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a a.
■
■m.
Edurore,
JOURNAL
D U
VOYAGE
D E
M. le Marquis de Courtanvaux,
Sur la Frégate l'Aurore, pour eflàyer par ordre
Je l'Académie, plufieurs Inftrumens
relatifs à la Longitude^
Mis en ordre par M. Pingre, Chanoine régulier de
S!' -Geneviève, nommé far l 'Académie pour coopérer
à la vérification defdits Inftrumens, de concert avec
M. Messier, Aftronome de la Marine.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
C-M. D C Ç L X V I 1 1.
» c 1. 1 -, à-
J
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦■
PRÉFACE.
ON peut distinguer trois parties dans l'Ou-
vrage que nous mettons fous ies yeux, du
Public : l'objet du voyage , là relation , fon fùccès.'
L'objet eft expofé dans ies trois premiers
chapitres: nous. avons tâché de nous exprimer
de manière à être intelligibles pour toute forte
de Lecteurs. Qu entend- 1 -on par le terme de
Longitude? quelle fèroit l'importance de la dé-
couverte d'un expédient fur, facile & infaillible
pour affurer la longitude des VaiiTeaux en pleine
mer? qu'a- 1- on tenté jufqu'à nos jours pour,
arriver .à ce but? quelles font les Méthodes qui
promettent le plus de fuccès? voilà ce que je me
fuis propofé de traiter dans ces trois chapitres. .
• :. Dans la relation, nous rapportons ce que nous
avons vu & .entendu , autant que nous avons jugé
que les : objets poiivoient ou être de quelque
utilité au Public, ou au .moins fatisfaire la çuriofîté
du Lecteur. La relation eft extraite 4e trois
Journaux ; de ceux de M-" Pingre & Meffier', &
. a
îj PRÉFACE.
du mien. Nous n'avons pas toujours vu tous
les trois , ce que nous rapportons ; mais nous ne
rapportons rien qui ne punie être certifié, au
moins par 1 un des trois. La navigation du Havre
à Âmfterdam eft û fréquentée & fi connue, que
nous avons cru devoir paner très -légèrement lûr
là route de notre Frégate : un détail circonftancié
des manœuvres que nous avons pratiquées, des
bordées que nous avons courues , des nœuds que
nous avons filés, n'auroit produit que de 1 ennui
pour le Lecteur, fans être d'aucune titHité réelle
pjour le Navigateur.
Le détail de nos obfervations doit être en-
vîfagé (bus un autre point de vue ; il regarde
directement le fuccès 'de notre voyage, il eft
donc indifpenfable que nous le donnions tel qu'il
eft dans l'original de nos Journaux. Nous en avons
cependant retranché 4es hauteurs correfpondantes
du Soleil , fur lesquelles nous avons réglé la pen-
dule & les montres marines ; nous avons penfé
qu'il fuffiibh de donner feulement le midi vrai
réfultant de ces observations.
J'avofc déjà donné un précis de ces obfèrvaiionô
« «
Si. de leur réfultat, dans un Mémoire que je lus a
PRÉFACE. rç
la rentrée de l'Académie de k; SaMtr.Majtiii.de
l'année dernière, & ce Mémoire a été imprimé
&&S aucun changement. On trouvera ici quelques
variantes ; on ne doit pas en être furpris , j'en ai
.indiqué la caufe dans le Mémoire même. Nous
avions fait à Amfterdam des observations relatives
i
à la longitude de cette . Jtdlle ; nous n'en avions
pas encore .trouvé de cojrrefpQodantes ? «lorique
nous composons le Mémoire. M. le Monnier
nous en a communiqué depuis , nous y avons eu
égard, nous avons réformé la longitude .d'Am-
ilerdam , ainfî que celle de Rotcrdam qui. en
dépendoit: cette réforme en a dû entraîner né-
-ceflàirement une dans les calculs employés pour
la compotem du Mémoire. Depius^nous avons
revu à tête repofée rços calculs précédens, cV:
nous leur avons donné par -là plus de précujon;
•au refte, les corrections occaûonnées par cette
-nouvelle, revue des «calculs doivent être, & font
réellement preique mfenfîbles.
Par rapport à toutes. les obfervarions du. Soleil
faites dans Jes mois de Mai, Juin & Juillet nous
avons calculé nous-mêmes la déclinaûon de cet
Allre & lequatjofl du temps : moyen au temps.
a ij
\
• • •
W P R É FA C £.
vrai. Nous ne nous fommes pas donné cette
peine pour les observations du mois d'Août*
ik.us avons pris ces Elérhens dans la ConnohTance
des Temps : comme nos premiers calculs étoient
fondés fur les mêmes Tables que ceux de la.
Çonnoiflànce des Temps > nous ne croyons pas
que les uns puifiènt différer aflèz fenfibiement des
autres , pour occafionner quelque erreur dans les
conférences que nous en tirons r fur la marche
des montres marines & la latitude de nos Ob*-
fervatoîres-
Il eft inutile cTa venir que pour rendre nos
calculs plus naturels & plus aifc's à fài/îr y nous
avons quelquefois confondu un dixième de fe*
conde avec an douzième r ou même un fîxième
avec un cinquième. Il n'y a fans doute perfonne
affez déraisonnable pour nous Élire un. crime
d'avoir négligé dans le calcul une précifion in>
pofiïbJe dans, l'obfervation , & dont la confé-
quence ne peut être qu'une erreur de 8 toifes
dans l'eftime de la Longitude..
11 en eft de même de la comparai/on que nous
avons faite de là marche des montres avec celle
de la pendule.. U cil très-po/fible que nous ayons
PRÉFACE. v
quelquefois fuppofé que la comparaifon a été faite
à midi précis , quoiqu'elle ne l'ait été que 7 à 8
minutes après midi. Lorfque la diftance de midi
a été plus confidérable , ou même en général lorf*
qu'il y a eu le plus léger fondement de foupçonner
qu'une petite négligence pouvoit occafïonner la
plus petite erreur fenfible , nous ne nous fournies
jamais cru en droit de nous la permettre-
Avant que de finir cette Pré/ace , je crois quH
ne fera pas hors de propos de faire une courte
réflexion fur une erreur qui femble s'être emparé
de quelques efprks, au fujet des Sciences que l'on;
peut confulter fur la détermination des Longitudes
fur mer. Sera-ce, dit-on, à l'Aftronomie; fera-ce
à l'Horlogerie que la Navigation devra la. décou-
verte de cet important fecret î Ceux qui prx>
pofent cette alternative ne font pas même au fait
de la queflion. Pour que le Pilote détermine
avec précifion le lieu où il fo trouve fur men,
l'Aflronomie feule peut fuffire, fans aucun, fecouis
de la paît de l'Horlogerie : l'Horlogerie , au
contraire, efl absolument inutile,, ii l'Ail ro no mie
ne fait au moins les trois quarts de l'ouvrage..
C'eit l'Aftronomie feule, qui drefïè les Tables
• • •
4(j PRÉFACE.
dont le Pilote fe fert pour déterminer fâ latitude;
c'eft elfe qui lui fournit les moyens de s'aflurer
de la drredion de ion aiguille; c'eft elle qui lui
fait connoîtro l'heure vraie du lieu où il fe trouve:
l'Horlogerie lui indiquera tout au plus l'heure du
lieu d'où il eft parti; & encore la comparaison
des deux heures ne donnera-t-etle quelquefois la
différence des longitudes qu'à cent Soixante lieues
près, fî i'Aftoonomie ne vient encore au fecours
en déterminant l'équation qu'il faut employer
pour réduire le temps moyen en temps vrai , ou
ie temps vrai en temps moyen. La véritable ques-
tion qu'il faut propofer , eft donc fî 1'Aftronomie
fuffira feule pour la découverte du iècret des
Longitudes, ou fî elle s'afîociera l'Horlogerie dans
cette recherche. Dans ce fécond cas même, je
concilierai toujours aux Marins d'avoir quelquefois
recours aux Méthodes purement agronomiques.
Quelque parfaite que fbit une montre, elle peut
^enfin fe déranger ; que le cas arrive , le Vaiflèau
•court les plus grands rifques , fî queiqu autre
Méthode ne fait au moins foupçpnner l'erreur.
m w
VIJ
TABLE
Des Chapitres contenus dans cet Ouvrage,
Chapitre I. C/ bjet du voyage; définition des Longitudes,
terre fires; récompenses promifes & accordées à
ceux qui contribueraient à en rendre la recherche
moins difficile fur mer. page il
Chap. 1 1. Examen des différentes folutions dont le problème
des Longitudes eft fufceptible , & premièrement
de celles qui font fondées fur tAJtronomie. 1 8.
Chap. III. Examen des Méthodes fondées fur la Phyfiqut
& la Mécanique. 36
Chap. I V. Raifons qui mont déterminé à faire faire une
Frégate four accomplir le deffein que j'avois
formé de faire des épreuves fur les Longitudes.
55,
Chap» V. Départ de Paris ; defcription du Havre-de-
Grâce ; opérations & obfervations faites en
cette ville,, relativement à l'objet du voyage.
Chap. 'VI. Route du Havre à Calais ; fejour en cette dernière
ville, & fa defcription. 90
Chap. VII. Départ de Calais. pour Dunkerque; fejour forcé
en cette ville ; état aûuel de Dunkerque. 124
r
vii} TABLE DES CHAPITRES.
Chap. VIII. Départ pour Amflerdam ; les vents contraires
obligent et entrer dans la Metife : arrivée de-
vant Roter dam ;féjour à là rade de cette ville :
voyage à Dort. 156
Chap. IX* Route de Roterdam à Amflerdam, par Delft,
la Haye , Leyde & Harlem. 185
Chap. X. Route de /'Aurore de Roterdam à Amflerdam.
Chap. X I. Séjour à Amflerdam , idée de cette ville , fa pofltion
géographique; marches des montres marines;
voyages à Utrecht & à Saenrdam. z$j
Chap. XII. Route d 'Amflerdam à Helder , & de -là à
Boulogne. . z 6j
Chap. XIII. Séjour & opérations faites à Boulogne , defeription
de cette ville : retour au Havre. 288
Chap. XIV. Récapitulation de ce qui concerne les montres
marines de M. Leroy, & conclufion de l'ou-
vrage* 313
Extrait des Registres de l'Académie Royale des Sciences*
Du 22 Juin 1768.
IVjEflîeurs d'Alembert, Debory & Bailly, qui avoient été
nommes pour examiner le Journal du Voyage de M. le Marquis de
Cour tany aux en ayant fait leur rapport; l'Académie a jugé cet Ouvrage
cligne de i'impreflion : en foi de quoi j'ai /igné le préfent Certificat.
A Paris le 22 Juin 1768. Signé Grandjean de Fouchy ,
Secrétaire perpétuel de r Académie Royale des Sciences*
VOYAGE
3 Sa +o 3a 2a 10 2 Sa 4,0 3a 20 20 I So £0 3a 2i
JOURNAL
D U
VOYAGE
D E
M. le Marquis de Courtanvaux,
Pour la vérification des Inflrumens relatifs
à la Longitude.
CHAPITRE PREMIER.
Objet du voyage ; définition des Longitudes terrejlrts;
récompenfes premifes ér accordées à ceux qui
contribueraient à en rendre la recherche moins
difficile fur mer.
IONNOÎTRE tOUS les jours fijr mer le lieu Importance
précis où l'on eft, éviter dans cette eftime connoifiànc*
des erreurs qui s'accumulent quelquefois Lcngimclo
jufqu'à cent lieues & au-delà, ne plus fur mtT\
riiquer d'échouer dans l'obfcurité de la nuit contre
A
2 Voyage
des terres dont on fe croit encore fort éloigné , déter-
miner avec la plus grande facilité la pofïtion des îles
que le Navigateur peut rencontrer, des golfes où il fe
propofe de relâcher, des écueils qu'il doit éviter, des
côtes dont il veut prendre connoiflance ; tels font les
fruits qu'on auroit lieu d'attendre d'une méthode à
l'aide de laquelle on pourrait déterminer les Longitudes
fur mer. Faut -il donc s'étonner û depuis que les
Européens ont commencé à entreprendre des voyages
maritimes de long cours, un nombre prefque infini
de Mathématiciens célèbres ont confacré leurs veilles
à la recherche de ce précieux fecret, aufli difficile
peut-être à découvrir, mais tout autrement eflentiel
que les célèbres problèmes de la quadrature du cercle*
de la duplication du cube & de la trifedion de l'angle!
On avoit imaginé depuis quelque temps de nouveaux
inftrumens, on les avoit préfentés A l'Académie comme
devant contribuer à la connoiflance des Longitudes ;
l'Académie avoit jugé qu'en effet ils pouvoient faciliter
la foiution du problème» c'eft pour les éprouver fur
mer que j'ai entrepris le voyage dont je rends compte
au public.
Ct que c'eft La pofïtion d'un lieu fur le globe terreftre ne peut
^Loi^Uudc! êtte fondée que fur la détermination de fa latitude éc
de fa longitude : la latitude d'un lieu n'eu autre chofe
\ que fa diftance à l'équateur; fa longitude eft fe diftance
à un méridien que l'on a choifi arbitrairement pour
être le premier méridien. On peut dire en général que
DE M. DE COURTANVAUX. J
Ton connoit ia longitude d'un lieu , Jorfquc Ton a
établi la diftance de fon méridien à quelqu 'autre méri-
dien connu que ce puifle être. Pour éçlaircir ceci,
qu'il me foit permis de me fervir d'une comparaifon;
on me demande la pofition d'une certaine lettre fur
cette page que j'ai devant les yeux; on me dit que
cette lettre eft diftante de trois pouces huit lignes du
bord fupérieur , ou de fept pouces trois lignes du bord
inférieur de la page ; voilà la latitude : mais cette con-
noi (Tance feule , ne fuffit pas pour réfoudre le pro-
blème ; cette condition , d'être à une certaine diftance
du haut ou du bas de la page , ne convient pas exclu*
iîvement à une feule lettre, elle efl commune à toute
une ligne, & comment diftinguerai-je entre toutes les
lettres de cette ligne celle que l'on me demande! je
le ferai très-facilement , moyennant une féconde con-
dition : qu'on me dife quelle eft la diftance de cette
lettre au bord de la page qui eft à ma droite ou à ma
gauche; ce fera la longitude de cette lettre, & le
problème fera incontinent réfolu.
Que je me trouve fur' une terre inconnue, ou fur
mer hors de la vue de toute terre, & que je veuille
connoître ma pofition à l'égard de Paris ou à l'égard
du port où j'ai appareillé, il eft manifefte que ce feroit
bien en vain que je confulterois ce que je vois fur
notre globe; H ne fe préfente à mes yeux qu'une im~
menfe étendue de mer ou des terres dont j'ignore
abfolument la véritable pofition : il ne me refte donc
A i;
4 Voyage
d'autre parti à prendre que de chercher fi le ciel ne
me préfenteroit pas quelque objet fur lequel je puiffe
me régler.
Mouvement La Terre eft ronde , ou peu s'en faut ; les aftres
du ciel. paroifTent tourner autour d'elle en vingt-quatre heures
d'orient en occident : dans cette révolution , ils con-
fervent prefque tous la même diftance à deux points
du ciel immobiles & diamétralement oppofés; oi>
appelle ces deux points Pôles du Monde, & les points
qui leur répondent verticalement fur la terre font
nommés Potes de la Terre; un des pôles eft fitué au
nord , <Sc l'autre au fud : le cercle de révolution que
paroît décrire un aftre également éloigné des deux
pôles , ainfi que le cercle qui lui répond verticalement
fur la Terre , eft nommé Equateur ou Ligne Equinoxialc ;
c'eft la diftance à cette ligne que Ton appelle Latitude.
Détermï- Ceci pofé , il eft facile de concevoir que l'on peut
WStude * aifément trouver la latitude d'un lieu , tant fur mer
*ès-&cile. qUe flir terre: orï a des inftrumens avec lefquels on
mefure avec aflez de précifion la plus grande hauteur
des aftres fur l'horizon , ou leur moindre diftance à
notre Zénith ; e'eft le nom qu'on donne au point du
ciel qui répond verticalement fur notre tête: or les
Aftronomes cûnnoiflent & ont réduit en Tables la
diftance de tous les aftres à l'équateur ; connoiflant
donc la diftance de notre zénith à l'aftre , & celle de
i'aftre à l'équateur, on connoîtra la diftance du zénith
à l'équateur, & par conféquent celle du lieu où l'on
DE M. DE COURTANVAUX. £
eft à Féquateur terreftre: la latitude eft trouvée; nous
fcvons quelle eft la diftance de la lettre que nous cher-
chons au bord fupérieur ou inférieur de la page-
Si nous nous en tenons aux termes de notre com- Détcrmï-
paraifon , il femble que nous n'aurons pas plus de Longitude
difficulté à découvrir la diftance de cette lettre au bord **»-*»*•
droit ou gauche de la même page, c'eft-à-dire, notre
longitude aétuelle ; c'eft cependant ce que Ton ar
cherché inutilement depuis bien àts fiècles : nous
avons facilement trouvé notre latitude, c'eft-à-dire >
notre pofition nord & fud , parce qu'au nord & au fud
nous avons découvert deux points fixes, parce que les
aftres confervent toujours une même diftance de ces
deux points , parce que la plus grande hauteur de ces
aftres eft une circonftance qui nous afïure que ces
aftres font nord & fud à l'égard de nous , ainfi que
les pôles: niais de l'eft à l'oueft il n'y a pas de point
fixe ; tout, comme nous l'avons dit, eft dans un mou-
vement perpétuel ; c'eft inutilement que nous portons
notre vue à droite & à gauche „ nous n'y découvrons
point de marge, à laquelle nous puiflions comparer
la pofition de la lettre que nous cherchons: il faut
<fonc ici que l'efprit humain s'efforce de fuppléer au
défaut dé ce que le ciel Si Ja terre femblent. nous
xèfufer.
C'eft de l'Auteur de la Nature que nous tenons cet Recompenfe
jefprit^ capable de pénétrer jufqu'aux cieux les plus Ppîrmje?
ékyés, A de defcendre jufqq'à la profondeur de Souwaîn*
Aiii
6 Voyage
i ceux qui dé- l'abyme , pour y découvrir des vérités auxquelles nos
le foret des fens ne pouiToient atteindre : les Souverains , vives
ngitu es. jmages je ja Divinité fur terre, ont cru qu'il étoit de
leur gloire de donner de l'aétivité à cet efprit, en
i animant par l'attrait des récompenfes qu'ils ont pro~
mifes à ceux qui découvriraient le fecret des Longitudes
fur mer. Les anciens ont envifagé ce problème avec
affez d'indifférence , cela n'eft poinf étonnant ; bornés
k des navigations côtières , ils perdoient rarement la
terre de vue : l'ufage même de l'aiguille aimantée , dans
Ja fuppofition qu'ils en auraient connu la théorie, leur
aurait été prefque abfohiment inutile ; «mais depuis qu'à
l'aide de cette même aiguille oh s'eft frayé de nou-
velles routes au travers des mers immenfes , la décou-
verte des Longitudes eft devenue le plus utile de tous
les problèmes*
Prix Le Nautonnier, dans l'Épître dédicatoire de fa Âtë~
PE?pafgneCn ^méttie de r Aimant, dit, d'après MafFée, que le roi
*en de Portugal , Jean 1 1 , avoit engagé plusieurs habiles
Mathématiciens de fon fiècie à la recherche de la
folution de ce problème: ce Prince les aurait fans
doute récompenfes du fuccès , mais il ne paraît pas
qu'il fe foit généralement engagé à payer cette déco**
verte , de quelque part qu'elle lui eût été adreffée. Si
Philippe II, roi d'Efpagne, propofa un Prix fignalé
pour celui qui trouverait la feience des Longitudes ,
comme le dit Morin * , il faut fuppofer que cette
h * Page x de fon Fsâum.
de M. de Court anvaux. 7
promette n'étoit que vague & générale, & qu'elle ne
fut point consignée dans les archives publiques; autre-
ment elle n 'auroit certainement pas échappé à la con-
noiflance de le Nautonnier. Le même Morin (a) dit
cxpreffément que Philippe III fut le premier qui
s'engagea folennelkment à donner un Prix de cent
mille écus à celui qui auroit réfolu le problème : ce bel
exemple fut auffitôt imité par les États Généraux; la
récompenfe que ceux-ci proposèrent fût de cent mille
florins (b). J'ai cherché inutilement la date de cette
promeffe de Philippe 1 1 1 ; je la juge poftérieure à
Tannée 1603 : le Nautonnier faifoit imprimer fa Mè-
cométrie en cette année & en la fui vante; il étoit, à ce
qu'il femble , intérefTé à faire mention de cette pro-
mette, s'il en eût eu connoiflance, & il ne dit pas un
mat qui puiffe y avoir rapport. Dounot, de Bar-le-duc ,
profeffeur de Mathématique aux Académies du Roi ,
réfuta le Nautonnier en 1 6 1 1 ; il témoigne (c) « qu'on
n'entendoit parler d'autre chofe en Hollande , finon «
de personnes qui propofoient leurs inventions pour «
les Longitudes , y étant attachés par la récompenfe «
(a) Scient. Longït. pag. 1.
(b) Je fuis les plus anciens
Écrivains qui ont parlé de ces
promefles , fans prétendre pour
cela contredire RiccioU , qui dh
( Géogr. réform. /. rtll,ft&. m,
€%ap. 93. ) que « Philippe III
» avok promis un revenu annuel
de <Jooo pièces d'or à Louis ce
Fonfeca , & un de 8000 à «c
Azias Loyola; & que les Hol- •*
landois s'étoient obligés à payer ce
j 0000 florin^ à cetui qui ce
trou veroit le premier le point <*
de la Longitude »•»
(c) FoL jf l+
•»•
6 Voyage
» promrfe par les États: mais jufqu'ici, ajoute-t-iî,
perfonne n'en efl venu à bout- » Ceci paraît fignifier
-qu'il s'éioit déjà écoulé quelque temps depuis la pro-
mefle des Etats, & à plus forte raifon depuis celle de
Philippe III : ces deux promeffes ont pu être Élites en
1 604. , ou bien peu de temps après.
Tentatives Leur effet fut moins heureux que prompt; il avoic
4ofructueuies* *
déjà paru quelques mauvaifes folutions du problème:
l'on en publia bien davantage. L'Efpagne fut plufieurs
fois trompée , dit Morin (a). Nous venons de voir
<ju'on ne parloit d'autre chofe en Hollande; on pro-
pofoit des méthodes, on préfentoit des projets de
machines ; les Holiandois fe lafsèrent de payer les frais
de conftru&ion de ces machines , dont aucune ne
réufliffoit ; ils déclarèrent qu'ils n'en admettraient plus
qui ne fût exécutée (b). Michel Florent de Langres (c),
Flamand, crut vers 1 634 avoir pénétré le fecret , il fit
hommage de fa découverte à Philippe IV, roi d'Ef-
pagne, qui lui accorda une penfion de douze cents
écus , en attendant une plus grande récompenfe, lorfque
les tables de la Lune feroient perfectionnées (d).
Récompcnfa Nous ne trouvons pas que nos Rois fe foient jamais
o^momffe folennellement engagés à récompenfer celui qui aurait
paFÎInfcisdc trouvé l'art de déterminer ks Longitudes fur mer: au
(a) Faflum, page 1.
(b) Morin , Scient, longit.p. 2 .
(c) Je l'appelle de Langres,
ainfi qu'il eft nommé par Morin ;
il eu plus connu des Aftronomes
fous le nom de Langrcnus.
(d) Morin , Faftum, p. 41 4
relie
DE M. DE COURTANVAUX. 9
refte il n'y a manqué , pour ainfi dire , que fa forme;
le zèle qu'ils ont toujours témoigné pour le progrès
des Sciences , & l'ardeur avec laquelle ils ont embrafle
toutes les occafions d'accorder de telles récompenfes ,
étoient des garans bien affurés que leur générofité ne
céderoit en rien à celle des rois d'Efpagne, & des
Etats Généraux : c'eft (ans doute cette volonté , tou-
jours permanente & fouvent manifeftée, qui a engagé
quelques auteurs à nommer les rois de France à la
tête des Princes qui s'étoient engagés à récompenfer
les inventeurs de ce fecret fi défiré (a).
Guillaume le Nautonnier , fieur de Caftelfranc f fit L«
imprimer en 166 3 fa Mécométrie de f Aimant, c'eft-à-dire, récompense,
fon art de découvrir les Longitudes par la déclinaifon
de l'Aimant; il la dédia à Henri IV : le Nautonnier
n'étoit point l'auteur de la Méthode qu'il propofoit;
Touffaint Beflard , d'Auge en Normandie , l'avoit fait
imprimer en 1574, à Rouen, fous le titre de Dialogue
de la Longitude ejt-ouejt : cette Méthode d'ailleurs,
d'incertaine au moins qu'elle étoit alors , eft devenue
abfolument fautive : Caftelfranc fut cependant récom-
penfé par ordre du Roi d'une honnête penfion (b).
Benedetto Scotto, gentilhomme Genevois (c) , fit Scotto
débouté.
\
(a) Fournicr , Hydrogr. lit.
XI 1, c. 3.
(b) Dounot, ConfutaU de la
Aîicométrie , dans l'avis au Lec-
teur. Benedetto Scotto , Ufage
des Longitudes, page 3.
(c) C'elt le titre que Scotto
fe donne ; mais il étoit de Gènes ,
& non pas de Genève.
B
io Voyage
imprimer en 1 623 , un ouvrage intitulé , Ufage ér Pra-
tique des 'Longitudes ; il prefle fort Louis XIII de lui
accorder une récompenfe proportionnée à l'impor-
tance de cette découverte : il paroît qu'on lui avoit
fait efpérer cette récompenfe , s'il réuffifToit dans fes
recherches ; le confeil du Roi délibéra en effet fur cet
objet, mais l'invention de Scotto y fut jugée faujje ir
pleine d'ignorance (a): il fuffit de jeter un coup d'oeil
fur l'ouvrage de Scotto, pour fe convaincre de l'équité
de ce, jugement.
Méthode Jean-Baptifte Morin, de Villefranche en Beau-
Morin , - jolois , dodteur en Médecine , profeueur royal de
jrtompVnfée Mathématiques, annonça avec confiance, en 1634,
enfuuc, qu'il avoit enfin découvert le vrai fecret des Lon-
gitudes, qu'il avoit droit en conféquence de prétendre
aux cent mille écus d'Efpagne & aux cent mille florins
de Hollande promis à l'auteur d'une telle découverte;
mais qu'il croiroit commettre un crime, fi, né Fran-
çois & honoré du titre de Profeffeur royal , il fàifoit
hommage de fon fecret à d'autres qu'à fon Souverain ,
le lai (Tant d'ailleurs l'arbitre de la récompenfe que
Morin croyoit mériter (b) : le cardinal de Richelieu
ne balança pas à faire efpérer à Morin qu'il reffentiroit
tous les effets de la générofité du Roi , fi fa. décou-
verte étoit jugée telle qu'il l'annoaçoit ; une commif-
fion fut nommée , M. de la Porte f Commandeur de
(a) Morin, Faftum, page 2.
{bj Morin, Scient. Longit. & Fafium paflim.
DE M. DE COURTANVAUX. II
l'ordre de Malte, & Intendant général du commerce
& de la marine de France, y préfidoit, accompagné
de M/- de Cam, Treillebois & Letier, Capitaines de
vaifleaux; les CommifTaires -Juges étoient M.rs le Pré-
fident Pafchal, Mydorge , Beaugrand, Boulenger &
Hérigone; on s'affembla au mois de mars à T Arfenal : en
préfence d'un nombre prefque infini d'auditeurs, Morin
démontra rigoureufement plufieurs méthodes de con-
«oître les Longitudes fur mer, par différentes pofitions
de la Lune à l'égard des Étoiles ; les proportions de
Morin étoient exa&es *, elles font le fondement de
tout ce qui a été dit depuis de meilleur fur la méthode
de trouver les Longitudes par le mouvement de la
Lune : les CommifTaires parurent fatisfaits ; ils don-
nèrent cependant quelques jours après au Cardinal
leur avis abfolument défavorable aux proportions de
Morin ; celui - ci leur répondit , & joignit à d'afTez
bonnes raifons des inventives très-amères, n'épargnant
pas même le cardinal de Richelieu , qui avoit cru
devoir fe tenir à l'avis des CommifTaires. Ce que l'on
objeéloit de plus plaufible à Morin étoit l'imperfection
des Tables de ce temps, trop grande pour ne pas
influer fur la pratique des Méthodes propofées; Morin
répondoit que fes Méthodes mêmes conduiraient
* Riccioli , Géograph. riform. lib. v 1 1 1 , fe<fh I , chap. v I , n. 6 ,
trouve de l'erreur dans deux des démonftrations les plus exa&es de
Morin; mais c'eft que Riccioli confond la longitude de la Lune
avec ion afceniion droite.
Bii
14 VOYAGE
Tromcflc En 1 668 (a) , un Allemand jugeant ne pouvoir être
Louis xiv mieux récompenfé par aucun Prince de l'Europe que-
Aiieii. Par 'e ro* ^e France, s'adrefTa à lui fur une nouvelle
méthode de déterminer les Longitudes en mer, &
obtint un brevet , par lequel Sa Majefté payant feule
un fecret dont toutes les nations dévoient jouir , don->
noit à l'inventeur foixante mille livres comptant, & un;
droit de quatre fous par chaque tonneau du port de
tous les vaifleaux qui fe ferviroient du fecret; le Rot
s'obligeoit même de lui faire valoir ce fecret huit mille
francs par an, fe réfervant cependant la faculté de le
retirer moyennant une fomme de cent mille livres, le
tout à une feule condition, c'étoit que l'inventeur fît
la démonftration de fon fecret en préfence de JVL
de Colbert , du célèbre M. Duquêne , & de M/*
Hughens , Carcavy , Roberval y Picard <Sc Auzout de
l'Académie des Sciences : il s'agifToit d'un Odomètrt
ou infiniment propre à faire connoître la quantité de
la route du vai fléau ; cet Odomètre , dit l'hiftorien de
l'Académie, étoit aflfez bien imaginé : on fit cependant
<Ies objections folides contre fa précifion , 6c les cent
foixante mille livres auxquelles. l'Allemand (ouchoit
déjà ne lui purent faire trouver des réponfes fatisfai-
fantes.
Autres L'année fuivante (b) M. Colbert renvoya par-devers
prétendues
eC<rnaICrtCS (a) ^ct art'c'c c^ «xwait des anciens Mémoires de l'Académie,
accueillies, tome /, page 6 y.
(b) Cet article eft pris du même volume , page / / / & fuiv,
DE M. DE C&U.RTANVAUX. TÇ
FAcadémie un habile Àftronome , qui préiendoit à
Fhonnetfr de cette même découverte: celui-ci recou-
Koit à la Lune , dont il fuppofoit le mouvement tou-
jours égal , fans aucune attention à la parallaxe & à la
réfraction. La même année un Curé de campagne vint
du fond d'une province propofer à l'Académie des-
féveries aftrologiques furie même objet.
Ces mauvais fuccès découragèrent ceux qui n'a- t Pfomcffc
i h s r i r • dcM' ,cduc
•voient pas de meilleurs moyens a propofer; les alpirans d'Orléans,
devinrent plus rares, ou du moins leurs tentatives ne romcbRoh
font point parvenues jufqu 'à nous: on perdit même de
vue les Prix propoféspar les rois d'Efpagne & les États
Généraux. Le zèle confiant de la France , pour une
découverte auffi pFécieufe, fe manifeftoit cependant
encore de temps à autre: en 1722, M. le duc d'Or-
léans , Régent , réitéra les promettes faites par les Rois
prédéceffeurs de Louis XV *. Ce fut vers le même
temps que feu M. Rouillé de Meflay , ancien Confeiller
au Parlement ,. fonda,, fous le bon plaifir de SaMajefté,
un Prix annuel^ dont il laifTa le jugement à l'Académie; ?"*,*.
I Académie*
ce Prix, qui ne fe diftribue plus que tous les deux ans,
doit avoir pour objet la perfection de la Navigation*
En 1765 , l'Académie propofa pour fujet du Prix:
de 1 767 , la meilleure manière de mefurer le temps h la
mer; ce problème, comme nous le verrons plus- bas,.
ne diffère prefque pas de celui de la découverte des
Longitudes: le Roi a non -feulement applaudi à ce
* Hift. de FAcadémie, 1722 , page 1 qz.
N.
i6 Voyage
choix , il a de plus daigné déclarer qu'il fàvoriferoit
puiiïamment toutes les entreprifes que l'Académie
jugeroit nécefiaires pour s'afTurer des Méthodes qui
lui feraient propofées, relativement à cet objet.
Prix promis De toutes les promeffes faites à ceux qui réuffiroient
en 1714- à déterminer les Longitudes furjner, la plus folennelle
a été celle du Parlement d'Angleterre, propofée en
juin , arrêtée par ies deux Chambres en juillet , &
approuvée par la Reine Anne, le 20 du même mois
de juillet 1*714. Parladedu Parlement, on nomme un
comité perpétuel de CommifTaires des Longitudes, fur
l'autorité duquel les fbmmes promifes doivent être
payées fans aucun délai , par le Tréforier de la marine.
Le Tréforier eft même autorifé par cet aéle, à avancer
fur Tordre des CommifTaires , ce qu'ils jugent nécef-
faire pour éprouver les inflrumens dont on attend
quelque fuccès, jufqu'à la concurrence de 2000 livres
fterlings^*^. La récompenfe promife eft de 10000
livres fterlings (b) , fi la méthode trouvée afTure la
Longitude du VaifTeau, à un degré de grand cercle
près (c); de 1 5000 livres (d), û l'exaélitude eft renfer-
mée dans les bornes de deux tiers de degré ; enfin , de
20000 livres (ej fi la précifion va jufqu'à un demi-
(a) Ou environ 45700 livres
de notre monnoie.
(b) Près de 228600 livres.
(c) Le degré eft de 20 lieues
marines de France ou d'Angle-
terre, ou d'environ 57000 de
nos toifes.
(d) Plus de 343 800 livres.
(e) Plus de 457000 livres»
degré.
DE M. DE ÇOURTANVÀUX. Ï7
degré. La moitié de cette récompenfe doit être délivrée
aufîitôt que les Commiflaires ou le plus grand- nombre
d'entr'eux , auront décidé qu'à l'aide de la méthode
propofée, les Vaiffeaux,:font eh fureté à la diftance de
80 milles géographiques * des côtes ; & l'autre
moitié lorfqu'un Vaiffeau envoyé par ordre des Com-
mi flaires, de quelque port de la Grande-Bretagne à
un port des Indes occidentales, choifi par les mêmes
Commiflaires, fera reconnu avoir toujours cûnfervé fa
longitude dans les bornes ci.-defliis prefcrites. Si
quelque invention ne reuffit pas au defir de cet allé,
& que cependant les Commiflaires la jugent utile au
public & à la Navigation , ils font en droit d adjuger
à l'Auteur une récompenfe moindre que celles qui
ont été fixées ci-defliis, & proportionnée à l'utilité de.
l'invention. Tel eft le précis de cet a6te célèbre, en
Cpnféquence duquel l'honneur de la découverte des
Longitudes fetnbloit devoir être réfervé à l'Angleterre.
m »
Déjà 1 6 à 1 8000 livres fterlings ont été délivrées >
par ordre des Commiflaires, entre les mains de ceux
dont les inventions ont été jugées utiles à la folution
du problème.
L'Académie des Sciences , en propofant cette même
découverte pour le fujet du Prix de l'année 1767, propofî^par
ne fe diflimuloit pas que ce Prix eft fort au-deflbus ,,Aca£mî* »
• 1 . i pour! année
de ceux que le Parlement d'Angleterre a propofés en l767*
* Le mille géographique eft un tiers de lieue marine ; ainfi 8 o
milles font z6 lieues & deux tiers.
. c
Sujet
du Prix
iS Voyage
1714; mais elle n'ignore pas qu'un cœur véritablement
françois, eft plus fenfrbie à l'attrait de la gloire qu'à
celui de l'intérêt. Elle favoit, d'ailleurs, que plusieurs
Articles de Paris travailloient depuis* long-temps à la
Solution du problème , & qu'ils croy oient toucher
bientôt à l'heureux inftant où cette précieufe dccou*
verte devoit couronner leur front de lauriers immortels.
L'attente de l'Académie n'a point été frufirée , <Jc îi
y a tout lieu d'efpérer que, quelque grande que foît
la multiplicité des talens, l'étendue des connoifiances ,
la profondeur du génie , l'alfiduité des recherches de la
nation Angloife , la France ne fe verra pas contrainte
de lui céder la gloire de la première & de la plus par*
laite folution du célèbre problème de la Détermination
des Longitudes fur mer.
■^■^
CHAPITRE II.
Examen des différentes folutions dont le Problème
des Longitudes eji fufceptible , & premièrement de
celles qui font fondées fur tAJlronomie.
VAftrono; T 'Astronomie fournit des moyens fiï facile» Se
"jâufitiirT* *— ' fi naturels pour déterminer les latitudes tant far
«lethofe. mer ^uc ^ terre ^ q^'jj n»e^ p0mt étonnant que ce
foit la première feience que tes Navigateurs aient con»
fultée fur la détermination des Longitudes : les répanfes
n'ont pas été auûj iàtisfaiiaates qu'on l'awoit defiré»
DE M. DE COURTANVAUX. 19
L'Aftronomie indique bien des méthodes , la plupart
font reftreintes à des circonftances très-rares, & l'on
demande des moyens que Ion puifle employer tous
les jours. D'autres méthodes exigent dans ks inftru-
mens une force & une précifion à laquelle la Méca*?
nique ti a pu encore parvenir, & dans les Navigateurs
des connoiffances qui font peut-être un peu trop
rares parmi eux. On a donc été obligé de recourir à
d'autres fciences ; la plupart fe font reconnues dépendre
en ce point, de l'Aftronomie, & ne pouvoir éclairer
que conjointement avec elle.
Nous avons dit en effet , que dans l'intervalle de „ T°m«
1 font fondées
24. heures , tous les aftres étorent emportes autour de fa* la mcfure
fa Terre > d'orient en occident. La circonférence dtU u tcinps'
Terre , ainfi que celle de tout cercle , eft divifée en
360 degrés; ainfï les âftres répondent fucceffivement
à ces 360 degrés , dans i'efpace de 24 heures; en
une heure ils paroiffent avoir parcouru la 24,.' partie de
3 60 degrés, c'eft-à-dire, 1 5 degrés, & ainfï à propor-.
tîon. Il arrive de4k qu'un aftre , le Soleil , par exemple, .
arrive au méridien de Paris , une heure plus tôt ou
plus tard qu'à un autre méridien liftant de celui de
Paris de 15 degrés vers l'occident ou vers l'orient;
& ce que nous difons du méridien ou de la ligné du
midi , il faut le dire auflfi de la Kgne ou do cercle de
deux heures, de celui de cinq heures; en un mot» de
tous les cercles horaires. Il fait de~Jà que fi , fous un
méridien inconnu , je compte, par exemple , £ heures ~ I
C i; 1!
20 K- O ~Y A G E
du foîr , & que je veuille connoître ma Longitude , il
fuffit que je puiffe découvrir quelle heure il eft pour
Jors à Paris , ou dans le port duquel j'ai appareillé , ou
en un mot, fous un méridien connu quelconque, la
différence des heures réduite en temps , à raifon de i y
degrés par heure , me donnera la différence des Longi-
tudes. L'Aftrônomie fournit des méthodes fort fimples
& affez faciles pour connoître prefque à chaque infbnt,
l'heure du méridien fous lequel on fe trouve : la
queflion fe réduiroit donc à connoître l'heure do
méridien de deflbus lequel on eft parti, ou de tout
autre méridien connu.
Cette queflion ferait bientôt réfblue fi Ton obfer-
voit fréquemment dans le ciel , des phénomènes éckr-
tans qui fe Ment voir par-tout au même infiant
phyfique , & dont l'heure de rapparition fût donnée
pour quelque méridien déterminé: telles font les
éclipfes de Lune. La Lune s'éclipfe , parce qu'entrant
dans l'ombre de la Terre, elle cefle de nous renvoyer
la lumière du Soleil qu'elle ne reçoit plus; mais par
cela même qu'elle ne reçoit plus les rayons du Soleil p
elle ne peut pas plus les renvoyer à Pékin ou à Lima
qu'à Paris; robfcurciflement commencera donc en
un feul infiant phyfique, & finira de même pour tous
les pays qui ont alors la Lune fur leur horizon. Les
Tables de la Lune font maintenant aflez perfection-
nées , pour que Ton connoîffe , à deux minutes près ,
à quelle heure une éclipfe <Je Lune doit commencer
Z>E M. DE COURTANVAUX. 21
& finir fous un méridien connu, comme fous celui
de Paris ; û donc on voit commencer ou finir cette
Eclipfe une heure ou deux heures plus tôt ou plus tard
que le calcul ne l'annonce pour Paris, on peut être
afluré que la différence entre le méridien fous lequel
on fe trouve , & celui deParis , eft à très-peu-près d'une
heure ou de deux heures, c'eft-à-dire, de i j ou 30
degrés: on eft à l'orient de Paris, fi l'Édipfe a com-
mencé ou fini plus tôt qu'on ne l'avoit annoncée pour
Paris ; on eft au contraire à l'occident , fi ces phafes
ont été obfervées plus tard : une fimple lunette de.nuit
fuffit fur mer pour l'obfervation de ces Éclipfes; fi
i'Éclipfe eft totale, il eft difficile de fe tromper de
deux minutes dans l'obfervation de Timmerfiort & de
i'émerfion : ainfi , dans ces fortes d'obfervations, l'er-
reur totale ne peut aller à quatre minutes de temps;
l'on aura donc mieux qu'à un degré près la longitude
du lieu où l'on fe trouve: cette méthode eft la plus
fimple de toutes, il paroit que c'étoit la feule que les
Anciens connuffent, encore ne pouvoient-ils l'em-
ployer qu'avec un fuccès très-équivoque, vu l'imper-
feétiôn de leurs Tables & de leurs Inftrumens. L'in-
convénient de cette méthode confjfte dans la rareté
des occafions de s'en fervir* à peine arrive-t-il fîx
éclipfes de Lune dans Tefpace de quatre ans , dont
deux oïi trois feulement font totales ; de ce petit
nombre d'Éclipfes il n'y en a que la moitié qui foient
yiûbles fur un même horizon , & le brouillard ou ks
22 Voyage
nuages peuvent encore empêcher qu'on n'obferve
celles qui d'ailleurs auraient été vifibles.
Écripfes Autour de la planète de Jupiter roulent quatre Lunes
ddeJupi£? femblables à la nôtre , ai par conféquent fufceptibles
_, d'Éclipfes; on les nomme les Satellites de Jupiter: nous
Découverte r r
de m. l'abbé avons des Table $ du premier Satellite , portées à un
tel degré de perfection , que le doute fur le véritable
inftant de ces Éclipfes , à Paris , ne peut aller à deux
minutes ; d'ailleurs en moins d'une minute & demie
de temps ce Satellite a perdu ou recouvré toute fa
lumière; fes éclipfes enfin font fréquentes, elles fe
renouvellent au bout de 42, heures et quelques mi-
nutes : les Tables du fécond Satellite font aufli aflez
exactes , il met peu de temps à perdre ou à recouvrer
ion éclat , il eft éclipfé deux fois par femaine; mais ces
Satellites ne fe voient point à la vue fimpie , il faut
même des lunettes aflez fortes pour bien distinguer
leurs éclipfes ; & les môuvemens du Vaifîeau rendent
l'ufagè de ces lunettes irtipoflïble fur mer. Il à'agiroit
donc d'inventer de nouvelles lunettes , faifant un grand
effet , & faciles d'ailleurs à manier nonobftant l'agita-
tioh du Navire , ou même de trouver quelque moyen
d'obfferVer fur mer les éclipfes des Satellites avec no»
lunettes actuelles , & l'on aurait rendu un fefvice im-
portant à la Navigation. M. l'abbé Rochon , Corref-
pondant de l'Académie des Sciences , fe flatte d'avoir
fuit la féconde découverte, il a éprouvé fon infiniment
fur mèr , & il parait content du fuccès : comme il ntf
DE M. DE COU RTANVAUX. 2}
J'a pas fournis à notre examen , je ne puis en juger
définitivement; s'il a réuffi, fa découverte eft pré*-
cieufe, mais elle n'eft pas fuffifante. Les éclipfes des
deux premiers Satellites font, il eft vrai, alTez fré-
quentes; mais les oc caftons de leg obferver font
quelquefois fort rares : vers le temps de la conjon&ion
de Jupiter au Soleil » il s'écoule foovent trois mois,
fans qu'il y ait aucune éciipfe de Salîtes vifible;
durant crois autres mois , à peine s'en rencontrera-t-il
cinq ou fix des deux premiers Satellites , & ces .cinq
ou fix obfervations ppflibles peuvent être {raverfées
par le brouillard ou par les nuages : vers le temps de
l'oppofition de Jupiter , les Éclipfes vifiWes fe multi-
plient; il s'écoule cependant environ un mois, durant
lequel il eu très-difficile, & peut-être mime impoflible
fur mer , de les obferver , à caufe de Ja trop grande
proximité de Jupiter & de fon Satellite : au refte l'ufagç
de ces Éclipfes , fi on a le bonheur de les obferver , .
eft précifément le même que celui de$ éclipfes de
Lune.
Durant le fîècle dernier , on agitoit laqueftion, û tctipfo
ies éclipfes de Soleil pouv oient contribuer à la déter- *CJS,
mination des Longitudes , .même fhr terre. II ne faut dj!ttj[es **"
pas, en effet, raifonner fur les éclipfes de Soleil
comme fur celles de la Lune & des Satellites. Dans
celles-ci , ia Lune ouïe Satellite entrant dans l'ombre de
la Terre ou de Jupiter , cefle d'être éclairé du Soleil ,
& ne peut plus en conséquence nous renvoyer la
24- Voyage
lumière de cet àftre; c'eft un fignal inftantané donné
à toute la partie de la Terre tournée vers la Lune ou
vers le Satellite. Dans les éclipfes de Soleil, au contraire ,
cet aftre ne perd rien de fon éclat, fes rayons font
les mêmes, il les lance avec une même profufion,
avec une égale vivacité ; mais la Lune fe trouvant entre
le Soleil & la Terre, intercepte ces rayons, & les
empêche de parvenir jufqu'à la Terre. Or , la Lune ne
peut fe trouver au même infiant entre le Soleil &
Paris , & entre le Soleil & Pékin ; elle eft trop petite
& trop voifine de la Terre f pour cacher* en même
temps la vue du Soleil à ces deux villes. Cette diffé-
rence d'afpeiSl , qui fait que lorfque la Lune paroît à
Paris couvrir le Soleil ou une Étoile , elle en eft encore
à quelque di flan ce à l'égard de Pékin , eft ce que
les Aftronomesappellent^W/rfxvr.Les éclipfes de Soleil
( & il en faut dire autant des éclipfes ou des occultations
des Planètes & des Étoiles par la Lune) ne font donc
point des fignaux in flan tan es , dont on puifle faire le
même ufage que des éclipfes de Lune ou des Satellites;
mais faut -il conclure de -là que ces éclipfes font
inutiles à la recherche des Longitudes! C'eft ce que
tous les Anciens ont cru , fur la foi de Ptolémée *;
leur opinion étoit au refte , affez jufte à certains égards ,
dénués de lunettes & d'autres inftrumens , ne connoif-
fant que très - imparfaitement les mouvemens de la
Lune; peu inftruits de la grandeur de la Terre, de fa
* Geogniph. ftb. 1, c. +
diftance
» ,
DE M. DE COU RTAHVAUX. 2$
di fiance à ta Lune , & de la quantité de (a parallaxe de
ce dernier aftre, ils ne pouvoient que balbutier fur
Jes éclipfes de Soleil : les obfervations qu'ils en auroient
faites, pour en déduire les Longitudes de quelques
lieux un peu. éloignés les uns des autres, auroient pu
les jeter dans des erreurs de 25 à 30 degrés , &
même plus considérables. Kepler (a),{\ je ne me Ccs,^cIjRrcS
1 . ' préférables
trompe , eft le premier qui ait ofé fe roidir contre le fur terre
torrent : tout corps opaque préfenté au Soleil , jette SatcStcs.
derrière lui une ombre fort mal terminée ; les bords
dé cette ombre font comme une ombre commen-
çante, qui fe fortifie ou s'afFoiblit par des dégradations
infenfibles , une pénombre enfin , pour me fervir du
terme des Aftronomes. Dans les éclipfes de Lune il
eft très - difficile de diftinguer cette pénombre de
l'ombre véritable, & par conféquent de déterminer
avec quelque précifïon, les momens du commence-
ment & de la fin d'une éclipfe. On en peut dire
proportionnellement autant , des inflans de l'immerfion
& de Témerfion , foit des taches de la Lune , foit de la
Lune même, foit des fatellites de Jupiter dans l'ombre
de la Terre ou dans celle de Jupiter. Au contraire, Je
difque de la Lune fe trouvant entre le Soleil & nous ,
eft parfaitement déterminé ; on y diftingue même
les montagnes & les enfoncemens de la Lune (b).
(a) In Rudolphin. cap. XVI & XXXII.
(b) C'eft ce que M. le prince de Croy nous a afluré avoir très-
Jmca obfervé à Calais , fur-tout dans l'Édipfc de 1765.
. D
i6 Voyage
Une Etoile entrant derrière ce même difque , fur-tout
derrière- fa partie obfcure, ceffe, en un inftant, de
paroître; ie doute fur le moment précis de Tim-
merfion ou de i'émerfion , ne peut durer une féconde
de temps : ce font ces confidérations qui ont engagé
Kepler à préférer les obfervations* des éclipfes de
Soieii à celles des éclipfes de Lune. L'incertitude où
l'on étoit alors fur la véritable quantité de la parallaxe
de la Lune , fut {ans doute la principale caufe du peu
de progrès que cette doétrine a eu durant tout le xvil.0
fiècle. Maintenant que nos connoifïances fur la véri-
table théorie des mouvemens céleftes & fur la parallaxe
de la Lune fe font perfectionnées, il n'eft aucun Aftro-
nome verfé dans cette théorie , qui ne convienne que
les éclipfes de Soleil & les occultations des étoiles par
la Lune , méritent toute préférence fur les éclipfes de
Lune & fur celles des fatelli tes de Jupiter , lorfqu'il s'agit
de déterminer avec précifion r les Longitudes fur terre.
Jbeonveniens Sur mer, cette excellente méthode a bien des-
de
•es Écipfcs. inconvénient; ces éclipfes, fur-tout celles de Soleil r
font extrêmement rares. Pour les obferver avec quelque
précifion , il faut des inftrumens un peu longs ,- & par
conséquent peu maniables fur mer , à moins qu'on ne
puiffe employer à cet effet , la lunette de M. V Abbé
Rochon. Enfin, pour tirer parti de ces fortes d'ob«*
fervations, il faut s'engager dans un labyrinthe de
calculs, où il n'eft peut-être pas donné à tout le
monde de pouvoir pénétrer. Ceux qui ont le bonheur
DE M. DE COURTANVAUX. 2y
de poflcder le fil nécefTaire pour s'engager dans ce
labyrinthe, ne feront pas mal d'en faire deux fois
le tour , pour être aflurés qu'ils en ont rencontré la
véritable iffue.
Les occafions d'employer les méthodes crue nous Mouvement
if r r r *-i n ii / n* . ProPre de fit
venons d expofer, font li rares, qu il a fallu neceflai- Planètes,
rement en chercher d'autres d'un plus fréquent ufage. uXcouvertc
On a donc continué d'interroger le ciel , on y a lu ^mritud^
que tous les aftres vîfibles emportés par un mouvement
commun d'orient en occident, confervoient toujours
la même difiance, tant entr'eux qu'à l'égard du pôle
& de J'équateur, excepté fept feulement, qui paroif*
foient avoir un mouvement propre prefque contraire;
c*eft-à-dire, d'occident en orient, s'éloignant &
fe rapprochant de i'équateur du fud au nord , &
du nord au fud, félon des loix qu'on a étudiées de
pénétrées. On a eflayé de faire uikge de ces mouve*
mens propres pour la détermination des Longitudes.
Par exemple, le Soleil partant aujourd'hui au méridien
de Paris, eft à une certaine diftance d'une étoile
fixe ou d'une étoile qui n'a aucun mouvement propre;
demain, à la même heure de midi, ou à fon partage
par le méridien , il fera d'un degré plus près de cette
même Étoile ; donc aujourd'hui , à une heure après
midi, il aura approché de deux minutes & demie *
de cette Étoile , de cinq minutes à deux heures , de
* Le degré , ainfî que l'heure , fe di vi(è en 6 o minutes , la minute
en 60 fécondes,
D ij
28 Voyage
Sept minutes & demie à trois heures , & ainfi de fuite
fur ie pied de deux minutes & demie par chaque
heure. Si je fais donc par les Tables, quelle eft fcr dis-
tance du Soleil & de cette Étoile à midi de chaque
jour pour le méridien de Paris r & que par des obfer-
vations je puifle connoître quelle eft cette même dif-
tance à midi fous le méridien que j'habite; j'en con*
durai l'heure qu'il eft à Paris , lorfque je compte midi ,
& par conséquent la dlûance de mon méridien à celui
de Paris. Cette Méthode, excellente dans la théorie,
ne vaut rien dans la pratique; en voicr la raifon : puiS-
que le mouvement du Soleil n'eft que d'uiî degré en
24 heures , ou de deux minutes & demie par heure r
une erreur d'une demi - minute fur ce mouvement en
occafionnera une de trois degrés trois quarts ou de
Soixante-quinze lieues dans la détermination des Lon-
gitudes. Or, qui peut s'afliirer, au moins fur mer, que
la Somme de l'erreur des Tables & de l'erreur de l'ob-
Servation n'excédera pas une demi «minute de degré ï
te mouvement propre du Soleil eft donc trop Ientr
pour qu'il puifle être ici de quelque utilité: celui de
Mars , de Jupiter & de Saturne eft encore plus lent que
celui du Soleil ; Vénus & Mercure Sont quelquefois
plus prompts, mais c'eft dans des circonftances où il
n'eft pas poffible de les obferver ; d'ailleurs leur mou-
vement* même lorSqu'il eft le plus accéléré, ne l'eft
pas aflez pour qu'on puifle en tirer quelque cçnclufioa
fttisfaiSante. Des Sept Aftres qui ont un mouvement
DE M. DE COURTANVAUX. 2$
particulier , en voici donc fix dont on ne peut faire
ufage pour ia détermination des Longitudes.
Le feptième eft la Lune: fon mouvement eft de Mouvement
douze à quinze degrés en 24 heures , ce qui fait f*us*^ï£e
ordinairement plus d'un demi -degré en une heure , & * cette detw-
plus d'une demi -minute de degré en une minute de
temps ; ce mouvement peut être affez fenfible ,. Se par
conféquent fuffifànt pour l'objet qu'on fe propofe ici:
atrffî plufieurs Auteurs de ce fiècle & du fiècle précé-
dent n'ont-ils pas craint d'affurer pofitivement que les
mouvemens de la Lune étoient feuls capables de nous
procurer la véritable méthode de déterminer les Lon-
gitudes tant for mer que fur terre.
Dès le xvi.e fiècle, Oronce Fine, Jearv Vernierr
Pierre Apien , Pierre Nunnez ou Nonius , Gemma
prifius, Daniel Santbech; & dans le xviLe fiècle Jean
Kepler , Chrétien de Sévérin Longomontan , Pierre
Hérigone & plufieurs autres ont propofé différentes
méthodes pour conclure du lieu obfervé de la Lune ia
Longitude du lieu où fe fait l'observation ; mais les
premiers ont négligé abfolument l'effet de la parallaxe,
les autres ont fuppofé que la Lune feroit obfervée à
fon paffage même parle méridien, ce qu'il ne paroît
pas que l'on puiffe foire' facilement fur mer. Morin eft
le premier qui ait multiplié les méthodes, & qui les
ait toutes démontrées géométriquement; il prend la
Lune dans le méridien , il . la prend ailleurs , il fait
oîx&rYer Ha hauteur , fon azimuth , fa diftancevaux
DU*
3o Voyage
Étoiles, fon paffage par- le vertical des Étoiles, &c
tout ce qu'il dit eft exaét, mais toutes Tes méthodes
ne font pas également praticables fur mer ; les deux
meilleures que Ton puiffe fuivre dans ~un cours de
navigation , font celles par lefquelles on parvient à
connoître le vrai lieu de la Luné par fa hauteur ou par
là di fiance à une Étoile. M. Pingre a perfectionné la
première dans fon État du Ciel, armée 77// Jr fui*
vantes, Se il Ta pratiquée plufieurs fois avec fuccès dans
fon voyage des Indes ; mais il convient que chaque
obfervation lui cotitoit à peu -près, deux heures de
calcul.' Il eft« difficile de prendre avec une précifion
fuffifante la diftance de la Lune à une Étoile , en ne fe
fervant que des inftrumens connus jufqu'à préfent.
Ategamctre M. de Charnières , Lieutenant des Vaifleaux du Roif
Charnières, jeune Officier plein de zèle , de feience & de talens f
vient d'imaginer un infiniment auquel il a donné le
nom de Mégamètre , nom grec , relatif à l'ufage de
Tin Aru ment , qui eft de mefurer de grandes diftances: en
effet, à 1 aide de cet infiniment, on peut mefurer des
appui fes de la Lune aux Étoiles jufqu'à la diftance de
dix degrés. Je ne m'étendrai pas fur la conftru£iion &
l'ufage de ce Mégamètre, fon Auteur ayant clairement
expliqué l'un & l'autre dans un ouvrage imprimé cette
année ( 1767 ) par ordre du Roi : d'ailleurs l'appro-
bation de l'Académie ne doit laifTer aucun doute for
l'utilité de cet infiniment. La méthode de rechercher
les Longitudes par fe lieu de la Lune , fuppofe de
DE M. DE COURTANVAUX. 31
('exactitude & dans les Tables de la Lune , & dans
l'obfervation. Les Tables font maintenant portées à un
tel degré de précifion, que leur erreur n'excède jamais
deux minutes, & eft même ordinairement au-deffous
d'une minute. Il y a tout lieu d'efpérer qu'avec le
Mégamètre de M. de Charnières, on aura toujours
mieux qu'à une demi - minute près la diftance de la
Lune aux Étoiles ; on viendra donc à bout de déter-
miner par cette méthode les Longitudes à un degré ,
& très - fouvent à un demi - degré près , & les erreurs
fondées fur Teftime vont fouvent jufqu'à 7 ou 8 de-
grés. Comme avec i'inftrument de JVL de Charnières
on ne peut mefurer les diflances qu'au-defTous de dix
degrés , on ne trouvera pas tous les jours fur la route
de la Lune des Étoiles affez voifines d'elle, & affez
éclatantes pour qu'on puifle fe fervir du Mégamètre ;
mais au moins on trouvera chaque mois plufiew>
occafions favorables , cç qui fuffit pour décider de
l'utilité réelle de cet infiniment. Il feroit à fou ha i ter
que ces obfervations n'en traînaient point à leur fuite
une multitude de calculs qui fembleront peut-être bien
longs & bien difficiles à la plupart des Navigateurs : on
pourrait cependant épargner aux Marins une partie de
ces calculs, en leur mettant entre les mains un Aima-
Bach Nautique , tel que celui qui fe fait actuellement
en Angleterre par une fociété de Savans, choifis &
sécompenfés par le Gouvernement. M. de Charnières
cfl actuellement occupé à dreffer des Tables qui ne
32 Voyage
tarderont point à paraître, & qui faciliteront beaucoup
i'ufage de cette Méthode aux Navigateurs. Les récom-
penfes décernées par les Commiffaires Anglois des
Longitudes, en conféquence de Tadte de 1*714., à
ceux qui ont contribué à la perfection des Tables de
la Lune , ou à leurs héritiers , prouvent combien on
efl perfuadé en Angleterre que l'obfervation des moù-
vemens de la Lune pour la détermination des Longi-
tudes fur mer efl au moins extrêmement utile; & ces
récompenfes accordées à des Allemands & à des
François feront en même -temps des témoignages
irréprochables de Tintégrijté des Juges prépofés à la
décifion de cette importante affaire.
Détermina- On a propofé encore plufieurs autres moyens pour
li^îtudcs I'rer Part* de 'a Luire- Les cornes du croiffant font
&juî?j*nim ^enfiblement aiguës depuis la nouvelle Lune jufqu'au
premier quartier, & depuis le dernier quartier jufqu'à
Ja nouvelle Lune fuivante; entre le premier & le
dernier quartier elles font obtufes; ce n'eft qu'aux
inflans du premier & du dernier quartier que la ligne
qui fépare la partie obfcure de la Lune de fa partie
éclairée , efl véritablement droite. Cette phafe , a-t-on
dit, doit arriver à Paris à une heure déterminée Se
connue ; qu'on l'obferve à une autre heure , fous tout
autre méridien, la différence des heures donnera celle
jdes Longitudes. Mais par quel moyen s'affurera-t-on
que la ligne de féparation de l'ombre & de la lumière
£& rigoureufement droite ! A la vue fimple on rifquera
de
DE M. DR CQU RT.ANVAUX. JJ
de-fe tromper au mOips d'une heure ou de 15 degrés f<
fur la Longitude î Aura-tron recours à des lunettes!
La ligne de féparation interrompue par des ombres &
des progrès anticipés de lumière, fera peut-être d'autant
plus difficile à faifir; que l'oit emploiera des lunettes,
d'un pi lis grand effet. De plus, quand cette njéthoda
feroit fans défaut, elle feroit toujours fujette à l'in-
convénient de ne pouvoir être employée que deux
fois par mois, c'eft-àrdire , aux inftam précis du
premier & du dernier quaftier de la Lune, Un de çeé
deux quartiers fe trouvera prefque toujours invifible.
fur l'horizon fur; lequel on pourrait obferver, l'autre ;
êi ce dernier, quoique* vifible, ne fera point obfervé,
les nuages ou ie brouillard y mettront obftacle, .
. Cette inégalité de la ligne de féparation de la lufljiène Par h
& de l'ombre fur le difque de la Lune,. a donné ^TluL
naiffance à une autre idée. Vers les quartiers, on voit
à quelque diftânee de cette ligne , fes fommets de
montagnes éclairés, & parfaitement ifôlés de toutes
les autres parties du difque, fur lefquelles tombe la
lumière du Soleil. Ne pourroit-on pas, par une fuite
de bonnes obfervations;,: déterminer les.momens.où
ces fomftiets de montagnes commencent ou cèdent
de nous renvoyer ces premiers ou ces derniers rayons
de lumière , & en dreffer des éphémérides pour Paris
ou pour tout autre méridien cojunu! Ce feroit. bien
certainement un figrial klftantané, yîfible ;à tous ceux
fur l'horizon defquels la Lune fe trpttveroit alors, J 'en
. E
14 Voyage
conviens ; mais pour cet effet , il faudrait employer
4c ttèa-fortes fouettes, & comment en reroh-on ufage
fur mer! Je dit plus; ta rotation de la Lune fur fou
axe , relativement au Soleil , dure preique un mois.
£n conféquence, 1e* progrès de la lumière fur (a
furfâce , font fort lents, le lever & le coucher du Soleil
durent chacun ptos d'une heure ; les premiers rayons
qui tomberont du Soleil fur le fommet d'une montagne
de la Lune , ne feront probablement pas aperçus , vu
Ja trop grande diâance & la foibiefle de la lumière ;
à proportion que cette montagne deviendra plus
éclairée, on la découvrira d'abord avec de fortes
lunettes, entoile avec des lunettes de moindre portée:
la progreffion fera pareillement fucceffive .feion que
la vqp de FOhfervateur fera plus ou moins perçante,
& félon qu'il fera pies ou moins exercé à faifir fe
premier point d'apparition. Cette fucceflion même
variera à l'infini , félon la différence de la pente des
montagnes, félon leur expofition tant à l'égard du
Soleil qu'à l'égard de la Terre , & même félon la posi-
tion refpective des autres montagnes qui fe trouveront
entre elles & le Soleil levant: ce font-là, fans doute,
les confidérations qui ont fait abandonner cette mé-
thode. On pourrait ajouter qu'une éphéméride de la
première & de la dernière illumination des montagnes
de fe Lune , ne feroit probablement pas facile à cons-
truire , au moins û on vouloit lui donner la précifion
nécefiatrement requife pour l'ufage qu'on fe propo-
DE AT. DE CoURTAfJVAUX. $f
ferait é'en fuirez cette méthode eft cette que Langrctmui
imagina vers ian 1634, & pour JaqndJe il obtint ds
Pàiiîppe IV; roi d'Efpagme, «ne penûx» de 1200
écus , rorome oous i 'ayons dit au chapitre précédent.
Langjneau s cependant §*e pnapafoit que d employer les
momens ait le fojnniet dos juamag&es de la Lune
commence à iétte jécfairé fa). Cefl Hevelius {^/
qui a averti que ^irritant où ces mornes fooisneb
ceffent d'être éclaieés., pouvait oon-feulement feiwir au
même ufage f mais que de plus iJ étoit iâcile de l'oh*
ferver & de le faifir avec plus de certitude & de
précifion.
Le même H«veti«6 Y* J a mwKxEê de determijaer , p»
les cornes
les Longitudes par Ja tfuuat ion d$s cornes & des taches & les taches
de la Lune, mais ces méthodes ont été rejetées UBe'
comme d'un ufage trop difficile, .& même comme
abiblument infwffifantes. J^r^ RicdioJi. {<?).
Enfin , quelques-tms ont cru que Centrée & la fortie Par te
des fatellites de Jupiter fur de dffque de cette Pla- des Satellites
nette f iOu mtmt les conjonctions des Satellites entre c uflWm
eux , pouvoient contribuer à la découverte des Longi-
tudes-; mars oufon peut employer fur mer des inftru-
mens qui faflent dîftinguer les Satellites de Jupiter, ou
cela eft impoflïWe. Dans ce fécond cas , la méthode
/a) Riccio!. Géogr. réfornou i. VULI* jfr?. ./ , Vf. j»
(bl) Bevel. Selenogr. cap. j £.
fc) «evéf. ibid.
4$ Riçcidï. hiQ inox citât**
E iJ.
/
j 6 V O Y A G £*
ne pourra être employée ; dans le premier , je conseille
de s attacher aux feules éclipfes des Satellites; il eft
bien plus facile de diflinguer quand ils perdent ou
recouvrent leur lumière , que quand ils entrent fur le
difque, ou qu'ils en fortent. Quant aux conjonctions
de ces Satellites entr'eux, vu l'imperfection de Jeurs
tables» la lenteur de leur mouvement, & le défaut
d'ufage dans ces fortes d'obfervations , il eft poffible
de s y tromper de plufieurs minutes.
CHAPITRE III.
Examen des Méthodes fondées Jitr la Phyfiaut
& la Mécanique.
' a *
Propriétés T 'aimant, ou plutôt l'aiguille aimantée eft' jufqu'à
de l'aiguille
aimantée.
L
préfeftt le fetil fecours que la Phyfique ait offert
à la Navigation : c'efl vers la fin du xni.c fiècle , à ce
qu'on prétend, que l'expérience a montré que l'armant
avoit deux pôles, & que fufpendu librement il precioit
de lui-même une telle fituation , qu'un de fes pôles
étoit conftamment tourné vers le nord & l'autre vers
#
Je fud ; la même chofe arrive à une aiguille touchée
de l'aimant, & fufpendue par fon milieu fur une efpèce
de pivot : cette propriété de l'aimant étoit trop natu-
rellement liée avec fes intérêts de la Navigation , pour
qu'on ne fe foit pas bientôt aperçu de cette iîaifon»
C'efl à l'aiguille aimantée ou à la bouffole qu'on eft
DE M: DE COURTANVAUX. 37
redevable de la découverte du nouveau Monde & de
tant d'autres pays , dont auparavant on ne foupçonnoit
même pas l'exiftence; c'eft à elle qu'on doit l'art de
traverfer, prefque fans danger, les mers les plus vaftes
& les plus éloignées de notre continent : les Marins
ne confultent prefque que leur aiguille fur la longitude
de leur vai fléau.
En effet , que Ton connoifle fur mer la quantité de T ,u„rag^ ,
chemin que 1 on a fait du nord au fud , & du fud au pour i'dtime-
nord , & que d'un autre côté on fâche de combien la Longue-
Toute que Ton a tenue s'écartoit de la direction nord
& fud, il eft démontré que ces deux conditions fuf-
fîfent pour marquer fur un globe , ou même fur une
carte réduite le point précis où Ton eft arrivé; on faura
par conféquent la longitude de ce point. Or les mé-
thodes connues de tous les Marins pour déterminer
leur latitude leur apprennent combien leur vaifTeau a
fait de chemin du nord au fud; & leur aiguille les
inftruifant toujours de la véritable pofition du nord &
du fud , ne leur permet pas d'ignorer la direction du
iiJIage de leur VaifTeau , relativement à la ligfte nord &
fud. Il fembleroit donc qu'il ne leur refteroit plus rien
à defirer fur la détermination, ou, comme ils le difent,
fur Yejiime de leur longitude : cela feroit vrai , s'il y
avoit des moyens affurés pour déterminer avec la plus
grande précifion l'inclinaifon de la route du VaifTeau '
avec la ligne nord & fud; mais il n'y en a point,
plufieurs caufes au^contraire fendent cette détermination
E* a •
11/
38 Voyage
très-difficile & très-équivoque ; l'aiguille f trop petite»
ne marque que les degrés & non les parties de degré;
fa véritable dira&on , ou la quantité de (a dédiaaifon
n'eft pas parfaitement connue , du fer<en Ton votfeage
peut en altérer la direction # le vent prenant le Navire
de côté luj imprime quelque mouvement latéral » &
on ne peut eftimer avec une exaltitude fu&fanfe la
quantité de cette -dérive; enfin , tSc «c'éft ici la principale
caufe de la faufldté de l'eftime, des courons fous l'eau
entraînent le Vaifleau dans un Tous dans lequel il ne
femble avoir aucun mouvement» ou bien ils accé-
lèrent , retardent & modifient Ton mouvement .appa-
rent, fans -que l'on puiffe en avoir le moindre indice:
auffi les Navigateurs» obligés de recourir à cette mé-
thode faute d'une meilleure, reoonnoiffc«tf-ik fouvent
des erreurs -énormes dans l'eftirne 4e leur Longitude;
on a vu ces erreurs s'accumuler <ju£qu!à 7 à 6 tigrés»
c'eft-à-dire , jufqu a<i©o lieues marines , t& quelquefois
même au-delà.
