JOHN M. KELLY LIBDADY
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St. Michael's Collège, Toronto
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:J^"oiYRtO££M£RL/e/?/,Ry
. WWDsoff
, JUDITH ET ESTHER
PROPRIÉTÉ
CORRESPONDANTS-DKPOSITAIRES
EN FRANCE
ANGERS,
Bara5sé.
Le Mans,
Le Guiclieux.
Laine frères.
r.lMOGES,
ye Dilhan-Viïc?
Aisxtcv,
Biirdet,
Mauseilll.
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ARRAS,
Briiiiel.
—
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Metz.
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Turbergue.
Montpellier,
Calss.
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Dezairs.
—
Séguin.
Bordeaux,
Chauraas.
Mulhouse,
Perrin.
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Cuderc.
Nantes,
Mazeau.
Bourges,
Dilhan.
—
Libaros.
Brest,
Lefournier.
Naxcv,
Thomas.
Caex,
Chenel.
_
Vagner.
Carcassoxxe,
Gadrat.
Orléans,
Blanchard.
Cbambéby,
Perrin,
Poitiers,
Bonamv,
CLERMO>T-I"d,
Serïoingt.
Reims,
Raive.
—
Bellet.
Rennes,
Hauvespre.
Dijon.
Gairey.
—
Thébaull.
Langres,
Dailel.
—
Verdier.
l.tLLE,
Qjarré,
Rouen,
Kleury.
_
Béghin.
Toulouse,
Ferrère.
LVON,
Briday.
_
Privai.
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Girard.
Josserand.
Touiis,
liallier.
A L'ÉT
RANGER
Amsterdam,
Langenhiiysen.
Leipzig,
DiJrr.
Bois-le-Ddc,
Bogaerts.
Londres,
Burn» et Oales.
Bréda,
Van Vees.
LOUVAIN,
Peleers.
Bruges,
Beyaert Defoorl.
—
Desbarax.
Bruxelles,
Goemaere.
Madrid,
Bailly-Baillipre.
Dublin,
Dowhng.
—
Tejido.
Fri bourg.
Herder.
Milan,
Beso/zi;
Genève,
Marc Mehling.
Petersbourg,
Wolfr.
Duraford.
Rome,
Merle.
GÈNES,
Kassi-Como.
Turin,
Marielti.
I.ieok,
Spce-Zelis.
Vienne,
Gérold et CI?.
CORBEIL. — TYP. DE CRETE FILS.
JUDITH
E S T II E R
MOIS DE MARIE
DU XIX siècle:
P A U
Mg' GAUME
PP.OTONOTAir.E APOSTOI.IQl n
ïl
Snhn nox, perimu
Saïuez-noiH, lujJBJl'risfunî.
MatthJ
GAUMF, FRRRES EfTUn^RKV, I':DITEUP.S
3, RIE DE I.'aBHAVE, -j
1870
Droits réservés.
1
HOLY REDEEMER LIBRARf WINOSOP
AVANT-PROPOS
A MON LIVRK.
I
Cher petit livre, enfant de ma vieillesse,
quitte la maison de ton père et va par le
monde aecomplir la commission qui t'est
donnée. Devant tes yeux je vais mettre ce
qui t'arrivera ; et, sur tes lèvres, ce que tu
diras dans ta pérégrination.
Beaucoup te laisseront passer sans te re-
garder.
Beaucoup détourneront la tète pour uc
pas te voir.
Beaucoup hausseront les épaules en te
voyant.
Plusieurs diront du mal de toi.
Deux choses te consoleront : la pensée que
lu accomplis un devoir, et la ffenconlrc
1
Il AVA>'T-l'ROl>OS.
plus ou uioins fréquente d'âines de bonne
volonté, qui consentiront à t'écouter et
mémo à lier conversation avec Loi.
II
Si elles te demandent qui tu es, tu leur
(liras : « Je suis un commis-voyageur de la
Reine du ciel et de la terre ; je voyage sous
sa protection et pour son compte. Afin de
parler d'elle, je parcours les villes et les
villages. Mon but est de rendre à tous ceux
(|ui daigneront me croire, l'immense service
de montrer le seul asile, où ils puissent
désormais, où nous puissions tous, chères
brebis du bon Dieu, échapper aux dents des
loups aflamés qui, à l'heure même, rôdent
par milliers autour de nous pour nous dé-
vorer. »
m
si elles ajoutent : (Juel est cet asile ? Tu
leur répondras : u C'est la sainte Vierge. »
Elles reprendront : « Bien d'autres avant
lui n(nis l'ont dit. Tu n'as rien à nous ap-
AYANT-rROPOS. HI
preiuliv : passe ton chemin. » — Avant de
continuer ta course, tu diras humblement :
« 11 est vrai, surtout depuis quelques an-
nées, beaucoup ont parlé de Marie. Mais,
vous savez le mot : De Marie jamais assez,
lie Maria nnuquam satis. D'une mère
chérie on ne parle jamais ni assez ni trop
à des enfants bien nés. Il est vrai encore,
ceux qui m'ont précédé ont exposé magni-
fl(iuement les grandeurs de Marie, ses gloi-
res et ses mystères. Avec une éloquence qui
ne m'est pas donnée, ils ont célébré sa
puissance et ses bienfaits. A tous les âges et
à toutes les conditions, ils l'ont présentée
comme le modèle accompli de la vertu, la
consolatrice des affligés, le refuge des pé-
cheurs, l'espérance même des désespérés.
Ce qu'ils ont dit est bien dit ; je n'ai rien à
ajouter. »
lY
Cette répon>c amènera sur leurs lèvres
la question suivante : Qu'as- tu donc à dire ?
« Ce que j'ai à dire, le voici : Les temps sont
périlleux, Irès-périlleux. Du cùté des quatre
IV AVANT-PROPOS,
venls, de sinistres nuages montent à l'ho-
rizon. Nuit et jour, on entend le bruisse-
ment de la tempête. Des armées de barba-
res, sans foi ni loi, s'agitent autour de nous
et s'excitent au combat. Ils ont jure, ils ne
s'en cachent pas, de renverser de fond en
comble les sociétés actuelles, déjà minées
dans leurs fondements. Aussi la peur est
partout. Aujourd'hui même elle s'empare
des plus intrépides, dans l'attente de ce qui,
d'un jour à l'autre, peut arriver au monde
entier.
(( Me comprenez-vous ?
— Nous te comprenons.
((Me croyez -vous ? »
— Nous te croyons ; et après, que veux-lu ?
Tu ajouteras : « Ce que je veux, le voici :
Dans la prévision, malheureusement trop
certaine, (hi cataclysme inconnu qui me-
nace le monde, je voudrais élever la dévo-
tion à Marie, à la hauteur des besoins pu-
blics. Je voudrais montrer la puissante Reine
A VA NT- PROPOS. V
(lu riel et la faire invoquer, non plus seu-
lement comme une bienfaitrice particulière;
mais comme l'unique secours, l'unique
refuge, l'unique salut des nations du dix-
neuvième siècle, envahies par l'esprit du
mal, et, par lui, entraînées à travers des
crimes sans nom et des révolutions de plus
en plus profondes, à leur ruine totale, le
socialisme et la sauvagerie. »
VI
A ce langage, ceux qui daigneront t'é-
couter, s'écrieront : La tâche est difficile !
Tu t'empresseras de répondre : «Je lésais. »
Puis, en toute humilité, c'est-à-dire en toute
vérité, tu ajouteras : « Cette tâche est mille
l'ois au-dessus de mes forces ; mais, pour
l'accomplir, j'ai un puissant auxiliaire. »
— Quel est-il ?
(( C'est le dix-neuvième siècle lui-même. »
— Voici qui est nouveau.
« Nouveau, si vous voulez, mais vrai. »
YI AVANT-PROPO?.
VU
Tu les prieras de le prêter un instant d'af-
lention et tu expliqueras ainsi ta pensée :
« Comme dans tout homme il y a deux
hommes, le bon et le mauvais ; il y a deux
dix-neuvièmes siècles, le bon et le mauvais.
Le mauvais est un coupable endurci, qui
boit le crime, comme nous buvons un verre
d'eau ; un fou furieux qui n'entend plus
raison : avec lui il n'y a rien à faire. Autre
est le bon. Il craint le mal et les conséquen-
ces du mal, parce qu'il a la conscience du
bien et des lois de la justice éternelle. Il
voit la vérité, parce qu'il a le cœur pur. A
ses yeux la vérité est que le mauvais dix-
neuvième siècle marche rapidement vers
l'abîme; qu'il y marche, parce qu'il tourne
le dos à Marie, à Jésus- Christ et h Dieu ; et
que le seul moyen de n'y être pas entraîné
avec lui, c'est de s'attacher, plus fortement
qu'on ne le fit jamais, à Marie, fi Jésus-Christ,
à Dion. ))
AYANT-PRorns. vir
vni
— Poui'quoi noinnies-tu Marie en pre-
mière ligne ? <( Je nomme Marie en première
ligne, parce qu'elle est le premier degré de
l'échelle qui conduit à Dieu ; parce que Dieu
u voulu que tous les biens, particuliers et
publics, nous vinssent par Marie ; parce
qu'elle a pour mission spéciale et éternelle
d'écraser la tète du serpent ; par conséquent
la dernière victoire, la plus éclatante de
toutes, lui est réservée comme la première. »
— Comment sais-tu que le bon dix- neu-
vième siècle comprend cela ?
<( Vous-mêmes comment ne le savez-vous
pas ? 11 suffit d'ouvrir les yeux pour le voir :
Regardez. »
IX
« Depuis quarante ans, un instinct mys-
térieux, irrésistible, pousse le bon dix-neu-
vième siècle vers Marie. Le lait est visible
comme le jour. Pour honorer la puissante
Reine de l'univers, ])Our obtenir sa protec-
YIII AYANT-PROPOS.
lion, et, s'il m'est permis de le dire, pour la
populariser, le bon dix-neuvième siècle a
fait plus, pendant la première moitié de sa
vie, qut' plusieurs siècles antérieurs pendant
toute la durée de leur existence : quelques
faits seulement, inconnus jusqu'à lui.
« Le J/o/s (le Marie, célébré aujourd'hui
dans les cinq parties du monde ; non-seule-
ment dans les villes, mais dans les plus
humbles villages.
(( 'La M cdni lie miraculeuse , suspendue sur des
millions et des millions de poitrines, dans
tous les lieux qu'éclaire le soleil.
« Le Bosaire vivant, immense concert d'in-
vocations, nuit et jour, retentissant au cœur
de Marie, partout où il y a des catholiques, et
il y en a partout.
« Les grands Pèlerinages aux sanctuaires
les plus vénérés de Marie : Boulogne, Char-
tres, Einsideln, Verdelais, l'Hosier, Roca-
madour, repris avec un éclat jusqu'ici sans
exemple.
«Des Statues sans noniùre, érigées au pied
des montagnes, sur le bord des chemins, à
l'entrée des villages, et devant lesquelle>
AVANT-PROPOS. l>^
Marie est invoquée des milliers de l'ois dans
un jour.
(( V Archiconfrérie de Nofre-Donw rks Vif-
foires pour la conversion des pécheurs : vé-
ritable arbre de vie dont le fruit a ressuscité
des milliers de morts, dans l'ancien et le nou-
veau monde.
(( U Association de Notre - Dame du Sacré-
Cœur, qui honore Marie comme la maîtresse
absolue du cœur de son divin Fils et comme
l'avocate des causes désespérées : manifesta-
tion nouvelle de confiance illimitée, hier en-
core inconnue, et aujourd'hui célèbre dans
toute l'Europe.
« Une foule d'ouvrages d'histoire, d'érudi-
tion et d'éloquence, auxquels il faut ajouter
plus de riiujiiaufe mois de Marie, consacrés à
exploiter la mine inépuisable de beauté, de
bonté, de puissance, qu'on appelle Marie.
« Les apparitions célèbres de Rimini, de
Lourdes et de la Salette, par lesquelles le
ciel encourage si vivement le bon dix-neu-
vième siècle, dans sa dévotion envers l'au-
guste Vierge.
a Enfin, comme couronnement de toutes
1.
AVANT-PROPOS.
ces manifestations étonnantes, la proclama-
tion solennell
Conception. »
tion solennelle dn dogme de l'Immaculée
X
Ces faits sont vrais : nous les voyons de
nos yeux : mais que prouvent-ils ? a Ce qu'ils
prouvent, je vais vous le dire. Vous le savez
comme moi : la Providence ne tâtonne
jamais. Dans les conseils de son infail-
lible sagesse, tout arrive à son heure. Pour-
quoi les faits que je viens de rappeler, et
d'autres encore, ont-ils lieu aujourd'hui, et
non pas hier ou demain? Pourquoi? Evi-
demment parce qu'ils ont aujourd'hui leur
raison d'être, c'est-à-dire qu'ils répondent
h un besoin d'aujourd'hui.
« Si, d'une part, il est vrai, comme on n'en
saurait douter, que tous les grands événe-
ments de l'histoire ont été pressentis et pré-
dits ; s'il est vrai, d'autre part, que Dieu a
donné aux nations, comme aux individus,
l'instinct de leur conservation, que faut-il
conclure du mouvement providentiel qui
pousse aujourd'hui le bon dix-neuviéme sic-
AYANT-PROPOS. M
lie, c'est-à-dire la partie intelligente de l'hu-
manité, à se réfugier sous la protection de
la sainte Vierge ? Sans crainte d'erreur, il
faut conclure que nous marchons vers des
événements, tels que la toute puissante Reine
du ciel et de la terre, honorée, aimée, invo-
quée, suppliée avec une ardeur sans exem-
ple, est le dernier espoir des nations au dix-
neuviéme siècle. »
X!
Le raisonnement paraît juste, et nous com-
prenons le but de ton voyage ; nous en sen-
tons la nécessité. Mais une chose que nous
ne comprenons pas, c'est ton nom de Judith
et (V Est fier.
(( En effet, ce nous est un mystère. Vous
dire pourquoi il m'a été donné, est une tâ-
che que je remplirai volontiers. Seulement,
je dois vous en prévenir : il faut que vous
m'accordiez chaquejour,pendantunmois, un
quart d'heure d'entretien. LWpropos de mon
nom ne peuts'explifpicr en moins de temps. »
Accordé.
'( Rassurez-vous ceiiendant : l'ennui. j"ose
XII AYANT-PROPOS.
l'espérer, ne vous gagnera pas. Le quart
d'heure, dont je vous demande l'aumône,
sera constamment employé à raconter d'in-
téressantes histoires, dans lesquelles nous
trouverons, avec l'indication de nos devoirs
et le motif de nos espérances, le portrait du
présent et la prophétie de l'avenir (-1).
(( Ainsi, à demain. »
0 Marie ! douce mère et puissante Reine,
votre divin fils récompense richement un
verre d'eau froide donné en son nom. Votre
cœur est semblable au sien, et votre puis-
sance ne connaît pas de limites. Tous dai-
gnerez donc bénir, j'en ai la confiance, ce
modeste travail. Il vous est offert, au soir de
ma vie, comme un témoignage de la ten-
dresse filiale qu'une mère pieuse m'inspira
pour vous dès l'enfance, et comme un tribut
de la reconnaissance qui vous est due, pour
les bienfaits sans nombre dont vous m'avez
comblé pendant ma longue et difficile car-
rière.
(I) Dans ce mois de Marie, qui sort du cadre ordi-
naire, on a voulu :
]o Comiinltre le goût épidémique des lectures fri-
AYANT-PROPOS. XIII
voles et malsaines, en faisant relire, pendant un mois,
quelques pages substantielles des saintes Écritures.
Disons mieux, en racontant les deux épisodes les plus
dramatiques qu'on ait écrits dans aucune langue :
Merveilleuses histoires dont plusieurs, sans doute,
connaissent le fond; mais dont le plus grand nombre
a oublié ou n'a jamais su les saisissants détails.
2° Élever la dévotion envers la sainte Vierge à la hau-
teur des besoins du monde actuel, en avei tissant les
chrétiens d'intéresser la puissante Heine du ciel^ non
plus seulement à leur sanctification personnelle, mais
au salut des Nations et au triomphe de l'Église, par la
conversion des peuples nombreux qui lui ont été don-
nés en héritage, et qui ne font point encore partie du
divin bert-ail ou qui tendent à s'en éloigner.
3" Soutenir et développer le zèle pour les œuvres si
évidemment providentielles <le la Propogatio/i cJp la foi
et de la finitde-Enfaiice.
40 Remplir de confiance les fidèles du dix-neuvième
siècle, si jusiement alarmés, en leur montrant, dans
.Judith et dans Eslher, la ligure certaine de la sainte
Vierge; ef, dans leurs victoires sur les ennemis de
l'ancien peuple de Dieu, l'annonce non moins certaine
des victoires et surtout de la dernière victoire de la
Reine du ciel, sur les ennemis du nouveau peuple de
Dieu, la sainte Éiilise catholique.
Résumées dans la réflexion qui termine la lecture
de chaque jour, ces pensées, jointes aux incocations et
à la résolution pratir/ue, nous ont paru suffire, sans de
longues prières, pour atteindre k but proposé.
F JOUR.
Les figures et la réalité.
I
Quand un peintre a conçu un tableau, il
commence par en tracer l'esquisse. Telle a
été la conduite de Dieu dans le gouverne-
ment du monde. Voulant réaliser un jour
les chefs-d'œuvre de sa puissance, de sa sa-
gesse et de sa bonté, Notre-Seigneur Jésus-
Christ, la sainte Vierge et l'Église, il les a
ébauchés dans le peuple juif. Le peuple
juif est donc Ja figure du peuple chrétien.
et le peuple chrétien, c'est l'Église, c'est nous.
Rien n'est plus certain.
Il
L'Écriture et la tradition concourent à
prouver cette grande vérité. Descendu sur
la terre pour instruire les hommes, le Fils de
PREMIER JOUR.
Dieu déclare que tous les livres de l'Ancien
Testament rendent témoignage de lui, an-
noncent sa venue, ses travaux, ses mira-
cles, l'établissement de son règne, tous les
mystères de sa vie et de sa mort (1). Les apô-
tres parlent comme leur divin Maître. Saint
Paul, en particulier, enseigne expressément
que ce qui arrivait aux Juifs était la figure de
ce qui devait nous arriver à nous-mêmes (:2).
HT
Même langage dans la bouche des Pères
de l'Église. Pour eux, l'Ancien Testament,
c'est la rose en bouton, et le nouveau, la rose
épanouie. « L'Ancien Testament, dit saint
Augustin, cache le nouveau : le nouveau ma-
nifeste l'ancien. Tout ce que nous lisons dans
les Écritures, antérieures à l'avènement du
Seigneur, n'a été écrit que pour annoncer
cet avènement et figurer l'Église, c'est-à-dire
le peuple de Dieu répandu dans toutes les
(ljIJoaii.,in,l 1; Luc, IV, lU; Jo;ia., v,.39 ; Luc.xxiv,
26, 44, etc.
(2) ICor.,x,l,C, etc.
LES FKILRES ET LA REALITE. :<
nations. Non-seulement les paroles des saints,
patriarches e1 prophètes, qui ont précédé la
naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ ;
mais encore leur vie, leurs alliances, leurs
enfants, leurs actions furent la prophétie du
temps actuel (I). »
Ce qu'il dit des particuliers, le grand doc-
teur l'affirme du peuple lui-même. « La dé-
livrance d'Egypte ligure la délivrance du
peuple chrétien, parle baptême. Pharaon el
les Égyptiens, engloutis dans la mer Rouge,
sont les persécuteurs de l'Eglise, anéantis par
Notrc-Seigneur,lc vrai Moïse. Le voyage d'Is-
raël dans le désert, c'est le voyage de l'Église
dans le désert de ce monde. La terre promise,
c'est le ciel. Ainsi de l'Agneau pascal, de la
Manne, de l'Arche d'alliance, des sacrifices
et de tout l'ensemble des fêtes, des institu-
tions et des rites de la loi ancienne (2). »
IV
Prise dans son ensemble et dans ses prin-
(1) De aitechizrind. Hmlib., n. ui, iv, xix; id. cnulra
Faust., lib. IV, c. ii.
'2) De .Ifiio// i>f Kx/iu, n. IX, ''/ iiowim.
4 PREMIER JOrR.
cipaux détails, l'histoire du peuple juif est
donc notre histoire anticipée. Sa vocation à
la foi est la figure de la nôtre. La perpétuité
miraculeuse de ce peuple, toujours attaqué
et toujours subsistant, la figure de l'Église
toujours persécutée et toujours pleine de
vie. Si leurs patriarches, chefs vénérables de
la nation choisie, sont la figure de Notre-
Seigneur, chef auguste de la grande nation
catholique, leurs femmes célèbres sont la
figure de la sainte Vierge. Les victoires rem-
portées par elles sur les ennemis de leur
peuple, sont la figure des victoires remportées
par Marie sur les ennemis de l'Église.
Entre tous les ennemis de l'ancien peuple
de Dieu, Holoferne et Aman apparaissent
comme les figures saisissantes et terribles
des ennemis actuels du peuple chrétien.
Les replacer sous nos yeux, c'est montrer au
naturel les ennemis que nous avons aujour-
d'hui à combattre. De même, les deux
femmes de l'Ancien Testament, appelées à
LES FIGURES ET LA HEALTTE. 5
vaincre ces deux redoutables ennemis, soni
la figure incontestable de la sainte Vierge (1).
Elles la réfléchissent si parfaitement, non-
seulement dans la beauté de leur corps, mais
encore dans les qualités de leur ;\me-, et sur-
tout dans leur mission providentielle, qu'on
n'en saurait douter, celui qui les forma pour
sauver Israël, avait les yeux fixés sur le divin
original, appelé Marie, la plus belle des
créatures, la plus sainte et de toute éternité
prédestinée à vaincre les plus redoutables
ennemis de l'Église, le véritable Israël de
Dieu. Ces deux femmes, à jamais illustres,
sont Judith et Esther.
Les faire connaître en elles-mêmes et dans
leur ressemblance avec la sainte Yierge, c'est
faire connaître et invoquer Marie, comme
elle doit être connue et invoquée au dix-
neuvième siècle : je veux dire comme le sa-
lut des nations actuelles. C'est montrer aux
chrétiens le chemin de la victoire et prophé-
tiser leur délivrance.
Réflexion. — En écrivant, dans l'histoire
(lu peuple juif, l'histoire de l'Église, Dieu
(I) CiOrn. a Lap. Arr/iir/)e>it. in JinlUli et Eftth")\c. n, 8.
6 PREMIER JOUR.
nous montre l'unité de ses conseils. Afin que
personne ne pût méconnaître Notre-Seigneur,
ni Marie ni lÉglise, il a voulu que l'histoire
de tous les siècles leur rendît témoignage.
Qu'il en soit à jamais béni !. Cette conduite,
digne de son infinie sagesse, éclaire notre
esprit, soutient notre espérance, et donne
un fondement inébranlable à notre foi.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Église.
Pratique. — Assister exactement et pieu-
semenl au mois de Marie.
11* JOUR.
Nabuchodonosor.
I
Vers le centre de l'ancienne Asie, dans un
riche pays appelé la Médie, était nne ville
célèbre entre toutes les villes : c'était Ecba-
tane, capitale de l'empire des Mèdes. Repré-
sentez-vous une immense cité , toute bâtie
en belles pierres de taille, resplendissante de
palais magnifiques , dont le principal était
couvert en tuiles d'argent; peuplée d'innom-
brables habitants et entourée de sept rangs
de murailles, comme on n'en voit plus.
II
Les murailles ou remparts d'Ecbatane
avaient cent pieds de large, stir quarante de
haut. De distance en distance ils étaient flan-
qués de tours .carrées de cent quarante
pieds de hauteur, el de quatre-vingts pieds de
8 DEL'XIEME JOUR.
circonférence. Les portes de la ville s'éle-
vaient à la hauteur des tours. Tous les rem-
parts étaient crénelés , et les créneaux peints
de diverses couleurs. Ceux du premier rem-
part, du côté delà campagne, étaient blancs ;
ceux du second, noirs; ceux du troisième,
pourpre; ceux du quatrième, azur; ceux du
cinquième, orange; ceux du sixième, argent ;
ceux du septième, or. Il serait difficile de se
faire une idée du spectacle que devaient pré-
senter ces gigantesques murailles, lorsqu'elles
réfléchissaient les rayons du brillant soleil
d'Asie (1).
III
Dans cette ville opulente régnait, vers l'an
six cent cinquante avant Notre-Seigneur, le
roi Arphaxad. Plein de confiance dans ses
fortifications, dans son armée et dans ses
chariots de guerre, il se regardait comme
invincible. Cependant, Nabuchodonosor , roi
des Assyriens, lui déclara la gueire. A la tète
do leurs puissantes armées, les deux monar-
(1) Hn'od.,liv. I, § 98.
.NAUL'CliOUO.NUSUB. 9
([uef> se rencontrèrent dans une grande
])laine, voisine du Tigre et de l'Euphrate.
Arphaxad fut vaincu.
IV
Enflé de sa victoire, Nabuchodonosor crut
que rien ne devait lui résistei-. Ses préten-
tions n'allaient à rien moins qu'à se faire re-
connaître pour le souverain et le dieu de tout
l'Orient. 11 envoya donc des ofiiciers de sa
cour dans tous les pays circonvoisins, dans
la Cilicie , à Damas, dans le Liban, dans la
Galilée, dans la Samarie , au delà du Jour-
dain et jusqu'à Jérusalem, avec ordre de
dire à tous ces peuples qu'ils eussent à se
soumettre à son empire. Mais tous, d'un
commun accord, refusèrent ce qu'il deman-
dait et renvoyèrent honteusement ses dépu-
tés. Alors, Nabuchodonosor, irrité contre
toute cette terre, jura, par son trùnc et par
.son royaume, qu'il se vengerait de ces con-
trées.
10 DEUXIEME JOUR.
Sans perdre un instant , il assembla tous
les anciens de la nation, tous ses généraux
et ses guerriers, et leur communiqua le se-
cret de son dessein. «Mavolonté, leur dit-il,
(c est de m'assujettir toute la terre. » Ce qui
ayant été approuvé de tous, Nabuchodonosor
lit venir Holoferue , général en chef de ses
troupes, et lui dit : <( Allez attaquer tous les
pays d'Occident, et principalement ceux qui
ont méprisé mes ordres. N'épargnez aucun
royaume et emparez-vous de toutes les villes
fortifiées. »
VI
Holoferne appela tous les chefs de corps,
et il compta, pour se mettre en campa-
gne, cent vingt mille honnnes de pied, et
douze mille archers à cheval , auxquels se
joignirent bientôt dix mille cavaliers , venus
des différentes parties d'Assyrie. Il se fit pré-
céder d'une multitude de chameaux, chargés
de provisions pour l'armée, et d'innombra-
NABUCHODONOSUK. 1 1
bles troupeaux de bœufs et de moutons. 11
commanda de plus que, dans toute l'Assy-
rie , on tint prêt du blé sur son passage.
Après avoir pris dans les trésors du roi des
sommes immenses d'or et d'argent, il partit
lui et toutes ses troupes, avec ses chariots
de guerre, sa cavalerie et ses archers, qui
couvrirent la face de la terre , comme des
sauterelles.
Héflexlon. — L'application de ce que je
viens de lire se fait d'elle-même à notre si-
tuation présente et en montre la gravité. Na-
buchodonosor, enflé de ses victoires, veut se
faire adorer comme le seul dieu par tous ses
sujets. C'est le démon , prince de l'orgueil ,
qui a toujours voulu et qui, grâce à ses
nombreux triomphes, veut, aujourd'hui plus
que jamais, se faire adorer par toute la terre,
àla place de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin
de redevenir, ce qu'il était dans l'ancien pa-
ganisme, le roi et le dieu du monde. Holo^
ferne , exécuteur impitoyable des ordres de
son maître, voit son armée se grossir de jour
en jour. C'est la personnification des suppôts
de Satan, dont la multitude, toujours crois-
2
12 DEUXIEME JOL'H,
saille, cherche par tous les moyens à détruire
la religion et l'Église, pour établir sur leurs
ruines le règne de toutes les passions déchaî-
nées.
