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Full text of "Judith et Esther, mois de Marie du XIXe siècle"

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JOHN  M.  KELLY  LIBDADY 


Donated  by 
The  Redemptorists  of 
the  Toronto  Province 

from  the  Library  Collection  of 
Holy  Redeemer  Collège,  Windsor 


University  of 
St.  Michael's  Collège,  Toronto 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  20.09  witli  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.arcliive.org/details/juditlietestliermoOOgaum 


:J^"oiYRtO££M£RL/e/?/,Ry 


.  WWDsoff 


,  JUDITH  ET  ESTHER 


PROPRIÉTÉ 


CORRESPONDANTS-DKPOSITAIRES 


EN    FRANCE 


ANGERS, 

Bara5sé. 

Le  Mans, 

Le  Guiclieux. 



Laine  frères. 

r.lMOGES, 

ye  Dilhan-Viïc? 

Aisxtcv, 

Biirdet, 

Mauseilll. 

Vc  ChauHard. 

ARRAS, 

Briiiiel. 

— 

laespm. 

_ 

TlRTT. 

Metz. 

Rousseaii-Pallez. 

liESAXr.OX, 

Turbergue. 

Montpellier, 

Calss. 

Hlois,* 

Dezairs. 

— 

Séguin. 

Bordeaux, 

Chauraas. 

Mulhouse, 

Perrin. 

_ 

Cuderc. 

Nantes, 

Mazeau. 

Bourges, 

Dilhan. 

— 

Libaros. 

Brest, 

Lefournier. 

Naxcv, 

Thomas. 

Caex, 

Chenel. 

_ 

Vagner. 

Carcassoxxe, 

Gadrat. 

Orléans, 

Blanchard. 

Cbambéby, 

Perrin, 

Poitiers, 

Bonamv, 

CLERMO>T-I"d, 

Serïoingt. 

Reims, 

Raive. 

— 

Bellet. 

Rennes, 

Hauvespre. 

Dijon. 

Gairey. 

— 

Thébaull. 

Langres, 

Dailel. 

— 

Verdier. 

l.tLLE, 

Qjarré, 

Rouen, 

Kleury. 

_ 

Béghin. 

Toulouse, 

Ferrère. 

LVON, 

Briday. 

_ 

Privai. 

- 

Girard. 
Josserand. 

Touiis, 

liallier. 

A    L'ÉT 

RANGER 

Amsterdam, 

Langenhiiysen. 

Leipzig, 

DiJrr. 

Bois-le-Ddc, 

Bogaerts. 

Londres, 

Burn»  et  Oales. 

Bréda, 

Van  Vees. 

LOUVAIN, 

Peleers. 

Bruges, 

Beyaert  Defoorl. 

— 

Desbarax. 

Bruxelles, 

Goemaere. 

Madrid, 

Bailly-Baillipre. 

Dublin, 

Dowhng. 

— 

Tejido. 

Fri  bourg. 

Herder. 

Milan, 

Beso/zi; 

Genève, 

Marc  Mehling. 

Petersbourg, 

Wolfr. 



Duraford. 

Rome, 

Merle. 

GÈNES, 

Kassi-Como. 

Turin, 

Marielti. 

I.ieok, 

Spce-Zelis. 

Vienne, 

Gérold  et  CI?. 

CORBEIL.  —  TYP.  DE  CRETE  FILS. 


JUDITH 


E  S  T II E  R 


MOIS  DE  MARIE 

DU   XIX    siècle: 

P  A  U 

Mg'  GAUME 

PP.OTONOTAir.E     APOSTOI.IQl  n 


ïl 


Snhn  nox,  perimu 
Saïuez-noiH,   lujJBJl'risfunî. 
MatthJ 


GAUMF,  FRRRES  EfTUn^RKV,    I':DITEUP.S 

3,     RIE     DE    I.'aBHAVE,     -j 


1870 
Droits  réservés. 


1 


HOLY  REDEEMER  LIBRARf  WINOSOP 


AVANT-PROPOS 


A    MON    LIVRK. 


I 


Cher  petit  livre,  enfant  de  ma  vieillesse, 
quitte  la  maison  de  ton  père  et  va  par  le 
monde  aecomplir  la  commission  qui  t'est 
donnée.  Devant  tes  yeux  je  vais  mettre  ce 
qui  t'arrivera  ;  et,  sur  tes  lèvres,  ce  que  tu 
diras  dans  ta  pérégrination. 

Beaucoup  te  laisseront  passer  sans  te  re- 
garder. 

Beaucoup  détourneront  la  tète  pour  uc 
pas  te  voir. 

Beaucoup  hausseront  les  épaules  en  te 
voyant. 

Plusieurs  diront  du  mal  de  toi. 

Deux  choses  te  consoleront  :  la  pensée  que 
lu    accomplis    un    devoir,    et  la  ffenconlrc 

1 


Il  AVA>'T-l'ROl>OS. 

plus  ou  uioins  fréquente  d'âines  de  bonne 
volonté,  qui  consentiront  à  t'écouter  et 
mémo  à  lier  conversation  avec  Loi. 

II 

Si  elles  te  demandent  qui  tu  es,  tu  leur 
(liras  :  «  Je  suis  un  commis-voyageur  de  la 
Reine  du  ciel  et  de  la  terre  ;  je  voyage  sous 
sa  protection  et  pour  son  compte.  Afin  de 
parler  d'elle,  je  parcours  les  villes  et  les 
villages.  Mon  but  est  de  rendre  à  tous  ceux 
(|ui  daigneront  me  croire,  l'immense  service 
de  montrer  le  seul  asile,  où  ils  puissent 
désormais,  où  nous  puissions  tous,  chères 
brebis  du  bon  Dieu,  échapper  aux  dents  des 
loups  aflamés  qui,  à  l'heure  même,  rôdent 
par  milliers  autour  de  nous  pour  nous  dé- 
vorer. » 

m 

si  elles  ajoutent  :  (Juel  est  cet  asile  ?  Tu 
leur   répondras  :  u  C'est  la  sainte  Vierge.  » 

Elles  reprendront  :  «  Bien  d'autres  avant 
lui   n(nis  l'ont  dit.  Tu  n'as  rien  à  nous  ap- 


AYANT-rROPOS.  HI 

preiuliv  :  passe  ton  chemin.  »  —  Avant  de 
continuer  ta  course,  tu  diras  humblement  : 
«  11  est  vrai,  surtout  depuis  quelques  an- 
nées, beaucoup  ont  parlé  de  Marie.  Mais, 
vous  savez  le  mot  :  De  Marie  jamais  assez, 
lie  Maria  nnuquam  satis.  D'une  mère 
chérie  on  ne  parle  jamais  ni  assez  ni  trop 
à  des  enfants  bien  nés.  Il  est  vrai  encore, 
ceux  qui  m'ont  précédé  ont  exposé  magni- 
fl(iuement  les  grandeurs  de  Marie,  ses  gloi- 
res et  ses  mystères.  Avec  une  éloquence  qui 
ne  m'est  pas  donnée,  ils  ont  célébré  sa 
puissance  et  ses  bienfaits.  A  tous  les  âges  et 
à  toutes  les  conditions,  ils  l'ont  présentée 
comme  le  modèle  accompli  de  la  vertu,  la 
consolatrice  des  affligés,  le  refuge  des  pé- 
cheurs, l'espérance  même  des  désespérés. 
Ce  qu'ils  ont  dit  est  bien  dit  ;  je  n'ai  rien  à 
ajouter.  » 

lY 

Cette  répon>c  amènera  sur  leurs  lèvres 
la  question  suivante  :  Qu'as- tu  donc  à  dire  ? 
«  Ce  que  j'ai  à  dire,  le  voici  :  Les  temps  sont 
périlleux,  Irès-périlleux.  Du  cùté  des  quatre 


IV  AVANT-PROPOS, 

venls,  de  sinistres  nuages  montent  à  l'ho- 
rizon.  Nuit  et  jour,  on  entend  le  bruisse- 
ment de  la  tempête.  Des  armées  de  barba- 
res, sans  foi  ni  loi,  s'agitent  autour  de  nous 
et  s'excitent  au  combat.  Ils  ont  jure,  ils  ne 
s'en  cachent  pas,  de  renverser  de  fond  en 
comble  les  sociétés  actuelles,  déjà  minées 
dans  leurs  fondements.  Aussi  la  peur  est 
partout.  Aujourd'hui  même  elle  s'empare 
des  plus  intrépides,  dans  l'attente  de  ce  qui, 
d'un  jour  à  l'autre,  peut  arriver  au  monde 
entier. 

((  Me  comprenez-vous  ? 

—  Nous  te  comprenons. 

((Me  croyez -vous  ?  » 

— Nous  te  croyons  ;  et  après,  que  veux-lu  ? 


Tu  ajouteras  :  «  Ce  que  je  veux,  le  voici  : 
Dans  la  prévision,  malheureusement  trop 
certaine,  (hi  cataclysme  inconnu  qui  me- 
nace le  monde,  je  voudrais  élever  la  dévo- 
tion à  Marie,  à  la  hauteur  des  besoins  pu- 
blics. Je  voudrais  montrer  la  puissante  Reine 


A  VA  NT- PROPOS.  V 

(lu  riel  et  la  faire  invoquer,  non  plus  seu- 
lement comme  une  bienfaitrice  particulière; 
mais  comme  l'unique  secours,  l'unique 
refuge,  l'unique  salut  des  nations  du  dix- 
neuvième  siècle,  envahies  par  l'esprit  du 
mal,  et,  par  lui,  entraînées  à  travers  des 
crimes  sans  nom  et  des  révolutions  de  plus 
en  plus  profondes,  à  leur  ruine  totale,  le 
socialisme  et  la  sauvagerie.  » 


VI 


A  ce  langage,  ceux  qui  daigneront  t'é- 
couter,  s'écrieront  :  La  tâche  est  difficile  ! 
Tu  t'empresseras  de  répondre  :  «Je  lésais.  » 
Puis,  en  toute  humilité,  c'est-à-dire  en  toute 
vérité,  tu  ajouteras  :  «  Cette  tâche  est  mille 
l'ois  au-dessus  de  mes  forces  ;  mais,  pour 
l'accomplir,  j'ai  un  puissant  auxiliaire.  » 

—  Quel  est-il  ? 

((  C'est  le  dix-neuvième  siècle  lui-même.  » 

—  Voici  qui  est  nouveau. 

«  Nouveau,  si  vous  voulez,  mais  vrai.  » 


YI  AVANT-PROPO?. 

VU 

Tu  les  prieras  de  le  prêter  un  instant  d'af- 
lention  et  tu  expliqueras  ainsi  ta  pensée  : 
«  Comme  dans  tout  homme  il  y  a  deux 
hommes,  le  bon  et  le  mauvais  ;  il  y  a  deux 
dix-neuvièmes  siècles,  le  bon  et  le  mauvais. 
Le  mauvais  est  un  coupable  endurci,  qui 
boit  le  crime,  comme  nous  buvons  un  verre 
d'eau  ;  un  fou  furieux  qui  n'entend  plus 
raison  :  avec  lui  il  n'y  a  rien  à  faire.  Autre 
est  le  bon.  Il  craint  le  mal  et  les  conséquen- 
ces du  mal,  parce  qu'il  a  la  conscience  du 
bien  et  des  lois  de  la  justice  éternelle.  Il 
voit  la  vérité,  parce  qu'il  a  le  cœur  pur.  A 
ses  yeux  la  vérité  est  que  le  mauvais  dix- 
neuvième  siècle  marche  rapidement  vers 
l'abîme;  qu'il  y  marche,  parce  qu'il  tourne 
le  dos  à  Marie,  à  Jésus- Christ  et  h  Dieu  ;  et 
que  le  seul  moyen  de  n'y  être  pas  entraîné 
avec  lui,  c'est  de  s'attacher,  plus  fortement 
qu'on  ne  le  fit  jamais,  à  Marie,  fi  Jésus-Christ, 
à  Dion.  )) 


AYANT-PRorns.  vir 


vni 


—  Poui'quoi  noinnies-tu  Marie  en  pre- 
mière ligne  ?  <(  Je  nomme  Marie  en  première 
ligne,  parce  qu'elle  est  le  premier  degré  de 
l'échelle  qui  conduit  à  Dieu  ;  parce  que  Dieu 
u  voulu  que  tous  les  biens,  particuliers  et 
publics,  nous  vinssent  par  Marie  ;  parce 
qu'elle  a  pour  mission  spéciale  et  éternelle 
d'écraser  la  tète  du  serpent  ;  par  conséquent 
la  dernière  victoire,  la  plus  éclatante  de 
toutes,  lui  est  réservée  comme  la  première.  » 

—  Comment  sais-tu  que  le  bon  dix- neu- 
vième siècle  comprend  cela  ? 

<(  Vous-mêmes  comment  ne  le  savez-vous 
pas  ?  11  suffit  d'ouvrir  les  yeux  pour  le  voir  : 
Regardez.  » 

IX 

«  Depuis  quarante  ans,  un  instinct  mys- 
térieux, irrésistible,  pousse  le  bon  dix-neu- 
vième siècle  vers  Marie.  Le  lait  est  visible 
comme  le  jour.  Pour  honorer  la  puissante 
Reine  de  l'univers,  ])Our  obtenir  sa  protec- 


YIII  AYANT-PROPOS. 

lion,  et,  s'il  m'est  permis  de  le  dire,  pour  la 
populariser,  le  bon  dix-neuvième  siècle  a 
fait  plus,  pendant  la  première  moitié  de  sa 
vie,  qut'  plusieurs  siècles  antérieurs  pendant 
toute  la  durée  de  leur  existence  :  quelques 
faits  seulement,  inconnus  jusqu'à  lui. 

«  Le  J/o/s  (le  Marie,  célébré  aujourd'hui 
dans  les  cinq  parties  du  monde  ;  non-seule- 
ment dans  les  villes,  mais  dans  les  plus 
humbles  villages. 

((  'La  M cdni lie  miraculeuse ,  suspendue  sur  des 
millions  et  des  millions  de  poitrines,  dans 
tous  les  lieux  qu'éclaire  le  soleil. 

«  Le  Bosaire  vivant,  immense  concert  d'in- 
vocations, nuit  et  jour,  retentissant  au  cœur 
de  Marie,  partout  où  il  y  a  des  catholiques,  et 
il  y  en  a  partout. 

«  Les  grands  Pèlerinages  aux  sanctuaires 
les  plus  vénérés  de  Marie  :  Boulogne,  Char- 
tres, Einsideln,  Verdelais,  l'Hosier,  Roca- 
madour,  repris  avec  un  éclat  jusqu'ici  sans 
exemple. 

«Des  Statues  sans  noniùre,  érigées  au  pied 
des  montagnes,  sur  le  bord  des  chemins,  à 
l'entrée  des    villages,    et  devant  lesquelle> 


AVANT-PROPOS.  l>^ 

Marie  est  invoquée  des  milliers  de  l'ois  dans 
un  jour. 

((  V Archiconfrérie  de  Nofre-Donw  rks  Vif- 
foires  pour  la  conversion  des  pécheurs  :  vé- 
ritable arbre  de  vie  dont  le  fruit  a  ressuscité 
des  milliers  de  morts,  dans  l'ancien  et  le  nou- 
veau monde. 

((  U Association  de  Notre  -  Dame  du  Sacré- 
Cœur,  qui  honore  Marie  comme  la  maîtresse 
absolue  du  cœur  de  son  divin  Fils  et  comme 
l'avocate  des  causes  désespérées  :  manifesta- 
tion nouvelle  de  confiance  illimitée,  hier  en- 
core inconnue,  et  aujourd'hui  célèbre  dans 
toute  l'Europe. 

«  Une  foule  d'ouvrages  d'histoire,  d'érudi- 
tion et  d'éloquence,  auxquels  il  faut  ajouter 
plus  de  riiujiiaufe  mois  de  Marie,  consacrés  à 
exploiter  la  mine  inépuisable  de  beauté,  de 
bonté,  de  puissance,  qu'on  appelle  Marie. 

«  Les  apparitions  célèbres  de  Rimini,  de 
Lourdes  et  de  la  Salette,  par  lesquelles  le 
ciel  encourage  si  vivement  le  bon  dix-neu- 
vième siècle,  dans  sa  dévotion  envers  l'au- 
guste Vierge. 

a  Enfin,  comme  couronnement  de  toutes 

1. 


AVANT-PROPOS. 


ces  manifestations  étonnantes,  la  proclama- 
tion solennell 
Conception.  » 


tion  solennelle  dn  dogme  de  l'Immaculée 


X 


Ces  faits  sont  vrais  :  nous  les  voyons  de 
nos  yeux  :  mais  que  prouvent-ils  ?  a  Ce  qu'ils 
prouvent,  je  vais  vous  le  dire.  Vous  le  savez 
comme  moi  :  la  Providence  ne  tâtonne 
jamais.  Dans  les  conseils  de  son  infail- 
lible sagesse,  tout  arrive  à  son  heure.  Pour- 
quoi les  faits  que  je  viens  de  rappeler,  et 
d'autres  encore,  ont-ils  lieu  aujourd'hui,  et 
non  pas  hier  ou  demain?  Pourquoi?  Evi- 
demment parce  qu'ils  ont  aujourd'hui  leur 
raison  d'être,  c'est-à-dire  qu'ils  répondent 
h  un  besoin  d'aujourd'hui. 

«  Si,  d'une  part,  il  est  vrai,  comme  on  n'en 
saurait  douter,  que  tous  les  grands  événe- 
ments de  l'histoire  ont  été  pressentis  et  pré- 
dits ;  s'il  est  vrai,  d'autre  part,  que  Dieu  a 
donné  aux  nations,  comme  aux  individus, 
l'instinct  de  leur  conservation,  que  faut-il 
conclure  du  mouvement  providentiel  qui 
pousse  aujourd'hui  le  bon  dix-neuviéme  sic- 


AYANT-PROPOS.  M 

lie,  c'est-à-dire  la  partie  intelligente  de  l'hu- 
manité, à  se  réfugier  sous  la  protection  de 
la  sainte  Vierge  ?  Sans  crainte  d'erreur,  il 
faut  conclure  que  nous  marchons  vers  des 
événements,  tels  que  la  toute  puissante  Reine 
du  ciel  et  de  la  terre,  honorée,  aimée,  invo- 
quée, suppliée  avec  une  ardeur  sans  exem- 
ple, est  le  dernier  espoir  des  nations  au  dix- 
neuviéme  siècle.  » 

X! 

Le  raisonnement  paraît  juste,  et  nous  com- 
prenons le  but  de  ton  voyage  ;  nous  en  sen- 
tons la  nécessité.  Mais  une  chose  que  nous 
ne  comprenons  pas,  c'est  ton  nom  de  Judith 
et  (V  Est  fier. 

((  En  effet,  ce  nous  est  un  mystère.  Vous 
dire  pourquoi  il  m'a  été  donné,  est  une  tâ- 
che que  je  remplirai  volontiers.  Seulement, 
je  dois  vous  en  prévenir  :  il  faut  que  vous 
m'accordiez  chaquejour,pendantunmois, un 
quart  d'heure  d'entretien.  LWpropos  de  mon 
nom  ne  peuts'explifpicr  en  moins  de  temps.  » 

Accordé. 

'(  Rassurez-vous  ceiiendant  :  l'ennui.  j"ose 


XII  AYANT-PROPOS. 

l'espérer,  ne  vous  gagnera  pas.  Le  quart 
d'heure,  dont  je  vous  demande  l'aumône, 
sera  constamment  employé  à  raconter  d'in- 
téressantes histoires,  dans  lesquelles  nous 
trouverons,  avec  l'indication  de  nos  devoirs 
et  le  motif  de  nos  espérances,  le  portrait  du 
présent  et  la  prophétie  de  l'avenir  (-1). 

((  Ainsi,  à  demain.  » 

0  Marie  !  douce  mère  et  puissante  Reine, 
votre  divin  fils  récompense  richement  un 
verre  d'eau  froide  donné  en  son  nom.  Votre 
cœur  est  semblable  au  sien,  et  votre  puis- 
sance ne  connaît  pas  de  limites.  Tous  dai- 
gnerez donc  bénir,  j'en  ai  la  confiance,  ce 
modeste  travail.  Il  vous  est  offert,  au  soir  de 
ma  vie,  comme  un  témoignage  de  la  ten- 
dresse filiale  qu'une  mère  pieuse  m'inspira 
pour  vous  dès  l'enfance,  et  comme  un  tribut 
de  la  reconnaissance  qui  vous  est  due,  pour 
les  bienfaits  sans  nombre  dont  vous  m'avez 
comblé  pendant  ma  longue  et  difficile  car- 
rière. 

(I)  Dans  ce  mois  de  Marie,  qui  sort  du  cadre  ordi- 
naire, on  a  voulu  : 

]o  Comiinltre  le  goût  épidémique    des  lectures    fri- 


AYANT-PROPOS.  XIII 

voles  et  malsaines, en  faisant  relire,  pendant  un  mois, 
quelques  pages  substantielles  des  saintes  Écritures. 
Disons  mieux,  en  racontant  les  deux  épisodes  les  plus 
dramatiques  qu'on  ait  écrits  dans  aucune  langue  : 
Merveilleuses  histoires  dont  plusieurs,  sans  doute, 
connaissent  le  fond;  mais  dont  le  plus  grand  nombre 
a  oublié  ou  n'a  jamais  su  les  saisissants  détails. 

2°  Élever  la  dévotion  envers  la  sainte  Vierge  à  la  hau- 
teur des  besoins  du  monde  actuel,  en  avei tissant  les 
chrétiens  d'intéresser  la  puissante  Heine  du  ciel^  non 
plus  seulement  à  leur  sanctification  personnelle,  mais 
au  salut  des  Nations  et  au  triomphe  de  l'Église,  par  la 
conversion  des  peuples  nombreux  qui  lui  ont  été  don- 
nés en  héritage,  et  qui  ne  font  point  encore  partie  du 
divin  bert-ail  ou  qui  tendent  à  s'en  éloigner. 

3"  Soutenir  et  développer  le  zèle  pour  les  œuvres  si 
évidemment  providentielles  <le  la  Propogatio/i  cJp  la  foi 
et  de  la  finitde-Enfaiice. 

40  Remplir  de  confiance  les  fidèles  du  dix-neuvième 
siècle,  si  jusiement  alarmés,  en  leur  montrant,  dans 
.Judith  et  dans  Eslher,  la  ligure  certaine  de  la  sainte 
Vierge;  ef,  dans  leurs  victoires  sur  les  ennemis  de 
l'ancien  peuple  de  Dieu,  l'annonce  non  moins  certaine 
des  victoires  et  surtout  de  la  dernière  victoire  de  la 
Reine  du  ciel,  sur  les  ennemis  du  nouveau  peuple  de 
Dieu,  la  sainte  Éiilise  catholique. 

Résumées  dans  la  réflexion  qui  termine  la  lecture 
de  chaque  jour,  ces  pensées,  jointes  aux  incocations  et 
à  la  résolution  pratir/ue,  nous  ont  paru  suffire,  sans  de 
longues  prières,  pour  atteindre  k  but  proposé. 


F  JOUR. 
Les  figures  et  la  réalité. 

I 

Quand  un  peintre  a  conçu  un  tableau,  il 
commence  par  en  tracer  l'esquisse.  Telle  a 
été  la  conduite  de  Dieu  dans  le  gouverne- 
ment du  monde.  Voulant  réaliser  un  jour 
les  chefs-d'œuvre  de  sa  puissance,  de  sa  sa- 
gesse et  de  sa  bonté,  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  la  sainte  Vierge  et  l'Église,  il  les  a 
ébauchés  dans  le  peuple  juif.  Le  peuple 
juif  est  donc  Ja  figure  du  peuple  chrétien. 
et  le  peuple  chrétien,  c'est  l'Église,  c'est  nous. 
Rien  n'est  plus  certain. 

Il 

L'Écriture  et  la  tradition  concourent  à 
prouver  cette  grande  vérité.  Descendu  sur 
la  terre  pour  instruire  les  hommes,  le  Fils  de 


PREMIER     JOUR. 


Dieu  déclare  que  tous  les  livres  de  l'Ancien 
Testament  rendent  témoignage  de  lui,  an- 
noncent sa  venue,  ses  travaux,  ses  mira- 
cles, l'établissement  de  son  règne,  tous  les 
mystères  de  sa  vie  et  de  sa  mort  (1).  Les  apô- 
tres parlent  comme  leur  divin  Maître.  Saint 
Paul,  en  particulier,  enseigne  expressément 
que  ce  qui  arrivait  aux  Juifs  était  la  figure  de 
ce  qui  devait  nous  arriver  à  nous-mêmes  (:2). 


HT 

Même  langage  dans  la  bouche  des  Pères 
de  l'Église.  Pour  eux,  l'Ancien  Testament, 
c'est  la  rose  en  bouton,  et  le  nouveau,  la  rose 
épanouie.  «  L'Ancien  Testament,  dit  saint 
Augustin,  cache  le  nouveau  :  le  nouveau  ma- 
nifeste l'ancien.  Tout  ce  que  nous  lisons  dans 
les  Écritures,  antérieures  à  l'avènement  du 
Seigneur,  n'a  été  écrit  que  pour  annoncer 
cet  avènement  et  figurer  l'Église,  c'est-à-dire 
le  peuple  de  Dieu  répandu  dans  toutes  les 

(ljIJoaii.,in,l  1;  Luc,  IV,  lU;  Jo;ia.,  v,.39  ;  Luc.xxiv, 
26,  44,  etc. 
(2)  ICor.,x,l,C,  etc. 


LES    FKILRES    ET   LA    REALITE.  :< 

nations.  Non-seulement  les  paroles  des  saints, 
patriarches  e1  prophètes,  qui  ont  précédé  la 
naissance  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  ; 
mais  encore  leur  vie,  leurs  alliances,  leurs 
enfants,  leurs  actions  furent  la  prophétie  du 
temps  actuel  (I).  » 

Ce  qu'il  dit  des  particuliers,  le  grand  doc- 
teur l'affirme  du  peuple  lui-même.  «  La  dé- 
livrance d'Egypte  ligure  la  délivrance  du 
peuple  chrétien,  parle  baptême.  Pharaon  el 
les  Égyptiens,  engloutis  dans  la  mer  Rouge, 
sont  les  persécuteurs  de  l'Eglise,  anéantis  par 
Notrc-Seigneur,lc  vrai  Moïse.  Le  voyage  d'Is- 
raël dans  le  désert,  c'est  le  voyage  de  l'Église 
dans  le  désert  de  ce  monde.  La  terre  promise, 
c'est  le  ciel.  Ainsi  de  l'Agneau  pascal,  de  la 
Manne,  de  l'Arche  d'alliance,  des  sacrifices 
et  de  tout  l'ensemble  des  fêtes,  des  institu- 
tions et  des  rites  de  la  loi  ancienne  (2).  » 

IV 

Prise  dans  son  ensemble  et  dans  ses  prin- 

(1)  De  aitechizrind.  Hmlib.,  n.  ui,  iv,  xix;  id.  cnulra 
Faust.,  lib.  IV,  c.  ii. 

'2)  De  .Ifiio//  i>f  Kx/iu,  n.  IX,  ''/  iiowim. 


4  PREMIER    JOrR. 

cipaux  détails,  l'histoire  du  peuple  juif  est 
donc  notre  histoire  anticipée.  Sa  vocation  à 
la  foi  est  la  figure  de  la  nôtre.  La  perpétuité 
miraculeuse  de  ce  peuple,  toujours  attaqué 
et  toujours  subsistant,  la  figure  de  l'Église 
toujours  persécutée  et  toujours  pleine  de 
vie.  Si  leurs  patriarches,  chefs  vénérables  de 
la  nation  choisie,  sont  la  figure  de  Notre- 
Seigneur,  chef  auguste  de  la  grande  nation 
catholique,  leurs  femmes  célèbres  sont  la 
figure  de  la  sainte  Vierge.  Les  victoires  rem- 
portées par  elles  sur  les  ennemis  de  leur 
peuple,  sont  la  figure  des  victoires  remportées 
par  Marie   sur  les  ennemis  de  l'Église. 


Entre  tous  les  ennemis  de  l'ancien  peuple 
de  Dieu,  Holoferne  et  Aman  apparaissent 
comme  les  figures  saisissantes  et  terribles 
des  ennemis  actuels  du  peuple  chrétien. 
Les  replacer  sous  nos  yeux,  c'est  montrer  au 
naturel  les  ennemis  que  nous  avons  aujour- 
d'hui à  combattre.  De  même,  les  deux 
femmes  de  l'Ancien  Testament,  appelées  à 


LES    FIGURES    ET   LA    HEALTTE.  5 

vaincre  ces  deux  redoutables  ennemis,  soni 
la  figure  incontestable  de  la  sainte  Vierge  (1). 

Elles  la  réfléchissent  si  parfaitement,  non- 
seulement  dans  la  beauté  de  leur  corps,  mais 
encore  dans  les  qualités  de  leur  ;\me-,  et  sur- 
tout dans  leur  mission  providentielle,  qu'on 
n'en  saurait  douter,  celui  qui  les  forma  pour 
sauver  Israël,  avait  les  yeux  fixés  sur  le  divin 
original,  appelé  Marie,  la  plus  belle  des 
créatures,  la  plus  sainte  et  de  toute  éternité 
prédestinée  à  vaincre  les  plus  redoutables 
ennemis  de  l'Église,  le  véritable  Israël  de 
Dieu.  Ces  deux  femmes,  à  jamais  illustres, 
sont  Judith  et  Esther. 

Les  faire  connaître  en  elles-mêmes  et  dans 
leur  ressemblance  avec  la  sainte  Yierge,  c'est 
faire  connaître  et  invoquer  Marie,  comme 
elle  doit  être  connue  et  invoquée  au  dix- 
neuvième  siècle  :  je  veux  dire  comme  le  sa- 
lut des  nations  actuelles.  C'est  montrer  aux 
chrétiens  le  chemin  de  la  victoire  et  prophé- 
tiser leur  délivrance. 

Réflexion.  —  En  écrivant,  dans  l'histoire 
(lu  peuple  juif,   l'histoire  de  l'Église,  Dieu 

(I)  CiOrn.  a  Lap.  Arr/iir/)e>it.  in  JinlUli  et  Eftth")\c.  n,  8. 


6  PREMIER   JOUR. 

nous  montre  l'unité  de  ses  conseils.  Afin  que 
personne  ne  pût  méconnaître  Notre-Seigneur, 
ni  Marie  ni  lÉglise,  il  a  voulu  que  l'histoire 
de  tous  les  siècles  leur  rendît  témoignage. 
Qu'il  en  soit  à  jamais  béni  !.  Cette  conduite, 
digne  de  son  infinie  sagesse,  éclaire  notre 
esprit,  soutient  notre  espérance,  et  donne 
un  fondement  inébranlable  à  notre  foi. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Église. 

Pratique.  —  Assister  exactement  et  pieu- 
semenl  au  mois  de  Marie. 


11*  JOUR. 
Nabuchodonosor. 

I 

Vers  le  centre  de  l'ancienne  Asie,  dans  un 
riche  pays  appelé  la  Médie,  était  nne  ville 
célèbre  entre  toutes  les  villes  :  c'était  Ecba- 
tane,  capitale  de  l'empire  des  Mèdes.  Repré- 
sentez-vous une  immense  cité ,  toute  bâtie 
en  belles  pierres  de  taille,  resplendissante  de 
palais  magnifiques ,  dont  le  principal  était 
couvert  en  tuiles  d'argent;  peuplée  d'innom- 
brables habitants  et  entourée  de  sept  rangs 
de  murailles,  comme  on  n'en  voit  plus. 

II 

Les  murailles  ou  remparts  d'Ecbatane 
avaient  cent  pieds  de  large,  stir  quarante  de 
haut.  De  distance  en  distance  ils  étaient  flan- 
qués de  tours  .carrées  de  cent  quarante 
pieds  de  hauteur,  el  de  quatre-vingts  pieds  de 


8  DEL'XIEME    JOUR. 

circonférence.  Les  portes  de  la  ville  s'éle- 
vaient à  la  hauteur  des  tours.  Tous  les  rem- 
parts étaient  crénelés ,  et  les  créneaux  peints 
de  diverses  couleurs.  Ceux  du  premier  rem- 
part, du  côté  delà  campagne,  étaient  blancs  ; 
ceux  du  second,  noirs;  ceux  du  troisième, 
pourpre;  ceux  du  quatrième,  azur;  ceux  du 
cinquième,  orange;  ceux  du  sixième,  argent  ; 
ceux  du  septième,  or.  Il  serait  difficile  de  se 
faire  une  idée  du  spectacle  que  devaient  pré- 
senter ces  gigantesques  murailles,  lorsqu'elles 
réfléchissaient  les  rayons  du  brillant  soleil 
d'Asie  (1). 

III 

Dans  cette  ville  opulente  régnait,  vers  l'an 
six  cent  cinquante  avant  Notre-Seigneur,  le 
roi  Arphaxad.  Plein  de  confiance  dans  ses 
fortifications,  dans  son  armée  et  dans  ses 
chariots  de  guerre,  il  se  regardait  comme 
invincible.  Cependant,  Nabuchodonosor ,  roi 
des  Assyriens,  lui  déclara  la  gueire.  A  la  tète 
do  leurs  puissantes  armées,  les  deux  monar- 

(1)  Hn'od.,liv.  I,  §  98. 


.NAUL'CliOUO.NUSUB.  9 

([uef>  se  rencontrèrent  dans  une  grande 
])laine,  voisine  du  Tigre  et  de  l'Euphrate. 
Arphaxad  fut  vaincu. 

IV 

Enflé  de  sa  victoire,  Nabuchodonosor  crut 
que  rien  ne  devait  lui  résistei-.  Ses  préten- 
tions n'allaient  à  rien  moins  qu'à  se  faire  re- 
connaître pour  le  souverain  et  le  dieu  de  tout 
l'Orient.  11  envoya  donc  des  ofiiciers  de  sa 
cour  dans  tous  les  pays  circonvoisins,  dans 
la  Cilicie  ,  à  Damas,  dans  le  Liban,  dans  la 
Galilée,  dans  la  Samarie ,  au  delà  du  Jour- 
dain et  jusqu'à  Jérusalem,  avec  ordre  de 
dire  à  tous  ces  peuples  qu'ils  eussent  à  se 
soumettre  à  son  empire.  Mais  tous,  d'un 
commun  accord,  refusèrent  ce  qu'il  deman- 
dait et  renvoyèrent  honteusement  ses  dépu- 
tés. Alors,  Nabuchodonosor,  irrité  contre 
toute  cette  terre,  jura,  par  son  trùnc  et  par 
.son  royaume,  qu'il  se  vengerait  de  ces  con- 
trées. 


10  DEUXIEME   JOUR. 


Sans  perdre  un  instant ,  il  assembla  tous 
les  anciens  de  la  nation,  tous  ses  généraux 
et  ses  guerriers,  et  leur  communiqua  le  se- 
cret de  son  dessein.  «Mavolonté,  leur  dit-il, 
(c  est  de  m'assujettir  toute  la  terre.  »  Ce  qui 
ayant  été  approuvé  de  tous,  Nabuchodonosor 
lit  venir  Holoferue ,  général  en  chef  de  ses 
troupes,  et  lui  dit  :  <(  Allez  attaquer  tous  les 
pays  d'Occident,  et  principalement  ceux  qui 
ont  méprisé  mes  ordres.  N'épargnez  aucun 
royaume  et  emparez-vous  de  toutes  les  villes 
fortifiées.  » 

VI 

Holoferne  appela  tous  les  chefs  de  corps, 
et  il  compta,  pour  se  mettre  en  campa- 
gne, cent  vingt  mille  honnnes  de  pied,  et 
douze  mille  archers  à  cheval ,  auxquels  se 
joignirent  bientôt  dix  mille  cavaliers ,  venus 
des  différentes  parties  d'Assyrie.  Il  se  fit  pré- 
céder d'une  multitude  de  chameaux,  chargés 
de  provisions  pour  l'armée,  et  d'innombra- 


NABUCHODONOSUK.  1  1 

bles  troupeaux  de  bœufs  et  de  moutons.  11 
commanda  de  plus  que,  dans  toute  l'Assy- 
rie ,  on  tint  prêt  du  blé  sur  son  passage. 
Après  avoir  pris  dans  les  trésors  du  roi  des 
sommes  immenses  d'or  et  d'argent,  il  partit 
lui  et  toutes  ses  troupes,  avec  ses  chariots 
de  guerre,  sa  cavalerie  et  ses  archers,  qui 
couvrirent  la  face  de  la  terre ,  comme  des 
sauterelles. 

Héflexlon.  —  L'application  de  ce  que  je 
viens  de  lire  se  fait  d'elle-même  à  notre  si- 
tuation présente  et  en  montre  la  gravité.  Na- 
buchodonosor,  enflé  de  ses  victoires,  veut  se 
faire  adorer  comme  le  seul  dieu  par  tous  ses 
sujets.  C'est  le  démon ,  prince  de  l'orgueil , 
qui  a  toujours  voulu  et  qui,  grâce  à  ses 
nombreux  triomphes,  veut,  aujourd'hui  plus 
que  jamais,  se  faire  adorer  par  toute  la  terre, 
àla  place  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  afin 
de  redevenir,  ce  qu'il  était  dans  l'ancien  pa- 
ganisme, le  roi  et  le  dieu  du  monde.  Holo^ 
ferne ,  exécuteur  impitoyable  des  ordres  de 
son  maître,  voit  son  armée  se  grossir  de  jour 
en  jour.  C'est  la  personnification  des  suppôts 
de  Satan,  dont  la  multitude,  toujours  crois- 

2 


12  DEUXIEME    JOL'H, 

saille,  cherche  par  tous  les  moyens  à  détruire 
la  religion  et  l'Église,  pour  établir  sur  leurs 
ruines  le  règne  de  toutes  les  passions  déchaî- 
nées. 

Irivocatmis.  — Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple;  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  France  (1). 

Pratique.  —  Éviter  soigneusement  les  fau- 
tes de  propos  délibéré. 

