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Full text of "La kabbale : ou, La philosophie religieuse des Hébreux"

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LA  KABBALE 


oa 


LA  PHILOSOPHIE   RELIGIEUSE 
DES  HÉBREUX 


COULOMMIERS 
Imprimerie  Paul  Brodard. 


LA  KABBALE 


OU 


LA  PHILOSOPHIE  RELIGIEUSE 

DES   HÉBREUX 


AD.     FRANCK 

Membre  do  l'Iubtitut 


TROISIEME   EDITION 


PARIS 
LIBRAIRIE  IIACIIETTE  ET  G'" 

79,    DOULEVAKD    SAINT-GERMAIN,    79 

189-2 


AVANT-PROPOS 

DE  LA  DEUXIÈME  ÉDITION 


C'est  en  1845,  c'est-à-dire  il  y  a  tout  près  d'un  demi- 
siècle,  que  ce  livre  a  vu  le  jour  pour  la  première  fois.  Il 
n'y  a  presque  pas  moins  longtemps  qu'il  est  devenu  introu- 
vable en  dehors  des  bibliollièques  publiques  et  privées. 
Cet  empressement  du  public  à  prendre  connaissance  d'une 
œuvre  de  métaphysique  et  de  théologie  n'a  rien  qui  puisse 
nous  étonner;  il  s'explique  par  le  sujet  et  par  le  nom  même 
de  la  Kabbale.  Depuis  ce  temps  si  éloigné  j'ai  été  souvent 
sollicité,  en  France  et  à  l'étranger,  de  publier  une  seconde 
édition  de  mon  volume  de  1845.  Pour  plusieurs  r.  ^sons, 
j'ai  refusé  de  donner  satisfaction  à  ce  désir.  Obligé  par  état, 
comme  professeur  de  droit  naturel  et  de  droit  des  gens  au 
Collèue  de  France,  de  consacrer  toute  mon  activité  à  des 
études  d'un  intérêt  général,  il  m'était  difficile  de  revenir 
sur  un  sujet  de  recherches  (|ui  ne  me  paraissait  plus 
répondre  à  l'esprit  du  temps.  Puis,  j'aurais  été  obligé,  par 
la  nature  des  objoclionsqui  m'étaient  adressées,  de  reléguer 
au  second  rang  ce  qui  fait  le  mérite  et  l'attrait  de  la  Kab- 
bale, c'est-à-dire  le  système  philosophique  et  religieux 
qu'elle  renferme,  pour  discuter  avant  tout  certaines  ques- 
tions de  bibliographie  et  de  chronologie.  Je  n'ai  pas  eu  le 
courage,  je  n'ai  pas  cru  utile,  de  m'imposer  ce  sacrifice. 


21 16926 


n  LA  KABBALE. 

Aujourd'hui  la  situation  est  très  différente.  Dégoûtés  des 
doctrines  positivistes,  évolulionnistes  ou  brutalement  athées 
qui  dominent  aujourd'hui  dans  notre  pays  et  qui  affectent 
(le  régenter  non  seulement  la  science,  mais  la  société,  un 
grand  nombre  d'esprits  se  tournent  vers  l'Orient,  berceau 
des  religions,  patrie  originelle  des  idées  mystiques,  et  parmi 
les  doctrines  qu'ils  s'efforcent  de  remettre  en  honneur,  la 
Kabbale  n'est  pas  oubliée.  J'en  citerai  plusieurs  preuves. 
Il  faut  d'abord  qu'on  sache  que,  sous  le  nom  de  Société 
ihéosophique,  il  existe  une  vaste  association  qui,  de  l'Inde, 
a  passé  en  Amérique  et  en  Europe,  en  poussant  de  vigou- 
reuses ramifications  dans  les  États-Unis,  en  Angleterre  et 
en  France.  Cette  association  n'est  pas  livrée  au  hasard,  elle 
a  sa  hiérarchie,  son  organisation,  sa  littérature,  ses  revues 
cl  ses  journaux.  Son  organe  principal  en  France  s'appelle 
le  Lotus.  C'est  une  publication  périodique  d'un  très  grand 
intérêt,  qui  emprunte  au  bouddhisme  le  fond  des  idées,  sans 
avoir  la  prétention  d'y  enchaîner  les  esprits  en  leur  inter- 
disant les  recherches  nouvelles  et  les  tentatives  de  transfor- 
mation. Sur  ce  fond  bouddhiste  se  développent  souvent  des 
considérations  et  des  citations  textuelles  empruntées  à  la 
Kabbale.  Il  y  a  môme  une  des  branches  de  la  Société  théo- 
sophique,  une  branche  française  appelée  VYsis,(\m  a  publié, 
dans  le  cours  de  l'année  dernière,  une  traduction  inédite 
du  Seplier  ictzirah,  un  des  deux  livres  kabbalisliques  qui 
passent  pour  les  plus  anciens  et  les  plus  importants.  Ce  que 
vaut  cette  traduction,  ce  que  valent  surtout  les  commen- 
taires qui  l'accompagnent,  je  n'ai  pas  à  l'examiner  ici.  Je 
dirai  seulement,  pour  donner  une  idée  de  l'esprit  qui  a 
inspiré  l'auteur  de  ce  travail  que,  selon  lui,  «  la  Kabbale 
est  la  religion  unique  dont  tous  les  cultes  sont  des  émana- 
tions* ». 

1.  Avant-propos,  p.  i. 


AVANT-PROPOS.  nt 

Une  autre  Revue  également  consacrée  à  la  propagande 
ihéosoplîique  et  dans  laquelle,  par  une  conséquence  néces- 
saire, la  Kabbale  intervient  fréquemment,  est  celle  qu'a 
fondée,  que  dirige  et  que  rédige  en  grande  partie  lady 
Caithness,  duchesse  de  Pomar.  Son  nom,  presque  le  même 
que  celui  que  le  grand  théosophe  allemand  Jacob  Boehm  a 
donné  à  son  premier  ouvrage,  c'est  VAurore.  Le  but  de 
V Aurore  n'est  pas  tout  à  fait  le  même  que  celui  du  Lotus. 
Le  bouddhisme  n'y  tient  pas  le  premier  rang  au  préjudice 
du  christianisme;  mais,  à  l'aide  d'une  interprétation  ésoté- 
rique  des  textes  sacrés,  les  deux  religions  sont  mises  d'accord 
entre  elles  et  présentées  comme  le  fonds  commun  de  toutes 
les  autres.  Cette  interprétation  ésolérique  est  certainement 
un  des  principaux  éléments  de  la  Kabbale;  mais  celle-ci  est 
aussi  mise  à  contribution  d'une  manière  directe,  sous  le 
nom  de  théosnphie  sémitique.  Je  ne  me  porte  pas  garant  de 
l'exactitude  avec  laquelle  elle  est  exposée;  je  me  borne  à 
signaler  la  vive  préoccupation  dont  elle  est  l'objet  dans  le 
très  curieux  recueil  de  Mme  la  duchesse  de  Pomar. 

Pourquoi  ne  parlerai-je  pas  aussi  de  Vlnitiation,  bien 
qu'elle  ne  compte  encore  que  quatre  mois  d'existence*?  Ce 
nom  seul  d'Initiation  vous  dit  bien  des  choses,  vous  met 
sur  le  seuil  de  bien  des  sanctuaires  fermés  aux  profanes,  et, 
en  effet,  cette  jeune  Revue,  qui  prend  sur  sa  couverture  le 
titre  de  «  Revue  philosophique  et  indépendante  des  hautes 
études  »,  est  exclusivement  vouée  aux  sciences,  ou  tout 
au  moins  aux  objets  de  recherche,  aux  sujets  de  curiosité 
et  de  conjectures  les  plus  suspects  aux  yeux  de  la  science 
reconnue  et  même  de  l'opinion  publique,  de  celle  qui  passe 
pour  être  l'organe  du  sens  commun.  Dans  ce  nombre  figurent 
d'une  manière  générale  la  ihéosophie,  les  sciences  occultes, 
l'hypnotisme,  la  franc-maçonnerie,  l'alchimie,  l'astrologie, 

1.  Son  premier  numéro  porte  la  date  d'octobre  1888. 


!▼  LA  KABBALE. 

le  magnétisme  animal,  la  physiognomonie,  le  spiritisme, 
etc.,  etc. 

Dès  qu'il  est  question  de  théosophie,  on  est  sûr  de  voir 
apparaître  la  Kabbale.  L'Initiation  ne  manque  pas  d'obéir  à 
cette  loi.  La  Kabbale,  «  la  sainte  Kabbale  »,  comme  il  l'ap- 
pelle, lui  est  chère.  Elle  fait  fréquemment  appel  à  son  auto- 
rité; mais  on  remarque  particulièrement,  dans  son  deuxième 
numéro,  un  article  de  M.  René  Caillé  sur  le  Royaume  de 
Dieu  par  Albert  Jhouney,  où  la  doctrine  du  Zohar.  le  plus 
important  des  deux  livres  kabbalistiques,  sert  de  base  à  une 
Kabbale  chrétienne  formée  des  idées  de  Saint-Martin,  dit  le 
«  Philosophe  inconnu  »,]e  rénovateur  inconscient  delà  doc- 
trine d'Origène.  C'est  aussi  une  Kabbale  chrétienne  que  pro- 
pose M.  l'abbé  Roca  dans  un  des  premiers  numéros  da  Lotus. 

Il  me  sera  aussi  permis  de  ne  point  passer  sous  silence 
les  journaux  swédenborgiens  qui  paraissent  depuis  peu  en 
France  et  à  l'étranger,  particulièrement  la  Philosophie 
générale  des  étudiants  swédenborgiens  libres^.  Mais  l'église 
de  Swedenborg  ou  la  Nouvelle  Jérusalem,  quoique  présentée 
par  ses  adeptes  comme  une  des  formes  les  plus  importantes 
de  la  théosophie,  ne  peut  cependant  se  rattacher  à  la  Kabbale 
que  parce  qu'elle  se  fonde  sur  une  interprétation  ésotérique 
des  livres  saints.  Les  résultats  de  cette  interprétation  et  les 
visions  personnelles  du  prophète  suédois  ressemblent  peu, 
à  quelques  exceptions  près,  aux  enseignements  contenus 
dans  les  livres  kabbalistiques  :  le  Zohar  ci  le  Sépher  ielzirah. 
J'aime  mieux  m'arrèter  à  une  œuvre  récente  de  profonde 
érudition,  à  une  thèse  de  doctorat,  présentée  il  n'y  a  pas 
longtemps  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  et  qui  n'a  pas 
obtenu  le  degré  d'attention  dont  elle  est  digne  :  Essai  sur  le 
gnosticisme  égyptien,  ses  développements  et  son  origine 
égyptienne,  par  M.  E.  Amélineau^ 

1.  In-8,  chez  M.  Villot  père,  22,  rue  de  Boissy,  à  Taverny  (Seine-el-Oise). 

2.  1  voL  in-4,  Paris,  1887. 


AVANT-PROPOS.  y 

Cette  dissertation,  écrite  dans  un  tout  autre  but,  ne  laisse 
rien  subsister  de  la  critique  superficielle  qui  voit  dans  la 
Kabbale  une  pure  supercherie,  éclose  dans  la  tête  d'un 
obscur  rabbin  du  treizième  siècle  et  continuée  après  lui 
par  des  imitateurs  sans  intelligence  et  sans  science. 
M.  Amélineau  nous  découvre  chez  les  pères  du  gnosticismc, 
absolument  inconnus  au  treizième  siècle,  principalement 
chez  Salurninus  et  Valentin,  un  système  de  théogonie  et  de 
cosmogonie  identique  à  celui  qui  est  développé  dans  le 
Zohar\  et  ce  ne  sont  pas  seulement  les  idées,  mais  aussi  les 
formes  symboliques  du  langage  et  les  modes  d'argumenta- 
tion qui,  des  deux  côtés,  sont  les  mêmes*. 

Dans  la  même  année  où  M.  Amélineau,  dans  sa  thèse  de 
doctorat  soutenue  à  la  Sorbonne,  vengeait  le  Zohar  des 
attaques  que  lui  livrait  le  scepticisme  de  notre  temps,  un 
autre  savant,  un  savant  allemand,  M.  Epstein,  restituait  au 
Sepher  ietzirah,  également  en  butte  aux  objections  de  la 
critique  moderne,  au  moins  une  partie  de  sa  haute  anti- 
quité. S'il  ne  le  faisait  pas  remonter  jusqu'à  Akiba,  et 
moins  encore  au  patriarche  Abraham,  il  établit  du  moins, 
par  des  raisons  qu'on  peut  croire  décisives,  qu'il  n'est  pas 
postérieur  au  quatrième  siècle  de  notre  ère\  C'est  déjà 
quelque  chose.  Mais,  en  regardant  au  fond  du  livre  plu- 
tôt qu'à  la  forme,  et  en  cherchant  des  analogies  dans  les 
plus  anciens  produits  du  gnosticisme,  je  ne  doute  pas  qu'on 
puisse  remonler  beaucoup  plus  haut.  Est-ce  que  les  nombres 
et  les  lettres  auxquels  se  ramène  tout  le  système  du  Sepher 
ietzirah  ne  jouent  pas  aussi  un  très  grand  rôle  dans  le 
pythagorisme  et  dans  les  premiers  systèmes  de  l'Inde?  Nous 
avons  la  rage  aujourd'hui  de  vouloir  tout  rajeunir,  comme 

1.  J'en  ai  cité  plusieurs  exemples  dans  le  Journal  des  Savants,  cahiers 
d'avril  et  de  mai  1888. 

2.  Epslein,  Mihadmoniol  hayéhoudim,  Bciliagc  zur  jiidischen  AUcrthums- 
Kunde,  Vienne,  1887. 


n  L4  KABBALE. 

si  l'esprit  de  système  et  surtout  l'esprit  mystique  n'étaient 
pas  aussi  anciens  que  le  monde  et  ne  devaient  pas  durer 
autant  que  l'esprit  humain. 

Yoilà  bien  des  raisons  de  croire  que  l'intérêt  qui  s'attache 
à  la  Kabbale  depuis  tant  de  siècles,  aussi  bien  dans  le  chris- 
tianisme que  dans  le  judaïsme,  dans  les  recherches  de  la 
philosophie  que  dans  les  spéculations  de  la  théologie,  est 
loin  d'être  épuisé,  et  que  je  n'ai  pas  tout  à  fait  tort  de 
rééditer  un  travail  qui  peut  servir  à  la  faire  connaître.  Après 
tout,  quand  il  ne  répondrait  qu'au  désir  de  quelques  rares 
curieux,  cela  suffirait  pour  qu'on  n'eût  pas  le  droit  de  le 
compter  parmi  les  livres  entièrement  inutiles. 

A.  FRANCK. 

Paris,  le  9  avril  1880. 


PRÉFACE 


Une  doctrine  quia  plus  d'un  point  de  ressemblance  avec 
celles  de  Platon  et  de  Spinosa  ;  qui,  par  sa  forme,  s'élève  quel- 
quefois jusqu'au  ton  majestueux  de  la  poésie  religieuse  ;  qui 
a  pris  naissance  sur  la  même  terre  et  à  peu  près  dans 
le  même  temps  que  le  christianisme;  qui,  pendant  une 
période  de  plus  de  douze  siècles,  sans  autre  preuve  que 
riiypotlièse  d'une  antique  tradition,  sans  autre  mobile  ap- 
parent que  le  désir  de  pénétrer  plus  intimement  dans  le 
sens  des  livres  saints,  s'est  développée  et  propagée  à  l'ombre 
du  plus  profond  mystère  :  voilà  ce  que  l'on  trouve,  après 
qu'on  les  a  épurés  de  tout  alliage,  dans  les  monuments  ori- 
ginaux et  dans  les  plus  anciens  débris  de  la  Kabbale  *.  Dans 
un  temps  où  l'histoire  de  la  philosophie  et  en  général  toutes 
les  recherches  historiques  ont  acquis  tant  d'importance,  où 
l'on  paraît  enfin  disposé  à  croire  que  l'esprit  humain  ne  se 
révèle  tout  entier  que  dans  l'ensemble  de  ses  œuvres,  il  m'a 

1.  C'est  le  mot  hébreu  nSzp  {Kabhalah)  qui,  comme  l'indique  le  radical 
Szp'  exprime  l'action  de  recevoir  :  une  doctrine  regue  par  tradition.  L'ortho- 
graphe que  nous  avons  adoptée,  et  qui  est  depuis  longtemps  en  usage  en  Alle- 
magne (Kabbale  au  lieu  de  cabale),  nous  a  semblé  la  plus  propre  à  rendre 
la  prononciation  du  terme  hébreu.  C'est  aussi  celle  que  Raymond-LuUe,  dans 
son  livre  de  Audilu  Kabbalislico,  recommande  comme  la  plus  exacte. 

1 


2  LA  KABBALE. 

semblé  qu'un  tel  sujet,  considéré  d'un  point  de  vue  supé- 
rieur à  l'esprit  de  secte  et  de  parti,  pourrait  exciter  un 
intérêt  légitime,  et  que  les  difficultés  mêmes  dont  il  est  hé- 
rissé, l'obscurité  qu'il  présente,  dans  les  idées  comme  dans 
le  langage,  seraient,  pour  celui  qui  oserait  l'aborder,  une 
promesse  d'indulgence.  Mais  ce  n'est  point  par  cette  raison 
seule  que  la  kabbale  se  recommande  à  l'attention  de  tous  les 
esprits  sérieux;  il  laut  se  rappeler  que,  depuis  le  commen- 
cement du  seizième  siècle  jusqu'au  milieu  du  dix-septième, 
elle  a  exercé  sur  la  théologie,  sur  la  philosophie,  sur  les 
sciences  naturelles  et  sur  la  médecine  une  influence  assez 
considérable;  c'est  véritablement  son  esprit  qui  inspirait  les 
Pic  de  la  Mirandole,  lesReuchlin,  les  Cornélius  Agrippa,  les 
Paracelse,  les  Henry  MoruL,  les  Piobert  Fludd,  les  Yan  Hel- 
mont  et  jusqu'à  Jacob  Boehme,  le  plus  grand  de  tous  ces 
hommes  égarés  à  la  recherche  de  la  science  universelle, 
d'une  science  unique  destinée  à  nous  montrer  dans  les  pro- 
fondeurs les  plus  reculées  de  la  nature  divine  l'essence  véri- 
table et  l'enchaînement  de  toutes  choses.  Moins  hardi  qu'un 
critique  moderne  dont  nous  parlerons  bientôt,  je  n'oserais 
point  prononcer  ici  le  nom  de  Spinosa. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  d'avoir  fait  la  découverte  d'une 
terre  entièrement  inconnue.  Je  dirai,  au  contraire,  qu'il 
faut  des  années  pour  parcourir  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  la 
kabbale,  depuis  l'instant  seulement  oii  ses  secrets  furent 
trahis  par  la  presse.  Mais,  que  d'opinions  contradictoires,  que 
de  jugements  passionnés,  que  de  bizarres  hypothèses  et,  en 
général,  quel  chaos  indigeste  dans  cette  foule  de  livres  hé- 
breux, latins  ou  allemands,  publiés  sous  toutes  les  formes  et 
sillonnés  de  citations  de  toutes  les  langues!  Et  remarquez 
bien  que  le  désaccord  ne  se  montre  pas  seulement  dans  l'ap- 
préciation des  doctrines  qu'il  s'agissait  de  faire  connaître  ou 
devant  le  problème  si  compliqué  de  leur  origine;  il  éclate 
d'une  manière  non  moins  sensible  dans  l'exposition  elle- 


PRÉFACE.  3 

même.  On  ne  saurait  donc  regarder  comme  inutile  un  tra- 
vail plus  moderne,  qui,  prenant  pour  base  les  documents 
originaux,  les  traditions  les  plus  accréditées,  les  textes  les 
plus  authentiques,  ne  dédaignerait  pas  ce  qu'il  y  a  de  bon 
et  de  vrai  dans  les  recherches  antérieures.  Mais,  avant  de 
commencer  l'exécution  de  ce  plan,  je  crois  nécessaire  de 
mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  une  appréciation  rapide  de 
chacun  des  ouvrages  qui  ont  fait  naître  l'idée  et  qui  con- 
tiennent, dans  une  certaine  mesure,  les  éléments  de  celui-ci. 
On  se  fera  ainsi  une  notion  plus  juste  de  l'état  de  la  science 
sur  cet  obscur  sujet  et  de  la  tâche  que  nos  devanciers  nous 
ont  laissée.  Tel  est  le  vrai  but  de  cette  préface. 

Je  ne  parlerai  pas  des  kabbalistes  modernes  qui  ont  écrit 
en  hébreu  ;  leur  nombre  est  si  considérable,  les  caractères 
qui  les  distinguent  individuellement  ont  si  peu  d'impor- 
tance, et,  sauf  quelques  rares  exceptions,  ils  pénètrent  si  peu 
dans  les  profondeurs  du  système  dont  ils  se  disent  les  inter- 
prètes, qu'il  serait  fort  difficile  et  non  moins  fastidieux  de 
les  faire  connaître  chacun  séparément.  Il  suffira  de  savoir 
qu'ils  se  partagent  en  deux  écoles  qui  furent  fondées  presque 
en  même  temps  dans  la  Palestine  vers  le  milieu  du  sei- 
zième siècle,  l'une  par  Moïse  Corduero  \  et  l'autre  par  Isaac 
Loria  *,  regardé  par  quelques  juifs  comme  le  précurseur  du 
Messie.  Tous  deux,  malgré  l'admiration  superstitieuse  qu'ils 

1.  Son  nom  s'écrit  en  hébreu  TiissiTlip  .TC'^D  ^>  et  peut-être  faut-il  pro- 
noncer Cordovero.  Il  était  d'origine  espagnole  et  florissait  vers  le  milieu  du  sei- 
zième siècle,  à  Safed,  dans  la  Galilée  supérieure.  Son  principal  ouvrage  a  pour 
titre  :  le  Jardin  des  Grenades,  a^^'^^l  DllS-  ^'^-i",  Cracovie.  Il  a  composé 
aussi  un  petit  traité  do  morale  mystique,  appelé  le  Palmier  de  Déborah  (^■2T\ 
mm))  Mantoue,  1G25,  in-8. 

2.  Son  nom  s'écrit  en  hébreu  17;5Ç?K  prjï^  i  ou,  par  abréviation,  i-^^xn- 
Il  est  mort  également  à  Safed,  en  15'/'2'."A  pari  quelques  traités  détachés  dont 
l'aullienticité  est  loin  d'être  constatée,  il  n'a  rien  publié  lui-même.  Mais  sous  ce 
titre:  l'Arbre  de  Vie  (□"inr"*),  son  disciple  Chaïm  Vital  a  réuni  toutes  ses 
opinions  en  un  seul  corps  de  doctrine. 


4  LA  KABBALE. 

inspirent  à  leurs  disciples,  ne  sont  pourtant  que  des  com- 
mentateurs sans  originalité.  Mais  le  premier,  sans  pénétrer 
bien  loin  dans  leur  esprit,  se  tient  assez  près  du  sens  pro- 
pre, de  la  signification  réelle  des  monuments  originaux;  le 
second  s'en  écarte  pi^esque  toujours  pour  donner  carrière  à 
ses  propres  rêveries,  véritables  songes  d'un  esprit  malade, 
xgri  somnia  vana.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  lequel  des  deux 
j'ai  le  plus  souvent  consulté.  Cependant  je  ne  puis  m'empè- 
cher  de  faire  la  remarque  que  c'est  le  dernier  qui  l'emporte 
dans  l'opinion. 

J'écarterai  aussi  les  écrivains  qui  n'ont  parlé  de  la  kab- 
bale qu'en  passant,  comme  Richard  Simon*,  Burnct',  Hot- 
tinger';  ou  qui,  bornant  leurs  recherches  à  la  biographie 
et  à  l'histoire  proprement  dite,  ne  font  guère  que  nous  indi- 
quer les  sources  où  il  faut  puiser,  par  exemple  Wolf*,  Bas- 
nage%  Bartolocci®;  ou  enfin  qui  se  sont  contentés  de  résu- 
mer, quelquefois  de  répéter  j  ce  que  d'autres  avaient  dit  avant 
eux.  Tels  sont,  par  rapport  à  notre  sujet,  l'auteur  de  l'/n- 
trochidion  à  la  philosophie  des  Hébreux\  et  les  historiens 
modernes  de  la  philosophie,  qui  tous  ont  copié  plus  ou 
moins  Brucker,  comme  Brucker  lui-même  avait  mis  à  con- 
tribution les  dissertations  plus  néoplatoniciennes  et  arabes 
que  kabbalistiques  du  rabbin  espagnol  Abraham  Cohen 
Eréra  ^  Après  toutes  ces  éliminations,  il  me  reste  encore  à 

1.  Histoire  critique  du  Vieux  Testament,  t.  I,,  chap.  \n. 

2.  Archœolog.  philosoph.,  chap.  iv. 

o.  Thés,  philolog.,  et  dans  ses  autres  écrits.  —  Discursus  gemaricus  de. 
inccstu,  etc. 

4.  Bihliolhcca  hebraïca;  Hamb.,  1721,  A  vol.  in-4. 

5.  Histoire  des  Juifs;  Paris  et  La  Uaye. 

G.  Magna  Bibliothcca  rabbinica,  A  vol.  iii-f\ 

7.  J.  F.  Buddeus^  Introdiiciio  ad  Historiam  philosophix  Hebrœoriim  : 
Ualœ,  1702  et  1721,  in-8. 

8.  Eréra  appartient  au  dis-septième  siècle.  Son  principal  ouvrage,  Porte  des 
Cicîix  (Porta  cœloruni),  a  été  composé  en  espagnol,  sa  langue  maternelle,  puia 


PREFACE.  5 

parler  d'un  assez  bon  nombre  d'auteurs  qui  ont  fait  de  la 
doctrine  ésotérique  des  Hébreux  une  étude  plus  sérieuse,  ou 
à  qui  du  moins  il  faut  accorder  le  mérite  de  l'avoir  tirée  de 
l'obscurité  profonde  où  elle  était  restée  enfouie  jusqu'à  la 
fin  du  quinzième  siècle. 

Le  premier  qui  ait  révélé  à  l'Europe  cbrétienne  le  nom'^^^r"^ 
et  l'existence  de  la  kabbale,  c'est  un  bomme  qui,  malgré 
les  écarts  de  son  ardente  imagination,  malgré  la  fougue 
désordonnée  de  son  esprit  enthousiaste,  et  peut-être  par  la 
puissance  même  de  ses  brillants  défauts,  a  imprimé  aux 
idées  de  son  siècle  une  vigoureuse  impulsion  :  nous  voulons 
parler  de  Raymond-Lulle.  11  serait  difficile  de  dire  jusqu'à 
quel  point  il  était  initié  à.  cette  science  mystérieuse,  et 
quelle  influence  elle  a  exercée  sur  ses  propres  doctrines.  Je 
me  garderai  d'affirmer,  avec  un  historien  de  la  philosophie', 
qu'il  y  a  puisé  la  croyance  à  l'identité  de  Dieu  et  de  la  na- 
ture. Mais  il  est  certain  qu'il  s'eii  faisait  une  idée  très  élevée, 
la  regardant  comme  une  science  divine,  comme  une  véritable 
révélation  dont  la  lumière  s'adresse  à  l'âme  rationnelle";  et 
peut-être  est-il  permis  de  supposer  que  les  procédés  artifi- 
ciels mis  en  usage  par  les  kabbalistcs  pour  rattacher  leurs 
opinions  aux  paroles  de  l'Ecriture,  que  la  substitution,  si 
fréquente  parmi  eux,  des  nombres  ou  des  lettres  aux  idées 
et  aux  mots,  n'ont  pas  peu  contribué  à  l'invention  du  grand 
art.  Il  est  digne  de  remarque  que  plus  de  deux  siècles  et 
demi  avant  l'existence  des  deux  écoles  rivales  de  Loria  et  de 

traduit  en  hébreu,  et  enfin  en  latin,  par  l'auleur  de  la  Kahhalah  denudata.  I 
en  sera  encore  une  fois  question  un  peu  plus  bas. 

\.  Tennemann,  Geschiddc  dcv  Philosophie,  t.  VllI,  p.  857. 

2.  «  Dicitur  hœc  doctrina  Kabbala  quod  idem  est  secundùm  IlebriBos  ut 
receptio  verilatis  cujuslibet  rei  divinitùs  revelata;  animse  rationali....  Est  igilur 
Kabbala  habilus  anim;c  rationalis  ex  rectà  ralione  divinarum  rerum  cognilivus; 
propter  quod  est  de  maxime  eliam  divino  consequulivè  divina  scientia  vocari 
débet.  »  [De  Audi  lu  Kabbalislico,  sivc  ad  omncs  scienlias  inlroduciorium; 
Strasbourg,  1031.) 


6  LA  KABBALE. 

Cordiiero,  dans  le  temps  même  où  certains  critiques  mo- 
dernes ont  voulu  placer  la  naissance  de  toute  la  science 
kabbalistique,  Raymond-Lulle  fasse  déjà  la  distinction  des 
kabbalistes  anciens  et  des  kabbalistes  modernes'. 

L'exemple  donné  par  le  philosophe  majorquin  demeura 
longtemps  stérile;  car,  après  lui,  l'étude  de  la  kabbale 
retomba  dans  l'oubli,  jusqu'au  moment  où  Pic  de  la  Miran- 
dole  et  Reuchlin  vinrent  répandre  quelque  lumière  sur  une 
science  dont  on  ne  connaissait  jusqu'alors,  hors  du  cercle 
des  adeptes,  que  l'existence  et  le  nom.  Ces  deux  hommes, 
également  admirés  par  leur  siècle  pour  la  hardiesse  de  leur 
esprit  et  l'étendue  de  leurs  connaissances,  sont  pourtant 
loin  d'être  entrés  dans  toutes  les  profondeurs  et  dans  toutes 
les  difficultés  du  sujet.  Le  premier  a  tenté  de  réduire  à  un 
petit  nombre  de  propositions^  dont  il  n'indique  pas  la  source, 
entre  lesquelles  on  aperçoit  difficilement  quelque  rapport, 
un  système  aussi  étendu,  aussi  varié,  aussi  conséquent,  aussi 
fortement  construit  que  celui  qui  fait  l'objet  de  nos  recher- 
ches. 11  est  vrai  que  ces  propositions  étaient,  dans  l'origine, 
des  thèses  destinées  à  être  soutenues  en  public  et  déve- 
loppées par  l'argumentation.  Mais,  dans  l'état  où  elles  nous 
sont  parvenues,  leur  brièveté  autant  que  leur  isolement  les 
rend  inintelligibles,  et  ce  n'est  pas  assurément  dans  quel- 
ques digressions  plus  étendues,  disséminées  au  hasard  dans 
les  œuvres  les  plus  diverses,  que  l'on  trouvera  l'unité,  les 
développements,  les  preuves  de  fidélité  qu'on  est  en  droit 
d'exiger  dans  une  œuvre  de  cette  importance.  Le  second, 
moins  emporté  par  son  imagination,  plus  systématique  et 
plus  clair,  mais  aussi  d'une  érudition  moins  étendue,  n'a 

1.  Ib.supr.  —  Quant  à  l'opinion  à  laquelle  nous  faisons  allusion,  elle  sera 
onguement  discutée  dans  la  première  partie  de  ce  travail. 

2.  Conclusiones  cabalisticœ,  numéro  xlvii,  sccundum  sccretam  doclrinam 
sapicntium  Hebrœorum,e[c.,  t.  I,  page  54  de  ses  Œuvres,  édit.  de  Bàle.  Elles 
furent  publiées  pour  la  première  fois  à  Rome,  en  1480. 


PRÉFACE.  7 

malheureusement  pas  su  puiser  aux  sources  les  plus  abon- 
dantes et  les  plus  dignes  de  sa  confiance.  Pas  plus  que  l'au- 
teur italien  qui,  né  après  lui*,  l'avait  cependant  devancé  dans 
cette  carrière,  il  ne  cite  les  autorités  sur  lesquelles  il  s'ap- 
puie; mais  il  est  facile  de  reconnaître  en  lui  l'esprit  peu 
critique  de  Joseph  de  Castille^  et  du  faux  Abraham  ben  Dior, 
un  commentateur  du  quinzième  siècle,  qui  mêla  à  ses  con- 
naissances kabbalistiques  les  idées  d'Aristole  et  tout  ce  qu'il 
savait  de  la  philosophie  grecque,  interprétée  par  les  xVrabes". 
En  outre,  la  forme  dramatique  adoptée  par  Reuchlin  n'est 
ni  assez  précise  ni  assez  sévère  pour  un  tel  sujet,  et  ce  n'est 
pas  sans  une  sorte  de  dépit  qu'on  le  voit  passer  à  côté  des 
questions  les  plus  importantes  pour  établir,  sur  quelques 
vagues  analogies,  une  filiation  imaginaire  entre  la  kabbale  et 
la  doctrine  de  Pythagore.  Il  veut  que  le  fondateur  de  l'école 
italique  ne  soit  qu'un  disciple  deskabbalistes,  à  qui  il  devrait, 
non  seulement  le  fond,  mais  aussi  la  forme  symbolique  de 
son  système  et  le  caractère  traditionnel  de  son  enseignement  : 
de  là  des  subtilités  et  des  violences  qui  défigurent  également 
les  deux  ordres  d'idées  que  l'on  essaye  de  confondre.  Des 
deux  ouvrages  qui  ont  fait  la  réputation  de  Reuchlin,  un 
seul,  celui  qui  a  pour  titre  de  Arte  Cahhaluiicà\  contient 
une  exposition  régulière  de  la  doctrine  ésotérique  des  Hé- 


1.  Reuchlin  est  né  en  1455,  et  Jean  Pic  de  la  Mirandole  en  1463. 

2.  Va\  hébreu,  j^S^TSpU  'HDl"'-  ^^  ^^^  l'auteur  du  livre  intitulé  la  Porte  de 
la  Lumière  (nilî-^  "l^U^)»  ^ue  Paul  Ricci  a  traduit  en  latin,  et  que  Reuchlin  a 
visiblement  pris  pour  base  dans  son  de  Verbo  mirifico. 

3.  11  est  connu  sous  le  nom  de  Tix"),  c.-à.-d.  Abniham  bon  David.  Il  a 
fait  sur  le  Sephcr  lelzirah  un  commentaire  hébreu  qui  a  été  imprimé  avec  le 
texte,  à  Manloue,  en  1502,  et  à  Amsterdam,  en  1642.  Il  a  été  longtemps  con- 
fondu, à  cause  de  la  similitude  du  nom,  avec  un  autre  kabbaliste  bien  plus 
célèbre,  mort  au  commencement  du  treizième  siècle,  et  le  maître  de  Moïse  de 
Léon,  à  qui  l'on  a  voulu  attribuer  la  composition  du  Zohar.  (Voir  le  Journal  de 
théologie  judaïque  de  Geiger,  t.  11,  p.  512.) 

4.  ln-f°  ;  Ihigiienau,  1517. 


8  LA  KABBALE. 

breux  :  l'aiilre  (de  Verbo  mirifico),  qui,  en  effet,  a  été 
publié  d'abord*,  n'est  guère  qu'une  introduction  au  pre- 
mier, mais  une  introduction  conçue  d'un  point  de  vue  per- 
sonnel, bien  qu'elle  paraisse  un  simple  développement  d'une 
idée  plus  ancienne.  C'est  dans  ce  livre  que,  sous  prétexte  de 
définir  les  différents  noms  consacrés  à  Dieu,  l'auteur  donne 

1.  Bàle,  1494,  iu-f".  —  Ce  livre  étant  d'une  extrême  rareté  et  d'un  grand 
intérêt  pour  l'histoire  du  mysticisme,  j'ai  cru  devoir  en  donner  ici  une  idée  très 
sommaire.  Ainsi  que  le  de  Aric  Cabbalisticâ,  il  a  la  forme  d'un  dialogue  entre 
trois  personnages  :  un  philosophe  épicurien  appelé  Sidonius,  un  juif  nommé 
Baruch,  et  l'auteur  lui-même,  qui  a  traduit  son  nom  allemand  par  le  mot  grec 
Capnion.  Le  dialogue  se  divise  en  autant  de  livres  qu'il  y  a  de  personnages.  Le 
premier  livre,  consacré  à  la  réfutation  de  la  philosophie  épicurienne,  n'est  guère 
qu'une  simple  reproduction  des  arguments  le  plus  généralement  employés 
contre  ce  système  ;  aussi  ne  nous  y  arrêterons-nous  pas  davantage. 

Le  second  livre  a  pour  Lut  d'établir  que  toute  sagesse  et  toute  vraie  philo- 
sophie vient  des  Hébreux  ;  que  Platon,  Pylhagore,  Zoroastre,  ont  puisé  leurs 
idées  religieuses  dans  la  Bible,  et  que  des  traces  de  langue  hébraïque  se  retrou- 
vent dans  la  liturgie  et  dans  les  livres  sacrés  de  tous  les  autres  peuples.  Enfin 
l'on  arrive  à  l'explication  des  différents  noms  consaci'és  à  Dieu.  Le  premier,  le 
plus  célèbre  de  tous,  le  ego  sum  qui  sum  (nMx)?  ^st  traduit  dans  la  Philoso- 
phie de  Platon  par  ces  mots  :  tô  ovtco;  wv.  Le  second,  que  nous  traduisons  par 
Lui  (x*n)»  c'est-à-dire  le  signe  de  l'immutabilité  de  Dieu  et  de  son  éternelle 
identité,  se  retrouve  également  chez  le  philosophe  grec,  dans  le  TauTov,  opposé 
au  OaT3p6v.  Dieu,  dans  l'Écriture  sainte,  est  encore  appelé  d'un  troisième  nom, 
celui  du  feu  {'^^).  En  effet,  la  première  fois  qu'il  apparut  à  Moïse  sur  le  mont 
Oreb,  n'était-ce  pas  sous  la  forme  d'un  buisson  ardent  ?  n'est-ce  pas  lui  que 
les  prophètes  ont  appelé  le  feu  dévorant  ?  n'est-ce  pas  de  If  i  encore  que  parlait 
saint  Jean-Baptiste,  quand  il  disait  :  «  Moi  je  vous  lave  dans  l'eau,  un  autre 
viendra  qui  vous  lavera  dans  le  feu  »  (Math.,  III,  11)?  Ce  feu  des  prophètes 
hébreux  est  le  même  que  Vélher  (a'-Ov^p)  dont  il  est  question  dans  les  hymnes 
d'Orphée.  Mais  tous  ces  noms  n'en  forment  en  réalité  qu'un  seul,  qui  nous 
montre  la  substance  div'ne  sous  trois  aspects  différents.  Ainsi  Dieu  se  nomme 
l'Être,  parce  que  de  lui  émane  toute  existence;  il  se  nomme  le  Feu,  parce  que 
c'est  lui  qui  éclaire  et  qui  vivifie  toutes  choses;  enfin,  il  est  toujours  Lui,  il 
reste  éternellement  semblable  à  lui-même  au  milieu  de  l'infinie  variété  de  ses 
œuvres.  Comme  il  y  a  des  noms  qui  expriment  la  substance  de  Dieu,  il  y  en  a 
d'autres  qui  se  rapportent  à  ses  attributs,  et  tels  sont  les  dix  sépIiiroUi  ou  caté- 
gories kabbalistiques  dont  il  sera  fréquemment  question  dans  ce  travail.  Mais 
quand  on  fuit  abstraclion  de  tout  attribut  et  même  de  tous  les  points  de  vue 


PREFACE.  9 

une  libre  carrière  à  son  esprit  mystique  et  aventureux;  c'est 
là  qu'il  veut  prouver,  d'une  manière  générale,  que  toute 
philosophie  religieuse,  soit  celle  des  Grecs,  soit  celle  de 
l'Orient,  a  son  origine  dans  les  livres  hébreux;  c'est  là  aussi 
qu'il  pose  les  fondements  de  ce  qu'on  a  appelé  un  peu  plus 
tard  la  Kabbale  chrétienne. 

déterminés  sous  lesquels  on  peut  considérer  la  substance  divine,  quand  on 
essaye  de  se  représenter  l'Être  absolu  comme  retiré  en  lui-même, -et  n'offrant 
plus  à  notre  intelligence  aucun  rapport  définissable,  alors  il  est  désigné  par  le 
nom  qu'il  est  défendu  de  prononcer,  par  le  Tétragramme,  trois  fois  saint,  c'est- 
à-dire  parle  mot  Jehovah  (U/*1£?2n  n'iT)- 

Kul  doute  que  la  Tétractys  de  Pythagorc  ne  soit  une  imitation  du  Tétra- 
gramme hébreu,  et  que  le  culte  de  la  décade  n'ait  été  imaginé  en  l'honneur  des 
dix  séphirolh.  On  se  ferait  difficilement  une  idée  de  toutes  les  merveilles  que 
l'auteur  sait  découvrir  ensuite  dans  les  quatre  lettres  dont  se  compose  en  hébreu 
le  mot  Jehovah.  Ces  quatre  lettres  font  allusion  aux  quatre  éléments,  aux 
quatre  qualités  essentielles  des  corps  (le  chaud,  le  froid,  le  sec  et  l'humide), 
aux  quatre  principes  géométriques  (le  point,  la  ligne,  le  plan,  le  solide),  aux 
quatre  notes  de  la  gamme,  aux  quatre  fleuves  du  paradis  terrestre,  aux  quatre 
figures  symboliques  du  char  d'Ezécliicl,  etc.  De  plus,  chacune  de  ces  lettres 
considérée  à  part  ne  nous  offre  pas  une  signification  moins  mystérieuse.  La 
première  (i),  qui  est  aussi  le  signe  du  nombre  dix,  et  nous  rappelle  par  sa 
forme  le  point  mathématique,  nous  apprend  que  Dieu  est  le  commencement  et 
la  fin  de  toutes  choses;  car  le  point,  c'est  le  commencement,  l'unité  première, 
et  la  décade,  c'est  la  fin  de  toute  numération.  Le  nombre  cinq,  exprimé  par  la 
seconde  lettre  (n) ,  nous  indique  l'union  de  Dieu  et  de  la  nature  ;  de  Dieu,  repré- 
senté parle  nombre  trois,  c'est-à-dire  par  la  Trinité;  de  la  nature  visible  repré- 
sentée, selon  Platon  et  Pythagorc,  par  la  dyade.  La  troisième  lettre  (i)  est  le 
signe  du  nombre  six.  Or,  ce  nombre,  que  l'école  pythagoricienne  avait  égale- 
ment en  vénération,  est  formé  par  la  réunion  de  la  monade,  de  la  dyade  et  la 
triade,  ce  qui  est  le  symbole  de  toutes  les  perfections.  D'un  autre  côté,  le 
nombre  six  est  aussi  le  symbole  du  cube,  des  solides  ou  du  monde  ;  donc  il  faut 
croire  que  le  monde  porte  le  cachet  de  la  perfection  divine.  Enfin,  la  quatrième 
lettre  est  la  même  que  la  seconde  [■^),  et  par  conséquent  nous  nous  trouvons 
encore  une  fois  en  présence  du  nombre  cinq.  Mais  ici  il  correspond  à  l'âme 
humaine,  à  l'âme  rationnelle,  qui  tient  le  milieu  entre  le  ciel  et  la  terre, 
comme  cinq  est  le  milieu  de  la  décade,  expression  symbolique  de  la  totalité 
des  choses. 

Nous  voilà  arrivé  au  troisième  livre,  dont  le  but  est  de  démoniror  par  les 
mêmes  procédés  les  principaux  dogmes  du  christianisme.   Aussi  est-il  placé 


10  LA  KABBALE. 

C'est  à  partir  de  cette  époque  que  les  idées  kabbalistiques, 
devenues  l'objet  d'un  intérêt  plus  général,  commencent  à 
compter  sérieusement,  non  seulement  dans  les  travaux  d'éru- 
dition, mais  dans  le  mouvement  scientifique  et  religieux  du 
seizième  et  du  dix-septième  siècle.  C'est  alors  qu'on  voit 
paraître  successivement  au  jour  les  deux  ouvrages  d'Agrippa, 

tout  entier  dans  la  bouche  de  Capnion  ;  car  c'est  sur  les  ruines  de  la  philo- 
sophie sensualiste  ou  exclusivement  païenne,  et  sur  les  traditions  prétendues 
kabhalisliques  dont  Baruth  a  été  l'interprète  dans  le  livre  précédent,  qu'il 
s'agit  d'élever  maintenant  l'édifice  de  la  théologie  chrétienne.  Quelques 
exemples  suffiront,  je  l'espère,  pour  donner  une  idée  de  la  méthode  que  suit 
ici  l'auteur,  et  de  la  manière  dont  il  y  rattache  ses  vues  générales  sur  l'histoire 
de  la  religion.  Dès  le  premier  verset  de  la  Genèse,  «  Au  commencement  iJieu 
créa  le  ciel  et  la  terre  »,  il  trouve  le  mystère  de  la  Trinité.  En  effet,  en  arrê- 
tant notre  attention  sur  le  mot  hébreu  que  nous  traduisons  par  créer  (x"l2)  ; 
en  considérant  chacune  dos  trois  lettres  dont  il  se  compose  comme  l'initiale 
d'un  autre  mot  tout  à  fait  dislinct  du  premier,  on  obtiendra  ainsi  trois  termes 

n       II         II 

qui  signifieront  le  Père,  \e.Fils,\&  Saint-Esprit  (t;7pn  mT']2~2J<)*  t)ans  ces 
paroles  tirées  des  Psaumes,  «  La  pierre  que  les  architectes  avaient  méprisée 
est  devenue  la  pierre  angulaire  »,  on  trouvera,  par  le  même  procédé,  les  deux 
premières  personnes  de  la  Trinilé  (px'p'  2x)-  C'est  encore  la  Trinité  chré- 
tienne qu'Orphée,  dans  son  liynime  à  la  nuit,  a  voulu  désigner  par  ces  mots  : 
vù^  oùpavô;,  aiOr^p  ;  car  cette  nuit,  qui  engendre  toutes  choses,  ne  peut  être 
que  le  Père;  ce  ciel,  cet  olympe  qui  embrasse  dans  son  immensité  tous  les 
êtres,  et  qui  est  né  de  la  nuit,  c'est  le  Fils  ;  enfin,  l'élher,  que  le  poète  antique 
appelle  aussi  un  souffle  de  feu,  c'est  le  Saint-Esprit.  Le  nom  de  Jésus  traduit 

Il     II    V      M    II 

en  hébreu  (^  VCM  i)'  c'est  le  nom  même  de  Jehovah,  plus  la  lettre  "f^,  qui, 
dans  la  langue  des  kabbalistes,  est  le  symbole  du  feu  ou  de  la  lumière,  et  dont 
saint  Jérôme,  dans  son  interprétation  mystique  de  l'alphabet,  a  fait  le  signe  de 
la  parole.  Ce  nom  mystérieux  est  donc  toute  une  révélation,  puisqu'il  nous 
apprend  que  Jésus  c'est  Dieu  lui-même  conçu  comme  lumière  et  parole,  ou  le 
Yerbe  divin.  Il  n'y  a  pas  jusqu'au  symbole  même  du  christianisme,  jusqu'à  la 
croix,  qui  ne  soit  clairement  désignée  dans  l'Ancien  Testament,  soit  par  l'arbre 
de  vie  que  Dieu  avait  planté  dans  le  paradis  terrestre,  soit  par  l'altitude  suj)- 
pliante  de  Moïse,  quand  il  lève  les  bras  au  ciel  pour  demander  le  triomphe 
d'Israël  dans  sa  lutte  contre  Amalec,  soit  enfin  par  ce  bois  miraculeux  qui, 
dans  le  désert  de  Marah,  changea  l'eau  amère  en  eau  douce.  Dans  la  pensée  de 
Reuchlin,  Dieu  s'est  manifesté  aux  hommes  sous  différents  aspects  pendant  les 
trois  grandes  périodes  religieuses  que  l'on  distingue  ordinairement  depuis  la 
création;  et  à  chacun  de  ces  aspects  correspond  dans  l'Écriture  un  nom  parti- 


PRÉFACE.  U 

les  savantes  et  curieuses  rêveries  de  Postel,  le  répertoire  des 
kabbalistes  chrétiens,  publié  par  Pistorius,  les  traductions 
de  Joseph  Voysin,  les  recherches  de  Kircher  sur  toute  l'anti- 
quité orientale,  et  enfin  le  résumé  et  le  couronnement  de 
tous  ces  travaux,  la  Kabbale  dévoilée. 

Il  y  a  deux  hommes  dans  Cornélius  Agrippa  :  l'auteur  du 
livre  de  Occulta  Philosophiâ\  le  défenseur  enthousiaste  de 
toutes  les  rêveries  du  mysticisme,  l'adepte  passionné  de  tous 
les  arts  imaginaires,  et  le  sceptique  découragé,  qui  se  plaint 
de  rincerliludc  et  de  la  vanité  des  sciences^'.  Ce  n'est  cei-tai- 
nement  pas  le  premier,  comme  on  pourrait  le  croire,  qui  a 
rendu  le  plus  de  services  à  l'étude  de  la  knhbale.  Tout  au 
contraire,  en  perdant  de  vue  le  côté  métaphysique,  c'est-à- 
dire  l'essence  même  et  le  fond  réel  de  ce  système,  en  s'atta- 
chant  seulement  à  la  forme  mystique  en  la  développant  jus- 
qu'à ses  dernières  conséquences,  jusqu'à  l'astrologie  et  à  la 
magie,  il  n'a  pas  peu  contribué  à  en  détournei-,  même  à  leur 
insu,  les  esprits  graves  et  sérieux.  Mais  Agrippa  sceptique, 
Agrippa  revenu  de  tous  ses  enivrements,  et  rendu  en  quelque 
sorte  à  l'usage  de  la  raison,  a  compris  la  haute  antiquité  des 
idées  kabbalistiques,  et  les  rapports  qu'elles  présentent  avec 
les  diverses  sectes  du  gnosticisme  ';  c'est  lui  aussi  qui  a 
signalé  la  ressemblance  qui  existe  entre  les  attributs  divers 

culier  qui  le  caractérise  parfaitement.  Sous  le  règne  de  la  nature,  il  s'appelait 
le  Tout-Puissanl  (i";u;),  ou  plutôt  le  fécondateur,  le  nourricier  des  hommes  : 
tel  est  le  Dieu  d'Abraham  et  de  tous  les  patriarches.  Sous  le  règne  de  la  loi,  ou 
depuis  la  révélation  de  Moïse  jusqu'à  la  naissance  du  christianisme,  il  s'appelle 
le  Sei(j>icur  (ij^x)'  parce  qu'alors  il  est  le  roi  et  le  maître  du  peuple  élu.  Sous 
le  règne  de  la  grâce,  il  se  nomme  Jésus,  ou  le  Dieu  libérateur  (nV^n^)-  Ce 
point  de  vue  ne  manque  pas  de  vérité  et  de  grandeur. 

d.  Cologne,  1553,  in-8,  et  1551. 

2.  De  Incerliludine  et  vanitate  scienliarum;  Col.,  1527;  Paris,  1529; 
Anvers,  1550. 

5.  ((  Ex  hoc  cabalisticaî  superstitionis  judaïco  fermeuto  podierunt,  pulo, 
Ophitœ,  Gnostici  et  Yalentiniani  lucretici,  qui  ipsi  quoque  cum  discipulis  suis 
grsccam  quamdam  cabalam  commenti  sunt»,  etc.  De   Vanilal.  scical.,  c.  47. 


12  LA  KABBALE. 

reconnus  par  les  kabbalistes,  autrement  appelés  les  dix 
séphiroth,el  les  dix  noms  mystiques  dont  parle  saint  Jérôme 
dans  sa  lettre  à  Marcella*. 

Postel  est  le  premier,  que  je  sache,  qui  ait  traduit  en 
latin  le  plus  ancien,  et  il  faut  ajouter  le  plus  obscur  monu- 
ment de  la  kabbale;  je  veux  parler  du  livre  de  la  Création 
{Sepher  lelzirah'^)^  attribué  par  une  tradition  fabuleuse, 
tantôt  au  patriarche  Abraham,  tantôt  à  Adam  lui-même. 
Autant  qu'il  est  permis  de  juger  de  cette  traduction,  dont 
l'obscurité  égale  au  moins  celle  du  texte,  elle  nous  paraît 
généralement  fidèle.  Mais  il  faut  renoncer  à  recueillir  le 
moindre  fruit  des  commentaires  dont  elle  est  suivie,  et  où 
l'auteur,  se  faisant  l'apôtre  d'une  nouvelle  révélation,  fait 
servir  son  érudition  si  féconde  et  si  riche,  à  justifier  les 
écarts  d'une  imadnalion  dérédée.  On  attribue  aussi  à  Postel 
une  traduction  inédite  du  Zohar,  que  nous  avons  vainement 
cherchée  parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  royale. 

Pistorius  s'était  proposé  un  but  plus  modeste  et  plus  utile, 
celui  de  réunir  en  un  seul  recueil  tous  les  écrits  publiés  sur 
la  kabbale,  ou  pénétrés  de  son  esprit;  mais  il  s'est  arrêté, 
on  ne  sait  pourquoi,  à  la  moitié  de  son  œuvre.  Des  deux 
énormes  volumes  dont  elle  devait  se  composer  dans  l'origine, 
l'un  était  consacré  à  tous  les  ouvrages  kabbalistiques  écrits 
en  hébreu,  et  par  conséquent  sous  l'influence  du  judaïsme; 
l'autre,  aux  kabbalistes  chrétiens,  ou,  pour  me  servir  des 
paroles  mêmes  de  l'auteur,  «  à  ceux  qui,  faisant  profession 
de  christianisme,  se  sont  toujours  distingués  par  une  vie 
pieuse  et  honnête,  et  dont  les  écrits,  pour  cela  même,  ne 
sauraient  être  repousses  comme  des  extravagances  judaï- 
ques^ ».  C'était  une  sage  précaution  contre  les  préjugés  du 

\.  De  Occiillâ  Philosophiâ,  lib.  III,  c.  \u 

2.  Ahrahami  patriarcluc  liber  Jezirah,  ex  Itcbrœo  versus  et  commentariis 
illuslratiis  à  Giiilelmo  Poslello;  Paris,  1552,  in-16. 

5.  ((  Scriptores  collegi  qui  christianain  rcligioncm  profcssi,  religiosè  honcs- 


PRÉFACE.  45 

temps.  Cependant  ce  dernier  volume  est  le  seul  qui  ait 
paru*.  Il  contient,  outre  la  traduction  latine  du  Sepher  letzi- 
rah  et  les  deux  ouvrages  de  Reuchlin  dont  nous  avons  déjà 
parlé,  un  commentaire  mystique  et  tout  à  fait  arbitraire  sur 
les  thèses  de  Pic  de  la  Mirandole%  une  traduclion  latine  de 
l'ouvrage  de  Joseph  de  Castille,  qui  a  servi  de  base  au  de 
Verbo  mirifico^  et  enfin  divers  traités  de  deux  auteurs  juifs 
dont  l'un  a  été  conduit  par  l'étude  de  la  kabbale  à  se  con- 
vertir au  christianisme  :  c'est  Paul  Ricci  (Paulus  Riccius), 
médecin  de  l'empereur  Maximilien  I";  l'autre  est  le  fils  du 
célèbre  Abravanel,  ou  Jehoudah  Abravanel,  plus  connu  sous 
le  nom  de  Léon  l'Hébreu.  Ce  dernier,  par  ses  Dialogues^ 
damour\  dont  il  existe  dans  noire  langue  plusieurs  traduc- 
tions*, mériterait  sans  doute  une  place  distinguée  dans  une 
histoire  générale  du  mysticisme;  mais  son  œuvre  ne  se  rat- 
tachant qu'indirectement  à  la  kabbale,  il  suffit  de  rappeler 
ici  quelle  en  est  la  source,  et  de  montrer,  en  passant,  sous 
une  de  leurs  faces  les  plus  importantes,  les  idées  dont  on 
a  tiré  de  semblables  conséquences.  Ricci,  beaucoup  plus 
occupé  de  la  forme  allégorique  que  du  fond  mystique  des 
mêmes  traditions,  se  contente  de  suivre  de  loin  les  traces  de 
Reuchlin,  et  cherche  à  démontrer  comme  lui,  par  des  pro- 
cédés kabbalistiques,  toutes  les  croyances  essentielles  du 
christianisme.  Tel  est  le  caractère  de  son  principal  ouvrage, 

tèque  vixerunt  et  quorum  proplerea  libros,  lanquiim  judaicam  cleliralionem, 
dctestari  nenio  potcst.  »  Prxf.,  p.  2. 

1.  Arlis  cahaUslicœ,  h.  e.  recoiidilœ  Iheologiœ  et  philosophiœ  scriploriim, 
t.  I;  Basil.,  1587,  in-K 

2.  ArchaïKjeli  Burgonovensis  inlcrprelaliones  in  selecliora  obsciirioraqiie 
Cabalislanun  (locjmala.  Jb.  supr. 

5.  Ils  ont  élé  écrits  en  italien  sous  ce  titre  :  Dialoijhi  de  amore,  composli 
per  Leone  medico,  di  nalione  hehreo  et  di  poi  fatlo  christiano.  Rome,  1535. 
in-4,  et  Venise,  1541. 

4.  L'une  est  de  Sarrasin,  l'autre  de  Pontus  de  Tliiard,  et  une  troisième  du 
seijrneur  du  Parc. 


14  LA  KABBALE. 

qui  a  pour  lilre  :  de  V Afjricullure  céleste^  Il  est  aussi  l'au- 
teur d'une  introduction  à  la  kabbale*,  où  il  se  borne  à 
résumer,  sous  une  forme  assez  rapide,  les  opinions  déjà 
exposées  par  ses  devanciers.  Mais  il  ne  fait  pas  comme  eux 
remonter  jusqu'aux  patriarches,  jusqu'au  père  du  genre 
humain,  les  traditions  dont  il  est  l'interprète;  il  lui  suffit  de 
croire  qu'elles  existaient  déjà  quand  Jésus-Christ  est  venu 
prêcher  sa  doctrine,  et  qu'elles  avaient  préparé  les  voies  à  la 
nouvelle  alliance;  car,  ces  milliers  de  juifs  qui  ont  accueilli 
la  foi  de  l'Évangile,  sans  abandonner  la  loi  de  leurs  pères, 
n'étaient  pas  autre  chose,  selon  lui,  que  les  kabbalistes  du 
temps  ^ 

Je  veux  seulement  nommer  ici  Joseph  Yoysin,  dont  le  plus 
grand  mérite  envers  la  kabbale  est  d'avoir  traduit  assez  fidè- 
lement du  Zohar  plusieurs  textes  relatifs  à  la  nature  de 
l'âme*,  et  je  me  hâte  d'arriver  à  des  travaux  plus  impor- 
tants, au  moins  par  l'influence  qu'ils  ont  exercée. 

Le  nom  de  Kircher  ne  peut  pas  être  prononcé  sans 
une  profonde  vénération.  C'était  une  encyclopédie  vivante 

1.  De  cœlesti  Acjricullurâ.  Il  se  compose  de  quatre  livres  :  le  premier  est 
une  réfutation  des  philosophes  qui  repoussent  le  christianisme  comme  contraire 
à  la  raison;  le  deuxième  est  dirigé  contre  le  judaïsme  moderne,  contre  le 
système  thalmudique,  et  tend  à  démontrer,  par  une  interprétation  symbolique 
de  l'Écriture,  que  tous  les  dogmes  chrétiens  sont  dans  l'Ancien  Testament;  le 
troisième  a  pour  but  de  concilier  les  opinions  qui  divisent  le  christianisme,  en 
leur  taisant  à  chacune  leur  part,  et  de  les  appeler  toutes  à  l'unité  catholique; 
dans  le  quatrième  seulement  il  est  question  de  la  kabbale  et  du  parti  qu'on  en 
peut  tirer  pour  la  conversion  des  Juifs. 

2.  Isagoge  in  Cabbalistarum  crudilionem  et  inlroducloria  theoremala 
cahalislka. 

3.  «  ..  Cabala  cujus  prœcipui  (haud  dubiè)  fuère  cidtores  primi  hebrœorum 
Christi  auditorum  et  sacram  ejus  doctrinam  atque  fidei  pietatem  amplectentium, 
œmuli  tamen  paternœ  legis.  »  de  cœlesli  Agricult.,  lib.  IV,  ad  init. 

4.  Dispidalio  cabalistica  R.  Israël  filii  Mosis  de  anima,  etc.  adjectis  com- 
mcniariis  ex  Zohar;  Paris,  1655.  —  Sa  Thcologia  Judœorum  n'apprend  rien 
sur  la  kabbale. 


PRÉFACE.  jH 

de  toutes  les  sciences  ;  du  moins  aucune  n'est-elle 
restée  complètement  en  dehors  de  son  érudition  pro- 
digieuse, et  il  y  en  a  plusieurs,  au  nombre  desquelles 
on  compte  principalement  l'arcliéologie,  la  philologie  et 
les  sciences  naturelles ,  qui  lui  doivent  d'importantes 
découvertes.  Mais  il  est  connu  que  ce  savant  homme  no 
brille  pas  par  les  qualités  qui  font  le  critique  et  le  philo- 
sophe, et  qu'il  est  même  parfois  d'une  crédulité  peu  com- 
mune. Tel  est  le  caractère  qu'il  montre  surtout  dans  son 
exposition  de  la  doctrine  des  kabbalisles  \  Ainsi  il  ne  doute 
pas  un  instant  qu'elle  n'ait  été  d'abord  apportée  en  Egypte 
par  le  patriarche  Abraham,  et  que  de  là  elle  ne  se  soit  répan- 
due peu  à  peu  dans  le  reste  de  l'Orient,  se  mêlant  à  toutes 
les  religions  et  à  tous  les  systèmes  de  philosophie.  Mais  en 
môme  temps  qu'il  lui  reconnaît  cette  autorité  imaginaire  et 
cette  fabuleuse  antiquité,  il  la  dépouille  de  son  mérite  réel  : 
les  idées  originales  et  profondes,  les  croyances  hardies 
qu'elle  renferme,  les  plus  curieux  aperçus  sur  le  fond  de 
toute  religion  et  de  toute  morale,  sont  entièrement  perdus 
pour  sa  faible  vue,  frappée  seulement  de  ces  formes  symbo- 
liques dont  l'usage  et  l'abus  semblent  être  dans  la  nature 
même  du  mysticisme.  La  kabbale  est  pour  lui  tout  entière 
dans  cette  grossière  enveloppe,  dans  ses  mille  combinaisons 
des  lettres  et  des  nombres,  dans  ses  chiffres  arbitraires,  enfin 
dans  tous  les  procédés  plus  ou  moins  bizarres  au  moyen 
desquels,  forçant  les  textes  sacrés  à  lui  prêter  leur  appui, 
elle  trouvait  un  accès  dans  des  esprits  rebelles  à  toute 
autre  autorité  qu'à  celle  de  la  Bible.  Les  faits  et  les  textes 
que  j'ai  rassemblés  dans  ce  travail  se  chargeront  de  détruire 
ce  point  de  vue  étrange  et  me  dispensent  de  m'y  arrêter 
plus  longtemps.  Je  dirai  seulement  que  Kircher,  ainsi  que 
Reuchlin  et  Pic  de  la  Mirandole,  n'a  connu  que  les  ouvrages 

'1.  Œdipiis  A^(jypliacus,  t.  II,  part.  I. —  Cet  ouvrage  a  été  publié  à  Rome, 
de  1G52  à  1G54. 


16  LA  KABBALE. 

des  kabbalistes  modernes,  dont  le  grand  nombre,  en  effet, 
s'est  arrêté  à  une  lettre  morte  et  à  des  symboles  vides  de 
toute  idée. 

Il  n'existe  pas  aujourd'hui,  sur  le  sujet  qui  nous  occupe, 
une  œuvre  plus  complète,  plus  exacte,  plus  digne  de  notre 
respect  par  les  travaux  et  les  sacrifices  dont  elle  est  le  fruit, 
que  celle  du  baron  de  Rosenroth,  ou  la  Kabbale  dévoilée'. 
On  y  trouve,  accompagnés  d'une  traduction  généralement 
fidèle,  des  textes  précieux,  entre  autres  les  trois  plus  an- 
ciens fragments  du  Zohar,  c'est-à-dire  du  monument  le  plus 
important  de  la  kabbale;  et  à  défaut  de  textes  elle  nous 
offre  des  analvses  étendues  ou  des  tables  très  détaillées.  Elle 

il 

renferme  aussi  ou  de  nombreux  extraits,  ou  des  traités  tout 
entiers  des  kabbalistes  modernes,  une  sorte  de  dictionnaire 
qui  nous  prépare  à  la  connaissance  des  choses  encore  plus 
qu'il  ne  donne  celle  des  mots;  et  enfin,  sous  prétexte,  et 
peut-être  dans  l'espoir  sincère  de  convertir  au  christianisme 
les  adeples  de  la  kabbale,  l'auteur  a  réuni  tous  les  passages 
du  Nouveau  Testament  qui  offrent  quelque  ressemblance 
avec  leur  doctrine.  11  ne  faut  pas  cependant  se  faire  illusion 
sur  le  caractère  de  ce  grand  ouvrage  :  il  ne  répand  pas  plus 
de  lumière  que  ceux  qui  l'ont  précédé,  sur  l'origine,  sur  la 
transmission  de  la  kabbale  et  l'authenticité  de  ses  plus  an- 
ciens monuments.  Vainement  aussi  l'on  y  chercherait  une 
exposition  régulière  et  complète  du  système  kabbalistique; 
il  contient  seulement  les  matériaux  qui  doivent  entrer  et  se 
fondre  dans  une  œuvre  pareille;  et  même,  à  le  considérer 
uniquement  sous  cette  face,  il  n'est  pas  au-dessus  des  at- 
teintes de  la  critique.  Quoique  beaucoup  trop  sévère  dans  ses 
expressions,  ce  n'est  pas  sans  justice  que  Buddé  l'appelle 
«  une  œuvre  obscure  et  confuse,  où  le  nécessaire,  et  ce  qui 

1.  lîabbala  denudata,  seu  Doclrina  Uebrœorum  transcendenlalis,  etc., 
t.  II;  Solisb.,  1677,  ia-4%  t.  II,  liber  Zohar  restltulus;  Francf.,  1G84, 
m-4. 


PREFACE.  17 

ne  l'est  pas,  l'utile  et  le  superflu,  sont  confondus  pelc-mêle 
dans  un  même  chaos  '  ».  Il  aurait  pu  facilement,  grâce  à  un 
meilleur  choix,  être  plus  riche  sans  avoir  plus  d'étendue. 
En  effet,  pourquoi  n'avoir  pas  laisse  à  leur  place,  c'est-à-dire 
dans  le  recueil  même  de  ses  œuvres,  les  rêveries  de  Henri 
Morus,  qui  n'ont  rien  de  commun  avec  la  théologie  mys- 
tique des  Héhreux?  J'en  dirai  autant  de  l'ouvrage  prétendu 
kabhalistique  d'Eréra.  Ce  rabhin  espagnol,  d'ailleurs  remar- 
quable par  son  érudition  philosophique,  ne  s'est  pas  con- 
tenté de  substituer  aux  vrais  principes  de  la  kabbale  les  mo- 
dernes traditions  de  l'école  d'Isaac  Loria  *,  mais  il  trouve 
encore  le  secret  de  les  défigurer  en  y  mêlant  les  idées  de 
Platon,  d'Aristote,  de  Piolin,  de  Proclus,  d'Avicenne,  de  Pic 
de  la  Mirandole,  en  un  mot,  tout  ce  qu'il  sait  de  la  philoso- 
phie grecque  et  arabe. C'est  lui  principalement,  sans  doute  à 
cause  de  l'ordre  didactique  de  ses  disserlationsct  de  la  pré- 
cision de  son  langage,  que  les  hisloriens  modernes  de  la 
philosophie  ont  pris  pour  guide  dans  leur  exposition  de 
la  kabbale;  et  qu'on  s'étonne  après  cela  si  l'on  a  si  souvent 
attribué  à  cette  science  une  origine  toute  récente,  ou  si  l'on 
y  a  cru  voir  une  pâle  imitation,  un  plagiat  mal  déguisé 
d'autres  systèmes  parfaitement  connus!  Enfin,  puisque 
l'auteur  de  la  Kabbala  denudala  n'a  j)as  voulu  s'en  tenir 
aux  sources  les  plus  anciennes,  et  nous  faire  connaître,  par 
des  citations  plus  nombreuses ,  tout  ce  qu'il  y  a  encore 
d'originalité  et  de  faits  intéressants  enfouis  dans  le  Zohar, 
pourquoi  celte  prédilection  pour  les  commentaires  d'Isaac 
Loria,  dont  un  homme  en  jouissance  de  sa  raison  ne  sou- 
tient pas  la  lecture?  Les  sacrifices  et  les  laborieuses  veilles 

1.  «  Confusum  et  obscurum  opus,  in  quo  necessaria  cum  non  neccssariis, 
utilia  cum  inulilibus,  confusa  sunt,  et  in  unum  velut  chaos  conjecta.  »  {Inlrod. 
ad  Phil.  hebr.) 

2.  Il  se  dit  lui-même  de  celle  école,  ayant  eu  pour  maître  Israël  Serug,  le 
disciple  immédiat  de  Loria  [Varia  cœlor.,  disseit,  IV,  c.  ÎS). 

2 


18  LA  KABBALE. 

qu'il  en  a  coûté,  de  l'aveu  même  de  l'auleur,  pour  produire 
au  jour  ces  stériles  chimères,  n'auraient-ils  pas  été  em- 
ployés plus  utilement  à  cette  longue  chaîne  de  kabbalisles 
encore  trop  ignorés,  qui  commence  à  Saadiah,  aux  environs 
du  dixième  siècle,  et  finit  avec  le  treizième,  à  NachmanidcV 
On  aurait  eu  ainsi  sous  les  yeux,  en  y  comprenant  celles  qui 
composent  le  Zohar,  toute  la  suite  des  traditions  kabbalisli- 
ques,  depuis  le  moment  où  l'on  commença  de  les  écrire 
jusqu'à  celui  oîi  le  secret  en  fut  complètement  violé  par 
Moïse  de  Léon  ^  Si  cette  tâche  était  trop  difficile,  on  pou- 
vait au  moins  consacrer  une  place  aux  œuvres  si  estimées 
de  Nachmanide*,  le  défenseur  du  célèbre  Moïse  ben  Maïmon, 
et  dont  les  connaissances  kabbalistiques  inspiraient  une  si 
vive  admiration,  qu'on  les  disait  apportées  du  ciel  par  le 
prophète  Elie.  Malgré  ses  lacunes  et  ses  nombreuses  imper- 
fections, le  consciencieux  travail  de  Rosenroth  restera  tou- 
jours comme  un  monument  de  patience  et  d'érudition  ;  il 
sera  consulté  par  tous  ceux  qui  voudront  connaître  les  pro- 
duits de  la  pensée  chez  les  Juifs,  ou  qui  aimeront  à  obser- 
ver le  mysticisme  sous  toutes  ses  formes  et  dans  tous  ses 
résultats.  C'est  grâce  à  la  connaissance  plus  approfondie 
qu'il  a  donnée  de  la  kabbale,  que  cette  doctrine  a  cessé 
d'être  étudiée  exclusivement,  ou  comme  un  instrument  de 
conversion,  ou  comme  une  science  occulte.  I^llc  a  pris  place 
dans  les  recherches  philosophiques  et  philologiques,  dans 
l'histoire  générale  de  la  philosophie  et  dans  la  théologie 
rationnelle,  qui  a  essayé  d'expliquer  à  sa  lumière  quelques 
passages  difficiles  du  Nouveau  Testament. 

1.  On  trouvera  sur  tous  ces  noms  propres  des  renseignements  suffisamment 
étendus  dans  la  première  partie  de  ce  travail. 

2.  ^'achmanide  ou  Moïse  ben  Nachman,  appelé  par  abréviation  Raniban 

\\1'!2'^)f  ^st  né  à  Girone,  et  tlorissail  vers  la  fin  du  treizième  siècle.  Il 
était  médecin,  philosophe,  et  avant  tout  kabbalisle.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  un  Commentaire  sur  le  Penlaleuque  (riTinn  hj   TK's)»  '^  Livre  de  la 


PRÉFACE.  19 

Le  premier  que  nous  voyons  marcher  dans  cette  direction, 
c'est  Georges  Wachter,  théologien  et  philosophe  distingué, 
faussement  accusé  de  spinosisme,  à  cause  de  l'indépendance 
de  son  esprit,  et  auteur  d'une  tentative  de  conciliation 
entre  les  deux  sciences  auxquelles  il  consacrait  un  égal 
dévouement'.  Voici  d'abord  à  quelle  occasion  il  vint  à  s'oc- 
auper  de  la  kabbale  :  séduit  par  ce  système,  auquel,  du 
reste,  il  était  assez  étranger,  un  protestant  de  la  confession 
d'Augsbourg  se  convertit  publiquement  au  judaïsme,  et 
substitua  à  son  véritable  nom,  Jean-Pierre  Speelh,  celui  de 
Moses  Germanus.  Il  eut  la  folie  de  provoquer  Wachter  à 
l'imiter,  et  engagea  avec  lui  une  correspondance  d'oii  sortit 
le  petit  livre  intitulé  :  le  Spinosisme  dans  le  judaïsme'.  On 
ne  trouvera  pas  dans  cet  ouvrage  beaucoup  de  lumière  sur 
la  nature  et  sur  l'origine  des  idées  kabbalistiques;  mais  il 
soulève  une  question  du  plus  haut  intérêt  :  celle  de  savoir 
si  Spinosa  était  initié  à  la  kabbale,  et  quelle  influence  elle 
a  exercée  sur  son  système.  Jusqu'alors  c'était  parmi  les 
savants  une  opinion  presque  générale  qu'il  existe  une  très 
grande  affinité  entre  les  points  les  plus  importants  de 
la  science  des  kabbalistes  et  les  dogmes  fondamentaux  de  la 
religion  chrétienne.  Wachter  entreprend  de  démontrer  que 
CCS  deux  ordres  d'idées  sont  séparés  l'un  de  l'autre  par  un 
abîme  ;  car  la  kabbale,  à  ses  yeux,  n'est  autre  chose  que 
l'athéisme,  la  négation  de  Dieu  et  la  déification  du  monde, 
doctrine  qu'il  croit  être  celle  du  philosophe  hollandais,  et  à 
laquelle  Spinosa  aurait  seulement  donné  une  forme  plus 
moderne.  Nous  n'avons  pas  à  rechercher  ici  si  les  deux  sys- 

foi  el  (le  l'espérance   (pnT2im  njlCN  1£D)  ^t  la  Loi  de  l'humme  (min 

ma,)- 

\.  L'ouvrage  où  il  poursuit  ce  but  a  pour  titre  :  Concordia  ralionis  et  fidci, 
sivc  Harmouia  philosophiœ  moralis  et  rel'ujionis  christianx;  Anist.,  1G92. 
in-8. 

2.  Amsterdam,  lG9t),  in-12,  allemand. 


20  LA  KABBALE. 

Icmcs  sont  en  eux-mêmes  bien  ou  mal  appréciés,  mais     il 
y  a  quelque  réalité  dans  la  succession  historique  ou  dans  le 
rapport  de  filiation  qu'on  veut  établir  entre  eux.  Les  seules 
preuves  qu'on  en  donne  (car  je  ne  compte  pas  les  analogies 
et  les  ressemblances  plus  ou  moin:i  éloignées)  consistent  en 
deux  passages  en  effet  très  importants  :  l'un  tiré  de  V Ethique ^ 
et  l'autre  des  lettres  de  Spinosa.  Voici  d'abord  le  dernier  : 
ce  Quand  j'affirme  que  toutes  choses  existent  en  Dieu,  et 
qu'en  lui  tout  se  meut,  je  parle  comme  saint  Paul,  comme 
tous  les  philosophes  de  l'antiquité,  bien  que  je  m'exprime 
d'une  autre  façon,  et  j'oserai  môme  ajouter,  comme  tous  les 
anciens  Hébreux,  autant  qu'on  peut  en  juger  par  certaines 
traditions  altérées  de  bien  des  manières*.  »  Évidemment  il 
ne  peut  être  question,  dans  ces  lignes,  que  des  traditions 
kabbalistiques,  car  celles  que  les  juifs  ont  réunies  dans  le 
Thalmud  ne  sont  que  des  récits  [hagada),  ou  des  lois  céré- 
moniclles  (halacha).  Le  passage  de  V Ethique  est  encore  plus 
décisif.  Après  avoir  parlé  de  l'unité  de  substance,  Spinosa 
ajoute  :  «  C'est  le  principe  que  quelques-uns  d'entre  les 
Hébreux  semblent  avoir  aperçu   comme  au  travers  d'un 
nuage,  quand  ils  ont  pensé  que  Dieu,  que  l'intelligence  de 
Dieu  et  les  objets  sur  lesquels  elle  s'exerce  sont  une  seule  et 
même  chose^  »  On  ne  saurait  se  méprendre  sur  le  sens 
historique  de  ces  paroles,  si  on  veut  les  rapprocher  des  lignes 
suivantes,  que  nous  traduisons  presque  littéralement  d'un 
ouvrage  kabbalistique,  le  commentaire  le  plus  fidèle  qui 
existe  sur  le  Zohar  :  «  La  science  du  créateur  n'est  pas 
comme  celle  des  créatures;  car,  chez  celles-ci,  la  science  est 

1.  ((  Omnia,  inquam,  in  Deo  esse,  et  in  Deo  niovcri,  cum  Paulo  affinno,  et 
forte  eliain  cum  omnihus  antiquis  philosophis,  licet  alio  modo,  et  auderem 
eliam  diccre,  cum  antiquis  omnibus  Uebraeis,  quantum  ex  quibusdam  tradi- 
lionibus,  lametsi  muUis  modis  adulteratis  conjicere  licet.  »  {Epist.,  XXI.) 

2.  ((  Uoe  quidam  Uebrœorum  quasi  per  nebulam  vidisse  videnlm",  qui  sci- 
licet  statuunt  Demn,  Dei  intellectum,  resque  ab  ipso  intellectas,  unum  et  idem 
esse.  »  [Elh.,  part.  II,  prop.  7,  Schol.) 


PRÉFACE.  21 

distincte  du  sujet  de  la  science,  et  porte  sur  des  objets  qui, 
à  leur  tour,  se  distinguent  du  sujet.  C'est  cela  qu'on  désigne 
par  ces  trois  termes  :  la  pensée,  ce  qui  pense  et  ce  qui  est 
pensé.  Au  contraire,  le  créateur  est  lui-même,  tout  à  la  fois, 
la  connaissance^  et  ce  qui  connaît,  et  ce  qui  est  connu.  En 
effet,  sa  manière  de  connaître  ne  consiste  pas  à  appliquer 
sa  pensée  à  des  choses  qui  sont  hors  de  lui;  c'est  en  se  con- 
naissant et  en  se  sachant  lui-môme  qu'il  connaît  et  aperçoit 
tout  ce  qui  est.  Rien  n'existe  qui  ne  soit  uni  à  lui  et  qu'il 
ne  trouve  dans  sa  propre  substance.  Il  est  le  type  de  tout 
être,  et  toutes  choses  existent  en  lui  sous  leur  forme  la  plus 
pure  et  la  plus  accomplie;  de  telle  sorte  que  la  perfection 
des  créatures  est  dans  cette  existence  même  par  laquelle  elles 
se  trouvent  unies  à  la  source  de  leur  être  ;  et  à  mesure 
qu'elles  s'en  éloignent,  elles  déchoient  de  cet  état  si  parfait 
et  si  sublime'.  »  Que  faut-il  conclure  de  là?  Que  les  idées 
et  la  méthode  cartésiennes,  que  les  développements  tout  à 
fait  libres  de  la  raison,  et  par-dessus  tout,  que  les  aperçus 
individuels,  comme  aussi  les  écarts  du  génie,  ne  sont  pour 
rien  clans  la  plus  audacieuse  conception  dont  l'histoire  de 
la  philosophie  moderne  puisse  nous  offrir  l'exemple?  Ce 
serait  un  étrange  paradoxe  que  nous  n'entreprendrons 
même  pas  de  réfuter.  D'ailleurs,  il  est  facile  de  voir,  par 
les  citations  mêmes  sur  lesquelles  on  s'appuie,  que  Spinosa 
n'avait  de  la  kabbale  qu'une  idée  sommaire  et  fort  incer- 
taine, dont  il  a  pu  reconnaître  l'importance  après  la  création 
de  son  propre  système  \  Mais,  chose  étrange!  après  avoir 
dépouillé  Spinosa  de  toute  originalité  au  profit  de  la  kabbale, 

1.  Moïse  Corducro,  Pardes  Rimonim,  f"  55,  r". 

2.  Jl  connaissait  beaucoup  mieux  les  kabbalisles  modernes,  ou  du  moins 
quelques-uns  d'entre  eux,  à  qui  il  ne  ménage  pas  les  épitbètes  injurieuses  : 
Legi  etiam  et  insuper  novi  nugatores  aliquos  kabbalislas,  quorum  insaniam 
nunquam  mirari  salis  poliii  [Tract,  theol.  polit.,  c.  ix).  Il  serait  absurde  de 
vouloir  appliquer  cette  phrase  aux  kabbalisles  en  général. 


22  LA  KABBALE. 

Wachter  fait  de  celte  doctrine  elle-même  un  plagiat  misé- 
rable, une  compilation  sans  caractère,  à  laquelle  auraient 
contribué  tous  les  siècles  pendant  lesquels  elle  est  restée 
ignorée,  tous  les  pays  où  les  Juifs  ont  été  dispersés,  et  par 
conséquent  les  systèmes  les  plus  contradictoires.  Gomment 
une  œuvre  pareille  serait-elle  athée  plutôt  que  tlléi^te? 
enseignerait-elle  le  panthéisme  plutôt  qu'un  Dieu  distinct 
du  monde?  Comment,  surtout,  aurait-elle  pris  dans  Y  Ethique 
l'unité  sévère  et  la  rigueur  inflexible  des  sciences  exactes? 
Cependant  il  faut  rendre  à  Wachter  celte  justice,  que,  dans 
un  second  ouvrage  sur  le  môme  sujet  S  il  modifie  considé- 
rablement ses  opinions.  Ainsi,  pour  lui,  Spinosa  n'est  plus 
l'apôtre  de  l'athéisme,  mais  un  vrai  sage  qui,  éclairé  par 
une  science  sublime,  a  reconnu  la  divinité  du  Christ  et 
toutes  les  vérités  de  la  religion  chrélienne^  Il  avoue  naïve- 
ment qu'il  l'avait  jugé  d'abord  sans  le  connaître,  entraîné 
par  les  préjugés  et  les  passions  soulevés  contre  lui".  Il  fait 
également  amende  honorable  devant  la  kabbale,  en  distin- 
guant toutefois,  sous  ce  nom,  deux  doctrines  essentiellement 
différentes  l'une  de  l'autre  :  la  kabbale  moderne  demeure 
sous  le  poids  de  ses  mépris  et  de  son  anathème;  mais  l'an- 
cienne kabbale,  qui  a  duré,  selon  lui,  jusqu'au  concile  de 
Nicée,  était  une  science  traditionnelle  de  l'ordre  le  plus 
élevé,  et  dont  l'origine  se  perd  dans  une  antiquité  mysté- 
rieuse. Les  premiers  chrétiens,  les  plus  anciens  Pères  de 
l'Eglise,  n'avaient  pas  d'autre  philosophie*,  et  c'est  elle  qui 

i.  Elucidarius  Cahalisliciis ;  Rome,  1706,  in-8. 

2.  «  Non  defuerunt  viri  docti,  qui,  posthabilà  pliilosophià  vuleari,  recondilam 
et  antiquissimam  Ilebrœorum  sectarentur.  Quos  inter  memorandus  mihi  est 
Benedictus  de  Spinosa,  qui  ex  philosophiie  hujus  rationibus,  divinilatem  Christi 
atque  circa  veritalem  universœ  religionis  cbrislianœ  agnovit....  »  (Elucid. 
Cab.,  prœf.,  pag.  7.) 

3.  Ih.  siipr.,  pag.  13. 

4.  ...  «  Hœc  philosophia,  ab  Hebraîis  accepta,  et  sacris  Ecclesiœ  patribus 
tantopere  conimendata,  post  tempera  nicccna  mox  expiravit.  »  {Ib.  siipr.) 


PRÉFACE.  23 

a  mis  Spinosa  sur  la  voie  de  la  vérité.  L'auteur  insiste  vive- 
ment sur  ce  point,  dont  il  fait  le  centre  de  ses  recherches. 
Quoique  très  superficiel  dans  toute  son  étendue,  et  quel- 
quefois fort  inexact,  ce  parallèle  entre  la  doctrine  de  Spinosa 
et  celle  des  kabhalistcs  n'a  pas  peu  contribué  à  éclairer  les 
esprits  sur  la  vraie  signification  de  celte  dernière;  je  veux 
parler  de  son  caractère  et  de  ses  principes  métaphysiques. 
On  fut  rais  en  voie  de  s'assurer  que  ce  qui  avait  produit 
d'abord  tant  de  surprise  et  de  scandale,  que  l'idée  d'un  Dieu, 
substance  unique,  cause  immanente  et  nature  réelle  de  tout 
ce  qui  est,  n'était  pas  un  fait  nouveau;  qu'il  avait  déjà  paru 
autrefois  près  du  berceau  du  christianisme,  sous  le  nom 
même  de  la  religion.  Mais  cette  idée  se  montre  aussi  ailleurs, 
dans  une  antiquité  non  moins  reculée.  Où  donc  en  faut-ii 
chercher  l'origine?  Est-ce  la  Grèce  ou  l'Egypte  des  Ptolémées 
qui  l'ont  donnée  à  la  Palestine?  Est-ce  la  Palestine  qui  l'a 
trouvée  d'abord?  ou  bien  faut-il  remonter  plus  loin  encore 
dans  l'Orient?  Telles  sont  les  questions  dont  on  se  préoccupa 
alors;  tel  est  aussi,  excepté  un  petit  nombre  de  critiques 
uniquement  attentifs  à  la  forme,  le  sens  qu'on  a  toujours 
attaché  depuis  aux  traditions  kabbalistiques.il  ne  s'agit  plus 
d'une  certaine  méthode  d'interprétation  appliquée  à  l'Ecri- 
ture sainte,  ni  de  mystères  tout  à  fait  au-dessus  de  la  rai- 
son, que  Dieu  lui-même  aurait  révélés,  soit  à  Moïse,  soit 
à  Abraham,  soit  à  Adam,  mais  d'une  science  purement 
liumaine,  d'un  système  représentant  à  lui  seul  toute  la 
métaphysique  d'un  ancien  peuple,  et  par  là  même  d'un 
grand  intérêt  pour  l'histoire  de  l'esprit  humain.  C'est  le 
point  de  vue  philosophique,  encore  une  fois,  qui  a  pris  la 
place  de  l'allégorie^^t  du  mysticisme.  Cet  esprit  ne  se  montre 
pas  seulement  dans  l'exposition  de  Bruckcr,  où  il  est  par- 
faitement à  sa  place,  mais  il  paraît  dominer  généralement. 
Ainsi,  en  1785,  une  société  savante,  la  Société  des  antiquités 
de  Casscl,  ouvrit  un  concours  académique  sur  le  sujet  sui- 


21  LA  KABBALE. 

vant  :  «  La  doctrine  des  kabbalistes,  selon  laquelle  toutes 
choses  sont  engendrées  par  émanation  de  ressence  même 
de  Dieu,  vient-elle,  ou  non,  de  la  philosophie  grecque?  » 
Malheureusement  la  réponse  fut  beaucoup  moins  sensée  que 
ne  l'était  la  question.  L'ouvrage  qui  remporta  le  prix,  fort 
peu  connu  et  peu  digne  de  l'être,  ne  répand  aucune  lumière 
nouvelle  sur  la  nature  même  de  la  kabbale;  et,  quant  à  l'ori- 
gine de  ce  système,  il  se  borne  à  reproduire  les  fables  les 
plus  discréditées*.  Il  nous  montre  les  idées  kabbalistiques 
dans  les  hymnes  d'Orphée,  dans  la  philosophie  de  Thaïes  et 
et  de  Pythagore;  il  les  fait  contemporaines  des  patriarches, 
et  nous  les  donne  sans  hésiter  pour  l'antique  sagesse  des 
Chaldéens.  On  en  sera  moins  surpris  quand  on  saura  que 
l'auteur  était  de  la  secte  des  illuminés,  qui,  à  l'exemple  de 
toutes  les  associations, de  ce  genre,  faisait  remonter  ses 
annales  jusqu'au  berceau  même  du  genre  humain*.  Mais  à 
cette  époque,  ce  qu'on  appelle  en  Allemagne  la  théologie 
rationnelle,  c'est-à-dire  cette  manière  tout  à  fait  libre  d'in- 
terpréter l'Écriture  sainte,  dont  Spinosa  avait  donné  l'exem- 
ple dans  son  Traité  théologico-politique,  faisait  de  la  kabbale 
un  fréquent  usage.  Elle  s'en  servait,  comme  je  l'ai  déjà  dit, 
pour  éclaircir  divers  passages  des  lettres  de  saint  Paul,  rela- 
tifs à  des  hérésies  contemporaines.  Elle  a  aussi  voulu  y 
trouver  l'explication  des  premiers  versets  de  l'Evangile  de 
saint  Jean,  et  a  cherché  à  la  rendre  utile,  soit  à  l'étude  du 
gnoslicisme,  soit  à  l'histoire  ecclésiastique  en  général'.  Dans 
le  même  temps,  Tiedmann  et  Tennemann  viennent  lui 
donner,  en  quelque  sorte,  acte  de  possession  de  la  place  que 
Brucker  lui  a  consacrée  le  premier  dans  l'histoire  de  la 
philosophie.  Bientôt  paraît  l'école  de  Hegel,  qui  ne  pouvait 

i.  De  la  Nature  et  de  l'origine  de  la  doctrine  de  l'émanation  chez  les 
kabbalistes;  Riga,  1786,  in-8,  en  allemand. 

2.  Voyez  Tholuck,  de  Ortu  Cabbalœ;  Uamb.,  1857,  p.  3. 
5.  Voyez  Tholuck,  ouvrage  cilé,  p.  4. 


PRÉFACE.  25 

manquer  de  tirer  parti  d'un  système  oii  elle  trouvait  sous 
une  autre  forme  quelques-unes  de  ses  propres  doctrines. 
Cependant  une  réaction  ne  tarda  pas  à  s'opérer  contre  cette 
école  à  jamais  célèbre,  et  c'est  évidemment  sous  l'influence 
de  ce  sentiment  que  fut  écrit  l'ouvrage  intitulé  :  Kabbalisme 
et  Panthéisme^  L'auteur  de  ce  petit  livre  s'efforce  de  prouver 
qu'il  n'existe  aucune  ressemblance  entre  les  deux  systèmes 
dont  il  entreprend  le  parallèle,  et  cela  en  dépit  de  l'évidence; 
car  il  arrive  souvent  que  les  passages  sur  lesquels  il  s'appuie 
sont  diamétralement  opposés  aux  conséquences  qu'il  en  tire. 
Du  reste,  très  inférieur,  pour  l'érudition,  à  la  plupart  de 
ses  devanciers,  malgré  l'appareil  pédantesque  et  le  luxe  de 
citations  dont  il  lui  a  plu  de  s'entourer,  il  ne  se  place  au- 
dessus  d'eux,  ni  par  la  critique  des  sources,  ni  par  l'appré- 
ciation pbilosopbique  des  idées.  Enfin,  récemment,  un 
homme  qui  occupe  h  juste  titre  un  rang  éminent  parmi  les 
théologiens  et  les  orientalistes  de  l'Allemagne,  M.  Tholuck, 
a  voulu  aussi  apporter  sur  ce  sujet  le  tribut  de  sa  science 
et  de  sa  critique  exercée.  Mais,  comme  il  ne  s'est  occupé  que 
d'un  point  particulier,  c'est-à-dire  de  l'origine  de  la  kab- 
bale, et  que  d'ailleurs  l'appréciation  de  ses  opinions  exige 
une  discussion  approfondie,  je  me  suis  réservé  d'en  parler, 
en  temps  plus  opportun,  dans  le  corps  de  ce  travail.  Il  en 
est  de  même  pour  tous  les  écrivains  modernes  dont  les  noms, 
quoiqu'ils  eussent  mérité  une  place  ici,  n'ont  pas  encore 
été  prononcés. 

Tels  sont,  en  substance,  les  efforts  qui  ont  été  faits  jus- 
qu'aujourd'hui pour  découvrir  le  sens  et  l'origine  des  livres 
kabbalistiques.  Je  ne  voudrais  pas  que,  frappé  seulement  de 
ce  qu'ils  ont  d'incomplet,  on  en  pût  conclure  que  tout  est  à 
recommencer.  Je  suis  convaincu,  au  contraire,  que  les  tra- 
vaux et  même  les  erreurs  de  tant  d'esprits  distingués  ne 

1.  Kabbalismtis  und  Paniheismus,  par  M.  Freys(adf.  Kœnigsberg,  183Si,  ia-8. 


26  LA  KABBALE. 

peuvent  pas  être  impunément  ignorés  de  quiconque  veut 
étudier  sérieusement  la  môme  matière.  Quand  même,  en 
effet,  on  pourrait  aborder  sans  aucun  secours  les  monu- 
ments originaux,  il  serait  toujours  nécessaire  de  connaître 
à  l'avance  les  interprétations  très  diverses  qu'on  leur  a 
données  jusqu'à  présent;  car  chacune  d'elles  correspond  à 
un  point  de  vue  assez  fondé  en  lui-même,  mais  qui  devient 
faux  lorsqu'on  s'y  arrête  exclusivement.  Ainsi,  pour  fournir 
en  même  temps  la  preuve  de  ce  que  je  viens  de  dire  et  le 
résumé  de  tout  ce  qui  précède,  ceux-ci  ne  considérant  dans 
la  kabbale  que  sa  forme  allégorique  et  son  caractère  tradi- 
tionnel, l'ont  accueillie  avec  un  mystique  enthousiasme, 
comme  une  révélation  anticipée  des  dogmes  chrétiens;  ceux- 
là  l'ont  prise  pour  un  art  occulte,  frappés  qu'ils  étaient  des 
chiffres  étranges,  des  bizarres  formules  sous  lesquelles  elle 
aime  à  cacher  son  intention  réelle,  et  des  rapports  qu'elle 
établit  sans  cesse  entre  l'homme  et  toutes  les  parties  de 
l'univers;  d'autres,  enfin,  se  sont  emparés  surtout  de  son 
principe  métaphysique,  et  ont  voulu  y  trouver  un  antécé- 
dent, tantôt  honorable,  tantôt  honteux,  de  la  philosophie  de 
leur  temps.  On  conçoit  qu'avec  des  études  partielles  et  incom- 
plètes, conduites  par  des  préoccupations  très  diverses,  on 
ait  pu  trouver  tout  cela  dans  la  kabbale,  sans  être  précisé- 
ment en  contradiction  avec  les  faits.  Mais  pour  en  avoir  une 
idée  exacte  et  découvrir  la  place  qu'elle  tient  réellement 
parmi  les  œuvres  de  l'intelligence,  il  ne  faut  l'étudier  ni 
dans  l'intérêt  d'un  système,  ni  dans  celui  d'une  croyance 
religieuse;  on  s'efforcera  seulement,  sans  autre  souci  que 
celui  de  la  vérité,  de  fournir  quelques  éléments  trop  peu 
connus  encore  à  l'histoire  générale  de  la  pensée  humaine. 
C'est  le  but  auquel  j'ai  voulu  atteindre  dans  le  travail  qu'on 
va  lire,  et  pour  lequel  je  n'ai  épargné  ni  le  temps  ni  les 
recherches. 


INTRODUCTION 


Quoiqu'on  trouve  clans  la  kabbalo  un  système  bien  com- 
plet sur  les  choses  de  l'ordre  moral  et  spirituel,  on  ne  peut 
cependant  la  considérer  ni  comme  une  philosophie,  ni 
comme  une  religion  :  je  veux  dire  qu'elle  ne  s'appuie,  du 
moins  en  apparence,  ni  sur  la  raison,  ni  sur  l'inspiration  ou 
l'autorilé.  Elle  n'est  pas  non  plus,  comme  la  plupart  des 
systèmes  du  moyen  âge,  le  fruit  d'une  alliance  entre  ces 
deux  puissances  intellectuelles.  Essentiellement  différente 
de  la  croyance  religieuse,  sous  l'empire,  et,  l'on  peut  dire, 
sous  la  prolection  de  laquelle  elle  a  pris  naissance,  elle  s'est 
introduite  dans  les  esprits  comme  par  surprise,  grâce  à  une 
forme  et  à  des  procédés  qui  pourraient  affaiblir  l'intérêt 
dont  elle  est  digne,  qui  ne  permettraient  pas  toujours  d'être 
convaincus  de  l'importance  que  nous  nous  croyons  en  droit 
de  lui  attribuer,  si,  avant  de  la  faire  connaître  dans  ses 
divers  éléments,  si,  avant  d'aborder  aucune  des  questions 
qui  s'y  rattachent,  l'on  n'a  indiqué  avec  quelque  précision  la 
place  qu'elle  occupe  parmi  les  œuvres  de  la  pensée,  le  rang 
qu'elle  doit  tenir  entre  les  croyances  religieuses  et  les  sys- 
tèmes philosophiques,  et,  enfin,  les  besoins  ou  les  lois  qui 
peuvent  expliquer  l'étrangeté  de  ses  moyens  de  développe- 


28  LA  KABBALE. 

ment.  C'est  aussi  ce  que  nous  allons  tenter  de  faire  aTcc 
toute  la  brièveté  possible. 

C'est  un  fait  attesté  par  l'histoire  de  l'humanité  entière, 
que  les  vérités  de  l'ordre  moral,  les  connaissances  que  nous 
pouvons  acquérir  sur  notre  nature,  notre  destination  et  le 
principe  de  l'univers,  ne  sont  pas  d'abord  accueillies  sur  la 
foi  de  la  raison  et  de  la  conscience,  mais  par  l'effet  d'une 
puissance  plus  active  sur  l'esprit  dos  peuples,  et  qui  a  pour 
attribut  générai  de  nous  présenter  des  idées  sous  une  forme 
presque  matérielle,  tantôt  celle  d'une  parole  descendue  du 
ciel  dans  des  oreilles  humaines,  tantôt  celle  d'une  personne 
qui  les  développe  en  exemples  et  en  actions.  Celte  puissance, 
universellement  connue  sous  le  nom  de  Religion  ou  de  Révé- 
lation, a  ses  révolutions  et  ses  lois;  malgré  l'unité  qui  règne 
au  fond  de  sa  nature,  elle  change  d'aspect  avec  les  siècles  et 
les  pays,  comme  la  philosophie,  la  poésie  et  les  arts.  Mais, 
en  quelque  lieu,  en  quelque  temps  qu'elle  vienne  à  s'établir, 
elle  ne  peut  pas  sur-le-champ  dire  à  l'homme  tout  ce  qu'il 
a  besoin  do  savoir,  même  dans  la  sphère  des  devoirs  et  des 
croyances  qu'elle  lui  impose,  même  quand  il  n'a  pas  d'autre 
ambition  que  celle  de  la  comprendre  autant  qu'il  est  néces- 
saire pour  lui  obéir.  En  effet,  il  y  a  dans  toute  religion,  et 
des  dogmes  qui  ont  besoin  d'être  éclaircis,  et  des  principes 
dont  il  reste  à  développer  les  conséquences,  et  des  lois  sans 
application  possible,  et  des  questions  entièrement  oubliées, 
qui,  cependant,  touchent  aux  intérêts  les  plus  importants  de 
l'humanité.  Une  grande  activité  de  la  pensée  devient  néces- 
saire pour  répondre  à  tous  ces  besoins,  et  c'est  ainsi  que 
l'intelligence  est  excitée  à  user  de  ses  propres  forces,  par  le 
désir  même  de  croire  et  d'obéir.  Mais  cette  impulsion  est 
loin  de  produire  partout  les  mêmes  résultats,  et  d'agir  sur 
tous  les  esprits  de  la  même  manière.  Les  uns,  ne  voulant 
laisser  aucune  place  à  l'indépendance  individuelle,  poussant 
à  ses  dernières  conséquences  le  principe  de  l'autorité,  ad- 


INTRODUCTION.  29 

mettent,  à  côté  de  la  révélation  écrite,  où  l'on  ne  trouve  que 
les  dogmes,  les  principes  elles  lois  générales,  une  révélation 
orale,  une  tradition,  ou  bien  un  pouvoir  permanent  et 
infaillible  dans  ses  décisions,  une  sorte  de  tradition  vivante 
qui  fournit  les  explications,  les  formules,  les  détails  de  la 
vie  religieuse,  et  produit  par  là  môme,  sinon  dans  la  foi,  du 
moins  dans  le  culte  et  dans  les  symboles,  une  imposante 
unité.  Tels  sont  à  peu  près,  dans  toutes  les  croyances,  ceux 
qu'on  nomme  les  ortbodoxes.  Les  autres,  pour  remplir  ces 
lacunes  et  résoudre  les  problèmes  que  présente  la  parole 
révélée,  ne  veulent  se  confier  qu'à  eux-mêmes,  c'est-à-dire 
à  la  puissance  du  raisonnement.  Toute  autre  autorité  que 
celle  des  textes  sacrés  leur  paraît  une  usurpation,  ou,  s'ils  la 
suivent,  c'est  parce  qu'elle  est  d'accord  avec  leur  sentiment 
personnel.  Mais  peu  à  peu,  plus  bardies  et  plus  développées, 
les  forces  de  leur  intelligence,  leurs  facultés  de  raisonner  et 
de  réfléchir,  au  lieu  de  s'exercer  sur  les  dogmes  religieux, 
se  portent  sur  eux-mêmes,  et  ils  chercbent  dans  leur  raison, 
dans  leur  conscience,  ou  dans  la  conscience  et  dans  la  raison 
de  leurs  semblables,  en  un  mot,  dans  les  œuvres  de  la 
sagesse  humaine,  les  croyances  qu'autrefois  ils  se  voyaient 
obligés  de  faire  matériellement  descendre  du  ciel.  C'est  ainsi 
que  la  théologie  rationnelle  fait  bientôt  place  à  la  philo- 
sophie. Enfin,  il  est  encore  dans  cette  sphère  une  troisième 
classe  de  penseurs,  ceux  qui  n'admettent  pas  la  tradition,  à 
qui,  du  moins,  la  tradition  ou  l'autorité  ne  peut  suffire,  et 
qui  cependant  ne  peuvent  ou  n'osent  employer  le  raisonne- 
ment. D'un  côté,  ils  ont  l'âme  trop  élevée  pour  admettre  la 
parole  révélée  dans  un  sens  matériel  et  historique,  dans  le 
sens  qui  s'accorde  avec  la  lettre  et  l'esprit  du  grand  nombre; 
de  l'autre,  ils  ne  peuvent  croire  que  l'homme  puisse  entière- 
ment se  passer  de  révélation,  que  la  vérité  arrive  jusqu'à  lui 
autrement  que  par  l'effet  d'un  enseignement  divin.  De  là 
vient  qu'ils  n'aperçoivent  dans  la  plupart  des  dogmes,  des 


SO  Li  KABBALE. 

préceptes  et  des  récits  religieux,  que  des  symboles  et  des 
images,  qu'ils  cherchent  partout  une  signification  mysté- 
rieuse, profonde,  en  rapport  avec  leurs  sentiments  et  leurs 
idées,  mais  qui,  nécessairement  conçue  à  l'avance,  ne  peut 
être  trouvée,  ou  plutôt  introduite  dans  les  textes  sacrés,  que 
par  des  moyens  plus  ou  moins  arbitraires.  C'est  principale- 
ment à  celte  méthode  et  à  cette  tendance  que  l'on  reconnaît 
les  mystiques.  Nous  ne  voulons  pas  dire  que  le  mysticisme 
ne  se  soit  pas  montré  quelquefois  sous  une  forme  plus 
hardie;  à  une  époque  oii  les  habitudes  philosophiques  ont 
déjà  pris  de  l'empire,  il  trouve,  dans  la  conscience  même, 
cette  action  divine,  cette  révélation  immédiate  qu'il  pro- 
clame indispensable  à  l'homme;  il  la  reconnaît,  ou  dans  le 
sentiment,  ou  dans  certaines  intuitions  de  la  raison.  C'est 
ainsi,  pour  citer  un  exemple,  qu'il  a  été  conçu  au  quin- 
zième siècle  par  Gerson'.  Mais  lorsqu'il  faut  encore  aux 
idées  l'appui  d'une  sanction  extérieure,  il  ne  peut  se  pro- 
duire que  sous  la  forme  d'une  interprétation  symbolique  de 
ce  que  les  peuples  appellent  leurs  Saintes  Ecritures. 

Ces  trois  directions  de  l'esprit,  ces  trois  manières  de  con- 
cevoir la  révélation  et  de  continuer  son  œuvre,  se  retrouvent 
dans  l'histoire  de  toutes  les  religions  qui  ont  jeté  quelques 
racines  dans  l'âme  humaine.  Nous  ne  citerons  que  celles 
qui  existent  le  plus  près  de  nous,  que,  par  conséquent,  nous 
pouvons  connaître  avec  le  plus  de  certitude. 

Au  sein  du  christianisme,  l'Eglise  romaine  représente,  à 
leur  plus  haut  degré  de  splendeur,  la  tradition  et  l'autorité. 
L'application  du  raisonnement  aux  matières  de  la  foi,  nous 
la  trouvons  non  seulement  dans  la  plupart  des  communions 

1.  Consideraliones  de  theologia  mijsticâ.  On  y  trouvera,  dès  le  commence- 
ment, celte  proposition  :  Qiiod  si  philosophia  dicatiir  omnis  scienlia  procedens 
ex  expeneniiis,  mysiica  theologia  verè  erit  philosophia.  Consid.  2^  Il  va 
même  jusqu'à  définir  la  nature  de  cette  expérience  :  Expericntiis  habilis  ad 
inirà,  in  cordibus  animanan  devotarum.  Ib. 


INTRODUCTION.  51 

protestanies,  chez  les  défenseurs  de  ce  qu'on  est  convenu 
d'appeler  Vexégèse  rationnelle,  mais  aussi  chez  les  philoso- 
phes scolastiques  qui,  les  premiers,  ont  soumis  les  dogmes 
religieux  aux  lois  du  syllogisme,  et  ont  montré  généralement 
pour  les  paroles  d'Aristote  le  même  respect  que  pour  celles 
des  apôtres.  Qui  ne  voit,  enfin,  le  mysticisme  symbolique, 
avec  sa  méthode  arbitraire  et  son  spiritualisme  exagéré,  dans 
toutes  les  sectes  gnostiqucs,  dans  Origène,  dans  Jacques 
Boehme,  et  ceux  qui  ont  marché  sur  leurs  traces?  Mais  aucun 
autre  n'a  porté  ce  système  aussi  loin,  aucun  ne  l'a  formulé 
avec  autant  de  franchise  et  de  hardiesse  qu'Origène,  dont  le 
nom  se  présentera  encore  sous  notre  plume.  Si  nous  portons 
les  yeux  sur  la  religion  de  Mahomet,  si,  parmi  tant  de  sectes 
qu'elle  a  mises  au  jour,  nous  nous  arrêtons  à  celles  qui  nous 
présentent  un  caractère  bien  décidé,  nous  serons  frappés 
sur-le-champ  du  même  spectacle.  Les  Sunnites  et  les  Chiites, 
dont  la  séparation  est  plutôt  l'effet  d'une  rivalité  de  per- 
sonnes que  d'une  profonde  différence  dans  les  opinions, 
défendent  également  la  cause  de  l'unité  et  de  l'orthodoxie; 
seulement  les  premiers,  pouralteindreà  leurbul,  admettent, 
avec  le  Koran,  un  recueil  de  traditions,  la  Sunnah,  dont  ils 
tirent  leur  nom  :  les  autres  rejettent  la  tradition;  mais  ils 
la  remplacent  par  une  autorité  vivante,  par  une  sorte  de 
révélation  continue,  puisque  l'un  des  articles  les  plus  essen- 
tiels de  leur  croyance,  c'est  qu'après  le  Prophète,  son  apôtre 
Aly  et  les  imans  de  sa  race  sont  les  représentants  de  Dieu 
sur  la  terre*.  L'islamisme  a  eu  aussi  ses  philosophes  scolas- 
tiques, connus  sous  le  nom  de  lilotecallemin^y  et  un  grand 
nombre  d'hérésies  qui  semblent  avoir  uni  la  doctrine  de 
Pelage  à  la  méthode  rationnelle  du  protestantisme  moderne. 

1.  Voyez  Maracci,  Prodromus  m  réf.  Alcor.,  lom.  IV.  — M.  de  Sacy,  Exposé 
de  la  religion  des  Driizes,  inirod. 

2.  Ce  nom  a  été  converti  par  les  rabbins  en  celui  de  d^"12TjD»  V^^  signiûe 
parleurs  ou  dialccliciens. 


32  LA  KABBALE. 

Voici  comment  un  célèbre  orientaliste  définit  ces  dernières  . 
«  Toutes  les  sectes  des  motazales  s'accordaient,  en  général, 
«  en  ce  qu'elles  niaient  en  Dieu  l'existence  des  attributs,  et 
«  qu'elles  s'altacliaient  par-dessus  tout  à  éviter  tout  ce  qui 
«  semblait  pouvoir  nuire  au  dogme  de  l'unilé  de  Dieu  ;  en  ce 
«  que,  pour  maintenir  sa  justice  et  éloigner  de  lui  toute 
«  idée  d'injustice,  elles  accordaient  à  l'homme  la  liberté  sur 
«  ses  propres  actions,  et  ne  voulaient  pas  que  Dieu  en  fût 
«  l'auteur;  enfin,  en  ce  qu'elles  enseignaient  que  toutes  les 
«  connaissances  nécessaires  au  salut  sont  du  ressort  de  la 
a  raison;  qu'on  peut,  avant  la  publication  de  la  loi,  et  avant 
«  comme  après  la  révélation,  les  acquérir  par  les  seules 
«  lumières  de  la  raison^  » 

Les  Karmates,  dont  l'existence  remonte  à  l'an  264  de  l'hé- 
gire, ont  embrassé  le  système  des  interprétations  allégori- 
ques et  toutes  les  opinions  qui  font  la  base  du  mysticisme. 
Si  nous  en  croyons  l'auteur  que  nous  avons  déjà  cité,  et  qui 
lui-môme  ne  fait  que  traduire  les  paroles  d'un  historien 
arabe,  «  ils  appelaient  leur  doctrine  la  science  du  sens  inté- 
cc  rieur  :  elle  consiste  à  allégoriser  les  préceptes  de  l'isla- 
a  misme,  et  à  substituer  à  leur  observation  extérieure  des 
«  choses  qui  ne  sont  fondées  que  sur  leur  imagination, 
«  comme  aussi  à  allégoriser  les  versets  de  l'Âlcoran  et  à 
«  leur  donner  des  interprétations  forcées  ».  Il  existe  plus 
d'un  trait  d'une  intime  ressemblance  entre  cette  doctrine  et 
celle  que  nous  avons  pour  but  de  faire  connaître  ^ 

Nous  arrivons  enfin   au  judaïsme,  du  sein  duquel  sont 

1.  M.  de  Sacy,  Introduction  à  VExposé  de  la  religion  des  Dr iizes,  p.  57. 

2.  Je  n'en  citerai  ici  qu'un  seul.  Les  Karmates  soutenaient  que  le  corps  de 
l'homme,  quand  il  est  debout,  représente  un  elif,  quand  il  est  à  genoux,  un 
lam,  et  lorsqu'il  est  prosterné,  un  hé;  en  sorte  qu'il  est  comme  un  livre  où  on 
lit  le  nom  à' Allah.  (M.  de  Sacy,  Introduction  à  VExposé  de  la  religion  des 
Druzes,  p.  86  et  87.)  Selon  les  kabbalistes,  la  tète  d'un  homme  a  la  forme  d'un 
iod  1,  ses  deux  bras,  pendant  de  chaque  côté  de  la  poitrine,  celle  d'un  hé  ,-j, 
6on  buste  celui  d'un  vau  •],  et  enfin  ses  deux  jambes,  surmontées  du  bassin, 


INTRODUCTION.  35 

sorties,  nourries  de  son  àmc  et  de  son  suc,  les  deux 
croyances  rivales  que  nous  avons  déjà  citées  ;  mais  c'est  à 
dessein  que  nous  lui  avons  réservé  la  dernière  place,  parce 
qu'il  nous  conduira  naturellement  à  notre  sujet.  Outi'e  la 
Bible,  les  juifs  orthodoxes  reconnaissent  encore  des  traduc- 
tions qui  obtiennent  de  leur  part  le  même  respect  que  les 
préceptes  du  Pentateuque.  D'abord  transmises  de  bouche  en 
bouche  et  dispersées  de  toutes  parts,  ensuite  recueillies  et 
rédigées  par  Judas  le  Saint  sous  le  nom  de  Mischna,  puis 
enfin  prodigieusement  augmentées  et  développées  par  les 
auteurs  du  Thalmud,  elles  ne  laissent  plus  aujourd'hui  la 
moindre  part  à  la  raison  et  à  la  liberté.  Ce  n'est  pas  qu'ei? 
principe  elles  nient  l'existence  de  ces  deux  forces  morales 
mais  elles  les  frappent  de  paralysie  en  se  mettant  partout  à 
leur  place;  elles  s'étendent  à  toutes  les  actions,  depuis  celles 
qui  expriment  en  effet  le  sentiment  moral  et  religieux  jus- 
qu'aux plus  viles  fonctions  de  la  vie  animale.  Elles  ont  tout 
compté,  tout  réglé,  tout  pesé  à  l'avance.  C'est  un  despo- 
tisme de  tous  les  jours  et  de  tous  les  instants,  contre  lequel 
on  est  inévitablement  obligé  de  lutter  par  la  ruse,  lorsqu'on 
ne  veut  pas  s'en  affranchir  par  la  révolte,  ou  qu'on  ne  le  peut 
pas  en  lui  substituant  une  autorité  supérieui-e.  Les  karaïtes, 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  saducéens,  dont  l'exis- 
tence ne  s'est  guère  prolongée  au  delà  de  la  ruine  du  second 
temple*,  les  karaïles  sont  en  quelque  sorte  les  protestants  du 
judaïsme;  ils  rejettent  en  apparence  la  tradition  et  préten- 
dent ne  reconnaître  que  la  Bible,  je  veux  dire  l'Ancien  Testa- 
ment, à  l'explication  duquel  la  raison  leur  paraît  suffire.  Mais 
d'autres,  qui,  sans  cesser  d'être  croyants,  sans  cesser  d'ad- 
mettre le  principe  delà  révélation,  ne  forment  cependant  pas 
une  secte  religieuse,  ont  réussi  à  faire  à  la  raison  une  part 

celle  d'un  autre  hé;  de  sorte  que  tout  son  corps  figure  le  nom  trois  fois  saint 
de  Jehovah.  Zoliar,  2°  partie,  fol.  42,  r°,  édit.  Manloue. 

1.  Peler  Béer,  Uisloire  des  sectes  religieuses  du  judaïsme,  l"  partie,  p.  149 

3 


34  LA  KABBALE. 

bien  plus  grande  et  plus  belle  dans  le  domaine  de  la  foi. 
Ce  sont  ceux  qui  voulaient  justifier  les  principaux  articles 
de  leur  croyance  par  les  principes  mêmes  de  la  raison; 
ceux  qui  voulaient  concilier  la  législation  de  Moïse  avec 
la  philosophie  de  leur  temps,  c'est-à-dire  celle  d'Aris- 
tote,  et  qui  ont  fondé  une  science  entièrement  semblable, 
dans  ses  moyens  comme  dans  son  but,  à  la  scolastique 
arabe  et  chrétienne.  Le  premier,  et  sans  contredit  le  plus 
hardi  d'enire  eux,  est  le  célèbre  rabbin  Saadiah,  qui,  au 
commencement  du  dixième  siècle,  se  trouvait  à  la  tête  de 
l'Académie  de  Sera  en  Perse,  et  dont  le  nom  est  cité  avec  res- 
pect par  les  auteurs  musulmans  aussi  bien  que  par  ses  coreli- 
gionnaires *.  Après  lui  sont  venus  Bahya,  auteur  arabe  d'un 
excellent  traité  de  morale^  et  de  théologie,  et  Moïse  Maïmo- 
nides,  dont  l'immense  réputation  a  fait  tort  à  une  foule 
d'autres  qui,  après  lui,  ont  défendu  la  même  cause.  Ceux 
d'entre  les  juifs  qui  ne  voyaient  dans  la  loi  qu'une  grossière 
écorce  sous  laquelle  est  caché  un  sons  mystérieux  beaucouo 

1.  Le  commentaire  qu'il  a  composé  en  arabe,  sur  le  Seplier  ietziraJt,  l'un 
des  monumenis  les  plus  anciens  de  la  kabbale,  est  dans  un  sens  fout  à  fait 
philosophique,  et  c'est  à  tort  qu'il  est  compté,  par  Reuchlin  et  d'autres  histo- 
riens de  la  kabbale,  parmi  les  défenseurs  de  ce  système.  Son  livre  des 
Croyances  et  des  opinions,  niî?7m  m-CNH?  ti^^duit  de  l'arabe  en  hébreu  par 
rabbi  Jehoudah  Ibn-Tibbon,  a  très  probablement  servi  de  modèle  au  fameux 
ouvrage  de  Maïmonides,  intitulé  :  le  Guide  des  esprits  égarés,  □")j"i23  mi/Z* 
Dès  les  premières  lignes  de  la  préface,  Saadiah  se  place  franchement  entre 
deux  partis  opposés:  «  Ceux,  dit-il,  qui,  par  suite  de  recherches  incomplètes  et 
de  méditations  mal  dirigées,  sont  tombés  dans  un  abîme  de  doutes,  et  les 
hommes  qui  regardent  l'usage  de  la  raison  comme  dangereux  pour  la  foi.  »  Il 
admet  quatre  sortes  de  connaissances  :  1°  celles  des  sons;  2°  celles  de  l'esprit 
ou  de  la  conscience,  comme  lorsque  nous  disons  que  le  mensonge  est  un  vice 
et  la  véracité  une  vertu;  5°  celles  que  nous  fournissent  l'induction  et  le  raison- 
nement, comme  lorsque  nous  admettons  l'existence  de  l'àine,  à  cause  de  ses 
opérations;  A"  la  tradition  authentique,  riICX^n  m^nri'  î"'  doit  remplacer  la 
science  pour  ceux  qui  ne  sont  pas  en  état  d'exercer  leur  intelligence. 

2.  L'ouvrage  a  pour  titre  :  rT'.SlS  mi'^n'  ^<^*  Devoirs  des  cœurs,  et  l'auteur 
vivait  en  l'an  du  monde  4291,  du  Christ  llGl. 


INTRODUCTION.  55 

plus  élevé  que  le  sens  historique  et  littéral,  se  divisent  en 
deux  classes  dont  la  distinction  est  d'une  grande  impor- 
tance pour  le  but  où  nous  tendons.  Pour  les  uns,  le  sens 
intérieur  et  spirituel  des  Ecritures  était  un  système  de  phi- 
losophie, assez  favorable,  il  est  vrai,  à  l'exaltation  mystique, 
mais  tiré  d'une  source  tout  à  fait  étrangère;  c'était,  en  un 
mot,  la  doctrine  de  Platon  un  peu  exagérée,  comme  elle  l'a 
été  plus  tard  dans  l'école  de  Plotin,  et  mêlée  à  des  idées 
d'une  origine  orientale.  Ce  caractère  est  celui  de  Philon  et 
de  tous  ceux  qu'on  a  coutume  d'appeler  juifs  hellénisants, 
parce  que,  mêlés  aux  grecs  d'Alexandrie,  ils  empruntèrent  à 
ces  derniers  leur  langue,  leur  civilisation  et  celui  de  leurs 
systèmes  philosophiques  qui  pouvait  le  mieux  se  concilier 
avec  le  monothéisme  et  la  législation  religieuse  de  Moïse  ^ 
Les  autres  n'ont  obéi  qu'à  l'impulsion  de  leur  intelligence; 
les  idées  qu'ils  ont  introduites  dans  les  livres  saints,  pour  se 
donner  ensuite  l'apparence  de  les  y  avoir  trouvées  et  les  faire 
passer,  même  dans  l'ombre  du  mystère,  sous  la  sauvegarde 
de  la  révélation,  ces  idées  leur  appartiennent  entièrement 
et  forment  un  système  vraiment  original,  vraiment  grand, 
qui  ne  ressemble  à  d'autres  systèmes,  ou  philosophiques 
ou  religieux,  que  parce  qu'il  dérive  de  la  même  source,  qu'il 
a  été  provoqué  par  les  mômes  causes,  qu'il  répond  aux 
mêmes  besoins;  en  un  mot,  par  les  lois  générales  de  l'es-, 
prit  humain.  Tels  sont  les  kabbalistes",  dont  les  opinions, 

1.  C'est  à  eux  que  l'on  fait  allusion  dans  ce  passage  d'Eusèbe  :  Tô  7:av 
'Iouûa;'o)v  's'Ovo;  th  Sûo  T{JLrJ[i,aTa  3'.rjpr,Tat.  Ka\  tïjv  [xàv  7:Xt)0Ùv  ■zaXq  twv  vouojv 
XKTa  -rjv  orj-:r)v  8'.avo;'av  T:ct.^r^'^^c.l[iv^a.ii  uzoOr//.aiç  xnzr^-^f  tb  8'  ?T£pov  Twv  ev 
?çE'.  TdtY;j.a,  xaÛTr);  [aIv  i^ats'.,  OsiOTïpit  03  v^ixcù  Tol^r.olXoU  ijrxvaoîêri/.sia  çiÀo- 
CTO'jia  -poif/S'.v  r);to'j  Oî'iipia  ts  tôjv  îv  toî";  vo'[jioi;  xaià  0'.avo;av  a/;aatvoaî'vwv. 
^Eusèbe,  liv.  VIII,  chap.  x.)  Ces  paroles  sont  dans  la  bouche  d'Arislobule,  qui 
ne  pouvait  pas  connaître  les  kabbalistes. 

2.  Quoique  nous  trouvions  l'occasion,  plus  lard,  de  parler  assez  longuement 
de  Pliilon,  il  faut  qu'on  sache  dès  à  présent  lo  distinguer  des  kabbalistes,  avec 
lesquels  plusieurs  historiens  l'ont  confondu.  D'abord,  il  est  à  peu  près  certain 


Sf^i  LA  KABBALE. 

pour  être  connues  et  justement  appréciées,  ont  besoin  d'être 
puisées  aux  sources  originales;  car,  plus  tard,  les  esprits 
cultivés  ont  cru  leur  faire  honneur  en  les  mêlant  aux  idées 
grecques  et  arabes.  Ceux  qui,  par  superstition,  demeurèrent 
étrangers  à  la  civilisation  de  leur  temps,  abandonnèrent  peu 
à  peu  les  hautes  spéculations  dont  elles  furent  le  résultat, 
pour  ne  conserver  que  les  moyens  assez  grossiers  qui  ser- 
virent dans  l'origine  à  en  déguiser  la  hardiesse  et  la  pro- 
fondeur. 

Nous  chercherons  à  savoir  d'abord  vers  quel  temps  nous 
trouvons  la  kabbale  toute  formée,  dans  quels  livres  elle  nous 
a  été  conservée,  comment  ces  livres  ont  été  formés  et  trans- 
mis jusqu'à  nous;  enfin,  quel  fond  nous  pouvons  faire  sur 
leur  authenticité. 

Nous  essayerons  ensuite  d'en  donner  une  exposition  com- 
plète et  fidèle,  à  laquelle  nous  ferons  contribuer  autant  que 
possible  les  auteurs  mêmes  de  cette  doctrine  ;  nous  nous 
retrancherons  le  plus  souvent  derrière  leurs  propres  paroles, 
que  nous  ferons  passer  de  leur  langue  dans  la  nôtre,  avec 
autant  d'exactitude  que  nos  faibles  moyens  le  permet- 
tront. 

Nous  nous  occuperons  en  dernier  lieu  de  l'origine  et  de 
l'influence  de  la  kabbale.  Nous  nous  demanderons  si  elle  est 
née  dans  la  Palestine,  sous  la  seule  influence  du  judaïsme, 

que  Philon  ignorait  l'hébreu,  dont  La  connaissance,  comme  nous  le  verrons 
bienlôt,  est  évidemment  indispensable  à  la  méthode  kabbalislique.  Ensuite, 
Philon  et  les  kabbalistes  ne  diffèrent  pas  moins  par  le  fond  de  leurs  idées. 
Ceux-ci  n'admettaient  qu'un  seul  principe,  cause  immanente  de  toutes  choses; 
le  philosophe  alexandrin  en  reconnaissait  deux,  l'un  actif  et  l'autre  passif.  Les 
attributs  du  Dieu  de  Philon  sont  les  idées  de  Platon,  qui  ne  ressemblent  en  rien 
aux  Sephiroth  de  la  kabbale.  "EiTtv  iv  -ot";  o-Jaiv,  tô  \xv)  siva-  ooaairjptov  «t'itov, 
To  ûà  -aÔ^iTcv  za^  on  ~b  [i.lv  S^n.o'r^o-.w  o  tûv  oâojv  voj;  estiv  eJX'.xftvfaTaTo? 
xpEiTTOjvTc  ?j  àocTT)  -/.x'i  xpetXTOjv  ?j  i-'.TTrJaT]  •/.a'i  x.psf-Tuv  ï]  auTÔ  to  àyaGôv  y.a\ 
oÙtÔ  tÔ  zaÀov  tÔ  oÏ  -aOr^Tov  à'ijyo'i  /.at  «/.•'vr;-:ov  Iç  iauroS,  -/.'.vr^Ûiv  ciè,  CT/ri[j.a- 
tiaO:v zx'e  ■Is/iiMi  j-b  toj  voîj,  etc.  Phil.,  de  Muud.  opific. 


INTRODUCTION.  37 

OU  si  les  Juifs  l'ont  empruntée,  soit  à  une  religion,  soit  à 
une  philosophie  étrangère.  Nous  la  comparerons  successive- 
ment à  tous  les  systèmes  antérieurs  et  contemporains  qui 
nous  présenleront  quelque  ressemblance  avec  elle,  et  nous  la 
suivrons,  enfin,  jusque  dans  ses  plus  récentes  destinées. 


PREMIÈRE  PARTIE 


CHAPITRE  I 


ANTIQUITÉ    DE     LA    KABBALE 


Les  partisans  enthousiastes  de  la  kabbale  la  font  des- 
cendre du  ciel,  apportée  par  des  anges,  pour  enseigner  au 
premier  homme,  après  sa  désobéissance,  les  moyens  de 
reconquérir  sa  noblesse  et  sa  félicité  premières*.  D'autres 
ont  imaginé  que  le  législateur  des  Hébreux,  après  l'avoir 
reçue  de  Dieu  lui-même,  pendant  les  quarante  jours  qu'il 
passa  sur  le  mont  Sinaï,  la  transmit  aux  soixante  et  dix 
vieillards  avec  lesquels  il  partagea  les  dons  de  l'esprit  saint, 
et  qu'à  leur  tour  ceux-ci  la  firent  passer  de  bouche  en 
bouche  jusqu'au  temps  où  Ksdras  reçut  l'ordre  de  l'écrire 
en  même  temps  que  la  loi^  Mais  on  aura  beau  parcourir 
avec  la  plus  scrupuleuse  attention  tous  les  livres  de  l'Ancien 
Testament,  on  n'y  trouvera  pas  un  seul  mot  qui  fasse  allu- 
sion à  un  enseignement  secret,  à  une  doctrine  pkis  profonde 
et  plus  pure,  réservée  seulement  à  un  petit  nombre  d'élus. 

1.  Voyez  Reuchlin,  de  Arle  cahalislic,  fol.  9  et  10,  éd.  de  Uagucnau. 

2.  Pic  de  la  Mirandole,  .\polo(j.,  p.  116  et  seq.,  tome  I"  de  ses  Œuvres. 


40  LA  KADBALE , 

Depuis  son  origine  jusqu'à  son  retour  de  la  captivité  de 
Babylone,  le  peuple  hébreu,  comme  toutes  les  nations  dans 
leur  jeunesse,  ne  connaît  pas  d'autres  organes  de  la  vérité, 
d'autres  ministres  de  l'intelligence,  que  le  prophète,  le  prêtre 
et  le  poète  ;  encore  celui-ci ,  malgré  la  différence  qui  les  sépare, 
est-il  ordinairement  confondu  avec  le  premier.  Le  prêtre 
n'enseignait  pas  ;  il  ne  s'adressait  qu'aux  yeux  par  la  pompe 
des  cérémonies  religieuses;  et  quant  aux  docteurs,  ceux  qui 
enseignent  la  religion  sous  la  forme  d'une  science,  qui 
substituent  le  ton  dogmatique  au  langage  de  l'inspiration, 
en  un  mot,  les  théologiens,  leur  nom,  pendant  la  durée  de 
cette  période,  n'est  pas  plus  connu  que  leur  existence.  Nous 
ne  les  voyons  paraître  qu'au  commencement  du  troisième 
siècle  avant  l'ère  chrétienne,  sous  le  nom  général  de  Than- 
naïm,  qui  signifie  les  organes  de  la  tradition,  parce  que 
c'est  au  nom  de  cette  nouvelle  puissance  qu'on  enseignait 
alors  tout  ce  qui  n'est  pas  clairement  exprimé  dans  les 
Ecritui^es.  Les  thannaïm,  les  plus  anciens  et  les  plus  res- 
pectés de  tous  les  docteurs  en  Israël,  forment  comme  une 
longue  chaîne  dont  le  dernier  anneau  est  Judas  le  Saint, 
auteur  de  la  Mischna,  celui  qui  a  recueilli  et  transmis  à  la 
postérité  toutes  les  paroles  de  ses  prédécesseurs.  On  compte 
parmi  eux  les  auteurs  présumés  des  plus  anciens  monu- 
ments de  la  kabbale,  c'est-cà-dire  Akiba  et  Simon  ben  Jochaï 
avec  son  fils  et  ses  amis.  Immédiatement  après  la  mort  de 
Judas,  vers  la  fin  du  deuxième  siècle  après  la  naissance  du 
Christ,  commence  une  nouvelle  génération  de  docteurs,  qui 
portent  le  nom  à'Âmoraïm  (dixiicn),  parce  qu'ils  ne  font 
plus  autorité  par  eux-mêmes,  mais  ils  répètent,  en  l'expli- 
quant, tout  ce  qu'ils  ont  entendu  des  premiers;  ils  font 
connaître  toutes  celles  de  leurs  paroles  qui  n'ont  pas  encore 
été  rédigées.  Ces  conimentaiies  et  ces  traditions  nouvelles, 
qui  n'ont  pas  cessé  de  se  multiplier  prodigieusement  pen- 
dant plus  de  trois  cents  ans.  furent  enfin  réunis  sous  le  nom 


ANTIQUITÉ  DE  LA  KABBALE.  41 

(le  Gncmara,  nidj,  c'est-à-dire  la  tradition.  C'est  par  con- 
séquent dans  ces  deux  recueils,  religieusement  conservés 
depuis  leur  formation  jusqu'à  nos  jours,  et  réunis  sous  le 
nom  général  de  Thalmud*,  que  nous  devons  chercher 
d'ahord,  non  pas  sans  doute  les  idées  mêmes  qui  font  la 
base  du  système  kabbalistique,  mais  quelques  données  sur 
leur  origine  et  l'époque  de  leur  naissance. 

On  trouve  dans  la  Mischna^  ce  passage  remarquable  : 
«  Il  est  défendu  d'expliquer  à  deux;  personnes  la  Genèse; 
«  même  à  une  seule,  la  Mercaba  ou  le  char  céleste;  à  moins 
«  qu'il  ne  soit  un  homme  sage  et  qui  comprend  par  lui- 
«  même.  » 
ax  N^s'  vn^i  n^DiDa  ahi  n^nua  n'u;Ni3  r^'cv^^i  nS  ^iy?Tn  'j'X 

LeThalmud  rapporte ('Hagiiiga,\'ôa) unebereila  (mischna 
qui  n'est  pas  entrée  dans  le  recueil  deR.  Judas),  où  R.  Hiya 
ajoute  :  «  Mais  on  peut  lui  transmettre  les  premiers  mots 
des  chapitres  ». 

Un  rabbin  duThalmud,  RabbiZéra(i7;i(i),  se  monirc  encore 
plus  sévère,  car  il  ajoute  que  même  les  sommaires  des  cha- 
pitres ne  doivent  être  divulgués  qu'à  des  hommes  revêtus 
d'une  haute  dignité,  et  connus  pour  leur  extrême  prudence, 
ou,  pour  traduire  littéralement  l'expression  originale,  «  qui 
portent  en  eux  un  cœur  plein  d'inquiétude  », 
mp3  axTT  "aSu;  'dSdSi  "(n  nu  axS  nVn  y-piD  'uni  incia  ^^n 

Evidemment,  il  ne  peut  être  ici  question  du  texte  de  la 
Genèse  ni  de  celui  d'Ezéchiel,  où  le  prophète  raconte  la 
vision  qu'il  eut  sur  les  bords  du  fleuve  Chébar.  L'Ecriture 
tout  entière  était,  pour  ainsi  dire,  dans  la  bouche  de  tout 
le  monde;  de  temps  immémorial,  les  observateurs  les  plus 
scrupuleux  de  toutes  les  traditions  se  font  un  devoir  de  la 

i.  TiaSn»  c'esl-à-(lire  l'élude  ou  la  science  par  excellence. 
2.   Truite  (le  'Harjuirja. 


42  LA  KABBALE. 

parcourir  dans  leurs  temples  au  moins  une  fois  dans  une 
année.  Moïse  lui-même  ne  cesse  de  recommander  l'étude  de 
la  loi,  par  laquelle  on  entend  universellement  le  Penta- 
teuque.  Esdras,  après  le  retour  de  la  captivité  de  Babylone, 
la  lut  à  haute  voix  devant  tout  le  peuple  assemblé  ^  Il  est 
également  impossible  que  les  paroles  que  nous  venons  de 
citer  expriment  la  défense  de  donner  au  récit  de  la  création 
et  à  la  vision  d'Ezéchiel  une  explication  quelconque,  de 
chercher  à  les  comprendre  soi-même  et  de  les  faire  com- 
prendre aux  autres;  il  s'agit  d'une  interprétation  ou  plutôt 
d'une  doctrine  connue,  mais  enseignée  avec  mystère  ;  d'une 
science  non  moins  arrêtée  dans  sa  forme  que  dans  ses  prin- 
cipes, puisqu'on  sait  comment  elle  se  divise,  puisqu'on 
nous  la  montre  partagée  en  plusieurs  chapitres,  dont  chacun 
est  précédé  d'un  sommaire.  Or,  il  faut  remarquer  que  la 
vision  d'Ezéchiel  ne  nous  offre  rien  de  semblable;  elle  rem- 
plit, non  pas  plusieurs  chapitres,  mais  un  seul,  précisément 
celui  qui  vient  le  premier  dans  les  œuvres  attribuées  à  ce 
prophèle.  Nous  voyons  de  plus  que  cette  doctrine  secrète 
comprenait  deux  parties  auxquelles  on  n'accorde  pas  la 
même  importance  :  car  l'une  peut  être  enseignée  à  deux 
personnes;  l'autre  ne  peut  jamais  être  divulguée  tout 
entière,  même  à  une  seule,  quand  elle  devrait  satisfaire  aux 
sévères  conditions  qu'on  lui  impose.  Si  nous  en  croyons 
Maïmonides,  qui,  étranger  à  la  kabbale,  n'en  pouvait  cepen- 
dant pas  nier  l'existence,  la  première  moitié,  celle  qui  a 
pour  titre  :  Histoire  de  la  Genèse  ou  de  la  création  (nurrn 
nt^i^N'in),  enseignait  la  science  de  la  nature;  la  seconde,  qu'on 
appelle  Y  Histoire  du  Char  (niDin  nu:;a),  renfermait  un 
traité  de  théologie ^  Cette  opinion  a  été  adoptée  par  tous  les 
kabbalistcs. 

1.  Esdrus,  II,  8. 

2.  Morch     Nebouchim,     préf.     '■jz'Cn     r\)2Zl     N'in     rT^w'X"',!     nw"0 


A^'TIQUITÉ  DE  LA  KABBALE.  45 

Voici  un  aulre  passage,  où  le  même  fait  nous  apparaît 
d'une  manière  non  moins  évidente:  «Rabbi  Jochanan  dit  un 
«  jour  à  rabbi  Eliezer:  Viens,  que  je  t'enseigne  l'histoire  de 
«  la  Mercaba.  Alors  ce  dernier  repondit  :  Je  ne  suis  pas 
«  encore  assez  vieux  pour  cela.  Quand  il  fut  devenu  vieux, 
«  rabbi  Jochanan  mourut,  et  quelque  temps  après  rabbi  Assi 
«  étant  venu  lui  dire  à  son  tour  :  Viens,  que  je  t'enseigne 
<c  l'histoire  de  la  Mercaba,  il  répliqua  :  Si  je  m'en  étais  cru 
«  digne,  je  l'aurais  déjà  apprise  de  rabbi  Jochanan,  ton 
«  maître'.  »  On  voit,  par  ces  mots,  que,  pour  être  initié  à 
cette  science  mystérieuse  et  sainte  de  la  Mercaba,  il  ne  suffi- 
sait pas  de  se  distinguer  par  l'intelligence  et  par  une  émi- 
ncnte  position,  il  fallait  encore  avoir  atteint  un  âge  assez 
avancé;  et  môme,  lorsqu'on  remplissait  cette  condition  éga- 
lement observée  par  les  kabbalistes  modernes  %  on  ne  se 
croyait  pas  toujours  assez  sûr,  ou  de  son  intelligence,  ou 
de  sa  force  morale,  pour  accepter  le  poids  de  ces  secrets 
redoutés,  qui  n'étaient  pas  absolument  sans  péril  pour  la  foi 
positive,  pour  l'observance  matérielle  de  la  loi  religieuse. 
En  voici  un  curieux  exemple  rapporté  par  le  Thalmud  lui- 
même,  dans  un  langage  allégorique  dont  il  nous  donne 
ensuite  l'explication. 

«  D'après  ce  que  nos  maîtres  nous  ont  enseigné,  il  y  en 
«  a  quatre  qui  sont  entrés  dans  le  jardin  de  délices,  et  voici 
«  leurs  noms  :  ben  Azaï,  ben  Zoma,  Acher  et  rabbi  Akiba. 
«  Ben  Azaï  reg;u-da  d'un  œil  curieux  et  perdit  la  vie.  On 
«  peut  lui  appliquer  ce  verset  de  l'Ecriture  :  C'est  une  chose 
«  précieuse  devant  les  yeux  du  Seigneur,  que  la  mort  de 
«  ses  saints'.  Ben  Zoma  regarda  aussi,  mais  il  perdit  la 
«  raison,  et  son  sort  justifie  cette  parole  du  sage  :  Avez- 

i.  Thiilinud,  'Haguiga,  12  a. 

2.  Ils  ne  permctlent  pas,  avant  l'âge  de  quarante  ans,  la  lecture  du  Zoliar  et 
<lcs  autres  livres  kabbalistiques. 

3.  Psaumes,  CXVI,  15. 


44  LA  KABBALE. 

«  VOUS  trouvé  du  miel?  mangcz-cn  ce  qui  vous  suffit,  de 
«  peur  qu'en  ayant  pris  avec  excès,  vous  ne  le  rejcliez^ 
«  Acher  lit  des  ravages  dans  les  plantations.  Enfin  Akiba 
ce  sortit  en  paix^  »  Il  n'est  guère  possible  de  prendre  ce 
texte  à  la  lettre,  et  de  supposer  qu'il  s'agit  ici  d'une  vision 
matérielle  des  splendeurs  d'une  autre  vie  :  car,  d'abord,  il 
est  sans  exemple  que  le  Thalmud,  en  parlant  du  Paradis, 
emploie  le  terme  tout  à  fait  mystique  dont  il  fait  usage  dans 
ces  lignes". Ensuite,  comment  admettre  qu'après  avoir  con- 
templé de  son  vivant  les  puissances  qui  attendent  dans  le 
ciel  les  élus,  on  en  perde  la  foi  ou  la  raison,  comme  il 
arrive  à  deux  personnages  de  cette  légende?  Il  faut  donc 
reconnaître,  avec  les  autorités  les  plus  respectées  de  la  syna- 
gogue, que  le  jardin  de  délices,  où  sont  entrés  les  quatre 
docteurs,  n'est  pas  autre  chose  que  celte  science  mystérieuse 
dont  nous  avons  parlé  ^;  science  terrible  pour  les  faibles 
intelligences,  puisqu'elle  peut  les  conduire,  ou  à  la  folie, 
ou  aux  égarements  plus  funestes  encore  de  l'impiété.  C'est 
ce  dernier  résultat  que  la  Guémara  veut  désigner,  quand 
elle  dit,  en  parlant  d'Acher,  quilfitdes  ravages  dans  les  plan- 
taiiom.  Elle  nous  raconte  que  ce  personnage,  assez  célèbre 
dans  les  récits  thalmudiques,  avait  été  d'abord  un  des  plus 
savants  docteurs  en  Israël  ;  son  véritable  nom  était  Elisée  ben 
Abouïa,  auquel  on  substitua  celui  d'Acher,  pour  marquer  le 
changement  qui  s'opéra  en  lui^  En  eTtéF,  en  quittant  le  jardin 

1.  ProîJ., XXV,  16. 

2.  Traité  de  'Haguiga,  14  t. 

5.  Le  paradis  est  toujours  appelé  ny  7J  ('^  Jardin  d'Éden),  ou  le  monde  h 
venir,  j^q,-;  nSllT,  tandis  qu'ici  on  se  sert  du  mot  OTIS  (Parfî^s),  que  les 
kabbalisles  modernes  ont  également  consacré  à  leur  science. 

4.  «  In  hàc  Gemarà  neque  Paradisus  neque  vujrcdi  illuin  ad  liltcram  expo- 
nendum  est,  sed  poliùs  de  sublili  et  cœlcsti  cognilione,  secundùm  quam 
magislri  arcanum  opus  currùs  intellexerunt,  Deum,  ejusque  majestalem  scru- 
tando  invenire  cupiverunt.  »  (lloltinger,  Diseurs.  Gemaricus,  p.  97.) 

5.  Le  mot  Acher  (-inx)  signifie  hlléralement  un  autre,  un  autre  homme. 


ANTIQUITÉ  DE  LA  KABBALE.  45 

allégorique  où  une  fatale  curiosité  l'avait  conduit,  il  devint 
un  impie  déclaré;  il  s'abandonna,  dit  le  texte,  à  la  géné- 
ration du  mal,  il  manqua  aux  mœurs,  il  trahit  la  foi,  il 
vécut  dans  le  scandale,  et  quelques-uns  même  vont  jusqu'à 
l'accuser  du  meurtre  d'un  enfant.  En  quoi  donc  consistait 
sa  première  erreur?  Oii  l'ont  conduit  ses  recherches  sur  les 
secrets  les  plus  importants  de  la  religion?  Le  Thalmud  de 
Jérusalem  dit  positivement  qu'il  reconnut  deux  principes 
suprêmes*  ;  et  le  Thalmud  de  Babylone,  d'après  lequel  nous 
avons  rapporté  tout  le  récit,  nous  donne  à  entendre  la  même 
chose.  Il  nous  apprend  qu'en  voyant  dans  le  ciel  la  puis- 
sance de  Métatrône,  de  l'ange  qui  vient  immédiatement 
après  Dieu%  Acher  se  prit  à  dire:  «  Peut-être,  si  cela  était 
«  permis,  faudrait-il  admettre  deux  puissances^  ».  Nous 
ne  voudrions  pas  nous  arrêter  trop  longtemps  à  ce  fait, 
quand  nous  devons  en  citer  d'autres  beaucoup  plus  signi- 
ficatifs; cependant,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  faire 
la  remarque  que  l'ange,  ou  plutôt  l'hypostase  appelée  Méta- 
trône, joue  un  très  grand  rôle  dans  le  système  kabbalis- 
tique.  C'est  lui  qui,  à  proprement  parler,  a  le  gouverne- 
ment de  ce  monde  visible;  il  règne  sur  toutes  les  sphères 
suspendues  dans  l'espace,  sur  toutes  les  planètes  et  les  corps 
célestes,  comme  sur  les  anges  qui  les  conduisent;  car,  au- 
dessus  de  lui,  il  n'y  a  plus  rien  que  les  formes  intelligibles 
de  l'essence  divine  et  des  esprits  si  purs,  qu'ils  ne  peuvent 
exercer  sur  les  choses  matérielles  aucune  action  immédiate. 
Aussi  a-t-on  trouvé  que  son  nom,  en  re\pli({uant  par  les 


1-  riTTin  inur  )rw  au?nur- 

2.  TlTC'CD  vient  prohahleinent  des  deux  mots  grecs  [j.izà.  Oo6vov.  En  effet, 
d'après  les  kabhidistes,  l'ange  qui  porte  ce  nom  préside  au  monde  ielzirah  ou 
le  monde  des  sphères,  qui  vient  immédiatement  après  le  monde  des  purs 
esprits,  le  monde  Beriah,  qu'on  appelle  le  Trône  de  gloire  {1133,1  NDD))  '^^ 
simplement  le  Trône  (x"'''D"nD)' 


4G  LA  KABBALE. 

nombres  (Nnrcu)  est  tout  à  fait  synonyme  de  tout-puissant^. 
Sans  doute  la  kabbale,  comme  nous  le  prouverons  bientôt, 
est  beaucoup  plus  éloignée  du  dualisme  que  de  ce  qu'on 
appelle  aujourd'hui,  dans  un  pays  voisin,  la  doctrine  de 
l'identité  absolue;  mais  la  manière  allégorique  dont  elle 
sépare  l'essence  intelligible  de  Dieu  et  la  puissance  ordon- 
natrice du  monde,  n'est-elle  pas  propre  à  nous  expliquer 
l'erreur  signalée  par  la  Guemara  ? 

Une  dernière  citation  tirée  de  la  même  source,  et  accom- 
pagnée des  réflexions  de  Maimonides,  achèvera,  je  l'espère,  la 
démonstration  de  ce  point  capilal,  qu'une  sorte  de  philoso- 
phie, de  métaphysique  religieuse ,  s'enseignait  pour  ainsi 
dire  à  l'oreille  parmi  quelques-uns  des  thannaïm  ou  des  plus 
anciens  théologiens  du  judaïsme.  Le  Thalmud  nous  apprend 
que  l'on  connaissait  autrefois  trois  noms  pour  exprimer 
l'idée  de  Dieu,  à  savoir  le  fameux  tétragramme  ou  nom  de 
quatre  lettres,  puis  deux  autres  noms  étrangers  à  la  Bible, 
dont  l'un  se  composait  de  douze,  l'autre  de  quarante-deux 
lettres.  Le  premier,  quoique  interdit  au  grand  nombre, 
circulait  assez  librement  dans  l'intérieur  de  l'école.  «  Les 
«  sages,  dit  le  texte,  l'enseignaient  une  fois  par  semaine  à 
c(  leurs  fils  et  à  leurs  disciples  ^  «  Le  nom  de  douze  lettres 
était,  dans  l'origine,  plus  répandu  encore.  «On  l'enseignait 
«  à  tout  le  monde.  Mais  quand  le  nombre  des  impies  se 
«  multiplia,  il  ne  fut  plus  confié  qu'aux  plus  discrets  d'entre 
«  les  prêtres,  et  ceux-là  le  faisaient  réciter  à  voixbasse  à  leurs 
«  frères  pendant  la  bénédiction  du  peuple^  »  Enfin,  le  nom 
de  quarante-deux  lettres  était  regardé  comme  le  plus  saint 

i.  Le  nom  de  Mélalrône  {'iiyCiZ'd)  exprime,  comme  le  mot  schadai  (i-U,*)f 
que  l'on  traduit  p.'sr  tout-puissant,  le  nombre  514, 

3.  Thalm.  Babyl  Tract.  Derachoih  et  Maim.  Moreh  Ncbouchim,  1'°  partie, 
ch,  LXII. 


ANTIQUITÉ  DE  LA  KABBALE.  47 

des  mystères*.  «  On  ne  l'enseignait  qu'à  un  homme  d'une 
«  discrétion  reconnue,  d'un  âge  mûr,  inaccessible  à  la  co- 
«  Icre  et  à  l'intempérance,  étranger  à  la  vanité,  et  plein  de 
«  douceur  dans  ses  rapports  avec  ses  semblables*.  »  «  Oui- 
«  conque,  ajoute  le  Tlialmud,  a  été  instruit  de  ce  secret  et 
«  le  garde  avec  vigilance  dans  un  cœur  pur,  peut  compter 
«  sur  l'amour  de  Dieu  et  sur  la  faveur  des  hommes;  son 
«  nom  inspire  le  respect,  sa  science  ne  craint  pas  l'oubli,  et 
«  il  se  trouve  l'héritier  de  deux  mondes,  celui  où  nous 
«vivons  maintenant,  et  le  monde  à  venir".  »  Maïmonides 
observe,  avec  beaucoup  de  sens,  qu'il  n'existe  dans  aucune 
langue  un  nom  composé  de  quarante-deux  lettres;  que  cela 
est  surtout  impossible  en  hébreu,  où  les  voyelles  ne  font 
pas  partie  de  l'alphabet.  Il  se  croit  donc  autorisé  à  conclure 
que  ces  quarante-deux  lettres  se  partageaient  entre  plu- 
sieurs mots  dont  chacun  exprimait  une  idée  nécessaire  ou 
un  attribut  fondamental  de  l'Etre,  et  que,  tous  réunis,  ils 
formaient  la  vraie  définition  de  l'essence  divine  *.  Lorsqu'on 
dit  ensuite,  continue  le  même  auteur,  que  le  nom  dont  on 
vient  de  parler  était  l'objet  d'une  étude,  d'un  enseignement 
réservé  seulement  aux  plus  sages,  on  veut  nous  apprendre 
sans  doute  qu'à  la  définition  de  l'essence  divine  se  joignaient 
des  éclaircissements  nécessaires,  ou  certains  développements 
sur  la  nature  même  de  Dieu  et  des  choses  en  général.  Cela 
n'est  pas  moins  évident  pour  le  nom  de  quatre  lettres  ;  car, 
comment  supposer  qu'un  mol  si  fréquent  dans  la  Bible,  iet 
dont  la  Bible  elle-même  nous  donne  celte  définition  su- 
bhme  :  Cfjo  mm  qui  suin,  ait  été  tenu  pour  un  secret  que  les 

^  •  'wTp^",  u;i-p  nViTx  cnn  n'ovula  p  cr-  ii>-  supr. 

2.  i:\si  D"i2  "irNi  rîzi  "'^-2  -!2";i  i"\:tc  ^■)2h  aha  ^tn  d^did  vnt 

ib.  siiijr.  nin2n  d:;  nnis  insn  rnna  by  Taya  ij\si  ijnwî2 

3.  Ib.  siipr, 

4.  MaïmoniJos,    Moreh    Nebouchim,   ib.    supr.    cnn   mScntl?  p£D  TNI 

■<:;n"'  idï";  "^iri'  rn*2NS  1211:"'  cnn  D^:"':*;n  nn:n2  c':-::*  Sy  nm?3 


48  LA  KADBALE, 

sages,  une  fois  par  semaine,  disaient  à  l'oreille  de  quelques 
disciples  choisis?  Ce  que  le  Thalmud  appelle  la  connais- 
sance des  noms  de  Dieu,  n'est  donc  autre  chose,  dit  Maïmo- 
nides  en  terminant,  qu'une  bonne  partie  de  la  science  de 
Dieu  ou  de  la  métaphysique  (nin^N  .1523"  nïp)  ;  et  c'est  pour 
cela  qu'on  la  dit  à  l'épreuve  de  l'oubli;  car  l'oubli  n'est  pas 
possible  pour  les  idées  qui  ont  leur  siège  dans  Vintelligence 
active,  c'est-à-dire  dans  la  raison  ' .  Il  serait  diflicile  de  ne 
pas  se  rendre  à  ces  réflexions,  que  la  science  profonde, 
que  l'autorité  généralement  i-econnue  du  thalmudiste*  ne 
recommande  pas  moins  que  le  bon  sens  du  libre  penseur. 
Nous  y  ajouterons  une  seule  observation,  d'une  importance 
sans  doute  fort  contestable  aux  yeux  de  la  saine  raison,  mais 
qui  n'est  pourtant  pas  sans  valeur  dans  l'ordre  d'idées  sur 
lequel  portent  ces  recherches,  et  que  nous  sommes  obligés 
d'accepter  comme  un  fait  historique  :  en  comptant  toutes 
les  lettres  dont  se  composent  les  noms  hébreux,  les  noms 
sacramentels  des  dix  séphiroth  de  la  kabbale,  et  en  ajou- 
tant au  nom  de  la  dernière  la  particule  finale,  comme 
cela  se  pratique  dans  toutes  les  énumérations  et  dans 
toutes  les  langues,  on  obtient  exactement  le  nombre  qua- 
rante-deux'. iN'est-il  donc  pas  permis  de  penser  que  c'est  le 
nom  trois  fois  saint  que  l'on  ne  confiait  qu'en  tremblant  à 
l'élite  môme  des  sages?  Nous  y  trouverions  la  pleine  justifica- 
tion de  toutes  les  remarques  faites  par  Maïmonides.  D'abord 
ces  quarante-deux  lettres  forment,  en  effet,  non  pas  un  nom, 

1.  ib.  loc.  cit.  j^i^rc)  D^rhan  nir^ni  D^iiin^zn  nnEDi  nxnnn  -qdt 

h'J^zr^  S-rn  n:;rn  Si  ^nzwh  iu;2\s'  \s  nronn 

2.  Maïmonides  n'est  pas  seulement  l'auteur  de  l'ouvrage  philosophique 
appelé  3Ioreh  Neboiichim,  il  a  aussi  composé,  sous  le  titre  de  Main  forte 
(np'n  T)y  i-'"  gi'aiid  ouvrage  thalmudique  qui  est  encore  aujourd'hui  le 
manuel  obligé  des  rabbins. 

3.  Voici  ces    noms    et  les  chiffres  qui  indiquent  le  nombre  de   leurs 

6633SSD  3 

lettres  :  tiD^i  n'ùS)2  Tin  nï:   n'iNsn  n^nsa  nbna  nra  n^zzn  idd 


ANTIQUITE  DE  LA  KADBALE.  49 

comme  on  l'entend  vulgairement,  mais  plusieurs  mots. 
De  plus,  chacun  de  ces  mots  exprime,  au  moins  dans  l'opi- 
nion des  kabbalistes ,  un  attribut  essentiel  de  la  nature 
divine,  ou,  ce  qui  est  pour  eux  la  même  chose,  une  des 
formes  nécessaires  de  l'Etre  proprement  dit.  Enfin ,  tous 
représentent,  selon  la  science  kabbalistique,  selon  le  Zohar 
et  tous  ses  commentateurs,  la  définition  la  plus  exacte  que 
notre  intelligence  puisse  concevoir  du  principe  suprême  de 
toutes  choses.  Cette  manière  de  concevoir  Dieu  étant  séparée 
par  un  abîme  des  croyances  vulgaires,  on  comprendrait  très 
bien  toutes  les  précautions  prises  pour  ne  pas  la  laisser  sor- 
tir du  cercle  des  initiés.  Cependant,  nous  n'insisterons  pas 
sur  ce  point,  dont  nous  sommes  loin,  encore  une  fois,  de 
nous  exagérer  l'importance  ;  il  nous  suffit,  pour  le  moment, 
d'avoir  montré  jusqu'à  l'évidence  le  fait  général  qui  ressort 
de  toutes  ces  citations. 

Il  existait  donc,  à  l'époque  où  la  Mischna  fut  rédigée,  une 
doctrine  secrète  sur  la  création  et  sur  la  nature  divine.  On 
s'accordait  sur  la  manière  dont  cette  doctrine  devait  être 
divisée,  et  son  nom  excitait  chez  ceux-là  mômes  qui  ne  pou- 
vaient la  connaître  une  sorte  de  terreur  religieuse.  Mais  de- 
puis quand  existait-elle?  Et  si  nous  ne  pouvons  pas  déter- 
miner avec  précision  le  temps  de  sa  naissance,  quel  est  du 
moins  celui  où  commencent  seulement  les  ténèbres  qui 
enveloppent  son  origine?  C'est  à  cette  question  que  nous 
allons  maintenant  essayer  de  répondre.  De  l'avis  des  histo- 
riens les  plus  dignes  de  notre  confiance,  la  rédaction  de  la 
Mischna  fut  terminée  au  plus  tard  en  l'an  5949  de  la  créa- 
tion, et  189  de  la  naissance  du  Christ*.  Or,  il  faut  nous 
rappeler  que  Judas  le  Saint  n'a  fait  que  recueillir  les  pré- 
ceptes et  les  traditions  qui  lui  furent  transmis  par  les  liian- 
naïm  ses  prédécesseurs;  par  conséquent,  les  paroles  que 

1.  Voyez  Schalschelelh  Jiakabalah,  ou  la  Chaîne  de  la  Iradilion,  par  R.  Guc- 
dalia,  fui.  25,  vers.,  et  David  Ganz,  Tzemach  David,  fol.  25,  rect. 

4 


50  LA  KABBALE. 

nous  avons  citées  les  premières,  celles  qui  défendent  de 
livrer  imprudemment  les  secrets  de  la  création  et  de  la 
Mercaba,  sont  plus  anciennes  que  le  livre  qui  les  renferme. 
Nous  ne  savons  pas,  il  est  vrai,  qui  est  l'auteur  de  ces  pa- 
roles ;  mais  cela  môme  est  une  preuve  de  plus  en  faveur  de 
leur  antiquité;  car  si  elles  n'exprimaient  que  l'opinion  d'un 
seul,  elles  ne  seraient  pas  revêtues  d'une  autorité  suffisante 
pour  faire  loi,  et,  comme  on  le  fait  toujours  en  pareille  cir- 
constance, on  nommerait  celui  qui  doit  en  être  responsable. 
En  outre,  la  doctrine  elle-même  est  nécessairement  anté- 
rieure à  la  loi  qui  interdit  de  la  divulguer.  Il  fallait  qu'elle 
fût  connue,  qu'elle  eût  acquis  déjà  une  certaine  autorité, 
avant  qu'on  aperçût  le  danger  de  la  répandre,  je  ne  dirai 
pas  dans  le  peuple,  mais  parmi  les  docteurs  et  les  maîtres 
en  Israël.  Nous  pouvons  donc,  sans  crainte  d'être  trop  témé- 
raire, la  faire  remonter  au  moins  jusqu'à  la  fin  du  premier  siè- 
cle de  l'ère  chrétienne.  C'est  précisément  le  temps  où  vivaient 
Akiba  et  Simon  ben  Jochaï,  à  qui  les  kabbalistes  attribuent  la 
composition  de  leurs  livres  les  plus  importants  et  les  plus  cé- 
lèbres. C'est  aussi  dans  cette  génération  qu'il  faut  comprendre 
rabbiJossé  deSepphorisjmsïT  ^dii  i,  queVIdra  Raba,  l'un 
des  plus  anciens  et  des  plus  remarquables  fragments  du 
Zohar,  compte  au  nombre  des  amis  intimes,  des  plus  fer- 
vents disciples  de  Simon  ben  Jochaï.  C'est  évidemment  celui 
à  qui  le  traité  thalmudique,  dont  nous  avons  fait  la  plupart 
de  nos  citations,  attribue  la  connaissance  de  la  sainte  Mer- 
caba '.  Au  nombre  des  autorités  qui  témoignent  de  l'anti- 
quité, sinon  des  livres,  du  moins  des  idées  kabbalistiques, 
nous  n'hésitons  pas  à  placer  la  traduction  chaldaïque  des 
Ciwi  livres  de  Moïse,  qui  porte  le  nom  d'Onkelos. 

Tel  est  le   respect  inspiré  tout  d'abord  par  cette  traduc- 
lion  fameuse,  qu'elle  parut  une  révélation  divine.  On  sup- 


ANTIQUITÉ  DE  Li  KABBALE.  '51 

pose,  dans  le  Thalmud  de  Babylone  *,  que  Moïse  la  reçut  sur 
le  mont  Sinaï  en  môme  temps  que  la  loi  écrite  et  la  loi 
orale;  qu'elle  arriva  par  tradition  jusqu'au  temps  des  than- 
naïm,  et  qu'Onkelos  eut  seulement  la  gloire  de  l'écrire.  Un 
grand  nombre  de  théologiens  modernes  ont  cru  y  trouver 
les  bases  du  christianisme;  ils  ont  prétendu  surtout  recon- 
naître le  nom  de  la  seconde  personne  divine  dans  le  mot 
Mêimra,  »xin^a,  qui  signifie  en  effet  la  parole  ou  la  pensée, 
et  que  l'auteur  a  partout  substitué  au  nom  de  Jéhovah  ^  Ce 
qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'il  règne  dans  ce  livre  un  esprit 
tout  opposé  à  celui  de  la  Mischna,  à  celui  du  Thalmud,  à 
celui  du  judaïsme  vulgaire,  à  celui  du  Penlateuque  lui- 
même;  en  un  mot,  les  traces  de  mysticisme  n'y  sont  pas 
rares.  Partout  où  cela  est  possible  et  d'une  certaine  impor- 
tance, une  idée  est  mise  à  la  place  d'un  fait  et  d'une  image, 
le  sens  littéral  est  sacrifié  au  sens  spirituel,  et  l'anthropo- 
morphisme détruit  pour  laisser  voir  dans  leur  nudité  les 
attributs  divins. 

Dans  un  temps  où  le  culte  de  la  lettre  allait  jusqu'à  l'idolâ- 
trie; où  des  hommes  passaient  leur  vie  à  compter  les  versets, 
les  mots  et  les  lettres  de  la  loi';  où  les  précepteurs  officiels, 
les  représentants  légitimes  de  la  religion  ne  voyaient  rien 
de  mieux  à  faire  que  d'écraser  l'intelligence  aussi  bien  que 
la  volonté  sous  une  masse  toujours  croissante  de  pratiques 
extérieures,  cette  aversion  pour  tout  ce  qui  est  matériel  et  po- 
sitif, cette  habitude  de  sacrifier  souvent  et  la  grammaire  et 
l'histoire  aux  intérêts  d'un  idéalisme  exalté,  nous  révèlent 
infailliblement  l'existence  d'une  doctrine  secrète,  qui  a  tous 

\.   Traité  de  Kidouschin,  fol.  49,  rect. 

2.  Voyez  surtout  Ritlangcl,  son  coinmenlaire  et  sa  traduction  du  Scplicr 
ietzirah,  page  84. 

3.  Thalmud  Babyl.,  Irailc  de  Kidonschiii,  fol.  50,  rect.  De  là,  si  nous  en 
croyons  les  thalmudistes,  vient  le  mot  isidj  1"'  signifie  compter,  que  l'on  a 
traduit  par  celui  de  scribe. 


52  LA  KABBALE. 

les  caractères  avec  toutes  les  prétentions  du  mysticisme,  et 
qui  sans  doute  ne  date  pas  du  jour  où  elle  a  osé  parler  un 
langage  aussi  clair.  Enfin,  sans  y  attacher  trop  d'impor- 
tance, nous  ne  pouvons  pas  nous  empêcher  de  faire  encore 
cette  observation  :  nous  avons  dit  ailleurs  que  pour  arriver  à 
leurs  fins,  pour  introduire  en  quelque  sorte  leurs  propres 
idées  dans  les  termes  mêmes  de  la  révélation,  les  kabbalistes 
avaient  quelquefois  recours  à  des  moyens  peu  rationnels. 
L'un  de  ces  moyens,  qui  consistait  à  former  un  alphabet 
nouveau  en  changeant  la  valeur  des  lettres,  ou  plutôt  en  les 
substituant  les  unes  aux  autres  dans  un  ordre  déterminé, 
est  employé  fréquemment  dans  le  Thalmud  et  mis  en  usage 
dans  une  traduction  encore  plus  ancienne  que  celle  dont 
nous  venons  de  parler,  dans  la  paraphrase  chaldaïque  de 
Jonathan  ben  Ouziel',  contemporain  et  disciple  de  Hillel  le 
Yieux,  qui  enseignait  avec  une  grande  autorité  pendant  les 
premières  années  du  règne  d'IIérode*.  Il  est  vrai  que  des 
procédés  semblables  peuvent  servir  indistinctement  aux 
idées  les  plus  diverses;  mais  on  n'invente  pas  une  langue 


1.  Nous  voulons  parler  de  l'alphabet  kabbalistique  appelé  Ath  Bascli,  y;^  j-|{<, 
parce  qu'il  consiste  à  donner  à  la  première  lettre,  aleph,  la  valeur  de  la  der- 
nière, </ja?<,  et  réciproquement;  à  remplacer  la  seconde,  beth,  par  l'avant-der- 
nière,  schhi,  et  ainsi  de  toutes  les  autres.  Au  moyen  de  ce  procédé,  le  para- 
phrasle  chaldéen  traduit  par  le  nom  de  Babel,  ^^2,  celui  de  Sésac,  -jy;^7) 
qu'on  lit  dans  Jéréaiie,  ch.  li,  v.  41,  et  qui  n'a  par  lui-même  aucun  sens. 
C'est  de  la  même  manière  que,  dans  un  autre  passage  de  Jérémie,  ch.  li,  v.  1, 
il  convertit  ces  deux  mots,  tj^p  3,^,  qui  signifient  le  cœur  de  mes  adversaires, 
en  celui  de  Qi-t/'D?  qu'on  traduit  par  Chaldcens.  On  suppose  que  le  prophète 
hébreu,  captif  dans  l'empire  de  Babylone,  ne  pouvait  pas  le  nommer  en  le 
menaçant  des  vengeances  du  ciel.  Mais  une  telle  supposition  ne  peut  se  com- 
prendre, lorsque,  dans  le  même  chapitre  et  sous  l'influence  du  même  senti- 
ment, les  noms  de  Babel  et  des  Chaldcens  y  sont  fréquemment  répétés.  Quoi 
qu'il  en  soit,  cette  traduction  a  été  conservée  par  saint  Jérôme  (voyez  ses 
Œuvres,  t.  IV,  Comment,  sur  Jérémie)  et  Raschi. 

2.  Voyez  Schalschelcth  hakahalah,  fol.  18,  rcct.  et  vers.,  et  David  Ganz, 
fol.  li>,  rect.,  édit.  d'Amsterdam. 


ANTIQUITE  DE  LA  KABBALE.  53 

artificielle  dont  on  garde  la  clef  à  volonté,  si  l'on  n'a  pas 
résolu  de  cacher  sa  pensée,  au  moins  au  grand  nombre.  En 
outre,  quoique  le  Thalmud  emploie  souvent  des  méthodes 
analogues,  celle  que  nous  venons  de  signaler,  et  que  nous 
avons  lieu  de  croire  la  plus  ancienne,  y  est  tout  à  fait  étran- 
gère. Entièrement  isolé,  ce  dernier  fait  ne  serait  pas  sans 
doute  une  démonstration  puissante,  mais,  ajouté  à  ceux  qui 
ont  déjà  occupé  notre  attention,  il  ne  doit  pas  être  négligé. 
Tous  réunis  et  comparés  entre  eux,  ils  nous  donnent  le  droit 
d'affirmer  qu'avant  la  fin  du  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne 
il  se  répandait  mystérieusement  parmi  les  Juifs  une  science 
profondément  vénérée,  que  l'on  distinguait  de  la  Mischna, 
du  Thalmud  et  des  livres  saints;  une  doctrine  mystique  évi- 
demment enfantée  par  le  besoin  de  réflexion  et  d'indépen- 
dance, je  dirais  volontiers  de  philosophie,  et  qui  cependant 
invoquait  en  sa  faveur  l'autorité  réunie  de  la  tradition  et  des 
Ecritures, 

Les  dépositaires  de  celle  doctrine,  que  dès  à  présent  nous 
ne  craignons  pas  de  désigner  sous  le  nom  de  kabbalistes,  ne 
doivent  ni  ne  peuvent  être  confondus  avec  les  Essénicns,  dont 
e  nom  était  déjà  connu  à  une  époque  bien  plus  reculée, 
mais  qui  ont  conservé  jusque  sous  le  règne  de  Justinien* 
leurs  habitudes  et  leurs  croyances.  En  effet,  si  nous  nous  en 
rapportons  à  Josèphe^  et  à  Philon%  les  seuls  qui  méritent 
sur  ce  point  d'être  écoutés  avec  confiance,  le  but  de  celte 
secte  fameuse  était  essentiellement  moral  et  pratique;  elle 
voulait  faii'e  régner  parmi  les  hommes  ces  sentiments  d'éga- 
lilé  et  de  fralernilé  qui  furent  enseignés  plus  tard  avec  tant 
d'éclat  par  le  fondateur  et  les  apôtres  du  christianisme.  La 
kabbale,  au  contraire,  d'après  les  anciens  témoignages  que 
nous  avons  rapportés,  était  une  science  toute  spéculative  qui 

\.  Peter  Bccr,  l"  partie,  p.  88. 

2.  Guerre  des  Juifs,  liv.  VIIF. 

3.  De  Vild  eonleniplalhà,  dans  le  recueil  de  ses  Œuvres. 


54  LA  KABBALE. 

prétendait  dévoiler  les  secrels  de  la  création  et  de  la  nature 
divine.  Les  Esséniens  formaient  une  société  organisée,  assez 
semblable  aux  communautés  religieuses  du  moyen  âge; 
leurs  sentiments  et  leurs  idées  se  rétléchissaient  dans  leur 
vie  extérieure;  et  d'ailleurs  ils  admettaient  parmi  eux  tous 
ceux  qui  se  distinguaient  par  une  vie  pure,  même  des 
enfants  et  des  femmes.  Les  kabbalistes,  depuis  leur  appari- 
tion jusqu'au  temps  oii  la  presse  a  trahi  leur  secret,  s'étaient 
toujours  enveloppés  de  mystère.  De  loin  en  loin,  après  mille 
précautions,  ils  ouvraient  à  demi  les  portes  de  leur  sanc- 
tuaire à  quelque  nouvel  adepte,  toujours  choisi  dans  l'élite 
de  l'intelligence,  et  dont  l'âge  avancé  devait  offrir  une  preuve 
de  discrétion  et  de  sagesse.  Enfin,  malgré  la  sévérité  toute 
pharisaïque  avec  laquelle  ils  observaient  le  sabbat,  les  Essé- 
niens ne  craignaient  pas  cependant  de  rejeter  publiquement 
les  traditions,  d'accorder  â  la  morale  une  préférence  très 
marquée  sur  le  culte,  et  même  ils  étaient  loin  de  conserver 
dans  ce  dernier  les  sacrifices  et  les  cérémonies  cqmmandés 
par  le  Pentateuque.  Mais  les  adeptes  de  la  kabbale,  comme 
les  karmates  parmi  les  fidèles  de  l'islamisme,  comme  la 
plupart  des  mystiques  chrétiens,  se  conformaient  à  toutes 
les  pratiques  extérieures;  ils  se  gardaient,  en  général,  d'at- 
taquer la  tradition  qu'ils  invoquaient  aussi  en  leur  faveur, 
et,  comme  nous  avons  déjà  pu  le  remarquer,  plusieurs 
d'entre  eux  étaient  comptés  parmi  les  docteurs  les  plus 
vénérés  de  la  Mischna.  Nous  ajouterons  que  plus  tard  on  les 
a  vus  rarement  infidèles  à  ces  habitudes  de  prudence. 


CHAPITRE  ir 


DES    LI\TIES    KABBALISTIQUES  —    AUTIIENTICFTE    DU  SEPHER    lETZIRAII 


Nous  arrivons  maintenant  aux  livres  originaux  oii,  selon 
l'opinion  la  plus  répandue,  le  système  kabbalislique  s'est 
formulé  dès  sa  naissance.  Ils  devaient  être  très  nombreux,  si 
nous  en  jugeons  par  les  titres  qui  nous  sont  parvenus*.  Mais 
nous  serons  uniquement  occupés  de  ceux  que  le  temps  nous 
a  conservés,  et  qui  se  recommandent  à  notre  attention  par 
leur  importance  aussi  bien  que  par  leur  antiquité.  Ces  der- 
niers sont  au  nombre  de  deux,  et  répondent  assez  bien  à 
l'idée  que  nous  pouvons  nous  faire,  d'après  le  Thalmud,  de 
VHisloire  de  la  Genèse  et  de  la  Sainte  Mercaba  :  l'un,  inti- 
tulé le  Livre  de  la  création,  nT'ïi  ied,  renferme,  je  ne  dirai 
pas  un  système  de  physique,  mais  de  cosmologie,  tel  qu'il 

\.  On  cite  frcquenimeut  le  Scplier  habaliir,  i>|-iin  "120'  £'tt'''ljué  à  Nechonia 
ben  Ilakana,  contemporain  de  llillel  le  Vieux  et  d'Uérode  le  Grand.  Oo  fait 
passer,  encore  aujourd'hui,  pour  des  extraits  de  ce  livre  divers  fragments  évi- 
demment inauthcnliques.  Tels  sont  encore  les  fragments  réunis  sous  le  titre 
du  Fidèle  Paslcur,  x;3î3M)2  N'^VT»  <^l  ordinairement  imprimes  avec  le  Zohar, 
sous  forme  d'un  commentaire.  Enfin,  il  ne  nous  reste  rien  que  les  noms  et 
quelques  rares  citations  des  auteurs  suivants,  dont  le  Zohar  fait  souvent  men- 
tion avec  le  plus  grand  respect  :  R.  Jossé  le  Vieux,  XSD  ''DV  l'f  ^-  Uamnouna 
le  Vieux,  j^^D  NJ3î2n  l'y  ^^-  J*^''^'  ^^  Vieux,  j^^D  ''2'''!  T 


56  LA  KABBALL'. 

pouvait  être  conçu  à  une  époque  et  dans  un  pays  où  Thabi- 
lude  d'expliquer  tous  les  phénomènes  par  une  action  immé- 
diate de  la  cause  })remière  devait  étouffer  l'esprit  d'observa- 
tion; où  par  conséquent  certains  rapports  généraux  et  super- 
ficiels aperçus  dans  le  monde  extérieur  devaient  passer  pour 
la  science  de  la  nature.  L'autre  est  appelé  le  Zoliar,  in?,  ou 
la  lumière,  d'après  ces  paroles  de  Daniel  :  ce  Les  hommes 
«  intelligents  brilleront  comme  la  lumière  du  ciel\  »  Il 
traite  plus  particulièrement  de  Dieu,  des  esprits  et  de  l'âme 
humaine,  en  un  mot,  du  monde  spirituel.  iSous  sommes  loin 
d'accorder  à  ces  deux  ouvrages  la  même  importance  et  la 
même  valeur.  Le  second,  beaucoup  plus  étendu,  beaucoup 
plus  riche,  mais  aussi  plus  hérissé  de  difficultés,  doit  sans 
doute  occuper  la  plus  grande  place;  mais  nous  commence- 
rons par  le  premier,  qui  nous  paraît  le  plus  ancien. 

En  faveur  de  l'antiquité  du  Sepher  ietzirah  on  a  invoqué  des 
textes  thalmudiques  dont  ni  le  sens  ni  l'âge  n'ont  été  bien 
établis.  iSous  les  passerons  sous  silence  ainsi  que  les  légendes 
et  les  controverses  auxquelles  ils  ont  donné  lieu.  Nos  obser- 
vations ne  porteront  que  sur  le  fond  du  livre  que  nous  avons 
pour  but  de  faire  connaître.  Elles  suffiront  pour  en  faire 
apprécier  le  caractère  et  en  démontrer  la  haute  origine. 

1"  Le  système  qu'il  renferme  répond  exactement  à  l'idée 
que  nous  pouvons  nous  en  faire  d'après  son  titre;  nous  pou- 
vons nous  en  assurer  par  ces  mots  qui  en  forment  la  pre- 
mière proposition  :  «  C'est  avec  les  trente-deux  voies  iner- 
«  veilleuses  de  la  sagesse  que  le  monde  a  été  créé  par 
«  l'Eternel,  le  Seigneur  des  armées,  le  Dieu  d'Israël,  le  Dieu 
«  vivant,  le  Dieu  tout-puissant,  le  Dieu  suprême  qui  habite 
«  l'Eternité,  dont  le  nom  est  sublime  et  saint.  » 

2°  Les  moyens  qu'on  y  emploie  pour  expliquer  l'œuvre 
de  la  création,  l'importance  qu'on  y  donne  aux  nombres  et 

1.  Daniel,  xii,  T-.  yr-n  ir',z  '^mv  ciS^^rîzn"!. 


DES  LIVRES  KABBALISTIOUES.  57 

aux  lettres,  nous  font  comprendre  comment  l'ignorance  et 
la  superstition  ont  plus  tard  abusé  de  ce  principe;  comment 
se  sont  répandues  les  fables  que  nous  avons  rapportées; 
comment  enfin  s'est  formé  ce  qu'on  appelle  la  kabbale  pra- 
tique, qui  donne  à  des  nombres  et  à  des  lettres  le  pouvoir 
de  changer  le  cours  de  la  nature. 

La  forme  en  est  simple  et  grave;  rien  qui  ressemble, 
même  de  loin,  à  une  démonstration  ou  à  un  raisonnement; 
ce  ne  sont  que  des  aphorismes  distribués  dans  un  ordre 
assez  régulier,  mais  qui  ont  toute  la  concision  des  anciens 
oracles.  Un  fait  qui  nous  a  beaucoup  frappé,  c'est  que  le 
terme  qui  fut  plus  tard  exclusivement  consacre  à  l'àme  y 
est  encore  employé,  comme  dans  le  Penlateuquc  et  dans 
toute  l'étendue  de  l'Ancien  Testament,  pour  désigner  le 
corps  humain,  tant  que  la  vie  ne  l'a  pas  abandonné'.  Il  est 
vrai  qu'oii_y^ trouve  plusieurs  mots  d'origine  étrangère  :  les 
noms  des  sept  planètes  et  du  dragon  céleste,  plusieurs  fois 
mentionnés  dans  ce  livre,  appartiennent  évidemment  à  la 
langue  aussi  bien  qu'à  la  science  des  Chaldéens,  qui,  pen- 
dant la  captivité  de  Babylone,  ont  exercé  sur  les  Hébreux 
une  influence  toute-puissante^  Mais  on  n'y  rencontrera  pas 

1.  Nous  voulons  parler  du  mot  Ncphesch,  ns;:-  I^  est  évident  qu'il  ne  peut 
pas  s'appliquer  à  l'àme  dans  les  passages  suivants  :  1°  quand  on  parle  de  ceux 
qui,  selon  le  sens  lilléral  du  texte,  étaient  sortis  de  la  cuisse  de  Jacob,  ^3 
IZiV  ^*<2f1  nC^nïQ  Ipy^b  nNin  k^r^ri'  Genèse,  4G,  26;  2°  quand  on  permet 
de  préparer,  pendant  le  premier  jour  de  Pâques,  ce  qui  est  nécessaire  à  la 
nourriture  de  chacun,  ^:}-)  nry  H^S  XI H  "C^Z  S^S  Sdx"'  TJ?f<  ni<.  Ex., 
12,  iO;  3°  quand  il  est  ordonné  à  ciiacun  de  s'infliger  des  soufl'rances  en 
expiation  de  ses  péchés,  pendant  le  dixième  jour  du  septième  mois,  ^g^n  ^^^ 
r\'^)2''jn  nm3:T  n-n  DIM  CTJ2  njyn  nS  I^N*.  Lév.,  25,  29.  S'il  est  vrai 
que,  pour  désigner  l'àme,  on  emploie  le  mot  nesvhania,  nGwJ-  ^^e  préférence 
à  celui  de  nephesch,  du  moins  ce  dernier  n'est-il  jamais  employé  par  les  tlial- 
mudistes  et  les  écrivains  plus  modernes,  pour  désigner  le  corps.  Mais  tous, 
sans  exception,  se  servent  du  mot  v^i^,  qu'on  ne  rencontre  pas  une  seule  fois 
dans  le  Sepher  ieizirah. 