Irivocatmis. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple; ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la France (1).
Pratique. — Éviter soigneusement les fau-
tes de propos délibéré.
(1) Comme ce mois de Marie est consacré aux inté-
réls publics, chaque nation aura son jour de prières. Le
prêtre qui présidera le mois de Marie fera connaître
les besoins de cliaque peuple, ou les fidèles eux-mêmes
les tiouveront dans les An/ut/ev de la Propnyutioa de
la foi et de la Sai/dc-E/ifance.
111'^ JOUR.
Holoferne.
I
Holoforne ôlait un soudard, voluptueux ol
cruel, qui ne connaissait d'autre droit que la
force, d'autre loi que les penchants de son
C(Eur dépravé. Lorsqu'il eut franchi les fron-
tières d'Assyrie , il s'empara de toutes les
places fortes de la Gilicie, prit d'assaut la
grande ville de Mélite, capitale de la Mélitine
dans la Cappadoce, et livra tout le pays au
pillage. Ensuite, il passa l'Euphrate, força
toutes les villesdela terre de Madian, emmena
avec lui tous les habitants, prit toutes leurs
richesses, et fit passer au fd de l'cpée tous
ceux (jui voulurent lui résister.
II
De là , il descendit dans les plaines de Da-
mas an temps de la moisson , brûla tous les
14 TROISIEME JOUR.
blés et fit couper tous les arbres et toutes
les \ignes. La terreur de ses armes se répandit
sur tous les habitants de la terre. Alors, les
rois et les princes de toutes les contrées cir-
convoisines lui envoyèrent des ambassades.
« Que votre colère , lui dirent ces humbles
députés, s'apaise à notre égard. Nous aimons
mieux vivre en servant le grand roi Nabu-
chodonosor, que de nous voir exposés à périr
misérablement par le glaive ou par l'escla-
vage. Toutes nos villes, toutes nos terres,
nos collines, nos champs , nos troupeaux de
bœufs, de moutons et de chèvres, tous nos
chevaux, tous nos chameaux, toutes nos ri-
chesses et nos familles sont à votre disposi-
tion. Nous serons vos esclaves, nous et nos
enfants. Venez à nous comme un maître pa-
cifique , et demandez-nous tous les services
qu'il vous plaira. »
III
Holoterne ne répondit rien ; mais il partit
à la tête de sa cavalerie, s'empara de tout le
pays et prit dans toutes les villes, pour trou-
pes auxiliaires, les hommes les plus braves et
IlOLOFERNE. 15
les plus propres à la guerre. Telle était la
frayeur qu'il inspirait, que les princes et le>
personnes les plus honorables de toutes les
villes, sortaient au-devant de lui, avec tous
les habitants. On lui jetait des couronnes, on
le recevait avec des flambeaux, en dansant
au son des tambours et des flûtes.
Néanmoins , ils ne purent adoucir la féro-
cité de son cœur. Il détruisit leurs villes et
coupa leurs bois sacrés, parce que Nabucho-
donosor lui avait commandé d'exterminer
tous les dieux de la terre, afin qu'il fût seul
appelé dieu par les nations soumises à sou
empire. Traversant ensuite la Mésopotamie,
Holoferne vint dans l'Idumée , dont il prit
toutes les villes. Là, il séjourna trente jours,
et réunit toutes ses troupes pour se porter
sur la Palestine.
Y
Informés de la conduite d'Holoferne et de
ses projets, les Juifs furent saisis de crainte.
Ifi TROISIEME JOUR.
Ils appréhendaient avec raison qu'il ne fit à
Jérusalem et au temple du vrai Dieu, ce qu'il
avait fait aux autres villes et à leurs temples.
En conséquence, ils occupèrent tous les dé-
filés et tous les sommets des montagnes, par
où l'ennemi pouvait passer. Ils environnè-
rent leurs bourgs de murailles et amassèrent
des blés pour se préparer à la guerre. A ces
moyens de défense commandés par la pru-
dence humaine, ils s'empressèrent d'en ajou-
ter d'autres beaucoup plus sûrs.
Tout le peuple cria vers le Seigneur avec
grande instance; et ils humilièrent leurs
âmes dans les jeûnes et les prières, eux et
leurs femmes. Les prêtres se revêtirent de
cilices, et les enfants se prosternèrent devant
le temple, et on couvrit d'un cilice l'autel du
Seigneur.
\]
Alors Éliachim, le grand prêtre, parcou-
rut tout le pays, disant aux enfants d'Israël :
« Sachez que le Seigneur exaucera vos
vœux, si vous persévérez dans le jeûne et la
prière. Souvenez-vous de Moïse qui , non
DOLOFERNE. 17
par le fer, mais par de saintes prières, dédl
Amalec, confiant en sa force, en son armée,
en ses boucliers, en ses chariots et en ses ca-
valiers. C'est ainsi qu'il en sera de tous les
ennemis d'Israël , si vous persévérez dans
l'œuvre que vous avez commencée. »
Réfoxion. — Les ravages et les cruautés
d'Holoferne sont une faible image des cala-
mités de tout genre qui attendent les nations
devenues, par leur faute , la proie du grand
homicide. Quant à ces princes et à ces peu-
ples, que la crainte fait tomber aux genoux
du barbare vainqueur et qui se donnent à
lui en qualité d'esclaves, ne représentent-ils
pas au naturel ces foules d'hommes et de
femmes de tout rang , de toute condition et
de tout pays, qui sacrifient et qui sacrifieront
leur conscience, leur liberté, leur dignité à
la crainte de perdre ce qu'ils ont, ou au
désir d'avoir ce qu'ils n'ont pas? Frère,
sœur, ami, parent , compatriote de ces mal-
heureux déserteurs de la foi, je suis exposé
aux mêmes tentations. Mon devoir est d'imi-
ter Israël et de demander miséricorde. En
priant pour les nations actuelles, menacées
18 TROISIEME JOUn.
de si grands maux , c'est pour moi-même
que je prie et pour ce que j'ai de plus cher.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des nations, priez pour
l'Angleterre.
Pratique. — Faire une bonne confession.
lY-^ JOUR.
Achior.
T
Cependant Holoferne s'était remis en mar-
che. Déjà il avait passé les frontières de la
Palestine et se trouvait à peu de distance
d'unevilleforte de la Galilée, appelée Béthulie.
Apprenant que les enfants d'Israël se dispo-
saient à lui résister, il en fut transporté de
colère. Sur-le-champ, il appelle les princes
deMoab et les chefs des Ammonites qui s'é-
taientrendusàiui. ((Apprenez-moi, leur dit-il,
quel est ce peuple qui occupe les montagnes ;
quelles sont leurs villes et quelle en est la
force et le nombre ; quelle est la puissance
de ce peuple, leur multitude et le général de
leur armée. Dites-moi aussi pourquoi ils
sont les seuls entre tous les peuples de l'Oc-
cident, qui nous méprisent et qui ne sont
point venus au-devant de nous. p(»ur nous
recevoir pacifiquement. »
2 0 QUATKIEME JOUR.
II
Alors Achior, roi des Ammonites, lui ré-
pondit : « Seigneur, si vous daignez m'écou-
ter, je vous dirai la vérité touchant ce peuple
qui habite les montagnes, et nulle parole
fausse ne sortira de ma bouche. Ce peuple
est de la race des Chaldéens. Il habita d'a-
bord la Mésopotamie, parce qu'ils ne vou-
laient pas adorer les dieux de leurs pères,
qui demeuraient en Chaldée. Ayant renoncé
à la pluralité des dieux, ils adorèrent le seul
Dieu du ciel, qui leur ordonna d'aller habiter
à Gharan (1). Mais une famine ayant désolé
tout le pays, ils descendirent en Egypte, où
ils se multiplièrent dé telle sorte, que leur
multitude devint innombrable.
III
(( Comme le roi d'Egypte les traitait avec
dureté et les accablait de travaux pour bâtir
(I) Aujourd'hui Haran, ville de Mésopotamie, célèbre
p;ir le séjour d'Abraham.
ACUIOR. il
ses villes, ils crièrent vers leur Dieu, (jui
frappa de dill'érentes plaies toute la terre
d'Égyple. Lorsque les Égypliens leur eurent
permis de se retirer, le Dieu du ciel leur ou-
vrit la mer Rouge., qu'ils traversèrent à pied
sec. Les Egyptiens, s'élant mis à leur pour-
suite, furent tellement ensevelis dans les
eaux, qu'il n'en resta pas nn seul pour ap-
prendre cet événement à leurs descendants.
Après être sortis de la mer, les enfants d'Is-
raël traversèrent les déserts de Sina, vainqui-
rent tous les rois chananéens, et s'emparè-
rent de leurs villes et de leurs terres, qu'ils
habitent aujourd'hui. Personne n'a pu vaincre
ce peuple, si ce n'est lorsqu'il a abandonné
son Dieu.
« Maintenant donc, seigneur, informez-
vous si ce peuple a fait quelque chose contre
son Dieu. Si cela est, allons les attaquer,
parce que leur Dieu vous les livrera. Mais si
ce peuple n'a point offensé son Dieu, nous
ne pourrons leur résister. Leur Dieu prendra
leur défense, et nous deviendrons l'opprobre
de toute la terre. »
QUATRIEME JOUR.
IV
Le discours d'Achior blessa au vif l'orgueil
d'Holoferne qui, s'adressaut à Achior.lui dil :
« Parce que lu as fait le prophète, en nous
disant que le Dieu d'Israël sera le défenseur
de son peuple, je te ferai voir, moi, qu'il n'y
a point d'autre dieu que Nabuchodonosor.
Tu le sauras, lorsque le fer de mes soldats te
déchirera les flancs et que tu tomberas percé
de coups, parmi les blessés et les morts d'Is-
raël. Et pour que tu connaisses le sort qui
l'attend, tu vas être, dès ce moment, joint à
ce peuple, afin que, lorsque nous les aurons
tués comme un seul homme, tu périsses toi-
même avec eux. »
Là-dessus, Holoferne commande à ses gens
de prendre Achior, de le mener à Béthulie cl
de le livrer aux Israélites. Un peloton de
soldats se saisissent d'Achior et prennent leur
chemin à travers la plaine. Mais comme ils
ajjprochaient des montagnes, sur lesquelles la
ACIllOU. i»
ville était bâtie, les frondeurs israélites sor-
tirent contre eux. A leur aspect, les gens
d'Holoferne se détournèrent du côté de la
montagne et lièrent Acliior à un arbre, par
les pieds et par les mains. Ainsi attaché avec
des cordes, ils le laissèrent là, et retournè-
rent vers leur maître. Les frondeurs israélites
vinrent au lieu où il était. Ils le délièrent et
le conduisirent dans la ville.
Réflexion. — Comme Holoferne et ses offi-
ciers se moquèrent des prédictions d'Achior
el qu'ils voulurent le faire mourir pour avoir
dit la vérité ; nos ennemis, les ennemis de
l'Église et des peuples, ne manqueront pas de
se moquer de nos prévisions. Ils prendront
môme nos conseils en mauvaise part. Nous
leur serons à charge. Notre vue même les
fatiguera; et, dans leur pensée, ils se promet-
tront de nous faire disparaître, avec le chris-
tianisme, au jour de leur victoire. Laissons-
les méditer leurs sinistres projets. Seulement
ayons soin de nous tenir bien avec Dieu. Le
Tout-Puissanl, toujours lidèle à ses pio-
messes, montrera qu'aujourd'hui comme
autrefois, il sauve ceux qui espèrent en lui
3
-2 4 ijUATIÎIEMi; JOUH.
et confond les orgueilleux qui se contient en
eux-mêmes.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Espagne.
Pratique. — Attaquer avec courage la pas-
sion dominante.
\' JOUR.
Bëth uli e.
I
Achior lut conduit sur la grande place de
Béthulie. Là, environné de tout le peuple, on
lui demanda pourquoi les Assyriens l'avaient
abandonné, lié de la sorte. Ildit ce qu'il avait
l'épondu aux questions d'Holoferne, et com-
ment celui-ci, transporté de colère, avait
commandé qu'on le mît entre les mains dei>
Israélites, afin qu'après sa victoire, il le fît
périr dans les supplices avec tous les Israé-
lites, parce qu'il avait dit que le Dieu du ciel
serait leur défenseur.
II
(Juand Achior eut parlé, tout le peuple se
prosterna le visage contre terre, et tous en-
semble, mêlant leurs cris et leurs larmes.
-2 6 CINQUIÈME JOLK.
adressèrent au Seigneur cette prière : « Dieu
du ciel et de la terre, regardez leur orgueil ;
voyez notre abaissement et considérez l'état,
où sont réduits vos saints. Montrez que vous
n'abandonnez pas ceux qui mettent leur con-
fiance en votre bonté, et que vous humiliez
ceux qui présument d'eux-mêmes et se glori-
fient dans leurs propres forces. »
m
Ayant ainsi prié durant tout le jour, ils di-
rent à Achior : « Le Dieu de nos pères, dont
vous avez annoncé la puissance, vous en ré-
compensera, et vous rendra vous-même
témoin de la ruine de nos ennemis. » Le soir
étant venu et le jeûne fini, Ozias, chef du
peuple, reçut Achior dans sa maison et lui
donna un grand souper auquel il imita tous
les anciens. Puis, on passa la nuit en prières.
IV
t)ès le lendemain, Holoferne donna ordre
à ses troupes de marcher contre Béthulie.
BKTHUUE. 3 7
Grâce aux recrues forcées qu'il avait faites
sur la route, il se trouvait ;\ la tète de cenl
soixante-dix mille hommes d'infanterie et do
vingl-deux mille hommes de cavalerie. En
suivant, non sans peine, le flanc des monta-
gnes, toute cette armée finit par arriver au
sommet le plus élevé, vis-à-vis de la grande
plaine de Dothaïn et d'Esdrelon. La plaine
d'Esdrelon est célèbre par les batailles dont
ôlle fut plusieurs fois le théâtre. Dothaïn
n'est pas moins célèbre. C'est là que Joseph
lut vendu par ses frères aux marchands Is-
maélites.
Quant à Béthulie, c'était une ville de
moyenne grandeur, située dans la Galilée et
appartenant à la tribu de Zabulon. Assise
au sommet escarpé d'une montagne et en-
vironnée de précipices, elle était regardée
comme imprenable.
A la vue de cette multitude qui couvrait
toutes les hauteurs, les Israélites eurent re-
cours à leurs armes ordinaires. Ils se proster-
nèrent devant Dieu, la tète couverte de cen-
2 8 CINQUIEME JOUR.
(Ires, et le conjurèrent de faire éclater sa
miséricorde sur son peuple. Puis, ils firent
garder nuit et jour l'étroit défilé qui condui-
sait à la ville. De son côté, Holoferne en per-
sonne vint reconnaître la place, dont il fit le
tour. Ayant remarqué que la source dont
les eaux abreuvaient Béthulie, arrivait dans
la ville par un aqueduc, prolongé hors des
murs, il le fit couper.
Il y avait néanmoins des fontaines peu
éloignées des remparts, où les assiégés allaient
furtivement chercher de l'eau, plutôt pour
soulager leur soif que pour l'apaiser. Les
Ammonites et lesMoabites, qui faisaient par-
tie de l'armée d'Holoferne, s'en étant aperçus,
lui dirent : « Voulez-vous vaincre les Israé-
lites sans combat ? mettez des gardes près des
fontaines, pour les empêcher d'y puiser de
l'eau, et vous les ferez mourir de soif, ou les
forcerez à se rendre. »
VI
Ce conseil plut à Holoferne. Une compa-
gnie de soldats fut placée près de chaque fou-
BETnur.IE. 2 9
taine. Cette garde ayant duré vingt jours,
lûutes les citernes et les réservoirs qui étaient
dans la ville furent mis à sec, il ne restait pas
;\ Béthulie de quoi donner à boire un seul
jour aux habitants. Déjà on distribuait l'eau
par mesure. Dans cette extrémité, tous les
habitants vinrent trouver Ozias, chef du peu-
ple, et lui dirent : « Nous vous en conjurons
devant le ciel et la terre, livrez incessamment
la ville à Holoferne^ et faites-nous trouver une
mort prompte par l'épée, au lieu de cette
mort lente que la soif, qui nous brûle, nous
fait souffrir. »
YIl
A ce discours succédèrent les gémissements
et les cris de toute la multitude. Prolongés
pendant plusieurs heures, ils finirent par cette
ardente prière au Dieu d'Israël : <( Seigneur,
nous avons péché; mais ayez pitié de nous,
parce que vous êtes bon. Chàtiez-nous vous-
même, et n'abandonnez pas ceux qui vous
connaissent à un peuple qui ne vous connaît
pas, de peur qu'on ne dise parmi les nations:
( )ii est leur Dieu . » Alors Ozias, proshM'ué lui-
-0 CINQUIÈMR JOUR.
même devant Dieu, se leva, le visage baigné
de larmes, et leur dit : « Ayez courage, mes
frères; attendons encore pendant cinq jours
la miséricorde du Seigneur. Si. jusque-là, il
ne nous vient pas de secours, nous ferons ce
que vous avez proposé, n -
Réflexion. — Comme Béthulie, TÉglise et
les nations chrétiennes sont aujourd'hui envi-
ronnées d'ennemis, qui joignent la ruse à la vio-
lence. A l'exemple d'Holoferne qui fit couper
les eaux de Béthulie, ils s'efforcent par leurs
mauvaises doctrines d'ôter la foi au dix-neu-
vième siècle, afin de lui couper toute com-
munication avec Dieu. Gardons-nous de don-
ner dans le piège. Fermons les yeux pour ne
lire ni leurs journaux ni leurs livres. Bou-
chons nous les oreilles pour ne pas entendre
leurs blasphèmes. Prions, au contraire, avec
plus d'instance ; et, plus patients que les
habitants de Béthulie, ne fixons pas à la
miséricorde divine un terme au delà du-
quel nous cesserons de l'invoquer. La grâce
a ses moments : attendons-les avec con-
fiance.
Invornf/'o)}>^. — Épargnez, Seigneur, épar-
BETnULIE. 3 1
gnëz votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Italie.
Pratique. — Faire chaque semaine une fer-
vente communion pour l'Église et pour le
monde.
yp JOUR.
Judith.
I
La résolution de se rendre ne tarda pas à
être connue de celle qui devait être l'héroïne
de Bétbulie et la libératrice de son peuple :
celte femme était Judith. Issue d'une des
principales familles de la ville, Judith était
une jeune veuve qui avait perdu son mari
depuis environ trois ans. Pénétrée du néant
des choses de ce monde, elle s'était préparé
au haut de sa maison un appartement secret,
où elle vivait retirée avec ses servantes. Elle
portait le cilice et jeûnait tous les jours de sa
vie, excepté les jours de sabbat et des fêtes de
la maison d'Israël. Elle était parfaitement
belle et jouissait d'une très-grande fortune.
Tout le monde l'estimait, parce qu'elle ser-
vait fidèlement le Seigneur, et il n'y avait
personne qui dît d'elle le moindre mal.
.UTiTTn. 3 s
11
Ayant donc appris qu'Ozias avait promis
de livrer la ville dans cinq jours, elle envoya
quérir quelques anciens du peuple. Ils vin-
rent, el elle leur dit : c Qu'est-ce que cette
résolution qu'a prise Ozias de livrer la ville
aux Assyriens, s'il ne vous venait pas de se-
cours dans cinq jours ? qui ôtes-vous pour
tenter le Seigneur ? Ce n'est pas là le moyen
d'attirer sa miséricorde, mais plutôt d'exciter
sa colère. Vous avez prescrit à Dieu le terme
de sa miséricorde, et vous lui avez marqué
un jour, selon qu'il vous a plu. Mais le Sei-
gneur est bon : faisons pénitence de cette
faute même, et implorons sa miséricorde avec
beaucoup de larmes. Souvenons-nous que
Dieu ne menace pas comme un homme. Si le
repentir ne les arrête, ses menaces s'exécu-
tent.
« Prions le Seigneur avec confiance de
nous faire sentir, en la manière qu'il lui plaira,
les effets de sa miséricorde. Il le fera d'autant
mieux que nous n'avons pas connnis les pé-
34 SIXIEME JOUR.
chés de nos pères. Ils abandonnèrent le Sei-
gneur pour adorer des dieux étrangers. Pour
nous, nous ne connaissons d'autre Dieu que
lui. Maintenant donc, mes frères, comme
vous êtes les anciens du peuple, et que leur
vie dépend de vous, parlez-leur de manière à
relever leur courage, leur rappelant que nos
pères ont été tentés pour éprouver s'ils ser-
vaient Dieu véritablement. »
III
Les anciens répondirent à Judith : a Tout
ce que vous avez dit est véritable, et il n'y a
rien à reprendre dans vos paroles. Nous vous
supplions donc de prier vous-même pour
nous, parce que vous êtes une femme sainte
et craignant Dieu. » ludith ajouta : « Comme
vous reconnaissez que ce que j'ai pu vous dire
est de Dieu, éprouvez aussi si ce que j'ai ré-
solu de faire vient de lui. Priez-le de m'affer-
mir dans le dessein que j'ai formé. Je ne vous
en dis pas davantage. Tenez-vous seulement
cette nuit à la porte de la ville. »
.IIDITII. 3 5
IV
Lorsque les anciens se furent retirés, Ju-
dith entra dans son oratoire. C'était à la chute
du jour, au moment où s'ofFrait à Jérusalem
le sacrifice du soir. Dans les calamités qui
menacent tout un peuple, il convient que les
prières particulières se joignent aux prières
publiques. A cette union est attachée une
efficacité puissante, selon la promesse de
Notre-Seigneur : Là ou deux ou trois sont
réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux. La
sainte veuve se revêtit d'un cilice, se couvrit
la tête de cendres, et, se prosternant devant
le Seigneur, elle lui adressa la prière suivante.
Nous la lirons non-seulement de bouche,
mais de cœur ; non-seulement aujourd'hui,
mais chaque jour de ce mois consacré à la
divine Judith : nulle autre n'est mieux ap-
propriée à nos besoins.
« Seigneur, Dieu de mes pères, assistez-moi
dans ce moment, moi faible veuve, je vous
36 SIXIEME JOUP.
en conjure. Souvenez-vous des anciennes
merveilles que vous avez accomplies en faveur
de votre peuple. Regardez le camp des Assy-
riens, comme vous daignâtes un jour regar-
der le camp des Égyptiens, lorsqu'ils pour-
suivaient vos serviteurs. Vous ne fîtes que
jeter un regard sur leur armée et ils se per-
dirent dans les ténèbres. L'abîme retint
leurs pas, et les eaux les engloutirent. Sei-
gneur, que ceux-ci périssent de même, eux
qui s'appuient sur leur multitude, et qui ne
savent pas que vous êtes notre Dieu, le Dieu
des victoires et que votre nom est Jéhova.
(( Faites, Seigneur, que l'orgueil d'Holo-
ferne soit abattu par sa propre épée. Qu'il
soit pris par ses propres yeux, comme par
un piège, en me regardant, et blessez-le par
la grâce des paroles qui sortiront de ma bou-
che. Donnez- moi assez de constance dans le
cœur pour le mépriser et assez de force pour
le perdre. Ce sera un monument de gloire
pour votre nom, qu'il périsse par la main
d'une femme. Dieu des cieux, maître de l'u-
nivers, exaucez-moi, pauvre suppliante qui
mets toute mi\ conlinnce on votre miséri-
JUDITH. 37
corde. Fortifiez la résolution de mon cœur,
afin que toutes les nations connaissent que
vous êtes Dieu, et qu'il n'y en a point d'autre
que vous. »
Réflexion. — Aux grands maux les grands
remèdes. La conduite des Israélites menacés
d'être pillés, incendiés, égorgés, de voir leurs
autels renversés et leur temple profané, nous
dit ce que nous devons faire, nous chrétiens
du dix-neuvième siècle. Tous ensemble les
habitants de Béthulio crient vers Dieu avec
une grande instance. Ils s'humilient dans le
jeûne et dans la prière, le jour et la nuit. C'est
ainsi qu'ils font violence au ciel, et que le
cri de leur détresse parvient jusqu'à Judith.
Former des associations de prières, comme
celle qui nous réunit pendant le Mois de Ma-
rie ; nous humilier devant Dieu ; nous ré-
concilier avec lui, jeûner, prier et prier en-
core : tels sont nos devoirs en présence des
maux qui nous menacent. Si nous les rem-
plissons, nos supplications loucheront le
cœur de la véritable Judith. Elle priera son
Fils tout puissant, prendra notre cause en
main et deviendra notre libératrice.
3R SIXIEME JOUR.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Allemagne.
Pratique. — Réciter de cœur les actes
de foi, d'espérance et de charité.
Yii'' jorii.
Judith sort de Béthulie.
Judith avait prié toute la nuit, le visage
prosterné contre terre. Il était environ deux
heures du matin, lorsqu'elle se releva, ap-
pela une de ses suivantes, descendit de son
oratoire et quitta ses habits de veuve. Elle
se lava le corps, se l'oignit d'un parfum pré-
cieux, sépara ses cheveux en différentes
tresses, se mit sur la tète une coiffure ma-
gnilique, ornée de pierreries, se revêtit des
habits de sa joie, prit une chaussure très-
riche, des bracclels, des pendants d'oreille,
des bagues, se para enfm de tous ses orne-
ments. A cette brillante parure le Seigneur
ajouta un nouvel éclat, parce que tout cet
ajustement n'avait pour principe aucun
mauvais désir, mais la vertu. Ainsi ornée,
Judith était d'une beauté incomparable.
4 0 SEPTIÈME .rOI'R.
II
Afin de ne point se souiller par les viandes
des gentils, elle fit porter à sa suivante une
outre de vin, un vase d'huile, de la farine,
des figues sèches, du pain et du fromage, et
partit ainsi. Arrivées à la porte de la ville,
elles trouvèrent Ozias et les anciens du peu-
ple, qui attendaient. En voyant Judith, ils
furent tellement fascinés par l'éclat de sa
beauté, qu'ils la laissèrent passer sans lui
adresser aucune question. Ils se contenlèrent
de lui dire : « Que le Dieu de nos pères vous
donne sa grâce, et c[u'il affermisse toutes les
résolutions de votre cœur, afin que Jérusa-
lem soit glorifiée en vous et que votre nom
soil au nombre des saints. »
III
Cependant Judith, se recommandant à
Dieu, passa la porte, elle et sa suivante.
C'était au point du jour. Comme elle descen-
dait de la montacne, les vedeUes des Assv-
.FUDÎTU SORT DE BÉTRULIE. 41
riens l'aperçurent et l'arrêtèrent, en lui di-
sant : (( D'où venez-vous, et où allez- vous ( I ) ? »
Elle répondit : « Je suis une fille des Hébreux;
je me suis enfuie d'avec eux, parce que j'ai
reconnu qu'ils vous seront livrés, pour n'a-
voir pas voulu se rendre à vous volontaire-
ment. C'est pourquoi je me suis dit : J'irai
trouver le prince Holoferne, pour lui dé-
couvrir leurs secrets et lui donner le moyen
de les prendre sans qu'il perde un seul
honmie. »
En l'écoutant, leurs yeux demeuraicnl
fixés sur son visage, tant ils étaient ravis de
sa beauté.
IV
« Vous avez sauvé votre vie, lui dirent-ils,
en prenant la résolution de descendre vers
notre prince. Lorsque vous paraîtrez devant
(I) Dans une guerre juste, comme celle des Juifs con-
tre les Assyriens, non-seulement l'emploi de la force
ouverte est légitime, mais encore celui de la force ca-
chée ou de la ruse. 11 est permis d'induire en erreur
ceux qu'il est permis de tuer. Ruse et stratagème sont
iiidiU'érents de leur nature : tout dépend du but auquel
on les fait servir. Le but de .luditli, inspirée de Dieu,
42 SEPTIEME JOLR.
kii, soyez sûre qu'il vous traitera bien et
que vous lui gagnerez le cœur. » Ils la con-
duisirent donc à la tente d'Holoferne et
l'annoncèrent. Holoferne l'eut à peine
vue, qu'il fut pris par ses yeux. Il était assis
sous son pavillon, dont les draperies étaient
de pourpre, brodées d'or relevé d'émerau-
cles et de pierres précieuses. Judith, ayant
jeté les yeux sur son visage, se prosterna
devant lui. Les gens d'Holoferne s'empressè-
rent de la relever par l'ordre de leur maître.