(1)  Comme  ce  mois  de  Marie  est  consacré  aux  inté- 
réls  publics,  chaque  nation  aura  son  jour  de  prières.  Le 
prêtre  qui  présidera  le  mois  de  Marie  fera  connaître 
les  besoins  de  cliaque  peuple,  ou  les  fidèles  eux-mêmes 
les  tiouveront  dans  les  An/ut/ev  de  la  Propnyutioa  de 
la  foi  et  de  la  Sai/dc-E/ifance. 


111'^  JOUR. 
Holoferne. 

I 

Holoforne  ôlait  un  soudard,  voluptueux  ol 
cruel,  qui  ne  connaissait  d'autre  droit  que  la 
force,  d'autre  loi  que  les  penchants  de  son 
C(Eur  dépravé.  Lorsqu'il  eut  franchi  les  fron- 
tières d'Assyrie ,  il  s'empara  de  toutes  les 
places  fortes  de  la  Gilicie,  prit  d'assaut  la 
grande  ville  de  Mélite,  capitale  de  la  Mélitine 
dans  la  Cappadoce,  et  livra  tout  le  pays  au 
pillage.  Ensuite,  il  passa  l'Euphrate,  força 
toutes  les  villesdela  terre  de  Madian,  emmena 
avec  lui  tous  les  habitants,  prit  toutes  leurs 
richesses,  et  fit  passer  au  fd  de  l'cpée  tous 
ceux  (jui  voulurent  lui  résister. 

II 

De  là ,  il  descendit  dans  les  plaines  de  Da- 
mas an  temps  de  la  moisson  ,  brûla  tous  les 


14  TROISIEME   JOUR. 

blés  et  fit  couper  tous  les  arbres  et  toutes 
les  \ignes.  La  terreur  de  ses  armes  se  répandit 
sur  tous  les  habitants  de  la  terre.  Alors,  les 
rois  et  les  princes  de  toutes  les  contrées  cir- 
convoisines  lui  envoyèrent  des  ambassades. 
«  Que  votre  colère  ,  lui  dirent  ces  humbles 
députés,  s'apaise  à  notre  égard.  Nous  aimons 
mieux  vivre  en  servant  le  grand  roi  Nabu- 
chodonosor,  que  de  nous  voir  exposés  à  périr 
misérablement  par  le  glaive  ou  par  l'escla- 
vage. Toutes  nos  villes,  toutes  nos  terres, 
nos  collines,  nos  champs ,  nos  troupeaux  de 
bœufs,  de  moutons  et  de  chèvres,  tous  nos 
chevaux,  tous  nos  chameaux,  toutes  nos  ri- 
chesses et  nos  familles  sont  à  votre  disposi- 
tion. Nous  serons  vos  esclaves,  nous  et  nos 
enfants.  Venez  à  nous  comme  un  maître  pa- 
cifique ,  et  demandez-nous  tous  les  services 
qu'il  vous  plaira.  » 

III 

Holoterne  ne  répondit  rien  ;  mais  il  partit 
à  la  tête  de  sa  cavalerie,  s'empara  de  tout  le 
pays  et  prit  dans  toutes  les  villes,  pour  trou- 
pes auxiliaires,  les  hommes  les  plus  braves  et 


IlOLOFERNE.  15 

les  plus  propres  à  la  guerre.  Telle  était  la 
frayeur  qu'il  inspirait,  que  les  princes  et  le> 
personnes  les  plus  honorables  de  toutes  les 
villes,  sortaient  au-devant  de  lui,  avec  tous 
les  habitants.  On  lui  jetait  des  couronnes,  on 
le  recevait  avec  des  flambeaux,  en  dansant 
au  son  des  tambours  et  des  flûtes. 


Néanmoins  ,  ils  ne  purent  adoucir  la  féro- 
cité de  son  cœur.  Il  détruisit  leurs  villes  et 
coupa  leurs  bois  sacrés,  parce  que  Nabucho- 
donosor  lui  avait  commandé  d'exterminer 
tous  les  dieux  de  la  terre,  afin  qu'il  fût  seul 
appelé  dieu  par  les  nations  soumises  à  sou 
empire.  Traversant  ensuite  la  Mésopotamie, 
Holoferne  vint  dans  l'Idumée ,  dont  il  prit 
toutes  les  villes.  Là,  il  séjourna  trente  jours, 
et  réunit  toutes  ses  troupes  pour  se  porter 
sur  la  Palestine. 

Y 

Informés  de  la  conduite  d'Holoferne  et  de 
ses  projets,  les  Juifs  furent  saisis  de  crainte. 


Ifi  TROISIEME  JOUR. 

Ils  appréhendaient  avec  raison  qu'il  ne  fit  à 
Jérusalem  et  au  temple  du  vrai  Dieu,  ce  qu'il 
avait  fait  aux  autres  villes  et  à  leurs  temples. 
En  conséquence,  ils  occupèrent  tous  les  dé- 
filés et  tous  les  sommets  des  montagnes,  par 
où  l'ennemi  pouvait  passer.  Ils  environnè- 
rent leurs  bourgs  de  murailles  et  amassèrent 
des  blés  pour  se  préparer  à  la  guerre.  A  ces 
moyens  de  défense  commandés  par  la  pru- 
dence humaine,  ils  s'empressèrent  d'en  ajou- 
ter d'autres  beaucoup  plus  sûrs. 

Tout  le  peuple  cria  vers  le  Seigneur  avec 
grande  instance;  et  ils  humilièrent  leurs 
âmes  dans  les  jeûnes  et  les  prières,  eux  et 
leurs  femmes.  Les  prêtres  se  revêtirent  de 
cilices,  et  les  enfants  se  prosternèrent  devant 
le  temple,  et  on  couvrit  d'un  cilice  l'autel  du 
Seigneur. 

\] 

Alors  Éliachim,  le  grand  prêtre,  parcou- 
rut tout  le  pays,  disant  aux  enfants  d'Israël  : 
«  Sachez  que  le  Seigneur  exaucera  vos 
vœux,  si  vous  persévérez  dans  le  jeûne  et  la 
prière.    Souvenez-vous  de  Moïse   qui ,   non 


DOLOFERNE.  17 

par  le  fer,  mais  par  de  saintes  prières,  dédl 
Amalec,  confiant  en  sa  force,  en  son  armée, 
en  ses  boucliers,  en  ses  chariots  et  en  ses  ca- 
valiers. C'est  ainsi  qu'il  en  sera  de  tous  les 
ennemis  d'Israël  ,  si  vous  persévérez  dans 
l'œuvre  que  vous  avez  commencée.  » 

Réfoxion.  —  Les  ravages  et  les  cruautés 
d'Holoferne  sont  une  faible  image  des  cala- 
mités de  tout  genre  qui  attendent  les  nations 
devenues,  par  leur  faute ,  la  proie  du  grand 
homicide.  Quant  à  ces  princes  et  à  ces  peu- 
ples, que  la  crainte  fait  tomber  aux  genoux 
du  barbare  vainqueur  et  qui  se  donnent  à 
lui  en  qualité  d'esclaves,  ne  représentent-ils 
pas  au  naturel  ces  foules  d'hommes  et  de 
femmes  de  tout  rang ,  de  toute  condition  et 
de  tout  pays,  qui  sacrifient  et  qui  sacrifieront 
leur  conscience,  leur  liberté,  leur  dignité  à 
la  crainte  de  perdre  ce  qu'ils  ont,  ou  au 
désir  d'avoir  ce  qu'ils  n'ont  pas?  Frère, 
sœur,  ami,  parent ,  compatriote  de  ces  mal- 
heureux déserteurs  de  la  foi,  je  suis  exposé 
aux  mêmes  tentations.  Mon  devoir  est  d'imi- 
ter Israël  et  de  demander  miséricorde.  En 
priant  pour  les  nations  actuelles,  menacées 


18  TROISIEME   JOUn. 

de  si  grands  maux  ,  c'est  pour  moi-même 
que  je  prie  et  pour  ce  que  j'ai  de  plus  cher. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  nations,  priez  pour 
l'Angleterre. 

Pratique.  —  Faire  une  bonne  confession. 


lY-^  JOUR. 
Achior. 

T 

Cependant  Holoferne  s'était  remis  en  mar- 
che. Déjà  il  avait  passé  les  frontières  de  la 
Palestine  et  se  trouvait  à  peu  de  distance 
d'unevilleforte  de  la  Galilée,  appelée  Béthulie. 
Apprenant  que  les  enfants  d'Israël  se  dispo- 
saient à  lui  résister,  il  en  fut  transporté  de 
colère.  Sur-le-champ,  il  appelle  les  princes 
deMoab  et  les  chefs  des  Ammonites  qui  s'é- 
taientrendusàiui.  ((Apprenez-moi, leur  dit-il, 
quel  est  ce  peuple  qui  occupe  les  montagnes  ; 
quelles  sont  leurs  villes  et  quelle  en  est  la 
force  et  le  nombre  ;  quelle  est  la  puissance 
de  ce  peuple,  leur  multitude  et  le  général  de 
leur  armée.  Dites-moi  aussi  pourquoi  ils 
sont  les  seuls  entre  tous  les  peuples  de  l'Oc- 
cident, qui  nous  méprisent  et  qui  ne  sont 
point  venus  au-devant  de  nous.  p(»ur  nous 
recevoir  pacifiquement.  » 


2  0  QUATKIEME    JOUR. 


II 


Alors  Achior,  roi  des  Ammonites,  lui  ré- 
pondit :  «  Seigneur,  si  vous  daignez  m'écou- 
ter,  je  vous  dirai  la  vérité  touchant  ce  peuple 
qui  habite  les  montagnes,  et  nulle  parole 
fausse  ne  sortira  de  ma  bouche.  Ce  peuple 
est  de  la  race  des  Chaldéens.  Il  habita  d'a- 
bord la  Mésopotamie,  parce  qu'ils  ne  vou- 
laient pas  adorer  les  dieux  de  leurs  pères, 
qui  demeuraient  en  Chaldée.  Ayant  renoncé 
à  la  pluralité  des  dieux,  ils  adorèrent  le  seul 
Dieu  du  ciel,  qui  leur  ordonna  d'aller  habiter 
à  Gharan  (1).  Mais  une  famine  ayant  désolé 
tout  le  pays,  ils  descendirent  en  Egypte,  où 
ils  se  multiplièrent  dé  telle  sorte,  que  leur 
multitude  devint  innombrable. 


III 

((  Comme  le  roi  d'Egypte  les  traitait  avec 
dureté  et  les  accablait  de  travaux  pour  bâtir 

(I)  Aujourd'hui  Haran,  ville  de  Mésopotamie,  célèbre 
p;ir  le  séjour  d'Abraham. 


ACUIOR.  il 

ses  villes,  ils  crièrent  vers  leur  Dieu,  (jui 
frappa  de  dill'érentes  plaies  toute  la  terre 
d'Égyple.  Lorsque  les  Égypliens  leur  eurent 
permis  de  se  retirer,  le  Dieu  du  ciel  leur  ou- 
vrit la  mer  Rouge.,  qu'ils  traversèrent  à  pied 
sec.  Les  Egyptiens,  s'élant  mis  à  leur  pour- 
suite, furent  tellement  ensevelis  dans  les 
eaux,  qu'il  n'en  resta  pas  nn  seul  pour  ap- 
prendre cet  événement  à  leurs  descendants. 
Après  être  sortis  de  la  mer,  les  enfants  d'Is- 
raël traversèrent  les  déserts  de  Sina,  vainqui- 
rent tous  les  rois  chananéens,  et  s'emparè- 
rent de  leurs  villes  et  de  leurs  terres,  qu'ils 
habitent  aujourd'hui.  Personne  n'a  pu  vaincre 
ce  peuple,  si  ce  n'est  lorsqu'il  a  abandonné 
son  Dieu. 

«  Maintenant  donc,  seigneur,  informez- 
vous  si  ce  peuple  a  fait  quelque  chose  contre 
son  Dieu.  Si  cela  est,  allons  les  attaquer, 
parce  que  leur  Dieu  vous  les  livrera.  Mais  si 
ce  peuple  n'a  point  offensé  son  Dieu,  nous 
ne  pourrons  leur  résister.  Leur  Dieu  prendra 
leur  défense,  et  nous  deviendrons  l'opprobre 
de  toute  la  terre.  » 


QUATRIEME   JOUR. 


IV 


Le  discours  d'Achior  blessa  au  vif  l'orgueil 
d'Holoferne  qui,  s'adressaut  à  Achior.lui  dil  : 
«  Parce  que  lu  as  fait  le  prophète,  en  nous 
disant  que  le  Dieu  d'Israël  sera  le  défenseur 
de  son  peuple,  je  te  ferai  voir,  moi,  qu'il  n'y 
a  point  d'autre  dieu  que  Nabuchodonosor. 
Tu  le  sauras,  lorsque  le  fer  de  mes  soldats  te 
déchirera  les  flancs  et  que  tu  tomberas  percé 
de  coups,  parmi  les  blessés  et  les  morts  d'Is- 
raël. Et  pour  que  tu  connaisses  le  sort  qui 
l'attend,  tu  vas  être,  dès  ce  moment,  joint  à 
ce  peuple,  afin  que,  lorsque  nous  les  aurons 
tués  comme  un  seul  homme,  tu  périsses  toi- 
même  avec  eux.  » 


Là-dessus,  Holoferne  commande  à  ses  gens 
de  prendre  Achior,  de  le  mener  à  Béthulie  cl 
de  le  livrer  aux  Israélites.  Un  peloton  de 
soldats  se  saisissent  d'Achior  et  prennent  leur 
chemin  à  travers  la  plaine.  Mais  comme  ils 
ajjprochaient  des  montagnes,  sur  lesquelles  la 


ACIllOU.  i» 

ville  était  bâtie,  les  frondeurs  israélites  sor- 
tirent contre  eux.  A  leur  aspect,  les  gens 
d'Holoferne  se  détournèrent  du  côté  de  la 
montagne  et  lièrent  Acliior  à  un  arbre,  par 
les  pieds  et  par  les  mains.  Ainsi  attaché  avec 
des  cordes,  ils  le  laissèrent  là,  et  retournè- 
rent vers  leur  maître.  Les  frondeurs  israélites 
vinrent  au  lieu  où  il  était.  Ils  le  délièrent  et 
le  conduisirent  dans  la  ville. 

Réflexion.  —  Comme  Holoferne  et  ses  offi- 
ciers se  moquèrent  des  prédictions  d'Achior 
el  qu'ils  voulurent  le  faire  mourir  pour  avoir 
dit  la  vérité  ;  nos  ennemis,  les  ennemis  de 
l'Église  et  des  peuples,  ne  manqueront  pas  de 
se  moquer  de  nos  prévisions.  Ils  prendront 
môme  nos  conseils  en  mauvaise  part.  Nous 
leur  serons  à  charge.  Notre  vue  même  les 
fatiguera;  et,  dans  leur  pensée,  ils  se  promet- 
tront de  nous  faire  disparaître,  avec  le  chris- 
tianisme, au  jour  de  leur  victoire.  Laissons- 
les  méditer  leurs  sinistres  projets.  Seulement 
ayons  soin  de  nous  tenir  bien  avec  Dieu.  Le 
Tout-Puissanl,  toujours  lidèle  à  ses  pio- 
messes,  montrera  qu'aujourd'hui  comme 
autrefois,  il  sauve  ceux  qui  espèrent  en  lui 

3 


-2  4  ijUATIÎIEMi;    JOUH. 

et  confond  les  orgueilleux  qui  se  contient  en 
eux-mêmes. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Espagne. 

Pratique.  —  Attaquer  avec  courage  la  pas- 
sion dominante. 


\'  JOUR. 
Bëth  uli  e. 

I 

Achior  lut  conduit  sur  la  grande  place  de 
Béthulie.  Là,  environné  de  tout  le  peuple,  on 
lui  demanda  pourquoi  les  Assyriens  l'avaient 
abandonné, lié  de  la  sorte.  Ildit  ce  qu'il  avait 
l'épondu  aux  questions  d'Holoferne,  et  com- 
ment celui-ci,  transporté  de  colère,  avait 
commandé  qu'on  le  mît  entre  les  mains  dei> 
Israélites,  afin  qu'après  sa  victoire,  il  le  fît 
périr  dans  les  supplices  avec  tous  les  Israé- 
lites, parce  qu'il  avait  dit  que  le  Dieu  du  ciel 
serait  leur  défenseur. 

II 

(Juand  Achior  eut  parlé,  tout  le  peuple  se 
prosterna  le  visage  contre  terre,  et  tous  en- 
semble, mêlant  leurs  cris  et   leurs  larmes. 


-2  6  CINQUIÈME     JOLK. 

adressèrent  au  Seigneur  cette  prière  :  «  Dieu 
du  ciel  et  de  la  terre,  regardez  leur  orgueil  ; 
voyez  notre  abaissement  et  considérez  l'état, 
où  sont  réduits  vos  saints.  Montrez  que  vous 
n'abandonnez  pas  ceux  qui  mettent  leur  con- 
fiance en  votre  bonté,  et  que  vous  humiliez 
ceux  qui  présument  d'eux-mêmes  et  se  glori- 
fient dans  leurs  propres  forces.  » 

m 

Ayant  ainsi  prié  durant  tout  le  jour,  ils  di- 
rent à  Achior  :  «  Le  Dieu  de  nos  pères,  dont 
vous  avez  annoncé  la  puissance,  vous  en  ré- 
compensera, et  vous  rendra  vous-même 
témoin  de  la  ruine  de  nos  ennemis.  »  Le  soir 
étant  venu  et  le  jeûne  fini,  Ozias,  chef  du 
peuple,  reçut  Achior  dans  sa  maison  et  lui 
donna  un  grand  souper  auquel  il  imita  tous 
les  anciens.  Puis,  on  passa  la  nuit  en  prières. 

IV 

t)ès  le  lendemain,  Holoferne  donna  ordre 
à  ses  troupes  de  marcher  contre  Béthulie. 


BKTHUUE.  3  7 

Grâce  aux  recrues  forcées  qu'il  avait  faites 
sur  la  route,  il  se  trouvait  ;\  la  tète  de  cenl 
soixante-dix  mille  hommes  d'infanterie  et  do 
vingl-deux  mille  hommes  de  cavalerie.  En 
suivant,  non  sans  peine,  le  flanc  des  monta- 
gnes, toute  cette  armée  finit  par  arriver  au 
sommet  le  plus  élevé,  vis-à-vis  de  la  grande 
plaine  de  Dothaïn  et  d'Esdrelon.  La  plaine 
d'Esdrelon  est  célèbre  par  les  batailles  dont 
ôlle  fut  plusieurs  fois  le  théâtre.  Dothaïn 
n'est  pas  moins  célèbre.  C'est  là  que  Joseph 
lut  vendu  par  ses  frères  aux  marchands  Is- 
maélites. 

Quant  à  Béthulie,  c'était  une  ville  de 
moyenne  grandeur,  située  dans  la  Galilée  et 
appartenant  à  la  tribu  de  Zabulon.  Assise 
au  sommet  escarpé  d'une  montagne  et  en- 
vironnée de  précipices,  elle  était  regardée 
comme  imprenable. 


A  la  vue  de  cette  multitude  qui  couvrait 
toutes  les  hauteurs,  les  Israélites  eurent  re- 
cours à  leurs  armes  ordinaires.  Ils  se  proster- 
nèrent devant  Dieu,  la  tète  couverte  de  cen- 


2  8  CINQUIEME   JOUR. 

(Ires,  et  le  conjurèrent  de  faire  éclater  sa 
miséricorde  sur  son  peuple.  Puis,  ils  firent 
garder  nuit  et  jour  l'étroit  défilé  qui  condui- 
sait à  la  ville.  De  son  côté,  Holoferne  en  per- 
sonne vint  reconnaître  la  place,  dont  il  fit  le 
tour.  Ayant  remarqué  que  la  source  dont 
les  eaux  abreuvaient  Béthulie,  arrivait  dans 
la  ville  par  un  aqueduc,  prolongé  hors  des 
murs,  il  le  fit  couper. 

Il  y  avait  néanmoins  des  fontaines  peu 
éloignées  des  remparts,  où  les  assiégés  allaient 
furtivement  chercher  de  l'eau,  plutôt  pour 
soulager  leur  soif  que  pour  l'apaiser.  Les 
Ammonites  et  lesMoabites,  qui  faisaient  par- 
tie de  l'armée  d'Holoferne,  s'en  étant  aperçus, 
lui  dirent  :  «  Voulez-vous  vaincre  les  Israé- 
lites sans  combat  ?  mettez  des  gardes  près  des 
fontaines,  pour  les  empêcher  d'y  puiser  de 
l'eau,  et  vous  les  ferez  mourir  de  soif,  ou  les 
forcerez  à  se  rendre.  » 


VI 

Ce  conseil  plut  à  Holoferne.  Une  compa- 
gnie de  soldats  fut  placée  près  de  chaque  fou- 


BETnur.IE.  2  9 

taine.  Cette  garde  ayant  duré  vingt  jours, 
lûutes  les  citernes  et  les  réservoirs  qui  étaient 
dans  la  ville  furent  mis  à  sec,  il  ne  restait  pas 
;\  Béthulie  de  quoi  donner  à  boire  un  seul 
jour  aux  habitants.  Déjà  on  distribuait  l'eau 
par  mesure.  Dans  cette  extrémité,  tous  les 
habitants  vinrent  trouver  Ozias,  chef  du  peu- 
ple, et  lui  dirent  :  «  Nous  vous  en  conjurons 
devant  le  ciel  et  la  terre,  livrez  incessamment 
la  ville  à  Holoferne^  et  faites-nous  trouver  une 
mort  prompte  par  l'épée,  au  lieu  de  cette 
mort  lente  que  la  soif,  qui  nous  brûle,  nous 
fait  souffrir.  » 

YIl 

A  ce  discours  succédèrent  les  gémissements 
et  les  cris  de  toute  la  multitude.  Prolongés 
pendant  plusieurs  heures,  ils  finirent  par  cette 
ardente  prière  au  Dieu  d'Israël  :  <(  Seigneur, 
nous  avons  péché;  mais  ayez  pitié  de  nous, 
parce  que  vous  êtes  bon.  Chàtiez-nous  vous- 
même,  et  n'abandonnez  pas  ceux  qui  vous 
connaissent  à  un  peuple  qui  ne  vous  connaît 
pas,  de  peur  qu'on  ne  dise  parmi  les  nations: 
(  )ii  est  leur  Dieu .  »  Alors  Ozias,  proshM'ué  lui- 


-0  CINQUIÈMR   JOUR. 

même  devant  Dieu,  se  leva,  le  visage  baigné 
de  larmes,  et  leur  dit  :  «  Ayez  courage,  mes 
frères;  attendons  encore  pendant  cinq  jours 
la  miséricorde  du  Seigneur.  Si.  jusque-là,  il 
ne  nous  vient  pas  de  secours,  nous  ferons  ce 
que  vous  avez  proposé,  n    - 

Réflexion.  —  Comme  Béthulie,  TÉglise  et 
les  nations  chrétiennes  sont  aujourd'hui  envi- 
ronnées d'ennemis,  qui  joignent  la  ruse  à  la  vio- 
lence. A  l'exemple  d'Holoferne  qui  fit  couper 
les  eaux  de  Béthulie,  ils  s'efforcent  par  leurs 
mauvaises  doctrines  d'ôter  la  foi  au  dix-neu- 
vième siècle,  afin  de  lui  couper  toute  com- 
munication avec  Dieu.  Gardons-nous  de  don- 
ner dans  le  piège.  Fermons  les  yeux  pour  ne 
lire  ni  leurs  journaux  ni  leurs  livres.  Bou- 
chons nous  les  oreilles  pour  ne  pas  entendre 
leurs  blasphèmes.  Prions,  au  contraire,  avec 
plus  d'instance  ;  et,  plus  patients  que  les 
habitants  de  Béthulie,  ne  fixons  pas  à  la 
miséricorde  divine  un  terme  au  delà  du- 
quel nous  cesserons  de  l'invoquer.  La  grâce 
a  ses  moments  :  attendons-les  avec  con- 
fiance. 

Invornf/'o)}>^.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 


BETnULIE.  3  1 

gnëz  votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Italie. 

Pratique.  —  Faire  chaque  semaine  une  fer- 
vente communion  pour  l'Église  et  pour  le 
monde. 


yp  JOUR. 

Judith. 

I 

La  résolution  de  se  rendre  ne  tarda  pas  à 
être  connue  de  celle  qui  devait  être  l'héroïne 
de  Bétbulie  et  la  libératrice  de  son  peuple  : 
celte  femme  était  Judith.  Issue  d'une  des 
principales  familles  de  la  ville,  Judith  était 
une  jeune  veuve  qui  avait  perdu  son  mari 
depuis  environ  trois  ans.  Pénétrée  du  néant 
des  choses  de  ce  monde,  elle  s'était  préparé 
au  haut  de  sa  maison  un  appartement  secret, 
où  elle  vivait  retirée  avec  ses  servantes.  Elle 
portait  le  cilice  et  jeûnait  tous  les  jours  de  sa 
vie,  excepté  les  jours  de  sabbat  et  des  fêtes  de 
la  maison  d'Israël.  Elle  était  parfaitement 
belle  et  jouissait  d'une  très-grande  fortune. 
Tout  le  monde  l'estimait,  parce  qu'elle  ser- 
vait fidèlement  le  Seigneur,  et  il  n'y  avait 
personne  qui  dît  d'elle  le  moindre  mal. 


.UTiTTn.  3  s 


11 


Ayant  donc  appris  qu'Ozias  avait  promis 
de  livrer  la  ville  dans  cinq  jours,  elle  envoya 
quérir  quelques  anciens  du  peuple.  Ils  vin- 
rent, el  elle  leur  dit  :  c  Qu'est-ce  que  cette 
résolution  qu'a  prise  Ozias  de  livrer  la  ville 
aux  Assyriens,  s'il  ne  vous  venait  pas  de  se- 
cours dans  cinq  jours  ?  qui  ôtes-vous  pour 
tenter  le  Seigneur  ?  Ce  n'est  pas  là  le  moyen 
d'attirer  sa  miséricorde,  mais  plutôt  d'exciter 
sa  colère.  Vous  avez  prescrit  à  Dieu  le  terme 
de  sa  miséricorde,  et  vous  lui  avez  marqué 
un  jour,  selon  qu'il  vous  a  plu.  Mais  le  Sei- 
gneur est  bon  :  faisons  pénitence  de  cette 
faute  même,  et  implorons  sa  miséricorde  avec 
beaucoup  de  larmes.  Souvenons-nous  que 
Dieu  ne  menace  pas  comme  un  homme.  Si  le 
repentir  ne  les  arrête,  ses  menaces  s'exécu- 
tent. 

«  Prions  le  Seigneur  avec  confiance  de 
nous  faire  sentir,  en  la  manière  qu'il  lui  plaira, 
les  effets  de  sa  miséricorde.  Il  le  fera  d'autant 
mieux  que  nous  n'avons  pas  connnis  les  pé- 


34  SIXIEME    JOUR. 

chés  de  nos  pères.  Ils  abandonnèrent  le  Sei- 
gneur pour  adorer  des  dieux  étrangers.  Pour 
nous,  nous  ne  connaissons  d'autre  Dieu  que 
lui.  Maintenant  donc,  mes  frères,  comme 
vous  êtes  les  anciens  du  peuple,  et  que  leur 
vie  dépend  de  vous,  parlez-leur  de  manière  à 
relever  leur  courage,  leur  rappelant  que  nos 
pères  ont  été  tentés  pour  éprouver  s'ils  ser- 
vaient Dieu  véritablement.  » 


III 

Les  anciens  répondirent  à  Judith  :  a  Tout 
ce  que  vous  avez  dit  est  véritable,  et  il  n'y  a 
rien  à  reprendre  dans  vos  paroles.  Nous  vous 
supplions  donc  de  prier  vous-même  pour 
nous,  parce  que  vous  êtes  une  femme  sainte 
et  craignant  Dieu.  »  ludith  ajouta  :  «  Comme 
vous  reconnaissez  que  ce  que  j'ai  pu  vous  dire 
est  de  Dieu,  éprouvez  aussi  si  ce  que  j'ai  ré- 
solu de  faire  vient  de  lui.  Priez-le  de  m'affer- 
mir  dans  le  dessein  que  j'ai  formé.  Je  ne  vous 
en  dis  pas  davantage.  Tenez-vous  seulement 
cette  nuit  à  la  porte  de  la  ville.  » 


.IIDITII.  3  5 

IV 

Lorsque  les  anciens  se  furent  retirés,  Ju- 
dith entra  dans  son  oratoire.  C'était  à  la  chute 
du  jour,  au  moment  où  s'ofFrait  à  Jérusalem 
le  sacrifice  du  soir.  Dans  les  calamités  qui 
menacent  tout  un  peuple,  il  convient  que  les 
prières  particulières  se  joignent  aux  prières 
publiques.  A  cette  union  est  attachée  une 
efficacité  puissante,  selon  la  promesse  de 
Notre-Seigneur  :  Là  ou  deux  ou  trois  sont 
réunis  en  mon  nom,  je  suis  au  milieu  d'eux.  La 
sainte  veuve  se  revêtit  d'un  cilice,  se  couvrit 
la  tête  de  cendres,  et,  se  prosternant  devant 
le  Seigneur,  elle  lui  adressa  la  prière  suivante. 
Nous  la  lirons  non-seulement  de  bouche, 
mais  de  cœur  ;  non-seulement  aujourd'hui, 
mais  chaque  jour  de  ce  mois  consacré  à  la 
divine  Judith  :  nulle  autre  n'est  mieux  ap- 
propriée à  nos  besoins. 


«  Seigneur,  Dieu  de  mes  pères,  assistez-moi 
dans  ce  moment,  moi  faible  veuve,  je  vous 


36  SIXIEME   JOUP. 

en  conjure.  Souvenez-vous  des  anciennes 
merveilles  que  vous  avez  accomplies  en  faveur 
de  votre  peuple.  Regardez  le  camp  des  Assy- 
riens, comme  vous  daignâtes  un  jour  regar- 
der le  camp  des  Égyptiens,  lorsqu'ils  pour- 
suivaient vos  serviteurs.  Vous  ne  fîtes  que 
jeter  un  regard  sur  leur  armée  et  ils  se  per- 
dirent dans  les  ténèbres.  L'abîme  retint 
leurs  pas,  et  les  eaux  les  engloutirent.  Sei- 
gneur, que  ceux-ci  périssent  de  même,  eux 
qui  s'appuient  sur  leur  multitude,  et  qui  ne 
savent  pas  que  vous  êtes  notre  Dieu,  le  Dieu 
des  victoires  et  que  votre  nom  est  Jéhova. 

((  Faites,  Seigneur,  que  l'orgueil  d'Holo- 
ferne  soit  abattu  par  sa  propre  épée.  Qu'il 
soit  pris  par  ses  propres  yeux,  comme  par 
un  piège,  en  me  regardant,  et  blessez-le  par 
la  grâce  des  paroles  qui  sortiront  de  ma  bou- 
che. Donnez- moi  assez  de  constance  dans  le 
cœur  pour  le  mépriser  et  assez  de  force  pour 
le  perdre.  Ce  sera  un  monument  de  gloire 
pour  votre  nom,  qu'il  périsse  par  la  main 
d'une  femme.  Dieu  des  cieux,  maître  de  l'u- 
nivers, exaucez-moi,  pauvre  suppliante  qui 
mets  toute   mi\  conlinnce  on   votre  miséri- 


JUDITH.  37 

corde.  Fortifiez  la  résolution  de  mon  cœur, 
afin  que  toutes  les  nations  connaissent  que 
vous  êtes  Dieu,  et  qu'il  n'y  en  a  point  d'autre 
que  vous.  » 

Réflexion.  —  Aux  grands  maux  les  grands 
remèdes.  La  conduite  des  Israélites  menacés 
d'être  pillés,  incendiés,  égorgés,  de  voir  leurs 
autels  renversés  et  leur  temple  profané,  nous 
dit  ce  que  nous  devons  faire,  nous  chrétiens 
du  dix-neuvième  siècle.  Tous  ensemble  les 
habitants  de  Béthulio  crient  vers  Dieu  avec 
une  grande  instance.  Ils  s'humilient  dans  le 
jeûne  et  dans  la  prière,  le  jour  et  la  nuit.  C'est 
ainsi  qu'ils  font  violence  au  ciel,  et  que  le 
cri  de  leur  détresse  parvient  jusqu'à  Judith. 

Former  des  associations  de  prières,  comme 
celle  qui  nous  réunit  pendant  le  Mois  de  Ma- 
rie ;  nous  humilier  devant  Dieu  ;  nous  ré- 
concilier avec  lui,  jeûner,  prier  et  prier  en- 
core :  tels  sont  nos  devoirs  en  présence  des 
maux  qui  nous  menacent.  Si  nous  les  rem- 
plissons, nos  supplications  loucheront  le 
cœur  de  la  véritable  Judith.  Elle  priera  son 
Fils  tout  puissant,  prendra  notre  cause  en 
main  et  deviendra  notre  libératrice. 


3R  SIXIEME  JOUR. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Allemagne. 

Pratique.  —  Réciter  de  cœur  les  actes 
de  foi,  d'espérance  et  de  charité. 


Yii''  jorii. 

Judith  sort  de  Béthulie. 


Judith  avait  prié  toute  la  nuit,  le  visage 
prosterné  contre  terre.  Il  était  environ  deux 
heures  du  matin,  lorsqu'elle  se  releva,  ap- 
pela une  de  ses  suivantes,  descendit  de  son 
oratoire  et  quitta  ses  habits  de  veuve.  Elle 
se  lava  le  corps,  se  l'oignit  d'un  parfum  pré- 
cieux, sépara  ses  cheveux  en  différentes 
tresses,  se  mit  sur  la  tète  une  coiffure  ma- 
gnilique,  ornée  de  pierreries,  se  revêtit  des 
habits  de  sa  joie,  prit  une  chaussure  très- 
riche,  des  bracclels,  des  pendants  d'oreille, 
des  bagues,  se  para  enfm  de  tous  ses  orne- 
ments. A  cette  brillante  parure  le  Seigneur 
ajouta  un  nouvel  éclat,  parce  que  tout  cet 
ajustement  n'avait  pour  principe  aucun 
mauvais  désir,  mais  la  vertu.  Ainsi  ornée, 
Judith  était  d'une  beauté  incomparable. 


4  0  SEPTIÈME    .rOI'R. 


II 


Afin  de  ne  point  se  souiller  par  les  viandes 
des  gentils,  elle  fit  porter  à  sa  suivante  une 
outre  de  vin,  un  vase  d'huile,  de  la  farine, 
des  figues  sèches,  du  pain  et  du  fromage,  et 
partit  ainsi.  Arrivées  à  la  porte  de  la  ville, 
elles  trouvèrent  Ozias  et  les  anciens  du  peu- 
ple, qui  attendaient.  En  voyant  Judith,  ils 
furent  tellement  fascinés  par  l'éclat  de  sa 
beauté,  qu'ils  la  laissèrent  passer  sans  lui 
adresser  aucune  question.  Ils  se  contenlèrent 
de  lui  dire  :  «  Que  le  Dieu  de  nos  pères  vous 
donne  sa  grâce,  et  c[u'il  affermisse  toutes  les 
résolutions  de  votre  cœur,  afin  que  Jérusa- 
lem soit  glorifiée  en  vous  et  que  votre  nom 
soil  au  nombre  des  saints.  » 


III 

Cependant  Judith,  se  recommandant  à 
Dieu,  passa  la  porte,  elle  et  sa  suivante. 
C'était  au  point  du  jour.  Comme  elle  descen- 
dait de  la  montacne,  les  vedeUes  des  Assv- 


.FUDÎTU    SORT   DE    BÉTRULIE.  41 

riens  l'aperçurent  et  l'arrêtèrent,  en  lui  di- 
sant :  ((  D'où  venez-vous,  et  où  allez- vous  (  I  )  ?  » 
Elle  répondit  :  «  Je  suis  une  fille  des  Hébreux; 
je  me  suis  enfuie  d'avec  eux,  parce  que  j'ai 
reconnu  qu'ils  vous  seront  livrés,  pour  n'a- 
voir pas  voulu  se  rendre  à  vous  volontaire- 
ment. C'est  pourquoi  je  me  suis  dit  :  J'irai 
trouver  le  prince  Holoferne,  pour  lui  dé- 
couvrir leurs  secrets  et  lui  donner  le  moyen 
de  les  prendre  sans  qu'il  perde  un  seul 
honmie.  » 

En  l'écoutant,  leurs  yeux  demeuraicnl 
fixés  sur  son  visage,  tant  ils  étaient  ravis  de 
sa  beauté. 

IV 

«  Vous  avez  sauvé  votre  vie,  lui  dirent-ils, 
en  prenant  la  résolution  de  descendre  vers 
notre  prince.  Lorsque  vous  paraîtrez  devant 

(I)  Dans  une  guerre  juste,  comme  celle  des  Juifs  con- 
tre les  Assyriens,  non-seulement  l'emploi  de  la  force 
ouverte  est  légitime,  mais  encore  celui  de  la  force  ca- 
chée ou  de  la  ruse.  11  est  permis  d'induire  en  erreur 
ceux  qu'il  est  permis  de  tuer.  Ruse  et  stratagème  sont 
iiidiU'érents  de  leur  nature  :  tout  dépend  du  but  auquel 
on  les  fait  servir.  Le  but  de  .luditli,  inspirée  de  Dieu, 


42  SEPTIEME  JOLR. 

kii,  soyez  sûre  qu'il  vous  traitera  bien  et 
que  vous  lui  gagnerez  le  cœur.  »  Ils  la  con- 
duisirent donc  à  la  tente  d'Holoferne  et 
l'annoncèrent.  Holoferne  l'eut  à  peine 
vue,  qu'il  fut  pris  par  ses  yeux.  Il  était  assis 
sous  son  pavillon,  dont  les  draperies  étaient 
de  pourpre,  brodées  d'or  relevé  d'émerau- 
cles  et  de  pierres  précieuses.  Judith,  ayant 
jeté  les  yeux  sur  son  visage,  se  prosterna 
devant  lui.  Les  gens  d'Holoferne  s'empressè- 
rent de  la  relever  par  l'ordre  de  leur  maître. 

