
nombre  de  miracles ,  dont  quelques  -  uns  au  moin» 
paroiflent  aflez  autorifés;  le  Chapitre  eft  compofé  de 
vingt-deux  Chanoines,  y  compris  les  dignités:  près 
de  l'églife  eft  l'Évêché ,  il  eft  bien  bâti ,  mais  meublé 
avec  la  plus  grande  (implicite;  M.  de  Partz  de  Preffyr 
Évêque  de  Boulogne,  regarde  fon  revenu  comme  étant 
celui  des  pauvres ,  fa  piété  eft  tendre  &  point  affe&ée,  il 
mène  une  vie  frmple  &  retirée,  fe  principale  vertu  eft 
une  charité  vive,  compatiflan te r &  efficace  pour  ceux 
qui  font  dans  le  befoin;  cela  ne  l'empêche  pas  de  fe 
livrer  quelquefois  à  la  fociété ,  il  nous  donna  un  repas 
que  je  pourrais  appeler  fplvdide  ;  mais  les  plats  ne 
font  deffervis  de  deffus.  fâ  table  que  pour  être  portés  à 
l'hôpitat 

Il  n'y  a  que  deux  paroi iTes  dans  Boulogne ,  une  Autre* 
dans  chaque  ville;  celle  de  la  ville  haute  porte  le  nom 
de  Saint- Jofeph-,  ce  n'eft  qu'une  chapelle  de  Péglife 
cathédrale  :  la  paroiffe  de  la  ville  baffe  a  Saint  Nicolas 
pour  titulaire  ;  il  y  a  de  plus  dans  la  ville  haute  un 
collège  occupé  par  les  Pères  de  l'Oratoire  >  un  Cour 
vent  de  virtgt  Annonciades,  &  un  autre  Couvent 
d'Urfulines,  au  nombre  d'environ  foixante ,  outre  cent 
penfionnaireSv 

Pp  iij. 


302  Voyage 

Dans  la  ville  baffe,  il  y  a  des  Cordeliers,  des  Capu- 
cins Se  des  Minimes ,  le  Séminaire  dirigé  par  M."  de 
la  Congrégation  de  la  Million ,  vulgairement  appelés 
de  Séant  Laiare,  l'hôpital  général ,  dont  l'églife  eft 
fous  l'invocation  de  Saint  Louis,  &  une  école  pour 
l'inftruétion  de  la  jeuneffe,  fous  la  direction  de  fix 
Frères,  dits  de  la  Charité  chrétienne ,  ou  de  Saint -Yon. 
Places ,  H  y  a  deux  places  principales  dans  la  ville  haute ,  le 
marches,  xîi2xz\\t  s  y  tient  tous  les  mercredi  &  les  famedi  de 

environs.  J 

chaque  femaine  ;  la  grande  place  de  la  ville  baffe  fe 
nomme  les  Carreaux,  elle  eft  plus  grande  &  plus  régu- 
lière que  celles  de  1  autre  ville  :  nous  avons  déjà  parlé 
des  remparts  de  la  ville  haute;  hors  de  l'enceinte,  il  y 
a  des  avenues  &  des  chemins  bordés  d'arbres  qui 
peuvent  fervir  de  promenades;  en  général,  tout  le  ter- 
rein  qui  environne  Boulogne  eft  extrêmement  inégal» 
il  eft  d ailleurs  bien  cultivé,  &  pour  peu  qu'on  (bit 
élevé,  on  jouit  d'une  vue  gracieufe  &  variée  qui  vaut 
bien  toutes  les  vues  uniformes  de  la  Hollande  :  il  y  4 
quelques  maifons  de  campagne,  entretenues  fans  doute 
avec  moins  de  propreté  &  d  affection,  mais  avec 
plus  de  goût  que  celles  que  nous  avions  admirées  1* 
long  du  Vecht  &  de  fAmftel. 
Le  Port.  La  Liane  forme  par  fon  embouchure  le  poit  dft 
Boulogne,  c'eft  plutôt  un  ruiffeau  qu'poe  rivière,  elle 
coule  dans  une  vallée  affez  large;  le  port  rfevojt  être 
affez  confidérable ,  lorfque  la  Liane  occupoit  toute 
cette   vallée  ;  alors ,  non  -  feulement  la  vdk  fcjffe 


de  M.  de  Courra  uvaux.      503 

h'exîftoit  pas,   mais  le  terrem  même  qu'elle  occupe 

étoit ,  dit-on,  enfévdi  fous  les  eaux,  ce  qui  paroîl  très- 

vraifèmbiable  :  en  l'état  où  font  maintenant  les  chofes, 

le  port  n'eft  prefque  rien ,  on  pourrait  probablement  le 

rendre  pins  profond  &  par  conféquent  meilleur;  on 

me  montra  des  projets  drefies  à  cet  -effet ,  Se  qui  me 

parurent  appuyés  fiir  des  raifonaeraerts  affez  plaufibles  ; 

mais  quelque  réparation  qu'on  y  faffe ,  on  ne  le  mettra 

jamais  en  état  d'être  compté  au  nombre  des  principaux 

iporis  de  France  :  la  rade  eft  à  raie  portée  de  canon  an 

fud-oueli  de  la  tour  d'ordre,  les  Vaiffeaux  y  attendent 

4e  flot  pour  entrer  dans  ie  port;  cette  rade  n'eft  pas  à 

i  abri ,  ce  qu'on  en  peut  dire  de  mieux,,  c'eft  que  le 

^mouillage ,  fans  être  excellent*  y  cil  affez  bon  :  il  y  a 

Ame  autre  rade  au  nord  de  celle-ci,,  un  peu  en  deçà  du 

^Cap  Gris-oez,  vis-à-vis  du  port  d'Ambleteufe;  on  la 

:nomme  rade  Je  Saint  Jean,  elle  a  aufli  le  défaut  de 

«n'être-abriée  que  du  coté  de  Teft. 