Dédînaifon L aiguille aimantée ne Je dirige pus (tellement as
nord par un de fes pôles , rju'dHe me dévie >im pea
de celte dtreâion,, foh du icôté <de ï'tft,, fait du cfitë
de l'oueJt; c'eft cette déviation que il'on appelle ids/*»
naifan de l'aiguille; les Marins lui donnent auffi ïe non
de rariariorr* imats ce dernier lerme paraît plus propne
à caraâéfifer un nuire effet dont nous parlerons phs
bas. Je ne doute ipas qu'on natt aperçu la ttéclinaiioo
de l'aiguille Jièsipeu de temps après-qu'onâ commencé
de
l'aiguille»
DE M. DE COURTANVAUX. 39
à ta fore ufage: on fait cependant honneur de cette
découverte à Gonfahre Fernand d'Oriedo , & au Vé-
ftftîen SébafKen Cabot, deux excellais Pilotes, ou
plutôt Capitaines de VaifTeaux , qui ont fleuri & écrit
tin peu avant ie milieu du xvi.c frècie: il efl au moins
certain que ceux-ci ont mis par écrit leurs obferva-
tions y & ils font peut-être les premiers qui aient averti
que cette déciinaifon de l'aiguille n'étoit pas la même
par toute la Terre.
Cette propriété de la déciinaifon de l'aiguille , de Variation
varier félon les lieux , a fait naître l'idée que les Lon* déciinaifon,
gitudes pouvoient être connues par la feule obfer- ^cc0ndurï
vatron de cette déciinaifon : on a donc étudié les loix Par nnvt
aux
de la variation , on a pofé des obfervations pour prin* Longitudes.
eipcs, on a bâti ià-deffus des fyftèmes, on a nié ou
altéré les obfervations qui ne s'accordoicnt point avec
Thypothèie embraffée , on a cherché mille prétextes
pour rendre ces obfervations fufpeâes ; les plus foges
& les plus éclairés, tels que Guillaume Gilbert, Simon
Stevin , Dounot & autres , font convenus qu'il falloit
multiplier les obfervations, rejeter tous les fyftèmes,
& ne confulter que l'expérience : en effet, l'expérience
a montré qu'il n'y avort point de méridien magné-
tique, c'eft- à -dire, qu'il n'y avok aucun méridien
terreftre , ni probablement même aucune ligne droite
où aucun grand cercle le long duquel t'aiguille ou fût
fans déciinaifon, ou en eût du moins une uniforme;
H y a plus , la déciinaifon n'eft pas même confiante
40 Voyage
dans un même endroit, c'eft une vérité dont on at
douté jufque vers le milieu du dernier fiècle , on avoit
même dé ia peine à la foupçonner ; le» expériences
ont été multipliées depuis» l'aiguille déclinoit à Paris,
il y a cent cinquante ans , de 7 à 8 degrés vers j'eft;
fa déclinaifon efl maintenant de 19 à 20 degrés du
côté de l'oued.
Tous les Phyficiens conviennent donc aujourd'hui
que la déclinaifon de l'aimant varie non - feulement
d'un lieu à un autre , mais encore dans le même lieu
en differens temps , & Ton n'a pas encore découvert
bien décifivement ia loi de cette double variation»
Voici donc à quoi fe réduit ce que nous penfons de
la déclinaifon de l'aimant, relativement à l'affaire des
Longitudes: i.° il nous paroît impoffible d'établir à ce
fujet aucune règle générale : 2. ° il y a des parages où
cette méthode efl abfolument impraticable , vu que
dans ces parages un feul degré de variation dans la
déclinaifon de l'aiguille répond à 30 , 40 ou jo degrés
& plus, de variation dans la Longitude: 3.0 il y a
cependant des mers où cette même méthode peut être
employée avec fuccès , la variation de la déclinaifon
de l'aimant y efl: prefque égale à celle de la Longitude;
telle efl la mer des Indes, au moins dans fa partie
occidentale. Les François qui font voile vers l'île, de
France, après avoir doublé le cap de Bonne-efpérance*
Entretiennent la latitude de 33 ou 34 degrés, fud,
jufqu'à ce qu'ils s'efliment au moins vis-à-vis de l'ilç
Rodrigue ,
DE M. DE COURTANVAUX^ 41
Rodrigue, ils portent alors au nord; & lorfqu'ils font
par la latitude de Vile Rodrigue, la feule déclinaifon
de l'aiguille leur apprend s'ils font au-delà de cette»
île, ou s'ils font entre cette même île &. celle de
France ; ou enfin , ce qui eft arrivé quelquefois lors-
qu'ils ont été trop prefles de remonter au nord , s'ils
ont manqué les îles de France & de Bourbon : Mais
comme cette pratique n'eft fondée que fur les obser-
vations précédentes, il eft à propos que les Naviga-
teurs ne confultent ici que les Voyageurs qui les ont
immédiatement précédés : le témoignage des plus
anciens pouvoit être vrai pour leur temps , il ne le
feroit plus maintenant. En 1700, l'aiguille déclinoit à
Rodrigue de 1 8 à 19 degrés du nord à l'oueft ; cette
déclinaifon eft maintenant réduite à 1 o degrés.
Je ne fais à quelle efpèce de fcience' rapporter Méthode
fingulière
un fecret des Longitudes, que deux favans Anglois pouriadéter-
( M." Wifton & Ditton ) ont très -gravement propofé Longit°udcs.C$
au Parlement même d'Angleterre dès l'année 171 4,
prétendant avoir mérité le Prix arrêté quelques jours
auparavant. II s'agiffoit de fixer des Vaiffeaux fur mer
à la diftance de deux cents lieues les uns des autres ;
fur chaque Vaiffeau , à l'heure précife de minuit , on
auroit lancé en l'air une bombe, qui, vu la manière
dont la mèche auroit été ménagée , auroit crevé à la
hauteur de 6440 pieds ; il auroit été moralement im-
poffible qu'un Vaifleau fàifant voile eût été plus de
huit jours (ans entendre une de ces bombes : cela
.F
42 Voyage
pofé , on eût eu la diftance du Vaifleau voguant au
Vai fléau fixe , foit par la hauteur apparente de la
• bombe, foït par l'intervalle de temps qui fe feroit
écoulé entre la vue du feu 6ç> le bruit de la bombe ;
connoiflant donc la pofition de ce Vaifleau fixe, la
diftance où l'on eft de lui , & la fîtuation refpe&ive
que Ton occupe par rapport à lui , & comparant d'ail-
leurs l'heure du Vaifleau voguant à* celle du Vaifleau
fixe, qu'on fait être bien précifément celle de minuit,
il auroit été impoflible d'ignorer la Longitude à laquelle
on étoit parvenu. On doit être perfuadé que je n'au-
rois fait aucune mention de cette méthode , fi le nom
de fes Auteurs ne lui avoit pas procuré dans le temps
une efpèce de célébrité.
Méthode La Mécanique , fcience fi utile d'ailleurs à la Na-
par fon** ; vigation , peut lui fournir de précieufes découvertes ,
mfuffifancc. relatives à celle des Longitudes fur mer. Une machine
qui feroit connoître avec précifion la quantité du
chemin que l'on a parcouru dans un temps donné,
contribueroit efficacement à. entretenir la véritable lon-
gitude du Navire : les Marins fe fervent à cet effet de
ce qu'ils appellent \zLoch; c'eft une efpèce de triangle
ou de feéleur de cercle en bois, garni par le bas d'une
lame de plomb , afin que gardant toujours dans l'eau
une fîtuation verticale, il puifle réfifter plus facilement
aux mouvemens que l'eau tenterait de lui imprimer : à
la partie fupérieure du Loch eft attaché une corde
longue à difcrétion , on la nomme ligne du Loch ; la
DE M. DE COURTANVAUX. 43
partie de la ligne du côté du Loch n'a point de nœuds.
Le Vaifleau imprime aux eaux de la mer, qu'il di.vife,
un mouvement que Ton nomme remoux, Se Ton juge
que ce remoux ne s'étend qu'à une certaine cl i (lance
du Navire ; c'efl: fur cette même diitance que l'on fe
règle pour déterminer celle qui doit être entre le Loch
& le premier nœud de la ligne; les nœuds font ou
doivent être à la diftance de 47 pieds & demi les uns
des autres» c'eft la cent vingtième partie d'un mille ou
d'un tiers delieue : lorfque le Loch eft jeté à la nier,
le Pilote file de la corde , jufqu'à ce qu'il tienne le
premier nœud dans fa main , alors, en lai (Tant échapper
ce nœud, il donne l'ordre, & un Pilotin renverfe une
horloge de fable , qui ne doit durer qu'une demi-
minute; c'efl; la cent vingtième partie d'une heure:
durant que le fable s'écoule , le Pilote file de la corde
autant qu'il eft poflible, c'efl; - à - dire , autant qu'il enr
eft demandé par le Loch qu'on', fuppofe durant tout
ce temps immobile près de la furface de l'eau ; lorfque
la demi-minute eft écoulée, le Pilotin avertit le Pilote
qui cefle au/Iitôt à filer de la corde , & qui compte
combien il s'eft écoulé de nœuds pendant la demi-
minute : en conféquence de l'immobilité fuppofée du
Loch, il eft clair que ces nœuds écoulés ou filés ,
pour me fervir du terme des Marins , mefureront la
route du Vaifleau durant cette demi - minute ; or j'ai
filé un nœud ou la cent vingtième partie d'un mille
durant une minute ou durant la cent vingtième partie
Fij
/
44 Voyage
d'une heure , je ferai affuré que la vîteffe de mon Vaif-
feau eft telle , qu'il doit parcourir un mille en une
heure ; il parcourera par heure deux milles , fi j'ai filé
deux nœuds ; trois milles ou une lieue , fi j'en ai filé
trois ; en un mot , autant de milles par heure qu'il fe
fera filé de nœuds en une demi - minute. Au lieu de
fable , je me fervois durant mon voyage d'une efpèce
de Montre à rouage, que m'avoit prêtée M. du Hamei
pour en faire exécuter une pareille par M. Berthoud , la
tente d'un reffort fuffifoit pour la monter, fon mou-
vement ne duroit , qu'une demi -minute, dont elle
marquoit fucceffivement les fécondes. Par l'expofé de
cette méthode de mefiarer la route du Vaiffeàu par le
Loch, il parort qu'elle eft ingénieufe & utile; mais
elle n'eft rien moins qu'exaéle: eft-on bien affuré que
le Loch eft réellement immobile à fleur d'eau! eft -il
bien certain qu'aux inftans où on le jette il n'y a pas
quelques courans qui accélèrent ou qui retardent pour
peu de temps feulement le mouvement du Vaiffeàu!
Les Marins joignent la méthode du Loch avec celle de
la direction du mouvement du Vaiffeàu , connue par
l'aiguille aimantée, & le réfultat n'eft prefque jamais
exaét ; il n'eft point rare que l'erreur de leur eftime
fur la Longitude du Vaiffeàu aille jufqu'à cent lieues ,
comme nous l'avons dit ci-defTus.
odomètret, Pour remédier aux inconvéniens du Loch, on a
«*£' propofé, foit en Angleterre, foit en France, d'em-
ployer d'autres machines auxquelles on peut donner le
DE M. DE COURTANVAUX. 45
nom iïOdomctre ou Mefure-chtmih. On a inventé des
Odomètres affez ingénieux: M. Valois, Officier de
marine, en a préfenté un nouveau à l'Académie. En
arrivant au Havre, au retour de mon voyage , j'ai trouvé
des lettres par lefquelles le Miniftre & l'Académie
m'invitoient à feire fur mer, l'effai de cet infiniment ;
mais M. Valois, qui n a voit pu êtrepréveilu de mon retour
en ce port, étoit alors en baffe Normandie,. avec fon
Odomètre : je n'ai pu pour cette année, faire Té-
preuve que Ton défi roi t de moi. Ce qu'il faut fur-tout
cbnfidérer par rapport à ces inftrumens, & ce qui les
rend ordinairement infufîîfans pour l'objet qu'on fe
propofe, c'efl que le mouvement du Navire dépen-
dant de deux caufes, du vent & de l'eau, une de ces
deux caufes peut au/fi imprimer un mouvement à
l'Odomètre , d'une manière & dans une quantité qu'il
ne fera pas poffible d'apprécier. Je fuppofe qu'un
courant emporte le Vaiffeau vers l'oueft, & que le
vent lui imprime vers l'eft un mouvement parfaitement
égal au premier, le courant agira fur l'Odomètre
comme fur le Vaiffeau, & l'emportera ou lui donnera
une impulfion vers l'oueft, que le vent ne contreba-
lancera point; on en conclura que le vaiffeau avance
vers l'eft; & cela n'eft pas, il eft immobile. Au con-
traire , fuppofons le Navire dans un calme parfait ,
mais emporté par un courant vers l'oueft ; ce courant
emportera de même l'Odomètre, ou lui communi-
quera la même impulfion qu'au Vaiffeau '• l'Odomètre
TC^ • • •
F n;
4$ Voyage
en cette occafion, fera immobile à l'égard du Vaif-
feau; on croira le Navire en repos, on fe trompera,
il eft emporté par le courant. On voit qu'en fuppo&nt
les forces du vent & du courant inégales, cela n'em-
pêche pas que l'Odomètre ne puifle être la fource d'une
infinité d'erreurs. Telles étoient les obje&ions que l'on
faifoit en 1668, à cet Allemand, dont nous avons
parlé au chapitre I.cr : l'impo/fibilité d y répondre lui fit
manquer le prix de 160 mille livres, dont Louis XIV
avoit promis de récompenfer fa découverte.
Horlogcsdc Les Marins fe fervent de Sabliers ou d'Horloges de
conveniez, fable ; mais J'ufàge qu'ils en font , eft totalement étranger
à la recherche des Longitudes. Plufieurs ont tenté de
réfoudre ce célèbre problème , par des Horloges de
cette efpèce. Trois inconvéniens s'oppofentau fuccès,
& il ne paroît pas poffibie d'y remédier ; les parties
du fable ne peuvent être afTez égales pour qu'on
puiffe aflurer que l'écoulement eft toujours uniforme*
Le fable eft fujet à des degrés fucceflifs de féchereffe
6c d'humidité qui rendent fon écoulement plus ou
moins lent : enfin le frottement du fable femble devoir
nécefTairement agrandir le petit trou par lequel il s'é-
coule. On peut négliger le très-court intervalle de
temps que l'on emploie à retourner le Sablier, ou fi
cette opération demande un temps d'une durée fen~
fible, on peut l'eftimer fur une Montre à fécondes, en
cas que l'Horloge de fable emploie placeurs heures
à s'écouler ; mais fi l'écoulement n'eft que d'un petit
DE M. DE COURTANVAUX. 47
.nombre d'heures , le renverfement trop fréquent du
fablier forme un quatrième inconvénient bien réel.
Enfin, une Horloge de fable de peu de durée, feroit
jencore expofée à un inconvénient peut-être plus
grand que ceux que je viens d'expofer ( je veux dire
à la négligence de ceux qui feroient chargés de la
tourner). Tycho avoit voulu fubftituer du vif-argent
ou du mercure, au fable que Ton emploie ordinai-
rement pour ces Horloges. Il donne * la defcription
du procédé qu'il fuivoit ; mais l'effet ne répondit pas
à fes efpérances.
De tous les arts, celui fur lequel on peut fonder UtiKté
J'efpérance la plus légitime de la découverte des Lon- & Horfoges
gitudes fur mer , eft celui de l'horlogerie. Une Montre Etfo^dS
ou une Horloge quelconque f dont le mouvement Longitudes.
ieroit parfaitement égal , conferveroit toujours dans le
Vaiffeau, l'heure du port dont on feroit parti, fauf les
congédiions qu'exigerait la différence du temps vrai
au temps moyen; ces corrections font bien fimples
& à la portée de tous les Navigateurs. L'Aftronomie
fournit des méthodes très-faciles pour trouver l'heure
vraie fur un Vaiffeau , prefque à toutes les heures de
la journée. On compareront donc l'heure du Vaif-
feau avec celle qui feroit marquée par la Montre ou
par l'Horloge; & la différence des heures réduite en
•degrés, à raifon de quinze degrés par heure, donnerait
-bien précisément la différence de Longitude entre le
* Progymn. tom. I, cap. 11, pag. 149.
4$ Voyage
port d'où l'on eft parti , À le lien où fe ferait cette
comparaifon.
H.vioîfs L'art de ITiorloOTie e£ porté maintenant à m tel
Ct^i degré de perfection , fur-tout en France & en Angle-
dm*~. terre, qu'il n'efl pas rare de trouver des Horloges
parfaitement ifcchvnts, c'eil-à-dire , dort le mouvement
eî! abfoîument égal & uniforme en tout temps; mais
ces Horloges font toutes à poids & à pendule : or, il
ne parcit pas que les mouvernens du YaHTean , prefque
continuels & quelquefois très-vïolens , fbtent compa-
tibles avec la régularité, ou même avec le mouvement
ofcîllatoire d'une telle pendule. On a propoie des
machines pour y remédier. II n'y a pas encore long-
temps que AL Irwin en Angleterre, a imaginé une
ehaife ou une table nommée de fon nom , la Chmft
dbwht ; les fupports en étoient tellement ména-
gés, qu'on croyoit qu'elle ne pouvoit céder aux
moincmcns du Navire, & que la furfàce fupérieure
refleroit toujours parallèle à l'horizon. Cela pôle , une
pendule placée fur cette ehaife ou fur cette table,
aurait toujours confervé la même fituation, rien n'aurait
dérangé fon ifochronilme. On aurait pu pareillement,
affis fur cette table , obferver à l'aife , en employant
les meilleures lunettes ou télefeopes , & avec fa plus
grande précifion , les éclipfes des fateilîtes de Jupiter,
& d'autres phénomènes edeftes , capables de confbter
la véritable Longitude du Vaiffeau. U faut que l'on n aie
pas tiré de cette invention , tout le parti qu'on en
efpcroit
de M. db Court aïi vaux. 49
efpcroit d'abord , puifque la Chaife d'Irwin paraît
maintenant prefquc totalement oubliée.
Que des Horloges à roues & à reflbrt puifTent P0*}?^
conferver long-temps leur ifochronifme , c'eft ce que Recherches
Ton ne;croyoit pas poflible durant le dernier fièclc;
on doutôit même « fi un démon pourrait faire une
Horloge auffi jufte qu'il feroit néceflaire pour une
telle opération,» c'feft-à-dire, pour la détermination
des Longitudes, difoit le Père^Fournicr^// Norioh£
tant; cette prétendue impoffibilité, plufieurs Horlogers
de ce .fiècle ont voulu appliquer leurs talens à la
découverte des Longitudes. Henri Sully, Anglois (h) ,
s'occupoit de cet objet, même avant i'aéte par lequel
Je Parlement d'Angleterre promettait de grandes récom-
pensa à ceux qui rcuiïiroient à déterminer les Lon-
gitudes fur mer : ce grand homme auquel la France
eft en grande partie. redevable da la perfection de. fou
horlogerie, vint s'cjtabJir à Paris vers la fin de"" 1714.*
tout occupé des moyens de . conftruire v>ne Montre
marine, -fur laquelle les Navigateurs puflènt compter
pourra détermination de* leur Longitude. Dès 1 annte
iyi6\ il préfenta une .Montre de fon intention, à
l'Académie des Sciehces; elle fut approuvée, i.° à
caufe de ta diminution cônfidérable des frottemens;
fa) Hydrogr. fib. XJf, fûp. fj."
(b) .Ce que je dirai' de Sully eft pmcipalemerit extrait d'un
Mémofire de Julieiï Leroy, Imprimée là Sri de WKeglt Ar.tificictk
du ;Hfc^/.par;S*ityi iètim dt J?$yu - !•;.* ii *,,. ;. > .: I
4 a « • •
*-
+ T A G E
.. ^v ,m^ î^<t<'cfrottement» Àoit par une
.vv%- V
v. *x**ienré dans une égalité confiante;
vv i ^rgalité des parties de la Montre
„ ^ v^wcp de fàgacité de la part de l'Inven-
^ NVittrttoit de plus grands fuccès. Pkifieura
,AmV^fc qu'il eft inutile de détailler ici» fufpen-
,.*-.% v> recherches de SuUy ; mais rendu à lui-même,
twivttott toujours fon premier projet En 1726, il
*v i Bordeaux , pour eflayer fes Montres marines. Il
v*\<ttUoità les perfectionner , lorfque fon zèle pour
iv> Arts lui fit contrarier en Oâohre 1728, une; fluxion
Je poitrine , qui le conduisit en quatre jours au tom-
beau. Il eft enterré à Saint Sulpice , vis-à-vis la porte du
chœur, un peu à l'occident de la belle méridienne
qu'il avoit tracée , & fur laquelle il marquoit les degrés
des Signes , peu de jours avant fa mort. Le célèbre
Julien Leroy avoit eu part aux fuccès de Sully fon
ami, Se a perfectionné depuis plufieurs parties que
celui-ci avoit inventées.
Montre En 1726, Jean Harrifon commencent à fe foire
M.Haïrifon. connoître en Angleterre , par un talent tout- à -fait
fmgulier pour l'Horlogerie; la Nature feule Ta formé:
l'art de la Charpente & de la Menuiferie avoit occupé
{es premières années : depuis 1726 , l'Horlogerie feule
a fait fon occupation & fes délices ; l'objet principal »
êc peut-être même épique de M. liarrifon , a toujours
été que le problème des Longitudes fut réfolu par
Tait auquel il s'étoit confacré. Dès l'année .174-9 # ic
DE M. DE CQURTANVAUX. $1
Prix que la Société royale de Londres adjuge tous les
ans à celui qui a fait la découverte la plus utile dans
les Arts, lui futaccordé» En 176 1 & 1762 , une
Montre de fa conftrudlion fut tranfportée à la Ja-
maïque , & rapportée à Portfmouth ; en cent quarante-
fept jours elle ne s'étoit dérangée que d'une minute
cinquante -quatre fécondes & demie : dans un fécond
voyage entrepris en 1764, de Londres à la Barbade»
il a été jugé que l'erreur de la Montre avoit été de
deux minutes vingt fécondes en cent cinquante -fix
jours ; en conféquence la moitié du Prix promis par
laéte de 17 14. a été décernée à M. Harrifon, par
délibération de la Chambre -baffe du Parlement, en.
Mars 1765 ; l'autre moitié r ou les autres 1 o mille livres
fterlings réfervées pour quand d autres Montres ma-
rines , faites fur le modèle de celle de M. Harrifon 9
auraient fubi les. mêmes épreuves, & auraient indiqué
la Longitude à deux minutes de temps près. Il faut
avouer que, félon les termes de Taéle de 1714.» le
Prix entier de 20 mille livres fterlirigs étoit légitime-
ment dû à M. Harrifon; auffi cet Artifte n'a ce (Té
depuis de réclamer contre ttnjuftice qu'il prétend lui
être faite: fes plaintes ont redoublé depuis que fa
Montre, tranfportée par ordre des CommifTaires à
i'Obfervatoire royal de Greenwich , y a été ferupu-
leufement examinée pendant dix moi» confécutifs , &
a été trouvée un peu trop fenfible au froid & au chaud ,
dans une proportion qu'il n'efi pas facile de rapporter
G i j
j
$2 V O Y A G E m
à celle des différens degrés du Thermomètre. M.
Harrifon a donné aûffi la defcription de la mécanique
de fa, Montre, & on a jugé que cette mécanique, un
peu trop compliquée, pourroit excéder la mefure de
dextérité de la plupart des Horlogers. Si cela eft f le
Parlement d'Angleterre , eh ne décernant à cet habile
Artifte que la moitié du Prix promis par l'adte de 1714^
fé fera peut-être un peu écarté de la lettre de cet aéte;
mais ce n'aura été que pour en fu ivre plus ponctuelle-
ment refprit.
Tentatives Dans le même temps que M. Harrifon travailloit
kur^uS • en Angleterre à porter L'art de l'Horlogerie à fon plus
Épreuves jj^j degré de perfection , plufieurs Artifles de France
réfolues. confacrbient leurs veilles à ce même objet. M, Pierre*
Leroy , fils du célèbre Julien Leroy , dont nous avons
parlé ci-defTus ; M. Berthoud , Genevois d'origine/
mais établi à Paris; JVLrs Romilly & Tavernier ne défef-
péroient.pâs d'égaler ôtde furpafTer même M. Harrifon.:
Una&e dépofé au Secrétariat de l'Académie, dès
l'année 1754-, fait foi qu'îl-y àvoit déjà plufieurs années'
que M. Leroy travailLoit à fa Montré marine.. Le temps-
déterminé , pour remettre a l' Académie.les Mémoires &
les Machihes qui dévoient concourir au Prix de 1767,
étoit écoulé ; plufieurs Montres marines avoient été
préfentées ; celles de M. Berthoud & de quelques autres
Artifles, n'étoient point enebre ppfctées à toute leur
pjarfeltion* & ne furent point livrées au concours. Un
accident fortuit dérangea, celle de M. Romilfy. Entre
DE M. DE COURTANVAUX. 53'
Jes autres , une parut mériter une'attention particulière ;
eHe avoit été éprouvée, & ne s'étoit pas fenfiblement
dérangée; un Mémoire qui Taccompagnoit, expliquoit
les principes de la conflruélion de cette Montre , <5t
ces principes étoitnt jugés clairs/ exa&s, lumineux,
fuffifans- On fut fur le point de décerner le Prix à
l'Auteur ; une réflexion fage perfuada de différer : cet
infiniment étoit deftiné. pour la mer; n'étoit-il pas*
naturel de réprouver fur merf avant que de prononcer
fur fa précifion ! la Montre de M. Harrifon en Angle-
terre, n 'avoit été jugée fàtisfaire en tout ou en partie,
au problème des Longitudes , qu après avoir été éprou*-
vée plufieurs fois fur mer, L'Académie fe détermina
donc à remettre le Prix à Tannée 1769 en le doublant,
Se délibéra fur les moyens qu'il étoit à propos de
prendre pour éprouver fur mer, non-feulement cette
Montre * mais encore toutes les machines que l'on,
voùdrbit préfënter à l'Académie, relativement à l'objet
des Longitudes; Ce projet d'épreuve aurait pu foufFrir
quelque obflacle, ou du moins quelque délai; je levai
toute difficulté en m' offrant de faire moi-même
Képreuve defirée. On avoit dit que la première erreur
d'une minuté cinquante-quatre fécondes & demie ,
remarquée dans la Montre de M. Harrifon , en fon
premier voyage, pouvoit être la fomme de plufieurs
erreurs plus confidérables qui s'étoient mutuellement
détruites. Je n'étois pas de cet avis» mais pour em-
pêcher qu'on ne fît la même objedion au fujet des
^\ » » »
. . . . O iij
54 y o r a g e
Montres dont je ferais chargé , je propofai , au fîeu
d'un voyage de long cours, d'en faire un feulement
dans (a Manche & fur la mer d'Allemagne , de manière
que dans les différentes relâches que Ton feroit, on*
pût vérifier , comme par parties, la marche des Montres
marines: ce projet fut accepté. Je demandai de plus à
l'Académie, un de fes Aftronomes pour m 'accom-
pagner & m 'aider dans les opérations que mon projet
exigeoit; elle nomma M. Pingre; elle agréa de plus le
choix que j'avois déjà, fait en mon particulier, de M.
Me/lier, Aflronome attaché au dépôt des plans, cartes
& journaux de la Marine , des Académies d'Angleterre,
de Hollande & d'Italie. Sur les de/Tins de M. Ozanne,
Ingénieur de la Marine, & fur un principe différent
de ceux de la conflruétion ordinaire, & relatif au projet
que j'avois de relâcher fouvent, même dans les plus
petits ports , je fis conftruflre au Havre-de-grâce , une.
frégate légère & propre à cette expédition; je lui
donnai le nom d'Aurore. Sa Majefté , toujours attentive
à ce qui peut contribuer au progrès des Sciences,
voulut bien prendre toute l'expédition fous fa protec-
tion, & donner à l'Aurore iç titre de Frégate de Rou
M. le Duc de Praiïin, Miniftre & Secrétaire d'État ,
ayant le département de la Marine , me donna toutes les
lettres dautorifation & de recommandation néceffaires
non-feulement pour tous Içs ports de France où nous
pouvions relâcher, mais encore pour ceux de Hol-
lande, d'Allemagne, de Danemarck, d'Angleterre ,
de Suède, & enfin pour Péterfbourg.
DE M. DE COURTANVAUX. 55
CHAPITRE IV.
Rmî/ûtis qui m'ont déterminé à faite faire une Frégate
pour accomplir te dejfein que /ày ois formé défaire
des épreuves fur les Longitudes»
LE peu de fuccès qu'avoient eu anciennement les
expériences de ceux dont j'ai parlé au commen-
cement de ce Journal , avoit fait regarder la détermi*
nation des Longitudes fur mer, comme une découverte
difficile & peut-être même impoflîble. Cette consi-
dération ne me permettoit pas d'efpérer que Sa Majefté,
quoique très -attentive à ce qui peut regarder le bien
de l'humanité, voulût me permettre de monter un
Bâtiment pour tenter des expériences que j'entrevoyois
poffibies ; j'imaginoîs en outre que , fuivant le projet
de l'Académie, il faudrait nécessairement faire de
fréquentes relâches pour s'aflurer de la marche des
Horloges t afin de ne pas les expoier aux mêmes
foupçons qu'on avoit formés d'abord contre la Montre
de M. Harrifon, Jorfqu'elle fut tranfportée direct©-
ment d'Angleterre à la Jamaïque , Se de la Jamaïque
à Portfmouth ; & qu'en conféquence l'attérage devien*
droit dangereux avec un VaifTeau qui prendroit beau-
coup d'eau; j'enviiàgeois de plus, la difficulté de
pouvoir loger. commodément les différens inilrumens
& les différentes perfonngfc que je defirois embarquer
56 V 0 Y AGE
■avec moi. Toutes ces réflexions me firent craindre de
faire au Miniflre la proportion de me confier un
Bâtiment; j'avois encore une refïburce, qui étoit de
prendre un Bâtiment marchand, mais tout le monde
connçît la lenteur de leur marche, la dcfe&uofité de
leur conftruétion , & que prefque tous ces Bâtimens
confiftent en des callcs propres àembarquer beau-
coup de marchandises ; il m'en auroit coûté çonfi-
-dérablement & en pure perte, pour pouvoir faire des
•aménagemens qui nous euffçnt mis. en état d'être
'logés le moins incommodément poffihk. En effet.,
-les chambres qui font dans ces fortes de Vaifleaux,
.ne m'auroient pas fuffi, il auroit fallu néceflairemènt
y faire conftruire plufieurs cabanes (aj particulières.,
fur- tout pour ceux qui étoient dèftinés,à travailler & à
calculer nos opérations.
: Je connoiffois particulièrement le mérite de M.
Ozanne l'aîné (h) , je n'ignorois pas fon goût pour
la conflru&ion , je defirois en outre faire, connoître
xet autre talent à M. le duc de Choifeul, pouf Jors
Miniflre & Secrétaire d'État de la Marine; je lui fis
-confidence de mon projet ,,& loi demaadai de vouloir
chien fe. charger de la conftruélion de cette Coryette.
• (a). [Terme ufité dans la marine
.pour expliquer des petites.cham-
J>res à cloifon dans Tentreponi,
ou Ton peut mettre une chaife &
tine table , & où on a une petite
(b) Cet Ingepieur étoit très-
connu de M. le duc de ChoifeuJ
par fes. defllns & par up ouvrage
intitule Afarhte x Militaire \' qu'il
avoît'dédié Vcé Miniffre. ' ;
ouverture pour avoir d a* jour, mu. . >" ? ;;:; */j. .m . .-'»
M. le
DE M. DE COITRTANVAUX. 57
M. le duc de Choifeul trouva bon qu'il s'en mêlât,
& lui permit de m 'accompagner dans le voyage que
j'allois entreprendre. Son amour pour la Marine ne
me fit pas languir pour les projets , il m'en apporta
plufieurs de fi bien combinés, que je ne favois auquel
m 'arrêter ; enfin , je me décidai pour celui que je
joins ici.
Je ne donne pas un profil de fa coupe , mais feu- Defcrîptîon
iement le plan des aménagemens ; je facrifiai , de Corvette,
concert avec lui , le nombre d artillerie pour avoir
du logement; l'arrimage même en fouffrit, fans que
cependant, malgré les mauvais temps, nous ayons
couru le moindre rifque ; mais nous avons perdu
beaucoup de l'avantage qu'un arrimage différent auroit
donné à cette Corvette , qui avoit 66 pieds de tête
en tête.
Cette Corvette , dont la coupe tient plus du Vaif-
feau que de la Frégate «, à caufe du fervice auquel on
Ja deftinoit, n'a point trouvé, dans la campagne, de
Bâtiment qui lui ait difputé de vîtefTe dans la marche ,
ni de célérité dans tous les mouvemens de révolutions
que la manœuvre exige, particulièrement dans le grand
vent & la groffe mer : la douceur dans le tangage
donne encore à cette Frégate , pour le maintien & la
conservation de fa mâture, un avantage dont les Marins
feuls connoiffent tout le prix.
La lettre A marque ce que Ion appelle la grande chambre;
le goût que M, Ozanne a pour la perfe<5lion & pour les
• . H
/
58 Voyage
commodités, lui fit imaginer de la faire carrée, & de ne pas
fui vre > ainfi que cela fe pratique , le contour du Bâtiment.
La lettre B marque la chambre du Capitaine , avec une
alcôve, une cheminée & un fecrétaire pour écrire, avec un
fabord pour fenêtre.
C, marque une garde-robe pratiquée à la faveur de la cloifon
de la grande chambre.
D, Chambre pareille à celle de (tribord.
E, Garde -robe de même.
F, G, Clavecin à bas-bord & à flribord , pour coucher deux
perfonnes.
H, Sainte-Barbe , pratiquée pour trois lits.
V, Cuifine du Capitaine.
Ky Four ou Ton cuifoit du pain tous les jours.
L, Bouteille pour fEtat-major.
M, Cuifine de l'Équipage.
Sous le pont du Bâtiment, on avoit pratiqué encore
des cabanes pour les Pilotes & Valets de chambre.
Je ne dirai plus qu'un mot de cette Corvette; elle
a été regardée avec admiration de tous les Étrangers:
la façon dont elle étoit coupée , eft ce qui a plu fin-
gulièrement aux Hollandois; fon gréement a beaucoup
Téuffi par fa légèreté.
La figure de l'avant , que M. Ozanne avoit trouvé le
moyen d'afTeoir fur l'éperon, donnoit un coup d'œH
nouveau pour les Marins , d'autant que l'ufage eft que
ces fortes de figures foient attachées for le taiHe-mer,
ce qui fart qu'elles femblent coupées par le milieu.
fl.it.
-fa? • u&*
DE M. DE COURTANVAUX. J£
Deux Tritons portoient la voûte du couronnement;
ces deux figures , ainfi que celle de 1 avant , furent
faites fur les deffins & modèles du fieur Bridan , dont
la réputation efl connue par plufieiirs beaux morceaux
qu'il a faits, & notamment par deux figures qu'il vient
de faire au portail de Metz.
Je n'entrerai pas dans le détail des autres agrêmens
que M. Ozanne avoit procurés, par fon génie, à la
grande chambre; comme cela m'éloigne de mon fujet,
je finirai cet article par une des bonnes qualités de
cette Corvette: peu de Marins ont vu un Bâtiment
de cette force, virer de bord, dans une groffe mer,
avec autant de célérité & de diligence, fans perdre de
terrein , ce qui nous a heureufement fervi en débou-
quant de Rotterdam.
CHAPITRE V.
Départ de Taris ; defeription du Havre-de-Gràce ;
Opérations et Obfervations faites en cette ville ,
relativement a t objet du Voyage.
IL étoit décidé que notre expédition feroit de trois MacWn«
ou quatre mois; je crus donc ne pouvoir différer a iZrît ' ";
mon départ dé Paris, fort au-delà des premiers jours
de Mai. Les mers que nous avions à traverfer com-
mencent fouvent à devenir dures <% dangereufés dès
le mois de Septembre. Les Horlogers n'eurent pas
Hij .
In Qru «nens
nécefîaires
à cette
vérification*
6o Voyage
apparemment le temps héceffaire pour mettre la dernière
main à leurs ouvrages, ou peut-être même ils ne furent
pas aflez tôt infïruits de mon projet : deux Montres
de M. Leroy furent les feules achevées au temps de<
mon départ, & par conféquent les feules dont j aie pu
me charger de vérifier l'exadtitude. M. de Charnières
m 'avoit aufïi remis un Mégamètre qu'il avoit fait conf-
truire fous fes yeux. Les Inftrumens que je portois
d'ailleurs pour les obfervations aftronomiques & autres
opérations nécefïaires, étoient une très-bonne Pendule
aflronomique faite par M. Berthoud ; deux Quarts-de-
cercle faits par Langiois, de deux pieds & demi de
rayon, garni de leurs micromètres & réticules; un
infiniment des pafTages , conftruit par Canivet; fa
Lunette efl achromatique, & a trois pieds & demi
de longueur; une Lunette de trois pieds, dont l'ob-
jeélif achromatique efl compofe d'un verre concave de
fônt-glafs, entre deux verres convexes de crcwn-glafs ,
elle appartient à M. Trudaine de Montigny , Intendant
des finances; une autre Lunette achromatique de cinq
pieds; un bon Odant d'Hadley, pour prendre les
hauteurs en mer; deux BoufFoIes , deux Baromètres
portatifs, & d'autres moindres Inftrumens,
M. Leroy M. Leroy m'avoit fait part du defir qu'il ayoit de
veut être du , , r , / . .
voyage. m accompagner dans ce voyage ; ion but étoit de
fuivre lui-même la marche d'une de {es Montres, pour
être plus en état de pénétrer les caufes des défauts que
ie mouvement de la mer pourrait manifefler, & d'y
Instrument de J'assoie.
-EeÀt&T de i. MW peur ReJr .
li
DE M. DE COURTANVAUX. 6l
apporter les remèdes les plus efficaces. C'étoit du
moins àinfi que je le concevois, & ce but me paroif-
foit trop légitime pour que je refufafTe d y accéder.
Comme nous ne devions avoir à bord de V Aurore
aucune autre Montre marine à vérifier, la préfence de
M. Leroy ne pouvoit caufer d'ombrage à perfonne. II
me paroît de plus, fort à propos qu'en pareille occafion,
un Artifte puifTe avoir lui-même l'œil fur fon ouvrage;
fi Ton y remarque des défauts, il eft convaincu par
{es propres yeux, que ces défauts font inhérens à la
machine; il n'eft point tenté de former des foupçons
injuftes & injurieux contre ceux qui ont bien voulu
fe charger du travail & des frais de la vérification.
M. Leroy partit avant nous de Paris, chargé du Accident
tranfport de fes Montres au Havre. Une d'elles avoit *rnvcdca une
été examinée durant plufieurs mois, par les Commif- fcs Montrcs*
faires de l'Académie; on l'avoit tranfportée en divers
lieux, foit par terre, foit fur la rivière , & rien n'avoit
paru interrompre fon ifochronifme ; dans le tranfport
de Paris.au Havre, elle fut expofée à de plus violentes
fecoufTes qu'elle n'en avoit éprouvé aux environs de
Paris ; une de ces fecoufTes rompit un fil de clavecin ,
qui foutenoit le régulateur. M. Leroy ne portoit avec
lui aucun outil d'Horlogerie ( exemple que je ne pro-
pofe pas à imiter à ceux qui pourraient fe trouver en
de pareilles circonftances ), il fubftitua un autre fil de
clavecin acheté dans une ville voifine, & il répara le
mal autant que les circonftances du lieu le permirent. *
H ii;
62 Voyage
Route Je partis de Paris le 1 2 Mai 1767, avec M/* Pingre*
au Havre. Meflier , l'abbé de Bcaufumé notre aumônier, &
Dezoteux Chirurgien-major du régiment du Roi : le
ciel fut pluvieux par un vent de fud-oueft. Nous arri-
vâmes le même jour à Rouen : on fait que cette ville
eft une des plus grandes, des plus riches & des plus
commerçantes du Royaume, mais elle eft mal bâtie
6c mal percée; prefque toutes les maifons font de
bois; fon pont de bateaux eft une des merveilles de
la France; il aborde en fon port des Vaifleaux de
toutes les nations de l'Europe: je n'en dirai pas davan-
tage, cette ville étant aflez connue d'ailleurs ; & de plus,
nous n'y avons pas féjourné; j'y trouvai deux de nies
amis, qui defiroient l'un & l'autre m 'accompagner dans
le voyage. Nous partîmes le lendemain , de compagnie i
le ciel donnoit encore de la pluie par intervalles, le
vent venoit du fud-oueft, & les chemins étoient très*
mauvais ; nous ne pûmes arriver au Havre que vers les
cinq heures du foir ; nous y étions attendus par le
refte de notre compagnie , c'eft-à-dire , par M. Ozanne ,
. Ingénieur- géographe, conftruéteur de la Frégate, &
à qui M. le Duc de Choifeul avoit donné permiffïon
de venir avec moi , M. Leroy & mon Secrétaire.
Dcfcrîption Le Havre-de-Grâce n'eft pas une ville ancienne ; on
fondation ' foupçonne même avec aflez de fondement , que le
de cette ville. terrejn qlie cette vj|fe occupe maintenant, étoit il y a
quelques cinq ou fix ficelés, enféveli fous les eaux.
La mer s'étant retirée, les pêcheurs élevèrent quelques
de M. de Court anvaux. 6$
chaumières fur le lieu qu'elle avoit abandonné , &
formèrent un hameau dépendant de la paroifle d'In-
gouvîlJe & du marquifat de Gravifle. On y bâtit aufli
une chapelle couverte de chaume, fous le titre.de
Notre-Dame- de -grâce , & c'eft de cette chapelle ftfe où
eft aujourd'hui i'églife de Notre-Dame, que la ville
a tiré une partie de fon nom. Il paroît que Louis XII
avoit formé dès Tan 1509, le deflein de conftruire
une ville au lieu de ce hameau; mais ce ne fut qu'en
15 16 que François I.cr en fit jeter les fondemens,
dans l'intention d'arrêter les incurfions des AngIoisf
qui venoient jufque dans la Seine , inquiéter les pêcheurs,
& enlever les Navires françois. La première pierre fut
pofée au nom du Roi, par Guion Leroi, fieur de
Chilfou, Vice-Amiral de France, & premier Gouver-
neur du Havre. On voulut d abord donner à cette ville
le nom de Francifcopolis ou Françoife^ville , en l'honneur
de François I.er fon fondateur: elle n'eft connue
aujourd'hui que fous celui de Havre -de -Grâce. En
1 J41 , elle fut entièrement fouftraite par François I.er
au domaine des Marquis de Graville. On commença
à la paver en 15+8, fous Henri II, & ce Prince
d'ailleurs en étendit les fortifications. Les prétendus
Réformés s'en étant emparés en l'année 1562, avec
le fecours des Anglois; ils la vendirent à ces mêmes
Anglois , fur lefquels elle fut reprife dès l'année fui- '
vante , par Charles IX, qui aflifta au fiége en perfonne.
Ce Prince , pour contenir davantage les Anglois de
64 Voyage
»
ce côte, fit bâtir une citadelle fur le bord de la mer*
au fud-eft de la ville; mais fous le règne & fous l'au-
torité de Louis XIII, le Cardinal de Richelieu, Gou-
verneur du Havre, ayant fait démolir cette citadelle,
y fit conftruire celle qui fubfifte aujourd'hui ; c'eft un
carré régulier & régulièrement fortifié , où il y a
plufieurs magafins remplis de toutes fortes dé muni-
tions. Depuis ce temps, nos Rois ont donné toute
leur attention à entretenir & à augmenter nrême les
fortifications de cette ville ; elle fut bombardée par les
Anglois le 24 Juillet* 1694, le dommage fe borna à
la deftruétion de cent cinquante maifons, qui furent
bientôt relevées; elle a été bombardée de nouveau,
pendant la dernière guerre, mais fans en recevoir
aucun dommage; le port eft défendu non -feulement
par la citadelle , mais encore par une tour élevée par
ordre de François I.cr fituée à l'angle méridional de
la ville , près la porte du Perrai , à l'entrée du port-, à
la naifTance de la jetée du nord - oueft ; cette tour eft
furmontée d'une efplanade , qui domine fur l'embou-
chure de la Seine <5c fur la petite rade; elle eft défendue
par une bonne artillerie, les murailles de la tour &
l'efplanade font à l'épreuve de la bombe; au-deflbus
eft un magafin à poudre , c'eft en ce lieu que les
.Vaifleaux marchands, qui entrent dans le port, dé-
pofent leur canon & leur poudre , pour les reprendre
au moment de leur départ; c'eft au/fi du pied de la
niême tour que part une groffe chaîne de fer que l'on
tend
DE M. DE CotfRTANVAUX. 6f
tend tous les foirs pour empêcher les Vaifleaux d'en-
trer pendant la nuit dans le port.
L'entrée du port eft vers le fud ou même vers lé- Port, baffin,
fud-oueft ; cette pofition , combinée avec le gifement d'Harfieur.
des côtes hors du port, fait qu'il eft auffi difficile d'en
fortir, que facile d'y entrer par tes vents d'oueft & cfe
fud ; l'entrée eft formée par deux jetées , qui peuvent
être diftantes l'une de l'autre d'environ i 5 à 20 toifes;
le port s'élargit enfuite en entrant dans la ville, il tend
d'abord vers le nord - eft , & fci&nt un coude vers te
nord -ou eft, il fe termine au badin du Roi; il peut
avoir 400 toifes de long, y compris te baffin; en
baffe mer il eft prefque à fec , le fond en eft franc ,
vu les foins qu'on fe donne pour l'entretenir; l'eau,
dans les grandes marées, y monte de *8 à 20 pieds :
au mois de Janvier 1749, elle monta de près de 25
pieds, toutes les rues du quartier de Saint- François
et oient fous l'eau ; mais ces- crues font extrêmement
rares : le port peut contenir au moins trois cents Vaif-
feaux ; le baffin imite prefque là figura d'une poire , il a-
environ 80 toifes de longueur, fur jo à €0 de largeur
vers fbn fond, c'eft-à^dwe au nord; il eu fêparé d\ï
port par un cou de 5 à & toifes de lurgeur , couvert
d'un: pont tournant, & fermé, tant du côté du port que;
de celui du baffin , par les deux vannes d'une éclufe'
que l'on n'ouvre que quand la mer eft pleine dans le*
port; de cette manière on* entredent toujours environ
16 pieds d'eaiu dans le baffin , Si cette eau fe. rafraîchit
. I
66 Voyage
& fe renouvelle à chaque marée ; on a foin de refermer
l'éclufe, dès que l'eau commence à defcendre; H y a
ailffi d'autres éclufes deftinées à entretenir & à renou-
veler l'eau des foffés de la ville. M. le maréchal de
Vauban avoit fait creufer vers 1665 un cana' depuis
Harfleur jufqu'au Havre, long par conséquent de deux
lieues, pour amener dans le port du Havre les eaux
de la rivière d'Harfleur ; fon intention étoit que ces
eaux , retenues d abord dans le canal & dans les foffés
de la citadelle, joignant enfuite leur aétion à celle de
l'eau des- foffés de la ville, pour fe précipiter toutes
enfemble dans le port , au moment que Ton ouvriroit
toutes les éclufes en temps de baffe mer, baiayaffent
efficacemenj le port , & le vidaffent de tout le fable &
de tout le caillou que le flot auroit pu accumuler ; le
premier effai fut fait en préfence de M. Colbert , Se
réuffit au - delà des efpérances : cependant ce canal 3
été négligé depuis , on travaille de temps à autre à
le réparer ; mais je crois que l'utilité qu'on: en retire
aujourd'hui , eft au moins extrêmement médiocre.
Divifion Le port & le baffin du JPïavre féparerrt la ville en
les places^ ; ^eux parties; la plus grande efl à i'oueft, elle eft
pSdpVux Prefque carrée, on l'appelle le quartier de Notre-Dame ?
édifices. Je quartier de Saint - Franfob efl à l'orient du baffin; la
citadelle eft au fud-eft de Saint -François : ta ville eft
très-peuplée, on y compte vingt -cinq à trente mille
habitans , y compris le faubourg d'Ingouville ; les rues
font prefque toutes tirées au cordeau» fur-tout dans le
* DE M. DE COURTANVAUX. 67
quartier de Saint-François; la plupart des maifons font
bâties en bois , il y a cependant quelques beaux édifices
en pierre , telles font les églifes de Notre-Dame & de
Saint-Frtnçois; la manufacture de Tabac, fituée dans
le quartier de Saint - François ; l'hôtel de la Douane,
auquel il a plu de donner le nom de la Romaine, parce
qu'à l'entrée il y a une grande balance romaine def-
tinée à pefer les marchandifes & ballots; & plufieurs
maifons particulières: l'hôtel -de -ville étoifr (itué près
de l'entrée du port, & vis-à-vis la place d'armes, à
laquelle il faifolt face, lorfque le Roi honora cette
ville de fa préfence en 1749; Sa Majefté y logea,
c'étoit alors un bâtiment affez propre, conftruit en
brique avec des chaînes dé pierre de taille, mais trop
bas, trop petit & peu majeftueux/; le nouvel hôtel-
de-ville eft très-beau, il eft tout en pierre de taille, il
fait face à la grande place : les deux principales places
du Havre font toutes les deux dans le quartier de
Notre-Dame ; la grande place ou le grand marché eft
au milieu de ce quartier, affez près de l'églife Notre-
Dame ; c'eft un carré un peu plus long que large , 61c
très - fpacieux , on y voit une belle fontaine , jetant
l'eau par quatre côtés, fur laquelle eft élevée en pierre
bronzée une ftatue pédeftre de Louis XIV, vêtu à la
Romaine : la petite place ou la place d'armes n'a point
de figure régulière ; elle eft à l'entrée du port près de
Isl tour de François ï.er : on entre dans la ville par deux
portes, toutes deux fituées dans le même quartier dç
in
4$ Voyagé
Notre-Dame; i'une au fud de la ville, près de la tour
ite François I."'., ne conduit qu'à ia jetée du nord*
oueft , 6c far le chantier dès Navires marchands ; eile
eft fort (impie, 6c n'a rien de remarquable, on la
nonum pette dn Parti; près ti'elie , à droite , avant
que 4e fortir, eft l'hôtel du Commandant de ia place:
l'autre porte , au nord du quartier de Notre-Dame , eft
nommée port* 4 'higouville , elle eft flanquée de deux
fortes tours, avec des ornemens d'architecture do-
ri que; «lie conduit à une très -belle avenue, qui,
traverfant un grand terrein marécageux , fe termine au
village ou faubourg d'Ingouviile ; cette avenue eft
bordée , fur la droite , de très-petites maifons , accom-
pagnées de jardins d'une étendue proportionnée à ia
grandeur des maifons ; ce font autant de maifons de
campagne pour tes bourgeois du Havre , qui les ap-
pellent leurs Pavillons: le quartier de Notre-Dame
communique à celui de Saint - François par le pont
*
tournant ou par une rue ou chemin qui pafle entre les
murs de h vWie & te. baftin : la citadeHe a deux portes ;
l'une ouverte fur le quartier Saint - François eft dite
forte Royale; l'autre , nommée porte Dauphin* , com-
munique avec le bord de la mer & la campagne.
Corderie , Le long <ài mur de la ville qui fait face au fud-oueft
Arfenai. ' & à la mer, eft une très-bette Corderie royale, entiè-
rement couverte de toutes parts; on y fabrique des
cofdages pour les Vai fléaux du Roi ; ù. longueur excède
j 24 toifes. Il y a deux chantiers pour la conftru&ion
de M. &£ Court an vaux, 69
des Vaifleaûx ;, te premier eft royal, H eft à la tête du
baffin : on n'y cortftruk guère que des Frégates, le
port n'étant pas ordinairement affez profond pour
fou tenir de plus gros Vaiffeaux; on y en a cependant
confirait quelquefois. Le premier qui y fut conftruit
fut nommé le Routn; il étoit armé de foixante-dix
pièces de canon. A peine fut-il hors du port, que
ceux qui le conduifoient manquèrent le vent par leur
impéritie, & firent échouer le VâifTeau fur des bancs
de fable mouvant, à l'embouchure de la Seine, où il
fut entièrement perdu : vingt ans après on voyoit encore
le haut de fon grand mât au-defliis de l'eau. Dès
l'année 1538 ou vers ce temps-là on avoit, dit-on,
confirait au Havre, m VaifTeau d'une faille énorme;
fa charge* étoit. de deux mille tonneaux, les cables
étoient auffi gros que h jambe d'un homme; il y avoit
fur fon bord un jeu de paume & un moulin à vent;
il fut appelé la grandt Françoife; fa deflination étoit
pour les Indes orientales ; en deux marées on eut bien
de la peine à le conduire à l'extrémité des jetées , où
Von fut obligé de le détruire ; lés matériaux furent
employés à la conftru&ion d'un grand nombre de
maifons du faubourg de la Barre: ce faubourg étoit
fitué où eft maintenant le quartier Saint-François. Or*
a depuis conftruit des Vaiffeaux de ligne au Havre,
mais H eft rare qu'ils rentrent dan* le port, lorfqu'Hs
en font une fois fortis ; on les envoie dans quelque
autre port comme à Toulon, à Bref! ou à Rochefortr
lu;
1
70 Voyage
Se ils font cenfés du département de ce port. Lorfque
le Roi étoit au Havre, en 1749, on lança en fa pré-
fence , dans le badin , une Flûte deflinée à porter le
nom de Chariot - volant ; le Roi fatisfàit de la promp-
titude Se de la dextérité avec laquelle l'opération Ait
exécutée/ honora le Bâtiment du nom de Chariot-royal.
On peut fur le chantier, conftruire trois Vaiffeaux de
foixante-dix ou quatre-vingts pièces de canon , ôc les
lancer à l'eau tous les trois enfemble; à droite de ce
chantier, en regardant le port, ou fur le bord occi-
dental du badin eft l'Arfenal, où Ton voit le fiége de I
la juridiction de l'Amirauté, des Écoles de marine,
d'artillerie, de mathématiques, des Bureaux pour les '
Officiers , des Magafins pour l'armement & l'équipe- 1
ment des VaifTeaux du département, d'autres Magafins 1
pour les armes , &c. L'autre chantier eft au dehors de |
la porte du Perrai , fur la main droite ; on y confirait
beaucoup de VaifTeaux marchands : il en fut lancé trois
à l'eau, en i749# en préfence du Roi-
Rades* Au dehors du port il y a deux rades; Tune appelée
la petite rade, eft à une bonne demi-lieue de la tête
des jetées , vers le nord-oueft ; la grande rade eft plus
à l'oueft , diftante d'environ deux lieues de l'entrée du
port: le mouillage de ces deux rades eft de bonne
tenue, plus franc cependant à la grande rade qu'à la
petite , vu qu'à la petite rade le fond de bonne terre
eft plus entre-mêié de cailloux & de coquilles , qui
peuvent endommager les cables. Les Yaifleaux ne
DE M. DE COURTANVAUX. J\
feroient en fureté dans aucune de ces deux rades,
s'ils y attendoient un coup de vent, vu qu'ils font
expofés aux vents de fud-oueft, d'oueft & de nord-
oueft , les plus impétueux des vents qui régnent dans
ceparage; mais à la première menace du coup de
vent, & même lorfqu'il commence déjà à fe déclarer,
les Vaifleaux peuvent fe réfugier, avec ia plus grande
facilité, dans le port La mer amène dans le port &
fur les côtes voifines, une prodigieufe quantité de
cailloux roulés, qu'on nomme Galets; ce n'eft qu'avec
beaucoup de peine & de dépenfe que , fous les foins
vigilans de M. Miftral, Commiffaire ordonnateur, &
de M. Galon , Ingénieur en chef, on réufîit à tenir
l'entrée du port libre. Les Galets s'accumulent, fur-
tout à la tête de la jetée du fud-eft, la mer femble fe
retirer de ce côté ; on craint qu'elle ne laiffe un jour
Je port trop enfoncé dans les terres, pour qu'on puifle
facilement le nettoyer, & empêcher que le Galet
continuant toujours à s'y amonceler, n'en ferme enfin
abfolument l'entrée.
Lé Havre-de-grâce eft depuis Tannée 166$, le GouWn*.
chef-lieu d'un Gouvernement général militaire, com- CoOégjL
prenant enyiron cent cinquante paroiffes dans la partie
occidentale du pays dé Caux. C'eft M. le Duc de
Saint- Aignan qui erv eft Gouverneur, & M. le Comte
de Valentinois eft Lieutenant général : M. de Beauvoir
commandoit au Havfe lorfque nous y fommes arrivée
Il y a de plus au Havre, bailliage , vicomte , hôtel-de-
7* V o r A G M
ville, amirauté» grenier à fêl ; quant aux Belles-Lettres,
c'eft une des villes de France où elles font le plus
négligées. II n'y a qu'un méchant Collège , où deux
feuls Maîtres enfeignent ce qu'ils peuvent , moyennant
des honoraires extrêmement médiocres : tous les yeux
font tournés, vers la mer; lapaffion de navigueF entraîne
les jeunes gens » & leur ôte même la capacité de
réfléchir ftir tout autre objet.
igfifes. Il n'y a qu'une paroiffe au Havre, ou plutôt il n'y
en a point du tout; les églifes de Notre-Dame & de
Saint-François ne font que comme des fuccurfales
de l'églife paroiflîale de Saint-Michel d'Ingouviile ;
cependant le Curé fait ordinairement fa réOdence à
Notre-Dame, comme à la principale églife, & il
place des Vicaires à Saint-François & à Ingouville.
L'églife de Notre-Dame-de-grâce exiflôit même avant
la ville; mais ce n'étoit, comme je l'ai dit plus haut,
qu'une (impie chapelle couverte de chaume ;. ce ne fut
qu'en 1 574 qu'on jeta les fondemens de l'églife, telle
qu'elle fubfifte aujourd'hui, & elle ne fut achevée
qu'en 1636. C'eft un afTez beau morceau d'architec-
ture. L'églife de Saint -François, commencée vers
1554, n'a été entièrement finie qu'en 1681. II y a
deux couvens dans la ville, un de Capucins dans le
quartier de Saint-François , & un d'Urfulines dans le
quartier de Notre-Dame: ce font les Capucins. qui
dedervent les chapelles de la Citadelle & de l'ArfenaL
Il y a de plus dans le faubourg d.'IngQuvtlle , un couvent
de
DE M. DE COURTANVAUX. ?f
<
de Pénitens du tiers-ordre de Saint-Fiapçois , dits à
Paris, Piquepuces. Enfin , à l'extrémité de ce faubourg,
fur le grand chemin de Paris, eft l'hôtel-dieu ou
l'hôpital général qui y fut transféré en 1 669 , du lieu
où eft maintenant l'Arfenal : cet hôpital eft fervi par
des Filles de la congrégation de Saint Thomas-de*
.Villeneuve-
Dix-huit ans prefque révolus navoient pas effacé
1 agréable fenfation de l'honneur que cette ville avoit
eu de pofTéder fon Roi Bien-aimé dans l'enceinte de
fes murailles : on avoit appris que j'allois arriver, en
conféquence d'une commiffion particulière de Sa
Majefté , pour une expédition qui pouvoit être d'une
importance extrême pour la Navigation : cette nouvelle
rafraichifïant fans doute la fenfation précédente, fut
apparemment la caufe de l'accueil inefpéré que l'on
me fit au Havre ; je trouvai , je penfe , toute la ville
fur mon partage ; les fenêtres étoient remplies , & les
toits des maifons couverts de peuple curieux de nous
voir paffer : on fe portoit , fur-tout autour du baflin ,
près duquel nous mimes pied à terre ; des cris redou-
blés de vive le Roi , partirent de Y Aurore, Si furent
répétés par les échos voifins : des pavillons de diffé-
rentes nations étoient déployés fur les vergues &
au haut des mâts de la Frégate. Quatre canotiers
habillés de ma livrée , vinrent au - devant de nous
dans un canot magnifiquement doré & furmonté
d'un palanquin de très -bon goût. Je fus conduit
au Havreé
74 Voyage
à la Frégate avec toute ma compagnie, qui fe trouvoit
alors complette, Se j'y fiis reçu par le fieur Chopin ,
Maître de l'équipage. Quoique je fufle perfuadé que
tout devoit être fatisfaifant fur un bâtiment dirigé Se
dans fa conftru6liôn Se dans fa décoration , par le goût
délicat de M. Ozanne, je ne pus cependant ne pas
être furpris de l'intelligence qui paroiiïbit avoir préfidé
à la diftribution des chambres Se des autres parties du.
Navire, de fart avec lequel la dorure Se les ornemens
avoient été ménagés, de la délicateffe des peintures,
Se de l'élégance des meubles. Après avoir vifité toutes
les parties de la Frégate , nous fumes defeendre à une
auberge nommée Y hôtel des Américains. Nous y étions
fort à Tétroit, il n'y avoit pas moyen de penfer même
à y établir un Obfervatoire ; nous remimes au lendemain
à prendre les mefures nécefTaifes pour en trouver un
folide Se commode, & où nous puiïions faire des
obfervations afTez certaines pour fervir de bafe Se de
fondement à tout notre travail.
Première Le jeudi 14 Mai, le ciel prefque perpétuellement
de la Frégate. couvert, ne nous permit de faire aucune obfervation.
Je voulus profiter du féj our que nous devions faire
au Havre, pour éprouver comment fe comporteroit
Y Aurore à la mer: j'avois dès le 13 ordonné que tout
fût prêt pour le départ; mais le vent foufflant de la
partie de Toueft, fembloit vouloir s'oppofer à la fortie
de la Frégate : vers dix heures Se demie du matin ,
lorfqu'on s'y attendoit le moins , le vent fauta au
de AL de Court anvaujt. 75
nord - oiteft ; auffitôt l'Aurore, armée de fix canons,
Si montée de vingt-quatre hommes d'équipage, fans
compter M. Ozanne , qui voulut être témoin de (es
propres fuccès, fortit, pour la première fois, du baflin
Si du port du Havre. M. Couradin , Capitaine du port,
fe rendit fur le port pour être préfent à la fortie,
honneur qui ne fe rend qu'aux Vaiffeaux du Roi:
M. de Beauvoir, Lieutenant de Roi , & les principaux
Officiers, tant de la garnifon que de la. marine, fuivis
d'une multitude innombrable de peuple , furent fur la
jetée , pour voir manœuvrer V Aurore; elle eut bientôt
dçpafïe plufieurs Batimens f qui avoient appareillé
long- temps avant elle: on jugea qu'elle portoit très-
bien la voile, qu'elle étoit très-fenfible au gouvernail,
qu'elle viroit de bord, avec toute la célérité & l'agré-
ment poffible; qu'enfin, pour la marche , elle égaleroit
les meilleurs Batimens voiliers: on l'envoya dans la
grande rade Si au - delà jufque vers les quatre heures
du foir , que l'on vint mouiller à la petite > par huit
brafles d'eau, fond de vafe, ayant le cap d'Antifer
au nord-eft quart d'eft, à la diflance de cinq lieues
& demie; celui de la Heve à l'oueft, diflance une
lieue Si demie; Si celui de Di\e au fud quart fud oueft,
diflance cinq lieues.
Le même jour 14 Mai, nous établimes notre
Obfervatoire à la tête du baflin , au bureau des Écri-
vains de la marine, de manière que nous avions le
.baflin au fud , le chantier feulement étant entre nous
Kij
\.
y€ Voyage
& le baffîn: l'Inftrument des partages fut placé dans
une chambre ap rez-de-chaufTée, fur un pavé de tuiles;
nous nous fommes aperçus que ce pavé n'étoit point
affez folide , & il ne nous a pas été poflible d y remé-
dier ; dans un angle du même appartement fut placée
ia Pendule agronomique; les Lunettes & antres Inftru-
mens étoient comme en dépôt dans une autre pièce ,
pour pouvoir y recourir au befoin ; quant au Quart-
de-cercle de deux pieds & demi de rayon , duquel
nous nous fommes conftamment fervis, il étoit dans
ia même chambre que 1'Inftrument des partages ; mais
quand il sagiflbit de s'en fervir, nous le faiûons tranf-
porter dehors , à deux toifes environ au fud de la porte
du Bureau ; nous primes même la précaution de faire
enfoncer en terre des clous de fix pouces de long,
pour être plus aflurés de faire toutes nos obfervations
au même lieu ; nous fufpendimes auffi nos Thermo-
mètres dans cette même chambre où étoit la Pendule,
& où M. Leroy fit dès ce même jour tranfportcr deux
boites, dans lefquelles il nous dit que fes Montres ma*
rines étoient renfermées. Quant aux Baromètres, nous
n'avons pas été heureux de ce côté; dès Paris nous
en avions voulu consulter un , il étoit à peine fuf-
pendu , que l'anneau de fufpenfion s'étoit rompu , 4k
le Baromètre avoit été brifé. Au Havre» en voulant
fufpendre l'autre , il prit de l'air , tout le mercure des-
cendit dans le réfervoir. Le même foir , nous mimes
Ja Pendule en mouvement; M- Leroy la régla fur fk
PE M. DE COURTANVAUX. f?
montre, & fa montre étoit réglée fur le méridien de *
Paris , & non fur celui du Havre*
Le vendredi i<, M Aurore continua de courir des-; M- Lcrof
' foumet une
bordées au large. Ce même jour M. Leroy remit de fes fAot*
entre nos mains une de fes Montres marines ; voici mtn.
l'aéle de cette livraifon, tel qu'il a été dreffé au
•Havre,
« Cejourd'hui quinze Mai mil fept cent foixante-fept ,
M. Leroy Horloger du Roi, fils du célèbre Julien Leroy, «
s'étant rendu au Havre dès le 7 de ce mois, avec deux «
Montres marines de fon invention , allant $6 heures , & «
dûment fufpendues dans leurs boîtes d'environ un pied «
quarré de bafe, fur 9 pouces de hauteur, nous a remis «
l'une de fes Montres , ainfi que le programme de l'A- «
cadémie , pour fon prix de 1769; déclarant comme «
le public l'a appris par les Gazettes & les Journaux, «
que cette montre étoit la même qu'il avoit préfentée * #
au Roi le 5 Août 1766, & qui avoit concouru pour «
Je Prix de l'Académie propofé pour l'année 1767,1c
fous la cote 5, fur laquelle montre, ainfi que fur le 1C
Mémoire qui l'accompagne, l'Académie s'exprime en «
ces termes : Dans le nombre des pièces qui ont concouru , «
le Mémoire N.° / , qui a pour devife, labor omnia-vincit «
improbus, lui a paru mériter beaucoup déloges, ér la «
Montre qui et oit jointe à ce Mémohre , a parfaitement réuffi «
dans toutes les expériences quon en a pu faire, depuis «
quelle a été remife entre les mains des Juges. Cependant, comme «
elle n'a point été éprouvée, à la mer, mnfi que F exige la «
Kiij
»
»
78 V 0 Y A O E
n queJKon propofîe $ t Académie a cru devoir fufpendre fon
» jugement , jufquà ce qu'on ait fait fubir à cette montre
» t épreuve dont il s9 agit.
» M. Leroy nous a déclaré de plus, que cette montre
étoit ie fruit de plus de vingt-cinq années de travaux ,
de recherches & de réflexions de fa part; que dès
» l'année 17JO ii avoit dépofé fous un papier cacheté,
» au Secrétariat de l'Académie le projet d'une montre
»fembiable, contenant plufieurs des principes & mé~
» thodes employées dans cette dernière; qu'en 1764 il
» avoit préfenté à l'Académie ce projet exécuté avec
» divers changemens; que l'Académie pour l'examiner,
» avoit alors nommé M/s Camus , le Monnier , de Mon-
»tigny, Deparcieux & Bezout; qu'en 1765 ij avoit
» encore préfenté le même ouvrage , avec des change-
» mens & des corrections c on fid érables; qu'enfin la
• » montre qu'il nous remcttoit, avoit été par lui perfec-
» donnée au point que depuis plus d'une année qu'il
» réfléchiflfoit fur ce fujet, il n'avoit pu imaginer aucun
» changement tendant à fa perfection. Selorr lui, rien
» ji'efl à defirer dans cette machine, qu'un peu plus de
» recherche dans l'exécution de plufieurs parties : nous
x » avons cotté cette montre NS 1.
*
» Quant à la féconde montre, M. Leroy a déclaré
,» qu'il n'avoit encore pu faire afTez d'épreuve fur cet
» ouvrage, que dans la fuite il pourrait ie livrer à notre
» examen ; qu'il étoit, quant à fes principes & à la dif-
» pofition de, fes parties , exactement femblable au
DE M. DÉ COURTANVAUX. yç
précédent; mais qu'il defiroit, pour la raifon ci-deflus, «
& afin de voir en fon particulier , l'effet du mouvement « *
d'un Vaifleau, fe la réferver pour quelque temps. «
M. Leroy nous a auffi remis un Infiniment qu'il a «
difpofé pour mefurer les diverfes inclinaifons du «
Vaifleau : cet Infiniment confifle premièrement en un «
pied triangulaire , portant une efpèce de potence , au «
haut de laquelle efl fufpendu fur des pivots, un pendule «
d'environ 1 8 pouces de longueur; le pied triangulaire ce
étant mis de niveau, l'extrémité du pendule marque «
zéro fur un limbe gradué; & cette même extrémité «
s'écarte du point du zéro, foit à droite, foit à gauche, «
d'autant de degrés que le tangage ou le roulis écarte «
le pieddelapofition horizontale. Fait au Havre, &c.»