V 

Alors  Holoferne  lui  dit  ;  «  Ayez  bon  cou- 
rage ;  bannissez  de  votre  cœur  toute  crainte. 
Mais  dites-moi  d'oii  vient  que  vous  avez 
quitté  votre  peuple  et  que  vous  vous  êtes 
résolue  de  venir  vers  nous?  »  Judith  lui 
répondit  :  Accueillez  les  paroles  de  votre  ser- 
vante, parce  que,  si  vous  suivez  les  avis  de 
votre  servante,  Dieu  achèvera  d'accomplir  à 
votre  égard  ce   qu'il  a  résolu.  La  puissance 

étant  bon,  ses  paroles  comme  sa  parure  n'ont  rien  que 
de  louable.  C'est  une  ruse  de  guerre,  voilà  tout.  Voir 
('orn.  a  Lap.,  ///  Judith,  c.  xii. 


JUDITH    SUKT   ME    BEIUUDE.  4"' 

de  Nabuchodonosor,  roi  de  la  terre,  est  en 
vous,  pour  châtier  tous  ceux  qui  lui  résis- 
tent. La  sagesse  de  votre  esprit  est  célèbre 
parmi  toutes  les  nations,  et  on  ne  parle  dans 
tout  le  pays  que  de  votre  habileté  dans  la 
guerre. 

«  On  n'ignore  pas  non  plus  ce  que  vous  a 
dit  Achior  et  de  quelle  manière  vous  avez 
commandé  qu'il  fût  traité.  Les  Israélites  sa- 
vent qu'ils  ont  ofiensé  leur  Dieu,  et  la  terreur 
de  vos  armes  les  a  saisis.  Ils  sont  de  plus 
désolés  par  la  famine,  et  on  peut  déjà  les 
tenir  pour  morts  par  la  soif  qui  les  brûle. 
Ils  ont  même  résolu  de  tuer  leurs  bestiaux 
pour  boire  leur  sang,  et  de  manger  les  cho- 
ses consacrées  à  Dieu,  auxquelles  il  ne  leur 
est  pas  permis  de  toucher.  Puisqu'ils  se  con- 
duisent de  telle  sorte,  il  est  certain  qu'ils 
vous  seront  livrés.  Ce  que  moi,  votre  ser- 
vante, connaissant,  je  me  suis  enfuie  d'avec 
eux  pour  vous  annoncer  toutes  ces  choses.  » 

Tout  ce  discours  plut  à  Holoferne  et 
à  ses  officiers.  Ils  admiraient  la  sagesse  de 
Judith  et  se  disaient  l'un  à  l'autre  :  «  Il  n'y 
a  point  dans  toute  la  terre  de  femme  sembla- 


A4  SEPTIEME    JOUR. 

ble  à  celle-ci  pour  la  beauté  du  visage  ou 
pour  la  sagesse  des  paroles.  » 

Réflexion.  —  Béthulie  est  aux  abois.  Les  ha- 
bitants ont  adressé  directement  leurs  prières 
au  Seigneur,  Aucun  secours  ne  leur  est  ar- 
rivé. AbattuS;  découragés,  ils  ont  résolu  de 
se  rendre  à  leurs  ennemis.  Ils  avaient  oublié 
de  recourir  à  celle,  par  qui  Dieu  voulait  les 
sauver.  Mais  Judith  avait  vu  leurs  angoisses. 
Sans  être  priée  et  n'écoutant  que  son  amour 
pour  son  peuple,  elle  se  dévoue  afin  de  le 
sauver. 

Les  nations  d'aujourd'hui,  les  provinces, 
les  villes,  les  villages,  les  familles  même,  sont 
comme  autant  de  villes  assiégées  par  d'im- 
placables ennemis.  Le  mal  gagne  de  plus  en 
plus.  Le  découragement  s'empare  des  âmes, 
et,  dans  une  espèce  d'indifférence  et  de  stu- 
peur, on  se  résigne  à  ce  qui  doit  arriver. 

Que  reste- t-il  ?  Prier,  prier  beaucoup  et 
nous  souvenir  que  nous  avons  aussi  une 
Judith,  choisie  de  Dieu  pour  sauver  le  monde. 
Tous  les  siècles  ont  admiré  le  dévouement 
de  la  jeune  veuve  de  Béthuhe  :  c'est  ici  sur- 
tout qu'elle  est  la  figure  de  la  sainte  Vierge. 


JCLlTll    SORT    DK    BÉTUULIli.  î5 

Plus  admirable  est  le  dévouement  de  Marie. 
Pour  sauver  le  genre  humain,  elle  a  exposé 
plus  que  sa  vie,  elle  a  donné  celle  de  son  fils. 
Mais  aussi  sa  médiation  auprès  de  Dieu  est 
devenue  toute-puissante.  Cette  médiation  est 
notre  dernier  espoir.  Puisque,  par  la  grâce 
de  Dieu,  le  bon  dix-neuvième  siècle  l'a  com- 
pris, il  lient  en  ses  mains  le  gage  de  son 
salut. 

Invocations. — Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Prusse. 

Pratique.  —  Assister  ;\  la  messe  pendant  la 
semaine. 


VIIF  JOUR. 
Judith  dans  la  tente  d'Holoferne. 

I 

Alors  Holoferne  commanda  qu'on  fit  en- 
trer Judith  dans  la  tente,  où  étaient  ses  tré- 
sors et  qu'elle  y  demeurât.  «  Yous  serez 
nourrie,  ajouta-t-il,  des  mets  de  ma  table.  » 
Judith  lui  répondit  :  «  Je  ne  pourrai  pas 
manger  des  choses  que  vous  ordonnez  qu'on 
me  donne,  parce  que  j'offenserais  mon  Dieu. 
Je  mangerai  de  ce  que  j'ai  apporté  avec  moi.  » 
Grande  leçon  !  qui  condamne  hautement  les 
esclaves  du  respect  humain. 

II 

Holoferne  repartit  :  «  Si  ce  que  vous  avez 
apporté  avec  vous  vient  à  manquer  :  que  fe- 
rons-nous ?  »  Judith  lui  répUqua  :  «  J'en  jure 
par  votre  vie,  mon  seigtieur,  avant  que  votre 


JUUITU  DA^!5    l.A    ÏEiME    u'uOLOFElt.NK.       47 

servante  ait  consommé  tout  ce  qu'elle  a  ap- 
porté, Dieu  fera  par  ma  main  ce  qu'il  m'a 
inspiré.  »  Holoferne  n'insista  pas  davantage; 
et  ses  serviteurs  conduisirent  Judith  dans  la 
tente  qui  lui  était  assignée.  Elle  demanda, 
en  y  entrant,  la  liberté  de  sortir  la  nuit  et 
avant  le  jour,  pour  aller  faire  sa  prière,  et 
invoquer  le  Seigneur.  C'était  la  coutume  des 
Juifs  de  réciter  certaines  prières,  deux  fois 
par  jour,  le  matin  à  la  pointe  du  jour,  et  le 
soir  à  l'apparition  des  étoiles.  On  voit  que  les 
prières  du  soir  et  du  matin  sont  une  loi  de 
l'humanité. 

lU 

En  demandant  cette  permission,  Judith 
avait  un  double  but.  Elle  voulait,  d'abord, 
dans  les  graves  circonstances  où  elle  se  trou- 
vait, observer  exactement  ses  devoirs  envers 
Dieu,  afin  de  s'assurer  sa  protection.  Elle 
voulait  de  plus  se  ménager  la  liberté  de  sor- 
tir du  camp,  sans  exciter  de  soupçons,  lors- 
qu'elle le  jugerait  convenable.  Holoferne 
accueillit  sa  demande  et  commanda  aux 
huissiers  de  sa  chambre  de  la  laisser  entrer 

4 


'•8  HUITIEME  JOUR. 

et  sortir,  selon  qu'elle  le  voudrait,  pendant 
trois  jours,  pour  adorer  son  Dieu.  Elle  sortit 
donc  toutes  les  nuits,  dans  la  vallée  de  Bé- 
thulie,  et  s'y  lavait.  C'était ,  sans  doute, 
afin  de  se  purifier  des  souillures  légales 
qu'elle  pouvait  contracter  au  milieu  des 
Gentils.  La  fontaine  existe  encore,  et  les  pè- 
lerins de  terre  sainte  ne  manquent  pas  de  la 
visiter  (1). 

lY 

Après  s'être  lavée,  Judith  priait  le  Seigneur 
Dieu  d'Israël,  de  la  conduire  dans  le  dessein 
qu'elle  avait  prémédité  pour  la  délivrance 
de  son  peuple.  Commun  aux  Juifs  et  aux 
premiers  chrétiens,  l'usage  de  se  laver  avant 
de  prier  est  encore  observé  par  le  prêtre  qui 
se  prépare  à  monter  à  l'autel.  La  netteté  du 
corps  rappelle  la  pureté  d'âme  qu'il  faut  ap- 
porter dans  les  communications  avec  Dieu. 
Rentrée  dans  sa  tente,  Judith  y  restait  jus- 
qu'à ce  qu'elle  prît  sa  nourriture,  vers  le  soir. 
Ainsi,  elle  jeûnait  tous  les  jours.  La  prière 

(1)  .Vdriclioni..  i/i  BethuUa. 


JUDITH    DANS   LA    TENTE  D'HOLOFERNE.       49 

et  le  jeûne  étaient  les  deux  armes  dont  elle 
se  munissait  pour  conserver  sa  vertu  et  pour 
délivrer  son  peuple. 


l.e  quatrième  jour  après  l'arrivée  de  Ju- 
dith, Holofernc  donna  un  grand  festin  à  ses 
principaux  officiers  :  Judith  y  fut  invitée. 
«  Bonne  jeune  fille,  lui  dit  l'envoyé  chargé 
de  l'invitation,  ne  craignez  pas  d'entrer 
chez  mon  seigneur.  Il  veut  vous  honorer  en 
vous  faisant  manger  avec  lui  et  boire  du  vin 
dans  la  joie.  »  Judith  répondit  :  «Qui  suis-je, 
moi,  pour  m'opposer  à  la  volonté  de  mon 
seigneur.  Je  ferai  ce  qu'il  trouvera  bon  el 
qui  lui  paraîtra  le  meilleur.  » 

VI 

Elle  se  se  leva  ensuite,  se  para  de  ses  orne- 
ments, et,  étant  entrée  dans  la  tente  d'Holo- 
ferne,  elle  parut  devant  lui.  Holoferne,  en  la 
voyant,  fut  frappé  au  cœur.  Le  festin  com- 
mença et  se  prolongea  fort  avant  dans  la 
nuit.  «  Buvez,   disait  Holoferne  à  Judith, 


£0  HUITIEME   JOUR. 

mangez  avec  joie,  parce  que  vous  avez  trouvô 
grâce  devant  moi.  »  Judith  répondait  :  «  Je 
boirai,  mon  seigneur,  parce  que  je  reçois 
aujourd'hui  le  plus  grand  honneur  que  j'aie 
reçu  de  ma  vie.  »  Cependant  elle  ne  toucha 
ni  aux  mets  ni  au  vin  qui  lui  étaient  offerts  ; 
mais  elle  prit  ce  que  sa  suivante  lui  avait 
préparé,  et  elle  mangea  et  but  devant  lui. 
ïïoloferne,  transporté  de  joie,  but  ce  soir-là 
plus  de  vin  qu'il  n'en  avait  bu  en  aucun  jour 
de  sa  vie. 

Réflexion.  —  Judith,  dans  la  tente  d'Holo- 
ferne,  c'était  la  brebis  dans  l'antre  du  lion. 
L'histoire  n'offre  pas  de  position  plus  déli- 
cate et  plus  périlleuse.  Dans  ses  paroles  et 
dans  ses  démarches,  quelle  prudence  il  fal- 
lait à  Judith  pour  ne  rien  laisser  soupçonner 
de  son  dessein  !  Afin  de  se  défendre  des  atta- 
ques livrées  à  sa  vertu,  quel  besoin  elle  avait 
d'une  force  toute  divine  !  C'est  dans  son 
union  intime  avec  Dieu,  qu'elle  puisa  l'une 
et  l'autre.  Ici,  comme  ailleurs,  elle  était  la 
ligure  de  la  sainte  Vierge. 

Retirée  tour  à  tour  dans  le  temple  de  Jé- 
rusalem ou  dans  sa  maison  de  Nazareth,  Ma- 


.llDITn    DANS    LA    TENTE    D'hOLOFERNE.       5  1 

rie  prépara,  par  ses  longues  austérités  et  par 
ses  prières  incessantes,  la  victoire  qu'elle 
devait  remporter  sur  le  démon.  Non  moins 
difficile  que  celle  de  Judith,  est  la  position 
de  l'Église  au  milieu  du  monde,  devenu 
pour  elle  une  nouvelle  tente  d'Holoferne. 
Comme  ceux  de  Béthulie,  les  deux  plus  re- 
doutables ennemis  de  l'Église  et  des  nations 
du  dix-neuvième  siècle,  sont  les  démons  de 
l'orgueil  et  de  la  volupté.  Voulons-nous  les 
vaincre?  recourons  aux  armes  de  Judith  et 
de  Marie.  Ce  genre  de  démons,  dit  Notre - 
Seigneur,  ne  peut  être  chassé  que  par  la 
prière  et  le  jeûne. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple,  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Pologne. 

Pratique.  —  Jeûner  le  samedi,  ou,  du 
moins,  faire  chaque  jour  une  mortification. 


IX'  JOUR. 
Judith   coupe    la   tête  d'Holoferne. 

I 

Vers  le  milieu  de  la  nuit,  les  officiers  d'Ho- 
loferne, dans  un  état  complet  d'ivresse,  se 
retirèrent,  comme  ils  purent,  chacun  dans 
sa  tente.  Les  gens  de  service,  qui  de  leur  côté 
s'étaient  permis  de  larges  libations,  se  trou- 
vaient accablés  de  sommeil,  en  sorte  qu'il 
ne  resta  personne  pour  veiller  auprès  du 
général.  Un  des  huissiers,  Yagao,  ferma  la 
porte  de  la  tente  dans  laquelle  Judith  se 
trouvait  seule  avec  Holoferne,  et  s'empressa, 
pour  les  mêmes  raisons  que  les  autres,  de 
gagner  sa  demeure.  Quant  à  Holoferne,  plus 
ivre  que  personne,  on  l'avait  transporté  sur 
son  lit,  où,  dans  un  sommeil  de  plomb,  il 
digérait  le  vin  qu'il  avait  bu  avec  excès. 


JUDITH  COUPE  LA  TETE  D  nOLOFERNE.   53 


II 

Judith,  se  voyant  seule,  entr'ouvrit  la  porte 
de  la  tente  et  dit  à  sa  suivante  de  se  tenir 
dehors  devant  la  tente  et  d'y  faire  le  guet. 
Pour  elle,  debout  devant  le  lit,  elle  priait 
avec  larmes,  et,  remuant  les  lèvres  en  si- 
lence, elle  disait  :  «  Seigneur  Dieu  d'Israël, 
fortifiez-moi,  et  favorisez  en  ce  moment  l'ou- 
vrage de  mes  mains,  afin  que,  selon  votre 
promesse,  vous  releviez  Jérusalem,  votre 
ville,  et  que  j'achève  ce  que  j'ai  cru  pouvoir 
se  faire  par  votre  assistance.  »  On  voit  qu'en 
tout  cela  Judith  agissait  par  l'inspiration  di- 
vine. 

m 

Sa  prière  finie,  elle  s'approcha  doucement 
de  la  colonne  qui  était  au  chevet  du  lit  d'Ho- 
loferne  et  délia  le  cimeterre  qui  y  était  atta- 
ché. L'ayant  tiré  du  fourreau,  elle  prit  Holo- 
ferne  par  la  chevelure,  et  dit  :  «  Seigneur 
Dieu,  fortifiez-moi  à  cette  heure.  »  En  même 
temps,  elle  le  frappa  deux  fois  sur  le  cou  et 


;i  NEUVIEME   JOUR. 

lui  abattit  la  tète.  Ensuite,  elle  détacha  des 
colonnes  du  lit  une  draperie,  dans  laquelle 
elle  enveloppa  la  tête  d'Holoferne,  dont  elle 
fit  rouler  le  corps  sur  le  pavé.  Après  avoir 
pris  le  temps  de  respirer,  elle  sortit,  et  donna 
à  sa  suivante  la  tête  d'Holoferne.  en  lui  di- 
sant de  la  mettre  dans  son  sac. 

IV 

Toutes  deux  s'éloignèrent  aussitôt,  selon 
leur  coutume,  comme  pour  aller  prier.  Elles 
traversèrent  le  camp,  et,  tournant  le  long  de 
la  vallée,  elles  arrivèrent,  avant  le  jour,  à  la 
porte  de  la  ville.  Alors  Judith  dit  aux  senti- 
nelles :  «  Ouvrez  les  portes,  le  Seigneur  est 
avec  nous  ;  il  a  signalé  sa  puissance  en  faveur 
d'Israël.  »  Les  sentinelles,  ayant  reconnu  sa 
voix,  appelèrent  les  anciens  du  peuple.  La 
porte  fut  ouverte  :  toute  la  ville  fut  bientôt 
sur  pied.  Non-seulement  les  anciens,  mais 
tous  les  habitants,  depuis  le  plus  petit  jus- 
qu'au plus  grand,  accoururent  auprès  de  Ju- 
dith. Ils  n'espéraient  plus  la  revoir.  Son  re- 
tour inopiné,  à  pareille  heure,  la  curiosité. 


jcuiTii  corpn  la  ikte  h  iioloferne.     53 

la  crainte,  l'espérance  les  remplissaient  d'in- 
quiétude. 

V 

Ils  allumèrent  des  ilambeaux  et  se  pres- 
sèrent autour  de  Judith.  La  jeune  et  modeste 
héroïne  monta  sur  un  lieu  élevé,  commanda 
le  silence,  et,  tous  s'étant  tus,  elle  dit  : 
«  Louez  le  Seigneur  notre  Dieu  qui  n'a  point 
abandonné  ceux  qui  espéraient  en  lui.  11  a, 
par  moi,  sa  servante,  accompli  sa  miséri- 
corde, comme  il  l'avait  promise  à  la  maison 
d'Israël  :  par  ma  main,  il  a  tué  cette  nuit 
l'ennemi  de  son  peuple.  »  Et.  tirant  de  son 
sac  la  tête  d'Holofcrne,  elle  la  leur  montra, 
(lisant  :  «  Voici  la  télé  d'Holofeme,  général 
de  l'armée  des  Assyriens;  et  voici  le  pavillon 
sous  lequel  il  était  couché  dans  son  ivresse, 
et  où  le  Seigneur  notre  Dieu  l'a  frappé  par 
la  main  d'une  femme. 

<(  Vive  le  Seigneur,  parc^e  que  son  ange  m'a 
gardée,  lorsque  je  suis  sortie  d'ici,  tant  que 
je  suis  demeurée  Là  et  lorsque  je  suis  reve- 
nue. Le  Seigneur  n'a  point  permis  que  sa 
sen-ante  fût  souillée  ;  mais  il  m'a  ramonée 


5G  NEUVIEME  JOUR, 

auprès  de  vous  sans  aucune  tache  de  péché, 
joyeuse  de  sa  victoire,  joyeuse  de  mon  éva- 
sion et  joyeuse  de  votre  délivrance.  Rendez- 
lui  tous  des  actions  de  grâces,  parce  qu'il  est 
bon  et  que  sa  miséricorde  s'étend  à  tous  les 
siècles,  » 

Réflexion. — Plus  nous  avançons,  plus  la  res- 
semblance entre  Judith  et  la  sainte  Vierge 
devient  frappante.  Holoferne  est  la  figure  du 
démon.  Judith  lui  coupe  la  tête.  Marie,  la 
véritable  Judith,  écrase  la  tête,  non  plus  du 
représentant  du  démon,  mais  du  démon  lui- 
même,  Holoferne  est  la  terreur  de  l'Orient. 
Au  milieu  de  ses  victoires,  une  sorte  de  duel 
s'établit  entre  lui  et  une  simple  femme  ;  et, 
comme  en  se  jouant,  cette  femme  lui  coupe 
la  tète  avec  son  propre  glaive.  A  cette  pre- 
mière victoire,  Judith  en  ajoute  une  autre. 
Au  milieu  de  ce  camp  d'impudiques,  elle 
conserve  toute  sa  vertu,  et  revient  triom- 
phante, chargée  des  dépouilles  de  ses  enne- 
mis. 

Un  combat  singulier  entre  Marie  et  le  dé  ' 
mon  dure  depuis  le  commencement  du 
monde;  et  Marie,  toute  seule, a  terrassé,  elle 


JL'DITU    COUPE    LA  TÈTE    u'uOLOFERNE.       S  7 

terrasse  encore,  elle  terrassera  toujours,  le 
démon  et  ses  légions  innombrables.  Dans 
cette  lutte  à  outrance,  Marie  non-seule- 
ment a  conservé  intacte  sa  virginité,  mais 
encore  elle  la  conserve  dans  ces  multitudes 
de  \1erges  de  tous  les  pays  et  de  tous  les 
siècles,  glorieux  trophée  de  sa  victoire  et 
ornement  incomparable  de  l'Église.  Si  donc 
aujourd'hui  nous  sommes  environnés  d'Ho- 
lofernes,  à  la  tête  de  nombreuses  armées, 
ne  craignons  pas.  La  vraie  Judith  est  avec 
nous.  Supplions-la,  comme  il  convient,  de 
faire  en  faveur  des  nations  ce  que  l'ancienne 
Judith  fit  en  faveur  de  son  peuple,  et  nous 
verrons  des  miracles. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Russie. 

Pratique,  —  Réciter  chaque  jour  le  Souve- 
nez-vous. 


X"  JOUR. 
Judith  de   retour  à  Béthulie. 

I 

Aux  paroles  de  Judith,  tous  se  prosternè- 
rent le  visage  contre  terre,  adorèrent  le  Sei- 
gneur et  dirent  à  Judith  :  «  Le  Seigneur  vous 
a  bénie  dans  sa  force  ;  par  vous  il  a  anéanti 
nos  ennemis.  » 

Puis,  Ozias,  le  chef  du  peuple,  se  levant, 
ajouta  :  «  Vous  êtes  bénie  du  Seigneur,  le 
Dieu  Très-Haut,  plus  que  toutes  les  femmes 
de  la  terre.  Béni  soit  le  Seigneur  qui  a  con- 
duit votre  main,  pour  frapper  le  chef  de 
nos  ennemis.  11  a  rendu  aujourd'hui  votre 
nom  si  célèbre,  que  vos  louanges  ne  cesse- 
ront jamais  sur  les  lèvres  des  hommes  qui 
se  souviendront  de  la  puissance  du  Seigneur. 
Ils  vous  loueront  éternellement,  parce  que 
vous  n'avez  pas  craint  d'exposer  votre  vie,  en 
voyant  l'extrême  affliction  de  votre  peuple 
et  qu'avec  l'aide  de  notre  Dieu  vous  l'avez 


JUDITH  DE  RETOUR  A  BÉTUULIE.     5  9 

sauvé  de  la  ruine.  »  Tout  le  peuple,  ivre  de 
joie,  répondit  :  <(  Amen,  amen,  n 

II 

Holoferne  était  mort  ;  personne  n'en  dou- 
tait. Néanmoins,  comme  aucun  Israélite  n'a- 
vait vu  de  près  le  général  des  Assyriens,  Ju- 
dith voulut  qu'on  appelât  Achior,  afin  qu'il 
reconnût  la  tète  d'Holoferne.  Quand  il  fut  en 
sa  présence,  Judith  lui  dit  :  «  Le  Dieu  d'Israël 
à  qui  vous  avez  rendu  témoignage,  en  décla- 
rant qu'il  a  le  pouvoir  de  se  venger  de  ses 
ennemis,  a  coupé  lui-même,  cette  nuit,  par 
ma  main,  la  tète  du  chef  de  tous  les  infidèles. 
et  pour  que  vous  soyez  convaincu  que  cela 
est  vrai,  voicila  tête  d'Holoferne!  Reconnais- 
sez celui  qui,  dans  l'insolence  de  son  orgueil, 
méprisait  le  Dieu  d'Israël,  et  menaçait  de 
vous  faire  mourir,  disant  :  Lorsque  le  peuple 
d'Israël  sera  vaincu,  je  te  ferai  passer  au  fil 
de  l'épée.  )> 

III 

Achior,  voyant  la  tête  d'Holoferne.  fut  saisi 
d'effroi  :  il  tomba  la  face  contre  terre  et  de- 


60  DIXIEME   JOUR. 

meura  quelque  temps  en  proie  à  la  plus  vive 
agitation.  L'incroyable  victoire,  dont  il  avait 
la  preuve  sous  les  yeux,  lui  causait  une  sorte 
de  stupeur.  A  la  crainte  de  la  mort  dont  il 
était  personnellement  menacé,  succédait  la 
confiance;  à  la  tristesse,  la  joie;  à  l'inquié- 
Uide,  l'admiration,  et,  avec  toutes  ces  impres- 
sions entrait  dans  son  âme  la  foi  au  Dieu 
d'Israël,  dont  il  allait  devenir  le  fervent  ado- 
rateur. Revenu  à  lui,  il  se  prosterna  aux  pieds 
de  Judith  :  «  Vous  êtes,  lui  dit-il,  la  bénie 
de  votre  Dieu,  dans  tout  l'héritage  de  Jacob; 
parce  que  le  Dieu  d'Israël  sera  glorifié  en 
vous,  parmi  tous  les  peuples  auxquels  par- 
viendra votre  nom.  » 

IV 

SaiTs  plus  larder,  Judith  dit  à  tout  le 
peuple  :  «  Écoutez-moi,  mes  frères,  suspen- 
dez cette  tète  au  haut  de  nos  murailles.  Et. 
aussitôt  que  le  soleil  sera  levé,  que  chacun 
prenne  ses  armes,  et  sortez  tous  avec  grand 
bruit,  non  pour  descendre  jusqu'aux  enne- 
mis, mais  comme  vous  disposant  à  les  atta- 


JUblTd  DE  RETOUK  A  BETULLIE.     61 

qucr.  Il  faudra  nécessairement  que  les  postes 
.ivanccs  prennent  la  fuite,  et  s'en  aillent  éveil- 
ler leur  général  pour  le  combat.  Lorsque 
leurs  généraux  auront  couru  à  la  tente  d'Ho- 
loferne,  et  qu'ils  n'y  auront  trouvé  qu'un 
corps  sans  tète,  nageant  dans  son  sang,  la 
frayeur  les  saisira.  Le  trouble  se  mettra  dans 
l'armée  et  vous  choisirez  ce  moment  pour 
marcher  hardiment  contre  eux.  parce  que  le 
Seigneur  les  foulera  sous  vos  pieds,  d 


Rien  de  plus  sage  que  le  conseil  de  Judith. 
Descendre  dans  la  plaine  et  vouloir  se  me- 
surer avec  la  puissante  armée  des  Assyriens, 
avant  que  lamortd'Holoferne  eîit  été  connue, 
c'était  pour  les  habitants  deBéthulie,  relati- 
vement peu  nombreux  et  affaiblis  par  la  faim 
et  par  la  soif,  courir  à  une  défaite  certaine. 
D'un  autre  côté,  laisser  passer  le  premier 
moment  de  stupeur  et  d'effroi  causé  dans  le 
camp  ennemi,  par  la  mort  d'Holoferne,  c'é- 
tait donner  aux  Assyriens  le  temps  de  se  re- 
connaître, de  nommer  immédiatement  un 


62  DIXIÈME   JOUR. 

nouveau  général  et  de  pousser  le  siège  de  Bé- 
thulie,  avec  une  ardeur  surexcitée  par  le  dé- 
sir de  la  vengeance. 

\l 

Achior  admira  la  sagesse  de  Judith  et, 
voyant  le  prodige  que  leDieu  d'Israël  avait  fait 
en  faveur  de  son  peuple,  il  abandonna  le  culte 
des  idoles,  crut  en  Dieu  et  fut  incorporé  au 
peuple  d'Israël,  ainsi  que  toute  sa  race  jus- 
(ju'à  ccjour. 

Héflexiun.  —  La  reconnaissance  est  le  pre- 
mier sentiment  des  habitants  deBéthulie  pour 
leur  libératrice.  C'est  avec  juste  raison.  Tous, 
honunes,  femmes,  enfants,  riches  et  pauvres 
qui,  hier  encore,  s'attendaient  à  mourir,  se 
voient  aujourd'hui  assurés  de  consever  leurs 
biens,  leur  liberté  et  leur  vie.  Telle  doit  être 
notre  conduite  à  l'égard  de  la  sainte  Vierge. 
(Jui  de  nous,  dans  le  cours  de  sa  vie,  n'a  pas 
dû  à  la  céleste  Judith  d'être  délivré  de  quel- 
({ue  Holoferne  ?  disons-lui  donc  dans  l'effu- 
sion de  notre  cœur  :  Tous  êtes  bénie  entre 
toutes  les  femmes  :  puisse  notre  reconnais- 
sance égaler  vos  bienfaits! 


.lUDITn    DE   RETOUR    A   BÉTHULIE.  63 

A  un  courage  héroïque  Judith  joint  une 
prudence  consommée.  Elle  empêche  sou 
peuple  de  compromettre  sa  victoire,  en  se 
jetant  imprudemment  au  milieu  des  infidèles. 
Précieuse  leçon  que  nous  donne  Marie  d'éviter 
les  occasions  du  péché  :  notre  témérité  nous 
ferait  perdre  le  fruit  de  sa  protection.  Trai- 
tons plutôt  Achior.  Pénétré  de  reconnais- 
sance pour  Judith  et  ravi  d'admiration  pour 
son  courage  et  pour  sa  sagesse,  il  abandonne 
le  culte  des  idoles  et  adore  le  Dieu  d'Israël. 
Renonçons  comme  lui  aux  idoles,  grandes  ou 
petites,  que  nous  adorons  peut-être  encore,  et 
gardons  désormais  notre  culte,  nos  pensées, 
nos  affections  et  nos  oeuvres  j)our  le  seul  Dieu 
vivant  et  véritable. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  pi'iez  pour 
la  Suède. 

Pi'ntiqiif.  Faire  une  aumône. 


XP  JOUR. 
Le  camp  d'Holoferne. 

I 

Aussitôt  que  le  jour  parut,  les  habitants 
de  Béthulie,  dociles  aux  conseils  de  Judith , 
suspendirent  à  leurs  remparts  la  tête  d'Ho- 
loferne. Chacun  prit  ses  armes,  et  tous  sorti- 
rent de  la  ville  en  faisant  le  plus  de  bruit 
possible  et  en  poussant  de  grands  cris.  Les 
avant-postes  des  Assyriens  se  replièrent  sur 
le  camp,  où  ils  donnèrent  l'alarme.  Les  offi- 
ciers coururent  à  la  tente  d'Holoferne  pour 
prendre  ses  ordres;  mais  ils  la  trouvèrent 
fermée. 

II 

Il  était  de  règle  que  personne  ne  devait  ni 
frapper  à  la  porte,  ni  entrer  dans  la  tente  du 
général.  Ils  prirent  donc  le  parti  de  faire  du 
bruit,  afin  de  le  tirer  de  son  sommeil;  mais 


LE    CAMP  D'IIOLOFERNE.  6  5 

aucun  mouvement  no  se  remarquait  dans 
l'intérieur  de  la  tente.  Comme  le  temps  pres- 
sait et  que  tous  les  officiers  supérieurs  arri- 
vaient successivement,  on  prit  le  parti  de 
forcer  la  consigne.  Quelques  généraux  dirent 
aux  chambellans  :  «  Entrez  et  éveillez-le  , 
parce  que  les  rats  sont  sortis  de  leurs  trous 
et  osent  nous  défier  au  combat.  »  C'est  par 
ce  terme  de  mépris  qu'ils  désignaient  les  ha- 
bitants de  Béthulie. 


III 

Alors  le  premier  chambellan  ,  Vagao ,  ou- 
vrit la  porte,  mais  n'osa  pénétrer  dans  l'in- 
térieur de  la  tente.  Debout  entre  la  porte  et 
la  draperie  qui  la  séparait  de  la  chambre 
proprement  dite  ,  il  frappa  dans  ses  mains  , 
croyant  qu'Holoferne  ,  appesanti  par  le  vin , 
continuait  do  dormir  d'un  profond  sommeil: 
silence  absolu.  11  frappe  de  nouveau  ,  proto 
l'oreille;  mais,  n'entendant  ni  mouvement 
ni  respiration,  il  s'avance ,  détourne  la  dra- 
jjerie  et  voit  le  corps  d'Holoferne  ,  étendu 
par  terre ,  sans  tète  et  baigné  dans  son  sang. 


66  ONZIEME  JOUR. 

lY 

A  cette  vue,  il  pousse  un  cri  lamentable 
et  déchire  ses  vêtements.  Puis,  il  entre  dans 
la  tente  de  Judith,  et,  ne  l'ayant  pas  trouvée, 
il  sort  et  dit  à  tous  les  officiers  :  «  Une  seule 
femme  juive  a  mis  la  confusion  dans  la  mai- 
son de  Nabuchodonosor  :  Holoferne  est 
étendu  par  terre,  et  sa  tète  n'est  plus  avec 
son  corps.  »  Les  chefs  de  l'armée  ayant  en- 
tendu ces  paroles  déchirèrent  leurs  vête- 
ments. Une  frayeur  intolérable  les  saisit;  leur 
tête  se  troubla  et  tout  le  camp  retentit  de  cris 
effroyables. 

V 

La  nouvelle  de  la  mort  d'Holoferne  parvint 
bientôt  jusqu'aux  derniers  rangs  de  l'armée. 
Officiers  et  soldats  étaient  dans  la  consterna- 
tion et  ne  savaient  quel  parti  prendre.  Dans 
cette  indécision,  il  faut  reconnaître  un  effet 
de  la  justice  de  Dieu.  Autrement,  qui  aurait 
empêché  les  Assyriens  de  se  choisir  immé- 
diatement un  autre  chef  pour  continuer  le 


LE    CAMP    D  nOLOFERNE.  t'-T 

siège?  Comment  expliquer  qu'une  armée  de 
cent  soixante -dix  mille  hommes  se  trouve 
tout  à  coup  saisie  d'une  panique  universelle 
et  irrémédiable,  en  présence  d'ennemis  peu 
nombreux  et  jusque-là  objet  de  leurs  risées? 
Mais  le  Dieu  qui  résiste  aux  superbes  voulut 
humilier  l'orgueil  des  Assyriens,  comme  il 
avait  humilié  celui  des  Madianites,  en  met- 
tant en  fuite  leur  immense  multitude,  aux 
cris  de  trois  cents  soldats  de  Gédéon,  armés 
de  trompettes  et  de  flambeaux  cachés  dans 
des  vases  de  terre. 

VI 

Hors  d'eux-mêmes,  les  Assyriens,  poussés 
par  la  frayeur  dont  ils  étaient  saisis,  ne  pen- 
saient qu'à  fuir,  il  en  résulta  bientôt  un 
tumulte  effroyable.  Nul  ne  parlait  à  son  ca- 
marade; tous,  baissant  la  tète,  abandonnaient 
leurs  armes  et  leurs  bagages,  et  se  hâtaient 
de  courir  pour  échapper  aux  Hébreux,  dont 
ils  entendaient  les  cris  et  dont  ils  voyaient 
les  guerriers  descendre  de  la  montagne,  les 
armes  à  la  main,  pour  fondre  sur  eux.  La 
déroute  fut  complète.  Du  haut  de  leurs  murs 


68  ONZIÈME   JOUR. 

les  habitants  de  Béthulie  virent  leurs  ennemis 
cherchant  leur  salut  dans  la  fuite ,  prendre  à 
l'aventure  les  chemins  de  la  plaine  et  les  sen- 
tiers des  collines,  sans  savoir  où  ils  allaient . 

Bôflexïon.  —  A  la  nouvelle  de  la  mort 
d'Holoforne,  à  la  vue  de  sa  tête  suspendue 
aux  murs  de  Béthulie ,  les  Assyriens  sont 
frappés  de  stupeur.  Reconnaissant  que  leur 
défaite  est  l'œuvre  d'une  femme ,  d'une 
femme  seule,  ils  poussent  des  cris  déchi- 
rants. La  honte  sur  le  front  et  la  rage  dans  le 
cœur,  mais  rage  impuissante,  ils  prennent  la 
fuite,  chacun  de  son  côté.  Le  même  specta- 
cle est  donné  au  monde  toutes  les  fois  que 
la  sainte  Vierge  remporte  une  victoire  sur  le 
démon.  En  voyant  leur  chef  vaincu  par  la 
divine  Judith,  les  impies  poussent  des  cris 
de  fureur  et  vomissent  des  blasphèmes. 

Lorsqu'il  y  a  quelques  années,  la  procla- 
mation du  dogme  de  l'Immaculée  Concep- 
tion fit  tomber,  sur  la  tête  de  Satan,  l'éclat  de 
la  foudre  qui  devait  l'écraser,  du  sein  de  son 
armée  s'élevèrent  non  plus  des  cris,  mais  des 
hurlements.  Que  la  haine  des  méchants  con- 
tre la  sainte  Vierge  soit  la  mesure  de  notre 


LE   CAMP  D'hOLOFERNE.  69 

amour  pour  elle  ;  leur  frayeur,  la  mesure  de 
notre  confiance  et  de  notre  fidélité.  Enfants 
de  Marie,  cachons-nous  dans  le  sein  de  notre 
divine  Mère,  et,  quels  que  soient  le  nombre  et 
la  malice  de  nos  ennemis,  il  ne  tombera  pas 
un  cheveu  de  notre  tête  sans  sa  permission. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple;  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
les  nations  hérétiques. 

Pratique.  —  Faire  le  chemin  de  la  croix. 


XÎI"  JOUR. 
Déroute  des  Assyriens. 