V
Alors Holoferne lui dit ; « Ayez bon cou-
rage ; bannissez de votre cœur toute crainte.
Mais dites-moi d'oii vient que vous avez
quitté votre peuple et que vous vous êtes
résolue de venir vers nous? » Judith lui
répondit : Accueillez les paroles de votre ser-
vante, parce que, si vous suivez les avis de
votre servante, Dieu achèvera d'accomplir à
votre égard ce qu'il a résolu. La puissance
étant bon, ses paroles comme sa parure n'ont rien que
de louable. C'est une ruse de guerre, voilà tout. Voir
('orn. a Lap., /// Judith, c. xii.
JUDITH SUKT ME BEIUUDE. 4"'
de Nabuchodonosor, roi de la terre, est en
vous, pour châtier tous ceux qui lui résis-
tent. La sagesse de votre esprit est célèbre
parmi toutes les nations, et on ne parle dans
tout le pays que de votre habileté dans la
guerre.
« On n'ignore pas non plus ce que vous a
dit Achior et de quelle manière vous avez
commandé qu'il fût traité. Les Israélites sa-
vent qu'ils ont ofiensé leur Dieu, et la terreur
de vos armes les a saisis. Ils sont de plus
désolés par la famine, et on peut déjà les
tenir pour morts par la soif qui les brûle.
Ils ont même résolu de tuer leurs bestiaux
pour boire leur sang, et de manger les cho-
ses consacrées à Dieu, auxquelles il ne leur
est pas permis de toucher. Puisqu'ils se con-
duisent de telle sorte, il est certain qu'ils
vous seront livrés. Ce que moi, votre ser-
vante, connaissant, je me suis enfuie d'avec
eux pour vous annoncer toutes ces choses. »
Tout ce discours plut à Holoferne et
à ses officiers. Ils admiraient la sagesse de
Judith et se disaient l'un à l'autre : « Il n'y
a point dans toute la terre de femme sembla-
A4 SEPTIEME JOUR.
ble à celle-ci pour la beauté du visage ou
pour la sagesse des paroles. »
Réflexion. — Béthulie est aux abois. Les ha-
bitants ont adressé directement leurs prières
au Seigneur, Aucun secours ne leur est ar-
rivé. AbattuS; découragés, ils ont résolu de
se rendre à leurs ennemis. Ils avaient oublié
de recourir à celle, par qui Dieu voulait les
sauver. Mais Judith avait vu leurs angoisses.
Sans être priée et n'écoutant que son amour
pour son peuple, elle se dévoue afin de le
sauver.
Les nations d'aujourd'hui, les provinces,
les villes, les villages, les familles même, sont
comme autant de villes assiégées par d'im-
placables ennemis. Le mal gagne de plus en
plus. Le découragement s'empare des âmes,
et, dans une espèce d'indifférence et de stu-
peur, on se résigne à ce qui doit arriver.
Que reste- t-il ? Prier, prier beaucoup et
nous souvenir que nous avons aussi une
Judith, choisie de Dieu pour sauver le monde.
Tous les siècles ont admiré le dévouement
de la jeune veuve de Béthuhe : c'est ici sur-
tout qu'elle est la figure de la sainte Vierge.
JCLlTll SORT DK BÉTUULIli. î5
Plus admirable est le dévouement de Marie.
Pour sauver le genre humain, elle a exposé
plus que sa vie, elle a donné celle de son fils.
Mais aussi sa médiation auprès de Dieu est
devenue toute-puissante. Cette médiation est
notre dernier espoir. Puisque, par la grâce
de Dieu, le bon dix-neuvième siècle l'a com-
pris, il lient en ses mains le gage de son
salut.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Prusse.
Pratique. — Assister ;\ la messe pendant la
semaine.
VIIF JOUR.
Judith dans la tente d'Holoferne.
I
Alors Holoferne commanda qu'on fit en-
trer Judith dans la tente, où étaient ses tré-
sors et qu'elle y demeurât. « Yous serez
nourrie, ajouta-t-il, des mets de ma table. »
Judith lui répondit : « Je ne pourrai pas
manger des choses que vous ordonnez qu'on
me donne, parce que j'offenserais mon Dieu.
Je mangerai de ce que j'ai apporté avec moi. »
Grande leçon ! qui condamne hautement les
esclaves du respect humain.
II
Holoferne repartit : « Si ce que vous avez
apporté avec vous vient à manquer : que fe-
rons-nous ? » Judith lui répUqua : « J'en jure
par votre vie, mon seigtieur, avant que votre
JUUITU DA^!5 l.A ÏEiME u'uOLOFElt.NK. 47
servante ait consommé tout ce qu'elle a ap-
porté, Dieu fera par ma main ce qu'il m'a
inspiré. » Holoferne n'insista pas davantage;
et ses serviteurs conduisirent Judith dans la
tente qui lui était assignée. Elle demanda,
en y entrant, la liberté de sortir la nuit et
avant le jour, pour aller faire sa prière, et
invoquer le Seigneur. C'était la coutume des
Juifs de réciter certaines prières, deux fois
par jour, le matin à la pointe du jour, et le
soir à l'apparition des étoiles. On voit que les
prières du soir et du matin sont une loi de
l'humanité.
lU
En demandant cette permission, Judith
avait un double but. Elle voulait, d'abord,
dans les graves circonstances où elle se trou-
vait, observer exactement ses devoirs envers
Dieu, afin de s'assurer sa protection. Elle
voulait de plus se ménager la liberté de sor-
tir du camp, sans exciter de soupçons, lors-
qu'elle le jugerait convenable. Holoferne
accueillit sa demande et commanda aux
huissiers de sa chambre de la laisser entrer
4
'•8 HUITIEME JOUR.
et sortir, selon qu'elle le voudrait, pendant
trois jours, pour adorer son Dieu. Elle sortit
donc toutes les nuits, dans la vallée de Bé-
thulie, et s'y lavait. C'était , sans doute,
afin de se purifier des souillures légales
qu'elle pouvait contracter au milieu des
Gentils. La fontaine existe encore, et les pè-
lerins de terre sainte ne manquent pas de la
visiter (1).
lY
Après s'être lavée, Judith priait le Seigneur
Dieu d'Israël, de la conduire dans le dessein
qu'elle avait prémédité pour la délivrance
de son peuple. Commun aux Juifs et aux
premiers chrétiens, l'usage de se laver avant
de prier est encore observé par le prêtre qui
se prépare à monter à l'autel. La netteté du
corps rappelle la pureté d'âme qu'il faut ap-
porter dans les communications avec Dieu.
Rentrée dans sa tente, Judith y restait jus-
qu'à ce qu'elle prît sa nourriture, vers le soir.
Ainsi, elle jeûnait tous les jours. La prière
(1) .Vdriclioni.. i/i BethuUa.
JUDITH DANS LA TENTE D'HOLOFERNE. 49
et le jeûne étaient les deux armes dont elle
se munissait pour conserver sa vertu et pour
délivrer son peuple.
l.e quatrième jour après l'arrivée de Ju-
dith, Holofernc donna un grand festin à ses
principaux officiers : Judith y fut invitée.
« Bonne jeune fille, lui dit l'envoyé chargé
de l'invitation, ne craignez pas d'entrer
chez mon seigneur. Il veut vous honorer en
vous faisant manger avec lui et boire du vin
dans la joie. » Judith répondit : «Qui suis-je,
moi, pour m'opposer à la volonté de mon
seigneur. Je ferai ce qu'il trouvera bon el
qui lui paraîtra le meilleur. »
VI
Elle se se leva ensuite, se para de ses orne-
ments, et, étant entrée dans la tente d'Holo-
ferne, elle parut devant lui. Holoferne, en la
voyant, fut frappé au cœur. Le festin com-
mença et se prolongea fort avant dans la
nuit. « Buvez, disait Holoferne à Judith,
£0 HUITIEME JOUR.
mangez avec joie, parce que vous avez trouvô
grâce devant moi. » Judith répondait : « Je
boirai, mon seigneur, parce que je reçois
aujourd'hui le plus grand honneur que j'aie
reçu de ma vie. » Cependant elle ne toucha
ni aux mets ni au vin qui lui étaient offerts ;
mais elle prit ce que sa suivante lui avait
préparé, et elle mangea et but devant lui.
ïïoloferne, transporté de joie, but ce soir-là
plus de vin qu'il n'en avait bu en aucun jour
de sa vie.
Réflexion. — Judith, dans la tente d'Holo-
ferne, c'était la brebis dans l'antre du lion.
L'histoire n'offre pas de position plus déli-
cate et plus périlleuse. Dans ses paroles et
dans ses démarches, quelle prudence il fal-
lait à Judith pour ne rien laisser soupçonner
de son dessein ! Afin de se défendre des atta-
ques livrées à sa vertu, quel besoin elle avait
d'une force toute divine ! C'est dans son
union intime avec Dieu, qu'elle puisa l'une
et l'autre. Ici, comme ailleurs, elle était la
ligure de la sainte Vierge.
Retirée tour à tour dans le temple de Jé-
rusalem ou dans sa maison de Nazareth, Ma-
.llDITn DANS LA TENTE D'hOLOFERNE. 5 1
rie prépara, par ses longues austérités et par
ses prières incessantes, la victoire qu'elle
devait remporter sur le démon. Non moins
difficile que celle de Judith, est la position
de l'Église au milieu du monde, devenu
pour elle une nouvelle tente d'Holoferne.
Comme ceux de Béthulie, les deux plus re-
doutables ennemis de l'Église et des nations
du dix-neuvième siècle, sont les démons de
l'orgueil et de la volupté. Voulons-nous les
vaincre? recourons aux armes de Judith et
de Marie. Ce genre de démons, dit Notre -
Seigneur, ne peut être chassé que par la
prière et le jeûne.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple, ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Pologne.
Pratique. — Jeûner le samedi, ou, du
moins, faire chaque jour une mortification.
IX' JOUR.
Judith coupe la tête d'Holoferne.
I
Vers le milieu de la nuit, les officiers d'Ho-
loferne, dans un état complet d'ivresse, se
retirèrent, comme ils purent, chacun dans
sa tente. Les gens de service, qui de leur côté
s'étaient permis de larges libations, se trou-
vaient accablés de sommeil, en sorte qu'il
ne resta personne pour veiller auprès du
général. Un des huissiers, Yagao, ferma la
porte de la tente dans laquelle Judith se
trouvait seule avec Holoferne, et s'empressa,
pour les mêmes raisons que les autres, de
gagner sa demeure. Quant à Holoferne, plus
ivre que personne, on l'avait transporté sur
son lit, où, dans un sommeil de plomb, il
digérait le vin qu'il avait bu avec excès.
JUDITH COUPE LA TETE D nOLOFERNE. 53
II
Judith, se voyant seule, entr'ouvrit la porte
de la tente et dit à sa suivante de se tenir
dehors devant la tente et d'y faire le guet.
Pour elle, debout devant le lit, elle priait
avec larmes, et, remuant les lèvres en si-
lence, elle disait : « Seigneur Dieu d'Israël,
fortifiez-moi, et favorisez en ce moment l'ou-
vrage de mes mains, afin que, selon votre
promesse, vous releviez Jérusalem, votre
ville, et que j'achève ce que j'ai cru pouvoir
se faire par votre assistance. » On voit qu'en
tout cela Judith agissait par l'inspiration di-
vine.
m
Sa prière finie, elle s'approcha doucement
de la colonne qui était au chevet du lit d'Ho-
loferne et délia le cimeterre qui y était atta-
ché. L'ayant tiré du fourreau, elle prit Holo-
ferne par la chevelure, et dit : « Seigneur
Dieu, fortifiez-moi à cette heure. » En même
temps, elle le frappa deux fois sur le cou et
;i NEUVIEME JOUR.
lui abattit la tète. Ensuite, elle détacha des
colonnes du lit une draperie, dans laquelle
elle enveloppa la tête d'Holoferne, dont elle
fit rouler le corps sur le pavé. Après avoir
pris le temps de respirer, elle sortit, et donna
à sa suivante la tête d'Holoferne. en lui di-
sant de la mettre dans son sac.
IV
Toutes deux s'éloignèrent aussitôt, selon
leur coutume, comme pour aller prier. Elles
traversèrent le camp, et, tournant le long de
la vallée, elles arrivèrent, avant le jour, à la
porte de la ville. Alors Judith dit aux senti-
nelles : « Ouvrez les portes, le Seigneur est
avec nous ; il a signalé sa puissance en faveur
d'Israël. » Les sentinelles, ayant reconnu sa
voix, appelèrent les anciens du peuple. La
porte fut ouverte : toute la ville fut bientôt
sur pied. Non-seulement les anciens, mais
tous les habitants, depuis le plus petit jus-
qu'au plus grand, accoururent auprès de Ju-
dith. Ils n'espéraient plus la revoir. Son re-
tour inopiné, à pareille heure, la curiosité.
jcuiTii corpn la ikte h iioloferne. 53
la crainte, l'espérance les remplissaient d'in-
quiétude.
V
Ils allumèrent des ilambeaux et se pres-
sèrent autour de Judith. La jeune et modeste
héroïne monta sur un lieu élevé, commanda
le silence, et, tous s'étant tus, elle dit :
« Louez le Seigneur notre Dieu qui n'a point
abandonné ceux qui espéraient en lui. 11 a,
par moi, sa servante, accompli sa miséri-
corde, comme il l'avait promise à la maison
d'Israël : par ma main, il a tué cette nuit
l'ennemi de son peuple. » Et. tirant de son
sac la tête d'Holofcrne, elle la leur montra,
(lisant : « Voici la télé d'Holofeme, général
de l'armée des Assyriens; et voici le pavillon
sous lequel il était couché dans son ivresse,
et où le Seigneur notre Dieu l'a frappé par
la main d'une femme.
<( Vive le Seigneur, parc^e que son ange m'a
gardée, lorsque je suis sortie d'ici, tant que
je suis demeurée Là et lorsque je suis reve-
nue. Le Seigneur n'a point permis que sa
sen-ante fût souillée ; mais il m'a ramonée
5G NEUVIEME JOUR,
auprès de vous sans aucune tache de péché,
joyeuse de sa victoire, joyeuse de mon éva-
sion et joyeuse de votre délivrance. Rendez-
lui tous des actions de grâces, parce qu'il est
bon et que sa miséricorde s'étend à tous les
siècles, »
Réflexion. — Plus nous avançons, plus la res-
semblance entre Judith et la sainte Vierge
devient frappante. Holoferne est la figure du
démon. Judith lui coupe la tête. Marie, la
véritable Judith, écrase la tête, non plus du
représentant du démon, mais du démon lui-
même, Holoferne est la terreur de l'Orient.
Au milieu de ses victoires, une sorte de duel
s'établit entre lui et une simple femme ; et,
comme en se jouant, cette femme lui coupe
la tète avec son propre glaive. A cette pre-
mière victoire, Judith en ajoute une autre.
Au milieu de ce camp d'impudiques, elle
conserve toute sa vertu, et revient triom-
phante, chargée des dépouilles de ses enne-
mis.
Un combat singulier entre Marie et le dé '
mon dure depuis le commencement du
monde; et Marie, toute seule, a terrassé, elle
JL'DITU COUPE LA TÈTE u'uOLOFERNE. S 7
terrasse encore, elle terrassera toujours, le
démon et ses légions innombrables. Dans
cette lutte à outrance, Marie non-seule-
ment a conservé intacte sa virginité, mais
encore elle la conserve dans ces multitudes
de \1erges de tous les pays et de tous les
siècles, glorieux trophée de sa victoire et
ornement incomparable de l'Église. Si donc
aujourd'hui nous sommes environnés d'Ho-
lofernes, à la tête de nombreuses armées,
ne craignons pas. La vraie Judith est avec
nous. Supplions-la, comme il convient, de
faire en faveur des nations ce que l'ancienne
Judith fit en faveur de son peuple, et nous
verrons des miracles.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Russie.
Pratique, — Réciter chaque jour le Souve-
nez-vous.
X" JOUR.
Judith de retour à Béthulie.
I
Aux paroles de Judith, tous se prosternè-
rent le visage contre terre, adorèrent le Sei-
gneur et dirent à Judith : « Le Seigneur vous
a bénie dans sa force ; par vous il a anéanti
nos ennemis. »
Puis, Ozias, le chef du peuple, se levant,
ajouta : « Vous êtes bénie du Seigneur, le
Dieu Très-Haut, plus que toutes les femmes
de la terre. Béni soit le Seigneur qui a con-
duit votre main, pour frapper le chef de
nos ennemis. 11 a rendu aujourd'hui votre
nom si célèbre, que vos louanges ne cesse-
ront jamais sur les lèvres des hommes qui
se souviendront de la puissance du Seigneur.
Ils vous loueront éternellement, parce que
vous n'avez pas craint d'exposer votre vie, en
voyant l'extrême affliction de votre peuple
et qu'avec l'aide de notre Dieu vous l'avez
JUDITH DE RETOUR A BÉTUULIE. 5 9
sauvé de la ruine. » Tout le peuple, ivre de
joie, répondit : <( Amen, amen, n
II
Holoferne était mort ; personne n'en dou-
tait. Néanmoins, comme aucun Israélite n'a-
vait vu de près le général des Assyriens, Ju-
dith voulut qu'on appelât Achior, afin qu'il
reconnût la tète d'Holoferne. Quand il fut en
sa présence, Judith lui dit : « Le Dieu d'Israël
à qui vous avez rendu témoignage, en décla-
rant qu'il a le pouvoir de se venger de ses
ennemis, a coupé lui-même, cette nuit, par
ma main, la tète du chef de tous les infidèles.
et pour que vous soyez convaincu que cela
est vrai, voicila tête d'Holoferne! Reconnais-
sez celui qui, dans l'insolence de son orgueil,
méprisait le Dieu d'Israël, et menaçait de
vous faire mourir, disant : Lorsque le peuple
d'Israël sera vaincu, je te ferai passer au fil
de l'épée. )>
III
Achior, voyant la tête d'Holoferne. fut saisi
d'effroi : il tomba la face contre terre et de-
60 DIXIEME JOUR.
meura quelque temps en proie à la plus vive
agitation. L'incroyable victoire, dont il avait
la preuve sous les yeux, lui causait une sorte
de stupeur. A la crainte de la mort dont il
était personnellement menacé, succédait la
confiance; à la tristesse, la joie; à l'inquié-
Uide, l'admiration, et, avec toutes ces impres-
sions entrait dans son âme la foi au Dieu
d'Israël, dont il allait devenir le fervent ado-
rateur. Revenu à lui, il se prosterna aux pieds
de Judith : « Vous êtes, lui dit-il, la bénie
de votre Dieu, dans tout l'héritage de Jacob;
parce que le Dieu d'Israël sera glorifié en
vous, parmi tous les peuples auxquels par-
viendra votre nom. »
IV
SaiTs plus larder, Judith dit à tout le
peuple : « Écoutez-moi, mes frères, suspen-
dez cette tète au haut de nos murailles. Et.
aussitôt que le soleil sera levé, que chacun
prenne ses armes, et sortez tous avec grand
bruit, non pour descendre jusqu'aux enne-
mis, mais comme vous disposant à les atta-
JUblTd DE RETOUK A BETULLIE. 61
qucr. Il faudra nécessairement que les postes
.ivanccs prennent la fuite, et s'en aillent éveil-
ler leur général pour le combat. Lorsque
leurs généraux auront couru à la tente d'Ho-
loferne, et qu'ils n'y auront trouvé qu'un
corps sans tète, nageant dans son sang, la
frayeur les saisira. Le trouble se mettra dans
l'armée et vous choisirez ce moment pour
marcher hardiment contre eux. parce que le
Seigneur les foulera sous vos pieds, d
Rien de plus sage que le conseil de Judith.
Descendre dans la plaine et vouloir se me-
surer avec la puissante armée des Assyriens,
avant que lamortd'Holoferne eîit été connue,
c'était pour les habitants deBéthulie, relati-
vement peu nombreux et affaiblis par la faim
et par la soif, courir à une défaite certaine.
D'un autre côté, laisser passer le premier
moment de stupeur et d'effroi causé dans le
camp ennemi, par la mort d'Holoferne, c'é-
tait donner aux Assyriens le temps de se re-
connaître, de nommer immédiatement un
62 DIXIÈME JOUR.
nouveau général et de pousser le siège de Bé-
thulie, avec une ardeur surexcitée par le dé-
sir de la vengeance.
\l
Achior admira la sagesse de Judith et,
voyant le prodige que leDieu d'Israël avait fait
en faveur de son peuple, il abandonna le culte
des idoles, crut en Dieu et fut incorporé au
peuple d'Israël, ainsi que toute sa race jus-
(ju'à ccjour.
Héflexiun. — La reconnaissance est le pre-
mier sentiment des habitants deBéthulie pour
leur libératrice. C'est avec juste raison. Tous,
honunes, femmes, enfants, riches et pauvres
qui, hier encore, s'attendaient à mourir, se
voient aujourd'hui assurés de consever leurs
biens, leur liberté et leur vie. Telle doit être
notre conduite à l'égard de la sainte Vierge.
(Jui de nous, dans le cours de sa vie, n'a pas
dû à la céleste Judith d'être délivré de quel-
({ue Holoferne ? disons-lui donc dans l'effu-
sion de notre cœur : Tous êtes bénie entre
toutes les femmes : puisse notre reconnais-
sance égaler vos bienfaits!
.lUDITn DE RETOUR A BÉTHULIE. 63
A un courage héroïque Judith joint une
prudence consommée. Elle empêche sou
peuple de compromettre sa victoire, en se
jetant imprudemment au milieu des infidèles.
Précieuse leçon que nous donne Marie d'éviter
les occasions du péché : notre témérité nous
ferait perdre le fruit de sa protection. Trai-
tons plutôt Achior. Pénétré de reconnais-
sance pour Judith et ravi d'admiration pour
son courage et pour sa sagesse, il abandonne
le culte des idoles et adore le Dieu d'Israël.
Renonçons comme lui aux idoles, grandes ou
petites, que nous adorons peut-être encore, et
gardons désormais notre culte, nos pensées,
nos affections et nos oeuvres j)our le seul Dieu
vivant et véritable.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, pi'iez pour
la Suède.
Pi'ntiqiif. Faire une aumône.
XP JOUR.
Le camp d'Holoferne.
I
Aussitôt que le jour parut, les habitants
de Béthulie, dociles aux conseils de Judith ,
suspendirent à leurs remparts la tête d'Ho-
loferne. Chacun prit ses armes, et tous sorti-
rent de la ville en faisant le plus de bruit
possible et en poussant de grands cris. Les
avant-postes des Assyriens se replièrent sur
le camp, où ils donnèrent l'alarme. Les offi-
ciers coururent à la tente d'Holoferne pour
prendre ses ordres; mais ils la trouvèrent
fermée.
II
Il était de règle que personne ne devait ni
frapper à la porte, ni entrer dans la tente du
général. Ils prirent donc le parti de faire du
bruit, afin de le tirer de son sommeil; mais
LE CAMP D'IIOLOFERNE. 6 5
aucun mouvement no se remarquait dans
l'intérieur de la tente. Comme le temps pres-
sait et que tous les officiers supérieurs arri-
vaient successivement, on prit le parti de
forcer la consigne. Quelques généraux dirent
aux chambellans : « Entrez et éveillez-le ,
parce que les rats sont sortis de leurs trous
et osent nous défier au combat. » C'est par
ce terme de mépris qu'ils désignaient les ha-
bitants de Béthulie.
III
Alors le premier chambellan , Vagao , ou-
vrit la porte, mais n'osa pénétrer dans l'in-
térieur de la tente. Debout entre la porte et
la draperie qui la séparait de la chambre
proprement dite , il frappa dans ses mains ,
croyant qu'Holoferne , appesanti par le vin ,
continuait do dormir d'un profond sommeil:
silence absolu. 11 frappe de nouveau , proto
l'oreille; mais, n'entendant ni mouvement
ni respiration, il s'avance , détourne la dra-
jjerie et voit le corps d'Holoferne , étendu
par terre , sans tète et baigné dans son sang.
66 ONZIEME JOUR.
lY
A cette vue, il pousse un cri lamentable
et déchire ses vêtements. Puis, il entre dans
la tente de Judith, et, ne l'ayant pas trouvée,
il sort et dit à tous les officiers : « Une seule
femme juive a mis la confusion dans la mai-
son de Nabuchodonosor : Holoferne est
étendu par terre, et sa tète n'est plus avec
son corps. » Les chefs de l'armée ayant en-
tendu ces paroles déchirèrent leurs vête-
ments. Une frayeur intolérable les saisit; leur
tête se troubla et tout le camp retentit de cris
effroyables.
V
La nouvelle de la mort d'Holoferne parvint
bientôt jusqu'aux derniers rangs de l'armée.
Officiers et soldats étaient dans la consterna-
tion et ne savaient quel parti prendre. Dans
cette indécision, il faut reconnaître un effet
de la justice de Dieu. Autrement, qui aurait
empêché les Assyriens de se choisir immé-
diatement un autre chef pour continuer le
LE CAMP D nOLOFERNE. t'-T
siège? Comment expliquer qu'une armée de
cent soixante -dix mille hommes se trouve
tout à coup saisie d'une panique universelle
et irrémédiable, en présence d'ennemis peu
nombreux et jusque-là objet de leurs risées?
Mais le Dieu qui résiste aux superbes voulut
humilier l'orgueil des Assyriens, comme il
avait humilié celui des Madianites, en met-
tant en fuite leur immense multitude, aux
cris de trois cents soldats de Gédéon, armés
de trompettes et de flambeaux cachés dans
des vases de terre.
VI
Hors d'eux-mêmes, les Assyriens, poussés
par la frayeur dont ils étaient saisis, ne pen-
saient qu'à fuir, il en résulta bientôt un
tumulte effroyable. Nul ne parlait à son ca-
marade; tous, baissant la tète, abandonnaient
leurs armes et leurs bagages, et se hâtaient
de courir pour échapper aux Hébreux, dont
ils entendaient les cris et dont ils voyaient
les guerriers descendre de la montagne, les
armes à la main, pour fondre sur eux. La
déroute fut complète. Du haut de leurs murs
68 ONZIÈME JOUR.
les habitants de Béthulie virent leurs ennemis
cherchant leur salut dans la fuite , prendre à
l'aventure les chemins de la plaine et les sen-
tiers des collines, sans savoir où ils allaient .
Bôflexïon. — A la nouvelle de la mort
d'Holoforne, à la vue de sa tête suspendue
aux murs de Béthulie , les Assyriens sont
frappés de stupeur. Reconnaissant que leur
défaite est l'œuvre d'une femme , d'une
femme seule, ils poussent des cris déchi-
rants. La honte sur le front et la rage dans le
cœur, mais rage impuissante, ils prennent la
fuite, chacun de son côté. Le même specta-
cle est donné au monde toutes les fois que
la sainte Vierge remporte une victoire sur le
démon. En voyant leur chef vaincu par la
divine Judith, les impies poussent des cris
de fureur et vomissent des blasphèmes.
Lorsqu'il y a quelques années, la procla-
mation du dogme de l'Immaculée Concep-
tion fit tomber, sur la tête de Satan, l'éclat de
la foudre qui devait l'écraser, du sein de son
armée s'élevèrent non plus des cris, mais des
hurlements. Que la haine des méchants con-
tre la sainte Vierge soit la mesure de notre
LE CAMP D'hOLOFERNE. 69
amour pour elle ; leur frayeur, la mesure de
notre confiance et de notre fidélité. Enfants
de Marie, cachons-nous dans le sein de notre
divine Mère, et, quels que soient le nombre et
la malice de nos ennemis, il ne tombera pas
un cheveu de notre tête sans sa permission.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple; ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
les nations hérétiques.
Pratique. — Faire le chemin de la croix.
XÎI" JOUR.
Déroute des Assyriens.