Pour donner plus de certitude ou d'authenticité à Précautions
notre travail , je crus qu'il étoit à propos d'ufer de p^affum
deux précautions que cette authenticité paroiflbit l autbj°tlcrt*
requérir. La montre de M. Leroy étoit enfermée fous Pcxamcn.
clef, dans une boîte ; M. Leroy s'ofFroit de m'en
remettre la clef. Je ne me défiois certainement point
de fa probité ; mais pour ne pas être foupçonné moi-
même de trop de facilité dans l'examen que j'étois
chargé de Étire, je fis ajoutera cette boîte une féconde
ferrure , dont la clef n'a jamais été communiquée à
M. Leroy ; la clef de l'autre ferrure refla entre fes
mains: de cette manière, s'il fût arrivé quelque déran-
gement, il n'auroit pu foupçonner que nous en avions
été les auteurs , en touchant à fa montre hors deia
préfence.
80 Voyage
Lafeconde précaution que je jugeai propre à conftater
l'authenticité de notre travail , fut d'en faire dreffer
tous les jours par mon Secrétaire, un procès-verbal
qui étoit figné de M.ffs Pingre & Me/fier mes coopé-
rateurs, & de moi. M. Leroy ayant témoigné quelque
defir d avoir une copie de ces procès-verbaux , nous
les avons fait doubles, & les doubles pareillement
fignés, font refiés entre Tes mains. Dans ces procès-
verbaux nous marquions l'heure à laquelle la montre
marine avoit été remontée 9 l'heure que la pendule
marquoit à l'inflant du midi vrai , & de combien la
montre marine avançoit ou retardoit fur la Pendule.
Dans le cours de cette relation, nous n'ennuirons pas
le Leéteur par le détail des heures auxquelles les
montres ont été remontées : les deux autres condi-
tions font trop efTentielles pour les omettre.
Obfervatîoni Le ciel avoit été ferein la nuit du 14- au i < ; H le
Ia*M<mtrcs. fut encore toute la matinée du 1 5, par un vent de fud~
ouefl ; nous en profitâmes , pour prendre vers 8 heures
du matin , trente-trois hauteurs du bord fupérieur du
Soleil. On dira que nous ne ménagions pas le nombre
des observations : cela efl vrai , mais e 'étoit alors notre
unique affaire; en multipliant ainfi les obfervations ,
nous avions plus lieu d'efpérer d'en faifir le foir quel-
ques-unes de correfpondantes ; enfin c'étoit là le pre-
mier fondement de tout notre travail , nous ne pouvions
Jui donner trop de folidité. Le baromètre que M. Leroy
jivoit rétabli , mais fans feu , aidé par un marchand de
baromètres
-»
DE M. DE CoURTANVAUJt. Si
baromètres qu'on nous avoit indiqué comme aflez
habile, ne marquoit pas tout -à -fait 28 pouces; il
atteignit cependant le foir, cette hauteur. Après midi,
les nuages s'accumulèrent; nous eûmes cependant vers
4 heures , la fatisfaâion de prendre toutes les corres-
pondantes de nos hauteurs du matin ; elles s'accordèrent
à nous donner l 'in liant du midi vrai à midi 10 minutes
6 fécondes r de la Pendule. Les Thermomètres
marquoient alors 1 5 degrés { au-deiïiis du terme de
la glace , félon la graduation de M. de R eau mur.
Le famedi 1 6 Mai , le ci>el couvert toute la nuit , le.
fût encore prefque tout le jour ; il plut même le foir ,
le vent fouillant d'entre le nord-oueft & i'ouefh le
Baromètre fe foutint à 28 pouces; les Thermomètres
à midi marquoient 14. degrés, h9 Aurore revint au port
vers 1 1 heures du matin , on la fit rentrer dans le
baffin , pour achever fon armement.
Le Dimanche 17, on dit, pour la première fois,
la Méfie à bord de YAutorc ; pluie continuelle par un
vent de nord-oueft. A 7 heures du foirt baromètre
27 pouces 10 lignes i, thermomètre 12 deg. |.
Le lundi 18, pluie ou temps couvert prefque tout
le jour, par un vent de nord-oueft. Nous eûmes
pourtant le bonheur de prendre des hauteurs vers
10 heures du matin, & leurs correfpondantes vers 2
heures du foir; nous en conclûmes qua Tinftant de
midi, la pendule marquoit midi 10 min. 9 fec. |; ainfï
depuis le 1 $ elle avoit avancé de 2 fec, | fur le temps
. L
î± Voyage
vrai , & par coaféquent elle avoit fuivi exactement lé
temps moyen , fur lequel elle avançoit , tant le 1 5 que
le 18, de 14, min. 8 fec. i La montre marine, k
3 heures 7 du foir, retardoit de 6 min. 9 fec. i fur
la pendule; donc elle avançoit de 7 min. 59 fec.
fur le temps moyen , méridien du Havre. C'eft de cet
infiant que nous partons pour l'examen de la montre
de M. Leroy. Baromètre à 1 o heures du matin , 27
pouces 10 lignes |; à midi & demi 27 pouc. 1 1 lign.j.
Les thermomètres 9 à ces dont mêmc&momens, étoient
à 13 degrés.
Le mardi 99, vent nord-ouelt tout le jour, ciel
couvert jufqu après 10 heures \ du matin. Quelques
hauteurs, prîtes vers 10 heures £ du matin & vers,
une heure & demie du foir, donneraient midi à
o heure 1 o min. 10 fec. de la pendule, ainfi la pendule
auroit retardé d une féconde en vingt -quatre heures
fur le temps moyen. A 3 heures j du foir , b montre
marine retardoit de 5 min. 43 fec. fur la pendule;
ainfi en vingt - quatre heures elle auroit avancé fur
la pendule de 26 fec. \. A 10 heures \ du matin ,
baromètre 28 pouces o ligne ~ ; les thermomètres,
l'un 12 d€g. i. I autre 13 deg. A 2 heures, baromètre
28 pouc. o lign. i; thermomètres 1 3 dcg. £ & 1 3 |.
A 1 1 heures du foir, baromètre 28 pouc. o lign. 7.
tut Le mercredi 20, vents variables de nord-eft, d'eft,
maitat. de fu<l, d'oHcft & de nord-oueft Ciel couvert tout le
matin. A midi, harom. 28 pouces, thermom. 13 £
DE M. DE COURTÂNVAUX. 8£
A 1 3 i : vers midi £ la montre marine retardoit fur la
pendule de j min. 18 fec. y , ainfi en vingt-une heures
elle auroit avancé fur la pendule de 24. fec. £ , ce qui
donnerait en vingt-quatre heures un avancement de
28 fec. Si on fuppofe que la pendule fuivoit exacte*
ment le temps moyen , comme il eft certain qu'elle
l'avoit fuivi depuis le 1 5 jufqu'au 1 8 , la montre mariné
depuis 3 heures 7 du 18, jufqu'à midi & demi du io,
c'eft-à-dire, en quarante-cinq heures , aura avancé
de 5 1 fec. ~ , ce qui fait précifément 27 fec. y en vingt-
quatre heures. M. Leroy n'étoit point étonné de cet
avancement, ayant été obligé de toucher en chemin
au régulateur , pour la ràifon qu'on a vue ci-deiTus;
& depuis fon arrivée au Havre il n'àvbit réglé fa montre
marine que fur fa montre de poche* Il nous offrit de
remettre fa montre marine fur le mouvement moyen
du Soleil; mais nos obfervations précédentes attroilent
été perdues , & le ciel prefque toujours couvert nous
faifoit craindre d'être obligés de relier encore trop
long -temps au Havre, s'il nous falloit recommencer
tout de nouveau nos opérations. Nous décidâmes donc
qu'il falloit laiffer la montre telle qu'elle étoit, & tenir
compte de cet avancement journalier dans toutes, les
vérifications de fon mouvement que nàus pourrions
faire dans la fuite. M. Leroy en conféquence ne toucha
pas même à fa nouvelle montre qu'il gàrdoit en fa
puiflance, quoique celle-ci avançât encore de 11 à
1 2 fec fur la montre ancienne qu'il nàus avoit remifë>
L ii
84. V (X Y A G £.
Les jours précédens on avoit embarqué les proviV
fions néceflaires au voyage, ainfr que les hardes &
paquets des paflagers. Le même jour 20 Mai , après
midi , on emballa tous les înflrumens , & on les
tranfporta fur fa Frégate. M. Leroy voulut fe charger
lui-même du port de (es montres; je les fis placer à
l'arrière du Vaifleau, dans ia grande chambre, Tune
, à bâbord, l'autre à (tribord. C'étoit peut-être le
lieu du Vai fléau qui leur convenoit le moins; elles
dévoient y être expofées à tous les mouvemens de
tangage & de roulis du Navire ; mais je faifois atten-
tion qu'il s'agiflbit d'éprouver ces montres, & non
de s'en fervir, M. Leroy approuvoit & appuyoit lui-
même cet avis; il fut exécuté: les canots furent auffi
embarqués le même jour.
Seconde Le jeudi 2i9 le ciel fut prefqne toujours couvert :
it v Aurore, à deux heures 7 du foir, tout l'équipage & tous les
paflagers embarqués, nous fortimes du baflin & du port
du Havre, par un vent de nord - nord - eft , joli -frais,
toutes voiles dehors. Nous courûmes quelques bordées
jufqu'à 5 heures du foir ; ne voyant alors aucun moyen
de pouvoir doubler le cap de la Hève avant la nuit,
je fis carguer les voiles, & nous mouillâmes à la
petite rade; le. foir, éclairs & un peu de pluie.
Le vendredi 22, les vents variables durant la nuit,
du nord-eft à Toueft, fembloient fe fixer au nord-oueft.
Un Capitaine marchand ayant mouillé vers midi» près
de ia Frégate , fans être venu nous faire rapport de ce
de M. de Court anvavx. 8$
qu'il avoit vu à la mer , on lui fignifia de fe trans-
porter à bord: il obéit fur le champ, fit Tes excufes,
& nous apprit qu'il alloit de Rouen à Fécamp ; que
fon de (Te in étant de doubler le cap d'Antifer, il en
avoit été empêché par un vent de nord-eft grand frais ,
qui fouffloit au large; & qu'en conféquence il étoit
venu mouiller en rade, en attendant un vent plus
favorable: ce vent de nord-eft ne tarda pas en effet,
de fe faire fentir fur la petite rade; & comme il nous
étoit abfolument contraire , nous nous réfolumes
d'autant plus volontiers à rentrer dans le port, que
ce nous feroit une oçcafion de nous afïiirer plus pofi-
tivement de la marche de la montre marine dans un
même lieu, fans être obligé de prendre un fécond
point de départ à Calais, comme nous comptions le
faire. Après avoir effaye de vérifier la marche de la
montre marine par des hauteurs du Soleil prifes avec
un oâant ; ce à quoi nous ne pûmes réuffir , parce
que l'horizon étoit gras & brumeux, nous appareillâmes,
nous courûmes quelques bordées, plutôt pour eflayer
ia Frégate que dans le de (Te in de doubler les caps, &
nous vinmes mouiller vers 5 heures du foir, à la
pointe des jetées, l'eau n'étant pas affez haute pour
nous permettre de rentrer dans le port. A midi, les
thermomètres étoient à 1 3 7 & 14. degrés.
Le famedi 2$ , l'Obfervatoire fut rétabli dans l-'état Suite <fc$
ou il etoit trois jours auparavant; le vent tourna tout pour
le jour du nord-eft, le ciel fut couvert &: même te^nirn,
L iij
86 Voyage
pluvieux jufque vers le foir: à midi les thermomètres
marquoient 1 3 deg. & 1 3 deg. £.
Le Dimanche 24, le vent foufHa encore du nord-
eft; le ciel s'étant éclairci vers 9 heures du matin»
nous primes vers 9 heures». & le foir vers 2 heures i
un bon nombre de hauteurs correfpondantes , félon
lefquelles la montre marine à ttnftant du midi ,
marquoit midi 7 min. o fec. £ ; elle avançoit donc
de 10 min. 38 fec. f fur le temps moyen: donc
depuis le 18 à 3 heures ~ du foir, ou en cinq jours
vingt heures & demie, elle avoit avancé de 2* min,
39 fec. f; ce qui donne par jour, un avancement de
47 fec. 1 8 lier. £. Nous pouvons partir, avec afltirance
de cet état de la montre confia te au Havre par de
très-bonnes observations: a midi& demi & à 6 heures
& demie du foir, la hauteur du mercure dans le Baro-
mètre étoit de 28 pouces 2 lignes J; à midi & demi
les thermomètres étoientà 13 deg. ~ &à 13 degj;
à 6 heures j ils avoient l'un & 1 autre baifTé d'un
degré.
Latitude Outre ces obfervations deftinées à eonflater la marche
de (a montre marine , nous en avions fait encore bien
d'autre* relatives à d autres objets: voici celles que
nous avons faites pour nous affairer de k Latitude do
Havre ; Je 15 Mai hauteur apparente du bord fupérieur
du Soieif au méridien, 59 deg. 40 min. 4. fec. donc
Latitude de nôtre Ohfervatoire 49 deg. 29 min.
Le 16 Mai , hauteur méridienne apparente du même
du HavK.
DE M. DE COURTANVAUX. %J
bord, 59 deg.- 54 min. 1 fec. donc latitude, 49 deg.
29 min. 3 fec.
Le 18, même hauteur, 60 deg. 20 min. 56 fec.
donc latitude, 4.9 deg. 29 min. 10 fec.
Le 19, même hauteur, 60 deg. 34 min. 1 fec.
latitude, 49 deg. 29 min. 6 fec.
Le 20 , même hauteur , 60 deg. 46 min. 28 fec.
donc latitude du lieu , 49 deg^2p min! 2 1 fec.
Le 23 , hauteur d'Arflurus prife 8 min. après fon
paflfage au Méridien, maïs réduite par le calcul à la
hauteur méridienne apparente, 60 deg. j j min. 14 fec.
donc latitude du Havre, 49 deg. 29 min. 19 fec.
Le même jour, hauteur méridienne de £ du Bouvier,
prife ôl réduite de même, 55 deg. 15 min. 39 fec.
latitude, 49 deg. 29 min. 12 fec.
Le 24 Mai , hauteur méridienne apparente du bord
fupérieur, 61 deg. 32 nain. 39 fec. dooc latitude de
l'Obfervatoire, 49 deg. 2,9 mit». 30 fec.
Le même jour» hauteur m éf ^tienne de £ du Bou-
vier , 55 deg. ij mie, 29 fec. latitude, 49 deg.
29 min. 22 fec.
Enfin , pour terminer ici tout ce qui peut concerner
la latitude du Havre, nous avons, trouvé à notçe retour,
le 29 Août, la hauteur méridienne apparente du bord
fupérieur du Soleil de ja deg. io min. 32 fec. d'où-
la latitude de notre Obfervatoirc fe conclut; de 49 deg.
*9 min. i ft fec.
Comparant maintenant les dix réfultats de nos
$Ô Voyage
obfervatîons fur là latitude du Havre ; & prenant un
milieu entre tous , nous croyons pouvoir établir que
le bureau des Écrivains de la marine du Havre, fitué
à la partie la plus feptentrionale du baffin 9 eft par la
latitude boréale de 49 deg. 29 min. 14 fec. & comme
ce lieu eft d'environ 170 toifes plus boréal que
l'églife de Notre-Dame , la latitude de cette églife fera
de 49 deg. 29 min. jpfec.
Sur Nous avions aufli réfolu de faire des obfervations
4u'Haw!C Pour conflater k longitude de la même ville, & nous
n'avons négligé aucune occafion de mettre ce deflein
à exécution. Ainfi, ie 16 Mai nous nous étions trans-
portés à notre Obfervatoire , pour obferver une émer-
fion du premier Satellite de Jupiter: aux approches
du phénomène, le ciel étoile en partie, nous lai (Toit
efpérer quelque fuccès; il fe couvrit enfui te; au lieu
d'obferver une Éclipfe, nous efïuyames de la pluie.
Ainfi ie 19, lorfque versai heures du foir, nous
nous difpofions à obferver à l'Inftrument des paffages,
quelques Étoiles qui étoient à peu -près dans ie paral-
lèle de la Lune, il furvint un brouillard qui dura toutie
refte delà nuit. II en eft de même des autres nuits où nous
avions pris ie paffage de quelques Etoiles , ies nuages
nous ayant empêchés de prendre celui de la Lune ; il
n'y eut que la nuit du 23 au 24 qui aurait pu nous être
favorable , fi rinftrument des partages eût été plus
folidement placé. Arûurus avoit pafTé le 23 au foir à
10 heures * j min. 28 fec. £ du Bouvier à 10 heures
41 min.
DE M.:DRjCQURTàMVAUX. 89
ijn min. y'fec. i; le bord. fuiront de/la Luhe-pbfïa le
24 au matin à ^ heures 12 min. o fec. 7, & le centre
cfu Soleil aie heure ia min. 57 feç.-|, iè> tout» compté
fur la montre marine, qui avançoit à >irridi *de ^imini
o fec. 1 1 tierces/, ainfr Je filijnéridieJï ^tie U'rnflrument
étoit de 4 min;» 57 fec, trop à l'occident, ce qui
n'étoit point etonnanf, puifque depuis le retour dô
Y Aurore on m'aVoit encore pu- faire: aucune! observation 9
pour le placer. exactement dans le pian *lu< méridien é
©h l'aurait bien placé {uvAr/lurus même , fi la> crainte
de manquer cette obfervation nous. eût permis de aoufr
aflurer exactement: de l'heure du p^fTagft de. l'Étoile;
Aurefte, mbyempant uh calcul: uh 'peu pihrsî long ^nou»
ferions eh état <ie tirer des concluais jabfolu ment '
précifes de -cette obfervation, fi efle ne nous fouroif-
foit pas elle-même une preuve de Tin fiabilité du fo|
fur lequel l^nftrument étoit appuyé;, h 'Variation, de 4i
bulle. d'air du niveau nous avoit déjà .convaincu* dfi
cette inftabilité. Nous fommes donc, pour le préfent.
obligés de prendre ailleurs la* Lorigitnde du Havre ; &
nous ne croyoos, pas^ouvou^cJioiÇr ^inç $ito,r^té «pju^
refpediable que. celle. <{e M/1 vÇaffinidans leur Méri-
dienne de Paris : nous fitppolërons donc avec eux que
hè Havre eûrdfe fl roJn/^tf.Teç.y.deitèmp'Sipbis.oçci'
déniai que ie: méridien 4e îl'ObfervatoiJte royal.
- Le .1 5 Mai , vers . 4 , heures £ j dii , fo ir ♦ . h oux av on a Dédînaifon
fait , tfveç Ja bouflote:, pjufieurs.rélçvemen&du centre do i't]Al\i\e
Soleil , , •. &.cojDpajçant fies, E€lh?Ân\m&\*?ec les. hauteurs au Havre*
. M
• »T ■ t
Sur
S8 Voyage
obfervations fur la latitude du Havre ; & piç< 55
milieu entre tous , nous croyons pouvoir K jT Sg
le bureau des Écrivains de la marine dû J^L'X t-»
>î SI? •
à fa partie la plus feptentrionale du b* ■£ 1 y-
latitude boréale de 49 deg. 29 min. ? - g ^ 3
ce lieu eft d'environ 170 toiffS-^- 7 fi 11 "\
l'églife de Notre-Dame , la iatiti'i J £ ;_), ^ H ;•
de 49 deg. 29 min. |pfec. /*J j? P ',' Ji '' l
Nous avions auffi réfolu i & % * m 9r » t
.! t! B |!
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fion du premier \f | ,
au phénomène £ #
efpérer quel' ;
d'obferver
Ainfi le
nous c1
que!
tèf .nais : Séjour en cette derniht
yille j S" fi dejcription:
» .i* i
^v
ous n'c/périons point partir fë lundi» 25 Mai:
le vent fixé les jours préttèdens au nord -eft,
nous étoit favorable pour fortir du port ; mais abfolu-
ment contraire pour faire route vers Calais : nous fumes
agréablement farpris, Jorfque le jour commençant à
/
/
«
DE M. D R> CO UH TA NVA UX. 9 Ç
^ ta paraître, M. Couradin nous fit annoncer que
, v-^ t fouffloit de la partie du fud-oueft; j'ordonnai
';'*•» 'émoiitâf fur ie champ i'Obfervatoirej qu'on
les inftrumens, & qu'on fe préparât fivféta»
/ *f -tindès ce matin même, àla-marébldef*»
fut bientôt prêt;, à 7 heures nous étions*
bord de VAurort. Nous appareillâmes
-, ' du baffin & du port; les vents
tés au nord- nord -oueft, moyen
' ites voiles dehors ; il fallut lou-
m
nous eûmes doublé le cap de
' "es midi nous doublâtes le.
om me le chef de Gaux ; Ja
le vent foufflànt grand
\ le roulis & le tangage
montres marines» ils
> les partager*, ;&
*n furent incom-
v^amp nous reftoit au,
w trois lieues :• nous fai fions route
vjuart de nord* - *■ ». . ^ i
-^e mardi 26, les vents Te rapprochèrent encore
plus de l'oued, augmentant encore en fraîcheur; à
4 heures du matin , nous relevâmes la pointe des
Perrées ou de Dungenefs, fur la côte d'Angleterre.;
elle nous reftoit au» nord, à la dlflance deitrois lieues.
A 5 heures un Vaifleau anglois s approcha de ndus, &
nous demanda û nous avions beforn d'un pilote pour-
Aï ij
#»•»
-i
%6 ••; : V a V A ge
d'un des bords que l'on prenoit à uae. dtitance con*
venable de la bouffole, nous avons trouvé que la
déçlinaifon de l'biguilie aimantée étoit de 19 deg,
15 min. du nord à l'ouefL
Je paffe fous iilence plusieurs autres opérations que
nous avons faites au Havre ,. & que nous avons répé-
tées dans toutes nos relâches,, pour nous affairer tant
de l'erreur du quart -de -cercle que de la valeur des
^évolutions & des parties de fon micromètre. Nous
donnerons toujours les hauteurfc évaluées & corrigées
de l'erreur de l'inûrument, c'eft-à-rdire, les hauteurs
véritablement apparentes. Dans tout notre travail,
c 'é toi ( ordinairement M. Meffier qui obfervoit, M.
Pingre comptait alla pendule & faifok tous les calculs
néceflaires , fans s'en rapporter aux calculs déjà faits
par d'autres; je.fuppléois dans le befoin au défaut de
Vim ou de l'autre t, & j avois l'œil à tout.
.1 1 :
CHAPITRE V L
Route du Havre à Calais ; Séjour* en cette dernière
ville* & fâ defeription. .
f . %.] ..t '-r«i;:i ...» k
Nous n'qfpérions point partir le lundis 25 Mai:
le vent fixé les jours précédens au nord-cft,
nous étoit favorable pour fortir du port; mais abfolu-
ment contraire pour faire ronte vers Calais : nous fumes
agréablement fwpris, lorfqUe le jour commençant à
DE M. D&COURTAKVAUX. $t
peine à paraître, M. Couradin nous fit annoncer que
le vent fouffioit de la partie du fud-oueft; j'ordonnai
qu'on démontât fur ie champ KObfewatoirej qu'on
embarquât les inftrumens, & qu'oç fe préparât fêrçeU*
fement à partir dès ce matin nfiênie, à ta: matébldef*
cendante: tout fut bientôt prêt;, à 7 heures nous étions
tous raflèmblés à bord de Y Aurore. Nous appareillâmes
à 7 heures £ hors du baffin & du port ; les vents
étoient alors remontés au nord -nord- ou eft, moyen
frais, belle mer, & toutes voiles dehors; il fallut lou-
voyer. En fix bordées nous eûmes doublé le cap de
fa Hève ; à une heure après midi nous doublages le.
cap d'Antifer» autrement nommé le chef de €aux; J»
mer devint enfuite houleufe: je vent foufflant grand
frais du nord-oueft quart d'où eft, le roulis & le tangage
ne fecouèrerrt pas feulement les montres marines , ils
fe firent auffi fentir à prefque tous les partager* , ;&
même à plufieurs de l'équipage qui en furent incom-
modés: à 5 heures du foir9 Fécamp nous reftpit au,
fud, à la diftance de trois lieues: nous fai fions route
au nord-eû quart de nord. - " . ■> \\
Le mardi 26 , les vents fe rapprochèrent encore
plus de l'oued, augmentant encore en fraîcheur; à
4 heures du matin , nous relevâmes la pointe des
Perrées ou de Dungenefs , fur la côte d'Angleterre.;
elle nous reftoit au» nord, à la diftance de! trois lieues,
A 5 heures un VaifTeau anglofs s approcha de nous, &
nous demanda û nous avions beforn d'un pilote pour
Mi]
9» /'. -o r.% K cr r aZ a. £ \k :> .\
£>ouvres; à 7 heures nous eûmes connoifTance du
cap Grif-nez, fur la côte de Picardie, & nous gou-
vernâmes: à, l'eft^ fous nos quatre; vûiles majeures,
jufqu'à ce que le cap fût doublé : à 10. heures le pilote
de Calais: vint à notre bord„ & nous entrâmes vers 1 1
heures du matin dans, ie port. M. Audibert Capitaine
du portf vint recevoir la Frégate, & tous les Yaiffeaur
quufe trouMokpt mouillé* dans le port:i arborèrent
leur pavillon..; - . ; ;
Obfervatîons - 1 Nous entrâmes dans Calais vers raidi* & nous fumes
loger à Thôtel d'Angleterre; c'eft une belle & grande
auberge, mais fo»; principal n^ériteà ûosyeùx, fut. que
nous trouvâmes Je moyen d'y établir uq • Qbfervatoire
àuffi folicLe <5c beaucoup plus commode qu'aucun de I
ceux que nous ayorls rencontré durant tout le cours *
de notre voyage; il itoit fi tué. dans ,une. vafte faile
e&ppfée au. midi., fife au rfez^dc- chauffée, pavée de
bonnes pierres f de Italie, riyar>f! dé vartt elle un grand
prdin; c'étoit dansi ce jardin i,iau .bas d'une fenêtre
voifine de; la; pendule- & de -l'inftr liment des paflages,
que l'on plaçoit le quart -de -cercle ou (les lunettes *
toutes les; fois Iqu't^ s'agiffart. de fairç quelque » obfer-
vation avec, tes inftrumens; il en faut feulement excepter
les «hauteurs Méridiennes du Soleil &. des Étoiles qui
ont été obfervées avec le quart- de -cercle, à la porte |
& Sur kufol morne, dè> la ftlle-c comme cette pièce
nbus fecvdit; en même - temps . diè\ falle. à manger,
j'avois faît jentébrer la pendule de cercles de: fer, qui
1 .
DE M.DB, COURTANVAUX. 9}
empêchoient d'en approcher & d'en déranger ie mou-:
vement : on a aufïi pris toutes les précautions nécef-
faires pour que i'affiuence de monde qui fe rendoit
dans cette falle, dans la vue de nous faire des vifites,
ne nuifit en .rien à la précifion de nos opérations. Au
contraire, quelques-uns de ces vifiteurs nous furent
très-utiles, en nous aidant dans nos obfervations , au*
delà de ce que nous aurions pu le defirer. Tels furent,
entr autres , M. de Fourcroix , Ingénieur en chef de
Calais, & Chevalier de l'ordre royal & militaire de
Saint-Louis., maintenant Correfpondant de l'Académie;
& M.' de Relingue, Ingénieur , & pareillementtChevalier
de Saint-Louis. Les inftrumens nécefiaires furent tranf-
portés à cet Obfervatoire le 27 Mai, lendemain de
notre débarquement à Calais.
Le vent avoit foufflé de l'oued tout le ±6; le ciel
«
avoit cependant été allez beau durant l'après-midi : à
1 o heures du foir , le baromètre étoit à la hauteur de
*
27 pouces 1 1 lignes £ , & le thermomètre marquoit
12 degrés.
Le mercredi 27, les vents furent variables de
l'oueft au n.ord-oueft, avec pluie par intervalles; nous
ne pûmes faire aucune obfervation: je commencerai le
détail de celles que nous fîmes les jours fuivans, par
celles qui concernent la latitude de Calais.
« * » * .
; X& 28 ,, fort beau temps, vpnt nord-nprd-oueft , hau- Latitude
teutf méridienne du bord fupérieur du Soleil , 60 deg.
M iij
de Calais.
9+ Voyage
47 min. 23 fec. \\ donc latitude de Calais , 50 deg.
57 min. 24 fec. nuages & pluie le foir.
Le 29 , couvert tout le jour; vent vers Toueft.
Le 30, vent du fud-oueft & couvert, ou pluie &
grêle le matin ; vent de fud & beau temps l'après-midi :
• hauteur, méridienne du bord fupérieur, 61 deg. 6 min.
1 fec. donc latitude, 50 deg. ^7 min. 18 fec.
Le même jour , hauteur méridienne d'Ardurus,
59 <feg- 27 min- l fec. 7* donc latitude de Calais,
50 deg. 57 min. 33 fec.
Le 3 1 Mai , le ciel , d'abord couvert , s'éclaircit
enfuite par un bon vent frais de fud-oueft; hauteur
méridienne du bord fupérieur du Soleil, 61 deg.
14 min. 45 fec. latitude de Calais, 50 deg. yj min.
24 fec. j.
Le même jour nous primes les hauteurs méridiennes
des Étoiles fui van tes: *. de la Vierge, 29 deg. 7 min*
20 fec. latitude , 57 deg. 57 min. 47 fec.
5 De la Vierge, 29 deg. 39 min. 26 fec. latitude,
50 deg. yj min. 34 fec.
fi Du Bouvier, 58 deg. 37 min. 23 fec. latitude,
jq deg. yj mjn. 48 fec.
Arâurus, 59 deg. 27 min. 15 fec. latitude, jo deg.
57 min. 19 fec.
Le i.er Juin , fort belle matinée par un vent de fud-
oueft; à 1 heure j du foir pluie, vers 3 heures éclairs,
tonnerre & grêle, puis ciel couvert, belle foirée;
hauteur méridienne du bord fupérieur du Soleil, 61 deg,
de M:db CovrTahvaux. 95
iz min. 37 foc. donc latitude de notre Obfcrvatoire ,
|o deg. yj min. 28 fec.
Hauteur méridienne de * ng, 29 deg. 7 min. 32 fec.
latitude, 50 deg. 57 min. 35 fec.
Hauteur méridienne de J iç , 39 deg. 39 min.
21 fec. latitude, 50 deg. 57 min. 39 fec.
Le 2 , beau le matin , ciel couvert enfuite, & pluie
continuelle l'après-midi; vent variable du fud-oueft
au nord-eft", par le nord-oueft.
Le 3, vent variable de fud au nord-oueft, ciel
prefque toujours couvert, & pluie continuelle après-
midi; hauteur méridienne du bord fupérieur, prife
entre les nuages 1 min. \ avant midi ; mais réduite à
l'heure de midi 61 deg. 38 min. 48 foc. 7; donc
latitude, jo deg. yj min. 1.8 fec. £<
Le 4, vent variable du nord-oued au fud, beau,
temps le matin , couvert & pluie le foir ; hauteur,
méridienne apparente du bord fupérieur , 61 dcg~
45 min. 48 fec. £; donc latitude, 50 deg. 57 min.
31 fec.f - -
Hauteur d'<t de np, 29 deg. 7 min. 31 fec. latitude,
}0 deg. yj min. 36 fec.
Hauteur d* Arâurus , 59, deg. 26 min. 53 fec. 7;
latitude» 50 deg. yj min. 41 fec.
Voilà donc quinze obfervations de la latitude de
Calais, qui paroiflent s'accorder fort bien enfembie;
prenant un milieu entre toutes, nous conclurons que
te lieu de notre Obfervatoire , à Calais, étoit par Ja
$6 . V ff r a g £
Jatitude boréale # de 50 ,deg. 57 min, 32 fec. A
comme cet Obfervatoire eft d'environ 40 à 50 toifes
plus méridional que la grande tour de l'hôtel-de-villef
nous croyons qu'on peut établir que Ja latitude de
cette tour eft de jo deg. 57 min. 3 y fec.
Longitude Quant à la longitude de cette viUe f nous ne pouvons
Calaîs. guère la déterminer autrement. que celle du Havre; ce
n'eft pas que nous n'ayons fait piufieurs obfervatîons
relatives à cet objet, mais nous n'avons pu jufqu'à
préfent nous procurer les obfervatîons correfpon-
dantes néceflaires. On établit ordinairement que Calais
eft de 1 min. 56 fec. plus occidental que l'Ob-
fervatoire royal ; fur une immerfion du premier Satel-
lite de Jupiter, obfervée le. 19 Novembre 1,68 1 . à
Calais à minuit 45 min. 38 fec. & à Paris à minuit
47 min. 48 fec. la différence des méridiens feroit de
z min. 10 fec. de temps : le 30 Mai nous nous, propo-
sons d'obferver une occultation de Mars par la Lune,
qui deypit être -vifible à Calais , félon nos calculs , &
qui d'ailleurs étoit annoncée dans les Ephémérides de
M. Zanotti; les nuages y mirent obilacle. Le même
jour nous vimes le bord précédent de la Lune au
méridien , i ofêc. | après te paflage du centre de Vénus;
nous n'avons point d'obfervation correfpondante à
celle-ci. Le 31 Mai, le même bord de la Lune a pafle
49 min. 41 fec. £ après Vénus ; mais npus croyons
avoir des. raifons pour nous défier de cette obfervation:
il avo/t fallu, toucher g l'inilrument entre les deux
paffages.
DE M. DE COU RTANVAUX. 97
partages. Le 30 Mai, à 9 heures 17 min. 17 fec.
temps de la pendule, ou à 9 heures 14 min. 47 fec.
du foir, le fécond Satellite nous parut fortir de l'ombre
de Jupiter; il ne nous eft point encore parvenu d'ob-
fervation correfpondante à celle-ci: 1 min. 43 fec.
après l'émerfion , le Satellite. avoit recouvré toute fa
lumière. Le i.cr Juin, autre émerfion du premier
Satellite, à 9 heures 54 min. 28 fec. temps de la
pendule, ou à 9 heures 51 min. 41 fec. temps vrai;
nous avons coté cette obfervation comme très -bonne:
nous nous fervions d'une lunette achromatique de 3
pieds, dont Tobjeélif étoit compofé de trois verres,
& que nous avions armée de fon plus fort équipage.
A TObfervatoire royal de .Paris, la même émerfion a
été obfervée par M. Maraldi à 9 heur. ^4 mini 29 fec.
temps vrai : M. Maraldi donne cette obfervation comme
bonne ; il fe fervoit à fon ordinaire d'une excellente
lunette de Campani de 15 pieds; ainfi la différence
des méridiens entre Calais & Paris ferait de 2 min.
48 fec. à moins que pour fauver la détermination
ordinaire, on ne prétendît attribuer 52 fec. à la diffé-
rence des effets des deux lunettes, ce qui n'eft point
du tout vraifemblable par rapport au premier Satellite.
Cependant Téclipfe de Soleil du i.cr Avril 1764
femble décider abfolument la queftion : fi Ton a réel-
lement vu 1 anneau fe former à Calais à 10 heures
36 min. 00 fec. & fe rompre à 10 heures 42 min.
S fec* comme le témoignage de M. le prince de Croï
. N
9& Voyage
& de detnr autres Obfervateurs intettigens ne nous
permet pas d'en douter r il fuit que te méridien de
Calais ef! de i mm. yp fec. plus occidental que cetor
de Paris: nous nous en tiendrons à cette détermi-
nation.
Dédîoaifon Huit relèvemens du centre du Soleif , pris le 5 Juin
raiguiHe au matin, & comparés avec l'heure vraie de chanue
à Calais /
obfervation t nous ont donné 1 p deg. $6 min. pour
la décfinaifbn de J'aigurfle du nord à Koueft.
Marche D£s fe mercredi 27 Mai, vers j heures du foir,.
de la montre ' y
marine, nous avions mis la pendule en mouvemerrt , .en tu*
fàifant marquer la même heure que la montre marine.
Un grand nombre de hauteurs correfpondantes, prrfes
iè lendemain 28, irons donnèrent le midi à midi*2 min.
10 fec. \ de la pendule ; 6 ou 7 mm. après , la montre
marine aVançoit de 22 fec. fur la pendule r ou de
2 min. 32 fec. j fur le temps vrai ,. ou enfin de f min.
46 fec. £ fur le temps moyen. Le 24. Mar, à midi au
Havre, elfe avançoit de 10 min. 38 fec. | fur le même
temps moyen ; & comme elle avançoit de 27 fec.
18 tierces j par jour , en. quatre jours écoulés , du 24
au 28 , elle auroit dû avancer de 1 min. 49 fec. £;
elfe devoit donc fe 28 avancer fur le temps moyen
de 12 min. 28 fec. £, mais elle n avançoit que de
5 min. 46 fec. ~; la différence 6 min. 41 fec. | fêroit
ta différence des méridiens entre Calais & le Havre, fi
la montre eût confervé fidèlement fa marclte. Mais
comme H y a apparence que cette différence des
DE M. DE CCURTASVAUX. 99
méridiens eft à très -peu-près de 6 min, 59 fec. nous
concluons, avec beaucoup d'apparence, qu'outre les
27 fec. j dont la montre devoit avancer chaque jour,
Jes mouvemens infolits qu'elle avoit éprouvés iur la
Manche auront occafionné dans fon mouvement une
accélération d'environ 17 fec. j. Le baromètre , à
7 heures ~ du matin , étoit à 27 pouces 10 lignes •£>;
à 1 heure £ du foir, à 27 pouces * i lignes j\ à 1©
heures £ du foir, à 28 pouces o lignes |. Le ther-
momètre f aux mêmes heures , étoit à 9 , 13 & 8
Le vendredi 29 , peu de minutes après midi 9 h
montre marine avançoit de 50 fec. j fur Ja pendule.
Le baromètre , aux mêmes heures que le 2 S , étok
à 27 pouces 1 1 lignes , 27 pouces 9 lignes £ , 27
pouces 7 lignes | : le thermomètre marqiioît 10 à
10 deg. j.
Comme la montre de M. Leroy paroiffoit avoir à
Calais le même mouvement à peu - près que nous lui
avions reconnu au Havre , & que d'ailleurs nous foup-
çonnions aJors que les 17 fec. £ d'accélération que
nous avions remarquées Ja veille dans cette montre
pouvoient être rejetées fur l'incertitude de k longi-
tude du Havre , plutôt que fur aucun dérangement
furvenu à la montre , je me crus obligé , pour fatisfaire
à ma mifiion, de rendre compte à l'Académie des
opérations que nous avions faites jufqu 'alors , & du
fuccès que nous en efpérions: je le fis par la Lettre
N i j
■
ioo Voyagé
ci - jointe , que j'écrivis à M. de Fouchy , Secrétaire
perpétuel.
Copie de la Lettre écrite à t Académie le 2jf Mai ip '67.
Lettre Je croîs, mon cher confrère, ne devoir pas laifTer ignorera
l'Académie. l'Académie, lefpérance que nous avons conçue de nos pendules.
Nous avons vérifié , au Havre , leur marche par des hauteurs
correfpondantes , à différentes reprifes ; nous les avons trouvé
confiantes dans leur marche. On ne peut rien ajouter à i'acftivité
de M. Pingre & de M. Meffier: on ne peut non plus donner
trop de louanges à M. Leroy, qui a quitté Paris pour nous
remettre (es pendules; il n'a pas laiffé que de faire des expé-
riences par lui-même, dont il rendra compte à l'Académie. Je
ne faurois trop me louer de fa modeftie & des moyens même
qu'il nous procure pour les mettre à toutes les épreuves que
nous délirions. Nous fommes fortis avec les pendules , que j'ai
placées, l'une à flribord, l'autre à bâbord dans la grande chambre
de la Frégate, place que je ne choifirois pas fi les pendules étoient
parfaitement connues, attendu le roulis qui s y fait fentir avec
excès, fur-tout dans un petit Bâtiment. Nous fommes ( dis- je)
fortis le 21 Mai avec un joli vent nord- nord -efl; nous avions
toutes nos voiles dehors; nous avons couru plufteurs bordées;
mais le vent ayant fraîchi & étant devenu plus contraire , nous
avons été contraints de revenir mouiller à la petite rade du Havre;
nous y avons pafTé la nuit jufqu'au lendemain 5 heures après
midi, que nous avons été obligés de rentrer dans le port. Nous
avons tranfporté les pendules à terre, ainfi que nos inft rumens;
nous les avons examinés, & nous n'avons pas reconnu de déran-
gement fenfible, quoique le roulis fut devenu très-confidérable.
Le 25 , nous avons appareillé pour faire route, & après quel-
ques bordées nous avons doublé le cap d'Antifêr; la mer étoit
DE M. DE COURTANVAUX. IOI
aflez belle; mais fur les 5 heures le vent a fraîchi, la raer eft
devenue patouilleufe : fur le minuit nous avons diminue de voiles,
6 par le travers des pérées la mer eft devenue fi forte , qu'au
dire des marins il n'y avoit qu'une tempête qui pût la rendre
plus confidcrable. Nous fommes arrivés dans le port de Calais
vers les 10 heures. II y avoit à craindre que le mouvement forcé
du Navire n'eût dérangé nos pendules; nous les avons portées à
terre , remis nos inftrumens en place , & le 28 nous avons pris
des hauteurs ; nous avons jugé , M." Pingre , Mefiie* & moi,
qu'elles alloient bien, & qu'elles ne s'étoient pas beaucoup déran-
gées; mais nous avons trouvé que la longitude du Havre nctoit
pas bien déterminée, ainfi que M." Pingre & le Monnier l'avoient
penfé anciennement. Les mauvais temps ne nous ont pas permis
de voir une éclipfe de Satellites. Nous comptons faire route dans
cinq ou fix jours pour Dunkerque, dont la pofition eft connue,
ainfi que celle de la Hollande. Je me ferai un grand plaifir de
vous communiquer ce qu'il y aura de neuf à ce fujeu Vous cou-
noiflez les fentimens avec lefquels j'ai l'honneur d'être , &e.
Le famedi 30 > nous eûmes midi vrai à midi 2 min*
27 fec. jL de la pendule ; le vent nous gênoit beau-
coup, lorfque nous prenions les hauteurs defquelles
nous avons conclu ce midi. II fuit que la pendule en
deux jours a avancé- de 1 fec. 1 tierce fur le temps
moyen." 6 min. i après midi la montre marine avançoit
de 1 min. 1 5 fec. £ fur la pendule; donc en deux jours
elle aura avancé de 54 fec. ■» fur le temps moyen. A
7 heures £ du matin , & à midi \, le baromètre étoit
à 27 pouces 6 lignes |, & le thermomètre à 1 1 deg.
à 10 heures du foir; baromètre,. 27 pouces 8 lignes;
jhermomètre, 9 deg. f.
N ul
%oz Voyage
Le Dimanche 3 1 , midi vrai à midi 2 min. 3 5 (ec. -p
<îe la pendule; donc en vingt-quatre heures die auroit
retardé de y de fec. fur le temps moyen: 8 min. {
après midi la montre marine avançoit de 1 mîn. 44 fec.
fur la pendule ; fon avancement fur le temps moyen
auroit donc été de 28 fec. -^ en vingt-quatre heures:
fi Ton doute de l'exaéiitude du midi pris Je 30, à
caufe du vent qui agi toit le fil à plomb, il faudra dire
que depuis le 28 jufqu'au 3 1 la montre marine aura
avancé de 1 min. 23 fec.±9 ou de 27 fec. — par jour,
A 7 heures du matin , à midi \ & à 10" heures du foir,
baromètre, 27 pouces 8 lignes, 27 pouces 8 lignes j
& 27 pouces 9 lignes y ; thermomètre aux mêmes
heures, 10, 13^9 deg. \. Ce même jour, nous nous
aperçûmes que le réfervoir du baromètre étoit fêlé;
mais nous ne vîmes aucun indice qu'il fe fût échappé
quelques parties du mercure qui y étoit contenu.
Le lundi i.cr Juin, nous avions pris le matin des
hauteurs ; le mauvais temps nous empêcha d'en prendre
les correfpondantes le foir : mais en comparant des
hauteurs correfpondantes prifes le 31 Mai au foir, &
le 2 Juin au matin , nous en concluons le midi vrai du
i.cr Juin à midi. 2 min. 43 fec. ~ de la pendule,
laquelle auroit en conféquence avancé de £ de fec. for
le temps moyen en vingt -quatre heures. A midi 17
min. la montre marine avançoit de 2 min. 12 fec. j
fur la pendule; ainfi en un peu plus de vingt -quatre
heures elle auroit avancé de 28 fec. ~ fur le temps
de M. de Court anvaux. ioj
moyen. Mais cette méthode de déduire le midi d'ob-
fervations ch fiantes de quarante-deux heures entre elles,
fuppofe dans la pendule un parfait ifochronifme , qui
n'y eft peut-être pas. Baromètre, à 7 heures du matin
6 à midi £, 27 pouces 10 lignes J-; thermomètre >
11 deg. £<5c i+deg.f
Le mardi 2 , aulïitôt après midi ,. la montre marine
avançoit de 2 min. 4.0 fec. j fur la pendule. Baromètre ,
à 7 heures da matin , à midi £ & à 1 o heures 7 du foir ,
2/7 pouces 10 lignes y, 27 pouces 10 lignes, 27 pouces
7 lignes ; thermomètre , to , 13 deg. 7,10 deg. £.
Le mercredi 3 , à midi £, la montre marine avançoit
de 3 min. 8 fec. 7 fur la pendole. A 7 heures | du
matin, à midi £ & à 10 heures £ du foir, baromètre,
27 pouces 6 lignes £ , 27 pouces ^ lignes j, 27 pouces
•7 lignes j; thermomètre, 11,13 deg. £, 7 deg.
Le jeudi 4. , midi à midi 3 min. 1 1 fec. ~ de fa
pendule, laquelle avoit par conféquent retardé de près,
de i fec. fur le temps moyen depuis le i.*r du mois,
ou bien depuis le 28 Mai elle auroit avancé de * de fec.
A midi £ la montre marine avançoit de 3 min. 36 fec.
fur la pendule; donc en trois jours âc treize min. elle
a avancé de 1 min. 23 fec. fur le temps moyen , & par
conféquent de 27 fec. i par jour; ou en comparant le
28 Mai au 4, Juin, en fept /ours, vingt- trois min. la
montre marine aura avancé de 3: min. 14. fec. ce qui,
à une tierce près , donne pareillement pour avancement
journalier, 27 fec* j% li paroît donc que le mouvement
104. Voyage
de la montre marine étoit un peu plus précipité à
qu'au Havre; mais la différence n 'étoit que d'un tiers
de féconde par jour. Le même jour 4 Juin, à 6 heures y
du matin , à midi \ ôl à 1 1 heures du foir, baromètre,
27 pouces 10 lignes £, 27 pouces 11 lignes \ Se
28 pouces o ligne^; thermomètre, 7 deg. i, 1 2 deg. y
-&9tdeg.f
Le vendredi 5 , à 6 heures du matin & à midi £,
baromètre, 28 pouces o ligne |; thermomètre, 8 &
1 2 deg. En voulant ferrer le baromètre , nous nous
aperçûmes que le mercure s'échappoit par la fêlure que
nous y avions remarquée le 3 1 Mai. M. de Fourcroix
voulut bien nous en prêter un autre , fait par Cappy à
Paris , également portatif, & dans lequel le mercure fe
foutenoit toujours 2 lignes plus haut que dans celui
dont nous nous étions fervis jufqu 'alors, ainfi que nous
nous en étions affairés par plufieurs comparaifons faites
à Calais les jours précédens. Ce baromètre, le ^ Juin,
à 10 heures ~ du foir, étoit à la hauteur de 28 pouces
3 lignes. Il plut ce jour-là prefque continuellement.
Régiment Nous étions arrivés à Calais le 26 Mai vers midi .
à Calais; comme je l'ai dit ci-defTus. Le régiment Royal,
"nous Tait°n infanterie, dont j'étois Colonel durant la guerre de
«1 cette viifc, ]}avjère , étoit alors en garnifon dans cette ville; je ne
puis qu'être extrêmement fenfible à l'accueil gracieux
que j'ai reçu de ce régiment : les Officiers vinrent me
recevoir fur le port ; ils ne me quittoient prefque que
quand leur devoir les appeloit ailleurs; ils me forcèrent
a
DE M. DE COURTAHVAUX. 105
à accepter de jour & de nuit une fentinelle devant ma
porte; ils voulurent me traiter, avec toute ma çom*
pagnie, dès le lendemain de mon arrivée; ils mirent
un Grenadier en faétion fur la Frégate; ils embraftbient
à l'envi tous les moyens que leur imagination pou voit
teur fuggérer , pour nous rendre le féjour de Calais
doux & gracieux: M. le marquis du Tillet, qui pou*
lors étoit Colonel de ce Régiment, ne fe contentoit
pas d'approuver. & de féconder la bonne volonté des
autres Officiers, il s'efforçoit même d'enchérir fur eux
par les politefles dont il nous combloit. Je ne devois
pas , je penfe , à ces Meffieurs , moins que ce témoignage
public de ma recoranoiflance. Leur exemple fut-imité
par M. le Lieutenant général de l'Amirauté, par le
corps des Ingénieurs, par l'Etat -major de la Place,
en un mot par tout ce qu'il y avoit de plus diftingué
dans la ville. Nous vîmes auffi durant notre féjour à
Calais, des Seigneurs & des Dames de la première
diflindion, qui alloient en Angleterre ou qui en re-
venoient. Madame la comtefTe de Chabot, accom-
pagnée d'une de fes parentes , arriva de Paris à CaJais
Je 3 Juin ; eHe honora Le même jour notre Frégate de
fa vifite, & repartit le 4 pour Douvres. Comme nous
avions terminé les. opérations que nous nouis propo-
sons de faire à Calais, je propofai à Madame la Com^
teflfe de la conduire à Douvres fuc Y Aurore, pour tâcher
de lui diminuer la fatigue que caufe ordinairement un
Bâtiment court & rond,, tels que ks paquebots , aux
; O
io6 Voyage
perfonnes qui ne font pas accoutumées à la mer ; mon
offre ne fut point acceptée. Le même jour 4 Juin,
M. le marquis de Conflans, fils de M. le marquis
(maintenant M. le maréchal) d'Àrmentières f & M.
le marquis du Châtelet-Lomont, aujourd'hui Am-
baffadeur à Londres , arrivèrent d'Angleterre pour
retourner à Paris.
Marée Les inftans que nous pouvions dérober à nos ob-
le 2 Janvier fervations aftronomiqires ôc horologiographiques n'é-
l767* toient pas toujours des inftans perdus; quelques-uns
furent employés à vifiter la citadelle „ le fort Nieulet,
& autres lieux dignes de remarque ; & nous faifions ,
comme de raifon , nos réflexions fur ce qui nous pa-
roi (Toit les mériter. Les jetées de Calais étoienr dans
un affez mîférable état, rompues en différens endroits,
dégradées prefque dans leur totalité : l'ardeur que Ton
témoignoit à les réparer, ne nous permettoit pas d'at-
tribuer cette dégradation à la négligence. M. de Four-
croix ne nous laiffa pas long-temps ignorer que c'étoit
l'effet d'une marée violente & extraordinaire que Ton
avoit éprouvée le 2 Janvier précédent. C'étoit , il eft
vrai , le troifième jour de la Lune , & le jour même du
périgée de cet aftre : mais les grandes marées n'arrivent
pas ordinairement au (fi près des folftices. M. de
Fourcroix, quis'eft fort appliqué à étudier cette matière,
* m'a dit qu'à Calais , les vents du nord contribuent
beaucoup à la crue des eaux, & c'étoit le vent du
nord qui fouffloit avec violence le 2 de Janvier de
cette même année 1767.
DE M. DE COURTANVAUX. T07
Nous avons vu plufieurs fois à Calais M. Rigaud, Défilement
envoyé par le Miniftre en cette ville, pour s'occuper de la merf
de plufieurs objets relatifs à la Navigation & aux m. &gaud,
befoins de la place. Je vis dans la citadelle un alambic
dont M. Rigaud & M. de Fourcroix fe fervoient pour
deflaler l'eau de la mer, j'en donne ici la figure avec
l'explication; les expériences ont été multipliées à
Calais, appuyées fur les principes de M. Poiffonnrer,
elles ont parfaitement réufll : on nous a afïiiré que
l'eau de la mer devenoit auffi douce & auffi potable
que le pourroit être celle d'une fontaine. Perfonne
n'ignore les découvertes de M. Poiffonnier, Dodeur
en médecine, de l'Académie royale des Sciences',
fur le defTalement de l'eau de la mer, & le fuccès
dont fes tentatives ont été couronnées. Il faut avoir
entrepris des voyages de long cours, pour connoître
toute l'étendue du fervice que cet Académicien a
rendu à la Marine ; ce fecret peut même être quelquefois
d'une très-grande utilité fur terre, il eft fur-tout bien
précieux pour Calais , où Ton ne peut boire que de
l'eau de citerne, & où cette eau venant à manquer
dans les circoniiances d'un fîége, la garnifon feroit
obligée de fe rendre, nonobftantla plus grande abon-
dance de toutes provisions de guerre & de bouche.
O
io$ v v y a & *
Explication du deffin dune Cucurbite à dijliller Veau de la mer,
mife en expérience , à Calais , en lytfSir 1767.
A. Le corps de la chaudière»
Cette chaudière eft compofée de feuilles de cuivre rouge
étamées par l'intérieur, & aflemblées avec des clous de cuivre
rouge rivés: elle a de fortes foudures d'étain .par le dedans,
fur tous les joints expofés immédiatement à l'aétion du feu, &
J>ar le dehors fur les joints que la flamme ne peut atteindre;
elle eft de 1 5 pieds de longueur, 4 de large & 2 de hauteur
à fes flancs ; platç fur fon fond , mais bombée de 3 à 4 pouces
fur fa largeur par le couvercle dont le bombage *ft fou tenu
par quatre arcs de fer.
* Elle eft .pofée en pente de 2 pouces , du devant a au der-
rière b9 fur neuf fortes traverfes de fer de 2 pouces en carré;
fes flancs & bouts font revêtus de maçonnerie de briques dM
jufqu'à 2 pouces près du couvercle, pour la confervation de la
chaleur du fourneau.
Cette chaudière, qui pèfe environ 1700 livres étant vide,
contient 3750 pintes d'eau de mer; en forte \que ceft un
fardeau de plus'de 9 milHers, qui exige beaucoup de folidité.
B , Le fourneau.
Le fourntau eft enfoncé de prefque toufe fa hauteur dans le
terrein, 'pour la commodité des htanœuvres & l'économie de fa
maçonnerie ; il eft compofé d'une galerie Cê Se du foyer Ù;
la paierie dis 4 pieds de large , 1 2 de longueur fous la chaudière,
& 5 de hauteur, fert de cendrier; le foyer eft formé par cinq
fortes traverfes de fer, entaillées par le deffus en efpèce de
râteau, fur lesquelles font couchés en long fuffifamment des
barreaux volans , d'un pouce en carré , & pofés fur leur diagonale ,
qui fupportent le feu: les cinq traverfes qui fupportent les
\
- DE M. DE COURTANVAUX. <!09
barreaux font rendues tntfbifes , au moyen d'efpcces de créneaux
pratiques datfs la roaçonnteïte; on peut, avec des briques,,
caler les travef fes plus haut ou plus bas , pour rapprocher ou
éloigner ile foyer du fond de ht chaudière.
L'entrée D du foyer fe ferme avec une porte ou boucI>oif
de tôle, pour donner au feu ion tirage par le deïïbus «de la
grille.
Le grlllagfe n'ayant que 12 pieds de longueur, le foyer fe
prolongeoit en maçonnerie foits le refte de la chaudière , & de-là
jufqu^au dehors du bâtiment par un arc de voûte depuis le
derrière B de la chaudière , jufqu a la cheminée.
Il fe trouve placé dans cette cheminée une fou pape ou bafcule
très - utile , pour amortir fubitement le feu lorfque l'on veut
recharger la chaudière; mais comme alors toute la fumée du
fourneau fort par les ouvertures C & D , il auroit fallu ,
pour une exploitation fuivie , conflruire une autre cheminée à
large botte fur cetre entrée du fourneau , pour y recevoir &
difiiper cette fumée.
<E, Deux têtes de mort ou chapiteaux Amples, fans rebord*ou
gouttière , qui ferment les deux principales ouvertures du
couvercle de la chaudière , & dont les tuyaux fe réunifient en
un feul F, à l'origine du ferpentin G.
Comme la mal-adrefle des ouvriers pouvoit faire prévoir les
fréquentes réparations qu'il y auroit à faire dans la chaudière,
on avoit jugé ces deux ouvertures indifpenfables , ainfi que de
ïeur donner 18 polices de diamètre; mais l'on auroit pu txv
recouvrir une par unfimpfe couverde bien emboîté '& bien luté,
& une feule ifliie auroit fuffi pour les vapeurs..
H, Le réfrigèrent de maçonnerie, doublé de plomb, dans
lequel étoit couché le ferpentin G, bien foudé avec le plomb
du réfrigèrent à Ton entrée jF*& à fa fortie Z, où Te trouvoit-uri
O ii/
/
110 V 0 Y A G £
- cuvicr R, jaugé & gradué fur fa hauteur pour recevoir -&
raefurer les produits de la machine en temps donné.
L , Gouttière qui apportait un courant d'eau de mer dan» le
réfrigèrent & dans la chaudière , pour la charger par l'ouverture
à bondon K.
En M, au bout le plus bas die l'un des flancs de la chaudière,
étoient quatre différens robinets , dont un gros en bas pour la
vider totalement* & trois petits à différentes hauteurs ., l'un pour
ne la charger d'eau qu'en fuffifante quantité, les autres pour
connoître fa diminution & le moment de la recharger fans danger
de lai/Ter brûler le fond.
M. Rigaud nous a communiqué les otfervations
fui van tes, fur fa manière de deiïaler l'eau de la mer,
& fur les épreuves en grand qui ont été faites dans la
citadelle. On y emploie à cet effet une cucurbite de
*ttfr/bKfe cuivre étamé, de 1 5 pieds de long * fur 4 de large,,
êc 2 de hauteur , contenant jufqu'à 20 pouces de
fa hauteur, 12 muids & demi d'eau, dont 530 pintes
s'évaporent par heure, le tout meiiire de Paris; le
ferpentin de cet alambic éft au/fi de cuivre étamé (a).
On a remarqué que les premières eaux douces
produites par cette machine à chaque* reprife de la
diftillation , ont une odeur forte & défagréable qu'on
feroit tenté de prendre pour une odeur métallique.
M* Rigaud nous a dit que la même odeur accompa-
gnoit pareillement toutes les premières eaux de chaque
diftillation faite par l'alambic des Navires , dont les
(a) Je penferois > pour plufieurs raifons , qu'il 4evreh être d'âain.
DE M. DE COURTAtfVAUX. ni
x
Serpentins font même du plus fin étain d'Angleterre..
On a de plus obfervé à Calais, que ces premières*
eaux charient toujours une pouffière grife & brillante r
qui leur donne un air laiteux, avec des nuances de
couleur d'iris. Lorfque la diflillation a duré quinze à
vingt minutes, ou lorfqu'elle eft dans toute fa force r
l'eau devient claire & nette, fans aucune pouffière,.
fans aucune odeur ; fi on laiflfe refroidir <Sc repofer la
première eau, îa pouffière qu'elle a chariée fe précipite
au fond du vafe. En fàifant démonter les têtes de mort
de la cucurbite, & pafler de l'eau bien nette dans le
ferpentin, on a vu qu'il s'y étoit amaffé beaucoup
de cette pouffière que Ton a retirée; & foit par les
fédimens, foit par les filtres, on en a rafTemblé une
affez grande quantité pour la foumettre à plufieurs
expériences; mais toutes les tentatives faites jufqu a
préfent pour connoître la nature de cette pouffière
ont été inutiles : comme on foupçonnoit d abord que
c 'étoit une érofion ou limaille métallique enlevée par
la violence du courant de ia vapeur, on en a trituré
très long-temps, mais en vain , avec le mercure. Il ne
paroît pas non plus que cette pouffière puiffe être une
chaux, du moins c'efl bien vainement qu'on a tenté
plufieurs fois de Ja revivifier avec le fuif , j'huile
d'olive, le charbon pilé, &c : les acides la diflfolvent
fort aifément. En voulant rafTembler de cette pouffière^
M. Rigaud mit une grofTe flanelle fous l'orifice du
ferpentin; l'eau qui fortoit étoit bouillante^ elle teignit
lia Voyage
la flanelle en forte couleur brune de Capucin : en
foi Tant bouillir de la même flanelle dans de l'eau de
'citerne, cette flanelle bruniffoit auffi. Les flanelles
neuves contiennent beaucoup de matière crétacée,
mais celle qui faifoit le fujet de ces expériences avoit
été bien lavée dans un acide édulcoré & bien rincé,
avant que d'être expofée fous l'orifice du ferpentin;
fi la pouflière qui teint ces premières eaux étoit une
pouflière métallique, & fi la teinture de la flanelle
étoit pareillement due à des parties métalliques, les
eaux de la mer diftiliées dans des vafes étamés,
paroîtroient exiger de nouveaux examens quant à leur
falubrité.
Dcfcrîption Calais n'étoit encore qu'un village, au commen-
ces, cernent du treizième fiècle; ce ne fut qu'en 1222,
ou félon d'autres, en 1228, que Philippe de France,
fils de Philippe Augufte & comte de Boulogne le fit
entourer de murs : les fuccefleurs de Philippe s'appli-
quèrent tellement à agrandir & à fortifier Calais,
qu'en peu d'années elle devint une ville confidérablc
& extrêmement forte. Edouard III, roi d'Angleterre,
ayant gagné le 26 Août 13^6, la bataille de Créci
fur Philippe de Valois , mit auflitôt le fiége devant
Calais; mais défefpérant de prendre la ville par force,
il réfolut de la réduire par famine; il fit tirer autour
de la place quatre lignes de circonvallation régulière-
ment fortifiées, tandis que fa flotte, compofée {clon
les Anglois , de fept cents voiles , tenoit la ville
bloqua
DE M. DE COURTANVAUX. 1 13
bloquée du côté de la mer. Le Gouverneur, Jean
de Vienne fut inutilement fommé de fe rendre, il
défendit la ville jufqu'à fa dernière extrémité; elle
avoit été invertie vers le 29 Août 1546, elle ne fut
rendue que le 3 Août de Tannée fui vante. Edouard, irrité
d'une fi longue réfiftance, confentit bien à laitier, par
la capitulation, la vie fauve aux affiégés, mais ce ne
fut qu'à condition que fix des plus confidérables
d'entre eux pâyeroient de leur tête l'opiniâtreté de la
défenfe, & il leur lai (Ta la liberté du choix des fix
viâimes qui dévoient être immolées à fa fureur. II
n'eût pas été pofîibie, fans doute, de s'accorder fur
un choix aufli inhumain, fi le célèbre Euflache de
Saint-Pierre n'eût donné à Jean d'Aire, Jacques &
Pierre de Wiflam frères , & à deux autres de fes con-
citoyens , le glorieux exemple de fe dévouer pour le
falut de leur patrie : l'offre ne fut acceptée qu'avec
peine; les fix viétimes fe rendirent têtes & pieds nus,
en chemife & la corde au cou au camp d'Edouard*
Ce prince alloit les facrifier à fa cruauté barbare, fi la
Reine fon époufe, frappée d'un fpeélacle fi touchant,
n'eût obtenu par fes larmes , encore plus que par
fes prières, la grâce de ces fix héros véritablement
magnanimes. Les Anglois fe vantèrent d'avoir en leurs
mains les clefs de la France ; ils relièrent maîtres de
cette importante place jufqu'en 1558, que le duc de
Guife la fit rentrer fous l'obéiflance de la France : il
l'afiiégea le i.er Janvier, emporta la citadelle d'affaut,
• P
ii4 Voyage
& força le Gouverneur de capituler dès le 8 du même
mois. Par le traité de Cateau-Cambrefis, conclu l'an-
née fuivante , il fut ftipuié que Calais refteroit durant
huit ans au pouvoir de la France > & que ledit terme
expiré, le roi de France ou reftîtueroit la ville, ou
payeroit une fomme de i million 500 mille livres à la
reine Élifabeth, les parties contractantes reftant toujours ,
durant cet intervalle, fidèlement alliées, fans prêter
aucun fecours à leurs ennemis réciproques. Il eft affez
fmgulier que plufieurs auteurs Ânglois aient accufé
la France d'infidélité dans les traités , parce qu'elle n a
point reftitué Calais dans le terme convenu, comme
fi les chroniques angloifes même ne fàifoient pas foi
qu'Eiifabeth avoit contrevenu la première au traité de
Cateau - Cambrefis , en fourniffant des fecours aux
Religionnaires François révoltés, en achetant d'eux la
ville du Havre , & en défendant feule cette ville contre
Charles IX r qui l'affiégeoit en 1563 , après la pre-
mière paix de Religion. En 1596, l'Archiduc Albert
prit Calais pour TEfpagne, après quinze jours de tran-
chée ouverte : la capitulation portait que les habitant
de la ville auraient la liberté d'y demeurer , avec la
jouiflance de tout ce qu'ils poffédoient auparavant.
Deux familles feules, confentirent à vivre fous une
domination étrangère; oa a remarqué que de ceux
qui font iffus de ces deux familles , aucun n;'a encore
été admis à exercer dans Calais le moindre office de
Magiflrature. La ville fut rendue à la France par le
]
DE M. DE COUkTANVAUX. IIJ
traité de Vervins, en 1598. Les Anglois étant, vers
la fin du dernier fïècle , en humeur de bombarder
toutes nos places maritimes , ils bombardèrent Calais
fc 13 Avril 1696, mais prefque fans aucun fuccès.
' La ville de Calais, y compris la citadelle, forme
une efpèce de carré long, qui s'étend de Teft à l'oueft;,
le port eft au nord; la citadelle, Ctuée à i'oueft, eft
féparée de la ville par fon fofle , une demi -lune , &
fon chemin couvert ; le tout peut avoir 600 toifes de
i'eft à I'oueft, & 250 toifes du nord au ftid : la vilfc
feule , fans la citadelle, n'a pas plus de tzoo toifes
de circonférence : elle a deux enceintes ; l'ancienne
enceinte % dont nous venons de donner les propor-
tions, eft intérieure; ce n'eft qu'un mur carre long,
défendu en dedans par fon rempart, en dehors par un
bon foffé, revêtu & efpacé d'un grand nombre de
tours , dont la plupart fubfiftent encore : la nouvelle
enceinte , ou l'enceinte extérieure ar été élevée fous le
règne de Louis XIII & le miniftère du Cardinal de
Richelieu : elle eft compofée de huit baftions inégaux
Se inégalement diftribués; trois font du côté du nord,
ôl ne font défendus que par le port & le fort du
Rjfban , qui eft à l'entrée ; les deux qui font au fud ,
vers l'intérieur des terres, ont pour défenfes de bons
fofTés bien revêtus , deux demi - lunes , un chemin
couvert „& un fécond foffé au-delà du glacis: enfin,
la tête ou l'attaque de Gravelities, c'eft ainfi qu'on appelle
la partie orientale de la ville , eft défendue par trois
pi]
n6 Voyage
battions , avec un bon cavalier qui couvre toute la
largeur de la ville, par des fofles, par deux demi-lunes,
par des contregardes & par deux chemins couverts
avec leurs glacis. C'eft fur ce cavalier que je viens de
nommer, qu'étoit placée , il y a quelques années , la
fàmeufe coulevrine de Nanci, avec laquelle on lan-
çoit, a-t-on dit, un boulet du poids de i j à 18 livres
jufqu'à une lieue en mer : on a jugé ce meuble plus
curieux que véritablement utile; on l'a fondu il y a peu
d'années. A l'oueft de la ville eft, comme je l'ai dit»
la citadelle; elle commande la ville à l'efl , le port au
nord-eft , la mer au nord , la campagne à l'oueft & au
fiid ; elle eft abfolument irrégulière , fa forme eft celle
d'un carré long , dont la plus grande longueur eft du
fud au nord ; ce n'étoit d'abord qu'un ouvrage avancé
pour la défenfc de la ville , cet ouvrage fut converti
en citadelle, peu de temps après la prife de Calais par
Je duc de Guife : on donne à la citadelle 870 toifes de
circonférence , on y peut diftinguer deux enceintes
comme dans la ville ; la nouvelle eft un ouvrage du
chevalier de Ville: la citadelle, à l'eft, eft fortifiée de
deux baftions, d'une demi-lune, & d'un chemin cou-
vert qui fe termine dans la ville; c'eft par cette demi-
June , & par la courtine , vis-à-vis de laquelle elle eft
fituée , que l'on peut entrer de la ville dans la cita-
delle : la partie du nord eft défendue par un bon cava-
lier , une efpèce de demi -baft ion , un fofle large dt
profond, & un chemin couvert; la mer eft au- delà 1
DE M. DE COURTANVAUX. 1 17
la défenfe au nord-oueft eft formée par deux tours,
entre iefquelles il y a une efpèce de baftion détaché,
élevé fur les ruines du palais où les rois d'Angleterre
fàifoient leur réfidence:. toute la partie de J'oueft eft
couverte par un marais toujours plein d'eau , au
moins dans le temps de la haute mer; cette partie
fe termine à un baftion, où la partie du fud com-
mençant, va rejoindre la partie de l'eft à un des
deux baftions qui, comme nous l'avons dit, fervent
de défenfe à cette dernière ; cette partie du fud ,
outre fa vieille enceinte 6c les deux baftions dont nous
venons de parler, eft foutenue par le nouveau rempart,
fon foffé, une demi-lune, un chemin couvert & un
glacis. Outre ces fortifications, Si quelques autres
que j'omets, la ville eft entourée de plufieurs canaux
remplis d'eau ainfi que les fofles de la ville, & com-
municansà la mer; on affaire qu'en ouvrant feulement
deux éclufes , l'une conftruite à Calais même en
^70 1 , & l'autre fife au fort Nieulai , en moins de vingt-
quatre heures , ou dans le temps de deux marées con-
fécutives, tout le pays fera fous l'eau jufqu'à Saint-
Ômer , c'eft-à-dire , jufqu'à huit lieues de Calais.