I 

Les  Israélites,  voyant  les  Assyriens  prendre 
la  fuite,  descendirent  de  leur  montagne  el 
les  poursuivirent  l'épée  à  la  main ,  sonnant 
des  trompettes  et  poussant  de  grands  cris 
après  eux.  Leur  apparition  mit  le  comble  à 
la  confusion  dans  le  camp  d'Holoferne.  Plus 
de  rangs  gardés,  plus  d'ordres  entendus,  plus 
de  discipline.  Chacun  se  hâtait  de  fuir  où  il 
pouvait.  Ce  n'était  pas  une  retraite,  c'était 
une  déroute. 

Il 

Comme  les  Assyriens  ne  marchaient  point 
en  corps,  tandis  que  les  soldats  de  Béthulie 
s'avançaient  par  masses  et  en  bon  ordre ,  ils 
taillaient  facilement  en  pièces  tout  ce  qu'ils 
rencontraient.  Afin  que  la  victoire  fût  com- 


DEROUTE    PES    ASSYhîENS.  7  1 

plète,  Ozias  s'empressa  de  faire  porter  la 
nouvelle  de  ce  qui  se  passait  à  Béthulie ,  dans 
toutes  les  villes  et  dans  toutes  les  provinces 
d'Israël.  Chaque  ville,  chaque  province  choi- 
sit les  plus  braves  de  ses  jeunes  gens,  leur  lit 
prendre  les  armes  et  les  envoya  à  la  poursuite 
des  Assyriens.  En  peu  de  temps,  il  se  forma 
une  armée  considérable  et  pleine  d'ardeur, 
quipoursuivit  les  Assyriens  jusqu'aux  derniers 
confins  de  la  Palestine,  passant  au  til  do  l'é- 
pée  tout  ce  qu'elle  trouvait. 


III 

Pendant  que  les  troupes  d'Israël  donnaient 
la  chasse  aux  Assyriens ,  les  habitants  de 
Béthulie  vinrent  dans  leur  camp  abandonné. 
Ils  y  trouvèrent  un  immense  butin  :  des 
étoffes  précieuses ,  de  l'or  et  de  l'argent,  de 
quoi  enrichir  des  provinces  entières.  Sans 
cesse  on  les  voyait  descendre  la  montagne  et 
la  remonter,  chargés  de  ces  riches  dé- 
pouilles. 


72  DOUZIEME    .lOl'R. 


IV 

De  leur  côté,  les  soldats  vainqueurs  revin- 
rent à  Béthulie,  amenant  avec  eux  tout  ce 
qui  avait  été  aux  Assyriens ,  d'immenses 
troupeaux  ,  leurs  bagages  ,  leurs  équipages, 
leurs  trésors,  en  sorte  que  tous  s'enrichirent, 
depuis  le  plus  petit  jusqu'au  plus  grand. 
Trente  jours  suffirent  à  peine  au  peuple  d'Is- 
raël, pour  recueillir  les  dépouilles  de  l'armée 
d'Holoferne.  Tout  ce  qu'on  put  reconnaître 
qui  avait  appartenu  à  Holoferne  en  or,  en 
argent,  en  étoffes,  en  pierreries  et  en  toute 
sorte  de  meubles ,  fut  donné  à  Judith  par  le 
peuple. 


Le  grand  prêtre  Éliachim  vint  de  Jérusa- 
lem avec  tous  les  anciens  pour  voir  Judith. 
Ces  vieillards ,  au  nombre  de  soixante-dix  , 
composaient  le  Sanhédrin,  ou  sénat  des  Juifs. 
C'est  tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  vénérable 
dans  la  nation.  Par  respect  pour  le  Dieu  d'Is- 
raël dont  il  élait  le  représentant,  Judith  alla 


DÉROUTE    DKS  ASSYRIENS.  7:1 

au-devant  du  grand  prêtre  et  se  prosterna  à 
ses  pieds.  Éliachim  et  les  vieillards  la  béni- 
rent tout  d'une  voix,  disant  :  «  Vous  êtes  la 
gloire  de  Jérusalem,  la  joie  d'Israël,  l'hon- 
neur de  notre  peuple.  Vous  avez  agi  avec 
un  courage  incomparable,  et  votre  cœur  s'est 
affermi  parce  que  vous  avez  aimé  la  chasteté. 
(Vest  pour  cela  que  la  main  du  Seigneur 
vous  a  fortifiée,  et  vous  serez  bénie  éternelle- 
ment. »  Tout  le  peuple  répondit  :  «  Il  en  sera 
ainsi ,  il  en  sera  ainsi.  » 

VI 

Rien  de  plus  vrai  et  par  conséquent  de  plus 
beau  que  les  paroles  du  grand  prêtre  à  Ju- 
dith. Vous  êtes  la  gloire  de  Jérusalem.  La  vic- 
toire quevous  avez  remportée  fait  briller,  aux 
yeux  de  toutes  les  nations,  la  protection  mi- 
raculeuse dont  le  Seigneur  environne  la  ville 
sainte  et  lui  procure  une  gloire  qui  éclipse 
toutes  les  autres.  Vous  êtes  la  joie  d'Israël. 
Abîmé  dans  la  tristesse  et  h.  demi  mort  de 
frayeur,  vous  lui  avez  rendu  la  vie.  Vous  êtes 
l'honneur  de  votre  peuple.  Nul  autre  n'a  ja- 


7  4  DOUZIEME   JOUR. 

mais  eu  une  pareille  libératrice.  Quand  elles 
apprendront  ce  que  vous  avez  fait ,  les  na- 
tions les  plus  reculées  de  la  terre  seront  dans 
la  stupéfaction  et  s'écrieront  :  Quelles  femmes 
il  y  a  parmi  les  Juifs! 

VII 

La  présence  du  grand  prêtre  et  des  anciens 
de  la  nation  mit  le  comble  à  l'allégresse  pu- 
blique. Tous  ensemble,  hommes,  femmes, 
jeunes  filles  et  jeunes  gens  étaient  dans  des 
transports  de  joie,  qu'ils  faisaient  éclater  au 
son  des  harpes  et  des  instruments  de  mu- 
sique. 

Réflexion. — Judith  devient  la  figure  de 
plus  en  plus  transparente  de  la  sainte  Vierge. 
A  Judith  fut  réservée  la  gloire  de  sauver  la 
nation  sainte,  en  coupant  la  tête  d'Holoferne. 
A  Marie,  et  à  Marie  seule,  a  été  donné  le 
pouvoir  de  sauver  l'Église  en  écrasant  la  tête 
du  serpent.  A  cause  de  sa  victoire,  Judith  fut 
proclamée  par  le  grand  prêtre  la  gloire  de 
Jérusalem  ,  la  joie  d'Israël ,  l'honneur  de  son 
peuple.  A  cause  de  ses  victoires,  Marie  est 


DEROLTK    DES   ASSYRIENS.  7  3 

proclamée  par  tous  les  siècles,  la  gloire,  la 
joie,  l'honneur  de  l'Église  et  du  monde. 

Judith  dut  sa  victoire  à  sa  chasteté.  Marie 
doit  les  siennes  à  sa  pureté  sans  tache.  Parce 
qu'elle  a  été  la  plus  pure  des  vierges,  Marie 
est  devenue  la  mère  toute  puissante  du  Dieu 
tout  puissant.  Nous  mêmes  voulons-nous  être 
puissants  contre  nos  ennemis,  soyons  purs. 
L'empire  que  nous  avons  sur  nous  est  la  me- 
sure de  celui  que  nous  avons  sur  les  autres. 

Invncatiom.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Turquie. 

Pratique.  —  Mortification  de  la  vue. 


XIIP  JOUR. 
Cantique  de  Judith. 

I 

Au  milieu  de  l'enthousiasme  universel, 
Judith  gardait  un  modeste  silence.  Tout  ù 
coup  l'Esprit  du  Seigneur  tombe  sur  elle  et 
lui  inspire  un  des  plus  beaux  chants  que  l'o- 
reille humaine  ait  jamais  entendus.  Le  Dieu 
qui  avait  armé  son  bras  voulut  lui-même 
célébrer  sa  victoire. 

II 

Judith  commence  :  u  Chantez  au  Seigneur, 
au  son  des  tambours  et  au  bruit  des  cym- 
bales. Modulez  de  nouveaux  accords  :  exaltez 
et  invoquez  son  nom.  »  A  peine  tombée  des 
lèvres  de  la  jeune  prophétesse,  chaque  pa- 
role de  cet  inimitable  cantique  est  répétée 
dar  tout  le  peuple,  au  bruit  de  mille  instru- 
ments de  musique.  L'enthousiasme  va  crois- 


CANTIQUr:   DE   .TUDITII.  7  7 

sant  et  arrive,  on    le  conçoit,  jusqu'il   une 
sorte  de  délire. 

III 

Judith  continue  :  «  Le  Seigneur  met  les 
armées  en  poudre  :  Jéhova  est  son  nom . 

«  Il  a  placé  son  camp  au  milieu  de  son 
peuple,  afin  de  nous  arracher  aux  mains  de 
nos  ennemis. 

u  Assur  est  venu  des  montagnes  de  l'Aqui- 
lon, dans  la  puissance  de  sa  force.  Leur  mul- 
titude desséchait  les  torrents  :  leurs  chevaux 
couvraient  les  vallées. 

«  Il  disait  qu'il  hrûlerait  mes  campagnes 
et  égorgerait  mes  jeunes  gens;  que  mes 
enfants  deviendraient  sa  proie,  et  mes  vierges 
ses  captives. 

«  Mais  le  Tout-Puissant  l'a  frappé  :  il  l'a 
livré  entre  les  mains  d'une  l'emme  et  il  l'a 
tué. 

IV 

«  Ce  ne  sont  ni  de  jeunes  guerriers,  ni  des 
hommes  forts,  ni  des  géants  qui  ont  ter- 
rassé leur  colosse  :  c'est  Judith,  fille  de  Mé- 


78  TREIZIÈME  JOUR. 

rari,  qui  l'a  vaincu  par  la  beauté  de  son  vi- 
sage. 

«  Elle  a  quitté  ses  habits  de  veuve  ;  elle 
s'est  parée  des  ornements  de  sa  joie,  afin  de 
procurer  le  triomphe  des  enfants  d'Israël. 

<(  Elle  a  rehaussé  avec  un  parfum  les  cou- 
leurs de  son  visage; elle  s'est  fait  de  ses  che- 
veux une  élégante  coiffure,  surmontée  d'un 
diadème;  elle  a  mis  une  robe  brillante,  afin 
de  le  séduire. 

«  L'éclat  de  sa  chaussure  l'a  ébloui  ;  sa 
beauté  a  captivé  son  âme  :  elle  lui  a  coupé 
la  tète  avec  sa  propre  dague. 


«  Les  Perses  ont  été  épouvantés  de  ma  con- 
stance ;  et  les  Mèdes  de  mon  audace. 

(c  L'armée  des  Assyriens  a  poussé  des  hur- 
lements, quand  ont  paru  les  miens,  affaiblis 
et  mourants  de  soif. 

((  Les  fils  des  jeunes  femmes  les  ont  per- 
cés de  coups,  et  les  ont  tués  comme  des  en- 
fants qui  s'enfuient.  Ils  ont  péri  dans  le  com- 
bat, devant  la  face  de  Jéhova,  mon  Dieu. 


CANTIQUE    DE    JUDITH.  79 

n  Chaulons  un  hymne   au  Seigneur;   un 
hymne  nouveau  à  la  gloire  de  notre  Dieu. 


VI 

«(  Jéhova,  mon  Dieu,  vous  êtes  grand  :  la 
puissance  est  votre  gloire  :  nul  ne  peut  vous 
résister. 

a  Que  toute  créature  vous  obéisse  :  vous 
avez  dit,  et  tout  a  été  fait.  Au  souffle  de  vo- 
ire bouche,  toutes  choses  sont  sorties  du 
néant  :  nul  ne  résiste  à  votre  voix. 

«(Vous  les  regardez,  et  les  montagnes  sont 
ébranlées  dans  leurs  fondements,  et  les 
océans  jusque  dans  leurs  profondeurs,  et  les 
pierres  se  fondent  comme  la  cire. 

«  Mais  ceux  qui  vous  craignent,  Seigneur, 
seront  toujours  grands  devant  vous. 

((  Malheur  à  la  nation  qui  s'élèvera  contre 
mon  peuple.  Jéhova  le  Tout-Puissant  se  ven- 
gera d'elle,  et  la  visitera  lorsque  l'heure  sera 
Venue. 

«  Il  enverra  dans  leur  chair  le  feu  el  le> 
vers,  afin  qu'ils  brûlent  et  qu'ils  soulfrenl 
éternellement.  » 


8  0  TKEIZIEME    JOUR. 

Réflexion.  —  Judith  a  remporté  la  plus 
brillante  victoire .  Son  courage  est  sans  exem- 
ple. Son  nom  béni  est  dans  toutes  les  bou- 
ches. 11  vivra  de  génération  en  génération 
jusqu'à  la  fin  du  monde.  Néanmoins,  tou- 
jours humble,  Judithne  s'attribue  rien  à  elle- 
même.  Au  Seigneur  elle  renvoie  toute  la 
gloire  de  son  entreprise.  A  sa  louange  elle 
entonne  un  cantique  d'action  de  grâces  et 
veut  que  tout  le  peuple  le  répète  avec 
elle. 

Ici,  comme  partout,  Judith  n'est-elle  pas 
la  figure  de  Marie?  Sa  cousine  Elisabeth  la 
proclame  Mère  de  Dieu  et  bénie  entre  toutes 
les  femmes.  Que  fait  la  sainte  Vierge?  Comme 
Judith,  elle  est  sourde  à  toutes  les  louanges 
qui  lui  sont  données,  et  fait  remonter  au  Sei- 
gneur toute  la  gloire  des  grandes  choses  qu'il  a 
faites  en  elle  et  par  elle.  En  réponse  à  la  mère 
de  Jean-Baptiste,  la  mère  du  Verbe  incarné 
entonne  son  sublime  cantique  :  Magnificat  ani- 
ma mea  Dominion.  L'humilité  et  la  re- 
connaissance sont  le^  vertus  des  grandes 
âmes. 

Invocations.  —  Epargnez,  Seigneur,  épar- 


CANTIQUE    DE    JUDITH.  8  1 

gnez  votre  peuple  :  ne  sojtz  pas  toujoiii-s 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Sibérie. 

Pratique.  —  Morlilication  de  l'ouïe. 


XI V  JOUR. 
Mort  de  Judith. 

l 

Comme  la  victoire  de  Judith  était  la  vic- 
toire de  toute  la  nation,  les  Israélites  ne  se 
contentèrent  pas  d'en  remercier  le  Seigneur 
à  Béthulie.  De  toutes  les  tribus,  ils  se  rendi- 
rent en  foule  à  Jérusalem,  afin  de  lui  offrir, 
dans  son  temple,  Ihommage  de  leur  recon- 
naissance. Fidèles  aux  prescriptions  du  Dieu 
trois  fois  saint,  ils  commencèrent  par  se  pu- 
rifier des  impuretés  légales,  qu'ils  avaient 
contractées,  en  massacrant  les  Assyriens  et 
en  touchant  leurs  cadavres. 


II 

Les  purifications  achevées,  tous  olfrireul 
des  holocaustes  :  victimes  immolées  et  brû- 
lées pour  reconnaître  le  souverain  domaine 


MO HT    DE    JUDITH.  83 

du  Seigneur,  sur  la  vie  et  sur  la  mort  de  tout 
ce  qui  existe.  Aux  sacrifices  succédèrent  les 
acclamations  du  peuple  et  les  supplications 
les  plus  ardentes.  Elles  furent  suivies  des 
promesses  solennelles  d'une  inviolable  lidé- 
lité. 

III 

Judith  elle-même  était  venue  à  Jérusalem. 
Tout  le  peuple  la  dévora  des  yeux  lorsqu'on 
la  vit,  rayonnante  de  beauté  et  de  modestie, 
s'avancer  vers  le  parvis  du  temple,  appelé  le 
Parvis  d'Israël.  Sur  de  magnifiques  bran- 
cards étaient  portés,  à  sa  suite,  toutes  les 
armes  et  toutes  les  dépouilles  d'Holoferne, 
dont  les  habitants  deBéthulie  lui  avaient  fait 
hommage,  ainsi  que  le  pavillon  de  son  lit, 
qu'elle-même  avait  emporté.  Par  la  main  des 
|)rètres,  Judith  offrit  tous  ces  objets  au  Sei- 
gneur, en  anathème  de  l'oubli,  in  anathema 
ohlivionis.  Cette  expression  signifie  que  ces 
trophées'devaient  rester  dansle  temple, comme 
un  monument  éternel  de  la  victoire  de  Ju- 
dith, et  comme  une  malédiction  ou  un  ana- 
thème contre  Israël,  si  jamais  il  venait  à  ou- 

6 


8  4  QUATORZIÈME    JÛL'K. 

blier    la    protection    miraculeuse   dont    le 
Seigneur  l'avait  favorisé. 

IV 

Tout  le  peuple  était  ivre  de  joie,  non-seu- 
lement à  cause  du  spectacle  dont  il  était  té- 
moin, mais  encore  parce  que  ce  spectacle 
avait  lieu  à  Jérusalem .  Voir  Jérusalem,  la 
ville  sainte,  voir  le  temple  du  Seigneur,  uni- 
que au  monde  et  la  merveille  de  l'univers, 
voir  les  majestueux  appareils  des  cérémonies 
sacrées,  voir  les  représentants  des  douze  tri- 
bus d'Israël,  tous  enfants  d'Abraham,  d'Isaac 
et  de  Jacob,  réunis  par  l'unité  de  la  foi  et  la 
fraternité  des  sentiments,  était,  on  le  sait, 
l'ardent  désir  de  tous  les  membres  de  la  na- 
tion choisie.  Tel  fut,  dans  cette  circonstance, 
l'enivrement  de  leur  joie,  que,  pour  célébrer 
la  victoire  de  Judith,  cause  de  leur  bonheur, 
les  réjouissances  durèrent  trois  mois. 


Ces  jours  écoulés,  chacun  retourna  dans 
su  maison.  Judith  devint  célèbre  dans  Bc- 


MORT  nR   JIDITII.  85 

thulie  et  la  personne  la  plus  considérée  de 
tout  Israël.  Sa  chasteté  égalait  son  courage. 
Depuis  la  mort  de  Manassé,  son  mari,  elle 
vécut  dans  une  parfaite  continence.  Aussi, 
lorsque  dans  les  jours  de  fête  elle  paraissait 
en  public,  c'était  toujours  au  milieu  des  res- 
pects et  des  acclamations  de  tout  le  peuple. 
Avant  de  mourir,  elle  donna  la  liberté  à  la 
courageuse  suivante  qui  l'avait  accompa- 
gnée dans  le  camp  d'Holoferne.  N'ayant  pas 
d'enfants,  elle  partagea  sa  grande  fortune  entre 
ses  parents  et  les  parents  de  son  mari. 

VI 

Comblée  de  gloire  et  de  mérites,  elle  par- 
vint jusqu'à  l'âge  de  cent  cinq  ans,  et  alla  re- 
cevoir la  récompense  d'une  vie  tout  entière 
consacrée  à  l'édification  et  à  la  délivrance  de 
la  nation  sainte.  Elle  fut  enterrée  à  Béthulie, 
dans  le  tombeau  de  son  mari.  El  le  peuple 
la  pleura  pendant  sept  jours,  terme  ordinaire 
du  grand  deuil  chez  les  Hébreux.  Tant  qu'elle 
vécut  et  longtemps  après  sa  mort,  il  ne  se 
trouva  personne  qui  osât  troubler  Israël.  Le 


86  QUATORZIÈME   JOUR. 

jour  de  sa  victoire  sur  Holoferne  fut  mis  par 
les  Juifs  au  rang  des  saints  jours  ;  et  depuis 
ce  temps-là  jusqu'aujourd'hui  il  est  honoré 
comme  un  jour  de  fête. 

VU 

Les  Pères  de  l'Église  tiennent  Judith  pour 
une  sainte.  Seulement  son  nom  ne  se  trouve 
pas  dans  le  Martyrologe,  parce  qu'on  ignore 
le  jour  de  sa  mort.  Toutefois,  l'Église  d'E- 
thiopie célèbre  la  fête  de  Judith,  le  quatrième 
jour  du  sixième  mois  :  dans  l'Église  latine  son 
souvenir  est  immortel.  Une  multitude  de 
vierges  chrétiennes,  d'épouses,  de  mères,  de 
reines  et  d'impératrices  ont  été  et  sont  heu- 
reuses de  porter  un  nom  qui  est  celui  de  la 
grâce,  du  courage  et  des  plus  hautes  vertus. 

Réflexion.  —  Judith  consacre  à  Dieu  tout 
le  fruit  de  sa  victoire  sur  Holoferne.  Arrivée 
à  la  fin  de  sa  vie,  elle  se  dépouille  de  ses 
biens,  en  faveur  de  ceux  qui  lui  sont  unis 
par  les  liens  du  sang.  Elle  donne  la  liberté  à 
sa  suivante,  et,  pleine  de  jours,  elle  s'endort 
doucement    dans   le  Seignour.  Pas   une   de 


MORT   DE   JUDITH.  87 

ces  circonstances  qui  ne  soit  unirait  de  l'his- 
toire anticipée  de  la  sainte  Vierge. 

Comme  Judith,  Marie  consacre  à  Dieu  le 
Iruit  de  sa  victoire,  c'est-à-dire  toute  l'huma- 
nité arrachée  par  ses  mains  à  la  tyrannie  du 
démon.  C'est  pour  Dieu,  et  non  pour  elle, 
qu'elle  a  vaincu.  Devenue  la  dispensatrice  de 
tous  les  trésors  du  ciel,  elle  les  distribue  à 
ceux  qui  lui  sont  unis  par  la  grâce.  A  elle 
nous  devons  la  vraie  liberté,  la  liberté  des 
enfants  de  Dieu.  Consacrer  nous-mêmes  au 
Seigneur  ce  que  nous  avons  reçu  de  lui,  ce 
que  nous  sommes  et  tout  ce  que  nous  avons, 
pratiquerledétachementet l'aumône,  secouer 
le  joug  de  nos  passions,  afin  de  conquérir  la 
royauté  de  notre  âme  :  tels  sont  les  devoirs 
que  nous  prêchent  éloquemment  Judith  et 
Marie,  nos  sœurs  et  nos  modèles. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
le  Thibet. 

Pratique.  —  Mortification  de  la  bouche. 


XY"   JOUR. 
Assuérus. 

I 

La  connaissance  de  la  religion  n'est  pas 
moins  nécessaire  à  l'humanité,  que  le  soleil 
à  la  nature,  que  la  boussole  au  navigateur 
perdu  sur  des  mers  inconnues.  Sans  cette 
connaissance,  l'homme  est  un  aveugle  qui 
ne  sait  ni  d'où  il  vient,  ni  ce  qu'il  est,  ni  où 
il  va,  ni  pourquoi  il  est  sur  terre.  Aussi,  le 
soin  principal  de  Dieu,  père  de  l'homme,  a 
toujours  été  de  lui  conserver  la  connaissance 
de  la  religion.  Avant  la  venue  du  Messie,  le 
dépôt  en  élait  confié  au  peuple  juif.  Yoilà 
pourquoi  Dieu  veilla  sur  lui  avec  une  solli- 
citude, qui  ne  permit  jamais  aux  nations  en- 
nemies, si  puissantes  qu'elles  fussent,  de 
l'exterminer.  Nous  venons  de  le  voir  dans 
l'histoire  de  Judith,  et  nous  allons  le  voir  de 
nouveau  dans  l'histoire   d'Esther. 


ASSUÉRUS.  89 


II 

Environ  quatre  cent  cinquante  ans  avant 
la  naissance  de  Notre-Seigneur,  le  grand 
empire  des  Perses  et  des  Mèdes  était  arrivé 
au  faîte  de  sa  puissance.  Il  s'étendait  depuis 
l'Inde  jusqu'à  l'Ethiopie  et  se  divisait  en 
cent  vingt-sept  provinces.  Sur  le  trône  de 
cette  monarchie,  plus  étendue  que  l'Europe, 
était  monté,  depuis  trois  ans,  un  roi,  nommé 
Assuérus.  Afin  de  donner  à  ses  peuples  une 
idée  de  sa  magnificence,  il  voulut  se  faire 
couronner,  dans  la  ville  de  Suse,  capitale  de 
l'empire. 

III 

Suse,  dont  le  nom  est  aujourd'hui  C/ious- 
ter,  signifie  la  ville  des  lis.  Cette  fleur  à  la 
blanche  couleur  et  au  suave  parfum  abon- 
dait dans  la  vaste  plaine  au  milieu  de  la- 
quelle était  assise,  sur  les  rives  d'un  beau 
fleuve,  l'opulente  cité.  Telle  était  la  douceur 
du  climat,  que  les  rois  de  Babylone  faisaient 
de  Suse  leur  résidence  d'hiver,   en  sorte, 


90 


QUINZIEME    JOUR. 


disent  les  historiens,  que  ces  monarques 
voluptueux  avaient  trouvé  le  moyen  de  jouir 
d'un  printemps  perpétuel  (1). 


IV 


A  l'occasion  de  son  couronnement,  As- 
suérus  donna  un  grand  festin  à  tous  les 
princes  de  sa  cour,  à  tous  ses  officiers,  aux 
plus  braves  d'entre  les  Perses,  aux  premiers 
d'enti'c  les  Mèdes,  aux  gouverneurs  des  pro- 
vinces :  et  lui-même  y  prit  part.  Ce  festin  se 
renouvelapendant  cent  quatre- vingts  jours(2). 
Comme  il  avait  pour  but  de  montrer  la 
gloire,  les  richesses,  la  grandeur  et  la  puis- 
sance de  son  empire,  le  monarque  y  déploya 
un  luxe  vraiment' babylonien. 

Nous  allons  en  juger  par  le  banquet  qu"il 
donna  à  tout  le  peuple. 


(1)  Xéiioph.,  Ci/rop.,  lib.  VIII 


(1)  Xeiioph.,  Ci/rop.,  lib.  Mil. 

(?)  Il  est  remarquable  que,  dans  les  temps  modernes, 
il  est  encore  d'usage  en  Perse  de  faire  des  festins  an- 
nuels qui  durent  cent  quatre-vingts  jours.  Le  docteur 
Fyer,  qui  a  vécu  dans  ce  pays  de  1672  à  1C8I,  en  a  été 
témoin. 


ASSL'KKUS.  91 


Quand  le  festin  des  grands  fut  terminé, 
Assuérus  en  donna  un  ;\  tout  le  peuple  de 
Suse,  depuis  le  plus  grand  jusqu'au  plus 
petit.  Les  tables  furent  dressées  dans  le  parc 
du  palais,  à  l'ombre  d'arbres  magnifiques, 
plantés  par  la  main  des  rois.  Toutes  les  al- 
lées étaient  transformées  en  tentes  splen- 
dides.  De  tous  les  côtés  pendaient  des  ten- 
tures de  couleur  bleu  céleste,  blanc  et 
hyacinthe.  Elles  étaient  soutenues  par  des 
torsades  de  fm  lin  teintes  en  écarlate,  pas- 
sées dans  des  anneaux  d'ivoire  et  retenues  à 
des  colonnes  de  marbre.  Les  lits  de  table 
étaient  d'or  et  d'argent,  rangés  sur  un  pavé 
vert  d'émeraude  et  de  marbre  blanc,  em- 
belli de  fiaures  d'une  admirable  variété. 


VI 

Pour  tous  les  convives,  les  coupes  à  boire 
étaient  d'or,  et  les  viandes  étaient  servies 
dans  des  bassins,  tous  différents  les  uns  des 


92  QUINZIEME   JOUR. 

autres.  Les  vins  les  plus  exquis  étaient  offerts 
avec  une  abondance,  digne  de  la  magnifi- 
cence royale.  Suivant  la  coutume  des  Per- 
ses, les  convives  devaient  boire  autant  que 
le  roi  du  festin  l'ordonnait.  Pour  prévenir  les 
suites  fâcheuses  d'un  pareil  usage,  Assuérus 
défendit  de  forcer  à  boire  ceux  qui  ne  le 
voulaient  pas.  En  même  temps,  il  ordonna 
que  l'un  des  grands  de  la  cour  fût  assis  à 
chaque  table,  afin  que  chacun  prît  ce  qu'il 
lui  plaisait.  Le  festin  du  peuple  se  continua 
pendant  sept  jours. 

VII 

Tandis  que  les  hommes  prenaient  part  au 
banquet  dans  le  parc  royal,  la  reine  Yasthi 
en  donnait  un  aux  femmes  dans  les  apparte- 
ments du  palais.  Encore  aujourd'hui  en 
Perse,  ainsi  que  dans  tout  l'Orient,  les  fem- 
mes célèbrent  des  festins,  en  même  temps 
que  les  hommes,  mais  entièrement  séparées 
de  ces  derniers.  Comme  celui  des  hommes, 
le  banquet  des  femmes  dura  sept  jours. 

Réflexion.  —  Le  festin  d' Assuérus  nous 
donne  une  nouvelle  preuve  de  la  sollicitude 


ASSUÉKUS.  93 

avec  laquelle  Dieu  veillait  sur  le  peuple  juil", 
dépositaire  de  la  vraie  religion.  Au  nombre 
des  grands  seigneurs  qui  présidaient  aux 
tables,  se  trouvait  Zorobabel,  petit-fds  de 
Jéchonias,  roi  de  Juda.  Avec  d'autres  jeunes 
Hébreux,  captifs  comme  lui,  il  faisait  par- 
tie des  gardes  du  corps  du  roi  et  était 
admis  dans  son  intimité.  Par  manière  de 
récréation,  après  le  repas,  Assuérus  proposa 
cette  question  :  <(  Qu'est-ce  qu'il  y  a  de  plus 
fort  dans  le  monde  ?  »  Un  des  princes  dit  : 
((  C'est  le  vin.  »  Un  autre  dit:  «C'est  le  roi.  » 
Zorobabel  dit  :  «  C'est  la  femme,  et  par-des- 
sus c'est  la  vérité.  » 

Assuérus  trouva  la  réponse  juste  et  dit  à 
Zorobabel  :  «  Demandez  ce  que  vous  voudrez 
et  je  vous  le  donnerai.  »  Zorobabel  répondit: 
«  Souvenez-vous,  Seigneur,  de  la  promesse 
que  vous  avez  faite  de  rebâtir  Jérusalem  et 
d'y  renvoyer  les  richesses  que  les  Assyriens  en 
ont  enlevées.  »  Assuérus  l'embrassa  et  fit  ce 
qu'il  avait  promis.  Israël  rentrera  dans  la 
terre  de  ses  pères  et  conservera  le  dépôt  de 
la  vérité,  jusqu'à  la  venue  du  Messie.  Admi- 
rons et   bénissons  la  Providence,  éualemenl 


91  QUINZIEME   JOUR. 

douce  et  forte,  qui  fait  servir  les  plus  petites 
choses  à  l'accomplissement  de  ses  desseins. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez 
pour  la  Perse. 

Pratique.  —  Mortification  de  la  volonté. 


XVP  JUUH. 
Vasthi. 

I 

Le  septième  jour  du  dernier  banquet,  As- 
sucrus,  éohaufTc  par  le  vin,  commanda  aux 
sept  grands  chambellans  qui  servaient  en  sa 
présence,  de  faire  venir  devant  lui  la  reine 
Yasthi,  le  diadème  en  tête,  pour  montrer  sa 
beauté  à  tout  le  peuple  et  à  toute  la  cour, 
parce  qu'elle  était  extrêmement  belle.  Pour 
un  motif,  que  l'histoire  ne  dit  pas,  Yasthi 
refusa  d'obéir  et  dédaigna  de  venir  selon  le 
commandement  du  roi. 


II 

Assuérus  lut  IrÙG-irrité  de  ce  refus.  Sur- 
ie-champ,  il  réunit  les  sages  qui  étaient  tou- 
jours près  de  sa  personne,  selon  la  coutume 
des  rois  de  Perse,  et  par  le  conseil  de  qui  il 

7 


96  SEIZIÈME   JOUR. 

faisait  toutes  choses^  parce  qu'ils  connaisr 
saient  les  lois  et  les  coutumes.  Or,  entre  ces 
sages  étaient  les  sept  principaux  seigneurs 
des  Mèdes  et  des  Perses,  qui  tenaient  la  pre- 
mière place  après  le  roi.  Il  leur  demanda 
quelle  conduite  il  devait  tenir  à  Tégard  de  la 
reine  Tasllii,  qui  avait  refuse  de  lui  obéir. 


III 


Le  chef  des  sages,  Mamuchan,  répondit  eu 
présence  du  roi  et  de  tout  le  conseil  :  «  La 
reine  Yasthi  n'a  pas  seulement  offensé  le  roi, 
mais  encore  tous  les  peuples  et  tous,les  grands 
qui  sont  dans  toute  l'étendue  du  royaume 
d'Assuérus.  Cette  conduite  de  la  reine  par- 
viendra à  la  connaissance  de  toutes  les 
femmes,  et  leur  apprendra  à  mépriser  leurs 
maris,  en  disant  :  Le  roi  Assuérus  a  commandé 
à  la  reine  Yasthi  de  venir  se  présenter  de- 
vant lui,  et  elle  l'a  refusé.  A  son  exemple 
toutes  les  femmes  des  princes  des  Perses  et 
des  Mèdes  mépriseront  les  coumiandemeuts 
de  leurs  maris.  Aiu^i,  la  (^olère  du  roi  est 
juste.  )) 


VASTni.  97 


IV 


Puis,  se  tournant  vers  Assiiénis,  il  ajouta  : 
«  S'il  plaît  à  A'^otrc  Majesté,  que  par  ses  or- 
dres il  soit  fait  et  éerit,  suivant  la  loi  des 
Perses  et  des  Mcdes,  qu'il  n'est  pas  permis  de 
violer,  un  édit,  portant  que  la  reine  Vasthi  ne 
se  présentera  plus  devanfle  roi,  mais  que  sa 
royauté  sera  donnée  à  une  plus  digne;  que 
cet  édit  soit  publié  dans  toutes  les  provinces 
de  votre  vaste  empire,  afin  que  toutes  les 
femmes,  tant  des  grands  que  des  petits,  ap- 
prennent à  respecter  leurs  maris.  »  Le  con- 
seil de  Mamuchan  plut  au  roi  et  aux  princes, 
et  le  roi  le  suivit  sans  délai. 


Des  lettres  furent  envoyées  en  son  nom  à 
toutes  lesprovinces  du  royaume.  Elles  étaient 
en  diverses  langues  et  en  diiïcrenls  caractè- 
res, afin  que  chaque  nation  pût  les  lire  et  les 
entendre.  Par  ces  lettres  il  était  statué  que 
les  maris  eussent  tout  pouvoir  et  toute  auto- 


98 


SEIZIEME   JOUR. 


rite  chacun  dans  sa  maison,  eL  que  cet  cdit 
fût  publié  parmi  tous  les  peuples.  Toutes  ces 
choses  eurent  lieu  comme  il  était  ordonné. 
Cependant,  la  colère  d'Assuérus  s'étant  cal- 
mée, il  se  souvint  de  Vasthi,  de  ce  qu'elle 
avait  fait  et  de  la  peine  qu'elle  avait  subie,  et 
il  en  fut  centriste.  Puisqu'il  se  repentait  d'a- 
voir été  trop  sévère  à  l'égard  de  Yasthi,  pour- 
quoi ne  la  rappelait-il  pas  ?  La  tradition  de 
la  Synagogue  enseigne  que  la  reine  avait  été 
condamnée  à  mort  et  exécutée. 


VI 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  grands  officiers  d'As- 
suérus lui  dirent  :  «  Qu'on  cherche  dans  tout 
le  royaume  les  jeunes  vierges  les  plus  accom- 
plies, qu'on  les  amène  à  Suse  ;  qu'on  les  mette 
dans  le  palais  des  femmes  et  qu'on  leur  donne 
tout  ce  qui  est  nécessaire  tant  pour  leur  pa- 
rure que  pour  leurs  autres  besoins,  et  celle 
qui  plaira  davantage  aux  yeux  du  roi,  sera 
reine  à  la  place  de  Vasthi.  Cet  avis  plut  au 
roi,  et  il  connnauda  de  faire  ce  (|ui  lui  était 
conseillé. 


YASTlir.  9  9 

Bi'flcnfm.  —  Les  interprètes  de  nos  saints  li- 
vres nnlvu,  dans  le  festin  d'Assnérns,  la  ligure 
(In  plus  auguste  de  nos  mystères,  le  banquet 
eucharistique.  Soit  pour  l'excellence  des 
mets,  soit  pourlarichesse  et  la  variété  des  dé- 
corations, le  festin  d'Assuérus  surpasse  en 
magnificence  tout  ce  qu'on  peut  imaginer. 
Si,  pour  nous  enseigner  le  détachement  des 
choses  de  ce  monde,  Notre-Seigneur  voulut 
naître  dans  une  étable,  il  voulut  aussi  que  le 
festin. eucharistique  fût  célébré  dans  une 
salle  spacieuse  et  richement  ornée,  cœnaculum 
f/raude,  sfratam.  Sa  conduite  est  la  condam- 
nation de  ceux  qui  se  permettent  de  désap- 
prouver la  richesse  de  nos  églises. 

Quelque  recherchés  qu'ils  fussent,  les  mets 
du  festin  d'Assuérus  ne  sont  pas  même  une 
ombre  de  la  nourriture  servie  à  la  table  du 
Seigneur.  Assuérus  invite  à  son  festin  non- 
seulement  les  princes  et  les  grands  de  son 
royaume,  mais  tous  les  habitants  de  sa  capi- 
tale, sans  distinction  ;  et  le  nom  de  sa  capitale 
signifie  la  ville  des  Lis.  Du  fond  de  son  taber- 
nacle, le  véritable  Assuérus  ne  dit-il  pas: 
Venez  à  moi,  vous  tous,  riches  et  pauvres, 


lOû  SEIZIEME   JOUR. 

hommes,  femmes,  enfants,  qui  souffrez,  qui 
fléchissez  sous  le  fardeau  de  la  vie  ;  venez 
vous  asseoir  i\  ma  table,  et  je  vous  rendrai  la 
force  et  le  courage.  C'est  dans  la  ville  des  lis 
que  Notre-Seigneur  donne  son  festin,  c'est- 
à-dire  dans  l'Église  catholique,  seule  terre  où 
germe  la  virginité. 