2.  Ces  noms,  à  l'exception  de  ceux  qui  désignent  le  soleil  et  la  lune,  n'ap- 


58  LA  KABBALE. 

ces  expressions  purement  grecques,  latines  ou  arabes  qui 
se  présentent  en  grand  nombre  dans  leTbalmud  et  dans  les 
écrits  plus  modernes,  où  la  langue  hébraïque  est  mise  au 
service  de  la  philosophie  et  des  sciences.  Or,  on  peut 
admettre  en  principe  général,  et  j'oserai  presque  dire  infail- 
lible, que  toute  œuvre  de  ce  genre,  où  la  civilisation  des 
Arabes  ou  des  Grecs  n'a  aucune  part,  peut  être  regardée 
comme  antérieure  à  la  naissance  du  christianisme.  Nous 
avouons  cej)endant  que  dans  l'ouvrage  qui  nous  occupe  et 
auquel  nous  ne  craignons  pas  d'attribuer  ce  caractère,  il  ne 
serait  pas  difficile  de  montrer  quelques  vestiges  du  langage 
et  de  la  philosophie  d'Aiislote.  Lorsque,  après  la  propo- 
sition que  nous  avons  citée  un  peu  plus  haut,  après  avoir 
parlé  des  trente-deux  voies  merveilleuses  de  la  sagesse  qui 
ont  servi  à  la  création  de  l'univers,  il  ajoute  qu'il  y  a  aussi 
trois  termes  :  celui  qui  compte,  ce  qui  est  compté  et  l'action 
même  de  compter,  ce  que  les  plus  anciens  commentateurs 
ont  traduit  par  le  sujet,  l'objet  et  l'acte  môme  de  la 
réflexion  et  de  la  pensée*,  il  est  impossible  de  ne  pas  se 
rappeler  cette  phrase  célèbre  du  douzième  livre  de  la  Méta- 
physique :  «  L'intelligence  se  comprend  elle-même  en  sai- 
«  sissant  l'intelligible;  et  elle  devient  l'intelligible  par 
«  l'acte  même  de  la  compréhension  et  de  l'intelligence;  en 
«  sorte  que  l'intelligence  et  l'intelligible  sont  identiques^.  » 

parlienncnt  pas  par  eux-mêmes  à  h  langue  chaldaïque,  mais  ils  sont  une  tra- 
duction des  noms  chaldcens.  Les  voici  :  n3l3>  l^ie  l'on  croit  Vénus;  233»  Mer- 
cure; i{s»rilU7'  Saturne;  p-fi;,  Jupiter;  QnND)  Mars;  l'^ji,  qui  désigne  le 
dragon,  est  arabe. 

''•  n2''DT  "lEDT  1£D3  D'Oise  il*  Selon  l'auteur  du  Cozri,  R.  Jelioudalt 
Hallévi,  CCS  trois  termes  désignent  la  pensée,  la  parole  et  l'écriture,  qui,  dans 
la  Divinité,  sont  identiques,  quoique  nous  les  voyions  séparées  dans  l'homme. 
Cozri,  4°  partie,  §  25.  Selon  Abraham  ben  Dior,  ils  se  rapportent  au  sujet,  à 
l'objet  et  au  fait  même  de  la  connaissance,  ynMI  V^V  DVl'  "^^  ^^^^^  hzV' 
b^tyiDI  S^^kUa-  "^oyez  son  Comment,  sur  le  Seph.  ielz.,  p.  27,  verso. 

2.  xV'jTCiv  0£  voEt  6  voij;  Y.CLz'x  [j.£TaX:'i>'.v  TO'j  vor]Toij  ;  vor]TÔ;  -^Icp  i-^yveTat  O'.yyâ- 
vwv  /.a\  vowv  ôiaiE  lauxbv  voiJ;  /.A  vor^iov.  Mélaph.,  liv.  XII,  ch.  vu. 


DES  LIVRES  KABRALISTIQUES.  59 

Mais  il  est  évident  que  ces  mots  ont  été  ajoutés  au  texte;  car 
ils  ne  se  lient  ni  à  la  proposition  qui  précède  ni  à  celle  qui 
suit;  ils  ne  reparaissent  plus,  sous  quelque  forme  que  ce 
soit,  dans  tout  le  cours  de  l'ouvrage,  tandis  qu'on  explique 
assez  longuement  l'usage  des  dix  nombres  et  des  vingt-deux 
lettres  qui  forment  les  trente-deux  moyens  appliqués  par  la 
sagesse  divine  à  la  création.  Enfin  l'on  ne  comprend  guère 
qu'ils  aient  pu  trouver  place  dans  un  traité  où  il  n'est  ques- 
tion que  des  rapports  qui  existent  entre  les  diverses  parties 
du  monde  matériel.  Quant  à  la  différence  des  deux  manu- 
scrits qui  ont  été  reproduits  dans  l'édition  de  Mantoue,  l'un 
à  la  fin  du  volume,  l'autre  au  milieu  de  divers  commen- 
taires, elle  est  loin  d'être  aussi  grande  que  certains  critiques 
modernes  ont  voulu  le  croire*.  Après  une  comparaison 
impartiale  et  détaillée,  on  la  trouve  fondée  tout  entière  sur 
quelques  variantes  sans  importance,  comme  on  en  ren- 
contre dans  toutes  les  œuvres  d'une  haute  antiquité,  et  qui 
par  cela  môme  ont  eu  à  souffrir  pendant  plusieurs  siècles 
de  l'inattention  ou  de  l'ignorance  des  copistes  et  de  la  témé- 
rité des  commentateurs.  En  effet,  c'est  de  part  et  d'autre, 
non  pas  seulement  le  même  fond,  le  même  système  consi- 
déré d'un  point  de  vue  général,  mais  la  même  division,  le 
même  nombre  de  chapitres,  placés  dans  le  même  ordre  et 
consacrés  aux  mêmes  matières  :  de  plus,  les  mêmes  idées 
y  sont  exactement  exprimées  dans  les  mêmes  termes.  Mais 
on  ne  trouvera  plus  cette  parfaite  ressemblance  dans  le 
nombre  et  dans  la  place  des  diverses  propositions  qui,  sous 
le  nom  de  Mischna,  sont  nettement  distinguées  les  unes  des 
autres.  Ici  on  n'a  pas  reculé  devant  des  répétitions  surabon- 
dantes; là  elles  ont  été  retranchées  ;  ici  on  a  réuni  ce  qu'ail- 
leurs on  a  séparé.  Enfin,  l'un  paraît  aussi  plus  explicite 
que  l'autre,  non  plus  seulement  dans  les  mots,  mais  dans 

\.  Voyez  "NVolf,  Bibliothèque  hébr.,  t.  I.  —  Bayle,  Didionn.  ait.,  article 
Abraham  — Moreri.  même  article,  etc. 


^ 


60  LA  KABBALE. 

la  pensée.  Nous  ne  connaissons  et  par  conséquent  nous  ne 
pouvons  citer  qu'un  seul  passage  où  se  montre  celle  der- 
nière différence  :  à  la  fin  du  premier  chapitre,  lorsqu'il 
s'agit  d'énumérer  les  dix;  principes  de  l'univers  qui  corres- 
pondent aux  dix  nombres,  l'un  des  deux  manuscrits  dit 
simplement  que  le  premier  de  tous  est  l'esprit  du  Dieu 
vivant;  l'autre  ajoute  que  cet  esprit  du  Dieu  vivant  est 
l'esprit  saint,  qui  est  en  môme  temps  esprit,  voix  et  parole*- 
Sans  doute  cette  idée  est  de  la  plus  haute  importance;  mais 
elle  ne  manque  pas  dans  le  manuscrit,  où  elle  n'est  pas 
formulée  aussi  nettement;  elle  constitue,  comme  nous  le 
prouverons  bientôt,  la  base  et  le  résultat  de  tout  le  système. 
D'ailleurs  \e  Livre  de  la  création  a  été,  au  commencement 
du  dixième  siècle,  traduit  et  commenté  en  arabe  par  R.  Saa- 
diah,  esprit  élevé,  méthodique  et  sage,  qui  le  regarde 
comme  l'un  des  plus  anciens,  comme  l'un  des  premiers 
monuments  de  l'esprit  humain.  Nous  ajouterons,  sans 
accorder  à  ce  témoignage  une  valeur  exagérée,  que  les  com- 
mentateurs qui  sont  venus  après  lui  pendant  le  douzième  ei 
le  treizième  siècle  ont  tous  exprimé  la  même  conviction. 

Comme  tous  les  ouvrages  d'une  époque  très  reculée,  celui 
dont  nous  parlons  est  sans  titre  et  sans  nom  d'auteur;  mais 
il  est  terminé  par  ces  mots  étranges  :  «  Et  lorsque  Abraham 
ce  notre  père  eut  considéré,  examiné,  approfondi  et  saisi 
«  toutes  ces  choses,  le  maître  de  l'univers  se  manifesta  à 
«  lui  et  l'appela  son  ami,  et  s'engagea  par  une  alliance 
«  éternelle  envers  lui  et  sa  postérité.  Alors  Abraham  crut 
«  en  Dieu,  et  cela  lui  fut  compté  comme  une  œuvre  de 
«  justice,  et  la  gloire  de  Dieu  fut  appelée  sur  lui,  car  c'est 
«  à  lui  que  s'appliquent  ces  paroles  :  Je  t'ai  connu  avant 
«  de  t'avoir  formé  dans  le  ventre  de  ta  mère.  »  Ce  passage 
ne  peut  d'abord  pas  être  considéré  comme  une  invention 

1.  ÉJit.  de  Mantouc,  foL  49,  rcct.  :  •csZTi  mi  1.17  lim  mm  Slp- 


DES  LIVRES  Ki^BBALISTIQUES.  61 

moderne  :  il  existe  avec  quelques  variantes  dans  les  deux 
textes  de  Manloue;  on  le  retrouve  dans  les  plus  anciens 
commentaires.  Nous  pensons  que  pour  donner  plus  d'intérêt 
au  Livre  de  la  création^  on  a  supposé,  ou  plutôt  on  veut 
faire  supposer  aux  autres,  que  les  choses  qu'il  renferme 
sont  précisément  celles  qui  furent  observées  par  le  premier 
patriarche  des  Hébreux,  et  lui  donnèrent  l'idée  d'un  Dieu 
unique  et  tout-puissant.  Il  existe  d'ailleurs  parmi  les  Juifs 
une  tradition  selon  laquelle  Abraham  avait  de  grandes 
connaissances  astronomiques,  et  s'éleva  jusqu'à  l'idée  du 
vrai  Dieu  par  le  seul  spectacle  de  la  nature.  Néanmoins  les 
paroles  que  nous  avons  citées  tout  à  l'heure  ont  été  inter- 
prétées de  la  manière  la  plus  grossièrement  matérielle. 
On  a  imaginé  qu'Abraham  était  lui-même  l'auteur  du  livre 
où  son  nom  est  prononcé  avec  un  respect  religieux.  Voici 
en  quels  termes  commence  le  commentaire  de  Moïse  Botril 
sur  le  Sepher  ietzirah  :  «  C'est  Abraham,  notre  père  (que  la 
«  paix  soit  sur  lui!),  qui  a  écrit  cela  contre  les  sages  de  son 
ce  siècle,  incrédules  à  l'égard  du  principe  de  l'unité.  Du 
«  moins  c'est  ainsi  que  pense  R.  Saadiah  (que  la  mémoire 
«  du  juste  soit  bénie!)  dans  le  premier  chapitre  de  son 
«  livre  intitulé  :  La  pierre  pJiilosophale.  Je  rapporte  ses 
«  propres  paroles  :  Les  sages  de  la  Ghaldée  attaquaient 
«  Abraham,  notre  père,  dans  sa  croyance.  Or,  les  sages  de 
«  la  Ghaldée  étaient  divisés  en  trois  sectes.  La  première 
«  prétendait  que  l'univers  était  soumis  à  deux  causes  pre- 
«  mières  entièrement  opposées  dans  leur  manière  d'agir, 
«  l'une  n'étant  occupée  qu'à  détruire  ce  que  l'autre  avait 
te  produit.  Cette  opinion  est  celle  des  dualistes,  qui  s'ap- 
«  puyaient  sur  ce  principe,  qu'il  n'y  a  rien  de  commun 
«  entre  l'auteur  du  mal  et  celui  du  bien.  La  seconde  secte 
«  admettait  trois  causes  premières;  les  deux  principes  con- 
«  traires  dont  nous  venons  de  parler,  se  paralysant  réci- 
«  proquemeni,  et  rien  de  cette  manière  ne  pouvant  être 


G2  L.\  KABBALE. 

«  fait,  on  en  a  reconnu  un  troisième  pour  décider  entre 
«  eux.  Enfin,  la  dernière  secte  n'avouait  pas  d'autre  Dieu 
«  que  le  soleil,  dans  lequel  elle  reconnaissait  le  principe 
«  unique  de  l'existence  de  la  mort\  »  Malgré  une  autorité 
si  imposante  et  si  universellement  respectée,  l'opinion  que 
nous  venons  d'exposer  n'a  plus  aujourd'hui  un  seul  par- 
tisan. Au  nom  du  patriarche  on  a  depuis  longtemps  sub- 
stitué celui  d'Akiba,  l'un  des  plus  fanatiques  soutiens  de 
la  tradition,  l'un  des  nombreux  martyrs  de  la  liberté  de  son 
pays,  et  à  qui  il  ne  manque,  pour  être  compté  par  la  posté- 
rité au  nombre  des  héros  les  plus  dignes  de  son  admiration, 
que  d'avoir  joué  un  rôle  dans  les  anciennes  républiques 
d'Athènes  ou  de  Rome.  Sans  doute  cette  nouvelle  opinion 
est  moins  invraisemblable  que  la  première,  cependant  nous 
ne  la  croyons  pas  mieux  fondée.  Quoique  le  Thalmud,  toutes 
les  fois  qu'il  fait  mention  d'Akiba,  nous  le  représente 
comme  un  être  presque  divin  ;  quoiqu'il  l'élève  au-dessus 
de  Moïse  lui-même*,  il  ne  le  présente  pourtant  nulle  part 
comme  une  des  lumières  de  la  Mercaba  ou  de  la  science 
de  la  Genèse;  nulle  part  on  ne  laisse  soupçonner  qu'il  ait 
écrit  le  Livre  de  la  création,  ou  quelque  autre  ouvrage  de 
même  nature.  Tout  au  contraire,  on  lui  reproche  positive- 
ment de  n'avoir  pas  sur  la  nature  de  Dieu  des  idées  très 
élevées.  «  Jusqu'à  quand,  Akiba,  lui  dit  rabbi  Jossé  le  Gali- 
ce léen,  jusqu'à  quand  feras-tu  de  la  majesté  divine  quelque 
«  chose  de  vulgaire^?  ■>->  L'enthousiasme  qu'il  inspire  a  pour 
cause  l'importance  qu'il  a  donnée  à  la  tradition,  la  patience 
avec  laquelle  il  en  a  su  tirer  des  règles  pour  toutes  les 
actions  de  la  vie%  le  zèle  qu'il  a  mis  à  l'enseigner  pendant 

\.  Voyez  Sepher  ielzirah,  édit.  de  Manloue,  fol.  20  et  21. 

2.  Thalm.  Babijl.,  tract.  Memchotli,  29  b. 

3.  Tlialm.  Babijl.,  tract.  'Hagiiiga,  ijiq  rj  Na'ipy  iS^San  ^DT  T  lS  ION 

Vin  n^'^y'S  nxD^'J  nriN*. 

4.  Thalm.  BubijL,  tract.  'Haguiga,  fol.  14,  vers.  On  dit  qu'il  savait  déduire 


DES  LIVRES  KABBALISTIQUES.  63 

quarante  ans,  et  peut-être  aussi  l'héroïsme  de  sa  mort.  Les 
vingt-quatre  mille  disciples  qu'on  lui  attribue  ne  s'ac- 
cordent guère  avec  la  défense  que  fait  la  Mischna  de  divul- 
guer à  plus  d'une  personne,  même  les  secrets  les  moins 
importants  de  la  kabbale. 

Plusieurs  critiques  modernes  ont  imaginé  que,  sous  le 
même  titre  de  Sepher  ietzirali,  il  a  existé  deux  ouvrages  dif- 
férents, dont  l'un,  attribué  au  patriarche  Abraham  et  men- 
tionné dans  le  Thalmud,  a  disparu  depuis  longtemps  ;  l'autre, 
beaucoup  plus  moderne,  est  celui  que  nous  avons  conservé. 
Cette  opinion  n'a  pas  d'autre  base  qu'une  grossière  igno- 
rance. Morin,  l'auteur  des  Exercices  bibliques^  l'a  empruntée 
à  un  chroniqueur  du  seizième  siècle,  qui,  en  parlant  d'Akiba, 
s'exprime  ainsi  :  «  C'est  lui  qui  a  rédigé  le  Livre  de  la  créa- 
«  tion,  en  l'honneur  de  la  kabbale;  mais  il  existe  un  autre 
«  Livre  de  la  création,  composé  par  Abraham,  et  sur  lequel 
«  R.  Moïse  ben  Nachman  (nommé  par  abréviation  le  Ram- 
«  ban)  a  fait  un  grand  et  merveilleux  commentaire^  »  Or, 
ce  commentaire,  écrit  à  la  fin  du  treizième  siècle,  mais 
imprimé  dans  l'édition  de  Mantoue^  [)lusieurs  années  après 
la  chronique  qui  vient  d'être  citée,  se  rapporte  évidemment 
au  livre  qui  est  aujourd'hui  entre  nos  mains  ;  la  pliipart  des 
expressions  du  texte  y  sont  fidèlement  conservées,  et  il  est 
évident  qu'il  n'a  pas  été  lu  par  l'historien  dont  nous  venons 
de  rapporter  les  paroles.  Au  reste,  le  premier  qui  ait  sub- 
slilué  le  nom  d'Akiba  à  celui  d'Abraham,  c'est  un  kabbaliste 

des  moindres  particularilés  des  lettres  de  la  Bible  des  «  monceaux  »  de  pré- 
ceptes :  nijSn  Su;  ]iS^n  "iS\n- 

1.  Morinus,  Exercilaliones  biblicœ,  p.  574. 

2-  iinu  nT'ïi  iSD  *iL*ii  nSzpn  V^  mirn  isdi  ^TiSi^a  isd  un  xim 

rh'J  nS^J"!  bn;  UITS  "an  pDin  IUTN  omis*.  SchalscUeUth  Imhabalah, 
fol.  20,  vers. 

3.  La  première  édition  du  Sepher  ielzirnh  est  celle  de  Manloue,  publiée  eu 
1505,  tandis  que  la  chronique  dont  nous  voulons  parler,  la  Chaîne  de  la  lia- 
dtlion  (Schalschelelh  hakabalah),  a  déjà  été  imprimée  à  Imola,  en  1549. 


64  LA  KABBALE. 

du  quatorzième  siècle,  Isaac  Délaies,  qui,  dans  sa  préface  du 
Zohary  se  demande  :  «  Qui  a  permis  à  R.  Akiba  d'écrire, 
en  l'appelant  mischna,  le  Seplter  ielzirah^  puisque  c'est  un 
livre  qui  avait  été  transmis  oralement  depuis  Abraham?  » 
Ces  termes,  que  nous  avons  essayé  de  conserver  fidèlement, 
sont  évidemment  contraires  à  la  distinction  que  nous  voulons 
détruire  ;  et  cependant  celle-ci  ne  repose,  en  dernier  résultat, 
que  sur  celte  seule  autorité.  L'auteur  du  Livre  de  la  création 
n'est  donc  pas  encore  découvert.  Ce  n'est  pas  nous  qui  dé- 
chirerons le  voile  qui  nous  cache  son  nom;  nous  doutons 
même  que  cela  soit  possible,  avec  les  faibles  éléments  dont 
nous  pouvons  disposer.  Mais  l'incertitude  à  laquelle  nous 
sommes  condamné  sur  ce  point  ne  peut  jamais  s'étendre 
aux  propositions  que  nous  croyons  avoir  démontrées,  et 
qui,  au  besoin,  peuvent  suffire  à  l'intérêt  purement  philo- 
sophique qu'il  faut  chercher  dans  ces  matières. 


1^ 


GUAPITRE  III 


AUTHEMICITE    DU    ZOnAR 


Un  intérêt  bien  plus  vif,  mais  aussi  de  bien  plus  graves 
difficultés,  sont  attachés  an  monument  dont  il  nous  reste 
encore  à  parler.  Le  Zohar,  ou  le  Livre  de  la  lumière,  est  le 
code  universel  de  la  kabbale.  Sous  la  modeste  forme  d'un 
commentaire  sur  le  Pentateuque,  il  touche,  avec  une  entière 
indépendance,  à  toutes  les  questions  de  l'ordre  spirituel,  et 
quelquefois  il  s'élève  à  des  doctrines  dont  la  plus  forte  intel- 
ligence pourrait  encore  se  glorifier  de  nos  jours.  Mais  il  est 
loin  de  se  maintenir  toujours  à  cette  hauteur;  trop  souvent 
il  descend  à  un  langage,  à  des  sentiments  et  à  des  idées  qui 
décèlent  le  dernier  degré  d'ignorance  et  de  superstition.  On 
y  trouve,  à  côte  de  la  mâle  simplicité  et  de  l'enthousiasme 
naïf  des  temps  bibliques,  des  noms,  des  Hiits,  des  connais- 
sances et  des  habitudes  qui  nous  transportent  au  milieu 
d'une  époque  assez  avancée  du  moyen  âge.  Cette  inégalité 
dans  la  forme  comme  dans  la  pensée,  ce  bizarre  mélange 
des  caractères,  qui  distinguent  des  temps  très  éloignés  les 
uns  des  autres,  enfin  le  silence  presque  absolu  des  deux 
Thalmud,  l'absence  de  documents  positifs  jusqu'à  la  fin  du 
treizième  siècle,  ont  fait  naître  sur  l'origine  et  sur  l'auteur 
de  ce  livre  les  opinions  les  plus  divergentes.  Nous  allons 

ô 


66  LA  KABBALE. 

(l'abord  les  rapporter  d'après  les  témoignages  les  plus  anciens 
et  les  plus  fidèles;  nous  essayerons  ensuite  de  les  juger,  avant 
de  nous  prononcer  nous-mème  sur  cette  question  difficile. 
Tout  ce  qui  a  été  dit,  tout  ce  que  généralement  l'on  pense 
encore  aujourd'hui  de  la  formation  et  de  l'antiquité  du  Zohm\ 
est  résumé  d'une  manière  assez  impartiale  par  deux  auteurs 
que  nous  avons  déjà  plusieurs  fois  cités.  «  Le  Zohai\  dit 
«  Abraham  ben  Zacouth  dans  son  Livre  des  gé7iéalogies\  le 
«  Zohar  dont  les  rayons  éclairent  le  monde%  qui  renferme 
«  les  plus  profonds  mystères  de  la  loi  et  de  la  kabbale,  n'est 
«  pas  l'œuvre  de  Simon  ben  Jochaï,  quoiqu'on  l'ait  publié 
«  sous  son  nom.  Mais  c'est  d'après  ses  paroles  qu'il  a  été 
«  rédigé  par  ses  disciples,  qui  confièrent  eux-mêmes  à 
«  d'autres  disciples  le  soin  de  continuer  leur  tâche.  Les 
«  paroles  du  Zohar  n'en  sont  que  plus  conformes  à  la  vérité, 
«  écrites  comme  elles  le  sont  par  des  hommes  qui  ont  vécu 
«  assez  tard  pour  connaître  la  Mischna,  et  toutes  les  déci- 
«  sions,  tous  les  préceptes  de  la  loi  orale.  Ce  livre  n'a  été 
«  divulgué  qu'après  la  mort  de  R.  Moïse  ben  Nachman  et 
<■<  de  Pi.  Ascher,  qui  ne  l'ont  pas  connu\  »  Voici  en  quels 
termes  s'exprime  sur  le  même  sujet  le  rabbin  Guédalia, 
auteur  de  la  célèbre  chronique  intitulée  La  chahie  de  la  Ira- 
dition\  «  Vers  l'an  cinq  mille  cinquante  de  la  création 
ce  (1290  de  J.-C),  il  se  trouva  diverses  personnes  qui  pré- 
ce  tendaient  que  toutes  les  parties  du  Zohar  écrites  en  dia- 
«  lecte  de  Jérusalem  (le  dialecte  aramécn)  étaient  de  la 
«  composition  de  R.  Simon  ben  Jochaï,  mais  que  tout  ce  qui 
«  est  en  langue  sacrée  (l'hébreu  pur)  ne  doit  pas  lui  être 

1'  roni"'  "120)  P-  "^2  et  45.  L'auteur  de  ce  livre  florissait  en  1492. 

2.  Il  faut  se  rappeler  que  le  mot  Zohar  signifie  lumière. 

3-  Le  premier  de  ces  deux  rabbins  célèbres,  après  avoir  passé  la  plus  grande 
partie  de  sa  vie  en  Espagne,  est  mort  à  Jérusalem  en  1500;  le  second  florissait 
en  1520. 

^-  nb^DH  ribu/hty>  édition  d'Amsterdam,  fol.  23,  vers,  et  rect. 


AUTUENTICITÉ  DU  ZOUAR.  67 

«  attribué.  D'autres  afrirmaient  que  R.  Moïse  ben  Nacbman 
«  ayant  fait  la  découverte  de  ce  livre  dans  la  Terre  Sainte, 
«  l'envoya  en  Catalogne,  d'oij  il  passa  en  Aragon  et  tomba 
«  entre  les  mains  de  R.  Moïse  de  Léon.  Enfin,  plusieurs  ont 
c<  pensé  que  ce  R.  Moïse  de  Léon  était  un  homme  instruit, 
«  qu'il  trouva  tous  ces  commentaires  dans  sa  propre  ima- 
«  gination,  et  qu'afm  d'en  retirer  un  grand  profit  de  la 
«  part  des  savants,  il  les  publia  sous  le  nom  de  R.  Simon  ben 
«  Jocbaï  et  de  ses  amis.  On  ajoute  qu'il  agit  ainsi  parce  qu'il 
«  était  pauvre  et  écrasé  de  charges.  Pour  moi,  dit  encore  le 
ce  môme  auteur,  je  pense  que  toutes  ces  opinions  n'ont 
(c  aucun  fondement,  mais  que  R.  Simon  ben  Jochaï  et  sa 
«  sainte  société  ont  réellement  dit  toutes  ces  choses,  et  en- 
ce  core  beaucoup  d'autres  ;  seulement  il  peut  se  faire  qu'elles 
«  n'aient  pas  été,  dans  ce  temps-là,  convenablement  rédi- 
«  gées;  qu'après  avoir  été  disséminées  longtemps  dans  plu- 
«  sieurs  cahiers,  elles  aient  enfin  été  recueillies  et  mises  en 
«  ordre.  Il  ne  faut  pas  qu'on  s'étonne  de  cela;  car  c'est  ainsi 
«  que  notre  maître  Judas  le  Saint  a  rédigé  la  Mischna,  dont 
«  divers  manuscrits  étaient  d'abord  dispersés  aux  quatre 
«  extrémités  de  la  lerre.  C'est  encore  de  la  même  manière 
«  que  R.  Aschi  a  composé  hGuemara.  »  Nous  voyons  par 
ces  ])aroles,  auxquelles  en  dernier  résultat  la  critique  mo- 
derne n'a  pas  beaucoup  ajouté,  que  la  question  qui  nous 
occupe  en  ce  moment  a  déjà  reçu  trois  solutions  différentes  : 
ecux-ci  veulent  que,  à  l'exception  de  quelques  passages  écrits 
en  hébreu,  mais  qui  du  reste  n'existent  aujourd'hui  dans 
aucune  édition*,  dans  aucun  manuscrit  connu,  le  Zohar 
appartienne  entièrement  à  Simon  ben  Jochaï;  ceux-là,  tout 
aussi  exclusifs  dans  leur  manière  de  voir,  l'attribuent  à  un 
imposteur,  appelé  Moïse  de  Léon,  et  ne  peuvent  le  faire 

1.  Il  y  a  deux  ancienacs  éditions  du  Zohar,  qui  ont  servi  de  modèles  à 
toutes  les  autres  :  ce  sont  celles  de  Crémone  et  de  Mantouo,  publiées  l'une  et 
l'autre  dans  la  même  année  de  1559. 


C8  LA  KABDALE. 

remonter  plus  haut  qu'à  la  fin  du  treizième  ou  au  commen- 
cement du  quatorzième  siècle.  Enfin,  d'autres  ont  paru  cher- 
cher un  terme  moyen  entre  ces  deux  opinions  extrêmes,  en 
supposant  que  Simon  ben  Jochaï  s'est  contenté  de  propager 
sa  doctrine  par  l'enseignement  oral,  et  que  les  souvenirs 
qu'il  laissa  ou  dans  la  mémoire  ou  dans  les  cahiers  de  ses 
disciples  ne  furent  réunis  que  plusieurs  siècles  après  sa 
mort,  dans  le  livre  que  nous  possédons  aujourd'hui  sous  le 
nom  de  ZoJiar. 

La  première  de  ces  opinions,  considérée  dans  un  sens 
absolu,  quand  on  prend  à  la  lettre  les  termes  dans  lesquels 
nous  l'avons  exposée,  mérite  à  peine  une  réfutation  sé- 
rieuse. Voici  d'abord  le  fait  sur  lequel  on  a  voulu  la  fonder 
et  que  nous  emprunterons  au  Thalmud*  :  «  R.  Jehoudah, 
(c  II.  Jossé  et  R.  Simon  ben  Jochaï  étaient  un  jour  réunis 
«  et  près  d'eux  se  trouvait  un  certain  Jehoudah  ben  Guè- 
«  rim  \  Alors  R.  Jehoudah  dit  en  parlant  des  Romains  :  Que 
«  cette  nation  est  grande  dans  tout  ce  qu'elle  a  fait!  Voyez 
a  comme  elle  a  construit  partout  des  ponts,  des  marchés  et 
«  des  bains  publics  !  A  ces  mots,  R.  Jossé  garda  le  silence; 
«  mais  Simon  ben  Jochaï  répondit  :  Elle  n'a  rien  fait  qui 
«  n'ait  pour  but  son  propre  avantage;  elle  a  fait  construire 
ce  des  marchés  pour  y  attirer  des  femmes  perdues,  des 
«  thermes  pour  s'y  rafraîchir,  et  des  ponts  pour  y  percevoir 
«  des  impôts.  R.  Jehoudah  ben  Guèrim,  allant  raconter  ce 
«  qu'il  avait  entendu,  le  fit  parvenir  aux  oreilles  de  César,  et 
ce  celui-ci  rendit  un  arrêt  ainsi  conçu  :  Jehoudah  qui  m'a 
^c  exalté  sera  élevé  en  dignité;  Jossé  qui  a  gardé  le  silence 
«  sera  exilé  à  Sipora  (c'est-à-dire  à  Sepphoris);  Simon,  qui 
c(  a  médit  de  moi,  sera  mis  à  mort.  Aussitôt  celui-ci,  accom- 

1.  Tliahn.  Bahijl.,  iiait.  sabhal.,  cli.  ii,  fol.  54. 

2.  2i-)j  p.  Ce  nom  signifie  litléralenient  descemlanl  de  prosélytes.  On  veut 
probablement  donner  à  entendre,  d'après  un  sentiment  très  commun  chez  les 
anciens,  que  son  sang  étranger  est  la  vraie  cause  de  sa  trahison. 


AUTHENTICITÉ  DU  ZOIIÂR.  69 

«  pagné  de  son  fils,  alla  se  cacher  dans  la  maison  d'étude  ; 
«  la  gardienne  leur  apportait  chaque  jour  un  pain  et  une 
«  jatte  d'eau.  Mais  la  proscription  qui  pesait  sur  lui  étant 
«  très  sévère,  Simon  dit  à  son  fils  :  Les  femmes  sont  d'un 
«  caractère  faible;  il  est  donc  à  craindre  que,  pressée  de 
<c  questions,  notre  gardienne  ne  finisse  par  nous  dénoncer. 
«  Sur  ces  réflexions  ils  quittèrent  cet  asile  et  allèrent  se  ca- 
<c  cher  au  fond  d'une  caverne.  Là,  par  un  miracle  opéré  en 
«  leur  faveur.  Dieu  créa  aussitôt  un  caroubier  et  une  source 
«  d'eau.  Simon  et  son  fils  se  dépouillèrent  de  leurs  vête- 
«  ments,  et,  ensevelis  dans  le  sable  jusqu'au  cou,  ils  passè- 
«  rent  tous  leurs  jours  dans  la  méditation  de  la  loi.  Ils  vé- 
«  curent  ainsi  dans  cette  caverne  pendant  douze  ans,  jusqu'à 
«  ce  que  le  prophète  Elie,  paraissant  à  l'entrée  de  leur  re- 
«  traite,  leur  fit  entendre  ces  mots  :  Qui  annoncera  au  fils  de 
«  Jochaï  que  César  est  mort  et  son  arrêt  tombé  dans  l'oubli? 
«  Ils  sortirent  et  virent  comment  les  hommes  cultivent 
«  et  ensemencent  la  terre.  »  C'est,  dit-on  (mais  ce  n'est  plus 
le  Thalmud  qui  l'assure),  pendant  ces  douze  années  de  soli- 
tude et  de  proscription  que  Simon  ben  Jochaï,  aidé  par  son 
fils  Eléazar,  composa  le  fameux  ouvrage  auquel  son  nom  est 
resté  attaché.  Quand  même  on  aurait  écarté  de  ce  récit  les 
circonstances  fabuleuses  qui  s'y  mêlent,  il  serait  encore  dif- 
ficile  d'admeltre  comme  légitime  la  conséquence  qu'on  en 
tire;  on  ne  dit  pas  quels  furent  l'objet  et  le  résultat  de  ces 
méditations  dans  lesquelles  les  deux  proscrits  cherchaient  à 
oublier  leurs  peines.  Ensuite,  on  trouve  dans  le  Zohar  une 
multitude  de  faits  et  de  noms  que  Simon  ben  Jochaï,  mort 
quelques  années  après  la  ruine  de  Jérusalem,  au  commen- 
cement du  second  siècle  de  l'ère  chrétienne,  ne  pouvait  cer- 
tainement pas  connaître.  Comment,  par  exemple,  aurait-il 
pu  parler  des  six  parties  dans  lesquelles  se  divise  la  Mischna, 
écrite  à  peu  près  soixante  ans  après  lui'?  Comment  pourrait-il 

i.  Zohar,  éd'l.  de  Manloue,  5°  p:irl.,  fol.  20.  —  Ib.,  fol.  29,  vers.  Nous 


70  LA  KABBALE. 

mentionner  et  les  auteurs  et  les  procédés  de  Ja  Guemara^ 
qui  commence  à  la  mort  de  Judas  le  Saint  et  ne  finit  que 
cinq  siècles  après  la  naissance  du  Christ  '  ?  Comment  aurait-il 
appris  les  noms  des  points  voyelles  et  des  autres  inventions 
de  l'école  de  TiLériade,  qu'on  peut  faire  remonter  tout  au 
plus  au  commencement  du  sixième  siècle*?  Plusieurs  criti- 
ques ont  cru  observer  que,  sous  le  nom  d'Ismaélites,  il  est 
aussi  question  dans  le  ZoJiar  des  Arabes  mabométans,  que 
tous  les  écrits  publiés  par  les  Juifs  modernes  désignent  de  la 
même  manière.  Il  est,  en  effet,  difficile  de  ne  pas  admettre 
cette  interprétation  dans  le  passage  suivant  : 

.«  La  lune  est  à  la  fois  le  siq^ne  du  bien  et  le  siane  du  mal. 
«  La  pleine  lune,  c'est  le  bien  ;  la  nouvelle  lune,  c'est  le  mal. 
«  Et  parce  qu'elle  comprend  en  même  temps  le  bien  et  le 
«  mal,  les  enfants  d'Israël  et  ceux  d'Ismaël  l'ont  prise  éga- 
«  lement  pour  règle  de  leurs  calculs.  S'il  arrive  une  éclipse 
«  pendant  la  pleine  lune,  ce  n'est  pas  un  bon  présage  pour 
«  Israël  ;  si,  au  contraire,  l'éclipsé  a  lieu  pendant  la  nouvelle 
«  lune  (une  éclipse  de  soleil),  c'est  un  mauvais  présage  pour 
«  Ismaël.  Ainsi  se  vérifient  ces  paroles  du  prophète  [h.  xxix, 
«  14)  :  La  sagesse  des  sages  périra  et  la  prudence  des  hom- 
«  mes  intelligents  sera  obscurcie....'»  Cependant  nous  fe- 
rons remarquer  que  ces  mots  n'appartiennent  pas  au  texte  :  ils 
sont  empruntés  à  un  commentaire  beaucoup  moins  ancien, 
qui  a  pour  titre  :  Le  fidèle  pasteur,  N:a''nî2N*i*;i,  et  que,  de 

citons  de  préférence  ce  dernier  passage,  où  l'on  compare  les  six  traités  de  la 
Mischna  a  six  degrés  du  trône  suprême  :  mSyc  UU.'  liTN  n"wD  ''1~D  îVXj 

1.  Tons  les  termes  de  la  discussion  thalmudique  sont   énuniérés  dans  le 

passage  suivant  :  p^i,  ^s^-f  □i;2Sr  ip  Ni  nîZpi  NT^p  'il  nn^^n  n^<  ma^t 
ip'in  »s~  ~i£2  '-r>*  irx  Nnini  xt  --^2  rn'2'j  hzi^  n^bn.  3°  part-, 

loi.  155,  recl.,  édit.  de  Mantoue. 

2.  Genèse,  col.  152  et  155.  —  Lévil.,  bl,  vers.  —  Édit.  Mantoue,  i'"  part.^ 
fol.  24,  vers.;  fol.  15,  vers.,  et  pass. 


AUTUENTICITÉ  DU  ZOIIAR,  71 

leur  propre  autorité,  les  premiers  éditeurs  ont  substitué  au 
Zohar,  partout  où  dans  celui-ci  ils  ont  cru  trouver  une 
lacune. 

On  aurait  pu  trouver  dans  le  Zohar  même  un  passage 
plus  décisif,  car  voici  ce  qu'un  disciple  de  Simon  ben  Jochaï 
prétend  avoir  entendu  de  la  bouche  de  son  maître  :  «  Mal- 
ce  heur  sur  l'instant  où  Ismaël  a  été  enfanté  au  monde  et 
ce  revêtu  du  signe  de  la  circoncision  !  Car  que  fit  le  Seigneur, 
ce  dont  le  nom  soit  béni?  Il  exclut  les  enfants  d'Ismaël  de 
ce  l'union  céleste.  Mais  comme  ils  avaient  le  mérite  d'avoir 
ce  adopté  le  signe  de  l'alliance,  il  leur  réserva  ici-bas  une 
ce  part  dans  la  possession  de  la  Terre  Sainte.  Les  enfants  d'Is- 
ec  maël  sont  donc  destinés  à  régner  sur  la  Terre  Sainte,  et 
ce  ils  empêcheront  les  enfants  d'Israël  d'y  revenir.  Mais  cela 
ce  ne  durera  que  jusqu'au  temps  où  le  mérite  des  enfants 
ce  d'Ismaël  sera  épuisé.  Alors  ils  exciteront  dans  le  monde 
cèdes  guerres  terribles;  les  enfants  d'Édom  se  réuniront 
ce  contre  eux  et  les  combattront,  les  uns  sur  terre,  les  autres 
ce  sur  mer,  et  d'autres  près  de  Jérusalem.  La  victoire  sera 
ce  tantôt  à  ceux-ci,  tantôt  h  ceux-là  ;  mais  la  Terre  Sainte  ne 
ce  sera  pas  livrée  aux  mains  des  enfants  d'Édom.  »  Pour  bien 
comprendre  le  sens  de  ces  lignes,  il  suffit  de  savoir  que, 
sous  le  nom  d'Edom,  les  écrivains  juifs  (je  parle  de  ceux  qui 
ont  fait  usage  de  l'hébreu)  ont  d'abord  désigné  Rome 
païenne,  puis  ils  l'ont  étendu  à  Rome  chrétienne  et  aux  peu- 
ples chrétiens  en  général.  Or,  il  ne  peut  pas  être  question 
ici  de  Rome  païenne;  donc  on  a  voulu  parler  de  la  lutte  des 
Sarrasins  contre  les  chrétiens,  et  même  des  croisades,  avant 
la  prise  de  Jérusalem.  Quant  à  la  prédiction  de  Simon  ben 
Jochaï,  je  n'ai  pas  besoin  de  dire  de  quel  poids  elle  doit  être 
dans  notre  jugement.  Mais  je  ne  veux  pas  insister  plus  long- 
temps sur  la  démonstration  de  ces  faits,  aujourd'hui  géné- 
ralement connus  et   répétés  à  l'envi  par  tous  les  critiques 


72  LA  KABDALK. 

modernes  \  Nous  y  ajouterons  seulement  une  dernière  ob- 
servalion,  qui,  je  l'espère,  ne  sera  pas  perdue  pour  la  con- 
clusion à  laquelle  nous  voulons  finalement  arriver.  Pour 
avoir  la  conviction  que  Simon  ben  Jochaï  ne  peut  pas  être 
l'auteur  du  Zohar  et  que  ce  livre  n'est  pas,  comme  on  le 
prétend,  le  fruit  de  treize  ans  de  méditations  et  de  soli- 
tude, il  suffit  de  donner  quelque  attention  aux  récits  qui 
s'y  m^'lent  presque  toujours  à  l'exposition  des  idées.  Ainsi, 
dans  le  fragment  intitulé  VIdra  soula,  »xi2i7x-nx,  que  nous 
espérons  traduire  au  moins  en  grande  partie,  et  qui  forme 
dans  celte  immense  compilation  un  épisode  admirable  à  tous 
égards,  Simon,  sur  le  point  de  mourir,  réunit  autour  de  lui» 
pour  leur  donner  ses  dernières  instructions,  le  petit  nombre 
de  ses  disciples  et  de  ses  amis,  parmi  lesquels  se  trouve  son 
fils  Eléazar.  «  Toi,  dit-il  à  ce  dernier,  tu  étudieras,  R.  Aba 
«  écrira,  et  mes  autres  amis  méditeront  en  silence  ^  »  Par- 
tout ailleurs,  c'est  assez  rarement  le  maître  qui  parle,  mais 
ses  doctrines  sont  dans  la  bouche  de  son  fils  ou  de  ses  amis, 
qui  se  réunissent  encore  après  sa  mort  pour  se  communi- 
quer leurs  souvenirs  et  s'éclairer  réciproquement  dans  la  foi 
commune.  Ces  paroles  de  l'Écriture  :  «  Combien  il  est  beau 
«  de  voir  des  frères  rester  unis!  »  leur  semblent  s'appliquer 
à  eux-mêmes''.  Quelques-uns  d'entre  eux  viennent-ils  à  se 
rencontrer  en  chemin,  aussitôt  leur  conversation  se  porte 
sur  le  sujet  habituel  de  leurs  méditations,  et  alors  on  expli- 
que dans  un  sens  tout  à  fait  spirituel  quelque  passage  du 
Vieux  Testament.  En  voici  un  exemple,  pris  au  hasard  entre 
mille: ce  R.  Jehoudah  et  R.  Jossése  trouvaient  ensemble  en 

1.  ai"i3Dn  nnS'CÎZ'  5°  part.,  fol.  281,  vers.,  édit.  de  Mantoue.  Voy.  Peler 
Béer,  Hisl.  des  sectes  du  jucla'isme,  2°  part.,  p.  50  et  suiv.  — Morinus,  Exer- 
cilat.  biblic.,  lib.  II,  exercit,  9.  —  Wolf.  Bibliollt.  Iiébr. 

ini^aba  'î1^Ti'1\  ^°  part.,  fol.  287,  vers. 
5.  5°  part.,  fol.  59,  vers. 


AUTHENTICITÉ  DU  ZOIIAR.  73 

«  voyage  ;  alors  le  premier  dit  à  son  compagnon  de  route  : 
ce  Dis-moi  quelque  chose  de  la  loi,  et  l'esprit  divin  descen- 
«  dra  parmi  nous;  car  toutes  les  fois  qu'il  médite  les  paroles 
«  de  la  loi,  l'esprit  de  Dieu  vient  s'unir  à  l'homme  ou  mar- 
<c  che  devant  lui  pour  le  conduire  *.  »  Enfin,  comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  on  cite  aussi  des  livres  dont  il  ne  nous 
est  parvenu  que  des  lambeaux  épars,  et  qu'il  faut  nécessai- 
rement supposer  plus  anciens  que  le  Zohar.  Nous  nous 
contenterons  de  traduire  le  passage  suivant,  que  l'on  croi- 
rait écrit  par  quelque  disciple  de  Copernic,  si  l'on  n'était 
obligé,  môme  en  lui  refusant  toute  authenticité,  de  le  faire 
remonter  au  moins  jusqu'à  la  fin  du  treizième  siècle  :  «  Dans 
«  le  livre  de  Hamnouna  le  Vieux  on  apprend,  par  des  expli- 
«  cations  étendues,  que  la  terre  tourne  sur  elle-même  en 
«  forme  de  cercle;  que  les  uns  sont  en  haut,  les  autres  en 
«  bas;  que  toutes  les  créatures  changent  d'aspect  suivant 
ce  l'air  de  chaque  lieu,  en  gardant  pourlant  la  même  posi- 
«  tion  ;  qu'il  y  a  telle  contrée  de  la  terre  qui  est  éclairée, 
«  tandis  que  les  autres  sont  dans  les  ténèbres  ;  ceux-ci  ont 
«  le  jour  quand  pour  ceux-là  il  fait  nuit  ;  et  il  y  a  des  pays 
«  oii  il  fait  constamment  jour,  où  du  moins  la  nuit  ne  dure 
«  que  quelques  instants  '.  » 

11  est  bien  évident,  d'après  cela,  que  l'auteur  du  Zohar, 
quel  qu'il  soit,  n'a  pas  même  eu  la  prétention  de  l'attribuer 
à  Simon  ben  Jochaï,  dont  il  raconte  la  mort  et  les  derniers 
instants. 

Sommes-nous  donc  obligés  d'en  faire  honneur  à  un 
obscur  rabbin  du  treizième  siècle,  à  un  malheureux  char- 
latan qui,  en  l'écrivant,  en  y  consacrant  nécessairement 
de  longues  années,  ne  cédait  qu'au  cri  de  la  misère  et 
à  l'esjioir  de  la  soulager  par  un  moyen  aussi  lent  qu'in- 

I.  \''  i)arl.,  fui.  1 15,  vers. 

2-  xb;h;n^2  xniri  So  sm  ttii  uns  nid  x:i:î2n  m  Nison 

t<S''yS  ]iSnT  XnnS  libx  y-Z2  xSi:|i:?3.  5°  prlie,  foi.  lO,  rect. 


74  LA  KABBALE. 

certain?  Non,  assurément;  et  quand  même  nous  nous 
contenterions  d'examiner  la  nature  intime,  la  valeur  intrin- 
sèque du  livre,  nous  n'aurions  aucune  peine  à  démontrer 
que  cette  opinion  n'est  pas  mieux  l'ondée  que  la  première. 
Mais  nous  avons,  pour  la  combattre,  des  arguments  plus 
positifs. 

Le  Zohar  est  écrit  dans  un  langage  araméen  qui  n'ap- 
partient à  aucun  dialecte  déterminé.  Quel  dessein  Moïse  de 
Léon  pouvait-il  avoir  en  se  servant  de  cet  idiome  qui  n'était 
pas  en  usage  de  son  temps?  Voulait-il,  comme  le  prétend 
un  critique  moderne  que  nous  avons  déjà  cité\  voulait-il 
donner  plus  de  vraisemblance  à  ses  fictions,  en  faisant 
parler  le  langage  de  leur  époque  aux  divers  personnages 
sous  le  nom  desquels  il  désirait  faire  passer  ses  propres 
idées?  Mais  puisqu'il  possédait  de  si  vastes  connaissances, 
de  l'aveu  même  des  bommes  dont  nous  combattons  l'opi- 
nion, il  ne  pouvait  pas  ignorer  que  Simon  ben  Jochaï  et  ses 
amis  sont  comptés  parmi  les  auteurs  de  la  Mischna;  et 
quoique  le  dialecte  de  Jérusalem  fût  probablement  leur 
langue  babituelle,  il  était  plus  naturel  de  les  faire  écrire  en 
hébreu.  Il  y  en  a  qui  prétendent  qu'il  s'est  réellement  servi 
de  celte  dernière  langue,  qu'il  n'a  pas  inventée,  qu'il  a  voulu 
seulement  falsifier  le  Zohar  en  y  ajoutant  ses  propres  pen- 
sées, et  que  son  imposture  fut  bientôt  découverle^  Rien  de 
semblable  n'étant  arrivé  jusqu'à  nous,  cette  assertion  ne 
doit  pas  nous  occuper  plus  longtemps.  Mais,  vraie  ou  fausse» 
elle  confirme  les  observations  que  nous  venons  de  faire. 
D'ailleurs  nous  savons  avec  une  entière  certitude  que  Moïse 

i.  «  Cùm  auctor  esset  recentissimus,  linguaque  chaldaïca  sua  œlate  prorsùs 
osset  extincto,  eamque  Judœi  doctiores  raro  intelligerent,  consulto  chaldaïco 
scripsit,  ut  antiquilatem  apud  popularium  vulgus  libris  suis  conciliaret.  »  Mo- 
r'mus,  Exercilat.  biblic,  liv.  II,  exercit.  9,  chap.  v. 

2.  Outre  les  deux  historiens  que  nous  avons  cités  plus  haut,  voyez  Bartolocci, 
Grande  bibliollièque  rabbinique,  t.  lY,  p.  82. 


AUTUENTICITÉ  DU  ZOUAR.  73 

de  Léon  a  compose  en  hébreu  un  ouvrage  kabbalislique, 
ayant  pour  titre  :  le  Nom  de  Dieu,  ou  simplement  :  le  Nom 
(oï^yn  isd).  Cet  ouvrage,  qui  existe  encore  en  manuscrit, 
Moïse  Corduero  l'a  eu  sous  les  yeux  *  ;  il  en  rapporta  plusieurs 
passages  d'où  il  résulte  que  c'était  un  commentaire  très 
détaillé  et  souvent  fort  subtil  sur  quelques-uns  des  points  les 
plus  obscurs  de  la  doctrine  enseignée  dans  \eZohar;  par 
exemple,  celui-ci  :  quels  sont  les  différents  canaux,  c'est-tà- 
dire  les  influences,  les  rapports  mutuels  qui  existent  entre 
toutes  les  Sephirolh,  et  qui  conduisent  de  l'une  à  l'autre  la 
lumière  divine  ou  la  substance  première  des  choses?  Or, 
comment  supposer  qu'api'ès  avoir  écrit  le  Zohar  dans  le 
dialecte  chaldaïco-syriaque,  soit  pour  en  augmenter  l'intérêt 
par  les  difficultés  du  langage,  soit  pour  en  rendre  la  pensée 
inaccessible  au  vulgaire,  le  môme  homme  ait  cru  devoir 
ensuite  l'expliquer,  le  développer  en  hébreu,  et  mettre  à  la 
portée  de  tous  ce  qu'au  prix  de  tant  de  soins,  de  tant  de 
labeurs,  il  avait  caché  dans  une  langue  presque  tombée  dans 
l'oubli  parmi  les  savants  eux-mêmes?  Dira-t-on  que  par  ce 
moyen  il  était  encore  plus  sûr  de  réussir  à  donner  le  change 
à  ses  lecteurs?  En  vérité,  c'est  trop  de  ruse,  trop  de  temps 
dépensé,  trop  de  patience  et  d'efforts  pour  le  misérable  but 
qu'on  l'accuse  de  s'être  proposé  :  ce  sont  des  combinaisons 
trop  savantes  et  trop  compliquées  pour  un  homme  qu'on 
accuse  en  même  temps  des  plus  stupides  contradictions,  des 
plus  grossiers  anachronismes. 

Une  autre  raison  qui  nous  oblige  à  regarder  le  Zohar 
comme  une  œuvre  bien  antéi'ieure  à  Moïse  de  Léon,  comme 
une  œuvre  étrangère  à  l'Europe,  c'est  qu'on  n'y  trouve  pas 
le  moindre  vestige  de  la  philosophie  d'Aristote,  et  l'on  n'y 
rencontre  pas  une  seule  fois  le  nom  du  christianisme  ou  de 


1.     Panlrs     Ilimonim    [Q'>z^^2'\    D'îns)»    f^l.    110,    recl.,   \"    col.  -ij;»j 


76  LA  KADI3ALE, 

son  fondalciir'.  Or,  on  sail  qu'en  Europe,  pendantle  treizième 
et  le  quatorzième  siècle,  le  christianisme  et  Aristote  exer- 
çaient sur  la  pensée  une  autorité  absolue.  Comment  donc 
pourrions-nous  admettre  que,  dans  ce  temps  de  fanatisme, 
un  pauvre  rabbin  espagnol,  écrivant  sur  des  matières  reli- 
gieuses, dans  une  langue  qui  ne  pouvait  le  trahir,  n'ait  élevé 
aucune  plainte  contre  le  premier,  auquel  les  thalmudistes 
et  les  écrivains  postérieurs  s'attaquent  si  fréquemment,  et 
qu'il  n'ait  pas  subi,  comme  Saadiah,  comme  Maïmonides, 
comme  tous  ceux  enfin  qui  ont  suivi  la  même  carrière,  l'in- 
fluence inévitable  de  la  philosophie  péripatéticienne?  Qu'on 
lise  tous  les  commentaires  que  nous  possédons  aujourd'hui 
sur  le  Livre  de  la  création  ;  que  l'on  jette  un  coup  d'œil  sur 
tous  les  monuments  philosophiques  et  religieux  de  cette 
époque  et  de  plusieurs  siècles  antérieurs,  on  trouvera  par- 
tout le  langage  de  VOrganum  et  la  domination  du  philo- 
sophe de  Stagyre.  L'absence  de  ce  caractère  est  donc  un 
fait  dont  la  gravité  ne  saurait  être  contestée.  On  ne  peut  pas 
voir  dans  les  dix  Sephiroth,  dont  nous  parlerons  plus  lon- 
guement ailleurs,  une  imitation  déguisée  des  catégories; 
car  celles-ci  n'ont  qu'une  valeur  logique;  celles-là  renfer- 
ment un  système  métaphysique  de  l'ordre  le  plus  élevé.  Si 
la  kabbale  a  quelques  traits  de  ressemblance  avec  un  système 
philosophique  de  la  Grèce,  c'est  plutôt  avec  celui  de  Platon; 
mais  on  sait  que  l'on  pourrait  affirmer  la  même  chose  de 
toute  espèce  de  mysticisme;  et  d'ailleurs  Platon  était  alors 
peu  connu  hors  de  sa  patrie. 

Nous  remarquons  enfin  que  des  idées  et  des  expressions 
qui  appartiennent  essentiellement,  qui  sont  exclusivement 
consacrées  au  système  kabbalislique  exposé  dans  le  Zohar, 
se  présentent  dans  des  écrits  bien   antérieurs  à  la  fin  du 

1.  Aihle  quod  eliam  conlrà  Clirisluin  in  ioto  libro  ne  minimum  quidcni 
effutiatur,  proid  in  reccnlioribus  Judœorum  sa'iptis  plenimque  fieri  solct. 
(Kabb.  dcnud.  Pncf.,  p.  7.) 


AUTUExNTICITÉ  DU  ZOUAR.  77 

douzième  siècle.  Ainsi,  d'après  un  écrivain  que  nous  avons 
eu  déjà  occasion  de  nommer,  d'après  Moïse  Botarel,  l'un  des 
commentateurs  du  SepJier  ietzirah,  la  doctrine  de  l'émana- 
tion, telle  que  les  kabbalistes  l'ont  entendue,  aurait  été 
connue  de  Saadiah  ;  car  il  cite  de  lui  les  paroles  suivantes,  tex- 
tuellement empruntées,  dit-il,  de  l'ouvrage  intitulé  la  Pierre 
philosophale,  qui,  il  est  vrai,  lui  est  faussement  attribué  : 
«  0  toi  qui  puises  à  des  citernes,  garde-toi,  quand  on  viendra 
«  te  tenter  pour  cela,  de  révéler  la  croyance  de  l'émanation, 
«  qui  est  un  grand  mystère  dans  la  bouche  de  tous  les  kab- 
«  balistcs;  un  autre  mystère  est  renfermé  dans  ces  paroles 
«  de  la  loi  :  Vous  ne  tenterez  pas  le  Seigneur*.  »  Cependant, 
dans  son  ouvrage  sur  les  Croyances  et  les  Opinions,  Saadiah 
attaque  assez  vivement  cette  doctrine,  qui  est  la  base  du 
système  exposé  dans  le  Zoliar,  et  qu'il  est  impossible  de  ne 
pas  reconnaître  dans  ce  passage  :  «  J'ai  quelquefois  ren- 
«  contré  de  ces  hommes  qui  ne  peuvent  pas  nier  l'existence 
«  d'un  créateur,  mais  qui  pensent  que  notre  esprit  ne  sau- 
ce rait  concevoir  qu'une  chose  soit  faite  de  rien.  Or,  comme 
«  le  Créateur  est  le  seul  être  qui  existe  d'abord_,  ils  sou- 
«  tiennent  qu'il  a  tiré  l'univers  de  sa  propre  substance.  Ces 
ce  hommes  (que  Dieu  vous  garde  de  leur  opinion!)  sont 
ce  encore  moins  sensés  que  tous  ceux  dont  nous  avons 
ce  parlé*.  »  Le  sens  que  nous  donnons  à  ces  paroles  devient 
encore  plus  évident  lorsqu'on  lit,  dans  le  même  chapitre, 
que  la  croyance  à  laquelle  elles  font  allusion  est  surtout 

1.  Voici  le  texte  (le  ce  p:iss:igo  :  ^^p^n  n'^nZH  -S  U^r  D-X  NM  HnX 
ielzircilt,  édit.  de  Manloue,  loi.  51. 

2-  cSi-j  Snp  xS  -'^1  nu;rjn  rroh  nrh  pr:  xS  c'*i:*:xn  nbx  \-ixiV2i 
13  ir^xn  xnzn  nx  13  im  ]\s"i:*  pz^  n2T2  xS  12-  nvn  □niTii'nc  ^£3 
ni:vcx-in  p  a"'S::D  inv  Sx  -j^nT  nSxi  Tzïy  "p  □"'■i2in  x"a.  ^c^ 

Croijanccs  eï  des  Opinions,  l"  [lart.,  cli.  iv. 


78  LA  KABBALE. 

justifiée  par  ces  versets  de  Job  :  «  D'où  vient  la  sagesse,  et 
«  en  quel  lieu  se  trouve  l'intelligence?  C'est  Dieu  qui  com- 
«  prend  ses  voies;  c'est  lui  qui  connaît  sa  demeure*.  »  On 
y  trouve,  en  effet,  les  noms  consacres  par  le  Zohar  aux  trois 
premières,  aux  trois  grandes  Sepliiroth,  qui  comprennent 
toutes  les  autres,  savoir  :  la  sagesse,  Vhitelligence,  et  au- 
dessus  d'elles  le  lieu,  ou  le  non-être,  ainsi  appelé  parce  qu'il 
représente  l'infini  sans  attribut,  sans  forme,  sans  qualifica- 
tion aucune,  dans  un  état  où  il  est  pour  nous  incompréhen- 
sible et  sans  valeur  réelle ^  C'est  dans  ce  sens,  disent  les 
kabbalistes,  que  tout  ce  qui  est  a  été  tiré  du  non-être.  Le 
môme  auteur  nous  donne  aussi  une  théorie  psychologique 
parfaitement  identique  à  celle  qui  est  attribuée  à  l'école  de 
Simon  ben  Jochaï%  et  il  nous  apprend  *  que  le  dogme  de  la 
préexistence  et  de  la  transmigration  des  âmes,  qui  est  posi- 
tivement enseigné  dans  le  Zohar^,  était  admis  de  son  temps, 
par  quelques  hommes  qui  néanmoins  se  disaient  juifs;  qui 
prétendaient  même,  ajoute-t-il,  confirmer  leur  opinion 
extravagante  par  le  témoignage  de  VEcriture.  Ce  n'est  pas 
encore  tout  :  saint  Jérôme,  dans  une  de  ses  lettres",  parle 
de  dix  noms  mystiques,  <iece?)i  nomma  mystica,  par  lesquels 
les  livres  saints  désisrnent  la  Divinité.  Or,  ces  dix  noms, 
que  saint  Jérôme  ne  se  contente  pas  de  mentionner,  mais 
dont  il  nous  donne  encore  l'énumération  complète,  sont 
précisément  ceux  qui,  dans  le  Zohar,  représentent  les  dix 
Sephiroth,  ou  attributs  de  Dieu.  Voici  en  effet  ce  qu'on  lit 
dans  h  Livre  du  mystère  (NnrjiJï-  iSnso),  l'un  des  plus  an- 

1.  Job,  ch.  xwiii,  V.  20  et  25. 

2.  Zohar,  2"  part.,  fol.  42  et  43.  Cette  première  Sephirah  se  nomme  tantôt 
Yiufiiii,  riiD  T^hs.  lanlùt  h  couronne  suprême,  piSî?  iriD;  ^'  tantôt  le  non-être 
^l>^,  ou  le  lieu  mpî^- 

3.  Des  Croyances  et  des  Opinions,  G°  part.,  ch.  ii. 

4.  Ib.  siipr.,  ch.  vu. 

5.  2*  part.,  fol.  99,  sect.  Mischpatim. 

6.  Hieron.  ad  Marcell.,  epist.  156,  t.  111  de  ses  Œuvres  complèl:3. 


AUTUENTICITÉ  DU  ZOUAR.  79 

tiques  fragments  du  Zoharel  en  même  temps  le  résumé  des 
principes  les  plus  élevés  de  la  kabbale  :  «  Lorsque  l'homme 
(c  veut  adresser  une  prière  au  Seigneur,  il  peut  invoquer 
«  également,  soit  les  saints  noms  de  Dieu,  Eheïeh,  Jah, 
«  Jehovah,  El,  Elohim,  Jedoud,  Elohei-Tsabaoth,  Sdiaclau 
«  Adonai,  soit  les  dix  Sephiroth,  à  savoir  :  la  Couronne,  la 
«  Sagesse,  rintelligence,  la  Beauté,  la  Grâce,  la  Justice,  etc.  » 
Tous  les  kabbalistes  sont  d'accord  sur  ce  principe,  que  les  i 
dix  noms  de  Dieu  et  les  dix  Sepliiroth  sont  une  seule  et 
même  chose  :  car,  disent-ils,  la  partie  spirituelle  de  ces  ' 
noms,  c'est  l'essence  même  des  numérations  divines  \  Saint 
Jérôme,  dans  plusieurs  de  ses  écrits,  parle  aussi  de  cer- 
taines traditions  hébraïques  sur  la  Genèse  qui  font  le  Paradis, 
ou,  comme  on  l'appelle  toujours  en  hébreu,  l'Eden  (^^"1:1), 
plus  ancien  que  le  monde ^  Remarquons  d'abord  qu'il 
n'existait  pas  chez  les  Juifs  d'autres  traditions  connues  sous 
un  titre  analogue  que  celles  qui  étaient  comprises  dans  cette 
science  mystérieuse  appelée  par  le  Thalmud  VHisloire  de 
la  Genèse.  Quant  à  la  croyance  rapportée  en  leur  nom,  elle 
s'accorde  parfaitement  avec  le  Zohar,  où  la  Sagesse  suprême, 
le  Yerbe  divin  par  lequel  a  commencé  et  s'est  accomplie  la 
création,  le  principe  de  toute  intelligence  et  de  toute  vie, 
est  désigné  comme  le  véritable  Eden,  autrement  appelé  l'Eden 
supérieur  (hnS:;  V"^)'"'  ^^^'^  un  fait  plus  grave  que  tous  ceux 
qui  viennent  d'être  énoncés,  c'est  l'intime  ressemblance  que 

■J-  ^'na  on  m)2ttM  riV2nM  id  ^^x  im  S^n  mrsom  marm 

mTSDn.  Pai'dcs  Rimoniin,  fol.  10,  verso. 

2.  llieron.  opp.  dernier  vol.  de  l'édit.  de  Paris.  —  Voy.  aussi  le  petit 
ouvrage  inlilulé  :  Quesliones  liebraïcœ  in  Gcnesim.  —  Les  traditions  sur  la 
Genèse  sont  le  livre  hébraïque  de  la  Petite  Genèse,  ou  Jubilés,  qui  rappor- 
tait sans  doule  l'opinion  du  Thalmud,  que  parmi  les  choses  créées  avant  le 
inonde  se  trouve  aussi  l'Eden.  Sifri,  Mechilla,  Pesaliim,  540,  .\edorim, 
396,  etc. 

3.  Zohar,  Idra  souta,  i^-x  \S,T,  -,NU7  hzi  kSSj  nNÎ2\1D  7\i{hj    NDJH 


80  Li  KABBALE. 

nous  offre  la  kabbale,  dans  le  langage  aussi  bien  que  dans 
la  pensée,  avec  toutes  les  secles  du  gnoslicisme,  surtout 
celles  qui  ont  pris  naissance  en  Syrie,  et  avec  le  code  reli- 
gieux des  Nazaréens,  découvert  il  y  a  (|uelques  années  seu- 
lement, et  traduit  du  syriaque  en  latin.  Nous  attendrons, 
pour  donner  à  ce  fait  le  caractère  de  l'évidence,  que  nous 
soyons  arrivé  à  cette  partie  de  notre  travail  où  nous  cher- 
cherons à  connaître  les  rapports  qui  existent  entre  le  sys- 
tème kabbalistiquc  et  les  autres  systèmes  philosophiques 
ou  religieux.  Ici  nous  nous  contenterons  de  faire  observer 
que  les  doctrines  de  Simon  le  Magicien,  d'EIxaï,  de  Barde- 
sanes,  de  Basilide  et  de  Yalentin  ne  nous  sont  connues  que 
par  des  fragments  disséminés  dans  les  œuvres  de  quelques 
Pères  de  l'Église,  comme  dans  celles  de  saint  Irénée  et  de 
Clément  d'Alexandrie.  Or,  on  ne  peilt  pas  supposer  que 
ces  œuvres  aient  été  familières  à  un  rabbin  du  treizième 
siècle,  qui,  dans  l'ouvrage  même  dont  on  veut  lui  faire  hon- 
neur, se  montre  fort  étranger  à  toute  littérature,  et  surtout 
à  celle  du  christianisme.  Nous  sommes  donc  forcé  d'ad- 
mettre que  le  gnosticisme  a  beaucoup  emprunté,  non  pas 
sans  doute  au  Zohar  lui-même,  tel  que  nous  le  possédons 
aujourd'hui,  mais  aux  traditions  et  aux  théories  qu'il  ren- 
ferme. 

Nous  ne  séparerons  pas  de  l'hypothèse  que  nous  venons 
d'écarter  celle  qui,  nous  présentant  la  kabbale  comme  une 
imitation  de  la  philosophie  mystique  des  Arabes,  la  fait 
naître  dans  l'empire  des  kalifes,  au  plus  tôt  vers  le  com- 
mencement du  onzième  siècle,  époque  à  laquelle  la  philo- 
sophie musulmane  nous  offre  pour  la  première  fois  des 
traces  de  mysticisme*.  Cette  opinion,  exprimée  il  y  a  long- 
temps comme  une  simple  conjecture,  dans  les  Mémoires  de 


1.  C'est  Avicennc  qui  passe  généralemenf  pour  le  premier  organe  du  inysU- 
cisme  chez  les  Arabes.  Né  en  992,  il  est  mort  en  1056. 


AUTHENTICITE  DU  ZOIIAR.  81 

VAcadémie  des  inscriptions^  M.  Tholuck  a  voulu  récem- 
ment la  ressusciter  et  lui  prêter  l'appui  de  sa  riche  éru- 
dition. Dans  un  premier  mémoire,  rcclierchant  l'influence 
que  la  philosophie  grecque  a  pu  exercer  sur  celle  des  maho- 
métnns%  le  savant  orientaliste  arrive  à  cette  conclusion  : 
que  la  doctrine  de  l'cmanalion  a  été  connue  des  Arabes  en 
même  temps  que  le  sysième  d'Aristolc;  car  ce  dernier  n'est 
arrivé  jusqu'à  eux  qu'à  travers  les  commentaires  de  Thé- 
mislius,  deThéon  de  Smyrne,  d'Enée  de  Gaza,  de  Jean  Phi- 
lopon,  en  un  mot  avec  les  idées  d'Alexandrie,  exprimées 
cependant  sous  une  forme  très  incomplète.  Ce  germe,  une 
fois  déposé  dans  le  sein  de  l'islamisme,  ne  tarda  pas  à  se 
développer  en  un  vaste  système  qui,  semblable  à  celui  de 
Plotin,  mettait  l'enlhousiasmo  au-dessus  de  la  raison,  et, 
après  avoir  fait  sortir  lous  les  êtres  de  la  substance  divine, 
proposait  à  l'homme,  comme  le  dernier  terme  de  la  perfec- 
tion, d'y  rentrer  par  l'extase  et  l'anéantissement  de  soi- 
même.  C'est  ce  mysticisme  moitié  arabe,  moitié  grec,  que 
M.  Tholuck  veut  nous  faire  admettre  comme  la  vraie  et 
unique  source  de  la  kabbale^  A  cette  fin,  il  commence  par 
s'attaquer  à  l'authenticité  des  livres  kabbalistiques,  surtout 
à  celle  du  Zohar,  qu'il  regarde  comme  une  compilation  de 
la  fin  du  treizième  siècle,  tout  en  accordant  à  la  kabbale 
elle-même  une  existence  plus  ancienne*.  Quand  il  pense 
avoir  mis  ce  point  hors  de  doute,  il  entreprend  de  démon- 
trer la  parfaite  ressemblance  des  idées  contenues  dans  ces 
livres  avec  celles  qui  font  la  substance  du  mysticisme  arabe. 
M.  Tholuck  n'ayant  avancé,  contre  l'authenticité  des  monu- 


\.  Remarques  sur  l'aiiliquilé  et  l'origine  de  la  Cabbale,  par  de  La  Nauzc, 
(.  IX  des  Méin.  de  VAcad.  des  inscript. 

9.  Cnmmenlatio  de  vi  quam  (jrœca  philosophia  in  (licoloijiam  lum  Muliani- 
medanorum,  tnin  Judicortim,  exercuerii.  Particula  I,  ihmib.,  1855,  in-i. 

3.  l'urlicula  II,  de  Orln  Cabbahe,  Uamb.,  1857. 

4.  Ouvr.  et/.,  part.  II,  p.  10-28. 

(i 


82  LA  KABBALE. 

ments  de  la  kabbale,  aucun  argument  que  nous  n'ayons 
déjà  réfuté,  nous  nous  arrêterons  seulement  à  la  dernière 
et  sans  contredit  la  plus  intéressante  partie  de  son  travail. 
Mais  ici  nous  sommes  obligé  d'entrer,  un  peu  par  antici- 
pation, dans  le  fond  même  du  système  kabbalistique,  et 
dans  quelques  considérations  relatives  à  son  origine  :  nous 
ne  nous  en  plaindrons  pas  si  cela  peut  jeter  quelque  diver- 
sion sur  les  recbercbes  un  peu  arides  qui  nous  occupent  en 
ce  moment. 

La  première  réflexion  qui  se  présente  à  l'esprit,  c'est  que 
la  similitude  des  idées  hébraïques  et  des  idées  arabes  fût- 
elle  parfaitement  établie,  il  n'en  résulterait  pas  encore  que 
celles-là  sont  nécessairement  une  contrefaçon  de  celles-ci. 
Ne  pourrait-il  pas  se  faire  que  les  unes  et  les  autres  fussent 
sorties  par  des  canaux  différents  d'une  source  commune 
plus  ancienne  que  la  philosophie  musulmane,  plus  an- 
cienne même  que  la  philosophie  grecque  d'Alexandrie?  En 
effet,  en  ce  qui  regarde  les  Arabes,  M.  Tholuck  est  obligé  de 
convenir  qu'ils  ne  connaissaient  nullement  la  philosophie 
d'Alexandrie  par  ses  véritables  organes  :  les  œuvres  de  Plo- 
tin,  de  Jamblique,  de  Proclus,  ne  sont  jamais  arrivées 
jus(|u'à  eux,  n'ont  jamais  été  traduites  ni  en  syriaque  ni  en 
arabe,  et  de  Porphyre  ils  ne  possédaient  qu'un  commentaire 
purement  logique,  l'introduction  au  traité  des  catégories'. 
D'un  autre  côté,  est-il  vraisemblable  que  les  croyances  et 
les  idées  de  l'ancienne  Perse,  que  la  philosophie  religieuse 
des  mages,  si  célèbre  dans  toute  l'antiquité  sous  le  nom 
de  sagesse  orientale,  aient  été  complètement  anéanties  à 
l'époque  de  l'invasion  musulmane,  et  ne  comptent  pour 
rien  dans  le  mouvement  intellectuel  qui  a  illustré  le  règne 
des  Abbassides?  Nous  savons  qu'Avicenne  a  écrit  un  ouvrage 
sur  la  sagesse  orientale.  De  quel  droit  donc  osc-t-oii  aTir- 

1.  Ib.  sup.,  part.  II,  p.  7-11. 


AUTUENTICITÉ  DU  ZOIIAR.  85 

mer,  d'après  quelques  rares  citations  d'un  auteur  plus  mo- 
derne, que  ce  livre  n'était  qu'un  recueil  de  pensées  néopla- 
toniciennes*? En  mettant  sous  nos  yeux  ce  passage  d'Al 
Gazali  :  «  Il  faut  que  tu  saches  qu'entre  le  monde  corporel 
«  et  celui  dont  nous  venons  de  parler  (le  monde  spirituel) 
«  il  y  a  le  même  rapport  qu'entre  notre  ombre  et  notre 
«  corps"  »,  comment  M.  Tholuck  ne  s'est-il  pas  rappelé  que 
c'est  aussi  dans  ces  termes,  en  se  servant  de  la  même  com- 
paraison, que  les  zerdustians,  l'une  des  sectes  religieuses 
de  l'ancienne  Perse,  avaient  formulé  le  principe  fonda- 
mental de  leur  croyance^?  Quant  aux  Juifs,  tout  le  monde 
sait  que  depuis  la  captivité  jusqu'à  leur  entière  dispersion, 
ils  n'ont  pas  cessé  d'être  en  relation  avec  ce  qu'ils  appellent 
le  pays  de  Babylone.  Nous  n'insisterons  pas,  pour  le  mo- 
ment, sur  ce  point,  qui  sera  longuement  développé  ailleurs. 
Nous  dirons  seulement  que  le  Zohar  cite  positivement  la 
sagesse  orientale  :  cette  sagesse,  dit-il,  que  les  enfants  de 
rOrient  connaissent  depuis  les  premiers  jours\  et  dont  il 
cite  un  exemple  parfaitement  d'accord  avec  ses  propres  doc- 
trines. Evidemment,  il  ne  peut  pas  être  ici  question  des 
Arabes,  que  les  écrivains  hébreux  appellent  invariablement 
les  enfants  d'Ismaël  ou  les  enfants  de  l'Arabie;  ce  n'est 
pas  dans  ces  termes  que  l'on  parlerait  d'une  philosophie 
contemporaine,  étrangère,  née  récemment  sous  l'influence 
d'Aristote  et  de  ses  commentateurs  alexandrins  :  le  Zohar 
ne  la  ferait  pas  remonter  aux  premiers  Tiges  du  monde;  il 
ne  la  présenterait  pas  comme  un  héritage  transmis  par 

i.  Oiivr.  cit.,  part.  J,  p.  IJ. 

2.  «  Jain  verô  mundi  corporalis  ad  eum  mundum  de  quo  modo  diximus,  ra- 
lionem  talcm,  qualis  umbroe  ad  corpus  hominis,  esse  scito....  «  Ih.  svpr.,  p.  17. 

3.  Voy.  Tliom.  Hijde,  (h  Rclifj.  vct.  Pcrs.,  c.  xxir,  p.  29C  ot  seq. 

\xaip  "^WD  ^•'yT  v,m  Nn?22n  N^nna  iS  itzxi.  i"  i';»-'-,  sec.  xin» 

fol.  90,  verso. 


84  LA  KABBALE. 

Abraham  aux  enfants  de  ses  concubines,  et  par  ceux-ci  aux 
nations  de  rOrient\ 

Mais  il  n'est  pas  même  nécessaire  que  nous  fassions  usage 
de  cet  argument;  car  la  vérité  est  que  le  mysticisme  aralje 
et  les  principes  enseignés  dans  le  Zohar  nous  frappent 
plutôt  par  leurs  différences  que  par  leurs  ressemblances. 
Tandis  que  les  unes  portent  exclusivement  sur  quelques 
idées  générales,  communes  à  toute  espèce  de  mysticisme, 
les  autres  éclatent  surtout  sur  les  points  les  plus  essentiels 
de  la  métaphysique  des  deux  systèmes,  et  ne  laissent  sub- 
sister aucun  doute  sur  la  diversité  de  leur  origine.  Ainsi, 
pour  aller  tout  droit  au  plus  important,  les  mystiques 
arabes,  après  avoir  reconnu  en  Dieu  la  substance  unique 
de  toutes  choses  et  la  cause  immanente  de  l'univers,  en- 
seignent qu'il  se  révèle  ou  se  manifeste  sous  trois  aspects 
différents  :  1"  celui  de  l'unité  ou  de  l'être  absolu,  au  sein 
duquel  nulle  distinction  n'existe  encore;  2°  celui  où  les 
objets  dont  se  compose  l'univers  commencent  à  se  distin- 
guer dans  leur  essence,  dans  leurs  formes  intelligibles,  et 
à  se  montrer  présents  devant  l'intelligence  divine.  La  troi- 
sième manifestation  divine,  c'est  l'univers  lui-même,  c'est 
le  monde  réel,  ou  Dieu  devenu  visible^  Le  système  kabba- 
lislique  est  loin  de  nous  offrir  ce  caractère  de  simplicité. 
Sans  doute,  il  nous  présente  aussi  la  substance  divine 
comme  la  substance  unique,  comme  la  source  d'où  dé- 
coulent éternellement,  sans  l'épuiser,  toute  vie,  toute 
lumière  et  toute  existence;  mais,  au  lieu  de  trois  mani- 
festations, de  trois  formes  générales  de  l'Être  infini,  il  en 
reconnaît  d'abord  dix  :  ce  sont  les  dix  Sephiroth,  qui  se 
partagent  en  trois  trinités  venant  se  réunir  dans  une  trinité 
uniijue  et  dans  une  forme  suprême.  Considérées  dans  leur 


i.  Ib.  stipr.,  M.  100,  rect.  et  vers. 

2.  Thol  .  oiivr.  cit..  part.  IF,  p.  28  et  20. 


AUTHENTICITÉ  DU  ZOIIAR.  85 

ensemble,  les  Sephirolh  ne  leprésenlent  que  le  premier 
degré,  que  la  première  sphère  de  l'existence,  celle  qu'on 
appelle  le  monde  de  Vémanation.  Au-dessous  d'elles  se 
trouvent  encore,  nous  offrant,  chacun  à  part,  le  spectacle 
d'une  variété  infinie,  le  monde  des  purs  esprits  ou  de  la 
création^  le  monde  des  sphères  ou  des  intelligences  qui  les 
dirigent,  ayant  pour  nom  le  monde  de  la  formation;  enfin 
le  degré  le  plus  infime  appelé  le  monde  du  travail  ou  de 
Vaclion.  Les  mystiques  arabes  reconnai-ssenl  aussi  comme 
une  âme  collective  dont  sortent  toules  les  âmes  particulières 
qui  animent  le  monde,  comme  un  esprit  générateur  qu'ils 
appellent  le  père  des  esprits,  l'esprit  de  Mahomet,  source, 
modèle  et  substance  de  tous  les  autres  esprits ^  C'est  dans 
cette  conception  d'esprit  qu'on  a  voulu  trouver  le  modèle 
de  VAdam  Kadmon,  de  l'homme  céleste  des  kabbalistes. 
Mais  ce  que  les  kabbalistes  désignent  par  ce  nom,  ce  n'est 
pas  seulement  le  principe  de  l'intelligence  et  de  la  vie  spi- 
riluelle;  c'est  aussi  ce  qu'ils  regardent  comme  au-dessus 
et  au-dessous  de  l'esprit;  c'est  l'ensemble  des  Sei)hiroth, 
ou  le  monde  de  l'émanation  tout  entier,  depuis  l'Etre  dans 
son  caractère  le  plus  abstrait  et  le  plus  insaisissable,  à  ce 
degré  qu'ils  nomment  le  pobit  ou  le  non-êlre,  juscju'aux 
forces  constitutives  de  la  nature.  On  ne  trouve  chez  les 
Arabes  aucune  trace  de  la  métempsycose,  qui  tient  une  si 
grande  place  dans  le  système  hébraïque.  Vainement  aussi 
vous  chercherez  dans  leurs  œuvres  ces  allégories  conti- 
nuelles que  l'on  rencontre  dans  le  Zohar,  cet  appel  constant 
à  la  tradition,  ces  personnifications  hardies  se  multipliant 
par  des  généalogies  sans  fin,  genealogiis  inlerminatk^ 
comme  dit  saint  Paul*,  et  ces  métaphores  gigantesques  et 


\.  Jb.  stipr.,  p.  7)0. 

2.  Il  est  bien  difficile  de  ne  pas  rapporter  à  la  kabbale  ce  passage  de  la 
première  lettre  de   saint    Paul  à  Timolliée  :  «  Ncque  intonderint   fabulis  et 


86  LA  KABBALE. 

bizarres  qui  s'accordent  si  bien  avec  l'esprit  du  vieil  Orient. 
Arrivé  à  la  fin  de  son  œuvre,  M.  Tholuck  lui-môine,  dont  la 
franchise  égale  la  science,  recule  devant  la  pensée  qui  l'avait 
séduit  d'abord,  et  il  conclut,  comme  nous  pourrions  le 
faire,  îi  l'impossibilité  absolue  de  faire  dériver  la  kabbale 
de  la  philosophie  mystique  des  Arabes.  Voici,  du  reste,  ses 
propres  paroles,  qui  ne  manqueront  pas  d'autorité  dans  la 
bouche  d'un  homme  si  profondément  instruit  de  la  philo- 
so[)hie  et  de  la  langue  des  peuples  musulmans  :  «  Que  con- 
«  dure  de  ces  analogies?  Peu  de  chose,  à  mon  sens. 
«  Car,  ce  que  les  deux  systèmes  ont  de  semblable,  on  le 
«  trouverait  ailleurs  dans  des  doctrines  plus  anciennes, 
«  dans  les  livres  des  Sabéens  et  des  Perses,  et  aussi  chez  les 
«  néoplatoniciens.  Au  contraire,  la  forme  extraordinaire 
«  sous  laquelle  ces  idées  nous  apparaissent  dans  la  kabbale 
ce  est  tout  à  fait  étrangère  aux  mystiques  arabes.  D'ailleurs, 
«  pour  s'assurer  que  la  kabbale  est  réellement  sortie  du 
«  commerce  de  ces  derniers,  il  faudrait  avant  tout  recher- 
«  cher  parmi  eux  la  doctrine  des  Sephiroth.  Mais  c'est  de 
«  quoi  ils  ne  nous  offrent  pas  le  moindre  vestige,  car  ils  ne 
«  connaissent  qu'un  seul  mode  sous  lequel  Dieu  se  révèle 
«  à  lui-même.  Sur  ce  point  la  kabbale  se  rapproche  bien 
«  davantage  de  la  doctrine  des  Sabéens  et  du  gnosticisme*.  « 
L'origine  arabe  de  la  kabbale  une  fois  démontrée  inadmis- 
sible, l'opinion  qui  fait  du  Zohar  une  œuvre  du  treizième 
siècle  a  perdu  son  dernier  appui;  je  veux  parler  d'un  cer- 
tain air  de  vraisemblance  dont  elle  pourrait  se  parer  encore. 


«   geuealogiis  interminalis,  qiue  qu?csliones  prœstant   magis  quàm  acJifica- 
«   tionem  Dei.  »  (Epist.  ad  Timatli.,  I,  4.) 

1.  «  Jain  veiô  ex  analogiis  istis  quid  censés  colligi  posse?  Equidem  non  mulla 
arbitrer.  Nam  similia  etiam  in  aliis  et  antiquiorihus  quidem  disciplinis  mons- 
trari  licel,  in  scriptis  Sabœis  et  Persicis,  nec  non  apud  neoplatonicos.  Contra 
singularis  illa  forma  quam  ideœ  islac  in  CaLbalà  prae  se  ferunt,  ab  Arabicis 
myslicis  abcst  »,  etc. 


AUTHENTICITE  DU  ZOIIAU.  87 

En  effet,  comme  on  a  déjà  pn  s'en  assni'er  par  le  parallèle 
que  nous  venons  d'établir,  le  Zohar  renferme  un  système  de 
la  plus  haute  portée,  de  la  plus  vaste  étendue.  Or,  une  con- 
ception de  ce  genre  ne  se  forme  pas  en  un  jour,  surtout  à 
une  époque  d'ignorance  et  de  foi  aveugle,  surtout  dans  une 
classe  d'hommes  sur  laquelle  pèse  l'horrible  poids  du  mépris 
et  de  la  persécution.  Si  donc  on  ne  rencontre  dans  tout  le 
moyen  âge  ni  les  antécédents,  ni  les  éléments  de  ce  système, 
il  faut  bien  en  reculer  la  naissance  jusque  dans  l'antiquité. 

Nous  voilà  arrivé  à  ceux  qui  prétendent  que  Simon  ben 
Jochaï  a  réellement  enseigné  à  un  petit  nombre  de  disciples 
et  d'amis,  parmi  lesquels  se  trouvait  son  fils,  la  doctrine 
métaphysique  et  religieuse  qui  fait  la  base  du  Zohar;  mais 
que  ses  leçons,  d'abord  transmises  de  bouclie  en  bouche, 
comme  autant  de  secrets  inviolables,  ont  été  rédigées  peu 
à  peu;  que  ces  traditions  et  ces  notes,  auxquelles  se  mêlèrent 
nécessaii^cment  des  commentaires  d'une  époque  plus  récente, 
s'accumulant,  et  par  là  même  s'a  Itérant  avec  le  temps,  arri- 
vèrent enfin  de  Palestine  en  Europe  vers  la  fin  du  treizième 
siècle.  Nous  espérons  que  cette  opinion,  qui  n'a  été  expri- 
mée jusqu'à  présent  qu'avec  timidité  et  sous  forme  de 
conjecture,  aura  bientôt  le  caractère  et  tous  les  droits  de  la 
certitude. 

D'abord,  comme  l'a  remarqué  déjà  l'auteur  de  la  chro- 
nique intitulée  la  Chaîne  de  la  tradition,  elle  s'accorde  par- 
faitement avec  l'histoire  de  tous  les  autres  monuments  reli- 
gieux du  peuple  juif  :  c'est  aussi  en  réunissant  des  traditions 
de  diflérenls  âges,  des  leçons  de  divers  maîtres,  liés  cepen- 
dant par  un  principe  commun,  qu'on  a  formé  et  la  Mischna, 
et  le  Thalmud  de  Jérusalem,  et  le  Thalmud  de  Babylone. 
Elle  ne  s'accorde  pas  moins  avec  une  croyance  qui,  d'après 
l'historien  que  nous  venons  de  citer,  doit  èlre  assez  ancienne. 
«  J'ai,  dit-il,  appris  par  tradition  que  cet  ouvrage  était 
«  tellement  volumineux,  que,  com})let,  il  aurait  suffi  à  la 


88  LA  KABBALE. 

«  charge  d'un  chameau'.  »  On  ne  peut  pas  supposer  qu'un 
homme,  quand  même  il  passerait  sa  vie  à  écrire  sur  de  telles 
matières,  puisse  laisser  de  sa  fécondité  une  preuve  aussi 
effrayante.  Enfin,  on  lit  aussi  dans  les  Suppléments  du 
Zohar,  imn  'Jipn,  écrits  dans  la  même  langue,  et  connus 
depuis  aussi  longtemps  que  le  ZoJiar  lui-même,  que  ce  der- 
nier ouvrage  ne  sera  jamais  entièrement  publié;  ou,  pour 
traduire  plus  fidèlement,  qu'il  le  sera  à  la  fin  des  jours*. 

Lorsqu'on  aborde  l'examen  du  livre  lui-même,  pour  y 
chercher,  sans  préoccupation,  quelques  lumières  sur  son 
origine,  on  ne  larde  pas  à  s'apercevoir,  par  l'inégalité  du 
style"  et  par  le  défaut  d'unité,  non  pas  dans  le  système, 
mais  dans  l'exposition,  dans  la  méthode,  dans  l'application 
des  principes  généraux,  enfin,  dans  les  pensées  de  détail, 
qu'il  est  tout  à  fait  impossible  de  l'attribuer  à  une  seule 
personne.  Pour  ne  pas  multiplier  les  exemples  sans  impor- 
tance, ])Our  ne  pas  insister  sur  des  faits  de  langage,  que 
nulle  traduction  ne  peut  conserver,  comme  on  ne  peut,  sans 
leur  donner  la  mort,  arracher  certaines  plantes  de  leur  sol 
natal,  nous  nous  bornerons  à  indiquer  rapidement  les  prin- 
cipales différences  qui  séparent  du  reste  de  l'ouvrage  trois 
fragments  dont  nous  avons  déjà  fait  mention,  savoir  :  le 
Livre  du  mystère,  Nnr^'iïT  irso  ,  généralement  considéré 
comme  le  plus  ancien;  la  Grande  assemblée,  Kan  nttx,  où 
l'on  représente  Simon  ben  Jochaï  au  milieu  de  tous  ses 
amis;  et  enfin  la  Petite  assemblée,  ntcitniin,  oii  Simon,  sur 
son  litde  mort,  après  avoir  été  précédé  dans  la  tombe  par  trois 

S"24  DNwa  "M  "tM^  'h-.  Sclialsclielctli  hahahalah,  fol.  25,  rect, 

2.  s]iD2  nSx  in'2  Ti2n  S-  NS;n"'  nS-^"  in-na  t;z?  fpn  ^idi  "TT^N-n 

3.  ]l  y  a  des  passages  où  l'araméen  est  à  peu  près  seul  employé  et  d'autres 
où  l'on  ne  trouve  que  les  terminaisons  de  celle  langue,  avec  des  mots  qui 
appartiennent  tous  à  l'hébreu  rabbinique. 


AUTHENTICITÉ  DU  ZOIIAR,  8» 

de  SCS  disciples,  donne  à  ceux  qui  lui  restent  ses  dernières 
instructions.  Ces  fragments,  qui,  placés  à  de  grandes  dis- 
lances l'un  de  l'autre,  nous  semblent  d'abord  comme  perdus 
dans  cet  immense  recueil,  forment  cependant  un  seul  tout 
parfaitement  coordonné,  et  pour  la  marche  des  événements 
et  pour  celle  des  idées.  On  y  trouve,  tantôt  sous  la  forme  de 
l'allégorie,  tantôt  dans  un  langage  métaphysique,  une  des- 
cription suivie  et  pompeuse  des  attributs  divins,  de  leurs 
diverses  manifestations,  de  la  manière  dont  le  monde  a  été 
formé,  et  des  rapports  qui  existent  entre  Dieu  et  l'homme. 
Jamais  on  n'y  quitte  ces  hauteurs  de  la  spéculation  pour 
descendre  dans  la  vie  extérieure  et  pratique,  pour  recom- 
mander l'observation  de  la  loi  ou  des  cérémonies  religieuses. 
Jamais  on  n'y  rencontre  ou  un  nom,  ou  un  fait,  ou  même 
une  expression  qui  pourrait  nous  faire  douter  de  l'authenti- 
cité de  ces  pages,  où  l'originalité  de  la  forme  donne  encore 
plus  de  prix  à  l'élévation  de  la  pensée.  La  parole  y  est  tou- 
jours dans  la  bouche  du  maître,  qui,  pour  convaincre  ses 
auditeurs,  n'emploie  pas  d'autre  méthode  que  celle  de  l'au- 
torité. 11  ne  démontre  pas,  il  n'explique  pas,  il  ne  répèle  pas 
ce  que  d'autres  lui  ont  appris;  mais  il  affirme,  et  chacune  de 
ses  paroles  est  accueillie  comme  un  article  de  foi.  Ce  carac- 
tère se  fait  surtout  remarquer  dans  le  Livre  du  mystère,  qui 
est  un  résumé  substantiel,  mais  aussi  fort  obscur,  de  tout 
l'ouvrage'.  On  pourrait  dire  de  lui  aussi  :  docebat  quasi 
auctorilalem  habens.  On  ne  procède  pas  ainsi  dans  le  reste 

1.  C'est  à  propos  de  ce  livre,  formant  un  traité  complet  en  cinq  chapitres,, 
qu'on  lit  dans  le  Zohar  celte  gracieuse  allégorie  :  o  Qu'on  se  figure  un  homme 
«  demeurant  seul  dans  les  montagnes  et  ne  connaissant  pas  les  usages  de  la 
If  ville.  11  ensemence  du  blé  et  ne  se  nourrit  que  de  blé  à  l'état  naturel.  Vn 
(I  jour  cet  homme  se  rend  à  la  ville.  On  lui  présente  du  pain  d'une  bonne 
«  qualité,  et  il  demande  :  A  quoi  sert  ceci?  On  lui  répond  :  C'est  du  pain  pour 
((  manger.  11  le  prend  et  en  goûte  avec  plaisir.  Puis  il  demande  de  nouveau  : 
«  Et  de  quoi  cela  est-il  fait?  On  lui  répond  que  c'est  avec  du  blé.  Quelque 
«  temps  après  on  lui  ofl're  des  gâteaux  pétris  dans  l'huile.  Il  en  goûte,  puis  il 


90  LA  KABBALE. 

du  livre.  Au  lieu  d'une  exposition  continue  d'un  mêuie  ordre 
d'idées;  au  lieu  d'un  plan  librement  conçu,  suivi  avec  con- 
stance, où  les  textes  sacrés  que  l'auteur  invoque  en  témoi- 
gnage vont  se  placer  à  la  suite  de  ses  propres  pensées,  c'est 
la  marche  incohérenle  et  désordonnée  d'un  commentaire. 
Cependant,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  observer,  l'exposi- 
tion de  l'Ecriture  sainte  n'est  qu'un  prétexte  ;  mais  il  n'en  est 
pas  moins  vrai  que,  sans  sortir  absolument  du  même  cercle 
d'idées,  on  est  fréquemment  conduit,  par  le  texte,  d'un  sujet 
à  un  autre ,  ce  qui  donne  lieu  de  penser  que  les  notes  et  les 
traditions  qui  se  sont  conservées  dans  l'école  de  Simon  bon 
Jochaï,  au  lieu  d'être  fondues  dans  un  système  commun 
d'après  l'ordre  logique,  ont  été  ajustées,  suivant  l'esprit  du 
temps,  aux  principaux  passages  du  Pentateuque.  On  est  con- 
firmé dans  cette  opinion  quand  on  s'est  donné  la  peine  de 
s'assuier  que  souvent  il  n'existe  pas  le  moindre  rapport 
entre  le  texte  biblique  et  la  partie  du  Zohar  qui  lui  sert  de 
commentaire.  La  même  incohérence,  le  même  désordre 
régnent  dans  les  faits,  qui,  d'ailleurs,  sont  en  petit  nombre 
et  portent  un  caractère  assez  uniforme.  Ici  la  théologie 
métaphysique  ne  règne  plus  en  souveraine  absolue  ;  mais,  à 
côté  des  théories  les  plus  hardies  et  les  plus  élevées,  on  ne 
rencontre  que  trop  souvent  les  détails  les  plus  matériels  du 
culte  extérieur,  ou  ces  questions  puériles  auxquelles  les  gué- 
marisles,  semblables  en  cela  aux  casuistes  de  toutes  les  autres 
croyances,  ont  consacré  tant  d'années  et  de  volumes.  Ici  sont 

<(  demande  :  Et  ceci,  de  quoi  cela  est-il  fait?  On  lui  répond  :  Avec  du  blé. 
«  Plus  tard  on  met  devant  lui  de  la  pâtisserie  royale  pétrie  avec  de  l'huile  et 
((  du  miel.  11  adresse  la  même  question  que  les  premières  fois,  et  il  obtient  la 
«  même  réponse.  Alors  il  dit  :  Moi,  je  suis  le  maître  de  toutes  ces  choses,  je 
«  les  goûte  dans  leur  racine,  puisque  je  me  nourris  du  blé  dont  elles  sont 
((  faites.  Dans  cette  pensée,  il  restait  étranger  aux  délices  qu'on  en  tire,  et  ces 
«  délices  étaient  perdues  pour  lui.  Il  en  est  de  même  de  celui  qui  s'arrête  aux 
((  principes  généraux  de  la  science,  car  il  ignore  toutes  les  délices  que  l'on  tire 
((  de  ces  piincipes.  » 


AUTHENTICITÉ  DU  ZOIIAR.  91 

rassemblés  tous  les  argumenls  que  les  critiques  modernes 
ont  fait  valoir  en  faveur  de  l'opinion  qui  leur  est  commune, 
et  dont  nous  croyons  avoir  tout  à  l'heure  démontré  la  faus- 
seté. Enfin,  tout,  dans  cette  dernière  partie,  la  forme  aussi 
bien  que  le  fond,  porte  les  traces  d'une  époque  plus  récente; 
tandis  que  la  simplicité,  l'enthousiasme  naïf  et  crédule  qui 
régnent  dans  la  première,  nous  rappellent  souvent  et  le 
temps  et  le  langage  de  la  Bible.  Nous  ne  pouvons  guère  en 
citer  qu'un  seul  exemple,  sans  anticiper  sur  l'avenir  :  c'est 
le  récit  de  la  mort  de  Simon  ben  Jocliaï,  parrabbi  Aba,  celui 
de  ses  disciples  qu'il  avait  chargé  de  rédiger  ses  leçons.  Nous 
allons  essayer  de  le  traduire.  «  La  lampe  sainte  (c'est  ainsi 
«  que  Simon  est  appelé  par  ses  disciples),  la  lampe  sainte 
«  n'avait  pas  achevé  cette  dernière  phrase,  que  les  paroles 
«  s'arrêtèrent,  et  cependant  j'écrivais  toujours;  je  m'atten- 
cc  dais  à  écrire  encore  longtemps,  quand  je  n'entendis  plus 
<c  rien.  Je  ne  levais  pas  la  tète,  car  la  lumière  était  trop 
«  grande  pour  me  permettre  de  la  regarder.  Tout  à  coup  je 
«  fus  saisi  :  j'entendais  une  voix  qui  s'écriait  :  De  longs 
«  jours,  des  années  de  vie  et  de  bonheur  sont  maintenant 
<c  devant  toi.  Puis  j'entendis  une  autre  voix  qui  disait  :  Il 
«  te  demandait  la  vie,  et  toi  lu  lui  donnes  des  années  éter- 
<c  nelles.  Pendant  tout  le  jour,  le  feu  ne  se  retira  pas  de  la 
<c  maison,  et  personne  n'osait  approcher  de  lui  à  cause  du 
<c  feu  et  de  la  lumière  qui  l'environnaient.  Pendant  tout  ce 
«  jour-là,  j'étais  étendu  à  terre  et  je  donnais  cours  à  mes 
«  lamentations.  Quand  le  feu  se  fut  retiré,  je  vis  que  la 
<c  lampe  sainte,  que  le  saint  des  saints  avait  quitté  ce  monde. 
«  ]1  était  là  étendu,  couché  sur  la  droite,  et  la  face  souriante, 
ce  Son  fils  Éliézer  se  leva,  lui  prit  les  mains  et  les  couvrit  de 
«  baisers;  mais  j'eusse  volontiers  mangé  la  poussière  que 
«  ses  pieds  avaient  touchée.  Puis  tous  ses  amis  arrivèrent 
«  pour  le  pleurer,  mais  aucun  d'eux  ne  pouvait  rompre 
•«  le  silence.  A  la  lin,  cependant,  leurs  larmes  coulèrent. 


92  LA  KABBALE. 

«  R.  Eliézer,  son  fils,  se  laissa  jusqu'à  trois  fois  tomber  à 
«  terre,  ne  pouvant  articuler  que  ces  mots  :  Mon  père!  mon 
«  père!...  R.  Ilïah,  le  premier,  se  remit  sur  ses  pieds,  et 
«  prononça  ces  paroles  :  Jusqu'aujourd'hui  la  lampe  sainte 
«  -n'a  cessé  de  nous  éclairer  et  de  veiller  sur  nous;  en  ce 
«  moment,  il  ne  nous  reste  qu'à  lui  rendre  les  derniers  hon- 
«  neurs.  R.  Éliézer  et  R.  Aba  se  levèrent,  pour  le  revêtir  de 
«  sa  robe  sépulcrale;  alors  tous  ses  amis  se  réunirent  en 
«  tumulte  autour  de  lui,  et  des  parfums  s'exhalèrent  de 
«  toute  la  maison,  il  fut  étendu  dans  la  bière,  et  aucun 
«  autre  que  R.  Éliézer  et  R.  Aba  ne  prit  part  à  ce  triste 
«  devoir.  Quand  la  bière  fut  enlevée,  on  l'aperçut  à  travers 
«  les  airs,  et  un  feu  brillait  devant  sa  face.  Puis  on  entendit 
(c   une  voix  qui  disait  :  Yenez,  et  réunissez-vous  à  la  fête 

«   nuptiale  de  rabbi  Simon Tel  fut  ce  rabbi  Simon,  fils  de 

c(  Jochaï,  dont  le  Seigneur  se  glorifiait  chaque  jour.  Sa 
(c  part  est  belle  et  dans  ce  monde  et  dans  l'autre.  C'est  pour 
«  lui  qu'il  a  été  dit  :  Va  vers  ta  fin,  repose  en  paix  et  con- 
cc  serve  ton  lot  jusqu'à  la  fin  des  jours*.  »  Nous  ne  voulons 
pas,  encore  une  fois,  nous  exagérer  la  valeur  que  ces  lignes 
peuvent  ajouter  aux  observations  qui  les  précèdent;  mais 
elles  nous  donneront  au  moins  une  idée  du  caractère  que 
Simon  avait  aux  yeux  de  ses  disciples,  et  du  culte  religieux 
dont  son  nom  est  entouré  dans  toute  l'école  kabbalistique. 
On  trouvera  sans  doute,  en  faveur  de  l'opinion  que  nous 
défendons,  une  preuve  plusévidente  dans  le  texte  suivant,  que 
nous  n'avons  vu  citer  nulle  part,  quoiqu'il  se  trouve  dans 
toutes  les  éditions,  dans  les  plus  anciennes  comme  dans  les 
plus  modernes.  Après  avoir  distingué  deux  sortes  de  doc- 
teurs, ceux  de  la  Mischna,  n:u3  rNî2,  et  ceux  de  la  kabbale, 
nb^p  nNî2,  on  ajoute  :  «  C'est  de  ceux-ci  que  le  prophète  Daniel 
«  a  voulu  parler,  lorsqu'il  a  dit  :  Et  les  hommes  intelligents 

1.  0'  part.,  fol.  296,  verso,  édit.  de  Manloue. 


AUTHENTICITÉ  DU  ZOIIAR.  93 

«  brilleront  comme  la  lumière  du  firmament.  Ce  sont  eux 
«  qui  s'occupent  de  ce  livre,  qu'on  appelle  le  Livre  ie  la  lu- 
«  mière,  et  qui,  semblable  à  l'arche  de  Noé,  en  réunit  deux 
«  d'une  ville  et  sept  d'un  royaume  ;  mais  quelquefois  il  n'y 
«  en  a  qu'un  de  la  même  ville  et  deux  de  la  même  famille. 
<c  C'est  en  eux  que  s'accomplissent  ces  paroles  :  Tout  mâle 
«  sera  jelé  dans  le  fleuve.  Or,  le  fleuve  n'est  pas  autre  chose 
«  que  la  lumière  de  ce  livret  ^)  Ces  mots  font  partie  du 
Zohar,  et  cependant  il  est  évident  qu'à  l'époque  où  ils  furent 
écrits,  le  Zohar  existait  déjà;  il  était  même  connu  sous  le 
nom  qu'il  porte  encore  aujourd'hui  ;  nous  sommes  donc 
forcé  de  conclure  qu'il  s'est  formé  successivement  pendant 
la  durée  de  plusieurs  siècles  et  par  le  travail  de  plusieurs 
générations  de  kabbalistes. 

Voici,  non  pas  la  traduction,  qui  occuperait  trop  de  place, 
mais  la  substance  d'un  autre  passage,  très  précieux  sous 
tous  les  rapports,  et  par  lequel  nous  voulons  surtout  mon- 
trer que,  longtemps  après  la  mort  de  Simon  ben  Jochaï,  sa 
doctrine  s'est  conservée  dans  la  Palestine,  où  il  avait  vécu  et 
enseigné,  et  que  de  Babylone  on  y  envoyait  des  émissaiies 
pour  recueillir  quelques-unes  de  ses  paroles.  R.  Jossé  et 
R.  Ézéchias,  voyageant  un  jour  ensemble,  la  conversation 
tomba  sur  ce  verset  de  VEcclcsiaste  :  «  L'homme  et  la  bête 
«  meurent  également  ;  le  sort  de  l'homme  est  comme  le  sort 
ce  de  la  bête;  ils  ont  tous  deux  le  même  sort^  >)  Les  deux 
docteurs  ne  pouvaient  comprendre  que  le  roi  Salomon,  le 
plus  sage  des  hommes,  ait  écrit  ces  paroles,  qui,  pour  me 
servir  de  l'expression  originale,  sont  une  porte  ouverte  pour 

1-  7)17)2  in''N-  -i.Ttn  "iSD  i-ip^ii  N-  iniTi  iiSinuD  xpi  pJiN»  '}iSx 
D"':n  •)'^';>2  Tnx  y:^lh^  xm^SD^z  72V^  ^^T2  d"':*^  m  ^lurj^nm  nj 

l^-j.  3°  part.,  fol.  153,  verso. 
2.  Ecclés.,  chap.  m,  v.  19. 


9i  LA.  KABBALE. 

ceux  qui  n'ont  pas  la  foi  ^  En  raisonnant  ainsi,  ils  furent 
accostés  par  un  homme  qui,  fatigué  par  une  longue  course 
et  par  un  soleil  ardent,  leur  demanda  à  boire.  Ils  lui  don- 
nèrent de  l'eau  et  le  conduisirent  auprès  d'une  source. 
Aussitôt  qu'il  se  sentit  soulagé,  l'étranger  leur  apprit  qu'il 
était  leur  coreligionnaire,  et  que,  par  l'intermédiaire  d'un 
fils  qui  donnait  tout  son  temps  à  l'élude  de  la  loi,  il  était 
lui-même  un  peu  initié  à  celte  connaissance.  Alors  on  lui 
soumit  la  question  dont  on  était  occupé  avant  son  arrivée. 
Il  est  inutile,  pour  le  but  auquel  nous  voulons  atteindre  ici, 
de  faire  connaître  la  manière  dont  il  la  résolut;  nous  dirons 
seulement  qu'il  fut  vivement  applaudi,  et  ce  fut  avec  grande 
peine  qu'on  le  laissa  repartir.  Peu  de  temps  après,  les  deux 
kabbalistes  eurent  les  moyens  de  s'assurer  que  cet  homme 
était  du  nombre  des  amis  (c'est  ainsi  que,  dans  toute  l'éten- 
due de  l'ouvrage,  se  nomment  les  adeptes  de  la  doctrine); 
que,  l'un  des  plus  grands  docteurs  de  l'époque,  c'était  par 
humilité  qu'il  faisait  honneur  à  son  fils  de  la  science  qu'on 
admirait  en  lui  ;  qu'enfin  il  était  venu  en  Palestine,  envoyé 
par  les  amis  de  Babylone,  pour  recueillir  quelques  paroles 
de  Simon  ben  Jochaï  et  de  ses  disciples  ^  Tous  les  autres 
faits  rapportés  dans  ce  livre  sont  empreints  de  la  même 
couleur,  et  se  passent  sur  le  même  théâtre.  Ajoutons  à  cela 
qu'on  y  fait  souvent  mention  des  croyances  religieuses  de 
l'Orient,  comme  du  sabéisme  ^  et  même  de  l'islamisme  ; 
qu'au  contraire,  on  n'y  trouve  rien  qui  puisse  se  rapporter 
à  la  religion  chrétienne,  et  nous  comprendrons  comment  le 
Zohai\  dans  l'état  où  nous  le  voyons  aujourd'hui ,  a  pu 

1-  .Ta  r\jT\Vii.  NniTZ^-iT^  1:2  'nS-  ]';\sh  xnnD  Nm.  5'  part-,  foi.  157, 

verso. 

N"'"'1in  "INwl  \sn*''  T2  7""?r'^*.  Voyez,  pour  tout  le  récit,  Zohav,  o"  part., 
loL  157  et  158. 

3.  Voyez  surtout  la  1"^^  partie  du  Zohar,  fol.  99  et  100. 


AUTHENTICITE  DU  ZOIIAR.  95 

n'être  introduit  dans  nos  contrées  que  vers  la  fin  du  trei- 
zième siècle.  Quelques-unes  des  doctrines  qu'il  renferme, 
comme  nous  l'avons  vu  par  l'exemple  de  Saadiah,  étaient 
sans  doute  déjcà  connues  auparavant;  mais  il  paraît  certain 
qu'avant  Moïse  de  Léon,  avant  le  départ  de  Naclimanides 
pour  la  Terre-Sainte,  il  n'en  existait  en  Europe  aucun  ma- 
nuscrit complet.  Quant  aux  idées  qu'il  contient,  Simon  ben 
Jochaï  nous  apprend  lui-même  qu'il  ne  les  a  pas  apportées 
le  premier.  Il  répète  à  ses  disciples  ce  que  les  amis  ont 
enseigné  dans  les  livres  anciens  (nson  xnn  njicxt  ne* 
\s*Gip).  Il  cite  particulièrement  Jéba  le  Vieux  et  Hamnouna 
le  \ieux.  Il  espère,  au  moment  de  révéler  les  plus  grands 
secrets  de  la  kabbale,  que  l'ombre  de  Hamnouna  viendra 
l'écouler,  suivie  d'un  cortège  de  soixante-dix  justes  \  Je  suis 
loin  de  prétendre  que  ces  personnages  et  surtout  ces  livres 
d'une  antiquité  si  reculée  aient  existé  réellement  ;  je  veux 
seulement  constater  ce  fait  que  les  auteurs  du  ZoJiar  n'ont 
jamais  songé  à  représenter  Simon  ben  Jocbaï  comme  l'inven- 
teur de  la  science  kabbalistique. 

Il  est  un  autre  fait  qui  mérite  de  notre  part  la  plus 
sérieuse  attention.  Plus  d'un  siècle  après  que  le  Zohar  fut 
publié  en  Espagne,  il  existait  encore  des  bommes  qui  ne 
connaissaient  et  ne  transmettaient  que  par  tradition  la  plu- 
part des  idées  qui  en  sont  la  substance.  Tel  est  Moïse  Botril, 
qui,  en  1409,  ainsi  qu'il  nous  l'apprend  lui-même",  s'ex- 
prime ainsi  sur  la  kabbale  et  sur  les  précautions  avec 
lesquelles  il  faut  l'enseigner  :  «  La  kabbale  n'est  pas  autre 
«  cliose  qu'une  pbilosopbie  plus  pure  et  plus  sainte;  seule- 
«  ment  le  langage  pbilosopliique  n'est  pas  le  même  que  ce- 
ce  lui  de  la  kabbale^...  Elle  est  ainsi  appelée  parce  qu'elle  ne 
«  procède  pas  par  raisonnement,  maispar  tradition.  Et  lorsque 

i.  Ulra  Raha,  aJ  init. 

2,  Voyez  son  Commentaire  sur  le  Sepher  iclzituh,  édit.  de  Mantoue,  fol.  46. 

5.  Ib.  supr.j  fol.  5t. 


06  LA  KADBALE. 

«  le  maître  a  développé  ces  matières  à  son  disciple,  il  ne  faut 
«  pas  encore  que  celui-ci  ait  trop  de  confiance  en  sa  sagesse; 
«  il  ne  lui  est  pas  permis  de  parler  de  cette  sciencesi  d'a- 
ce bord  il  n'y  a  été  formellement  autorisé  par  le  maître.  Ce 
«  droit  lui  sera  accordé,  c'est-à-dire  qu'il  pourra  parler  de 
«  la  Mercalja,  s'il  a  donné  des  preuves  de  son  intelligence,  et 
<c  si  les  germes  déposés  dans  son  sein  ont  porté  des  fruits.  Il 
<c  faudra,  au  contraire,  lui  recommander  le  silence,  si  l'on 
«  ne  trouve  en  lui  qu'un  homme  extérieur,  et  s'il  n'est  pas 
«  encore  arrivé  au  nombre  de  ceux  qui  se  distinguent  par 
«  leurs  méditations  '.  »  L'auteur  de  ces  lignes  paraît  igno- 
rer jusqu'au  nom  du  Zoliar,  qui  n'est  pas  prononcé  une 
seule  fois  dans  tout  le  cours  de  son  ouvrage.  En  revanche,  il 
cite  un  grand  nombre  d'écrivains  très  anciens,  mais  qui, 
presque  tous,  appartiennent  à  l'Orient,  comme  R.  Saadiah, 
R.  liai  et  R.  Aron,  le  chef  de  l'Académie  de  Rahylone.  Quel- 
quefois aussi  il  nous  parle  de  ce  qu'il  a  appris  verbalement 
de  la  bouche  de  son  maître  ;  on  ne  peut  donc  pas  supposer 
qu'il  ait  puisé  ses  connaissances  kahhalistiques  dans  les  ma- 
nuscrits qui  furent  publiés  par  Nachmanides  et  Moïse  de 
Léon;  mais,  après  comme  avant  le  treizième  siècle,  le  sys- 
tème dont  Simon  ben  Jochaï  peut  être  considéré  au  moins 
comme  le  plus  illustre  représentant,  s'est  principalement 
conservé  et  propagé  par  une  multitude  de  traditions,  que  les 
uns  se  plaisaient  à  écrire,  tandis  que  les  autres,  plus  fidèles 
à  la  méthode  de  leurs  ancêtres,  les  gardaient  religieusement 
dans  leur  mémoire.  Dans  le  Zohar  se  trouvent  seulement 
réunies  celles  qui  ont  pris  naissance  depuis  le  premier  jus- 
qu'à peu  près  vers  la  fin  du  septième  siècle  de  l'ère  chré- 
tienne. En  effet,  nous  ne  pouvons  pas  faire  remonter  à  une 
époque  moins  reculée,  je  ne  dirai  pas  la  rédaction,  mais 
l'existence  de  ces  traditions  si  semblables  ou  si  liées  entre 

i.  Ib.,  fol.  87,  verso. 


AUTHEISTICITÉ  DU  ZOUAR.  DT 

elles  par  l'esprit  qui  les  anime  ;  car  alors  on  connaissait 
déjà  la  Mercaba,  qui  n'est  pas  autre  chose,  comme  nous  sa- 
vons, que  cette  partie  de  la  kabbale  à  laquelle  le  Zoliar  est 
spécialement  consacré  ;  et  Simon  ben  Jochaï  nous  apprend 
lui-même  qu'il  avait  des  prédécesseurs.  Il  nous  est  égale- 
ment impossible  de  les  faire  naître  dans  un  temps  plus  rap- 
proché de  nous  :  parce  que  nous  ne  connaissons  aucun  fait 
qui  nous  y  autorise.  Ainsi,  les  difficultés  insurmontables 
que  l'on  rencontre  dans  les  opinions  qui  se  distinguent  de  la 
nôtre,  deviennent  dans  celles-ci  des  faits  positifs  qui  la  con- 
firment et  qui,  parmi  les  preuves  dont  nous  nous  sommes 
servi,  ne  doivent  pas  être  comptées  les  dernières. 

Il  nous  reste  cependant  encore  deux  objections  à  résoudre  : 
on  a  demandé  comment,  dans  un  temps  aussi  éloigné  de 
nous  que  celui  auquel  nous  rapportons  le  principal  monu- 
ment du  système  kabbalistique,  on  a  pu  connaître  le  prin- 
cipe qui  fait  la  base  de  la  cosmographie  de  nos  jours,  ou 
le  système  de  Copernic,  si  clairement  résumé  dans  un  pas- 
sage dont  nous  avons  plus  haut  donné  la  traduction.  Nous 
répondrons  que,  dans  tous  les  cas,  môme  en  admettant 
que  le  Zohar  n'est  qu'une  imposture  de  la  fin  du  treizième 
siècle,  ce  passage  était  connu  avant  la  naissance  de  l'astro- 
nome prussien.  Ensuite,  les  idées  qu'il  renferme  étaient 
déjà  répandues  parmi  les  anciens,  puisque  Aristote  le? 
attribue  à  l'école  de  Pythagorc.  «  Presque  tous  ceux,  dit-il, 
«  qui  affirment  avoir  étudié  le  ciel  dans  son  ensemble, 
«  prétcntlent  que  la  terre  est  au  centre;  mais  les  pbilo- 
«  sophes  de  l'école  italique,  autrement  appelés  les  pylha- 
«  goriciens,  enseignent  tout  le  contraire.  Dans  leur  opinion, 
«  le  centre  est  occupé  par  le  feu,  et  la  terre  n'est  qu'une 
«  étoile  dont  le  mouvement  circulaire  autour  de  ce  même 
«  centre  produit  la  nuit  et  le  jour',  m  Dans  leurs  attaques 

eîvai  '^da:v.  Evxvt:io;  o'.   zzfi  zr,v    'IraXi^av.   y.aAoj;j.:vo'.  ol  -jO^-^/oio'.  ÀfYOJîtv  • 

7 


98  LA  KABBALE. 

contre  la  philosophie,  les  premiers  Pères  de  l'Eglise  n'ont 
pas  cru  devoir  épargner  celte  opinion,  qui  est  en  effet  incon- 
ciliable avec  le  système  cosmologique  enseigné  dans  la 
Genèse.  «  C'est,  dit  Lactance,  une  absurdité  de  croire  qu'il 
«  y  a  des  hommes  qui  ont  les  pieds  au-dessus  de  leurs 
«  têtes,  et  des  pays  où  tout  est  renversé,  où  les  arbres  et 
«  les  plantes  croissent  de  haut  en  bas....  On  trouve  le 
«  germe  de  celte  erreur  chez  les  philosophes  qui  ont  prê- 
te tendu  que  la  terre  est  ronde \  »  Saint  Augustin  s'est 
exprimé  sur  le  même  sujet  en  termes  à  peu  près  sem- 
blables^  Enfin,  même  les  auteurs  les  plus  anciens  de  la 
Guémara  avaient  connaissance  des  antipodes  et  de  la  forme 
sphérique  de  la  terre,  car  on  lit  dans  le  Thalmud  de  Jéru- 
salem' qu'Alexandre  le  Grand,  en  parcourant  la  leri*e  pour  en 
faire  la  conquête,  apprit  qu'elle  est  ronde  ;  et  l'on  ajoute  que 
c'est  pour  cela  qu'il  est  ordinairement  représenté  un  globe 
à  la  main.  Mais  le  fait  même  dans  lequel  on  a  cru  trouver 
une  objection  contre  nous,  prouve  au  contraire  pour  nous; 
car,  pendant  toute  la  durée  du  moyen  âge,  le  vrai  système 
du  monde  est  resté  à  peu  près  ignoré  et  le  système  de  Plo- 
Icmée  régnait  sans  partage. 

On  pourrait  aussi  s'étonner  de  trouver,  précisément  dans 
cette  partie  du  Zohar  que  nous  regardons  comme  la  plus 
ancienne,  des  connaissances  médicales  qui  semblent  accuser 
une  civilisation  assez  récente.  Par  exemple  Vldra  Raba,  ou 
le  morceau  intitulé  la  Grande   assemblée,    renferme   ces 


l:i\  [aIv  yàp  tou  [asiou  7:up  etvai   oâi'.,  rJjv  Si  -v^y  sv  twv  S^rpwv  ou-iav,  x-jxXhi 
<jp:po;j.£vriv  r.ifi  zo  ^hov  vû/.Ta  t£  "/.at  fjU.c'pav  tzoisTv.  De  Cœlo,  liv.  II,   chap.  xiii. 

1.  «  Ineplum  crederc  esse  homines  quorum  vestigia  sint  superiora  quam 
capita,  aut  ibi  quœ  apud  nos  jacent  inversa  pendere  ;  fruges  et  arbores  deorsuna 
versus  crescere —  flujus  erroris  originem  philosophis  fuisse  quod  exislimarint 
rotundura  esse  mundum.  »  Lib.  III,  cap.  xxiv. 

2.  De  Civilate  Dei,  lib.  XVI,  cap.  ix. 

3.  Âboda  Zarah,  chap.  m. 


AUTHENTICITÉ  DU  ZOIIAR.  99 

lignes  remarquables  que  l'ou  croirait  empruntées  à  quelque 
traité  d'anatomie  de  nos  jours  :  «  Dans  l'intérieur  du  crâne, 
«  le  cerveau  se  partage  en  trois  parties,  dont  chacune 
«  occupe  une  place  distincte.  Il  est,  en  outre,  recouvert  d'un 
«  voile  très  mince,  puis  d'un  autre  voile  plus  dur.  Au 
«  moyen  de  trente-deux  canaux,  ces  trois  parties  du  cer- 
«  veau  se  répandent  dans  tout  le  corps  en  se  dirigeant  par 
«  deux  côtés  :  c'est  ainsi  qu'elles  embrassent  le  corps  sur 
«  tous  les  points  et  se  répandent  dans  toutes  ses  parties'.  » 
Il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  à  ces  mots,  et  les 
trois  organes  principaux  dont  se  composent  l'encéphale  et  ses 
principaux  téguments,  et  les  trente-deux  paires  de  nerfs  qui 
en  partent  dans  un  ordre  symétrique,  pour  donner  la  vie 
et  la  sensibilité  à  toute  l'économie  animale.  Mais  nous  ferons 
remarquer  qu'obligés  de  se  soumettre,  relativement  à  leur 
nourriture,  à  une  foule  de  prescriptions  religieuses,  obligés 
d'observer  et  les  divers  états  et  les  diverses  constitutions 
des  animaux,  dans  la  crainte  de  manger  de  ceux  que  la  loi 
déclare  impurs,  les  Juifs  ont  été  excités  de  bonne  heure, 
par  le  plus  puissant  des  mobiles,  à  l'étude  de  l'anatomie 
et  de  l'histoire  naturelle.  C'est  ainsi  que  dans  le  Thalmud, 
parmi  les  affections  qui  peuvent  atteindre  les  animaux  et  en 
font  proscrire  la  chair,  on  compte  généralement  la  perfora- 
tion des  enveloppes  du  cerveau,  maS^^  Diip3p''J.  Mais  il  y 
a  une  condition  sur  laquelle  les  avis  sont  partagés  :  selon 
les  uns,  la  défense  n'est  légitime  que  lorsqu'elle  atteint  à  la 
fois  les  deux  téguments;  selon  les  autres,  il  suffit  qu'on  la 
trouve  dans  la  dure-mère.  Enfin,  d'autres  se  contentent 
d'une  solution  de  continuité  dans  les  deux  enveloppes  infé- 

^'  xiiEn  p''pT  Nî2TipT  ini  Nma  Knu;i  '.nDri^x  yhhn  j  NnS;bi;3 
\h'^2XD  ^nm  ^TiSnS  p-'s:!  i2tt»snK  Nnia  ^xn  '"'  ï<u?iu;p  NDi-ipi  i.tiS:? 
THK  ^irxii  NTCD  \smSi  NTt2D  \s'nS  NSia  Sdi  ^iTotysna  ;  ^Sni  *'" 


100  LA  KABBALE. 

rieiires*.  Dans  le  même  traité,  on  parle  aussi  de  la  moelle 
épinière,  nii^n  :3in,  et  des  maladies  qui  lui  sont  propres. 
Nous  ajouterons  à  cela  que,  dès  le  milieu  du  deuxième 
siècle,  il  existait  parmi  les  Hébreux  des  médecins  de  pro- 
fession; car  on  raconte  encore  dans  le  Thalmud^  que  Judas 
le  Saint,  le  rédacteur  de  la  Mischna,  a  souffert  pendant 
treize  ans  d'une  affection  ophtalmique,  et  qu'il  avait  pour 
médecin  R.  Samuel,  l'un  des  plus  zélés  défenseurs  de  la 
tradition,  et  qui,  outre  la  médecine,  cultivait  l'astronomie 
et  les  mathématiques.  On  disait  de  lui  qu'il  connaissait  les 
chemins  du  ciel  comme  les  rues  de  Néhardéa,  sa  ville 
natale^ 

Nous  terminerons  ici,  et  sans  doute  il  en  est  temps,  ces 
observations  purement  bibliographiques  et  ce  que  nous 
appellerions  volontiers  l'histoire  extérieure  de  la  kabbale. 
Les  livres  que  nous  avons  examinés  ne  sont  donc  pas, 
comme  des  enthousiastes  l'ont  affirmé  avec  confiance,  ou 
d'une  origine  surnaturelle,  ou  d'une  antiquité  qui  échappe 
à  l'histoire.  Mais  ils  ne  sont  pas  non  plus,  comme  le  prétend 
aujourd'hui  encore  une  critique  superficielle  et  incrédule, 
ils  ne  sont  pas  le  fruit  d'une  imposture  conçue  et  con- 
sommée dans  un  intérêt  sordide,  l'œuvre  d'un  charlatan 
pressé  par  la  faim,  dénué  d'idées,  de  convictions,  et  spé- 
culant sur  une  grossière  crédulité.  Ces  deux  livres,  encore 
une  fois,  ne  sont  pas  moins  que  l'œuvre  de  plusieurs  gé- 
nérations. Quelle  que  soit  la  valeur  des  doctrines  qu'ils 
enseignent,  ils  mériteront  toujours  d'être  conservés  comme 
un  monument  des  longs  et  patients  efforts  de  la  liberté 
intellectuelle,  au  sein  d'un  peuple  et  dans  un  temps  sur 
lesquels  le  despotisme  religieux  s'est  exercé  avec  le  plus 


\.  Thalm.  Babyl.,  tract.  Clioidin,  chap.  m. 
2.  Schalschdctli  liakabalah.  M.  24,  verso. 

5.  lyTin:!  iSu^ùtd  N^au;T  ^rz'Q  n^b  V'\r\2.  i^-  supr. 


AUTIIENTICITË  DU  ZOIIAR.  101 

d'énergie.  Mais  tel  n'est  pas  leur  seul  titre  à  notre  intérêt  : 
ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  et  comme  on  ne  tardera 
pas  à  en  être  convaincu,  le  système  qu'ils  renferment  est  par 
lui-même,  par  son  origine  et  par  l'influence  qu'il  a  exercée, 
un  fait  très  important  dans  l'histoire  de  la  pensée  humaine. 


DEUXIÈME   PARTIE 


CHAPITRE  I 


DE    LA   DOCTRINE    CONTENUE    DANS    LES    LIVRES    KABBALISTIQUES 
ANALYSE    DU    SEPHER    lETZIliAH 


Les  deux  livres  que,  malgré  la  crédulilé  des  uns  et  le 
seeplicismc  des  autres,  nous  avons  reconnus  pour  les  vrais 
monuments  de  la  kabbale,  nous  fourniront  seuls  les  maté- 
riaux que  nous  allons  faire  servir  à  l'exposition  de  celte 
doctrine.  Ce  ne  sera  qu'en  de  rares  occasions,  quand  l'ob- 
scurité des  textes  nous  en  fera  une  absolue  nécessité,  que 
nous  ferons  intervenir  les  commentaires.  Mais  les  innom- 
brables fragments  dont  ces  livres  se  composent,  empruntés, 
sans  clioix  et  sans  disccrnemenl,  à  des  époques  différentes, 
sont  loin  de  nous  offrir  tous  un  caractère  parfaitement  uni- 
forme. Ceux-ci  ne  font  qu'étendre  le  système  mythologique 
dont  les  éléments  les  plus  essentiels  se  trouvent  déjà  dans 
le  Livre  de  Jub  et  les  Visions  illsaïe  :  ils  nous  font  con- 
naître, avec  une  grande  richesse  de  détails,  les  attributions 
des  anges  comme  celles  des  démons,  et  se  rapportent  à  des 
idées  dejtuis   trop   longtemps  populaires,  pour  appartenir 


104  LA  KABUALE. 

à  une  science  considérée  dès  son  origine  comme  un  secret 
aussi  terrible  qu'inviolable.  Ceux-là,  sans  contredit,  les  plus 
récents,  expriment  des  penchants  si  serviles  et  un  phari- 
saïsmc  si  étroit,  qu'ils  ressemblent  à  des  traditions  thal- 
mudiques,  mêlées  par  orgueil,  autant  que  par  ignorance, 
aux  opinions  d'une  secte  fameuse,  dont  le  nom  seul 
inspirait  un  respect  idolâtre.  Enfin,  ceux  qui  forment  le 
plus  grand  nombre  nous  enseignent,  dans  leur  ensemble, 
la  véritable  croyance  des  anciens  kabbalistes,  et  sont  la 
source  à  laquelle  ont  puisé,  plus  ou  moins  préoccupés  de  la 
philosophie  de  leur  siècle,  tous  les  hommes  qui  voulurent 
passer,  dans  les  temps  modernes,  pour  leurs  disciples  et 
leurs  continuateurs.  Nous  sommes  cependant  obligé  de  faire 
remarquer  que  celte  distinction  ne  regarde  que  le  Zohar. 
Quant  au  Livre  de  la  création,  sur  lequel  notre  analyse 
s'exercera  d'abord,  s'il  n'est  pas  d'une  grande  étendue,  si 
même  il  ne  porte  pas  toujours  notre  esprit  vers  des  régions 
très  élevées,  il  nous  offre  du  moins  une  composition  très 
homogène  et  d'une  rare  originalité.  Les  nuages  dont  l'ima- 
gination des  commentateurs  s'est  plu  à  l'entourer,  se  dis- 
siperont d'eux-mêmes  si,  au  lieu  d'y  chercher,  à  leur 
exemple,  les  mystères  d'une  sagesse  ineffable,  nous  n'y 
voyons  qu'un  effort  de  la  raison,  au  moment  de  son  réveil, 
pour  apercevoir  le  plan  de  l'univers  et  le  lien  qui  rattache 
à  un  principe  commun  tous  les  éléments  dont  il  nous  offre 
l'assemblage. 

Ce  n'est  jamais  qu'en  s'appuyant  sur  l'idée  de  Dieu,  qu'en 
se  faisant  l'interprète  de  la  volonté  et  de  la  pensée  suprêmes, 
que  la  Bible  ou  tout  autre  monument  religieux  nous  explique 
le  monde  et  les  phénomènes  dont  il  est  le  théâtre.  C'est 
ainsi  que  dans  la  Genèse  nous  voyons  la  lumière  sortir  du 
néant  à  la  parole  de  Jéhovah  ;  Jéliovah,  après  avoir  tiré  du 
chaos  le  ciel  et  la  terre,  se  fait  le  juge  de  son  œuvre  et  la 
trouve  digne  de  sa  sagesse  :  c'est  pour  éclairer  la  terre  qu'il 


ANALYSE  DU  SE  PUER  lETZIRAH.  105 

attache  au  firmament  le  soleil,  la  lune  et  les  étoiles.  Quand 
il  prend  de  la  poussière,  qu'il  fait  passer  en  elle  un  souffle 
de  vie  pour  laisser  ensuite  échapper  de  ses  mains  la  der- 
nière et  la  plus  belle  de  ses  créatures,  il  nous  a  déjà  déclaré 
son  dessein  de  former  l'homme  à  son  image.  —  Dans  l'ou- 
vrage dont  nous  essayons  de  rendre  compte,  on  suit  une 
marche  tout  opposée,  et  cette  différence  est  très  significa- 
tive, quand  elle  se  montre  pour  la  première  fois  dans  l'his- 
toire intellectuelle  d'un  peuple  :  c'est  par  le  spectacle  du 
monde  qu'on  s'élève  à  l'idée  de  Dieu;  c'est  par  l'unité  qui 
règne  dans  l'œuvre  de  la  création,  qu'on  démontre  à  la  fois 
et  l'unité  et  la  sagesse  du  Créateur.  Telle  est,  comme  nous 
l'avons  dit  ailleurs,  la  raison  pour  laquelle  le  livre  tout 
entier  n'est  pour  ainsi  dire  qu'un  monologue  placé  dans  la 
bouche  du  patriarche  Abraham  :  on  suppose  que  les  consi- 
dérations qu'il  renferme  sont  celles  qui  ont  porté  le  père 
des  Hébreux  à  quitter  le  culte  des  astres  pour  y  substituer 
celui  de  l'Eternel.  Le  caractère  que  nous  venons  de  signaler 
éclate  avec  tant  d'évidence,  qu'il  a  été  remarqué  et  défini 
avec  beaucoup  de  justesse  par  un  écrivain  du  douzième 
siècle.  «  Le  Sepher  ietzirah,  dit  Jehouda  Hallévi,  nous 
«  enseigne  l'existence  d'un  seul  Dieu,  en  nous  montrant, 
«  au  sein  de  la  variété  et  de  la  multiplicité,  la  présence  de 
«  l'unité  et  de  l'harmonie;  car  un  tel  accord  ne  peut  venir 
«  que  d'un  seul  ordonnateur'.  »  Jusqu'ici  tout  est  parfai- 
tement conforme  aux  procédés  de  la  raison;  mais,  au  lieu 
de  chercher  dans  l'univers  les  lois  qui  le  régissent,  pour 
lire  ensuite  dans  ces  lois  elles-mêmes  la  pensée  et  la  sagesse 
divines,  on  s'efforce  d'établir  une  grossière  analogie  entre 

i.  Cuzary,  Disc,  4,  8,  23.  Au  lieu  du  texte  hébreu,  qui  serait  peu  compris, 
nous  citerons  l'excellente  traduction  espagnole  de  Jacob  Abendana  :  «  Ensena 
la  deydad  y  la  unidad  por  cosas  que  son  varias  y  inulliplicadas  por  una  parte, 
pero  per  olra  parle,  son  unidas  y  concordantes,  y  su  union  procède  dcl  uno 
que  los  ordcna.  » 


106  LA  KABBALE. 

les  choses  et  les  signes  de  la  pensée,  ou  les  moyens  par  les- 
quels la  sagesse  se  fait  entendre  et  se  conserve  parmi  les 
hommes.  Remarquons,  avant  d'aller  plus  loin,  que  le  mys- 
ticisme, en  quelque  temps  et  sous  quelque  forme  qu'il  se 
manifeste,  attache  une  importance  sans  mesure  à  tout  ce 
qui  peut  représenter  au  dehors  les  actes  de  l'intelligence,  et 
il  n'y  a  pas  encore  si  longtemps  qu'un  écrivain  très  connu 
parmi  nous  a  voulu  prouver  que  l'écriture  n'est  pas  une 
invention  de  l'humanité,  mais  un  présent  delà  révélation'. 
Ici  il  s'agit  des  vingt-deux  lettres  de  l'alphahet  héhreu  et 
des  dix  premiers  nomhres  qui,  en  conservant  leur  propre 
valeur,  servent  encore  à  l'expression  de  tous  les  autres. 
Réunies  sous  un  point  de  vue  commun,  ces  deux  sortes  de 
signes  sont  appelées  les  trente-deux  voies  merveilleuses  de  la 
Sagesse,  «  avec  lesquelles,  dit  le  texte,  l'Eternel,  le  Sei- 
«  gncur  des  armées,  le  Dieu  d'Israël,  le  Dieu  vivant,  le  Roi 
ce  de  l'univers,  le  Dieu  plein  de  miséricorde  et  de  grâce, 
«  le  Dieu  suhlime,  qui   demeure  dans  l'éternité,  le  Dieu 
«  élevé  et  saint  a  fondé  son  nom^  ».  A  ces  trente-deux  voies 
de  la  Sagesse,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  distinc- 
tions subtiles,  et  d'un  ordre  tout  différent,  admises  à  leur 
place  par  les  kabbalistes  modernes',  il  faut   ajouter  trois 
autres  formes,  désignées  par  trois  termes  d'un  sens  très 
douteux,  mais  qui   ont  certainement,  au  moins  par  leur 
généalogie  grammaticale,    une  très   grande    ressemblance 
avec  ceux  qui  en  grec  désignent  le  sujet,   l'objet  et  l'acte 
même  de  la  pensée \  Nous  croyons  avoir  démontré  précé- 
demment que  ces  mots  détachés  sont  entièrement  étran- 

1.  M.  de  Donald,  Recherches  pliilosoph.,  cliap.  in.  Voy.  aussi  M.  de  Maistrc, 
Soirée-,  de  Samt-Pétersbourg,  t.  II.  p.  112  et  seq. 

2.  Premier  chapitre,  première  mischna. 

3.  Introduction  au  commentaire  d'Abraham  ben  Daoud  sur  le  Sepher  icizi- 
rah,  édit.  de  Mantoue. 

^'  l'ED"  1£D*  13D3»  premier  chapitre,  première  proposition. 


ANALYSE  DU  SEPIIER  lETZIRAH.  107 

gers  au  texte.    Cependant    nous  ne   pouvons  pas    laisser 
ignorer  qu'ils  ont  été  compris  tout  difleremment  et  d'une 
manière  qui  ne  répugne  ni  au  caractère  général  du  livre, 
ni  aux  lois  de  l'élymologie,  par  l'auteur  espagnol  que  nous 
avons  nommé  un  peu  plus  haut.  Voici  comment  il  s'exprime 
à  ce  sujet  :  «  Par  le  premier  de  ces  trois  termes  (Sephar),      *lfeb=- 
«  on  veut  désigner  les  nombres,  qui  seuls  nous  offrent  un  or^a^*^  t 
«  moyen  d'apprécier  la  disposition  et  les  proportions  néces-  f^M^^v^ 
«  saires  à  chaque  corps  pour  atteindre  le  but  dans  lequel 
«  il  a  été  créé;  et  la  mesure  de  longueur,  la  mesure  de 
c(  capacité  et  la  mesure  de  poids,  et  le  mouvement,  et  l'har- 
«  monie,  toutes  ces  choses  sont  réglées  par  le  nombre.  Le    ^   ^,0. 
«  second   terme  [Sipur]   veut  dire  la   parole   et  ki  voix,  ^ijlujtt*^ 
(c  parce  que  c'est  la  parole  divine,  c'est  la  voix  du  Dieu  \'e^<^j^'f^f 
«  vivant  qui  a  produit  les  êtres  sous  leurs  diverses  formes, 
c(  soit  extérieures,  soit  intérieures;  c'est  à  elle  qu'on  a  fait 
«  allusion  dans  ces  mots  :  «  Dieu  dit  que  la  lumière  soit, 
o  et  la  lumière  fut  ».  Enfin,  le  troisième  terme  (SepJier)    ''j^b'-i^ 
«  signifie  l'écriture.  L'écriture  de  Dieu,  c'est  l'œuvre  de  la 
<c  création;  la  parole  de  Dieu,  c'est  son  écriture;  la  pensée 
c  de  Dieu,  c'est  sa  parole.  Ainsi,  la  pensée,  la  parole  et  \\     ^ 
<■<  l'écriture  ne  sont  en  Dieu  qu'une  seule  chose,  tandis  que  j\  ^  ' 
«  dans  l'homme  elles  sont  trois^   »  Cette  explication   a  1' 
d'ailleurs  le  mérite  de  caractériser  assez  bien,  tout  en  l'en- 
noblissant, ce  bizarre  système  qui  confond  la  pensée  avec 
des  symboles    généralement   connus,   pour   la   rendre  en 
(juelque  sorte  visible,  et  dans  l'ensemble  et  dans  les  diverses 
pai'ties  de  l'univers. 

1.  «  Quizo  dezir  en  la  palabra  Sephar  la  cantidad  y  el  peso  de  los  cucrpos 
criados,  por  quanlo  la  cantidad  en  modo  que  sea  el  cuerpo  ordenado  y  propor- 
oionado,  apto  para  lo  que  es  criado,  no  es  sino  por-numero;  y  la  medida,  y  la 
cantidad,  y  el  peso,  y  la  proporzion  de  los  movimientos,  y  la  orden  de  la 
liannonia  todo  es  por  numéro,  que  es  lo  que  quiere  dezir  Sephar.  Y  Sipur 
quiere  dezir  la  habla  e  la  voz,  pcro  es  liabla  divina,  voz  de  palabras  de  Dios 


Î08  LA  KABBALE. 

Sous  le  nom  de  Sephiroth,  qui  joue  ailleurs  un  si  grand 
rôle,  mais  qui  entre  ici  pour  la  première  fois  dans  le  lan- 
gage de  la  kabbale,  on  s'occupe  d'abord  des  dix  nombres  ou 
numérations  abstraites^  Elles  sont  représentées  comme  les 
formes  les  plus  générales,  par  conséquent  les  plus  essen- 
tielles de  tout  ce  qui  est,  et,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi, 
comme  les  catégories  de  l'univers.  Nous  voulons  dire  qu'en 
cherchant,  n'importe  de  quel  point  de  vue,  les  premiers 
éléments  ou  les  principes  invariables  du  monde,  on  doit, 
d'après  les  idées  dont  nous  sommes  l'interprète,  rencontrer 
toujours  le  nombre  dix.  «  Il  y  a  dix  Sephiroth  ;  dix  et  non 
«  pas  neuf,  dix  et  non  onze;  fais  en  sorte  que  tu  les  com- 
«  prennes  dans  ta  sagesse  et  dans  ton  intelligence  ;  que  sur 
«  elles  s'exercent  constamment  tes  recherches,  tes  spécu- 
«  lalions,  ton  savoir,  ta  pensée  et  ton  imagination;  fais 
«  reposer  les  choses  sur  leur  principe,  et  rétablis  le  Créa- 
«  teur  sur  sa  base*.  »  En  d'autres  termes,  et  l'action  divine 
et  l'existence  du  monde  se  dessinent  également  aux  yeux  de 
l'intelligence  sous  cette  forme  abstraite  de  dix  nombres, 
dont  chacun  représente  quelque  chose  d'infini,  soit  en 
étendue,  soit  en  durée,  soit  par  tout  autre  attribut.  Tel  est 
du  moins  le  sens  que  nous  attachons  à  la  proposition  sui- 


TÎvo,  con  laquai  es  la  existencia  de  la  cosa  en  su  forma  exterior  y  enterior, 
de  laquai  se  habla,  coine  dixo,  y  dixo  Dios  sca  lia,  y  fue  luz.  Y  Scplicr  quiere 
dezir  la  escritura;y  la  escritura  de  Dios  son  sus  criaciones;  y  la  palabra  de 
Dios  es  su  escritura  ;  y  la  consideracion  de  Dios  es  su  palabra  conque  el  Sephar, 
y  el  Sipur,  y  el  Sepher  en  Dios  son  una  cosa,  y  en  el  hombre  son  très.  »  Cuzary, 
Discors.,  4,  §  25. 

^*  HD  ^^3.  mT£D  TkîT".  Celte  expression  seule,  aussi  bien  que  les  déve- 
loppements dont  elle  est  suivie,  ne  permet  pas  d'adopter  un  autre  sens,  comme 
celui  de  splière,  fondé  sur  l'ctymologie  grecque  cr-jaîpa,  ou  l'idée  de  lumière, 
exprimée  par  le  mot  aaphir.  Le  livre  de  Raziel,  malgré  les  extravagances  qu'il 
contient,  ne  s'éloigne  pas,  sur  ce  point,  de  la  vérité.  mViS^  m;l2U,*nn  Su 
HD^riD  T1î2/b  HD  ^Sl-  Raziel,  édit.  d'Amsterd.,  fol,  8,  verso. 

â.  Chap.  i",  prop.  9. 


ANALYSE  DU  SEPIIER  lETZIRAII.  109 

vante  :  «  Pour  les  dix  Sephirolh,  il  n'y  a  pas  de  fin,  ni 
«  dans  l'avenir,  ni  dans  le  passé,  ni  dans  le  bien,  ni  dans 
«  le  mal,  ni  en  élévation,  ni  en  profondeur,  ni  à  l'orient, 
«  ni  à  l'occident,  ni  au  midi,  ni  au  nord'.  «  11  faut  remar- 
quer que  les  divers  aspects  sous  lesquels  on  considère  ici 
l'infini  sont  au  nombre  de  dix,  ni  plus  ni  moins;  par  con- 
séquent, nous  n'apprenons  pas  seulement,  dans  ce  passage, 
quel  doit  êlre  le  caractère  général  de  toutes  les  Sephiroth  ; 
nous  y  voyons  de  plus  à  quels  principes,  à  quels  éléments 
elles  correspondent.  Et  comme  ces  différents  points  de  vue, 
quoique  opposés  deux  à  deux,  appartiennent  cependant  à 
une  seule  idée,  à  un  seul  infini,  on  ajoute  :  «  Les  dix  Sephi- 
«  rotb  sont  comme  les  doigts  de  la  main,  au  nombre  de 
«  dix,  et  cinq  contre  cinq;  mais  au  milieu  d'elles  est  l'al- 
«  liance  de  ^unilé^  »  Ces  derniers  mots  nous  fournissent 
îi  la  fois  l'explication  et  la  preuve  de  tout  ce  qui  précède. 

Cette  manière  d'entendre  les  dix  Sephirotb,  sans  sortir 
précisément  des  rapports  que  présentent  les  cboses  exté- 
rieures, a  cependant  un  caractère  éminemment  abstrait  et 
métapbysique.  Si  nous  voulions  la  soumettre  à  une  analyse 
sévère,  nous  y  trouverions,  subordonnées  à  l'infini  et  à 
l'unité  absolue,  les  idées  de  durée,  d'espace  et  d'un  certain 
ordre  invariable  sans  lequel  il  n'y  a  ni  bien  ni  mal,  même 
dans  la  splière  des  sens.  Mais  voici  une  énumération  un 
peu  différente,  qui,  au  moins  en  apparence,  fait  une  plus 
grande  part  aux  éléments  matériels.  Nous  nous  bornons  à 
traduire.  «  La  première  des  Sepbirolli,  un,  c'est  l'esprit  du 
«  Dieu  vivant;  béni  soit  son  nom,  béni  soit  le  nom  de  celui 
ce  qui  vit  dans  l'éternité!  L'esprit,  la  voix  et  la  parole,  voilà 
c<   l'esprit  saint. 

«  Deux,  c'est  le  souffie  qui  vient  de  l'esprit':  en  lui  sont 

1.  Chap.  i",  prop.  4. 

2.  Chap.  1",  prop.  5. 

3.  niia  nn-  ''^"  '"^'^'■cu,  le  même  mot  désigne  à  la  fois  l'air  et  l'esprit  : 


110  LA  KABBALE. 

«  gravées  et  sculptées  les  vingt-ileux  lettres  qui  ne  forment 
«  cependant  qu'un  souffle  unique. 

«  Trois,  c'est  l'eau  qui  vient  du  souffle  ou  de  l'air.  C'est 
«  dans  l'eau  qu'il  a  creusé  les  ténèbres  et  le  vide,  qu'il  a 
«  formé  la  terre  et  l'argile,  étendue  ensuite  en  forme  de 
«  tapis,  sculptée  en  forme  de  mur  et  couverte  comme  d'un 
«  toit. 

«  Quatre,  c'est  le  feu  qui  vient  de  l'eau,  et  avec  lequel  il 
c<  a  fait  le  trône  de  sa  gloire,  les  roues  célestes  [ophanim)^ 
a  les  séraphins  et  les  anges  serviteurs.  Avec  les  trois  en- 
«  semble  il  a  construit  son  habitation  ainsi  qu'il  est  écrit  : 
«  Il  fait  des  vents  ses  messagers,  et  des  feux  enflammés  ses 
«  serviteurs.  » 

Les  six  nombres  suivants  représentent  les  différentes 
extrémités  du  monde,  c'est-à-dire  les  quatre  points  cardi- 
naux, plus  la  hauteur  et  la  profondeur.  Ces  extrémités  ont 
aussi  pour  emblèmes  les  diverses  combinaisons  qu'on  peut 
former  avec  les  trois  premières  lettres  du  mot  Jehovah\ 

Ainsi,  à  part  les  différents  points  qu'on  peut  distinguer 
dans  l'espace,  et  qui  n'ont  par  eux-mêmes  rien  de  réel,  tous 
les  éléments  dont  ce  monde  est  composé  sont  sortis  les  uns 
des  autres,  en  prenant  un  caractère  de  plus  en  plus  maté- 
riel, à  mesure  qu'ils  s'éloignent  de  l'esprit  saint,  leur  com- 
mune origine.  N'est-ce  pas  cela  qu'on  appelle  la  doctrine  de 
l'émanation?  N'est-ce  pas  cette  doctrine  qui  nie  la  croyance 

nous  aurions  donc  pu  dire  aussi  bien  l'esprit  qui  vient  de  l'esprit.  Mais  alors 
il  faudrait  admetlre,  dans  la  proposition  suivante,  que  l'esprit  a  engendré  l'eau, 
ce  qui  est,  sans  contredit,  moins  probable  que  la  version  à  laquelle  s'est  arrêté 
notre  choix.  D'ailleurs,  le  premier  nombre  ne  présente  pas  Dieu  lui-même, 
mais  l'esprit  de  Dieu;  le  second,  par  conséquent,  ne  peut  être  que  l'expression 
de  cet  esprit,  le  souffle  ou  l'haleine  dans  laquelle  viennent  se  résoudre,  en 
quelque  sorte,  les  vingt-deux  lettres.  Considéré  sous  ce  point  de  vue,  l'air, 
sans  être  trop  éloigné  des  régions  de  l'esprit,  peut  déjà  être  compté  parmi  les 
trois  éléments  matériels,  si  positivement  désignés  dans  les  chapitres  suivants. 
1.  Chap.  i",  de  la  propos.  9  à  la  propos.  12. 


ANALYSE  DU  SEPIIER  lETZIRAII.  Ui 

populaire  que  le  monde  a  été  tiré  du  néant?  Les  paroles 
suivantes  nous  aideront  peut-être  à  sortir  de  l'incertitude  : 
«  La  fin  des  Sephiroth  se  lie  à  leur  principe  comme  la 
<c  flamme  est  unie  au  tison,  car  le  Seigneur  est  un,  et  il 
<c  n'y  en  a  pas  un  second.  Or,  en  présence  de  l'un,  que  sont 
«  les  nombres  et  les  paroles'?  »  Pour  ne  pas  nous  laisser 
ignorer  qu'il  s'agit  ici  d'un  grand  mystère  qui  nous  com- 
mande la  discrétion  jusqu'avec  nous-mêmes,  on  ajoute 
immédiatement  :  «  Ferme  ta  bouche  pour  ne  pas  en  parler, 
«  et  ton  cœur  pour  ne  pas  y  réfléchir;  et  si  ton  cœur  s'est 
ce  échappé,  ramène-le  à  sa  place;  car  c'est  pour  cela  que 
c<  l'alliance  a  été  faite*.  »  Je  suppose  qu'on  veut,  par  ces 
derniers  mots,  faire  allusion  à  quelque  serment  en  usage 
parmi  les  kabbalistes,  pour  dérober  leurs  principes  à  la 
connaissance  de  la  multitude.  Quant  au  premier  de  ces  deux 
passages,  la  singulière  comparaison  qu'il  renferme  est  assez 
fréquemment  répétée  dans  le  Zohar  :  nous  la  retrouverons 
étendue,  développée  et  appliquée  à  l'âme  aussi  bien  qu'à 
Dieu.  Ajoutons  à  cela  que  dans  tous  les  temps  et  dans 
toutes  les  sphères  de  l'existence,  dans  la  conscience  aussi 
bien  que  dans  la  nature  extérieure,  la  formation  des  choses 
par  voie  d'émanation  a  été  représentée  par  le  rayonnement 
de  la  flamme  ou  de  la  lumière. 

A  cette  théorie,  si  toutefois  nous  ne  faisons  pas  une  dis- 
tinction plus  apparente  que  réelle,  s'en  mêle  une  autre  qui 
a  fait  un  chemin  plus  brillant  dans  le  monde,  et  qui  se  pré- 
sente ici  avec  un  caractèVe  remarquable  :  c'est  celle  du 
verbe,  de  la  parole  de  Dieu  identifiée  avec  son  esprit,  et 
considérée,  non  pas  seulement  comme  la  forme  absolue, 
mais  comme  l'élément  générateur  et  la  substance  même  de 
l'univers.  En  effet,  il  ne  s'agit  plus,  comme  dans  la  traduc- 


1.  Propos.  5. 

2.  Cliap.  1",  propos.  G. 


112  L.\  KABBALE. 

lion  clialdaïque  d'Onkelos,  de  substituer  partout,  pour 
anéantir  ranthropomorphisme,  la  pensée  ou  l'inspiration 
divine  à  Dieu  lui-môme,  lorsqu'il  intervient  comme  une 
personne  humaine  dans  les  récits  bibliques  :  le  livre  que 
nous  avons  sous  les  yeux  affirme  expressément,  dans  un 
langage  concis  mais  pourtant  clair,  que  l'esprit  saint,  ou 
\  l'esprit  du  Dieu  vivant,  forme,  avec  la  voix  et  la  parole,  une 
seule  et  môme  chose;  qu'il  a  successivement  comme  rejeté 
de  son  sein  tous  les  éléments  de  la  nature  physique;  enlin, 
il  n'est  pas  seulement  ce  qu'on  appellerait,  dans  la  langue 
d'Aristote,  le  principe  matériel  des  choses;  il  est  le  verbe 
devenu  monde.  Du  reste,  il  faut  nous  rappeler  que,  dans 
cette  partie  de  la  kabbale,  il  n'est  question  que  du  monde, 
et  non  de  l'homme  ou  de  l'humanité. 

Toutes  ces  considérations  sur  les  dix  premiers  nombres 
occupent  une  place  très  distincte  dans  le  Livre  de  la  création. 
11  est  facile  de  voir  qu'elles  s'appliquent  à  l'univers  en 
général,  et  qu'elles  regardent  plutôt  la  substance  que  la 
forme.  Dans  celles  que  nous  avons  devant  nous,  on  compare 
entre  elles  les  diverses  parties  de  l'univers,  on  s'efforce  de 
les  ramener  sous  une  loi  commune,  comme  on  a  voulu  pré- 
cédemment les  résoudre  en  un  principe  commun  ;  on  y  donne 
enfin  plus  d'attention  à  la  forme  qu'à  la  substance.  Elles  ont 
pour  base  les  vingt-deux  lettres  de  l'alphabet  hébreu.  Mais 
il  faut  songer  au  rôle  extraordinaire  qui,  déjà  dans  la  pre- 
mière partie,  est  attribué  à  ces  signes  extérieurs  de  la  pensée. 
Considérés  seulement  par  rapport  aux  sons  qu'ils  repré- 
sentent, ils  se  trouvent,  pour  ainsi  dire,  sur  la  limite  du 
monde  intellectuel  et  du  monde  physique;  car  si,  d'une 
part,  ils  viennent  se  résoudre  dans  un  seul  élément  matériel, 
qui  est  le  souffle  ou  l'air,  de  l'autre  ils  sont  les  signes  indis- 
pensables à  toutes  les  langues,  et  par  conséquent  la  seule 
forme  possible  ou  la  forme  invariable  de  l'esprit.  INi  l'en- 
semble du  système  ni  le  sens  littéral  ne  nous  permettent 


ANALYSE  DU  SEPIIER  lETZlRAII.  113 

d'interpréter  différemment  ces  mots  déjà  cités  plus  haut  : 
«  Le  nombre  deux  (ou  le  second  principe  de  l'univers),  c'est 
ce  l'air  qui  vient  de  l'esprit;  c'est  le  souffle  dans  lequel  sont 
«  gravées  et  sculptées  les  vingt-deux  lettres  qui,  toutes 
«  réunies,  ne  forment  cependant  qu'un  souffle  unique.  » 
Ainsi,  par  une  combinaison  bizarre,  mais  qui  ne  manque 
pas  d'une  certaine  grandeur,  qui,  du  moins,  se  comprend  et 
s'explique,  les  articulations  les  plus  simples  de  la  voix  hu- 
maine, les  signes  de  l'alphabet  ont  ici  un  rôle  tout  à  fait 
semblable  à  celui  des  idées  dans  la  philosophie  de  Platon. 
C'est  à  leur  présence,  c'est  à  l'empreinte  qu'ils  laissent  dans 
les  choses,  qu'on  reconnaît  dans  l'univers  et  dans  toutes  ses 
parties  une  intelligence  suprême;  c'est  enfin  par  leur  inler- 
médiaire  que  l'esprit  saint  se  révèle  dans  la  nature.  Tel  est 
le  sens  de  la  proposition  qu'on  va  lire  :  «  Avec  les  vingt- 
ce  deux  lettres,  en  leur  donnant  une  forme  et  une  figure,  en 
«  les  mêlant  et  les  combinant  de  diverses  manières.  Dieu  a 
«  fait  l'âme  de  tout  ce  qui  est  formé  et  de  tout  ce  qui  le 
ce  sera*.  C'est  sur  ces  mêmes  lettres  que  le  saint,  béni  soit- 
ce  il,  a  fondé  son  nom  sublime  et  ineffable^  » 

Elles  se  partagent  en  divers  ordres  qu'on  appelle  les  trois 
mères,  les  sept  doubles  et  les  douze  simples".  11  n'est  d'au- 
cune utilité,  pour  le  but  que  nous  poursuivons,  de  faire  con- 
naître la  raison  de  ces  étranges  dénominations*.  D'ailleurs 
la  place  des  lettres  est  entièrement  envahie  par  la  division 
que  nous  venons  d'exposer  et  par  les  nombres  qui  en  résul- 

1.  Chap.  ir,  propos.  2. 

2-  ïrnp:  a*,ns  icu  n^pn  ici  snzu?  nmis'  i^  iha. 

3.  nrcrw'2  mry  D\nun  mSi£3  yx^'i  mcx  ;rSu7  tdi  n^mx  ià 
-iij:\t  So  u*£j  nr\2  r^^  pnir  ^y^zr^i  iiirn  ]ppn  m^mx  D^nxi^i  anii'y 

Tlïh  TTiyn  hD  U,*EJ1.  ^'':'P-  "-  l"'opos.  t. 

4.  Les  simples  ne  représentent  qu'un  son;  les  doubles  en  expriment  deux, 
l'un  doux  et  l'autre  fort.  A  la  première  classe  appartiennent  les  lettres  sui- 
vantes :  pi'îJD  p  "îtrri  TM  ;  l:i  dernière  est  représentée  par  ces  deux  mots  : 
mrD  "t;2.-  Enlln,  dans  le  mot  ^»)2N  O"  réunit  les  trois  mères,  dont  l'une,  le 

8 


il4  U  KABBALE. 

lent  :  ou,  pour  nous  exprimer  plus  clairement,  ce  sont  les 
nombres  trois,  sept  et  douze  qu'on  cherche  à  retrouver  per 
fas  et  nefas  dans  ces  trois  régions  de  la  nature  :  1"  dans  la 
composition  générale  du  monde;  2°  dans  la  division  de 
l'année  ou  dans  la  distribution  du  temps  dont  l'année  est  la 
principale  unité;  3"  dans  la  conformation  de  l'homme.  Nous 
retrouvons  ici,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  explicitement  énoncée, 
l'idée  du  macrocosme  et  du  microcosme,  ou  la  croyance  que 
l'homme  n'est  que  l'image  et,  pour  ainsi  dire,  le  résumé  de 
l'univers. 

Dans  la  composition  générale  du  monde,  les  mères,  c'est- 
à-dire  le  nombre  trois,  représentent  les  éléments,  qui  sont 
l'eau,  l'air  et  le  feu.  Le  feu  est  la  substance  du  ciel;  l'eau, 
en  se  condensant,  est  devenue  celle  de  la  terre;  enfin,  entre 
ces  deux  principes  ennemis,  est  l'air  qui  les  sépare  et  les 
réconcilie  en  les  dominant*.  Dans  la  division  de  l'année,  le 
même  signe  nous  rappelle  les  saisons  principales  :  l'été,  qui 
répond  au  feu;  l'hiver,  qui,  dans  l'Orient,  est  généralement 
marqué  par  des  pluies  ou  par  la  domination  de  l'eau,  et  la 
saison  tempérée,  formée  par  la  réunion  du  printemps  et  de 
l'automne.  Enfin,  dans  la  conformation  du  corps  humain, 
celle  trinité  se  compose  de  la  tète,  du  cœur  ou  de  la  poi- 
trine, et  du  ventre  ou  de  l'estomac;  ce  sont,  si  je  ne  me 
trompe,  les  fonctions  de  ces  divers  organes  qu'un  médecin 
moderne  a  appelés  le  trépied  de  la  vie*.  Mais  le  nombre  trois 
paraît  ici,  comme  dans  toutes  les  combinaisons  du  mysti- 
cisme, une  forme  si  nécessaire,  qu'on  en  fait  aussi  le  sym- 
bole de  l'homme  moral,  en  qui  l'on  distingue,  selon  l'ex- 
pression originale,  «  le  plateau  du  mérite,  le  plateau  de  la 

\y,  parce  que  c'est  une  letlre  sifflante,  rejnésenle  le  feu;  la  seconde,  qui  est 
muette,  représente  l'eau;  enfin,  la  première,  légèrement  aspirée,  est  le  symbole 
de  l'air. 

i .  Chap.  lu,  propos.  5. 

'2.  Chap.  m,  propos.  4. 


ANALYSE  DU  SEPllER  lETZIRAH.  H5 

«  culpabilité  et  l'aiguille  de  la  loi  qui  prononce  entre  l'un 
«  et  l'autre*  ». 

Par  les  sept  doubles  on  représente  les  contraires  ou  du 
moins  les  choses  de  ce  monde  qui  peuvent  servir  à  deux  fins 
opposées.  11  y  a  dans  l'univers  sept  planètes,  dont  l'influence 
est  tantôt  bonne  et  tantôt  mauvaise;  il  y  a  sept  jours  et  sept 
nuits  dans  la  semaine;  il  y  a  dans  notre  propre  corps  sept 
portes,  qui  sont  les  yeux,  les  oreilles,  les  narines  et  la  bouclie. 
Enfin,  ce  nombre  sept  est  encore  celui  des  événements  heu- 
reux ou  malheureux  qui  peuvent  arriver  à  l'homme.  Mais 
cette  classification,  comme  on  doit  s'y  attendre,  est  trop 
arbitraire  pour  mériter  une  place  dans  cette  analyse'^ 

Les  douze  simples,  dont  il  nous  reste  encore  à  parler, 
répondent  aux  douze  signes  du  zodiaque,  aux  douze  mois  de 
l'année,  aux  principaux  membres  du  corps  humain  et  aux 
attributs  les  plus  importants  de  notre  nature.  Ces  derniers, 
qui  seuls  ont  peut-être  quelque  droit  à  notre  intérêt,  sont  la 
vue,  l'ouïe,  l'odorat,  la  parole,  la  nutrition,  la  génération, 
l'action  ou  le  toucher,  la  locomotion,  la  colère,  le  rire,  la 
pensée  et  le  sommeiP.  C'est,  comme  on  le  voit,  l'esprit 
d'examen  à  son  début;  et  si  nous  avons  lieu  d'être  surpris, 
tantôt  de  ses  procédés,  tantôt  de  ses  résultats,  cela  même  est 
une  preuve  de  son  originalité. 

Ainsi,  la  forme  matérielle  de  l'intelligence,  représentée 
par  les  vingt-deux  lettres  de  l'alphabet,  est  en  même  temps 
la  forme  de  tout  ce  qui  est;  car,  en  dehors  de  l'homme,  de 
l'univers  et  du  temps,  on  ne  peut  plus  rien  concevoir  ({ue 
riulini  :  aussi  appelle-t-onces  trois  choses  les  fidèles  témoins 
de  la  véi'ité\  Chacune  d'elles,  maliré  la  variété  que  nous  y 

1-  d"'tij2  ynwD  pin  |VwSt  m37  ^3",  nnn  =]3  p^oi  r»2N.  •^■•'^n'-  '"» 

propos.  1. 

2.  Çliap.  IV,  propos.  1,  2,  5. 

3.  Cbap.  V,  propos.  1  cl  2. 

4.  «;2J  njy;  aSiy  s'rrx:  any.  cimp.  iv.  propos,  i. 


116  LA  KABBALE. 

avons  observée,  est  un  système  qui  a  son  centre  et  en  quelque 
sorte  sa  hiérarchie  :  «  Car,  dit  le  texte,  l'unité  domine  sur 
«  les  trois,  les  trois  sur  les  sept,  les  sept  sur  les  douze  ;  mais 
«  chaque  partie  du  système  est  inséparable  de  toutes  les 
«  autres^  »  L'universapourcentreledragoncéleste;lecœur 
est  le  centre  de  l'homme  ;  enfin,  les  révolutions  du  zodiaque 
forment  la  base  des  années.  Le  premier,  dit-on,  ressemble 
à  un  roi  sur  son  trône  ;  le  second,  à  un  roi  parmi  ses  sujets, 
et  le  troisième,  à  un  roi  dans  la  guerre \  Nous  croyons  que 
par  cette  comparaison  on  a  voulu  indiquer  la  régularité  par- 
faite qui  règne  dans  l'univers,  et  les  contrastes  qui  existent 
dans  l'homme  sans  détruire  son  unité.  En  effet,  on  ajoute 
que  les  douze  organes  principaux  dont  notre  corps  est  com- 
posé «  sont  rangés  les  uns  contre  les  autres  en  ordre  de 
ce  bataille  :  il  en  est  trois  qui  servent  à  l'amour,  et  trois  qui 
«  produisent  la  haine;  trois  qui  donnent  la  vie,  et  trois  qui 
«  appellent  la  mort".  Le  mal  se  trouve  ainsi  en  face  du  bien, 
«  et  du  mal  ne  vient  que  le  mal,  comme  le  bien  n'enfante 
«  que  le  bien.  »  Mais  on  fait  remarquer  aussitôt  que  l'un  ne 
saurait  être  compris  sans  l'autre.  Enfin,  au-dessus  de  ces 
trois  systèmes,  au-dessus  de  l'homme,  de  l'univers  et  du 
temps,  au-dessus  des  lettres  comme  au-dessus  des  nombres 
ou  dos  Sophiroth  «  est  le  Seigneur,  le  roi  véritable  qui 
«  domine  sur  toutes  choses,  du  séjour  de  sa  sainteté  et  pen- 
te dant  des  siècles  sans  nombre*  ».  A  la  suite  de  ces  mois, 
qui   forment  la  véritable  conclusion  du  livre,  vient  cette 

Chap.  \i,  propos.  3. 

2.  -,S^3  r£;2  2S  'nz^mi  "fiuD  njtt^n  b;Sj  *ixdd  by  *]Sî2d  ahrji  ihr\ 

n'2riS*22.  f>l"np.  VI,  propos.  2. 

^-  "wSw*  D'x:rw  nw'Sc?  a^nn'x  nurSr  n"2nS:2i  nnavi  t£'j  dt^it 

Q\T:2^  ~rbw*  □"TiT.  '^''''P-  ^i-  propos.  2. 

^-  rj  '>TJ  T>*1  inp  y'J';2'!2  dS1w2  br*'2  ]^n:  "jSd  Sx-  Après  avoir  été 
appliqué  tout  entier  aux  dix  Sepliiroth,  ce  passage  ne  reparaît  qu'en  partie  à  la 
place  indiquée.  Les  quatre  derniers  mots  en  sont  retranches. 


ANALYSE  DU  SEPUER  lETZIRAH.  1 1 7 

espèce  de  dénouement  dramatique  dont  nous  avons  parlé  pré- 
cédemment, et  qui  consiste  dans  la  conversion  d'Abraham, 
encore  idolâtre,  à  la  religion  du  vrai  Dieu. 

Le  dernier  mot  de  ce  système,  c'est  la  substitution  de 
l'unité  absolue  à  toute  espèce  de  dualisme  :  à  celui  de  la  plii- 
losophie  païenne,  qui  voulait  voir  dans  la  matière  une  sub- 
stance éternelle  dont  les  lois  ne  sont  pas  toujours  d'accord 
avec  la  volonté  divine;  comme  à  celui  de  la  Bible  qui,  par 
l'idée  de  la  création,  aperçoit  bien  dans  la  volonté  divine,  et 
par  conséquent  dans  l'être  infini,  la  seule  cause,  la  seule 
origine  réelle  du  monde,  mais  qui  en  même  temps  regarde 
ces  deux  choses,  l'univers  et  Dieu,  comme  deux  substances 
absolument  distinctes  l'une  de  l'autre.  En  effet,  dans  le 
Sepher  ietzirah,  Dieu,  considéré  comme  l'Etre  infini  et  par 
conséquent  indéfinissable.  Dieu,  dans  toute  l'étendue  de  sa 
puissance  et  de  son  existence,  se  trouve  au-dessus,  mais  non 
en  dehors  des  nombres  et  des  lettres,  c'est-à-dire  des  prin- 
cipes et  des  lois  que  nous  distinguons  dans  ce  monde  :  chaque 
élément  a  sa  source  dans  un  élément  supérieur,  et  tous  ont 
leur  origine  commune  dans  le  verbe  ou  dans  l'esprit  saint. 
C'est  aussi  dans  le  verbe  que  nous  trouvons  ces  signes  inva- 
riables de  la  pensée  qui  se  répètent  en  quelque  sorte  dans 
toutes  les  sphères  de  l'existence,  et  par  lesquels  tout  ce  qui 
est  devient  l'expression  d'un  même  dessein.  Et  ce  verbe  lui- 
même,  le  premier  des  nombres,  la  plus  sublime  de  toutes 
les  choses  que  nous  puissions  compter  et  définir,  qu'est-ce 
qu'il  est,  sinon  la  plus  sublime  et  la  plus  absolue  do  tontes 
les  manifestations  de  Dieu,  c'est-à-dire  la  pensée  ou  l'intel- 
ligence suprême?  Ainsi  Dieu  est  à  la  fois,  dans  le  sens  le  plus 
élevé,  et  la  matière  et  la  forme  de  l'univers.  Il  n'est  pas  seu- 
lement celte  matière  et  celte  forme;  mais  rien  n'existe  ni  ne 
peut  exister  en  dehors  de  lui;  sa  substance  est  au  fond  de 
tous  les  êtres,  et  tous  portent  l'empreinte,  tous  sont  les  sym- 
boles de  son  intelligence. 


118  LA  KABBALE. 

Celle  conséquence  si  aiulacieuse,  si  élrangère,  en  appa- 
rence, aux  principes  qui  la  fournissenl,  est  le  fond  de  la 
doctrine  enseignée  dans  le  Zohar.  Mais  là  on  suit  une  marche 
toute  différente  de  celle  qui  vient  de  se  dessiner  sous  nos 
yeux  :  au  lieu  de  s'élever  lentement,  par  la  comparaison  des 
formes   particulières  et  des  principes  subordonnés  de  ce 
monde,  au  principe  suprême,  à  la  forme  universelle,  et 
enfin  à  l'unilé  absolue,  c'est  ce  dernier  résultat  qu'on  admet 
tout  d'abord;  on  le  suppose,  on  l'invoque  en  toute  occasion 
comme  un  axiome  incontesté;  on  le  déroule,  en  quelque 
façon,  dans  toute  son  étendue,  en  même  temps  qu'on  le 
montre  sous  un  jour  plus  mystérieux  et  plus  brillant.  Le  lien 
qui  pouvait  exister  entre  toutes  les  conséquences  obtenues 
de  cette  manière  se  trouve  rompu,  il  est  vrai,  par  la  forme 
extérieure  de  l'ouvrage,  mais  le  caractère  synthétique  qui  y 
règne  n'en  est  pas  moins  prononcé  ni  moins  visible.  11  est 
donc  permis  de  dire  que  le  Livre  de  la  lumière  commence 
précisément  au  point  où  s'arrête  celui  de  la  Création  :  la 
conclusion  de  l'un  sert  à  l'autre  de  prémisses.  Une  seconde 
différence,  bien  autrement  digne  d'être  remarquée,  sépare 
ces  deux  monuments  et  s'explique  par  une  loi  générale  de 
l'esprit  humain  :  aux  nombres  et  aux  lettres  nous  allons 
voir  substituer  les  formes  intérieures,  les  conceptions  inva- 
riables de  la  pensée,  en  un  mot  les  idées  dans  la  plus  vaste 
et  la  plus  noble  acception  de  ce  terme.  Le  verbe  divin,  au  lieu 
de  se  manifester  exclusivement  dans  la  nature,  nous  appa- 
raîlra  surtout  dans  l'homme  et  dans  l'intelligence;  il  aura 
pour  nom  ï Homme  prototype  ou  céleste,  ^T2"îp  m.x  -wb"  a"N*. 
Enfin,  dans  certains  fragments  dont  la  haute  antiquité  ne 
saurait  être   contestée,  nous  verrons,  sans  préjudice  pour 
l'unité  absolue,  la  pensée  elle-même  prise  pour  substance 
universelle,  et  le  développement  régulier  de  cette  puissance 
mis  à  la  place  de  la  théorie  assez  grossière  de  l'émanation. 
Loin  de  nous  la  folle  pensée  de  trouver  chez  les  anciens 


ANALYSE  DU  SEPIIER  lETZIRAlI.  119 

Hébreux  la  doctrine  philosophique  qui  règne  aujourd'hui  en 
Allemagne  presque  sans  partage;  mais  nous  ne  craignons 
pas  de  soutenir,  et  nous  espérons  bientôt  démontrer  que  le 
principe  de  cette  doctrine,  et  jusqu'à  des  expressions  exclu- 
sivement consacrées  par  l'école  de  Hegel,  se  trouvent  parmi 
ces  traditions  oubliées  que  nous  essayons  de  rendre  à  la 
lumière.  Cette  transformation  que  nous  signalons  dans  la 
kabbale,  ce  passage  du  symbole  à  l'idée,  se  reproduit  dans 
tous  les  grands  systèmes  philosophiques  ou  religieux,  dans 
toutes  les  grandes  conceptions  de  l'intelligence  humaine. 
Ainsi,  ne  voyons-nous  pas  dans  le  rationalisme  les  diverses 
formes  du  langage  dont  se  compose  presque  entièrement  la 
logique  d'Aristole,  devenir  dans  celle  de  Kant  les  formes 
constitutives  et  invariables  de  la  pensée?  Ainsi,  dans  l'idéa- 
lisme, Pythagore  et  le  système  des  nombres  n'ont-ils  pas 
précédé  la  sublime  théorie  de  Platon?  Ainsi,  dans  une  autre 
sphère,  n'a-t-on  pas  représenté  tous  les  hommes  comme 
issus  du  môme  sang?  n'a-t-on  pas  fait  consister  leur  frater- 
nité dans  la  chair,  avant  de  la  trouver  dans  l'identité  de 
leurs  droits  et  de  leurs  devoirs,  ou  dans  l'unité  de  leur 
nature  et  de  leur  tâche?  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'insister 
plus  longtemps  sur  un  fait  général  ;  mais  nous  espérons  du 
moins  avoir  fait  comprendre  les  rapports  qui  existent  entre 
le  Sepher  ielzirah  et  l'ouvrage  à  la  ibis  bien  plus  étendu*  et 
plus  important  dont  nous  allons  extraire  la  substance. 

1.  Le  Zohar,   dans  l'éditiou  d'Amslerdam,   se  compose  de  trois  volumes 
grand  in-8°,  dont  cliacun  à  peu  près  de  600  pages,  en  caractères  rabbiniques 
|)ar  conséquent  très  lins  et  très  serrés. 


CnAPITRE  lï 


ANALYSE    DU    ZOIL^U  —    MÉTHODE    ALLÉGORIQUE   DES  KABBALISTES 


Puisque  les  auteurs  qui  ont  contribué  à  la  formation  du 
Zoha?'  nous  présentent  leurs  idées  sous  la  forme  la  plus 
humble  et  la  moins  logique,  celle  d'un  simple  commentaire 
sur  les  cinq  livres  de  Moïse,  nous  pouvons,  sans  manquer  à 
leur  égard  de  respect  ou  de  fidélité,  nous  conformer  au  plan 
qui  nous  aura  paru  le  plus  convenable.  Et  d'abord  il  nous 
mportede  savoir  comment  ils  entendent  l'interprétation  des 
Ecritures  saintes;  comment  ils  parviennent  à  s'en  faire  un 
appui,  dans  l'instant  où  ils  s'en  écartent  le  plus;  car  c'est 
en  cela,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  que  con- 
siste leur  méthode  d'exposition  ;  et,  en  général,  le  mysti- 
cisme symbolique  n'a  pas  d'autre  hase.  Voici,  sur  ce  sujet, 
leur  jugement  formulé  par  eux-mêmes  :  «  Malheur  à 
«  l'homme  qui  ne  voit  dans  la  loi  que  de  simples  récits  et  des 
«  paroles  ordinaires!  Car,  si,  en  vérité,  elle  ne  renfermait 
«  que  cela,  nous  pourrions,  même  aujourd'hui,  composer 
«  aussi  une  loi  bien  autrement  digne  d'admiration.  Pour  ne 
ce  trouver  que  de  simples  paroles,  nous  n'aurions  qu'à  nous 
«  adresser  aux  législateurs  de  la  terre  chez  lesquels  on  ren- 


ANALYSE  DU  ZOIIAR.  121 

«  contre  souvent  plus  de  grandeur*.  Il  nous  suffirait  de  les 
«  imiter  et  de  faire  une  loi  d'après  leurs  paroles  et  à  leur 
«  exemple.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  :  chaque  mot  de  la  loi 
«  renferme  un  sens  élevé  et  un  mystère  sublime.  » 

«  Les  récils  de  la  loi  sont  le  vêtement  de  la  loi.  Malheur 
«  à  celui  qui  prend  ce  vêtement  pour  la  loi  elle-même  !  C'est 
ce  dans  ce  sens  que  David  a  dit  :  Mon  Dieu,  ouvre-moi  les 
«  yeux,  afin  que  je  contemple  les  merveilles  de  la  loi.  David 
c(  voulait  parler  de  ce  qui  est  caché  sous  le  vêtement  de  la 
«  loi.  11  y  a  des  insensés  qui,  apercevant  un  homme  couvert 
«  d'un  beau  vêtement,  ne  portent  pas  plus  loin  leurs  regards, 
«  et  cependant  ce  qui  donne  une  valeur  au  vêtement  c'est  le 
«  corps,  et  ce  qui  est  encore  plus  précieux,  c'est  l'âme.  La 
«  loi  aussi  a  son  corps.  Il  y  a  des  commandements  qu'on 
«  pourrait  appeler  le  corps  de  la  loi.  Les  récits  ordinaires 
«  qui  s'y  mêlent  sont  les  vêlements  dont  ce  corps  est  recou- 
«  vert.  Les  simples  ne  prennent  garde  qu'aux  vêlements  ou 
«  aux  récits  de  la  loi  ;  ils  ne  connaissent  pas  autre  chose  ;  ils 
«  ne  voient  pas  ce  qui  est  caché  sous  ce  vêlement.  Les  hom- 
«  mes  plus  instruits  ne  font  pas  attention  au  vêlement,  mais 
«  au  corps  qu'il  enveloppe.  Enfin,  les  sages,  les  serviteurs 
«  du  Roi  suprême,  ceux  qui  habitent  les  hauteurs  du  Sinaï, 
«  ne  sont  occupés  que  de  l'âme,  qui  est  la  base  de  tout  le 
«  reste,  qui  est  la  loi  elle-même  ;  et  dans  les  temps  futurs 
«  ils  seront  préparés  à  contempler  l'âme  de  cette  âme  qui 
«  respire  dans  la  loi  '.  »  C'est  ainsi  que,  par  la  supposition, 
sincère  ou  non,  d'un  sens  mystérieux,  ignoré  des  profanes, 
les  kîibbalistes  se  sont  d'abord  mis  au-dessus  des  faits  histo- 
riques et  des  préceptes  positifs  qui  composent  les  Écritures. 
C'était  pour  eux  le  seul  moyen  de  s'assurer  la  plus  com- 

Tr^  ^nSi?.  ï^*^  Icxlc  étant  trop  long  à  rapporter  tout  entier,  ncus  avons  été 
obligé  (1(!  choisir. 