I
Les Israélites, voyant les Assyriens prendre
la fuite, descendirent de leur montagne el
les poursuivirent l'épée à la main , sonnant
des trompettes et poussant de grands cris
après eux. Leur apparition mit le comble à
la confusion dans le camp d'Holoferne. Plus
de rangs gardés, plus d'ordres entendus, plus
de discipline. Chacun se hâtait de fuir où il
pouvait. Ce n'était pas une retraite, c'était
une déroute.
Il
Comme les Assyriens ne marchaient point
en corps, tandis que les soldats de Béthulie
s'avançaient par masses et en bon ordre , ils
taillaient facilement en pièces tout ce qu'ils
rencontraient. Afin que la victoire fût com-
DEROUTE PES ASSYhîENS. 7 1
plète, Ozias s'empressa de faire porter la
nouvelle de ce qui se passait à Béthulie , dans
toutes les villes et dans toutes les provinces
d'Israël. Chaque ville, chaque province choi-
sit les plus braves de ses jeunes gens, leur lit
prendre les armes et les envoya à la poursuite
des Assyriens. En peu de temps, il se forma
une armée considérable et pleine d'ardeur,
quipoursuivit les Assyriens jusqu'aux derniers
confins de la Palestine, passant au til do l'é-
pée tout ce qu'elle trouvait.
III
Pendant que les troupes d'Israël donnaient
la chasse aux Assyriens , les habitants de
Béthulie vinrent dans leur camp abandonné.
Ils y trouvèrent un immense butin : des
étoffes précieuses , de l'or et de l'argent, de
quoi enrichir des provinces entières. Sans
cesse on les voyait descendre la montagne et
la remonter, chargés de ces riches dé-
pouilles.
72 DOUZIEME .lOl'R.
IV
De leur côté, les soldats vainqueurs revin-
rent à Béthulie, amenant avec eux tout ce
qui avait été aux Assyriens , d'immenses
troupeaux , leurs bagages , leurs équipages,
leurs trésors, en sorte que tous s'enrichirent,
depuis le plus petit jusqu'au plus grand.
Trente jours suffirent à peine au peuple d'Is-
raël, pour recueillir les dépouilles de l'armée
d'Holoferne. Tout ce qu'on put reconnaître
qui avait appartenu à Holoferne en or, en
argent, en étoffes, en pierreries et en toute
sorte de meubles , fut donné à Judith par le
peuple.
Le grand prêtre Éliachim vint de Jérusa-
lem avec tous les anciens pour voir Judith.
Ces vieillards , au nombre de soixante-dix ,
composaient le Sanhédrin, ou sénat des Juifs.
C'est tout ce qu'il y avait de plus vénérable
dans la nation. Par respect pour le Dieu d'Is-
raël dont il élait le représentant, Judith alla
DÉROUTE DKS ASSYRIENS. 7:1
au-devant du grand prêtre et se prosterna à
ses pieds. Éliachim et les vieillards la béni-
rent tout d'une voix, disant : « Vous êtes la
gloire de Jérusalem, la joie d'Israël, l'hon-
neur de notre peuple. Vous avez agi avec
un courage incomparable, et votre cœur s'est
affermi parce que vous avez aimé la chasteté.
(Vest pour cela que la main du Seigneur
vous a fortifiée, et vous serez bénie éternelle-
ment. » Tout le peuple répondit : « Il en sera
ainsi , il en sera ainsi. »
VI
Rien de plus vrai et par conséquent de plus
beau que les paroles du grand prêtre à Ju-
dith. Vous êtes la gloire de Jérusalem. La vic-
toire quevous avez remportée fait briller, aux
yeux de toutes les nations, la protection mi-
raculeuse dont le Seigneur environne la ville
sainte et lui procure une gloire qui éclipse
toutes les autres. Vous êtes la joie d'Israël.
Abîmé dans la tristesse et h. demi mort de
frayeur, vous lui avez rendu la vie. Vous êtes
l'honneur de votre peuple. Nul autre n'a ja-
7 4 DOUZIEME JOUR.
mais eu une pareille libératrice. Quand elles
apprendront ce que vous avez fait , les na-
tions les plus reculées de la terre seront dans
la stupéfaction et s'écrieront : Quelles femmes
il y a parmi les Juifs!
VII
La présence du grand prêtre et des anciens
de la nation mit le comble à l'allégresse pu-
blique. Tous ensemble, hommes, femmes,
jeunes filles et jeunes gens étaient dans des
transports de joie, qu'ils faisaient éclater au
son des harpes et des instruments de mu-
sique.
Réflexion. — Judith devient la figure de
plus en plus transparente de la sainte Vierge.
A Judith fut réservée la gloire de sauver la
nation sainte, en coupant la tête d'Holoferne.
A Marie, et à Marie seule, a été donné le
pouvoir de sauver l'Église en écrasant la tête
du serpent. A cause de sa victoire, Judith fut
proclamée par le grand prêtre la gloire de
Jérusalem , la joie d'Israël , l'honneur de son
peuple. A cause de ses victoires, Marie est
DEROLTK DES ASSYRIENS. 7 3
proclamée par tous les siècles, la gloire, la
joie, l'honneur de l'Église et du monde.
Judith dut sa victoire à sa chasteté. Marie
doit les siennes à sa pureté sans tache. Parce
qu'elle a été la plus pure des vierges, Marie
est devenue la mère toute puissante du Dieu
tout puissant. Nous mêmes voulons-nous être
puissants contre nos ennemis, soyons purs.
L'empire que nous avons sur nous est la me-
sure de celui que nous avons sur les autres.
Invncatiom. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Turquie.
Pratique. — Mortification de la vue.
XIIP JOUR.
Cantique de Judith.
I
Au milieu de l'enthousiasme universel,
Judith gardait un modeste silence. Tout ù
coup l'Esprit du Seigneur tombe sur elle et
lui inspire un des plus beaux chants que l'o-
reille humaine ait jamais entendus. Le Dieu
qui avait armé son bras voulut lui-même
célébrer sa victoire.
II
Judith commence : u Chantez au Seigneur,
au son des tambours et au bruit des cym-
bales. Modulez de nouveaux accords : exaltez
et invoquez son nom. » A peine tombée des
lèvres de la jeune prophétesse, chaque pa-
role de cet inimitable cantique est répétée
dar tout le peuple, au bruit de mille instru-
ments de musique. L'enthousiasme va crois-
CANTIQUr: DE .TUDITII. 7 7
sant et arrive, on le conçoit, jusqu'il une
sorte de délire.
III
Judith continue : « Le Seigneur met les
armées en poudre : Jéhova est son nom .
« Il a placé son camp au milieu de son
peuple, afin de nous arracher aux mains de
nos ennemis.
u Assur est venu des montagnes de l'Aqui-
lon, dans la puissance de sa force. Leur mul-
titude desséchait les torrents : leurs chevaux
couvraient les vallées.
« Il disait qu'il hrûlerait mes campagnes
et égorgerait mes jeunes gens; que mes
enfants deviendraient sa proie, et mes vierges
ses captives.
« Mais le Tout-Puissant l'a frappé : il l'a
livré entre les mains d'une l'emme et il l'a
tué.
IV
« Ce ne sont ni de jeunes guerriers, ni des
hommes forts, ni des géants qui ont ter-
rassé leur colosse : c'est Judith, fille de Mé-
78 TREIZIÈME JOUR.
rari, qui l'a vaincu par la beauté de son vi-
sage.
« Elle a quitté ses habits de veuve ; elle
s'est parée des ornements de sa joie, afin de
procurer le triomphe des enfants d'Israël.
<( Elle a rehaussé avec un parfum les cou-
leurs de son visage; elle s'est fait de ses che-
veux une élégante coiffure, surmontée d'un
diadème; elle a mis une robe brillante, afin
de le séduire.
« L'éclat de sa chaussure l'a ébloui ; sa
beauté a captivé son âme : elle lui a coupé
la tète avec sa propre dague.
« Les Perses ont été épouvantés de ma con-
stance ; et les Mèdes de mon audace.
(c L'armée des Assyriens a poussé des hur-
lements, quand ont paru les miens, affaiblis
et mourants de soif.
(( Les fils des jeunes femmes les ont per-
cés de coups, et les ont tués comme des en-
fants qui s'enfuient. Ils ont péri dans le com-
bat, devant la face de Jéhova, mon Dieu.
CANTIQUE DE JUDITH. 79
n Chaulons un hymne au Seigneur; un
hymne nouveau à la gloire de notre Dieu.
VI
«( Jéhova, mon Dieu, vous êtes grand : la
puissance est votre gloire : nul ne peut vous
résister.
a Que toute créature vous obéisse : vous
avez dit, et tout a été fait. Au souffle de vo-
ire bouche, toutes choses sont sorties du
néant : nul ne résiste à votre voix.
«(Vous les regardez, et les montagnes sont
ébranlées dans leurs fondements, et les
océans jusque dans leurs profondeurs, et les
pierres se fondent comme la cire.
« Mais ceux qui vous craignent, Seigneur,
seront toujours grands devant vous.
(( Malheur à la nation qui s'élèvera contre
mon peuple. Jéhova le Tout-Puissant se ven-
gera d'elle, et la visitera lorsque l'heure sera
Venue.
« Il enverra dans leur chair le feu el le>
vers, afin qu'ils brûlent et qu'ils soulfrenl
éternellement. »
8 0 TKEIZIEME JOUR.
Réflexion. — Judith a remporté la plus
brillante victoire . Son courage est sans exem-
ple. Son nom béni est dans toutes les bou-
ches. 11 vivra de génération en génération
jusqu'à la fin du monde. Néanmoins, tou-
jours humble, Judithne s'attribue rien à elle-
même. Au Seigneur elle renvoie toute la
gloire de son entreprise. A sa louange elle
entonne un cantique d'action de grâces et
veut que tout le peuple le répète avec
elle.
Ici, comme partout, Judith n'est-elle pas
la figure de Marie? Sa cousine Elisabeth la
proclame Mère de Dieu et bénie entre toutes
les femmes. Que fait la sainte Vierge? Comme
Judith, elle est sourde à toutes les louanges
qui lui sont données, et fait remonter au Sei-
gneur toute la gloire des grandes choses qu'il a
faites en elle et par elle. En réponse à la mère
de Jean-Baptiste, la mère du Verbe incarné
entonne son sublime cantique : Magnificat ani-
ma mea Dominion. L'humilité et la re-
connaissance sont le^ vertus des grandes
âmes.
Invocations. — Epargnez, Seigneur, épar-
CANTIQUE DE JUDITH. 8 1
gnez votre peuple : ne sojtz pas toujoiii-s
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Sibérie.
Pratique. — Morlilication de l'ouïe.
XI V JOUR.
Mort de Judith.
l
Comme la victoire de Judith était la vic-
toire de toute la nation, les Israélites ne se
contentèrent pas d'en remercier le Seigneur
à Béthulie. De toutes les tribus, ils se rendi-
rent en foule à Jérusalem, afin de lui offrir,
dans son temple, Ihommage de leur recon-
naissance. Fidèles aux prescriptions du Dieu
trois fois saint, ils commencèrent par se pu-
rifier des impuretés légales, qu'ils avaient
contractées, en massacrant les Assyriens et
en touchant leurs cadavres.
II
Les purifications achevées, tous olfrireul
des holocaustes : victimes immolées et brû-
lées pour reconnaître le souverain domaine
MO HT DE JUDITH. 83
du Seigneur, sur la vie et sur la mort de tout
ce qui existe. Aux sacrifices succédèrent les
acclamations du peuple et les supplications
les plus ardentes. Elles furent suivies des
promesses solennelles d'une inviolable lidé-
lité.
III
Judith elle-même était venue à Jérusalem.
Tout le peuple la dévora des yeux lorsqu'on
la vit, rayonnante de beauté et de modestie,
s'avancer vers le parvis du temple, appelé le
Parvis d'Israël. Sur de magnifiques bran-
cards étaient portés, à sa suite, toutes les
armes et toutes les dépouilles d'Holoferne,
dont les habitants deBéthulie lui avaient fait
hommage, ainsi que le pavillon de son lit,
qu'elle-même avait emporté. Par la main des
|)rètres, Judith offrit tous ces objets au Sei-
gneur, en anathème de l'oubli, in anathema
ohlivionis. Cette expression signifie que ces
trophées'devaient rester dansle temple, comme
un monument éternel de la victoire de Ju-
dith, et comme une malédiction ou un ana-
thème contre Israël, si jamais il venait à ou-
6
8 4 QUATORZIÈME JÛL'K.
blier la protection miraculeuse dont le
Seigneur l'avait favorisé.
IV
Tout le peuple était ivre de joie, non-seu-
lement à cause du spectacle dont il était té-
moin, mais encore parce que ce spectacle
avait lieu à Jérusalem . Voir Jérusalem, la
ville sainte, voir le temple du Seigneur, uni-
que au monde et la merveille de l'univers,
voir les majestueux appareils des cérémonies
sacrées, voir les représentants des douze tri-
bus d'Israël, tous enfants d'Abraham, d'Isaac
et de Jacob, réunis par l'unité de la foi et la
fraternité des sentiments, était, on le sait,
l'ardent désir de tous les membres de la na-
tion choisie. Tel fut, dans cette circonstance,
l'enivrement de leur joie, que, pour célébrer
la victoire de Judith, cause de leur bonheur,
les réjouissances durèrent trois mois.
Ces jours écoulés, chacun retourna dans
su maison. Judith devint célèbre dans Bc-
MORT nR JIDITII. 85
thulie et la personne la plus considérée de
tout Israël. Sa chasteté égalait son courage.
Depuis la mort de Manassé, son mari, elle
vécut dans une parfaite continence. Aussi,
lorsque dans les jours de fête elle paraissait
en public, c'était toujours au milieu des res-
pects et des acclamations de tout le peuple.
Avant de mourir, elle donna la liberté à la
courageuse suivante qui l'avait accompa-
gnée dans le camp d'Holoferne. N'ayant pas
d'enfants, elle partagea sa grande fortune entre
ses parents et les parents de son mari.
VI
Comblée de gloire et de mérites, elle par-
vint jusqu'à l'âge de cent cinq ans, et alla re-
cevoir la récompense d'une vie tout entière
consacrée à l'édification et à la délivrance de
la nation sainte. Elle fut enterrée à Béthulie,
dans le tombeau de son mari. El le peuple
la pleura pendant sept jours, terme ordinaire
du grand deuil chez les Hébreux. Tant qu'elle
vécut et longtemps après sa mort, il ne se
trouva personne qui osât troubler Israël. Le
86 QUATORZIÈME JOUR.
jour de sa victoire sur Holoferne fut mis par
les Juifs au rang des saints jours ; et depuis
ce temps-là jusqu'aujourd'hui il est honoré
comme un jour de fête.
VU
Les Pères de l'Église tiennent Judith pour
une sainte. Seulement son nom ne se trouve
pas dans le Martyrologe, parce qu'on ignore
le jour de sa mort. Toutefois, l'Église d'E-
thiopie célèbre la fête de Judith, le quatrième
jour du sixième mois : dans l'Église latine son
souvenir est immortel. Une multitude de
vierges chrétiennes, d'épouses, de mères, de
reines et d'impératrices ont été et sont heu-
reuses de porter un nom qui est celui de la
grâce, du courage et des plus hautes vertus.
Réflexion. — Judith consacre à Dieu tout
le fruit de sa victoire sur Holoferne. Arrivée
à la fin de sa vie, elle se dépouille de ses
biens, en faveur de ceux qui lui sont unis
par les liens du sang. Elle donne la liberté à
sa suivante, et, pleine de jours, elle s'endort
doucement dans le Seignour. Pas une de
MORT DE JUDITH. 87
ces circonstances qui ne soit unirait de l'his-
toire anticipée de la sainte Vierge.
Comme Judith, Marie consacre à Dieu le
Iruit de sa victoire, c'est-à-dire toute l'huma-
nité arrachée par ses mains à la tyrannie du
démon. C'est pour Dieu, et non pour elle,
qu'elle a vaincu. Devenue la dispensatrice de
tous les trésors du ciel, elle les distribue à
ceux qui lui sont unis par la grâce. A elle
nous devons la vraie liberté, la liberté des
enfants de Dieu. Consacrer nous-mêmes au
Seigneur ce que nous avons reçu de lui, ce
que nous sommes et tout ce que nous avons,
pratiquerledétachementet l'aumône, secouer
le joug de nos passions, afin de conquérir la
royauté de notre âme : tels sont les devoirs
que nous prêchent éloquemment Judith et
Marie, nos sœurs et nos modèles.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
le Thibet.
Pratique. — Mortification de la bouche.
XY" JOUR.
Assuérus.
I
La connaissance de la religion n'est pas
moins nécessaire à l'humanité, que le soleil
à la nature, que la boussole au navigateur
perdu sur des mers inconnues. Sans cette
connaissance, l'homme est un aveugle qui
ne sait ni d'où il vient, ni ce qu'il est, ni où
il va, ni pourquoi il est sur terre. Aussi, le
soin principal de Dieu, père de l'homme, a
toujours été de lui conserver la connaissance
de la religion. Avant la venue du Messie, le
dépôt en élait confié au peuple juif. Yoilà
pourquoi Dieu veilla sur lui avec une solli-
citude, qui ne permit jamais aux nations en-
nemies, si puissantes qu'elles fussent, de
l'exterminer. Nous venons de le voir dans
l'histoire de Judith, et nous allons le voir de
nouveau dans l'histoire d'Esther.
ASSUÉRUS. 89
II
Environ quatre cent cinquante ans avant
la naissance de Notre-Seigneur, le grand
empire des Perses et des Mèdes était arrivé
au faîte de sa puissance. Il s'étendait depuis
l'Inde jusqu'à l'Ethiopie et se divisait en
cent vingt-sept provinces. Sur le trône de
cette monarchie, plus étendue que l'Europe,
était monté, depuis trois ans, un roi, nommé
Assuérus. Afin de donner à ses peuples une
idée de sa magnificence, il voulut se faire
couronner, dans la ville de Suse, capitale de
l'empire.
III
Suse, dont le nom est aujourd'hui C/ious-
ter, signifie la ville des lis. Cette fleur à la
blanche couleur et au suave parfum abon-
dait dans la vaste plaine au milieu de la-
quelle était assise, sur les rives d'un beau
fleuve, l'opulente cité. Telle était la douceur
du climat, que les rois de Babylone faisaient
de Suse leur résidence d'hiver, en sorte,
90
QUINZIEME JOUR.
disent les historiens, que ces monarques
voluptueux avaient trouvé le moyen de jouir
d'un printemps perpétuel (1).
IV
A l'occasion de son couronnement, As-
suérus donna un grand festin à tous les
princes de sa cour, à tous ses officiers, aux
plus braves d'entre les Perses, aux premiers
d'enti'c les Mèdes, aux gouverneurs des pro-
vinces : et lui-même y prit part. Ce festin se
renouvelapendant cent quatre- vingts jours(2).
Comme il avait pour but de montrer la
gloire, les richesses, la grandeur et la puis-
sance de son empire, le monarque y déploya
un luxe vraiment' babylonien.
Nous allons en juger par le banquet qu"il
donna à tout le peuple.
(1) Xéiioph., Ci/rop., lib. VIII
(1) Xeiioph., Ci/rop., lib. Mil.
(?) Il est remarquable que, dans les temps modernes,
il est encore d'usage en Perse de faire des festins an-
nuels qui durent cent quatre-vingts jours. Le docteur
Fyer, qui a vécu dans ce pays de 1672 à 1C8I, en a été
témoin.
ASSL'KKUS. 91
Quand le festin des grands fut terminé,
Assuérus en donna un ;\ tout le peuple de
Suse, depuis le plus grand jusqu'au plus
petit. Les tables furent dressées dans le parc
du palais, à l'ombre d'arbres magnifiques,
plantés par la main des rois. Toutes les al-
lées étaient transformées en tentes splen-
dides. De tous les côtés pendaient des ten-
tures de couleur bleu céleste, blanc et
hyacinthe. Elles étaient soutenues par des
torsades de fm lin teintes en écarlate, pas-
sées dans des anneaux d'ivoire et retenues à
des colonnes de marbre. Les lits de table
étaient d'or et d'argent, rangés sur un pavé
vert d'émeraude et de marbre blanc, em-
belli de fiaures d'une admirable variété.
VI
Pour tous les convives, les coupes à boire
étaient d'or, et les viandes étaient servies
dans des bassins, tous différents les uns des
92 QUINZIEME JOUR.
autres. Les vins les plus exquis étaient offerts
avec une abondance, digne de la magnifi-
cence royale. Suivant la coutume des Per-
ses, les convives devaient boire autant que
le roi du festin l'ordonnait. Pour prévenir les
suites fâcheuses d'un pareil usage, Assuérus
défendit de forcer à boire ceux qui ne le
voulaient pas. En même temps, il ordonna
que l'un des grands de la cour fût assis à
chaque table, afin que chacun prît ce qu'il
lui plaisait. Le festin du peuple se continua
pendant sept jours.
VII
Tandis que les hommes prenaient part au
banquet dans le parc royal, la reine Yasthi
en donnait un aux femmes dans les apparte-
ments du palais. Encore aujourd'hui en
Perse, ainsi que dans tout l'Orient, les fem-
mes célèbrent des festins, en même temps
que les hommes, mais entièrement séparées
de ces derniers. Comme celui des hommes,
le banquet des femmes dura sept jours.
Réflexion. — Le festin d' Assuérus nous
donne une nouvelle preuve de la sollicitude
ASSUÉKUS. 93
avec laquelle Dieu veillait sur le peuple juil",
dépositaire de la vraie religion. Au nombre
des grands seigneurs qui présidaient aux
tables, se trouvait Zorobabel, petit-fds de
Jéchonias, roi de Juda. Avec d'autres jeunes
Hébreux, captifs comme lui, il faisait par-
tie des gardes du corps du roi et était
admis dans son intimité. Par manière de
récréation, après le repas, Assuérus proposa
cette question : <( Qu'est-ce qu'il y a de plus
fort dans le monde ? » Un des princes dit :
(( C'est le vin. » Un autre dit: «C'est le roi. »
Zorobabel dit : « C'est la femme, et par-des-
sus c'est la vérité. »
Assuérus trouva la réponse juste et dit à
Zorobabel : « Demandez ce que vous voudrez
et je vous le donnerai. » Zorobabel répondit:
« Souvenez-vous, Seigneur, de la promesse
que vous avez faite de rebâtir Jérusalem et
d'y renvoyer les richesses que les Assyriens en
ont enlevées. » Assuérus l'embrassa et fit ce
qu'il avait promis. Israël rentrera dans la
terre de ses pères et conservera le dépôt de
la vérité, jusqu'à la venue du Messie. Admi-
rons et bénissons la Providence, éualemenl
91 QUINZIEME JOUR.
douce et forte, qui fait servir les plus petites
choses à l'accomplissement de ses desseins.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez
pour la Perse.
Pratique. — Mortification de la volonté.
XVP JUUH.
Vasthi.
I
Le septième jour du dernier banquet, As-
sucrus, éohaufTc par le vin, commanda aux
sept grands chambellans qui servaient en sa
présence, de faire venir devant lui la reine
Yasthi, le diadème en tête, pour montrer sa
beauté à tout le peuple et à toute la cour,
parce qu'elle était extrêmement belle. Pour
un motif, que l'histoire ne dit pas, Yasthi
refusa d'obéir et dédaigna de venir selon le
commandement du roi.
II
Assuérus lut IrÙG-irrité de ce refus. Sur-
ie-champ, il réunit les sages qui étaient tou-
jours près de sa personne, selon la coutume
des rois de Perse, et par le conseil de qui il
7
96 SEIZIÈME JOUR.
faisait toutes choses^ parce qu'ils connaisr
saient les lois et les coutumes. Or, entre ces
sages étaient les sept principaux seigneurs
des Mèdes et des Perses, qui tenaient la pre-
mière place après le roi. Il leur demanda
quelle conduite il devait tenir à Tégard de la
reine Tasllii, qui avait refuse de lui obéir.
III
Le chef des sages, Mamuchan, répondit eu
présence du roi et de tout le conseil : « La
reine Yasthi n'a pas seulement offensé le roi,
mais encore tous les peuples et tous,les grands
qui sont dans toute l'étendue du royaume
d'Assuérus. Cette conduite de la reine par-
viendra à la connaissance de toutes les
femmes, et leur apprendra à mépriser leurs
maris, en disant : Le roi Assuérus a commandé
à la reine Yasthi de venir se présenter de-
vant lui, et elle l'a refusé. A son exemple
toutes les femmes des princes des Perses et
des Mèdes mépriseront les coumiandemeuts
de leurs maris. Aiu^i, la (^olère du roi est
juste. ))
VASTni. 97
IV
Puis, se tournant vers Assiiénis, il ajouta :
« S'il plaît à A'^otrc Majesté, que par ses or-
dres il soit fait et éerit, suivant la loi des
Perses et des Mcdes, qu'il n'est pas permis de
violer, un édit, portant que la reine Vasthi ne
se présentera plus devanfle roi, mais que sa
royauté sera donnée à une plus digne; que
cet édit soit publié dans toutes les provinces
de votre vaste empire, afin que toutes les
femmes, tant des grands que des petits, ap-
prennent à respecter leurs maris. » Le con-
seil de Mamuchan plut au roi et aux princes,
et le roi le suivit sans délai.
Des lettres furent envoyées en son nom à
toutes lesprovinces du royaume. Elles étaient
en diverses langues et en diiïcrenls caractè-
res, afin que chaque nation pût les lire et les
entendre. Par ces lettres il était statué que
les maris eussent tout pouvoir et toute auto-
98
SEIZIEME JOUR.
rite chacun dans sa maison, eL que cet cdit
fût publié parmi tous les peuples. Toutes ces
choses eurent lieu comme il était ordonné.
Cependant, la colère d'Assuérus s'étant cal-
mée, il se souvint de Vasthi, de ce qu'elle
avait fait et de la peine qu'elle avait subie, et
il en fut centriste. Puisqu'il se repentait d'a-
voir été trop sévère à l'égard de Yasthi, pour-
quoi ne la rappelait-il pas ? La tradition de
la Synagogue enseigne que la reine avait été
condamnée à mort et exécutée.
VI
Quoi qu'il en soit, les grands officiers d'As-
suérus lui dirent : « Qu'on cherche dans tout
le royaume les jeunes vierges les plus accom-
plies, qu'on les amène à Suse ; qu'on les mette
dans le palais des femmes et qu'on leur donne
tout ce qui est nécessaire tant pour leur pa-
rure que pour leurs autres besoins, et celle
qui plaira davantage aux yeux du roi, sera
reine à la place de Vasthi. Cet avis plut au
roi, et il connnauda de faire ce (|ui lui était
conseillé.
YASTlir. 9 9
Bi'flcnfm. — Les interprètes de nos saints li-
vres nnlvu, dans le festin d'Assnérns, la ligure
(In plus auguste de nos mystères, le banquet
eucharistique. Soit pour l'excellence des
mets, soit pourlarichesse et la variété des dé-
corations, le festin d'Assuérus surpasse en
magnificence tout ce qu'on peut imaginer.
Si, pour nous enseigner le détachement des
choses de ce monde, Notre-Seigneur voulut
naître dans une étable, il voulut aussi que le
festin. eucharistique fût célébré dans une
salle spacieuse et richement ornée, cœnaculum
f/raude, sfratam. Sa conduite est la condam-
nation de ceux qui se permettent de désap-
prouver la richesse de nos églises.
Quelque recherchés qu'ils fussent, les mets
du festin d'Assuérus ne sont pas même une
ombre de la nourriture servie à la table du
Seigneur. Assuérus invite à son festin non-
seulement les princes et les grands de son
royaume, mais tous les habitants de sa capi-
tale, sans distinction ; et le nom de sa capitale
signifie la ville des Lis. Du fond de son taber-
nacle, le véritable Assuérus ne dit-il pas:
Venez à moi, vous tous, riches et pauvres,
lOû SEIZIEME JOUR.
hommes, femmes, enfants, qui souffrez, qui
fléchissez sous le fardeau de la vie ; venez
vous asseoir i\ ma table, et je vous rendrai la
force et le courage. C'est dans la ville des lis
que Notre-Seigneur donne son festin, c'est-
à-dire dans l'Église catholique, seule terre où
germe la virginité.