Comme  Assuérus,  notre  divin  roi  préside 
lui-même  à  son  festin  et  y  prend  part  ;  car  il 
dit  de  chacun  de  ses  heureux  invités  :  Je  sou- 
perai  avec  lui  et  lui  avec  moi.  La  reine  Vas- 
thi  qui  refuse  d'obéir  au  roi  son  époux,  c'est 
la  Synagogue  ({ui  refuse  de  reconnaître  le 
Messie,  et  qui  voit  sa  couronne  d'épouse  et 
de  reine  passer  sur  la  tète  de  l'Église  catholi- 
que. Ames  chrétiennes,  ne  l'imitez  pas,  en 
vous  montrant,  pendant  ce  mois  béni,  sour- 
des à  l'appel  de  la  grâce,  de  peur  que  votre 
couronne  ne  passe  sur  la  tête  d'une  autre. 

Invocations.  —  Épargnez,-  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Chine . 

Pratique.  —  Réciter  le  Veni  Creator. 


XVIP  JOUR. 
Esther. 

I 

11  y  avait  alors,  dans  la  ville  de  Suse,  un 
Juif,  nommé  ^lardochée,  de  la  race  royale  de 
Saiil,  qui  avait  été  amené  de  Jérusalem,  au 
temps  où  Nabuchodonosor,  roi  de  Babylonc, 
y  avait  transporté  Jéchonias,  roi  de  Juda. 
lîien  qu'il  fût  captif  comme  ses  compatriotes, 
Mardochée  était  un  personnage  fort  consi- 
déré d'Assuérus.  La  noblesse  de  son  origine 
et  plus  encore  ses  vertus,  l'avaient  fait  élever 
à  la  dignité  de  grand  chambellan.  C'est  ainsi 
([ue  Daniel  avait  mérité  les  bonnes  grâces  de 
Nabuchodonosor,  et  Tobie  celles  de  Salma- 
nasar. 

II 

Or,  Mardochée  avait  une  nièce,  nommée 
Édisse  ou  Esther.  Orpheline  de  père  et  de 
mère,  il  l'avait  adoptée  pour  sa  iille.  Elle  était 


103  DIX-SEPTIEME    JOUR. 

d'une  beauté  incomparable.  Les  officiers 
chargés  d'exécuter  l'ordonnance  du  roi  ne 
l'ignoraient  pas.  Comme  on  amenait  à  Suse, 
en  grand  nombre,  de  toutes  les  parties  de 
l'empire,  les  vierges  choisies,  qu'on  remettait 
entre  les  mains  d'Egée  le  chambellan,  on  lui 
amena  aussi  Esther,  afin  qu'elle  fût,  comme 
les  autres,  gardée  dans  le  palais  des  femmes. 
Autant  par  sa  modestie  que  par  ses  attraits, 
Esther  plut  extrêmement  à  Egée. 

III 

Sur-le-champ  il  ordonna  de  lui  préparer 
tous  ses  ornements,  riches  vôtenients,  pier- 
reries, parfums;  de  lui  donner,  pour  la  servir, 
sept  jeunes  lilles,  parmi  les  plus  belles  de  la 
maison  du  roi,  et  d'avoir  grand  soin  de  tout 
ce  qui  pouvait  contribuer  à  la  parer  et  à  l'em- 
bellir, elle  et  ses  suivantes.  Ce  premier  ordre 
d'Egée  fut  exécuté  avec  une  exactitude  re- 
ligieuse et  une  magnificence  vraiment  royale. 
Le  second  ne  le  fut  pas  avec  moins  de  fidé- 
lité. Il  consistaità  servir,sur la  table  d'Esther, 
dos  mets  de  la  table  royale,   ainsi  que  Nabu- 


ESTHER.  103 

chodonosnr  en  avait  usé  c\  l'égard  do  Daniel 
cl  de  ses  compagnons.  Non  moins  courageuse 
(]ue  Daniel  el  Judith,  Esther  refusa  les  mets 
défendus  par  la  loi  de  Moïse  ou  qui  avaient 
été  offerts  aux  idoles. 


lY 

Ce  refus  piqua  la  curiosité  du  chambellan, 
qui  demanda  à  Esther  quelle  était  sa  patrie 
et  à  quelle  nation  elle  appartenait.  Elle  ne 
voulut  pas  le  dire  ;  car  Mardochée  lui  avait 
ordonné  de  garder  sur  cela  un  silence  absolu. 
Cette  recommandation  entrait  dans  les  vues 
de  la  Providence,  et  la  fidélité  d'Esther  à  s'y 
conformer  devait  ôtre  récompensée  par  le 
salut  de  son  peuple.  Cependant  Mardochée, 
plein  de  sollicitude  pour  sa  fille  adoptive, 
voulait  savoir  à  chaque  instant  ce  qui  lui 
arriverait.  Il  venait  donc  tous  les  jours  se 
promener  devant  le  vestibule  du  palais,  où 
étaient  gardées  les  vierges  choisies.  Sa  dignité 
de  grand  chambellan,  qui  l'appelait  aux  de- 
meures royales,  expliquait  sa  présence  et 
écartai^  tout  soupçon. 

7. 


104  DTX- SEPTIEME    JOUR. 


Suivant  l'usage,  Esther  el  ses  compagnes 
restèrent  une  année  entière  avant  d'être  pré- 
sentées à  Assuérus.  Tout  ce  temps  était  em- 
ployé à  augmenter  leurs  attraits  et  à  les  for- 
mer aux  habitudes  de  la  cour.  On  faisait 
surtout  usage  des  parfums  les  plus  exquis  de 
l'Orient  et  entre  autres  d'huile  de  myrrhe, 
rendue  nécessaire  par  la  chaleur  du  climat. 
Lorsque  le  jour  était  venu  où  elles  devaient 
être  présentées  au  roi,  on  leur  donnait  tout 
ce  qu'elles  demandaient  pour  se  parer,  ainsi 
que  les  personnes  dont  elles  désiraient  être 
accompagnées.  Conformément  à  l'étiquette 
de  la  cour,  tout  cela  se  faisait  avec  ordre  et 
avec  une  grande  solennité. 

•    VI 

Cependant  le  jour  approchait,  où,  selon  son 
rang,  Esther  devait  être  présentée  à  Assuérus. 
Toujours  modeste  et  timide,  elle  ne  demanda 
rien  pour  sa  parure.  Elle  se  contenta  de  ce 
qu'Elgée,  le  chambellan,  voulut  lui  donner. 


ESTIIER.  10  5 

Il  o>^t  vr;ù  ([u'olle  n'avait  pas  bosoin  d'orne- 
iiicnls  étrangers  ;  car  elle  était  si  belle  que 
ses  attraits  incroyables  ravissaient  ceux  qui 
la  voyaient.  V.Uc  fut  donc  introduite  dans 
l'appartenient  d'Assuérus,  au  dixième  mois, 
appelé  Tébeth,  la  septième  année  de  son 
règne.  C'est  ainsi  (juc  la  Providence  condui- 
sait comme  par  la  main  la  vierge  d'Israël, 
jusqu'aux  pieds  du  trône  où  elle  devait  bien- 
tôt monter,  pour  devenir  l'instrument  du 
salut  de  son  peuple. 

Réflexion.  —  Par  cela  môme  qu'ils  semblent 
minutieux,  les  détails  que  je  viens  de  lire 
donnent  clairement  à  entendre  qu'ils  ont  un 
sens  caché.  Autrement  serait-il  de  la  majesté 
des  divines  écritures  de  nous  introduire  dans 
le  palais  d'un  monarque  païen,  de  nous  dé- 
crire les  usages  de  sa  cour,  de  nous  parler  de 
cette  multitude  de  vierges  amenées  de  toutes 
les  parties  de  l'empire,  des  soins  et  des 
moyens  employés  pour  les  embellir  avant  de 
se  présenter  devant  le  roi,  qui  doit  se  choisir 
une  épouse  parmi  elles  ?  Quel  intérêt  toutes 
ces  choses  auraient-elles  pour  nous,  si  elles 
ne  renfermaient  (luelque  mystère  ? 


106  DIX-SEPTIÈME   JOUR. 

Ce  mystère,  nous  le  connaissons.  Assuérus 
réunit  les  jeunes  vierges  les  plus  parfaites  de 
son  empire,  afin  de  se  choisir  une  épouse. 
C'est  le  Saint-Esprit  qui,  au  moment  de  l'In- 
carnation duYerbe  éternel,  promène  ses  re- 
gards sur  toute  la  face  du  monde  et  cherche, 
pour  en  faire  son  épouse,  la  plus  parfaite  de 
toutes  les  vierges.  Le  choix  d'Assuérus  s'ar- 
rête, non  sur  une  fille  de  la  Perse,  delaMédie 
ou  de  telle  autre  nation  de  la  genlilité,  mais 
sur  une  humble  fille  d'Israël.  C'est  le  Saint- 
Esprit  choisissant  Marie  de  préférence  à  toute 
autre,  suivant  cette  parole  :  Une  multitude  de 
filles  ont  réuni  les  richesses  de  leurs  attraits, 
vous  les  avez   toutes  surpassées. 

Avant  d'être  présentées  à  Assuérus,  ces 
vierges  passent  longtemps  à  s'embellir  et  à 
se  parer  le  mieux  qu'elles  peuvent,  afin  de 
captiver  le  cœur  du  grand  roi.  Telle  a  été  la 
conduite  de  la  sainte  Vierge  au  temple  de 
Jérusalem,  où  elle  passa  ses  jeunes  années. 
Renfermée  dans  le  palais  de  son  Dieu,  elle 
travailla  sans  cesse  à  embellir  son  âme  de 
nouvelles  vertus,  jusqu'au  jour  où  le  Saint- 
Esprit  envoya  l'archange  Gabriel  lui  deman- 


ESTflER.  107 

der  sa  main.  Ainsi  devons-nous  faire,  âmes 
chrétiennes,  afin  d'être  dignes  du  divin 
Assuérus,  dont  nous  devenons  les  épouses 
dans  la  sainte  Communion.  Que  cette  leçon 
est  importante  ! 

Invocafious.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
le  Thibet. 

Pratique.  —  Réciter  les  Litanm  do  In 
sainte  Vierge. 


XYIII-^  JOUR. 
Mariage  d'Esther. 

I 

Assucms,  ayant  vu  Estlier,  l'aima  plus  que 
toutes  les  vierges  qu'on  lui  avait  présentées. 
Sa  beauté,  sa  modestie,  sa  candeur,  gagnè- 
rent tellement  le  cœur  du  roi,  qu'il  lui  mit 
sur  la  tôte  le  diadème  royal  et  la  fit  reine  à 
la  place  de  Vasthi.  Pour  célébrer  son  ma- 
riage et  les  noces  d'Esther,  il  donna  un  fes- 
tin d'une  incroyable  magnificence,  aux 
princes  de  sa  cour  et  à  tous  ses  officiers.  Le 
grand  roi  ne  s'en  tint  pas  là.  Afin  d'associer 
à  sa  joie  toutes  les  provinces  de  son  vaste 
empire,  il  diminua  les  impôts  et  fit  des  pré- 
sents dignes  de  la  munificence  royale. 

II 

Le  mariage  d'Esthei',  née  dans  la  bonne 
religion  et  fidèle  adoratrice  du  vrai  Dieu, 


MABIAGE    D  ESTDER.  109 

avec  un  princo  idolâtre,  ne  doil  pas  nous 
étonner,  et  moins  encore  nous  scandaliser. 
Une  pareille  alliance  n'avait  rien  d'illicite. 
En  donnant  sa  loi  à  son  peuple,  Dieu  n'avait 
défendu  que  les  mariages  entre  les  Chana- 
néens  et  les  enfants  d'Israël.  «  Vous  ne  con- 
tracterez point  de  mariage  avec  eux,  dit-il 
au  Deutéronome .  Tous  ne  donnerez  pas  vos 
filles  à  leurs  fils,  et  vous  n'accepterez  pas 
leurs  filles  pour  vos  lils  (I).  )>  D'ailleurs,  Es- 
ther  et  Mardochée  étaient  persuadés  que  la 
Providence  conduisait  toute  cette  affaire, 
pour  rendre  Assuérus  favorable  aux  Juifs  et 
les  sauver  ainsi  de  l'extermination  méditée 
par  Aman. 

III 

Devenue  reine  toute-puissante,  Esther 
continuait  d'obéir  à  Mardochée,  comme  elle 
lui  obéissait  quand  elle  était  petite  fdle  et 
qu'il  prenait  soin  de  son  enfance.  En  toutes 
choses  elle  se  conduisait  d'après  ses  avis.  C'csl 
ainsi  que,  par  ses  ordres,  elle  ne  découvrit  à 

(l)vii,  3. 


110  DIX-HUITIÈME   JOUR. 

personne,  pas  même  au  roi,  ni  son  pays  ni 
son  peuple.  Par  son  obéissance  filiale,  Es- 
ther  s'attirait  les  bénédictions  de  Dieu;  et 
par  la  fidélité  à  garder  son  secret,  elle  assu- 
rait, d'avance,  comme  nous  l'avons  fait  pres- 
sentir, le  succès  de  la  grande  mission  qui  lui 
était  réservée. 

IV 

Nous  avons  vu  que  Mardochée  était  un 
des  grands  officiers  du  palais.  La  Providence, 
qui  atteint  son  but  avec  autant  de  douceur 
que  de  force,  lui  avait,  à  dessein,  ménagé  cette 
dignité.  D'une  part,  elle  le  mettait  en  posi- 
tion de  donner  facilement  à  Esther  les  con- 
seils dont  elle  avait  besoin  ;  d'autre  part,  elle 
était  pour  lui  un  moyen  de  savoir  tout  ce 
qui  se  passait  à  la  cour.  Un  jour  donc  qu'il 
était  de  garde  à  la  porte  du  roi,  il  entendit 
deux  chambellans,  préposés  à  la  première 
porte  du  palais,  qui  chuchotaient  entre  eux. 
Ces  deux  chambellans  s'appelaient  Tharès  et 
Bagathan.  Mardochée  prête  l'oreille  et  dé- 
couvre que  ces  deux  officiers  complotent 
d'assassiner  Assuérus. 


MAniAGF,    D'KSXnER.  1  1  l 


Oui  ;iv;iil  [)U  leur  inspirer  ce  coupable  pro- 
jet? Suivant  la  tradition,  ces  deux  officiers 
voulaient  se  défaire  d'Assuérus,  afin  de  trans- 
porter le  trône  à  Aman,  que  l'histoire  d'Es- 
tlier  nous  fera  bientôt  connaître.  La  preuve 
qu'il  était  l'ami  et  le  fauteur  des  deux  con- 
jurés, c'est  qu'il  ne  pardonna  jamais  à  Mar- 
dochée  de  les  avoir  dénoncés.  «  Aman,  dit 
le  texte  sacré,  voulut  perdre  Mardochée  et 
son  peuple,  à  cause  des  deux  chambellans 
qui  avaient  été  mis  à  mort.  » 

VI 

Quoi  qu'il  en  soit,  Mardochée,  ayant  eu 
connaissance  de  leur  projet,  s'empressa  d'en 
prévenir  la  reine  Esther.  La  reine  en  avertit 
le  roi  au  nom  de  Mardochée,  de  qui  elle 
avait  reçu  l'avis.  On  fit  des  recherches  :  le 
complot  fut  découvert.  Les  coupables  avouè- 
rent eux-mômes  leur  crime  et  tous  deux 
furent  pendus.    Assuérus  ordonna    d'écrire 


1  12  ni\'-llLTnÈME    JOL'I!. 

tout  cela  dans  les  histoires  de  Perse  et  dans 
les  annales  de  son  règne,  afin  que  le  souvenir 
en  passât,  sans  altération,  f>  la  postérité. 

VII 

Il  semble  que,  sous  un  monarque  généreux 
comme  Assuérus,  de  grandes  faveurs  de- 
vaient récompenser  immédiatement  le  cou- 
rageux et  fidèle  Mardochée.  La  Providence 
ne  permit  pas  qu'il  en  fût  ainsi.  Mais,  en  ins- 
pirant à  Assuérus  la  pensée  de  faire  écrire 
l'important  service  de  Mardochée,  comme  en 
lui  laissant  ditférer  la  récompense  si  bien  due 
à  ce  loyal  serviteur,  elle  avait  des  vues  di- 
gnes d'une  sagesse  infinie.  Nous  le  verrons 
par  la  suite  des  événements. 

Réflexion .  —  La  modeste  Esther,  fille  de 
Juda,  élevée  par  Assuérus  ;\  la  dignité  de 
reine  et  assise  sur  le  premier  trône  de  l'O- 
rient, est,  suivant  les  saints  Pères,  la  figure 
transparente  de  l'humble  Marie,  cette  autre 
fille  de  Juda,  élevée  par  le  Roi  des  rois  à  la 
dignité  de  Reine  des  anges  et  des  hommes, 
et  assise  dans  le  ciel  sur  un  trône  mille  fois 


MARIAGR    D'ESTllEU.  113 

plus  brillant  et  plus  solide  que  tous  les  troncs 
de  la  terre  (I). 

Esthcr  dutson  élévation  à  raffeclion  d'As- 
suérus,  captive  par  ses  chastes  attraits.  C'est 
dans  sa  beauté  virginale,  dans  son  humilité  et 
ses  autres  vertus  qu'il  faut  chercher  la  cause 
de  la  prédilection  de  Dieu  pour  Marie  et  de 
son  élévation.  Par  l'archange  Gabriel  il  lui 
fait  dire  :  Je  vous  salue,  pleine  de  grâce. 
Lui-même  lui  dit  :  Ma  sœur,  mon  épouse, 
vous  avez  blessé  mon  cœur  par  un  seul  che- 
veu de  votre  cou  :  vous  êtes  toute  belle,  ma 
bien-aimée.  Venez  donc  et  soyez  reine  : 
Veni,  coronaberis.  Ne  l'oublions  pas  :  nos  ver- 
tus seront  la  mesure  de  notre  gloire. 

Devenue  reine,  Esther  continue  d'écouter 
les  conseils  de  Mardochée  et  d'obéir  filiale- 
ment  à  ses  ordres.  Voilà  bien  la  sainte 
Vierge.  Reine  du  ciel,  Marie  n'a  pas  oublié 
qu'elle  est  notre  sœur.  Son  oreille  et  son 
cœur  sont  toujours  ouverts  pour  écouter 
ceux  qui  l'invoquent.  Comme  son  divin  Fils 
lui-même,  elle  fait  la  volonté  de  ceux  qui 

(l)  S.  rioiiavciit.,  hi  speculo,  1.  VIII. 


1  14  DIX -HUITIEME    JOUR. 

l'aiment  :  ]n!iiiifnfp)n  thnenthnn  f^e  faciet. 
Pour  récompenser  leur  zèle  à  l'honorer,  elle 
leur  promet  la  vie  éternelle  :  Qui  élucidant 
me  vitam  œternam  habehunt.  Comme  la  ré- 
compense de  Mardochée,  les  faveurs  que 
nous  demanderons,  pourront  quelquefois  se 
faire  attendre  :  ne  perdons  pas  confiance, 
certains  qu'elles  ne  sont  différées  que  pour 
nous  L'Ire  accordées  plus  brillantes  et  plus 
douces. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar 
gnez  votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Corée. 

Pratique.  —  Orner  avec  soin  un  auto!  de 
la  sainte  Vierge. 


XIX'  JOUR. 
Aman. 

I 

A  la  cour  d'Assuorus  était  un  personnage, 
ambitieux,  intrigant,  vindicatif,  avide  d'hon- 
neurs et  de  richesses,  comme  il  s'en  trouve 
toujours  dans  les  palais  des  rois.  Ce  per- 
sonnage s'appelait  Aman.  Il  était  Amalécitc 
de  nation  et  de  la  race  d'Agag.  Les  Amalé- 
cites  étaient  un  peuple,  voisin  delà  Judée,  des- 
cendant d'Ésaii  par  Amalec,  son  petit-fds,  et 
toujours  acharné  contre  les  Israélites.  Dieu 
ordonna  à  Saiil  de  les  exterminer.  Ce  roi 
leur  déclara  la  gucrre'et  les  défit  ;  mais,  con- 
tre la  défense  de  Dieu,  il  épargna  Agag  leur 
roi.  Cette  désobéissance  lui  lit  perdre  sa 
couronne,  que  Dieu  donna  à  David.  Toute- 
fois, Agag  n'échappa  point  à  la  peine  de 
mort  prononcée  contre  lui.  Par  ordre  du 
Seigneur,  il  la  subit  des  mains  de  Samuel, 
dans  la  plaine  de  Galgala. 


118  DIX-NEUVIEME    JOUTx. 


II 


Les  deux  chambellans  conspirateufs  n'a- 
vaient fait,  avant  de  mourir,  aucune  révéla- 
tion de  nature  à  compromettre  Aman,  leur 
complice.  Exposé  comme  le  sont  tous  les 
rois  à  être  trompés,  Assuérus  donna  sa  con- 
fiance à  un  homme  qui  en  était  si  peu  digne. 
11  fit  d'Aman  son  premier  ministre  et  l'éleva 
au-dessus  de  tous  les  princes  de  sa  cour.  A 
l'exemple  du  terrible  Nabuchodonosor,  les 
monarques  babyloniens  se  regardaientcomme 
des  dieux  et  exigeaient  qu'on  leur  rendit  des 
honneurs  divins.  Ils  allaient  plus  loin.  Dans 
leur  orgueil,  ils  s'arrogeaient  le  droit  de  faire 
de  leurs  ministres  des  dieux  de  second  ordre, 
et  commandaient  qu'on  les  adorât  en  fléchis- 
sant le  genou  devant  eux.  Le  décret  qui  éle- 
vait Aman  à  la  première  dignité  de  l'empire, 
enjoignait  à  tout  le  monde  de  l'adorer. 

III 

Les  trois  enfants  jetés  dans  la  fournaise, 
pour  n'avoir  pas  voulu  adorer  la  statue  de 


AMAN.  117 

Nabucliodonosor  ;  Daniel,  précipité  dans  la 
fosse  aux  lions,  pour  avoir  adoré  un  autre 
dieu  que  Darius,  nous  montrent  que  la 
peine  de  mort  était  portée  contré  ceux,  qui 
refusaient  de  rendre  à  de  méprisables  créa- 
tures les  honneurs  qui  ne  sont  dus  qu'à 
Dieu.  Aussi  tous  les  grands  de  la  cour  d'As- 
suérus,  princes,  officiers,  chambellans,  cour- 
tisans de  tout  grade,  s'empressaient  d'adorer 
Aman,  le  nouveau  dieu,  en  fléchissant  le 
genou  devant  lui,  soit  en  lui  parlant,  soit 
lorsqu'il  venait  à  passer.  Mardochée  seul  de- 
meurait debout,  immobile. 


IV 

Sa  conduite  ne  tarda  pas  à  être  remar- 
quée. Les  officiers  de  garde  à  la  porte  du 
palais,  lui  dirent  :  «  Pourquoi  n'obéissez- 
vous  pas  comme  les  autres  au  commande- 
ment du  roi?  »  Mardochée  ne  répondit  pas. 
Les  jours  suivants  ils  revinrent  à  la  charge 
et  ne  cessèrent  de  lui  adresser  la  mônic  ques- 
tion. Alors  Mardochée,  aussi  fidèle  à  son 
Dieu  qu'à  son  roi,  leur   dit  franchement  et 


118  DIX-NEUVIEME    JOUR. 

ï«ans  respect  humain  :  «  Je  suis  juif,  et  ma  re- 
ligion me  défend  de  rendre  des  honneurs  di- 
vins à  un  autre  qu'à  Dieu.  »  Ils  s'empressè- 
rent d'en  avertir  Aman,  curieux  de  savoir 
si  Mardochée  persévérerait  dans  sa  résolu- 
tion. 

V 

Aman,  ayant  reçu  cet  avis,  et  reconnu  que 
Mardochée  ne  fléchissait  pas  les  genoux  dcvan  t 
lui  et  ne  l'adorait  pas,  entra  dans  une  grande 
colère.  Il  compta  pour  rien  de  se  venger  seu- 
lement de  Mardochée.  Comme  il  venait  d'ap- 
prendre qu'il  était  juif,  il  résolut  d'extermi- 
ner toute  la  nation  juive,  alors  répandue 
dans  toutes  les  provinces  du  royaume  d'As- 
suérus.  Sans  perdre  un  instant,  il  fait  jeter, 
devant  lui,  dans  l'urne  destinée  à  cet  usage, 
le  sort  appelé  j)hur,  pour  savoir  en  quel  mois 
et  en  quel  jour  devaient  périr  les  Juifs.  Cela 
se  passait  au  premier  mois  de  l'année,  nom- 
mé Nisan,  ol  le  sort  désigna  le  douzième 
mois,  appelé  Adar.  On  était  à  la  douzième 
année  du  règne  d'Assuérus  et  à  la  cinquième 
de  l'élévation  d'Esther. 


AMAN.  ir.J 

VI 

Douze  mois  entre  l'édit  de  prosciiplion 
et  l'exécution,  c'était  trop.  Aveuglé  par  sa 
haine,  Aman  ne  réfléchit  pas  qu'un  pareil 
intervalle  laisserait  à  Mardochée,  dont  il  ne 
pouvait  nier  l'influence,  le  moyen  de  con- 
jurer la  ruine  de  sa  nation.  Fort  de  la  réponse 
de  l'oracle,  il  alla  trouver  Assuérus,  et  lui 
dit  :  «  Il  y  a  un  peuple  dispersé  dans  les 
provinces  de  votre  empire,  dont  les  mem- 
bres, vivant  séparés  les  uns  des  autres,  ne 
sauraient  ofl'rir  une  résistance  sérieuse  à  vos 
ordres.  Ils  ont  des  lois  et  des  cérémonies  dif- 
férentes de  celles  de  tous  les  autres  peuples. 
De  plus,  ils  méprisent  les  commandements 
du  roi.  Or,  vous  savez,  mieux  que  personne, 
combien  il  importe  de  ne  pas  soufl'rir  que 
l'impunité  les  rende  encore  plus  insolents. 
Qu'il  vous  plaise  donc  d'ordonner  que  ce 
peuple  périsse.  Pour  vous  dédommager  des 
tributs  qu'on  tire  de  cette  nation,  je  m'en- 
gage à  verser  dans  Vos  trésors  la  somme  de 
dix  mille  talents  (I).  » 

(I)  l'ius  de  vingt,  milliuiis. 

8 


120  DIX-NEUVIEME   JOLR. 

Réflexion,  —  Comment  ne  pas  admirer  et 
vénérer  dans  Mardochée  l'honneur  juste  et 
courageux,  qui  brave  hautement  le  respect 
humain  et  ne  craint  qu'une  chose,  l'offense 
de  Dieu?  Comment  aussi  ne  pas  voir  dans 
Aman  l'orgueilleux,  l'ambitieux,  le  conspi- 
rateur sanguinaire,  le  démon  appelé  le 
grand  homicide?  Aman  s'irrite  contre  Mardo- 
chée, parce  qu'il  lui  refuse  un  honneur  qui 
n'est  dû  qu'à  Dieu  :  c'est  le  démon  furieux 
contre  l'àme  innocente  et  fidèle.  Aman  forme 
le  projet  de  faire  périr  Mardochée  et  tout 
son  peuple  :  c'est  le  démon  qui  conspire  ma 
ruine  et  la  ruine  de  tout  le  peuple  chré- 
tien. 

Aman  prend  tous  les  moyens  de  réussir, 
et  il  se  croit  sûr  du  succès.  Aujourd'hui 
plus  que  jamais,  le  démon  met  en  œuvre 
tous  les  moyens  de  perdre  les  âmes  et  de 
détruire  l'Église.  Aman  avait  compté  sans 
Esther.  Dans  ses  projets  d'extermination, 
Satan  oublie  la  divine  Esther,  Marie,  que  le 
bon  dix-neuvième  siècle  invoque  avec  tant 
de  ferveur.  Au  moment  voulu  par  la  Provi- 
dence, Esther  est  informée  des  projets  d'A- 


AMAN.  i21 

man  et  les  déjoue.  Quand  l'heure  sera  ve- 
nue, la  toute -puissante  Reine  du  ciel  et  de 
la  terre  se  lèvçra  et,  avec  plus  d'éclat  que  ja- 
mais, écrasera  de  son  pied  virginal  la  tête  du 
serpent.  Telle  est  la  foi  du  monde  chrétien  ; 
qu'elle  soit  la  nôtre.  Ne  cessons  de  prier  et 
attendons  avec  confiance. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
le  Japon. 

Pratique.  —  Réciter  le  Salve  Jiegina. 


XX''  JOUR. 
Ëdit  de  proscription. 

I 

Dans  sa  requête,  Aman  faisait  valoir,  avec 
autant  d'habileté  que  d'hypocrisie,  deux  puis- 
sants moyens  d'en  obtenir  le  succès.  C'était, 
d'une  part,  la  nécessité  de  venger  l'autorité 
du  roi,  méconnue  par  les  Juifs;  c'était,  d'au- 
tre part,  la  promesse  de  remplir  le  trésor 
public.  On  se  demande  où  le  perfide  minis- 
tre pouvait  trouver  les  sommes  énormes  qu'il 
annonçait.  La  réponse  est  facile.  Tous  les 
biens  des  Juifs  devaient  être  confisqués. 
Aman  se  disait  :  Si  le  roi  accepte  cet  argent, 
il  ne  perdra  rien  de  ses  revenus;  s'il  ne  l'ac- 
cepte pas,  j'en  ferai  mon  profit,  et  cette  im- 
mense fortune  augmentera  ma  puissance. 
Tel  était  son  calcul.  Bien  différent  était  celui 
de  la  Providence. 


ÉDIT  DE    PROSCRIPTION.  123 


IT 

Lorsqu'Ainan  eut  cessé  de  parler,  Assuc- 
iiis tira  de  son  doigt  l'anneau  dont  il  avait 
coutume  de  se  servir  pour  sceller  ses  ordon- 
nances, et  le  donnai  Aman,  fils d'Amadathi, 
de  la  race  d'Agag,  ennemi  des  Juifs.  L'édit  de 
proscription,  scellé  du  sceau  du  roi,  devenait 
une  loi  inexorable,  que  nul  ne  pouvait  ni  révo- 
quer, ni  contester  ni  éluder  :  «  Quant  àl'argent 
que  vous  m'offrez,  dit  Assuérus,  gardez-le 
pour  vous  ;  et  faites  de  ce  peuple  ce  que  vous 
voudrez.  » 

Joyeux  de  la  joie  du  tigre  qui  tient  sa  proie, 
Aman  fait  appeler  les  secrétaires  du  roi.  C'é- 
tait le  treizième  jour  du  mois  de  Nisan.  Sous 
la  dictée  d'Aman,  les  secrétaires  écrivirent 
à  tous  les  satrapes  du  roi,  aux  gouverneurs 
(les  provinces  et  aux  principaux  des  diverses 
nations  qui  composaient  l'empire  des  Perses, 
en  autant  de  langues  différentes  qu'il  était 
nécessaire  pour  que  l'édit  pût  être  lu  et  en- 
tendu de  chaque  peuple  :  et  les  lettres  furent 
scellées  de  l'anneau  du  roi. 

». 


12  4  VINGTIEME  JOUR. 


III 


Voici  la  teneur  de  l'édit  dans  toute  la 
pompe  du  style  oriental  :  «  Le  plus  grand  des 
rois,  Assuérus,  qui  règne  depuis  les  Indes 
jusqu'il  l'Ethiopie,  aux  princes  et  aux  sei- 
gneurs des  cent  vingt-sept  provinces,  soumi- 
ses à  son  sceptre,  salut  : 

«  Quoique  commandant  à  une  foule  de 
nations  et  ayant  rendu  tout  l'univers  tribu- 
taire de  mon  empire,  je  n'ai  pas  voulu  abu- 
ser de  la  grandeur  de  ma  puissance,  mais 
j'ai  gouverné  mes  sujets  avec  clémence  et 
avec  douceur,  afin  que,  passant  leur  vie  tran- 
quillement et  sans  crainte,  ils  jouissent  de  la 
paix,  désirée  de  tous  les  mortels. 

IV 

«  Ayant  demandé  aux  membres  de  mon 
conseil  de  quelle  manière  je  pourrais  assu- 
rer déplus  en  plus  ces  avantages  aux  peuples 
démon  royaume,  l'un  d'eux,  nommé  Aman, 
élevé  par  sa  sagesse  et  par  sa  fidélité  au-des- 


KDIT   DE    rnOSCRIPTION.  12  5 

SUS  de  tous  les  autres,  et  le  second  après  le 
roi,  m'a  donné  avis  qu'il  y  a  un  peuple  ré- 
pandu dans  toutes  mes  provinces,  qui  se  con- 
duit par  de  nouvelles  lois,  et  qui,  s'opposant 
aux  coutumes  de  toutes  les  nations,  méprise 
les  commandements  des  rois,  et  trouble,  par 
la  contrariété  de  ses  maximes,  la  paix  et  l'u- 
nion de  tous  les  peuples  du  monde. 


((  Informé  de  cela  et  voyant  qu'une  seule 
nation  se  met  en  état  de  révolte  contre  toutes 
les  autres,  suit  des  lois  injustes,  combat  nos 
ordonnances  et  trouble  la  paix  des  provinces 
qui  nous  sont  soumises,  nous  avons  ordonné 
que  tous  ceux  qu'Aman,  qui  a  l'intendance 
siu"  toutes  nos  provinces,  qui  est  le  second 
après  le  roi,  et  que  nous  honorons  comme 
notre  père,  aura  désignés,  soient  misa  mort, 
avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants,  le  qua- 
torzième jour  d'Adar,  douzième  mois  de 
cette  année,  sans  que  personne  en  ait  aucune 
compassion,  afin  que  ces  scélérats,  descen- 
dant tous  en  u!i  inTMiie  jour  dans  le  tombeau, 


1-2  G  VINGTIEME  JOUR. 

4 

rendent  à  notre   empire  la  paix  qu'ils  ont 
troublée.  » 

VI 

Aussitôt  des  courriers,  porteurs  de  l'édit, 
furent  expédiés  dans  toutes  les  provinces. 
Celles-ci  étaient  prévenues  d'avance  de  se  te- 
nir prêtes  à  exterminer  tous  les  Juifs,  sans 
aucune  exception  de  vieillards,  de  femmes, 
d'enfants  ou  de  petits  enfants.  Le  massacre 
devait  commencer  le  treizième  jour  d'Adar, 
se  continuer  le  lendemain  et  être  suivi  du 
pillage  de  tous  leurs  biens.  Avant  l'arrivée 
des  courriers  h  leur  destination,  l'édit  fut  af- 
fiché dans  Suse.  Pendant  qu'on  le  placar- 
dait sur  tous  les  murs  de  la  capitale.  Aman 
dînait  au  palais  avec  Assuérus.  Heureux  de 
son  succès,  il  buvait  avec  délices  les  larmes 
que  versaient  avec  abondance  les  Juifs  pré- 
sents dans  la  ville,  en  attendant  la  volupté 
plus  grande  encore  de  s'abreuver  de  leur 
sang  et  de  se  gorger  de  leurs  richesses. 

Réflexion.  —  Aman  fait  croire  à  Assuérus 
que  les  Juifs  méprisent  ses  ordres  et  qu'ils 
sont  dans  un  état  permanent  de  rébellion. 


EDIT   DF    PROSCRrPTKlN.  [il 

Rien  n'était  plus  faux.  Tout  sp  bornait  à  un 
refus  de  génullcxion,  devant  l'orgueilleux 
ministre,  de  la  part  de  Mardochée  :  et  ce 
refus  était  très-légitime.  Sur  une  pareille 
calomnie  tout  un  peuple  est  condamne  à 
périr. 

Les  ennemis  du  peuple  de  Dieu,  ancien  et 
nouveau,  sont  toujours  les  mêmes,  parce 
que  leur  chef,  le  démon,  ne  change  ni  ne 
vieillit.  Le  mensonge  est  leur  moyen,  la 
cruauté  leur  but.  Pour  faire  exterminer  les 
premiers  chrétiens,  nos  pères  dans  la  foi,  il 
n'est  sorte  de  calomnies  que  leurs  ennemis 
n'inventèrent  contre  eux.  Si  l'année  est  chère, 
si  la  peste  sévit,  si  la  terre  tremble,  si  le  Ti- 
bre déborde,  si  les  armées  de  l'empire  éprou 
vent  un  échec,  si  une  province  se  révolte, 
aussitôt  l'on  crie  de  toutes  parts  :  les  Chré- 
tiens an  lion  !  christianos  ad  leonem!  Leur  nom 
était  celui  de  tous  les  crimes. 

Rien  n'a  changé.  Au  dire  des  impies  de 
nos  jours,  l'Église,  le  Saint-Père,  les  prêtres, 
les  cathohques  sont  les  ennemis  des  lumières, 
du  progrès,  delà  liberté  :  sans  eux  le  monde 
vivrait  heureux  et  prospère.  De  pareilles  ca- 


128  VINGTIEME    JOUR. 

lomnies  chaque  jour  répétées  égarent  les 
peuples  et  les  arment  contre  la  religion  d'une 
haine  fanatique,  d'autant  plus  à  craindre 
qu'elle  est  plus  aveugle. 

Amanafllchait  soncdit  de  proscription  sur 
les  murs  de  Suse  et  l'envoyait  dans  toutes  les 
provinces.  A  son  exemple,  ils  affichent  leurs 
projets  sanguinaires  sur  les  murailles  de  nos 
villes,  et  par  leurs  journaux  les  envoient  aux 
quatre  coins  du  monde.  Mais  comme  Esther 
veillait  sur  l'ancien  peuple  de  Dieu,  Marie 
veille  sur  le  nouveau.  A  cette  mère  toute- 
puissante  et  toute  bonne,  confions  nos  inté- 
rêts, ceux  de  la  société  et  ceux  de  l'Église. 
Soyons  vraiment  ses  enfants  et  dormons  tran- 
quilles à  l'ombre  de  ses  ailes. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple,  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Cochinchine. 

Pratique.  —  Réciter  le  Sub  tuum. 