2.  Zoltar,  3°  part.,  fol.  152,  verso,  sect.  nniSyni- 


122  LA  KABBALK. 

plète  liberté  sans  rompre  ouvertement,  avec  l'autorité  reli- 
gieuse; et  peut-être  aussi  avaient-ils  besoin  de  ces  ménage- 
ments avec  leur  propre  conscience.  Dans  les  lignes  suivantes, 
nous  retrouvons  le  même  esprit  sous  une  forme  encore  plus 
remarquable  :  «  Si  la  loi  n'était  composée  que  de  paroles  et 
ce  de  récits  ordinaires,  comme  les  paroles  d'Ésau,  d'Agar,  de 
«  Laban,  comme  celles  qui  furent  prononcées  par  l'ânesse  de 
«  Balaam,  et  par  Balaam  lui-même,  pourquoi  serait-elle  ap- 
«  pelée  la  loi  de  vérité,  la  loi  parfaite,  le  fidèle  témoignage 
«  de  Dieu?  Pourquoi  le  sage  l'estimerai t-il  plus  précieuse 
«  que  l'or  et  les  perles?  Mais  non;  dans  chaque  mot  se 
«  cache  un  sens  plus  élevé  :  cliaque  récit  nous  apprend  autre 
«  chose  que  les  événements  qu'il  paraît  contenir.  Et  cette  loi 
«  supérieure  et  plus  sainte,  c'est  la  loi  véritable'.  ^>  Il  n'est 
pas  sans  intérêt  de  rencontrer  dans  les  œuvres  d'un  père  de 
l'Eglise  une  manière  de  voir  et  jusqu'à  des  expressions  tout 
à  fait  semblables  :  «  S'il  fallait,  dit  Origène,  s'attacher  à  la 
«  lettre  et  entendre  ce  qui  est  écrit  dans  la  loi  à  la  manière 
«  des  Juifs  ou  du  peuple,  je  rougirais  de  dire  tout  haut  que 
«  c'est  Dieu  qui  nous  a  donné  des  lois  pareilles  :  je  trouve- 
«  rais  alors  plus  de  grandeur  et  de  raison  dans  les  législa- 
«  tiens  humaines,  par  exemple  dans  celles  d'Athènes,  de 

«  Rome  ou  de  Lacédémone  * « 

«  A  quel  homme,  dit  encore  le  même  auteur,  à  quel 
«  homme  sensé,  je  vous  prie,  fera-t-on  croire  que  le  pre- 
«  mier,  le  second  et  le  troisième  jour  de  la  création,  dans 
«  lesquels  cependant  on  distingue  un  soir  et  un  matin,  ont 

■1-  pSî2  ■■■  -S^  "'hz2  rVù'pT  KniTX  \TX  HxV^*  XUrnp  NniTX  INT! 

rnrîN.  ^'  p^^'t  ?  f"^-  "^^^j  verso. 

2.  «  Si  adsideamus  litterse  et  secundùm  hoc  vel  quod  Judœis,  vel  quod  vulgo 
videtur,  accipianius  qu;c  in  lege  scripta  sunt,  erubesco  dicere  et  confiteri  quia 
laies  leges  dederit  Deus  :  videbuntiir  enim  magis  élégantes  et  rationahilcs 
hominuin  leges,  verbi  gratià,  vel  Romanorum,  vel  Atheniensium,  vel  Lacedœ- 
moniorum.  o  Homil.  7,  in  Levit. 


ANALYSE  DU  ZOUAR.  123 

«  pu  exister  sans  soleil,  sans  lune  et  sans  étoiles  ;  que  pen- 
te dant  le  premier  jour  il  n'y  avait  pas  même  de  ciel?  Où 
«  trouvera-t-on  un  esprit  assez  borné  pour  admettre  que  Dieu 
«  s'est  livré  comme  un  homme  à  l'exercice  de  l'agriculture 
«  en  plantant  des  arbres  dans  le  jardin  d'Eden,  situé  vers 
«  l'Orient;  que  l'un  de  ces  arbres  était  celui  de  la  vie,  qu'un 
<'  autre  pouvait  donner  la  science  du  bien  et  du  mal?  Per- 
te sonne,  je  pense,  ne  peut  hésiter  à  regarder  ces  choses 
«  comme  des  figures  sous  lesquelles  se  cachent  des  mys- 
«  lères  ^  »  Enfin  il  admet  aussi  la  distinction  du  sens  his- 
torique, du  sens  législatif  ou  moral,  et  du  sens  mystique. 
Seulement,  au  lieu  d'être  assimilé  aux  vêtements  qui  nous 
couvrent,  le  premier  est  comparé  au  corps,  le  second  à 
l'àme  et  le  dernier  à  l'esprit  ^  Pour  établir  entre  la  lettre 
sacrée  et  ces  interprétations  arbitraires  certains  rapports  au 
moins  apparents,  les  anciens  kabbalisles  avaient  quelque- 
fois recours  à  des  moyens  artificiels,  qu'on  rencontre  très 
rarement  dans  le  Zohar,  mais  qui,  en  revanche,  ont  pris 
beaucoup  de  place  et  d'autorité  chez  les  kabbalistes  moder- 
nes \  Comme  ils  sont,  par  leur  propre  nature,  indignes  de 
tout  intérêt,  qu'ils  ne  viennent  jamais  à  l'appui  de  quelque 

1.  «  Cuinam  quœso  scnsuin  habenli  convenienter  videbitur  dicluni  quod  dies 
prima,  et  secunda  et  terlia,  in  quibus  et  vespera  nominalur  et  mane,  fueriiit 
sine  so!e,  et  sine  lunà,  et  sine  stellis;  prima  auteni  dies  sine  cœlo?  Quis  veiô 
ità  idiotes  inveniliir  ut  putet,  velut  hominem  quemdam  agricolam,  Deum  plan- 
tasse arbores  inParadiso,  in  Eden,  contra  orienteni,  et  arborem  vitai  plantasse 
in  co,  ila  ut  manducans  quis  ex  eà  arbore  vitam  pcrcipiat?  et  rursùs  ex  alià 
iiianducans  arbore,  boni  et  inali  scienliam  capiat?  »  etc.,  î:spt  àp/wv,  liv.  IV, 
cb.  u,  Iluet,  Origeniaua,  p.  167. 

■2.  «  Tripliceni  in  Scripluris  divinis  intelligenliie  modum,  historicuin,  mo- 
ralein,  et  myslicuin  :  unde  et  corpus  inesse  et  animani  ac  spiritum  inlellcxi- 
mus.  ))  Homil.  5,  in  Levil. 

3.  Ces  moyens  sont  au  nombre  de  trois  :  l'un,  k''"113D"'A'  consiste  à  rem- 
placer un  mot  par  un  autre  qui  a  la  même  valeur  numérique,  l'autre,  VpiTCi:, 
l'ait  de  cbaque  lettre  d'un  mot  l'initiale  d'un  autre  mot.  Eudn,  en  vertu  du 
dernier,  ni1î2n>  o"  cbange  la  valeur  des  lettres;  par  exemple,  on  remplace 


124  LA  KABBALE. 

idée  importante,  et  qu'enfin  tout  le  monde  en  a  parlé,  nous 
les  passerons  sous  silence  pour  arriver  plus  vite  à  l'objet 
essentiel  de  nos  recherches,  à  la  doctrine  qui  fut  le  fruit  de 
cette  indépendance  dissimulée,  qui  fait  l'unité  et  la  base  de 
ces  prétendus  commentaires. 

Nous  chercherons  d'abord  à  faire  connaître  quelle  est, 
d'après  les  plus  anciens  fragments  du  Zohar,  la  nature  de 
Dieu  et  de  ses  attributs.  Nous  exposerons  ensuite  l'idée 
qu'ils  nous  donnent,  je  ne  dirai  pas  de  la  création,  mais  de 
la  formation  des  êtres  en  général,  ou  des  rapports  de  Dieu 
avec  l'univers.  Enfin  nous  nous  occuperons  de  l'homme:  nous 
dirons  comment  on  le  conçoit  sous  ses  principaux  aspects; 
comment  on  définit  son  origine,  sa  nature  et  ses  destinées. 
Celle  marche  ne  nous  paraît  pas  seulement  la  plus  simple 
et  la  plus  commode  :  nous  croyons,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  qu'elle  nous  est  imposée  par  le  caractère  domi- 
nant du  système. 

la  première  par  la  dernière,  et  réciproquement.  Yoy.  Reuchlin,  de  Arte  caha- 
lislic.  ;  AVolf,  deuxième  volume  de  la  Dibliotjr.  Jiébr.;  Basnage,  Hist.  dca 
Juifs,  etc.,  etc. 


CHAPITRE  III 


SUITE    DE    L  ANALYSE    DU    ZOIIAR  —    OPINION    DES    KARDALISTES 
Sun    LA    NATURE    DE    DIEU 


Les  kablialisles  ont  deux  manières  de  parler  de  Dieu,  qui 
ne  font  aucun  tort  à  l'unité  de  leur  pensée.  Quand  ils  cher- 
chent à  le  définir,  quand  ils  distinguent  ses  attributs,  et  veu- 
lent nous  donner  une  idée  précise  de  sa  nature,  leur  langage 
est  celui  de  la  métaphysique  ;  il  a  toute  la  clarté  que  com- 
portent de  telles  matières  et  l'idiome  dans  lequel  elles  sont 
exposées.  Mais  quelquefois  ils  se  contentent  de  représenter 
la  Divinité  comme  l'être  qu'il  faut  renoncer  à  comprendre 
entièrement,  qui  demeure  toujours  en  dehors  de  toutes  les 
formes  dont  notre  imagination  se  plaît  à  le  revêtir.  Dans 
ce  dernier  cas,  toutes  leurs  expressions  sont  poétiques  et 
figurées,  et  c'est  en  quelque  sorte  par  l'imagination  même 
qu'ils  combattent  l'imagination  :  alors  tous  leurs  efforts  ten- 
dent à  délriiiie  l'anthropomorphisme,  en  lui  donnant  des 
proportions  tellement  gigantesques,  que  l'esprit  effrayé  ne 
trouve  plus  aucun  (crme  de  comparaison,  et  se  voit  forcé  de 
se  reposer  dans  l'idée  de  l'infini.  Le  Lirre  du  Myxlère  est  écrit 
tout  entier  dans  ce  style-là;  mais  les  allégories  qu'il  emploie 
étant  trop  souvent  des  énigmes,  nous  aimons  mieux,  pour 
confirmer  ce  que  nous  venons  de  dire,  citer  un  passage  de 


126  LA  KABBA.LE. 

Vldra  raba  ^  Simon  ben  Jochaï  vient  de  rassembler  ses 
disciples.  Il  leur  a  dit  que  le  temps  était  venu  de  travailler 
pour  le  Seigneur,  c'est-à-dire  de  faire  connaître  le  véritable 
sens  de  la  loi,  que  les  jours  de  l'homme  sont  comptés,  les 
ouvriers  en  petit  nombre,  et  la  voix  du  créancier,  la  voix 
du  Seigneur,  de  plus  en  plus  pressante.  Il  leur  a  fait  jurer 
de  ne  point  profaner  les  mystères  qu'il  allait  leur  confier, 
puis,  s'asseyant  parmi  eux  dans  un  champ,  à  l'ombre  des 
arbres,  il  se  montra  prêt  à  parler  au  milieu  du  silence. 
«  Alors  une  voix  se  fit  entendre,  et  leurs  genoux  s'entre-cho- 
«  quèrent  de  frayeur.  Quelle  était  cette  voix?  C'était  la 
«  voix  de  l'assemblée  céleste  qui  se  réunissait  pour  écou- 
«  ter.  Rabbi  Simon,  plein  de  joie,  prononça  ces  paroles  :  Sei- 
«  gneur,je  ne  dirai  pas,  comme  un  de  tes  prophètes*,  qu'en 
«  entendant  ta  voix  je  suis  saisi  de  crainte.  Ce  n'est  plus 
«  maintenant  le  temps  de  la  crainte,  mais  celui  de  l'amour, 
ce  ainsi  qu'il  est  écrit  :  Tu  aimeras  l'Eternel  ton  Dieu  ^  » 
Après  ■  cette  introduction  qui  ne  manque  ni  de  pompe  ni 
d'intérêt,  vient  une  longue  description  entièrement  allégo- 
rique de  la  grandeur  divine.  En  voici  quelques  traits  :  «  Il 
«  est  l'ancien  des  anciens,  le  mystère  des  mystères,  l'in- 
«  connu  des  inconnus.  Il  a  une  forme  qui  lui  appartient, 
«  puisqu'il  nous  apparaît  comme  le  vieillard  par  excellence, 
«  comme  l'ancien  des  anciens,  ce  qu'il  y  a  de  plus  inconnu 
«  parmi  les  inconnus.  xMais,  sous  cette  forme  qui  nous  le 
c(  fait  connaître,  il  reste  cependant  l'inconnu.  Son  vêtement 
«  paraît  blanc,  et  son  aspect  est  brillant  ^  Il  est  assis  sur 

1.  Ces  deux  mots  signifient  la  Grande  assemblée,  parce  que  le  fragment 
auquel  ils  servent  de  titre  comprend  les  discours  tenus  par  Simon  hen  Jochaï 
au  milieu  de  tous  ses  disciples,  réunis  au  nombre  de  dix.  Plus  tard,  quand  la 
mort  les  a  réduits  à  sept,  ils  forment  la  Pclile  assemblée  (x'ol'  NTTx)j  à 
laquelle  Simon  ben  Jochaï  s'adresse  avant  de  mourir. 

2.  Habac,  III,  1. 

5.  Zohar,  5"  part.,  fol.  ISS,  recto. 

4.  Je  n'ai  pu  trouver  aucun  autre  sens  à  ces  doux  mois  ii^^x"  N"j»*"'P 


ANALYSE  DU  ZOIlAR.  127 

«  un  Irône  crétincelles  qu'il  soumet  à  sa  volonté.  La  blan- 
«  clic  lumière  de  sa  tète  éclaire  quatre  cent  mille  mondes. 
«  Quatre  cent  mille  mondes  nés  de  cette  blanche  lumière  de- 
ce  viennent  l'héritage  des  justes  dans  la  vie  à  venir.  Chaque 
«  jour  voit  éclore  de  son  cerveau  treize  mille  myriades  de 
«  mondes  qui  reçoivent  de  lui  leur  subsistance,  et  dont  il 
«  supporte  à  lui  seul  tout  le  poids.  De  sa  tête  il  secoue  une 
«  rosée  qui  réveille  les  morts  et  les  fait  naître  à  une  vie  non- 
ce velle.  C'est  pour  cela  qu'il  est  écrit  :  Ta  rosée  est  une  rosée 
ce  de  lumière.  C'est  elle  qui  est  la  nourriture  des  saints  de 
ce  l'ordre  le  plus  élevé.  Elle  est  la  manne  qu'on  prépare  aux 
ce  justes  pour  la  vie  à  venir.  Elle  descend  dans  le  champ  des 
ce  fi-uits  sacrés  ^  L'aspect  de  cette  rosée  est  blanc  comme  le 
te  diamant,  dont  la  couleur  renferme  toutes  les  couleurs... 
ce  La  longueur  de  ce  visage,  depuis  le  sommet  de  la  tète,  est 
ce  de  trois  cent  soixante  et  dix  fois  dix  mille  mondes.  On 
ce  l'appelle  le  long  visage;  car  tel  est  le  nom  de  l'ancien  des 
ce  anciens  ^  » 

Nous  manquerions  cependant  à  la  vérité  si  nous  laissions 
croire  que  le  reste  doit  être  jugé  sur  cet  exemple.  La  bizar- 
rerie, l'affectation,  l'habitude,  si  commune  en  Orient, 
d'abuser  de  l'allégorie  jusqu'à  la  subtilité,  y  tiennent  plus 
de  place  que  la  noblesse  et  la  grandeur.  Ainsi,  cette  tète 
éblouissante  de  lumière,  par  laquelle  on  représente  l'éternel 
foyer  de  l'existence  et  de  la  science,  devient  en  quelque 
sorte  le  sujet  d'une  étude  anatomique;  ni  le  front,  ni  la 
face,  ni  les  youx,  ni  le  cerveau,  ni  les  cheveux,  ni  la  barbe, 
rien  n'est  oublié;  tout  devient  une  occnsion  d'énoncer  des 
nombres  et  des  proportions  (jui  rappellent  l'infinie   C'est 

\.  C'est  ainsi  qu'on  aj)|)(,'lle  les  adeptes  de  la  kahljale. 

2.  Ce  long  ou  grand  visage  n'est  pas  autre  chose,  comme  nous  le  verrons 
bientôt,  que  la  substance  de  Dieu  ou  la  première  des  Sephiroth. 

3.  Ib.  siipr.,  fol.  129,  recto  et  verso;  lôO,  recto  et  verso.  La  seule  desciiptioa 
de  la  li:ir!)e  et  du  la  clievcltire  occupe  une  1res  grande  place  dans  VIdra  raba. 


128  LA  KABBALE. 

évidemment  là  ce  qui  a  provoqué,  contre  les  kabbalisles,  le 
reproche  d'anthropomorphisme  et  même  de  matérialisme 
que  leur  ont  adressé  quelques  écrivains  modernes.  Mais  ni 
cette  accusation,  ni  la  forme  qui  en  est  le  prétexte,  ne 
méritent  de  nous  arrêter  plus  longtemps.  Nous  allons  donc 
essayer  de  traduire  quelques-uns  des  fragments  où  le  même 
sujet  est  traité  d'une  manière  plus  intéressante  pour  la  phi- 
losophie et  pour  l'histoire  de  l'intelligence  humaine.  Le 
premier  que  nous  citerons  forme  un  tout  complet  d'une 
assez  grande  étendue,  et  qui,  par  cela  seul,  se  recommande 
à  noire  attention.  Sous  prétexte  de  faire  connaître  le  sens 
véritable  de  ces  paroles  d'Isaïe  :  «  A  quoi  pourrcz-vous  me 
«  comparer  qui  me  soit  égal'?  »  il  nous  explique  la  géné- 
ration des  dix  Sephiroth,  ou  principaux  attributs  de  Dieu,  et 
la  nature  de  Dieu  lui-même,  quand  il  se  cachait  encore  dans 
sa  propre  substance.  «  Avant  d'avoir  créé  aucune  forme 
«  dans  ce  monde;  avant  d'avoir  produit  aucune  image,  il 
«  était  seul,  sans  forme,  ne  ressemblant  à   rien.  Et  qui 
«  pourrait  le  concevoir  comme  il  était  alors,  avant  la  créa- 
«  tion,  puisqu'il  n'avait  pas  de  forme?  Aussi  est-il  défendu 
«  de  le  représenter  par  quelque  image  et  sous  quelque 
«  forme  que  ce  soit,  même  par  son  saint  nom,  même  par 
«  une  lettre  ou  par  un  point.  Tel  est  le  sens  de  ces  mots  : 
«  Vous  n'avez  vu  aucune  figure  le  jour  où  l'Eternel  vous 
«  parla-;    c'est-à-dire   vous  n'avez  vu   aucune  chose  que 
«  vous  puissiez  représenter  sous  une  forme  ou  par  une 
ce  image.  Mais  après  avoir  produit  la  forme  de  VHomme 
«  céleste,  n^V^*  aiN,  il  s'en  servit  comme  d'un  char,  razm 
^  «  Mercaba,  pour  descendre;  il  voulut  être  appelé  par  cette 
«  forme,  qui  est  le  saint  nom  de  Jehovah;  il  voulut  se  faire 
«  connaître  par  ses  attributs,  par  chaque  attribut  séparc- 


1 .  haie,  chap.  xl,  v.  25. 

2.  Dénier.,  chap.  iv,  v.  15. 


ANALYSE  DU  ZOlUn.  fog 

«  ment,  et  se  fit  nommer  le  Dieu  de  grâce,  le  Dieu  de  justice, 
«  le  Dieu  tout-puissant,  le  Dieu  des  armées,  et  Celui  qui 
c<  est.  Son  dessein  élait  de  faire  comprendre  ainsi  quelles 
«  sont  ses  qualités  et  comment  sa  justice  et  sa  miséricorde 
«  s'étendent  sur  le  monde,  aussi  bien  que  sur  les  œuvres 
«  des  hommes.  Car,  s'il  n'eût  pas  répandu  ses  lumières  sui 
«  toutes  ses  créatures,  comment  ferions-nous  pour  le  con- 
te naître?  Comment  serait-il  vrai  de  dire  que  l'univers  est 
«  rempli  de  sa  gloire?  Malheur  à  qui  oserait  le  comparer 
«  même  à  l'un  de  ses  propres  attributs!  Encore  bien  moins 
a  doit-il  être  assimilé  à  l'homme  venu  de  la  terre  et  destine 
«  à  la  mort.  Il  faut  le  concevoir  au-dessus  de  toutes  les 
«  créatures  et  de  tous  les  attributs.  Or,  quand  on  a  ôlé  ces 
«  choses,  il  n'y  a  plus  ni  attribut,  ni  image,  ni  figure;  ce 
«  qui  reste  est  comme  la  mer;  car  les  eaux  de  la  mer  sont 
«  par  elles-mêmes  sans  limite  et  sans  forme;  mais  lors- 
«  qu'elles  se  répandent  sur  la  terre,  alors  elles  produisent 
«  une  image,  ivizi,  et  nous  permettent  de  faire  ce  calcul  : 
«  La  source  des  eaux  de  la  mer  et  le  jet  qui  en  sort  pour  se 
«  répandre  sur  le  sol  font  deux.  Ensuite  il  se  forme  un 
ce  bassin  immense,  comme  lorsqu'on  creuse  une  vaste  pro- 
«  fondeur;  ce  bassin  est  occupé  par  les  eaux  sorties  de  la 
«  source,  il  est  la  mer  elle-même  et  doit  être  compté  le 
«  troisième.  A  présent  celte  immense  profondeur  se  par- 
ce lage  eu  sept  canaux  qui  sont  comme  autant  de  vaisseaux 
«  longs  par  lesquels  s'échappe  l'eau  de  la  mer.  La  source, 
«  le  courant,  la  mer  et  les  sept  canaux  forment  ensemble 
«  le  nombre  dix.  Et  si  l'ouvrier  qui  a  construit  ces  vases 
«  vient  à  les  briser,  les  eaux  retournent  à  leur  source,  et 
«  il  ne  reste  plus  que  les  débris  de  ces  vases,  desséchés  et 
«  sans  eau.  C'est  ainsi  que  la  cause  des  causes  a  produit  les 
«  dix  Scphiroth.  La  Couronne,  c'est  la  source  d'où  jaillit 
«  une  lumière  sans  fin,  et  de  là  vient  le  nom  iVInfini,  ya 
«^=]iD,  EnSopli.  pour  désigner  la  cause  suprême;  car  elle 


130  LA  KABBALE. 

«  n'a  dans  cet  élat  ni  forme  ni  figure;  il  n'existe  alors 
«  aucun  moyen  de  la  comprendre,  aucune  manière  de  la 
«  connaître;  c'est  dans  ce  sens  qu'il  a  été  dit  :  Ne  médite 
«  pas  sur  une  chose  qui  est  trop  au-dessus  de  toi*.  Ensuite 
«  se  forme  un  vase  aussi  resserré  (pi'un  point  (que  la 
«  lettre  i),  mais  dans  lequel  cependant  pénètre  la  lumière 
«  divine  :  c'est  la  source  de  la  sagesse,  c'est  la  sagesse 
«  elle-même,  en  vertu  de  laquelle  la  cause  suprême  se  fait 
«  appeler  le  Dieu  sage.  Après  cela  elle  construit  un  vase 
ce  immense  comme  la  mer,  et  qu'on  nomme  l'intelligence  : 
«  de  là  vient  le  litre  de  Dieu  intelligent.  Sachons  cependant 
«  que  Dieu  n'est  intelligent  et  sage  que  par  sa  propre  suh- 
«  stance;  car  la  sagesse  ne  mérite  pas  ce  nom  par  olle- 
«  même,  mais  à  cause  de  lui  qui  est  sage  et  la  produit  de 
«  la  lumière  émanée  de  lui  :  ce  n'est  pas  non  plus  par  elle- 
«  même  qu'on  peut  concevoir  l'intelligence,  mais  pnr  lui 
«  qui  est  l'être  intelligent  et  qui  la  remplit  de  sa  propre 
«  substance.  Il  n'aurait  qu'à  se  retirer  pour  la  laisser 
«  entièrement  desséchée.  C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre 
«  ces  mots  :  Les  eaux  se  sont  retirées  de  la  mer,  et  le  lit 
ce  du  fleuve  est  devenu  sec  et  aride'.  Enfin,  la  mer  se  par- 
ce loge  en  sept  branches,  et  il  en  résulte  les  sept  vases  pré- 
ce  cieux  qu'on  appelle  la  miséricorde  ou  la  grandeur,  la 
ce  justice  ou  la  force,  la  beauté,  le  tinomplie,  la  gloire,  la 
ce  royauté  et  le  fondement  ou  bi  base.  C'est  pour  cette 
ce  raison  qu'il  est  nommé  le  grand  ou  le  miséricordieux, 
ce  le  fort,  le  magnifique,  le  Dieu  des  victoires,  le  Créateur 
ce  à  qui  toute  gloire  appartient  et  la  base  de  toutes  choses, 
ce  C'est  ce  dernier  attribut  qui  soutient  tous  les  autres, 
ce  ainsi  que  la  totalité  des  mondes.  Enfin,  il  est  aussi  le 
ce  roi  de  l'univers;  car  tout  est  en  son  pouvoir,  soit  qu'il 

1.  Ecclésiaste,  chap.  ii',  v.  2,  cilé  clans  le  Thulniud  de  Dabylone,  'Ilayuiga 
13  fl,  et  dans  Bcreschil  Rabba,  8. 

2,  Job,  chap.  xiv,  v.  2. 


OPLMON  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  l5l  " 

«  veuille  diminuer  le  nombre  des  vases  et  augmenter  la 
«  lumière  qui  en  jaillit,  ou  que  le  contraire  lui  semble 
«  préférable*.  »  Tout  ce  que  les  kabbalistes  ont  pensé  de 
la  nature  divine  est  à  peu  près  résumé  dans  ce  texte.  Mais 
il  est  impossible  qu'il  ne  laisse  pas  une  grande  confusion, 
même  dans  les  esprits  les  plus  familiarisés  avec  les  ques- 
tions et  les  systèmes  métapbysiques.  11  faudrait,  d'une  part, 
qu'il  pût  être  suivi  d'assez  longs  développements  :  de 
l'autre,  au  contraire,  il  serait  utile  de  présenter,  sous  une 
forme  à  la  fois  plus  substantielle  et  plus  précise,  cbacun 
des  principes  qu'il  renferme.  Pour  atteindre  ce  doubltî 
but  sans  compromettre  la  vérité  bistorique,  sans  avoir  la 
crainte  de  substituer  notre  propre  pensée  à  celle  dont  nous 
voulons  être  l'organe,  nous  réduirons  le  passage  qu'on 
vient  de  lire  à  un  petit  nombre  de  propositions  fondamen- 
tales, dont  chacune  sera  en  même  temps  éclaircie  et  justi- 
fiée par  d'autres  extraits  du  Zohar. 

i"  Dieu  est,  avant  toute  chose,  l'être  infini;  il  ne  saurait 
donc  être  considéré  ni  comme  l'ensemble  des  êtres,  ni 
comme  la  somme  de  ses  propres  attributs.  Mais  sans  ces 
attributs  et  les  effets  qui  en  résultent,  c'est-à-dire  sans  une 
forme  déterminée,  il  est  à  jamais  impossible  ou  de  le  com- 
prendre ou  de  le  connaître.  Ce  principe  est  assez  clairement 
énoncé  lorsqu'on  dit  «  qu'avant  la  création  Dieu  était  sans 
«  forme,  ne  ressemblant  à  rien,  et  que,  dans  cet  état, 
«  aucune  intelligence  ne  peut  le  concevoir  ».  Mais,  ne 
voulant  pas  nous  borner  à  cet  unique  témoignage,  nous 
cspéi'ons  que  la  même  pensée  ne  sera  pas  plus  difficile  à 
reconnaître  dans  les  paroles  suivantes  :  «  Avant  que  Dieu 
«  se  fût  manifesté,  lorsque  toutes  choses  étaient  encore 
«  cachées  en  lui,  il  était  le  moins  connu  parmi  tous  les 
«  inconnus.  Dans  cet  état,  il  n'a  pas  d'autre  nom  que  celui 

1.  Zohar,  2"  part.,  fol.  42,  verso,  et  45,  reclo,  sect.  nS?*13  h.S*  Ni- 


132  LA  KABBALE. 

«  qui  exprime  l'inlerrogation.  Il  commcnra  par  former  un 
«  point  imperccjjtible  :  ce  fut  sa  propre  pensée;  puis  il  se 
ce  mit  à  construire  avec  sa  pensée  une  forme  mystérieuse 
a  et  sainte;  enfin,  il  la  couvrit  d'un  vêtement  riche  et 
«  éclatant  :  nous  voulons  parler  de  l'univers,  dont  le  nom 
<c  entre  nécessairement  dans  le  nom  de  Dieu^  »  Voici  ce 
qu'on  lit  aussi  dans  VIdra  souta  (la  Petile  assemblée),  dont 
nous  avons  plus  d'une  fois  signalé  l'importance  :  «  L'An- 
«  cien  des  anciens  est  en  même  temps  l'inconnu  des 
ce  inconnus;  il  se  sépare  de  tout  et  il  n'en  est  pas  séparé; 
«  car  tout  s'unit  à  lui  comme  à  son  tour  il  s'unit  à  toute 
ce  chose;  il  n'y  a  rien  qui  ne  soit  en  lui.  Il  a  une  forme,  et 
ce  l'on  peut  dire  qu'il  n'en  a  pas.  En  prenant  une  forme,  il 
ce  a  donné  l'existence  à  tout  ce  qui  est;  il  a  d'abord  fait 
ce  jaillir  de  son  sein  dix  lumières  qui  brillent  par  la  forme 
ce  qu'elles  ont  empruntée  de  lui,  et  répandent  de  toute  part 
ce  un  jour  éblouissant  :  c'est  ainsi  qu'un  phare  envoie  de 
ce  tous  côtés  ses  rayons  lumineux.  L'Ancien  des  anciens, 
ce  l'inconnu  des  inconnus  est  un  phare  élevé,  que  l'on 
ce  connaît  seulement  par  les  lumières  qui  brillent  à  nos 
ce  yeux  avec  tant  d'éclat  et  d'abondance.  Ce  qu'on  appelle 
ce  son  saint  nom  n'est  pas  autre  chose  que  ces  lumières*.  » 
2°  Les  dix  Séphirolh,  par  lesquelles  l'Être  infini  se  fait 
connaître  d'abord,  ne  sont  pas  autre  chose  que  des  attri- 
buts  qui,   par  eux-mêmes,  n'ont  aucune  réalité   substan- 

1.  Zohar,  foL  1  et  2,  l"'  part.;  foL  105,  recto,  2*^  part.  Il  y  a  dans  ce  texte 

un  jeu  de  mots  que  nous  n'avons  pas  pu  rendre  fidèlement.  On  se  propose 

d'espliquer  ce  verset  :  Levez  vos  yeux  vers  le  ciel  et  voyez  qui  a  créé  cela. 

\  Or  il  se  trouve  qu'en  réunissant  en  un  seul  les  deux  mois  héhrcux,  dont  l'un, 

I  iî2'  ^^  traduit  par  le  pronom  intcrrogatit  qui,  et  l'autre,  n^x»  P^f  c'c/a,  on 

i  j  obtient  le  nom  de  Dieu,  Qi-Sx-  L'auteur  du  verset  ayant  voulu  désigner  l'uni- 

i  vers,  on  en  conclut  que  celui-ci  est  inséparable  de  Dieu,  puisqu'ils  n'ont,  l'un 

!  et  l'autre,  qu'un  seul  et  même  nom. 

2-  Nmp  Nî2*kr  pipN  p;\s'i  ]L:c*î:n*2"  "ç^rrr.  ]'î:"n  nSx  -'•Iw  nS- 

j°part.,  fol.  288,  rcclo,  Idra  soula. 


Ol'IMOK  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  153 

lielle;  dans  chacun  de  ces  attributs,  la  substance  divine 
est  présente  tout  entière,  et  dans  leur  ensemble  con- 
siste la  première,  la  plus  complète  et  la  plus  élevée  de 
toutes  les  manifestations  divines.  Elle  s'appelle  l'homme 
primitif  ou  céleste,  -jiaTp  nia  n^hv  mx;  c'est  la  figure  qui 
domine  le  char  mystérieux  d'Ezéchiel  et  dont  l'homme  ter- 
restre, comme  nous  le  verrons  bientôt,  n'est  qu'une  pâle 
copie.  «  La  forme  de  l'homme,  dit  Simon  ben  Jochaï  à  ses 
«  disciples,  la  forme  de  l'homme  renferme  tout  ce  qui  est 
«  dans  le  ciel  et  sur  la  terre,  les  êtres  supérieurs  comme 
(c  les  êtres  inférieurs;  c'est  pour  cela  que  l'Ancien  des 
<c  anciens  l'a  choisie  pour  la  sienne'.  Aucune  forme, 
«  aucun  monde  ne  pouvait  subsister  avant  la  forme 
c  humaine;  car  elle  renferme  toutes  choses,  et  tout  ce  qui 
«  est  ne  subsiste  que  par  elle  ;  sans  elle,  il  n'y  aurait  pas  de 
te  monde,  et  c'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  entendre  ces  mots  : 
«  l'Eternel  a  fondé  la  terre  sur  la  sagesse.  Mais  il  faut  dis- 
«  tinguer  l'homme  d'en  haut,  xb'yV'î  mx,  de  l'homme  d'en 
«  bas,  NnnS"  D^^^  car  l'un  ne  pourrait  pas  exister  s.ins 
«  l'autre.  Sur  cette  forme  de  l'homme  repose  la  perfection 
<■<■  de  la  foi  de  tous;  c'est  d'elle  qu'on  veut  parler  quand  on 
<c  dit  qu'on  voyait  au-dessus  du  char  comme  la  figure  d'un 
«  homme;  c'est  elle  que  Daniel  a  désignée  par  ces  mots  : 
«  Et  je  vis  comme  le  fils  de  l'homme  qui  venait  avec  les 
<c  nuées  du  ciel,  qui  s'avança  jusqu'à  l'Ancien  des  jours,  et 
«  ils  le  présentèrent  devant  llli^  »  Ainsi,  ce  qu'on  appelle 
riiomme  céleste  ou  la  première  manifestation  divine  n'est 
pas  autre  chose  que  la  forme  absolue  de  tout  ce  qui  est;  la 

1-  ixm  ]^;2i  .T3  iSS^nxT  ]\xnm  '{\sS";t  N:p"ii-  iin  q-xt  N:pin 
N:pin  >Nn3  tij'pn  xmp  a-p'n'j  "jipn.s  ^ixnm  yah'j  h^hz  N:p'n 

i<;ipm-  ^'' pai't-»  idid  raba,  fol.  lli,  verso. 

n  Tn^T  N^zSy  Q\'<p  xS  d-xt  x:ipn  "ix.-;  xSaSxT  x-  xSa  xt  c\s;) 

V1X  IC  ""Z-ni-  ''''  siipr.,  \\j\.  Hi,  icclo,  etc. 


154  LA  KABBALE. 

source  de  loules  les  autres  formes,  ou  plutôt  de  toutes  les 
idées;  en  un  mot,  la  pensée  suprême,  la  même  qui  ailleurs 
est  appelée  le  /2/0?  ou  le  verbe.  Nous  ne  prétendons  pas 
exprimer  ici  une  simple  conjecture,  mais  un  fait  historirpje 
dont  on  appréciera  l'exactitude  à  mesure  qu'on  aura  une 
connaissance  plus  étendue  de  ce  système.  Cependant,  avant 
d'aller  plus  loin,  nous  citerons  encore  ces  paroles  :  «  La 
«  forme  de  l'Ancien  (dont  le  nom  soit  sanctifié!)  est  une 
«  forme  unique  qui  embrasse  toutes  les  formes.  Elle  est 
«  la  sagesse  suprême  et  mystérieuse  qui  renferme  tout  le 
«  reste  \  » 

5°  Les  dix  Séphiroth,  si  nous  en  croyons  les  auteurs  du 
Zoliar,  sont  déjà  désignées  dans  l'Ancien  Testament  par 
autant  de  noms  particuliers,  consacrés  à  Dieu,  les  mêmes, 
comme  nous  l'avons  déjà  remarqué,  que  les  dix  noms 
mystiques  dont  parle  saint  Jérôme  dans  sa  lettre  à  Mar- 
cel la".  On  a  voulu  aussi  les  trouver  dans  la  Misclina, 
lorsqu'elle  dit  que  Dieu  a  créé  le  monde  avec  dix 
paroles  (dSi".";  ^■'23riii^2S''2  nn^^'-fy^oir^ar  autant  d'ordres 
émanés  de  son  verbe  souverain".  Quoique  tous  également 
nécessaires,  les  attributs  et  les  distinctions  qu'ils  expri- 
ment ne  peuvent  pas  nous  faire  concevoir  la  nature  divine 
de  la  même  hauteur;  mais  ils  nous  la  représentent  sous 
divers  aspects,  que  dans  la  langue  des  kabbalistes  on 
appelle  des  visages,  'j''Si].n3'"|"'Sis'.  Simon  ben  Jochaï  et  ses 
disciples  font  un  fréquent  usage  de  celte  expression  méta- 
phorique; mais  ils  n'en  o.nt  pas  abusé  comme  leurs 
modernes  successeurs.  Nous  nous  arrêterons  un  peu  sur  ce 
point,  sans  contredit  le  plus  important  de  toute  la  science 
kabbalistique;  et  avant  de  déterminer  le  caractère  particu- 

1>5ky  S;i  nSSd  HNCriD  n^by-  5°  pnrt.,  hlra  solda,  fol.  288,  verso. 
2.  Zohar,  o"  part.,  fol.  11,  recto. 
5.  Pirké-Aboih,  V,  1. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SLR  DIEU.  ISIj 

lier  de  chacune  des  Sépliirolli,  nous  allons  jeter  un  coup 
d'œil  sur  la  question  générale  de  leur  essence;  nous  expo- 
serons en  peu  de  mots  les  diverses  opinions  qu'elle  a  fait 
naître  parmi  les  adeptes  de  la  doctrine. 

Les  kabbalistes  se  sont  tous  adressé  ces  deux  questions  : 
d'abord,  pourquoi  y  a-t-il  des  Séphiroth?  ensuite,  ^quc  sont 
les  Séphiroth  considérées  dans  leur  ensemble,  soit  par 
rapport  à  elles-mêmes,  soit  par  rapport  à  Dieu?  Sur  la 
première  question  les  textes  du  Zohar  sont  trop  posi- 
tifs pour  donner  lieu  au  moindre  doute.  Il_j  a  des  Séphi- 
roth comme  il  y  a  jjes^  noms  de  Dieu,  puisque  ces  deux 
choses  se  confondent  dans  l'esprit,  puisque  les  Séphiroth 
ne  _sont  que  les  idées^  et  les  choses  exprimées  par  les 
noms.  Or,  si  Dieu  ne  pouvait  pas  être  nommé,  ou  si, 
de  tous  les  noms  qu'on  lui  donne,  aucun  ne  désignait  une 
chose  réelle,  non  seulement  il  ne  serait  pas  connu  de 
nous,  mais  il  n'existerait  pas  davantage  pour  lui-même; 
car  il  ne  peut  se  comprendre  sans  intelligence,  ni  être  sage 
sans  sagesse,  ni  agir  sans  puissance.  Mais  la  seconde  ques- 
tion n'est  pas  résolue  par  tous  de  la  même  manière.  Les 
uns,  se  fondant  sur  le  principe  que  Dieu  est  immuable, 
ne  voient  dans  les  Séphiroth  que  des  instruments^  de  la 
puissance  divine,  des  créatures  d'une  nature  supérieure, 
mais  complètement  distijictcs  clu  premier  Etre.  Ce  sont 
ceux  qui  voudraient  concilier  le  langage  de  la  kabbale  avec 
la  lettre  de  la  loi'.  Les  autres,  poussant  à  ses  dernières  con- 
séquences le  principe  antique  que  rien  ne  vient  de  rien, 
identifient  complètement  les  dix  8é})hirotli  et  la  substance 
divine.  Ce  que  le  Zohar  appelle  En  Soph,  c'est-à-dire  l'In- 
fini lui-même,  n'est  à  leurs  yeux  que  l'ensemble  des  Séphi- 
roth, rien  de  plus,  rien  de  moins;  et  chacune  de  ces  der- 

■1.  A  In  tète  do  ce  parti  est  l'aulciir' du  livre  intitulé  :  les  Motifs  des  com- 
mamlemcnls  (nTlï?2n  ''GV*k2)»  Mcnu'licni  Ilekauali,  qui  floiissait  au  commea- 
ceuient  du  (lualuiziénie  siècle. 


lôG  LA  KABBALE. 

mères  n'est  qu'un  point  de  vue  différent  de  ce  même  infini 
ainsi  compris'.  Entre  ces  deux  opinions  extrêmes  vient  se 
placer  un  système  beaucoup  plus  profond  et  plus  conforme 
à  l'esprit  des  monuments  originaux  :  c'est  celui  qui,  sans 
considérer  les  Séphiroth  comme  des  instruments,  comme 
des  créatures,  et  par  conséquent  comme  des  êtres  distincis 
de  Dieu,  ne  veut  pourtant  pas  les  identifier  avec  lui.  Yoici. 
en  résumé,  sur  quelles  idées  il  repose  :  Dieu  est  présent 
dans  les  Séphiroth,  autrement  il  ne  pourrait  se  révéler  par 
elles;  mais  il  ne  demeure  pas  en  elles  tout  entier;  il  n'est 
pas  seulement  ce  qu'on  découvre  de  lui  sous  ces  formes 
sublimes  de  la  pensée  et  de  l'existence.  En  effet,  les^ Séphi- 
roth iiej^euvent  jamais  comjDrendre  l'inlini,  i'En  Soph,  qui 
est  la  source  même  de  toutes  ces  formes,  et  qui,  en  cette 
qualité,  n'en  a  aucune  :  ou  bien,  pour  me  servir  des  termes 
consacrés,  tandis  que  chaque  Séphirah  a  un  nom  bien 
connu,  lui  seul  n'en  a  pas  et  ne  peut  pas  en  avoir.  Dieu 
reste  donc  toujours  l'Etre  ineffable,  incompréhensible, 
infini,  placé  au-dessus  de  tous  les  mondes  qui  nous  révèlent 
sa  présence,  même  le  monde  de  l'émanation.  Par  là  on  croit 
échnpper  aussi  au  reproche  de  méconnaître  l'immutabilité 
divine  :  car  les  dix  Séphiroth  peuvent  être  comparées  à 
autant  de  vases  de  différentes  formes  ou  à  des  verres 
nuancés  de  diverses  couleurs.  Quel  que  soit  le  vaso  dans 
lequel  nous  voulons  la  mesurer,  l'essence  absolue  des 
choses  demeure  toujours  la  même;  et  la  lumière  divine, 
comme  la  lumière  du  soleil,  ne  change  pas  de  nature  avec 
le  milieu  qu'elle  traverse.  Ajoutons  à  cela  que  ces  vases  et 
ces  milieux  n'ont  par  eux-mêmes  aucune  réalité  positive, 
aucune  existence  qui  leur  soit  propre;  ils  représentent  seu- 
lement les  limites  dans  lesquelles  la  suprême  essence  des 
choses    s'est   renfermée   elle-même,  les   différents  degrés 

i .  Celte  opinion  est  représentée  par  l'auteur  du  -7"^  p;2   C*^  Bouclier  de 
David). 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  137 

d'obscurité  dont  la  divine  lumière  a  voulu  voiler  sa  clarté 
infinie,  afin  de  se  laisser  contempler.  De  là  vient  qu'on  a 
voulu  reconnaître  dans  chaque  Séphirah  deux  éléments,  ou 
plutôt  deux  aspects  différents  :  l'un,  purement  exiérieur, 
négatif,  qui  représente  le  corps,  le  vase  proprement  dit  /  .  • 
(iVh  l'autre,  intérieur,  positif,  qui  figure  l'esprit  et  la 
lumière.  C'est  ainsi  qu'on  a  pu  parler  de  vases  brisés  qui 
ont  laissé  échapper  la  lumière  divine.  Ce  point  de  vue,  éga- 
lement adopté  par  Isaac  Loria*  et  par  Moïse  Corduero% 
exposé  par  ce  dernier  avec  beaucoup  de  logique  et  de  pré- 
cision, est  celui,  encore  une  fois,  que  nous  croyons  histori- 
quement le  plus  exact  et  sur  lequel  nous  nous  appuierons 
désormais  avec  une  entière  confiance  comme  sur  la  base  de 
toute  la  parlie  métaphysique  de  la  kabbale.  Après  avoir 
ainsi  établi  ce  principe  général  sur  l'autorité  des  textes  et 
celle  des  commentaires  les  plus  estimés,  il  fout  maintenant 
que  nous  fassions  connaître  le  rôle  particulier  de  chacune 
des  Séphiroth  et  les  diverses  manières  dont  on  les  a  groupées 
par  trinités  et  par  personnes. 

La  première  et  la  plus  élevée  de  toutes  les  manifestations  '  *7Jl25 
divines,  en  un  mot  la  première  Séphirah,  c'est  la  couronne, 
"inD,  ainsi  nommée  en  raison  même  de  la  place  qu'on  lui 
donne  an-dessus  de  toutes  les  autres.  «  Elle  est,  dit  le  texte, 
u  le  pi'incipc  de  tous  les  principes,  la  sagesse  mystérieuse, 
«  la  couronne  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  élevé,  le  dia- 
«  dème  des  diadèmes^.  »  Elle  n'est  pas  cette  totalité  confuse, 

!.  Voy.  Isaac  Loria,  Séplier  Drou/ichini  (□vj;«i-n  130^?  "f^  '«''•  —  Cet 
tiuvi-afrc  a  été  traduit  par  Knorr  de  lloscnrolh  et  fait  parlie  de  la  Kabhula 
ficnudala. 

2.  Voy.  Pardes  Rimoiiim  (le  Jardia  des  Grenades),  fol.  21,  22,  25  et  24. 
Oulrc  le  mérite  de  la  clarté  que  nous  reconnaissons  à  Corduero,  il  a  encore 
celui  de  rapporter  fidèlement  et  de  discuter  d'une  manière  ap[)r()fondie  les 
opinions  de  ses  devanciers  et  de  ses  adversaires. 

3.  ii-in^i  "ç^yc'j  Sd  •T's.  p'cvn^T  xS"'';S  nvih'j  xin^-  Zohar,  o^part,, 

fol.  288,  verso. 


-158  LA  KABBALE. 

sans  forme  et  sans  nom,  ce  mystérieux  inconnu  qui  a  pré- 
cédé toutes  choses,  mènieles  attributs, ^id  ■j\x.  Elle  représente 
l'infini,  distingué  du  fini;  son  nom  dans  l'Écriture  signifie 

n't^  j^  ^^*'^'  '^■'"''^S  parce  qu'elle  est  l'être  en  lui-même;  l'être 
considéré  d'un  point  de  vue  où  l'analyse  ne  pénètre  pas,  où 
nulle  qualification  n'est  admise,  mais  où  elles  sont  toules 
réunies  en  un  point  indivisible.  C'est  par  ce  motif  qu'on 
l'appelle  aussi  le  point  primitif  ou  par  excellence,  mipj 
iTcius  n-ip:-  n;iuxi.  «  Quand  l'inconnu  des  inconnus  voulut 
ce  se  manifester,  il  commença  par  produire  un  point;  tant 
«  que  ce  point  lumineux  n'était  pas  sorti  de  son  sein,  l'in- 
«  fini  était  encore  complètement  ignoré  et  ne  répandait 
«  aucune  lumière*.  »  C'est  ce  que  les  kabbalistes  modernes 
ont  expliqué  par  une  concentration  absolue  de  Dieu  en  sa 
propre  substance,  m2:Gi'.  C'est  cette  concentration  qui  a 
donné  naissance  îi  l'espace,  à  l'a/r  primitif  {]*'!21p^^'1ii),  qui 
n'est  pas  un  vide  réel,  mais  un  certain  degré  de  lumière 
inférieur  à  la  création.  Mais  par  cela  même  que  Dieu, 
retiré  sur  lui-même,  se  distingue  de  tout  ce  qui  est  fini, 
limité  et  déterminé;  par  cela  même  qu'on  ne  peut  pas 
encore  dire   ce   qu'il  est,   on   le  désigne  par  un  mot  qui 

>"><  signifie  nulle  chose,  ou  le  non  être,  "iw.  «  On  le  nomme 
ce  ainsi,  dit  Vidra  souta,  parce  que  nous  ne  connaissons 
«  pas,  et  qu'il  est  impossible  de  connaître  ce  qu'il  y  a  dans 
«  ce  principe;  parce  qu'il  ne  descend  jamais  jusqu'à  notre 
«  ignorance  et  qu'il  est  au-dessus  de  la  sagesse  elle-même*.  » 
Nous  ne  pouvons  pas  nous  empêcher  de  faire  remarquer  que 
l'on  retrouve  la  même  idée  et  jusqu'aux  mêmes  expressions 

^-  K*-n  mip:  isms  itj  t^^ibinxS  n"2  ii'ztid  Sût  ngtid"  Nn"'w2 

Zohar,  \'"  part.,  fol.  2,  recto, 

Nin  mip:  thj  .TmypsT  ipim  i;^t  tj  SSd  y-i'n.s  ah-  Zohar,  r=  pan., 

foL  15,  recto. 

yH  npN  -]3  y^Z'  'ZrhzT-Z-  ^'V^vL,  m.  288,  verso. 


OriNION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  130 

dans  l'un  des  plus  vastes  et  des  plus  célèbres  systèmes  d^ 
métaphysique  dont  notre  époque  puisse  se  glorifier  aux 
yeux  de  la  postérité.  «  Tout  commence,  dit  Hegel,  par 
«  Vêtrej^r,  qui  n'est  qu'une  pensée  entièrement  indéler-  /{^  U 
«  minée,  simple  et  immédiate,  car  le  vrai  commencement 
«  ne  peut  pas  être  autre  chose....  Mais  cet  être  pur  n'est 
«  que  la  plus  pure  abstraction;  c'est  un  terme  absolument 
«  négatif,  qui  peut  aussi,  si  on  le  conçoit  d'une  manière 
«  immédiate,  être  appelé  le  non-ètre'.  »  Enfin,  pour  re- 
venir à  nos  kabbalistcs,  la  seule  idée  de  l'être  ou  de  l'ab- 
solu, considérée  du  point  de  vue  sous  lequel  nous  venons  de 
l'envisajïer,  constitue  une  forme  complète,  ou,  pour  em- 
ployer le  terme  consacré,  une  tèle,  un  visage;  ils  l'appellent 
la  ièie  blanche  (Nin-Kun),  parce  que  toutes  les  couleurs,  UfUiZf- 
c'est-à-dire  toutes  les  notions,  tous  les  modes  déterminés 
sont  confondus  en  elle,  ou  V Ancien  (xp'^n:;),  parce  qu'elle  est  '-^^  ''^'^'■ 
la  pi-emière  des  Séphiroth.  Seulement,  dans  ce  dernier  cas, 
il  faut  se  garder  de  la  confondre  avec  V Ancien  des  anciens 
(■jip''n';T  Np^n*^*),  c'est-à-dire  avec  l'En  Soph  lui-même,  devant 
lequel  son  éclatante  lumière  n'est  que  ténèbres.  Mais  on  la 
désigne  plus  généralement  sous  la  dénomination  singulière 
de  grand  vimge,  aii2N-jnx;  sans  doute  parce  qu'elle  ren-  '^^^i- , 
ferme  toutes  les  autres  qualifications,  tous  les  attributs 
intellectuels  et  moraux  dont  on  forme,  par  la  même  raison, 
\i' pdit  vhage,y^:i<')'^'':i'.  «  Le  premier,  dit  le  texte,  c'est  'LA^ f 
«  l'Ancien,  vu  face  à  face,  il  est  la  tête  suprême,  la  source 

1.  ((  Das  reine  Scipi  macht  don  Anfang,  weil  es  sowolil  reiner  Gedanlic,  aïs 
das  uiibestiniinle  einfache  UniniUelhare  isl,  der  crste  Anfong  aber  nichls 
VerinillcUes  und  weiler  Besliminles  scyn  kann.  Dièses  reine  Scyn  ist  nun  die 
reine  Abstraclion,  damit  das  Absolid-ncgalive,  welches,  gleichfalIsunniiUelbar 
genomrnen,  das  Nichls  ist.  »  Encyclopédie  des  sciences  philosophiques,  §§  8(> 
et  87. 

2.  N*n  1:^7  aS'yn  ^''wxin  dS";,"!  nt.i  i'eis'  -i-i><  N-ipj  inrnmSiïx' 
TiD\-i  "7  HDjna  a.T»:r  mrED  n  Sd  SSi3  xm"i  ^'î:s  T"7.Ch:ii).iii,fui.8, 

D^31î21  DT12  '^'^  Muise  Corducro. 


uo 


LA  KABBALE. 


«  de  toiile  lumière,  le  principe  de  toute  sagesse,  et  ne  peut 
«  être  défini  autrement  que  par  l'unité*.  » 
,  Du  sein  de  celte  unité  absolue,  mais  distinguée  de  la 
■variété  et  de  toute  unité  relative,  sortent  parallèlement  deux 
principes  opposés  en  apparence,  mais  en  réalité  insépa- 
Jrables  :  l'un,  mâle  ou  actif,  s'appelle  la  sagesse,  narn  ;  l'autre, 
passif  ou  femelle,  est  désigné  par  un^mot  qu'on  a  coutume 
de  traduire  par  celui  àHnteUlgence,  nra.  «  Tout  ce  qui 
«  existe,  dit  le  texte,  tout  ce  qui  a  été  formé  par  l'Ancien 
«  (dont  le  nom  soit  sanctifié!)  no  peut  subsister  que  par  un 
«  mâle  et  par  une  femelle*.  »  Nous  n'insisterons  pas  sur 
cette  forme  générale,  que  nous  retrouverons  fréquemment 
sur  notre  route;  mais  nous  croyons  qu'elle  s'applique  ici 
au  sujet  et  à  l'objet  de  l'intelligence,  qu'il  n'était  guère  pos- 
sible d'exprimer  plus  clairement  dans  une  langue  éminem- 
ment poétique.  La  sagesse  est  aussi  nommée  le  père;  car 
elle  a,  dit-on,  engendré  toutes  clioses.  Au  moyen  des  trente- 
deux  voies  merveilleuses  par  lesquelles  elle  se  répand  dans 
l'univers,  elle  impose  à  tout  ce  qui  est  une  forme  et  une 
mesure  \  L'intelligence,  «  c'est  la  mère,  ainsi  qu'il  est 
«  écrit  :  Tu  appelleras  l'intelligence  du  nom  de  mère  *  » 
I  (Proverbes,  II,  3).  Cependant,  sans  détruire  l'antitbèse  que 
l'on  vient  d'établir  comme  la  condition  générale  de  l'exis- 
tence, on  fait  quelquefois  sortir  le  principe  femelle  ou 
passif  du  principe  nlàle^  De  leur  mystérieuse  et  éternelle 

1-  iipi^  D'^EiS  -jiN*   nSd  Nmp  Np^ivi  iiî::n2  iiîin'  ib^nc^s  ly.- 

Zolictr,  5"  part.,  fol.  292,  verso,  et  289,  verso. 

2.  Nipiji  1-1  y^z  y'prin  aSz  KipnxS  N'y2  Nunp  Np\-i';i  ara^i 

Ib.  supr.,  fol.  29t1,  recto. 

5.  f-xî^  n?23nm  :"in2-  ï<u.-"'-p  p\-iya  p"";::  in  *Nn  ]nnxb  zj<  ."rrrn 
^-  xin  Kap"i:T  1311  nDiTi'Ni  n:3''2  nTa  p^sNi  -i^-k^'snx  r\^2zn  \<nr\i- 

Ib.  supr. 


OPINION  DES  KÂBBALISTES  SUR  DIEU.  141 

union  sort  un  fils  qui,  selon  l'expression  originale,  prenant 
à  la  fois  les  traits  de  son  père  et  ceux  de  sa  mère,  leur  rend 
témoignage  à  tous  deux.  Ce  fils  de  la  sagesse  et  de  l'intelli- 
gence, appelé  aussi,  à  cause  de  son  double  héritage,  le  fils 
aîné  de  Dieu,  c'est  la  connaissance  ou  la  science,  nyT.  Ces       JD^f^ 
trois  personnes  renferment  et  réunissent  tout  ce  qui  a  été, 
est  et  sera;  mais  elles  sont  réunies  à  leur  tour  dans  la  tête 
blanche,  dans  l'Ancien  des  anciens,  car  tout  est  lui,  et  lui  est 
tout'.  Tantôt   on    le   représente    avec   trois   tètes  qui  n'en 
forment  qu'une  seule,  et  tantôt  on  le  compare  au  cerveau  ^&^-J^ 
qui,  sans  perdre  son  unité,  se  partage  en  trois  parties,  et,   'f-  '^h'*^ 
au  moyen  de  jrente-deux  paires  de  nerfs,  se  répand  dans   "^î-vu^nK^ 
tout  le  corps,  comme,  à  l'aiTle  Jes  trente-deux  voies  de  la 
sagesse,  la  Divinité  se  répand  dans  l'univers.  «  L'Ancien 
ic  (dontlenom  soitsnnclifié!)  exisie  avec  trois  tètes  qui  n'en 
«  forment  qu'une  seule;  et  celte  tète  est  ce  qu'il  y  a  de  plus 
«  élevé  parmi   les  choses  élevées.   Et  parce  que  l'Ancien  '^^^.vt^^^^ 
ce  (dont  le  nom  soit  béni!)  ejt  représenté  par  le  nombre  ' 

ce  trois  (nSna  Q"|^^^^<  Nurnp  Np^ny-  i^n),  toulcs  les  autres 
<c  lumières  qui  nous  éclairent  de  leurs  rayons  (les  autres  :!i^St^iMt\ 
«  Séphirotli)  sont  é<]^alement  comprises  dans  le  nombre 7*^ '^^'^'v^ 
(c  trois^  »  Dans  le  passage  suivant,  les  termes  de  cette  tri- 
nilé  sont  un  peu  différents;  on  y  voit  figurer  l'En  Soph  lui- 
même,  mais  en  revanche  on  n'y  trouve  pas  l'intelhgence, 
sans  doute  parce  qu'elle  n'est  qu'un  rellet,  une  certaine 
expansion  ou  division  du  Logos,  de  ce  qu'on  appelle  ici  la 
sagesse.  «  Il  y  a  trois  tètes  sculptées  l'une  dans  l'autre  et 
«  l'une  au-dessus  de  l'autre.  Dans  ce  nombre,  comptons 
«  d'abord  la  sagesse  mystérieuse,  la  sagesse  cachée  et  qui 

1-  p?2''D  Si'is:  yi  N'm  ]^'^i  n>-n  nr2  rs'2zr>  ^npj^  pi  dx-,  2X  wm 
Nin  vhz  y^)2'^7\D  n-'z  ^'^■'tvj  S:t  xpTiy  xunp  xS-^zi  ]^)2\-id  prxi  ]'pSin 

N.T  sSj  ■'11  xS--  -J"  l''"'t-.  '"!•  2'J',  verso  et  itcIo. 

2.  Idra  solda,  tlaiis  la  Iruisiomo  iiarlic  clii  Zuliar,  fui.  288,  vorto. 


142  LA  KADBALE. 

«  n'esl  jamais  sans  voile.  Celle  sagesse  mystérieuse,  c'est 
«  ]e  principe  suprême  de  toute  autre  sagesse.  Au-dessus  de 
«  cette  première  tète  est  l'Ancien  (dont  le  nom  soit  sanc- 
«  lifiéî),  C3  qu'il  y  a  de  plus  mystérieux  parmi  les  mystères. 
«  Enfin  vient  la  lèle  qui  domine  toutes  les  autres;  une  tète 
«  qui  n'en  est  pas  une.  Ce  qu'elle  renferme,  nul  ne  le  sait 
«  ni  ne  peut  le  savoir;  car  elle  échappe  également  à  noire 
«  science  et  à  notre  ignorance.  C'est  pour  cela  que  l'Ancien 
«  (dont  le  nom  soit  sanctifié!)  est  appelé  le  non-èlrc'.  » 
Ainsi,  l'unité  dans  rôtre  et  la  trinilé  dans  les  manifestations 
inlellecluellcs  ou  dans  la  pensée,  voilà  exactement  à  quoi  se 
résume  tout  ce  que  nous  venons  de  dire. 

r^-'f"****^  Quelquefois  les  termes,  ou,  si  l'on  veut,  les  personnes  de 
celle  triji^ité  sont  représentées  comme  trois  phases  succes- 
sives et  ahsolument  nécessaires  dans  l'existence  aussi  hien 
que  dans  la  pensée;  comme  une  déduction,  ou,  pour  nous 
servir  d'une  expression  consacrée  en  Allemagne,  comme  un 
procès  logique  qui  constitue  en  môme  temps  la  génération 
du  monde.  Quelque  élonnement  que  ce  fait  puisse  exciler, 
on  n'en  doutera  pas,  quand  on  aura  lu  les  lignes  suivantes  : 

1^*^^'  «  Venez  et  voyez,  la  pensée  est  le  principe  de  tout  ce  qui 
«  est;  mais,  en  tant  que  pensée,  elle  est  d'ahord  ignorée  et 
«  renfermée  en  elle-même.  Quand  la  pensée  commence  à 
«  se  répandre,  elle^ arrive  à  l'endroit  oii  demeure  l'espritj 
«  parvenue  à  ce  point,  elle  prend  le  nom  d'intelligence  et 
«  n'est  [dus,  comme  auparavant,  renfermée  en  elle-même. 
<c  L'esprit  à  son  tour  se  développe  au  sein  même  des 
«  mystères  dont  il  est  encore  enlouré,  et  il  en  sort  une  voix 

^^'Jl^      ce  qui  est  la  réunion^  de  tous  les  chœurs  célestes;  une  voix 

i,Lf'-*>i  ^(  qui  <^Q  répand  en  paroles  distincles  et  en  mots  arliculés; 
ce  car  elle  vient  de  l'espril.  Mais  en  réfléchissant  à  tous  ce-; 
ce  degrés,  on  voit  que  la  penst'e,  rinlelligente,  ce'.le  voiv 
ce  et  celle  parole,  sont  une  seule  chose,  que  la  pensée  est  le 

1.  Ib.  supr. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  HZ 

«  principe  de  tout  ce  qui  est,  que  nulle  interruption  ne 
«  peut  exister  en  elle,  La  pensée  elle-même  se  lie  au  non- 
ce être  et  ne  s'en  sépare  jamais.  Tel  est  le  sens  de  ces  mots  : 
«  Jëliovah  est  un  et  son  nom  est  un^  «  Voici  un  autre  pas- 
sage où  l'on  reconnaît  facilement  la  même  idée  sous  une 
forme  plus  originale  et,  selon  nous,  plus  antique  :  «  Le  nom  ; 
ce  qui  signifie  je  mis,  T\ir^^,  nous  indique  la  réunion  de  tout        îi^^V 
ce  ce  qui  est,  le  degré  où  toutes  les  voies  de  la  sagesse  sont  ■ 
ce  encore  cachées  et  réunies  ensemble  sans  pouvoir  se  dis- 
ce  tinguer  les  unes  des  autres.  Mais  quand  il  s'établit  une 
ce  ligne  de  démarcation;  quand  on  veut  désigner  la  mère 
ce  portant  dans  son  sein  toutes  choses  et  sur  le  point  de  les 
ce  mettre  au  jour  pour  révéler  le  nom  suprême,  alors  Dieu 
ce  dit  en  parlant  de  lui  :  moi  qui  sîiis,  nin\'  "i\r'N\  Enfin, ^^')K    '^'ù 
ee  lorsque  tout  est  bien  formé  et  sorti  du  sein  maternel, 
ce  lorsque  toute  chose  est  à  sa  place  et  qu'on  veut  désigner 
ce  à  la  fois  le  particulier  et  l'existence,  Dieu  s'appelle  JcJio- 
ee  valif  ou  je  suis  celui  qui  est,  h'-k  i^tn*  T]''r\ii.  Tels  sont  les     '^v,*}^  ^ 
ce  mystères  du  saint  nom  révélé  à  Moïse,  et  dont  aucun  autre  r>'*'h> 

ce  homme  ne  partageait  avec  lui  la  connaissance".  »  Le 
système  des  kabbalistes  ne  repose  donc  pas  simplement  sur 
le  principe  de  l'émanalion  ou  sur  l'unité  de  substance;  ils 
ont  été  plus  loin,  comme  on  voit  :  ils  ont  enseigné  une  doc- 
trine assez  semblable  à  celle  que  les  métaphysiciens  de  l'Alle- 
magne regardent  aujourd'hui  comme  la  plus  grande  gloire  de 
noli'c  temps,  ils  ont  cru  à  l'identité  absolue  de  la  pensée 

1.  1'°  part.,  fol.  2iG,  verso,  sccl.  ip;iT,  Ce  passage  étant  trop  long  à  rap- 
porter tout  entier,  nous  en  citerons  tlu  moins  les  derniers  mois  :  j^t,-;  j^>),-)<] 

2.  I.e  mol  (isclter  est  un  signe  (iélerunnalif. 

3-  nxby  N'a\s'  ttxt  xin:  Ninn  p^î:x  iniiS  ahzi  nSSd  nt  hmn» 

n'iiT  T2X-  ^^  P^'i'tv  fol-  05,  verso,  sect.  jiia  nnx. 


Ui  LA  KABBALE. 

et  de  l'exislcnce;   et  par  conséquent   le  monde,   comme 
nous  le  verrons  plus  lard,  ne  pouvait  être  à  leurs  yeux  que 
l'expression  des  idées  ou  des  formes  absolues  de  l'intelli- 
gence :  en  un  mot,  ils  nous  laissent  entrevoir  ce  que  peut  la 
réunion  de  Platon  et  de  Spinosa.  Afin  qu'il  ne  reste  aucun 
doute  sur  ce   fait  important ,  et  pour  montrer  en  même 
temps  que  les  plus  instruits  parmi  les  kabbalistes  modernes 
sont  restés  fidèles  aux  traditions  de  leurs  prédécesseurs, 
nous  allons  ajouter  aux  textes  que  nous  avons  traduits  du 
Zohar  un  passage  très  remarquable  des  commentaires  de 
Corduero.  «  Les  trois  premières  Sépbirolh,  à  savoir  :  la 
^^  w  Kv"    «  couronne,  la  sagesse  et  l'intelligence,  doivent  être  consi- 
rtiiwwji^'  «  dérées  comme  une  seule  et  même  chose.  La  première 
■t-y^  «  représente  la  connaissance  ou  la  science,  la  seconde  ce 

^îw«  tCvv^w-i  ^^  ^^^1  connaît,  et  la  troisième  ce  qui  est  connu.  Pour  s'ex- 
^iC"vv<vJ'>*-  «  pliquer  cette  identité,  il  faut  savoir  que  la  science  du 
«  créateur  n'est  pas  comme  celle  des  créatures;  car,  chez 
«  celles-ci,  la  science  est  distincte  du  sujet  de  la  science  et 
«  porte  sur  des  objets  qui,  à  leur  tour,  se  distinguent  du 
!  «  sujet.  C'est  cela  qu'on  désigne  par  ces  trois  termes  :  la 
1  «  pensée,  ce  qui  pense,  et  ce  qui  est  pensé.  Au  contraire,  le 
«  créateur  est  lui-même  tout  à  la  fois  la  connaissance  et  ce 
«  qui  connaît  et  ce  qui  est  connu.  En  effet,  sa  manière  de 
«  connaître  ne  consiste  pas  à  appliquer  sa  pensée  à  des 
«  choses  qui  sont  hors  de  lui;  c'est  en  se  connaissant  et  en 
«  se  sachant  lui-même  qu'il  connaît  et  aperçoit  tout  ce  qui 
«  est.  Rien  n'existe  qui  ne  soit  uni  à  lui  et  qu'il  ne  trouve 
^>t)'l     (c  dans  sa  propre  substance.  Il  est  lej,ype  (mr-,  typus)  de 
«  tout  être,  et  toutes  choses  existent  en  lui  sous  leur  forme 
«   la  plus  pure  et  la  plus  accomplie;  de  telle  sorte  que  la 
«  perfection  des  créatures  est  dans  cetle  existence  même, 
«  par  laquelle  elles  se  trouvent  unies  h  la  source  de  leur 
a  êtreS  et  h  mesure  qu'elles  s'en  éloignent,  elles  déchoient 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  iio 

ce  de  cet  élat  si  parfait  et  si  sublime.  C'est  ainsi  que  toutes 
«  les  existences  de  ce  monde  ont  leur  forme  dans  les 
«  Sépbiroth,  et  les  Séphiroth  dans  la  source  dont  elles 
«  émanent*.  » 

Les  sept  attributs  dont  il  nous  reste  encore  à  parler,  et 
que  les  kabbalistes  modernes  ont  appelés  les_Séphirolh  du  ^4^^*^'^ 
la  construction  (^ijnn  nirro),  sans  doute  parce  qu'ils  servent  '^^^'^'^^'^^^ 
pTus   immédiatement  à  l'édification   du   monde,   se   déve- 
loppent, comme  les  précédents,  sous  forme  de  Irinités  dans 
chacune  desquelles  deux  extrêmes  sont  unis  par  un  terme 
moyen.   Du   sein  de  la   pensée  divine,   arrivée  pour  elle- 
même  à  sa  plus  complète  manifestation,  sortent   d'abord 
deux  principes  opposés,  l'un  actif  ou  mâle,  l'autre  femelle 
ou  passif  :  on  trouve  dans  la  grâce  ou  dans  la  miséricorde, 
*TDn,  le  caractère  du  premier;  le  second  est  représenté  par    '"ib^i 
la  justice,  ]n.  Mais  il  est  facile  de  voir  par  le  rôle  qu'elles      V^ 
jouent  dans  rensembic  du  système  que  cette  grâce  et  cette 
justice  ne  doivent  pas  être  prises  à  la  lettre;  il  s'agit  bien 
plutôt  de  ce  que  nous  appellerions  l'extension  et  la  concen- 
tration de  la  volonté.   En  effet,  c'est   de  la  première  que 
sortent  les  âmes  viriles,  et  de  la  seconde  les  âmes  féminines. 
Ces  deux  attributs  sont  aussi  nommés  lesjl eux  bras  de  la    ^K^-lMifC 
Divinité  :  l'un  TTônne  la  vie  et  l'autre  la  mort.  Le  monde   ^''^^^^ 
ne  saurait   subsister  s'ils   restaient  séparés;    il  est  même 
impossible  qu'ils  s'exercent  séparément,  car,  selon  l'expres- 
sion originale,  il  n'y  a  pas  de  justice  sans  grâce;  aussi  vont- 
elles  se  réunir  dans  un  centre  commun  qui  est  la  beauté, 
mxEn,  et  dont  le  symbole  matéi'icl  est  la  poitrine  ou  le    fr^î^^, 
cœur^  C'est  un  fait  assez  remarquable  que  le  beau  soit  cou- 

1.  Pardes  WunonimAiÀ.  55,  reclo. 

2.  nSt  xjn  T\'hi  NT  nSi  xt  «pSo  nS  -j:  1^:2^  ^îzmi  N:n  nrpn.N; 

"•Dm  .Tl  nn-  '">"  l':irt.,  fol.  115,  vorso. 

Njna  S-iSr,  "ami  S^Sd  mx£n  xn  mxîn  \s,-a  ]T2ynx  N-n  iHizz- 

o*  part.,  fol.  ii'JO,  recto. 

10 


146  LA  KABBALE. 

sidéré  comme  l'expression  et  le  résiillat  de  toutes  les  qua- 
lités morales,  ou  comme  la  somme  du  bien.  Les  trois  attri- 
buts suivants  sont  purement  dynamiques,  c'est-à-dire  qu'ils 
nous  représentent  la  Divinité  comme  la  cause,  comme  la 
force  universelle,  comme  le  principe  générateur  de  tous  les 
êtres.  Les  deux  premiers,  qui  représentent  dans  cette  nou- 
velle sphère  le  principe  mâle  et  le  principe  femelle,   sont 

"nMîi      appelés,  conformément  à  un  texte  de  l'Ecriture,  le  triomphe, 

t^-ji-^  nïj,  et  la  gloire,  Tin.  Il  serait  assez  difficile  de  trouver  le 
sens  de  ces  deux  mots  s'ils  n'étaient  suivis  de  cette  défi- 
nition :  «  Par  le  triomphe  et  la  gloire  on  comprend  l'exten- 
«  sion,  la  multiplication  et  la  force;  car  toutes  les  forces 
«  qui  naissent  dans  l'univers  sortent  de  leur  sein,  et  c'est 

jL^/n^  «  pour  cela  que  ces  deux  Séphiroth  sont  appelées  les  armées 
«  de  rÉternel*.  »  Elles  se  réunissent  dans  un  principe 
commun,  ordinairement  représenté  par  les  organes  de  la 
génération,  et  qui  ne  peut  signifier  autre  chose  que  l'élé- 
ment générateur  ou  la  source,  la  racine  de  tout  ce  qui  est. 

lit)*'  ^^  ^^  nomme,  pour  cette  raison,  le  fondement  ou  la  base, 
TiDi.  «  Toute  chose,  dit  le  texte,  rentrera  dans  sa  base 
«  comme  elle  en  est  sortie.  Toute  la  moelle,  toute  la  sève, 
«  toute  la  puissance  est  rassemblée  en  ce  lieu.  Toutes  les 
«  forces  qui  existent  sortent  de  là  par  l'organe  de  la  géné- 
«  ration.  »  Ces  trois  attributs  ne  forment  aussi  qu'un  seul 
visage,  qu'une  seule  face  de  la  nature  divine,  celle  qui  est 
représentée  dans  la  Bible  par  le  dieu  des  armées^.  Quant  à 

^IIjVV^    la  dernière  des  Séphiroth,  ou  la  royauté^  msV^,  tous  les 
kabbalistes  s'accordent  à  dire  qu'elle  n'exprime  aucun  at- 
tribut nouveau,  mais  seulement  l'harmonie  qui  existe  entre 
tous  les  autres  et  leur  domination  absolue  sur  le  monde. 
Ainsi,  les  dix  Séphiroth,  qui  forment  dans  leur  ensemble 

■1  •  "(ipï:::  p.TZD  "ipE:!  ]iS''"'n  S^t  iL*:3ns»  1,12  nS-hi  mm  Nnura  Sy\ 

T,m  Pi*:  ]';\S1  mxiy  pipj^  "Çj  \'^ÀTi-7.ohar,  l-  part.,  fol.  296,  recto. 
2.  niDi  •l1P^<mï<2ï  11  TD1  nPN  »S5"".i  hz-  N'2*iid  »S1"1-  Hî-N--^^-  snpr. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  Ul 

l'homme  céleste,  l'homme  idéal,  et  ce  que  les  kabbalistes  ^2tlt^ 
modernes  ont  appelé  le  monde  de  l'émanation,  îtîS'ïn  dS";v,  /ZJ^ 
se  partagent  en  trois  classes,  dont  chacune  nous  présente  la  ' 

Divinité  sous  un  aspect  différent,  mais  toujours  sous  la  forme 
d'une  Irinité  indivisible.  Les  trois  premières  sont  puiemont 
intelleclLielles  ou  métaphysiques;  elles  expriment  l'identité 
absolue  de  l'existence  et  de  la  pensée,  et  forment  ce  que  les 
kabbalistes  modernes  ont  appelé  le  monde  intelligible  {uhn  ^»A<-'-n' 
^2^*152)  :  celles  qui  les  suivent  ont  un  caractère  moral;  d'une 
part,  elles  nous  font  concevoir  Dieu  comme  l'identité  de  la 
bonté  et  de  la  sagesse;  de  l'autre,  elles  nous  montrent  dans 
la  bonté  ou  plutôt  dans  le  bien  suprême  l'origine  de  la  beauté 
et  de  la  magnificence.  Aussi  les  a-t-on  nommées  les  vertm  !^n^f^*i-^ 
(rmîz)  ou  le  monde  sensible  {xûriin  Qhvj)  dans  l'acception  la  '^''*^~*^'' 
plus  élevée  du  mot.  Enfin,  nous  apprenons  par  les  derniers 
de  ces  attributs  que  la  providence  universelle,  que  l'artiste 
suprême  est  aussi  la  force  absolue,  la  cause  toute-puissante, 
et  que  cette  cause  est  en  même  temps  l'élément  générateur 
de  tout  ce  qui  est.  Ce  sont  ces  dernières  Séphiroth  qui  con- 
stituent le  monde  nalurcl  ou  la  nature  dans  son  essence  et  J/tU^^ 
dans  son  principe,  natura  naturans  (yi^icn  dSi!?)'.  Voici 
maintenant  en  quels  leimcs  on  cherche  à  ramener  ces  aspects 
divers  à  l'unité  et  par  conséquent  à  une  trinilé  suprême  : 
«  Pour  posséder  la  science  de  l'unité  sainte,  il  faut  regarder 
«  la  flamme  qui  s'élève  d'un  brasier  ou  d'une  lampe  allumée  : 
«  on  y  voit  d'abord  deux  lumières,  l'une  éclatante  de  blan- 
(c  cheur,  l'autre  noire  ou  bleue;  la  lumière  blanche  est  au- 
«  dessus  et  s'élève  en  ligne  droite;  la  lumière  noire  est  au- 
«  dessous  et  semble  cire  le  siège  de  la  première  :  elles  sont 
«  cependant  si  étroitement  unies  l'une  à  l'autre,  qu'elles  ne 
ce  foiment  qu'une  seule  flamme.  Mais  le  siège  formé  par  la 
«  luniièie  bleue  ou  noire  s'attache  à  son  tour  à  la  mèche  qui 

i,  Voy.  Pardes  Rimoniin,  fol.  G6,  verso,  1"  col. 


143  LA  KABDALE. 

ce  est  encore  au-dessous  d'elle.  Il  faut  savoir  que  la  lumière 
ce  blanche  ne  change  pas;  elle  conserve  toujours  la  couleur 
c<  qui  lui  est  propre;  mais  on  dislingue  plusieurs  nuances 
ce  dans  celle  qui  est  au-dessous  :  cette  dernière  prend  en 
ce  outre  deux  directions  opposées;  elle  s'attache  en  haut  à  la 
ce  lumière  blanche  et  en  bas  à  la  malière  enflammée;  mais 
ce  cette  matière  est  sans  cesse  absorbée  dans  son  sein,  et 
ce  elle-même  remonte  constamment  vers  la  lumière  supé- 
ce  rieure.  C'est  ainsi  que  tout  rentre  dans  l'unitéo^'pnx  nSj'i 
ce  inNmnu*.  »  Pour  qu'il  ne  reste  aucun  doute  sur  le  sens 
de  cette  allégorie,  nous  ajouterons  que,  dans  une  autre  partie 
du  Zohar,  elle  est  reproduite  presque  littéralement  pour 
cxpliqiier  la  nature  de  l'àme  humaine  qui,  elle  aussi,  forme 
une  trinité,  image  affaiblie  de  la  trinité  suprême. 

Cette  dernière  espèce  de  trinité,  qui  comprend  explicite- 
ment toutes  les  autres,  et  nous  offre  en  résumé  toute  la 
théorie  des  Séphiroth,  est  aussi  celle  qui  joue  le  plus  grand 
rôle  dans  le  Zohar.  Elle  est  exprimée,  comme  les  précédentes, 
par  trois  termes  seulement,  dont  chacun  a  déjà  été  présenté 
comme  le  centre,  comme  la  plus  haute  manifestation  de 
l'une  Jes  trinilés  subordonnées  :  parmi  les  attributs  méta- 
physiques, c'est  la  couronne;  parmi  les  attributs  moraux,  la 
beauté;  c'est  la  royauté  parmi  les  attributs  inférieurs.  Mais 
qu'est-ce  que  la  couronne  dans  le  langage  allégorique  de  la 
kabbale?  c'est  la  substance,  l'Etre  un  et  absolu.  Qu'est-ce 
que  la  beauté?  c'est,  comme  ledit  expressément  V Idra sauta , 
la  plus  haute  expression  de  la  vie  et  de  la  perfection  morales. 
Emanation  de  l'intelligence  et  de  la  grâce,  elle  est  souvent 
comparée  à  l'orient,  au  soleil  dont  la  lumière  est  également 
réfléchie  par  tous  les  objets  de  ce  monde,  et  sans  laquelle 
tout  rentrerait  dans  la  nuit  :  en  un  mot,  c'est  l'idéal.  Enfin, 
qu'est-ce  que  la  royauté?  L'action  permanente  et  immanente 

I.  Zoltar,  1"  [lait.,  fol.  51,  recto,  sect.  n'w'XiS- 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  149 

de  (oiitcs  les  Séphiroth  réunies,  la  présence  réelle  de  Dieu  au 
milieu  de  la  création  :  et  celle  idée  est  parfaitement  exprimée 
par  le  mot Scliéchinah  (nr3c),  l'un  des  surnoms  de  la  royauté. 
Ainsi  donc,  l'Etre  absolu,  l'être  idéal  et  la  force  immanenle 
des  choses;  ou  si  l'on  veut,  la  substance,  la  pensée  et  la  vie, 
c'est-à-dire  la  réunion  de  la  pensée  dans  les  objels,  tels  sont 
les  vrais  termes  de  cette  Irinité  nouvelle.  Jls  constituent  ce 
qu'on  appelle  la  colonne  du  milieu  (nd^^ïcn"  n-172>*)  ;  parce 
que,  dans  toutes  les  figures  par  lesquelles  on  a  coulume  de 
représenter  aux  yeux  les  dix  Séphiroth,  ils  sont  placés  au 
centre,  l'un  au-dessus  de  l'autre,  en  forme  de  ligne  droite 
ou  de  colonne.  Ces  trois  termes,  comme  on  peut  s'y  attendre 
d'après  ce  que  nous  savons  déjà,  deviennent  autant  dévisages 
ou  de  personnifications  symboliques.  La  couronne  ne  change 
pas  de  nom;  elle  est  toujours  le  grand  visage,  l'Ancien  des 
jours,  l'Ancien  dont  le  nom  soit  sanctifié  (N^np  xp^ny).  La 
beauté,  c'est  le  roi  saint,  ou  simplement  le  roi  ('NUinp  Nr'712 
NjS^),  et  la  Schéchinah,  la  présence  divine  dans  les  choses, 
c'est  la  Matrone  ou  la  Reine  (Nniniic).  Si  l'une  est  comparée 
au  soleil,  l'autre  est  comparée  à  la  lune,  pnrce  que  toute  la 
lumière  dont  elle  brille,  elle  l'emprunte  de  plus  haut,  du 
degré  qui  est  immédiatement  au-dessus  d'elle;  en  d'autres 
termes,  Texislence  réelle  n'est  qu'un  reflet  ou  une  image 
de  la  beauté  idéale.  La  matrone  est  aussi  appelée  du  nom 
d'Eve;  car,  dit  le  texte,  c'est  elle  qui  est  la  mère  de  toutes 
choses,  et  tout  ce  qui  existe  ici-bas  s'allaite  de  son  sein  et  est 
béni  par  elle'.  Le  roi  et  la  reine,  qu'on  nomme  aussi  com- 
munément les  deux  visages  (•j'^Eiins  n)  %  forment  ensemble  un 
couple  dont  la  tâche  est  de  verser  constamment  sur  le  monde 
des  grâces  nouvelles,  et  de  continuer  par  leur  union,  ou  plu- 

1.  hlra  soulci,  ad  fin.   ,v{i,-n  ^"'D-iniTD  m21   y^.'J  niQ  NnnSi  ]"':*;5  S) 

nnS^S  C5<  "npnx- 

2.  Zoltar,  ."'^^  jxirl.,  fol.  10,  verso,  sccl.  t<T;;iT. 


150  LA  KABBALE. 

lot  de  perpétuer  l'œuvre  de  la  création.  Mais  l'amour  réci- 
proque qui  les  porte  à  celte  œuvre  éclate  de  deux  manières, 
et  produit  par  conséquent  des  fruits  de  deux  espèces  :  tantôt 
il  vient  d'en  haut,  va  de  l'époux  à  l'épouse  et  de  là  à  l'univers 
tout  entier;  c'est-à-dire  que  l'existence  et  la  vie,  sortant 
dos  profondeurs  du  monde  intelligible,  tendent  à  se  mul- 
tiplier de  plus  en  plus  dans  les  objets  de  la  nature  :  tantôt, 
au  contraire,  il  vient  d'en  bas,  il  va  de  l'épouse  à  l'époux,  du 
monde  réel  au  monde  idéal,  de  la  terre  au  ciel,  et  ramène 
dans  le  sein  de  Dieu  les  êtres  capables  de  demander  ce  retour. 
Le  Zohar  nous  offre  lui-même  un  exemple  de  ces  deux  modes 
de  génération  dans  le  cercle  que  parcourent  les  âmes  saintes. 
L'àme,  considérée  dans  son  essence  la  plus  pure,  a  sa  racine 
dans  l'intelligence  ;  je  parle  de  l'intelligence  suprême  où  les 
formes  des  êtres  commencent  déjà  à  se  distinguer  les  unes 
des  autres,  et  qui  n'est  en  réalité  que  l'âme  universelle.  De 
là,  si  elle  doit  être  une  âme  masculine,  elle  passe  par  le  prin- 
cipe de  la  grâce  ou  de  l'expansion;  si  c'est  une  âme  fémi- 
nine, elle  s'imprègne  du  principe  de  la  justice  ou  de  la  con- 
centration :  enfin,  elle  est  enfantée  à  ce  monde  où  nous 
vivons  par  l'union  du  roi  et  de  la  reine,  qui  sont,  dit  le  texte, 
à  la  génération  de  l'âme  ce  que  l'homme  et  la  femme  sont  à 
la  génération  du  corps  \  Voilà  par  quel  chemin  l'âme  descend 
ici-bas.  Voici  maintenant  comment  elle  est  rendue  au  sein 
de  Dieu  :  quand  elle  a  rempli  sa  mission  et  que,  parée  de 
toutes  les  vertus,  elle  est  mure  pour  le  ciel,  alors  elle  s'élève 
de  son  propre  mouvement,  par  l'amour  qu'elle  excite  comme 
par  celui  qu'elle  éprouve,  et  avec  elle  s'élève  aussi  le  dernier 
degré  de  l'émanation,  ou  l'existence  réelle,  ainsi  mise  en 
harmonie  avec  la  forme  idéale.  Le  roi  et  la  reine  s'unissent 
de  nouveau,  mais  pour  une  autre  cause  et  dans  un  autre  but 

1-  NnnS-  neIm  nî23  np£:  Ni-i'irn-cc*  azh^z'i  N;rMC  NUi-p  Nncw'j 

ii2^D'•iZ^  ina-  i^'Ohar,  5'  part.,  foL  7. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  151 

que  la  première  fois*.  «  De  cette  manière,  dit  le  Zohar\  la 
«  vie  est  puisée  en  même  temps  d'en  haut  et  d'en  bas,  la 
«  source  se  renouvelle,  et  la  mer,  toujours  remplie,  distribue 
«  SCS  eaux  en  tout  lieu*.  »  Cette  union  peut  avoir  lieu  aussi 
d'une  manière  accidenlelle,  pendant  que  l'àme  est  encore 
enchaînée  au  corps.  Mais  ici  nous  touchons  à  l'extase,  au 
ravissement  mystique  et  au  dogme  de  la  réversibilité  dont 
nous  avons  résolu  de  parler  ailleurs. 

Cependant  nous  croirions  avoir  exposé  d'une  manière 
incomplète  la  théorie  des  Séphiroth  si  nous  ne  faisions  pas 
connaître  les  figures  sous  lesquelles  on  a  essayé  de  les  repré- 
senter aux  yeux.  11  y  en  a  trois  principales,  dont  deux  au 
moins  sont  consacrées  par  le  Zohar.  L'une  nous  montre  les 
Séphiroth  sous  la  forme  de  dix  cercles  concentriques,  ou 
plutôt  de  neuf  cercles  tracés  autour  d'un  point  qui  est  leur 
centre  commun.  L'autre  nous  les  présente  sous  l'image  du 
corps  humain.  La  couronne,  c'est  la  tète;  la  sagesse,  le  cer- 
veau; l'intelligence,  le  cœur;  le  tronc  et  la  poitrine,  en  un 
mot,  la  ligne  du  milieu  est  le  symbole  de  la  beauté,  les  bras 
celui  de  la  grâce  et  de  la  justice,  les  parties  inférieures  du 
corps  expriment  les  attributs  qui  restent.  C'est  sur  ces  rap- 
ports tout  à  lait  arbitraires,  poussés  à  leur  dernière  exagéra- 
lion  dans  les  Tikounim  (les  suppléments  du  Zohar),  que  se 
fonde  en  grânïïe  partie  la  kabbale  pratique  et  la  prétention 
de  guérir  par  les  différents  noms  de  Dieu  les  maladies  qui 
peuvent  atteindre  les  diverses  parties  de  noti'e  corps.  Ce 
n^est  pas  la  première  fois,  au  reste,  qu'à  la  décadence  d'une 
doctrine  les  idées  ont  été  peu  à  peu  étouffées  par  les  symboles, 
même  les  plus  grossiers,  et  la  forme  mise  à  la  place  de  la 
pensée.  EnHn,  la  dernière  manière  de  représenter  les  dix 

1.  Pour  ne  pas  multiplier  les  citations,  je  renverrai  à  CorJuoio,  qui  les  a 
loutcs  réunies  dans  son  Vardes  Rimonini,  fol.  60-Ci. 

2.  Zohar,   V  part.,  fol.   CO-70.   —  xnnDT   xS''>ÎJ   Cin   ^^DlnX   ]n3 


132  LA  KABUALE. 

Séphiroth,  c'est  celle  qui  les  partage  en  trois  groupes  :  à 
droite,  sur  une  même  ligne  verticale,  on  voit  figurer  les 
attributs  qu'on  peut  appeler  expansifs,  à  savoir  :  le  Logos 
ou  la  sagesse,  la  grâce  et  la  force  :  à  gauche  se  trouvent 
placés  de  la  môme  manière,  sur  une  ligne  parallèle,  ceux  qui 
marquent  la  résistance  ou  la  concentration;  l'intelligence, 
c'est-à-dire  la  conscience  du  Logos,  la  justice  et  la  résistance 
proprement  dite.  Enfin,  au  milieu  sont  les  attributs  sub- 
stantiels que  nous  avons  compris  dans  la  trinité  suprême.  Au 
sommet,  au-dessus  du  niveau  commun,  on  lit  le  nom  de  la 
couronne,  et  à  la  base  celui  de  la  royauté*.  Le  Zohar  fait 
fréquemment  allusion  à  cette  figure  qu'il  compare  à  un  arbre 
dont  l'En  Soph  serait  la  vie  et  la  sève,  et  qu'on  a  appelé 
depuis  l'arbre  kabbalistique.  On  y  voit  rappelée  à  chaque  pas 
f-  V''~:-  la  colonne  de  la  grâce  (x:ioi  Niro*  nom  isr.cî?'),  la  colonne 
^w^U'^  delà  justice  (Nam  »siicy  nVn'/2u;t  n-itdd)  et  la  colonne  du  milieu 
(xnyïCN"  Niiny)  ;  ce  qui  n'empêche  pas  la  même  figure  de 
nous  représenter  sur  un  autre  plan,  par  les  lignes  horizon- 
tales, les  trois  trinités  secondaires  dont  nous  avons  parlé 
précédemment.  Outre  toutes  ces  figures,  les  kabbalistes 
^[y^  modernes  ont  encore  imaginé  des  canaux  (milaj;)  indiquant 
sous  une  forme  matérielle  tous  les  rapports,  toutes  les  com- 
binaisons qui  peuvent  exister  entre  les  Séphiroth.  Moïse 
Corduero  parle  d'un  auteur  qui  en  a  compté  jusqu'à  six  cent 
mille^  Ces  subtilités  peuvent  intéresser  jusqu'à  un  certain 
point  la  science  du  calcul  ;  mais  c'est  en  vain  qu'on  y  cher- 
cherait une  idée  métaphysique. 

A  la  doctrine  des  Séphiroth,  telle  que  nous  venons  enfin 
de  l'exposer,  se  mêle  dans  le  Zohar  une  idée  étrange,  expri- 
mée sous  une  forme  plus  étrange  encore;  c'est  celle  d'une 
chute  et  d'une  réhabilitation  dans  la  sphère  même  des  attri- 

1.  Pour  toutes  ces  figures  voir  le  Pordes  Rimonim,  fol.  51-59  ("nDl^î:? 


OriMON  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  155 

buts  divins,  d'une  création  qui  a  échoué,  parce  que  Dieu 
n'était  pas  descendu  avec  elle  pour  y  demeurer  ;  parce  qu'il 
n'avait  pas  encore  revêtu  cette  forme  intermédiaire  entre  lui 
et  la  créature  dont  l'homme  ici-bas  est  la  plus  parfaite  ex- 
pression. Ces  conceptions  diverses,  en  apparence,  ont  été 
réunies  dans  une  pensée  unique  que  l'on  rencontre  en  même 
temps,  tantôt  plus,  tantôt  moins  développée,  dans  le  Livre 
du  mystère,  dans  les  deux  Idra  et  dans  quelques  autres 
fragments  d'une  moindre  importance.  Voici  maintenant  de 
quelle  bizarre  façon  elle  est  présentée.  La  Genèse  ^  fait  men-  /^^^^^f 
lion  de  sept  rois  d'Edom  qui  ont  précédé  les  rois  d'Israël,  et 
en  les  nommant  elle  les  fait  mourir  l'un  après  l'autre,  pour 
nous  apprendre  dans  quel  ordre  ils  se  sont  succédé.  C'est 
do  ce  texte,  si  étranger  par  lui-même  à  un  tel  ordre  d'idées, 
que  les  auteurs  du  Zoliar  se  sont  emparés  pour  y  rattacher 
leur  croyance  à  une  sorte  de  révolution  dttns  le  monde  invi- 
sible de  l'émanation  divine.  Par  les  rois  d'Israël,  ils  enten- 
dent ces  deux  formes  de  l'existence  absolue  qui  ont  été  per- 
sonnifiées dans  le  roi  et  la  reine,  et  qui  représentent,  en  la 
divisant  pour  notre  faible  intelligence,  l'essence  même  de 
l'Elre.  Les  rois  d'Edom,  ou,  comme  on  les  appelle  encore, 
les  anciens  rois,  ce  sont  les  mondes  qui  n'ont  pu  subsister, 
qui  n'ont  pu  se  réaliser  avant  que  ces  formes  fussent  établies, 
pour  servir  d'intermédiaire  entre  la  création  et  l'essence  di- 
vine considérée  dans  toute  sa  pureté.  Au  reste,  la  meilleure 
manière,  selon  nous,  d'exposer  sans  altération  cette  obscure 
partie  du  système  kabbalislique,  c'est  de  citer,  en  les  expli- 
quant l'un  par  l'aulre,  quelques-uns  des  fragments  qui  s'y 
rapportent.  «  Avant  que  l'Ancien  des  anciens,  celui  qui  est 
ce  le  plus  caché  parmi  les  choses  cachées,  eût  préparé  les 
«  formes  des  rois  et  les  premiers  diadèmes,  il  n'y  avait  ni 
«  limite  ni  fin.  11  se  mil  donc  ù  sculpler  ces  formes  et  à  les 

1.  C!inp.  37,  V.  51-10, 


Î5Î  LA  KADBALE. 

«  Iracer  dans  sa  propre  substance.  Il  étendit  devant  lui- 
«  même  un  voile,  et  c'est  dans  ce  voile  qu'il  sculpta  ces 
«  rois,  qu'il  traça  leurs  limites  et  leurs  formes  ;  mais  ils  ne 
«  purent  subsister.  C'est  pour  cela  qu'il  est  écrit  :  Voici  les 
«  rois  qui  régnèrent  dans  le  pays  d'Edom  avant  qu'un  roi 
«  régnât  sur  les  enfants  d'Israël.  Il  s'agit  ici  des  rois  primi- 
IV^T^)  «  tifs  et  d'Israël  primitif  ^  Tous  les  rois  ainsi  formés  avaient 
«  leurs  noms;  mais  ils  ne  purent  subsister  jusqu'à  ce  qu'il 
«  (l'Ancien)  descendît  vers  eux  et  se  voilât  pour  eux*.  « 
Qu'il  soit  question  dans  ces  lignes  d'une  création  anté- 
rieure à  la  nôtre,  de  mondes  qui  ont  précédé  celui  où  nous 
sommes,  c'est  ce  qui  ne  peut  laisser  aucun  doute;  c'est  ce 
que  le  Zoliar  lui-même  nous  dit  un  peu  plus  loin  dans  les 
termes  les  plus  positifs  %  et  telle  est  aussi  la  croyance  una- 
nime de  tous  les  kabbalistes  modernes.  Mais  pourquoi  les 
anciens  mondes  ont-ils  disparu?  Parce  que  Dieu  n'babilait 
pas  au  milieu  d'eux  d'une  manière  régulière  et  constante,  ou, 
comme  dit  le  texle,  parce  qu'il  n'était  pas  descendu  vers 
eux.  parce  qu'il  ne  s'était  pas  montré  encore  sous  une  forme 
qui  lui  permît  de  rester  présent  au  milieu  de  la  création,  et 
de  la  perpétuer  par  celte  union  même.  Les  existences  qu'il 
produisait  alors,  par  une  émanation  spontanée  de  sa  propre 
substance,  sont  comparées  à  des  étincelles  s'échappant  en 
désordre  d'un  foyer  commun  et  mourant  à  mesure  qu'elles 
s'en  éloignent.  «  Il  a  existé  d'anciens  mondes  qui  ont  été  dé- 
cc  truits,  des  mondes  sans  forme  qu'on  a  appelés  les  étin- 
cc  celles  ('[•'jr'ir:  nhvj'  "p*"')  ;  car  c'est  ainsi  que  le  forgeron,  en 
«  battant  le  fer,  fait  jaillir  les  étincelles  de  tout  côté.  Ces 
«  étincelles  sont  les  anciens  mondes,  et  ces  anciens  mondes 
«  ont  été  délruils  et  n'ont  pu  subsister,  parce  que  l'Ancien 

1.  Le  mot  «  primitif  »  (7^)2^p)!dans  le  Zohar,  est  toujours  synonjine  d'idéal, 
de  céleste  ou  d'intelligible. 

"2.  Idra  raba,  édit.  d'Amsterdam,  5"  part.,  fol.  148,  reelo. 

5. 5-^  part.,  fol.  Cl .  yS  2nn*.  ]'')2h'j  nN2  n'.n  ndi'j  \sn  n^pn  ni2  ah ly 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  155 

«  (dont  le  nom  soit  sanctifié!)  n'avait  pas  encore  revêtu  sa 
«  forme,  et  l'ouvrier  n'était  pas  encore  à  son  œuvre*.  » 

Et  quelle  est  donc  celle  forme  sans  laquelle  toute  durée 
et  toute  organisation  sont  impossibles  dans  les  existences 
finies,  qui  représente,  à  proprement  parler,  l'ouvrier  dans 
les  œuvres  divines,  sous  laquelle  enfin  Dieu  se  communique 
et  se  reproduit  en  quelque  sorte  hors  de  lui?  C'est  la  forme 
humaine  entendue  dans  sa  plus  haute  généralité,  embras- 
sant avec  les  attributs  moraux  et  intellectuels  de  notre  na- 
ture les  conditions  de  son  développement  et  de  sa  perpétuité, 
en  un  mot,  la  distinction  des  sexes  que  les  auteurs  du  Zohar  jv^^u^fo^ 
admettent  pour  l'âme  aussi  bien  que  pour  le  corps.  La  dis- 
tinction des  sexes  ainsi  comprise,  ou  plutôt  la  division  et  la 
reproduction  de  la  forme  humaine  sont  pour  eux  le  symbole 
de  la  vie  universelle,  d'un  développement  régulier  et  infini 
de  l'Etre,  d'une  création  régulière  et  continue,  non  seule- 
ment par  la  durée,  mais  aussi  par  la  réalisation  successive 
de  toutes  les  formes  possibles  de  l'existence.  Nous  avons  déjà 
rencontré  précédemment  le  fond  de  cette  idée  ;  mais  ici  il  y 
a  quelque  chose  de  plus  :  c'est  que  l'expansion  graduelle  de 
la  vie,  de  l'être  et  de  la  pensée  divine  n'a  pas  commencé 
immédiatement  au-dessous  de  la  substance;  elle  a  été  pré- 
cédée de  cette  émanation  tumultueuse,  désordonnée  et,  si  je 
puis  dire  ainsi,  inorganique  dont  nous  avons  parlé  tout  à 
l'heure,  v  Pourquoi  tous  ces  anciens  mondes  furent-ils  dé- 
«  truils?  Parce  que  l'homme  n'était  pas  formé  encore.  Or, 
«  la  forme  de  l'homme  renferme  toutes  choses;  toutes  choses 
«  peuvent  se  maintenir  par  elle.  Comme  cette  forme  n'exis- 
te tait  pas  encore,  les  mondes  qui  l'avaient  précédée  ne  pu- 
«  rcnt  subsister  ni  se  maintenir,  et  ils  tombèrent  en  ruines, 

1.  Idm   solda,  5°  p:irt.    du  Zohar,    fol.    S'.V2,  verso,   cilit.   d'Ainslcnlam. 

]ip^-j  npx  N:ip*n2  mn  kS-  x^-m  '-^zvr.N'  N:ipn  .xSi  \scip  Y,:h'3 


156  LA  KABCALi:. 

«  jusqu'à  ce  que  la  forme  de  l'homme  fut  élablie  :  alors  i!::> 
ce  renaquirent  tous  avec  elle,  mais  sous  d'autres  noms*.  » 
Nous  ne  démontrerons  pas  par  de  nouveaux  textes  la  distinc- 
tion des  sexes  dans  l'homme  idéal  ou  dans  les  attributs  di- 
vins; il  nous  suffira  de  remarquer  ici  que  cette  distinction, 
répétée  sous  mille  formes  dans  le  Zohar,  reçoit  aussi  le  nom 
.l^jj^y>)  caractéristique  de  balance  (Nbpnn).  «  C'était  avant  que  la 
'  «  balance  fut  établie,  dit  le  Livre  du  mystère  ;  ils  (le  roi  et 

«  la  reine,  le  monde  idéal  et  le  monde  réel)  ne  se  regardaient 
ce  pas  face  à  face,  et  les  premiers  rois  moururent  faute  de 
ce  trouver  leur  subsistance,  et  la  terre  était  en  ruines...  Cette 
ce  balance  est  suspendue  dans  un  lieu  qui  n'est  pas  (le  non- 
ce être  primilif)  ;  ceux  qui  doivent  être  posés  dans  ses  pla- 
«  teaux  n'existent  pas  encore.  C'est  une  balance  tout  inté- 
ce  rieure,  qui  n'a  pas  d'autre  appui  qu'elle-même,  invisible. 
ce  Ce  qui  n'est  pas,  ce  qui  est  et  ce  qui  sera,  voilà  ce  que 
ce  porte  et  ce  que  portera  cette  balance  *.  » 

Ainsi  que  nous  l'apprend  déjà  une  citation  précédente,  les 
rois  d'Edom,  les  anciens  mondes  n'ont  pas  disparu  complè- 
tement; car,  dans  le  système  kabbalistique,  rien  ne  naît,  rien 
ne  périt  d'une  manière  absolue.  Seulement  ils  ont  perdu  leur 
eincienne  place,  qui  était  celle  de  l'univers  actuel  ;  et  quand 
Dieu  vint  à  se  manifester  hors  de  lui,  à  se  reproduire  lui- 
même  sous  la  forme  de  l'homme,  ils  ressuscitèrent,  en  quel- 
que sorte,  pour  entrer  sous  d'autres  noms  dans  le  système 
général  de  la  création,  ce  Lorsqu'on  dit  que  les  rois  d'Edom 
ce  sont  morts,  on  ne  veut  pas  parler  d'une  mort  réelle  ou 
ce  d'une  complète  destruction  ;  mais  toute  déchéance  est  ap- 
ce  pelée  du  nom  de  mort  ^  »  En  effet,  ils  descendirent  bien 
bas,  ou  plutôt,  ils  s'élevèrent  bien  peu  au-dessus  du  néant; 


i.  Lira  raba  ;  ib.  supr,,  fol.  155,  reclo  et  verso. 

2.  Nmy-'JST  K12D.  chap.  1",  ad  init. 

3.  Idra  raba,  If  part,  du  Zo/ior,  fol.  135,  verso. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  DIEU.  157 

car  ils  fiircnl  placés  au  dernier  degré  de  l'univers.  Ils  repré- 
sentent l'existence  purement  passive,  ou,  pour  nous  ser- 
vir des  expressions  mêmes  du  Zohai\  une  justice  sans  au- 
cun mélange  de  grâce,  un  lien  où  tout  est  rigueur  et  justice 
{\y2T\  "jnnNrn  i'':'''?!  nnxn)  \  où  tout  est  féminin  sans  aucun  prin- 
cipe masculin  (Nipiiiinx),  c'est-à-dire  où  tout  est  résistance 
et  inertie,  comme  dans  la  matière.  C'est  pour  cela  même 
qu'ils  ont  été  nommés  les  rois  d'Edom,  Edom  étant  l'opposé 
d'Israël  qui  représente  la  grâce,  la  vie,  l'existence  spirituelle 
et  active.  Nous  pourrions  aussi,  prenant  à  la  lettre  la  plupart 
de  ces  expressions,  dire  avec  les  kabbalisles  modernes,  que 
les  anciens  mondes  sont  devenus  un  séjour  de  châtiment 
pour  le  crime,  et  que  de  leurs  ruines  sont  sortis  ces  êtres 
malfaisants  qui  servent  d'instruments  à  la  justice  divine. 
Rien  ne  serait  changé  dans  la  pensée;  car,  comme  nous 
pourrons  tous  nous  en  assurer  un  peu  plus  loin,  dans  les 
idées  du  Zohar,  où  la  métempsycose  joue  un  si  grand  rôle, 
le  châtiment  des  âmes  coupables  consiste  précisément  h 
renaître  dans  les  degrés  les  plus  infimes  de  la  création  et  à 
subir  de  plus  en  plus  l'esclavage  de  la  matière.  Quant  aux 
démons,  qu'on  appelle  toujours  du  nom  significatif  d'enue-  J))^''}) 
loppes  (niîtSp),  ils  ne  sont  pas  autre  chose  que  la  matière 
elle-même  et  les  passions  qui  en  dépendent.  Ainsi,  toute 
forme  de  l'existence,  depuis  la  matière  jusqu'à  l'éternelle 
sagesse,  est  une  manifestation,  ou,  si  l'on  veut,  une  émana- 
lion  de  l'Etre  infini.  Mais  il  ne  suffit  pas  que  toutes  choses 
viennent  de  Dieu  pour  avoir  de  la  réalité  et  de  la  durée;  il 
faut  encore  que  Dieu  soit  toujours  présent  au  milieu  d'elles, 
qu'il  vive,  se  développe  et  se  reproduise  éternellement,  et  à 
l'infini,  sous  leur  apparence;  car,  sitôt  qu'il  voudrait  les 
livrer  à  elles-mêmes,  elles  s'évanouiraient  comme  une  om- 
bre." Miiîs  que  dis-jcT  Cette  ombre  est  encore  une  partie  de 

Lira  laba,  ib.,  fol.  1 1!?,  reclo.  —  ïdra  soula,  ad  lia. 


158  LA  KABBALE. 

la  chaîne  des  manifestations  divines;  c'est  elle  qui_est  la 
matière;  c'est  êTle  qui  marque  la  limite  oi!i  disparaissent  à 
nos  yeux  l'esprit  et  la  vie  :  elle  est  la  fin,  comme  l'homme 
idéal  est  le  commencement.  C'est  sur  ce  principe  que  se 
fondent  à  la  fois  la  cosmologie  et  la  psychologie  kabha- 
listiques. 


CHAPITRE  IV 


SUITE    DE    L  ANALYSE    DU    ZOIIAR    —    OriMON    DES    KABBALISTES 
SUR    LE    MONDE 


Ce  que  nous  savons  de  l'opinion  des  kabbalisles  sur  3 
nature  divine  nous  dispense  de  nous  arrêter  longtemps  à 
leur  manière  de  concevoir  la  création  et  l'origine  du  monde  ; 
car,  au  fond,  ces  deux  choses  se  confondent  dans  leur  esprit. 
Si  Dieu  réunit  en  lui,  dans  leur  totalité  infinie,  et  la  pen- 
sée et  l'existence,  il  est  bien  certain  que  rien  ne  peut  exis- 
ter, que  rien  ne  peut  être  conçu  en  dehors  de  lui  ;  mais  tout 
ce  que  nous  connaissons,  soit  par  la  raison,  soit  par  l'expé- 
rience, est  un  développement  ou  un  aspect  particulier  de 
l'Être  absolu  :  J'éternité  d'une  substance  inerte  et  distincte 
de  lui  est  une  chimère,  et  la  création,  comme  on  la  conçoit 
ordinairement,  devient  impossible.  Cette  dernière  consé- 
quence est  clairement  avouée  dans  les  paroles  suivantes  : 
«  Le  [)oint  indivisible  (l'absolu)  n'ayant  point  de  limites  et  ne 
«  pouvant  pas  être  connu,  à  cause  de  sa  force  et  de  sa  pureté, 
«  s'est  répandu  au  dehors,  et  a  formé  un  pavillon  qui  sert  de 
((  voile  à  ce  point  indivisible.  Ce  pavillon,  quoique  d'une 
(c  lumière  moins  pure  que  le  point,  était  encore  trop  éclatant 
«  pour  êlre  regardé;  il  s'est  à  son  tour  répandu  au  dehors, 
«  et  cette  extension  lui  a  servi  de  vêtement  :  c'est  ainsi  que 


d60  LA  KABBALE. 

«  tout  se  fait  par  un  mouvement  qui  descend  toujours;  c'est 
«  ainsi  enfin  que  s'est  formé  l'univers,  NcbyT  N:ipn  i.tn  n  t.  » 
Nous  rappelons  que  l'être  absolu  et  la  nature  visible  n'ont 
qu'un  seul  nom  qui  signifie  Dieu.  Un  autre  passage  nous 
apprend  que  la  voix  qui  sort  de  l'esprit  et  qui  s'identifie  avec 
lui  dans  la  pensée  suprême,  que  cette  voix  n'est,  au  fond,  pas 
autre  chose  que  l'eau,  l'air  et  le  feu,  le  nord,  le  midi, 
l'orient  et  toutes  les  forces  de  la  nature*;  mais  tous  ces  élé- 
ments et  toutes  ces  forces  se  confondent  dans  une  seule  chose, 
dans  la  voix  qui  sort  de  l'esprit.  Enfin  la  matière,  considé- 
rée sous  le  point  de  vue  le  plus  général,  c'est  la  partie  infé- 
rieure de  cette  lampe  mystérieuse  dont  nous  avons  vu  tout 
à  l'heure  la  description.  Avec  celte  opinion,  les  kabba- 
lisles  prétendaient  rester  fidèles  à  la  croyance  populaire, 
que  par  la  seule  puissance  de  la  parole  divine  le  monde  est 
sorti  du  néant  ;  seulement,  ce  dernier  mot,  comme  nous  le 
savons  déjà,  avait  pour  eux  un  tout  autre  sens.  Voici  ce 
point  de  leur  doctrine  assez  clairement  exposé  par  l'un  des 
commentateurs  du  Scpher  ielzirah  :«  Lorsqu'on  affirme  que 
ce  les  choses  ont  été  tirées  du  néant,  on  ne  veut  pas  parler  du 
«  néant  proprement  dit;  car  jamais  un  être  ne  peut  venir 
«  du  non-être.  Mais  on  entend  par  le  non-être  ce  qu'on  ne 
«  conçoit  ni  par  sa  cause  ni  par  son  essence  ;  c'est,  en  un  mot, 
«  la  cause  des  causes;  c'est  elle  que  nous  appelons  le  non- 
ce ôlre  primitif,  'j'a'îp  "j^ss  parce  qu'elle  est  antérieure  à  l'uni- 
«  vers  :  et  par  là  nous  n'entendons  pas  seulement  les  objets 
«  matériels,  mais  aussi  la  sagesse  sur  laquelle  le  monde 
«  a  été  fondé.  Si  maintenant  on  demande  quelle  est  l'es- 
«  sence  de  la  sagesse,  et  suivant  quel  mode  elle  est  conte- 
ce  nue  dans  le  no)i-êlre  ou  dans  la  couronne  suprême^  per- 

■I-  -rn-wN-  -':  ii.-i  N-  ti'^SriNi  n-3  xi  -Cw'EnN'  hnShSt  nN"2~p  mip^a 

NÎ^Syb  »S;ipnb  »S-  hv\  iH-h  Xw^S  NT-  Zohar,  l"  part.,  fol.  20,  recto. 


'ib^n  "INC  hzi-  fb.  l"  part.,  fol.  2  46,  verso,  sect.  s^it. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  LE  MONDE.  ICI 

(c  sonne  ne  pourra  répondre  à  celte  question,  car,  dans  le 
((  non-èlre,  il  n'y  a  aucune  distinction,  aucun  mode  d'exis- 
cc  tencc.  On  ne  comprendra  pas  davantage  comment  la 
«  sagesse  se  trouve  unie  h  la  vie  *.  »  Tous  les  kabbalistes 
anciens  ou  modernes  expliquent  de  celte  manière  le  dogme 
de  la  création.  Mais,  conséquents  avec  eux-mêmes,  ils  ad- 
meltaient  aussi  la  seconde  partie  de  l'adage  :  Ex  nihilonihil  ; 
ils  ne  croyaient  pas  plus  à  l'anéantissement  absolu  qu'à  la 
création  comme  on  l'entend  vulgairement.  «  Rien,  dit  le 
«  Zohar,  n'est  perdu  dans  le  monde,  pas  même  la  vapeur 
«  qui  sort  de  notre  boucbe  :  comme  toute  chose,  elle  a  sa 
«  place  et  sa  destination,  et  le  Saint,  béni  soit-il,  la  fait 
«  concourir  à  ses  œuvres;  rien  ne  tombe  dans  le  vide,  pas 
«  même  les  paroles  et  la  voix  de  l'homme;  mais  tout  a  sa 
('  place  et  sa  deslination  \  »  C'est  un  vieillard  inconnu  qui 
prononce  ces  paroles  devant  jtlusieurs  disciples  de  Jocliaï  ; 
et  il  faut  que  ceux-ci  y  reconnaissent  un  des  articles  les  plus 
mystérieux  de  leur  foi,  puisqu'ils  s'empressent  de  les  inter- 
r.mipre  par  ces  mots  :  «  0  vieillard,  qu'as-tu  fait?  N'eût-il 
te  pas  mieux  valu  garder  le  silence?  Car  maintenant  te  voilà 
«  emporté,  sans  voile  et  sans  mât,  sur  une  mer  immense. 
«  Si  tu  voulais  monter,  tu  ne  le  pourrais  plus,  et  en  descen- 
te dont  tu  rencontrerais  un  abîme  sans  fond  ''.  »  Ils  lui  citent 
rexeni[)le  de  leur  maître,  qui,  toujours  réservé  dans  ses  ex- 
pressions, ne  s'aventurait  pas  sur  cette  mer  sans  se  ménager 
un  moyen  de  retour;  c'est-à-dire  qu'il  cachait  ses  pensées 
sous  le  voile  de  l'allégorie.  Cependant  le  même  principe  est 
énoncé  un  peu  plus  loin  avec  une  entière  franchise.  «  Toutes 
«  les  choses,  disent-ils,  dont  ce  monde  est  composé,  l'esprit 
«  aussi   bien  que   le  corj)s,  rentreront  dans   le  princijie  et 

1.  Comincnlaire  d'Aljr;iIiain  bon  Daoïul,  "t^xi?  ^i"'  '^^  S']>lisr  icizirali.  \o\e/. 
ccli(.  Rillangel,  pag.  Oj  et  seq. 

2.  Zohar,  '2°  part.,  fol.  100,  verso,  soct.  D''a2"kî/n. 
5.  Zjlnir,  ib. 

11 


1G2  LA  KABBALE. 

ce  dans  la  racine  dont  elles  sont  sorties  *.  Il  est  le  commen- 
«  cernent  et  la  fin  de  tous  les  degrés  de  la  création  ;  tous  ces 
«  degrés  sont  marqués  de  son  sceau,  et  on  ne  peut  le  nom- 
ce  mer  aulrementque  par  l'unité;  il  est  l'être  unique,  mal- 
ce  gré  les  formes  innombrables  dont  il  est  revêtu  ^  » 

Si  Dieu  est  à  la  fois  la  cause  et  la  substance,  ou,  comme 
dirait  Spinosa,  la  cause  immanente  de  l'univers,  celui-ci 
devient  nécessairement  le  chef-d'œuvre  de  la  perfection,  do 
la  sagesse  et  de  la  bonté  suprêmes.  Pour  rendre  cette  idée, 
les  kabbalisles  se  servent  d'une  expression  assez  originale, 
que  plusieurs  mystiques  modernes,  entre  autres  Boehm  et 
Saint-Martin,  reproduisent  fréquemment  dans  leurs  ou- 
vrages :  ils  appellent  la  nature  une  bénédiction,  et  ils 
regardent  comme  un  fait  très  significatif  que  la  lettre  par 

'»U^V;*3D.  laquelle  Moïse  a  commencé  le  récit  de  la  création,  rT'xyNii, 
entre  également  la  première  dans  le  mot  qui  signifie  béné- 
diction, nsin".  Rien  n'est  absolument  mauvais,  rien  n'est 
maudit  pour  toujours,  pas  même  l'archange  du  mal  ou  le 

';)Ys*fOb  serpent  venimeux,  iS\2;n  Niiin,  comme  ils  l'ajipellent  quel- 
quefois. Il  viendra  un  temps  où  il  retrouvera  et  son  nom 
et  sa  nature  d'ange\  Du  reste,  la  sagesse  n'est  pas  moins 

1-  »sî:ij  n^:^  ".pE:"  ï^'inn  kiidit  i^ipyS  ihSd  itthn  i^^z'rji  yhn  hz 

mtSoS  t<*i2?2J1  nnisob-  2°  part.,  fol.  'lis,  verso. 

-n}<  nSn  'uTn'  '.xS  'j'nimD  yz-pv-  ,T2  n'x-  ;,:;x-  nxmxb  inn-  l"  part., 

fol.  '21,  reclo. 

5.  i^2nx  .Tin  ii)2hy  T\^2^2  Sbjn'^'x  n^-ii  ]a"'D  in^x  rr'ii  ]^;i-  l'^part., 

fol.  2ûr>,  verso,  sect.  ^*;;i"i.  Voyez  aussi  Oliot  de  R.  Akiba. 
I  4,  Son  nom  mystique  est  bxî2D)  Sainael.  On  en  retranchera,  dans  les  temps 
à  venir,  la  première  moitié,  qui  signitie  poison;  le  seconde  est  le  nom  commun 
de  tous  les  anges.  La  même  idée  est  encore  exprimée  sous  une  autre  forme  : 
après  avoir  démontré  par  un  procédé  kabbalistique  (x^Tcn^^)  ^l""^  ^^  ï^o™  de 
Dieu  comprend  tous  les  côtés  de  l'univers,  à  l'exception  du  nord,  réservé  aux 
méchants  comme  un  lieu  d'expiation,  on  ajoute  qu'à  la  fin  des  temps  ce  côté 
rentrera  comme  les  autres  dans  le  nom  ineffable.  L'enfer  disparaîtra,  il  n  y 
aura  plus  ni  châlimcnt,  ni  épreuves,  ni  coupables.    La  vie  sera  une  éternelle 


OPINION  DES  KABBÂLISTES  SUR  LE  MONDE.  163 

visible  ici-bas  que  la  bonté,  puisque  l'univers  a  été  créé  par 
la  parole  divine,  et  qu'il  n'est  lui-même  pas  autre  cbose  que 
celle  parole  :  or,  clans  le  langage  mystique  du  Zoha)\ 
l'expression  articulée  de  la  pensée  divine,  c'est,  comme 
nous  l'avons  déjà  appris,  l'ensemble  de  lous  les  êtres  par- 
ticuliers existants  en  germe  dans  les  formes  éternelles  de  la 
sagesse  supérieure.  Mais  aucun  des  passages  que  nous  avons 
déjà  cités,  ou  que  nous  pourrions  citer  encore  à  l'appui  de 
ce  principe,  ne  peut  offrir  plus  d'intérêt  que  celui-ci  :  «  Le 
«  Saint,  béni  soit-il,  avait  déjà  créé  et  détruit  plusieurs 
c(  mondes,  avant  d'arrêter  dans  sa  pensée  la  création  de 
«  celui  oi^i  nous  vivons;  et  lorsque  cette  dernière  œuvre  fut 
c(  sur  le  point  de  s'accomplir,  toutes  les  clioses  de  ce 
«  monde,  toutes  les  créatures  de  l'univers,  avant  d'appar- 
<(  tenir  à  l'univers  et  dans  quelque  temps  qu'elles  dussent 
«  exister,  se  trouvaient  devant  Dieu  sous  leurs  vraies 
«  formes.  C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  ces  paroles  de 
«  l'Ecclésiaste  :  Ce  qui  a  été  autrefois  sera  aussi  dans 
«  l'avenir,  et  tout  ce  qui  sera  a  déjà  été*.  Tout  le  monde 
«  inférieur  a  été  fait  à  la  ressemblance  du  monde  supé- 
«  rieur  :  tout  ce  qui  existe  dans  le  monde  supérieur  nous 
«  apparaît  ici-bas,  comme  dans  une  image;  et  tout  cela 
«  n'est  cependant  qu'une  seule  cbose ^  » 

De  celle  croyance  si  élevée,  si  large,  et  que  l'on  retrouve, 

fête,  un  sabbat  sans  lin.  M.  Corducro,  Parties  Rinwnim,  fol.  10,  verso,  et 
Isaac  Loria,  Emek  Ilamelecli,  cbap.  i''.  Dons  le  Midrascb,  Bcreschit  Rabbo, 
20,  et  Pscudo-Jonalban  sur  la  Genèse,  III,  15,  on  dit,  au  contraire,  que  soûl  lo 
serpent  ne  sera  pas  guéri. 

1-  Dn  S^i  "*pS  mm  ]^'!2hv  12  mn  ai^h'j  xn  rapn  k"i:i  nS  tj 
anh'j  •'■ai  prN  So  nicp  ]pnnxi  .TDp  -'in  an  N^Sy  ixna  n3nu7Ni 
]i,T;pri:i  .TDp  in^'p  nn  xn  noSîtS  pn^i  nS  tj  xit  xt?  S33  in^nr^i- 

3"  part.,  fol.  CI ,  verso. 

im  SdT  TCuîS- 2"  part.,  fol.  20,  1. 


104  U  KABBALE. 

()liis  OU  moins  mélangée,  dans  tous  les  grands  systèmes  de 
métaphysique,  les  kabbalistes  ont  tiré  une  conséquence  qui 
les  ramène  entièrement  au  mysticisme  :  ils  ont  imaginé  que 
tout  ce  qui  frappe  nos  sens  a  une  signification  symbolique; 
que  les  phénomènes  et  les  formes  les  plus  matérielles 
peuvent  nous  apprendre  ce  qui  se  passe  ou  dans  la  pensée 
divine  ou  dans  l'intelligence  humaine.  Tout  ce  qui  vient 
de  l'esprit  doit,  selon  eux,  se  manifester  au  dehors  et 
devenir  visible ^  De  là  la  croyance  à  un  alphabet  céleste  et 
à  la  physiognomonique.  Voici  d'abord  en  quels  termes  ils 
parlent  du  premier  :  «  Dans  toute  l'étendue  du  ciel,  dont 
«  la  circonférence  entoure  le  monde,  il  y  a  des  figures,  des 
«  signes  au  moyen  desquels  nous  pourrions  découvrir  les 
«  secrets  et  les  mystères  les  plus  profonds.  Ces  figures  sont 
ce  formées  par  les  constellations  et  les  étoiles,  qui  sont  pour 
«  le  sage  un  sujet  de  contemplation  et  une  source  de  mysté- 
«  rieuses  jouissances" —  Celui  qui  est  obligé  de  se  mellre 
«  en  voyage  dès  le  matin  n'a  qu'à  se  lever  au  point  du  jour 
«  et  à  regarder  attentivement  du  côLé  de  l'orient,  il  verra 
«  comme  des  lettres  qui  marchent  dans  le  ciel.  Tune  mon- 
«  tant,  l'autre  descendant.  Ces  formes  brillantes  sont  celles 
«  des  lettres  avec  lesquelles  Dieu  a  créé  le  ciel  et  la  terre; 
«  elles  forment  son  nom  mystérieux  et  sainte  »  De  telles 
idées,  si  elles  ne  doivent  pas  être  comprises  dans  un  sens 
plus  élevé,  peuvent  paraître  indignes  de  trouver  place  dans 
un  travail  sérieux;  mais  d'abord,  en  ne  faisant  connaître 
du  système  contenu  dans  le  Zohar  que  les  aperçus  les  plus 
brillants  et  les  mieux  fondés,  en  écartant  avec  soin  tout  ce 
qui  peut  heurter  nos  habitudes  intellectuelles,  nous  man- 

1"  part.,  fol.  20,  \. 

2.  2°  part.,  fol.  Ti,  reclo,  sect.  ^itti. 

Stci  N'3;jf  irc'wi  'j";\x'i  ^i^ztid  ]"'""n  yh'2  ""2-  i^-  ■5»;-"'-.  fol.  70,  rccio. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  LE  MONDE.  IGo 

querions  le  seul  but  que  nous  nous  soyons  pioposc;  nous 
serions  infidèle  à  la  vérilé  historique.  Ensuite,  nous  avons 
remarqué  que  des  rêveries  pareilles  sont  sorties  plus  d'une 
fois  du  même  principe  et  qu'elles  n'ont  pas  toujours  été  le 
partage  des  plus  faibles  intelligences.  Platon  et  Pythagorc 
en  ont  été  bien  près;  et  d'un  autre  côté,  tous  les  grands 
représentants  du  mysticisme,  tous  ceux  qui  ne  voient  dans 
la  nature  extérieure  qu'une  vivante  allégorie,  ont  adoplé, 
chacun  selon  la  mesure  de  son  intelligence,  la  théorie  des 
nombres  et  des  idées.  C'est  aussi  comme  une  conséquence 
de  leur  système  général  de  métaphysique,  ou,  s'il  nous  est 
permis  de  nous  servir  ici  du  langage  philosophique  de  nos 
jours,  c'est  en  vertu  d'un  jugement  a  'priori  que  les  kabba- 
lisles  ont  admis  la  physiognomonique,  dont  le  nom  était, 
du  reste,  déjà  connu  dans  le  siècle  de  Socrate.  «  La  physio- 
«  nomie,  disent-ils,  si  nous  en  croyons  les  maîtres  de  la 
(c  science  intérieure,  hncjd  Nnazm  nxa,  ne  consiste  pas 
«  dans  les  traits  qui  se  manifestent  au  dehors,  mais  dans 
«  ceux  qui  se  dessinent  mystérieusement  au  fond  de  nous- 
«  mêmes.  Les  traits  du  visage  varient  suivant  la  forme 
«  imprimée  au  visnge  intérieur  de  l'esprit;  l'esprit  seul 
«  produit  toutes  ces  physionomies  que  connaissent  les 
ce  sages  :  c'est  par  l'esprit  qu'elles  ont  un  sens.  Quand  les 
ce  esprits  et  les  âmes  sortent  de  VEden  (c'est  ainsi  qu'on 
ce  appelle  souvent  la  sagesse  suprême),  ils  ont  tous  une 
ce  certaine  forme  qui  plus  tard  se  réfléchit  dans  le  visage\  » 
A  ces  considérations  générales  succèdent  un  grand  nombre 
d'observations  de  détail  dont  quelques-unes  sont  encore 
aujourd'hui  généralement  accréditées.  Ainsi,  un  front  large 
et  convexe  est  le  signe  d'un  esprit  vif  et  profond,  d'une 
intelligence  d'élite.  Un  front  Inrge,  mais  aplati,  annonce  la 
folie  ou  la  sottise;  un  front  qui  serait  en  même  temps  plat, 

1.  2°  part.,  fol.  75,  verso. 


ICa  LA  KABBALE. 

comprimé  sur  les  côtes  et  terminé  en.  pointe,  indiquerait 
infailliblement  un  esprit  1res  borné,  auquel  pourrait  se 
joindre  quelquefois  une  vanité  sans  mesure^  Enfin,  tous  les 
visages  humains  sont  ramenés  à  quatre  types  principaux, 
dont  ils  s'éloignent  ou  se  rapprochent,  selon  le  rang  que 
tiennent  les  âmes  dans  l'ordre  intellectuel  et  moral.  Ces 
types  sont  les  quatre  figures  qui  occupent  le  cliar  mystéiieux 
d'Ézéchiel,  c'est-à-dire  celles  de  l'homme,  du  lion,  du  bœuf 
et  de  ^'aigle^ 

Tl  nous  a  semblé  que  la  démonologie  adoptée  par  les  kab- 
balistes  n'est  qu'une  personnification  tout  à  fait  réfléchie  de 
ces  différents  degrés  de  vie  et  d'intelligence  qu'ils  aperce- 
vaient dans  toute  la  nature  extérieure.  La  croyance  aux  dé- 
mons et  aux  anges  avait  depuis  longtemps  pris  racine  dans 
l'esprit  du  peuple  comme  une  riante  mythologie  à  côté  du 
dogme  sévère  de  l'unité  divine.  Pourquoi  donc  ne  s'en  se- 
raient-ils pas  servis  pour  voiler  leurs  idées  sur  les  rapports 
de  Dieu  avec  le  monde,  comme  ils  se  sont  servis  du  dogme 
de  la  création  pour  enseigner  tout  le  contraire;  comme  ils 
se  servaient  enfin  des  textes  de  rKcriturc  pour  se  mettre  au- 
dessus  de  l'Écriture  et  de  l'autorité  religieuse?  Nous  n'avons 
trouvé  en  faveur  de  cette  opinion  aucun  texte  entièrement 
à  l'abri  du  doute  ;  mais  voici  quelques  raisons  qui  la  ren- 
dront au  moins  très  probable.  D'abord,  dans  les  trois  frag- 
ments principaux  du  Zohar,  dans  les  deux  Idra  et  le  Livre 
du  mystère,  il  n'est  jamais  question,  sous  quelque  forme  que 
ce  soit,  de  cette  hiérarchie  céleste  ou  infernale,  qui  n'était 
vraisemblablement  qu'un  souvenir  de  la  captivité  de  Baby- 
lone;  ensuite,  lorsque,  dans  les  autres  parties  du  ZohaVy 
on  parle  des  anges,  on  les  représente  comme  des  êtres  bien 
inférieurs  à  l'homme,  comme  des  forces  dont  l'impulsion 

1.  Ib.  supr.,  fol.  75-75,  recto. 

2.  T^yj  "izD  '\r^D  i:d  nnx  1:2  d-x  i;î:  ni2\si  nt,""!'-  2=  part.,  foi.  73, 

verso,  et  seq. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  LE  AIONDE.  1C7 

avcude  est  constamment  la  môme.  Nous  en  offrons  un 
exemple  dans  ces  mots  :  «  Dieu  anima  d'un  esprit  parti- 
ce  culier  chaque  partie  du  firmament  ;  aussitôt  toutes  les 
c<  armées  célestes  furent  formées  et  se  trouvèrent  devant  lui. 
ce  C'est  ainsi  qu'il  faut  expliquer  ces  paroles  :  Avec  le  souffle 

ce  de  sa   bouche  il  créa  toutes   les   armées Les  esprits 

ce  saints,  qui  sont  les  messagers  du  Seigneur,  ne  descendent 
ce  que  d'un  seul  degré;  mais  dans  les  âmes  des  justes  il  y  a 
ce  deux  degrés  qui  se  confondent  en  un  seul  :  c'est  pour  cela 
ce  que  les  âmes  des  justes  montent  plus  haut,  et  que  leur 
ce  rang  est  [)lus  élevé  *.  »  Les  thalmudistes  eux-mêmes,  mal- 
gré leur  attachement  à  la  lettre,  professent  le  même  prin- 
cipe :  ce  Les  justes,  disent-ils,  sont  plus  grands  que  les 
ce  anges  *.  »  Nous  comprendrons  encore  mieux  ce  qu'on  a 
voulu  dire  par  ces  esprits  qui  animent  tous  les  corps  célestes 
et  tous  les  éléments  de  la  terre,  si  nous  prenons  garde  aux 
noms  et  aux  fonctions  qui  leur  sont  donnés.  Avant  tout,  il 
faut  écarter  les  personnifications  purement  poétiques,  dont 
le  caractère  ne  peut  exciter  le  moindre  doute;  et  tels  sont 
tous  les  anges  qui  portent  le  nom,  soit  d'une  qualité  morale, 
soit  d'une  abstraction  métaphysique;  par  exemple,  le  bon  et 
le  mauvais  désir  {iro  ijjv  vin  is^),  que  l'on  fait  toujours  agir 
sous  nos  yeux  comme  des  personnes  réelles;  l'ange  delà 
pureté  (Tahariel),  de  la  miséricorde  (Rachmiel),  de  la  justice 
(Tsadkiel),  de  la  délivrance  (Padacl),  et  le  fameux  Raziel^ 
c'est-à-dire  l'ange  des  secrets,  qui  veille  d'un  œil  jaloux  sur 
les  mystères  de  la  sagesse  kabbalistique  '\  D'ailleurs  c'est  un 

^'  y.nnizxi'z  in  inx^  ]i*nx  inSo  NniniSu;  ^iirji  "(Ti-p  •[■'n'n  S:j 
yrci  p.TiTn  Tn""  i^pSo  -z  ^i:!!  -ni  yV'izi  nno  x-'''p''-ïi-  ^°  iiai-t., 

fol.  68,  verso. 

2.  m*Cn  ''^nS'ZQ  IDV  D^P^TJ  U^hM:^-  Tlialtnud  Dfihijl.,  Sanhédrin, 
chap.  XI,  et  Clioulin,  chap.  vi. 

5.  Zohar,  Impart.,  fol.  40-il.  — Ib.,  ib.,  fol.  53,  rcclo.  —  Ib.,  fol.  140, 
recto. 


1G8  LA  KABBALE. 

principe  reconnu  par  tous  les  kabbalistes,  et  qui  lient  au 
système  général  des  êtres,  que  la  liiérarcliie  angélique  ne 
commence  que  clans  le  troisième  monde,  celui  qu'on  appelle 
jjjjiy  le  monde  de  la  formaiion  (m^;;'  obiy,  Olam  letzirah),  c'est- 
à-dire  dans  l'espace  occupé  par  les  planètes  et  les  corps  cé- 
lestes. Or,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  le  chef  de  cette  mi- 
lice invisible,  c'est  l'ange  Métatrône,  ainsi  appelé  parce  qu'il 
se  trouve  immédiatement  au-dessous  du  trône  de  Dieu 
(^''-diid),  qui  forme  à  lui  seul  le  monde  de  la  création  ou  des 
>^  r.  purs  esprits  (nxni  ahrj,  Olam  Beriah).  Sa  tâche,  c'est  de 
maintenir  l'unité,  l'harmonie  et  le  mouvement  de  toutes  les 
sphères  ;  c'est  exactement  celle  de  celle  force  aveugle  et  in- 
finie qu'on  a  voulu  quelquefois  substituer  à  Dieu  sous  le 
nom  de  nature.  11  a  sous  ses  ordres  des  myriades  de  sujets 
que  l'on  a  divisés  en  dix  catégories,  sans  doute  en  l'honneur 
des  dix  Sephiroth.  Ces  anges  subalternes  sont  aux  diverses 
parties  de  la  nature,  à  chaque  sphère  et  à  chaque  élément  en 
particulier,  ce  qu'est  leur  chef  à  l'univers  tout  entier.  Ainsi, 
l'un  préside  aux  mouvements  de  la  Terre,  l'autre  à  ceux  de 
la  Lune,  et  la  même  chose  a  lieu  |)our  lous  les  autres  corps 
célestes*.  Celui-ci  s'appelle  l'ange  du  feu  (Nouriel),  celui-là 
l'ange  de  la  lumière  (Ouriel),  un  troisième  préside  à  la  dis- 
tribution des  saisons,  un  quatrième  à  la  végétation.  Enfin, 
toutes  les  productions,  toutes  les  forces  et  lous  les  phéno- 
mènes de  la  nature  sont  représentés  de  la  même  manière. 

L'inlcnlion  de  ces  allégories  devient  tout  à  fait  évidente 
lorsqu'il  s'agit  des  esprits  infernaux.  Nous  avons  déjà  appelé 
rattention  sur  le  nom  que  l'on  donne  en  commun  à  toutes 
les  puissances  de  cet  ordre.  Les  démons,  pour  les  kabba- 
listes, sont  les  formes  les  plus  grossières,  les  plus  impar- 
faites, \es  enveloppes  de  l'existence;  tout  ce  qui  figure  l'ab- 

(..ki         1.  On  va  même  jusqu'à  les  désigner  sous  les  inèuies  noms  que  ces  corps 
eux-mêmes  :  l'un  s'appelle  Vénus  (njj),  l'autre  Mars  {u'<m'a)j  ui  troisième, 
to**'!'^*'*'^  a  substance  du  ciel  {Q^'j2''Cri  OTj)-  Z-:har,  1"  liait.,  fol.  42  et  scq. 


OPIMO^i  DES  KABBALISTES  SLR  LE  MONDE.        109 

scnce  de  la  vie,  de  l'intelligence  et  de  l'ordre.  Ainsi  que  les 
anges,  ils  forment  dix  Sepliirotli,  dix  degrés,  oi!i  les  ténèbres 
<'t  l'impureté  vont  s'épaississant  de  plus  en  plus,  comme 
dans  les  cercles  du  poète  florentin*.  Le  premier  ou  plutôt 
les  deux  premiers  ne  sont  pas  autre  chose  que  l'état  dans 
lequel  la  Genèse  nous  montre  la  Terre  avant  l'œuvre  des  six 
jours,  c'est-à-dire  l'absence  de  toute  forme  visible  et  de 
toute  organisation  ^  Le  troisième  est  le  séjour  des  ténèbres, 
de  ces  mêmes  ténèbres  qui  au  commencement  couvraient  la 
face  de  l'abîme'".  Puis  vient  ce  qu'on  appelle  les  sept  taber- 
nacles (mS^M  yiu)  ou  l'enfer  proprement  dit,  oft'rant  à  nos 
yeux  dans  un  cadre  systématique  tous  les  désordres  du  monde 
moral  et  tous  les  tourments  qui  en  sont  la  suite.  Là,  nous 
voyons  chaque  passion  du  cœur  humain,  chaque  vice  ou 
chaque  faiblesse  personnifiée  dans  un  démon,  devenir  le 
bourreau  de  ceux  qu'elle  a  égarés  dans  ce  monde.  Ici,  c'est 
la  volupté  et  la  séduction  (mns),  là  la  colère  et  la  violence 
(nDm!]N*),  plus  loin  l'impureté  grossière,  le  démon  des  soli- 
taires débauches,  ailleurs  le  crime  (nnn),  l'envie  (ni\s'),  l'ido- 
lâtrie, l'orgueil.  Les  sept  tabernacles  infernaux  se  divisent 
et  se  subdivisent  à  l'infini  ;  pour  chaque  espèce  de  perversité 
il  y  a  comme  un  royaume  à  part,  el  l'on  voit  ainsi  l'abîme 
se  dérouler  jtar  degré  dans  toute  sa  profondeur  et  son  im- 
mensité \  Le  chef  suprême  de  ce  monde  téiiél)reux,  celui  que 
l'Écriture  appelle  Satan,  porte  dans  la  kabbale  le  nom  de 
Samaël  (Sn-d),  c'esl-à-dir(î  l'ange  du  poison  ou  de  la  mort, 

1,   Tikoniiiin,   Tlloun  15,  fol.  56. 

-•  irî2T  1~n  4*^"^  '"-'^  Scjilante  oui  tra;luit  pnr  les  deux  mnls  :  ào'pazo;  /.al 
dî/.aT4'j/.3jacro;. 

•>•  NE'iSp  XT  '.nn  HiTn  yixm  .  xt  bv  x-  zi'^h'^i  nS;j  |'3*bp  nSn 
nxn^Sn  xr^Sp  •^•wim  .  x:*":!-!  xs^Sp  xi  "1.12.1 .  nxnp- 1^-  «'P''- 

4.  l'our  lous  ces  déliiils,  voir  le  Zolinr,  2'^  p:irt.,  fol.  255-259,  sect.  I7ip2. 
cl  le  commenlairc,  ou  plutôt  la  liaJuction  licljiaïfjuc  de  ce  passage  dans  le 
Pardcs  Rimotiini,  n'iSlMn  yj'C- 


170  LA  KABBALE. 

et  le  Zohar  dit  positivement  que  l'ange  de  la  mort,  le  mau- 
vais désir,  Satan  et  le  serpent  qui  a  séduit  notre  première 
mère  sont  une  seule  et  même  chose'.  On  donne  aussi  à  Sa- 
maël  une  épouse,  qui  est  la  personnification  du  vice  et  de  la 
sensualité;  car  elle  s'appelle  de  son  nom  la  prostituée  [iar 

r  !f)*^^  excellence,  ou  la  maîtresse  de  débauches  (a''3lj"  h^tn)  *.  Mais 
ordinairement  on  les  réunit  dans  un  symbole  unique  qu'on 

■^Vh       appelle  simplement  le  serpent  (x-îrn). 

Si  on  voulait  ramener  cette  théorie  des  démons  et  des 
anges  à  la  forme  la  plus  simple  et  la  plus  générale,  ou  ver- 
rait que  dans  chaque  objet  de  la  nature,  par  conséquent  dans 
la  nature  tout  entière,  les  kabbalistes  reconnaissaient  deux 
éléments  très  distincts  :  l'un  intérieur,  incorruptible,  qui 
se  révèle  exclusivement  à  rinlelligcnce;  c'est  l'esprit,  la  vie 
ou  la  forme  ;  l'autre  purement  extérieur  cl  matériel  dont  on 
a  fait  le  symbole  de  la  déchéance,  de  la  malédiction  et  de  la 
mort.  Ils  auraient  pu  dire  aussi  comme  un  philosophe  mo- 
derne issu  de  leur  race  :  Omnia,  quamvis  diverm  gradibus, 
animala  tamen  sunt  ''.  De  cette  manière,  leur  démonologie 
serait  un  complément  nécessaire  de  leur  métaphysique  et 
nous  expliquerait  parfaitement  les  noms  sous  lesquels  on 
désigne  les  deux  mondes  inférieurs. 

verso;  comme  le  dil  d'ailleurs  le  Thalmiid,  Baba  Balra,  10. 

2.  On  suppose  que  c'est  le  même  personn;ige  (jue  Lililli  (puissance  de  la 
nuit),  dont  il  est  souvent  question  dans  le  TliahnuJ. 

5.  Spinosa,  Elliica. 


CHAPITRE   V 


SUITE    DE    L  ANALYSE    DU    ZOIIAR    OriNlON    DES    KALBALlSlt.^ 

SUR    l'ame    IIU.MAINE 


C'est  surtout  par  le  rang  élevé  qu'ils  ont  donné  à  l'homme 
que  les  kabbalistes  se  recommandent  à  notre  intérêt  et  que 
l'étude  de  leur  système  devient  d'une  haute  importance,  tant 
pour  l'histoire  de  la  philosophie  que  pour  celle  de  la  reli- 
gion. «  Tu  es  poussière  et  tu  retourneras  à  la  poussière  »,  a 
dit  la  Genèse;  et  à  ces  paroles  de  malédiction  ne  succède  au- 
cune promesse  positive  d'un  avenir  meilleur,  aucune  men- 
tion de  l'âme  qui  doit  remonter  vers  Dieu  quand  le  corps 
s'est  confondu  avec  la  terre.  Après  l'auteur  du  Pentateuque, 
le  moilèle  de  la  sagesse  en  Israël,  l'Ecclésiasle  a  légué  à  la 
postérité  cet  étrange  parallèle  :  «  L'homme  et  la  brute  meu- 
cc  reni  également;  le  sort  de  l'homme  est  comme  le  sort  de 
ce  la  brute;  ils  ont  tous  deux  le  même  sort  ^  »  Le  Tlialmud 
s'('xj)rime  quelquefois  on  termes  assez  poétiques  sur  la  ré- 
compense qui  attend  les  justes.  Il  les  représente  assis  dans 
l'Eden  céleste,  la  tète  couronnée  de  lumière  et  jouissant  de 
la  gloire  divine'.  Mais  la  nature  humaine  en  général,    il 

1.  Ecclés.,  cliap.  III,  V.  19. 
Herachol,  17. 


172  LA  KABBALE. 

cherche  plulôt  à  l'ahaisscr  qu'à  i'erinohlir.  «  D'où  viens-tu? 
«  D'une  gouLtc  de  matière  en  putréfaction.  Où  vas-tu?  Au  mi- 
ce  lieu  de  h  poussière,  de  la  corruption  et  des  vers.  Et  de- 
ce  vant  qui  dois-tu  un  jour  te  justifier  et  rendre  compte  de 
«  les  actions?  Devant  Celui  qui  règne  sur  les  rois  des  rois,  de- 
ce  vant  le  Saint,  béni  soit-iP.  »  Telles  sont  les  paroles  qu'on 
lit  dans  un  recueil  de  sentences  attribuées  aux  chefs  les  plus 
anciens  et  les  plus  vénérés  de  Técole  thalmudique.  C'est  dans 
un  toufc  autre  langage  que  le  Zoliar  nous  entretient  de  notre 
origine,  de  nos  destinées  futures  et  de  nos  rapports  avec 
l'Etre  divin,  a  L'homme,  dit-il,  est  à  la  fois  le  résumé 
ce  et  le  terme  le  plus  élevé  de  la  création  ;  c'est  pour  cela 
ce  qu'il  n'a  été  formé  que  le  sixième  jour.  Sitôt  que  l'homme 
ce  parut,  tout  était  achevé,  et  le  monde  supérieur  et  le  monde 
<e  inférieur,  car  tout  se  résume  dans  l'homme;  il  réunit 
ce  toutes  les  formes  ^  »  Mais  il  n'est  pas  seulement  l'image 
du  monde,  de  l'universalité  des  êtres,  en  y  comprenant  l'Etre 
absolu  :  il  est  aussi,  il  est  surtout  l'image  de  Dieu  considéré 
dans  l'ensemble  de  ses  attributs  infinis.  Il  est  la  présence  di- 
vine sur  la  terre,  nxnn  nfi^^du;  c'est  VAdam  céleste,  qui,  en 
soitant  de  l'obscurité  suprême  et  primitive,  a  produit  cet 
Adam  terrestre  ''. 

Le  voici  d'abord  représenté  sous  le  premier  de  ces  deux 
aspects,  c'est-à-dire  comme  3/fcy*ocos/«e  :  ce  Ne  va  pas  croire 
<e  que  l'homme  soit  seulement  de  la  chair,  une  peau,  des  os- 
ce  sements  et  des  veines;  loin  de  là  !  Ce  qui  fait  réellement 
ce  l'homme,  c'est  son  âme  ;  et  les  choses  dont  nous  venons 

1-  r.vS^m  n^2i  i£7  ny^zh  "Sin  nnx  ^h<Si  nn";-iD  he'cîz  fin:!  yan 
n-ipn  Q^;b^2-  irS^r  -S:2  ""isS  ]i2\:Tn  ]n  ]rh  vw  nnx  ^a  izzhi-  Timlm. 

BabijL,  Traité  des  l'èrcs,  chap.  iir. 

ah^l  in'^^iS'J  i.TX-  5'  part.,  foL  48,  recto. 

5.  aix  ^■'2  r\i<'2-^p  nVih'j  laTo  lia  arhn  î-^^Sanx-  in2  «b'^hi  nia 

HDîh-   2°  p^rt.,  fui.    70,  vci'so. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SLTx  L'AME.  175 

«  (le  parler,  la  peau,  la  chair,  les  ossements,  les  veines,  ne 
ce  sont  pour  nous  qu'un  vêtement,  un  voile,  mais  elles  ne 
(c  sont  pas  l'homme.  Quand  l'homme  s'en  va,  il  se  dépouille 
«  de  tous  les  voiles  qui  le  couvrent.  Cependant  ces  diverses 
«  parties  de  notre  corps  sont  conformes  aux  secrets  de  la 
ce  sagesse  suprême.  La  peau  représente  le  firmament  qui 
ce  s'étend  partout  et  couvre  toute  chose,  ainsi  qu'un  vêtement. 
«  La  chair  nous  rappelle  le  mauvais  côté  de  l'univers  (c'est- 
c(  à-dire,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'élément  pure- 
ce  ment  extérieur  et  sensihle).  Les  ossements  et  les  veines 
ce  figurent  le  char  céleste,  les  forces  qui  existent  à  l'intérieur, 
ce  •i5Sia''''pT  V^'"'^'  ^^^  serviteurs  de  Dieu.  Tout  cela  n'est  ce- 
ce  pendant  encore  qu'un  vêtement;  car  dans  l'intérieur  est  le 
ce  mystère  de  Vhomme  céleste.  Ainsi  que  l'homme  terrestre, 
ce  l'Adam  céleste  est  intérieur,  et  tout  se  passe  en  has  comme 
ee  en  haut.  C'est  dans  ce  sens  qu'il  a  été  dit  que  Dieu  créa 
ce  l'homme  à  son  image.  Mais  de  môme  que  dans  le  firma- 
cc  ment,  qui  enveloppe  tout  l'univers,  nous  voyons  diverses 
ce  figures  formées  par  les  étoiles  et  les  planètes  pour  nous 
ce  annoncer  des  clwses  cachées  et  de  profonds  mystères  ;  ainsi 
ce  sur  la  peau  qui  entoure  notre  corps  il  y  a  des  formes  et  des 
ce  traits  qui  sont  comme  les  planètes  ou  les  étoiles  de  notre 
ce  corps.  Toutes  ces  formes  ont  un  sens  caché  et  sont  un 
ce  ohjet  d'attention  pour  les  sages  qui  savent  lire  dans  le  visage 
ce  de  l'homme  \  »  C'est  par  la  seule  puissance  de  sa  forme 
extérieure,  par  ce  reflet  d'intelligence  et  de  grandeur  ré- 
pandu dans  tous  ses  traits,  que  l'homme  lait  trembler  de- 
vant lui  jusqu'aux  animaux  les  plus  féroces-.  L'ange  envoyé 
à  Daniel  pour  le  défendre  contre  la  rage  des  lions  n'est  pas 
autre  chose,  selon  le  Zohar,  que  le  visage  même  du  pro- 
phète, ou  l'empire  exercé  par  le  regard   d'un  homme  pur. 

I.  Zoltar,  2"  pari.,  cul.  70a. 
.TDDa  yjT]  ]iSm  I.iSd  ïn:i-   l"  I»a''l-.  M-  19'     !-.;(^lo.  sect.  3-^«i«i. 


174  LA  KABBALE. 

Mais  il  ajoute  que  cet  avantage  disparaît  aussitôt  que 
l'homme  se  dégrade  par  le  péché  et  par  l'.ouhli  de  ses  de- 
voirs '.  Xous  n'insisterons  pas  plus  longtemps  sur  ce  point, 
que  nous  avons  déjà  remarqué,  et  qui  rentre  entièrement 
dans  la  théorie  de  la  nature. 

Considéré  en  lui-même,  c'est-à-dire  sous  le  point  de  vue 
de  l'ame,  et  comparé  à  Dieu  avant  qu'il  soit  devenu  visible 
dans  le  monde,  l'être  humain,  par  son  unité,  son  identité 
substantielle  et  sa  triple  nature,  nous  rappelle  entièrement 
la  trinité  suprême.  En  effet,  il  se  compose  des  éléments  sui- 
Tt'yi^'^  vants  :  1°  d'un  esprit,  n^*»2;j,  qui  représente  le  degré  le  plus 
élevé  de  son  existence  ;  2°  d'une  âme,  m*!,  qui  est  le  siège  du 
^^  '  bien  et  du  mal,  du  bon  et  du  mauvais  désir,  en  un  mot,  de 
-►t)^  tous  les  attributs  moraux;  5° d'un  esprit  plus  grossier,  tjrj, 
immédiatement  en  rapport  avec  le  corps,  et  cause  directe  de 
ce  qu'on  appelle  dans  le  texte  les  mouvements  inférieurs, 
c'est-à-dire  les  actions  et  les  instincts  de  la  vie  animale.  Pour 
faire  comprendre  comment,  malgré  la  dislance  qui  les  sé- 
pare, ces  trois  principes,  ou  plutôt  ces  trois  degrés  de  l'exis- 
tence humaine  se  confondent  cependant  dans  un  seul  être,  on 
reproduit  ici  la  comparaison  dont  on  s'est  déjà  servi  au  sujet 
des  attributs  divins  et  dont  le  germe  est  dans  le  Livre  de  la 
création.  Les  passages  qui  témoignent  de  l'existence  de  ces 
trois  âmes  sont  en  très  grand  nombre;  mais,  à  cause  de  sa 
clarté,  nous  choisissons  de  préférence  celui  qu'on  va  lire  : 
«  Dans  ces  trois  choses,  l'esprit,  l'âme  et  la  vie  des  sens, 
«  nous  trouvons  une  fidèle  image  de  ce  qui  se  passe  en  haut  ; 
«  car  elles  ne  forment  toutes  trois  qu'un  seul  être  où  tout  est 
«  lié  par  l'unité.  La  vie  des  sens  ne  possède  par  elle-même 
«aucune  lumière;  c'est  pour  cette  raison  qu'elle  est  si 
«  étroitement  unie  au  corps  auquel  elle  procure  et  lesjouis- 

1-  n^b  =]Snn.s  xrnp  ><;i:*."'-  \sn  xnmxi  rniNi  V"x  nS  r:  ^2  -dv 

Ib.  siqji; 


OPLMON  DES  KABBALISTKS  SUR  L'AMS.  175 

«  sanccs  et  les  aliments  dont  il  a  besoin  ;  on  peut  lui  ap~ 
«  pliquer  ces  paroles  du  sage  :  Elle  distribue  la  nourriture 
«  à  sa  maison  et  marque  la  tâche  de  ses  servantes.  La  mai- 
«  son,  c'est  le  corps  qui  est  nourri  ;  et  les  servantes  sont  les 
<c  membres  qui  obéissent.  Au-dessus  delà  vie  des  sens  s'élève 
«  l'àme  qui  la  subjugue,  lui  impose  des  lois  et  l'éclairé  au- 
«  tant  que  sa  nature  l'exige.  C'est  ainsi  que  le  principe  ani- 
«  mal  est  le  siège  de  l'àme.  Enfin,  au-dessus  de  l'àme  s'élève 
«  l'esprit,  par  lequel  elle  est  dominée  à  son  tour  et  qui  réflé- 
«  chit  sur  elle  une  lumière  de  vie.  L'àme  est  éclairée  par 
«  celte  lumière  et  dépend  entièrement  de  l'esprit.  Après  la 
«  mort  elle  n'a  pas  de  repos  ;  les  portes  de  l'Eden  ne  lui  sont 
«  pas  ouvertes  avant  que  l'esprit  soit  remonté  vers  sa  source, 
«  vers  l'Ancien  des  anciens,  pour  se  remplir  de  lui  pendant 
«  l'éternité;  car  toujours  l'esprit  remonte  vers  sa  source'.  » 

Chacune  de  ces  trois  âmes,  comme  il  est  facile  de  le  pré- 
voir, a  sa  source  dans  un  degré  différent  de  l'existence 
divine.  La  sagesse  suprême,  appelée  aussi  l'Éden  céleste,  est 
la  seule  origine  de  l'esprit.  L'àme,  selon  tous  les  interprètes 
du  Zohar,  vient  de  l'attribut  qui  réunit  en  lui  la  justice  et 
la  miséricorde,  c'est-à-dire  de  la  Beauté.  Enfin,  le  principe 
animal,  qui  jamais  ne  s'élève  au-dessus  de  ce  monde,  n'a 
pas  d'autre  base  que  les  altribuls  de  la  force,  résumés  dans 
la  Royauté. 

Outre  ces  trois  éléments,  le  Zohar  en  reconnaît  encore 
un  autre  d'une  nature  tout  à  fait  extraordinaire,  et  dont 
l'antique  origine  se  révélera  à  nous  dans  la  suite  de  ce  tra- 
vail :  c'est  la  forme  extérieure  de  l'homme  conçue  comme 
une  existence  à  part  et  antérieure  à  celle  du  corps,  en  un 
mot  Vidée  du  corps,  mais  avec  les  traits  individuels  qui  dis- 
tinguent cliacnn  de  nous.  Cette  idée  descend  du  ciel  et  devient 
visible  dès  l'instant  de  la  conception.  «  Au  moment  où  s'ac- 

i.  2°  part.,  fol,  1  i'i,  rcclo,  sccl.  nDlID 


176 


L.V  KABBALE. 


complil  l'union  terrestre,  le  Saint,  dont  le  nom  soit  béni, 
envoie  ici-bas  une  forme  à  la  ressemblance  de  l'bommc, 
et  portant  l'empreinte  du  sceau  divin.  Cette  forme  assiste 
à  l'acte  dont  nous  venons  de  parler,  et  si  l'œil  pouvait 
voir  ce  qui  se  passe  alors,  on  apercevrait  au-dessus  de  sa 
tète  une  image  tout  à  fait  semblable  à  un  visage  humain, 
et  cette  image  est  le  modèle  d'après  lequel  nous  sommes 
procrées.  Tant  qu'elle  n'est  pas  descendue  ici-bas,  envoyée 
par  le  Seigneur,  etqu'elle  ne  s'est  pas  arrêtée  au-dessus  de 
notre  tète,  la  procréation  n'a  pas  lieu;  car  il  est  écrit  :  Et 
Dieu  créa  l'homme  à  son  image.  C'esl  elle  qui  nous  reçoit 
la  première  à  notre  arrivée  dans  ce  monde  ;  c'est  elle  qui 
se  développe  avec  nous  quand  nous  grandissons,  et  c'est 
avec  elle  encore  que  nous  quittons  la  terre.  Son  origine  est 
dans  le  ciel  (xV"^'^  in\s'  dVa  'xm)-  Au  moment  où  les  âmes 
sont  sur  le  point  de  quitter  le  céleste  séjour,  chaque  âme 
paraît  devant  le  roi  suprême  revêtue  d'une  forme  sublime, 
011  sont  gravés  les  traits  sous  lesquels  elle  doit  se  montrer 
ici-bas.  Eh  bien  !  l'image  dont  nous  parlons  émane  de 
cette  forme  sublime  ;  elle  vient  la  troisième  après  l'àme  , 
elle  nous  précède  sur  la  terre  et  attend  noire  arrivée  depuis 
l'instant  de  la  conception  ;  elle   est  toujours  présente  à 
l'acte  de  l'union  conjugale  *.  »  Chez  les  kabbalistes  mo- 
•-jtjspi   dernes  cette  image  est  appelée  le  'principe  individuel  (nT"''). 
')h  Ti'ï^       Enfin,  sous  le  nom  d'esprit  vital  (""Ji^n  mi  ou  simplement 
u»sn         '^''^)'  quelques-uns  ont  introduit  dans  la  psychologie  kabba- 
listique   un  cinquième  principe,  dont  le  siège  est  dans  le 
cœur,  qui  préside  à  la  combinaison  et  à  l'organisation  des 
éléments  matériels,  et  qui  se  distingue  entièrement  du  prin- 
cipe de  la  vie  animale  (nephesch)^  de  la  vie  des  sens,  comme, 
chez  Aristote   et  les  philosophes  scolastiqucs ,  l'âme  végéta- 
tive ou  nutritive  (zh  Qpzraty.o^j)  se  distinguait  de  l'âme  sensi- 


\.  Zohar,  o*  part.,  fui.  107,  reclo  et  verso,  scct.  m«2S- 


OPINION  DES  KABBALISTES  SCR  L'AME.  177 

tive  (tô  atc-S/.Tix.dv) .  Celle  opinion  se  fonde  sur  un  passage 
allégorique  du  Zohar,  où  l'on  dil  que  chaque  nuit,  pendant 
notre  sommeil,  notre  âme  monte  au  ciel  pour  y  rendre 
compte  de  sa  journée,  et  qu'à  ce  moment  le  corps  n'est 
plus  animé  que  par  un  souffle  de  vie  placé  dans  le  cœur'. 
Mais,  à  vrai  dire,  ces  deux  derniers  éléments  ne  comptent 
pour  rien  dans  notre  existence  spirituelle  renfermée  tout  en- 
tière dans  l'union  intime  de  l'âme  et  de  l'esprit.  Quanta  l'al- 
liance momentanée  de  ces  deux  principes  supérieurs  avec 
celui  des  sens,  c'est-à-dire  quant  à  la  vie  elle-même  par  la- 
quelle ils  sont  enchaînés  à  la  terre,  elle  n'est  point  repré- 
sentée comme  un  mal.  On  ne  veut  pas,  à  l'exemple  d'Ori- 
gène  et  de  l'école  gnostiquc,  la  faire  passer  pour  une  chute 
ou  pour  un  exil,  mais  pour  un  moyen  d'éducation  et  une 
salutaire  épreuve.  Aux  yeux  des  kabhalistes,  c'est  une  néces- 
sité pour  l'âme,  une  nécessité  inhérente  à  sa  nature  lînie,  de 
jouer  un  rôle  dans  l'univers,  de  contempler  le  spectacle  que 
lui  offre  la  création  pour  avoir  la  conscience  d'elle-même  et 
de  son  origine;  pour  rentrer,  sans  se  confondre  absolument 
avec  elle,  dans  cette  source  inépuisable  de  lumière  et  de  vie 
qu'on  appelle  la  pensée  divine.  D'ailleurs,  l'esprit  ne  peut 
pas  descendre  sans  élever  en  même  temps  les  deux  principes 
inférieurs  et  jusqu'à  la  matière  qui  se  trouve  placée  encore 
plus  bas;  la  vie  humaine,  quand  elle  a  été  complète,  est 
donc  une  sorte  de  réconciliation  entre  les  deux  termes  ex- 
trêmes de  l'existence  considérée  dans  son  universalité;  entre 
l'idéal  et  le  réel,  entre  la  forme  et  la  matière,  ou,  comme 
dit  l'original,  entre  le  roi  et  la  reine.  Voici  ces  deux  consé- 
quences exprimées  sous  une  forme  plus  poétique,  sans  èlre 
pour  cela  méconnaissables  :  «  Les  âmes  des  justes  sont  au- 
«  dessus  de  toutes  les  puissances  et  de  tous  les  serviteurs 


1-  Ni^Si  Nnvm  itsDipT  laïUT  --  12  Nîu  "^,12  .Ti  ixn^.s  nSi 

12 


Zohar,  \"  part.,  scil.  "S  ";S 


178  LA  KABBALE. 

d'en  haut.  Et  si  tu  demandes  pourquoi  d'une  place  aussi 
élevée  elles  descendent  dans  ce  monde  et  s'éloignent  de 
leur  source,  voici  ce  que  je  répondrai  :  C'est  à  l'exemple 
d'un  roi  à  qui  il  vient  de  naître  un  fils  et  qui  l'envoie  à 
la  campagne  pour  y  être  nourri  et  élevé  jusqu'à  ce  qu'il  ait 
c  grandi  et  soit  préparé  aux  usages  du  palais  de  son  père. 
(  Quand  on  annonce  à  ce  roi  que  l'éducation  de  son  fils  est 
c  tout  à  fait  terminée,  que  fait-il  dans  son  amour  pour  lui? 
11  envoie  chercher,  pour  célébrer  son  retour,  la  reine  sa 

<  mère,  il  l'introduit  dans  son  palais  et  se  réjouit  avec  lui 

<  tout  le  jour.  Le  Saint  (que  son  nom  soit  béni  !)  a  aussi  un 
c  fils  de  la  reine  ;  ce  fils,   c'est  l'àme  supérieure  et  sainte. 

11  l'envoie  à  la  campagne,  c'est-à-dire  dans  ce  monde,  pour 
:<  y  grandir  et  être  initié  aux  usages  que  l'on  suit  dans  le  pa- 
c  lais  du  roi.  Quand  il  arrive  à  la  connaissance  du  roi  que 
c  son  fils  a  achevé  de  grandir  et  que  le  temps  est  venu  de 
l'introduire  auprès  de  lui,  que  fait-il  alors  dans  son  amour 
pour  lui?  Il  envoie,  en  son  honneur,  chercher  la  reine  et 
c  tait  entrer  son  fils  dans  son  palais.  L'ame,  en  effet,  ne 
quitte  pas  la  terre,  que  la  reine  ne  soit  venue  se  joindre  à 
c  elle  pour  l'introduire  dans  le  palais  du  roi  où  elle  demeu- 
rera éternellement.  Et  cependant  les  habitants  de  la  cam- 
pagne ont  coutume  de  pleurer  quand  le  fils  du  roi  se  sé- 
c  pare  d'eux.  Mais  s'il  y  a  là  un  homme  clairvoyant,  il  leur 
c  dit:  Pourquoi  pleurez-vous?  n'est-ce  pas  le  fils  du  roi? 
n'est-il  pas  juste  qu'il  vous  ait  quittés  pour  aller  demeu- 
rer dans  le  palais  de  son  père?  C'est  ainsi  que  Moïse,  qui 
savait,  lui,  la  vérité,  voyant  les  habitants  de  la  campagne 

<  (c'est-à-dire  les  hommes)  se  lamenter,  leur  adressa  ces  pa- 
roles :  Yous  êtes  les  fils  de  Jéhovah  votre  Dieu,  ne  vous 

c  déchirez  pas  le  visage  pour  {)leurer  un  mort  \  Si  tous  les 
c  justes  pouvaient  savoir  ces  chos^es,  ils  accueilleraient  avec 

1.  Dcutér.,  chap.  xiv,  v.  1. 


OPIMON  DES  KADBALISTÉS  SUR  L'AME.  179 

«  joie  le  jour  où  ils  doivent  quiLler  ce  monde.  Et  n'est-ce 
«  pas  le  comble  de  la  gloire,  que  la  reine  (la  Schchinah  ou 
«  la  présence  divine)  descende  au  milieu  d'eux,  qu'ils  soient 
«  admis  dans  le  palais  du  roi  et  qu'ils  fassent  ses  délices 
«  dans  l'éternité*.  »  Nous  retrouvons  encore  ici,  dans  les 
rapports  qu'on  aperçoit  entre  Dieu,  la  nature  et  l'àme  hu- 
maine, cette  même  forme  de  la  trinité  que  nous  avons  si 
souvent  rencontrée,  et  à  laquelle  les  kabbalistes  semblent 
avoir  attaché  une  importance  logique  beaucoup  plus  étendue 
qu'elle  ne  pourrait  l'être  dans  le  cercle  exclusif  des  idées 
religieuses. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  sous  ce  point  de  vue  que  la 
nature  humaine  est  l'image  de  Dieu;  elle  renferme  aussi,  à 
tous  les  degrés  de  son  existence,  les  deux  principes  généra- 
teurs dont  la  trinité,  à  l'aide  d'un  terme  moyen  qui  procède 
de  leur  union,  n'est  que  le  résultat  ou  l'expression  la  plus 
complète.  L'Adam  céleste  étant  le  résullat  d'un  principe 
maie  et  d'un  principe  femelle,  il  a  fallu  qu'il  en  fut  de  même 
de  l'homme  terrestre  ;  et  cette  distinction  ne  s'applique  pas 
seulement  au  corps,  mais  aussi,  mais  surtout  à  l'àme,  dût- 
on  la  considérer  dans  son  élément  le  plus  pur.  «  Toute 
«  forme,  dit  le  Zohar,  dans  laquelle  on  ne  trouve  pas  le 
c(  principe  mâle  et  le  principe  femelle,  n'est  pas  une  forme 
c(  supérieure  et  complète.  Le  Saint,  béni  soit-il,  n'établit 
c(  pas  sa  demeure  dans  un  lieu  où  ces  deux  principes  ne  sont 
«  pas  parfaitement  unis;  les  bénédictions  ne  descendent  que 
«  là  où  celle  luiion  exisle,  comme  nous  l'apprenons  par  ces 
((  paroles  :  11  les  bénit  et  il  appela  leur  nom  Adam  le  jour 
«  où  il  les  créa;  car  même  le  nom  d'homme  ne  peut  se 
«  donner  qu'à  un  homme  et  à  une  femme  unis  comme  un 
a  seul  être  \  » 

1.  Zoliar,  l'°  part.,  fol.  2i5,  verso.  —  Ce  morceau  a  élc  traduit  en  laliii  par 
Joseph  Voysin. 

2.  NpiD  nxSy  Njpvi  i.TN  inS  Napi:i  idi  .T3  n^ncx  nSi  x:pin  Sd 


180  LA  KABBALE. 

De  môme  que  l'àme  tout  entière  était  d'abord  confondue 
avec  rintclligencfi  suprême,  ainsi  ces  deux  moitiés  de  Tètre 
humain,  dont  chacune  du  reste  comprend  tous  les  éléments 
de  notre  nature  spirituelle,  se  trouvaient  unies  entre  elles 
avant  de  venir  dans  ce  monde,  où  elles  n'ont  été  envoyées 
que  pour  se  reconnaître  et  s'unir  de  nouveau  dans  le  sein  de 
Dieu.  Cette  idée  n'est  exprimée  nulle  part  aussi  nettement 
que  dans  le  fragment  qu'on  va  lire  :  «  Avant  de  venir  dans 
«  ce  monde,  chaque  âme  et  chaque  esprit  se  composent  d'un 
«  homme  et  d'une  femme  réunis  en  un  seul  être;  en  descen- 
«  dant  sur  la  terre,  ces  deux  moitiés  se  séparent  et  vont  ani- 
«  mer  des  corps  différents.  Quand  le  temps  du  mariage  est 
«  arrive,  le  Saint,  béni  soit-il,  qui  connaît  toutes  les  âmes 
a  et  tous  les  esprits,  les  unit  comme  auparavant,  et  alors 
«  ils  forment  comme  auparavant  un  seul  corps  et  une  seule 

«  âme Mais  ce  lien  est  conforme  aux  œuvres  de  l'homme 

«  cl  aux  voies  dans  lesquelles  il  a  marché.  Si  l'homme  est 
«  pur  et  s'il  agit  pieusement,  il  jouira  d'une  union  tout  à 
«  fait  semblable  à  celle  qui  a  précédé  sa  naissance  \  »  L'au- 
teur de  ces  lignes  peut  avoir  entendu  parler  des  Androgynes 
de  Platon  :  d'ailleurs,  le  nom  même  de  ces  êtres  imagi- 
naires est  très  connu  dans  les  anciennes  traditions  des  Hé- 
breux; mais  combien  sur  ce  point  le  philosophe  grec  est  de- 
meuré au-dessous  du  kabbalisle!  On  nous  permettra  aussi 
de  faire  observer  que  la  question  dont  on  est  ici  préoccupé, 
et  même  le  principe  par  lequel  elle  est  résolue,  ne  sont  pas 
indignes  d'un  grand  système  métaphysique  ;  car  si  l'homme 
et  la  femme  sont  deux  êtres  égaux  par  leur  nature  spirituelle 
et  par  les  lois  absolues   de  la   morale,  ils  sont  loin  d'être 

K"in-  N2p":",  ^;-  nSx  npx  ni  D~N  IT^.S  itH-  impart.,  fol.  55,  verso, 
sect.  n*CN-"Z. 

oiaT  pnSi  x;iim  |-iy  x-oa  iz^.  'm  ■j'z  ni  ]*u;-ii:na  ^"rin:!  Nnyunv 

1"  part.,  foL  01 ,  verso. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  L'AME.  181 

semblables  par  la  direclion  naturelle  de  leurs  facultés,  et 
l'on  a  quelque  raison  de  dire  avec  le  Zo//rt>' 'que  la  dis- 
tinction des  sexes  n'existe  pas  moins  pour  les  âmes  que  pour 
les  corps. 

La  croyance  que  nous  venons  d'exposer  est  inséparable  du 
dogme  de  la  préexistence,  et  celui-ci,  déjà  renfermé  dans  la 
théorie  des  idées,  s'enchaîne  encore  plus  étroitement  à  celle 
qui  confond  l'existence  et  la  pensée.  Aussi  ce  dogme  est-il 
avoué  avec  toute  la  clarté  possible,  à  côté  même  du  principe 
oiî  il  prend  sa  source.  Nous  n'avons  donc  qu'à  continuer 
notre  modeste  rôle  de  traducteur  :  «  Dans  le  temps  où  le 
«  Saint,  béni  soit-il,  voulut  créer  l'univers,  l'univers  était 
«  déjà  présent  dans  sa  pensée;  alors  il  forma  aussi  les  âmes 
«  qui  devaient  dans  la  suite  appartenir  aux  hommes;  elles 
«  étaient  toutes  devant  lui,  exactement  sous  la  forme  qu'elles 
(c  devaient  avoir  plus  tard  dans  le  corps  humain.  L'Éternel 
«  les  regarda  une  à  une,  et  il  en  vit  plusieurs  qui  devaient 
«  corrompre  leurs  voies  dans  ce  monde.  Quand  son  temps 
<(  est  venu,  chacune  de  ces  âmes  est  appelée  devant  l'Éter- 
«  nel,  qui  lui  dit  :  Ya  dans  telle  partie  de  la  terre,  animer 
<c  tel  ou  tel  corps.  L'âme  lui  répond  :  0  maître  de  l'imivers, 
«  je  suis  heureuse  dans  le  monde  oii  je  suis,  et  je  désire  ne 
«  pas  le  quitter  pour  un  autre  oi^i  je  serai  asservie  et  expo- 
u  sée  à  toutes  les  souillures.  Alors  le  Saint,  béni  soit-il,  re- 
«  prend  :  Du  jour  oiî  lu  as  été  créée,  tu  n'as  pas  eu  d'autre 
ce  destination  que  d'aller  dans  le  monde  où  je  t'envoie.  Voyant 
«  qu'il  faut  obéir,  l'âme  prend  avec  douleur  le  chemin  de  la 
«  terre  et  vient  descendre  au  milieu  de  nous  \  »  A  côté  de 
cette  idée,  exprimée  sous  une  forme  plus  simple,  nous  trou- 
vons dans  le  passage  suivant  la  doctrine  de  la  réminiscence  : 
«  De  même  qu'avant  la   création,  toutes  les  choses  de  ce 

1-  ^riiz'c:  Sd  niii*i  rrup  Nmy-a  p^So  NnSy  "nsaS  nnpn  ii'j2i  xrzn 

W\3^  iiW2  ^122  nn^^l-S  ^-''•2'  r;\Sl-  '-"  pai't-,  foi-  96,  verso,  sccl.  Qi'csra- 


i82  LA  KABBALE. 

ce  monde  étaient  présentes  à  la  pensée  divine,  sous  les  formes 
«  qui  leur  'Sont  propres  ;  ainsi  toutes  les  âmes  humaines, 
«  avant  de  descendre  dansée  monde,  existaient  devant  Dieu, 
«  dans  le  ciel,  sous  la  forme  qu'elles  ont  conservée  ici-bas  ; 
«  et  tout  ce  qu'elles  apprennent  sur  la  terre,  elles  le  sa- 
«  vaient  avant  d'y  arriver  \  »  On  regrettera  peut-être  avec 
nous  qu'un  principe  de  cette  importance  ne  soit  pas  suivi 
de  quelques  développements  et  ne  tienne  pas  plus  de  place 
dans  l'ensemble  du  système  ;  mais  on  sera  forcé  de  conve- 
nir qu'il  ne  peut  pas  être  formulé  d'une  manière  plus  caté- 
gorique. 