Outre la porte de communication que nous avons
mentionnée entre la ville & la citadelle, il y en a une
féconde à la partie méridionale de la citadelle, qu'on
appelé {à porte du Secours, ou la porte de Boulogne, elle
eft d'une affez belle archite&ure : en dedans de la
citadelle & au milieu d'elle, larfenal doit fur- tout.
P iij
Il8 V Q Y A G E
fixer l'attention des curieux ; c'eft un des plus
beaux qui foit en France, c'eft une grande cour
entourée de bâtimens , entre lefquels on remarque fur-
tout deux belles falles remplies d'artillerie & d'armes
de toute efpèce très-bien entretenues ; il y a de quoi
armer 12 mille hommes. Dans une troifième faite,
on voit toute forte d'eipèce de machines propres à
l'attaque & à la défenfe des places; une des ailes de ce
vafte bâtiment renferme des greniers & des fours pour
conferver & préparer toutes fortes de munitions de
bouche néceftaires dans un fiége : dans le milieu de la
cour, eft une grande & vafte citerne, précaution bien
néceffaire pour une ville fkuée comme Calais. J'ai
au/fi admiré les fouterrains de la citadelle, ils m'ont
paru beaux , grands & bien folides.
Le fort Nieulai eft à une bonne demi-lieue à l'oueft
de la citadelle ; c'eft un carré plus long de l'eft à l'oueft
que du nord au fud, fortifié de quatre baftions, de
foftés, demi-lunes, lunettes, chemin couvert & glacis,
excepté du côté du fud où le fort eft fuffifamment
défendu par un marais Se par une redoute qui domine
fur ce marais; du côté de l'oueft, il y a de plus un
ouvrage à corne. Toutes ces fortifications ont été
conftruites fous Louis XIV, pour défendre l'éditât
dont nous avons -parlé ci-deffus; les deux portes de ce
fort, fituées l'une à l'eft, l'autre à l'oueft, font fort
belles & bien ornées : l'arfenal , les magafins, les
fputerrains font bien pratiqués & bien entretenus, II
DE M. DE COURTANVAUX. Iiû
*
règne , du fort Nieulai à la citadelle , un bon mur de
communication défendu par un foffé du côté de la
campagne, & fortifié vers fon milieu par un fort ou
une redoute que l'on nomme le fort des Crabes, Il y a
de plus quatre ou cinq autres forts deftinés à défendre
les approches & l'entrée du port : quelques-unes de
ces fortifications font maintenant prefque enterrées
dans le fable.
On peut diftinguer Calais en trois parties; la ville
proprement dite, le Courgain & la baffe ville , ou le
faubourg Saint Pierre; la ville eft affez bien percée,
les rues y font droites, elles font pavées, mais affez
mat; les maifons y font prefque toutes conftruites en
brique, elles n'ont pour la plupart qu'un étage, outre
le rez de chauffée & la cave , qui pour l'ordinaire eft
habitée. Courgain eft au nord-eft de la ville , hors de
la vieille enceinte, en dedans d'une efpèce de grand
baftion : cette partie n'eft habitée que par des
■ »
matelots & des pêcheurs ; la plupart de ces pêcheurs
ne s'occupent que fur le bord de la mer, ils y pèchent
de^ petits poiffons & les vendent à d'autres pêcheurs
qui s'en fervent en pleine mer, comme d'appât, pour
amorcer des poiffons plus gros & de meilleur débit.
On conçoit qu'un tel commerce doit être bien peu
lucratif; & c'eft de-Ià, à ce qu'on nous a affwré, que
cette partie de la ville a été appelée Courgain , ou
Court-gain; le faubourg eft au fud de la ville, en dehors
de toutes les fortifications: il contient, dit-on, plus
de 400 familles.. ~
\
\
120 Voyage
II n'y a que deux portes à Calais, Tune au nord #
conduit fur le port; I autre au fud , communique à tout
l'intérieur du royaume : Tune & l'autre eft fort (impie»
c'eft de la pure maçonnerie, fans aucune architecture.
Vers le nord de la ville eft la place d'armes; elle eft
grande & belle, elle eft bornée au fud, en partie par
rhôtel-de-ville , qui n a de remarquable que fa tour,
du haut de laquelle on peut découvrir au loin, tant
fur terre que fur mer. II y a dans cette tour une
horloge dont le carillon n'a rien de merveilleux; avant
que l'horloge fonne, deux figures équeftres qu'on voit
au bas du cadran, du côté de la place, le cafque en
tête & la lance en arrêt, s'éloignent l'une de l'autre ,
& fe choquent réciproquement autant de fois que
l'horloge doit fonner de coups : ces deux figures repré-
fentent, dit-on, Philippe VI de Valois, & Edouard III,
roi d'Angleterre ; plus bas eft une Lune mouvante qui
repréfente les diverfes phafes de la Lune, comme la
Lune de Sorbonne le fait à Paris.
On ne compte que cinq ou fix mille habitans à
Calais , y comprenant même Courgain & la baffe
ville; la paroiffe, qui eft unique, eft fous l'invocation
de Notre-Dame : c'eft une fort belle églife , la chaire
eft un morceau de fculpture digne d[être remarqué;
l'orgue , le grand-autel & celui de la Vierge peuvent
aufli fixer quelques inftans l'attention du Voyageur
curieux. Outré cette églife principale , il y a à
Calais quatre couvens, deux d'hommes. Capucins
DE M. DÉ COURTANVAUX. 121
& Minimes; & deux de filles, Bénédictines & Domi-
nicaines; celles-ci deflervent l'hôtel-Dieu.
L'entrée du port de Calais gît nord-oueft & fud-eft,
elle eft formée par deux jetées de bois qui, comme
je lai dit, ayoient été fort maltraitées par la marée
extraordinaire du 2 Janvier 1767; lorfque nous
fommes repafles à Calais, vers le commencement du
mois d'Août, le dommage étoit prefque entièrement
réparé. Le port même eft Eft & oueft, il y a une
efpèce de baffin qu'on nomme le Paradis, lequel peut
contenir une trentaine de Vaiffeaux de 500 tonneaux,
H eft à fec au temps de la baffe mer; l'eau, dans le
flot, peut s'élever jufqu'à 1 8 ou 20 pieds à (a tête des
jetées, mais jufqu'à 14 ou 15 feulement dans le port*
Au refte, cette crue de l'eau n'eft point uniforme,
elle dépend beaucoup des fàifons, & fur-tout de la
qualité & de la force du vent; la plus forte eft
ordinairement l'effet des vents du nord. Deux bancs
rendent l'entrée du port affez difficile, les gros Vaiffeaux
ne fe hafardent pas de la franchir; la rade eft de bon
mouillage, & à l'abri des vents d'oueft; mais elle n'eft
pas à couvert des nords, qui fouvent fur cette plage
font les plus impétueux de tous les vents : c'eft fans
doute à ces inconveniens qu'il faut attribuer, au moins
en partie, le peu de commerce qui fe fait à Calais,
quelque avantageufe que foit d'ailleurs la fituation de
cette place; il n'y en auroit peut-être même aucun,
fi cette viHe ne fe trouvoit pas naturellement placée
• Q
122 Voyagé
fur le chemin de Paris à Londres. En temps de paix,
il part régulièrement par femaine deux bâtimens appelés
Packet-boats , ou Paquebots de Calais pour Douvres,
& autant de Douvres pour Calais ; le trajet en droiture
eu de 2 1 363 toifes , ou de 7 lieues marines de France,
ces paquebots m'ont paru fort propres & très-com-
modes : ce bras de mer refferré, par lequel la Manche
communique avec la mer d'Allemagne, a toujours été
appelé Pas de Calais , ou Détroit de Calais , même par
les Hiftoriens & les Géographes Anglois : quelques
auteurs de cette nation ont voulu , dans ces dernières
années, lui donner le nom de Détroit de Douvres, tant
il eft vrai que la petiteffe eft de tout pays, comme
elle a été de tous les temps. Au fud de la ville , eft un
canal qui communique à Saint-Omer, à Gravelines, à
Dunkerque, à Bergues & à Ypres, & qui par confé-
quent peut être d'un grand fecours pour favorifer le
commerce de Calais : ce canal fe décharge dans les
fofles de la ville, & de-là dans la mer.
Il n'y a point de fontaines à Calais, on n'y boit que
de l'eau de citerne; plufieurs maifons ont des citernes
particulières, il y en a deux publiques, l'une chez les
Minimes, l'autre plus belle & plus grande près l'églife
de Notre-Dame, dont elle reçoit les eatix par des
canaux de plomb. A une certaine heure du jour, on
fait la diftribution de l'eau aux particuliers qui n'ont
point de citerne, ou dont les citernes font taries: nous
avons parlé plus haut de la citerne de la citadelle, &
de M. de Court anvaux. 123
de la manière dont on réuflit à y deffaler l'eau de la
mer.
Durant notre féjour à Calais, on nous fît voir une Jt ExtMÎK
x d une gaze
gazette Angloife, dans laquelle, après avoir annonce Angioife,
notre départ du Havre-de-Grâce & le motif qui nous
avoit engagés à entreprendre ce voyage, le gazetier
ajoutait qu'on favoit parfaitement bien que ce motif
n 'étoit qu'apparent; & que fous ce prétexte fpécieux,
nous voilions notre véritable deffein , qui étoit de vifiter
& de relever les côtes d'Angleterre , de Hollande &
d'Allemagne , & d'en étudier toutes les approches ,
d'en fonder les rades & les ports, &c. J'étois con-
vaincu que ces idées fingulières ne pouvoient partir
que de quelques imaginations oifives, & que tput ce
qu'il y avoit de gens fenfés en Angleterre, c'eft-à-
dire, la plus grande partie de la Nation étoit extrê-
mement éloignée de donner dans des vifions aufli
déraifonnables que celles-là ; cependant la crainte de
rencontrer quelque accueil défavorable de la part d'une
populace toujours facile à prévenir, me fit abfolument
renoncer à tout defir d aller vérifier notre montre
marine dans quelque port d'Angleterre,
/
Qij
1
de Calais.
124 Voyage
CHAPITRE VIL
Départ de Calais pour Dunkerque; fi jour forcé ni cette
ville; état aftuel de Dunkerque.
Départ \TON but, au fortir de Calais, étoit de me rendre
1 ▼ A plus tôt à Amfterdam ; je comptois bien débarquer
à Dunkerque, mais pour y refter feulement deux ou
trois jours ; & pour éviter les retardemens que l'entrée
Si la fortie du port pourraient nous occafionner , j'avois
décidé que Y Aurore mouilleroit dans la rade, à la
diflance d'une bonne lieue de l'entrée du port; des
canots dévoient nous conduire à Dunkerque & nous
ramener à la Frégate, dès que j'aurois terminé le peu
d'affaires que j'avois dans cette ville. Nous fortimes du
Paradis de Calais le 6 Juin , vers les 6 heures ~ du
matin ; à 7 heures , étant hors des jetées , nous appa-
reillâmes; les vents d'abord au fud-eft petit-frais, ne
tardèrent pas à fouffler du fud joli-frais , en peu de
temps nous fumes par le travers de Gravelines : nous
allions entrer fur les bancs qui rendotent Dunkerque
le port de France le plus redouté des Anglois , il nous
falioit un pilote bien expérimenté pour nous tirer de
cette efpèce de labyrinthe dans lequel nous allions
être engagés; le fil d'Ariàdne nous y auroit été d'un
trop foible fecours. M. Bernier, Commifïàire ordon-
nateur à Dunkerque , m'avoit envoyé à Calais un pilote
DE M. DE COURTANVAUX. 125
de confiance , nommé Dépêtre * ; il connoiflbit par-
faitement toutes les mers où je me propofois 4e
naviguer , mais il n'étoit pas pilote du port de Dun-
kerque. M. Bernier m'avoit fait efpérer qu'il m'en-
verroit à l'entrée des bancs un vrai pilote du port,
fous la conduite duquel V Aurore feroit autant en fureté
dans ce Dédale, qu'elle pourroit l'être en pleine mer,
& nous étions convenus par lettres, de fîgnaux de
reconnoiiïance. Arrivés par le travers de Gravelines,
nous courûmes quelques bordées à l'eft fud-eft & à
l'oueft fud-ouefl, en attendant le pilote; il ne tarda
pas à paraître, il nous reconnut à nos fignaux, nous
le reconnûmes de même : vers 1 1 heures -i, il fauta
fur notre bord , & nous nous mimes en route au travers
des bancs. Notre nouveau pilote avoij prefque perpé-
tuellement la fonde à la main , & nous faifoit diminuer
de voiles à mefurè que nous nous approchions de
Dunkerque ; avant . midi , nous reçûmes à bord M.
Caudebec , Capitaine du port , qui venoit dans un
canot à notre rencontre : à 1 heure j , nous mouillâmes
par fix braffes d'eau, fond de coquillage noir & rouge;
le lieu du mouillage étoit à une bonne lieue du port,
nous defeendimes dans deux canots qui nous conduis
firent à Dunkerque , où je logeai avec M/s Pingre &
* M. h duc de Praflin , toujours attentif à ce qui peut encourager
le commerce , & donner de l'émulation aux bons fujets , accorda
au fieur Deperre, à notre retour en France, les Lettres de Capi-
taine Marchand , qu'il ne devoit efpérer que dans quelques années.
/• ~
126 Voyage
Meflier à l'Intendance , chez M. Bemier ; les autres
logèrent dans des maifons voifines de l'Intendance.
Journal Sur \€s <> heures du foir , on affourcha fur la corvette.
qc I Aurore* '
& I on para la grande ancre; à 8 heures, il y eut une
grande quantité d'éclairs dans le fud-oueft & dans le
nord, le temps étoit brouillé & couvert de tous les
côtés : fur les 1 1 heures , le vent commença à fouffler
grand-frais de l'oued nord-oued. Le lendemain matin,
les vents paflerent au nord nord-ed joli-frais, le ciel
s'éclaircit, il y avoit apparence que le beau temps
continuerait.
Du dimanche 7 Juin à midi au lundi 8 , beau temps;
mais les vents étant enfuite paffés au nord-ed & à l'eft
nord-ed, la mer groflit beaucoup.
Du lundi 8 au mardi 9, vents nord nord-ed très-
forts, & mer fort groffe toute la nuit.
Du mardi 9 au mercredi 10, grands vents de la
partie du nord, mer Ci groffe qu'elle s'embarquoit à
chaque indant fur le pont par-deffus le plat-bord.
Du mercredi 10 au jeudi 1 1 , vent du nord-ed au
nord, toujours très-violent, mer extrêmement groffe/
le pont toujours couvert d'eau; on ed obligé d'amener
les vergues & le grand mât de hune , & de mouiller la
maîtreffe ancre : on chaffoit fur les autres.
Du jeudi 1 1 au vendredi 1 2 , continuation de temps
& de pluie prefque continuelle , quelques éclairs le 1 1
au foir dans l'oued; la mer paffe par-deffus le gaillard
d'avant.
DE M. DE COU RTANVAUX. 127
Du vendredi 12 au famedi 13, les vents varient du
nord-eft au nord-oueft, leur force fe ralentit, la mer
tombe un peu; il y avoit quatre à cinq jours que toute
communication nous étoit coupée avec notre Frégate,
aucun canot, aucun bâtiment même n'ofoit fe hafarder
à fortir du port. Enfin , le 1 3 au matin , le fieur Chopin
vint avec quelques mateldts nous donner des nouvelles
de notre Bâtiment & de ce qu'on y avoit fouffert. Le
canot qui les portoit avoit reçu plufieurs -coups de mer
en entrant dans le port : auffi leur fut-il impoffible de
retourner le même jour à la Frégate: ils avoient amené
avec eux quelques officiers de bouche , ou domeftiques ,
qui avoient l'air de vrais déterrés. Comme il s 'étoit
dérangé quelque chofe au four de la Frégate, on y
avoit envoyé, auffitôt notre arrivée à Dunkerque, un
ouvrier pour réparer le dommage; à peine cet ouvrier
fut-il à bord, qu'il fe fentit incommodé, le mauvais
temps furvint : cet homme, après avoir reftc quatre
à cinq jours fans manger, fans dormir, fans remuer
& par conféquent fans rien raccommoder, a voulu
profiter de la première oc cafi on qui s'eft préfentée de
fortir de la Frégate, promettant avec les expreffions
les plus pathétiques, qu'il ne retourneroit de fa vie fur
quelque Vaiffeau que ce puifTe être , dût-on lui faire fa
fortune & lui donner même un royaume-
Du famedi 13 au dimanche 14, vents variables du
nord-eft au nord, bon-frais, mer fort grofTe, les flots
recommençant à s'embarquer à ftribord & à bâbord,
128 Voyage
& paffant même par-defFus le gaillard d'avant ; ciel
çbuvert, avec quelque pluie.
Du dimanche 1 4. au lundi 1 5 , vent du nord-nôrd eft
grand- frais , mer toujours groffe ; éclairs dans Teft au
lever du Soleil, ciel toujours couvert, & pluie par
intervalles.
Du lundi 1 5 au mardi 1 (?, continuation de vent &
de temps , la mer groffiflant plutôt qu'elle ne diminuoit,
& continuant de s'embarquer par-defTus le plat-bord.
Enfin , le mardi 1 6 , vers midi , la fureur du vent
6c des flots commença à s'appaifer, le temps devint
beau , le vent cependant continuoit à foufHer du nord
nord-eft. Vers les 4 heures du foir je conduifis à bord
M. le prince de Robecq, Commandant de la Flandre
maritime; M. le chevalier de Chaulieu, Maréchal -de-
camp , Commandant à Dunkerque ; M. de Montau-
fier, Colonel du régiment d'Orléans; plufieurs autres
Officiers ; M. le comte de Growenftein , Officier
général des États-généraux , & deux Dames de Bruxelles,
qui étoient venu voir M. le prince de Robecq. On avoit
relevé le grand mat de hune , hifTé les baffes vergues ,
grayé les perroquets, & déployé tous les pavillons aux
extrémités des vergues. Auffitôt que nous fume? à
Lord , l'équipage monté fur les vergues & les hunes ,
falua la compagnie de fept cris de vive le Roi; ce falut
fut répété une heure après , lorfque nous quittâmes le
Bâtiment; on tira fept coups de canon , on mît bas les
pavillons, & l'on dégréa les perroquets. Le vent varia
enfuite
DE M. DE COURTANVAUX. I2p
enfuite entre le. nord-oueft <5c l'oueft-fud-ouefl, joli-
frais , le temps continuant à être beau jufqu'au jeudi 1 8
<jue l'on embarqua au matin tous nos inftrumens d' Af-
troriomie, quoique les vents commençaffent à vouloir
retourner du eôté du nord.
Le vendredi 1 9 Juin , au mâtin , nous nous embar-
quâmes, les vents étant variables du fud-oueft au nord;
iorfqu'il y eut affez d'eau pour pafler par-deflus les
bancs qui bloquent le port de Dunkerque , le vent
nous étant abfolument contraire, nous força encore à
différer notre départ jufqu'au famedi matin. Étant donc
arrivés à Dunkerque, dans le defTein de n'y féjourner
que trois ou quatre jours au plus, nous nous fommes
vu forcés , par la confiance & la violence des vents de
nord & de nord-eft, à y refter depuis le 6 Juin juf-
qu'au 20 du même mois.
Dès le 6 du mois , j'avois heureufement fait venir Obfcrvatiom
a terre nos inftrumens d'Aftronomie. Nous établîmes t E^ude
notre Obfervatoire dans l'orangerie de l'Intendance, Dun^ecr u
au bout du jardin ; c'eft un bâtiment qui tombe abfo-
lument en ruine, mais il étoit fitué aufli-bien que nous
pouvions le defirer; les hauteurs fe prenoient en dedans
du jardin , tout près & vis-à-vis de la porte du milieu
de l'orangerie. M. Bernier. nous procuroit d'ailleurs
tout ce que nous pouvions defirer pour l'aifance & le
fuccès de nos obfervations. ,
Le 7 Juin, la hauteur méridienne apparente du bord
fupérieur du Soleil fut de 62 deg. o min. 55 fec, ce
. R
t$b Voyage
qui donne, pour Ja latitude de notre Obfervatoire ,
ji deg. i min. 41 fec.
Le même jour» nous obfervames la hauteur méri-
dienne de « du Bouvier, de 58 deg. 33 min. 17 fec.
celle de \ de la Vierge, de 26 deg. 42 min. 20 fec.
celle de a de fa Balance, de 23 deg. 56 min. 14 fec. -j.
Ces trois obfervations nous (nettoient par la latitude
de 5 1 deg. 1 min. 54 fec. 5 1 deg. 1 min. 57 fec. &
5 1 deg. 2 min. o fec.
Le 8 Juin , hauteur méridienne du bord fupérieur,
$£ deg. 6 min. 26 fec. donc latitude, 5 1 deg. 1 min.
48 fec.
Le même jour , hauteur méridienne de * de b
Vierge, 29 deg. 3 min. 24 fec. de n du Bouvier,
}8 deg. 33 min. 22 fec. de 0 du Scorpion, 19 deg.
ji min. 36 fec. de t du Scorpion, 20 deg. 10 min.
14 fec. de 4" du Serpentaire, 19 deg. 32 mm. 19 fec.
donc latitude , 5 1 deg. t min. 43 fec. 1 min. 49 fec.
1 min. 50 fec. 1 min. 52 fec. 1 min. 49 fec.
Le 9 Juin , hauteur méridienne du bord fupérieur,
€2 deg. 1 1 min. 54 fec. donc latitude, 5; 1 deg. 1 min.
33 fec.
Le 10 Juin, hauteur méridienne du même bord»
€2 deg. 16 min. 37 fec. £-; donc latitude, 51 deg.
1 min. 39 fec. la hauteur méridienne d'Amans, que
nous n'avons trouvée ce même jour que de 1 3 deg.
7 min. 52 fec. donneroit 51 deg. % min. 16 fec. de
latitude.
DE M. DE COURTANVAUX. 131
Le 17 Juin, hauteur méridienne du bord fupérieur
du Soleil , 6z deg. 38 min. 46 fec. celle à'Arfiurus,
59 deg. 22 min, 46 fee. donc latitude, 5 1 deg. 1 min*
jj fec. & 1 min. 53 fec.
En prenant un milieu entre ces quinze détermina-
tions , on peut fixer la latitude de l'orangerie , qui eft
au fond du jardin de l'Intendance à Dunkerque, par
51 deg. 1 min. 51 fec. au nord; & comme iagrofle
tour de Dunkerque eft d'environ 160 à 170 toifes
plus boréale que ne l'étoit notre Obfervatoire , la
latitude de la tour fera de 51 deg. 2 min. 1 fec.
On a coutume de mettre Dunkerque à 2 min. Longitude
23 fec. de degré, ou à 9 fec. -j de temps à l'eft du Dunkerque.
méridien de Paris , & je penfe que cette détermination
eft à peu-près exacte. Le 10 Juin, nous vimes Antarcs
pafler au méridien, 18 min. 32 fec. après le premier
bord de la Lune ; M. Caffini nous a communiqué une
obfervation femblable, qu'il avoit faite le même jour:
félon cette obfervation, l'intervalle entre les deux
pafiàges n 'avoit été à l'Obfervatoire royal que de 1 8
min. 3 1 fec. \ , la différence entre les deux obferva^
tions eft donc d'une demi-féconde. J'avoue que pour
trouver Dunkerque par 9 fec. \ de temps à l'eft de
Paris, il faudrait que la différence fufdite n'eût été
trouvée que d'un tiers de féconde , mais dans de telles
combinaisons, peut-on répondre d'un fixième de
féconde fur le total; pour le pouvoir faire, il faudrait
être affuré que les deux obfervateurs n'ont pas pu fç
132 Voyage
tromper même d'un douzième de féconde , l'un en un
fens, I autre en l'autre s l'obfervation telle qu'elle eft*
donnerait 13 fec. £ de temps entre l'Obfervatoire
royal & le nôtre.
Le 8 Juin, M. Meffier obferva avec l'excellente
lunette de Dollond, appartenante à M. Trudaine de
Montigni, Timmerfion du quatrième fatellite de
Jupiter, à 1 1 heures 24 min. 4 fec. du foir, temps
vrai. Cette même immerfiôn fut obfervée à l'Obferva-
toire royal , par M. Maraldi , avec une bonne lunette
de Campani de i| pieds feulement, à 11 heures
20 min. 6 fec. par M. Caffini,avec une lunette de
Dollond de 1 2 pieds avec fon équipage de terre , on
avec trois oculaires, à 1 1 heures 22 min. 44 fec. à
l'Obfervatoire de la marine, par un neveu de M.
le Paute, avec un télefcope Newtonien de 4 pieds j9
qui groffit foixante fois , à 1 1 heures 22 min. 26 fec.
enfin au même Obfervatoire, par un élève de M. de
la Lande, avec un excellent télefcope Grégorien de
32 pouces, qui groffit cent quatre fois, à 1 1 heures
23 min. 56 fec. Cette dernière obfervation mettrait
Dunkerque à 8 fec. de temps à l'eft de l' Obfervatoire
de la marine, & par conféquént à 10 fec. à l'ouefl
de TObfervatoire royal. Des conféquerices de cette
efpèce, tirées des obfervations du quatrième fatellite
cfe Jupiter t peuvent quelquefois fe rencontrer avec la
vérité , mais nous ne croyons pas qu'elles pijiflent
jamais, fournir des preuves bien convaincantes.
DE M. DE COURTANVAUX. 133
Le même jour 8 Juin , le premier fatellite parut
fortir de l'ombre de Jupiter à 1 1 heures 47 min. 54
fec. à 1 1 heures 49 min. 24 fec. il avoit recouvré
toute fa lumière ; M. Meflïer , pour cette obfervatibn ,
• _
fe fervoit encore de la même lunette : à l'Obfer-
vatoire royal , M. Maraldi , avec la lunette de
Campani de 1 j pieds , revit le fatellite à 1 1 heures
46 min 41 fec. ce qui donneroit i min. 13 fec.
de différence entre les méridiens de Paris & de
Dunkerque ; mais il eft à remarquer que Jupiter étoit
alors fort bas, qu'on ne diftinguoit plus {es bandes, &
qu'outre ces deux raifons communes aux deux Obfer-
yatoires, il y avoit encore alors un crépufcule fenfible
fur l'horizon de Dunkerque.
Le 9 Juin, nous avons trouvé la déclinaifon de Dédînaîfon
1 aiguille aimantée à Dunkerque, de 18 deg. 33 min. raiguiiic.
du nord à i'oueft.
Le 7 Juin après-midi , M. Leroy fut à bord de la Marcbe
Frégate, pour débarquer fes montres marines; elles marine.
furent extrêmement roulées dans le canot qui les
apporta à terre, le trajet étoit de près d'une lieue:
Jorfqu'elles furent débarquées , deux matelots les
apportèrent fur, une civière à l'Intendance; ce fécond
tranfport, qui dura environ une demi-heure, fut fait
-avec une négligence qui déplut beaucoup à M. Leroy,
il. crut même. devoir nous en porter des plaintes.
Ce -même jour, la pendule à midi vrai, marquoit
;n heures 57 min. j fec. Peu après 6 heures du foir,
R ii)
134- V O Y A G £
Ja montre marine avançoit de 9 min. 57 fec. \ fur la
pendule; le lendemain» nous eûmes midi vrai à 1 1 heur.
57 min. z6 {ce. de la pendule; ainfi le 7, peu après
6 heures , la montre marine avançoit de 7 min. 7 fec.
fur le temps vrai , & par conféquent de 8 min. 47 fec. j
fur le temps moyen» méridien de Dunkerque, ou de
10 min. 54 fec. méridien de Calais: le 4 du même
mois» elle n 'avançoit que de 9 min. 1 fec. -j-; donc en
trois jours & fix heures» elle avoit avancé de 1 min.
52 fec. j fur le temps moyen; à raifon de 27 fec. j-
par jour» elle n'auroit dû avancer que de 1 min. 30 fec.
il refle donc un avancement extraordinaire de 22 fec. f ,
qu'on ne peut attribuer qu'au roulis de la rade de
Dunkerque » à celui du canot qui a conduit la montre
dans le port» & principalement» félon M. Leroy» aux
mouvemens infolites que cette montre a éprouvés dans
le tranfport à bras , depuis le port jufqu'à l'Intendance.
A 8 heures j du matin » baromètre» 28 pouces 5 lignes ;
thermomètre» 1 3 deg. | : à 1 heure du foir» baromètre »
28 pouces 5 lignes ~; thermomètre» 15 deg. à 10
heures » baromètre » 2 8 pouces 6 lignes 7 ; thermomètre »
1 3 deg. f
Le 8» à midi 25 min. la montre marine avançoit de
10 min. 14 fec. fur la pendule; donc en dix-huit
heures & un quart» elle avoit avancé de 24 fec. fur le
temps moyen » ce feroit à raifon de plus de 3 1 fec. £
par jour. Baromètre» à 7 heures du matin» 28 pouces
7 lignes : à midi £» 28 pouces 7 lignes j : à minuit.
DE M.*DE COURTANVAUX. 135
28 pouces 6 lignes ~; thermomètre» aux mêmes
inflans, 13, 16, 12 deg.
Le 9 , à midi , la pendule marquoit 1 1 heures 57 min.
47 fec. j; ainfi elle a encore avancé de 10 fec. en
vingt* quatre heures fur le temps moyen : 4 min. après
midi, la montre marine avançoit de 10 min. 35 fec. £
fur la pendule f elle avoit donc avancé de 3 1 fec. £
fur le. temps moyen, en un peu moins de vingt- quatre
heures. A 7 heures du matin # baromètre, 28 pouces
6 lignes j: à 1 heure, 28 pouces 6 lignes: à 1 1 heures |
du foir, 28 pouces $ lignes j; thermomètre, aux
mêmes momens, 13, 15, it deg. ~.
Le 10, à midi \> la montre marine avançoit fur la
pendule de 10 min. j(5 fec. Nous eftimons que la
pendule a avancé de r 1 min. \ en vingt -quatre heures;
dans cette fuppofition» la montre marine aurait avancé
fur le temps moyen de 3 1 fec. { en vingt-quatre heures
deux tiers. A 9 heures du matin, baromètre, 28 pouces
4 lignes \\ thermomètre, 1 1 deg. f: à midi £, haro-
mètre , 28 pouces 5 lignes ; thermomètre , 1 3 deg.
à 1 1 heures du foir , thermomètre , 1 2 deg. •£-.
- Le 1 1 , nous efti marnes que la pendule en vingt-*
quatre heures avoit avancé de 1 1 fec. f fur le temps
moyen. Vers 1 heure, la montre marine avançoit de
if min. 15 fec. fur la pendule : à ce compte, en
vingt -quatre heures 6c. un quart > elle auroi t avancé fur
Je temps moyen de 30 fec. | : à 8 heures ± du matin ,
Jbaramètre/a8 pouces 2 lignes £:à midi de même-
i$6 Voyage
thermomètre, 12 deg. à 1 1 heures du foir, baromètre
de même.
Le 1 2 , nous fuppofons que la pendule a avancé fur
le temps moyen de 12 fec. £ en vingt -quatre heures.
20 minutes après midi, la montre marine avançoit de
1 1 min. 30 fec. •£ fur la pendule; ainfi en vingt -trois
heures y, elle aura avancé de 27 fec. |fur le temps
moyen. A 8 heures du matin, baromètre, 28 pouces
2 lignes £ ; thermomètre , 1 2 deg. £ : à midi £ , baro-
mètre, 28 pouces 2 lignes £; thermomètre, 12 deg.
à 1 1 heures du foir , baromètre , 28 pouces 2 lignes |.
Nous primes ce même jour, durant 1 après -midi,
plufieurs hauteurs du Soleil.
Le 13 , durant l'après-midi, nous primes un grand
nombre de hauteurs du Soleil , correfpondantes à celles
que nous avions prifes pareillement après midi; les 7,
9 & 12 de ce mois, par le calcul de ces hauteurs,
nous nous afïurames que la pendule avoit avancé fur le
temps moyen de 1 min. 8, fec. depuis le 7; de 48
fec. depuis le 9 ; & de 13 fec. | depuis le 1 2 ; c'^eft fur
ces obfervations , que nous avons eftimé les jours
précédens l'état de la pendule. Le 1 3 , à 2 heures j
après micJr, la montre marine avançoit de 11 min. 49
fec. fur la pendule ; ainfi en vingt-fix heures , elle avoit
avancé fur le temps, moyen de 32 {ec. \\ depuis le 9,
en quatre jours deux heures ~ , elle avoit avancé de
2 min. 2 fec. | , ce qui donnerait à peu près 30 fec.
pour avancement journalier. A 8 heures au matin*
baromètre ,
DE M. DE Cû'URTANVAUX. 137
Baromètre, 28 pouces 1 ligne \\ thermomètre, 11
deg. à midi £, baromètre de même; thermomètre,
1 1 deg. à 10 heures du foir, baromètre, 28 pouces
1 ligne £ ; thermomètre , 1 o deg.
Le 14, peu après midi £ , la montre marine avançoit
de 12 min. 4 fec. j fur la pendule : à 7 heures \ du
matin, baromètre, 28 pouces 1 ligne; thermomètre,
10 deg. à midi \9 baromètre, 28 pouces 1 ligne «•;
thermomètre, 1 1 deg. | : à 10 heures du foir, baro-
mètre, 28 pouces 1 ligne; thermomètre, 9 deg. \.
Le 1 5 , à i heure y, la montre marine avançoit de
12 min. 22 fec. fur la pendule; des hauteurs corref-
pondantes du Soleil, prifes le 13 au foir & le 17 au
matin , nous ont donné pour le 1 5 , midi à o heure
o min. 9 fec. de la pendule, laquelle auroit par consé-
quent avancé fur le temps moyen de 2 1 fec. j en deux
jours ; ainfi la montre marine , en quarante-fept heures,
auroit avancé de 54 fec. \ fur le temps moyen; ce
feroit fur le pied de 28 fec. en vingt - quatre heures.
Mais on voit que nous fuppofons ici que la marche
de la pendule a été égale depuis le 13 jùfquau 17,
ce qur n'eft peut-être pas vrai. A 7 heures du matin,
baromètre, 28 pouces o ligne y; thermomètre, 10
deg. £: à midi ^, baromètre, 28 pouces o ligne £;
thermomètre , 1 1 deg. à 1 o heur. £ du foir , baromètre,
28 pouces 1 ligne j; thermomètre, 10 deg.
Le 16, à 1 heure 10 min. la montre marine avan-
çoit de 12 min. 42 fec. fur la pendule. Baromètre, à
, S
138 Voyage
8 heures du matin, 28 pouces x lignes; à midi-,
Z% pouces 2 lignes 7 ; à 1 1 heures £ du foir * 28 pouces
3 lignes: thermomètre, aux mêmes inflans, 10 , 11,
9 deg-
Le 17, par des hauteurs prifes le matin, & com-
parées avec les mêmes hauteurs prifes le 7, nous nous
femmes aflurcs que le 17 à midi vrai , la pendule de voit
marquer raidi Q min. 54. fec. ~, & qu'en dix jours elle
avoit avancé de 1 min. y 1 fec, -^ fur le temps moyen.
A 1 heure 24 min. la montre marine avançoit de 1 ;
min. 6 (ec. £ fur la pendule; ainfi en deux jours elle
auroit avancé de 1 min 4 fec. £ fur le temps moyen;
ou plutôt, comme le raidi ohfervç le 1 5 n'eft pas bien
affaire, en comparant l'état de la montre le 17 à 1 heure
24. min. avec celui ou elle étoit le 7, 5 ou 6 min.
après 6 heures, il fe trouvera qu'en neuf jours dix-neuf
heures dix-huit minutes , eUe aura avancé fur le temps
moyen de 4 min. 57 fec. i; c'eft fur le pied de 30 fec. j
par jour. Baromètre , à 7 heures du matin , i midi £ &
à 1 1 heures du foir, 28 pouces 3 lignes ~; thermo-
mètre, ioj, 12 j, 9 deg. £.
Le 1 8 , à 7 heur, du matin , } 1 heur. & à 1 1 heur. £
du foir, baromètre, 28 pouces 3 lignes £, 28 pouces
3 lignes, iSpcruces 2 lignes j ; thermomètre, 13, 15»
1 1 de^
Le 1 9, à 7 heures du matin, haromètre, 28 pouces
alignes; thermomètre, 12 deg. Les montres matines
ont été auiîkôt après reportées à bord.
DE M. DE COURTANVAUX. 139
La néceffité de refter k Dunkerque plus long-temps Occultions
que je ne me 1'étois propofé , ne pouvoit m'être Dunkerque*
agréable ; j'envifageois que ce retardement m'empê-
cheroit de pouffer mon voyage auffi loin que je l'avois
projeté: n'étant cependant pas le maître de commander
aux vents & à la tempête, je tâchai du moins de rendre
mon féjour forcé, le plus utile qu'il étoit pofiïble»
J'étois fouvent fur le port ; j'en trois dans les V ai fléaux;
je m'entretenois avec les Capitaines & les Pilotes ; je
m'infbrmois de leurs voyages , & des obfervations
qu'ils avoient faites dans leurs diverfes navigations; je
tirois d'eux toutes les lumières qui pou voient m'être
de quelque utilité, foit dans ce voyage, foit dans ceux
que je croyois alors pouvoir entreprendre dans la fuite.
A terre , je confultois les conftru&eurs & autres gens
à talens; je vifitois les ruines des ouvrages qui ren*
doient autrefois Dunkerque une des plus fortes villes
& un des plus célèbres ports de l'Europe, M/* Pingre
& Meffier imitoient mon exemple ; nous faifions re-
gistre de tout ce qui nous paroiffoit marqué au fceau
de l'utilité.
M. Bernier nous préfenta un Prêtre qui croyoit avoir prêtre
• • •
pénétré la vraie méthode de déterminer les Longitudes ^'JS?/01'
en mer. Comme fes prétentions ne fe bornoient pas à '? fec.ret ,dcs
r r Longitudes.
ce fecret, & que le mouvement perpétuel n'étoit pas
même la plus curieufe de fes découvertes , nous n'é-
tions pas fort difpofés à l'écouter: mais cet homme en
avoit impofé à la populace; il paffoit à Dunkerque
S ij
i+o Voyage
pocr en prodrze de génie; fi Foo n aroct point encore
récorrpenfé fes talens émîner», c'etoct. difiNt-an, par
wi e£ct de la baffe plo^Ge eue tes GfikicK de la
marine x*wtTX conçue ccr.trc ï-jL >L Bernier, poiff
n'être point expofé a de pareils propos, oc même pour
les faire cefïer contre les autres, nous pria d'accueillir
favorablement ce Prctre. Nous ie âmes; il nous dit,
avec beaucoup de confiance, qu'après avoir mûrement
réfléchi fur le fecret des Longitudes, il avoit reconnu
que la méthode la plus fûre pour y parvenir étoît une
montre parfaitement exaâe ; nous applaudîmes à fon
idée , mais nous lui repréfentames qu'elle n'étoit pas
neuve, puifque M/5 Harrifon & Leroy travaiiloient
depuis tant d'années à l'exécuter. Le Prêtre fe retira
aflez content de nous, mais fâché de ce que cette idée
fe fftt préfentée à d'autres avant lui.
Nhrezn Venons à quelque chofe de plus utile. Lorfque nous
*k debJT arrivâmes à la rade de Dunkerque , nous y trouvâmes
dTb*™*. * I ancre un Vaifleau Anglois, qu'on ne croyoit pas
pouvoir faire entrer dans le port, on penfoit qu'il
tiroit trop d'eau ; les jours fuivans , la mer ayant
baucoup groffi , le Capitaine Anglois ne £e crut pas
en fureté à la rade , il efTaya d'entrer dans le port, il y
réuffit le 1 3 Juin , non cependant fans courir rifque de
fe perdre en entrant : nous fumes le 17 Juin à fon
bord, il nous reçut très-poliment Nous vîmes à fon
oétant une efpèce de niveau inventé depuis peu en
Angleterre, pour fuppléer au défaut de l'horizon»
DE M. DE COURTANVAUX. 141
lorfqu'on ne le voit pas à la mer; ce niveau coûte
quatre guinées en Angleterre, il étoit défendu, fous
des peines très-févères , d'en faire pafler dans les pays
étrangers ; auffi quelques offres que j'aie pu faire au
Capitaine, il ne me fut pas poffible de l'engager à me
céder le fien. Pour le peu de temps que nous avons pu
le voir, voici l'idée que nous nous en fommes formée:
c'eft un niveau à bulle d'air, fitué fous le petit miroir
de i'oétant; pour qu'il foit bien placé, deux conditions
nous paroiffent requifes, fon axe doit être bien parallèle
au rayon vifuel, c'eft-à-dire , à la ligne qu'on fup-
poferoit tirée du milieu du petit miroir au trou de la
pinnule où l'on applique l'œil ; & de plus , il faut qu'une
ligne abaiffée du miiieu du petit miroir. fur le milieu du
niveau foit exactement perpendiculaire, tant au même
rayon vifuel qu'à l'axe du niveau : entre le milieu du
niveau & la partie non étamée du petit miroir, eft une
loupe dont le foyer eft au petit miroir. Nous fuppofons
que lorfque l'oélant eft dans la difpofition convenable
pour faire une bonne obfervation, la bulle d'air du
niveau , laquelle eft ronde * & a environ quatre
lignes de diamètre, peint au travers de la loupe fon
image derrière la partie non étamée du petit miroir ;
ainfi cette bulle peinte fur le petit miroir peut tenir lieu
* Selon l'Idée que nous expofons ici , fi la bulle eft ronde , fon
image reçue fur une furface inclinée de 4 5 degrés fera elliptique ;
mais le rayon vifuel incliné pareillement de 45 degrés fur ia même
furface rendra à l'image fa rondeur apparente.
S* • •
11;
\+l VOYAGE
d'horizon. Comme nous n'avons pu jeter qu'on coup
d œil fur cet infiniment, il eft très-poffible que nous
n ayons pas ùiû toutes les cbrcon fiances de fa conf
traction; mais nous croyons que ce qui vient d'être
dit, peut fuffire pour que les Ingénieurs d'inftrumens
de Mathématiques eflaient d'en faire de femblables,
ou même de plus parfaits, avec les plus légitimes cfpé~
tances d'un fuccès favorable. On aperçoit aifément
que lorfque l'horizon paroît , il n'eft rien de plus facile
que de vérifier la pofition du niveau; elle eft exaâe, fi
l'horizon vu directement , coupe fenfiblement en deux
parties égales l'image de la bulle d'air, finon il faut
rectifier la pofition du niveau à l'aide des vis pratiquées
à cet effet. J'ai appris à mon retour 9 qu'il étoit poflîble
d'avoir de ces niveaux, mais que ceux qui faifoient les
û&ans, n'avoient pas la permiflion de faire les niveaux,
le privilège exe lu ûf en étant réfervé à l'inventeur *.
Origioe Dunkerque n'étoit d'abord qu'un hameau de
Duntoquc pêcheurs; vers le nord-eft de la ville, on nous montra
une petite chapelle, dite Notre-Dame des Dunes, elle
éft maintenant hors de la vHIe, mais elle étoit en
dedans des anciennes fortifications : des béquilles
fufpendues dans le chœur, des tableaux dans la nef,
repréfentant des V ai fléaux prefque fubmergés, des
naufrages, des dangers, &c. beaucoup de cierges allumés
* J'en fais venir un d'Angleterre , qui eft encore plus ingénieux
que celui que nous vîmes à bord de ce Bâtiment , les Anglob ayant
adapté une lunette à h place de la pinntdc.
DE M. DE COIÏRTANVAVX. 143
& du monde en prière à toutes les heures du jour,
attellent la dévotion que l'on a dans le pays pour cette
chapelle , qui d'ailleurs eft fort petite. On dit qu'elle
fut bâtie par Saint Éloi , pour la commodité des
pécheurs raffemblés dans le hameau ; on ne doute
point d'ailleurs que ce ne (bit cette chapelle qui a
donné le nom à Dunkerque : Kirk ou Kcrk, en langue
.Teutonique , lignifie ÉgJift; & Dm, en vieux Gaulois ,
fïgnifje une kaiuew ou un tettre; les hauteurs ou collines
qui font le long de la mer au nord-efl de Dunkerque ,
fe nomment encore aujourd'hui les Dunes, ainfi
Dunkerque n'eft autre chofe que l'églife des Dunes.
Baudouin le jeune , troisième comte de Flandre , fit
entourer Dunkerque de murs défendus par des tours,
& il en fit ainfi une efpèce de petite ville en 960:
ia ville s'eft accrue depuis, & ceux qui en étoient
poffeffeurs, en ont de temps à autre augmenté les
fortifications. En 1558, le maréchal de Termes, à
ia tête d'une armée Françoife , prit Dunkerque
d'affaut, peu de jours après avoir ouvert la tranchée
devant cette ville » qui fut prefque entièrement ruinée;
elle fut rendue à l'Efpagne, par le traité de Cateau-
Cambrcfis. Dunkerque ae tarda pas à fe relever de fes
ruines , la bonté de foo port & l'éclat de fon commerce
y attirèrent beaucoup d'étrangers. Le nombre de fes
habita»! s'accrût tellement, que vers l'an 1 635 il fallut
peu 1er à l'environner d'une nouvelle erjceinte: les
fortifications de cette nouvelle enceinte n'empêchèrent
144 V O Y A G B
pas le duc d'Enguien , depuis prince de Condé , d'y
mettre fe fiége en Septembre 1 646 : la ville fut vigou-
reufement défendue ; mais les efforts des afTiégeafis
. prévalurent fur ceux des affiégés; ceux-ci furent enfin
contraints de capituler, la place fut rendue dix-fept
jours après l'ouverture de la tranchée. Les Efpagnols
la reprirent en 1652. Mais en 1658, en conféquence
d'un traité fait avec l'Angleterre dès 1 655 , le vicomte
de Turenne mit le fiége devant Dunkerque ^tandis
que la flotte Angloife ten'oit le port bloqué pour
empêcher qu'il n'y entrât du fecours : la tranchée fut
ouverte le 4 ou le j de' Juin: l'armée Efpagnole,
commandée par. Don Juan d'Autriche , tenta vaine-
ment de faire lever le fiége ; elle fut mife en déroute
le 14 Juin, à la célèbre bataille des Dunes, & Dun-
kerque fe rendit le 23 du même mois. Louis XIV
ayant pris poffeffion de Dunkerque en perfonne, remit
auflitôt cette ville aux Anglois, comme on en étoit
convenu par le traité ; mais ce ne fut que pour peu de
temps. En 1662, Charles H, roi d'Angleterre, ayant
befoin d'argent, vendit Dunkerque à la France pour la
fomme de cinq millions; on en prit poffeffion poiir le
roi de France le 27 Novembre de cette même année.
Depuis ce temps les ennemis de la France ont inuti-
lement effayé de la bloquer, de la bombarder ou de
s'en rendre les' maîtres, foit de vive force, foit par
furprife ; tous leurs efforts ont échoué contre les
nouvelles fortifications que Louis XIV y avoit fait
conftruire
DE M. DE COURTANVAUX.^ I4.J
eonftruire fous la direction du maréchal de Vauban , &
contre l'attention que l'on apportait d'ailleurs à dé-
fendre l'entrée du port.
Ce port, comme nous l'avons dit plus haut, étoit Port.
alors le meilleur de toute la France & peut-être du Dunkerque»
monde entier; deux belles jetées de 8 à 900 toifes de
longueur en formoient l'entrée, & des forts bâtis à la
tête^les jetées & aux environs, en défendoient l'ap-
proche; douze ou quinze bancs de fable rangés comme
par art vis-à-vis du port , ne laiffoient entre eux que des
efpaces fort étroits, & n'étoient eux-mêmes féparés
que par de femblables efpaces de plufîeurs autres
bancs qui s'étendoient à droite & à gauche jufqu'à
Gravelines & jufqu'au - delà d'Oftende : ces bancs
fubfiflent encore. On ne peut voguer entre eux que
la fonde à la main , & encore faut-il avoir fur fon
bord quelque pilote du port , bien expert dans .
la chorographie de ces bancs; en temps de guerre,
les Puiflances qui fe nomment maritimes, ne pou-
voient bloquer tous ces bancs à la fois, & il y
auroit eu , pour leurs gros Navires , de la témérité
à s'engager dans les détours de ce labyrinthe : en
conféquence, ils ne pouvoient couper le chemin aux
Vaiffeaux François qui entroient dans le port ou qui
en fortoient. Les Anglois comptent, que dans îes
douze ans que dura la guerre de 170 1 , les VarfTeaux de
guerre & armateurs du port de Dunkerque firent fur
eux plus de feize cents quatorze prifes, eftimées 30
. T
i+6 Voyage
millions 500 mille livres de notre monnoie,fans compter
les autres prifes qu'ils ont pu vendre en d autres
ports de France & d'Efpagne* Pour que les Vai fléaux
de guerre pu fient toujours être à flot, Louis XIV
avoit fait creufer vers l'extrémité du port, un grand
& magnifique baffin, féparé du port par une éçiufe;
fes bords étoient défendus par de bons ouvrages
de maçonnerie > les quais étoient. larges & bordés
de magafins bâtis en brique ; un des côtés pris félon
la longueur du baffin, eft occupé par la corderie,
longue d'environ 1 20 toifes ; de l'autre côté , un
bâtiment d'environ 160 toifes de longueur, fait face
à la corderie : il étoit deftiné pour fervir de magafin,
on y renfermoit toutes les provifions appartenantes à
la marine du RoL
Dcdruffion Les Ahglois, fenfibles aux pertes qu'ils avoient
fortifications efluyées de la part des Vaiffeaux fortis de Dunkerque,
Dunk«rquc. & profitant d'ailleurs des avantages qu'ils avoient eus
dans la guerre de 1701 , ftipulèrent par le traité
d'Utrecht , que toutes les fortifications de Dunkerque
feroient démolies, & la démolition commença dès
1*713. Toutes les fortifications furent rafées y les
fofles & le baffin furent comblés, les éclufes furent
détruites, les jetées démolies, on conftruifit entre
les* jetées un batardeau, pour couper toute com-
munication entre la mer & le port; la plupart des.
habitans de Dunkerque transférèrent leur fortune
ailieur s ; heureufement pour ceux qui reftoient „ une
DE M. DE COURTANVAUX. 14.7
marée exceflive & violente rompit en 17ZO le batar-
deau,& procura. aift Vaifleaux marchands une affez
libre entrée dans le port , Dunkerque fembla fe
relever. En 1740, le Roi donna des ordres pour
qu'on en rétablît les fortifications; par le traité d'Aix-
la-Chapelle , on convint que les fortifications fub-
fifleroient du côté de la terre , celles du côté de la
mer furent rafées : cependant les privilèges que Sa
Majefté avoit accordés aux habitans de Dunkerque J
attiroient tous les jours de nouveaux citoyens à cette
ville. Les Anglois, par les prifes que contre le droit
des gens ils ne cefToient de faire fur nous en pleine
paix, ayant allumé le feu d'une nouvelle guerre, le
Roi fe crut libre des ehgagemens pris à Utrecht &
à Aix-la-Chapelle, il ordonna en 1756 de rétablir
le port & le baffin de Dunkerque; mais fa ten-
drefTe pour fes peuples fatigués d'une longue guerre,
l'engagea en 1762 à confentir , par le traité de
Verfailles, que toutes les fortifications de Dunkerque
feroient abfolument démolies : nous avons vu dans
cette ville trois CommifTaires Anglois, chargés de la
part de leur Gouvernement, de veiller à l'exécution
ponctuelle de cet article. La marée extraordinaire
du z Janvier 1767 , dont nous avons parlé plus
haut , s'eft fait fentir à Dunkerque , aufti-hien qu'à
Calais; mais à Calais, on peut réparer le mal: il eft
(ans remède à Dunkerque; il fuivra peut-être de cette
marée, que bientôt Dunkerque ne fera plus un port*
Tij
t+S Voyage
ix* *3u«i Actuellement , le port peut recevoir des VaifTeaux
qui ne tirent que 1 1 à 1 2 pieds d'eau ; il n'eft pas
_ poffible d'y entrer en baffe mer, & en conféquence
il n'eft pas permis, nous a-t-on dit, d'approcher de
la rade, lorfque la mer defcend, à caofe des dangers
occafionnés par les baffes : cette rade eft à près d'une
lieue du port; eHe eft, dit-on , excellente; elle peut
être en effet de fort bonne tenue ; mais nous avons
éprouvé qu'elle n'eft pas trop à couvert des fureurs du
vent du nord : c'eft celui qu'on paraît craindre le plus
dans ce parage. It y a fur le port 101 bon nomhre de
pilotes , entretenus par l'Amirauté ; ils vont au-devant
des VaifTeaux , les font entrer dans le port , & les
eonduifent , à leur départ , jufqu'au - delà de la rade.
Dès qu'un V ai fléau a mouillé dans le port, le Capi-
taine , ou quelqu'un en fon nom , eft obligé de fe
tranfporter au bureau de la Potache, ôid'y déclarer d'où
H vient, ou il doit aller au fortir de Dunkerque, &
quelle eft fa charge. On tient en ce bureau un regiftre
exa6l du jour de l'arrivée des. VaifTeaux , de celui de
leur départ, de leur port, des lieux de leur deftination,
& du nom des pilotes qui les ont fait entrer dans fe
port ou qui le» ont aidés à en fortir : ce bureau eft
joint à une tour que l'on nomme la tour des Pilotes , St
d'où l'on découvre affez loin en mer. Le port eft
franc, c'eft -à- dire > qu'on a pleine liberté d'y im-
porter r d'y vendre Si d'en exporter toutes fortes
de marchandifes» même étrangères. Les habitans de
DE M. DE COURTAtIVAUX. 14^
Dunkerque font exempts des clafles, c'eft-à-dire, que
pour avoir la liberté de fervir fur mer, ils ne font pas
obligés de fe faire enregiftrer dans les clafles du Roi ,
& de faire un certain nombre de campagnes fur les
Vaifleaux de Sa Majefté, ce à quoi on efl tenu par-tout
ailleurs. Ce font ces privilèges qui ont contribué à
repeupler la ville. En 1697, on y trouva ^e,ze cents
quarante maifons & treize mille deux cenfs habitans.
Pïganiol de la Force , dans fa nouvelle defcription de la
France, n'y comptoit plus que fix mille âmes. Un
auteur Anglois, qui écrivoit en 1761 , aflure que
l'année précéderrte fe nombre des communians avoit
excédé douze mifle, & nous ne croyons pas que ce
nombre ait beaucoup diminué depuis.
Au nord-oueft de la ville, au --delà du port, il y Citaddf*
avoit une citadelle irrégulière , il eft vrai , mais bien
fortifiée. Démolie en conféquence du traité d'Utrecht,
elle n'a point été rétablie depuis ; c'eft maintenant
comme une nouvelle ville ou un faubourg : le feu y
avoit pris quelques jours avant notre arrivée , & nous
y aperçûmes encore de la fumée ; l'incendie avoit
eonfumé plufieurs maifons.
La ville eft grande; fon mur avoit 269F toifes de Villes
circuit, fans y comprendre la baffe ville, qui eft fi tuée
vers le fud-oueft, entre les canaux de Bergues & de la
Mœre : les rues font aflez bien percées ; les maifons
bien bâties , prefque toutes en brique : toutes les caves
font habitées, elles reçoivent du jour par une porte à
f rp • • •
T uj,
150 Voyage'
deux bat tan s , qu'il faut lai (Ter ouverte pendant le jour,
tant qu'il y a du monde dans ces appartemens (buter-
rains: les noms des rues font marqués à chaque carre-
four; de plus toutes les maifons d'une même rue font
numérotées : il y a plufieurs belles places ; les princi-
pales font la place d'Armes ou la place Royale ; la
place Dauphine & la place Dubois : la première peut
avoir 60 à 70 toifes de long, fur 56 de large; elle eft
entourée de belles maifons : la place Dauphine n'eft
guère moins vafte. On met dans les rues , les jours de
Fête & de Dimanche , une efpèce d'ornement affez
fingulier; ce font comme des aflemblages de guir-
lande, compofées de fleurs artificielles de différentes
couleurs , efpacées & foutenues à peu-près comme ie
font nos lanternes -à Paris : ces guirlandes fe réunifTant
au milieu de la rue , forment des efpèces de dais ,
defquels pendent plufieurs morceaux de verre; pour
peu qu'il y ait un fouffle de vent, ces morceaux de
verre agités s'entrechoquent , rendent un fon , & for-
ment une mufique qui vaut bien celle des tambours de
bafque & des caftag nettes de Languedoc. La jeunefTe,
de l'un & de l'autre fexe, fe raffemble, après l'Office
Divin , pour danfer fous ces guirlandes. L'horloge de
la ville a un carillon qui nous a paru fort fupériëur à
celui de la Samaritaine.
Tour. Près de la place Royale , vis-à-vis l'églife paroifliafe ,
eft une tour fort élevée, elle a 160 pieds 6 pouces
de hauteur; du haut de cette tour, on découvre fort
DE M. DE COURTANVAUX. 151
loin en mer, on voit jufqu'aux Vaifleaux qui fortent
du port de Calais. Le 6 Juin, à l'infant que nous
appareillâmes, au fortir de ce port, on nous découvrit
de la tour de Dunkerque; on nous perdit enfuite de
vue dans la brume; nos fignaux nous firent reconnoîtte
une féconde fois, ôc Ton envoya ordre à la corvette
du pilote de fortir du port , pour venir au - devant
de nous.
L'églife paroiflïale de Dunkerque eft dédiée fous
l'invocation de Saint Éloi , elle eft vafte , très-belle &
bien ornée; elle eft entourée de quinze chapelles bien
entretenues; on admire dans cette églife plufieurs
beaux tableaux des plus grands peintres Flamands,
& fur-tout un qu'on nous a dit peint par François
Pourbus; il représente le martyre de Saint George, il
eft de toute beauté : on nous affura que pour l'avoir,
îes Anglois avoient offert autant de guinées qu'il en
faudroit pour le couvrir * : il a environ 10 pieds de
hauteur, & deux côtés plians pour le fermer & appa-
remment pour le tranfporter plus commodément. Cette
églife de Saint Éloi avoit été réduite en cendres en
1 j 58 Jorfque la ville fut emportée d'affaut par le maré-
chal de Termes; etle a été reconftruite en l'état où
* Pourbus a réellement peint le combat de Saint George contre
Satan , & h décollation de ce Saint : ce tableau étoit autrefois dans
la maifon de Pourbus à Bruges ; H aura été fans doute tranfporté
de-là dans l' églife de Dunkerque , car il ne paroît pas douteux que
ce ne foit le même tableau»
152 Voyage
elle, eft aujourd'hui, & cela, dit-on , par le produit des
fanas-filets. Les pêcheurs de Dunkerque, pour attirer
ia protection célefte fur l'exercice de leur profeffion f
s etoient avifés daflbcier en quelque forte Dieu à
leur commerce; lorfqu'ils partoient pour ia pêche,
ils féqueftroient un certain nombre de filets , auxquels
ils donnoient le nom de faimsfilets; tout le poiflbn
pris avec ces faints filets, étoit cenfé appartenir à
Dieu, il étoit mis à part, Se le produit de fa vente
étoit donné à l'églife de ia paroi (Te : ce qui n 'étoit
d abord que l'effet d'une dévotion libre & volontaire»
devint dans la fuite une obligation d'une néceflité indif-
penfable; les comtes de Flandre ordonnèrent qu'aucun
bateau de pêcheur ne fortît du port de Dunkerque,
fans embarquer au moins un faint filet, & ce fut du
produit du poiflbn pris dans ces faints filets , que
l'on a bâti la belle églife paroifliale de Dunkerque ,
telle qu'elle fubfifte maintenant.
Xouvew. Il y avoit ci - devant un collège de Jéfuites à
Dunkerque; il y a actuellement dans cette ville des
Récollets, des Minimes & des Capucins, de$ Béné-
dictines Angloifes, des filles Angloifes de Sainte-
Claire, des Rccollettes, des fœurs de la Conception
& des fœurs Noires : l'arfenai , l'Intendance & quel-
ques autres lieux principaux ont aufli des chapelles
particulières.
Autres Les bâti mens les plus considérables de la ville font
**imen$t U maifon de ville, labourfe, l'arfenai, les cafernes,
l'hôpital
DE Af. DE COURTAWVAUX. 153
l'hôpital royal, &c. outre ia cordcrie & les magafins
dont nous avons parlé ci-deffus.
Dunkerque eft du diocèfe d'Ypres, (a juftice y eft Dépendances,
adminiftrée par un bailliage reflbrtifTant au Confetti
fouverain d'Artois ; cette ville a au/fi un Gouvernement
particulier, duquel dépendent fix villages :1a langue
la plus ufitée eft la langue Flamande, il eft cependant
|>ien rare de trouver une perfonne arféç qyi ne puiffe
s'exprimer en françois. JLorfque nous arrivâmes à*
Dunkerque, nous trouvâmes la garnifon compofée
des régimens d'Orléans & Royal-Bavière infanterie.
* •
La marée à Dunkerque vient du nord, en fuivant Marfes.
ia côte orientale de l'Angleterre ; nous foupçonnions
cependant que la marée ayant dans la Marçche un
cours de l'oued à l'eft, il pouvoit en venir par le pas
,de. Calais, & que de ces deux marées, venant l'une
dii nord, l'autre du pas & diverfement combinées
il de voit réfulter tant à Calais qu'à Dunkerque une
marée fouvent irrégulière. M. de Fourcroix nous
avoit détrompés par rapport a Calais, mais il étoit
convenu qu'on éprouvoit à cet égard une irrégularité
fenfible à Dunkerque; en effet, on nous affura que
dans ce dernier port, généralement parlant, l'heure
de la plus haute mer étoit à midi moins un quart,
.& que les plus greffes eaux fe fàifoient ordinairement
remarquer dans les fyzygies.de Mars de de Septembre,
mais que ces deux règles n'étoient pas fi générales,
au'cjlçs ne fouffriffent des exceptions bien marquées*
.Y
154 VOYAGE
Le 2 Janvier 1767, deux jours après une fytygfe
folfticiale, ia mer avoit monté plut haut qu'elle ft'a
coutume de faire près des équinoxes» & quart t à
l'heure de la haute mer, qu'on fixe à midi moins uft
quart, nous avobs été témoins que fe iè, de Juin,
jour auquel ia Lune avbit été pleine > vers y heures £
du matin , la met à 1 1 heures «avoit déjà baifTé d'un
pied; Je 14 du même mois, elle nous a femblé
pleine entre t heure J & une heure £ après midi;
fe foir, elle nous fembleit perdre encore à 8 heures;
un quart d'heure après , nous jugions qu'elle remon-
tait : le lendemain» elte'pefdôit encore à S heures £,
tnais bien peu; la retraité qu'on fottna alors rrotis
força de nous retirer. Ce n'eft pas là là marche que
la marée fuit ordinairement ; d'habiles pilotes que
nous consultâmes convinrent des faits , mais ils n'en
voulurent attribuer là caufe qu'aux vents & fur- tout
aux nàrds. Je laifTe à juger aux Phyficie'ns fi k cboe
& ia combinaison des deux marées dont j'ai parlé
phi s haut, ne pourroit pas contribuer en partie à k
production de ces irrégularités.
Eau de Hors de ia ville , à i'eft , font deux grandes mam
Dunkerçue. ,4^. foffqfe nùm fcs vîmes, on lâvoit dans l\iïie,
on puifoit à force dans l'autre : c'eft prefque fer cette
feule eau que les habitons de Duhkêrqee peuvent
compter pour leur ufage , ce n'-eft à proprement pârtet
qtie de l'eate de citerne. L'eau de phiie fe ràffemlriè
dans les foffés de là yiMe , & coule par des cafett*
DE M. DE COURTANVAUX. 155
de plomb dans les deux mares, & cela eft entretenu
aux dépens du Roi; d'autres tuyaux de plomb,
construits & entretenus aux dépens d'un particulier
qui en conféquenqe en eft çenfé propriétaire , con-
duiront cette môme eau en difTérens quartiers de la
ville & même dans des maifons particulières. On
peut puifer de l'eau gratis dans les mares ; pour en
avoir d'ailleurs , il faut payer un droit au particulier qui
s'eft chargé de la conduite: cette eau eft» dit -on,
très -bonne pour le pays.
On a creufé piufieurs canaux de communication ,
par lefquels on peut , à peu de frais , voyager & faire
conduire des marchandifes par eau en piufieurs villes
d'Artois & de Flandre, comme à Bergues, à Furnes,
à fiourbourg , à Saint- Orner , &c.
J'avois fait venir d'Angleterre un baromètre portatif
de Si (Ton ; il étoit arrivé à bon port à Calais : nonob-
&nt les attentions de celui qui étoit charge de le
porter de Calais à £>unkerque, il étoit caffé avant que
d'être hors des portes de la première de ces deux
villes. J'avois commandé qu'on me renvoyât de Paris
celui qui avoit été cafle avant notre départ, après l'avoir
fait raccommoder; il eft encore arrivé caffé à Dun-
kerque. J'ai averti plus haut que dans ce voyage je
n'avois pas été heureux en baromètres portatifs.
Canaux
de
communi-
cation.
Vij
156 Voyage
CHAPITRE VIII.
1
Départ pour Amjlerdam ; les vents contraires obligent
et entrer dans la Meufe; arrivée devant Roterdam ;
féjour à la rade de cette ville ; voyage à Dort.
Départ T E 1 9 Juin , après avoir fait embarquer les montres
Punkcrquc. •*— i marines, & tout ce qui reftoit à terre d'inftrumens
d' Aflronomie , nous rejoignîmes enfin V Aurore. La
mer n 'étoit pas calme, les montres roulèrent non-
feulement dans le trajet , mais lorfqu 'elles furent à bord;
ie vent fouffloit d'abord de l'oued , puis du fud-oueft;
il remonta bientôt au nord-oueft; vers midi il fe remit
au nord : nous ne jugeâmes pas à propos de profiter de
la marée de trois heures, comme nous l'avions pro-
jeté. La foirée fut fort belle par un vent d'ouefl , mais
la mer étoit trop baffe pour que nous puflions nous
engager fur fept bancs de fable, par-deffus lefquels
nous devions paffer. Le 20, par un beau temps & un
vent d'ouefl joli -frais , nous appareillâmes; il étoit
3 heures £ du mâtin ; nous fîmes pendant quelque
temps route valant le nord-nord-efl, mais nous n'étions
pas encore quittes des vents du nord : nous ne pûmes
aller auffi droit chemin que nous le defirions.
Perte Vers 3 heures j du foir , nous eûmes la connoifîànce
HdlandoU.U d'un Dogre , c'efl-à-diré1 d'une Felouque de Pilotes;
nous lui fîmes fignal ; il approcha: un Pilote d'Amfter-
DE M. DE COURTAHVAUX. 157
dam monta fur notre bord ; il fe faifoit à î 6 lieues
( vingt -une lieues marines de France ) , du Texel : il
nous dit qu'environ une dejni- heure auparavant, urt
Navire Hoilandois , deftiné pour Oftende f & un Vaif-
feau Anglois s'étoient rencontrés; que celui-ci n 'avoit
'pas voulu fe détourner de fa route , quoiqu'il pût le
iàire facilement , & que dans le choc des deux Vaif-
féaux, le Navire Hoilandois plus foible, & peut-être
heurté plus défavantageufement , avoit cédé & coulé
prefque aufïitôt bas. Un petit Bâtiment Hoilandois
qui fe trouvoit heureufement près du lieu où cet acci-
dent arriva, fauva l'équipage, qui étoit compofé de
vingt-deux perfonnes. Nous avons appris depuis que
cet équipage avoit porté Tes plaintes à l'Amirauté de
Roteirdam ; mais que peut faire cette Amirauté ! Ce
Vaiffeau, nous a-t-on dit à Roterdam, eft le fixième
qui , depuis peu de temps , périt en de femblables
rencontres. On s'eft plaint ; l'Amirauté d'Angleterre ~
a condamné hautement ces faits , & a promis de punir
les coupables , fi on Içs lui faifoit connoître. Comme
f ai appris, depuis mon retour, que cette hiftojre avoit
été racontée de plufieurs façons, j'ai cru devoir la
rapporter telle qu'elle eft, priant le JLeéieur d'être
perfuadé que ce qu'il vient de lire eft conforme à la
plus exaéte vérité.
Le vent cependant, après avoir été quelque temps Entrfe
peu favorable, devint prefque ahfolument contraire; kivkufe,
nous courions des bordées , la mer étoit clapoteufe,
y iij .
158 Voyage
nous allions fort à la bande, les canons de ftribord
& de bâbord étoient alternativement plongés dans
l'eau; nous étions le 20, vers fept heures du matin,
par les travers de l'embouchure de la Meute , il falloit
fe réfoudre ou à entrer dans cette rivière vers laquelle
le vent nous portoit , ou à louvoyer jufqu'au Texel
par une mer affez groffe : on m'engagea à prendre
le premier parti; nous cinglâmes vers la Meufe, un
pilote de la Brille vint fur notre bord , le fieur Deperre
lui céda le timon , & nous arrivâmes vers neuf heures
du matin vis-à-vis de h Brille.
Le fieur Deperre, dont je viens de parler, était
un excellent pilote de Dunkerque & très-grand pra-
ticien de toutes ces mers; M. Bernier, comme je
l'ai dit plus haut, me l'avoit envoyé à Calais, je l'ai
gardé dans tout le voyage; je puis dire que par fon
intelligence Se fon activité , il a dégagé plus d'une fois
notre Bâtiment de pas affez gliflans. Il y avoit eu un
autrç changement fur notre bord; M. de Guerchi,
Colonel du régiment du Roi, avoit cru la préfenee
de M. Detoteux néceflaire à ce régiment, & lui avoit
en conféquence fignifié de ne pas nous accompagner
au-delà de Calais; j'avois pris à Punkerque, pour
Chirurgien-major, M. Barré que M. Bernier m avoit
pareillement adreffé , & qui vivoit à Gravelines , retiré
du fervice.