XXP  JOUR, 
Mardochée. 

I 

Un  des  premiers  informés  delà  fatale  nou- 
velle fut  Mardochée.  11  était  sur  la  place  pu- 
blique, où  l'cdit  venait  d'être  affiché.  A  la  vue 
de  cet  arrêt  de  mort  contre  sa  nation  et 
contre  lui,  il  déchira  ses  vêtements,  se  revêtit 
d'un  sac,  se  couvrit  la  tète  de  cendres,  et  se 
mit  à  pousser  des  cris  lamentables.  Telles 
étaient  les  marques  de  grand  deuil  chez  les 
Juifs  et  chez  les  Perses.  Toujours  sanglot- 
tant,  il  vint  jusqu'à  la  porte  du  palais  du  roi. 
Là,  il  dut  s'arrêter;  car  il  n'était  pas  permis 
de  passer  la  porte  royale,  vêtu  d'un  habit  de 
deuil. 

II 

A  mesure  que  l'édit  arrivait  dans  les  pro- 
vinces, la  consternation  devenait  générale 


J30  VINGT-UNIEME   JOUR. 

parmi  les  Juifs.  Tous,  hommes,  femmes,  en- 
fants, vieillards,  faisaient,  avec  raison,  pa- 
raître une  affliction  extrême  ;  car  tous  étaient 
condamnés  à  mort.  On  n'entendait  que  des 
cris,  on  ne  voyait  que  des  larmes.  A  ces 
marques  de  douleur,  ils  joignaient  les  jeû- 
nes. Plusieurs,  revêtus  de  sac,  couchaient  sur 
la  cendre  au  lieu  de  lit. 

Cependant  la  nouvelle  de  ce  qui  se  passait, 
franchit  les  murs  du  palais.  Les  filles  d'Esther 
et  ses  chambellans  vinrent  la  lui  annoncer  :  la 
reine  en  fut  consternée.  Sur-le-champ  elle  en- 
voya un  habit  pour  en  revêtir  Mardochée,  au 
lieu  du  sac  dont  il  était  couvert;  mais  il  refusa 
de  le  recevoir.  La  douce  reine  voulait  à  tout 
prix  faciliter  à  son  oncle  l'entrée  du  palais,  et 
apprendre  de  lui  directement  de  quoi  il  s'agis- 
sait et  quels  seraient  les  moyens  de  prévenir 
la  catastrophe. 

111 

Le  refus  de  Mardochée  la  jeta  dans  une 
grande  inquiétude.  Elle  appela  donc  Atach, 
le  chambellan  que  le  roi  avait  attaché  spé- 
cialement à  son   service,  et  lui  communda 


MARDOCUÉli:.  lai 

d'allci-  vers  Mardochée  et  de  savoir  de  lui 
pourquoi  il  agissait  ainsi.  Atach  sortit  et 
trouva  Mardochée  sur  la  place  devant  la 
porte  du  palais.  «  Nous  sommes  tous  con- 
damnés à  périr,  lui  dit  Mardochée.  Pour  oh- 
tenirle  massacre  des  Juifs,  Aman  a  promis 
de  remplir  d'argent  les  trésors  du  roi.  Yoici 
une  copie  de  l'édit  qui  est  aflirhé  dans  Suse, 
et  qui  s'afliche  dans  toutes  les  provinces. 
Faites-le  voir  à  la  reine,  et  dites-lui  de  ma 
part  d'aller  trouver  le  roi,  afin  d'intercéder 
pour  son  peuple.  » 

ÏV 

Atach,  étant  reldurné  au  palais,  rapporta 
tidèlement  à  Esther  les  paroles  et  les  ordres 
de  Mardochée.  Pour  réponse,  Esther  ren- 
voya Atach  à  Mardochée  avec  ordre  de  lui 
(lire  :  <(  Tous  les  serviteurs  du  roi,  et  toutes 
les  provinces  de  son  empire  savent  que  qui- 
conque, homnîe  ou  femme,  qui  entre,  sans 
être  appelé,  dans  l'appartement  intérieur  du 
roi,  est  mis  à  mort  à  l'instant  même,  à  moins 
que  le  roi  n'étende  vers  lui  son  sceptre  d'or. 

9 


13«  VINGT-UNIEME   JOUR.  * 

en  signe  de  clémence,  et  ne  lui  sauve  ainsi 
la  vie.  Comment  donc  puis-je  entrer  chez  le 
roi,  puisqu'il  y  a  déjà  trente  jours  qu'il  ne 
m'a  fait  appeler?  » 


Ces  détails  nous  donnent  quelque  idée  de 
la  demeure  des  rois  de  Perse  et  d'une  cou- 
tume encore  conservée  dans  les  cours  de 
l'Orient.  Le  monarque,  renfermé  dans  l'inté- 
rieur de  son  immense  palais,  se  tenait  sur 
un  trône  d'or,  resplendissant  de  pierres  pré- 
cieuses, comme  un  dieu  sur  terre.  La  pièce 
qui  précédait  la  chambre  du  roi  était  la 
salle  des  gardes,  et  la  loi  qui  frappait  de  mort 
quiconque  aurait  voulu  voir  la  face  du  mo- 
narque, sans  y  être  appelé,  avait  pour  but 
d'imprimer  à  tous  un  respect  religieux  pour 
sa  majesté.  Les  princes  païens  régnent  par 
la  terreur.  C'est  pour  cela  qu'ils  se  rendaient 
et  qu'ils  se  rendent  encore  invisibles.  Autre 
est  la  conduite  des  princes  chrétiens. 


MARDOCllÉlî.  133 

VI 

Mardochéc,  ayant  entendu  la  réponse  d'Es- 
ther,  lui  fit  dire  par  Atach  :  «  Ne  croyez  pas, 
parce  que  vous  êtes  dans  la  maison  du  roi, 
que  vous  pourrez  sauver  votre  vie,  si  tous 
les  Juifs  périssent.  Si  vous  demeurez  dans 
l'inaction,  les  Juifs  seront  sauvés  sans  vous  ; 
mais  vous  périrez,  vous  et  la  maison  de  votre 
père,  parce  que  vous  aurez  failli  à  votre  de- 
voir. Qui  sait  si  ce  n'est  point  pour  cela  môme 
que  vous  avez  été  élevée  ;\la  dignité  royale, 
afin  d'être  en  état  d'agir  dans  une  occasion 
comme  celle-ci?  » 

VII 

Toujours  obéissante,  Eslher  envoya  dire  de 
nouveau  à  Mardochée  :  «  Allez,  assemblez 
tous  les  Juifs  qui  sont  dans  Suse,  et  priez 
tous  pour  moi.  Ne  mangez  ni  ne  l)uvez,  ni 
jour  ni  uuil,  pendant  trois  jours,  je  jeûnerai 
de  la  même  manière  avec  mes  lilles.  Après 
cela,  j'entrerai  chez  le  roi,  malgré  la  loi  qui 
le  défend  sans  y  être  appelée,  et,  s'il  faut 


134  VINGT-UNIEME    JUUl). 

que  je  périsse,  je  périrai.  Mardochée  s'em- 
pressa d'exécuter  ce  qu'Esther  lui  avait  or- 
donné. 

Répe.don.  —  En  apprenant  la  condamna- 
tion de  son  peuple,  Mardochée  déchire  ses 
vêtements,  se  couvre  de  cendres  et  pousse 
des  cris  de  douleur  :  n'est-ce  pas  l'Église  ac- 
tuelle ?  A  la  pensée  des  maux  qui  menacent 
le  monde,  celte  mère  des  nations  n'est-ellc 
pas  dans  le  deuil?  ne  fait-elle  pas  entendre 
des  gémissements  et  des  cris  d'alarme  ?  Dans 
leurs  projets  hautement  avoués,  est-ce  que 
les  impies  n'ont  pas  décidé  la  ruine  de  toute 
religion,  de  tout  ordre  social,  le  meurtre  et 
le  pillage  universel?  Qui  nous  sauvera? 

Mardochée  n'a  qu'une  ressource,  c'est  Es- 
Iher.  11  lui  fait  connaître  le  péril  de  sou 
peuple  et  ne  lui  dissimule  pas  que  c'est  pour 
le  sauver  que  Dieu  l'a  élevée  à  la  dignité  de 
reine.  Quelle  est  notre  ressource  aujourd'hui, 
sinon  la  divine  Esther?  Catholiques  du  dix- 
neuvième  siècle,  condamnés  à  mort  par  les 
ennemis  de  Dieu  et  des  hommes,  exposons 
nos  dangers  à  Marie  et  disons-lui  sans  hési- 
ter :  Ce  n'est  pas  pour  vous  seule,  c'est  pour 


MARDOCDEE.  135 

nous,  que  vous  ôtcs  devenuo  reine  du  eiel 
et  de  la  terre. 

Esther  demande  î\  Mardochée  de  prier  et 
de  faire  prier  et  jeûner.  La  sainte  Vierge  nous 
demande  la  même  chose  :  priez  et  faites  pé- 
nitence, autrement  vous  périrez.  La  tendre 
Esther  dit  à  Mardochée  :  je  ne  vous  laisserai 
pas  seul,  je  prierai  moi-même,  je  jeûnerai  et 
lerai  jeûner  avec  vous.  Soyons- en  sûrs,  Ma- 
rie, qu'on  n'invoqua  jamais  en  vain,  joindra 
ses  prières  aux  nôtres,  et  ses  prières  sont 
toutes  puissantes.  Sans  crainte,  elle  ira  trou- 
ver le  divin  Assuérus,  et  nous  serons  sauvés. 

Incocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
le  Tonkin. 

Pratique.  —  Réciter  le  Miserere. 


XXIP  JOUR. 


Prière  de  Mardochée  et  d'Esther. 


I 


A  la  recommandation  de  Mardochée  tous 
les  Juifs  se  livrèrent  pendant  trois  jours  au 
jeûne  et  à  la  prière.  Ils  comprirent  que,  dans 
la  conjoncture  où  ils  se  trouvaient,  le  Dieu 
de  leurs  pères  pouvait  seul  les  sauver.  Ainsi 
doivent  raisonner  les  nations  coupables,  si 
elles  veulent  conjurer  les  fléaux  qui  les  me- 
nacent. Esther  et  Mardochée  ne  se  contentè- 
rent pas  d'inviter  les  Juifs  à  la  prière  et  à  la 
pénitence  :  ils  leur  en  donnèrent  l'exemple. 
Voici  la  prière  que  ces  deux  grandes  et  saintes 
âmes  adressèrent  au  Dieu  d'Israël.  Nous  la 
lirons  avec  respect  et  nous  la  répéterons  en 
particulier.  Nulle  n'est  mieux  appropriée  aux 
besoins  du  dix-neuvième  siècle. 


rniÈRE   on    MARDOCnÉE    F.T   D'ESTIITR.      137 

II 

Se  souvenant  de  toutes  les  œuvres  du 
Seigneur,  Mardoehée  le  pria  en  ees  termes  : 
«  Seigneur,  Seigneur,  roi  tout-puissant,  tout 
est  soumis  à  votre  pouvoir,  et  nul  ne  peut  ré- 
sister à  votre  volonté,  si  vous  avez  résolu  de 
sauver  Israël.  Vous  avez  fait  le  ciel  et  la  terre 
et  tout  ce  qui  est  sous  le  ciel.  Vous  êtes  le 
Seigneur  de  toutes  choses,  et  nul  ne  peut  ré- 
sister à  votre  Majesté.  Tout  vous  est  connu; 
et  vous  savez  que  si  je  n'ai  point  adoré  le 
superbe  Aman,  ce  n'est  ni  par  orgueil,  ni  par 
mépris,  ni  par  un  secret  désir  de  gloire  ;  car 
j'aurais  volontiers  baisé  la  trace  môme  de 
ses  pieds  pour  le  salutd'lsraël.  Mais  j'ai  craint 
de  transférera  un  homme  l'honneur  qui  n'est 
dû  qu'à  mon  Dieu,  et  d'adorer  un  autre  que 
le  Dieu  de  mes  pères. 

III 

«  Maintenant  donc,  ô  Seigneur  roi,  ô  Dieu 
d'Abraham,  ayez  pitié  de  votre  peuple,  parce 


ns  VINGT-DEUXIEME   JOUR. 

que  nos  ennemis  veulent  nous  perdre  et  ex- 
terminer votre  héritage.  Ne  méprisez  pas  ce 
peuple  que  vous  vous  êtes  donné  en  partage, 
que  vous  avez  racheté  de  l'Égyplc  pour  être 
à  vous.  Exaucez  ma  prière,  soyez  favorable  à 
une  nation  qui  est  spécialement  vôtre.  Chan- 
gez, Seigneur,  nos  larmes  en  joie,  afin  que, 
préservés  de  la  mort,  nous  célébrions  votre 
nom,  et  ne  fermez  pas  la  bouche  à  ceux  qui 
vous  louent.  » 

IV 

Touî  Israël  s'unit  à  Mardochée  et  cria  vers 
le  Seigneur,  et,  d'une  même  bouche  comme 
d'un  même  cœur,  lui  adressa  ses  prières,  parce 
qu'une  mort  certaine  les  menaçait.  Dans  l'in- 
térieur du  palais,.Esther  faisait  écho  aux  sup- 
plications qui  s'élevaient  vers  le  ciel  de  toutes 
les  parties  de  la  ^ille.  La  pieuse  princesse  se 
réfugia  vers  le  Seigneur  son  Dieu,  épouvan- 
tée du  péril  qui  était  si  proche.  Ayant  quitté 
ses  habits  de  reine,  elle  en  prit  de  conformes 
à  son  affliction  et  à  ses  larmes.  Au  lieu  de 
parfums,  elle  se  couvrit  la  tête  de  cendres, 
jeûna  rigoureusement  et  coupa  les  tresses  de 


PRIÈRI^    nE    MARDOCIIÉE    ET    DESTIIEH.       UO 

ses  cheveux,  qu'on  trouva  répandus  dans  les 
lieux  naguère  témoins  de  ses  joies. 


Prosternée  devant  le  Dieu  d'Israël,  elle  le 
suppliait  en  ces  termes  :  «  Mon  Seigneur, 
qui  êtes  seul  notre  roi,  assislez-moi  dans  l'a- 
bandon où  je  suis,  puisque  vous  êtes  le  seul 
qui  puissiez  me  secourir.  Mon  péril  est  im- 
minent. J'ai  su  de  mon  père  que  vous.  Sei- 
gneur, aviez  pris  Israël  d'entre  toutes  les 
nations  pour  en  faire  votre  peuple,  et  que 
vous  avez  tenu  votre  parole.  Nous  avons 
péché  devant  vous  ;  c'est  pour  cela  que  vous 
nous  avez  livrés  entre  les  mains  de  nos  enne- 
mis. Nous  avons  adoré  leurs  dieux  :  et  vous 
êtes  juste,  Seigneur. 

((  Maintenant  ce  n'est  pas  assez  pour  eux  de 
nous  opprimer  de  la  manière  la  plus  dure. 
Attribuant  la  force  de  leurs  bras  à  la  puissance 
de  leurs  idoles,  ils  veulent  faire  mentir  vos 
promesses,  exterminer  votre  héritage,  fermer 
la  bouéhe  à  ceux  qui  vous  louent  et  éteindre 
la  gloire  de  votre  temple  et  de  votre  autel, 

9. 


l'.O  VINGT-DEUXIEME   JOUR. 

afin  de  luire  louer  par  les  nations  la  puis- 
sance (le  leurs  idoles  et  mettre  à  votre  place 
un  roi  de  chair. 

VI 

«  Seigneur,  n'abandonnez  pas  votre  peuple 
à  ceux  qui  ne  sont  que  néant,  de  peur  qu'ils 
ne  tressaillent  à  notre  ruine  ;  mais  faites  re- 
tomber leur  dessein  sur  eux,  et  perdez  celui 
qui  a  commencé  d'exercer  sa  cruauté  contre 
nous.  Souvenez  vous  de  nous.  Seigneur; 
montrez-vous  à  nous  aux  jours  de  notre  af- 
fliction, et  donnez-moi  de  l'assurance,  Sei- 
gneur, roi  de  tous  les  rois.  Mettez  dans  ma 
bouche  des  paroles  convenables  en  la  pré- 
sence du  lion.  Tournez  son  cœur  à  la  haine 
de  notre  ennemi,  afin  qu'il  périsse  lui  et  tous 
ceux  qui  conspirent  avec  lui.  Délivrez-nous 
par  votre  main,  et  assistez-moi,  Seigneur, 
vous  qui  êtes  mon  unique  secours. 

VII 

«  Vous  connaissez  toutes  choses  et  vous 
savez  que  je  hais  la  gloire  des  injustes.  Mes 


PBIÈRF    HE   MARDOCnÉr:    ET    D'ESTUF.R.     141 

chagrins  ne  vous  sont  point  cachés.  Vous  sa- 
vez qu'aux  jours  où  je  suis  condauinée  à  pa- 
raître dans  hi  magnificence  et  dans  l'échit, 
j'ai  en  horreur  le  signe  superhe  de  ma  gloire 
que  je  porte  sur  ma  tête,  vous  savez  que  je 
le  regarde  comme  un  linge  souille  et  que  je 
ne  le  porte  jamais  dans  les  jours  de  ma  soli- 
tude. 

«  Vous  savez  que  je  n'ai  point  mangé  à  la 
table  d'Aman,  ni  pris  aucun  plaisir  au  fes- 
tin du  roi,  ni  bu  de  vin  offert  aux  idoles.  Vous 
savez  que,  depuis  le  temps  où  j'ai  été  amenée 
dansce  palais  jusqu'aujourd'hui,  jamais  votre 
servante  ne  s'est  réjouie  qu'en  vous  seul, 
Seigneur,  Dieu  d'Abraham.  0  Dieu  puissant, 
dominateur  de  tous,  écoutez  la  voix  de  ceux 
dont  vous  êtes  le  seul  espoir  ;  sauvez-nous  de 
la  main  des  méchants  et  délivrez  moi  de  ma 
propre  crainte.  » 

Réflexion.  —  Que  l'exemple  d'Esther  et  de 
Mardochée  ne  soit  pas  perdu  pour  nous,  ne 
nous  contentons  pas  de  le  lire  :  imitons-le. 
Notre  avenir  môme  temporel  comme  l'avenir 
du  monde  est  à  ce  prix.  Les  circonstances 
sont  telles  que  Dieu  seul,  agissant  dans  toute 


iM     .  VINGT-DEUXIEME   JOUR. 

retendue  de  sa  puissance  et  de  sa  miséri- 
corde, peut  rétablir  l'ordre  sur  la  terre  et  em- 
pêcher une  nouvelle  chute  de  l'humanité. 
Qui  fera  violence  à  son  cœur  ?  qui  lui  fera 
retirer  le  décret  de  condamnation  déjà  peut- 
être  porté  contrele  monde  coupable,  contre 
le  mauvais  dix-neuvième  siècle,  si  rebelle  aux 
avertissements  de  la  Providence  et  si  obstiné 
dans  le  mal  ?  Les  prières  des  bonnes  âmes, 
jointes  à  l'intercession  de  la  divine  Esther. 

((  La  prière  du  juste,  dit  le  Seigneur,  péné- 
trera les  nuées,  se  présentera  devant  le  trône 
de  Dieu,  et  n'en  quittera  pas  que  le  Très-Haut 
ne  l'ait  regardée  d'un  œil  favorable.  »  Soyons- 
en  bien  convaincus;  c'est  ainsi  et  seulement 
ainsi  que  nous  obtiendrons  miséricorde. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
les  Indes. 

Pratique.  —  Réciter  les  Litanies  des  Saints. 


XXIIP  JOUR. 
Esther  entre  chez  le  roi. 

I 

Par  le  jeûne  et  par  la  prière,  accomplis 
avec  la  ferveur  que  leur  inspirait  la  vue  de 
la  mort,  les  Juifs  s'étaient  assuré  la  protec- 
tion du  Dieu  de  leurs  pères.  Esther  n'hésita 
plus.  Le  troisième  jour,  elle  se  revêtit  de  ses 
habits  royaux  et  s'environna  de  toute  la 
pompe  qui  convenait  à  sa  dignité.  Ainsi  pa- 
rée ,  elle  invoqua  le  Dieu  qui  dirige  et  qui 
sauve,  et  prit  avec  elle  deux  de  ses  suivantes. 
Sur  l'une,  elle  s'appuyait  avec  grâce;  l'autre 
suivait  sa  maîtresse,  portant  la  queue  de  sa 
robe. 

II 

Esther  marchait  lentement  comme  une 
personne  délicate  et  alfaiblie.  Elle  l'était  en 
effet,  tant  par  sa  constitution  naturelle  que 


1A4  VINGT-TROISIEMF.  JOUR. 

par  le  jeûne  et  par  la  crainte.  Néanmoins, 
les  roses  de  son  visage  n'avaient  rien  perdu 
de  leur  fraîcheur,  et  ses  yeux  conservaient 
leur  vif  éclat  et  leur  incomparable  douceur. 
Sous  ces  beaux  dehors,  se  cachaient  une  pro- 
fonde tristesse  et  une  fraveur  extrême. 


III 

Traversant  les  nombreux  appartements  du 
palais,  Esther  s'arrêta  sur  le  seuil  de  la  cham- 
bre du  roi,  dont  la  riche  portière,  relevée  en 
double  feston,  permettait  au  monarque  de 
voir  dans  la  salle  d'attente.  Assuérus  était 
majestueusement  assis  sur  son  trône,  revêtu 
de  ses  ornements  royaux,  tout  resplendissant 
d'or  et  de  pierres  précieuses  ,  et  son  sceptre 
d'or  à  la  main  :  sa  vue  inspirait  la  terreur. 
Aux  pas  des  visiteuses,  il  leva  la  tête,  et  ses 
regards,  brillants  comme  l'éclair,  trahirent 
la  colère  de  son  Ame.  La  reine  s'évanouit; 
la  pâleur  de  la  mort  se  répandit  sur  son  vi- 
sage et  sa  tête  sans  force  tomba  sur  l'épaule 
de  sa  suivante. 


ESTHER  ENTUE  CUEZ  LE  ROI.      145 

IV 

Dieu  changea  subitement  le  cneur  du  roi, 
et  le  remplit  de  douceur.  Craignant  pour 
Esther ,  il  quitte  son  trône,  prend  la  reine 
dans  ses  bras,  et,  la  soutenant  jusqu'il  ce 
qu'elle  revienne  à  elle,  il  lui  disait  ces  cares- 
santes paroles  :  ((  Qu'avez-vous,  Esther?  je 
suis  votre  frère ,  ne  craignez  pas.  Vous  ne 
mourrez  pas;  ce  n'est  pas  pour  vous  qu'est 
laite  la  loi,  c'est  pour  tous  les  autres.  Ve- 
nez et  touchez  mon  sceptre.  »  Assuérus  vou- 
lait lui  dire  par  Ifi  que  toute  sa  puissance 
était  à  ses  ordres. 


Esther  demeurait  silencieuse  et  timide- 
ment immobile.  Alors  Assuérus  lui  place 
l'extrémité  de  son  sceptre  sur  le  cou  et  l'em- 
brasse ,  en  lui  disant  :  ((  Pourquoi  ne  me 
parlez-vous  pas?  »  Esther  répondit  :  «  Je 
vous  ai  vu,  seigneur,  comme  l'ange  de  Dieu, 
et  l'éclat  de  votre  gloire  m'a  fait  manquer  le 
cœur.  »  A  ces  mots,  elle  s'évanouit  de  nou- 
veau. 


14t:  YINGT-TKOISIEME  JOUR. 

Le  roi  était  dans  un  trouble  inexprimable, 
et  ses  officiers  s'empressaient  autour  de  la 
reine  pour  la  ranimer  et  la  consoler.  Quand 
elle  fut  revenue  à  elle,  Assuérus  lui  dit  :  «  Que 
voulez-vous,  reine  Esther?  que  demandez- 
vous?  Quand  vous  me  demanderiez  la  moitié 
de  mon  royaume,  je  vous  la  donnerais.  » 

Esther  répondit  :  '<  Aujourd'hui  est  pour 
moi  un  jour  de  fête,  et  s'il  plaît  au  roi,  je  le 
prie  de  venir  avec  Aman  au  festin  que  j'ai 
préparé  à  mon  seigneur.  »  Aussitôt  le  roi 
dit  :  u  Qu'on  se  hâte  d'avertir  Aman,  afin 
qu'il  obéisse  à  la  volonté  de  la  reine.  »  Re- 
mise de  ses  émotions  et  inondée  de  joie,  Es- 
ther fut  reconduite  dans  ses  appartements. 
Là,  elle  put  librement  exprimer,  par  de  fer- 
ventes prières,  toute  sa  reconnaissance  pour 
le  Dieu  de  ses  pères.  A  l'heure  indiquée,  le  roi 
et  Aman  vinrent  au  festin  que  la  reine  leur 
avait  préparé. 

VI 

Vers  la  tin  du  repas,  lorsqu' Assuérus  eut 
bu  beaucoup  devin,  il  dit  à  Esther:  «  Que  dé- 
sirez-vous que  je  vous  donne,  et  que  me  de- 


ESTIIER   ENTRE   CHEZ    LE    ROI.  147 

mandez-vous?  Je  le  répète,  quand  vous  me 
demanderiez  la  moitié  de  mon  royaume ,  je 
vous  la  donnerais.  »  Esthcr  répondit  modes- 
tement :  ((  Yoici  ma  demande  et  ma  prière. 
Si  j'ai  trouvé  i;ràce  devant  le  roi,  et  ({u'il 
lui  plaise  de  m'accorder  ce  que  je  demande, 
je  le  prie  de  venir  encore  avec  Aman  prendre 
part  à  un  nouveau  festin,  et  demain  je  dirai 
au  roi  ce  que  je  désire.  » 

VII 

La  prudence  divine  qui  conduisait  Esther 
paraît  ici  à  découvert.  Avant  de  présenter  à 
Assuérus  sa  demande  en  faveur  des  Juifs, 
elle  l'invite  à  un  second  festin.  C'était  d'a- 
bord un  moyen  de  gagner  de  plus  en  plus 
les  bonnes  grâces  du  roi ,  de  manière  à  ce 
qu'il  ne  put  rien  lui  refuser.  La  précaution 
n'était  pas  superflue;  obtenir  contrairement 
à  la  loi  des  Perses  le  retrait  d'un  édit  royal 
porté  et  promulgué,  était  ce  qu'il  y  avait  au 
monde  de  plus  difficile.  Ensuite,  elle  ne  vou- 
lait pas  faire  sa  demande  en  présence  des 
grands  de  la  cour,  qui  n'auraient  pas  man- 


148  VINGT-TROISIÈME   JOUR. 

que  de  la  combattre.  Elle  prépara  donc  une 
réunion  intime,  où  seule  avec  le  roi  elle  pût 
librement  lui  ouvrir  son  cœur  et  se  faire  con- 
naître pour  une  fdle  d'Israël.  Aman  devait 
assister  à  la  communication  ,  pour  des  rai- 
sons qui  nous  seront  bientôt  connues. 

Réflexion.  —  Avec  tous  les  siècles  j'admire 
le  courage  d'Esther,  qui  s'expose  à  la  mort 
pour  sauver  son  peuple.  Plus  grande  est  mon 
admiration  pour  la  sainte  Vierge,  qui  donne 
la  vie  de  son  Fils  pour  obtenir  le  salut  du 
monde.  La  loi  de  mort  qui  défend  d'appro- 
cher d'Assuérus  n'est  pas  faite  pour  Esthcr. 
Marie  a  toujours  accès  auprès  de  Dieu.  Estber 
va  trouver  Assuérus  ,  accompagnée  de  deux 
suivantes  :  c'est  Marie  qui  se  présente  devant 
le  Très-Haut,  accompagnée  de  la  nature  hu- 
maine et  de  la  nature  angélique,  toutes  deux 
sanctifiées  et  glorifiées  par  le  Fils  qu'elle  a 
donné  au  monde. 

Les  douleurs  et  les  charmes  d'Esther  lui 
livrent  le  cœur  d'Assuérus.  Par  les  mêmes 
moyens,  Marie  est  devenue  toute-puissante 
sur  le  cœur  de  Dieu.  Assuérus,  voyant  Esther 
évanouie,  s'empresse  de  la  rassurer  et  lui 


ESTnER  ENTRE    CHEZ   LE    RUf.  1  A  9 

promet  tout  ce  qu'elle  voudra ,  fût-ce  la 
moitié  de  son  royaume.  Gomme  les  plaies  de 
son  Fils,  les  douleurs  de  Marie  sont  toujours 
présentes  aux  yeux  de  Dieu.  Plein  de  ten- 
dresse pour  elle,  le  divin  Assuérus  se  montre 
plus  généreux  que  le  premier  :  il  lui  donne 
son  royaume  tout  entier,  c'est-à-dire  la  plé- 
nitude de  sa  puissance,  en  l'établissant  reine 
des  anges  et  des  hommes. 

Esther  ménage  si  bien  les  choses  qu'elle 
obtient  tout  ce  qu'elle  veut.  Marie  a  de  tels 
secrets  pour  arriver  au  cœur  de  Dieu,  qu'elle 
l'enchaîne  à  sa  volonté.  C'est  au  point  qu'en 
la  voyant  venir,  son  divin  Fils  prévient  ses 
prières  et  lui  dit  comme  Salomon  à  Bethsa- 
bée  :  «  Demandez,  ma  mère,  je  n'ai  rien  h 
vous  refuser.  » 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
la  Malaisie. 

Prntifjuc.  —  Réciter  l'yl^v  Maris  Stella. 


XXIV^  JOUR. 
Colère  d'Aman. 

I 

Le  festin  terminé,  Aman  se  retira  ivre  de 
joie;  mais,  en  sortant  du  palais,  il  vit  Mardo- 
chée  qui  était  assis  à  la  porte.  Non-seule- 
ment il  ne  se  leva  pas  devant  l'orgueilleux 
ministre,  il  ne  se  remua  pas  même  de  la  place 
où  il  était.  Aman  en  conçut  une  grande  indi- 
gnation. Et  nous,  nous  devons  avoir  une 
grande  admiration  pour  Mardochée. 

Ce  digne  enfant  d'Abraham  est  condamne 
à  mort,  et  tout  son  peuple  avec  lui  :  il  le  sait. 
Devant  lui  passe  l'auteur  de  l'édit  d'extermi- 
nation. Cet  édit  est  motivé  parle  refus  de  Mar- 
dochée d'adorer  le  meurtrier  de  sa  nation. 
Peut-être  qu'à  cette  heure  même,  Mardochée 
pourrait,  en  fléchissant  le  genou,  foire  révo- 
quer l'arrêt  de  proscription.  11  ne  le  fait  pas  : 
Dieu  le  défend.  Il  aime  mieux  s'exposer,  lui 
et  toute  sa  race,  à  une  mort  certaine,  que  de 


COLEKli:    It'AMAN.  151 

dosobéir  ù  Dieu  en  commeltanl   un   acte  de 
lùchc  respect  humain. 

II 

Aman  dis^iniula  sa  colère,  et,  rentré  chez 
hii  ,  il  assem])la  ses  amis  avec  sa  femme  Za- 
rès.  Plein  de  lui-même  ,  il  leur  représenta 
({uelle  était  la  grandeur  de  ses  richesses  ,  le 
grand  nombre  de  ses  enfants,  ce  qui  était  en 
Orient,  et  ce  qui  sera  toujours  partout  un 
motif  (le  gloire;  et  l'immense  honneur  dont 
il  jouissait  d'tMre  élevé  au-dessus  de  tous  les 
princes  de  l'empire. 

Gomme  comble  de  gloire,-  il  ajouta  :  «  La 
reine  Esther  n'a  invite  que  moi  seul  au  festin 
qu'elle  a  donné  au  roi;  et  demain  je  dois  en- 
core dîner  chez  elle  avec  le  roi.  Malgré  toutes 
ces  faveurs  et  tous  ces  avantages,  je  crois 
n'avoir  rien,  tant  que  je  verrai  le  Juif  Mar- 
dochée,  assis  devant  la  porte  du  palais  et  re- 
fusant de  fléchir  le  genou  quand  je  passe.  » 

m 

Zarcs  ctses  amis  lui  répondirent  :  ((  Faites 
dresser  une  potence  fort  élevée,  (pii  ait  vingt- 


lo2  VINGT-QUATRIEME    JOUR. 

cinq  coudées  de  haut,  alin  qu'elle  soit  vue 
de  toute  la  ville.  Dites  au  roi,  demain  matin, 
qu'il  y  fasse  pendre  Mardochée,  et  vous  irez 
ainsi  plein  de  joie  au  festin  avec  le  roi.  »  Ce 
conseil  lui  plut  et  il  ordonna  de  préparer  la 
potence. 

Tandis  que,  dans  la  maison  d'Aman,  on 
décidait  pour  le  lendemain  le  supplice  de 
Mardochée,  que  se  passait-il  au  palais  d'As- 
suérus  ? 

IV 

Ce  prince  passa  la  nuit  sans  dormir.  Pour 
se  distraire,  il  se  fit  apporter  les  annales  de 
son  règne.  Comme  on  les  lisait  devant  lui , 
on  vint  à  l'endroit  où  il  était  écrit  de  quelle 
manière  Mardochée  avait  dévoilé  la  conspira- 
tion de  Bagathan  et  de  Tharès,  qui  voulaient 
assassiner  le  roi  Assuérus.  A  ce  récit,  le  roi 
arrête  le  lecteur  et  demande  :  «  Quelle  ré- 
compense Mardochée  a-t-il  reçue  pour  cet 
acte  de  lidélité?  »  Ses  serviteurs  et  ses  offi- 
ciers lui  répondirent  :  «  Il  n'a  reçu  aucune 
récompense.  »  Le  roi  se  tut. 


COLEUE   D  AMAN.  153 


Cependant,  avant  l'heure  ordinaire  des  ré- 
ceptions, on  entendit  du  bruit  dans  la  salle 
d'attente.  Assucrus  étonné  demanda  :  «  Qui 
est  dans  l'antichambre?  »  Ses  serviteurs  lui 
répondirent  :  «  C'est  Aman.  »  Pressé  par  le 
désir  de  la  vengeance,  Aman  avait  prévenu 
l'heure  des  audiences,  afin  de  se  trouver  seul 
avec  le  roi ,  et  d'obtenir  immédiatement  la 
sentence  de  mort  contre  Mardochée. 

VI 

Ici,  il  faut  s'arrêter  un  instant  pour  admi- 
rer les  ressorts  de  la  Providence.  Pour  arri- 
ver à  ses  fins,  tout  lui  est  bon.  Une  chose 
purement  naturelle  et  de  soi  assez  indifie- 
renlc,  l'insonmie  d'Assuérus  va  devenir  l'oc- 
casion du  dénoùment  imprévu ,  qui  sera 
tout  à  la  fois  la  punition  éclatante  des  mé- 
chants, et  la  délivrance  non  moins  éclatante 
des  justes.  Il  n'est  pas  jusqu'à  l'oubli  inex- 
plicable dans  lc(iuel  on  a  laissé  le  service  de 


154  VINGT-QUATRIEME  J0UI5. 

Mardochée,  qui  ne  doive  contribuer  à  son 
triomphe. 

Sans  l'insomnie,  la  lecture  des  annales 
n'aurait  pas  eu  lieu,  et  si  Mardochée  eût 
été  récompensé,  le  récit  de  sa  fidélité  n'au- 
rait pas  eu  d'objet.  Enfin,  l'empressement 
hom.icide  du  vindicatif  Aman  était  ménagé 
pour  rendre  plus  saisissante  l'action  de  la 
justice  divine.  Que  cette  grande  leçon  ne  soit 
pas  perdue  pour  nous  !  Si  les  créatures  man- 
quent de  reconnaissance  à  notre  égard  ;  si  Dieu 
lui-même  nous  fait  attendre  ses  faveurs,  ne 
perdons  ni  confiance  ni  courage.  Avec  un 
père  infini  dans  sa  puissance  et  infaillible 
dans  ses  promesses,  rien  n'est  perdu.  Dieu, 
dit  un  proverbe,  ne  paye  pas  tous  les  same- 
dis, mais  il  ne  fait  jamais  banqueroute. 

VII 

Nous  avons  laissé  Aman  dans  l'anticham- 
bre du  roi.  Bien  que  favori  d'Assuérus  et  son 
premier  ministre,  il  eût  été  sur-le-champ  mis 
à  mort  s'il  avait  osé  franchir,  sans  être  ap- 
pelé, le  seuil  de  la  chambre  du  roi.  Grâce  à 


COLÈRE    d'aman.  135 

la  proteclion  toute  particulière  de  la  l'rovi- 
dcnce ,  Esther  seule  avait  pu  le  faire  impu- 
nément. Les  serviteurs  d'Assuérus  lui  ayant 
répondu  qu'Aman  était  dans  l'antichambre  , 
le  roi  dit  :  u  Qu'il  entre.  »  Aman  ne  se  le  fit 
pas  répéter,  tant  il  était  pressé  par  le  désir 
de  la  vengeance.  Laissons-le  en  présence 
d'Assuérus,   où  nous  le  trouverons  demain. 

Ii(''/k'di(i)i.  —  Aman  se  vante  lui-môme  de 
posséder  tous  les  éléments  du  bonheur.  Ce- 
pendant il  n'est  pas  heureux.  Hue  lui  man- 
que-t-il?  Dans  l'immense  empire  des  Perses, 
dont  il  lient  les  rênes,  un  seul  homme  refuse 
de  fléchir  le  genou  devant  lui,  et,  tant  qu'il 
n'aura  pas  obtenu  cette  génuflexion ,  il  ne 
comptera  pour  rien  ni  les  richesses,  ni  les 
honneurs,  ni  la  puissance.  Ainsi,  Achab,  roi 
d'Israël,  n'est  pas  satisfait  de  régner  sur  de 
richesprovinces.  Pointdebonheurpourlui,  s'il 
ne  possède  la  petite  vigne  du  pauvre  Naboth. 