Boulogne  eft  Ile  chef-lieu  d'un  Gouvernement  miii-  Prérogatives 
itaire  qui  peut  avoir  dix  lieues  *  de  long  fur  fix  4e  Boulogne 
large  ;  il  y  a  une  iSénéchatiffée,  un  Bailliage  prevôtal, 
Ame  Amirauté,  une  Mastrife  des  eaux  &  forêts,  une 
Juridiction  des  Traites,  &c.  il  n'y  a  point  de  garnifon ,  la 
^ille  fe  garde  elle-même.,  &  s'efttou/ours .bien gardée; 
ie  fuccès  de  Henri  VJJI,  en  154.4,  ne  doit  point 
être  imputé  à  la  ville,   mais  aii  gouverneur  Vervins , 

*  J'emploie  toujours  des  lieues  de  20  au  degrrf  ;  Iorfque  j*' 
n'avertis  pas  du  'contraire, 

I 


304  Vota  g  e 

celui-ci  ayant  capitulé  contre  lavis  des  bourgeois  qui 
fe  fentoient  encore  affez  de  force  pour  tenir  quelque 
temps/  &  pour  donner  au  Dauphin  le  temps  de  les 
fecourir  :  Vervins  eut  depuis  la  tête  tranchée* 

Tapiflcries      Entre  les  objets  qu'on  a  offerts  à  notre  curiofité 
PaPlcrs-  £  Boulogne  Si  aux  environs ,  nous  a^ons  remarqué 

Planchette.  cjîez  un  Anglois  des  deftins  Si  des  moules  de  toiles 
peintes  &  de  tapifleries  de  papier  ;  les  moules  font,  les 
uns  de  bois,  les  autres  de  cuivre,  tous  travaillés  avec 
beaucoup  de  délicatefle;  fi  cette  manufacture  étoit 
établie ,  on  peut  dire  qu'on  auroit  de  très-belles  tapif- 
feries  à  bon  marché:  ici,  le  papier  imite  un  lambris 
travaillé  Si  orné  de  moulures  faiiiantes,  de  manière 
que  l'œil  y  eft  comme  jléccffairement  trompé;  là,  des 
payfages  offrent  une  perfpe43;ive  agréable  Si  variée, 
d'autres  moules  repréfentent  des  fleurs,  Sec.  Nous 
vîmes  auffi  chez  cet  Anglois  une  planchette  de  fon 
invention ,  elle  eft  encadrée  dans  un  cha/fis  de  bois , 
une  règle  eft  fixée  dans  les  codifies  des  deux  côtés  du 
chaflis;  lorfqu'on  a  tiré  une.  ligne  fur  le  papier  qui 
couvre  la  planchette ,  on  donne  un  léger  coup  de  pied 
fur  un  reflbrt  de  bois  qui  eft  à  terre,  la  planchette  avance 
d'une  dixième  partie  de  ligne ,  plus  ou  moins  parallèle- 
ment à  elle-même,  Si  l'on  tire  une  féconde  ligne;  de 
cette  manière,  on  tire  autant  de  lignes  parallèles  que 
l'on  veut ,  Si  très-près  les  unes  des  autres  :  Je  reffort 
qui  eft  à  terre,  communique  par  une  corde  au  côté 
antérieur  du  chaflis,  où  fans  doute  il  y  a  quelque 

rouage 


DE  M.  DE  COUTtTÀNVAUX.        30 J 

rouage  qu'on  monte  lorfqu'on  veut  fe  fervïr  de  cet 
infiniment. 

Le  fieur  Aubert ,  Organrfte  de  la  cathédrale  ,  qui  Chvecla 
doit  tout  ce  qu'il  fait  à  la  feule  Nature,  n'ayant  jamais 
eu  ni  maître  ni  principes  f  nous  montra  un  clavelTin 
vertical  -de  fa  façon;  ce  claveflin  fermé  feroit  pris  v 
pour  une  armoire:  il  y  a  à  cet  infiniment  une  difiinétion 
de  piano  &  de  forte ,  qu'on  fait  aller  avec  le  pied  4 
cette  diftinétion  ne  paroîtroit  pas  nouvelle  à  Paris;  le 
clavelTin  doit  être  accompagné  d'un  orgue  dans  le 
même  buffet,  de  ma  h  i  ère  qu'il  fera  pofîibie  ou  de 
féparer  l'orgue*  du  clavelTin,  ou  de  faire  entendre  l'un 
&  l'autre  en  même  temps  ;  lorfque  te  clavelTin  ira  vfeuf 
les  regiftres  de  l'orgue  n'apporteront aucune  réfiftance 
au  mouvement  des  touches ,  ils  en  feront  entièrement 
féparées  :  l'orgue  aura  deux  jeux.,  &  le  tout  s'exécutera 
fur  un  feul  clavier  ;  Pouvrage  étoit  déjk  fort  avancé. 