Anrivét Vis-à-vis de la Brillç, le pilote Hollandois qui
nous ayoit fait entrer dans la Meufe, nous quitta,
i Rocerdain.
de M, x>£ Court ah vaux» 159
e\ un autre pilote fe chargea de nous conduire à
Roterdam, . Nous mouillâmes vers 11 heures £ dans
le canal même de la Meufc, prefque *is4«vis de la
partie orientale de NaKe-Hooft-, ou de ia nouvelle
jetée *, fur cinq bluffes & demi d'eau; je ne crus
pas devoir aller à terre , fans m'étre abouché préala-
blement avec f Agent 9e la marine de Fonce t
M* Potin porte ce titre, TObis c'eft maintenant un
Vieillard o&ogénaire qui ne toit ptus , 6l dont les
forces ne font pto* ce qu'elles om tété. Les fondions
<fe Conful font exercées , à \\ fatisfàetion de tous
les François qui fréquentent ce port , par M» Van-
derhoeWen de Tïenoven; il était alors abfent, &
ne de voit revenir que fort tard. Il fut à peine de
retour, qu'il vint me rendre vifite, il me fit offre
<fè fon temps, de fes foins, de fon crédit* en un
tnot, de tout ce qui pouvoit dépendre de foi : le
cceùr partait, les effets Ont pleinement répondu aux
promettes.
A *j heures \ du foir , le baromètre étoit à bord a
28 pouces 1 ligne J.
Dès l'entrée de la Meufe , la Hollande nous avoit Vues de h
paru un pays charmant ; la campagne aufli WTe que
• * Hooft v 1 proprement ptrkr* fignrfit tâe tou tvp. Cfe q*fe fox*
appelle de ce nom à Roterdam, eft uoe^fpèce 4t 4o\j/blc ftetée y
avec un canal au milieu ; c'étoit ordinairement dans ce canal que • '
nous menions pied à terre. On peut , fi Von veut , appeler ce
irirïrdbçfois , là nouvelle tête.
160 Voyage
J'eau de la rivière , fe laiflbit voir de deflus notre
bord, & formpit les payfages les plus rians, des
villages très-propres , des maifons de campagne &
des jardins fymétrifés dans toutes leurs parties, de
fort belles avenues à pale de vue, des prairies grattes
où paiflbient des troupeaux fans nombre ; mille
autres objets agréables &* diverfifiés ne nous laif-
foient d'embarras que fur le choix de ce que nouç
devions le plus admirer, & ne nous permettoient
pas d'efpérer une vue plus fatisfàifante.
Nous en trouvâmes cependant une encore plus iïat-
teufe devant Roterdam ; elle étoit d'un côté terminée
avantageufement par la ville, elle fe perdoit de l'autre
dans des campagnes de toute beauté , & fur la rivière
même qui a en cet endroit près d une demi-lieue
de large, les Vaifleaux, les barques, les yachts,
les canots qui fe fuccédoient continuellement les
uns aux autres, formoient comme une féconde ville
flottante, qui groupoit parfaitement avec tout le refte:
d'ailleurs, ce même jour 21 Juin, la férénité du ciel
ajoutoit un nouveau luftre à toutes les parties de cette
vue charmante.
Le 22 au matin, le temps fut encore beau par un
vent d'oueft; il plut un peu l'après-midi , le ciel
redevint ferein le foir, par un vent de nord-oueft.
Rues M. Vanderhoewen revint nous rejoindre dans la
dcRotertfam
Koterdam nous parut un Vrai bijoux; les rues y font
de
DE M. DE COURTANVAUX. \6l
de la plus grande propreté, le milieu de toutes* les
rues efl pavé de cailloux, & fe relève en chauffée,
c'eft par -là que doivent pafferx les chevaux & les
voitures; & comme ce pavé eft fort dur, pour que
les chevaux sy tiennent plus fermement, les deux
extrémités de leurs fers font relevées au moins
d'un pouce; les fardeaux font ordinairement tirés
par les chevaux, non pas fur des charrettes ou
autres voitures de cette efpèce, mais fur de (impies
traîneaux; fur le devant du traîneau, efl un petit
tonneau plein d'eau & percé de deux trous; l'eau
s'écoulant par ces trous, rafraîchit le pavé , & empêche
que le frottement ne mette le feu au traîneau. A
droite & à gauche de ce pavé régnent deux autres
efpaees, pour l'ordinaire auffi larges que Je pavé
du milieu; ces deux efpaees, pour la commodité
des gens de pied , font pavés de briques pofées de
champ, & fouvent ces briques font tellement difpofées,
qu'elles forment entre elles des efpèces de compar-
timens; le long de ces pavés de briques régnent
deux ruiffeaux, pour recevoir l'eau des rues & pour
Jes teni* toujours propres : ces ruiffeaux font taillés
dans de la pierre & font couverts en grande partie:
entre eux & les maifons, règne ordinairement une
efpèce de plate-forme pavée de marbre, de 3 à
4. pieds de large, féparée affez fouvent de la rue
par une baluftrade de fer ; quelquefois H y a des
perrons au iieu de cette plate-forme.
• X
i6i Voyage
Ahifons. Les maiforis font prefque toutes featiés de briques f
& ces briques cîiverfement cblorééi f forment fouvent
des deffihs ; d'ailleurs , j'ai remarqué fort peu de
goût de bonne architecture dans ces maifons; les
pignons s'élèvent quelquefois par-deffus les toits,
comme en forme d'efcalier, & cachent abfolument
la vue du toit. A Roterdam , ces pignons ont fouvent
une autre forme; il y a d'âuttes villes en Hollande f
comme Dordrecht , où il eïl très-rare de trouver un
pigrton fous une autre fohne que fous celle d'efcalier:
au rerte , les efpèces de degrés t^ui Fôrrhéht cet efcalfer
ne font qu'au nombre de quatre ou ciftq de chaque
côté; ils peuvent avoîr iB à 20 pôucès Me hauteur,
fous une largeur à peu - près égalé. Les mufs des
maifons penchértt fenfibternènt par te haut , en dedans
de la 'rue; cette pente var jufqu'à 4 à 5 pfeds; on
nous a dit que le motif de dette conftruélion iinguKère
étoit d'empêcher que l'eau qui tombe des toits ne
tachât tes compartiment des murs f en coulant defTus ;
mais nos gotrttrères nfe prodilirôieht-efies pas te même
effet î les croiféés font grandes , & les vitres entretenues
dans une grande propreté : dans beaucoup de maifons ,
au premier étage ou au tez-de-chaufféfe, il y a des
miroirs aux deux côtés des Fenêtres ; ton fait incliner
ces miroirs en différons feris, félon qu'on le juge plus
commode pour qu'ifs ptiiftent repréfentter tout ce qui
le paffedâns la rue: tes portes des maifons font, pour
Ja .plupart , peintes en vert , & ornées de clous on <fe
de M. ùë Court anvaux. 163
boutons de cuivre; en dedans, tout eft de la plus
grande propreté, les appartenons font frottés avec
foin , le pavé , pour l'ordinaire , eft de marbre , les
murailles font couvertes de fayence blanche, diftrib«ée
par carrés de 4 pouces eftviron de côté : le milieu de
ia largeur des efcaliers, ainfi que le fol de plufieurs
appartemens , eft couvert de tapis, ou au moins de
quelque étoffe ou de quelque toile, pour le garantir
de ia malpropreté qu'on pourrait y occafionner en
marchant deffus. C'eft en Hollande une incivilité
groflière, que de cracher, dans les maifons, fur le
carreau ou fur le plancher, quelque malpropre qu'il
puifle être d'ailleurs : les appartemens font quelquefois
ornés de tableaux ou de porcelaines ; j'en ai vu extrê-
mement peu où il y eût quelques meubles.
Comme certains ballots, tels que des provisions
de paillp, de foin ou d'autres femblables, pourrai en t
nuire à la propreté des efcaliers , fi on les introduisit
dans lie grenier par cette voie , on a recours à l'expé*
dient fuivarit : on pafle une corde autour d'une poulie
tout au haut de la maifon , le fardeau s'attache à un des
bras ou pendans de la corde; après avoir fait paffer
l'autre bras autour d'un« féconde poulie fixée vers le
ba$ de la maifon , on y attelle un cheval , le cheval en
^'éloignant tire la corde & fait monter le fardeau ; il
&ut fuppôfer qu'on n'a recours & ce moyen que
forfqirtl y a un certain nombre dé ballots à monter1:
i'affcflee & la promptitude 4e ce fervjce pourraient
X y
ify Voyage
bien être les feules caufes qui 1 auraient fuggéré.
Canaux, La ville eft entrecoupée de plufieurs canaux, dont
poms-iVvis. les plus grands forment, 3 proprement parler, le port
de Roterdam; il pourrait, en cas de néceflité , y
entrer des Vaifleaux de guerre : les quais qui bordent
ces canaux font pour la plupart fort agréables, ils
font pavés comme les rues; une rangée d'arbres du
côté du canal , & fouvent une féconde du côté des
maifons, forment fur ces quais comme autant de
cours, où la promenade eft très-agréable : les diffé-
rentes parties.de la ville, divifées par les canaux, fe
communiquent par des ponts-levis; lorfqu'un VaiflTeau
fe préfente pour paffer, le fervice des ponts eft égale-
ment prompt & facile; un feul homme ou une feule
femme, en tirant une corde ou une chaîne qui corn*
munique à la moitié du pont, lève cette moitié fans
aucune peine, un autre de l'autre côté lève pareille-
ment l'autre demi-pont : lorfque le Vaiffeau a pafle f
les deux parties du pont defcendent par leur propre
poids, aidé feulement du poids de la perfonne qui
a levé le pont.
Yachts. Outre les VaifTeaux marchands, on voit fur ces
canaux un nombre prefque infini d'yachts; ce font
des Bâtimens légers, fort commodes en dedans, par
la diftribution des appartenons qui les compofent;
ils ne tirent prefque point d'eau, ils voguent à l'aide
de deux voiles, Tune carrée & l'autre latine, qui ne
font en quelque forte qu'un feul continu; iorfqu'ils
de M. de Court anv aux. 165
" veulent virer de bord» ils fe contentent de tranfporter
d'un bord à l'autre l'extrémité d'une vergue à laquelle
la voile eft attachée par le bas ; cette feule manœuvre ,
aidée du gouvernail , oriente les voiles & fait en un
inftant virer le Navire : ces Yachts vont fort près du
vent; je crois qu'ils vont mieux qu'à deux rhumbs: il
y a à bâbord & à ftribord deux ailes de bois appliquées
par leur plat fur les côtés du Va i fléau , & mobiles fur
un petit axe: lorfque l'on eft obligé d aller vers l'ori-
gine du vent, on laifle defeendre dans l'eau l'aile qui
*ft fous le vent, & cela doit nécessairement anéantir
ou du moins diminuer confidérablement la dérive. Un
des premiers endroits où M. Vanderhoëwen nous
mena à Roterdam , ce fut à l'Yacht des États ; il eft
d'une propreté charmante , & très - commodément
diftribué ; c'eft le plus joli Bâtiment que nous ayons
vu à Roterdam; il a 68 pieds du Rhin de l'étrave à
i'étambot. Nous vimes, un des jours fuivans, l'Yacht
du Prince Stathouder; il eft aufli très-propre & pariai*
. tement décoré : celui des Etats nous avoit paru plus
commode. Ces Yachts font montés de fix ou huit
pièces de canon , mais d'un quart de livre ou tout au
plus d'une demi-livre de balle. Il eft peu de particuliers
aifés, qui n'ait fon Yacht; outre qu'ils s'en fervent
pour fe promener fur les canaux & fur la Meufe , ils
les emploient aufli comme voitures pour conduire &
décharger les marchandifes à leur porte.
Les villes de Hollande fe reifemblent toutes ; ainfî
X...
ni
1 66 Voyage
Vfflcf ce que je viens de dire de Roter dam peut s'appliquer
Hollande; à toutes les autres ; il n'y a de différence que du plus
prééminence ou moinSt Qe qUj djftjngue Roterdam des autres, ce
Rotcrdam. n'e£ p0jnt fon antiquité, elle n'eft devenue ville qu'en
1 170; ce n'eft pas non plus le rang qu'elle tient entre
les villes de la Hollande, elle ne paffe que pour la
feptième vil je de cette province: mais quant au nombre
de fes habitans, qui fe monte à environ foixante mille,
quant à la beauté de fa fi tuât ion , quant à la bonté de
fon port, quant à l'étendue & à la richefle de fou
commerce, elle ne le cède qu'à la capitale feule,
c'efl-à-dire, à Amfterdam; on peut dire même qu'elle
remporte* de beaucoup fur cette dernière ville, par
rapport à la fituation commode de fon port , à la
propreté de fes rues & de fes canaux: elle efl bâtie,
au moins en partie, fur pilotis, fur la rive droite &
Septentrionale de la Meufe , à l'embouchure de la
petite rivière de Rote qui fe jette dans la Meufe entre
{es deux petites jetées qu'on nomme dans le pays,
Oude-hooft ou la Vieille-tete , & qui forme ce que Ton
peut proprement appeler le port de Roterdam ; c'eli
auffi cette rivière qui donne le nom à la ville,
Roterdam, en langue du pays , ne lignifiant autre chofe
Amirauté que digue ou chaujflc fur U Rote. L'Amirauté de la
c* Meufe a fon fiége à Roterdam , c'eft la première de
toute la province ; l'Amiral de Hollande moqte tou-
jours un Vaiffèau de cette Amirauté : le chantier
de cette Amirauté, qu'on appelle aufli le chantier
ÛE M. DE COURTANVAUX. 167
des États , eft fitué à la partie orientale de la ville;
il eft fort vafte; nous y fumes au fortir de ¥ Aurore ,
oh y ttavailloit à une Frégate de trente -fix canofw,
tjui étoit fort avancée.
Au fortir de l'Amirauté, M. Vanderhoetven nous vifitei.
fcohduifit chez M. Afcyners, premier Bourgmeftre
& Directeur de la Compagnie ffes Indes Orientales.
Le principal motif de cette vifite* étoit d obtenir un
lieu où nous puflrons faire nos obfervations. M.
Meyners nous reçat avec toute la politefle imaginable,
& nous fit les plus grandes offres de fervice. Sur
l'expofé que nous lui fîmes de ce que nous projetions
d'obferver, il crut que nous ne pouvions être mieux
placés qu'à l'Amirauté même, à la tête du chantier
dont je viens de parler; fur fou confeii, nous fumes
rendre vifite à M. Vanderherân , autre Boutgmeftre 9l
Secrétaire de l'Amirauté. Gomme on nxras avoit
dit que la fortie de la Meufe était difficile, que les
Vaiffeaux étoient quelquefois obligés d'y attendre
Jong-temps un vent favorable, & qu'il ne ferait peut*
être pas impoflibie de conduire notre Fréga*e de
Roterdam à Àmfterdam , par les canaux dont tout ce
pays eft traverfé , j'entretins auffi fur rcet ofejet M.
Vanderheim , qui me promit le plus gracieufemerit
du monde de propofer au Confeil qui s'affcmbloit le
lendemain , le deftr que j'avois d'établir mon Obser-
vatoire à l'Amirauté même, 6l de faire le voyage
d' Amfterdam par les canaterx ; il ajouta qu'il fe faifoit
i68 Voyage
fort d'aplanir les difficultés qu'on pourroit foire, fur-
tout fur ce fécond projet, & qu'il m'informerait
au (fi tôt du fuccès. Quant à 1 établi (Te ment de notre Ob-
fervatoire à l'Amirauté, cela fut réglé fans difficulté;
M. Vanderhoewen nous apporta le lendemain avant
midi une permiflion par écrit d'entrer fur le chantier
à toutes les heures du jour
Statue De chez M. Vanderheim , M. Vanderhoewen
nous mena dîner chez lui ; il loge fur la plus grande
place de la ville, elle eft en grande partie formée
par un pont le plus large & le plus long qui foit dans
Roterdam; fur cette place, près du pont, eft un monu-
ment érigé à la gloire éternelle de la ville & de {es
M agi fl rat s : c'eft une ftatue en bronze du célèbre
Érafme, repréfenté debout fur un piédeftal, d'une
taille plus haute que la naturelle, habillé en doéteur,
& tenant en fa main un livre ouvert : les faces
du piédeftal font décorées de plufieurs inferiptions
latines en lettres d'or. Près de là, on montre la
maifon où Érafme naquit en 1467; on a lait graver
un diftique latin au-deffus de la porte.
Cabinets Après le dîner, nous fumes conduits chez M.
M.Biifchop. Biffchop négociant. Sa boutique fort étroite, dans
laquelle on vendoit en détail du fil & d'autres
menues marchandifes, ne nous donnoit pas l'idée
des beautés que nous allions voir : je doute qu'il y
ait dans l'Univers un cabinet qui furpafTe celui de
M. Biffchop, Quoiqu'il ait deux maifons abfolument
pleines
OE M. DE COURTANVAUX. 169
pleines de raretés , l'efpace lui manque encore pour
contenir, ou du moins pour arranger toutes Tes
richeffes ; c'eft un magafin de Porcelaines les
plus grandes , les plus belles & les plus délicates
qu'on puiffe imaginer, de Laques de la Chine en
grand nombre Se plus précieux qu'on n'en voit com-
munément, de Verres gravés avec la plus grande
délicateffe, de dents entières d'Éléphans très-joliment
fculptées , de Coquilles rares bien conditionnées ,
arrangées avec goût & intelligence; )'y remarquai fur-
tout une très-belle fealata, un eft & oueft, & une autre
coquille qiii n'a point de nom, & que M. Biffe hop
croit être la feule de fon efpèce qui exifle dans les
cabinets des Curieux. Nous paffames de -là à une
très-belle fuite de magnifiques gravures, de deffms
originaux des plus grands maîtres, & fur-tout à une
ample collection de Tableaux dont nous ne favions
fi nous devions plus admirer la quantité ou la qualité;
après un coup d'œil donné fur les parties de ce
tréfor, il aurait fallu plufieurs jours pour l'examiner
en détail. M. Biffe hop fit venir une bouteille de vin
de Tokai, préfent du feu Empereur; & après avoir
rempli les verres , il me porta la fanté du roi de
JFrance, pour lequel il eft rempli d'une vénération fi
profonde , qu'il porte continuellement fur fa poitrine
une médaille fur laquelle eft gravée l'effigie de ce
Monarque bien-aimç. Je ne crois pas qu'on puiffe
trouver un caractère plus naturel, plus ouvert, plus
.Y
.»
170 V O Y A G E
uni, plus obligeant que celui de M. Biflchop : ce
refpeétable vieillard étoit âgé de 88 ans.
HôteWe-viiic; Nous vîmes auflî ce même jour l'hôtel-de- ville >
Bourfc. qUj n'a rjen je remarquable, la poiffonnerie & la
bourfe; ce dernier édifice eft bâti à la moderne en
pierres de taille, c'eft après quelques églifes, ce
qu'il y a de plus noble à Roterdam; il forme un
carré long, fort vafte; la place qui eft en dedans eft
environnée de galeries , ce qui forme un total aflez
femblable à nos cloîtres : les piliers qui fépareni les
arcades nous ont paru d'une feule pierre; ces arcades
ont environ 80 pieds de large, & la largeur des
galeries ou des péri fty les eft d'environ 60 pieds*
Obfervatoire. Le 23 , le ciel étoit ferein le matin; il furvint
enfuite des nuages , le vent fouffloit d'entre i'oueft
& le fud-oueft ; hauteur du baromètre , à 7 heures *
du matin, & à 2 heures du foir, 28 pouces 4»
lignes : à 1 1 heures £ du foir, 28 pouces 3 lignes £;
thermomètre aux mêmes inflans, 15, 17 & 17 deg.
J'achetai ce même jour un nouveau baromètre por-
tatif, pour nous fervir en cas d'accident; comme ce
nouveau baromètre étoit divifé en pieds & pouces
de Rhynlarrd, nous nous fommes contentés de le
comparer fouvent avec celui de M. de Fourcroàc,
mais nous n'avons tenu un compte exaél que des
variations de celui-ci.
Marche Vers 1 1 heures du matin , ayant reçu tes ordfes
mar^T* néceflaires pour pouvoir entrer librement à toute heure
DE M. DE COURTANVAUX. \J\
dans le lieu deftiné pour nous fervir d'Obfervatoire ,
nous fumes le voir; c'étoit une chambre au premier
étage avec un balcon de pierre, foutenu, à ce qu'on
nous a ait entendre, fur un cul-de-lampe en voûte
êc expofé au midi : le foir , nous y fîmes tranfporter
les deux montres marines, le quart-de-cercle & la
lunette de M. de Momigni ; nous crûmes ces inftru-
mens ûiffifans pour le temps & pour le lieu.
Le 24, vent fud-oueft, beau le matin, nuages
enfuite, le foir vent violent, on ne doutoit pas qu'il
n'y eût un coup de vent au large; le matin, vers
7 heures •£, nous primes vingt hauteurs du Soleil;
nous ne pûmes , il eft vrai , prendre le foir les corref-
pondantes, les nuages y mettant obftacle, mais ces
hauteurs du matin étoient précifément les mêmes que
nous avions prifes le 8 Juin matin à Dunkerque : il
nous a été facile de conclure par un calcul, un peu
long peut-être, mais fondé fur des principes fûrs,
quelle avoit été la marche de la montre marine entre
le 8 Juin & le 24 du mêrrje mois, c'efi-à~dire, en
feize jours. Le réfultat de ce calcul çft que dans cet
intervalle, la montre marine avoit avancé fur le temps
vrai de $ min. 9 fec ~; elle auroit dû? félon
l'équation du temps, aywnç^r de 3 min. 18 fec» ■&;
donc die avoit retardé de 9 feç. & «& fur le temps
moyen. Pour conclure de-là la marche réelle de la
montre marine, H ferqit néieiTaîre de déterminer la
différence deatre les méridien* 4e Dunjtercjue <St
Y.j
i7* Voyage
de Roterdam, & c'eft ce que nous ne pouvons Eure
Longitude par nos obfervations. Ce même jour 24. de Juin,
Roterdam. nous nous proposons d'obferver une émerfion du
premier fatellite de Jupiter; le temps abfolument
couvert ne nous ie permit pas; & d'ailleurs qu'aurions-
nous pu conclure d'une feule obfervation de cette
efpèce ! il faut donc recourir à d'autres moyens pour
établir la longitude de Roterdam , & confuiter les
autorités. Le P. Hell , dans fes Éphémérides , met
Roterdam à l'orient d'Amfterdam; c'eft une faute
manifefte qui lui a échappé. L'Encyclopédie , aux
mots Amjlerdam & Roterdam , place la première de
ces deux villes à l'orient de la féconde , comme cela
doit être, & ne met que 1 min. 12 fec de temps
pour différence entre les méridiens de ces deux villes.
Dans les Cartes de feu M. de rifle, dont on con-
noiffoit Texaditude à raffembler de bons Mémoires»
& l'intelligence pour les apprécier , Roterdam eft
placé 1 min. 35 à 36 fec. à l'oued d'Amfterdam. Les
États de Hollande ont, depuis quelque temps, fait
lever des Cartes fort exaltes de leur province : or j'ai
fous les yeux de nouvelles Cartes de la Hollande,
gravées en Hollande même, fur lefquelles la diftance
des deux méridiens eft marquée de 22 à 23 min. de
degré, c'eft-à-dïre, de 1 min. 28 à 32 fec. de temps.
Je crois qu'en fe tenant à 1 min. 30 fec. on ne peut
s'écarter beaucoup de la vérité. Or nous avons trouvé
que le méridien d'Amfterdam eft de 10 min. 12 fec;
DE M. DE COURTANVAUX. 173
plus orientai que celui de Paris ; donc Roterdam fera
de 8 min. 42 fec. plus orientale que Paris , & par
conféquent de 8 min. 32 fec. j plus orientale que
Dunkerque. En fuppoiânt que la montre marine
avançât de 30 fec. \ par jour, comme nous avons vu
ci-deflus qu'elle avançoit à Dunkerque , il s'enfuivroit
qu'en feize jours elle auroit dû avancer de 8 min.
j fec. j, & que pour la différence des méridiens elle
devoit retarder de 8 min. 32 fec. 7: elle devoit donc
retarder de 27 fec. £ ; elle ne retardoit que de 9 fec. ■— :
voilà donc encore un avancement de 17 fec. £- occa-
sionné par les roulis *.
Le baromètre reflé fur la Frégate étoit haut de 28
pouces 3 lignes à 6 heures 7 du matin ; de 28 pouces
2 lignes 7 à 2 heures & à 10 heures du foir. Le
thermomètre étoit, à 2 heures du foir, à 20 deg.
fur la Frégate; à 5 heures il n'étoit qu'à 16 deg. 7
près des montres miarines.
* Ceux qui compareront cette
Relation avec le Précis que j'ai
lu à la rentrée publique de l'Aca-
démie, & que j'ai fait aufîitôt
imprimer , pourront remarquer
quelques différences entre les
deux ; elles (ont fort légères, &
lie viennent que de ce que de-
puis l'impreffion du Prétis on a
eu le temps de perfectionner &
de combiner les calcul* s ici la
différence , un peu plus fenfible
qu'ailleurs , vient de la longitude
d'Àmfterdam que j'avois (up-
pofée dans le Précis , d'après
des autorités étrangères., & que
je fonde ici fur nos propres
obfervations , comparées avec
celles de M. le Monnier : nous
n'avions pas encore celles - ci ,
lorfque je lus le précis le 14
Novembre 1767.
Y iij
1
i74 Voyage
Divcrfes M. Stéphane Hoogendy ck , Horloger , vint ce même
& moulins, jour nous prendre dans fon Yacht , & nous conduifit
d'abord chez lui : il nous y fit voir le modèle d'un
moulin à vent deftiné à élever les eaux ; quatre roues
qui tournent enfemble ont en dedans d elles plufieurs
conduits faits en fpirale , qui viennent fe réunir au
centre de la roue; l'eau que ces roues puifent par des
ouvertures faites à leur circonférence, coule par ces
fpirales jufqu'aù centre de la roue, & de -là elle fe
vide dans un canal pratiqué exprès : on conçoit que
par ce mécanifme les roues ne peuvent élever l'eaii
que jufqu'à la hauteur de leur demi-diamètre , qui ne
peut guère excéder cinq pieds ; mais cette eau peut
couler de -là dans un réfervoir voifin , où elle fera
reprife par une féconde machine , & enfuîte par une
troifième &.une quatrième. Nous avons appris depuis
qu'on penfoit férieufement à profiter de cette machine
pour defTécher la mer d'Harlem , dont nous parlerons
plus bas. M. Hoogendyck nous montra au/fi un globe
de cuivre de fon invention ; un rouage pratiqué en
dedans fait mouvoir en dehors une image du Soleil
autour d'un cercle qui repr4fcnte l'Édiptique. Nous
vîmes auffi un pyromètre extrêmement fenfible; l'ha-
leine feule , poirflee tin infiant contre une petite barre
de fer, mettoit en mouvement l'aiguille du pyromètre:
cette «n?cJiine portoitauffi un thermomètre, pour que
l'on pût .juger des différens effets de ia chaleur fur lec
Inftrumens. Nous Aimes de-4à à un moukn fort élevé*
. DE M. DE COURTANVAVX. 175
comme le font prefque tous les moulins du pays,
précaution néeeflaire ou du moins très-utile, lorfqû'on
ne peut conftruîre les moulins fur des» terreins éleyés:
celui-ci, dans lequel nous fommes montés, & que
nous avons par conséquent examiné de plus près , efl
comme divifé en deux parties ; l'inférieure efl; * de
brique, en forme de cône tronqué , de 45 pieds
environ d'élévation; en dedans Un y a que l'arbre du
moulin au milieu , & trois échelles ou efcaliers pouc
monter à la partie fupérieure qui contient véritable-
ment le moulin: cette féconde partie efl: cylindrique,
à peu-près au/fi haute, que la première, & bâtie pareil-
lement de briques: entre les deux parties règne»
comme en forme de couronne, tout autour du moulin,
une plate-forme de planches foutenues fur une bonnç
charpente, de 10 pieds environ dç largeur: on jouit
d'une vue charmante tout autour de cette plate -for me;
ce font de tous côtés des payfages riants , ; qui. s'étejx*
dent à cinq ou fix lieues à la ronde.
Au fortir de ce moulin , nous enfilâmes, un grand
chemin donc le milieu étoit pavé de .briques; des
maîfons de campagne affez petites le horjloient, à
droite & à gauche ; des fotfés d eau ftagnante .&
corrompue entouraient plufieurs de ces maifons, ce
qui: ne faifoit pas un, bon effet. Nous arrivâmes à
un; rooqlia où Ton {ci^it des planches,; tandis que
quelques roues font occupées à faire agir les ijcies*
l'échappement d'une : autre roue fert à foire aDDuver
176 Voyage
à fur & à mefure les poutres contre les fcies qui
doivent les réduire en planches : il y avoit tout près
de là un autre moulin deftiné à pulvérifer du tabac ,
& pluïieurs autres employés à différens ufages.
M. Hoogendyck, après nous avoir fait traverfer
une corderie fort longue , nous mena enfin à un petit
moulin exécuté fur le modèle que nous avions vu
chez lui; il le fit jouer en notre préfence, le fervice
en eft fur Se très-prompt.
Dclfifaaven. Le foir , quelques-uns de ma compagnie furent fe
promener le long de la droite de la Meufe. Entre
des maifons de campagne très -jolies, des jardins
char m an s , des avenues riantes , dès prairies agréables ,
ils furent jufqu'à Dclfshaven, ou au port de Delft;
c'eft un village ramafTé & aflez confidérable , il eft
beau, propre, bâti à peu •près fur le même modèle
que Roterdam, & entrecoupé de quelques «anaux;
un de ces canaux va jufqu a la ville de Delft : Delfs-
haven eft à une bonne demi-lieue de Roterdam.
Le 1 5 de Juin -, ciel perpétuellement couvert , avec
quelque pluie par intervalle ; il avoit beaucoup plu
durant la nuit*, vent entre M'oueft Si. le fud-oueft.
Baromètre ,' à 3 heures du matin, 28 pouces 3 lignes:
à 2 heures du foir, 28 pouces 3 lignes 5: à 10
heures f du foir,' 28 pouces 3' lignes \ : à 2 heures
du foir; le thermomètre auprès des montres étoif à.
1 ç deg. *■ . . . c
Voyage - A' m heures dti matin, M. Hoogendyck vint me
à ÏMnAu ' chercher
DE M. DE COU RTANVAUX. 177
chercher dans fon yacht, pour me mener à Dort ou
Dordrecht, avec M. Pingre & M. Leroy; il étoit
accompagné de M. Pieter Storm & de M. Van-
Jienden le jeune; chemin faifant, nous continuâmes
de voir de belles campagnes & plufieurs villages : les
façons hollandoifes de M. Hoogendyck me plurent
Jbeaucoup, je voyois que c'étoit un homme franc 3
qui avoit le cœur fur les lèvres. ,
Dordrecht, à trois iieues environ de Roterdam* fur
la rive gauche de I4 Meufe , eft une des plus
anciennes villes de Hollande, elle tient le premier
rang dans les Etats de cette province ;#c'eft une fort
jolie ville, moins grande, moins peuplée, moins
remuante que Roterdam; les rues pour la. plupart
ibnt moins larges, mais les maifons m'ont paru plus
telles que dans cette dernière ville : la grande églife
<Ie Dordrecht eft de toute heauté, le chœur y con-
ferve encore fes ftalles inutils, on la converti en
une école, en conféquence le milieu eft rempli de
bancs pour les enfans; il eft tout environné de cha-
pelles, dont les autels font démolis; la chaire eft un
ouvrage parfait., elle eft d'un heau marhre blanc,
moucheté ou veiné de noir & travaillé en relief:
quatre Vertus très-bien fculptées foùtiennent le noyau;
ce morceau eft très- moderne, ayant été achevé, je
penfe,, en 1753. On nous conduifit aufli à une efpèce
xfarfenal très-long, rempli d'affûts de canons & de
mortiers tant anciens que nouveaux, & de bois
. Z
178 Voyage
é \varris deflinés à multiplier encore ces affûts; ce
n'efl pas en ce feul endroit que j'ai vu que les
Hollandois ne font pas une Nation que Ton puiffe
facilement prendre à l'improvifte : la ville efl entre-
coupée par trois canaux, dont un même n'entre pas
en dedans des murailles, il leur fert comme de fofle
<du côté du fud. Dordrecht eft bâtie, non fur pilotis
comme Roterdam, mais fur un terrein folide & ferme,
dans une ifle formée par la Meufe feule, quoiqu'il
ait plu à quelques Géographes d'enfermer cette ville
entre quatre rivières, la Meufe, la Merwe, le Vahal
& l'Élinge. Lorfque la Meufe arrive à Dordrecht, il
y a dé]k long-temps qu'elle a fait perdre fon nom au
Vahal, en recevant fes eaux au-deflus de Worcum;
une demi-lieue plus bas, quatre ou cinq lieues au-
deflus de Dordrecht, l'Elinge ou plutôt le Ling fe
jette dans la Meufe à Gorcum : ce fleuve fe divife
en deux branches à Dordrecht, & forme au-deftbus
de Dordrecht l'iffe d' Yffelmonde ; quelques - uns
donnent à la branche feptentrionale le nom de
Merwe ou de Méruve, & à la méridionale celui
de vieille Meufe. La Merwe > après avoir reçu le
Leck , paffe à Roterdam , ce qui n'empêche pas tous
les Géographes de placer Roterdam fur le bord de
la Meufe ; enfin , une lieue au-deflbus de Roterdam ,
les deux bras fe réunifient fous le nom de Meufe, En
14.21 , le 19 de Novembre, la Meufe ayant rompu
fes digues, & s'étant conûdérablement enflée , lorfque
DE Af. DE COURTANVAUX. 179
ia marée montoit avec violence, Je pays voifin de
Dordrecht fut inondé , plus de cent mille perfonnes
périrent; quinze églifes à clochers, plusieurs châteaux,
foixante- douze villages furent renverfés: on en voit
encore de triftes débris en temps de baffe mer. II fe
forma au fud-cft de Dordrecht une nouvelle mer qu'on
nomme le Bicfbos; cette mer communique avec ia
vieille Meufe & avec la pleine mer, c'eft ce qui
forme l'ide où Dordrecht eft fituée. Dans le défaflre
général de cette inondation , un enfant feul fe fauva;
il étoït porté dans fon berceau fur les eaux, un chat
de la maifon fe mit fur le bord; lorfque le berceau
inclinoit, la peur rendoit le chat alerte, il fautoit du
côté le plus élevé , & par le contre-poids il rétabliffoit
l'équilibre : on vit de terre ce manège , on attendit ce
berceau, & l'on fauva l'enfant. Sans les obligations
que nous avons à M. Vanderhoewen , je n'aurois pas
rapporté ce fait; c'eft fur fon autorité que je l'avance,
il y eft trop intéreffé, pour que je n'y prenne pas
moi-même intérêt : c'eft à cet enfant que M. Van-
derhoewen doit fon origine paternelle.
Revenant à Roterdam, nous vimçs une demi-lieue Village
au-deffous de Dordrecht un village mouvant; c'étoit
comme un grand traîneau, ou plutôt un aflemblage de
plufieurs traîneaux formés par des bois de charpente &
de conftrudtion , équarris & non équarris ; on dit que
ces traîneaux venoient de cent ou cent cinquante
lieues, & peut-être de plus loin. Il y a AU-defTus des
Z ij
180 Voyage
cabanes avec toits, portes, fenêtres & cheminées, le
tout en charpente, hors les cheminées; ce font les
habitations de ceux qui conduisent les traîneaux : ils y
font jufqu'à leur cuifine. On ne hrûle en Hollande que
de la tourbe, rarement du bois; on vient en certains
temps de Tannée chercher les cendres, elles font
cédées gratis, tranfportées en Gueldres ou ailleurs,
& employées à engraifler les terres.
Le z6 Juin, grand vent de fud-fud-oueft ; il sap-
paife le foir en paflant à Toueft : ciel couvert tout le
jour. Baromètre, matin & foir, 28 pouces 2 lignes |r
thermomètre, fur la Frégate, 14 degrés à 8 heures dir
matin , 1 9 deg. à 2 heuresdu foir , 1 5 deg. à 1 o taures | ;
celui qui étoit auprès des montres marines était 3
4 heures du foir à 17 deg. \.
Cabinet Le matin, notre fidèle guide, M. Vanderhoewen,
M. Gccvcrs. nous mena chez M. Abraham Geevers, Bourgmeftre
& Direéteur de la Compagnie des Indes Orientales,
Se M. Geevers le fils eft Direéteur de la Compagnie
des Indes Occidentales : ces deux titres font bien
favorables pour raflembler un beau cabinet d'hiftoire
naturelle ; auffi M. Geevers a-t-il réuffi à en former un
des plus curieux qui foit en Europe : il y a trente ans
qu'il travaille à le compléter. Pour la partie des co-
quilles, le cabinet de M. Geevers eft fort fupérieur 2
celui de M. Biffchop: au milieu du cabinet eft une
table qui a cent trente tiroirs, & c'efl dans ces tiroirs
que font les coqijilks; elles y font arrangées dans va
DE AL DE COURTANVAUX. iSi
ordre qui ajoute un nouveau mérite à la colleétion :
dans d'autres tiroirs , & dans des armoires range*
autour du cabinet, nous vimes d'autres fuites de pa-
pillons , de fauterelles , de fearabées ,- de mouches
d'Afie, de plufieurs autres infeétes, d'oifeaux étran-
gers. Les colleétions de marbres , de cailloux ,• de
minéraux, de pierres herborifées, de pétrifications,
font peut-être un peu moins complètes; mais elles
font belles & renferment bien des morceaux précieux*;
il faudrait, je penfe, un mois pour fuivre ce cabinet
en détail, M. Geevers nous dit que l'on travailloit à
en faire le catalogue; s'il eft rendu public, il donnera;
au moins une idée détaillée de ce qui forme cette
riche & immenfe collection ; & Ton- ne faura ce que
Ton doitle plus admirer y oir des Fichefles de la Nature
qui a produit toute cette variété , ou du zèle & de
l'intelligence de M. Geevers , qui a fu la raflembler
& lui donner i'ordre le plus çpnvenable.
Je. fus l'après-midi voir M. CofTart Bûurgfmeftre f Maifotf
à fa maifon de campagne; fur la porte font gravés C &'*
ces mots , rufi en Iuft, ils fignifient repos ir p/ai/îr. Mt Co ****
Tout au dedans répond à cette devife , tout y reflfent
i'aifance & la fatisfadion ; le caractère de M. & de
Mmc Coflart & de toute la famille y eft également
aïïbrti , on chercherait en vain ailleurs une plus grande
tranquillité d'ame, plus de douceur dans le caraélère,
des manières plus affables & plus engageantes. Je Vis*
dans cette maifon plufieurs oifeaux étrangers qui
182 Voyage
paroiiïbient participer du même cara&ère. II m'invita
à dîner le furlendemain avec M. de Vanderhoewen &
une partie de ceux qui étoient venus avec moi.
Synagogue. Le foir, nous fumes à la iynagogue des Juifs, leur
chant étoit une efpèce de mufique Italienne qui ne
nous a pas déplu ; je ne parlerai pas de leurs contorfions
ni de leurs cérémonies, elles font fans doute expofées
fort au long dans d'autres ouvrages. Les Juifs en
Hollande font divifés en deux feétes , celle des Juifs
Portugais & celle des Juifs Allemands : les premiers
font les plus riches & les plus confidérés , ils donnent
à leurs cérémonies plus d'éclat &. de Juftre, la Iyna-
gogue que nous vifitames leur appartenoit, elle eft
fur le Boomptes , c'eft ainfi qu'on nomme à Roterdam
un très-beau quai qui s'étend le long de la Meufe,
entre la vieille & la nouvelle tête.
Le 27, la rivière avoit repris tout fon calme,
le ciel étoit couvert, le vent foufflant d'abord du
nord-eft, fe mit bientôt au fud, la pluie tomba en
abondance; vers midi, le tonnerre & les éclairs fe
joignirent à la pluie, le ciel fut couvert le relie du
jour par un vent d'oueft. Le baromètre à midi étoit
haut de 28 pouces 1 ligne i : à 1 1 heures £ du foir
de 28 pouces 2 lignes |; le thermomètre fur la
Frégate étoit en ces deux inflans à 14 & à 11 deg.
à 4 heures du foir, près de la montre marine, le
thermomètre étoit à 1 6 deg,
M. Vaoderheim avoit parlé à l'Amirauté de notre
de voyage
jur
les canaux.
de M. de Court anv au x. 183
projet de gagner Amflerclam par les canaux, les Projet
difficultés étoient aplanies de ce côte, il nous falloit
un pilote pour exécuter ce deffein; celui auquel on
nous adreffa repréfenta le trajet comme difficile &
comme pouvant durer un mois ou davantage, fi le
vent s'oppofoit à notre route. Mon but, comme je
l'ai dit plus haut, étoit d arriver par-là à Amfterdam
en moins de temps que par le Texel , je renonçai
donc à ce deflein; M. Vanderhcim m'offrit un yacht
de l'Amirauté pour me conduire par les canaux ,
tandis que la Frégate iroit par la Meufe & par le
Texel : j'étois affez d'humeur à accepter cette offre,
mais je ne voulois pas confentir à me féparcr de la
montre marine, foumife à notre examen; enfin on
repréfenta le paffage du Texél comme fi dur & fi
ennuyeux, que je me laifTai vaincre par les représen-
tations & les inftances de tous ceux qui m'accompa-
gnoient. Il fut réfolu que s'il étoit poffible de prendre
le lendemain des hauteurs, nous partirions le 29
par les canaux; que cependant la Frégate partant le
même jour par la Meufe, la montre marine refteroit
fous les yeux de M. Pingre qui s'étoit offert de
l'accompagner, & fous ceux de mon Secrétaire que
je chargerais de continuer les procès-verbaux : M.
Leroy voulut auffi accompagner fes montres, il fut
décidé qu'il partirait auffi fur Y Aurore.
Le 28 enfin, nous eûmes beau temps tout le jour, Marche
le vent fouffiant de.l'oueft le matin, du nord-oueft *2xfc***
1S4 Voyage
à midi & du nord au foir. À 8 heures du matin,
baromètre, 28 pouces 3 lignes ^; thermomètre, près
de la montre marine, 1 + deg. |:à 1 heure du foir,
28 pouces 3 lignes y; thermomètre, 16 deg. X midi,
la montre marquoit o heure 1 3 min. 5 1 fec. En
comparant les hauteurs du matin avec celles du matin
du 24., qui éloient les mêmes, nous trouvons qu'en
quatre jours la montre avoit avancé de 3 min. 2 fec —
fur ie temps vrai , ou de 2 min. 1 1 fec. y fur le temps
moyen ; c'eft fur le pied de 32 fec. \ par jour.
Latitude Le même jour, hauteur méridienne apparente du
oter am. j>orj fUp£rjeur Ju Soleil , 61 deg. 40 min. 1 1 fec.^;
donc latitude de l'amirauté de Roterdam , ^ i deg.
54 min. 56, fec. C'eft l'unique obfervation de cette
efpèce que nous ayons pu faire ; mais nous croyons
pouvoir la donner comme fort cxa#e.
Dcciînnifon Six relèvemens du centre du Soleil , pris entre
aigui c. ^ hçjjj.^ & ^ heures \ du fojr, nous ont donné 19
deg. pour déclinaifon de l'aiguille aimantée à Roterdam,
Le 28 Juin 1767, auffîtôt après les hauteurs du foir,
les montres marines & les aufres inftrumens ont été
reportés à bord.
Environs Nous fîmes enfuite, avec M. Storm, tout le tour
4c oxci am. je ja vjjje en j^Qpg . ce ne font qUe maifons de
campagne les unes fur les autres : la plupart font fort
petites; y compris même le jardin qui les accompagne-
un aflemblage de ces maifons nous parut reflembJer
/fort à une Chartreufe, fauf que le cloître n'étoit pas
carré;
DE M. DE COURTANVAUX. I 85
carré ; il ne s'étend qu'en longueur , & il eft fort étroit :
c'eft un chemin dont les deux extrémités font fermées
par des portes, dont chaque propriétaire a la clef: la
porte de chaque jardin donne fur le chemin, le jardin
eft carré, & n'excède pas, je penfe, le quart d'un
arpent; la cellule eft au fond du jardin: un foffé de
4 à 5 pieds de large & profond d'environ 3 pieds
au - deflbus de la furface de l'eau , entoure toute la
chartreufe, tant dans fa longueur que dans fa largeur:
on ne Iaifle aucun meuble précieux dans ces mdifons ;
une troupe de voleurs, qu'on n'a pu diftiper depuis
trente ans, vient, de temps à autres, faire fa vifite,
& avertit ceux qui ont biffé quelque meuble de prix
d'être moins négligens à l'avenir : comme ces voleurs
mettent en pièces les portes qui leur forment obftacle,
M. Storm a imaginé un expédient efficace pour con-
ferver les fiennes , c'eft d'y biffer toujours les clefs.
CHAPITRE IX,
Route de Roterdam à Amflerdam , par Delft, la Haye,
«
Leyde éf. Harlem.
N
ous partimes le 29 Juin, de Roterdam , à 6 heures Départ
1 • 1 • i ? ■> a / a deRotcrdai
du matin, dans un yacht de 1 Amirauté, extrê-
mement fatisfaits de l'accueil gracieux que nous avions
éprouvé dans cette ville ; M. Vanderfioewen voulut
nous accompagner , fa préfence ne pouvoit nous être
• Aa
i86 Voyage
que très - agréable & très -utile, fur- tout dans un pays
dont nous n'entendions pas la langue : après deux
heures de chemin , nous trouvâmes la ville de Delft.
Delft. Delft eft une ville affez belle & affez grande, fondée
en 1071 fur le bord d'une' petite rivière nommée la
Schle: elle eft traverfée d'un grand nombre de canaux ,
Je long defquels il y a quelques quais affez jolis ; pour
tout le refte, elle eft calquée fur le même moule que
Roterdam ; mais elle lui cède en beauté & en gran-
deur: elle tient le troifième rang entre les villes de
Hollande: la grande place, vers le milieu de la ville,
eft très-belle, un de fes côtés eft occupé par la maifon-
de-ville, & le côté oppofé par la grande églife ou
l'églifc neuve ; cette églife eft vafte , noble & bien
bâtie, il lui manqueroit cependant une voûte, ou du
"moins un plafond; le chœur fubfifte encore, au moins
on voit les colonnes qui le foutenoient & le féparoicnt
de la nef & des bas côtés ; mais les ftalles & autres
ornemens ont difparu: ce lieu eft devenu celui de la
fépulture des princes d'Orange; au lieu du maître-
autel oh voit un très-beau monument de marbre blanc,
tombeau de Guillaume I.cr, prince d'Orange, aflaffiné
dans cette ville en 1584, par Baltazar Gérard, Fran-
comtois: quatre Vertus en bronze, la Foi , la Juftice,
la Patience & la Liberté, de taille naturelle, or h en t les
quatre coins du tombeau , fur lequel eft couchée la
ftatue de Guillaume, en inarbre, la tête placée du
côté du : peuple ou de l'intérieur de régîrfe ; à (es
DE M. DE CCTURTANVAUX. 187
pieds eft l'effigie d'un chien, qui, dit-on, inconfolable de
la mort du Prince , ne voulut plus prendre de nourriture
& mourut peu après fon maître : derrière la tête eft une
autre effigie en bronze, du même Prince, repréfenté
affis. Sur toutes les colonnes & les murailles de ce
chœur, ajnfi que fur toutes celles des autres églifcs ou
temples de la Hollande , au lieu d'images de Saints , on
a fufpendu de grands tableaux, où fur un fond noir qn
a„ repréfenté les armoiries de ceux qui font enterrés
dans Téglife, avec leur nom & la date de leur mort:
la tour de cette églife eft fort haute , il y a un carillon
le plus beau de toute l'Europe; on aflure qu'il n'entré
pas moins de huit cents cloches dans fa compofitiôn :
c'eft ce que je ne prétends pas garantir. Aflez près de
la même place eft un autre temple, nommé V Eglife
vieille , & décoré de plufieurs beaux monumens: le
plus majeftueux eft celui du célèbre Amiral Martin
Harpert Tromp , qui ceffa de vivre ir de vaincre * le i o
Août 1653 , âgé de cinquante-fix ans; il eft de marbre
blanc , & , à ce que l'on dit , de pierre de touche
enchâffée dans le marbre; l'effigie de Tromp eft
couchée fur un gouvernail de Navire, & fa tête repofe
fur un canon ; des trophées de toute efpèce ornent le
monument. D'un autre côté on voit le maufolée en
marbre blanc de Pieter ou Pierre Hein, fils d'un
pêcheur, & qui de fimple matelot étoit parvenu par
* J'emploie fexprçffion même d'un? des inicription* gravées fur
ce tombeau.
Aa ij
188 Voyage
degrés à la charge de grand Amiral de Hollande; il
avoit, en 1628, intercepté & faifi une riche flotte
des Efpagnols , qu'on nommoit la flotte d Argent.
L'année fuivante il fut tué fur fon bord , dans le temps
même qu'il remportoit une viétoire contre les mêmes
ennemis. On nous dit que les Etats firent une dépu-
tation folennelle à la mère de Hein , pour la com-
plimenter fur la mort de fon fils; cette femme n'étort
point fortie de fa première condition : « Je l'avors
» bien prévu, répondit -elle aux Députés, que Pierre
» périroit comme un miférable qu'il étoit; il aimoit
» trop à courir ; je le lui ai dit cent fois , il n'a pas
voulu m 'écouter, il n'a que ce qu'il mérite ». Un
troifième tombeau qui flatte la curiofité, eft celui de
Mmc de Sainte- Aldegonde , morte en 161 1, âgée de
quatre-vingt-trois ans, née, nous a-t-on dit, une heure
après la mort de fa mère, tuée d'un coup de tonnerre:
cette Dame étoit apparemment l'époufe de Philippe
Marnix du Mont- Sainte -Aldegonde, mort en 1598,
âgé de près de foixante ans , qui avoit appuyé effica-
cement de fon éloquence l'union des Provinces, fa
conftitution de la République , & le fuccès des alliances
que l'on eut à faire pour la foutenrr. Enfin, on montre
dans ce même temple un marbre en relief qui repré-
fente la tête du célèbre Leuwenhoeck; ce marbre eft
enchâffé dans une colonne.
La maifon du prince Guillaume Lcr eft 'extrêmement
fimple; on montre dans Ja muraille, auprès de la
DE M. DE COURTANVAUX. 189
porte, un trou qu'on prétend avoir été fait par la
balle du fufil qui a tué ce grand Prince. L'arfenal eft
un morceau très-curieux, il y a plus de cinquante
mille fiifils bien entretenus , & des armes de plufieurs
autres efpèces; j'y ai fur-tout remarqué deux pièces
de canon de 48 livres de balle, ornées de moulures
d'un grand fini & d'une propreté fmgulière : cet
arfenal appartient à la province, & non à la feule
ville de Delft; il y a de plus en cette ville une manu-
facture de fayence, qui ne le cède guère en beauté
à la véritable porcelaine. Le commerce de Ja ville
eft entretenu par un grand canal qui communique à
la Meufe à Delfshaven, dont il a été parlé ci-deffus :
il y a de très - belles promenades aux environs de
Delft.
De Delft à la Haye, il y a environ cinq quarts Ch-en
... r 1 * • « . né d'un ours»
de lieue; fur le chemin, nous vîmes un gros chien
'noir & blanc qui fuivoit un carroffe; comme nous
remarquions quelque chofe de fingulier dans ce chien,
M. Vanderhoewen nous dit que c'étoit le fruit d'un
ours & d'une chienne, ce dont on ne pouvoit douter,
puifqu'il étoit né à la fuite d'un voyage de long cours
fur un VaifTeau, fur lequel il n'y ayoit aucun autre
animal que la chienne & l'ours.
La Haye, en hollandois s'Gravenhage , c'eft-à-dire, LaHay*
la Haye -du -Comte , n'étoit originairement qu'une
maifon de chaffe des comtes de Hollande; elle eft
devenue leur féjour ordinaire depuis le xin.e fièclé:
A a iij
->j fi
192 Voyage
je penfe, en héritage de {es ancêtres, ils font curieux;
nous y avons remarqué une ample eolleftion -de
coquilles, de papillons, d'araignées , de feorpions,
de tarentules, de mille autres infeéles, des oifeaux
foit empaillés, foit confervés dans l'efprit - de - vin ,
de ferpens, & entre autres un ferpent à fonnettes,
qui a vécu trois mois à la Haye, un ver fol i taire,
des tigres, des martres, des finges, la tête d'un
rhinocéros, deux tatous, un pareffeux, un mouton à
deux têtes, un crocodile, un pélican, des perroquets
Se des faifans de toute efpèce, de très-beaux coraux,
des minéraux précieux, des pierres fines, des marbres,
des criflaux, une pierre d'aimant très-groffe, un canon
garni d'argent & de cuivre doré, d'une ftrudlure
fingulière, monté fur un affût de couleur bleu-célefte ,
de deux livres de balle au plus, trouvé chez le roi de
Candis, lorfque les Hollandois, il y a quelques années,
le forcèrent de fe réfugier dans le milieu de fon iiïe
de Ceylan , un couteau avec fa gaine , & un fabre avec
fon fourreau, l'un & l'autre d'or mafïïf, excepté la
lame, & enrichi de pierreries ; enfin, un cordon de
chevalerie avec fon bijoux en or: ces trois derniers
articles envoyés en préfent au prince Stathouder par
le roi de Candis, après fon rétabliffement, en gage de
réconciliation fincère & d'amitié durable.
La grande falle des États eft fort vafte, elle a été
bâtie par l'ordre de Guillaume, comte de Hollande,
élu roi fies Romains : cçft comme le veftibule des
falles
DE M. DE COURTANVAUX. 193
fa H es 011 les États s 'aflehiblent ; il n'y arien de curieux
que la collection des drapeaux, étendards & pavillons
pris fur les ennemis en temps de guerre: à droite &
à gauche on voit des boutiques de Libraires , fort
iïmpJes., & garnies de quelques vieux livres brochés
ou relies en parchemin , fans aucun vendeur ni ache-
teur; on nous dit que c'étoitxlans ces boutiques que
fe faifoient les ventes publiques des Bibliothèques.
Les fades des États font belles, vailes, ornées de
belles peintures ; je ne les ai pas trouvées de la der-
nière magnificence: ce qui nous a le plus frappé ,
c'eft une taptfTerie en perfonnages , fort ancienne , fur
laquelle l'aiguille a prefque égalé le pinceau ; il y a , *
for -tout en haut, une galerie qu'au premier coup
d'œil on feroit tenté de prendre pour naturelle. On a
prétendu auffî nous faire admirer une fuite de tableaux»
où font repréfentées les guerres des Romains contre
les anciens Bataves.
Comme on permet en Hollande l'exercice de toute Égtife*.
religion, pourvu qu'elle n'intéreffe point l'État, il y a
à la Haye des églifes pour toute forte de Seules: les
deux principales font confacrées à l'exercice de la
religion dominante , qui eft la Prétendue réformée :
J'une , nommée la grande JEglife, étoit autrefois l'unique
paroiffe de la Haye, fous le titre de Saint Jacques;
on y voit plufieiiFs tombeaux, <8c entre autres le mo-
nument de l'Amiral Jacques de ^affenaer, Baron
4'Qpdam: je dis Jbn monument, je ne puis dire fan
. Bb
i94 Voyage
tombeau, pu if que {es cendres n y repofent pas. En
1665, 'e fcme<ii 13 Juin, un combat naval s 'étant
engagé entre la flotte Angloife & la flotte Hollan-
doife , un boulet parti de la flotte Angloife , ou félon
d'autres un canonnier Anglois qui fervoit fur le Vaif-
feau Amiral Hollandois mit le feu aux poudres de ce
Vaifleau , & le fit fauter en l'air avec l'Amiral Opdam
qui le commandoit , & tout l'équipage. Les Etats
reconnoifTans firent élever, à la gloire de leur Amiral,
Je monument que nous vimes dans la grande églife de
la Haye ; fon éloge & fes exploits font gravés fur le
marbre; un des bas -reliefs repréfente ia trifte circons-
tance de fa mort. La tour de cette églife eft très-
élevée ; nous ne pûmes y monter , les clefs ne fe
»
trouvèrent pas.
Une autre églife, que l'on nomme ta Neuve ou la
Nouvelle, ne fut bâtie que dans le dernier fiècle ; elle
eft en forme de rotonde : il y a dans l'enceinte même
de la cour, fur le bord du vivier, une troifième églife
réformée; c'étoit autrefois la chapelle de la Cour, on
Ta agrandie, & on Ta cédée aux François réfugiés;
on la nomme en conféquence Yéglife Françoife. H y a
d'autres temples pour les Luthériens , pour les Angli-
cans , pour les Anabaptifles ou Mennonites , &c. Les
églifes catholiques n'ont ni pignon fur rue, ni clo-
cher ; d'ailleurs elles font au/fi connues que les autres.
S/nagogucft Enfin, les Juifs ont àia Haye deux fynagogues, l'une
pour les Portugais , l'autre pour les Allemands ; k
DE M. DE COURTANVAUX. I$>$
première eft la plus confidérable. On nous montra un
Juif Portugais , ci -devant ami des Chrétiens, il les
fréquentoit volontiers, ne faifoit aucune difficulté de
s'affeoir à leur table, & mangeoit fans difcernement
tout ce qui lui étoit préfenté; fon caraélcre d'ailleurs
le faifoit aimer & defirer par -tout: il fut dénoncé au
Sanhédrin particulier de la Haye ; ori ne le menaçoit
de rien moins que de le chaffer de la fynagogue, &
cette expulfion lui auroit impofé la née édité de ne
plus penfer à de grandes & riches fucceffions , aux-
quelles fa naiffance lui donnoit droit de prétendre. II
fit de férieufes réflexions fur cette conféquence , elle
lui parut trop dangereufe , il prit le parti de reconnoîtrç
fa faute & de l'avouer. On lui fit grâce , mais ce fut à
condition qu'il fe foumettroit à une pénitence dont on
lui di£ia les articles : le principal étoit qu'au premier
jour d'aflemblée il fe coucheroit fur le dos à la porte
de la fynagogue, & qu'en cette poflure il s'aceuferoit
de fon crime, & en demanderoit pardon à tous les
Ifraëlites, à mefure qu'ils entreroient; cela fut exécuté,
& félon la convention, chaque Ifraëlite en entrant lui
cracha fur le vifage , en le traitant de réprouvé mangeur
de porc. Depuis ce temps le Juif converti n'ofe plus
approcher des impurs Nazaréens.
On compte à la Haye environ quatre mille maifons Autres
' ... ., i particularités*
& quarante mule âmes; il y a peu de commerce,
c'efl plutôt une ville de Nobles que de négocians;
il n y a pas de ville en Hollande où un François
Bb ij
11)6 Voyage
puifle mieux fe faire entendre qu'à la, Haye, la langue
françoifê y étant celle de la Noblefle & de tous les
gens aifés: les armes de la Haye font une cicogne,
cet oifeau paffe d'ailleurs comme pour facré dans
toute fa Hollande; nous vimes à la Haye quatre
cicognes, pensionnaires de la ville, il y a un homme
gagé pour en avoir foin & pour les nourrir; elles font
familières & fe biffent facilement approcher. On voit
dé plus à la Haye un affez. grand nombre d'hôpitaux
ou de maifons de charité pour des malades ou des
pauvres de toute forte de religion, un hôtel-de-ville ,
un hôtel de la Compagnie des Indes , &c. mais nous
n'avons pas eu le temps de tout voir.
La maifon En fortant de la Haye par la partie orientale, on
entre dans un bois dont nous avons déjà fait mention ;
à un bon quart de lieue de là, on trouve dans- le bois
un château appartenant au prince d'Orange, on le
homme la maifon du bots : l'arc hite&ure n'eft pas
magnifique, mais les dedans en font charmans; ici,
ce ne font que des peintures depuis le bas de l'appar-
tement jufqu'au plafond inclufivement; là, c'eft une
cheminée de marbre furmontée de bas-reliefs d'un
fort beau travail, & d'antres bas-reliefs tiennent lieu
de tableaux; les plafonds même, quoique de (impie
plâtre, font fi délicatement travaillés en bas -relief,
qu'on feroit tenté de croire qu'ils font aufli de
rtiarbre. Entre les peintures, on reconnoît facilement
le pinceau des plus grands maîtres, tels que Rubens,
DE M. DE COUflTANVAUX. 197
Vandyck & autres; d'autres font de la Stathoudère,.
mère du Prince actuellement régnant; celles-ci repré-
fentent ou des portraifs, ou différens fiijets tirés de
Molière 6c d'autres poètes du théâtre frqnçois : la
grande falle ou la falie d'Orange, exécutée par les
ordres de la veuve du prince Frédéric-Henri, troifième
Stathouder, eft un morceau achevé; on y voit, tant
fur les murailles que fur la voûte d'une efpèce de
dôme, les hauts faits de Frédéric-Henri, repréfentés
en grand par un pinceau également fort & touchant;
les jardins qui accompagnent la maifon du bois, font
beaux & bien diftribués , le bois même , comme nous
l'avons dit , forme dans la belle fàifon une promenade
très-agréable.
A une bonne demi-lieue au-delà de la maifon du LcpctU-Loo.
bois, eft le petit Loo , c'efl la ménagerie du Prince;
le Prince n'y veut point d'animaux méchans & dan-
gereux pour le voiûnage , d'ailleurs il tâche de fournir
fa ménagerie d animaux rares & curieux. Nous y vimes
tout en entrant Yoifeau trompette; c'eft un animal des
Indes , de la groffeur d'un faifan , les plumes d'un noir
ardoifé, les pattes longues, le bec & le cou affez
" courts, blanchâtre fous le ventre, fans queue, du
moins lorfque nous le vimes, &fans aucune qualité exté?
rieure qui le rende recommandable, fauf fa douceur;
fon maintien approche de celui du coq d'Inde, il
paraît aufïi bête : on fe met devant Jkij , on lui répète
la fyllabe/w, poo, cela met en firçin 1 animai , il fépare
Bb iij
i9S Voyage
un peu fes ailes de fon corps, & regardant fixement la
perfonne qui lui dit poe , poo , il imite le même fon avec
fon ventre , c'eft d'où lui vient fon nom ; un oifeau
de couleur rouge de feu , avec un long bec prefqùe
de même couleur & pointu, de la groffeur d'un
pigeon, a été appelle flamengo : nous fumes pourfuivis
par des oifeaux gros comme des coqs d'Inde ♦ noirs,
tête blanche, prefque fans queue & très-familiers; on
leur a donné le nom àepoyos ou corbeaux des Indes.: nous
vimes un grand nombre de faifans du Japon, de la
Chine & d'autres pays; un mouton de Maroc, portant
une queue qui s'élargit en defeendant , & fe termine
en une efpèce de ceintre; fi celui-ci n'avoit, comme
on nous le dit, qu'une petite queue, en comparaîfon
de celle que ces animaux portent dans leur pays, je
ne fuis pas éloigné de fou fer ire à ce que j'ai lu quelque
part, que les moutons de Barbarie ont befoin d'une
brouette pour traîner leur queue derrière eux; le
membre de cet animal eft auflî d'une longueur plus
que médiocre, c'eft ce qui a donné lieu à la fable,
que ces moutons avoient cinq pattes. II y avoit aufli
des moutons du cap de Bonne-efpérance , defqoels
on dit qu'ils portent du poil au lieu de laine; leur laine
eft en effet fort droite, & non crépue comme celle
de nos moutons : à la vue , on la prendrait pour du poil;
au tait, c'eft de la véritable laine. A ces animaux
fuccédèrent une biche de Bengale, de couleur fauve,
mouchetée de blanc, très-familière, d'autres biches ou
DE M. DE COURTANVAUX. Ipç
chevreuils de Surinam & du Gange, un cprf & cinq
ou fïx biches ou jeunes cerfs, excellent fauteurs; ils
paroiffoient voler, chaque faut les avançoit de 12 àf
1 5 pieds, des gazelles de Guinée, une autruche, des
oifeaux couronnes de Banda, portant fur la tête une
aigrette de couleur de feu, le corps couleur d'ardoïfe,
de la grotTeur d'une oie r différentes poules Afiatiques,
un chat d'Aftracan à longue queue , gris moucheté de
noir, un chat mufqué, une civette, des fingcs, des
perroquets , un hibou de Barbarie , une aigle qui paroît
vieille, <5c dont le cri imite la. parole muni, un autre
oifeau de proie, qu'on nous a dit être le roi des
pouvons; il paroît méchant, il jure comme un chat,
il alonge le cou qui efl de couleur rouge, & femble
le faire rentrer enfuite dans une efpèce de palatine de
couleur d'ardoife qui l'environne à fa naifTance; le
corps de l'oifeair efl blanc & noir, un peu plus gros que
celui de l'aigle; il vient des Indes Orientales, &c.
Au fortir du Loo , nous revînmes à la Haye, & nous Rout*
primes la route de Scheveling;, c'eft peut-être la plus Scheveiîng*.
belle de toute la Hollande, c'eft Guillaume III , depuis Zorgvlied*
roi de la Grande-Bretagne qui la fit ouvrir & pratiquer
même à travers les dunes; .depuis on l'a fait paver
en briques : à droite & à gauche r font quatre ou cinq
rangées d'arbres qui forment de ce chemin une avenue
délicieufe; le village de Scheveling dans le fond
termine agréablement la vue : cette avenue peut avoir
une bonne lieue & demi» de long ; en l'enfilant au
2oô Voyage
fortir de la Haye on paye un droit. Environ à moitié
chemin , nous quittâmes la route & nous fumes voir
le charmant féjour de Zorgvhed , on prononce en
françois Sorfîu; le mot hoilandois fignifie fuite du Jouet:
le château eft fimple, mais propre & commode ; il eft
fitué entre l'orangerie & le jardin. M. de Rhoon,
comte de Bentinck, Premier Préfident des Etats*
Généraux après ie Prince, informé que nous étions
chez lui , vint à notre rencontre , & nous fit tout
i 'accueil que nous pouvions defirer. Son orangerie
eft fort abondante , les caiffes y font placées dans un
ordre que le bon goût feul peut avoir di£lé ; bornée
d'un côté par la cour du château, elle eft terminée des
autres côtés par une galerie circulaire qui fert en hiver
à garantir les orangers & antres pilantes étrangères des
rigueurs de ia faifoft ; cette galerie eft couverte à une
terraffe ou plate -forme garnie de baiuftrades: M. le
comte de Bentinck nous y fit voir des machines dont
l'effet dépend de deux rangées de poulies , chaque
rangée de cinq .poulies., toutes roulant fur un .même
axe ; l'invention eft de M. le Comte lui - même , ou ,
je penfe , de M. fon fils , capitaine de Vaiffeau de la
République; lufage eft de déraciner les arbres les plus
forts. M. le comte de Bentinck nous montra dans fon
^arc des :lieux où l'expérience avoit été faite & où
elle avoit réufli: le jardin & le parc font* dans le goût
Anglois ; le goût Hoilandois eft trop uniforme, & en
quelque forte 'monotone ; 41 n'eft -aucun homme de
goût,
DE M< D£ ÛOURTANVAUX. 201
goût, qui après avoir vu une partie des beautés de la
Hollande, ne foit enchanté en entrant dans le parc
de Zorgvlied ; c'eft pour lui un objet tout neuf: ce
parc doit tout fon être à I art, & il ne paroît rien tenir
<jue des mains de la Nature , ou plutôt l'art ne paroît
avoir été employé que pour faire fortir la Nature
dans fon plus grand éclat : le terrein n'efl; point uni f
cela procure à l'extrémité du parc une vue des plus
agréables ôc plus variée que les vues ne le font ordi-
nairement dans cette province ; les allées inégalement
alignées perfuadent fouvent qu'on eft dans le plus
beau des déferts: les arbres ne font point taillés; mais x
Jeurs têtes majeftueufes s'émbraflant par le haut, for-
ment des berceaux impénétrables aux rayons du Soleil:
les gazons font d'une hçrbe extrêmement fine, on
croirait marcher fur des tapis ; mais pratiqués avec
réferve, ils ne femblent employés que pour contribuer
à la variété.
Nous quittâmes ce lieu de délices, & continuâmes
notre route vers Scheveling. C'eft un village fur le
bord de la mer, habité par de (impies pêcheurs, où
cependant tout refTent la propreté & laifance ; on y
vend des coquilles étrangères , refteside celles qui ont
été apportées des Indes par les vaiffeaux de la Com-
pagnie, après le choix que les Amateurs Hollandois
ont fait des plus rares & dçs plus belles : qb conferve
à Schevejing un 'chariot fait du temps du prince
Maurice; par ie çéjèjçe SîmoA Sttvjn; ce chariot,
• L c
V O Y A C &
tjui pouvait contenir vingt^iatt peribrmes, étoit garni
de mâts & de voHes comme un Vaifleau, A c 'étoit
le vent tjni ie faifoit avancer for le (àble ie long des
•côtes de la Hollande : là promptitude étoit telle, qu'en
deux heures de temps il écoit porté , dittoh , de Sche-
veling à Petten , village imaé prefqae à d'extrémité dfr
ia Nort-hoilande ; la diâance iùr ie* cartes, eft de ij
iieaes marines de France.
Le lendemain 30 Juin>noïrs comparons continuer
tfc voir fes environs de ta Haye ; dès Ce matin M. k
comte de Bentinck m'honora d'une vifiee , Se me
rethtit à dîner avec toute ma compagnie. Nous fumes
amplement dédommagés du peu qui nous reftoit à
voir autour de la Haye >. par les charmes de la oonvep-
fction de te Seigneur ^ par l'accweiï gracieux qu'il nous-
fit » par tes politefies & les comptoifânees qu'il acca-
mula, pouf nous rendre jpfos gracieux 4e féjotrr de
Zorgvlied : après le dîner il me conduifit à Detit, pour
m'y faire voir i'afferral dont j'ai parte ci-deflus. ,
En chentm» nous «"urnes la vue du beau château
de RyfVick , célèhre par la paix qui y fut conclue
en 1697 : 'ly a>ufr volage prefque contigu au châ*
«eau, & portant le même nom.