C'est  là  sans  doute  une  folie.  Mais  dans  la 
passion  arrivée  à  un  certain  point ,  celte 
folie  devient  cruauté.  Pour  n'avoir  pas  obtenu 
une  génuflexion,  Aman  se  vengera  par  l'ex- 
termination   de    tout  un    peuple.   Naboth 

10 


156  VINGT-QUATRIÈME   JUUR. 

payera  de  sa  vie  le  refus  de  livrer  à  Achab  la 
vigne  de  ses  pères.  Tant  que  la  révolution, 
fût-elle  maîtresse  du  monde,  n'aura  pas  la 
vigne  du  pauvre  Naboth,  qu'on  appelle  le 
patrimoine  de  saint  Pierre,  elle  ne  sera  pas 
satisfaite.  L'aura- t-elle?  Jamais,  si  nous  mé- 
ritons que  la  divine  Esther  en  demeure  la 
gardienne. 

Quoi  qu'il  en  soit,  malheur,  et  toujours 
malheur  aux  esclaves  des  passions.  Quand  ils 
auront  obtenu  l'objet  de  leurs  plus  ardents 
désirs,  seront-ils  heureux?  Nullement.  Au 
désir  satisfait  succédera  un  autre  désir;  à 
celui-ci  un  autre  encore,  et  ainsi  jusqu'à  la 
fin.  C'est  pourquoi  un  grand  docteur,  saint 
Anselme,  compare  justement  les  ambitieux 
qui  cherchent  le  bonheur  dans  les  créatures, 
aux  enfants  qui  courent  après  les  papillons. 
Ils  se  fatiguent  à  les  poursuivre,  parviennent 
difficilement  à  les  prendre,  et,  quand  ils  les 
ont  pris,  ils  se  réjouissent  comme  s'ils  avaient 
un  trésor,  et  ils  n'ont  qu'un  insecte. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 


COLERE    D  AMAN.  157 

0  Marie,  secours  des  chrétiens  ;  priez  pour 
l'Afrique  orientale. 

Pratique.  —  S'associer  fi  l'œuvre  de  la 
Propagation  de  la  Foi. 


XXY^  JOUR. 
Confusion  d^Aman. 

I 

Aman,  se  voyant  seul  avec  Assuérus,  était 
au  comble  de  ses  vœux.  Il  allait  enfin  pou- 
voir satisfaire  sa  vengeance.  Ses  lèvres 
n'attendaient  que  le  moment  de  s'ouvrir, 
pour  demander  le  supplice  de  Mardochée. 
Quant  à  l'obtenir,  son  crédit  ne  lui  permet- 
tait pas  d'en  douter.  Sa  confiance  était 
d'autant  plus  grande  qu'il  s'agissait  d'une 
simple  anticipation,  Mardochée  se  trouvant 
compris  dans  l'extermination  générale  des 
Juifs,  qui  devait  avoir  lieu  quelques  moiv; 
plus  tard. 

II 

Autre  était,  en  ce  moment,  la  pensée  d'As- 
suérus.  Tout  occupé  du  service  que  Mardo- 
chée lui  a\ail  iL'udu,  clde  l'oubli  dans  lequel 


CONFUSION  DAMAN.  159 

on  avait  lai.^sé  ce  fidèle  servitour,  le  roi  dit  ;\ 
Aman  :  «.  Que  doit-on  faire  i\  un  homme  que 
le  roi  désire  honorer  ?  »)  Aman  réfléchit  un 
instant  pour  trouver  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
plus  glorieux,  et,  pensant  que  le  roi  ne.vou- 
lait  honorer  que  lui,  s'empressa  de  répon- 
dre :  «  Il  faut  que  l'homme  que  le  roi  veut 
honorer,  soit  revêtu  des  habits  du  roi,  et 
placé,  le  diadème  en  tète,  sur  le  cheval  que 
le  roi  a  coutume  de  monter.  11  faut  ensuite 
que  le  premier  des  seigneurs  de  la  cour 
tienne  le  cheval  par  la  bride  et  qu'il  par- 
coure toutes  les  places  de  la  ville,  en  criant  : 
C'est  ainsi  que  serahonnr(',  celui  ([u'il  jjlaira 
au  roi  d'honorer.  » 

III 

Paraître  ainsi  en  public  était  tout  ce  qu'il 
avait  de  plus  honorable  chez  les  Perses.  On 
peut  ajouter  tout  ce  qu'il  y  aurait  de  plus  ho- 
norable chez  les  différents  peuples  du  monde. 
Le  costume  des  rois  de  Perse  était  un  magni- 
fique manteau  de  pourpre,  orné  de  riches 
broderies.  Leur  diadème  formait  une  sorte 
de    turban    en    écarlate,    rehausse  par   une 

10. 


IGO  VINGT-CINQUIEME   JOUR. 

torsade  blanche  et  étincelant  de  pierres  pré- 
cieuses. Un  collier  d'or,  un  cimeterre  à 
poignée  d'or,  des  bracelets  d'or  complétaient 
leur  costume.  Tous  ces  ornements  devaient 
être  remis  à  celui  que  le  roi  voulait  honorer. 

IV 

Assuérus,  ayant  entendu  la  réponse  d'A- 
man, lui  dit  :  «  Ne  perdez  pas  un  instant,  et 
faites  tout  ce  que  vous  venez  de  dire  au  Juif 
Mardochée,  qui  est  assis  à  la  porte  du  palais. 
Prenez  garde  de  ne  rien  omettre  de  ce  que 
vous  avez  dit.  » 

La  foudre  serait  tombée  sur  sa  tête,  qu'A- 
man n'aurait  pas  été  plus  atterré.  Avoir  lui- 
même,  sans  le  soupçonner,  tracé  avec  un 
soin  jaloux  le  programme  détaillé  du  triom- 
phe de  celui  dont  il  était  venu,  avec  con- 
fiance, demander  la  mort  pour  le  jour  même, 
la  mort  sur  un  gibet  déj;\  préparé  et  dont  la 
hauteur  devait  élever  l'ignominie  de  Mardo- 
chée aux  yeux  de  toute  la  ville  !  Être  con- 
damné, lui  Aman,  lui  le  premier  ministre  du 
roi,  lui  le  plus  haut  personnage  do  l'empire, 


CONFUSION    D  AMAN.  1  G  1 

à  devenir  le  v;ilel  de  pied  el  le  héraut  de  ce 
Martlochée,  ce  Juif  méprisé,  et  son  niorlel 
ennemi  :  l'histoire  oflre-t-clle  l'exemple 
d'une  humiliation  pareille  ? 


Cependant,  il  lallul  obéir.  Aman  prit  donc 
le  manteau  royal  et  le  cheval  qu'il  avait 
désigné.  Lui-même,  descendu  devant  le 
palais,  de  ses  propres  mains  revêtit  Mardo- 
chéc  des  habits  royaux,  lui  mit  le  cimeterre 
au  côté  et  le  diadème  sur  la  tète,  au  milieu 
de  la  grande  place  qui  précédait  le  palais. 
Puis,  toujours  en  présence  de  la  cour  et  du 
peuple,  il  tint l'étrier  pendant  qucMardochée 
montait  à  cheval.  Le  triomphateur,  dans  tout 
l'éclat  de  sa  gloire,  donna  le  signal  du  départ. 
Aman  marchait  humblement  devant  lui, 
criant  à  haute  voix  dans  tous  les  quartiers 
de  la  ville  :  «  C'est  ainsi  que  mérite  d'être 
honoré,  louthonnne  qu'il  plaira  au  roi  d'ho- 
norer. )) 


162  VINGT-CINQUIEME   JOUR. 


VI 


Mardochce,  ayant  fait  le  tour  de  la  ville, 
fut  reconduit  au  palais.  Aman  se  hâta  de 
regagner  sa  maison,  gémissant  et  ayant  la 
tête  couverte,  afin  de  n'être  vu  de  personne. 
Il  avait  honte,  en  effet,  de  marcher  le  visage 
découvert,  lui  qui,  voulant  se  faire  adorer 
comme  un  dieu,  venait  d'être  vu  de  toute 
la  ville,  réduit  au  rôle  de  palefroi.  D'ail- 
leurs se  couvrir  la  tête  était  chez  les  Perses, 
comme  chez  un  grand  nombre  de  nations, 
un  signe  de  grand  deuil,  de  grande  douleur  et 
de  grande  confusion. 

VII 

Arrivé  chez  lui,  Aman  raconta  à  Zarès  sa 
femme  et  à  ses  amis  tout  ce  qui  lui  était 
arrivé.  Les  sages  dont  il  prenait  consed  et 
sa  femme  lui  dirent  :  «  Si  Mardochée,  de- 
vant lequel  vous  avez  commencé  de  tom- 
ber, est  de  la  race  des  Juifs,  vous  ne  pourrez 
lui  résister,maisvous  tomberez  entièrement,  o 

Parlaient-ils  delà  sorte  par  une  inspiration 


CONFUSION   DAMAN.  163 

divine,  ou  leurs  conjectures  rcposaienl-elles 
sur  l'histoire  des  Juifs,  qu'on  avait  vus  con- 
stanunent,  soit  en  Egypte,  soit  dans  la  terre 
de  (^hanaan,  triompher  de  leurs  ennemis  ? 
11  n'importe  :  leur  prédiction  ne  tarda  pas 
à  se  vérilier.  Ils  parlaient  encore,  lorsque  les 
chambellans  du  roi  survinrent,  et  obligèrent 
Aman  à  venir  sans  délai  au  festin  que  la 
reine  avait  préparé. 

liëflexion.  — L'homme,  dit  le  Saint-Esprit, 
sera  puni  par  où  il  aura  péché.  Aman  en  est 
une  preuve  éclatante.  Aman,  c'est  la  Rév(j- 
lulion  ;  Mardochéc,  c'est  le  pape.  Grâce  à  la 
complicité  publique  ou  secrète  des  rois  et  des 
peuples,  la  Révolution  est  arrivée  à  une  puis- 
sance aujourd'hui  sans  rivale.  Seulle  vicaire 
de  Jésus-Christ  refuse  de  fléchir  le  genou 
devant  elle.  Seul  il  la  combat  hautement  et 
avec  une  constance  inébranlable.  De  là,  les 
fureurs  et  les  cris  de  mort  de  la  Révolution 
contre  la  papauté.  C'est  au  moment  où  il 
ne  doute  plus  de  son  triomphe  qu'Aman  est 
confondu  ;  et  qu'il  voit  la  puissance  lui 
échapper  et  ses  projets  s'évanouir. 

Tel  sera,  si  nous  méritons  que  la  divine 


164  VINGT-CINQUIÈME   JOUR. 

Eslher  prenne  en  main  notre  cause,  le  sort 
inévitable  de  la  Révolution.  Quant  à  l'Église, 
elle  n'a  rien  à  craindre.  La  barque  de  Pierre 
peut  être  agitée,  elle  ne  fera  jamais  nau- 
frage. Voulons-nous  être  en  sûreté?  Demeu- 
rons fidèlement  dans  cette  barque  où,  veil- 
lant ou  dormant,  se  trouve  toujours  celui 
qui  commande  en  maître   aux  flots  irrités. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez 
pour  l'Afrique  occidentale. 

Pratique.  —  Faire  souvent  et  bien  le  signe 
de  la  a'oix. 


XXVP  JOUll. 
Punition    d^Aman. 

I 

Aller  dîner  avec  Assuérus  qui  venait  de  lui 
iniliger  la  plus  sanglante  humiliation,  devait 
être  pour  Aman  un  bien  triste  honneur, 
pour  ne  pas  dire  un  pénible  devoir.  Mais, 
dans  l'intérêt  de  leur  fortune,  les  ambitieux 
savent  dévorer  en  secret  les  plus  cruels  af- 
fronts. Aman  se  rendit  donc  au  palais  et  avec 
Assuérus  entra  chez  la  reine,  où  les  attendait 
le  nouveau  festin.  11  pouvait  être  environ 
deux  heures  après  midi  ;  car  la  promenade 
triomphale  de  Mardochée  n'avait  pris  qu'une 
partie  de  la  journée  :  et  Aman,  rentré  chez 
lui  en  toute  hâte,  racontait  encore  ses  cha- 
grins, lorsque  les  chambellans  vinrent  le 
chercher  pour  prendre  part  au  banquet  de 
la  reine. 


166  VINGT-SIXIÈME  JOUR. 


II 

Le  repas  commença  et  continua  même 
pendant  quelque  temps,  sans  que  rien  fît 
pressentir  la  catastrophe  par  laquelle  il  de- 
vait se  terminer.  Estlier  attendait  le  moment 
iavorahle  de  parler  au  roi.  Lui-même  la  fit 
naître  ;  car  il  n'avait  pas  oublie  qu'Esther  lui 
avait  dit  la  veille  :  «  Demain  je  ferai  connaître 
mes  désirs,  »  Quand  donc  Assuérus  fut  un 
peu  cchaulfé  par  le  vin,  il  fit  à  Esther  la 
môme  question  et  la  môme  promesse  que  le 
jour  précédent.  «  Que  demandez-vous  de 
moi,  Estlier,  et  que  désirez -vous  que  je  fasse  ? 
Quand  vous  me  demanderiez  la  moitié  de 
mon  royaume,  je  vous  la  donnerais.  » 

III 

Pour  la  seconde  fois,  rEcrilure  remarque 
qu'Assucrus  se  laissait  échauffer  par  le  vin. 
Elle  ne  veut  pas  dire  qu'il  buvait  avec  excès 
et  au  point  de  troubler  sa  raison.  Nous  ap- 
prenons seulement  que  les  monarques  per- 


l'LNlTION    D  AMAN.  lli? 

sans  ctaicnl  puissants  à  boire,  comme  dit 
ailleurs  le  Saint-Esprit  :  Patentes  ad  hiheu- 
(hnn.  L'histoire  rapporte  de  l'un  d'entre 
eux,  le  trait  suivant.  Comme  il  buvait 
largement,  un  de  ses  plus  chers  courti- 
sans se  permit  de  l'engager  à  se  modérer, 
ajoutant  que  l'ivrognerie  était  honteuse  sur- 
tout dans  un  roi,  sur  qui  tous  les  regards 
sont  fixés. 

((  Afin  que  lu  saches  que  je  ne  bois  jamais 
avec  excès,  répondit  le  monarque,  je  vais 
le  prouver  qu'après  de  copieuses  libations, 
j'ai  l'œil  et  la  main  aussi  sûrs  qu'avant.  »  Et 
il  se  mit  à  boire  plus  que  de  coutume  et  dans 
des  coupes  plus  larges,  (juand  on  le  crut  dans 
un  état  d'ivresse,  il  commanda  au  jeune  fils 
du  courtisan  d'aller  se  placer  hors  de  la  salle 
du  leslin,  et  de  se  tenir  debout,  la  main 
gauche  placée  sur  la  tête.  Le  roi  tend  son 
arc  en  disant  :  Je  vise  au  cœur;  et  il  envoie  sa 
llèche  droit  au  cœur  du  jeune  homme.  Puis, 
retirant  la  llèche,  et  la  montrant  au  père, 
il  lui  dit  :  ((  Crois-tu  que  j'ai  la  main  assez 
sûre?»  L'j  père  répondit  :  c(  Un  dieu  ne  tire- 
rait pas  plus  juste.  » 

1 1 


1G8  VINGT-SIXIEME   JOUR. 

L'acte  de  ce  roi  et  la  flatterie  de  ce  père 
montrent  ce  qu'était  la  nature  humaine  dans 
le  paganisme. 

IV 

Esther,  voyant  Assuérus  bien  disposé,  lui 
répondit  :  «  0  roi,  si  j'ai  trouvé  grâce  devant 
vos  yeux,  je  vous  conjure  de  m'accorder,  s'il 
vous  plaît,  ma  propre  vie,  et  celle  de  mon 
peuple.  Car  nous  sommes  livrés,  moi  et  mon 
peuple,  pour  être  foulés  aux  pieds,  égorgés  et 
exterminés.  Plût  :i  Dieu  qu'on  nous  vendît, 
hommes  et  femmes,  comme  esclaves  !  Ce  mal 
serait  supportable  et  je  le  souffrirais  en  si- 
lence. Mais  l'extermination  de  tout  un  peu- 
ple par  notre  ennemi,  cst.un  acte  de  barbarie 
qui  retombe  sur  le  roi.  » 

V 

11  est  facile,  non,  il  est  impossible  de  com- 
prendre l'impression  que  produisirent  sur 
Assuérus  les  paroles  d'Esther.  Néanmoins, 
on  se  figure  sans  peine  qu'il  dut  se  dire  à 
lui-même  :  «  Est-ce  un  rêve  ?  (Juoi  !  Esther 
que  voilà  sous  mes  yeux  !  la  reine  Esther,  si 


rUNlTION    D  AMAN.  1(5  9 

tendrement  aimée,  est  condamnée  à  mort  ! 
Et  je  n'en  sais  rien  !  Par  dévouement  pour 
moi,  elle  consent  à  être  renvoyée  de  mon 
palais  et  vendue  comme  esclave  :  elle  me 
demande  seulement  grâce  de  la  vie  !  Quel  est 
cet  étrange  mystère  ?  » 

Aman  le  comprit  aussitôt,  et  on  peut  juger 
de  sa  frayeur.  Il  apprenait  qu'Esther  était 
juive  et  que,  enveloppée  comme  telle  dans 
l'édit  d'extermination  qu'il  avait  surpris  à 
Assuérus,  elle  demandait  grâce  de  sa  vie.  Il 
voyait  que  non-seulement  cette  grâce  lui  se- 
rait accordée  ;  mais  que  le  décret  de  pros- 
cription serait  rapporté  et  que  toutes  ses 
machinations  allaient  tourner  contre  lui. 
C'était  le  commencement  des  douleurs. 


VI 

La  scène  ne  larda  pas  à  devenir  bien  au- 
trement saisissante.  Reprenant  la  parole, 
Assuérus  dit  :  «  Qui  est  celui-là?  et  qui  est 
assez  puissant  pour  oser  faire  ce  que  vous 
dites  ?  »  Esther  répondit  :  «  Le  cruel  ennemi 
qui  a  juré  notre  perte,  c'est  cet  Aman.  » 


170  YINGT-SIXlEMIi   JOUR. 

A  ces  mots,  Aman  demeura  interdit,  ne 
pouvant  supporter  les  regards  du  roi  et  de  la 
reine.  Assucrusse  leva  en  colère  et,  étant  sorti 
de  la  salle  du  festin,  il  entra  dans  le  jardin  du 
palais.  Aman  se  leva  aussi  de  table  et  se  jeta 
à  genoux,  pour  supplier  la  reine  Estlier  de  lui 
sauver  la  vie.  Assuérus,  étant  rentré  dans  la 
salle  du  festin,  trouva  Aman  penché  sur  le 
lit  de  table,  oîi  était  Esther,  et  il  dit  :  «  (Juoi  ! 
il  veut  même  faire  violence  à  la  reine,  en  ma 
présence  et  dans  ma  maison  !  » 

VII  . 

A  peine  cette  parole  fut  sortie  de  la  bouche 
du  roi,  que  les  chambellans  s'emparèrent 
d'Aman  et  lui  couvrirent  le  visage,  comme 
cela  se  pratiquait  à  l'égard  des  criminels 
condamnés  à  mort.  Alors  Harbona,  un  des 
ofliciers  de  service,  qui  avait  été  avertir  Aman 
de  venir  au  festin  de  la  reine,  dit  au  roi  : 
«11  y  a,  dans  la  maison  d'Aman,  une  potence 
de  cinquante  coudées  de  haut,  qu'il  avait  fait 
préparer  pour  Mardochéc,  le  sauveur  du 
roi.  » 


à 


in'NITION    r.'AMAX.  17  1 

A'^siu'-rns  dil  :  «  Qu'Aman  soil  pcndn.  d 

Aman  Ctil  donc  pendu  à  la  potence  qu'il 
avait  fait  préparer  pour  Mardoehée,  et  la  co- 
lère du  roi  s'apaisa.  La  potence  fut  plantée  à 
une  des  portes  de  la  ville,  afm  que  le  supplice 
lut  plus  ignominieux  et  que  tous  ceux  qui 
entraient  et  qui  sortaient  vissent  suspendu  à 
un  gibet,  celui  qui  hier  encore  voulait  se  faire 
adorer  comme  un  dieu . 

Réjlexion.  —  Pour  éprouver  la  confiance 
de  ses  enfants  et  faire  éclater  sa  gloire,  Dieu 
laisse  quelquefois  monter  la  puissance  de  ses 
ennemis,  au  point  que  leur  triomphe  paraît 
assuré.  Mais  quand  l'heure  est  venue,  Dieu 
se  lève  et  tout  change.  C'est  ainsi  que,  dans 
un  seul  jour,  Aman  voit  tous  ses  projets 
renversés  et  lui-même,  tombé  du  faîte  des 
grandeurs,  porte  la  peine  de  son  orgueil  et  de 
sa  cruauté.  Tout  cela  se  fait  par  l'entremise 
d'Esthcr. 

Croyons-le  plus  que  jamais,  c'est  par  l'in- 
tercession de  la  sainte  Vierge,  que  les  enne- 
mis de  l'Église,  dont  l'orgueil  s'élève  aujour- 
d'hui jus([u'au  ciel,  seront  humiliés  et  réduits 
à  l'impuissance.   Notre  devoii-,  surinul  jicu- 


172  VINGT-SIXIEME   JOUR. 

dant  ce  mois  béni,  est  de  lui  dire  avec  une 
ferveur  inaccoutumée  :  Divine  Esther,  parlez 
au  Roi  poumons:  Loquero  Régi pronohis.  En 
intercédant  pour  nous,  elle  intercède  pour 
elle.  Nos  ennemis  ne  sont-ils  pas  les  siens? 
S'ils  venaient  à  triompher,  n'aboliraient-ils 
pas  son' culte?  Ne  sommes-nous  pas  son  peu- 
ple, sa  famille,  ses  frères  et  ses  sœurs?  Ayons 
donc  confiance.  Souvent  c'est  quand  on  croit 
tout  perdu  que  tout  est  sauvé. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Afrique  orientale. 

Pratique.  —  S'associer  à  l'œuvre  de  la 
Sainte-Enfance. 


XXVIP  JOUR. 
Élévation  de  Mardochée. 

1 

Eslliur  ne  lit  pas  les  choses  à  deiiii.  Avoir 
vaincu  l'orgueilleux  et  cruel  Aman,  n'était 
que  la  première  partie  de  sa  victoire  :  éle- 
ver Mardochée  au  faîte  du  pouvoir,  et  tirer 
une  vengeance  aussi  éclatante  que  méritée 
des  ennemis  de  son  peuple,  était  la  seconde. 
Le  jour  même  de  l'exécution  d'Aman,  le  roi 
Assuérus  donna  à  la  reine  Esthcr  la  mai- 
son d'Aman,  ennemi  des  Juifs.  Aman  s'étant 
rendu  coupable  de  lèse-Majesté,  son  opulente 
maison  ou  plutôt  son  splendide  palais  rempli 
d'or,  d'argent  et  de  meubles  précieux,  reve- 
nait au  trésor  de  l'empire,  et  le  roi  en  ht 
présent  àEsther. 

II 

Quelques  instants  après  la  reine  lit  appe- 
ler Mardochée  et  le  présenta  au  roi  ;  car  elle 


174  VINGT-SEPTIEME   JOUR. 

lui  avait  avoué  qu'il  était  son  oncle.  Aussi- 
tôt il  devint  le  favori  d'Assuérus,  son  pre- 
mier ministre,  son  confident  le  plus  intime 
et  son  conseiller  le  plus  sûr.  Comme  insi- 
gne de  cette  haute  dignité,  le  roi  prit  l'an- 
neau qu'il  avait  fait  ôler  à  Aman  et  le 
donna  à  Mardochée.  C'était  ce  même  an- 
neau royal,  dont  le  perfide  ministre  avait 
scellé  l'édit  d'extermination  contre  les  Juifs. 
De  son  côté,  Esther  établit  Mardochée  in- 
tendant de  sa  maison.  Toujours  reconnais- 
sante et  soumise,  la  bonne  princesse  voulut 
avoir,  dans  l'éclat  de  sa  gloire,  pour 
l'homme  de  sa  confiance,  celui  qui  avait 
nourri  son  enfance,  dirigé  sa  jeunesse  et 
contribué  si  puissamment  à  son  élévation. 

III 

Il  semble  qu'Esther  n'avait  plus  rien  à 
désirer.  Mais  à  l'àme  où  règne  la  charité, 
les  intérêts  d'autrui  sont  aussi  chers  que  les 
siens.  La  grande  reine  n'était  donc  pas  en- 
core satisfaite.  C'est  pourquoi  elle  se  jeta 
aux  pieds  du  roi  ot  le  conjura  avec  larmes 


i 


KLKVATION  T)K   MARnOCUKR.  175 

(lo  rendre  vaine  la  méchanceté  d'Aman, 
iih  d'Agag,  en  déjouant  les  machinations 
qu'il  avait  formées  pour  perdre  les  Juifs. 
Assuérus  lui  tendit  son  sceptre  d'or,  pour 
lui  donner,  selon  la  coutume,  des  marques 
de  sa  bonté. 

Alors  la  reine,  se  levant  et  se  tenant  en  sa 
présence,  lui  dit  :  '(  Si  j'ai  trouvé  grâce  devant 
le  roi  et  que  m.a  demande  ne  lui  paraisse  pas 
importune,  je  le  conjure  de  vouloir  ordon- 
ner que  les  lettres  d'Aman,  par  lesquelles  cet 
ennemi  des  Juifs  avait  commandé  qu'on  les 
exterminât  dans  toutes  les  provinces  du 
royaume,  soient  révoquées  par  de  nouvelles 
lettres  :  car  comment  pourrais-je  supporter 
la  mort  et  la  ruine  de  tout  mon  peuple  ?  » 

IV 

Après  les  marques  de  tendresse  qu' As- 
suérus avait  données  à  Esther  et  les  faveurs 
insignes  dont  il  venait  de  la  combler,  il  peut 
paraître  étonnant  de  voir  cette  reine  bien- 
aimée,  se  prosterner  devant  le  roi  et  fondre 
en  larme>^  pour  Ini  demander  le  salut  de  son 

1 1. 


17C  VINGT-SEPTIÈME   JOUR. 

peuple.  C'est  qu'ici,  était  le  nœud  de  la  dif- 
ficulté. Suivant  les  lois  inviolables  des  Perses 
et  des  Mèdes,  un  décret  scellé  du  sceau 
du  roi  était  irrévocable.  L'annuler  par  un 
autre    décret,  c'était  faire  une  révolution. 


Or,  l'édit  d'extermination  porté  contre  les 
Juifs  était  scellé  du  sceau  du  roi.  De  là  vient 
qu'Esther  emploie  tous  les  moyens  en  son 
pouvoir,  pour  toucher  Assuérus  et  lui  faire 
révoquer  cet  édit.  Ce  grand  prince,  qui  avait 
compris  la  fourberie  d'Aman,  n'hésita  pas 
à  braver  les  dangers  qu'il  pouvait  courir, 
afin  de  sauver  les  innocents. 


II  dit  donc  à  la  reine  et  à  Mardochée  : 
((  J'ai  donné  à  Esther  la  maison  d'Aman,  et 
j'ai  commandé  qu'il  fût  attaché  à  une  po- 
tence, parce  qu'il  avait  osé  lever  la  main 
contre  les  Juifs.  Écrivez  donc  aux  Juifs  au 
nom  du   roi,  comme  vous  le  jugerez  à  pro- 


ELEVATION    DE    MARDOCDEE.  177 

pos  et  scellez  les  lettres  de  mon  anneau.  » 
Les  secrétaires  et  les  écrivains  du  roi  fu- 
rent donc  appelés.  Les  premiers  présidaient  à 
la  rédaction  des  lettres  et  décrets  ;  les  se- 
conds en  faisaient  des  copies,  soit  pour  être 
envoyées  dans  les  provinces,  soit  pour  être 
gardées  dans  les  archives  de  l'empire.  Le 
roi  eut  soin  de  recommander  de  cacheter  les 
lettres  de  son  anneau,  afin  qu'elles  fussent 
la  révocation  authentiiiue  de  l'édit  de  pros- 
cription. 

VII 

Les  lettres  furent  dune  conçues  en  la  ma- 
nière que  Mardochéc  voulut,  et  adressées 
aux  Juifs,  aux  grands  seigneurs,  aux  gou- 
verneurs et  aux  juges  des  cent  vingt-sept 
provinces  du  royaume,  depuis  les  Indes 
jusqu'à  l'Ethiopie.  Gomme  les  premières, 
elles  furent  écrites  en  diverses  langues  et  en 
différents  caractères,  selon  la  diversité  des 
provinces  et  des  peuples,  afin  qu'elles  pus- 
sent être  lues  et  entendues  de  tout  le  monde. 
Ces  lettres  écrites  au  nom  du  roi  et  cache- 
tées de   son  anneau  furent  portées  par  des 


!7'8  VTNGT-SEl'TIEME    JOUR. 

courriers  montés  sur  des  chevaux  fort  viles, 
afin  que,  parcourant  rapidement  toutes  les 
provinces,  ils  prévinssent  l'exécution  des  an- 
ciennes lettres  par  ces  nouvelles. 

Réflexion.  —  La  réalité  est  toujours  plus 
parfaite  que  la  figure.  Si  donc  Esther  ne 
se  contente  pas  de  faire  les  choses  à  demi, 
à  plus  forte  raison  Marie  les  fait-elle  com- 
plètement. Il  ne  suffit  pas  à  Esther  d'avoir 
sauvé  sa  vie,  elle  ne  fut  heureuse  qu'après 
avoir  obtenu  celle  de  son  peuple.  Ainsi,  il  en 
est  de  la  sainte  Vierge.  Assurée  de  son  hon- 
neur, elle  est  pleine  de  sollicitude  pour  nous 
et  pour  l'Église.  Nos  ennemis,  les  ennemis 
de  l'Eglise  sont  toujours  ses  ennemis.  Nous 
protéger  contre  leurs  attaques,  les  humilier 
et  les  vaincre,  est  son  occupation  constante. 

De  là  vient  qu'un  saint  docteur  appelle 
Marie,  la  grande  affairée  du  paradis.  Nos 
besoins  même  temporels  ne  la  trouvent  ja- 
mais insensible.  Qui  pourrait  compter  les 
affligés  qu'elle  a  consolés,  les  pauvres  qu'elle 
a  secourus,  les  malades  qu'elle  a  guéris  ? 
Comme  Notre-Seigneur  sur  la  croix  disait 
da'ns  son  amour  :  J'ai  soif  des  âmes,  aifin  : 


l':Li;YATI(iN    DE    MARDOCIll-F.  179 

Mario  a  soif  de  faire  du  bien.  C'est  lui  faire 
injure,  dit  saint  Bonaventure,  de  ne  pas  s'a- 
dresser à  elle  dans  le  besoin  :  In  te,  Domina, 
peccnnt  non  solion  qui  tibi  injwiam  irroganf, 
sed  etiani  qui  te  non  rogant  (1). 

Catholiques  du  dix-neuvième  siècle,  à  qui 
la  Révolution  ne  voudrait  plus  laisser  de 
place  au  soleil,  implorons  avec  confiance  la 
divine  Eslher,  A  la  vue  des  dangers  qui  nous 
menacent  nous  et  le  monde  entier,  cachons- 
nous  dans  son  sein  maternel  ;  comme  à  l'ap- 
parition de  l'oiseau  de  proie  les  poussins  se 
cachent  sous  les  ailes  de  leur  mère  :  et  nous 
n'avons  rien  à  craindre  :  0  Maria,  o  nomen 
suh  qiio  nemini  desperandnm. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Afrique  centrale. 

Pratique.  —  Faire  une  visite  au  saint  Sa- 
crement. 

(\)  In  sprc,  Virg. 


XXVIIP  JOUH. 
Édit  en  faveur  des  Juif^;. 

I 

Le  texte  de  ce  fameux  édit  est  intéressant 
ri  connaître.  En  avouant  que  sa  bonne  foi  a 
été  surprise,  lorsqu'il  a  décrété  l'extermina- 
tion des  Juifs,  Assuérus  donne  d'abord  une 
utile  leçon,  non-seulement  aux  rois,  mais 
encore  à  tous  les  supérieurs  et  même  à  qui- 
conque se  laisse  approcher  par  des  flatteurs. 
Une  fois  de  plus,  il  justifie  cette  sentence 
de  l'Écriture  :  «  Celui  qui  croit  vite  est 
léger  de  cceur  et  sera  dupe  :  Qui  cito  crédit 
levisest  corde,  et  minorahitur  (I).  » 

Nous  disons  une  fois  de  plus,  car,  dans  tous 
les  siècles,  d'éclatants  exemples  prouvent  la 
sagesse  de  l'oracle  divin.  Pour  s'être  montrés 
trop  crédule,  Josué  est  trompé  par  les  Ga- 

(1)  Eccii.,  XIX,  4. 


ÉDIT   EN   FAVEUR   DES  JUIFS.  181 

haonites  ;  Holoferno,  par  Judith;  Samson. 
parDalila;Putiphar,  parsa  femme  ;  Roboam, 
par  ses  jeunes  conseillers  :  combien  de  faits 
analogues  on  lit  dans  Ihistoire  des  peuples 
anciens  et  modernes! 

La  loyauté  avec  laquelle  Assuérus  répare 
une  injustice,  malgré  la  crainte  d'une  révo- 
lution, est  une  nouvelle  leçon  donnée  aux 
supérieurs,  plus  précieuse  encore  que  la  pre- 
mière. Enfin,  l'extermination  des  ennemis 
des  Juifs  nous  révèle  la  nature  des  lois  qui 
régissaient  les  anciennes  monarchies,  sans 
laisser  à  personne  le  droit  d'accuser  d'injus- 
tice et  de  cruauté  ni  Assuérus,  ni  Esther,  ni 
Mardochée. 

Il 

Yoici  l'édit  rendu  le  vingt-troisième  jour 
du  mois  de  Siban,  troisième  mois  de  l'année 
persane,  par  conséquent  trois  mois  dix  jours 
après  l'édit  d'Aman.  «  Le  grand  roi  Assuérus, 
qui  règne  depuis  les  Indes  jusqu'en  Ethio- 
pie, aux  chefs  et  aux  gouverneurs  des  cent 
vingt-sept  provinces  qui  sont  soumises  à  no- 
tre empire,  salut  : 


IR-2  YINGT-ITlilTIEME  JOL'B. 

'(  Plusieurs,  abusant  de  la  bonté  des  prin- 
ces et  des  honnenrs  qu'ils  en  ont  reçus,  de- 
viennent insolents  :  et  non-seulement  ils  tâ- 
chent d'opprimer  les  sujets  des  rois,  mais,  ne 
pouvant  porter  avec  modération  la  gloire  dont 
ils  ont  été  comblés,  font  des  entreprises  contre 
ceux  mêmes  de  qui  ils  l'ont  reçue.  Non  con- 
tents de  méconnaître  les  grâces  qu'on  leur  a 
faites  et  de  violer  dans  eux-mêmes  les  droite 
de  l'humanité,  ils  s'imaginent  qu'ils  pourront 
se  soustraire  à  la  justice  de  Dieu,  qui  voit 
tout. 

III 

«  Et  ils  sont  venus  à  un  tel  degré  de  folie 
que,  s'élevant  contre  ceux  qui  s'acquittent  de 
leur  charge  avec  une  grande  fidélité^  et  qui 
se  conduisent  de  telle  sorte  qu'ils  méritent 
d'être  loués  de  tout  le  monde,  ils  tâchent  de 
les  perdre  par  leurs  mensonges  et  leurs  arti- 
fices, en  surprenant  par  leurs  déguisements 
et  par  leur  adresse  la  bonté  des  princes  qui 
jugent  des  autres^ d'après  eux-mêmes.  Ce  qui 
se-voit  clairement  par  les  anciennes  histoires. 
Et  ce  qui  se  passe  encore  tous  les  jours,  ap- 


KDIT   EN    FAVEUR    DE?;   ,iriF«;.  183 

prend  combien  les  bonnes  inclinations  dos 
princes  sont  souvent  altérées  par  de  faux  rap- 
ports. En  conséquence,  nous  devons  aujour- 
d'hui pourvoir  par  nous-mènie  à  la  paix  de 
toutes  les  provinces. 

lY 

((  Si  nous  ordonnons  des  choses  différen- 
tes, ne  pensez  pas  que  cela  vienne  de  la  lé- 
gèreté de  notre  esprit;  croyez  plutôt  que 
c'est  la  vue  du  bien  public  qui  nous  oblige  à 
régler  nos  décrets  selon  la  diversité  des  temps 
et  la  nécessité  de  nos  affaires.  Et  afin  que 
vous  compreniez  plus  clairement  ce  que  nous 
disons  :  Nous  avions  reçu  avec  bonté  auprès 
de  nous,  Aman,  fils  d'Amadathi,  qui  n'avait 
rien  de  commun  avec  le  sang  des  Perses  et 
qui  a  voulu  déshonorer  notre  clémence  par 
sa  cruauté.  Et,  après  que  nous  lui  avions 
donné  tant  de  marquesde  notre  bienveillance, 
jusqu'à  le  faire  appeler  notre  père,  et  à  le 
faire  adorer  de  tous  comme  le  second  après 
le  roi,  il  avait  comploté,  avec  une  méclian- 
(>olé   inouïe    et   toute  nouvelle,    de   perdre 


184  YINCiT-nUITIKMR    JOIP. 

Mardochée,  par  la  fidélité  et  les  lions  services 
duquel  nous  vivons,  et  Esther,  notre  épouse, 
la  compagne  de  notre  royauté,  avec  tout  son 
peuple,  afin  qu'après  les  avoir  massacrés  et 
nous  avoir  ôté  ce  secours,  il  put  nous  sur- 
prendre nous-môme  et  faire  passer  à  des 
étrangers  l'empire  des  Perses; 


(i  Mais  nous  avons  reconnu  que  les  Juifs, 
destinés  à  la  mort  par  cet  homme  détestable, 
n'étaient  coupables  d'aucune  faute;  qu'au 
contraire,  ils  se  conduisent  suivant  des 
lois  justes,  et  qu'ils  sont  les  enfants  du  Dieu 
très-haut,  par  la  grâce  de  qui  le  royaume  a 
été  donné  à  nos  pères  et  à  nous-mème  et 
se  conserve  encore  aujourd'hui  entre  nos 
mains.  C'est  pourquoi  nous  déclarons  que 
les  lettres  qu'il  vous  avait  envoyées  contre 
eux,  en  notre  nom,  sont  de  nulle  valeur;  et 
qu'à  cause  de  ce  crime  il  a  été  pendu  avec 
tous  ses  proches  devant  la  porte  de  la  ville  de 
Suse  :  Dieu  lui-même,  et  non  pas  nous,  lui 
ayant  fait  souffrir  la  peine  qu'il  a  méritée. 