Il  faut  cependant  que  nous  nous  gardions  de  confondre  la 
doctrine  de  la  préexistence  avec  celle  de  la  prédestination 
morale.  Avec  celle-ci,  la  liberté  humaine  est  entièrement 
impossible;  avec  celle-là,  elle  n'est  qu'un  mystère  dont  le 
dualisme  païen  et  le  dogme  biblique  de  la  création  ne  sont 
pas  plus  propres  à  lever  le  voile  que  la  croyance  à  l'unité 
absolue.  Or  ce  mystère  est  formellement  reconnu  dans  le 
Zohar  :  «  Si  le  Seigneur,  dit  Simon  bcn  Jochaï  à  ses  disci- 
cc  pies,  si  le  Saint,  béni  soit-il,  n'avait  pas  mis  en  nous  le 
ce  bon  et  le  mauvais  désir,  que  l'Ecriture  nous  représente 
ce  sous  l'image  de  la  lumière  et  des  ténèbres,  il  n'y  aurait 
ce  pour  l'homme  de  la  création  (pour  l'homme  proprement 
ce  dit)  ni  mérite  ni  culpabilité. Mais  pourquoi  en  est-il  ainsi? 
ce  demandèrent  les  disciples.  Ne  vaudrait-il  pas  mieux,  quand 
ce  même  il  n'existerait  pour  lui  ni  récompense  ni  châtiment, 
ce  que  l'homme  fût  incapable  de  pécher  et  de  faire  le  mal? 
«  Non,  répliqua  le  maître;  il  était  juste  qu'il  fut  créé  comme 
ce  il  est,  et  tout  ce  qu'a  fait  le  Saint,  béni  soit-il,  était  né- 
ce  cessaire.  C'est  à  cause  de  l'homme  qu'a  été  faite  la  loi  de 
ce  la  création.  Or  la  loi  est  un  vêtement  de  la  Divinité.  Sans 

•1-  x>2S*;S  piT"!  nS  tj  ^'jt  nSd  a^h-j  \sna  'çihM<i  -^2  S;*,-  ^  paît , 

fol.  G],  verso,  scct.  j^i^  iinX- 


OPINION  DES  KABBALISTES  SUR  L'AME.  185 

«  riiommo  et  sans  la  loi,  la  présence  divine  eût  été  comme 
«  un  pauvre  qui  n'a  pas  de  fjuoi  se  couvrir'.  »  En  d'autres 
termes,  la  nature  morale  de  l'homme,  l'idée  du  bien  et  du 
mal,  qu'on  ne  saurait  concevoir  sans  la  liberté,  est  une  des 
formes  sous  lesquelles  nous  sommes  obligés  de  nous  repré- 
senter l'être  absolu.  Nous  avons,  il  est  vrai,  appris  un  peu 
plus  haut  que  déjà,  avant  leur  arrivée  dans  ce  monde,  Dieu 
reconnaît  les  âmes  qui  doivent  un  jour  l'abandonner  ;  mais 
la  liberté  n'est  pas  compromise  par  celte  opinion;  au  con- 
traire, elle  existe  dès  celte  époque,  et  voici  comment  peu- 
vent en  abuser  les  esprits  libres  encore  des  chaînes  de  la  ma- 
tière :  ce  Tous  ceux  qui  font  le  mal  dans  ce  monde  ont  déjà 
«  commencé  dans  le  ciel  à  s'éloigner  du  Saint,  dont  le  nom 
ce  soit  béni;  ils  se  sont  précipités  à  l'entrée  de  l'abîme  et  ont 
ce  devancé  le  temps  où  ils  devaient  descendre  sur  la  terre, 
ce  Telles  furent  les  âmes  avant  de  venir  parmi  nous  '.  » 

C'est  précisément  pour  concilier  la  liberté  avec  la  desti- 
née de  l'âme;  c'est  pour  laisser  à  l'homme  la  faculté  d'ex- 
pier ses  fautes,  sans  le  bannir  pour  toujours  du  sein  de  Dieu, 
que  les  kabbalistes  ont  adopté,  mais  en  l'ennoblissant,  le 
dogme  pythagoricien  de  la  métempsycose.  Il  faut  que  les 
Ames,  comme  toutes  les  existences  particulières  de  ce  monde, 
rentrent  dans  la  substance  absolue  dont  elles  sont  sorties. 
Mais  pour  cela  il  laat  qu'elles  aient  développé  toutes  les  per- 
fections dont  le  germe  indestructible  est  en  elles;  il  faut 
qu'elles  aient  acquis,  par  une  multitude  d'épreuves,  la  con- 
science d'elles-mêmes  et  de  leur  origine.  Si  elles  n'ont  pas 

.  n  n  n   n 

^-  NT  -jrm  "iix  i*:x-  x-c"'!':  xro  xiïi  nzpn  xia-  i-n  mm  xb  ik 
NnmxT  ]•>;::  y  niniîzb  n^b  hm  ^iin  p  *"nxi-in  dtnS  .-aim  ^z'!  mn 

*m1  nN"'^2nx  iT;*il-  ^'°  p;ii'l-,  fo'-  23,  recto  et  verso. 

2.  Tp?2  ]''pn-in^2  pn  iS-'îx  adi'j  \sn2  ]ix3-  p;nu?D  xSt  pi-ix  S^ 
KoSyS  ]inn:i  xnyu?  ^^pmi  n2-i  xîzinn-  xapiji  "çhavi  nzp-  ^'  pari-, 

loi,  6J,  verso,  scct.  j-j-iQ  iiHX- 


184  LA  KABDALE. 

rempli  celte  condilion  dans  une  première  vie,  elles  en  com- 
mencent une  autre,  et  après  celle-ci  une  troisième,  en  pas- 
sant toujours  dans  une  condilion  nouvelle,  où  il  dépend  en- 
tièrement d'elles  d'acquérir  les  vertus  qui  leur  ont  manqué 
auparavant.  Cet  exil  cesse  quand  nous  le  voulons;  rien  non 
plus  ne  nous  empêche  de  le  faire  durer  toujours.  «  Toutes 
«  les  âmes,  dit  le  texte,  sont  soumises  aux  épreuves  de  la 
«  transmigration,  isbi;bji  V^^^-^'  ^'^  '^^  hommes  ne  savent 
«  pas  quelles  sont,  à  leur  égard,  les  voies  du  Très-Haut;  ils 
ce  ne  savent  pas  comment  ils  sont  jugés  dans  tous  les  temps, 
«  et  avant  de  venir  dans  ce  monde  et  lorsqu'ils  l'ont  quitté  ; 
«  ils  ignorent  comhien  de  transformations  et  d'épreuves 
ce  mystérieuses  ils  sont  obligés  de  traverser  ;  combien  d'âmes 
ce  et  d'esprits  viennent  en  ce  monde,  qui  ne  retourneront 
ce  pas  dans  le  palais  du  Roi  céleste;  comment  enfin  ils  su- 
ce bissent  des  révolutions  semblables  à  celles  d'une  pierre 
ce  qu'on  lance  avec  la  fronde.  Le  temps  est  enfin  venu  de 
ce  dévoiler  tous  ces  mystères  ^  »  A  ces  paroles,  si  pleinement 
d'accord  avec  la  métaphysique  du  Zohar,  succèdent  des  dé- 
tails où  se  révèle  quelquefois  l'imagination  la  plus  poétique, 
que  peut-être  le  génie  de  Dante  aurait  accueillis  dans  son 
œuvre  immortelle,  mais  qui  n'offrent  aucun  intérêt  à  l'his- 
toire de  la  philosophie,  et  n'ajoutent  rien  au  système  que 
nous  désirons  faire  connaître.  Nous  ferons  seulement  remar- 
quer que  la  transmigration  des  âmes,  si  nous  en  croyons  saint 
Jérôme,  a  été  longtemps  enseignée  parmi  les  premiers  chré- 
tiens comme  une  doctrine  ésolérique  et  traditionnelle  qui 
ne  devait  être  confiée  qu'à  un  petit  nombre  d'élus  :  abscon- 
dite  quasi  in  fuveis  viperarum  versari,  et  quasi  hxredita- 
rio  malo  serpere  in  paucis  '.  Origène  la  considère  comme  le 
seul  moyen  d'expliquer  certains  récits  bibliques,  tels  que  la 
lutte  de  Jacob  et  d'Esaû  avant  leur  naissance,  tels  que  l'élec- 

1.  2'  part.,  fol.  99,  verso,  et  secj.,  sect.  QVjr^^'Q. 

2.  Ilieronyin.,  Epislol.  ad  Deinctiiadcin.  Voir  aussi  lluet,  Ovujemann. 


OPIMON  DES  KABBALISTES  SUR  L'AME.  185 

tion  de  Jérémie,  quand  il  était  encore  dans  le  sein  de  sa 
mère,  et  une  foule  d'aulres  faits  qui  accuseraient  le  ciel  d'ini- 
quité, s'ils  n'étaient  justifiés  par  les  actions  bonnes  ou  mau- 
vaises d'une  vie  antérieure  à  celle-ci.  De  plus,  pour  ne  lais- 
ser aucun  doute  sur  l'origine  et  le  vrai  caractère  de  cette 
croyance,  le  prêtre  d'Alexandrie  a  soin  de  nous  dire  qu'il  ne 
s'agit  pas  ici  de  la  métempsycose  de  Platon,  mais  d'une  théo- 
rie toute  différente  et  bien  autrement  élevée  *. 

Outre  la  métempsycose  proprement  dite,  les  kabbalistes 
modernes  ont  imaginé  encore  un  autre  moyen  offert  par  la 
grâce  divine  à  notre  faiblesse,  pour  nous  aider  à  reconqué- 
rir h  ciel.  Ils  supposent  que  lorsque  deux  âmes  manquent 
de  force  pour  accomplir,  chacune  séparément,  tous  les  pré- 
ceptes de  la  loi.  Dieu  les  réunit  dans  un  même  corps  et  les 
confond  dans  une  même  vie,  afin  qu'elles  se  complètent  l'une 
jar  l'autre,  comme  l'aveugle  et  le  paralytique.  Quelquefois 
c'est  une  seule  de  ces  deux  Ames  qui  a  besoin  d'un  supplé- 
ment de  vertu  et  qui  vient  le  chercher  dans  l'autre,  mieux 
partagée  et  plus  forte.  Celle-ci  devient  alors  comme  la  mère 
de  la  première;  elle  la  porte  dans  son  sein  et  la  nourrit  de 
sa  substance  comme  une  femme  le  fruit  de  ses  entrailles.  De 
là  le  nom  de  gestation  ou  d'imprégnation  (Ty^v)  sous  lequel 
on  désigne  cette  association  étrange  dont  le  sens  philoso- 
phique, s'il  y  en  a  un,  est  très  difficile  à  deviner ^  Mais  lais- 
sons ces  rêveries  ou,  si  l'on  veut,  ces  allégories  sans  impor- 
tance, et  tenons-nous-en  au  texte  du  ZoJiar. 

Nous  savons  déjà  que  le  retour  de  l'àme  dans  le  sein  de 
Dieu  est  à  la  fois  la  fin  et  la  récompense  de  toutes  les  épreuves 


\.  ricp'.  àv/o)V,  liv.  I,  di;ip.  VII.  Oj  v.y.-.V  Il/.âvwvo;  [jLiT£v7;oaâT;i;a'.v,  àX/.à 
xai'  aû-r^'i  -'.va  C'IrjXorc'pav  OE(of!av,  Adv.  Cclsum,  liv.  111. 

2.  Ce  mode  de  Irnnsmigralton  a  |iarliculi(''rement  occupé  Isaac  Loria,  comme 
le  témoigne  son  fidèle  disciple  'Ilaïin  Vital  dans  son  Elz  Haïm,  Traité  de  la 
MélempsycoRc  (niSliSj  "1£D)'  '^''■M'  '•  -^loïsc  Cordncro,  plus  réservé  et  toujours 
plus  près  du  Zohar,  eu  parle  très  peu. 


186  LA  KABBALE. 

dont  nous  venons  de  parler.  Cependant  les  auteurs  du  Zohar 
n'ont  pas  voulu  s'arrêter  là  :  celte  union,  dont  résultent 
pour  le  créateur  aussi  bien  que  pour  la  créature  des  jouis- 
sances ineffables,  leur  a  semblé  un  fait  naturel,  dont  le  prin- 
cipe est  dans  la  constitution  même  de  l'esprit;  en  un  mol, 
ils  ont  voulu  l'expliquer  par  un  système  psychologique  qu'on 
retrouve  sans  exception  au  fond  de  toutes  les  théories  enfan- 
tées par  le  mysticisme.  Après  avoir  retranché  de  la  nature 
humaine  celle  force  aveugle  qui  préside  à  la  vie  animale, 
qui  ne  quitte  jamais  la  terre  S  et  par  conséquent  ne  joue  au- 
cun rôle  dans  les  destinées  de  l'ame,  le  Zohar  distingue  en- 
core deux  manières  de  sentir  et  deux  sortes  de  connaissances. 
Les  deux  premières  sont  la  crainte  et  l'amour  :  la  lumière 
directe  et  la  lumière  réfléchie,  ou  la  face  interne  et  la  face 
extérieure,  telles  sont  les  expressions  par  lesquelles  on  dé- 
signe ordinairement  les  deux  dernières.  «La  face  intérieure, 
«  dit  le  texte,  reçoit  la  lumière  du  flambeau  suprême,  qui 
«  luit  éternellement,  et  dont  le  mystère  ne  saurait  jamai? 
«  être  dévoilé.  Elle  est  intérieure,  parce  qu'elle  vient  d'une 
«  source  cachée;  mais  elle  est  aussi  supérieure,  parce  qu'elle 
«  vient  d'en  haut.  La  face  extérieure  n'est  qu'un  reflet  de 
«  cette  lumière,  directement  émanée  d'en  haut  ".  »  Lorsque 
Dieu  dit  à  Moïse  qu'il  ne  le  verra  pas  en  face,  mais  seule- 
ment par  derrière,  il  fait  allusion  à  ces  deux  manières  de 
connaître,  que  représentent  aussi,  dans  le  paradis  terrestre, 
l'arbre  de  vie  et  celui  qui  donnait  la  science  du  bien  et  du 
mal.  C'est,  en  un  mot,  ce  que  nous   appellerions  aujour- 

1-  K)2br  "iNn^  nbabann  Ninp  i3  nn^nuTN  rs:-  'i"  pai'i.,  fol.  83,  verso, 

scct.  -jS  -S;  2'  part.,  foL  141,  sect.  nalln- 

2.  2'  part.,  fol.  208,  verso.  Ces  deux  sortes  de  connaissances  s'appellent,  le 
plus  souvent,  \c  Miroir  lumineux,  j^inj  N^lSpSDX^  et  \q  Miroir  non  lumineux, 
Nin;  nS~  X''lSp£DN'  Sous  ces  deux  noms  elles  sont  quelquefois  mentionnées 
dans  le  Jhalmud. 


OPINION  DES  KABBAUSTES  SUR  L'AME.  187 

(l'hui  l'inluilion  et  la  réflexion.  L'amour  et  la  crainte,  con- 
sidéiés  du  point  de  vue  religieux,  sont  définis  d'une  ma- 
nière très  remarquable  dans  le  passage  suivant  :  «  C'est  par 
«  la  crainte  qu'on  est  conduit  à  l'amour.  Sans  doute, 
«  l'homme  qui  obéit  à  Dieu  par  amour  est  parvenu  au  dc- 
«  gré  le  plus  élevé,  et  appartient  déjà,  par  sa  sainteté,  à  la 
<c  vie  future  ;  mais  il  ne  faut  pas  croire  que,  servir  Dieu  par 
«  crainte,  ce  ne  soit  pas  le  servir.  C'est,  au  contraire,  un 
«  hommage  très  précieux  que  celui  de  la  crainte,  bien  qu'il 
«  établisse  entre  Dieu  et  l'âme  une  union  moins  élevée.  II 
ce  n'y  a  qu'un  seul  degré  plus  élevé  que  la  crainte,  c'est 
«  l'amour.  Dans  l'amour  est  le  mystère  de  l'unité.  C'est  lui 
«  qui  attire  les  uns  vers  les  autres  les  degrés  supérieurs  et 
«  les  degrés  inférieurs  ;  c'est  lui  qui  élève  tout  ce  qui  est  à 
«  ce  degré  suprême,  où  il  est  nécessaire  que  tout  soit  uni. 
<c  Tel  est  le  sens  mystérieux  de  ces  paroles  :  Écoute,  Israël, 
«  l'Éternel  notre  Dieu  est  un  Dieu  un  \  » 

Nous  comprenons  sur-le-champ  qu'une  fois  arrivé  au 
dernier  terme  de  la  perfection,  l'esprit  ne  connaît  plus  ni 
la  réflexion  ni  la  crainte;  mais  sa  bienheureuse  existence, 
entièrement  renfermée  dans  l'intuition  et  dans  l'amour,  a 
perdu  son  caractère  individuel;  sans  intérêt,  sans  action, 
sans  retour  sur  elle-même,  elle  ne  peut  plus  se  séparer  de 
l'existence  divine.  Voici,  en  effet,  comment  elle  est  d'abord 
représentée  sous  le  point  de  vue  de  l'intelligence  :  «  Venez 
«  et  voyez  :  quand  les  âmes  sont  parvenues  dans  le  lieu 
«  qu'on  appelle  le  trésor  de  la  vie,  elles  jouissent  de  celle 
«  lumière  brillante,  injT  Nn^prDx ,  dont  le  foyer  est  dans  le 
«  ciel  suprême  :  et  telle  est  la  splendeur  qui  en  émane,  que 
«  les  âmes  ne  pourraient  la  soutenir,  si  elles  n'étaient  elles- 
<(  mêmes  revêtues  d'un  manteau  de  lumière.  C'est  grâce  à 

1-  hnSî;  "inxi  p2-nx  nzrii^  ^xa  nSs-  ^x^z  nzns*  -innb  lynt^  ns^^r 
•riNi  n'd^:!!  .T*:?nD2  pnnxi  Nb^yS-^"  part.,  foi.  210,  recto,  scct.  Snpiv 


188  LA  KABBALE. 

«  ce  manteau  qu'elles  peuvent  subsister  en  face  de  ce  foyer 
«  éblouissant  qui  éclaire  le  séjour  de  la  vie.  Moïse  lui-même 
ce  n'a  pu  en  approcher,  pour  le  contempler,  qu'après  s'être 
«  dépouillé  de  son  enveloppe  terrestre*.  »  Voulons-nous  sa- 
voir à  présent  comment  l'àme  s'unit  à  Dieu  par  l'amour, 
écoutons  ces  paroles  d'un  vieillard,  à  qui  le  Zoliar  a  donné 
le  rôle  le  plus  important  après  celui  de  Simon  ben  Jochaï  : 
ce  Dans  une  des  parties  les  plus  mystérieuses  et  les  plus  éle- 
cc  vées  du  ciel,  il  y  a  un  palais  qu'on  appelle  le  palais  de 
ce  l'amour, niHN  S^^^  :  là  se  passent  de  profonds  mystères;  là 
ce  sont  rassemblées  toutes  les  âmes  bien-aimées  du  Roi  cé- 
ec  leste;  c'est  là  que  le  Roi  céleste,  le  Saint,  béni  soit-il,  ha- 
ce  bite  avec  ces  âmes  saintes  et  s'unit  à  elles  par  des  baisers 
ce  d'amour,  ia''n"n  "î'p^J  '•  »  C'est  en  vertu  de  cette  idée  que 
la  mort  du  juste  est  appelée  un  baiser  de  Dieu,  ce  Ce  baiser, 
ce  dit  expressément  le  lexle,  c'est  l'union  de  l'àme  avec  la 
ce  substance  dont  elle  tire  son  originel  »  Le  même  principe 
nous  fait  comprendre  pourquoi  tous  les  interprètes  du  mys- 
ticisme ont  en  si  grande  vénération  les  expressions  tendres, 
mais  souvent  très  profanes,  du  Cantique  des  cantiques. 
ce  Mon  bien-aimé  est  à  moi  et  je  suis  à  mon  bien-aimé  «, 
dit  Simon  ben  Jochaï  avant  de  mourir  \  et,  chose  assez  di- 
gne d'èlre  remarquée,  cette  citation  termine  aussi  le  traité 
deGerson  sur  la  théologie  mystique  ^  Malgré  la  surprise  que 
pourrait  causerie  nom  justement  célèbre  que  nous  venons 
de  prononcer,  et  le  grand  nom  de  Fénelon,  placé  à  côté  de 
ceux  qui  figurent  dans  le  Zohar,  nous  n'aurions  aucune 

'""inn-  1'°  part.,  fol.  CG,  reclo,  sccf.  nj- 

2'  part.,  fol.  97,  reclo,  sect.  avc£»^'î2- 

3.  1"  part.,  fol.  IGS,  recto.  Kip^^Z  NCi::-  Nn",p2-  ,Tn-  np^îl'in  NMV 

A.  2"  part.,  Idra  rabbn,  ad  fin. 

5.  Consideratiunes  de  tlicologiâ  mysikâ,  pars  sccunda,  ad  fin. 


OPINION  DES  KABBALISTES  SBR  L'AME.  189 

peine  à  démontrer  que  dans  les  Considérations  sur  la  théo- 
logie mystique  et  dans  Y  Explication  des  maximes  des  saints 
il  est  impossible  de  trouver  autre  chose  que  cette  théorie  de 
l'amour  et  de  la  contemplation  dont  nous  avons  voulu  mon- 
trer les  traits  les  plus  saillants.  En  voici  enfin  la  dernière 
conséquence,  que  tout  le  monde  n'a  pas  avouée  avec  la  môme 
franchise  que  les  kabbalistes.  Parmi  les  différents  degrés  de 
l'existence  (qu'on  appelle  aussi  les  sept  tabernacles,  yiu; 
m'7D''n)  ',  il  y  en  a  un, désigné  sous  le  titre  de  saint  des  saints, 
où  toutes  les  âmes  vont  se  réunir  à  l'âme  suprême  et  se 
compléter  les  unes  par  les  autres.  Là  tout  rentre  dans 
l'unité  et  dans  la  perfection  ;  tout  se  confond  dans  une  seule 
pensée  qui  s'étend  sur  l'univers  et  le  remplit  entièrement; 
mais  le  fond  de  celte  pensée,  la  lumière  qui  se  cache  en  elle 
ne  peut  jamais  être  ni  saisie  ni  connue  ;  on  ne  saisit  que  la 
pensée  qui  en  émane.  Enfin,  dans  cet  état,  la  créature  ne 
peut  plus  se  distinguer  du  créateur;  la  même  pensée  les 
éclaire,  la  même  volonté  les  anime  ;  l'âme  aussi  bien  que 
Dieu  commande  à  l'univers,  et  ce  qu'elle  ordonne,  Dieu 
l'exécute  *. 

Il  ne  nous  reste  plus,  pour  avoir  terminé  cette  analyse, 
qu'à  faire  connaître  en  peu  de  mots  l'opinion  des  kabba- 
listes sur  un  dogme  traditionnel  auquel  leur  système  donne 
un  rôle  très  secondaire,  mais  qui,  dans  l'histoire  des  re- 
ligions, est  de  la  plus  haute  importance.  Le  Zoliar  lait  plus 
d'une  fois  mention  de  la  déchéance  et  des  malédictions 
(ju'amena  dans  la  nature  humaine  la  désobéissance  de  nos 
premiers  parents.  Il  nous  apprend  qu'Adam,  en  cédant  au 
.serpent,  a  réellement  appelé  la  mort  sur  lui-même,  sur  sa 

1.  Nous  avotis  |)aric  plus  liaul  des  tabernacles  de  la  iiioit,  de  la  dégradation 
ou  de  l'enfer;  il  s'agit  ici  des  tabernacles  de  la  vie. 

2.  D"  KT  'i?2''SnuNi  N72  NI  "'mi  ihSo  p2nnD  ~D  □•'u;-Tpn  u;ip  ''nh 

1"!-;  1.TK  ihSd  îrzSy  niT  N:"na  ■'xnD  nnx'z^  Npi-insS  ott  7xa  '"ni 
>  «  »  «      '  '  ' 

T3y^  nipm-  ^"  l'^'t^  foi-  't^,  icclo  et  verso,  sect.  ri^-i^xil' 


190  LA  KABDÂLE. 

postérité  et  sur  toute  la  nature*.  Avant  sa  faute,  il  était 
d'une  force  et  d'une  beauté  bien  supérieures  à  celles  des  an- 
ges. S'il  avait  un  corps,  ce  n'était  pas  la  vile  matière  dont 
le  nôtre  est  composé  ;  il  ne  partageait  aucun  de  nos  besoins, 
aucun  de  nos  désirs  sensuels.  Il  était  éclairé  par  une  sagesse 
supérieure,  à  laquelle  les  messagers  de  Dieu,  de  l'ordre  le 
plus  élevé,  étaient  condamnés  à  porter  envie  ^  Cependant, 
nous  ne  pouvons  pas  dire  que  ce  dogme  soit  le  même  que 
celui  du  péché  originel.  En  effet,  il  s'agit  ici,  quand  on  con- 
sidère seulement  la  postérité  d'Adam,  non  d'un  crime  qu'au- 
cune vertu  humaine  ne  saurait  effacer,  mais  d'un  malheur 
héréditaire,  d'une  punition  terrible,  qui  s'étend  sur  l'avenir 
aussi  bien  que  sur  le  présent.  «  L'homme  pur,  disent  les 
«  textes,  est  par  lui-même  un  vrai  sacritice,  qui  peut  servir 
«  d'expiation  ;  c'est  pour  cela  que  les  justes  sont  le  sacrifice 
(c  et  l'expiation  de  l'univers.  » 

"j^zw  m^D  i^ipiiï  N"  h'ji  ma-'?  u?î2a  aii-^.p  in\s'  -xdt  in\NT  W2  ii 

lis  vont  même  jusqu'à  représenter  l'ange  de  la  mort  comme 
le  plus  grand  bien  de  l'univers;  car,  disent-ils,  c'est  pour 
nous  protéger  contre  lui  que  la  loi  a  été  donnée  ;  il  est  cause 
que  les  justes  auront  en  héritage  les  sublimes  trésors  qui 
leur  sont  réservés  dans  la  vie  à  venir  \  Du  reste,  cette  anti- 
que croyance  de  la  déchéance  de  l'homme,  si  positivement 
enseignée  dans  la  Genèse,  est  représentée  dans  la  kabbale 
avec  assez  d'habileté,  comme  un  fait  naturel,  comme  la 
création  même  de  l'Ame  humaine,  telle  qu'on  l'a  expliquée 

1  •  SdS  isna  Dn^T  -'':'':a  xy-ix  axncN  dixS  kit-  a^nn  ayji  i<T)Tci 

KdSî?-  1'°  part.,  M.  145,  verso. 

'■^-  Nin.^  n£"1mS  -jn"'^^'''^''  niaia  t^tni  -unnx  ï^-cni  ^d-  5°  part., 

fol.  85,  verso,  sect.  Qi*ki,"np. 

3.  1"  part.,  fol.  68,  sect.  n::- 

4.  2°  part.,  fol.  165,  recto  et  verso. 


OPINION  DES  KA.BBALISTES  SUR  L'AME.  191 

pins  haut.  «  Avant  d'avoir  péolié,  Adam  n'écoutait  que  cette 
«  sagesse  dont  la  lumière  vient  d'en  haut;  il  ne  s'était  pas 
«  encore  séparé  de  l'arbre  de  la  vie.  Mais  quand  il  céda  au 
«  désir  de  connaître  les  choses  d'en  bas  et  de  descendre  au 
«  milieu  d'elles,  alors  il  en  fut  séduit,  il  connut  le  mal  et  il 
«  oublia  le  bien  ;  il  se  sépara  de  l'arbre  de  vie.  Avant  d'avoir 
«  fait  cela,  ils  entendaient  la  voix  d'en  haut,  ils  possédaient 
«  la  sagesse  supérieure,  ils  conservaient  leur  nature  lumi- 
«  neuse  et  sublime.  Mais  après  leur  péché  ils  cessèrent 
«  même  de  comprendre  la  voix  d'en  bas  *.  »  Comment  ne  pas 
admettre  l'opinion  que  nous  venons  d'exprimer,  lorsqu'on 
nous  apprend  qu'Adam  et  Eve,  avant  d'avoir  été  trompés  par 
les  ruses  du  serpent,  n'étaient  pas  seulement  affranchis  des 
besoins  du  corps,  mais  qu'ils  n'avaient  pas  de  corps,  c'est-à- 
dire  qu'ils  n'appartenaient  pas  à  la  terre?  Ils  étaient  l'un  et 
l'autre  dépures  intelligences,  des  esprits  bienheureux  comme 
ceux  qui  habitent  le  séjour  des  élus.  C'est  là  ce  que  signifie 
cette  nudité  avec  laquelle  l'Ecriture  nous  les  représente  au 
milieu  de  leur  innocence  ;  et  quand  l'historien  sacré  nous 
raconte  que  le  Seigneur  les  vêtit  de  tuniques  de  peau,  cela 
veut  dire  que,  pour  leur  permettre  d'habiter  ce  monde,  vers 
lequel  les  portait  une  curiosité  imprudente  ou  le  désir  de 
connaître  le  bien  et  le  mal.  Dieu  leur  donna  un  corps  et  des 
sens.  Yoici  l'un  des  nombreux  passages  où  cette  idée,  adoj)téc 
aussi  par  Pliilon  et  par  Origène,  se  trouve  exposée  d'une  ma- 
nière assez  claire  :  «  Lorsqu'Adam,  notre  premier  père,  hâ- 
te bilait  le  jardin  d'Eden,  il  était  vêtu,  comme  on  l'est  dans 
((  le  ciel,  d'un  vêlement  fait  avec  la  lumière  supérieure, 
ce  Quand  il  fut  chassé  du  jardin  d'Eden  et  obligé  de  se  sou- 
«  mettre  aux  nécessités  de  ce  monde,  alors  qu'arriva-l-il  ? 
<■(  Dieu,  nous  dit  l'Ecriture,  fit  pour  Adam  et  pour  sa  femme 
u  des  tuniques  de  peau  dont  il  les  vêtit;  car,  auparavant,  ils 

1.  1"  pari.,  foi.  52,  recto  et  verso 


192  LA  KABBALE. 

«  avaient  des  tuniques  do  lumière;  de  celte  lumière  supé- 
«  rieure  dont  on  se  sert  dans  l'Eden —  Les  bonnes  actions 
«  que  l'homme  accomplit  sur  la  terre  font  descendre  sur  lui 
«  une  partie  de  cette  lumière  supérieure  qui  brille  dans  le 
«  ciel.  C'est  elle  qui  lui  sert  de  vêtement  quand  il  doit  en- 
«  trer  dans  un  autre  monde  et  paraître  devant  le  Saint,  dont 
«  le  nom  soit  béni.  C'est  grâce  à  ce  vêtement  qu'il  peut  goû- 
«  ter  le  bonheur  des  élus,  et  regarder  en  face  le  miroir  lumi- 
«  neux'.  Ainsi  l'àme,  afin  qu'elle  soit  parfaite  en  toute 
«  chose,  a  un  vêtement  différent  pour  chacun  des  deux 
«  mondes  qu'elle  doit  habiter,  l'un  pour  le  monde  terrestre 
«  et  l'autre  pour  le  monde  supérieur  '.  » 

D'un  aulre  côté,  nous  savons  déjà  que  la  mort,  qui  n'est 
autre  chose  que  le  péché  lui-même,  n'est  pas  une  malédic- 
tion universelle,  mais  seulement  un  mal  volontaire;  elle 
n'existe  pas  pour  le  juste  qui  s'unit  à  Dieu  par  un  baiser 
d'amour;  elle  ne  frappe  que  le  méchant,  qui  laisse  dans  ce 
monde  toutes  ses  espérances.  Le  dogme  du  péché  originel 
semble  plutôt  avoir  été  adopté  par  les  kahbalisles  modernes, 
principalement  par  Isaac  Loria,  qui,  croyant  toutes  les  àmcs 
nées  avec  Adam,  et  supposant  qu'elles  formaient  d'abord  une 
seule  et  môme  âme,  les  regardait  toutes  comme  également 
coupables  du  premier  acte  de  désobéissance.  Mais  en  même 
temps  qu'il  les  montre  ainsi  dégradées  depuis  l'origine  de  la 
création,  il  leur  accorde  la  faculté  de  se  relever  par  elles- 
mêmes,  en  accomplissant  tous  les  commandements  de  Dieu. 
De  là  l'obligalion  de  les  faire  sortir  de  cet  état,  et  d'exécu- 
ter, autant  qu'il  est  en  notre  pouvoir,  ce  précepte  de  la  loi  : 
Croissez  et  multipliez.  De  là  aussi  la  nécessité  de  la  mé- 
tempsycose, car  une  seule  vie  ne  suffit  pas  à  cette  œuvre  de 


1.  C'est-à-dire,  comme  nous  l'avons  expliqué  plus  haut,  connaître  la  vérité 
par  intuition  ou  face  à  face. 

2.  Zoliav,  2"  part.,  fol.  229,  verso,  sect.   1^^p^. 


OPIMUN  DES  KABBALISTES  SUR  L'AME.  195 

réhabilitation'.  C'est  toujours,  sous  une  autre  forme,  l'en- 
noblissement de  notre  existence  terrestre  et  la  sanctification 
de  la  vie  comme  le  seul  moyen  offert  à  l'ame  d'atteindre 
à  la  perfection  dont  elle  porte  en  elle  le  besoin  et  le  germe. 

11  n'entre  pas  dans  notre  plan  de  prononcer  un  jugement 
sur  le  vaste  système  que  nous  venons  d'exposer;  ce  que  d'ail- 
leurs nous  ne  pourrions  pas  faire  sans  porter  une  main  pro- 
fane sur  les  plus  fortes  conceptions  de  la  philosophie  et  sur 
des  dogmes  religieux  dont  le  mystère  est  justement  respecté. 
Nous  ne  nous  sommes  destiné  que  le  modeste  rôle  d'inter- 
prète; mais  nous  avons  du  moins  la  conviction  que,  malgré 
les  difficultés  sans  nombre  contre  lesquelles  nous  avions  à 
lutter;  malgré  l'obscurité  du  langage  et  l'incohérence  de  la 
forme  ;  malgré  ces  rêveries  puériles  qui  viennent  à  chaque 
pas  interrompre  le  cours  des  idées  sérieuses,  la  vérité  histo- 
rique n'a  pas  trop  à  se  plaindre  de  nous.  Si  maintenant  nous 
voulons  mesurer,  de  la  manière  la  plus  sommaire,  l'espace 
que  nous  venons  de  parcourir,  nous  trouverons  que,  dans 
l'étal  où  nous  la  présentent  le  Sepher  ietzirah  et  le  Zohar,  la 
kabbale  se  compose  des  éléments  suivants  : 

i"  En  faisant  passer  pour  des  symboles  tous  les  faits  et 
toutes  les  paroles  de  l'Ecriture,  elle  enseigne  à  l'homme  à 
avoir  confiance  en  lui-même  ;  elle  met  la  raison  à  la  place 
de  l'autorité;  elle  fait  naître  la  philosophie  dans  le  sein 
même  et  sous  la  sauvegarde  de  la  religion. 

2"  A  la  croyance  d'un  Dieu  créateur,  distinct  de  la  nature, 
et  qui,  malgré  sa  toute-puissance,  a  dû  exister  une  éternité 
dans  l'inaction,  elle  substitue  l'idée  d'une  substance  univer- 
selle, réellement  infinie,  toujours  active,  toujours  pensante, 
cause  immanente  de  l'univers,  mais  que  l'univers  ne  ren- 
fei-me  pas;  pour  laquelh',  enfin,  créer  n'est  pas  autre  chose 
que  penser,  exister  et  se  développer  elle-même. 

1.  Yoy.  Elz  'llaïm,  Trailé  de  l(i  Mcloiipsiicose,  liv.  I,  cli.  i. 

15 


194  LÀ  KABBALE. 

5°  Au  lieu  d'un  monde  purement  matériel,  distinct  de 
Dieu,  sorti  du  néant  et  destiné  à  y  rentrer,  elle  reconnaît 
des  formes  sans  nombre  sous  lesquelles  se  développe  et  se 
manifeste  la  substance  divine  suivant  les  lois  invariables  de 
la  pensée.  Toutes  existent  d'abord  réunies  dans  l'intelligence 
suprême  avant  de  se  réaliser  sous  une  forme  sensible  :  de  là 
deux  mondes,  l'un  intelligible  ou  supérieur,  l'autre  inférieur 
ou  matériel. 

4°  L'iiomme  est  de  toutes  ces  formes  la  plus  élevée,  la  plus 
complète,  la  seule  par  laquelle  il  soit  permis  de  représenter 
Dieu.  L'homme  sert  de  lien  et  de  transition  entre  Dieu  et  le 
monde;  il  les  réfléchit  tous  deux  dans  sa  double  nature. 
Ainsi  que  tout  ce  qui  est  limité,  il  est  d'abord  renfermé  dans 
la  substance  absolue  à  laquelle  il  doit  de  nouveau  se  réunir 
un  jour,  quand  il  y  sera  préparé  par  les  développements  dont 
il  est  susceptible.  Mais  il  faut  distinguer  la  forme  absolue, 
la  forme  universelle  de  l'homme  et  des  hommes  particu- 
liers qui  en  sont  la  reproduction  plus  ou  moins  affaiblie.  La 
première,  ordinairement  appelée  Vlwmme  céleste,  est  entiè- 
rement inséparable  de  la  nature  divine  ;  elle  en  est  la  pre- 
mière manifestation. 

Plusieurs  de  ces  éléments  servent  de  base  à  des  systèmes 
qu'on  peut  regarder  comme  contemporains  de  la  kabbale. 
D'autres  étaient  déjà  connus  à  une  époque  bien  plus  recu- 
lée. Il  est  donc  du  plus  haut  intérêt,  pour  l'histoire  de  l'in- 
telligence humaine,  de  rechercher  si  la  doctrine  ésotérique 
des  Hébreux  est  vraiment  originale  ou  si  elle  n'est  qu'un 
emprunt  déguisé.  Cette  question  et  celle  de  l'influence  exer- 
cée par  les  idées  kabbalistiques  seront  traitées  dans  la  troi- 
sième et  dernière  partie  de  ce  travail. 


TROISIÈME  PARTIE 


CHAPITRE  I 

QUELS  SONT  LES  SYSTÈMES  QUI  OFFRENT  QUELQUE  RESSEMBL.VNCE  AVEC  L\ 
KABBALE RAPPORT  DE  LA  KABBALE  AVEC  LA  PHILOSOPHIE  DE  PLATON 

Les  systèmes  qui,  par  leur  nature  comme  par  l'âge  qui  les 
a  vus  naître,  peuvent  nous  sembler  avoir  servi  de  base  et  de 
mod(Me  à  la  doctrine  ésotérique  des  Hébreux,  sont,  les  uns 
philosophiques,  les  autres  religieux.  Les  premiers  sont  ceux 
de  Platon,  de  ses  disciples  infidèles  d'Alexandrie  et  de  Phi- 
Ion,  qu'il  nous  est  impossible  de  confondre  avec  eux.  Parmi 
les  systèmes  religieux,  nous  ne  pouvons  citer  en  ce  moment, 
et  cela  d'une  manière  générale,  que  le  christianisme.  Eh 
bien,  je  me  hàle  de  le  dire,  aucune  de  ces  grandes  théories 
de  Dieu  et  de  la  nature  ne  peut  nous  expliquer  l'origine  des 
traditions  dont  nous  avons  précédemment  pris  connais- 
sance. C'est  ce  point  si  important  que  nous  établirons 
d'abord. 

Qu'il  y  ait  une  grande  analogie  entre  la  philosophie  pla- 
tonicienne et  certains  principes  métaphysiques  et  cosmolc- 
^iques  enseignés  dans  le  Zohar  et  le  Livre  de  la  création 


196  LA  KABBALE. 

personne  ne  pourra  le  nier.  Nous  voyons  des  deux  côlcs  l'in- 
telligence divine  ou  le  Verbe  former  l'univers  d'après  des 
types  renfermés  en  lui-même  avant  la  naissance  des  choses. 
Nous  voyons  des  deux  côtes  les  nombres  servir  d'intermé- 
diaires entre  les  idées,  entre  la  pensée  suprême  et  les  objets 
qui  en  sont  dans  le  monde  la  manifestation  incomplète.  Des 
deux  côtés  enfin,  nous  rencontrons  les  dogmes  de  la  préexis- 
tence des  âmes,  de  la  réminiscence  et  de  la  métempsycose. 
Ces  diverses  ressemblances  sont  tellement  évidentes  que  les 
kabbalistes  eux-mêmes,  j'entends  les  kabbalistcs  modernes, 
les  ont  reconnues  ;  et  pour  les  expliquer,  ils  n'ont  rien  ima- 
giné de  mieux  que  de  faire  de  Platon  un  disciple  de  Jérémie, 
comme  d'autres  ont  fait  d'Aristote  un  disciple  de  Simon  le 
Juste'.  Mais  qui  oserait  conclure  de  ces  rapports  superficiels 
que  les  œuvres  du  philosophe  athénien  ont  inspiré  les  pre- 
miers auteurs  de  la  kabbale,  et,  ce  qui  serait  encore  un  plus 
grand  sujet  d'étonnement,  que  cette  science  d'origine  étran- 
gère, sortie  de  la  tête  d'un  païen  ,  soit  entourée  par  la 
MiscJina  de  tant  de  respect  et  de  myslère?  Chose  étrange! 
ceux  qui  soutiennent  cette  opinion  sont  précisément  les  cri- 
tiques qui  ne  voient  dans  le  Zoltar  qu'une  invention  de  la  fin 
du  treizième  siècle,  et  par  conséquent  le  font  naître  à  une 
époque  oij  Platon  n'était  pas  connu;  car  on  ne  prétendra  pas 
qu'on  puisse  se  faire  une  idée  de  sa  doctrine  par  les  cita- 
tions disséminées  dans  les  livres  d'Aristote  et  l'amère  criti- 
que qui  les  accompagne.  Mais  dans  aucun  cas  on  ne  pourra 
admettre  la  filiation  actuellement  soumise  à  notre  examen. 
Je  ne  m'appuierai  pas  sur  des  raisons  extérieures  dont  l'em- 
ploi sera  plus  opportun  dans  la  suite.  Je  ferai  seulement  re- 
marquer ici  que  les  ressemblances  qu'on  aperroit  d'abord 

1.  Ari-Nohem  de  Léon  de  Modènc,  chap.  xv,  p.  44.  D'autres  ont  prétendu 
qu'Aristote,  ayant  été  en  Palestine  à  la  suite  d'Alexandre  le  Grand,  y  a  connu 
les  livres  de  Salonion  qui  lui  ont  fourni  les  principaux  cléments  de  sa  philo- 
sophie. Voyez  rî;"-,^2N  ^b^Tw  ^^  !>•  ^'*^-r  Aldoli. 


SYSTEMES  SE  RAPPROCUANT  DE  L\  KABBALE.  197 

entre  les  deux  doctrines  sont  bientôt  effacées  par  les  diffé- 
rences. Platon  reconnaît  formellement  deux  principes  :  l'es- 
prit et  la  matière,  la  cause  intelligente  et  la  substance  inerte, 
quoiqu'il  soit  bien  difficile  de  se  faire  d'après  lui  une  idée 
aussi  nette  de  la  seconde  que  de  la  première.  Les  kabbalistes, 
encouragés  à  cela  par  le  dogme  incompréhensible  de  la  créa- 
lion  exnihilo,  ont  admis,  pour  base  de  leur  système,  l'unité 
absolue,  un  Dieu  qui  est  à  la  fois  la  cause,  la  substance  et  la 
forme  de  tout  ce  qui  est  comme  de  tout  ce  qui  peut  être.  Le 
combat  du  bien  et  du  mal,  de  l'esprit  et  de  la  matière,  de 
la  puissance  et  de  la  résistance,  ils  le  reconnaissent  comme 
tout  le  monde,  mais  ils  le  placent  au-dessous  du  principe 
absolu  et  le  font  dériver  de  la  distinction  qui  subsiste  né- 
cessairement, dans  la  génération  des  choses,  entre  le  fini  et 
l'infini,  entre  toute  existence  particulière  et  sa  limite,  entre 
les  extrémités  les  plus  éloignées  de  l'échelle  des  êtres.  Ce 
dogme  fondamental,  que  le  Zohar  traduit  quelquefois  par 
des  expressions  profondément  philosophiques,  se  montre  dt'jà 
dans  le  Sepher  ielzirah  sous  une  forme  assez  bizarre,  assez 
grossière,  mais  en  même  temps  assez  claire  pour  qu'il  soit 
permis  de  croire  à  son  originalité,  ou  du  moins  pour  qu'il  ne 
le  soit  pas  d'invoquer  l'intervention  du  philosophe  grec.  Com- 
parons-nous entre  elles  la  théorie  des  idées  et  celle  des  Se- 
pJiiroth,  et  toutes  les  deux  avec  les  formes  inférieures  qui  en 
découlent?  nous  les  trouverons  séparées  par  la  môme  dis- 
tance, et  l'on  ne  comprendrait  pas  qu'il  en  fût  autrement, 
en  apercevant  d'un  côté  le  dualisme  et  de  l'autre  l'unité 
absolue.  Platon,  ayant  mis  un  abime  entre  le  principe  intel- 
ligent et  la  substance  inerte,  ne  peut  voir  dans  les  idées  que 
les  formes  de  l'intelligence,  je  veux  parler  de  l'intelligence 
supi'ôme  dont  la  noire  n'est  qu'une  participation  condition- 
nelle et  limitée.  Ces  formes  sont  éternelles  et  incorruptibles 
comme  le  principe  auquel  elles  appartiennent,  car  elles  sont 
elles-mêmes  la  pensée  el  l'intelligence;  par  conséquent,  sans 


198  LA  KABBALE. 

elles  point  de  principe  intelligent.  Dans  ce  sens,  elles  repré- 
sentent aussi  l'essence  des  choses,  puique  celles-ci  ne  peu- 
vent exister  sans  forme  ou  sans  avoir  reçu  l'empreinte  de  la 
pensée  divine.  Mais  tout  ce  qui  est  dans  le  principe  inerte, 
et  ce  principe  lui-même,  elles  ne  peuvent  pas  le  représen- 
ter; et  cependant,  si  ce  principe  existe,  s'il  existe  de  toute 
éternité  comme  le  premier,  il  faut  bien  qu'il  ait  aussi  son 
essence  propre,  ses  attributs  distinctifs  et  invariables,  quoi- 
qu'il soit  le  sujet  de  tous  les  changements.  Et  qu'on  ne 
vienne  pas  nous  dire  que  par  la  matil're  Platon  voulait  dési- 
gner une  simple  négation,  c'est-à-dire  la  limite  qui  circon- 
scrit toute  existence  particulière.  Ce  rôle,  il  le  donne  ex- 
pressément *  aux  nombres,  principe  de  toute  limite  et  de 
toute  proportion.  Mais,  à  côté  des  nombres  et  de  la  cause 
productrice  et  intelligente,  il  admet  encore  ce  qu'il  appelle 
l'infini,  ce  qui  est  susceptible  de  plus  et  de  moins,  ce  dont 
les  choses  sont  produites,  en  un  mot,  la  matière  ou,  pour 
parler  plus  exactement,  la  substance  séparée  de  la  causalité. 
Il  y  a  donc  (et  c'est  là  que  nous  voulions  arriver),  il  y  a  donc 
des  existences  ou  plutôt  des  formes  de  l'existence,  des  modes 
invariables  de  l'être,  qui  se  trouvent  nécessairement  exclus 
du  nombre  des  idées.  Il  n'en  est  pas  ainsi  des  Sepkiroth  de 
la  kabbale,  au  nombre  desquelles  on  voit  figurer  la  matière 
elle-même  (^^D"').  Elles  représentent  à  la  fois,  parce  qu'elles 
les  supposent  parfaitement  identiques ,  et  les  formes  de 
l'existence  et  celles  de  la  pensée,  les  attributs  de  la  substance 
inerte,  c'est-à-dire  de  la  passivité  ou  de  la  résistance,  comme 
ceux  de  la  causalité  intelligente.  C'est  pour  cela  qu'elles  se 
partagent  en  deux  grandes  classes,  que  dans  le  langage  mé- 
taphorique du  Zohar  on  appelle  les  pères  et  les  mères,  et  ces 
deux  principes  opposés  en  apparence,  de  même  qu'ils  dé- 
coulent d'une  source  unique,  inépuisable,  qui  est  l'infini 

\.  Dans  le  PItilèbe,  p.  554  de  la  trad.  de  M.  Cousin 


SYSTÈMES  SE  RAPPROCHANT  DE  LA  KABBALE.       109 

(En  Soph),  vont  aussi  se  confondre  dans  un  attribut  com- 
mun appelé  le  fils,  d'où  ils  se  séparent  sous  une  forme  nou- 
velle pour  se  confondre  de  nouveau.  De  là  le  syslème  trini- 
taire  des  kabbalistes,  que  personne  ne  confondra  avec  la 
trinité  platonicienne.  Toutes  réserves  faites  pour  nos  recher- 
ches ultérieures,  on  convient  qu'avec  des  bases  aussi  diffé- 
rentes le  syslème  kabbalistique,  dût-il  être  né  sous  l'inspi- 
ration du  philosophe  grec,  conserverait  encore  tous  les  droits 
de  l'originalité;  car,  en  matière  de  métaphysique,  l'origina- 
lité absolue  est  un  fait  excessivement  rare,  pour  ne  pas  dire 
introuvable,  et  Platon  lui-même  (qui  l'ignore?)  ne  doit  pas 
tout  à  son  propre  génie.  Toutes  les  grandes  conceptions  de 
l'esprit  humain  sur  la  cause  suprême,  sur  le  premier  être  et 
la  génération  des  choses,  avant  de  revêtir  un  caractère  vrai- 
ment digne  de  la  raison  et  de  la  science,  se  sont  montrées 
sous  des  voiles  plus  ou  moins  grossiers.  C'est  ainsi  qu'on 
peut  admettre  une  tradition  qui  ne  fasse  aucun  tort  à  l'indé- 
pendance et  à  la  fécondité  de  l'esprit  philosophique.  Malgré 
ce  principe  qui  nous  met  à  l'aise,  nous  soutenons  que  les 
kabbalistes  n'ont  eu  aucun  commerce,  au  moins  direct,  nvec 
Platon.  En  effet,  que  l'on  se  figure  ces  hommes  puisant  aux 
sources  de  la  philosophie  la  plus  indépendante,  nourris  de 
cette  dialectique  railleuse  et  impitoyable  qui  met  tout  en 
question,  et  détruit  aussi  souvent  qu'elle  édifie  ;  que  par  une 
lecture,  même  superficielle,  des  Dialogues,  on  les  suppose 
initiés  à  toutes  les  élégances  de  la  civilisation  la  plus  raffi- 
née, pourra-t-on  concevoir  après  cela  ce  qu'il  y  a  d'irra- 
tionnel, d'inculte  et  d'imagination  déréglée  dans  les  pas- 
sages les  plus  importants  du  Zo//ar?  Pourra-t-on  s'expliquer 
celle  extraordinaire  description  de  la  Tête  blanche,  ces  mé- 
taphores gigantesques  mêlées  de  puérils  détails,  cette  suppo- 
sition d'une  révélation  secrète  et  plus  ancienne  que  celle  du 
mont  Sinaï,  enfin  ces  efforts  incroyables  aidés  des  moyens 
les  plus  arbitraires  pour  trouver  leur  propre  doctrine  dans 


200  LA  KABBALE. 

les  textes  sacrés?  A  ces  divers  caractères  je  reconnais  bien 
une  philosophie  qui,  prenant  naissance  au  sein  d'un  peuple 
éminemment  religieux,  n'ose  pas  encore  s'avouer  à  elle- 
même  toute  son  audace,  et  cherche  à  se  couvrir,  pour  sa 
propre  satisfaction,  du  voile  de  l'autorité;  mais  je  ne  sau- 
rais les  concilier  avec  le  choix  tout  à  fait  libre  d'une  philo- 
sophie étrangère,  une  philosophie  indépendante,  qui  ne  cache 
à  personne  qu'elle  tient  de  la  raison  seule  son  autorité,  sa 
force  et  ses  lumières.  D'ailleurs,  à  aucune  époque,  les  Juifs 
n'ont  renié  leurs  maîtres  étrangers  ni  refusé  de  rendre  hom- 
mage aux  autres  nations  des  connaissances  qu'ils  leur  em- 
pruntaient quelquefois.  Ainsi,  nous  apprenons  dans  le  Tlial- 
miid  que  les  Assyriens  leur  ont  fourni  les  noms  des  mois, 
des  anges  et  les  caractères  dont  ils  se  servent  encore  aujour- 
d'hui pour  écrire  leurs  livres  sacrés*.  Plus  lard,  quand  la 
langue  grecque  a  commencé  à  se  répandre  parmi  eux,  les 
docteurs  les  plus  vénérés  de  la  Mischna  eu  parlent  avec  ad- 
miration et  permettent  de  la  substituer,  dans  les  cérémonies 
religieuses,  au  texte  même  de  la  loi^  Durant  le  moyen  âge, 
initiés  par  les  Arabes  à  la  philosophie  d'Aristote,  ils  ne  crai- 
gnent pas  de  rendre  à  ce  philosophe  les  mêmes  honneurs 
qu'à  leurs  propres  sages,  sauf  à  en  faire,  comme  nous  l'a- 
vons déjà  dit,  un  disciple  de  leurs  plus  anciens  docteurs  et 
à  lui  attribuer  un  livre  où  l'on  voit  le  chef  du  Lycée  recon- 
naissant sur  son  lit  de  mort  le  Dieu  et  la  loi  d'Israël  ''.  Enfin, 
le  Zohar  môme  nous  apprend,  dans  un  passage  très  re- 
marquable cité  précédemment,  que  les  livres  de  l'Orient 
se  rapprochent  beaucoup   de  la  loi  divine  et  de  quelques 

\.  Tlialni.  de  Jérusalem,  traité  Rosch-Haschana.  u''2i'i'hl2T\  niDUT 
b21'2  Dlî^y  "h'j  □^U7'înm-  Ailleurs  [traité  Sanhédrin,  chap.  xxi)  on  dit,  en 
pari,  nt  d'Esdias,  que  l'Écriture  fut  changée  j)ar  lui,  T71  ^'J  ari^n  njntl'J-  ^t 
cette  écriture  porte  toujours  le  nom  d'assyrienne,  "i"T]"t."'5^' 

2.   Thalm.  Bab.,  traité  Mccjuilalt,  chap.  i.  Traité  Sota.  ad  fin. 

5,  Ce  livre  s'appelle  le  Livre  de  la  Pomme,  niSHH  13D- 


LA  KABBALE  ET  LA  l'IlILOSÛPIIIE  DE  PLATON.  201 

opinions  enseignées  dans  l'école  de  Simon  Len  Jochaï  '. 
Seulement  on  ajoute  que  celte  antique  sagesse  fut  ensei- 
gnée par  le  patriarche  Abraham  aux  enfants  qu'il  eut  de 
ses  concubines,  et  par  qui,  selon  la  Bible,  l'Orient  a  été 
peuplé.  Quelle  raison  aurait  donc  empêché  les  auteurs  de  la 
kabbale  de  consacrer  aussi  un  souvenir  à  Platon,  quand  il 
leur  était  si  facile,  à  l'exemple  de  leurs  modernes  héritiers, 
de  le  mettre  à  l'école  chez  quelque  prophète  du  vrai  Dieu  ? 
C'est  précisément,  au  dire  d'Eusèbe,  ce  qu'a  fait  Aristobule, 
qui,  après  avoir  interprété  le  Pentateuque  dans  le  sens  de  la 
philosophie  de  Platon,  n'a  pas  de  peine  à  accuser  celui-ci 
d'avoir  puisé  toute  sa  science  dans  les  livres  de  Moïse.  Le 
même  stratagème  est  appliqué  par  Philon  au  chef  du  Por- 
tique*; nous  sommes  par  conséquent  autorisé  à  dire  que  ce 
n'est  point  dans  le  platonisme  proprement  dit  qu'il  faut 
chercher  l'origine  du  système  kabbalistiquo.  Nous  allons 
voir  maintenant  si  nous  la  trouverons  chez  les  philosophes 
d'Alexandrie. 

1.  Zohav,  V  pai-f.,  foL  99  et  100,  soct.  xTV 

2.  Qiiod  omnis  probiis  liber,  p.  875,  éd.  de  Mang. 


CHAPITRE  II 


RAPPORT  DE  LA  KABBALE  AVEC  L  ECOLE  D  ALEXANDRIE 


La  doclrine  métaphysique  et  religieuse  que  nous  avons 
recueillie  dans  le  Zohar  a  sans  doute  une  ressemblance  plus 
intime  avec  ce  qu'on  appelle  la  philosophie  néoplatonicienne 
qu'avec  le  platonisme  pur.  Mais  avant  de  signaler  ce  qu'ils 
ont  de  commun,  avons-nous  le  droit  d'en  conclure  que  le 
premier  de  ces  deux  systèmes  ait  nécessairement  copié  l'au- 
tre? Si  nous  voulions  nous  contenter  d'une  critique  superfi- 
cielle, un  seul  mot  suffirait  à  résoudre  cette  question;  car 
nous  n'aurions  aucune  peine  à  établir,  et  nous  avons  déjà 
établi,  dans  notre  première  partie,  que  la  doctrine  secrète 
des  Hébreux  existait  depuis  longtemps  quand  Ammonius 
Saccas,  Plotin  et  Porphyre  renouvelèrent  la  face  de  la  philo- 
sophie. Nous  aimons  mieux  admettre,  comme  de  fortes  rai- 
sons nous  y  obligent,  que  la  kabbale  a  mis  plusieurs  siè- 
cles à  se  développer  et  à  se  constituer  à  son  état  définitif. 
Dès  lors,  la  supposition  qu'elle  a  beaucoup  emprunté  de 
l'école  païenne  d'Alexandrie  demeure  dans  toute  sa  force  et 
mérite  un  sérieux  examen  ;  surtout  si  l'on  songe  que  depuis 
la  révolution  opérée  en  Orient  par  les  armes  macédoniennes, 
plusieurs  Juifs  ont  adopté  la  langue  et  la  civilisation  de  leurs 
vainqueurs. 

Il  faut  d'abord  que  nous  parlions  d'un  fait  déjà  prouvé  ail- 


LA  KABBALE  ET  L'ECOLE  D'ALEXANDRIE.  203 

leurs  *,  et  qui,  clans  la  suite  de  ce  travail,  se  prouvera  plus 
clairement  encore  par  lui-même  :  c'est  que  la  kabbale,  comme 
l'atteste  son  étroite  alliance  avec  les  institutions  rabbiniques, 
nous  est  venue  de  la  Palestine  ;  car  à  Alexandrie  les  Juifs 
parlaient  grec,  et  dans  aucun  cas  ils  n'auraient  fait  usage 
de  l'idiome  populaire  et  corrompu  de  la  Terre-Sainte.  Or, 
depuis  l'instant  où  l'école  néoplatonicienne  commença  à 
naître  dans  la  nouvelle  capitale  de  l'Egypte,  jusqu'au  milieu 
du  quatrième  siècle,  époque  à  laquelle  la  Judée  vit  mourir 
ses  dernières  écoles,  ses  derniers  patriarches,  les  dernières 
étincelles  de  sa  vie  intellectuelle  et  religieuse*,  quels  rap- 
ports trouvons-nous  entre  les  deux  pays  et  les  deux  civilisa- 
tions qu'ils  représentent?  Si,  durant  ce  laps  de  temps,  la 
philosophie  païenne  eût  pénétré  dans  la  Terre-Sainte,  il 
faudrait  naturellement  supposer  l'intervention  des  Juifs 
d'Alexandrie,  à  qui  depuis  plusieurs  siècles,  comme  le  prou- 
vent la  version  des  Septante  et  l'exemple  d'Arislobule,  les 
principaux  monuments  de  la  civilisation  grecque  étaient 
aussi  familiers  que  les  livres  saints.  Mais  les  Juifs  d'Alexan- 
drie avaient  si  peu  de  relations  avec  leurs  frères  de  la  Pa- 
lestine, qu'ils  ignoraient  complètement  les  institutions  rab- 
biniques qui,  chez  ces  derniers,  ont  pris  tant  de  place,  et 
qu'on  trouve  déjà  enracinées  parmi  eux  plus  de  deux  siècles 
avant  l'ère  vulgaire  '.  Que  l'on  parcoure  avec  la  plus  profonde 
attention  les  écrits  de  Philon,  le  livre  de  hi  Sagesse  et  le  der- 
nier livre  des  Macchabées,  sortis  l'un  et  l'autre  d'une  plume 
alexandrine,  on  n'y  verra  cités  nulle  part  les  noms  qui  sont 
entourés,  en  Judée,  de  l'autorité  la  plus  sainte,  comme  celui 

1.  Voyez  h  première  partie. 

2.  Voyez  Jost,  Histoire  des  Juifs,  t.  IV,  liv.  XIV,  cliap  vin.  —  Et  dan3 
Vllisloirc  (jénérale  du  peuple  israélite,  du  même  auteur,  t.  II,  cliap.  v. 

5.  Nous  adoptons  la  chronologie  de  Jost,  précisément  parce  qu'elle  est  extrê- 
mement sévère,  c'est-h-dire  qu'elle  diminue  autant  que  possible  l'antiquité 
attribuée  par  les  historiens  juifs  à  leurs  traditions  religieuses. 


2ÛA  LA  KABBALE. 

du  grand-prêlre  Simon  le  Juste,  le  dernier  représentant  de 
la  grande  synagogue,  et  ceux  des  thanaïm,  qui  lui  ont  suc- 
cédé dans  la  vénération  du  peuple;  jamais  on  n'y  trouvera 
même  une  allusion  à  la  querelle  si  célèbre  de  Ilillel  et  de 
Schamaï  S  ni  aux  coutumes  de  tout  genre  recueillies  plus 
tard  dans  la  Mischna  et  passées  en  force  de  loi.  Il  est  vrai 
que  Philon,  dans  son  ouvrage  de  la  Vie  de  Moïse^,  en  ap- 
pelle à  une  tradition  orale  conservée  chez  les  anciens  d'Is- 
raël et  ordinairement  enseiernée  avec  le  texte  des  Ecritures. 

o 

Mais  quand  même  elle  ne  serait  pas  imaginée  au  hasard 
pour  accréditer  les  fables  ajoutées  à  plaisir  à  la  vie  du  pro- 
phèle  hébreu,  celte  tradition  n'a  rien  de  commun  avec  celles 
qui  font  la  base  du  culte  rabbinique  ;  elle  nous  rappelle  seu- 
lement les  Midraschim  ou  ces  légendes  populaires  et  sans 
autorité  dont  le  judaïsme  a  été  très  fécond  à  toutes  les  épo- 
ques de  son  histoire.  De  leur  côté,  les  Juifs  de  la  Palestine 
n'étaient  pas  mieux  instruits  de  ce  qui  se  passait  chez  leurs 
frères  répandus  en  Egypte.  Ils  connaissaient,  uniquement 
par  ouï-dire,  la  prétendue  version  des  Septante,  qui  est 
d'une  époque  bien  antérieure  à  celle  qui  fixe  actuellement 
notre  attention  ;  ils  avaient  adopté  avec  empressement  la 
fable  d'Aristée,  qui,  du  reste,  s'accorde  si  bien  avec  leur 
amour-propre  national  et  leur  penchant  au   merveilleux  ^. 

i.  Ces  deux  corypliées  de  la  Mischna  florissaient  de  l'an  78  à  l'an  44  av.  J.-C. 
Ils  étaient,  par  conséquent,  antérieurs  à  Philon. 

2.  De  Vilâ  Mosis,  liv.  I,  init.  ;  liv.  II,  p.  81,  éd.  de  Mangey.  Voici  les 
termes  de  Philon  :  MaOwy  aùtà  xxt  Ix.  p;5Xwv  xwv  Σ:ôSv...  7,ol\  -apx  tivàiv  àr.q 
TOJ  eOvouç  — OcCTouTÉpwv.  Tàt  fàp  X£y6[jL£va  Toî";  avavtvwa/.otjivoiç  àeï  cuvj'oa'.vov. 

5.  Traité  de  MryuilhiJi,  fol.  9.  Il  résulte  clairement  de  ce  passage,  non 
seulement  que  les  auteurs  du  Thalmud  ne  connaissaient  pas  par  eux-mêmes  la 
Version  des  Seplcinie  (ils  supposent  les  auteurs  de  cette  traduction  au  nombre 
de  soixante-douze);  mais  qu'il  leur  était  impossible  de  la  connaître,  vu  leur 
ignorance  de  la  langue  et  de  la  littérature  grecques.  En  effet,  en  énumérant 
les  changements  apportés  au  texte  mémo  du  Pentateuque  par  les  soixante  et 
douze  vieillards,  et  cela  d'après  une  inspiration  spéciale  du  Saint-Esprit,  ils  en 
signalent  dix  qui  n'ont  jamais  existé,  dont  on  n'a  jamais  trouvé  la  moindre 


LA  KABBALE  ET  L'ÉCOLE  D'ALEXANDRIE.  205 

Mais  dans  toute  l'étendue  de  la  Mischna  et  des  deux  Gué- 
mara  on  ne  trouvera  pas  la  moindre  parole  qu'on  puisse 
appliquer,  soit  à  Aristobule  le  Philosophe,  soit  à  Philon,  soit 
aux  auteurs  des  livres  apocryphes  que  nous  avons  nommés 
tout  à  l'ehure.  Un  fait  encore  plus  étrange,  c'est  que  le  Thcil- 
mud  ne  fait  jamais  mention  des  Thérapeutes,  ni  même  des 
Esséniens  ',  quoique  ces  derniers  eussent  dt\jà,  au  temps  de 
Josèphe  l'Historien,  de  nombreux  établissements  dans  la 
Terre-Sainte.  Un  tel  silence  ne  peut  s'expliquer  que  par  l'ori- 
gine des  deux  sectes  et  par  la  langue  dans  laquelle  elles 
transmettaient  leurs  doctrines.  L'une  et  l'autre  étaient  nées 

trace,  et  dont  plusieurs  sont  ou  ridicules  ou  impossibles.  Ainsi,  pour  en  citer 
seulement  deux  exemples,  ils  prétendent  qu'il  a  fallu  intervertir  l'ordre  des 
trois  premiers  mots  de  la  Genèse;  qu'au  lieu  de  Bercschit  Barn  Eloliim  (au 
commencement  Dieu  créa)  on  lut  Elohim  Bara  Bereschit  (Dieu  créa  au  com- 
mencement) ;  car,  disent-ils,  en  laissant  subsister  l'ordre  primitif,  on  aurait 
pu  faire  croire  au  roi  Ptoléméc  qu'il  existe  un  principe  supérieur  à  Dieu,  et 
que  ce  principe  s'appelle  Bercschit.  Mais  comment  une  pareille  méprise  est-elle 
possible  dans  une  traduction  grecque,  soit  qu'on  place  les  deux  mots  h  àpyji 
au  commencement  ou  à  la  fin?  Et  qui  irait  prendre  ces  deux  mots  pour  le  nom 
d'une  divinité?  Quant  au  mot  hébreu  Bercschit,  pourquoi  serait-il  conservé 
dans  une  traduction  quelconque?  Dans  le  passage  du  Lévilique,  où  Moïse  défend 
l'usage  du  lièvre,  ils  introduisent  (toujours  au  nom  des  Septante)  une  variante 
plus  ridicule  encore  :  ils  racontent  que  le  nom  de  l'animal  défendu  (en  hébreu 
arnebeth  n^JIN)  ^^'''^  également  celui  de  l'épouse  de  Ptolémée,  et  que,  pour  ne 
pas  choquer  le  roi  en  attachant  au  nom  de  sa  femme  une  idée  d'impureté,  on 
se  servit  de  cette  périphrase  :  Ce  qui  est  léger  des  pieds  (niSjnn  m'yi*)-  Peut- 
être  est-ce  le  nom  même  des  Lagides  qu'on  veut  désigner  ici.  Mais,  dans  tous 
les  cas,  il  est  impossible  de  porter  plus  loin  l'ignorance  de  l'histoire  et  des 
lettres  grecques.  Quant  à  la  périphrase  dont  nous  venons  de  parler,  elle  est 
tout  à  fait  imaginaire. 

1.  En  vain  un  critique  du  quinzième  siècle,  Asariah  de  Rossi,  a-t-il  prétendu 
que  les  Bdilhosiens,  si  souvent  mentionnés  dans  le  Thaimud,  ne  pouvaient  être 
que  les  Esséniens.  La  preuve  qu'il  en  donne  est  trop  frivole  pour  mériter  la 
moindre  attention  :  il  suppose  que  le  nom  de  Baithosiens,  DiD'r|i2'  est  une  cor- 
ruption de  celui  qui  exprimerait  en  hébreu  la  secte  essénienne,  □"ic'ix  ri^l-  ^'est 
cependant  sur  un  pareil  fondement  qu'un  savant  critique  de  nos  jours  admet 
l'identité  des  deux  sectes  religieuses.  Voyez  Gfrœrer,  Histoire  critique  du 
Christianisme  primitif,  2"  part.,  p.  5i7. 


206  LA  KABBALE. 

en  Ég\'pte  et  avaient  probablement  conservé  l'usage  du  grec 
jusque  sur  le  sol  de  leur  patrie  religieuse.  S'il  n'en  était  pas 
ainsi,  le  silence  du  Thalmud,  surtout  à  l'égard  des  Essé- 
niens,  serait  d'autant  plus  inexplicable  que  ces  sectaires,  au 
témoignage  de  Josèphe,  auraient  déjà  été  connus  sous  le 
règne  de  Jonathas  Macchabée,  c'est-à-dire  plus  d'un  siècle 
et  demi  avant  l'ère  chrétienne  *. 

Si  les  Juifs  de  la  Palestine  vivaient  dans  cette  ignorance 
au  sujet  de  leurs  propres  frères, dont  quelques-uns  devaient 
être  pour  eux  un  juste  sujet  d'orgueil,  comment  supposer 
qu'ils  fussent  beaucoup  mieux  instruits  de  ce  qui  se  passait, 
à  la  môme  distance,  dans  les  écoles  païennes?  Nous  avons 
déjà  dit  que  la  langue  grecque  était  fort  en  honneur  parmi 
eux  :  mais  leur  a-t-elle  jamais  été  assez  familière  pour  leur 
permettre  de  suivre  le  mouvement  philosophique  de  leur 
temps?  C'est  ce  que  l'on  peut  à  bon  droit  révoquer  en  doute. 
D'abord,  ni  le  Thalmud,  ni  le  Zohar  ne  nous  offrent  aucune 
trace,  ils  ne  citent  aucun  monument  de  la  civilisation  grec- 
que. Or  comment  entendre  une  langue  si  on  ne  connaît  pas 
les  œuvres  qu'elle  a  produites?  Ensuite  nous  apprenons  de 
Josèphe  lui-même  %  qui  était  né  en  Palestine  et  y  avait  passé 
la  plus  grande  partie  de  ses  jours,  que  ce  célèbre  historien, 
pour  écrire,  ou  plutôt  pour  traduire  ses  ouvrages  en  grec,  a 
eu  besoin  de  se  faire  aider.  Dans  un  autre  endroit'  il  s'ex- 
prime à  cet  égard  d'une  manière  encore  plus  explicite,  ap- 
pliquant à  ses  compatriotes,  en  général,  ce  qu'il  avoue  de 
lui-môme  ;  puis,  il  ajoute  que  l'étude  des  langues  est  fort  peu 
considérée  dans  son  pays,  qu'elle  y  est  regardée  comme  une 
occupation  profane  qui  convient  mieux  à   des  esclaves  qu'à 

1.  Anliqiiilcs  jud.,  liv.  XIH,  chap.  ix.  Josèphe  ne  dit  pas  que  les  Esscnicns 
fussent  alors  établis  en  Palestine. 

2.  Jos.  contre  Appion,  I,  9.  Xor,(j2;j.î,o;  T'.a'i  -oô;  -r^v  'EÀ/.rjViox  ç)ojv/;v  auvîp- 

5.  Antiquités  judaïques,  liv.  XX,  cliap.  ix,  c'est-à-dire  à  la  fin  de  l'ouvrage. 


LA  KABBALE  ET  L'ECOLE  D'ALEXANDRIE.  207 

des  hommes  libres  ;  qu'enfin  l'on  n'y  accorde  son  estime  et 
le  titre  de  sages  qu'à  ceux  qui  possèdent  à  un  haut  degré  de 
perfection  la  connaissance  des  lois  religieuses  et  des  saintes 
Ecritures.  Et  cependant  Josèphe  appartenait  à  l'une  des 
familles  les  pliis  distinguées  de  la  Terre -Sainte;  issu  en 
même  temps  du  sang  des  rois  et  de  la  race  sacerdotale,  nul 
n'était  mieux  placé  que  lui  pour  se  faire  initier  à  toutes  les 
connaissances  de  son  pays,  à  la  science  religieuse  comme  à 
celle  qui  prépare  les  personnes  d'une  haute  naissance  à  la 
vie  politique.  Ajoutez  à  cela  que  l'auteur  dos  Antiquités  et 
de  la  Guerre  des  Juifs  ne  devait  pas  éprouver,  en  se  livrant 
à  des  études  profanes,  le  même  scrupule  que  ses  compa- 
triotes, restés  fidèles  à  leur  pays  et  à  leurs  croyances*.  Du 
reste,  en  admettant  que  la  langue  grecque  fût  beaucoup  plus 
cultivée  en  Palestine  que  nous  n'avons  le  droit  de  le  suppo- 
ser, on  serait  encore  bien  éloigné  de  pouvoir  en  rien  conclure 
par  rapport  à  l'influence  de  la  philosophie  alexandrine.  En 
effet,  le  Thalmud  établit  expressément  une  distinction  entre 
la  langue  ci  ce  qu'il  appelle  la  science  grecque  %  rT'iVi'  "(lurb 
mnS  nii'W  na^ni  "inS  ;  autant  il  accorde  à  celle-là  de  respect 
et  d'honneur,  autant  il  a  celle-ci  en  exécration.  La  Mischnat 
toujours  très  concise,  comme  doit  l'être  un  recueil  de  déci- 
sions légales,  se  borne  à  énoncer  la  défense  d'élever  son  fils 
dans  la  science  grecque,  en  ajoutant  toutefois  que  cette  in- 
Icrdiclion  a  été  portée  durant  la  guerre  de  Titus  ''.  Mais  la 
Guemara  est  beaucoup  plus  explicite,  en  même  temps  qu'elle 
fait  remonter  bien  plus  haut  la  disposition  dont  nous  venons 
de  parler.  «  Voici,  dit-elle,  ce  que  nos  maîtres  nous  ont 
«  enseigné  :  Pendant  la  guerre  qui  avait  éclaté  entre  les 

1.  Le  caractère  de  Josèphe  est  1res  bien  apprécié  dans  une  thèse  pleine  d'in- 
térêt, soutenue  à  la  Faculté  des  lettres  do  Paris,  par  M.  Philarèle  Chasles  : 
De  VAidorilé  historique  de  Flavius  Josrphc. 

2.  Tract.  Sota,  fol.  49,  ad  fin. 

3.  ib.  supr.  j-|-)j<i«;i  ncon  ijsns'  din  iidi^  nSc?  -n-a  d-iU"';:  hxD  didSisi- 


2  08  LA  KABBALE. 

«  princes  hasmonéens,  Hyrcan  faisait  le  siège  de  Jérusalem, 
«  Arislobule  était  l'assiégé.  Tous  les  jours  on  descendait,  le 
«  long  des  murs,  une  caisse  remplie  d'argent,  et  l'oncnreti- 
«  rait  en  échanîïc  les  victimes  nécessaires  aux  sacrifices  Or 
«  il  se  trouvait  dans  le  camp  des  assiégeants  un  vieillard  qui 
«  connaissait  la  science  grecque.  Ce  vieillard  se  servit  auprès 
ce  d'eux  de  sa  science  et  leur  dit  :  Tant  que  vos  ennemis 
«  pourront  célébrer  le  service  divin,  ils  ne  tomberont  pas  en 
«  votre  pouvoir.  Le  lendemain,  arriva  comme  d'habitude 
«  la  caisse  remplie  d'argent;  mais  celte  fois  on  envoya  en 
«  échange  un  pourceau.  Quand  l'animal  immonde  fut  arrivé 
«  à  mi-hauteur  du  rempart,  il  y  enfonça  ses  ongles,  etla  terre 
«  d'Israël  fut  ébranlée  dans  une  étendue  de  quatre  cents  pa- 
«  rasahs.  C'est  alors  que  fut  prononcé  cet  anathème  :  Mau- 
<c  dit  soit  l'homme  qui  élève  des  pourceaux;  maudit  celui 
a  qui  fait  enseigner  à  ses  fils  la  science  grecque  \  »  A  part 
la  circonstance  fabuleuse  et  ridicule  du  tremblement  de 
terre,  il  n'y  a  rien  dîins  ce  récit  qui  n'ait  une  valeur  aux  yeux 
de  la  critique.  Le  fond  en  paraît  vrai,  car  on  le  trouve  aussi 
dans  Josèphe'.  Selon  ce  dernier,  les  gens  d'IIyrcan ,  après 
avoir  promis  de  faire  passer  aux  assiégés,  à  raison  de  mille 
drachmes  par  tète,  plusieurs  animaux  destinés  aux  sacrifices, 
se  firent  livrer  l'argent  et  refusèrent  les  victimes.  C'était  une 
action  doublement  odieuse  aux  yeux  des  Juifs,  car  non  seu- 
lement, comme  le  remarque  l'historien  que  nous  venons  do 
citer,  elle  violait  la  foi  jurée  aux  hommes,  mais  elle  atteignait 
en  quelque  façon  Dieu  lui-même.  Maintenant,  qu'on  ajoute 
cette  nouvelle  circonstance,  1res  vraisemblable  d'ailleurs, 
qu'à  la  place  de  la  victime  si  impatiemment  attendue  les 
prêtres  virent  arriver  dans  l'enceinte  consacrée  l'animal  pour 
lequel  ils  éprouvaient  tant  d'horreur,  alors  le  blasphème  et 

1.  Ib.  sujyr.  C'est  la  Guéinara  qui  suit  immédiateinent  la  Mischna,  citée 
dans  la  note  précédente. 

2.  Antiquit.  jiid.,  liv.  XIV,  cliap.  m. 


LA.  KADDALE  ET  L'ECOLE  D'ALEXANDRIE.  209 

le  parjure  seront  arrivés  à  leur  comble.  Or,  sur  qui  lait-oii 
peser  la  responsabilité  d'un  tel  crime?  chez  qui  en  va-t-on 
chercher  la  pensée  première?  Chez  ceux  qui  négligent  la  loi 
de  Dieu  pour  rechercher  la  sagesse  des  nalions.  Que  celte 
accusation  soit  fondée  ou  non,  peu  nous  importe; que  l'ana- 
ihème  dont  elle  est  la  justification  ou  la  cause  ait  été  pro- 
noncé pendant  la  guerre  des  Hasmonéens  ou  celle  de  Titus, 
peu  nous  importe  encore.  Mais  ce  qui  nous  intéresse  et  nous 
paraît  en  même  temps  hors  de  doute,  c'est  que  l'érudition 
grecque,  à  quelque  degré  qu'elle  ait  pu  exister  dans  la  Pa- 
lestine, y  était  regardée  comme  une  source  d'impiété,  et 
constituait  par  elle-même  un  double  sacrilège  :  aucune  sym- 
pathie, aucune  alliance  nepouvaient  donc  s'établirentre  ceux 
qui  en  étaient  soupçonnés  et  les  fondateurs  ou  les  déposi- 
taires de  l'orthodoxie  rabbinique.il  est  vrai  que  le  Thalmiicl 
rapporte  aussi,  au  nom  d'un  certain  rabbi  Jchoudah,  qui  les 
tenait  d'un  autre  docteur  plus  ancien  appelé  Samuel,  les  pa- 
roles suivantes  de  Simon,  fils  de  Gamaliel,  celui-là  môme 
qui  joue  un  si  beau  rôle  dans  les  Actes  des  apôtres  :  «  Nous 
«  étions  mille  enfants  dans  la  maison  de  mon  père  '  :  cinq 
«  cents  d'entre  eux  étudiaient  la  loi,  et  cinq  cents  étaient 
«  instruits  dans  la  science  grecque.  Aujourd'hui  il  n'en  reste 
«  plus  que  moi  et  le  fils  du  frère  de  mon  frère  ^  »  A  cette 
objection,  la  Guemara  répond  :  Il  faut  faire  une  exception 
pour  la  famille  de  Gamaliel  qui  touchait  de  près  à  la  cour  ". 

1.  Je  traduis  litléraleinent  ces  deux  mots  j^^X  71^2)  pni'ce  que  je  ne  suppose 
pas  qu'il  soit  ici  question  de  l'école  religieuse,  mais  bien  do  la  famille  de 
Gamaliel.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  que  la  juslification  donnée  par  le  Thahnud  ne 
perle  que  sur  la  personne  et  la  famille  de  ce  docteur.  Le  privili'gc  dont  il 
jouissait  ne  devait  pas  s'étendre  à  des  étrangers. 

l'fiTWi  nSt  t?2V.^  n^3n  iiaS  mxD  cnm  .-n*.n  naS  n\sa  u;an  N2^< 
><^DN3  K2X  i-N  pi  ]X3  •':n  nSx  Dna- 
3.  ib.  svpr.  nn  m;S;3b  f  ^np-  îî  n^a  b*j  >:xu;. 

14 


210  LA  KABBALE. 

Remarquons  d'ailleurs  que  ce  passage  tout  entier  est  loin  de 
nous  olFrir  le  même  caractère  que  le  précédent  :  il  ne  s'agit 
plus  d'une  tradition  générale,  mais  d'un  simple  ouï-dire, 
d'un  témoignage  individuel  qui  est  déjà  loin  de  sa  source. 
Quant  au  caractère  de  Gamaliel,  tel  que  la  tradition  nous  le 
représente,  il  n'a  rien  qui  le  distingue  des  autres  docteurs 
de  la  loi,  que  son  altacliement  môme  au  judaïsme  le  plus 
orthodoxe  et  le  respect  universel  qu'il  inspirait  {yo{j.o^)i- 
dx7/.x/.og  TÎuiog  t.tjzi  tw  /aw)  *.  Or,  dc  tels  sentiments  ne 
pourraient  guère  se  concilier  avec  la  réputation  d'impiété 
faite  aux  Hellénistes  '  ;  de  plus,  ce  patriarche  de  la  synago- 
gue, déjà  vieux  au  temps  des  apôtres,  était  mort  depuis  long- 
temps quand  l'école  d'Alexandrie  a  été  fondée.  Enfin,  puis- 
que la  maison  de  Gamaliel  était  une  exception,  le  fait,  quel 
qu'il  soit,  a  dû  disparaître  avec  la  cause,  et  il  est  vrai  qu'on 
n'en  trouve  plus  dans  la  suite  la  moindre  trace.  Contre  ce 
texte  si  obscur  et  si  incertain,  nous  en  trouvons  un  autre, 
pai'faitcment  d'accord  avec  les  termes  sévères  dc  la  Mischna. 
«  Ben  Domah  demanda  à  son  oncle,  rabbi  Ismaël,  si,  après 
«  avoir  achevé  l'étude  de  la  loi,  il  lui  serait  permis  d'ap- 
«  prendre  la  science  grecque.  Le  docteur  lui  cita  ce  verset  : 
«  Le  livre  de  la  loi  ne  quittera  pas  ta  bouche;  tu  le  médi- 
«  teras  nuit  et  jour.  Maintenant,  ajouta-t-il,  trouve-moi  une 
«  heure  qui  n'appartienne  ni  au  jour  ni  à  la  nuit,  et  je  le 
«  permettrai  de  l'employer  à  l'étude  de  la  science  grecque  '\  » 
Mais  ce  qui  achève  de  ruiner  l'hypothèse  qui  donne  à  la  phi- 
losophie alexandrine  des  adeptes  parmi  les  docteurs  de  la  Ju- 
dée, c'est  que  tous  les  passages  précédemment  cités  (et  nous 
n'en  connaissons  pas  d'autres)  nous  autorisent  à  croire  que 
le  nom  môme  de  la  philosophie  était  inconnu  parmi  eux.  En 

\.  C'est  l'expression  même  dont  se  sert  J'Evangile.  Ad.  ap-,^,  34-49. 

'2.  Jost,  Histoire  des  Juifs,  t.  III,  p.  170  et  seq. 

o.  Trait.  Menacholh.  fo'.    90.  nS^b  N'S"  G'.i  nS   -:\SC  ""w    pilZI  Nï 


LA  KABBALE  ET  L'ÉCOLE  D'ALEXANDBIE.  211 

effet,  quel  philosophe  que  ce  vieillard  qui  conseille  à  Hyrcan 
de  faire  servir  contre  ses  ennemis  les  exigences  de  leur  culte, 
d'un  culte  qui  était  aussi  le  sien!  Ce  serait  plutôt  un  politi- 
que à  la  manière  de  Machiavel.  I^e  moyen  aussi  de  supposer 
la  philosophie  parmi  les  connaissances  qu'il  fallait  posséder 
pour  être  admis  chez  le  roi  Ilérode!  Si  nous  consultons  sur 
ce  point  le  commentateur  le  plus  ancien  et  le  plus  célèhre,  Ra- 
schijil  ne  fera  que  nous  confirmer  dans  notre  opinion  :  a  Ce 
«  que  loThalmud,  dit-il,  entend  pav  science  grecque,  neèi  pus 
ce  autre  chose  qu'une  langue  savante,  en  usage  chez  les  gens 
«  de  cour,  et  que  le  peuple  ne  saurait  comprendre  *.  »  Cette 
explication,  quoique  très  sage,  est  peut-être  un  peu  res- 
treinte ;  mais,  à  coup  sûr,  l'expression  douteuse  à  laquelle 
elle  se  rapporte  ne  peut  pas  désigner  plus  qu'une  certaine 
culture  générale,  et  plutôt  encore  une  certaine  liberté  d'es- 
prit produite  par  l'influence  des  lettres  grecques. 

Tandis  que  les  traditions  religieuses  de  la  Judée  expri- 
ment tant  de  haine  pour  toute  sagesse  venue  des  Grecs, 
voici  avec  quel  enthousiasme,  avec  quelle  adoration  et  quelle 
terreur  superstitieuses  elles  parlent  de  la  kabbale  :  «  Un  jour, 

1.  Raschi,  Glose  sur  le  r/)rt/»HMf/,  passage  cite;  1^3,  ainnc^  "îZ^n  71U?S 
13  VT2a  Dî?n  "INU?  VN1  T^TcSs-  Maïmonides,  dans  son  commentaire  sur  la 
Mischna,  s'exprime  sur  le  même  sujet  dans  les  termes  suivants  :  «  La  science 
grecque  était  un  langage  allégorique  et  détourné  du  droit  sens  comme  le  sont 
encore  aujourd'hui  les  énigmes  et  les  emblèmes.  »   mji^y^T  0.1117  D^TDin 

mrnm  nnain  iqd  mu^M  ']Mn  d^u^juj-  «  ^'ui  ^ouic,  ajoute-t-ii,  qu'il 

«  n'existât  chez  les  Grecs  un  langage  semblable,  quoique  nous  n'en  ayons  pas 
((  conservé  la  moindre  trace.  »  Cette  opinion  est  parfaitement  ridicule  et  ne 
mérite  pas  même  d'être  discutée.  Nous  en  dirons  autant  de  celle  de  Gfrœrer 
(Histoire  crilique  du  Christianisme  primitif,  t.  II,  pag.  352).  S'appuyant  sur 
les  paroles  de  Maïnionides,  le  crilique  allemand  suppose  que  la  science  grecque, 
telle  que  l'entemlent  les  Tlialniudistes,  n'usât  pas  autre  chose  que  l'interprétation 
symbolique,  appliquée  aux  Ecritures  par  les  Juifs  d'Alexandrie,  et  il  en  conclut 
que  les  idées  mystiques  de  la  Palestine  sont  empruntées  à  l'Egypte.  Mais  com- 
ment apercevoir  le  moindre  rapport  entre  cet  ordre  d'idées  et  le  conseil  qui  a 
été  donné  à  lljrcan,  ou  les  usages  pratiqués  h  la  cour  du  roi  Ilérode  ? 


212  U  KABBALE. 

«  notre  maître  '  Joclianan  bcii  Zac-liaï  se  mit  en  voyage, 
«  monté  sur  un  âne  et  suivi  de  rabbi  Éléazar  ben  Aroeb.  Alors 
«  celui-ci  le  pria  de  lui  enseigner  un  chapitre  de  la  Mercaba. 
«  Ne  vous  ai-je  pas  dit,  répondit  notre  maître,  qu'il  est  dé- 
a  fendu  d'expliquer  la  Mercaba  à  une  seule  personne,  à 
«  moins  que  sa  propre  sagesse  et  sa  propre  intelligence  ne 
ce  puissent  y  suffire.  Que  du  moins,  répliqua  Eléazar,  il  me 
«  soit  permis  de  répéter  devant  toi  ce  que  tu  m'as  appris  de 
«  cette  science.  Eh  bien,  parle,  répondit  encore  notre  maî- 
«  tre.  En  disant  cela,  il  descendit  à  terre,  se  voila  la  tête  et 
«  s'assit  sur  une  pierre,  à  l'ombre  d'un  olivier —  A  peine 
a  Éléazar,  fils  d'Aroch,  eut-il  commencé  à  parler  de  la  Mer- 
«  caba,  qu'un  feu  descendit  du  ciel,  enveloppant  tous  les 
«  arbres  de  la  campagne,  qui  semblaient  chanter  des  hym- 
«  nés,  et  du  milieu  du  feu  on  entendait  un  ange  exprimer 
«  sa  joie  en  écoutant  ces  mystères^ —  »  Deux  autres  doc- 
teurs, rabbi  Josué  et  rabbi  Jossé,  ayant  plus  tard  voulu  suivre 
l'exemple  d'Éléazar,  des  prodiges  non  moins  étonnants  vin- 
rent frapper  leurs  yeux  :  le  ciel  se  couvrit  tout  à  coup  d'épais 
nuages,  un  météore  assez  semblable  à  l'arc-cn-ciel  brilla  à 
l'horizon,  et  l'on  voyait  les  anges  accourir  pour  les  entendre 
comme  des  curieux  qui  s'assemblent  sur  le  passage  d'une 
noce  ^  Est-il  possible,  après  avoir  lu  ces  lignes,  de  suppo- 

1.  jNous  traduisons  ainsi  le  mol  ^3,1  (raban)  non  seulement  parce  que  c'est 

un  titre  supérieur  à  celui  de  rabbi  (131),  mais  aussi  parce  que  c'est  probablement 
une  abréviulion  du  mot  ij^i  qui  signifie  lilléralement  noire  maîlrc  :  rabbi 
signifie  mon  maître.  Le  premier  de  ces  deux  titres  appartient  aux  Thanaïin  et 
exprime  une  autorité  plus  générale  que  le  second. 

2.  Thaï.  Bah.,  trailéCiiagiiiga,  fol.  14. 

5.  Thalm.  Bah.,  Irailé  Chaguiga.  Ces  deux  passages  n'en  forment  qu'un 
seul,  qui  n'est  pas  fini  au  point  où  nous  nous  sommes  arrêté  :  il  faut  y  ajouter 
le  songe  raconté  par  Jochanan  ben  Zacliaï,  quand  on  vint  lui  rapporter  les  pro- 
diges opérés  par  ses  disciples  :  «  Nous  étions,  vous  et  moi,  sur  le  mont  Sinaï, 
«  quand,  du  liaut  du  ciel,  une  voix  nous  fit  entendre  ces  paroles  :  Montez  ici, 
«  montez  ici  où  de  splendides  festins  sont  préparés  pour  vous,  pour  vos  disci- 


LA  KADBALE  ET  L'ÉCOLE  D'ALEXANDRIE.  213 

ser  encore  que  la  kabbale  ne  soit  qu'un  rayon  dérobé  au  so- 
leil tic  la  philosophie  alcxandrine? 

Cependant,  nous  sommes  obligé  de  le  reconnaître,  il  existe 
entre  la  kabbale  et  le  nouveau  platonisme  d'Alexandrie  de 
telles  ressemblances,  qu'il  est  impossible  de  les  expliquer 
autrement  que  par  une  origine  commune;  et,  cette  origine, 
peut-être  serons-nous  obligé  de  la  chercher  ailleurs  que 
dans  la  Judée  et  dans  la  Grèce.  Nous  croyons  inutile  de  faire 
remarquer  que  l'école  d'Ammonius,  comme  celle  de  Simon 
ben  Jochaï,  s'était  enveloppée  de  mystère,  et  avait  résolu  de 
ne  jamais  livrer  au  public  le  secret  de  ses  doctrines  *;  qu'elle 
aussi  se  faisait  passer,  ;(u  moins  par  l'organe  de  ses  derniers 
disciples,  pour  l'héritière  d'une  antique  et  mystérieuse  tra- 
dition, nécessairement  émanée  d'une  source  divine^;  qu'elle 
possédait  au  môme  degré  la  science  et  l'habitude  des  inter- 
prétations allégoriques  ^  ;  qu'enfin  elle  plâtrait  au-dessus  de 
la  raison  les  prétendues  lumières  de  l'enthousiasme  et  de  la 
foi*;  ce  sont  là  des  prétentions  communes  à  toute  espèce  de 

«  pies  et  toutes  les  générations  qui  entendront  leurs  doctrines.  Vous  êtes  des- 
((  tinés  à  entrer  dans  la  troisième  catégorie.  »  Ne  pourrait-on  pas  voir  dans 
ces  derniers  mots  une  allusion  aux  quatre  mondes  des  kabbalistes?  Cette 
conjecture  est  d'autant  plus  fondée,  qu'au-dessus  du  troisième  degré,  appelé  le 
monde  Bcriuh,  il  n'y  a  plus  que  les  attributs  divins. 
i.  Porphyre,    Vie  de  Plolin. 

2.  Selon  Proclus,  la  pliiloso|)liie  de  Platon  a  existé  de  tout  temps  dans  la 
pensée  des  hommes  les  plus  cminents;  c'est  dans  les  mystères  qu'elle  s'est 
transmise  d'âge  en  âge  jusqu'à  Platon,  qui,  à  son  tour,  l'a  communiquée  à  ses 
disciples.  'Anaaav  p-lv  tou  IIXaToivo;  oiXooo-^îav  y,<x\  -r;v  ày/ji^  l-/.Xâ[j.'}at  voinXoj 
xarà  TTjv  twv  •/psiTrovo)'/  ocyaOocioî)  [jO'jXr,atv....  tïJç  TS  àX),r,;  àrrâarj;  f,[J.x;  [;.£:d- 
yoo;  zaTÉTTrjae  toj  HXâvtovoç  œtXoTO'Jiaç  xat  zoivfDvoù;  tîov  èv  àizopor.TO'.;  izarpà 

TWV  a'JTOCI  -GXCVjTî'pwV   [JlctctXrj-JÎ. 

3.  Il  y  a,  dit  Proclus,  trois  manières  de  parler  de  Dieu  :  l'une  mystique  ou 
divine,  èvOiaaTi/w;  ;  l'autre  dialectique,  SiaXs/.Ti/.w; ,  et  la  troisième  symbolique, 
aj;j.6oX'./.w;.  Ib.  supra,  cbap.  iv.  Cette  distinction  rappelle  les  trois  vêtemcnls 
de  la  loi  admis  par  le  Zohar. 

4.  Cette  préférence  est  exprimée  à  salii'té  dans  tous  les  ouvrages  de  Plotin 
et  de  Proclus,  mais  nous  citerons  principalonient,  dans  la  Tltculotjie  plaloni- 


214  LA  KABBALE. 

mysticisme,  et  nous  n'y  arrêterons  pas  notre  attention,  afin 
d'arriver  sans  relard  à  des  points  plus  importants.  l^Pour 
Plotin  et  ses  disciples,  comme  pour  les  adeptes  de  la  kab- 
bale, Dieu  est  avant  tout  la  cause  immanente  et  l'origine 
substantielle  des  choses.  Tout  part  de  lui,  et  tout  retourne 
en  lui  ;  il  est  le  commencement  et  la  fin  de  tout  ce  qui  est'. 
Il  est,  comme  dit  Porphyre,  partout  et  nulle  part.  Il  est  par- 
tout, car  tous  les  êtres  sont  en  lui  et  par  lui;  il  n'est  nulle 
part,  car  il  n'est  contenu  dans  aucun  être  en  particulier  ni 
dans  la  somme  des  êtres  ^  Il  est  si  loin  d'être  la  réunion  de 
toutes  les  existences  particulières,  qu'il  est  même,  dit  Plotin', 
au-dessus  de  l'être,  dans  lequel  il  ne  peut  voir  qu'une  de  ses 
manifestations.  S'il  est  supérieur  à  l'être,  il  est  également 
supérieur  à  l'intelligence,  qui,  nécessairement  émanée  de 
lui,  ne  saurait  l'atteindre.  Aussi,  quoiqu'on  l'appelle  géné- 
ralement l'unité  (tô  £v)  ou  le  premier,  serait-il  plus  juste  de 
ne  lui  doimer  aucun  nom,  car  il  n'y  en  a  pas  qui  puisse  ex- 
primer son  essence  ;  il  est  l'ineffable  et  l'inconnu  (àpp/jTô;, 
à-/v&)7roç)  \  Tel  est  absolument  le  rang  de  Y  En  Soph,  que  le 
Zoliar  appelle  toujours  l'inconnu  des  inconnus,  le  mystère 
des  mystères,  et  qu'il  place  bien  au-dessus  de  toutes  les  Se- 
phiroth,  même  de  celle  qui  représente  l'être  à  son  plus  haut 
degré  d'abstraction.  2"  Pour  les  platoniciens  d'Alexandrie, 
Dieu  ne  peut  être  conçu  que  sous  la  forme  trinitaire  :  il  y  a 
d'abord  une  trinité  générale  qui  se  compose  des  trois  termes 

cicnne  de  ce  dernier,  le  chapitre  xxv  du  livre  l",  où  la  foi  est  définie  d'une  ma- 
nière très  remarquable. 

1.  Procl.,  in  Tlicol.  Plal.,  I,  3;  II,  4;  Elément.  tlieoL,  27-54,  et  dans  les 
Comment,  sur  Platon. 

2.  navra  -à  ovia  xa\  (xt)  ovra  h.  toj  6iOj  ■/.a\  h  Qbj>,  "/.a\  où/,  aùrb;...  rh  ôvra 
Ta  T.ivzx  Yc'vriTat  oi'  aùtoy  xal  h  a-jiw,  oti  JîavTa/o-j  Èxsîvo;,  £'Tî;ya  03  «utou,  oit 
a-JTC);  oOôaaoj.  Sent,  ad  intelligib.,  chap.  xxxn. 

3.  G°  Ennéadc,  Vllf,  19.  —  Voy.  aussi  Jamblique,  de  ilijsteriis  JEyypt., 
sect.  Vlll,  chap.  n. 

4.  IVochi-',  in  Thcol.  Plat.,  liv,  II,  chap.  vi;  II,  4. 


LA  KABBALE  ET  L'ECOLE  D'ALEXANDRIE.  215 

suivants,  empruntés  à  la  langue  de  Platon  :  l'unité  ou  le  bien 
(tô  e'y,  70  âyxQw),  l'inlelligence  (vov;)  et  l'àme  du  monde 
{'\ivyh  ToO  ■Koiv'6;.  twv  oXwv)  ou  leDémiourgos*.  Mais  chacun  de 
ces  trois  fermes  donne  naissance  à  une  trinilé  particulière. 
Le  bien  ou  l'unité  dans  ses  rapports  avec  les  êtres  est  à  la  fois 
le  principe  de  tout  amour  ou  l'objet  du  désir  universel 
(è'psTov),  la  plénitude  de  la  puissance  et  de  la  jouissance 
(r/.avov)  et  enfin  la  souveraine  perfection  {zéhiov).  Comme 
possédant  la  plénitude  de  la  puissance,  Dieu  tend  à  se  ma- 
nifester hors  de  lui,  à  devenir  cause  productrice  ;  comme 
objet  de  l'amour  et  du  désir,  il  attire  à  lui  tout  ce  qui  est, 
il  devient  une  cause  finale  ;  et  comme  type  de  toute  perfec- 
tion, il  change  ces  dispositions  en  une  vertu  efficace,  source 
et  fin  de  toute  existence  ^  Cette  première  trinité  n'a  pas 
d'autre  nom  que  celui  du  bien  lui-même  (rptà?  àytxOotiâ-ô;). 
Vient  ensuite  la  trinilé  intelligible  (rptà;  vorj-n)  ou  la  sa- 
gesse divine,  au  sein  de  laquelle  se  réunissent  et  se  con- 
fondent, jusqu'à  la  plus  parfaite  identité,  l'être,  la  vérité  cl 
la  vérité  intelligible,  c'est-à-dire  la  chose  pensante,  la  chose 
pensée  et  la  pensée  elle-même  ^.  Enfin,  l'âme  du  monde  ou 
le  Démiourgos  peut  aussi  être  regardée  comme  une  trinilé 
à  laquelle  il  donne  son  nom  {cpiàç  â-riij.iovpyiyJi).  Elle  com- 
prend la  substance  même  de  l'univers  ou  la  puissance  uni- 
verselle qui  agit  dans  toute  la  nature,  le  mouvement  ou  la 
génération  des  êtres,  et  leur  retour  dans  le  sein  de  la  sub- 
stance qui  les  a  produits*.  A  ces  trois  aspects  de  la  nature, 
on  peut  en  substituer  trois  autres  que  représentent  d'une 
manière  symbolique  autant  de  divinités  de  l'Olympe  :  Jupiter 

1.  Mot.,  Ennead.,   U,  liv.  IX;   1;  Ennemi.,  III,  liv.    V,  5,    etc.   Proclus, 
Theol.  Plut.,  I,  23. 

2.  Proclus,  ouvr.  cité,  liv.  I,  chap.  xxiii. 

3.  l'Iotin,  Ennead.,  \I,  liv.  \I1I,  i(j;  Enn.,  IV,  liv.  111,  17  et  pnssim.  — 
Proclus,  Theol.  Plat.,  I,  25.  At^àov  oJv  on  Tfiaoï/.o'v  li-i  -h  Tr|;  Soxiàç  yavos 
nXjjpe;  [jilv  oùv  TO'j  ovto;  v.(x\  tt,;  ikrfiziatç,  Y£vvr,t'./.ûv  3ï  Trjç  voîf  dt;  àXr,0£iai;. 

4.  Proclus,  Tlicol.  secuml.  Plat.,  liv.  VI,  chap.  vu,  viii  et  soq. 


21 G  U  KABBALE. 

est  le  Démiourgos  universel  des  âmes  et  des  corps  \  Neptune 
a  l'empire  des  âmes,  etPluton  celui  des  corps.  Ces  trois  tri- 
nilés  particulières,  qui  se  confondent  et  se  perdent  en  quel- 
que façon  dans  une  Irinité  générale,  ne  se  distinguent  pas 
beaucoup  de  la  classification  des  attributs  divins  dans  le 
Zohar.  Piappelons-nous  en  efTet  que  toutes  les  Sephiroth  sont 
divisées  en  trois  catégories  qui  forment  également  dans  leur 
ensemble  une  trinilé  générale  et  indivisible.  Les  tiois  pre- 
mières ont  un  caractère  purement  intellectuel  ;  celles  qui 
viennent  après  ont  un  caractère  moral,  et  les  dernières  se 
rapportent  à  Dieu  considéré  dans  la  nature.  o°  Les  deux  sys- 
tèmes que  nous  comparons  entre  eux  nous  font  concevoir 
exactement  de  la  même  manière  la  génération  des  êtres  ou 
la  manifestation  des  attributs  de  Dieu  dans  l'univers.  L'in- 
telligence dans  la  doctrine  de  Plotin  et  de  Proclus  étant, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  l'essence  même  de  l'être,  l'être 
et  l'inlelligence  étant  absolument  identiques  dans  le  sein  de 
l'unité,  il  en  résulte  que  toutes  les  existences  dont  se  com- 
pose l'univers  et  tous  les  aspects  sous  lesquels  nous  pouvons 
les  considérer,  ne  sont  qu'un  développement  de  la  pensée 
absolue  ou  une  sorte  de  dialectique  créatrice,  qui,  dans  la 
sphère  infinie  où  elle  s'exerce,  produit  en  môme  temps  la 
lumière,  la  réalité  et  la  vie  ^  En  efTet,  rien  ne  se  sépare  ab- 
solument du  principe  ou  de  la  suprême  unité,  toujours  im- 
muable et  semblable  à  elle-même;  tous  les  êtres  et  toutes 
les  forces  que  nous  distinguons  dans  le  monde,  elle  les  ren- 
ferme, mais  d'une  manière  intellectuelle.  Dans  la  seconde 


^:'Kr^oo'.  xà  ij.S'ja  zf^ç  or,;jL'.o'jpY'./.î^;,  y.a\  ilxa'.'j-x  tov  il/jy  t/.ôv  S'.âzoaaov  x.uoEpvx. 
7..  T.  X.  L.  c.jliv.  \I,  chap.  xxii  et  seq. 

[jLïVOV  Ta;  Èv  aùirj  y.z\>:p\oi-  -so'J-apyo'jax;  S'jvdtaî'.ç.  L.  C,  liv.  III,  chap.  I.  — 
'E-ctJf,  yàp  àrio  -wv  vorjTwv  ~i/~x  -poE'.-j'.  Ta  ùvTa,  /.aT'  airîav  v/.tt  -âvTa  -po- 
u-.ioyv..  Liv.  Y,  chap.  xxx. 


LA  KABDALE  ET  L'ECOLE  D'ALEXANDRIE.  217 

unité  ou  dans  l'intelligence  proprement  dite,  la  pensée  se 
divise;  elle  devient  sujet,  objet  et  acte  de  la  pensée.  Enfin, 
dans  les  degrés  inférieurs,  la  multiplicité  et  le  nombre  s'éten- 
dent à  l'infini*;  mais  en  même  temps  l'essence  intelligible 
des  choses  s'affaiblit  graduellement  jusqu'à  ce  qu'elle  ne  soit 
plus  qu'une  négation  pure.  Dans  cet  étal,  elle  devient  la 
matière,  que  Porphyre  *  appelle  l'absence  de  tout  être  {ïlhi^iç 
ravror,  roî)  ovroç)  OU  un  non-être  véritable  {àl-nBivov  u:h  ov),  que 
Plotin  nous  représente  plus  poétiquement  sous  l'image  des 
ténèbres  qui  marquent  la  limite  de  notre  connaissance,  et 
auxquelles  notre  ame,en  s'y  réfléchissant,  a  donné  une  forme 
intelligible  ^  Rappelons-nous  deux  passages  remarquables 
du  Zohar,  où  la  pensée,  d'abord  confondue  avec  l'être  dans 
un  état  d'identité  parfaite,  produit  successivement  toutes  les 
créatures  et  tous  les  attributs  divins  en  prenant  d'elle-même 
une  connaissance  de  plus  en  plus  variée  et  distincte.  Les  élé- 
ments eux-mêmes,  j'entends  les  éléments  matériels  et  les 
divers  points  qu'on  dislingue  dans  l'espace,  sont  comptés 
parmi  les  choses  qu'elle  produit  éternellement  de  son  propre 
sein*.  11  ne  faut  donc  jamais  prendre  à  la  lettre,  soit  dans 
la  doctrine  hébraïque,  soit  dans  la  doctrine  alexandrine, 
toutes  les  métaphores  qui  nous  représentent  le  principe  su- 
prême des  choses  comme  un  foyer  de  lumière  dont  émanent 
élcrnellement,  sans  l'épuiser,  des  rayons  par  lesquels  se  ré- 
vèle sa  présence  sur  tous  les  points  de  l'infini.  La  lumière, 
comme  le  dit  expressément  Proclus^  n'est  pas  autre  chose 
ici  que  l'intelligence  ou  la  participation  de  l'existence  divine 

1.  'Ilaav  [Xiv  oJv  /.xi  ev  t^  "/WTjr,  (JLOvâô'.  JuvâjjLSiç,  àX/.à  vorjTw;*  x.at  Èv  xî) 
BsuTcfoc  Tipoaoooi  yx:  à-ovEVTjac'.ç,  iXkx  vosiwç  x.a't  voefôj;'  èi  Se  xpÎTT)  7:avo/,ji.o; 
6  ipiOrxô;  oAov  ixurôv  £/.ç,rjva;.  L.  c,  liv.  IV,  clinp.  xxix. 

2.  Sentent,  ad  intcllujib.,  édit.  do  Rome,  cliap.  xxd. 

3.  l'iolin,  £■««..  IV,  liv.  III,  clia]).  ix.  —  Enn.,  I,  liv.  VIII,  chap.  vu.  — 
Enn.,  II,  liv.  III,  chap.  iv. 

4.  Voy.  la  deuxième  parlie,  p.  191  cl  seq. 

5.  Tlicolog.  sccund.  Plat.,  liv.  II,  chap.  iv. 


218  LA  KABBALE. 

[oi/oh  a/lo  hxl  ri  oo)ç  ■/)  az-o-ja lot.  -r,\  Qeixç  ■j-xplsoiç).  Le  f'over 
inépuisable  dont  elle  découle  sans  interruption,  c'est  l'unité 
absolue  au  sein  de  laquelle  l'être  et  la  pensée  se  confon- 
dent •.  Il  serait  sans  utilité  de  reproduire  ici,  pour  le  compte 
de  l'école  néoplatoniqiie,  tout  ce  que  nous  avons  dit,  dans 
l'analyse  du  Zoliar^  sur  l'âme  humaine  et  son  union  avec 
Dieu  par  la  foi  et  par  l'amour.  Sur  ce  point,  tous  les  systè- 
mes mystiques  sont  nécessairement  d'accord,  car  il  peut  être 
regardé  comme  la  base,  comme  le  fond  même  du  mysti- 
cisme. Nous  terminerons  donc  ce  rapide  parallèle,  en  nous 
demandant  s'il  est  bien  possible  d'expliquer  par  l'identité 
des  facultés  humaines,  ou  les  lois  générales  de  la  pensée,  des 
ressemblances  aussi  profondes  et  aussi  continues,  dans  un 
ordre  d'idées  à  peu  près  inaccessibles  pour  la  plupart  des 
intelligences?  D'un  autre  côté,  nous  croyons  avoir  suffisam- 
ment démontré  que  les  docteurs  de  la  Palestine  ne  pouvaient 
pas  avoir  puisé  dans  la  civilisation  grecque,  objet  de  leurs 
malédictions  et  de  leurs  anathèmes,  une  science  devant  la- 
quelle l'étude  même  de  la  loi  perdait  son  inqDortancc.  Nous 
n'admettrons  pas  même  aux  honneurs  de  la  critique  la  sup- 
position que  les  philosophes  grecs  pourraient  avoir  mis  à 
profit  la  tradition  judaïque;  car  si  Numenius^  et  Longin  par- 
lent de  Moïse;  si  l'auteur,  quoiqu'il  soit,  des  Mystères  égyp- 
tiens '"  admet  dans  son  système  théologique  les  anges  et  les 
archanges,  c'est  probablement  d'après  la  version  des  Sep- 
tante, ou  par  suite  des  relations  qui  ont  existé  entre  ces  trois 
philosophes  et  les  Juifs  hellénistes  de  l'Egypte  :  il  serait  ab- 
surde d'en  conclure  qu'ils  ont  été  initiés  aux  redoutables 

1.  Ka\  r,  ojai'a  y.7.\  ô  vojç  ir.ô  toj  ^■j'aOo'j  -fioTOj;  'jzi'j-x/xi  '/U^t-xi,  /.at  -Ep\ 
xb   ayaûb/    tt/;    Gnap^'-V   £/î'.v,   7.x\    rÀrjOOjaOai    toCî   t^;    à'/.rflt'.xz  owrô;    ÈzêiOîv 

7rpoï6vTo; 7.a\  6  voj;  apa  Oeo;  O'.à  ~o  çG;  xô  vospàv  /.a'i  tb  voriTov  xô  za\  aùroj 

xoî»  vo3  rpeaêjTcoov.  L.  c,  liv,  II,  chap.  iv. 

2.  Numenius  appelle  Platon  un  Moïse  parlant  allique.  (Porphyre,  de  Anlro 
Nympliarum.) 

3.  De  SJijslo'iis  œyypt.,  sect.  II,  chap.  xi. 


LA  KABBALE  ET  L'ECOLE  D'ALEXANDRIE.  219 

mystères  de  la  Mercaba.  Il  nous  reste  par  conséquent  à  exa- 
miner s'il  n'y  a  pas  quelque  doctrine  plus  ancienne  dont 
aient  pu  sortir  à  la  fois,  sans  avoir  connaissance  l'un  de 
l'autre,  et  le  système  kabbalistique  et  le  prétendu  platonisme 
d'Alexandrie.  Or,  sans  avoir  besoin  de  quitter  la  capitale  des 
Ptolémées,  nous  trouvons  sur-le-champ,  dans  le  sein  même 
de  la  nation  juive,  un  homme  qu'on  peut  juger  très  diver- 
sement, mais  qui  reste  toujours  en  possession  d'une  écla- 
tante célébrité,  que  les  historiens  de  la  philosophie  regar- 
dent assez  généralement  comme  le  vrai  fondateur  de  l'école 
d'Alexandrie,  tandis  que  chez  quelques  critiques  et  la  plupart 
des  historiens  modernes  du  judaïsme  il  passe  pour  l'inven- 
teur du  mysticisme  hébreu.  Cet  homme,  c'est  Philon.  C'est 
donc  sur  son  système,  si  toutefois  il  en  a  un,  que  vont  por- 
ter maintenant  nos  recherches,  c'est  dans  ses  opinions  et 
ses  nombreux  écrits  que  nous  essaierons  de  découvrir  les 
premiers  vestiges  de  la  kabbale;  je  dis  seulement  de  la  kab- 
bale, car  les  rapports  de  Philon  avec  les  écoles  de  philoso- 
phie païenne  qui  furent  fondées  après  lui  se  montreront 
d'eux-mêmes  ;  et  d'ailleurs  l'origine  de  cette  philosophie,  si 
digne  qu'elle  soit  de  notre  intérêt,  ne  doit  être  pour  nous, 
dans  ce  travail,  qu'une  question  tout  à  fait  secondaire. 


CHAPITRE  III 


RAI'i-Jins    DE    LA    KABBALE    AVEC    LA    DOCTRLNE    DE    PHILON 


Sans  répéter  ici  ce  que  nous  avons  dit  précédemment  de 
l'ignorance  et  de  l'isolement  où  se  trouvaient,  les  uns  par 
rapport  aux  autres,  les  Juifs  de  la  Palestine  et  ceux  de 
l'Egypte,  nous  pourrions  ajouter  à  ces  considérations  que  le 
nom  de  Philon  n'est  jamais  prononcé  par  les  écrivains  israé- 
lites  du  moyen  âge  :  ni  Saadiali,  ni  Maimonides,  ni  leurs 
disciples  plus  récents,  ni  les  kabbalistes  modernes  ne  lui 
ont  même  consacré  un  souvenir,  et  aujourd'hui  encore  il  est 
à  peu  près  inconnu  parmi  ceux  de  ses  coreligionnaires  qui 
sont  demeurés  étrangers  aux  lettres  grecques.  Mais  nous 
n'insisterons  pas  plus  longtemps  sur  ces  faits  extérieurs, 
dont  nous  sommes  loin  de  nous  exagérer  l'importance.  C'est, 
comme  nous  l'avons  dit  à  l'instant,  dans  les  opinions  mômes 
de  notre  philosophe,  éclairées  par  les  travaux  de  la  critique 
moderne*,  que  nous  allons  chercher  la  solution  du  problème 
qui  nous  occupe. 

On  ne  trouvera  jamais  dans  les  écrits  de  Philon  quelque 

1.  Gfrœrer,  Histoire  critique  du  christianisme  primitif.  —  Daehne,  Expo- 
sition historique  de  Vécole  religieuse  des  Juifs  d'Alexandrie,  Halle,  1854.  — 
Grossmann,  Quœstiones  Philonece,  Leipzig,  1829.  —  Creuzcr,  dans  le  journal 
intitulé  Études  et  critiques  relatives  à  la  théologie,  année  1852,  1"  livraison. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILON.  221 

chose  qu'on  puisse  appeler  un  système,  mais  des  opinions 
disparates,  juxtaposées  sans  ordre,  au  gré  d'une  méthode 
éminemment  arbitraire,  je  veux  parler  de  l'interprétation 
symbolique  des  Ecritures  saintes.  Liés  entre  eux  par  un  lien 
unique,  le  désir  qu'éprouvait  l'auteur  de  montrer  dans  les 
livres  hébreux  ce  qu'il  y  a  de  plus  élevé  et  de  plus  pur  dans 
la  sagesse  des  autres  nations,  tous  les  éléments  de  ce  chaos 
peuvent  se  diviser  en  deux  grandes  classes  :  les  uns  sont 
empruntés  aux  systèmes  philosophiques  de  la  Grèce,  qui  ne 
sont  pas  inconciliables  avec  le  principe  fondamental  de  toute 
morale  et  de  toute  religion,  comme  ceux  de  Pythagore, 
d'Aristole,  do  Zenon  *,  mais  surtout  celui  de  Platon,  dont  le 
langage  aussi  bien  que  les  idées  occupent  pour  ainsi  dire 
le  premier  plan  dans  tous  les  écrits  du  philosophe  israé- 
lite  :  les  autres,  par  le  mépris  qu'ils  inspirent  pour  la  rai- 
son et  pour  la  science,  par  l'impalience  avec  laquelle  ils  pré- 
cipitent en  quelque  sorte  l'âme  humaine  dans  le  sein  de 
l'infini,  trahissent  visiblement  leur  origine  étrangère  et  ne 
peuvent  venir  que  de  l'Orient.  Ce  dualisme  dans  les  idées 
de  Philon  étant  un  fait  de  la  plus  haute  importance,  non 
seulement  dans  la  question  que  nous  avons  à  résoudre,  mais 
dans  l'histoire  de  la  philosophie  en  général,  nous  allons 
essayer  d'abord  de  le  mettre  entièrement  hors  de  doute,  au 
moins  pour  les  points  les  plus  saillants  et  les  plus  dignes  de 
notre  intérêt. 

Quand  Philon  parle  de  la  création  et  des  premiers  prin- 
cipes des  êtres,  de  Dieu  et  de  ses  rapports  avec  l'univers,  il  a 
évidemment  deux  doctrines  qu'aucun  effort  de  logique  ne 
pourra  jamais  mettre  d'accord.  L'une  est  simplement  le  dua- 
lisme de  Platon,  tel  qu'il  est  enseigné  dans  le  Timée',  l'autre 
nous  fait  penser  à  la  fois  à  Plotin  et  à  la  kabbale.  Voici  d'a- 

1.  Yoy.rarliclc  de  Crcuzcr,  Tlicologische  Sludien  und  Krilihcn,  année  1852, 
i"  liv.,  p.  18  et  seq.  —  Hitler,  article  Philon,  tome  IV  de  la  traduction  do 
M.  Tissot. 


222^  Ll  KABBALE. 

bord  la  première,  assez  singulièrement  placée  dans  la  bou- 
che de  Moïse  :  Le  législateur  des  Hébreux,  dit  notre  auteur 
dans  son  Traité  de  la  création^  reconnaissait  deux  prin- 
cipes également  nécessaires,  l'un  actif  et  l'autre  passif.  Le 
premier,  c'est  l'intelligence  suprême  et  absolue,  qui  est  au- 
dessus  de  la  vertu,  au-dessus  de  la  science,  au-dessus  du 
bien  et  du  beau  en  lui-même.  Le  second,  c'est  la  matière 
inerte  et  inanimée,  mais  dont  l'intelligence  a  su  faire  une 
œuvre  parfaite  en  lui  donnant  le  mouvement,  la  forme  et  la 
vie.  Afin  qu'on  ne  prenne  pas  ce  dernier  principe  pour  une 
pure  abstraction,  Philon  a  soin  de  nous  répéter  dans  un 
autre  de  ses  écrits  ^  cette  célèbre  maxime  de  l'antiquité 
païenne,  que  rien  ne  peut  naître  ou  s'anéantir  absolument, 
mais  que  les  mêmes  éléments  passent  d'une  forme  à  une 
autre.  Ces  éléments  sont  la  terre,  l'eau,  l'air  et  le  feu.  Dieu, 
comme  l'enseigne  aussi  le  Timée,  n'en  laissa  aucune  par- 
celle en  dehors  du  monde,  afin  que  le  monde  soit  une  œuvre 
accomplie  et  digne  du  souverain  architecte  ^  Mais  avant  de 
donner  une  forme  à  la  matière  et  l'existence  à  cet  univers 
sensible,  Dieu  avait  contemplé  dans  sa  pensée  l'univers 
intelligible  ou  les  archétypes,  les  idées  incorruptibles  des 
choses  \  La  bonté  divine,  qui  est  la  seule  cause  de  la  for- 
mation du  monde  %  nous  explique  aussi  pourquoi  il  ne  doit 

1.  De  mundi  opificio,  \,  4.  —  Nous  avons  déjà  cité  ce  passage  dans  l'intro- 
duction. 

2.  De  incorrupt.  mund.  'Q-j-ep  Iv.  to2  [j.ri  ovto;  ojSèv  yivETa;,  oùo'  ei;  -h  jj-tj 
ôv  oOstoe-ai.  'E/.  toj  yàp  o-jooi[xiî  ovroç  à;j.r[-/^avov  lax'i  -yEvÉaOai  zi,  ■/..  t.  X. 

5.  Tû.z-.ô'xzo'i  yào  f^pt/oTts  tÔ  [ji-jiarov  twv  ïp^wv  tw  jiEyîoTOi  Srju-io'jpytj», 
5tx-ÀâaacOa'..  TaXcioTaiov  o:  o-j/.  àv  r)^  tl  [jltj  TSÀeiot;  cuvenÀrjpojTO  [Aipeiw,  waTs 
l/.  Y^ç  aziar^z  -/.où  -iv7o;  uôxTo;  v.a'i  «fpo;  x.a't  n'jpb;,  [ArjOEvôç  j?w  -/.aTaXa'.aOavTo;, 
cu'/ÉaTr)  oo£  6  •/.6j;ao;.  {De  i^lanlat.  Noe,  II,  init.) 

A.  IlpoÀaSôjv  yàp  ô  Oîo;,  u-z  Oeo;,  ot'.  p-ifArjua  y.aÀôv  ojy.  à'v  -ote  ya'vo'.TO 
•/.aXoij  ôr/a  ::apxos:-);xaTo;,  /..  t.  )..  {De  mund.  opijk.) 

5.  El  yâp  T'.;  £Os).r|aîiî  -7]v  aÎTixv,  rj;  é'vsza  tcos  to  nàv  eoyjjjL'.oypYîrTO,  o'.c- 
peuvaaOai,  Soy.sT  [lOt  arj  otaaapTîr'v  toS  czozo'j,  o«[j.:voç,  o~îp  v.ai  Ttov  àpyaîwv 
£Î;:£  Ti;.  Puis  vient  la  phrase  même  de  Timée.  Ib.  supra. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PlllLON.  225 

pas  périr.  Dieu  ne  peut  pas,  sans  cesser  d'être  bon,  vouloir 
que  l'ordre,  que  l'harmonie  générale,  soient  remplacés  par  le 
chaos  ;  et  imaginer  un  monde  meilleur,  qui  doit  un  jour 
remplacer  le  nôtre,  c'est  accuser  Dieu  d'avoir  manqué  de 
bonté  envers  l'ordre  actuel  des  choses  \  D'après  ce  système, 
la  génération  des  êtres  ou  l'exercice  de  la  puissance  qui  a 
formé  l'univers  a  nécessairement  commencé  ;  il  ne  peut  pas 
non  plus  continuer  sans  fin,  car,  le  monde  une  fois  formé. 
Dieu  ne  peut  pas  le  détruire  pour  en  produire  un  autre  ;  la 
matière  ne  peut  pas  rentrer  dans  le  chaos  général.  De  plus, 
Dieu  n'est  pas  la  cause  immanente  des  êtres,  ni  une  cause 
créatrice  dans  le  sens  de  la  théologie  moderne,  il  n'est  que 
le  souverain  architecte,  le  Démiourgos,  et  tel  est  en  effet  le 
terme  dont  Philon  se  sert  habituellement,  quand  il  est  sous 
l'influence  de  la  philosophie  grecque  ^  Enfin  Dieu  n'est  pas 
seulement  au-dessus,  mais  complètement  en  dehors  de  la 

création  (6  £7i[Cccy;xwg  to)  -/.ouaqi  xat  è'^o)  Toû  ^yiuioupy/îQsvro?  wv)  ^, 

car  lui  qui  possède  la  science  et  le  bonheur  infinis  ne  peut 
pas  être  en  rapport  avec  une  substance  impure  et  sans  forme 
comme  la  matière  *. 

Eh  bien,  qu'on  essaie  maintenant  de  concilier  ces  prin- 
cipes avec  les  doctrines  suivantes  :  Dieu  ne  se  repose  jamais 
dans  ses  œuvres,  mais  sa  nature  est  de  produire  toujours, 
comme  celle  du  feu  est  de  brûler  et  celle  de  la  neige  de  ré- 
pandre le  froid  ^  Le  repos,  quand  ce  mot  s'a[)plique  à  Dieu, 
ce  n'est  pas  l'inaction,  car  la  cause  aclive  de  l'univers  ne 
peut  jamais  cesser  de  produire  les  œuvres  les  plus  belles; 


1.  Quod  mund.  sit  incornipl.,  p.  949  et  950. 

2.  TsXîtiraTOV  yào  fJvAOTTc  tÔ  [jL:YtTCOV  twv  ef-ycov  ~o)  [Liy'.i-M  orjiJL'.o'jpyo)  oia- 
TîÀaaasOa'..  {De  plantai.  Noe,  init.) 

3.  De  Posterilatc  Caini. 

4.  De  Sacrificnnlibus,  cd.  Mangcy,  t.  Il,  p.  261. 

TÔ  ^j/.î'.v,  ojto)  /.m  Oeoj  -h -OUI/.  Lcrjis  Allcvj.,  I,  éd.  Mangcy,  t.  I,  p.  4i. 


224  L\  KABBALE. 

mais  on  dit  que  Dieu  se  repose,  parce  que  son  activilé  infi- 
nie s'exerce  spontanément  (o.trx  ~o)j:h;  î-ju.y.ztiùç),  sans  dou- 
leur et  sans  fatigue  *  ;  aussi  est-il  absurde  de  prendre  à  la 
lettre  les  paroles  de  l'Ecriture,  quand  elle  nous  apprend  que 
le  monde  a  été  fait  en  six  jours.  Bien  loin  de  n'avoir  duré 
que  six  jours,  la  création  w'a  pas  commencé  dans  le  temps, 
car  le  temps  lui-même,  selon  la  doctrine  de  Platon,  a  été 
produit  avec  les  choses  et  n'est  qu'une  image  périssable  de 
l'éternité  '.  Quant  à  l'action  divine,  elle  ne  consiste  plus, 
comme  tout  à  l'heure,  à  donner  une  forme  à  la  matière 
inerte,  à  faire  sortir  du  désordre  et  des  ténèbres  tous  les  élé- 
ments qui  doivent  concourir  à  la  formation  du  monde,  elle 
devient  réellement  créatrice  et  absolue;  elle  n'esL  pas  plus 
limitée  dans  l'espace  que  dans  la  durée.  «  Dieu,  dit  expres- 
«  sèment  Philon,  en  faisant  naître  les  choses,  ne  les  a  pas 
«  seulement  rendues  visibles,  mais  il  a  produit  ce  qui  au- 
«  paravant  n'existait  pas;  il  n'est  pas  seulement  l'architecte 
«  (le  Démiourgos)  de  l'univers,  il  en  est  aussi  le  créa- 
«  leur^  »  Il  est  le  principe  de  toute  action  dans  chaque  être 
en  particulier,  aussi  bien  que  dans  l'ensemble  des  choses, 
car  à  lui  seul  appartient  l'activité  ;  le  caractère  de  tout  ce 
qui  est  engendré,  c'est  d'être  passif*.  C'est  ainsi,  probable- 
ment, que  tout  est  rempli,  que  tout  est  pénétré  de  sa  pré- 

1,  'Ava-jj/.av  Zï  où  TÇi  (i(-px;(xv  /.a/.w-  î-t'-oxi  oûa:'.  opxar/'o'.ov  tô  twv  oXojv 
atT'.ov  o'jZît.ozi  Xt/vi  toj  -O'.îÎv  Ta  xa/.Xicrra,  a/'/.k  t/;v  œ/vj  y.a/.o-xOifsv  ilî-t. 
t;oXa%  £j!iaîiia;  i-ovoTXTrjv  hnp^dx/.  Dî  Chérubin.,  p.  123. 

2.  "EurjOs;  -avj  lô  ougOa:  ??  f,ii.ïpaiç,  r^  /.stOo'Xou  '^^d/M  >coaii.ov  ^Eyo/svai.  Lcg. 
Alleg.  Ib.  supr.  OjtÔ;  o3v  (Ô  x.Ô7;a.o;)  ô  vscutcOo;  vi'.ô;  ô  a?30r)TÔç,  xivrjOa'i;,  ttjv 
ypôvoj  ojiiv  àvaÀâaiai  y.y.\  àvar/Erv  £-o:/;7:v.  Quod  Dcus  sit  immutabilis.  — 
Arjix'.ojpf ô;  Zi  /.ai  /o^/oj  Oioç.  Ib. 

3,  '0  0iô;  -à  -av-a  yîvrîîx;,  oj  [xdvov  £?;  TOj;j.a/è;  ^^ayêv,  àÀÀà  y.cii  o  r.^6- 
xapov  Oj/.  ?jV  Ir.o'.r^'ji'i ,  oj  ùt^'v.o-jt^Ô:  [jio/ov,  à'/J.k  y.a\  7.■:îz■:r^-  ajTÔ;  or/.  De  Som- 
niis,  p.  577. 

4.  0îô;  /.a\  Toî"?  a/.Xot;  a-aaiv  àf/7)  "oj  opcév  I^t'i.  —  "lo'.ov  [jlÈv  Oeoj  tÔ 
JtoiEÎv,  0  oj  6/;j.;;  l-iypâ'iaîOat  yvirr\-.oi,  To^ov  ôl  ^(Viir^-zou  tÔ  tAt/j.:!.  Legis 
Alleg.,  I;  De  Chérubin.,  t.  I,  p.  155,  éd.  Mang. 


LA  KABBALIC  ET  LA  DOCTRINE   DE  PIIILON.  225, 

sence  ;  c'est  ainsi  qu'il  ne  permet  pas  que  rien  reste  vide 
et  abandonné  de  lui-même*.  Comme  il  n'est  rien  cepen- 
dant qui  puisse  contenir  l'infini,  en  môme  temps  qu'il  est 
partout,  il  n'est  nulle  part,  et  cette  antithèse,  que  nous 
avons  déjà  trouvée  dans  la  bouche  de  Porphyre,  n'est  pas 
comprise  autrement  qu'elle  ne  l'a  été  plus  tard  par  le  dis- 
ciple de  Plotin.  Dieu  n'est  nulle  part,  car,  le  lieu  et  l'espace 
ayant  été  engendrés  avec  les  corps,  il  n'est  pas  permis  de 
dire  que  le  créateur  soit  renfermé  dans  la  créature.  Il  est 
partout,  car  par  ses  diverses  puissances  (rà;  ^uvzast;  avroïi) 
il  pénètre  à  la  fois  et  la  terre  et  l'eau,  l'air  et  le  ciel  ;  il  rem- 
plit les  moindres  parties  de  l'univers,  les  liant  toutes  les 
unes  aux  autres  par  des  liens  invisibles  ^  Ce  n'est  pas  en- 
core assez  :  Dieu  est  lui-même  le  lieu  universel  (o  twv  cXmv 
Ti^-oç),  car  c'est  lui  qui  contient  toutes  choses,  lui  qui  est 
l'abri  de  l'univers  et  sa  propre  place,  le  lieu  où  il  se  ren- 
ferme et  se  contient  lui-même  ^  Si  Malebranche,  qui  ne 
voyait  en  Dieu  que  le  lieu  des  esprits,  nous  paraît  si  près  de 
Spinosa,  que  penser  de  celui  qui  nous  représente  le  souve- 
rain être  comme  le  lieu  de  toutes  les  existences,  soit  des 
esprits,  soit  des  corps?  En  même  temps  nous  demanderons 
ce  que  devient  avec  cette  idée  le  principe  passif  de  l'uni- 
vers? Comment  concevoir  comme  un  être  réel,  comme  un 
être  nécessaire,  cette  matière  qui  n'a  par  elle-même  ni  forme 
ni  activité,  qui  a  dû  exister  avant  l'espace,  c'est-à-dire  avant 
l'étendue,  et  qui,  avec  l'espace,  est  transportée  dans  le  sein 
de  Dieu?  Aussi  Philon  est-il  conduit,  par  une  pente  irré- 


i.  nâvTa  vàp  7:î7:XrJpfjJX£v  ô  Osô;,  xai  O'.à  -âvrtov  otîXi^XuOîv,  y.tX  xc'vov  où5cV, 
ojCÈ  è'fr,;aov  àno/.sÀoinîv  EauTOJ.  Gènes.,  1.  III,  8. 

2.  De  Linguarum  confitsione,  éd.  Mangey,  t.  I,  p.  425. 

3.  AÙtÔ;  6  0:ô?  y.aXerrai  t6;îoî,  Ttji  Kepu'yeiv  (lèv  xi  oXa,  Trepisy ssOftt  S ï  upôg 
(ir,5£''ô;  ànXôJ-:,  /.a'i  zo>  xatacpuYTiv  twv  (JuaTzâvTtuv  aùtôv  sTvoc,  '/.où  IxsiSj^jtep  aùiôî 
è<3z\  ywfx  ÉxjTOj,  /.v/w^t/m;  irjTÔ;  /.où  l(j.-^£po[x3vo;  [x(iv(j)  îtjzm.  De  Somniisy 
hb.  i    '  ' 

15 


226  LA  KABBALE. 

sistible,  à  prononcer  ce  grand  mot  :  Dieu  est  tout  [eïç  /.où  tô 

Mais  comment  le  souverain  être  a-t-il  fait  sortir  de  ce 
Heu  intelligible,  qui  est  sa  propre  substance,  un  espace 
réel,  contenant  ce  monde  matériel  et  sensible?  Comment 
lui,  qui  est  tout  activité  et  tout  intelligence,  a-t-il  pu  pro- 
duire des  êtres  passifs  et  inertes?  Ici  les  souvenirs  de  la 
philosophie  grecque  sont  complètement  étouffés  par  le  lan- 
gage et  les  idées  de  l'Orient.  Dieu  est  la  lumière  la  plus 
pure,  l'archétype  et  la  source  de  toute  lumière.  11  répand 
autour  de  lui  des  rayons  sans  nombre,  tous  intelligibles,  et 
qu'aucune  créature  ne  pourrait  contempler^;  mais  son 
image  se  réfléchit  dans  sa  pensée  (dans  son  logos),  et  c'est 
uniquement  par  cette  image  que  nous  pouvons  le  compren- 
dre \  Yoilà  déjà  une  première  manifestation,  ou,  comme  on 
dit  communément,  une  première  émanation  de  la  nature 
divine;  car  Philon,  quand  ses  réminiscences  de  Platon  cè- 
dent à  une  autre  influence,  fait  du  verbe  divin  un  être  réel, 
une  personne,  ou  une  hypostase,  comme  on  disait  plus  tard 
dans  l'école  d'Alexandrie  :  tel  est  l'archange  qui  commande 
à  toutes  les  armées  célestes  \  Mais  notre  philosophe  ne  s'ar- 
rête pas  là  :  de  ce  premier  logos,  appelé  ordinairement  le 
plus  ancien  (ô  -pîGc'jzxro;),  le  fils  aîné  de  Dieu,  et  qui,  dans 
la  sphère  de  l'absolu,  représente  la  pensée  (VJyo;  ivârlBcroç), 
en  émane  un  aulre  qui  représente  la  parole  (Aoyoç  -po^opr/.o';), 
c'est-à-dire  la  puissance  créatrice,  manifestée  à  son  tour  par 

\.  Legis  Alleg.,  \.  I. 

2.  A'jtÔ;  oï  wv  apyÉru-oç  aj-f/],  [JLuoîaç  àv.-v'iot.ç,  è/.oâXXat,  (ôv  o'jo£;i.''a  IcjtIv 
ataOrjt/j,  vor,Ta\  oï  at  a~aaat.  Uap'  o  y.at  [i.ôvo;  ô  vorjTÔ;  Oîô;  aÙTxî;  y^pr\-xi,  twv 
Se  YEvÉascoç  ij[E{i.oipa[ji£vwv  cjoe'i;.  De  Chérubin.,  t.  I,  p.  156,  éd.  Mang. 

5.  KaOâ;:cp  ttjv  àvOi^Xiov  ayy/jv  œç  ^Xiov,  o:  jjlt)  ojvî^piîvo'.  xôv  f)X;ov  auTOV  lot''», 
ôpwat,  O'jTw;  x.al  ttjv  toî5  Oeou  Etxo'va,  tov  àyyeÀov  aùiou  Xiyov,  wç  aùiôv  xaïa- 
voouCTiv.  De  Somniis. 

A.  '0  -pwToyovo;  )^oyo,-,,  ô  dcyyEÀoç  rpî-jS-j-aTOç,  dtpy^âyyEXoç.  De  Confusione 
linguarum,  p.  541. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRLNE  DE  PlIILON.  227 

l'univers.  «  Quand  nous  lisons  clans  la  Genèse  qu'un  fleuve 
«  sortait  de  TEden  pour  arroser  le  jardin,  cela  signifie  que 
«  la  bonté  générique  est  une  émanation  delà  sagesse  divine, 
«  c'est-à-dire  du  verbe  de  Dieu  *.  L'auteur  de  cet  univers 
«  doit  être  appelé,  à  la  fois,  l'architecte  cl  le  père  de  son 
«  œuvre.  Nous  donnerons  le  nom  de  mère  à  la  sagesse  su- 
ce prême.  C'est  à  elle  que  Dieu  s'est  uni  d'une  manière  mys- 
«  térieuse  pour  opérer  la  génération  des  choses.;  c'est  elle 
«  qui,  fécondée  par  le  germe  divin,  a  enfanté  avec  douleur, 
«  au  terme  prescrit,  ce  (ils  unique  et  bicn-aimé  que  nous 
«  appelons  le  monde.  C'est  pour  cela  qu'un  auteur  sacré 
«  nous  montre  la  sagesse  parlant  d'elle-même  en  ces  Icr- 
«  mes  :  de  toutes  les  œuvres  de  Dieu,  c'est  moi  qui  fus  for- 
ce mée  la  première  ;  le  temps  n'existait  pas  encore  que  j'étais 
c<  déjà  là.  En  effet,  il  faut  bien  que  tout  ce  qui  a  été  engen- 
«  dré  soit  plus  jeune  que  la  mère  et  la  nourrice  de  l'uni- 
((  vers*.  »  Il  y  a  un  passage  dans  le  Timée,  où  nous  trouvons 
à  peu  près  le  même  langage,  mais  avec  cette  énorme  diffé- 
rence que  la  mère  et  la  nourrice  de  toutes  choses  est  un 
principe  tout  à  fait  séparé  de  Dieu,  la  matière  inerte  et  sans 
forme  '.  Les  fragments  que  nous  venons  de  citer  nous  rap- 
pellent bien  mieux  les  idées  et  les  expressions  habituelles 
du  Zohar.  Là  aussi  Dieu  est  appelé  la  lumière  éternelle, 
source  de  toute  vie,  de  toute  existence  et  de  toute  autre  lu- 
mière. Là  aussi  la  génération  des  choses  est  expliquée  méta- 
phori(juement  par  un  obscurcissement  graduel  des  rayons 
émanés  du  foyer  divin  et  par  l'union  de  Dieu  avec  lui-même 

1.  rioTaijL'Jç  çy^T'.v  (Mo'jaT);)  l/.-opsjïTat  1%  'Ko\ji.  tou  ttotiÇeiv  xôv  Tzapâosiaov. 
n',Ta[jLÔ;  ri  YEvi/.r)  i^TiV  àyaOoTri;-  *''^'^^  2y.::op£j;Tai  va  i-ns  xoC!  Oîoiï  co-Ji'aç-  t)  5é 
IdTiv  ô  Ocou  loyoç.  Lcg.  Alleg.,  \.  I. 

2.  Tôv  yo-jy  Tooî  tÔ  Tîav  èpyaaâuEvov  &r)u.toupYùv  ôu-oCÎ  xa\  xxzipa.  Eivat  to. 
YiycVOTO;  îÙOÙ;  èv  O'V.r)  çrîiOjjLîv  jjLriTc'pa  8a  tV  tou  r.zr.oir^y.ôiOi  È::'.(jir|[ir,-/  f, 
ouvwv  6  Oîo';,  z.  T.  X.  De  Tenmlcnlid. 

O.  Kai  3r,  /.(X'.  r.po'Zi'.y.i'jT.i  r.zir.i'.  tô  [jiÈv  0£yo|i.Jvov  [JirjTpf,  lô  o'  oOîv  7:aipt, 
tr,v  oà  (xsTa^ù  tojtwv  i^ûjtv  È/.ydvw.  Tiinœus,  eJ.  Slallbaum,  p.  212. 


528  L\  KABBALE. 

dans  ses  divers  allriJmts.  La  sagesse  suprême,  sortant  du 
sein  de  Dieu  pour  donner  la  vie  à  l'univers,  est  également 
représentée  par  le  fleuve  qui  sort  du  paradis  terrestre  ;  enfin 
les  deux  logos  nous  font  songer  à  ce  principe  kabbalistique 
que  l'univers  n'est  pas  autre  chose  que  la  parole  de  Dieu  : 
que  sa  parole  ou  sa  voix,  c'est  sa  pensée  devenue  visible,  et 
qu'enfin  sa  pensée,  c'est  lui-même.  Une  autre  image,  très 
souvent  reproduite  dans  le  principal  monument  de  la  kab- 
bale, c'est  celle  qui  nous  montre  l'univers  comme  le  man- 
teau ou  le  vêtement  de  Dieu  ;  eh  bien,  la  voici  également 
dans  ces  paroles  de  Philon  :  «  Le  souverain  être  est  envi- 
ce  ronné  d'une  éclatante  lumière  qui  l'enveloppe  comme  un 
«  riche  manteau,  et  le  verbe  le  plus  ancien  se  couvre  du 
<c  monde  comme  d'un  vêtement  '.  » 

De  cette  double  théorie  sur  la  nature  et  la  naissance  des 
choses  en  général,  résultent  aussi  deux  manières  de  parler 
de  Dieu,  quand  il  est  considéré  en  lui-même,  dans  sa  propre 
essence,  indépendamment  de  la  création.  Tantôt  il  est  la 
raison  suprême  des  choses,  la  cause  active  et  efficiente  de 
l'univers  [6  voûç,  rà  ^paarv-ptov  aiziov),  l'idée  la  plus  générale 
(tô  yeviY.omxrôy)^,  la  nature  intelligible  [vorj-h  cp-jctç).  Lui  seul 
possède  la  liberté,  la  science,  la  joie,  la  paix  et  le  bonheur, 
en  un  mot,  la  perfection  ^  Tantôt  il  est  représenté  comme 
supérieur  à  la  perfection  même  et  à  tous  les  attributs  pos- 
sibles; rien  ne  saurait  nous  en  donner  une  idée  :  ni  la  vertu, 
ni  la  science,  ni  le  beau, ni  le  bien*,  pas  même  l'unité;  car 

i.  Ae'yoj  oà  tÔ  f,yîaovi/.ôv  owtI  «ùyoî'-OîT  -îO'.Xaa-îTa'.,  w;  aÇ'.oypsoj;  svoj- 
oaaOai  Ta  {[xaTta  voptiaO^vat  •  èvouîTa'.  oï  ô  [ih  -pîioÛTaTo;  toCÎ  ovto;  Ào'yo;  w; 
îaOrj-a  xôv  7.0'afi.ov.  Dc  Pra'fugis. 

2.  Leyis  Alleg.,  II. 

3.  '0  Ocô;  /)  ijlÔvtj  IXîjOi'pa  oûî-.?.  De  Sonuiiis,  II.  —  Mdvo;  ô  Osô;  «'^euow; 
fi^'oÇz'.,  '/.où  yàp  [jLOvo;  '(r'fit'.,  y.cù  [J.OVO?  eùçoaiVcTai,  7.a\  uo'voj  tt)'/  a|i.-'ï'^  7:cpXî'|j.0u 
au[j.Çï'Çr,/.îv  £'.pi^vT,v  àyc-.v,  /..  t.  )..  De  Cheriib.,  t.  I,  p.  i54,  éd.  Mangey. 

4.  De  Mundi  opiftc,  loc.  laud.  Kpî:-Twv  fj  £-'.atr[;j.r,,  -/piiittov  f]  «pÉTï], 
y..  T.  X. 


Li  KADDALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILON.  220 

ce  que  nous  appelons  ainsi  n'est  qu'une  image  du  souverain 
être  {[j.o'jàg  [j.ev  £(Tt1v  er/.wv  ahiou  Trpojrou)  *.  Tout  ce  que  nous 
savons  de  lui,  c'est  qu'il  existe;  il  est  pour  nous  l'être  ineffa- 
ble et  sans  nom  ^  Dans  le  premier  cas,  il  est  facile  de  recon- 
naître l'influence  de  Platon,  de  la  métaphysique  d'Aristote 
et  môme  de  la  Physiologie  stoïcienne  ;  dans  le  second,  c'est 
un  ordre  d'idées  tout  différent  où  se  montre  non  moins  clai- 
rement l'unité  néoplatonique  et  VEn  Soph  de  la  kabbale,  le 
mystère  des  mystères,  l'inconnu  des  inconnus,  ce  qui  domine 
à  la  fois  les  Sephiroth  et  le  monde.  La  même  remarque 
s'applique  nécessairement  à  tout  ce  que  Philon,  par  l'elfet 
de  ses  croyances  religieuses  ou  de  ses  souvenirs  philosophi- 
ques, nous  représente  comme  un  intermédiaire  entre  les 
choses  créées  et  la  plus  pure  essence  de  Dieu,  nous  voulons 
parler  des  anges,  du  verbe  et  en  général  de  ce  que  Philon 
désigne  sous  le  nom  un  peu  vague  de  puissances  divines 
[âvvx^jLtig  Toû  6£oû).  Quand  le  dualisme  grec  est  pris  au  sé- 
rieux, quand  le  principe  intelligent  agit  immédiatement  sur 
la  matière  et  que  Dieu  est  conçu  comme  le  Démiourgos  du 
monde,  alors  le  verbe  ou  le  logos  est  la  pensée  divine,  siège 
de  toutes  les  idées  à  l'imitation  desquelles  ont  été  formés 
les  êtres.  Alors  les  forces  et  les  messagers  de  Dieu,  c'est-à- 
dire  les  anges,  à  tous  les  degrés  de  la  hiérarchie  céleste,  ne 
sont  que  les  idées  elles-mêmes.  Cette  manière  de  voir  est 
assez  nettement  exprimée  dans  les  courts  fragments  que 
nous  allons  traduire.  «  Pour  parler  sans  image,  le  monde 
«  intelligible  n'est  nulle  autre  chose  que  la  pensée  de  Dieu^ 
«  quand  il  se  préparait  à  créer  le  monde,  de  même  qu'un 
«  architecte  a  dans  sa  pensée  une  ville  idéale  avant  de  con- 
«  slruire  sur  ce  plan  la  ville  réelle.  Or,  comme  celte  ville 

1.  De  specialibus  legibus,  I.  M,  l.  Il,  p.  .ISO,  éd.  Mangey. 

2.  '0  ô'  à'pa  O'joà  T(]j  vô)  ■/.aiaXriTïtô;  oti  [i.rj  x.aTà  xô  aTvai  [jlo'vov  •  u-xpÇt;  yàp 

iariv  0  •/.aTaXaiJ.Çâvoasv  aùiou ^FiXt)  dtvsu  yafay.TÏjpo;  ^  •j-tx^';:;,  à/.aiavo[j.ai- 

To;  /.«"i  àôcr,TÔ;.  Quod  muudus  sil  immufahilis. 


230  LA  KABBALE. 

«  idéale  n'occupe  aucune  place  et  ne  forme  qu'une  image 
ce  dans  l'àme  de  l'architecte,  ainsi  le  monde  intelligible  ne 
«  peut  pas  être  ailleurs  que  dans  la  pensée  divine,  où  a  été 
«.  conçu  le  plan  de  l'univers  matériel.  Il  n'existe  pas  un  au- 
cc  tre  lieu  capable  de  recevoir  et  de  contenir,  je  ne  dis  pas 
«  toutes  les  puissances  de  l'intelligence  suprême,  mais  une 
«  seule  de  ces  puissances  sans  mélange  \  »  —  «  Ce  sont 
ce  elles  qui  ont  formé  le  monde  immatériel  et  intelligible, 
ce  archétype  du  monde  visible  et  corporeP.  »  Ailleurs'  nous 
apprenons  que  les  puissances  divines  et  les  idées  sont  une 
seule  et  même  chose  ;  que  leur  rôle  consiste  à  donner  à  cha- 
que objet  la  forme  qui  lui  convient.  C'est  à  peu  près  dans  les 
mêmes  termes  qu'on  parle  des  anges.  Ils  représentent  di- 
verses formes  particulières  de  la  raison  éternelle  ou  de  la 
vertu,  et  habitent  l'espace  divin,  c'est-à-dire  le  monde  in- 
telligible \  Le  pouvoir  dont  ils  dépendent  immédiatement  ou 
l'archange,  c'est,  comme  nous  le  savons  déjà,  le  logos  lui- 
même.  Mais  ces  natures  et  ces  rôles  sont  complètement 
changés  quand  Dieu  apparaît  à  l'esprit  de  notre  auteur 
comme  la  cause  immanente  et  le  lieu  véritable  de  tous  les 
êtres.  Dans  ce  cas,  il  ne  s'agit  plus  simplement  d'imprimer 
diverses  formes  à  une  matière  qui  n'existe  pas  par  sa  propre 
essence;  mais  toutes  les  idées,  sans  rien  perdre  de  leur  va- 

\.  El  oÉ  T'.;  ÈOcXtÎ^î'.e  y'j|jlvot£00'.;  yprjTasOa'.  ToT;  ôvojxaaiv,  ojoïv  Sv  ?T:pov 
el'jwOi  xbv  vor^-ry/  £fva'.  /.d7,aoy  5^  Oîou  Xô^o'/  ^'orj  y.oc^iOTZO'.owxoi  '  oùoï  ^àp  r]  vot^tt^ 
TtdXi;,  i'Tepôv  ~'.  etti'v  ri  b  toD  àpyiTcV.TOVO;  XoYia[xô;  fjîi^  -f,v  al-jOTjTTjv  zoAiv  -ri 
v-7)T^  zt'.Çeîv  S'.avoojiJLî'voj.  De  Mund.  opific,  t.  I,  p.  4,  éd.  Mangey. 

2.  A'.à  TO'JTwv  "wy  ûuvâaîwv  ô  aaw[j.aTo;  y.ai  voriTo;  ETrâyT)  7.d7[j.o;,  xô  toîj  oai- 
vofxf/Ou  TO'JTO'J  àpyôTU-ov,  lofa'.;  dcopaTOi;  a'j^TaOî\ç,  wanî'p  oyTO;  aojaaiiv  opa— 
xj;.  De  Lii'Hjuarum  confusione. 

3.  Ta,T;  àawfji.âxo'.;  ûuvâ|JLîa;y,  wy  £xu[JLOy  ovo|xa  aï  toia'.,  -/.aTsypT^aaTO  Trpôî 
tÔ  ve'vo;  ^/caaxoy  x/^y  àpfioxxoO'aay  Xx6îTv  [AOporJv.  De  Sacrificantihus,  t.  II, 
p    201,  éd.  Mangey. 

4.  EîocVX'.  0£  vuv  Tizo-j-^^v.':.'.,  OT'.  ô  OîTo;  "zÔt.o^  y.a\  tj  îspi  yoSoa  tzXt^ct);  (îaùj[i.a- 
To^v  Xdywy.  De  Somniis,  I,  21.  —  Aoyc  ou;  /.aXîîy  l'Oo:  à'yycXo'....  oao'.  yàp  Oîoî 
Xovot,  Tocauxa  àpE:rç  k'Ovij  xî  -/.a;  eior).  De  Posleiilale  Caini. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILOX.  231 

leur  intelligible,  deviennent  en  outre  des  réalités  substan- 
tielles, des  forces  actives  subordonnées  les  unes  aux  autres 
et  contenues  cependant  dans  une  substance,  dans  une  forcé, 
dans  une  intelligence  unique. 

C'est  ainsi  que  la  sagesse  ou  le  verbe  devient  la  première 
de  toutes  les  puissances  célestes,  un  pouvoir  distinct,  mais 
non  séparé  de  l'être  absolu*,  la  source  qui  abreuve  et  qui 
vivifie  la  terre,  l'échanson  du  Très-Haut,  qui  verse  le  nectar 
des  âmes  et  qui  est  lui-même  ce  nectar^;  le  premier-né  de 
Dieu  et  la  mère  de  tous  les  êtres  (utô;  Trpwroyovo;;)  ^;  on  l'ap- 
pelle aussi  l'homme  divin  (àVQpwTTo;  Qsoù),  car,  celte  image 
par  laquelle  l'homme  terrestre  a  été  créé  le  sixième  jour  et 
que  le  texte  sacré  appelle  l'image  de  Dieu,  ce  n'est  pas  autre 
chose  que  le  verbe  éternel*;  il  est  le  grand-prêtre  de  l'uni- 
vers [y.fjyjcpev;  roù  zotj'j.ov),  c'est-à-dire  le  conciliateur  du  fini 
et  de  l'infini.  On  pourrait  le  regarder  comme  un  second 
dieu,  sans  porter  atteinte  à  la  croyance  d'un  Dieu  unique  ^ 
C'est  de  lui  que  l'on  parle  dans  les  Ecritures  toutes  les  fois 
que  l'on  donne  à  Dieu  des  titres  et  un  nom  ;  car  le  premier 
rang  appartient  à  l'Etre  ineffable  ^  Ce  qui  achève  de  nous 
convaincre  que  toutes  ces  expressions  se  rapportent  à  une 
personnification  réelle,  c'est  que  dans  la  pensée  de  Philon 
le  verbe  s'est  quelquefois   montré  aux  hommes  sous  une 

1.  'II  cooia  TO'j  Oîou  siTiv,  fjV  àx.çav  /a\  -ooTi'iTrjv  £Tc[x:v  (xr.o  ToJv  iauTOu 
ojvâ[x£wv.  Leg.  Alleg.,  If. 

2.  KaTî'.'ji  o\  wa-sp  i-fj  Tir^-^r^i,  xf);  a09''a;,  -OTaaoij  too'-ov,  6  Oifo;  î.oyo;... 
5;Xi{pTj  TO'J  ao<p''a;  vmaTo;  tov  O:tov  Xoyov...  o'.voyoo;  xoS  0:oj  za"'.  au|x-oa;apyo;, 
où  otaospwv  Tou  -i&'jiaTO;.  De  Somniis,  II. 

").  Ajo  yâp,  ôj;  k'o'./.Tv,  hpa  Ocou,  2v  [ihi  ooî  ô  v.'jtxo;,  sv  w  /.oC.  apyicOcùî  ô 
rproTovovo;  xjtoj  OïTo;  X^'yo;.  De  Sonviiis,  I,  t.  I,  p.  G53,  éd.  Mangey. 

•4.  Ka''.  à.o/ri  y.-x\  ovol».x  0;oj  /.ai  ô  /.ax'  ît/.o'va  à'vOpojno;,  /..  x.  X.  De  Confu- 
sione  limiuarum,  t.  I,  p.  427,  éd.  cit. 

5.  Oû:o;  fk'j  r,ixw/  xwv  àxïÀôjv  av  eÎ't;  Oîo;,  z.  x.  X.  Le{/.  Alleg.,  111,  t.  I, 
p.  128,  éd.  cil. 

6.  De  Somniis,  I,  t.  I,  p.  G5G,  éd.  Mangey. 


252  LA  KABBALE. 

forme  matérielle.  C'est  lui  que  le  patriarche  Jacob  a  vu  en 
songe  ;  c'est  lui  encore  qui  a  parlé  à  Moïse  dans  le  buisson 
ardent  *.  Nous  avons  déjà  vu  comment  ce  verbe  suprême  en 
engendre  un  autre,  qui  sort  de  son  sein  par  voie  d'émana- 
tion, comme  un  fleuve  jaillit  de  sa  source.  C'est  la  bonté  ou 
la  vertu  créatrice  {âîivxij.iç  -novri-ciy.-o),  une  idée  de  Platon  trans- 
formée en  une  hvpostase.  Au-dessous  de  la  bonté  vient  se 
placer  la  puissance  royale  (v^  ^xtjÛM-h)  qui  gouverne  par  la 
justice  tous  les  êtres  créés  ^  Ces  trois  puissances,  dont  les 
-deux  dernières,  quand  elles  ne  s'exercent  que  sur  les  hom- 
mes, prennent  les  noms  de  grâce  et  de  justice  (v^  t'Xeo);  /.où  ri 
voixo-eOr/.-ri),  se  sont  autrefois  montrées  sur  la  terre  sous  la 
figure  des  trois  anges  qui  ont  visité  Abraham^. Ce  sont  elles 
qui  font  le  bien  invisible  et  l'harmonie  de  ce  monde,  comme, 
d'un  autre  côté,  elles  sont  la  gloire,  la  présence  de  Dieu, 
dont  elles  descendent  par  un  obscurcissement  graduel  de  la 
splendeur  infinie;  car  chacune  d'elles  est  à  la  fois  ombre 
et  lumière  ;  ombre  de  ce  qui  est  au-dessus,  lumière  et  vie  de 
tout  ce  qui  est  au-dessous  de  leur  propre  sphère  *.  Enfin, 
quoique  leur  action  soit  partout  présente  et  que  leurs  formes 
se  manifestent  dans  celles  de  l'univers,  il  n'est  pas  plus 
possible  d'atteindre  leur  essence  que  celle  du  premier  être. 
C'est  ce  que  Dieu  lui-même  apprend  à  Moïse,  quand  celui-ci, 
après  avoir  demandé  vainement  de  le  voir  face  à  face,  le 
supplie,  dit  Philon,  de  lui  montrer  au  moins  sa  gloire  (r/jv 
Ad;av  aÙTov),  c'est-à-dire  les  puissances  qui  environnent  son 


1.  Ib.  supra. 

2.  De  Profitgis,  t.  I,  p.  oCO,  éd.  Mang.  Al  o'  à'ÀXat  -vi-z  w;  5v  à-o-.xia'., 
iuvâ|iE'.;  d-j\  TO'j  Xc'i-ov-oç,  wv  àpysi  rj  Ttoir^Ti/r^,  •/.,  x.  À. 

3.  De  Vilâ  Abraham,  t.  II,  p.  17,  éd.  Mangey. 

A.  "0<j;:îp  yàp  ô  Oîô;  TzyLpiht'.-^^ix  T?jç  £'.-/.dvo;,  fjV  a-/.;av  vuvi  y.i/Xr/.zy,  o'^tw;  f^ 
tî/.w  àXÀwv  YÎvî-ai  -apâÎEiYax...  a/.i'a  Oeoij  Si  6  Xoyoç  a'JTOJ  l'j'iy.  Lccj.  Alleg., 
III. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILON.  253 

trône  inaccessible  {âopvfopo-j^ûcg  âvjy.p.eii)\  Quant  aux  anges, 
dans  lesquels  nous  avons  vu  tout  à  l'heure  des  idées  repré- 
sentant les  différentes  espèces  de  vertus,  ils  ne  sont  pas  seu- 
lement personnifiés  à  la  manière  des  poètes  et  des  écrivains 
bibliques,  on  les  considère  aussi  comme  des  âmes  nageant 
dans  rÉlIier,  et  venant  s'unir  quelquefois  à  celles  qui  habi- 
tent le  corps  de  l'homme*.  Ils  forment  des  substances  réelles 
et  animées  qui  communiquent  la  vie  à  tous  les  éléments,  à 
toutes  les  parties  de  la  nature.  En  voici  la  preuve  dans  le 
passage  que  nous  allons  traduire  :  «  Les  êtres  que  les  phi- 
«  losophes  des  autres  nations  désignent  sous  le  nom  de  dé- 
«  mons.  Moïse  les  appelle  des  anges.  Ce  sont  des  âmes  qui 
K  flottent  dans  l'air,  et  personne  ne  doit  regarder  leur  exis- 
«  tence  comme  une  fable;  car  il  faut  que  l'univers  soit 
«  animé  dans  toutes  ses  parties  et  que  chaque  élément  soit 
«  habité  par  des  êtres  vivants.  C'est  ainsi  que  la  terre  est 
«  peuplée  par  les  animaux,  la  mer  et  les  fleuves  par  les  ha- 
cc  bitants  de  l'eau,  le  feu  par  la  salamandre,  que  l'on  dit 
K  très  commune  en  Macédoine,  le  ciel  par  les  étoiles.  En 
ce  effet,  si  les  étoiles  n'étaient  des  âmes  pures  et  divines, 
«  nous  ne  les  verrions  pas  douées  du  mouvement  circulaire, 
«  qui  n'appartient  en  propre  qu'à  l'esprit.  Il  faut  donc  que 
a  l'air  soit  également  rempli  de  créatures  vivantes,  quoique 
ce  l'œil  ne  puisse  pas  les  voir''.  » 

C'est  surtout  quand  il  s'agit  de  l'homme  que  le  syncré- 
tisme de  Philon  se  montre  à  découvert  et  qu'on  aperçoit 
sans  peine  la  double  direction  à  laquelle  il  s'abandonne, 
malgré  sa  vive  prédilection  pour  les  idées  orientales.  Ainsi, 
non  content  de  voir  avec  Platon,  dans  les  objets  de  la  sen- 

1.  I\If,r'  ojv  i'û,  [li-i  T;'va  twv  sjj.rTiv  oj'/â;A;(o'/  /.xxk  Tr//  OJîi'av  sX-iar,;  -otI 
ojvr|a:aOai  y.xTxkixZz'.y.  De  Monarchiâ,  I,  t.  H,  p.  218,  éd.  Mangey. 

2.  De  Planlalione.  —  De  Monarchiâ,  II.  Celle  réunion  d'une  ànic  à  uno 
autre  a  élé  reconnue  des  kabba listes  sous  le  nom  de  gestation  (n^^y)- 

5.  De  Gi(juiilibus,  t.  I,  p.  2Ô5,  éd.  Mangey. 


234  LA  KABBALE. 

salion,  une  empreinte  affaiblie  des  idées  éternelles,  il  va 
jusqu'à  dire  que  sans  le  secours  des  sens  nous  ne  pourrions 
jamais  nous  élever  à  des  connaissances  supérieures;  que 
sans  le  spectacle  du  monde  matériel  nous  ne  pourrions  pas 
même  soupçonner  l'existence  du  monde  immatériel  et  invi- 
sible'; puis  il  déclare  l'influence  des  sens  tout  à  fait  perni- 
cieuse; il  commande  à  l'homme  de  rompre  avec  eux  tout 
commerce  et  de  se  réfugier  en  lui-même.  Il  établit  un  abîme 
entre  l'âme  raisonnable,  intelligente,  qui  seule  a  le  privili'ge 
de  constituer  l'homme,  et  l'âme  sensitive  à  laquelle  nos  or- 
ganes empruntent  à  la  fois  la  vie  et  la  connaissance  qui  leur 
sont  propres;  celle-ci,  comme  l'a  dit  Moïse,  réside  dans  le 
sang%  tandis  que  la  première  est  une  émanation,  un  reflet 
inséparable  de  la  nature  divine  (  àTroV-ao-aj^  où  dixipirhv, 
àny.vyocyax  ^hxç  ç-jo-soj;  ^).  Et  cependant,  ce  point  de  vue 
exalté  ne  l'empêche  pas  de  conserver  l'opinion  platoni- 
cienne qui  reconnaît  dans  l'âme  humaine  trois  éléments  :  la 
pensée,  la  volonté  et  les  passions*.  En  mille  endroits  il  in- 
siste sur  la  nécessité  de  se  préparer  à  la  sagesse  par  ce  qu'il 
appelle  les  sciences  encycliques  [èy/.vy.hoç  Traif^eia,  èyy.v/.hx 
p.a0v7y.aTa),  c'est-à-dire  les  arts  de  la  parole  et  ceux  qui  don- 
nent cette  culture  extérieure  si  chère  aux  Grecs.  Notre  es- 
prit, dit-il,  a  besoin  d'être  nourri  de  ces  connaissances 
mondaines  avant  d'aspirer  à  une  science  plus  haute,  comme 
notre  corps  a  besoin  d'être  nourri  de  lait  avant  de  suppor- 

1.  Tôv  £•/.  TOiV  toîojv  auarxOi'vTa  v.al  vorj-ôv  /.O'ju.ov  O'jz  svS'TTtv  aXXw;  zaraXa- 
êeîv  ors  [1^  £/.  TÎ;;  to'j  alaOriTOij  /.cù.  6po;i.Evou  to-jtou  [xSTavaSaaEto;,  x.  t.  À.  De 
SomJiiis,  l. 

2.  Aî[JLa  où^i'a  •ir/^;  Ètti,  0'j/^\  t^;  voscxç  v.y.\  Xo^^'.v.rii,  àXÀi  -r^^  a'.^Or-jTr/.r^ç, 
xaO'  fjv  TjfxTv  T£  /.a\  toîç  àXùyo'.;  xo'.vôv  tÔ  Çfj'v  au[xêcorj-/.sv.  Dc  Concupisccntiâf 
t.  II,  p  556,  éd.  Mangey. 

3.  Quod  dclerior  poliori  insicliari  soleat,  t.  I,  p.  208,  éd.  cit, 

4.  "Eat'.v  f,[iwv  /j  '^y/i\  Tpt;i3çr];,  v.(x\  v/b\  ppo;  xo  ah  \o^(v/.rrj ^  /..  -..  \.  Lcg. 
Alleg.,  L  —  De  Confiisione  liinjuarum.  —  De  Concupisccntiâ,  t.  II,  p.  550,, 
éd.  cit. 


LA  KABEx^E  ET  LA  DOCTRLNE  DE  PIIILON.  235 

ter  des  aliments  plus  substantiels  *.  L'homme  qui  néglige  de 
les  acquérir  doit  succomber  dans  ce  monde,  comme  Abel  a 
succombé  sous  les  coups  de  son  frère  fratricide.  Ailleurs,  il 
enseigne  tout  le  contraire  :  il  faut  mépriser  la  parole  et  les 
formes  extérieures,  comme  il  faut  mépriser  le  corps  et  les 
sens,  afin  de  ne  vivre  que  par  l'intelligence  et  dans  la  con- 
templation de  la  vérité  toute  nue.  Quand  Dieu  dit  à  Abra- 
ham :  Abandonne  ton  pays,  ta  famille  et  la  maison  de  ton 
père,  cela  signifie  que  l'homme  doit  rompre  avec  son  corps, 
avec  ses  sens  et  avec  la  parole  ;  car  le  corps  n'est  qu'une 
partie  de  la  terre  que  nous  sommes  forcés  d'habiter  ;  les 
sens  sont  les  ministres  et  les  frères  de  la  pensée  ;  enfin  la 
parole  n'est  que  l'enveloppe  et  en  quelque  sorte  la  demeure 
de  l'intelligence,  qui  est  notre  véritable  père\  La  même 
idée  est  reproduite  d'une  manière  encore  plus  expressive, 
sous  le  symbole  d'Agar  et  d'Ismaël.  Cette  servante  rebelle  et 
son  fils,  si  ignominieusement  chassés  de  la  maison  de  leur 
maître,  nous  représentent  la  science  encyclique  et  les  so- 
phismes  qu'elle  enfante.  Il  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter 
que  tout  homme  qui  aspire  à  un  rang  élevé  dans  le  monde 
des  cspiils  doit  imiter  le  patriarche  hébreu  \  Mais  au 
moins,  lorsque  l'âme  s'est  réfugiée  tout  entière  dans  l'in- 
telligence, y  trouve-t-elle  les  moyens  de  se  suffire  et  d'arri- 
ver par  elle-même  à  la  vérité  et  à  la  sagesse?  Si  Philon  avait 
répondu  à  celle  question  dans  un  sens  affirmatif,  il  n'aurait 
pas  été  au  delà  de  la  doctrine  de  Platon  ;  car,  lui  aussi,  nous 
montre  le  vrai  sage,  se  détachant  entièrement  du  corps  et 
des  sens,  et  ne  travaillant  toute  sa  vie  qu'à  apprendre  à 
mourir*;  mais  notre  philosophe  d'Alexandrie  ne  s'arrête 
pas  à  celle  limite  :   il  lui  faut,  oulre  les  connaissances  que 

1.  De  Congressu  quxrendœ  enuUlionis  (jralià. 

2.  De  Soinniis,  L  L 

5.  De  Clicrub.  —  De  Comjrcssu  quxrendœ  criidit.  gralid. 
A.  PItcdon.,  ad  init. 


256  LA  KABBALE. 

nous  empruntons  à  la  raison,  outre  les  lumières  que  donne 
la  philosophie,  des  lumières  et  des  connaissances  supé- 
rieures directement  émanées  de  Dieu  et  communiquées  à 
l'intelligence  comme  une  grâce,  comme  un  don  mystérieux. 
Quand  nous  lisons,  dit-il,  dans  l'Écriture,  que  Dieu  a  parlé 
aux  hommes,  il  ne  faut  pas  croire  que  l'air  ait  été  frappé 
d'une  voix  matérielle;  mais  c'est  l'âme  humaine  qui  a  été 
éclairée  par  la  lumière  la  plus  pure.  C'est  uniquement  sous 
cette  forme  que  la  parole  divine  peut  s'adresser  à  l'homme. 
Aussi,  quand  la  loi  a  été  promulguée  sur  le  mont  Sinaï,  ne 
dit-on  pas  que  la  voix  a  été  entendue;  mais,  selon  le  texle, 
elle  a  été  vue  de  tout  le  peuple  assemblé  :  «  Vous  avez  vu, 
dit  aussi  Jéhovah,  que  je  vous  ai  parlé  du  haut  du  ciel  \  » 
Evidemment,  puisqu'on  explique  un  miracle,  il  ne  peut  pas 
être  ici  question  d'une  connaissance  rationnelle,  ou  de  la 
seule  contemplation  des  idées,  mais  de  la  révélation,  enten- 
due à  la  manière  du  mysticisme.  Nous  attacherons  le  même 
sens  à  un  autre  passage  où  l'on  admet  la  possibilité,  pour 
l'homme,  de  saisir  Dieu  en  lui-même,  dans  une  manifesta- 
tion immédiate  (à?-'  a-j-ov  aùrôv  zaraXap.Saverv),  au  lieu  de 
remonter  à  lui  par  la  contemplation  de  ses  œuvres.  Dans  cet 
état,  ajoute  noire  auteur,  nous  embrassons  dans  un  seul 
regard  l'essence  de  Dieu,  son  Verbe  et  l'univers ^  11  recon- 
naît aussi  la  foi  (-t'or:?),  qu'il  appelle  la  reine  des  vertus 
(v^  Twy  àp£Twv|3«(7t?iç),  le  plus  parfait  de  tous  les  biens,  le  ci- 
ment qui  nous  lie  à  la  nature  divine'.  C'est  elle  que  nous 
voyons  représentée  dans  l'histoire  de  Judas,  s'unissant  à 
Thamar,  sans  écarter  le  voile  qui  couvre  sa  face,  car  c'est 
ainsi  que  la  Foi  nous  unit  à  Dieu. 

1.  Toj;  Toy  Occu  Xofou;  oi  y_pr)T[JLo\  owTb;  ppo'-ov  Ôîoju.î'vou;  [Jir]vjou'jt  •  'kiyB-za.i 
^àp  o'-'.  -a;  ô  Xaô;  Iwpa  ir,v  owvf,v,  ojy.  ^xoutriv,  x.  x.  X.  De  iligrat.  Abraham. 

2.  ...'AXX'  u-spy.pû'ia;  to  Y^vr^TOv,  sfx-jota'.v  svapY^  to3  iyvnlro-j  Xaaoxvst, 
<jj;  a-'  a'jTO'j  a-jTOv  zaTaXaaSâvîiv  /.ai  tt//  a/.i'rtv  aùroîi,  or.io  r^v  Tov  /Jr(OV  xai 
•cdvoE  tÔv  y.ow.ov.  Lcg.  Allcg.,  \.  IL 

5.  De  Miçjralione  Abraham.  —  Quis  rerum  divinarum  hœres. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRLNE  DE  PUILON.  257 

Pliilon  ne  montre  pas  moins  d'hésitation  quand  il  parle 
de  la  liberté  humaine  que  lorsqu'il  veut  nous  expliquer  la 
nature  et  l'origine  de  nos  connaissances.  Quelquefois  c'est  la 
doctrine  stoïcienne  qui  l'emporte  :  l'homme  est  libre;  les 
lois  de  la  nécessité,  qui  gouvernent  sans  exception  toutes 
les  autres  créatures,  n'existent  pas  pour  lui.  Or,  ce  libre 
arbitre  qui  est  son  privilège  lui  laisse  en  môme  temps  la 
responsabilité  de  ses  actions;  c'est  ainsi  que,  seul  parmi 
tous  les  êtres,  il  est  capable  de  vertu,  et  à  ce  titre  il  est  per- 
mis de  dire  que  Dieu,  voulant  se  manifester  dans  l'univers 
par  l'idée  du  bien,  n'a  pas  trouvé  de  temple  plus  digne  de 
lui  que  l'àme  humaine  *.  Mais  il  est  facile  de  voir  que  cette 
théorie  si  vraie  et  si  sage  est  en  contradiction  avec  certains 
principes  généraux  exposés  précédemment,  comme  l'unité 
de  substance,  la  formation  des  êtres  par  voie  d'émanation 
et  même  le  dualisme  platonique.  Aussi  notre  philosophe 
n'a-t-il  aucune  peine  à  l'abandonner  pour  le  point  de  vue 
contraire,  et  il  est  facile  de  remarquer  qu'il  s'y  trouve  plus 
à  l'aise,  qu'il  y  déploie  beaucoup  mieux  les  richesses  de  son 
style  à  demi  oriental  et  les  ressources  de  son  génie  naturel. 
Alors  il  ne  laisse  plus  rien  à  l'homme,  ni  de  son  libre  arbi- 
tre, ni  de  sa  responsabilité  morale.  Le  mal  que  nous  nous 
attribuons  comme  celui  qui  règne  en  général  dans  ce  monde 
est  le  fruit  inévitable  de  la  matière',  ou  l'œuvre  des  puis- 
sances inférieures  qui  ont  pris  part  avec  le  Logos  divin  à  la 
formation  de  l'homme.  Le  bien  au  contraire  n'appartient 
qu'à  Dieu.  En  elfet,  c'est  parce  qu'il  ne  convient  pas  au  sou- 
verain Etre  de  participer  au  mal,  qu'il  a  appelé  des  ouvriers 
subalternes  à  concourir  avec  lui  à  la  création  d'Adam;  mais 
à  lui  seul  doit  être  rapporté  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon  dans 

1.  De  Nobililale,  t.  II,  p.  437,  éd.  cit.  Nïwv  i^'.oKozizi'^TZfov  liz:  y^;  où/* 
£?»;£  XoY'.<J;i-'>!j  Y.ot'.z-ui  •  6  "cio  voCÎ;  àya^.iJLaTOOopîî  -6  ayaO^v. 

2.  De  Opific.  mund.  —  Qitis  rernm  divinarum  hœrcs.  —  De  Nominwn 
mulalione. —  De  Vild  Mos.,  III 


^38  LA  KABBALE. 

nos  actions  et  dans  nos  pensées  '.  En  conséquence  de  ce  prin- 
cipe, il  y  a  de  l'orgueil  et  de  l'impiété  à  se  regarder  comme 
l'auteur  d'une  œuvre  quelconque;  c'est  s'assimiler  à  Dieu, 
qui  seul  a  déposé  dans  nos  Ames  la  semence  du  bien,  et  seul 
aussi  a  la  vertu  de  la  féconder^;  cette  vertu,  sans  laquelle 
nous  serions  abîmés  dans  le  mal,  confondus  avec  le  néant 
ou  la  matière,  Philon  l'appelle  de  son  véritable  nom,  c'est  la 
Grâce  {h  x«pt;)-  «ï^îi  Grâce,  dit-il,  est  cette  vierge  céleste  qui 
«  sert  de  médiatrice  entre  Dieu  et  l'àme,  entre  Dieu  qui 
«  offre  et  l'âme  qui  reçoit.  Toute  la  loi  écrite  n'est  pas  au- 
«  tre  cbose  qu'un  symbole  de  la  Grâce  ".  »  A  côté  de  cette 
influence  toute  mystique,  Philon  en  reconnaît  une  autre 
qui  ne  porte  pas  une  atteinte  moins  grave  à  la  responsabi- 
lité morale  et  par  conséquent  au  libre  arbitre  :  c'est  la  ré- 
versibilité du  bien.  Le  juste  est  la  victime  expiatoire  du 
méchant  ;  c'est  à  cause  des  justes  que  Dieu  verse  sur  les 
méchants  ses  inépuisables  trésors  *.  Ce  dogme,  également 
adopté  par  les  kabbalistes  et  appliqué  par  eux  à  l'univers 
tout  entier,  n'est  au  fond  qu'une  conséquence  de  la  Grâce  : 
c'est  elle  et  elle  seule  qui  fait  le  mérite  du  juste  ;  pourquoi 
donc,  par  ce  canal,  n'arriverait-elle  pas  aussi  jusqu'au 
méchant?  Quant  au  péché  originel,  cette  autre  entrave  à  la 
liberté  humaine,  il  ne  serait  pas  impossible  d'en  trouver  la 
définition  dans  quelques  paroles  isolées  de  notre  auteur  ^  ; 

1.  De  Mund.  opific,  p.  16,  cdit.  de  Paris  de  1640.  —  De  Profwjis,  même 
édit.,  p.  460. 

2.  Leg.  Allcg.,  l.  —  De  Prof^ujis.  —  De  Cherub. —  Gfrœrer,  ouvrage  cite, 
L  I,  p.  401. 

3.  ''QaxE  ou;j.6oÀO'/  cfva-.  oiaOrlx.rjV  yap'.To;*  f,v  [i.î'ar,v  ËOr,-/.£V  ô  Ocô;  lauTOÙÎ  tî 
opc'YOVTo;  x.at  àvOpoj-ou  ),a[j.ÇâvovTo;.  'Y-i^îolr,  hï  zùiçijfjîai  tojxo  IztX,  fivi 
eTva-.  Oeoij  xa^t  'J'y/vj;  [j.£tov,  ot'.  [ir^  -rjv  -apOivov  yiy.zoi.  De  Nomintiiu  mutalione, 
p.  1052,  éd.  cit. 

4.  '0  anojôaîo;  too  çajÀou  Xjipov.  De  Sacrificiis  Ahelis  et  Caini,  p.  132, 
éd.  de  Paris. 

5.  Nous  citerons  principalement  ce  passage  :  nxvTl  ysvvr^Tô)  v.'A  h  o-ouooclov 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILON.  239 

mais  dans  un  sujet  aussi  grave  il  faut  attendre  des  preuves 
plus  explicites  et  plus  sûres.  Tout  ce  que  nous  pouvons  affir- 
mer, c'est  que  la  vie  même  était  aux  yeux  de  Philon  un  élal 
de  déchéance  et  de  contrainte;  par  conséquent,  plus  on  en- 
tre dans  la  vie,  ou  plus  on  pénètre,  soit  par  la  volonté,  soit 
par  l'intelligence,  dans  le  règne  de  la  nature,  plus  il  devait 
croire  que  l'homme  s'éloigne  de  Dieu,  se  pervertit  et  se  dé- 
grade. Ce  principe  est  à  peu  près  la  seule  base  de  la  morale 
de  Philon,  sur  laquelle  il  nous  reste  encore  à  jeter  un  coup 
d'oeil  ra])ide. 