Départ Dans toutes nos courfes à 1a Haye 8c aux environs,
* * ^e* nous étions accompagnés, i»on-ièulement de M. Van-
derhoewen , mais encore de M» Defriv&u* , chargé
pour lors ^es^fFarres de France près des États-Généraux.
Ce poAe ne pouvott' manquer ie foi donàet à 1a Haye
DE M. DS CûURTAHVAUX. A&3
du crédit &. de la confidératron ; il en ufa , pour nous
obliger en tout ce qui put dépendre de lui : il nous
t>btint un yacht des États pour nous, conduire à Hae-
Jem. Nous nous embarquâmes dans ce yacht le 1 "
Juillet au matin : le long de la route , depuis la Haye
jufqua Leyde, nous eûmes perpétuellement fur notre
gauche de belles maifons de campagne, accompa-
gnées de jardins» dont les arbres taillés avec goût
formoient des allées , des berceaux , des cabinets de
verdure , des efpèces de grottes , des boulingrins , des
ba/fins, des (tatues, des fphères armillaires dorées, de
deux à trois pieds de diamètre, feront de cadrans;
des donjons fort propres fur le bord dû canal $ tout
cela formoit un fpeélacle qui ne nous permsttoit pas
de nous ennuyer : à une lieue & demie de h Haye
nous traversâmes Leydfewfam ; c'eft un joli village.,
fon nom fignifie la digue de. Leyde \ les. eaux du ccVté
de Leyde font plus hautes que du côté ^e Delff &
de la Haye ; abandonnées à leur cours naturel ,
elles inonderoient le pays : elles font retenues à Leyd-
fendam, par une éckiCe par laquelle nous paflàmes;
pour éviter les frais ôc le retard qu'osceafipojoe né-
ceflairewent l'ouverture de cette éclufe , les barques
ordinaires de voyage s'arrêtent ûu-rdeffous, les voya-
geurs mettent pied à terre , & vont au-defiiis de i'éclufe
reprendre .d'autres baraques ique l'on trouve, toujours
prêtes à partir. L'eau à Leycjfendam cft 4rè>poifïbii-
am£e ; on y pêche ibr/àout beaucoup de perche£ :
Ce ij
1
2ro4 Voyage
dans la belle faifon ies cabarets du village font toujours
remplis de compagnies , même choifies, qui viennent
de Delft ,.' de la Haye & de Leyde , pour fe régaler
en poifforr.
leyde.. A deux lieues de Leydfendam , trois de Delft & de
la Haye, efl la ville de Leyde, qui ne tient que fe
quatrième rang entre les villesde Hollande, quoiqu'elle
foit peut-être la plu* ancienne de toutes r puifque
Ptolémée en fait mention; elle eft d'ailleurs la plus
grande & la plus peuplée de toutes après Amfterdamr:
on y compte foixante mille habitans* Nous y trou-
vâmes M. Alamans Suiflè de rraiflance, & très-habile
Profefleur de Philofophie dans. l'Univerfité de cette
ville : nous l'avions déjà vu à Paris à quelques féances
de l'Académie r & nous avions renouvelé connoif-
fance à Zorgvlied chez M., le comte de Bentinck.
;M. Alaman fe chargea de nous foire voir ce qu'il y
^av^oitàLeyde de plus digne de remarque : cette ville
eft bien percée , les rues font belles ; plusieurs canaux
traverfent la ville , quelquesruns font fort beaux , tous
d'une eau- très-claire; entre ces canaux, deux portent
Je nom, l'un du vieux Rhin r 1 'autre du nouveau Rhin:
ils fe réunifient enfembk fous le feul nom: de Rhin*;
que le le&eur ne s'imagine pas que c'eft ici cette
célèbre rivière qui arrofe & fertilife FAlfàce & une
«-partie de l'Allemagne & des Pays -bas, ce rétoit
autrefois, :eé n'en eft plus aujourd'hui que l'ombre.
:Ge fleuve fe< diyiie dans les Pays.^ bas en pluûeu»
DE M. DE COURTANVAUX. 205
Branches qui prennent difFérèns noms : une de ces
branches conferve le nom de Rhin ; il portoit au-
trefois le tribut de fes eaux à fa mer au - deflbus de
Leyde; les Romains avoient même élevé près de fon
cmliouchure un fort , fous le nom de Arx Britannica r
parce qu'ils paffoient de-là dans la Grande-Bretagne;
l'effort d'une tempête furieufe renverfa la fortereffe r
& amoncela une fi grande quantité de fable à l'entrée
du Rhin , que les eaux de ce fleuve obligées de refluer ,
s'écoulèrent par les antres bras , & fe pratiquèrent
même de nouvelles iflues : le Rhin n'eft plus à Leyde
qu'un ruiffeau, qui à une lieue de-là va perdre Jbn
nom & fes eaux dans Le fobie, au bas des dunes près
.de Catwick-fur-mer. Les quais (e long du Rhin &
de quelques autres canaux font plantés d'arbres , &
forment d'agréables promenades ; mais les propriétaires,
ou locataires, des maifons voifines doivent en fouflrir;
ieurs fenêtres étant abfolument ofFufquées par le bran-
chage des arbres, dont Le tronc n'eft éloigné que de
deux ou trois pieds au plus des murailles de ces mat-
fans. M. Alaman nous fit remarquer une rue qu'on
nomme le long-pont , elle eft bien nommée ; elle e£t
appuyée fur une voûte ou arcade d'un quart de lieue
de long , fous laquelle eft un ruiffeau qui entraîne au
dehors toutes les immondices de la ville. On navige
plufieurs fois par an fur ce canal fouterrein , pour le
vifiter , le nettoyer , de manière4 qu'il ne vienne jamais.
k s'engorger : la yiUe nous femJjloit déferte &^ela:
c hj,
zo6 Voyage
devoit être; elle n'eft habitée que par des manufacturiers
& des écoliers ; les écoliers étoient alors en vacance
pour les mois de Juillet & d'Août ; ceux qui font
occupés aux manufactures, ne paroiflent dans les
rues que les Dimanches. Les principales manufactures
font de drap & d'étoffe de différentes efpèces. Il y a
de belles églifes à Leyde : dans la grande on voit le
tombeau & le monument du célèbre fioërhaave; c'eft
un piédeftal de marbre noir, ponant une urne de
marbre blanc , plu fi eu r s têtes cifelées ornent cette urne;
fur une des faces du piédeftal , efl un médaillon repré-
fentant le bu fie de Bocrhaave , & plus bas fon cachet,
autour duquel eft ladevife, Sigillum veri cujlos , & qu'on
peut traduire , fieau ou cachet Jépojùaire de la vérité. On
a auffi gravé fur ce même piédeftal la date de la
naifTance de ce Savant, le 3 1 Décembre 1668 , & d'un
autre côté la date de fa mort le 23 Septembre 1738.
Cette églife, avant la réforme, étoit dédiée ibus l'in-
vocation de Saint Pierre , dont elle porte encore le
nom-
Unfrerfité Ce qui relève le plus la vide de Leyde, c efl fans
^difficulté, l'Académie ou l'Uflfverfité qui y fut établie
<en 1^75; ce fut Guillaume I.er, prince d'Qraoge qui
la fonda, mais comme Gouverneur de la Hollande»
au nom de Philippe II roi d'Efpagne; le prétexte
étoit de récompenfer la vifle de Leyde de fcs fervices
3c de fon fidèle attachement à fon Prince : elle avoit
«Vgpfïet donné fout -récemment «ne pgeu^e bien
DE M. DE COURTANVAUX. ZOJ
fenfibfe de fa fidélité, en fermant Ces portes aux
troupes de Sa Majefté Catholique + en foutenant
contre elles un fiége long & opiniâtre, 6c en préférant
les horreurs de la femme à l'obéi fiance due à fort
légitime Souverain : les Efpagnols furent obligés de
lever le fiége ie 3 Oéiobre 1575. Cependant 01*
avait rappelé le fanguinaire duc d'Albe ; fon fucceffeur
donnoit des efpéranoes d'an gouvernement plus doux „
on ne défefpéroa pas de mettre fin aux troubles qui
agitaient ces provinces: ce fut dans ces conjonctures r
<pie Guillaume crut qu'il étoit à propos d'ouvrir une
Univerfité à Leyde, fe flattant que Philippe confen-
tiroir plutôt à laitier à cette Univerfité fon existence „
<jaa la lui donwer.
Cette Univerfité elî devenue très-floritfante , elle
t eu un grand .nombre de Profefleurs du premier
mérite ; on ne fait aucune difficulté d y conférer les
grades à des Catholiques, fi ce n'eft en Théologie:
quant à ce qui regarde les Ppofeifeurs, on eft pks
Scrupuleux fur 1 aiîtde de la religion ; il fuit de-la que
beaucoup de parens Catholiques refwfent de confiée*
f éducation de leurs enfans à dcê^ ProfefTeurs d'une
autre religion , ils aiment mieux les envoyer à Louvatn *.
Ou dans queiqu autre Académie Catholique des Pays-*
bas : cela caufe à la ville «n préjudice «r es -réel ^
préjudice auquel H feroit fecirfe de remédier, en éla-
blHTant un frofeflewr Catholique dans chaque Faculté ;
M. lAferaan ne 4éfefpè*e fas 4e voir hkmfk ee/emède
*o8 Voyage.
employé, il n y a que la Faculté de Théologie dans
laquelle il n'y a pas d apparence que l'on puiffe admettre
un tel changement
M. Alaman nous fît voir tous les tréfors de
l'Académie, fon cabinet de phyfique, celui d'hiftoire
naturelle, celui des antiquités, le magnifique jardin
des plantes, les ferres chaudes, &c. L abfence de AL
Lulofs, Correfpondant de l'Académie des Sciences,
ne nous permit pas d'entrer dans l'Obfervatoire; il
eft fort élevé, mais bâti fur bois feulement. Outre
le cabinet de phyfique qui eft à l'Univerfité, M.
Alaman en a un particulier chez Jui, il eft afTez bien
monté, cela lui épargne la peine d'aller donner des
leçons particulières à l'Académie. Au.refte* il nous
montrait toutes ne$ richefTes , non pas d une manière
sèche & faftidieufe; il raifonnoit fur la nature, les
propriétés, les effets, les ufages de tout ce qu'il nous
montrait, & il le faifoit avec aifance, juftefle & foli-
dité: il paraît fur-tout ennemi décidé de tout fyftème,
c'efi-à-dïre # de toute hypothèfe phyfique; il voit les
faits, il les fait voir à fes écoliers, il leur montre la
liaifon des expériences , il les rend attentifs fur la
{liftintfiion des circonftances efTentielles d'avec celles
qu'on ne doit regarder que comme accidentelles;
fouvent il leur explique les eau fes particulières &
immédiates de plufieurs effets; mais quant aux caufes
phyfiques générales, il leur propofe quelques-unes de
celle; que d autres Pbyficiens ont imaginées, il leur
fait
DE M. DE COURTANVAUX. 209
fait fentir l'arbitraire & le foible de ces fyftèmes, &
finit par leur inculquer que ces fortes de caufes ne
parviendront probablement jamais à notre connoif-
fance, au moins durant le cours de cette vie. Il me
paroît qu'à Leyde, on conçoit ce que c'eft que la
véritable Phyfique.
De Leyde on compte cinq lieues jufqu'à Harlem. Mer
0. , . , . ... , de Harlem»
5i on en excepte les environs de ces deux villes, la
route n'eft pas aufli agréable que celle de la Haye à
Leyde; les maifons de campagne y font plus rares. Le
canal, à une lieue de Leyde, fait un coude, & pafle
entre les dunes & la mer de Harlem : cette mer de
Harlem, en holiandois Harlem-meer, ç'eft-à-dire, lac
de Harlem, n'eft en effet qu'un lac d'eau douce de
fix lieues au moins de long, fur plus de deux de large:
c'étoit autrefois un pays habité, il y avoit plufieurs
villages qui ont été fubmergés; il y a, dit-on, beau-
coup de poiffon. Les habitans des villages qui font
fur le bord de cette mer, en trouvent la navigation
fort utile pour leur commerce mutuel ; on n'y eft
cependant pas à l'abri des tempêtes, les exemples de
naufrages n'y font pas rares : mais quand cette navi-
gation ferait beaucoup plus fûre & plus utile qu'elle
ne Teft réellement, cet avantage ne fauroit contre-
balancer le préjudice que caufe cette mer; elle occupe
actuellement trente mille arpens de terrein, & elle
prend tous les jours de nouveaux accroiffemens : que
de flerrein perdu , dans un pays où l'on connoit fi bien.
. D4
2io Voyage
la valeur dû terrein ! On a parlé fouvcnt de deffcchcr
ce lac ; des particuliers fe font offerts pour faire cette
entreprife à leurs frais, ne demandant d autre récom-
penfe que la propriété du terrein qu'ils auraient def-
féché: leurs offres ont été rejetées. Comme cependant
Je lac fait continuellement de nouveaux progrès, il
paroît que la Hollande penfe enfin férieufement à ce
projet. Nous avons vu chez M. Aktrnan un plan de
defsèchement, propofé, je penfe, parce Profeffeur,
& prefque agréé par les Etats de la Province. Selon
ce plan , on ouvriroit les dunes vis-à-vis de Leyde,
pour y pratiquer un lit au Rhin jufqu/à la mer; & à
l'aide de moulins formés fur le modèle de ceux que
M. Hoogendyck nous a montrés à Roterdam , oa
videroit le lac , & on Le feroit décharger en, partie
dans le Rhin & en partie dans» l'Ye. Trois Provinces
feroient intéreffées à cette entreprife, la Hollande,
Utrecht & la Gueldre ; la dernière regarde ce projet
d'un œil abfolument indifférent ; la féconde paroît
vouloir s'en mêler fort peu; mais la Hollande, qui y
eft la plus intéreffée des trois , penfê , dit -on , bien
férieufement à foire mettre la main à l'œuvre, en
attendant que les États - Généraux décident fur la
queftion de la cotifation des deux autres Provinces.
Harlem. Harlem tient le fécond rang entre les villes de la
province; elle eft grande & belle, traverfée par la
rivière de Sparre , qui , à une demi-lieue de-là , va fe
perdre dans l'Ye,, &arroféepar plijûeurs autres canaux:
de M. de Court anvaux. 211
Paul IV Térigea en Évêché en 1 557, honneur qui n'a
été fait à aucune autre ville de Hollande; elle n'a eu
que deux Évêques depuis l'érection jufqu'à la réfor-
mation : on a prétendu rétablir cet Évêché de nos
jours, l'Évêque fait fa réfidence à Amfterdam. Il y a
dans Harlem onze églifes ou chapelles Catholiques;
les Catholiques ont, pour la plupart, ou le Fronton ou
un des montans de leur porte marqué d'un C ; on
nous a dit que c'étoit un avertifTement qu'on donnoit
par-là aux Miniftres Réformés de ne point entrer
dans ces maifons pouT faire ia collecte; les Curés
Catholiques ont par cela même un avertifTement
contraire, & de plus ils font moins expofés a
fe tromper, lorfqu'ils portent le Vénérable chez les
malades : dans beaucoup de villages de Hollande, ce
n'efl: pas un C , mais une croix qui diftingue les
maifons catholiques; à Leyde & ailleurs, ces dif-
tintions font inconnues: à Amfterdam, ce font aii
contraire les maifons des Prétendus réformés qui font
marquées d'une L.
La principale églife, dédiée fous le nom de Saint Grande
Bavon, fervoit d'églife cathédrale avant la réforme;
c'eft une des plus belles & peut-être la plus grande
églife de toute la province: la grille du chœur, en
cuivre jaune, eft d'un beau travail; les hauts ftalles
du chœur fubfiftent; au lieu de bas ftalles, il y a,
& il n'y a peut-être jamais eu que des bancs; l'aigle
eu confervé: au heu de grand-autel, c'eft à l'ordinaire*
D d i;
2i2 • Voyage
un tombeau; l'orgue eft magnifique, c'eft un trente-
deux pieds parfait; il eft foutenu par un beau morceau
de fculpture en marbre blanc, repréfentant la mufique
& l'harmonie , fous l'emblème de plufieurs perfonnages:
à la droite de l'orgue ( à la gauche de l'Organifte)
eft repréfenté le roi David, jouant de là harpe; pour
pendant de l'autre côté, eft une figure tenant un
violon; encore plus en dehors & plus haut, deux
renommées embouchent la trompette. Outre le prin-
cipal orgue, il y a deux autres buffets, l'un à droite*
l'autre à gauche; fous celui qui eft à l'aile gauche
de l'églife, eft fculptée une tête d'homme arrachée:
celui qui nous dit que, félon la tradition du pays, cette
tête étoit celle du duc d'Albe, arraché par le diable
& pofée en ce lieu, n'ajoutoit apparemment pas plus
de foi que nous à cette tradition. De l'autre côté, à
droite, prefque derrière la chaire du Miniftre, on
montre un boulet de canon enchâfle & comme (celle
dans le mur; il étoit parti de l'armée Efpagnole,
afliégeant Harlem en 1 572 & 1 573 , il étoit entré
par la fenêtre, avoit paffé fort près du Miniftre qui
prêchoit alors, & avoit été s'enchâfler au lieu où on
le montre comme une curiofité.
Hôtel-dc-vîllc. L'hôtel-de-ville eft biçn bâti , il n'a cependant rien
de brillant à l'extérieur; nous aurions voulu pouvoir
y entrer, pour voir le livre qui a pour titre, Spéculum
hwnanœ falvationis , imprimé en 144O à Harlem, par
JLaurent Cofter; on le conferye bien précieufemenf
DE M. DE COU RTANVAUX. ' 213
dans une caffette d'argent, enveloppée d'un voile de
foie : la ftatue de Coder eft auprès de la caflette. II
paroît cependant confiant que l'imprimerie de Cofter
n'étoit autre chofe qu'une gravure en bois, invention
utile, il eft vrai, mais fort inférieure à celle de la
véritable imprimerie en caractères détachés & mobiles,
qui fut imaginée peu d'années après à Mayence; au
refte, rien n'empêche de diftinguer plufieurs degrés
dans l'invention de cet art fi précieux, & dont on
abufe fi fouvent de nos jours : Cofter aura inventé
les planches à Harlem, Guttemberg & Fauft auront
détaché les caractères , & Schoëffer aura fubftitué des
caraétères de fonte à ceux de bois.
Il y a quelques années qu'il n'y avoit point à Harlem juflice.
de tribunal de juftice, lorfque les États reconnurent
Guillaume IV père du prince régnant, pour Stathouder
héréditaire; les Harlémois n'étant point de cet avis
chafsèrent les troupes des États de leur ville, & pen-
dirent quelques - uns de ceux qu'ils jugèrent les plus
affeétionnés mu Prince : la fédition fut cependant ap-
paifée, & expiée par le fan g defes principaux auteurs;
on établit une Juftice à Harlem , & depuis , les chofes ,
n'en ont été que mieux; la ville eft plus peuplée
qu'elle ne l'étoit, on n'y compte cependant que feize
mille habitans ; le prix des maifons en conféquence a
beaucoup augmenté : nous fommes entrés dans une
jnaifon qui fut achetée alors pour douze à quinze
cents florins; le propriétaire nous a dit qu'il ne feroit
Dd iij .
N
£14 Voyage
pas embarrafTé d'en trouver maintenant , dix - huit a
vingt mille florins, quoiqu'il n y ait fait aucune aug-
mentation.
Commerce. Le principal commerce de Harlem confifte en
toiles ; les bfanchifleries forment un objet digne de
l'attention des Curieux, elles font un peu éloignées de
la ville. II s'eft fait autrefois un autre commerce célèbre
à Harlem , celui des fleurs ; un feul oignon de tulipe
y a été vendu quarante ou cinquante mille livres , &
même au delà : ce commerce fubfifte encore , mais
avec beaucoup moins de vigueur : les Curieux qui
paflent par cette ville en Avril ou Mai , ne doivent pas
oublier de voir les jardins que Ton cultive à Voorhelm &
€i\ d'autres lieux ; ils font alors couverts des plus belles
fleurs. On peut acheter les fleurs fur le lieu même, on
marque la fleur choifie, & l'oignon qui Fa produit
eft délivré en temps convenable à l'acheteur, ou à
celui qui eft chargé de fa procuration : ce commerce
jefl, dit-on, pratiqué avec toute la bonne foi poflible;
on ajoute qu'il n'eii cependant pas hoK de propos >
que celui qui a ainfi acheté des oignons y ait l'œil ,
foit par foi -même , foit par quelque perfonne affidée.
Maiïon Sur la grande place d'Harlem, outre la grande
«glife & l'hôtel-de-ville, on fait remarquer aux étran-
gers la maifon de Laurent Cofter, avec une infeription
pompeufe fur la porte, gravée en lettres d'or; le fens
de cette infeription , eu que c'eft méconnoître Dieu
jnéme , que de feindre de ne pas connoître Cofter*
DE M. DE COU RTANVAUX. 21 J
La Hollande a produit de grands hommes en différens
genres; les honneurs qu'elle rend à leur mémoire,
font comme un germe qui doit néceflairement en
reproduire d'autres : on nous fit auffi entrer dans la
boucherie qui eft fituée fur cette même place ; c'eft
une efpèce de halle couverte & fort propre : la bou-
cherie des Juifs n'eft pas éloignée de celle de la ville,
elle eft plus petite & abfolument neuve; les Juifs
n'ayant obtenu que depuis un; très - petit nombre h
d'années , & même avec affez de peine, la permiffiôn*
de s'établir à Harlem.
Entre les hôpitaux il y en a un d'une efpèce fingu- f Efpèce
lière , û cependant on peut lui donner le nom d'hôpital ; °pi *
un grand jardin quarré long , occupe le milieu , il eft
prefque tout en fleurs; il y a quelques arbres fruitiers,
quelques légumes : quatre grandes allées fablées au-
tour de ce jardin , fervent de promenade ; le long de
ces allées r règne une enfilade de petites maifons fort
propres , qui n'ont que le feul rez-de-chauflee : chaque
maifon eft compofée de deux ou trois petites pièces,
d'un grenier & d'une très-petite cour, avec une fortie
erv dehors ; de la maifon même on entre dans le jardin
commun : lorfque l'une de ces maifonnettes eft va-
cante f un homme & fa femme", ou deux frères , ou
deux amis, ou même une feule perfonne fc'achettent à
vie pour environ cinq mille florins *,. plus ou moins,
* Le florin de Hollande vaut environ quarante -deux fols de
autre monnoie*.
216 Voyage
félon l'âge & le nombre des acheteurs : alors il n'a
plus qu'à fe meubler, à fe vêtir, & à fë fournir devin
s'il veut en boire , tout le refte lui eft abondamment
fourni aux frais des Adminiflrateurs, & la nourriture
dont on nous a fait le détail , y eft abondante & délicate.
Les habitans de ces maifonnettes fortent quand ils
veulent ; plufieurs ont même des maifons de campagne ,
où ils paflent une partie de l'année, ce qui tourné au
profit de la manfe ou des Adminiflrateurs ; il eft au
refte inoui , à ce qu'on nous a dit , qu'on fe foit encore
plaint de l'adminiftration : le , premier chez lequel
nous entrâmes étoit un amateur de porcelaines; la
prodigieufe quantité qu'il en avoit contraftoit fingulière-
ment avec la petiteffe de {es appartenons : nous crûmes
qu'il en faifoit commerce, on nous détrompa.
Promenades. On peut fe promener dans Harlem , comme dans
Le Bois. les autres villes de Hollande, le long des quais Se dans
df Hrf"5 *es nies P^^es d'arbres : hors de la ville il y a d'autres
promenades ; la principale eft celle qu'on nomme le
bois. Les bois font rares en Hollande , c'eft un grand
agrément quand on peut en rencontrer au vo if) nage
d'une ville : le bois eft réellement un petit bois fitué
vers le fud - oueft de la ville , à quelques deux à trois
cents toifes des murailles : ce bois eft travaillé de
manière à rendre la promenade la plus agréable qu'il
foit poffible, bien entendu que le goût Hollandois,
doit néceflairement y percer. Quelques allées font fort
étroites &abfolument abandonnées au foin de la Nature,
d'autres
de M. ùe Court anvavx. 217
d autres beaucoup plus larges font taillées en berceau ,
le plus léger rayon du Soleil ne fauroit y pénétrer;
enfin les plus grandes allées font façonnées en forme
de rues , le gazon au milieu tient lieu de gros pavé ;
deux larges lifières fàblées le long des arbres, imitent
les deux trotoirs de brique , qui font le long du gros
pavé; les arbres tailles à pic font les maifons, & leur
foramet façonné en triangle, repréfente le pignon des
maifons. Derrière ce bois, le long du Sparre eft une
longue enfilade de très - jolies maifons de campagne ,.
elle s'étend jufqu'à la ville: on appelle celieu, le paradis
des Anabaptijïes , parce que la plupart de .ces maifons
appartiennent à des perfonnes qui font profeffion de
cette religion, laquelle eft une des quatre religions
dominantes en Hollande : les trois autres font la Pré-
tendue réformée, Ja Catholique & la Juive ; l'exercice
de celle - ci n'êft pas permis dans toutes les villes.
Nous parti m es de Harlem le 2 de Juillet au matin , . R©"«e
après avoir pris congé de M. Vanderhoewen , qui re- à
prenoit le chemin de Roterdam; à une lieue d'Harlem # Ainfterdanu
nous mimes pied a terre # pour paffer à pied une
forte digue qui fépare la mer d'Harlem de l'Ye : 00
peut faire communiquer ces deux mers par le moyen
de trois éclufes pratiquées dans la digue.
Près de Jà , on voit à droite le château de Swanen-
bourg , lieu d affemblée des États de Rheynland * ; ce
* On appelle Rheynland, un petit pays qui comprend Lcyde,
Harlem & plusieurs villages circonvoifiro.
. Ee
21$ Voyage
château eft petit, joli d'ailleurs & d'ordre ionique;
au-delà de la digue, on retrouve un fécond canal où
l'on s'embarque pour Amfterdam, le trajet eft d'une
lieue & demie.
Mon premier foin, en arrivant à Amfterdam, fut
d'écrire la lettre ci-jointe à M. de Fouchy, Secrétaire
perpétuel de l'Académie Royale des Sciences.
J'ai eu l'honneur de vous écrire, Monfieur, & de vous mar-
quer le contentement que nous avions de nos pendules, pour en
faire part à l'Académie; elles continuent toujours de bien aller:
il leur eft cependant arrivé un petit accident en route, que nous
foupçonnons être un dérangement de mercure dans les thermo-
mètres, qui les fait avancer de deux fécondes par jour; mais
toujours également. Dans cette pofition , nous nous trouverons
forcés , après nos obfervations ici , de retourner défarmer au
Havre , pour ne pas perdre le fruit de nos travaux; Se M. Leroy
trouvera très - biert le moyen de mettre le mercure en état de
ne plus s échapper à L'avenir; petit inconvénient pour le moment,
puifqu'il a mis cet habile Artifte dans le cas de prévenir tous
les accidens que la mer pourroit occafionner fur fa montre,
& de connoître par conféquent les mpyens qu'il faut employer
pour y remédier, ce que nous vérifierons Tannée prochaine avec
les autres : le voyage que nous avons fait ne fera donc pas inutile,
puifqu'il met M. Leroy en état de connoître les diiférens mou*
vemens de la mer fur un Vaifîeau.
Permettez-moi, Monfieur, &c.
Je m'informai en même temps de l' Aurore, elle
n'étoit pas encore arrivée dans Je port, elle avoit
rencontré des obftacles que je n'avois pas prévus; h
traverfée de JRoterdam à Amfterdam fera la matière
DE M. DE COURTANVAUX. 219
du chapitre fuivant: comme je n'étois pas,préfent,
ce fera M. Pingre qui tiendra la plume.
CHAPITRE X.
I
Route de /'Aurore de Roterdam à Amjlerdam.
Nous appareillâmes le 29 Juin à 6 heures \ du Route
matin , par un vent de nord-eft qui fe mit bientôt dc RTr.dam
au nord, beau temps; thermomètre, près des montres ,a Bri,,e*
marines, 15 deg. \. Notre route fur la Meufe ne fut
pas fans apparence de danger, le Pilote hollandois
que nous avions pris pour nous conduire, s'étoit mis
dans un état tel qu'il n'auroit pu fe conduire lui-
même, il étoit d'ailleurs opiniâtre & méchant; il
penfa nous faire échouer fur un banc x peu s'en fallut *
qu'il ne nous fit donner par le travers fur un Navire
Hollandois qui faifoit une route oppofée à la nôtre; ces
deux dangers furent évités par la prudence & J'a<flivité
de nos gens: mais il n'en fut pas de même à l'égard
d'un bâtiment Angfois qui venoit à notre rencontre,
pouffé par la marée: TAnglois fit tout ce qui dépen-
doit de fui pour éviter fe choc, il fila fes cables pour
le rendre moins rude; comme ils étoient peu de
monde, notre contre- maître fauta dans leur Navire
pour les aider; enfin, vu fa bonne conduite des
Angfois Se des nôtres, nous fumes touchés, mais
fatis aucun mal; le Capitaine Angtois eut fa poriteffe
e ij
220 Voyage
de nous renvoyer notre contre-maître dans fa chaloupe
de fon Vaifleau , avec deux matelots Anglois que nous
régalâmes dé notre mieux, & qui s'en retournèrent
contens. Le vent qui s'étoit fait nord-oueft, ne
nous permettant pas de débouquer de la Meufe,
nous mouillâmes vers io heures du matin vis-à-vis
de fa Brille fur trois bràfTes, fond de vafe. À midi,
thermomètre près des montres, 13 deg. £ : à 3 heur.
15 deg. £ : à 7 heures £r 1.4. deg. |. Vers midi,
nous reçûmes la vifite du Capitaine d'un VaifTeau de
Rouen y du port de cent quarante tonneaux ; parti
de Roterdam le 21 de ce mois, il attendoit depuis plus
de huit jours un vent favorable pour pouvoir fortir
de la Meufe.
La Brille» Le foir, nous fumes à terre. De la Meufe on. entre
dans un canal affez long, qui forme le port de la
Brille : ce canal fe divife en deux dans la ville, & fur
les quais il y a, comme ailleurs, de belles promenades,
non pas cependant dans toute l'étendue de leur Ion*
gueur. La Brille eft une ville affez grande, mais peu
peuplée ; des jardins potagers occupent la plus grande
partie, de fon enceinte : elle eft cependant une des
dix-huit villes qui ont droit de députer aux États de la
Province, & elle y occupe le onzième rang. Les
maifons ne font pas û hautes, qu'à Roterdam & à
Dordrecht, mais elles font propres, quoique la plupart
n'appartiennent qu'à de fi mples pêcheurs: la principale
églife n'eii pas fort grande, elle <dt prefque carrée; on
HE M. DE COU RTANVAUX. 22»
y voit un très -beau monument en marbre, érigé à la
gloire de l'Amiral Philippe Van-AImonde ; & c'eft,
je penfe , tout ce qu'il y a à voir dans la Brille : lès
remparts forment une belle promenade, mais folitaire.
Cette ville eft fituée dans l'île de Voorn , formée par
les bras de (a Meufe : on la regarde comme le berceau
de la République. Guillaume de Lumay, comte de la
Marck , revenant d'Angleterre en Hollande f fut jeté
par la tempête contre cette place , & l'enleva aux
Efpagnols : le duc d'Albe apprenant cette nouvelle ,
dit que ce n'étoit rien; la perte de fept belles
Provinces prouva que c'étoit le commencement
d'un grand événement. L'île de Voorn eft abondante
en blés.
Le 20 Juin au matin, thermomètre, 14 deg. f; à Vifite
midi, 15 deg. £; au foir, 14 deg. \. Le vent fouffla du\égirïïn*
tout le jour d'entre le nord-oueft & l'oueft-fud-ouefh ^Sa,ve-
Nous ignorions quand le vent nous permettroit de
débouquer de la Meufe, & comme nous avions vu
tout ce qu'il y avoit à voir à la Brille, nous envifagions
notre féjour futur à la rade de cette ville, comme une
fource d'ennui , dont il n'étoit pas poiïible d'entrevoir
la fin. Nous fumes heureufement trompés dans cette
attente défagréable. Dès le 30 Juin au matin nous
vîmes arriver à bord de Y Aurore M. Douglaff, Écoffois
de naiffance, Colonel du régiment de Salve-Marine ;*
M. de Brakell , Lieutenant - colonel ou Colonel en*
fécond, fils de ce M. de Brakell qui, en 1745, avoit!
e ni
*2i Voyage
fi bien défendu Tournai , dont il étoit Gouverneur;
M. Je comte de Byland, Major; M. de Rieux, François
d'origine, & d autres Officiers de ce même régiment,
qui étoit alors en garnifon fur l'île de Voorn. Ces
Meffieurs, plus recommandabies encore par les qualités
«
de leur efprit & de leur cœur , que par leur rang &
leur naiffaoce* nous offrirent leur compagnie pour
lout le temps que Je vent nous retiendroit à la Brille,
& nous ne pouvions en defirer une plus agréable: ils
nous procurèrent aufîi la connoiflance de M. Royer,
penfionnaire de la Brille, fils du premier Aumônier
du prince Stathouder , & petit - neveu du célèbre
M. Huyghens. Beau temps tout le jour; couvert le
foir, avec menace d'orage,
îfledc Le j cr je Juillet, vents de Toueft-nord-oueft &
jRofenbourg.
de l'oueft, bon-frais, beau temps* A 7 heures { du
matin, thermomètre, 14 dcg. j : à 3 heures du foir,
16 deg. à 8 heures j du foir, 14. deg„
Nous fumes nous promener le foir fur l'ifle de
Rofenbourg, nous étions mouillés entre cette îfle &
la Brille; prefque toutes les cartes géographiques que
}'ai vues font en défaut par rapport à ta pofition de
l'iUe de Rofenbourg : félon ces cartes, la Meufe a
toute ià largeur vis-à-vis de la Brille , de manière que
de la Brille , on devront voir Maëflandffaiys , ôc
de Maëflandfluys la Brille; ÏUlt de Rofenbourg eft
marquée plus haut : telle étoit , en effet , autrefois la
pofiùon des lieux ,. mais elle a. changé depais plufiears
DE M. DE COU RTANÏAUX. liy
années. A la pointe occidentale de Tifîe, il y avoit
un banc qui a tellement augmenté en hauteur, que la
Meufe ne le couvroit plus que dans les fortes marées:
les HoIIandois , fi juftes appréciateurs de la valeur du
terrein, ont tiré parti de ce nouveau terrein que la
Providence fembloit leur offrir ; ils l'ont entouré de
digues; bientôt, par leur induftrie, il a produit d'ex-
cellens pâturages, & cette nouvelle partie de rifle leur
eft maintenant aufli précieufe que l'ancienne : l'ifle
de Rofenbourg peut avoir maintenant cinq quarts de
lieue de longueur, ou un peu plus, fur une bonne-
demi-lieue dans fa plus grande largeur, & fa pointe
occidentale defcend dans la Meufe, un peu plus-
bas que la ligne droite qui feroit tirée de la Brille à
Maëllandfluys. Nous vîmes fur cette ifle une quantité
prodigieufe de gros bétail qui y trouvoit une fub-
fi flan ce abondante.
Le 2, vents du fud-oueft, afTez beau le matin ; pluie Navire»*
continue le foir. Thermomètre , à 8 heures j du matin ,
14 deg. i; à midi ,15 deg. ^; à 3 heures \\ 17 deg.
à 8 heures ^, 16 deg. j. Nous n'étions pas les feuls
que la confiance des vents d'oueft retenoit à la Brille..
Le vaiffeau anglois , qui nous avoit touchés en arri-
vant en cette rade voulut partir le 2 : il vint à bout,.
il eft vrai , de doubler tous les bancs, mais ce ne fut
pas fans avoir donné plufieurs fois du talon ; le Pilote
hoHandois qui l'avoit conduit au large , nous rapporta,
qu'il l'avoit laiffé en très-mauvais état, & qu'il n'oieroiti
224- Voyage
-en répondre : puifle-t-il ne lui être arrivé aucun mal*
3a nuit fuivante , la violence du vent rompit le cable
<Tun Navire hollandois f mouillé près de nous; le
«navire fut emporté par l'effort de la marée, & échoua
fur un banc : nous étions heureufement en baffe-mer,
il fe releva à la marée montante: le 3, un autre Navire
anglois ayant tenté de fortir, échoua en temps de
•haute-mer; nous craignîmes pour lui, il eut cependant
le bonheur de fe remettre à flot à la marée fuivante, &
prit le fage parti de rentrer dans la Meufe.
Le 3, vents de Poueft & de I'oueft - fud - oueft ,
grand frais ; pluie par intervalles; le (bir pluie, grêle,
vent furieux. Thermomètre, à 8 heures 7,14 deg.|;
à midi , 1 5 deg. £; à 10 heures du foir , 1 5 deg. f
Après dîner, M. de Brakell nous conduifit à Hellevoet-
Hdievoctfluys. flL1yS $ diftance de deux lieues de la Brille : nous étions
dans un chariot traîné par deux chevaux, que Ton
conduifoit & dirigeoit par le mouvement du pied,
appuyé fur je ne fais quels refibrs : la vokure n'étoit pas
des plus douces , mais nous allions bon train , en cinq
quarts d'heure nous fumes à Hellevoetfluys. Cet en-
droit , eft un port bordé de maifons & de fortifications;
ces fortifications , plantées d'arbres t forment dagréables
promenades, & renferment des cafernes pour les
foldats qui y font en garnifon : ce port eft à l'entrée d'un
golfe qui communique avec le Biefbos, dont nous avons
parlé ci - deflus; il eft formé par un canal affez étroit $
mais profond ; les plus gros Vaifleaux peuvent y entrée
De
DE M. DE Couhtanvaux. ZZ%
De tous le* peuples Européens » on ne voit guères
que les Anglois à Helievoetfluys , auffi y entend -on
aflez facilement leur langue; le françois y eft abfolu-
ment inconnu. Tous les Navires, même les Vaiffeaux
de guerre d'Amfterdam , paffant vis-à-vis d'Hellevoet-
fluys , font tenus de payer un certain droit ; c'eft
apparemment ce droit qui empêche bien des Vaiffeaux
de fortir de la Meufe par Hellevoet , ce qui feroit
quelquefois plus facile & plus avantageux que de paffer
vis-à-vis de la Brille, au rifquedy attendre le vent un
mois ou fix femaines. De quatre amirautés que Ton
compte dans les Provinces-unies, la première , eft celle
de la Meufe ; fon fiége eft à Roterdam , mais c'eft à
Helievoetfluys, qu'elle fait conftruire fes plus gros
Vaiffeaux : lorfque nous y fumes , il y avoit dix Vaif-
feaux de guerre , dans une efpèce de badin au fond
du port Le long de ce baffin, eft un arfenal ou un
magafin très-long; il (contient des voiles, des cordages,
des cables , des caps de mouton , en un mot , tout ce
qui compofe les agrès des Navires appartenans au port;
tout eft arrangé avec la plus grande propreté , entre-
tenu avec foin , & diftribué de manière que chaque
Équipage trouve à ttnftant & fans confufion , ce qui
eft du fervice de fon Navire. Entre cet arfenal & le
port, cinq ou fix cents pièces de canons de fonte,
font rangées dans le plus bel ordre: on nous fit monter
fur un belvédère , de deffus lequel la vue s'étend fort
join ; on y découvre une grande étendue de mer , &
. Ff
226 Voyage
beaucoup d'iiïes de la Hollande & de la Zélande. Nou$
entrâmes dans un petit yacht de plaifance, de 30, ou
je penfe, de 36 pieds au plus , de tête en tête; toutes
les autres dimenfions font proportionnées à cette Ion-
geur : la chambre d'aflemblée- eft très-propre ; mais
pour y être debout, il faut paffer la tête & les épaules
par l'écoutille; c'eft par ce feul endroit que la chambre
reçoit du jour : cette chaloupe pontée, je ne puis lui
donner d'autre nom , venoit cependant d'arriver
d'Angleterre , conduifant un Seigneur anglois , qui
comptoit s'en retourner par la même voiture : le trajet
eft au moins de vingt lieues; fur la route de la Brille
à Hellevoefïuys , on trouve deux villages , Niewenhorn
& Hellevoet, ils n'ont rien de remarquable.
Curé Le 4., nous fîmes une nouvelle connoifTance,
de la Brille*
celle de l'abbé Cret , Curé de la Brille; il nous ren-
dit vifite à bord : c'eft le feul Eccléfiaftique catholique
de Tiffe ; l'exercice de fon miniftère eft pénible : les
Dimanches & Fêtes, il célèbre l'office à Hellevoet-
fluys & à la Brille; en hiver, les chemins font impra-
ticables aux chevaux Si aux voitures, il eft obligé d'aller
& de revenir à pied. Vent violent le matin , plus mo*
déré le foir , foufflant toujours du même côté ; pluie
le matin & le foir; beau pendant la journée. Ther-
momètre, à 8 heures 15 min. du matin, 14. deg. A
demi; à midi , 14. deg. i; à 4 heures 45 min. 16 deg.
à 10 heures & demi , 1 5 deg. i.
Le 5 , vent oueft grand frais, le foir vent defud-eft
DE M. DE COURTANVAUX. 22J
petit frais ; rivière trop baffe pour partir ; beau temps
interrompu par quelques pluies légères. Thermomètre,
à 9 heures ~ du matin, 1 5 deg. |, à midi de même;
à 9 heures & à 10 heures du foir, 15 deg. <£.
Ce même jour, M. Leroy remit entre les mains dé Sccon<fc
9 * * montre ma-
M. de la Chapelle fecrétaire, repréfentant M. le Marquis, *«* foumife
1 a notre
Si entre les miennes , fa féconde montre marine , nous examen,
déclarant que s'il ne nous l'avoit pas plus tôt remife*
c'eft qu'il avoit plus de confiance en la première , &
qu'il avoit remarqué dans la féconde, quelques inéga-
lités d'un jour à l'autre, comparaifon faite ayee la
première montre; inégalités cependant peu confidéra-
fcles : il ajouta qu'au Havre, \z féconde montre avançoit
tle 1 1 fécondes fur la première en vingt-quatre heures ,
& qu'alors elle n 'avançoit phis que de j fécondes :
à midi , la féconde montre fut mife fur la même heure
que la première. Nous drefîames, M. de la Chapelle
Se moi , un procès-verbal de tout ce qui s'étoit dit & fait
ace fujet; & depuis nous avons eu l'œil également
attentif fur les deux montres.
Le 6 , le vent retourné à l'oueft, grand frais, beau
temps ; il y avoit eu durant la nuit , un coup de vent qui
avoit caufé quelque rumeur dans l'équipage : après midi
-très-fceau temps; lèvent appaifé, foiifflant toujours de
l'oueft. Thermomètre,, à 9 heures £ du matin , prefque
1 6 deg. à midi 1 5 deg. £ ; à 8 heures du foir , 1 6 deg.
à 1 1 heures 45 min, du matin , la féconde montre
avançoit fur la première , de 4. fortes fécondes.
Ff ij
228 Voyage
Tentative Malgré l'aimable compagnie de M/9 les Officiers
pourfortir du régiment de Salve & de M. le Curé de la Brille,
laMcufc. notre jong féjour à l'embouchure de la Meufe nous
ennuyoit beaucoup , & nous comprenions par les lettres
de M. le Marquis , qu'il ne s'ennuyoit pas moins , de
ne nous point voir. On épioit donc tous les jours le
moment de la haute - mer , pour profiter du moindre
vent qui nous aurait permis de partir : la nuit du 6 au 7,
le vent s'étant mis au fud-fud-oueft , un pilote de la
Brille vint à bord vers 3 heures du matin , & nous ap-
pareillâmes auiïitôt : nous avions déjà départe dix
bouées*, lorfque malheureufement , le vent fe remit
à Poueft: notre canot penfa fe perdre , un matelot qui
étoit dedans tomba à l'eau , & s'en fauva heureufe-
nient à laide d'un autre matelot, qui s'étoit jeté pour
cet effet à la mer. Un Navire hollandois toucha la
Frégate lorfqu'elle reviroit de bord ; il ne nous fit aucun
mal, & nous lui en fîmes très-peu : lé vent penfa nous
jeter fur la côte , & nous étions probablement échoués,
fans l'intelligence & la préfence d'efprit du fieur le
Peyre : enfin il fallut fe réfoudre à retourner fur nos
pas, & à regagner la rade de la Brille : nous y mouil-
lâmes à 8 heures.
Un feul VaifTeau , de quinze environ , qui étoit vis*
à-vis de la Brille , avoit appareillé avec nous ; il étoit
* Les bouées font des cfpèces de fignaux, à fleur d'eau, qui
enfeigncnt le chemin qu'il faut tenir , & indiquent les écucils qui
faut éviter.
j
- DE M. DE C0UR7ANVAUX. Z2ty
HoIIandois : forcé ainfi que nous de revenir fur fes
pas , ii remonta plus haut que ia Brille , apparemment
pour faire le tour de Fille de Voorn , & paffer par
Hellevoetfluys : javois déjà propofé cet expédient; une
lettre de M. ie Marquis , reçue le 6 au foir, nous afïu-
roit de la poffibilité de l'exécution ,. M. le Marquis ne
parloit que d'après des marins HoIIandois» qui étoient
inflruits de la pofition des lieux & des circonftances
de cette navigation. Il fut donc décidé que le fieur le
Peyre , s'informeroit de ces circonflances à la Brille f
durant la journée du 7, & que fi le vent s'obftinoit
à nous fermer la fortie de la Meufe , nous prendrions
le lendemain , le chemin d'Hellevoetfïuys. Le refultat
des informations, fut que ce partage étoit pratiquable;
mais qu'à l'efl de rifle, nous trouverions un canal
étroit, où le vent nous ferait prefque auffi contraire
que fur la Meufe, & que dans cette circonftance d'un
vent contraire, on faifoit aller le Navire par des hom-
mes qui marchoient le long du riyage : notre Équipage
étoit affez nombreux pour cette opération : ainfi il fut
décidé que nous partirions fans faute le lendemain ,
foit par un chemin, foit par l'autre. Thermomètre,
à 7 heures du matin,, 16 deg. £; à 10 heures du foûy
16 deg. | , très-beau temps tout le jour : le foir, vent
d'eft prefque calme.
Nous avions accepté la veille, mais folis condition , 7°,^'
une offre que M. Royer, Penfionnaire de la Brille &àiaHay*
nous avoit faite de nous conduire à la Haye; M. Mff?°*
JFfiij
2}o Voyage
Royer, informé que la Frégate remontoit à la
Vint à bord, dès que nous eûmes mouillé, & nous
partîmes: notre canot nous conduifit à Tifle de Rofen-
bourg, que nous traverfames fur un chariot de pofte,
haut monté, fans impériale & fermement appuyé fur
fes effieux; il nous fallut une échelle de 6 ou 7
échelons , pour pouvoir entrer dans ce phaëton ; nous
allions affez yîte, nous mimes cependant plus d'une
demi-heure à traverfer Tille : la digue qui nous fervoit
~de chemin avoit été élevée pour fervir de barrière à
l'eau de la Meufe , elle eft maintenant à une aflez grande
diftance. Après aVoir traverfé l'autre bras de la Meufe
au-delà de Tifïe, nous arrivâmes à Maafîandfluys;
c'eft le fécond village de la Hollande, ou le premier,
après la Haye : il eft en effet très-confidérable , plus
commerçant , plus vivant , plus peuplé que la Brille; les
quais, les rues, les mai fo ri s font aufli belles qu'à
Dordrecht; le port eft formé par plufieurs canaux qui
entrecoupent le village, il n'étoit pas garni de Navires,
prefquetous étoient partis pour la pêche du hareng : les
rues étoient pleines de monde , c'étoit un jour de foire.
II y a des voitures d'eau pour aller à Delft & à la
Haye, mais nous étions preffés; nous louâmes un autre
chariot de pofte , un peu plus tolérable que celui de
Tifle de Rofenbourg : nous fuiyimes au moins jufqu'à
ï)elft une levée ou une digue élevée fur le bord du
canal; le chemin n'eft pas droit, il eft fort étroit;
deux voitures qui fe rencontrent ont de tr peine à ft
DE M. DE COURTANVAUX. 23 I
frire place, il y a même des endroits où cela ne leur
eft pas pofïible; alors il faut dételer les chevaux, les
atteler au derrière d'une des deux voitures, & la faire
reculer en arrière, jufqu'à ce que Ton trouve un lieu
aflez large pour que les deux voitures puiffent fuivre
des routes oppofées ; ces chemins fur des digues font
unis, mais impraticables en hiver, il faut alors fuivre
les canaux, ou dans des barques, ou à laide deç
patins, fi les canaux font gelés. Entre Maaflandfluys
& Delft, on rencontre jyiaafïand & Schipluyde, deux
villages qui ne fixent point l'attention lorfqu'on fort
de celui de Maaflandfluys: près de Schipluyde, eft
un vieux bâtiment formé par quatre tours, on dit que
c'eft un ouvrage des Romains. Je n'entrerai point dans
le détail de ce que .nous vimes à Delft & à la Haye,
& ce ferait une répétition de ce qui a été dit dans le
chapitre précédent.
Le vent pafla durant la nuit au nord -eft & au nord- Route
oueft; le 8 au matin, les vents étant remis au fud-fud- *ur*x^3|ft
oueft de la bouflble, ou prefque au vrai fud, nous
tentâmes une féconde fois de fortir de la Meufe ; nous
appareillâmes à quatre heures du matin, un Navire qui
ne tirait que fix pieds d'eau nous précédoit, quinze
autres nous fuivoient: nous étions prefque dehors, le
vent regagna la partie du fud-oueft, un tour de force
nous fit heureufement dépaffer la dernière bouée,
& nous nous vimes enfin au large; ce vent de fud-
oueft, contraire à la fortie de la Meufe, nous deyenoit
232 Voyage
favorable pour gagner le Texel , il fouffloit aiïez bien;
ie crel, beau d abord, fe couvre, il tombe quelque
pluie, le vent mollit, ie roulis & le tangage fe font
fentir: vers deux heures du foir, furvient un grain qui
fait fraîchir le vent de la partie de loueft , nous allons
grand train, toutes voiles dehors, & nous mouillons
à 6 heures, par huit braffes d'eau, vis-à-vis la pointe
orientale de; l'île du Texel, le vent au fud-oueft, grand
frais. Ce même vent de fud-oueft, qui nous avoit été
fi favorable pour gagner la rade du Texel , étoit alors
contraire pour continuer notre route jufqu'à Amfter-
dam; il fallut encore ici nous armer de patience. Nous
avions à peine mouillé, qu'il nous vint à bord un
Capitaine Hollandois , envoyé d'Amfterdam pour
attendre Y Aurore au Texel, & pour nous fournir tout
ce dont nous pourrions avoir befoin : c'étoit à M. de
Ryneveld , gros Négociant d'Amfterdam f que nous
avions obligation de cette attention.
Le 8 , à 6 heures du matin , thermomètre, 1 6 deg. i;
à 8 heures, 16 deg. -j-; à 11 heures £, 16 degrés;
à 5 heures & à 7 heures £ du foir, encore 16 degrés*
A 1 1 heures ~ du matin, la féconde montre avançoit
fur la première de 1 1 fec. j.
Le 9 , à 8 heures, thermomètre, 1 j deg. peu pafTé;
à midi , à 3 heures , à 7 heures & à 10 heures du foir
à très-peu près de même. X midi £ la féconde montre
avançoit de 14. fec. fur la première.
La nuit du 8 au 9 ne fut pas tranquille, ie vent Je
fud-oueft
DE M. DE COURTANVAUX. 2JJ
fud-oueft fouffloit avec la plus grande violence, une . F*dc .
r ' r GU^TcxA
lame courte & fréquente occalionnoit un roulis & un
tangage fort défagréables. X minuit £, notre pilote
d' Amfterdam , que nous avions pris prefque au fortir
de Dunkerque , d'un ton de voix effrayant fonna
l'alarme; plufieurs furent épouvantés, c'eft que nous
chaffions fur notre ancre, on rifquoit de la perdre;
on en mouilla une féconde , il n y eut aucun mal.
La journée fut un peu moins dure ; mais à la nuit, il
furvintun autre coup de vent; la mer faifoit voltiger
notre Frégate autour des ancres; les cables fe crok
sèrent & s'embarrafsèrent, quelques-uns crurent encore
que tout étoit perdu , on leva une ancre , & le mal
ne fut pas plus grand que la veille : le ciel cependant
étoit affez beau, avec quelques grains de pluie; le.
vent toujours vers Toueft-fud-oueft ou le fud-oueft.
Le i o , à 8 heures du matin , thermomètre , 1 5 deg. Départ
très-peu paffé ; à midi , 1 3 deg. | ; à 2 heures j , 1 3 deg. f; cxc "
à 7 heures, 14 deg. j : à midi quelques minutes, la
féconde montre marine avançoit fur la première, de
17 fec. 7. Vent oueft-fud-oueft le matin; la Frégate*
quoique très - agitée l'était moins que la nuit précé^
dente ; beau temps , entre-mêlé de grains de pluie :
tous ces contre -temps, avoient altéré fenfiblemênt la
fan té de M. Leroy & du Secrétaire de M. le Marquis;,
ils avoieni la fièvre l'un & l'autre, ils partaient de fe
faire tranfporter à terre , pour gagner par iterre Amfter-
dam ; les fignaux avoient été faits , un yacht étoit venji
. Gg
234 Voyage
pour les prendre, le marché étoit prefque conclu, lorf-
que peu après 10 heures du matin, le vent commença
à fouffler du vrai oued; on eut bientôt rehifle les
vergues & préparé tout pour le départ; on leva l'ancre
à 1 1 heures 7. Le partage du Texel au Zuyderzée eft
difficile; c'eft un chemin étroit, bordé de bancs à
droite Si à gauche ; pour guider plus fûrement les
navigateurs , les Hollandois ont fait mettre des batifes
Si des bouées de diftance en diftance ; pour qu'il foit
même plus aifé de fe reconnoître, aux endroits les plus
difficiles , on a mis en guife de bouées , des tonnes
vides & bien foncées diverfement colorées. Ce partage
feroit véritablement dangereux pour des navigateurs
qui ne fer oient pas bien au fait de la difpofitîon de
tous ces fignaux : mais nous n'étions pas dans le cas ;
notre pilote d'Amfterdam , connoirtbit parfaitement
tout le local de ce partage, il tenoit le timon, & de
Peyre le fecondoit , on ne peut mieux : vers deux heures ,
nous étions par le travers de rifle de Wieringen , où
nous vimes une allège hollandoife échouée fur un banc ;
mais comme il étoit alors bafle -mer, nous fuppofons
que la marée l'aura relevée : aurtitôt après nous laif-
ikmes fous le vent, Se nous dépaflames un Navire
anglois , qui avoit paffé la veille au foir au Texel , Se
qui n'eft arrivé à Amfterdam , que quatre jours après
Itàusl Avant ^ heures, nous voyons à notre droite
Médenblyck la dix-feptième , & plus loin Enchuyfen
Ja quatorzième yillc de Hollande, & à notre gauche,
DE M. DE COURTANVAUX. 2^%
Staveren en Frife : à 4- heures j, nous avions un peu
dépaffé Enchuyfen , & nous voyions devant nous Tiffe
de Urch : nous allions "cependant toujours au plus près
du vent, qui étoit un peu defcendu vers l'oueft-fud-
oueft, & nous faifions route, valant le fud-quart-fud-
oueft. Quand nous fumes dans le Zuyderzée, il étoit
néceffaire que nous fuiïions encore plus à l'oueft, ce
qui n'étoit pas poffible : nous" fumes obligés de lou-
voyer , en ferrant le vent autant que la conftru6lion du
Navire le permettoit , l'amure alternativement à bâbord
Se à (tribord. Comme le vent étoit très-fort , la Frégate
'étoit extrêmement à la bande : M. Leroy , à f'aide d'un
infiniment qu'il avoit fait conftruire à cet effet, trouva
qu'elle inclinoit quelquefois de 25 degrés, aufli les
canons étoient dans la mer , l'eau paffoit jufque par
deffus le vibord , & la culaffe même des canons étoit
quelquefois plongée : ce fut à 7 heures du foir , qu'on
commença à courir des bordées : nous étions alors
abfolument fous le vent du Pampus; delà partie fud-
oueft du Zuyderzée, il fe détache un golfe de dix
à onze lieues de profondeur , qui fépare la Nort-
hollande de la Sud-hollande ; l'entrée de ce golfe eft
ce qu'on nomme le Pampus, le fond fe nomme ^
apparemment en conféquence de quelque rapport
que Ton a trouvé entre la forme de ce golfe & la
lettre Y.
Le 11, à 5 heures du matin / nous étions dans le Arrivée
Pampus , ayant à notre gauche la ville de Naerden , Amflerdami
2}6 Voyage
célèbre par le maffacre de tous fes citoyens, exécuté
en i 572 , par l'ordre de Frédéric , fils du duc d'Albe,
quoique ces pauvres gens fuffent la plupart bons
catholiques. Prefque vis - à- vis de nous, nous voyions
Udam ou Vytdam , Ôc plus loin les tours d' Amfterdam ;
à notre droite étoit Tille de Merken , Se fa tour de feu ;
c'eft une tour au haut de laquelle on fait du feu pen-
dant la nuit, pour fervir de fignal : le vent de fud-oueft
ne nous permettoit pas d'avancer beaucoup , nous nous
foutenions feulement , jufqu'à ce que la marée qui
devoit commencera remonter vers 9 heures, nous
aidât à gagner le port; vers 9 heures ~, il furvint un
orage avec tonnerre, éclairs & grande pluie: peu après
on ferra les voiles , le canot mis à la mer, & aidé de la
marée nous traîna plus près de terre : nous mouillâmes
à 1 1 heures 1 5 min. du matin.
A 5 heures, thermomètre, 15 deg. à 9 heures j,
1 c deg. y; à 10 heures 45 min. du matin, la féconde
montre avance fur la première de 2 1 fec j : dès que
nous eûmes mouillé , nous fumes avec beaucoup de
fatisfadion rejoindre M, le Marquis , & lui rendre
compte des circonftances les plus importantes de notre
traverfée.
DE M. DE COURTANVAUX. 2jy
CHAPITRE XI.
Séjour à Amjlerdam , idée de cette ville , fa pofition
géographique; marche des montres marines; voyages
à Utrecht & à Saeurdam.
Depuis notre arrivée à Amfterdam , le 2 de Vifite*
Juillet, jufqiTà celle de V Aurore le 1 1 du même
mois , il me fut impoflible de faire aucune opération
relative à l'objet de notre voyage, nos inftrumens
étant à bord de la Frégate : ce temps fut néceflaire-
ment employé à voir la ville & fes environs. Je com-
mençai par rendre vifite à M. Maillet du Clairon,
Commiflaire de la marine de France , & je lui remis
les lettres du Miniftre , relatives à notre expédition :
je fus aufli voir M. Jean Van-Ryneveld f riche négo-
ciant d' Amfterdam ; on m'avoit adrefle à lui, comme
à un véritable honnête homme, franc, droit, fi ne ère,
généreux & extrêmement obligeant: on ne m'en avoit
point impofé, M. de Ryneveld & fon neveu M.
Hartfinck m'ont rendu tous les fervices que j'ai pu
defirer , & ont contribué de tout leur pouvoir à me
rendre le féjour d' Amfterdam agréable.
Amfterdam n'a que le cinquième rang entre les Grandeur,
villes de la province , mais on ne fait pas de difficulté rucs?annaûx
de la regarder comme la Capitale , non-feulement de d' Amfterdam.
ia Hollande, mais mên»e de toute la République des
G m • •
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238 Voyage
Provinces -unies; ce n'eft pas une ville ancienne,
elle n'a été' pour la première fois entourée d'un mur
de bois que vers le xin.e fjècle : la commodité de
ià fituation pour le commerce lui a procuré des
accroiffemens fucceffifs, fur-tout depuis que les fept
provinces fe font fouftraites à la domination de l'Ef-
pagne; fa .forme eft prefque celle d'un demi -cercle,
fa longueur de l'eft à l'oueft eft d'environ dix-neuf cents
toifes , & fa largeur du midi au nord de mille toifes ; fon
enceinte eft défendue par vingt-fix baftions , il n'y a
point de baftions au nord , la ville de ce côté eft affez
défendue par l'Ye qui forme fon port, La rivière-
d' Amftel , après avoir partagé la ville en deux parties ,
verfe tes eaux dans l'Ye; c'eft cette rivière qui
donne le nom à la ville, Amfterdam fignifiant digue ou
chauffée fur l' Amftel ; on compte environ trente mille
mai fon s & trois cents mille habitans dans cette ville, les
rues n'y font pas fi belles ni fi propres qu'à Roterdam ,
quoiqu'on ait foin de les laver de temps en temps;
Jes canaux font en très-grand nombre , mais l'eau n'y
eft pas par-tout également claire; il y a un grand
nombre de ces canaux , dont l'eau croupi (Tant offenfe
également la vue & l'odorat : les maifons font pour
la plupart de briques, quelques-unes font bâties en
pierres de taille, toutes font couvertes de briques
rouges $c noires ; elles font plus hautes que dans les
autres villes de Hollande, j'en ai vu peu qui euiïept
plus de trois étages, non compris le rez-dç-chauffée :
DE M. DE COVRTANVAUX. 239
à chaque maifon , il y a une poulie pour introduire les
fardeaux par les fenêtres, on ménage par-là la propreté
des maifons qui eft extrême en dedans: le rez-de-
chauflee eft ordinairement "pavé de marbre ; dans les
appartemens & fur les efcaliers , on ne marche que fur
Jes tapis, & avec tout cela, comme je l'ai dit ailleurs,
il n y a pas de meubles. La Hollande eft de tous les
pays du monde celui où il eft le plus facile de favoir
de quel côté fouffle lèvent, prefque toutes les maifons
ont leur girouette, la plupart de ces girouettes fervent
à deux fins: au-defTus des cheminées, s'élève comme
un toit de tôle ou de quelque autre matière qui en
imite la couleur; cette efpèce de toit eft incliné à
l'horizon de quarante-cinq degrés, plus ou moins:
de la partie fûpérieure, il s'élance prefque horizontale-
ment une plaque de même matière, très-longue &
pofée de champ, cette plaque fert de girouette, &
tend toujours à l'oppofite du vent; en conféquence, la
tôle fe trouvant toujours du côté* du vent, l'empêche
deibuffler dans la cheminée, & de ternir par la fumée
la propreté des appartemens: on ne brûle guère que
de la tourbe en Hollande. Amfterdam eft entièrement
bâtie fur des pilotis extrêmement ferrés ; on affure que
fix mille trois cents trente-quatre troncs d'arbres ont
fervi de pilotis , feulement pour établir les fondemens
d'une tour que l'on projetoit de conftruire -vis-à-vis de
Féglife de Sainte-Catherine : quelle doit donc être la
forêt qui fert de fondement à toute la ville !
2+o V O Y -A G E
Report. Le port d'Amfterdam eft un des plus grands, des
plus fur s & des plus fréquentés qu'il y ait dans le
monde. La mer du Nord ou mer d'Allemagne forme
au Texel l'ouverture d'un grand golfe, qu'on nomme
Zuyderfée ou mer du Sud, & le Zuyderzée jette une
efpèce de bras dans les terres , auquel on a donné le
nom d'Y*; c'eft fur ce bras, à fept lieues environ de
fa naiflance , qu'eft le port d'Amfterdam ; il eft féparé
de la ville par une paliftàde de pieux fichés dans le
fond du poFt, & joints par des poutres placées hori-
zontalement , il y a d'efpace en efpace des ouvertures
pour lai (Ter un partage libre aux canots , aux yachts 61c
même aux gros navires , û le cas y échoit ; ces ou-
vertures font exactement fermées tous les foirs , au
fon d'une cloche qui en donne le fignal; vers le milieu
du port un canal affez large entre dans la ville , & s'étend
jufqu'à la bourfe; on peut le regarder comme la fin de
l'Amftel, les Hollandois le nomment Demrack , c'eft
une efpèce de port particulier, couvert d'un grand
nombre d'yachts &. de quelques vai fléaux : il y a auffi
un port particulier à la partie orientale de la ville,
vis-à-vis du lieu de notre mouillage; celui-ci appar-
tient à l'Amirauté & à la Compagnie des Indes
Orientales ; nous y vîmes lancer à l'eau , le 1 1 de
Juillet , une frégate de trente-fix canons : M. le comte
de Groonsfeld, Préfident ou Chef de l'Amirauté»
nous avoit ait placer dans le badin même, fur VAmf»
tardant, Vaifleau de foixante à foixante - dix pièces de
canon;
DE M. DE COURTÂNVAUX. 2+1
canon ; l'opération fut exécutée avec autant de célérité
que de dextérité. Le pampus, c'efl; comme il a^té dit
plus haut, l'entrée de l'Ye, n'a prefjque pas de pro-
fondeur ; les gros Vaiffeaux n y trouvent pas affez
d'eau; c'efl; le plus grand, & même le feul incon-
vénient du port d'Amfterdam : ce n'eft pas qu'il ne
foit poflible d'y remédier; on a propofé plus d'une
fois de le faire, la propofition a été rejetée, on trouve
une utilité très -grande dans cet inconvénient, c'eft
qu'une flotte ennemie ne peut approcher d'Amfterdam.
Quant aux gros Vaiffeaux que l'on conftruit à Amfter-
dam , il y a toujours des chameaux prêts pour les voiturer
dans le baflin de l'Amirauté ; ces chameaux font des
Vaiffeaux plats, cependant affez hauts de bord, tirant
peu d'eau par eux-mêmes : un Vaiffeau qui , avec tout
fon left & fes agrès , tireroit 2 1 pieds d'eau , n'en
tirera que 1 2 ou 1 5 , û avant d'être chargé on Je fait
couler entre deux de ces chameaux le fié s d'eau, &
communiquant entre eux par des cordes lâches, fur
jef quelles eft le Vaiffeau ; en faifant roidir ces cordes
dans le temps même qu'on pompe l'eau des cha-
meaux, on fait néeeffairement monter le Vaiffeau. Les
Vaiffeaux de guerre , fortis du pampus à l'aide de: ces
chameaux , ne prennent leur left & leurs agrès qu'ait
lexel , qu du moins ç'eft au Texel qu'ils achèvent de
jfe charger. ;
Toute? tes Religions font tolérées ,. ou même per- Religion*
TOÎfes. i Amftexdara , pQuryu qrttes n'intéreffenfc pas %«&$•
• Hh
2+i Voyage
le Gouvernement : les quatre dominantes , font fa
Prétendue réformée, c'eft celle du Gouvernement;
la Catholique , qui eft peut-être plus nombreufe que la
première; la Juive y a, dit-on , environ quarante mille
fe&ateurs; & celle des Mennonites ou Anabaptiftes:
celle-ci s'étend plus dans la campagne que dans la
ville; il y a au (fi un affez grand nombre de Luthériens.
Les charges de Magiftratures , ne peuvent être confiées
qu'à des Réformés: ceux qui profeflent une autre reli-
gion , peuvent prétendre à tous les emplois militaires
& à ceux de la marine : je penfe cependant qu'on en
excepterait les Juifs,
Les églifes des Réformés font fort belles : la prin-
cipale, que l'on nomme l'églife-neuve, étoit autrefois
dédiée fous l'invocation de Sainte-Catherine : elle eft
grande , haute , belle , mais non voûtée ; il y a double
rang de bas côtés : le chœur eft entier; il y aune petite
chaire au milieu ; il n'y a plus de dalles, mais un dou-
ble rang de bancs, l'un fupérieur, l'autre inférieur,
qui pourrait très -bien fuppléer au défaut des ftaljes:
l'orgue eft un beau morceau : la grande chaire dans la
nef eft curieufe, vafte en elle-même; elle eft furmontée
d'un dais encore plus vafte, & le tout eft de bois
feuipté à jour, avec mille figures délicatement travail-
lées & fans aucune confufion: au fond du chœur,
au lieu du maître - autel , eft le fuperbe tombeau de
l'Amiral Michel de Ruyter, mort le 29 Avril 1676,
d'une bleflure qu'il ayojt reçue le 21 du même mois*
JD£ AI. de Court anv aux. i+y
dans un combat naval , contre M. du Quêne : ce
monument a environ 30 pieds de haut, fur 13 de
large; il eft de marbre, & les figures en font d'un bon
travail; fous l'effigie de Ruyter repréfenté de grandeur
naturelle, le bâton de commandement à la jnain,
& la tête appuyée fur un canon , eft une irifcription ,
accompagnée de deux autres, à droite <5c à gauche,
gravées toutes les trois en lettres d'or , fur des pierres
de touche : dans la même églife , on doit auiïi jeter
un coup d'œil, fur le maufolé de l'Amiral Jean de
Galen d'Eflen, mort le 23 Mars 1653 , d'une bleflure
qu'il avoit reçue le 1 3 , au fein même de la vidtoire f
dans un combat naval , où il défit une Efcadre angloife *
près du port de Livourne.