La  mer  du  côté  de  Calais  &  »de  Boulogne,  eft  Phofphor* 
très-abondante  en  phofphores  ;  nous  avions  déjà  remar- 
qué que  ces  phofphores  n'abondaient  pas  également 
par -tout  :  en  traverfant  quelque  partie  de  mer  en 
canot.,  chaque  coup  de  -rame  fak  quelquefois  paroître 
une  infinité  de  phofphores  ;  deux  toifes  au  -  delà  il 
n'en  paroît  pas  un  feul  ;  à  quelque  diftance  plus  loin 
ils  reparoifTent  :  quelle  eftJa  nature  de  ces  phofphores  î 
font -ce  des  animalcules!  «ft-ce  du  frai  de  poiffon, 
comme  le  prétendent  plufieurs  !  ou  dira-t-on  que  c'efl 
quelqu'autre  efpèce  de  fubfiancel  peut-être  la  nature 

•  Qq 


aquatiques. 


N 


306  Voyage 

de  ces  phofphores  n'efl-elle  pas  par-  tout  la  même  : 
M.  Rigaud  ,  que  nous  avions  déjà  vu  à  Calais,  voulut 
nous  convaincre  que  ceux  de  la  Manche  font  de  véri- 
tables animaux.  Un  microfcope  devoit  opérer  en  nous 
cette  perfuafion ,  mai*  l'expérience  avec  le  microfcope 
eft  difficile  à  faire ,  H  n'eft  pas  aifé  de  fâifir  ces  efpèces 
d'atomes  pour  les  placer  fur  le  porte-objet  ;  nous  ne 
pûmes  y  réuffir  :  nous  découvrîmes  bien  des  animal- 
cules, qui  même  nous  parurent  avoir  ou  de  petites 
pattes  ou  de  petites  nageoires  ;  mais  M.  Rigaud  convint 
que  ces  animaux  n'étoient  pas  ceux  qu'il  voûtait  nous 
faire  obferver  :  au  défaut  de  cette  expérience,  il  en 
fit  une  autre;  il  fit  mettre  fur  une  table  un  verre  d'eau 
de  mer,  bien  entendu  que  toutes  ces  expériences  fe 
faifoient  dans  la  plus  grande  obfcurité;  en   remuant 
l'eau ,  les  phofphores   paroiffoient  &  difparoiffoîent 
auiïitôt.  M*  Rigaud,  verfa  une  cuillerée  de  vinaigre; 
les  phofphores  reparurent ,  s'agitèrent  beaucoup ,  s'é- 
teignirent quelques  minutes  après;  on  eut  beau  remuer 
enfuite  le  gobelet ,  il  ne  reparut  aucune  lumière  :  cette 
expérience  s'explique  très -bien  félon  M.  Rigaud,  en 
difant  que  ces  phofphores  font  des  animaux ,  que  le 
vinaigre  &  les  autres  acides  leur  font  mortels,  &  qu'ils 
cefTent  d'être  phofphores  en  ceflant  de  vivre, 
Madufes.       On  trouve  au  port  de  Boulogne  &  aux  environs, 
une  grande  quantité  de  vers  de  mer,  que  les  habitans 
du  pays  nomment  madufes  :  c'eft  comme  un  boyau 
rempli  d'eau ,  de  couleur  ordinairement  noire ,  quel- 


DE  M.  DE  ÙOURTANVAUX.        307 

quefois  jaune  -  clair  ^  de  la  longueur  de  trois  ou  quatre 
pouces ,  fur  quatre  à  cinq  lignes  de  diamètre  :  ce  ver 
s'attache  au  bois  Sl  le  perce  même  par  une  de  fes 
extrémités  pour  y  loger  apparemment  cette  partie ,  <Jc 
s'en  fervir  peut-être  comme  d'un  point  d'appui  pour 
donner  plus  de  force  à  fon  corps  ;  fouvent  cinq  ou  fix 
maclufes  s'unifTent  par  cette  partie,  de  manière  à 
paroître  ne  former  qu'un  feui  animai ,  &  toutes  n'en  font 
pas  unies  moins  fortement  au  bois  :  l'autre  extrémité 
de  la  maclufe.,  eft  renfermée  dans  deux  coquilles  de 
couleur  blanche  tirant  fur  le  gris ,  &  aflez  fembiables 
à  celles  des  moules  :  elle  ouvre  {es  coquilles  &  en  fait 
fortir  comme  une  antenne  frange  Se  frifée  ;  elle  alonge 
<ette  antenne  &  la  roule  alternativement  ;  on  afiure 
que  c'eftavec  cette  partie  que  la  maclufe  (ai fit  fa  proie. 
Je  ne  vis  ces  animaux  que  lorfque  j'étois  fur  le  point 
de  quitter  Boulogne ,  je  <i'eus  pas  le  temps  de  faire 
.d'autres  expériences. 