Ici,  quoiqu'on  trouve  encore  de  loin  en  loin  quelque  con- 
tradiction, l'influence  grecque  n'est  plus  guère  que  dans  le 
langage  ;  le  fond  est  tout  oriental  et  mystique.  Par  exemple, 
quand  Philon  nous  dit  avec  Antisthène  et  Zenon  qu'il  faut 
vivre  conformément  à  la  nature  (Çv5v  6[j.oloyovy.ivbii;  7-ç  çuo-st), 
il  entend  par  la  nature  humaine,  non  seulement  la  domina- 
tion entière  de  l'esprit  sur  le  corps,  de  la  raison  sur  les  sens, 
mais  Tobservancc  de  toutes  les  lois  révélées,  telles,  sans 
doute,  qu'il  les  interprète  et  les  conçoit*.  Quand  il  admet 
avec  Platon  et  l'école  stoïcienne  ce  qu'on  a  appelé  plus  lard 
les  quatre  vertus  cardinales,  il  nous  les  représente  en  même 
temps  comme  des  vertus  inférieures  et  purement  humaines; 
il  nous  montre  au-dessus  d'elles,  comme  leur  source  com- 
mune, la  bonté  ou  l'amour,  vertu  toute  religieuse,  qui  no 
s'occupe  que  de  Dieu  dont  elle  est  l'image  et  l'émanation  la 
plus  pure.  11  la  fait  sortir  directement  de  l'Eden,  c'est-à-dire 
de  la  divine  sagesse,  oii  l'on  trouve  la  joie,  la  volupté,  les 
délices  dont  Dieu  seul  est  l'objet  \  C'est  probablement  dans 

^,  zap'  osov  r,XO:v  eîç  yava^iv,  au[j.3'j:?  tÔ  à[jLap-âvciv  I'jv'.  De  Vitâ  Mos.,  III, 
t.  JI,  p.  157,  cd.  Mangey. 

1.  Dans  ces  paroles  de  l'Écriture  :  «  Abraham  suivait  toutes  les  voies  du 
Seigneur  »,  on  trouve  cette  maxime  enseignée  par  les  plus  célèbres  philo- 
sophes, fju'il  faut  vivre  selon  la  nature,  etc.  De  Miynil.  Abraham. 

2.  Api  es  avoir  dit  que  les  quatre  vertus  ont  leur  source  dans  la  beauté,  notre 


240  LA  KABBALE. 

ce  sens  qu'à  l'imitation  de  Socrafe  il  confond  la  vertu  avec 
la  sagesse  *.  Enfin,  il  faut  se  garder  aussi  de  lui  attribuer 
la  pensée  d'Aristote,  quand  il  nous  enseigne,  d'après  les  ter- 
mes de  ce  philosophe,  que  la  vertu  peut  dériver  de  trois 
sources  :  la  science,  la  nature  et  l'exercice  ^  Aux  yeux  de 
Pliilon,  la  science  ou  la  sagesse  véritable  n'est  pas  celle  qui 
résulte  du  développement  naturel  de  notre  intelligence,  mais 
celle  que  Dieu  nous  donne  par  un  effet  de  sa  grâce.  La  na- 
ture, dans  l'opinion  du  philosophe  grec,  nous  porte  d'elle- 
même  vers  le  bien  ;  selon  Philon,  il  y  a  dans  l'homme  deux 
natures  entièrement  opposées  qui  se  combattent,  et  dont 
l'une  doit  nécessairement  succomber;  dès  lors,  toutes  deux 
sont  dans  un  état  de  violence  et  de  contrainte  qui  ne  leur 
permet  pas  de  rester  elles-mêmes.  De  là  son  troisième 
moyen  d'atteindre  à  la  perfection  morale  :  l'ascétisme  dans 
toute  son  exaltation,  substitué  à  l'empire  légitime  de  la  vo- 
lonté et  de  la  raison  sur  nos  désirs.  En  effet,  il  ne  s'agit  pas 
seulement  d'atténuer  le  mal,  de  le  circonscrire  dans  des 
limites  plus  ou  moins  restreintes,  il  faut  le  poursuivre  tant 
qu'il  en  reste  la  plus  légère  trace,  il  faut  le  détruire,  s'il  est 
possible,  dans  sa  racine  et  dans  sa  source.  Or  le  mal  dont 
nous  souffrons  dans  ce  monde  est  tout  entier  dans  nos  pas- 
sions, que  Philon  regarde  comme  absolument  étrangères  à  la 
nature  de  l'âme".  Les  passions,  pour  me  servir  de  son  lan- 
eage,  ont  leur  origine  dans  la  chair.  Il  faut  donc  humi- 
lier  et  macérer  la  chair  ;  il  faut  la  combattre  sous 
toutes  les  formes  et  à  tous  les  instants  *;  il  faut  se  rele- 

auteur  ajoute  :  Aa[i.6xvEi  [ih  ojv  là;  àoy  à?  ^  ■^Z'/iy.ri  ofiô'Trj  àr.ô  t^;  'Eoàjj.,  T?;? 
TOu  OeoC»  cO'ji'a;,  îj  yaiozi  7.a\  yiYj-:a.i  7.x\  Tfjcpa  £7:'t  r/O'/W  tw  TzaTpi  auT^;  Ozoï. 
Leg.  Alîcg.,  1. 

1.  KTr,7a;jL£vo;  oï  £-'.a-:/îar;v,   Tr;v  àp-rtov  [Σoa'.OTaTr,v  ouvê/.xxTO  y.a\  t'x;  àX/.aç 
i;îâ<îa;.  De  Nobilitate,  éd.  Mangey,  t.  II,  p.  442. 

2.  De  Migrât.  Abrah.  —  De  Somniis,  I  et  passim. 

3.  Quis  rerum  divinamm  sit. 

4.  Oj  p.£Tp;o-âO£'.av  àXXà  oyvoXoj;  à-aOî'.av  iya-wv.  Legis  Alleg.,  III. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIULON.  241 

ver  de  cet  état  de  déchéance  qu'on  nomme  la  vie  ;  il  faut, 
par  une  indifférence  absolue  pour  tous  les  biens  périssa- 
bles, reconquérir  sa  liberté  au  sein  môme  de  cette  prison 
que  nous  appelons  le  corps*.  Le  mariage  ayant  pour  but  et 
pour  résultat  de  perpétuer  cet  état  de  misère,  Philon,  sans 
le  condamner  ouvertement,  le  regarde  comme  une  humi- 
liante nécessité  dont  au  moins  les  âmes  d'élite  devraient  sa- 
voir s'affranchir*.  Tels  sont  à  peu  près  les  principaux  carac- 
tères de  la  vie  ascétique,  telle  que  Philon  l'a  comprise  et 
telle  qu'il  nous  la  montre,  plutôt  encore  qu'il  ne  l'a  vue, 
réalisée  par  la  secte  des  thérapeutes.  Mais  la  vie  ascétique 
n'est  qu'un  moyen;  son  but,  c'est-à-dire  le  but  de  la  morale 
elle-même,  le  plus  haut  degré  de  la  perfection,  du  bonheur 
et  de  l'existence,  c'est  l'union  de  l'àme  avec  Dieu  par  l'en- 
tier oubli  d'elle-même,  par  l'enthousiasme  et  par  l'amour. 
Voici  quelques  passages  que  l'on  croirait  empruntés  à  quel- 
que mystique  plus  moderne  :  «  Si  tu  veux,  ô  mon  ame,  hé- 
«  riter  des  biens  célestes,  il  ne  faudra  pas  seulement,  comme 
«  notre  premier  patriarche,  quitter  la  terre  que  tu  habites, 
«  c'est-à-dire  ton  corps;  la  famille  où  tu  es  né,  c'est-à-dire 
«  les  sens  ;  et  la  maison  de  ton  père  ou  la  parole  ;  il  faudra 
«  aussi  te  fuir  toi-même,  alin  d'être  hors  de  toi,  comme  ces 
«  corybanles  enivrés  d'un  enthousiasme  divin.  Car  là  seule- 
ce  ment  est  l'héritage  des  biens  célestes,  où  l'àme,  remplie 
«  d'enthousiasme,  n'habite  plus  en  elle-même,  mais  plonge 
«  avec  délices  dans  l'amour  divin  et  remonte  entraînée  vers 
ce  son  père".  Une  fois  l'àme  délivrée  de  toute  passion,  elle 
c<.se  répand  elle-même  comme  une  libation  pure  devant  le 
ce  Seigneur.  Car,  verser  son  âme  devant  Dieu,  rompre  les 
«  chaînes  que  nous  trouvons  dans  les  vains  soucis  de  cette 

1.  Tô  awjAX  v.y/.-.7],   oca;Ao-r|p'.ov.  De  Migrât.  Ahrah.  —  Quis  rennn  div- 
hœres  sil,  et  passim. 

2.  Quod  dcler.  poliori  i)isidiari  soleal.  —  De  Monarchià. 

3.  Quis  rerum  divin(tritm  lucres  sil. 

IG 


2i2  LA  KABBALE. 

«  vie  périssable,  c'est  sorlir  de  soi-même  pour  arriver  aux 
«  limites  de  l'univers  et  jouir  de  la  vue  céleste  de  celui  qui 
«  a  toujours  été  *.  »  Avec  de  tels  principes,  la  vie  contem- 
plative, si  elle  n'est  pas  la  seule  qu'il  soit  permis  à  l'homme 
d'embrasser,  est  placée  bien  au-dessus  de  toutes  les  vertus 
sociales,  qui  ont  pour  principe  l'amour,  et  pour  but  le 
bien-èlre  des  hommes*.  Le  culte  lui-même,  j'entends  le 
culte  extérieur,  devient  inutile  pour  la  fin  que  nous  devons 
chercher  à  atteindre.  Aussi  Philon  est-il  très  embarrassé 
sur  ce  point  :  «  Ainsi  qu'il  faut,  dit-il,  avoir  soin  de  son 
«  corps,  parce  qu'il  est  la  demeure  de  l'âme,  de  même  som- 
«  mes-nous  obligés  d'observer  les  lois  écrites;  car  pi  us  nous  y 
«  serons  fidèles ,  et  mieux  nous  comprendrons  les  choses 
«  dont  elles  sont  les  symboles.  Ajoutons  à  cela  qu'il  faut 
c<  éviter  le  blâme  et  les  accusations  de  la  multitude"'.  »  Cette 
dernière  raison  ne  ressemble  pas  mal  au  post-scriptum  de 
certaines  lettres  ;  elle  exprime  seule  la  pensée  de  notre  phi- 
losophe, et  établit  un  rapport  de  plus  entre  lui  et  les  kab- 
balistes.  En  même  temps  elle  justifie  ce  que  pensaient  les 
thalmudistes  de  leurs  coreligionnaires  initiés  aux  sciences 
grecques. 

De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  résultent  deux  con- 
séquences extrêmement  importantes  pour  l'origine  de  la 
kabbale.  La  première,  c'est  que  cette  doctrine  traditionnelle 
n'a  pas  été  puisée  dans  les  écrits  de  Philon.  En  effet,  puis- 
que tous  les  systèmes  grecs,  et  l'on  peut  dire  la  civilisation 
grecque  tout  entière,  ont  laissé  chez  ce  dernier  des  traces 
aussi  nombreuses,  aussi  intimement  mêlées  à  des  éléments 


1.  De  EbricUtte. 

'2.  De  Migrai.  Abroh.,  éd.  Mang.,  L  I,  p.  595,  415.  — Lecj.  Allerj.,  môme 
cL,  t.  I,  p.  50.  —  De  Vilâ  contcmplalivâ. 

5.    'V.ij-zr,  ou/  coj|ji.aTo;  zt.v.om  ^u'/^;  izzi't  ot/.oç  rpovorjTcOV,   ojtoj  /.ai  xwv 

f7)T0)V  vô;iwv  ï~:u.z\r^-io'j rpô;  w  y.oX  xi;  à-ô  Twv  ;:ûÀ).wv  [j.£[A'}£-.s  x-~\  xx-rj- 

Yov!a?  à-ootooâ'j-.'.ïiv.  De  Migrât.  Abrali. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILOX.  243 

d'une  autre  naUire,  pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même 
dans  les  plus  anciens  monuments  de  la  science  kabbalisli- 
que?  Or  jamais,  nous  le  répétons,  on  ne  trouvera  ni  dans  le 
Zohar,  ni  dans  le  Livre  de  (a  création,  le  moindre  vestige  de 
cette  civilisation  brillante,  transplantée  par  les  Plolémées 
sur  le  sol  de  l'Egypte.  Sans  parler  des  difficultés  extérieures, 
précédemment  signalées,  et  que  nous  maintenons  ici  dans 
toute  leur  force,  est-ce  que  Simon  ben  Jochaï  et  ses  amis,  ou 
les  auteurs  quels  qu'ils  soient  du  Zohar,  auraient  pu,  sans 
autre  guide  que  les  écrits  de  Philon,  y  démêler  ce  qui  est 
emprunté  aux  divers  philosophes  de  la  Grèce,  dont  les  noms 
sont  rarement  prononcés  par  leur  disciple  d'Alexandrie,  et 
ce  qui  appartient  à  une  autre  doctrine,  fondée  sur  l'idée  d'un 
principe  unique  et  immanent,  substance  et  forme  de  tous 
les  êtres?  Une  telle  supposition  ne  mérite  pas  d'être  discu- 
tée. D'ailleurs,  ce  que  nous  avons  appelé  la  partie  orientale 
du  syncrétisme  de  Philon  est  loin  de  s'accorder,  sur  tous  les 
points  importants,  avec  le  mysticisme  enseigné  par  les  doc- 
teurs de  la  Palestine.  Ainsi,  Philon  ne  reconnaît  en  tout  que 
cinq  puissances  divines,  ou  cinq  attributs;  les  kabbalistes 
admettent  dix  Sephirolh.  Philon,  même  quand  il  expose 
avec  enthousiasme  la  doctrine  de  l'émanation  et  de  l'unité 
absolue,  conserve  toujours  un  certai:n  dualisme,  celui  de 
l'Etre  et  des  puissances,  ou  de  la  substance  et  des  attributs, 
entre  lesquels  il  nous  montre  un  abîme  infranchissable. 
Les  kabbalistes  considèrent  les  Sephiroth  comme  des  limites 
diverses  dans  lesquelles  le  principe  absolu  des  choses  se 
circonscrit  lui-même,  ou  comme  des  vases,  pour  me  servir 
de  leur  propre  langage.  La  substance  divine,  ajoutent-ils, 
n'aurait  qu'à  se  retirer,  et  ces  vaso.s  seraient  rompus  et  des- 
séchés, llappelons-nous  aussi  qu'ils  enseignent  expressé- 
ment l'identité  de  l'Etre  et  de  la  pensée.  Philon,  toujours 
dominé  à  son  insu  par  cette  idée  de  Platon  et  d'Anaxagore 
que  la  matière  est  un  principe  distinct  de  Dieu  et  éternel 


244  LA  KADBALE. 

comme  lui,  se  trouve  naturellemeiu  conduit  à  considérer  la 
vie  comme  un  état  de  déchéance  et  le  corps  comme  une  pri- 
son :  de  là  aussi  son  mépris  pour  le  mariage,  qu'il  regar- 
dait seulement  comme  une  satisfaction  donnée  à  la  chair. 
Tout  en  admettant  avec  l'Écriture  que  l'homme,  dans  les 
premiers  jours  de  la  création,  quand  il  n'avait  pas  cédé  en- 
core aux  voluptés  des  sens,  était  plus  heureux  qu'aujour- 
d'hui, les  kabbalistes  regardent  cependant  la  vie  en  général 
comme  une  épreuve  nécessaire,  comme  le  moyen  par  lequel 
des  êtres  finis,  tels  que  nous,  peuvent  s'élever  jusqu'à  Dieu 
et  se  confondre  avec  lui  dans  un  amour  sans  bornes.  Quant 
au  mariage,  il  n'est  pas  seulement  pour  eux  le  symbole, 
mais  le  commencement,  la  condition  première  de  celte  union 
mystérieuse;  ils  le  transportent  dans  l'âme  et  dans  le  ciel; 
il  est  la  fusion  de  deux  âmes  humaines  qui  se  complètent 
l'une  par  l'autre.  Enfin,  le  système  d'interprétation  appli- 
qué par  Philon  aux  livres  saints,  quoique  le  même,  pour  le 
fond,  que  celui  des  kabbalistes,  ne  peut  cependant  pas  avoir 
servi  d'exemple  à  ces  derniers.  Sans  doute  Philon  n'ignorait 
pas  absolument  la  langue  de  ses  pères,  mais  il  est  facile  de 
prouver  qu'il  n'avait  sous  les  yeux  que  la  version  des  Sep- 
tante, dont  se  servaient  d'ailleurs  tous  les  Juifs  d'Alexandrie. 
C'est  généralement  sur  les  termes  de  celte  traduction  et  des 
étymologies  purement  grecques  que  se  fondent  ses  interpré- 
tations mystiques  ^  Dès  lors  que  deviennent  ces  ingénieux 
procédés  employés  dans  le  Zohar  et  dont  la  puissance  est 
tout  à  fait  anéantie  quand  ils  cessent  de  s'appliquer  à  la 


1.  En  voiji  quelques  exemples  :  dans  ces  mots  qui  s'adressent  au  serpent 
dont  la  femme  doit  écraser  la  tète,  aùxôç  aoy  -cTjp/jas'.  xeoaXT^v,  il  trouve,  avec 
raison,  une  faute  grammaticale;  mais  celte  faute  n'existe  pas  dans  le  texte 
hébreu.  {Leg.  Alleg.,  111.)  11  fait  dériver  du  grec  odo^rsOcu  le  mot  Phison,  le 
nom  d'un  des  quatre  fleuves  qui  sortent  du  Paradis  tenestre.  Le  mot  Evitât 
vient  de  eu  et  de  i'Àwç.  II  lui  importe  peu  que  le  nom  de  Dieu,  Qiôc,  soit  pré- 
cédé ou  non  de  l'article  6,  etc.  Voy.  Gfr'trer,  oiiv.  cit.,  t.  I,  p.  50. 


L\  KADDALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILON.  245 

langue  sacrée  '  ?  Du  reste,  nous  l'avouons,  celte  différence 
dans  la  forme  n'aurait  pas  à  nos  yeux  une  très  grande  im- 
portance, si  Philon  et  les  kabbalistes  s'accordaient  toujours 
dans  le  choix  des  textes,  des  passages  de  l'Ecriture  qu'ils 
donnent  pour  base  à  leur  système  philosophique,  ou  bien  si, 
abstraction  faite  du  langage,  les  mômes  symboles  éveillaient 
en  eux  les  mêmes  idées.  Mais  cela  n'arrive  jamais.  Ainsi  la 
personnilication  des  sens  dans  la  femme,  dans  Eve,  notre 
première  mère,  de  la  volupté  dans  le  serpent  qui  a  conseillé 
le  mal,  de  l'égoïsme  dans  Caïn,  que  l'homme  a  engendré 
en  s'unissant  à  Eve,  c'est-à-dire  aux  sens,  après  avoir 
écouté  le  serpent:  Abel,  type  de  l'esprit  qui  méprise  entiè- 
rement le  corps  et  succombe  par  son  ignorance  des  choses 
de  ce  monde  ;  Abraham,  type  de  la  science  divine  ;  Agar,  de 
la  science  mondaine;  Sarah,  de  la  vertu  ;  la  nature  primi- 
tive de  l'homme  renaissant  dans  Isaac,  la  vertu  ascétique 
représentée  dans  Jacob,  et  la  foi  dans  Tiiamar,  toutes  ces 
riches  et  ingénieuses  allégories  qui,  selon  nous,  sont  la 
seule  propriété  du  pbilosophe  d'xVlexandrie,  n'ont  pas  laissé 
le  plus  faible  vestige,  soit  dans  le  Zohar,  soit  dans  le  Livre 
de  la  création.  Pour  toutes  ces  raisons,  nous  croyons  avoir 
le  droit  de  dire  que  les  écrits  de  Philon  n'ont  exercé  aucune 
influence  sur  la  kabbale. 

Nous  arrivons  maintenant  à  la  seconde  conséquence  que 
l'on  peut  tirer  de  ces  écrits  et  du  caractère  de  leur  auteur- 
Nous  avons  vu  avec  quelle  absence  de  discernement,  avec 
(piel  oubli  de  la  saine  logique,  Philon  a  pour  ainsi  dire  mis 
au  pillage  la  philosophie  grecque  tout  entière  ;  poui-quoi  lui 
supposerions-nous  plus  d'invention,  plus  de  sagacité  et  de 
profondeur  dans  cette  partie  de  ses  opinions  qui  nous  rap- 

1.  Comment,  par  exemple,  la  subslancc  abslraile  aurait-elle  pu  être  appelée 
le  non-être  (^ij^)  sans  ce  texte  hébreu,  xïm  ]\sa  nn^îl'  0"e  deviendraient 
les  noms  dos  trois  premières  Sephiroth?  Comment  l'imité  de  Dieu  et  du  monde 
rcsullcrail-elle  de  ces  trois  mots,  s'ils  étaient  traduits,  ;-\^^  ^^2  ^D'' 


24G  LA  KABBALE. 

pelle  au  moins  les  principes  dominants  du  système  kaLba- 
listiqne?  Ne  serait-il  pas  juste  de  penser  qu'il  l'a  trouvée 
toute  faite  dans  certaines  traditions  conservées  parmi  ses 
coreligionnaires,  et  qu'il  n'a  fait  que  la  parer  des  brillantes 
couleurs  de  son  imagination  ?  Dans  ce  cas,  ces  traditions 
seraient  bien  anciennes,  car  elles  auraient  été  apportées  de 
de  la  Terre-Sainte  en  Egypte  avant  que  tout  commerce  reli- 
gieux eût  cessé  entre  les  deux  pays;  avant  que  les  souvenii's 
de  Jérusalem  et  la  langue  de  leurs  pères  fussent  complè- 
tement éteints  parmi  les  Juifs  d'Alexandrie.  Mais  nous  ne 
sommes  heureusement  pas  obligés  de  nous  en  tenir  aux  con- 
jectures; il  y  a  des  faits  qui  nous  prouvent  jusqu'à  l'évi- 
dence que  plusieurs  des  idées  dont  nous  parlons  étaient 
connues  plus  d'un  siècle  avant  l'ère  chrétienne.  D'abord, 
Philon  lui-même,  comme  nous  l'avons  dit  précédemment, 
nous  assure  avoir  puisé  à  une  tradition  orale,  conservée  par 
les  anciens  de  son  peuple  '  ;  il  attribue  à  la  secte  des  théra- 
peutes les  livres  mystiques  d'une  antiquité  très  reculée  *  et 
l'usage  des  interprétations  allégoriques,  appliqué  sans  excep- 
tion et  sans  limite  à  toutes  les  parties  de  l'Écriture  sainte, 
«  La  loi  tout  entière,  dit-il,  est  à  leurs  yeux  comme  un  être 
«  vivant  dont  le  corps  est  représenté  par  la  lettre,  et  l'âme 
«  par  un  sens  plus  profond.  C'est  dans  ce  dernier  que  l'âme 
«  raisonnable  aperçoit  à  travers  les  mots,  comme  à  travers  un 
«  miroir,  les  merveilles  les  plus  cachées  et  les  plus  extraordi- 
«  naires^.»  Rappelons-nous  que  la  même  comparaison  est  em- 
ployée dans  le  Zohar,  avec  cette  différence,  qu'au-dessous  du 


i.  De  Vilâ  Mosis,  I;  éd.  Mang.,  liv.  II,  pag.  81. 

2.  De  Yitâ  contemplativâ. 

3.  'A-3taa  yào  f,  vojjLoO^-ji'a  oo)t:T  toÎ;  àvooaai  tojto'.;  lov/.itz'.  to'jw*  y.7.\  aôSax 

vojv,  £v  fij  ^ç?xTo  fj  Xoyr/.rj  ^-j/rt  StasEpov-tos  "cà  oizsTa  Oetopeîv,  tlja;;£p  o'.à  y.aT- 
o'nTpou  twv  Ôvo;astojv,  IÇai^ta  y.iXXri  vor,;jLâ-'aJV  £;jLÇ£p(5;x£ya  xaTiooijsa.  De  Vilâ 
conlonpkdiiâ,  t.  II,  p.  475,  eJ.  Mang. 


Li  KABBALE  ET  Ik  DOCTRINE  DE  PIIILON.  247 

corps  est  le  vôtement  de  la  loi  par  lequel  on  désigne  les  faits 
matériels  de  la  Bible  :  au-dessus  de  l'àme  est  une  âme  plus 
sainte,  c'est-à-dire  le  Verbe  divin,  source  de  toute  inspira- 
lion  et  de  toute  vérité.  Mais  nous  avons  d'autres  témoignages 
bien  plus  anciens  et  plus  sûrs  que  celui  de  Philon.  ^'ous 
commencerons  par  le  plus  important  de  tous,  la  fameuse 
version  des  Septante. 

Déjà  le  Tlmlmud  avait  une  vague  connaissance*  dos  nom- 
breuses infidélités  de  cette  antique  traduction,  pour  laquelle 
cependant  il  exprime  la  vénération  la  plus  profonde.  La  cri- 
tique moderne  a  démontré  jusqu'à  l'évidence  qu'elle  a  été 
faite  au  profit  d'un  système  éminemment  hostile  à  l'anthro- 
pomorphisme biblique,  et  où  l'on  trouve  en  germe  le  mys- 
ticisme de  Philon  *.  Ainsi,  quand  le  texte  sacré  dit  positive- 
ment' que  Moïse,  son  frère  et  les  soixante  et  dix  vieilhirds 
virent  le  Dieu  d'Israël  sur  un  trône  de  saphir  :  selon  la  tra- 
duction, ce  n'est  pas  Dieu  qui  a  été  aperçu,  mais  le  lieu 
qu'il  habite \  Quand  un  autre  prophète,  Isaïc,  voit  le  Sei- 
gneur assis  sur  son  trône  et  remplissant  le  temple  avec  les 
plis  de  sa  robe  \  cette  image  trop  matérielle  est  remplacée 
par  la  gloire  de  Dieu,  la  Schechinah  des  Hébreux  \  Ce  n'est 
pas  en  réalité  que  Jt3hovah  parle  à  Moïse  face  à  face,  mais 
seulement  dans  une  vision;  et  il  est  probable  que  cette  vision, 
dans  la  pensée  du  traducteur,  était  purement  intellectuelle^ 
Jusqu'ici  nous  ne  voyons  encoreque  la  destruction  de  l'anthro- 
pomorphisme et  le  désir  de  dégager   l'idée  de    Dieu  des 

1.  Tlialm.  Babtjl.,  traité  Meguillah,  fol.  9,  chap.  i. 

2.  Voir,  pour  les  documenis  nécessaires,  Gfrœrcr,  Christianisme  primitif, 
t.  Il,  p.  4-18,  et  Daehne,  Exposition  liistoriqua  de  la  pliilosopliic  religieuse 
chez  les  Juifs  d'Alexandrie,  t.  Il,  p.  1-72. 

5.  Exode,  chap.  xxiv,  v.  9  et  10. 

4.  Ka\  sToov  xôv  Tonov  o3  eh-J/.n  ô  Osô?  toj   'lapT^X. 

5.  Isaïe,  chap.  vi,  v.  1. 

G.   Ka\  -/.ij  j/;;  6  oTxoç  ttj;  SoÇ^?  ayroi'. 

7.  Xto'jxx  7.7.'%  i-'j'j.a.  Xa^z-TO)  otCxiT)  Iv  sloci.  I\'ombrcs,  chap.  xii,  y.  8. 


248  LA  KABBALE. 

images  quelquefois  sublimes  qui  l'éloignent  de  l'intelli- 
genec.  Mais  voici  des  choses  plus  dignes  de  notre  intérêt  : 
au  lieu  du  Seigneur  Sabaoth,  du  Dieu  des  armées  que  la 
Bible  nous  représente  comme  un  autre  Mars,  excitant 
la  fureur  de  la  guerre  et  marchant  lui-même  au  combat', 
nous  trouvons  dans  la  traduction  grecque,  non  pas  le  Dieu 
suprême,  mais  les  puissances  dont  Philon  parle  tant  dans 
ses  écrits,  et  le  Seigneur,  Dieu  des  puissances  [-/.ûpio;  6  Biog 
Tcôv  cJuvaascov).  S'agit-il  d'une  comparaison  où  ligure  la  rosée 
née  du  sein  de  l'Aurore*,  l'interprète  anonyme  y  substitue 
cet  être  mystérieux  que  Dieu  a  engendré  de  son  sein  avant 
l'étoile  du  jour  %  c'est-à-dire  le  Logos,  la  lumière  divine 
qui  a  précédé  le  monde  et  les  étoiles.  Lorsqu'il  s'agit  d'Adam 
et  d'Eve,  il  se  garderait  bien  de  dire,  avec  le  texte,  que  Dieu 
les  créa  mâle  et  femelle*;  mais  ce  double  caractère,  ces 
deux  moitiés  de  l'humanité  sont  réunies  dans  un  seul  et 
même  être,  qui  est  évidemment  l'homme  prototype  ou 
VÂdam  Kadmon  ^  On  trouvera  aussi  dans  ce  curieux  monu- 
ment, qui  n'intéresse  pas  moins  le  philosophe  que  le  théo- 
logien, des  traces  non  équivoques  de  la  théorie  des  nom- 
bres et  des  idées.  Par  exemple,  Dieu  n'est  pas,  dans  le  sens 
ordinaire  du  mot,  le  créateur  du  ciel  et  de  la  terre;  il  les  a 
seulement  rendus  visibles,  d'invisibles  qu'ils  étaient  ^  «  Oui 
«  a  créé  toutes  ces  choses?  »  demande  le  prophète  hébreu''; 

1-  HNJp  T3?i  manha  U\S'^  Nïi  -nnw  "•  l&aie,  chap.  xLii,  V.  15. 

2-  ^mSi  ViD  "S  '\~Xjy2  DnlD-  Psaumes,  chap.  cx,v.  3. 
3.    'Ez  yaTTiô;  -pô  Éwaao'pou  lycvv/jaa  al. 

^-  Di-IN  X-ia  napjT  137-  Gen.,  J,  v.  27. 

5.  "Aprsv  y.a\  OJiÀu  £-o-V,'j:v  ;.ûtÔv. 

6.  O'JTo;  ô  OeÔ;  6  y.axaoîi'Çaç  vr\')  yrjv  xî'A  TZOïVjTa;  aÙTTjV  aùib;  otojp'.iîv  aùir/^. 
h.,  chap.  xLv,  V.  18.  11  faut  ajouter  à  ce  passage  les  deux  mots  suivants,  àooa- 
To;  -/.al  oLY.T.-za.T/.v'jy.i-Q-,  qu'on  a  remarques  depuis  longtemps  dans  le  deusièmu 
verset  de  la  Genèse. 

'i-   "Sx  N12  la-  Is.,  chap.  40,  v.  26,  t;;  /.x-Ar-vJ-i  taD'Ta  -âvia. 


LA  KADDALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILON.  24» 

«  qui  les  a  rendues  visibles?  »  dit  l'interprète  alexandrin. 
Quand  le  même  prophète  nous  représente  le  maître  du  monde 
commandant  aux  étoiles  comme  à  une  nombreuse  armée*, 
son  interprète  lui  fait  dire  que  Dieu  a  produit  l'univers  d'a- 
près les  nombres  ^  Si  dans  ces  divers  passages  il  est  facile 
de  trouver  une  allusion  aux  doctrines  de  Platon  et  de  Pytha- 
gore,  n'oublions  pas  que  la  théorie  des  nombres  est  aussi 
enseignée,  quoique  sous  une  forme  grossière,  dans  le  Se- 
'pher  ieizirah,  et  que  celle  des  idées  est  absolument  insé- 
parable de  la  métaphysique  du  Zohar.  Nous  ajouterons  à 
cela  qu'il  y  a  dans  le  premier  de  ces  deux  monuments  une 
application  du  principe  pythagoricien  littéralement  repro- 
duite dans  les  écrits  de  Philon,  que  l'on  chercherait  en 
vain  dans  quelque  autre  philosophe  ayant  écrit  en  grec  : 
c'est  à  cause  et  par  l'influence  du  nombre  sept  que 
nous  avons  sept  organes  principaux ,  qui  sont  les  cinq 
sens,  l'organe  de  la  voix  et  celui  de  la  génération  ;  c'est 
par  la  même  raison  qu'il  y  a  sept  portes  de  l'àmc,  à  savoir, 
ies  doux  yeux,  les  deux  oreilles,  les  deux  narines  et  la  bou- 
che ".Nous  trouvons  également  dans  la  version  des  Septante 
une  autre  tradition  kabbalistique  dont  plus  tard  le  gnosti- 
cisme  s'est  emparé.  Quand  le  texte  dit  que  le  Très-Haut 
marqua  les  limites  des  nations  d'après  le  nombre  des 
enfants  d'Israël,  nous  lisons  dans  la  traduction  d'A- 
lexandrie que  les  peuples  furent  divisés  d'après  le  nom- 
bre des  anges  du  Seigneur  *.  Or  cette  interprétation  si 
arbitraire   et  si  bizarre  en  apparence  devient  très  intel- 


^-  DS32f  "120)22  N^yiCn-  ^^-  sîipr.  Voir  In  traduclion  de  Sacy. 

2.  '0  lz-j:'piijv  xaT   ap'.OtAÔv  tov  z'iajj.ov  aCroy. 

3.  T^;  r)ti£Tc'paç  i^u/î];  oi/jx  toû  r,Y£[JLOv./.o'j  [Xîpoç  érrrr/rj  <z-/jX,t-%'.,  -pb;  r.vm 
aiaOr|a£'.i;  /.a't  -6  oo)vr,Tr|piov  ooyavov  xa\  ItÀ  r.à's:  To  y^V'.ixov,  /..  T.  X.  De  Mund. 
opific,  p.  27,  éd.  de  Paris. 

^-  Sxiï/"'  ^:2  ''Er:')^^  DTy  rhlZ,  aï^  Dcul.c\\;\\^.  XXXII,  V.  8.  --  k'<jTr,a£v 
opta  êOvwv  ■/.■x-hi  àpiOjAÔv  à.^^^i\'ù^i  Osoj. 


250  L\  KABDALE. 

ligible  par  un  passage  du  Zohar,  où  nous  apprenons  qu'il 
y  a  sur  la  terre  soixante  et  dix  nations;  que  chacune 
de  ces  nations  est  placée  sous  le  pouvoir  d'un  ange  qu'elle 
reconnaît  pour  son  Dieu,  et  qui  est,  pour  ainsi  dire,  la 
personnification  de  son  propre  génie.  Les  enfants  d'Israël 
ont  seuls  le  privilège  de  n'avoir  au-dessus  d'eux  que  le 
Dieu  véritable  qui  les  a  choisis  pour  son  peuple*.  Nous  ren- 
controns la  mémo  tradition  chez  un  auteur  sacré  non  moins 
ancien  que  la  version  des  Septante  ^  Sans  doute,  la  philo- 
sophie grecque,  si  florissante  dans  la  capitale  des  Ptoléinécs, 
a  exercé  une  grande  influence  sur  cette  traduction  célèbre, 
mais  il  s'y  trouve  aussi  des  idées  évidemment  puisées  à  une 
autre  source,  et  qui  ne  peuvent  pas  même  être  nées  sur  le 
sol  de  l'Egypte.  En  effet,  s'il  en  était  autrement,  si  tous  les 
éléments  que  nous  venons  de  signaler  comme  l'inlerpréla- 
tion  allégorique  des  monuments  religieux,  la  personnifica- 
tion du  Verbe  et  son  identité  avec  le  lieu  absolu,  étaient  le 
résultat  du  mouvement  général  des  esprits  à  cette  époque  et 
dans  le  pays  dont  nous  venons  de  parler,  comprendrait-on 
comment,  depuis  les  derniers  auteurs  de  la  version  des  Sep- 
tante jusqu'à  Philon,  c'est-à-dire  pendant  un  espace  de 
deux  siècles,  il  n'en  paraît  pas  la  moindre  trace  dans  l'his- 
toire de  la  philosophie  grecque  ^?  Mais  voici  un  autre  mo- 
nument à  peu  près  contemporain,  où  nous  trouvons  le  mèrne 
esprit  sous  une  forme  encore  plus  précise,  et  dont  l'origine 


^  •  '{■'im  ]Ty  y'jiv)  Sy  ^nai  ]:î2S  ^"""nw*  iirN  'jibx  oiSiian  D'':'':nn 

D1:T  xy-lX  h'J  IU'O-hxD  mcS  inSo  lN''-'2ni>{  -p-  Zohar,  l"  part.,  fol.  40, 
verso. 

2.  'EzciTTO}  eOvEi  7.'x~i<r:r,'jZi  r,voj,u.£vov,  xa\  [■'■'/•?  v.'j^'-O'j  'Iapa7)A  laTi'v.  Jes. 
Sirac,  chap.  xvi;,  v.  17. 

5.  Le  traducteur  de  Jésus,  flis  de  Sirah,  qui  vivait  environ  cent  cinquante 
ans  avant  Jésus-Christ,  dans  la  trente-huitième  année  du  règne  d'Evergète  H, 
nous  parle  de  la  version  des  Septante  comme  d'une  œuvre  connue  et  termi- 
née dc[juis  longtemps. 


LA  KABBALE  ET  LA  DOCTRLNE  DE  PIIILON.  251 

hébraïque  ne  saurait  être  contestée  :  c'est  le  livre  de  Jésus, 
fils  de  Sirah,  vulgairement  appelé  V Ecclésiastique. 

Nous  ne  connaissons  aujourd'hui  cet  auteur  religieux  que 
par  une  traduction  grecque  due  à  la  plume  de  son  petit-fils. 
Ce  dernier  nous  apprend  lui-même,  dans  une  sorte  de  pré- 
face, qu'il  était  venu  en  Egypte  (probablement  après  avoir 
quitté  la  Judée)  dans  la  trente-huitième  année  du  règne 
d'Evergète  II.  Par  conséquent,  si  nous  faisons  vivre  l'écrivain 
original  cinquante  ans  auparavant,  nous  le  rencontrerons 
à  la  distance  de  deux  siècles  avant  l'ère  chrétienne.  Sans 
croire  aveuglément  au  témoignage  du  traducteur,  qui  nous 
assure  que  son  aïeul  avait  uniquement  puisé  à  des  sources 
hébraïques,  nous  ferons  remarquer  que  Jésus,  fils  de  Sirah, 
est  souvent  cilé  avec  éloge  par  le  Thalmud,  sous  le  nom  de 
ben  Sirah*.  Le  texte  original  existait  encore  au  temps  de 
saint  Jérôme  et  jusqu'au  commencement  du  iv"  siècle  ;  les 
juifs  aussi  bien  que  les  chrétiens  le  comptaient  au  nombre 
de  leurs  écrivains  sacrés.  Or  vous  rencontrerez  chez  cet  an- 
cien auteur,  non  seulement  la  tradition  dont  nous  avons 
parlé  tout  à  l'heure,  mais  la  doctrine  du  Logos  ou  de  la 
sagesse  divine,  à  peu  de  chose  près,  telle  qu'elle  est  ensei- 
gnée parPhilon  et  les  kabbalislcs.  D'abord  la  sagesse  est  la 
même  puissance  que  le  Verbe  ou  le  Mêmra  des  traducteurs 
chaldéens;  elle  est  la  parole  ;  elle  est  sortie  de  la  bouche  du 
Ti'ès-IIaut  (êyoj  ànb  (jTo^ocToq  v^î(jzo'j  è^v^XOcv)  ^  ;  elle  ne  peut 
pas  être  prise  pour  une  simple  abstraction,  pour  un  être 
purement  logique,  car  elle  se  montre  au  sein  de  son  peuple, 
dans  l'assemblée  du  Très-Haut,  et  fait  l'éloge  de  son  âme 
(iv  p.eo"0)  laoû  ocùrv^ç  y.x-jyrt'je'ixi. ...  alviiu  "i^^iyr,))  xiiT'/içj''.  Celle 

assemblée  céleste  se  compose  probablement  des  puissances 
qui  lui   sont  subordonnées;  car  le  Thalmud  et  le  Zohar 

i.  Voyez  Zunz,  De  la  Piédicalwn  religieuse  chez  les  Juifs,  chap.  vu. 
2.  Cliap.  XXIV,  V.  3  ;  trad.  de  Sacy,  même  chapitre,  v.  7. 
ô.  Chap.  XXIV,  V.  1. 


252  LA.  KABBALE. 

emploient  fréquemment,  pour  rendre  la  même  idée,  une 
expression  tout  à  fait  semblable ^  La  sagesse,  ainsi  intro- 
duite sur  la  scène,  se  représente  elle-même  comme  le  pre- 
mier-né de  Dieu  ;  car  elle  a  existé  dès  le  commencement, 
quand  le  temps  n'était  pas  encore,  et  elle  ne  cessera  pas 
d'être  dans  la  suite  de  tous  les  âges*.  Elle  a  toujours 
été  avec  Dieu  ^  ;  c'est  par  elle  que  le  monde  a  été  créé  ;  elle 
a  seule  formé  les  sphères  célestes  et  est  descendue  dans  les 
profondeurs  de  l'abîme.  Son  empire  s'étend  sur  les  flots  de 
l'Océan,  sur  toutes  les  régions  de  la  terre,  sur  tous  les  peu- 
ples et  toutes  les  nations  qui  l'habitent*.  Dieu  lui  ayant 
ordonné  de  se  chercher  ici-bas  une  demeure,  son  choix  s'ar- 
rêta sur  Sion  ".  Quand  on  songe  que,  dans  l'opinion  de  notre 
ciuteur,  chacune  des  autres  nations  est  placée  sous  le  pou- 
voir d'un  ange  ou  d'une  puissance  subalterne,  le  choix  de 
Sion  pour  demeure  de  la  Sagesse  ne  doit  pas  être  regardé 
comme  une  simple  métaphore,  mais  il  signifie,  comme  le 
dit  expressément  la  tradition  que  nous  avons  citée,  que  l'es- 
prit de  Dieu  ou  le  Logos  agit  immédiatement  et  sans  inter- 
médiaire sur  les  prophètes  d'Israël  ^  Comment  concevoir 
aussi  que  la  sagesse,  si  elle  n'a  rien  de  substantiel,  si  elle 
n'est  pas  en  quelque  sorte  l'organe  et  le  ministre  de  Dieu, 
ait  établi  son  trône  dans  une  colonne  de  nuée,  probable- 
ment la  même  colonne  qui  marchait  devant  le  peuple 
hébreu  dans  le  désert'?  En  somme,  l'esprit  de  ce  livre, 
comme  celui  de  la  version  des  Septante  et  de  la  paraphrase 
clialdaïque  d'Onkelos,  consiste  à  placer  entre  le  souverain 


2.  Chap.  XXIV,  V.  9;  Sacy,  v.  '!■.  Doi  toj  aiwvo;  à-'  àpyîî;  ïy.T'.zi  ;/£. 

3.  Chap.  I,  V.  1. 

4.  Chap.  XXIV,  V.  5  et  seq. 

5.  Chap,  XXIV,  V.  7  et  seq.;  Sacy,  \.  II. 

G.  Chap.  XVII,  V.  15.  ]Mspt;  xjf^i'o-j  'laoa/^À  Icjtiv. 
7.    '0  6sovo;  ao3  iv  OTÔÀtij  vîvÉÀr,;. 


L.\  KABBALE  ET  LA  DOCTRINE  DE  PIIILON.  255 

Être  (6  v'\iL<jrQ;)  et  ce  monde  périssable,  une  puissance  mé- 
diatrice qui  est  en  même  temps  éternelle  et  la  première 
œuvre  de  Dieu,  qui  agit  et  qui  parle  à  sa  place,  qui  est  elle- 
même  sa  parole  et  sa  vertu  créatrice.  Dès  lors,  l'abîme  est 
comblé  entre  le  Uni  et  l'infini  :  plus  de  divorce  entre  le  ciel 
et  la  terre  ;  Dieu  se  manifeste  par  sa  parole,  et  celle-ci  par 
l'univers.  Mais,  sans  avoir  besoin  d'être  reconnue  d'abord 
dans  les  choses  visibles,  la  parole  divine  arrive  quelquefois 
directement  aux  hommes  sous  la  forme  d'une  inspiration 
sainte,  ou  par  le  don  de  la  prophétie  et  de  la  révélation. 
C'est  ainsi  qu'un  peuple  a  été  élevé  au-dessus  de  tous  les 
autres  peuples,  et  un  homme,  le  législateur  des  Hébreux, 
au-dessus  de  tous  les  autres  hommes.  J'ajouterai  que,  dans 
ce  résultat  si  important  pour  nous,  la  théologie  est  parfai- 
tement d'accord  avec  la  critique;  car  si  vous  consultez,  sur 
l'ouvrage  qui  fixe  actuellement  notre  attention,  les  traduc- 
tions les  plus  orthodoxes,  par  exemple  celle  de  Lemaistrc 
de  Sacy,  vous  y  verrez  signalées  de  nombreuses  allusions  à 
la  doctrine  du  Verbe*.  Nous  pourrions  peut-être  en  dire  au- 
tant du  livre  de  la  Sagesse,  dans  lequel  on  a  depuis  long- 
temps remarqué  un  passage  ainsi  traduit  par  Sacy  :  «  La 
«  Sagesse  est  plus  active  que  les  choses  les  plus  agis- 
«  santés —  Elle  est  une  vapeur,  c'est-à-dire  une  émanation 
«  de  la  vertu  de  Dieu  et  l'ellusion  toute  pure  de  la  clarté  du 

(<■  Tout-Puissant Elle  est  l'éclat  de  la  lumière  éternelle, 

«  le  miroir  sans  tache  de  la  majesté  de  Dieu  et  l'image  de  sa 
«  bonté.  N'étant  qu'une,  elle  peut  tout;  et,  toujours  im- 
«  muable  en  elle-même,  elle  renouvelle  toutes  choses,  elle 
«  se  répand  parmi  les  nations  dans  les  âmes  saintes,  et  elle 
<c  forme  les  amis  de  Dieu  et  les  prophètes  *.  »  Mais  le  carac- 
tère général  de  cet  ouvrage  nous  paraît  plutôt  se  rapprocher 

1.  Voir  surtout  le  1"  et  le  24°  clin|jilro. 

2.  Chap.  VII,  V.  24-27. 


254  L\  KABBALE. 

de  la  philosophie  platonicienne  que  du  mysticisme  de  Phi- 
Ion.  Et  comme  on  n'en  connaît  encore  ni  l'âge  ni  la  véri- 
table origine  \  nous  avons  cru  devoir  attendre  qu'une  cri- 
tique plus  savante  que  la  nôtre  ait  résolu  ces  questions  ^  Au 
reste,  les  faits  que  nous  venons  de  recueillir  suffisent  à  nous 
démontrer  que  la  kabbale  n'est  pas  plus  le  fruit  de  la  civi- 
lisation grecque  d'Alexandrie  que  du  platonisme  pur.  En 
effet,  parlez-vous  seulement  du  principe  qui  sert  de  base  à 
tout  le  système  kabbalistique,  à  savoir  :  la  personnification 
de  la  Parole  et  de  la  Sagesse  divine,  considérée  comme  la 
cause  immanente  des  êlres?  vous  le  trouverez  à  une  époque 
où  le  génie  particulier  d'Alexandrie  était  encore  à  naître.  Et 
011  le  trouvez-vous?  dans  une  traduction  pour  ainsi  dire 
traditionnelle  de  l'Ecriture  et  dans  un  autre  monument 
d'origine  purement  hébraïque.  S'agit-il  des  détails  et  des 
idées  secondaires,  par  exemple  des  différentes  applications 
de  la  méthode  allégorique  ou  des  conséquences  qu'on  a  pu 
tirer  du  principe  métaphysique  dont  nous  venons  de  parler? 
vous  apercevrez  sans  effort  une  assez  grande  différence  entre 
les  écrits  de  Philon  et  ceux  des  kabbalistes  hébreux 

i.  Voir  dom  Calmet,  Dissertation  S2ir  V auteur  du  livre  de  la  Sagesse,  dans 
son  Commentaire  littéral  de  VAnc.  Testam.,  et  Daehme,  ouvrage  cité,  liv.  II. 

2.  Nous  croyons  cependant  que  les  sources  hébraïques  étaient  familières  à 
l'auteur,  car  on  trouve  chez  lui  des  légendes  apocryphes  qui  n'existent  pas 
ailleurs  que  dans  les  Midraschim  de  la  Palestine.  Telle  est  celle  de  la  manne 
prenant  toutes  les  qualités  des  mets  dont  on  avait  le  désir;  telle  est  aussi  la 
croyance  que  Joseph  était  devenu  roi  de  l'Egypte,  et  que  pendant  les  trois  jours 
de  ténèbres  les  Égyptiens  ne  pouvaient  conserver  aucune  lumière  artificielle. 
Sap.,  chapitre  xvi,  v.  20-23.  Voir  dom  Calmet,  Préface  sur  le  livre  de  la 
Sacjesse. 


CHAPITRE  IV 


r.APPORTS    DE    LA    KABBALE    AVEC    LE    CIIRISTIAKISÎIE 


Puisque  la  kabbale  ne  doit  rien  ni  à  la  philosophie,  ni 
à  la  Grèce,  ni  à  la  capitale  des  Ptolémées,  il  faut  bien  qu'elle 
ait  son  berceau  en  Asie;  que  le  judaïsme  l'ait  tirée  de  son  ,  J/iv'^.^v^-• 
sein,  par  sa  seule  puissance;  ou  qu'elle  soit  sortie  de  quelque 
autre  religion  née  en  Orient  et  assez  voisine  du  judaïsme, 
pour  exercer  sur  lui  une  influence  incontestable.  Cette  reli- 
gion ne  serait-elle  pas  le  christianisme?  Malgré  l'extrême 
intérêt  qu'elle  éveille  tout  d'abord,  cette  question,  déjà 
résolue  par  tout  ce  qui  précède,  ne  peut  pas  nous  arrêter 
longtemps.  Il  est  évident  pour  nous  que  tous  les  grands 
principes  métaphysiques  et  religieux  servant  de  base  à  la 
kabbale  sont  antérieurs  aux  dogmes  chrétiens,  avec  les- 
quels du  reste  il  n'entre  ])as  dans  notre  plan  de  les  com- 
parer. Mais,  quelque  sens  qu'on  attache  à  ces  principes,  leur 
forme  seule  nous  donne  l'explication  d'un  fait  qui  nous 
paraît  offrir  un  grand  intérêt  social  et  religieux  :  un  bon 
nombre  de  kabbalistes  se  sont  convertis  au  christianisme; 
nous   citerons   entre  autres    Paul  Ricci,    Conrad    Otlon', 

1.  Auteur  d'un  ouvrage  intitulé  Gali  Razia,  c'cst-ii-dire  les  Secrets  dévoilés, 
Nureinlicrg,  1G05,  in-4.  Le  but  de  cet  ouvrage,  entièrement  composé  de  cita- 
tions liébraïques  traduites  en  latin  et  en  allemand,  est  de  prouver  le  dogme 
chrétien  par  différents  passages  du  Thalinud  et  du  Zohar. 


256  LA  KABDALE. 

Piitlangel,  le  dernier  éditeur  du  Sepher  ielziraJi.  A  une 
époque  plus  rapprochée  de  nous,  vers  la  fin  du  dernier  siècle, 
on  a  vu  un  autre  kabbaliste,  le  Polonais  Jacob  Frank,  après 
avoir  fondé  la  secte  des  Zohariles,  passer  dans  le  sein  du 
catholicisme  avec  plusieurs  milliers  de  ses  adhérents'.  Jl 
y  a  longtemps  que  les  rabbins  ont  aperçu  ce  danger;  aussi 
quelques-uns  d'entre  eux  se  sont-ils  montrés  très  hostiles  à 
l'étude  de  la  kabbale  %  tandis  que  d'autres  la  défendent 
encore  aujourd'hui  comme  l'arche  sainte,  comme  l'entrée 
du  Saint  des  Saints,  pour  en  éloigner  les  profanes.  Léon  de 
Modènc,  qui  a  écrit  un  livre  contre  l'authenticité  du  Zohar'\ 
est  loin  de  complcr  sur  le  salut  de  ceux  qui  ont  livré  à  la 
presse  les  principaux  ouvrages  kabbalistiques^.  D'un  autre 
côté,  les  chrétiens  qui  se  sont  occupés  du  même  sujet,  par 
exemple  Knorr  de  Resenroth,  Pieuchlin  et  Rittangel  après 
sa  conversion,  y  ont  vu  le  moyen  le  plus  efficace  de  faire 
tomber  la  barrière  qui  sépare  la  synagogue  de  l'Eglise.  C'est 
dans  l'espoir  d'amener  un  jour  ce  résultat  tant  désiré  qu'ils 
ont  rassemblé  dans  leurs  ouvrages  tous  les  passages  du 
Zohar  et  du  Nouveau  Testament  qui  présentent  entre  eux 
quelque  affinité.  Au  lieu  de  les  suivre  dans  cette  voie  et  de 
nous  rendre  leur  écho,  nous  qui  sommes  étranger  à  toute 
polémique  religieuse,  nous  aimons  mieux  rechercher  ce  qu'il 
y  a  de  commun  entre  la  kabbale  et  les  plus  anciens  organes 
du  gnosticisme.  Ce  sera  pour  nous  un  moyen  de  nous  assurer 
si  les  principes  dont  nous  voulons  connaître  à  la  fois  Pin- 
fluence  et  l'origine  n'ont  pas  été  répandus  en  deliors  de  la 
Judée;  si  leur  influence  ne  s'est  pas  exercée  encore  sur 
d'autres  peuples  absolument  étrangers  à  la  civilisation 
grecque,  et,  par  conséquent,  si  nous  ne  sommes  pas  dès  lors 

1.  Peter  Béer,  HisL  des  secles  relujieuses  chez  les  Juifs,  t.  II,  p.  309  et  seq. 

2.  Voir  .4)7'  noheni  de  Léon  de  Modène,  p.  7,  79  et  80. 

3.  Ali  noliein  [\e  lion  rugissant),  publié  par  Julius  Fiirst.  Leipzig,  1840. 

4.  Ib.  supy.,Y-  7.  ai-iSCn  DniK  DD^STH  TwnS  "  SinD''  DN  TTiTi  nSv 


LA.  KADBALE  ET  LE  CIIRÎSTIANbME.  257 

autorisé  à  regarder  la  kabbale  comme  un  reste  précieux 
d'une  pbilosopbie  religieuse  de  l'Orient,  qui,  transportée  à 
Alexandrie,  s'est  mêlée  à  la  doctrine  de  Platon,  et,  sous  le 
nom  usurpé  de  Denys  l'Aréopagite,  a  su  pénétrer  jusque 
dans  le  mysticisme  du  moyen  âge. 

D'abord,  sans  sortir  de  la  Palestine,  nous  rencontrons, 
au  temps  des  apôtres,  à  Samarie,  et  probablement  dans  un 
âge  déjà  avancé,  le  personnage  assez  singulier  de  Simon  le 
Magicien.  Quel  était  cet  homme  qui  jouissait  au  milieu  de 
ses  concitoyens*  d'un  pouvoir  incontesté  et  d'une  admiration 
sans  bornes^?  Il  pouvait  avoir  des  idées  assez  basses  sur  les 
motifs  qui  nous  portent  à  partager  avec  les  autres  les  dons 
les  plus  sublimes,  mais  assurément  ce  n'était  pas  un  impos- 
teur, puisqu'il  plaçait  les  apôtres  au-dessus  de  lui  et  qu'il 
voulait  obtenir  d'eux  à  prix  d'argent  le  privilège  de  commu- 
niquer l'esprit  saint  \  J'irai  plus  loin,  je  pense  que  son 
autorité  eût  été  vaine  si  elle  n'avait  pas  eu  pour  appui  une 
idée  bien  connue  et  depuis  longtemps  accréditée  dans  les 
esprits.  Celte  idée,  nous  la  trouvons  exprimée  très  nette- 
ment dans  le  rôle  surnaturel  qu'on  attribuait  à  Simon.  Le 
peuple  tout  entier,  disent  les  Actea,  depuis  le  plus  grand 
jusqu'au  plus  petit,  le  regardait  comme  une  personnifica- 
tion de  la  grande  puissance  .le  Dieu  :  Hic  csl  virtm  Dei  qnx 
vocalur  magnat  Ov  saint  Jérôme  nous  apprend  que  par  là 
notre  prophète  samaritain  n'entendait  pas  autre  chose  que 
le  verbe  de  Dieu  (sermo  Dciy.  En  cette  qualité,  il  devait 
nécessairement  réunir  en  lui  tous  les  autres  attributs  divins; 

1.  L'opinion  la  plus  généralement  admise,  c'est  que  Simon  était  de  Giltlioï, 
bourg  samaritain.  L'historien  Josèplic  est  le  seul  qui  parle  d'un  Juif,  originaire 
^e  Ciiypre,  qui  se  faisait  passer  pour  magicien.  {Anliqiiit.,  liv.  XX,  chap.  vu.) 

2.  Ad.  apost.,  Vilt,  v.  10. 
5.  Ib.,  V.  18  et  19. 

4.  Ib.,  V.  10. 

5.  Hier.,  Commcnlar.  in  Malthœi,  chap,  xxiv,  v.  5,  t.  VII  de  ses  œuvres, 
éd.  de  Venise. 

17 


2oS  LA  ILVBBALE. 

car,  d'après  la  métaphysique  religieuse  des  Hébreux,  le 
Verbe  ou  la  Sagesse  renferme  implicitement  les  Sepliirotli 
inférieures.  Aussi  saint  Jérôme  nous  donne-t-il  pour  au- 
thentiques ces  paroles  que  Simon  s'applique  à  lui-même  : 
«  Je  suis  la  parole  divine,  je  possède  la  vraie  beauté,  je  suis 
«  le  consolateur,  je  suis  le  tout-puissant,  je  suis  tout  ce  qui 
ce  est  en  Dieu*.  )>  Il  n'est  pas  une  seule  de  ces  expressions 
qui  ne  réponde  îi  l'une  des  Sephiroth  de  la  kabbale,  dont 
nous  retrouvons  encore  l'influence  dans  ce  fait  rapporté  par 
un  autre  père  de  l'Eglise^  :  Simon  le  Magicien,  qui  se  con- 
sidérait lui-même  comme  une  manifestation  visible  du 
Yerbe,  voulut  également  personnifier  dans  une  femme 
d'assez  mauvaise  réputation  la  pensée  divine,  le  principe 
féminin  corrélatif  au  Verbe,  c'est-à-dire  l'épouse  de  celui-ci. 
Or  cette  bizarre  conception,  qui  n'a  aucun  fondement  ni 
dans  la  philosophie  platonicienne,  ni  dans  l'école  d'Alexan- 
drie, quand  même  elle  aurait  existé  alors,  s'accorde  à  mer- 
veille, tout  en  le  défigurant,  avec  le  système  kabbalistique 
où  la  Sagesse,  c'est-à-dire  le  Verbe,  représenté  comme  un 
principe  mâle,  a,  comme  tous  les  autres  principes  du  môme 
ordre,  sa  moitié,  son  épouse;  telle  est  celle  des  Sephiroth 
qui  porte  le  nom  d'intelligence  (nju)%  et  que  plusieurs  gnos- 
tiques  ont  prise  pour  le  Saint-Esprit,  en  continuant  à  la 
représenter  sous  l'image  d'une  femme.  De  ce  nombre  est  le 
Juif  Elxaï,  qui  a  plus  d'un  trait  de  ressemblance  avec  le 
prophète  de  Samarie.  Son  nom  même  (c'est  lui  sans  doute 
qui  l'a  choisi)  est  l'expression  du  rôle  qu'il  s'est  donnée 
Non  seulement,  comme  nous  venons  de  le  dire,  cet  héré- 

1.  «  Ego  sum  sermo  Dei,  ego  sum  spcciosus,  ego  paracletus,  ego  omnipo- 
lens,  ego  omnia  Dei.  »  Ib.  supr. 

2,  Clément.,  Rccocjnitiones,  liv.  II.  —  Iren.,  liv.  I,  chap.  xx. 
5.  Voir  la  deuxième  partie  de  cet  ouvrage,  p.  188  et  suiv. 

^-  ^DO  hHf  peut-être   aussi  152  ^51;^,    la    force  mystérieuse.    Epiphanc, 
19*  liércsie. 


LA  KABBALE  ET  LE  CIIRISTLANISME.  259 

siarque  conçoit  le  Saint-Esprit  comme  un  principe  féminin, 
mais  le  Clirist  n'est  à  ses  yeux  qn'nne  force  divine,  prenant 
quelquefois  une  forme  matérielle,  dont  il  décrit  avec  de 
minutieux  détails  les  proportions  colossales'.  Or  nous  nous 
rappelons  avoir  trouvé  dans  le  Zohar  une  description 
semblable  de  la  Tôle  blanche  ;  et  un  autre  ouvrage  très 
célèbre  parmi  les  kabbalistes,  l'Alphabet  pseudonyme  de 
rabbi  Akiba%  parle  de  Dieu  à  peu  près  dans  les  mêmes 
termes.  A  côté  de  cette  manière  de  concevoir  le  Verbe, 
l'Esprit  saint  et  en  général  les  couples  divins  dont  se  com- 
pose le  Plérôme,  nous  trouvons  aussi  dans  les  souvenirs  qui 
nous  restent  du  Syrien  Bardesancs  le  principe  de  la  cosmo- 
gonie kabbalistique.  Le  père  inconnu  qui  habite  au  sein 
de  la  lumière  a  un  fils;  c'est  le  Christ  ou  l'homme  céleste; 
à  son  tour  le  Christ  s'unissant  à  sa  compagne,  à  son  épouse 
qui  est  le  Saint-Esprit  (zo  TTveù^ta),  produit  successivement 
les  quatre  éléments,  l'air  et  l'eau,  le  feu  et  la  terre;  en 
sorte  que  ces  éléments  et  le  monde  extérieur  en  général  sont 
ici,  comme  dans  le  Sepher  ietzirah,  une  simple  émanation 
ou  la  voix  de  l'Esprit". 

Mais  pourquoi  persisterions-nous  à  glaner  péniblement 
quelques  souvenirs  épars  dans  les  Actes  des  Apôtres  ou  dans 
les  Hymnes  de  saint  Ephrem,  quand  nous  pouvons  puiser  à 
pleines  mains  dans  un  monument  du  plus  grand  prix,  nous 

1.  //'.  siipr. 

2.  nS^pîT  11  nTnlN-  ^^^'^'  l'*  traduction  d'un  passage  de  ce  livre  :  «  Le 
<(  corps  de  la  présence  divine  (nj^3w  Su?  IDIj)  '^  """^  étendue  de  deux  cent 
«  trcnle-six  fois  dix  mille  parasah,  à  savoir  :  cent  dix-luiil  fois  dix  mille 
<(  dejiuis  les  reins  jusqu'en  bas,  et  autant  depuis  les  reins  jusqu'en  haut.  Mais 
<(  ces  parasak  ne  ressemblent  pas  aux  noires.  Chaque  parasah  divine  a  mille 
«  fois  mille  coudées  ;  chaque  coudée  divine  a  quatre  zarelh  et  une  palme  ; 
<(  chaque  zarcth  représente  la  longueur  comprise  entre  les  deux  extrémités 
<(  opposées  de  l'univers.  )>   Lettre  n,   P-  ^5j  verso,  éd.  de  Cracovie  de  1579. 

3.  Saint  Ephrem,  bjnme  LV,  p.  557. 


260  LA  KABBALE. 

voulons  parler  du  Code  nazaréen\  celle  bible  du  gnosll- 
cisme  purement  orienlal.  On  sait  que  saint  Jérôme  et  saint 
Epiphane  font  remonter  la  secte  des  nazaréens  jusqu'à  la 
naissance  du  christianisme'.  Eli  bien,  telle  est  la  ressem- 
blance d'un  grand  nombre  de  ses  dogmes  avec  les  éléments 
les  plus  essentiels  du  système  kabbalistique,  qu'en  les  lisant 
dans  l'ouvrage  qui  vient  d'être  cité,  on  croit  avoir  trouvé 
quelques  variantes  ou  quelques  fragments  égarés  du  Zohar. 
Ainsi  Dieu  y  est  toujours  appelé  le  roi  et  le  maître  de  la 
lumière;  il  est  lui-même  la  splendeur  la  plus  pure,  la  lu- 
mière éternelle  et  infinie.  Il  est  aussi  la  beauté,  la  vie,  la 
justice  et  la  miséricorde''.  De  lui  émanent  toutes  les  formes 
que  nous  apercevons  dans  ce  monde;  il  en  est  le  créateur 
et  l'arlisan  ;  mais  sa  propre  sagesse  et  sa  propre  essence, 
personne  ne  les  connaît '^.  Toutes  les  créatures  se  demandent 
entre  elles  quel  est  son  nom,  et  se  voient  forcées  de  répondre 
qu'il  n'en  a  pas.  Le  roi  de  la  lumière,  la  lumière  infinie 
n'ayant  pas  de  nom  qu'on  puisse  invoquer,  pas  de  nature 
qu'on  puisse  connaître,  on  ne  peut  arriver  jusqu'à  elle 
qu'avec  un  cœur  pur,  une  âme  droite  et  une  foi  pleine  d'à- 
',  mour".  La  gradation  par  laquelle  la  doctrine  nazaréenne 

1.  Codex  Nazareus,  3  vol.  iii-4,  1815,  publié  et  traduit  par  Mathieu  Nor- 
berg. 

2.  Celte  opinion,  adoptée  par  la  plupart  des  théologiens,  doit  l'emporter  sur 
celle  de  Mosheim  qui,  pour  mieux  répondre  aux  objections  de  Toland  contre 
l'unité  de  la  foi  chrétienne,  fait  naître  la  secte  des  nazaréens  au  quatrième 
siècle.  \oir  Mosheim,  Jndiciœ  anliquœ  chrislianorum  disciplinx ,  sect,  1, 
chap.  V. 

3.  «  Rex  summus  lucis,  splendor  pia-us,  lux  magna.  >'on  est  raensura,  numé- 
ros et  terminus  ejus  splendori,  luci  et  majestati.  Tolus  est  splendor,  toîus  lux, 
tolus  pulchritudo,  tolus  vila,  totus  juslilia,  tolus  miscricordia  )),etc.  Cod.  J\az., 
t.I,p.  5. 

4.  ((  Creator  omnium  formarum,  pulchrarumque  artifex,  retinens  vcrô  sux' 
sapientiîc,  suîque  oblegens,  nec  sui  manifestus.   »  Ib.,  p.  7. 

5.  ((  Crealurœ  omnes  tui  nominis  nesciœ.  Dicunt  reges  lucis,  se  invicem 
intcrrogantes  :  nomcnne    sil    magnae  luci?   iidcmque   respondentes  :  nominc 


LA  KABBALE  ET  LE  CHRISTLV^JISME.  261 

descend  du  souverain  être  aux  dernières  limites  de  la  créa- 
tion est  exactement  la  môme  que  dans  un  passage  du  Zohar 
déjà  fréquemment  cité  dans  ce  travail  :  «  liCs  génies,  les  rois 
«  et  les  créatures  célèbrent  à  l'envi,  par  des  prières  et  par 
«  des  hymnes,  le  roi  suprême  de  la  lumière  dont  partent 
«  cinq  rayons  d'un  éclat  merveilleux  :  le  premier,  c'est  la 
«  lumière  qui  éclaire  tous  les  êtres;  le  second,  c'est  le 
«  souffle  suave  qui  les  anime;  le  troisième,  c'est  la  voix 
«  pleine  de  douceur  avec  laquelle  ils  exhalent  leur  allégresse  ; 
a  le  quatrième,  c'est  la  parole  qui  les  instruit  et  les  élève 
«  à  rendre  témoignage  de  leur  foi  ;  le  cinquième,  c'est  le 
«  type  de  toutes  les  formes  sous  lesquelles  ils  se  dévelop- 
«  peut,  semblables  à  des  fruits  qui  mûrissent  sous  l'action 
«  du  soleil  \  »  Il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  dans 
ces  lignes,  que  nous  nous  sommes  borné  à  traduire,  les 
ilifférents  degrés  de  l'existence  représentés  chez  les  kabba- 
listes  par  la  pensée,  le  souffle  ou  l'esprit,  la  voix  et  la  parole. 
Voici,  pour  exprimer  la  même  idée,  d'autres  images  qui  ne 
nous  sont  pas  moins  familières  :  avant  toute  créature  était 
la  vie  cachée  en  elle-même,  la  vie  éternelle  et  incomprélien- 
sible,  sans  lumière  et  sans  forme  (fcrho).  De  son  sein  naquit 
l'atmosphère  lumineuse  (ajar  zivo,  Nin  inx)  qu'on  appelle 
aussi  la  parole,  le  vêtement  (lyjiaSN*.  l^S^r)  ou  le  fleuve  sym- 
bolique qui  représente  la  Sagesse.  De  ce  fleuve  sortent  les 
eaux  vives  ou  les  grandes  eaux  par  lesquelles  les  nazaréens 

caret.  Quia  autem  nomine  caret,  nec  fuerit  qui  illius  nomen  invocet,  nosccndœrjtic 
illius  natunc  insistât,  beati  pacifici  qui  te  agnoverunt  corde  puro,  nienlionem 
tuî  fecerunt  monte  justà,  fidem  tibi  integro  atTectu  habuerunt.  »  Cod.  Naz.,  t.  I, 
p.  11. 

1.  «  Oinnes  genii,  reges  et  crealurœ,  precationi  et  hynino  insistentes,  célé- 
brant regem  summum  lucis,  a  quo  oxcunt  quinque  rndii  magnifici  et  insignes  : 
primus,  lux  quic  illis  orta  :  secundus,  flalus  suavis  qui  eis  adspirat  :  terlius 
dulcedo  vocis  quà  excellant  :  quartus  verbuin  oris  quod  eos  erigil  et  ad  confes- 
sionem  pietalis  insliluit  :  quinliis  specics  fornitc  cujusque,  quà  adolescunt, 
sicutsole  fruclus.  »  Ib.  siipr.,  p.  'J. 


262  LA  KABBALE. 

comme  les  kabbalistes  représentent  la  troisièms  manifesta- 
tion tle  Dieu,  l'intelligence  ou  l'esprit,  qui  à  son  tour  pro- 
duit une  seconde  vie,  image  très  éloignée  de  la  première*. 
Cette  seconde  vie,  appelée  Juschamin  (^id  ou  "j-ia  ï/*',  le  lieu 
des  formes,  des  idées),  au  sein  de  laquelle  a  été  conçue  d'a- 
bord ridée  de  la  création  dont  elle  est  le  type  le  plus  élevé 
et  le  plus  pur;  la  seconde  vie  en  a  engendré  une  troisième, 
qu'on  appelle  ]e  père  excellent  (abatur,  ini  2x),  le  vieillard 
inconnu  et  Vancien  du  monde  [senem  siii  obtegentem  et 
(jrandxmtm  mnndi)-.  Le  Père  excellent  ayant  regardé  l'abîme, 
les  ténèbres  ou  les  eaux  noires,  y  laissa  son  image  qui, 
sous  le  nom  de  Fétahil,  est  devenue  le  Démiourgos  ou  l'ar- 
cbitecte  de  l'univers".  Alors  commence  aussi  une  intermi- 
nable série  d'Eons,  une  hiérarchie  infernale  et  céleste  qui 
n'a  plus  aucun  intérêt  pour  nous.  Il  nous  suffit  de  savoir 
que  ces  trois  vies,  ces  trois  degrés  qu'on  distingue  dans  le 
Plérôme,  tiennent  ici  la  même  place  que  les  trois  visages 
kabbalisliques,  dont  le  nom  même  (farsufo,  Nrims)  se 
retrouve  dans  la  bouche  de  ces  sectaires^;  et  nous  pouvons 
nous  arrêter  avec  d'autant  plus  de  confiance  à  cette  inter- 
prétation, que  nous  rencontrons  également  parmi  eux  les 
dix  Sephiroth,  partagées,  comme  dans  le  Zohar,  en  trois 
attributs  suprêmes  et  sept  inférieurs%  Quant  au  singulier 


1.  ((  Anlequam  creaturœ  omnes  existùre,  Ferho  dominus  exislit  per  qucra 
Jordanus  exislit.  Jordanus  dominus  vicissime  exslitit  aqua  viva,  quaî  aqua 
inaxima  et  l^la.  Ex  aquà  vero  vivà,  nos  vita  exslitinius.  »  Ib.,  t.  I,  p.  145. 

2.  Ib.,  t.  II,  p.  211. 

3.  «  Surrexit  Abatur  et,  porta  aperlà,  in  aquam  nigram  prospexit.  Fictus 
autem  extemplo  filius,  suî  imago,  in  aquà  istà  nigrà,  et  Fctahil  conforinatus 
fuit.  î  Ib.,  t.  I,  p.  508. 

4.  Ib.,  t.  III,  p.  I2G,  Onomasticon. 

5.  «  Ad  portani  domùs  vitœ  tlironus  domino  splendoris  apte  positus.  Et  ibi- 
dem tria  habitacula.  Parique  modo  septem  \i[x  procrealœ  fuerunt,  quœ  a  Ju- 
kabar  Zivic  (v7  122;  1^  grande  splendeur)  eaîque  clarœ  suà  specie  et  splendore 
supernè  veniente  lucentes.  »  Ib.,  t.  III,  p.  CI. 


LA  KABBALE  ET  LE  CHRISTIANISME.  265 

accident  qui  a  fait  naître  le  Dcmiourgos  et  à  la  génération 
(le  plus  en  plus  imparfaite  des  génies  subalternes,  ils  sont 
l'expression  mythologique  de  ce  principe,  d'ailleurs  très 
nettement  formulé  dans  le  Code  nazaréen,  que  les  té- 
nèbres et  le  mal  ne  sont  que  l'alTaiblissement  graduel  de 
ia  lumière  divine  {caligo  iihi  exsliterat  etiam  cxslithse  de- 
crementiim  et  detrimentum)  \  De  là  le  nom  de  corps  ou 
de  matière  (gèv,  VJ,  et  gof,  ï^pa)  donné  au  prince  des  ténè- 
bres*; et  ce  nom  ne  diffère  pas  de  celui  que  porte  le  même 
principe  dans  le  système  kabbalislique  (ms^Sp,  les  écorces, 
la  matière).  Les  nazaréens  reconnaissent  aussi  deux  Adam, 
l'un  céleste  et  invisible,  l'autre  terrestre,  qui  est  le  père 
de  l'humanité.  Ce  dernier,  par  son  corps,  est  l'œuvre  des 
génies  subalternes,  des  esprits  stellaires;  mais  son  âme 
est  une  émanation  de  la  vie  divine  \  Cette  âme  qui  devait 
retourner  vers  son  père,  dans  les  régions  célestes,  a  été 
retenue  dans  ce  monde,  séduite  par  les  puissances  malfai- 
santes. Alors,  le  message  dont  les  kabbalisles  ont  chargé 
l'ange  Uaziel,  nos  hérétiques  le  font  remplir  par  Gabriel,  qui 
joue  d'ailleurs  un  très  grand  rôle  dans  leur  croyance;  c'est 
lui  qui,  pour  les  relever  de  leur  chute  et  leur  ouvrir  les 
voies  du  retour  au  sein  de  leur  père,  apporta  à  nos  premiers 
parents  la  loi  véritable,  la  parole  de  vie,  propagée  mysté- 
rieusement par  la  tradition,  jusqu'à  ce  que  saint  Jean- 
llaptisle,  le  vrai  prophète  selon  les  nazaréens,  la  promulguât 
hautement  sur  les  bords  du  Jourdain*.  Nous  pourrions  citer 
encore  d'autres  traditions  que  l'on  croirait  empruntées  aux 
Rlidraschim  et  au  Zohar^";  mais  il  nous  suffit  d'avoir  signalé 

i.  Ib.,  1. 1,  p.  145. 

2.  Ib.,  III,  Onomasticoii. 

0.  Ib.,  t.  I,  p.  190-200.  Ib.,  p.  121  cl  125. 

4.  T.  II,  p.  25-56-117. 

5.  Nous  citerons  entre  autres  la  manière  dont  les  nazaréens  expliquent  la 
formation  du  fœtus  et  la  part  qu'ils  y  font  ù  clr.icua  dos  deux  parents,  t.  II, 
p.  41,  du  Codex  IS'azafcuii. 


2Gi  LA  KABBALE 

ce  qui  a  le  plus  de  droits  à  l'alteiitioii  du  philosophe. 
Si  après  cela  nous  allions  découvrir  les  mêmes  principes 
dans  le  gnoslicisme  égyptien,  dans  les  doctrines  de  Basilide 
et  de  Valentin,  on  n'aurait  plus  le  droit  d'en  faire  honneur 
à  la  philosophie  grecque,  ni  même  au  nouveau  platonisme 
d'Alexandrie.  Et,  en  effet,  dans  ce  qui  nous  reste  des  deux 
célèbres  hérésiarques  que  nous  venons  de  nommer,  nous 
pourrions  montrer  sans  peine  les  éléments  les  plus  caracté- 
ristiques de  la  kabbale,  comme  l'unité  de  substance',  la 
formation  des  choses,  d'abord  par  la  concentration,  ensuite 
par  l'expansion  graduelle  de  la  lumière  divine%  la  théorie 
des  couples  et  des  quatre  mondes",  les  deux  xVdam,  les  trois 
àmes\  et  jusqu'au  langage  symbolique  des  nombres  et  des 
lettres  de  l'alphabet ^  Mais  nous  n'avons  rien  à  gagner  à 
démontrer  celte  similitude,  car  le  but  que  nous  nous  sommes 
proposé  dans  celte  dernière  partie  de  notre  travail,  nous 
croyons  l'avoir  atteint.  Après  avoir  établi  antérieurement 
que  les  idées  métaphysiques  qui  font  la  base  de  la  kabbale 
ne  sont  pas  un  emprunt  fait  cà  la  philosophie  grecque;  que, 
loin  d'être  nées  soit  dans  l'école  païenne,  soit  dans  l'école 
juive  d'Alexandrie,  elles  y  ont  été  importées  de  la  Palestine, 
nous  avons  prouvé  en  dernier  lieu  que  la  Palestine,  ou  au 
moins  la  Judée  proprement  dite,  n'en  est  pas  encore  le  ber- 

\.  «  Conlinere  omuia  palrera  omnium  et  extra  pleroma  cssc  nihil,  et  id  ([iioJ 
oxlià  et  id  quod  intrà  secundùm  agnitionem  et  ignorantiam.  »  lien.,  II,  4. 

2.  Au  sommet  des  choses  est  le  Bythos  ou  l'inefiable,  du  sein  duquel  sortent 
par  couples  tous  les  Éons  qui  constituent  le  Plérôme.  Mais  toutes  ces  émana- 
tions se  perdraient  dans  l'infini,  sans  une  limite,  un  vase  (ocq:)  qui  leur  donne 
de  la  solidité  et  de  la  consistance.  Iren.,  ib.  siij)r.  —  .\candre,  Ilisl.  gcnel.  du 
Gnoslicisme,  article  Valentin. 

5.  La  matière  est  le  monde  le  plus  infime.  Immédiatement  au-dessus  d'elb 
sont  le  Démiourgos  et  les  âmes  humaines  (Olam  ielzirah).  Aun  degré  plus  haut, 
on  rencontre  les  choses  spirituelles,  -v:j;j.xt'./.o:  (Olam  hcriah),  et  enlin  le  Plé- 
rôme (Aziloulh).  Ib.  siipr. 

i.  Voir  NéanJre,  ouvrage  cilé,  p.  219. 

5.  ^'éandre,  p.  17G,  Doclrinc  de  Mcrciic. 


LA  KABBALE  ET  LE  CIlRISTL\NISilE.  2C5 

ccau;  car,  malgré  le  mystère  impénétrable  dont  elles  étaient 
entourées  chez  les  docteurs  de  la  synagogue,  nous  les  trou- 
vons, sous  une  forme,  il  est  vrai,  moins  abstraite  et  moins 
pure,  dans  la  capitale  infidèle  des  Samaritains  et  chez  les 
hérétiques  de  la  Syrie.  Peu  importe  qu'ici,  enseignées  au 
peuple  comme  fondement  delà  religion,  elles  aient  le  carac- 
tère des  personnifications  mythologiques',  tandis  que  là, 
devenues  le  partage  des  intelligences  d'élite,  elles  constituent 
plutôt  un  vaste  et  profond  système  de  métaphysique;  le  fond 
de  ces  idées  demeure  toujours  le  môme,  rien  n'est  changé 
dans  les  rapports  qui  existent  entre  elles,  ni  dans  les  formules 
dont  elles  sont  revêtues,  ni  dans  les  traditions  plus  ou  moins 
bizarres  qui  les  accompagnent.  Il  nous  reste  donc  encore  à 
rechercher  de  quelle  partie,  de  quelle  religion  de  l'Orient 
elles  ont  pu  sortir  pour  pénétrer  immédiatement  dans  le 
judaïsme,  et  de  là  dans  les  différents  systèmes  que  nous 
avons  mentionnés.  C'est  le  dernier  pas  qu'il  nous  reste  à 
faire  pour  avoir  terminé  entièrement  notre  lâche. 

1.  Déjà  l'iotin  avait  remarqué,  avec  sa  profondeur  habiluelle,  que  le  gnosli- 
cisme  ca  général  assimilait  les  choses  intelligibles  à  la  nature  sensible  et  maté- 
rielle :  Naluram  inlclli(jihilem  in  simililudinein  dcduciml  sensihiUs  deferio- 
iisqtic  nalurœ.  1"'  Ennéade,  liv.  IX,  cliap.  vi. 


CnAPlTRE  Y 


RAPPORTS  DE  LA  KABBALE  AVEC  LA  BELIGION  DES  CUALDEEKS 
ET  DES  PERSES 


S'il  existe  quelque  part,  dans  les  limites  où  nous  devons 
maintenant  circonscrire  nos  recherches,  un  peuple  distin- 
gué par  sa  civilisation  aussi  bien  que  par  sa  puissance  poli- 
tique, qui  ait  exercé  sur  les  Hébreux  une  influence  immé- 
diate et  prolongée,  c'est  évidemment  dans  son  sein  que  l'on 
pourra  découvrir  la  solution  du  problème  que  nous  venons 
de  soulever.  Eh  bien,  ces  conditions,  nous  les  trouvons 
remplies,  même  au  delà  des  exigences  de  la  critique,  chez 
les  Chaldéens  et  les  Perses,  réunis  en  une  seule  nation  par 
les  armes  de  Cyrus  et  la  religion  de  Zoroastre.  Pourrait-on, 
en  effet,  imaginer  dans  la  vie  d'un  peuple  un  événement 
plus  propre  à  altérer  sa  constitution  morale,  à  modifier  ses 
idées  et  ses  mœurs,  que  ce  mémorable  exil  appelé  la  capti- 
vité de  Babylone?  Serait-ce  donc  impunément  pour  les  uns 
et  pour  les  autres  que  les  Israélites,  prêtres  et  laïques,  doc- 
teurs et  gens  du  peuple,  auraient  passé  soixante  et  dix  ans 
dans  le  pays  de  leurs  vainqueurs?  Nous  avons  déjà  cité  un 
passage  du  Thabnuil  où  les  pères  de  la  synagogue  recon- 
naissent formellement  que  leurs  ancêtres  ont  rapporté  de  la 
terre  de  l'exil  les  noms  des  anges,  les  noms  des  mois  et 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  2G7 

mùma  les  lettres  de  l'alphabet.  Or  il  n'est  guère  permis  de 
supposer  que  les  noms  des  mois  n'aient  pas  été  accompa- 
gnés de  certaines  connaissances  astronomiques*,  probable- 
ment celles  que  nous  avons  rencontrées  dans  le  Scpher 
ietzirah,  et  que  les  noms  des  anges  aient  pu  être  séparés 
de  toute  la  hiérarchie  céleste  ou  infernale  adoptée  chez  les 
mages.  Aussi  n'est-ce  pas  d'hier  qu'on  a  fait  la  remarque 
que  Satan  se  montre  pour  la  première  fois,  chez  les  écri- 
vains sacrés,  dans  l'histoire  du  Chaldéen  Job.  Cette  riche 
et  savante  mythologie,  adoptée  par  le  Thalmud,  répandue 
dans  les  Midraschim,  forme  aussi  \a  partie  poétique  et,  si 
je  puis  me  servir  de  cette  expression,  l'enveloppe  extérieure 
du  Zohar.  Mais  ce  n'est  })as  sur  ce  fait  depuis  longtemps 
reconnu  que  nous  voulons  insister.  Laissant  les  Chaldéens, 
dont  nous  n'avons  aucun  monument  de  quelque  étendue  et 
d'une  entière  certitude,  qui  d'ailleurs  ont  été  vaincus  mora- 
lement et  matériellement  par  les  Perses  avant  le  retour  des 
Hébreux  dans  la  Terre-Sainte,  nous  allons  montrer,  je  ne 
dis  pas  les  principes  les  plus  généraux,  mais  à  peu  près 
tous  les  éléments  de  la  kabbale,  dans  le  Z end  Av esta  et  les 
commentaires  religieux  qui  en  dépendent.  Nous  ferons 
remarquer  en  passant  qu'à  une  époque  où  l'on  est  aussi 
curieux  de  toutes  les  origines,  ce  vaste  et  admirable  monu- 
ment, déjà  connu  parmi  nous  depuis  plus  d'un  siècle,  n'a 
pas  encore  rendu  à  la  philosophie  histori(|ue,  la  véritable 
science  de  l'esprit  humain,  tous  les  services  qu'elle  est  en 
droit  d'en  attendre.  Nous  n'avons  pas  la  prétention  de  com- 
bler ce  vide;  mais  nous  espérons  rendre  visible  la  Irans- 


1.  Je  devrais  aussi  dire  astrologiques,  car,  à  partir  de  cette  époque,  l'in- 
lluence  des  astres  joue  un  très  grand  rôle  dans  les  idées  religieuses  du  peuple 
juif.  Le  Tludmud  reconnaît  des  jours  heureux  et  des  jours  néfastes;  et,  inênie 
encore  aujourd'hui,  les  Israélites,  quand  ils  veulent  se  témoigner  inuluellenient 
de  l'intérêt,  dans  quelque  grande  circonstance  de  la  vie,  se  souhaitent  une 
heureuse  influence  de  la  part  des  étoiles  (3,112  S'D)- 


568  LA  KABBALE. 

mission  des  idées  entre  la  Perse  et  la  Judée,  comme  nous 
l'avons  déjà  fait  en  partie  pour  les  rapports  de  la  Judée  avec 
Alexandrie. 

D'abord,  tous  les  chronologistes,  soit  juifs  ou  chrétiens*, 
s'accordent  à  dire  que  la  première  délivrance  des  Israélites, 
retenus  captifs  enChaldée  depuis  Nabuchodonosor%  a  eu  lieu 
durant  les  premières  années  du  règne  de  Cyrus  sur  Baby- 
lone,  de  550  à  55(3  ans  avant  l'ère  chrétienne.  C'est  dans 
celle  période  si  limitée  que  se  renferme  toutes  les  diver- 
gences d'opinion  qui  existent  entre  eux.  Or,  si  nous  croyons 
aux  calculs  d'AnquetiI-Duperron%  Zoroastre  avait  déjà  com- 
mencé sa  mission  religieuse  en  549,  c'est-à-dire  au  moins 
quatorze  ans  avant  le  premier  retour  des  captifs  hébreux 
dans  leur  patrie.  Il  était  alors  âgé  de  quarante  ans;  l'époque 
la  plus  brillante  de  sa  vie  venait  de  s'ouvrir,  et  elle  se  pro- 
longe jusqu'en  559.  C'est  pendant  ces  dix  années  que 
Zoroastre  convertit  à  sa  loi  toute  la  cour  et  tout  le  royaume 
du  roi  Gustasp,  que  l'on  croit  être  Hystaspe,  père  de  Darius. 
C'est  durant  ces  dix  années  que  la  réputation  du  nouveau 
prophète  va  effrayer  jusqu'aux  brahmines  de  l'Inde,  et  que 
l'un  d'entre  eux,  arrivé  chez  le  roi  Gustasp,  pour  confondre 
ce  qu'il  appelle  un  imposteur,  est  obligé  de  céder,  comme 
tout  ce  qui  l'entoure,  à  l'irrésistible  puissance  de  son  adver- 
saire. Enfin,  de  550  à  524,  Zoroastre  enseigne  publique- 
ment sa  religion  dans  la  capitale  de  l'enijiire  babylonien, 

1.  Scaliger,  Ememlaliotempor.,  p.  57G.  —  Alph.  Desvignoles,  Chronologie, 
1.  II,  p.  582.  —  Bossuet,  Hisi.  universelle,  t.  H.  —  Scder  Olani  llaha,  chap.  xxis, 
p.  86.  —  David  Ganz,  liv.  I,  année  5592,  et  liv.  II,  5590.  —  Zunz,  les  Vingt- 
quatre  livres  de  l'Écriture  Saiyite,  table  chronologique  reproduite  dans  le 
•lome  XVIII  de  la  Bible  de  Cahen.  —  Pour  se  convaincre  de  l'accord  des  chro- 
nologistes juifs  et  chrétiens,  il  faut  seulement  remarquer  que  les  premiers  ont 
fixé  l'avènement  du  Christ  à  lu  date  conventionnelle  de  57G0  ans  depuis  la 
création. 

2.  Esdras,  I,  I. 

3.  Zend  Avesta,  t.  II,  Vie  de  Zoroastre. 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  26.0 

qu'il  converlit  tout  entier,  en  ratlachanl  avec  prudence  ses 
propres  doctrines  aux  traditions  déjà  existantes ^  Est-il  rai- 
sonnable de  supposer  que,  témoins  d'une  telle  révolution, 
retournant  dans  le  pays  de  leurs  pères  au  moment  où  elle 
répandait  le  plus  vif  éclat,  par  conséquent  quand  elle  devait 
laisser  dans  leur  esprit  l'impression  la  plus  forte,  les  Israé- 
lites n'en  aient  emporté  aucune  trace,  au  moins  dans  leurs 
opinions  et  dans  leurs  idées  les  plus  secrètes?  Cette  grande 
question  de  l'origine  du  mal,  que  jusque-là  le  judaïsme 
avait  laissée  dans  l'ombre,  et  qui  est  pour  ainsi  dire  le  centre 
et  le  point  de  départ  de  la  religion  des  Perses,  ne  devait- 
elle  pas  agir  puissamment  sur  l'imagination  de  ces  bommes 
de  l'Orient,  accoutumés  à  tout  expliquer  par  une  interven- 
tion divine,  et  à  remonter,  pour  tous  les  problèmes  pareils, 
jusqu'à  l'origine  des  cboses?  On  ne  pourra  pas  dire  qu'é- 
crasés sous  le  poids  de  leur  maJbeur,  ils  sont  restés  étran- 
gers à  ce  qui  se  passait  autour  d'eux  sur  celte  terre  de  l'exil  ; 
l'Ecriture  elle-même  nous  les  montre,  avec  une  sorte  de 
complaisance,  élevés  dans  toutes  les  sciences,  par  consé- 
quent dans  toutes  les  idées  de  leurs  vainqueurs,  admis 
ensuite  avec  eux  aux  plus  liantes  dignités  de  l'empire.  Tel 
est  précisément  le  caractère  de  Daniel,  de  Zorobabel  et  de 
Nébémias',  dont  les  deux  derniers  jouent  un  rôle  si  actif 
dans  la  délivrance  de  leurs  frères.  Ce  n'est  pas  tout  :  outre 
les  quarante-deux  mille  personnes  qui  retournèrent  à  Jéru- 
salem, à  la  suite  de  Zorobabel,  une  seconde  émigration, 
conduite  par  Esdras,  eut  lieu  sous  le  règne  d'Arlaxerce  Lon- 
gue-Main, environ  soixanle-dix-sept  ans  après  la  première. 
Durant  cet  intervalle,  la  réforme  religieuse  de  Zoroasire 
avait  eu  le  temps  de  se  répandre  dans  toutes  les  parties  de 
l'empire  babylonien  et  de  jeter  dans  les  esprits  de  profoiide^ 

\.  Zend  Avcsla,  t.  II,  Vie  de  Zoroasire,  p.  07. 

2.  Daniel,  I,    1.   —   Esdras,  l,   2;   H,   t.  —  Joseph,   Anliquil.,  liv.  XI, 
chap.  IV  cl  V, 


270  LA.  KABBALE 

racines.  Enfin,  de  retour  dans  leur  pays,  les  Juifs  demeu- 
rent toujours,  jusqu'à  la  conquête  d'Alexandre  le  Grand, 
les  sujets  des  rois  de  Perse;  et  môme  après  cet  événement 
jusqu'à  leur  entière  dispersion,  ils  semblent  regarder  comme 
une  seconde  patrie  ces  rives  de  l'Euphrate,  autrefois  arro- 
sées de  leurs  pleurs,  quand  leurs  regards  et  leurs  pensées 
se  tournaient  vers  Jérusalem.  Sous  l'autorité  à  la  fois  civile 
et  religieuse  des  chefs  de  la  captivité  (xm^j  un),  s'élève  la 
synagogue  de  Bahylone  qui  concourt  avec  celle  de  la  Pales- 
tine à  l'organisation  définitive  du  judaïsme  rabbiniquc*. 
Sur  tous  les  points  du  pays  qui  leur  a  donné  asile,  à  Sora, 
à  Pombéditah,  à  Nehardea,  ils  fondent  des  écoles  religieuses 
non  moins  florissantes  que  celles  de  la  métropole.  Parmi  les 
docteurs  sortis  de  leur  sein,  nous  citerons  Hillel  le  Babylo- 
nien, mort  près  de  quarante  ans  avant  l'avènement  du 
Christ,  après  avoir  été  le  maître  de  ce  Jochanan  ben  Zacliai,  ] 
qui  joue  un  si  grand  rôle  dans  les  histoires  kabbalisliqucs 
rapportées  précédemment.  Ajoutons  que  ces  mêmes  écoles 
ont  produit  le  llialmud  de  Bahylone,  expression  dernière  et 
complète  du  judaïsme.  Bien  qu'à  l'énumération  de  ces  faits, 
on  peut  déjà  prévoir  que  nulle  autre  nation  n'a  exercé  sur 
les  Juifs  une  action  plus  intime  que  les  Perses;  que  nulle 
puissance  morale  n'a  du  pénétrer  dans  leur  esprit  plus  for- 
tement que  le  système  religieux  de  Zoroastre  avec  son  long 
cortège  de  traditions  et  de  commentaires.  Mais  le  doute 
n'est  plus  possible  aussitôt  qu'on  abandonne  ces  rapports 
purement  extérieurs  pour  comparer  entre  elles  les  idées 
qui  représentent,  chez  les  deux  peuples,  les  résultats  les 
plus  élevés  et  les  bases  mêmes  de  leurs  civilisations  respec- 
tives. Cependant,  afin  qu'on  ne  puisse  pas  nous  soupçonner 
à  l'avance  de  fonder  sur  des  ressemblances  isolées  et  pure^ 


1.  Jost,  Histoire  générale  des  Israélites,  liv.  X,  chap.  xi  el  xii.  —  Le  même, 
Histoire  des  Israélites  depuis  les  Macchabées,  t.  iV,  liv.  XIV  tout  entier. 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PEB  ES.  271 

ment  fortuites  l'origine  que  nous  attribuons  à  la  kabbale, 
nous  allons,  avant  de  montrer  tous  les  éléments  de  ce  sys- 
tème dans  le  Zend  Avesta,  signaler  en  peu  de  mots  et  par 
quelques  exemples  l'influence  de  la  religion  des  Perses  sur 
le  judaïsme  en  général.  Loin  d'être  une  digression,  celle 
partie  de  nos  recherches  ne  sera  pas  la  plus  faible  preuve 
de  l'opinion  que  nous  voulons  soutenir,  et  je  me  hâte  d'a- 
jouter que  mon  intention  n'est  pas  de  [)arler  des  dogmes 
fondamentaux  de  V Ancien  Testament  :  car,  puisque  Zoroasire 
lui-même  en  appelle  sans  cesse  à  des  traditions  plus  an- 
ciennes que  lui,  il  n'est  pas  nécessaire,  il  n'est  pas  même 
permis,  en  bonne  critique,  de  regarder  comme  des  emprunts 
faits  à  sa  doctrine  les  six  jours  de  la  création,  si  faciles  à 
reconnaître  dans  les  six  Gâhanbar\\Q  paradis  terrestre  et 
la  ruse  du  démon  qui,  sous  la  forme  du  serpent,  vint  souf- 
fler la  révolte  dans  l'àme  de  nos  premiers  parents%  le  châ- 

1.  Le  mot  Cûhanhav  désigac  à  là  fois  les  six  époques  de  la  création  et  les 
six  fêles  destinées  à  les  rappeler  à  la  mémoire  des  fidèles  (M.  Burnouf,  Com- 
mentaire sur  le  Yaçna,  p.  500).  Pendant  la  première  de  ces  époques,  Onnuzd         - 
a  créé  le  ciel;   pendant  la  deuxième  il  a  fait  l'eau;  pendant  la  troisième,  la 
terre;  pendant  la  quatrième,  les  végétaux;  pendant  la  cinquième,  les  animaux;       -*-' 
enfin,  à  la  sixième,  est  né  l'homme.  (Anqueiil-Duperron,  Zend  Avesta,  t.  1,       /"^! 
2°  part.,  p.  84.)  Ce  système  de  la  création  était  déjà  enseigné  avant  Zoroastre,       ''^ 
par  un  autre  prophète  mède  ouchaldéen,  appelé  Djemschid.  (Anquetil-Duperron, 

Vie  de  Zoroasire,  p.  07.) 

2.  Ormuzd  apprend  lui-même  à  son  serviteur  Zoroasire  que  lui,  Ormuzd, 
avait  donné  (ou  créé)  un  lieu  de  délices  et  d'abondance,  appelé  Ecrïené  Véedjô. 
Ce  lieu,  plus  beau  que  le  monde  entier,  était  semblable  au  Béhescht  (le  Paradis 
céleste).  Puis  Ahrimane  fit  naître,  dans  le  fleuve  qui  arrosait  cet  endroit,  la 
Grande  Couleuvre,  mère  de  l'hive;-.  {Zend  Avesta  Vendidad,  t.  II,  p.  264.) 
Ailleurs,  c'est  Ahrimane  lui-même  qui  saute  du  ciel  sur  la  terre,  sous  la  l'orme 
d'une  couleuvre.  C'est  lui  encore  qui  séduit  le  premier  homme,  Mescltia,  et  la 
première  femme,  Mcschiané.  «  Il  courut  sur  leurs  pensées,  il  renversa  leurs 
dispositions  et  leur  dit  :  C'est  Ahrimane  qui  a  donné  l'eau,  la  terre,  les  arbres, 
les  animaux.  Ce  fut  ainsi  qu'au  commencement,  Ahrimane  les  trompa,  et, 
jusqu'à  la  fin,  le  cruel  n'a  cherche  qu'à  les  séduire.  »  [Zend  AvestOf  t.  III, 
p.  551  et  578.) 


272  L\  KABBALE. 

liment  terrible  et  la  croissante  déchéance  de  ces  derniers, 
obligés,  après  avoir  vécu  comme  les  anges,  de  se  nourrir, 
de  se  couvrir  de  la  dépouille  des  animaux,  d'arracher  les 
métaux  au  sein  de  la  terre,  et  d'inventer  tous  les  arts  par 
lesquels  nous  subsistons*;  endn,  le  jugement  dernier  avec 
les  terreurs  qui  l'accompagnent,  avec  la  résurrection  des 
morts  en  esprit  et  en  chair*.  Toutes  ces  croyances,  on  les 
trouve,  il  est  vrai,  dans  le  Boun-Dehesch^  et  dans  le  Zend 
Avesta,  sous  une  forme  non  moins  explicite  que  dans  la 
Genèse;  mais,  nous  le  répétons  avec  une  conviction  parfaite, 
c'est  beaucoup  plus  haut  qu'il  en  faut  chercher  la  source. 
Nous  ne  pouvons  pas  en  dire  autant  du  judaïsme  rabbi- 
nique,  beaucoup  plus  moderne  que  la  religion  de  Zoroastre  : 
ici,  comme  nous  allons  nous  en  assurer,  les  traces  du  par- 
sisme  sont  de  la  dernière  évidence,  et  nous  comprendrons 

1.  «  Le  dew  qui  ne  dit  que  le  mensonge  (Ahrimane),  devenu  plus  haidi,  se 
présenta  une  seconde  fois,  et  leur  apporta  (au  premier  couple)  des  fruits, 
qu'ils  mangèrent,  et  par  là,  de  cent  avantages  dont  ils  jouissaient,  il  ne  leur 
en  resta  qu'un.  ))  (Ib.  supr.)  Après  cela,  nos  premiers  parents,  séduits  ime 
troisième  fois,  burent  du  lait.  A  la  quatrième  fois,  ils  allèrent  à  la  chasse, 
mangèrent  la  viande  des  animaux  qu'ils  venaient  de  tuer,  et  se  firent  des  habits 
de  leurs  peaux  :  c'est  le  Seigneur  faisant  des  tuniques  de  peau  à  Adam  et  à 
Eve.  Ensuite  ils  découvrent  le  fer,  se  font  une  hache,  avec  laquelle  ils  coupent 
des  arbres  pour  se  construire  une  tente;  enfin  ils  s'unissent  charnellement,  et 
leurs  enfants  héritent  de  leurs  misères,  {[b.  siipr.) 

2.  Au  jour  de  la  résurrection,  l'âme  reparaîtra  d'abord  ;  elle  reconnaîtra  son 
corps;  tous  les  hommes  se  reconnaîtront.  Ils  seront  divisés  en  deux  classes,  les 
justes  etles  chtrwands  (les  méchants). Les  justes  iront  au  Gototman  (le  paradis)  ; 
les  darwands  seront  de  nouveau  précipités  dans  le  Douzakh  (l'enfer).  Pondant 
trois  jours,  les  premiers  goiiteront,  en  corps  et  en  âme,  les  jouissances  du 
paradis;  les  autres  soulTriront  de  la  même  manière  les  peines  de  l'enfer.  Ensuite 
les  morts  seront  purifiés,  il  n'y  aura  plus  de  méchants  :  «  Tous  les  hommes 
seront  unis  dans  une  même  œuvre.  Dans  ce  temps-là,  Ormuzd,  ayant  achevé 
toutes  les  productions,  ne  fera  plus  rien.  Les  morts  ressuscites  jouiront  du 
même  repos.  »  C'est  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  septième  époque  de  la 
création,  ou  le  sabbat  des  Parses.  {Zend  Avesla,  t.  Il,  p.  414.) 

5.  Après  le  Zend  Avesta,  le  Boun-Dchcscli  est  le  plus  ancien  livre  religieux 
des  Parses.  {Zend  Avesta,  t.  111,  p.  557.) 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  275 

sur-le-champ  quel  jour  peut  en  rejaillir  sur  l'origine  de  la 
kabbale,  si  nous  nous  rappelons  que  les  plus  anciens  maîtres 
de  cette  science  mystérieuse  sont  également  comptés  parmi 
les  docteurs  de  la  Mischna  et  les  pères  les  plus  vénérés  de 
la  synagogue. 

Si,  à  côté  des  plus  sages  maximes  sur  l'emploi  de  la  vie, 
des  idées  les  plus  consolantes  sur  la  miséricorde  et  la  jus- 
lice  divines,  on  trouve  souvent,  dans  le  judaïsme,  des  traces 
de  la  plus  sombre  superstition,  il  faut  surtout  en  chercher 
la  cause  dans  l'elfroi  qu'il  inspire  par  sa  démonologie.  Telle 
est,  en  effet,  la  puissance  qu'il  abandonne  aux  esprits  mal- 
faisants (anu;,  mnn)  que  l'homme,  à  tous  les  instants  de 
son  existence,  peut  se  croire  entouré  de  ces  ennemis  invi- 
sibles, non  moins  acharnés  à  la  perte  de  son  corps  qu'à  celle 
de  son  àine.  Jl  n'est  pas  encore  né,  que  déjà  ils  l'attendent 
près  de  son  berceau,  pour  le  disputer  à  Dieu  et  à  la  tendresse 
d'une  mère;  à  peine  a-t-il  ouvert  les  yeux  sur  ce  monde, 
qu'ils  viennent  assaillir  sa  tète  de  mille  périls,  et  sa  pensée 
de  mille  visions  impures.  Enfin,  malheur  à  lui,  s'il  ne 
résiste  pas  toujours  !  car,  avant  que  la  vie  ait  complètement 
abandonné  son  corps,  ils  viendront  s'emparer  de  leur  proie. 
Eh  bien,  dans  toutes  les  idées  de  ce  genre,  il  y  a  une  simi- 
litude parfaite  entre  la  tradition  juive  et  le  Zend  Avesta. 
D'abord,  d'après  ce  dernier  monument,  les  démons  ou  les 
dews,  ces  enfants  d'Alirimanc  et  des  ténèbres,  ne  sont  pas 
moins  nombreux  que  les  créatures  d'Ormuzd;  il  y  en  a 
de  plus  de  mille  espèces,  ils  se  présentent  sous  toutes  les 
formes,  ils  parcourent  la  terre  en  lous  sens  pour  répandre 
chez  les  hommes  la  maladie  et  la  faiblesse*.  «  Quel  es!, 
demande  Zoroastre  à  Ornuizd,  quel  est  le  lieu  oii  sont  les 
dews  mâles,  où  sont  les  dews  femelles,  où  les  dews  courent 
en  foule  de  cinquante  côtés,  de  cent,  de  mille,  de  dix  mille 

1.  Zend  Avesla,  t.  II,  p.  255;  l.  III,  p.  158. 

18 


274  LA.  KABBALE. 

côtés,  enfin  de  tous  les  côtés'?...  Anéantissez  les  dcws  qui 
affaiblissent  les  hommes  et  ceux  qui  produisent  les  mala- 
dies, qui  enlèvent  le  cœur  de  l'homme  comme  le  vent  em- 
porte les  nuées  ^  »  Voici  maintenant  en  quels  termes  le 
Thalmud  s'exprime  sur  le  même  sujet  :  «  Aba  Benjamin  a 
dit  :  Aucune  créature  ne  pourrait  subsister  devant  les  esprits 
malfiiisanls,  si  l'œil  avait  la  faculté  de  les  voir.  Abaï  ajoute  : 
Ils  sont  plus  nombreux  que  nous  et  nous  entourent  comme 
on  voit  un  champ  entouré  d'une  clôture.  Chacun  de  nous, 
dit  notre  maître  Houna,  en  a  mille  à  sa  gauche  et  dix  mille 
à  sa  droite.  Quand  nous  nous  sentons  pressés  dans  une 
foule,  cela  vient  de  leur  présence;  quand  nos  genoux  flé- 
chissent sous  notre  corps,  eux  seuls  en  sont  la  cause;  quand 
il  nous  semble  qu'on  a  brisé  nos  membres,  c'est  encore 
à  eux  qu'il  faut  attribuer  cette  souffrance^.  »  «  Les  dews, 
dit  le  Zend  Âvesta,  s'unissent  l'un  à  l'autre  et  se  repro- 
duisent à  la  manière  des  hommes\  »  Mais  ils  se  multiplient 
également  par  nos  propres  impuretés,  par  les  actes  honteux 
d'une  débauche  solitaire  et  les  dérèglements  même  involon- 
taires que  provoque  durant  le  sommeil  un  songe  volup- 
tueux^  Selon  le  Thalmud,  il  y  a  trois  choses  par  lesquelles 
les- démons  ressemblent  aux  anges,  et  trois  autres  par  les- 
quelles ils  ressemblent  aux  hommes  :  comme  les  anges,  ils 
lisent  dans  l'avenir,  portent  des  ailes  et  volent,  en  un  instant, 
d'une  extrémité  à  l'autre  de  la  terre  :  mais  ils  mangent,  ils 


■1.  Yendidad  Sade,  t.  If,  du  Zend  Av.,  p.  525. 
2.  Zend.  Ac,  t.  II,  p.  115. 

5.   Traité  Beracholh,  fol.  6,  recto.  Un  autre  doclcur  va  jusqu'à  accuser  les 
démons  d'user  par  le  frottement  de  leurs  mains  les  vêtements  des  rabbins, 

"inTi  -lEinc  ibi-  ]:2TT  ^ing  •:.■!•  ^^• 

4.  Zend  Av.,  t.  Il,  p.  556. 

5.  Un  de-s\-  appelé  Eschem  dit  lui-même  que,  dans  ce  cas,  il  conçoit  comme 
une  femme  qui  a  eu  commerce  avec  quelqu'un.  Zend  .Av.,  l.  II,  p.  408,  Ven- 

■  didad  Sade. 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  275 

boivent  et  se  reproduisent  à  la  manière  des  hommes*.  De 
plus,  ils  ont  tous  pour  origine  les  rêves  lascifs,  qui  trou- 
blaient les  nuits  de  notre  premier  père  pendant  les  années 
qu'il  a  passées  dans  la  solitude-,  et  aujourd'hui  encore,  chez 
ses  descendants,  la  même  cause  engendre  les  mêmes  effets ^ 
De  là,  chez  les  Juifs  comme  chez  les  Parses,  certaines  for- 
mules de  prière  dont  la  vertu  est  de  prévenir  ce  malheur*. 
Enfin,  ce  sont  les  mêmes  fantômes,  les  mêmes  terreurs  qui 
les  assiègent,  les  uns  et  les  autres,  à  leurs  derniers  instants. 
A  peine  l'homme  est-il  mort,  disent  les  livres  zends,  que 
les  démons  viennent  l'obséder  et  ^interroger^  Le  Daroudj 
(le  démon)  Nésosch  arrive,  sous  la  forme  d'une  mouche,  se 
place  sur  le  mortel  le  frappe  cruellement*'  ;  ensuite,  lorsque 
l'àme  séparée  du  corps  arrive  près  du  pont  Tchinevad  qui 
sépare  notre  monde  du  monde  invisible,  elle  est  jugée  par 
deux  anges  dont  l'un  est  Mithra,  aux  proportions  colossales, 
aux  dix  mille  yeux,  et  dont  la  main  est  armée  d'une  massue'. 
Les  rabbins,  en  conservant  le  même  fond  d'idées,  ont  su  le 
rendre  plus  effrayant  encore.  «  Lorsque  l'homme,  disent-ils, 
au  moment  de  quitter  ce  monde,  vient  à  ouvrir  les  yeux, 
il  aperçoit  dans  sa  maison  une  lueur  extraordinaire  et 
devant  lui  l'ange  du  Seigneur,  vêtu  de  lumière,  le  corps 
tout  parsemé  d'yeux  et  tenant  à  la  main  une  épée  flam- 
boyante; à  cette  vue,  le  mourant  est  saisi  d'un  frisson  qui 
pénèli"e  à  la  fois  son  esprit  et  son  corps.  Son  àme  fuit 

1.  Ce  passage  a  été  traduit  en  latin  par  Buxtorf,  dans  son  Lexicon  Tlialinu- 
dictim,  p.  '2359. 

2.  Ib.  fupr. 

Ti.  Voii-  dans  le  ni"i2n  mmS  Tii?  Iiyp»  P-  'lOS»  verso,  de  l'édit.  d'Ams- 
terdam, un  extrait  fort  curieux  de  Rabbi  Mcna'hem  le  Babylonien. 

4.  Zcnd  Av.,  t.  H,  p.  408.  —  Kilzour,  édit.  citée  dans  la  note  précédente, 
p.  92,  verso,  et  p.  45,  reclo. 

5.  Zcnd  Av.,  t.  11,  p.  104. 
G.  Zend  Av.,  t.  11,  p.  516. 

7.  Zcnd  Av.,  t.  II,  p.  114,  151.  —  Ib.,  t.  ill,  p.  205,  20G,  211-222. 


276  LA  KABDALE. 

successivement  dans  tous  ses  membres,  comme  un  homme 
qui  voudrait  changer  de  place.  Mais  voyant  qu'il  est  im- 
possible d'échapper,  il  regarde  en  face  celui  qui  est  là 
devant  lui,  et  se  met  tout  entier  en  sa  puissance.  Alors, 
si  c'est  un  juste,  la  divine  présence  se  montre  à  lui,  et 
aussitôt  l'àme  s'envole  loin  du  corps'.  »  A  cette  première 
épreuve  en  succède  une  autre,  que  l'on  appelle  la  question 
ou  l'épreuve  du  tombeau  (i:pn  i2i2in)*.  «  A  peine  le  mort 
est-il  enfermé  dans  le  sépulcre,  que  l'âme  vient  de  nou- 
veau s'unir  à  lui,  et,  en  ouvrant  les  yeux,  il  voit  à  ses 
côtés  deux  anges,  venus  pour  le  juger.  Chacun  d'eux  tient 
à  la  main  deux  verges  de  feu  (d'autres  disent  des  chaînes 
de  fer),  et  l'âme  et  le  corps  sont  jugés  en  même  temps 
pour  le  mal  qu'ils  ont  fait  ensemble.  Malheur  à  Thomme 
s'il  est  Irouvé  coupable,  car  personne  ne  le  défendra!  Au 
premier  coup  dont  on  le  frappe,  tous  ses  membres  sont 
disloqués;  au  second,  tous  ses  ossements  sont  rompus. 
Mais  aussitôt  son  corps  est  reconstruit  et  le  supplice  recom- 
mence^  »  Ces  traditions  doivent  avoir  à  nos  yeux  d'autant 
plus  de  prix  qu'elles  sont  empruntées  presque  littérale- 
ment au  Zohar,  d'où  elles  ont  passé  dans  les  écrits  pure- 
ment rabbiniques  et  dans  les  recueils  populaires.  A  ces 
croyances  nous  pouvons  ajouter  une  foule  d'usages  et  de 
pratiques  religieuses,  également  commandés  par  le  Thal- 
mud  et  par  le  Zend  Avesta.  Ainsi  le  Parse,  après  avoir, 
le  matin,  quitté  son   lit,  ne  peut  faire  quatre  pas   avant 

1.  Zohar,  5'  part.,  sect.  x^J»  P-  '2^>  verso,  cJ.  d'Amsterdam.  En  prenant 
le  fond  de  ce  tableau  dans  le  Zohar,  nous  y  avons  joint  quelques  détails 
empruntés  du  Kiizour,  p.  20  et  21. 

2.  D'après  les  kabbalistes,  ces  épreuves  sont  au  nombre  de  sept  :  1°  la  sépa- 
ration de  l'àme  et  du  corps;  2°  la  récapilulalion  des  actes  de  notre  vie;  5°  le 
moment  de  la  sépulture;  4°  l'épreuve  ou  le  jugement  du  tombeau;  5°  le  moment 
où  le  mort,  encore  animé  par  l'esprit  vital  ('^1*3^),  sent  la  morsure  des  vers; 
G'  les  cliàliments  de  l'enfer;  7°  la  métempsycose.  Zohar,  ib.  supr. 

5.  Mêmes  passages  du  Zohar  et  du  Kiizour, 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  277 

d'avoir  passé  aulour  de  ses  reins  la  ceinture  sacrée,  appe- 
lée Kosti';  sous  prétexte  que  pendant  la  nuit  il  a  été 
souillé  par  le  contact  des  démons,  il  ne  peut  toucher  aucune 
pnrtie  de  son  corps  avant  de  s'être  jusqu'à  trois  fois  baigné 
les  mains  et  le  visage*.  On  trouvera  chez  l'observateur  de 
la  lui  rabbin ique  les  mêmes  devoirs  appuyés  sur  la  même 
raison'';  seulement  le  Kosti  est  remplacé  par  un  vêtement 
d'une  autre  forme.  Le  disciple  de  Zoroastre  et  le  sectateur 
du  Thalmud  se  croient  également  obligés  de  saluer  la  lune, 
dans  son  premier  quartier,  par  des  prières  et  des  actions 
de  grâces \  Les  pratiques  par  lesquelles  on  éloigne  d'un 
mort  ou  d'un  nouveau-né  les  démons  qui  cherchent  à  s'en 
emparer,  sont  chez  tous  deux  à  peu  près  les  mêmes^.  L'une 
et  l'autre,  portant,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  la  dévotion 
elle-même  jusqu'à  la  profanation,  ont  des  prières  et  des 
devoirs  religieux  pour  tous  les  instants,  pour  tous  les  actes, 
pour  toutes  les  situations  de  la  vie  physique  comme  pour 
toutes  celles  de  la  vie  morale*;  aussi,  quoique  la  matière 

1.  Zend  Av.,  t.  II,  p.  409,  Veiididad  Sade. 

2.  Thoni.  Ilyde,  Reluj.  veteriim  Persarum,  p.  4G5  et  477. 

3.  Oiach  Cliaïm,  p.  54.  La  même  chose  est  recoinmandée  par  les  kabba- 
listes.  Selon  ces  derniers,  l'àme  supérieure  nous  abandonne  durant  le  sonnneil 
et  il  ne  nous  reste  alors  que  l'àme  vitale,  incapable  de  défendre  le  corps  des 
esprits  impurs  et  des  émanations  de  la  mort.  Zohar,  i'"  part.,  sect.  3't?i'i.  — 
Voir  aussi  le  Thalmud,  traité  du  Sabbat,  chap.  vni. 

4.  Zend  Av.,  t.  III,  p.  513.  Cet  usage  subsiste  encore  aujourd'hui  sous  le 
nom  de  Sanciificalion  de  la  lune  (nj2.Sn  w'ITp)- 

5.  Chez  les  l'arses,  lorsqu'une  femme  vient  d'accoucher,  on  entretient  dans 
sa  chambre,  pendant  trois  jours  et  trois  nuits,  une  lampe  ou  un  feu  allumé. 
Zend  Av.,  t.  IH,  p.  565.  —  Th.  Ilyde,  ouvrage  cité,  p.  445.  Chez  les  Juifs  le 
même  usage  est  observé  à  la  mort  d'une  personne.  Quant  aux  cérémonies  dont 
le  but  est  d'éloigner  du  nouveau-né  le  démon  Lilith,  elles  sont  bien  autrement 
compliquées.  Mais  on  en  trouvera  la  raison  et  la  description  dans  le  livre  de 
Raziel. 

6.  On  trouvera  dans  le  recueil  de  litanies  appelées  Icschts  sadcs,  des  for- 
mules de  prières  que  le  Parse  est  obligé  de  réciter  au  moment  de  se  couper  les 
ongles,   avant  et   après  les  fonctions  naturelles,  avant  de  remplir  le    devoir 


278  LA  KABBALE. 

ne  soit  pas  encore  près  de  nous  faire  défaut,  est-il  temps 
que  ce  parallèle  touche  à  sa  fin.  Mais  la  bizarrerie,  l'excen- 
tricité même  des  faits  que  nous  venons  de  recueillir  ne 
donne  que  plus  de  certitude  à  la  conséquence  que  nous  en 
tirons;  car  ce  n'est  pas  assurément  dans  des  croyances  et 
des  pratiques  de  ce  genre  que  l'ou  peut  invoquer  les  lois 
générales  de  l'esprit  humain.  Nous  pensons  donc  avoir 
démontré  que  la  religion,  c'est-à-dire  la  civilisation  tout 
entière  des  anciens  Perses,  a  laissé  des  traces  nombreuses 
dans  toutes  les  parties  du  judaïsme  :  dans  sa  mythologie 
céleste,  représentée  par  les  anges  ;  dans  sa  mythologie  infer- 
nale et  enfin  dans  les  pratiques  du  culte  extérieur.  Croirons- 
nous  à  présent  que  sa  philosophie,  c'est-à-dire  la  kabbale, 
ait  seule  échappé  à  cette  influence?  Cette  opinion  est-elle 
probable,  quand  nous  savons  que  la  tradition  kabbalistique 
s'est  développée  de  la  même  manière,  dans  le  même  temps, 
et  s'appuie  sur  les  mêmes  noms  que  la  loi  orale  ou  la  tra- 
dition thalmudique?  Mais  à  Dieu  ne  plaise  que  dans  un  sujet 
aussi  grave  nous  puissions  nous  contenter,  quelque  fondée 
qu'elle  soit,  d'une  simple  conjecture.  Nous  allons  prendre 
un  à  un  tous  les  éléments  essentiels  de  la  kabbale  et  montrer 
leur  parfaite  ressemblance  avec  les  principes  métaphysiques 
de  la  religion  de  Zoroastre.  Cette  manière  de  procéder,  si 
elle  n'est  pas  la  plus  savante,  devra  paraître  au  moins  la 
plus  impartiale. 

1°  Le  rôle  que  VEn  Soph,  l'infini  sans  nom  et  sans  forme, 
remplit  dans  la  kabbale,  est  donné  par  la  théologie  des 
mages  au  temps  éternel  (Zervane  Akéréne),  et  d'autres 
disent  à  l'espace  sans  limites  '.  Or  nous  ferons  remarquer 

conjugal.  Zi:nd  Av.,  t.  111,  p.  117,  120,  121,  125,  124.  Des  prières  semblables 
sont  ordonnées  aux  Juifs  dans  les  mêmes  circonstances.  Voir  Joseph  Karo, 
Schouîchan  Aroiich,  p.  2,  xDjH  TV2  nin:~-  et  le  Kilzour,  p.  52,  ^i^ï  i:";y. 
d.  Anquelil-Duperron,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions, 
t.  XXX Vil,  p.  58  L 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  279 

sur-le-champ  que  le  nom  de  l'espace  ou  du  lieu  absolu 
(a*,p^2,  makôm)  esl  devenu  chez  les  Hébreux  le  nom  mémo 
de  la  divinité.  De  plus,  ce  premier  principe,  celle  source 
unique  et  suprême  de  toute  existence,  n'est  qu'un  Dieu 
abstrait  sans  action  directe  sur  les  èlres,  sans  commerce 
efficace  avec  le  monde,  par  conséquent  sans  forme  appré- 
ciable pour  nous  :  car  le  bien  et  le  mal,  la  lumière  et  les 
ténèbres  existent  également,  sont  encore  confondus  dans 
son  sein  *.  D'après  la  secte  des  zervanites,  dont  l'opinion 
nous  a  été  conservée  par  un  bistorien  persan*,  le  principe 
dont  nous  venons  de  parler,  Zervàne  ne  serait  lui-même, 
comme  la  Couronne  chez  les  kabbalistes,  que  la  première 
émanation  de  la  lumière  infinie. 

2°  On  reconnaîtra  sans  effort  le  Meïmra  des  traducteurs 
chaldéens  dans  ces  mots  par  lesquels  Ormuzd  lui-même 
définit  l'IIonover  ou  la  parole  créatrice  :  «  Le  pur,  le  saint, 
«  le  prompt  Honover,  je  vous  le  dis  clairement,  ô  sage  Zo- 
«  roastre  !  était  avant  le  ciel,  avant  l'eau,  avant  la  terre, 
«  avant  les  troupeaux,  avant  les  arbres,  avant  le  feu,  fils 
«  d'Ormuzd,  avant  l'homme  pur,  avant  les  dews,  avant  tout 
«  le  monde  existant,  avant  tous  les  biens.  »  C'est  par  cette 
môme  parole  qu'Ormuzd  a  créé  le  monde,  c'est  par  elle  qu'il 
iigit  et  qu'il  existe  \  Mais  elle  n'est  pas  seulement  anté- 
rieure au  monde;  quoique  donnée  de  Dieu,  comme  disent 
ies  livres  zends  *,  elle  est  éternelle  comme  lui  ;  elle  remplit 

1.  T.  II  du  Zend  Av.  Vcndklud.  —  Ib.,  t.  III,  traJ.  du  boun-Dehesch. 
Dans  ce  livre,  Ormuzd  et  Ahriinane  sont  appelés  un  seul  peuple  du  temps  sans 
Jjornes. 

2.  Sliarislani,  ap.  Tliom.  Ilydc,  de  Vetcr.  Pcrs.  nlig.,  p.  297.  «  Altéra 
magorum  secla  sunt  Zervanihe  qui"  asscrunt  lucem  produxisse  personas  ex 
Luce,  quœ  omncs  erant  spiriluales,  luminosa;,  dominales.  Sed  quod  harum 
maxima  pcrsona,  cui  nomen  Zervan,  dubitavit  de  rc  aliquà,  ex  islà  dubilalicncj 
•cmersit  Salarias.  « 

5.  Zend  Av.,  t.  II,  p.  158. 

4.  Mcinoircs  de  V Académie  des  Inscriptions,  t.  XXXVIi,  p.  620. 


280  LA  KACDALE. 

le  rôle  de  médiateur  entre  le  temps  sans  bornes  et  les  exis- 
tences qui  s'écoulent  de  son  sein.  Elle  renferme  la  source 
et  le  modèle  de  toutes  les  perfections,  avec  la  puissance  de 
les  réaliser  dans  les  êtres  '.  Enfin,  ce  qui  achève  de  lui  don- 
ner toute  ressemblance  avec  le  verbe  kabbalistique,  c'est 
qu'elle  a  un  corps  et  une  âme,  c'esL-à-dire  qu'elle  est  à  la 
fois  esprit  et  parole.  Esprit,  elle  n'est  rien  moins  que  l'âme 
d'Ormuzd,  comme  ce  dernier  le  dit  lui-même  expressément*; 
parole  ou  corps,  c'est-à-dire  esprit  devenu  visible,  elle  est 
en  môme  temps  la  loi  et  l'univers  ^ 

5"  Nous  trouvons  dans  Ormuzd  quelque  chose  de  tout  à 
fait  semblable  à  ce  que  le  Zohar  ap[)elle  une  'personne  ou 
1*1^*^^^  un  visage  (ï^'.ïid).  Il  est,  en  effet,  la  plus  haute  personnifica- 
'  tion  de  la  parole  créatrice,  de  cette  parole  excellente  dont 

on  a  fait  son  âme.  Aussi  faut-il  chercher  en  lui  plutôt  que 
dans  le  principe  suprême,  dans  le  temps  éternel,  la  réunion 
de  tous  les  attributs  que  l'on  donne  ordinairement  à  Dieu 
et  qui  en  sont  la  manifestation,  c'est-à-dire,  dans  le  langage 
oriental,  la  lumière  la  plus  brillante  et  la  plus  pure.  «  Au 
«  commencement, disent  les  livres  sacrés  des  Parses, Ormuzd, 
«  élevé  au-dessus  de  tout,  était  avec  la  science  souveraine, 
«  avec  la  pureté,  dans  la  lumière  du  monde.  Ce  trône  de 
«  lumière  (nasTr),  ce  lieu  habité  par  Ormuzd,  est  ce  qu'on 
cf  appelle  la  lumière  première  *.  »  Il  renferme  en  lui,  ainsi 
que  l'homme  céleste  des  kabbalistes,  la  vraie  science,  l'in- 
telligence à  son  plus  haut  degré,  la  grandeur,  la  bonté,  la 
beauté,  l'énergie  ou  la  force,  la  pureté  ou  la  splendeur;  en- 


1.  Ih.  supr.  Voici  les  propres  paroles  de  l'auteur  :  «  L'ilonover,  dans  l'opi- 
nion de  Zoroaslre,  renferme  la  source  et  le  modèle  de  toutes  les  perfections 
des  êtres,  la  puissance  de  les  produire,  et  il  ne  s'est  manifesté  que  par  une 
sorte  de  prolation  de  la  part  du  temps  sans  bornes  et  de  celle  d'Ormuzd.  » 

2.  Zend  Av.,  t   II,    p.  415. 

3.  Zend  Av.,  t.  111,  p.  325  et  593. 

4.  Zend  Av.,  t.  111,  p.  543. 


L\  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  281 

fin,  c'est  lui  qui  a  créé,  ou  du  moins  qui  a  formé  et  qui 
nourrit  tous  les  êtres '.Sans  doute,  on  ne  peut  rien  conclure 
de  ces  qualités  elles-mêmes  et  de  leur  ressemblance  avec 
les  Sephiroth;  mais  on  ne  peut  s'empêcher  de  remarquer 
qu'elles  sont  toutes  réunies  dans  Ormuzd,  dont  le  rôle,  par 
rapport  à  l'infini,  au  temps  et  à  l'espace  sans  bornes, 
est  le  même  que  celui  d'Adam  Kadmon  par  rapport  à 
VEn  Soph.  Et  même,  si  nous  en  croyons  l'historien  que 
nous  avons  déjà  cité,  il  y  avait  chez  les  Perses  une 
secte  fort  nombreuse  aux  yeux  de  laquelle  Ormuzd,  c'était 
la  volonté  divine,  manifestée  sous  une  forme  humaine  et 
tout  éblouissante  de  lumière  ^  Il  est  vrai  aussi  que  les  livres 
zends  ne  s'expliquent  pas  sur  l'acte  par  lequel  Ormuzd  a 
produit  le  monde,  sur  la  manière  dont  il  est  sorti  lui-même 
ainsi  que  son  ennemi  du  sein  de  l'Eternel,  et  enfin  sur  ce 
qui  constitue  la  substance  première  des  choses  ^.  Mais,  Dieu 
iine  fois  comparé  à  la  lumière,  la  cause  efficiente  du  monde 
subordonnée  à  un  principe  supérieur,  l'univers  considéré 
comme  le  corps  de  la  parole  invisible,  il  n'est  guère  possible 
qu'on  n'arrive  pas  à  regarder  tous  les  êtres  comme  des  mots 
isolés  de  cette  éternelle  parole  ou  comme  des  rayons  épars 
de  cette  lumière  infinie.  Aussi  avons-nous  remarqué  que  le 
pnnlhéisme  gnoslique  se  rattache  plus  ou  moins  au  prin- 
cipe fondamental  de  la  théologie  des  Parses  *. 

1.  Voir  Eugène  Burnouf,  Commentaire  sur  le  Yaçua,  chap.  i,  jusiju'à  l.i 
page  14G. 

2.  Celle  secte  est  celle  des  Zerdusthiens.  Voici  leur  opinion,  rapportée  par 
Sharistani  dans  la  traduction  latine  de  Thom.  llvde  {de  Vet.  Pers.  reliy., 
p.  298)  :  «  et  postquam  effluxissent  5000  anni,  transmisisse  volunlatem  suam 
in  forma  lucis  fulgentis  compositœ  in  figuram  humanam  j. 

3.  Ils  disent  qu'Onnuzd  et  Ahrimane  ont  été  donnés  de  Zervan,  le  temps 
éternel;  qu'Ormuzd  a  donné  le  ciel,  la  terre  et  toutes  ses  productions.  Mais 
nulle  part  le  sens  de  ce  mot  important  n'est  clairement  déterminé. 

4.  Cependant  il  n'est  pas  sans  importance  d'observer  que  dans  le  Zend 
Avcs(a  (t.  11,  p.  180)  Ormuzd  est  appelé  le  corps  des  corps.   Ne  serait-ce  pas 


282  LA  KABBALE. 

4°  D'après  les  croyances  kabbalistiques,  comme  d'après 
le  système  de  Platon,  tous  les  êtres  de  ce  monde  ont  d'abord 
existé  dans  le  monde  invisible,  sous  une  forme  beaucoup 
plus  parfaite;  chacun  d'eux  a  dans  la  pensée  divine  son 
modèle  invariable,  qui  ne  peut  se  montrer  ici-bas  qu'à 
travers  les  imperfections  de  la  matière.  Cette  conception, 
où  le  dogme  de  la  préexistence  est  confondu  avec  le  principe 
de  la  théorie  des  idées,  nous  la  trouvons  également  dans  le 
Zend  Ave^la,  sous  le  nom  de  feroucr.  Yoici  comment  ce 
nom  est  expliqué  par  le  plus  grand  orientaliste  de  nos 
jours  :  ce  On  sait  que,  par  ferouër,  les  Parses  entendent  le 
«  type  divin  de  chacun  des  êtres  doués  d'intelligence,  son 
«  idée  dans  la  pensée  d'Ormuzd,  le  génie  supérieur  qui 
ce  l'inspire  et  veille  sur  lui.  Ce  sens  est  établi  tout  à  la 
«  fois  par  la  tradition  et  par  les  textes  ^  »  L'interprétation 
d'Anquetil-Duperron  est  parfaitement  d'accord  avec  celle-ci% 
et  nous  ne  rapporterons  pas  tous  les  passages  du  Zoid 
Avesta  qui  la  confirment.  Nous  aimons  mieux  signaler  sur 
un  point  particulier  de  cette  doctrine,  entre  les  kabbalistcs 
et  les  disciples  de  Zoroastre,  une  coïncidence  très  remar- 
quable. Nous  nous  rappelons  ce  magnifique  passage  du 
Zohar  oh.  les  âmes,  au  moment  d'être  envoyées  sur  la  terre, 
représentent  à  Dieu  combien  elles  vont  souffrir  éloignées  do 
lui  ;  combien  de  misères  et  de  souillures  les  attendent  dans 
notre  monde  :  eh  bien,  dans  les  traditions  religieuses  des 
Parses,  les  ferouërs  font  entendre  les  mômes  plaintes,  et 
Ormuzd  leur  répond  à  peu  près  comme  Jéhovah  à  ces  âmes 

la  substance  des  substances,  le  fondement  (i"idi)  des  kabbalistes?  Burnout 
cite  aussi  un  commentaire  pehlvi  très  ancien,  où  nous  voyons,  comme  dans  le 
Sépher  ielzii-ah  et  le  Zohar,  les  deux  mondes  représentés  dans  le  symbole  d'un 
charbon  embrasé;  le  monde  supérieur,  c'est  la  flamme,  et  la  nature  visible,  la 
matière  enflammée.  Comment,  sur  le  Yciçna,  p.  172. 

1.  Comment,  sur  le  Yaçna,  p.  270. 

2.  Voir  le  Précis  raisonné  du  système  Ihéologiquc  de  Zoroastre,  Zcnd  Av., 
t.  Ul,  p.  595,  et  les  Mémoires  de  V Académie  des  Inscript.,  t.  XXXVII,  p.  025. 


LA  KADBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES. 


285 


affligées  de  quitter  le  ciel.  Il  leur  dit  qu'ils  sont  nés  pour  la 
lutte,  pour  combattre  le  mal  et  le  faire  disparaître  de  la 
création  ;  qu'ils  ne  pourront  jouir  de  l'immortalité  et  du 
ciel  que  lorsque  leur  tâche  aura  été  remplie  sur  la  terre  \ 
«  Quel  avantage  ne  retirez-vous  pas  de  ce  que,  dans  le 
«  monde,  je  vous  donnerai  d'être  dans  des  corps!  Combat- 
te tez,  faites  disparaître  les  enfants  d'Ahrimane;  à  la  fin  je 
«  vous  réhabiliterai  dans  votre  ])remier  état  et  vous  serez 
<■<  heureux.  A  la  lin  je  vous  remettrai  dans  le  monde,  et 
«  vous  serez  immortels,  sans  vieillesse,  sans  mal  ^  »  Un 
autre  trait  qui  nous  rappelle  les  idées  kabbalistiques,  c'est 
que  les  peuples  ont  leurs  ferouërs  comme  les  individus; 
c'est  ainsi  que  \eZend  Avesta  invoque  souvent  le  ferouër  de 
l'Iran,  du  pays  où  la  loi  de  Zoroastre  a  été  reconnue  pour 
la  première  fois.  Du  reste,  cette  croyance,  que  nous  rencon-  ^ 
Irons  également  dans  les  prophéties  de  Daniel",  était  pro-  ./tx^hY 
bablement  déjà  très  répandue  chez  les  Chaldéens  avant  leur 
fusion  politique  et  religieuse  avec  les  Perses. 

5°  Si  la  psychologie  des  kabbalistes  a  quelque  ressem- 
blance avec  celle  de  Platon,  elle  en  a  encore  davantage  avec 
celle  des  Parses,  telle  qu'on  la  trouve  enseignée  dans  un 
recueil  de  traditions  fort  anciennes,  reproduit  en  grande 
partie  par  Anquetil-Duperron,  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie des  Inscriptions''.  Piappelons-nous d'abord  que,  d'après' 
les  idées  kabbalistiques,  il  y  a  dans  l'àme  humaine  trois 
puissances  parfaitement  distinctes  l'une  de  l'autre,  et  qui 
ne  demeurent  unies  que  pendant  notre  vie  terrestre  :  au 
degré  le  plus  élevé  est  l'esprit  proprement  dit  (n^u?:),  pure 
émanation  de  l'intelligence  divine,  destinée  à  rentrer  dans 
sa  source  et  que  les  souillures  de  la  lerre  ne  peuvent  pas 


1.  Méin.  (le  VAcud.  des  Inscript..  t.  XWVII,  p.  OiO. 

2.  ZcndAv.,  t.  II,  p.  ,150. 
5.  Cliap.  X,  V.  10  et  seq. 

4.  T'jin.  XXXVIl,p.  (Jilî-GiS. 


284  LA  KADBALE. 

atteindre  :  au  degré  le  plus  bas,  immédiatement  au-dessus 
de  la  matière,  est  le  principe  du  mouvement  et  de  la  sensa- 
tion, l'esprit  vital  (>:'3j),  dont  la  tâche  expire  sur  les  bords 
de  la  tombe;  enfin,  entre  ces  deux  extrêmes  vient  se  placer 
le  siège  du  bien  et  du  mal,  le  principe  libre  et  responsable, 
la  personne  morale  (n  i)*.  Nous  devons  ajouter  qu'à  ces  trois 
éléments  principaux,  plusieurs  kabbalistes  et  quelques  phi- 
losophes d'une  grande  autorité  dans  le  judaïsme*  en  ont 
ajouté  deux  autres,  dont  l'un  est  le  principe  vital,  séparé  du 
principe  de  la  sensation,  la  puissance  intermédiaire  entre 
l'âme  et  le  corps  ("Tî)  ;  l'autre  est  le  type,  ou,  si  l'on  veut, 
l'idée  qui  exprime  la  forme  particulière  de  l'individu  (^~''M^ 
dSï,  n^^:'!).  Cette  forme  descend  du  ciel  dans  le  sein  de  la 
femme  au  moment  de  la  conception,  et  s'envole  trente  jours 
avant  la  mort.  Ce  qui  la  remplace  durant  ce  temps-Là  n'est 
plus  qu'une  ombre  informe.  Or  telles  sont  précisément  les 
distinctions  établies  dans  l'àme  humaine  par  les  traditions 
théologiques  des  Parses.  Le  type  individuel  sera  reconnu 
sans  peine  dans  le  ferou'ér,  qui,  après  avoir  existé  pur  et 
isolé  dans  le  ciel,  est  obligé,  comme  nous  l'avons  vu  plus 
haut,  de  se  réunir  au  corps.  Le  principe  vital  ,  nous  le 
retrouvons  d'une  manière  non  moins  évidente  dans  le  djaiiy 
dont  le  rôle,  dit  l'auteur  que  nous  avons  pris  pour  guide, 
est  de  conserver  les  forces  du  corps  et  d'entretenir  l'harmo- 
nie dans  toutes  ses  parties.  Ainsi  que  la  'Ha'iah  des  Hébreux, 
il  ne  participe  pas  au  mal  dont  l'homme  se  rend  coupable; 
il  n'est  qu'une  sorte  de  vapeur  légère  qui  s'élève  du  cœur 
et  doit,  après  la  mort,  se  confondre  avec  la  terre.  L'akko 
est,  au  contraire,  le  principe  le  plus  élevé.  Il  est  au-dessus, 

1.  Voir  la  deuxième  partie,  chap.  m,  Opinion  des  kabbalistes  sur  l'àms 
humaine. 

2.  Moïse  Corduero,  dans  son  livre  intitulé  le  Jardin  des  Grenades 
(□"'J'IDI  DTIE)-  — ■  ^oi'"  aussi  Rab.  Saadiali  dans  son  livre  les  Croijanca 
et  les  Opinions,  sect.  VI,  chap.  ii. 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  285 

comme  le  principe  précédeiU  est  au-dessous  du  mal.  C'est 
une  sorte  de  lumière  venue  du  ciel  et  qui  doit  y  retourner, 
quand  notre  corps  sera  rendu  à  la  poussière.  C'est  l'intelli- 
gence pure  de  Platon  et  des  kabbalistes,  mais  restreinte  à 
la  connaissance  de  nos  devoirs,  à  la  prévision  de  la  vie  future 
et  de  la  résurrection,  en  un  mot,  la  conscience  morale. 
Vient  enfin  l'âme  proprement  dite,  ou  la  personne  morale, 
une  malgré  la  diversité  de  ses  facultés  et  seule  responsable 
de  nos  actions  devant  la  justice  divine'.  Une  autre  distinc- 
tion beaucoup  moins  pbilosopliique,  mais  également  admise 
par  les  livres  zeiids,  c'est  celle  qui,  faisant  l'homme  à 
l'imaiïe  de  l'univers,  reconnaît  dans  la  conscience  humaine 
deux  principes  d'action  entièrement  opposés,  deux  kerdars^ 
dont  l'un,  venu  du  ciel,  nous  porte  vers  le  bien;  tandis  que 
l'autre,  créé  par  Ahrimane,  nous  entraîne  à  faire  le  maP. 
Ces  deux  principes,  qui  cependant  n'excluent  pas  la  liberté, 
occupent  une  très  grande  place  dans  le  Thalmiid  et  dans  la 
kabbale,  où  ils  sont  devenus  le  bon  et  le  mauvais  désir 
(miDnïi  rVi^  "lï"")  ;  peut-être  aussi  le  bon  et  le  mauvais  ange. 
0°  La  conception  même  d'Ahrimane,  malgré  son  carac- 
tère purement  mythologique,  a  été  conservée  dans  les  doc- 
trines de  la  kabbale  ;  car  les  ténèbres  et  le  mal  sont  person- 
nifiés dans  Samaël,  comme  la  lumière  divine  est  représentée 
dans  toute  sa  plénitude  par  l'homme  céleste.  Quant  ta  l'in- 
terprétation métaphysique  de  ce  symbole,  à  savoir  que  le 
mauvais  principe  c'est  la  matière,  ou,  comme  disent  les 
kabbalistes,  l'écorcc,  le  deinier  degré   de   l'existence,   on 


1.  L'âme  proprement  dite,  ou  la  personne  morale,  se  compose  elle  même  de 
(rois  facultés  :  1°  le  principe  de  la  sensation;  2°  le  Roé  ou  riiitelligence  pro- 
prement dite;  3°  le  Roiian,  qui  paraît  tenir  à  la  fois  du  jugement  et  de  l'imagi- 
nation. Ces  trois  facultés  sont  inséparables  et  ne  forment  qu'une  seule  âme.  Du 
reste,  j'avoue  que  cette  parlie  de  la  psychologie  des  Parses  m'a  semblé  très 
obscure  dans  le  mémoire  d'Anquelil. 

2.  Màn.  de  VAcad.  des  Insaip.,  passage  cité. 


286  LA  KABBALE. 

pourrait  la  trouver  sans  aucune  violence  dans  la  secte  des 
zcrdustiens,  qui  établissait  entre  la  lumière  divine  et  le 
royaume  des  ténèbres  le  même  rapport  qu'entre  un  corps  et 
son  ombre*.  Mais  un  autre  fait  encore  plus  digne  de  notre 
attention,  car  il  n'existe  pas  ailleurs,  c'est  qu'on  trouve  dans 
les  parties  les  plus  anciennes  du  code  religieux  des  Parscs 
cette  opinion  kabbalistique  que  le  prince  des  ténèbres,  que 
Samaël,  perdant  la  moitié  de  son  nom,  deviendra,  à  la  fin 
des  temps,  un  ange  de  lumière  et  rentrera,  avec  tout  ce  qui 
élait  maudit,  dans  la  grâce  divine.  «  Cet  injuste,  cet  impur, 
«  dit  un  passage  du  Yaçna,  ce  roi  ténébreux  qui  ne  com- 
te prend  que  le  mal;  à  la  résurrection,  il  dira  l'Avesta  ;  exé- 
«  cutant  la  loi,  il  l'établira  même  dans  la  demeure  des 
«  damnés  (les  darwands)".  «  Le  Boun-Dehesch  iïioulo  qu'on 
pourra  voir  alors,  d'un  côté  Ormuzd  et  les  sept  premiers 
génies,  de  l'autre  Ahrimane  et  un  pareil  nombre  d'esprits 
infernaux,  offrant  ensemble  un  sacrifice  à  l'Eternel,  Zervane 
Akéréne".  Enfin,  à  toutes  ces  idées  métaphysiques  et  reli- 
gieuses nous  ajouterons  un  système  de  géographie  assez 
étrange  que  l'on  trouve  également,  avec  de  légères  variantes, 
dans  le  Zohar  et  dans  les  livres  sacrés  des  Parses.  Selon 
le  Zend  Avesta^  et  le  Boun-Dehesch\  la  terre  est  divisée  en 
sept  parties  (keschvars),  arrosées  par  autant  de  grands 
fleuves,  et  séparées  l'une  de  l'autre  par  Veauversée  au  com- 
mencement. Chacune  d'elles  forme  comme  un  monde  à  part 
et  porte  des  habitants  d'une  nature  différente  :  les  uns  sont 
noirs,  les  autres  blancs  ;  ceux-ci  ont  le  corps  couvert  de 
poils  à  la  manière  des  animaux  ;  ceux-là  se  distinguent  par 
quelque  autre  conformation  plus  ou  moins  bizarre.  Enfin. 

i.  Tliom.  llyde,  ouvrage  cilé,  p.  296  et  21)8,  cliap.  xxii. 

2.  Zeml  Av.,  t.  Il,    p.  109. 

3.  Zend  Av.,  t.  III,  p.  Mb. 

4.  Zend  Av.,  t.  II,    p.  170. 

5.  Zend  Av.,  t.  III,  p.  563. 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  287 

une  seule  de  ces  grandes  parties  de  la  terre  a  reçu  la  loi  de 
Zoroaslre;  les  six  autres  sont  abandonnées  aux  de^vs.  Voici 
maintenant  sur  le  même  sujet  l'opinion  des  kabbalistes. 
Nous  nous  bornerons,  en  la  rapportant,   au  rôle  de  traduc- 
teur. c(  Quand  Dieu  créa  le  monde,  il  étendit  au-dessus  de  nous  i  ^  ^ 
«  sept  cieux,  et  lorma  sous  nos  pieds  un  même  nombre  de  1  ' 
«  terres.  Il  fit  également  sept  fleuves,  et  composa  la  semaine  '  "/  ^k/vt^ 
«  de  sept  jours.  Or,  comme  cbacun  de  ces  cieux  a  ses  con-  '   y  fU/j 
«  stellations  à  part  et  renferme  des  anges  d'une  nature  par-  '    m  ^ 
«  ticulière,  il  en  est  de  même  des  terres  qui  sont  en  bas. 
«  Placées  les  unes  au-dessus  des  autres,  elles  sont  toutes 
«  habitées,  mais  par  des  êtres  de  diverses  natures,  comme 
«  il  a  été  dit  pour   les  cieux.  Parmi  ces  êtres,  les  uns  ont*    * 
«  deux  visages,  les  autres  en  ont  quatre,  d'autres  n'en  ont 
«  qu'un.  Ils  ne  se  ressemblent  pas  davantage  par  leur  cou- 
ce  leur  :  il  en  est  de  rouges,  de  noirs  et  de  blancs.  Ceux-ci 
«  ont  des  vêtements;  ceux-là  sont  nus  comme  des  vers.  Si 
«  l'on  objecte  que  tous  les  habitants  de  ce  monde  sont  éga- 
«  lement  sortis  d'Adam,  nous  demanderons  s'il  est  possible 
(c  qu'Adam  se  soit  transporté  dans  toutes  ces  régions  pour 
«  les  peupler  de  ses  enfants?  Nous  demanderons  combien  de 
«  femmes  il  aurait  eues  alors?  Mais  non,  Adam  n'a  existé  '  j 
«  que  dans  cette  partie  de  la  terre  qui  est  la  plus  élevée  et  (    ■^-^^'^^ 
u  qu'enveloppe  le  ciel  supérieur\  »  La  seule  différence  qui 
sépare  cette  opinion  de  celle  des  Parses,  c'est  qu'au  lieu  de 
regarder  les  sept  parties  de  la   terre  comme  des  divisions 
naturelles  d'une  même  surface,  elle  nous  les  représente  enve- 
loppées les  unes  dans  les  autres  et  semblables,  dit  le  texte, 
aux  pelures  d'un  oignon  (a^Si'!  nSi^  "j^Sx  b"  'i'''?^). 

1.  Zuhar,  5°  part.,  p.  9,  verso,  et  10,  recto,  de  l'édition  d'Amsterdam,  sect. 
Nlp^l-  Nous  nous  faisons  un  devoir  de  faire  observer  que  les  idées  ne  se  suivent 
pas  aussi  bien  dans  le  texte.  Nous  avons  été  obligé  d'écarter  beaucoup  de  répéti- 
tions et  de  digressions,  non  seulement  inutiles,  mais  extrèu»ftujcat  fastidieuses 
cl  beaucoup  trop  longues  à  rapporter. 


288  L\  KABBALE. 

Tels  sont,  dans  toute  leur  simplicité,  sans  aucun  arran- 
gement systémalique,  les  éléments  qui  constituent  le  fond 
commun  de  la  kabbale  et  des  idées  religieuses  nées  sous 
l'influence  du  Zend  Avesta.  Quels  qu'en  soient  le  nombre 
et  l'importance,  nous  reculerions  encore  devant  la  consé- 
quence qui  résulte  de  ce  parallèle,  si  nous  n'avions  égale- 
ment trouvé,  dans  les  livres  sacrés  des  Parses,  toute  la 
mythologie  céleste  et  infernale,  une  partie  de  la  liturgie  et 
même  quelques-uns  des  dogmes  les  plus  essentiels  du 
judaïsme.  Cependant,  à  Dieu  ne  plaise  que  nous  accusions 
les  kabbalistes  de  n'avoir  été  que  de  serviles  imitateurs  ; 
d'avoir  adopté  sans  examen,  ou  du  moins  sans  modification, 
en  se  bornant  à  les  couvrir  de  Tantorité  des  livres  saints, 
des  idées  et  des  croyances  tout  à  fait  étrangères.  En  thèse 
générale,  il  est  sans  exemple  qu'un  peuple,  si  forte  que  soit 
sur  lui  l'action  d'un  autre  peuple,  en  soit  venu  à  abdiquer 
sa  véritable  existence,  qui  est  l'exercice  de  ses  facultés  inté- 
rieures, pour  se  contenter  d'une  vie  et,  si  je  puis  m'ex- 
primer  ainsi,  d'une  âme  d'emprunt.  Or  il  est  impossible 
de  considérer  la  kabbale  comme  un  fait  isolé,  comme  un 
accident  dans  le  judaïsme  ;  elle  en  est  au  contraire  la  vie  et 
le  cœur;  car  si  le  Thalmud  s'est  emparé  de  tout  ce  qui  con- 
cerne la  pratique  extérieure,  l'exécution  matérielle  de  la 
loi,  elle  a  gardé  pour  elle  exclusivement  le  domaine  de  la 
spéculation,  les  plus  redoutables  problèmes  de  la  théologie 
naturelle  et  révélée,  sachant  d'ailleurs  exciter  la  vénéra- 
lion  du  peuple  en  montrant  elle-même,  pour  ses  grossières 
croyances,  un  respect  inviolable,  et  en  lui  laissant  entendre 
qu'il  n'y  avait  rien  dans  sa  foi  ou  dans  son  culte  qui  ne 
s'appuyât  sur  un  myslère  sublime.  Elle  le  pouvait  sans  user 
d'artifice,  en  portant  ta  ses  dernières  conséquences  le  prin- 
cipe de  la  méthode  allégorique.  Aussi  avons-nous  vu  à  quel 
rang  elle  a  été  élevée  par  le  Thalmud  et  quel  ascendant 
elle  a  su  exercer  sur  l'imagination  populaire.  Les  sentiments 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  289 

qu'elle  inspirait  aiUrcfois  se  sont  conservés  jusque  dans  les 
temps  les  plus  rapprochés  de  nous;  car  c'est  en  s'appuyant 
sur  des  idées  kabbalistiques  que  Sabbataï-Zévy,  ce  moderne 
Earchochébas,  avait  ébranlé  pour  un  instant  tous  les  Juifs 
de  l'univers*.  Ce  sont  encore  les  mêmes  idées  qui,  vers  la 
fin  du  xvju"  siècle,  ont  excité  la  plus  vive  agitation  parmi 
les  Juifs  de  la  Hongrie  et  de  la  Pologne  %  donnant  naissance 
à  la  secte  des  zobarites,  des  nouveaux  'hassidim,  et  con- 
duisant des  milliers  d'Israélites  dans  le  sein  du  christia- 
nisme. A  considérer  maintenant  la  kabbale  en  elle-même, 
il  est  impossible  de  n'y  pas  voir  un  immense  progrès  sur  la 
théologie  du  Zend  Àvcsla.  Ici,  en  effet,  quoique  moins  absolu 
qu'on  ne  le  pense  communément,  quoique  né  en  principe 
dans  une  religion  qui  reconnaît  un  seul  Etre  suprême,  le 
dualisme  est  la  pierre  angulaire  de  l'édifice  :  Ormuzd  et 
Ahrimane  ont  seuls  une  existence  réelle,  un  caractère  divin 
et  une  vraie  puissance;  tandis  que  l'Eternel,  ce  temps  sans 
bornes  dont  ils  sont  sortis  l'un  et  l'autre,  est,  comme  nous 
l'avons  dit,  une  pure  abstraction.  En  voulant  le  décharger 
de  la  responsabilité  du  mal,  on  lui  a  enlevé  le  gouverne- 
ment du  monde  et  par  conséquent  toute  participation  au 
bien  ;  on  ne  lui  a  laissé  qu'un  nom  avec  une  ombre  d'exis- 
tence. Ce  n'est  pas  encore  tout  :  dans  le  ZendAveUay  comme 
dans  les  traditions  postérieures  qui  s'y  rattachent,  toutes 
les  idées  relatives  au  monde  invisible,  tous  les  grands  prin- 
cipes de  l'intelligence  humaine  sont  encore  enveloppés  dans 
un  voile  mythologique  qui  les  fait  prendre  pour  des  réalités 
visibles  et  des  personnes  distinctes,  faites  à  l'image  de 
l'homme.  Dans  la  doctrine  des  kabbalisles,  les  choses  nous 
présentent  un  tout  autre  caractère  :  c'e^t  le  monothéisme 
qui  est  le  fond,  la  base  et  le  principe  de  tout;  le  dualisme 

i.  Voir  Lacroix,  Mémoires  de  l'empire  Ottoman,  p.  259  el  siiiv.  —  Peter 
Béer,  ouvr.  cit.,  t.  II,  j).  'iOOetsiiiv.  —  Uasmgc,  Histoire  des  Jui/s,  liv.  IX,  etc. 
2.  Voir  Y  Appendice  de  ce  volume. 

19 


290  LA  KABBALE. 

et  toutes  les  autres  distinctions,  quelles  qu'elles  soient,  n'exis- 
tent plus  que  dans  la  forme.  Dieu  seul,  le  Dieu  unique  et 
suprême,  est  à  la  fois  la  cause,  la  substance  et  l'essence  intel- 
ligible, la  forme  idéale  de  tout  ce  qui  est  ;  il  n'y  a  d'opposi- 
tion, de  dualisme  qu'entre  l'être  et  le  néant,  entre  la  forme 
la  plus  élevée  et  le  degré  le  plus  infime  de  l'existence.  Celle-là, 
c'est  la  lumière;  celui-ci  représente  les  ténèbres.  Les  ténèbres 
ne  sont  donc  qu'une  négation,  et  la  lumière,  comme  nous 
l'avons  plusieurs  fois  démontré,  c'est  le  principe  spirituel, 
c'est  l'éternelle  sagesse,  c'est  l'intelligence  infinie  qui  crée 
tout  ce  qu'elle  conçoit  et  conçoit  ou  pense  par  cela  seul 
qu'elle  existe.  Mais  s'il  en  est  ainsi;  s'il  est  vrai  qu'à  une 
certaine  bauleur  l'être  et  la  pensée  se  confondent,  les  grandes 
conceptions   de  l'intelligence  ne  peuvent  plus   seulement 
exister  dans  l'esprit,  elles  ne  représentent  pas  de  simples 
formes  dont  on  fait  abstraction  à  volonté;  elles  ont  une 
valeur  substantielle  et  absolue,  c'est-à-dire  qu'on  ne  peut 
les  séparer  de  l'éternelle  substance.  Tel  est  précisément  le 
caractère  des  Sephirolb,  de  l'Homme  céleste,  du  Grand  et 
du  Petit  Visage,  en  un  mot  de  toutes  les  personnifications 
kabbalistiques,  bien  différentes,  comme  on  voit,  des  réali- 
sations individuelles   et  mythologiques   du   Zend  Avesta. 
Cependant  le  cadre,  le  dessin  extérieur  du  Zend  Avesta  est 
resté,  mais  le  fond  a  complètement  changé  de  nature,  et  la 
kabbale  nous  offre,  par  le  fait  même  de  sa  naissance,   un 
curieux  spectacle,  celui  d'une  mythologie  passant  à  l'état 
de  métaphysique,  sous  l'influence  môme  du  sentiment  reli- 
gieux. Cependant,  malgré  tant  d'étendue  et  de  profondeur, 
le  système  qui  a  été  le  fruit  de  ce  mouvement  n'est  pas 
encore  une  de  ces  œuvres  où  la  raison  humaine  fasse  un 
libre  usage  de  ses  droits  et  de  sa  force;  le  mysticisme  lui- 
même  ne  s'y  produit  pas  sous  sa  forme  la  plus  élevée,  car 
il  reste  encore  enchaîné  à  une  puissance  extérieure,  celle  de 
la  parole  révélée.  Sans  doute,  cette  puissance  est  plus  appa- 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  291 

rente  que  réelle;  sans  doute,  l'allégorie  a  bientôt  fait  de  la 
lettre  sainte  un  signe  complaisant  qui  exprime  tout  ce  qu'on 
veut,  un  instrument  docile  au  service  de  l'esprit  et  de  ses 
plus  libres  inspirations  ;  mais  toujours  est-il  que  ce  procédé 
même,  qu'il  soit  l'eftet  d'un  calcul  ou  d'une  illusion  sincère, 
cet  art  d'abriter  des  idées  nouvelles  sous  quelque  texte  sécu- 
laire, est  la  consécration  d'un  préjugé  fatal  à  la  vraie  philo- 
sophie. C'est  ainsi  que  la  kabbale,  quoique  née  sons  l'in- 
fluence d'une  civilisation  étrangère  et  malgré  le  panthéisme 
qui  est  au  fond  de  toutes  ses  doctrines,  a  cependant  un  carac- 
tère religieux  et  national.  C'est  ainsi  qu'en  se  réfugiant  sous 
l'autorité  de  la  Bible,  ensuite  de  la  loi  orale,  elle  a  conservé 
toutes  les  apparences  d'un  système  de  théologie,  et  de  théo- 
logie judaïque.  Il  restait  donc  encore,  pour  la  faire  entrer 
dans  l'histoire  de  la  philosophie  et  de  l'humanité,  à  détruire 
ces  apparences  et  à  la  montrer  sous  son  vrai  jour,  c'est-à- 
dire  comme  un  produit  naturel  de  l'esprit  humain.  Ce  pro- 
grès, comme  nous  l'avons  déjà  dit,  s'est  accompli  lente- 
ment, mais  d'une  manière  d'autant  plus  sûre,  dans  la 
capitale  des  Ptolémées.  Là,  en  effet,  les  traditions  hébraïques 
franchirent  pour  la  première  fois  le  seuil  du  sanctuaire  et 
se  répandirent  dans  le  monde,  mêlées  à  beaucoup  d'idées 
nouvelles,  mais  sans  rien  perdre  de  leur  propre  substance. 
Les  dépositaires  de  ces  vieilles  traditions,  en  voulant  re- 
prendre un  bien  qu'ils  supposaient  leur  appartenir,  accueil- 
lirent avec  ardeur  les  plus  nobles  résullats  de  la  philoso- 
phie grecque,  les  confondant  de  plus  en  plus  avec  leurs 
propres  croyances.  D'un  autre  côté,  les  prétendus  héritiers 
de  la  civilisation  grecque,  s'accoutumant  peu  à  peu  à  ce 
mélange,  ne  songèrent  plus  qu'à  lui  donner  l'organisation 
d'un  système  oii  le  raisonnement  et  l'intuition,  la  philoso- 
phie et  la  théologie  devaient  être  également  représentés. 
C'est  ainsi  que  se  forma  l'école  d'Alexandrie,  ce  résumé 
brillant  et  profond  de  toutes  les  idées  philosophiques  et  reli- 


-292  LA  KABBALE. 

gieuses  de  rantiquité.  Ainsi  s'explique  la  ressemblance, 
j'oserais  presque  dire  l'idenlité  que  nous  avons  trouvée  sur 
tous  les  points  essentiels,  entre  le  néoplatonisme  et  la  kab- 
bale. Mais,  une  fois  entrée  par  cette  voie  dans  le  fond  com- 
mun de  l'esprit  humain,  la  kabbale  n'en  continua  pas  moins, 
chez  les  Juifs  de  la  Palestine,  à  se  transmettre  exclusivement 
par  la  tradition  dans  un  petit  cercle  d'élus  et  à  se  regarder 
comme  le  secret  d'Israël.  C'est  dans  cet  état  qu'elle  a  été 
introduite  en  Europe,  et  qu'elle  a  toujours  été  enseignée 
jusqu'à  la  publication  du  Zohar.  Ici  commence  un  nouvel 
ordre  de  recherches,  à  savoir  :  Quelle  influence  la  kabbale 
a  exercée  sur  la  philosophie  hermétique  et  mystique  qui  a 
jeté  en  Europe  un  si  vif  éclat  depuis  le  commencement  du 
xv^  jusqu'à  la  fin  du  xvif  siècle,  dont  Raymond  Lulle  peut 
être  regardé  comme  le  premier,  et  François  Mercuricus  van 
Helmont  comme  le  dernier  représentant.  Ce  sera  peut-être 
le  sujet  d'un  second  ouvrage,  qui  pourra  être  regardé  comme 
le  complément  de  celui-ci.  Mais  le  but  que  nous  nous 
sommes  proposé  relativement  au  système  kabbalistique 
proprement  dit,  nous  pensons  l'avoir  atteint,  et  il  ne  nous 
reste  plus  qu'à  énoncer,  dans  une  récapitulation  rapide,  les 
résultais  que  nous  croyons  avoir  obtenus. 

1°  La  kabbale  n'est  pas  une  imitation  de  la  philosophie 
-platonicienne,  car  Platon  était  inconnu  dans  la  Palestine, 
où  le  système  kabbalistique  a  été  fondé;  ensuite,  les  deux 
doctrines,  malgré  plusieurs  traits  de  ressemblance  dont  on 
est  frappé  au  premier  coup  d'oeil,  diffèrent  totalement  l'une 
de  l'autre  sur  les  points  les  plus  importants. 

2°  La  kabbale  n'est  pas  une  imitation  de  l'école  d'Alexan- 
drie :  d'abord  parce  qu'elle  est  antérieure  à  l'école  d'Alexan- 
drie; en  outre  parce  que  le  judaïsme  a  toujours  montré  à 
l'égard  de  la  civilisation  grecque  une  aversion  et  une  igno- 
rance profondes,  dans  le  même  instant  où  il  plaçait  la  kab- 
bale au  rang  d'une  révélation  divine. 


LA  KABBALE  ET  LA  RELIGION  DES  PERSES.  295 

5°  La  kabbale  ne  peut  pas  être  regardée  comme  l'œuvre 
de  Pbilon,  bien  que  les  doclrines  de  ce  théologien  philo- 
sophe renferment  un  grand  nombre  d'idées  kabbalisliques. 
Philon  n'aurait  pu  transmettre  ces  idées  à  ses  compatriotes 
demeurés  en  Palestine,  sans  les  initier  en  même  temps  à  la 
philosophie  grecque.  11  était  incapable,  par  la  nature  de 
son  esprit,  de  fonder  une  doctrine  nouvelle.  Déplus,  il  serait 
impossible  de  trouver,  dans  les  monuments  du  judaïsme, 
les  moindres  traces  de  son  influence.  Enfin,  les  écrits  de 
Philon  sont  plus  récents  que  les  principes  kabbalisliques 
dont  on  trouve  soit  l'application,  soit  la  substance,  dans  la 
version  des  Septante,  dans  les  proverbes  de  Ben  Sirah  et 
dans  le  livre  de  la  Sagesse. 

4°  La  kabbale  n'est  pas  un  emprunt  fait  au  christianisme, 
car  tous  les  grands  principes  sur  lesquels  elle  s'appuie  sont 
antérieurs  à  l'avènement  du  Christ. 

5"  Les  ressemblances  frappantes  que  nous  avons  trouvées 
entre  cette  doctrine  et  les  croyances  de  plusieurs  sectes  de  la 
Perse,  les  rapports  nombreux  et  bizarres  qu'elle  nous  pré- 
sente avec  le  Zend  Âvesta,  les  ti'aces  que  la  religion  de  Zoro- 
astre  a  laissées  dans  toutes  les  parties  du  judaïsme,  et  les 
relations  extérieures  qui,  depuis  la  captivité  de  Babylone, 
n'ont  pas  cessé  d'exister  entre  les  Hébreux  et  leurs  anciens 
maîtres,  nous  ont  fait  conclure  que  les  matériaux  de  la 
kabbale  ont  été  puisés  dans  la  théologie  des  anciens  Perses  ; 
mais  nous  croyons  avoir  démontré  en  môme  temps  que  cet 
emprunt  ne  détruit  pas  l'originalité  de  la  kabbale;  car,  au 
dualisme  en  Dieu  et  dans  la  nature,  elle  a  substitué  l'unité 
absolue  de  cause  et  de  subslance.  Au  lieu  d'expliquer  la 
formation  des  êtres  par  un  acte  arbitraire  de  deux  pouvoirs 
ennemis,  elle  nous  les  représente  comme  les  formes  diverses, 
comme  des  manifestations  successives  et  providentielles 
de  l'intelligence  infinie.  Enfin,  dans  son  sein,  les  idées 
prennent  la  place  des  personnifications  réalisées,  et  la  meta- 


294  U  KABBALE. 

physique  succède  à  la  mythologie.  Nous  ajouterons  que  telle 
nous  paraît  être  la  loi  universelle  de  l'esprit  humain.  Point 
d'originalité  absolue;  mais  aussi,  d'un  peuple  et  d'un  siècle 
à  un  autre,  point  de  servile  imitation.  Quoi  que  nous  puis- 
sions faire  pour  conquérir,  dans  le  domaine  des  sciences 
morales,  une  indépendance  sans  limites,  la  chaîne  de  la 
tradition  se  montrera  toujours  dans  nos  plus  hardies  décou- 
vertes; et,  si  immobiles  que  nous  paraissions  quelquefois 
sous  l'empire  de  la  tradition  et  de  l'autorité,  notre  intelli- 
gence fait  du  chemin,  nos  idées  se  transforment  avec  la 
puissance  môme  qui  pèse  sur  elles,  et  une  révolution  est 
sur  le  point  d'éclater. 


APPENDICE 


LA  SECTE  DES  NOUVEAUX  'HASSIDIU 


La  secte,  kabbalistique  des  Zoharites  a  e'té  pre'céde'e  par  celle  des  non-  n  '>*7'>C 
veaux  'Hassidim,  c'est-à-dire  des  nouveaux  saints,  ou  des  nouveaux 
piétistesS  fondée  en  1740  par  un  rabbin  polonais  appelé /sraé/  Baal- 
schein,  ou  Israël  le  Thaumaturge^,  et  dont  le  centre  était  la  ville  de 
Medziboze,  dans  la  province  de  Podolie.  En  peu  de  temps  elle  s'étendit, 
non  seulement  dans  la  Pologne,  mais  dans  toute  la  Valachie,  dans  la 
Moldavie,  en  Hongrie,  particulièrement  dans  les  environs  de  la  Galicie,  et 
aujourd'hui  encore  elle  est  loin  d'être  éteinte.  Elle  a  son  culte,  ses  livres, 
ses  docteurs  à  part,  désignés  sous  le  nom  de  justes  {tsadiklin),  et,  pre- 
nant ses  articles  de  foi  pour  l'expression  complète,  pour  l'expression 
unique  de  la  vérité,  telle  qu'il  est  donné  à  l'homme  de  la  connaître 
ici-bas,  elle  repousse  toute  autre  influence,  tout  élément  de  civilisation  et 
touteculturequi  n'est  pas  sortie  de  son  sein.  Elle  oppose  la  plus  énergique 

1.  Les  Juils  désignent  en  général  sous  le  nom  de  'Hassid  (fOn)  quiconque  se  di<;- 
tinguc  parmi  eux  par  une  stricte  observance  de  toutes  les  lois  religieuses,  jointe  à  une 
vie  ascétique  et  entièrement  vouée  à  la  |iénilcnce;  celui  qui  fait  de  la  piété  le  but  et 
l'occupation  de  toute  sa  vie. 

2.  Le  nom  de  Bnalschcm  (q^;  S^l)  signifie  littéralement  le  maitre  du  nom.  U 
s'applique  à  certains  kabbalisles  pratiques,  à  qui  l'on  accorde  la  vertu  d  opérer  des 
miracles  et  des  cures  merveilleuses  au  moyen  des  diflérents  noms  de  Dieu,  au  moyeu 
d'une  sorte  de  tbéurgic  kabbalistique.  Voir  le  texte,  2"  partie,  cliap.  m. 


290  LA  KABBALE. 

résistance  aux  efforts  que  fait  le  gouvernement  russe  pour  civiliser,  et 
sans  doute  pour  convertir  à  la  religion  nationale,  les  juifs  répandus  dans 
ses  imnîenses  possessions.  Elle  a  pris  pour  base  de  sa  doctrine  le  Zohar, 
mais  en  substituant,  pour  la  multitude,  la  foi  aveugle  aux  raisonnements 
métapbysiques,  et  en  tempérant  par  une  morale  semi-épicurienne  les 
austérités  de  la  vie  contemplative.  Plus  franche  que  les  anciens  kabba- 
listes,  elle  a  rejeté  ouvertement  toutes  les  pratiques  extérieures,  tout 
l'échafaudage  des  préceptes  thalmudiques,  incompatibles,  à  ses  yeux, 
avec  une  connaissance  plus  profonde  de  la  nature  divine.  Elle  ne  recon- 
naît pas  d'autre  culte  que  la  prière  élevée  jusqu'à  la  contemplation, 
jusqu'au  ravissement  et  à  l'extase;  elle  n'admet  pas  d'autre  enseignement, 
entre  le  Zohar,  que  l'interprétation  symbolique  des  écritures  saintes 
dans  la  bouche  des  justes,  c'est-à-dire  de  ses  chefs.  En  vertu  de  ce 
principe  kabbalistique,  que  le  juste  est  l'expiation  de  Viinivers,  elle 
accorde  à  ses  chefs  des  pouvoirs  spirituels  d'une  nature  extraordinaire, 
comme  celui  d'absoudre  l'homme  de  ses  péchés,  de  le  délivrer  d'un 
danger  imminent,  de  le  guérir  par  sa  seule  prière  des  maladies  les  plus 
incurables;  mais  à  la  condition  que  celui  qui  souffre  aura  foi  dans  cette 
intervention  surnaturelle.  Du  reste,  cette  intervention  n'est  pas  absolu- 
ment indispensable,  chacun  peut  obtenir  les  mêmes  résultats  en  s'unis- 
sant  étroitement  à  Dieu  ;  car  dans  cette  union  mystique  est  la  véritable 
science,  la  véritable  puissance  et  l'accomplissement  de  tous  nos  vœux. 
A  ces  idées  viennent  se  mêler  de  superstitieuses  légendes,  des  habitudes 
grossières  et  des  préjuges  de  toute  espèce,  fruits  de  l'ignorance,  de  la 
dégradation  civile  et  d'une  misère  séculaire. 

Un  homme  de  beaucoup  d'esprit  et  de  savoir  qui,  après  avoir  traversé 
les  plus  étranges  vicissitudes,  aprèsavoir  connu  toutes  les  superstitions  et 
toutes  les  misères,  s'est  reposé  finalement  dans  la  philosophie  de  Kant, 
Salomon  Maïmon,  dans  ses  mémoires  *,  nous  a  laissé  quelques  détails 
assez  piquants  sur  cette  secte  à  laquelle  il  avait  été  affilié.  Nous  croyons 
donc  bien  faire  en  traduisant  ici  quelques  pages  de  son  livre  trop  peu  connu 
et  devenu  extrêmement  rare  ;  mais  auparavant  nous  regardons  comme 
un  devoir  de  prévenir  nos  lecteurs  que  Salomon  Maïmon,  à  l'exemple  de 
Kant,  dont  au  reste  il  n'a  guère  pris  que  le  scepticisme,  est  d'une  sévérilé 
extrême  pour  toutes  les  opinions  mystiques,  et  particulièrement  pour  la 
kabbale,  sans  doute  pour  faire  oublier  son  exaltation  première.  Voici 
donc  en  quels  termes,  après  avoir  traité  avec  beaucoup  de  rigueur  les 

1.  Salomon  Maimons  Lcbensgeschichle,  von  iltm  selbst  gescJiriehcn  iind  heraus- 
gegehcn  von  K.  P.  Moritz.  2  voi.  in-12.  Berlin,  1792.  L'cxlrait  que  nous  allons  tra- 
duire apparlicnt  au  t.  \',  cliap.  xtx. 


APPENDICE.  297.' 

kabbalistes  pratiques,  les  thaumaturges,  les  auteurs  de  cures  merveil- 
leuses au  moyen  des  noms  divins,  il  s'exprime  sur  le  compte  des  kabba- 
listes spéculatifs,  des  fondateurs  de  la  secte  des  nouveaux  'Hassidim  : 

((  D'autres,  d'un  génie  supérieur, d'une  àme  plus  noble,  se  proposaient 
un  but  bien  autrement  élevé.  Persuadés  que  pour  être  utiles  à  la  cause 
générale  et  à  leur  cause  particulière,  ils  avaient  besoin  d'être  investis  de 
la  confiance  du  peuple,  ils  voulurent  prendre  sur  lui  de  l'ascendant,  mais 
pour  l'éclairer.  Leur  plan  était  donc  tout  à  la  fois  politique  et  moral. 
D'abord  on  peut  croire  qu'ils  voulaient  seulement  débarrasser  l'organisa- 
tion morale  et  religieuse  des  juifs  des  abus  qui  s'y  étaient  introduits; 
mais  ces  réformes  partielles  devaient  nécessairement  faire  crouler  le 
système  tout  entier. 

«  Les  principaux  points  sur  lesquels  portaient  leurs  attaques  étaient 
les  suivants  :  1°  La  science  rabbini(iue,  au  lieu  de  simplifier  les  pré- 
ceptes religieux  et  de  les  rendre  intelligibles  pour  tous,  tend,  au  contraire, 
à  les  compliquer  et  à  les  rendre  incertains.  2"  Elle  a  le  défaut  de 
s'attacher  exclusivement  à  l'étude  de  la  loi,  au  lieu  de  s'occuper  surtout 
des  moyens  de  la  mettre  en  pratique.  Ainsi,  certaines  dispositions  de  cette 
loi,  entièrement  tombées  en  désuétude,  comme  celles  qui  règlent  les 
sacrifices,  les  purifications  et  quelques  autres  du  même  genre,  sont  appro- 
fondies avec  autant  de  soin  que  celles  dont  l'usage  n'a  pas  cessé.  5°  Ils 
reprochaient  enfin  à  cette  même  science  de  ne  tenir  compte,  dans  la 
pratique  elle-même,  que  des  cérémonies  extérieures,  et  de  perdre  de  vue 
leur  but  moral.  Ils  s'attaquaient,  avec  la  même  rigueur,  à  la  piété  mal 
entendue  de  ceux  qui  se  livraient  à  la  pénitence.  Les  hommes  dont  nous 
parlons  s'efforçaient  sans  doute  de  pratiquer  la  vertu  ;  mais,  comme  la 
raison  n'était  pas  la  source  de  leurs  croyances,  et  que  par  là  même  ils 
S3  faisaient  une  fausse  idée  de  Dieu  et  de  ses  attributs,  ils  devaient  néces- 
sairement méconnaître  la  vraie  vertu  et  s'en  créer  une  d'après  leur 
imagination.  Aussi,  tandis  que  l'amour  de  Dieu  et  le  désir  de  lui  ressem- 
bler auraient  dû  les  porter  à  se  soustraire  à  l'esclavage  des  sens  et  des 
passions,  et  à  se  conduire  d'après  les  lois  d'une  volonté  libre  guidée  par 
la  raison,  ils  cherchaient  bien  plutôt  à  anéantir  leurs  sens  et  leurs  passions 
en  détruisant  en  même  temps  leurs  forces  elles-mêmes,  comme  je  l'ai 
démontré  ailleurs  par  quelques  exemples  déplorables. 

«  Les  réformateurs  ou  édaireurs  demandaient,  au  contraire,  comme 
condition  indispensable  de  la  vraie  vertu,  la  sérénité  de  l'àmc  et  un  esprit 
disposé  à  toute  espèce  d'activité;  ils  ne  se  contentaient  pas  de  permettre, 
mais  ils  recommandaient  l'usage  modéré  de  toutes  les  jouissances,  afin 
de  conserver  cette  sérénité  si  précieuse.  Leur  culte  divin  consistait  ù  se 


298  LA  KABDALE. 

détacher  librement  du  corps,  c'est-à-dire  à  de'tourner  leur  pensée  de 
tout  ce  qui  n'est  pas  Dieu,  sans  en  excepter  leur  »ioz  individuel,  et  à 
s'unir  complètement  à  Dieu  :  de  là  une  sorte  de  négation  d'eux-mêmes, 
qui  leur  faisait  mettre  sur  le  compte  de  la  divinité  toutes  les  actions 
qu'ils  commettaient  dans  cet  état. 

«  Leur  culte  était  donc  une  espèce  de  piété  spéculative  à  laquelle  ils 
n'assignaient  ni  heure  ni  formule  particulière,  laissant  chacun  s'y  livrer 
selon  le  degré  de  perfection  auquel  il  était  parvenu  ;  cependant  ils  choi- 
sissaient de  préférence  les  heures  destinées  au  service  officiel  du  culte  ; 
ils  s'y  appliquaient  surtout  à  ce  détachement  dont  j'ai  parlé,  c'est-à-dire 
qu'ils  se  plongeaient  si  avant  dans  la  contemplation  de  la  perfection  divine, 
que  tout  le  reste  disparaissait  devant  eux  ;  à  les  en  croire,  ils  n'avaient 
même  plus  conscience  de  leur  propre  corps,  qui,  assuraient- ils,  était 
privé  dans  ces  moments-là  de  toute  sensibilité. 