Comme Assuérus, notre divin roi préside
lui-même à son festin et y prend part ; car il
dit de chacun de ses heureux invités : Je sou-
perai avec lui et lui avec moi. La reine Vas-
thi qui refuse d'obéir au roi son époux, c'est
la Synagogue ({ui refuse de reconnaître le
Messie, et qui voit sa couronne d'épouse et
de reine passer sur la tète de l'Église catholi-
que. Ames chrétiennes, ne l'imitez pas, en
vous montrant, pendant ce mois béni, sour-
des à l'appel de la grâce, de peur que votre
couronne ne passe sur la tête d'une autre.
Invocations. — Épargnez,- Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Chine .
Pratique. — Réciter le Veni Creator.
XVIP JOUR.
Esther.
I
11 y avait alors, dans la ville de Suse, un
Juif, nommé ^lardochée, de la race royale de
Saiil, qui avait été amené de Jérusalem, au
temps où Nabuchodonosor, roi de Babylonc,
y avait transporté Jéchonias, roi de Juda.
lîien qu'il fût captif comme ses compatriotes,
Mardochée était un personnage fort consi-
déré d'Assuérus. La noblesse de son origine
et plus encore ses vertus, l'avaient fait élever
à la dignité de grand chambellan. C'est ainsi
([ue Daniel avait mérité les bonnes grâces de
Nabuchodonosor, et Tobie celles de Salma-
nasar.
II
Or, Mardochée avait une nièce, nommée
Édisse ou Esther. Orpheline de père et de
mère, il l'avait adoptée pour sa iille. Elle était
103 DIX-SEPTIEME JOUR.
d'une beauté incomparable. Les officiers
chargés d'exécuter l'ordonnance du roi ne
l'ignoraient pas. Comme on amenait à Suse,
en grand nombre, de toutes les parties de
l'empire, les vierges choisies, qu'on remettait
entre les mains d'Egée le chambellan, on lui
amena aussi Esther, afin qu'elle fût, comme
les autres, gardée dans le palais des femmes.
Autant par sa modestie que par ses attraits,
Esther plut extrêmement à Egée.
III
Sur-le-champ il ordonna de lui préparer
tous ses ornements, riches vôtenients, pier-
reries, parfums; de lui donner, pour la servir,
sept jeunes lilles, parmi les plus belles de la
maison du roi, et d'avoir grand soin de tout
ce qui pouvait contribuer à la parer et à l'em-
bellir, elle et ses suivantes. Ce premier ordre
d'Egée fut exécuté avec une exactitude re-
ligieuse et une magnificence vraiment royale.
Le second ne le fut pas avec moins de fidé-
lité. Il consistaità servir,sur la table d'Esther,
dos mets de la table royale, ainsi que Nabu-
ESTHER. 103
chodonosnr en avait usé c\ l'égard do Daniel
cl de ses compagnons. Non moins courageuse
(]ue Daniel el Judith, Esther refusa les mets
défendus par la loi de Moïse ou qui avaient
été offerts aux idoles.
lY
Ce refus piqua la curiosité du chambellan,
qui demanda à Esther quelle était sa patrie
et à quelle nation elle appartenait. Elle ne
voulut pas le dire ; car Mardochée lui avait
ordonné de garder sur cela un silence absolu.
Cette recommandation entrait dans les vues
de la Providence, et la fidélité d'Esther à s'y
conformer devait ôtre récompensée par le
salut de son peuple. Cependant Mardochée,
plein de sollicitude pour sa fille adoptive,
voulait savoir à chaque instant ce qui lui
arriverait. Il venait donc tous les jours se
promener devant le vestibule du palais, où
étaient gardées les vierges choisies. Sa dignité
de grand chambellan, qui l'appelait aux de-
meures royales, expliquait sa présence et
écartai^ tout soupçon.
7.
104 DTX- SEPTIEME JOUR.
Suivant l'usage, Esther el ses compagnes
restèrent une année entière avant d'être pré-
sentées à Assuérus. Tout ce temps était em-
ployé à augmenter leurs attraits et à les for-
mer aux habitudes de la cour. On faisait
surtout usage des parfums les plus exquis de
l'Orient et entre autres d'huile de myrrhe,
rendue nécessaire par la chaleur du climat.
Lorsque le jour était venu où elles devaient
être présentées au roi, on leur donnait tout
ce qu'elles demandaient pour se parer, ainsi
que les personnes dont elles désiraient être
accompagnées. Conformément à l'étiquette
de la cour, tout cela se faisait avec ordre et
avec une grande solennité.
• VI
Cependant le jour approchait, où, selon son
rang, Esther devait être présentée à Assuérus.
Toujours modeste et timide, elle ne demanda
rien pour sa parure. Elle se contenta de ce
qu'Elgée, le chambellan, voulut lui donner.
ESTIIER. 10 5
Il o>^t vr;ù ([u'olle n'avait pas bosoin d'orne-
iiicnls étrangers ; car elle était si belle que
ses attraits incroyables ravissaient ceux qui
la voyaient. V.Uc fut donc introduite dans
l'appartenient d'Assuérus, au dixième mois,
appelé Tébeth, la septième année de son
règne. C'est ainsi (juc la Providence condui-
sait comme par la main la vierge d'Israël,
jusqu'aux pieds du trône où elle devait bien-
tôt monter, pour devenir l'instrument du
salut de son peuple.
Réflexion. — Par cela môme qu'ils semblent
minutieux, les détails que je viens de lire
donnent clairement à entendre qu'ils ont un
sens caché. Autrement serait-il de la majesté
des divines écritures de nous introduire dans
le palais d'un monarque païen, de nous dé-
crire les usages de sa cour, de nous parler de
cette multitude de vierges amenées de toutes
les parties de l'empire, des soins et des
moyens employés pour les embellir avant de
se présenter devant le roi, qui doit se choisir
une épouse parmi elles ? Quel intérêt toutes
ces choses auraient-elles pour nous, si elles
ne renfermaient (luelque mystère ?
106 DIX-SEPTIÈME JOUR.
Ce mystère, nous le connaissons. Assuérus
réunit les jeunes vierges les plus parfaites de
son empire, afin de se choisir une épouse.
C'est le Saint-Esprit qui, au moment de l'In-
carnation duYerbe éternel, promène ses re-
gards sur toute la face du monde et cherche,
pour en faire son épouse, la plus parfaite de
toutes les vierges. Le choix d'Assuérus s'ar-
rête, non sur une fille de la Perse, delaMédie
ou de telle autre nation de la genlilité, mais
sur une humble fille d'Israël. C'est le Saint-
Esprit choisissant Marie de préférence à toute
autre, suivant cette parole : Une multitude de
filles ont réuni les richesses de leurs attraits,
vous les avez toutes surpassées.
Avant d'être présentées à Assuérus, ces
vierges passent longtemps à s'embellir et à
se parer le mieux qu'elles peuvent, afin de
captiver le cœur du grand roi. Telle a été la
conduite de la sainte Vierge au temple de
Jérusalem, où elle passa ses jeunes années.
Renfermée dans le palais de son Dieu, elle
travailla sans cesse à embellir son âme de
nouvelles vertus, jusqu'au jour où le Saint-
Esprit envoya l'archange Gabriel lui deman-
ESTflER. 107
der sa main. Ainsi devons-nous faire, âmes
chrétiennes, afin d'être dignes du divin
Assuérus, dont nous devenons les épouses
dans la sainte Communion. Que cette leçon
est importante !
Invocafious. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
le Thibet.
Pratique. — Réciter les Litanm do In
sainte Vierge.
XYIII-^ JOUR.
Mariage d'Esther.
I
Assucms, ayant vu Estlier, l'aima plus que
toutes les vierges qu'on lui avait présentées.
Sa beauté, sa modestie, sa candeur, gagnè-
rent tellement le cœur du roi, qu'il lui mit
sur la tôte le diadème royal et la fit reine à
la place de Vasthi. Pour célébrer son ma-
riage et les noces d'Esther, il donna un fes-
tin d'une incroyable magnificence, aux
princes de sa cour et à tous ses officiers. Le
grand roi ne s'en tint pas là. Afin d'associer
à sa joie toutes les provinces de son vaste
empire, il diminua les impôts et fit des pré-
sents dignes de la munificence royale.
II
Le mariage d'Esthei', née dans la bonne
religion et fidèle adoratrice du vrai Dieu,
MABIAGE D ESTDER. 109
avec un princo idolâtre, ne doil pas nous
étonner, et moins encore nous scandaliser.
Une pareille alliance n'avait rien d'illicite.
En donnant sa loi à son peuple, Dieu n'avait
défendu que les mariages entre les Chana-
néens et les enfants d'Israël. « Vous ne con-
tracterez point de mariage avec eux, dit-il
au Deutéronome . Tous ne donnerez pas vos
filles à leurs fils, et vous n'accepterez pas
leurs filles pour vos lils (I). )> D'ailleurs, Es-
ther et Mardochée étaient persuadés que la
Providence conduisait toute cette affaire,
pour rendre Assuérus favorable aux Juifs et
les sauver ainsi de l'extermination méditée
par Aman.
III
Devenue reine toute-puissante, Esther
continuait d'obéir à Mardochée, comme elle
lui obéissait quand elle était petite fdle et
qu'il prenait soin de son enfance. En toutes
choses elle se conduisait d'après ses avis. C'csl
ainsi que, par ses ordres, elle ne découvrit à
(l)vii, 3.
110 DIX-HUITIÈME JOUR.
personne, pas même au roi, ni son pays ni
son peuple. Par son obéissance filiale, Es-
ther s'attirait les bénédictions de Dieu; et
par la fidélité à garder son secret, elle assu-
rait, d'avance, comme nous l'avons fait pres-
sentir, le succès de la grande mission qui lui
était réservée.
IV
Nous avons vu que Mardochée était un
des grands officiers du palais. La Providence,
qui atteint son but avec autant de douceur
que de force, lui avait, à dessein, ménagé cette
dignité. D'une part, elle le mettait en posi-
tion de donner facilement à Esther les con-
seils dont elle avait besoin ; d'autre part, elle
était pour lui un moyen de savoir tout ce
qui se passait à la cour. Un jour donc qu'il
était de garde à la porte du roi, il entendit
deux chambellans, préposés à la première
porte du palais, qui chuchotaient entre eux.
Ces deux chambellans s'appelaient Tharès et
Bagathan. Mardochée prête l'oreille et dé-
couvre que ces deux officiers complotent
d'assassiner Assuérus.
MAniAGF, D'KSXnER. 1 1 l
Oui ;iv;iil [)U leur inspirer ce coupable pro-
jet? Suivant la tradition, ces deux officiers
voulaient se défaire d'Assuérus, afin de trans-
porter le trône à Aman, que l'histoire d'Es-
tlier nous fera bientôt connaître. La preuve
qu'il était l'ami et le fauteur des deux con-
jurés, c'est qu'il ne pardonna jamais à Mar-
dochée de les avoir dénoncés. « Aman, dit
le texte sacré, voulut perdre Mardochée et
son peuple, à cause des deux chambellans
qui avaient été mis à mort. »
VI
Quoi qu'il en soit, Mardochée, ayant eu
connaissance de leur projet, s'empressa d'en
prévenir la reine Esther. La reine en avertit
le roi au nom de Mardochée, de qui elle
avait reçu l'avis. On fit des recherches : le
complot fut découvert. Les coupables avouè-
rent eux-mômes leur crime et tous deux
furent pendus. Assuérus ordonna d'écrire
1 12 ni\'-llLTnÈME JOL'I!.
tout cela dans les histoires de Perse et dans
les annales de son règne, afin que le souvenir
en passât, sans altération, f> la postérité.
VII
Il semble que, sous un monarque généreux
comme Assuérus, de grandes faveurs de-
vaient récompenser immédiatement le cou-
rageux et fidèle Mardochée. La Providence
ne permit pas qu'il en fût ainsi. Mais, en ins-
pirant à Assuérus la pensée de faire écrire
l'important service de Mardochée, comme en
lui laissant ditférer la récompense si bien due
à ce loyal serviteur, elle avait des vues di-
gnes d'une sagesse infinie. Nous le verrons
par la suite des événements.
Réflexion . — La modeste Esther, fille de
Juda, élevée par Assuérus ;\ la dignité de
reine et assise sur le premier trône de l'O-
rient, est, suivant les saints Pères, la figure
transparente de l'humble Marie, cette autre
fille de Juda, élevée par le Roi des rois à la
dignité de Reine des anges et des hommes,
et assise dans le ciel sur un trône mille fois
MARIAGR D'ESTllEU. 113
plus brillant et plus solide que tous les troncs
de la terre (I).
Esthcr dutson élévation à raffeclion d'As-
suérus, captive par ses chastes attraits. C'est
dans sa beauté virginale, dans son humilité et
ses autres vertus qu'il faut chercher la cause
de la prédilection de Dieu pour Marie et de
son élévation. Par l'archange Gabriel il lui
fait dire : Je vous salue, pleine de grâce.
Lui-même lui dit : Ma sœur, mon épouse,
vous avez blessé mon cœur par un seul che-
veu de votre cou : vous êtes toute belle, ma
bien-aimée. Venez donc et soyez reine :
Veni, coronaberis. Ne l'oublions pas : nos ver-
tus seront la mesure de notre gloire.
Devenue reine, Esther continue d'écouter
les conseils de Mardochée et d'obéir filiale-
ment à ses ordres. Voilà bien la sainte
Vierge. Reine du ciel, Marie n'a pas oublié
qu'elle est notre sœur. Son oreille et son
cœur sont toujours ouverts pour écouter
ceux qui l'invoquent. Comme son divin Fils
lui-même, elle fait la volonté de ceux qui
(l) S. rioiiavciit., hi speculo, 1. VIII.
1 14 DIX -HUITIEME JOUR.
l'aiment : ]n!iiiifnfp)n thnenthnn f^e faciet.
Pour récompenser leur zèle à l'honorer, elle
leur promet la vie éternelle : Qui élucidant
me vitam œternam habehunt. Comme la ré-
compense de Mardochée, les faveurs que
nous demanderons, pourront quelquefois se
faire attendre : ne perdons pas confiance,
certains qu'elles ne sont différées que pour
nous L'Ire accordées plus brillantes et plus
douces.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Corée.
Pratique. — Orner avec soin un auto! de
la sainte Vierge.
XIX' JOUR.
Aman.
I
A la cour d'Assuorus était un personnage,
ambitieux, intrigant, vindicatif, avide d'hon-
neurs et de richesses, comme il s'en trouve
toujours dans les palais des rois. Ce per-
sonnage s'appelait Aman. Il était Amalécitc
de nation et de la race d'Agag. Les Amalé-
cites étaient un peuple, voisin delà Judée, des-
cendant d'Ésaii par Amalec, son petit-fds, et
toujours acharné contre les Israélites. Dieu
ordonna à Saiil de les exterminer. Ce roi
leur déclara la gucrre'et les défit ; mais, con-
tre la défense de Dieu, il épargna Agag leur
roi. Cette désobéissance lui lit perdre sa
couronne, que Dieu donna à David. Toute-
fois, Agag n'échappa point à la peine de
mort prononcée contre lui. Par ordre du
Seigneur, il la subit des mains de Samuel,
dans la plaine de Galgala.
118 DIX-NEUVIEME JOUTx.
II
Les deux chambellans conspirateufs n'a-
vaient fait, avant de mourir, aucune révéla-
tion de nature à compromettre Aman, leur
complice. Exposé comme le sont tous les
rois à être trompés, Assuérus donna sa con-
fiance à un homme qui en était si peu digne.
11 fit d'Aman son premier ministre et l'éleva
au-dessus de tous les princes de sa cour. A
l'exemple du terrible Nabuchodonosor, les
monarques babyloniens se regardaientcomme
des dieux et exigeaient qu'on leur rendit des
honneurs divins. Ils allaient plus loin. Dans
leur orgueil, ils s'arrogeaient le droit de faire
de leurs ministres des dieux de second ordre,
et commandaient qu'on les adorât en fléchis-
sant le genou devant eux. Le décret qui éle-
vait Aman à la première dignité de l'empire,
enjoignait à tout le monde de l'adorer.
III
Les trois enfants jetés dans la fournaise,
pour n'avoir pas voulu adorer la statue de
AMAN. 117
Nabucliodonosor ; Daniel, précipité dans la
fosse aux lions, pour avoir adoré un autre
dieu que Darius, nous montrent que la
peine de mort était portée contré ceux, qui
refusaient de rendre à de méprisables créa-
tures les honneurs qui ne sont dus qu'à
Dieu. Aussi tous les grands de la cour d'As-
suérus, princes, officiers, chambellans, cour-
tisans de tout grade, s'empressaient d'adorer
Aman, le nouveau dieu, en fléchissant le
genou devant lui, soit en lui parlant, soit
lorsqu'il venait à passer. Mardochée seul de-
meurait debout, immobile.
IV
Sa conduite ne tarda pas à être remar-
quée. Les officiers de garde à la porte du
palais, lui dirent : « Pourquoi n'obéissez-
vous pas comme les autres au commande-
ment du roi? » Mardochée ne répondit pas.
Les jours suivants ils revinrent à la charge
et ne cessèrent de lui adresser la mônic ques-
tion. Alors Mardochée, aussi fidèle à son
Dieu qu'à son roi, leur dit franchement et
118 DIX-NEUVIEME JOUR.
ï«ans respect humain : « Je suis juif, et ma re-
ligion me défend de rendre des honneurs di-
vins à un autre qu'à Dieu. » Ils s'empressè-
rent d'en avertir Aman, curieux de savoir
si Mardochée persévérerait dans sa résolu-
tion.
V
Aman, ayant reçu cet avis, et reconnu que
Mardochée ne fléchissait pas les genoux dcvan t
lui et ne l'adorait pas, entra dans une grande
colère. Il compta pour rien de se venger seu-
lement de Mardochée. Comme il venait d'ap-
prendre qu'il était juif, il résolut d'extermi-
ner toute la nation juive, alors répandue
dans toutes les provinces du royaume d'As-
suérus. Sans perdre un instant, il fait jeter,
devant lui, dans l'urne destinée à cet usage,
le sort appelé j)hur, pour savoir en quel mois
et en quel jour devaient périr les Juifs. Cela
se passait au premier mois de l'année, nom-
mé Nisan, ol le sort désigna le douzième
mois, appelé Adar. On était à la douzième
année du règne d'Assuérus et à la cinquième
de l'élévation d'Esther.
AMAN. ir.J
VI
Douze mois entre l'édit de prosciiplion
et l'exécution, c'était trop. Aveuglé par sa
haine, Aman ne réfléchit pas qu'un pareil
intervalle laisserait à Mardochée, dont il ne
pouvait nier l'influence, le moyen de con-
jurer la ruine de sa nation. Fort de la réponse
de l'oracle, il alla trouver Assuérus, et lui
dit : « Il y a un peuple dispersé dans les
provinces de votre empire, dont les mem-
bres, vivant séparés les uns des autres, ne
sauraient ofl'rir une résistance sérieuse à vos
ordres. Ils ont des lois et des cérémonies dif-
férentes de celles de tous les autres peuples.
De plus, ils méprisent les commandements
du roi. Or, vous savez, mieux que personne,
combien il importe de ne pas soufl'rir que
l'impunité les rende encore plus insolents.
Qu'il vous plaise donc d'ordonner que ce
peuple périsse. Pour vous dédommager des
tributs qu'on tire de cette nation, je m'en-
gage à verser dans Vos trésors la somme de
dix mille talents (I). »
(I) l'ius de vingt, milliuiis.
8
120 DIX-NEUVIEME JOLR.
Réflexion, — Comment ne pas admirer et
vénérer dans Mardochée l'honneur juste et
courageux, qui brave hautement le respect
humain et ne craint qu'une chose, l'offense
de Dieu? Comment aussi ne pas voir dans
Aman l'orgueilleux, l'ambitieux, le conspi-
rateur sanguinaire, le démon appelé le
grand homicide? Aman s'irrite contre Mardo-
chée, parce qu'il lui refuse un honneur qui
n'est dû qu'à Dieu : c'est le démon furieux
contre l'àme innocente et fidèle. Aman forme
le projet de faire périr Mardochée et tout
son peuple : c'est le démon qui conspire ma
ruine et la ruine de tout le peuple chré-
tien.
Aman prend tous les moyens de réussir,
et il se croit sûr du succès. Aujourd'hui
plus que jamais, le démon met en œuvre
tous les moyens de perdre les âmes et de
détruire l'Église. Aman avait compté sans
Esther. Dans ses projets d'extermination,
Satan oublie la divine Esther, Marie, que le
bon dix-neuvième siècle invoque avec tant
de ferveur. Au moment voulu par la Provi-
dence, Esther est informée des projets d'A-
AMAN. i21
man et les déjoue. Quand l'heure sera ve-
nue, la toute -puissante Reine du ciel et de
la terre se lèvçra et, avec plus d'éclat que ja-
mais, écrasera de son pied virginal la tête du
serpent. Telle est la foi du monde chrétien ;
qu'elle soit la nôtre. Ne cessons de prier et
attendons avec confiance.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
le Japon.
Pratique. — Réciter le Salve Jiegina.
XX'' JOUR.
Ëdit de proscription.
I
Dans sa requête, Aman faisait valoir, avec
autant d'habileté que d'hypocrisie, deux puis-
sants moyens d'en obtenir le succès. C'était,
d'une part, la nécessité de venger l'autorité
du roi, méconnue par les Juifs; c'était, d'au-
tre part, la promesse de remplir le trésor
public. On se demande où le perfide minis-
tre pouvait trouver les sommes énormes qu'il
annonçait. La réponse est facile. Tous les
biens des Juifs devaient être confisqués.
Aman se disait : Si le roi accepte cet argent,
il ne perdra rien de ses revenus; s'il ne l'ac-
cepte pas, j'en ferai mon profit, et cette im-
mense fortune augmentera ma puissance.
Tel était son calcul. Bien différent était celui
de la Providence.
ÉDIT DE PROSCRIPTION. 123
IT
Lorsqu'Ainan eut cessé de parler, Assuc-
iiis tira de son doigt l'anneau dont il avait
coutume de se servir pour sceller ses ordon-
nances, et le donnai Aman, fils d'Amadathi,
de la race d'Agag, ennemi des Juifs. L'édit de
proscription, scellé du sceau du roi, devenait
une loi inexorable, que nul ne pouvait ni révo-
quer, ni contester ni éluder : « Quant àl'argent
que vous m'offrez, dit Assuérus, gardez-le
pour vous ; et faites de ce peuple ce que vous
voudrez. »
Joyeux de la joie du tigre qui tient sa proie,
Aman fait appeler les secrétaires du roi. C'é-
tait le treizième jour du mois de Nisan. Sous
la dictée d'Aman, les secrétaires écrivirent
à tous les satrapes du roi, aux gouverneurs
(les provinces et aux principaux des diverses
nations qui composaient l'empire des Perses,
en autant de langues différentes qu'il était
nécessaire pour que l'édit pût être lu et en-
tendu de chaque peuple : et les lettres furent
scellées de l'anneau du roi.
».
12 4 VINGTIEME JOUR.
III
Voici la teneur de l'édit dans toute la
pompe du style oriental : « Le plus grand des
rois, Assuérus, qui règne depuis les Indes
jusqu'il l'Ethiopie, aux princes et aux sei-
gneurs des cent vingt-sept provinces, soumi-
ses à son sceptre, salut :
« Quoique commandant à une foule de
nations et ayant rendu tout l'univers tribu-
taire de mon empire, je n'ai pas voulu abu-
ser de la grandeur de ma puissance, mais
j'ai gouverné mes sujets avec clémence et
avec douceur, afin que, passant leur vie tran-
quillement et sans crainte, ils jouissent de la
paix, désirée de tous les mortels.
IV
« Ayant demandé aux membres de mon
conseil de quelle manière je pourrais assu-
rer déplus en plus ces avantages aux peuples
démon royaume, l'un d'eux, nommé Aman,
élevé par sa sagesse et par sa fidélité au-des-
KDIT DE rnOSCRIPTION. 12 5
SUS de tous les autres, et le second après le
roi, m'a donné avis qu'il y a un peuple ré-
pandu dans toutes mes provinces, qui se con-
duit par de nouvelles lois, et qui, s'opposant
aux coutumes de toutes les nations, méprise
les commandements des rois, et trouble, par
la contrariété de ses maximes, la paix et l'u-
nion de tous les peuples du monde.
(( Informé de cela et voyant qu'une seule
nation se met en état de révolte contre toutes
les autres, suit des lois injustes, combat nos
ordonnances et trouble la paix des provinces
qui nous sont soumises, nous avons ordonné
que tous ceux qu'Aman, qui a l'intendance
siu" toutes nos provinces, qui est le second
après le roi, et que nous honorons comme
notre père, aura désignés, soient misa mort,
avec leurs femmes et leurs enfants, le qua-
torzième jour d'Adar, douzième mois de
cette année, sans que personne en ait aucune
compassion, afin que ces scélérats, descen-
dant tous en u!i inTMiie jour dans le tombeau,
1-2 G VINGTIEME JOUR.
4
rendent à notre empire la paix qu'ils ont
troublée. »
VI
Aussitôt des courriers, porteurs de l'édit,
furent expédiés dans toutes les provinces.
Celles-ci étaient prévenues d'avance de se te-
nir prêtes à exterminer tous les Juifs, sans
aucune exception de vieillards, de femmes,
d'enfants ou de petits enfants. Le massacre
devait commencer le treizième jour d'Adar,
se continuer le lendemain et être suivi du
pillage de tous leurs biens. Avant l'arrivée
des courriers h leur destination, l'édit fut af-
fiché dans Suse. Pendant qu'on le placar-
dait sur tous les murs de la capitale. Aman
dînait au palais avec Assuérus. Heureux de
son succès, il buvait avec délices les larmes
que versaient avec abondance les Juifs pré-
sents dans la ville, en attendant la volupté
plus grande encore de s'abreuver de leur
sang et de se gorger de leurs richesses.
Réflexion. — Aman fait croire à Assuérus
que les Juifs méprisent ses ordres et qu'ils
sont dans un état permanent de rébellion.
EDIT DF PROSCRrPTKlN. [il
Rien n'était plus faux. Tout sp bornait à un
refus de génullcxion, devant l'orgueilleux
ministre, de la part de Mardochée : et ce
refus était très-légitime. Sur une pareille
calomnie tout un peuple est condamne à
périr.
Les ennemis du peuple de Dieu, ancien et
nouveau, sont toujours les mêmes, parce
que leur chef, le démon, ne change ni ne
vieillit. Le mensonge est leur moyen, la
cruauté leur but. Pour faire exterminer les
premiers chrétiens, nos pères dans la foi, il
n'est sorte de calomnies que leurs ennemis
n'inventèrent contre eux. Si l'année est chère,
si la peste sévit, si la terre tremble, si le Ti-
bre déborde, si les armées de l'empire éprou
vent un échec, si une province se révolte,
aussitôt l'on crie de toutes parts : les Chré-
tiens an lion ! christianos ad leonem! Leur nom
était celui de tous les crimes.
Rien n'a changé. Au dire des impies de
nos jours, l'Église, le Saint-Père, les prêtres,
les cathohques sont les ennemis des lumières,
du progrès, delà liberté : sans eux le monde
vivrait heureux et prospère. De pareilles ca-
128 VINGTIEME JOUR.
lomnies chaque jour répétées égarent les
peuples et les arment contre la religion d'une
haine fanatique, d'autant plus à craindre
qu'elle est plus aveugle.
Amanafllchait soncdit de proscription sur
les murs de Suse et l'envoyait dans toutes les
provinces. A son exemple, ils affichent leurs
projets sanguinaires sur les murailles de nos
villes, et par leurs journaux les envoient aux
quatre coins du monde. Mais comme Esther
veillait sur l'ancien peuple de Dieu, Marie
veille sur le nouveau. A cette mère toute-
puissante et toute bonne, confions nos inté-
rêts, ceux de la société et ceux de l'Église.
Soyons vraiment ses enfants et dormons tran-
quilles à l'ombre de ses ailes.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple, ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Cochinchine.
Pratique. — Réciter le Sub tuum.
XXP JOUR,
Mardochée.