Les églifes catholiques à A mfterdam , font au nombre
/de vingt-deux : quoiqu'elles n'aient ni clochers ni
entrée fur la rue , elles font connues de tout le monde :
on y célèbre l'office, avec toute la décence & la
folennité poffibles; plufieurs ont un orgue, quelques-
, unes même une mufique. Le nom & le. nombre des
Prêtres attachés à chaque églife , eft connu du Magif-
trat: il eft ftriétement défendu de laifTer célébrer tes
divins myfteres à aucun autre Prêtre, fi le Magiftrat,
préalablement prévenu , n'y a donné fon confentement ;*
mais cette permiffion s'accorde toujours, lorsqu'il n'y a?
aucun reproche perfonnel contre le Prêtre; le motif
le plus puiftant du refus, feroit que le Prêtre fût
Membre d'une Société qui n'eft point aimée de la
Hh ij
*44 ' Voyage
République, & qui ne fubfifte plus en France. Les
Juifs ont clans cette ville, deux fynagogues principales,
une pour les Portugais , l'autre pour les Allemands :
ia première eft la plus curieufe des deux; auffi les Juifs
Portugais , font-ils bien plus riches & dans un bien plus
grand nombre que les Allemands,
i/hôtei- L'hôtel -de -ville d'Amfterdam eft fitué vers le
centre de la ville, dans une efpèce de place qui
renferme en outre l'églife de Sainte Catherine & ia
bourfe; cet hôtel eft un chef-d'œuvre en fon genre,
c'eft un vafte édifice de 280 pieds * environ de
longueur, fur 240 de largeur de l'eft à Toueft, & 90
de hauteur, depuis le fol jufqu'au haut de l'enta*
blement du fécond étage; un rez-de-chauffée fort
{impie & peu élevé, fervant comme de piédeftai à
tout l'édifice, porte deux étages magnifiques d'ordre
corinthien l'un & l'autre : aux façades de l'eu & de
t'oueft, le pavillon du milieu eft furmonté d'un fronton
couvert de très -belles fculptures allégoriques; des
ftatues , emblèmes de différentes Vertus , ornent les
angles de ces frontons; celle qui eft au-deflus du
fronton de la face occidentale repréfente Atlas
portant fur fes épaules une fphère de dix pieds de
diamètre: comme l'Atlas eft creux, on peut par la
cavité de fon corps entrer en dedans de la fphère,
on y jouit d'une vue charmante; on peut fe procurer
* II s'agit ici de pieds d'Amfterdam : 1 00 pieds de roi font 113
pieds \ d'Amfterdam.
DE M. DE GOURTANVAUX. 2+$
à moins de frais le plaifir de cette vue , en montant
fur la tour qui couronne le fronton de la face orientale ;
cette tour eft au/fi d'ordre corinthien , l'entablement
eft furmonté de fix ftatues; la lanterne eft couronnée
d'un dôme renfermant un horloge à carillon : l'entrée
de l'hôtel-de-viile eft au milieu de la façade de l'eft,
elle n'eft pas belle, ce font fept petites portes de 1 1
pieds environ de hauteur, fur 5 ou 6 de largeur; ces
fept portes repréfentent, dit-on, les fept provinces;
& d'ailleurs, en fubftituant ainfi fept petites portes
à une feule belle qu'on auroit pu faire, on a évité
la confufion & l'embarras que fe feroient caufés réci-
proquement ceux qui entrent dans l'hôtel & qui en
fortent.
Je ne prétends pas entreprendre ici un détail circonf-
tancié de toutes les beautés que renferme ce palais, il
feudroit un volume entier pour en ébaucher feulement
fe rdefcri ption , je me contenterai d'avertir qu'il ne fout
pas le quitter fans avoir vu , s'il eft poftîble , au rez~
de-chauflee les prifons ôc le Tribunal , ou la Chambre
criminelle; cette chambre eft ornée de fculptures &
de tableaux relatifs aux opérations qu'on a coutume
d'y faire : on trouve au premier étage les galeries &
fe grande falle, celle-ci a de l'eft à l'oueft 120 pieds
de long, fur 56 a 57 de large, elle eft tout en marbre;
tes galeries qui l'environnent ont 200 pieds de long
du fud au nord, & 1 20 de l'eft à l'oueft, fur près de
*i* pieds de larges, le tout pavé & revêtu de marbre &
Hh iij
2+6 Voyage
d'ordre corinthien , ainfi que les dehors : au milieu de
la grande falle on voit fur le pavé' un planifphère de
20 pieds de diamètre, repréfentant la partie fepten-
trionale du ciel, projetée fur le pôle de l'écliptique;
en deçà & au-delà, font les deux hémifphères de la
mappemonde , d'un diamètre pareil ; le planifphère
célefte méridional eft tracé fur le plafond , au - deflus
de l'hémifphère feptentrional ; ce plafond eft décoré
d'ailleurs, ainfi que les murs, de feftons, d'oifeaux, de
divers traits de l'hiftoire mythologique , & de figures
emblématiques des Vertus morales & politiques : il
faut voir de plus, tant au premier qu'au fécond étage,
la fàlle des Dix -huit, celle des Bourgmeftrês, celle
de Juftjce , celle du Conféïl général ; elles font
toutes ornées de beaux & grands tableaux , il y en a
fur les cheminées & au-deffus des chambranles des
portes qui imitent fi bien le bas -relief, qu'on voit
peu de perfohnes qui n'y foient trompées : c'eft au
rez-de-chauflee de cet hôtel , qu'eft la célèbre Banque
d' Amfterdam ; mais on ne peut voir que 1? porte dé
ce précieux tréfor,
La bourfe. De l'hôtel-de-ville on va à la bourfe ; c'eft un vafte
bâtiment carré-long, une cour occupe le milieu : c'eft
dans des galeries qui environnent cette cour , que
s'aflemblent les négocians de toutes les Nations t pour
décider de tout ce qui peut concerner leur commerce:
chaque pilier eft étiqueté» comme appartenant à une
Nation p ou du moins à ceux qui s'attachent à une
DE M. DE COURTANVAUX. Zâfl
branche déterminée du commerce : les famedis , le
concours eft moins grand, vu labfence des Juifs; ii
ne faut pas qu'un négociant manque trois ou quatre
Jours de fuite à venir à la bourfe, ou du moins à y
envoyer quelqu'un qui le repréfente, ii feroit foup-
çonné d'une faillite prochaine. Vu le nombre pro-
digieux de ceux qui s y rendent chaque jour, on feroit
porté à croire que les tours de main y font fréquens;
il y en arrive en effet quelquefois, mais ils font aflez
rares , au moins vis-à-vis des nationaux : comme ils y
font tous également intéreffés, ils fe prêtent un fecours
mutueL; le filou pris en flagrant délit eft faifi fur le
champ, on le traîne hors de la bourfe, on le jette dans
un canal, Se avec des crocs de navire on l'empêche
de remonter ; peu après on le retire , on l'étend fur le
quar, de on sèche fes habits à grands coups de canne,
pour le rejeter enfuite à l'eau; on réitère ce jeu jufqu'à
ce qu'il arrive un Commiflaire , qui retire le coupable
des mains du peuple, & le fait conduire en prifon pour
vingt-quatre heures : s'il arrive que le filou meure des
coups qu'il a reçus , ce qui n'eftpas rare, fa mort n'eft pas
pourfuivie , & l'exemple intimide ceux qui voudroient
marcher fur les mêmes traces. Il y a à la bourfe, &
même dans les autres lieux publics, des gens qui
favent fe faire fur le public une rente légitime; ils font
Juifs pour la plupart: ils fe rendent à la bourfe, &
s'y promènent avec deux tabatières dans leur poche >
pleines , l'une de tabac râpé, i'autrç de tabac d'Efpagne;
348 Voyage
m'
les négocians qui ont oublié , peut - être même de
deflein prémédité, leur tabatière, s'adreflent à eux;
ils préfentent poliment de l'un & de l'autre tabac : au
bout du mois on leur donne, par reconnoifTance, un
efcalin ; au jour de l'an des étrennes: il en eft, nous
a-t-on dit, à qui ce petit commerce rapporte jufqu'à
quinze cents ou deux mille florins * de profit annuel.
Le bâtiment de la bourfe a 250 pieds de long , fur
140 de large , il eft appuyé fur trois arches, fous les-
quelles coule J'Amftel, : l'entrée e# d'ordre ionique ;
au-deflus des galeries, eft un étage auffi d'ordre ioni-
que en dedans de la cour : c'eft une efpèce de halle,
où Ton vend toute forte de draps.
Amirauté. Au nord - eft de la ville , eft un vafte enclos qui
dcsTnîï appartient à l'Amirauté & à la Compagnie des Indes
Obfcrvatoirc. Orientales. Il y a plufieurs chantiers : fur les uns , on
confinât des Va i fléaux de guerre , fur les autres , des
Vai fléaux de la Compagnie ou des particuliers* A 1?
partie orientale , eft une belle double corderie , dç la
longueur au moins de 220 toifes de France, une de
ces deux corderies appartient à la Compagnie, l'autre
à l'Amirauté : au fudoueft de cet emplacement, eft
ie magafin ou arfenal de l'Amirauté. Une grande cour
carrée occupe le milieu , elle a au moins 1 00 pieds
( d'Amfterdam ) de côté : elle eft environnée d'une
galerie d'environ 9 pieds de profondeur , & d'un
beau bâtiment à la moderne, de 64 piçds environ dp
* Environ 3 1 jo ou 4*00. livres, de notre monnaie.
profondeur i
de M. de Court anvaux. 24.9
profondeur, y compris la galerie, excepté au fud-eft
que la profondeur n'eft que d'environ 38 pieds: le
total a environ 228 pieds du fud-oueft au nord -eft,
& plus de 200 du nord -eft au fud-eft. Au refte>
cet arfenai eft en grand, ce que celui d'Hellevoetfluys
eft en petit ; la différence n'eft que du moins au plus ;
c'eft d'ailleurs le même ordre, la même difpofitron *
la même propreté : ce fut dans la cour de ce magafin
que nous établimes notre Obfervatoire , à l'angle fep-r
tentrional de la galerie qui environne la cour. Les
magafin s de la Compagnie des Indes Orientales , font
auffi dans ce même emplacement, vers l'eft, près des
corderies.
II n'y a à Amfterdam , aucune place qui puiffe méri-
ter la moindre attention , c'eft l'unique ornement qui
manque à cette ville; il y a d'ailleurs de beaux hôpi-
taux , de belles tours , de beaux ponts , de belles
portes, &c. mais comme quelqu'un, je penfe, l'a dit
avant moi , pour voir toutes les beautés d' Amfterdam ,
il faut plufieurs jours; pour les décrire, il faudroit plu-
fieurs volumes.
On voit aux environs de la ville, de charmantes Environs
maifons de campagne , il y en a des enfilades , comme
près de Rotterdam , mais elles font plus propres , &
les ruelles qui les bordent ne font ni fermées par les
deux bouts, ni environnées d'eau croupiffante. M.
Hartfinck, venoit quelquefois nous prendre après dîner
dans deux ou trois carrofTes , & nous conduifoit à une
-. Ii
d'Amiterdam*
250 Voyage
lieue de la ville, ou même plus loin, par des chemins
tracés entre mille maifons de campagne , qui fe difpu-
toient le prix de ia beauté : il nous fit entrer dans
quelques-unes qui appartenoient à fa famille ; nous ne
pouvions concevoir comment dans un terrein qui
paroi flbit petit à l'extérieur , on pouvoit ménager des
parterres , des baffins , des boulingrins , des jardins
fruitiers Se potagers, des ferres chaudes, des allées
d'arbres, des bois & des labyrinthes : les bords de
l'Amftel , vus fur-tout de deffus le pont qu'on nomme
de FAmjlel ', préfentent une vue tout-à-fait féduifante;
la rivière coule majeftueufement au milieu , dans un lit
afTez large , & qu'on fe perfuaderoit avoir été aligné
avec toute la précifion poffible , fon eau claire Se lim-
pide laifTe entrevoir le fond de fon baffin : à droite
& à gauche, la vue s'égare dans un grouppe de mai-
fons, de bois, de parterres, de grillages & deflatues
de marbres.
Route Cet afpe& , fe foutient même en tout ou en partie,
depuis Àmfterdam jufqu'à Utrecht. M. le comte de
Groonsfeld , chef de l'Amirauté , dont je n'oublierai
jamais les politefles ôc les complaifances , m'avoit fait
un portrait engageant de cette route : if voulut m'obli-
ger, jufqu'à me mettre en état d'en juger par moi-
même. Nous partîmes avec lui le 1 6 Juillet matin , fur
un yacht de l'Amirauté : le trajet eft de fept à huit
lieues. Nous remontâmes l'Amflel, l'efpace d'environ
cinq quarts de lieue jufqu'à Ouderkek, entre deux
d'Utrccht.
DE M. DE COURTANVAUX* 2JI
enfilades de maifons de campagne, telles que je les
ai décrites ; nous y remarquions de plus des vafes , des
ailées proprement taillées , des boulingrins & des
grottes , où des afTemblages de coquillages , de grains
de verre , & de pierres diverfement colorées , formoient
par leur arrangement des compartimens fymétriques.
Nous entrâmes enfuite dans un canal, & les maifons
de campagne devinrent plus rares; après avoir pafle par
les villages de Moolendrecht , Huys-te-Abcoude,
Bambrudge & Sloot, nous tombâmes dans le Vecht au
fort de Niefwerfluys, ayant fait un peu plus de la
moitié du chemin fur les bords de cette rivière, qui
eft un bras du Rhin , les maifons de campagne fe mul-
tiplièrent : nous entrâmes dans une de ces maifons,
au fortir du beau village de Maerfen , elle fe nomme
Luxembourg, & appartient à M. Pareyra Juif Portugais,
qui vint au-devant de nous avec fon aimable famille ,
nous conduifit dans fes jardins & nous fervit une très-
belle collation : nous pourfui vîmes notre route, très-
fat isfait des politefTes de M. Pareyra.
Utrecht , archevêché & capitale de la Province Utrecfcc.
de ce nom, la cinquième des Provinces - unies , eft
une grande ville , bâtie fur le modèle des villes de
Hollande , mais fur un fond un peu élevé & folide :
elle a la figure d'un quarré long : elle n'eft arrofée
que de deux canaux , formés par les bras du Vecht ,
qui fournit aufli de l'eau à fes foflTés : fous les quais, le
long du Vecht, on a creufé des efpèces de maifons;
*52 . — VOYAGE
*ta incommodent fort les maifons bâties fur le quai,
par Ja fumée dont elles les ofFufquent. On compte
à Utrecht, environ quarante mille âmes, cette ville
peut avoir cinq quarts de lieue de circuit, elle n'eft
pas à beaucoup près auiïi peuplée & aufli remuante
qu'Amfterdam : l'çglife .cathédrale eft fort belle , il
n'en fubfifte plus que ce qui en faifoit autrefois le
chœur : contre le mur du fond , au lieu d'autel eft le
tombeau de l'Amiral Guillaume - Jofeph de Gendt,
tué le y Juin 1 672 , au combat naval de Soulfbaay :
le tombeau eft en marbre blanc, Y Amiral eft couché
deffus, des bas-reliefs repréfentent fes exploits & les
circonftances dp fa mort, une épitaphe fait fon éloge.
Près de i'églife fubfifte encore un cloître, dans lequel
on tenait alors une foire qui n'étoif pas des plus bril-
lantes : pn nous montra uh Saint-Martin, & quelques
filtres jp^ges âç ftatues de Saint* fort communes ,
qu'on fftétçfidoit nous, feire admifçr comme des pièces
rates $.wrtevfes:\ la nef dç Yç^liÇe a ét4, il y a long-
temps, renverfée par le Rhin, lôrfque ce fleuve encore
*? dans toute ;fa force en arrofpit les murs : le temps
Dpus^ prefloât ,; rtou^ qç vimes rien autre chofe à
Retour . Pou* rçv€nif;A rAmftçrtlaâ, npus fuivimes le cours
Amfterdam. diuV^çht jufqu'4 :Wefe£; cette route, un peu plus
Wefep. l.QngMe/ 3V<? l'autre, eft plus agréable, vu qu'elle
e$ prefque; perpétuelle me lit bordée de maifons de
camoagfle; nous 4e,fçendi^ies à tefre pour entrer à
DE M. DE COURTANVAUX. 25$
Lœnem , c'efl une terre appartenante à M. le cornu
de Hompêche; le château efl petit & carré, il n'y a
que cinq croifées de front en tout fens, & cependant
il y a beaucoup de logement; le jardin efl vafte &
joliment entretenu , M. le Comte y étoit avec fa
famille; nous nous confirmâmes dans ridée que nqjw
avions déjà formée en Hollande, que les agrémens
les plus délicats de la politeffe ne forment pas
le caraélère exclufif d'une feule nation particulière.
Wefep ou Weefp, où nous nous arrêtâmes enfuite,
efl une petite ville d'environ quatre mille habitans;
elle efl affez jolie, bâtie dans le goût des autres villes
du pays, fans fortifications, dans une ifle formée par
le Vecht :, outre les deux grands canaux dans lefqueis
la rivière fe divife, un troifième plus petit traverfe la
ville prefque parallèlement aux deux autres, & un
quatrième achève de l'environner au fud-oueft, où il
y a quelques maifons hors de l'île ; nous vimes à
Wetep une fonderie qui y efl établie par M. le
comte de Groonsfeld. Plufieurs princes d'Allemagne,
à l'occafion des dernières guerres, ont fait fondre &
ont diflribué dans les provinces des efcalins & d'autres
pièces de monnoie d'un très -bas titre; toutes ces
pièces font envoyées à la fonderie de Wefep , on y
fepare l'argent des autres métaux , & cet argent n'excède
guère le tiers du total : M. le Comte a pareillement
établi dans la même ville dont il efl feigneur, une
çianufa&ure de porcelaine qui ne peut manquer de
I* * > «
1 12/
2j4 Voyage
réuffir, la porcelaine nous a paru belle & fine: c'eft de
Wefep que l'on conduit de l'eau douce à A m (1er dam,
& cette eau n'eft même pas encore bien excellente.
Nous quittâmes le Vecht à Wefep, & un canal nous
conduisit dans l'Amftel, prefque à la porte d'Amfter-
dam : il y a deux fortes lieues ou deux lieues & demie
d'une ville à l'autre.
Cabinet$,&c Outre les beautés permanentes d'Amfterdam & de
fon voifinage, dont j'ai parlé jufqu'à préfent, il en eft
d'autres que l'on peut appeler pafTagères, elles font
aujourd'hui, demain elles peuvent être difïipées; tels
font les cabinets de tableaux, de phyfique, d'hiftoire
naturelle, les ménageries, &c. En ce genre, nous
vimes le 4 Juillet la ménagerie d'un particulier dont
je ne me rappelle pas le nom : outre plufieurs animaux
étrangers qu'il avoit raflemblés, il nous montra deux
figures de trois pieds environ de hauteyr , repréfentant
un berger & une bergère aflis & jouant divers airs de
flûte; les doigts ne marchoient pas feuls, leur mouve-
ment régloit celui des yeux de ces deux automates;
nous nous rappelâmes avec plaifir que l'on s'étoit
efforcé d'imiter l'automate de notre confrère M. de
Vaucanfon. Le 7, nous admirâmes la magnifique
collection de tableaux de M. firaamkamp, elle eft
arrangée dans fix ou fept falles bien ornées, &, ce qui
n'eft pas ordinaire en Hollande, fort bien meublées:
cette difpofition eft un grand avantage que le cabinet de
M. Braamkamp a fur celui de M. Biffchop à Roterdamf
DE M. DE COURTANVAUX. 255
& peut-être n'eft-il pas le feul : il y a auffi dans ce
cabinet des laques, des porcelaines du Japon, des
figures travaillées en ivoire, &c. Le 8, on nous con-
duifit à i'Obfervatoire de M, Van Wall; il efl folide,
& conftruit avec intelligence; mais il eft hors de la
Ville, & à une trop grande diftance du port, pour que
nous ayons été tentés d'en demander l'ufage à M. Van
4Wal : cet Obfervatoire eft pourtant le feul qui foit à
Amfterdam. Le 19, nous vimes le cabinet de Phy-
fique de M. le Profeffeur Heenftra, &c.
Quoique la Frégate, & par conféquent nos inftru- Obfervatoire ;
mens fuffent arrivés dès le 1 1 du mois, nous ne pûmes a alltude*
établir notre Obfervatoire que le 1 5. On nous avoit
offert plufieurs emplacemens; tout mûrement con-
sidéré , nous n'en trouvâmes pas de plus convenable
que la cour même du magafin de l'Amirauté. Il y eut
quelques obftacles; tout fut aplani par les foins obii-
geans de M- le comte de Groonsfeld: on fît fermer
de planches une arcade de la colonnade qui environne
Ja cour , nous y établîmes notre Obfervatoire , les
inftrumens furent placés le 1 5 , dès le grand matin.
M. le comte de Groonsfeld fît expédier les ordres
néceffaires, pour que nous puffions y entrer aux heures
convenables; deux perfonnes étoient chargées de nous
recevoir , avec ordre de nous fournir tout ce qui
pouvoit nous être néceffaire.
Ce même jour , 1 5 Juillet , la hauteur méridienne
apparente du bord fupérieur du Soleil fut de 59 deg.
35+ Voyage y
réunir , la porcelaine nous a paru belle &. fine : <£„ ^
Wefep que l'on conduit de l'eau douce à Aj0f « ***
& cette eau n'eft même pas encore bief^jg
Nous quittâmes le Vecht à Wefep, &^ *^ S £. *=>
conduisit dans l'Amftei, prefque à 1% ^ -• ^."B
dam : il y a deux fortes lieues ou à
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d'une ville à l'autre. .■ fr g ^ - S ??
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flûte ; '
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• •»■
-»-"*<■ juiqu a une tm
- uu difque ; des nuages furvinrent , &
.^i» privèrent du plaifir de profiter de cette belle
occafion , pour déterminer la longitude d'Amfterdam :
nous fumes donc obligés de recourir à une autre
méthode, aufli certaine dans la théorie ; mais tout
autrement
DE M. deVourtanvaux, 2*7
l ^ \tment délicate dans l'exécution : nous primes le
, ^ ^ Un au matin ^oule 19, félon la manière aftrono-
è. ^ • 4e compter le temps ) , les hauteurs fuivantes
. ^ m iupeneur de la Lune.
\ ^ ^ *ures 9 min' +2 ^ec-T» temps de la pendule,
^.-s^ ^ 1res 18 min. 52 fec. {, "temps moyen ,
^ V-\\. ^ \mfterdam , hauteur apparente du bord
Lune, 53 deg. 44 min, 50 fec; | : donc
olus oriental que Paris, de 10 min.
min. 46 fec. temps de la pendule,
lin. j6fec. t~> temps moyen,
1,52 deg. 24 min. 50 fec. £ :
n. 43 fec. à J'eft de Paris.
' * n. 2 fec. de la pendule, ou
c. tô , temps moyen , même
o fec, j : donc différence
fec. de temps.
fec. ou 23 heures 57
g. 28 min. 59 fec. £;
Ty min. 53 fec. \ de la pen-
y neures 59 min. 1 fec. ^, temps moyen,
^auteur apparente du même bord, 32 deg. 14 min*
50 fec. £; d'où on conclut pour différence des méri-
diens , 10 min. 31 fec. de temps.
En prenant le milieu entre ces cinq réfultats , on
a pour différence de longitude , entre TObfervatoire
. Kk
256 Voyage
28 min. 51 fec. £ , ce qui donne pour latitude de
l'Obfervatoire, 52 deg. 21 min. 40 fec.
Le 17 Juillet , même hauteur , 59 deg. 8 min.
56 fec. donc latitude, 52 deg. 22 min. o fec.
Le 18 Juillet , hauteur méridienne du même bord,
58 deg. 58 min. 38 fec. donc hauteur du pôle,
52 deg. 21 min. 58 fec.
Le 20 , hauteur méridienne du bord fupérieur ,
$8 deg. 36 min. 43 fec. £; donc latitude, 52 deg.
22 min. 8 fec.
Le 21 , même hauteur, 58 deg. 25 min. 36 fec. £;
donc latitude, 52 deg. 21 min. 52 fec.
En prenant un milieu entre ces cinq réfultats, la
latitude de la cour du magafin ou de l'arfenal de
l'amirauté d'Amfterdam fera de 52 deg. 21 min.
56 fec. l'hôtel- de -ville eft prefque fur le même
parallèle ; ainfi on peut regarder cette latitude comme
celle de l'hôtel-de-ville d'Amfterdam.
Longitude II devoit y avoir , le 1 6 au matin , une occultation
de l'Étoile A des Poiflbns fous le difque de la Lune:
ne pouvant entrer de nuit à l'Amirauté , nous avions
fait reporter à bord les montres de M. Leroy ; nous
fumes alertes , nous fuivimes l'Etoile jufqu'à une ou
deux minutes du difque ; des nuages furvinrent , &
nous privèrent du plaifir de profiter de cette belle
occafion, pour déterminer la longitude d'Amfterdam:
nous fumes donc obligés de recourir à une autre
méthode, aufli certaine dans la théorie ; mais tout
autrement
DE M. deXIourtanvaux. 257
autrement délicate dans l'exécution : nous primes le
20 Juin au matin ^oule 19, félon la manière aftrono-
mique de compter le temps) , les hauteurs fuivantes
du bord fupérieur de la Lune.
A 21 heures 9 min. 42 fec. |f temps de la pendule,
ou à 21 heures 18 min. 52 fec. y, 'temps moyen ,
méridien d'Amfterdam , hauteur apparente du bord
fupérieur de la Lune , 5 3 deg. 44 min. 50 fec.1 j : donc
Amfterdam eft plus oriental que Paris, de 10 min.
16 fec. de temps.
A 21 heures 21 min. 46 fec. temps de la pendule,
ou 21 heures 30 min. 56 fec. -7^, temps moyen,
hauteur du même bord , 52 deg. 24 min. 50 fec. i :
donc Amfterdam, 9 min. 43 fec. à J'eft de Paris.
A 22 heures 10 min. 2 fec. de la pendule, ou
22 heures 19 min. 1 1 fec.Tô, temps moyen , même
hauteur 46 deg. 24 min. 50 fec. £ : donc différence
des méridiens, 10 min. 23 fec. de temps.
A 23 heures 48 min. 18 fec. ou 23 heures 57
min. 26 fec. -f, hauteur, 32 deg. 28 min. 59 fec. ~;
donc longitude, 10 min. 4 fec.
Enfin, à 23 heures 49 min. 53 fec. \ de la pen-
dule, ou 23 heures 59 min. 1 fec. ts, temps moyen,
hauteur apparente du même bord, 32 deg. 14 min. *
jo fec 7; d'où on conclut pour différence des méri-
diens, 10 min. 31 fec. de temps.
En prenant le milieu entre ces cinq réfultats, on
a pour différence de longitude , entre l'Obfervatoire
. Kfc
•
258 V o r a x? e
royal de Paris y 6c notre Obfervatoire d'Amfterdam,
10 min. 12 fec. en temps, ou 2 deg. 33 min. o fec.
nous croyons même pouvoir affurer que fi des ebfer-
vations plus favorables , donnent occafion de réformer
cette diftance, ce fera plutôt ea la diminuant qu'en
l'augmentant; <5c comme Fhô.tel-de-vilie eft d'environ
850 de nostoifes plus occidental que notre Obferva-
toire , la longitude de l'hôtel -de -ville d'Àmfterdam,
fera, de 10 min. 6 fec. de temps orientale, à l'égard
du méridien de l' Obfervatoire royal de Paris.
Cette détermination eft fondée fur la comparaison
de nos obfervatiQns „ avec une obfervation faite letf
même jour à Paris par M. le Monnier : à i'obferva-
toire de M. le Monnier, cour des Capucins, rue Saint-
Honoré, de près de deux fécondes de temps, plus
occidental que TObfervatoire royal , le fécond bord
de la Lune a paffé au méridien à 19 heures 24. min.
33 fec. j, temps moyen, ou à 19 heures 24, min.
3^ fec. -j, temps moyen , méridien de l' Obfervatoire
royal ; Tafcenfion droite de ce bord étant alors , com-
paraison faite avec des étoiles qui avoient étéobfervées
la nuit précédente au méridien & au même parallèle,
de 48 deg. $6 min. 35. fec. & le demi-diamètre en
afcenfion droite, 1.7 min. 6 fec. Au temps de ce
partage, la diftance apparente du bord de la, Lune au
zénith , étoit de 25 deg. 52 min. 40 fec. d'où /ai
retranché z fec. 7, àcaufe de la demi-épaifleur du fil
que M. le Monnier a coutume de mettre tout entier
DE M. DE COURTÂNVAUX. 259
furledifque : tels ont été nos élémens, je n'ennuierai
point mes Je&eurs par le détail des calculs.
Le même jour 20 Juillet, feptjelèvemens du Soleil Dcciinaïfbn
pris à fa bouflble, n'ont donné que 17 degrés & demi aimantée.
du nord à 1'oueft* pour la déclinaifon de l'aiguille
à Amfterdam.
«
Le 12 , très -beau temps le matin, vent fud-oueft: Mardics.
* 1 , 1 . 1 > » des montres
a 10 heures ^ du matin; thermomètre jydeg, orage marines*
avec tonnerre : à midi ^, la féconde montrç avance
de 26 fec. fur la première; vent variable du fud-eft
au fud-oueft & fort beau temps jufqu'an foir : ayant
voulu faire ufage du baromètre, nous nous fommes
aperçus qu'il avoit pris Pair.
Le 13 , beau temps tout le jour, par un vent de
fud - oueft : à 3 heures - du foir , la féconde montre
avance de 3 1 fec. fur la première.
Le 14, vent dû fud-oueft au nord -oueft; beau
temps, entremêla de grains de pluie aflez fréquens;
à 1 1 heures du matin la féconde montre avance dé
24 fec. i fur la première ; thermomètre , 1 6 deg. £.
Le 1 5 , vent du nord-oueft à l'oueft, & beau temps.
L'Obfervatoire ayant été monté dès le matin , nous
primes, entre 7 heures 7 & 8 heures, dix-huit hauteurs
du Soleil, & les ayant comparées avec leurs corref-
pondantes , prifes le foir , nous trouvâmes qu'à midi
vrai la pendule marquoit 1 1 heur. 54. min. 59 fec. |:
8 min. après, la première montre-avançoit de 30 mun
22 fec. fur la pendule , & la féconde montre avançoic
Kk if
zdo Voyage
de 3 1 min. 3 fec. i"; ainfi la féconde montre avançoit
de 41 fec. 7 fur la première : thermomètre, 16 deg.
La pendule , à midi , retarde donc de , . . . . j' o* J.
La première montre avance fur la pendule de ..... . 30. 2 |.
Donc elle avance , fur le temps vrai , de 25.21;.
Le 28 Juin elle avançoit , à midi , de • 13. 5 1.
Donc en dix - fept jours elle a avancé fur le temps vrai
de ; 11. 3 o f
Selon l'équation de l'horloge, elle a dû avancer de. • 2. 45.
Elle a donc avancé , fur le temps moyen, de 8. 46.
A raifon de 32 fec. \ par jour, en dix-fept jours elle
a dû avancer de ...... . 9. 1 8 \.
Pour la différence des méridiens entre Roterdani &
Amfterdam, elle a dû retarder de 1. 30.
Donc elle a dû avancer, (ur le temps moyen, de. ... 7. 48 £.
Elle a réellement avancé de . . . 8. 4 5.
C'eft 57 fec. \ d'avancement qu'il faot mettre fur
le compte des roulis de la mer &. du Texel. Si on
vouloit répartir également cette accélération fur tous
les jours qui fe font écoulés depuis te 28 Juin jufqu an
1 5 Juillet, on trouveroit que l'accélération journalière
de la première montre auroit été de 36 (ec. ^; alors
celle de la féconde montre, depuis le j jufqu 'au 1 j,
auroit été de 40 fec. f. Mais il y a plus d'apparence
que l'accélération de la première montre a varié à
proportion que la mer a été plus dure; elle n'aura été,
les premiers jours, que de 33 & 34 fec. & les der-
niers de 37 & 38: dj»ns cette fuppofition f qui paraît
DE M. DE COURTANVAUX. 261
très-vraifemblable , la féconde montre , depuis le jour
qu'elle a été remife entre nos mains , aura avancé , par
jour, de 4.1 à 42 fec. puifqu'en dix jours elle a avancé
de 41 fec. 7 fur la première.
Les montres marines avoient été tranfportées en
canot à PObfervatoire , peu avant midi; elles ont été
reportées le jour même à bord, pour fervir à Tobfer-
vation de l'occultation d'une Étoile, fi le ciel eût été
ferein : le 17 on les reporta à l'Obfervatoire. Tous ces
tranfports ont été fans roulis, on les a faits avec tous
les ménagemens poffibles.
Le 16, vent nord-oued le matin , nord-eft le foir;
beau temps tout le jour. A 6 heures du matin , la
féconde montre avançoit de 43 fec. £ fur la première.
Le 17 , vent du nord-eft à J'eft,- beau temps, ther-
momètre, à 10 heures du matin, 15 deg. à midi 16
deg. à midi vrai, la pendule marquoit 11 heures 55
min. 40 fec. | * elle a donc avancé en deux jours de
40 fec. £, fur le temps vrai, & de 29 fec. y, fur le
temps moyen; à 10 heures, 9 deg. ou 10 min. la
première montre marine avançoit fur la pendule de
31 min. 8 fec. & la féconde de 31 min. 58 fec. ^; donc
en quarante -fix heures elle auroit avancé de 1 min.
14 fec. fur le temps moyen % ce qui feroit à raifon de
38 fec. ji en vingt -quatre heures, l'accélération jour-
nalière de la féconde montre feroit de 43 fec. les
hauteurs de ce jour , 17 Juillet , ont été prifes un peu
près du méridien. »
Kk iij
F
/
/
260 Voyage
de 31 min. 3 fec. £'; ainfi la féconde montrer ^
de 41 fec. 7 fur la première : thermomètaf 21
**
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3. ^
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t>
La pendule , à midi , retarde donc de « h
La première montre avance fur la pendule d^ P 2, •—* r-s
^ *-^ ^ 2 -
Donc elle avance , fur le temps vrai , de . J 3; ^ ^ ©
*^ _/^ o S.
Le 28 Juin elle avançoit, à midi, de, g ? *£> "* n>
Donc en dix-fept jours elle a avance ^ #' ^ K. 2
de v *g * ^. ? g
Selon l'équation de l'horloge, ff'z$.nm g S "
Elle a donc avancé , fur le te*/ ' çf *"• § 2- £ -3 ^
A raifon de 32 fec. £ par/ | ^ ïî' ^ g *• £ *"
a du avancer de... , ^ <* $, ^ o S" £î - — . t<*
Pour la différence * S e $ §£%. * §."§ 8
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Donc elle a dû vj }, & "
Elle a réeilemft' v ,-
C'eil /
le cor
vouJ
le-
- -•**> de 1' 40"*.
w ue l'horloge , elle auroit dû avancer de. . 0.25^.
* donc avancé fur le temps moyen, en cinq jours,
de i. ïj£.
A midi 8 minutes la première montre avançoit fur la
pendule de . . , a 2. t x»
Le 1 j , à la même heure , elle avançoit de 30. 2.21.
fyi quinze jours elle a avancé fur la pendule de .... . 1. jq.
\
de M. de Court aUvaux. 2.6-1
**v >endule a avancé , fur le temps moyen , de 1' i j" -.
%, ^U 'a montre a avancé, en quinze jours , fur le temps
r?: ^ n, de 3. jj.
r. "w 'or* de 3 7" | par jour.
u "c. ^ ^ *ir 20, la féconde montre avançoit, à la
"s? "o "c- w > far ta pendule, de u. 17.
c. \ ■%. *^. ncoh que de . . . 3,. 3 I.
V ^ "5. **. avancé fur la pendule de. . , . . . a. i?i.
: *^. *i . **. r le temps moyen de 2. 20 i.
■^ ■** t- «* - * y *
<■ % '". i. ' eft donc de. A1 *
>; %. X'' ~ être, près des montres marines,,
:• 't "'„ S H\^ Tus du terme de ,aS'ace, c'eft
•r ', '-> *' nous ayons obfervée durant
28 pouces o ligne,
left violent , pluie pre£
"inée : à 9 heures du
y lignes \ ; à midi £,.
ndule, de $1 min-
i fec. ^ ; thermo-
-s înltrumens furent reportés
. u. nord de la Frégate.
_e mauvais temps que M." Pingre & Leroy , Deprr
avoient éprouvé à la rade du Texel, & furie Zuyder- de Ia Frésat0"
/ \ .. \ 1 ni 1 . Tortue-
zee , nous engagèrent a gagrw le Texel par terre : je
iaiflài mon Secrétaire fur la Frégate , pour veiller fur
les montres &. pour foire les procès-verbaux de ce qui
fe pafferoit. M. Ozanne , voulant au/fi s'en retourner
par mer,. Ce chargea de remonter les pendules en
\
262 Voyage
Le 18 , ciel couvert jufqu a midi , par vent de fud
& de fud-oueft, après midi beau temps, vent du nord-
nord-eft : à 10 heures 8 à 10 min. la première montre
marine avance fur la pendule de 3 1 min. 27 fec. & la
féconde de 32 min. 23 fec. A midi , thermomètre,
17 degrés ^; à 1 heure du foir, le baromètre rac-
commodé marquoit 28 pouces 2 lignes.
Le 1 9 , vent variable de l'oueit au fud & au nord,
beau le matin, pluie après midi, beau le foir; à 10
heures 10 à 12 min. du matin, la première montre
marine avançoit de 3 1 min. 4.8 fec. j fur la pendule,
& la féconde, de 32 min. 48 fec. £; thermomètre,
1 6 deg. £.
Le 20 , vent Eft le matin , fud à midi , fud-ouefl le
foir, beau temps jufqu'à midi, nous en profitâmes
pour prendre un grand nombre de hauteurs; après midi,
temps variable , cependant nous pûmes prendre affez
de hauteurs correfpondantes à celles* du matin, pour
avoir le midi vrai à 1 1 heures 56 min. 4.0 fec. £.
Ainfi , en comptant depuis le 1 j , la pendule avoit avancé en
cinq jours, fur le temps vrai , de 1' 40* \.
Selon l'équation de l'horloge , elle auroit du avancer de. • 0.25^.
Elle a donc avancé fur le temps moyen, en cinq jours,
de . . , 1 • 1 5 j.
À midi 8 minutes la première montre avançoit fur la
pendule de 32. 12.
Le 1 j , à la même heure , elle avançoit de 30. 22.
fyi quinze jours elle a avancé fur la pendule de . • • . • 1, jo#
te
de M. de Court anvaux. 263
La pendule a avancé , fur le temps moyen , de 1' 1 5" j .
Donc la montre a avancé , en quinze jours , fur le temps
moyen , de . • . . . . * . 3 . j y.
C'eft à raifon de 17* \ par jour.
Le même jour 20 , la féconde montre avançoit, à la
même heure, fur la pendule, de 3 j. 17.
Le 1 $ , elle n'avançoit que de ................ • 31. 3 £.
En cinq jours elle a avancé fur la pendule de. .... . 2. 1 3 £•
Et par conféquent fur le temps moyen de. ...... . 3. 29 |* •
L'avancement journalier eft donc de. . . »» 41 f-
À midi , le thermomètre, près des montres marines,,
étoit à 19 degrés au-deflus du terme de la glace, c'eft
la plus grande hauteur que nous ayons obfervée durant
tout le voyage : baromètre, 28 pouces o ligne.
Le 2 1 Juillet , vent fud-oueft violent , pluie pref^
que continuelle toute ia matinée : à 9 heures du
matin , baromètre , 27 pouces 10 lignes i ; à midi £,.
h première montre avance fur la pendule, de 3 1 min-
34 fec. & la féconde , de 3 3 min. 42 fec. ^ ; thermo-
mètre, 16 deg. j : tous les inftrumens furent reportés
vers le foir , à bord de la Frégate.
Le mauvais temps que M.TS Pingre & Leroy , Deprr
avoient éprouvé à la rade du Texel, & furie Zuyder- e a regat°'
Tortue—
zée , nous engagèrent à gagn€r le Texel par terre : je
Jaiffai mon Secrétaire fur la Frégate , pour veiller fur
les montres & pour foire les procès-verbaux de ce qui
fe pafferoit. M. Ozanne , voulant aufiï s'en retourner
par mer* fe chargea de remonter les pendules ea
264 Voyage
préfence de mon Secrétaire ; YAurorâ appareilla le 22,
vers 10 heures du matin. M.rs Pingre & Leroy étoient
partis le 20 matin pour voir Harlem, Leyde & la Haye;
ils revinrent le 23, très-fatisfaits de leur voyage, & fe
louant beaucoup de l'accueil gracieux qui leur avoit été
fait par M. le comte de Bentinck à Zorgvlied , par
M. le profeffeur Allaman à Leyde , & par M. & Mm!
des Rivaux à la Haye; lorfque ces M.rs étoient à Zorg-
vlied , M. le comte de Bentinck , reçut deux belles
tortues de mer vivantes : il eut la complaifance de
m'en deftiner une , je la reçus le 23 du mois au matin,
h coquille feule de deffus avoit 3 pieds 6 pouces de
long , fur 2 pieds 3 ou 4 pouces de large : cela ne
fait pas un monftre; mais on n'en voit pas fouvent de
femblables en Europe. Je voulus l'apporter en France,
& en effet, elle arriva faine & fauve à Boulogne: elle
y fut tuée, nous ne trouvâmes pas dans fa chair cette
délicateffe fi vantée par quelques auteurs de relations
de voyages.
Vîfites Durant tout le temps, que V Aurore étoit reftée vis-
a a régate. ^ ^ d'Amfterdam , on venoit de toute part en foule
pour la voir ; de jour elle étoit prefque continuelle-
ment entourée de cinquante à foixante canots qui ne
fe retiraient que lorfque ceux qui les montoient
avoient eu le plaifir de voir le dedans de la Frégate :
quoique Ton ne laiflat entrer lç monde qu'à fur &
à mcfure , on remarqua que le nombre de ceux qui
étoient fur ce Bâtiment le faifoit quelquefois caler de
trois
DE M. DE COURTAWVÀUX. z6$
ttois pouces au-deffus de la ligne d'eau ordinaire ;>
cette affluence de monde nous incommodoit fort, il
nous étoit impoflible de calculer nos obfervations :
niais lejfe&ollandois avoiept pour nous toutes les
çomplaifances potfjbles ; il étoit jufte de les payer de
quelque retour : je ne mets point au nombre de ces ,
vifites incommodes celles que j'eus l'honneur de rece-
voir de M. le comte de Bentinck , de M. le comte
de Groonsfeld , de M. le comte de Reneval , de M.
de Ryneveld , de M. Hartfinck , de M. & M.mc des
Rivaux Se de plufieurs autres perfonnes diftinguees par
leur rang & par leur mérite : il y eut de la poudre de
brûlée, je ne pouyois témoigner trop de reconnoif-
ferice à M." les comtes de Bentinck & de Groonsfeld.
Il arrivoit d'ailleurs fouvent que les yachts de l'Ami-
rauté paflant près de la Frégate , faluoicnt de leur
artillerie la flamme du Roi ; je leur faifois rendre le falut
à deux coups de moins félon l'Ordonnance : la Frégate
partit, comme je lai dit, le 22 Juillet, en ialuant une:
ville où nous avions été û favorablement accueillis.
Le même jour, 22 Juillet, M. & M.me Hartfinck K Voyage
f « 1 1 à Saeurdaoi»
vinrent nous chercher dans un yacht pour nous con-
duire au village de Saeurdam, fuué au-delà de i'Ye, à
l'embouchure de la rivière de Saen : il eft très-peuple h
peu large, mais extrêmement long, s'etendant prinçî-
paiement le long de Saen; fur les bords de la même
rivière , en fortant de Saeurdam , on entre dans un
ou deux autres villages qui pourraient pafler pour la
• Ll
i6± Voyage
préfence de mon Secrétaire ; Y Aurore arppareiWf m
vers 10 heures du matin. M.rs Pingre & Le* 6 ^5
partis le 20 matin pour voir Harlem, Leyj£ £ fT f*
ils revinrent le 23, très-fàtisfàits de le? : & & {'4 *' 1
» 4
louant beaucoup de l'accueil gracieur $. „ p
si'1 '•»
fait par M. le comte de Bentin/ £? A fj ^
M. le profeffeur Allaman à Le*.| * 't ri ;!
des Rivaux à la Haye ; Iorfqu'jf£ fr r< t' ^ '^
• •%
viied , M. le comte de P/|* jj * tf j. F
tortues de mer vivantes/ 5n R . \\ x\ ., '
M Si
It
m'en deftinerune, je J^ /* r | ,J
la coquille feule de /p 'j 'j lf »■ :
long , fur 2 pied / ^ f '"
fait pas un mor ; /
femblables en^
& en effet ,
y fut tué-
délicat'
de v
Vïfites .^ c^iue qu'on nomme /*^
a la Frégate. % vQ|Cj j'ofigi^ qu'on donne à ce nom ;
w\*re en eft repréfentée fur un tableau dans l'égfife
non? : un taureau furieux faifit une femme grofie &
ci ida fort haut en l'air; il maltraita auflî cruellement
un homme : la femme accoucha en 1 air & retomba
avec fon enfant ; celui - ci vécut un mois > l'homme
it la femme moururent au bout de trente-fk heures.
Le foir > lorfque nous voulûmes partir,, l'yacht £e trouva
Z>E M DE CotXRTAMVAUX. l6v
*avé; ow\ réuflît, quoi qu'avec peine, aie remettre
' Je vent ctoit contraire & violent, nous allions
% ''■; • - ^ès , l'yacht étoit à la bande , il penfa fe brifer
tos VailTeau : nous crûmes qu'il feroit plus '
iffer la nuit à l'ancre au milieu de ITc,
à Amfterdam le lendemain matin.
+
',
•0
J0S
PITRE XII.
Helder, et de-là à Boulogne.
^erdam & de toute la Hol- \ Départ
. r ,. . •-. d'Amilcrdam
n les derniers adieux de M.
rmck , nous nous embar-
Tuillet, à 9 heures du
M. Hartfinck nous
" , & pour veiller a
fa Nort-hollande :
_.i voir que cette
^.t ; après un trajet d'une lieue
..vas quittâmes l'yacht à Saeurdam f le vent
^jt fud-oueft; nous primes un autre yacht pour
-remonter la rivière de Saen , le vent devenu fu<f f
1 - nous étoit toujours favorable : nous laiffions à droite
éc à gauche des villages qu'on nous difoit être fort
jolis, mais nous n'avions pas le temps de nous arrêter;
^près avoir paffé entre Knoliendam & Marken , nous
quittâmes le Saen , pour entrer dans un canal qui nous
icondtiifit à Aicmaer.
hl ij
i66 Voyage
continuation du premier ; le tout enfemble à une bonne
lieue & demie de longueur : derrière ces villages ,
on voit une prodigieufe quantité de moulins à blé,
à élever l'eau, à fcier des planches, à pulvérifer du
tabac , &c. on dit que leur nombre eft de onze cents,
& je n'ai pas de peine à le croire : ce qui rend le
village de Saeurdam renommé , c'eft l'extrême pro-
preté qu'on y affeéle; on porte , dit-on , les étrangers
à bras lorfqu'on le juge néceffaire , pour ménager la
propreté d'un efcalier ou de quel qu'autre partie de la
maifon : chaque maifon a deux portes, une des deux
relie toujours fermée, on ne l'ouvre que dans deux
circonftances , lorfque l'on introduit les nouveaux
mariés, & lorfqu'il s'agit d'exporter un corps pour la
fépulture : nous y vimes des boutiques auflï bien
fournies que celles d'Amflerdam, tout y refient la
richefTe & l'aifance : un trait iingulier de propreté ,
éft de colorier les troncs des arbres pour qu'ils fymé-
trifent plus avec les autres ornemens des jardins :
on nous fit entrer dans une églife qu'on nomme fégfift
du taureau : voici l'origine qu'on donne à ce nom ;
l'hiftoire en eft repréfentée fur un tableau dans l'égiife
même : un taureau furieux faifit une femme groffe &
la jeta fort haut er> l'air; il maltraita aufli cruellement
un homme : la femme accoucha en 1 air & retomba
avec fon enfant ; celui - ci vécut un mois > l'homme
& la femme moururent au bout de trente-foc heures»
Le foir > lorfque nous voulûmes partir, l'yacht (e trouva
DE M. DE CO&RTANVAUX. l6f
i
èngravé; on réuflît, quoiqu'avec peine, à le remettre
à flot : ie vent étoit contraire & violent , nous allions
au plus près , l'yacht étoit à la bande , il penfa fe ferifer
contre un gros Vaifleau : nous- crûmes qu'il ferait plus '
prudent de pafler la nuit à l'ancre au milieu de i'Ye ,
nous rentrâmes à Amfterdam le lendemain matin.
CHAPITRE XII.
Route (TAmflerdam à Helder, à* de-Ià à Boulogne.
T
RÈs-fatisfait cT Amfterdam & de toute la Hoï- , Départ
vv > f r • i • \ * r d'Amllcrdan*
lande , après avoir reçu les derniers adieux de M.
dé Ryncveld & de M, Hartfinck , nous nous embar-
quâmes fur un yacht, le 25 Juillet, à 9 heures du
matin , avec un Capitaine que M. Hartfinck nous
donnoit pour nous fervir de guide , Se pour veiller a
ce qu'il ne nous manquât rien dans la Nort-hollande :
1a féparation me fut fenfible , & je crus voir que cette
fenfibilité étoit réciproque : après un trajet d'une lieue
& demie, nous quittâmes l'yacht à Saeurdam , le vent
étoit fud-oueft; nous primes un autre yacht pour
remonter la rivière de Saen, le vent devenu fud,
nous étoit toujours favorable : nous laitfions à droite
& à gauche des villages qu'on nous difoit être fort
joîis, mais nous n'avions pas le temps de nous arrêter;
après avoir paiTé entre Knoliendam & Marken , nous
quittâmes le Saen , pour entrer dans un canal qui nous
conduifit à Akmaer.
J-I ij
a6B Voyage
Alcmaer ou Alcmar , une des principales villes de
la Nort - hollande ou "Weft-frife, a Je douzième rang
aux afTemblées de la province de Hollande; elle tient
un rang plus distingué dans l'hiftoire de l'Aflronomie:
c'efl à Alcmaer que les télefcopes ou lunettes d'ap-
proche furent inventés par Jacques Métius , vers Tan
1 609. La ville eft aflez grande , propre » bien bâtie;
les canaux font beaux, les rues bien percées: la mai-
fon- de - ville eft affez belle, il n'y à point de place
vis-à-yis , elle donne directement fur une rue , au bout
de laquelle eft la grande églife : cette égiife eft vafte
& belle; l'orgue n'eft pas un morceau indifférent;
nous n'y remarquâmes aucun monument tel que nous
en avions vus dans les autres églifes de Hollande.
Alcmaer eft une des plus anciennes villes de la pro-
vince,, fon commerce n'eft plus ce qu'il étoit autrefois»
> Âmfterdam l'ayant prefque entièrement abforbé : on
y a vendu autrefois , ainfi qu'à Harlem , des oignons
de tulipes à un prix exorbitant. Aie nia er eft à environ
fix lieues d' Amfterdam»
Amvée Après avoir jeté un coup d'œil fur cette ville, nous
r* nous rembarquâmes fur un canal , ce ne toit plus le
vent qui nous pouflbit, notre barque ou notre yacht
étoit traîné par un cheval. Le vent étoit toujours vêts
le fud ou le fud-fud-eft : vers cinq heures nous fumçs
.aflaillis d'un fort orage > avec tonnerre. Le canal nous
conduifit le long du Zype , jufqu'à un endroit auquel
on donna , je crois ^ le nom de Saut: le chemin
/
DE M. DE CQUflTAfifVAUX. 269
n'étoit plus fi agréable qu'avant AIcmaer, les maifons
.de campagne devenôient rares, nous ne voyions plus
que des chaumières- On appelle Zype , un grand
terrein occupé autrefois par les eaux» défendu main-
tenant des incurvons de la mer par de fortes digues*,
entrecoupé de fofTés & de levées avec fymétrie, &
/hué vers l'extrémité feptentrionale de la Nort-hol-
iande: il a environ deux lieues & demie de long, fur
une de large* Nous defcendimes à un cabaret, où
pendoit pour erifeigne la tour couronnée iï AIcmaer ;
ce cabaret eft en même-temps le lieu où Ton fournit
des chariots de pofte : de-là à AIcmaer il y a environ
quatre lieues. Deux chariots de pofte» l'un couvert &
l'autre découvert nous conduisent fa Saut à Hekfer
en trois houres & un quart de temps ; nous efluyames
deux orages violens , nous traversons des mares d'eau
& des fables, fans voir notre chemin autrement qu'à
la lueur des éclairs. Ce pays , entre le Zype & Heider,
eft nommé le Coegras, c'eft la partie la plus fepterv-
trionale de la Hollande. Enfin , nous arrivâmes à
Heider à onze heures du foir. Nous avions appris à
Saut que Y Aurore avoir mouillé ce même jour à la
petite rade du Texel , vers onze heures du matin.
U Aurore avoit appareillé à Amflerdam le 22 Juillet, Route
vers 1 o heures du matin , comme je 1 ai dit ci-deuus; dvAmAerdan»
le vent étoit fud-oueft grand-frais. A 2 heures du foir, au TflxfL
le Zuyderzée étant, traveifé r;on mopiUapar trois braftes
d'eau % fond de fable vafeux, 9 [entrée du canal du
' " " • Lliij
27» y Ô Y A G E
Texef, près l'ille cTUrch; la mer fut grofle tout le
foir & toute la nuit, le vent foufflant violemment de la
partie de l'oueft-fud-oueft.
Le 23 , la mer étant devenue un peu plus tranquille,
on leva l'ancre vers 1 1 heures & demie du matin,
& à j heures du foir, on mouilla dans la rade du
Vheter, en vue de l'ifle de Wieringen par trois brafles
d'eau, fond de vafe & de fable, les vents reliant
toujours entré roueft & le fud-oueft grand-frais.
Le 24., le vent fud-oueft joli -frais, on appareilla
à 9 heures & demie du matin ; un Navire marchand
Hollandois appareilla en même temps, faifant même
route que V Aurore. A 10 heures & demie, on paffa à
peu de diftânoe «d'un Vaiffeau de guerre Hollandois
de foixante canons, qui ctoit à l'ancre * le Navire
marchand n'ayant pas arboré fon pavillon, on lui tira
•du VaifTeau de guerre un coup de canon à boulet, le
pavillon fut auflitôt arboré ; un fécond coup de canon
Suffi à boulet avertit le Navire marchand de {e mettre
en panne, pour attendre la chaloupe du Vaifleau de
guerre qui faifoit force de rames après lui ; ce fécond
coup étant inutile, fut fuivi d'un troifième dont le
boulet tomba à peu de diflancè de l'arrière du Vaifleau
•marchand qui continua fa route en forçant de voiles:
ces boulets, qui font ainfi envoyés par des- Vai fléaux
de guerre aux Vaifleaux marchands , doivent être payés
par le marchand fur le pied d'environ un louis de
notre monnoie pour chaque boulet, t*e& fans doute
DE M. DE COURTANVAUX. ZJ%
à ce payement que le Navire marchand a prétendu
fe fouftraire ; mais le Capitaine du Vaifleau de guerre
fi'tura-t-ii pas pris fes mefures pour fe faire payer au
Texel , & même pour faire réprimander le Capitaine
marchand! c'eft ce que nous ignorons. À z heures
après midi , Y Aurore mouilla dans la grande rade du
Texel par huit brafles d'eau, fond de vafe & de fable,
vent fouffiant toujours du fud-oueft grandirais.
Le 25, à 9 heures du matin, la Frégate appareilla,
le vent toujours au fud-oueft , & vint mouiller fur les
1 1 heures à la petite rade, à une demi-lieue environ
du village d'Heider, par onze brafles d'eau, fond de
vafe & de fable , vent aty fud -fud-oueft grand-frais. >
Helder n'eft qu'un fimple village, fitué fur le bord HcWcr.
de la mer, au milieu d'une pointe qui s'avance vers Hrçrfl«fn*
rifle du Texel , qui en eft diftante de trois quarts de
lieue au nord-eft ; une partie du village eft bâtie fur la
digue & par conséquent fur le fable; on a pris, fans
doute, des précautions pour que les maifons puflent
réfifter à la violence des vents qui eft grande dans ces
quartiers: à une demi -lieue à l'oueft d'Heider, eft
un fécond village fitué au bas des dunes, & nommé
Huyfdiàne, il eft g, peu près aufli gros qu 'Helder, mais»
la plupart des maifons y font couvertes de chaume ou
plutôt de joncs; elles ont , malgré cela, un certain air de
propreté que n'ont point nos chaumières de France ;
on compte dans les deux villages environ 1500 babi-
tans, il y a des Catholiques, des Prétendus réformés*,
2ji Voyage
des Anabaptiftes ; les premiers font au nombre de
cinq à fix cents, les Anabaptiftes font les plus riches
de tous : il .n'y a qu'un feul Cure, ii célèbre la meffe
alternativement dans les deux villages, ii n a. de revenu
que fon cafuel f & ce cafuel va jufqu'à fept ou huit
cents florins: les femmes quittent toutes leurs mules
en entrant dans Féglife, & rfeftent perpétuellement à
genoux, même durant la grande meffe & les inftruc-
tîons; le Curé, M. de Vynck, paroît un Eccléfiaftique
d'un vrai mérite, il efl abftème, fon averfion pour le
vin a penfé lui faire manquer fa vocation ; on lui a fait
effayer de tous les vins, le feul vin de Confiance (du
cap de Bonne - efpérance ) a pu fymp^thifer avec fon
ëftomac, c'èft avec ce vin qu'il dit la meffe.
Digues Ce qui mérite le plus l'attention des Curieux à
h Hollande. Helder : ce font les digues, que Pinduftrie infatigable
des Hoflandois a fu élever contre içs incurfions de la
mer : je ne fais pas difficulté d'avancer que ces digues
font la plus grande merveille de la Hollande : de
deffus ces digues, il cft facile de voir que la campagne
eft plus baffe que la mçr: Jes eaux venant de la mer du
nord dans Iç canal du Texe|„ acquièrent un mouve-
ment d'autant plus furieux qu'il eft plus refferré par les
ifles &.les bancs de fable dont ce parage eft rempli:
la pointe delà Nort - hollande où eft* Helder, feroit
ia première expofée à la violence des flots, A cet
obftacle une fois rompu , toute la Nort-hollande feroit
jnondée :. à l'oueft du Zype & du Coegras , des dune?
de
DE M. DE COURTANVAUX. 27J
de fable amoncelées par ia mer même & aflfez élevées,
femblent mettre le pays à couvert ; on n'a pas laiffé
cependant de pratiquer des digues artificielles , aux
endroits où la prévoyance des HoIIandois , ne croyoit
pas devoir s'en rapporter à la feule Nature : ces dunes
finiffent près de Huyfduyne, à l'entrée du canal du
Texef, c'eft-à-dire, au lieu où l'impétuofité du flot
commence à menacer de renverfer tous les obflacles
<ju'on pourroit lui préfenter : pour obvier à ce danger»
on a d'abord pratiqué le long du rivage un bon nombre
de batardeaux ou d'éperons qui rompent] la violence
de l'eau: au bord de la mer entre les batardeaux, Se
même quelquefois le iong des batardeaux du côté du
flot, on a fiché des pieux dans ie fable, & on les a
revêtus de planches ou entrelaffés de branches d'arbres ,
pour former comme des efpèces d'encaiffemens dans
iefquels on a verfé de groffes pierres conduites exprès
de Norvège : tout Va i fléau hollandois , qui va corn*
mercer en Suède ou en Norvège , eft tenu à fon retour
defe charger en forme de left d'un nombre déterminé
de ces groffes pierres : l'eau roulant fur ces encaiffe-
mens , perd néceflàirement le peu de force que les
batardeaux lui avoient laiffé : en différens endroits dans
l'intérieur des batardeaux , & le long des encaiffemens
du côté de la terre, règne un parapet de quinze à dix-
huit pieds de hauteur, & depuis cinq pieds jufqu'à
douze de largeur : ces parapets ne font formés que
par de fimple goémon que l'on entaffe fans aucune
. Mm
274 Voyage
façon ultérieure ; ce goémon s'affaiffe par fon propre
poids; à mefure qu'il fe pourrit il fe convertit en terre
& forme une maffe affez folide: c'eft derrière ce para-
pet qu'eft la véritable digue, elle s'étend depuis Huyf-
duyne , jufqu'à un petit port qui efl à une petite demi-
lieue à l'eft d'Helder, dans un efpace de plus de deux
mille toifes; en largeur elle s'étend jufqu'à huit* à dix
toifes & même quelquefois au - delà , elle eft élevée
d'environ deux toifes au-deffus de la plus haute mer,
mais elle eft de quatre à cinq pieds plus baffe que le
parapet, de goémon: le long de la digue font des
poteaux- numérotés, diftans pour l'ordinaire l'un de
l'autre de 40 à 4.5 toifes; leur ufage eft d'indiquer
à ceux .qui font prépofés à l'entretien des digues, la
partie. qui eft confiée à leurs foins: la digue n'eft for-
mée que de fable , le vent pourrait y faire bien du
dégât; pour remédier à cet inconvénient, on a fait
croître des joncs & des rofeaux fur ce fable , cela le
retient ; où il n'y a point de rofeaux on plante dans le
fable des torchons de paille qui fortenrt de terre d'en-
viron un pied, les hommes, les beftiaux, les voitures
qui partent fur la digue étendent cette paille r elle pro-
tège le fable, on a foin de la renouveler de temps en
temps; des joncs voifins , liés enfemble, comme nous
lions nos cardons & nos chicorées pour les faire blan-
chir, produifent aufli le même effet, & cet effet eft
plus durable : û nonobftant ces précautions le vent
enlève quelque fable ,. il en reftitue fouyent d autre
Ï>E M. DE COURTANVAUX. 275
qu'il enlève de la mer fur la digue , & qui y eft retenu
par Ja paille & les joncs.
A l'extrémité orientale de la digue eft une jetée qui Jetée,
s'avance dans la mer, & forme un batardeau pour Lrinj*
garantir un petit port qui eft fur la droite, mais ou il
ne peut entrer que des yachts ou autres petits Navires:
cette jetée eft affez large, formée de fimple goémon
bien en c ai (Té , foutenue à gauche, à droite & en devant
par de forts éneaiffemens de pierres de Norvège, fans
compter d'autres pierres qui appuient ces encaifle-
mens à gauche ou du côté du flot. \J Aurore étoit
mouillée à un bon demi-quart de lieue à l'eft-nord-eft
de cette jetée.
II y avait, dans la même rade, une Frégate hollân-
doife de trente -fix canons, & de deux cents foixante
hommes d'équipage, deftinée pour la Guinée, & de-là
pour Surinam : nous en avions connu Je Capitaine à
Amfterdam ; il eft frère de M. May , habile conf-
trudeur, qui nous avoit rendu plufieurs fervices durant
notre féjour en cette ville. M. May le Capitaine,
nous dit que Tannée précédente 1766, il avoit ob-
fervé la latitude de l'extrémité orientale de la digue,
& que de quarante obfervations , faites avec tout le
foin poflible, à l'aide d'un excellent o étant, & s'ac-
cordent toutes dans le terme d'une minute, il réfultoit,
en prenant un milieu , que cette extrémité étoit par
53 <feg- 1 min- 7^8 fec. de latitude boréale. Helder
veut être de 15 ou 18 fec. plus feptentrional que
Mm i\
zj6 V o r A 6 e
cette extrémité de la digue ; ainfî la latitude d'Helder
fera de 53 deg. 1 min. 25 fec* Nous n'avons pu nous
aiTurer par nous-mêmes de la précifion de cette déter-
mination, dont nous ne doutons pas; d'ailleurs dif-
pofés à profiter du premier vent qui nous permettrait
de fortir de la rade du Texel , nous ne voulions pas
être retardés par l'appareil du tranfport de nos inftru-
mens, lefquels même auraient pu nous être d'une
très* médiocre utilité.
Autres La terre , autour d'Helder, eft couverte de pâturages
particularités •/*•/•■
du pays, qui paroiflent fort gras; la mer elt poinonneuie , la
poiflbnnerie ne demande pas beaucoup d'entretien:
tous les matins, excepté les Dimanches, yers huit 00
neuf heures, on apporte le poiffbn fur la digue, vis*
à-vis de l'auberge où nous logions; on l'étend fur
l'herbe, chacun choifit & fait fon prix, ou plitfôt, à
ce qu'il nous a paru, le vendeur propofe un prix qu'il
rabaiffe enfuite , jufqu'à ce qu'il trouve un acheteur
Au-deffus d'Huyfduyne, au haut des premières
dunes, on allume toutes les nuits un fanal pour fervir
de fàre aux Vaiffeaux qui chercheroient pendant la
nuit l'entrée do Texel; ce fanal n'eft autre choie
qu'une efpèce de gril ou de grand réchaud carré
qu'on charge de gros blocs de houille, il n'eft élevé
que d'un pied & demi ou de deux pieds; mais il fe
trouve au haut d'un monticule de charbon , élevé de
dix à douze pieds fur le fommet de la dune : «*
1
DE M DE COURTANVAUX. 277
allume ie foir cette houille , elle rend un feu très*
éclatant & qui fe voit cfe fort loin.
Aflez près de ce fanal , fur la pente des dunes du
côté de la mer , un exemple terrible de juftice efl pré-
fente aux yeux des matelots HoHandois qui fortent du
Texel: il y a quatre à cinq ans que l'équipage d'un
VaifFeau hollandois fe révolta contre le Capitaine ât
les Officiers; les rébelles s étant emparés du Navire,
le conduisirent à Lilbonne ; la République réclama &
le Vaiffeau & les criminels, ils furent livrés, conduits,
jugés & punis au Texel : on a entouré leurs corps &
tous leurs membres d'anneaux & de cerceaux de fer»
afin que leurs corps plus long-temps confervés, inftrui-
fjflent ceux qui feroient tentés d'imiter leur exemple,
que la République n'eft pas moins févère 'pour punir
le crime, que généreufe & magnifique pour récom-
penfer la vertu.
Notre féjour à Helder fut plus long que nous ne le % Séjour
penfions ; pour fortir du Texel , il faut avoir le Cap à
i'ouefl & au fud-ouefl, & même un peu au nord de
i'ouefl, & c'étoit de ces côtés que le vent fouffloit
conftamment : if arrivoit tous les jours des Vaiffeaux
d'Amfterdam , ils jetotént l'ancre, dans l'attente d'un
vent favorable; nous crûmes que nous attendrions ce
vent plus tranquillement à terre que fur fa Frégate;
mais nous étions défcenvrés tout le jour, le pi ai fi r de fa
promenade étoit fe feul qui nous fut permis : la plaine
étoit couverte de lapins, la chafle en étoit interdite,
Mm iij
2?$ V O Y A G E .-
on s'amufoit quelquefois à tuer des hirondelles de
mer. J'ai dît que l'efpérance de partir d'un moment à
l'autre nous empêchoit de penfer à établir un Obfer-
vatoire ; nous fîmes les obfervations fuivantes à terre ,
le thermomètre étoit placé dans une chambre où
nous croyons pouvoir fuppofer que la température de
l'air ne différait pas énormément de celle que les
montres marines éprou voient dans la grande chambre
«le V Aurore.
Le 26 Juillet, vent de fud-oueft & d'oueft, temps
couvert & pluie fréquente tout le jour. A 9 heures
du foir, baromètre, 28 pouces jufte; thermomètre,
«
j 5 degrés au-deffus de zéro.
Le 27, vents de l'oueft - fud - oueft à l'oueft-nord-
oued, beau temps. A 8 heures du matin, à midi, à
9 heures i du foir, baromètre, 28 pouces 1 ligne y,
28 pouces 2 lignes 7, 28 pouces 2 lignes |; thermo-
mètre, 14 deg. 1, 15 deg. ±, 15 deg. J.
Le 28» vent de l'ouefl au fud-oueft bon-frais, mer
grotte, toute communication coupée avec la Frégate ,
quelque pluie le foir. A 8 heures du matin, baromètre,
28 pouces 1 ligne; thermomètre, 15 deg. X 1 heure
après midi, baromètre, 28 pouces o deg. i; thermo-
mètre, 1 j deg. j. X 10 heur, £, baromètre, 28 pouc.
;j ligne; thermomètre, 15 dêg. j.
Le 29, vent de fud-oueft grand-frais, groffe mer,
ciel couvert, quelque pluie; après-midi, vent de fud;
yen le foir, on diftinguoit aux nuages deyx vents, l'w
de M. de Court anvaux. vj$
du fud, violent & inférieur, l'autre fupérieur venant
de Foueft: baromètre, 28 pouces; & thermomètre,
1 5 dcg. tout le jour.
Le 30, vent de fud-oueft bon -frais, mer moins
groffe , communication rouverte avec la Frégate, ciet
perpétuellement couvert. A 8 heur, du matin, à 1 heure £
& à 9 heures | du foir , baromètre , 27 pouces 1 1 lignes ,
27 pouces 1 1 lig 7, 27 pouces 10 lignes £; thermo-
mètre, 16 deg. 16 deg. i, 16 deg.
Le 3 1 , vent variable du fud à t'oueft, ciel prefque
continuellement couvert & quelque pluie. A 8 heures
du matin, baromètre, 27 pouces 10 lignes £; à iof
heures £, 27 'pouces 9 lignes |; à midi & à 2 heures,
27 pouces 9 lignes 7^7 heures, 27 pouces 10
lignes j; à 10 heures, 27 pouces 1 1 lignes: thermo-
mètre, à 8 heures du matin; 17 deg. à midi £, 16
deg. i;à 10 heures du foir, 1 f dèg. £; la baffe mer
fut obfervée vers 4. heures ^ du foir.
Le i.er Août, vent nord- nord -ouefl, puis nord-
ouefl, joli-frais; ciel prefque couvert le matin, beau
temps après midi. À 8 heures £ du matin , baromètre,
28 pouces 2 ligne$ |; à midi^ 28 pouces 3 lignés £;
à 10 heur, du foir , 28 pouc. | lignes : thermomètre ,
aux mêmes inflans, 1 j deg.. if deg. £, 14. deg. ~.