Entre  les  lieux  que  j'ai  vus  aux  environs  de  Bou-  Hardîngbau 
logne ,  je  ne  dois  pas  oublier  la  verrerie  &  les  mines 
«d'Hardinghen.  M.  le  vicomte  des  À ndroins  nous  en- 
gagea à  l'aller  "voir  à  Hardinghen  :j>our  levertnéme  tout 
obftacle  ,  il  nous  envoya  fes  carroffes  ;  on  compte 
cinq  lieues  d'Hardinghen  à  Boulogne.  La  matfon  de 
M.  des  Androins  ,  pourroit  pafTér  pour  celle  d'un 
Prince  ;  elle  eftfifuée  à  l'extrémité  d'une  'belle  plaine, 
bâtie  à  neuf  «le  pierre,  de  marbre*  de  Briqtié,  êc  fort 
foliment  4*ftribuée  ; 4a  cour  d^entrée  eft  grande,  ornée 

Qqij 


3a8  Voyage 

de  grilles.,  cfe  flatues  &  de  bornes  ;  le  jardin  eil  vafte, 
mais  prefque  fans  ombre  :  la  verrerie  eft  très  -bien 
entretenue ,  elle  eft  compofée  de  deux  fourneaux  ;  on  y 
fond  principalement  des  bouteilles,  M.  des  An dr oins 
a  trois  Vaifleaux ,  qui  ne  font  occupés  qu'à  les  trans- 
porter à  Bordeaux  ,  à  la  Rochelle  &  ailleurs  :  il  y  a  des 
mines  de  houille  dans  le  voifinage  &  fur  le  fonds  même 
de  M.  des  Androins:  ce  charbon  nefe  confcrvepas, 
#  en  cela  il  eft  fort  inférieur  à  celui  des  mines  d'Ar~ 
tois  ;  mais  on  peut  le  confommer  fur  le  lieu,  &  c'eft 
ce  qui  a  donné  naiffance  à  la  verrerie ,  établie  par  un 
.Oncle  de  M.  des  Androins,  gentilhomme  retiré  du 
fervice  :  en  creufant  la  terre  on  parvient  à  des  lits  de 
roche  qu'il  faut  percer:. on  trouve  au-deiïous  un  lit 
de  terre  glaife  qui  fembleroit  tendre  à  f e  convertir  en 
ardoife  ;  lorfque  Ton  trouve  ce  lit  f  on  peut  être  adoré 
qu'il  y  a  au-deiïbus  une  veine  de  charbon  :  dans  cette 
terre  glaife ,  on   rencontre  une  affez  grande  quantité 
de  pierres  faites  en  coeur,  rendant  du  feu  fous  l'acier, 
quoique  leur  confiftance  intérieure  foit  prefque  auffi 
molle  que  la  terre  glaife  dont  on  les  tire,  &  qu'elles 
paroi  fient  être  de  même  fubftance  :  ces  mines  ont  cent 
à  cent  vingt  toifes  de  profondeur. 

Dé  art  Nous  partîmes  de  Boulogne ,  comme  je  l'ai  dit ,  le 

de  Boulogne.  27  Août  vers  midi  &  demi,  à  l'aide  d'une  Flotte  de 

Amvéc  canots  qui  nous  remorqua  hors  du  port  :  nous  trouvâmes 
au  large  un  vent  favorable  de  nord  -  eft ,  qui  tourna 
«nfuite  à  Teft  &  enfin,  au  fud-eft ,  beau  temps  &  belle 


DE  M.  DE  COURTANVAUX.        309 

mer ,  la  Lune-difparoiflant  de  deffiis  l'horizon  une 
demi-heure  après  le  Soleil ,  nous  ne  pûmes  faire  ufage 
du  mégamètre;  le  vent  molirt  vers  le  foin  Le  28  à  5 
heures  du  matin ,  nous  étions  parle  travers  de  Fécamp, 
une  heure  après ,  nous  doublâmes  le  cap  d'Antifer  ;  vers 
7  heures  &  demie  furvint  un  calme  qui  ne  dura  pas; 
une  petite  fraîcheur  de  l'eft  noua  ht  doubler  le  cap  de 
la  Hève ,  &  deux  bordées  nous  conduisirent  entre  les 
Jetées  du  Havre  où  nous  arrivâmes .  vers  n  .heures 
du  matin  ;  dès  le  jour  même  je  fis  tranfporter  nos 
inftrumens  au  même  lieu  qui  nous  avoit  fervi  d'obfer* 
vatoire  ayant  notre  départ  :  tandis  que  V  Aurore  défarmoit 
nous  fîmes  les  obfervations  fuivantes  pour  terminer 
l'examen  dès  montres  de  M;  Leroy. 

Le  28  Août,  vers  1 1  heures  £  du  matin,  la  féconde 
montre  marine  avançoit  fur  la  première  de  3  minutes 
35  fécondes. 

Le  29,  par  vingt -deux  obfervatrons  de  la  hauteur 
au  Soleil  faites  vers  7  heures  \  du  matin ,  &  leurs 
cbrrefpondantes  faites  le  foir,  midi  vrai  à  11  heures 
yj  min.  37  fec.  77. 

La  première  montre,  un,  demi-quart  d'heure  après  midi ,  avançoit 
fur  la  pendule  de « 1 h  1  o'    j  a* 

Sur  le  temps  vrai ,  de  ♦..«....*... . * .    1 .      8#  %$  75% 

tm 

Sur  le  temps  moyen ,  de  . , .  • ........    1 .     7*  47  7ï* 

1*  1 1  Août  elle  avançoit,  à  la  même  heure»  fur  le . 

temps  moyen,  de. o.    jo.   ipzi* 

0.  <i  ") 


310  V    O    Y   A    G    E 

Elle  a  donc  avancé ,  en  dix-huit  jours ,  de •  • ,  •  « ,   o*    ty9  2$*  j* 

Elle  a  dû  avancer ,  pour  la  différence,  des  méridie  ns , 

de.» . .. .......    o      6,  3. 