I
Un des premiers informés delà fatale nou-
velle fut Mardochée. 11 était sur la place pu-
blique, où l'cdit venait d'être affiché. A la vue
de cet arrêt de mort contre sa nation et
contre lui, il déchira ses vêtements, se revêtit
d'un sac, se couvrit la tète de cendres, et se
mit à pousser des cris lamentables. Telles
étaient les marques de grand deuil chez les
Juifs et chez les Perses. Toujours sanglot-
tant, il vint jusqu'à la porte du palais du roi.
Là, il dut s'arrêter; car il n'était pas permis
de passer la porte royale, vêtu d'un habit de
deuil.
II
A mesure que l'édit arrivait dans les pro-
vinces, la consternation devenait générale
J30 VINGT-UNIEME JOUR.
parmi les Juifs. Tous, hommes, femmes, en-
fants, vieillards, faisaient, avec raison, pa-
raître une affliction extrême ; car tous étaient
condamnés à mort. On n'entendait que des
cris, on ne voyait que des larmes. A ces
marques de douleur, ils joignaient les jeû-
nes. Plusieurs, revêtus de sac, couchaient sur
la cendre au lieu de lit.
Cependant la nouvelle de ce qui se passait,
franchit les murs du palais. Les filles d'Esther
et ses chambellans vinrent la lui annoncer : la
reine en fut consternée. Sur-le-champ elle en-
voya un habit pour en revêtir Mardochée, au
lieu du sac dont il était couvert; mais il refusa
de le recevoir. La douce reine voulait à tout
prix faciliter à son oncle l'entrée du palais, et
apprendre de lui directement de quoi il s'agis-
sait et quels seraient les moyens de prévenir
la catastrophe.
111
Le refus de Mardochée la jeta dans une
grande inquiétude. Elle appela donc Atach,
le chambellan que le roi avait attaché spé-
cialement à son service, et lui communda
MARDOCUÉli:. lai
d'allci- vers Mardochée et de savoir de lui
pourquoi il agissait ainsi. Atach sortit et
trouva Mardochée sur la place devant la
porte du palais. « Nous sommes tous con-
damnés à périr, lui dit Mardochée. Pour oh-
tenirle massacre des Juifs, Aman a promis
de remplir d'argent les trésors du roi. Yoici
une copie de l'édit qui est aflirhé dans Suse,
et qui s'afliche dans toutes les provinces.
Faites-le voir à la reine, et dites-lui de ma
part d'aller trouver le roi, afin d'intercéder
pour son peuple. »
ÏV
Atach, étant reldurné au palais, rapporta
tidèlement à Esther les paroles et les ordres
de Mardochée. Pour réponse, Esther ren-
voya Atach à Mardochée avec ordre de lui
(lire : <( Tous les serviteurs du roi, et toutes
les provinces de son empire savent que qui-
conque, homnîe ou femme, qui entre, sans
être appelé, dans l'appartement intérieur du
roi, est mis à mort à l'instant même, à moins
que le roi n'étende vers lui son sceptre d'or.
9
13« VINGT-UNIEME JOUR. *
en signe de clémence, et ne lui sauve ainsi
la vie. Comment donc puis-je entrer chez le
roi, puisqu'il y a déjà trente jours qu'il ne
m'a fait appeler? »
Ces détails nous donnent quelque idée de
la demeure des rois de Perse et d'une cou-
tume encore conservée dans les cours de
l'Orient. Le monarque, renfermé dans l'inté-
rieur de son immense palais, se tenait sur
un trône d'or, resplendissant de pierres pré-
cieuses, comme un dieu sur terre. La pièce
qui précédait la chambre du roi était la
salle des gardes, et la loi qui frappait de mort
quiconque aurait voulu voir la face du mo-
narque, sans y être appelé, avait pour but
d'imprimer à tous un respect religieux pour
sa majesté. Les princes païens régnent par
la terreur. C'est pour cela qu'ils se rendaient
et qu'ils se rendent encore invisibles. Autre
est la conduite des princes chrétiens.
MARDOCllÉlî. 133
VI
Mardochéc, ayant entendu la réponse d'Es-
ther, lui fit dire par Atach : « Ne croyez pas,
parce que vous êtes dans la maison du roi,
que vous pourrez sauver votre vie, si tous
les Juifs périssent. Si vous demeurez dans
l'inaction, les Juifs seront sauvés sans vous ;
mais vous périrez, vous et la maison de votre
père, parce que vous aurez failli à votre de-
voir. Qui sait si ce n'est point pour cela môme
que vous avez été élevée ;\la dignité royale,
afin d'être en état d'agir dans une occasion
comme celle-ci? »
VII
Toujours obéissante, Eslher envoya dire de
nouveau à Mardochée : « Allez, assemblez
tous les Juifs qui sont dans Suse, et priez
tous pour moi. Ne mangez ni ne l)uvez, ni
jour ni uuil, pendant trois jours, je jeûnerai
de la même manière avec mes lilles. Après
cela, j'entrerai chez le roi, malgré la loi qui
le défend sans y être appelée, et, s'il faut
134 VINGT-UNIEME JUUl).
que je périsse, je périrai. Mardochée s'em-
pressa d'exécuter ce qu'Esther lui avait or-
donné.
Répe.don. — En apprenant la condamna-
tion de son peuple, Mardochée déchire ses
vêtements, se couvre de cendres et pousse
des cris de douleur : n'est-ce pas l'Église ac-
tuelle ? A la pensée des maux qui menacent
le monde, celte mère des nations n'est-ellc
pas dans le deuil? ne fait-elle pas entendre
des gémissements et des cris d'alarme ? Dans
leurs projets hautement avoués, est-ce que
les impies n'ont pas décidé la ruine de toute
religion, de tout ordre social, le meurtre et
le pillage universel? Qui nous sauvera?
Mardochée n'a qu'une ressource, c'est Es-
Iher. 11 lui fait connaître le péril de sou
peuple et ne lui dissimule pas que c'est pour
le sauver que Dieu l'a élevée à la dignité de
reine. Quelle est notre ressource aujourd'hui,
sinon la divine Esther? Catholiques du dix-
neuvième siècle, condamnés à mort par les
ennemis de Dieu et des hommes, exposons
nos dangers à Marie et disons-lui sans hési-
ter : Ce n'est pas pour vous seule, c'est pour
MARDOCDEE. 135
nous, que vous ôtcs devenuo reine du eiel
et de la terre.
Esther demande î\ Mardochée de prier et
de faire prier et jeûner. La sainte Vierge nous
demande la même chose : priez et faites pé-
nitence, autrement vous périrez. La tendre
Esther dit à Mardochée : je ne vous laisserai
pas seul, je prierai moi-même, je jeûnerai et
lerai jeûner avec vous. Soyons- en sûrs, Ma-
rie, qu'on n'invoqua jamais en vain, joindra
ses prières aux nôtres, et ses prières sont
toutes puissantes. Sans crainte, elle ira trou-
ver le divin Assuérus, et nous serons sauvés.
Incocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
le Tonkin.
Pratique. — Réciter le Miserere.
XXIP JOUR.
Prière de Mardochée et d'Esther.
I
A la recommandation de Mardochée tous
les Juifs se livrèrent pendant trois jours au
jeûne et à la prière. Ils comprirent que, dans
la conjoncture où ils se trouvaient, le Dieu
de leurs pères pouvait seul les sauver. Ainsi
doivent raisonner les nations coupables, si
elles veulent conjurer les fléaux qui les me-
nacent. Esther et Mardochée ne se contentè-
rent pas d'inviter les Juifs à la prière et à la
pénitence : ils leur en donnèrent l'exemple.
Voici la prière que ces deux grandes et saintes
âmes adressèrent au Dieu d'Israël. Nous la
lirons avec respect et nous la répéterons en
particulier. Nulle n'est mieux appropriée aux
besoins du dix-neuvième siècle.
rniÈRE on MARDOCnÉE F.T D'ESTIITR. 137
II
Se souvenant de toutes les œuvres du
Seigneur, Mardoehée le pria en ees termes :
« Seigneur, Seigneur, roi tout-puissant, tout
est soumis à votre pouvoir, et nul ne peut ré-
sister à votre volonté, si vous avez résolu de
sauver Israël. Vous avez fait le ciel et la terre
et tout ce qui est sous le ciel. Vous êtes le
Seigneur de toutes choses, et nul ne peut ré-
sister à votre Majesté. Tout vous est connu;
et vous savez que si je n'ai point adoré le
superbe Aman, ce n'est ni par orgueil, ni par
mépris, ni par un secret désir de gloire ; car
j'aurais volontiers baisé la trace môme de
ses pieds pour le salutd'lsraël. Mais j'ai craint
de transférera un homme l'honneur qui n'est
dû qu'à mon Dieu, et d'adorer un autre que
le Dieu de mes pères.
III
« Maintenant donc, ô Seigneur roi, ô Dieu
d'Abraham, ayez pitié de votre peuple, parce
ns VINGT-DEUXIEME JOUR.
que nos ennemis veulent nous perdre et ex-
terminer votre héritage. Ne méprisez pas ce
peuple que vous vous êtes donné en partage,
que vous avez racheté de l'Égyplc pour être
à vous. Exaucez ma prière, soyez favorable à
une nation qui est spécialement vôtre. Chan-
gez, Seigneur, nos larmes en joie, afin que,
préservés de la mort, nous célébrions votre
nom, et ne fermez pas la bouche à ceux qui
vous louent. »
IV
Touî Israël s'unit à Mardochée et cria vers
le Seigneur, et, d'une même bouche comme
d'un même cœur, lui adressa ses prières, parce
qu'une mort certaine les menaçait. Dans l'in-
térieur du palais,.Esther faisait écho aux sup-
plications qui s'élevaient vers le ciel de toutes
les parties de la ^ille. La pieuse princesse se
réfugia vers le Seigneur son Dieu, épouvan-
tée du péril qui était si proche. Ayant quitté
ses habits de reine, elle en prit de conformes
à son affliction et à ses larmes. Au lieu de
parfums, elle se couvrit la tête de cendres,
jeûna rigoureusement et coupa les tresses de
PRIÈRI^ nE MARDOCIIÉE ET DESTIIEH. UO
ses cheveux, qu'on trouva répandus dans les
lieux naguère témoins de ses joies.
Prosternée devant le Dieu d'Israël, elle le
suppliait en ces termes : « Mon Seigneur,
qui êtes seul notre roi, assislez-moi dans l'a-
bandon où je suis, puisque vous êtes le seul
qui puissiez me secourir. Mon péril est im-
minent. J'ai su de mon père que vous. Sei-
gneur, aviez pris Israël d'entre toutes les
nations pour en faire votre peuple, et que
vous avez tenu votre parole. Nous avons
péché devant vous ; c'est pour cela que vous
nous avez livrés entre les mains de nos enne-
mis. Nous avons adoré leurs dieux : et vous
êtes juste, Seigneur.
(( Maintenant ce n'est pas assez pour eux de
nous opprimer de la manière la plus dure.
Attribuant la force de leurs bras à la puissance
de leurs idoles, ils veulent faire mentir vos
promesses, exterminer votre héritage, fermer
la bouéhe à ceux qui vous louent et éteindre
la gloire de votre temple et de votre autel,
9.
l'.O VINGT-DEUXIEME JOUR.
afin de luire louer par les nations la puis-
sance (le leurs idoles et mettre à votre place
un roi de chair.
VI
« Seigneur, n'abandonnez pas votre peuple
à ceux qui ne sont que néant, de peur qu'ils
ne tressaillent à notre ruine ; mais faites re-
tomber leur dessein sur eux, et perdez celui
qui a commencé d'exercer sa cruauté contre
nous. Souvenez vous de nous. Seigneur;
montrez-vous à nous aux jours de notre af-
fliction, et donnez-moi de l'assurance, Sei-
gneur, roi de tous les rois. Mettez dans ma
bouche des paroles convenables en la pré-
sence du lion. Tournez son cœur à la haine
de notre ennemi, afin qu'il périsse lui et tous
ceux qui conspirent avec lui. Délivrez-nous
par votre main, et assistez-moi, Seigneur,
vous qui êtes mon unique secours.
VII
« Vous connaissez toutes choses et vous
savez que je hais la gloire des injustes. Mes
PBIÈRF HE MARDOCnÉr: ET D'ESTUF.R. 141
chagrins ne vous sont point cachés. Vous sa-
vez qu'aux jours où je suis condauinée à pa-
raître dans hi magnificence et dans l'échit,
j'ai en horreur le signe superhe de ma gloire
que je porte sur ma tête, vous savez que je
le regarde comme un linge souille et que je
ne le porte jamais dans les jours de ma soli-
tude.
« Vous savez que je n'ai point mangé à la
table d'Aman, ni pris aucun plaisir au fes-
tin du roi, ni bu de vin offert aux idoles. Vous
savez que, depuis le temps où j'ai été amenée
dansce palais jusqu'aujourd'hui, jamais votre
servante ne s'est réjouie qu'en vous seul,
Seigneur, Dieu d'Abraham. 0 Dieu puissant,
dominateur de tous, écoutez la voix de ceux
dont vous êtes le seul espoir ; sauvez-nous de
la main des méchants et délivrez moi de ma
propre crainte. »
Réflexion. — Que l'exemple d'Esther et de
Mardochée ne soit pas perdu pour nous, ne
nous contentons pas de le lire : imitons-le.
Notre avenir môme temporel comme l'avenir
du monde est à ce prix. Les circonstances
sont telles que Dieu seul, agissant dans toute
iM . VINGT-DEUXIEME JOUR.
retendue de sa puissance et de sa miséri-
corde, peut rétablir l'ordre sur la terre et em-
pêcher une nouvelle chute de l'humanité.
Qui fera violence à son cœur ? qui lui fera
retirer le décret de condamnation déjà peut-
être porté contrele monde coupable, contre
le mauvais dix-neuvième siècle, si rebelle aux
avertissements de la Providence et si obstiné
dans le mal ? Les prières des bonnes âmes,
jointes à l'intercession de la divine Esther.
(( La prière du juste, dit le Seigneur, péné-
trera les nuées, se présentera devant le trône
de Dieu, et n'en quittera pas que le Très-Haut
ne l'ait regardée d'un œil favorable. » Soyons-
en bien convaincus; c'est ainsi et seulement
ainsi que nous obtiendrons miséricorde.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
les Indes.
Pratique. — Réciter les Litanies des Saints.
XXIIP JOUR.
Esther entre chez le roi.
I
Par le jeûne et par la prière, accomplis
avec la ferveur que leur inspirait la vue de
la mort, les Juifs s'étaient assuré la protec-
tion du Dieu de leurs pères. Esther n'hésita
plus. Le troisième jour, elle se revêtit de ses
habits royaux et s'environna de toute la
pompe qui convenait à sa dignité. Ainsi pa-
rée , elle invoqua le Dieu qui dirige et qui
sauve, et prit avec elle deux de ses suivantes.
Sur l'une, elle s'appuyait avec grâce; l'autre
suivait sa maîtresse, portant la queue de sa
robe.
II
Esther marchait lentement comme une
personne délicate et alfaiblie. Elle l'était en
effet, tant par sa constitution naturelle que
1A4 VINGT-TROISIEMF. JOUR.
par le jeûne et par la crainte. Néanmoins,
les roses de son visage n'avaient rien perdu
de leur fraîcheur, et ses yeux conservaient
leur vif éclat et leur incomparable douceur.
Sous ces beaux dehors, se cachaient une pro-
fonde tristesse et une fraveur extrême.
III
Traversant les nombreux appartements du
palais, Esther s'arrêta sur le seuil de la cham-
bre du roi, dont la riche portière, relevée en
double feston, permettait au monarque de
voir dans la salle d'attente. Assuérus était
majestueusement assis sur son trône, revêtu
de ses ornements royaux, tout resplendissant
d'or et de pierres précieuses , et son sceptre
d'or à la main : sa vue inspirait la terreur.
Aux pas des visiteuses, il leva la tête, et ses
regards, brillants comme l'éclair, trahirent
la colère de son Ame. La reine s'évanouit;
la pâleur de la mort se répandit sur son vi-
sage et sa tête sans force tomba sur l'épaule
de sa suivante.
ESTHER ENTUE CUEZ LE ROI. 145
IV
Dieu changea subitement le cneur du roi,
et le remplit de douceur. Craignant pour
Esther , il quitte son trône, prend la reine
dans ses bras, et, la soutenant jusqu'il ce
qu'elle revienne à elle, il lui disait ces cares-
santes paroles : (( Qu'avez-vous, Esther? je
suis votre frère , ne craignez pas. Vous ne
mourrez pas; ce n'est pas pour vous qu'est
laite la loi, c'est pour tous les autres. Ve-
nez et touchez mon sceptre. » Assuérus vou-
lait lui dire par Ifi que toute sa puissance
était à ses ordres.
Esther demeurait silencieuse et timide-
ment immobile. Alors Assuérus lui place
l'extrémité de son sceptre sur le cou et l'em-
brasse , en lui disant : (( Pourquoi ne me
parlez-vous pas? » Esther répondit : « Je
vous ai vu, seigneur, comme l'ange de Dieu,
et l'éclat de votre gloire m'a fait manquer le
cœur. » A ces mots, elle s'évanouit de nou-
veau.
14t: YINGT-TKOISIEME JOUR.
Le roi était dans un trouble inexprimable,
et ses officiers s'empressaient autour de la
reine pour la ranimer et la consoler. Quand
elle fut revenue à elle, Assuérus lui dit : « Que
voulez-vous, reine Esther? que demandez-
vous? Quand vous me demanderiez la moitié
de mon royaume, je vous la donnerais. »
Esther répondit : '< Aujourd'hui est pour
moi un jour de fête, et s'il plaît au roi, je le
prie de venir avec Aman au festin que j'ai
préparé à mon seigneur. » Aussitôt le roi
dit : u Qu'on se hâte d'avertir Aman, afin
qu'il obéisse à la volonté de la reine. » Re-
mise de ses émotions et inondée de joie, Es-
ther fut reconduite dans ses appartements.
Là, elle put librement exprimer, par de fer-
ventes prières, toute sa reconnaissance pour
le Dieu de ses pères. A l'heure indiquée, le roi
et Aman vinrent au festin que la reine leur
avait préparé.
VI
Vers la tin du repas, lorsqu' Assuérus eut
bu beaucoup devin, il dit à Esther: « Que dé-
sirez-vous que je vous donne, et que me de-
ESTIIER ENTRE CHEZ LE ROI. 147
mandez-vous? Je le répète, quand vous me
demanderiez la moitié de mon royaume , je
vous la donnerais. » Esthcr répondit modes-
tement : (( Yoici ma demande et ma prière.
Si j'ai trouvé i;ràce devant le roi, et ({u'il
lui plaise de m'accorder ce que je demande,
je le prie de venir encore avec Aman prendre
part à un nouveau festin, et demain je dirai
au roi ce que je désire. »
VII
La prudence divine qui conduisait Esther
paraît ici à découvert. Avant de présenter à
Assuérus sa demande en faveur des Juifs,
elle l'invite à un second festin. C'était d'a-
bord un moyen de gagner de plus en plus
les bonnes grâces du roi , de manière à ce
qu'il ne put rien lui refuser. La précaution
n'était pas superflue; obtenir contrairement
à la loi des Perses le retrait d'un édit royal
porté et promulgué, était ce qu'il y avait au
monde de plus difficile. Ensuite, elle ne vou-
lait pas faire sa demande en présence des
grands de la cour, qui n'auraient pas man-
148 VINGT-TROISIÈME JOUR.
que de la combattre. Elle prépara donc une
réunion intime, où seule avec le roi elle pût
librement lui ouvrir son cœur et se faire con-
naître pour une fdle d'Israël. Aman devait
assister à la communication , pour des rai-
sons qui nous seront bientôt connues.
Réflexion. — Avec tous les siècles j'admire
le courage d'Esther, qui s'expose à la mort
pour sauver son peuple. Plus grande est mon
admiration pour la sainte Vierge, qui donne
la vie de son Fils pour obtenir le salut du
monde. La loi de mort qui défend d'appro-
cher d'Assuérus n'est pas faite pour Esthcr.
Marie a toujours accès auprès de Dieu. Estber
va trouver Assuérus , accompagnée de deux
suivantes : c'est Marie qui se présente devant
le Très-Haut, accompagnée de la nature hu-
maine et de la nature angélique, toutes deux
sanctifiées et glorifiées par le Fils qu'elle a
donné au monde.
Les douleurs et les charmes d'Esther lui
livrent le cœur d'Assuérus. Par les mêmes
moyens, Marie est devenue toute-puissante
sur le cœur de Dieu. Assuérus, voyant Esther
évanouie, s'empresse de la rassurer et lui
ESTnER ENTRE CHEZ LE RUf. 1 A 9
promet tout ce qu'elle voudra , fût-ce la
moitié de son royaume. Gomme les plaies de
son Fils, les douleurs de Marie sont toujours
présentes aux yeux de Dieu. Plein de ten-
dresse pour elle, le divin Assuérus se montre
plus généreux que le premier : il lui donne
son royaume tout entier, c'est-à-dire la plé-
nitude de sa puissance, en l'établissant reine
des anges et des hommes.
Esther ménage si bien les choses qu'elle
obtient tout ce qu'elle veut. Marie a de tels
secrets pour arriver au cœur de Dieu, qu'elle
l'enchaîne à sa volonté. C'est au point qu'en
la voyant venir, son divin Fils prévient ses
prières et lui dit comme Salomon à Bethsa-
bée : « Demandez, ma mère, je n'ai rien h
vous refuser. »
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
la Malaisie.
Prntifjuc. — Réciter l'yl^v Maris Stella.
XXIV^ JOUR.
Colère d'Aman.
I
Le festin terminé, Aman se retira ivre de
joie; mais, en sortant du palais, il vit Mardo-
chée qui était assis à la porte. Non-seule-
ment il ne se leva pas devant l'orgueilleux
ministre, il ne se remua pas même de la place
où il était. Aman en conçut une grande indi-
gnation. Et nous, nous devons avoir une
grande admiration pour Mardochée.
Ce digne enfant d'Abraham est condamne
à mort, et tout son peuple avec lui : il le sait.
Devant lui passe l'auteur de l'édit d'extermi-
nation. Cet édit est motivé parle refus de Mar-
dochée d'adorer le meurtrier de sa nation.
Peut-être qu'à cette heure même, Mardochée
pourrait, en fléchissant le genou, foire révo-
quer l'arrêt de proscription. 11 ne le fait pas :
Dieu le défend. Il aime mieux s'exposer, lui
et toute sa race, à une mort certaine, que de
COLEKli: It'AMAN. 151
dosobéir ù Dieu en commeltanl un acte de
lùchc respect humain.
II
Aman dis^iniula sa colère, et, rentré chez
hii , il assem])la ses amis avec sa femme Za-
rès. Plein de lui-même , il leur représenta
({uelle était la grandeur de ses richesses , le
grand nombre de ses enfants, ce qui était en
Orient, et ce qui sera toujours partout un
motif (le gloire; et l'immense honneur dont
il jouissait d'tMre élevé au-dessus de tous les
princes de l'empire.
Gomme comble de gloire,- il ajouta : « La
reine Esther n'a invite que moi seul au festin
qu'elle a donné au roi; et demain je dois en-
core dîner chez elle avec le roi. Malgré toutes
ces faveurs et tous ces avantages, je crois
n'avoir rien, tant que je verrai le Juif Mar-
dochée, assis devant la porte du palais et re-
fusant de fléchir le genou quand je passe. »
m
Zarcs ctses amis lui répondirent : (( Faites
dresser une potence fort élevée, (pii ait vingt-
lo2 VINGT-QUATRIEME JOUR.
cinq coudées de haut, alin qu'elle soit vue
de toute la ville. Dites au roi, demain matin,
qu'il y fasse pendre Mardochée, et vous irez
ainsi plein de joie au festin avec le roi. » Ce
conseil lui plut et il ordonna de préparer la
potence.
Tandis que, dans la maison d'Aman, on
décidait pour le lendemain le supplice de
Mardochée, que se passait-il au palais d'As-
suérus ?
IV
Ce prince passa la nuit sans dormir. Pour
se distraire, il se fit apporter les annales de
son règne. Comme on les lisait devant lui ,
on vint à l'endroit où il était écrit de quelle
manière Mardochée avait dévoilé la conspira-
tion de Bagathan et de Tharès, qui voulaient
assassiner le roi Assuérus. A ce récit, le roi
arrête le lecteur et demande : « Quelle ré-
compense Mardochée a-t-il reçue pour cet
acte de lidélité? » Ses serviteurs et ses offi-
ciers lui répondirent : « Il n'a reçu aucune
récompense. » Le roi se tut.
COLEUE D AMAN. 153
Cependant, avant l'heure ordinaire des ré-
ceptions, on entendit du bruit dans la salle
d'attente. Assucrus étonné demanda : « Qui
est dans l'antichambre? » Ses serviteurs lui
répondirent : « C'est Aman. » Pressé par le
désir de la vengeance, Aman avait prévenu
l'heure des audiences, afin de se trouver seul
avec le roi , et d'obtenir immédiatement la
sentence de mort contre Mardochée.
VI
Ici, il faut s'arrêter un instant pour admi-
rer les ressorts de la Providence. Pour arri-
ver à ses fins, tout lui est bon. Une chose
purement naturelle et de soi assez indifie-
renlc, l'insonmie d'Assuérus va devenir l'oc-
casion du dénoùment imprévu , qui sera
tout à la fois la punition éclatante des mé-
chants, et la délivrance non moins éclatante
des justes. Il n'est pas jusqu'à l'oubli inex-
plicable dans lc(iuel on a laissé le service de
154 VINGT-QUATRIEME J0UI5.
Mardochée, qui ne doive contribuer à son
triomphe.
Sans l'insomnie, la lecture des annales
n'aurait pas eu lieu, et si Mardochée eût
été récompensé, le récit de sa fidélité n'au-
rait pas eu d'objet. Enfin, l'empressement
hom.icide du vindicatif Aman était ménagé
pour rendre plus saisissante l'action de la
justice divine. Que cette grande leçon ne soit
pas perdue pour nous ! Si les créatures man-
quent de reconnaissance à notre égard ; si Dieu
lui-même nous fait attendre ses faveurs, ne
perdons ni confiance ni courage. Avec un
père infini dans sa puissance et infaillible
dans ses promesses, rien n'est perdu. Dieu,
dit un proverbe, ne paye pas tous les same-
dis, mais il ne fait jamais banqueroute.
VII
Nous avons laissé Aman dans l'anticham-
bre du roi. Bien que favori d'Assuérus et son
premier ministre, il eût été sur-le-champ mis
à mort s'il avait osé franchir, sans être ap-
pelé, le seuil de la chambre du roi. Grâce à
COLÈRE d'aman. 135
la proteclion toute particulière de la l'rovi-
dcnce , Esther seule avait pu le faire impu-
nément. Les serviteurs d'Assuérus lui ayant
répondu qu'Aman était dans l'antichambre ,
le roi dit : u Qu'il entre. » Aman ne se le fit
pas répéter, tant il était pressé par le désir
de la vengeance. Laissons-le en présence
d'Assuérus, où nous le trouverons demain.
Ii(''/k'di(i)i. — Aman se vante lui-môme de
posséder tous les éléments du bonheur. Ce-
pendant il n'est pas heureux. Hue lui man-
que-t-il? Dans l'immense empire des Perses,
dont il lient les rênes, un seul homme refuse
de fléchir le genou devant lui, et, tant qu'il
n'aura pas obtenu cette génuflexion , il ne
comptera pour rien ni les richesses, ni les
honneurs, ni la puissance. Ainsi, Achab, roi
d'Israël, n'est pas satisfait de régner sur de
richesprovinces. Pointdebonheurpourlui, s'il
ne possède la petite vigne du pauvre Naboth.
C'est là sans doute une folie. Mais dans la
passion arrivée à un certain point , celte
folie devient cruauté. Pour n'avoir pas obtenu
une génuflexion, Aman se vengera par l'ex-
termination de tout un peuple. Naboth
10
156 VINGT-QUATRIÈME JUUR.
payera de sa vie le refus de livrer à Achab la
vigne de ses pères. Tant que la révolution,
fût-elle maîtresse du monde, n'aura pas la
vigne du pauvre Naboth, qu'on appelle le
patrimoine de saint Pierre, elle ne sera pas
satisfaite. L'aura- t-elle? Jamais, si nous mé-
ritons que la divine Esther en demeure la
gardienne.