Haute mer à 10 heures |* du matin; baffe mer de
5 heures à 5 heures £ du foin
Le 2, vent de JToueft au fud- oueft; très -beau
temps. Baromètre, 28 pouces 5 Iigne%; à 10 heure»
/
278 F 0:K.il.C .£/
on s'amufoit quelquefois à tuer des hiroiylf. t»,
mer. J'ai dit que l'efpérance de. partir d'u|T §~
l'autre nous empêchoit de penfer à éta|? 3 ^ ^
vatoire ; nous fîmes ies obfervations f f* § 5; ***
le thermomètre étoit placé dan% g
nous croyons pouvoir fuppofer./ g g
l'air ne différait pas énorm^ v $, & % X?
montres marines éprouvoierf g £ % p c|
Le 26 Juillet, vent <5 J"! J **" ?' 6-1?
couvert & pluie fré£ 1 g \s £ 3 3 *
du foir, baromètre ;,. ï S- S- S « S -
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Le 27, venv;|-|> f r *?- *• :i " J ~
oueft, beau,/^ $ <*
o heures -V -
28 pou»-'
mètre
J
t/» • » •
* *
— âiuii neues.
xuC 4, le vent fouffloit de l'eft-nord-eft & de Tell,
mais bien foiblement : à midi nous avions fait 18
lieues au fud-oueft 5 degrés oueft, depuis 8 heures
du foir de la veillé ; la hauteur méridienne du Soleil
nous mettoit par 52 deg. 1 1 min. de latitude, ce qui
saccordoit
*y
/
\
DE M. DE CûURTANVAUX. zSl
^ lordoit affez avec notre eftime : à 1 1 heures i du
w rla féconde montre marine avançoit de i min.
^ i fur la première : le ciel fut ferein tout le
.. c^ nous voulûmes effayer les montres marines Épreuves
<s*\ ^ auquel elles font deftinées : la féconde marines.
«V
o ^.^ meures 3 min, 4.6 fec. le Pilote de Peyre,
Z \ \ v teur du centre du Soleil de 29 deg. 30
^ m \ \ i ous eftimions par 50 degrés j minutes
^ V ^\ * ?tte hauteur, défalquant 2 minutes pour
•^/^ \ \ • ?il fur l'horizon, nous conclûmes
ornent de robfervation , 4 heures
» mps vrai; que la montre avançoit
- ^ \ \ le temps vrai ; que depuis le 20
• m it avancé en quinze jours quatre
i , de 18 min. 3 fec. j, & furie
min. 13 fec. £; & enfin que
c.-j par jour, elle n'aurait dû
35 fec. nous devions être
T à l'occident du méridien
tendant,
. ,narquoit 6 heures 2 min.
* w neur de Peyre , avec un autre odant , obferva
ie bord inférieur du Soleil élevé de 20 deg. 19 min*
fur l'horizon, la latitude du Navire étant de 52 deg.
% min. -félon J'eîlime; il fuit qu'il étoit alors 5 heures
14, min. P fee.. tejiips vrai , & que nous étions de
♦ Nn
•%
a8o Voyage
du foir, 28 pouc. 4 lign. \\ thermomètre, à 7 heur. \
du matin, 14 deg. £; à midi, 15 deg. £; à 10 heur. £
du foir , 1 6 deg. |.
Le 3 , calme, puis petite fraîcheur du nord-eft, &
très -beau temps. X 8 heures j du matin, baromètre,
28 pouces 3 lignes |: thermomètre, 16 deg. A midi y,
baromètre, 28 pouces 3 lignes; thermomètre, 17 deg.
X 1 1 heures £ du matin , la féconde montre avançoit
fur la première de 1 min. 53 fec.
Départ Le vent étoit foible, je voulois attendre qu'il fe
fît ; voyant cependant que tous les Navires quittoient
fuccefïivement la rade , je me déterminai à les fuivre.
Nous abandonnâmes enfin l'ennuyeux féjour d'Helder,
& nous appareillâmes à quatre heures du foir, après
avoir falué la Frégate commandant en cette rade , du
pavillon & de fept coups de canon. M. May me fit
rendre exactement le même falut , conformément à
la' parole qu'il m'en avoit donnée la veille. Nous
étions précédés d'une trentaine de Vaifleaux , nous
en dépaflames un ou deux dès le jour même ; le len-
demain nous étions à la tête de la flotte. Le 3 , à huit
heures du foir, l'île du Texel nous reftoit au nord-eft,
à la diftance de huit lieues.
Le 4, le vent fouffloit de reft-nord-eft & de l'eil,
mais bien faiblement : à midi nous avions fait 18
lieues au fud-oueft 5 degrés oueft , depuis 8 heures
du foir de Ja veille ; la hauteur méridienne du Soleil
nous mettoit par 52 deg. 1 1 min. de latitude, ce qui
s'accordoit
DE M. DE COURTANVAUX. i8l
s'accordoit affez avec notre eftime : à 1 1 heures \ du
matin , la féconde montre marine avançoit de i min.
55 fec. 7 fur la première : le ciel fut ferein tout le
jour.
- Le foir, nous voulûmes effayer les montres marines Épreu*«
fiir l'ufàge auquel elles font deftinées \ la féconde marines*
marquant 5 heures 3 min. 46 fec. le Pilote de Peyre,
obferva la hauteur du centre du Soleil de 29 deg. 30
min. \\ nous nous eftimiûns par 50 degrés 5 minutes
de latitude, de cette hauteur, défalquant 2 minutes pour
h hauteur de l'œil fur l'horizon , nous conclûmes
qu'il étoit, au moment de l'ohfervation , 4 heures
1 5 min. 45 fec. temps vrai ; que la montre avançoit
de 48 min. 1 fec. fur le temps vrai ; que depuis le 20
Juillet à midi , elle avoit avancé en quinze jours quatre
heures, fur le temps vrai , de 1 8 min. 3 fec. 3-, & fur le
temps! moyen, de 18 min. 13 fec. £; & enfin que
comme à raifon de 4 1 fec. £ par jour , elle n aurait dû
avancer que de 10 min. 35 fec. nous devions être
alors de 7 min. 38 fec. £ à l'occident du méridien
de notre obfervatoire d'Amfterdanu
Lorfque la même montre marquoit 6 heures 2 min»
36 fec. lé fieurde Peyre,avec un autre o&ant , obferva
le bord inférieur du Soleil élevé de 20 deg. 19 min.
fur l'horizon, la latitude du Navire étant de 52 deg.
% min. -félon i'eltime; il fuit qu'il étoit alors 5 heures
14 mjn. p fec.. tcgnps vrai , & que nous étions de
. Nn
•»
282 Voyage
Le lendemain j do mois, étant à 1 ancre par y 1 deg.
14 min. de latitude, le même pilote obferva la hauteur
du bord inférieur du Soleil, lorfque la même montre
marquoit 10 heur. 2 min. yj fec. ~ avant midi; félon
cette obfervation , il étoit 9 heures 10 min. 22 fec.
temps vrai , & nous devions être à 1 1 min. 47 fec.
de temps à l'oued d'Amfterdam. Ces trois détermi-
nations s accordoient bien avec notre eftime; quelques
fécondes de doute pouvoient être auflï-bien rejetées
fur les obfervations & l'incertitude de l'eftime, que
fur le défaut de la montre. Au temps de la troifième
obfervation , la tour de Dunkerque que Ton voyoit au
fud-eft, à la difiance de cinq à fix lieues, ne nous
permettoit pas de douter de notre vraie poûtion. Nous
préfumames donc que la féconde montre ne s'étoit
pas dérangée fenfiblement depuis Amfterdam , & la
préfomption pouvoit même s'étendre jufqu'à la pre-
mière montre, fur laquelle la féconde avoit avancé,
Tune portant l'autre , de 3 à 4 fec. chaque jour.
Épreuve - Le 4 au foir, nous profitâmes de Tunique occafion
mégamètre. <P" s'e^ préfentée durant tout le cours de notre voyage ,
d'éprouver le mégamètre de M. de Charnières : ce
n'efl pas que ces occafions doivent être extrêmement
rares fur mer; mais fur les mers que nous parcourions»
les crépufcules extrêmement longs né nous permet*
toient pas de découvrir les Étoiles: d'ailleurs, nous
avons eu fur mer très-peu de jouç fereins ; ces joins
font fréquens fur les grandes mers. Enfin , -nets émm
DE M. DR COURTANVAUX. 28}
plus fou vent fur terre que fur mer, les vents contraires
nous retenant quinze jours & pius en des lieux où
notre premier deflein étoit de féjourner très-peu de
temps : or , ce n'étoit point à terre qu'il s'agiffoit
d'éprouver l'initrument. La féconde montre marine
jnarquoit 9 heur. 44. min, 58 fec. iorfque le méga-
mètre a donné 17 révolutions 62 parties, ou 2 deg,
27 min. 8 fec. de diftance entre l'étoile du cœur du
Scorpion & le bord Je plus éloigné de la Lune. Nous
nous eftimions alors vers 51 deg. 52 min. de latitude;
nous fuppofons d'ailleurs que nous étions de 9 min.
12 fec. plus occidentaux qu'Amfterdam , & qu'à
l'heure de i'obfervation la féconde montre avançoit
de 49 min. 45 fec. fur le temps vrai. Le temps étoit
calme , cependant le flot fâifoit rouler la Frégate ;
M. Me(fier, qui faifoit I'obfervation , perdoit fans cette
l'Étoile: l'inftrument étoit moins maniable qu'il ne
i'eft à préfent , M. de Charnières ayant trouvé depuis
le moyen de donner pius d'aiiànce à fes mouvemens,
M. Méfier, en conféquence, ne donnoit cette obfer~
vation que comme incertaine: nonobfiant cette incer-
titude, il nous a paru utile de calculer I'obfervation*.
Nous avons tiré le lieu & la latitude de la Lune de la
Connoiffance des Temps. M. fe Monnier nous a
communiqué des obfervations de la Lune faites au
méridien le même jour: en conféquence de ces obfer-
Vations, nous avons ajouté 8 fec. àfafcenfion droite»
4t retranché 27 fec. de la déclinaifon conclue de la
Nn ij
284 V O Y A G £
Connoiffance- des Temps, & le réfultat des fuppo-
fitions & du calcul a été que la diftance de l'Étoile au
bord éloigné de la Lune devoit être alors de 2 deg.
27 min. 46 fec. c!eft-à-dire, de 38 fec. feulement
plus grande qu'elle n'avoit été obfervée. Nous ne
doutons pas que la précifion n'eût été bien plus grande,
fi la Frégate eût moins roulé» & û le mégamètre eût
été plus maniable,
La même montre marquait 9 heures 58 min. 21
fec. la diftance a été trouvée de 17 révolutions 11
parties , ou 2 deg. 22 min. 48 fec. M. Pingre, quia
fait cette féconde obfervation , dit n'avoir pu prendre
la diftance que; comme à la volée , & la donne en
conféquence comme très - équivoque ; cependant en
laiffant fubfifter les mêmes fuppofitioas , le calcul
donne pour la diftance qu'il falloit obferver , 2 deg.
•23 min. 55 fec* Terreur efl: de 1 min. 7 fec. :
Aurore Le même foir , il y eut une aurore boréale; dès le
coucher du Soleil , ou 4 à 5 min. après , M." Mefiier
Si Leroy , s'aperçurent que du lieu où le Soleil avoit
touché l'horizon, s'élevoient comme deux arcs de
couleur d'eau , ou plutôt de couleur de bleu de
Prufle, celui qui étoit à droite fe courboit du côté
du nord, l'autre s'élevoit prefqûe verticalement : cfc
phénomène avoit-il trait à l'aurore boréale qui parut
après; c'eft ce . dont je laiffe. la dé ci (ion aux Phyfr-
.riens ! après l'obfervation de la Lune, l'aurore boréale
étoit abfolument décidée; on vit d'abord des jet» qai
DE M. DE COURTANVAUX. i&%
l'élançoient vers le zénith ; enfui te îè phénomène fé
réduifit à la (impie fournarfe, de 7 à 8 degrés dé
hauteur au plus : fon centre étoit au - deflbus de ia
tête de la grande Ourfe , ou plutôt entre le carré de
la grande Ourfe & l'Étoile polaire.
Le temps fut très -beau , tout ce jour du 4 Août , s£tc
vent de nord-eft, bien foible le foir : ie 5 au matin, u navigation.
le vent varioit du word-eft aii fud-eft, vers 8 heures
& demie» le vent faute à l'oueft - fud - oueft , 6l nous
fait faire chapelle * , nous gouvernâmes au fud : preA
que auflitôt le vent fe remit à l'eft-nord-eft, mais il
étoit fi foible qu'il 'ne faifoit pas la plus légère impreff
fion fur les voiles : nous mouillâmes -donc par vingt
brades d'eau fur un fond de gravoU , . pour éviter d'ëtrtf
portés en arrière par la marée qui étoit alors dans
toute fa force : peu après 11 heures nous levâmes
l'ancre pour profiter d'une petite frakheurijqr venoit
de l'eft:: à midi & demi, la' féconde montre avançoit
de 1 min. 59 fec. fur la première; ia hauteur du Soieil
prifeàmidi, nous mettoit par ^r deg. 13 -min. de
longitude : à 4 heures & un quàit \. ù tomba, na
peu de .pluie ; urie demi - heure après \ le tonnerre fe
fit, entendre au loirr : nous étions dans, \ le . pas , mais H
lie nous étoit plus poffible d'arriver à Boulogne de
tette marée; nous primes le parti de tourner ie cap
* Lorfqué le vent faute tout -a -coup à Pavartt du' Valfleàû ; et
tat enfler les voiles comré[ les mâts Vert Yikûkit du- Narire, bti
âb ^ en termes de œ*riûcy jjm là Vxd$cm\fa)t xfapHl* - . :
Nn iij
$$& V V O Y A- G \E
à la rade de Calais , où nous mouillâmes vers 7
heures par onze brafles d'eau , fond de fable vafeux :
orage avec tonnerre à 8 heures , éclairs pfefque
toute la nuit '
. Arrivée Nous nous étions propofé de lever l'ancre à minuit,
» Boulogne.
le calme y mit obftacle; le 6 au matin , voyant le calme
plat , & par conféquent l'impoflibiJité de faire route ,
j'allai à terre pour voir M. le prince de Croy « & iàtis~
faire à la curiofité que j'avôis de vifiter la côte depuis
Calais jufqu'à Boulogne ; je pris avec moi un Officier
qui connoifToit parfaitement le local , & je me rendis
ie foir à Boulogne , comptant d'y trouver le Bâtiment :
Je vent s'étant élevé vers 1 o heures du matin , il appa-
reilla à 1 1 heures , le vent fouffloit de l'oueft , &
étoit contraire ; en fèpt bordées ie cap de Blancnez
& celui de Grifhez furent doublés; vers 2. heures
du foir» la féconde montre avançoit de 2 min. 1 fec.
fur la première : le vent fe mit au nord , il fouffloit
bien fbibiement : à deux lieues de Boulogne on tira
deux coups de canon , & l'on fit les fignaux conve-
nus. J'envoyai deux canots: cependant un orage Je
fbrmoit , les éclairs fe multiplioient , le tonnerre gron-
doit au loin: les canots arrivèrent à la Frégate vers
8 heures & demie du foir : nos Autonomes y des-
cendirent avec tout le refle de la compagnie : le vent
fraichiflant auflîtôt , on mit les canots à Ja remorque :
le fieur de Peyre; exhorte, cependant la compagnie
à remonter pour fe mettre à couvert de l'orage qui va
DE M. DE COURTANVAUX. lîf
fondre ; un des deux canots, dans lequel et oit M. Leroy,
perd fon amarre, on lui en jette une autre, elle eft
iâifie heureufement, dé manière cependant que le canot
va fe [mettre précifément fous l'avant de la ÏYégate";
le danger ne flouyoit être plus, preffant , le canot
étoit perdu , û le fieur de Peyre n'eût fait précipitam-
ment mafquer les voiles , le Bâtiment s'arrêta , devint
comme immobile , & le canot eut le temps de fe
retirer : à peine M. Leroy êtoit-il remonté que l'orage
fe déclara par un grain furieux • le vent fouffloit avec
violence de l'oueft-fud-oueft, il fallut s'éloigner des
côtes & gagner le large : le roulis & le tangage de-
vinrent très - fenfibles , les vents firent le tour dit
compas : le lendemain, la mer s'étant appaifée, on reprit
ia route de Boulogne par un vent variable du fud-oueft
au nord - oueft, & on mouilla heureufement dans
le port vers i o heures du matin , après avoir , félon là
coutume , falué Notre - Dame de Boulogne de cin<J
coups de canon: à 9 heures £V ta féconde montré
avançoit de 2 mm. 3 fec. fur la première.
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CHAPITRÉ XIIL
Séjour à4 opérations faites À Bûulognc;defcriptian
■ •' ■ ■ a? cette ville. Retour m Havre.
« i
Obfcmtoire, TlyTxsDEMoiSELLEs Dezoteux, chez lefquelles j'étois
f^T* defcendp dans la liante ville de Boulogne, trou-
yèrentle moyen de loger tpu$ ceux de rçia cpmpagnie
dans Iç voifin^ge de;leijr m^ifQn : irçaj/s il ne leur fut
pas également facile de nous procurer un Qbferva^
toire : faute de lieu commode dans, la ville hgufe , if
fallut pn cjiercjier jur> dans la vjlle baffe; M. Jean-
François Cpillot , npus offrit graçjeiffement une partie
de fa maifon ; elle eft fitu.ee très-près du port, au nor4
pu nord^oueft de la baffe viljp; qous y fîmes ftinf*
porter nos jnftrurrçens le 8 Apyt : ce JQiir, verspiidi,
la féconde mpntre avançoit fur Ja première de %
njinytes 3 fécondes ; l'une & l'autre fut tranfportcç
à TObfervatpire le mémç jour jkx heures du foir»
Obfemdotti Javois reçu à Calais le baromètre portatif de
iwx momrcj Siffon , que j'avois renvoyé de Dunkerque en Angle-»
pannes, terre pQur je fajre rgpargr . j*eft avois auffi reçu un
autre' de Paris ; ces deux baromètres , & celui de M.
de Fourcroix , dont nous avions jufqu alors fait ufage ,
furent fufpendus chez M.,,c* Dezoiejjx : le 7 Août
à 1 1 heures 7 du matin , celui der Si (Ton étoit à la
hauteur de 27 pouces 9 lignes «— ; les deux autres
Soient
DE M. DR COURTANVAUX. 289
autres étoient à très-peu près à la même hauteur , ils
montèrent à 27 pouces 1 1 lignes , Si fe foutinrent
à cette hauteur les deux jours fui van s.
Le 8 , le ciel fut couvert par un vent de fud~oueiL
Le 9 , le temps fut très-beau, nous en profitâmes;
vingt- deux hauteurs du Soleil prifes le matin vers 8
heures \ , & leurs correfpondântes prifes le foir , nous
donnèrent midi vrai à 1 1 heures f6 min. 55 fec. f
de la pendule ; un demi-quart d'heure après midi , la
première montre marine avançoit fur la pendule de
57 min. 16 fec. & la féconde de 59 min. 19 fec.y;
le thermomètre étoit à 1 8 degrés.
Le 20 Juillet, à Amfterdam, la première montre avançoit fur la
pendule de 32' 12*
Sur le temps vrai , de 28. 5 2 £•
Sur le temps moyen , de ; 23 . 4.
Le 9 Août die avance fur la pendule de, 57. 1 6*
Sur le temps vrai , de , 54. 1 1 |.
Sur le temps moyen» de ........... 49. 4 J.
Ainfi , en vingt jours , elle a avancé de 26. o j.
Différence des méridiens , entre Amfterdam & Bon*
logne, de • • ♦ 13. y.
Avancement réel , en vingt jours, de. , 12. j j j.
A raifon de 3 7* | par jour , elle auroit dû avancer ,
en vingt jours, de. 12. 22 £•
Erreur , en vingt jours , de ; . . o. 3 2 £.
Ou, fi Ton veut, la montre aura avancé par jour de... o. 3 8 |,
La féconde montre avançoit, le 20 Juillet, fur la
pendule de,. ..,,..•. ., .- 33. 17.
, O o
290 V O Y A G E
Sur le temps vrai , de. / • ap' J7* 7.
Sur le temps moyen , de. ... ». • • 24. 9.
Le 9 Août elle avançoit fur la pendule de. ...... • 59. 19 \.
Sur le temps vrai, de „ . . . j6. 14 f.
Sur le temps moyen, de .. . 5 r. 7 y.
Ainfi elle a avancé , en vingt jours , fur le temps moyen ,
de 26. j8f.
Elle a dû avancer, pour la différence des méridiens»
de • 13. $-
Avancement réel, en vingt jours , de 13. y 3 |.
Sur le pied de 4 1 " £ par jour , elle a dû avancer de • . 13. 5 6 | .
£rreur , en vingt jours , de •••«•+ o 3.
. Dans ce calcul , j'ai fuppofé la longitude d'Amfter-
clam., telle que nous lavons déterminée par nos
obfervations , & celle de Boulogne, telle qu'elle efl
dans la ConnoiiTance des Temps.
Le 10, beau temps, vent de fud-oueft & d'oueil:
baromètre, 27 pouc* 11 lign. ^ Je matin;. 28 pouc
o lignai le- foir>. les. hauteurs -du Soleil donnent midi,
à 1 1 heures }6 min. 57 fec. ^ de la pendule, laquelle
par conféqueflft a avancé en vingt - quatre heures de
2 , ïbc. j fur le temps vrai*, & de 1 o fée. | fur le temps
moyen : un demï-qûârt d'heure après midi , la première
montre avançoit de 57 min. 43 fec. £ fur la pendule,
& la féconde, de j$ min. jo fec. £; ainfi la première
avoit avancé en vingt-quatre heures fur le temps moyen,
de 38 fec. \\ & la féconde de 41 fec. § : thermo*
mètre , auprès 4e& montres marines. 1 7. deg. £.
DE M. DE COURTANVAUX. 291
Le 11 , beau temps & vent de fud-oueft : le foir,
baromètre deSifïbn, 28 pouces 0,6 lignes, celui de
Paris , 28 pouces 1 ligne , celui de M. de Four croix,
28 pouces i ligne | : les. hauteurs correfpondantes
prifes vers 10 heures du matin & 2 heures du foir,
donnent le midi vrai à 1 1 heur. 56 min. 59 fec. \ dç
la pendule ; elle a avancé en vingt-quatre heures d'une
fec.f fur le temps vrai , & de 10 fec.f fur le temps
moyen, un demi - quart d'heure après, la premrèrç
montre avançoit fur la pendule de 58 min. 9 fec. f;
& la féconde , de 1 heure o min. 2 1 fec. ainft la
première en vingt-quatre heures , a avancé de 36 fec.y,
& la féconde , de 4 1 fec. \ ; thermomètre , 1 6 deg. \*
Le 12, ciel couvert, & pluie vers midi, même
vent : baromètre de Sillon, 28 pouces o ligne i; de
M. de Fourcroix, 28 pouces 2 lignes j; de Paris, 28
pouces 2 lignes : les hauteurs du 1 1 aufoir,. comparées
avec celles du 1 3 au matin , donnent le midi du 1 2 , à
1 1 heures 56 min. 59 fec.-f; ainfi la pendule en vingt-
quatre heures , a avancé d'un quart de féconde fur le
temps vrai, & de 9 fec. f fur le temps moyen; up
demi - quart d'heure après midi , la première montre
avançoit de 58 min. 34- fec. 7 fur la pendule, & j$
féconde, de 1 heure o min. 52 fec. }; donc en vingts
quatre heures , la première avoit avancé fur le temps
moyen, de 34 fec. j, & la. féconde, de 41 fec. f;
thermomètre, 17 deg.
Le 2 3 , aJSez beau temps tout le jour* quoique Je*
Ooij
!<)% V O Y A Ô E "
baromètres defcendiflent un peu : vent toujours vers
i'oueil : les hauteurs prifes le matin , dont les corres-
pondantes n'ont pu être prifes le foir, comparées avec
celles du 1 1 au matin , donnent à la pendule un avance*
ment de j de féconde fur le temps vrai , ou de près
de 20 fec. fur le temps moyen ; ce feroit 10 fec. en
vingt - quatre heures : un demi - quart d'heure après
midi , la première montre avançoit de 59 min. 2 fée. y,
Se la féconde , de 1 heure 1 min. 24 fec. fur la pen-
dule : elles avoient donc avancé en deux fois vingt-
quatre heures fur le temps moyen , l'une de 1 min,
,13 fec. Se l'autre de 1 min. 23 fec.
Le 14, quelque pluie le matin, pluie Se temps cou-
vert tout le foir : les baromètres ont defeendu de 3
lignes durant la nuit & continuent de defeendre : des
hauteurs prifes le matin , Se comparées à celles du
13 & du 1 1 au matin , confirmèrent que la pendule
avançoit par jour , de 1 o fec. affez précifément ; peu
après midi , la première montre avançoit fur la pen-
dule, de 59 min. 29 fec. Se la féconde de 1 heure
i min. 57 fec. l'une avoit avancé fur le temps
moyen, de 36 fec. £en vingt-quatre heures, l'autre
de 43 fec. Sept heures Se un quart après cette première
obfervation , les montres avançoient fur la pendule ,
l'une de 59 min. 36 fec. £; l'autre de 1 heure 2
min. 7 fec. ce feroit , relativement au temps moyen ,
fur le pied de 34 fec. \ , Se de 43 fec. en vingt-quatre
heures : ce même jour , au foir , J'initrument de%
i
de M. peCourtanvavx. 293
paffages & le- quart- de -cercle furent rembarques.
Le 1 5 , vent violent du fud-oueft & de l'oueft-fud-
oueft, temps fort inconitant, Soleil & pluie alternatif
vement ; le coup de vent empêche ia Frégate de
fortir du port, comme je Pavois projeté ; peu avajit
midi âc demi, les montres avancent fur la pendule,
l'une de 59 min. 56 fec. £, 1 autre de 1 heure 2 min,
29 fec. j ; ainfi en vingt-quatre heures & un tiers, la
première a avancé fur le temps moyen, de 37. fec j;
Si la féconde de 42 fec. j- : c'efl; en vingt -quatre
heures 36 fec. | pour la première, & 41 fec. -Ji
pour la féconde : thermomètre , 1 6 deg.
Le 16 , même vent, copvert le matin, pluie après
midi ; à la même heure que le 15, la première montre
avance de 1 heure o min. 24 fec. & la fecopde,
de 1 heure 3- min. o fec. j fur la pendule; fi le mou*
vement de la pendule a été unjforme , il fuit qu'en
vingt-quatre heures, la première, montre a avancé de
37 fec. i, & la féconde, de 41 fec. thermomètre,
j 5 deg. f
Le 17, même vent, fort beau le matin, puis cou-'
vert : baromètre de Paris, le matin, 27 pouces 10;
lignes \ ; le foir , 27 pouces 8 lignes ~ ; peu après midi *
Ja première montre avançait fur la pendule, de 1 he\ire
o min. 5 1 fec. j ; & la féconde , de 1 heure 3 min*
3 3 fec. donc fi le mpuyement de la. pendule n'a pas,
varié, en vingt- quatre Jieurej moiji$ 1 5 ou 20 rainutçs^
Ja première montre aura avancé de 37 fec, ^, & ^
Oo iij
294. Voyage
féconde, de 42 ûc.% : thermomètre, 15 degrés; ce
même jour, M. Leroy fît porter la féconde montre,
fur une civière du lieu de notre Obfervatoire jufqu'à
l'cvêché, fitué à l'extrémité de la haute ville; là elle
fut ouverte en notre préfence ; M. Leroy en expliqua
fa conftruéfciôn & les mouvemens en préfence de M,
l'Évêque de* Boulogne ; la montre fut refermée &
reportée à i'Obfervatoire ; vers le foir, je fis démonter
la pendule , elle fut rembarquée : nous comptions appa-
reiller le lendemain , le vent ne le permit pas.
Le 18, vent oueft, petit -frais, beau temps tout
le jour : baromètre de Paris , matin & foir , 27 pouces
8 lignes j; à midi £, la féconde montre avançoit de
2 min. 50 fec. £ fur la première ; thermomètre ,
»
Le 19, même vent ; baromètre , 27 pouces 8
lignes \ le matin, le foir 27 pouces 8 lignes £, beau
tout le jour ; à 8 heures { du matin , la différence dei
montres, eft de 2* min. 54. fec. f; thermomètre,
14 deg. le baromètre, tranfporté de la haute ville fur
la Frégate monte de deux lignes, & bai (Te d'autant
* «
forfqu'il feft reporté dans la haute ville , chez M.,,e4
Dèioteufc ; par rapport au lieu de notre Obfervatoire,
fa différence n'étoït que d'une ligne deux tiers.
Le <lo, pluife le matin , puis ciel couvert, vent fod-
oueft; baromètre, à 11 heures du matin, 27 pouces
7 Kgnes^Và ^Heures du foir, 27 pouoes 7 lignes: à
it -heures, 2^ polices 7 lignes £; peu après fi heure»
DE M. DE COURTANVAUX. 29$
du matins la féconde montre avance fur ia première
de 3 min. 1 fec; thermomètre, 14. deg.
Le 2-1, beau temps, vent nord -oueft;* baromètre >
à 9 heures du matin* 27 pouces 10 lignes: à 1 1 heures
du foir, 27 pouces 1 1 lignes %: à .11 heures £ du
matin, différence des montres, 3 min. 7 fec. î; ther-
momètre., 14. deg. Ce même jour, les deux montres
furent reportées à bord. '..,'..•
Le 22, beau le matin, enfuiteL pluie cçntmuç, vent
ouefl & fud-oued; baromètre le matin, 28 pouce*
o deg. tô. À 8 heures du foir, 27 pouces 10 lignes i:
vers 11 heures 7 du matin, la féconde mçntre avance
de 3 min. 11 fec. i fur ta première. . , , : î
. Le 23, pluie & coup de vent le matin, beau 1$
foir, vent du fud-oueft au nord-queft;. baromètre*
de 27 pouces i o lignes, descend à 27 pouces 9 {ignés 7 ,
& remonte à 27 pouces 10 lignes -j- :« peu avant midi,
différence des montres, 3 min. 1 5 fec. £.
Le 24, beau temps, vent fud-ouefl& ouefl. A rq
freures du matin , baromètre , 27 pouces 1 1 lignes •£:
& 10 heures du foir, 28 pouces 1 lignie; vers midi,
différence des montres, 2 min. iafec. ;£; le fojr>
aveic . J 'agrément de M. de Surtaville, Commandant
ii Boulogne, je fis annoncer la fête .de notre ftoj
Bien -aimé, par fept coups de canon, .
Lie 25 > pareille fajye./îut faite à 5 heuuej dut matin,
|i midi 6ç à 7 heures 4^,(9^;; je c#éi>rai d'diNeur»
ia fête chez M. de Surlayiile, avec te* Chevaliers
2g6 Voyage
de Saint-Louis, qui font à Boulogne en affez grand
nombre: beau temps, vent variable du nord - oueft au
fud-oueft. Baromètre, 28 pouces 1 ligne £ à 1 1 heures
du matin; à 1 1 heures du foir, 27 pouces 3 lignes:
vers midi, différence des montres, 3 min. 23 fec. f
Le 26, vent très-foible du fud-eft, puis de Toueft
Sl du nord-oueft, beau temps. Baromètre, à 10 heures
du matin, 28 pouces 3 lignes ~; leibir, 28 pouces
3 lignes |; vers 1 heure du foir, la féconde montre
avance fur la première de 3 min. 28 fec. f : on nous
aflfure qu'au large, le vent eft Eft & nord-eft.
Le 27 enfin, nous partons .vers midi & demi,
beau temps, vent nord-oueft dans le port, puis nord,
nord-eft 6c eft V peu après midi, la différence des
montres eft de j min. 32 fec. \.
Latitude « Nous avons fait auffï quelques obfervations , pour
Boulogne déterminer la tatitudè de Boulogne; le 9 Août, la
hauteur apparente du bord fupérieiir du Soleil fut
obfervée de 5 j deg. 26 min. 57 fec. il fuit que la
latitude de notre Obfervatoire étoit de 50 deg. 43 min.
20 fec. Lé lendemain , cette même hauteur fut de
55 deg. 9 Tnin. 34 fec. f : donc latitude de TObferva-
toire, 50 deg. 43 min. 18 fec. En pfenant un milieu
entre ces deux obfervations , la maifon de M, Coillot
à Boulogne, (huée fort près du port, fera par 50 deg.
43 min. 19 fec. de latitude boréale: le clocher deia
cathédrale peut être d'environ 20 fec. plus méridional
que cette maifon»
Le
T>Ê M. DE COURTANVAUX. Mtf
Le 9 du mois d'Août , par cinq relèvemens que nous D&Rnaifon
fîmes du centre du Soleil avec la bouffole , nous trou- 2LmSc-
vames que l'aiguille déclinoit de 17 deg. 26 min. du
nord à l'oueft*
Si Boulogne efl la même ville que celle que les Antiquités
Romains nommaient Geffbriacum, ou fi ces deux villes Boulogne.
étoient féparées Tune de l'autre par la rivière de Liane , Tour d'ordre*
fi le Partus Iccius où Céfar s'embarqua pour palier
dans la Grande-Bretagne , ne diffère pas du port de
Boulogne, ce font deux queftions fort controverfées;
heureufement leur décifion intéreffe peu la tranquillité
<Ie l'Etat. Il eft au moins certain que Boulogne étoit
une ville bien connue dès le temps d'Augufte: l'Em-
pereur Caïus Caligula fit bâtir fur une montagne voifine
une tour qui commandoit l'entrée du port, c'étoit en
même temps un farc, d'où un fanal allumé toutes les
nuits, dirigeoit les Navires qui vouloient entrer dans le
port; cette féconde defti nation lui fit donner le nom
de turris ardens , ou tour ardente : on la trouve enfuite
nommée par corruption, turris ordans , & de cette
dernière expreffion , on l'a appelée en franc ois , tour
d ordre; cette tour étoit de forme o<5togone, chaque
côté ayant environ 27 pieds de longueur, elle étoit
comme compofée de divers étages, lefquels diminuant
de diamètre à mefure qu'ils s'élevoient , donnoient à
la tour une figure pyramidale; la maçonnerie, diver-
fifiée dans fes couleurs, formoit un afpeâ agréable:
fur trois affifesde pierres de couleur de fer, telles qu'on
.pP
î$8 V o r a û £ * "
en trouve abondamment dans te pays, étoient pofees
deux autres aflifes dé pierre jaunâtre, & celtes - ci fôu-
tenoïent deux rangs de briques fort rouges , de deux
pouces d'épaifleur fur un bon pied de long & &
demi-piéd aîi moins de large; dette alternative d'af-
fifès étoit exécutée depuis te pted dé la tbôr juf^u'e»
haut. La tour d'ordre fubfiftoit encore en entier an
xvi.e fiècle ; Henri VIII, roi d'Angleterre, s'empara
tïe Boulogne en i 5*44. : ce p'rince fit fortifier la four,
en élevant autour quatre bons 'battions revetos de
pierre; le* Bdulonois ayant depuis ouvert des carrières
îlans le roc qui fôùtenoit ce terrain , Sl les eaux de la
mer dyant achevé de le miner, là tour & le fort écrou-
lèrent le 29 de Janvier 1644 en plein midi: oft voit
cependant encore des reftes de l'un & de i'auffe, &
des vertiges de la tour, il eft facile de conclure
que ce n'étoit point un des moindres ouvrages des
(Romains dans les Gaules: on voit de plus eritrela
*our d'ordre & la baffe ville quelques ruines d'un autre
Tort qu'Henri VIII avoit auffi fait contraire fous le
nom dé fort rôuge.
Ville haute Boulogne eft cortipofée de deux villes bien diftirnîtes;
« d* -la haute ville eft fur le haut d'une colline dominée,
Boulogne. ^
mais à une certaine diftance, par des montagnes affez
'élevées : cette partie de la ville eft beaucoup pte
ancienne que l'autre, elle étoit la feule <Iu temps dts
:Romains & des comtes de Boulogne , mais elle étoit
-alors beaucoup plus étendue qu'elle ne reft aujourd'hui,
DE M. DE C$UftTAJ4VAUX. 299
ç\\o a été plufieurs fors détruite & rebâtie enfin telle
qu'elle eft maintenant, lorsqu'elle fut rçftituée à la
France par Édoua?d VI , fils & fucceffeur d'Henri VIII :
la plus grande partie des fortifications a cependant été
démolie, elle n'cft maintenant entourée que d'un mur
& d'un rempart qui forme une promenade agréable,
tin grand nombre de tourelles fubfi fient encore tout le
long de {'ençeintç; cette enceinte a la forme d'un
carré long de cent quatre-vingts toifes environ de lon-
gueur de l'eft 9 l'oued, fur cent quarante de large.
A la pointe la plus orientale, eft le château bâti en
IZ51 par Philippe de France, comte de Bpulogne,
fils 4? Philippe- Augufte, il eft environné d'un bon
fofîe; l'Évéque, les Chanoines, les Officiers, tant
militaires que ceux de la ville, & prefque toute la
Nobleffe de Boulogne demeurent dans la haute ville:
on y compte trente mgifons de bonne Nobleffe, I3
fociété y eft cjiarfn^nte, nous levons éprouvé de I3
part de M. de Surlaville, Maréchal-de-camp, Corn-;
mandant 9 Boulogne; de Af. de Pern & 4e M, de
Jt qc qui gni fpn gçndre, iffus l'un 4e l'autre d'anciennes
maifons de la province ; de M. le Major de la place ,
dç AL 'e Dauphin 4'HaIinghen , Préfident au Préfidial
de la ville & de plufieurs autres : on compte environ
quatre cents nrçifons dans la ville haute de Boulogne ;
çn fort par deyxpprtes, l'une conduit ^ pf lais, l'autre
9 1g b^fle vijle.
1# ville b$e /i'e# #pajé$ dç ja haute que par une
Ppij
joo Voyage
l* ville defeente de cent pas environ de longueur hors de h
yille; d'ailleurs on commence à defeendre avant que
de fortir de la ville haute, & on n'a pas encore atteint
Je bas de la montagne , lorfqu'on entre dans, la ville
baffe. Nous avons vu plus haut que le mercure dans le
baromètre fe foutient à la haute ville deux lignes pré-
cifes plus haut qu'au port; ainfi la haute ville doit être
élevée d'environ- 20 toifes au -deffus du niveau de la
mer.
La ville baffe eft très-moderne, elle n'exiftoit pas
en* 1544, lorfque les Anglois prirent Boulogne, elle
n'eft pas même entourée de muraille*; mais elle eft
bien plus grande, plus peuplée & plus commerçante
que la ville haute; elle s'étend le long de la Liane
Fefpace de plus de trois cents toifes, elle a prefque la
forme d'un triangle équi latéral , dont un fommfet feroit
placé près de la viHe haute: elle eft bien percée, les
maifons font bâties de pierres de taille, elles n'ont
qu'un étage, outre le rez-de-chauffée, on en compta
environ douze cents; il y a autour de fept mille cinq
cents habitans dans les deux villes , cinq mille & plus
dans la ville baffe r le refte dans la haute.
ÉgRfe L'églife cathédrale, dédiée fous le nom de Notre-
cattèdraie. Dame & fituée dans la ville haute,, eft fort belle; la
table du grand-autel, les baluftrades qui l'environnent,
Si le pavé du fanétuaire font de marbre, le jubé eft
auffi fou tenu fur des colonnes de marbre , dont le trop
grand nombre occafionnê . quelque confufion , le
DE M. DE COUHTA#VAUX. 301
clocher eft ridiculement petit; on voit dans cette églife
une ftatue d'argent de la Sainte- Vierge , portée dans
un vai fléau de même métal: les Boulonois ont une
extrême vénération pour cette image, qu'ils tiennent
pour fort ancienne, & à laquelle ils attribuent un grand
nombre de miracles , dont quelques - uns au moin»
paroiflent aflez autorifés; le Chapitre eft compofé de
vingt-deux Chanoines, y compris les dignités: près
de l'églife eft l'Évêché , il eft bien bâti , mais meublé
avec la plus grande (implicite; M. de Partz de Preffyr
Évêque de Boulogne, regarde fon revenu comme étant
celui des pauvres , fa piété eft tendre & point affe&ée, il
mène une vie frmple & retirée, fe principale vertu eft
une charité vive, compatiflan te r & efficace pour ceux
qui font dans le befoin; cela ne l'empêche pas de fe
livrer quelquefois à la fociété , il nous donna un repas
que je pourrais appeler fplvdide ; mais les plats ne
font deffervis de deffus. fâ table que pour être portés à
l'hôpitat
Il n'y a que deux paroi iTes dans Boulogne , une Autre*
dans chaque ville; celle de la ville haute porte le nom
de Saint- Jofeph-, ce n'eft qu'une chapelle de Péglife
cathédrale : la paroiffe de la ville baffe a Saint Nicolas
pour titulaire ; il y a de plus dans la ville haute un
collège occupé par les Pères de l'Oratoire > un Cour
vent de virtgt Annonciades, & un autre Couvent
d'Urfulines, au nombre d'environ foixante , outre cent
penfionnaireSv
Pp iij.
302 Voyage
Dans la ville baffe, il y a des Cordeliers, des Capu-
cins Se des Minimes , le Séminaire dirigé par M." de
la Congrégation de la Million , vulgairement appelés
de Séant Laiare, l'hôpital général , dont l'églife eft
fous l'invocation de Saint Louis, & une école pour
l'inftruétion de la jeuneffe, fous la direction de fix
Frères, dits de la Charité chrétienne , ou de Saint -Yon.
Places , H y a deux places principales dans la ville haute , le
marches, xîi2xz\\t s y tient tous les mercredi & les famedi de
environs. J
chaque femaine ; la grande place de la ville baffe fe
nomme les Carreaux, elle eft plus grande & plus régu-
lière que celles de 1 autre ville : nous avons déjà parlé
des remparts de la ville haute; hors de l'enceinte, il y
a des avenues & des chemins bordés d'arbres qui
peuvent fervir de promenades; en général, tout le ter-
rein qui environne Boulogne eft extrêmement inégal»
il eft d ailleurs bien cultivé, & pour peu qu'on (bit
élevé, on jouit d'une vue gracieufe & variée qui vaut
bien toutes les vues uniformes de la Hollande : il y 4
quelques maifons de campagne, entretenues fans doute
avec moins de propreté & d affection, mais avec
plus de goût que celles que nous avions admirées 1*
long du Vecht & de fAmftel.
Le Port. La Liane forme par fon embouchure le poit dft
Boulogne, c'eft plutôt un ruiffeau qu'poe rivière, elle
coule dans une vallée affez large; le port rfevojt être
affez confidérable , lorfque la Liane occupoit toute
cette vallée ; alors , non - feulement la vdk fcjffe
de M. de Courra uvaux. 503
h'exîftoit pas, mais le terrem même qu'elle occupe
étoit , dit-on, enfévdi fous les eaux, ce qui paroîl très-
vraifèmbiable : en l'état où font maintenant les chofes,
le port n'eft prefque rien , on pourrait probablement le
rendre pins profond & par conféquent meilleur; on
me montra des projets drefies à cet -effet , Se qui me
parurent appuyés fiir des raifonaeraerts affez plaufibles ;
mais quelque réparation qu'on y faffe , on ne le mettra
jamais en état d'être compté au nombre des principaux
iporis de France : la rade eft à raie portée de canon an
fud-oueli de la tour d'ordre, les Vaiffeaux y attendent
4e flot pour entrer dans ie port; cette rade n'eft pas à
i abri , ce qu'on en peut dire de mieux,, c'eft que le
^mouillage , fans être excellent* y cil affez bon : il y a
Ame autre rade au nord de celle-ci,, un peu en deçà du
^Cap Gris-oez, vis-à-vis du port d'Ambleteufe; on la
:nomme rade Je Saint Jean, elle a aufli le défaut de
«n'être-abriée que du coté de Teft.
Boulogne eft Ile chef-lieu d'un Gouvernement miii- Prérogatives
itaire qui peut avoir dix lieues * de long fur fix 4e Boulogne
large ; il y a une iSénéchatiffée, un Bailliage prevôtal,
Ame Amirauté, une Mastrife des eaux & forêts, une
Juridiction des Traites, &c. il n'y a point de garnifon , la
^ille fe garde elle-même., & s'efttou/ours .bien gardée;
ie fuccès de Henri VJJI, en 154.4, ne doit point
être imputé à la ville, mais aii gouverneur Vervins ,
* J'emploie toujours des lieues de 20 au degrrf ; Iorfque j*'
n'avertis pas du 'contraire,
I
304 Vota g e
celui-ci ayant capitulé contre lavis des bourgeois qui
fe fentoient encore affez de force pour tenir quelque
temps/ & pour donner au Dauphin le temps de les
fecourir : Vervins eut depuis la tête tranchée*
Tapiflcries Entre les objets qu'on a offerts à notre curiofité
PaPlcrs- £ Boulogne Si aux environs , nous a^ons remarqué
Planchette. cjîez un Anglois des deftins Si des moules de toiles
peintes & de tapifleries de papier ; les moules font, les
uns de bois, les autres de cuivre, tous travaillés avec
beaucoup de délicatefle; fi cette manufacture étoit
établie , on peut dire qu'on auroit de très-belles tapif-
feries à bon marché: ici, le papier imite un lambris
travaillé Si orné de moulures faiiiantes, de manière
que l'œil y eft comme jléccffairement trompé; là, des
payfages offrent une perfpe43;ive agréable Si variée,
d'autres moules repréfentent des fleurs, Sec. Nous
vîmes auffi chez cet Anglois une planchette de fon
invention , elle eft encadrée dans un cha/fis de bois ,
une règle eft fixée dans les codifies des deux côtés du
chaflis; lorfqu'on a tiré une. ligne fur le papier qui
couvre la planchette , on donne un léger coup de pied
fur un reflbrt de bois qui eft à terre, la planchette avance
d'une dixième partie de ligne , plus ou moins parallèle-
ment à elle-même, Si l'on tire une féconde ligne; de
cette manière, on tire autant de lignes parallèles que
l'on veut , Si très-près les unes des autres : Je reffort
qui eft à terre, communique par une corde au côté
antérieur du chaflis, où fans doute il y a quelque
rouage
DE M. DE COUTtTÀNVAUX. 30 J
rouage qu'on monte lorfqu'on veut fe fervïr de cet
infiniment.
Le fieur Aubert , Organrfte de la cathédrale , qui Chvecla
doit tout ce qu'il fait à la feule Nature, n'ayant jamais
eu ni maître ni principes f nous montra un clavelTin
vertical -de fa façon; ce claveflin fermé feroit pris v
pour une armoire: il y a à cet infiniment une difiinétion
de piano & de forte , qu'on fait aller avec le pied 4
cette diftinétion ne paroîtroit pas nouvelle à Paris; le
clavelTin doit être accompagné d'un orgue dans le
même buffet, de ma h i ère qu'il fera pofîibie ou de
féparer l'orgue* du clavelTin, ou de faire entendre l'un
& l'autre en même temps ; lorfque te clavelTin ira vfeuf
les regiftres de l'orgue n'apporteront aucune réfiftance
au mouvement des touches , ils en feront entièrement
féparées : l'orgue aura deux jeux., & le tout s'exécutera
fur un feul clavier ; Pouvrage étoit déjk fort avancé.
La mer du côté de Calais & »de Boulogne, eft Phofphor*
très-abondante en phofphores ; nous avions déjà remar-
qué que ces phofphores n'abondaient pas également
par -tout : en traverfant quelque partie de mer en
canot., chaque coup de -rame fak quelquefois paroître
une infinité de phofphores ; deux toifes au - delà il
n'en paroît pas un feul ; à quelque diftance plus loin
ils reparoifTent : quelle eftJa nature de ces phofphores î
font -ce des animalcules! «ft-ce du frai de poiffon,
comme le prétendent plufieurs ! ou dira-t-on que c'efl
quelqu'autre efpèce de fubfiancel peut-être la nature
• Qq
aquatiques.
N
306 Voyage
de ces phofphores n'efl-elle pas par- tout la même :
M. Rigaud , que nous avions déjà vu à Calais, voulut
nous convaincre que ceux de la Manche font de véri-
tables animaux. Un microfcope devoit opérer en nous
cette perfuafion , mai* l'expérience avec le microfcope
eft difficile à faire , H n'eft pas aifé de fâifir ces efpèces
d'atomes pour les placer fur le porte-objet ; nous ne
pûmes y réuffir : nous découvrîmes bien des animal-
cules, qui même nous parurent avoir ou de petites
pattes ou de petites nageoires ; mais M. Rigaud convint
que ces animaux n'étoient pas ceux qu'il voûtait nous
faire obferver : au défaut de cette expérience, il en
fit une autre; il fit mettre fur une table un verre d'eau
de mer, bien entendu que toutes ces expériences fe
faifoient dans la plus grande obfcurité; en remuant
l'eau , les phofphores paroiffoient & difparoiffoîent
auiïitôt. M* Rigaud, verfa une cuillerée de vinaigre;
les phofphores reparurent , s'agitèrent beaucoup , s'é-
teignirent quelques minutes après; on eut beau remuer
enfuite le gobelet , il ne reparut aucune lumière : cette
expérience s'explique très -bien félon M. Rigaud, en
difant que ces phofphores font des animaux , que le
vinaigre & les autres acides leur font mortels, & qu'ils
cefTent d'être phofphores en ceflant de vivre,
Madufes. On trouve au port de Boulogne & aux environs,
une grande quantité de vers de mer, que les habitans
du pays nomment madufes : c'eft comme un boyau
rempli d'eau , de couleur ordinairement noire , quel-
DE M. DE ÙOURTANVAUX. 307
quefois jaune - clair ^ de la longueur de trois ou quatre
pouces , fur quatre à cinq lignes de diamètre : ce ver
s'attache au bois Sl le perce même par une de fes
extrémités pour y loger apparemment cette partie , <Jc
s'en fervir peut-être comme d'un point d'appui pour
donner plus de force à fon corps ; fouvent cinq ou fix
maclufes s'unifTent par cette partie, de manière à
paroître ne former qu'un feui animai , & toutes n'en font
pas unies moins fortement au bois : l'autre extrémité
de la maclufe., eft renfermée dans deux coquilles de
couleur blanche tirant fur le gris , & aflez fembiables
à celles des moules : elle ouvre {es coquilles & en fait
fortir comme une antenne frange Se frifée ; elle alonge
<ette antenne & la roule alternativement ; on afiure
que c'eftavec cette partie que la maclufe (ai fit fa proie.
Je ne vis ces animaux que lorfque j'étois fur le point
de quitter Boulogne , je <i'eus pas le temps de faire
.d'autres expériences.
Entre les lieux que j'ai vus aux environs de Bou- Hardîngbau
logne , je ne dois pas oublier la verrerie & les mines
«d'Hardinghen. M. le vicomte des À ndroins nous en-
gagea à l'aller "voir à Hardinghen :j>our levertnéme tout
obftacle , il nous envoya fes carroffes ; on compte
cinq lieues d'Hardinghen à Boulogne. La matfon de
M. des Androins , pourroit pafTér pour celle d'un
Prince ; elle eftfifuée à l'extrémité d'une 'belle plaine,
bâtie à neuf «le pierre, de marbre* de Briqtié, êc fort
foliment 4*ftribuée ; 4a cour d^entrée eft grande, ornée
Qqij
3a8 Voyage
de grilles., cfe flatues & de bornes ; le jardin eil vafte,
mais prefque fans ombre : la verrerie eft très -bien
entretenue , elle eft compofée de deux fourneaux ; on y
fond principalement des bouteilles, M. des An dr oins
a trois Vaifleaux , qui ne font occupés qu'à les trans-
porter à Bordeaux , à la Rochelle & ailleurs : il y a des
mines de houille dans le voifinage & fur le fonds même
de M. des Androins: ce charbon nefe confcrvepas,
# en cela il eft fort inférieur à celui des mines d'Ar~
tois ; mais on peut le confommer fur le lieu, & c'eft
ce qui a donné naiffance à la verrerie , établie par un
.Oncle de M. des Androins, gentilhomme retiré du
fervice : en creufant la terre on parvient à des lits de
roche qu'il faut percer:. on trouve au-deiïous un lit
de terre glaife qui fembleroit tendre à f e convertir en
ardoife ; lorfque Ton trouve ce lit f on peut être adoré
qu'il y a au-deiïbus une veine de charbon : dans cette
terre glaife , on rencontre une affez grande quantité
de pierres faites en coeur, rendant du feu fous l'acier,
quoique leur confiftance intérieure foit prefque auffi
molle que la terre glaife dont on les tire, & qu'elles
paroi fient être de même fubftance : ces mines ont cent
à cent vingt toifes de profondeur.
Dé art Nous partîmes de Boulogne , comme je l'ai dit , le
de Boulogne. 27 Août vers midi & demi, à l'aide d'une Flotte de
Amvéc canots qui nous remorqua hors du port : nous trouvâmes
au large un vent favorable de nord - eft , qui tourna
«nfuite à Teft & enfin, au fud-eft , beau temps & belle
DE M. DE COURTANVAUX. 309
mer , la Lune-difparoiflant de deffiis l'horizon une
demi-heure après le Soleil , nous ne pûmes faire ufage
du mégamètre; le vent molirt vers le foin Le 28 à 5
heures du matin , nous étions parle travers de Fécamp,
une heure après , nous doublâmes le cap d'Antifer ; vers
7 heures & demie furvint un calme qui ne dura pas;
une petite fraîcheur de l'eft noua ht doubler le cap de
la Hève , & deux bordées nous conduisirent entre les
Jetées du Havre où nous arrivâmes . vers n .heures
du matin ; dès le jour même je fis tranfporter nos
inftrumens au même lieu qui nous avoit fervi d'obfer*
vatoire ayant notre départ : tandis que V Aurore défarmoit
nous fîmes les obfervations fuivantes pour terminer
l'examen dès montres de M; Leroy.
Le 28 Août, vers 1 1 heures £ du matin, la féconde
montre marine avançoit fur la première de 3 minutes
35 fécondes.
Le 29, par vingt -deux obfervatrons de la hauteur
au Soleil faites vers 7 heures \ du matin , & leurs
cbrrefpondantes faites le foir, midi vrai à 11 heures
yj min. 37 fec. 77.
La première montre, un, demi-quart d'heure après midi , avançoit
fur la pendule de « 1 h 1 o' j a*
Sur le temps vrai , de ♦..«....*... . * . 1 . 8# %$ 75%
tm
Sur le temps moyen , de . , . • ........ 1 . 7* 47 7ï*
1* 1 1 Août elle avançoit, à la même heure» fur le .
temps moyen, de. o. jo. ipzi*
0. <i ")
310 V O Y A G E
Elle a donc avancé , en dix-huit jours , de • • , • « , o* ty9 2$* j*
Elle a dû avancer , pour la différence, des méridie ns ,
de.» . .. ....... o 6, 3.
Donc avancement réel de . . . . . ...... on. x j £.
Sur le pied de 37" J par jour, elle a dû avancer
de. . . on. 8 J.
Erreur de. . + o 17 |.
Ou en comptant le tout depuis Amfterdam, cette
première montre avançoit le 1 5 Juillet , fur le
temps vrai, de. . ...... o 25. ai £,
Et par confisquent furie temps moyen de . * . . . . o ip. 58 «£•
Le 29 Août y au Havre 9 elle avançoit de j . 7. 47 £.
Donc en quarante-cinq jours eUe a avancé de . • . o 47. 49 £.
Pour la différence des méridiens, elle a dû avancer
de • • , ..... . ... . ,~* . . . ....... o 19. 8.
II refte d'avancement réel en quarante-cinq jours... o 28. 41 J.
A raifon de 3 7* j par jour , elle a dû avancer de . . • o 27. j o £•
Erreur de. . . . . . . . . . . + o Ji.
La féconde montre avançoit fur la pendule , le 29
Août, un demi- quart d'heure après midi, de 1. 14. 30.
Sur le temps vrai , de ....,..*.......,... „. i. 12. 7 tï
• Sur le temps moyen, de. . . • 1. n. aj £•
Le 1 1 Août, à Boulogne, elle avançoit de. ... . . o j2. 30 j.
Elle a avancé , en dix - huit jours , de. ••••••• • o 18. 55.
Différence des méridiens. . .;..;.*....•.*... o 6. 3.
Avancement réel, en* dix-huit purs , de o 1 a. j 2.
A raifon de 41* f par jour, elle z dû avancer de... o 1 2. 33.
Erreur de. . . '. . #. ..■......'. •, •. . •. •.'•"... \ ... . 4. o 1 q,
«Ou en comptant depuis A mlferdam, la féconde
- <roontre àvançolr le 1 j Juiller , fiit l€ temps vriri ) • .
£>£ M. DE COU RTANVAVX. 31!
de * o* 26' 3'
Et par confëquent fur le temps moyen de ..... . o 20. 39 }•
Le 29 Août, au Havre, elle avançoit de 1 • 11. 2 5 •£•
Donc en quarante - cinq jours elle a avancé de . . . o j o. 46.
Différence des méridiens o 19. 8.
Avancement réel, en quarante - cinq jours, de. . • o 31.38.
A raifon de 41" | par jour, elle a dû avancer dc~.. o 31. 22^.
Erreur en quarante- cinq jours. + o 157.
Quatre heur. 10 min. avant la comparaifon faite vers
midi, la première montre avançoit fur la pendule de
1 heur. 10 min. 45 fec. \ ou 46 fec. & la féconde de
1 heur. 14 min. 23 fec. Quatre heur. Câpres la même
comparaifon de midi , la première avançoit de 1 heur.
10 min. j.8 fec. { , & la féconde de 1 heur. 14 min.
37 fec. Le ciel fut ferein prefque tout le jour; il
éclairoit le foir de la partie du fud-oueft.
H plut la nuit , avec tonnerre ; la pluie continua le
matin du 30* le ciel cependant s'éclaircit enfuite, &
vingt -quatre hauteurs du Soleil, prifes le matin vers
8 heures , & comparées avec leurs correfpondantes du
foir nous donnèrent le midi du 30 Août à 1 1 heur.
57 min. 25 fec. j de la pendule, laquelle en confé-
quence avoit avancé en vingt -quatre heures de 5 fec. ~
fur le temps moyen. À midi ~ la première montre
avançoit de 1 heur. 1 1 min. jo fec. fur la pendule, &
par conféquent en vingt-quatre heures trois huitièmes
elle avoit avancé fur la pendule de 38 fec. & fur le
temps moyen de 43 fec. ^ : ce feroit fur le pied de
3ia Voyage
4.2, fec. ~ ou au moins 42 fec. 26 tier. en vingt-quatre
heures.
A la même heure la féconde montre avançoit fur la
pendule de i heur, i j min, 9 fec. ainfi en vingt-quatre
heures trois huitièmes elle avoit. avancé fur la pendule
de 39 fec. & de 44 fec. ~ fur .le temps moyen;
c?étoitfur le pied de 43 fec. — en vingt-quatre heures. .
, Quatre heures | avant la. comparaifon des montres,
faite à midi j, la première montre avançoit de 1 heur.
11 min. 23 fec. fur la pendule , & la féconde de 1 heur.
1 j min. 2 fec. Trois heures i après la comparaifon de
midi j, l'avancement de la première montre étoit de
1 heur. 1 1 min. 35 fec. j-, & celui de la féconde de
1 heur. 15 niin. 15 fec. c'ëtoit.à midi 7 que les montres
avoient été remontées ; le 29 elles l'a voient été un
demi -quart d'heure après midi.
Après ces opérations du 30, M. Leroy ouvrit {es
montres en notre préfence , & nous en expliqua la
conftru&ion ; la mécanique nous en parut fort (impie,
8c d'une exécution très - facile : nous nous convain-
quîmes par nos yeux qu'elles n'avoient fouffert aucune
avarie pendant le voyage, & que les thermomètres
n'en étoient pas dérangés. Ayant enfuite reconnu par
le calcul des observations de ce même jour, que la
première montre avoit eu une accélération que nous
n'avions pas prévue, nous aurions voulu nous en affurer
par une fuite d'obfervations continuée durant quelques
jours; mais il n'étoit plus temps, Je mouvement des
montres
DE M. BX GOtrUTAtiVAUX. Jiy
AtoMres «roit été interrompu, on y avoit touché.
Nous repartîmes donc 4e lendemain 3 1 Août pour
Paris, & nous y arrivâmes heureufement le 1." de
Septembre.
>*
CHAPITRE XIV.
Récapitulât ian de ce qui concerne les montres marines
' de M. Leroy , à* conclufion de l * ouvrage.
LE mouvement de la première montre n'a point été
uniforme jufqu'à Amfterdam , il a reçu des degrés
confécutifs d'accélération : au Havre , avant notre
départ, cette montre avançoit par jour de 27 fec. j-;
à Amfterdam, fon avancement journalier étoit de
'37 fec. |. Si nous avions voulu régler la longitude
d* Amfterdam fur le mouvement de cette montre ?
nous aurions raifonné ainfi :
JLe 1 8 Mai, la montre avançoit au Havre, fur le temps moyen,
<fc 7 }9"
Le 1 j Juillet elle avançoit à Amfterdam de ip. j 8.
Donc en cinquante-huit jours elle a avancé de . 11. j p.
A raiïbn de 27" } par jour elle auroit dû avancer de. • . 2.6. 2 5 f.
Donc différence des méridiens .......... • 14. 26 f.
Mais cette différence devoit être de 19. 8.
Erreur en cinquante - huit jours de. ............. 4. 41 f.
Cette erreur en cinquante-huit jours , ou plutôt en
cinquante-deux jours, en ne comptant que du 24 Mai,
. Rr
V
3î4 V o y a g- e " • -
jour auquel nous avons fait nos dernières obfervations
au Havre , eft beaucoup moins confidérable que celles
qui fe commettent très-fréquemment dans Teftime de la
longitude du Vaiffeau : il faut avouer cependant qu'une
montre fujette à des erreurs femblables , ne fatisfcroit
pas les defirs des Navigateurs : nous avons vu que
M. Leroy attribuoit cette accélération à un accident
arrivé k la montre fur le chemin de Paris au Havre,
âc qu'il foutenoitconftamment qu'elle auroit un terme:
il paroît en effet que ce que M. Leroy avoit prévu a
eu lieu : nous avons trouvé que l'accélération jour-
nalière de la première montre étoit à Amfterdam , de
37 fec. | : en partant de ce nouveau terme , nous trou-
vons que la montre s'eft affez bien foutenue le refte
du yoyage. En arrivant au Havre, ii fe trouve qu'en
quarante -cinq jours, ou fi Ton veut ne compter que
.depuis le zp Juillet, en quarante jours de temps,
Terreur delà montre n'a été que de ji fec. de temps,
ou de 12 min. 4.5 fec, de degré, ce qui fous l'Equa-
teur même ne produirait que Terreur de quatre lieues i;
le mouvement paroît avoir été affez unifprme, le$
inégalités certaines qu'on a pu y remarquer, n'ayant
guère écarté Ja montre de fon mouvement moyen , que
d'une féconde ou une féconde & demie, foit dans un
fçns , foit dans l'autre : il en faut cependant excepte?
jes vingt-quatre heqre? , depuis le 29 Août à midi ,
jufqu a pareille heure du 30 ; l'accélération de la montre
étant ijiontée ce jour-là à 5 fécondes j au-delà de
fon moyen mouvement.
DE Aï. DE CûURTANVAUX. 315.
: Le mouvement de la féconde montre, a été bien
J>lus uniforme que celui de la première, M. Leroy
a trop tardé de la remettre entre nos mains ; il remar-
quoit des inégalités , quoiqu'affez légères efttre les
deux montres ; & fe croyant affuré de l'exa&itude de
la première, il rejetoit ces inégalités fur la féconde;
le fondement de fa confiance en fa première montre
étoit légitime , c'étoit l'expérience : cette première
montre avoit été long-temps entre les mains des Corn-
mrflaires de l'Académie , on n y avoit remarqué aucun
dérangement : l'ajccident arrivé fur le chemin du
Havre , n'avoit pas fans doute paru à M, Leroy , ca-
pable de produire les effets que nous avons obfervés :
depuis que nous avons eu les deux montres entre les
mains , nous avons pareillement remarqué quelques
inégalités entre leurs mouvemens ; l'accélération de la
féconde fur la première , n'étoit quelquefois que d'une
s .
ou deux fécondes ; quelquefois elle alloit , jufqu'à
cinq & fix : on a dû fe convaincre par le détail de
nos opérations, que la fource de ces inégalités étoit
plutôt dans la première montre que dans la féconde :
cette féconde montre ne nous auroit trompés que
de 1 5 fec. ~ fur la latitude du Havre * ce qui ne feroit
pas une lieue & un tiers, même fous l'Equateur : &
cette légère erreur ne peut être regardée comme la
fomme à! erreur fenfiblemcnt plus grandes , qui feferoient
réciproquement détruites ; la comparaifon des deux
montres, & les obfervations faites dans les lieux de
Rrij
jtS V é y A c m,- ère. :
relâché ne permettent pas de le penfer. 11 y a tout lieu
de croire que la féconde montre a confervé i'ifochro-
nifme fcnfible de fon mouvement , non - feulement
depuis les premières obfervations que nous avons faites
à Amfterdam , mais même depuis qu'elle rut remife
entre nos mains le 5 Juillet : voyez ce que nous ayons
dit fur ce fujei, page 227.
Je crois donc pouvoir conclure de nos expériences;
que la montre , fur la route du Havre à Amfterdam ,
a fubi des accélérations un peu trop confidérables ;
que durant le retour elle s'eft foutenue beaucoup
mieux ; que depuis que la féconde montre nous a été
remife , nous l'avons éprouvé fenfiblement ifochrone
dans fes mouvemens; mais que le temps de cette
épreuve n'a peut -être pas été aflèz long pour nous
autorifer à prononcer définitivement fur la précifion
de cette montre.
EXPLICATION P£ LA TROISIÈME. PUNGKE,
repréfentant V Infiniment des Pàjpiges*
A. r IED de I'inflrument.
BBB. Vis pour caler le pied de I'infirument.
. C. Axe qui porte la lunette.
H. Platine fur quoi Taxe porte*
JJ. Platine dans laquelle il y a un collet pour embrafler I axe*
D. Quart-de-cercle pour mettre la hinette à la hauteur de
I'aflre que Ton veut obferver.
E. Lunette achromatique.
FF. Axe de la lunette.
GG. Poupées qui foutiennent la lunette.
On ne parle pas ici d'un niveau qui fe met fur I'infirument,
pour ne pas brouîHer h principale figure ; H s accroche fur les
deux axes, au travers defquels paffe la lunette pour mettre I'inf*
trument de niveau.
Explication dp la quatrième Planche.
Figur* t"
A A A. Plan de I'infirument*
,4
BBB. Vis pour mettre I'infirument de niveau.
Figure 2.
AAA. L'instrument vu en perfpetfiv*
CC. Portion de cercle qui porte fur le pied de I'infirument
DP. Alidade qui fe meut le long de ta portion de cercle,
fuivant le mouvement du navire.
Avis au Relieur*
La figure de la Frégate doit être placée au commencement de
% l'Ouvrage, en frôntifpiçe.
La Carte du voyage, à la fin de l'Ouvrage.
£t les autres Flanches fuivant leur cote.
FAUTES A CORRIGER.
P<*g* 7> INote, colcnne 2 , ligne 3 , Azias; /(fa, Arias,
33, En marge, la montagne; /(fa, les montagnes,
38, lignr 18, ioo; //fa, 150.
7/, 2 à0 3, Us font expo fes; //fa, elles font expofées»
7/, 77, on l'envoya; 7/fa, on louvoya*
' tf^, 2, 18 fec. f; /(fa, 18 fec. |.
v ^7> 13 a* *9> ? du Bouvier; //fa , £ du Bouvier.
££> ligne dernière*, même faute, même correétion,
Sp, Au bout de la ligne 8, après obfervatiori, au lieu de deu*
points, il dut une virgule; ir au bout de la lk ne p9 après
méridien, au lieu de la virgule, il faut deux points.
9+> ligne i8y 57 deg. //fa, 50 deg.
Ibid. ipt |t lifei, £.
Ibid. même ligne, 29 deg. /(fa* 39 degrés*
Ibid. ligne 21, p, //fa, ».
ps* s> l*y> liM> Çty'
2361 16 & ij, A^ant ces mots 9 les 7, 9 &~*I2 de ce
mors, mettei une virgule au lieu d'un poiat-
virgule; & après ces mêmes mots, mettez tm
point-virgule au lieu de la virgule.
*37> 3* « ' «kg- '(fa* 1 1 defr K
/£/</. 12, 22 fec. //fa, 22 fcc. {.
160, 2, Après les plus rians, il faut un point-virgule.
Jbid. 6, Après fans nombre , il faut une flmple virgule.
Jbid. ligne dernière, bijoux, //fa, bijou.
184, sp ir 20 % X Roterdam le 28 juin I7(f7,aufîitôt, 4c
/(fa, à Roterdam le 28 juin 1767. Auflhôt, &c.
ip /, J/i Et fur-tout ceîui , lifei, & fur-tout de cetur. * *
2?J, 17 > fifres héréditaire, il ne faut qu'une virgule.
. 2.20, p, 14 deg. I, /(fa, 14 deg. f.
230, > /, Elle eft maintenant , /(fa , elle en eft maintenant*
'2^7, 4. c^* ailleurs , Saeurdam, //fa, Saenrdam,
2/7, J2, Du chemin fur les bords, //fa, du chemin* Su*
les bords.
Pagtifp, ligné SLâ$ 14 fec. iïf*ï\ 34 fcc.
2éo9 4.9 30. 2$j Ofiit 30. ax|.
IW</. p$ a. 45) #fa* 2. 44£»
,2<f/f 2/, X xo heures, 9 deg. ou 10 min. lifei, à 1*
heures 9 ou 10 min,
Ibid. 23, Elle; iïf*l> la première montre.
/£/V, 2f, Les deux points qui font avant en vingt -quatre
heures , doivent être après.
262.1 ligne dernière , en quinze jours; Hfei, en cinq jours.
2^ji 29 En quinze jours; lifel, en cinq jours*
7^/V. 2 S, De 31 min. lifez, de 32 min*
x46è //ai ///>j# a.
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