Donc  avancement  réel  de .  .  . . .  ...... on.  x  j  £. 

Sur  le  pied  de  37"  J  par  jour,  elle  a  dû  avancer 

de. . .    on.  8  J. 

Erreur  de. . +      o  17  |. 

Ou  en  comptant  le  tout  depuis  Amfterdam,  cette 
première  montre  avançoit  le  1  5  Juillet ,  fur  le 

temps  vrai,  de. .  ...... o    25.  ai  £, 

Et  par  confisquent  furie  temps  moyen  de . * . . . .    o    ip.  58  «£• 

Le  29  Août  y  au  Havre  9  elle  avançoit  de j .     7.  47  £. 

Donc  en  quarante-cinq  jours  eUe  a  avancé  de  .  • .    o    47.  49  £. 

Pour  la  différence  des  méridiens,  elle  a  dû  avancer 

de  •  • , ..... . ... .  ,~* . . . .......    o    19.  8. 

II  refte  d'avancement  réel  en  quarante-cinq  jours...  o    28.  41  J. 

A  raifon  de  3  7*  j  par  jour ,  elle  a  dû  avancer  de . .  •    o    27.  j  o  £• 

Erreur  de.  . . .  . . . .  . . . +     o  Ji. 

La  féconde  montre  avançoit  fur  la  pendule ,  le  29 

Août,  un  demi- quart  d'heure  après  midi,  de 1.    14.  30. 

Sur  le  temps  vrai ,  de  ....,..*.......,...  „.    i.   12.  7  tï 

•  Sur  le  temps  moyen,  de. . .  • 1.   n.  aj  £• 

Le  1 1  Août,  à  Boulogne,  elle  avançoit  de. ... . .    o     j2.  30  j. 

Elle  a  avancé ,  en  dix  -  huit  jours ,  de. ••••••• •    o     18.  55. 

Différence  des  méridiens. .  .;..;.*....•.*...    o      6.  3. 

Avancement  réel,  en*  dix-huit  purs ,  de o    1  a.  j  2. 

A  raifon  de  41*  f  par  jour,  elle  z  dû  avancer  de...   o    1 2.  33. 

Erreur  de. . .  '. . #.  ..■......'.  •,  •. .  •.  •.'•"...  \ ... .    4.     o  1  q, 

«Ou  en  comptant  depuis  A mlferdam,  la  féconde 

-  <roontre  àvançolr  le  1  j  Juiller ,  fiit  l€  temps  vriri  )          •  . 


£>£  M.  DE  COU RTANVAVX.        31! 

de * o*  26'     3' 

Et  par  confëquent  fur  le  temps  moyen  de  .....  .  o    20.   39  }• 

Le  29  Août,  au  Havre,  elle  avançoit  de 1  •    11.  2  5  •£• 

Donc  en  quarante  -  cinq  jours  elle  a  avancé  de .  . .  o     j  o.  46. 

Différence  des  méridiens o    19.     8. 

Avancement  réel,  en  quarante  -  cinq  jours,  de. .  •  o    31.38. 

A  raifon  de  41"  |  par  jour,  elle  a  dû  avancer  dc~..  o    31.  22^. 

Erreur  en  quarante- cinq  jours. +     o    157. 

Quatre  heur.  10  min.  avant  la  comparaifon  faite  vers 
midi,  la  première  montre  avançoit  fur  la  pendule  de 
1  heur.  10  min.  45  fec.  \  ou  46  fec.  &  la  féconde  de 
1  heur.  14  min.  23  fec.  Quatre  heur.  Câpres  la  même 
comparaifon  de  midi ,  la  première  avançoit  de  1  heur. 
10  min.  j.8  fec.  { ,  &  la  féconde  de  1  heur.  14  min. 
37  fec.  Le  ciel  fut  ferein  prefque  tout  le  jour;  il 
éclairoit  le  foir  de  la  partie  du  fud-oueft. 

H  plut  la  nuit ,  avec  tonnerre  ;  la  pluie  continua  le 
matin  du  30*  le  ciel  cependant  s'éclaircit  enfuite,  & 
vingt -quatre  hauteurs  du  Soleil,  prifes  le  matin  vers 
8  heures ,  &  comparées  avec  leurs  correfpondantes  du 
foir  nous  donnèrent  le  midi  du  30  Août  à  1 1  heur. 
57  min.  25  fec.  j  de  la  pendule,  laquelle  en  confé- 
quence  avoit  avancé  en  vingt -quatre  heures  de  5  fec.  ~ 
fur  le  temps  moyen.  À  midi  ~  la  première  montre 
avançoit  de  1  heur.  1 1  min.  jo  fec.  fur  la  pendule,  & 
par  conféquent  en  vingt-quatre  heures  trois  huitièmes 
elle  avoit  avancé  fur  la  pendule  de  38  fec.  &  fur  le 
temps  moyen  de  43  fec.  ^  :  ce  feroit  fur  le  pied  de 


3ia  Voyage 

4.2,  fec.  ~  ou  au  moins  42  fec.  26  tier.  en  vingt-quatre 
heures. 