Quoi qu'il en soit, malheur, et toujours
malheur aux esclaves des passions. Quand ils
auront obtenu l'objet de leurs plus ardents
désirs, seront-ils heureux? Nullement. Au
désir satisfait succédera un autre désir; à
celui-ci un autre encore, et ainsi jusqu'à la
fin. C'est pourquoi un grand docteur, saint
Anselme, compare justement les ambitieux
qui cherchent le bonheur dans les créatures,
aux enfants qui courent après les papillons.
Ils se fatiguent à les poursuivre, parviennent
difficilement à les prendre, et, quand ils les
ont pris, ils se réjouissent comme s'ils avaient
un trésor, et ils n'ont qu'un insecte.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
COLERE D AMAN. 157
0 Marie, secours des chrétiens ; priez pour
l'Afrique orientale.
Pratique. — S'associer fi l'œuvre de la
Propagation de la Foi.
XXY^ JOUR.
Confusion d^Aman.
I
Aman, se voyant seul avec Assuérus, était
au comble de ses vœux. Il allait enfin pou-
voir satisfaire sa vengeance. Ses lèvres
n'attendaient que le moment de s'ouvrir,
pour demander le supplice de Mardochée.
Quant à l'obtenir, son crédit ne lui permet-
tait pas d'en douter. Sa confiance était
d'autant plus grande qu'il s'agissait d'une
simple anticipation, Mardochée se trouvant
compris dans l'extermination générale des
Juifs, qui devait avoir lieu quelques moiv;
plus tard.
II
Autre était, en ce moment, la pensée d'As-
suérus. Tout occupé du service que Mardo-
chée lui a\ail iL'udu, clde l'oubli dans lequel
CONFUSION DAMAN. 159
on avait lai.^sé ce fidèle servitour, le roi dit ;\
Aman : «. Que doit-on faire i\ un homme que
le roi désire honorer ? ») Aman réfléchit un
instant pour trouver tout ce qu'il y avait de
plus glorieux, et, pensant que le roi ne.vou-
lait honorer que lui, s'empressa de répon-
dre : « Il faut que l'homme que le roi veut
honorer, soit revêtu des habits du roi, et
placé, le diadème en tète, sur le cheval que
le roi a coutume de monter. 11 faut ensuite
que le premier des seigneurs de la cour
tienne le cheval par la bride et qu'il par-
coure toutes les places de la ville, en criant :
C'est ainsi que serahonnr(', celui ([u'il jjlaira
au roi d'honorer. »
III
Paraître ainsi en public était tout ce qu'il
avait de plus honorable chez les Perses. On
peut ajouter tout ce qu'il y aurait de plus ho-
norable chez les différents peuples du monde.
Le costume des rois de Perse était un magni-
fique manteau de pourpre, orné de riches
broderies. Leur diadème formait une sorte
de turban en écarlate, rehausse par une
10.
IGO VINGT-CINQUIEME JOUR.
torsade blanche et étincelant de pierres pré-
cieuses. Un collier d'or, un cimeterre à
poignée d'or, des bracelets d'or complétaient
leur costume. Tous ces ornements devaient
être remis à celui que le roi voulait honorer.
IV
Assuérus, ayant entendu la réponse d'A-
man, lui dit : « Ne perdez pas un instant, et
faites tout ce que vous venez de dire au Juif
Mardochée, qui est assis à la porte du palais.
Prenez garde de ne rien omettre de ce que
vous avez dit. »
La foudre serait tombée sur sa tête, qu'A-
man n'aurait pas été plus atterré. Avoir lui-
même, sans le soupçonner, tracé avec un
soin jaloux le programme détaillé du triom-
phe de celui dont il était venu, avec con-
fiance, demander la mort pour le jour même,
la mort sur un gibet déj;\ préparé et dont la
hauteur devait élever l'ignominie de Mardo-
chée aux yeux de toute la ville ! Être con-
damné, lui Aman, lui le premier ministre du
roi, lui le plus haut personnage do l'empire,
CONFUSION D AMAN. 1 G 1
à devenir le v;ilel de pied el le héraut de ce
Martlochée, ce Juif méprisé, et son niorlel
ennemi : l'histoire oflre-t-clle l'exemple
d'une humiliation pareille ?
Cependant, il lallul obéir. Aman prit donc
le manteau royal et le cheval qu'il avait
désigné. Lui-même, descendu devant le
palais, de ses propres mains revêtit Mardo-
chéc des habits royaux, lui mit le cimeterre
au côté et le diadème sur la tète, au milieu
de la grande place qui précédait le palais.
Puis, toujours en présence de la cour et du
peuple, il tint l'étrier pendant qucMardochée
montait à cheval. Le triomphateur, dans tout
l'éclat de sa gloire, donna le signal du départ.
Aman marchait humblement devant lui,
criant à haute voix dans tous les quartiers
de la ville : « C'est ainsi que mérite d'être
honoré, louthonnne qu'il plaira au roi d'ho-
norer. ))
162 VINGT-CINQUIEME JOUR.
VI
Mardochce, ayant fait le tour de la ville,
fut reconduit au palais. Aman se hâta de
regagner sa maison, gémissant et ayant la
tête couverte, afin de n'être vu de personne.
Il avait honte, en effet, de marcher le visage
découvert, lui qui, voulant se faire adorer
comme un dieu, venait d'être vu de toute
la ville, réduit au rôle de palefroi. D'ail-
leurs se couvrir la tête était chez les Perses,
comme chez un grand nombre de nations,
un signe de grand deuil, de grande douleur et
de grande confusion.
VII
Arrivé chez lui, Aman raconta à Zarès sa
femme et à ses amis tout ce qui lui était
arrivé. Les sages dont il prenait consed et
sa femme lui dirent : « Si Mardochée, de-
vant lequel vous avez commencé de tom-
ber, est de la race des Juifs, vous ne pourrez
lui résister,maisvous tomberez entièrement, o
Parlaient-ils delà sorte par une inspiration
CONFUSION DAMAN. 163
divine, ou leurs conjectures rcposaienl-elles
sur l'histoire des Juifs, qu'on avait vus con-
stanunent, soit en Egypte, soit dans la terre
de (^hanaan, triompher de leurs ennemis ?
11 n'importe : leur prédiction ne tarda pas
à se vérilier. Ils parlaient encore, lorsque les
chambellans du roi survinrent, et obligèrent
Aman à venir sans délai au festin que la
reine avait préparé.
liëflexion. — L'homme, dit le Saint-Esprit,
sera puni par où il aura péché. Aman en est
une preuve éclatante. Aman, c'est la Rév(j-
lulion ; Mardochéc, c'est le pape. Grâce à la
complicité publique ou secrète des rois et des
peuples, la Révolution est arrivée à une puis-
sance aujourd'hui sans rivale. Seulle vicaire
de Jésus-Christ refuse de fléchir le genou
devant elle. Seul il la combat hautement et
avec une constance inébranlable. De là, les
fureurs et les cris de mort de la Révolution
contre la papauté. C'est au moment où il
ne doute plus de son triomphe qu'Aman est
confondu ; et qu'il voit la puissance lui
échapper et ses projets s'évanouir.
Tel sera, si nous méritons que la divine
164 VINGT-CINQUIÈME JOUR.
Eslher prenne en main notre cause, le sort
inévitable de la Révolution. Quant à l'Église,
elle n'a rien à craindre. La barque de Pierre
peut être agitée, elle ne fera jamais nau-
frage. Voulons-nous être en sûreté? Demeu-
rons fidèlement dans cette barque où, veil-
lant ou dormant, se trouve toujours celui
qui commande en maître aux flots irrités.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez
pour l'Afrique occidentale.
Pratique. — Faire souvent et bien le signe
de la a'oix.
XXVP JOUll.
Punition d^Aman.
I
Aller dîner avec Assuérus qui venait de lui
iniliger la plus sanglante humiliation, devait
être pour Aman un bien triste honneur,
pour ne pas dire un pénible devoir. Mais,
dans l'intérêt de leur fortune, les ambitieux
savent dévorer en secret les plus cruels af-
fronts. Aman se rendit donc au palais et avec
Assuérus entra chez la reine, où les attendait
le nouveau festin. 11 pouvait être environ
deux heures après midi ; car la promenade
triomphale de Mardochée n'avait pris qu'une
partie de la journée : et Aman, rentré chez
lui en toute hâte, racontait encore ses cha-
grins, lorsque les chambellans vinrent le
chercher pour prendre part au banquet de
la reine.
166 VINGT-SIXIÈME JOUR.
II
Le repas commença et continua même
pendant quelque temps, sans que rien fît
pressentir la catastrophe par laquelle il de-
vait se terminer. Estlier attendait le moment
iavorahle de parler au roi. Lui-même la fit
naître ; car il n'avait pas oublie qu'Esther lui
avait dit la veille : « Demain je ferai connaître
mes désirs, » Quand donc Assuérus fut un
peu cchaulfé par le vin, il fit à Esther la
môme question et la môme promesse que le
jour précédent. « Que demandez-vous de
moi, Estlier, et que désirez -vous que je fasse ?
Quand vous me demanderiez la moitié de
mon royaume, je vous la donnerais. »
III
Pour la seconde fois, rEcrilure remarque
qu'Assucrus se laissait échauffer par le vin.
Elle ne veut pas dire qu'il buvait avec excès
et au point de troubler sa raison. Nous ap-
prenons seulement que les monarques per-
l'LNlTION D AMAN. lli?
sans ctaicnl puissants à boire, comme dit
ailleurs le Saint-Esprit : Patentes ad hiheu-
(hnn. L'histoire rapporte de l'un d'entre
eux, le trait suivant. Comme il buvait
largement, un de ses plus chers courti-
sans se permit de l'engager à se modérer,
ajoutant que l'ivrognerie était honteuse sur-
tout dans un roi, sur qui tous les regards
sont fixés.
(( Afin que lu saches que je ne bois jamais
avec excès, répondit le monarque, je vais
le prouver qu'après de copieuses libations,
j'ai l'œil et la main aussi sûrs qu'avant. » Et
il se mit à boire plus que de coutume et dans
des coupes plus larges, (juand on le crut dans
un état d'ivresse, il commanda au jeune fils
du courtisan d'aller se placer hors de la salle
du leslin, et de se tenir debout, la main
gauche placée sur la tête. Le roi tend son
arc en disant : Je vise au cœur; et il envoie sa
llèche droit au cœur du jeune homme. Puis,
retirant la llèche, et la montrant au père,
il lui dit : (( Crois-tu que j'ai la main assez
sûre?» L'j père répondit : c( Un dieu ne tire-
rait pas plus juste. »
1 1
1G8 VINGT-SIXIEME JOUR.
L'acte de ce roi et la flatterie de ce père
montrent ce qu'était la nature humaine dans
le paganisme.
IV
Esther, voyant Assuérus bien disposé, lui
répondit : « 0 roi, si j'ai trouvé grâce devant
vos yeux, je vous conjure de m'accorder, s'il
vous plaît, ma propre vie, et celle de mon
peuple. Car nous sommes livrés, moi et mon
peuple, pour être foulés aux pieds, égorgés et
exterminés. Plût :i Dieu qu'on nous vendît,
hommes et femmes, comme esclaves ! Ce mal
serait supportable et je le souffrirais en si-
lence. Mais l'extermination de tout un peu-
ple par notre ennemi, cst.un acte de barbarie
qui retombe sur le roi. »
V
11 est facile, non, il est impossible de com-
prendre l'impression que produisirent sur
Assuérus les paroles d'Esther. Néanmoins,
on se figure sans peine qu'il dut se dire à
lui-même : « Est-ce un rêve ? (Juoi ! Esther
que voilà sous mes yeux ! la reine Esther, si
rUNlTION D AMAN. 1(5 9
tendrement aimée, est condamnée à mort !
Et je n'en sais rien ! Par dévouement pour
moi, elle consent à être renvoyée de mon
palais et vendue comme esclave : elle me
demande seulement grâce de la vie ! Quel est
cet étrange mystère ? »
Aman le comprit aussitôt, et on peut juger
de sa frayeur. Il apprenait qu'Esther était
juive et que, enveloppée comme telle dans
l'édit d'extermination qu'il avait surpris à
Assuérus, elle demandait grâce de sa vie. Il
voyait que non-seulement cette grâce lui se-
rait accordée ; mais que le décret de pros-
cription serait rapporté et que toutes ses
machinations allaient tourner contre lui.
C'était le commencement des douleurs.
VI
La scène ne larda pas à devenir bien au-
trement saisissante. Reprenant la parole,
Assuérus dit : « Qui est celui-là? et qui est
assez puissant pour oser faire ce que vous
dites ? » Esther répondit : « Le cruel ennemi
qui a juré notre perte, c'est cet Aman. »
170 YINGT-SIXlEMIi JOUR.
A ces mots, Aman demeura interdit, ne
pouvant supporter les regards du roi et de la
reine. Assucrusse leva en colère et, étant sorti
de la salle du festin, il entra dans le jardin du
palais. Aman se leva aussi de table et se jeta
à genoux, pour supplier la reine Estlier de lui
sauver la vie. Assuérus, étant rentré dans la
salle du festin, trouva Aman penché sur le
lit de table, oîi était Esther, et il dit : « (Juoi !
il veut même faire violence à la reine, en ma
présence et dans ma maison ! »
VII .
A peine cette parole fut sortie de la bouche
du roi, que les chambellans s'emparèrent
d'Aman et lui couvrirent le visage, comme
cela se pratiquait à l'égard des criminels
condamnés à mort. Alors Harbona, un des
ofliciers de service, qui avait été avertir Aman
de venir au festin de la reine, dit au roi :
«11 y a, dans la maison d'Aman, une potence
de cinquante coudées de haut, qu'il avait fait
préparer pour Mardochéc, le sauveur du
roi. »
à
in'NITION r.'AMAX. 17 1
A'^siu'-rns dil : « Qu'Aman soil pcndn. d
Aman Ctil donc pendu à la potence qu'il
avait fait préparer pour Mardoehée, et la co-
lère du roi s'apaisa. La potence fut plantée à
une des portes de la ville, afm que le supplice
lut plus ignominieux et que tous ceux qui
entraient et qui sortaient vissent suspendu à
un gibet, celui qui hier encore voulait se faire
adorer comme un dieu .
Réjlexion. — Pour éprouver la confiance
de ses enfants et faire éclater sa gloire, Dieu
laisse quelquefois monter la puissance de ses
ennemis, au point que leur triomphe paraît
assuré. Mais quand l'heure est venue, Dieu
se lève et tout change. C'est ainsi que, dans
un seul jour, Aman voit tous ses projets
renversés et lui-même, tombé du faîte des
grandeurs, porte la peine de son orgueil et de
sa cruauté. Tout cela se fait par l'entremise
d'Esthcr.
Croyons-le plus que jamais, c'est par l'in-
tercession de la sainte Vierge, que les enne-
mis de l'Église, dont l'orgueil s'élève aujour-
d'hui jus([u'au ciel, seront humiliés et réduits
à l'impuissance. Notre devoii-, surinul jicu-
172 VINGT-SIXIEME JOUR.
dant ce mois béni, est de lui dire avec une
ferveur inaccoutumée : Divine Esther, parlez
au Roi poumons: Loquero Régi pronohis. En
intercédant pour nous, elle intercède pour
elle. Nos ennemis ne sont-ils pas les siens?
S'ils venaient à triompher, n'aboliraient-ils
pas son' culte? Ne sommes-nous pas son peu-
ple, sa famille, ses frères et ses sœurs? Ayons
donc confiance. Souvent c'est quand on croit
tout perdu que tout est sauvé.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Afrique orientale.
Pratique. — S'associer à l'œuvre de la
Sainte-Enfance.
XXVIP JOUR.
Élévation de Mardochée.
1
Eslliur ne lit pas les choses à deiiii. Avoir
vaincu l'orgueilleux et cruel Aman, n'était
que la première partie de sa victoire : éle-
ver Mardochée au faîte du pouvoir, et tirer
une vengeance aussi éclatante que méritée
des ennemis de son peuple, était la seconde.
Le jour même de l'exécution d'Aman, le roi
Assuérus donna à la reine Esthcr la mai-
son d'Aman, ennemi des Juifs. Aman s'étant
rendu coupable de lèse-Majesté, son opulente
maison ou plutôt son splendide palais rempli
d'or, d'argent et de meubles précieux, reve-
nait au trésor de l'empire, et le roi en ht
présent àEsther.
II
Quelques instants après la reine lit appe-
ler Mardochée et le présenta au roi ; car elle
174 VINGT-SEPTIEME JOUR.
lui avait avoué qu'il était son oncle. Aussi-
tôt il devint le favori d'Assuérus, son pre-
mier ministre, son confident le plus intime
et son conseiller le plus sûr. Comme insi-
gne de cette haute dignité, le roi prit l'an-
neau qu'il avait fait ôler à Aman et le
donna à Mardochée. C'était ce même an-
neau royal, dont le perfide ministre avait
scellé l'édit d'extermination contre les Juifs.
De son côté, Esther établit Mardochée in-
tendant de sa maison. Toujours reconnais-
sante et soumise, la bonne princesse voulut
avoir, dans l'éclat de sa gloire, pour
l'homme de sa confiance, celui qui avait
nourri son enfance, dirigé sa jeunesse et
contribué si puissamment à son élévation.
III
Il semble qu'Esther n'avait plus rien à
désirer. Mais à l'àme où règne la charité,
les intérêts d'autrui sont aussi chers que les
siens. La grande reine n'était donc pas en-
core satisfaite. C'est pourquoi elle se jeta
aux pieds du roi ot le conjura avec larmes
i
KLKVATION T)K MARnOCUKR. 175
(lo rendre vaine la méchanceté d'Aman,
iih d'Agag, en déjouant les machinations
qu'il avait formées pour perdre les Juifs.
Assuérus lui tendit son sceptre d'or, pour
lui donner, selon la coutume, des marques
de sa bonté.
Alors la reine, se levant et se tenant en sa
présence, lui dit : '( Si j'ai trouvé grâce devant
le roi et que m.a demande ne lui paraisse pas
importune, je le conjure de vouloir ordon-
ner que les lettres d'Aman, par lesquelles cet
ennemi des Juifs avait commandé qu'on les
exterminât dans toutes les provinces du
royaume, soient révoquées par de nouvelles
lettres : car comment pourrais-je supporter
la mort et la ruine de tout mon peuple ? »
IV
Après les marques de tendresse qu' As-
suérus avait données à Esther et les faveurs
insignes dont il venait de la combler, il peut
paraître étonnant de voir cette reine bien-
aimée, se prosterner devant le roi et fondre
en larme>^ pour Ini demander le salut de son
1 1.
17C VINGT-SEPTIÈME JOUR.
peuple. C'est qu'ici, était le nœud de la dif-
ficulté. Suivant les lois inviolables des Perses
et des Mèdes, un décret scellé du sceau
du roi était irrévocable. L'annuler par un
autre décret, c'était faire une révolution.
Or, l'édit d'extermination porté contre les
Juifs était scellé du sceau du roi. De là vient
qu'Esther emploie tous les moyens en son
pouvoir, pour toucher Assuérus et lui faire
révoquer cet édit. Ce grand prince, qui avait
compris la fourberie d'Aman, n'hésita pas
à braver les dangers qu'il pouvait courir,
afin de sauver les innocents.
II dit donc à la reine et à Mardochée :
(( J'ai donné à Esther la maison d'Aman, et
j'ai commandé qu'il fût attaché à une po-
tence, parce qu'il avait osé lever la main
contre les Juifs. Écrivez donc aux Juifs au
nom du roi, comme vous le jugerez à pro-
ELEVATION DE MARDOCDEE. 177
pos et scellez les lettres de mon anneau. »
Les secrétaires et les écrivains du roi fu-
rent donc appelés. Les premiers présidaient à
la rédaction des lettres et décrets ; les se-
conds en faisaient des copies, soit pour être
envoyées dans les provinces, soit pour être
gardées dans les archives de l'empire. Le
roi eut soin de recommander de cacheter les
lettres de son anneau, afin qu'elles fussent
la révocation authentiiiue de l'édit de pros-
cription.
VII
Les lettres furent dune conçues en la ma-
nière que Mardochéc voulut, et adressées
aux Juifs, aux grands seigneurs, aux gou-
verneurs et aux juges des cent vingt-sept
provinces du royaume, depuis les Indes
jusqu'à l'Ethiopie. Gomme les premières,
elles furent écrites en diverses langues et en
différents caractères, selon la diversité des
provinces et des peuples, afin qu'elles pus-
sent être lues et entendues de tout le monde.
Ces lettres écrites au nom du roi et cache-
tées de son anneau furent portées par des
!7'8 VTNGT-SEl'TIEME JOUR.
courriers montés sur des chevaux fort viles,
afin que, parcourant rapidement toutes les
provinces, ils prévinssent l'exécution des an-
ciennes lettres par ces nouvelles.
Réflexion. — La réalité est toujours plus
parfaite que la figure. Si donc Esther ne
se contente pas de faire les choses à demi,
à plus forte raison Marie les fait-elle com-
plètement. Il ne suffit pas à Esther d'avoir
sauvé sa vie, elle ne fut heureuse qu'après
avoir obtenu celle de son peuple. Ainsi, il en
est de la sainte Vierge. Assurée de son hon-
neur, elle est pleine de sollicitude pour nous
et pour l'Église. Nos ennemis, les ennemis
de l'Eglise sont toujours ses ennemis. Nous
protéger contre leurs attaques, les humilier
et les vaincre, est son occupation constante.
De là vient qu'un saint docteur appelle
Marie, la grande affairée du paradis. Nos
besoins même temporels ne la trouvent ja-
mais insensible. Qui pourrait compter les
affligés qu'elle a consolés, les pauvres qu'elle
a secourus, les malades qu'elle a guéris ?
Comme Notre-Seigneur sur la croix disait
da'ns son amour : J'ai soif des âmes, aifin :
l':Li;YATI(iN DE MARDOCIll-F. 179
Mario a soif de faire du bien. C'est lui faire
injure, dit saint Bonaventure, de ne pas s'a-
dresser à elle dans le besoin : In te, Domina,
peccnnt non solion qui tibi injwiam irroganf,
sed etiani qui te non rogant (1).
Catholiques du dix-neuvième siècle, à qui
la Révolution ne voudrait plus laisser de
place au soleil, implorons avec confiance la
divine Eslher, A la vue des dangers qui nous
menacent nous et le monde entier, cachons-
nous dans son sein maternel ; comme à l'ap-
parition de l'oiseau de proie les poussins se
cachent sous les ailes de leur mère : et nous
n'avons rien à craindre : 0 Maria, o nomen
suh qiio nemini desperandnm.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Afrique centrale.
Pratique. — Faire une visite au saint Sa-
crement.
(\) In sprc, Virg.
XXVIIP JOUH.
Édit en faveur des Juif^;.
I
Le texte de ce fameux édit est intéressant
ri connaître. En avouant que sa bonne foi a
été surprise, lorsqu'il a décrété l'extermina-
tion des Juifs, Assuérus donne d'abord une
utile leçon, non-seulement aux rois, mais
encore à tous les supérieurs et même à qui-
conque se laisse approcher par des flatteurs.
Une fois de plus, il justifie cette sentence
de l'Écriture : « Celui qui croit vite est
léger de cceur et sera dupe : Qui cito crédit
levisest corde, et minorahitur (I). »
Nous disons une fois de plus, car, dans tous
les siècles, d'éclatants exemples prouvent la
sagesse de l'oracle divin. Pour s'être montrés
trop crédule, Josué est trompé par les Ga-
(1) Eccii., XIX, 4.
ÉDIT EN FAVEUR DES JUIFS. 181
haonites ; Holoferno, par Judith; Samson.
parDalila;Putiphar, parsa femme ; Roboam,
par ses jeunes conseillers : combien de faits
analogues on lit dans Ihistoire des peuples
anciens et modernes!
La loyauté avec laquelle Assuérus répare
une injustice, malgré la crainte d'une révo-
lution, est une nouvelle leçon donnée aux
supérieurs, plus précieuse encore que la pre-
mière. Enfin, l'extermination des ennemis
des Juifs nous révèle la nature des lois qui
régissaient les anciennes monarchies, sans
laisser à personne le droit d'accuser d'injus-
tice et de cruauté ni Assuérus, ni Esther, ni
Mardochée.
Il
Yoici l'édit rendu le vingt-troisième jour
du mois de Siban, troisième mois de l'année
persane, par conséquent trois mois dix jours
après l'édit d'Aman. « Le grand roi Assuérus,
qui règne depuis les Indes jusqu'en Ethio-
pie, aux chefs et aux gouverneurs des cent
vingt-sept provinces qui sont soumises à no-
tre empire, salut :
IR-2 YINGT-ITlilTIEME JOL'B.
'( Plusieurs, abusant de la bonté des prin-
ces et des honnenrs qu'ils en ont reçus, de-
viennent insolents : et non-seulement ils tâ-
chent d'opprimer les sujets des rois, mais, ne
pouvant porter avec modération la gloire dont
ils ont été comblés, font des entreprises contre
ceux mêmes de qui ils l'ont reçue. Non con-
tents de méconnaître les grâces qu'on leur a
faites et de violer dans eux-mêmes les droite
de l'humanité, ils s'imaginent qu'ils pourront
se soustraire à la justice de Dieu, qui voit
tout.
III
« Et ils sont venus à un tel degré de folie
que, s'élevant contre ceux qui s'acquittent de
leur charge avec une grande fidélité^ et qui
se conduisent de telle sorte qu'ils méritent
d'être loués de tout le monde, ils tâchent de
les perdre par leurs mensonges et leurs arti-
fices, en surprenant par leurs déguisements
et par leur adresse la bonté des princes qui
jugent des autres^ d'après eux-mêmes. Ce qui
se-voit clairement par les anciennes histoires.
Et ce qui se passe encore tous les jours, ap-
KDIT EN FAVEUR DE?; ,iriF«;. 183
prend combien les bonnes inclinations dos
princes sont souvent altérées par de faux rap-
ports. En conséquence, nous devons aujour-
d'hui pourvoir par nous-mènie à la paix de
toutes les provinces.
lY
(( Si nous ordonnons des choses différen-
tes, ne pensez pas que cela vienne de la lé-
gèreté de notre esprit; croyez plutôt que
c'est la vue du bien public qui nous oblige à
régler nos décrets selon la diversité des temps
et la nécessité de nos affaires. Et afin que
vous compreniez plus clairement ce que nous
disons : Nous avions reçu avec bonté auprès
de nous, Aman, fils d'Amadathi, qui n'avait
rien de commun avec le sang des Perses et
qui a voulu déshonorer notre clémence par
sa cruauté. Et, après que nous lui avions
donné tant de marquesde notre bienveillance,
jusqu'à le faire appeler notre père, et à le
faire adorer de tous comme le second après
le roi, il avait comploté, avec une méclian-
(>olé inouïe et toute nouvelle, de perdre
184 YINCiT-nUITIKMR JOIP.
Mardochée, par la fidélité et les lions services
duquel nous vivons, et Esther, notre épouse,
la compagne de notre royauté, avec tout son
peuple, afin qu'après les avoir massacrés et
nous avoir ôté ce secours, il put nous sur-
prendre nous-môme et faire passer à des
étrangers l'empire des Perses;
(i Mais nous avons reconnu que les Juifs,
destinés à la mort par cet homme détestable,
n'étaient coupables d'aucune faute; qu'au
contraire, ils se conduisent suivant des
lois justes, et qu'ils sont les enfants du Dieu
très-haut, par la grâce de qui le royaume a
été donné à nos pères et à nous-mème et
se conserve encore aujourd'hui entre nos
mains. C'est pourquoi nous déclarons que
les lettres qu'il vous avait envoyées contre
eux, en notre nom, sont de nulle valeur; et
qu'à cause de ce crime il a été pendu avec
tous ses proches devant la porte de la ville de
Suse : Dieu lui-même, et non pas nous, lui
ayant fait souffrir la peine qu'il a méritée.