«  Mais,  comme  un  aussi  complet  détachement  n'est  pas  chose  facile  à 
obtenir,  ils  s'efforçaient,  au  moyen  de  diverses  opérations  mécaniques, 
telles  que  le  mouvement  et  les  cris,  de  rentrer  dans  cet  état  lorsqu'une 
distraction  quelconque  les  en  avait  tirés,  et  de  s'y  maintenir  durant 
toute  la  durée  des  exercices  pieux.  C'était  chose  comique  de  les  voir 
fréquemment  interrompre  leurs  prières  par  des  exclamations  étranges, 
par  des  gestes  ridicules  adressés  à  Satan,  cet  ennemi  invincible  qui 
cherchait  malignement  à  les  troubler  durant  leurs  prières,  et  qu'ils 
repoussaient  par  la  menace  et  l'insulte;  maintes  fois,  fatigués  par  la 
violence  de  cet  exercice,  ils  tombaient  évanouis  à  la  fin  de  la  prière. 

«  Plusieurs  naïfs  sectateurs  de  cette  doctrine,  interrogés  sur  ce  qui 
occupait  leur  pensée  durant  ces  longs  jours  où  ils  se  promenaient  oisifs, 
la  pipe  à  la  bouche,  répondaient  «  qu'ils  pensaient  à  Dieu  »  !  Mais,  pour 
que  cette  réponse  fût  satisfaisante,  il  eût  fallu  qu'une  étude  constante  de 
la  nature  les  aidât  à  compléter  les  notions  qu'ils  avaient  de  la  perfection 
divine;  or,  comme  il  n'en  était  point  ainsi,  comme  leurs  connaissances 
naturelles  étaient  au  contraire  des  plus  restreintes,  cette  concentration 
de  toute  leur  activité  sur  un  point  unique  et  qui  devait  leur  échapper 
sans  cesse  constituait  un  état  contre  nature.  En  outre,  pour  pouvoir 
attribuer  leurs  actions  à  Dieu,  il  eut  fallu  que  ces  actions  eussent  pour 
mobile  une  connaissance  exacte  des  attributs  divins;  étaient-elles,  au 
contraire,  le  résultat  de  leur  ignorance,  il  arrivait  infailliblement  qu'une 
foule  d'excès  étaient  mis  sur  le  compte  de  la  divinité  ;  c'est  du  reste  ce 
que  les  suites  ont  trop  bien  prouvé. 

«  Il  est  d'ailleurs  facile  de  comprendre  comment  cette  secte  se  répandit 
si  promptement,  et  pourquoi  la  nouvelle  doctrine  trouva  tant  de  faveur 


APPENDICE.  299 

auprès  de  la  majeure  partie  de  la  nation  :  l'amour  de  l'oisiveté  et  de  la 
vie  spéculative  chez  cette  foule  vouée  à  l'étude  dès  sa  naissance,  la  séche- 
resse et  la  stérilité  de  la  science  rabbinique,  l'ennui  des  prescriptions 
cérémonielles  dont  la  nouvelle  doctrine  voulait  alléger  le  fardeau,  enfin 
la  satisfaction  qu'y  trouvaient  un  penchant  naturel  k  l'exaltation  et  le 
goût  du  merveilleux,  tout  explique  le  fait  d'une  manière  plus  que 
suffisante. 

«  Dans  l'origine,  les  rabbins  et  les  dévots  de  l'ancienne  mode  cher- 
chèrent à  s'opposer  au  développement  de  cette  secte,  qui  n'en  obtint  pas 
moins  le  dessus  pour  les  raisons  que  je  viens  d'énumérer.  L'animosité 
devint  très  vive  des  deux  côtés  ;  chaque  parti  chercha  k  se  faire  des 
adhérents,  une  scission  s'opéra  parmi  le  peuple,  et  les  opinions  furent 
partagées. 

«  Je  ne  pouvais  k  cette  époque  me  former  une  idée  exacte  de  cette  secte 
et  ne  savais  trop  qu'en  penser,  lorsqu'un  jeune  homme,  déjà  incorporé 
à  la  société,  et  qui  avait  eu  le  bonheur  de  parler  aux  supérieurs  face  k 
face,  vint  k  passer  par  l'endroit  où  je  demeurais.  Je  n'eus  garde  de  laisser 
échapper  une  si  belle  occasion,  et  demandai  k  l'étranger  quelques  ren- 
seignements sur  l'organisation  intérieure  de  cette  secte,  sur  la  manière 
dont  on  y  était  admis,  etc. 

«  L'étranger,  qui  n'avait  pas  encore  dépassé  le  premier  degré  d'initia- 
tion, ne  savait  rien  touchant  l'organisation  intérieure  et  ne  put  rien  m'en 
apprendre  ;  mais,  quant  au  mode  d'admission,  il  m'assura  que  c'était  la 
chose  la  plus  simple  du  monde.  Quiconque  se  sentait  le  dé^ir  d'arriver 
k  la  perfection  sans  savoir  comment  il  pourrait  satisfaire  k  ce  vœu  ou 
comment  il  se  délivrerait  des  obstacles  qui  se  trouveraient  sur  sa  route, 
n'avait  qu'à  s'adresser  aux  supérieurs,  et,  eo  ipso,  le  voilk  membre  de 
cette  société.  Il  n'était  pas  même  nécessaire  (comme  cela  se  pratique 
avec  les  médecins)  d'entretenir  les  chefs  de  ses  infirmités  morales  ni  du 
genre  de  vie  que  l'on  avait  mené  jusqu'alors;  car,  rien  n'étant  inconnu 
à  ces  hommes  sublimes,  le  cœur  humain  se  montrait  k  nu  devant  eux, 
et  ils  y  lisaient  jusque  dans  les  plus  secrets  replis;  pour  eux,  l'avenir 
n'avait  point  de  voiles,  et  la  di.stance  dans  l'espace  disparaissait  à  leurs 
yeux  comme  la  distance  dans  le  temps. 

«  Leurs  prédications  et  leurs  leçons  morales  n'étaient  pas  méditées  et 
ordonnées  à  l'avance  d'après  un  plan  régulier;  car  ce  moyen,  générale- 
ment usité,  ne  saurait  convenir  qu'k  celui  qui  se  regarde  comme  existant, 
agissant  par  lui-même  et  distinct  de  la  divinité;  ces  supérieurs  ne  con- 
sidéraient au  contraire  leur  enseignement  comme  divin,  ut  [)ar  conséquent 
comme  infaillible,  que  lorsqu'il  était  le  fruit  de  l'anéantissement  d'eux- 


500  U  KABBALE. 

mêmes  devant  Dieu,  c'est-à-dire  lorsque  la  parole  leur  était  inspirée 
{ex  tempore),  selon  le  besoin  des  circonstances  et  sans  qu'ils  y  missent 
aucunement  du  leur. 

«  Enchanté  de  cette  description,  je  priai  l'étranger  de  me  communi- 
quer quelques-unes  de  ces  divines  leçons;  alors,  se  frappant  le  front  de 
la  main,  comme  s'il  eût  attendu  l'inspiration  d'en  haut,  et  agitant  sans 
relâche  ses  bras  qu'il  avait  à  demi  découverts,  il  se  retourna  vers  moi  d'un 
air  solennel  et  commença  de  la  sorte  : 

«  Chantez  à  Dieu  un  nouveau  cantique  ;  sa  louange  est  dans  la  réunion 
«  des  saints.  (Ps.  149,  v.  1.)  Voici  comment  nos  supérieurs  expliquent 
«  ce  verset  :  Les  attributs  de  Dieu,  être  tout  parfait,  doivent  nécessai- 
((  rement  surpasser  de  beaucoup  les  attributs  de  tout  être  fini;  sa 
«  louange,  comme  expression  de  ces  attributs,  doit  donc  également  sur- 
«  passer  toute  louange  donnée  aux  hommes.  Or,  jusqu'à  présent,  quand 
«  on  voulait  louer  Dieu,  on  se  bornait  à  lui  reconnaître  certaines  puis- 
«  sances  surnaturelles,  comme  de  découvrir  l'inconnu,  de  prévoir  l'avenir, 
((  d'agir  immédiatement  par  sa  simple  volonté,  etc.  Mais,  maintenant 
«  que  les  hommes  pieux  (les  supérieurs)  sont  également  capables  d'ac- 
«  complir  ces  merveilles,  et  que  Dieu  n'a  aucune  prérogative  sur  eux  à 
((  cet  égard,  il  faut  songer  à  trouver  une  louange  nouvelle  qui  ne  puisse 
«  se  rapporter  qu'à  Dieu  seul.  » 

«  Tout  ravi  de  cette  manière  ingénieuse  d'interpréter  les  Saintes 
Écritures,  je  suppliai  l'étranger  de  me  citer  encore  quelques  explica- 
tions de  ce  genre,  et  celui-ci,  toujours  dans  le  feu  de  l'inspiration, 
continua  en  ces  termes  :  Tandis  que  le  musicien  jouait,  l'esprit  de 
Dieu  descendit  sur  lui.  (II,  Li^Te  des  Rois,  m,  15.)  «  Voici  comment  ils 
((  interprètent  ces  paroles  :  Tant  que  l'homme  n'a  pas  renoncé  à  son 
((  activité  personnelle,  il  est  incapable  de  recevoir  l'inspiration  de 
<(  l'Esprit-Saint;  il  faut  pour  cela  qu'il  se  considère  comme  un  instru- 
((  ment  purement  passif.  Ce  passage  signifie  donc  :  Quand  le  musicien 
((  (le  serviteur  de  Dieu)  devient  semblable  à  l'instrument,  alors  l'Esprit 
«  de  Dieu  descend  sur  lui*.  » 

«  Et  maintenant  écoutez  encore,  poursuivit  l'étranger,  l'explication 
«  de  ce  passage  de  la  Mischna  où  il  est  dit  :  Que  l'honneur  de  ton 
«  prochain  te  soit  aussi  cher  que  le  tien.  » 

1.  Cette  interprétation  repose  sur  deux  équivoques.  Le  mot  liébreu  Tj;;  signifie  à  la 
fois  un  instrument  de  musique  et  l'action  d'en  jouer.  Ce  mot  est  précédé  du  préfixe 
3  dont  la  signification  est  également  double;  car  on  peut  le  traduire  à  la  fois  par 
lorsque,  tandis  que  [tandis  que  le  nnisiricn  jouait  .,  et  par  comme,  semblable  à 
[le  musicien  devenu  semblable  à  un  instrument).  (A.  Y.) 


APPENDICE.  501 

«  Nos  maîtres  expliquent  ces  paroles  de  la  manière  suivante  :  Il  est 
«  certain  que  personne  ne  peut  trouver  de  plaisir  à  se  faire  honneur 
«  à  soi-même,  ce  qui  serait  tout  à  fait  ridicule;  mais  il  est  tout  aussi 
«  ridicule  d'attacher  trop  de  prix  aux  témoignages  d'honneur  qui  peu- 
«  vent  nous  être  rendus  par  un  autre,  puisque  nous  ne  saurions  réelle- 
«  ment  acquérir  par  là  une  valeur  supérieure  à  celle  que  nous  possédons. 
«  Aussi  le  vTai  sens  de  ces  paroles  est-il  :  u  Que  l'honneur  de  ton 
{(  prochain  (c'est-à-dire  que  ton  prochain  te  rend)  te  soit  aussi  indifférent 
«  que  le  tien  (que  celui  que  tu  te  rends  à  toi-même) .  » 

«  Je  restai  confondu  d'admiration  devant  l'excellence  des  pensées,  et 
tout  émerveillé  de  l'ingénieuse  exégèse  sur  laquelle  on  les  appuyait. 

«  Mon  imagination  s'exalta  vivement  à  la  suite  de  ces  récits,  et 
devenir  memhre  de  cette  vénérahle  société  fut  dès  lors  mon  vœu  le 
plus  ardent;  aussi,  hien  décidé  à  faire  le  voyage  de  M...,  où  résidait 
le  chef  suprême  B...,  j'attendis  avec  impatience  la  fin  de  mon  servage'  ; 
dès  que  le  terme  en  fut  arrivé  et  que  j'eus  reçu  mon  payement,  je 
commençai  mon  pèlerinage,  au  lieu  de  retourner  dans  mon  domicile,  qui 
n'était  éloigné  que  de  deux  milles;  le  voyage  ne  dura  pas  moins  de 
plusieurs  semaines. 

«  Aussitôt  arrivé  à  M...,  et  à  peine  reposé  de  mes  fatigues,  je  n'eus 
rien  de  plus  pressé  que  de  me  rendre  chez  le  supérieur,  croyant  que 
j'allais  immédiatement  lui  être  présenté.  Mais  on  me  dit  que  je  ne 
pouvais  encore  être  introduit  chez  lui,  que  j'eusse  à  revenir  le  samedi 
suivant,  comme  les  autres  étrangers  également  arrivés  pour  le  voir  et 
avec  lesquels  j'étais  invité  à  sa  tahle;  à  cette  occasion  j'aurais  le  honheur 
de  voir  le  saint  homme  face  à  face  et  d'entendre  de  sa  bouche  l'ensei- 
gnement le  plus  sublime,  de  telle  sorte  que  cette  entrevue  publique 
pourrait  être  regardée  comme  une  audience  particulière,  à  cause  de  tout 
ce  que  j'y  remarquerais  d'individuel  et  n'ayant  trait  qu'à  moi  seul. 

((  J'arrivai  donc  le  jour  du  sabbat  à  ce  festin  solennel,  et  je  trouvai 
chez  mon  hôte  inconnu  un  grand  nombre  d'hommes  vénérables,  venus 
de  difl'érentes  contrées  dans  le  même  dessein  que  moi.  Le  grand  homme 
fit  enfin  son  entrée  ;  il  avait  un  maintien  des  plus  imposants  et  portait 
un  vêtement  complet  de  satin  blanc;  ses  souliers  et  jusqu'à  sa  tabatière 
étaient  de  celte  couleur,  que  les  kabbalisles  regardent  comme  la  couleur 
de  la  grâce.  Il  gratifia  chaque  nouvel  arrivé  d'un  salam,  c'est-à-dire 
qu'il  le  salua. 

((  On  se  mit  à  table,  et  durant  tout  le  temps  du  repas  régna  un  silence 

1.  Salomon  M;iïmori  était  alors  engage  dans  une  ferme  isolée,  comme  inslilulcur 
des  enl'anls  du  fermier. 


302  LA  KABBALE. 

solenneL  Le  repas  terminé,  le  chef  entonna  une  mélodie  sacrée,  propre 
à  élever  l'àme,  puis  il  appuya  la  main  sur  son  front  et  appela  à  haute 
voix  chaque  nouvel  arrivé  par  son  nom  et  celui  de  sa  demeure,  ce  qui 
nous  causa  une  extrême  surprise.  11  demanda  à  chacun  de  nous  de  lui 
réciter  un  verset  tiré  de  l'Écriture  sainte,  et  lorsqu'on  eut  satisfait  à 
sa  demande,  le  supérieur  commença  un  sermon  auquel  les  versets  récités 
devaient  servir  de  texte  ;  il  savait  les  lier  avec  tant  d'art  que,  bien  qu'ils 
fussent  pris  sans  suite  dans  divers  livTes  de  l'Écriture  sainte,  il  les  pré- 
sentait comme  s'ils  eussent  formé  un  tout  homogène  ;  mais  ce  qui  était 
plus  étrange  encore,  c'est  que  chacun  de  nous  croyait  trouver  dans  la 
partie  du  sermon  correspondant  à  la  citation  quelque  chose  de  relatif  à 
ses  sentiments  intimes.  Tout  cela  nous  jeta  dans  une  grande  admiration. 

«  Mais  peu  de  temps  suffit  pour  me  faire  revenir  de  ma  haute  opinion 
sur  ce  chef  et  sur  cette  société  en  général.  Je  remarquai  que  leur  ingé- 
nieuse exégèse  était  fausse  et  en  outre  qu'elle  était  rétrécie  par  les  prin- 
cipes extravagants  qui  lui  servaient  de  base  ;  puis,  une  fois  cette  exégèse 
entendue,  adieu  toute  autre  nourriture  intellectuelle!  —  Leurs  prétendus 
miracles  s'expliquaient  aussi  de  la  manière  la  plus  simple  :  les  corres- 
pondances, les  espions,  une  certaine  connaissance  du  cœur  humain  aidée 
de  la  physiognomonique,  des  questions  habilement  posées  de  manière  à 
surprendre  les  secrets  de  l'àme,  voilà  par  quels  moyens  ils  se  faisaient 
décerner,  par  les  gens  simples  et  crédules,  leur  brevet  de  prophètes. 

«  Ce  qui  contribua  beaucoup  aussi  à  me  dégoûter  de  cette  société, 
ce  furent  ses  allures  cyniques  et  son  dévergondage  dans  la  gaieté  ;  pour 
n'en  citer  qu'un  exemple,  je  dirai  qu'un  jour,  nous  étant  tous  réunis  chez 
le  supérieur  à  l'heure  de  la  prière,  l'un  des  nôtres  arriva  un  peu  plus 
tard  que  de  coutume;  les  autres  lui  en  ayant  demandé  la  cause,  il 
répondit  que  c'était  parce  que  sa  femme  était  accouchée  d'une  fille 
pendant  la  nuit;  sur  quoi  chacun  se  mit  à  le  féliciter  à  grand  bruit.  Le 
supérieur  survint,  s'informa  de  la  cause  de  tout  ce  tumulte,  et  quand  il 
apprit  que  P...  était  devenu  père  d'une  fille,  il  s'écria  avec  humeur  : 
«  Une  fille  !  qu'on  lui  donne  les  étrivières  !  » 

«  Le  pauvre  homme  se  défendit  de  son  mieux  ;  il  ne  comprenait  nul- 
lement pourquoi  une  peine  lui  serait  infligée  parce  que  sa  femme  avait 
mis  une  fille  au  monde;  mais  rien  n'y  fit!  On  s'empara  de  lui,  on  vous 
retendit  à  terre,  et  ce  fut  à  qui  le  fustigerait  le  plus  durement.  Tous,  à 
l'exception  de  la  victime,  entrèrent  en  grande  gaieté  à  la  suite  de  celte 
exécution,  et  là-dessus  le  chef  les  exhorta  à  la  prière  en  ces  termes  : 
((  Frères,  servez  le  Seigneur  avec  joie!  » 

«  Je  ne  voulus  pas  séjourner  plus  longtemps  dans  cet  endroit,  et,  après 


APPENDICE.  503 

avoir  reçu  la  bénédiction  du  supérieur,  après  avoir  pris  congé  de  la 
société,  je  partis  avec  la  résolution  de  l'abandonner  à  jamais  et  je  re- 
tournai dans  mes  pénates. 

«  Cette  secte  formait,  à  considérer  son  but  et  les  moyens  mis  en 
œuvre,  une  espèce  de  société  secrète  qui  aurait  acquis  la  domination 
de  la  nation  presque  entière  et  opéré  sans  nul  doute  une  grande  révo- 
lution, si  les  extravagances  de  quelques-uns  de  ses  membres  n'avaient 
mis  à  nu  bien  des  côtés  faibles  et  fourni  des  armes  contre  elle  à  ses 
adversaires. 

«  Quelques-uns  d'entre  eux,  qui  avaient  à  cœur  de  se  montrer  vrais 
cyniques,  violaient  ouvertement  toutes  les  lois  de  la  décence,  couraient 
entièrement  nus  sur  des  places  publiques,  etc.  Leurs  improvisations 
(conséquence  du  principe  de  l'annihilation)  leur  faisaient  souvent  intro- 
duire dans  leurs  sermons  les  absurdités  les  plus  incompréhensibles  et 
les  plus  désordonnées  :  il  y  en  eut  même  qui  devinrent  fous  au  point  de 
se  figurer  qu'effectivement  ils  n'existaient  plus.  A  cela  se  joignirent 
encore  (et  ce  furent  les  causes  principales  qui  hâtèrent  leur  chute)  leur 
orgueil  et  leur  mépris  pour  tout  ce  qui  n'était  pas  de  leur  secte,  mais 
surtout  pour  les  rabbins,  dont  ils  se  firent  des  adversaires  acharnés  et 
puissants.  » 

Chez  les  anciens  'Hassidim  l'étude  du  Zohar  et  les  croyances  kabba- 
listiques  étaient  toujours  accompagnées  des  plus  grandes  austérités,  des 
plus  cruelles  abstinences  de  la  vie  ascétique.  C'étaient  le  mépris  de  la 
vie  et  le  principe  de  la  pénitence  portés  jusqu'à  leur  dernière  exagération. 
Le  même  Salomon  Maïmon  nous  en  rapporte  un  exemple  terrible  qu'il 
a  eu  sous  les  yeux  pendant  son  enfance  et  son  séjour  en  Pologne.  On  ne 
nous  saura  pas  mauvais  gré  d'ajouter  à  ce  qui  précède  la  traduction  de 
ce  récit. 

«  Un  savant  renommé  par  sa  piété,  Simon  de  Lubtsch,  avait  déjà 
accompli  la  pénitence  de  Kana,  qui  consiste  à  jeûner  tous  les  jours 
pendant  six  ans  et  à  ne  rien  prendre  le  soir  qui  provienne  d'un  être  vivant, 
comme  la  viande,  les  laitages,  le  miel,  etc.  ;  il  s'était  en  outre  acquitté 
de  la  pénitence  dite  Golath,  c'est-à-dire  une  pérégrination  constante 
durant  laquelle  on  ne  passe  pas  deux  nuits  de  suite  dans  le  même  endroit, 
et  il  portait  habiluellcmcnt  un  cilicc  de  crin  sur  la  peau  nue;  eh  bien, 
tout  cela  ne  suffisait  pas  à  sa  conscience,  et  pour  être  en  paix  avec  lui- 
même,  il  se  crut  obligé  à  une  autre  espèce  d'épreuve,  appelée  la  péni- 
tence au  poids*,  c'est-à-dire  une  pénitence  particulière  et  proportionnée 

1-  SDï?cn  nai^rn- 


504  LA  KABIiALE. 

à  chaque  péclié.  Mais,  après  avoir  fait  son  compte,  il  resta  persuadé  que 
le  nomljre  de  ses  péclie's  était  trop  grand  pour  qu'il  put  jamais  les  expier 
de  cette  façon,  et  il  se  mit  en  tète  de  se  laisser  mourir  de  faim.  Après 
avoir  jei!mé  quelque  temps,  il  vint  à  passer  par  l'endroit  qu'habitait  mon 
père,  et,  sans  prévenir  qui  que  ce  fût  de  la  maison,  il  s'en  alla  tout  droit 
dans  la  grange,  où  il  tomba  sans  connaissance.  Mon  père,  étant  survenu 
par  hasard,  trouva  cet  homme,  qu'il  connaissait  depuis  longtemps, 
étendu  par  terre  à  demi  mort  et  tenant  à  la  main  un  Zohar,  le  livre 
le  plus  important  de  la  kabbale. 

((  Mon  père  savait  à  qui  il  avait  affaire  et  se  procura  aussitôt  une 
foule  de  rafraîchissements;  mais  toutes  ses  instances  furent  vaines,  il  ne 
put  rien  lui  faire  accepter  ;  plusieurs  fois  il  revint  à  la  charge,  et  tou- 
jours il  trouva  Simon  inflexible;  ayant  à  la  fm  quelque  occupation  qui 
l'appelait  dans  l'intérieur  de  la  maison,  il  fut  obligé  d'abandonner  son 
hôte  pour  quelques  instants;  aussitôt  celui-ci,  pour  se  délivrer  de  toute 
importunité,  rassembla  ses  forces  et  parvint  à  se  traîner  hors  de  la 
maison  et  même  hors  du  village.  Quand  mon  père  retourna  dans  la 
grange  et  la  trouva  vide,  il  se  mit  à  courir  après  lui  et  le  trouva  mort 
non  loin  du  village.  Le  fait  se  répandit  parmi  les  juifs,  et  Simon  fut 
regardé  comme  un  saint.  ' 

1,  Ourr.  cilc,  l.  I,  thap.  xvi. 


LA  SECTE  DES  ZOIIAUISTES  OU  ANTITIIALiMUDISTES 


Vers  l'an  1750,  un  certain  Jacob  Frank,  né  en  Pologne  en  1712,  qui 
avait  exercé  dans  sa  jeunesse  le  métier  de  distillateur,  et  plu  5  tard  avait 
séjourné  en  Crimée  et  dans  d'autres  provinces  turques  adjacentes,  revint 
de  là  avec  la  réputation  de  kabbaliste.  Il  s'établit  en  Podolie  et  se  fit, 
parmi  les  juifs  polonais  et  quelques-uns  de  leurs  rabbins  les  plus  fameux, 
un  parti  considérable,  dans  lequel  entrèrent  des  communautés  entières: 
par  exemple,  celles  de  Landskron,  Biisk,  Osiran,  et  plusieurs  autres.  Il 
répandit  parmi  eux  la  doctrine  de  Sabbathaï-Zévy,  non  sans  y  apporter 
toutefois  les  modifications  qu'il  jugeait  convenables,  et  composa  dans  ce 
but  un  ouvrage  qu'il  fit  circuler  manuscrit  parmi  ses  disciples.  On  ne 
pouvait  lui  reprocber  d'en  imposer  par  des  jongleries,  comme  sespréde'- 
cesseurs  et  comme  Bescht-,  son  rival  contemporain;  car  il  agissait  uni- 
quement par  la  persuasion  et  par  l'ascendant  que  lui  donnaient  des 
manières  pleines  de  distinction. 

Jaloux  de  sa  réputation,  les  rabbins  persécutèrent  Frank  et  ses  par- 
tisans avec  une  violente  aniniosité.  Un  jour  que  Frank  et  un  grand 
nombre  de  ses  sectaires  avaient  entrepris  un  pèlerinage  à  Salonique,  où 
demeurait  alors  leur  corypliée  Bcracbiab,  les  rabbins  les  dénoncèrent  au 
gouvernement  polonais;  et,  sur  leurs  instances,  tous  nos  pèlerins  furent 
arrêtés  à  la  frontière  et  tenus  dans  une  étroite  captivité.  Les  sectaires 
curent  recours  à  l'évèquc  de  Podolie,  alors  très  puissant,  et,  en  effet, 
celui-ci  leur  procura  une  sauvegarde  royale  qui  leur  permit  de  vivre  en 
Pologne  conformément  à  leurs  principes,  d'y  fonder  une  secte  distincte 

1.  Le  fragment  qu'on  va  lire  est  en  grande  partie  Irailiiit  d'un  liistoricn  allemand, 
frcquonmiciit  cité  dans  le  cours  de  eut  ouvrag(\  l'el(M'  Uoer,  Histoire  des  doctrines 
cl  opinions  des  sortes  religieuses  chez  les  Juifs,  t.  IF,  p.  5U9  et  suiv. 

2.  C'est  ainsi  qu'un  appi-lle  i)ar  aljrévialion  le  l'ondatcur  de  la  secte  des  nouveaux 
'Ilassidiin,  Israël  Iîa:ilsiliein.  Voir  rap])eiiJi(X'  précédent. 

20 


306  LA  KABBALE. 

sous  le  nom  de  zoharites  ou  à' antilhahniidistes,  parce  qu'ils  adoptaient 
le  Zohar  ou  le  système  kabbalistique  comme  le  fondement  de  leur  reli- 
gion, et  rejetaient  le  Thahniid.  Avant  que  cette  décision  fût  prise,  les 
deux  partis  soutinrent,  dans  les  églises  de  Kamienitz,  Podolsky  et  Lem- 
berg,  différentes  controverses  en  présence  de  plusieurs  évêques  et 
officiers  de  la  couronne.  En  cette  circonstance,  la  nouvelle  secte  fit 
publiquement  sa  profession  de  foi,  qui  consistait  dans  les  propositions 
suivantes'  : 

«  1°  Nous  croyons  à  tout  ce  que  Dieu  nous  a,  de  temps  immémorial, 
communiqué  par  la  tradition  et  la  révélation,  et  nous  nous  regardons 
comme  tenus,  non  seulement  à  pratiquer  ce  qui  nous  est  commandé 
par  sa  loi,  mais  encore  à  pénétrer  plus  avant  dans  le  sens  de  nos  doc- 
trines, afin  d'y  découvrir  aussi  les  mystères  qui  y  sont  renfermés.  Car 
Dieu  n'a-t-il  pas  dit  à  Abraham  [Gen.,  XVII,  H)  ;  «  Je  suis  le  Tout- 
«  Puissant;  marche  devant  moi,  et  sois  sincère  »  ?  N'a-t-il  pas  dit  ailleurs 
[Deuléronome,  X,  12)  :  «  Et  maintenant,  Israël,  que  demande  de  toi 
«  l'Éternel,  ton  Dieu,  sinon  de  craindre  l'Éternel,  ton  Dieu,  de  marcher 
«  dans  toutes  ses  voies  et  de  l'aimer;  de  servir  l'Éternel,  ton  Dieu,  de 
«  tout  ton  cœur  et  de  toute  ton  âme;  c'est-à-dire  de  garder  les  com- 
«  mandements  de  l'Éternel  et  les  statuts  que  je  t'impose  aujourd'hui  pour 
((  ton  bien  »?  Tout  cela  prouve  qu'il  faut  être  fidèle  à  Dieu  et  à  ses 
préceptes,  et  s'appliquer  à  comprendre  clairement  le  sens  de  la  loi;  il 
faut  en  outre  le  respect  du  Seigneur  :  «  La  crainte  de  Dieu  est  le  com- 
«  mencement  de  la  sagesse.  »  {Prov.,  III,  10.) 

«  Cependant  l'amour  et  la  crainte  de  Dieu  ne  sont  point  suffisants  : 
il  faut  aussi  que  l'homme  reconnaisse  la  grandeur  de  Dieu  dans  ses 
œuvres.  C'est  d'après  ce  principe  que  David,  sur  son  lit  de  mort,  disait 
à  son  fils  Salomon  [Chroniques,  I,  28,  9)  :  «  Reconnais  le  Dieu  de 
«  ton  père  et  sers-le  » .  La-dessus  le  Zohar  demande  :  «  Pourquoi  lui 
«  a-t-il  recommandé  d'abord  de  connaître  Dieu,  et  seulement  ensuite  de 
«  le  servir?  C'est  qu'un  culte  divin  qui  n'a  pas  été  précédé  de  la  con- 
«  naissance  de  Dieu  n'a  aucune  valeur.  »  Il  faut  que  ce  culte  soit  fondé 
sur  la  sagesse  et  la  vérité.  «  La  sagesse  »,  dit  le  Nouveau  Zohar,  au 
nom  de  Simon  ben  Jocliaï,  «  la  sagesse  qui  est  nécessaire  à  l'homme 
«  consiste  à  réfléchir  sur  les  secrets  du  Seigneur,  et  tout  homme  qui 
«  abandonne  ce  monde  sans  avoir  acquis  cette  connaissance  sera  repoussé 

1.  Celte  profession  de  foi,  rcdig^ée  en  polonais  et  en  hébreu  rabbinique,  a  clé  publiée 
simultanément  dans  ces  deux  langues,  à  I.cmbcrg.  Comme  elle  paraissait  trop  longue 
à  rapporter  tout  enlière,  on  s'est  contenté  d'en  donner  des  extraits  qui  siil'liront  à  en 
faire  connaître  rc5i>rit. 


APPE>'DICE.  307 

«  de  toutes  les  portes  du  paradis,  quel  que  soit  le  nombre  des  bonnes 
«  œuvres  dont  il  pourra  d'ailleurs  être  accompagné.  » 

«  Nous  lisons  dans  le  même  livre  :  «  Celui  qui  ne  sait  pas  honorer 
«  le  nom  de  son  Dieu,  il  vaudrait  mieux  pour  lui  qu'il  n'eût  pas  été 
«  créé;  car  Dieu  n'a  mis  l'homme  en  ce  monde  que  pour  qu'il  s'efforce 
«  d'approfondir  les  mystères  renfermés  dans  son  divin  nom.  »  A  propos 
de  ces  paroles  de  David  (Ps.  145,  18)  :  «  Dieu  est  près  de  ceux  qui  l'in- 
«  voquent  avec  sincérité  »,  le  Zohar  demande  :  «  Est-il  donc  possible 
«  de  ne  pas  invoquer  Dieu  sincèrement?  »  Et  il  répond  :  «  Oui.  Car 
«  celui  qui  invoque  Dieu  et  ne  comprend  pas  quel  est  celui  qu'il  invoque, 
«  celui-là  est  dans  l'erreur.  Par  là  il  est  démontré  que  c'est  un  devoir 
«  pour  tout  homme  de  croire  en  Dieu  et  à  sa  révélation,  d'étudier  ses 
«  lois,  de  le  reconnaître,  lui,  ses  lois  et  ses  jugements,  et  d'approfondir 
«  les  mystères  de  la  Thora.  Celui  qui  croit  de  cette  manière  accomplit  la 
«  volonté  et  l'ordre  de  Dieu,  et  celui-là  seul  mérite  réellement  le  nom 
«  d'Israélite.  » 

«  2"  Nous  croyons  que  Moïse,  les  prophètes  et  tous  nos  maîtres  qui 
les  ont  précédés  s'expriment  souvent  dans  leurs  écrits  d'une  manière 
figurée,  et  qu'un  sens  mystérieux  se  cache  sous  leurs  paroles.  Ces  écrits 
sont  semblables  à  une  femme  voilée  qui  n'expose  pas  sa  beauté  à  tous  les 
yeux,  mais  qui  exige  de  ses  adorateurs  qu'ils  se  donnent  quelque  peine 
pour  soulever  le  voile  qui  la  couvre.  C'est  ainsi  que  le  voile  du  symbole 
enveloppe  ces  paroles,  et  toute  la  sagesse  humaine  ne  parviendrait  pas 
à  le  soulever,  sans  l'assistance  d'une  grâce  céleste.  En  d'autres  termes,  il 
est  parlé  dans  la  Thora  de  choses  qui  ne  doivent  nullement  être  prises  à 
la  lettre;  mais  il  faut  invoquer  l'esprit  de  Dieu,  afin  qu'il  nous  aide  à 
découvrir  le  fruit  renfermé  sous  l'écorce.  » 

«  Nous  croyons  donc  qu'il  ne  suffit  pas  de  lire  les  prophètes  et  d'en 
comprendre  le  sens  littéral,  mais  qu'une  assistance  divine  est  nécessaire 
pour  pénétrer  le  sens  réel  d'une  foule  de  passages.  C'est  pourquoi  David 
s'écrie  (Ps.  119,  18)  :  «  Ouvre-moi  les  yeux,  ô  Seigneur,  afin  que  je 
«  contemple  les  merveilles  de  ta  loi  ».  Si  David  eût  pu  tout  comprendre 
à  l'aide  de  l'enseignement  ou  de  ses  propres  recherches,  de  quel  besoin 
lui  aurait  été  le  secours  divin?  Mais  il  l'invoquait,  ce  secours,  afin  de 
pouvoir  approfonchr  les  mystères  renfermés  dans  la  loi.  «  Malheur,  dit 
«  le  Zohar,  malheur  à  l'homme  qui  ne  voit  dans  la  loi  que  de  simples 
«  récits  et  des  paroles  ordinaires!  Car,  si  réellement  elle  ne  renfermait 
«  que  cela,  nous  pourrions,  même  aujourd'hui,  composer  aussi  une  loi 

1.  Voir  la  2*  |)arlie  du  présent  ouvrage,  cliap.  u. 


508  LA  KACD.VL". 

«  bien  plus  cligne  d'admiration.  Pour  ne  trouver  que  de  simples  paroles, 
«  nous  n'aurions  qu'à  nous  adresser  aux  législateurs  de  la  terre  chez 
«  lesquels  on  rencontre  souvent  plus  de  grandeur.  Il  nous  suffirait  de  les 
«  imiter  et  de  faire  une  loi  d'après  leurs  paroles  et  à  leur  exemple.  Mais 
«  il  n'en  est  pas  ainsi;  chaque  mot  de  la  loi  renferme  un  sens  élevé  et 
«  un  mystère  sublime....  » 

«  Les  récits  de  la  loi  sont  le  vêtement  de  la  loi.  Malheur  à  celui  qui 
prend  ce  vêtement  pour  la  loi  elle-même!  C'est  dans  ce  sens  que  David 
a  dit  :  a  Mon  Dieu,  ouvre-moi  les  yeux,  afin  que  je  contemple  les  mer- 
«  veilles  de  ta  loi  » . 

«  Il  est  incontestable  que  sous  la  lettre  de  la  loi  sont  renfermés  de 
grands  mystères  que  tout  vrai  fidèle  doit  s'efforcer  d'approfondir.  A 
ce  propos  le  Zoliar  dit  encore  :  «  La  loi  ressemble  a  une  belle  femme 
«  aimée  qui  se  cache  dans  un  endroit  secret,  et  ne  laisse  voir  que  son 
«  portrait.  Si  son  ami  déploie  une  grande  persévérance,  s'il  se  donne 
«  des  peines  infitiaables  {)our  arriver  jusqu'à  elle  et  lui  témoigner  de 
«  cette  manière  son  respect  et  sa  tendresse,  elle  lui  ouvrira  ses  portes 
«  et  lui  permettra  un  libre  accès  auprès  d'elle.  » 

«  0"  ^ous  croyons  que,  de  toutes  les  explications  de  la  loi,  celle  que 
donne  le  Zohar  est  la  meilleure  et  la  seule  véritable,  et  que  les  rabbins, 
au  contraire,  lui  donnent  dans  le  Thalmud  un  grand  nombre  défausses 
interprétations  qui  sont  en  contradiction  manifeste  avec  les  attributs 
divins  et  la  charité  enseignée  par  la  loi. 

((  4"  Nous  croyons  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  Dieu  qui  n'a  pas  eu  de  com- 
mencement et  n'aura  pas  de  fin  ;  qui  seul  a  créé  les  mondes  et  tout 
ce  qu'ils  renferment,  aussi  bien  ce  que  nous  connaissons  que  ce  qui 
nous  est  inconnu.  C'est  pourquoi  l'Ecriture  dit  (Deutéronome,  VI,  4)  : 
«  Écoute,  Israël,  l'Éternel  notre  Dieu  est  un  Dieu  unique  )).  On  trouve 
aussi  dans  les  Psaianes  :  «  Tu  es  grand,  ô  Seigneur  !  Toi  seul  accomplis 
«  des  merveilles  ».  C'est-à-dire  non  comme  les  rois  de  la  terre,  qui  ne 
peuvent  rien  accomplir  sans  le  secours  d'aulrui;  Dieu  a  créé  seul  le  ciel 
et  la  terre,  sans  aucune  autre  participation,  et,  seule,  sa  Providence  veille 
sur  tout. 

«  o"  Nous  crovons  que,  bien  qu'il  n'y  ait  qu'un  seul  Dieu,  il  se  com- 
pose néanmoins  de  trois  personnes  (D'S*i'"l2j,  parfaitement  égales  l'une 
à  l'autre,  parfaitement  indivisibles,  et  qui,  à  cause  de  cela,  ne  font 
qu'un.  La  loi  mosaïque,  aussi  bien  que  les  prophètes,  nous  enseigne 
cette  vérité.  Le  Zohar  dit  :  ((  La  loi  commence  par  la  lettre  2  »  (beth); 
cette  lettre  se  compose  de  deux  lignes  horizontales  réunies  à  une  verti- 
cale: ce  qui  fait  allusion  aux  trois  natures  divines  réunies  en  une  seule. 


APPENDICE.  509 

La  croyance  en  celte  trinité  divine  est  fonde'e  sur  les  saintes  Écritures,  et 
confirmée  par  d'innombrables  passages.  Nous  ne  voulons  en  citer  ici  que 
quelques-uns  :  par  exemple,  Moïse  dit  {Gen.,  1,  2)  :  «  L'esprit  (ni"!)  des 
«  Dieux  (d'hSn)  (au  pluriel)  flottait  sur  les  eaux  ».  S'il  n'y  avait  qu'une 
seule  personne  divine,  Moïse  aurait  dit  :  «  L'esprit  de  Jéhovah  ou  du 
«  Seigneur  flottait  »,  etc.;  mais  il  voulait  dès  le  principe  établir  la 
trinité  en  Dieu.  Plus  loin  {Gen.,  1,  26),  Dieu  dit  :  «  Faisons  l'bomme  selon 
<(  notre  image  et  notre  ressemblance  ».  Le  Zohar  conmiente  ainsi  ces 
paroles  :  «  11  y  en  a  deux  et  encore  un,  ce  qui  fuit  trois,  et  ces  trois  ne 
«  font  qu'un*  ».  Ailleurs  il  est  dit  {Gen.,  111,22)  :  «  Les  Dieux,  Jéliovali, 
((  dirent  :  Voici  l'bomme  qui  devient  semblable  à  l'un  de  nous  ».  S'il 
n'y  avait  pas  trois  personnes,  il  y  aurait  seulement  :  «  Jébovali  dit  »,  etc. 
Pourquoi  les  Dieuxl  Mais  c'est  une  preuve  de  la  trinité  divine.  Quand  il 
est  dit  (Ge/i.,  XI,  15)  :  «  Jéliovah  descendit  pour  voir  la  ville  et  la  tour  », 
voici  en  quels  termes  il  s'exprime  :  «  Descendons  et  mettons  la  confu- 
«  sion  dans  leur  langue  »,  etc.  A  qui  Jéliovah  s'adressait-il?  Ce  ne  pou- 
vait pas  être  à  ses  anges,  qui  sont  ses  serviteurs,  et  auxquels  il  aurait 
commandé  sans  employer  avec  eux  la  forme  de  la  prière.  Mais  Dieu 
parlait  ainsi  aux  personnes  divines  qui  sont  ses  égales  en  dignité.  «  Trois 
«  anges  apparurent  à  Abraham  [Gen.,  XVlll,  2,  5);  il  courut  au-devant 
«  d'eux  et  dit  :  Seigneur  »,  etc.  11  en  voyait  donc  trois  et  ne  s'adressait 
qu'a  l'un  d'eux,  parce  que  ces  trois  ne  font  qu'un.  Moïse  dit  {Exode, 
XII,  7)  :  «  Us  prendront  du  sang  de  cet  agneau  et  en  mettront  sur  les 
((  deux  poteaux  et  sur  le  linteau  de  la  porte  ».  Pourquoi,  demande  le 
Zohar,  pourquoi  ce  sang  doit-il  précisément  être  mis  sur  trois  places? 
«  C'est  pour  que  la  croyance  parfaite  en  son  saint  nom  éclate  sur  les 
«  trois  places.  »  Ceci  fait  encore  allusion  a  la  trinité  divine.  «  Quel  est  le 
«  peuple  si  grand,  dit  Moïse  {Deutéronome,  IV,  7),  qui  ait  les  Dieux 
«  (Eloliim)  aussi  près  de  lui  «pie  nous?  »  S'il  n'y  avait  point  plusieurs 
personnes  divines,  il  faudrait  ici  El  (Dieu),  et  non  point  Eloliim,  les 
Dieux. 

«  Jéhovah,  est-il  dit  {Gen.,  XIX,  24),  fit  pleuvoir  sur  Sodome  et 
Gomorrhe  une  pluie  qui  venait  de  Jéhovah.  »  Preuve  nouvelle  de  plu- 
sieurs personnes  divines.  Dieu  dit  à  Moïse  :  «  Monte  vers  l'Hterncl  » 
{Exode,  XXIV,  1).  Ici  il  y  aurait  simplement  :  «  Monte  vers  moi  »,  s'il 
n'existait  plusieurs  personnes  en  Dieu.  Sur  le  passage  suivant  :  «  Écoute, 
Israël,  l'Kternel  notre  Dieu  est  un  »  {Deuléron.,  VI,  i),  voici  le  commen- 


\.  Ces  paroles  du  Zoliar  ne  ?c  rapporicnl  p.is  à  la  trinilc  divine,  mais  à  la  (rinilé 
humaine  et  à  certains  cas  de  métempsycose.  (.\.    F.) 


510  LA  KADBAL" 

taire  du  Zohar  :  «  Trois  font  un  »  ("iijiN  Tn  T\'lT\).  Il  est  dit  (Er.,  III,G)  : 
{(  Le  Dieu  d'Abraham,  le  Dieu  d'Isaac  et  le  Dieu  de  Jacob  ».  Le  nom  de 
Dieu,  répété  devant  celui  de  cliacun  des  patriarches,  fait  allusion  à  la 
Trinité  divine.  Josué  disait  (XXIV,  19)  :  «  Vous  ne  pouvez  pas  servir 
Jéhovah,  car  il  est  les  Dieux  Saints  »  (dl'Tip  OTibN')- 

((  D'une  part  il  y  a  Jéhovah,  de  l'autre  les  Dieux  Saints,  ce  qui 
prouve  la  Trinité  réunie  en  Dieu.  )> 

((  6°  Nous  croyons  que  Dieu  apparaît  incarné  sur  la  terre,  et  alors  il 
boit,  il  mange  et  accomplit  d'autres  actions  humaines;  mais  il  est  dégagé 
de  tout  péché.  La  preuve  en  est  dans  ce  que  dit  Moïse  [Gen.,  YI,  3)  : 
((  Quoiqu'il  soit  chair  ».  Le  Zohar  donne  de  ces  paroles  l'exphcation 
suivante  :  «  Dieu  devient  chair,  pour  se  tourner  vers  le  corps;  ce  qui 
veut  dire  qu'au  moment  de  la  création,  Dieu  s'incarna  dans  Adam,  et 
lorsque  ce  dernier  eut  péché,  Dieu  se  retira  de  lui  et  en  demeura  éloigné 
jusqu'à  ce  qu'il  s'incarnât  de  nouveau  dans  ce  même  corps.  «  A  propos 
des  quatre  éléments,  le  feu,  l'eau,  l'air  et  la  terre,  le  Zohar  dit  :  «  Dieu 
se  revêtit  de  ces  éléments  et  il  eut  un  corps  ».  Ne  lisons-nous  pas  dans 
Moïse  {Ex.,  XX,  115,  19)  :  «  Le  peuple  vit  la  voix  »,  etc.?  Pourquoi 
n'y  a-t-il  pas  que  la  voix  fut  entendue?  Mais  Dieu  se  montra  cette  fois 
aux  Israélites  sous  une  forme  bumaine  afin  de  les  instruire  qu'un  jour, 
à  l'époque  du  Messie,  il  apparaîtrait  de  nouveau  sous  la  même  forme. 
Dieu  dit  par  l'organe  de  Moïse  :  «  Je  marcherai  au  milieu  de  vous  » 
(Lév.,  XXVI,  12).  Le  livTe  Jalhut,  'CTp7%  explique  ainsi  ces  paroles  : 
«  Ceci  nous  rappelle  un  monarque  qui  se  promène  dans  son  jardin  et 
devant  qui  le  jardinier  confus  cherche  à  se  cacher.  Afin  de  le  rassurer, 
le  roi  s'adresse  à  lui  et  lui  dit  avec  douceur  :  «  Que  crains-tu,  mon  fils? 
«  Vois,  je  suis  un  homme  comme  toi,  et  je  marche  à  tes  côtés.  »  C'est  ainsi 
que  Dieu  revêtit  une  forme  humaine  afin  d'instruire  humainement  les 
hommes.  C'est  aussi  pourquoi  le  prophète  s'écrie  {Isaïe,  XXX,  20)  : 
«  Tes  yeux  verront  ton  maître  ».  Quand  Dieu  dit  [Deul.,  XXXII,  40)  : 
«  J'élève  ma  main  vers  le  ciel  »,  il  ne  pouvait,  puisqu'il  remplit  tout  de 
sa  présence,  prononcer  ces  paroles  qu'en  tant  qu'homme  et  marchant 
sur  la  terre.  Que  signifient  ces  paroles  du  prophète  Amos  :  «  Dieu  a 
établi  son  faisceau  sur  la  terre  »,  sinon  que  par  ce  faisceau  il  entend  la 
réunion  des  trois  personnes  divines  tandis  qu'il  habitait  la  terre?  Nous 
trouvons  dans  Salomon  ces  paroles  {Cantiq,  V,  1)  :  «  J'entrai  dans  mon 
jardin,  etc.,  et  je  mangeai  de  mon  miel  ».  Comment,  demande  le  Zohar, 
comment  peut-on  dire  de  Dieu,  dont  il  est  question  durant  tout  le  cours 
de  ce  cbant,  qu'il  a  bu  et  qu'il  a  mangé?  Mais  ceci  ressemble  à  un  ami 
qui  en  visite  un  antre,  et  fait  pour  lui  plaire  mainte  chose  qu'il  n'a  pas 


APPENDICE.  311 

coutume  de  faire;  par  exemple  il  mange  sans  avoir  faim  et  boit  sans 
avoir  soif.  Ainsi  fait  Dieu  quand  il  apparaît  aux  hommes,  puisqu'alors  il 
descend  à  toutes  les  occupations  et  à  toutes  les  actions  humaines. 

«  7°  Nous  croyons  que  Jérusalem  ne  doit  jamais  être  rebâtie.  Car  il 
est  dit  dans  l'Écriture  [David,  IX,  27)  :  «  Le  peuple  d'un  puissant 
monarque  détruira  la  ville  et  le  sanctuaire.  La  destruction  sera  complète 
comme  par  un  déluge.  »  Le  prophète  Jérémie  dit  aussi  (IV,  6)  :  «  Les 
péchés  de  la  ville  de  mon  peuple  (Jérusalem)  sont  bien  plus  grands  que 
les  péchés  de  Sodome,  qui  a  été  détruite  de  fond  en  comble  » .  Si  l'on 
ne  doit  plus  rebâtir  Sodome,  bien  moins  encore  Jérusalem  sera-t-elle 
reconstruite,  puisque  le  prophète  dit  expressément  que  les  péchés  de 
Jérusalem  surpassent  ceux  de  Sodome. 

«  8°  Nous  croyons  que  les  Juifs  attendent  en  vain  le  Messie  mortel 
qui,  d'après  leur  croyance,  doit  les  délivrer,  les  élever  au-dessus  de 
toutes  les  nations,  et  leur  apporter  richesses  et  grandeurs.  Mais  Dieu  lui- 
même  apparaîtra  sous  une  enveloppe  humaine  et  rachètera  les  hommes 
de  la  perdition  qu'ils  ont  encourue  par  la  faute  de  leurs  ancêtres  ;  cepen- 
dant il  ne  rachètera  pas  seulement  les  Juifs,  mais  tous  ceux  qui  auront 
foi  en  lui,  tandis  que  les  incrédules  seront  tous  plongés  dans  les  abîmes 
de  l'enfer.  » 

A  cette  profession  de  foi  rédigée  pour  le  public  se  mêlèrent  une  orga- 
nisation et  des  croyances  secrètes.  Aussi  la  secte  des  zoharites,  même 
après  avoir  embrassé  le  christianisme,  a-t-elle  conservé  son  cachet  parti- 
culier, la  discipline  à  la  fois  militaire  et  monacale,  et  probablement  ses 
anciens  dogmes.  Le  but  de  son  fondateur,  autant  qu'on  en  peut  juger 
par  sa  conduite  extérieure  et  par  les  lettres  qu'il  adressait  à  ses  anciens 
frères  pour  les  engager  à  recevoir  le  baptême,  paraît  avoir  été  de  con- 
duire les  juifs  à  travers  le  christianisme  à  un  mysticisme  particulier, 
fondé  sur  la  doctrine  du  Zohar  et  sur  l'ancienne  idée  de  la  suprématie 
du  peuple  juif.  C'est  surtout  le  principe  de  la  foi  que  Frank  cherchait  à 
accréditer  parmi  les  siens  et  parmi  les  juifs  en  général;  c'est  grâce  h  ce 
principe  et  par  son  seul  concours  qu'il  prétendait  leur  révéler  des  vérités 
inconnues  jusqu'à  lui.  Dans  ce  cas,  le  christianisme  n'eût  été  à  ses  yeux 
qu'une  simple  préparation  à  la  doctrine  nouvelle,  absolument  ce  que  le 
judaïsme  est  aux  yeux  des  chrétiens.  Telle  paraît  avoir  été  aussi  l'opinion 
de  Sabbathaï-Zévy,  par  rapport  à  toutes  les  religions  actuellement  exis- 
tantes, tant  la  musulmane  que  la  chrétienne.  11  pensait  que,  l'homme 
n'étant  jamais  entièrement  abandonné  de  Dieu,  il  y  a  dans  tous  les 
grands  cultes  de  la  terre  quelque  chose  de  saint  et  de  vrai,  et  que  la 
tâche  du  véritable  Israélite,  c'est-à-dire  de  celui  qui  a  pris  pour  base  de 


512  LA  KABDALE. 

sa  foi  la  kabbale  et  le  Zoliar,  était  d'attirer  à  lui  les  éléments  de  sainteté 
répandus  dans  les  autres  religions,  afin  de  les  leur  rendre  ensuite  enno- 
blis et  purifiés  par  ses  propres  croyances.  C'est  sans  doute  en  vertu  de 
ce  principe  qu'il  adopta  lui-même  l'islamisme,  comme  Frank,  à  son 
exemple,  adopta  la  religion  catholique,  et  qu'il  attira  sur  ses  pas  un 
nombre  considérable  de  ses  partisans.  On  ne  saurait  mieux  caractériser 
cette  manière  de  voir  qu'en  l'appelant  une  sorte  d'éclectisme  religieux  : 
et,  en  effet,  ne  trouve-t-on  pas  quelque  chose  de  semblable,  je  ne  dis  pas 
seulement  dans  le  néoplatonisme,  mais  dans  les  écoles  religieuses  et  phi- 
losophiques d'Alexandrie?  Le  caractère  commun  de  ces  différentes  écoles, 
n'est-ce  pas  d'avoir  voulu  embrasser  dans  une  même  conviction,  sinon 
dans  un  même  système,  le  christianisme  et  les  éléments  les  plus 
saints  de  la  pliilosophie  païenne,  la  mythologie  grecque  transformée 
par  l'interprétation  symbolique  et  la  plupart  des  anciennes  religions  de 
l'Orient? 


fI.N 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Avant- PROPOS  de  la  deuxième  éiiition 

Préface i 

Introduction 27 

PREMIÈRE  PARTIE 

Chapitre  I.  Antiquité  de  la  kabbale 39 

Chapitre  II.  Des  livres  kabbaiistiques.  —  Authenticité  du  Sepher  ietiirah.  55 
Chapitre  III.  Authenticité  du  Zohar .    <•    .       65 

DELXIÈME  PARTIE 

Chapitre  I.  De  la  doctrine  contenue  dans  les  livres  kabbaiistiques.  — 

Analyse  du  Sepher  ietzirah 105 

Chapitre  II.  Analyse  du  Zohar.  —  Méthode  allégorique  des  kabbalistes.  120 
Chapitre  III.  Suite  de  l'analyse  du  Zohar.  —  Opinion  des  kabbalistes  sur 

la  nature  de  Dieu 125 

Chapitre  IV.  Suite  de  l'analyse  du  Zohar.  —  Opinion  des  kabbalistes  sur 

le  monde 159 

Chapitre  V.  Suite  de  l'analyse  du  Zohar.  —  Opinion  des  kabbalistes  sur 

l'àme  humaine 171 

TROISIÈME  PARTC 

Chapitre  I.  Quels  sont  les  systèmes  qui  offrent  quelque  ressemblance  avec 
la  kabbale.  —  Rapports  de  la  kabbale  avec  la  philosophie  de  Platon.   .     195 


514  TABLE  DES  MATIERES. 

Chapitke  II.  Rapports  de  la  kabbale  avec  l'école  d'Alexandrie 202 

Chapitre  LU.  Rapports  de  la  kabbale  avec  la  doctrine  de  Pliilon.    .    .    .  220 

Chapitre  IV.  Rapports  de  la  kabbale  avec  le  christianisme 255 

Chapitre    V.  Rapports  de  la  kabbale  avec  la  religion  des  Chaldéens  et  des 

Perses 2GG 

APPENDICE 

I.  La  secte  kabbalistique  des  nouveaux  'has.si'Iim 295 

II.  La  secte  des  zoJiarislcs  ou  anlilliabnudisics »...  505 


Conlommiers.  —  Typ.  Pall  BRODARD. 


LA    KABBALE 


OUVRAGES  DU  MÊME  AUTEUR 


X 


OCCULTISmE 

Traité  méthodique  de  Science  Occulte.  Lettre- Préface  d'An. 
Franck,  de  l'Institut.  1  vol.  gr.  in-S"  de  xxv-1050  pages  avec  10 
traités  techniques,  2  dictionnaires  et   1  glossaire,  400  gravures  et 

taiîleaux  et  2  planches  phototypiques  hors  texte   (1891) 16.   » 

Le  Tarot  des  Bohémiens,  le  plus  ancien  livre  du  monde.  —  Elude 
historique  et  critique  sur  la  clef  de  la  Science  Occulte  (à  l'usage 
des  initiés).  1  vol.  grand  in-S»  de  372  pages,  avec  6  planches  phototy- 
piques et  200  figures  et  tahleaux 9 .  » 

Traité  élémentaire  de  Science  Occulte.  1  vol.  iii-18,  4^^  édition.  (Épuisé) 

L'Occultisme  Contemporain.  I11-I8 (Épuisr) 

Fabre  d'Olivet  et  Saint- Yves  d'Alveydre.  In-80 0.75 

L'Occultisme  (petit  résumé),    ln-16 0.20 

KABBALE 

Le  Sepher  Jésirah,  i^^  traduction  française.  —  Les  32  Voies  de  la 

Sagesse  ;  les  50  Portes  de  l'Intelligence (Épuisé) 

La  Science  Secrète  (en  collaboration) 3. 50 

ALCHIIYIIE 

La  Pierre  Philosophale,  preuves  de  son  existence.  In-18  avec 
planche  phototypique 1  •    » 

THÉOSOPHIE 

Les  Sept  Principes  de  l'Homme  au  point  de  vue  scientifique. 
In-8°  avec  figures (Épuisé) 

SPIRITISME 

Considérations    sur    les    Phénomènes   du  Spiritisme.    — 

Rapports  de  l'Hypnotisme  et  du  Spiritisme.  —  Réglus  pratiques  pour 

la  formation  des  médiums.  In-80  avec  4  planches 1 .    " 

Le  Spiritisme  (petit  résumé) 0  20 

La  Fraude  et  la  Médiumnité,  en  collaboration  avec  L.  Le.merle, 
ingénieur,  ancien  élève  de  l'Ecole  Polytechnique.  (Sous  presse.) 

MAGIE 

La  Chiromancie  (résumé  synthétique).  In-S»  avec  23  figures 1 .    " 

Traité  élémentaire  de  Magie  pratique.  (En  préparation.) 

DIVERS 

Essai  de  Physiologie  Synthétique  (Gérard-Encausse-Papus)  appli- 
cation de  la  Science  Occulte  à  nos  Sciences  expérimentales.  1  vol. 
in-80  avec  35  schémas  inédits 4 .    » 

Direction  de  la  revue  mensuelle  l'Initiation  (4^  année)  et  du  journal 
hebdomadaire  le  Voile  d'Isis  (2e  annéej. 


F-A.FXJS 


LA 


KABBALE 

(TRADITION  SECRÈTE  DE  L'OCCIDENT) 

RÉSUMÉ   MÉTHODIQUE 


Quoi  que  nous  puissions  faire  pour 
conquérir,  dans  le  domaine  des  scicncos 
morales,  une  indépendance  sans  limites, 
la  chaîne  de  la  Iradition  se  montrera 
toujours  dans  nos  plus  hardies  décou- 
vertes. 

Ad.   FiiANCK. 


OITVHAGE  PRÉCÉDÉ    D'UNE    LETTRE  d'Ad.   FRANCK,   DE    L'IXSTITUT 
ET  ORNÉ   DE   20    FIGURES    ET    TABLEAUX    ET     DE    2     PLANCHES    HORS    TEXTE. 


PARIS 

58,    RUE    SAINT-ANDRÉ-DES-AUTS,    58 

1892 


Paris,  le  23  octobre  1891. 

LETTRE 

DE  M.   ADOLPHE   FRANCK  A  L'AUTEUR 


Moi 


NSIEUIi 


J'accepte  avec  le  plus  grand  plaisir  la  dédicace  que  vous 
voulez  bien  m'offrir  de  votre  ouvrage  sur  la  Kabbale,  qui 
7i'est  pas  un  essai,  comme  il  vous  plaU  de  T appeler,  mais 
un  livre  de  la  plus  grande  importance. 

Je  nai  pu  encore  que  le  parcourir  rapidement  ;  mais  je 
le  connais  assez  pour  vous  dire  que  c'est,  à  mon  avis.,  la 
publication  la  plus  curieuse,  la  plus  instructive,  la  plus 
savante  qui  ait  paru  jusqu'à  ce  jour  sur  cet  obscur  sujet. 

Je  ne  trouve  à  y  reprendre  que  les  termes  beaucoup  trop 
flatteurs  de  la  lettre  à  mon  adresse  dont  vous  la  faites 
précéder. 

.  Avec  une  rare  modestie,  vous  ne  me  demandez  mon 
opinion  que  sur  le  travail  bibliographique  par  lequel  se 
termine  votre  étude. 

Je  n'oserais  pas  vous  affirmer  qu'il  n'y  manque  abso- 
lument ?'ie?i  ;  car  le  cadre  de  la  Science  Kabbalistique  peut 
varier  à  l'infini;  mais  un  travail  bibliographique  aussi 
complet  que  le  vôtre.,  je  ne  l'ai  rencontré  nulle  part. 

Veuillez  agréer,  Monsieur.,  avec  mes  félicitations  et 
mes  remerciements,  l'assurance  de  mes  sentiments  dévoués. 

Ad.  FRANCK. 


TABLE   MÉTHODIOUE 


DES 


MATIÈRES 


Lettre  de  M.  Ad.  Franck. 

DÉDICACE. 

Première  partie. 

Les  divisions  de  la  Kabbale. 

Chapitre    premier.    —    La    Tradition   hébraïque  et    la    classifi- 

calion  des  ouvrages  qui  s'y  rapportent 7 

§  2.  —  La  Mashore 11 

§  3,  —  La  Mischna 12 

§  4.  —  La  Kabbale 13 

Deuxième  partie. 

Les  enseignements  de  la  Kabbale. 

Chapitre  I".  —  Exposé  préliminaire,  division  du  sujet 29 

Chapitre   IL  —  L'alphabet  hébraïque 33 

Chapitre  IIL  —  Les  noms  divins 43 

Chapitre  IV.  —  Les  Sephiroth 61 

Chapitre    V.  —  La  philosophie  de  la  Kabbale 83 

Chapitre  VI.  —  L'dine  d'après  la  Kabbale 106 

Chapitre  VIL  —  Les  textes  {Scpher  Jesirah.  —  Les  32  'Voies  de  la 
Sagesse.  —  Les  50  Portes  de  l'intelligence 119 


TABLE   MÉTHODIQUE    DES    MATIÈRES 

Troisième  partie. 

Bibliographie  résumée  de  la  Kabbale. 

Chapitre  premier.  —  Introduction  à  la  bibliographie. 

§  1 .  —  Préface 141 

§  2.  —  Principales  bibliographies  kabbalistiques 142 

§  3.  —  Nos  sources 146 

CuAPn-RK  II.  —  Classification  par  idiomes. 

§  1.  —   Ouvrages  en  langue  française 149 

§2.—  —  latine lo3 

§3. —  —  allemande 160 

§  4,  —  Principaux  traités  en  langue  hébraïque 161 

§  5.  —  Ouvrages  en  langue  anglaise 164 

§6. —  —  espagnole... 165 

Chapitre  III.  —  Classification  par  ordre  des  matières. 

§  I .  —  Traités  concernant  la  Mischna. 167 

§2.—  —  le  Targum 167 

§3.—  —  le  Talmud 168 

§  4.  —  —  la  Kabbale  en  général 168 

§5.—  —  les  Sephiroth ...  172 

§  G.  —  —  le  Sepher  Jesirah 173 

§  7.  —  —  la  Kabbale  pratique 174 

Appendice. 

PÉRIODIQUES. 

Langue  française 1  '7S 

—  allemande 176 

—  anglaise l'i'6 

—  espagnole 1~6 

—  italienne 1^6 

—  hollandaise l'76 

Table  alphabétique  des  auteurs  cités  dans  la  bibliographie 177 

Table  alphabétique  des  ouvrages  cités  dans  la  bibliographie 181 


A  Monsieur  ADOLPHE  FliAXC h\ 

Membre  de  l' Institut 

Professeur  honoraire  au  Collège  de  France 

Président  de  la  Ligne  nationale  contre  l'Athéisme. 


Mo\  riiKii  Mmiue, 

Voulez- vous  me  pennettre  de  vous  dédier  le  modeste  essai 
que  je  publie  aujourd'hui  sur  cette  question  de  la  Kabbale,  si 
importante  à  élucider  pour  le  philosophe? 

Vous  avez  été  le  premier,  non  seulement  en  France,  mais 
aussi  en  Europe^  à  mettre  au  jour  un  travail  considérable  sur 
la  «  philosophie  religieuse  des  Hébreux  »,  comme  vous  la  nom- 
mez vous-jnème.  —  Cet  ouvrage,  que  vous  seul  pouviez 
mener  à  boime  fin,  grâce  ci  votre  parfaite  connaissance  de  la 
langue  hébraïque,  d'une  part,  et  de  V histoire  des  doctrines  phi- 
losophiques, d autre  part,  a  fait,  dès  son  apparition,  autorité 
dans  la  matière  et  a  justement  mérité  les  traductions  et  les  imi- 
tatio)is  qui  se  sont  produites  depuis  cette  publication.  Les 
quelques  critiques  allemands  qui  ont  voulu  vous  reprendre  au 
sujet  de  la  Kabbale  nont  réussi  quWi  donner  la  mesure  exacte 
de  leur  insuffisance  et  de  leur  parti  pris.  La  réédition  de  1881) 
est  venue  sanctionner  le  succès  de  l'édition  de  1843. 

Mais  si  nous  tous,  qui  nous  occupons  aujourd'hui  de  ces  ques- 
tions, nous  devons  une  profonde  reconnaissance  à  iiotre  doyen,  à 

1 


notre  initiateur  en  ces  études,  comment  pour rais-je,  personnel- 
lement, vous  remercier  de  ri)isigne  Jionneur  que  vous  avez  bien 
voulu  me  faire  en  encourageant  mes  efforts  de  V autorité  de 
votre  nom,  en  déclarant  que^  si  vous  n  êtes  pas  mystique ,  vous 
préférez  du  moins  voir  les  nouveaux  venus  épris  de  ces  recher- 
ches, ptlutôt  que  de  les  sentir  apôtres  des  doctrines  désespé- 
rantes, antiphilosophiques  et,  osons  le  dire,  antiscientifiques 
du  positivisme  matérialiste  ? 

A  r heure  où  nous  avons  levé  le  bouclier  de  la  lutte  intellec- 
tuelle contre  le  matérialisme,  à  l'heure  oii  tous  les  adeptes  de 
cette  doctrine,  épars  dans  les  Facultés  de  médecine,  dans  la 
Presse^  et  dans  les  couches  les  plus  élevées  comme  les  plus  basses 
de  la  société,  nous  ont  considéré  comme  des  <(  dilettanti  »,  des 
cléricaux  ou  des  fous,  le  président  de  la  Ligue  nationale  contre 
r  athéisme  est  venu,  bravant  tous  les  sarcasmes,  ?îous  couvrir 
de  l'autorité  incontestable  et  incojitestée  d'un  philosophe  pro- 
fond, doublé  d'un  défenseur  ardent  du  spiritualisme. 

Vous  nous  avez  montré  que  ces  sava?its,  éminents  pour  la 
plupart  par  leurs  découvertes  analytiques,  sont  astreints,  de 
par  leur  spécialisation  même,  à  une  étude  trop  hâtive  de  la 
philosophie.  De  là  leur  mépris  pour  une  branche  du  savoir 
humain  qui,  seule,  pourrait  leur  fournir  cette  synthèse  des 
sciences  qu'ils  aspirent  tcmt  à  posséder  ;  de  là  leurs  conclusions 
matéricdistes,  de  là  /'inconnaissable  et  toutes  les  formules 
qui  indiquent  la  paresse  de  l'esprit  Jiumain,  inapte  à  u)i  effort 
sérieux,  et  pressé  de  conclure,  sans  approfondir  la  valeur  ou 
les  conséf/uences  sociales  de  ses  affirmations. 

A  côté  du  courant  officiel,  des  Universités  religieuses  ou 
laïques,  des  Académies  des  sciences  et  des  Laboratoires  des 
Facultés,  a  toujours  existé  un  courant  indépendant ,  générale- 
ment peu  cojinu,  et,  partant,  assez  in  éprise,  formé  de  cher- 
cheurs parfois  trop  imbus  de  philosophie,  parfois  trop  épris  de 
mysticisme,  mais  combien  curieux  et  combien  intéressants  à 
étudier! 

Ces  adeptes  de  la  Gnose,  ces  Alchimistes,  ces  disciples  de 


III  — 


Jacob  Boï'hin^  de  Martinez  Pasqualis  ou  de  Louis- Claude  de 
Saint-Martin,  sont  pourtant  les  seuls  qui  Ji  aient  j'nnais 
négligé  l'étude  de  la  Kabbale  jusqu'au  moment  où  ï appari- 
tion de  votre  travail  est  venue  montrer  quils  avaient  trouvé 
lin  approbateur  et  un  maître  dans  la  personne  d'un  des  plus 
éminents  parmi  les  représentants  de  l'Université. 

C'est  comme  admirateur  et  disciple  moi-même  de  Saint- 
Martin  et  de  ses  doctrines,  que  je  prends  la  liberté  de  vous 
remercier,  au  nom  de  ces  «  indépendants  »,  de  l'appui  précieux 
qu'ils  ont  trouvé  en  votre  perso)i)ie  et,  si  j'osais.,  en  terminant 
vous  adresser  une  prière,  ce  serait  de  vous  voir  intercéder  pour 
eux  auprès  des  chefs  de  notre  Université, 

Il  g  a  dans  les  œuvres  de  Saint-Martin,  dans  celles  de  Fabre 
crOlivet,  de  Wronski,  de  Lacuria  et  de  Louis  Lucas,  une  série 
d études  que  je  crois  très  profondes  et  qui  sont  peu  connues, 
sur  la  psychologie,  la  inorale  ou  la  logique. 

Or  il  serait  pour  le  moins  utile  de  voir  au  prograynme  de 
notre  Ecole  Normale  Supérieure  le  Traité  des  signes  et  des 
Idées  de  Saint-Martin,  ou  les  Vers  dorés  de  Pythagorc  de 
Fabre  d'Olivet,  ainsi  que  le  système  de  psychologie  qui  forme 
r introduction  de  son  Histoire  philosophique  du  genre  humain, 
ou  bien  encore  la  partie  philosophique  de  la  Médecine  nou- 
velle ou  du  Roman  alchimique  de  Louis  Lucas,  sans  parler  de 
la  Création  de  la  réalité  absolue  de  Wronski,  peut-être  trop 
technique  et  trop  abstraitement  présentée. 

Vous  me  direz  que  ces  auteurs  sont  des  «  tnystiques  »,  des 
écrivains  dont  l'érudition  laisse  à  désirer  quelquefois  ;  ?)iais 
c'est  im  «  mystique  »  aussi  qui  réclame  qu'on  les  lise  davantage 
et  qu'on  les  critique,  ne  serait-ce  que  pour  mieux  se  rendre 
compte  des  diverses  évolutions  de  l'esprit  humain. 

Quel  que  soit  l'accueil  fait  à  ma  requête,  je  vous  serai  tou- 
jours reconnaissant,  ??io?i  cher  Maître,  de  tout  ce  que  vous  avez 
fait  pour  notre  cause. 

Ce  nest  pas  sans  efforts,  ni  sans  luttes  que  nous  avons  pro- 
gressé, et  nous  continuerons  notre  route,  comme  nous  l'avons 


—   IV    — 

coimmmcée ,  répondant  par  le  travail  et  par  des  œuvres  à  toutes 
les  attaques  qui  accablent  chacune  de  nos  œuvres  ou  chacune 
de  nos  jjersonnalités.  En  effet  toute  œuvre  de  bonne  foi  subsiste 
bien  longtemps  encore;  mais  que  reste-t-il^  après  quelques 
années,  des  calomnies  les  plus  perfides?  Un  peu  d  amertume  et 
beaucoup  de  pitié  au  cœur  des  victimes,  de  plus  grands 
remords  en  ïâme  des  calomniateurs,  et  rien  autre  chose. 

Mais  si  les  œuvres  subsistantes  perdent,  par  la  suite  des  temps, 
de  leur  valeur  comme  puissance  dijnamiqtie,  il  est  un  sentiment 
sacré,  que  tous  ceux  qui  défendront  plus  tard  notre  cause 
devront  éprouver  autant  que  nous-même,  cest  la  reconnais- 
sance profonde  pour  celui  qui  n'hésita  pas,  dans  les  moments 
les  plus  difficiles,  à  encourager  nos  efforts  en  les  appuycmt  de 
tout  le  respect  et  de  toute  l'autorité  qui  s' attachent  à  un  grand 
nom. 

Veuillez  agréez,  mon  cher  Maître,  l' assurayice  de  ma  consi- 
dération très  distinguée. 

PAPUS. 


PREMIÈRE   PARTIE 


LES 

DIVISIONS   DE   LA  KABBALE 


CHAPITRE   PREMIER 

LA  TRADITION  HÉBRAÏQUE 

ET  LA  CLASSIFICATION  DES  OUVRAGES  QUI  S'Y  RAPPORTENT 


Celui  qui,  pour  la  première  roiï=,  aborde  l'étude  de  la  Kabbale, 
ne  saurait  trop  être  renseigné  sur  la  place  exacte  qu'il  faut  attri- 
buer aux  ouvrages  purement  kabbalistiques,  comme  le  Seplier 
Jesirah  et  le  Zohar,  par  rapport  aux  autres  traités  se  rapportant  à 
la  tradition  hébraïque. 

Ainsi  l'on  sait  généralement  qu'on  trouve  dans  la  Kabbale  l'ex- 
posé des  règles  théoriques  et  pratiques  de  la  Science  Occulte; 
mais  on  a  peine  à  discerner  le  rapport  existant  entre  le  texte  sacré 
proprement  dit  et  la  tradition  ésotérique. 

Tous  ces  embarras  proviennent  de  la  confusion  qui  s'établit  dans 
l'esprit  dès  qu'il  faut  classer  les  immenses  compilations  hébraïques 
parvenues  jusqu'à  nous. 

Nous  allons  faire  nos  efforts,  dans  Texposé  suivant,  pour  établir 
une  classification  aussi  claire  que  possible  des  divers  ouvrages 
ayant  pour  objectif  de  fixer  la  tradition  orale. 

Il  n'existe  pos,  à  notre  connaissance  du  moins,  un  travail  assez 
complet,  résumant  en  un  ou  plusieurs  tableaux  les  données  techni- 
ques complétées  par  une  sérieuse  bibliographie. 

On  trouvera  à  la  fin  de  notre  étude  la  liste  des  ouvrages  moder- 
nes dans  lesquels  nous  avons  puisé  pour  notre  exposé  et  l'on  |)Ourra 
se  rendre  compte,  en  se  reportant  à  ces  ouvrages,  de  la  diKiculté 
que  nous  avons  rencontrée  dans  cette  tâche.  C'est  pourquoi  nous 
ne  sommes  pas  sûr  d'avoir  encore  épuisé  définitivement  cette  ques- 
tion, et  nous  sommes  tout  prêt  à  roconnaitre  les  faut(,'s  que  nous 


—  8 


puurriuns  avoir  commises  dans  cet  exposé,   si  quelqu'un   de  plus 
auU»risé  que  nous  veut  bien  nous  les  signaler. 


Tous  ceux  qui  sont  un  peu  au  courant  des  choses  d'Israël 
«avent  qu'à  côté  de  la  Bible  il  a,  sinon  toujours,  du  moins  depuis 
un  temps  très  reculé,  existé  une  tradition  destinée  à  mettre  à  même 
certaine  classe  d'initiés  d'expliquer  et  de  comprendre  la  Loi  (la 
Thorah). 

Cette  tradition,  transmise  presque  uniquement  par  la  voie  orale 
pendant  de  longues  années,  portait  sur  plusieurs  points  différents  : 

1°  Il  y  avait  d'abord  tout  ce  qui  concernait  le  corps  tnafériel  de  la 
Bible.  De  même  que  nous  verrons  au  moyen  âge  cerlaines  corpo- 
rations posséder  des  règles  strictes  et  tenues  cachées  pour  la  cons- 
truction des  cathédrales,  de  même,  la  construction  de  chaque 
exemplaire  rie  la  Bible  hébraïque  était  soumise  à  des  règles  fixes, 
constituant  une  paille  de  la  tradition; 

2°  Il  y  avait  de  plus  tout  ce  qui  concernait  Vesprit  du  texte 
sacré.  Les  commentaires  et  les  interprétations  portaient  sur  deux 
grandes  parties:  d'un  côté  la  Loi,  l'ensemble  des  règles  qui  déter- 
minent les  rapports  sociaux  des  membres  d'Israël  entre  eux,  entre 
les  voisins  et  entre  la  Divinité  ;  d'un  autre  côté  la  Doctrine  secrète, 
l'ensemble  des  connaissances  théoriques  et  pratiques  grâce  aux- 
quelles on  pouvait  connaître  les  rapports  de  Dieu,  de  l'Homme  et 
de  l'Univers. 

Corps  du  texte  sacré,  partie  législative  de  ce  texte  et  partie  doc- 
trinale, telles  sont  les  trois  grandes  divisions  qui  font  de  la  tradi- 
tion ésotérique  un  tout  complet  formé  de  corps,  de  vie  et  d'esprit. 


Lorsque,  suivant  le  commentaire  placé  en  tête  du  SepherJesirah, 
«  vu  le  mauvais  état  des  affaires  d'Israël  »,  il  fallut  se  décider  à 
écrire  les  divers  points  de  cette  tradition  orale,  plusieurs  grands 
ouvrages  prirent  naissance,  destinés  à  transmettre  chacun  une 
partie  de  la  tradition. 

Si  l'on  a  bien  compris  ce  qui  précède,  il  sera  on  ne  peut  plus 
facile  d'établir  une  classification  claire  de  ces  ouvrages. 


Tout  ce  qui  avait  rapport  au  corps  du  texte,  les  règles  concer-    lALc^i 
liant  la  manière  de  lire  et  d'écrire  la  Thorah  (la  Loi),  les  considé- 
rations spéciales  sur  le  sens  mystique  des  caractères   sacrés,  tout 
cela  fut  tixé  dans  la  Massora  ('ou  Mashore). 

Les  commentaires  tradilionnels  sur  la  partie  législative  de  la    lAtc^ 
Thorah  formèrent  la  Misu.\a,  et  les  additions  faites  ultérieurement 
à  ces  commentaires  (correspondant  à  notre  jurisprudence  actuelle) 
formèrent  la  Gemarah  (ou  Gemmare).  La  réunion  de  ces  deux  frac-    %jjf^ 
lions  de  la  partie  législative  en  un  seul   tout  forme  le  Talmud.       «y 
Voilà  pour  la  partie  législative. 

La  Doctrine  secrète  comprenait  deux  divisions,  la  théorie  et  la 
prati^ue^  échelonnées  en  trois  degrés  :  un  degré  historique,  un 
degré  social,  un  degré  mystique. 

L'ensemble  des  connaissances  renfermées  dans  ces  deux  divisions  V  /Q 
constitue  la  Kabbale  proprement  dite. 

La  partie  théorique  seule  de  la  Kabbale  a  été  fixée  par  l'écriture 
et  surtout  par  l'impression.  Cette  partie  théorique  comprend  deux 
études:  1°  celle  de  la  création  et  de  ses  lois  mystérieuses  (Bkrescuit),  /n^ 
résumée  dans  le  Sep  her^Jesira  h  ;  2°  celle,  plus  métaphysique,  de 
Vessence  divine  et  de  ses  modes  de  manifestation,  ce  que  les  kab-  V^ 
balistes  appellent  le  Char  céleste  (Mercavah),  résumée  dans  le 
Zohar. 

La  partie  pratique  de  la  Kabbale  est  à  peine  indiquée  dans  quel- 
ques manuscrits  épars  dans  nos  grandes  collections.  A  Paris,  la 
Bibliothèque  Nationale  en  possède  un  des  plus  beaux  dont  l'origine 
est  attribuée  à  Salomon.  Ces  manuscrits,  généralement  connus  s>v 
sous  le  nom  de  clavicules,  ont  servi  de  base  à  tous  les  vieux  gri- 
moires qui  courent  les  campagnes  {Grand  et  Petit  Albert,  Dragon 
rouge  et  Enchiridion)  ou  à  ceux  qui  poussent  les  prêtres  à  l'aliéna- 
tion mentale  par  la  sorcellerie  [Grimoire  d'Honorius). 

Nous  allons  entrer  dans  quebiues  détails  au  sujet  de  chacun  des 
ouvrages  dont  nous  venons  de  parler;  mais  auparavant,  résumons 
ce  qui  précède  en  un  tableau  qui  permettra  de  tout  embrasser  d'un 
coup  d'œil. 


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Nous  pourrons  maintenaut  aborder  avec  plus  de  détails  chacun 
de  ces  recueils  pour  bien  en  déterminer  le  caractère. 

Masiiore.  —  La  mashore  forme  le  corps  de  la  tradition  ;  elle 
traite  de  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  partie  matérielle  de  la  Thorah. 

La  M'sorah  consiste  en  deux  points  principaux  : 

«  1°  Elle  enseigne  la  manière  de  lire  les  passages  douteux  à 
l'aide  des  points  et  des  voyelles,  d'assembler  et  de  prononcer  les 
mots  et  les  phrases  au  moyen  des  accents. 

«  2°  Elle  s'étend  sur  les  consonnes  comme  sur  la  partie  extérieure 
et  matérielle  de  la  Bible,  et  donne  un  registre  des  hiéroglyphes 
exprimés  par  la  forme  plastique  de  la  Thorah,  tels  que  la  division 
des  livres,  des  chapitres,  des  versets,  la  figure  des  lettres,  etc., 
sans  néanmoins  expliquer  le  sens  de  ces  hiéroglyphes^  » 

Les  occultistes  qui  se  sont  occupés  spécialement  de  la  Kabbale 
comme  Saint-Yves  d'Alveydre  ^,  Fabre  d'Olivet^,  Claude  de  Saint- 
Martin  *,  prétendent  que  la  mashore,  ensemble  de  formules  tout 
exotériques,  est  destinée  à  enlever  à  la  langue  hébraïque  tout  ce 
qui  peut  mettre  sur  la  voie  du  sens  secret  de  la  Thorah. 

On  divise  souvent  la  Mashore  en  grande  et  petite.  La  Bible 
rabbinique  a  été  imprimée  pour  la  première  fois  chez  Daniel 
Bemberg,  imprimeur  à  Venise  (1525),  puis  à  Amsterdam  (1724- 
1727). 

MiscnNA*.  —  La  Mischna  comprend  six  sections  [sedarim)  qui  se  l  oi 
divisent  en  soixante  paragraphes  ou  traités  (M'sachoth);  chacun  de  î?*  ^ 
ces  traités  se  subdivise  de  nouveau  en  chapitres  {Perakim). 

Nous  donnons  ici  un  aperçu  de  la  Mischna,  afin  que  le  lecteur 
puisse  avoir  une  idée  de  son  contenue 


1.  Molilor,  p.  249. 

2.  Voici  on  (juoi  consista  la  réforme  pédagogique  et  primaire  d'Esdras  : 

11  changea  les  caractères  primitifs  de  Moïse  pour  ceux  des  prêtres  chaldéens 
.•ivec  la  notation  à  lassyrienne  qui  constitue  la  première  mashore.  {Mission  des 
Juifs,  p.  64 G.) 

li.  Lu  Langue  Iiéhraîque  restituée. 

4.  Le  Crocodile  (œuvres  diverses). 

1.  Outre  la  Bible,  les  juifs  orthodoxes  reconnaissent  encore  des  traductions 
qui  obtiennent  de  leur  part  le  même  respect  que  les  préceptes  du  Pentateuque. 

D'abord  transMiis(;s  de  bouche  on  iiouche  et  dispersées  de  toutes  parts 
ensuite  recueillies  et  rédigéijs  par  Judas  le  Saint  sous  le  nom  de  .Alischno,  puis 
enfin  prodigieusement  augmentées  et  déviloppées  par  les  auteurs  du  Taimud, 
elles  ne  laissent  [)lus  aujourd'hui  la  moindre  part  à  la  raison  et  à  la  liberté. 
Ad.  i"'ranck,  op.  cit.) 

2.  Molit.,  op.  cit.,  p,  17. 


12  — 


§  3.  —  LA  MISCHNA 

PREMIÈRE    SECTION 

Des  semences,  comprenant  onze  chapitres. 

1°  De  la  prière  et  de  la  bénédiction  journalière;  2°  du  coin  de 
champ  appartenant  au  pauvre;  3°  des  fruits  dont  on  refuse  la  dîme, 
comment  il  faut  en  user;  4"  des  hétérogènes  ou  des  animaux  qui  ne 
doivent  pas  être  accouplés;  des  semences  qu'on  ne  doit  point  mêler 
ensemble  dans  la  terre;  des  fils  qu'on  ne  peut  tisser  ensemble;  5°  des 
rapports  de  l'année  sabbatique  ;  6°  des  présents  faits  au  prêtre  ; 
7°  de  la  dîme  des  lévites;  8°  de  la  seconde  dîme  que  doit  fournir  le 
propriétaire  à  Jérusalem;  9°  des  cuisines  des  prêtres;  10°  de  la 
défense  de  manger  des  fruits  d'un  arbre  pendant  les  trois  premières 
années;  11°  des  prémices,  des  fruits  qu'on  doit  apporter  dans  le 
temple. 

2'=   SECTION 

Des  jours  de  fête,  comprenant  douze  chapitres. 

1°  Du  rapport  du  sabbat;  2°  des  biens  sociaux,  c'est-à-dire  que 
toute  la  ville  est  considérée  comme  une  seule  maison;  3°  de  la  fête 
de  Pâques;  4°  du  sicle  que  chacun  est  obligé  de  donner  annuel- 
lement à  l'église;  5°  des  fonctions  aux  fêtes  propitiatoires;  6°  de  la 
fête  des  tabernacles;  7°  des  différents  mets  défendus  aux  jours  de 
fête;  8°  du  jour  de  nouvel  an;  9°  des  différents  jours  d'abstinence; 
10°  de  la  lecture  du  livre  (ïEsther;  11°  des  demi-jours  de  fête  ; 
12°  du  sacrifice  annuel;  des  trois  apparitions  à  Jérusalem. 

3'-   SECTION 

Des  contrats  de  mariage  et  du  divorce,  cojnprenant  sept  chapitres. 

1°  De  la  permission,  de  la  défense  d'épouser  la  femme  de  son 
frère;  2°  du  contrat  de  mariage  ;  3°  des  fiançailles;  4°  de  la  manière 
de  divorcer;  5°  des  vœux;  6°  des  personnes  consacrées  à  Dieu  ; 
7°  des  femmes  soupçonnées  d'adultère. 

4"    SECTION 

Des  dommages    causés,  comprenant  dix  parties. 

i°  Des  droits  pour  les  dommages;  2»  des  droits  sur  les  objets 
trouvés,  prêtés,  mis  en  dépôt;  3°  de  la  vente,  de  l'achat,  de  l'héri- 
tage, de  la  caution  et  d'autres  rapports  sociaux  ;  4"  de  lajuridiclion 


—   13  — 

en  général  et  des  punitions;  6°  des  quarante  coups  moins  un; 
6°  des  serments  ;  7°  des  conclusions  générales,  du  droit  et  des  témoi- 
gnages; 8°  ce  que  doit  faire  le  juge  si  par  erreur  il  a  porté  un  faux 
jugement;  9°  de  Tidolâtrieet  du  commerce  avec  les  païens;  10°  pro- 
verbes moraux. 

5''    SECTION 

Des  offrandes  sacrées,  comprenant  onze  parties. 

1°  Des  offrandes;  2°  de  l'offrande  de  farine;  3°  des  premiers  nés; 
4°  de  l'immolation  des  animaux  sains  ou  malades;  o"  de  la  taxe 
des  choses  consacrées  à  Dieu  et  de  son  paiement;  6°  de  l'échange 
de  l'offrande;  7°  violation  des  choses  sacrées  ;  8°  des  36  péchés  à 
cause  desquels  a  lieu  la  peine  d'extermination  ;  9°  de  l'offrande 
journalière;  10"  de  la  construction  du  temple;  11°  des  colombes  et 
des  tourterelles. 

6»    SECTION 

Des  purifications,  comprenant  douze  parties. 

i°  Des  meubles  et  de  leur  purification  ;  2°  delà  tente  où  se  trouve 
la  mort;  3°  de  la  lèpre;  4°  des  cendres  de  la  vache  de  purification; 
5°  des  différentes  purifications;  6°  des  bains  pour  la  purification  ; 
7°  des  menstrues;  8°  qu'on  ne  doit  rien  manger  d'impur,  à  moins 
qu'on  n'ait  répandu  dessus  quelque  chose  de  liquide;  9°  du  flux 
séminal;  10°  celui  qui  a  pris  un  bain  est  encore  impur  jusqu'au 
coucher  du  soleil;  11°  du  lavement  des  mains;  12°  comment  la  queue 
du  fruit  le  rend  impur. 

Gemurad.  —  La  Gemurah  forme  un  véritable  recueil  de  juris- 
pi'udence  basé  sur  la  Mischna.  La  réunion  de  la  Mischna  et  de  la 
Gemurah  forme  le  Talmud. 

A  propos  de  ces  deux  recueils,  je  rencontre  avec  le  plus  grand 
plaisir  l'occasion  de  signaler  un  travail  tout  personnel  et  d'une 
grande  valeur  de  l'auteur  de  la  Mission  des  Juifs  :  c'est  l'histoire 
des  divers  éléments  de  la  tradition  à  propos  du  Talmud  (p.  650  et 
suiv.).  Voici  un  extrait  de  cette  histoire  : 

«  L'encombrement  de  littérature  casuistique  et  scolastique,  qui 
depuis  le  retour  de  l'exil  remplaça  la  puissante  intellectualité  des 
prophètes,  et  continua  à  se  multiplier  après  la  destruction  du 
troisième  temple,  pendant  dix  siècles,  est  généralement  comprise 
sous  le  nom  de  Midrash,  commentaire. 

t  Les  deux  prinripaJes  routes  de  celte  forêt  de  papier  s'appellent 


—   14  — 

HaUac/iah,  l'allure  ou  règle  de  la  marche;  Ilaggadah,  ron-dit  ou 
la  légende. 

«  C'est  dans  ce  dernier  chapit;  e  que  les  commuriau.lés  ésolériques 
ont  laissé  transpirer  un  peu  de  leur  sejence  :  Kabbale,  Shemata. 

((  Les  premiers  recueils  de  VHallachnh  sont  un  mélainge  inextri- 
cable de  droit  civil  et  de  droit  canon,  de  politique  nationale  et  de 
méthodisme  individuel,  de  lois  divines  et  humaines,  enchevêtrées 
et  se  ramifiant  dans  des  détails  infinis. 

«  Cette  œuvre,  d'ailleurs  infércssante  à  consulter  à  bien  des 
points  de  vue,  évoque  les  noms  fameux  d'Hillel,  d'Akiba  et  de 
Simon  B.  Gamaliel. 

«  Mais  la  rédaction  finale  est  due  à  Juda  Hamassi  en  220  ap.  J.-C. 

«  Elle  forme  la  Mischna,  de  shana,  apprendre;  et  ses  supplé- 
ments sont  connus  sous  le  nom  de  Toseflah,  les  Boraïlha. 

«  Les  rédacteurs  de  la  période  mischnaïque,  après  les  Soferim 
d'Esdras,  sont  les  Tannim,  auxquels  succédèrent  les  Amoraïm. 

«  Les  controverses  et  les  développements  de  la  Mischna  par  ces 
derniers  forment  la  Ghemarah  ou  le  complément. 

«  Elle  eut  deux  rédactions  :  celle  de  Palestine  ou  de  Jéru- 
salem, au  milieu  du  iv°  siècle;  et  celle  de  Babylonc,  au  v''  siècle 
après  J.-G. 

«  La  Mischna  et  la  Gemurah  réunies  sont  connues  sous  le  nom 
de  Talmud,  continuation  et  conclusion  de  la  réforme  primaire 
d'Esdras.  » 

Le  Talmud.  —  D'après  ce  qui  précède,  on  voit  que  le  Talmud  est 
forme  par  la  réunion  des  deux  principaux  recueils  se  rapportant 
à  la  parlie  législative  de  la  Thorah. 

Le  Talmud  constitue  donc  la  Vie  même  de  la  tradition  con- 
densée en  plusieurs  traités.  Outre  les  deux  recueils  que  nous  avons 
cités  (Mischna  et  Gemurah),  le  Talmud  contient,  si  l'on  s'en  réfère 
à  d'autres  auteurs  que  Molilor,  l'ensemble  d'une  nouvelle  série  de 
commentaires  (Medrashim)  et  d'autres  adjonctions  [Tosiflha). 

En  somme,  voici  la  nomenclature  des  recueils  dont  la  réunion 
forme  le  Talmud  : 


Mishna 
Ghemarah 
Medrashim 
Tûsiftha 


Talmud 


Le  lecteur  curieux  de  nouveaux  développements   pourra  con- 
sulter avec  fruit  la  Philosophie  de  la   tradlfion,  de   Molitor,  et 


—  15  — 


surtout  Ja  Mission  des  Juifs,  de  Saint-Yves  (p.  Go3  et  suiv.).  Ce 
dernier  ouvrage  contient  une  histoire  fort  bien  faite  des  vicissitudes 
du  Talmud  à  travers  les  âges. 


§   4.  —  LA    KABBALE 

Nous  arrivons  maintenant,  à  la  partie  supérieure  de  la  tradition, 
à  la  Doctrine  secrète  ou  Kabbale,^  l'âme  véritable  de  cette  tra- 
dition. 

On  peut  voir,  en  consultant  le  tableau  ci-dessus,  que  la  partie 
théorique  de  la  Kabbale  nous  est  seule  bien  connue,  la  partie 
pratique  ou  magique  étant  encore  tenue  secrète,  ou  étant  à  peine 
indiquée  dans  quelques  rares  manuscrits, 

1"  Kabbale  théorique. 

Cette  partie  théorique  a  même  été  considérée  de  façon  bien 
différente  au  point  de  vue  du  classement  par  les  auteurs  qui  se 
sont  occupés  de  la  question.  Nous  allons  dire  quelques  mots  des 
principaux  de  ces  travaux. 

Un  premier  groupe  de  chercheurs,  le  plus  nojiibreux,  a  suiji  les 
divisionsjdçMnLnéexpjlJes_Kai)haUsies  eux-mêmes.  C'est  là  le  plan 
suivi  par  M.  Ad.  Franck  dans  son  bel  ouvrage  (1843),  par  Eliphas 
Lévi  (1833)  et  par  M.  Isidore  Loeb  (article  Cabbale  dans  la  Grande 
Encyclopédie). 

Les  principaux  sujets  de  la  spéculation  mystique  du  temps 
s'appidlent  œuvre  du  char  [maasse  mercaba),  par  allusion  au  char 
d'Kzéchiel,  et  œuvre  de  la  création  [maasse  bercschit). 

L'œuvre  du  char  qui  est  aussi  le  grand  œuvre  [dabar  gadol),  ^f^C- 
comprend  les  êtres  du  monde  supra-naturel.  Dieu,  les  puissances,  %J*^ 
les  idées  premières,  la  «  famille  céleste  »,  comme  on  l'appelle  '^^'^ 
quelquefois  ;  l'œuvre  de  la  création  comprend  la  génération  et  la  '•^ 
nature  du  monde  terrestre  '.  /*^ 

Voici  cette  division  : 

,,  .    ,      \  Maasse  Mercal)a  —  Z()nAH  {o'uvre  du  char). 

I  Maasse  Beresdiil.  —  Ski-ukr  Jesiraii  [œuvre  de  la  création). 

i .   h'u\.  LoOb. 


—    IG   — 


Dautres  écrivains,  comme  M.  ^'.   Munck^,  divisent  la  Kabbale 
de  la  façon  suivante  : 


|o  Symbolique. 


i.       Calculs  mystiques.  —  The- 
^  mura.  - 
\  tarikon. 


KABBALE. 


2"  Positive,  dognufliquc 

3°  fipéciiluliir  ci   mclnphy- 
sique. 


^  [  Angps  et 

i'/uc.         <  Divisions 


An^ps  et  dt'mons. 


(  Trausmigi'a'.ioii  dos  ài 


\  Sopl 


lirotli.  elc. 


Comme  on  le   voit,  M.    S.   Manck  se  rapproche  de   l'ancienni- 
division  adoptée  par  certains  Kabbalistes,  surtout  par  Kircher. 


Mais  la  division  la  plus  complète,  à  notre  avis,  de  la  Kabbale, 
est  CQ\\sASL^2Jdî2L^ >  ^'^^^  ^^^^^  ^["^  nous  avons  adoptée  nous-mêmes 
dans  notre  tableau  général  ci-dessus,  car  elle  a  le  mérite  de 
répondre,  par  ses  grandes  lignes,  aux  divisions  généralement 
adoptées,  tout  en  complétant  ces  divisions  par  la  reconnaissance 
d'une  partie  pratique. 


KABBALE. 


Bereschit. 
Sepher  Jesirah. 
Mercabau. 
Zoliar. 

Rien  oiij)resgue  rien  | 
d'écrit. 

Manuscrits. 

Magiques. 

[Clavicules.) 


1"  degré. 

Légendes    historiques. 

Haggndah. 

2"=  degré. 

Morale  pratique. 

3 ''degré. 

Mystique. 

(Magie   pratique.) 


L'enseignement  traditionnel,  trine  comme  la  nature  humaine  et 
ses  besoins,  était  à  la  fois  historique,  moral  et  mystique  ;  en   sorte 


\.  S.  Munk,  article  Kabbale  {Dict.  de  la  conversation) . 
2.  J.-F.  Molitor,  Pldlosophie  de  la  tradition,  traduit  de  l'allemand  par 
Xavier  Qnris. 


que  récriture  sainte  renfermait  un  triple  sens,  savoir  :  1°  le  sens  '^ 
littéral,  historique  (pashut),qui  correspond  au  corps  et  au  p_ams  '^ 
du  temple;  ""^  ^ 

2°  L'explication  morale  [drusch],  h  l'àme  ou  au  saint  ;  ^  t/ 

3"  Enfin  le  sens  mystique  (sorf),  qui  représente  l'esprit  et  le  saint    3" 
des  saints. 

Le  premier,  composé  de  certains  récits  tirés  de  la  vie  des  anciens 
patriarches,  se  transmettait  de  génération  en  génération  comme 
autant  de  légendes  populaires.  Qi^  ^e  trouve  épars  çà  et  là  en 
forme  de  glose,  dans  les  manuscrits  bibliques  et  les  paraphrases 
chaldaïques. 

Le  sens  moral  envisageait  tout  sous  le  point  de  vue  pratique, 
tandis  que  le  mystique  s'élevant  au-dessus  des  rapports  du  monde 
visible  et  passager,  planait  sans  cesse  dans  la  sphère  de  l'éternel. 


Le  mystique  obligeait  donc  à  une  discipline  secrète,  exigeant 
une  piété  d'âme  peu  commune. 

C'était  en  raison  de  ces  deux  conditions  qu'on  initiait  un  disciple, 
sans  considérer  ni  l'âge  ni  la  condition,  puisqu'il  arrivait  quelque- 
fois au  père  d'instruire  ses  fils  encore  tout  jeunes. 

On  nomme  cette  haute  tradition  Kabbale  [en.  hébreu  KIBBEL, 
réunir).  Ce  mot  enferme,  outre  l'objet  extérieur,  l'aptitude  de 
Tàme  à  concevoir  les  idées  surnaturelles. 

\ax  Kabbale  se  divisait  en  deux  parties,  savoir  :  la  théorique  et  la 
pratique. 

1°  Traditions  patriarcales  sur  le  saint  mystère  de  Dieu  et  des 
personnes  divines  ; 

2°  Sur  la  création  spirituelle  et  la  chute  des  anges; 

3"  Sur  l'origine  du  chaos,  de  la  matière  et  la  rénovation  du 
monde  dans  les  six  jours  de  la  création  ; 

4"  Sur  la  création  de  l'homme  visible,  sa  chute  et  les  voies 
divines  tendant  à  sa  réintégration. 

Autrement  elle  traitait: 

De  l'oeuvre  de  la  création.  [Masse-Dcreschit). 

Du  char  céleste.  {Mercaùah). 


L'œuvre  de  la  création  est   renfermée  dans  le   Sepkcr  Jcsirak. 
Nous  avons  fait  de   ce  livre  la  première   traduction  française 
qui  ail  paru  (1887). 

2 


—   18  — 

Uopui.-;,  une  nouvelle  tradiirtion,  plus  développée,  grâce  à  des 
originaux  plus  complets,  a  été  faite  par  M.  M aijer- Lambert  *.  Nous 
ne  pouvons  que  recommander  vivement  ce  travail  très  sérieux.  Un 
seul  i-egret  peut  être  exprimé,  c'est  l'absence  d'une  bibliographie 
qui  eût  été  fort  ulile  pour  tous. 

Afin  de  permettre  au  lecteur  de  compléter,  autant  que  possible, 
noire  traduction  qui  se  trouvera  plus  loin,  nous  donnons  ici  un 
tableau  résumant  les  développements  complémentaires  du  Sep/ier 
Jesirah.  Nous  avons  modifié  fes  rapports  des  planètes  et  des  jours 
de  la  semaine,  ra[)ports  qui  nous  semblent  défectueusement  établis 
par  suite  d'un  rapprochement  mal  compris  entre  l'ordre  des  pla- 
nètes et  celui  des  jours.  L'horloge  égyptienne  donnée  par  Allietle 
(Elteila)  permet  de  bien  voir  l'origine  de  cette  erreur. 

1.  Mayer  Lambert.  Commenta're  sur  le  Seplier  Yesira  ou  livre  de  la 
création  par  le  fiaon  Saadya  de  Kayoum,  publié  et  traduit  par  Mayer 
l.ambert,  élève  diplômé  de  l'École  pratique  des  hautes  éludes,  professeur 
au  séminaire  isi-aëlile.  (t^aris,  liouillaud  1891.) 


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L'œuvre  ilu  char  célesle  est  contenue  dan?  le  Zoliar.  N'ayant 
pas  le  loisir  de  faire  iri  nne  Lradurilon  française  de  ce  livre  (traduit 
déjà  en  latin  et  en  anglais),  nous  nous  contenterons  de  publier 
l'excellent  résumé  fait  par  M.  Isidore  Loëb  dans  la  Grande 
/'Jncycloplédie  (article  Cabbale). 

«■  Le  Zohar  est  un  commentaire  cabbalistique  du  Pentateuque; 
il  n'est  pas  sûr  que  nous  l'ayons  dans  sa  forme  primitive,  et  il  est 
possible  que  plusieurs  personnes  y  aient  travaillé.  C'est  une  vaste 
compilation  où  sont  entrés,  avec  les  idées  du  rédacteur,  ou  des 
rédacteurs,  d'autres  ouvrages,  plus  ou  moins  anciens,  comme  Le 
Livre  du  Secret,  la  Grande  Assemblée,  la  Petite  Assemblée,  le  Livre 
des  Tentes  célestes,  le  Pasteur  fidèle,  le  Discours  du  jeune  homme 
et  d'autres. 

«  Les  théories  fondamentales  sont  déjà,  en  grande  partie,  dans  le 
livre  d'Azriel.  Nous  en  donnons  ici  une  analyse,  elle  suffira  pour 
faire  connaître  en  gros  toute  la  Kabbale.  » 


ANALYSE   DU   ZOHAR 
Par  m.  Isidore  Loeh'. 

«  Dieu  est  la  source  de  la  vie  et  le  créateur  de  l'univers,  mais  il  est 
infini  (en  sof),  inaccessible,  incompréhensible,  il  est  l'inconnu  (aïn 
rien,  néant,  pour  notre  intelligence),  il  est  le  grand  problème  [mi, 
qui?),  il  serait  profané  s'il  était  en  relation  directe  avec  le  monde; 
entre  lui  et  le  monde  se  placent  les  dix  sefirot,  au  moyen  desquelles 
il  a  créé  le  monde,  qui  sont  ses  instruments  ikélim),  les  canaux 
[cinnorot]  par  lesquels  son  action  se  transmet  au  monde  des  Faces 
(V.  plus  loinj.  L'ensemble  des  dix  sefirot  forme  l'homme  prototype. 
Adam  supérieur  ou  Adam  éternel  ion  encore  Pré- Adam),  qui  est  le 
macrocosme,  le  type  intellectuel  du  monde  matériel.  Les  sefirot 
sont  généralement  représentées,  chez  les  cabbalistes,  par  le  dessin 
ci-après,  qui  est  Varbre  des  sefirot.  (Voyez  p.  18.) 

«  Leurs  noms,  en  suivant  les  numéros  d'ordre  de  ce  dessin,  sont  : 
i,  couronne  ikéter);  2,  sagesse  (hokhma]\  3,  intelligence  [bina);  4, 
grâce  [hésed);  o,  justice  (c?m);  6,  beauté  [tiféret);  7,  triomphe 
{nt'çah;;  8,  gloire  (hod);  9,  base  [iesod);  10,  royauté  ou  royaume 
(malkkul).  Les  neuf  premières  sefirot  se  divisent  en  triades,  con- 
tenant chacune  deux  principes  opposés  et  un  principe  de  conci- 
liation. C'est  la  Balance  du   Livre  de  la  Création.   La  première 

1.  Grande  Encyclopédie,  ailicle  Cahbale. 


—  21   — 

triade  (n"'  1,  2,  3)  représente  les  attributs  métaphysiques  de  Dieu, 
ou,  si  l'on  veut,  le  monde  intelligible;  la  deuxième  (n"*  4,  5,  6),  le 
monde  moral;  la  troisième  (n°^  7,  8,  9),  le  monde  physique;  la 
dernière  (n°  10)  n'est  que  le  résumé  et  l'ensemble  de  toutes  les 
autres,  elle  est  ïharmonie  du  monde.  Le  rôle  le  plus  important, 
dans  ce  monde  des  sefirot,  est  joué  par  la  première  H'fira  (n°  1), 
la  Couronne,  qui  a  créé  les  autres  sefirot  et,  par  suite,  le  monde 
entier.  Elle  est  donc  le  Métatron  de  l'ancienne  cabbale,  une  espèce 
de  démiurge.  Comme  elle  est  presque  aussi  insaisissable  et  imma- 
térielle que  Dieu  lui-même,  elle  est  aussi  appelée  quelquefois  infini 
ou  néant  [en  sof,  aïn);  elle  est  dans  tous  les  cas  le  point  premier 
(sans  dimensions  ni  rien  de  matériel),  la  matière  première,  la  Face 
sainte,  la  longue  Face,  et  toutes  les  autres  sefirot  ensemble  ne 
sont  que  la  petite  Face.  Elle  est  aussi  la  Volonté  de  Dieu,  à  moins 
que  la  Volonté  ne  soit  en  Diini  lui-même  et  identique  avec  lui.  La 
triade  dont  la  première  sefira  tient  la  tête  est  le  plan  de  l'univers, 
la  triade  du  monde;  les  sept  sefirot  suivantes  sont  inférieures  à  ces 
trois,  elles  ne  sont  que  les  sefirot  de  l'exécution  (de  la  construction,  -^  ;^ 
comme  disent  les  cabbalisles).  Considérées  à  un  autre  point  de  ^jJja 
vue,  les  sefirot  se  divisent  en  sefirot  de  droite  (n»^  2,  4,  7),  de  c^^^^ 
gauche  (n""  3,  5,  8)  et  du  milieu  (n°'  1,  6,  9). 

«  Celles  de  droite  représentent  l'élément  masculin,  lequel  est  con- 
sidéré comme  supérieur  à  l'autre,  meilleur;  il  est  principe  actif, 
ayant  les  attributs  de  la  bonté  et  de  la  miséricorde  ;  celles  de 
gauche  représentent  l'élément  féminin,  qui  est  le  principe  passif  et 
qui  a  les  attributs  de  la  réflexion  concentrée,  de  la  justice  stricte  ; 
le  groupe  du  milieu  est  le  groupe  de  la  conciliation  des  principes 
opposés.  Les  trois  unités  qui  le  composent  représentent  respecti- 
vement, en  partant  d'en  haut,  le  monde  intelligible,  le  monde 
moral,  le  monde  sensible  ou  matériel.  Dans  d'autres  écrits  cabba- 
listiqucs,  ce  sont  les  trois  triades  des  n"''  1  à  9  qui  représentent  res- 
pectivement ces  trois  mondes,  lesquels  correspondent  aux  trois 
parties  de  l'âme  humaine,  comme  on  les  trouve  chez  les  néo-plato- 
niciens :  l 'intelligence  [nous),  le^iLQeur  [psyché],  l'àme  végétative 
(physis).  L'introduction  des  sexes  en  Dieu  est  un  des  traits  les  plus 
remarquables  de  la  cabbale.  Dans  cette  division  des  sefirot  en 
triades  parallèles,  allant  de  haut  en  bas,  on  distingue  aussi  les 
triades  par  les  couleurs,  ce  qui  est  également  digne  de  remarque  : 
le  groupe  de  droite  est  blanc,  le  groupe  de  gauche  est  rouge,  le 
grou|)C  du  milieu  a  une  couleur  intermédiaire  (bleu,  jaune  ou  verli. 
E^lin  la  sefira  n°  G  est  reliée  d'une  certaine  façon  a.u\  sefirot  laté- 
ralesj^ce  qui  forme  des  combinaisons  divers^. 


->-) 


<(  Les  dix  sefirot  sont  comme  les  lofjoi  ou  idées  mères  du  monde. 
Elles  composent  ensemble  un   monde    qui  vient  directement  de 
Dieu  et  qui,   par  opposition  aux  mondes  inférieurs  qui  en  pro- 
cèdent, s'appelle  le  monde  de  Témanation  [acllul).  Par  des  évolu- 
tions successives,  trois  autres  mondes  sont  formés,  pourvus  chacun 
de  dix  sefirot  aussi  :  1,  le  monde  de  la  création  [bei^ia],  quiestaussi 
,'  'V  le  monde  des  sphères  célestes  ;  2,  le  monde  de  la  formation  (iec/ra), 
'*^**''qui  est  aussi  le  monde  des  anges  ou  esprits  qui  animent  les  sphères  ; 
3,  le  monde  de  la  terminaison  [açigya],  qui  est  le  monde  matériel, 
l'univers  visible,  ïccorce  des  autres  mondes.  Dieu  a  essayé  beaucoup 
de  mondes   avant  le   monde  actuel,    déjà  le  Talmud  connaît  les 
mondes  créés  et  détruits  avant  le  monde  actuel;  ce  mythe  repré- 
sente ou  bien  l'activité  perpétuelle  de  la  force  créatrice,  qui  produit 
sans  cesse  et  ne  se  repose  jamais,  ou  bien  la  théorie  de  l'opti- 
misme, suivant  laquelle  ce  monde  est  le  meilleur  des  mondes  pos- 
sibles. Ce  monde  contient  cependant  le  mal,  qui  est  inséparable  de 
la  matière.  Le  mal  vient  de  l'afraiblissement  successif  de  la  lumière 
divine  qtii,  par  son  irradiation  ou  émanation,  a  créé  le  monde;  il 
est  une  négation  ou  manque  de  lumière,  ou  bien  il  est  le  reste  et 
résidu  des  mondes  essayés  et  trouvés  mauvais.  Ces  restes  sont  les 
écorces,  le  mal  est  toujours  représenté  comme  une  écorce,  il  y  a 
même  un  monde  du  mal,  peuplé  d'anges  déchus,  qui  sont  également 
des  écorces  {kelijrpot). 
"^"^■^       «  L'homme  terrestre  est  l'être  le  plus  élevé  delà  création,  l'image 
de  l'Adam  prototype,  le  microcosme.  La  triade  cosmique  se  re- 
trouve, comme  nous  l'avons  vu,  dans  les  trois  âmes  qui  le  com- 
posent et  dont  le  siège  est  respectivement  dans  le  cerveau,  le  cœur 
et  le  foie.  L'âme  humaine  est  le  résultat  de  l'union  du  roi  (n°  6) 
avec  la  reine  (n°  10),  et,  par  l'un  de  ses  attributs  les  plus  remar- 
quables, la  reine  peut  remonter  jusqu'au  roi,  l'homme    peut  agir 
par  ses  vertus  sur  le  monde  supérieur  et  l'améliorer.  De  là  l'im- 
portance de  la  prière,  par  laquelle  l'homme  agit  sur  les  forces  su- 
périeures   pour  se    les    rendre  favorables  ;    par  elle,  il   les  met 
positivement  en  mouvement  et  est  leur  excitateur.  L'âme  est  immor- 
telle,  mais   elle   n'atteint  le   bonheur  céleste  que  lorsqu'elle   est 
P^^' 'devenue  parfaite,  et,    pour  le  devenir,  elle  est  souvent  obligée  de 
Xi       .vivre  dans  plusieurs  corps;  c'est  la  théorie  de  la  métempsycose'. 
'""r^  Il  lui  arrive  môme  de  descendre  du  ciel  pour  s'associer  à  une  autre 


1 .  Le  mot  réincarnulion  rend  bien  mieux  celle  idée  que  celui  de 
niéleinpsycose.  —  L'àme  se  réincarne  dans  un  corp«  d'iiomnie,  Jamais  dans 
un  corps  d'animal  (P). 


-  i;i  — 

âme  dans  un  même  corps  {sod  ha  ibOur),  afin  de  s'améliorer  à  son  *^^ 

contact  ou  d'aider  celle-ci  à  se  perfectionner.  Toutes  les  âmes  sont  ^ 

créées  depuis  l'origine  du  monde,  et  lorsque  toutes  seront  à  l'état  (^ 

de  perfection,'  TêTfessie  '  viendra.   Le   Zohar,    comme' beaucoup  rr^^ 
d'autres  ouvrages  de  la  littérature  juive,  calcule  même  la  date  à 
laquelle  viendra  le  Messie.  » 

2"  Kabbale  i-ratique. 

2°  La  Kabale  pratique  expliquait  : 

A.  Le  sens  spirituel  de  la  loi  ; 

B.  Prescrivait  le  mode  de  purification  qui  assimilait  l'àme  à  la 
divinité  et  en  faisait  un  organe  priant,  agissant  dans  la  sphère  du 
visible  et  de  l'invisible. 

C'est  ainsi  qu'elle  devenait  capable  de  s'abîmer  pieusement  dans 
la  méditation  des  noms  sacrés,  l'écriture  étant,  suivant  les  kabba- 
lisles,  l'expression  visible  des  forces  divines,  sous  la  figure  des- 
quelles le  ciel  se  révèle  à  la  terre. 

On  comprend  facilement  que  rien  ou  presque  rien  n'ait  été  écrit 
ni  surtout  publié  de  ce  qui  a  rapport  à  cette  partie  de  la  Kabbale. 

Aussi  la  critique  n'a-t-elle  pas  manqué  de  diriger  ses  poinles  les 
plus  acerbes  contre  les  kabbalistes  qui  prétendaient  aux  connais- 
sances magiques. 

Il  faut  bien  reconnaître  toutefois  que  la  critique,  tablant  sur  des 
ouï-dire,  ne  pouvait  guère  porter  un  jugement  favorable. 

La  théorie  de  la  Kabbale  pratique  se  rattache  à  la  théorie  géné- 
rale de  la  magie  :  union  de  VUlée  et  du  symbole  dans  la  Nature, 
dans  rilomme  et  dans  l'Univers.  Agir  sur  des  symboles,  c'était  agir 
sur  des  idées  et  sur  des  êtres  spirituels  (anges)  ;  de  là  tous  les  pro- 
cédés d'évocation  mystique. 

L'étude  de  la  Kabbale   pratique   comprenait    tout  d'abord  des    ^^ 
connaissances  spéciales   sur   les  lettres  hébraïques   et   les  divers    /^^f^ 
changements  qu'on  pouvait  leur  faire   subir  au   moyen  de  trois    «^ 
opérations  bien  connues  de  la  plupart  des  kabbalistes  ( Themuriq,   'W^ 
Gcinalria,  Nolorin).  g^ 

Ce  point  est  important  à  connaître,  car  il  constitue  la  partie  la  {.Vt" 
plus  grossière,  la  plus  exotérique  de  la  kabbale  pratique,  et  cepen- 
dant plusieurs  critiques  (surtout  les  Allemands)  n'ont  voulu  voir 
dans  toute  la  Kabbale  que  celte  science  des  charades,  dos  rébus 
et  des  anagrammes,  tout  cela  pour  ne  pas  avoir  pris  la  peine 
d'aller  jijs(prau  fond  de  la  queslion. 

•  ilomme  ii  est  important  ile  connaitro  cet  Itii'n'itfjhjphismc  spi-cial. 


c)! 


nous   allons  emprunter   à  Molitor   [op.  cil.)  quelques    exemples 
typiques  à  ce  sujet. 


Nous  avons  dit  plus  haut  qu'il  était  aussi  difficile  d'écrire  la 
Tliorah  que  de  la  lire.  En  effet,  il  se  trouvait  souvent  dans  un  mot 
une  lettre  de  plus  ou  de  moins,  quelquefois  l'une  pour  l'autre, 
puis  enfin  les  finales  à  la  place  des  médiantes  et  vice-versâ. 

Outre  cet  hiéroglyphisme  plastique,  la  Bible  en  renferme  encore 
un  autre  où  les  mots  sont  considérés  comme  autant  de  chiffres 
mystérieux. 
;1     y     Cet  hiéroglyphisme  lui-même    est  ou  synthétique  on  identique  : 
i°  Synthétique  quand  un  mot  en  recèle  plusieurs  autres  qj^i'on 
L»''****'^(lécouvre  soit  en  développant,  en  divisant  ou  en  iransposatit  les 
lettres;  "^  ^ 

2°  Identique  lorsque  plusieurs  mots  de  l'écriture  expriment  la 
même  chose.  Cette  identité  se  fonde  soit  sur  le  rapport  mystérieux 
existant  entre  les  lettres,  soit  sur  leur  valeur  numérique,  ainsi  que 
nous  en  trouvons  des  traces  évidentes  dans  les  prophètes.  Le 
Mischna  appelle  cet  hiéroglyphisme  le  parfum  de  la  sagesse. 

Voici  maintenant  plusieurs  exemples  de  l'hiéroglyphisme  syn- 
thétique. 

1°  Vévolution  des  lettres. 

David,  dans  son  testament  à  son  fils  Salomon,  s'écrie  :  //  m'a 
maudit  avec  de  dures  malédictions  (Nimreziîtu  NMRZTh). 

Or  le  mot  hébreu  Nimrezelh  renferme  le  contenu  de  ces  reproches 
injurieux  que  le  prophète  faisait  à  David. 
5^îf      N  oeph,  ti    adultère. 

t»A*yY>  ^I  oabi,  'f.-  Moabite,  parce  qu'il  descendait  de  Ruth. 
.   *\     R  o-eacA, '"''meurtrier. 
ti^^?.  Z  ores,    iii  violent. 

,4^(1.^  T  Aoeô,  J^  cruel. 
p      .",  2°  La  division. 

;>V/0      ^^  divisant  le  mot  B'reschil,  on  a  Bara-Schith,  il  créa  six,  c'est- 
'.  "  "^  à-dire  les  six  forces  fondamentales  qui  président  à  l'œuvre  mysté- 
rieuse des  six  jours.  On  jouit  de  la  même  liberté  pour  la  construc- 
tion des  phrases  et  des  périodes  entières, 
3°  La  transposition. 

Dieu  dit  dans  l'Exode  :  Je  veux  envoyer  devant  toi  M'iachi, 
c'est-à-dire  mon  ange;  en  transposant  dans  ce  mot,  on  a  le  nom  de 
Michel,  le  protecteur  du  peuple  hébreu. 

La  plus  remarquable  de  ces  évolutions,  appelée  Gilgul,  consiste 


dans  la  transposition  régulière  des  différentes  lettres  d'un  mot, 
telles  que  celles  du  saint  nom  lEVE  [Jéovah).  Les  douze  change- 
ments mystérieux  qu'on  peut  opérer  avec  les  quatre  lettres  de  ce 
nom  représentent  le  jeu  continuel  de  cette  puissance  première  qui 
fait  sortir  la  variété  de  l'unité  ', 

Emploi  des  nombres. 

Outre  l'hiéroglypliisme  synthétique  dont  nous  venons  de  parler, 
il  en  existe  un  autre  fondé  sur  le  rapport  numérique  des  lettres  qui 
représentent  chacune  une  certaine  valeur. 

Les  nombres  forment  trois  classes  ;  chaque  classe  renferme  neuf 
lettres  correspondantes.  La  première  contient  les  nombres  simples 
depuis  1  jusqu'à  9.  On  les  appelle  les  petits  nombres. 

La  deuxième,  qui  commence  à  10  et  linit  à  90,  renferme  les  nom- 
bres moyens. 

La  troisième  enfin,  formée  du  produit  des  unités  et  des  dizaines, 
est  à  proprement  parler  le  grand  nombre. 

Quant  aux  mille,  le  dernier  degré  de  la  progression  numérique, 
on  peut  les  ramener  facilement  à  l'unité  =  1.000  =  1  ;  voilà  pour- 
quoi ces  deux  nombres  ont  la  môme  lettre  en  hébreu:  Aleph-. 
(Voy.  p.  41.) 

Les  lettres  se  remplacent  par  des  nombres  et  alternativement. 
Ceux-ci  s'additionnent  ou  s'énumèrent  à  part,  c'est  à  volonté. 

Prenons  [)Our  exemple  le  mot  Adam  m  d  a  dont  la  somme  égale 

40  4  1 
45  (40  -|-  4  -|-  1  =  45);  si  l'on  extrait  la  racine,  on  aura 9. 

11  suit  de  là  qu'il  y  a  affinité  entre  les  mots  dont  la  valeur  numé- 
rique est  la  même,  témoin  Achad  et  Aliabha  dont  le  nombre 
correspondant  est  13,  et  qui  signifient,  le  premier  Yunitc,  et  le 
second  Vamour,  chargé  précisément  de  reconstruire  aujourd'hui 
Funité  détruite  ;  du  reste  le  nombre  l.'J  est  le  nombre  de  l'amour 
(■ternel  figuré  par  Jacob  et  ses  (ils,  Jésu>Christ  et  ses  apôtres;  et 
ce  (pi'il  y  a  d'admirable,  c'est  qu'eu  l'additiounanl,  ou  arrive  à  la 
laciin.' i  (1 -(- 3  =  4),  qui  corres|)():id  aux  quatre  lellres  du  saint 
nom  /A'IVi',  principe  de  vie  et  d'amour. 

La  clef  générale  de  ces  évolutions  si  curieuses  qu'<jn  fait  subir 

1.  Molilor,  p,  31,  32,  3;).  (Voy.  aussi  p.  123 pour  les  ciiangenicnls  de 

iKvi:.) 

2.  La  l;inj,Mie  ln'hr'aïqiic  iiiamiuo  d'un  nnni  lu-oitro  pour  cxitiimci-  le 
nombre  dépassant  1(100.  Ainsi  IWiIh)  qui  siguilic  dix  uiilh'  a  la  inOnie 
racine  que  linbli  (uuillitiide). 


—  2(i  — 

aux  mots  et  aux  lettres,  nous  la  trouverons  dans  ce  livre  hiérogly- 
phique et  numéral  si  peu  connu  quant  à  ses  hases  scientifiques,  le 

TAROT  ^  • 

L'explication  mystique  de  ce  tarot  formait  la  base  de  l'enseigne- 
ment oral  de  la  magie  pratique  qui  conduisait  le  Kabbaliste  initié 
jusqu'à  la  prophétie.  Rien  n'a  été  imprimé,  à  notre  connaissance, 
sur  ce  sujet  dans  les  livres  dits  «  Kabbalistiques.  »  Nos  bibliothèques 
publiques  renferment  quelques  manuscrits  attribués  à  Salomon  et 
traduits  de  l'hébreu  en  latin,  et  de  là  en  français;  ces  manuscrits 
renferment,  d'une  part,  la  reproduction,  sous  le  nom  de  talismans, 
des  lames  du  Tarot  ou  «  clavicules  »,  et  d'autre  part  Vexplication 
et  la  mise  en  usage  de  ces  clavicules.  On  les  connaît  soit  sous 
le  nom  de  clavicules  de  Salomon,  soit  sous  le  nom  de  Schemam- 
pkoras  ;  encore  faut-il  reconnaître  que  les  données  fournies  par 
ces  manuscrits  sont  bien  incomplètes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  était  nécessaire  de  les  citer  pour  déterminer 
aussi  exactement  que  possible  les  divisions  principales  qu'on  peut 
établir  dans  celte  partie  de  la  tradition  secrète  des  Hébreux.  Voici 
donc,  pour  terminer,  la  manière  dont  nous  diviserons  la  Kabbale. 


Divisions. 


Livres  et  Manuscrits.      Csncordanees  entre  les  antouri, 


KABBALE 


Bereschit. 
Œuvre  de  la 
création. 


Mcrcavah. 
Œuvre  du  char. 


Hiéroglyphiame 
synthétique. 

Geraatria. 

Themuria. 

Nolarikon. 

Manuscrits     ma 
giques. 

Ésolérisme 
Tarot. 


Skpher 
Iktzirah. 


ZOUAR. 


Tarot. 


du 


Clavicules, 
schemamphohas 


Division  identique 
d'Ad,  Franck  et  de 
la  plupart  dps  au- 
teurs contemporains 
ainsi  que  des  kab- 
balistes  eux-mêmes. 

Partie  clorjma'.ique 
de  M.  Munck. 

Partie  nirlaphy- 
sique  de  iM.  Munck. 

i"  degré  de  Moli- 
tor. 

Partie  symbolique 
(le  M.  Munck. 

2*  degré  de  Moli- 
tor. 

Partie  mystique 
de  Molitor. 


1.  Voy.  Eliphas  Uvi,  Wlnd  d:  Haute  Magie,  cliap.   XX.!,  cl    Vapus , 
Le  Tarot  des  bohémiens. 


DEUXIÈME     PARTIE 


LES 

ENSEIGNEMENTS  DE  LA  KABBALE 


Horizon  de  (( i)  l'Éternité 


r+  365 


Système  kabbalistiqi'e  des  Séphirotus. 


RÉSUMÉ  METITODIQUE  DE  LA  KABBALE 


CHAPITRE    PREMIER 
EXPOSÉ  PRÉLIMINAIRE.  —  DIVISION  DU  SUJET 

Dans  l'étude  suivante  nous  allons  résumer  de  notre  mieux  les 
enseignements  et  les  traditions  de  la  Kabbale. 

La  tâche  est  assez  difficile,  car  la  Kabbale  comprend,  d'une  part, 
tout  un  système  bien  particulier  basé  sur  l'étude  de  la  langue 
hébraïque,  et,  d'autre  part,  un  enseignement  philosophique  de  la 
plus  haute  importance,  dérivant  de  ce  système. 

Nous  allons  faire  tous  nos  efTorls  pour  aborder  ces  divers  points 
de  vue  l'un  après  l'autre  en  les  séparant  bien  nettement.  Notre 
étude  comprendra  donc  : 

1°  Un  exposé  préliminaire  sur  l'origine  de  la  Kabbale; 

2°  Un  exposé  sur  le  système  kabbalistique  et  ses  divisions,  véri- 
lable  cours  de  kabbale  en  quelijues  pages; 

3"  Un  exposé  sur  la  philosophie  delà  Kabbale  et  sur  ses  applica- 
tions; 

4°  Les  textes  principaux  de  la  Kabbale  sur  lesquels  sont  bâties 
les  données  précédent(;s. 

C'est  la  première  fois  qu'un  travail  de  ce  genre  est  présenté  au 
public.  Aussi  nous  efforcerons-nous  de  toujours  nous  appuyer  sur 
des  auteurs  compétents  lorsque  les  dévelop[)ements  ne  nous  seront 
point  personnels. 

La  Kabbale  est  la  clof  de  voûte  de  toute  la  tradition  occidentale. 
Tout   phil(j>o[)be  abordant  les  conceptions    les  plus  élevées  que 


—  30  — 

puisse  alleindre  l'esprit  humain  aboutit  forcément  à  la  Kabbale, 
qu'il  s'appelle  Raymond  Lulle  *,  Spinosa^,  ou  Leibniz  ^ 

Tous  les  alchimistes  sont  kabbâÏÏstes,  toutes  les  sociétés  secrètes 
religieuses  ou  militmtes  qui  ont  paru  en  Occident  :  Gnostiques, 
Templiers,  Rose-Croix,  Martinistes  ou  Francs-Maçons,  se  rattachent 
à  la  Kabbale  et  enseignent  ses  théories,  Wronski,  Fabre  d'Olivet  et 
Eliphas  Levi  doivent  à  la  Kabbale  le  plus  profond  de  leurs  connais- 
sances et  le  déclarent  plus  ou  moins  franchement. 

D'où  vient  donc  cette  doctrine  mystérieuse? 

L'étude,  même  su[)erficieUe  des  religions,  nous  montre  que  1  ini- 
tiateur d'un  peuple  ou  d'une  race  divise  toujours  son  enseignement 
en  deux  parties  : 

Une  partie  voilée  sous  les  mythes,  les  [)arabolcs  ou  les  symboles 
à  l'usage  des  foules.  C'est  la  partie  exolérique. 

Une  partie  dévoilée  à  quelques  disciples  favoris  qui  ne  doit 
jamais  être  écrite  clairement,  si  elle  est  écrite,  mais  qui  doit  être 
transmise  oralement  de  génération  en  génération.  G  est  la  doctrine 
ésotérique. 

Jésus  n'échappe  pas  à  la  règle  générale  pas  plus  que  Bouddha; 
1  Apocalypse  en  est  la  preuve  ;  pourquoi  Moïse  serait-il  le  seul  qui 
ait  failli  à  cette  règle? 

Moïse,  sauvant  le  plus  pur  des  mystères  d  Egypte,  sélecta  un 
peuple  pour  garder  son  livre,  une  tribu,  celle  de  Lévi,  pour  gar- 
der le  culte;  pourquoi  n'aurait-il  pas  transmis  la  clef  de  son  livre 
à  des  disciples  sûrs? 

Nous  verrons  en  effet  que  la  Kabbale  enseigne  surtout  le  manie- 
ment des  lettres  hébraïques  considérées  comme  des  idées  ou  môme 
comme  des  puissances  effectives.  C'est  dire  que  Moïse  indiquait 
par  là  le  sens  véritable  de  son  Sepher. 

Ceux  qui  prétendent  que  la  Kabbale  vient  (ÏAdam  racontent  tout 
simplement  l'histoire  symbolique  de  la  transmission  de  la  tradition 
d  une  race  à  l'autre,  sans  insister  sur  une  tradition  plus  que  sur 
une  autre. 


1.  Les  adeptes  de  cette  science  (Kabbale)  parmi  lesquels  il  faal  con- 
prendre  plusieurs  mystiques  chrétiens,  tels  que  Raymond  LuMe,  Pic  de 
la  Mirandole,  Reuchlin,  Guillaume  Poslel,  Henri  Morus,  la  re{.'arde>nt 
oomme  une  tradilion  divine  aussi  ancienne  que  le  génie  humain  l'DJc- 
tionnaire  philosnpldque  de  Fran(  k;. 

2.  Les  ouvrages  de  Spinosa  alli-stent  une  connaissance  profonde  de  la 
Kabbale. 

3.  Leibniz  f:it  initié  à  la  Kabbale  par  Mercure  van  H-lmont,  lils  du 
célèbre  alchimiste,  et  grau  1  kaM)ah"ste  lui-inèuie. 


—  ;}i  — 

Quelques  savants  contemporains,  ignorant  tout  de  l'antiquité, 
sont  étonnés  d'y  trouver  des  idées  profondes  sur  les  sciences,  et 
placent  l'origine  de  tout  le  savoir  au  second  siècle  de  notre  ère, 
d'autres  daignent  aller  jusqu'à  l'école  d'Alexandrie. 

Des  critiques  prétendent  même  que  la  Kabbale  a  été  inventée  au 
xiii"  siècle  par  Moïse  de  Léon.  Un  véritable  savant,  digne  de  toute 
notre  admiration,  M.  Franck,  n'a  pas  eu  de  peine  à  remettre  ces 
critiques  à  la  raison  en  les  battant  sur  leur  propre  terrain'. 

Nous  nous  rangerons  donc  à  l'avis  de  Fabre  d'Olivet  plaçant 
l'origine  de  la  Kabbale  à  l'époque  môme  de  Moïse. 


Il  paraît,  au  dire  des  plus  fameux  rabbins,  que  Moïse  lui-même, 
prévoyant  le  sort  que  son  livre  devait  subir  et  les  fausses  interpré- 
tations qu'on  devait  lui  donner  par  la  suite  des  temps,  eut  recours 
à  une  loi  orale,  qu'il  donna  de  vive  voix  à  des  hommes  sûrs  dont 
il  avait  éprouvé  la  fidélité,  et  qu'il  chargea  de  transmettre  dans  le 
secret  du  sanctuaire  à  d'autres  hommes  qui,  la  transmettant  à  leur 
tour  d'âge  en  âge,  la  fissent  ainsi  parvenir  à  la  postérité  la  plus 
reculée.  Cette  loi  orale  que  les  Juifs  modernes  se  flattent  encore 
de  posséder  se  nomme  Kabbale,  d'un  mot  hébreu  qui  signifie  ce 
qui  est  reçu,  ce  qui  vient  d'ailleurs,  ce  qui  se  passe  de  main  en 
main. 

Les  livres  les  phis  fameux  qu'ils  possèdent,  tels  que  ceux  du 
Zohar,  le  Bahir,  les  Medrasliim,  les  deux  Gemares  qui  composent 
le  Talmud,  sont  presque  entièrement  kabbalistiques. 

Il  serait  très  difficile  de  dire  aujourd'hui  si  Moïse  a  réellement 
laissé  cette  loi  orale,  ou  si,  l'ayant  laissée,  elle  ne  s'est  point  altérée 
comme  parait  l'insinuer  le  savant  Maimonides,  quand  il  écrit  que 
ceux  de  sa  nation  ont  perdu  les  connaissances  d'une  infinité  de 
choses  sans  lesquelles  il  est  presque  impossible  d'entendre  la  Loi. 
Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  se  dissimuler  qu'une  pareille  institu- 


\.  Quand  on  oxaniine  la  Kabbale  en  elle-même,  quand  on  la  compare 
aux  doclrities  analogues,  et  (ju'on  réllécliit  à  l'inHuence  immense  qu'elle 
a  exercée,  non  seulement  sur  le  judaïsme,  mais  sur  l'esprit  humain  en 
général,  il  est  impossible  de  ne  pas  la  regarder  comme  nn  système  très 
sérieux  et  parfaitement  original.  Il  est  tout  aussi  im|tossil)le  d'expliquer 
sans  elle  les  nombreux  textes  de  la  Mischna  et  du  Talmud  qui  attestent 
chez  les  Juifs  l'existence  d'une  doctrine  secrète  sur  la  nature  de  Dieu  el 
de  l'univers,  au  temps  où  nous  taisons  remonter  la  science  kahhalislique 
(Ad.  Franck). 


—  ;i2  — 

tion  ne  fût  parfaitement  dans  l'esprit  des  Égyptiens,  dont  on  con- 
naît assez  le  penchant  pour  les  mystères. 

La  Kabbale,  telle  que  nous  la  concevons,  est  donc  le  résumé  le 
plus  complet  qui  nous  soit  parvenu  de  l'enseignement  des  mystèi'es 
d'Egypte.  Elle  contient  la  clef  des  doctrines  de  tous  ceux  qui 
allèrent  se  faire  initier,  au  péril  de  leur  vie,  philosophes-législa- 
teurs et  théurges. 

De  même  que  la  langue  hébraïque,  cette  doctrine  a  pu  subir 
les  vicissitudes  nomljreuses  dues  à  la  longue  suite  des  âges  qu'elle 
a  traversés;  toutefois  ce  qui  nous  en  reste  est  encore  digne  d'une 
sérieuse  considération. 

Telle  que  nous  la  possédons  aujourd'hui,  la  Kabbale  comprend 
deux  grandes  parties.  La  première  constitue  une  sorte  de  clef 
basée  sur  la  langue  hébraïque  et  capable  de  nombreuses  applica- 
tions, la  seconde  expose  un  système  philosophique  tiré  analo- 
giquement de  ces  considérations  techniques. 

On  désigne  dans  la  plupart  des  traités  sur  cette  question  la 
première  partie  seule  sous  le  nom  de  Kabbale;  l'autre  étant 
développée  dans  les  livres  fondamentaux  de  la  doctrine. 

Ces  livres  sont  au  nombre  de  deux  :  1°  le  Sepher  Jesiraii,  le  livre 
de  la  formation  qui  contient  sous  forme  symbolique  l'histoire  de 
la  Genèse  Maassch  bereschit. 

2°  Le  ZoHAR,  le  livre  de  la  lumière,  qui  contient  également  sous 
forme  symbolique  tous  les  développements  ésotériques  synthétisés 
sous  le  nom  d'Histoire  du  char  céleste  :  Maasseh  merkabah  '. 

C'est  encore  au  symbolisme  qu'il  faut  rapporter  les  deux  cabales 
des  Juifs,  la  cabale  Mercava,  et  la  cabale  Bereschit.  La  cabale  Mcr- 
cava  faisait  pénétrer  le  Juif  illuminé  dans  les  mystères  les  plus 
profonds  et  les  plus  intimes  de  l'essence  et  des  qualités  de  Dieu  et 
des  anges;  la  cabale  Bereschit  lui  montrait  dans  le  choix,  l'arrange- 
ment et  le  rapport  numérique  des  lettres  exprimant  les  mots  de 
sa  langue,  les  grands  desseins  de  Dieu,  et  les  hauts  enseignements 
religieux  que  Dieu  y  avait  placés.  (de  Brière.) 

Merkabah  et  Bereschit,  telles  sont  les  deux  grandes  divisions  clas- 
siques de  la  Kabbale  adoptées  par  tous  les  auteurs. 

Pour  aborder  les  enseignements  de  la  Merkabah,  il  faut  con- 
naître déjà  la  Bereschit  et,  pour  ce  faire,  il  faut  connaître  l'al- 
phabet hébraïque  et  les  mystères  de  sa  formation. 

Partant  donc  de  cet  alphabet,  nous  allons  aborder  successivement 

i.  Fabre  d'OIivet,  Uing.  héb.,  p.  29,  (.  1. 


—  3}  — 

les  diverses  parties  qui  constituent  cette  clef  générale  dont  nous 
avons  parlé,  ensuite  nous  parlerons  du  système  philosophique. 

On  [teut  diviser  les  kabbalistes  en  deux  catégories.  Ceux  qui  ont 
appliqué  les  principes  de  la  doctrine  sans  s'attarder  à  développer 
les  fondements  élémentaires  et  ceux  qui,  au  contraire,  ont  fait  des 
traités  classiques  de  la  Kabbale. 

Parmi  ces  derniers  nous  pouvons  citer  Pic  de  la  Mirandole, 
Kircher  et  Lenain. 

Pic  de  la  Mirandole  divise  l'étude  de  la  Kabbale  en  étude  des 
numérations  (ou  Sephirolh)  et  élude  des  noms  divins  (ou  Schenroth). 
C'est  en  effet  à  ces  deux  puints  que  se  réduit  toute  la  clef. 

Kircher,  R,  P.  Jésuite,  est  un  des  auteurs  les  plus  complets  sur 
cette  question  ;  il  adopte  la  division  générale  en  trois  grandes  parties  : 

\°  Génmtrie  ou  élude  des  transpositions; 

2°  Notarla  ou  étude  de  l'art  des  signes; 

3°  Thémurie   ou  étude  des   commutations  et  des  combinaisons. 

Lenain,  auteur  de  la  Science  cabalistique,  traite  surtout  des  noms 
divins  et  de  leurs  combinaisons. 

Nous  donnerons  les  plans  suivis  dans  ces  divers  ouvrages  après 
notre  exposition,  car,  actuellement,  la  plupart  des  divisions  ne 
seraient  pas  bien  comprises. 

CHAPIIRK  11 

i;alpiiabet  hébraiouk 

LES    VINGT-Di:UX    LETTRES    ET    LELR    SIGNIFICATION 

Le  pf»int  de  départ  de  toute  la  Kabbale  c'est  l'alphabet  hébraïque. 
L'alphabet  des  Hébreux  est  composé  de  vingt-deux  lettres;  les 
lettres  ne  sont  pas  cependant  placées  au  hasard  les  unes  à  la  suite 
des  autres.  Chacune  d'elles  correspond  à  un  nombre  d'après  son 
rang,  à  un  hiéroglyphe  d'après  sa  forme,  à  un  symbole  d'après  ses 
rapports  avec  les  autres  lettres. 

T(uites  les  lettres  dérivent  d'une  d'entre  elles,  le  iod,  ainsi  (pie 
nous  l'avons  déjà  dit'.   Le  iod  les  a  générées  de  la  façon  suivante 
(voy.  Sepher  Jesirah): 
1"  Trois  mères  : 

L'A      (Aleph)  5^ 

L'M     (Le  Mem)  "0 

Le  SI)  (LeSrliiri)  "C* 

\.   Voy.  l'élude  siu'  le  mol  itd,  hr,  Vdii,  hé  (|>;ige  498). 


34 


2"  Sept  doubles  (doubles  parce  qu'elles  exjiilmeiil  deux   som 
lun  positif  fort,  l'autre  négatif  doux)  : 


Le  B     (Belh) 
Le  G    (Ghimel) 
Le  D    (Dalelh) 
Le  Cil  (Caphj 
Le  Ph  (Phé) 
L'R       (Resch) 
Le   T    (Thauj 


1 


3"  Enfin  duuze  simples  formées  par  les  autres  letlres. 
Pour  rendre  tout  cela  plus  clair,  donnons  l'alphabet  hébreu  en 
indiquant  la  qualib^  de  chaipie  lettre  ainsi  que  son  rang. 


d"ordre 

UlÉRuGLYPHE 

NOMS 

VALEURS 

EN    LETTRES 

roma'nes 

VALEURS 

DANS   l'alphabet 

1 

.S 

aleph 

A 

m  è  re 

2 

"2 

beth 

B 

double 

3 

1 

ghimel 

G 

double 

4 

1 

daleth 

D 

double 

5 

n 

hé 

K 

simple 

6 

K 

va  u 

>• 

simple 

7 

T 

/.aïn 

Z 

simple 

8 

n 

heth 

H 

simple 

9 

t: 

leth 

r 

simple 

10 

y 

iod 

I 

simple  el  prinri[ie 

11 

D 

caph 

CH 

double 

!    12 

S 

lamed 

L 

simple 

13 

*^ 

me  m 

M 

mèi'e 

14 

: 

noun 

N 

simple 

lo 

D 

samerh 

S 

simple 

16 

> 

h  aïn 

G  H 

simple 

17 

- 

phé 

PII 

double 

18 

tsadé 

!> 

simple 

19 

P 

coph 

K 

simple 

20 

1 

resch 

II 

double 

21 

r 

shin 

SI] 

mère 

22 

P 

thciu 

TB 

double 

Chaque  lettre  hébraïque  représente  donc  trois  chose?  : 

1°  Une  lettre,  c'est-à-dire  un  hiéroglyphe; 

2°  Un  nombre,  celui  de  Tordre  qu'occupe  la  lettre; 

3°  Une  idée. 

Combiner  des  lettres  hébraïques  c'est  donc  combiner  des 
nombres  et  des  idées;  de  là  la  création  du  Tarot ^. 

Chaque  lettre  étant  une  puissance  est  liée  plus  ou  moins  étroiie- 
nient  avec  les  forces  créatrices  de  l'Univers.  Ces  forces  évoluant 
dans  trois  mondes,  un  physique,  un  astral  et  un  psychique,  chaque 
lettre  est  le  point  de  départ  et  le  point  d'arrivée  d'une  foule  de 
correspondances.  Combiner  des  mots  hébraïques  c'est  par  suite  agir 
sur  l'Univers  lui-même,  de  là  les  mots  hébreux  dans  les  cérémonies 
magiques. 

Maintenant  que  nous  connaissons  l'alphabet  en  général,  il  nous 
faut  étudier  la  signification  et  les  rapports  de  chacune  des  vingt-deux 
lettres  de  cet  alphabet.  C'est  ce  que  nous  allons  faire.  Un  verra, 
dans  cette  étude  faite  d'après  Lenain,  les  correspondances  de 
chaque  lettre  avec  les  noms  divins,  les  anges  et  le  sephiroth. 


Les  anciens  rabbins,  les  philosophes  et  les  cabalistes  expli- 
quent, selon  leur  système,  l'ordre,  Vharmonie  et  les  influences 
des  deux  sur  le  monde,  par  les  ^:2  lettres  hébraïques  que  com- 
prend l'alphabet  mystique  des  Hébreux  ^ 

Explication  des  mystères  de  l'alphabet  hébreu. 

Cet  alphabet  désigne  : 

1°  Depuis  la  lettre  aleph  ^  jusqu'à  la  lettre  *  iod  le  monde  invi- 
sible, c'est-à-dire  le  monde  angélique  (intelligences  souveraines 
recevant  les  influences  de  la  première  lumière  éternelle  attribuée 
au  Père  de  qui  tout  émane). 

2"  Depuis  la  lettre  "2  caph  jusqu'à  celle  nommée  tsadé  *; 
désigne  différents  ordres  d'anges  qui  habitent  le  monde  visible, 
c'est-à-dire  le  monde  astrologique  altribuéà  Dieu  le  Fils,  qui  signifie 
la  divine  sagesse  qui  a  créé  cette  infinité  do  globes  circulant  dnns 
l'immensité  de  l'espace  dont  chacun  est  sous  la  sauvegarde  d'une 
intelligence  spécialement  chargée  parle  créateur  de  les  conserver 

i  cl  2.  Voy.  If  Tarol  des  Rnhéinienii,  par  Papiis. 


—  3G  - 

el  Ips    mainfimir  dans  leiir.>  orhes,  afin  qii'ancnn   aslro  ne  pnisse 
troubler  l'ordre  et  l'harmonie  qu'il  a  établis. 

3°  A  partir  de  la  lettre  tsadé  ^  jusqu'à  la  dernière,  nommée  H 
thau,  Ion  désigne  le  monde  élémentaire  attribué  par  les  philo- 
sophes au  Saint-Esprit.  C'est  le  souverain  Etre  des  êtres  qui  donne 
Tàme  et  la  vie  à  toutes  les  créatures. 


Explication  Hépnrôo  des  22  lelfres. 

1  is*  Aie/j/i 

Correspond  au  premier  nom  de  Dieu,  Eheieh  ^^~l^  fl"6  l'"" 
inter|)rète  essence  divine. 

Les  cabalistes  l'appellent  celui  que  l'œil  n'a  point  vu  à  cause  de 
son  élévation. 

Il  siège  dans  le  monde  appelé  Ensophe  qui  signifie  l'infini,  son 
attribut  se  nomme  Kcther  ~P3  interprété  couronne  ou  diadème: 
il  domine  sur  les  anges  appelés  par  les  Hébreux  Haioth-Nakodisch 
li/npnjn^ri  c'est-à-dire  les  animaux  de  sainteté;  il  forme  les 
premiers  chœurs  des  anges  que  l'on  appelb;  séraphins. 

2  2  Betk 

2"   nom   divin    correspondant    à    cette   lettre  :  Bachour   'HinS 

(clarté,  jeunesse),  désigne  anges  de  2^  ordre,  Ophanim  D^JS'^i^. 

Formes  ou  roues. 

Chérubins  (par  leur  ministère  Dieu  débrouilla  le  chaos).  ^M  ^-t^  '-a^*> 
Numération  riDDil  Hoschma,  sagesse.  iAo^^-^^\ 

3  :;  Ghimel 

Nom  Gadol  ^*'2,^  (magnus),  désigne  anges  Aralym  D^7"!S  c'est-à- 
dire  grands  et  forts,  trônes  (par  eux  Dieu  tetragrammaton  Elohim 
entretient  la  forme  de  la  rnalière). 

Numération  Binach  HJO  providence  et  intelligence. 

4  "  Dairth 

'     -      1^ 

Nom  Dagotil  "y^^"^  (insignes^  anges  Ilasmalim  D^7D\^*n.     •^^.*^*'*^ 


—  37  — 

Dominations. 
C'est  par  eux  que  Dieu  EL^J^  représente  Jes  effigies  des  corps  et 
toutes  les  diverses  formes  de  la  matière. 
AllriJjut  IDn  (iiœsed),  clémence  et  bonté. 

5  T]  Hé 

Nom  Hadom  "j"".!!!  (formosus,  majesluosus).  Seraphim  D*S"lW, 
puissances  (par  leur  ministère  Dieu  Elohim  Lycbir  produit  les 
éléments). 

Numération  "ÎÎIS  (pachad),  crainte  et  jugement,  gauche  de 
Pierre. 

Attribut  n"11!2.5  Geburah,  force  et  puissance. 

6  1  Vau 

A  formé  V'1  Vezio  (cum  splendore),  G°  ordre  d'anges  □JD5<"lD 
Malakim,  chœur  des  vertus  (par  leur  ministère  Dieu  Eloah  produit 
les  métaux  et  tout  ce  qui  existe  dans  le  règne  minéral). 

Attribut  ri"l")^Sr  Tipherith,  Soleil,  splendeur. 

7  T  Za'in 

A  formé  f^,'  Zakai  (purus  nmndus),  7"  ordre  d'anges,  princi- 
pautés, enfants  d'Elobim  (par  leur  ministère  Dieu  tétragrammaton 
Sababot  produit  les  plantes  et  tout  ce  qui  existe  en  végétal). 

Attribut  "^27]  wezat,  triomphe,  justice. 

8  n  Ilet/i 

Désigne  chased  l^DH  (misericors),angesde8*ordreBené Elohim, 
fils  des  Dieux  {chœur  des  archanges)  [Mercure]  ;  par  leur  ministère 
Dieu  Elohim  Sabahot  produit  les  animaux  et  le  règne  animal. 

Attribut  lin  Ilod,  buiange. 

9  ta  Tet/i 

Correspond  au  n(jm  "^'t^  Tebor  (mundus  purus),  auges  de 
0"  ordre  cpii  président  à  la  naissance  des  hommes  (par  leur  minis- 
tère Saday  et  l-^lhoi  envoient  des  anges  gardiens  aux  hommes). 

Attribut  "lin*  Jesod,  fondement. 


:j8 


10  f  lod 

D'où  vient  fah  H'  (Deus). 

Attribut  :  royaume,  empire  et  temple  de  Dieu  ou  influence  par 
les  héros.  C'est  par  leur  ministère  que  les  hommes  reçoivent 
l'intelligence,  l'industrie  et  la  connaissance  des  choses  divines. 

Ici  finit  le  inonde  angéllque. 


1 1  D  Caph 

Nom  "l')2!3  fpolens).  Désigne  l^""  ciel,  i"  mobile  correspondant 
au  nom  de  Dieu  1  exprimé  par  une  seule  lettre,  c'est-à-dire  la 
1"  cause  qui  met  tout  ce  qui  est  mobile  en  mouvement.  La  pre- 
mière intelligence  souveraine  qui  gouverne  le  premier  mobile, 
c'est-à-dire  le  premier  ciel  du  monde  astrologique  attribué  à  la 
deuxième  personne  de  la  Trinité,  s'appelle  3''nt2î2D  Mittatron. 

Son  attribut  signifie  prince  des  faces:  sa  mission  est  d'introduire 
tous  ceux  qui  doivent  paraître  devant  la  face  du  grand  Dieu  ;  elle 
a  sous  elle  le  prince  Orifiel  avec  une  infinité  d'intelligences  subal- 
ternes ;  les  cabalistes  disent  que  c'est  par  le  ministère  de  Mitta- 
tron que  Dieu  a  parlé  à  Moïse;  c'est  aussi  par  lui  que  toutes  les 
puissances  inférieures  du  monde  sensible  reçoivent  les  vertus  de 
Dieu. 

Gaf,  lettre  finale  ainsi  figurée  1^  correspond  aux  deux  grands 
noms  de  Dieu,  composés  chacun  de  deux  lettres  hébraïques, 
El  i"^^  lah  n^  ;  ils  dominent  sur  les  intelligences  du  deuxième 
ordre  qui  gouvernent  le  ciel  dos  étoiles  fixes,  notamment  les  douze 
signes  du  Zodiaque  que  les  Hébreux  appellent  Galgol  hamnazeloth  ; 
l'intelligence  du  deuxième  ciel  est  nommée  Raziel.  Son  attribut 
iiiunilie  vision  de  Dieu  et  sourire  de  Dieu. 

12  ^  Lamr>l 

D'où  vient  Lumined  T2*7  (doctus),  correspond  au  nom  Sadaï, 
nom  de  Dieu  en  cinq  lettres,  nommé  emblème  du  Delta,  et  domine 
sur  le  troisième  ciel  et  sur  les  intelligences  de  3*  ordre  qui  gou- 
vernent la  sphère  de  Saturne. 


;}n 


13  D  Me?n 

Meborakc  HH'O  (beaediclus),  corre5«pond  au  -4'"  ciel  et  au  A"  nom 
Jehovah  mn\  domine  sur  la  sphère  de  Ju[)iter.  L'intelligence  qui 
gouverne  Jupiter  se  nomme  Tsadkiel. 

Tsidkiel  reçoit  les  iaflueuces  de  Dieu  par  rintermi''diaire  de 
Schebtaïel  pour  les  transmettre  aux  intelligences  du  5''  ordre. 

Mem  52,  lettre  capitale,  correspond  au  5°  ciel  et  au  o**  nom  de 
Dieu;  c'est  le  5"  nom  de  prince  en  hébreu.  Domine  la  sphère  de 
Mars.  Intelligence  qui  gouverne  Mars  :  Samaël.  Samaël  reçoit  les 
influences  de  Dieu-  par  l'intervention  de  Tsadkiel  et  les  transmet 
aux  intelligences  du  0'"  orih'e. 

14  2  Noiin 

Nun  Xora  ^"["'.J  (Tormidaltilis)  ;  correspond  aussi  au  nom 
Emmanuel  (nobiscum  Deus),  6"  nom  de  Dieu;  domine  le  6^  ciel, 
Soleil;  V  intelligence  du  Soleil,  Raphaël. 

Nom  "  finale  ainsi  figurée,  se  rapporte  au  V  nom  de  Dieu  Ararita, 
composé  de  7  lettres  (Dieu  immuable).  Domine  le  7^  ciel  et  Vénus, 
Intelligence  de  Vénus  :  Haniel  (l'amour  de  Dieu, justice  et  grâce  de 
Dieu). 

1 5  D  Samech 

Xom  Samock  "î"Q'|l2  .'•'l'i*'"'',  firm.uis;,  ?>"  nom  de  Dieu;  étoile 
Mercure;  l'"*'  intelligence  de  Mercure,  Mikael. 

1 6  ::  Haïn 

Nom  1"^  Ila/.az  (forlis';  correspond  ;i  Jehova-Sabahot.  Domine 

le  9'  ciel;  I^une;  intelligence  de  la  Lune,  (iabriel. 
Ici  finit  le  monde  archange liqut:. 


17  S  P/iê 

18*  nom  lui  correspond;  ni^î  Phodé  (relcmplor). /?»îp  inlellec- 
(uelle  (Kirchrr,  ii,  227 }. 


—  40  — 

Cettro  lettre  désigne  le  Feu,  l'élément  où  luibilcnl  les  sala- 
mandres. Intelligence  du  Feu,  Séraphin  et  plusieurs  sousordres. 
Domine  en  été  sur  le  Sud  ou  Midi. 

La  finale  T\  ainsi  figurée  désigne  Cair,  où  habitent  les  Sylphes. 
Intelligences  de  l'air,  Chérubin  et  plusieurs  sous-ordres.  Les  intel- 
ligences de  l'air  dominent  au  printemps  sur  l'Occident  ou  l'Ouest. 

18  ï  Tsade 

Matière  universelle  (K).  Nom  Z' "^  Ïsedek(justu5).  Désigne  VEau 
où  habitent  les  nymphes.  Intelligence,  Tharsis.  Domine  en 
automne  sur  l'Ouest  ou  l'Occident. 

Finale  ^  forme  des  éléments  (A.  E.  T.  F.)  (K). 

\  9  p  Coph 

Nom    dérivé    \l*ip   Kodesch   (sanctus).  Terre   où    habitent  les 

Gnomes.  Intelligence  de  la  Terre,   Ariel.   En  hiver  vers  le  Nord. 
Minéraux,  inanimé  (Kircher). 

20  1  Bcsck 

Nom  nin  (i'iiperans)  Rodeh,  végétaux  (Kircher);  attribué  au 
1"  principe  de  Dieu  qui  s'applique  au  règne  animal  et  donne  la  vie 
à  tous  les  animaux. 

21  ^  S/lin 

Nom  Schaday  HU  (omnipolens)  qui  signifie  Dieu  tout-puissant, 
attribué  au  second  principe  de  Dieu  (animaux,  ce  qui  a  vie  (Kircher), 
qui  donne  le  germe  à  toutes  les  substances  végétales. 

22  n  T/iaii 

Nom  Thechinah  pl^HP  (gratiosus),  Microcosme  (Kircher). 
.S""  principe  de  Dieu  qui  donne  le  germe  à  tout  ce  qui  existe  dans  le 
règne  minéral. 

Cette  lettre  est  le  symbole  de  l'homme  parce  qu'elle  désigne  la 
fin  de  tout  ce  qui  existe,  de  même  que  l'homme  est  la  lin  et  la 
perfection  de  toute  la  création. 


—  41 


Dicislun 

de  /' 

alpha 

het 

Unité 

9 

8 

7 

0 

5 

4 

3 

-i 

1 

l^'  monde 

lÛ 

n 

~ 

•I 

n 

1 

: 

n 

^* 

Dizuine 

90 

80 

70 

60 

50 

40 

30 

20 

10 

2^  inonde 

i: 

5 

D 

J 

D 

n 

r 

Centaine 

900 

800 

700 

600 

500 

■100 

300 

200 

100 

3"  monde 

:; 

5 

" 

D 

1 

n 

\r; 

1 

Yoici  comment  il  faut  ranger  ces  lettres  et  quelle  est  leur  signifi- 
cation mystique. 


1'°    CONNEXION 


2"  connp:xion 


3'^    CONNEXION 


SS^î  alepli  c'est-à- 
dire  poitrine. 

no  beth,  maison. 

;;  ghimei,  [dénitudo, 
rétribution. 

I  daletb,  table  el 
porle. 

II  indique  quelle  est 
la  maison  de  Dieu 
(pii  dans  les  livres 
divins  se  trouve 
nommée  pléni- 
tude. 


n  hé  (ista,  rue),  ainsi 
celle-ci. 

I  vau,    uncinus. 

\  zuïn  (Hœc),  celle-là, 

armes. 
n  vie. 

II  indique  analogi- 
quement l'une  et 
Tautre  vie,  et  quelle 
peut  être  l'autre 
vie  sous  la  même 
des  écritures  par  la- 
quelle le  Christ  lui- 
même  annonce  la 
vie  des  croyants. 


t2  Ibel,  bien,  Ijon, dé- 
clinaison. 
>  iod,  principe. 

Il  indique  analogi- 
quement que,  quoi- 
que maintenant 
nous  sachions  l'uni- 
versalité des  choses 
écrites,  cependant 
nous  n'en  connais- 
sons qu'une  partie 
et  nous  n'en  pro- 
phétisons qu'une 
partie  ;  cependant 
(juand  nous  aurons 
mérité  d'être  avec 
le  Christ,  alors  ces- 
sera la  doctrine  des 
livres,  et  alors  nous 
aurons  face  à  face 
le  bon  piinci|ie  tel 
(ju'il  est. 


Monde  a}i(ji;Hquc. 


M   — 


¥   CONNEXION 

o"    CONNEXION 

6''    CONNEXION 

3  capli,  main,  con- 

D 

mem,  ex  ipsis. 

"J  haïn,  source,  œil. 

duite. 

J 

ioun,sempilernum. 

5  phé,  bouche. 

"^  lamecl  (discipline), 

D 

samech,     adjuto- 

i*  Isadé,  justice. 

cœur. 

l'i  u  m . 

Il   indique    analogi- 

Ils contiennent  ceci  : 

11 

indique    analogi- 

quement  que  l'é- 

Les mains  sont  com- 

quement que  c'est 

criture  est  la  sour- 

prises dans  l'œu- 

des   écritures    que 

ce    ou  l'œil  et  la 

vre,  le  cœur  et  la 

le?  hommes  doivent 

bouche  de  la  jus- 

conduitesontcom- 

tirer     uniquement 

tice,  qui   contient 

pris  dans  les  sens 

les   sources  néces- 

l'origine de  toutes 

parce  que  nous  ne 

saires  à  la  vie  éter- 

les œuvres   de   la 

pouvons  rien  faire 

nelle. 

partie    constituée 

qu'au  |)  a  r  a  v  a  n  t 

par  la  bouche  di- 

nous ne  sachions 

vine. 

ce  qu'il  faut  faire. 

• 

Monde  des  orbes. 


r    CONNEXION 


p  cojih  Vocation,  voix. 

"^  resch  Tête. 

X}  shin  Dents. 

ri  thaii  Signe,  microcosme. 

(Test  comme  si  l'on  disait  :  la  vocation  de  la  tète  est  le 
signe  des  dents  ;  en  effet  la  voix  articulée  dérive  des  dents 
et  c  est  par  ces  signes  qu'on  parvient  à  la  tête  de  tous  qui 
est  le  Christ  et  au  liovaume  éternel. 


Monde  des    /  rhimenfs. 


-   4:j  — 
chapitre  ih 

LES  NOMS  DIVINS 

Si  le  lecleur  a  bien  compris  les  données  qui  précèdent,  s'il  sait 
liien  que  chaque  lettre  a  trois  fins  et  exprime  un  hiéroglyphe,  un 
nombre  et  une  idée,  il  connaît  les  fondements  de  la  Kabbale.  Il 
nous  suffira  maintenant  de  nous  occuper  des  C(jmbinaisons. 

Si  chacune  des  lettres  est  une  puissance  effecti^^e,  le  groupement 
de  ces  lettres  d'après  certaines  règles  mystiques  donne  naissance  à 
des  centres  actifs  de  force  qui  peuvent  agir  d'une  manière  efficace 
lorsqu'ils  sont  mis  en  action  par  la  volonté  de  l'hcjmme. 

De  là  les  dix  noms  divins. 

Chacun  de  ces  noms  exprime  un  attribut  spécial  de  Dieu,  c'est-à- 
dire  une  loi  active  de  la  Nature  et  un  centre  universel  d'action. 

Comme  toufes  les  manifestations  divines,  c'est-à-dire  tous  les 
actes  et  tous  les  êtres,  sont  liées  entre  elles  autant  que  les  cellules 
de  l'homme  sont  liées  à  lui,  mettre  une  de  ces  manifestations  en 
jeu  c'est  créer  un  courant  d'action  réel  qui  se  répercutera  dans 
tout  l'Univers;  de  même  qu'une  sensation  perçue  par  l'homme  en 
un  point  quelconque  de  sa  peau  fait  vibrer  l'organisme  tout  entier. 

L'élude  des  noms  divins  comprend  donc  : 

l"  D'une  part  les  qualités  spéciales  attribuées  à  ce  nom; 

2°  D'autre  part  les  rapports  de  ce  nom  avec  le  reste  de  la  Nature. 

Nous  allons  aborder  ces  points  l'un  après  l'autre. 

Tout  d'abord  énumérons  ces  dix  noms  qu'on  retrouve  sur  tous 
les  talismans  et  dans  toutes  les  formules  d'évocation. 

Nous  mettons  les  lelties  françai-es  sous  les  leltres  hébraïques,  à 
l'envers,  pour  indi(iuer  le  sens  de  la  leclure  de  l'hébreu. 


1 

a  i  a  A 

h'hieU. 

2 

Al 

loi,. 

3 

aval 

lehovali 

i 

El. 

5 

aana 

Elolia. 

6 

MiaJÂ 

L'iohini. 

résumant  le  Symbolisme  de  tous  les  Arcanes  majeurs  et 

du  sens  de  l'un  quelconque  de  ces 


PRINCIPE   CRÉATEUR 

Dieu  le  Père 

Volonté 

Le  Père 

P         Actif           '> 

1 

4 

7 

PRINCIPE    CRÉATEUR 

Passif        n 

Adam 

Pouvoir 

Réalisation 

PRINCIPE    CRÉATEUR 

Équilibrant       * 

La  Xature  naturanle 

créateur 
Fluide  universel 

Lumière  astrale 

PRINCIPE  CONSERVATEUR 

(H)         Actif              "> 

Dieu  le  Fils 

Intelligence 

La  Mère 

2 

5 

8 

PRINCIPE  CONSERVATEUR 

Passif       (n) 

Eve 

Autorité 

Justice 

PRINCIPE  CONSERVATEUR 

La  Nature  naturée 

La  Vie  universelle 

Existenc?  élémentaire 

Équilibrant        1 

PRINCIPE  RÉALISATEUR 

(1)        Actif           f 

Dieu  le  Saiiit-Es[>rit 

Beauté 

Amour 

3 

6 

9 

PRINCIPE  RÉALISATEUR 
Passif        n 

Adam-Ève,  l'Humanité 

Amour 

Prudence  (se  taiue) 

PRINCIPE  RÉALISATEUR 

Le  Cosmos 

Attraction  universelle 

Fluide  astral  (aoup.) 

É(iuilibraiit         1 

Lui-même      ( 

f)      Manifesté 

Lui-même    (H) 

+ 

— 

+ 

D  I 

E    U          (21) 

L'HOM 

L'HUMA 

LEAU 

permettant  de  déterminer  immédiatement  la  définition 
Arcanes. 


Nécessité 

l'riiicipe  transformateur 
universel 

La  Deslruction 

Les  Éiément-i 

10 

13 

16 

19 

La  Forre  en  iniissance 

La  Mort 

La  Ciiute  adamitpie 

La  Nutrition 

de  manifeslaliun 
Puissance  niagiiiue 

La  Force  plasti(iue 
universelle 

Le  Monde  visible 

Le   Hèçjne   minéral 

La  Liberté 

L"lnvolution 

L'Immortalité 

Le  Mouvement  propre 

11 

14 

17 

20 

Le  Courage  (osF.n) 

La  Vie  corporelle 

L'Espérance 

La  Respiration 

La    Vie  réflérhie 
et  passagère 

La  Vie  individuelle 

Les  Forces  physiques 

Le  Règne  végétal 

Charité 

Le  Destin 

Le  Chaos 

Le  Mouvement 
de  durée  relative 

12 

15 

18 

0 

Kspéranre  (fAvom) 

La  Destinée 
iXaliasIi 

Le   Corps   matériel 

L'Innervation 

Force  é(iuilil>rante 

Lumière    astrale 
en  circulation 

La  Matière 

Le  Règne  animal 

Manifesté 

Lui-même      (1\      Manifesté 

Relour  (p) 

— 

+ 

à 

ME       (21) 

L'UNIVERS    (21) 

l'Unité 

NITÉ 

—  Ar,  — 

1 

aval 

Tetragratnmalon 

^'^^♦nî: 

Sabaolh. 

TÛAaST 

8 

MiajA 

Elohiui. 

m^^ni: 

Sabaolh. 

TOAaST 

9 

las 

S  h  ad  a'/. 

0 

LXQA 

Adonat. 

La  Kabbale  est  si  merveilleupement  construite  que  tous  les  termes 
qui  la  constituent  ne  sont  que  des  faces  diverses  les  uns  des  autres. 
Ainsi  nous  sommes  obligé,  vu  la  pauvreté  d'abstraction  de  nos 
langues  européennes,  d'étudier  séparément  la  signification  et  les 
rapports  des  dix  noms  divins,  puis  la  signilicalion  et  les  rapports 
des  dix  nombres,  le  tout  dans  leurs  diverses  acceptions.  Or,  tout 
cela,  nom,  idée  et  nombre,  se  trouve  synthétisé  dans  chacun  des 
ITuM'oglyphes,  soit  qu'on  parle  du  nom  divin,  soit  qu'ijn  énonce  la 
Scphiroth. 

Ces  noms  (qui  tous  ont  un  sens  secret  développé  en  détail  dans 
les  écrits  des  kabbalistesj  méritent  d'attirer  parliculièrement  notre 
allrMitiun. 

1er  Nom  divin 

Le  premier  d'entre  eux  Ekkh  s'écrit  souvent  pai-  la  siniiile  lettre 
>  (iod).  Dans  ce  cas  il  signifie  simplement  MOI. 

Lacour,  dans  son  livre  des  iEloïm  ou  Dieux  de  Moïse,  montre  que 
ce  mot  a  donné  naissance  au  grec  'j.v.,  toujours.  Eh'xeh  signifie  donc 
exactement  le  Toujours,  et  l'on  comprend  comment  la  lettre  iod, 
qui  exprime  le  commencement  et  la  fin  de  tout,  puisse  le  repré- 
senter. 

\.  Le  nom  lEVE  ou  10IL\  ne  devant  jamais  être  prononcé  par  les  pro- 
fanes, est  remplacé  par  le  mot  télrayrammaton  ou  le  mot  aionai  (sei- 
gneur). 


Ce  nom  écrit  mystiquotnenl  en  triangle  par  trois  iod  aiiKsi  : 


représente  les  trois  principaux  attributs  de  la  divinité  émanant  la 
création,  du  Toujours  donnant  naissance  aux  mesures  tem|)i>- 
relies. 

Le  premier  iod  montre  en  eiïet  l'Eternité  donnant  naissance  au 
Temps  dans  sa  triple  division  :  Passé.  Présent  et  Avenir. 

C'est  le  i\ ombre. 

C'e-t  le  Père. 


Le  second  iod  montre  l'Infini  donnant  naissance  à  l'Espace  dans 
sa  triple  division  de  Longueur,  Largeur  et  Profondeur. 
C'est  la  Mesure. 
C'est  le  Fils. 


Le  troisième  iod  représente  la  Substance  éternelle  donnant  nais- 
sance à  la  Matière  dans  sa  triple  spécifiralion  de  Solide,  Li(|nide  el 
Gazeuse 

C'est  le  Poids. 

C'est  le  Saint- h' sp rit. 


Réunissez  en  un  tout  le  Temps,  l'Espace  et  la  Matière  el  la  Subs- 
tance éternelle  et  infinie,  le  Toujours  se  manifestera. 

De  là  la  représentation  suivante  de  ce  nom  divin  parles  kab- 
balistes  : 


—  48  — 

Les  correspondances  <\e  ce  nom  sont  ainsi  données  par  Agrijipa, 
l'un  des  plus  forls  kabbalisles  connus'. 

4°  Eheie,  le  nom  d'essence  divine  : 

Numération  :  keter  (couronne,  diadème),  signifie  l'être  très 
simple  de  la  divinité,  il  s'appelle  ce  que  l'œil  n'a  point  vu.  On  l'at- 
tribue à  Dieu  le  Père  et  il  influe  sur  l'ordre  des  Séraphins,  ou, 
comme  parlent  les  Hébreux,  Haiol/i  Hacadosch,  c'est-à-dire  en  latin 
animalia  sanclitatis,  les  fameux  animaux  de  sainteté,  et  de  là,  par 
le  premier  mobile,  donne  libéralement  Je  nom  de  l'être  à  toutes 
choses  remplissant  l'L'nivers  par  toute  sa  circonférence  jusqu'au 
centre.  Son  intelligence  particulière  s'appelle  Milhatron  (Prince  des 
Faces)  dont  l'office  est  d'introduire  les  autres  devant  la  face  du 
Prince,  et  c'est  par  le  ministère  de  celui-ci  que  le  Seigneur  a  parlé 
a  Moïse. 

2e  Nom  f)^ 

2°  Nom  lah  : 

lod  ou  ïetragrammatoa  joint  avec  lod  ;  numération  Ilochena 
[sapienlia). 

Signifie  divinité  pleine  d'idées  et  premier  engendré  et  s'attiùbue 
au  fils.  Il  influe  par  l'ordre  des  chérubins  (que  les  Hébreux 
nomment  Ophanim)  sur  les  formes  ou  les  roues  et  de  là  sur  le 
ciel  des  étoiles  y  fabriquant  autant  de  figures  qu'il  contient  d'idées 
en  soi,  débrouillant  le  chaos  ou  confusion  des  matières  par  le 
ministère  de  son  intelligence  particulière  nommée  Raziel  qu'v  fut  le 
gouverneur  d'Adam. 

3e  Nom 

3°  i\om  :  IBVE  —  niH* . 

Ce  nom,  l'un  des  plus  mystérieux  de  la  théologie  hébraïque, 
exprime  une  des  lois  naturelles  les  plus  étonnantes  que  nous  con- 
naissions. 

C'est  grâce  à  la  découverte  de  quelques-unes  de  ses  propriétés 
que  nous  avons  pu  donner  l'explicalion  complète  du  Tarot-,  expli- 
cation qui  n'avait  jamais  été  donnée  jusqu'à  présent. 

Voici  comment  nous  analysons  ce  nom  divin  : 

LE  MOT  KAB BALISTIQUE  ^\^^\1  ijod-hr-vau-hé). 

Si  l'on  en  croit  l'antique  tradition  orale  des  Hébreux  ou  Kabbale, 
il  existe  un  mot  sacré  qui  donne,  au  mortel  qui  on  découvre  la 
véritable  prononciation,  la  clef  de  toutes  les  sciences  divines  et 

i.  H.  G.  Agrippa,  Philosophie  occilte,  t.  H,  p.  30  et  suiv. 
2.  Voyez  la  sijL^tiificalion  dos  lettres  précédemmnnt. 


—  A9  — 

humaines.  Ce  mot  que  les  Israélites  ne  prononcent  jamais  et  que  le 
grand  prêtre  disait  une  fois  l'an  au  milieu  des  cris  du  peuple  pro- 
fane, est  celui  qu'on  trouve  au  sommet  de  toutes  les  initiations, 
celui  qui  rayonne  au  centre  du  triangle  flamboyant  au  33''  degré 
franc-maçonnique  de  l'Ecossisme,  celui  qui  s'étale  au-dessus  du 
portail  de  nos  vieilles  cathédrales,  il  est  formé  de  quatre  lettres 
hébraïques  et  se  lit  iod-hé-vau-hé  7V\rW 

II  sert  dans  le  Sepher  Bereschit  ou  Genèse  de  Moïse  à  désigner  la 
divinité,  et  sa  construction  grammaticale  est  telle  qu'il  rappelle 
par  sa  constitution  même'  les  attributs  que  les  hommes  se  sont 
toujours  plu  à  donner  à  Dieu. 

Or,  nous  allons  voir  que  les  pouvoirs  attribués  à  ce  mot  sont, 
jusqu'à  un  certain  point,  réels,  attendu  qu'il  ouvre  facilement  la 
porte  symbolique  de  l'arche  qui  contient  l'exposé  de  toute  la 
science  antique.  Aussi  nous  est-il  indispensable  d'entrer  dans  quel- 
ques détails  à  son  sujet. 

Ce  mot  est  formé  de  quatre  lettres,  iod  (f\  hr  fT\\  van  i^\  hé  (n). 
Cette  dernière  lettre  hé  est  répétée  deux  fois. 

A  chaque  lettre  de  l'alphabet  hébraïque  est  attribué  un  nombre. 
Voyons  ceux  des  lettres  qui  nous  occupent  en  ce  moment. 

1  Le  iod  =  10 
n  Le  hé  =  5 
1      Le  vau  =     6 

La  valeur  numérique  totale  du  mot  niH^  est  donc 
10  4-5-f6-f5  =  26 

Considérons  séparément  chacune  des  lettres. 

1.  «  Ce  nom  ollVe  d'abord  le  signe  indicateur  de  la  vie,  doublé,  et 
formant  la  racine  essentiellement  vivante  EE  ('^'^)-  Cette  racine  n'est 
jamais  employée  comme  nom  et  c'est  la  seule  qui  jouisse  de  celle  préro- 
gative. Elle  est,  dès  sa  formation,  non  seulement  un  verbe,  mais  un  verbe 
unique  dont  tous  les  autres  ne  sont  que  des  dérivés  :  en  un  mol  le  verbe 

»l"    (EVE)  êlre-élanl.  Ici,  comme  on  le  voit,  et  comme  j'ai  eu  soin  de 

l'expliquer  dans  ma  grammaire,  le  signe  de  la  lumière  intelligible  1  (Vô) 
est  au  milieu  de  la  racine  de  vie.  Moïsp,  prenant  ce  verbe  par  excellence 
pour  en  former  le  nom   propre  de  l'Être  des  Êtres,  y  ajoute   le  signe  de 

la  manifestation  potentielle  et  de  l'éternité^  (I)  et  il  obtient  m»!^  (lEVE) 
dans  lequel  le  facultatif  étant  se  trouve  placé  entre  un  passé  sans  origine 
et  un  futur  sans  terme.  Ce  nom  admiral)le  signilîe  donc  exactement 
rLlrc-qui-est-qui-ful-el-qui-sera.  » 

(Fabre  d'Olivet,  Langue  hébraïque  restituée.) 

4 


oO 


LE   lOD 


Le  iod,  figuré  par  une  virgule,  ou  bien  par  un  point,  représente 
le  principe  des  choses. 

Toutes  les  lettres  de  l'alphabet  hébraïque  ne  sont  que  des  com- 
binaisons résultant  de  différents  assemblages  de  Ja  lettre  iodK 
L'étude  synthétique  de  la  nature  avait  conduit  les  anciens  à  penser 
qu'il  nexislailquune  seule  loi  dirigeant  les  productions  naturelles. 
Cette  loi,  base  de  l'analogie,  posait  l'unité-principe  à  l'origine  des 
choses  et  ne  considérait  celles-ci  que  comme  des  repels  à  degrés 
divers  de  cette  unité-principe.  Aussi  le  iod,  formant  à  lui  seul  toutes 
les  lettres  et  par  suite  tous  les  mots  et  toutes  les  phrases  de  l'al- 
phabet, était-il  justement  l'image  et  la  représentation  de  cette 
Unité-Principe  dont  la  connaissance  était  voilée  aux  profanes. 

Ainsi  la  loi  qui  a  présidé  à  la  création  de  la  langue  des  Hébreux 
est  la  même  que  celle  qui  a  présidé  à  la  création  de  l'univers,  et 
connaître  l'une  c'est  connaître  implicitement  l'autre.  Voilà  ce  que 
tend  à  démontrer  un  des  plus  anciens  livres  de  la  Kabbale  :  le 
Sepher  Jesirah^. 

Avant  d'aller  plus  loin,  éclairons  par  un  exemple  cette  délini- 
tion  que  nous  venons  de  donner  du  iod.  La  première  lettre  de 
l'alphabet  hébreu,  l'aleph  [j^j,  est  formée  de  quatre  iod  opposés 
deux  à  deux  (^'\    Il  en  est  de  même  pour  toutes  les  autres. 