A  la  même  heure  la  féconde  montre  avançoit  fur  la 
pendule  de  i  heur,  i  j  min,  9  fec.  ainfi  en  vingt-quatre 
heures  trois  huitièmes  elle  avoit.  avancé  fur  la  pendule 
de  39  fec.  &  de  44  fec.  ~  fur  .le  temps  moyen; 
c?étoitfur  le  pied  de  43  fec.  —  en  vingt-quatre  heures. . 
,  Quatre  heures  |  avant  la.  comparaifon  des  montres, 
faite  à  midi  j,  la  première  montre  avançoit  de  1  heur. 
11  min.  23  fec.  fur  la  pendule ,  &  la  féconde  de  1  heur. 
1  j  min.  2  fec.  Trois  heures  i  après  la  comparaifon  de 
midi  j,  l'avancement  de  la  première  montre  étoit  de 
1  heur.  1 1  min.  35  fec.  j-,  &  celui  de  la  féconde  de 
1  heur.  15  niin.  15  fec.  c'ëtoit.à  midi  7  que  les  montres 
avoient  été  remontées  ;  le  29  elles  l'a  voient  été  un 
demi -quart  d'heure  après  midi. 

Après  ces  opérations  du  30,  M.  Leroy  ouvrit  {es 
montres  en  notre  préfence ,  &  nous  en  expliqua  la 
conftru&ion  ;  la  mécanique  nous  en  parut  fort  (impie, 
8c  d'une  exécution  très  -  facile  :  nous  nous  convain- 
quîmes par  nos  yeux  qu'elles  n'avoient  fouffert  aucune 
avarie  pendant  le  voyage,  &  que  les  thermomètres 
n'en  étoient  pas  dérangés.  Ayant  enfuite  reconnu  par 
le  calcul  des  observations  de  ce  même  jour,  que  la 
première  montre  avoit  eu  une  accélération  que  nous 
n'avions  pas  prévue,  nous  aurions  voulu  nous  en  affurer 
par  une  fuite  d'obfervations  continuée  durant  quelques 
jours;  mais  il  n'étoit  plus  temps,  Je  mouvement  des 

montres 


DE  M.  BX  GOtrUTAtiVAUX.  Jiy 
AtoMres  «roit  été  interrompu,  on  y  avoit  touché. 
Nous  repartîmes  donc  4e  lendemain  3 1  Août  pour 
Paris,  &  nous  y  arrivâmes  heureufement  le  1."  de 
Septembre. 


>* 


CHAPITRE    XIV. 

Récapitulât  ian  de  ce  qui  concerne  les  montres  marines 
'  de  M.  Leroy ,  à*  conclufion  de  l *  ouvrage. 

LE  mouvement  de  la  première  montre  n'a  point  été 
uniforme  jufqu'à  Amfterdam ,  il  a  reçu  des  degrés 
confécutifs  d'accélération  :  au  Havre  ,  avant  notre 
départ,  cette  montre  avançoit  par  jour  de  27  fec.  j-; 
à  Amfterdam,  fon  avancement  journalier  étoit  de 
'37  fec.  |.  Si  nous  avions  voulu  régler  la  longitude 
d*  Amfterdam  fur  le  mouvement  de  cette  montre  ? 
nous  aurions  raifonné  ainfi  : 

JLe  1 8  Mai,  la  montre  avançoit  au  Havre,  fur  le  temps  moyen, 

<fc 7    }9" 

Le  1  j  Juillet  elle  avançoit  à  Amfterdam  de ip.    j  8. 

Donc  en  cinquante-huit  jours  elle  a  avancé  de .  11.    j  p. 

A  raiïbn  de  27"  }  par  jour  elle  auroit  dû  avancer  de.  • .  2.6.  2  5  f. 

Donc  différence  des  méridiens  .......... •  14.   26  f. 

Mais  cette  différence  devoit  être  de 19.      8. 

Erreur  en  cinquante  -  huit  jours  de.  .............  4.  41  f. 

Cette  erreur  en  cinquante-huit  jours ,  ou  plutôt  en 

cinquante-deux  jours,  en  ne  comptant  que  du  24 Mai, 

.  Rr 


V 


3î4  V  o  y  a  g-  e  "    •  - 

jour  auquel  nous  avons  fait  nos  dernières  obfervations 
au  Havre ,  eft  beaucoup  moins  confidérable  que  celles 
qui  fe  commettent  très-fréquemment  dans  Teftime  de  la 
longitude  du  Vaiffeau  :  il  faut  avouer  cependant  qu'une 
montre  fujette  à  des  erreurs  femblables ,  ne  fatisfcroit 
pas  les  defirs  des  Navigateurs  :  nous  avons  vu  que 
M.  Leroy  attribuoit  cette  accélération  à  un  accident 
arrivé  k  la  montre  fur  le  chemin  de  Paris  au  Havre, 
âc  qu'il  foutenoitconftamment  qu'elle  auroit  un  terme: 
il  paroît  en  effet  que  ce  que  M.  Leroy  avoit  prévu  a 
eu  lieu  :  nous  avons  trouvé  que  l'accélération  jour- 
nalière de  la  première  montre  étoit  à  Amfterdam  ,  de 
37  fec.  |  :  en  partant  de  ce  nouveau  terme ,  nous  trou- 
vons que  la  montre  s'eft  affez  bien  foutenue  le  refte 
du  yoyage.  En  arrivant  au  Havre,  ii  fe  trouve  qu'en 
quarante -cinq  jours,  ou  fi  Ton  veut  ne  compter  que 
.depuis  le  zp  Juillet,  en  quarante  jours  de  temps, 
Terreur  delà  montre  n'a  été  que  de  ji  fec.  de  temps, 
ou  de  12  min.  4.5  fec,  de  degré,  ce  qui  fous  l'Equa- 
teur même  ne  produirait  que  Terreur  de  quatre  lieues  i; 
le  mouvement  paroît  avoir  été  affez  unifprme,  le$ 
inégalités  certaines  qu'on  a  pu  y  remarquer,  n'ayant 
guère  écarté  Ja  montre  de  fon  mouvement  moyen ,  que 
d'une  féconde  ou  une  féconde  &  demie,  foit  dans  un 
fçns ,  foit  dans  l'autre  :  il  en  faut  cependant  excepte? 
jes  vingt-quatre  heqre? ,  depuis  le  29  Août  à  midi , 
jufqu  a  pareille  heure  du  30  ;  l'accélération  de  la  montre 
étant  ijiontée  ce  jour-là  à  5  fécondes  j  au-delà  de 
fon  moyen  mouvement. 