ÉDIT EN FAVFUR DES JUTFS. 185
YI
(( Que cet cdit donc que nous envoyons
présentement soit affiché dans toutes les
villes, afin qu'il soit permis aux Juifs de gar-
der leurs lois. Vous leur prêterez secours,
afm qu'ils puissent mettre à mort ceux qui
se préparaient à les perdre, le treizième jour
du douzième mois, appelé Adar ; car le Dieu
tout-puissant leur a fait de ce jour qui de-
vait être un jour de deuil et de larmes, un jour
de joie.
Tous aussi, mettez ce jour au rang des
jours de fêtes et célébrez-le avec toute sorte
de réjouissances, afin qu'on sache à l'avenir
que tous ceux qui obéissent fidèlement aux
Perses, sont récompensés comme leur dé-
vouement le mérite, et que ceux qui conspi-
rent contre l'empire sont punis d'une mort
digne de leur crime. S'il se trouve une ville
qui refuse de prendre part i\ cette fête solen-
nelle, qu'elle périsse par le fer et par le feu
et qu'elle soit tellement détruite, qu'elle ne
puisse jamaisservir do retraite ni aux lionimo'^
1S6 VINt^T-IiriTIKME .lOm.
ni aux bêles, mais qu'elle soit un monument
éternel du châtiment dû à la désobéissance
et au mépris. »
Réflexion. — Dans l(jut ce qui regarde la
défiance dont il faut user à l'égard des flat-
teurs et des conseillers intéressés, le décret
d'Assuérus est de tous les temps, mais en
particulier des temps actuels. Les rois et sur-
tout les peuples d'aujourd'hui sont environ-
nés d'Amans, qui leur conseillent de perdre
le peuple chrétien. Plus de christianisme,
plus d'Église, plus de pape, plus de prêtres,
plus de catholiques : ils sont en conspiration
permanente contre la liberté, le progrès, la
civilisation, la paix des familles et le bonheur
des nations. Ainsi raisonnait, contre les Juifs,
l'hypocrite Aman, à la cour d'Assuérus.
Ainsi raisonnaient, contre nos pères dans la
foi, les sophistes païens, à la cour des Césars.
Ainsi raisonnaient, en France, les philoso-
phes incrédules, à la veille de la Révolu-
tion : et leurs conseils devinrent la persécu-
tion, la spoliation, la mort sous toutes les
formes. Ainsi raisonnent aujourd'hui, dans
joule l'Europe, leurs innombrables succès-
KDIT EN FAVEUR DES JUIFS. 187
seurs. Avis aux rois, aux peuples, à nous
tous de erier vers Marie, comme les apôtres
à Notre-Seigneur au milieu (U' la tempête :
Sauvez-nous, nous périssons : Sàlva nus, //e-
J'illlKS.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votr(> peuple : ne soyez pas toujours
irrité contre nous.
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Amérique septentrionale.
Pratique. — Réciter trois fois Monstra te
esse mat rem, etc.
XXIX^ JOUll.
Triomphe des Juifs.
I
Pendant que les courriers portaient en
toute hâte les lettres du roi dans toutes les
provinces, l'édit de révocation fut affiché
dans Suse. Toute la population le lut avide-
ment, mais avec des sentiments bien opposés.
Aux uns il inspirait une juste terreur, tandis
qu'il remplissait les autres d'allégresse. Les
Juifs non-seulement de la capitale, mais de
toutes les villes de province, étaient prévenus
d'avoir à s'assembler d'abord pour défendre
leur vie, ensuite pour exterminer leurs enne-
mis, avec leurs femmes et leurs enfants et
s'emparer de leurs dépouilles.
Tel était le sort que les ennemis des Juifs
leur avaient réservé. Ainsi que nousl'avons vu,
l'édit d'Aman portait en propres termes :
« Qu'on tue et qu'un cxlerniinc tou> les Juifs,
TRIOMl'llE DES JUIFS. 189
depuis l'enfant jusqu'au vieillard, les petits
eufants et les femmes, et qu'on pille tous
leurs biens. »
II
La terreur et l'allégresse furent. portées au
comble, lorsqu'on vit Mardochéc sortir du
palais, où il venait de s'entretenir intimement
avec le roi. Le tout-puissant ministre parut
dans un grand éclat. Monté sur un superbe
cheval et entouré d'un brillant cortège, il
portait une robe royale, couleur d'hyacinthe
et de bleu céleste; sur la tète une couronne
d'or et sur les épaules un manteau de soie et
de pourpre. A son aspect toute la ville, c'est-
à-dire tous les Juifs et tous les amis des Juifs,
tressaillirent de bonheur. Une nouvelle lu-
mière semblait se lever sur les Juifs, et an-
noncer des jours de victoires, de réjouissan-
ces et de félicités.
III
Il en fut de même dans toutes les provin-
ces et dans toutes les villes, oîi l'édit du roi
était porté. Partout lo^ Juifs étaient ivres de
lyO YiNGT-NEUVlÉME JOUR.
joie, se donnaient des festins et célébraient
des jours de fête. C'est au point qu'un grand
nombre de gentils embrassèrent leur reli-
gion. Connue Nabuchodonosor, à la vue des
enfants miraculeusement préservés dans la
fournaise, confessa le vrai Dieu ; de môme
ces idolâtres, en voyant le sort des Juifs si
promptement changé, ne purent s'empêcher
de reconnaître l'action du Dieu qui veillait
sur ce peuple, dont le nom seul remplissait
de crainte tous les esprits.
IV
C'est, en effet, une chose digne de sérieuse
remarque que la domination du Juif chez
tous les peuples avec lesquels il s'est trouvé
en rapport. Entré esclave en Egypte dans la
personne de Joseph, il finit dans la personne
de ce même Joseph, par dominer tout le
pays. Héritier de la terre promise, il anéantit
les sept peuples chananéens qui en étaient
possesseurs. Esclave de nouveau à Babyloncj
il règne sur l'empire, dans la pcr>onnc de Da-
niel ; cl plus tard dans celle de Mardochcc.
'IKlOMl'Ui; DES JlllS. l'Jl
Libre depuis hier, chez lesiialions chrrlien-
nes, où il l'ut si longtemps opprimé, il marche
visiblement à la souveraineté, si déjà il ne la
possède en partie. Au/oiiff/'/tui, c'est l'ur qui
possède le monde, et c'est le Juif qui possède
l'or. Ce fait évidemment providentiel nous
montre que Dieu a toujours des tendresses
particulières pour ce peuple, et qu'à raison
de la loi de solidarité, il récompense dans les
enfants les vertus de leurs pères, Abraham,
Isaac et Jacob.
\
Daté du vingt-troisième jour du troisième
mois de l'année, le second édit d'Assucrus
ne devait être exécuté que le treizième et
le quatorzième jour du douzième mois. Pour-
({uoi ce délai de neuf mois? plusieurs rai-
sons le rendaient nécessaire. 11 fallait d'abord
laisser le temps de publier l'édit, dans les lieux
les plus éloignés de l'immense enqjire. Il fal-
lait ensuite laisseï' aux ennemis des Juils le
temps de se repentir et aux Juifs le tenqjs de
bien connaître leurs ennemis obstines. Cette
sage lenteur prouve la clémence de !Mardo-
1 i
192 VINGT-NEUVIEME JOUR.
chée, qui ne voulait pas que le châtiment pas-
sât les bornes de légitimes représailles.
VI
Ces représailles étaient d'ailleurs comman-
dées par la justice, par la sécurité des Juifs
et par la tranquillité du royaume. Comment
laisser impunis ces nombreux cgorgeurs, qui
depuis si longtemps préparaient leurs poten-
ces, aiguisaient leurs coutelas pour extermi-
ner des innocents, et n'attendaient que le
moment de se repaître de leur sang et de
s'enrichir de leurs dépouilles ? Gomment
laisser vivre les bourreaux côte à côte avec
les victimes ? N'eùt-ce pas été donner lieu à
de sanglantes surprises et à des collisions plus
sanglantes encore ?
VU
Ainsi, le jour même où le premier édit du
roi devait être exécuté dans toute l'étendue
de l'empire et par le massacre si désiré de
tous les Juifs, ce jour-là môme tout fut
TRIOMPHE DES JUIFS. 193
changé. Ce furent les Juifs eux-mêmes qui,
devenus les plus forts, commencèrent h se
venger de ceux qui les haïssaient. Ils s'assem-
blèrent dans toutes les villes, dans les bourgs
et les autres lieux pour étendre la main
contre leurs persécuteurs; et nul n'osait leur
résister, parce que la crainte de leur puis-
sance s'élail emparée de tout l'empire.
yiii
Les gouverneurs et les intendants des pro-
vinces, tous ceux qui avaient quelque dignité
ou quelque emploi étaient les premiers à re-
lever la gloire des Juifs, et à favoriser le mas-
sacre, par la crainte de Mardochée qu'ils
savaient être grand dans la maison du roi,
jouissant d'un pouvoir sans bornes et dont la
réputation, croissant de jour en jour, volait
de bouche en bouche, jusqu'aux extrémités
du royaume. Les Juifs firent donc un grand
carnage de leurs ennemis, et, en les massa-
crant, ils leur rendirent le mal qu'ils s'étaient
préparé à leur faire.
/{t'/lc.t ,1)11. — Parce qu'il est père et père infi-
19'. \INGT-NF.UYIEME JOUR.
nimonl bon, Dieu est lent i\ punir. Mais il ces-
serait d'être bon, s'il laissait toujours impu-
nies les fautes du coupable obstiné, qui ne
tient compte ni de sa longanimité, ni de ses
promesses, ni de ses menaces. L'impunité
serait un encouragement pour les méchants,
un scandale pour les bons, la ruine de la
vertu et le renversement de tout ordre
parmi les hommes. Malgré sa douceur,
Esther ne s'opposa point au décret d'As-
suérus qui condamnait à mort les ennemis
de son peuple.
La sainte Vierge elle-même, dont elle est
la figure, finit par ne pas s'opposer à des
châtiments devenus nécessaires. Toilà pour-
quoi, dans son apparition aux enfants de
la Salette, cette mère de miséricorde di-
sait qu'elle ne pouvait plus retenir le bras
de son fils et qu'il était urgent que le dix-
neuvième siècle se convertît promptement,
sans quoi des fléaux inconnus tomberaient
sur lui. Puisse-t-il profiter de l'avertissement!
Jnvocntiom. — Épargnez, Seigneur, épar-
gne/, votre peuple : ne soyez pas toujours
irrilé contre nous.
TBinjirnE de?; juif?:. 195
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
l'Amérique méridionale.
Pratique. — Faire une aumône en l'hon-
neur de la sainte Yierge.
XXX" JOUR.
Exécution de l'édit.
I
Dès la pointe du treizième jour, le mas-
sacre commença dans la ville de Suse, où
les Juifs mirent à mort cinq cents hommes,
et le lendemain trois cents. Les premières
victimes furent les dix fils d'Aman. Arrêtés
depuis neuf mois, le jour même de l'exécu-
tion de leur père, ils avaient été tenus en
prison et réservés au supplice. Le lendemain
de leur mort, c'est-à-dire le quatorzième jour
du moisd'Adar, ils furent suspendus à des po-
tences, pour augmenter l'ignominie d'Aman
et jeter la terreur parmi les ennemis des Juifs.
Afin de montrer que ce n'était pas la cupi-
dité qui les faisait agir, mais le droit de lé-
gitime défense, les Juifs ne touchèrent ;\
rien de ce qui leur avait appartenu, ni à eux,
ni à aucun de ceux qui furent enveloppés
EXÉCUTION DE L'ÉDIT. 197
flans le carnage, soit à Suse, soit dans les
provinces.
II
Le massacre, qui dura deux jours dans la
capitale, s'accomplit en un seul jour dans les
provinces, où les Juifs mirent à mort
soixante-quinze mille hommes. Ce nombre
prodigieux nous montre que toute une armée
était prête à se jeter sur les Juifs et à les ex-
terminer. Mais ce peuple est né immortel.
A tous ceux qui ont voulu l'anéantir, il a
survécu, et il survit. Pleinement victorieux
de leurs ennemis et libres désormais de toute
crainte, les Juifs des provinces firent du qua-
torzième jour d'Adar un jour de fête solen-
nelle, qu'ils ordonnèrent de célébrer à per-
pétuité par des réjouissances et par des
festins.
III
Ceux de la capitale, ayant fait le carnage
pendant le treizième et le quatorzième jour,
fixèrent le quinzième pour leur jour de fête.
Min de incllre de la réu;ularilé dans ces ré-
198 TRENTIÈME JOUR.
jouissances nationales, Mardochée envoya
une lettre aux Juifs des provinces les plus
proches comme les plus éloignées, dans la-
quelle il leur disait : « Le quatorzième et le
quinzième jour du mois d'Adar seront des jours
de fête. Ils se célébreront tous les ans à perpé-
tuité, avec la plus grande solennité, parce
que ce fut en ces jours que les Juifs se ven-
gèrent de leurs ennemis et que leur deuil
fut changé en joie. Ces jours seront des
jours de festins et de réjouissances, où les
enfants d'Israël s'enverront mutuellement
une partie de leurs mets et feront de petits
présents aux pauvres. »
IV
Comme on le pense bien, l'établissement
de la fête ne rencontra aucune opposition.
La fête elle-même fut célébrée avec une allé-
gresse toujours ancienne et toujours nou-
velle ; et, ce qui est plus remarquable, avec
une fidélité constante. Elle fut appelée la
fête dos so7'ts, et non la fête de la délivrance,
en souvenir des sorts qu'.\man avait con-
EXKCl'TION PK LEDIT. 199
suites et qui fixaient au treizième jour d'A-
dar l'extermination des Juifs. Ttappeler ainsi
à perpétuité l'anniversaire de ce jour terri-
ble, le danger qu'ils avaient couru et la
consternation dans laquelle les avait jetés la
nouvelle du massacre, était le vrai moj'en
de rendre la reconnaissance plus profonde
et la joie plus vive.
Les Juifs donc, en mémoire de ce qui
avait été arrêté contre eux, et du grand
changement survenu en leur faveur, s'obli-
gèrent eux et leurs enfants, et tous ceux qui
voudraient embrasser leur religion, à faire
en ces deux jours une fête solennelle, sans
que personne pût s'en dispenser. (( La mé-
moire de ces jours, dit le texte sacré, sera
conservée, et ils seront célébrés d'âge en âge,
dans toutes les familles, dans toutes les pro-
vinces, dans toutes les villes. Ces jours de
Phurim ne passeront point du milieu des
Juifs; cl la mémoire ne s'effacera point de
leur race. »
200 TRENTIEME JOUR.
VI
En effet, les Juifs célèbrent encore aujour-
d'hui cette fêle des Sorts, le quatorzième
jour du mois d'Adar. Ce mois commence
vers l'équinoxe du printemps. A la prière du
soir, après le coucher du soleil du treizième
jour, on donne dans la synagogue lecture
du livre d'Esther en hébreu. 11 doit être
écrit à la plume sur du parchemin en forme
de rouleau, comme les lettres chez les an-
ciens. Chacun doit lire tout d'une haleine
les noms des dix fils d'Aman. Ceci est une
superstition talmudique. Néanmoins, les
Juifs s'y montrent fidèles ; mais ils se félici-
tent de ce qu'Aman n'ait pas eu une famille
plus nombreuse ; car il y aurait eu de quoi
suffoquer avant d'arriver au bout.
VII
Toutes les fois qu'on prononce le nom
d'Aman, il se fait un vacarme terrible. Tous
les assistants, grands et petits, frappent des
EXECUTION DE LEDIT. 201
pieds, ou avec des marteaux et autres ins-
truments contondants, sur des images d'A-
man, pendu à la potence ; ou, faute d'images,
sur son nom, et môme sur tout ce qui se
présente, mais à son intention, pour efTacer
le souvenir de l'Amalécite.
Après cette expédition, on s'envoie mu-
tuellement des présents de comestibles. En-
suite on fait des festins auxquels on invite les
parents, les connaissances et des pauvres.
La veille est un jour de jeûne, appelé jeûne
d'Esther. L'abstinence de toute nourriture
s'observe depuis le point du jour jusqu'au
soleil couché (1). Les Juifs donnent ici un
exemple de reconnaissance, qui condamne
bien des chrétiens.
Réflexion. — La loi qui enveloppe tous les
fils d'Aman dans la punition du père, paraît
au premier coup d'œil trop sévère, et môme
injuste. Nous raisonnons d'après nos faibles
idées, qui sont loin d'être toujours la mesure
du vrai. D'abord, que savons-nous si tous les
(l)Gor. a Lap., in Ediier, c. ix, v, I ; Drocli, id.
\i\ V, 2(j,
202 TRENTIÈME JOUR.
fils d'Aman ne partageaient pas la haine
homicide de leur père? Ensuite la loi, qui
leur fut appliquée était la loi des Perses.
Nous le voyons dans la vie de Daniel. Non-
seulement SCS délateurs, mais leurs femmes
et leurs enfants furent précipités, par ordre
de Darius, dans la fosse aux lions, et péri-
rent sous la dent de ces terribles ani-
maux.
Enfin, cette loi est une application de la
grande loi de la solidarité, promulguée et
exécutée par Dieu lui-même, lorsqu'il dit :
Je visiterai l'iniquité des pères jusqu'à la
troisième et quatrième génération, comme
je récompenserai leurs vertus jusqu'à mille
générations. (Juelle haute moralité dans une
pareille loi ! Quel- frein pour le père, tenté
de pécher, que la crainte de vouer ses en-
fants au malheur ! Ouel encouragement pour
le père vertueux, que ces longues bénédic-
tions dont seront favorisés, à cause de lui,
ses enfants et arrière-petits-enfants.
Inoocatiom. — Epargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peui)lc : ne soyez pas toujours
irrité contre noub.
EXECUTION DE LEDIT. a03
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
rOcéanie.
Pratique. — Prendre le scapuloire de l'Jin-
maculéc-Conceptioa.
13
XXXV JOUll.
Grandeur de Mardochée.
I
Assuérus fut magnitiquement récompensé
d'avoir fait régner la justice dans son
royaume. Il n'en pouvait être autrement, et il
en sera toujours ainsi. Car c'est une loi divine
quela justice élève les nations etquelepéché
rend les peuples malheureux : Justitia élevât
gentem, miseros autem faciet populos pecca-
tum{\). Jouissant d'une paix profonde, l'em-
pire des Perses put étendre ses conquêtes,
en sorte qu'Assuérus rendit tributaires de
vastes régions et toutes les îles de la mer. Les
annales des Perses et des Mèdes racontent sa
puissance et le haut point de grandeur au-
quel il avait élevé Mardochée.
(1) fm'., Mv, .34.
GRANDEUR DE MAHDOCn-ÉF, 20 5
II
Elles rapportent aussi do quelle manière
Mardochée, Juif de nation, devint la seconde
personne dans l'empire du roi Assuérus;
comme il fut grand parmi les Juifs et aimé
de tous ses frères , ne cherchant qu'à faire
du bien à sa nation et ne parl^uit que pour
le bonheur du peuple. IluniJjle connue tous
les saints, Mardochée ne s'attribuait rien ;\
lui-même. A Dieu seul il rapportait la gloire
do tout ce qui s'était accompli. Au faîte de
la grandeur, il aimait à rappeler le songe
qu'il avait eu et dans lequel, sans aucun mé-
rite de sa part, le Dieu de ses pères lui avait
montré sa glorieuse destinée.
III
Aux admirations dont il était l'objet, aux
félicitations qu'il recevait de toutes paris, le
grand homme répondait : « C'est Dieu qui a
fait toutes ces choses : A Deo facta simt isfa. En
voici la preuve : La seconde année du règne
206 TRENTE-UNIÈME .TOl'R.
du très-grand roi Assuérus, une année
avant son couronnement et le renvoi de la
reine Vaslhi, le premier jour du mois de
Psisan , moi Mardochée, fils des captifs que
Nabuchodonosor , roi de Babylone , avait
transférés de Jérusalem, avec Jéchonias, roi
de Juda , j'eus la vision suivante, qui mar-
quait tout ce qui est arrivé et dont rien n'a
n^anqué de s'accomplir.
IV
« J'entendis des voix, de grands bruits et
des tonnerres, et la terre tremblait, et l'é-
pouvante s'étendait au loin, »
C'était le signe des troubles, des boulever-
sements et des douleurs que devait causer
dans l'empire l'édit d'Assuérus, qui condam-
nait à l'extermination plusieurs centaines de
mille Juifs avec leurs femmes, leurs enfants
et leurs serviteurs.
« Et voici deux grands dragons prêts à
combattre l'un contre l'autre : c'étaient
Aman et moi. A leurs cris, les peuples des
différentes provinces de l'empire s'émurent
GRANDEUR DE MARDOCHÉE. 207
pour combatre contre la nation des Justes.
Et ce fut un jour de ténèbres, de périls, d'af-
flictions, d'angoisses et d'une grande épou-
vante sur toute la terre. La nation des Justes,
craignant les maux qui lui étaient préparés,
ne s'attendait plus cju'à mourir.
« Cependant ils crièrent vers Dieu; et voilà
qu'au bruit de leurs prières une petite fon-
taine sortit d'un coin de terre obscur; et
cette petite fontaine devint un grand fleuve :
et ce fleuve répandit une grande abondance
d'eau; et ce fleuve devint lumineux comme
le soleil : et ce fleuve et ce soleil, c'est Esther
que le roi épousa et fit asseoir sur son
trône. »
Une petite fontaine pure comme le cristal,
qui sort silencieusement d'un coin de terre
ombragé : quelle plus gracieuse image pour
représenter l'humble, la. jeune, la candide
Esther !
Cette petite fontaine devient un grand
fleuve qui inonde la terre de ses eaux bien-
u.
Î08 TRENTE-UNIÈME JOUR.
faisantes. Voilà bien Esther devenue la grande
impératrice des Perses, la reine bien-aimée
d'Assuérus, qui, du trône où elle est assise,
fait sentir sa salutaire influence, non-seule-
ment aux Juifs répandus dans les différentes
provinces de l'empire, mais à l'empire même
tout entier, par la paix et la prospérité qu'elle
lui procura .
Ce fleuve devient lumineux comme l'astre
du jour : c'est encore Esther qui, par l'éclat
de son incomparable beauté et particulière-
ment de ses vertus, illumine tout le royaume
d'Assuérus, le réjouit, le vivifie, l'embellit,
comme le soleil, lorsqu'il se lève sur la nature.
YI
« Et je vis que, pour délivrer son peuple,
le Seigneur fit des miracles et de grands pro-
diges. 11 ordonna qu'il y eût deux sorts : l'un
contre les Juifs, et l'autre contre leurs en-
nemis. Et ces deux sorts parurent devant
Dieu etindiquèrent le même jour. Et ce jour
fut heureux pour les Juifs, et mortel pour
leurs ennemis , parce que le Seigneur se
GRANDEUU DE MARDOCIIKI'. -2 09
ressouvint de son peuple et eut compassion
de son héritage. Et ce jour sera un jour de
fête pour toutes les générations futures du
peuple d'Israël. »
Ainsi parlait l'humble et reconnaissant
Mardochée.
Combles des bénédictions des peuples,
pleins de jours et riches de mérites, Esther
et Mardochée furent ensevelis avec honneur
dans la capitale de la Médie, appelée plus tard
Hmnda la Grande, où le voyageur Benjamin
deTudèle, au douzième siècle, dit avoir trouvé
une populati<^n de cinquante mille Juifs.
Réflexion. — Aux catholiques du dix-
neuvième siècle, si éprouvés, si menacés et
si justement inquiets, montrer, par delà les
noirs nuages qui obscurcissent l'horizon, les
rayons de l'arc-en-ciel, signe et moyen de
leur délivrance; et, au milieu des tempêtes
qui agitent le monde, indiquer l'ancre du
salut pour eux, pour l'Église, pour les na-
tions : tel a été le but de ce mois de Marie.
Les belles figures de l'ancien peuple de Dieu
devant avoir leurs réalités dans le nouveau,
l'histf»ire du passé est devenue pour nous la
ilO TRENTR-UNIEMF. JOUR.
prophétie de l'avenir. Comme on admire
les traits d'un beau visage h travers un
voile diaphane, nous avons vu Marie resplen-
dir si vivement dans Judith et dans Esthcr,
que l'enfant lui-même a pu dire : C'est Elle.
Oui, c'est Elle : Beauté, bonté, vie cachée,
vie publique, dévouement sublime, influence
irrésistible, triomphes inattendus, délivrance
miraculeuse , paix et prospérité procurées à
la nation sainte : rien ne manque pour faire
concorder la figure avec la réalité. Ainsi, ce
que furent pour leur peuple bien-aimé, Ju-
dith et Esther, Marie le sera pour nous , son
peuple , sa famille , ses frères et ses sœurs.
Aujourd'hui, demain et toujours, Holoferne
et Aman périront par la main d'une
femme. Leur sentence est portée : elle est
immuable. Entre eux et la femme par ex-
cellence, la guerre est éternelle. Toujours ils
l'attaqueront, tantôt en elle-même et tantôt
dans sa race ; mais toujours elle leur écrasera
la tête : Et ipsa conteret caput tuum.
Que nous reste- t-il pour profiter de sa vic-
toire? Demeurer ou devenir les enfants de
Marie : enfants de Marie par notre amour
CllANDEUR DE MARDOCUEE. 211
lilial pour Marie , par la sainteté de nos
nKïiu's, par l'imitation des vertns de Marie.
L'infaillible moyen d'y réussir est de nous
demander sérieusement chaque matin : Sila
sainte Vierge était aujourd'hui à ma place,
comment agirait-elle? comment prierait-elle?
comment travaillerait-elle? comment comman-
derait-elle? comment obéirait-elle? comment
parlerait-elle? comment souffrirait-elle?
Tel est le bouquet de roses et de lis offert
à chacun de nous, à la fin de ce mois béni.
Souvent respiré, le suave parfum de ces fleurs
de Marie embaumera notre âme, en sanctifiera
toutes les puissances et les fera vivre de la vie
de la grâce , commencement de la vie de la
gloire. Amen, amen, amen.
Invocations. — Épargnez, Seigneur, épar-
gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir-
rité contre nous,
0 Marie, secours des chrétiens, priez pour
toutes les nations idolâtres.
Pratique. — Répéter chaque jour les saints
noms de Jésus et de Marie, soixante-douze
fois, en l'honneur des soi\antc-douze,'années
(\c la sainlo Vieriio.
TABLE DES MATIÈRES.
Avant-propos '
1" JoL'R. Les figures et la réalité 1
II' Jour. Nabuchodonosor 7
IIP Jour. Holoferne 13
IV' JoiR. Achior 1!)
V* Jour. Béthulie 2ô
VI« Jour. Judith 32
\\l« Jour. Judith sort de Béthulie -id
VIII' Jour. Judith dans la tente d'Holofenie., 46
IX' Jour. Judith coupe la tête d'Holofenie.. j2
X« Jour. Judith de retour à Béthulie 58
XI' Jour. Le camp d'Holoferne Gi
X1I« Jour. Déroute des Assyriens 70
XllI'' Jour. Cantique de Judith... . 7(i
XIV' Jour. Mort de Judith 82
XV' Jour. Assuérus 88
XVI' Jour. Vasthi Uô
XVII' Jour. Esther 101
XVIll' Jour. Mariage d'Eslher 108
XI \' Jour. Aman 115
XX' Jour. Ëdit de proscription 122
2 14 TABLE DES MATIERES.
XXh JoLR. Mardocliee 129
XXIP Joi'R. Prière de Mardochée et d'Ksllier. . 13G.
XXIIP Jour. Esther entre chez le roi 143
XXIV* JotR. Colère d'Aman Ijo
XXV'^ Jour. Confusion d'Aman 158
XXVI" Jour. Punition d'Aman IGô
XXVIP Jour. Élévation de Mardochéc 173
XXVIIP Jour. Édit en faveur des Juifs 180
XXIX-^ Jour. Triomphe des Juifs 188
XXX'' Jour. Exécution de l'édit 196
XXXl" Jour. Grandeur de Mardochée l'Oi
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