La  valeur  numérique  du  iod  conduit  à  d'autres  considérations. 
L'Uaité-Principe,  d'après  la  doctrine  des  kabbalistes,  est  aussi 
I'Unité-Fin  des  êtres  et  des  choses,  et  l'éternité  n'est,  à  ce  point  de 
vue,  qu'un  éternel  présent.  Aussi  les  anciens  symbolistes  ont-ils 
figuré  cette  idée  par  un  point  au  centre  d'un  cercle,  représentation 


1.  Voy.  la  Kabbala  denudata. 

2.  Traduit  en  français  récemment  pour  la  première  fois.  (Se  trouve 
chez  l'éditeur  Carré.) 


—   ol    — 

de  rUnité-Principe  [le  point)  au  centre  de  l'éternité  [le  cei'cle 
ligne  sans  commencement  ni  fin'). 

D'après  ces  données,  l'Unité  est  considérée  comme  la  somme 
dont  tous  les  êtres  créés  ne  sont  que  les  parties  const'dvantes ;  de 
même  que  l'Unité-Homme  est  formée  de  la  somme  de  millions  de 
cellules  qui  constituent  cet  être. 

A  l'origine  de  toutes  choses  la  Kabbale  pose  donc  l'affirmation 
absolue  de  l'être  par  lui-même,  du  Moi-Unité  dont  la  représenta- 
tion est  le  îorf  symboliquement,  et  le  nombre  10  numériquement. 
Ce  nombre  10  représentant  le  Pi'incipe-Totit,  1,  s'alliant  au  Néant- 
Rien,  0,  répond  bien  aux  conditions  demandées^. 


LE    HE 

Mais  le  Moi  ne  peut  se  C()ncevoir  que  par  son  opposition  avec  le 
Non-Moi.  A  peine  l'affirmation  du  Moi  est-elle  établie,  qu'il  faut 
concevoir  à  l'instant  une  réaction  du  Moi-Absolu  sur  lui-même, 
d'où  sera  tirée  la  notion  de  son  existence,  par  une  sorte  de  divi- 
sion de  l'Unité.  Telle  est  l'origine  de  la  fhialitr,de  l'opposition,  du 
Binaire,  image  delà  féménéité  comme  l'unité  est  l'image  de  la  mas- 
culinité.  Dix  se  divisant   pour  s'opposer  à  lui-même  égale  donc 

—  =  5,  cinq  nombre  exact  de  la  lettre  Hé,  seconde  lettre  du  grand 

nom  sacré. 

Le  Hé  représentera  donc  le  passif  pav  roppord  au  iod  qui  sym- 
bolisera l'actif,  le  non-moi  par  rapport  au  moi,  la  femme  par  rap- 
port à  l'homme;  la  substance  par  rapport  à  l'essence;  la  vie  par 
rapport  à  l'àme,  etc.,  etc. 

LE  VAU 

Mais  l'opposition  du  Moi  et  du  Non-Moi  donne  immédiatement 
naissance  à  un  autre  facteur,  c'est  le  rappotH  existant  entre  ce  Moi 
et  ce  Non- Moi. 

Or,  le   Vau,  G°  lettre  de  l'alphabet  hébraïque,   produite  par  10 

1.  Voy.  Kircher,  OEcUpus  uEgi/ptiacus; 

Loiiain,  la  Science  kabbalisliquc; 
J.  Dée,  Monas  Uierogluphicu. 

2.  Voy.  S.iint-MarLiii,  Des  rapports  qui  existent  entre  Dieu,  l'Homme   et 

V  Univers; 
Lacuria,  Harmonies  de  l'être  exprimées  par  les  nombres. 


(iod)  -\-o  (hé)  =r  15  =  6  (ou  1  -|"  ^)'  signifie  bien  crochet,  rapport. 
C'est  le  crochet  qui  relie  les  antagonistes  dans  la  nature  entière, 
constituant  le  3^  terme  de  celle  mystérieuse  trinité. 

Moi  —  Non-Moi. 

Rapport  du  Moi  avec  Non-Moi. 

LE   2"  UÈ 

Au  delà  de  la  Trinité  considérée  comme  loi,  rien  n'existe  plus. 

La  Trinité  est  la  formule  synthétique  et  absolue  à  laquelle  abou- 
tissent toutes  les  sciences,  et  cette  formule,  oubliée  quant  à  sa 
valeur  scientifique,  nous  a  été  intégralement  transmise  par  toutes 
les  religions,  dépositaires  inconscients  de  la  Science  Sagesse  des 
primitives  civilisations ^ 

Aussi  trois  lettres  seulement  constituent-elles  le  grand  nom 
sacré.  Le  quatrième  terme  de  ce  nom  est  formé  par  la  seconde 
lettre,  le  Hé,  répétée  de  nouveau  ^ 

Cette  répétition  indique  le  passage  de  la  loi  Trinitaire  dans  une 
nouvelle  application,  c'est  à  proprement  parler  \ine  transition  du 
monde  métaphysique  au  monde  phj'sique  ou,  en  général^  d'un 
monde  quelconque  au  monde  immédiatement  suivant^. 

La  connaissance  de  cette  propriété  du  second  Hé  est  la  clef  du 
nom  divin  tout  entier^  dans  toutes  les  applications  dont  il  est  sus- 
ceptible. Nous  en  verrons  clairement  la  preuve  dans  la  sititeK 


RESUME   SUR  LE   MOT  lOD-HE-VAU-HE 

Connaissant  séparément  chacun  des  termes  composant  le  nom 
sacré,  faisons  la  synthèse  et  totalisons  les  résultats  obtenus. 

1.  Voy.  Elipbas  Levi,  Dogme  et  Rituel  de  haute  magie  ;  la  Clef  des  grands 
mystères;  —  Lacuria,  op.  cil. 

2.  Voy.  Fabre  d'Olivet,  la  Langue  hébraïque  restituée. 

3.  Voy.  Louis  Lucas,  le  Roman  alchimique. 

(t  Prseter  hsec  tria  numera  non  est  alia  magjiiludo,  quod  tria  sunt  omnia, 
et  ter  undecunque,  ut  jrijthagorici  dicunt;  omne  et  omnia  tribus  determinata 
sunt.  »  (Aristote,  cité  par  Ostrowski,  page  24  de  sa  Mathése). 

4.  Malt'alli  a  parfaitement  vu  cela  :  «  Le  passage  de  3  dans  4  cor- 
respond à  celui  de  laTrimiirli  dans  Maïa,  et  comme  cette  dernière  ouvre 
le  deuxième  ternaire  de  la  décade  prégénésétique,  de  même  le  chilïre  4 
ouvre  celle  du  deuxième  ternaire  de  notre  décimale  génésélique.  » 

{Mathèse,  p.  25.) 


—  o3  — 

Le  mot  iod-hé-vau-hé  est  formé  de  quatre  lettres  signifiant  cha- 
cune : 

Le  lod    Le  principe  actif  par  excellence. 
Le  Moi=  10. 

Le  Hé     Le  principe  passif  par  excellence. 
Le  Non-Moi  =  5. 

Le   Vau  Le  terme  médian,  le  crochet  reliant  l'actif  au 
passif. 
Le  Rapport  du  Moi  au  Non-Moi  =  6. 

Ces  trois  termes  expriment  la  loi  Irinitaire  de  l'absolu. 

Le  2"  Bé  Le  second  Hé  marque  le  passage  d'un  monde 
dans  un  autre.  La  Transition. 

Ce  second  Hé  représente  l'Etre  complet  renfermant  dans  une 
Unité  absolue  les  trois  termes  qui  le  constituent  Moi-Non-Moi-Rap- 
port. 

Il  indique  le  passage  du  noumène  au  phénomène  ou  la  réci- 
proque, il  sert  à  monter  d'une  gamme  dans  une  autre. 


FIGURATION  DU  MOT  SACRE 

Le  mot  iod-hé-vau-hé  peut  se  représenter  de  diverses  manières, 
qui  toutes  ont  leur  utilité. 
Un  peut  le  ligurer  en  cercle  de  cette  façon  : 

iod 
) 

l"hé   I 2"  hé 

n         I         n 

vau 

Mais  comme  le  second  Hé,  terme  de  transition,  devient  l'entité 
active  de  la  gamme  suivante,  c'est-à-dire  comme  ce  Hé  ne  repré- 


sente  en  somme  qu'un  iod  en  germe',  on  peut  représenter  le  mot 
sacré  en  mettant  le  second  Hé  sous  le  premier  iod  ainsi  : 


iod 
2^  hé 


i"  hé 


vau 


Enfin  une  troisième  façon  de  représenter  ce  mot  consiste  à  enve- 
lopper la  trinité,  iod  hé  vau,  du  terme  tonalisateur  ou  second  kr, 
ainsi  : 

2'  hé 


2^  hé 


2«hé 


2"  hé 


L'étude  du  Tarot  n'est  que   l'étude  des  transformations  de  ce 
nom  divin,  ainsi  qu'on  le  voit  parla  figure  synthétique  suivante  : 


i.  Ce  2*=  Hé,  sur  lequel  nous  insistons  volontairement  si  ]onf:;temps, 
peut  être  comparé  au  grain  de  blé  par  rapport  à  l'épi.  L'épi,  trinité  ma- 
nifestée ou  iod  fié  vau,  résout  toute  son  activité  dans  la  production  dti 
grain  de  blé  ou  2e  Hé.  Mais  ce  grain  de  blé  n'est  que  la  transition  entre 
l'épi  qui  lui  a  donné  naissance  et  l'épi  auquel  il  donnera  lui-même  nais- 
sance dans  la  génération  suivante.  C'est  la  transition  entre  une  généra- 
lion  et  une  autre  qu'il  contient  en  germe,  c'est  pourquoi  le  deuxième  Hé 
est  un  iod  en  germe. 


\le,,.(S/Vd) 

ÇoiVCi 

1 

8 

? 

5 

n 

2 

ycOi^l 

G)<^ 

LE  TAROT 
PAPUS 


Enfin  si  nous  voulions  méjne  résumer  les  déductions  des  kabba- 
listes  sur  ce  3''  nom,  un  volume  nous  serait  nécessaire.  Eliphas 
Levi  fournit  de  merveilleux  développements  à  ce  sujet  dans  tous 
ses  ouvrages.  Kircher  développe  aussi  longuement  ses  diverses 
acceptions.  Citons  les  rapports  hiéroglyphiques  de  niH^  d'après 
cet  auteur. 

L'hiéroglyphe  suivant  est  ainsi  expliqué  par  Kircher. 


Le  globe  central  représente  l'essence   de  Dieu  inaccessible  et 
cachée. 

L'X  image  du  denaire  indique  le  iod. 

Les  deux  serpents  s'échappant  du  globe  en  bas  sont  les  deux  hé. 

Enfin  les  deux  ailes  symbolisent  l'esprit  le  Vaô. 


Le  nom  de  72  lettres.  —  Les  72  génies. 

C'est  encore  de  ce  nom  divin  qu'on  tire  le  nom  kabbalistique  de 
72  lettres  par  le  procédé  suivant  : 
On  écrit  le  mot  lEVE  dans  un  triangle  ainsi  qu'il  suit  : 


Le  mot  sacré.  —  V  manière  de  l'écrire. 


—  37  — 

Voici  l'explication  de  ces  deux  façons  d'écrire  le  nom  de 
72  lettres. 

Pour  la  première  : 

Additionnez  les  nombres  correspondant  à  chaque  lettre  hébraïque, 
vous  trouverez  le  résultat  suivant  : 

>  =  10  =  10 

n>  =  10  +  3  =13 

«in»  =  10  4-  3  +  6            =21 

r\^J^]1  =  10  -f-  3  +  6  -f  3  =  26 

Total...   72 

Pour  la  seconde  : 

Comptez  le  nombre  de  boules  couronnées  qui  forment  le  mot 
mn»  écrit  de  cette  manière,  vous  trouverez  24  boules  (les  24 
vieillards  de  l'Apocalypse). 


^ 


^ 


Le  mot  sacré.  —  2"  manière  de  l'écrire. 

Chaque  couronne  ayant  trois  fleurons,  il  suffit  de  multiplier  24 
par  3  pour  obtenir  les  72  lettres  mystiques  : 

24  X  3  =  72 


Dans  la  Kabbale  pratique  (magie  universelle),  on  se  sert  des 
72  noms  des  Génies  tirés  de  la  Bible  par  les  procédés  suivants  : 

Les  noms  des  72  anges  sont  formés  des  trois  versets  mystérieux 
du  chapitre  14  de  l'Exode  sous  les  19,  20  et_21,  lesquels  versets, 
suivant  le  texte  hébreu,  se  composent  chacun  de  72  lettres  hé- 
braïques. 


—  o8  — 


Manière  (Vextraire  les  72  noms. 

Écrivez  d'abord  séparément  ces  versets,  formez-en  trois  lignes, 
composées  chacune  de  72  lettres,  d'après  le  texte  hébreu,  prenez  la 
première  lettre  du  19''  et  du  20°  verset  en  commençant  par  la 
gauche,  ensuite  prenez  la  première  lettre  du  20*  verset  qui  est  celui 
du  milieu  en  commençant  par  la  droite;  ces  trois  premières  lettres 
forment  l'attribut  du  génie.  En  suivant  le  même  ordre  jusqu'à  la 
fin,  vous  avez  les  72  attributs  des  vertus  divines. 

Si  vous  ajoutez  à  chacun  de  ces  noms  un  de  ces  deux  grands 
noms  divins  lah  ni  ou  El  Si^,  alors  vous  aurez  les  12  noms  des 
anges  composés  de  trois  syllabes,  dont  chacun  contient  en  lui  le 
nom  de  Dieu. 

D'autres  kabbalistes  prennent  la  première  lettre  de  chaque  dic- 
tion qui  compose  un  verset. 

Mais  nous  ne  devons  pas  oublier  que  c'est  un  résumé  de  la  Kab- 
bale que  nous  présentons  à  nos  lecteurs;  aussi  terminons  ce  qui  se 
rapporte  à  ce  troisième  nom  pour  passer  aux  sept  autres.. 

3*  nom  Tetragrammal on  Elohim  : 

Nunierala  Bina  {providentia  et  intelligenlia)  signifie  jubilé, 
rémission  et  repos,  rachat  ou  rédemption  du  monde  et  la  vie  du 
siècle  à  venir;  il  s'applique  au  Saint-Esprit  et  influe  par  l'ordre 
des  Trônes  (ceux  que  les  Hébreux  appellent  Arabim,  c'est-à-dire 
anges  grands,  forts  et  robustes)  et  après  par  la  sphère  de  Saturne 
fournissant  la  forme  de  la  matière  fluide,  son  intelligence  parti- 
culière est  Zaphohiel,  gouverneur  de  Noé,  et  l'autre  intelligence 
est  Jophiel,  gouverneur  de  Sem,  et  voilà  les  trois  numérations 
souveraines  et  les  plus  hautes  qui  sont  comme  les  Trônes  des 
personnes  divines  par  les  commandements  desquelles  toutes  choses 
se  font  et  arrivent  ;  mais  l'exécution  s'en  fait  par  le  ministère  des 
autres  sept  numérations  appelées  pour  cela  les  numérations  de  la 
fabrique. 

4e  Nom 

4*  nom  El  : 

Numération  Hxsed  (clementia,  bonitas),  signifie  grâce,  miséri- 
corde, piété,  magnificence,  sceptre  et  main  droite;  il  influe  par 
l'ordre  des  Dominations  (celui  que  les  Hébreux  appellent  Hasmalim) 
sur  la  sphère  de  Jupiter  et  forme  les  effigies  ou  représentations  des 
corps,  donnant  à  tous  les  hommes  la  clémence,  la  justice  pacifique, 


—  o9  — 

et  son  intelligence    particulière    se   nomme   Zadkiel,  gouverneur 
d'Abraham. 

5e  Nom 

5®  nom  Elohim  Gibor  [Deus  robustus  puniens  culpas  impro- 
borum)  : 

Numération  Geburah  (puissance,  gravité,  force,  pureté,  juge- 
ment, punissant  par  les  ravages  et  les  guerres).  On  l'adapte  au  tri- 
bunal de  Dieu,  à  la  ceinture,  à  l'épée  et  au  bras  gauche  de  Dieu;  il 
s'appelle  aussi  Pechad  (crainte)  et  il  influe  par  l'ordre  des  Puis- 
sances (ou  celui  que  les  Hébreux  nomment  Seraphim)  et  de  là 
ensuite  par  la  sphère  de  Mars  à  qui  appartient  la  force,  et  il  en- 
voie la  guerre,  les  afflictions  et  change  de  place  les  éléments. 

Son  iiilolligencc  particulière  est  Camael,  gouverneur  de  Samson. 

6"  Nom 

6^  nom  Eloha  (ou  nom  de  quatre  lettres)  joint  avec  Vaudahat  : 
Numération  Tiphpreth  (ornement,  beauté,  gloire  plaisir),  il 
signifie  Bois  de  vie.  Il  influe  par  l'ordre  des  Vertus  (ou  par  celui  que 
les  Hébreux  appellent  Malackim,  c'est-à-dire  anges)  sur  la  sphère 
du  Soleil,  lui  donnant  la  clarté  et  la  vie  et  ensuite  produisant  les 
métaux,  et  son  intelligence  particulière  est  Raphaël,  qui  fut  gouver- 
neur d'Isaac  et  du  jeune  Tobie,  et  l'ange  Feliel,  gouverneur  de 
Jacob. 

7«  Nom 

7*=  nom  Tetragrammaton  Sabaolh  ou  Adona'i  Sabaoth,  c'est-à- 
dire  le  Dieu  des  armées  : 

La  numération  est  Nezah  (triomphe,  victoire),  on  lui  attribue  la 
colonne  dextre  et  il  signifie  éternité  et  justice  du  Dieu  vengeur. 
Il  influe  par  l'ordre  des  Principautés  (et  par  celui  que  les  Hébreux 
nomment  Elohim,  c'est-à-dire  des  Dieux)  sur  la  sphère  de  Vénus 
et  signifie  zèle  et  amour  de  justice,  il  produit  les  végétaux,  et  son 
intelligence  s'appelle  Haniel  et  son  ange  Ce}'irel,  conducteur  de 
David. 

8^  Nom 

8*  nom  Elohim  Sabaoth,  qu'on  interprète  aussi  Dieu  des  armées, 
non  pas  de  la  guerre  et  de  la  justice,  mais  de  la  piété  et  de  la  con- 
corde; car  tous  les  deux  noms,  celui-ci  et  le  précédent,  ont  chacun 
leur  terme   d'armée  : 

Numération  Hod  (louange  et  confession,  bienséance  et   grand 


—  GO  — 

renom),  on  lui  attribue  la  colonne  gauche.  Il  influe  par  l'ordre  des 
Archanges  (ou  par  celui  que  les  Hébreux  appellent  Bene  Elohim, 
c'est-à-dire  fils  des  Dieux)  sur  la  sphère  de  Mercure,  il  donne  l'éclat 
et  la  convenance  de  la  parure  et  de  l'ornement  et  produit  les  ani- 
maux. Son  intelligence  est  i/icAaé7,  qui  fut  gouverneur  de  Salomon, 

9"  Nom 

9"^  nom  Sadai  (tout-puissant  et  satisfaisant  à  tout)  ou  Elhai  (Dieu 
vivant)  : 

Numération  Jesod  (fondement).  Il  signifie  bon  entendement, 
alliance,  rédemption  et  repos.  Il  influe  par  l'ordre  des  Anges  (ou 
par  celui  que  les  Hébreux  appellent  Cherubim)  sur  la  sphère  de  la 
Lune  qui  donne  l'accroissement  et  le  déclin  à  toutes  choses,  qui 
préside  au  génie  des  hommes  et  leur  distribue  des  anges  gardiens 
et  conservateurs.  Son  intelligence  est  Gabriel,  (\\x\  fut  conducteur  de 
Joseph,  de  Josué  et  de  Daniel. 

10^  Nom 

10''  nom  Adoncâ  Melech  (Seigneur  et  Roi)  : 

Numération  Malchut  (royaume  et  empire),  signifie  Eglise  et 
Temple  de  Dieu  et  porte.  Il  influe  par  l'ordre  animastique,  c'est-à- 
dire  des  âmes  bienheureuses,  nommé  par  les  Hébreux /ssim,  c'est-à- 
dire  nobles,  Eliros  et  Prince;  elles  sont  au-dessous  des  Hiérarchies, 
elles  influent  la  connaissance  aux  enfants  des  hommes  et  leur 
donnent  une  science  miraculeuse  des  choses,  l'industrie  et  le  don 
de  prophétie  ou,  comme  d'autres  disent,  l'intelligence  Metalhhi  qui 
porte  le  nom  de  première  création  ou  âme  du  monde;  elle  fut 
conductrice  de  Moïse. 


--  Gl 


CHAPITRE    IV 
LES  SÉPHIROTH  (d'ai>rès  Stanislas  de  Guaita) 

LE    TABLEAU   DES    CORRESPONDANCES 

Les  Séphiroth.   —  Exposé  de  Stanislas  de  Guaita. 

Il  nous  reste,  pour  terminer  ce  qui  a  rapport  à  cette  partie  de  la 
Kabbale,  à  parler  des  numérations  ou  Séphiroth.  Dans  ce  travail 
extrêmement  remarquable,  un  des  plus  instruits  parmi  les  kabba- 
listes  contemporains,  Stanislas  de  Guaita.,  a  condensé  d'impor- 
tantes données  tant  sur  les  noms  divins  que  sur  les  Séphiroth. 

Ce  travail  n'est  que  l'analyse  d'une  planche  kabbalislique  de 
Khunrath.  Nous  donnons  d'abord  cette  planche  sur  laquelle  le  lec- 
teur pourra  suivre  les  développements  donnés  par  de  Guaita. 


—  62  — 


LA  PLANCHE   DE  KHUNRATH   SUR   LA   ROSE-CROIX 

NOTICE  SUR  LA  ROSE -CROIX 

La  planche  kabbalislique  offerte  en  prime  aux  abonnés  de  Vlni- 
tiation  est  extraite  d'un  petit  in-folio  rare  et  singulier,  bien  connu 
des  collectionneurs  de  bouquins  à  gravures  et  très  recherché  de 
tous  ceux  que  préoccupent,  à  des  titres  diver?,  l'ésotérisme  des 
religions,  la  tradition  de  la  doctrine  secrète  sous  les  voiles  symbo- 
liques du  christianisme,  enfin  la  transmission  du  sacerdoce  magique 
en  Occident. 

«  Ampaitheatrum  sapienti^  j:tern^,  solivs  verje,  chrisliano-kaba- 
listicum,  divino-magicum,  necnon  physico-chemicum,  tertriunum, 
katholikon,  instructore  Henrico  Khlnratu,  elc.^  IIanovi^,  1609,  in- 
folio.   » 

Unique  en  son  genre,  inestimable  surtout  pour  les  chercheurs 
curieux  d'approfondir  ces  troublantes  questions,  ce  livre  est  mal- 
heureusement incomplet  dans  un  grand  nombre  de  ses  exem- 
plaires. On  nous  saura  gré  peut-être  de  fournir  ici  quelques 
rapides  renseignements,  grâce  auxquels  l'acheteur  puisse  prévoir 
et  prévenir  une  déception. 


Les  gravures,  en  taille-douce  [l'Initiation  compte  en  reproduire 
plusieurs  en  faveur  de  ses  abonnés),  les  gravures  au  nombre  de 
douze  sont  ordinairement  reliées  en  tête  de  l'ouvrage.  Elles  sont 
groupées  d'une  sorte  arbitraire,  l'auteur  ayant  négligé  —  à  dessein 
peut-être  —  d'en  préciser  la  suite.  L'essentiel  est  de  les  posséder 
au  complet,  car  leur  classement  varie  d'exemplaire  à  exemplaire. 

Trois  d'entre  elles,  en  format  simple  :  1°  le  frontispice  allégo- 
rique encadrant  le  titre  gravé  ;  2°  le  portrait  de  l'auteur,  entouré 
d'attributs  également  allégoriques  ;  3°  enfin,  une  orfraie  armée  de 
besicles,  magistralement  perchée  entre  deux  flambeaux  allumés, 
avec  deux  torches  ardentes  en  sautoir.  Au-dessous,  une  légende 
rimée   en   haut    allemand   douteux,    et  que   l'on   peut  traduire  : 

A  quoi  servent  flambeaux  et  torches  et  besicles 
Pour  qui  ferme  les  yeux,  afin  de  ne  point  voir? 

Puis  viennent  neuf  superbes  ligures  magiques,  très  soigneuse- 


—  63  — 

ment  gravées,  en  format  double  et  montées  sur  onglets.  Ce  sont  : 
1°  Le  grand  androgyne  hermétique*  ]  2"  le  Laboratoire  de  Khun- 
rath*;  3°  V Adam-Eve  dans  le  triangle  verbal;  4°  la  Rose-Croix^, 
pentagrammatique*  (dont  nous  allons  parler  en  détail);  5°  les  Sept 
degrés  du  sanctuaire  et  les  sept  rayons;  6°  la  Citadelle  alchimique 
aux  vingt  portes  sans  issue*;  7°  le  Gymnasium  naturse,  figure  syn- 
thétique et  très  savante  sous  l'aspect  d'un  paysage  assez  naïf;  8° /a 
Table  d'émeraude  gravée  sur  la  pierre  ignée  et  mercurielle  ;  9°  en- 
fin, le  Pantacle  de  Khunrath*,  enguirlandé  d'une  caricature  sati- 
rique, dans  le  goût  de  Callot  ;  c'est  même  un  Gallot  avant  la  lettre. 
(A^  ce  qu'en  dit  Eliphas  Levi,  Histoire  de  la  magie,  p.  368.) 

Cette  dernière  planche,  d'une  sanglante  ironie  et  d'un  art  sau- 
vage vraiment  savoureux,  manque  à  peu  près  dans  tous  les  exem- 
plaires. Les  nombreux  ennemis  du  théosophe,  qui  s'y  voient 
caricaturés  d'un  génie  âpre  et  que  sans  peine  on  devine  tiiomphale- 
ment  soucieux  des  ressemblances,  s'acharnèrent  à  faire  disparaître 
une  gravure  d'un  si  scandaleux  intérêt. 

Pour  les  autres  pantacles,  ceux  dont  nous  avons  fait  suivre 
l'énoncé  d'une astérique  font  également  défaut  dans  nombre  d'exem- 
plaires. 


Occupons-nous,  à  cette  heure,  du  texte  divisé  en  deux  sections. 
Les  soixante  premières  pages,  numérotées  à  part,  comprennent  un 
privilège  impérial  (en  date  de  1598),  puis  diverses  pièces  :  discours, 
dédicace,  poésies,  prologue,  arguments.  Enfin  le  texte  des  pro- 
verbes de  Salomon,  dont  le  reste  de  VAmphitheatnim  est  le  com- 
mentaire ésotérique. 

Vient  ensuite  ce  commentaire,  constituant  l'ouvrage  proprement 
dit,  en  sept  chapitres,  suivis  eux-mêmes  d'éclaircissements  très 
curieux  sous  ce  titre  :  Interprelaliones  et  Annotaliones  Henrici 
Khunrath.  Total  de  cette  seconde  partie  :  222  pages.  Un  dernier 
feuillet  porte  le  nom  de  l'imprimeur  :  G.  Antonius,  et  la  date  : 
Hanoviae,  M  DG.  L\. 

Nous  terminerons  cette  description  par  une  note  importante  du 
savant  bibliophile  G. -F.  de  Bure,  qui  dit,  au  tome  II  de  sa  Biblio- 

{.  Celte  figure,  ainsi  que  celle  marquée  dans  ces  notes  au  numéro  1 
{YAndrogrjiu  hermétique)  seront  reproduites  en  laille-douce  avec  un  com- 
mentaire détaillé,  en  tête  d'une  nouvelle  édition  refondue  et  considéra- 
blement augmentée  que  nous  allons  donner  chez  Carré  de  notre  ouvrage 
paru  en  1886  :  Essais  de  sciences  maudites  :  I.  Au  seuil  du  mystère. 


—  64  — 

graphie  :  «  Il  est  à  remarquer  que  dans  la  première  partie  de  cet 
ouvrage,  qui  est  de  soixante  pages,  on  doit  trouver,  entre  les 
pages  18  et  19,  une  espèce  de  table  particulière  imprimée  sur  une 
feuille  entière  à  onglets,  et  qui  est  intitulée  :  Summa  Amphithea- 
tri  sapientix,  etc.,  et  dans  la  deuxième  partie,  de  deux  cent 
vingt-deux  pages,  l'on  doit  trouver  une  autre  table,  pareillement 
imprimée  sur  une  feuille  entière,  à  onglets,  et  qui  doit  être  placée 
à  la  page  loi,  où  elle  est  rappelée  par  deux  étoiles  que  Ton  a 
mises  dans  le  discours  imprimé.  —  Nous  avons  remarqué  que  ces 
deux  tables  manquaient  dans  les  exemplaires  que  nous  avons  vus  ; 
c'est  pourquoi  il  sera  bon  d'y  prendre  garde...  »  (page  248). 

Passons  maintenant  à  l'étude  de  la  planche  kabbalistique  que 
Vlniliation  a  offerte  à  ses  abonnés. 


ANALYSE  DE  LA  ROSE-CROIX 
d'après  Henry  Kuunrath 


Cette  figure  est  un  merveilleux  pantacle,  c'est-à-dire  le  résumé 
hiéroglyphique  de  toute  une  doctrine  :  on  trouve  là  synthétisés, 
comme  la  revue  l'a  annoncé  précédemment,  tous  les  mystères  pen- 
tagrammatiques  de  la  Rose-Croix  des  adeptes. 


C'est  d'abord  le  point  central  déployant  la  circonférence  à  trois 
degrés  différents,  ce  qui  nous  donne  les  trois  régions  circulaires  et 
concentriques  figurant  le  processus  de  V Émanation  proprement 
dite. 


Au  centre,  un  Christ  en  croix  dans  une  rose  de  lumière  :  c'est  le 
resplendissement  du  Verbe  ou  de  l'Arfam  ^arfmôn  I^Qlp  tZl^?; 
c'est  l'emblème  du  Grand  Arcane  :  jamais  on  n'a  plus  audacieuse- 
ment  révélé  l'identité  d'essence  entre  l'Homme-Synthèse  et  Dieu 
manifesté. 

[Ce  n'est  pas  sans  les  raisons  les  plus  profondes  que  l'fiiéro- 
graphe  a  réservé  pour  le  milieu  de  son  pantacle  le  symbole  qui 
figure  l'incarnation  du  Verbe  éternel.  C'est  en  effet  joar  le  Verbe, 


(io 


dans  le  Verbe  et  à  travers  le  Verbe  (indissolublement  uni  lui-même 
à  la  Vie),  que  toutes  choses,  tant  spirituelles  que  corporelles,  ont 
été  créées.  —  «  In  principio  eral  Verbum  (dit  saint  Jean),  et  Ver- 
bum  erat  apud  Deum,  et  Deus  erat  Verbum...  Omnia  per  ipsitm 
facta  sirnt  et  sine  ipso  factum  est  nihil  quod  factum  est.  In  ipso 
vita  erat...  »  Si  l'on  veut  prendre  garde  à  quelle  partie  de  la  figure 
humaine  est  attribuable  le  point  central  déployant  la  circonfé- 
rence, on  comprendra  avec  quelle  puissance  hiéroglyphique  l'Ini- 
tiateur a  su  exprimer  ce  mystère  fondamental.] 

Le  rayonnement  lumineux  fleurit  alentour  ;  c'est  une  rose  épa- 
nouie en  cinq  pétales,  —  l'astre  à  cinq  pointes  du  Microcosme  kab- 
balistique,  Y  Etoile  flamboyante  de  la  Maçonnerie,  le  symbole  de  la 
volonté  toute-puissante,  armée  du  glaive  de  feu  des  Keroubs. 

Pour  parler  le  langage  du  Chi'istianisme  exotérique,  c'est  la 
sphère  de  Dieu  le  fils,  placée  entre  celle  de  Dieu  le  Père  (la  Sphère 
d'ombre  d'en  haut  où  tranche  Aïn-Soph  si']D  "J'ï^  en  caractères 
lumineux),  et  celle  de  Dieu  le  Saint-Esprit,  liùach  Ilakka- 
dôsh  V:J''liTir\  ni"l  (la  sphère  lumineuse  d'en  bas  où  l'hiérogramme 
Œmeth  rii2S  tranche  en  caractères  noirs). 

Ces  deux  sphères  apparaissent  comme  perdues  dans  les  nuages 
à'Atziluth  T\\TJ'^,  pour  indiquer  la  nature  occulte  de  la  première 
et  de  la  troisième  personne  de  la  sainte  Trinité  :  le  mot  hébreu 
qui  les  exprime  se  détache  en  vigueur,  lumineux  ici  sur  le  fond 
d'ombre,  là  ténébreux  sur  le  fond  de  lumière,  pour  faire  entendre 
que  notre  esprit,  inapte  à  pénétrer  ces  principes  dans  leur  essence, 
peut  seulement  entrevoir  leurs  rapports  antithétiques,  en  vertu  de 
l'analogie  des  contraires. 


Au-dessus  de  la  sphère  A'Aïn-Sopk,  le  mot  sacré  de  léhovah  ou 
Ihoâh   se   décompose    dans    un   triangle    de   flamme,   comme    il 

suif  : 


—  G6  — 

Sans  nous  engager  dans  l'analyse  hiéi'ogl^'phique  de  ce  vocable 
sacré,  sans  prétendre  surtout  à  exposer  ici  les  arcanes  de  sa  géné- 
ration —  ce  qui  voudrait  d'interminables  développements,  —  nous 
pouvons  dire  qu'à  ce  point  de  vue  spécial,  lod  1  symbolise  le 
Père,  Jah  n^  ie  Fils,  Icihô  in^  l'Esprit-Saint,  lahôah  niH^  l'Uni- 
vers vivant  :  et  ce  triangle  mystique  est  attribué  à  la  sphère  de 
l'ineflable  Aïn-Soph,  ou  de  Dieu  le  Père,  f^es  Kabbalistes  ont 
voulu  montrer  par  là  que  le  Père  est  la  source  de  la  Trinité  tout 
entière,  et  bien  plus,  contient  en  virtualité  occulte  tout  ce  qui  est, 
fut  ou  sera. 


Au-dessus  de  la  sphère  à'Œmeth  ou  de  l'Esprit-Saint,  dans  l'ir- 
radiation même  de  la  rose-croix  et  sous  les  pieds  du  Christ,  une 
colombe  à  tiare  pontificale  prend  son  vol  enflammé  :  emblème  du 
double  courant  d'amour  et  de  lumière  qui  descend  du  Père  au  Fils, 
—  de  Dieu  à  l'Homme  —  et  remonte  du  Fils  au  Père,  —  de 
l'Homme  à  Dieu,  —  ses  deux  ailes  étendues  correspondent  exacte- 
ment au  symbole  païen  des  deux  serpents  entrelacés  au  caducée 
d'Hermès. 

Aux  seuls  initiés  l'intelligence  de  ce  rapprochement  mystérieux. 


Revenons  à  la  sphère  du  Fils,  qui  demande  des  commentaires 
plus  étendus.  Nous  avons  marqué  ci-dessus  le  caractère  impéné- 
trable du  Père  et  de  V Esprit-Saint,  envisagés  dans  leur  essence. 

Seule,  la  seconde  personne  de  la  Trinité,  —  figurée  par  la  Rose- 
Croix  centrale,  — perce  les  nuages  d'Atziluth,  en  y  dardant  les  dix 
rayons  séphirotiques. 

Ce  sont  comme  autant  de  fenêtres  ouvertes  sur  le  grand  arcane 
du  Verbe,  et  par  où  l'on  peut  contempler  sa  splendeur  à  dix  points 
de  vue  différents.  Le  Zohar  compare,  en  effet,  les  dix  Séphires  à 
autant  de  vases  transparents  de  couleur  disparate,  à  travers  les- 
quels resplendit,  sous  dix  aspects  divers^  le  foyer  central  de 
rUnité-synthèse.  —  Supposons  encore  une  tour  percée  de  dix  croi- 
sées et  au  centre  de  laquelle  brille  un  candélabre  à  cinq  branches  ; 
ce  lumineux  quinaire  sera  visible  à  chacune  d'entre  elles;  celui  qui 
s'y  arrêtera  successivement  pourra  compter  dix  candélabres 
ardents  aux  cinq  branches...  (Multipliez  le  pentagramme  par  dix, 


—  G7  — 

en  faisant  rayonner  les  cinq  pointes  à  chacune  des  dix  ouvertures, 
et  vous  aurez  les  Chiquante  Portes  de  Lumière). 

Celui  qui  prétend  à  la  synthèse  doit  entrer  dans  la  tour  ;  celui 
qui  ne  sait  que  la  contourner  est  un  analytique  pur.  On  voit  à 
quelles  erreurs  d'optique  il  s'expose,  dès  qu'il  veut  raisonner  sur 
l'ensemble. 


Nous  dirons  quelques  mots  plus  loin  du  système  séphirotique  ;  il 
faut  en  finir  avec  l'emblème  central.  Réduit  aux  proportions  géo- 
métriques d'un  schéma,  il  peut  se  tracer  ainsi  : 


Une  croix  renfermée  dans  l'étoile  flamboyante.  C'est  le  quater- 
naire qui  trouve  son  expansion  dans  le  quinaire  ;  c'est  l'Esprit  qui 
se  sous-multiplie  pour  descendreau  cloaque  de  la  matière  où  il  s'em- 
bourbera pour  un  temps,  mais  son  destin  est  de  trouver  dans  son 
avilissement  même  la  révélation  de  sa  personnalité  et  déjà  —  pré- 
sage de  salut  —  il  sent,  au  dernier  échelon  de  sa  déchéance, 
sourdre  en  lui  la  grande  force  de  la  Volonté.  C'est  le  Verbe, 
mn*,  qui  s'incarne  et  devient  le  Christ  douloureux  ou  l'homme 
corporel,  ni\!.*n^,  jusqu'au  jour  où,  assumant  avec  lui  sa  nature 
humaine  régénérée,  il  rentrera  dans  sa  gloire. 

C'est  là  ce  qu'exprime  l'adepte  Saint-Martin  au  premier  tome 
({'Erreurs  et  Vérité.^  quand  il  enseigne  que  la  chute  de  l'homme 
provient  de  ce  qu'il  a  interverti  les  feuillets  du  Grand  Livre  de  la 
Vie  et  substitué  la  cinquième  page  (celle  de  la  corruption  et  de  la 
déchéance)  à  la  quatrième  (celle  de  l'immortalité  et  de  l'entité  spi- 
rituelle). 

En  additionnant  le  quaternaire  crucial  et  le  pentagramme  étoile, 
l'on  obtient  9,  chiffre  mystérieux  dont  l'explication  détaillée  nous     ^ 
ferait  sortir  du  cadre  que  nous  nous  sommes  tracé.  Nous  avons 


—  c;5  — 

ailleurs  (Z:o;(/s,  tome  II,  n"  12,  p.  327-328)  détaillé  fort  au  long  et 
démontré  par  un  calcul  de  kabbale  numérique,  comme  quoi  9  est 
le  nombre  analytique  de  l'homme.  Nous  renvoyons  le  lecteur  à 
cette  exposition... 

Notons  encore,  —  car  tout  se  tient  en  Haute  Science  et  les  con- 
cordances analogiques  sont  absolues, —  notons  que  dans  les  figures 
sphériques  de  la  Rose-Croix,  la  rose  est  traditionnellement  formée 
de  neuf  circonférences  entrelacées,  à  l'instar  des  anneaux  d'une 
chaîne.  Toujours  le  nombre  analytique  de  l'homme  :  9! 


Une  importante  remarque  et  qui  sera  une  confirmation  nouvelle 
de  notre  théorie.  Il  est  évident,  pour  tous  ceux  qui  possèdent  quelques 
notions  ésotériques,  que  les  quatre  branches  de  la  croix  intérieure 
(figurée  par  le  Christ  les  bras  étendus)  doivent  être  marquées  aux 
lettres  du  tétragramme  ;  lod,  hé,  vaxt,  hé.  — Nous  ne  saurions  reve- 
nir ici  sur  ce  que  nous  avons  dit  ailleurs*  de  la  composition  hiéro- 
glyphique et  grammaticale  de  ce  mot  sacré  :  les  commentaires  les 
plus  étendus  et  les  plus  complets  se  trouvent  communément  dans 
les  œuvres  de  tous  les  kabbalistes.  (V.  de  préférence  Rosenroth, 
Kabhala  denudaia;  Lenain,  la  Science  kabbaliitique  ;  Fabre  d'Oli- 
VET,  Langue  hébraïque  restit^iée;  Eltphas  Levi,  Dogme  et  Rituel, 
Histoire  de  la  magie,  Clef  des  grands  mystères,  et  Papus,  Traité 
élémentaire  de  la  science  occulte.)  Mais  considérons  un  instant  l'hié- 
rogramme  Jeschua  nTH^il^  \  de  quels  éléments  se  trouve-t-il  com- 
posé? Chacun  peut  y  voir  le  fameux  tétragramme  niH^  écartelé 
par  le  milieu  îlVn^,  puis  ressoudé  par  la  lettre  hébraïque  ^27  schin. 
Or,  n^m  exprime  ici  VAdam-Kadmôn,  l'Homme  dans  sa  synthèse 
intégrale,  en  un  mot,  la  divinité  manifestée  par  son  Verbe  et  figu- 
rant l'union  féconde  de  l'Esprit  et  de  l'Ame  universels.  Scinder  ce 
mot,  c'est  emblématiser  la  désintégration  de  son  unité  et  la  multi- 
plication divisionnelle  qui  en  résulte  pour  la  génération  des  sous- 
multiples.  Le  schin  \27,  qui  rejoint  les  deux  tronçons,  figure  (Ar- 
cane  21  ou  0  du  Tarot)  le  feu  générateur  et  subtil,  le  véhicule  de 
la  vie  non  différenciée,  le  Médiateur  plastique  universel  dont  le 
rôle  est  d'effectuer  les  incarnations  en  permettant  à  l'Esprit  de 
descendre  dans  la  matière,  de  la  pénétrer,  de  l'évertuer,  de  l'éla- 


\.  Au  seuil  du  mystère,  1  vol.  gv.  in-8.  Carré,  1886,  page  12.  —  Lotus, 
tome  II,  n°  12,  pages  321-347,  passim... 


—  60  — 

borer  à  sa  guise  enfin.  Le  \i;  en  trait  d'union  aux  deux  parties  du 
tétragramme  mutilé  est  donc  le  symbole  de  la  chute  et  de  la  fixa- 
tion, dans  le  monde  élémentaire  et  matériel,  de  niH^  désintégré 
de  son  unité. 

C'est  \i7  enfin,  dont  l'addition  au  quaternaire  verbal  de  la  sorte 
que  nous  avons  dite,  engendre  le  quinaire  ou  nombre  de  la 
déchéance.  Saint-Martin  a  très  bien  vu  cela.  Mais  5,  qui  est  le 
nombre  de  la  chute,  est  aussi  le  nombre  de  la  volonté,  et  la  volonté 
est  l'instrument  de  la  réintégration. 

Les  initiés  savent  comment  la  substitution  de  5  à  4  n'est  que 
transitoirement  désastreuse;  comment,  dans  la  fange  où  il  se 
vautre  déchu,  le  sous-multiple  humain  apprend  à  conquérir  une 
personnalité  vraiment  libre  et  consciente.  Félix  culpa!  De  sa  chute, 
il  se  relève  plus  fort  et  plus  grand  ;  c'est  ainsi  que  le  mal  ne  suc- 
cède jamais  au  bien  que  temporairement  et  en  vue  de  réaliser  le 
mieux! 

Ce  nombre  o  recèle  les  plus  profonds  arcanes  ;  mais  force  nous 
est  de  faire  halte  ici,  sous  peine  de  nous  trouver  engagé  dans  d'in- 
terminables digressions.  —  Ce  que  nous  avons  dit  du  4  et  du  5 
dans  leurs  rapports  avec  la  Rose-Croix  suffira  aux  InUiables.  Nous 
n'écrivons  que  pour  eux. 


Disons  quelques  mots  à  cette  heure  des  rayons,  au  nombre  de 
dix,  qui  percent  la  région  des  nuages  ou  d'Atziluth.  C'est  le  dénaire  y^ 
de  Pythagore  qu'on  appelle  en  Kabbale  émanation  séphirotique. 
Avant  de  présenter  à  nos  lecteurs  le  plus  lumineux  classement  des 
Séphiroths  kabbalisliques,  nous  tracerons  un  petit  tableau  des  cor- 
respondances traditionnelles  entre  les  dix  séphires  et  les  dix  prin- 
cipaux noms  donnés  à  la  divinité  par  les  théologiens  hébreux  :  ces 
noms,  que  Khunrath  a  gravés  en  cercles  dans  l'épanouissement  de 
la  rose  flamboyante,  correspondent  chacun  à  l'une  des  dix  Séphires. 
(Voir  le  tableau  à  la  page  521.) 

Quant  aux  noms  divins,  après  avoir  donné  leur  traduction  en 
langage  vulgaire,  nous  allons,  aussi  brièvement  que  possible, 
déduire  de  l'examen  hiéroglyphique  de  chacun  d'eux,  la  significa- 
tion ésolérique  moyenne  qui  peut  leur  être  attribuée  : 

n>n^^.  —  Ce  qui  constitue  l'essence  immarcessible  de  l'Etre 
absolu  où  fermente  la  vie. 

^^  —  L'indissoluble  union  de  l'Esprit  et  de  l'Ame  universels. 


—    -0  — 

nin\  —  Copulation  des  Principes  mâle  et  femelle  qui  engen- 
drent éternellement  l'Univers  vivant.  (Grand  arcane  du  Verbe.) 

^j^,  —  Le  déploiement  de  l'Unité-principe.  —  Sa  diffusion  dans 
rKspace  et  le  Temps. 

*^"',2J|  DTI  ;i^.  —  Dieu-les-dieux    des    géants    ou  des    hommes- 
dieux. 

^'',S^^.  —  Dieu  reflété  dans  l'un  des  dieux. 

r"^.^!2^mn^  —  Le  lod-hévê  (voir  plus  haut)  du  septénaire  ou 
du  triomphe. 

JT1>Î2^  D'^'l^  —  Dieu-les-dieux  du  septénaire  ou  du 
triomphe. 

>^\j;,  —  Le  fécondateur,  par  la  Lumière  astrale  en  expansion 

quaternisée,  puis  son  retour  au  principe  à  jamais  occulte  d'oij  elle 
émane.  (Masculin  de  rifH^,  la  Fécondée,  la  Nature). 

^j-j^,  —  La  multiplication  quaterne  ou  cubique  de  l'Unité- 
principe,  pour  la  production  du  Devenir  changeant  sans  cesse  (le 
zavTx  pE'.  d'Heraclite);  puis  l'occultation  finale  de  l'objectif  concret, 
par  le  retour  au  subjectif  potentiel. 

"T^tO,  —  La  Mort  maternelle,  grosse  de  la  vie  :  loi  fatale  se 
déployant  dans  tout  l'Univers,  et  qui  interrompt  avec  une  force 
soudaine  son  mouvement  de  perpétuel  échange,  chaque  fois  qu'un 
être  quelconque  s'objective. 

Tels  sont  ces  hiérogrammes  dans  l'une  de  leurs  significations 
secrètes. 


Notons  à  cette  heure  que  chacune  des  dix  séphires  (aspects  du 
Verbe)  correspond,  dans  le  pantacle  de  Khunrath,  à  l'un  des 
chœurs  angéliques  ;  idée  sublime,  quand  on  sait  l'approfondir.  Les 
anges,  en  Kabbale,  ne  sont  pas  des  êtres  d'une  essence  particu- 
lière et  immuable  :  tout  vit,  se  meut  et  se  transforme  dans  l'Uni- 
vers vivant  !  En  appliquant  aux  hiérarchies  célestes  la  belle 
comparaison  par  laquelle  les  auteurs  du  Zohar  tâchent  d'expri- 
mer la  nature  des  séphires,  nous  dirons  que  les  chœurs  angé- 
liques sont  comparables  à  des  enveloppes  transparentes  et  de 
couleurs  diverses,  oii  viennent  briller  tour  à  tour  d'une  lumière 
de  plus  en  plus  splendide  et  pure,  les  Esprits  qui,  définitivement 
affranchis  des  formes  temporelles,  montent  les  suprêmes  degrés 
de  l'échelle  de  Jacob,  dont  l'Ineffable  ilin^   occupe  le  sommet. 


1  — 


Dipu 

des 

Armées. 

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—   72  — 

A  chacun  des  chœurs  angéliques,  Khunrath  fait  correspondre 
encore  l'un  des  versets  du  décalogue  :  c'est  comme  si  l'ange  recteur 
de  chaque  degré  ouvrait  la  bouche  pour  promulguer  l'un  des  pré- 
ceptes de  la  loi  divine.  Mais  ceci  semble  un  peu  arbitraire  et  moins 
digne  de  fixer  notre  attention. 


Une  idée  plus  profonde  du  théosoiihe  de  Leipzig  est  de  faire  sor- 
tir les  lettres  de  l'alphabet  hébreu  de  la  nuée  d'Azilulh  criblée  des 
rayons  séphirotiques. 

Faire  naître  des  contrastes  de  la  Lumière  et  des  Ténèbres  les 
vingt-deux  lettres  de  l'alphabet  sacré  hiéroglyphique,  —  les 
quelles  correspondent,  comme  on  sait,  aux  vingt-deux  arcanes  de 
la  Doctrine  absolue,  traduits  en  pantacles  dans  les  vingt-deux  clefs 
du  Tarot  samaritain,  —  n'est-ce  pas  condenser  en  une  image  frap- 
pante toute  la  doctrine  du  Livre  de  la  Formation,  Sephcr-Yetzirah 
(nV>^  15D)  ?  Ces  emblèmes,  en  effet,  tour  à  tour  rayonnants  et 
lugubres,  mystérieuses  figures  qui  symbolisent  si  bien  le  Fas  et  le 
Nefas  de  l'éternel  Destin,  Henry  Khunralh  les  fait  naître  de  l'ac- 
couplement fécond  de  l'Ombre  et  de  la  Clarté,  de  l'Erreur  et.  de  la 
Vérité,  du  Mal  et  du  Bien,  de  l'Être  et  du  Non-Être!  Tels  soudain 
surgissent  à  l'horizon  d'imprévus  fantômes,  au  visage  souriant  ou 
lugubre,  splendide  ou  menaçant,  quand  sur  l'amoncellement  des 
nuages  denses  et  sombres,  Phœbus,  une  fois  encore  vainqueur  de 
Python,  darde  ses  flèches  d'or. 


Le  tableau  que  voici  fournira,  avec  le  sens  réel  des  séphirolhs, 
les  correspondances  qu'établit  la  Kabbale  entre  elles  et  les  hiérar- 
chies spirituelles  : 


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Pour  compléter  les  notions  élémentaires  que  nous  avons  pu 
fournir  touchant  le  système  séphirotique,  nous  terminerons  ce  tra- 
vail par  le  schéma,  bien  connu  du  triple  ternaire;  ce  classement  est 
le  plus  lumineux,  selon  nous,  et  le  plus  fécond  en  précieux  corol- 
laires. 


Blinah 


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Les  trois  ternaires  figurent  la  trinité  manifestée  dans  les  trois 
mondes. 

Le  premier  ternaire,  —  celui  du  monde  intellectuel,  —  est  seul 
la  représention  absolue  de  la  trinité  sainte  :  la  Providence  y  équi- 
libre les  deux  plateaux  de  la  Balance  de  l'ordre  divin  :  la  Sagesse 
et  V Intelligence. 

Les  deux  ternaires  inférieurs  ne  sont  que  les  reflets  du  premier 
dans  les  milieux  plus  denses  des  mondes   moral  et  astral.  Aussi 


sont-ils  inve7-sés,  comme  l'image  d'un  objet  qui  se  reflète  à  la  sur- 
face d'un  liquide. 

Dans  le  monde  moral,  la  Beauté  (ou  l'Harmonie  ou  la  Rectitude) 
équilibre  les  plateaux  de  la  balance  :  la  Miséricorde  et  la  Justice. 

Dans  le  monde  astral,  la  Génération,  instrument  de  la  stabilité 
des  êtres,  assure  la  Victoire  sur  la  mort  et  le  néant,  en  alimentant 
l'Éternité  par  l'intarissable  succession  des  choses  éphémères. 

Enfin,  Malkuth,  le  Royaume  des  formes,  réalise  en  bas  la  syn- 
thèse totalisée,  épanouie  et  parfaite  des  séphiroths,  dont  en  haut 
Kether,  la  Providence  (ou  la  couronne)  renferme  la  synthèse  ger- 
minale  et  potentielle. 


Bien  des  choses  nous  resteraient  encore  à  dire  de  la  Rose-Croix 
symbolique  de  Henry  Khunrath.  Mais  il  faut  nous  borner. 

Au  demeurant,  ce  ne  serait  pas  trop  d'un  livre  entier  pour  le 
développement  logique  et  normal  des  matières  que  nous  avons 
cursivement  indiquées  en  ces  quelques  notes;  aussi  le  lecteur  nous 
tiouvera-t-il  fatalement  trop  abstrait  et  même  obscur.  Nous  lui 
présentons  ici  toutes  nos  excuses. 

Peut-être,  s'il  prend  la  peine  d'approfondir  la  Kabbale  à  ses 
sources  mêmes,  ne  sera-t-il  pas  fâché  de  retrouver,  au  cours  de  cet 
exposé  massif  et  de  si  fatigante  lecture,  l'indication  précise  et 
même  l'explication  en  langage  initiatique  d'un  nombre  assez 
notable  d'arcanes  transcendants. 

Comme  l'algèbre,  la  Kabbale  a  ses  équations  et  son  vocabulaire 
technique.  Lecteur,  c'est  une  langue  à  apprendre,  dont  la  merveil- 
leuse précision  et  l'emploi  coutumier  vous  dédommageront  assez 
par  la  suite  des  efforts  où  votre  esprit  a  pu  se  dépenser  dans  la 
période  de  l'étude. 

Stanislas  de  Guaita. 


Cercle  résumant  l'enseignement  de  la  Kabbale 
(voie  page  106). 


DERIVATION    DES    CANAUX 

Voir  le  tableau  frontispice  (p.  28)  pour  les  sept  qu'ils  joignent.  Je 
n'indique  ici  que  le  nom  divin  qu'ils  désignent. 

1  J^      Dieu  de  l'Infinité  H^^ 

2  "2      Dieu  de  la  Sagesse  H^H 

3  5       Dieu  de  la  Rétribution  PI^A 

4  "7       Dieu  des  Portes  de  Lumière  HH 

5  n       Dieu  de  Dieu  ïl^n 

6  1        Dieu  fondateur  H^l 

7  7        Dieu  de  la  Foudre  (fulgoris)  n^T 

8  n      Dieu  de  la  Miséricorde  n^Il 

9  t3  Dieu  de  la  Bonté  H^tO 
10  y  Dieu  principe  H^^ 
H       ^      Dieu  immuable  n^)2 

12  S       Dieu  des  30  voies  de  la  Sagesse  HH 

13  Q       Dieu  arcane  îl^D 

14  J        Dieu  des  50  portes  de  la  Lumière  n^3 

15  D      Dieu  foudroyant  H^D 
10       *;       Dieu  adjurant  H*^ 

17  2      Dieu  des  Discours  îl^S 

18  ï       Dieu  de  Justice  H^ï 

19  p      Dieu  du  Droit  H^p 

20  -]      Dieu  lête  HH 

21  \2;     Dieu  Sauveur  r\^)î; 

22  n      Dieu  fin  do  tout  H^D 

Tous  les  noms  ont  la  même  terminaison  rW  Leur  signification 
dépend  uniquement  de  la  lettre  initiale  et,  par  suite,  peut  servir  à 
établir  la  signification  de  la  lettre  initiale  elle-même. 


78  — 


RESUME 


Il  existe  donc  entre  les  nombres,  les  noms  divins,  les  lettres  et 
les  séphiroths  d'étroits  rapports  ;  Stanislas  de  Giiaita  vient  d'en 
énumérer  quelques-uns  ;  les  deux  tableaux  suivants,  extraits  l'un 
de  Kh'cher,  l'autre  du  R.  P.  Esprit  Sabbathier,  vont  développer 
encore  toutes  ces  concordances  et  résumer  tout  ce  que  nous  avons 
dit  jusqu'ici.  Nous  plaçons  ici  une  table  générale  montrant  non 
seulement  les  Séphiroths  et  les  noms  divins,  mais  encore  la 
Kabbale  tout  entière  dans  un  coup  d'œil  d'ensemble. 


—  79 


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M.  S. 

INTELLIGENC1-.S  DES  SPHÈRES 

ORDRES  DES  BIENHEUREUX 

1 

Prince  du  Monde 

Séraphins      Saints      Animaux 

niiî^î^D 

:n-iipnnrD 

:; 

Mitt  itron 

Hakkodest  haroth 

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Courrier  de  Dieu 

Chérubins                           Roues 

tbi^^n 

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S 

Ratsiel 

Ophanim 

y 

Contemplation  de  Dieu 

Trônes                          Puissants 

h^'-p^)S 

trz^Ss^n^ 

ï 

Tsaphkiel 

Erelim 

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Justice  de  Dieu 

Dominations             Etincelanls 

S^Î^.T:: 

':^''j'2'^u 

n 

Tsadkiel 

Haschmalim 

n 

Punition  de  Dieu 

Puissances                 Entlammés 

d* 

Sn»dd 

ni^siu 

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Sammael 

Sera  phi  m 

D 

Qui  est  semblable  à  Dieu 

Vertus                                     Rois 

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Michael 

Melachim 

1 

Grâce  de  Dieu 

Principautés                        Dieux 

9 

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Haniiiel 

Eloïm 

D 

Médecin  de  Dieu 

Archanges        Enfants  de  Dieu 

9 

S.sn 

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Raphaël 

Elohim                      Bene 

1 

Homme  Dieu 

Anges               Base  des  enfants 

S5^^*,n;i 

tH^nilD 

D 

Gabriel 

Kerubim 

D 

Messie 

Ames  bienheureuses    Hommes 

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Mittalron 

Ischim 

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PAS   DE   N 

OM   DE    H    LETTRES,    MAUVAIS   NOMBRE 

D 

:: 

(Ombre  idéale  de  la  Sagesse  universelle). 


SÉPH[ROTH 

NOMS  DE  DIEU 

SELOX    LE    NOMBRE   DE    LETTRES 

NOMS   DE   DIEU 

KABBALISTIQIJES 

Couronne 
Kether 

Moi 

I 

Je  serai 

Ebie 

Sagesse 
Hocbma 

Dieu                Être  de  soi 
El                        lah 

L'Être  des  Êtres             Moi 
Jehova                       I 

Intelligence 
Bina 

Jésus             Tout-puissiiit 
Jeschou               Scliaiidai 

Dieu             Être  des  Êtres 
Elobim          Être  des  Êtres 

Libéralité 
''071 
Hesed 

Être  des  Êtres 
Jehova 

Dieu 

El 

Force 
Gevoura 

Sauveur         Dieu     Très  haut 

riwny  tz:MS.s»  a^Sn 

Jehoschouha  Elobim      Helim 

Fort                      Dieu 
Gilbora                  Elobim 

Beauté 
Tiphereth 

Dieu  fort 
El  Gilbora 

Dieu 
Eloah 

Victoire 
Nelsali 

Immuable 
Ararita 

Des  années             Seigneur 
Tsebaoth                Jeliovah 

Louanges 
Hod 

La  Science  de  Dieu 
Jehova 

Des  armées                 Dieu 
Tsebaoth                Elobim 

Etablissement 
Jesod 

Des  armées            Seigneur 
Tseliaoth             Jeliovah 

Tout-puissant 
Schaddai 

Uuyauté 
Malcliouth 

Des  armées 

Dieu 

^^                    Elobim 
Tsebaoth 

Seigneur 
Âdonai 

d"ai>rès  les  hébreux 

Dieu 

tZIpD 
Malcom 

Saint-Esprit        Père          Fils 

Hahk             Odesh     Verouah      Ben        Af 

Dieu       Uni       Trinité 
Agla 

82 


Nous  avons  promis  de  finir  notre  exposé  en  donnant  les  plans 
des  deux  principaux  traités  qui  ont  été  faits  sur  la  question  ;  celui 
de  Kirclier  et  celui  de  Lenahi.  Le  lecteur  comprendra  maintenant 
ces  plans  grâce  à  l'exposé  qu'il  vient  de  parcourir  et  il  verra  que 
nous  avons  fait  tous  nos  efforts  pour  résumer  au  mieux  cette  partie 
de  la  kabbale  hébraïque. 


TLAN    DE    L  ÉTUDE    DE    KIRCHEH 

Ch.     1.  Les  noms  divins.  —  Les  divisions  de  la  Kabbale. 

—  2.  Histoire  et  origines  de  la  Kabbale. 

—  3.  Premier  fondement  de  la  Kabbale.  —  L'alphabet,   ordre 

mystique  de  ses  caractères. 

—  4.  Les  noms  et  surnoms  de  Dieu.  , 

—  5.  Les    tables  Zruph    ou  des   combinaisons    de    l'alphabet 

hébraïque. 

—  G.  Du  nom  divin  de  72  lettres  (mn^)  et  de  son  usage. 

—  7.  Le  nom  divin  tétragrammatique  dans  l'antiquité  païenne. 

—  8.  Très  secrète  théologie  mystique  des  Hébreux.  —  Kabbale 

des  dix  Séphiroths  ou  numérations  divines. 

—  9.  Des  diverses  représentations  des    Séphiroths,  de  leur  in- 

flux et  de  leurs  canaux. 

—  10.  De  la  Kabbale  naturelle  appelée  Bereschit*. 

PLAN  DE  l'Étude  de  lexain 

Ch,     1.   Du  nom  de  Dieu  et  de  ses  attributs. 

—  2.  De  l'origine  des  noms  divins,  leurs  attributs  et  leur  in- 

fluence sur  l'Univers.  (Alphabet  et  sens  des  lettres.) 

—  3.  Explication  des  72  attributs  de  Dieu  et  des  72  anges  qui 

dominent  sur  l'Univers. 

—  4.  Les  72  noms. 

—  o.  Explication  du  calendrier  sacré. 

—  G.  Les  influences   des   72   génies^    leurs    attributs    et  leurs 

mystères. 

—  7.  Les  mystères  (Kabbale  pratique).  Magie. 

1.   Voy.  pour  le  développement,  p.  158,  n"  179. 


—  83  — 
CHAPITRE    V 

LA  PHILOSOPHIE  DE  LA  KABBALE 

l'ame  d'après  la  kabbale 

2°.   —   La  philosophie  de  la  Kabbale. 

La  partie  systématique  de  la  Kabbale  se  trouve  exposée  dans  le 
paragraphe  précédent.  H  nous  reste  à  parler  de  la  partie  philoso- 
phique. 

Nous  avons  fait,  lors  de  la  réédition  de  l'excellent  livre  de 
M.  Ad.  Franck,  une  critique  de  cet  ouvrage  dans  laquelle  nous 
résumions  de  notre  mieux  les  enseignements  doctrinaux  de  la 
Kabbale,  en  rattachant  ces  enseignements  à  quelques  points  de 
science  contemporaine,  selon  notre  habitude. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  reproduire  ce  travail  en  le 
faisant  suivre  de  la  lettre  que  M.  Franck  nous  adresse  à  ce  propos. 
Ensuite,  pour  bien  indiquer  la  profondeur  des  données  kabbalis- 
tiques  en  ce  qui  concerne  l'homme  et  ses  transformations  et  l'iden- 
tité de  ces  données  avec  la  tradition  orientale,  nous  terminerons 
ce  paragraphe  par  une  étude  d'un  kabbaliste  allemand  contempo- 
rain, Cari  de  Leiningen. 

1 

ANALYSE  DU  LIVRE  DE  M.  FRANCK 

la  kabbale 

M.  Franck  a  fait  de  la  Kabbale  une  étude  très  sérieuse  et  très 
approfondie,  mais  au  point  de  vue  particulier  des  philosophes  con- 
temporains et  de  la  critique  universitaire.  H  nous  faudra  donc 
résumer  de  notre  mieux  ses  opinions  à  ce  sujet;  mais  en  mettant 
à  cùlé  celles  des  kabbalistes  contemporains  connaissant  plus  ou 
moins  l'Esotérisme.  Ces  deux  points  de  vue  quelque  peu  différents 
ne  peuvent  qu'éclairer  d'un  jour  tout  nouveau  une  question  si 
importante  en  Science  Occulte. 

Ces  considérations  indiquent  par  elles-mêmes  le  plan  que  nous 
suivrons  dans  cette  étude.  Nous  résumerons  successivement  les 
opinions  de  M.  Franck  sur  la  Kabbale  elle-même,  sur  son  antiquité 


—  84  — 

et  sur  ses  enseignements  en  discutant  chaque  fois  les  conclusions 
de  cet  auteur  comparativement  à  celles  des  occultistes  contem- 
porains. 

Nous  devrons  toutefois  nous  borner  aux  questions  les  plus  géné- 
rales, vu  le  cadre  restreint  dans  lequel  doit  se  développer  notre 
article. 


Voyons  d'abord  le  plan  sur  lequel  est  construit  le  livre  de 
M.  Franck. 

La  méthode  suivie  dans  sa  disposition  est  remarquable  par 
la  clarté  avec  laquelle  des  sujets  si  difficiles  se  présentent  au 
lecteur. 

Trois  parties,  une  introduction  et  un  appendice  forment  la  char- 
pente de  l'ouvrage. 

L'introduction  et  la  préface  donnent  une  idée  générale  de  la 
Kabbale  et  de  son  histoire. 

La  première  partie  traite  de  l'antiquité  de  la  Kabbale  d'après  ses 
deux  livres  fondamentaux,  le  Sepher  Jesirah  et  le  Zohardont  l'au- 
thenticité est  admirablement  discutée. 

La  seconde  partie,  la  plus  importante  sans  contredit,  analyse  les 
doctrines  contenues  dans  ces  livres,  base  des  études  kabbalis- 
tiques. 

Enfin  la  troisième  partie  étudie  les  rapprochements  du  système 
philosophique  de  la  Kabbale  avec  les  écoles  diverses  qui  peuvent 
présenter  avec  elle  quelque  analogie. 

L'appendice  est  consacré  à  deux  sectes  de  Kabbalistes. 

En  résumé,  toutes  ces  matières  peuvent  se  renfermer  dans  les 
questions  suivantes  : 

1°  Qxi  est-ce  que  la  Kabbale  et  quelle  est  son  antiquité? 
1°  Quels  sont  les  enseignements  de  la  Kabbale  : 

Sur  Dieu; 

Sur  C Homme; 

Sur  r Univers? 
3°  Quelle  est  l'influence  de  la  Kabbale  sur  la  philosophie  à  travers 
les  âges  ? 

Il  nous  faudrait  un  volume  pour  traiter  comme  il  le  mérite  un 
tel  sujet;  mais  nous  devons  nous  contenter  de  ce  que  nous  avons 
et  nous  borner  aux  indications  strictement  nécessaires  à  cet 
effet. 


85  — 


qu'est-ce  que  la  kabbale  et  quelle  est  son  antiquité  ? 

Se  plaçant  sur  le  terrain  strict  des  faits  établis  sur  une  solide 
érudition,  M.  Franck  définit  ainsi  la  Kabbale  : 

«  Une  doctrine  qui  a  plus  d'un  point  de  ressemblance  avec  celles 
de  Platon  et  deSpinosa;  cjui,  par  sa  forme,  s'élève  quelquefois 
jusqu'au  ton  majestueux  de  la  poésie  religieuse;  qui  a  pris  nais- 
sance sur  la  même  terre  et  à  peu  près  dans  le  même  temps  que  le 
christianisme  ;  qui,  pendant  une  période  de  douze  siècles,  sans  autre 
preuve  que  l'hypothèse  d'une  antique  tradition,  sans  autre  mobile 
apparent  que  le  désir  de  pénétrer  plus  intimement  dans  le  sens  des 
livres  saints,  s'est  développée  et  propagée  à  l'ombre  du  plus  pro- 
fond mystère  :  voilà  ce  que  l'on  trouve,  après  qu'on  les  a  épurés  de 
tout  alliage,  dans  les  monuments  originaux  et  dans  les  plus  anciens 
débris  de  la  Kabbale.  >^ 

Sur  la  première  partie  de  cette  définition  tous  les  occultistes  sont 
d'accord  :  la  Kabbale  constitue  bien  en  effet  une  doctrine  ù^adi- 
tionnelle,  ainsi  que  l'indique  son  nom  même*. 

Mais  nous  différons  entièrement  d'avis  avec  M.  Franck  sur  la 
question  de  V origine  de  celte  tradition. 

Le  critique  universitaire  ne  peut  s'écarter  dans  ses  travaux  de 
certaines  règles  établies  dont  la  principale  consiste  à  n'appuyer 
l'origine  des  doctrines  qu'il  étudie  que  sur  les  documents  bien 
authentiques  pour  lui,  sans  s'occuper  des  affirmations  plus  ou 
moins  intéressées  des  partisans  de  la  doctrine  étudiée. 

C'est  la  méthode  suivie  par  M.  Franck  dans  ses  recherches  his- 
toriques au  sujet  de  la  Kabbale.  Il  détermine  au  mieux  l'origine 

1.  «  Il  paraît,  au  dire  des  plus  fameux  rabbins,  que  Moyse  Iiii-niôniP, 
prévoyant  le  sorl  que  son  livre  devait  subir  et  les  fausses  interprclalious 
qu'on  devait  lui  donner  par  la  suite  des  temps,  eut  recours  à  une  loi 
orale,  qu'il  donna  de  vive  voix  à  des  hommes  sûrs  dont  il  avait  éprouvé 
la  fidélité,  et  qu'il  chargea  de  Irnnsmellre  dans  le  secret  du  sanctuaire 
à  d'autres  hommes  qui,  la  transmettant  ;i  leur  tour  d'âge  eu  âge,  la  fis- 
sent ainsi  parvenir  h  la  postérité  la  plus  reculée.  Cette  loi  orale  que  les 
Juifs  modernes  se  flattent  encore  de  posséder  se  nomme  Kabbale,  d'un 
mol  hébreu  qui  signifie  ce  qui  est  reçu,  ce  qui  vient  d'ailleurs,  ce  qui 
se  passe  de  main  en  main.  » 

(Fabkk  d'Olivet,  Langue  hé^irdique  restituée,  p.  29.) 


—  so- 
dés deux  ouvrages  fondamentaux  de  la  doctrine  :  le  Sepher  Jesi- 
rah  et  le  Zohar  et  infère  de  cette  origine  même  celle  de  la  Kabbale 
tout  entière. 

L'occultiste  n'a  pas  à  tenir  compte  de  ces  entraves.  Un  symbole 
antique  est  pour  lui  un  monument  aussi  authentique  et  aussi  pré- 
cieux qu'un  livre,  et  la  tradition  orale  ne  peut  que  transmettre  des 
formules  à  forme  dogmatique  que  la  raison  et  la  science  doivent 
contrôler  et  vérifier  ultérieurement. 

Wronski  définit  les  dogmes  des  porismes,  c'est-à-dire  des  pro- 
blèmes à  démontrer^  ;  c'est  pourquoi  nous  devons  poser  d'abord  les 
dogmes  traditionnels,  mais  sans  jamais  les  admettre  avant  de  les 
avoir  scientifiquement  vérifiés. 

Or,  nous  allons  voir  ce  que  la  tradition  occulte  nous  enseigne  au 
sujet  de  l'origine  de  l'Esotérisme  et  par  suite  de  la  Kabijale  elle- 
même,  en  posant  comme  problème  à  démontrer  ce  que  la  science 
n'a  pu  encore  éclaircir,  mais  en  indiquant  par  contre  les  points  où 
elle  vient  confirmer  les  conclusions  de  la  tradition  orale  ou  écrite 
de  la  Science  Occulte. 


Chaque  continent  a  vu  se  générer  progressivement  une  don'  et 
une  faune  couronnées  par  une  race  humaine.  Les  continents  sont 
nés  successivement  de  telle  sorte  que  celui  qui  contenait  la  race 
humaine  qui  devait  succéder  h.  celle  existante,  naissait  au  moment 
où  cette  dernière  était  en  pleine  civilisation.  Plusieurs  grandes 
civilisations  se  sont  ainsi  succédé  sur  notre  planète  dans  l'ordre 
suivant  : 

1°  La  civilisation  colossale  de  l'Atlantide,  civilisation  créée  par 
la  Race  Rouge,  évoluée  d'un  continent  aujourd'hui  disparu,  qui 
s'étendait  à  la  place  de  l'océan  Atlantique  ; 

2°  Au  moment  où  la  Race  Rouge  était  en  pleine  civilisation, 
naissait  un  continent  nouveau  qui  constitue  l'Afrique  d''aujour- 
d'hui,  générant,  comme  terme  ultime  d'évolution,  la  Race 
Noire. 

Quand  le  cataclysme  qui  engloutit  l'Atlantide  se  produisit,  cata- 
clysme désigné  par  toutes  les  religions  sous  le  nom  de  Déluge  uni- 
versel,  la  civilisation    passa    rapidement    aux  mains  de  la  Race 


i.  Wronski,  Messianisme  ou  réforme  absolue  du  Savoir  humain,  t.  H, 
Introduction. 


—  87  — 

Noire,  à  qui  les  quelques  survivants  de  la  Hace  Rouge  transmirent 
leurs  principaux  secrets. 

3"  Enfin,  alors  que  les  Noirs  furent  eux-mêmes  arrivés  àl'apogée 
de  leur  civilisation,  naquit  avec  un  nouveau  continent  (Europe- 
Asie)  la  Race  Blanche,  à  qui  devait  passer  ultérieurement  la 
suprématie  sur  la  planète. 


Les  données  que  nous  venons  de  résumer  là  ne  sont  pas  nou- 
velles. Ceux  qui  savent  lire  ésolériquement  le  Scpher  de  Moïse  en 
trouveront  la  clef  dans  les  premiers  mots  du  livre,  ainsi  que  nous 
l'a  montré  Saint-Yves  d'Alveydre  ;  mais  sans  aller  si  loin,  Fabre 
d'Olivet,  dès  18:20,  dévoilait  cette  doctrine  dans  V Histoire  philoso- 
phique du  Genre  Humain.  D'autre  part,  l'auteur  de  la  Mission  des 
Juifs  nous  fait  voir  l'application  de  cette  doctrine  dans  le  Ramayana 
lui-même. 

La  Géologie  est  venue  prouver,  de  concert  avec  l'Archéologie 
et  l'Anthropologie,  la  réalité  de  plusieurs  points  de  cette  tra- 
dition. 

De  plus,  certains  problèmes  encore  obscurs  de  la  théorie  de 
l'évolution,  entre  autres  celui  de  la  diversité  des  couleurs  de  la  Race 
Humaine,  trouvent  là  de  précieuses  données  encore  inconnues  de 
nos  jours  de  la  Science  officielle. 

C'est  donc  de  la  Race  Rouge  que  vient  originairement  la  tradi- 
tion et,  si  l'on  veut  bien  se  souvenir  (\\xAdayn  veut  dire  terre  rouge, 
on  comprendra  pourquoi  les  Kabbalistes  font  venir  leur  science 
d'Adam  lui-même. 

Celte  tradition  eut  donc  comme  sièges  principaux  de  transmis- 
sion :  V  Atlantide,  V  Afrique,  VAsie  et  enfin  Y  Europe. 

L'Océanie  et  l'Amériipie  sont  des  vestiges  de  l'Atlantide,  et  d'un 
continent  antérieur:  la  Lémurie. 

Beaucoup  de  ces  affirmations  dogmatiques  étant  encore  pour  le 
savant  contemporain  des  porismes  (problèmes  à  démontrer),  nous 
nous  contentons  de  les  poser,  sans  discussion,  et  nous  allons 
maintenant  partir  du  point  où  en  est  arrivée  la  science  officielle 
comme  origine  de  l'Humanité  :  ïAsie. 


Toutes    les   traditions,    celles    des    Bohémiens^    des    Francs- 
^.  Voy.  la  Kdhhalc  des  Bohémiens,  n°  2  ci'"  V înitiiition . 


—  88  — 

Maçons^,  des  Égyptiens  et  des  Kabhalistes^ ,  corroborées  par  la 
Science  officielle  elle-même,  sont  d'accord  pour  considérer  l'Inde 
comme  l'origine  de  nos  connaissances  philosophiques  et  reli- 
gieuses. 

Le  mythe  à' Abraham  indique,  ainsi  que  l'a  montré  Saint-Yves 
d'Alveydre,  le  passage  de  la  tradition  indoue  ou  orientale  en 
Occident  ;  et  comme  la  Kabbale  que  nous  possédons  aujourd'hui 
n'est  autre  chose  que  cette  tradition  adaptée  à  l'esprit  occidental, 
on  comprend  pourquoi  le  plus  vieux  livre  kabbalistique  connu,  le 
Sepher  Jesirah,  porte  en  tète  la  notice  suivante  : 


LE  LIVRE  KABBALISTIQUE  DE  LA  CREATION 

EN    HÉBREU,    SEPBER    JESIRAU 
Par  ABRAHAM 

Transmis  successivement  oralement  à  ses  fils;  puis,  vu  le  mauvais  état  des 
affaires  d'Israël,  confié  par  les  sages  de  Jérusalem  à  des  arcanes  et  à  des 
lettres  du  sens  le  plus  caché  3. 

Pour  prouver  la  vérité  de  cette  affirmation,  il  nous  faudra  donc 
montrer  les  principes  fondamentaux  de  la  Kabbale  et  particulière- 
ment les  Séphirolhs  dansl'ésotérismeindou.  Ce  point,  qui  a  échappé 
à  M.  Franck,  nous  permettra  de  poser  l'origine  de  la  filiation  bien 
au  delà  du  premier  siècle  de  notre  ère.  C'est  ce  que  nous  ferons 
tout  à  l'heure. 

Pour  le  moment,  contentons-nous  de  dire  quelques  mots  de 
l'existence  de  cette  tradition  ésotérique  dans  l'antiquité,  tradition 
qui  existe  réellement  malgré  l'avis  de  Littré*,  avis  partagé  en 
partie  par  un  des  auteurs  du  Dictionnaire  pliilosophique  de 
Ad.  Franck^. 

Chaque  réformateur  religieux  ou  philosophique  de  l'antiquité 
divisait  sa  doctrine  en  deux  parties:  l'une  voilée,  à  l'usage  de  la 
foule  ou  exotérisme,  l'autre  claire,  à  l'usage  des  initiés  ou  éso- 
térisme. 

Sans   vouloir   parler   des    Orientaux,    Bouddha,   Gonfucius   ou 


1.  Voy.  Ragon,  Orthodoxie  Maçonnique. 

2.  Voy.  Saint-Vves  d'Alveydre,  Mission  des  Juifs. 

3.  Papus,  le  Sepher  Jesirah,  p.  5. 

4.  Préface  à  la  3e  édit.  de  Salverte  (Sciences  occultes). 
o.  Article  Esotérisme. 


—  89  — 

Zoroastre,  l'histoire  nous  montre  Orphée  dévoilant  l'ésotérisme 
aux  initiés  par  la  création  des  mystères,  Moïse  sélectant  une  tribu 
de  prêtres  ou  initiés,  celle  de  Lévi,  parmi  lesquels  il  choisit  ceux  à 
qui  peut  être  confiée  la  tradition.  Mais  la  transmission  ésotérique 
de  cette  tradition  devient  indiscutable  vers  l'an  550  avant  notre 
ère,  avec  Pythagore  initié  aux  mômes  sources  qu'Orphée  et  Moïse, 
en  Egypte. 

Pythagore  avait  un  enseignement  secret  basé  principalement  sur 
les  nombres,  et  les  quelques  bribes  de  cet  enseignement  que  nous 
ont  transmises  les  alchimistes',  nous  montrent  son  identité  absolue 
avec  la  Kabbale  dont  il  n'est  qu'une  traduction. 

Cette  tradition  se  perd  d'autant  moins  parmi  les  disciples  du 
grand  philosophe  qu'ils  vont  se  retremper  à  sa  source  originelle, 
en  Egypte,  ou  dans  les  mystères  grecs.  Tel  est  le  cas  de  Socrate, 
de  Platon  et  d'Aristote. 

La  lettre  d'Alexandre  le  Grand  adressée  à  son  maître  et  l'accu- 
sant d'avoir  dévoilé  l'enseignement  ésotérique,  prouve  que  cet 
enseignement  traditionnel  et  oral  subsistait  toujours  à  cette 
époque. 

Nous  en  retrouverons  encore  mention  dans  Plutarque  quand  il 
dit  que  les  serments  scellent  ses  lèvres  et  qu'il  ne  peut  parler;  enfin 
il  est  inutile  d'allonger  notre  travail  de  toutes  les  citations  que 
nous  pourrions  encore  faire,  ces  détails  sont  assez  connus  des 
occultistes  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  d'insister  davantage. 

Signalons  en  dernier  lieu  l'existence  de  cette  tradition  orale 
dans  le  christianisme  alors  que  Jésus  dévoile  à  ses  disciples  seuls 
le  véritable  sens  des  paraboles  dans  le  discours  sur  la  montagne,  et 
qu'il  confie  le  secret  total  de  la  tradition  ésotérique  à  son  disciple 
favori,  saint  Jean. 

L' Apocalypse  est  entièrement  kabbalistique  et  représente  le  véri- 
table ésotérisme  chrétien. 

[j'antiipiilé  de  cette  tradition  ne  peut  donc  faire  aucun  doute,  et 
la  Kabbale  est  bien  plus  ancienne  que  l'époque  que  lui  assigne 
M.  Franck,  du  moins  pour  nous  autres,  occultistes  occidentaux.  En 
outre,  elle  a  pris  naissance  sur  une  terre  très  éloignée  de  celle  où 
est  né  le  christianisme,  ainsi  que  nous  le  montreront  les  Séphiroths 
indoiis. 

Mais  il  est  temps  d'arrêter  là  le  développement  de  notre  pre- 
mière question  et  de  dire  quelques  mots  des  enseignements  de  la 
Kabbale. 

i.  Voy.  Jean  Dée,  MoJias  hieroglyphica  in  Theatrum  Chemicum. 


—  90 


IT 


ENSEIGNEMENTS  DE    LA  KABBALE 


On  peut  faire  à  M.  Franck  quelques  critiques  au  sujet  de  la 
manière  dont  il  présente  les  enseignements  de  la  Kabbale.  En 
eiïet,  si  les  données  kabbalistiquessur  chaque  sujet  particulier  sont 
analysées  avec  une  science  merveilleuse,  aucun  renseignement 
n'est  fourni  sur  l'ensemble  du  système  considéré  synthétiquement. 
Par  exemple,  après  avoir  lu  le  chapitre  iv,  intitulé  :  Opinions  des 
Kabbalistes  sur  le  Monde,  le  lecteur  connaît  certains  points  de  la 
tradition  concernant  les  Anges,  l'Astrologie,  l'unité  de  Dieu  et  de 
l'Univers;  mais  il  est  impossible  de  se  faire,  d'après  ces  données, 
une  idée  générale  de  la  constitution  du  Cosmos. 

Nous  allons  nous  efforcer  de  présenter  à  nos  lecteurs  un  résumé 
aussi  clair  que  possible  de  ces  traditions  kabbalistiques,  si  bien 
analysées  d'ailleurs  par  notre  auteur.  Pour  être  compréhensible 
dans  des  sujets  aussi  ardus,  nous  partirons  dans  notre  analyse  de 
l'étude  de  THomme,  plus  facilement  appréciable  pour  la  généra- 
lité des  intelligences,  et  nous  n'aborderons  qu'en  dernier  lieu  les 
données  métaphysiques  sur  Dieu. 

1"  Enseifpieme/its  de  la  Kabbale  sur  V Homme. 

La  Kabbale  enseigne  tout  d'abord  que  l'homme  représente  exac- 
tement en  lui  la  constitution  de  l'Univers  tout  entier.  De  là  le  nom 
de  Microcosme  ou  Petit  Monde  donné  à  l'homme  en  opposition  au 
nom  Macrocosme  ou  Grand  Monde  donné  à  l'Univers. 

Quand  on  dit  que  l'Homme  est  l'image  de  l'Univers,  cela  ne  veut 
pas  dire  que  l'Univers  soit  un  animal  vertébré.  C'est  des  principes 
constitutifs,  analogues  et  jwn  semblables,  qu'on  veut  parler. 

Ainsi  des  cellules  de  formes  et  de  constitution  très  variées  se 
groupent  chez  l'Homme  pour  former  des  organes,  comme  l'esto- 
mac, le  foie,  le  cœur,  le  cerveau,  etc..  Ces  organes  se  groupent 
également  entre  eux  pour  former  des  appareils  qui  donnent  nais- 
sance à  des  f'o7icfions  (groupement  des  poumons,  du  cœur,  des 
artères  et  des  veines  pour  former  Vappareil  de  la  circulation, 
groupement  des  lobes  cérébraux,  de  la  moelle,  des  nerfs  sensitifs 
et  des  nerfs  moteurs  pour  former  l'appareil  de  Vinnervation,  etc.). 


—  01   — 

Eh  bien  !  d'après  la  méthode  de  la  Science  Occulte,  l'analogie, 
les  objets  qui  suivront  la  même  loi  dans  l'Univers  seront  analo- 
gues aux  organes  et  aux  appareils  dans  l'Homme.  La  Nature  nous 
montre  des  êtres,  de  formes  et  de  constitution  très  variées  (êtres 
minéraux,  êtres  végétaux,  êtres  animaux,  etc.)  se  groupant  pour 
former  des  planètes.  Ces  planètes  se  groupent  entre  elles  pour 
former  des  systèmes  solaires.  Le  jeu  des  Planètes  et  de  leurs  satel- 
lites donne  naissance  à  la  Vie  de  V  Uiùvers  comme  le  jeu  des 
organes  donne  naissance  à  la  Vie  de  V Homme.  L'organe  et  les  Pla- 
nètes sont  donc  deux  êtres  analogues,  c'est-à-dire  agissant  d'après 
la  même  loi  ;  cependant  Dieu  sait  si  le  Cœur  et  le  Soleil  sont  des 
formes  difi'érentes  !  Ces  exemples  nous  montrent  l'application  des 
données  kabbalisliques  à  nos  sciences  exactes,  ils  font  partie  d'un 
travail  d'ensemble  en  cours  d'exécution  depuis  bientôt  cinq  ans  et 
qui  n'est  pas  près  d'être  terminé.  Aussi  bornons  là  ces  développe- 
ments sur  l'analogie  et  revenons  à  la  constitution  du  Microcosme, 
maintenant  que  nous  savons  pourquoi  l'Homme  est  appelé  ainsi. 

La  Kabbale  considère  la  Matière  comme  une  adjonction  créée 
postérieurement  à  tous  les  êtres,  à  cause  de  la  chute  adamique. 
Jacob  Boehm  et  Saint-Martin  ont  suffisamment  développé  cette 
idée  parmi  les  philosophes  contemporains  pour  qu'il  soit  inutile 
de  s'y  attarder  trop  longtemps.  Cependant  il  fallait  établir  ce  fait 
pour  expliquer  pourquoi  dans  la  constitution  de  l'Homme  aucun 
des  trois  principes  énoncés  ne  représente  la  matière  de  notre  corps. 

L'Homme,  d'après  les  Kabbalistes,  est  composé  de  trois  éléments 
essentiels  : 

1°  Un  élément  inférieur,  qui  n'est  pas  le  corps  matériel,  puisque 
essentiellement  la  matière  n'existait  pas,  mais  qui  est  le  principe 
déterminant  la  forme  matérielle  : 

NEniESCU. 

2°  i'n  élément  supérieur,  étincelle  divine,  l'âme  de  tous  les  idéa- 
listes, l'esprit  des  occultistes  : 

NESCUAMAll. 

Ces  deux  éléments  sont  entre  eux  comme  l'huileet  l'eau.  Ils  sont 
d'essence  tellement  différente  qu'ils  ne  pourraient  jamais  entrer 
en  rapports  l'un  avec  l'autre,  sans  un  troisième  terme,  participant 
de  leurs  deux  natures  et  les  unissant  '. 

1.  Comme  eu  chimie  les  carbonates  alcalins  unissent  l'iuiile  et  l'eau 
par  la  saponification. 


—  92  — 

3°  Ce  troisième  élément,  médiateur  entre  les  deux  précédents, 
c'est  la  vie  des  savants,  l'esprit  des  philosophes,  l'àme  des  occul- 
tistes : 

RUAH. 

Nephesch,  Ruah  et  Neschamah  sont  les  trois  principes  essentiels, 
les  termes  ultimes  auxquels  aboutit  l'analyse,  mais  chacun  de  ces 
éléments  est  lui-même  composé  de  plusieurs  parties.  Ils  corres- 
pondent à  peu  près  à  ce  que  les  savants  modernes  désignent  par  : 

Le  Corps,  la  Vie,  la  Volonté. 

Ces  trois  éléments  se  synthétisent  cependant  dans /'wn?7e  c/e /'é/re, 
si  bien  qu'on  peut  représenter  l'homme  schématiquement  par  trois 
points  (les  trois  éléments  ci-dessus)  enveloppés  dans  un  cercle 
ainsi  : 


Maintenant  que  nous  connaissons  l'opinion  des  Kabbalistes  sur 
la  constitution  de  l'Homme,  disons  quelques  mots  de  ce  qu'ils  pen- 
sent des  deux  points  suivants  :  D'où  vient-il?  Où  va-t-il? 


M,  Franck  développe  très  bien  ces  deux  points  importants. 
L'Homme  vient  de  Dieu  et  y  retourne.  H  nous  faut  donc  considérer 
trois  phases  principales  dans  cette  évolution  : 

1°  Le  point  de  Départ  ; 

2°  Le  point  d'Arrivée  ; 

3°  Ce  qui  se  passe  entre  le  Départ  et  l'Arrivée. 

1°  Départ.  —  La  Kabbale  enseigne  toujours  la  doctrine  de  l'Ema- 
nation. L'homme  est  donc  émané  primitivement  de  Dieu  à  l'état 
d'Ksprit  pur.  A  l'image  de  Dieu  constitué  en  Force  et  Intelligence 
(Chocmah  et  Binah)  c'est-à-dire  en  positif  et  négatif,  il  est  consti- 
tué en  mâle  et  femelle,  Adam-Ève,  formant  à  l'origine  un  seul  être. 
Sous  l'intluence  de  la  chute  *  deux  phénomènes  se  produisent  : 

1.  Le  cadre  Irop  restreint  de  notre  élude  ne  nous  permet  pas  d'appro- 
fondir ces  données  métaphysiques  et  de  les  analyser  scientifiquement. 
Voy.  pour  plus  de  détails,  le  Cain  de  Fabre  d'Olivet. 


—  [VA  — 

1°  La  division  de  l'être  unique  en  une  série  d'êtres-androgynes 
Adams-Eves  ; 

2°  La  matérialisation  et  la  subdivision  de  chacun  de  ces  êtres 
androgynes  en  deux  êtres  matériels  et  de  sexes  séparés,  un  homme 
et  une  femme.  C'est  l'état  terrestre. 

Il  faut  cependant  remarquer,  ainsi  que  nous  l'enseigne  le  Tarot, 
que  chaque  homme  et  chaque  femme  contiennent  en  eux  une 
image  de  leur  unité  primitive.  Le  cerveau  est  Adam,  le  Cœur  est 
Eve  en  chacun  de  nous. 

2°  Transition  du  Départ  à  l'Arrivée.  —  L'homme  matérialisé  et 
soumis  à  l'influence  des  passions  doit  volontairement  et  librement 
retrouver  son  état  primitif;  il  doit  recréer  son  immortalité  perdue. 
Pour  cela  il  se  réincarnera  autant  de  fois  qu'il  le  faudra  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  su  se  racheter  par  la  force  universelle  et  toute-puissante 
entre  toutes  :  l'Amour. 

La  Kabbale,  à  l'image  des  centres  indous  d'où  nous  vient  le 
mouvement  néo-bouddiste,  enseigne  donc  la  réincarnation  et  par 
suite  la  -préexistence,  ainsi  que  le  remarque  M.  Franck  ;  mais  elle 
s'écarte  totalement  des  conclusions  théosophiques  indoues  sur 
le  moyen  du  rachat,  et  nous  ne  pouvons  ici  que  reproduire  l'avis 
d'un  des  occultistes  les  plus  instruits  que  possède  la  France, 
F.  Ch.  Baillât: 

«  S'il  m'est  permis  de  hasarder  ici  une  opinion  personnelle,  je 
dirai  que  les  doctrines  hindoues  me  semblent  plus  vraies  au  point 
de  vue  métaphysique^  abstrait,  les  doctrines  chrétiennes  au  point 
de  vue  moral,  sentimental,  concret:  le  Christianisme,  le  Zohar,  la 
Kabbale,  dans  leur  admirable  symbolisme,  laissent  plus  d'incerti- 
tude, de  vague  dans  l'intelligence  philosopiiique  (par  exemple, 
quand  ils  représentent  la  chute  comme  source  du  mal,  sans  définir 
ni  l'un  ni  l'autre,  car  cette  définition  donnerait  un  tout  autre  tour 
intellectuel  à  la  question). 

«  Mais  ce  Panthéisme  indien,  qu'il  soit  matérialiste  comme  dans 
l'école  du  Sud,  ou  idéaliste  comme  dans  celle  du  Nord,  arrive  à 
négliger,  à  méconnaître,  à  repousser  même  tout  sentiment  et  spé- 
cialement V Amour  avec  toute  son  immense  portée  mystique,  occulte. 

«  L'un  ne  parle  qu'à  l'intelligence,  l'autre  ne  parle  qu'à  l'âme. 

«  On  ne  peut  donc  posséder  complètement  la  doctrine  théoso- 
phique  qu'en  interprétant  le  symbolisme  de  l'un  par  la  métaphy- 
sique de  l'autre.  Alors  et  alors  seulement  les  deux  pôles  ainsi  ani- 
més l'un  par  l'autre  font  resplendir,  par  les  splendeurs  du  monde 
divin,  l'incroyable  richesse  du  langage  symbolique,  seul  capable 
de  rendre  pour  l'homme  les  palpitations  de  la  Vie  absolue  I  ^) 


—  94  — 

3°  Arrivée.  —  L'homme  doit  donc  constiluor  d'abord  son  andro- 
gynat  primitif  pour  réformer  synthétiquement  l'être  premier  pro- 
venant de  la  division  du  grand  Adam-Eve. 

Ces  êtres  androgynes  reconstitués  doivent,  à  leur  tour,  se  syn- 
thétiser entre  eux  jusqu'à  s'identifier  à  leur  origine  première  : 
Dieu.  La  Kabbale  enseigne  donc,  aussi  bien  que  l'Inde,  la  théorie 
de  Tinvolution  et  de  l'évolution  et  le  retour  final  au  ISirvâna. 

Malgré  mon  désir  de  ne  pas  allonger  ce  résumé  par  des  citations, 
je  ne  puis  résister  ici  au  plaisir  de  citer  d'après  M.  Franck  (p.  189) 
un  passage  très  explicatif: 

«  Parmi  les  différents  degrés  de  l'existence  (qu'on  appelle  aussi 
les  sept  tabernacles),  il  y  en  a  un,  désigné  sous  le  titre  de  saint  des 
saints,  oh  toutes  les  âmes  vont  se  réunir  à  l'âme  suprême  et  se 
compléter  les  unes  par  les  autres.  Là  tout  rentre  dans  l'unité  et 
dans  la  perfection,  tout  se  confond  dans  une  seule  pensée  qui 
s'étend  sur  l'univers  et  le  remplit  entièrement  ;  mais  le  fond  de 
cette  pensée,  la  lumière  qui  se  cache  en  elle  ne  peut  jamais  être  ni 
saisie,  ni  connue,  on  ne  saisit  que  la  pensée  qui  en  émane.  Enfin, 
dans  cet  état,  la  créature  ne  peut  plus  se  distinguer  du  créateur; 
la  même  pensée  les  éclaire,  la  même  volonté  les  anime  ;  l'âme 
aussi  bien  que  Dieu  commande  à  l'Univers,  et  ce  qu'elle  ordonne, 
Dieu  l'exécute.  » 

En  résumé,  toutes  ces  données  métaphysiques  sur  la  chute  et  la 
réhabilitation  se  réduisent  exactement  à  des  lois  que  nous  voyons 
chaque  jour  en  action  expérimentalement,  lois  qui  peuvent  s'énon- 
cer à  trois  termes  : 


L  Unité. 

n.  Départ  de  l'Unité.  Multiplicité. 

III.  Retour  à  l'Unité. 


Edgar  Poë  dans  son  Eurêka  a  fait  une  application  de  ces  lois 
à  l'Astronomie.  Si  nous  avions  la  place  nécessaire,  nous  pourrions 
les  appliquer  aussi  bien  à  la  Physique  et  à  la  Chimie  expérimen- 
tale, mais  notre  élude  est  déjà  fort  longue,  et  il  est  grand  temps 
d'en  venir  à  l'opinion  des  Kabbalistes  sur  l'Univers. 


9.^i 


2°  Enseignements  de  la  Kabbale  sur  VUnivers. 

Nous  avons  vu  que  les  Planètes  formaient  les  organes  de  l'Uni- 
vers et  que  de  leur  jeu  résultait  la  vie  de  cet  Univers. 

Chez  l'homme  la  vie  s'entretient  par  le  courant  sanguin  qui 
baigne  tous  les  organes,  répare  leur  perle  et  entraîne  les  éléments 
inutiles. 

Dans  l'Univers  la  vie  s'entretient  par  les  courants  de  lumière 
qui  baignent  toutes  les  planètes  et  y  répandent  à  flots  les  principes 
de  génération . 

Mais,  dans  l'homme,  chacun  des  globules  sanguins,  récepteur  et 
transmetteur  de  la  vie,  est  un  être  véritable,  constitué  à  Cïmage 
de  l'homme  lui-même.  Le  courant  vital  humain  contient  donc  des 
êtres  en  nombre  infini. 

Il  en  est  de  même  des  courants  de  lumière  et  telle  est  l'origine 
des  anges,  des  fo7'ces  personnifiées  de  la  Kabbale  et  aussi  de  toute 
une  partie  de  la  tradition  que  M,  Franck  n'a  pas  abordée  dans  son 
livre  :  la  Kabbale  pratique. 

La  Kabbale  pratique  comprend  l'étude  de  ces  êtres  invisibles, 
récepteurs  et  transmetteurs  de  la  Vie  de  l'Univers,  contenus  dans 
les  courants  de  lumière.  Les  Kabbalistes  s'efTorcent  d'agir  sur  ces 
êtres  et  de  connaître  leurs  pouvoirs  respectifs;  de  là  toutes  les  don- 
nées d'Astrologie,  de  Démonologie,  de  Magie  contenues  dans  la 
Kabbale. 

Mais  dans  l'Homme  la  force  vitale  transmise  par  le  sang  et  ses 
canaux  n'est  pas  la  seule  qui  existe.  Au-dessus  de  cette  force  et  la 
dirigeant  dans  sa  marche,  il  en  existe  une  autre  :  c'est  la  force 
nerveuse. 

Le  fluide  nerveux,  qu'il  agisse  à  l'insu  de  la  conscience  de  l'in- 
dividu dans  le  système  de  la  Vie  Organique  (Grand-Sympathique, 
Corps  Astral  des  Occultistes)  ou  qu'il  agisse  consciemment  par  la 
Volonté  (cerveau  et  nerfs  rachidiens),  domine  toujours  les  phéno- 
mènes vitaux. 

Ce  fluide  nerveux  n'est  pas  porté,  comme  la  Vie,  par  des  êtres 
particuliers  (globules  sanguins).  Il  part  d'un  être  situé  dans  une 
retraite  mystérieuse  (la  cellule  nerveuse)  et  aboutie  à  un  centre  de 
réception.  Entre  celui  qui  ordonne  et  celui  qui  reçoit  il  n'y  a  rien 
qu'un  canal  conducteur. 

Dans  l'Univers  il  en  est  de  même  d'après  la  Kabbale.  Au-dessus 
ou  plutôt  au  dedans  de  ces  courants  de  lumière,  il  existe  un  fluide 
mystérieux  indépendant  des  êtres  créateurs  de  la  Nature  comme 


—  96  — 

la  force  nerveuse  est  indépendante  des  globules  sanguins.  Ce  fluide 
est  directement  émané  de  Dieu,  bien  plus,  il  est  le  corps  môme  do 
Dieu.  C'est  V esprit  de  VUnivei^s. 

L'Univers  nous  apparaît  donc  constitué  comme  l'Homme  : 

1°  D'î/n  Corps.  Les  Astres  et  ce  qu'ils  contiennent  ; 

2°  D'î/»e  Vie.  Les  courants  de  lumière  baignant  les  astres  et 
contenant  les  Forces  actives  de  la  Nature,  les  Anges  ; 

3°  D'ime  Volonté  directrice  se  transmettant  partout  au  moyen  du 
fluide  invisible  aux  sens  matériels,  appelé  par  les  Occultistes: 
Magnétisme  Universel,  et  par  les  Kabbalistes  Aour  115^;  c'est  l'Or 
des  Alchimistes,  la  cause  de  l'Attraction  universelle  ou  Amour  des 
Astres. 

Disons  de  plus  que  l'Univers,  comme  l'Homme,  est  soumis  à  une 
involution  et  à  une  évolution  périodiques  et  qu'il  doit  finalement 
être  réintégré  dans  son  origine  :  Dieu,  comme  l'Homme. 

Pour  terminer  ce  résumé  sur  l'Univers,  montrons  comment  Bar- 
let  arrive  par  d'autres  voies  aux  conclusions  de  la  Kabljale  a  ce 
sujet  : 

Nos  sciences  positives  donnent  pour  dernière  formule  du  monde 
sensible  : 

Pas  de  matière  sans  force  ;  pas  de  force  sans  matière. 

Formule  incontestable,  mais  incomplète,  si  l'on  n'y  ajoute  le  com- 
mentaire suivant  : 

1°  La  comlùnaison  de  ce  que  nous  nommons  Force  et  Matière  se 
présente  en  toutes  proportions  depuis  ce  que  l'on  pourrait  appeler 
la. Force  matérialisée  (la  roche,  le  minéral,  le  corps  chimique 
simple)  jusqu'à  la  Matière  subtilisée  ou  Matière  Force  {le  grain  de 
pollen,  le  spermatozoïde,  l'atome  électrique)  ;  lai/a^ière  et  la  Force, 
bien  que  nous  ne  puissions  les  isoler,  s'offrent  donc  comme  les 
limites  mathématiques  extrêmes  et  opposées  (ou  de  signes  con- 
traires) d'une  série  dont  nous  ne  voyons  que  quelques  termes 
moyens  ;  limites  abstraites,  mais  indubitables  ; 

2°  Les  termes  de  cette  série,  c'est-à-dire  les  individus  de  la  nature, 
ne  sont  jamais  stables  ;  la  Force.,  dont  la  mobilité  infinie  est  le 
caractère,  entraine  comme  à  travers  un  courant  contmuel  d'un 
pôle  à  l'autre  la  matière  essentiellement  inerte  qui  s'accuse  par  un 
contre-courant  de  retour.  C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'un  atome 
de  phosphore  emprunté  par  le  végétal  aux  phosphates  minéraux 
deviendra  l'élément  d'une  cellule  cérébrale  humaine  (matière  subti- 
lisée) pour  retomber  par  désintégration  dans  le  règne  minéral 
inerte. 

3"  Le  mouvement,  résultat  de  cet  équilibre  instable,  n'est  pas 


—  97  — 

désordonné  ;  il  offre  une  série  d'harmonies  enchaînées  que  nous 
appelons  Zo^5  et  qui  se  synthétisent  à  nos  yeux  dans  la  loi  suprême 
de  V Évolution. 

La  conclusion  s'impose  :  Cette  synthèse  harmonieuse  de  phéno- 
mènes est  la  manifestation  évidente  de  ce  que  nous  nommons  une 
Volonté. 

Donc,  d'après  la  science  positive,  le  monde  sensible  est  l'expres- 
sion d'une  volonté  qui  se  manifeste  par  l'équilibre  instable,  mais 
progressif  de  la  Force  et  de  la  Matière. 

Il  se  traduit  par  ce  quaternaire  : 

I.  Volonté  (source  simple) 

III.  Force  (Éléments  de  la  Volonté  polarisés)  — 

II.  Matière  —  IV.  Le  Monde  Sensible 

(Résultat  de  leur  i'([uilibre  instable,  dynamique)'. 

3°  Enseignement  de  .la  Kabbale  sur  Dieu. 

L'Homme  est  fait  à  l'image  de  l'Univers,  mais  l'Homme  et  l'Uni- 
vers sont  faits  à  l'image  de  Dieu. 

Dieu  en  lui-même  est  inconnaissable  pour  l'Homme,  c'est  ce  que 
proclament  aussi  bien  les  Kabbalistes  par  leurs  Ain-Sopk  que  les 
Indous  par  leur  Parabrahm.  Mais  il  est  susceptible  d'être  compris 
dans  ses  manifestations. 

La  première  manifestation  Divine,  celle  par  laquelle  Dieu  créant 
le  principe  de  la  Réalité  crée  par  là  môme  éternellement  sa  propre 
immortalité  :  c'est  la  Trinité  ^ 

Cette  Trinité  première,  [)rototype  de  toutes  les  lois  naturelles, 
formule  scientifique  absolue  autant  que  principe  religieux  fonda- 
mental, se  retrouve  chez  tous  les  peuples  et  dans  tous  les  cultes 
plus  ou  moins  altérée. 

Que  ce  soit  le  Soleil,  la  Lune  et  la  Terre;  Bra/ima,  Vie/mou, 
Siva  ;  Osiris-Isis,  Horus  ou  Osiris,  Ammon,  Plita  ;  Jupiter^  Jwion, 
Vulcain  ;  le  Père,  le  /ùls,  le  Saint-Esprit ,  toujours  elle  apparaît 
identiquement  constituée. 

La  Kabbale  la  désigne  par  les  trois  noms  suivants  : 

Chocmau,  Binau, 

Ketueh. 

1.  F.-Ch.  Barlel,  Initiation. 

2.  Voy.  Wronski,  Apodiclique  Messianique  ;  ou  Papus,  le  Tarot  où  le 
passage  de  Wronski  est  cité  in  extenso. 

1 


—  98  — 

Ces  ti'uis  noms  forment  la  première  trinilé  des  Dix  Sephiroth  ou 
Numérations. 

Ces  dix  Sephiroth  expriment  les  attributs  de  Dieu.  Nous  allons 
voir  leur  constitution. 

Si  nous  nous  rappelons  que  l'Univers  et  l'Homme  sont  chacun 
composés  essentiellement  d'un  Corps,  d'une  Ame  ou  Médiateur  et 
d'un  Esprit,  nous  serons  amenés  à  rechercher  la  source  de  ces  prin- 
cipes en  Dieu  même. 

Or  les  trois  éléments  ci-dessus  énoncés  :  fCethe)\  Chocmah  et 
Binah  représentent  bien  Dieu  ;  mais  comme  la  conscience  repré- 
sente à  elle  seule  l'homme  tout  entier,  en  un  mot  ces  trois  prin- 
cipes constituent  l'analyse  de  Yesprit  de  Dieu. 

Quelle  est  donc  la  Vie  de  Dieu  ? 

La  Vie  de  Dieu  c'est  le  ternaire  que  nous  avons  étudié  tout 
d'abord,  le  ternaire  constituant  l'Humanité,  dans  ses  deux  pôles, 
Adam  et  Eve. 

Enfin  le  Corps  de  Dieu  est  constitué  par  cet  Univers  dans  sa 
triple  manifestation. 

En  somme,  si  nous  réunissons  tous  ces  éléments,  nous  obtiendrons 
la  définition  suivante  de  Dieu  : 

Dieu  est  inconnaissable  dans  son  essence,  mais  il  est  connaissable 
dans  ses  manifestations. 

L' Univers  constitue  son  corps,  Adam-Eve  constitue  son  ame,  et 
Dieu  lui-même  dans  sa  double  polarisation  constitue  son  esprit, 
ceci  est  indiqué  par  la  figure  suivante  : 


—  99 


+ 


Esprit  de 
Dieu 

Binah 

Kether 

Chocmah 

Monde  Divin 
Le  Père, 

B  n  A  H  M  A 

Ame  de 
Dieu 

Eve 

Adam  -Eve 
Humanité 

Adam 

Monde  Humain 
Le  Fils, 

"V I  c  II  N  0  u 

Corps  de 
Dieu 

La  Nature 
Natw'ée 

L'Univers  j 

La  Nature 
Naturante 

Monde  Naturel 
Le  St-Espri/, 

SlVA 

Ces  trois  ternaires,  tonalisés  dans  l'Unité,  forment  les  Dix 
Sephiroth. 

Ou  plutôt  ils  sont  l'image  des  Dix  Sephiroth  qui  représentent  le 
développement  des  trois  principes  premiers  de  la  Divinité  dans  tous 
ses  attributs. 

Ainsi  Dieu,  l'Homme  et  l'Univers  sont  bien  constitués  en  dernière 
analyse  par  trois  fermes;  mais  dans  le  développement  de  tous  leurs 
attributs  ils  sont  composés  chacun  de  Dix  termes  ou  d'Un  ternaire 
ayant  acquis  son  développement  dans  le  Septénaire  [3  -{-  1  =  iO). 

Les  Dix  Sephiroth  de  la  Kabbale  peuvent  donc  être  prises  dans 
plusieurs  acceptions  : 

1°  Elles  peuvent  être  considérées  comme  représentant  Dieu, 
l'Homme  et  l'Univers,  c'est-à-dire  l'Esprit,  l'Ame  et  le  Corps  de 
Dieu  ; 

2°  Elles  peuvent  être  considérées  comme  exprimant  le  dévelop- 
pement de  l'un  quelconque  de  ces  trois  grands  principes. 

C'est  de  la  confusion  entre  ces  diverses  acceptions  que  naissent 
les  obscurités  apparentes  et  les  prétendues  contradictions  des  Kab- 
balistes  au  sujet  des  Sephiroth.  Un  peu  d'attention  suffit  pour  dis- 
cerner la  vérité  de  l'erreur. 

On  trouvera  des  détails  nombreux  sur  ces  Sephiroth  dans  le 


{.  Celte  figure  est   tirée  du  Tarot  des  Bohémiens,  par  Papus,  où  l'on 
trouvera  des  explications  coiuplémejutaires. 


—  100  — 

livre  de  M.  Franck  (chap.  m),  mais  surtout  dans  le  remarquable 
travail  kabbalistique  publié  par  Stanislas  de  Giiaita  dans  le  n°6  de 
V Initiation  (p.  210-217).  Le  manque  de  place  nous  oblige  à  renvoyer 
le  lecteur  à  ces  sources  importantes. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  cette  conception  d'un 
ternaire  se  développant  dans  un  septénaire  fût  particulière  à  la  Kab- 
bale. Nous  retrouvons  la  même  idée  dans  l'Inde  dès  la  plus  haute 
antiquité,  ce  qui  est  une  preuve  importante  de  l'ancienneté  de  la 
tradition  kabbalistique. 


Pour  étudier  ces  Sephiroth  indous,  il  ne  faut  pas  s'en  tenir  uni- 
quement aux  enseignements  transmis  dans  ces  dernières  années  par 
la  Société  Théosophique.  Ces  enseignements  manquent  en  effet 
presque  toujours  de  méthode  et,  s'ils  sont  lumineux  sur  certains 
points  de  détail,  ils  sont  en  échange  fort  obscurs  dès  qu'il  s'agit  de 
présenter  une  synthèse  bien  assise  dans  toutes  ses  parties.  Les 
auteurs  qui  ont  essayé  d'introduire  de  la  méthode  dans  la  doctrine 
théosophique,  Sovbba-Rao,  Sinnet  et  le  D'  Harttmann,  n'ont  pu 
aborder  que  des  questions  fort  générales,  quoique  très  intéressantes, 
et  leurs  œuvres,  pas  plus  que  celles  de  i\f™^  H.  P.  Blavatsky,  ne 
fournissent  des  éléments  suffisants  pour  établir  les  rapports  entre 
les  Sephiroth  delà  Kabbale  et  les  doctrines  indoues. 

Le  meilleur  travail,  à  notre  avis,  sur  la  Théogonie  occulte  de 
l'Inde  a  été  fait  en  Allemagne  vers  1840  '  par  le  D"  Jean  Malfatti 
de  Montei^eggio.  Cet  auteur  est  parvenu  à  retrouver  l'Organon  mys- 
tique des  anciens  Indiens  et  par  là-même  à  tenir  la  clef  du  Pythago- 
risme  et  de  la  Kabbale  elle-même.  Il  arrive  ainsi  à  reconstituer  une 
synthèse  véi^itable^  alliance  de  la  Science  et  de  la  Foi,  qu'il  désigne 
sous  le  nom  de  Mathèse. 

Or  voici,  d'après  cet  auteur,  la  constitution  de  la  décade  divine 
(p.  18): 

«  Le  premier  acte  (encore  en  soi)  de  révélation  de  Brahm  fut 
celui  de  la  Ti^imnrti,  trinité  métaphysique  des  forces  divines  (pro- 
cédant à  l'acte  créateur)  de  la  création,  de  la  conservation,  et  delà 
destruction  (du  changement)  qui  sous  le  nom  de  Brahma,  Wishnou 
et  Schiwa  ont  été  personnifiées  et  regardées  comme  étant  dans  un 
accouplement  intérieur  mystique  [e  circulo  triadicits  Deus  egreditw). 


\.  La  date  de  cet  ouvrage  indique  l'orthographe  des  noms  indous  em- 
ployés par  l'auteur.  Celle  orthographe  s'est  modifiée  aujourd'hui. 


—  101  ~ 

«  Cette  première  Trimurti  divine  passe  alors  dans  une  révélation 
extérieure,  et  dans  celle  des  sept  puissances  précréatrices,  ou  dans 
celle  du  premier  développement  métaphysique  septuple  personnifié 
par  les  allégories  de  J/aia,  Oum,  Haranguerbehah,  Porsh,  Pradia- 
pat,  Prakrat  et  Pran.  » 

Chacun  de  ces  dix  principes  est  analysé  dans  ses  acceptions  et 
dans  ses  rapports  avec  les  nombres  pythagoriciens.  De  plus, 
l'auteur  examine  et  analyse  dix  statues  symboliques  indiennes  qui 
représentent  chacune  un  de  ces  principes.  L'antiquité  de  ces  sym- 
boles prouve  assez  l'antiquité  de  la  tradition  elle-même. 

Nous  ne  pouvons  que  résumer  pour  aujourd'hui  les  rapports  des 
Sephiroth  iudoiis  et  kabbalistiques  avec  les  nombres.  Peut-être 
ferons-nous  bientôt  une  étude  spéciale  sur  un  sujet  si  important. 

Un  rapprochement  bien  intéressant  peut  encore  être  fait  entre  la 
trinité  alphabétique  du  Sepher  Jesirah  EMeS  1!/D5^  et  la  trinité 
alphabétique  indoue  AUM.  Mais  ces  sujets  demandent  un  trop 
grand  développement  pour  être  traités  dans  ce  résumé. 


SEPHIROTH 

KABBALISTIQUES 

NOMBRES 

SEPHIROTH 

INDOUS 

Kelhcr 

1 
2 
3 
4 
W 
G 
7 
8 
0 
10 

Biahma. 

Chocmah 

Viohnoii. 

Binali       

Si  va. 

Cliesed 

Maïa. 

Geburah  .        .... 

0  u  ni . 

Tipherelh    

Hod 

HarangiK'ibeliah, 
Porsch. 

Netzali 

Pradiapal. 
Prakral. 

lesod   

Malchut 

Pra  11 . 

Viiw  dernière  considération  qu'on  peut  faire  est  tirée  de  cette 
définition  de  Dieu  dorin('*e  ci-dessus,  délinition  corroborée  par  les 
enseignements  du  Tartd  qui  représente  la  Kabbale  égyptienne. 

La  philosophie  matériaMste  étudie  le  corps  de  Dieu  ou  l'Univers 
et  adore  à  .«on  insu  bi  manifestation  inférieure  de  la  divinité  dans  le 
Cosmos  :  le  Destin. 

C'est  en  effet  au  Hasard  que  le  matérialisme  attribue  le  groupe- 
ment primitif  des  atomes,  i)rocIamant  ainsi,  quoique  athée,  un  prin- 
cipe créateur. 


—  102  — 

La  philosophie  panthéiste  étudie  la  vie  de  Dieu  ou  cet  être  collec- 
tif appelé  par  la  Kabbale  Adam-Eve  ^  (mn^).  C'est  l'humanité  qui 
s'adore  elle-même  dans  un  de  ses  membres  constituants. 

Les  Théistes  et  les  Religions  étudient  surtout  V Esprit  de  Dieu.  De 
là  leurs  discussions  subtiles  sur  les  trois  personnes  et  leurs  mani- 
festations. 

Mais  la  Kabbale  est  au-dessus  de  chacune  de  ces  croyances  philo- 
sophiques ou  religieuses.  Elle  synthétise  le  Matérialisme,  le  Pan- 
théisme et  le  Théisme  dans  un  même  total  dont  elle  analyse  les 
parties  sans  cependant  pouvoir  définir  cet  ensemble  autrement  que 
par  la  formule  mystérieuse  de  Wronski  : 

X. 


III 


INFLUENCE  DE  LA   KABBALE   SUR  LA   PUILÛSOPUIE 

Cette  partie  du  livre  de  M.  Franck  est  forcément  très  remar- 
quable. La  profonde  érudition  de  l'auteur  ne  pouvait  manquer  de 
lui  fournir  de  précieuses  sources  et  des  rapprochements  instructifs 
et  nombreux  au  sujet  de  l'influence  de  la  Kabbale  dans  les  systèmes 
philosophiques  postérieurs. 

La  doctrine  de  Platon  est  d'abord  envisagée  à  ce  point  de  vue. 
Après  quelques  points  de  contact,  M.  Franck  conclut  à  l'impossibi- 
lité de  la  création  de  la  Kabbale  par  des  disciples  de  Platon.  Mais 
le  contraire  ne  serait-il  pas  possible? 

Si,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  à  propos  de  l'antiquité  de  la  tradi- 
tion, la  Kabbale  n'est  que  la  traduction  hébraïque  de  ces  vérités 
traditionnelles  enseignées  dans  tous  les  temples  et  surtout  en 
Egypte,  qu'y  a-t-il  d'impossible  à  ce  que  Platon  ne  se  soit  forte- 
ment inspiré  non  pas  de  la  Kabbale  elle-même,  telle  que  nous  la 
connaissons  aujourd'hui,  mais  de  cette  philosophie  primordiale 
origine  de  la  Kabbale? 

Qu'allaient  donc  faire  tous  ces  philosophes  grecs  en  Egypte  et 
qu'apprenaient-ils  dans  l'Initiation  aux  mystères  d'Isis?  C'est  là  un 
point  que  la  critique  universitaire  devrait  bien  éclaircir. 

Imbu  de  son  idée  de  i'origine  de  la  Kabbale  au  commencement 


1.  Voy.  à  ce   sujet  le   travail  de  Stanislas  de  Guaila  dans  le  Lotus  et 
Louis  Lucas,  Chimie  nouvelle.  Introduction. 


—  103  — 

de  l'ère  chrétienne,  M.  Franck  compare  avec  la  tradition  la  philo- 
sophie néo-platonicienne  d'Alexandrie,  et  conclut  que  ces  doctrines 
sont  sœurs  et  émanées  d'une  même  origine. 

L'étude  de  la  doctrine  de  Philon,  dans  ses  rapports  avec  la  Kab- 
bale, ne  montre  pas  non  plus  l'origine  de  la  tradition  (chap.  m). 

Le  Gnosticisme,  analysé  dans  le  chapitre  suivant,  présente  de 
remarquables  similitudes  avec  la  Kabbale,  mais  n'en  peut  être  non 
plus  l'origine. 

C'est  la  religioyi  des  Perses  qui  est  pour  M.  Franck  le  rara  avis 
tant  cherché,  le  point  de  départ  de  la  doctrine  kabbalistique. 

Or,  il  suffit  de  parcourir  le  chapitre  ix  d'un  livre  trop  peu  connu 
de  nos  savants  :  la  Mission  des  Juifs  de  Saint-Yves  d'Alveydre  pour 
y  trouver  résumée  au  mieux  l'application  de  la  tradition  ésotérique 
aux  divers  cultes  antiques,  y  compris  celui  de  Zoroastre.  Mais  ce 
sont  là  des  points  d'histoire  qui  ne  seront  universitairement  connus 
que  dans  quelque  vingt  ans  ;  aussi  attendons-nous  avec  patience  cette 
époque. 

Nous  avons  dit  déjà  l'opinion  des  occultistes  contemporains  sur 
l'origine  de  la  Kabbale.  Inutile  donc  d'y  revenir. 

Rappelons  seulement  l'influence  de  la  tradition  ésotérique  sur 
Orphée,  Pylbagore,  Platon,  Aristote  et  toute  la  philosophie  grec- 
que d'une  part,  sur  Moïse,  Ézéchiel  et  les  prophètes  hébreux  de 
l'autre,  sans  compter  l'école  d'Alexandrie,  les  sectes  gnostiques  et 
le  christianisme  ésotérique  dévoilé  dans  l'Apocalypse  de  saint 
Jean  ;  rappelons  tout  cela,  et  disons  rapidement  quelques  mots  de 
l'influence  qu'a  pu  exercer  la  tradition  sur  la  philosophie  moderne. 

Les  Alchimistes,  les  Rose-Croix  et  les  Templiers  sont  trop  connus 
comme  kabbalistespour  en  parler  autrement.  Il  suffît  à  ce  propos 
de  signaler  la  grande  réforme  iihilosophique  produite  par  l'Ars 
Magna  de  Raymond  Lnlle. 

Spinosa  a  beaucoup  étudié  la  Kabbale,  et  son  système  se  ressent 
au  plus  haut  point  de  cette  étude,  ainsi  que  du  reste  l'a  fort  bien 
vu  M.  Franck. 

Un  point  d'histoire  moins  connu,  c'est  que  Leibniz  a  été  initié 
aux  traditions  ésotériques  par  Mercure  Van  Helmont,  le  fils  du 
célèbre  occultiste,  savant  remarquable  lui-même.  L'auteur  de  la 
Monadologie  a  été  aussi  en  rapports  très  suivis  avec  les  Rose-Croix. 

La  philosophie  allemande  touche  du  reste  par  bien  des  points  à 
la  Science  Occulte,  c'est  un  fait  connu  de  tous  les  critiques. 

Signalons  en  dernier  lieu  la  Frnnc-Maçonnerie  qui  possèdeencore 
de  nombreuses  données  kabbalistiques. 


d04  — 


CONCLUSION 

Nous  avons  voulu,  tout  en  analysant  l'teuvre  remarquable  et 
désormais  indispensable  de  M.  Franck,  résumer  chemin  faisant 
l'opinion  des  Kabbalistes  contemporains  sur  cette  importante 
question. 

Nous  ne  différons  d'opinion  avec  M.  Franck  que  sur  l'origine  de 
cette  tradition.  Les  savants  contemporains  ont  une  tendance  à 
placer  au  second  siècle  de  notre  être  le  point  de  départ  de  la  Science 
Occulte  dans  toutes  ses  branches.  C'est  l'avis  de  notre  auteur  au 
sujet  de  la  Kabbale,  c'est  aussi  l'avis  d'un  autre  savant  éminent, 
M.  Berthelot,  au  sujet  de  l'alchimie*.  Ces  opinions  viennent  de  la 
difficulté  qu'éprouvent  les  critiques  autorisés  à  consulter  les  sources 
véritables  de  l'Occultisme.  Un  symbole  n'est  pas  considéré  comme 
une  preuve  de  la  valeur  d'un  manuscrit;  mais  prenons  patience  et 
l'une  des  plus  intéressantes  branches  de  la  Science,  l'Archéologie, 
fournira  bientôt  de  précieuses  indications  dans  cette  voie  aux  cher- 
cheurs sérieux. 

Quoi  qu'on  en  dise,  l'Occultisme  a  bien  besoin  d'être  un  peu 
étudié  par  nos  savants;  ceux-ci  apportent  dans  cette  étude  leurs 
préjugés,  leurs  convictions  toutes  faites;  mais  ils  apportent  aussi 
des  qualités  bien  rares  et  bien  précieuses  :  leur  érudition  et  leur 
amour  de  la  méthode. 

Il  est  désolant  pour  les  chercheurs  consciencieux  de  constater 
l'ignorance  étrange  que  beaucoup  de  partisans  de  la  Science  Occulte 
ont  de  nos  sciences  exactes.  11  faut  cependant  mettre  hors  de  cause 
à  ce  sujet  les  Kabbalistes  contemporains  comme  Stanislas  de 
Guaita,  Joséphin  Péladan,  Albert  Jhouney.  La  Science  Occulte  ne 
forme  que  le  degré  synthétique,  métaphysique  de  notre  science 
positive  et  ne  peut  vivre  sans  son  appui,  ainsi  que  l'a  montré,  dans 
le  n°  8  de  Y  Initiation'^ ,  un  savant  doublé  d\in  remarquable  occul- 
tiste, M.  F.  Cil.  Barlet. 

La  réédition  du  livre  de  M.  Franck  constitue  donc  un  véritable 
événement  pour  la  révélation  des  doctrines  qui  nous  sont  chères  à 
tous,  et  nous  ne  pouvons  que  remercier  bien  vivement  l'auteur  du 
courage  et  de  la  patience  qu'il  a  déployés  dans  l'étude  de  si  arides 

\.  Berthelot,  Les  Origines  de  V Alchimie,  1886,  in-8°. 
2.  Cours  méthodique  de  Science  Occulte. 


—  105  — 

sujets,  tout  en  conseillant  fortement  à  tous  nos  lecteur*  de  réserver 
une  place  dans  leur  bibliothèque  à  la  Kabbale  d'Ad.  Franck,  qui 
est  un  des  livres  fondamentaux  de  la  Science  Occulte. 


LETTRE  DE  M.  AD.  FRANCK,  DE  L'INSTITUT 
A  Monsieur  Papus,  directeur  de  Y  Initiation . 

Monsieur, 

Je  vous  suis  très  reconnaissant  de  la  manière  dont  vous  avez  rendu 
compte  dans  VlnUiation  de  mon  vieux  livre  de  la  Kabbale.  J'ai  été  d'au- 
tant plus  susceptible  à  vos  éloges  qu'ils  attestent  une  connaissance 
approfondie  et  un  grand  amour  du  sujet. 

Mais  ce  qui  m'a  charmé  dans  votre  article,  ce  n'est  pas  seulement  la 
part  personnelle  que  vous  m'y  faites,  c'est  la  manière  dont  vous  ratta- 
chez mon  modeste  volume  à  toute  une  science  fondée  sur  le  symbolisme 
et  la  méthode  ésotérique.  Je  n'ai  pu,  eu  vous  lisant,  m'empècher  de 
penser  à  Louis  XIV,  conservant  à  Versailles  le  modeste  rendez-vous  de 
chasse  de  son  père  en  l'encadrant  dans  un  immense  palais. 

Bien  que  mon  esprit,  que  vous  qualifiez  d'universitaire,  mais  qui  veut 
simplement  rester  fidèle  aux  règles  de  la  critique,  se  refuse  à  vous  suivre 
dans  vos  magnifiques  développements,  je  vois  avec  plaisir  qu'en  face  du 
positivisme  et  de  l'évolutionisme  de  notre  temps,  il  se  forme,  il  s'est 
déjà  formé  une  vaste  gnose  qui  réunit  dans  son  sein,  avec  les  données 
de  l'ésotérisme  juif  et  chrétien,  le  bouddhisme,  la  philosophie  d'Alexan- 
drie et  le  panthéisme  métaphysique  de  plusieurs  écoles  modernes. 

Ce  réactif  est  nécessaire  contre  les  déchéances  et  les  dessèchements 
dont  nous  sommes  les  victimes  et  les  témoins.  La  Mission  des  Juifs,  que 
vous  citez  souvent  dans  votre  Revue,  est  un  des  grands  facteurs  de  ce 
mouvement. 

Je  vous  recommanderai  seulement,  dans  ma  vieille  expérience,  de  ne 
pas  aller  trop  loin.  Les  symboles  et  les  traditions  ne  doivent  pas  être 
négligés  comme  ils  le  sont  généralement  par  les  philosophes;  mais  le 
génie,  la  vie  spontanée  de  la  conscience  et  de  la  raison  doivent  aussi  être 
comptés  pour  quelque  chose,  sans  cela  l'histoire  de  l'humanité  n'est  rien 
qu'une  table  d'enregistrement. 

Veuillez  agréer,  monsieur,  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus 
distingués. 

Al).    l''nA\nK. 


Nous  venons  d'exposer  la  doctrine  kahbalistiquc  sans  entrer  dans 
aucun  détail. 

Aussi  donnons-nous  in  extenso  l'étude  suivante  pour  montrer  qu'il 


—  10B  — 

existe  encop»  en  plein  xix'  siècle  d'émiiients  kabbali&tes  et  que 
leurs  travaux  résument  au  mieux  les  données  de  la  tradition  éso- 
térique. 

CHAPITRE   VI 


COMMUMCATION    FAITE    A    LA    SOCIÉTÉ    PSYCHOLOGIQUE     DE   MUNICH 
A   LA   SÉANCET  DU  5  MARS   1887   PAR   C.    DE  LEININGEN. 

LAME  D'APRÈS  LA  QABALAII 

(Voy.  la  Fig.  p.  76) 

1.  —  L'âme  pendant  la  vie. 

Parmi  toutes  les  questions  dont  s'occupe  la  philosophie  en  tant 
que  science  exacte,  celle  de  notre  propre  essence,  de  l'immortalité 
et  de  la  spiritualité  de  notre  Moi  interne,  n'a  jamais  cessé  de  préoc- 
cuper l'humanité.  Partout  et  en  tout  temps  les  systèmes  et  les  doc- 
trines sur  ce  sujet  se  sont  succédé  rapidement,  variés  et  contradic- 
toireS;,  et  le  mot  «  Ame  »  a  servi  à  désigner  les  formes  d'existences 
ou  les  nuances  d'êtres  les  plus  variées.  De  toutes  ces  doctrines  anta- 
gonistes, c'est,  sans  contredit,  la  plus  ancienne  —  la  philosophie 
transcendante  des  Juifs  —  la  Qabalah*  qui  est  aussi  la  plus  rappro- 
chée peut-être  de  la  vérité.  Transmise  oralement  —  comme  son 
nom  l'indique  —  elle  remonte  jusqu'au  berceau  de  l'espèce 
humaine,  et,  ainsi,  elle  est  encore  peut-être  en  partie  le  produit  de 
cette  intelligence  non  encore  troublée,  de  cet  esprit  pénétrant  pour 
la  vérité  que,  selon  l'antique  tradition,  l'homme  possédait  dans  son 
état  originaire. 

Si  nous  admettons  la  nature  humaine  comme  un  tout  complexe, 
nous  y  trouvons,  d'après  la  Qabalah,  trois  parties  bien  distinctes  : 
le  corps,  l'âme  et  l'esprit.  Elles  se  diflerencient  entre  elles  comme  le 
concret,  le  particulier  et  le  général,  de  sorte  que  l'une  est  le  reflet 


1.  Nous  avons  adopté  celte  orlhographe  comme  la  seule  solution  au- 
llientiqiie  de  tous  les  doutes  entre  les  formes  vraiment  fantaisistes  pro- 
posées jusqu'ici  pour  ce  mot,  telles  que  Cabbala,  Cabala,  Kabbala,  Kab- 
balah,  etc..  C'est  un  mol  hébreu  qui  se  compose  des  consonnes  g,  b,  l  et 
/(.  Or  la  lettre  qui  dans  les  noms  grecs  correspond  au  k  et  dans  les  noms 
latins  au  c,  paraît  êlre  vérilablement  dans  ce  mot  hébreu  la  lettre  g. 
Cette  orlhographe  vient  aussi  d'êlre  introduite  récemment  dans  la  litté- 
rature anglaise  par  Mathers  dans  sa  Kabbala  deniidata  parue  il  y  a  peu 
de  temps  chez  George  Redway,  à  Londres. 


—  107  — 

de  l'autre,  et  que  chacune  d'elles  offre  aussi  en  soi-même  cette 
triple  distinction.  Ensuite,  une  nouvelle  analyse  de  ces  trois  parties 
fondamentales  y  distingue  d'antres  nuances  qui  s'élèvent  successive- 
ment les  unes  sur  les  autres  depuis  les  parties  les  plus  profondes, 
les  plus  concrètes,  les  plus  matérielles,  le  corps  externe,  jusqu'aux 
plus  élevées,  aux  plus  générales,  aux  plus  spirituelles. 

La  première  partie  fondamentale,  le  corps,  avec  le  principe  vital, 
qui  comprend  les  trois  premières  subdivisions,  porte  dans  la 
Qabalah  le  nom  de  Nephesch ;  la  seconde,  l'âme,  siège  de  la  volonté, 
qui  constitue  proprement  la  personnalité  humaine,  et  renferme  les 
trois  subdivisions  suivantes,  se  nomme  Muach;  la  troisième,  l'esprit 
avec  ses  trois  puissances,  reçoit  dans  la  Qabalah  le  nom  de 
Neschamah. 

Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  remarqué,  ces  trois  parties  fonda- 
mentales de  l'homme  ne  sont  pas  complètement  distinctes  et  sépa- 
rées, il  faut  au  contraire  se  les  représenter  comme  passant  l'une 
dans  l'autre  peu  à  peu  ainsi  que  les  couleurs  du  spectre  qui,  bien 
que  successives,  ne  peuvent  se  distinguer  complètement  étant  comme 
fondues  Tune  dans  l'autre.  Depuis  le  corps,  c'est-à-dire  la  puissance 
la  plus  infime  de  Nephesch,  en  montant  à  travers  l'àme,  —  Ruach 
—  jusqu'au  plus  haut  degré  de  l'esprit  —  Neschamah  —  on  trouve 
toutes  les  gradations,  comme  on  passe  de  l'ombre  à  la  lumière  par 
la  pénombre;  et  réciproquement,  depuis  les  parties  les  plus  élevées 
de  l'esprit  jusqu'à  celles  physiques  les  plus  matérielles,  on  parcourt 
toutes  les  nuances  de  radiation,  comme  on  passe  de  la  lumière  à 
Tobscurité  par  le  crépuscule.  —  Et,  par-dessus  tout,  grâce  à  cette 
union  intérienre,  à  cette  fusion  des  parties  l'une  dans  l'autre,  le 
nombre  Neuf  se  perd  dans  l'Unité  pour  produire  l'homme,  esprit 
corporel,  qui  unit  en  soi  les  deux  mondes. 

Si  nous  essayons  maintenant  de  représenter  celte  doctrine  par  un 
schéma,  nous  obtenons  la  figure  ci-jointe  (Voir  p.  526)  : 

liC  cercle  rt,  a,  a,  désigne  Nephesch,  et  1,  2,  3  sont  ses  subdivi- 
sions; parmi  celles-ci,  i,  correspond  au  corps,  comme  à  la  partie 
la  plus  basse,  la  plus  matérielle  chez  l'homme.  —  h,  b,  b,  c'est 
lluach  (l'àme)  et  i,  5,  6  sont  ses  puissances.  —  Enfin  c,  c,  c,  c'est 
Neschamah  (l'esprit)  avec  les  degrés  de  son  essence,  7,  8,  9.  Quant 
au  cercle  extérieur  10,  il  représente  l'ensemble  de  l'être  humain 
vivant. 

Considérons  maintenant  de  plus  près  ces  différentes  parties  fon- 
damentales, en  commençant  par  celle  du  degré  inférieur,  nephesch. 
C'est  le  principe  de  la  vie,  ou  forme  d'existence  concrète,  il  cons- 
titue la  partie  externe  de  l'homme  vivant;  ce  qui  y  domine  princi- 


—  \m  — 

paiement  c  est  la  sensibilité  passive  pour  le  monde  extérieur;  par 
contre,  l'activité  idéale  s'y  trouve  le  moins.  —  Nephesch  est  direc- 
tement en  relation  avec  les  êtres  concrets  qui  lui  sont  extérieurs,  et 
ce  n'est  que  par  leur  influence  qu'il  produit  une  manifestation 
vitale.  Mais  en  même  temps,  il  travaille  aussi  au  monde  extérieur, 
grâce  à  sa  puissance  créatrice  propre,  faisant  ressortir  de  son  exis- 
tence concrète,  de  nouvelles  forces  vitales,  rendant  ainsi  sans  cesse 
ce  qu'il  reçoit.  —  Ce  degré  concret  constitue  un  tout  parfait, 
complet  en  soi-même  et  dans  lequel  l'être  humain  trouve  sa  repré- 
sentation extérieure  exacte. —  Regardée  comme  un  tout  parfait,  en 
elle-même,  cette  vie  concrète  comprend  également  trois  degrés,  qui 
sontentre  eux  commele  concret,  leparticulier  et  le  général  ou  comme 
la  matière  efTectuée,  la  force  effectuante  et  le  principe,  et  qui  en 
même  temps  sont  les  organes  dans  et  par  lesquels  l'interne,  le  spiri- 
tuel opère  et  se  manifeste  extérieurement.  Ces  trois  degrés  sont 
donc  de  plus  en  plus  élevés  et  intérieurs,  et  chacun  d'eux  renferme 
en  soi  des  nuances  différentes.  Les  trois  puissances  de  Nephesch  en 
question  sont  disposées  et  agissent  absolument  de  la  façon  qui  va 
être  exposée  tout  à  l'heure  pour  les  trois  subdivisions  de  Ruach. 

Ce  second  élément  de  l'être  humain  Ruacu  (l'âme)  n'est  pas  aussi 
sensible  que  Nephesch  aux  influences  du  monde  extérieur;  la  pas- 
sivité et  l'activité  s'y  trouvent  en  proportions  égales;  il  consiste 
plutùi  en  un  être  interne,  idéal,  dans  lequel  tout  ce  que  la  vie  cor- 
pore  lie  concrète  manifeste  extérieurement  comme  quantitatif  et  maté- 
riel, se  retrouve  intérieurement  à  l'état  virtuel.  Ce  second  élément 
humain  flotte  donc  entre  l'activité  et  la  passivité,  ou  l'intériorité 
et  l'extériorité;  dans  sa  multiplicité  objective,  il  n'apparaît  claire- 
ment ni  comme  quelque  chose  de  réel,  passif  et  extérieur,  ni  comme 
quelque  chose  d'intérieur  intellectuel  et  actif  ;  mais  comme  quelque 
chose  de  changeant,  qui  du  dedans  au  dehors  se  manifeste  comme 
actif  bien  que  passif;  ou  comme  donnant,  bien  que  de  nature 
réceptive.  Ainsi  l'intuition  et  la  conception  ne  coïncident  pas  exac- 
tement dans  l'âme,  bien  qu'elles  n'y  soient  pas  assez  nettement 
séparées  pour  ne  pas  se  fondre  aisément  l'une  dans  l'autre. 

Le  mode  d'existence  de  chaque  être  dépend  exclusivement  du 
degré  plus  ou  moins  élevé  de  sa  cohésion  avec  la  nature,  et  de 
l'activité  ou  de  la  passivité  plus  ou  moins  grande  qui  en  est  la  con- 
séquence ;  l'aperception  de  l'être  est  en  proportion  de  son  activité. 
Plus  un  être  est  actif,  plus  il  est  élevé,  et  plus  il  lui  est  possible 
d'examiner  dans  les  profondeurs  intimes  de  l'être. 

Ce  Ruach,  composé  des  forces  qui  sont  à  la  base  de  l'être  maté- 


—  409  — 

riel  objectif,  jouit  encore  de  la  propriété  de  se  distinguer  de  toutes 
les  autres  parties  comme  un  individu  spécial,  de  disposer  de  soi- 
même  et  de  se  manifester  au  dehors  par  une  action  libre  et  volon- 
taire. Cette  «  âme  »  qui  représente  également  le  trùne  et  l'organe 
de  l'esprit  est  encore  l'image  de  l'homme  entier,  comme  nous 
l'avons  dit  ;  de  même  que  Nephesch  elle  se  compose  de  trois  degrés 
dynamiques  qui  sont,  l'un  par  rapport  à  l'autre,  comme  le  Concret, 
le  Particulier  et  le  Général,  ou  comme  la  matière  actionnée,  la 
force  agissante  et  le  principe  :  de  sorte  qu'une  affinité  existe  non 
seulement  entre  le  concret  dans  Ruach  qui  est  son  degré  le  plus 
has  et  le  plus  extérieur  (le  cercle  4  du  schéma),  et  le  général  dans 
Nephesch,  qui  forme  sa  plus  haute  sphère  (cercle  3),  mais  aussi 
entre  le  général  dans  Ruach  (cercle  6)  et  le  concret  dans  l'esprit 
(cercle  7), 

En  même  temps  que  Ruach,  ainsi  que  Nephesch,  renferme  trois 
degrés  dynamiques,  ceux-ci  ont  leurs  trois  correspondants  dans  le 
monde  extérieur,  comme  il  apparaîtra  plus  clairement  par  la  com- 
paraison du  Macrocosme  et  du  Microcosme.  Chaque  forme  d'exis- 
tence particulière  dans  l'homme  vit  de  sa  vie  propre  dans  la  sphère 
du  monde  qui  lui  correspond,  avec  laquelle  elle  est  en  rapport 
d'échanges  continuels,  donnant  et  recevant,  au  moyen  de  ses  sens 
et  de  ses  organes  internes  spéciaux. 

En  outre,  ce  Ruach,  en  raison  de  sa  partie  concrète,  a  besoin  de 
comnmniquer  avec  le  concret  qui  est  au-dessous  de  lui,  de  même 
que  sa  partie  générale  lui  donne  une  tendance  vers  les  parties  géné- 
rales qui  lui  sont  supérieures.  Nephesch  ne  pourrait  pas  se  relier  à 
Ruach  s'il  n'y  avait  pas  ainsi  quelque  affinité  entre  eux,  non  plus 
que  Ruach  ne  se  relierait  à  Nephesch  et  à  Neshamah  s'il  n'y  avait 
pas  entre  eux  quelque  parenté. 

Ainsi  l'âme  puise  d'une  part  dans  le  concret  qui  la  précède  la 
plénitude  de  sa  propre  réalité  objective,  et  d'autre  part  dans  le 
général  qui  la  domine  l'intériorité  pure,  l'Idéalité  qui  se  constitue 
elle-même  dans  son  activité  indépendante.  Ruach  est  donc  le  lien 
entre  le  Général  ou  Spirituel,  et  le  Concret  ou  Matériel,  unissant  en 
l'homme  le  monde  interne  intelligible  avec  le  monde  externe 
réel  ;  c'est  à  la  fois  le  support  et  le  siège  de  la  personnalité 
humaine. 

L'âme  se  trouve  de  cette  façon  en  un  double  rapport  avec  ses 
trois  objets,  savoir:  \°  avec  le  concret  qui  est  au-dessous  d'elle; 
2°  avec  le  particulier  qui  répond  à  sa  nature  et  est  en  dehors  d'elle  ; 
3°  avec  le  général  qui  est  au-dessus  d'elle.  Il  se  fait  en  elle,  en  deux 
sens  contraires,  une  circulation  de  trois  courants  entremêlés,  car  : 


—  no  — 

1°  elle  est  excitée  par  iSephesch  qui  est  au-dessous  d'elle  et  à  son 
tour  elle  agit  sur  lui  en  l'inspirant;  2°  elle  se  comporte  de  même 
activement  et  passivement  avec  l'extérieur  correspondant  à  sa 
nature,  c'est-à-dire  le  Particulier;  3"  et  cette  influence  qu'elle  trans- 
forme dans  son  sein  après  l'avoir  reçue  ou  d'en  bas  ou  du  dehors, 
elle  lui  donne  la  puissance  de  s'élever  assez  pour  aller  stimuler 
Neschamah  dans  les  régions  supérieures.  Par  cette  opération  active, 
les  facultés  supérieures  excitées  produisent  une  influence  vitale 
plus  élevée,  plus  spirituelle,  que  l'âme,  reprenant  son  rôle  passif, 
reçoit  pour  la  transmettre  au  dehors  ou  au-dessous  d'elle. 

Ainsi,  bien  queRuach  ait  une  forme  d'existence  particulière,  soit 
un  être  d'une  consistance  propre,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la 
première  impulsion  de  son  activité  vitale  lui  vient  de  l'excitation 
du  corps  concret  qui  lui  est  inférieur.  Et  de  même  que  le  corps  par 
un  échange  d'actions  et  de  réactions  avec  l'àme,  est,  grâce  à  son 
impressionnabilité,  pénétré  par  elle,  tandis  qu'elle-même  devient 
comme  participante  du  corps;  de  même,  Pâme,  par  son  union  avec 
PEsprit,  en  est  remplie  et  inspirée. 

La  troisième  partie  fondamentale  de  l'être  humain,  neschamah, 
peut  être  désignée  par  le  mot  Esprit,  dans  le  sens  où  il  est  employé 
dans  le  Nouveau  Testament.  En  elle,  la  sensibilité  passive  envers 
la  nature  du  dehors  ne  se  retrouve  plus;  l'activité  domine  la  récepti- 
vité. L'esprit  vit  de  sa  vie  propre,  et  seulement  pour  le  Général  ou 
pour  le  monde  spirituel  avec  lequel  il  se  trouve  en  rapport  cons- 
tant. Cependant,  comme  Ruach,  Neschamah  n'a  pas  seulement 
besoin,  en  raison  de  sa  nature  idéale,  du  Général  absolu  on  Infini 
divin  ;  il  lui  faut  aussi,  à  cause  de  sa  nature  réelle,  quelque  relation 
avec  le  particulier  et  le  concret  qui  sont  au-dessous  de  lui,  et  il  se 
sent  attiré  vers  les  deux. 

L'Esprit  aussi  est  en  un  double  rapport  avec  son  triple  objet; 
vers  le  bas,  vers  l'extérieur  et  vers  le  haut,  il  se  fait  donc  encore 
en  lui,  en  deux  sens  contraires,  un  triple  courant  entrelacé  tout  à 
fait  semblable  à  celui  décrit  plus  haut  pour  Ruach.  —  Neschamah 
est  un  être  purement  intérieur,  mais  aussi  passif  et  actif  à  la  fois, 
dont  Nephesch,  avec  son  principe  vital  et  son  corps,  Ruach  avec 
ses  forces,  représentent  une  image  extérieure.  Ce  qu'il  y  a  de  quan- 
titatif dans  Nephesch  et  de  qualitatif  dans  Ruach,  vient  de  l'esprit 
—  Neschamah  —  purement  intérieur  et  idéal. 

Maintenant  de  même  que  Nephesch  et  Ruach  renferment  trois 
degrés  diflereiits  d'existence,  ou  potentialité  de  spiritualisation,  de 
sorte  que  chacun  est  une  image  plus  petite  de  l'être  humain  entier 


—  111  — 

(voir  le  schéma),  de  même  la  Qabalah  distingue  encore  trois 
degrés  dans  Neschamah. 

C'est  particidièrement  à  cet  élément  supérieur  que  s'applique  ce 
qui  a  été  dit  au  début,  que  les  difiérentes  formes  d'existence  de  la 
constitution  humaine  ne  sont  pas  des  êtres  distincts,  isolés,  séparés, 
mais  qu'ils  sont,  au  contraire,  entremêlés  les  uns  dans  les  autres  ; 
car  ici  tout  se  spirilualise  de  plus  en  plus,  tend  de  plus  en  plus  vers 
l'unilé. 

Des  trois  formes  supérieures  d'existence  de  l'homme  qui  sont 
réunies,  dans  la  plus  large  acception  du  mot  Neschamah,  la  plus 
inférieure  peut  se  désigner  comme  le  Neschamah  proprement  dit. 
Celle-là  a  encore  au  moins  quelque  parenté  avec  les  éléments  supé- 
rieurs de  Ruach;  elle  consiste  en  une  connaissance  intérieure  et 
active  du  qualitatif  et  du  quantitatif  qui  sont  au-dessous  d'elle.  — 
La  seconde  puissance  de  Neschamah,  qui  est  le  huitième  élément 
dans  l'homme,  est  nommée  par  la  Qabalah,  «  Ckaijah  ».  Son 
essence  consiste  dans  la  connaissance  de  la  force  interne  supérieure, 
intelligible,  qui  sert  de  base  à  l'être  objectif  manifesté  et  qui,  par 
conséquent,  ne  peut  être  perçue  ni  par  Ruach  ni  par  Nephesch  et 
ne  pourrait  être  reconnue  par  Neschamah  proprement  dit.  —  La 
troisième  puissance  de  Neschamah,  le  neuvième  élément  et  le  plus 
élevé  dans  l'homme,  est  «  t/ecA/^/arf  »  (c'est-à-dire  l'L'nilé  en  soi- 
même);  son  essence  propre  consiste  dans  la  connaissance  de  l'Unité 
fondamentale  absolue  de  toutes  les  variétés,  de  i'Un  absolu  origi- 
naire. 

Maintenant,  ce  rapport  signalé  dès  le  début,  de  Concret,  de  Par- 
ticulier et  de  Général  qui  relie  Nephcsch,  Ruach  et  Neschamah  de 
sorte  que  chacun  offre  l'image  du  tout,  va  se  retrouver  en  résumant 
tout  cet  exposé  :  Premier  degré  de  Nephesch,  le  corps  —  le  concret 
dans  le  concret;  second  degré,  le  particulier  dans  le  concret;  troi- 
sième, le  général  dans  le  concret. 

De  môme  dans  Ruach  :  première  puissance,  le  concret  dans  le 
particulier;  deuxième,  le  particulier  dans  le  particulier;  troisième, 
le  général  dans  le  particulier. 

Enfin,  dans  Neschamah,  premier  degré,  le  concret  dans  le  géné- 
ral ;  second  degré  (Ghaijah),  le  particulier  dans  le  général  ;  troisième 
(Jechidad),  le  général  dans  le  général. 

C'est  ainsi  que  se  manifestent  les  diverses  activités  et  les  vertus 
de  chacun  de  ces  éléments  de  l'être. 

L  âme  (Ruach)  a  sans  doute  une  existence  pro[)re,  mais  elle  est 
cependant  incapable  d'un  développement  indépendant  sans  la  [tar- 


—  112  — 

ticipation  de  la  vie  corporelle  (Nephesch;,  et  il  en  est  de  même  vis- 
à-vis  de  Neschamah.  En  outre  Ruach  est  avec  Nephesch  dans  un 
double  rapport;  iufluencée  par  lui,  elle  est  en  même  temps  tournée 
au  dehors  pour  exercer  une  libre  réaction,  de  sorte  que  la  vie  cor- 
porelle concrète  parlicijje  au  développement  de  l'âme;  il  en  est  de 
même  de  l'esprit  par  rapport  à  l'âme  ou  de  Neschamah  par 
rapport  à  Huach;  par  Ruach  il  est  même  en  double  rapport 
avec  Nephesch.  Toutefois,  Neschamah  a  en  outre  dans  sa  propre 
constitution  la  source  de  son  action,  tandis  que  les  actions  de 
Ruach  et  de  Nephesch  ne  sont  que  les  émanations  libres  et  vivantes 
de  Neschamah. 

De  la  même  manière,  Neschamah  se  trouve  en  une  certaine 
mesure  en  ce  même  double  rapport  avec  la  Divinité,  car  l'activité 
vitale  de  Neschamah  est  déjà  en  soi  une  excitation  pour  la  divinité 
d'entretenir  celui  ci,  de  lui  procurer  l'influence  nécessaire  à  sa  sub- 
sistance. Ain^i  l'esprit  ou  Neschamah,  et  par  son  intermédiaire 
Ruach  et  Nephesch,  vont  puiser  tout  à  fait  involontairement  à  la 
source  divine  éternelle,  faisant  i-ayonner  perpétuellement  l'œuvre 
de  leur  vie  vers  le  haut;  tandis  que  la  Divinité  pénètre  constamment 
en  Neschamah  et  dans  sa  sphère  pour  lui  donner  la  vie  et  la  durée 
en  même  temps  qu'à  Ruach  et  à  Nephesch. 

Maintenant  d'après  la  doctrine  de  laQabalah,  l'homme,  au  lieu  de 
vivre  dans  la  Divinitéet  de  recevoir  d'elle  constamment  la  spiritualité 
dont  il  a  besoin,  s'est  enfoncé  de  plus  en  plus  dans  l'amour  de  soi- 
même  et  dans  le  monde  du  péché,  du  moment  où  après  sa  «  chute  » 
(voir  la  Genèse,  III,  6-20;,  il  a  quitté  son  centre  éternel  pour  la  péri- 
phérie. Cette  chute  et  l'éloignement  toujours  plus  grand  delà  divi- 
nité, qui  en  e>t  résulté,  ont  eu  pour  conséquence  une  déchéance  des 
pouvoirs  dans  la  nature  humaine,  et  dans  l'humanité  tout  entière. 
L'étincelle  divine  s'est  retirée  de  plus  en  plus  de  l'homme,  et  Nes- 
chamah a  perdu  l'union  intime  avec  Dieu.  De  même  Ruach  s'est 
éloignée  de  Neschamah  et  Nephesch  a  perdu  son  union  intime  avec 
Ruach.  Par  cette  déchéance  générale  et  le  relâchement  partiel  des 
liens  entre  les  éléments,  la  partie  inférieure  de  Nephesch,  qui  était 
originairement  chez  l'homme  un  corps  lumineux  éthéré,  est  devenue 
notre  corps  matériel  ;  par  là  l'homme  a  été  assujetti  à  la  dissolution 
dans  les  trois  parties  principales  de  sa  constitution. 

Ceci  est  traité  dans  la  doctrine  de  la  Qabalah  sur  l'âme  pendant 
et  après  la  mort. 


—  113 


2.   —  Lame  dans  la  mort. 

La  mort  de  l'homme,  d'après  la  Qabalah,  n'est  que  son  passage 
à  une  forme  nouvelle  d'existence.  L'homme  est  appelé  à  retourner 
finalement  dans  le  sein  de  DieUj  mais  cette  réunion  ne  lui  est  pas 
possible  dans  son  état  actuel,  en  raison  de  la  matérialité  grossière 
de  son  corps;  cet  état,  comme  aussi  tout  ce  qu'il  y  a  de  spirituel 
dans  l'homme,  doit  donc  subir  une  épuration  nécessaire  pour  l'ob- 
tention du  degré  de  spiritualité  que  requiert  la  vie  nouvelle. 

La  Qabalah  distingue  deux  causes  qui  peuvent  amener  la  mort  : 
la  première  consiste  en  ce  que  la  Divinité  diminue  successivement 
ou  supprime  brusquement  son  influence  continuelle  sur  Neschamah 
et  Ruach,  de  sorte  que  Nephesch  perd  la  force  par  laquelle  le  corps 
matériel  est  animé,  et  celui-ci  meurt.  Dans  le  langage  du  Sohar, 
on  pourrait  appeler  ce  premier  genre  <  la  mort  par  en  haut,  ou  du 
dedans  au  dehors  ». 

En  opposition  à  celle-là,  la  seconde  cause  de  la  mort  est  celle  que 
l'on  pourrait  nommer  «  la  mort  par  en  bas,  ou  du  dehors  au 
dedans  ».  Elle  consiste  en  ce  que  le  corps,  forme  d'existence  infé- 
rieure et  extérieure,  se  désorganisant  sous  l'influence  de  quelque 
trouble  ou  quelque  lésion,  perd  la  double  propriété  de  recevoir  d'en 
haut  l'influence  nécessaire  et  d'exciter  Nephesch,  Ruach  et  Nescha- 
mah afin  de  les  faire  descendre  à  lui. 

D'ailleurs,  comme  chacun  des  trois  degrés  d'existence  de  l'homme 
a,  dans  le  corps  humain,  son  siège  particulier  et  sa  sphère  d'acti- 
vité correspondant  au  degré  de  sa  spiritualité,  et  qu'ils  se  sont 
trouvés  tous  trois  liés  à  ce  corps  à  différentes  périodes  de  la  vie', 
c'est  aussi  à  des  moments  diderents,  et  d'après  un  ordre  inverse, 
qu'ils  abandonnent  le  cadavre.  Il  en  résulte  que  le  travail  de  la 
mort  s'étend  à  une  période  de  temps  beaucoup  plus  longue  qu'on 
ne  le  pense  communément. 

Neschamah,  qui  a  son  siège  dans  le  cerveau  et  qui,  en  sa  qualité 
de  principe  de  vie  spirituel,  supérieur,  s'est  uni  en  dernier  lieu  au 
corps  matériel  —  celte  union  commençant  à  l'âge  de  la  puberté  — 
Neschamah  est  le  premier  à  quitter  le  corps;  ordinairement  déjà 
avant  le  moment  que  nous  désignons  du  nom  de  «  Mort  ».  Elle  ne 

1.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'expliquer  comment  les  principes  spirituels 
s'unissent  à  la  matière  par  l'acte  de  la  génération,  sujet  que  la  (Jabalah 
traite  très  explicitenienl. 


—  H4  — 

laisse  dans  sa  Merkahab^  qu'une  illumination;  car  la  personnalité 
de  l'homme  peut,  comme  il  est  dit  dans  Esarah  Maimoroth,  sub- 
sister encore  sans  la  présence  effective  de  Neschamah. 

Avant  le  moment  qui  nous  apparaît  comme  celui  de  la  mort, 
l'essence  de  l'homme  est  augmentée  d'un  Ruach  plus  élevé  d'où  il 
aperçoit  ce  qui,  dans  la  vie,  était  caché  à  ses  yeux  ;  souvent  sa  vue 
perce  l'espace,  et  il  peut  distinguer  ses  amis  et  ses  parents  défunts. 
Aussitôt  qu'arrive  l'instant  critique,  Ruach  se  répand  dans  tous 
les  membres  du  corps  et  prend  congé  d'eux  ;  de  là  résulte  une 
secousse,  Vagonie,  souvent  fort  pénible.  Puis  toute  l'essence  spiri- 
tuelle de  l'homme  se  retire  dans  le  cœur  et  là  se  met  à  l'abri  des 
Masikim  (ou  mauvais  esprits)  qui  se  précipitent  sur  le  cadavre, 
comme  une  colombe  poursuivie  se  réfugie  dans  son  nid. 

La  séparation  de  Ruach  d'avec  le  corps  est  fort  pénible  parce  que 
Ruach  ou  l'àme  vivante  flotte,  comme  dit  rEz=ga=Chaiim,  entre 
les  hautes  régions  spirituelles,  infinies  (Neschamah)  et  celles  infé- 
rieures corporelles,  concrètes  (Nephesch),  penchant  tantôt  vers 
l'une,  tantôt  vers  l'autre,  elle  qui,  en  tant  qu'organe  delà  volonté, 
constitue  la  personnalité  humaine.  Son  siège  est  dans  le  cœur  ; 
celui-ci  est  donc  comme  la  racine  de  la  vie;  c'est  le  7;^  (Melekh, 
Roi),  le  point  central,  le  trait  d'union  entre  le  cerveau  et  le  foie^; 
et  comme  c'est  dans  cet  organe  que  l'activité  vitale  se  manifeste  à 
l'origine,  c'est  aussi  par  lui  qu'elle  finit.  Ainsi,  au  moment  de  la 
mort  Ruach  s'échappe,  et  d'après  l'enseignement  du  Talmud,  sort 
du  cœur  par  la  bouche,  dans  le  dernier  souffle. 

Le  Talmud  distingue  neuf  centsespècesdemortsdifl'érentesplusou 
moins  douloureuses.  La  plus  douce  de  toutes  est  celle  qu'on  nomme 
le  «  baiser  »  ;  la  plus  pénible  est  celle  dans  laquelle  le  mourant 
éprouve  la  sensation  d'une  épaisse  corde  de  cheveux  arrachée  du 
gosier. 

Une  fois  Ruach  séparé,  l'homme  nous  semble  mort  ;  cependant 
Nephesch  habite  encore  en  lui.  Celui-ci,  vie  corporelle  du  concret, 


d.  Merkabah   signifie  proprement  char;  c'est  donc  l'organe,  l'instru- 
ment, le  véhicule  par  lequel  Neschamah  agit. 

2.  La  Qahalah  dit  :  «  Dans  le  mot    j*)2  (Roi)  le  cœur  <(  est  comme  le 
point  central  entre  le  cerveau  et  le  foie  ».  Ce  qu'il  faut  interpréter  par 

le  sens  mystique  des  lettres;  le  cerveau,  v2  est  représenté  par  la  pre- 
mière lettre  du  mot  *]'^D  ;  le  foie,  13'1^  par  sa  dernière  lettre,  et  enfin 
le  cœur,  ^^  par  le  "^,  qui  est  dans  le  milieu;  la  lettre  -^  à  la  fin  d'un 
mot  fait  "1). 


—    llo  — 

est  chez  l'homme,  l'âme  de  la  vie  élémentaire,  et  a  son  siège  dans 
le  foie.  Nephesch,  qui  est  la  puissance  spirituelle  inférieure,  possède 
encore  une  très  grande  affinité,  et  par  suite  beaucoup  d'attraction 
pour  le  corps.  C'est  le  principe  qui  s'en  sépare  le  dernier,  comme 
il  a  été  aussi  le  premier  uni  à  la  chair.  Cependant,  aussitôt  après  le 
départ  de  Ruach,  les  Masikim  prennent  possession  du  cadavre 
(d'après  Loriah,  ils  s'amoncellent  jusqu'à  une  hauteur  de  quinze 
aunes  au-dessus  de  lui)  ;  cette  invasion  jointe  à  la  décomposition  du 
corps  oblige  bien((>t  ^"ephesch  à  se  retirer;  il  reste  pourtant  long- 
temps encore  auprès  de  sa  dépouille,  pour  en  pleurer  la  perte. 
Ordinairement,  ce  n'est  que  quand  survient  la  putréfaction  com- 
plète qu'il  s'élève  au-dessus  de  la  sphère  terrestre. 

Cette  désintégration  de  l'homme,  consécutive  à  la  mort,  n'est 
cependant  pas  une  séparation  complète;  car  ce  qui  a  été  une  fois 
un  seul  tout  ne  peut  pas  se  désunir  absolument;  il  reste  toujours 
quelque  rapport  entre  les  parties  constitutives,  Ainsi  une  certaine 
liaison  subsiste  entre  Nephesch  et  son  corps  même,  déjà  putréfié, 
.^près  que  ce  récipient  matériel,  extérieur,  a  disparu  avec  ses  forces 
vitales  physiques,  il  reste  encore  quelque  chose  du  principe  spiri- 
tuel de  Nephesch,  quelque  chose  d'impéi'issable,  qui  descend  jusque 
dans  le  tombeau,  dans  les  ossements,  comme  dit  le  Sohar;  c'est  ce 
que  la  Qabalah  nomme  «  le  souffle  des  ossements  «  ou  ^<  Yesprit  des 
ossements  ».  Ce  principe  intime,  impérissable,  du  corps  matériel, 
qui  en  conserve  complètement  la  forme  et  les  allures,  constitue  le 
Habal  de  Gormin,  que  nous  pouvons  traduire  à  peu  près  par  «  le 
corps  de  la  résurrection  »  (corps  astral  lumineux). 

Après  que  les  diverses  parties  constitutives  de  Thomme  ont  été 
séparées  par  la  mort,  chacune  se  rend  dans  la  sphère  vers  laquelle 
l'attirent  sa  nature  et  sa  constitution  ;  et  elles  y  sont  accompagnées 
des  êtres  qui  lui  sont  semblables  et  (jui  entouraient  déjà  le  lit  de 
mort.  Gomme  dans  l'Univers  entier  tout  est  dans  tout,  naissant, 
vivant  et  périssant  d'après  une  seule  et  même  loi,  comme  le  plus 
petit  élément  est  la  reproduction  du  plus  grand,  comme  les  mêmes 
principes  régissent  également  toutes  les  créatures  depuis  la  pki- 
infime  jusqu'aux  êtres  les  plus  spirituels,  aux  puissances  les  plus 
élevées,  l'Univers  entier,  que  la  Qabalah  nomme  Azilutii  et  qui 
comprend  tous  les  degrés  depuis  la  matière  la  plus  grossière  jusqu'à 
la  spiritualité  —  jusqu'à  l'Un  —  l'Univers,  se  partage  en  trois 
mondes:  Asiau,  Jezirau  et  Briau,  correspondant  aux  trois  divisions 
fondamentales  de  l'homme:  Nephesch,  Ruach  et  Neschamah. 

Asiahest  le  monde  où  nous  nous  mouvons;  toutefois,  ce  que  nous 
percevons  de  ce  monde  par  nos  yeux  corporels  n'en  est  que  la 


—  H6  — 

sphère  la  plus  inférieure,  la  plus  matérielle,  de  même  que  nous  ne 
percevons  par  les  organes  de  nos  sens  que  les  principes  les  plus 
inférieurs,  les  plus  matériels  de  l'homme  :  son  corps.  —  La  figure 
donnée  précédemment*  est  donc  un  schéma  de  l'Univers  aussi  bien 
que  de  l'homme,  car  d'après  la  doctrine  de  la  Qabalah,  le  Micro- 
cosme est  absolument  analogue  au  Macrocosme  ;  l'homme  est 
l'image  de  Dieu  qui  se  manifeste  dans  l'Univers.  Ainsi  donc,  le 
cercle  a,  a,  a  représente  le  monde  Asiah,  et  1,  2,  3  sont  ses  sphères 
correspondant  à  celles  de  Nephesch  (Voy.  p.  326). 

b,  b,  b  représente  le  monde  Jesirali  analogue  à  Ruach,  et  4,  5,  6 
en  sont  les  puissances. 

Enfin  le  cercle  c,  c,  c  figure  le  monde  Bi'iah,  dont  les  sphères  7, 
8,  9  atteignent,  comme  celles  de  Neschamah,  la  plus  haute  puis- 
sance de  la  vie  spirituelle. 

Le  cercle  enveloppant,  dO,  est  l'image  du  Tout  d'Azihith,  comme 
il  représentait  aussi  l'ensemble  de  la  nature  humaine. 

Les  trois  mondes  qui  correspondent,  selon  leur  nature  et  le  degré 
de  leur  spiritualité,  aux  trois  principes  constitutifs  de  l'homme 
représentent  aussi  les  différents  séjours  de  ces  principes.  Le  corps, 
comme  forme  d'existence  la  plus  matérielle  de  l'homme,  reste  dans 
les  sphères  inférieures  du  monde  Asiah,  dans  la  tombe  ;  l'esprit  des 
ossements  reste  seul  enseveli  en  lui,  constituant,  comme  nous 
l'avons  dit,  le  Habal  de  Garmin.  Dans  la  tombe  il  est  dans  un  état 
de  léthargie  obscure  qui,  pour  le  juste,  est  un  doux  sommeil  ;  plu- 
sieurs passages  de  Daniel,  des  Psaumes  et  d'Isaïe  y  font  allusion.  Et 
comme  le  Habal  de  Garmin  conserve  dans  la  tombe  une  sensation 
obscure,  le  repos  de  ceux  qui  dorment  de  ce  dernier  sommeil  peut 
être  troublé  de  toutes  sortes  de  manières.  C'est  pourquoi  il  était 
défendu  chez  les  Juifs  d'enterrer  l'une  auprès  de  l'autre  des  per- 
sonnes qui,  pendant  leur  vie,  avaient  été  ennemies,  ou  de  placer 
un  saint  homme  auprès  d'un  criminel.  On  prenait  soin,  au  contraire, 
d'enterrer  ensemble  des  personnes  qui  s'étaient  aimées,  parce  que 
dans  la  mort,  cet  attachement  se  continuait  encore.  Le  plus  grand 
trouble  pour  ceux  qui  dorment  dans  la  tombe  est  l'évocation;  car, 
alors  même  que  Nephesch  a  quitté  la  sépulture,  «  l'esprit  des  osse- 
ments »  reste  encore  attaché  au  cadavre,  et  peut  être  évoqué;  mais 
cette  évocation  atteint  aussi  Nephesch,  Ruach  et  Neschamah.  Sans 
doute,  ils  sont  déjà  dans  des  séjours  distincts,  mais  ils  n'en  restent 
pas  moins  unis  l'un  à  l'autre  sous  certains  rapports,  de  sorte  que 


1.  Voyez  page  526. 


—    H7  — 

l'un  ressent  ce  que  les  autres  éprouvent.  Voilà  pourquoi  l'Écriture 
Sainte  (3,  Moïse,  18,  11)  défendait  d'évoquer  les  morts'. 

Comme  nos  sens  matériels  ne  peuvent  percevoir  que  le  cercle  le 
plus  bas,  la  sphère  la  plus  inférieure  du  monde  Asiah,  il  n'y  a  que 
le  corps  de  l'homme  qui  soit  visible  pour  nos  yeux  matériels,  celui 
qui,  même  après  la  mort,  reste  dans  le  domaine  du  monde  sensible; 
les  sphères  supérieures  d'Asiah  ne  sont  plus  perceptibles  pour 
nous,  et  de  la  même  manière,  le  Habal  de  Garmin  échappe  déjà  à 
notre  perception;  aussi  le  Sohar  dit-il  :  «  Si  cela  était  permis  à  nos 
yeux,  nous  pourrions  voir  dans  la  nuit,  quand  vient  le  Schabbath, 
ou  à  la  lune  nouvelle  ou  aux  jours  de  fêtes,  les  Diuknim  (les 
spectres)  se  dresser  dans  les  tombeaux  pour  louer  et  glorifier  le 
Seigneur.  » 

Les  sphères  supérieures  du  monde  Asiah  servent  de  séjour  à 
Nephesch,  Le  Ez-ha-Ckailm  dépeint  ce  séjour  comme  le  Gan-Eden 
inférieur-,  «  qui,  dans  le  monde  Asiah,  s'étend  au  sud  du  pays 
Saint,  au-dessus  de  l'Equateur  «. 

Le  second  principe  de  l'homme,  Ruach,  trouve  dans  le  monde 
Jesirah  un  séjour  approprié  à  son  degré  de  spiritualité.  Et  comme 
Ruach  constituant  la  personnalité  propre  de  l'homme,  est  le  sup- 
port et  le  siège  de  la  Volonté,  c'est  en  lui  que  réside  la  force  produc- 
tive et  créatrice  de  l'homme;  aussi  le  monde  Jesirah  est-il,  comme 
l'indique  son  nom  hébreu,  le  mundns  formationis,  le  monde  de  la 
formation. 

Enfin  Neschàmah  répond  au  monde  Briah  que  le  Sohar  nomme 
«  le  monde  du  trône  divin  »,  et  qui  renferme  le  plus  haut  degré  de 
la  spiritualité. 

De  même  que  Nephesch,  Ruach  et  Neschàmah  ne  sont  pas  des 
formes  d'existence  complètement  distinctes,  mais  qu'au  contraire 
elles  se  déduisent  progressivement  l'une  de  l'autre  en  s'élevant  en 
spirituahté,  de  même  les  sphères  des  différents  mondes  s'enchaînent 
l'une  dans  l'autre  et  s'élèvent  depuis  le  cercle  le  plus  profond,  le 
plus  matériel,  du  monde  Asiah,  qui  est  perceptible  à  nos  sens, 
jusqu'aux  puissances  les  plus  élevées,  les  plus  immatérielles  du 
monde  Briah.  On  voit  par  là  clairement  que,  bien  que  Nephesch, 
Ruach  et  Neschàmah  trouvent  chacun  son  séjour  dans  le  monde  qui 


\.  Kl  voilà  pourquoi,  entre  autres  raisons,  la  pratique  du  spiritisme  est 
condamnable.  [N .  du  Tr.) 

2.  Gan-Edeii  signifie  jardin  de  volupté.  Dans  le  Talmud  et  dans  la  Qa- 
balah,  d'après  le  Cantique  des  Cantiques,  4,  13,  il  est  aussi  nommé  Far- 
des, ou  jardin  de  plaisir;  d'où  est  venu  le  mot  Paradis. 


—  118  — 

lui  convient,  ils  n'en  restent  pas  moins  unis  en  un  seul  tout.  C'est 
spécialement  parles  «  Zelem  »  que  ces  rapports  intimes  des  parties 
séparées  sont  rendus  possibles. 

Sous  le  nom  de  «  Zelem  »  la  Qabalab  entend  la  figure,  le  vêle- 
ment sous  lequel  les  divers  principes  de  l'homme  subsistent,  par 
lequel  ils  opèrent.  Nephesch,  Ruach  et  Neschamah,  même  après 
que  la  mort  a  détruit  leur  enveloppe  corporelle  extérieure,  conser- 
vent encore  une  certaine  forme  qui  répond  à  l'apparence  corpo- 
relle de  l'homme  originaire.  Celte  forme,  au  moyen  de  laquelle 
chaque  partie  persiste  et  opère  dans  son  monde,  n'est  possible  que 
par  le  Zelem;  ainsi  il  est  dit  dans  le  psaume  39,  7  :  «  Ils  sont  donc 
comme  dans  le  Zelem  (le  fantômej  ». 

D'après  Loriah,  le  Zelem,  par  analogie  avec  toute  la  nature 
humaine,  se  partage  en  trois  parties  :  une  lumière  intérieure  spiri- 
tuelle, et  deux  Makifim  ou  lumières  enveloppantes.  Chaque  Zelem 
et  ses  Makifim  répondent,  dans  leur  nature,  au  caractère  ou  au 
degré  de  spiritualité  de  chacun  des  principes  auxquels  il  appartient. 
C'est  seulement  par  leurs  Zelem  qu'il  est  possible  à  Nephesch,  à 
Ruach  et  à  Neschamah  de  se  manifester  au  dehors.  C'est  sur  eux 
que  repose  toute  l'existence  corporelle  de  l'homme  sur  terre,  car 
tout  l'influx  d'en  haut  sur  les  sentiments  et  les  sens  internes  de 
l'homme  se  fait  par  l'intermédiaire  de  ces  Zelem,  susceptibles 
d'ailleurs  d'être  affaiblis  ou  renforcés. 

Le  processus  de  la  mort  se  produit  uniquement  dans  les  divers 
Zelem,  car  Nephesch,  Ruach  et  Neschamah  ne  sont  pas  modifiés 
par  elle.  Aussi  la  Qabalah  dit-elle  que  trente  jours  avant  la  mort  de 
l'homme,  c'est  d'abord  dans  Neschamah  que  les  Makifim  se  retirent, 
pour  disparaître  ensuite,  successivement,  de  Ruach  et  de  Nephesch  ; 
ce  qu'il  faut  comprendre  en  ce  sens  qu'ils  cessent  alors  d'opérer 
dans  leui-  force  :  cependant,  à  l'instant  même  oîi  Ruach  s'enfuit, 
ils  se  raccrochent,  comme  dit  la  Mischnalh  Chasidim,  au  processus 
delà  vie,  «  pour  goûter  le  goût  de  la  mort  ».  Toutefois,  il  faut 
regarderies  Zelem  comme  des  êtres  purement  magiques;  c'est  pour- 
quoi le  Zelem  de  Nephesch  même  ne  peut  agir  directement  dans  le 
monde  de  notre  perception  sensible  externe. 

Ce  qui  s'offre  à  nous  dans  l'apparition  de  personnes  mortes  c'est, 
soit  leur  llabal  de  Carmin,  soit  la  subtile  matière  aérienne  ou 
éthérée  du  monde  Asiah,  dont  se  revêt  le  Zelem  de  Nephesch,  pour 
se  rendre  perceptible  à  nos  sens  corporels. 

Gela  s'applique  à  toute  espèce  d'apparition,  que  ce  soit  celle  d'un 
ange  ou  de  l'âme  d'un  mort,  ou  d'un  esprit  inférieur.  Ce  n'est  pas 
alors  le  Zelem  lui-même  que  nous  pouvons  voir  et  percevoir  par 


—  il9  — 

nos  yeux  ;  ce  n'en  est  qu'une  image,  qui,  construite  avec  la  «  vapeur  » 
subtile  de  notre  monde  extérieur,  prend  une  forme  susceptible  de 
se  redissoudre  immédiatement. 

Autant  la  vie  des  hommes  sur  la  terre  offre  de  variétés,  autant 
est  varié  aussi  leur  sort  dans  les  autres  mondes:  car,  plus  on  a 
commis  ici-bas  d'infractions  à  la  loi  divine,  plus  il  faut  subir  dans 
l'autre  monde  de  châtiments  et  de  purifications. 

Le  Sohar  dit  à  ce  sujet  : 

«  La  beauté  du  Zelem  de  l'homme  pieux  dépend  des  bonnes 
œuvres  qu'il  a  accomplies  ici-bas  »  ;  et  plus  loin  :  «  Le  péché 
souille  le  Zelem  de  Nephesch.  »  —  Loriah  dit  aussi  :  «  Chez 
l'homme  pieux,  ces  Zelem  sont  purs  et  clairs,  chez  le  pécheur,  ils 
sont  troublés  et  sombres.  »  —  C'est  pourquoi  chaque  monde  a, 
pour  chacun  des  principes  de  l'homme,  son  G  an- Ed  en  {Pur  ndis), 
son  Nahar  Dinw'  (fleuve  de  feu  pour  la  purification  de  l'âme)  et  son 
Gei-Hinam  *,  lieu  de  torture  pour  le  châtiment;  de  là  aussi  la  doc- 
trine chrétienne  du  ciel,  du  purgatoire  et  de  l'enfer. 

Notre  intention  n'est  pas  d'exposer  ici  la  théorie  de  la  Qabalah 
sur  l'état  de  l'âme  après  la  mort,  et  notamment  sur  les  châtiments 
qu'elle  subit.  On  en  trouvera  une  exposition  très  claire  dans  l'œuvre 
célèbre  du  Dante,  la  Divine  Comédie. 

(Traduit  du  Sphinx,  par  Ch.  Barlet.) 


CHAPITRE  VU 

LES  TEXTES 

Toutes  les  données  scientifiques,  philosophiques  ou  religieuses 
de  la  Kabbale  sont  tirées  de  deux  livres  fondamentaux,  le  Zohar  et 
le  Sepher  Jesirah. 

Le  premier  de  ces  livres  est  très  volumineux.  Il  est  traduit  en 
latin  dans  la  Kabbala  denxidata  et  en  anglais  dans  la  Kabbala 
unveiled  de  M.  A.  Matthers. 

Nous  donnons  ci-joint  la  traduction  du  second  de  ces  ouvrages 
telle  que  nous  l'avons  publiée  en  1887  avec  les  commentaires  et 
les  notes.  En  plusieurs  endroits  on  trouvera  des  répétitions  de  ce 
que  nous  avons  développe  clans  les  paragraphes  précédents;  mais 

1.  fJei-Hinam  était  proprement  le  nom  d'ui;  endroit  situé  près  de  Jé- 
rusalem où  se  faisaient  autrefois  les  sacrifices  d'enfants  ùMoloch;  la  Qa- 
balah entend  par  ce  nom  le  lieu  de  damnation. 


120 


ces  répétitions  mêmes  montreront  quels  sont  les  points  sur  lesquels 
le  lecteur  doit  de  préférence  porter  son  attention. 

Cette  traduction  du  Sepher  Jesirah  est  suivie  de  celle  de  deux 
ouvrages  kabbalistiques  très  postérieurs  comme  composition  : 
les  32  voies  de  la  sagesse  et  les  50  portes  de  V intelligence.  Les 
remarques  qui  précèdent  ces  ouvrages  indiquent  leur  caractère. 