DE  Aï.  DE  CûURTANVAUX.  315. 
:  Le  mouvement  de  la  féconde  montre,  a  été  bien 
J>lus  uniforme  que  celui  de  la  première,  M.  Leroy 
a  trop  tardé  de  la  remettre  entre  nos  mains  ;  il  remar- 
quoit  des  inégalités  ,  quoiqu'affez  légères  efttre  les 
deux  montres  ;  &  fe  croyant  affuré  de  l'exa&itude  de 
la  première,  il  rejetoit  ces  inégalités  fur  la  féconde; 
le  fondement  de  fa  confiance  en  fa  première  montre 
étoit  légitime ,  c'étoit  l'expérience  :  cette  première 
montre  avoit  été  long-temps  entre  les  mains  des  Corn- 
mrflaires  de  l'Académie ,  on  n  y  avoit  remarqué  aucun 
dérangement  :  l'ajccident  arrivé  fur  le  chemin  du 
Havre ,  n'avoit  pas  fans  doute  paru  à  M,  Leroy  ,  ca- 
pable de  produire  les  effets  que  nous  avons  obfervés  : 
depuis  que  nous  avons  eu  les  deux  montres  entre  les 
mains ,  nous  avons  pareillement  remarqué  quelques 
inégalités  entre  leurs  mouvemens  ;  l'accélération  de  la 
féconde  fur  la  première ,  n'étoit  quelquefois  que  d'une 

s  . 

ou  deux  fécondes  ;  quelquefois  elle  alloit ,  jufqu'à 
cinq  &  fix  :  on  a  dû  fe  convaincre  par  le  détail  de 
nos  opérations,  que  la  fource  de  ces  inégalités  étoit 
plutôt  dans  la  première  montre  que  dans  la  féconde  : 
cette  féconde  montre  ne  nous  auroit  trompés  que 
de  1  5  fec.  ~  fur  la  latitude  du  Havre  *  ce  qui  ne  feroit 
pas  une  lieue  &  un  tiers,  même  fous  l'Equateur  :  & 
cette  légère  erreur  ne  peut  être  regardée  comme  la 
fomme  à!  erreur  fenfiblemcnt  plus  grandes ,  qui  feferoient 
réciproquement  détruites  ;  la  comparaifon  des  deux 
montres,   &  les  obfervations  faites  dans  les  lieux  de 

Rrij 


jtS  V  é  y   A  c   m,-     ère.  : 

relâché  ne  permettent  pas  de  le  penfer.  11  y  a  tout  lieu 
de  croire  que  la  féconde  montre  a  confervé  i'ifochro- 
nifme  fcnfible  de  fon  mouvement ,  non  -  feulement 
depuis  les  premières  obfervations  que  nous  avons  faites 
à  Amfterdam ,  mais  même  depuis  qu'elle  rut  remife 
entre  nos  mains  le  5  Juillet  :  voyez  ce  que  nous  ayons 
dit  fur  ce  fujei,  page  227. 

Je  crois  donc  pouvoir  conclure  de  nos  expériences; 
que  la  montre ,  fur  la  route  du  Havre  à  Amfterdam , 
a  fubi  des  accélérations  un  peu  trop  confidérables  ; 
que  durant  le  retour  elle  s'eft  foutenue  beaucoup 
mieux  ;  que  depuis  que  la  féconde  montre  nous  a  été 
remife ,  nous  l'avons  éprouvé  fenfiblement  ifochrone 
dans  fes  mouvemens;  mais  que  le  temps  de  cette 
épreuve  n'a  peut -être  pas  été  aflèz  long  pour  nous 
autorifer  à  prononcer  définitivement  fur  la  précifion 
de  cette  montre. 


EXPLICATION   P£  LA  TROISIÈME.  PUNGKE, 

repréfentant  V  Infiniment  des  Pàjpiges* 

A.  r  IED  de  I'inflrument. 

BBB.  Vis  pour  caler  le  pied  de  I'infirument. 

.  C.  Axe  qui  porte  la  lunette. 

H.  Platine  fur  quoi  Taxe  porte* 

JJ.  Platine  dans  laquelle  il  y  a  un  collet  pour  embrafler  I  axe* 

D.  Quart-de-cercle  pour  mettre  la  hinette  à  la  hauteur  de 

I'aflre  que  Ton  veut  obferver. 