ÉDIT    EN    FAVFUR    DES   JUTFS.  185 


YI 

((  Que  cet  cdit  donc  que  nous  envoyons 
présentement  soit  affiché  dans  toutes  les 
villes,  afin  qu'il  soit  permis  aux  Juifs  de  gar- 
der leurs  lois.  Vous  leur  prêterez  secours, 
afm  qu'ils  puissent  mettre  à  mort  ceux  qui 
se  préparaient  à  les  perdre,  le  treizième  jour 
du  douzième  mois,  appelé  Adar  ;  car  le  Dieu 
tout-puissant  leur  a  fait  de  ce  jour  qui  de- 
vait être  un  jour  de  deuil  et  de  larmes,  un  jour 
de  joie. 

Tous  aussi,  mettez  ce  jour  au  rang  des 
jours  de  fêtes  et  célébrez-le  avec  toute  sorte 
de  réjouissances,  afin  qu'on  sache  à  l'avenir 
que  tous  ceux  qui  obéissent  fidèlement  aux 
Perses,  sont  récompensés  comme  leur  dé- 
vouement le  mérite,  et  que  ceux  qui  conspi- 
rent contre  l'empire  sont  punis  d'une  mort 
digne  de  leur  crime.  S'il  se  trouve  une  ville 
qui  refuse  de  prendre  part  i\  cette  fête  solen- 
nelle, qu'elle  périsse  par  le  fer  et  par  le  feu 
et  qu'elle  soit  tellement  détruite,  qu'elle  ne 
puisse  jamaisservir  do  retraite  ni  aux  lionimo'^ 


1S6  VINt^T-IiriTIKME   .lOm. 

ni  aux  bêles,  mais  qu'elle  soit  un  monument 
éternel  du  châtiment  dû  à  la  désobéissance 
et  au  mépris.  » 

Réflexion.  —  Dans  l(jut  ce  qui  regarde  la 
défiance  dont  il  faut  user  à  l'égard  des  flat- 
teurs et  des  conseillers  intéressés,  le  décret 
d'Assuérus  est  de  tous  les  temps,  mais  en 
particulier  des  temps  actuels.  Les  rois  et  sur- 
tout les  peuples  d'aujourd'hui  sont  environ- 
nés d'Amans,  qui  leur  conseillent  de  perdre 
le  peuple  chrétien.  Plus  de  christianisme, 
plus  d'Église,  plus  de  pape,  plus  de  prêtres, 
plus  de  catholiques  :  ils  sont  en  conspiration 
permanente  contre  la  liberté,  le  progrès,  la 
civilisation,  la  paix  des  familles  et  le  bonheur 
des  nations.  Ainsi  raisonnait,  contre  les  Juifs, 
l'hypocrite  Aman,  à  la  cour  d'Assuérus. 

Ainsi  raisonnaient,  contre  nos  pères  dans  la 
foi,  les  sophistes  païens,  à  la  cour  des  Césars. 
Ainsi  raisonnaient,  en  France,  les  philoso- 
phes incrédules,  à  la  veille  de  la  Révolu- 
tion :  et  leurs  conseils  devinrent  la  persécu- 
tion, la  spoliation,  la  mort  sous  toutes  les 
formes.  Ainsi  raisonnent  aujourd'hui,  dans 
joule  l'Europe,  leurs  innombrables  succès- 


KDIT   EN    FAVEUR   DES  JUIFS.  187 

seurs.  Avis  aux  rois,  aux  peuples,  à  nous 
tous  de  erier  vers  Marie,  comme  les  apôtres 
à  Notre-Seigneur  au  milieu  (U'  la  tempête  : 
Sauvez-nous,  nous  périssons  :  Sàlva  nus,  //e- 

J'illlKS. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votr(>  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  nous. 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Amérique  septentrionale. 

Pratique.  —  Réciter  trois  fois  Monstra  te 
esse  mat  rem,  etc. 


XXIX^  JOUll. 
Triomphe  des  Juifs. 

I 

Pendant  que  les  courriers  portaient  en 
toute  hâte  les  lettres  du  roi  dans  toutes  les 
provinces,  l'édit  de  révocation  fut  affiché 
dans  Suse.  Toute  la  population  le  lut  avide- 
ment, mais  avec  des  sentiments  bien  opposés. 
Aux  uns  il  inspirait  une  juste  terreur,  tandis 
qu'il  remplissait  les  autres  d'allégresse.  Les 
Juifs  non-seulement  de  la  capitale,  mais  de 
toutes  les  villes  de  province,  étaient  prévenus 
d'avoir  à  s'assembler  d'abord  pour  défendre 
leur  vie,  ensuite  pour  exterminer  leurs  enne- 
mis, avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants  et 
s'emparer  de  leurs   dépouilles. 

Tel  était  le  sort  que  les  ennemis  des  Juifs 
leur  avaient  réservé.  Ainsi  que  nousl'avons  vu, 
l'édit  d'Aman  portait  en  propres  termes  : 
«  Qu'on  tue  et  qu'un  cxlerniinc  tou>  les  Juifs, 


TRIOMl'llE   DES   JUIFS.  189 

depuis  l'enfant  jusqu'au  vieillard,  les  petits 
eufants  et  les  femmes,  et  qu'on  pille  tous 
leurs  biens.  » 

II 

La  terreur  et  l'allégresse  furent. portées  au 
comble,  lorsqu'on  vit  Mardochéc  sortir  du 
palais,  où  il  venait  de  s'entretenir  intimement 
avec  le  roi.  Le  tout-puissant  ministre  parut 
dans  un  grand  éclat.  Monté  sur  un  superbe 
cheval  et  entouré  d'un  brillant  cortège,  il 
portait  une  robe  royale,  couleur  d'hyacinthe 
et  de  bleu  céleste;  sur  la  tète  une  couronne 
d'or  et  sur  les  épaules  un  manteau  de  soie  et 
de  pourpre.  A  son  aspect  toute  la  ville,  c'est- 
à-dire  tous  les  Juifs  et  tous  les  amis  des  Juifs, 
tressaillirent  de  bonheur.  Une  nouvelle  lu- 
mière semblait  se  lever  sur  les  Juifs,  et  an- 
noncer des  jours  de  victoires,  de  réjouissan- 
ces et  de  félicités. 

III 

Il  en  fut  de  même  dans  toutes  les  provin- 
ces et  dans  toutes  les  villes,  oîi  l'édit  du  roi 
était  porté.  Partout  lo^  Juifs  étaient  ivres  de 


lyO  YiNGT-NEUVlÉME   JOUR. 

joie,  se  donnaient  des  festins  et  célébraient 
des  jours  de  fête.  C'est  au  point  qu'un  grand 
nombre  de  gentils  embrassèrent  leur  reli- 
gion. Connue  Nabuchodonosor,  à  la  vue  des 
enfants  miraculeusement  préservés  dans  la 
fournaise,  confessa  le  vrai  Dieu  ;  de  môme 
ces  idolâtres,  en  voyant  le  sort  des  Juifs  si 
promptement  changé,  ne  purent  s'empêcher 
de  reconnaître  l'action  du  Dieu  qui  veillait 
sur  ce  peuple,  dont  le  nom  seul  remplissait 
de  crainte  tous  les  esprits. 


IV 

C'est,  en  effet,  une  chose  digne  de  sérieuse 
remarque  que  la  domination  du  Juif  chez 
tous  les  peuples  avec  lesquels  il  s'est  trouvé 
en  rapport.  Entré  esclave  en  Egypte  dans  la 
personne  de  Joseph,  il  finit  dans  la  personne 
de  ce  même  Joseph,  par  dominer  tout  le 
pays.  Héritier  de  la  terre  promise,  il  anéantit 
les  sept  peuples  chananéens  qui  en  étaient 
possesseurs.  Esclave  de  nouveau  à  Babyloncj 
il  règne  sur  l'empire,  dans  la  pcr>onnc  de  Da- 
niel ;  cl  plus  tard  dans  celle  de  Mardochcc. 


'IKlOMl'Ui;    DES    JlllS.  l'Jl 

Libre  depuis  hier,  chez  lesiialions  chrrlien- 
nes,  où  il  l'ut  si  longtemps  opprimé,  il  marche 
visiblement  à  la  souveraineté,  si  déjà  il  ne  la 
possède  en  partie.  Au/oiiff/'/tui,  c'est  l'ur  qui 
possède  le  monde,  et  c'est  le  Juif  qui  possède 
l'or.  Ce  fait  évidemment  providentiel  nous 
montre  que  Dieu  a  toujours  des  tendresses 
particulières  pour  ce  peuple,  et  qu'à  raison 
de  la  loi  de  solidarité,  il  récompense  dans  les 
enfants  les  vertus  de  leurs  pères,  Abraham, 
Isaac  et  Jacob. 

\ 

Daté  du  vingt-troisième  jour  du  troisième 
mois  de  l'année,  le  second  édit  d'Assucrus 
ne  devait  être  exécuté  que  le  treizième  et 
le  quatorzième  jour  du  douzième  mois.  Pour- 
({uoi  ce  délai  de  neuf  mois?  plusieurs  rai- 
sons le  rendaient  nécessaire.  11  fallait  d'abord 
laisser  le  temps  de  publier  l'édit,  dans  les  lieux 
les  plus  éloignés  de  l'immense  enqjire.  Il  fal- 
lait ensuite  laisseï'  aux  ennemis  des  Juils  le 
temps  de  se  repentir  et  aux  Juifs  le  tenqjs  de 
bien  connaître  leurs  ennemis  obstines.  Cette 
sage  lenteur  prouve  la  clémence  de  !Mardo- 

1  i 


192  VINGT-NEUVIEME   JOUR. 

chée,  qui  ne  voulait  pas  que  le  châtiment  pas- 
sât les  bornes  de  légitimes  représailles. 


VI 

Ces  représailles  étaient  d'ailleurs  comman- 
dées par  la  justice,  par  la  sécurité  des  Juifs 
et  par  la  tranquillité  du  royaume.  Comment 
laisser  impunis  ces  nombreux  cgorgeurs,  qui 
depuis  si  longtemps  préparaient  leurs  poten- 
ces, aiguisaient  leurs  coutelas  pour  extermi- 
ner des  innocents,  et  n'attendaient  que  le 
moment  de  se  repaître  de  leur  sang  et  de 
s'enrichir  de  leurs  dépouilles  ?  Gomment 
laisser  vivre  les  bourreaux  côte  à  côte  avec 
les  victimes  ?  N'eùt-ce  pas  été  donner  lieu  à 
de  sanglantes  surprises  et  à  des  collisions  plus 
sanglantes  encore  ? 

VU 

Ainsi,  le  jour  même  où  le  premier  édit  du 
roi  devait  être  exécuté  dans  toute  l'étendue 
de  l'empire  et  par  le  massacre  si  désiré  de 
tous  les  Juifs,  ce  jour-là  môme    tout  fut 


TRIOMPHE   DES   JUIFS.  193 

changé.  Ce  furent  les  Juifs  eux-mêmes  qui, 
devenus  les  plus  forts,  commencèrent  h  se 
venger  de  ceux  qui  les  haïssaient.  Ils  s'assem- 
blèrent dans  toutes  les  villes,  dans  les  bourgs 
et  les  autres  lieux  pour  étendre  la  main 
contre  leurs  persécuteurs;  et  nul  n'osait  leur 
résister,  parce  que  la  crainte  de  leur  puis- 
sance s'élail  emparée  de  tout  l'empire. 

yiii 

Les  gouverneurs  et  les  intendants  des  pro- 
vinces, tous  ceux  qui  avaient  quelque  dignité 
ou  quelque  emploi  étaient  les  premiers  à  re- 
lever la  gloire  des  Juifs,  et  à  favoriser  le  mas- 
sacre, par  la  crainte  de  Mardochée  qu'ils 
savaient  être  grand  dans  la  maison  du  roi, 
jouissant  d'un  pouvoir  sans  bornes  et  dont  la 
réputation,  croissant  de  jour  en  jour,  volait 
de  bouche  en  bouche,  jusqu'aux  extrémités 
du  royaume.  Les  Juifs  firent  donc  un  grand 
carnage  de  leurs  ennemis,  et,  en  les  massa- 
crant, ils  leur  rendirent  le  mal  qu'ils  s'étaient 
préparé  à  leur  faire. 

/{t'/lc.t  ,1)11.  —  Parce  qu'il  est  père  et  père  infi- 


19'.  \INGT-NF.UYIEME   JOUR. 

nimonl  bon,  Dieu  est  lent  i\  punir.  Mais  il  ces- 
serait d'être  bon,  s'il  laissait  toujours  impu- 
nies les  fautes  du  coupable  obstiné,  qui  ne 
tient  compte  ni  de  sa  longanimité,  ni  de  ses 
promesses,  ni  de  ses  menaces.  L'impunité 
serait  un  encouragement  pour  les  méchants, 
un  scandale  pour  les  bons,  la  ruine  de  la 
vertu  et  le  renversement  de  tout  ordre 
parmi  les  hommes.  Malgré  sa  douceur, 
Esther  ne  s'opposa  point  au  décret  d'As- 
suérus  qui  condamnait  à  mort  les  ennemis 
de  son  peuple. 

La  sainte  Vierge  elle-même,  dont  elle  est 
la  figure,  finit  par  ne  pas  s'opposer  à  des 
châtiments  devenus  nécessaires.  Toilà  pour- 
quoi, dans  son  apparition  aux  enfants  de 
la  Salette,  cette  mère  de  miséricorde  di- 
sait qu'elle  ne  pouvait  plus  retenir  le  bras 
de  son  fils  et  qu'il  était  urgent  que  le  dix- 
neuvième  siècle  se  convertît  promptement, 
sans  quoi  des  fléaux  inconnus  tomberaient 
sur  lui.  Puisse-t-il  profiter  de  l'avertissement! 

Jnvocntiom.  — Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gne/, votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrilé  contre  nous. 


TBinjirnE  de?;  juif?:.  195 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
l'Amérique  méridionale. 

Pratique.  —  Faire  une  aumône  en  l'hon- 
neur de  la  sainte  Yierge. 


XXX"  JOUR. 
Exécution  de  l'édit. 

I 

Dès  la  pointe  du  treizième  jour,  le  mas- 
sacre commença  dans  la  ville  de  Suse,  où 
les  Juifs  mirent  à  mort  cinq  cents  hommes, 
et  le  lendemain  trois  cents.  Les  premières 
victimes  furent  les  dix  fils  d'Aman.  Arrêtés 
depuis  neuf  mois,  le  jour  même  de  l'exécu- 
tion de  leur  père,  ils  avaient  été  tenus  en 
prison  et  réservés  au  supplice.  Le  lendemain 
de  leur  mort,  c'est-à-dire  le  quatorzième  jour 
du  moisd'Adar,  ils  furent  suspendus  à  des  po- 
tences, pour  augmenter  l'ignominie  d'Aman 
et  jeter  la  terreur  parmi  les  ennemis  des  Juifs. 
Afin  de  montrer  que  ce  n'était  pas  la  cupi- 
dité qui  les  faisait  agir,  mais  le  droit  de  lé- 
gitime défense,  les  Juifs  ne  touchèrent  ;\ 
rien  de  ce  qui  leur  avait  appartenu,  ni  à  eux, 
ni  à  aucun   de  ceux  qui  furent  enveloppés 


EXÉCUTION   DE   L'ÉDIT.  197 

flans  le  carnage,  soit  à  Suse,  soit  dans  les 
provinces. 

II 

Le  massacre,  qui  dura  deux  jours  dans  la 
capitale,  s'accomplit  en  un  seul  jour  dans  les 
provinces,  où  les  Juifs  mirent  à  mort 
soixante-quinze  mille  hommes.  Ce  nombre 
prodigieux  nous  montre  que  toute  une  armée 
était  prête  à  se  jeter  sur  les  Juifs  et  à  les  ex- 
terminer. Mais  ce  peuple  est  né  immortel. 
A  tous  ceux  qui  ont  voulu  l'anéantir,  il  a 
survécu,  et  il  survit.  Pleinement  victorieux 
de  leurs  ennemis  et  libres  désormais  de  toute 
crainte,  les  Juifs  des  provinces  firent  du  qua- 
torzième jour  d'Adar  un  jour  de  fête  solen- 
nelle, qu'ils  ordonnèrent  de  célébrer  à  per- 
pétuité par  des  réjouissances  et  par  des 
festins. 

III 

Ceux  de  la  capitale,  ayant  fait  le  carnage 
pendant  le  treizième  et  le  quatorzième  jour, 
fixèrent  le  quinzième  pour  leur  jour  de  fête. 
Min  de  incllre  de  la   réu;ularilé  dans  ces  ré- 


198  TRENTIÈME   JOUR. 

jouissances  nationales,  Mardochée  envoya 
une  lettre  aux  Juifs  des  provinces  les  plus 
proches  comme  les  plus  éloignées,  dans  la- 
quelle il  leur  disait  :  «  Le  quatorzième  et  le 
quinzième  jour  du  mois  d'Adar  seront  des  jours 
de  fête.  Ils  se  célébreront  tous  les  ans  à  perpé- 
tuité, avec  la  plus  grande  solennité,  parce 
que  ce  fut  en  ces  jours  que  les  Juifs  se  ven- 
gèrent de  leurs  ennemis  et  que  leur  deuil 
fut  changé  en  joie.  Ces  jours  seront  des 
jours  de  festins  et  de  réjouissances,  où  les 
enfants  d'Israël  s'enverront  mutuellement 
une  partie  de  leurs  mets  et  feront  de  petits 
présents  aux  pauvres.  » 

IV 

Comme  on  le  pense  bien,  l'établissement 
de  la  fête  ne  rencontra  aucune  opposition. 
La  fête  elle-même  fut  célébrée  avec  une  allé- 
gresse toujours  ancienne  et  toujours  nou- 
velle ;  et,  ce  qui  est  plus  remarquable,  avec 
une  fidélité  constante.  Elle  fut  appelée  la 
fête  dos  so7'ts,  et  non  la  fête  de  la  délivrance, 
en   souvenir  des  sorts  qu'.\man  avait  con- 


EXKCl'TION    PK    LEDIT.  199 

suites  et  qui  fixaient  au  treizième  jour  d'A- 
dar  l'extermination  des  Juifs.  Ttappeler  ainsi 
à  perpétuité  l'anniversaire  de  ce  jour  terri- 
ble, le  danger  qu'ils  avaient  couru  et  la 
consternation  dans  laquelle  les  avait  jetés  la 
nouvelle  du  massacre,  était  le  vrai  moj'en 
de  rendre  la  reconnaissance  plus  profonde 
et  la  joie  plus  vive. 


Les  Juifs  donc,  en  mémoire  de  ce  qui 
avait  été  arrêté  contre  eux,  et  du  grand 
changement  survenu  en  leur  faveur,  s'obli- 
gèrent eux  et  leurs  enfants,  et  tous  ceux  qui 
voudraient  embrasser  leur  religion,  à  faire 
en  ces  deux  jours  une  fête  solennelle,  sans 
que  personne  pût  s'en  dispenser.  ((  La  mé- 
moire de  ces  jours,  dit  le  texte  sacré,  sera 
conservée,  et  ils  seront  célébrés  d'âge  en  âge, 
dans  toutes  les  familles,  dans  toutes  les  pro- 
vinces, dans  toutes  les  villes.  Ces  jours  de 
Phurim  ne  passeront  point  du  milieu  des 
Juifs;  cl  la  mémoire  ne  s'effacera  point  de 
leur  race.  » 


200  TRENTIEME  JOUR. 


VI 

En  effet,  les  Juifs  célèbrent  encore  aujour- 
d'hui cette  fêle  des  Sorts,  le  quatorzième 
jour  du  mois  d'Adar.  Ce  mois  commence 
vers  l'équinoxe  du  printemps.  A  la  prière  du 
soir,  après  le  coucher  du  soleil  du  treizième 
jour,  on  donne  dans  la  synagogue  lecture 
du  livre  d'Esther  en  hébreu.  11  doit  être 
écrit  à  la  plume  sur  du  parchemin  en  forme 
de  rouleau,  comme  les  lettres  chez  les  an- 
ciens. Chacun  doit  lire  tout  d'une  haleine 
les  noms  des  dix  fils  d'Aman.  Ceci  est  une 
superstition  talmudique.  Néanmoins,  les 
Juifs  s'y  montrent  fidèles  ;  mais  ils  se  félici- 
tent de  ce  qu'Aman  n'ait  pas  eu  une  famille 
plus  nombreuse  ;  car  il  y  aurait  eu  de  quoi 
suffoquer  avant  d'arriver  au  bout. 

VII 

Toutes  les  fois  qu'on  prononce  le  nom 
d'Aman,  il  se  fait  un  vacarme  terrible.  Tous 
les  assistants,  grands  et  petits,  frappent  des 


EXECUTION    DE    LEDIT.  201 

pieds,  ou  avec  des  marteaux  et  autres  ins- 
truments contondants,  sur  des  images  d'A- 
man, pendu  à  la  potence  ;  ou,  faute  d'images, 
sur  son  nom,  et  môme  sur  tout  ce  qui  se 
présente,  mais  à  son  intention,  pour  efTacer 
le  souvenir  de  l'Amalécite. 

Après  cette  expédition,  on  s'envoie  mu- 
tuellement des  présents  de  comestibles.  En- 
suite on  fait  des  festins  auxquels  on  invite  les 
parents,  les  connaissances  et  des  pauvres. 
La  veille  est  un  jour  de  jeûne,  appelé  jeûne 
d'Esther.  L'abstinence  de  toute  nourriture 
s'observe  depuis  le  point  du  jour  jusqu'au 
soleil  couché  (1).  Les  Juifs  donnent  ici  un 
exemple  de  reconnaissance,  qui  condamne 
bien  des  chrétiens. 

Réflexion.  —  La  loi  qui  enveloppe  tous  les 
fils  d'Aman  dans  la  punition  du  père,  paraît 
au  premier  coup  d'œil  trop  sévère,  et  môme 
injuste.  Nous  raisonnons  d'après  nos  faibles 
idées,  qui  sont  loin  d'être  toujours  la  mesure 
du  vrai.  D'abord,  que  savons-nous  si  tous  les 


(l)Gor.  a  Lap.,  in  Ediier,  c.  ix,  v,  I  ;   Drocli,  id. 
\i\  V,  2(j, 


202  TRENTIÈME   JOUR. 

fils  d'Aman  ne  partageaient  pas  la  haine 
homicide  de  leur  père?  Ensuite  la  loi,  qui 
leur  fut  appliquée  était  la  loi  des  Perses. 
Nous  le  voyons  dans  la  vie  de  Daniel.  Non- 
seulement  SCS  délateurs,  mais  leurs  femmes 
et  leurs  enfants  furent  précipités,  par  ordre 
de  Darius,  dans  la  fosse  aux  lions,  et  péri- 
rent sous  la  dent  de  ces  terribles  ani- 
maux. 

Enfin,  cette  loi  est  une  application  de  la 
grande  loi  de  la  solidarité,  promulguée  et 
exécutée  par  Dieu  lui-même,  lorsqu'il  dit  : 
Je  visiterai  l'iniquité  des  pères  jusqu'à  la 
troisième  et  quatrième  génération,  comme 
je  récompenserai  leurs  vertus  jusqu'à  mille 
générations.  (Juelle  haute  moralité  dans  une 
pareille  loi  !  Quel-  frein  pour  le  père,  tenté 
de  pécher,  que  la  crainte  de  vouer  ses  en- 
fants au  malheur  !  Ouel  encouragement  pour 
le  père  vertueux,  que  ces  longues  bénédic- 
tions dont  seront  favorisés,  à  cause  de  lui, 
ses  enfants  et  arrière-petits-enfants. 

Inoocatiom.  —  Epargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peui)lc  :  ne  soyez  pas  toujours 
irrité  contre  noub. 


EXECUTION    DE    LEDIT.  a03 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
rOcéanie. 

Pratique.  —  Prendre  le  scapuloire  de  l'Jin- 
maculéc-Conceptioa. 


13 


XXXV  JOUll. 
Grandeur  de  Mardochée. 

I 

Assuérus  fut  magnitiquement  récompensé 
d'avoir  fait  régner  la  justice  dans  son 
royaume.  Il  n'en  pouvait  être  autrement,  et  il 
en  sera  toujours  ainsi.  Car  c'est  une  loi  divine 
quela  justice  élève  les  nations  etquelepéché 
rend  les  peuples  malheureux  :  Justitia  élevât 
gentem,  miseros  autem  faciet  populos  pecca- 
tum{\).  Jouissant  d'une  paix  profonde,  l'em- 
pire des  Perses  put  étendre  ses  conquêtes, 
en  sorte  qu'Assuérus  rendit  tributaires  de 
vastes  régions  et  toutes  les  îles  de  la  mer.  Les 
annales  des  Perses  et  des  Mèdes  racontent  sa 
puissance  et  le  haut  point  de  grandeur  au- 
quel il  avait  élevé  Mardochée. 

(1)  fm'.,  Mv,  .34. 


GRANDEUR  DE  MAHDOCn-ÉF,      20  5 
II 

Elles  rapportent  aussi  do  quelle  manière 
Mardochée,  Juif  de  nation,  devint  la  seconde 
personne  dans  l'empire  du  roi  Assuérus; 
comme  il  fut  grand  parmi  les  Juifs  et  aimé 
de  tous  ses  frères ,  ne  cherchant  qu'à  faire 
du  bien  à  sa  nation  et  ne  parl^uit  que  pour 
le  bonheur  du  peuple.  IluniJjle  connue  tous 
les  saints,  Mardochée  ne  s'attribuait  rien  ;\ 
lui-même.  A  Dieu  seul  il  rapportait  la  gloire 
do  tout  ce  qui  s'était  accompli.  Au  faîte  de 
la  grandeur,  il  aimait  à  rappeler  le  songe 
qu'il  avait  eu  et  dans  lequel,  sans  aucun  mé- 
rite de  sa  part,  le  Dieu  de  ses  pères  lui  avait 
montré  sa  glorieuse  destinée. 


III 


Aux  admirations  dont  il  était  l'objet,  aux 
félicitations  qu'il  recevait  de  toutes  paris,  le 
grand  homme  répondait  :  «  C'est  Dieu  qui  a 
fait  toutes  ces  choses  :  A  Deo  facta  simt  isfa.  En 
voici  la  preuve  :  La  seconde  année  du  règne 


206  TRENTE-UNIÈME   .TOl'R. 

du  très-grand  roi  Assuérus,  une  année 
avant  son  couronnement  et  le  renvoi  de  la 
reine  Vaslhi,  le  premier  jour  du  mois  de 
Psisan ,  moi  Mardochée,  fils  des  captifs  que 
Nabuchodonosor ,  roi  de  Babylone ,  avait 
transférés  de  Jérusalem,  avec  Jéchonias,  roi 
de  Juda ,  j'eus  la  vision  suivante,  qui  mar- 
quait tout  ce  qui  est  arrivé  et  dont  rien  n'a 
n^anqué  de  s'accomplir. 

IV 

«  J'entendis  des  voix,  de  grands  bruits  et 
des  tonnerres,  et  la  terre  tremblait,  et  l'é- 
pouvante s'étendait  au  loin,  » 

C'était  le  signe  des  troubles,  des  boulever- 
sements et  des  douleurs  que  devait  causer 
dans  l'empire  l'édit  d'Assuérus,  qui  condam- 
nait à  l'extermination  plusieurs  centaines  de 
mille  Juifs  avec  leurs  femmes,  leurs  enfants 
et  leurs  serviteurs. 

«  Et  voici  deux  grands  dragons  prêts  à 
combattre  l'un  contre  l'autre  :  c'étaient 
Aman  et  moi.  A  leurs  cris,  les  peuples  des 
différentes  provinces  de  l'empire  s'émurent 


GRANDEUR    DE    MARDOCHÉE.  207 

pour  combatre  contre  la  nation  des  Justes. 
Et  ce  fut  un  jour  de  ténèbres,  de  périls,  d'af- 
flictions, d'angoisses  et  d'une  grande  épou- 
vante sur  toute  la  terre.  La  nation  des  Justes, 
craignant  les  maux  qui  lui  étaient  préparés, 
ne  s'attendait  plus  cju'à  mourir. 


«  Cependant  ils  crièrent  vers  Dieu;  et  voilà 
qu'au  bruit  de  leurs  prières  une  petite  fon- 
taine sortit  d'un  coin  de  terre  obscur;  et 
cette  petite  fontaine  devint  un  grand  fleuve  : 
et  ce  fleuve  répandit  une  grande  abondance 
d'eau;  et  ce  fleuve  devint  lumineux  comme 
le  soleil  :  et  ce  fleuve  et  ce  soleil,  c'est  Esther 
que  le  roi  épousa  et  fit  asseoir  sur  son 
trône.  » 

Une  petite  fontaine  pure  comme  le  cristal, 
qui  sort  silencieusement  d'un  coin  de  terre 
ombragé  :  quelle  plus  gracieuse  image  pour 
représenter  l'humble,  la.  jeune,  la  candide 
Esther  ! 

Cette  petite  fontaine  devient  un  grand 
fleuve  qui  inonde  la  terre  de  ses  eaux  bien- 

u. 


Î08  TRENTE-UNIÈME   JOUR. 

faisantes.  Voilà  bien  Esther  devenue  la  grande 
impératrice  des  Perses,  la  reine  bien-aimée 
d'Assuérus,  qui,  du  trône  où  elle  est  assise, 
fait  sentir  sa  salutaire  influence,  non-seule- 
ment aux  Juifs  répandus  dans  les  différentes 
provinces  de  l'empire,  mais  à  l'empire  même 
tout  entier,  par  la  paix  et  la  prospérité  qu'elle 
lui  procura . 

Ce  fleuve  devient  lumineux  comme  l'astre 
du  jour  :  c'est  encore  Esther  qui,  par  l'éclat 
de  son  incomparable  beauté  et  particulière- 
ment de  ses  vertus,  illumine  tout  le  royaume 
d'Assuérus,  le  réjouit,  le  vivifie,  l'embellit, 
comme  le  soleil,  lorsqu'il  se  lève  sur  la  nature. 

YI 

«  Et  je  vis  que,  pour  délivrer  son  peuple, 
le  Seigneur  fit  des  miracles  et  de  grands  pro- 
diges. 11  ordonna  qu'il  y  eût  deux  sorts  :  l'un 
contre  les  Juifs,  et  l'autre  contre  leurs  en- 
nemis. Et  ces  deux  sorts  parurent  devant 
Dieu  etindiquèrent  le  même  jour.  Et  ce  jour 
fut  heureux  pour  les  Juifs,  et  mortel  pour 
leurs   ennemis ,  parce   que   le  Seigneur  se 


GRANDEUU    DE    MARDOCIIKI'.  -2  09 

ressouvint  de  son  peuple  et  eut  compassion 
de  son  héritage.  Et  ce  jour  sera  un  jour  de 
fête  pour  toutes  les  générations  futures  du 
peuple  d'Israël.  » 

Ainsi  parlait  l'humble  et  reconnaissant 
Mardochée. 

Combles  des  bénédictions  des  peuples, 
pleins  de  jours  et  riches  de  mérites,  Esther 
et  Mardochée  furent  ensevelis  avec  honneur 
dans  la  capitale  de  la  Médie,  appelée  plus  tard 
Hmnda  la  Grande,  où  le  voyageur  Benjamin 
deTudèle,  au  douzième  siècle,  dit  avoir  trouvé 
une  populati<^n  de  cinquante  mille  Juifs. 

Réflexion.  —  Aux  catholiques  du  dix- 
neuvième  siècle,  si  éprouvés,  si  menacés  et 
si  justement  inquiets,  montrer,  par  delà  les 
noirs  nuages  qui  obscurcissent  l'horizon,  les 
rayons  de  l'arc-en-ciel,  signe  et  moyen  de 
leur  délivrance;  et,  au  milieu  des  tempêtes 
qui  agitent  le  monde,  indiquer  l'ancre  du 
salut  pour  eux,  pour  l'Église,  pour  les  na- 
tions :  tel  a  été  le  but  de  ce  mois  de  Marie. 

Les  belles  figures  de  l'ancien  peuple  de  Dieu 
devant  avoir  leurs  réalités  dans  le  nouveau, 
l'histf»ire  du  passé  est  devenue  pour  nous  la 


ilO  TRENTR-UNIEMF.    JOUR. 

prophétie  de  l'avenir.  Comme  on  admire 
les  traits  d'un  beau  visage  h  travers  un 
voile  diaphane, nous  avons  vu  Marie  resplen- 
dir si  vivement  dans  Judith  et  dans  Esthcr, 
que  l'enfant  lui-même  a  pu  dire  :  C'est  Elle. 

Oui,  c'est  Elle  :  Beauté,  bonté,  vie  cachée, 
vie  publique,  dévouement  sublime,  influence 
irrésistible,  triomphes  inattendus,  délivrance 
miraculeuse ,  paix  et  prospérité  procurées  à 
la  nation  sainte  :  rien  ne  manque  pour  faire 
concorder  la  figure  avec  la  réalité.  Ainsi,  ce 
que  furent  pour  leur  peuple  bien-aimé,  Ju- 
dith et  Esther,  Marie  le  sera  pour  nous ,  son 
peuple ,  sa  famille ,  ses  frères  et  ses  sœurs. 
Aujourd'hui,  demain  et  toujours,  Holoferne 
et  Aman  périront  par  la  main  d'une 
femme.  Leur  sentence  est  portée  :  elle  est 
immuable.  Entre  eux  et  la  femme  par  ex- 
cellence, la  guerre  est  éternelle.  Toujours  ils 
l'attaqueront,  tantôt  en  elle-même  et  tantôt 
dans  sa  race  ;  mais  toujours  elle  leur  écrasera 
la  tête  :  Et  ipsa  conteret  caput  tuum. 

Que  nous  reste- t-il  pour  profiter  de  sa  vic- 
toire? Demeurer  ou  devenir  les  enfants  de 
Marie  :  enfants  de  Marie  par  notre  amour 


CllANDEUR    DE   MARDOCUEE.  211 

lilial  pour  Marie ,  par  la  sainteté  de  nos 
nKïiu's,  par  l'imitation  des  vertns  de  Marie. 
L'infaillible  moyen  d'y  réussir  est  de  nous 
demander  sérieusement  chaque  matin  :  Sila 
sainte  Vierge  était  aujourd'hui  à  ma  place, 
comment  agirait-elle?  comment  prierait-elle? 
comment  travaillerait-elle?  comment  comman- 
derait-elle? comment  obéirait-elle?  comment 
parlerait-elle?  comment  souffrirait-elle? 

Tel  est  le  bouquet  de  roses  et  de  lis  offert 
à  chacun  de  nous,  à  la  fin  de  ce  mois  béni. 
Souvent  respiré,  le  suave  parfum  de  ces  fleurs 
de  Marie  embaumera  notre  âme,  en  sanctifiera 
toutes  les  puissances  et  les  fera  vivre  de  la  vie 
de  la  grâce ,  commencement  de  la  vie  de  la 
gloire.  Amen,  amen,  amen. 

Invocations.  —  Épargnez,  Seigneur,  épar- 
gnez votre  peuple  :  ne  soyez  pas  toujours  ir- 
rité contre  nous, 

0  Marie,  secours  des  chrétiens,  priez  pour 
toutes  les  nations  idolâtres. 

Pratique.  —  Répéter  chaque  jour  les  saints 
noms  de  Jésus  et  de  Marie,  soixante-douze 
fois,  en  l'honneur  des  soi\antc-douze,'années 
(\c  la  sainlo  Vieriio. 


TABLE   DES  MATIÈRES. 


Avant-propos ' 

1"  JoL'R.  Les  figures  et  la  réalité 1 

II'  Jour.  Nabuchodonosor 7 

IIP  Jour.  Holoferne 13 

IV'  JoiR.  Achior 1!) 

V*  Jour.  Béthulie 2ô 

VI«  Jour.  Judith 32 

\\l«  Jour.  Judith  sort  de  Béthulie -id 

VIII' Jour.  Judith  dans  la  tente  d'Holofenie.,  46 

IX'  Jour.  Judith  coupe  la  tête  d'Holofenie..  j2 

X«  Jour.  Judith  de  retour  à  Béthulie 58 

XI' Jour.  Le  camp  d'Holoferne Gi 

X1I«  Jour.  Déroute  des  Assyriens 70 

XllI''  Jour.  Cantique  de  Judith... . 7(i 

XIV' Jour.  Mort  de  Judith 82 

XV'  Jour.  Assuérus 88 

XVI'  Jour.  Vasthi Uô 

XVII' Jour.  Esther 101 

XVIll'  Jour.  Mariage  d'Eslher 108 

XI \'  Jour.  Aman 115 

XX'  Jour.  Ëdit  de  proscription 122 


2  14  TABLE    DES    MATIERES. 

XXh  JoLR.  Mardocliee 129 

XXIP  Joi'R.  Prière  de  Mardochée  et  d'Ksllier. .  13G. 

XXIIP  Jour.  Esther  entre  chez  le  roi 143 

XXIV*  JotR.  Colère  d'Aman Ijo 

XXV'^  Jour.  Confusion  d'Aman 158 

XXVI"  Jour.  Punition  d'Aman IGô 

XXVIP  Jour.  Élévation  de  Mardochéc 173 

XXVIIP  Jour.  Édit  en  faveur  des  Juifs 180 

XXIX-^  Jour.  Triomphe  des  Juifs 188 

XXX'' Jour.  Exécution  de  l'édit 196 

XXXl"  Jour.  Grandeur  de  Mardochée l'Oi 


ITN  DE  L.\  TAULL  DEb  IIATIEULS. 


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