LE  SEPHER  JESIRAH 

LES  50  PORTES  DE  l'iNTELLIGENCE 
LES  32  VOIES  DE  LA  SAGESSE 

Avaiit-propos. 

A  la  base  de  toutes  les  religions  et  de  toutes  les  philosophies,  on 
retrouve  une  doctrine  obscure,  connue  seulement  de  quelques-uns 
et  dont  l'origine,  malgré  les  travaux  des  chercheurs,  échappe  à 
toute  analyse  sérieuse.  Cette  doctrine  est  désignée  sous  des  noms 
différents  suivant  la  religion  qui  en  conserve  les  clefs;  mais  une 
étude  même  superficielle  permet  de  la  reconnaître  partout  la  même 
quel  que  soit  le  nom  qui  la  décore.  Ici  le  critique  montre  avec  joie 
l'origine  de  la  doctrine  dans  l'Apocalypse,  résumé  de  l'ésotérisme 
chrétien;  mais  bientôt  il  s'arrête,  car  derrière  la  Vision  de  saint 
Jean  apparaît  celle  de  Daniel  et  l'ésotérisme  des  deux  religions, 
Juive  et  Chrétienne,  se  montre  identique  dans  la  Kabbale.  Cette 
doctrine  secrète  tire  son  origine  de  la  religion  de  Moïse,  dit  l'his- 
torien et,  saluant  son  triomphe,  il  s'apprête  à  donner  ses  conclu- 
sions, quand  les  quatre  animaux  de  la  vision  du  Juif  se  fondent  en 
un  seul,  et  le  Sphinx  égyptien  dresse  silencieusement  sa  tête 
d'Homme  au-dessus  des  disciples  de  Moïse.  Moïse  était  un  prêtre 
égyptien,  c'est  donc  en  Egypte  que  se  trouve  la  source  de  l'ésoté- 
risme symbolique,  dans  ces  mystères  où  toute  la  philosophie 
grecque  à  la  suite  de  Platon  et  de  Pythagore  vint  puiser  ses  ensei- 
gnements. Mais  les  quatre  personnifications  mystérieuses  se  séparent 
de  nouveau  et  AddaNari  la  déesse  indoue  se  dresse  et  nous  montre 
la  tête  d'ange  équilibrant  la  lutte  entre  la  Bête  féroce  et  le  Taureau 
paisible  avant  la  naissance  de  l'Egypte  et  de  ses  mystères  sacrés. 

Poursuivez  vos  recherches,  et  sans  cesse  cette  origine  mystérieuse 
fuira  devant  vous  :  vous  traverserez  toutes  ces  civilisations  antiques 
si  péniblement  reconstituées,  et  quand  enfin,  las  de  la  course,  vous 


—  121  — 

reposerez  votre  esprit  en  pleine  race  rouge,  sur  la  première  civili- 
sation qu'a  produite  le  premier  continent,  vous  entendrez  le  pro- 
phète inspiré  chanter  les  habitants  divins  de  l'orbe  supérieur  qui 
révélèrent  à  ceux-ci  le  secret  symbolique  du  sanctuaire. 

Laissons  là  ce  Protée  insaisissable  qui  s'appelle  l'origine  de  l'Eso- 
térisme,  et  considérons  la  Kabbale  dans  laquelle,  avec  un  peu  de 
travail,  nous  pourrons  retrouver  le  fonds  commun,  la  Religion 
Unique  dont  tous  les  cultes  sont  des  émanations.  Pour  savoir  ce 
qu'est  la  Kabbale,  écoutons  un  homme  profondément  instruit,  aussi 
savant  que  modeste  et  qui  ne  parle  jamais  qu'une  fois  sûr  de  ce 
qu'il  avance  :  Fabre  d'Olivet. 

«  Il  paraît,  au  dire  des  plus  fameux  rabbins,  que  Moïse  lui- 
même,  prévoyant  le  sort  que  son  livre  devait  subir  et  les  fausses 
interprétations  qu'on  devait  lui  donner  par  la  suite  des  temps,  eut 
recours  à  une  loi  orale,  qu'il  donna  de  vive  voix  à  des  hommes 
sûrs  dont  il  avait  éprouvé  la  fidélité,  et  qu'il  chargea  de  transmettre 
dans  le  secret  du  sanctuaire  à  d'autres  hommes  qui,  la  transmet- 
tant à  leur  tour  d'âge  en  âge,  la  fissent  ainsi  parvenir  à  la  posté- 
rité la  plus  reculée.  Cette  loi  orale  que  les  Juifs  modernes  se 
flattent  encore  de  posséder  se  nomme  Kabbale,  d'un  mot  hébreu 
qui  signifie  ce  qui  est  reçu,  ce  qui  vient  d'ailleurs,  ce  qui  se  passe 
de  main  en  main*  )^. 

Deux  livres  peuvent  être  considérés  comme  la  base  des  études 
kabbalistiques  :  le  Zohar  et  le  Sepher  Jesirah.  Aucun  d'eux  n'a 
été,  que  je  sache,  complètement  traduit  en  français;  je  vais  m'ef- 
forcer  de  combler  une  partie  de  cette  lacune  en  traduisant  le 
Sepher  Jesirah  le  mieux  qu'il  me  sera  possible.  Je  prie  le  lecteur 
de  pardonner  d'avance  les  erreurs  qui  pourraient  s'être  glissées 
dans  mon  travail  auquel  je  joins  une  bibliographie  permettant  au 
chercheur  de  consulter  les  originaux,  et  des  remarques  qui  éclai- 
rent, autant  que  possible,  les  passages  par  trop  obscurs  du  texte. 

i.  Fabre  d'Olivet,  la  langue  héhr.  restituce,  p.  29. 


122  — 


LE  LIVRE  KABBALISTIUUE  DE   LA  CRÉATION,  EN  HÉBREU, 

SEPHER  JESIRAH 

Par  Abrauam 

Transmis  successivement  oralement  à  ses  fils;  puis,  vu  le  mauvais  état  des 
affaires  d'Israël,  confié  par  les  sages  de  Jérusalem  à  des  arcanes  et  à  des 
lettres  du  sens  le  plus  caché. 

CllAriTliE    I 

C'est  avec  les  Trente-deux  voies  de  la  Sagesse,  voies  admirables 
el  cachées  que  lOAH  {^\^^^]f)  DIEU  d'Israël,  DIEUX  VIVANTS  et 
Roi  des  Siècles,  DIEU  de  miséricorde  et  de  grâce,  DIEU  sublime  et 
très  élevé,  DIEU  séjournant  dans  l'Éternité,  DIEU  saint,  grava  son 
nom  par  trois  numérations  :  SEPHER,  SEPHAR  et  SIPUR,  c'est-à- 
dire  le  NOMBRE,  le  NOMBRANT  et  le  NOMBRE*  contenus  dans 
Dix  Sephiroth,  c'est-à-dire  dix  propriétés,  hormis  l'ineffable,  et 
vingt-deux  lettres. 

Les  lettres  sont  constituées  par  Trois  mères,  sept  doubles  et 
douze  simples.  Les  dix  Sephiroth,  hormis  l'ineffable,  sont  consti- 
tuées par  le  nombre  X  celui  des  doigts  de  la  main  et  cinq  contre 
cinq;  mais  au  milieu  d'elles  est  l'alliance  de  l'unité.  Dans  l'inter- 
prétation de  la  langue  et  de  la  circoncision  on  retrouve  les  Dix 
Sephiroth  hormis  l'ineffable. 

Dix  et  non  neuf.  Dix  et  non  onze,  comprends  dans  ta  sagesse  el 
tu  sauras  dans  ta  compréhension.  Exerce  ton  esprit  sur  elles, 
cherche,  note,  pense,  imagine,  rétablis  les  choses  en  place  et  fais 
asseoir  le  Créateur  sur  son  trône. 

Dix  Sephiroth,  hormis  l'ineffable,  dont  les  dix  propriétés  sont  ^^  «^  •  i 
^.infinies  :  l'infini  du  commencement,   l'infini  de  la  fin,  l'inlini  du,       fj^ 
bien,  l'infini  du  mal,  l'infini  en  élévation,  l'infini  en  profondeur,     " 
l'infini  à  l'Orient,  l'infini  à  l'Occident,  l'infini  au  Noril,  l'infini  au 
Midi  et  le  Seigneur  seul  est  au-dessus;   Roi   fidèle,  il  les  domine 
toutes  du  haut  de  son  trône  dans  les  siècles  des  siècles. 

Dix  Sephiroth,  hormis  Tineffable;  leur  aspect  est  semblable  à 
celui  des  flammes  scintillantes,  leur  fin  se  perd  dans  l'infini.  Le 

1.  Abendaua  traduit  ces  trois  termes  par  l'Écriture,  les  Nombres  et  la 
Parole. 


—  123  — 

verbe  de  Dieu  circule  en  elles;  sortant  et  rentrant  sans  cesse,  sena- 
blables  à  un  tourbillon,  elles  exécutent  à  l'instant  la  parole  divine 
et  s'inclinent  devant  le  trùiie  de  l'Éternel. 

Dix  Sephiroth,  hormis  rinelFable;  considère  que  leur  fin  est 
jointe  au  principe  comme  la  flamme  est  unie  au  tison,  car  le  Sei- 
gneur est  seul  au-dessus  et  n'a  pas  de  second.  Quel  nombre  peux- 
tu  énoncer  avant  le  nombre  un? 

Dix  Sephiroth,  hormis  l'ineffable.  Ferme  tes  lèvres  et  arrête  ta 
méditation,  et,  si  ton  cœur  défaille,  reviens  au  point  de  départ. 
C'est  pourquoi  il  est  écrit  :  Sortir  et  revenir,  car  c'est  pour  cela 
que  l'alliance  a  été  faite  :  Dix  Sephiroth,  hormis  l'ineffable. 

La  première  des  Sephiroth,  un,  c'est  l'Esprit  du  Dieu  vivant, 
c'est  le  nom  béni  et  rebéni  du  Dieu  éternellement  vivant.  La  voix, 
l'esprit  et  la  parole,  c'est  l'Esprit  Saint. 

Deux,  c'est  le  souffle  de  l'Esprit,  et  avec  lui  sont  gravées  et 
sculptées  les  vingt-deux  lettres,  les  trois  mères,  les  sept  doubles  et 
les  douze  simples,  et  chacune  d'elles  est  esprit. 

Trois,  c'est  l'Eau  qui  vient  du  souffle,  et  avec  eux  il  sculpta  et 
grava  la  matière  première  inanimée  et  vide,  il  édifia  TOHU,  la 
ligne  qui  serpente  autour  du  monde  et  BOHU,  les  pierres  occultes 
enfouies  dans  l'abîme  et  desquelles  sortent  les  Eaux. 

Quatre,  c'est  le  Feu  qui  vient  de  l'Eau,  et  avec  eux  il  sculpta  le 
trùne  d'honneur,  les  Ophanim  (roues  célestes),  les  Séraphins,  les 
animaux  saints  et  les  anges  Serviteurs,  et  de  leur  domination  il  fit 
sa  demeure  comme  dit  le  texte  :  C'est  lui  qui  fit  ses  anges  et  ses 
esprits  ministrants  en  agitant  le  feu. 

Gin<[,  c'est  le  sceau  duquel  il  scella  la  hauteur  quand  il  la  con- 
templa au-dessus  de  lui.  Il  la  scella  du  nom  lEV  ("^H*). 

Six,  c'est  le  sceau  duquel  il  scella  la  profondeur  quaiul  il  la  con- 
templa au-dessous  de  lui.  Il  la  scella  du  nom  IVE  (nV). 

Sept,  c'est  le  sceau  duquel  il  scella  l'Orient  quand  il  le  contempla 
devant  lui.  Il  le  scella  du  nom  EIV  (VH). 

Huit,  c'est  le  sceau  duquel  il  scella  l'Occident  quand  il  le  contem- 
pla derrière  lui.  II  le  scella  du  nom  VEI  (^Hl). 

Neuf,  c'est  le  sceau  du(|uel  il  scella  le  Midi  quand  il  le  contempla 
à  sa  droite.  Il  le  scella  du  nom  VIE  (H^l). 

Dix,  c'est  le  sceau  duquel  il  scella  le  Nord  quand  il  le  contempla 
à  sa  gauche.  II  le  scella  du  nom  EVI  (^IH) . 

Tels  sont  les  dix  Esprits  ineffables  du  Dieu  vivant  :  l'Esprit,  le 
Souffle  on  l'Air,  l'Eau,  le  Feu,  la  Hauteur,  la  Profondeur,  l'Orient, 
rOccident,  le  Nord  et  le  Midi. 


—  124 


CHAPITRE    II 


Les  vingt-deux  lettres  sont  constituées  par  trois  mères,  sept 
doubles  et  douze  simples. 

Les  trois  mères  sont  :  E  M  e  S  (\i^'Oi^j  c'est-à-dire  l'Air,  l'Eau  et 
le  Feu.  L'Eau  M  (D)  muette,  le  Feu  S  (U)  sifflant,  TAir  A  (5^) 
intermédiaire  entre  les  deux  comme  le  langage  de  la  loi  OCH  (pH) 
tient  le  milieu  entre  le  mérite  et  la  culpabilité.  A  ces  vingt-deux 
lettres  il  donna  une  forme,  un  poids,  en  les  mêlant  et  les  transfor- 
mant de  diverses  manières,  il  créa  l'âme  de  tout  ce'qui  est  à  créer 
ou  le  sera. 

Les  vingt-deux  lettres  sont  sculptées  dans  la  voix,  gravées  dans 
l'Air,  placées  dans  la  prononciation  en  cinq  endroits  :  dans  le  gosier, 
dans  le  palais,  dans  la  langue,  dans  les  dents  et  dans  les  lèvres. 

Les  vingt-deux  lettres,  les  fondements,  sont  placées  sur  la  sphère 
au  nombre  de  231.  Le  cercle  qui  les  contient  peut  tourner  direc- 
tement, et  alors  il  signifie  bonheur,  ou  en  rétrograde,  et  alors  il 
signifie  le  contraire.  C'est  pourquoi  il  les  rendit  pesantes  et  les 
permuta,  Aleph  (J^)  avec  toutes  et  toutes  avec  Aleph,  Beth  (2.)  avec 
toutes  et  toutes  avec  Beth,  etc.. 

C'est  par  ce  moyen  que  naissent  231  portes,  qu'on  trouve  que 
tous  les  idiomes  et  toutes  les  créatures  dérivent  de  cette  formation 
et  que  par  suite  toute  création  procède  d'un  nom  unique.  C'est 
ainsi  qu'il  fit  (nï^),  c'est-à-dire  l'Alpha  et  l'Oméga,  ce  qui  ne 
changera  ni  ne  vieillira  jamais'. 

Le  signe  de  tout  cela  c'est  vingt-deux  totaux  et  un  seul  corps. 

CHAPITRE    III 

Trois  mères  E  M  e  S  (UD^^)  sont  les  fondements.  Elles  repré- 
sentent le  plateau  de  l'affirmation,  le  plateau  de  la  contradiction  el 
le  langage  de  l'examen  OCH  i'p'n)  qui  est  au  milieu. 

Trois  mères  E  M  e  S.  Secret  insigne,  très  admirable  et  très  caché 
gravé  par  six  anneaux  desquels  sortent  le  feu,  l'eau  et  l'air  qui  se 
divisent  en  mâles  et  femelles.  Trois  mères  E  M  e  S  et  d'elles  trois 
Pères;  avec  ceux-ci  toutes  choses  sont  créées. 

t.  Voir  aux  remarques  pour  l'explication  de  ce  passage. 


—  125  — 

Trois  mères  EMeS  dans  le  monde,  l'Air,  l'Eau,  le  Feu,  Dans  le 
principe,  les  Gieux  furent  créés  du  Feu,  la  Terre  de  l'Eau  et  l'Air 
de  l'Esprit  qui  est  au  milieu. 

Trois  mères  E  M  e  S  dans  l'année,  le  Chaud,  le  Froid  et  le  Tem- 
péré. Le  Chaud  a  été  créé  du  Feu,  le  Froid  de  l'Eau  et  le  Tempéré 
de  l'Esprit,  milieu  entre  eux. 

Trois  mères  EMeS  dans  l'Homme,  la  Tête,  le  Ventre  et  la  Poi- 
trine. La  Tête  a  été  créée  du  Feu,  le  Ventre  de  l'Eau  et  la  Poitrine, 
milieu  entre  eux,  de  l'Esprit. 

Trois  mères  EMeS.  Il  les  sculpta,  les  grava,  les  composa  et 
avec  elles  furent  créées  trois  mères  dans  le  monde,  trois  mères 
dans  l'année,  trois  mères  dans  l'homme,  mâles  et  femelles. 

Il  fit  régner  Aleph  (^^]  sur  l'Esprit,  il  les  lia  par  un  lien  et  les 
composa  l'un  avec  l'autre,  et  avec  eux  il  scella  l'air  dans  le  monde, 
le  tempéré  dans  l'année  et  la  poitrine  dans  l'homme,  mâles  et 
femelles.  Mâles  en  E  M  e  S  (\t^Di^)  c'est-à-dire  dans  l'Air,  l'Eau  et  le 
Feu,  femelles  en  A  S  a  M'  c'est-à-dire  dans  l'Air,  le  Feu  et  l'Eau. 

Il  fit  régner  Mem  (D)  sur  l'Eau,  il  l'enchaîna  de  telle  façon  et 
les  combina  l'un  avec  l'autre  de  telle  sorte  qu'il  scella  avec  eux  la 
terre  dans  le  monde,  le  froid  dans  l'année,  le  fruit  du  ventre  dans 
l'homme,  mâles  et  femelles. 

Il  fit  régner  le  Schin  (M^)  sur  le  Feu  et  l'enchaîna  et  les  combina 
l'un  avec  l'autre,  de  telle  sorte  qu'il  scella  avec  eux  les  cieux  dans 
le  monde,  le  chaud  dans  l'année  et  la  tète  dans  l'homme,  mâles  et 
femelles. 


CUAPlïRE   IV 


Sept  doubles 


T  R  PH  CH  D  G  B 


constituent  les  syllabes  :  Vie,    Paix,    Science,    Richesse,    Grâce, 
Semence,  Domination. 

Doubles  parce  qu'elles  sont  réduites  en  leurs  opposés,  par  la 
permutation;  à  la  place  de  la  Vie  est  la  Mort,  de  la  Paix,  la 
Guerre,  de  la  Science,  l'Ignorance,  des  Richesses,  la  Pauvreté,  de 
la  Grâce,  l'Abomination,  de  la  Semence,  la  Stérilité  et  de  la  Domi- 
nation, l'Esclavage.  Les  sept  doubles  sont  opposées  aux  sept  termes  ; 

L  D\r;5< 


—  126  — 

rOrient,  l'Occident,  la  Hauteur,  la  Profondeur,  le  Nord,  le  Midi  et 
le  Saint  Palais  fixé  au  milieu  qui  soutient  tout. 

Ces  sept  doubles,  il  les  sculpta,  les  grava,  les  combina  et  créa 
avec  elles  les  Astres  dans  le  Monde,  les  Jours  dans  l'Année,  et  les 
Portes  dans  l'Homme,  et  avec  elles  il  sculpta  sept  ciels,  sept  élé- 
ments, sept  animalités  vides  depuis  l'œuvre.  Et  c'est  pourquoi  il 
choisit  le  septénaire  sous  le  ciel. 

Deux  lettres  construisent  deux  maisons,  trois  en  bâtissent  six  ; 
quatre,  vingt-quatre;  cinq,  cent  vingt;  six,  sept  cent  vingt;  et  de 
là,  le  nombi-e  progresse  dans  l'inénarrable  et  l'inconcevable'. 
Les  astres  dans  le  monde  sont  le  Soleil,  Vénus,  Mercure,  la  Lune, 
Saturne,  Jupiter  et  Mars.  Les  jours  de  l'année  sont  les  sept  jours  de 
la  création,  et  les  sept  portes  de  l'homme  sont  deux  yeux,  deux 
oreilles,  deux  narines  et  une  bouche. 


CHAPITRE    V 


Douze  simples 


K  Ts  Gh  S  N  L  I  ï  H  Z  \^  E 

p  •::    V   ^  "  '"^  ■  ^  i^  1  "  ^ 


Leur  fondement  est  le  suivant:  La  Vue,  l'Ouïe,  l'Odorat,  la  Pa- 
role, la  Nutrition,  le  Coït,  l'Action,  la  Locomotion,  la  Colère,  le 
Rire,  la  Méditation,  le  Sommeil.  Leur  mesure  est  constituée  par 
les  douze  termes  du  monde  : 

Le  Nord-Est,  le  Sud  Est,  l'Est-hauteur,  l'Est-profondeur. 

Le  Nord-Ouest,  le  Sud-Ouest,  l'Ouest-hauteur,  l'Ouest-profon- 
deur. 

Le  Sud-liauteur,  le  Sud-profondeur,  le  Nord-hauteur,  le  Nord- 
profondeur, 

Les  bornes  se  propagent  et  s'avancent  dans  les  siècles  des  siècles 
et  ce  sont  les  bras  de  l'Univers. 

Ces  douze  simples,  il  les  sculpta,  les  grava,  les  assembla,  les 
pesa  et  les  transmua  et  il  créa  avec  elles  douze  signes  dans  l'Uni- 
vers, savoir:  le  Bélier,  le  Taureau,  etc.,  etc.. 

Douze  mois  dans  l'année. 

Et  ces  lettres  sont  les  douze  directrices  de  l'homme,  ainsi  qu^il 
suit  : 

Main  droite  et  main  gauche,  les  deux  [jieds,  les  deux  reins,  le 
foie,  le  fiel,  la  rate,  le  colon,  la  vessie,  les  artères. 

1.  V.  aux  remarques. 


—  1:>7   — 

Trois  mères,  sept  doubles  et  douze  simples.  Telles  sont  les 
vingt-deux  lettres  avec  lesquelles  est  fait  le  tétragramme  lEVE 
mn^  ^  c'est-à-dire  \otre  Dieu  Sabaoth,  le  Dieu  Sublime  d'Israël, 
le  Très  Haut  siégeant  dans  les  siècles;  et  son  saint  nom  créa  trois 
pères  et  leurs  descendants  et  sept  ciels  avec  leurs  cohortes  célestes 
et  douze  bornes  de  l'Univers. 

La  preuve  de  tout  cela,  le  témoignage  fidèle,  c'est  l'univers, 
l'année  et  l'homme.  Il  les  érigea  en  témoins  elles  sculpta  par  trois, 
sept  et  douze.  Douze  signes  et  chefs  dans  le  Dragon  céleste,  le  Zo- 
diaque et  le  Cœur.  Trois,  le  feu,  l'eau  et  l'air.  Le  feu  au-dessus, 
l'eau  au-dessous  et  l'air  au  milieu.  Cela  signifie  que  l'air  participe 
des  deux. 

Le  Dragon  céleste,  c'est-à  dire  l'Intelligence  dans  le  monde,  le 
Zodiaque  dans  l'année  et  le  Cœur  dans  l'homme.  Trois,  le  feu, 
l'eau  et  l'air.  Le  feu  supérieur,  l'eau  inférieure,  l'air  au  milieu, 
car  il  participe  des  deux. 

Le  Dragon  céleste  est  dans  l'univers  semblable  à  un  nti  sur  son 
trône,  le  Zodiaque  dans  l'année  semblable  à  un  roi  dans  sa  cité,  le 
Cœur  dans  l'homme  ressemble  à  un  roi  à  la  guerre. 

Et  Dieu  les  fît  opposés,  Bien  et  Mal.  Il  fit  le  Bien  du  Bien  et  le 
Mal  du  Mal.  Le  Bien  prouve  le  Mal  et  le  Mal,  le  Bien.  Le  Bien 
bouillonne  dans  les  justes  et  le  Mal  dans  les  impies.  Et  chacun  est 
constitué  par  le  ternaire. 

Sept  parties  sont  cuusliluées  par  deux  ternaires  au  milieu  desquels 
se  tient  l'unité. 

Le  duodénaire  est  constitué  par  des  parties  opposées:  trois 
amies,  trois  ennemies,  trois  vivante^  vivifie.il,  trois  tuent  et 
Dieu,  roi  fidèle,  les  domine  toutes  du  seuil  de  sa  sainteté. 

L'unité  domine  sur  le  ternaire,  le  ternaire  sur  le  septénaire,  le 
septénaire  sur  le  duodénaire.  mais  chaque  partie  est  inséparable 
de  toutes  les  autres  depuis  qu'Abraham  notre  père  considéra,  exa- 
mina, approfondit,  comprit,  sculpta,  grava  et  composa  tout  cela, 
et  de  ce  fait  joignit  la  créature  au  créateur.  Alors  le  maître  de 
l'Univers  se  manifesta  à  lui,  l'appela  son  ami  et  s'engagea  par  une 
alliance  éternelle  envers  lui  et  sa  postérité,  comme  il  est  écrit  :  Il 
crut  en  lOAH  (Him)  et  cela  lui  fut  compté  comme  une  œuvre  de 
Justice.  IL  contracta  avec  Abraham  un  pacte  entre  ses  dix  orteils, 
c'est  le  pacte  de  la  circoncision,  et  un  autre  entre  les  dix  doigts  de 
ses  mains,  c'est  le  pacte  de  la  langue.  IL  attacha  les  vingt-deux 
lettres  à  sa  langue  et  lui  découvrit  leur  mystère.  IL  les  fit  descendre 
dans  l'eau,  les  fît  monter  dans  le  feu,  les  jeta  dans  l'air,  les  alluma 
dans  les  sept  planètes  et  les  efl'usa  dans  les  douze  signes  célestes. 


—  128 


REMARQUES 


Notre  intention  n'est  pas,  dans  ces  courtes  observations,  de  faire 
un  commentaire  du  Sepher  Jesirah.  Ce  commentaire,  pour  avoir 
quelque  valeur,  ne  peut  être  basé  que  sur  le  texte  hébraïque  dont 
la  langue  conservant  encore  sa  triple  signification*  permet  seule  de 
rendre  tout  entière  la  pensée  de  l'auteur.  Du  reste  les  maîtres  les  plus 
éminents  en  occultisme,  Guillaume  Postel  et  l'alchimiste  Abraham, 
ont  fait,  en  latin,  des  commentaires  excellents  auxquels  nous  ren- 
voyons le  lecteur  désireux  d'approfondir  ces  questions. 

Nous  voulons  borner  notre  ambition  à  éclaircir  de  notre  mieux 
les  passages  trop  obscurs,  par  des  notes  et  par  la  traduction  de 
deux  ouvrages  kabbalistiques  trop  peu  connus:  Les  cinquante  por- 
tes de  rintelligencÊ  et  Les  trente-deux  voies  de  la  Sagesse. 

D'une  façon  générale  on  pourrait  appeler  le  Sepher  Jesirah  le 
livre  de  la  créalion  kabbalistique  plutôt  que  le  livre  kabbalistique 
de  la  création.  C'est  en  effet  sur  le  nom  mystérieux  lOAH /nTH^) 
que  le  livre  tout  entier  repose,  et  la  création  du  monde  par  LUI- 
LES-DIEUX^se  borne  à  la  création  toute  kabbalistique  des  nombres 
et  des  lettres.  Par  là  l'auteur  du  Sepher  proclame,  dès  le  début,  la 
méthode  caractéristique  des  Sciences  Occultes  :  l'Analogie. 

La  forme  que  l'artiste  donne  à  son  œuvre  exprime  exactement 
la  grandeur  de  l'idée  productrice,  il  existe  un  rapport  mathéma- 
tique entre  la  forme  visible  et  l'idée  invisible  qui  lui  a  donné  nais- 
sance, entre  la  réunion  des  lettres  formant  un  mot  et  l'idée  que 
ce  mot  représente  ;  aussi  créer  des  mots  c'est  créer  des  idées  et  l'on 
comprend  pourquoi  le  Sepher  Jesirah  se  borne,  pour  raconter  la 
création  d'un  monde,  à  développer  la  création  des  lettres 
hébraïques  qui  représente  des  idées  et  des  lois. 

«  Le  Sohar  est  une  genèse    de  lumière,  le  Sepher  Jesirah  une 


1.  «  Moïse  a  suivi  en  cela  la  méthode  des  Prêtres  égyptiens;  car  je 
dois  dire  avant  tout  que  ces  Prêtres  avaient  trois  manières  d'expriuier 
leur  pensée.  La  première  était  claire  et  simple,  la  seconde  symbolique  et 
figurée,  la  troisième  sacrée  ou  hiéroglyphique....  Le  même  mot  prenait 
à  leur  gré  le  sens  propre,  figuré  ou  hiéroglyphique.  Tel  était  le  génie  de 
leur  langue.  Heraclite  a  parfaitement  exprimé  cette  différence  en  la  dé- 
signant par  les  épithètes  de  parlant,  de  signifiant  et  &&  cachant,  y  (Fabre 
d'Olivet.) 

2.  Traduction  exacte  du  mot  D^il'^ï^  (j:iohim).  Du  reste,  on  peut  voir 
au  début  du  Sepher  Jesirah  Dieu  désigné  au  pluriel. 


—  129  — 

échelle  de  vérités.  Là  s'expliquent  les  trente-deux  signes  absolus  de 
la  parole;,  les  nombres  et  les  lettres  ;  chaque  lettre  reproduit  un 
nombre,  uneidéeetuneforme, en  sortequelesmathématiquess'appli- 
quent  aux  idées  et  aux  formes  non  moins  rigoureusement  qu'aux 
nombres,  par  une  proportion  exacte  et  une  correspondance  parfaite. 

«  Par  la  science  du  Sepher  Jesirah  l'esprit  humain  est  fixé  dans 
la  vérité  et  dans  la  raison  et  peut  se  rendre  compte  des  progrès 
possibles  de  l'intelligence  par  les  évolutions  des  nombres.  Le 
Sotiar  représente  donc  la  Vérité  absolue  et  le  Sepher  Jesirah 
donne  les  moyens  de  la  saisir,  de  se  l'approprier  et  d'en  faire 
usage.  »  (Eliphas  Levi,  Histoire  de  la  Magie.) 

La  loi  générale  qui  va  donner  naissance  au  monde  une  fois 
créée  sol;s  le  nom  de  lOAH',  nous  allons  lavoir  se  développer  dans 
l'Univers  à  travers  les  dix  Sephiroth  ou  Numérations. 

Qu'expriment  donc  ces  dix  Sephiroth?  Peu  de  termes  ont  donné 
naissance  à  plus  de  commentaires  ;  d'après  les  racines  hébraïques 
de  ce  mot,  je 'crois  qu'on  pourrait  exprimer  l'idée  qu'il  renferme, 
par  la  définition  suivante :79om^  d'arrêt  d'un  mouvement  cyclique. 
Les  dix  Sephiroth  ne  seraient  alors  que  dix  conceptions  à  degrés 
différents  d'une  seule  et  même  chose  que  les  Kabbalistes  désignent 
sous  le  nom  d'En  Soph,  l'inefl'able,  qui  représente  l'essence  divine 
dans  sa  plus  grande  abstraction  et  qui  est  désignée  dans  le  nom 
(lEVE)  par  la  première  lettre  droite  I  1  (mn*). 

Le  Sepher  nous  montre  l'application  de  ces  idées  en  se  servant 
du  même  mot  (EVE)  (H"!!)  combiné  de  façons  différentes  pour 
nous  indiquer  les  six  dernières  Sephiroth  (chap.  1'^'). 

ï.  Je  crois  rendre  service  aux  lecteurs  eu  publiant  une  partie  du  com- 
mentaire de  Fabre  d'Olivet  sur  ce  nom  mystérieux  dont  l'étude  est,  à 
dessein,  à  peine  abordée  par  les  écrivains  en  occulle  ; 

«  Ce  nom  offre  d'abord  le  signe  indicateur  de  la  vie,  doublé,  et  for- 
mant la  racine  esseriliellenient  vivante  EE  ('^'^)-  Cette  racine  n'est  ja- 
mais employée  comme  noni  et  c'est  la  seule  qui  jouisse  de  celte  préro- 
gative. Klie  est,  dès  sa  formation,  non  seulement  un  verbe,  mais  un  verbe 
unique  dont  tous  les  autres  ne  sont  que  des  dérivés  :  en  un  mot  le  verbe 

tl"in  (KVE)  ôlre-étanl.  Ici,  comme  on  le  voit,  et  comme  j'ai  eu  soin  de 

l'explicjuer  dans  ma  graniniairc,  le  soigne  de  la  lumière  inlelligible  (Vô) 
est  au  milieu  de  la  racine  de  vie.  Moïse,  prenant  ce  verbe  par  excellence 
pour  en  former  le  nom  propre  de  l'I^lre  des  Élres,  y  ajoute  le  signe  de 

la  manifestalion  potentielle  et  de  réternité  1  (I)  cl  il  obtient  Hin*  (lEVE) 
dans  lequel  le  facultatif  étant  se  trouve  placé  entre  un  passé  sans  origine 
et  un  futur  sans  lermo.  Ce  nom  admirable  signifie  donc  cxadement 
rf^U'e-qui-est-qui-fut-el-qui-sera.  » 

9 


—  130  — 

M.  Franck,  interprétant  les  Kabbalisles,  dit  aussi  :  «  Quoique  luus 
également  nécessaires,  les  attributs  et  les  distinctions  que  les  Se- 
phiroth  expriment  ne  peuvent  pas  nous  faire  comprendre  la  nature 
divine  de  la  même  hauteur;  mais  ils  nous  la  représentent  sous 
divers  aspects  que  dans  le  langage  desKabbalistes  on  appelle  des 
visages  ou  des  personnes».  )> 

Mais  c'est  Kircher  qui  va  nous  éclairer  tout  ù  fait  en  nous  mon- 
trant dans  une  seule  phrase  l'origine  des  travaux  modernes  sur 
l'unité  de  la  force  répandue  dans  l'Univers,  travaux  poursuivis 
avec  tant  de  fruit  par  Louis  Lucas^;  écoutons  notre  auteur: 

«  C'est  pourquoi  toutes  les  Sephiroth  ou  Nombres  sont  une  seule 
et  même  force  modifiée  différeinment  suicant  les  milieux  qu'elle 
traverse^.  » 

Bientôt  la  substance  divine  va,  par  de  nouvelles  modifications, 
donner  naissance  à  des  conceptions  encore  inconnues  manifestées 
par  les  vingt-deux  lettres.  Ici  les  grandes  lois  qui  régissent  la 
nature  vont  apparaître  une  à  une  dans  les  applications  analogiques 
qu'emploie  l'auteur  du  Sepher  en  parlant  de  l'Univers,  de  Tannée 
et  de  l'homme. 

La  première  distinction  apparaît  dans  la  division  ternaire  des 
lettres  qui  se  partagent  en  mères,  doubles  (exprimant  deux  sons, 
l'un  positif,  fort,  et  l'autre  négatif,  doux)  et  simples  (n'exprimant 
qu'un  son). 

Cette  idée  de  la  Trinité  se  retrouve  partout  dans  le  Sepher.  Elle 
est  surtout  bien  développée  dans  le  chapitre  m  où  l'on  montre  sa 
constitution:  un  positif  (^j  S  le  Feu  ;  un  négatif,  l'Eau  (D)  M;  et 
enfin  un  neutre,  l'Air  A  ('^\  intermédiaire  entre  les  deux  et  résul- 
tant de  leur  action  réciproque. 

Considérons  chaque  Tiinité  comme  une  seule  personne  et  nous 
allons  voir  apparaître  une  Trinité  positive,  une  Trinité  négative  et 
l'Unité  qui  les  accorde  dans  le  Septénaire  comme  le  dit  le  texte: 

«  Sept  parties  sont  constituées  par  deux  Ternaires  au  milieu  des- 
quels se  tient  l'unité.  » 

De  même  le  duodénaire  est  formé  de  quatre  ternaires  opposés 
deux  à  deux. 

Dans  ces  quelques  chifTres   sont  cependant  contenues  toutes  les 

d.  Vranck,  la  Kabbale. 

2.  Vo3'ez  VOccultisme  contemporain,  par  Papus  (chez  Carré). 

3.  Kircher,  (Mdipus  Mji/ptiacus  [Cubala  Hebrœorum,  §  1 1). 


—  i;n  — 

lois  que  la  Science  occulte  considère  comme  les  lois  primordiales, 
les  pourquoi  de  la  Nature. 

Et  cela  est  si  vrai  que  l'auteur  termine  son  livre  en  synthé- 
tisant dans  une  seule  phrase  les  lois  qu'il  a  analysées  précédem- 
ment. 

A  côté  de  cette  évolution,  partie  de  la  Divinité  pour  se  répandre 
à  travers  la  création,  dont  l'idée  est,  en  somme,  assez  claire,  appa- 
raissent, de  place  en  place,  des  passages  obscurs  dont  le  sens  se 
rapporte  aux  pratiques  divinatoires,  et  par  suite  occultes,  du  sanc- 
tuaire. 

Quelques  lettres  de  l'alphabet  suffisent  pour  exprimer  un 
nombre  incalculable  d'idées  et  cela  par  leur  simple  combinaison. 
Ainsi  voici  trois  lettres  l'N  l'M  et  l'O  qui  vont  exprimer  une  idée 
entièrement  différente  suivant  qu'on  les  écrira  NOM  ou  MON.  C'est 
à  ces  combinaisons  des  lettres  et  par  suite  des  nombres  et  des  idées 
que  se  rapportent  les  deux  cent  trente  et  une  portes  de  la  fin  du 
chapitre  ii  et  les  maisons  du  chapitre  iv. 

Les  deux  cent  trente  et  une  portes  se  rattachent  à  la  pratique 
d'une  table  appelée  Ziruph  en  Kabbale  et  indiquant  tous  les  mots 
que  peuvent  former  les  vingt-deux  lettres,  substituées  les  unes  aux 
autres.  Mais,  dans  le  cas  qui  nous  occupe,  voici  l'explication  de 
Guillaume  Postel: 

Multipliez  les  vingt-deux  lettres  par  les  onze  nombres  (les  dix 
Sephirolli  -)-  l'ineffable),  vous  obtiendrez  deux  cent  (|uarante-deux 
desquels  vous  retrancherez  les  nombres  pour  n'avoir  plus  que  les 
portes  occultes,  ce  qui  vous  donnera  242  —  H  =  23i  portes. 

La  table  des  substitutions  sert  à  remplacer  la  première  lettre  de 
l'alphabet  par  la  dernière,  la  deuxième  par  l'avaiit-dernière  et 
ainsi  de  suite. 

Prenons  un  exemple  du  français,  l'alphabet: 

A  B  C  D  l<]  F  G  H  IJ  K  L  M  N  0  F  Q  II  S  T  U  V  X  Y  Z  deviendra  : 
ZYXVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA, 

si  bien  que  pour  écrire  ART  on  écrira  en  lisant  ra]|)habet  placé  au 
dessous  ZHF.  Cette  méthode  combinée  avec  la  suivante  est  d'un 
grand  secours  pour  l'usage  pratique  de  la  Rota  de  Guillaume 
Poste  M.  '  " 

]>e  deuxième  [)assage  (fin  du  chapitre  IV)  se  rapporte  au  nombre 
de  combinaisons  que  peuvent  former  un  certain  nombre  de  lettres; 

1.   Voyez  Eliphas  Lovi,  liituel  de  Haute  Magie,  cliapilie  \\\. 


—  132  — 

ainsi  deux  lettres  ne  peuvent  former  que  deux  combinaisons,  trois 
peuvent  en  former  six.  Ex.  : 

1.  A  B  G 

2.  A  G  B 

3.  B  A  G 

4.  B  G  A 

5.  G  A  B 
G.  G  B  A 

et  ainsi  de  suite  d'après  une  loi  mathématique.  Gomme  on  peut  le 
voir,  le  Sepher  Jesirah  est  déductif,  il  part  de  l'idée  de  Dieu  pour 
descendre  dans  les  phénomènes  naturels.  Les  deux  livres  dont  il 
me  reste  à  parler,  sont  établis  l'un  d'après  le  système  du  Sepher 
Jésirah,  c'est  celui  intitulé:  Les  trente-deux  voies  de  la  Sagesse. 
L'autre  est  inductif,  il  part  de  la  Nature  pour  remonter  à  l'idée  de 
Dieu,  et  présente  un  système  d'évolution  remarquable  en  cela 
qu'il  offre  une  analogie  digne  d'intérêt  avec  les  idées  modernes  et 
les  données  de  la  Théosophie*.  Je  veux  parler  des  cinquante  portes 
de  Cmieltigence. 

D'après  les  Kabbalistes,  chacun  de  ces  deux  systèmes  procède 
d'une  des  premières  Sephiroth.  Lestrente-deux  voies  de  la  Sagesse 
dérivent  de  Ghochmah  et  les  cinquante  portes  de  l'Intelligence  de 
Binah,  comme  l'enseigne  Kircher: 

a  De  même  que  les  trente-deux  voies  de  la  Sagesse,  émanées  de 
la  Sagesse,  se  répandent  dans  le  cercle  des  choses  créées,  de  même 
de  Binah,  c'est-à-dire  de  l'Intelligence  que  nous  avons  vu  être  l'Es- 
prit saint,  s'ouvrent  cinquante  portes  qui  conduisent  auxdites  voies  ; 
leur  but  est  de  conduire  à  Tusage  pratique  des  trente-deux  voies 
de  la  Sagesse  et  de  la  Puissance. 

«  On  les  appelle  Portes  parce  que  personne  ne  peut,  d'après  les 
cabalistes,  parvenir  à  une  notion  parfaite  des  voies  susdites  s'il 
n'est  d'abord  entré  par  ces  Portes.  » 

I.  Voyez  la  secoiulu  partie  ilii  Tniitr  cl/'iiiciUnlre  de  Scicnl'c  uccullf. 


—  13:^  — 


LES  50  PORTES  DE  L'INTELLIGENCE 

!■•«  CLASSE 
PRINCIPES   DES   ÉLÉMENTS 

Pi)i-te  I  —  (la  plus  infime)  Matière  première.  Hyle,  Chaos. 

—  2    -  Vide  et  inanimé  :  ce  qui  est  sans  forme. 

—  3  —  Attraction  naturelle,  l'abîme. 

—  4  ■ —  Séparation  et  rudiments  des  Eléments. 

-  o  -'   Elément  Terre  ne  renfermant  encore  aucune  semence. 

—  6  —   Elément  Eau  agissant  sur  la  Terre. 

—  7  —  Elément  de  l'Air  s'exhalant  de  l'abîme  des  eaux. 

-  8  -      Elément  Feu  échauffant  et  vivifiant. 

-  9  —   Figura  lion  des  Qualités. 

10  -     f>eur  attraction  vers  le  mélange. 

2c  CLASSE 
DÉCADE   DES   MIXTES 

Porter  il  —  Apparition  des  Minéraux   par   la   disjonction    de   la 
terre. 

—  12  —  Fleurs   et   sucs    ordonnés   pour    la    génération    des 

métaux. 
13  —  Mers,  Lacs,  Fleurs  sécrétés  entre  les  alvéoles  (de  la 
Terre). 

—  14  • —  Production  des  Herbes,  des  Arbres,  c'est-à-dire  de  la 

nature  végétante. 

—  15    -  Forces  et  semences  données  à  chacun  d'eux. 

—  16     -  Production  de  la  Nature  sensible,  c'est-à-dire 

—  17  —  Des  Insectes  et  des  Reptiles. 

—  18  —  Des  Poissons  |  chacun  avec  ses  propriétés 

—  19  —  Des  Oiseaux  (  spéciales. 

—  20  —  Procréation  des  Quadrupèdes. 

:î-  CLVSSE 

DÉCADE    DE    LA    NATLRE    lUMAlNE 

Porte   21   —  Production  de  l'homme. 

—  22  —  Limon  de  la  Terre  de  Damas,  Matière. 

—  23  —  Soufde  de  Vie,  Ame  ou 

-  24  —  Mystère  d'Adam  et  d'Eve. 

—  23  —  Homme-Tout,  Microcosme. 


—  iU  — 

Porte  26  —  Cinq  puissances  externes. 

—  27  —  Cinq  puissances  internes. 

—  28  —  Homme  Ciel. 

—  29  —  Homme  Ange. 

—  30  —  Homme  image  et  similitude  de  Dieu. 

4e  CLASSE 
ORDRES   DES   CIEUX,    MONDE   DES   SPHÈRES 

Porte 


31 

/    De  la  Lune. 

32 

De  Mercure. 

33 

\    De  Vénus. 

34 

\    Du  Soleil. 

35 

<D 

)    De  Mars. 

36 

•r-t 

0 

\    De  Jupiter. 

37 

j   De  Saturne. 

38 

/    Du  Firmament. 

39 

Du  premier  Mobile 

40 

\     Empyrée. 

Se  CLASSE 
DES  NEUF  ORDRES  d'aXGES,  MONDE  ANGÉLIQUE 

Porte  41   —  Animaux    saints Séraphins. 

—  42  —  Ophanim,  c.-à-d.  Roues Chérubins. 

—  43  —  Anges  grands  et  forts Trônes. 

—  44  —  Haschemalim  c.-à-d Dominations. 

—  45  —  Seraphim   c.-à-d Vertus. 

—  46  —  Malachim Puissances. 

—  47  —  Elohim Principautés. 

—  48  —  Ben  Elohim Archanges. 

—  49  —  Chérubin Anges. 

6e  CLASSE 
EN-SOPH,  DIEU  IMMENSE 

MONDE  SUPERMONDAIN  ET  ARCHÉTYPE 

Porte  50  —  Dieu,  Souverain  Bien,  Celui  que  l'homme  mortel  n"a 
pas  vu,  ni  qu'aucune  recherche  de  l'esprit  n'a 
pénétré.  C'est  là  la  50*^  porte  à  laquelle  Moïse  ne 
parvint  pas. 


—  135  — 

Et  telles  sont  les  cinquante  portes  par  lesquelles  le  chemin  est 
préparé  de  l'Intelligence  ou  l'Esprit  Saint  vers  les  32  voies  de  la 
Sagesse  au  scrutateur  soucieux  et  obéissant  à  la  loi. 

«  Les  32  voies  delà  Sagesse  sont  les  chemins  lumineux  par  les- 
quels les  saints  hommes  de  Dieu  peuvent,  par  un  long  usage,  une 
longue  expérience  des  choses  divines  et  une  longue  méditation  sur 
elles,  parvenir  aux  centres  cachés.  »  Kircher. 


LES   32   VOIES  DE   LA  SAGESSE 

La  première  voie  est  appelée  Intelligence  admirable,  couronne 
suprême.  C'est  la  lumière  qui  fait  comprendre  le  principe  sans 
principe  et  c'est  la  gloire  première;  nulle  créature  ne  peut  atteindre 
son  essence. 

La  seconde  voie  c'est  l'Intelligence  qui  illumine;  c'est  la  couronne 
de  la  Création  et  la  splendeur  de  l'Unité  suprême  dont  elle  se  rap- 
proche le  plus.  Elle  est  exaltée  au-dessus  de  toute  tête  et  appelée 
par  les  Kabbalistes  :  La  Gloire  seconde. 

La  troisième  voie  est  appelée  Intelligence  sanctifiante  et  c'est  la 
base  de  la  Sagesse  primordiale,  appelée  créatrice  de  la  Foi.  Ses 
racines  sont  "^Di^.  Elle  est  parente  de  la  foi  qui  en  émane  en 
effet. 

La  quatrième  est  appelée  Intelligence  d'arrêt  ou  réceptrice, 
parce  qu'elle  se  dresse  comme  une  borne  pour  recevoir  les  éma- 
nations des  intelligences  supérieures  qui  lui  sont  envoyées.  C'est 
d'elle  qu'émanent  toutes  les  vertus  spirituelles  par  la  subtilité. 
Elle  émane  delà  couronne  suprême. 

La  cinquième  voie  est  appelée  Intelligence  radiculaire,  parce 
que,  égale  plus  que  tout  autre  à  la  suprême  unité,  elle  émane  des 
profondeurs  de  la  Sagesse  primordiale. 

La  sixième  voie  est  appelée  Intelligence  de  l'influence  médiane, 
parce  que  c'est  en  elle  que  se  multiplie  le  flux  des  émanations. 
Elle  fait  influer  cette  afflucnce  même  sur  les  hommes  bénis  qui  s'y 
unissent. 

La  septième  voie  est  appelée  Intelligence  cachée,  parce  qu'elle 
fait  jaillir  une  splendeur  éclatante  sur  toutes  les  vertus  intellec- 
tuelles qui  sont  contemplées  par  les  yeux  de  l'esprit  et  par  l'extase 
de  la  foi. 

La  huitième  voie  est  appelée  Intelligence  parfaite  et  absolue. 
C'est  d'elle  qu'émane  la  préparation  des  princi()es.  Elle  n'a  pas  de 
racines   auxifuellcs  elle  adhère,  si  ce  n'est  dans  les  profondeurs  de 


—  136  — 

la  Sphère  Magnificence  do  la  substance  pi'opre  de  laquelle  elle 
émane. 

La  neuvième  voie  est  appelée  Intelligence  mondée.  Elle  purifie 
les  Numérations,  empêche  et  arrête  le  bris  de  leurs  images  ;  car  elle 
fonde  leur  unité  afin  de  les  préserver  par  son  union  avec  elle  delà 
destruction  et  de  la  division. 

La  dixième  voie  est  appelée  Intelligence  resplendissante,  parce 
qu'elle  est  exaltée  au-dessus  de  toute  tête  et  a  son  siège  dans 
BINAH;  elle  illumine  le  feu  de  tous  les  luminaires  et  fait  émaner 
la  force  du  principe  des  formes. 

La  onzième  vi)ie  est  appelée  Intelligence  du  feu.  Elle  est  le  voile 
placé  devant  les  dispositions  et  l'ordre  des  semences  supérieures 
et  inférieures.  Celui  qui  possède  cette  voie  jouit  d'une  grande 
dignité,  c'est  d'être  devant  la  face  delà  cause  des  causes. 

La  douzième  voie  est  appelée  Intelligence  de  la  lumière,  parce 
qu'elle  est  l'image  de  la  magnificence.  On  dit  qu'elle  est  lelieu  d'où 
vient  la  vision  de  ceux  qui  voient  des  apparitions. 

La  treizième  voie  est  appelée  Intelligence  inductive  de  l'Unité. 
C'est  la  substance  de  la  Gloire;  elle  fait  connaître  la  vérité  à  chacun 
ries  esprits. 

La  quatorzième  voie  est  appelée  Intelligence  qui  illumine,  c'est 
l'institutrice  des  arcanes,  le  fondement  de  la  Sainteté. 

La  quinzième  voie  est  appelée  Intelligence  constitutive  parce 
qu'elle  constitue  la  création  dans  la  chaleur  du  monde.  Elle  est 
elle-même,  d'après  les  Philosophes,  la  chaleur  dont  l'Ecriture  parle 
(Job,  38),  la  chaleur  et  son  enveloppe. 

La  seizième  voie  est  appelée  Intelligence  triomphante  et  éter- 
nelle, volupté  de  la  Gloire,  paradis  de  la  volupté  préparé  pour  les 
justes. 

La  dix-septième  voie  est  appelée  Intelligence  dispositive.  Elle 
dispose  les  pieux  à  la  fidélité  et  par  là  les  rend  aptes  à  recevoir 
l'Esprit-Saint. 

La  dix-huitième  voie  est  appelée  Intelligence  ou  Maison  de  l'af- 
fluence.  C'est  d'elle  qu'on  tire  les  arcanes  et  les  sens  cachés  qui 
sommeillent  dans  son  ombre. 

La  dix-neuvième  voie  est  appelée  Intelligence  du  secret  ou  de 
toutes  les  activités  spirituelles.  L'affiuence  qu'elle  reçoit  vient  de 
la  Bénédiction  très  élevée  et  de  la  gloire  suprême. 

La  vingtième  voie  est  appelée  Intelligence  de  la  Volonté  Elle 
prépare  toutes  les  créatures  et  chacune  d'elles  en  particulier  à  la 
démonstration  de  l'existence  de  la  Sagesse  primordiale. 

La  vingt  et  unième  voie  est  appelée  Intelligence  qui  plaît  à  celui 


—  137  — 

qui  cherche;  elle  reçoit  rinfliience  divine  et  influe  par  sa  hénédic- 
lion  sur  toutes  les  existences. 

La  vingt-deuxième  voie  est  appelée  Intelligence  fidèle,  parce  qu'en 
elle  sont  déposées  les  vertus  spirituelles  qui  y  augmentent  jusqu'à 
ce  qu'elles  aillent  vers  ceux  qui  habite  sous  son  ombre. 

La  vingt-troisième  voie  est  appelée  Intelligence  stable.  Elle  est 
la  cause  de  la  consistance  de  toutes  les  numérations  (Sephirolh). 

La  vingt-quatrième  voie  est  appelée  Intelligence  Imaginative. 
Elle  donne  la  ressemblance  à  toutes  les  ressemblances  des  êtres  qui 
d'après  ses  aspects  sont  créés  à  sa  convenance. 

La  vingt-cinquième  voie  est  appelée  Intelligence  de  Tentation 
ou  d'épreuve,  parce  que  c'est  la  première  tentation  par  laquelle 
Dieu  éprouve  les  pieux. 

La  vingt-sixième  voie  est  appelée  Intelligence  qui  renouvelle 
parce  que  c'est  par  elle  que  DIEU  (béni  soit-il)  renouvelle  tout  ce 
qui  peut  être  renouvelé  dans  la  création  du    monde. 

La  vingt-septième  voie  est  appelée  Intelligence  qui  agite.  C'est 
en  eiïet  d'elle  qu'est  créé-  l'Esprit  de  toute  créature  de  l'Orbe 
suprême  et  l'agitation,  c'est-à-dire  le  mouvement  auquel  elles  sont 
sujettes. 

La  vingt-huitième  voie  est  appelée  Intelligence  naturelle.  C'est 
par  elle  qu'est  parachevée  et  rendue  parfaite  la  nature  de  tout  ce 
qui  existe  dans  l'Orbe  du  Soleil. 

La  vingt-neuvième  voie  est  appelée  Intelligence  corporelle.  Elle 
forme  tout  corps  qui  est  corporifié  sous  tous  les  orbes  et  son 
accroissement. 

La  trentième  voie  est  appelée  Intelligence  collective  parce  que 
c'est  d'elle  que  les  Astrologues  tirent  par  le  jugement  des  étoiles  et 
des  signes  célestes,  leurs  spéculations  et  les  perfectionnements  de 
leur  science  d'après  les  mouvements  des  astres. 

La  trente  et  unième  voie  est  appelée  Intelligence  perpétuelle. 
Pourquoi?  Parce  qu'elle  règle  le  mouvement  du  Soleil  et  de  la 
Lune  d'après  leur  constitution  et  les  fait  graviter  l'un  et  l'autre 
dans  son  orbe  respectif. 

I^a  trente-deuxième  voie  est  appelée  Intelligence  adjuvante 
parce  qu'elle  dirige  toutes  les  opérations  des  sept  planètes  et  de 
leurs  divisions  et  y  concourt. 

Voici  l'usage  pratique  de  ces  32  voies. 

Les  Cabalistes,  quand  ils  veulent  interroger  Dieu  par  une  voie 
quelconque  des  choses  naturelles,  s'y  prennent  ainsi  : 

D'abord  ils  consultent  dans   une  préparation  antérieure  les  3:2 


—  438  — 

endroits  du  1"  chapitre  de  la  Genèse,  c'est-à-dire  les  voies  des 
choses  créées,  et  exercent  sur  elles  leur  étude  '. 

Puis  par  le  moyen  de  certaines  oraisons  tirées  du  nom  ELOIM 
(^^"^  ;i^  lls  prient  Dieu  de  leur  accorder  largement  la  lumière 
nécessaire  à  la  voie  cherchée  et  se  persuadent,  par  des  cérémonies 
convenables,  qu'ils  sont  adeptes  à  la  Lumière  de  la  Sagesse,  si  bien 
qu'ils  se  tiennent,  par  leur  foi  inébranlable  et  leur  ardente  charité, 
dans  le  cœur  du  monde  pour  l'interroger.  Pour  que  l'oraison  ait 
dès  lors  une  plus  grande  puissance,  ils  se  servent  du  nom  de 
42  lettres^  et  par  lui  pensent  qu'ils  obtiendront  ce  qu'ils  deman- 
dent. 


Les  lecteurs  curieux  de  nouveaux  détails  sur  la  Kabbale  en 
trouveront  dans  les  récits  de  tous  les  Kabbalistes  contemporains, 
Éliphas  Levi,  Stanislas  de  Guaita,  Joséphin  Peladan,  Alber  Jhou- 
ney.  Ceux  qui  désirent  pénétrer  au  fond  du  système  kabbalistique 
esquissé  symboliquement  dans  le  Sepher  Jesirah  trouveront  des  dé- 
veloppements considérables  dans  mon  étude  sur  le  7'aro/  des  Bohé- 
miens, gros  volume  de  près  de  400  pages,  basé  sur  le  3"  nom 
divin. 


1.  Dans  le  1'^''  chapitre   de   la  Genèse  le  nom  divin  ^Elohim  est  men- 
tionné 32  fois. 

2.  Ce  nom  est   tiré  des  combinaisons  du  Télragramme;  voy.  Kircher, 
op.  cil. 


TROISIÈME  PARTIE 


BIBLIOGRAPHIE    RÉSUMÉE 
DE    LA    KABBALE 


CHAPITRE   P' 

INTRODUCTION  A  LA  BIBLIOGRAPHIE 
DE  LA  KABBALE 


INTRODUCTION  A  LA  BIBLIOGRAPHIE  DE  LA  KABBALE 

§  1.  —  Préface. 

Il  n'existe  pas,  à  noti'C  connaissance  du  moins,  de  bibliographie 
spéciale  de  la  Kabbale  en  langue  française.  On  trouve  bien  dans 
les  manuels  courants  des  listes  d'ouvrages  classés  sous  cette  rubri- 
que; mais  ces  listes  sont  faites  sans  ordre  et  sans  méthode  et  sont 
très  incomplètes.  Mêmes  remarques  à  faire  pour  les  articles  des 
dictionnaires  consacrés  à  la  Kabbale  et  les  quelques  volumes  aux- 
quels on  renvoie,  sauf  pour  l'étude  consacrée  à  celte  question  dans 
le  Dictionnaire  des  Sciences  philosophiqites. 

Il  y  avait  donc  là  une  lacune  très  préjudiciable  aux  chercheurs 
sérieux,  lacune  que  nous  avons  essayé  de  combler  dans  la  faible 
mesure  de  nos  moyens.  Noire  but  est  donc  moins  de  présenter  une 
interminable  liste  d'ouvrages  cueillis  à  droite  et  à  gauche  (ce  qui 
aurait  déjà  quel(|ue  utilité),  que  d'établir  certaines  divisions  dans 
cette  liste,  el  par  suite  d'éviter  de  longues  recherches  aux  philoso- 
phes et  aux  historiens  (|ui,  à  la  suile  des  travaux  d'A.  Franck  sur 
la  Kabbale  et  d'autres  éminents  critiques  sur  l'Ecole  d'Alexandrie 
et  les  doctrines  néoplatoniciennes,  cherchent  de  plus  en  plus  à 
approfondir  ces  questions. 

Il  nous  faudra  tout  d'abord  [jasser  en  revue  les  principales 
i)ibliographies  faites  à  l'étranger  ou  dans  les  derniers  siècles  sur  la 
Kabbale.  Nous  aurons  à  établir  le  caractère  spécial  de  chacun  de 
ces  travaux,  leur  utilité  ou  leurs  défauts. 


—  142  — 

A  ce  propos,  nous  indiquerons  les  sources  diverses  auxquelles 
nous  avons  puisé,  carie  premier  devoir  de  l'écrivain  est  de  «rendre 
à  César  ce  qui  appartient  à  César  »,  quitte  à  perdre  un  peu  de 
prestige  et  à  gagner  beaucoup  de  satisfaction  morale. 

C'est  alors  que  nous  pourrons  aborder  avec  quelque  fruit  la 
Mbliograpbie  proprement  dite,  divisant  les  livres  d'après  les 
idiomes  dans  lesquels  ils  sont  écrits,  puis  d'après  les  sujets  traités, 
enfin  condensant  en  une  courte  liste  les  ouvrages  les  plus  indis- 
pensables à  connaître.  Nous  prendrons  également  soin  d'établir 
dans  ces  grandes  divisions  d'autres  séparations  plus  accessoires, 
comme  la  distinction  entre  les  ouvrages  d'études  purement  scientifi- 
ques sur  la  Kabbale,  d'avec  les  œuvres  produites  par  les  kabbalistes 
mystiques  et  inspirées  par  la  Kabbale.  Nous  espérons  ainsi  atteindre 
au  mieux  notre  but,  qui  est,  avant  tout,  d'être  utile,  et  de  faciliter  la 
tâche  à  ceux  qui,  plus  compétents  que  nous-mème,  voudront 
bien  mettre  nos  efforts  à  contribution. 

§2.   —  PRINCIPALES  BIBLIOGRAPHIES  KABBALISTIQUES 

Une  étude  détaillée  sur  chacun  des  écrivains  qui  se  sont  occupés 
de  la  bibliographie  de  la  Kabbale  demanderait  à  elle  seule,  un 
volume.  On  ne  peut  donc  attendre  de  nous  une  analyse  complète 
de  chacun  de  ces  ouvrages.  Nous  nous  contenterons  d'indiquer 
rapidement  le  caractère  général  des  principales  de  ces  bibliogra- 
phies, renvoyant  le  lecteur  curieux  de  détails  plus  amples  à  la 
Bibliothèque  Nationale,  dont  nous  donnons  les  numéros  du  catalo- 
gue, ce  qui  facilitera  et  abrégera  beaucoup  les  recherches. 

Jean  Buxtorf 

Jea.i  Buxtorf  est  le  chef  d'une  famille  qui,  pendant  deux  siècles, 
s  est  rendue  célèbre  dans  la  littérature  hébraïque*.  Il  naquit  le 
2o  décembre  1564,  à  Camen  en  Westphalie  et  mourut  à  Bâle  le 
13  septembre  1629.  Il  professa  pendant  trente-huit  ans  l'hébreu 
dans  celte  ville. 

JoHAN  BuxTORFi.  —  De  AbrevicUionis  hebraicis  liber  novm  et  copiosus 
oui  assessenint  operis  tulmudici  brevis  rccencio,  cum  ejusdem  librormu  et 
capilwn  Indici  item  «  Bibliotheca  rabbinica  »  novo  ordine  alphabetico  dis- 
230sita  Basilea,  typis  Cnnradi  Waldkirchi  impensis  Ludovici  Konig,  1613, 
In-8°.  (Bib.  Nat.  A.  7505). 

1.  Biographie  Universelle,  l.  6. 


—  143    — 

Ce  petit  volume  de  335  pages,  quoique  incomplet,  a  une  très 
grande  valeur,  car  c'est  le  premier  travail  aussi  sérieusement 
établi.  Il  fut  complété  par  les  travaux  ultérieurs  de  l'auteur  et  de 
son  fils. 

Il  est  imprimé  de  droite  à  gauche  à  l'inverse  de  nos  ouvrages 
ordinaires.  Le  travail  suivant  est  cependant  bien  plus  coin[)let. 

Bartolocci 

Sinon  par  ordre  de  date  du  moins  par  ordre  d'importance,  la 
première  grande  bibliographie  se  rapportant  à  la  Kabbale  est  celle 
de  Bartolocci. 

Bartolocci  (Jules)  était  un  religieux  italien  de  l'ordre  de  saint 
Bernard.  Il  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  à  professer  la 
langue  hébraïque  au  collège  de  la  Sapience  à  Rome.  Il  naquit  en 
1613  à  Celano,  dans  l'Abruzze,  et  mourut  d'apoplexie  le  l'""  no- 
vembre 1687. 

BuiLiOTiiEGA  MAGNA  Uauui.xu.a.  —  De  sciiptoribus  cl  scriptis  rabbinici)i, 
ordine  alphabUico  hebraice  et  latine  dvjestis,  auclore  D.  Iiilio  Barto- 
loccio  de  Celleno,  Congreg.  S.  Bernarit  Reform.  Ord.  Cistere  et  S.  Sebas- 
liani  ad  Catacumbes  Ahbato,  4  vol.,  Rome,  1678-92   (Bib.  Nat.  A.  704). 

Cette  bibliographie  est  établie  sur  le  plan  alphabétique.  Les 
quatre  volumes  in-folio  qui  la  constiUient  sont  imprimés  en  deux 
colonnes  ;  le  commencement  du  volume  est  à  droite  en  ouvrant 
l'ouvrage  comme  pour  les  livres  en  langue  hébraïque,  de  plus  tuas 
les  passages  hébreux  cités  sont  traduits  eu  latin  et  de  nombreuses 
tables,  minutieusement  établies,  permettent  de  se  retrouver  très 
facilement  dans  cette  immense  quantité  de  sujets  traités. 

On  trouve  à  propos  de  chaque  sujet  une  bibliographie,  non 
seulement  des  ouvrages  hébraïques,  mais  encore  de  tous  les  traités 
sur  la  question.  Ainsi  par  exemple  on  voit  à  la  page  106  du 
tome  I"  une  étude  sur  les  Points  suivie  de  renvois  bibliogra- 
phiques de  vingt-trois  ouvrages  hébraïques  et  de  sept  ouvrages 
latins. 

Chacun  de  ces  renvois  est  établi,  le  plus  souvent,  par  chapitre  et 
par  page,  c'est  dire  toute  la  conscience  qui  a  présidé  à  Tédilication 
de  cet  admirable  traité*. 

1 .  Il  y  a  environ  4000  ouvrages  écrits  eu  langue  Liobriaque,  cités  dans 
le  cours  de  cet  important  travail. 


—  la  — 

L'ouvrage  de  Bartolocci  a  élé  continué  et  complété  par  le 
suivant. 

Imbonatl's.  —  Bihliotheca  latina-hebraica  sive  de  scriplorllus  laiinis 
qui  ex  diversis  nationibiis,  contra  Judxos,  vel  de  re  helraicu  ulcumque 
scripsere  :  additis  observationibiis  criticis,  et  phtlologico-historicis,  quibus 
quse  circa  patriam,  setatem.  vitœ  institulum,  mortemque ;  auctorum  consi- 
deranda  veniunt,  exponuntur,  auctore  et  vindice  P.  Carolo  Ioseph  Imbo- 
NATo  Mediolangasi,  Couq.  S.  Bernardi  Ord.  Cistere  Monacho,  Rome, 
1694,  in-folio  (Bib.  XaL.  A.  763). 

'    On   y   retrouve   les  mêmes   qualités  que  dans  la  Bibliothèque 
Rabbinique. 


Nous  trouvons  maintenant,  toujours  par  ordre  de  date: 

Basnage.  —  Histoire  des  Juifs  depiuis  Jésus-Christ  jusqu  à  présent,  Rot- 
terdam, 1707,  in- 12,  o  vol.  (Bib.  nat.  H.  6947-52). 

Ce  traité  contient  une  table  des    auteurs  cités   d'où  l'on   peut 
tirer  de  sérieux  renseignements  bibliographiques. 


Nous  arrivons  enfin  à  l'un  de  ceux  qui  ont  le  plus  contribué  à  la 
difTusion  de  ces  études  : 

WOLF 

Wolf  (Jean-Christophej  est  né  le  21  février  1683  à  Wernigerode 
dans  la  Haute-Saxe.  Il  mourut  le  23  juillet  1739  à  cinquante-six  ans. 

0.  Christoph.  Wolf.  —  Bibliotheca  hebrœa,  sive  notitia  tum  auctorum 
hebraiconan  cujuscumque  setatis,  tum  scriptorum,  quœ  vel  hebraice  pri)iium 
exarata,  vel  ab  aliis  conversa  sunt,  ad  noslramxlatem  deducta,  Hambourg  et 
Leipsig,  171o,  4  vol.,  in-4'',  Bib.  Nat.)  (Invent.  A.  2967. 

Le  tome  premier  contient  la  notice  des  auteurs  hébreux  au 
nombre  de  2^31  ;  le  second,  l'indication  bibliographique  de  tous 
les  ouvragesimprimés  ou  manuscrits  relatifs  à  l'Ancien  Testament, 
à  la  Mashore,  au  Talmud  et  à  la  grammaire  hébraïque,  la  biblio- 
thèque judaïque  et  antijudaïque  ;  la  notice  des  paraphrases 
chaldaïques^  des  livres  sur  la  cabale,  et  enfin  des  écrits  anonymes 


—  145  — 

des  Juifs.  Les  deux  derniers  volumes  renferment  les  corrections  et 
les  suppléments  '. 

L'ouvrage  de  Wolf  est  imprimé  sans  colonnes  de  gauche  à 
droite.  Il  contient  aussi  le  traité  de  Gaffarel  sur  les  manuscrits 
dont  s'est  servi  Pic  de  la  Mirandole  :  accedit  in  calce  Jacobi  Gaffa- 
RELLi  index  codicum  cabbalistic,  mss,  quitus  Jo.  Picus  Mirandu- 
lanus  cornes,  usus  est. 

Les  quatre  volumes  de  Wolf,  abrégés  du  travail  de  Bartolocci 
avec  de  nombreuses  additions  d'ouvrages  plus  récents  que  \a.Magna 
Bibliotheca  rabbinica,  formeraient  un  ensemble  presque  parfaitsans 
une  singulière  manie  qui  déprécie  beaucoup  d'ouvrages  de  l'auteur. 
Cette  manie  consiste  à  retraduire  en  latin  les  titres  d'ouvrages  et 
les  noms  d'auteurs  quels  qu'ils  soient,  sauf  toutefois  pour  les 
auteurs  allemands  dont  le  nom  est  bien  traduit  en  latin,  mais  dont 
les  ouvrages  sont  mentionnés  dansla  langue  originale.  Il  résulte  de 
là  une  confusion  regrettaljle  dans  l'esprit  du  chercheur  et  des 
difficultés  qu'on  aurait  dû  éviter  dans  un  recueil  bibliographique. 
Aussi  conseillons-nous  de  recourir  toujours  de  préférence  à  l'ou- 
vrage de  Bartolocci,  sauf  pour  les  auteurs  modernes.  Pour  donner 
au  lecteur  un  exemple  du  genre  de  Wolf,  il  lui  suffit  de  se  reporter 
aux  listes  que  nous  donnons  d'après  lui. 


Citons,  pour  terminer,  comme  beaucoup  plus  modernes  les  deux 
ouvrages  suivants  dont  le  dernier  ne  nous  est  malheureusement 
connu  que  de  nom. 

KURST.  —  Bibliotheca  Jiidaica:  Bihlioijraphisches  Hamlbruch  umfassoid 
die  «  Druckwerke  der  Judischen  Literadiv»  einschiiesslich  der  ùbcrjudenund 
judenthum  veroffentlichten  Schriflen  nach  cUfabelischcr  ordnung  der  verfas- 
ser  bearbeitel.  Mit  cincr  Geschichtc  der  Judischen  Bibliographie  Sowie  mit 
indices  versehen  und  Ilerausgegeben,  von  D.  Julius  Kuust,  leherer  an  der 
universitat  zu  Leipzig.  Leipzig,  Ycrlag  von  Wilhelin  Engelinann,  1863 
(Bib.  Nat.,  Q.  5139,  ol40,  5141). 

Rien  de  bien  particulier  à  signaler  dans  ce  travail  ({ue  le  diclionnaiie 
hébraïque,  placé  ù  la  (in  du  troisième  volume  et  qui  est  imprimé  comme 
un  de  nos  dictionnaires,  c'est-à-dire  de  gauche  à  droite. 

Catalogue  of  hcbraica  and  hudaîca  in  the  librari/  of  the  corporation  of 
the  City  of  London,  Londres  IH'.H,  gr.  in. -8»  de  231  ])a},'es. 

1.  Weiss,  Biograph.  Univ.,  t.  45. 

10 


146 


§  3.  —  NOS  SOURCES 

Outre  les  ouvrages  précédents,  nous  avons  consulté  les  listes 
placées  à  la  fin  des  études  sur  la  Kabbale  dans  la  plupart  des  en- 
cyclopédies. 

G'estainsi  que  nous  citerons  spécialement  la  Grande  Encyclopédie 
(article  de  M.  Isidore  Loëb),  VEncyclopédie  des  Sciences  religieuses 
de  Lichtenberger  (article «  Kabbale  »deM. Nicolas), le/?ic/?o?î«a/Ve  de 
la  conversation,]e  Dictionnaire  encyclopédique  de  Larvoiié^e  S  Ency- 
clopédie de  Diderot  (article  «  Cabbale  »  de  l'abbé  Pestré  suivi  d'une 
note  de  d'Alembert,  cet  article  est  un  des  meilleur»  qui  aient  été 
publiés  sur  la  question),  la  Biographie  universelle  de  Michaud  (ar- 
ticle de  M.  Tabaraud). 

Et  parmi  les  étranger»  VEnglisch  cyclopédia,  VEncyclopédia  Bri- 
lannica  et  la  Biblioiheca  brilannica  de  Watt,  bibliographie  très 
remarquable  à  diilerents  points  de  vue. 


Parmi  les  ouvrages  qui  nous  ont  été  d'une  très  grande  utilité  pour 
l'établissement  de  notre  bibliographie,  nous  citerons  en  première 
ligne  celui  de  M.  Ad.  Franck  sur  la  Kabbale  qui  constitue  le  seul 
recueil  français  dans  lequel  on  trouve  une  bonne  bibliographie  du 
sujet. 

Nous  ne  parlerons  pas  de  Basnage,  Bartolocci,Buddeus,  Duxtorf, 
Jmbonatus,  Isid.  Loëb,  Molitor,  Wolfei  Wall  auxquels  nous  avons 
emprunté  quelque  peu. 

Les  collections  de  la  Bibliothèque  Nationale  sur  la  Kabbale  nous 
ont  également  fourni  quelques  numéros  de  notre  liste.. 

Enfin  nous  ne  saurions  terminer  sans  signaler  de  quelle  utilité 
nous  a  été  la  bibliothèque  particulière  de  notre  ami  Stanislas  de 
Guaita,  le  kabbaliste  justement  estimé,  pour  le  catalogue  des 
ouvrages  mystiques  sur  la  question. 

PLAN  DE  NOTRE  RIRLIOGRAPHIE. 

i°  Ordre. 

Nous  avons  classé  les  ouvrages  d'une  part  [)ar  idiomes,  d'autre 
part  par  matières  traitées. 

La  classification  par  idiomes  a  été  faite  d'après  l'ordre  mùme 
de  nos  recherches. 


—   147  — 

La  classification  par  matières  a  été  faite  d'après  l'ordre  adopté 
par  les  catalogues  de  la  Bibliothèque  Nationale.  Nous  y  avons 
ajouté  quelques  rubriques  tirées  de  notre  classification  générale 
des  ouvrages  se  rapportant  à  la  tradition  hébraïque. 

2"  SoiD'ces.  —  Caractère  da  chaque  ouvrage. 

Chacun  des  ouvrages  cités  est  précédé  dun  numéro  dVirdre. 

Entre  le  nom  de  l'auteur  et  le  titre  de  l'ouvrage  ou  avant  ce  litre 
quand  l'ouvrage  est  anonyme,  onHrouve  une  lettre  qui  indique  la 
source  d'où  nous  avons  tiré  l'indication  dudit  ouvrage. 

A  la  fin  des  indications  bibliographiques  on  trouve  des  indications 
particulières  : 

(SCT).  Si  le  caractère  de  Fouvrage  est  surtout  purement  ^cî'ewfi- 
fique,  s'il  s'agit  d'une  étude  didactique  ou  bibliographique. 

(MYS).  Si  Touvrage  est  d'origine  ou  de  tendances  occultistes  ou 
mystiques. 

(PHIL).  Si  l'ouvrage  est  surtout  philosophique. 

3**   Tables  alphabétiques. 

Enfin,  pour  permettre  au  chercheur  la  plus  grande  facilité  pos- 
sible, nous  avons  ajouté  à  notre  bibliograpliie  deux  taides  alpha- 
bétiques, l'une  par  noms  d'auteurs,  l'autre  par  titres  d'ouvrages. 

On  voit  par  tous  ces  détails  que  nous  avons  cherché  avant  tout 
à  faire  œuvre  utile,  à  épargner,  aux  autres,  les  tàtoiuiements  que 
nous  avons  personnellement  éprouvés  dans  ces  recherches;  notre 
plus  vif  désir  est  maintenant  d'être  pillé  le  plus  souvent  possible 
au  plus  grand  profit  de  l'étude.  Nous  voudrions  surtout  voir  cette 
bibliographie  incomplète  et  résumée,  reprise  et  agrandie  par  un 
auteur  plus  compétent  que  nous-même.  La  France  aurait  ainsi  un 
ouvrage  à  peine  indiqué  par  cet  essai,  ouvrage  que  nos  trop  nom- 
breuses occupatifuis  nous  interdisent  pour  l'instant  d'entreprendre. 
Nous  avons  défriché  le  terrain;  qui  voudra  bien  maintenant  le  faire 
prospérer? 


—  148  — 


CATALOGUE  DES  SOURCES  DE  NOTRE  BIBLIOGRAPHII 


(B). 

Basnage. 

(BG). 

Bartolocci. 

(BD). 

Buddeiis. 

(BN). 

Bibliothèque  Nationale. 

(BX). 

Buxtorf. 

^DV). 

{Divers  auteurs). 

(F). 

Ad.  Franck. 

(G). 

Bibliothèque  de  Guaita 

(I) 

Imbonatus. 

(L). 

Isidore  Loëb. 

(M). 

Molitor. 

(P)- 

Papus. 

(W). 

Wolf. 

(Wt). 

Watt. 

CARACTÈRE  DE  CHAQUE  OUVRAGE. 

(SCT)         Scientifique  (Bibliographies,  études  didactiques,  etc.). 
(MYS)        Mystique  (Inspiré  par  la  Science  Occulte  ou  à  tendances 

mystiques). 
iPHIL)      Philosophique     (Intermédiaire    entre    les   caractères 

précédents). 


CHAPITRE  II 


CLASSIFICATION  PAR  IDIOMES 


§  1.  —  OUVRAGES  EN  LANGUE  FRANÇAISE 

1.  Ad.  Franck  (P),  La  Kabbale,  Paris,   1843,  in-S"  (SCT). 

2.  Richard  Simon  (F),  Histoire  critique  du  Vieux  Testament 
(SCT). 

3.  BuRNET  (F),  Aix/iéologie  philosophique ,  chap.  IV  (SCT). 

4.  HoTTi.NGER  (F),  1  hcorie  philosophique  [SOT). 

5.  Basnage  (F),  Histoire  des  Juifs  (SCT). 

6.  E.  A.MELiNEAu  (F),  Essai  sur  le  gnosliclsnie  égyptien,  ses  déve- 
loppements et  son  origine  égyptienne,  i  vol.  111-4",  |)aru  en  1887 
(Bib.  nat.  0'  A  690)  (SCT. 

7.  Paul  Adam  (P),  Etre,  roman  (MYS). 

8.  Amaravella  (P),  Jm  Consiilu/ion  du  microcosme  (revue  le 
Lotus)  (MYS;. 

9.  F.  Cil.  Barlet(P),  Essai  sur  révolution  de  ridée,  \'è^\,\î\-{'i>>'' 
SCT  cl  PHIL). 

10.  Berïiielot  (P),  Des  origines  de  CAlcJiimic,  Paris,  1887,111-8" 
(SCT). 

11.  De  Brière  (P),  Essai  sur  le  symbolisme  antique  des  peuples 
de  rOrient,  Paris,  1854,  in-8°  (SCT). 

12.  René  Caillié  (P),  L'Etoile,  lu  Revue  des  Hautes  Etudes 
(articles  divers;.  Avlsilon,  1889-92  (MYS^. 

13.  Augustin  Chakoseau  (P),  Essai  sur  la  philosophie  bouddhique, 
p.  156  et  157,  Paris,  1891,  111-8"  iPHIL). 

14.  P.  Christian  (P),  L'Homme  rouge  des  7uileries,  Far'is,  1854, 
in-S"  (MYS). 


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')( 


—  150  — 

15.  (DivERSj  fPj,  Congrès  spirite  de  4889,  1  vol.  in-8°,  p.  70,  89 
et  suivantes  (MYS). 

16.  Court  de  Gébelin  'P..  OEuvres  (PHIL). 

il.  Henry  Delaage  Pi,  Jm  Science  du  vrai,  Paris,  1884,  in-18° 
(PHIL). 

18.  Louis  Figuier  (P),  L'Alchimie  (PHIL  et  SCTj. 

19.  Paul  Gibier  (Pj,  Analyse  des  choses  (MYSj. 

20.  Eliphas  Levi  (P),  Dogme  et  rituel  de  la  haute  Magie,  Paris, 
1834,  in-8";  La  clef  des  grands  mystères;  Histoire  de  la  Magie; 
Fables  et  symboles  (MYS  et  SCTj. 

21.  Fabre  d'Olivet  (Pj,  La  Langue  hébraïque  i^estituée,  Paris, 
1823,  2  vo].  in-4°  (PHIL  et  SGT). 

22.  S.  DE  Guaita  (P),  Au  Seuil  du  Mystère,  Paris,  1890,  in-8" 
(SGT  et  MYS);  Le  Temple  de  Satan,  Paris,  1891,  in-8''  (MYSj. 

23.  Alber  JiiouNEY  (Pj,  Le  Royaume  de  Dieu,  Paris,  1888,  in-8° 
(MYS). 

2i.  H.  G.  kG^wvhi^),  Philosophie  occulte, 2yo\.,  LaBaye,ll21, 
in-8'>(SCTetMYS). 

23.  Lacour  (P),  Les  Amoim  ou  dieux  de  Moïse,  Bordeaux,  1839, 
in-8°  (MYS). 

26.  Lacuria  (Pj,  Harmonies  de  l'Etre  exprimées  par  les  nombres, 
Paris,  1833,  in-8"  (MYS). 

27.  LÉONCE  DE  Larmandie  (P),  Eoraka,  roman,  Paris,  1891,  iii-8*' 
(MYS). 

28.  Julien  Lejay  (Pj,  La  Science  secrète,  Paris,  1890,  i[i-8° 
(MYS  et  PHILj. 

29.  Lenain  (P),  La  Science  cabalistique,  Amiens,  1823,  in-8° 
(MYSj. 

30.  Jules  Lermina  CP),  A  Brader,  nouvelle,  Paris,  1889,  in-8" 
(MYS). 

31.  Emile  Michelet  (P),  L'Esotèrisjne  dans  l'art,  Paris,  1891, 
in-18''  (MYS). 

32.  MoLiTOR  (Pj,  La  Philosophie  de  la  Tradition,  Paris,  1834, 
in-8°  (MYSj. 

33.  George  Montière  (P),  La  Chute  d'Adam,  Paris,  1890  (revue 
Vlnitiation)  (MYS). 

34.  Papus  (P),  Traité  élémentaire  de  Science  occulte,  Paris,  1887, 
in-S»  (MYS)  ;  le  Tarot  des  Bohémiens,  Paris,  1889,  gr.  in-8°  (MYS 
etPHILi;  Traité  méthodique  de  Science  occulte,  Paris,  1891, 
gr.  in-8"  (PHIL  et  SGT). 

33.  JosÉPfliN  Peladan  (P),  La  Décadence  latine,  11  voL.  Paris. 
1884-91,  in-18"  (MYS). 


—   loi   — 

3'î.  Albert  Poisson  fP),  Théories  et  symboles  des  Alchimistes, 
Paris,  1891,  in-8°(PHIL  . 

37.  DrcuESSE  de  Pomar  (P),  Théosophie  sémitique,  Paris,  1887, 
in-8^'  (MYS). 

38.  Abbé  Roca  (P),  i^ouveaux  Cieiir,  nouvelle  Terre,  Paris,  1889, 
in-S°  (MYS). 

39.  R.  P.  Esprit  Sabathier  (P),  Ombre  idéale  de  la  sagesse  wii- 
verselle,  1679  (MYS  et  PHIL). 

40.  L -C  DR  Saint-Martin  (P),  Le  Crocodile,  Paris,  an  II,  in-8° 
^Bib.  nat.  Ye  10.27:2)  (MYS). 

41.  Ed.  Schuhé  (P),  Les  Grands  Initiés,  Paris,  1889,  in-S"  (MYS 
et  PHIL  . 

4:2.  Sai.nt-Yves  d'Alveydre  (Pj,  Mission  des  Juifs.  Paris,  1884, 
gr.  in-8''  (SCT  et  PHIL). 

43.  J.-A.  Vaillant  fP).  Les  Bûmes,  histoire  vraie  des  vrais  Bohé- 
miens, Paris,  1834  (MYS). 

44.  G.  ViTOUx  (P),  L'Ocrullisme  scientifique,  Paris,  1891,  in-8° 
(MYS  et  PHIL). 

43.  WroxsivI  (Hcené)  (P  ,  Messianisme  ou  réforme  absolue  du 
savoir  humain,  Paris,  1834,  in-folio  (PHIL  . 

46.  (P),  De  la  Magie  transcendante  et  des  méthodes  de  guérison 
dans  le  Talmud  (MYS  . 

47.  (Pj,  Le  Vrrgn  de  Jacob,  Lyon.  1693,  in-12(MYS). 

48.  Lagneau(P),  Harmonie  mystique,  p.  1636,  in-8°  (MYS). 

49.  Abraham  le  Jl'if  (G),  La  Sagesse  divine,  dédié  à  son  fils 
Lamecli,  manuscrit  fin  de  xviii*  siècle,  2  vol.  pet.  in-8''  (Traduction 
d'un  manuscrit  allemand)  (MYS). 

30.  Gaffarel  (G),  Curiosités  inouies{'NlYS). 

31.  Jérôme  Cardan  (G),  De  la  subtilité  (MYS). 

52.  Sieur  de  Salerne  (G),  La  Géomancie  et  nomande  des 
anciens,  la  nomancie  cabalistique,  in-16,  1669  (MYS). 

33.  D'Eckoartrausen  (G),  La  Nuée  sur  le  Sanctuaire  ou  quelque 
chose  dont  la  philosophie  orgueilleuse  de  notre  siècle  ne  se  doute 
pas  (MYSj. 

34.  M.  P.  H .  n.  D.  G.  .G),  La  Physique  de  V  Ecriture,  in-8«  (MYS). 
33.   Kelei'ii  Be\  Nathan  (G*,    La  Philosophie  divine,  appliquée 

aux  lumières  naturelle,  magique,  astrale,  surnaturelle,  céleste  et 
divine,  ou  immuables  vérités  que  Dieu  a  révélées  de  Lui-même  et  de 
ses  œuvres  dans  le  triple  i7iiroir  analogique  dr  il  )iivers,  de 
VHommo  et  de  la  Hévélation  écrite,  1793,  in-8"    MYS.) 

31».  QuANTius   AircLERC  (G),    Aa   Threicie,   ou   la  seule   voie  des 


—   132  — 

sciences  divines  et  hwnaities  du  culte  vrai  et  de  la  morale,  Paris, 
an  VII  (MYS). 

57.  L.  Grassot  (d.  m.  m.)  (G),  La  Philosophie  céleste,  Bordeaux, 
an  IX  (1803),  pet.  in.-S»  (MYS). 

58.  F.  Vidal  Comnèm  (G),  L' Harmonie  du  Monde  où  il  est  traité 
de  Dieu  et  de  la  Nature-Essence,  Paris,  1671,  in-12  (MYS). 

39.  Pierre  Fournie  (clerc  tonsuré)  (G),  Ce  que  nous  avons  été, 
ce  que  nous  sommes  et  ce  que  nous  deviendrons,  Londres,  1861, 
in-S"  (MYS). 

60.  Drach  (Gj  (Le  Chevalier  Drach),  ancien  rabbin,  De  l'harmonie 
de  r Eglise  et  de  la  Synagogue,  Paris,  1844,  2  vol.  gr.  in-8°  (MYS). 

61.  Adolphe  Bertet  (G)  (cabaliste  pur,  disciple  direct  d'Eliphas 
Lévi),  docteur  en  droit  civil  et  en  droit  canon,  avocat  près  la  cour 
de  Cham])érv,  Apocalypse  du  Bienheureux  Jean  dévoilée  (Kabbale 
et  Tarot,  à  toutes  les  pages),  Paris,  Arnauld  de  Vresse,  1861,  in-8° 
(MYS). 

62.  Goulianof  (G)  (le  chevalier  de),  Essai  sur  les  hiéroglyphes 
d'Horapollon  et  quelques  mots  sur  la  CABALE,  Paris,  1827, 
in-4<'  (MYS). 

63.  Anonyme  (G),  Cabala  Magica  tripartita,  c'est-à-dire  trois 
tables  cabalistiques...,  avec  leur  explication  et  leur  usage,  etc.,S.L., 
1747,  in -8°  (allemand  et  traduction  française)  (PHIL  et   MYS). 

64.  Isaac  Orobio  (G),  IsraiH  vengé,  ou  Exposition  naturelle  des 
prophéties  hébraïques  que  les  chrétiens  attribuent  à  Jésus,  leur 
prétendu  messie,  Londres,  1770,  pet.  in-8°  (PHIL  et  MYS). 

63.  Alexandre  Weill  (G),  nnil^  ninDJI  a^pin  [Lois  et 
mystères  de  V Amour),  d'après  les  rabbins  et  la  Kabbale,  traduit 
d'un  missel  hébreu,  [Paris,  Dentu,  1880,  pet.  in-8''  (PHIL  et 
MYS). 

66.  LoDOiK  (comte  de  Divonne,  S.*.  I  .•  .){Ct),La  Voie  de  la  Science 
divine  (traduction  de  l'anglais  de  Law,  disciple  de  Buhme), 
précédé  de  la  Voix  qui  crie  dans  le  désert,  Paris,  1803,  in-8° 
(MYS). 

67.  LoPOUKiNE  (mystique  cabaliste  russe)  (G),  Quelques  traits  de 
V Eglise  intérieure,  Moscou,  1801  (avec  figures),  in-8''  (MYS). 

•      68.  MuNCK  (L),  Mélanges   de  Philosophie  juive  et  arabe,  Paris, 
1830,   p.    275   et  490  (SCT);  (L)  La  Palestine,  p.  520  et    321 
^(SGT). 

69.  Herzog  (DV),  Encyclopédie,  t.  VII,  p.  203,  205  et  206 
(SCT). 

70.  Marquis  Le  Gendre  (WT),  Traité  de  VOpinion^  ch.  VII 
(SCT). 


^ 


—  Io3  — 

70  bis.  Malfatti  DE  MûNTEREGGio  (D.)  (P),  La  Mathèse,  traduit 
par  Ostrowski,  Paris,  1839,  in-S»  (MYS) '. 


§  2.  —  OUVRAGES  EN  LANGUE  LATINE. 

71.  Raymond  LuLLE  (F),  Œuvres,  10  voL  in-folio,  Mayence,  1721 
(PHIL). 

72.  Pic  de  la  Mirandole  (F),  Conclusiones  cabalisttcœ,  Rome, 
1486  (PHIL). 

73.  Reuculin  (F),  De  Arte  cabbalistica  (PHIL). 

74.  De  Verbo  Mirifico  (PHIL). 

73.  H. -G.  Agrippa  (F),  De  occulta  philosophia  (SCT  et  MYS). 

76.  PosïEL  (F),  Abscwiditorum  a  const'Uutione  mundi  clavis, 
Bâie,  1547,  in-4%  et  Amsterdam,  1646,  in-12°  (MYS). 

77.  PiSTORius  (F),  A7H1S  cabalislicse  scriptores,  Bàle,  1387,  in-folio 
(PHIL  et  MYS). 

78.  KiRCiiER  (F),  Œdipus  /Egyptiacus,  Rome,  1623,  in-folio 
(SCT  ^iPHIL). 

79.  KxoRR  DERosENROTH(F),/ira6ôa/af^e«Hrfafa(SCTetPHIL). 

80.  Ricci  (F),  De  celesti  agricullura  (MYS  et  PHIL). 

81.  Joseph  Voysin  (F),  Disputatio  cnbalistica  (MYS). 

82.  Georges  Wagiiter  (F),  Concordla  rationis  et  fidei,  sive 
Harmonia  philosophix  moralis  et  religionis  christianx ,  Amsterdam, 
1692,  in-8''  (MYS). 

83.  Elucidarius  cabalislicus,  Rome,  1706,  in-S"  (PHIL). 

84.  TiiOLLK  (F),  De  Ortu  Cubbahc,  Hambourg,  1837  (MYS). 
83.  Bhucker     (Jean-Jacques)     (F),    Inslitutiones    philosophix, 

Leipsick,    1747,  in-8",  édition  refaite  et  annotée  par  Fred.  Born, 
Leipzick,  1790  (SCT  et  MYS). 

86.  Paracelsus  (F),  Opéra. 

87.  Henry  Morus  (F),  Psycho-Zoia  ou  la  Vie  de  VAme,  1640-1647, 
in-8",  traduction  laline,  3  vol.  in-folio  1679  (MYS). 

88.  Robert  Fludd  (F),  Œuvres,  3  vol.  in-folio  (MYS). 

89.  Van  Helmont  père  (J.-B.)  (F),  Orlus  mcdicinx,  Amslei-dam, 
1648-52,  in-4°,  Venise,  1631,  in-folio  (PHIL). 

90.  iMercure  Van  Helmont  (F),  Alphabeté  vere  naturalis  hebraice 
brevissima  delineatio,  Sulgbach,  1607,  in-12  (PHIL). 

1.  Au  monienl  de  mettre  sous  presse,  nous  recevons  un  nouvel  ouvrage 
d'IîluGÈNE  Nus  :  A  la  recherche  des  destindrs,  où  tout  un  chapitre  est  con- 
sacré à  la  Kabbale.  1  vol.  in- 18,  Paris  1891,  —  70  1er. 


—   In4  — 

91.  Jacob  Buehm  (F),  Anrora,  1612   MYS). 

92.  De  tribus  principiis,  1619  (MYSj. 

93.  Bartolocci  (F),  Magna  bibliotheca  rahhinica,  \  vol.  iii-folio 
(SCT). 

9i.  BuDDEUS  F  ,  Introductio  ad  Historiom  jihilosophix  Hebrxo- 
rum,  1702  et  1721,  in-S"  (SCT). 

9o.  Arias  Montanus  (B),  Aniiquitatum  Judàicarum  (PHIL). 

96.  Bartenov.e  (B),  Commentarii  in  Misnam  (SCT). 

97.  BocECius  (B),  De  testid.  templo  Rabbinorum,  t.  l*"',  in-folio, 
Amsterdam  (MYS). 

98.  Capzovii  (B),  Jnlroductio  ad  Theologiam  Jxidaicam  'PHIL^. 

99.  Chaiim  (B)  Comment,  in  Siphra  Zeunitha  et  Synodes  Cahb. 
denudatœ,  in-4''  (SCT). 

100.  Cocn  (B),  ou  Cocci;il;s  (Johanne),  Duo  tituli  Thalmud'icl, 
Sanhedrim  et  Maccoth  (SCTj. 

101.  Drusii  (B),  Quesliones  Hebraicse  (PHIL). 

102.  Fret  (Ludor)  (B),  Excepta  Aharonis  PIrush  al  Attorah 
explicationis  Pentateuchum,  in-4",  Amsterdam,  1703  (PHIL). 

103.  HoOGT  iB),  Prefatio  in  Biblïa  hebraica,  in-8",  2  vol.,  Ams- 
terdam, 1705  (SCT). 

104.  Leusden  (B),  Prefatio  ad  Bibliothecam  hobraicam  in-S", 
2  vol.,  Amsterdam,  1680  (SCT). 

103.  Lorle  (Isaaci)  (B),  Cahbala  recentior  (SCT  et  PHIL). 

106.  Maimonides  (B;,  Commentarii  in  Misnam,  Amsterdam, 
1760,  in-folio  (SCTj. 

107.  Misnau  (Bj,  sive  tolius  Hebreorum  Juris  Jiiluum,  Aniiqui- 
tatum systema  cum  Maimonides  et  Bartenovœ  Commentariis  integris, 
quibus  accedunt  variorum  Auctorum  Notx  ac  Versiones  Latine 
donavit  et  nolis  illustravit  Giixelmus  Surenuusius,  in-folio,  6  vol., 
Amsterdam,  1700  (SCT). 

108.  MoRi  (Henrici)  (B),  Fundamenta   cabbalu-  Aclopœdomeliss.r 
PHIL. 

109.  Mosis  Naciimanidis  (B),  Disputatio  apud  Wagenseili  Tela 
ignea  Satanx  (MYS). 

110.  Naputali  Hirtz  (B),  Introductio  pro  meliori  intellectu  libri 
Zohar  [Kabbala  denudata,  p.  3j  (PHIL). 

111.  Otbonis  (Johan  Henrici)  (B),  Historia  doctorum  misnicorum 
(PHIL  . 

112.  Peringeri  (B),  Prtefatio  ad  Tract.  Arodoh  Zarah  in 
Misnœ,  t.  V  (PHIL). 

113.  Relandi  (Hade)  (B),  Annlecta  /tabbinica,  in-8%  Ultraj,  1702 
(SCT.. 


—  l5o  — 

114.  Ursini  (Gorgio)  (B),  Anliqu'dales  hebi'aicv Scholasticx  Aca- 
deinuv,  in-i",  Hasnia,  1702  (SGT). 

115.  AVagenseilii  (B),  Tela  ignca  Safanœ,  2  vol.,  108!,  in-i".  in 
Misna,  p.  911,  editionis  Amstel  (MYS). 

116.  Paracelsus  (BD),  Isagoge  (PHIL). 

117.  Peti  Gassendum  (BD),  Marc  Mersennum,  Œuvres  (PHIL). 

118.  KnuiNRATU  (BD)  ,  Amphitheatrum  Sapientix  /Eiernse 
(MYS). 

119.  Gaffarel  (BD),  Codkum  Kabbalisticorum  manuscriptoi'um 
(MYS). 

120.  CiiEXTOi'iiORi  StebII  (BD),  Cœlum  Sep/iiroticinn  Ebreorum 
per  portas  inlelUgentix  Mogsi  Hevelatum,  1079,  in-folio  (MYS). 

421.  IuL.  Si'ERBERLS  (BD),  Isagogue  in  veram  Dei  natura'que 
cognifioriem  (PHIL). 

122.  MiCDAELis  RiTTiiALERi  (BD),  Hemiat/iena p/iilos"pkica  theo- 
logia,  1684  (PHIL  et  MYS). 

123.  Franciscus  MercuriusHelmontis  |BD),  Seder  o/am (PHIL). 

124.  Iac.  Boumius  (BD),  Opéra  (MYS). 

125.  loACiiiMUS  HopPERUS  (BD),  Seduardtis  sive  de  ver  a  jnrispru- 
dentia,  1656  (PHIL). 

126.  loNAS  CoNRADus  ScQRAM.Mius  (BD),  Inlroductlo  ad  dialec- 
ticam  Kabbalorum,  1703  (PHIL). 

127.  JoRDANO  Bruno  (Pi,  De  Specierum  scrulneo ;  de  lampade 
combinaioria  lulliana  ;  de  progressu  et  lampade  venaloria  logico- 
rum  (PHIL  et  MYS). 

128.  Yalerius  de  VALERiis  fG"),  Aureum  opus  in  arhorem  scien- 
tiarxun  et  in  artem  gêner alem  (MYS). 

129.  BuKGONovo  (Archangelus  de)  (G),  I.  — Apologia  pro  defen- 
sione  doctrinœ  Kabbalx  {"PHlIlj)  ;  II. —  Conclusiones  Cabalistice, 
n"  71,  secundum  Mirandulayn  (PHIL)  (ces  conclusions  sont  dif- 
férentes de  celles  qui  sont  dans  Pislorius,  quoique  du  même  auteur 
et  sous  le  même  litre.  —  St.  de  Guaita^,  1  vol.  in-10  carré,  Bononiœ, 
1564. 

130.  Gai-ATini  (G),  De  Arcanis  calholicx  veritatis,  livre  XII, 
1  vol.  in-fol.,  1612  (MYSj. 

131.  Jouannes  Frankius  (G),  Systema  ethices  dioinx  et  plusieurs 
auli'es  traités  du  même,  Brandeburgi-Mecklinburgi,  1724,  petit 
in- 4°  (MYS). 

132.  Vuolfgangus  Sidelius  (G),  De  Templo  Salumonis  Mystico, 
prope  Maguntiaui,  1548,  in-12  (MYS). 

133.  ÏRiTUÈME  (G),  />  Septem  secundeis,  Coloni;e,  1567,  in-12 
fMYS). 


—  156  — 

134.  (G),  Veterum  Sophorxnn  Sigilla  el  Imagines  Magiac,  cui  ac- 
cessit catalogus  Rariorum  magico-cûbbalisticorum  (MYS  et  SCTj. 

133.  (Anonyme)  (G),  Trinuum  magiciim,  sive  secretorummagico- 
rum  opus  (MYS). 

136.  CHR[STornoRUS  Wagenseilius  (G),  Tela  ignea  Satame,  con- 
tenant les  ouvrages  hébreux  suivants  avec  traduction  latine  et 
commentaires  (MYS  et  PHIL). 

[137.  LiPMANN,  Carmen  memoriale. 

(Anonyme),  Liber  nizzachon  velus. 

138.  Rabbi  Jecuiel,  Acta  disputatioms  cum  quodam  Nicolao. 

139.  Rabbi  Moses  NacdmaiMoes,  Acta  disputationis  cum  fraire 
Paulo  Christiani  et  fratre  lîaymundi  Martini. 

140.  Rabbi  Isaacci,  Sepher  Chissuck  Emuna  [Munimen  fîdei). 

141.  (Anonyme),  Scpher  Toladolh  Jeschua  [Liber  Generationiim 
Jesu).] 

142.  Relandi  (Hadrian)  (G),  Antiquitates  sacrée  veterum  hebreo- 
rum  breviter  delineatx,  trajecti  ad  Rhenum,  1741,  in-4°  (SCT). 

143.  Heimus  (J.  Philip.)  (G),  Dissertationum  sacrorum  libri  duo, 
Amsterdam,  1736,  in-4''  (PHIL). 

144.  F.  Rurnetii  (G).  —  I.  Telluris  Theoria  sacra.  —  II.  Doc- 
trina  Archeologiiô  philosophicce  (tout  un  grand  chapitre  sur  la 
Kabbale),  Amstelodami,  apud  loannem  Wolters,  1699,  in-4o  (Fron- 
tispice et  figures)  (MYS). 

14o.  Robert  Fludd  (DV'.  —  1°  Utriusque  cosmi  metaphysica, 
physica  atqve  technica  historia^  Oppenheim,  1617,  in-folio. 

146.  —  2"  L)e  super7iaturali,  naturali,  piveternaturali  et  contra- 
nalurali  microcosmi  hisloria,  Oppenheim,  1619  1621- 

147.  —  3"  De  natura  sinia  scu  technica,  macrocosmi  historia, 
Francfort,  1624. 

148.  —  4"  Veritatis  procenlum  seu  deynonstratiô  analytica,¥ranc- 
fort,  1621. 

149.  —  o°  Monochordan  mundi  symphoniacum ,  Francfort,  1622, 
in-4",  1623,  in-folio  (ces  deux  derniers  traités  en  réponse  à  Kepler). 

130.  — 6»  Anatomia  theatrtnn,  tripUci  effgise  designatum,  Franc- 
fort, 1623,  in-folio. 

131.  —  l^iVedicina  cathoUca,  seu  mysticum  artis  medicandisacra- 
rium,  Francfort,  1629. 

132.  — ^''  Integrum  morborum  mysterium,  Francfort,  1631. 

133.  —  9°  Pulsus,  seu  nova  et  acarnas  pulswnim  historia. 

134.  —  10"  Philosophia  sacra  et  vere  Christian  a,  seu  metcoro- 
logia  cosmica,  Francfort,  1629. 

153.  —  \\°  Sophix  cumMû7'ia  certamen,  1629. 


—  157  — 

156.  —  12°  Summum  bonum,  quod  est  verum  magix,  cabalie  et 
alchymix  verse  ac  fratrum  Rosese-Crucis  subjeclum,  1629. 

157.  —  13"  Claris  pkilosophise  et  alchymiœ  Fluddanse,  Francfort, 
1633. 

158.  —  iA"  Philosophia  Mosdica,  in  qua  sapientia  et  scientia 
creaturarum  explicantur,  Gonda,  1638;  Amsterdam,  1940,  in-folio  ; 
traduit  en  anglais,  Londres,  1659,  in-folio. 

159.  —  15°  De  unguenlo  cwmario  (discours  dans  le  Theatrum 
sapienticC,  1662,  in-4''. 

160.  —  16°  Respo7isiim  ad  Hoplocris?naspongum  Forsteri,  Lon- 
dres, 1631,  in-4°. 

161.  — 17°   Pathologia  dœmoniaca,  Gonda,  16-40,  in-folio. 

162.  —  18°  Apologia  compendiaria,  f?'afe7'nitatem  de  Rosea- 
Cruce  suspicionis  et  infauùx  maculis  aspersam  abluens,  Leyde, 
1616,  in-8°. 

163.  —  19°  Tractatus  apologeticus  integritatem  societatis  de 
Rosea-Cruce  de fendens,  Leyde,  1647  ;  traduit  en  allemand,  Leipzick, 
1782. 

164.  —  20"  Tractatus  tkeologo-philosophicus  de  vita,  morte  et 
resurrectione,  fratrihus  Rosea-Crucis  dicatus,  Oppenheim,  1617, 
in- 4°. 

165 .  Bl'xtorf  (DV)  {Œuvres),  Manuale  hebralcum  et  ckaldaicum, 
Bàle,  1658,  in-12. 

166.  —  Synagoga  judaica,  Bàle,  1603  (allemand);  Hanau,  1604  et 
1622,  in-8°  (latin);  Amsterdam,  1650,  in-8°  (flamand);  Bàle,  1641, 
latin  (revue  par  son  fils);  Bàle,  1682,  latin  (revue  et  corrigée  par 
Jacques  Buxtorf,  petit-neveu  de  Tauleur). 

Cet  ouvrage  roule  sur  les  dogmes  et  les  cérémonies  des  Juifs. 

167.  Institutio  epistolaris  Jiebraica  cum  epistolarum.  Iiebraica- 
rum  centuria,  Bàle,  1603,  1616,  1629.  in-8°. 

L'auteur  y  donne  des  règles  et  des  modèles  pour  une  corres- 
pondance littéraire  en  hébreu. 

168.  Epitome grammalicic  hebrex,  Leyde,  1673, 1701 ,  1707,  in-12. 

169.  Epitome  radicum  hcbraicx  et  chaldaicx,  Bàle,  1607,  in-8°. 

170.  Thésaurus  grammaticus  lingux  hebrex,  Bàle,  1609,  1663, 
et  1615,  in-8°. 

171.  Lexicon  hebraicum  et  chaldaicum  cum  brevi  lexico  Rabbi- 
nico,  Bàle,  1607,  in-8°,  et  1678,  in-8°. 

172.  Grammaticx  chaldaicx  et  syriacx  libri  très,  Bàle,  1615, 
in-8°, 

173.  Bibliolheca  hebrxa  Hahbinica,  Bàle,  1618-19,  4  vol.  in-folio. 

174.  Tibcrias,  Bàle,  1620,  in-4°. 


-   l.iS  — 

Traité  historique  et  critique  sur  la  massore  où  l'auteur  attribue 
rinvenlion  des  points  voyelles  à  Esdras.  Il  y  donne  aussi  Thisloire 
des  Académies  de  Juifs  après  leur  dispersion. 

175.  C oncordantise  Bibliorum  hebraicx,  publiées  par  ses  fils  avec 
les  concordances  chaldaïques,  Bàle,  1632,  in-folio;  réimprimée  en 
1636,  Bâle,  et  dont  on  a  un  abrégé  par  Chrétien  Ravius  à  Francfort- 
sur-l'Oder,  1676;  Berlin,  1677,  in-8",  sous  le  titre  de  Fons  Sion; 
c'est  un  des  meilleurs  ouvrages  de  Bi;:vlorf. 

176.  Lexicon  chaldaicum  thalmudkum  et  rabbinicum,  Bàle,  1639, 
iu-folio. 

Cet  ouvrage  qu'il  avait  laissé  imparfait  après  vingt  ans  de 
travail,  coula  encore  dix  année>  à  son  fils  pour  le  mettre  en  état 
de  paraître. 

177.  Dispulatio  Judxicum  Chrisliano,  Hanau,  1604,  1622,  in-8". 

178.  Epistolarum  liebraic.  decas  (hébreu  et  latin),  Bàle,  1603, 
in-8°. 

179.  KiRCUER  (P),  Plan  complet  de  son  élude  sur  la  Kabbale  de 
Hébreux  dans  Vt'dipus  Fgyptiacus  : 

La  Cabale  des  Hébreux 

Savoir  :  De  la  sagesse  allégorique  des  anciens  Hébreux,  parallèle 
avec  la  cabale  égyptienne  et  hiéroglyphique  qui  montre  de  nou- 
velles sources  pour  l'exposition  de  la  doctrine  hiéroglyphique  et 
indique  les  origines  de  cette  doctrine  superstitieuse  et  sa  réfutation. 

CuAi'.  I.  —  Définition  et  division  de  la  Kabbale. 

§  1.  Exemple  de  la  Gématrie. 

§  2.  Exemple  de  Notaria. 

§3.  Exemple  de  Themura  i ou  Ziruphj.. 

CuAP.  II.  —  Ue  l'origine  de  la  Kabbale  au  dire  des  Kabbalistes. 

Chap.  111.  —  Du  premier  fondement  de  la  Kabbale  :  l alphabet 
et  de  l'ordre  mystique  de  ses  caractères. 

Ghap.  IV.  —  Des  tioms  et  surnoms  de  Dieu. 

§  1.  Nom  divin  tétragrammatique  ÎTin^  ou  de  4  lettres. 

§  2.  Mystères  du  Nom  n'H^ 

§  3.  Du  nom  divin  de  12  lettres  ou  duodécagranimatique. 


—   15'J  — 

§  4.  Du  nom  divin  de  22  lettres,  avec  lequel  les  prêtres  avaient 
autrefois  coutume  de  bénir  le  peuple,  au  dire  des  Rabbins. 
§  5.  Du  nom  divin  de  A2  lettres. 

CiiAi'.  V.  —  De  la  Table  Ziruph  ou  des  combinaisons  de 
ral/)habet  hébraïque. 

§  I.  Comment  le  nom  divin  de  42  lettres  est  tiré  de  la  table 
Ziruph. 

§  2.  Noms  des  42  anges,  qui  dériveiil  du  nom  divin  de  A2  lettres 
avec  les  interprétations. 

GuAP.  VI.  --  Du  nom  divin  de  12  lettres  et  de  son  usage. 

Les  72  versets  extraits  de  divers  Psaumes  dans  lesquels  sont 
contenus  les  paroles  de  Dieu  et  les  noms  des  anges,  colligés 
d'après  diverses  œuvres  rabbiniques. 

GuA['.  VII.  —  Le  nom  divin  de  4  lettres  ne  fut  pas  inconnu  aux 
anciens  païens.  Le  nom  lESU  contient  en  lui  tout  ce  qui  a  été  dit 
du  nom  de  ces  lettres. 

GuAr.  VIII.  —  De  la  très  secrète  théologie  mystique  des 
Hébreux:  la  Kabbale  des  dix  Sephiroth. 

§  1.  l£nsoph,  essence  infinie,  cachée,  éternelle. 
^2.  Kether,\^  couronne   suprême,    premier  Sephiroth  et    des 
autres  Sephirolli. 

CiiAP.  IX.  —  Des  diverses  représentations  des  10  noms  divins  de 
Sephiroth,  de  leur  influx  et  de  leurs  canaux  au  dire  des  Rabbins. 

§  1.  Représentation  des  10  Se[>hir()th  par  l'image  de  figure 
humaine. 

§  2.  Des  systèmes  de  canaux  el  iidliix  des  S(q)hirolh,  au  dire  des 
Kabbalistes. 

§  3.  Dérivation  des  canaux  (voir  la  figure). 

§  4.  Des  32  voies  des  la  Sagesse  et  de  leur  interprétation. 

§  o.  Des  32  passages  du  chapitre  I«'  de  la  Genèse  où  le  nom  divin 
ELOIM  est  cité.  Liste  des  32  voies  de  la  Sagesse. 

§  G.  Des  50  portes  de  l'Intelligence. 

§  7.  Des  30  puissances  émanant  de  la  droite  en  Gedulah  et  des 
30  autres  émanant  de  la  gauche  en  Geburah.  Du  nom  de  72  lettres 
et  de  32  voies  de  la  Sagesse. 


—  160  — 

§8.  Des  préceptes  négatifs  et  affirmatifs  qui  sont  annexés  aux 
canaux  sephirothiques  de  Gedulah  et  Geburali  à  Netzah  et  Hod,  au 
dire  des  Rabbins. 

§  9.  Interprétation  des  chemins  sephirothiques. 

§  10.  Du  ternaire,  septénaire  et  duodénaire  des  22  lettres  consti- 
tuant les  canaux  sephirothiques,  et  leurs  mystères,  de  l'avis  des 
Hébreux. 

CuAP.  X.  —  De  la  Kabbale  naturelle  appelée  «  Bereschit  ». 

ti  1.  En  quoi  consiste  cette  Kabbale. 

§  2.  Kabbale  astrologique. 

§  3.  De  la  Kabbale  Bereschit,  ou  de  la  Nature,  c'est-à-dire  de  la 
connaissance  des  caractères  des  choses  de  la  Nature  par  la  vraie 
et  légitime  Kabbale. 

§  4.  De  la  Magie  kabbalistique,  égyptienne,  pythagoricienne  et 
de  leur  comparaison. 

§  3.  —  OUVR.\GES  EN  LANGUE  ALLEMANDE. 

180.  P>STEL\  (E),  Mikad  minot  haychondin,  Beitrâge  zur  jddi- 
schen  Alterthimiskwide,  Vienne,  1887  (SGT). 

181.  Kleuker  (F),  De  la  nature  et  de  r origine  de  la  doctrine  de 
l'incarnation  chez  les  kabbalistes,  Riga,  1786,  in-8°  [allemand) 
(PHIL). 

182.  Freystad  (F),  Kabbalismus  und  Pantkeismus,  Kœnigsberg, 
1832,  in-8°  (PHIL). 

183.  Wacuter  (F),  Le  Spinozisme  dans  le  judaïsme,  Amsterdam, 
1699,  in-8°  [allemand)  (PHIL). 

184.  ZuNZ  (L),  Gottesdienstliche  Vortrœge,  Berlin,  1832,  ch.  IX 
etXX(SCTj. 

185.  Landauer  (L),  Literaturblatt  de  l'Orient  de  Furst,  1845, 
t.  VI,  p.  178  (SCTj. 

186.  Graetz  (L),  Geschichte  der  Juden,  t.  V,  p.  201-208,  t.  VII, 
mot  Kabbala  (SGT). 

187.  J.  Hamburger  (L),  lieal-Encyclopœdie  f.  Bibel  u.  Talmud, 
2*=  partie,  1874-83,  articles  Geheimlehre,  Kabbala,  Mystik,  Religions- 
philosophie,  et  dans  le  supplément,  aux  a-riicles  Kteinere  Midraschim 
elSohar  (SGT). 

188.  Steinscheneider  (L),  Judische  Literatur  dans  l'Encyclo- 
pédie Ersch  et  Griiber  (SGT). 

189.  H.  Joël  (L),  Bie  Religionsphilosophie  des  Sohar,  Leipzig, 
1849  (PHIL). 


—   IGl   — 

190.  Ad.  Jellinck  (L),  Moses  ben  Schemtob  de  Léon  iind  sein 
Vei'hxltniss  zum  Sohar,  Leipzig,  1831  (PHIL). 

191.  Id.  (L),  Beitrxge  zur  Geschichte  dcr  Kabbala,  Leipzig,  1832 
(SGT). 

192.  Graetz  (L),  Gnosticismus  und  Judenthian,  Krotoschin,  1846 
(PHIL). 

193.  M.  Joël  (L),  Blicke  in  die  Religionsgeschichte,  Breslau,  1880, 
I"  vol.,  p.  103-170  (SGT). 

194.  GUDEMANN  (L),  Geschichte  des  Erziehungswesens  der  Juden, 
Leipzig,  1800,  t.  P'",  p.  133  (mysticisme  allemand),  p.  67  (mysti- 
cisme en  France  au  xiu°  siècle)  (SGT). 

193.  D.  Kaufmann  (L),  dans  Jubelschrift  zum  90  tcn  Geburtstag 
des  D"^  L.  Zung,  Berlin,  1884,  p.  143  (SGT). 

196.  Carl  du  Prel  (F),  Philosophie  der  Mgstik,  Leipzig,  1887 
(PHILetMYS). 

197.  (G),  Cabala,  Spiegel  der  Kunst  in  Kuppersliick  (MYS). 


§  4.  —  PRINCIPAUX  TRAITÉS  EN  LANGUE  HÉBRAÏQUE. 

Massore. 

198.  Majer  Halein  (M),    AVsorah    siag   l'Thorah  (La  Massore, 
un  frein  à  la  loi),  xiii"  siècle. 

Mischna  et  Gemurah. 

199.  (M),   M'sachta  sophrbn  (on  voit),  desci-iption   de  la  forme 
extérieure  de  la  Bible. 

200.  Nasi  Juda  IIakadoscu  (M),  Mischnuh. 

201.  Maimonides  (M),  La  puissante  main. 

202.  Joseph  Karo  (M),  Table  couverte,  4  vol.,  i3oO. 

Le  compendium  le  plus  complet  de  la  doctrine  hébraïque. 
Kabbale. 

203.  AiîRAHAM  Akibaii  (?)  (M),  Sephnr  letzlrah  (Livre  de  la  crée- 
lion),  Mantoue,  1332. 

204.  Moïse  (?)   (M),   M'eine  Hachochinh    (Les    Sources   de   la 
Sagesse)  ;  Raja  M'ckiinnak  (Le  Fidèle  Pasteur). 

205.  Rab  Juda  ren  Betiiehu  (M),  Sepher  Habelhachun  (Le  livre 
de  la  confiance). 

206.  Rab.   N'ciiuniau  (M),  40  av.    J.-C.    Le  livre  Ua-Bahir  (la 
lumière  dans  les  ténèbres),  Amsterdam,  1631,  —  Berlin,  1706. 

207.  —  (M),  Jlamiuchad  (Le  mystère  du  nom  de  Dieu). 

208.  —  (M),    Jggered  Hasovoth   (La  Lettre  sur   les   Mystères) 
(premiers  siècles  de  J.-C). 

11 


—  loi  — 

209.  Rab.  Samuel,  fils  d'Elisée  (M),  Sepher  Kanah  (Les  frag- 
ments du  temple). 

210.  Paraphraste  Onkolos  (M),  différents  Michaschim  Mei 
kaschiluach  (les  eaux  coulant  lentement)  (120  ap.  J.-C). 

211.  Rab.  Simon,  fils  de  Jochai,  disciple  d'Akibali  (M),  Sohar 
(La  splendeur  de  la  lumière). 

Fragments  du  Sohar. 

212.  —  Sitkrei  Thorah  (Les  mystères  de  la  Thorah). 

213.  —  Irnnka  (L'enfant). 

214.  —  P'Kuda  (L'explication  mystique  de  la  loi). 

215.  —  Midrasch  Hanelam  (La  mystérieuse  recherche). 

216.  —  Maimer  tha  chasi  (Viens  et  vois). 

217.  —  Idra  /?a66a  (La  grande  assemblée). 

218.  —  7f/ra  5u^a  (La  petite  assemblée). 

219.  —  Siphra  f/zeniiUka  (Le  livre  des  secrets). 

Éditions  du  Sohar  :  Mantoue,  1360,  in-4°.  —  Dublin,  1G23, 
in-lbliu.  —  Gonslantinople,  1736.  —  Amsterdam,  1714  et  1803.  La 
meilleure  est  celle  de  1714. 

Principales  publications  depuis  le  Sohar  jusqu'au  xii®  siècle. 

220.  —  Rab.  Iuda  Hanasi,  213  ap.  J.-G.  (M)  :  1"  Le  livre  des 
doux  fruits. 

221.  —  2"  Le  livre  des  Points, 

222.  —  3°  Un  diamant  dans  Urim  et  Thumim. 

223.  —  4°  Le  livre  de  l'Ornement. 

224.  —  5°  Le  livre  du  Paradis. 

223.  —  6°  Le  livre  de  la  Rédemption. 

226.  —  7°  Le  livre  de  l'Unité. 

227.  —  8°  L'alliance  du  Repos. 

228.  —  9°  Le  livre  de  la  Recherche. 

229.  —  10"  La  voix  du  Seigneur  dans  sa  puissance. 

230.  —  11°  Le  livre  de  l'Agrégation  avec  différentes  explications 
sur  les  nombres  42  et  72,  la  loi  et  la  morale,  etc. 

231.  —  12°  La  Magnificence. 

232.  —  13°  Le  livre  de  la  Récréation. 

233.  —  14°  Le  livre  de  la  Vie  future. 

234.  —  13°  Le  mystère  de  la  Thorah. 
233,  —  16°  Le  livre  sur  les  Saints  Noms. 

236.  —  17°  Le  trésor  de  la  Vie. 

237.  —  18°  L'Eden  du  jardin  de  Dieu. 

238.  —  19°  Le  livre  de  la  Rédemption. 


—  iG:i  — 

Principales  publications  depuis  12^0  jusqu'au  wi"  siècle. 

239.  —  20»  (M),  L'ordre  de  la  Divinité. 

240.  —  21°  Le  vin  aromatisé. 

241.  —  22°  Le  livre  des  âmes. 

242.  —  23°  Le  mystère  de  l'esprit. 

243.  —  24°  Le  livre  des  Anges. 

244.  —  25°  Le  livre  du  Rapport  des  formes. 

245.  —  26°  Le  livre  des  Couronnes. 

246.  —  27°  Le  livre  des  Saintes  Voix. 

247.  —  28°  Le  livre  des  Mystères  de  l'Unité  et  de  la  Foi. 

248.  —  29°  Le  livre  des  portes  du  divin  Entendement. 

249.  —  30°  Le  Mystère  de  l'obscurité. 

250.  —  31°  Le  livre  de  l'Unité  de  la  Divinité. 

251.  —  32°  Le  Jardin  intérieur. 

252.  —  33°  Le  Saint  des  Saints. 

253.  —  34°  Le  Trésor  de  la  Gloire. 

254.  —  35°  La  Porte  des  Mystères. 

255.  —  36°  Le  livre  de  la  Foi. 

256.  —  37°  La  Fontaine  d'eau  vive. 

257.  —  38°  La  Maison  du  Seigneur. 

258.  —  39°  Urim  et  Thumim. 

259.  —  40°  La  Demeure  de  la  Paix. 

260.  —  41°  Les  Ailes  de  la  Colombe. 

261.  —  42°  La  Source  du  jardin. 
2)2.  —  43°  Le  Suc  de  la  grenade. 

263.  —  44°  Ce  qui  illumine  les  yeux. 

264.  —  45°  Le  Tabernacle. 

265.  —  46°  Le  livre  de  la  Foi. 

266.  —  47°  Le  livre  des  Dix. 

267.  —  48°  Le  livre  de  l'Intuition. 

268.  —  49°  Le  livre  des  mystères  du  Seigneur. 

269.  —  50°  Le  sens  du  Commandement. 

270.  —  51°  Traité  sur  les  dix  Sephirotb. 

271.  —  52°  Explication  de  la  Thorab. 

272.  —  53°  La  poudre  d'aromate. 

273.  —  54°  La  lumière  de  Dieu. 
27  i.  —  55°  L'Autel  d'Or. 

275.  —  56°  Le  Tabernacle. 

276.  —  57°  Le  livre  de  la  Mesure. 

277.  —  58°  La  lumière  de  la  Raison. 


—  164  — 

278.  —  59°  Le  mystère  de  Ja  Thorah. 

279.  —  60°  Le  livre  de  l'Angoisse. 

280.  — •  61°  La  Porte  de  la  lumière. 

281.  —  02°  L'Arbre  de  Vie. 

282.  —  63°  Le  Rameau  de  l'Arbre  de  Vie. 

283.  —  64°  La  Voie  pour  arriver  à  l'Arbre  de  Vie. 

284.  —  03°  Les  Trésors  de  la  Vie. 
28o.  —  06°  Le  livre  de  la  Piété. 


^  o.  —  OUVRAGES  EN  LANGUE  ANGLAISE 

286.  H. -P.   Blavatsky    (P),    Isis    Unveiled,    New-York,    1873, 
3  vol.  in-8°  (MYSj. 

Indigeste   compilation    des  écrivains  français,  pour  tout  ce  qui   a 
rapport  à  la  Kabl)ale.  —  Aucune  métliode. 

287.  (P),  rhe  secret   Doctrine,  London,  1889,  2  vol.  gr.   in-8° 
(MYS). 

Même  remarque  que  pour  le  précédent. 

288.  D'  G.  DU  Prel  (P),  Philosophy  of  Mysticism,  transi,  p. 
G.-C.  Massey  (PHIL  et  MYSj. 

289.  A.-Edw.  Waite  (P),  Lives  of  Alchenvjstical  Pliilosophers 
(MYS). 

290.  S.  LiDDELL  Macgregor  Matuers  (P),  The  key  of  Salornon 
ihe  Kmg  (clavicula  Salomonis). 

291.  —     The  Kabbala h  Unveiled  {SCT). 

292.  Franz   Hartmann  (P),  Magic,  White  and  Black  (MYS). 

293.  —  The  Lilerature  of  Occuliism  and  Archaeology 
(MYS). 

294.  A.-E.  WArrE(P),  The  Mysteries  of  Magic  (MYS). 

293.  (DVi,  Supernatural,  religion  a  inquiry  into  ihe  reality  of 
divine  révélation,  3  vol.,  London,  1873  (PHIL). 

290.  Henry  Morus  (WT),  A  conjectural  essay  of  interpreting 
the  mind  of  Moses,according  to  a  threefold  Cabala,  London,  in-8°, 
1634  (PHIL  et  MYS). 

297.  Smith  (DV),  'Dictionary  of  Christian  Biography  (Article 
Cabbalah)  PHIL). 

298.  Ginsburg  (DV),  The  Kabbalah,its  Doctrines  Developement 
and  Littérature  (PHIL^. 

299.-  AzARiEL  (DVj,  Commentary  on  the  Doctrine  of  the  Sephi- 
roth,  Varsau,  1798;  Berlin  1850  (PHIL). 


—  105  — 

\jr        300.     —     (DV),  Commenlary  on  the  SoJig  of  Songa,  Altonn., 
-^     1763  (MYS). 

301 .  Mackay  (P),  Memory  of  extraordinary  popiilars  delusions, 
London,  1842,  in-8''  (Portraits  de  J.  Dée,  de  Paracelse  et  de 
Cagliostro)  (PHIL). 

302.  Barrett  (P),  Magus  a  celeslial  intelligence,  Londres,  1801, 
in-4'>,  fig.  (MYS). 

303.  AiNSWORTH  (Henry)  (B),  Annotations  upon  the  five  boohs  of 
Moses,  in-folio,  London,  1630  (PHIL). 

304.  CuDWOuïii  (B),  The  trxie  intellectual  system  of  the  Universe, 
in-folio,  London,  1678  (MYS). 

304  bis.  —  Anna  Kinsfort  (D),  The  perfect  Way,  Londres, 
in-8'',  1887. 

§  6.  —  OUVRAGES  EN  LANGUE  ESPAGNOLE 

303.  Castillo  (P),//iA'/or/a  y  magia  naturnl,  Madrid,  1692,  in-4'' 
(MYS). 

301).  Abendana  (P),  Cuzari,  libro  de  grande  scicncia  y  mucha 
doctiina,  tradiicido  por  Abendana,  Amsterdam,  5423  (Bib.  Nat. 
A  2l).>4)  (PHIL  et  MYS). 

307.  Cardoso  (B),  Tas  Excellencias  de  los  IJebreos,  y  las  Cnlo- 
nias  de  los  hebreos,  in-4",  Amsterdam,  1679  (PHIL). 


CHAPITRE  III 


CLASSIFICATION  PAR  ORDRE  DES  MATIÈRES 


§  1.  —  TRAITÉS  CONCERNANT  LA  MISCIINA 

{Bibliothèque  nationale.) 

310.  R.  MosES  Maimonides,  et  R.  Obadia  BARiENOViE,  Mischnat, 
traditiones,  Sabionetx,  1563,  2  vol.,  in-4<'(A.  828). 

R.  JuD.E  Sangti,  Venitiis,  1606,  in-folio  (A.  829). 
Voir  aussi  n°^  830  à  834.  —  Tous  ces  ouvrages  sont  en  hébreu, 

311.  GuiLTELMUsSuRENHUSius,  Misclinn,sivc  totius  hebrœorumjuris, 
rituum,  antiquitatum  ac  legum  oratium  systema,  cinn  Rabbinorum 
Maimonidis  ET  Bartenov.e  commentariis  integris  ;  quibus  accedunt 
variorum  auctorum  notx  ac  versiones  bi  eos  quos  edidennit  codices: 
omnin  a  Guilielmo  Suren?iusio  lalinitate  donata,  digesta  et  notis 
illustrata  Hebraicè  et  latine,  Amstelodami,  Girard  et  Jacobus 
Borstius,  1098,  G  vol.  in-folio  (A.  834). 

Voir  (le  plus  n"'  833  à  840. 
Mischna  (meilleurs  commentaires). 

312.  MoisK  Maimonides  et  Oiudia  Bartenove,  Bib.  nat.  A  673, 
fol.  Imprimé  à  Naples,  1490-92,  texte  latin,  publié  par  Suren- 
iiusius,  6  vol.,  Amsterdam,  1698-1703  (A  674). 

313.  Miscn.VA  en  espagnol^  Venise,  1606. 

314.  —       en  allemand,  par  Habe,  Onolzbach,  1761. 

315.  —       en  hébreu,  Berlin,  1834. 

§  2.  —  TRAITÉS  CONCERNANT  LE  TARGLJM 
{Bibliothèque  nationale.) 

316.  PaulusFagius  et  Onkelus,  Tliargum,  1346,  in-fol,  (A  824). 

317.  UziEL,  Targum,  Bàle,  1607,  in-fol.  (A  825). 


—   108  — 

318.  L'ziEL  ou  lend.  de  Fraxciscl'sTaylerus,  Londres,  1649,  in-i" 
(A  826). 

319.  R.  Jacob.  F.  Blnam,  Bâle,  in-4«  f  A  827). 
.    320.  Voir  de  plus  n"^  A  435,  A  786,  A  2-332. 

TRAITÉS  CONCERNANT  LA  MASSORE 

(Bibliothèque  nalionalc.) 

321.  BuxTORF,  Tiberias  (A  822,  823). 

5;  3.  —  TRAITÉS  CONCERNANT  LE  TALMUD 

[Bibliothèque  nationale.) 

322.  1°  Talmud  de  Jérusalem,  R.  Jochanan,  Talmud  Hierosoly- 
mitamim,  divisum  in  quatuor  ordines.  Venetiis,  Daniel  Bomberg, 
in-fol.  s.  date  (A  840);  autre  édition,  Cracovie,  Isaac,  Aron,  1607- 
4609,  in-folio;  2°  Talmud  de  Babylonc. 

323.  Rab.  AscnE,  Talmud  Dabylonicum  inlegrum,  ex  sapientum 
scriptis  et  responsis  compositum  a  Rab.  Asche,centum  circiler  annis 
post  confectum  Talmud  Hierosohjmitanum,  additis  commentariis, 
R.  Salomonis  Jarchi,  et  R.  Mosis  Maimonidis,  Venetiis,  Daniel 
Bomberger,  1520,  1521,  1522,  1523;  15  vol.  in-fol.  (A  842). 

Voir  de  plus  n"  A  843  à  857. 

324.  Pour  les  abrégés  du  Talmud,  n°'  857  à  879. 

325.  Pour  les  commentaires  du  7a//;mf/,  n°^  879  à  914. 

326.  Pour  les  traités  sur  le  Talmud,  n°^  915  à  917, 

En  résumé,  la  Bibliothèque  nationale  possède,  dans  son  catalo- 
gue ancien,  cent  vingt-quatre  ouvrages  sur  le  Talmud,  la  plu- 
part très  considérables. 

^  4.  —  TRAITÉS  CONCERNANT  LA  KABBALE  EN  GÉNÉRAL 

{Bibliothèque  nationale,  Wolf.) 

1"  Introduction  à  la  Kabbale. 

327.  R.  Joseph  Cornitolis,  Schaace  Hedek  portx  perlicia 
(hébreu),  Ruca,  1401,  in-4°  (A  964). 

328.  R.  Joseph  Gecatilia,  Gan  egiz,  hortus  lucis,  sive  introductio 
in  artemcabalisticam  (héhreu),  Hanovriœ,  1615,  in-fol.  (A  965). 

2"  Iraités  généraux  sur  la  Kabbale. 

329.  R.  Akiba,  Sepher  Jesirah  (hébreu),  Mantoue,  1562,  in-4° 
(A  966). 


—  169  — 

330.  RiTTANGELius,  Sep/ier  Jesirah  (hébreu),  Amstelodami,  1642, 
in-4''  (hébreu  et  latin)  (A  957). 

331.  R.  ScHABTAi  ScnEPiiTEL  HoRwiTZ,  Sckepha  Tal  sar  Sep  han- 
tai (hébreu),  Hanovre,  1612,  in-fol.  (A  968). 

332.  Knorr  de  Rosenrotu,  Kabbala  denudata  (A  969)  (latin). 

333.  PiSTORius,  Ar^is  cahalistlcx  scriptoj'es  (latin), Basileœ,  1387, 
in-folio  (A  970). 

334.  Voir  de  plus  les  traités  en  langue  hébraïque,  n°^  970  à  978. 
33o.  Joseph  de  Voysin.  Trad.  de  l'hébreu  en  latin. 

R.  Israël  filii.  R.  Mosis,  Disputatio  cabalistica  de  anima,  et 
opus  i'hythmicum  R.  Abraham  Abben  Ezr^,  De  modis  quibus  Hebrsei 
legem  soient  interpretari,  adjectis  commenlarïis  ex  Zohar,  aliisque 
rabblnorum  libris,  cum  Us  qux  ex  doctrina  Platonis  convenere, 
Parisiis,  Tussanus  du  Pray,  1638,  in-8°  (A  978). 

336.  Aggripa  (Hen.-Gom.)  Phil.  Occulta,  (liv.  3);  De  Vanitale 
Scientiarum  (ch.  67). 

337.  Alberti  (Frid. -Christian),  Œuvres. 

338.  Altingius  (Jacob),  Jn  Dissertât,  de  Cabbale  Scripturaria. 

339.  Andrew  (Samuel),  In  Examine  generali  Cabballx  philoso- 
phic;i\  Henri  Mari,  Herboni,  1670,  in-4". 

340.  Bartoloccius  (Julius),  rabbinica  Bibliotheca  [passim],  1694, 
o  vol.;  Rome,  1673-93,  4  vol.  in-folio. 

341.  Basunysen  (Hen.-Jac.  Van),  Disputationes  II  de  Cabbala 
vera  et  falsa,  Hanov.,  1710. 

342.  Basnage  (Jacob),  Uistoria  Judaica,  lib.  3,  cap.  10  et  suiv. 

343.  Berger  (Paul.),  In  Cabbalismo  Judaïco  Christiano,  Vitem- 
berg,  1707,  in-4». 

344.  Buscherus  (Frédéric-Christianus),  In  Mensibus  Pietisticis 
(mense  IV). 

343.  BuDDEUs  (Jo.  Franc),  In  observationibus  Halensibus  salutis, 
t.  1,  observât.  I  et  16  et  i)i  Introductio  in  philosop.  Hxbreo- 
rum. 

346.  De  Burgonovo  (Archangelus),  Ordinis  minorum,  Pro  defen- 
sione  doctrinse  Cabbahc,  Basil.,  1600,  in-8°  (p.  33  et  34.) 

347.  Ejusde.m,  Cabbaiistarum  selectiora  obscurioraqxie  dogmata 
illustrata^  Ventiis,  1369,  in-8"  ;  Basil.  1387,  in-folio. 

348.  Garpyiorius  (Joh.-Benedictus),  Introductio  in  Theologiam 
Judaicam,  c.  VI. 

349.  GoLBERG(Ehregott.  Daniel), /nCArw^ianwmo  Hermctica  Pla- 
tonica. 

340.  CiOLLANGEL  (Gabriel),  In  Dissert,  de  Cabbala,  cum  ejusdem 
pulygraphia  Galliœ  édita,  Paris,  1361. 


—   170  — 

351.  DiCKiNSON  (Edmond),  In  physica  cetere  et  vera,  cap.  IV 
et  XIX. 

353.  DiSENBACH  (Martinus),  In  Judxo  convertendo,  p.  94,  et  con- 
versa, p.  145  sqq. 

334.  DuRETUS  (Claudius),  Dans  F  histoire  de  V  origine  des  langues, 
c.  7. 

3oo.  Fludd  (Robertus),  m  Philosophia  mosaica,  et  alibi,  passim. 

356.  Gaffarellus  [id.z.),Abdita  divinse  Cabbalx  mysteria  contra 
Sophistarum  Logomachiam  defensa,  Paris,  1623,  4  teste  Leone  Alla- 
tio  de  Apibut  Urbanis.  Ejusdem  tractatum  de  Cabbala,  et  in  eum 
Mersenni  notes  M.  S.  S.  in  Biblioth.  Peirescii  memora,  Colomesius 
in  Galia  Orientali,  p.  134.  Promisit  et  Cribru?yi  Cabbalisticum. 

357.  Galatinus  (Pet.),  lib.  1,  De  Arcanis  Catkol.  Veritat.,  c.  6. 

338.  Garzia  (Pet.),   Vide  supra  Archangelus  Burgonosensis. 

339.  GASïALDL's(Thom.)  In  libris  de  Angelica  potestate  passim  de 
Cabbala  Judaica  egit,  eamque  confiitavit,  teste  Kirchero  in  Edipo 
Egyptiaco,  t.  II.  parti,  qui  passim  ad  eum  provocat. 

360.  Gerson  (Christian),  In  Compe.ndio  Tahnudis,  part  1,  c.  31. 

361.  Glassiiis  (Salomon),  In  Philologia  Sacra,  lib.  Il,  part  1, 
p.  302. 

362.  Hackspanil'S  (Theofloricu=i,  In  Brevi  Expositione  Cabbalx 
Judaicx,  Misccllaneis  ejus  Sacris  subjuncta,  p.  282  sqq,  qui  specia- 
tini,  p.  341  sqq.  fuse  de  usu  Cabbalse  in  Theologio  differit. 

303.  Hebenstreitius  (Jo.-Bat),  In  dissertât,  de  Cabbala  Log. 
Arithmo-Geometro-Mantica  spargi  nuper  cœpta,  Ulm,  1619,  in-4''. 

364.  Henningius  fJo.)  In  Cabbalologia  sive  Brevi  Institut ione  de 
Cabbala  eum  veterum  Rnbbinorum  Judaica,  tum  Poetarum  Para- 
grammatica,\À\)^\,  1683,  in-B". 

365.  Hoornbeckius  (Jo.j  In  libris  VIII  pro  convincendis  et  conver- 
tendis  Judicis,  lib.  1,  c.  2.,  p.  89  sqq. 

366.  Hottingerus  (Jo.  Hen.)  In  Thesauro  Philolog.,  lib.  1,  c.  3, 
sect.  V. 

367.  Hottingerus  (Jo.  Henres.)  Nepos,  In  notis  ad  discursum  Ge- 
maricum  de  Incestu  Creatione  et  opère  Currus,  p.  41  sqq. 

363.^ircherus  (Athana§},  In  jEdipo  yE gyptiaco ,  t.  II,  p.  I. 

369.  Knorr  (Christianus),  A  Rosexroth,  in  Cabbala  denudata, 
t.  1,  Solisbac,  1677  et  1678;  t.  II,  Francof.  ad  Moen,  1684,  in-4'>. 
Vide  Buddei  Introduct.,  p.  281  sqq. 

370.  Langius  (Joach.),  In  Medicina  Medicina  Mentis.,^.  131,  sqq. 

371.  Langius  (Jo.  Mich.),  In  Dissert,  de  Charactere  primœvo 
Bibliorum  Hebr.  et  in  Comment,  de  Genealogiis  Judaicis. 

372.  Lensdenius  (Jo.),  In  Philolog.  Hebr.  Dissert.  XXVI. 


~   171   — 

373.  LoESCHAR  (Valent.  Ernestus),  In  Prsenotionibus  Theologicis, 
p.  288,  sqq. 

374.  LoBKOviTZ  (Jo.  Caramuel  a),  Cabbalx  Theologicx  Excidiiim, 
qua  stante  in  tota  S.  Scriptura  ne  unwn  quidem  verbum  esset  de 
ûeo,  Vide  Imbonatï  Biblioth.  Lat.  Beb.,  p.  96. 

373.  Ejusdem,  Spécimen  Cabbalse  Grammaticœ^  Bruxellis,  1642. 
in-12. 

376.  MiRAXDULANUS  {Vid.  Piciis). 

377.  MoRESTELLis  (Pet.),  Academia  Artis  Cabbalist.,  Paris,  1621, 
in-8°,  édita  prorsus  hue  non  pertinet,  quippe  qux  tantum  de  Arte 
Lulliana  exponit. 

378.  MoRUS  (Henr.),  In  scriptis  variis,  de  quibus  diligenter  exponit 
Rev.  Jo.  Franc.  Buddeus  in  Iniroducl.  in  Philos  Hebrxornm. 

379.  UvLLERVS  (io.),  In  Judaismo  Prolego7)i.   VI. 

380.  Neander  (Michael),  In  calce  Erotematum  L.  Hebr.,  p.  514, 
sqq. 

381.  Pastritius  (Jo.),  CuJhs  tractatum  M.  S.  de  Cabbnla  ejusqun 
divisione  et  auctoritate  laiidat  Imbonatus  in  Biblioth.  Hebrieo, 
Latina,  p.  126. 

382.  Picus  (Jo.)  MirancUilanus,  LXXII,  Concliisiones  Cabbalisticœ 
et  alia  in  Operibus  ejus  legenda.  Conclusiones  illx  integnv  erstant 
in  Rev.  Budder  Introduct.,]).  230  sqq.  Conf.  Archangelus  Burgonov. 

383.  PiSTORiusfJo.),  Nldanus,  in  tomo  1.  Scriptorum.  Artis  kabba- 
list.,  Basile,  1587,  in-folio,  quo  conlinentur  Pauli  Riccii,  lib  W ,  de 
cœlesti  Agricultura,  et  opuscula  nonnulla  ejus  alia:  R.Josephi  Casti- 
liensis  Porta  lucis,  Leonis  Ebrai  de  amore  Dei  dialogi  très:  Jo. 
Reuchlini  lib.  3  de  Arte  kabbalistica ;  item  lib.  3  de  verbo  mirifico: 
Archangell  Burgonoviensis  Intcrpretatioiies  in  selectiora  obseuriora- 
que  Cabbalistarum  dogmata  ;  et  Abrahami  liber  Jezira.  Lege  de  hnc 
colleclione  Buddeum  in  Introduct.  ad  Histor.  Philos.  Hebr.,  p.  221. 
Rich  Samaneni  in  Bibliotheca  Selecta,  t.  1,  p.  322,  sqq.  et  Pel. 
Bœlium  in  Dictioyiario  edit.  recentiss..,  t.  III,  p.  2315,  sqq. 

384.  Reimmannus  (Jac.  Frider.),  In  Conata  introduct.  inHistoriani 
Thcolog.  Judaicx,  lib.  i,  c.  lo. 

383.  Reuchlinus  (Jo.),  In  libris  3  de  Arte  Cabbalist.  Ilagenoa-, 
1517,  in-4".  Basile,  1550,  et  cum  Galatino.  Francof.,  1672,  in-folio, 
item  in  Pistoris  Scriptoribus  Cabbalist.,  Basil.,  1587. 

386.  Riccius  (Paulus),  In  libris  IV  de  cœlesti  Agricultura  et 
aliaa  ;  vide  part.  1,  n"  1817.  Conf.  Pistorius. 

387.  RiTTANGELius  (Jo.  Steph.),/»  notis  ad  lib.  Jezirn,  et  libro  de 
«  Veritatc  /leligionis  Christ ianx  ». 

388.  RosENROTH  (V.  Christianus  Knorr). 


—  172  — 

389.  ScQERZER  (J.  Adamus),  bi  TrifoUo  Orieniali,  p.  109,  sqq. 
389  bis.  ScBiCKARDus  (Giiilielmus),  Jn  Bechinath  Bapperuschim, 

Diss.  IV. 

390.  ScnoTTUS  (Casp.),  In  Technica  Curiosa,  lib.XII,  de  Mh^abili- 
hus  Cabbalic. 

391.  SciiUDT  (Jo.  Jac),  In  Memorabilibus  Judaicis,  part.  IT,  lib.  6, 
cap.  31,  p.  188,  sqq. 

392.  Sennertus  (Andr.),  Dissert.  peciUlari  de  Cabbala,  Wiemhe., 
1055,  in-4°,  quœ  récusa  est  in  Heptade  II.  Exercitatt.  Pïlolog. 
num  III. 

393.  Sperberus  (Jiiliu>),  Isagoge  in  veram  triunius  Dei  et  naturse 
cognitionem,  concinnata  an.  1008,  Jinnc  vero  primwn  publicl  juris 
facta,  in  gna  multa  quogue  prxclara  de  rnateria  lapidis  Philoso- 
phici  ejusque  mirabilissimo  continentur,  Hambui'gi  1074.  Hune 
puto  esse  tractatiim,  in  quo  probasse  sibi  videlxir,  artem  kabbalis- 
ticam  omnium  artium  esse  nobilissimam.  Vide  prœfationem  ejus  ad 
Preces  Cabbalisticas. 

393  bis.  Ejusdem,  Kubbalisticx  Precaliones,  Latine,  Amstelod., 
1075,  111-8°,  et  German  eodem  anno  Amstelod.,  et  Francofurti.  Conf. 
Godefredi  Arnoldi  Hislor.  Hxresiologic.,  part.  III,  p.  10,  sq. 

394.  VoisiMUS  (Jos.j,  In  notis  ad  proœm,  in  Ilagm.  Martini 
Pugionem  l'idei,  et  ad  R.  IsraH,  fil.  Mosis,  Disputât,  Cabbalist. 

395.  Wagoter  (Jo.  Georg.),  In  Spinosisrno  Judaismi,  kvailQloû., 
1799,  in-8°,  et  ElucAdario  Cabbalistico,  Rostoch.,  1700,  in-8". 

390.  Walther  (Jo.),  in  Officina  Biblica,  p.  523,  sqq, 

397.  Waltonus  iBrianus),  In  Prolegom.  VII  ad  Biblia  Poli- 
glotta,  §  30,  38. 

398.  ZiEROLDUS  (Joh.  Wilhelmus),  Inintroduct.  ad  Histor.  Eccle- 
siast,  cap.  III.  Ex  Judœis,  qui  historiée  de  Cabbala  2)rc€ceperunt, 
potiores  sunt  Elias  Levita  in  Tisbi  voce,  li.  Moses  Corduero  in 
R.  Nephthali  in  pnefat.  et  Menasse  ben  Israël  in  C onciliatione 
super  Exodum,  qu;est  CXXV,  p.  249,  sqq.,  edit.  Hispanicœ. 

^  5.  —  TRAITÉS  CONCERNANT  LES  SEPHIROTH 

[Wolf.) 

399.  iEvOLUS  (César)  [le  Napolitain),  dans  le  livre  des  Dix  Se- 
pkiroth,  Venise,  1589,  in-4''. 

400.  Aqlixas  (Philipi)e),  l Interprétation  de  l'arbre  kabbalis- 
tique,  avec  la  figure  de  cet  arbre,  Paris,  1025,  in-8°,  français 
(Bib.  nat.  A  7.730),  suivi  des  Codices  manuscripti  cab.  Gaiïarel. 

401.  Basnage  (Jacob),  Histoire  juive,  liv.  II,  ch.  xiv. 


—  173  — 

402.  BuDDEUS  (Jean-Fi-ancisque),  Introduction  à  V Histoire  de  la 
Philosophie  hébraïque,  p.  277  et  siiiv.,  336  et  suiv.,  dernière  édi- 
tion. 

403.  BuRNEUS  (Thomas),  Archéologie  philosophique,  liv.  I", 
ch.  VII. 

404.  Garpzovius  (Jean-Bened.), //i^?'ot?uc<«on  à  la  théologie  juive, 
(int,,  p.  82,  et  Dissertatio  de  Vacca  Rusa,  part  IL,  p.  56  et  suiv., 
1706,  p.  161  et  suiv.,  170-177. 

405.  GuNDLiNGius  (Nicolas  Hieron.),  Histoire  de  la  philosophie 
inorale,  V'^  partie,  ch.  vii^  p.  93. 

406.  Heumannus  (Christophe-Auguste),  Acta  philosophica,  t.  II, 
n"  2. 

407.  HiNCKELMANNUS  (Abraham),  Detectio  fundamenti  Bœhmiani, 
p.  20  et  suiv. 

408.  KiRCHERUS  (Athanas),  Œdipus y^gyptiacus,  t.  Il,  1'"  partie, 
p.  214  elsuiv.,  2m)  et  suivf 

409.  Losius  (Jean-Juste),  Bega  dissertationum  Gressae,  1706, 
in-4°. 

410.  Meyerus  [iohdiw),  Dissert,  theologica  de  mysterio  SS.  Trini- 
tatis  ex  follis  V.  T.  libris  demonstrato,  Harderonii,  1712,  in-4°. 

411.  MoRUS  (Henricus),  In  opérions  philosophie',  p.  429  et  suiv. 

412.  OLEARius(Gottfrid),  In  observationibus  sacris  super  Matth., 
VI,  p.  221  et  suiv. 

413.  Pfeifer  (August),  In  Critica  sacra,  p.  214  et  suiv. 

414.  lliTTANGELius  (Jean-Stephanus),  In  notis  ab  lib.  lezlrah  et 
in  lib.  de  Veritate  religionis  christianx. 

413.  De  Rosenrotu  (Christianus  Knorr),  In  Cabbala  denudata, 
passim. 

416.  Stendnerus,  De  mysterio  Deï  triunius,  p.  294  et  suiv. 

417.  ViïRiNGA  (Ganpegnis),  Liber  1  observât,  sacrarum,  cap.  x 
et  XI. 

418.  VoisiNius  (Joseph),  In  notis  ad  pricmium  Pugunis  fidci, 
p.  71  et  suiv. 

419.  Wagiiterus  (Jean-Georges),  In  Elucidario  cabbalistico, 
cap.  m, 

§6.  —  TRAITÉS  CONCERNANT  LE  SEPHER  JESIRAH 

{Bibliothèque  nationale.) 

422.  Sepher  Jesirah  {en  hébreu),  Mantouo,  1562,   in-4°  (A  996j. 

423.  Artis  cabalistiae  scriptores  ex  biblioth.  Pistorii,  1587, 
in-folio  (A  970). 


—   174  — 

424.  Abrahami  patriarchx  liber  Jesirah  ex  hebru'o  versus  et 
commentariis  illustratus  a  Giiillemo  Postello  (1552)  (A,  Réserve, 
G5<J0). 

425.  Ciczari^  libro  de  grande  ciencia  y  mucha  doctrina,  traducido 
por  Abendana,   Amsterdam^  5423  (A  1100). 

426.  Liber  Jesirah  qui  Abrahamo  pntriarchx  adscribitur ,  una 
cum  commentario  Rabbi  Abraham,   Amstelodami,  1662  (A  967). 

427.  Mayer  Lambert,  Commentaire  sur  le  Sefer  Jesira  Paris, 
1891,  in-8°. 

§  7.  -  TRAITÉS  CONCERNANT  LA  KABBALE  PRATIQUE 

[Bibliothèque  nationale.) 

428.  ScnEMMAi'UORAS,  Mss.  14-785,  14.786,  14.787. 

429.  Sceau  DE  Salomon,  Mss.  25.314. 

430.  Clavicule  de  Salomon,  Mss.  24.244-24.245'. 


1 .  Ce  manuscrit  a  été  photographié  et  tiré  à  tvps  petit  nomhre  d'exem- 
plaires. —  On  le  trouve  cliez  notre  éditeur,  au  prix  de  100  fr.  l'exemplaire 
composé  de  143  épieuves. 


APPENDICE 


PÉRIODIQUES 

s  occupant  géaéralemsnt  ou  s'étant  occupés  de  la  Kabbale. 

France  [langue  française). 

L'Initiation,  directeur  Papus,  revue  mensuelle  de  100  pages, 
paraissant  régulièrement  depuis  le  \o  octobre  1888,  Paris,  58,  rue 
Saint-André-des-Arts. 

Le  Voile  d'Isis,  journal  hebdomadaire  de  8  pages,  directeur 
Papus,  paraissant  régulièrement  depuis  le  12  novembre  1890, 
Paris,  29,  rue  de  Trévise. 

Psyché.,  revue  mensuelle  littéraire,  directeur  Emile  Michelet, 
paraît  depuis  1891,  29,  rue  de  Trévise,  Paris. 

L'Étoile,  directeur  René  Gaillié,  revue  mensuelle,  paraissant 
régulièrement  depuis  décembre  1889,  Avignon. 

L'Aurore.,  directrice  M"°  de  Pomar,  revue  mensuelle,  paraissant 
régulièrement  depuis   1887,  Paris,  11,  rue  de  la  Ghaussée-d'Antin. 

Revue  trimeslrielle  des  Etudiants  Swedenborgiens  libres,  direc- 
teur Lecomte,  à  Noisy-le-lloi  (Seine-et-Oise). 

La  Religion  universelle,  directeur  Charles  Fauvety,  administra- 
teur Lessard,  à  Nantes  (mensuel). 

L'Union  Occulte  /''ra/icaisi?,  directeur  Elle  Steel,  revue  paraissant 
deux  fois  par  mois,  Lyon  (Rhône),  5,  cours  Gauibetta,  remplacée 
par 

La  Paix  Universelle,  directeur  B.  Nicolaï,  revue  paraissant  deux 
fois  par  mois  (môme  adresse). 

Revue  des  Sciences  Psychologiques  illustrée,  directeur  L.  Mou- 
tin,  revue  mensuelle,  paraissant  depuis  1890,  2,  rue  Duiierré, 
Paris. 


—  176  — 

AllemaGine  [langue  allemande). 
Sphinx,  directeur  Hiibbe  Schleiden,  à  Munich  (mensuel), 

Laxgue  anglaise 

The  Theosophist,  directeur  Olcott,  revue  mensuelle  (12^  année), 
paraissant  à  Madras  (Indes  anglaises). 

The  Key,  revue  mensuelle,  paraissant  à  Londres  {recommandée). 

Lucifer,  directrice  M™®  Annie  Besant,  revue  mensuelle,  parais- 
sant à  Londres. 

The  Path,  directeur  Judge,  revue  mensuelle,  paraissant  à 
New- York  (Etals-Unis). 

The  Platonist,  directeur  (?),  revue  mensuelle,  paraissant  à  Boston 
(Etat-Unis). 

Langue  espagnole 

£1  Teosofo,  directeur  H.  Girgois,  revue  mensuelle,  paraissant  à  la 
Plata  (République  Argentine),  calle  4  y  45. 

Il  y  a  une  foule  d'autres  revues  en  langue  espagnole  traitant  de 
mysticisme  spiritualiste,  mais  non  de  la  Kabbale.  Citons  toutefois 
comme  commençant  à  s'occuper  de  ces  questions  : 

Revista  de  esludios  psicologicos,  directeur,  le  vicomte  de  Torres 
Solanot  (mensuelle),  Barcelone,  31,  calle  de  San  Juan. 

Langue  italienne 

Lux,  directeur  Hoffmann  Giovanni,  revue  mensuelle,  82,  via 
Castro-Pretorio,  Rome  (4*  année). 

Langue  hollandaise 

Bet  Rozekrentz  (Geheime  Wetenschap),  directeur  D'  L.-L.  Plan- 
lenga,  revue  mensuelle,  242,  Singel,  Amsterdam  (2°  année). 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


AUTEURS  CITÉS  DANS  LA  BIBLIOGRAPHIE 


{Les  chiffres  renvoient  aux  numéros  (V ordre  placés  devant  chaque  ouvrage. 


Abe.ndana 306 ,  42.) 

Abraham  (juif) 49 

Adam  (Paul) 7 

yEvoLUs 399 

Aniupi'A 24,  ";>,  330 

Ai.NswoRi  II 303 

Akiiîa 203,  3-29 

Albali 337 

Altingius 338 

Amaravf.lla 8 

Amklikeau  (I"^. ) 0 

Andrkœ  (Saimiel) 339 

Aq^inas  (Philippe) 400 

Arius  (Montaïuis) 95 

AscuE  (Ilab.) 323 

Aur.LERC  (Qiiinliiis) 56 

AzARiEf 299 

lÎARLET 9 

Basnagk li,  343,  401 

Rarret 302 

IJartenov.v; 96 

Bartolocci 93,  40 

Baciu'ysk.n 34  i 

Berger 342 

Bertet  (Ad.) 6.") 

Bertiielot 10 

Betiieira  (Iiida-Ben.) 20o 

Blavastky  (II.-P.) 280 


BORCIUS 

BoEUM  (Jacob) y  ! , 

Brière   (de) 

Brucker 

Bruno  (Jordano) 

Bucherus 

BuDDEUs 94,  34.), 

BUNAM 

BURNET 3,  1  i4 

BuRGO.NOv  us 129, 

BuxTORF  loi)  à  179, 

Caillié  (Roné) 

Cardan  (Jérùiiif^) 

Caruoso  

Carnitolis 

Cari'zovius 98,  3i8, 

Castillo 

Ciiaboseau  (Aiii^iisliii) 

Chaum 

CURISTIA.N  i^P.) 

ChENTOI'UORI 

COLLANGEL   ((jalll'icl) 

Cor.li 

Coi 


)LRICR(; 


Couht  i)k  rii'.iii.i.iN . 
CrD\Yoiirii 

DiXAGE 


DiCKKN.SON'. 


97 

124 

11 

^o 

127 

344 

402 

319 

403 

346 

321 

12 

51 

307 

327 

404 

305 

13 

99 

14 

120 

350 

100 

349 

16 

30  i 

17 

35 1 


178 


DiSENBACH 353 

Drack 60 

Drusii 101 

Dlretis 3o4 

DECKARTHAUSEN ij3 

Eliphas  LÉvi 21 

Epstein 180 

Fabre  d'Olivet 21 

Fagils 316 

Figuier  (L.j 18 

FLUDD(Roberl)     88,  14oàl6b,  3o6 

Fournie  (Pierre) b9 

Franck  (Ad.) 1 

Franckius  (J.) 131 

Frey(L.) 102 

Freystad 182 

Gaffarel oO,    119,  3o6 

Galatini 130,  357 

Garzia - 3b8 

Gastaldis 359 

Gecatilia 328 

Gerson    (CUrislian) 360 

Gibier  (D-^  Paul)..... 19 

GiNSBURG 298 

Glassius 361 

goulianof •  •  •  •  62 

Graetz 186 

Grassot 57 

Gu.AiTA  (Stanislas  de) 20 

Gudeman.n 194 

gudlincius 405 

h.\^tspamus 362 

H.YLE1R 198 

Hamburger 187 

Hanasi  (luda) 220 

Hartmann  (Franz) 292 

Hebenstreitius 363 

Heinius 143 

Henningius 364 

Herzog 69 

Heum.\^nncs 406 

Henckelmanus 407 

Hirtz 110 

Hoogt 163 

HopPERis 125 

HoTTiNOEK 4.  3')6,  307 


Hoornbeckius 365 

HowiTz 331 

Isaacgi  (Rahh.) 140 

Jechiel  (Rabb.) 138 

Jellinek 190 

Jhouney  (Albert) 23 

Jochanan 322 

Joël 189,  193 

Karo 

K  auffman i  95 

Keleph  Ben  Nathan. 55 

KiMSFORT 304  bis 

KiRÇHER  (R.R).  78,  179,  308  408 

Klenker ISè 

Knorr   de    Rosenkoth    (Voy. 
Rosenrolh  Knoir  de) 

Klnrath 118 

Lacour 25 

Lacura 26 

Lagneau 48 

Larmandie 27 

Lambert  (Vlayer; 427 

Landaueh 185 

La.ngius  (J.) 370,  371 

Lejay  (Julien) 28 

Le  Gendre  (Marquis) 70 

Lenain 29 

Lermina  (Jules) 30 

Leusden 1 64 

LlPMANN 137 

Lobkovitz 374 

LoDOiK 66 

Lœscher 273 

Lapoukine 67 

LoRiA  (Isaac) 103 

Losius 409 

Lulle  (Raymond) 71 

Lusdemus 372 

Maimonides..     106,201,310,  312 

.MaLFATTI  DR   MONTEREGGIO.  70  btS 

Mackey 30 1 

M.\THERS  (Macgregor) 290 

.Mersennum 117 

Meyerus  (Johanj 410 

MicHELET  (Emile) '■  31 

Mirandilus  (Picus) 376 


179 


MOLITOR 32 

Monlière 33 

MORESTELLI    (Pit) 377 

MoHus  (Henri).    87,  108,  29G, 

378,  411 

M.  P.  G.   DE  G 54 

Mosis  Bachmamdes.  . . ,      109,  139 

MULLER 379 

MuNCK 68 

Nasi  Juda  Hakadosh 200 

N'cHUMiA  (Rabb.) 206 

Neander  (Michael) 580 

Nas  (E.) 70  ter 

Olearius  (Gutfrid) 412 

Onkolos 210  316 

Orobio  (Isaac) 64 

Othoxis 111 

Papus 34 

Paracelse 86  116 

Partutius 381 

Peladax 35 

Peringeri 112 

Pfeifer  (Augiist) 413 

Pic  de  LA  Mirandole     72,376,  382 

PiSTORius 77,  333,  383 

Poisson 36 

PoMAR  (Duchesse  de) 37 

PosTEL 76  424 

Prel  (Cahl  Dc) 196  288 

Reimannt? 384 

Relandi 113  142 

Reuchun 73  385 

Riccius 80  386 

Rittaleri 122 

RiTTANGEUUS 330,  387,  414 

RocA 38 

RosE.NROTH(Knorr.de)79,332,415,369 

Sabathier(R.P.) 39 

Sai.nt-Martin  (L.  Claude  de). .  40 


Sai.nt-Vves  d'Alvkyore 42 

Samuel  (Fils  d'Elisée) 209 

ScHURÉ  (Ed.) 41 

Scberger 389 

schrammius 126 

Schickardus 389  bis 

SCHOTT 390 

ScauDT 391 

Sedelius   132 

Sennertls 392 

Simon  (Richard) 2 

Simon   (Rabb.),  disciple    d'A- 

kiba 211 

Smith 297 

Sperberl-s 121  393 

Steinscheneider 188 

Stendnerus 416 

Surenhl'sius 311 

Tholl'k 84 

Trithéme  133 

Urstni 114 

Uziel 317 

Vaillant  (J.-A .] 43 

Valerius  de  Valeres 128 

Van  Helmont  (François) 89 

Van  Helmont  (.Mercure). . .   90  123 

Vidal  (Comnène) 58 

ViTOUX 44 

Vitringa 417 

VoYsiN  (Jo.seph)     81,  333,  394  418 

WACHTER(Georges)82,183,395  419 

Wagenseilis 115  1 23 

Waite  (A.) 289  294 

Walter 396 

Waltonus 397 

Weil  (Alexandre) 65 

Wronski  (Héne) 45 

ZlÉROLDAS 398 

ZuNZ. ...    184 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 

DES 

OUVRAGES  CITÉS  DANS  LA  BIBLIOGRAPHIE 

[Les  chiffres  renvoient  aux  numéros  d'ordre  placés  devant  chaque  ouvrage. 


Abdita  divinx  cabalœ  mysteria 356 

A  Brûler 30 

Academiœ  artis  cabbalist 377 

Acta  dispulationis  cum  ISicolao 138 

Actu  dispulationis  cum  fralre  Paulo 139 

Acta  philosophica 406 

Les  ailes  de  la  colombe 260 

V Alliance  du  repos 227 

V Alchimie  et  les  alchimistes 18 

A  Iphabeli  delineatio 90 

Amphitheatrum  sapientix  œternœ 118 

Analecta  rabbinica 113 

De  Angclica  potestate 339 

Analyse  des  choses 19 

Anatomix  theatrum 1 30 

Antiquitatum  jud    93 

Antiquit.  hcbr 114 

Antiquit.  sacrx 142 

Apocalypse  du  bienheureux  Jean 61 

Apolocjia  pro  dcfensione  Kabbalx 129 

Apologia  compendiaria  fraternitatum  de  liosea  Cruce 162 

L'Arbre  de  vie 281 

De  arcanis  cathoiicx  veritatis 1 30 

De  arcanis  catholicis 357 

Archéologie  philos 3,   144,  403 

D<:  arte  cabbalistica 73,  383 

Artis  cablialistic:r  script' t'.'s .                      77,  333,  383,  423 


—  \H-2  — 

Aureitm  opus i'IH 

Au  seuil  du  mystère 22 

A  iirora 91 

V Autel  Œor 274 

Bechinath  Happeruschim 2S9 

Beitrœge  zur  Geschichte  der  Kabbalu 101 

Bihlia  hebrœa  rabbinica 173 

Bibliotheca  magna  rabbinica 340 

Biga  dissertationum 409 

Blicke  in  die  Bcligionsgcschichte 1 93 

Brevis  exposilio  Kabbalse  judaicœ 302 

Cabbala 381,  382 

Cabbala  magica 03 

Cubala  Spiegel 1 97 

Cabbalogia 364 

Cabbala  recentior 1 0.'i 

Carmen  memoriale 137 

Cabbalismo  judaico  chrisdano 343 

Cabbalistarum  dogmata 327 

De  celesti  agncultura 80,  38G 

Ce  que  nous  avons  été 59 

Ce  qui  illumine  les  yeux 203 

Chute  d'Adam 33 

Chris tianismus  hermeticus  platonicus 349 

Clavicule  de  Salomon 430 

Cœlum  sephiroticum 1 20 

Clavis  philosophix  et  alchymiœ 157 

Clavis 76 

Codicum  manuscriptorum 119 

Clef  des  grands  mystères 20 

Compendium  talmudum 3G0 

Commentaria  in  Misnam 96,  106 

Comment,  in  sinuihra  Dzepita 99 

Concordia  rationis  et  filel 82 

Concordantia  bibliorum  hebraicœ 175 

Conclmiones  cabbalislicœ 72,  129,  382 

Constitution  du  microcosme 8 

Conjectural  essay 296 

Constitutions  upjon  the  books  of  Moses 303 

Critaria  sacra 413 

Crocodile 40 

Curiosités  inouïes 50 

Cuzari 306,  425 

Defensio  doctrinœ  cabbalse 346 

Décadence  latine 35 

Delectio  fundamenli  Hoehmiani 407 


—  183  — 

La  demeure  de  la  paix 2."iy 

Les  Dix  sephiroth 309 

Un  diamant  dans  Uriin  et  Thumim '222 

Diclioîiari/  of  chrisUan  biographj/ 297 

Disput'itio  jiidœi  cuin  chrisliano HT 

Dispnlatio  cabalistica 81 ,  3i3.j,  3i  l 

Dispulado  apiti  Wagenscil 109 

Dissertalionum  sacrorum Wi 

Dissertalio  de  Kabbala 338,  3;)0 

Dissertatio  de  charactere  biblionan  hcbr 371,  338,  33(1,  3ii3,  392 

Dogme  et  rituel  de  haute  magie 20 

Duo  tituli  Talmudii 100 

L'Éden  du  jardin  de  Dieu 237 

Mdipus  jEgijptiacAis 7«,  308,  408 

Les  Êlolm  ou  dieux  de  Moïse 25 

Elucidarius  cabalislicus 82,  419 

Encyclopcdies  diveri'vs 185,  187,  188,  195 

Encyclopédie  d'Herzog 09 

Eoraka 27 

Epilome  hebraicx 1 68,  1 09 

Epistolarum  hebnpa  decas 178 

Vùsotérismc  dans  l'art 31 

Essai  sur  les  hiéroglyphes  d'Horapollon 02 

Exsai  sur  l'évolution  de  Vidée 9 

Essai  sur  le  symbolisme  d'Orient H 

Essai  sur  la  philosophie  bouddhique 13 

Essai  sur  le  gnosticisme  égyptien 0 

L'Étoile 12 

Être 7 

Examine  generali  cabbahv 339 

Las  eicellencias  de  los  Hebreos 307 

Excerpta  aronis 1 02 

Explication  de  la  Thorah 27 1 

Fables  et  symboles 20 

Fidèle  Pasteur 204 

La  Fontaine  d'Eau  vive 250 

Fragments  du  Temple 205 

Fundamenla  cabbahv • 108 

iian  egoz 328 

La  Géomancie 52 

Geschichte  dcr  Juden 180 

Geschichte  des  Erdehungswscn 194 

Gdttesdiemtllçhe  Vorlrxge 184 

Grammalicx  chaldaicx  libri  1res 172 

Grands  initiés 41 

llamiachnd 207 


—   J8i  — 

llannonies  de  lÈlre  e.rprimJes  par  les  nombres 2fi 

Harmonie  mystique 4S 

Harmonie  du  monde 08 

Harmonie  de  l'Église  et  de  la  Synagogue 60 

Hcrmatena  philosophica 122 

Histoire  critique  du  vieu.r:  Testament 2 

Histoire  des  Juifs ■),  342,  401 

Histoire  de  la  magie 20 

Histoire  de  l'origine  des  langues 3."i4 

Historia  philosoph.  hebr 94 

Historia  doclorum  misnicorum 111 

Historia  y  magia  natural 30.3 

Histoire  de  la  philosophie  morale 40o 

L'Homme  rouje  des  Tuileries 14 

Idra  Rubba 217 

Idra  Suta 218 

Imiika  {l'enfant) 213 

Inslitutio  épislolaris  hebraica 1 67 

Instilutioiies  philosophie 85 

Inlegrum  morborum  mxjsterium 152 

Jnlrodmtio  ad  theol.  judaicam 98,  348,  384,  404 

Introduclio  pro  intelleelu  Zohar 110 

Introdiictio  ad  dialectica  kabbalorum 210 

Introductio  ad  hist.  ecclesiast 398 

Isagogue  in  veram  Dei  naturam 121,  303 

Isugogue H  6 

Isis  uniciled 286 

Israël  Vengé 64 

Le  Jardin  intérieur 23 1 

Judaismi  prolegom 379 

Judxus  convertendus 333 

La  Kabbale 1 

K'iJjbala  denudata 7'J,  332,  369,  41o 

Kabbalismus  und  Pantkeismus 182 

Kabbalisticœ  precationes 393  bis. 

Kabbala  unveiled 291 

Th.  Kabijalah 297 

Kabbala  thcologica 374 

The  Key  of  Salomon  the  King 290 

Langue  hébraïque  restituée 21 

La  Lettre  sur  les  mystères 208 

Lexicon  hebraicum 171 

Lexicon  chaldaicum 170 

Littérature  of  occultism 293 

Lires  of  alch.  philosophers 289 

Le  Livre  des  Anges 2f3 


-    ISo   — 

Le  Livre  des  Rapports  dfs  formes 244 

—  des  Couronnes 245 

—  des  saintes  Voix 246 

—  du  Mystère  de  l'unité  et  de  la  foi 247 

—  des  Portes  du  divin  entendement 248 

—  de  l'Unité  de  la  divinité 2"J0 

—  de  la  Foi 200,  2C5 

—  de  l'Intuition 267 

—  des  Mystères  du  Seigneur 208 

—  de  la  Mesure 276 

—  des  Dix 266 

—  de  l'Angoisse 2  i  9 

—  de  la  Piété 284 

—  de  la  confiance - 205 

—  Ha  Bahir 206 

—  des  Secrets 219 

—  des  doux  Fruits 220 

—  des  Points 221 

—  de  l'Ornement 223 

—  du  Paradis 224 

—  de  la  Rédempti'-n 225,  238 

—  de  l'Unité 226 

—  de  la  Recherche 228 

—  de  l'Agrégation 230 

—  de  la  Récréation 232 

—  de  la  Vie  future 233 

—  sur  les  Saints  Nom^ 235 

—  des  Ames 240 

lois  et  mystères  de  l'amour G-' 

La  Lumière  de  Dieu '"-'•' 

La  Lumière  de  la  raison 2  >  ; 

Magna  Dib.  lîabb ^3 

La  Magnificence ■ ~'^^ 

Magic  transcendante "^^ 

Maimer  tha  chasi 216 

Magus ^'*^ 

Manual  hebrairAim  ^"'^ 

Massorah "**■  ' 

La  Mathèse "^  ^'« 

Medicina  medicina "^ '" 

Mcdicina  calholica '^' 

Mcnsibus  pietislius "*** 

Messianisme ■*'* 

Méthode  de  guérison  dans  le  Talmwl ^^' 

Midrashim -  ' 

Mikadononiol '  '^'* 


—  18G  — 

Mîsna 107,200,  310,  3H,  312,  313,  314,  310 

Mission  des  Juifs 42 

Memorabilia  judaica 391 

Monochordon  mundi 149 

Moses  Ben  Schemtob 190 

M'sachla  sophrim 1 99 

}rsora 1 98 

Les  Mystères  de  l'esprit 242 

Les  Mystères  de  la  Thorah 234,  278 

La  Mystérieuse  recherche 213 

Mysteries  of  magie 294 

De  Mysteriis  Dei 416 

De  Natura  simiae 1 47 

De  la  nature  et  de  iorifjine  de  la  doctrine  de   l'émanation  chez   les 

kahbalisfes 181 

Notis  et  discursum 367 

Notis  ad  prœmiwn 418 

Nouveaux  cieux,  nouvelle  terre 38 

La  Nuée  sur  le  sanctuaire 33 

Ohservationes  sacrœ 412,  417 

Occultisme  scientifique 44 

Officina  hiblica 396 

Ombre  idéale  de  la  sarjesse  universelle 39 

Lordre  de  la  divinité 239 

Origines  de  l'alchimie 10 

De  Orlu  cabbcdœ 84 

Orlus  mcdicinœ 89 

Pathologia  dœmoniaca 161 

Perfect  ivay 304  bis 

Philologia  sacra 361 

Philologia  hebraica 372 

Philosophia  sacra 1 54 

Philosophia  mosaica lo8 

Philosophie  céleste K? 

Philosophie  divine 53 

Philosophie  der  Mystik 196,  288 

Philosophi  occulti 24,  7o,  336 

Philosophie  de  la  Tradition 32 

Philosophie  juive  et  arabe 68 

La  physique  de  l'Écriture 54 

Physica  vetere  et  vera 3o  1 

P'Kuda 214 

La  Porte  de  la  lumière 280 

La  Porte  du  mystère 25  i 

La  Poudre  d'aromate 272 

Prcfaiio  in  Biblia  hebraica lO.!,  lOi 


—  187  — 

Prcfatio  in  tract.  Arodah. . 112 

Pro  convincendis  Judseis 365 

Prœnotiones 373 

Proler/omen  ad  Biblia 397 

Psycho-Zoin 87 

Pulsus 1 53 

Quelques  traits  de  V Église  intérieure 67 

Questiones  hcbraicœ 101 

Le  Rameau  de  V Arbre  de  vir 282 

A  /i(  recherche  des  Destinées 70  ter 

Des  Religions  philosophie  des  Sohar 189 

Responsian  ad  Hoplocrismas  unduod  Forsteri 160 

Royaume  de  Dieu 23 

Les  Romes 43 

Sagesse  divine 49 

Le  Saints  des  saints 252 

Schaaer  hedik 328 

Schepher  Tal ,  .  331 

Schemaamphoras 428 

Sceau  de  Salomon 429 

Science  du  vrai 17 

Science  secrète 28 

Science  cnbidiitiquc 29 

Scripta  varia  Buddci 377 

Secret.  Doctrine 286 

Seduariiis,  sive  de  vera  jurixprudentia 125 

Le  sens  du  commandement 269 

De  septem  secundt-is 133 

Sepher  chessuk  Emuna 1  iO 

Sepher  Toladoth  Jeschua 141 

Sepher  letzirah 203,  329,     422,  427 

Sephiroth . .   '. 300 

Sephra  Dzeniulha 219 

Silhrei  Thorah 212 

Sohar 211 

Sonq  of  Songs 300 

Sophiœ  cum  Moria  certamen 155 

La  source  du  jardin 261 

Sources  de  la  sagesse 204 

De  specinrum  scrutinio 127 

Spécimen  kabbabc  grammaticœ 375 

Le  Spinozisme  dans  le  judaïsme 183,  395 

De  la  subtilité 51 

Le  suc  de  la  grenade 202 

Summum  Ijonum lo6 

De  supernalurali 1 46 


—    18H  - 

Snpernntural  rcWjion 29o 

SynagoQue  judaica 1  Gf» 

Systema  thiees  divimv 131 

Le  Tabernacle 26'f,  27;i 

TaUe  couverte 202 

Tarot  des  Bohémiens 34 

Talinud 322  à  327 

Technica  curiusa 390 

Tela  ignea  Satanan 21 S 

De  Templo  Salomonis 1 32 

Temple  de  Satan 22 

De  teste  templo  rahbinoruiu 97 

Thargum 31  fi  à  321 

Théorie  philol 4 

Théories  et  sijmboles  des  alchimialcs 3 

Thcosophie  sémitique 37 

Thésaurus  gramrnaticus  lingux  hebrcx 170 

Threicie 56 

Thésaurus  philol 366 

Tiberias 174,  321 

Tractatus  théologiens  phibsophicus 164 

Tractatus  apologeticus 163 

Traité  élémentaire  de  science  occulte 34 

—  méthodique              —                34 

—  sur  les  dix  Sephiroth 270 

Le  Trésor  de  la  vie 236,  284 

Le  Trésor  de  la  gloire 3o3 

De  tribus  principiis 92 

Trigolius  orientalis 389 

Trinuum  magicum 13o 

The  true  intellectual  syslem  of  nniverse 304 

De  Unguento  amario 159 

Urim'et  Thumim -. 2"'>8 

Utriusque  cosrni  mataphysiea 1 45 

Verge  de  Jacob 47 

Veritatis  proscenium 148 

Veterum  sophorum  sigilla  et  imagines  magicre 134 

De  veritatis  religionis  chrislianpc 386 

Le  vin  aromatisé 240 

La  voie  pour  arriver  à  l'Arbre  de  vie 283 

Voie  de  la  Science  divine 63 

Voix  du  Seigneur  dans  sa  puissance 229 

Zohar 211,  219 


PARIS.   —  IMP.    P.   .MOUILLOT,    1.3,   QCAI   VilLTAIRi;.    —    10  iC>X 


SOUTWPDi'ÏXl"'"^  °'  California 

4o!Xrd  ilenue  To'l^'  "^'"^"^  ^^C"-'TY 
R*.f..r„  #k"  '    °®  Angeles,  CA  90024-1388 

from  wh.ch  it  was  borrowed. 


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