E.  Lunette  achromatique. 
FF.  Axe  de  la  lunette. 

GG.  Poupées  qui  foutiennent  la  lunette. 
On  ne  parle  pas  ici  d'un  niveau  qui  fe  met  fur  I'infirument, 
pour  ne  pas  brouîHer  h  principale  figure  ;  H  s  accroche  fur  les 
deux  axes,  au  travers  defquels  paffe  la  lunette  pour  mettre  I'inf* 
trument  de  niveau. 

Explication  dp  la  quatrième  Planche. 

Figur*    t" 

A  A  A.  Plan  de  I'infirument* 

,4 

BBB.  Vis  pour  mettre  I'infirument  de  niveau. 

Figure  2. 

AAA.  L'instrument  vu  en  perfpetfiv* 

CC.  Portion  de  cercle  qui  porte  fur  le  pied  de  I'infirument 
DP.  Alidade  qui  fe  meut  le  long  de  ta  portion  de  cercle, 
fuivant  le  mouvement  du  navire. 

Avis   au    Relieur* 

La  figure  de  la  Frégate  doit  être  placée  au  commencement  de 
%  l'Ouvrage,  en  frôntifpiçe. 
La  Carte  du  voyage,  à  la  fin  de  l'Ouvrage. 
£t  les  autres  Flanches  fuivant  leur  cote. 


FAUTES    A    CORRIGER. 

P<*g*     7>  INote,  colcnne  2 ,  ligne  3 ,  Azias;  /(fa,  Arias, 
33,  En  marge,  la  montagne;  /(fa,  les  montagnes, 
38,  lignr  18,    ioo; //fa,  150. 

7/,  2  à0  3,  Us  font  expo fes;  //fa,  elles  font  expofées» 

7/,  77,  on  l'envoya;  7/fa,  on  louvoya* 

'         tf^,  2,    18  fec.  f;  /(fa,  18  fec.  |. 

v         ^7>  13  a*  *9>  ?  du  Bouvier;  //fa ,  £  du  Bouvier. 

££>  ligne  dernière*,  même  faute,  même  correétion, 
Sp,  Au  bout  de  la  ligne   8,  après  obfervatiori,  au  lieu  de  deu* 
points,  il  dut  une  virgule;  ir  au  bout  de  la  lk  ne  p9  après 
méridien,  au  lieu  de  la  virgule,  il  faut  deux  points. 
9+>  ligne   i8y  57  deg.  //fa,  50  deg. 
Ibid.  ipt  |t  lifei,  £. 

Ibid.  même  ligne,  29  deg.  /(fa*   39  degrés* 
Ibid.  ligne  21,  p,  //fa,  ». 

ps*  s>  l*y>  liM>  Çty' 

2361  16  &  ij,  A^ant  ces  mots 9   les  7,  9  &~*I2  de  ce 

mors,  mettei  une  virgule  au  lieu  d'un  poiat- 
virgule;  &  après  ces  mêmes  mots,  mettez  tm 
point-virgule  au  lieu  de  la  virgule. 

*37>  3*   «  '  «kg-  '(fa*  1 1  defr  K 

/£/</.  12,  22  fec.  //fa,  22  fcc.  {. 

160,  2,  Après  les  plus  rians,  il  faut  un  point-virgule. 

Jbid.  6,  Après  fans  nombre  ,  il  faut  une  flmple  virgule. 

Jbid.  ligne  dernière,   bijoux,  //fa,  bijou. 

184,  sp  ir  20  %  X  Roterdam  le  28  juin  I7(f7,aufîitôt,  4c 

/(fa,  à  Roterdam  le  28  juin  1767.  Auflhôt,  &c. 

ip  /,  J/i   Et  fur-tout  ceîui ,  lifei,  &  fur-tout  de  cetur.  *      * 

2?J,  17  >  fifres  héréditaire,  il  ne  faut  qu'une  virgule. 

.      2.20,  p,   14  deg.  I,  /(fa,  14  deg.  f. 

230,  >  /,  Elle  eft  maintenant ,  /(fa ,  elle  en  eft  maintenant* 

'2^7,  4.  c^*  ailleurs ,  Saeurdam,  //fa,  Saenrdam, 

2/7,  J2,  Du  chemin  fur  les  bords,  //fa,  du  chemin*  Su* 

les  bords. 


Pagtifp,  ligné  SLâ$     14  fec.  iïf*ï\  34  fcc. 
2éo9  4.9     30.  2$j  Ofiit  30.  ax|. 

IW</.  p$       a.  45)  #fa*     2.  44£» 

,2<f/f  2/,  X  xo  heures,  9  deg.  ou  10  min.  lifei,  à  1* 

heures  9  ou  10  min, 
Ibid.  23,  Elle;  iïf*l>  la  première  montre. 

/£/V,  2f,  Les  deux  points  qui  font  avant  en  vingt -quatre 

heures ,  doivent  être  après. 
262.1  ligne  dernière ,  en  quinze  jours;  Hfei,  en  cinq  jours. 
2^ji  29  En  quinze  jours;  lifel,  en  cinq  jours* 

7^/V.  2  S,  De  31  min.  lifez,  de  32  min* 

x46è  //ai  ///>j#  a. 


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